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Full text of "Bulletin de la Société de géographie"

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BULLETIN 


DE   LA 


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SOCIETE  DE  GEOGRAPHIE 


Cinquième    (iérie. 


/ 

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LISTE 


DES  PRÉSIDENTS  HONORAIRES  DE  LA  SOCIÉTÉ  (1). 


MM. 

*  Marquis  de  Laplace. 

*  Marquis  de  Pastoret. 
*V*«  de  Chateaubriand. 
*C*®  Chabrol  de  Volvic. 

*BECQT3EY. 

^C^**  Chabrol  de  Crodsol. 

*  Baron  Georges  Cuvier. 
*B°"  Hyde  db  Neuville. 
*Duc  de  Doudeauville. 

*  Comte  d'Argout. 
♦J.  B.  Eyriés. 

*Le  vice-amiral  de  Rigni. 
*Le  cont.-am.  d'Urville. 

*  Duc  Degazes. 

*  Comte  de  Montalivet. 
Baron  de  Barante. 

*Le  général  baron  Pelet. 


MM» 

GUIZOT. 

*De  Salvandy. 

*  Baron  Tupinier. 
Comte  Jaubert. 

*  Baron  de  las  Cases. 
Villemain. 
*Cunin-Gridaine. 

*  L'amiral  baron  Roussjn. 
'"L'am.  baron  de  Mackau. 
*Bon  Alex,  de  Huhboldt. 
*Le  vice-amiral  Halgan. 

*  Baron  Walckenaer. 
'^  Comte  MoLÉ. 

De  la  Roquette. 

*JOHARD. 

Dumas. 

Le  contre-amir.  Mathieu. 


MM. 

Le  vice-amiral  la  Place. 

*Hippolyte  Fortoul. 

Lefebvre-Duruflé  . 

guigniaut. 

*  Daussy. 

Le  général  Daumas. 

ÉLIE  DE  BeAUHONT. 
s.  Exe.  M.  ROULAND. 

*S.  Exe.  l'am.  Desfossés. 
Le  comte  de  Grossoles- 

Flaharens. 
S.  Exe.  M.  le  duc  de  Per- 

SIGNY. 

Le  contre-amiral  de  la 

Ronciére  le  Noury. 
S.  Exe.  M.  le  comte  Wa- 

LEWSKI. 


COMPOSITION  DU  BUREAU  DE  LA  SOCIÉTÉ 

POUR  1865-1866. 

Président S.  Exe.  M.  le  marquis  de  Chasseloup-Laubat, ministre  de  la 

marine  et  des  colonies, 
i    M.  Michel  Chevalier,  sénateur,  membre  de  l'Institut. 
Vtce-préstdents  J    ^^  j^  ^^^^^^  Didelot,  contre-amiraL 

(m.  Blanche,  avocat  général  à  la  cour  de  cassation. 
Scrutateurs...  j    m.  Vivien  de  Saint-Martin. 

Secrétaire M.  Bourdiol,  ingénieur  civil. 

TRÉSORIER  DE  LA  SOCIÉTÉ  : 
M.  Meignen,  notaire,  rue  Saint-Honoré,  370. 

AGENCE  :  ^' 

Au  siège  de  la  Société,  rue  Christine,  3. 

M.  N.  NoiROT,  agent. 
M.  Ch.  Aubry,  commis. 


(1)  La  Société  a  perdu  tous  I«s  Présidents  dont  les  noms  sont  précédés  d'un  *. 


BULLETIN 


DE  LA 


SOCIÉTÉ  DE  GÉOGRAPHIE 

RÉDIGÉ  AtSG  ht  CONGODHS 

DE  LA  SECTION  DE  PUBLICATION 

PLU  MM. 

V.  A.  MALTE-BRUN 

Secrétaire  général  de  la  Commission  centrale 

G.  MAUNOIR  ET  V.  A.  BARBIE  DU  BOCAGE 

Secrétaires  adjoints. 


CINQUIÈME  SÉRIE.  —  TOME  ONZIÈME 

ANNÉE  1866 
JANVIER  —  JUIN 


PARIS 

AU  BUREAU  DE  LA  SOCIÉTÉ 

Rue  Gbristine,  3 
ET  CHEZ  M.  ARTHOS  BERTRAND,  LIBRAIRE  DE  LA  SOCIÉTÉ 

Rue  HautefeuiUe,  21 

1866 


COMPOSITION  Ï)U  BUREAU 

ET  DES  SECTIONS  DE  LA  COMMISSION  CENTRALE 

POUR  1866. 


BUREAU. 


Président M.  D*àvezag. 

Vke-frésidmU M.  Jules  Duyal. 

M.  de  QuATREFAGES,  membre  de  Tlnstitat. 
Secrétaire  général . .  M.  Y.  A.  Malte-,Brun. 
Secrétaires  adjoints, .  M.  G.  Maunoir. 

M.  V.  Â.  Barbie  du  Bocage. 

Section  de  correspondance. 

MM.  Alexandre  Bonneaiu  ï  MM.  Vice-amiral  Paris,  de  Tlastitut. 


H.  Bourdiol. 

G^«  d'Escayrac  de  Lauture. 

Guigniaut,  de  l'Institut. 

A.  Maury,  de  l'Institut. 

Noël  des  Vergers,  corr.  de  l'Instit. 


Vicomte  de  Rostaing. 

SédiUot. 

Trémaux. 

Vivien  de  Saint-Mariin. 


Adjoints  :  MM.  E.  de  Froidefond  des  Farges,  Grimoult  et  William  Hiiber. 

Section  de  publication. 


MM.  A.  d'Abbadie,  corresp.  de  Tlnst.     MM.  De  la  Roquette. 
Eugène  Gortambert.  Martin  de  Moussy. 

Ricbard  Cor  Lambert. 
Alfred  Demersay. 
Ernest  Desjardins. 
Victor  Gttérin. 


Morel-Fatio. 
Ernest  Morin. 
Elisée  Reclus. 
Reinaud,  de  l'Institut. 


Adjoints  :  MM.  le  contre-amiral  Belle,  Lucien  Dubois  et  Georges  Perrot. 

Section  de  comptabilité. 


MM.  Edouard  Gharton. 
Maximin  Deloche. 
S.  Jacobs. 


MM.  Gabriel  Lafond. 
Lefebvre-Duruflé. 
Poulain  de  Bossay. 


Adjoints  :  MM.  Arthas  Bertrand,  J.  J.  Dubocbet  et  Lecoq. 


BULLETIN  ^ 


DE  LA 


SOCIÉTÉ  DE  GÉOGRAPHIE 


JANVIER   1866. 


Mémoires,  Hotline»,  etc. 


CONSIDÉRATIONS  GÉNÉRALES 

SUR  L'ÉTAT  ACTUEL  DU  JAPON 

PAR  M.  LE  COMTE  DE  MONTBLANC 


Les  études  géographiques  empruntent  un  iùtérèt 
spécial  à  la  facilité  si  grande  des  communications 
actuelles.  Cette  facilité  nous  a  tellement  familiarisés 
avec  les  produits  des  pays  les  plus  éloignés^  que  nous 
ne  nous  étonnons  plus  de  les  voir  à  chaque  instant  au- 
tour de  nous,  dans  nos  vêtements,  sur  nos  tables,  dans 
nos  habitations,  partout  à  l'étalage  de  nos  boutiques. 
Par  cela  même,  il  ne  nous  est  plus  permis  d'ignorer 
aucune  contrée  du  monde,  lorsque  toutes  concourent 
presque  simultanément  à  la  satisfaction  de  nos  besoins. 

Ce  courant  crée  forcément  entre  les  sociétés  hu- 
maines un  lien  de  solidarité  que  toutes  reconnaissent 
et  devant  lequel  s'est  en  dernier  lieu  incliné  le  Japon. 


(6) 

Depuis  une  dizaine  d'années,  ce  pays  est  sorti  de  son 
mystérieux  isolement.  Des  lignes  de  bateaux  à  vapeur 
le  relient  aujourd'hui  à  T Europe,  et  Marseille  n'en  est 
plus  séparé  que  d'un  trajet  de  cinquante  jours,  A  l'ex- 
trémité de  cette  route,  nous  pénétrons  dans  l'empire 
du  Soleil-Naissant,  dont  l'ensemble  géographique  nous 
est  parfaitement  retracé  dans  l'excellente  carte  due  au 
travail  de  M,  V.  A.  Malte-Brun,  l'honorable  secrétaire 
général  de  notre  Commission. 

J'ai  eu  l'heureux  loisir  de  visiter  et  d'étudier  cet 
intéressant  empire.  Les  notions  que  j'en  possède  ont 
toutes  été  puisées  à  des  sources  japonaises,  minutieu- 
sement contrôlées  les  unes  par  les  autres.  Je  retrace- 
rai la  physionomie  de  ce  pays  dans  un  rapide  exposé, 
pour  lequel  je  vous  demande,  mesdames  et  messieurs, 
toute  votre  indulgence. 

Au  premier  abord,  on  est  tenté  de  rapprocher  mo- 
ralement les  Japonais  des  Chiuois.  En  réalité,  les  Ja- 
ponais possèdent  une  valeur  individuelle  et  sociale  qui 
les  distingue  profondément  de  leurs  voisins.  Non- 
seulement  ces  deux  nations  sont  différentes,  mais  elles 
présentent  dans  leur  comparaison  des  oppositions 
directes  ;  ainsi  toutes  les  deux  possèdent  un  caractère 
dominant,  mais  contraire.  En  Chine,  le  mobile  princi* 
pal  des  actions  est  l'intérêt  matériel  à  l'exclusion  pres- 
que entière  des  besoins  moraux.  Au  Japon,  ce  mobile 
est  moral,  et  si  le  sentiment  d'honneur,  qui  en  est 
l'expression,  prend  chez  eux  une  direction  souvent 
fausse,  il  n'en  représente  pas  moins  un  des  plus 
nobles  besoins  de  la  nature  humaine  et  demeure,  pour 
Tbomme  qui  le  possède,  un  stimulant  énergique  de 


(7) 

progrès  véritable.  Le  rapport  des  mœurs  à  Tesprit  des 
institutions  présente,  chez  les  deux  peuples,  les  mêmes 
contrastes,  et  nous  oifre  un  exemple  curieux  de  l'inef- 
ficacité des  institutions  à  réaliser  seules  et  représenter 
par  elles-mêmes  une  direction  sociale.  En  Chine,  les 
principes  de  l'organisation  sont  conformes  à  notre  idéal 
moderne.  Ils  sont  entièrement  démocratiques  et  auto- 
risent toutes  libertés.  Malgré  cette  base,  qui  devrait 
être  féconde  en  noble  émulation,  le  peuple  chinois  est 
certainement  un  peuple  dégradé.  Au  Japon,  Torgani- 
sation  sociale  n'est  démocratique  qu'à  la  base  par  la 
liberté  donnée  à  toutes  les  capacités  de  conquérir  de 
hautes  positions  en  dehors  des  avantages  de  la  nais- 
sance ;  mais,  dans  son  expression  générale,  la  société 
japonaise  est  aristocratique,  et  le  peuple,  gouverné  par 
cette  aristocratie,  est  fier  dans  ses  allures,  indépendant 
dans  son  courage,  noble  dans  ses  aspirations.  Ces 
phénomènes,  en  désaccord  avec  nos  idées  modernes, 
prouvent  simplement  l'influence  prépondérante  des 
mœurs,  et  le  fait  est  naturel,  car  une  société  se  com- 
pose d'hommes  libres  dans  leur  moralité,  et  non  pas 
de  syllogismes  incarnés. 

La  fierté  des  mœurs  japonaises  se  traduit  dans  le 
privilège  de  porter  deux  sabres  :  le  plus  court  est,  en 
certaines  circonstances,  une  arme  de  suicide.  Il  permet 
à  celui  qui  le  porte  et  qui  a  mérité  la  mort,  de  s'af- 
franchir de  la  honte,  de  la  violence  et  de  la  dégrada- 
tion qu'entraîne  forcément  le  contact  d'un  bourreau. 
Il  permet  à  cette  mort,  ainsi  affranchie  et  volontaire- 
ment acceptée  comme  expiation,  d'être  un  retour  vers 
la  dignité  humaine,  un  moment  oubliée  dans  la  faute. 


(8) 

au  lieu  d*être  le  sacrifice  outrageant  de  cette  dignité 
sur  l'autel  de  l'infamie.  Cette  façon  de  considérer  le 
suicide  le  transforme  quelquefois  en  un  duel,  lorsque  la 
dignité  blessée  se  complique  d'un  désir  de  vengeance 
directement  impossible.  Si  un  Japonais  est  blessé  dans 
son  honneur  par  un  homme  dont  il  ne  puisse  tirer 
personnellement  satisfaction,  il  s'ouvre  les  entrailles, 
et  rejette  par  cet  acte  sur  son  adversaire  une  déclai-a- 
tion  de  vendetta,  dont  la  famille,  les  amis  et  les  servi- 
teurs du  suicidé  poursuivent  passionnément  l'exécu- 
tion. Celle-ci  est  ordinairement  prévenue  par  la  mort 
volontaire  du  provocateur. 

Un  peuple  qui  donne  une  place  si  importante  au 
sentiment  de  l'honneur  doit  attacher  un  grand  prix  à 
l'expression  de  mutuelle  considération.  C'est  ce  qui  se 
produit  au  Japon,  où  le  respect  se  manifeste  surtout 
dans  l'extrême  politesse  qui  préside  aux  relations.  Tout 
y  est  soumis  à  l'observance  de  règles  précises,  qu'un 
Japonais  n'oublie  jamais  et  dont  le  code  de  la  poli- 
tesse fixe  chaque  détail.  Dans  cet  ordre,  rentre  le  res- 
pect dont  sont  entourées  les  femmes  au  Japon,  à 
côté  cependant  d'une  licence  de  mœurs  qui  s'étale 
comme  la  chose  du  monde  la  plus  naturelle. 

Les  extrêmes  se  touchent  partout  ;  mais,  sous  ce 
rapport,  le  Japon  est  la  terre  privilégiée  des  contrastes. 
On  y  voit  la  réserve  et  la  modestie  se  confondre  avec 
la  licence,  l'arbitraire  en  harmonie  avec  le  sentiment 
de  la  dignité  individuelle,  la  simplicité  des  mœurs 
sociales  en  accord  parfait  chez  les  mêmes  individus 
avec  le  luxe  féodal^  l'aristocratie  en  société  avec  la 
.  démocratie,  la  défiance  administrative  en  paix  avec 


(9) 

la  confusion  des  pouvoirs,  et  toujours  la  politesse  en 
relation  avec  tous. 

Cette  politesse  de  mœurs  se  traduit  encore  par  le  soin 
des  personnes,  la  propreté  des  habitations»  le  fini  ar- 
tistique des  objets  d'usage  journalier.  Dans  les  villes, 
les  rues  sont  droites  et  alignées  ;  dans  les  campagnes, 
la  culture  est  soignée  comme  en  des  parcs  d'agrément  ; 
partout  les  moyens  de  communication  sont  faciles. 

La  fréquence  des  voyages  intérieurs  a  introduit  chez 
ce  peuple  une  solidarité  d'intérêts  en  opposition  avec 
le  régime  féodal,  qui  tend  à  l'isolement  des  pro- 
vinces. 

Autrefois,  ces  intérêts  n'avaient  qu'une  valeur  lo- 
cale; aujourd'hui,  ils  rayonnent  vers  l'Europe,  lui 
demandent  la  satisfaction  de  besoins  nouveaux  et  pro- 
voquent de  nouvelles  sources  d'activité  dans  une  voie 
réciproquement  utile. 

Par  île  nombre  et  la  densité  de  ses  habitants,  le 
Japon  oflfre  à  l'étranger  un  vaste  débouché  pour  un 
grand  nombre  de  ses  produits. 

Par  la  richesse  du  sol  et  l'industrie  des  indigènes, 
ce  pays  peut  nous  donner  en  échange  de  précieuses 
marchandises  d'exportation  vers  l'Europe. Tous  les  ren- 
seignements sont  unanimes  à  désigner  le  Japon  comme 
un  pays  exceptionnel  sous  le  rapport  du  nombre  et  de 
la  richesse  de  ses  mines.  Un  seul  renseignement  don-- 
nera  une  idée  suffisante  de  l'abondance  et  de  la  facilité 
d'exploitation  de  l'or.  Avant  l'arrivée  des  étrangers, 
ce  métal  valait  à  l'intérieur  quatre  fois  seulement  son 
poids  d'argent,  au  lieu  de  quinze  fois  et  demie  comme 
chez  nous.  Tous  les  produits  des  industries  extractives 


(10) 

sont  abondamment  représentés  an  Jap^n,  où  la  surface 
du  sol  est  aussi  prodigue  de  trésors  que  les  entrailles 
de  la  terre. 

L'exportation  du  thé  a  déjà  pris  une  importance  con  • 
sidérable.  La  feuille  de  cet  arbuste  est,  au  Japon  ^ 
d'excellente  qualité;  mais,  comme  elle  est,  dans  le 
pays,  employée  naturelle,  les  négociants  étrangers, 
pour  satisfaire  à  la  consommation  européenne,  habi- 
tuée aux  thés  préparés  de  Chine,  sont  obligés  d'expé- 
dier d'abord  en  Chine  les  thés  japonais.  Là,  ils  reçoi* 
vent,  avant  d'arriver  en  Europe,  une  préparation 
particulière.  On  sait,  en  effet,  que,  dans  le  Céleste 
Empire,  les  feuilles  sont  torréfiées  et  reçoivent  un  par- 
fum étranger  à  l'aide  de  plusieurs  plantes,  entre  autres 
par  la  fleur  d'un  jasmin  sauvage.  Les  matières  pre- 
mières que  peut  nous  fournir  la  terre  japonaise  sont 
abondantes  et  variées,  mais  elles  sont  trop  nombreuses 
pour  recevoir  ici  une  mention  spéciale  à  chacune  d'elles. 
Au  point  de  vue  du  luxe  et  de  la  curiosité,  c'est  à 
l'industrie  japonaise  qu'il  faut  faire  appel  :  les  porce- 
laines, les  émaux,  les  laques,  les  bronzes,  les  aciers, 
les  broderies,  certains  tissus  de  soie,  sont  autant  d'ar- 
ticles dans  lesquels  les  Japonais  sont  maîtres.  Tous 
ces  produits  se  distinguent  par  l'excellence  des  ma- 
tières, la  beauté  du  travail,  l'élégance  des  formes, 
Toriginalité  de  la  main-d'œuvre.  Ils  nous  révèlent  des 
dispositions  artistiques,  qui  prendront  certainement  un 
développement  nouveau  au  contact  de  la  civilisation 
européenne- 
Sous  tous  les  rapports,  les  Japonais  sauront  profit 
ter  de  l'expérience  occidentale  ;  car  ils  possèdent  un 


(11  ) 

ardent  désir  d'apprendre  et  une  singulière  aptitude  au 
progrès  qui  les  séparent  de  tous  les  autres  Orientaux. 
Dans  ce  développement,  plusieurs  causes  faciliteront, 
ou  bien,  au  contraire,  retarderont  l'impulsion  défi* 
nitive. 

Toutes  ces  causes  peuvent  se  formuler  en  upe  seule  : 
en  effet,  le  progrès  dont  le  peuple  japonais  est  sus- 
ceptible s'affirmera  en  raison  de  la  netteté  de  la  politi* 
que  intérieure;  mais  cette  politique  elle-même  dé- 
pendra de  la  conduite  qu'adopteront  à  son  égard  les 
puissances  étrangères. 

La  ligne  précise  de  cette  conduite  est  naturellement 
tracée,  car,  non-seulement  il  y  a  équation  réelle  entre 
les  intérêts  de  l'Europe  et  ceux  du  Japon,  mais  encore, 
malgré  certaines  apparences  contradictoireSt  accord 
d'impulsion.  Nous  n'avons  rien  à  sacrifier.  Travailler 
dans  le  sens  le  plus  large  à  nos  intérêts  véritables,  ce 
sera  en  même  temps  suivre  la  route  la  plus  profitable 
à  la  civilisation  japonaise.  Vers  ce  double  but,  la  voie 
nous  est  ouverte,  et,  loin  d'avoir  à  lutter,  nous  n'avons 
qu'à  suivre  le  courant.  Ce  qui  simplifie  encore  la 
question,  c'est  que  ce  courant  est  légal,  et  qu'il  ren- 
ferme la  puissance  matérielle. 

Aujourd'hui,  nos  relations  sont  excessivement  su- 
perficielles :  sur  trois  points  seulement  ont  lieu  quel- 
ques trtosactions  de  marchands  à  marchands,  quelques 
commandes  gouvernementales,  quelques  conférences 
officielles^  et  c'est  tout.  Pas  de  société,  pas  d'action 
commune,,  pas  d'alliance  réelle,  pas  de  travail  euro- 
péen. Or  tout  cela,  nous  pouvons  le  réaliser. 

Ce  qui,  jusqu'à  présent,  a  fait  obstacle  à  cette  réa- 


(12) 

lisatioD,  c'est  que  nous  sommes  restés  dans  les  erre- 
ments  des  premières  démarches  forcément  erronées 
dans  un  pays  dont  on  ne  connaissait  pas  la  constitu- 
tion sociale. 

Lorsque  le  commodore  Perry  ^e  présenta  avec  son 
escadre  dans  la  baie  de  Yédo,  il  fut  mis  en  rapport 
avec  les  autorités  locales.  Le  chef  supérieur  de  ces 
autorités  était  le  Taïkoune,  auquel  fut  imposé  ce  traité 
qui  servît  d'exemple  aux  nations  européennes.  Par  ce 
traité,  le  Taïkoune  disposait  de  son  administration,  en 
ouvrant,  non  pas  quelques  ports  au  Japon  qu'il  ne 
gouverne  pas,  mais  bien  quelques  ports  des  territoires 
morcelles  confiés  à  son  gouvernement. 

De  l'anxiété  produite  par  l'illégalité  de  l'autonomie 
qu'il  avait  été  forcé  de  prendre  en  cette  circonstance, 
le  Taïkoune  passa  à  la  joie  de  se  voir  considéré  comme 
souverain  du  Japon,  et  de  profiter  seul  des  relations 
établies.  Cette  joie  fut  de  courte  durée,  et  les  anxiétés 
revinrent  avec  les  embarras  d'une  position  illégale, 
qu'il  n'avait  pas  la  force  de  légitimer. 

Les  étrangers,  qui  n'étaient  pas  dans  le  secret  de 
cette  position,  voyait  le  Taïkoune  agir  comme  un  sou- 
verain, et  en  conclurent  à  la  souveraineté  du  Japon. 
La  méprise  n'eût  pas  été  grande,  si  ce  prince  eût  eu  le 
pouvoir  de  sauvegarder  son  rôle  vis-à-vis  de  l'étran- 
ger. Malheureusement»  tous  les  actes  de  son  adminis- 
tration montrent  qu'il  ne  possède  pas  à  l'intérieur 
l'autorité  dont  il  veut  conserver  l'apparence  à  l'exté- 
rieur, au  détriment  de  son  propre  pays  comme  au 
détriment  de  l'étranger. 

La  première  atteinte  que  reçut  la  croyance  en  la  sou- 


(  13  ) 

veraineté  tâîkounale  fut  produite  par  la  révélation  de 
l'existence  et  de  l'action  prouvées  d'un  Mikado,  dont 
on  fit  cependant  prompte  justice,  en  le  considérant 
comme  pontife  chef  de  la  religion.  Gomme  cela,  tout 
allait  encore  bien  :  le  Taikoune  était  l'empereur  tem- 
porel du  Japon,  le  Mikado  en  était  l'empereur  spi- 
rituel. 

Le  doute  en  la  souveraineté  du  Taîkoune  fut  plus  sé- 
rieusement provoqué  par  l'inexécution  des  traités  con- 
clus et  la  manière  d'agir,  à  cet  égard,  de  l'administra- 
tion même  du  Taîkoune.  Il  fallut  bien  se  demander 
d'où  naissaient  les  difficultés.  La  réponse  fut  donnée 
par  les  restrictions,  les  hésitations  et  les  demi-confi- 
dences invoquées  par  le  gouvernement  du  Taîkoune  à 
titre  d'excuses. 

On  s'aperçut  alors  que  le  Taîkoune  n'était  pas  aussi 
empereur  temporel  qu'on  l'avait  cru  dans  le  commen- 
cement, et  que  ce  prince  n'était  pas  indépendant  dans 
son  pouvoir.  Du  premier  rang,  il  tomba  au  second;  et 
Von  sait  aujourd'hui  que  même  ce  second  rang  ne  lui 
appartient  pas. 

En  effet,  le  Japon  ne  forme  pas  un  empire  sous  un 
gouvernement  unique.  C'est  une  confédération  féodale 
ayant  à  sa  tête  le  Tèneshi  ou  Mikado,  autour  duquel 
sont  groupés  les  grands  princes  suzerains  du  pays. 

Ces  princes  Daïmios  possèdent  l'entière  suzeraineté 
de  leurs  États.  Ils  ont  leur  armée,  leur  marine,  leurs 
finances,  leur  administration,  leurjustice.  Le  Taîkoune 
ne  peut,  sans  déclaration  de  guerre,  franchir  leurs 
frontières  qu'avec  leur  autorisation. 

Quant  au  Taîkoune,  il  est  mandataire  du  Mikado. 


H  14  ) 
Dans  Tordre  administratif  du  KouandsbiokoUy  il  oc- 
cupe le  quatrième  rang  ;  dans  Tordre  honorifique  des 
Ikaï,  il  ne  vient  qu'en  cinquième.  Il  ne  possède  pas 
l'autonomie  de  son  pouvoir,  et  n'en  peut  conserver  la 
puissance  qu'en  agissant  comme  mandataire.  Cest 
précisément  pour  avoir  abandonné  ce  rôle  en  usurpant, 
à  Texclusion  de  tout  autre  pouvoir,  Tinitiative  souve- 
raine vis-à-vis  des  étrangers,  qu'aujourd'hui  sa  fai- 
blesse est  grande. 

Le  lien  de  féodalité  fut  rompu.  Les  Daïmios  ne  con- 
sidèrent plus  le  Taïkoune  comme  mandataire  du  Mi- 
kado. En  signe  de  rupture,  ils  ne  se  portèrent  à  au* 
cune  violence,  mais  firent  revenir  dans  leurs  États 
respectifs  les  membres  de  leur  famille  en  résidence  à 
Yédo. 

Il  fallut  les  laisser  faire  ;  car,  en  dehors  de  la  puis- 
sance supérieure  des  Daïmios,  le  Taïkoune  ne  peut 
compter  sur  sa  grande  administration  composée  de 
feudataires  qui  ont  usurpé  à  son  égard  l'autonomie 
que  lui-même  a  usurpée  sur  le  Mikado. 

Ce  morcellement  moral  se  complique  du  morcelle- 
ment matériel  des  États  soumis  à  son  autorité,  les- 
quels sont  divisés  en  fractions  séparées  sur  Tétendue 
du  territoire  japonais. 

Enfin,  toutes  les  circonstances  qui  déterminent  la 
position  spéciale  du  TaSkoune,  suscitent  autour  de  lui 
des  influences  de  personnalité  qui  donnent  à  son  mi- 
nistère, le  jorodjio,  une  instabilité  exclusive  de  tout 
plan  de  conduite  suivie. 

Ces  influences  provoquent  à  leur  tour  un  sentiment 
de  défiance  générale,  d'où  naquit  depuis  longtemps  ce 


.(16) 

système  d'espionnage  sur  lequel  repose  le  gouverne- 
ment taïkounal. 

A  toutes  ces  causes  de  faiblesse  s'ajoute  le  danger 
du  réveil  du  Mikado,  qui,  jusqu'à  présent,  est  resté 
plongé  dans  une  léthargique  fainéantise. 

Cet  état  est  d'autant  plus  grave  pour  le  Taïkoune 
que  ses  faiblesses  n'ont  pas  leur  correspondance  chez 
les  Daïmios.  Ces  suzerains  gouvernent  leurs  États  di- 
rectement par  des  agents  délégués  et  résument  en 
eux*mêmes  l'unité  d'action  sur  un  territoire  homogène. 

De  tous  ces  faits  il  résulte  que  le  Taïkoune,  qui  au- 
rait dû  être  un  guide  sérieux  de  la  politique  étrangère, 
ne  peut  inspirer  aujourd'hui  qu'une  confiance  limitée, 
même  dans  sa  propre  sphère,  par  suite  des  influences 
contradictoires  qui  pèsent  sur  son  administration.  C'est 
ainsi  que  l'année  dernière,  l'ambassadeur  Ikéda,  à  son 
retour  àYédo,  fut  reconnu  coupable  de  sympathie 
pour  l'étranger,  et  sa  condamnation  nous  découvre 
cette  nouvelle  épéede  Damoclès,  désormais  suspendue 
sur  nos  relations  avec  un  agent  du  Taïkoune. 

A  cause  même  de  tous  ces  principes  de  faiblesse, 
le  Taïkoune  veut  aujourd'hui  monopoliser  à  son  profit 
l'alliance  étrangère  ;  tout  en  ne  lui  donnant  pas  satis- 
faction, il  désire  en  conserver  le  privilège. 

Pour  cela,  il  nous  fait  un  épouvantail  des  Daïmios 
suzerains,  qu'il  nous  montre  comme  un  obstacle  à 
l'exécution  des  traités,  lorsqu'au  contraire,  tous  les 
plus  puissants  d'entre  eux  sont  favorables  à  l'étranger. 

Il  aurait  été  si  facile  au  Taïkoune  de  se  fortifier» 
entouré  d'une  juste  considération,  en  protégeant  dans 
sa  sphère  .les  relations  extérieures.  Au  lieu  de  cela, 


(16  ) 

c^est  lui-même  qui  fait  obstacle  à  des  relàtioùs  intiïûed 
et  générales,  en  s'interposant  d'une  façon  exclusive 
entre  le  Japon  et  TEurope,  tandis  que  les  princes  pour- 
suivent, dans  la  liberté  de  leur  autonomie,  d'utiles  et 
d'amicales  relations  au  dehors.  Us  achètent  les  in- 
struments de  la  scienci»  et  de  l'industrie  occidentale. 
Ils  ont  des  étudiants  en  Hollande,  en  Angleterre,  et 
bientôt  ils  en  auront  partout.  Ils  s'intruisent  par  des 
missions  importantes  composées  de  hauts  personnages 
qui  parcourent  l'Europe  et  se  montrent  en  tout  aussi 
réservés  qu'intelligents. 

Certes,  il  y  a  là  un  fait  devant  lequel  il  est  impos- 
sible de  rester  indiiférent,  quand  on  y  voit  que  la  civili- 
sation d'un  peuple,  peut  être  un  moyen  d'action  sur  l'ex- 
trême Orient  tout  entier,  et,  de  plus,  la  possibilité  d'un 
développement  immense  pour  les  intérêts  de  l'Europe. 

Les  Japonais  présentent  le  grand  spectacle  d'un 
peuple  jeune  et  progressif  au  milieu  de  la  torpeur  asia- 
tique ;  d'un  peuple  qui  veut  avant  tout  s'instruire  et 
s'améliorer,  et  qui,  quoique  placé  au  fond  de  cet  ex- 
trême Orient,  tout  replié  sur  lui-même,  ne  repousse 
aucun  maître. 

Avec  les  germes  féconds  que  possèdent  les  Japonais 
dans  les  ressources  physiques  de  leur  pays,  dans  les 
ressources  morales  de  leur  caractère  et  même  de  leurs 
mœurs  sociales,  ils  peuvent  conquérir  une  forme  de  so- 
ciété qui  leur  assurera  une  grande  place  comme  peuple. 

Aussi  c'est  avec  joie  que  nous  saluons  l'aurore  d'une 
civilisation  nouvelle  qui  désire  se  rapprocher  de  la 
nôtre  pour  travailler  en  commun  au  progrès  des  des- 
tinées humaines. 


(17  ) 

NOTICE 

6É06RAPBIQUE,  HISTORIQUE,  ETPMRIPHIQUS  KT  SfUTISTIQUE 

SUR  LA  BOSNIE  (1) 

PAR  M.  ROUSSEAU 

Consul  de  France* 

COHHOraCATIOM  DU  MINISTÈES  0B8  AFFAUES  ATRAHGÈBBS. 
(Direction  des  consulats  et  affiûres  commerciales,) 


§   1.    —  GÉOGRAPHIE. 

Limites.  —  La  Bosnie  comprend  aujourd'hui  :  la 
Bosnie  proprement  dite,  la  Croatie  turque,  appelée 
Kraïna^  et  une  portion  de  pachalik  de  THerzégovine  (2). 
Elle  est  limitée  au  nord  par  la  Slavonie,  à  l'ouest  par 
la  Croatie  autrichienne,  au  sud  par  une  partie  de  la 
Dalmatie  et  par  l'Herzégovine,  à  Test  enfin,  par  un 
coin  de  la  Roumélie  et  par  la  principauté  de  Servie. 

Ses  frontières  naturelles  ainsi  que  celles  qui  résultent 
d'une  ligne  de  démarcation  convenue,  s'établissent  de 
la  manière  suivante  :  de  Yassovatz,  au  N.-O.,  à  Racsa  ; 
au  N.-E.,  tout  le  cours  de  la  Save.  A  partir  de  ce  point, 
confluent  de  la  Save  et  de  la  Drina,  le  cours  de  cette 
dernière  rivière,  en  la  remontant  vers  le  Sud  jusqu'au- 
près de  Routchitza,  à  deux  ou  trois  heures  en  dessous 
de  Vichegrad  (3)  ;  de  là,  une  ligne  aboutissant  à  TOu- 

(1)  On  a  fonda  dans  cette  notice  deux  mémoires  envoyés  par 
U,  Rousseau,  l'un  en  1863,  Tautre  en  1865.  [Rédactions.) 

(2)  Ancien  royaume  de  Rama  et  duché  de  Saint-Saba,  d*où  la  dé- 
nomination slave  ^'Herzégovine  ou  Duché. 

(3)  La  Drina  est  formée  du  Tara,  du  Pivâ  et  de  lA  Soutcbesa.  Le 

XI.   JANVIER.  2.  2 


(  18  ) 

vatz,  non  loin  de  Ratcha;  vient  ensuite  le  cours  de 
rOuvatz  (1)  jusqu'à  la  hauteur  de  Novo  Varoch,  puis 
un  traoé  convenu,  s* éloignant  de  TOuvatc  d'environ 
deux  heures,  en  moyenne,  et  courant  parallèlement  à 
cette  rivière  jûi^qu'à  la  hauteur  de  Vapa,  longe  des 
crêtes  de  montagnes  et  atteint  le  point  de  jonction  de  la 
Rascheka  et  de  Tlbar  (2).  Cette  dernière  constitue  la 
frontière  jusqu'à  la  ylUe  de  Métrovitia,  sur  les  confins 
de  la  Roumélie  et  de  la  Bosnie.  De  Méirovit^a,  la  limite 
se  poursuit  par  une  ligne  longeant,  à  deux  heures  en- 
viron de  distance,  le  cours  de  l'Ibar,  aboutissant 
d^abord  au  village  de  Derjean»  et  se  prolongeaqt  tou- 
jours vers  l'ouest,  passant  un  peu  au-dessus  du  lao 
Plava  pour  aller  atteindre  le  pic  sud  du  mont  Kom, 
A  pai*tir  de  ce  point,  la  frontière  remontant  au  nord 
passe  par  le  pied  du  Kom  et  par  les  villages  de  Kolas- 
chin  inférieur  et  de  Berdorovo,  laisne  à  l'ouest  le  bourg 
de  Prépol  et  louge  ensuite  le  cours  du  Lim  jusqu'au- 
dessus  de  la  hauteur  de  Novo  Varoch.  Un  peu  plus 
loin,  à  trois  heures  environ  de  là,  elle  coupe  le  Lim, 
remonte  sa  rive  gauche  jusqu'auprès  de  Préboï,  oblique 
à  l'ouest,  passe  au-dessous  du  village  de  Gorachicbe 
et  atteint  le  bourg  de  Goracheda,  après  avoir  traversé 

Tara  a  sa  soarce  au  moat  Kom,  le  Piva  sort  en  torrent  du  mont 
Dormitor,  et  la  Soutchesa  commence  aux  crêtes  qui  relient  les  pics  du 
VolQJak-Planina  au  Dormitor. 

(i)L'Oavati,  qui  prend  sa  soarce  à  deux  heures  environ  aufl.-E.  de 
Sjenitza  dans  le  Sagode-Planloa  (mont  des  Fraises),  sert,  pendant  près 
de  douze  lieues,  de  limite  entre  la  Servie  et  la  Bosnie, 

(2)  La  Rascheka  prend  sa  source  dans  les  monts  Raseheka-Planiaa 
et  GloukOTik-Pianina;  ribar  naît  dana  les  montagnes  de  Halla. 


(  19  ) 

U  Drina  ;  puis  remontant  vers  le  N.-O.  et  longéatit,  à 
trois  heures  environ  de  distance,  le  cours  de  TOllagj 
l'un  des  affluents  de  la  Drina,  elle  touché  ^  la  petitié 
ville  de  Kognitzâl,  sur  la  Narentà,  suit  lé  cours  de  cette 
rivière  puis  celui  de  la  Kama  jusqu'au-dessus  de  Vou- 
kovaeb,  d'où  elle  incUiie  ensuite  plus  4  l'ouest,  va 
passer  au-dessuÀ  de  Ghevitza,  laissant  €hupaniatdi  à 
gauche  et  LivttO  à  droite,  pour  se  relier  un  peu  plus 
loin  à  la  frontière  dalmate,  à  trois  heures  eiivhron  au- 
dessous  d'Ovitza.  A  partir  de  ce  point,  la  frontière 
s'établit  par  les  crêtes  des  monts  Vranïna,  Zavelin,' 
I^olog,  Vranovatz,  Guéniatet  Dinaru,  où  viennent 
converger  les  limites  de  la  Bosnie,  de  la  Dalmatie  et 
de  la  Croatie,  puis»  par  une  ligne  de  démarcation, 
aboutissant  au  ruisseau  de  Fissovatz  et  indiquée  par 
des  postes  militaires  autrichiens,  remontant  au  nord 
jusqu'à  Magliara,  sut*  la  Glina;  dé  là  elle  incline  à  l'est, 
passe  par  Kamen  et  Topla  sur  TUnna,  et  suit  enfin  le 

* 

cours  de  cette  rivière  jusqu'à  son  confluent  avec  la 
Save,  à  Yassovatz. 

RMèr'eê.  —  Les  principales  rivières  de  la  Bosnie 
sont  :  la  Drina  et  TUnna  déjà  citées  ;  la  Bosna,  qui 
donne  son  nom  à  la  province  et  qui  a  sa  naissance  au 
pied  du  mont  Iguémann,  à  12  kilomètres  environ  de 
Sérajévo;  et  le  "Werbass,  qui  prend  sa  source  en 
Bosnie  à  deux  heures  environ  au  S.-O.  du  mont  Gorni 
Vakôup.  Leurs  bassins,  très-fet-tiles,  sont  couverts  de 
magnifiques  forêts  (jui  avaient  attiré  .rattention  de 
Napoléon  I*",  alors  que,  maître  des  provinces  Illy- 
riennes,  il  y  voyait  une  précieuse  ressourcé  pour 


(20) 

Talimentation  de  la  marine  française.  Ces  quatre 
grandes  rivières  qui  coulent  du  sud  au  nord  et  vont 
toutes  se  jeter  dans  la  Save,  reçoivent  de  droite  et  de 
gauche  de  nombreux  affluents»  qui  sont  tantôt  de  véri- 
tables cours  d'eau  d'une  importance  relative»  tantôt 
de  simples  torrents  rapides  et  impétueux  en  hiver, 
et  presque  entièrement  desséchés  en  été.  Elles  sont 
toutes  très-poissonneuses;  mais,  dans  leur  état  aiCtuel^ 
aucune  d'elles  n'est  navigable.  Il  ne  faudrait  peut^ 
être»  pour  les  convertir  en  grandes  et  utiles  artères  de 
communication»,  que  peu  de  travaux  et  des  dépenses  à 
coup  sûr  inférieures  aux  nombreux  avantages  qu'on 
en  retirerait. 

Lac&.  —  Le  seul, amas  d'eau  assez  important  pour 
mériter  le  nom  de  lac,  est  celui  de  Goël  Hissar»  qui 
est  alimenté  par  la  Pliwa,  affluent  du  Werbass»  dont 
le  cours  sinueux  s'élargit  considérablement  à  cet  en- 
droit et  forme  trois  grands  bassins  se  reliant  les  uns 
aux  autres.  Us  sont  très-poissonneux.  Un  peu  plus 
loin»  leurs  eaux»  continuant  le  cours  de  la  Pliwa,  vont 
tomber  en  pittoresque  cascade  dans  le  lit  du  Werbass. 

Montagnes.  —  La  Bosnie  est  extrêmement  monta- 
gneuse. Son  orographie  ne  laisse  pas  d'être  très-dif- 
ficile à  décrire;  car  ce  n'est,  à  proprement  parler, 
qu'un  enchevêtrement  presque  inextricable  de  chaînes 
plus  ou  moins  élevées,  s'entre-croisant  sans  cesse,  et 
assez  rapprochées  les  unes  des  autres  pour  ne  laisser 
que  très-peu  d'étendue  aux  plaines  et  aux  vallées  qui 
les  séparent.  Des  forêts  immenses  couvrent  les  flancs 
de  ces  montagnes  dont  certaines  crêtes  atteignent  des 


(  21  ) 

altitudes  trës« considérables.  Ramification  des  branchéâ 
méridionales  des  Alpes  Dinariques  et  allant  se  joindre, 
ârorient,  aux  pics  gigantesques  du  Tchar-Dagh,  telle 
est  la  courte  définition  qu'on  peut  donner  du  système 
uMHitagneux  de  la  Bosnie,  décrit  d'ailleurs  avec  beau* 
coup  de  détails  par  M.  Ami  Boue  dans  le  tome  P'  de 
sa  Turquie  (TEurope.  L'inclinaison  et  les  directions 
générales  sont  presque  toutes  du  sud  au  nord.  La 
Bosnie  possède  plusieui's  sources  d'eaux  thermales 
dont  les  principales  sont  celles  d'ElBdje  et  de  Bagna- 
luka,  ainsi  qu'un  assez  grand  nombre  de  sources  aci« 
dulées  froides,  telles  que  celles  de  Lepenitza,  Rissélak, 
Yoavatz,  Kisséla-Voda,  etc.,  etc. 

Climat.  —  Le  climat  de  la  province  est  générale- 
ment très-sain.  Doux  au  printemps,  passablement 
chaud  en  été,  il  est  extrêmement  rigoureux  en  hiver. 
La  température  est  assez  variable,  les  pluies  d'au- 
tomne sont  abondantes,  et  d^ordinaire,  du  mois  de 
décembre  à  la  mi-mars,  le  pays  est  presque  partout 
couvert  de  neige  qui  atteint,  dans  certains  endroits, 
deux  ou  trois  pieds  d'élévation. 

Produits.  —  Le  sol  est  extrêmement  fertile,  et  si 
toutes  les  terres  étaient  mises  en  culture,  les  rende- 
ments seraient  considérables.  Pour  diverses  causes, 
dont  l'énumération  ne  saurait  trouver  place  ici,elle3  sont 
laissées  incultes.  Le  blé,  l'orge,  Tavoine,  lemsûfs  et  lé 
millet  y  viennent  très-bien  et  constituent  le  fond  des 
produits  indigènes.  Les  arbres  fruitiers  y  sont  abon- 
dants; 1^  pommiers,  les  poiriers  et  surtout  les  pru^ 


(  22) 

niera,  dont  la  récolte  forme  une  des  p^noipales  res^ 
sources  du  payst  tiennent  le  premier  rftug*  Quant  h  la 
vigne,  elle  yient  difficilement  sous  un  climat  aussi 
frmd.  Les  foréta  sont  extrêmement  riohes  en  bois  de. 
futaie  de  toutes  sorte»  et  en  bois  de  construction  na*< 
vale.  Les  principales  essences  sont  le  chône,  le  sapin^ 
le  noyer,  le  châtaigner,  le  pin,  le  peuplier,  l'orme,  le 
bpnleau  et  1^  frêne.  Ces  immenses  forêts  ne  sont  sqih 
mfUèBf  bien  ept^ndu,  ^  aucun  aménagement  forestier» 
mais  leur  étendue  est  telle,  que  leur  exploitation  par 
les  indignes,  qui  en  retirant  sans  mesure  le  bois  de 
cbauifag^  et  d^  cbarpente,  pourra  left  dévaster  à'tmû 
manière  très-regrettabJe  sans  jamais  les  épuiser. 

L'élève  des  bestiaux  est  une  des  branches  de  Tagri- 
cultiire  à  laquelle  s'adonnent  plus  particulièremeAt  les 
paysans  ))0&Qiaque^$  o^ai^  ils  sont  Ipip  d'y  apporter  lot 
soipB  et  la  pratique  convenables.  Les  r^es  bovinef^ 
oyine  et  porcine  y  sont  belles  et  très-productives^  L^ 
race  chevaline,  quoique  petite,  est  bonne  et  vigou- 
rpus^,  parfaitement  appropriée  à  ce  pays  essentiel-^ 
liment  montagneui^;  ms^lbeureusement,  comme,  l^Q 
autres  branches  de  l'industrie  agricole,  elle  y  ^t  dèt 
plorablement  négligée.  D'ailleurs  les  nombreuses 
Inquisition»  qR'pn.  y  ^  fj^itea  derpièrçuient  p0ur  les 
re^mantes  <^e  la^  p^vft^e^ip  à^  corps  d'aro^^^  de  rQei^é-: 
govipe  et  de  la  ï[aute  Albanie  l'ont  singulièrement  f^p- 
pauvrie.  AucuQ  bara^  p' existe  en  Bo9;iie.  Dans  les  b^ 
on  trouye  le  sanglier,  le  chevreuil,  le  loup  et  le  renards 
l'pura  se  rencontra  daps  les  l'opêta  dpsi  b^itea  i^onte** 
gn§^.  Le  gibier  est  pissez  a|)ondant  e>  se  GtPfupo^a  pricN 
cjp^inent  de  ^a  perdrix  griae,  de  i^  ci^Ufi,  dq  liôYne« 


(2S) 

du  caiiafd,  dé  la  bécasse  et  de  la  bééassine.  -^  J'ai  dit 
que  lés  rivières  et  certains  cours  d'ean  étaient  poi^i- 
soDoeux  :  on  y  pêche,  en  effet,  des  brochets ,  des  àii- 
guilles  et  d'excellentes  truites  saumonées.  La  géologie 
et  la  minéralogie  de  la  province  sont  riches  et  variées. 
Lé  âél  parait  être  tertiaire  et  alluvial.  Le  minerai  de 
fer  est  le  plus  abondant  et  presque  le  seul  exploité. 

Routes.  —  Les  voies  de  communication  de  la  Bosnie 
sont  nombreuses,  mais  elles  sont  dans  un  déplorable 
état.  Les  chemins,  qu'ils  sillonnent  les  plaines  et  les 
vallées,  ou  qu'ils  soient  tracés  aux  flancs  des  montagne^ 
traversant  des  gorges  difficiles  aux  profondes  ravines, 
sont  souvent  de  véritables  casse-cou.  Les  premiers, 
en  hiver,  sont  d'affreux  sentiers  vaseux  et  boijeiix,  où 
le  cheval  enfonce  jusqu'à  mi-jambe;  les  seconds,  taillés 
etï  escaliers,  sont  si  escarpés,  qu'il  faut  la  solidité  du 
pied  du  cheval  bosniaque  pour  les  parcourir  sans  dan- 
ger.  Toutefois  il  est  juste  de  signaler  une  sensible 
amélioration  à  cette  triste  situation  de  la  grçmde  voi- 
rie: depuis  deux  ans  environ,  Osman  pacha,  gouver- 
neur généi'al  de  la  Boâtiie,  administrateur  intelligent 
et  éclairé,  s*est  occupé  avec  une  sollicitude  remar- 
quable de  cette  question  qui  intéresse  si  grandement 
là  prospérité  de  la  province,  et  déjà  plusieurs  nouvelles 
roùteft  assea  bien  construites,  d  une  largeur  moyenne 
de  &  tnëtres,  empierrées  et  retenues  à  droite  et  ^ 
gauche  par  des  fascines,  ont  été  livrées  à  la  circulation. 
Ce  sont  :  1®  celle  de  Sérajévo  à  Brood ,  en  Slavonig, 
qui  a  un  développement  de  150  kilonaètres  environ  ; 
y  celle  dé  SéfajéVo  à  Vichégrad  (410  kilomètres 


(24  ) 

environ)  ;  3*  celle  de  Sérajévo  à  Kognitza,  qui  doit, 
un  peu  plus  tard,  être  poussée  jusqu'à  Mostar,  en  Her- 
zégovine ;  4"*  celle  enfin  de  Sérajévo  à  Travenik  (70  kilo- 
mètres environ).  On  en  projette  plusieurs  autres  qui, 
partant  également  de  la  capitale,  pénétreront  dans  la 
Possavina,  ou  partie  de  la  province  qui  limite  la  Servie, 
et  dans  la  Kraïna  ou  districts  frontières  de  la  Croatie 
autrichienne. 

§  2.    —  UISTOIRE  ET   ETHNOGRAPHIE. 

Sans  remonter  trop  loin  dans  le  passé  historique  de 
la  Bosnie,  je  me  bornerai  à  rappeler  ici  qu'ayant  ap- 
partenu au  XV  et  au  xii''  siècle  à  la  Hongrie,  elle  fut 
incorporée  vers  1369  à  l'empire  serbe  d'Etienne  Dou- 
chân.  A  la  mort  de  ce  héros  de  la  nationalité  slave, 
les  provinces  et  les  petites  principautés  qu'il  était  par- 
venu, non  sans  peine,  à  réunir  en  un  État  homogène 
et  formidable,  se  désagrégèrent  d'elles-mêmes;  de  ce 
nombre  fut  la  Bosnie  qui,  sous  le  gouvernement  des 
chefs  indigènes,  essaya  de  ressaisir  son  ancienne  au- 
tonomie et  de  former  un  royaume  à  peu  près  indépen- 
dant. Malheureusement  il  n'eut  qu'une  existence  éphé- 
mère ;  car,  déchiré  par  ses  divisions  intestines,  épuisé 
par  sa  lutte  contre  la  Hongrie  qui  ne  cessait  de  reven- 
diquer ses  anciens  droits,  le  pays  ne  put  opposer  qu'une 
impuissante  résistance  aux  armées  ottomanes  qui 
l'envahirent  bientôt.  Devenue  en  quelque  sorte  tribu- 
taire des  Turcs  à  la  suite  de  la  mémorable  journée  de 
Kossovo  (1389),  où  tous  les  Serbes,  marchant  sous  le 
drapeau  du  roi  Lazar,  furent  battus  et  taillés  en  pièces, 


r26  ) 

la  Bosnie  repassa  quelques  années  après  au  pouvoir 
de  la  Hongrie,  qui  la  fit  administrer  par  des  Bans  spé- 
ciaux (1A07).  Â  partir  de  cette  époque,  l'histoire  de  la 
province  est  de  plus  en  plus  diffuse  et  compliquée,  et  il 
devient  difficile  de  la  suivre  avec  précision  dans  ses 
luttes  intérieures,  dans  les  divisions  politiques  de  ses 
propres  chefs,  ainsi  que  dans  sa  participation  forcée 
aux  longues  guerres  de  la  Hongrie  et  de  la  Turquie, 
guerres  qui  en  firent  le  théâtre  de  fréquentes  et  san- 
glantes batailles.  Cette  longue  période  dura  plus  d'un 
siècle.  De  part  et  d'autre  on  se  battait  avec  acharne- 
ment pour  la  possession  de  la  Bosnie  :  les  Turcs  com- 
prenant fort  bien  qu'elle  devait  puissamment  les  aider 
dans  leurs  futures  conquêtes  en  Europe;  les  chré- 
tiens ne  pouvaujt  complètement  se  dissimuler  que  sa 
perte,  malgré  l'aveuglement  de  leurs  dissensions  et 
de  leurs  discordes,  pouvait  entraîner  avec  elle  celle 
des  provinces  limitrophes  et  constituer  ainsi  un  im- 
mense danger  pour  toute  la  chrétienté.  La  funeste  et 
désastreuse  bataille  de  Mohacz  (1626)  justifia  totale- 
ment ces  craintes,  et  mit  un  terme  à  cette  situation 
en  assurant  aux  Turcs  la  conquête  du  pays.  Toutefois, 
ce  ne  fut  que  beaucoup  plus  tard,  et  après  une  nouvelle 
série  de  luttes  continuelles  entre  les  Vénitiens,  les 
Turcs  et  les  Hongrois,  que  la  Bosnie  fut  définitivement 
annexée  à  l'empire  ottoman  par  le  traité  de  Karlo- 
witz  (1699).  Depuis  cette  époque  elle  fait  partie  inté- 
grante de  la  Turquie  dont  elle  forme  un  des  quatre 
Eyalets  en  Europe.  à 

Ethnographiquement,  la  Bosnie  est  serbe,  et  sa  popu- 
lation appartient  à  la  grande  famille  slave. 


(a«) 

Les  phllolôgtiés  placent  m  vi*  èiècle  environ,  et  à  la 
suite  d%  rinyadioti  des  Gotbs,  des  Ayares  et  des  Huns, 
l'arrivée  en  Europe  des  Slaves  qui  se  Axèrent  d'abord 
dans  la  Dacie,  d'où,  repousses  un  siècle  après  par  de 
nouvelles  irruptions^  des  peuplades  oufaliqaes  ou  tar- 
tares  sur  le  monde  romain^  ils  durent  se  déplacer  et 
s'étendre  en  partie  vers  l'occident,  en  partie  Vers  le 
nord.  C'est  vraisemblablement  vers  cette  époque  que 
les  Slaves,  imitant  les  Venèdes  qui  venaient  de  fondre 
sur  les  contrées  voisines  de  l'Elbe,  s'emparèrent  à  leur 
tour  des  pays  situés  entre  le  Dantibe  et  les  Alpes  nô^ 
riques  et  juliennes.  De  ces  expMitions  aveiiiut^uses, 
de  oes  déplacements  formidables  des  hordes  barbares, 
il  se  forma,  par  agglomération  de  tribus,  deiix  fédéra- 
tbns  slavo^venëdes  t  celle  appelée  la  Grande  Khrobàtie. 
dans  la  Bohème  orientale,  la  Galicie  et  U  Siléslè^  et 
celle  qui  re$ut  le  nom  de  GranCte  Servie,  âans  la  Misnie, 
la  Bohème  occidentale  et  la  Moravie.  Pendant  cinq 
cents  ans  oes  peuples  furent  tour  à  touc  vaincus  ^ 
subjugués  par  les  Francs  et  les  Germains,  et  oe  n'est 
guère  que  vers  le  xit  siècle  que  les  peuples  slaves  de 
la  Bohème,  de  }a  Pologne  et  de  la  Rus^e  se  eonstîtuè*- 
rent  en  nations  indépendantes.  G^est  aussi  vers  cette 
époque  que  les  l^aves  du  Midi  se  répandirent  vers  l'ouest 
des  rives  du  Danube  et  de  la  mer  Noire  jusqu'à  1- Adria- 
tique* Fixés  dans  ces  nouvelles  contrées  et  aidés  dés 
contingents  d'émigrés  de  la  Grande  Khi^b^tie  et  de  la 
Grande  Servie,  ils  y  fondèrent  les  rpyaumes  slaves  de 
Croatie,  d'Esclavonie,  de  Dalmatie,  de  Bulgarie  et  de 
Bqenie. 

Des  missionnaires  latins  ava^pnt  intr^uit  )e  ohria> 


(«7) 

tianisme  et  pfèthé  TÉVâtigile  chez  les  Slaves  biéii 
ftV&Dt  l'àj^tolat  de  daint  Cyrille  et  de  dalnt  Métôde, 
qnl  est  fixé  vers  Ym  868.  Le  premier  de  ces  deux  pt*o» 
pCigatetirs  da  cbrlstlaBisme  modifia  Talphabet  grec  et 
raccommoda  à  la  langtie  des  nOtlveatix  prosélytes  chré- 
tiens, inventant  ainsi  une  écriture  spéciale,  à  laquelle 
il  dontia  son  iiom,  ¥  écriture  cyrilHquè. 

La  langue  diavê  prouve  bien  incontestablement  Tori-» 
giue  àsiati<}ue  deà  peuples  qui  là  parlent ,  car  un  nom- 
bre asses  considérable  de  ses  racines  et  certaines  dé 
ses  formes  grammaticales  ont  une  grande  analogie 
aveo  le  Qansiârït.  Sa  déëlinaison  n'a  point  d'article,  et 
elle  a  trois  genres,  quatre  décUnaisotis,  deux  verbes 
auxiliaires  et  une  conjugaison  active,  qui  sert  en  même 
temps  pour  le  passif  et  le  déponent.  Elle  s-écrit  aveô 
trente  et  tine  ou  quarante^-trois  lettres.  Sa  pronôncia-^ 
tlon  est  généralement  douée,  et,  à  pa-rt  quelques  idio- 
tiMues  et  certaines  fermes  particulières  anx  localités, 
le  slave  des  peuples  méridionaux  est  à  peu  près  le 
même  pour  les  Bosniaques,  les  Serbes,  les  Monté- 
Bégrins,  les  Benégovlniens,  les  Dalmates,  les  Croates! 
el  les  Sllavons.  Il  s'éérlt  de  nos  jours  indistinctement 
en  lettres  latines  eu  cyrilliques  t  cèlles-'Ci  sont  pourtant 
fim  particulièrement  adoptées  dans  les  écoles  publi- 
ques, et  c'est  avec  elles  que  sont  imprimés  tousleè 
livres  sacrés  de  la  liturgie  slave.  Il  est  essentiel  de 
noter  d'ailleurs  que  la  langue  parlée  et  écrite  par  lé 
peuple  dlfl'ère  du  slave  d'église. 

La  raee  bosniaque  est  généralement  grande,  forte 
et  vigoureuse.  Plus  rudes  de  caractère  que  leurs  frères 
d«  ftaanbe,  lé»  Bosniaques  ont  lés  mœurs  extrême- 


i 


(38) 

ment  sévères.  Ils  sont  conra^nx  et  braves,  conser- 
vent religieusement  les  traditions  de  leur  origine 
guerrière,  et  poussent  jusqu'au  fanatisme  le  souvenir 
de  leur  ancienne  indépendance,  objet  de  leurs  pro- 
fonds regrets  et  de  leur  constant  espoir.  De  là  leurs 
fréquentes  prises  d'armes  sans  cesse  impuissantes,  et 
qui  n'ont  servi  qu'à  rendre  leur  asservissement  plus 
lourd  et  plus  écrasant.  Ils  sont  bons,  francs  et  hospi* 
taliers,  passionnés  pour  la  poésie  nationale,  sobres 
dans  leurs  besoins,  actifs  à  l'ouvrage,  économes  dans 
leurs  dépenses.  Quant  à  leur  intelligence,  elle  semble 
peu  éclairée,  et,  dans  tous  les  cas,  beaucoup  moins 
développée  que  celle  de  leurs  frères  serbes,  dalmates 
et  croates.  Ils  sont  susceptibles  des  plus  vives  et  des 
plus  durables  affections,  et  le  sentiment  et  l'amour  de 
la  famille  sont  profondément  enracinés  en  eux.  Ils 
peuvent  être  parfois  très-durs  pour  leur  femme,  mais 
ils  n'en  respectent  pas  moins  en  elle  la  mère  de  leurs 
enfants.  Bien  que  le  divorce  soit  admis  chez  eux 
comme  dans  la  religion  grecque,  ils  n'en  usent  que 
très-rarement  et  pour  des  cas  tout  à  fait  exceplion*- 
nels.  Quant  au  Bosniaque  musulman ,  la  polygamie 
consacrée  par  le  Coran  semble  n'avoir  que  fort  peu 
d^attraits  pour  lui,  car  presque  généralement  il  n'a 
qu'une  seule  femme. 

Ce  fut  vers  la  fin  du  xv  siècle  et  au  commencement 
du  XVI''  que  les  Bosniaques,  naguère  si  attachés  à  leur 
croyance  religieuse,  abjurèrent  en  grande  partie  le 
christianisme  pour  embrasser  la  foi  mahométane.  Cette 
apostasie  en  masse  eut  des  conséquences  fatales 
non-seulement  pour  la  partie  du  peuple,  bosniaque 


(S9) 

restée  fidèle  à  son  antique  foi,  mais  aussi  pour  toute 
la  chrétienté.  Les  diverses  tendances  politiques  des 
États  voisins,  de  la  Hongrie  en  particulier,  qui,  s'ils 
s'étaient  inspirés  d'une  pensée  généreuse  et  chré- 
tienne, auraient  dû  tous  se  liguer  étroitement  contre 
l'ennemi  commun,  au  lieu  de  se  disputer  entre  eux 
quelques  lambeaux  de  cette  malheureuse  province, 
ne  firent  que  favoriser  l'invasion  musulmane  d'abord, 
et  pousser  ensuite  graduellement  la  majeure  partie  da 
peuple  bosniaque  à  embrasser  l'islamisme,  les  uns 
pour  conserver  leurs  droits  féodaux,  les  autres  pour 
échapper  au  joug  tyrannique  de  maîtres  ambitieux  et 
ingrats. 

Cet  événement,  d'une  portée  immense,  passa  comme 
inaperçu  en  Europe,  et  Ton  peut  dire  que  c'est  à  peine 
s'il  émut  l'Autriche  et  la  Hongrie,  qui  ne  devaient  pas 
tarder  de  payer  bien  cher  cette  grande  faute  d'avoir 
favorisé,  pour  ainsi  dire,  l'entrée  des  Turcs  en  Bosnie, 
d'avoir  laissé  tomber  entre  leurs  mains  ce  premier  et 
solide  boulevard  de  la  chrétienté.  Si  à  l'approche  des 
armées  ottomanes»  la  force  et  la  vitalité  de  la  nationa- 
lité bosniaque  n'avaient  pas  déjà  été  sacrifiées  par  les 
rivalités  égoïstes  des  États  limitrophes  chrétiens,  si  la 
destruction  des  liens  qui  unissaient  le  pays  à  TEurope 
n'eût  pas  été,  en  quelque  sorte,  comme  préparée  par 
ses  propres  mains,  certes  le  croissant  n'aurait  pas  eu 
si  bon  marché  de  la  croix,  l'Autriche  n'aurait  pas  vu 
un  peu  plus  tard  la  marche  victorieuse  des  Turcs 
poussée  jusque  sous  les  murs  de  Vienne,  ni  la  Hongrie 
les  calamités  de  la  guerre  au  inilieu  desquelles  elle  se 
débattit  pendant  longtemps  et  qui  aboutirent  à  la  sân- 


(  W) 

glaate  bataille  de  Mohaci  où  elle  perdit,  avec  son  m» 
tout  espoir  de  conserver  désormais  son  aotique  anto^- 
Domie. 

Quoi  qu*U  eosoit  de  ces  diverses  causes,  ce  fut  ^  Yè- 
poque  de  la  conquête  faite  par  les  armes  de  Mabomet  II, 
en  1528,  que  s'accomplit  la  grande  conversion  des  Bos^ 
niaques  ^  l'islamisme»  conversion  d'autant  plus  facile 
alors  que  déjà,  depuis  la  première  invasion  ottoi^aoet 
qui  eut  lieu  vers  lâOl,  cette  religion  comptait  dans 
la  population  un  certain  nombre  d'adeptes.  Il  y  a 
tout  lieu  de  croire  qu'au  fond  ces  récents  néophytes 
tenaient  fort  peu  h,  la  croyance  qu'ils  venaient  d'em- 
brasser; car  il  est  certain  qu'ils  l'adoptèrent  bien  plus 
en  vue  des  avantages  personnels  qu'ils  devaient  en 
retirer  que  pour  obéir  à  une  conviction  religieuse 
réelle  et  profonde.  Mais  les  Turcs,  plus  tolérants  et 
peut-être  aussi  plus  indifférents  que  ne  l'étaient  leurs 
farouches  devanciers  dans  la  propagation  de  la  foi 
musulmane,  évitèrent  soigneusement  de  pénétrer  et 
de  scruter  les  motifs  de  cette  conversion  qui,  avant  tout, 
consolidait  leur  conquête.  En  habiles  politiques,  ils  se 
contentèrent  de  profiter  simplement  des  avantages  que 
leur  oifrait  le  fait  accompli  qui  étendait  les  limites  de 
leur  nouvel  empire,  et  faisait  tourner  au  profit  de  sa 
propre  défense,  la  valeur  de  ce  peuple  belliqueux  qu'ils 
avaient  eu  tant  de  peine  à  subjuguer.  C'est  que  l'ar- 
deur du  prosélytisme  musulman,  autrefois  si  farouche, 
comme  à  l'époque  de  l'invasion  des  Arabes  en  Afrique, 
où  il  s'exerçait  à  l'aide  de  la  force  et  de  la  contrainte, 
avait  alors  considérablement  perdu  de  ses  rigueurs 
excessives,  et  que  huit  siècles  plus  tard,  les  couve- 


(M) 

napae«  cita  inl^rôts  {M}Utiqy6s,  Um  pl^s  q^e  Im  p^^ 
siens  d'un  s^yçpglo  fs^i^tUme  religieux)  guids^ieût  le» 
sulUui^  de  CpnatwtiQoplei  eucçesseurs  de  fait  dei^  pre^ 
mierg  biUf<s»i,  4p>qs  ^Hm  {^r^i^^des  Qo&tre  Içs  peuples 
ctirëUeiis. 

Ut  Bo«iii#i  k  aettH^  époque»  était  «oumi^e  au  &yat6me 
féodal*  Seft  grauda^  famille^  et  sa  i^oblease^  m  abju-» 
r^ut)  obtinrent  çamoif  principale  et  exi^esse  çonditiisu 
de  leur  apostasie^  le  maintien  de  leurs  droitB  seigneu* 
riauxsur  les  paysans  dont  la  foi  chrétienyie«  pias  ar- 
dente et  plus  vivace,  sut  les  faire  résister  à  renti*atne<t 
ment  de  leurs  maîtres.  Ce  fut  là.  la  source  des  misères 
qui,  pendant  plus  de  trois  siècles,  a' appesantirent  sur 
eux  ;  car,  restés  chrétiens  et  par  suite  dans  une  condition 
essentiellement  inférieure  dans  la  nouvelle  organisation 
sociale  de  leur  pays,  Us  devinrent  dès  ce  moment  une 
sorte  de  population  de  parias,  corvéables  et  taillables 
h  merci. 

En  raison  même  de  leur  abjuradon  de  la  veille»  les 
nouveau;!^  musulmans  de  la  Bosnie  affectèrent  dans  le 
principe  une  ferveur  religieuse  que  n'avaient  pas  enx-^ 
mêmes  les  Turcs  qui  venaient  de  subjuguer  leur  patrie. 
Bientôt,  prenant  au  sérieux  les  sentiments  qu'ils  s'é* 
taient  d'abord  contentés  de  simuler,  ils  devinrent  petit 
à  petit  ardents  et  zélés  dans  leur  foi,  si  bien  que  pas-^ 
sant  d'un  extrême  à  l'autre,  d'adeptes  indifférents  qu'ils 
étaient  aux  premiers  jours,  ils  devinrent  de  très-fer^ 
vents  et  très-fanatiques  musulmans,  C'edt  k  cette 
cause  et  aussi  aux  anciens  privilèges  fonciers,  politiques 
et  civils  accordés,  au  commencement  de  la  conquête, 
à  la  noblesse  bosniaque^  que  sont  dues  les  difficultés 


(  32  ) 

qu^arencontréeâ  de  nos  jours  le  gonvernement  turc  pour 
introduire  en  Bosnie  les  réformes  décrétées  et  assez 
généralement  mises  à  exécution  dans  les  autres  pro- 
vinces de  l'empire.  —  «  En  Servie,  la  féodalité  qui  se 
»  développa  plus  tard  et  seulement  par  imitation  de 
>  rorienty  fut  enveloppée  dans  les  désastres  nationaux 
»  et  périt  ou  fut  réduite  à  l'état  de  raîa  comme  le  reste 
»  du  peuple;  en  Bosnie,  au  contraire,  la  noblesse  passa 
»  à  l'islamisme  pour  conserver  ses  fiefs,  et  elle  est  restée 
»  l'élément  le  plus  rétrograde  et  le  plus  féodal  de  toute 
»  la  Turquie.  Aussi  la  Bosnie  n'a-t-elle  cessé  de  pro- 
»  tester  par  les  armes  contre  les  réformes  de  Mah- 
n  moud  II  et  d'Abdul-Medjid  (1).  » 

En  échange  de  la  conservation  de  leurs  anciens  fiefs, 
les  begs^  ou  nobles  de  la  Bosnie,  ne  devaient  au  gou- 
vernement turc  que  l'obligation  de  marcher  en  armes 
et  au  premier  appel  pour  la  défense  de  l'empire.  Ils 
étaient  exempts  de  tout  impôt,  et  leurs  terres  n'étaient 
soumises  à  aucun  droit  envers  le  trésor  ottoman,  de 
telle  sorte  que  le  pays  devait  s'administrer,  pour  ainsi 
dire,  lui-même,  en  formant  comme  un  État  dans  l'État, 
et  que  les  Bosniaques  devaient  être  considérés,  ainsi 
qu'ils  se  considéraient  fièrement  eux-mêmes,  bien  plu- 
tôt comme  des  auxiliaires  que  comme  des  sujets  de  la 
Turquie.  La  propriété  foncière  appartenait  exclusive- 
ment à  cette  arrogante  noblesse,  comme  elle  lui  appar- 
tient encore  aujourd'hui,  à  peu  d'exceptions  près,  et, 
sous  la  dénomination  de  spahiliks^  elle  divisait  la 
Bosnie  en  autant  de  fiefs,  grands  et  petits,  que  le  pays 

(1)  G.  L^eani  Ethnographie  de  la  Turquie  d* Europe, 


(  3à  ) 

comptait  de  familles  nobles.  Ces  fiefs  étaient  et  sont 
restés  héréditaires  suivant  l'usage  oriental,  c'est-à-dire 
que  leur  transmission  a  lieu  non  par  droit  d'aînesse, 
mais  indivisiblement  en  faveur  de  tous  les  membres 
d'une  même  famille  qui  élisent  pour  chef  le  plus'  brave 
ou  le  plus  âgé  d'entre  eux,  chargé  au  besoin  de  les 
conduire  au  combat. 

Forcée  de  consentir  à  cette  organisation  insolite  et 
dangereuse  de  la  province,  qui  seule  pourtant  pouvai  t 
aux  premiers  jours  lui  attacher  la  noblesse  et  assurer 
son  pouvoir  suzerain,  sinon  souverain,  sur  le  pays 
nouvellement  conquis,  la  Turquie  ne  songea  à  apporter 
quelques  modifications  à  cet  état  de  choses  que  lorsque, 
débarrassée  des  soucis  de  la  guerre,  elle  put  s'occuper 
du  soin  de  mettre  un  peu  d'ordre  dans  le  chaos  admî- 
niâtratif  de  ses  nouvelles  annexions  en  Europe.  Elle 
commença,  à  cet  effet,  par  nommer  en  Bosnie  un  pacha 
chargé  de  la  représenter  officiellement  dans  la  pro- 
vince et  d'y  introduire  progressivement  l'action  de  son 
autorité;  elle  y  construisit  des  mosquées  et  des  éta- 
blissements pieux  pour  y  réchauffer  le  zèle  et  la  fer- 
veur des  nouveaux  musulmans  ;  y  institua  la  magis- 
trature des  cadis  pour  connaître  sinon  de  tous  les 
crimes  et  délits,  du  moins  des  questions  civiles  et  reli- 
gieuses qui  pouvaient  s'élever  entre  eux  ;  donna  aux 
communautés  chrétiennes  locales  une  organisation  ad- 
ministrative propre  à  s'attirer  leur  fidélité  et  à  assurer 
leurs  antiques  privilèges  ;  détermina  le  chiffre  du  con- 
tingent militaire  que,  sous  la  forme  d'auxiUaires,  le 
pays  devait  lui  fournir  en  cas  de  guerre  ;  s'attribua 
toutes  les  terres  vagues  de  la  contrée  dont  les  titres  à 

XL  JANVIER.    3.  8 


I 


(34) 

la  propriété  pe  purent  être  auffisamment  établis  en 
faveur  dQa  familles  féodales;  enfin  décréta  un  impôt 
foncier  et  personnel,  qui,  à  bien  dire,  ne  devait  peser 
que  sur  la  classe  agricole  et  chrétienne,  et  dont  l'esti- 
mation annuelle  ne  devait  apporter  que  d'insignifiants 
versements  au  trésor  public.  Cette  dernière  mesure, 
qui  était  considérée  comme  la  consécration  solennelle 
de  la  pri^e  de  possession  du  pays  par  l'État,  ne  devait 
pas  tarder  à  être  abrogée  par  la  nouvelle  situation  qui 
allait  se  produire . 

Aux  premiers  temps  de  la  conquête,  la  conduite  du 
seigneur  bosuiaque  devenu  musulman,  à  l'égard  du 
paysan  resté  serf  et  chrétien,  fut  tyrannique  et  fré- 
quemment empreinte  d'une  excessive  cruauté*  11 
croyait  prou  ver,  par  ce  moyen,  la  sincérité  de  son  néo- 
physme,  et  souvent  aussi  la  violence  de  ses  actes 
n'avait  pour  but  que  d'assouvir  ses  passiojis  ou  ses 
vengeances  personnelles.  Cependant  les  nouvelles  ten- 
dances politiques  et  administratives  du  gouvernement 
ottoman,  ainsi  que  l'ascendant  que  commençaient  à 
prendre  sur  les  affaires  publiques  les  pachas  de  la  Su- 
blime-Porte qui  affichaient  des  sentiments  d'équitable 
protection  à  l'égard  des  chrétiens,  firent  ouvrir  les 
yeux  aux  begs  sur  les  dangers  de  la  situation.  Bientôt, 
comprenant  mieux  leurs  intérêts,  ils  reconnurent  qu'un 
rapprochement  entre  eux  et  les  paysans  était  devenu 
d'autant  plus  indispensable  qu'ils  avaient  un  besoin 
absolu  de  leur  concours  pour»  mettre  leurs  terres  en 
ctdture;  ils  n'étaient  pas  sans  crainte  d'ailleurs  que 
l'excès  de  leurs  rigueurs  ne  forçât  ceux-ci  à  s'enfuir 
en  pays  de  chrétienté.  Aussi,  changeant  de  ligne  de 


(36) 

conduite  à  leur  égard,  ils  s'attachèrent  à  resserrer  leè 
liens  qui  les  unissaient  entre  eux,  et  qu'ils  avaient 
imprudemment  altérés:  ils  devinrent  plus  justes  et 
moins  cruels  dans  leurs  procédés,  si  bien  que  la  com- 
munauté des  intérêts  amena  un  rapprochement  entre 
les  deux  classes^et  par  suite  une  certaine  amélioratioa 
dans  la  condition  des  malheureux  chrétiens. 

Ce  changement  dans  la  situation  des  paysans  bos- 
niaques, motivé  par  des  circonstances  exceptionnelles, 
ne  fut  malheureusement  pour  eux  qu'un  temps  d'arrêt 
dans  le  cours  de  leurs  misères,  car  bientôt  de  nouvelles 
circonstances  les  replongèrent  encore  une  fois  dans  la 
plus  dure  des  servitudes.  En  effet,  la  Sublime  Porte 
ne  tardant  pas  à  s'inquiéter  à  son  tour  de  l'accord  par- 
fait qui  semblait  s'être  établi  entre  les  Slaves  chrétiens 
et  les  Slaves  musulmans  de  la  nouvelle  province  de 
l'empire,  mit  bientôt  tout  en  œuvre  pour  modifier  cet 
état  des  choses  qui  menaçait  son  autorité»  et  s'efforça 
d'anéantir    l'influence    qu'assurait   à  la  noblesse  la 
grande  division  des  terres  en  vastes  et  riches  spahiliks. 
Pour  obtenir  le  but  qu'elle  se  proposait,  «la  Porte,  dit 
M.  Cyprien  Robert  dans  son  livre  sur  les  Slaves  de  la 
Turquie,  voulant,  dans  son  ambition  jalouse,  réduire 
ses  alliés  à  l'état  de  sujets^  excita  d'une  part  le  fana^- 
tisme  si  prompt  à  s'enflammer  des  Bosniaques  chré- 
tiens contre  leur  spahis,  de  l'autre  elle  jeta  un  appât 
à  la  cupidité  des  chefs  musulmans  dont  elle  trans- 
forma les  spahiliks  en  tchiftliks,  sous  prétexte  de  ré^ 
compenser  leur  dévouement  à  la  cause  de  l'islamisme.» 
Ces  tchiftliks  ou  domaines  érigés  en  une  sorte  de  ma- 
jorats,  constituaient  des  propriétés  d'un  grand  rapport 


(  36) 

dont  la  possession,  avec  d'importants  privilèges,  était 
assurée  par  la  Turquie  à  ceux  des  seigneurs  bosniaques 
partisans  de  Tautorité  souveraine  de  Gonstantinople. 
Ces  begs  recevaient,  avec  la  propriété,  le  droit  de  pré- 
lever à  leur  seul  et  unique  profit  les  dîmes  de  la  ré- 
colte, et  jouissaient  en  outre  de  la  faculté  d'expulser 
au  gré  de  leur  caprice  les  habitants  établis,  ab  antiquo^ 
sur  leurs  terres,  si  mieux  ils  n'aimaient  en  tirer  large- 
ment profit  en  les  pressurant  arbitrairement.  «  Partout 
où  cet  infernal  système  fut  appliqué,  ajoute  M.  Gyprien 
Robert,  il  excita  l'horreur  des  raîas  et  le  dépit  des 
spahis  qui  n'obtenaient  pas  de  tchiftliks  ;  il  en  résulta 
des  luttes  violentes,  et  une  irritation  extrême  régna 
des  lors  parmi  les  possesseurs  des  fiefs  qui  furent 
amenés  à  ériger  de  leur  propre  autorité  leurs  terres 
en  tchiftliks.  Les  tchiftliks  privés  étaient,  en  effet,  le 
seul  moyen  infaillible  de  neutraliser  l'influence  des 
tchiftliks  impériaux.  Les  raïas  foulés  aux  pieds  n'eu- 
rent plus  d'autre  propriété  que  celle  de  leur  corps. 
Tout  spahis  qui  passait  près  de  leurs  cabanes  se  faisait 
héberger  et  nourrir  par  eux,  il  pouvait  employer  leurs 
chevaux  pour  un  jour  de  marche  sans  être  obligé  de 
les  payer,  il  pouvait  même  accabler  de  coups  le  raîa 
qui  n'osait  répondre;  car  tous  les  musulmans  étaient 
sacrés,  il  y  avait  peine  de  mort  pour  le  chrétien  qui 
aurait  frappé  l'un  d'eux,  a 

Cet  état  des  choses  dura  bien  longtemps  et  ce  ne  fut 
guère  que  de  nos  jours,  il  y  a  dix  ou  douze  années  à 
peine,  que  la  Sublime  Porte,  ayant  été  amenée  à  com- 
battre une  formidable  insurrection  des  Slaves  musul- 
mans delà  Bosnie^  profita  de- ses  succès  pour  y  briser 


L. 


(37) 

défioitivement  le  système  féodal,  anéantir  la  puissance 
des  begs,  exercer  régaliërement  ses  droits  souverains, 
et  introduire,  avec  une  administration  essentiellement 
turque  dans  la  province,  les  principes  de  réformes  dé- 
crétées pour  tout  l'empire. 

J'examinerai  bientôt  quelle  modification  fut  ap- 
portée dans  la  situation  des  raïas  paysans ,  ainsi  que 
dans  leurs  rapports  avec  les  musulmans  propriétaires 
des  terres  qu'ils  mettent  seuls  en  culture. 

§  3.  —  STATISTIQUE. 

Administration  générale.  —  La  Bosnie  est  gouver- 
née par  un  nali^  ou  gouverneur  général,  qui  réside 
dans  la  capitale,  à  Sérajévo,  qui  a  la  haute  direction 
de  l'administration  civile  et  politique  de  la  province, 
et  dont  les  pouvoirs  sont  fort  étendus.  II  a  sous  ses 
ordres,  disséminés  dans  le  pays,  des  kaïmakams  et 
des  mudirs^  dont  les  fonctions,  dans  l'arrondissement 
de  leurs  districts,  pourraient  à  la  rigueur  être  assimi- 
lées à  celles  de  préfets  et  de  sous-préfets.  Le  gouver- 
neur général  actuel  est  Scherif  Osman  Pacba,  précé- 
demment gouverneur  de  la  citadelle  de  Belgrade. 

Trois  tribunaux  fonctionnent  à  Sérajévo,  près  du 
gouverneur  général  :  1°  un  tribunal  mixte  de  com- 
merce ;  2"*  un  tribunal  criminel  et  correctionnel  auquel 
il  est  adjoint  une*  chambre  d'instruction  ;  3""  une  cour 
supérieure,  ou  conseil  général  auquel  sont  déférées  les 
affaires  administratives  importantes  de  la  province»  et 
qui  connaît,  en  même  temps,  des  sentences  rendues  par 
les  tribunaux  des  mudirats  et  des  kaimakamies;  ses  ar- 


(88) 

rôts  judiciaires  sont  eux-mêmes  susceptibles  d'appel  k 
Gonstantinople.  Les  tribunaux  oorrectioûnels  et  de  com* 
merce  institués  auprès  de  chaque  kaïmakam  et  de 
chaque  madir  sont^  en  tnéme  temps,  des  sortes  de  con* 
seils  municipaux  et  administratifs  du  district. 

Un  moUûy  ou  grand  juge,  qui,  comme  pour  toutes  les 
autres  provinces  de  l'empire,  est  changé  chaque  année, 
est  placé  à  la  tête  de  la  magistrature  religieuse  et  a  sous 
ses  ordres  des  cadis  ,  qui  fonctionnent  dans  les  villes 
où  l'importance  de  la  population  musulmane  réclame 
la  présence  de  ce  juge. 

Les  évèques  latins  et  grecs  sont  les  chefs  spirituels 
de  leurs  coreligionnaires,  et  connaissent^  en  dernier 
ressort,  des  sentences  rendues  par  les  curés  catholiques 
et  les  popes  en  matière  de  mariage  et  de  divorce  et, 
parfois  aussi ,  dans  des  causes  civiles^  D  est  extrême- 
mentrare  qu'on  appelle  de  ces  sentencesdevantlajustice 
ottomane,  bien  que  ce  droit  soit  réservé  aux  parties» 

Un  rabbin  bosniaque  est  le  chef  de  la  communauté 
Israélite,  et,  comme  les  évèques  à  l'égard  des  chrétiens, 
il  est  le  seul  juge  de  ses  coreligionnaires  en  matière 
d'état  civil. 

Les  services  militaires  de  la  province  sont  confiés, 
d'ordinaire^  sous  le  contrôle  du  gouverneur  ou  vali,  à 
un  officier  général  de  l'armée,  qui  réside  à  Sérajévo. 

Les  finances^  recettes  et  dépenses»  sont  centralisées 
entre  les  mains  d'un  chef  spécial  ehvoyé  de  Constant 
tinople^  et  qui  à  le  titre  de  muhassebedji .  Le  service 
des  douanes  est  cependant  confié  à  un  agent  de  cette 
administration  qui  rend  directement  compte  de  sa  ges- 
tion à  la  direction  supérieure  de  Gonstantinople, 


(  i^  ) 

Ce  ne  fût  qu'en  rentrant  réellement  ett  possession  de 
la  Bosnie  en  1851,  que  la  Turquie  put  se  rendre  un 
compte  à  peu  près  exact  de  l'importance  de  cette  pro- 
vince et  du  chiffre  numérique  de  sa  population.  Aussi, 
une  des  premières  mesures  que  prescrivit  alors  le  gda* 
vernement,  fut  d'ordonner  un  recensement  général  de 
tous  les  habitants  musulmans  et  chrétiens.  C'est  en- 
core ce  travail  statistique,  quelque  incomplet  et  défec-^ 
tueux  qu'il  a  pu  être,  qui  sert  aujourd'hui  de  base  à  la 
répartition  de  l'impôt  (1) . 

Veyalei,  ou  gddvernenjent  de  Bosnie,  fut  Scindé  en 
six  sandjaks^  ou  préfectures,  qui  sont  restés^  à  peu  â6 
modifications  près,  les  divisions  actuelles  du  pays. 
Ces  sandjaks,  administrés  chacun  par  un  kaïmakam) 
relevant  du  vi^ir  od  vali^  gouverneur  général^  corres- 
pondent  à  peu  près  aux  anciennes  capitaneriés^  qui 
morcelaient  auti'efois  la  province  \  ce  sont  ceux  de  Se* 
rajévo,  Travénik,  Bihatch,  Banyaluka,  Zvornik  et 
Ndvi-Bazar  (2). 

(1)  tl  est  à  pea  près  t:éftain  que  les  chi^s  de  cette  8là(iftii<|tié 
n'obt  pa  être  d'une  i^igoufeuse  eiaétitudé.  Lés  popuJâtidtts  haVMiètli 
que  le  recensement  ordonné  par  Omer  Pacha,  devait  servir  de  base 
pour  rétablissement  d'uil  impôt  personnel  ou  ner^ui,  par  tète  d'habi- 
tants mâles,  et,  dès  lors,  elles  Ont  dû,  de  connivence  sans  doute  avec 
les  agents  chargés  de  ce  premier  travail,  dissimuler  le  nombre  exact 
des  habitants  des  P^ahias  afin  de  diminuer  le  chiffre  de  la  taxaiiOn 
dont  chacun  des  districts  allait  être  frappé. 

(2)  Bien  que  le  saridjak  de  Novi-Bazar  ait  été  détaché,  il  y  a  dix- 
huit  mois  environ,  de  Teyalet  de  Bosnie,  pour  former  un  inutessa- 
rifelik  à  part,  je  le  maintiens  cependant  dans  la  division  delà  Bosiiié, 
par  la  double  raison  qu'il  en  faisait  partie  réceihmeni  encore  et  qu^il 
va  lui  faire  prochainement  retour,  par  suite  de  la  nouvelle  organi- 
sation projetée. 


(40  ) 

Chaque  sandjak  fut  subdivisé,  comme  il  Test  encore, 
en  nahiés  ou  mudirliks,  soit  en  districts  ou  sous-pré- 
fectures. 

Le  sandjak  de  Sérajévo  comprend  les  districts  sui- 
vants :  Sérajévo  (urbain),  Sérajévo  (rural),  Vissoka, 
Foïnitza.  Neretva,  Tchelebi-Bazar  (Rogatitza)  (1). 

Le  sandjak  de  Travenik  compte  ceux  de  Travenik, 
Zénitza,  Livno,  Glamosch,  Ak-Kissar,  Yaïtzé,  Guiol- 
Hissar  et  Prozor. 

Le  sandjak  de  Bihatch  renferme  ceux  de  Bibatcb, 
Novosselo,  Priédor,  Novi,  Dojibitza,  Ostrojatz,  Kroupa, 
Stari-Meïdan,  Kozaratcb  et  Kliutcb. 

Le  sandjak  de  Banyaluka  a  dans  sa  circonscription 
ceux  de  Banyaluka,  Dervent,  Foscbani. 

Le  sandjak  de  Zvornik,  vers  la  Drina,  comprend 
ceux  de  Zvornik,  Biélina,  Tuzla-Gornia  ou  supérieure, 
Tuzla-Donia  ou  inférieure,  Srébrénitza,  Bertcbeka, 
Kladani  (2) ,  Gradacbats  et  Maglai. 

Enfin  le  sandjak  de  Novi-Bazar,  situé  au  S.-E.,  vers 
les  confins  de  la  Roumélie,  s'étend  aux  mudirliks  de 
Novi-Bazar ,    Novi-Waroscb ,   Sienitza ,    Mitrovitza , 

(1)  La  circonscription  du  sandjak  de  Sérajévo  a  été  changée  depuis 
la  même  époque,  c'est-à-dire  depuis  que  celui  de  Novi-Bazar  a  été 
détaché  de  la  Bosnie,  il  y  a  environ  dix-huit  mois.  Elle  comprend 
aujourd'hui  :  les  districts  de  Sérajévo,  urbain  et  rural,  de  Vissoka, 
de  Foïnitza,  de  Tchelebi-Bazar,  auxquels  ont  été  ajoutés  ceux  de 
Vichegrad  et  de  Tchaïnitza  ou  Tergovischta,  pris  sur  le  sandjak  de 
Novi-Bazar,  et  celui  de  Rladani,  pris  sur  le  sandjak  de  Zvornik. 
Quant  au  district  de  Neretwa,  il  fut  enlevé  k  la  Bosnie  pour  être 
annexé  à  THerzégovine. 

(2)  l\  fait  aujourd'hui  partie  du  sandjak  de  Sérajévo.  Voyez  la  note 
précédente. 


(41) 
Vichegrad  (1),  Fergovichta  (2),  Bihor   et   Akova. 

Le  plus  peuplé  de  ces  six  sandjaks  est  celui  de  Zvor- 
nik,  qui  compte  239  977  habitants,  et  le  moins  peuplé 
celui  de  Novi-Bazar,  qui  n'en  a  que  92  198. 

Dans  tous  les  chiffres  que  renferme  ce  travail,  les 
troupes  cantonnées  en  Bosnie  ne  sont  point  comprises. 

Les  chrétiens  se  divisent  aujourd'hui  en  deux  caté- 
gories :  ceux  du  rite  grec  oriental,  dont  le  clergé 
supérieur  relève  du  patriarcat  synodial  de  Constan- 
tinople,  et  ceux  du  rite  catholique,  dont  le  clergé 
indigène,  supérieur  et  inférieur,  est  resté  latin  et  a 
conservé  ses  attaches  avec  le  saint-siége  et  la  congré- 
gation de  la  Propagande  de  Rome.  Les  chrétiens 
orthodoxes  sont  en  bien  plus  grand  nombre  que  les 
catholiques.  Cette  différence  numérique,  qu'on  ne 
comprendrait  guère  si  l'on  ne  se  rappelait  que  le  gou- 
vernement national  bosniaque  que  vainquit  Mahomet  II, 
était  catholique,  s'explique  par  les  fréquentes  émigra- 
tions qui,  depuis  la  conquête  et  à  la  suite  des  longues 
guerres  de  l'Autriche  et  de  la  Turquie,  ont  déplacé 
une  notable  partie  de  la  population  latine  qui  s'est 
réfugiée  soit  en  Dalmatie,  soit  en  Croatie,  soit  en 
Slavonie,  On  cite,  entre  autres,  une  grande  émigration 
des  catholiques  qui,  en  1C98,  s'expatrièrent  à  jamais, 
en  suivant,  dans  sa  retraite,  le  corps  expéditionnaire 
du  prince  Eugène  de  Savoie. 

Outre  l'élément  musulman  et  chrétien,  la  population 
de  la  Bosnie  comprend  aussi  quelques  Zingares,  dont, 

(1)  Ce  district  fait  régulièrement  partie  aujourd'hui  du  landjak  de 
Sérajévo.  Voyez  la  note  1  de  la  page  précédente. 

(2)  Und. 


(42) 
malgré  toutes  les  investigations  on  ignore  encore  la  vé- 
ritable religion,  et  une  colonie  d'Israélites,  d'origine  es- 
pagnole, venue  vers  la  moitié  du  xv!!!""  siècle,  soit  de  la 
Roumélie,  soit  des  États  de  Raguse  6t  de  Venise. 

La  population  totale  de  la  Bosnie,  en  1864,  peut 
être  évaluée  et  répartie  de  la  manière  suivante  : 

ChrétieDs  du  rit«  oriental  grec 410  796  âmes. 

Musulmans 359  461     — 

Chrétiens  du  rite  catholique. 132  257     —    (1). 

Zibgares 9  965     — 

Israélites 2 181    — 

Etrangers * . .       1 947    — 

total 916607  âmes.  (2). 

Je  crois  devoir  justifier  autant  que  possible  ici 
l'exactitude  approximative  de  cette  évaluatioUi  —  Je 
l'ai  établie  ed  prenant  pour  première  base  les  états  de 
la  statistique  ordonnée  en  1861  par  Orner  Pacha  (S). 
Aux  totaux  de  ces  états,  qui  ne  font  mention  que  des 
habitants  mâles,  j'ai  ajouté  un  chiffre  équivalent  aux 
neuf  dixièmes,  pour  représenter  la  population  du  sexe 
féminin,  d'après  une  proportion  que  j'indique  à  la  fin 
de  ce  mémoire  ;  puis  à  la  somme  réunie  de  ces  nou- 
veaux chiffres  avec  ceux  de  la  population  mâle  des  états 
de  1851 ,  j'ai  encore  ajouté  une  plus-value  de  8  p.  100^ 

(1)  Un  document  des  archives  du  couvent  de  Foïoilza  faitconnattre 
qu'en  Tannée  1777,  la  population  catholique  de  la  province  n'était 
que  de  73  053  âinés.  Le  «  schematismus  »  de  Tannée  1856  Télèveau 
chiffre  de  122  865. 

(2)  Voyez  les  détails  au  tableau  IX  du  prochain  numéro. 

(3)  Voyez  les  détails  aux  tableaux  I  à  VU  du  prochain  numéro. 


(48) 

représentant  Taugmeotation  approximative  et  relative 
qui  a  dû  se  produire  dans  la  population  générale  pen- 
dant une  période  de  treize  années,  c'est-à-dire  de  1861  à 
J86â. — Cette  plus-value,  je  ne  l'ai  point  estimée  arbi- 
trairement; elle  résulte,  par  exemple,  pour  les  catholi- 
ques, d'un  document  dont  l'authenticité  ne  saurait  être 
mise  en  doute,  je  veux  parler  du  Schematismus  (l),âu 
Annuaire  publié  par  les  RR.  PP.  Franciscains  de  la 
Bosnie  qui,  dans  chaque  paroisse,  tiennent  régulière^ 
ment  une  sorte  de  registre  matricule  de  leurs  ouailles. 
Or,  le  Schematismus  de  l'année  1856  donne  le  chiffre 
de  122  865  catholiques  des  deux  sexes,  et  celui  de 
Tannée  186&,  en  élevant  ce  chififre  à  132  257  individus, 
constate  une  augmentation  de  9  892  âmes  dans  l'es- 
pace de  huit  années,  soit  un  peu  moins  de  8  p.  100  (2). 
— Je  ferai  observer,  en  outre,  que  la  comparaison  de  mes 
chiffres  porte  sur  une  période  de  treize  années,  de  1851 
à  186A,  tandis  que  la  comparaison  des  deux  totaux  pré- 
sentés par  le  Schematismus  ne  s'applique  qu'à  une 
période  de  huit  années  seulement,  ce  qui  explique 
pourquoi  j'ai  pris  la  proportion  de  8  p.  100,  pour  la 

(1)  «  Schematismas  alms  tniisiooaris  pratiocite  BoiB«  argentin» 
ordinis  fratnltn  tninonim  observantiam.  » 

(2)  Encore  une  preuve  jasiificatîTe  de  mon  Mtimatioa  t  on  procède 
en  ce  moment  à  un  nouveau  recensement  de  Ja  province*  Celui  de 
Sérajévo  urbain  et  rural  qui  est  d^à  fait  a  donné  31  462  habitants 
mâles,  soit,  fen  ajoutant  les  9/10^'  pour  le  sexe  féminin,  40  778  Ames. 
La  différence  entre  ce  résultat  et  celui  des  états  de  1851,  également 
augmenté  de  ces  D/IO®"*,  n^est  que  de  3412!  Individus,  chiffre  qui 
représente  bieb,  à  ped  i^rès,  raugttieiltatioli  ap{)roiiiiiatite  de  S  polir 
100  survenne  dans  la  pupulation  de  ce  diitrict  dans  la  période  de 
tleiieaBBéel* 


(44) 

plus-valne  que  j'assigne  à  la  population  générale,  bien 
que  cette  plus-value  soit  en  réalité  d'un  peu  moins  de 
8  p.  1 00,  d'après  les  résultats  des  deux  publications  des 
RR.  PP.  Franciscains.  —  Cette  augmentation  pour  les 
catholiques  étant  donnée  et  acquise,  il  m'a  semblé  na- 
turel d'en  appliquer  le  principe  et  le  résultat  aux  chré- 
tiens du  rite  grec  oriental  et  aux  musulmans  bosnia- 
ques, vivant  de  la  même  vie  que  les  premiers,  ayant 
les  unset'les  autres  les  mêmes  mœurs,  et  provenanttous 
d'une  même  origine  et  famille  slaves.  Des  motifs  à  peu 
près  analogues  m'ont  engagé  à  comprendre  également 
dans  cette  évaluation  augmentative  les  *Zingares,  et» 
quant  aux  étrangers  qui  ne  figuraient  sur  les  états  de 
1851  que  pour  1228,  et  qui  sont  représentés  dans  mes 
calculs  par  le  chiffre  de  19&7,  il  me  paraît  très-pro- 
bable que  leur  nombre  a  dû  augmenter  dans  cette  pro- 
portion dans  l'espace  de  treize  années. 

Donc,  il  demeure  à  peu  près  constant  pour  moi, 
qu'en  l'année  1864,  la  population  totale  de  la  Bosnie 
s'élevait  au  chiffre  de  916  607  âmes,  dans  lequel  les 
six  catégories  entrent  dans  les  proportions  suivantes  : 

Ghrétiens  da  rite  grec  oriental 44,71  Vo* 

Masalmans 39,3i  <>/o. 

Chrétiens  du  rite  catholique 14,42  ^j^ 

Zidgares 1 ,08  *!•. 

Israélites 0,23  <>/o. 

Étrangers 0,22  '/o- 

Aucun  mudirlik,  aucun  sandjak,  n'est  exclusive- 
ment peuplé  de  chrétiens  ou  de  musulmans  ;  partout  la 
population,  à  quelque  croyance  religieuse  qu'elle  ap- 
partienne, est  mélangée  dans  des  proportions  diffé- 


(45) 

rentes.  —  Toutefois,  on  peut  dire  que  Téléraent  ma* 
sulman  domine  dans  les  sandjaks  de  Sérajévo  et  de 
Novi-Bazar,  tandis  que  les  chrétiens  se  trouvent  établis 
dans  une  proportion  plus  considérable  dans  les  quatre 
autres  sandjaks  de  Banyaluka,  Trayenik,  Bihatcb  et 
Zvornik. 

La  proportion  entre  la  population  chrétienne  des 
deux  rites,  dans  sa  répartition  dans  la  province,  s'éta- 
blit de  la  manière  suivante  :  La  communion  grecque 
orientale  est  exclusivement  établie  dans  le  sandjak 
de  Novi-Bazar  toul  entier,  et  elle  domine  dans  les 
districts  établis  le  long  de  la  frontière  serbe,  à  Tché- 
lébi-Bazar,  Srébrénitza,  Zvornik,  Tuzla  supérieure 
et  Biélina,  ainsi  que  dans  ceux  de  Banyaluka  et  de 
Bihatch,  à  l'autre  extrémité  de  la  province  (1)«  La 

(i)  Cette  agglomératioD  toute  particulière  de  chrétiens  du  rite  grec 
dam  le  sandjak  de  Novi-Bazar  et  dans  les  districts  qui  longent  la 
rive  gauche  de  la  Drina,  s'explique  par  ce  fait  qae  le  schisme  de  Photius 
s'Introduisit  en  Bosnie,  à  cette  époque  entièrement  catholique,  par 
la  Serbie,  pays  limitrophe,  qui,  dès  1288,  avait  embrassé  les  nouveaux 
principes  religieux  de  Bjzance,  et  qu'il  est  naturel  d'admettre  que  ces 
populations  bosniaques,  placées  précisément  aux  frontières  serbes, 
furent  les  premières  à  se  convertir. 

Des  rives  de  la  Drina  le  schisme  s'étendit  progressivement  le  long 
de  la  Save  et  jusqu'aux  frontières  croates,  tandis  qu'il  eut  beau- 
coup de  peine  à  s'introduire  dans  les  parties  méridionales  de  la  pro- 
vince. La  raison  en  est  peut-être  que  les  catholiques  avaient  là  le 
plus  grand  nombre  de  leurs  couvents,  entre  autres  ceux  de  Kréchévo, 
de  Foïnitza  et  de  Suttinska,  qui  existent  encore  aujourd'hui.  La  prin- 
cipale résidence  des  rois  bosniaques  était  à  Robovatz,  non  loin  de 
Suttinska,  et  il  y  a  lieu  de  croire  que  ce  voisinage  ne  contribua  pas 
p«u  à  maintenir  la  foi  catholique  dans  les  pays  environnants  et  à 
empêcher  une  trop  grande  extenaion  du  prosélytiime  de  l-Égliae 
grecque^ 


communion  catholique  est  presque  seule  professée  dans 
les  districts  de  Prozor,  Travenik  et  Vissoka,  et  elle 
l'est  par  les  trois  quarts  environ  de  la  population 
chrétienne  dans  ceux  de  Neretva,  Foïnitza  et  Bert- 
cheka. 

La  Bosnie  n'ayant  point  été  cadastrée  et  sa  statistique 
officielle  étant  fort  incomplète  dans  plusieurs  de  ses 
parties,  il  devient  extrêmement  difficile  d'établir  la 
densité  de  sa  population.  Toutefois  on  peut  arriver  à 
se  former  à  cet  égard  une  idée  approximative  en  pre- 
nant pour  base  un  travail  statistique  du  sandjak  de 
Bibatcb,  exécuté  en  1859  par  les  officiers  autrichiens 
des  régiments  frontières. 

D'après  ce  travail,  dont  j'ai  eu  une  communication 
officieuse,  la  densité  de  la  population  dans  ce  cercle, 
ou  sandjak,  s'établirait  de  la  manière  suivante  : 

IliUes  carrés  (I).     Habitants. 

Disiriet  de  Bihatch 23,30  23  835 

-^      de  NoTOSselo 22,28  17  850 

^      de  Priédor 9,53  19  460  " 

—  deNofi 11,00  13  550 

^      de  DabiUa 3,94              8  180 

—  de  Ostrojatz 9,81  26  740 

—  de  Rrapa 10,71  15  010 

—  de  Stari  MeïdaD 10,46  14  570 

~-      de  Kosaratz 6,49  1 0  750 

^      deKlîatch 12,12              8  720 

De  ces  dix  districts,  le  plus  peuplé  serait  celui  d'Os- 
trojatz,  qui  aurait  2725  habitants  par  mille  carré 
(allemand),  et  le  moins  peuplé,  celui  de  Kliutch,  qui 
n'en  compterait  que  720. 

(1)  Milles  allemands  de  15  an  degré,  oa  de  7408  mètres. 


(47). 

Il  n'e^t  point  indifférent  d'observer  que  la  densité 
de  la  population  est  pli]s  considérable  dans  les  districts 
limitrophes  autrichiens,  En  effet,  l'effectif  du  régiment 
frontière  d'Otoçbatz  est  de  1523,  celui  du  régiment 
d'Ogulin  de  1786,  celui  du  régiment  de  Sluin  de  2632, 
celui  du  deuxième  régiment  de  Banat  de  2560,  et, 
d'autre  part,  sur  les  confins  militaires  de  la  Croatie  et 
de  laSlavonie,  on  calcule  environ  '2100  habitants  par 
chaque  mille  carré  (allemand).  Or,  comme  il  existe  une 
grande  conformité  climatérique  et  territoriale  entre  le 
cercle  de  Bihatch  et  ceux  de  la  frontière  autrichienne, 
on  est  amené  à  estimer  que  sur  le  territoire  bosniaque 
il  pourrait  vivre  un  plus  grand  nombre  d'habitants 
qu'on  n'en  compte  aujourd'hui. 

En  effet,  la  densité  approximative  de  la  population 
du  sandjak  de  Bihatch  étant  ainsi  établie,  onpeut^  en 
la  prenant  pour  base  et  attendu  la  grande  analogie  qui 
existe  entre  ce  cercle  et  les  cinq  autres  de  la  province, 
en  inférer  que  dans  toute  la  Bosnie,  chaque  mille  carré 
allemand  pourrait  aisément  contenir  1331  habitants, 
tandis  qu'en  répartissant  toute  la  population  actuelle 
sur  sa  superficie  totale  qui  est  d'environ  mille  milles 
carrés,  on  arrive  à  ne  constater  que  le  chiffre  de 
916  âmes  sur  la  même  surface  (1). 

La  statistique  turque  et  les  données  que  possède 
l'administration  locale  ne  portent  que  sur  les  habitants 
mâles  ;  de  là  une  ignorance  complète  du  chiffre  exact 
de  toute  la  population  de  la  Bosnie.  Mais  il  est  pos-* 

(1)  Pour  obtenir  U  somme  de  cette  superficie,  j'«i   simplement 
procédé  par  une  triangulation  faite  sur  la  carte  de  Kiepert  de  1853. 


(  48  ) 

sible  de  suppléer  à  cette  regrettable  omissioD  en  appli- 
quant à  cette  province  les  calculs  de  proportion  entre 
les  deux  sexes  obtenus  dans  les  contrées  limitrophes 
quiy  comme  la  Bosnie  elle-même^  sont  habitées  par 
des  populations  slaves  méridionales. 

A  cet  égard,  par  exemple,  la  statistique  autrichienne 
nous  montre  que  tandis  que  dans  les  provinces  alle- 
mandes, le  sexe  féminin  est  en  majorité  (102&-1079  ha- 
bitants du  sexe  féminin  contre  1000  habitants  mâles), 
cette  majorité  appartient  aux  mâles  dans  les  provinces 
slaves  méridionales  (1000  mâles  contre  929-979  habi- 
tants du  sexe  féminin).  Je  crois  donc  être  resté  dans 
des  limites  raisonnables  lorsque  j'ai  ajouté  à  la  somme 
des  habitants  mâles,  donnée  dans  les  états  de  1851, 
une  plus-value  de  neuf  dixièmes  pour  représenter  les 
habitants  du  sexe  féminin  ;  de  telle  sorte  que  j'ai  obtenu 
pour  toute  la  population,  y  compris  8  pour  100  en  sus 
pour  l'augmentation  qu  elle  a  dû  subir  pour  le  moins 
dans  une  période  de  treize  années,  un  chiffre  total  de 
91(5  607  âmes.  On  peut  calculer  que  la  Bosnie,  relati- 
vement à  son  étendue  superficielle  et  toute  proportion 
de  la  densité  des  habitants  des  contrées  limitrophes 
de  l'Autriche  gardée,  pourrait  compter  une  population 
beaucoup  plus  considérable,  qui  s'élèverait  à  bien  près 
du  double  de  celle  qu'elle  a  aujourd'hui. 

11  ressort  de  ces  divers  calculs  une  curieuse  obser- 
vation qui  ne  laisse  pas  d  avoir  un  certain  intérêt  au 
point  de  vue  social  et  politique. 

Étant  donné,  d'une  part,  que  le  nombre  des  maisons, 
tel  qu'il  ressort  des  états  statistiques  de  1851,  est  en- 
core le  même  aujourd'hui,  bien  qu'on  soit  autorisé,  à 


<49) 

priori,  à  croire  qu'il  adû  s'ac(5roitre  depuis  treize  ans 
en  raison  de  Taugmeutation  de  la  population  dans  la 
même  période,  il  en  résulterait  que  la  Bosnie,  abstrac- 
tion faite  des  habitations  des  Zingares,  des  Israélites 
et  des  étrangers,  posséderait  : 

Biaisons  musulmanes 1981 1 

Vttsons  chrétiennes 62777 


•• 


Total 112588    (1) 

Il  s* ensuivrait  que  si  la  fécondité  était  égale  dans 
les  familles  chrétiennes  et  musulmanes,  les  Musulmans 
devraient  représenter  les  &&,25  pour  100  de  la  popu- 
lation, tandis  que  nous  avons  vu  qu'ils  n'en  forment 
en  réalité  que  les  39,  SA  pour  100,  et  que  les  chrétiens 
ne  devraient  compter  que  pour  les  55,76  pour  100, 
alors  qu'ils  représentent  effectivement  les  59,13  pour 
100  environ,  grecs  et  catholiques  réunis. 

D'où  cette  conséquence  physiologique  que  la  repro- 
duction dans  les  familles  chrétiennes  est  de  beaucoup 
plus  grande  que  dans  les  familles  musulmanes,  et  cette 
autre  conséquence  politique  que  l'élément  chrétien 
tend  à  s'augmenter  ,  tandis  que  l'élément  mahométan 
reste  stationnaire,  si  même  il  ne  diminue  pas.  Je  ne 
trouve  d'autre  explication  de  ces  résultats  que  dans 
les  avortements  clandestins  qui  sont  malheureusement 
si  fréquents  dans  l'intérieur  des  familles  musulmanes, 

(1)  Une  preuve  que  le  nombre  des  maisons  a  dû  augmenter  depuis 
13  ans  :  pour  les  districts  de  Sérajévo,  urbain  et  rural,  par  exemple, 
les  états  de  1851  donnent  le  chiffre  de  6223  maisons,  et  le  nouveau 
recensement  auquel  on  procède^aujourd'hui  s'élève  à  6837,  soit  une 
augmentation  de  614. 

XL  JANVIER.  &«  A 


(W) 

coutume  barbare  tellement  entrée  dans  leurs  mœura 
intimes  qu'aux  yeux  de  beaucoup  d'entre  elles  elle  n'a 
aucun  caractère  de  criminalité.  Et  qui  pourrait  dire 
le  nombre  d'infanticides  qui  s'accomplissent,  on  est 
autorisé  à  le  croire,  dans  les  harems  où  les  regards  de 
la  police  et  de  la  justice  ne  peuvent  jamais  pénétrer  ! 
Dans  la  ffimiUe  ç^r^U.enne,  au  CQRtraire»  ces  crimes 
sont  tout  à  fait  inconnus,  non-seulement  parce  que  les 
mœurs  y  sont  beaucoup  plus  sévères,  mais  parce  qu'on 
y  observe  plus  rigoureusement  les  préceptes  religieux 
ainsi  que  les  lois  humaines  et  naturelles. 

En  ce  qui  concerne  la  division  et  la  nature  du  sol 
de  la  Bosnie,  voici  l'opinion  qu'on  peut  s'en  former  : 
Dans  la  contrée  de  la  Kraîna  et  plus  particulière- 
ment dans  le  sandjak  de  Bihatch,  sur  une  superficie 
de  119  milles  carrés  allemands,  on  compte,  d'après  la 
statistique  autrichienne  précitée,  99  milles  de  forêts 
et  terres  incultes,  11  milles  83  centièmes  de  terres  la- 
bourées et  cultivées  et  9  milles  82  centièmes  de  prairies. 
Suivapt  ce  calcul,  et  la  superficie  totale  de  1000  milles 
carrés  étant  donnée  approximativement  pour  toute  la 
Bosnie,  la  province  entière  comprendrait  :  96  milles  de 
champs  cultivés,  82  1/2  de  prairies,  et  le  reste,  soit 
822  1/2  de  bois  et  forêts,  de  cours  d'eau,  de  terrains 
pierreux  et  montagneux,  de  terres  incultes.  En  d'au- 
tres termes,  les  deux  dixièmes  environ  du  territoire 
^seraient  formés  de  terres  labour^lep  et  de  prairies,  et 
les  huit  dixièmes  restant,  de  taures  improductives  pour 
l'agriculture  proprement  dite. 

(il  continuer,) 


(61) 


€yominiinlcatloiis,  ete. 


INSTRUCTIONS  GÉOGRAPHIQUES 

PpU^  »i.  OSMIN  L4P0RTE 

Gonsol  de  France  à  Femamboac. 


La  province  de  Fernambouc  est  aujourd'hui  la  se- 
conde du  Brésil  au  point  de  vue  commercial,  bien 
qu'elle  n'en  soit  ni  la  plus  étendue,  ni  la  plus  peuplée. 
Son  heureuse  situation,  par  suite  de  son  voisinage  re- 
latif de  l'Europe,  car  grâce  aux  bateaux  à  vapeur  trans- 
atlantiques,elle  n'est  plus  aujourd'hui  qu'à  quinze  jours 
de  Lisbonne,  lui  donne  certains  avantages  commerciaux 
que  n'ont  pas  les  autres  provinces  de  l'empire  brési- 
lien. La  population  y  est  considérable  et  active,  un 
assez  grand  nombre  d'étrangers  s*y  sont  établis  ;  la 
culture  du  coton  et  de  la  canne  à  sucre  ont  pris  de 
grands  développements  ;  enfin  tout  y  est  en  progrès;  et 
cela,  quoique  la  province  soit  en  pleine  zone  torride,du 
septième  au  quinzième  degré  de  latitude  sud,  voisine 
de  la  mer  sur  laquelle  elle  a  deux  cents  kilomètres  de 
côtes,  et  malgré  que,  depuis  1850,  elle  ait  été  éprouvée 
par  la  fièvre  jaune  et  le  choléra  inconnus  chez  elle  avant 
cette  date  funeste. 

Au  point  de  vue  géographique,  toute  la  partie  vpi- 
sine de  l'océan  Atlantique  est  bien  connue.  Les  côtes  en 
ont  été  examinées  plusieurs  fois  par  des  navigateurs 
portugais,  espagnols,  anglais  et  français.  Nous  con- 


(52) 

naissons  les  travaux  de  Famiral  Roussin  à  ce  sujet  \  et 
Ton  sait  que  M.  le  commandant  Mouchez^  de  la  marine 
française,  y  a  exécuté  tout  récemment  une  nouvelle  re- 
connaissance. 

Il  en  est  autrement  de  l'intérieur.  La  configuration 
des  chaînes  de  montagnes  qui  traversent  la  province  du 
nord  au  sud  et  de  l'est  à  l'ouest  n'est  pas  très-bien 
connue  ;  on  ne  sait  rien  de  leur  altitude,  quoiqu'elles  ne 
paraissent  pas  dépasser  1200  ou  1500  mètres;  leur 
composition  géologique  est  en  partie  ignorée,  et  l'on  n'y 
a  pas  fait  de  grandes  recherches  au  point  de  vue  miné- 
ralogique.  La  partie  septentrionale  de  la  province  offre 
de  grandes  plaines  fertiles,  tandis  que  la  partie  aus- 
trale est  traversée  du  nord  au  sud  par  une  longue 
chaîne  qui  limite  à  l'occident  le  grand  Rio  San-Fran- 
cisco  qui  sépare  cette  province  de  celle  de  Bahia, 

Le  cours  du  San-Francisco  est  parfaitement  repro- 
duit dans  un  bel  atlas  spécial  consacré  à  cette  rivière 
et  qui  a  été  lithographie  à  Rio  de  Janeiro  il  y  a  quel- 
ques années.  Mais  tout  ce  qui  reste  à  l'occident  de  ce 
fleuve  a  besoin  d'être  reconnu  géographiquement,  car 
il  n'existe  encore  aucune  bonne  description  topogra- 
phique de  la  province.  Le  dernier  ouvrage  publié  en 
français,  sur  le  Brésil,  celui  de  M.  de  Lahure,  ne  donne 
qu'une  simple  nomenclature  des  rivières,  des  chaînes 
de  montagnes,  des  villes,  bourgs  et  villages  qui  se 
trouvent  dans  cette  partie  du  Brésil  sans  entrer  dans 
aucun  détail.  Quant  au  bel  ouvrage  en  deux  volumes  de 
M.  Avé-Lallemand,  Reise  durch  nord  Brasilieriy  il  n'a 
pas  encore  été  traduit  en  français. 

Ainsi  donc,  M.  Osmin  Laporte  rendrait  un  véritable 


(53) 

service  à  la  géographie  en  faisant  une  bonne  monogra- 
phie de  la  province  de  Femambouc.  En  effet,  ainsi  que 
nous  venons  de  l'indiquer,  sauf  sur  quelques  points,  la 
position  d'aucune  localité  n'a  probablement  été  déter- 
minée par  des  observations  directes  ;  il  comblerait  un 
desideratum  de  la  science  sous  ce  rapport.  Il  pourra 
faire  aussi  avec  avantage  une  description  du  Rio 
San-Francisco  dont  nous  ne  connaissons  le  régime  que 
par  les  observations  du  botaniste  voyageur,  M.  Auguste 
Saint^Hilaire,  qui  a  parcouru  une  pai:tie  de  sa  vallée  de 
4820  à  1825. 

Il  serait  utile  d'étudier  la  partie  montagneuse,  région 
la  plus  dépeuplée  de  cette  province  et  où  il  reste 
encore  quelques  tribus  indiennes  de  Tupis,  Omanès  et 
de  Ghacriabas,  appartenant  à  la  race  Guaranie,  et  par- 
lant la  langue  générale,  c'est-à-dire  le  Guarani.  Ces 
restes  de  l'ancienne  population  indigène  diminuent  de 
nombre  lentement»  tant  par  leur  mortalité  propre,  la 
variole,  le  peu  de  fécondité  des  femmes,  que  par  leur 
fusion  avec  le  reste  des  Brésiliens.  Nous  n'avons  aucun 
renseignement  sur  le  chifi're  que  cette  population  peut 
atteindre  aujourd'hui. 

Quant  à  la  population  brésilienne  proprement  dite, 
elle  se  compose  d'abord  des  descendants  des  Portugais 
émigrés  pendant  trois  siècles  et  demi  dans  la  province 
de  Femambouc,  puis  des  nombreux  Européens  qui 
sont  venus  s'y  établir  depuis  1820,  enfin  des  nègres  et 
de  leurs  métis  à  tous  degrés  dont  le  chiffre  est  devenu 
considérable.  Une  partie  de  ces  noirs  et  métis  sont 
encore  esclaves,  mais  il  y  en  a  au  moins  un  nombre 
égal  aujourd'hui  qui  sont  libres,  et  sont  considérés 


(  M  ) 

comme  citoyens  brésiliens^  Il  est  important  de  savoir 
quelle  est  la  loi  de  cette  population  si  différente  d'ori- 
gine et  qui  paraît  croître  avec  rapidité  malgré  les 
maladies  tropicales,  malgré  la  fièvre  jaune,  malgré  le 
choléra.  En  effet,  M.  de  Lahare  la  porte  à  950  OOÔ 
suivant  le  recensement  de  18C0;  elle  n'était  que  de 
550  000  suivant  M.  Warden,  en  1831. 

On  affirme  que  la  province  de  Fernambouc,  malgré 
sa  situation  dans  la  zone  torride,  est  très-saine  ;  sur- 
tout dans  la  portion  nord-est,  voisine  de  la  province  de 
Pianhy.  M.  Laporte  peut  nous  édifier  sur  cette  salu- 
brité ;  il  serait  important  de  savoir  dans  quelle  pro- 
portion les  Brésiliens  et  les  Européens  émigrés  ont  été 
frappés  par  la  fièvre  jaune  introduite  dans  la  capitale 
en  1850.  Depuîscette  époque,  elle  y  est  devenue  endé- 
mique, alors  qu'elle  y  était  inconnue  auparavant,  sauf 
peut-être  une  épidémie  passagère,  en  1688,  sur  laquelle 
on  n'a  que  des  renseignements  incomplets.  Cette  ma- 
ladie, si  meurtrière  pour  les  blancs  en  général,  a  été  bé- 
nigne pour  les  noirs  et  les  mulâtres,  tandis  que  tout  ce 
qui  avait  du  sang  africain  dans  les  veines  a  payé  un  large 
tribut  au  choléra.  Les  choses  se  sont-elles  passées  à 
Fernambouc  comme  dans  le  reste  des  ports,  du  Brésil  ? 

Quelle  est  la  mesure  de  l'immigration  européenne 
depuis  un  demi-siècle  ?  En  dehors  des  Portugais  qui 
sont  les  plus  nombreux  immigrants,  et  des  habitants 

des  îles  Açores  qui  viennent  au  Brésil  faire  la  concur- 

• 

rence  au  travail  servile,  quel  est  le  chiffre  approximatif 
des  Allemands,  des  Anglais,  des  Nord-Américains,  des 
Français,  des  Espagnols  qui  viennent  s'établir  sur  ces 
plages  ?  Retournent-ils  dws  leur  paya  d'origine,  épou- 


(66) 

sent-ils  des  Brésiliennes  et  conséquerament  s'établis- 
sent-ils indéfiniment  dans  le  pays?  Qael  est  leur  état  de 
santé  habituel,  leur  longévité  ?  Conservent-ils  leurs 
forces  physiques  et  intellectuelles  7  Tout  ce  qui  a  trait 
à  cette  partie  de  la  biologie  humaine  est  éminemment 
intéressant.  Nous  demanderons  aussi  des  détails  sur 
leur  postérité,  sur  la  nouvelle  génération  qui  se  forme 
du  mélange  du  sang  européen  nouvellement  introduit 
au  Brésil  avec  celui  des  Portugais  plus  ou  moins  im- 
prégné de  celui  des  indigènes  ou  des  Africains  importés 
pendant  les  trois  siècles  précédents. 

Une  question  très-importante  et  qui  ne  peut  être 
élucidée  que  par  des  faits,  c'est  d'établir  définitivement 
s'il  est  vrai  que,  malgré  les  origines  et  les  mélanges 
divers,  le  sang  caucasien  va  lentement,  mais  d'une 
manière  sûre,  prédominantparmileshabitantsduBrésil; 
en  d'autres  termes,  si  chaque  recensement  donne  un 
nombre  de  plus  en  plus  considérable  de  blancs,  alors 
que  celui  des  noirs  purs  ou  des  gens  de  couleur  reste 
stationnairè  ou  même  diminue.  Enfin  nous  demande- 
rons à  M.  Laporte  si  des  colonies  agricoles,  à  l'instar  de 
celles  qui  ont  été  fondées  dans  les  provinces  de  Rio- 
Grande  du  Sud,  Sainte- Catherine  et  Saint-Paul,  ont  été 
établies  dans  la  province  de  Femambouc  et  quel  esi 
leur  état  actuel. 

Au  point  de  vue  commercial,  il  y  a  beaucoup  de  ren- 
seignements utiles  à  recevoir  sur  une  région  siège  de 
transactions  si  étendues.  En  dehors  de  la  production 
du  coton,  du  café,  du  sucre  et  du  tabac,  cultures  indus- 
trielles principales  qui  font  la  fortune  de  la  province, 
quels  sont  les  objets  d'une  véritable  valeur  que  l'agri- 


(5«) 

ôultnre  y  produit?  Où  en  est  Tindustrie  manufactu- 
rière? et  prévoit-on  l'époque  à  laquelle  de  véritables 
fabriques  pourront  être  établies  dans  le  pays,sinon  pour 
l'exportation,  du  moins  pour  fournir  aux  besoins  locaux? 
Quel  est  l'état  des  voies  de  communication  et  du  che- 
min de  fer  commencé  ? 

Nous  savons  que  l'agriculture  brésilienne  souffre 
beaucoup  en  ce  moment  par  suite  du  manque  de  bras. 
La  traite  complètement  suspendue  depuis  1850 ne  four- 
nit plus  les  esclaves  sur  le  travail  desquels  repo- 
sait la  production  agricole.  La  mort,  les  affranchisse- 
ments nombreux  réduisant  chaque  année  le  nombre  des 
ouvriers  de  couleur  qui  formaient  jadis  le  personnel  des 
plantations,  comment  l'agriculture  brésilienne  pourra- 
t-elle  sortir  de  cette  crise  ?  Le  sol  de  Fernambouc  est 
assez  salubre  pour  que  les  blancs  puissent,  malgré  le 
climat  tropical,  se  livrer  à  la  culture.  Se  forme-t-il  une 
classe  de  petits  propriétaires  nationaux,  blancs  ou  mé- 
tis, se  mettant  sérieusement  à  Y œu\re  7  Les  Moradores 
ou  petits  blancs delsL  campagne,  ainsi  que  Ton  nomme 
cette  classe  aux  colonies  françaises,  secouent-ils  leur 
apathie  bien  connue  pour  se  mettre  au  travail  rural  et 
produire  des  denrées  dont  la  vente  leur  permettrait 
une  aisance  dont  ils  ont  paru  peu  se  soucier  jusqu'à 
présent? Le  développement  commercial  de  Fernambouc 
nous  donne  S  croire  que  le  mouvement  a  commencé, 
mais  nous  serions  heureux  que  M.  Laporte  voulût 
bien  nous  renseigner  exactement  sur  ce  sujet. 

Enfin  la  Société  de  géographie  sera  toujours  très- 
reconnaissante  à  M.  Osmin  Laporte  des  renseigne- 
ments qu'il  lui  fournirait  sur  les  documents»  ouvrages 


(57) 

OU  cartes,  qui  peuvent  se  publier  à  Fernambouc,  soit 
relativement  à  l'ensemble  de  l'empire  du  Brésil  ou  aux 
provinces  de  cet  empire,  soit  au  sujet  de  la  province 
même  de  Fernambouc.  La  Société  prendra  également  un 
vif  intérêt  à  la  mention  des  explorations  gui  viendraient 
à  être  entreprises,  des  voies  nouvelles  de  communica- 
tion qui  seraient  ouvertes  dans  le  pays,  en  un  mot  à  tout 
ce  qui  peut  l'éclairer  sur  la  configuration  physique  et  le 
relief  de  la  contrée  où  réside  M.  Osmin  Laporte. 

Tels  sont  les  principaux  points  sur  lesquels  nous 
n'hésitons  pas  à  attirer  l'attention  de  l'honorable  consul 
de  France  à  Fernambouc.  Nous  bornons  là  nos  courtes 
indications,  certain  qu'il  comprendra  facilement  tout  ce 
que  comporte  la  monographie  exacte  et  pratique  d'une 
.  fraction  du  Brésil  aussi  importante  que  celle  de  Fernam- 
bouc, province  avec  laquelle  l'Europe  en  général  et  la 
France  en  particulier  ont  tant  de  relations.  Les  com- 
munications de  l'ancien  continent  avec  le  nouveau  se 
multiplient  chaque  jour,  et  par  conséquent  augmentent 
d'importance  et  de  valeur  ;  la  plupart  des  États  et  des 
provinces  de  l'Amérique  du  Sud  sont  peu  connus  ;  tout 
ce  qui  peut  contribuer  à  montrer  à  l'Europe  leurs  res- 
sources, leur  richesse  native  qui  n'attend  que  des  bras 
pour  être  fructueusement  exploitée,  est  un  véritable 
bienfait  pour  l'humanité. 

D^  Martin  de  Moussy. 


(  W) 

Aeiem  de  la  Soeiété. 

ElTRAltS  DB8  PROCÈS-VERBAUX  D£â  8ÉAMCEII. 


I  I  I  r» 


Assemblée  générale  du  15  décembre  \.%Qhi 


La  séance  est  ouverte  à  huit  heures..  En  T absence 
du  président  de  la  Société,  S.  Exe.  le  marquis  de 
Chasseloup-Laubat,  ministre  de  la  marine  et  des  colo- 
nies ,  le  bureau  est  présidé  par  M.  de  Quatrefages, 
président  de  la  Commission  centrale,  ayant  à  sa  droite 
M.  d*Avezac,  vice-président  delà  Commission  centrale, 
M.  Vivien  de  Saint-Martin,  scrutateur,  et  M.  Malte- 
Brun,  secrétaire  général  de  la  Commission  centrale, 
et  à  sa  gauche,  M.  l'avocat  général  Blanche,  scruta- 
teur, et  M.  Bourdiol,  secrétaire  de  la  Société. 

Le  président  ouvre  la  séance  ;  il  donne  lecture  d'une 
lettre  de  M.  le  marquis  de  Chasseloup-Laubat.  Son 
Excellence  exprime  son  regret  de  né  pouvoir,  par  suite 
d'une  indisposition,  présider  la  séance,  et  adresse  sesre- 
mercîments  à  la  Société  pour  l'honneur  qu'elle  lui  a  fait 
en  le  réélisant  à  la  présidence  pour  l'année  1865- 
1866, 

M.  de  Quatrefages  donne  lecture  de  la  liste  des 
membres  de  la  Société  admis  depuis  la  dernière  assem- 
blée générale,  et  fait  remarquer  que  la  Société  de  géo- 
graphie prend  de  jour  en  jour  plus  d'extension. 

M.  d'Avezac  offre  de  la  part  de  MM.  Firmin  Didot, 
éditeurs,  Le  livre  de  Marco  PolOy  par  M.  G.  Pauthier  ; 
il  donne  lecture  d'une  notice  h  ce  sujet. 


(59) 

M.  de  Quatrefages  dépose  sur  le  bureau,  de  la  part 
de  M.  Barbie  du  Bocage,  la  table  analytique  des  ma- 
tières du  Bulletin  de  la  Société,  3**  et  à""  séries,  an- 
nées 18&A-1860. 

M.  Eugène  Gortambert  présente,  de  la  part  de  M.  le  gé- 
néral de  Mosquera,  ministre  plénipotentiaire  des  États- 
Unis  de  Colombie  à  Londres,  et  de  M.  Manuel  Ponce, 
ingénieur  géographe  colombien,  Tatlas  des  États-Unis 
de  Colombie  et  la  carte  particulière  du  cours  de  la 
Magdalena.  Il  présente  aussi,  de  la  part  de  l'auteur,  le 
nouveau  globe  terrestre  de  M.  Grosselin,  et  dépose 
sur  le  bureau  des  lettres  adressées  au  président  de  la 
Société  par  le  général  de  Mosqueraet  M.  Grosselin  pour 
accompagner  ces  hommages. 

M.  Malte-Brun,  secrétaire  général  de  la  Commission 
centrale,  donne  lecture  du  rapport  annuel  sur  les  tra- 
vaux de  la  Société  et  les  progrès  des  sciences  géogra- . 
phiques  pendant  l'année  1865.  Cette  lecture  est  écou- 
tée avec  le  plus  vif  intérêt. 

Le  président  profite  de  la  présence  du  frère  de 
M.  Baker,  l'explorateur  dans  la  région  des  sources  du 
Nil,  pour  le  prier  de  se  faire  auprès  du  hardi  voyageur 
l'interprète  des  sentiments  d'estime  et  de  sympathie 
de  la  Société.  Ces  paroles  sont  accueillies  par  d'una- 
nimes applaudissements. 

M.  le  comte  de  Montblanc  donne  communication 
d'un  intéressant  mémoire  sur  Tétat  actuel  du  Japon 
et  l'avenir  des  Européens  dans  ce  pays. 

M.  Vivien  de  Saint-Martin  lit  une  notice  sur  M.  Pal- 
grave  et  sur  les  résultats  de  sa  récente  exploration 
dans  r Arabie  intérieure;  il  dgnale  ensuite  la  perte 


(  60  ) 

douloureuse  que  vient  de  faire  la  géographie  en  la  per- 
donne  du  docteur  Barth;  M.  Vivien  de  Saint-Martin 
retrace  la  vie  et  les  travaux  de  l'illustre  voyageur. 

M.  Richard  Gortambert  raconte  le  voyage  des  dames 
Tinné  au  Bahr-el-Ghazal,  et  ce  récit  vivement  coloré 
termine  dignement  la  séance,  à  laquelle  assistait  un 
auditoire  nombreux  et  sympathique. 

La  Société  procède  ensuite  par  voie  de  scrutin  an 
renouvellement  quinquennal  de  la  Commission  cen- 
,  traie.  Sont  élus  :  MM.  Antoine  d'Âbbadie,  d'Avezac, 
Jules  Duval,  Barbie  du  Bocage,  Edouard  Gharton, 
Eugène  Gortambert,  Malte-Brun,  Mauuoir,  de  Quatre- 
fages,  de  l'Institut,  Vivien  de  Saint-Martin,  Elisée 
Reclus,  Meignen,  notaire,  trésorier  de  la  Société,  Pou- 
lain de  Bossay,  Reinaud,  de  l'Institut,  Alfred  Demer- 
say,  le  comte  d'Escayrac  de  Lauture,  Victor  Guérin, 
Lefebvre-Duruflé,  sénateur,  Léon  Morel-Fatio,  Max. 
Deloche,  Ernest  Desjardins,  Gabriel  Lafond,  Alfred 
Maury,  de  l'Institut,  de  la  Roquette,  Guigniaut,  de 
l'Institut,  Noël  des  Vergers,  Trémaux,  Ernest  Morin, 
Alexandre  Bonneau,  Jacobs,  Martin  de  Moussy,  l'ami- 
ral Paris,  de  l'Institut,  Richard  Gortambert, le  vicomte 
de  Rostaing,  Bourdiol,  Sédillot. 

La  séance  est  levée  à  onze  heures. 


Procès-verbal  de  la  séance  du  6  janvier  1866. 

PBÉ8IDBHCB  DB  «.  DE  QUATKBFA6ES  ET  DE  M.   D'AVBZAC. 


Le  procès-verbal  de  la  précédente  séance  est  lu  et 
adopté. 
M.  Bourdiol,  secrétaire  de  la  Société,  donne  corn- 


(ei) 

muâication  du  procès-verbal  de  rassemblée;  générale 
du  15  décembre  1865. 

H.  de  Quatrefages  exprime  le  vœu  qu'il  soit  désor- 
loais  envoyé  aux  membres  de  la  Commission  centrale 
une  lettre  de  convocation  pour  chaque  séance.  Cette 
proposition  est  immédiatement  adoptée.  —  M.  Vivien 
de  Saint-Martin  voudrait  que  la-  convocation  indiquât 
en  même  temps  Tordre  du  jour;  mais  le  secrétaire 
général  fait  observer  qu'il  est  presque  toujours  difficile 
^e  dire  à  l'avance  quels  sont  les  sujets  qui  doivent 
être  traités,  et  le  bureau  ne  peut  donner  de  désigna- 
tion précise  que  dans  quelques  cas  exceptionnels. 

Lecture  est  faite  de  la  correspondance,  M.  Stanislas 
Nogbera,  homme  de  lettres^  remercie  de  son  admission 
comme  membre  de  la  Société.  —  Le  général  Blondel 
envoie,  au  nom  du  ministre,  le  supplément,  récenunent 
publié,  au  tome  IX  du  Mémorial  du  dépôt  de  la 
guerre.  —  M.  Ernest  Frignet  adresse  un  volume  sur  la 
Californie.  —  M.  Grosselin  fait  hommage  d'un  globe 
terrestre  et  d'une  carte  d'Europe.  —  MM.  Jules  Duval, 
Edouard  Charton,  Elisée  Reclus  demandent  que  la 
Société  fonde  un  prix  annuel  de  500  francs  pour  un 
bon  traité  de  géographie,  un  bon  atlas,  un  bon  globe 
terrestre  :  cette  proposition  est  renvoyée  à  l'examen 
préalable  de  la  section  de  comptabilité. 

M.  Le  Saint,  sous-lieutenant  d'infanterie,  écrit  pour 
demander  à  la  Société  qu'elle  veuille  bien  donner  son 
appui  moral  à  une  tentative  de  voyage  qu'il  se  propose 
de  faire  dans  la  région  qui  sépare  le  haut  Bahr-el- 
Ghazal  du  Gabon  :  M.  de  Quatrefages  déclare  que 
personnellement  il  n'a  pas  hésité  à  encourager  le  projet 


(62) 

de  M.  Le  Saint  ;  mais  comme  président  de  là  Commis- 
sion centrale,  il  pense  qu'il  y  a  lieu  de  nommer  une 
commission  pour  examiner  ce  qu'il  ctniVient  de  faire. 
—  M.  Henri  Duveyrier  fait  valoir  l'importance  des 
résultats  que  donnerait  la  réussite  d'une  semblable 
entreprise  :  une  reconnaissance  des  grands  lacs  de 
l'Afrique  équatoriale  qui  se  rattachent  aux  sources  du 
Nil  serait  un  pas  important  dans  la  question  qui  préoc- 
cupe depuis  des  siècles  ;  au  point  de  vue  de  la  linguisr 
tique,  le  Toyage  projeté  conduirait  également  à  de  pré- 
cieuses données  :  M.  Le  Saint  passant  entre  le  Baghir- 
mi  et  le  Dhor  pourrait  recueillir  un  vocabulaire  qui 
compléterait  heureusement  les  renseignements  acquis 
déjà  sur  les  idiomes  de  ces  deux  contrées.  Ce  serait  une 
gloire  pour  notre  pays  qu'  un  Français  eût,  le  premier , 
tracé  un  itinéraire  tout  au  travers  de  l'inconnu  qui 
s'étend  du  Haut  Nil  au  Gabon.  M.  Duveyrier  ajoute 
que  M.  Antoine  d' Abbadie  est  tout  disposé  à  se  charger 
d'initier  M.  Le  Saint  aux  procédés  d'astronomie  pra- 
tique nécessaires  pour  an  voyage  de  ce  genre.  —  Sont 
nommés  membre  de  la  commission  appelée  à  examiner 
la  demande  de  M.  Le  Saint  :  MM.  Antoine  d'Abbadie, 
Eugène  Cortambert  et  Henri  Duveyrier. 

Le  général  de  Mosquera,  président  des  États-Unis  de 
Colombie,  en  adressant  h  la  Société  l'atlas  récemment 
terminé  du  territoire  de  cette  république,  demande 
que  ce  travail  soit  l'objet  d'un  rapport  particulier  ; 
MM.  Eugène  Cortambert,  Vivien  de  Saint-Martin, 
Elisée  Reclus  sont  désignés  pour  cet  objet.  —  M.  le 
coiiseiller  Fornerod,  président  du  département  fédéral 
militaire  de  la  confédération  suisse»  adresse,  à  titi^ 


(68) 

d*échaDge  avec  les  publications  de  la  Société  de  géo^ 
graphie,  un  exemplaire  de  la  carte  de  la  Suisse  à 
l'échelle  de  1/100000%  dressée  sous  la  direction  dn 
général  Dufour.  Le  secrétaire  peni^  qu'en  témoignage 
de  la  haute  estime  de  la  Société  pour  cette  œuvre 
remarquable,  il  y  aurait  lieu  de  décerner  à  Téminent 
directeur  le  titre  de  correspondant  étranger  de  la 
Société,  à  la  place  laissée  vacante  par  le  décès  du  color 
nel  Abert,  des  ingénieurs  topographes  des  États-Unis. 
Cette  proposition  est  acaueillie  par  un  assentiment 
unanime^  et  le  général  Dufour  est,  en  conséquence, 
nommé  immédiatement  correspondant  étranger  de 
la  Société  de  géographie. 

Par  suite  à  la  correspondance,  M.  Barbie  du  Bocage 
dépose  sur  le  bureau  la  liste  des  postes  consulaires 
auxquels  est  envoyé  le  Bulletin  de  la  Société  de  géo- 
graphie, par  les  soins  du  ministre  des  afikires  étran- 
gères. —  M*  Barbie  du  Bocage  remet,  de  la  part  de 
la  directioQ  des  consulats  et  affaires  commerciales  de 
ce  ministère,  une  note  sur  le  territoire  de  Delhi  à  Su- 
matra. —  M.  Richard  Gortambert  annonce  que  H.  Pe- 
trus  Truong  Vinhki,  l'un  des  membres  de  la  dernière 
ambassade  annamite  à  Paris,  enverna  prochainement  à 
laSociété  un  travail  sur  rempired'Annam. — M.  Ramel 
donne  connaissance  d'une  lettre  qu'il  a  reçue  du 
docteur  Ifueller  de  Melbourne  et  qui  annonce  le  pro- 
chain envoi  de  documents  adressés  à  la  Société  de 
géographie  par  le  Royal  Society  of  Melbourne.  M.  Ra- 
mel ajoute  que,  d'après  les  dernières  nouvelles,  Texpé- 
diUon  envoyée  à  la  découverte  sur  le  sort  de  Leich- 
hardt  ^ait  arrivée  à  Boola  dans  de  bonnes  conditions  ; 


tÔ4) 

parvenue  au  tenue  du  terrain  sec,  elle  allait  entrer 
dans  la  région  tropicale  où  Teau  est  en  abondance.  L'ex- 
pédition avait  perdu  les  traces  de  Leichhardt,  qu'elle 
avait  pu  suivre  jusque-là.  —  M.  d' Avezac  donne  com- 
munication, par  extrait,  d'une  lettre  qu'il  a  reçue 
du  docteur  Georges  Asher,  de  Heidelberg,  éditeur  des 
voyages  de  Hudson  dans  la  collection  publiée  à  Londres 
par  la  Eakluyt  Society.  Elle  contient  d'intéressantes 
remarques  de  la  part  d'un  savant  très-versé  en  ces 
matières,  sur  le  projet  d'exploration  du  pôle  nord  qui 
préoccupe  en  ce  moment  les  marins,  les  géographes  et 
les  savants  en  Angleterre  et  en  Allemagne. — M .  Rivière 
père,  à  Mauzy-sur-le-Mignon,  informe  la  Société  que, 
propriétaire  de  la  maison  où  naquit  René  Gaillié,  il  se 
dispose  à  mettre  cet  immeuble  en  vente  et  qu'il  a  cru 
devoir  faire  à  la  Société  de  géographie  les  premières 
offres  d'achat. 

Lecture  est  donnée  de  la  liste  des  ouvrages  offerts. 
Par  suite  à  cette  liste,  M.  Malte-Brun  dépose  sur  le 
bureau  un  catalogue  des  arbres  et  arbrisseaux  réunis 
chez  M.  Poulain  de  Bossay,  lequel  a  joint  à  cette  brochure 
une  lettre  d'envoi  dans  laquelle  il  exprime  occasion- 
nellement l'avis  que  la  rédaction  des  procès- verbaux 
pourrait  être  abrégée,  en  ne  reproduisant  pas  une 
seconde  fois,  à  la  suite  du  nom  des  candidats  admis  à 
faire  partie  delà  Société,  celui  des  membres  qui  les  ont 
présentés.  —  M.  Jules  Du  val  offre  :  l*"  de  la  part  des 
traducteurs  un  exemplaire  de  la  petite  géographie  phy- 
sique de  Maury,  traduite  en  français  par  MM.  Zurcher 
et  MargoUé  ;  2'»  un  numéro  de  Y  Economiste  français  où 
il  a  rendu  compte  de  la  dernière  assemblée  générale 


(65) 

et  du  banquet  de  la  Société  de  géographie.  —  H.  Eu 
gène  Gortambert  fait  hommage  à  la  Société,  de  la  part 
du  général  de  Mosquera,  d'un  exemplaire  de  la  carte  du 
Rio-Magdalena.  —  Il  dépose  ensuite  sur  le  bureau, 
de  la  part  de  Fauteur,  M.  Manier,  un  exemplaire  de 
la  carte  statistique  de  l'instruction  publique  en  France  ; 
M.  Gortambert  voudra  bien  faire  une  note  à  ce  sujet. 
—  M.  Malte-Brun  offre  personnellement  à  la  Société 
un  globe  céleste  de  Poirson  qui  était  la  propriété  de 
son  père.  Le  président  remercie  le  donateur  de  cet 
hommage,  qui  est  à  la  fois  un  souvenir  du  Malte- 
Brun  d'autrefois  et  de  celui  d'aujourd'hui.  —  M.  d'A- 
vezac  dépose  sur  le  bureau,  de  la  part  de  M.  Arthus- 
Bertrand,  un  exemplaire  de  la  brochure  de  M.  Roux, 
capitaine  de  frégate,  sur  les  câbles  électriques.  — 
M.  d' Avezac  offre  en  outre,  au  nom  du  prince  Balthazar 
Boncompagni,  un  exemplaire  tiré  à  part  d'un  mémoire 
sur  Petrus  Adsigerius  et  les  pbis  anciennes  observa- 
tions de  la  déclinaison  de  taiguille  aimantée^  publié 
en  1885,  par  le  professeur  Wenckebach,  de  Leyde, 
dans  un  recueil  hollandais  fort  difficile  à  se  procurer 
aujourd'hui  ;  le  prince  Boncompagni  en  a  fait  faire 
une  traduction  française,  qui  a  été  insérée  par  ses 
soins  dans  les  Annalidi  matematica  de  Rome.  Le  sujet 
de  ce  mémoire  n'est  autre  que  la  fameuse  lettre  sur 
Taimant,  adressée  au  XIIP  siècle  par  Pierre  de  Mari- 
court  à  Syger  de  Foncancourt,  et  dont  la  Société  de 
géographie  avait,  il  y  a  quelques  années,  manifesté 
l'intention  de  doùner  une  édition  complète  dans  son 
Recueil  de  Mémoires.  —  M.  Maunoir  remet  de  la  part 
de  M.  Le  Mesle,  la  photographie  d'une  statuette  de 

XI,  JAI9VXEB.  5.  &' 


(66  ) 

BoùdSab  trouvée  à  Ankore,  — et  de  la  part  de  M.  Gar- 
ciû  dé  Tàssy  un  exemplaire  de  soh  deruier  discour» 
d'ouvertni*e  à  la  i^eprise  de  àon  cours  d'hindoustani  à 
r  école  des  langues  orientales  vivantes. 

II  est  procédé  à  l'admission  des  candidats  inscrits  au 
tableau  de  présentation.  Sont  admis  à  faire  partie  de  là 
Société  :  M*^"  Hommaire  de  Hell,  M.  Édouatd  Levieiijt, 
ancien  vice-consul,  et  M.  Delesse,  ingédieur  des  mines. 

Sont  présentés  poUr  faire  partie  de  la  Société  :  H.  A. 
de  Rivera,  directeur  du  journal  espagnol  le  Pabellan 
tiacimiai,  présenté  par  xMM.  Gabriel  Lafond  et  Petit 
Didier.  —  M.  Adolphe  Hoiiegger,  consul  de  Bolivie, 
présenté  par  MM.  Gabriel  Lafond  et  Petit  Didier.  — 
M.  Charles  Leiden,  consul  de  Saxe,  présenté  pâf 
MM.  Gabriel  Lafond  et  Petit  Didier.  —  M.  Lopeï  de 
Arosèméba;  présenté  par  MM.  Gabriel  Lafond  etHerran. 

—  M.  Jacinto  Guetierrez  CoU,  présenté  par  MM.  Ga- 
briel Lafond  et  Torrès  Caïcedo.  —  M.  le  comte  de  Ros- 
coât,  cohsul  de  France,  présenté  par  MM.  le  comte  de 
Mbntblanc  et  Paul  de  Laboulaye.  —M.  Reille,  capitaine 
d'état-major,  présenté  par  MM.  Chanoine  etMaunoir.  - — 
M.  Regnault,  vice-amiral,  présenté  par  MM.  le  vice- 
amiral  Paris  et  d'Avezac.  —  M.  le  baron  Seillière,  pré- 
senté par  MM.  Michel  Chevalier  et  Bourdiol.  —  M.  ie 
baron  René  Servatius,  présenté  par  MM.  Michel  Che- 
valier  et  Bourdiol.  —  M.  Càrteret,  ancien  conseiller 
d'État,  présenté  par  MM'.  Michel  Chevalier  et  Bourdiol. 

—  M.  de  Lafressange,  ancien  secrétaire  d'ambassade, 
présenté  par  MM.  Michel  Chevalier  et  Bourdiol.  — 
M.  Edmond  Dollfus,  agent  de  change,  présenté  par 
MM.  Guillaume  Rey  et  Maunoir.  —  M.  Paul  Ernault^ 


(67  ) 

éx-officier   d'infanterie    de    marine,    présenté    par 
SiM.  Guillauiaae  Rey  et  Maunoir.  —  M.  Théodore  Dela- 
inarre,  présenté  par  MM.  Richard  Côrtambert  et  dé 
Quatrèfages.  —  M.  Lacaze-Duthiers,  professeur  au 
Muséum,  |)i*èsënté  par  MM.  Ricbstfd  Gortâmbertet  de 
Quatrefageâ.   —  M.  Duhamel,  memfcre  de  l'Institut, 
présenté  par  MM.  d'Avezàc  et  de  Quàttèfages.    — 
M.  Jules  Marcou,  présenté  par  MM.  de  la  ftoquette  et  • 
Richard  Côrtambert.    —  Madame  la  comtesse  Dora 
d'Istria,    Jirësentée  par  MM.   Richard  Côrtambert  et 
Bourdidl.   —  M.  Eugène  Schœlcner,  capitaine  d'artil- 
lerie, présenté  j^dt  lilM.   de  (Juàtrefages  et  Eugène 
Côrtambert.  —  M.  le  général  de  Mosquera,  président 
des  États-Ùhis  de  Colombie,  présenté  {)ar  IVtM.  d' Avezac 
et  Eugène  Côrtambert. 

M.  Eugène  Côrtambert  fait  observer  que  M.  le  géné- 
ral de  Mosqiierâ  étant  sur  le  point  de  partir  pour  TAmé- 
rique,  il  y  aurait  lieu  d'invoquer  en  sa  faveur  le  pré- 
cédent qiii  àutorii^e,  en  certains  cas  exceptionnels,  à 
procéder  îteinédiâtemént  à  l'adthissiori.  Cette  propo- 
sition est  adoptée.  En  conséquence,  M.  lé  général  dé 
Mosquera  est  excë|itionnellethent  admis,  sans  désem- 
parer, cottikie  ihembre  de  la  Société. 

Il  est  ensuite  procédé  ad  renouvellement  du  bureau  de 
la  Commission  centrale  ;  sont  élus  :  Président,  M.  d' Avè- 
zac  ;  viceprésidebis,  MM.JiilesDuvaîetdeOûatrefages  ; 
secrétaire-général,  M.  Malte-Brun  ;  secrétaîfès-adjôihts, 
MM.  Maunoir  et  V.-A.  Bàrblé  du  Bocage. 

Les  autres  membres  de  la  Commissioii  centrale  son 
alors  répartie  ehtrë  les  itoU  sections  réglementaires, 
sdnsi  qu'il  suit  : 


(68> 

Correspondance  :  MM.  Alexandre  Bonneau,  comte 
d'Escayrac  de  Lauture,  Guigniaut,  de  Tlnstitut,  Alfred 
Maury,  de  l'Institut,  Noël  des  Vergers,  correspondant 
de  rinstituty  le  vice-amiral  Paris,  de  Tlnstitut,  vicomte 
de  Rostaing,Sédillot,  Trémaux,  Vivien  de  Saint-Martin. 

Publication  :  MM.  Antoine  d'Abbadie,  correspondant 
de  rinstitat,  Eugëue  Gortambert,  Richard  Gortambert, 
Alfred  Demersay,  Ernest  Desjardins,  Victor  Guérin,  de 
laRo^ua  tte,  Martin  de  Moussy,  Morel-Fatio,  Ernest 
Morin,  Elisée  Reclus,  Reinaud,  de  llnstitut. 

Comptabilité  :  MM.  Edouard  Charton,  Maximin 
Deloche»  S.  Jacobs,  Gabriel  Lafond,  Lefebvre-Duruflé, 
Poulain  de  Bossay. 

Le  président  propose  d'adjoindre  à  la  Gommission 
centrale  un  cert  ain  nombre  de  Membres  de  la  Société 
auxquels  leur  assiduité  aux  séances  et  leur  zèle  éprouvé 
donne  un  titre  particulier  à  cette  distinction.  Sont  en 
conséquence  nommés  membres  adjoints  de  la  commis- 
sion centrale  :  MM.  Arthus-Bertrand,  le  contre-amiral 
BoUe,  Jacques  Dubochet,  E.  de  Froidefond  des  Farges, 
Grimoult,  "William  Hûber,  Lecoq  et  Georges  Perrot. 

Les  neuf  membres  adjoints  sont  immédiatement 
répartis  par  tiers  entre  les  sections,  ainsi  qu!il  suit  ; 

Correspondance  :  MM.  E.  de  Froidefond  des  Farges, 
Grimoult  et  William  Hûber. 

Publication  :  MM.  le  contre-amiral  BoUe,  Lucien 
Dubois  et  Georges  Perrot. 

Comptabilité:  MM.  Arthus-Bertrand,  Jacques  Dubo- 
chet et  Lecocq. 

La  séance  est  levée  à  10  heures  et  demie. 


■MHb 


(  69) 
Séance  du  i9  janvier  1866. 

PRESIDENCE   DE   M.   D'AYBZAC. 


Le  procès-verbal  de  la  précédente  séance  est  In  et 
adopté. 

M.  Lefebvre-Duruflé,  président  de  la  section  de 
comptabilité,  annonce  pour  la  prochaine  séance  la  pré- 
sentation du  rapport  sur  l'exercice  1865.  Il  regrette 
d'avoir  à  faire  observer  que  les  dépenses  ont  de  beau- 
coup dépassé  les  prévisions  du  budget  et  il  insiste  sur 
la  nécessité  de  se  mettre  rigoureusement  en  garde 
contre  le  retour  de  cette  irrégularité. 

Le  secrétaire-général  donne  lecture  de  la  correspon- 
dance : 

Le  ministère  de  Tinstraction  publique  annonce  qu'il 
a  porté  à  1000  francs  l'allocation  annuelle  accordée 
à  la  Société  par  son  département  en  échange  de  50 
exemplaires  du  Bulletin.  —  Le  président  fait  remar- 
quer l'évaluation  à  20  francs  par  exemplaire  qui 
ressort  de  ce  chiffre  total,  et  qui  répond  à  une  néces- 
sité, déjà  reconnue  dans  le  sein  de  la  section  de  comp- 
tabilité, d'élever  le  prix  du  Bulletin  à  un  taux  mieux 
proportionné  au  prix  de  revient  :  l'exemple  donné  par. 
le  ministère  de  l'instruction  publique  est  un  précédent 
favorable  qu'il  y  aurait  lieu  de  faire  valoir  auprès  des 
autres  départements  ministériels,  et  qu'il  conviendrait 
d'étendre  aux  abonnements  privés.  —  M.  Reclus  pense 
qu'augmenter  le  prix  du  Bulletin  n'est  pas  le  moyen 
d'augmenter  le  nombre  des  abonnés,  et  qu'il  entre  dans 
le  but  de  la  Société  de  répandre  le  goût  de  la  géographie. 

L'agent  de  la  Société  fait  connattre  qu'il  a  demandé 


(70) 

cpiinze  francs,  an  lieu  dedonze,  pour  le  renouvellement 
des  abonnements  de'cette  année,  et  que  cette  augmen- 
tation a  été  acceptée  par  tout  le  monde  sans  di£Q[culté« 
]>I.Sédillo)t  .écrit  ppur  s'excn§jer  de  ne  pouvoir  ai^in- 
ter  à  la  séance  de  ce  jour.  —  Madame  Honunaiir^  iji^ 
Pell  et  M.  piivals,  capitaine  d'artiller^p,  renotençient 
de  leur  admission  comme  membres  de  la  Société. —  L^ 
préfet  du  Loif-et-Cher  exprime  ses  f çgre^  de.  ce  fliug, 
pour  des  faisons  bjtjicjgétairçs,  il  n'^i  pa$  été  pos^J>Je 
.^u  conseil  géniéral  (Je  son  département  de  voter  des 
p^esijres  effectives  en  faveur  du  nivellement  de  }a 
France  :  M.  de  Quatrefages  exprime  l'espoir  que  1^ 
Society  tepter^  de  nouvelles  démarches  en  faveur  de 
cette  œuvre  si  impoi*tante,  et  pense  que  des  sollipita- 
tipns  ^réitérées  finiront  par  aliéner  m  résultat.  — 
M.  (J'Avezac  lit,  paj-  ^ xtraitç,  unç  lettre  qu'il  a  Jr(<çt^ 
jje  M.  le  ,capi!t§iine  de  fpégate  Vallon,  et  qui  çonJ;iei?t 
des  déta^)â  sjgyi*  la  récente  expjëdiiiof)  militaire  ^pf^ép 
par  le  colonel  du  génie  pinet-Laprade,  gouverneur  dv 
j^énégal,  contre  le  marabout  Sfiaba,  chef  d'un  fapas 
fie  tous  les  brigands  de  la  Sénég/Simbie,  f^etrancb^  §^x^ 
le  Rip  ou  Badibou,  (^'où  il  (dirigeait  4Ç3  inci^irsio^^  ^p 
pillage  inquiétantes  pour  la  sécurité  de  notre  cplppiçl 
^.  Vallon  sigpçde  p^rticuUèreip,ei;it  cette  cirçppsjàpce 
que,  trois  }9Vf^  ?pf es  le  corpfcat  du  30  f^oyembre.  qiii 
^  fait  un  grand  pombre  ^e  victimes,  les  cadayres  de^ 
poirs  avaient  pris  une  teipte  jaune  al?§olumenjt  pareille 
,i  celle  des  Européenj^  restés  $ur  le  champ  de  batailj[<ç. 
—  Le  secrétaire  généi-al  comm.ijiniqi^i^  ^  1^  Société  Iç 
vœu  exprimé  par  Jfi..  Guarmapi  d'être  ^utprisé  |t  fair^ 
tirer*  ^  ^  ^^^'  ^  c^ertaip  nojrii^rp  à'fi^fapflfii^  de 


(71  ) 

sa  carte  itinéraire  ie  Jérasalem  au  M^dg^d  9{p|;$si;f  io- 
nàl  :  cette  aiitorisatioD  est  accordée. 

Lecture  est  donpée  de  la  liste  de^  p^vragg?  pIT^r^ 
—  Par  suitç  de  c§tte  liste,  M.  d'^vez^c  gf^ente  dp  la 
part  de  Tauteur,  M.  Apquetil,  pevjBi;  4es  dçijx  apcipp§ 
académiçiçps  ^e  cç  nom,  un  volupté  intitulé  :  4/^^ 
chasses^  qui  con^iept  d'excellents  chapitres  descrip- 
tifs sur  la  Pirmanie.  —  U»  d'Avezac  reajiet  auss|,  de  1^ 
p^rt  dç  tf .  )e  comte  Upsisel-Killougl),  upe  intérpssi^tf 
brochure  sjff  les  Pyrénées,  dont  Tapte^ir  ^  fait  ppypji 
p^  une  lettre  qpi  est  déposée  sur  Je  burç^u.  — 
M.  Barbie  du  Bocage  fait  la  remi§;p  d'up  trayail  ijci^p^g- 
crit  de  H.  Titus  Coaij,  paîssiQuuaire  aypéricain,  ^ur 
les  phénomènes  vplçaniques  4?  l'ÎJlÇ  Hawaï  ;  Bf.  Cojiç 
soljicitç  i' envoi  çj'un  numéro  4p  Bulletjp  qù  ce  ffi^y^aji 
^ura  été  inséré.  —  U.  Barbie  du  Boc§ige  dépp^e,  gp 
Q\xtf,^9  (le  la  p^JT))  di|  mipjstérp  de^  afjTaires  étrangèj:e^, 
un  méiûoire  dp  Jf .  f-eje^n  sur  une  partie  (je  la  BiJ;|}y- 
nie,  avec  une  carte  qu'il  serait  peut-être  iijtérçssjujt 
de  puWipr.  ftenypi  ppur  ce  trayai),  çoiftnsfç  pQur  Jgpié- 
céclept,  aux  sectiops  ^de  pqbUca|;iop  et  fie  cofi^pf^bilit^. 
—  M.  W^upoir,  à  ^pn  tpuç,  offrç  :  1?  de  la  fi^j:\de  ^.  je 
baron  de  Schrençt,  directeur  des  travaux  topograpbiy 
que§  du  duché  d*Pl4enJ)ourg,  diverses  car);çs  ^e  ^ 
pays  et  de^x  fasçiçi^Çs  ïgli?ttif§  à  )['e;jécutioq  de  |a  carjç 
<}u  duché  ^  r écheUe  de  ^ /5P Oft.Q  ;  i'  de  la  paft  dç  JJ.  le 
capit^ipe  §chppi4eF,  cjief  de  la  section  tppogr^pjjiqije 
du  grand-duché  de  Pade,  un  pjian  des  enyirop^  (jl^ 
Freîbi?rg  et  un  plan  des  envirpp^  de  Ba^t^|;»  toiis  deux 
à  J'écbelle  de  ^/2&00Q,  et  quelques  feuilles  (Je  la  caffe 

du  gïwfhdpçbé  4?  m§  ^  rép^Uç  .40/^0  ogo/-^ 


L. 


(  72  ) 

M.  Jules  Duval  dépose  snr  le  bureau  un  numéro  du 
Journal  des  Débats  où  il  a  rendu  un  compte  sommaire 
de  la  séance  générale  et  du  banquet  de  la  Société. 

Il  est  procédé  à  l'admission  des  candidats  inscrits 
au  tableau  de  présentation.  Sont  admis  comme  mem- 
bres de  la  Société  :  MM.  A.  de  Rivera,  directeur  du 
journal  espagnol  le  Pabellon  wacîOTWï/;  Adolphe  Honeg- 
ger,  consul  de  Bolivie;  Charles  Leiden,  consul  de 
Saxe  ;  Lopez  de  Arosemena  ;  Jacinto  Gutierrez  Coll  ; 
le  comte  de  Roscoât,  consul  de  France  ;  Reille,  capi- 
taine d'état-major;  Reynaud,  vice-amiral;  le  baron 
Seillière  ;  le  baron  René  Servatius  ;  Carteret,  ancien 
conseiller  d'État  ;  de  Lafressange,  ancien  secrétaire 
d'ambassade;  Edmond  Dollfus,  agent  de  change  ;  Paul 
Emault,  ex-ofBcier  d'infanterie  de  marine  ;  Théodore 
Delamarre  ;  Lacaze-Duthiers,  professeur  au  Muséum  ; 
Duhamel,  membre  de  l'Institut  ;  J.  Marcou  ;  Eugène 
Schœlcher,  capitaine  d'artillerie  ;  Madame  la  comtesse 
Dora  d'Istria. 

Sont  inscrits  au  tableau  de  présentation  :  M.  le  co- 
lonel Dubois,  ministre  résident  de  la  république 
d'Haûli,  présenté  par  MM.  Gandido  Bareiro  et  William 
Martin.  —  M.  Lanée,  éditeur  de  cartes,  présenté  par 
MM.  Erhard  et  Maunoir.  —  M.  Vuillemin,  géographe, 
présenté  par  MM.  Erhard  et  Maunoir.  —  M.  Armand 
Landrin,  présenté  par  MM.  de  Quatrefages  et  Edouard 
Gharton.  —  M.  Gaston  de  Selancy,  présenté  par  MM.  de 
Quatrefages  et  Eugène  Gortambert. 

M.  Eugène  Gortambert  donne  lecture  du  Raipport 
dont  il  avait  été  chargé  sur  l'ouvrage  de  M.  Paul  Riant, 
intitulé  :  Expéditions  et  pèlerinages  des  Scandinaves 


('73  ) 

en  Terre-Sainte  aa  temps  des  Croisades.  Ce  rapport 
sera  iuséréau  Bulletin. 

M.  Victor  Guérin  lit  ensuite  un  compte  rendu  déve- 
loppé du  dernier  ouvrage  de  M.  de  Saulcy  sur  son 
€  Voyage  en  Terre-Sainte.  ï^  A  cette  occasion,  M.  Rei- 
naud  signale  le  témoignage  d'un  historien  oriental 
qui  vient  confirmer  un  fait  géographique  recueilli  sur 
place  par  le  voyageur.  M.  de  Saalcy,  dans  la  relation 
de  son  premier  voyage  en  Syrie,  raconte  qu'en  visitant 
le  mont  Garizim,  dans  le  pays  des  Samaritains,  il  vit 
auprès  des  ruines  du  temple  de  Garizim,  d'autres 
ruines  considérables,  et  qu'ayant  demandé  aux  indi- 
gènes qui  l'accompagnaient,  d'où  provenaient  ces 
dernières,  il  lui  fut  répondu  que  c'étaient  celles  d'une 
ancienne  ville  du  nom  de  Louza  ;  comme  aucun  livre 
imprimé  ne  fait  mention  d'une  ville  de  ce  nom  en  cet 
endroit,  plusieurs  savants  soupçonnèrent  que  M.  de 
Saulcy  avait  été  induit  en  erreur.  Dans  sa  seconde 
visite  au  mont  Garizim,  en  186i  (tome  IP  de  la  nou- 
velle relation,  p.  2à6) ,  M.  de  Saulcy  ne  manqua  pas 
de  demander  de  nouveau  quelles  étaient  ces  ruines, 
et  il  lui  fut  fait  la  même  réponse.  Or  une  ville  du  nom 
de  Louza  est  citée,  comme  ayant  existé  jadis  non 
loin  du  temple  de  Garizim,  dans  une  histoire  des 
Samaritains  écrite  en  arabe  par  un  Samaritain  appelé 
Aboul-Fath,  lequel  vivait  vers  le  milieu  du  xiv'  siècle. 
Le  texte  de  cette  histoire  a  été  publié  en  1865,  à 
Gotha,  par  M.  Edouard  Vilmar,  sous  le  titre  de  Abul-- 
Fathi  annales  Samaritani. 

La  séance  est  levée  à  10  heures  et  demie. 


(74) 


Mouvelles  et  fait»  séographlques 


SOCIÉTÉS  DE  GÉOGRAPHIE    ÉTRANGÈRES. 

SCM:uiTÉ   IMPÉRIALE   GÉOGRAPHIQDE   DE   SAINT-P^TERSBOUIiG. 

^'île  de  Ceylaru  —  M  Société  ioGipériale  géographique  de 
Saint-Pétersl^purg  ^  tei|u  je  8  d^ceo^l^re  derpjer  3a  trofsi^^ 

assemblée  générale.  Au  commencement  de  la  séance,  Of.  Bous- 

• .  ..''''       ►      .  '   .  ■         ■•il     .    ■  ' 

chen  a  lu  des  notices  nécrologiques  sur  deux  membres  de  la 
Société,  MIV1.  Arseniew  et  Vtorow,  réceniment  enlevés  à  la 
science.  L'un  et  Tautre  s'étaient  distingués  par  des  travaux 
statistiques  :  M.  Vtorow  était  Tauteur  d*un  '  atlas  ethnogra- 
phique  du  gouvernement  de  Yoronège. 

Au  nombre  des  ouvrages  offerts  à  la  Société,  le  secrétaire, 
M.  le  baron  d'Osten-Sacken,  a  particulièrement  signalé  le 
compte  rendu  des  observations  magnétiques,  astronomiques 
et  météorologiques  faites  par  Fastronome  suédois,  Hansteen, 
p^d9n{  un  voyagi^  de  ce  savant  (}909  la^  Sibérie  orjeptaie  eo 
}^38-lÇ3p;  Touyrage  de  }\.  Tei^eira  4!?  Vasconçellps,  |e  Por- 
tuqaL  et  la  ^îaisoji  de  firagance*^  le  l^anmf  of  hydrology  d|^ 
IVl.  Beardmore:  enfin,  un  mémoire  rédigé  par  le  cplonel 
d*état-major,  Babkow,  qui  présente  le  résumé  historique  des 
travaux  topographiques  exécutés  sur  le  lac  Balkasch;  une 
carte  était  jointe  à  ce  mémoire. 

Le  secrétaire  a  mis  ensuite  sous  les  veux  de  rassemblée 
deux  grandes  cartes  de  Tîle  de  Ceylan,  dont  l'une  (manuscrite) 
représente  les  principaux  traits  de  la  formation  physique  de 
cette  île,  ainsi  que  l'étendue  des  plantations  de  café  et  des 
cocotiers  qui  s'y  trouvent. 

L'autre  carte  est  publiée  en  langue  singhabise  par  une 
société  scientifique  qui  réside  dans  Tile  même.  Cette  carte 


(?5) 

ç'j^t  ,étçodi}  pifrtp'ff.^eiaf ^;;  sijp  U  yégétftfsp  4^  (çejtç  île  gt 

trè,s-çQn^i4ér^,b|jç.  £lç  g'pst  pas  seijlçpeû|t  par  |^  riçljp^p  fj^  ?? 
végéfaijpn  tropf/j^le,  lirais  jencofe  par  la  grf ff^ç  variété  4e  la 
patare  daçs  tef  différentes  paplie^  de  Tîle,  ijijç  Cjeylfin  ,^  un 
|ittra|t  particulier  poj9;r  le  natqraliste.  Ceyiap  est  à  peu  pp^ 
aussi  graD4 .9|?6  rirlaude.  La  plijs  grande  partie  j|e  yt\e  pjré- 
^Qte  i}j^  pays  plat  aij  milieu  duquel  s*élève  qp  m^issif  {^  mon- 
î^gj  dppjt  lç§  plafeffjx  ^'élèvjept  jusgp'^  6000  pieds  au-de^up 

h  MW  ^  '?  W;  k^^^  q^^  '??  P^^^  atfeiçqent  la  |)?ijtjçjff 
4e  700.^  ^  80QO  pie^s.  f.p  yoyagpur  p^u^  .^p  cçitç  papf^rp 
P^ff^prir  dafï?  ijif  ppurt  ,espaç^  4^  te^ps  dfiïéreptgs  ?oi}es  di^ 

gies  avec  la  nature  des  climats  tempérés.  Le  çqcptipr  çst  Ip 
^fv^ml  ffr9,#^  ^e  1^  fpnç  iftf^piearç  de  }7Jç.  Les  pljîptalions 
dj  ^cp  ppbl^  pafpijer  fprpient  pne  fa^ge  ^0^  qi}f  ^'étçp^  |e 
Ippg  de  la  #t^  pcoideptale  de  llle,  ^^eppis  fe  c^p  pppdr^  ju|- 
qii'^  jQf Ip^fftyp.  JPoin^e-de-Çalle,  ^t^^ipp  4^s  |)ateauj  ^  Ppf !|f 
auj  yienpept  4e  Sue^,  §e  trouye  ^u  ipilieu  de  çeç  ^orêt^  ^g  j^j- 
nûeys.  On  n'a  pre|c^çpj?s  eu  ïf^in  d'é|rige(-  4^p9t|eaux  pour 
le  télégraphe  qui  réunit  ce  port  ayeç  po.lppi})Q.  p^  i|p)jji|;ejfir^ 
spjjf  ai^(*^s,  ppi?r  la  plu?  ^j-^dç  parjiç  de  }^  di^fjîpce.  aux 
tfjpn/^  des  palmiers,  ^n  se  4ir|^eapt  dç  polpnoibp  à  jKL^p^^ 
(ancienne  résidence  dep  pois  de  ^Geyjan),  op  entre,  ppn  loip  dp 

cette  d^ï'ffjl^ri?  yj'l®»  ^?"^  *?  ^PffÇ  4^?  p!antatiopf  4.?  ca^j^,  jC|[ui  g^ 
;rouyçpj"à  ^pôo,  300()  çf  mêi^e  ^ÔOq  piet)^  fu-d^ps  4^ 

Une  magnifique  chaussée  cp^(|uit  4p  Kand^  a|i|i  <^^ntre  dii 
mjissif  inpntagneu^  4e  rî(ç.  ^'éjeyfpt  gradije|jçpj^^  jppqu> 


(76) 

Nduwera-Ellia,  où  les  Anglais  ont  établi  un  sanatorium,  sta- 
tion de  repos  pour  les  oflBciers  et  soldats  européens  dont  la 
santé  a  souffert  des  effets  du  climat  tropical.  En  quittant  la 
zone  des  caféiers,  le  voyageur  entre  bientôt  dans  une  région 
très-caractéristique  pour  la  végétation  de  Tîle,  celle  des  plantes 
appartenant  à  la  famille  des  Acanthacées.  Les  genres  Strobi- 
tantbes  et  J^pidagatbes  ont  ici  le  plus  grand  nombre  de  re- 
présentants. Des  fleurs  jaunes,  blanches  et  bleues  ornent  ces 
buissons  à  verdure  foncée  et  remplissent  Tair  de  leur  parfum 
agréable  quoique  très-fort  Toutes  les  plantes  de  cette  famille 
sont  désignées  chez  les  indigènes  par  le  nom  général  de  NelltL 
Une  autre  région  non  moins  caractéristique  est  celle  que  les 
indigènes  appellent  les  patenas;  ce  sont  des  plaines  couvertes 
d'une  herbe  grisâtre  et  dure  (Andropogon  et  Schœnanthus). 
Ces  plaines  occupant  des  espaces  considérables  dans  la  province 
centrale  de  TUe,  se  trouvent  au  niveau  de  la  plupart  des  plan- 
tations de  café. 

A  quatre  lieues  de  Nouveera-Ellia,  à  une  hauteur  de 
5000  pieds,  quelques  chéiifs  bananiers  marquent  la  limite  de 
la  végétation  essentiellement  tropicale.  A  6500  pieds^  le  voya- 
geur européen  aperçoit  avec  plaisir  des  plantes  qui  lui  rap- 
pellent celles  de  son  pays  natal  :  Te  trèfle,  la  stellaire  (Alsine 
média),  le  plantain  (Plantago  sp.)  et  une  Lisymachia  (L.  alàta) 
qui  ressemble  fort  à  la  nôtre. 

Les  deux  premières  plantes  sont  positivement  dVigine  euro- 
péenne. Dans  les  jardins  attenant  aux  habitations  de  Nouwera- 
Ellia,  on  cultive  avec  succ^  les  différents  légumes  européens; 
la  pomme  de  terre  y  est  excellente.  On  en  pourvoit  tous  les 
environs,  Kandy  compris.  On  a  fait  également  des  tentatives 
pour  acclimater  à  Nouwera-Ëllia  nos  arbres  fruitiers,  mais  on 
n'a  pas  réussi.  A  cette  occasion  on  a  observé  un  phé- 
nomène physiologique  assez  intéressant  quoique  tout  à  fait 
naturel.  La  température  des  plaines  élevées  varie  pendant 


(  77  ) 

toute  l'année  de  1*  à  20®  Réaumur.  Il  arrive  toutefois  que 
le  thermomètre  marque  zéro,  cependant  le  froid  n'est  jamais 
aussi  Tlf,  et  surtout  il  n'a  jamais  une  aussi  longue  durée 
qu'en  Europe.  11  en  résulte  que  le  pêcher  et  le  cerisier 
n'ayant  pas  de  repos  pendant  l'hiver,  sont  devenus  semper^ 
virentes;  ils  produisent  continuellement  des  feuilles,  et  cet 
état  de  surexcitation  les  exténue  au  point  qu'ils  ne  sont 
plus  en  état  de  produire  des  fruits  de  la  grosseur  et  de  la  saveur 
Toulues.  Le  cerisier  ne  donne  souvent  même  aucun  fruit, 
quoiqu'il  fleurisse  annuellement.  Le  baron  d'Oslen-Sacken  a 
fait  ensuite  le  récit  de  son  ascension  de  la  montagne  la  plus 
élevée  de  Geyian,  le  Pedro  talla  galla  (1)  (8280  p.  anglais), 
et  il  a  terminé  sa  lecture  par  quelques  observations  ethnogra- 
phiques sur  les  habitants  de  l'île,  leur  condition  actuelle  sous 
la  domination  anglaise  et  leur  genre  de  vie. 

Dans  cette  même  séance  a  été  exposée  une  collection  inté- 
ressante de  minéraux.  Cette  collection,  arrangée  ingénieuse- 
ment par  M.  Andréiew,  présente  un  petit  tableau  fort  complet 
des  richesses  du  règne  minéral  des  bords  du  lac  Ladoga.  U  a 
attiré  l'attention  des  connaisseurs  par  la  beauté  de  quelques- 
uns  des  échantillons  qui  s'y  trouvent.  Dans  une  des  prochaines 
séances  de  la  Société,  M.  Andréiew  se  propose  de  faire  une 
lecture  sur  le  mouvement  industriel  et  commercial  qui  a  pour 
objet  ces  différents  produits  minéraux,  et  qui  se  fait  principa- 
lement entre  le  Ladoga  et  Saint-Pétersbourg. 

{Journal  de  Saint-Pétershourg.  ] 

(1)  Le  pic  d^Âdam,  longtemps  considéré  comme  la  plus  haute  mon- 
tagne de  Ttle,  n*a  qae  7420  pieds. 


(  78  ) 
OUVRAGES  OFFERTS  A  LA  SOCIÉTÉ 

sâÂNGES    DE   JÀNYIER     1^66. 


EUROPE. 
La  Toscane,  album  pittoresque  et  archéologique  publié  diaprés  les 
dessins  recueillis  sous  la  directico  de  S,  Exe.  le  prioce  Anatole 
Demidoff,  en  1852,  par  André  Durand.  IX''  î  et  XI®  livraisons. 

S.  Exe.  LE  PRINCE  Anatole  Dbhidoff. 

Mémorial  du  Dépôt  général  de  In  guerre,  imprimé  par  ordre  du   mi- 

nistre.  Supplément  au  tome  IX  contenant  la  jonction  de«  réseaui 

'    iféodé^iques  de  France  et  d^Àngleterre  et  les  longitudes  comparées 

<fé  Paris  et  Greenwich.  Paris,  1865.  I  vol.  la-l^. 

\>Ép6r  GBMèaAL  OK  LA  (iitîkU. 

Die  Adamello-Presanellil-Alpeb  iiach  den  forscKun^en  und  AâfnaB- 
méntoii  Jdlius  Payer.  Gotha,  1865. 1  broch.  in-4<»  avec  cartel. 

DOGTEUaA.  PETBiiiAttM. 

Les  Pyrénées,  les  ascensions  et  la  philosophie  de  reièrcice  par  le 
comte  Henri  Russell-KiUough.  Pau,  1865.  1  broch«  in-8^. 

M.  LE  cuHTE  Henri  RosSELL-KiLLOoaB. 

Sur  lés  origines  hongroises  à  Toccasion  d'un  travail  de  M.  H.  van  der 
HoBven.  jiar  M.  Pruner-Bey.  Paris,  1065.  i  broch.  in-8°. 

.1  •;.  » 

M.  LE    DOCTEUR    PRUNER-BeY. 

Observations  inétéorologiques  faites  a  Nijné-tâguilsk.  Année  1864. 
Paris,  1865. 1  bèbch.  grand  in-8<'. 

ASIE. 

Le  livre  de  Sildrcd  Polo,  citoyen  de  Venise,  conseiller  privé  et  com- 
missaire impérial  de  Koubilaï-KhaAn  ;  rédigé  eu  français  sous  sa 
dictée  en  1298,  par  Rusticieu  de  Pisé  ;  publié  pour  la  première  fois 
d*après  trois  manuscrits  inédits  de  la  Bibliothèque  impériale  de 
Paris,  par  M.  6.  Pauthier.  Paris,  1865.  2  vol.  grand  in-8°. 

Mm.  Firmin  Didot. 

Mes  Chasses,  — une  Chasse  au  tigre  en  Birmanie,  —  le  cheval  Birman, 
—  la  Chasse  aux  flambeaux,  par  A.  Thomas-Anquetil.  Paris^  1866. 
1  vol.  in-18*  M.  A.  Thomas-Anqubtu.. 


[ 


(  79) 

AMÉRIQUE. 
La    Galiforoie,    histoire,  orgaaisatioo  politique   et  administrative, 
législation,  description  physique  et  géographique,  agriculture,  in- 
dustrie, commerce,  par  Ernest  Frignet.  Paris,  1866.  1  vol.  in-S**. 

M.  Ermbst  Fbignbt. 

OUVRAGES  GÉNÉRAUX.  MÉLANGES. 

Géographie  physique  A  Tusage  de  la  jeunesse  et  des  gens  du  monde, 

traduit  de  l'anglais  par  MM.  Zurcher  et  MargoIIé.  Paris.  1  vol. 

in-18.  MM.  ZoBpHEft  bt  Mabgollé. 

Étude  sar  la  fabrication  et  la  pose  des  câbles  électriques  sous-marins, 

par  M.  F.  L.  Roux,  capital  ne  de  frégate.  Paris,  1865^1  brdch.in-8^. 

M.    ARTHDS-BBRTaANO. 

SarPetras  Adsigerius  et  les  plus  anciennes  observations  de  la  déclinaison 
de  l'aiguiile  aimantée,  par  W.  Wenckebach,  traduit  do  hollandais, 
par  T.  Hooiberg.  Rome,  1865.  i  broch.  in-4*. 

M.  LE    PaiNGE  BALTfiAZAB  BOMCOMFAeNI. 

4 

Cours  d*hindou8tani  à  l'école  impériale  et  spéciale  des  langues  orien- 
tales vivantes.  Discours  d'ouverture  du  4  décembre  1865.  i  bh)ch. 
in-8.  Paris.  M.  OàrcIn  de  Tassy. 

Liste  des  arbres,  arbrisseaux  et  arbustes  d'ornement  réunis  cheÈ 

M.  Poulain  de  Bossay  à  la  Remonière,  commune  d*Arrou  (Eure- 

,  et -Loir).  Chartres,  1865.  1  broch.  in-S".       M.  Poulain  de  Bossa  v. 

Tableaux  de  population,  de  cuUiire,  de  commerce  et  de  navigation 
formant  pour  Tannée  1 863,  la  suite  des  tableaux  insérés  dans  lél 
notes  statistiques  sur  les  colonies  francaiscB.  Paris,  1865.  1  vol. 
iu-8^.  MuiiSTâBB  DB  LA  MasinB  et  des  Colonies. 

Études  sur  le  bassin  considéré  dans  les  différentes  races  humaines, 
par  M.  Pruner-Bey.  Paris,  1865. 1  broch.  in-8°. 

M.  LE  docteur  Pruner-Bet. 

Observations  sur  la  pression  et  la  température  de  Tair  dans  Pintérieur 

de  quelques  mines,   par  M.  L.  Simonin.  Paris,  1865.  1  feuille 

grand  in-8**.  M.  L.  Simonin. 

ATLAS  ET  CARTES. 

Topograpbische  Karte  der  Schweiz  vermessen  und  herausgegeben  auf 

Befehl  der  eidgenossischen  Behôrden,  unter  der  Aufsicht  des  Geoe- 

rais  6.  H.  Dufour.  MaassUb  der  Karte   1/100»000®.  1833-1863. 

2i  feuilles.  M.  le  Conseiller  Fornerod. 


(80) 

Atlas  de  los  estados  uoidosde  Colombia  aatigaa  Nuefa  Granada  que 
comprende  las  carias  jeograficas  de  los  estados  en  qae  esta  dmdida 
la  repablica  coùstraidas  deordeodel  goblerno  jeaeral  con  arregio 
a  los  trabigos  corograficos  del  Jeneral  A.  Godazzi  i  a  otros  docn- 
mentos  offteiales,.por  Manuel  Ponce  de  Léon  i  Manuel  Maria  Paz. 
Paris,  1865.  i  vol.  grand  in-f*.  M.  Manuel  Ponge. 

Carta  jeografica  de  los  estados  unidos  de  Colombia  Nueva  Granada 
constmida  de  ôrden  del  gobiemo  jeneral  con  arregio  a  los  trabajos 
corograficos  del  jeneral  A.  Godazzi  i  a  otros  documentos  oficialea, 
par  Manuel  Ponce  de  Léon  i  Manuel  Maria  Paz.  Bogota,  1864. 
Paris,  1865.  4  feuilles.  M.  Manuel  Ponce. 

Carte  physique  et  politique  de  TEurope  avec  Tindication  des  chemins 
de  fer  et  des  Toies  de  communication  maritimes.  Grosselin,  éditeur. 
Paris,  1866. 1  feuille.  M.  Geosselin. 

Le  mont  Athos  et  Tlle  de  Thasos  pour  servir  à  Tintelligence  des  rap- 

*.  poris  de  M.  E.Miller,  par  V.  A.  Malte-Brun.  Paris,  1865. 1  feuille. 

M.  V.  A.  Malte-Brum. 

Le  Mont-Blanc  accompagnant  Titinéraire  de  la  Suisse,  par  Adolphe 
Joanne.  Paris,  i  feuille.  M.  EanARn. 

Globe  métrique.  Grosselin.  Paris,  1865.  M.  Grosselim. 

Topographîsche  Karte  des  Herzogthums  Oldenborg,  im  Maasstabe, 
M/50000  ini4  Blattern  voo  Albert  Philibert  Freiherrn  von  Schrenck. 
1856-1863.  feuilles,  I,  H,  VIII,  XII,  XIII  et  XIV . 

Karte  von  dem  Herzogthume  Oldenburg,  von  A.  P.  Freiherrn  von 
Schrenck.  1856.  1  feuille.  M.  de  Schbenck. 

Topographische  Karte  ttber  das  Grossherzogthum  Baden  nach  der 
altgemeinen  Landesvermessung  des  Grossberzoglichen  militairisch 
topographischen  Bureaas.  feuilles,  16,  20,  23  et  24. 

Topographische  Karte  der  Umgebung  von  Rastatt.  Maasstab  1/25000. 
feuilles  1  à  4. 

Topographische  Karte  der  Umgebung  von  Freiburg.  Maasstab.  1/2500O 
feuilles  1  à  4.  M.  le  cAPiTAraE  Schneider. 

Carte  statistique  de  T instruction  primaire  en  France  à  T usage  des 
écoles  et  des  bibliothèques  scolaires,  par  J.  Manier.  Paris,  '1865. 
1  feuille.  M.  J.  Maniêi. 


Paris,  *-  Imprimerie  de  fi.  Martinkt,  rue  Mignoni  2. 


BULLETIN 

1>E   LA 


SOCIÉTÉ  DE  GÉOGRAPHIE 


FÉYBIEB-MARS   186Ô. 


Héniolres,  Motlees,  ete. 


ESSAI   SUR    LE   GHILAN 


PAR  M.  E.  GUILLINY 


Placé  en  dehors  des  routes  qui  conduisent  à  la 
capitale  et  ne  possédant  aucune  de  ces  ruines  qui  atti- 
rent les  voyageurs,  le  Ghilan  est  resté  jusqu'à  ce  jour 
presque  inconnu  à  TEurope  savante,  quoique,  depuis 
quelques  années ,  des  maisons  gréco-anglaises  s'y 
Éoient  établies  pour  faire  le  commerce  des  soies. 

Entouré  au  midi  d'une  chaîne  de  hautes  montagnes 
et  situé  à  une  grande  profondeur  au-dessous  du  niveau 
des  terrains  environnants,  échappant  par  conséquent  à 
l'action  des  grands  courants  chargés  de  purifier  l'at- 
mosphère, chauffé  par  les  rayons  d'un  soleil  ardent, 
constamment  humecté  par  les  vapeurs  qui  s'élèvent 
du  sein  de  la  Caspienne,  et  inondé  d'eaux  croupissan- 

XI.    FÉVRIER-MARS.  1.  6 


^ 


(82) 

tes  dans  quelques  parties,  le  Ghilan  est  une  contrée 
d'une  fécondité  admirable,  mais  un  séjour  malsain, 
non-seulement  pour  TEiuropéen ,  mais  encore  pour 
l'Asiatique.  C'est  un  pays  plat  ^  formé  d'une  terre 
ndrct  cMipactft  et  mëlte  de  sàMft.  Ses  t>at'ti«a  tmases 
sont  couvertes  de  marais,  dont  un,  celui  d'Enzeli,  a 
a»  è  ^  kilomètres  de  largeur,  du  nord  au  sud,  et 
60  à  60  de  longuedr  de  fest  è  f0Qm,.  Près  du  village 
d'Enzeli,  il  sert  de  port  et  peut  recevoir  lea  petita  na« 
vires  qui  naviguent  sur  la  Caspienne.  Le  Ghilan,  dont 
le  nom  est  lrès-sîg!llfièatrf  et  téut  dite  terre  glaise^ 
boue,  est  en  effet  un  terrain  fort  bas,  bordé  tout  le 
long  de  la  mer  par  un  banc  de  sable  qui  s'étend  à  5  ou 
600  mètres  sous  l'eau.  Près  d'Enzeli,  on  trouva  une 
côte  él^ée  de  quelques  toises,  pouvant  mettre  les 
navires  à  Tabri  des  vents  du  lai^e  i  à  quelque  distance 
à  l'ouest  de  cette  ville,  la  côte  forme  une  petite  dune 
où  croissent  quelques  arbustes  et  quelques  plantes 
sauvages.  Mais  excepté  sur  ce  point, le  rivage  est  à  p^ne 
au-dessus  du  niveau  de  la  mer»  dont  les  eaux  agitées 
par  un  bouillonnement  continuel  viennent  clapoter  sur 
le  sable. 

Une  multitude  de  ruisseaux,  quelques  rivières  et  le 
Sefid-Roud  (fleuve  blanc)  ou  Kizil-Ouzen  (fleuve  rouge), 
cours  d'eau  torrentueux  qui  descend  du  Kurdestan, 
coupent  le  rivage  d'un  nombre  infini  d'estuaires^  dont 
les  graviers  mouvants  offrent  des  difficultés  aux  voya- 
geurs. 

Les  parties  les  plus  basses  du  Ghilan  paraissent 
être  de  création  récente  :  elles  ont  dû  être  formées  par  les 
alluvions  que  le  Sefid-Roud  y  a  déposées,  et»  comme 


(83) 

la  direction  primitîire  du  lente  ftalt  à  rcorienl,  oelle 
partie  est  pliis  complëte  que  f  aiktre^  et  k  maraiai  qiii 
reste  encore  de  ce  côté  n'est  mn^  cmpairë  à  oehii 
d'Enzeli. 

La  profondeur  du  terrain  gbibiiala  est  mcAn»  wppttf- 
rente  quand  on  arrive  par  la  rebute  de  poste  qui  débou- 
che à  Keuduin»  parce  qu'elle  coupe  la  ohaine  de  TSl^ 
broul  obliquement  de  l'est  à  roueet,  et  qu'elle  fait  de 
nombreux  détours;  mais  elle  esl  Irëe^ppapaa^te ^uaad 
on  remonte  par  Kergané^Aoud»  Agha^irdiler  ei  Arde-' 
bil,  d'autant  mieux  que  celle  partie  de  rAderbidjan 
est  plus  élevée  que  les  plaia»es  de  Taurisi  J'ai  tnis  deux 
jours  pour  monter  du  rivage  de^la  Gaâpienne  à  Neochar, 
hamea»  bâti  à  peu  de  distance  de  la  sortie  des  ttont»-- 
gnes  ;  c'était  en  novembre  ;  dans  les  basses  terre»,  les 
enfants  Jouaient  presque  nua«  le  tempe  était  dtôeienx; 
sur  les  bauteurs,  les  babitante  porlsôent  dea  fourrure», 
un  vent  violent,  écorehait  iine  terre  durcie^  dépourvue 
de  végétation  ;  c'était  partout  la  tristesse  de  Tbiver, 
dans  un  pays  sauvage,^  presque  inhabitée 

La  chaîne  de  montagnes  qui  eaoïtoore  le  Gbilan  est 
une  continuation  de  l'Elbrouz^  qm  rattache  la  cbafeàe 
du  Caucase  à  celle  de  VHindou-kho.  Dans  la  partie 
que  j'ai  traversée^  de  Gazvin  à  Recht,  cette  chaîne  à 
&0  ou  âO  kilomètres  e^viroQ  de  large«ir.  La  partie  qui 
regarde  l' Aderbidjan  et  l'Irac-Adjeiiû  esA  stérile,  tandis 
que  celle  qui  avcNisine  le  Ghilan  est  eouvevte  d^arbres 
de  haute  futaie,  dont  la  verdut e  vigoureuse  contraste 
étrangement  avec  les  contrées  aridee  q;u'oD  vient  de 
traverser. 

L'aspect  du  Ghilan^.  vu  dee  hantaurs^  est.  àtiiimta; 


(84) 

la  plaine  qui  unit  Recht  à  Lahidjan  apparaît  comme 
un  océan  de  verdure.  Les  champs  semés  de  riz  sont, 
en  outre,  couverts  d'arbres  de  toute  sorte,  de  mûriers, 
de  figuiers,  de  pêchers,  de  poiriers,  d'orangers,  de 
rosiers.  Près  des  habitations,  des  hêtres  élancés  sou- 
tiennent d'énormes  vignes,  dont  les  rameaux  sauvages, 
retombant  en  festons  gracieux,  couvrent  presque  en- 
tièrement l'arbre  qui  leur  sert  d'appui.  Dans  les  par- 
ties basses  et  inondées,  les  acacias  épineux  forment 
des  fonds  parés,  au  printemps,  de  belles  grappes  de 
fleurs  rouges  et  blanches. 

Le  Ghilan  forme  un  demi-cercle  irrégulier  dont  les 
montagnes  sont  l'arc,  et  dont  la  Caspienne  est  la  corde. 
La  plus  grande  irrégularité  est  vers  l'orient.  Sa  pro- 
fondeur est  d'environ  80  kilomètres,  si  on  la  mesure 
par  une  ligne  qui,  partant  de  Keudum,  village  placé 
au  débouché  des  montagnes,et  passant  par  Recht,  abou- 
tirait à  Enzeli,  sur  la  Caspienne.  Sa  longueur  mesurée 
entre  le  Ténékaboun,  à  l'orient,  et  Kerganeroud,  à 
l'occident,  est  d'environ  200  kilomètres. 

Les  principales  productions  sont  le  riz  et  la  soie.  Le 
riz  bouilli  remplace,  pour  le  Ghilanien,  le  pain,  que  les 
préjugés  ou  l'hygiène  bannissent  de  son  alimentation. 
L'exportation  de  la  soie  est  d'environ  15  millions  de 
francs  par  an,  pour  l'occident  de  l'Europe,  sans  comp- 
ter ce  qui  est  acheté  par  les  industriels  de  Moscou.  Le 
pays  fournit  aussi  à  l'exportation  des  citrons  et  des 
poissons  salés.  Il  possède  des  moutons,  des  bœufs  et 
des  chevaux.  Les  moutons  sont  de  cette  race  à  large 
queue,  répandue  dans  toute  l'Asie  et  sur  les  côtes  de 
l'Afrique  ;  mais  ou  y  trouve  aussi  notre  race  euro- 


(85) 

péenne.  Les  bœufs  sont  de  petite  taille  ;  ils  sont  remar- 
quables par  une  loupe  qu'ils  portent  sur  le  ga^rrot,  et 
qu'on  retrouve  chez  une  race  de  bœufs  indiens  ;  mais, 
ici,  le  croisement  avec  la  race  tatare  tend  à  faire  dis- 
paraître ce  signe  distinctif  d'origine.  Ces  animaux  sont 
vifs  et  alertes,  et  leur  démarche  est  beaucoup  plus 
rapide  que  celle  de  leurs  congénères  européens.  On  les 
utilise  comme  bêtes  de  charge.  Les  chevaux  du  Ghilan 
sont  de  race  commune,  mais  très-étoflFés  et  très-vigou- 
reux. 

Les  basses-cours  sont  peuplées  de  poules  et  de  ca- 
nards, qui  se  vendent  à  très-bas  prix,  et,  pendant  l'hi- 
ver, qui  est  très-doux,  des  multitudes  d'oiseaux  aqua- 
tiques viennent  chercher  un  refuge  dans  les  marais. 
Les  pélicans  et  les  cygnes  y  sont  si  nombreux  que,  par 
instants,  l'eau  semble  couverte  d'une  immense  nappe 
d'un  blanc  éclatant.  On  m'a  assuré  que  les  canards 
présentent  des  variétés  inconnues  à  l'Europe,  entre 
autres,  une  race  naine  dont  la  taille  est  celle  de  la 
grive.  On  trouve  aussi  des  bécasses,  des  bécassines  et 
des  faisans.  Pendant  l'hiver,  quelques  personnes  se 
donnaient  le  plaisir  de  chasser  aux  flambeaux,  et  ces 
sortes  de  chasses  sont  très-productives. 

Les  forêts  recèlent  des  fouines,  des  martes,  des  cha- 
cals, des  sangliers,  des  loups  et  des  ours,  on  dit  même 
des  panthères  et  des  tigres.  M.  le  docteur  Haentschie, 
médecin  allemand,  établi  à  Recht  depuis  plusieurs 
années,  m'a  assuré  qu'avant  mon  arrivée  il  y  avait  au 
consulat  de  Russie  une  panthère  apprivoisée.  Quant  au 
tigre  ,  appelé  en  persan  babr ,  plusieurs  m'en  ont 
parlé,  mais  je  n'en  ai  point  vu;  seulement,  sur  la  route, 


(86) 

UBe  ieia  j'jd  remarqué  une  peau  qH'tm  arait  mise  & 
Ifeniper  dans  nae  rnière,  «Ite  m'a  pam  êti^e  celle  iFnn 
léopard  oa  d'une  pantliènB, 

Ob  fetrouvtt  dans  ie  pays  la  plupart  des  insectes 
i»  rSumpe^  moins  lapunsàse  :  on  dupp<»e  que  l'excès 
d'huniidké  l'a  fait  périr. 

Los  cooss  d'mi,  ha  manais  et  là  Caspienne  four- 

OMilliBit  do  poèsBons,  dont  quelques  variétés  sont,  à  ce 

qi&'oil  prétand,  eioditoEites.  det  aRnsent  passant  à  tort 

ou  à  raison  pour  fiévreux,  je  n'en  ai  point  fait  usage. 

Oa  aasore  que  plaaienrs  de  oes  animaux  atteignent  de 

grandes  proportions  et  sont  d^i^ienx  pour  f  homme, 

qim  la  rade  d'Bnseli  est  fréquentée  par  les  monstres  de 

la  mar ,  qnlk  ;  hotA  attirés  par  les  carcasses  d'animaux 

ttorts  qu'on  y  jette  ou  que  les  courants  y  appottent, 

ot  qiae  des  baigneurs  imprudents  ont  été  dévorés.  M.  le 

doetenr  Ebenstcfaie,  qm  j'ai  reeonnu  comme  un  homme 

sincère,  m'a  reconmiandé  de  prendre  des  précautions, 

quand  j'anraiB  à  traveraerles  grands  cours  d'eau  à  leur 

evcilioïKGhiiie^Il  est  certain  que  les  pêcheries  du  Ghilan 

établies  à  l'emboiifêfanre  du  Sefid^toud  et  de  quelque 

antre  oonrs  d'eau  important,  sont  très-productÎTes. 

Elles  sont  exploitées  par  des  pêcheurs  russes,  qui  salent 

et  sèchent  les  poiesoa^  et  font  un  caviar  qui  s*expédie 

jusqu'à  Conetantinople. 

One  humidité  constante  est  ce  qu^il  y  a  de  plus 
caractéristique  dans  le  climat  du  Ghilan.  Pendant  Tété, 
au  mois  de  juillet,  au  moment  d'une  forte  ploie,  da 
linge  placé  sur  une  chaise,  dans  une  chambre  bien 
fermée,  s'est  trouvé  le  matin  trempé  comme  s'il  eût 
été  exposé  à  la  rosée,  il  fallut  ie  faire  sécher  au  feu 


.j 


(87) 

avant  de  s'en  servir.  Dans  cette  saison»  quoique  U 
chaleur  ne  soit  point  trop  considérable,  elle  deviei 
extraordinairement  fatigante  ht  caus^  de  l'huaudité 
excessive  et  chaude  de  l'atmosphère];  l'air  extérieur 
}*esse(nble  à  c^Jui  d'une  étuve»  il  prQVoqui^  le»  Wiurs 
continuelles ,  quelquefois  acres ,  3ulvia9  de  iâgàr^ 
éruptions  cutanées ,  et  produit  uq  ^ajaseiweat  4u 
système  peryew. 

L'hiver  est  très-doux,  'H  e^  ^ssi  agréabte  que  Vèbè 
jçst  péwble.  A  partir  du  mois  de  décembre  jusqu'en 
iQ^^  les  mont^^es  se  couvrent  de  neig^  ;  ua  veat 
c})^ud  qpk  souffle  duas  les  pUioe»  vi^t  ^iédk  w» 
2^t»)osphère  déjà,  trëg-doupe^  et  qui  pmwt  9m  of^- 
gçrs  et  aux  citroxunierd  de  vivee  eu  pleiœ  terx^ 

L^8  uuladj^s  ^ues  )e«  |dD3  fréquei)te3  ^m%  1«$ 
fièvres,  qui  paraissent  surtout  ^  m^a  et  à  la  fia  de 
l'étéf  les  maladies  d'x)reil]^s,  le  (^tarrhe  des  yeux,  du 
£Qsier  pt  dçs  hron^bed,  et  certaiu^9  w^^^P■^  cutaoé^^ 
qui  j:evèteu|;  quelquefois  de$  fRrme»  épidéo^qu^ 
X44  dy33eaterie  ^  <nppti^  peodwt  }e9  fortes  cbaLeunsi, 
et  Ton  voit  ;^ogvent  j^paraltre  l'angine  fibreuse  ft  Je 

Lft  iièyre  est  surtout  liilieuse»  quelquefois  elle  pr4^- 
duiJ;  le  lét^os*  Ou  la  traite  par  les  vomitilS)  le  sel 
anglais  k  haut^  dose  (à  onces),  et,  plus  tard^  avec  la 
quinine  dounée  également  en  grande  quantité  ;  mais, 
malgj?é  cette  médication  héroïque,  il  arrive  quelque- 
fois que  la  fièvre  persiste. 

Les  m^a(jjes  chroniques  les  plus  fréquentes  sont  les 
rbwaâ'tiduies^  les  hypertropbies  du  foie«  de  la  rate  et 
du  cœur,  les  gastralgies  et  les  hydropisies,  suites  ordi- 
naires des  fièvres. 


(88) 

Les  vers  intestinaux,  y  compris  le  taenia,  y  sont 
tellement  fréquents,  qu'à  moins  d'indication  contraire, 
on  commence  toujours  par  donner  de  la  santoline  aux 
malades  avant  tout  autre  traitement. 

Habitants.  —  On  prétend  que  le  Ghilan  possédait 
une  population  aborigène,  parlant  le  pehlvi  ou  persan 
des  époques  antérieures  à  l'islamisme,  mais  que,  en 
1822,  la  peste  ayant  emporté  la  population  entière  de 
Recht,  cette  ville  et  ses  environs  ont  été  repeuplés  par 
des  colonies  arrivées  des  divers  points  de  la  Perse  et 
que  les  débris  de  la  race  primitive  se  trouvent  au  Téné- 
kaboun,  frontière  du  Mazendéran.  Gomme  j'ai  pu  le  voir 
moi-môme  dans  un  voyage  que  j'ai  fait  dans  ce  Can- 
ton, cette  race  a  la  taille  svelte,  le  visage  régulier, 
le  galbe  grec,  la  physionomie  fine  et  intelligente,  les 
extrémités  petites  et  le  tempérament  nerveux. 

Mais  on  peut  ajouter  que  ce  type  est  celui  de  la 
race  persane,  et  qu'on  le  retrouve  dans  toutes  les 
provinces,  surtout  dans  celles  où  les  invasions  tatares 
€t  mogoles  ont  le  moins  laissé  de  trace,  comme  dans 
le  Fars,  l'Irac  Ademi,  où  Ton  ne  parle  que  la  langue 
persane.  Dans  l'Aderbidjan  (pays  des  adorateurs  du 
feu),'ancienne  Médie  Atropatène,  où  se  sont  établis,  en 
grand  nombre,  des  Turcs  ottomans,  des  Turcs  orien- 
taux et  des  Mogols,  la  race  persane  a  beaucoup  perdu 
de  son  caractère;  la  langue  persane,  même  tout  en 
continuant  d'être  la  langue  écrite,  a  cessé  d'être  la  lan- 
gue parlée,  c'est  le  turc  tatar  qui  l'a  remplacée. 

Le  Ghilan,  en  se  repeuplant,  a  dû  emprunter  des 
colons  à  l'Aderbidjan,  comme  aux  autres  provinces^ 


(89) 

mais  l'élément  tatare  ne  put  former  qu'un  faible  ap- 
point, puisque  la  langue  turque  n'est  pas  parlée  dans 
le  gouvernement  de  Recht,  qu'elle  n'y  est  pas  même 
comprise. 

Mais  à  l'extrémité  occidentale  du  Ghilan,  dans  le 
Thalidj,  pays  moins  riche  et  plus  sain,  on  rencontre 
une  race  particulière,  qui  diffère  beaucoup  de  la  race 
persane.  Elle  a  des  formes  moins  sveltes,  plus  arron- 
dies, sans  cependant  être  empâtées,  le  visage  est  plus 
court,  plus  plein,  la  peau  est  blanche,  le  teint  est 
coloré,  les  dents  sont  magnifiques,  les  cheveux  noirs 
beaux  et  bien  fournis  ;  les  yeux,  noirs  aussi,  sont  grands, 
bien  fendus  et  pleins  d'expression.  L'ensemble  de  la 
conformation  indique  la  santé,  la  force,  l'audace  et 
rintelligence. 

Dans  ce  canton,  on  parle  le  turc,  mais  on  connaît 
aussi  le  persan,  c'est  du  moins  ce  qu'on  m'a  assuré, 
j'y  ai  été  bien  accueilli  malgré  ma  qualité  d'étranger, 
de  frengui  infidèle. 

Les  populations  ghilanaises  ont  un  aspect  souffre- 
teux qui  fait  peine  à  voir,  leur  teint  est  jaune,  les 
classes  inférieures  surtout  sont  maladives;  les  fruits 
verts  et  les  poissons  salés,  dont  elles  font  abus,  nuisent 
beaucoup  à  leur  santé. 

Les  Ghilanais  sont  généralement  faibles  et  lâches, 
très-superstitieux  et  complètement  dominés  par  leur 
clergé.  Les  habitants  de  Recht  se  distinguent  par  leur 
fanatisme,  et  par  leur  mauvais  vouloir  envers  les  étran- 
gers. Les  villageois  sont  moins  intolérants.  Les  bergers 
qui  habitent  les  montagnes  sont  plus  forts,  plus  vigou- 
reux que  les  habitants  de  la  plaine,  les  luttes  avec  les 


(90) 

bétes  féroces  les  enhardissent  et  les  rendent  bons 
tireurs.  Si  le  pays  ét^it  envahi,  les  population^  monta- 
gnardes seraient  ses  seuls  défenseurs. 

La  langue  du  Ghilan  a  moins  changé  qu'on  le  pré- 
tend :  elle  diffère,  par  son  archaïsme  de  la  langue  parlée 
à  Téhéran,  et  elle  possède  une  riche  littérature;  c'est 
un  dialecte  persan,  mais  non  un  patois. 

Le  vêtement  du  bas  peuple  se  compose  d'une  espèce 
de  bourgeron  bleu  très-court,  d'un  large  pantalon  en 
toile  bleue  attaché  à  la  ceinture  par  un  cordon.  Sa 
coiffure  ordinaire  est  une  calotte  en  feutre  non  teint, 
semblable  à  celles  qu'on  voit  sur  les  bas-reliefe  de 
Persépolis.  Les  jours  de  fête,  on  met  des  bonneta  de 
peau  d'agneau  noirs  ou  gris,  des  tuniques  de  cotQH- 
nade  bleue,  d'indienne  ou  de  drap.  Les  riches  met- 
tent des  chemises  et  des  caleçons  de  soie,  des  panta- 
lons de  drap  ou  de  soie;  une  première  tunique  de  même 
étoffe  remplace  notre  gilet,  une  seconde  tunique  en 
drap  ou  eji  étoffe  légère,  et  un  grand  manteau  à  man- 
ches de  même  étoffe  que  la  tunique  complètent  }'habil«- 
lement,  qui  drape  bien  Thomme  et  s'harmonie  bien 
avec  la  coiffure  en  peau  d'agneau.  Un  article  iinpor- 
tant  aussi,  c'est  la  ceinture  ;  les  domestiques  portent 
un  ceinturon  à  plaque ,  le  peuple   une   ceinture  en 
mousseline^  les  riches  des  ceintures  en  châles  de  ca- 
chemire, quelquefois  très-coûteux.  Les  bonnets  en  pew 
d'agneau  sont  portés  par  la  généralité  des  populations, 
il  n'y  a  guère  que  les  mollahs  qui  aient  conservé  te 
turban.  Les  bonnets  les  plus  riches  sont  faits  avec  des 
peaux  d'agnedu  apportées  de  Boukhara,  il  en  est  da 
fort  chers,  on  m'en  a  montré  un  qui  avait  coûté  161  fr. 


(91) 

H  était  composé  de  petits  morceaux  de  peau  cousus 
et  arrangés  de  manière  à  produite  un  effet  comparable 
à  celui  du  plaqué  dans  les  meubles,  on  aurait  dit  une 
suite  de  rosaces,  d*un  fort  jofi  effet.  Il  y  a  aussi  des 
bonnets  de  15  et  même  de  8  francs. 

La  chaussure  est  une  sorte  de  mules  en  bois  garnie 
en  peau  de  chèvre  Tert  tendre  ;  elle  est  commune  aux 
deux  sexes  et  d'un  usage  fort  incommode. 

L'hkbïïiement  des  femmes  n'est  rien  moins  que  dé- 
cent; il  consiste  en  une  chemise  de  soie  ou  d€  coton, 
qui  descend  à  peine  à  la  ceinture,  en  une  veste  de 
même  longueur  et  en  un  ou  plusieurs  jupons  attachés 
fort  bas  sur  les  hanches.  Le  ventre,  enjolivé  de  tatoua- 
ges, et  les  reins  restent  nus. 

Le  jupon  arrive  à  peine  à  mi-jambe.  Les  femmes 
élégantes,  pour  remplacer  la  crinoline  et  les  cerceaux 
qtf  elles  ne  connaissent  pas  encore,  mettent  sept  à  huit 
jupons  Tun  sur  Tautre.  Quand  elles  sortent  en  ville, 
elles  mettent  par-dessus  leurs  jupons  d'immenses  pan- 
talons en  coton  ou  en  soie,  et  elles  s'enveloppent  des 
pieds  h  la  tête  d'une  grande  pièce  de  coton  ou  de  soie 
bleue  et  se  couvrent  le  visage  d'un  morceau  de  calicot 
blanc,  percé  de  plusieurs  petits  trous.  Les  femmes 
riches  se  couvrent  de  bijoux  et  de  diamants,  les  pau- 
vres s'estiment  heureuses  quand  elles  ont  pu  coudre 
quelques  pièces  d^or  à  leur  coiffure,  et  leur  bonnet 
renferme  ainsi  toute  la  richesse  de  la  famille. 

Les  Ghilanais,  comme  tous  les  Persans,  sont  intelli- 
gents, enthousiastes,  passionnés,  ils  ont  une  grande 
aptitude  pour  la  poésie,  la  musique  et  la  peinture  ; 
seulement,  faute  d'étude,  les  qualités  restent  toujours  à 


(92) 

l'état  de  brillantes  promesses.  Leurs  peintures  n'ont 
d'autre  mérite  qu'une  certaine  entente  du  coloris,  il 
n'est  tenu  compte  ni  de  la  forme  ni  des  proportions,  ni 
de  la  perspective,  le  dessin  est  tout  à  fait  incorrect  ; 
mais  le  coloris  semble  tout  vivifier.  J'ai  vu. des  pla- 
fonds assez  gracieux,  on  y  avait  peint  des  fleurs,  des 
fruits  et  des  femmes,  les  unes  nues,  les  autres  vêtues 
à  la  grecque.  Les  artistes  persans  affectionnent  les 
chasses  fantastiques,  où  l'on  voit  des  princes  et  des 
rois  coupant  d'un  seul  coup  de  sabre  la  tête  d'un  lion 
ou  d'un  ours. 

La  Perse  abonde  en  poètes  et  en  improvisateurs  qui 
rappellent  sous  certains  rapports  nos  anciens  trouvères, 
dont  ils  ont  la  grâce,  mais  non  la  sobriété.  Les  Persans 
aiment  beaucoup  les  réunions,  où  ils  s'enivrent  de  thé, 
de  vin  et  de  rhum,  pendant  qu'un  ménestrel  indigène 
relate,  en  s' accompagnant  de  la  guitare,  les  actions  des 
héros  perses  de  l'époque  mythologique,  ou  bien  se  livre  à 
des  chants  anacréon  tiques  que  le  poète  de  Téos  ne  désa- 
vouerait pas.  Un  des  défauts  les  plus  repoussants  des 
Persans,  et  ils  en  ont  beaucoup,  c'est  l'ivrognerie.  Ils 
boivent  pour  s'enivrer,  et  leur  ivresse  arrive  toujours 
à  ce  dernier  degré  où  l'homme  n'est  plus  qu'un  objet  de 
dégoût  pour  ceux  qui  l'environnent.  Us  ne  rougissent 
point  de  leurs  excès,  et,  en  sophistes  qu'ils  sont,  ils 
prétendent  qu'il  n'y  pas  plus  de  péché  dans  un  ton- 
neau que  dans  un  verre  de  vin . 

Les  Persans  ont  un  théâtre,  ce  que  les  Turcs  n'ont 
pas  ;  seulement,  ils  y  jouent  une  pièce  unique,  toujours 
la  même,  qui  revient  toutes  les  années,  c'est  la  mort 
d'Hussein,  fils  d'Ali,  assassiné  à  Kerbela,  par  ordre  de 


(93) 

Moavia,  calife  de  Damas  et  compétiteur  de  la  famille  du 
prophète  arabe.  Gomme  sur  le  théâtre  athénien,  tous 
les  rôles,  même  ceux  de  femme,  sont  tenus  par  des 
hommes,  et  le  voile  qui  leur  couvre  le  visage  est  si 
épais  qu'on  ne  saurait  s'en  apercevoir.  Je  ne  sais  com- 
ment est  le  théâtre  de  Téhéran  ;  mais,  dans  les  petites 
localités,  la  pièce  se  joue  sur  la  place  publique,  sans 
aucun  décor,  c'est  à  l'imagination  et  au  bon  vouloir  des 
spectateurs  à  suppléer  à  tout  ce  qui  manque.  La  foule 
fait  cercle  autour  des  acteurs  qui  sont  sur  la  scène  ; 
quant  à  ceux  dont  le  tour  n'est  point  encore  arrivé,  ils 
se  tiennent  en  dehors  du  cercle.  Gomme  la  tragédie  est 
religieuse,  les  mollahs  jouent  les  principaux  rôles.  J'ai 
vu  l'un  d'eux  qui  représentait  le  personnage  d'Hussein  ; 
tantôt  il  paraissait  à  cheval,  tantôt  il  mettait  pied  à 
terre,  et,  n'ayant  pas  eu  le  temps  ou  le  courage  d'ap- 
prendre son  rôle  par  cœur,  il  tenait  un  rouleau  de 
papier  à  la  main,  lisant  chaque  fois  que  la  mémoire  lui 
faisait  défaut,  et  le  peuple  n'en  paraissait  ni  choqué 
ni  refroidi. 

A  l'époque  où  l'on  joue  cette  tragédie,  on  a  l'usage 
de  s'assembler  dans  les  mosquées,  sur  les  places  publi- 
,  ques,  ou  dans  les  maisons  des  dévots,  pour  lire  le 
Goran  et  le  martyre  d'Hussein;  les  maisons  de  réunion 
sont  surmontées  d'un  drapeau  noir,  ayant,  au  lieu 
de  fer,  une  main  ouverte,  faite  en  tôle  ou  en  fer-blanc, 
selon  les  goûts.  Au  récit  de  la  Passion  du  fils  d'Ali, 
le  peuple  fond  en  larmes,  et  ses  sanglots  couvrent  la 
voix  du  lecteur.  G'est  une  époque  d'exaltation  reli- 
gieuse. 
La  polygamie  est  beaucoup  plus  commune  en  Perse 


(M  ) 

qu'en  Turquie,  et,cDmmeconséqueûce,le3  mœurs  y  soDt 
beaucoup  plus  dépravées  encore.  L'instruction  est  très- 
répandue,  m<ais  elle  se  borne  à  la  lecture,  à  récriture 
et  au  calcul  le  plus  simple.  L'éducation  de  la  famille 
est  très-mauvaise^  il  règne  dans  le  langage  un  cynisme 
qui  surprend  péniblement  l'Européen  nouvellement  ar- 
rivé. Les  spectacles,  au  Ghilan,  comme  à  Constantino- 
pie,  sont  d'un  caractère  obscène,  les  enfants  des  deux 
sexes  qui  y  assistent  sont  corrompus  avant  l'âge,  et 
ils  perdent  le  sentiment  de  la  pudeur,  avant  mêmede 
connaître  les  passions.  Les  maladies  qui  proviennent 
du  dérèglement  dea  mœurs  sont  très-communes  en 
Perse. 

Au  Ghilan,  ce  qu'il  y  a  de  particulier,  c'est  une 
procession  pendant  laquelle  les  jeunes  filles  chantent 
des  paroles  fort  licencieuses,  et  qu'on  ne  pourrait  tra- 
duire décemment  en  français,  sans  y  mettre  une  gaze 
épaisse  {Avenk  darem  dest  n'arem  :  on  pourrait,  ai  l'on 
voulait,  dire  en  français  :  Nous  sommes  filles  et  nous 
n  avons  pas  damants;  en  persan,  les  termes  sont 
tout  à  fait  crus).  Ces  coutumes  reportent  l'imagina- 
tion au  temps  où  les  dames  romaines  allaient  en  pro- 
cession portant,  sous  sa  forme  la  plus  caractéristique, 
l'image  du  Dieu  des  jardins. 

Religion.  —  Subjugés  par  les  hordes  arabes ,  les 
Persans  ont  adopté  l'islamisme  et  sont  devenus  les 
plus  fanatiques  des  sectateurs  de  Mahomet.  La  lutte 
entre  Ali,  gendre  du  prophète,  et  Moavia,  calife  de 
Damas,  divisa  les  musulmans  en  deux  partis  :  celui 
d'AU  et  celui  de  son  compétiteur.  De  cette  époque 


(95) 

datent  les  deux  rites  :  les  chiites  sont  sectateurs  exclu- 
sifs d'Alî,  les  sunnites  sont  ceux  qui  ont  accepté  les  faits 
accomplis  et  qui,  sans  rien  ôter  aux  mérites  réels  du 
gendre  de  Mahomet ,  reconnaissent  comme  légitimes 
les  princes  qui  l'ont  précédé  et  ceux  qui  sont  venus 
après  lui  :  c'est  Fécole  du  bon  sens  et  de  la  raison.  Les 
chiites,  au  contraire ,  et  cette  secte  n'a  plus  guère 
d'adhérents  qu'en  Perse,  protestent  encore  contre  des 
injustices  historiques  contre  lesquelles  personne  ne 
peut  rien,  et  dont  les  auteurs  n'ont  pas  laissé  de  des- 
cendants. 

Les  Persans  ont  conservé  quelques  pratiques  de  leur 
ancien  culte;  seulement  ils  leur  donnent  une  signi- 
fication différente.  Ainsi,  le  Norouz,  qui  était  la  fête 
du  renouvellement  du  feu  sacré,  est  devenu  celle  du 
renouvellement  de  l'année.  Elle  a  lieu  à  l'équinoxe 
du  printemps. 

La  procession  silencieuse  qui  paraît  particulière  au 
Ghilan  est  aussi  un  héritage  du  sabéisme. 

Les  mollahs  sont  généralement  ignorants  et  fanati- 
ques, ils  ne  savent  qu'exciter  les  passions  populaires, 
pout  accroître  leur  influence  déjà  fort  grande  et  très- 
hostile  au  gouvernement.  Seulement  la  rivalité  des 
Bali,  secte  religieuse  qui  date  à  peu  près  de  18A8,  a 
donné  à  leur  autorité  un  coup  dont  elle  ne  saurait  se 
relever. 

Malgré  leur  fanatisme,  les  Persans  ne  possèdent  que 
des  mosquées  misérables,  bâties  en  briques  crues,  mal 
entretenues  et  qui  ne  sauraient  être  comparées  sous 
aucun  rapport  aux  magnifiques  monuments  que  la 
piété  des  Ottomans  a  élevés  en  Thonneur  de  la 
Divinité. 


IÔ6) 

Babitations,  —  L'humidité  du  climat  et  les  pluies 
continuelles  ont  fait  bannir  du  Ghilan  ces  maisons  en 
pisé  avec  toit  en  terrasse  qu'on  voit  dans  toute  la 
Perse. 

Les  habitations  sont  construites  en  briques  cuites  et 
couvertes  de  tuiles  dans  les  villes,  de  chaume. dans 
les  campagnes,  quelquefois  même  avec  des  planchet- 
tes grossièrement  taillées  à  la  hache. 

Elles  sont  généralement  précédées  d'une  varanda  à 
la  mode  indienne.  Les  habitations  des  riches  et  des 
gens  aisés  possèdent  un  premier  étage  ou  balat-khané, 
celles  des  pauvres  n'ont  qu'un  rez-de-chaussée,  tou- 
jours élevé  d'un  mètre  environ  au-dessus  du  terrain 
naturel.  L'intérieur  des  appartements  est  quelquefois 
orné  d'arabesques  et  de  peintures  gracieuses,  quelque- 
fois on  n'y  trouve  que  quelques  symboles  grossiers  et 
obscènes.  Les  maisons  importantes  possèdent  des  croi- 
sées vitrées,  les  autres  n'ont  que  des  châssis,  garnis 
de  papier.  Chez  les  pauvres,  on  se  contente  d'un  volet 
en  bois  grossièrement  fait.  Dans  chaque  pièce,  on  trouve 
des  tapis  dont  la  finesse  dépend  de  la  fortune  du  pro- 
priétaire. Les  tapis  de  Perse  sont  réellement  fort  beaux, 
c'est  le  luxe  du  pays,  car,  en  fait  de  meubles,  on  ne 
trouve  que  des  coffres  plus  ou  moins  ornés  de  clous 
de  cuivre,  généralement  de  fabrique  russe  et  servant  à 
renfermer  les  vêtements,  le  linge  et  les  provisions. 
Chaque  maison  a  un  petit  jardin  extérieur. 

Propriétés.  —  Le  terrain  est  entre  les  mains  d'un 
nombre  fort  restreint  de  prcfpriétaires. 
L'unité  de  la  propriété  territoriale  est  le  village;  il 


(97) 

appartient  généralement  à  un  noble  sous  la  protection 
dnquel  les  paysans  cultivent  la  terre.  De  la  bonne  ou 
de  la  mauvaise  administration  du  maître  dépend  le  sort 
de  la  petite  commune.  Mal  gouvernée,  elle  dépérit  ; 
bieii  gouvernée,  au  contraire,  elle  devient  bientôt  flo- 
rissante ;  mais  c'est  très-rare,  et  le  sort  des  paysans  est 
généralement  malheureux. 

Administration.  —  L'administration  des  gouver- 
neurs de  province  est  généralement  déplorable,  l'éloi- 
gnement  de  la  capitale  leur  laisse  la  facilité  de  se 
livrer  à  tous  leurs  caprices.  Us  pillent  plus  qu'ils  n'ad-' 
ministrent  les  populations  confiées  à  leurs  soins  ;  ils 
prennent  l'argent  partout  où  ils  le  trouvent  :  aussi  le 
numéraire  est-il  rare,  tant  on  prend  de  précaution  pour 
le  cacher. 

L'argent  a  une  puissance  d'autant  plus  grande  qu'il 
peut  racheter  les  délits,  même  les  crimes  ;  comme  en 
général  le  châtiment  n'atteint  que  les  malheureux, 

* 

incapables  de  payer  leur  rançon,  la  pénalité  est  d'une 
barbarie  horrible.  Les  délits  simples  sont  punis  de  la 
bastonnade,  les  autres  de  la  perte  d'une  oreille,  d'un 
bras,  d'un  pied,  j'ai  vu  même  un  vol  de  moutons  puni 
de  la  peine  capitale.  Les  gouverneurs  sont  de  vérita- 
bles dictateurs,  leurs  jugements  sont  sans  appel, 
exécutables  à  l'instant  même,  et  rien  ne  peut  garantir 
de  leurs  caprices  la  vie  et  la  fortune  des  citoyens.  Une 
ressource  cependant  reste  à  l'accusé  quand  il  est  pré- 
venu à  temps,  c'est  de  se  réfugier  dans  un  asile  et  d'y 
rester  jusqu'à  ce  que  ses  parents  ou  ses  amis  aient 
obtenu  sa  grâce,  ou  payé  sa  rançon.  Le  droit  d'asile 

XI.  FÉVRIER-MARS.   2.  7 


(98) 

est  attaché  aux  tombeaux  de  quelques  imams,  à  cer« 
taines  mosquées,  à  la  maison  du  mucbteid  ou  docteur 
de  la  loi.  Ou  comprend  qu'avec  un  pareil  gouverne- 
ment un  peuple  ne  saurait  prospérer. 

Tous  les  abus  sont  connus  des  ministres^  mais  jus- 
qu'ici on  n'a  point  songé  i  y  mettre  un  terme.  La 
chose,  du  reste,  est  fort  difficile':  le  peuple  persan  n'^ 
pas  aisé  à  conduire,  et,  quand  il  s'agit  de  déraciner  des 
a^bas  séculaires,  personne  n'ose  l'entreprendre*  On 
assure  que  le  roi  actuel  est  un  homme  intelligent,  in- 
struit, libéral»  très-bien  disposé  en  faveur  de  la  civili* 
sation  européenne,  mais  que  toute  sa  bonne  volonté  ne 
peut  surmonter  les  obstacles  qu'opposent  la  roatine^ 
la  superstition  et  l'intérêt  privé. 

Les  étrangers  ne  peuvent  trafiquer  ni  même  vivre 
en  Orient  sans  être  soutenus  et  protégés  par  les  coq* 
suis  européens.  Pendant  le  séjour  que  je  fis  au  Gbilan, 
je  demandai  à  M.  Adolphe  de  Tingoborski,  consul  de 
Russie,  la  protection  de  son  gouvernement,  il  me  l'ac- 
corda pleine  et  entière,  et,  soit  comme  homme  privé» 
soit  comme  fonctionnaire,  il  se  montra  plein  de  btû 
vouloir  pour  moi,  parce  que  j'étais  Français,  et  je  suis 
heureux  de  pouvoir  lui  en  témoigner  publiquement  ma 
reconnaissance. 

Je  dois  ajouter  aussi  que  notre  ambassadeur  à 
Téhéran,  M.  le  baron  Pichon,  fit  tout  ce  qui  était  pos- 
sible pour  m'aider  à.  remplir  ma  mission,  et  qu'il  <^tiQt 
du  gouvernement  persan  un  firman  qui  «l'évita  hi^ 
des  difficultés  et  des  tracasseries. 

L'influence  russe  domine  au  Ghiian.  Pendant  mon 
séjour,  l'Angleterre  installa  un  consulat  h  ftecbt,  mm 


le  choiï  qu'elle  fit  pour  remplir  jpç  fQ^t§  fyt  trè^-wa}- 
heureux,  §t  j'ignore  M  ^e^ç  ^  cpptinpé  pu  .ce^sé  d'y 
entretenir  quelqu'un. 

Division  du  pays.  —  Le  Ghikn  se  divise  es  pki- 
sieof  s  cantons  ;  la  capitale  est  Recht,  ^lUe  de  16^0 
âmes  y  placée  à  peu  près  a«i  centre  de  la  province. 
£ô  allant  de  cette  ville  vers  l'orient,  on  tronve  le 
villagie  important  de  iLut<chuk-4sfahan,  et,  à  quelques 
heures  an  delà,  la  ville  de  Lahidjan,  qni  ne  le  cède  en 
ijBpoFtanee  qu'à  Recbt  et  qui  possède  un  gojaverneur 
particulier,  ordinairement  indépendant  de  celui  de 
Keciit.  Au  delà  de  Lafaidji^n,  on  trouvo  Rudesser,  qui 
£ait  partie  de  son  territoire,  et  de  ce  point  jusqu'à  la 
frontière  du  Mazendéran,  mi  ne  rencontre  plus  que 
quelques  misérables  hameaux. 

Au  nord  de  Recht,  sur  les  bords  de  la  £a6pienfi#  et 
du  marais  qui  porte  aum  nom,  est  bâti  le  village 
d'Ënzeii,  destiné  à  un  grand  avenir,  mais  qui,  à  cette 
hejuro,  n'est  encore  qu'un  amas  de  hutces  de  roseaux. 
A  l'ouest  de  ce  vill^i^çe,  en  suivant  le  })ord  de  la  mer,  on 
Irottvie  les  faameaux  de  Kupridiah  ^  de  iNouaroud,  et, 
à  l'extrémité  du  Ghilan,  sur  la  frontière  du  Tfaali^j»  \^ 
village  de  Kergané^Boud,  qm  offre  quelque  întérAI  à 
cause  d^  sa  magnifique  population.  Quapt  aux  villages 
qui  sont  situés  au  pied  dos  wojstagnos,  }^  ne  les 
connais  pas. 

Routes.  -—  Ce  qu'on  appelle  de  ce  nom  en  Orient 
n'a  rien  qui  ressemble  à  nos  voies  de  communication. 
C'est  un  terrain  foulé  par  les  hommes  et  les  chevaux* 
mais  où  l'on  ne  voit  aucune  trace  de  travail,  si  ce  n'e^ 


(  100  ) 

quelques  ponts  placés  sur  des  cours  d'eau ,  qu'il  ne 
serait  pas  possible  de  franchir  à  gué.  Ces  routes  sont 
généralement  étroites,  coupées  de  torrents  et  de 
rochers,  et  inaccessibles  aux  voitures. 

Dans  les  provinces  persanes  où  le  terrain  est  très- 
sec,  les  routes  sont  praticables  en  toutes  saisons  ;  mais, 
au  Ghilan,  où  le  terrain  est  naturellement  fangeux,  une 
pluie  de  peu  de  durée  suffit  pour  les  rendre  imprati- 
cables, d'autant  mieux  qu'on  est  souvent  obligé  de  tra- 
verser à  gué  des  ruisseaux  importants  que  le  moindre 
orage  fait  déborder. 

La  route  de  Recht  à  Lahidjan,  qui  est  très-fréquentée, 
traverse  des  rivières,  et,  comme  elle  est  plus  basse  que 
les  champs  environnants,  elle  sert  de  déversoir  à  leurs 
eaux;  dans  certains  endroits,  les  chevaux  y  entrent 
jusqu'au  poitrail;  dans  d'autres,  le  sabot  de  ces  animaux 
disparait  en  entier  dans  la  terre  glaise,  de  sorte  que 
leur  marche  n'est  qu'une  longue  suite  d'efforts.  En 
outre,  le  terrain  est  tout  couvert  d'acacias  épineux  qui 
forment  une  forêt  épaisse  à  travers  laquelle  on  ne  pénètre 
qu'avec  mille  difficultés.  Les  Persans  appellent  ces  forêts 
djenguel;  c'est  ce  que  les  Hindous  appellent  djungle. 

La  plage  est  la  partie  du  pays  qui  se  prête  le  mieux 
à  la  marche.  Quand  on  la  suit,  il  faut  se  rapprocher 
beaucoup  de  la  mer,  les  chevaux  qui  en  ont  l'habitude 
la  rasent  d'assez  près  pour  laver  leurs  sabots  dans  les 
vagues,  ils  y  trouvent  un  sable  plus  serré  et  plus  ferme. 
L'inconvénient  de  cette  route,  c'est  la  difficulté  qu'on 
éprouve  à  traverser  les  ruisseaux  à  gué.  Règle  générale, 
il  ne  faut  jamais  entrer  dans  un  gué  sans  être  précédé 
d'un  indigène  qui  le  sonde  avant  de  vous  en  permettre 


(  101  ) 

rentrée,  et  ensuite  il  faut  traverser  le  ruisseau  le  plus 
près  possible  de  la  mer,  parce  que  c'est  le  point  où  le 
gravier  est  le  plus  ferme,  tandis  qu'en  remontant  le 
ruisseau,  on  trouve  des  sables  mouvants.  Dans  l'inté- 
rieur des  terres,  on  trouve  quelques  ponts  en  mauvais 
état  :  les  chevaux  du  pays,  qui  en  ont  Tbabitude,  peu- 
vent seuls  les  franchir. 

Cinq  routes  principales  sillonnent  le  Ghilan  : 

i""  La  route  du  Mazendéran  à  Recht,  qui  passe  au 
Ténikaboun,  traverse  Rudesser,  Lahidjan  et  Kutchuk- 
Isfahan. 

2""  La  route  de  Recht  à  Gazvin,  qui  traverse  la 
chaîne  de  l'Elbrouz;  c'est  la  route  royale  :  elle  est  suivie 
par  les  courriers  et  possède  des  relais  de  poste.  Elle 
est  en  fort  mauvais  état»  mais  on  y  trouve  un  pont 
remarquable,  bâti  sur  le  Sefid-Roud.  Le  point  le  plus 
intéressant  est  la  vallée  des  Oliviers»  ainsi  nommée  à 
cause  de  ses  plantations. 

3**  La  route  de  Recht  à  Tauris,  par  la  vallée  de 
Guesker  et  le  mont  Massoula  ;  elle  rejoint  la  route 
royale  vers  Miyan  ;  sa  direction  est  de  Test  à  l'ouest. 
Elle  est  fréquentée  par  les  caravanes,  qui  mettent 
quinze  jours  pour  la  parcourir. 

â*  La  route  de  Recht  à  Enzeli.  Elle  traverse  un  djen- 
guel  de  13  à  li  kilomètres,  arrive  à  Piré-Bazar  (vieux 
marché),  où  Ton  ne  trouve  qu'une  chaumière.  A  ce 
point,  on  s'embarque  sur  le  Roud-Bar,  qui  est  navigable 
pour  les  lourdes  mahonnes  du  pays,  on  entre  dans  le 
marais  d'Enzeli,  large  de  28  à  30  kilomètres,  et  l'on 
va  débarquer  au  village  de  ce  nom. 

5"  La  route  qui  va  d'Enzeli  à  Ardebil,  par  Kupri- 


(  102) 

éhài  ,  téngtieroud ,  Êerganéroud  et  Agha-Ëveller. 
Elle  suit  la  plage  à  partir  d^'Enzeli,  jusqu^â  ÉLcrgané- 
fôiidf,  dâ  elle  cômitieDce  à  gravir  les  flancs  de  la  mon- 
tàgàe.  Ëlté  est  fort  mauvaise,  à  cause  c(es  nombreux 
CÔuré  d'eau  qu'il  faut  traverser  et  de  l'escarpement  de 
l'Êlbrôuz. 

AgriculHêre^  industrie  et  e^mmefee.  -^  Les  Cul- 
tures prineipales  An  Gbila»  so&t  )e  riz  et  la  soie.  La 
première  est  bien  estendue^  on  ddmire  l'art  avee lequel 
les  indigènes  disposent  leurs  champs  en  terrasses  suc- 
cessives^ de  manière  à  tirer  le  meilleur  profit  des  eaux. 
Leurs  laos  artificiels  sont  bien  disposé»  et  entretenus 
aveo  soin^ 

La  culture  du  mûrier  est  moins  bien  entendue  que 
celle  du  riz  ;  les  arbres»  plantés  à  environ  un  mètre  de 
distanee  les  uns  des  autres  ont  un  aspect  peu  agréa-^ 
ble,  parce  que  chaque  année  on  les  tond  complètement 
pour  en  avoir  la  feuille  y  on  agit  de  même  en  Turquie. 

L'humidité  excessive  a  obligé  de  faire  pour  les  verâ 
à  soie  une  habitation  particulière;  c'est  une  chaumière 
grossièrement  construite  sur  des  poteaux  ou  sur  deâ 
colonnettes  de  briques  cuites^  selon  la  fortune  du  pro- 
priétaire. Le  précieux  insecte  est  à  peine  abrité  de  la 
pluiOy  il  reçoit  les  impressions  de  l'humidité  et  du 
froid  y  et  il  est  à  présumer  que  ce  manque  de  soin  a 
contribué  à  la  dégénérescence  de  la  race  et  à  l'infério- 
rité de  son  cocon  ;  aussi  n'a-t-on  point  voulu  le  pro- 
pager en  France. 

Les  fruits  sont  mauvais»  parce  que  là  nature  du  ter- 
rain paraît  leur  être  défavorable^  et  que  les  soios  leur 
font  défaut. 


(  103  ) 

L'industrie  principale  est  celle  de  la  soie  :  elle  est 
encore  dans  Tenfance  ;  on  compte  que  la  moyenne  du 
kilogramme  est  de  25  francs,  tandis  qu'avec  un  outil- 
lage meilleur  elle  pourrait  être  au  moins  de  50  francs. 
En  général,  ce  sont  les  hommes  qui  filent  les  cocons, 
les  femmes  n'y  sont  employées  qu'exceptionnellement 

Là  décorticatîon  du  ri^  est  exécutée  d'une  manière 
également  três-primîtive  ;  elle  se  fait  au  moyen  de 
pilons  garnis  de  pointes  de  fer,  et  mis  en  mouvement 
par  une  bascule.  Le  riz,  ne  pouvant  se  sécher  à  Tair 
libre,  est  suspendu  en  gerbes  dans  des  granges  et  séché 
ati  moyen  de  la  fumée. 

Les  femmes  gbilanaîses  tissent  des  étoffes  de  soie 
grossières  et  d'une  très-petite  largeur,  qiii  se  consom- 
ment presque  en  entier  dans  le  pays.  Cependant,  j*en 
ai  vu  à  Constantinople,  où  elles  servent  au  luxe  de  la 
clitsse  pauvre. 

On  fabrique  à  Recht  des  tapis  de  table  d'un  genre 
particulier.  Ce  sont  des  pièces  de  drap  dans  lesquelles 
on  fait  d^  découpures  qu'on  remplit  avec  des  mor- 
ceaux de  couleurs  différentes  ;  pour  masquer  les  cou- 
tares,  on  y  applique  des  tresses  plates  de  différentes 
couleurs  :  le  tout  forme  un  dessin  plutôt  étrange  et 
bizarre  que  réellement  beau. 

Le  commerce  du  Ghilan  est  très-important  ;  il  se 
compose  de  soie,  dont  l'exportation  est  de  600  000  ki- 
logrammes pour  l'Europe  occidentale,  et  d'au  moins 
100  000  kilogrammes  pour  la  Russie;  de  poissons  sè- 
ches et  salés,  qui  sont  transportés  soit  en  Russie,  soit 
dans  les  provinces  persanes  environnantes.  L'importa  - 
tion  européenne  se  compose  d'indiennes  anglaises,  va- 
lant environ  8  millions  de  francs,  de  soieries  de  Lyon, 


(  lOA  ) 

d'étoffes  d'or  et  d'argent,  d'armes  de  chasse  des  manu- 
factures de  Liège,  vendues  comme  anglaises,  d'un  peu 
de  quincaillerie  et  de  draps  de  fabrique  allemande,  de 
faïence  et  de  coutellerie  russes,  de  qualité  très-inférieure. 

Si  le  Ghilan  était  bien  administré,  il  serait  très-riche, 
parce  que  ses  exportations  sont  beaucoup  plus  consi- 
dérables que  ses  importations,  mais  son  mauvais  gou- 
vernement est  plus  pernicieux  encore  que  la  fièvre  de 
ses  marais. 

La  navigation  de  la  Caspienne  est  tout  entière  entre 
les  mains  des  Russes.  En  18^8,  ils  avaient  cinq  petits 
vapeurs  chargés  de  desservir  Astrakhan,  Bakou^et  les 
ports  de  la  côte  occidentale,  Recht  et  Asterabad  ;  ils 
marchaient  fort  mal,  et  des  voyageurs  italiens  venus 
de  Bakou  se  plaignaient  de  la  mollesse  et  du  manque 
d'égard  des  officiers  russes.  Mais  on  assurait  qu'une 
nouvelle  compagnie  de  navigation  devait  porter  à  quinze 
le  chiffre  des  navires  à  vapeur. 

La  marine  militaire  russe  stationne  pendant  l'hiver 
à  Asterabad,  ou  plutôt  à  l'Ile  d'Achounada,  qui  a  été 
cédée  à  la  Russie. 

Arrivé  au  Ghilan  en  juin  1858,  au  moment  le  plus 
malsain  de  Tannée,  fatigué  par  une  longue  route  faite 
tout  entière  à  cheval,  obligé  de  m'occuper  d'affaires, 
je  n'ai  point  eu  le  loisir  de  parcourir  le  pays  comme  je 
le  désirais  ;  j'ai  dû  me  contenter  de  parler  de  ce  que 
j'ai  vu  en  passant,  je  serais  heureux  si  je  pouvais  atti- 
rer l'attention  de  la  Société  de  géographie  sur  une 
contrée  remarquable  à  plus  d'un  titre,  et  si  je  pouvais 
engager  un  voyageur  plus  compétent  à  s'en  occuper. 


(  i05) 


CONSIDÉRATIONS  GÉNÉRALES 

SUR  LES  ALPES  CENTRALES 

PAR  M.  WILUAM  HUBER, 

Capitaine  à  rétat-major  du  génie  de  la  confédération  suisse. 


La  Société  de  géographie  m'a  chargé  de  lui  adres- 
ser un  compte  rendu  sur  la  belle  carte  du  mont  Blanc, 
récemment  publiée  par  le  Dépôt  de  la  guerre  :  mais  à 
côté  des  moyens  employés  pour  l'exécution  de  ce  tra- 
vail topographique,  l'étude  de  la  carte  même  révèle 
divers  phénomènes  communs  à  toute  la  chaîne  des 
Alpes,  et  qui  m'ont  paru  assez  intéressants,  au  point 
de  vue  géographique,  pour  mériter  d'être  résumés  en 
quelques  pages. 

Je  signalerai  tout  d'abord  une  erreur  trop  générale- 
ment répandue  :  s'il  est  vrai  que  le  mont^Blanc  soit  le 
point  culminant  des  Alpes,  il  n'est  pas  juste  de  lui 
attribuer  la  préséance  sur  les  massifs  voisins.  En  effet, 
quand  on  étudie  une  région  dans  son  ensemble,  il  faut 
pour  trouver  ce  qu'on  pourrait  appeler  les  hautes-- 
terres^  se  garder  d'envisager  seulement  des  cimes  qui 
peuvent  se  perdre  dans  les  nuages,  sans  que  pour  cela 
le  terrain  qui  environne  leur  base  soit  de  beaucoup 
au-dessus  du  niveau  de  la  mer,  et  c'est  alors  dans  un 
examen  attentif  des  thalweg  qu'on  trouvera  d'infailli- 
bles données  sur  cette  question. 


(  m  ) 

£n  remontant  un  cours  d'eau  jusqu'à  sa  source,  on 
observe  une  relation  directe  entre  son  volume  et  la 
surface  de  pays  qui  l'alimente.  Pour  un  fleuve  de 
quelque  importance ,  on  atteint  donc  une  région  assez 
étendue,  plus  basse  peut-être,  que  telle  cime  voisine, 
mais  dans  laquelle  la  courbe  de  niveau  décrite  par  une 
altitude  donnée^  embrassera  une  beaucoup  plnd  grande 
superficie  que  la  courbe  de  même  cote  dans  le  sommet 
isolé.  C'est  donc  la  surface  enveloppée  par  les  courbes 
de  même  cote,  et  non  le  plus  on  moins  grand  nombre 
de  courbe»  qui  révèlent  les  hautes*  régions  des  conti« 
nents* 

Cette  remarque  peut  être  appliquée  ati  mont  Blanc^ 
où  la  courbe  limite  des  neiges  perpétuelles,  par  exem* 
ple^  enceiût  une  surface  beaucoup  moins  grande  que 
la  surface  embrassée  par  la  même  courbe  dans  le 
massif  central  des  Alpes.  On  peut  en  conclure  que 
c'est  dans  ce  dernier  massif  que  doivent  se  rencontra 
les  bautes-terres,  auxquelles  on  parviendra  en  remon- 
tant le  cours  des  fleuves  principaux. 

Or,  les  cours  du  Rhône  et  du  Rhin  conduisent  di^ 
rectement  au  Saint-Gothard,  d'où  s'échappent  aussi 
les  afiluents  supérieurs  du  second  de  ces  fleuves,  l'Aar 
et  la  Reuss;  c'est  encore  au  Saint-Gothard  que  l'Inn 
prend  naissance  pour  verser,  selon  les  uns,  ses  eaux 
dans  le  Danube,  ou  constituer,  selon  d'autres,  la  véri- 
table tête  de  ce  fleuve;  c'est  de  là,  enfin,  que  descen- 
dent  le  Tessin  et  la  Toccia,  tous  deux  principaux 
afiluents  du  Pô.  C'est  donc  au  Saint-Gothard^  où  les 
thalweg  de  premier  ordre  atteignent  la  plus  grande 
altitude,  qu'il  faut  rechercher  les  hautes-terres;  là  se 


(  1Ô7  ) 

trôuVé  ïe  point  âé  partagé  principal  dès  bassins  dé  la 
Médïtérî'aiïéé,  de  là  iûét  du  Nord,  dé  là  méf  Noife  et 
dé  f  Adriatique  ;  d'est  dé  là  que  M.  de  Maistf  e  disait 
pouvoir  cf adhéi*  à  velouté  dans  lés  deux  hémisphères. 

Examinons  dôJdiC  la  configuration  des  Alpes  en  géné- 
.  rai,  et  celle  du  Saint-Gothâfd  en  particulier. 

Lés  Alpes  forment  lïllé  ligne  dé  démarcation  hardie 
et  majestueuse  entre  les  races,  la  faune  et  la  flore  dé 
âôtré  Europe  méridionale,  et  les  mêmeâ  éléments  tia- 
furels  dtî  côté  du  nord.  Cette  longue  arête  de  Tancien 
nîcmde,  partant  des  côtes  de  la  Méditerranée  pour  finir 
bien  âVatit  dans  Témpire  Ottoman,  lance  au  loin  ses 
raitnificàtionâ  eti  France,  en  Italie,  en  Allemagne  et 
mêtoé  en  Turquie  ;  mais  c'est  sur  le  territoire  de  la 
Confédération  suisse  qu  elle  atteint  son  maximum  dé 
puissance  et  d'épaisseur.  Dans  cette  région,  les  cimêè 
se  miîltipïiéïit  étincelantes,  été  comme  hiver,  d'un  écla- 
tant tiîantéaa  de  rieîge;  là  de  vastes  déserts  de  glace 
récèlefit  encore  plus  d'une  vallée  que  n'ajarâais  foulée 
lé  pied  dé  l'homme;  là,  enfin,  malgré  l'ardente  activité 
dés  satants  ou  le  téméraire  amour-propre  de  quel- 
ques touristes,  de  profonds  mystères  reposent  encore 
sur  des  resplendissants  sommets  qui  dressent  jusqu'aux 
deux  leurs  pîcs  gans  nôûa.  «  L'étonnante  structure  de 
ces  cimes,  la  stratification  dé  leurs  rochers,  la  forma- 
tion dé  leur  diadème  de  neige  et  de  leur  ceinture  de 
glace,  lenr  influence  sur  les  révolutions  périodiques 
de  la  nature,  leurs  rapports  avec  les  organismes  vi- 
vants, leur  première  et  leur  dernière  histoire,  tous  ces 
sujets  sotit  àutaht  d'énigmes  qui  attendent  une  solu- 
tion i>  (1). 

(1)  Tscbudi»  Le  monde  des  Àlpet. 


(  108  ) 

Sauf  le  mont  Blanc,  sentinelle  avancée  d'une  armée 
de  géants,  aucun  sommet  d'Europe  ne  peut  rivaliser 
en  hauteur  avec  ces  souverains.  Mais  le  mont  Blanc 
lui-même  constitue  un  massif  à  part;  ce  n'est  qu'une 
lie  de  glace  près  d'un  continent  de  glace,  ses  vallées 
sont  beaucoup  moins  élevées  que  celles  du  massif 
principal,  et  ses  rivières  ne  sont  que  des  affluents  de 
fleuves  plus  importants. 

Si  l'on  dégage  la  chaîne  des  Alpes  centrales  des 
mille  accidents  qui  en  compliquent  les  formes  sans 
altérer  les  grandes  lignes,  on  reconnaîtra  sans  peine 
que  de  l'extrémité  de  la  Suisse  occidentale  près  du  lac 
de  Genève,  jusqu'aux  contins  de  la  Suisse  orientale, 
vers  les  montagnes  du  Tyrol,  la  grande  ossature  des 
Alpes  eât  divisée  en  deux  chaînes  principales,  séparées 
par  une  longue  et  profonde  vallée  qui  n'est  interrom- 
pue qu'au  Saint-Gothard.  Là  les  deux  chaînes  se  sé- 
parent sous  des  angles  presque  égaux  pour  se  rappro- 
cher encore  vers  les  extrémités;  figurant  ainsi  une 
immense  lettre  B  dont  le  jambage  serait  incliné  de 
l'O.-S.-O.  à  TE.-N-.E.  Le  Saint-Gothard  occupe  le 
milieu  du  jambage;  la  boucle  orientale  se  referme 
près  des  montagnes  du  Tyrol,  la  boucle  occidentale 
près  du  lac  de  Genève.  La  première  dessine  le  bassin 
du  Rhin  supérieur,  la  seconde  celui  du  haut  Rhône. 

Si  maintenant  du  Saint-  Gothard ,  point  de  contact 
des  deux  chaînes,  nous  traçons  une  ligne  à  peu  près 
perpendiculaire  au  jambage,  nous  formerons,  indépen* 
damment  des  angles  Rhin  et  Rhône,  quatre  nouveaux 
angles  qui  dessinent  les  bassins  de  rivières  impor- 
tantes :  au  nord-ouest  l'Aar  ;  au  nord-est  la  Reuss, 


(  lOÔ  ) 

toutes  deux  tributaires  du  Rhin  ;  au  sud-est  le  Tessin, 
au  sud-ouest  le  Toccia,  toutes  deux  tributaires  du  Pô. 
Ces  six  cours  d'eau  prennent  tous  leur  source  au  même 
point,  les  uns  pour  se  diriger  vers  la  mer  du  Nord, 
les  autres  pour  arroser  les  plaines  de  France  et  de 
Lombardie,  et  verser  leurs  eaux  dans  la  Méditerranée 
ou  dans  l'Adriatique. 

Ce  n'est  pas  tout.  Extérieurement  à  la  figure  que 
nous  avons  grossièrement  représentée  par  la  seconde 
lettre  de  l'alphabet,  on  trouve,  au  sud-est,  une  troi- 
sième chaîne  ou  tronçon  de  chaîne  comptant  aussi  de 
hauts  sommets.  Elle  décrit  une  courbe  parallèle  à  la 
boucle,  et  forme  comme  une  seconde  enveloppe  con- 
centrique à  celle-ci.  Entre  les  deux  courbes  coule 
rinn,  et  au  sud  de  cette  chaîne  supplémentaire  court, 
mais  en  sens  inverse,  l'Adda,  affluent  du  Pô. 

Par  rinn,  le  massif  central  des  Alpes  peut  donc,  de 
plein  droit,  ajouter  la  mer  Noire  à  la  liste  déjà  longue 
des  mers  qu'il  alimente  de  ses  neiges,  et  cette  consi- 
dération seule  devrait  être  suffisante  pour  déshériter  à 
tout  jamais  la  Forêt-Noire  de  l'honneur,  qu'un  long 
usage  contraire  à  toutes  les  lois  géographiques  a  seul 
consacré,  de  donner  naissance  au  grand  fleuve  autri- 
chien. 

Au  sud-ouest,  un  tronçon  de  chaîne  s'échappe  de  la 
boucle  correspondante  pour  lancer  au  loin  sa  cime 
gigantesque  ;  c'est  le  massif  du  mont  Blanc,  dont  le 
versant  nord  envoie  ses  eaux  dans  le  Rhône  par  l'Arve, 
et  dont  le  versant  sud  alimente  encore  le  Pô  par  la 
Doire.  Enfin,  au  midi  de  ce  dernier  massif  s'en  des- 
sine un  autre  parfaitement  distinct,  celui  du  Grand 


(  110  ) 

Funtdbeldea  Alpes  de  la  Udurienne,  qui  fortne  à  l'ouest 
une  courbe  concentrique  analogue  à  celle  que  nous 
avons  signalée  à  Test. 

A  partir  du  Saint-Gothard,  la  symétrie  que  nous 
venons  de  faire  ressortir  par  la  description  générale 
des  deux  chaînes  est  rendue  plus  sensible  encore  par 
un  examen  attentif  des  cours  d'eau.  En  effet,  le  Bhône 
et  le  Rhin,  analogues  déjà  par  leurs  noms,  coulent 
tous  deux  au  pied  de  la  chaîne  septentrionale,  ne  rece- 
vant de  celle-ci  que  des  torrents  insignifiants  ;  tous 
deux  reçoivent,  au  contraire,  de  la  chaîne  méridionale, 
un  nombre  presque  égal  d'affluents  principaux  ;  tous 
deux,  après  avoir  coulé  dans  des  directions  diamé- 
tralement opposées,  s'échappent  des  montagnes  par 
un  coude  brusque  vers  le  nord;  tous  deux,  après 
quelques  kilomètres  de  parcours  en  dehors  des  cuvettes 
qui  leur  ont  donné  naissance,  ferment  deux  grands 
lacs,  ceux  de  Genève  et  de  Constance;  tous  deux, 
enfin,  à  peu  de  distance  en  aval  de  ces  lacs,  franchis- 
sent d'étroits  défilés,  l'un  en  disparaissant  sous  terre, 
l'autre  en  se  précipitant  du  haut  d'une  paroi  de  rochers. 
Et  cependant  les  eaux  de  l'un  vont  se  transformer  en 
glace  dans  les  mers  polaires,  tandis  que  les  flots  de 
l'autre  courent  se  réduire  en  vapeur  sous  l'ardent  soleil 
d'Afrique.  Curieuse  disposition  et  singulier  équilibre 
de  la  nature  qui,  après  avoir  créé  deux  frères  jumeaux 
d'une  ressemblance  si  parfaite,  les  conduit  à  des  des- 
tinées si  différentes. 

Dans  l'étude  d'une  chaîne  de  montagne,  quatre  élé- 
ments principaux  sont  à  considérer  : 

1°  L'altitude  des  cimes;  2°  l'altitude  des  cols; 


(  111  ) 

d"*  Taltitude  des  sources;  A""  la  pente  des  thalweg. 

Nous,  nous  proposons  d'entreprendre  cette  étude, 
mais  nous  ne  saurions  le  faire  dans  un  travail  d'aperçu 
général  comme  Test  celui-ci.  Nous  reprendrons  plus 
tard,  une  à  une,  les  différentes  ramifications  des  Alpes 
autour  du  Saint-Gothard,  dans  le  but  d'étudier  d'une 
manière  plus  spéciale  les  cours  d'eau  et  leur  pente  ; 
pour  le  moment  nous  nous  bornerons  à  l'orographie, 
en  recherchant  les  formes  générales  des  soulèvements 
et  les  lois  auxquelles  ces  formes  peuvent  conduire. 

Jusqu'à  présent  la  classification  des  divers  massifs 
on  groupes  des  Alpes  est  assez  obscure  :  quelques 
auteurs  se  basent  sur  la  géologie,  d^autres  sur  les  alti- 
tudes, d'autres  encore  sur  la  manière  dont  les  Alpes 
sont  découpées  par  des  vallées  perpendiculaires- qui 
en  séparent  les  massifs.  Pour  plus  de  clarté  et  sans 
vouloir  imposer  une  nomenclature  à  laquelle  on  peut 
faire  plusieurs  objections ,  j'en  réfère  au  squelette  dé- 
barrassé de  détails,  et  prenant  le  nœud  du  Saint- 
Gothard  pour  origine  de  coordonnées  fictives  dont 
Tune  passerait  par  les  vallées  du  Rhône  et  du  Rhin, 
j'appellerai  : 

La  partie  occidentale  du  jambage  :  Branche  N.-O.^ 
massif  de  la  Jungfrau  ou  des  Alpes  bernoises. 

La  boucle  correspondante  :  Branche  5.-0.,  massif 
du  mont  Rose  ou  des  Alpes  valaisannes. 

La  partie  orientale  du  jambage  :  Branche  N»'E.^ 
massif  du  Todi  ou  des  Alpes^glaronnaises. 

La  boucle  correspondante  :JïrawcAc5.-£.,  ou  massif 
des  Alpes  grisonnes. 

La  perpendiculaire  au  nœud  du  Saint-Gptbard  pren* 


(  112  ) 

dra  dans  sa  partie  nord  le  nom  de  Branche  M,  groupe 
du  Galenstock  ou  des  Alpes  d'Uri;  dans  sa  partie  sud, 
Branche  S.  ou  groupe  des  Alpes  tessinoises. 

Enfin,  les  chaînes  extérieures  à  la  figure  s'appelle- 
ront :  Massif  de  la  Bemina  à  TE,  et  massif  du  mont 
Blanc  à  l'O.  (1). 

J'ai  résumé»  dans  le  tableau  ci-joint,  l'étude  de  ces 
différentes  branches.  Les  deux  premières  colonnes 
comprennent  les  moyennes  altitudinales  des  cols  et 
des  cinfes  établies  sur  un  certain  nombre  de  termes, 
inscrit  dans  la  colonne  des  observations.  Ce  calcul  des 
moyennes  pouvait  se  faire  de  différentes  manières, 
dont  le  choix  aurait  amené  de  grandes  différences 
dans  les  résultats.  Il  est  évident,  par  exemple,  que  si 
Ton  se  fixait  une  cote  limite  au-dessus  de  laquelle  on 
compterait  tous  les  sommets  et  au-dessous  de  laquelle 
on  les  passerait  sous  silence,  il  arriverait  que  la  liste 
à  établir  serait  excessivement  longue  dans  les  hauts 
massifs  et  peut-être  nulle  dans  les  autres.  D'autre  part, 
si,  sans  tenir  compte  d'une  altitude  inférieure,  on  se 
basait  pour  l'établissement  de  ces  moyennes  sur  un 
nombre  identique  d'addendes,  vingt  ou  trente  par 
exemple,  le  choix  à  faire  deviendrait  difficile,  embar- 
rassant et  souvent  injuste  ;  de  hautes  cimes  devraient 
être  négligées  pour  permettre  d'introduire  dans  la  liste 
des  points  inférieurs,  dont  le  choix  serait,  vu  leur 
multitude,  plus  difficile  encore. 

(1)  Noos  laisserons  de  côté,  pour  le  moment,  le  massif  du  Grand- 
Paradis  et  des  Alpes  de  la  Maurienne,  qui  ne  fait  pas  partie  des  Âl^$ 
centraXes  proprement  dites. 


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XI.  FÉVRIER-MARS.   3. 


8 


(  114  ) 

Je  n'ai  dtme  tenu  compte  ni-  de  l'altitude,  ni  du 
nombre  de  termes,  mais  j*ai  considéré  comme  cime,  les 
cimes  les  plus  visibles,  lès  plus  connues,  en  un  mot 
celles  qui  se  détachent  d'une  manière  bien  nettb  du 
corps  du  massif,  que  celui-ci  suit  plus  ou  moins  élevé, 
ap-dessUs  ou  aurdessious  de  h  limite  des. neiges.;  J'ai 
considéré  comme  cols  les  passages  les  plus-fréquentes, 
franchissant  la  ligne  de  partage  des  bassina  principaux 
ou  le  prolongement  de  cette  ligne ,  quand  bien  même 
lefs  deux  versants  appartiendraient  au  même  bassifa. 

Gela  posé,  j -ai  recherché  pour  chaque  branche  s'il 
n^.existait  pas  quelque  rapport  d'altitude  soit  entre  lès 
cols  et  les  cimes,  soit  entre  la  cime  prineipale-et  le  cspl 
let  moins  élevé;  J'espérais  découvrir  des . chiffres  qui 
nf  auraient  mis  sur  la  trace  d'une  relation  iquelcoaquo: 
eQtre  la  hauteur  des  sommets  et  celle  des  passes,  mftis:: 
la;  lecture  du  tableau  n'a  rien  fait  ressortir^  de  sem- 
blable. 

9 

Cependant,  tout  dans  la  nature  étantrsomnis  à  dès 
Iqis,  les  cataclysmes  comme  les  faits  les  plus  ordi- 
naires, cette  apparente  anomalie  peut  s'expliquer  par 
l'action  des  forces  qui  sont  intervenues  «pendant  et 
après  les  soulèvements.  Les  actions  réciproques  des 
Idis  les  unes  sur  les  autres  altèrent  la  sin^licité  des 
premiers  phéiH)mènes^et,  dans  l'étude  qui'  nous  oc- 
cupe ,  il  faudrait  pouvoir  tenir  compte  de  l'âge,  des 
soulèvements,  de  la  nature  du  sol  syr  lequel  ils  se  sont 
{iroduitSy  di^  leur;Orientation,  de  k  quantité  de  force 
qui  les  a  esgçndfés,  peut-être  de  la  latitude  et  de  la 
température  ;  autaiâ;  de  facteurs  essendelà^  dont  quel- 
^paes-ufis  nous .  sont  inconnus»  Siy  àJ'aspect  jdes  ruines 


(  1»S  ) 

d'un  édifiée^  wmë  avèos  peiteà  i«c6nilÉitrè  hd  règles 
qai  ont  pré^dè  à  sa  cjoâstruction,'  ciittiiÈiént  nëtis  étbfi- 
ner  que  les  rtilne^f  d'f^  sbuIëVëàient  nou^  laissent 
embarrassés  sut  les  loli^  ({til  ïmt  (iroduit?  Ce  tt*èst 
âODc  pas  rabsencé  de  lois  ^ii'il  faut  <^nstàtèr»  iiiais 
l'insTiffisaDce  des  éléments  nécessaires  à  les  étatbHh 

Tôtitefois,  si  les  ratages  des  siëètes  ont  âititilé  ces 
fers  sômoDlets^  la  base  de  gratuit  âùr  làqueHe  lis  réi^o- 
saiem  a  résisté  ànx  iûjures  du  temps  ;  elk  of&e  én^tiré 
anx  lûvèstigations  de.  là  sdéttce  utï  riche  et  vaste 
champ  d'ëlDâë,  bien  battit  déjà;  mais  dans  lequel  ndii^ 
aHons  néanmoins  chercbér  à  glaner  quëlcti^es  épis. 

La  brânbhe  N  .-O.  que  îiotië  déâigiibbs  aussi  àous  te 
nom  dé  inàssif  de  là  Jungfrati  o'n  des  Alpes  beraolseij; 
cooimenbé  à  ][)ioprement  parlei*  à  la  Derit  du  Midi;  â 
¥&:  en  Rbônë,  pour  s'étendre  ëb  ligne  droite  jtisqu'aù 
Sainl^Sotbard  ;  elle  est  profondérhërit  càiipék  entre  sdii 
point  d'origine  et  la  Dent  de  Mordes,  p&t  la  tallée  dd 
Rhône  qui^  à  Saibt-Maudce,'  présente  dne  slltitude  de 
&00  mètres  environ.  A  partit  de  la  Dent  d^  Morclés 
(2938>,  première  ëlmë  vers  l'O:,  les  Alpes  berhtiisës 
s'élèvent  graduellement  vers  TE:  pour*  atteindre  àÙ 
groQ^  delà  Jungfràu  lëiir  alittûde  màxinià(Al98)  ;  elles 
s'abaissent  ensuite  plus  rapidement  jusqu'au  Oriiiisel 
(318&),  {>assagë  qui  sépïi*e  le  Jûngfràu  des  attires 
massifs.  Remarquons  ici  que  le  point  culminant  ilë 
cette  branche  N.-O.,  TAlëtschUërn,  est  beaucoup  {ilùlï 
rapprocbé  du   Saint-Gothârd  que  de  la  Dent  de 
liorcles. 

Les  cols  suivent  là  nièttiè  ^rogreâslôb  i  sauf  la  pro- 
fonde Côil|iûre  de  la  6emittl  (S30S),  sitiiée  à  pëû  prës 


(  116  ) 

au  milieu  de  la  chaîne ,  ils  augmentent  tous  en  hau-* 
tenr  jusqu'au  pied  de  la  Jnngfrau,  pour  s'abaisser 
ensuite  du  côté  du  Grimsel.  On  peut  en  conclure  que 
le  massif  entier,  considéré  dans  son  ensemble,  s'élève 
de  rO.  vers  TE.  pour  s'abaisser  ensuite  vers  le  Saint- 
Gothard. 

La  branche  N.-E.,  massif  du  Todi  ou  des  Alpes 
glaronnaises,  n'est  que  le  prolongement  vers  TE.  du 
massif  de  la  Jungfrau.  Commençant  à  la  vallée  de  la 
Reuss,  elle  s'élève  rapidement  jusqu'au  point  culmi- 
nant du  Tôdi  (3623),  situé  plus  près  du  Saint-Gotbard 
que  de  son  extrémité  orientale  ;  elle  s'abaisse  ensuite 
graduellement  jusque  TersRagatz,  où  le  Rhin  sort  des 
montagnes  à  la  cote  500  mètres,  comme  le  Rhône  s'en 
échappait  à  Saint-Maurice,  à  la  cote  /lOO  mètres,  dans 
la  chaîne  précédente.  De  l'autre  côté  de  cette  profonde 
vallée  du  Rhin,  la  branche  qui  nous  occupe  lance  en- 
core une  crête,  celle  du  Falknis  (2566)  et  de  Scesa- 
plana  (2968),  laquelle,  ainsi  que  la  Dent  du  Midi  pour 
la  branche  N.-O.,  semble  être  une  sentinelle  avancée 
postée  sur  l'autre  rive  du  fleuve;  encore  une  analogie 
singulière  à  ajouter  à  toutes  celles  que  nous  avons 
constatées  entre  les  bassins  des  deux  grands  fleuves 
suisses. 

Les  cols  augmentent  ou  diminuent  d'altitude  de 
même  que  les  sommets,  et  sauf  le  Panix  (2A10),  situé 
comme  la  Gemmi  à  peu  près  au  milieu  de  la  chaîne 
tous  accusent  une  côte  de  plus  en  plus  forte  jusqu'au 
pied  du  Tôdi,  pour  ensuite  s'abaisser  vers  l'Est.  Le 
massif,  pris  dans  son  ensemble,  suit  donc  la  même 
ondulation  que  le  massif  précédent;  il  s'élève  du  Saint* 


(117) 

Gothard  jusqu'au  groupe  principal  du  Tôdi.  pour 
redescendre  lentement  vers  le  Rhin. 

La  branche  S.-O.,  massif  du  Mont-Rose  ou  des 
Alpes  valaîsannes,  commence  au  col  Ferrex  (2û92), 
point  de  soudure  du  massif  du  Mont-Blanc.  Elle  s'é- 
lève jusqu'au  Mont-Rose  (4(538)  pour  s'abaisser  vers 
les  passages  du  Nufenen  (2ÂAi)  et  du  Gries  (2il&8), 
qui  la  séparent  des  autres  branches.  Le  point  culmi- 
nant, le  Mont-Rose,  se  trouve,  comme  la  Jungfrau, 
plus  rapproché  du  Saint- Gothard,  et  les  cols,  comme 

dans  les  autres  branches,  augmentent  ou  diminuent 
d'altitude  avec  les  cimes.  Sauf  la  profonde  coupure  du 
SimploQ  (2010),  situé  non  plus  au  milieu  de  la  chaîne, 
mais  plus  près  du  Saint-Gothard,  toutes  les  passes 
augmentent  de  hauteur  à  partir  de  1*0.  et  en  se  diri- 
geant vers  le  Moct-Rose,  pour  s'abaisser  de  ce  point 
vers  le  Nufenen  (2ââl). 

Ce  massif  est  le  plus  imposant  qui  se  puisse  ima- 
giner. Lorsque  l'œil  embrasse  cette  muraille  de  glace 
crénelée  par  trente  sommets  qui  dépassent  4000  mè- 
tres, l'esprit  est  frappé  d'une  sorle  d'enthousiasme  que 
n'inspire  pas  à  un  aussi  haut  degré  la  vue  de  la  chaîne 
du  Mont-Blanc.  Là,  le  colosse  européen  dépassant 
tous  ses  rivaux,  parait  leur  commander,  et  attire  seul 
les  regards  et  les  hommages  comme  le  ferait  un  or- 
gueilleux monarque,  tandis  que  le  Mont-Rose,  siégeant 
au  milieu  de  ses  pairs,  semble  présider  un  conseil  de 
souverains  et  partager  avec  eux  le  culte  d'admiration 
qu'il  inspire. 

Dans  le  massif  du  Mont-Rose»  comme  dans  les  au- 
tres, un  fait  qui  mérite  attention,  c'est  que  les  passes 


(  as  ) 
le^  p\m  profmà^  éébonch&fit  toujours  d&ns  ia  ytilé^ 

principale,  en  face  4n  ^rpope  ^9  jsK^itagQes  te  |)lu3 
^j&vé  da  yen^aojt  pppo!$é.  Am^,  pstr  jBxempJç,  en  cod- 
ïidér^nt  tes  9a$^fs  idii  ifont-^lose  et,  de  l^  ^ungfraii, 
on  reB»rqa,ç  qïie  te  col  d^  Sipplon  {2.01Q)  débwphe 
^Qs  ite  v»I)éô  du  lUbôBe  ep  facjQ  dn  ^  r^cupe'^e  te  Jung- 
D^Mb^  tfin^s  que  te  Gepftm  {H^9),  p9$sage  te  m(ûo^ 
étevié  de  te  briincbiB  N.-(l.,  dé)K)uc))^  ^i^tps  te  iBèo^ 
TaUée  eb  ^ace  du  grojope  p^inçîgal  di^  Mooï-Hlc^se. 
4401»  Teti^oaverons  oe  phéùosiénè  nfttiârel  dons  toutes 
tes  cliaiDes  des  Alpes,  aussi  aurons-ûoises  à  y  revenir. 

Lab^w&cbe  S.-E.  commence  an  Sakit-iSoth^  poto* 
m  r^oindre  Ters  TE.  aux  Alpes  in0ii&  élevées  4si 
Vyrd  ;  eDe  est  moins  régulière  et  ne  suit  pas  te  même 
ondulation  que  Tes  ti'ois  massif  s -précédents^  mais  s'^te- 
^VMt  de  firime  saut  jusqu'au  fibeinnvlildliorfi  (3398^, 
elte  suit  une  ligne  assez  dentelée  jt&qu'aai  Vk  linard, 
ée  tntflie  laUstode  (ftiM),  qui  ferine  4a  lisie  de  ses 
mnhniets  vers  i'fl.  Les  -ctAs  suivent  les  ipémes  variai 
fions  que  tes  cipiés  :  ibantdt  plus  élevés,  tantôt  pfais 
%as,  et  on  ué  peut  plus,  comme  ailleurs,  'smvre  de 
progre£»3i<^  plus%»u  moins  régulière. , 

Mais  la  Im  àes  débùutchés^  si  l'on  veut  bien  me  per- 
mettre àt  désigner  ainsâ  le  fait  que  j'ai  signalé  tout  à 
i'heure,  est  constata  entre  cette  branche  et  celle  "du 
7(.-G.  dans  toute  Sa  pureté.  En  eiet»  te  col  du  Luk- 
manier  (3917)  qui,  de  mènie  que  celui  du  SiinpIoB^ 
ii'^est  pas  au  milieu  de  ia  chaîne,  mais  plus  à  proximité 
du  Saint-Gothard,  est  le  moins  élevé  de  tout  le  massif; 
il  déi)0u(5he  dans  là  vaHée  du  Rbiu  en  face  du  groupe 
principal  du  Tôdi,  danis  ta  branche  N.-'Ë.;  tandis  ^ue 


{  1Î9  ) 

te  côl  :ât  Patîix  (2410),  le  plus  profond  de  la  chaîne 
dtL  Tôdi/débouche  dans  la  même  vallée  en  fkce  du 
Mieinwaldhofn,  sîtiié  dans  la  branche  S.-E. 

Le  massif  àe  4a  Bernitfa  prend  naissance  &  F  extré- 
l&ité  septentMoMte  du  lacde  Gôiïie,  potrr  "âe  rattacher 
anSsi  âti  ây^èiftè  tyrolien  par  le 'Stôlvio.  SiSparé  des 
Mpës'gfisot^lbés  par  la  vallée  de  Mtin,  il  décrit,  cfomÂie 
trotré  r«v(«te  fait  re'oiïtrqtief ,  t^ne  courbe  coîicentrîqûe 
'tfti  Ébâ(ssîf  précédent.  *l  î)rêseWè,  pits  de  son  origine, 
tin  'Èî&àïùm  ^tti  'meîîit  Ztm  !iài'ètres,  le  Monte  dëlla 
Disgrazia  ;  plus  à  1*E. ,  W  rencontre  la  Bërriina  (40R2), 
tpdiift  'CUl&iû^tit  1^  'fo  diatÊ^,  BitHé  li  pëù  ^pi%s  a  ifnbitié 
«Ifetâtefas  MtriB  le  lac  de  €%ài^  ^t  ïe  StéMb. 

Plui^Wtfe  cote  Iraïidiigsènt  «è  faite,  tiiâis,  outfe  la 
toaCe  icnainteiièitft  à'j^ine  caitoSàiable  duStelvio  et  ^e 
4'A<itrîoliè,  p»  'dés  raisons  politiques,  Mssè  toràbèr 
*eft  rtîîtïe,  ia  seule  rotttè  à  vbittire  qui  traverse  èette 
^têù^  test  'iié&e  at  M  de  îà  ^éftiinà  ^S«4),  hctevëe 
^gîBtttenïènt  4'ànhée  dernière.  Ï9éh  que  ce  061  n^  sait 
^!te  ïftélnà  êlëvé^tt  »aâSSjif,tt^tôiîK  ^ifi  ^  a  été  fîdt 
^m:  là  cttùstructto^  tf^è  ^haussée  est  feipHqtié  par 
%  taéélësédté  potir  la  Strisse  de  relier  son  territoire  de 
^iteschîlEvè,  situé  sûr  le  vei*sant  itàfieh  de  là  montagnte, 
àvecîe  reste  tftû  canton  dès  Grièoûs. 

La  loi  des  débouchés  se  trouve  encore  vérifiée  entre 
ce  groupe  d^  la  B^rnîna  et  le  massif  dèÈ;  Alpes  ^ri- 
Boâiiès  ;  eâi  ^fet,  !e  passage  du  îulîêr  (Î2287) ,  un  des 
plus  baà  de  tfette  dernière  chaîne,  débouche  dans  la  val- 
lée de  Fftm  à  Sil^apFana,  précisénàétit  en  face  du  groupe 
|)rincîpa!  de  la  Berlaitoâ,  tàndià  que  le  col  de  la  fier- 
flinadêbtyûiâieàSàtnàclèn  vîs-à-Vis  duPiz  d'Ert*  ^396), 


(  120) 

Tun  des  sommets  les  plus  élevés  des  Alpes  gri- 
sonnes. Plus  loin ,  vers  TEst ,  le  passage  le  moins 
haut  du  massif  qui  nous  occupe,  celui  de  Fraele  (2240), 
débouche  à  Zernetz  en  face  du  Piz  Vadred  (3234), 
tandis  que  le  col  de  la  Scaletta  atteint  la  vallée  en  face 
du  Piz  Fier,  lequel,  tout  en  ne  faisantpas  partie  de  la 
ligne  principale  des  crêtes,  ne  s'en  élève  pas  moins 
à  3070  mètres.  Je  pourrais  multiplier  les  exemples, 
mais  je  me  borne  à  citer  les  principaux  ;  un  coup  d'œil, 
jeté  sur  la  carte  de  Suisse,  suffira  pour  reconnaître  les 
autres  points  où  la  loi  est  applicable. 

Le  massif  du  Mont-Blanc  ne  forme  pas  un  pendant 
symétrique  à  celui  de  la  Bernina;  c'est  la  première  fois 
que  nous  avons  à  signaler  une  dissemblance  entre  les 
Alpes  de  TE.  et  celles  de  l'O.  par  rapport  au  Saint- 
Gothard.  Au  lieu  de  décrire  une  courbe  concentrique 
aux  Alpes  valaisannes,  il  se  soude  à  celles-ci,  entre  le 
col  Ferrex  et  le  col  de  Balme»  formant  ainsi  un  contre- 
fort avancé  de  la  chaîne  du  Mont-Rose.  Le  haut  massif 
commence,  à  proprement  parler,  au  col  du  Bonhomme 
(2340),  pour  s'élever  brusquement  jusqu'au  point 
culminant  (/i8 10),  et  redescendre  graduellement  vers 
le  poiut  de  soudure,  où  il  se  termine  par  deux  ai- 
guilles comparativement  basses ,  celle  de  Portalet 
(3355)  et  celle  d'Orny  (3278). 

De  même  que  le  groupe  de  la  Bernina  sépare  deux: 
rivières  parallèles  et  de  sens  contraire,  de  même  le 
Mont-Blanc  sépare  l'Arve  des  deux*  Doires,  dont  l'une 
se  dirige  vers  TE.,  tandis  que  l'Arve  coule  à  l'O.  Enfin, 
de  même  que  la  Bernina  est  la  ligne  de  partage  entre 
le  bassin  de  la  mer  Noire  et  celui  de  l' Adriatique,  de 


(121  ) 

même  le  Mont-Blanc  constitue  la  ligne  de  partage  entre 
le  bassin  de  1* Adriatique  et  celui  de  la  Méditerranée. 
11  est  impossible,  malgré  le  manque  de  symétrie  dans  la 
position  géographique  de  ces  deux  chaînes,  de  ne  pas 
reconnaître  une  certaine  analogie  dans  le  rôle  qu'elles 
jouent  comme  lignes  principales  de  partage  des  eanx. 

Dans  le  groupe  du  Mont-Blanc,  les  cols,  sauf  ceux 
du  Bonhomme  et  des  Fours  qui  franchissent  la  chaîne 
vers  son  extrémité  occidentale,  dépassent  tous  3300  mè- 
tres d*altitude;  aussi  ne  sont-ils  que  des  passages  de 
touristes  peu  fréquentés  par  les  gens  du  pays.  Néan- 
moins, si  nous  considérons  les  grandes  vallées  abou- 
tissant à  ces  cols  quelque  élevés  qu'ils  soient,  nous 
trouvons  que  la  vallée  de  la  mer  de  Glace  (col  du 
Géant)  débouche  dans  le  thalweg  de  l'Arve  en  face  de 
rAîguille  du  Dard,  la  plus  élevée  du  système  savoyard  ; 
les  vallées  dans  lesquelles  se  pressent  les  glaciers 
d*Argentière  et  du  Four  atteignent  le  même  thalweg 
en  face  des  Aiguilles  rouges;  enfin,  sur  le  versant 
méridional,  la  vallée  du  Glacier  de  Miage  (col  de 
Miage)  se  réunit  à  celle  de  la  Doire  vis-à-vis  du  Mont 
Favre  (3253),  un  des  plus  hauts  du  système  opposé. 

Cette  loi  des  débouchés  que  je  n'ai  vue  énoncée 
dans  aucun  ouvrage  scientifique  ou  descriptif  trouve, 
ainsi  que  je  l'ai  annoncé,  des  applications  frappantes 
dans  les  six  massifs  que  nous  venons  de  décrire.  Elle 
est  trop  générale,  dans  les  Alpes  du  moins,  pour  qu'être 
pasle  résultat  de  quelque  grande  cause  physique  etgéo- 
logique  dont  l'explication  serait  un  puissant  auxiliaire 
pour  écarter  un  coin  du  voile  qui  recouvre  encore  la 
question  des  soulèvements.  J'aurais  voulu  savoir,  avant 


(  ISffl  ) 

de  la  signator  à  Tatlention  deiiûs  saTatits  collègues,  ^i, 
sur  les  points  dti  globe  où  se  rencontrent  detrx  ou 
plusieurs  grandes  <:talnes  parallèles^  on  trouverait, 
comme  dans  les  Aipes,  des  exemples  ^ien  définis  de 
cette  }oi.  Alors  ce  ne  serait  plus  un  &it  unique  et 
spécial  au  massâf  européai,  et  sa  généitdité  augmen- 
terait «on  importance. 

La  première  explication  ^ui  se  présente  À  l'esprit, 
xî'e^t  que  la  croûte  terrestre,  déjà  solidifiée  lors  d*tm 
soulèvement  lent  ou  rapide,  n'a  pu  se  boursoufler  sans 
qu'il  se  produisît  une  rupture  correspondante  dontle 
point  de  départ  se  trouvait  à  proximité  du  point  même 
du  soulèvement.  I^lus  la  dilatation  a  été  considérable, 
plus  la  crevasse  produite  a  dû  être  profonde,  =6*  sous 
Tinfluence  des  agents  météorologiques,  cette  dépres^ 
mon  s'est  de  phis  en  plus  accentuée  et  élargie  selon 
la  nature  des  roches  qui  en  forment  le  sous-sol  et  tes 
parois.  On  pourrait  encoreétablîr  que  le  thahveg  ayant 
^té  repoussé  d'autant  plus  loin  de  la  base  du  soulève- 
ment, que  celui-ci  a  été  plus  prononcé,  le  versairt 
opposé  a  été  peu  à  peu  rongé  par  les  eaux,  précisément 
au  point  où  la  pente  de  ce  versant  était  devenue  le  plus 
raide;  les  érosions  du  fieuve,  jointes  à  celle  des  eaux 
coulant  sur  le  versant  même,  auraient  à  la  longae  et 
par  une  suite  d'éboulements  partiels,  pratiqué  uue 
coupure  dans  la  montagne.  Notre  coHëgue,  Elisée 
Reclus,  m'a  dit  avoir  observé  ce  fait  en  petit  et  d'une 
manière  irrécusable  dans  les  sables  du  bord  de  la  m^r, 
lorsqu'à  marée  basse  ils  sont  sillonnés  par  de  petits 
cours  d'eau.  En  face  des  dénivellations  qui  forcent  ces 
ruisseaux  à  décrire  une  courbe,  on  Teuwwque  sur  le 


(  128  ) 

bwrd  <^po8é  de  frtquçots  ^otileiaents  de  saWe,  qui 
doivent  à  la  lopgue  créfsr  sur  ce  point  un  col  en  mioia- 
tqre.  Totiitefpis,  dans  les  Alpes,  les  fleuves  ne  parais- 
sept  pfs  ^yok  toujours  été  déviés  par  les  ^soulèyeDaents, 
^t  dès  lors,  il  me  seint>le  difficile  d'admettre  c^te 
ej^p^cation  quelque  spécieux  qu'elle  puisse  être.  Je 
dpis  ajouter,  du  reste,  qu'il  serait  probablement  iouUle 
de  rechercher  la  loi  que  j'indique  dans  les  faibles  aou- 
Jèvemeuts,  où  les  détails  of ographiques  sont  beaucoup 
plus  complexes,  ,et  où  les  boursouflements  p'ont  peut- 
être  ^s  été  siojiGisants  pour  produire  d'iiuportantes 
nQ)tures. 

lie  groupe  du  Galenstock  et  celui  des  Alpes  tess^* 
jH)ise5,  ne  sont  réellement  qne  des  ramifications  que 
la  obaîne  principale  lance  au  N.  et  au  S,  ;  mais,  séparés 
Ions  ^teux  des  atjttres  massife  par  de  grandes  et  prp- 
fondes  yaUées,  ils  constituât  des  groupes  ^  part,  bien 
défais  et  auxquels  nous  avons  cru  devoir  donner  des 
dénominations  spéciales. 

le  premier,  celui  4e  Galenatock:,  se  soude  au  Saint- 
€hdi)arâ  par  le  col  de  la  Furka  (2136);  il  s'élève,  dès 
son  origine,  justju'à  la  cote  ^30  (Dammastock),  pms 
a'^aissé  ientœient  vers  le  N.-N.-E.  pour  venir  plon- 
gea: ses  dermërs  ressauts  dans  le  lac  des  Qaatre-<lan- 
tmm,  à  Treib.  Dans  ce  massif,  comme  dans  ceux  du 
Tbdi  et  des  Alpes  grisonnes,  aucun  sommet  n'atteint 
AOOO  mètres;  cinq  passages  très-fréquentés  franchis- 
frent  son  faite,  mads  ce  groupe  n'étant  probabilement 
que  le  résultat  du  soulèvement  de  la  grande  chaîne, 
nous  n'y  trouvons,  sur  la  loi  des  débouchés,  que  des 
exeihpiës  assez  mal  accusés  qui  m  confirj9)ent  qu'im- 
parfaitement la  règle. 


(  124  ) 

Il  en  est  de  même  du  groupe  méridional  des  Alpes 
tessinoises  :  se  détachant  du  Saint-Gothard  au  col  du 
Nufeneu  ('iflAI) ,  il  est  séparé  des  massifs  S.-E.  et  S.-O. 
par  les  profondes  vallées  du  Tessin  et  de  la  Toccia. 
Aucune  de  ses  cimes  n'atteint  4000  mètres,  c'est  à 
peine  si  deux  d'entre  elles  dépassent  3000  mètres; 
aussi  ce  groupe  est-il  le  moins  élevé  de  tous  ceux  que 
nous  avons  passés  en  revue. 

En  résumé,  Texamen  du  tableau  que  nous  avons 
dressé  fera  voir  que  le  calcul  de  nos  moyennes,  fait  le 
plus  consciencieusement  possible,  confirme  pleinement 
ce  qu'ont  avancé  bien  des  auteurs  avant  nous,  savoir: 
que  la  chaîne  centrale  des  Alpes  s'élève  brusquement 
du  côté  de  l'O.  pour  s'abaisser  lentement  vers  TE. 
Mais  cette  allure  n'est  pas  régulière,  et  on  peut  remar- 
quer que  les  branches  principales  qui  rayonnent  au- 
tour du  Saint-Gothard,  ont  toutes  les  quatre  un  point 
culminant,  symétriquement  placé  par  rapport  au  nœud 
central,  et  qu'elles  s'abaissent  vers  FO.  comme  vers 
l'Est.  En  ne  considérant  que  les  moyennes,  nous  voyons 
que  la  chaîne  du  Mont-Rose  entre  en  première  ligne 
(4102),  puis  vient  le  massif  du  Mont-Blanc  (3858),  et 
celui  de  la  Jungfrau  (3752).  A  l'E.  du  Saint-Gothard, 
le  massif  le  plus  élevé  est  celui  de  la  Bernina  au  S., 
dont  la  moyenne  atteint  3458  mètres  ;  puis  vient  celui 
des  Alpes  grisonnes,  3226  ;  enfin  celui  du  Tôdi  au  N. 
3143  mètres. 

On  peut  donc  classer  comme  suit  les  différents  mas- 
sifs alpins  suivant  leur  altitude  : 

1"  Massif  du  Mont-Rose  4102 

2«  Massif  du  Mont-Blanc  3858 


(  125  ) 

S*"  Massif  de  la  Jangfrau  3753 

A""  Massif  de  la  Bernina  3/k58 

Ô"*  Massif  des  Alpes  grisonnes  3226 

&"  Massif  du  Tôdi  31A3 

D*où  Ton  peut  conclure  que  l'altitude  des  chaînes 
va  décroissant  à  la  fois  de  l'O.  vers  l'E.,  et  du  S.  vers 
le  N.  Les  versants  de  ces  chaînes  présentent  à  peu  près 
des  caractères  semblables.    Au  N.,  elles  s'étendent 
toutes  les  quatre  en  pente  douce,  lançant  au  loin  de 
grands  rameaux,  tandis  qu'au  S.  elles  s'abaissent  d'une 
manière  plus  abrupte  jusque  dans  les  vallées  adja- 
centes. Enfin,  et  pour  terminer  cette  première  partie 
du  travail,  nous  devons  résumer  ce  que  nous  avons 
dit  sur  la  position  des  cols,  savoir  que  les  cols  les 
moins  élevés  des  massifs  du  N.  (Gemmi  et  Panix)  sont 
situés  à  peu  près  au  milieu  de  la  chaîne  à  laquelle  ils 
appartiennent,  tandis  que  les  passages  les  plus  bas 
des  massifs  du  S.  (Simplon  et  Lukmanier)  sont  plus 
rapprochés  du  Saint-Gothard  que  de  l'autre  extrémité» 
et  que  tous,  quels  qu'ils  soient,  débouchent  dans  les 
vallées  en  face  des  plus  hautes  cimes  des  chaînes 
opposées. 

Nous  avons,  jusqu'à  présent,  considéré  le  Saint- 
Gothard  comme  le  point  pour  ainsi  dire  géométrique 
de  croisement  de  six  massifs.  Mais  nous  devons  quel- 
ques éclaircissements  sur  ce  nœud  que  nous  avons  si 
.  souvent  nommé  sans  Tavoir  encore  décrit. 

Le  Saint-Gothard  est  le  groupe  isolé  de  toutes  les 
autres  branches,  compris  entre  l'extrémité  de  la  vallée 
du  Rhône,  le  col  de  la  Furka,  le  cours  supérieur  de  la 
Reuss,   Je  col  de  l'Oberalp,  la  vallée  supérieure  du 


(126) 

Rhin,  jusqu'à  Dissentis  au  nord,  le  col  du  Ëiâ^noranier 
à  l'est,  la  vallée  supérieure  du  Tessin  ou  val  Bedretto 
au  sudy  et  le  passage  des  Nufenen  à  Tottest. 

C'est  au  centre  de  ce  massif  que  se  tironVè  situé  le 
passage  du  Saint*Gothard,  qui  te  divise  en  deux  parties 
presque  égales.  Le  massif  se  présente  donc  sosfs  la 
forme  d'un  quadrilatère,  séparé  de  toutes  les  âuti^es 
branches  par  des  vallées  profondes  o»  des  cote  accen- 
tuas. 

Les  dmes  de  cette  sorte  d'iiot^  eotoui^  d'uti  océâiù 
de  montagnes,  ne  aoot  rdativemeat  pas  très-hautes, 
leur  moyenne  atteint  à  peine  2950"",  et  la  plus  iotpor^ 
tante,  le  Piz  Rotondo,  H97'^.  Ce  peu  de  relief  paraît 
n'être  pas  en  rapport  avec  le  rôle  que  joue  le  Saint- 
Gothard,  dans  la  distribution  des  fleuves  qui  s' eh  échap- 
pent de  tous  côtés.  -^  Ce  sei'ait ,  d'après  quelques 
géologues,  une  preuve  de  l'ancienneté  du  souH- 
vement. 

En  effet,  se  basant  SHir  une  opinion  émise  par  M.  ÉHe 
de  Beaumont,  savoir  :  que  parmi  les  chaînes  de  mon- 
tagnes d'un  continent,  les  plus  basses  semblent  èU*e 
les  plus  anciennes ,  quelques  savants  se  soilt  crus 
autorisés  à  supposer  que,  dans  une  menue  chaîne, 
lorsqu'elle  a  été  formée  par  plusieurs  soulèvements 
successifs,  les  massifs  les  moins  élevés  sont  aussi  les 
moins  récents  (l).  D'après  eux,  ces  massifs  dont  il  ne 
resterait  aujoui^d'hui  que  les  bases,  devaieat  compter 
des  cimes  de  hauteur  inconnue,  qu'a  roiigées  la  dent 
meurtrière  des  siècles,    j^endant  des  milliecs  d'an- 

(1)  Nordfahrt  von  Berna,  par  Çarl  Vogt. 


(  m  ) 

néea»  les.  tocrenta,  les  avalanches,  les  éboulemeats,  les 
glaces  et  les  orages  auraient  travaillé  à  détruire  cesk 
fiëres  pyramides  qui  semblaient  devoir  défier  les  plus» 
puissantes  actions.  Attaquées  de  tous  côtés  pai;  Hemr 
leur  plus  redoutable  ennemi,  ces  montagnes  ont  pu 
s'affaisser  pjour  disparaître  ensuite  et  reippiir  de  leurs 
débris  les  vallées,  voisines.   Il   est  vrû  que  de  i^oa 
jours  nous  voyons  s'accomplir  cette  œuvre  lente  et 
continue  de  destruction,  et  nous  pouvons,  sinon   me^ 
surer,  du  moins  en  constater  les  effets.  Les  torrents 
bondissent. sans  cesse  dans  un  lit  plein  de  décombres, 
les  avalanches  labourent  sans  répit  les  flancs  des  mou<- 
tagnes,  les  glaciers  charrient,  sans,  relâche  de  longues, 
files  de  débris,  les  orages  emportent  chaque  année  de. 
vastes  étendues  de  pâturages,  qu'aucune  forêt  ne  fixe 
plus^an  sol,  et  le  rocher  même,  mis  à  nu,  est  secrète- 
ment attaqué,  lentement  décomposé,  jusqu'à  ce  qu'en- 
traîné sur  la  pente  commune^  il  vienne  bloc  par.  bloc, 
s'abîmer  dans  la    vallée.  En  dehors  de  ces  effets 
continus,  il  se  présente,  de  temps  à  autre ,  de  grands 
cataclysmes;  Téboulement. de  Conto  en  lôlâ,  qui  dé* 
truisit  deux  bourgs  et  ensevelit  plus  de  2000  habitants; 
ceux  des  Diablerets,  en  17lÂet  17 A9,  qui  recouvrirent 
lesÂlpes  de  Cheville  d'une  couche  de  lOQ""  de  débris*; 
celui  du  Rossberg  en  1806,  qui  engloutit  Goldau  et 
qu^tre,autres.villa09s;  .et  la  menaçante  fismire  du  Fels- 
berg,  dent  le. sommet  est  en  mouvement  depuis  des 
années  et  qui  chaque  jour  menkce  de  s'écrbulér  dans 
la  vkilée;  et  les  éboulements  partiels  de  la  Dent  dii 
Midi. vers  1840,  ceux  de  là  Bernina  et  du  Prâttigau; 
enfin  les  xélëbres  glissées  de  terrain  de  180&  à^S^ei»^ 


(  128  ) 

et  de  1795  à  Wâggis,  n'est-ce  pas  là  de  Thistoire  con- 
temporaine? Oui,  Fceuvre  de  destruction  des  mon- 
tagnes s'opère  sons  nos  yeux  et  s'est  poursuivie  depuis 
l'origine  des  siècles  avec  une  fatale  persévérance  ;  le 
grain  de  sable  entraîné,  la  pierre  précipitée  des  hau- 
teurs n'ont  jamais  repris  leur  place,  et  les  sommets 
détruits  peuvent  n'avoir  laissé,  comme  témoin  de  leur 
ancienne  puissance ,  que  les  gigantesques  bases  sur 
lesquelles  ils  étaient  assis  ;  leurs  débris,  charriés  dans 
les  vallées  ont  servi  à  remblayer  par  des  milliards  de 
mètres  cubes,  des  dénivellations  énormes  et  les  gouf- 
fres béants  des  vallées  primitives  pour  doimer  au 
fleuve  le  cours  régulier  qu'il  s'est  construit  lui-même 
à  la  longue,  en  dépit  des  premiers  accidents  de  son 
cours  (1). 

Nous  ne  saurions  affirmer  si  le  massif  du  Saint-Go- 
thard  est  d'une  époque  plus  ancienne  que  les  autres  ;  sa 
structure  géologique  ne  semble  pas  le  prouver,  et  nous 
nous  garderons  d'aborder  une  question  sur  laquelle 
les  plumes  les  plus  autorisées  ne  sont  pas  d'accord; 
nous  dirons  seulement  que,  placée  au  point  de  croise- 
ment de  plusieurs  soulèvements,  cette  région  a  dû  être 
le  théâtre  d'une  complication  de  phénomènes  qui 
échappent  encore  à  nos  investigations  et  dont  nous  de- 

(I)  a  Cailloa  à  caillou,  grain  de  sable  à  grain  de  sable,  Teau  porte 
»  les  montagnes  à  la  met;  elle  n*est  pas  seulement,  comme  le  dit 
»  Pascal,  un  chemin  qui  marche,  elle  est  aussi  une  masse  conlinentale 
»  en  voyage,  qui,  dans  les  siècles  d'hier  était  couverte  de  la  neige 
»  éternelle  des  montagnes,  eiqui,  demain,  se  fixera  sur  les  bords  de 
»  la  mer  pour  augmenter  le  domaine  de  Thomme.  »  Les  Fleuves, 
par  Elisée  Beclus.  Nouvelles  annales  des  voyages^  mars  1865,  p.  2S6. 


(  129) 

Tons,  jusqu'à  noavel  ordre,  admettre  les  effets  sans 
rechercher  les  causes.  Les  vallées  qui  entourent  le 
nœud  du  Saint-Gothard  sont  toutes  très-profondes  :  le 
Rhône  à  Oberwald  n* accuse  que  1«^58  mètres;  la 
Reuss  à  Andermatt  1A38  mètres  ;  le  Rhin  à  Dissen- 
tis, 1048  mètres;  enfin  le  Tes^in,  à  Aïrolo,  environ 
1100  mètres  d'altitude.  Les  cols  qui  joignent  ses 
vallées  participent  à  rabaissement  général  :  la  Furka 
a  2436  mètres;  l'Oberalp,  2052  mètres;  le  Lukma- 
nier,  1017  mètres;  le  Nufenen,  2&41  mètres;  enfin  Iq 
Saint-Gothardy  qui  en  forme  la  ligne  médiane,  ne 
présente,  à  son  point  le  plus  élevé,  qu'une  hauteur  de 
2114  mètres. 

Le  Saint-Gothard  est  formé  par  des  gneiss  et  des 
micaschistes  ;  ces  derniers  se  rencontrent  sur  le  versant 
méridional  et  sous  forme  de  roche  pourrie  qui  se  délite 
rapidement  à  Tair  et  n'offre  aucune  consistance.  La 
limite  du  terrain  secondaire  ne  se  trouve  que  bien  loin 
daHS  les  vallées  :  vers  Attinghausen  et  Altorf  dans 
celle  de  la  Reuss;  vers  Hof  dans  celle  de  l'Aar;  vers 
le  Lotschcnthal,  dans  la  vallée  du  Rhône,  et  au  S.  dans 
les  plaines  de  l'Italie.  Mais  un  fait  curieux  à  signaler 
et  qui  pourrait  embarrasser  plus  d'un  géologue  des 
anciennes  écoles,  c'est  la  présence  dans  le  groupe  du 
Galenstock  d'un  banc  calcaire,  stratifié  à  une  hauteur 
prodigieuse  et  serré  entre  un  toit  et  un  mur  de  roches 
métamorphiques.  Lorsque  d'abondantes  pluies  tom- 
bent dans  ces  régions  et  que  les  torrents  gonflés 
apportent,  jusque  dans  les  vallées,  d'énormes  quan^ 
tités  de  déj>ris  entraînés  par  leur  course  rapide,  on 
trouve,  dans  les  lits  de  ces  mêmes  torrents,  quand.les 

XI.    FÉVRIER-MARS.    4.  0 


(  iSO  ) 

eaux  ont  repris  leur  régime,  des  morceaux  de  calcaire 
de  toute  diineosioD  à  côté  de  gros  fragments  de  quartz 
cristaliisé.  Ce  calcaire,  dont  nous  avons  rencontré  de 
nombreux  échantillons  dans  la  vallée  de  la  Reuse, 
après  les  inondations  mémorables  de  1800,  6st  d^un 
blanc  quelquefois  éclatant,   quelquefois  légèrement 
tcdnté  d*oore  jaune,  et  souvent  coloré  de  gris  bien, 
çpmme  s'il  avait  été  en  contact  avec  des  schistes;  il 
présente  invariablement  une  cassure  saccharoîde,  san» 
aucune  trace  de  clivage»  de  cristallisation  ni  de  fosi»Ies. 
Il  produit  une  chaux  d^excellente  qualité  que  non» 
avons  employée;  aussi  quelques  foura  sont41s  établia 
à  Oberwald  en  Valais,  à  Gœschenen  dans  ie  cantoH 
d'Uri,  et  à  Scbwanden  en  amont  de  Hof  dans  l'Ober- 
basli.  Ces  exploitations  très  primiti?es  s'approvisien* 
nent  uniquement  de  ce  que  leur  apporte  le  torrent, 
aussi  la  fabrication  est-elle  précaire  et  souvent  inter- 
rompue.  Par  qoel  phénomène  exceptionnel  ce  baao 
calcaire  de  quelques  mètres  de  puissance  seutemeot 
se  trouve-t  il   ainsi  perdu  à  des  hauteurs  presque 
inaccessibles,  bien  loin   au-dessus  de  la  limite  des 
neiges  ?  Comment  se  trouve-t-il  emprisonné  et  pîneé 
en  quelque  sorte  dans  des  gneiss  et  les  mioasohistes  f 
C'est  ce  que  nous  ne  nous  hasarderons  pas  à  recher- 
clier.  Nous  nous  bornerons  à  dire  que  sa  préeene^ 
donne  une  force  nouvelle  à  la  thémîe,  aujouid'hoi 
généraleoieat  adoptée,  qui  ne  v^t   da^s   çei^ioes 
roches,  que  Ton  avait  eru  jusqu^à  présent  primitive», 
qu'uqe  métamorphose  du  cal  dure,  soua  l'aetioa  €^ 
diverses  influences  physiques  et  chimiques. 
Ces  gisements  calcaires,  alternant  avec  dee  banca  de 


(  *8*  ) 

gmm  et  âe  sûbistft^  ne  sont  pa^  spéi^tix  au  garotipe 
du  Cialm&toelc.  On  en  retcauve  m  Valais  près  de  Zei^-» 
»ait,  au  Liikaaaiiier^  au  Rnmner^  ail  Splûgen  entre  ]^ 
col  et  la  village,  où  i]s  a' exploitent  uos-âBu^çifiôDt  pou» 
la  statuaire,  mais  euoore  {içur  le  aimple  entretien  dé 
la  n^ute*  Snfiu  U,  de  Billy,  auquel  noua  devfins  la  tieUei 
oarte  ^éqle^ique  des  Vosges,  a  couataté  la  ppéaeuee 
de  hano&  aualogaea  près  de  Laveline  (arjpoudisaesieiil 
de  SaintiDié)^  et  aux  environa  d»  SaiuterM^riie^uxHt 
llipea<  Là^  la  roche  eneaiasaute  est  d\\  gueisa  parfailèi» 
ment  défisi,  et  le  caJeaire  se  présente  aoua  form&  lamel^ 
lake,  avec  tracea  de  g^apbite^  ee  qui  indiquerait  ud 
éiément  primitif  végétal,  a^t(|rieur  ^  la  fondation  du 
gfi^iaa. 

Si  l'ea^ainen  des  cimea  et  dea  oela  noua  a  mia  ^ur  Iq 
t^aee  de  la  loi  des  débouchés,  eeki  dea  eaura  d*eau 
0911s  eu  découvrira  uâe  autre  non  iKtoina  importante 
pour  Itt  géographie  et  ^'âtude  du  tfjfrain^ 

Cettç^  loi  n*eét  pas  nouvelle  ;  émisa  en  1808  par 
UU,  UupuiarrToréy  et  Bri&aon  (4),  elle  é^it  tombée 
dftna  l'oubli»  an  point  <|U'un  de  qoa  maîtres  en  topo<« 
graphie,  M.  Bardin,  aprèa  eu  avoir  dam  le  temps  cber^i 
ché  inutilement  lea  applio^tions,  avoue  lui-même  avolt 
ét^  obligé  de  rcaumcer  à  catca  reehecehe.  Gepeqdaui 
le.  fait  énonoé  par  Briseoju  existe  dTune  manière  irréou» 
sable  dans  lea  grands  aoulèvemeat»,  et  les  quelqueflj 
enemplea  que  noua  allons  présenter  auffitont  pour  la 
ir^bâbiliter  aux  yeuii  dea  géepiaphea^ 

{\  )  Esiaii  $ur ISsÊfi  de  projeté*  M^eUio»  de  nâiijiganonf  par  Màf.  D(i* 
poisi-T<»rc|  çt  Bri|^p,  ii^[ÉW|eu;:ft  ^^  |>o^ti^  et  cl)«^v^sé^,  3ÇlV»c|i|pier 
da  Journal  de  l'Ecole  polytechnique,  t.  VU,  p.  262  (di^j  |%iiOc 


(182) 

MML  Dupuis-Torcy  et  Brisson  cherchaient  à  établir 
dans  un  mémoire  très-savant,  mais  assez  confus,  qu'en 
projection  verticale,  les  crêtes  sont  toujours  parallèles 
anx  thalweg.  Il  s'ensuit  qne  le  point  le  plus  élevé 
d'une  chaîne  devrait  toujours  être  situé,  par  rapport 
au  fleuve  qu'elle  encaisse,  du  c6té  de  sa  source.  Jus- 
qu'ici rien  de  plus  simple  ni  de  moins  neuf,  quoique 
des  exemples  pris  aux  sources  de  la  Garonne  et  dans 
les  Garpathes  viennent  opposer  à  cette  aflSrmation 
d'évidentes  exceptions.  En  effet,  dans  les  Pyrénées,  la 
Garonne  qui  prend  sa  source  au  sud  de  la  chaîne»  la 
traverse  perpendiculairement  par  le  souterrain  naturel 
du  Trou  del  Toro,  pour  gagner  au  Nord  les  plaines  de 
France  ;  et  dans  le  Tatra  (Garpathes),  l' Arwa  et  le  Po- 
prat  prennent  leurs  sources  au  N.  et  au  S.  pour  ga- 
gner la  Theiss  au  S.  et  la  Vistule  au  N. ,  coupant  ainsi 
la  chaîne  dans  une  direction  normale  à  son  faite  (1)  • 
Enfin,  dans  l'Amérique  du  Sud,  presque  tous  les  fleuves 
prennent  naissance  sur  le  versant  E.  des  Andes,  et  tra- 
versent perpendiculairement  les  Cordilliëres.  Quoi  qu'il 
en  soit,  la  loi  émise  par  MM.  Dupuis-Torcy  et  Brisson 
peut  avoir  d'utiles  résultats  pour  la  recherche  des  cols. 
D'après  la  loi  énoncée,  lorsque  deux  cours  d'eau  cou- 
lent parallèlement,  mais  en  sens  contraire  de  chaque 
côté  d'une  chaîne  de  montagnes,  cette  chaîne  devra 
présenter  deux  points  hauts  vers  chacune  des  sources, 
et,  son  inclinaison  restant  parallèle  aux  deux  ri- 
vières à  la  fois,  elle  devra  s'abaisser  vers  son  milieu; 
on  en  conclut  qu'en  joignant  les  deux  sources  par 

(1)  Nouilles  Annaks  des  Voyages,  mars,  1865.  —  Les  Fleuves^ 
par  Elisée  Reclus. 


(133) 

une  ligne  fictive,  on  rencontrera  vraisemblablement  un 
col  au  point  d'intersection  de  cette  ligne  avec  le  faite» 
MM.  Dupuis-Torcy  et  Brisson  disent  aussi  que,  lors- 
que deux  cours  d'eau  prennent  leurs  sources  dans  le 
voisinage  l'un  de  l'autre  et  coulent  en  sens  opposé,  le 
prolongement  de  leurs  thalweg  indiquera  un  col  sur 
le  faite  qui  les  sépare.  En  résumé,  d'après  ces  ingé* 
nieurs,  pour  trouver  un  col  il  suiBt  de  joindre  les 
sources  de  deux  rivières  dont  les  cours  soient  diamé^ 
tralement  opposés  ou  parallèles,  mais  en  sens  con- 
traire (1). 

Ce  fait  est  vrai  dans  toute  la  chaîne  des  Alpes,  et  les 
exemples  les  plus  concluants  abondent  autour  du  Saint- 
Gothard. 

Lorsque  des  sources  du  Rhône  à  Gletsch  on  veut 
passer  à  celles  de  l'Aar,  on  trouve  le  col  du  Grimsel 
(2183)  ;  à  celle  de  la  Reuss,  le  col  de  la  Furka  (2&36); 
à  celle  du  Tessin,  le  passage  du  Nufenen  (2&A1);  à 
celle  de  la  Tocçia,  le  col  du  Griess  (2A&8).  Lorsque 
des  sources  de  la  Reuss  on  veut  passer  disons  les  bassins 
voisinSyOn  trouve  :  pour  arriver  à  la  source  du  Rhône, 
la  Furka;  pour  gagner  le  bassin  du  Tessin,  le  Saint- 
Gotbard  (211A)  ou  le  col  Ganaria  (2636)  ;  pour  parve- 
nir à  la  source  du  Rhin,  le  col  de  l'Oberalp  (2052); 
enfin, pour  conduire  dans  le  bassin  de  l'Aar,  le  Susten 
(2262)  par  les  vallées  latérales  du  Mayenthal  et  du 
Gadmenthal.  Entre  la  source  du  Rhin  et  celle  de  la 
Reuss,  on  trouve  l'Oberalp;  entre  un  affluent  du  Rhin 
et  la  source  du  Rreno,  dans  le  val  Blenio,  on  franchit 

(1)  Voir  l*éaoQcéde  cette  proposition,  à  la  page  278  du  vol.  XII  da 
Journal  de  l^Ecole  polytechnique  • 


(  194  ) 

te  col  du  Lnktnanier  (1917)  ;  entre  wH  autre  isifttiieiit 
et  la  iùèiûe  vàtlôfe,  te  toi  dié  <îrêrDà  (2360)  ;  tûBu  lA 
L^tita  (2?7«),  Ji  là  éblircè  tfbô  ti*oisièmè  afBiieht  plos 
à  FE.  Eàflrt,  tofsqwe  ded  àbufi^s  du  Ttessîi!^  on  tihei?ché 
à  pàïàet  dans  le  b^i^iîi  dti  Rhône,  oh  fVanehit  lé  Nufte- 
neii  ;  et  dans  le  ba^^in  dé  la  Toccià,  te  côl  8àtt«4Q^ia<iA^ 
mo  (2808). 

Pl\ià  feiu  tïoifd,  on  troWve  ènctiite  de  tibWbf^.u^s  a^"^lî* 
Tâttetiè  dti  toêiîie  fait  i  ent^è  là  Vallée  d*Ëngèlbfet^  ^t 
T*lte  diè  Gitdbhen,  où  trouvé  le  ^a%^agè  du  Sut-ètten 
(2305);  entre  celles  d'Oberrikenbach  et  d'Isehlfcal,  te 
pasisagë  du  Scholhegg  (1925);  entt*e  iè  âtbâthenthal 
et  la  vallée  de  la  Lintb,  lé  col  dti  Klauseu  (4088), 

eiiC*  m  6VC* 

Nous  étêftdrion*  fè  tfOLttïp  de  W)!à  tiechiètchw  dtt  tt)us 
feôtés,  tjué  de  tous  côté*  ailèsi  nous  HurfOtt*  à  tîôïîâtSi* 
tsY  lès  Vrtétaes  VéHtés  :  d^ù  F  où  peut  èouclûre  te  kit 
^ul,  tout  en  topant  pas  ftoûveàu,  n'est  pas  tepèftdànt 
San*  importance  pour  leé  explorateurs,  t'est  qu'en  tb^ 
taoûtant  un  cour*  d'ièàu  de  q'Ueltiué  Itaportante  Jusqtf  à 
sa  liource,  Ort  trouvera  înfaîlllblekrieftt  \ln  col  acceèi*- 
stble. 

MM.  Dupuis-tbfcy  et  BrifeâOii  tïe  pariaient  ett  ISW 
que  de  rivières  opposées  ou  parallèles,  Tnais  de  pente 
contraire;  nous  allons  plus  loin  et  nous  ne  Clraignofti^ 
pas  d'affirmer  ï 

1*  Que  lorsqu'une  ou  deux  rivière^  importantes  pr&- 
^fentent  des  coudes  brusques,  ces  coudes  peuvent  fttfè 
considérés  côttimè  des  sburôes  pour  la  recherche  dfeà 
eolst  e'est*à-dire  «ervir  de  peint  de  joMtioti  avec  les 
autres  sources  ou  les  autres  coudes. 


(  138  ) 

a«  Qwe  lorsqu*toiw  rivière  coule  perpendiculaire* 
iti»m  à  tthe  autre»  le  prolongement  de  la  perpendicu- 
Mtt  indiquera  presque  infailliblement  un  col. 

En  effitl,  ^ànt  àU  premiiôr  points  celui  des  coudes^ 
nous  en  trouyons  dans  les  Alpes  de  nombreux  exem- 
ptées. EiiV^  l^  Céude^  du  Rhdnè  et  de  l'Aar,  près  de 
leùit»  êoiirtieb  ;  aU  mû  dU  coude  du  Rhin  à  Goire,  oà  m 
troiiTe  tà  %«1  dé  Parpàn  (156 1)*  m  coude  du  Rhône  à 
MÀrtigny^  d'où  ^art  toUI  un  t^seau  de  passages  ;  entre 
là.  soUtte  de  la  Landqti&rt  m  le  c^dùde  de  Tlnn  à  Stts^ 
oïl  ëe  trMve  uft  col  de  2&?9  mètres.  Entre  le  coude  de 
là  Lôtifea  &  Ki^pél  et  là  doufce  de  la  Kander,  où  Von 
renisMtl*e  M  miJSeu  du  haUl  Màèsif  dei9  beiges  le  pas^ 
sège  M  Mti^¥imns  jadk  ttès-frëq\ienté,  itiaiB  que  tes 
^kc^B  t^t  l^ndu  anjourd^htli  {K'esqaë  impratioablei 
Eâflfl,  llautilé  rfiasâif  dil  Mt^â^B)anc^  c'est  d'iiti  coude 
prtMioncé  dé  T Afté  que  pan  lé  col  du  Prarion. 

On  peut  objecter  &  cette  théorie  ic^ué  les  coudes^ 
reèevâbt  {génét^alé^àétit  dés  affluents^  lé  êad  dont  nou« 
noué  l^éctipon^  f  etèttibe  dabs  Celui  de  déUx  Cours  d'ea» 
o|ypo«(éSi  II  él^t  i^\  i[}Ué  dane  la  niàjeure  partie  des  cad, 
le  thalweg  principal  se  fM'olôngé  eu  thalweg  d'un  ordre 
iil#Hëu^  é)i  au^bnt  d«L  toùdei  mais  les  affluents  qui 
arrivent  à  ^  ee^ùAh  ne  sofit  éouvent  qu'in^gnifiants 
par  rappOfI  au  débit  du  fleu^  principal  ;  dès  lors  les 
cols  ne  déVIraient  pas  être  {>lUs  accentués  que  ne  le 
soély  dans  les  chaînes  de  Uiotitagne,  ceux  qui  rejoignent 
deux  thalwegs  de  troisième  ou  de  quatrième  ordre, 
suivant  Timportance  de  Taffluent.  Il  n'eu  est  pas  ainsi, 
et  quelque  insignifiatH  que  isoit  cet  affloent,  le  coude 
d'un  grand  fleuve  du  d'une  rivîtte  importante  indi- 


(  lae  ) 

qnera  toujours  une  grande  dépression.  Le  coude  du 
Rhin  à  Sargaus  pourrait  rentrer  dans  le  cas  dont  nous 
nous  occupons  ;  toutefois,  sans  Taffirmer,  il  présente 
un  fait  hydrographique  trop  singulier  pour  que  nous 
puissions  le  passer  sous  silence. 

A  Sargans,  le  fleuve  qui  coulait  dans  la  direction  du 
nord  depuis  Coire  tourne  brusquement  à  Test,  aban-< 
donnant  ce  qu'on  pourrait  appeler  son  thalweg  naturel, 
pour  franchir  un  étroit  défilé  entre  le  Flâschberg  et  le 
Schollberg.  En  prolongement  de  la  direction  que  le 
Rhin  suivait  depuis  Coire»  s'ouvre  une  large  vallée 
marécageuse,  celle  de  la  Seez,  qui  conduit  de  niveau 
au  coude  que  fait  ce  torrent  à  Mels.  La  Seez,  comme 
le  Rhin,  ne  reçoit  aucun  cours  d'eau  à  son  changement 
de  direction,  et  la  hauteur  du  terrain  entre  les  deux 
coudes  est  de  deux  mètres  environ  (1).  Si  donc  de  Sar- 
gans  à  Mels,  sur  une  longueur  de  h  kilomètres  au  plus, 
on  creusait  un  canal  de  3  mètres  de  profondeur  au 
maximum,  le  Rhin,  au  lieu  de  se  jeter  dans  le  lac  de 
Constance,  se  précipiterait  dans  celui  de  Wallenstadt, 
traverserait  le  lac  de  Zurich  et  emprunterait  le  cours 
de  la  Limmat  jusqu'à  Waldshut. 

La  vallée  de  la  Seez,  comme  le  rapportent  les  lointains 
^chos  d'une  tradition  mourante,  est-elle  ou  non  l'an- 
cien lit  du  fleuve  qu'un  éboulement  de  montagne  aurait 
forcé  à  changer  de  direction  pour  se  précipiter  dans  un 
étroit  défilé  ?  Telle  est  la  question  qu'on  est  en  droit 

(1)  Cote  du  Rhia  à  son  coade 483"^ 

—  de  la  vallée  près  Sargans. .  •     485" 

—  —  Thiergarten    470» 

—  da  lac  de  Wallenstadt. . . .     425"^ 


(  187  ) 

de  se  poser.  S'il  y  a  eu  jadis  un  chaûgement  de  direc- 
tion, nous  ne  croyons  pas  qu'il  faille  l'attribuer  à  un 
cataclysme  violent,  tel  qu'un  éboulement,  car  les  deux 
mètres  de  dénivellation  ne  sont  pas  formés  de  détritus 
de  montagne»  mais  d'une  sorte  de  tourbe  incomplète 
reposant  snr  un  lit  de  graviers  roulés.  Nous  pensons 
qu'il  serait  plus  vraisemblable  d'invoquer  un  effet  lent 
et  continu,  tel  que  la  formation,  par  un  ancien  glacier, 
de  quelque  moraine  frontale  ou  un  atterrissement  du 
Rhin,  lorsque  vers  la  fin  de  la  période  glaciaire,  ce 
fleuve  devait  rouler  un  volume  d'eau  bien  plus  consi- 
dérable qu'aujourd'hui.  Ces  deux  hypothèses  peuvent 
cependant  être  combattues  :  si  la  dénivellation  était 
le  résultat  de  quelque  moraine*  on  peut  afiirmer  que 
le  sous-sol  ne  se  présenterait  pas  sous  la  forme  de 
galets  roulés  que  n'affectent  jamais  les  matériaux  trans- 
portés par  les  glaciers.  En  effet,  chariés  lentement  et 
sans  frottement  sur  les  glaces,  les  détritus  ne  perdent 
pas  leur  forme  anguleuse,  et  ils  se  retrouvent  à  plu- 
sieurs lieues  de  distance  tels  qu'ils  se  sont  détachés 
des  flancs  des  montagnes.  En  second  lieu,  si  une  mo- 
raine avait  jamais  existé,  ses  matériaux  assez  puissants 
pour  s'opposer  aux  assauts  du  Rhin  et  l'obliger  à 
changer  de  cours,  n'auraient  pu  être  dispersés  par  les 
agents  atmosphériques  ;  on  en  retrouverait  des  traces 
visibles  ei  caractéristiques.  C'est  ce  qui  n'a  pas  lieu  ; 
aussi  sommes -nous  forcés  de  conclure  que  si  le  Rhin  a 
jadis  changé  de  direction,  ce  fait  n'a  dft  être  que  le 
résultat  d'un  atterrissement  considérable.  Remarquons 
à  ce  propos  que  les  atterrissements  ne  prennent  nais- 
sance que  dans  les  courbes  des  fleuves  et  du  côté  cou- 


(  13é  ) 

vexiB  de  ces  courbtss  pat*  rapport  à  Tlixfe  du  courant* 
or,  en  sfuppoisant  qu'autrefois  Ife  fthih  eôuîât  dans  le 
lâc  de  Wallenstadt,  il  ûfe  fof  diait,  à  partit*  dé  Mayëti- 
ffeld,  qti*unë  ligne  seriBibîemeïit  droite  et  par  consé- 
quent défavorable  ^ùx  dépôts.  Ce  n'est  dotlc  pas  pluà 
atix  atterrîsséments  du  fthiû  qu'au  fait  d'une  moraine 
quMl  faut,  croyons-nous,  attribuer  l*abândt)n  par  fe 
fteiive  de  la  rallèë  )^ui,  tôpographiquement,  sôtoblfe 
devoir  être  son  lit  ttaturel.  Mais  cêâ  dépoté  pètirent 
côrtstituer  un  aticîen  tôHe  de  déjection  de  la  Sééz,  tôt- 
Têtït  qui  dans  ses  débordements  charrié  ëtir  sa  pente 
rapide  i\tïé  gr^ande  quantité  de  matériaux  ;  ces  graviers 
otot  pu  venir  obstruer  la  vallée,  comme  oti  te  rfemanj[aè 
encore  aujourd'hui  danà  le  cantoU  du  Valais  auîc  tt)r- 
rènts  dé  Gliss  et  de  l'îlgrab,  dôlît  lés  détritus  font 
dévier  lé  fthôûé  Jusqu'au  pied  de  là  montagne  oppbséé. 
Sur  ceè  points,  le  fthOnë,  ëéfré  contre  les  Wctierà, 
auètuente  de  vitesse  et  enlève  au  fur  et  à  tneâutte  tôim 
léâ  gf avièrs  et  Ifes  blocs  qui  rouiettt  jusqu'à  ses  eaûi 
impétueuses;  mais  le  fthin,  ayant  trouvé  une  issue  à 
i^èst,  s^y  sera  tirèuèé  un  noùveati  lit,  laissant  à  là  âeeî 
la  Ubtt  possession  dé  la  vallèè.  11  serait  aisé  de  t^con- 
nUîtré  si  ôetté  assertioîi  est  fondée  par  la  UatUre  dès 
glravièr^  du  sous-sôli  malheureusement,  jfe  n'ai  jàidals 
eu  Topportuftité  dé  le  faire,  et  je  me  boilie  à  émettre 
l'explication  (jul  me  semble  la  plus  plausible,  en  atten- 
dant (jue  ï'ôh  puisse  recueillir  des  preuves, 

NoUs  avoUs  dit,  éU  second  lieu,  que  lorsqu'un  cours 
d*eau  prend  ^a  source  perpendiculairement  à  une  ïi- 
vière,  le  prolougemènt  du  thalweg  auquel  âppartietit 
la  source  indiquera  presque  Infailliblement  ttt  t(A. 


(1^9) 

Voîci,  à  1* appui  de  cette  affirmation,  qtieltjTiés  exemples 
significatifs  :  là  Reuss  du  Sàiûl-Gôthàrd  (1)  6'olllë  pef- 
pendiciilairemént  au  cours  du  Tfessin,  et  le  col  du 
Saint-Gothàrd  se  trouvé  dahs  le  pmlongement  dil 
thalweg  de  la  Reuss;  f  A.a  coule  perpendiculairement 
à  l'Aar,et  le  passage  du  Brunig  se  trouve  dans  lé  pro- 
longement du  thalweg  de  TÀa;  la  Sariné,  la  Siûinien, 
la  Kander,  coulent  perpendiculairement  àu  fthôné,  et 
livrent  passage,  à  1* extrémité  supérieure  de  leurâ  thaï* 
wegs,  aux  cols  du  Sahetsch,  du  Rawyl  et  dé  la  tGemmii 
ïl  est  vrai  quMl  existe  presque  toujours  urt  petit  torrent 
secondaire  ou  tertiaire  sur  le  versant  opposé  à  la  source, 
mais,  comme  dans  le  cas  des  brusques  inflexions,  sort 
débit  eât  souvent  horé  de  toute  proportion  avèb,  celui 
des  fleuves  et  dés  rivières  que  l'on  considéré,  et  âl 
faible  que  soit  cet  aflluent,  deux  importants  cours  d'eau 
perpendiculaires  donneront  toujours  lieu  à  qne  impor- 
tante dépressit}n.  Le  même  fait  se  retrouve  encore 
entre  la  Linth  et  le  Rbin  ;  dans  le  Jura,  entre  TAu- 
bonne  et  l*Orbe  ;  enfin,  un  phénoqiène  naturel  analogue 
à  celui  du  Rhin  et  de  la  Seez  k  Sargans  se  produit 
entre  la  ThîellQ  et  le  Rhône,  çt  mérite  quelques  mots 
de  développement. 

LaThîelle,  qui  se  jette  dans  le  lac  deNeachàtel  poi^r 
passer  dans  celui  de  Bienne  et  rejoindre  l'A-ar  à  Bûren 


ReussdelaFurka;  . 

^eqss  da  Samt-43othar(]; 
Reass  del'Uo^çralp; 
t(«als  (ië  f  ObëVâlp. 


(  140  ) 

SOUS  le  nom  de  la  Zihl,  coule  au  pied  du  Jura  paral- 
lèlement à  la  chaîne;  le  Rhône,  au  contrûre,  après  sa 
sortie  des  Alpes,  forme  le  lac  de  Genève,  dont  la  cour- 
bure est  à  peu  près  perpendiculaire  à  la  direction  de 
la  Thielle.  Si  Ton  prolonge  le  thalweg  de  cette  dernière, 
on  arrive  près  de  la  ville  de  la  Sarraz  à  un  point  de 
partage  de  premier  ordre,  entre  les  bassins  du  Rhin 
et  du  Rhône»  dont  l'altitude  est  si  faible,  qu'il  livrait 
passage,  récemment  encore,  à  uu  canal  remplacé  au- 
jourd'hui par  le  chemin  de  fer  d'Yverdon  à  Morges. 
Cette  voie  navigable,  connue  sous  le  nom  de  canal 
d'Entreroches ,  franchissait  le  petit  soulèvement  cal- 
caire du  Mormont  dans  une  profonde  et  sinueuse  cou- 
pure naturelle,  à  la  cote  4A8,  dont  les  ingénieurs 
hydrographes  avaient  su  profiter.  Or,  l'altitude  du  lac 
de  Genève  étant  de  375  mètres  et  celle  du  lac  de  Nea- 
çhâtel  de  i35,  les  eaux  du  second,  au  lieu  de  s'écouler 
dans  le  Rhin,  devraient,  s'il  n'y  avait  pas  de  col,  s'é- 
couler dans  le  lac  de  Genève.  En  poussant  plus  loin 
encore  notre  hypothèse,  nous  pourrions  ajouter  que 
toutes  les  eaux  de  la  Zihl,  situées  au-dessus  de  la  cote 
du  lac  Léman,  s'écouleraient  dans  la  Méditerranée  au 
lieu  de  se  diriger  vers  la  mer  du  Nord.  Or,  la  cote  du 
confluent  de  la  Zihl  et  de  l'Aar,  près  de  Bûren,  est 
de  A32  mètres,  soit  3  mètres  de  moins  que  l'altitude 
du  lac  de  Neuchâtel  ;  une  différence  de  3  mëti*es  s'op- 
pose donc  à  l'entrée  de  l'Aar  dans  le  lac  de  Neuchâtel, 
et  une  dénivellation  de  13  mètres  seulement  empêche 
ce  lac  de  se  déverser  dans  le  Rhône. 

Nous  avons  signalé  deux  exemples  où,  sans  franchir 
de  montagne  et  dans  un  terrain  que  Tœil  estime  plat. 


(  141  ) 

on  peut  passer  d*iin  bassin  dans  un  autre  :  du  bassin 
da  Rhin  dans  celui  de  la  Limmat,  et  du  bassin  de 
TAar  dans  celui  du  Rhône.  Il  importe  de  mentionner 
un  fait  orographique  non  moins  intéressant  par  suite 
duquel,  sans  col  apparent,  on  peut  passer  du  basdn 
du  Danube  dans  celui  du  Pô. 

L'Inn  prend  sa  source  dans  le  lac  de  Sils  (179  A")  ;  en 
remontant  le  cours  de  la  rivière,  on  atteint  le  lac  par 
une  pente  douce,  presque  insensible,  et  pour  ainsi 
dire  au  grand  trot  sur  la  belle  route  de  TEngadine*  A 
Haloggia,  près  de  l'extrémité  occidentale  du  lac,  on 
touche  au  point  de  partage  entre  les  deux  bassins  de 
de  la  mer  Noire  et  de  TAdriatique,  et  à  2  kilomètres 
plus  loin  on  rencontre  les  sources  de  la  Maira,  affluent 
du  lac  de  Gôme.  La  route  redescend,  il  est  vrai,  assez 
rapidement  sur  le  versant  italien,  et  une  différence  de 
niveau  de  300  mètres  environ  efface  la  pensée  d'un 
passage  sans  col  dans  l'esprit  de  tout  voyageur  se  ren- 
dant d'Italie  en  Tyrol.  Mais  en  sens  contraire,  l'obser- 
vateur se  trouve  tout  surpris  d'avoir  à  redescendre 
sans  s'être  aperçu  qu'il  montait  autrement  que  par 
le  cours  de  l'Inn  que  longe  la  chaussée.  On  peut  donc 
affirmer  à  juste  titre  qu'il  n'y  a  pas  de  passage  de  mon- 
tagne à  franchir  pour  se  rendre  du  Tyrol  en  Italie.  Un 
fait  analogue  se  produit  encore  entre  les  sources  d'un 
affluent  de  laLandquart  et  celle  de  la  Landwasser,  toutes 
deux  tributaires  tlu  Rhin  ;  l'altitude  de  la  première  est 
cotée  1510  mètres;  celle  de  la  seconde  1661,  et  le  col 
qui  les  sépare  ne  compte  que  1627  mètres. 

Nous  avons  examiné  jusqu'à  présent  comment  on 
pouvait  déterminer  les  cols  soit  par  les  sources  des 


(  U2  ) 

cours d'eftu  dedirejçtioii  opposée,  sQit  paq:  tevirs  QO.wdeçi^ 
90^ t  wû^  p^  des  rivière^  perpçodiculçiires.  eptre  elles^ 
U  00^9  reste  à  recherchc^r  si  X^  c^  de  deux  rivièi:es 
parallèlesi  vxm  d§  peutfi  çpmrairq,  préaeutç  ^es^  fait$.  à 
l'ftppyi  dç  Ift  théorie  émi^e  p^  MÎ(I.  ftup^^-To^çy  q^ 
Brisson.  Sans  sortir  du  terr«^^  qyj^  yiçnt  d^  do^QÇf  liq^ 
^  noti:^  derni^çe  ot)serv^tiw^  uqu^  devons  re,CQnnaUre 
que  Vlnn  coule  au  N.  j;.^  taudis  que  VA(3lda,se  <Jiris;ç, 
eno^is^ée  daus  lav  yalteliue,  vers  le  S,  0* .—  Sép^irées, 
çompj^e  uo\*s  r^voD^  yu,  j^^  le  paâssif  de  ta  Berniu^, 
cç^^s  deux,  rivière^i  WUt  tributaii:ç§i  du  OaAa.I)e  et  du  P^ 
El?  joiguaut  leurs  çourcçs  par  uue  ligue  fieMv^,  op  4Qit* 
selon  UQ9  aut^tur?,  rencoutrer  un  coi  près^  du  poiftt  de 
çxais^œent;  4e  cettç  ligue  a,veo  le  f^Ue^  Le  passîige  d§ 
U  Ber^u^  est  là  pour  leur  dpuner  raisQU-  J^iUeur^^ 
eutre  TAajr  et  le  Rhôof},  ou  trouva  h  col  du  Gjciaise^ 
4^i  cité  Iprst  d^  posi  i;euwrque3  sur  leçii  cbu(^s;  lu^. 
nptt$  (çrou^  observer  qu'il  y  ^  à^W  col^*  distincts  ^ik 
CÂu^sel,  celui  qui  dç  rbQsj[)|ic|^  coud  vit  àU  glwer  du 
Rbôue  pftr  la  Mayeuwf^nd  (2 1 83) ,  et  celui  qui  du  ujêoie 
point çQuduit  à  Obergestelen  en  Valais.  {^20^,  Séparés 
par  uu  maipelou  insiguifi^pt,  il  ^s,t  \mi^  en  cpmp<ï»rai-, 
squ  de  ramplûthéâire  enviroB;B^nt,  ce^  cols  e;^i$tç«p^t; 
]|[^éiantnQius  d'une  ipa,j(û.ére  disUqçto  et  le^.gçns.  du  p2Q^3, 
ue.  tça  çQufQu4eut  pa;?.  U^m  d'çux  pçut  doue  ^t,re  cou^- 
ji4é|Çé  comw  l,e  résultat  dç  h  loi  r^^ve  au;^  coud% 
^  rauti;e  con\ipe  1^  ré^ult^^^  cjç.  la  Ipi  sujç  ligiSf  çwra  ii^- 
YWses^ 

Ailleurs  euçojfe,  HWP  «^vpna  V^^^çu^plç  4u  Rhiu^  ^ 
i^U  WV^de  dç  Coire,,  et  4ç  l^^  Landwa^seç  à  ^a  wujpce 
4s^qs  Içlw  de  Payo^  (4&^1>,  Ç^  cou^*»  4'^%^  wujç^ftt 


(  m  ) 

q^és  QU  tombe  ?>vf  .1^  ifta^age  <Je.  ]^  Str^a,  (î.377>i 
Cettç  vxèm^  L$m^ was3çr  ÇQule  en  s^$  im^^^^  e^  PHP*lt 

«i¥ec  le  (K^dç  d^ra^f^ei^f  du  Danube  à  §^«9,  i^ms  M^oun 
YQna  le  pt»|3i^ge  4e  la  flveU  (2405).  (iÇi  ^oU  ^^^  Uf 
\^  tAvigoa  qoMle  p^ç^èlçm^t  ^  VA^da,  inai|.e^  wi^ii 
i^veiç^  ;  e^  joignant  leur^  sQurcfea  uciiviia  trouvons  ]^ 

passage  de  FosçagaQ  au  ^d  4e  ç^\fli  de  Fr^^le,  Et|fiï|« 
d^u^  If^,  Qia«^f  du  ^ojt^t^lila^Q,  le  cp\  ^ea  m^Qu^^ta^  est 
spi:  la  ligue  ^ui  r^jjpit  dWf  apurcss  p«vraU#ç|^  ^xm 

Nous  i^'^urona  pasif  |^  r^berçber  longtemps  Te^plif^ 
^QB  d^  çe^  îfrppç^rente^.  aingularitési,  w  \^  troii^ve  e« 

intervertissajpt.  1^  p]çop9sitiQn  ;  ce.  ft'çat  paa  dç  V^wa-r 
tence  des  sources  dans  certaines  conditions  topogra- 
phiques qu'il  fant  conclure  à  l'existence  des  cols  en 
relation  avec  ces  sources  ;  c'est,  au  contraire,  parce 
qu'il  existe  des  cols  et  des  vallées  définies  que  les 
sources  sont  situées  de  telle  ou  telle  manière  et  que  les 
eaux  coulent  dans  un  sens  ou  dans  l'autre.  Il  ne  peut 
y  avoir  de  doute  à  ce  sujet  qu'à  l'égard  des  cours 
d'eau  parallèles  et  de  sens  contraire.  Il  nous  semble 
que,  pour  arriver  à  cette  explication  toute  naturelle,  il 
n'était  pas  absolument  nécessaire  de  recourir  aux  ma- 
thématiques, ainsi  que  Font  fait  MM.  Dupuis-Torcy  et 
Brisson,  qui,  du  reste,  paraissent  avoir  pris  les  effets 
pour  les  causes,  et  vice  versa. 

Néanmoins,  si  j'ai  posé  la  question  comme  ils  l'ont 
fait  eux-mêmes,  c'est  qu'ainsi  formulée,  elle  conduit 
plus  directement  peut-être  à  cette  donnée  importante, 


(144) 
que  Texamen  des  cours  d'eau  révèle  infjsulliblement 
remplacement  4]es  cols.  A  peine  aurais-je  besoin  de 
faire  ressortir  ici  quels  services  pratiques  Tingénieur, 
le  topographe  et  le  géographe  sont  en  droit  d'attendre 
de  ce  fait  ;  quel  intérêt  il  peut  avoir  pour  diriger  des 
itinéraires  dans  une  région  encore  peu  visitée  ;  quel 
champ  il  ouvre  a  la  détermination,  par  voie  d'hypo- 
thèse, de  ce  que  doit  être  le  relief  d'un  pays  sillonné 
seulement  par  quelques  reconnaissances. 

Je  termine  ici  cette  première  étude  ;  elle  est  très- 
au-dessous  de  ce  que  j'aurais  voulu  ;  mais,  du  moins, 
aurai-je  été  de  quelque  utilité  à  la  science  qui  nous 
unit,  si  je  donne  à  de  mieux  informés  l'occasion  de 
présenter  leurs  idées  en  discutant  les  miennes  et  en 
rectifiant  les  erreurs  que  j'ai  pu  commettre. 


(  146) 


NOTICE 
G^OCliPfllQlIE,  IISTOIIQIII,  ttHnOfiBlPHIQDE  ET  STiTISTIQIII 

SUR  LA  ROSNIE 

PAR  M.  ROUSSEAU 

Consul  de  Franco. 


COHnmiG&TKM.  W  aimSTÈKB.  DB&  AVBAIM8  JTiâltOtittw 

.  .  (Dinclioo  iet  oonwlat^  et  tt/bàn^  wmamnUèm.) 
{SuHe  et  fin)  (1). 


Le  clergé  catholique  esjt  indigène  et  appartient  à 
Tordre  des  Franciscains  mineurs  qui  vint  s'établir  en 
Bosnie  vers  l'an  1325.  Il  a  pour  chef  spirituel  un 
évoque  nommé  directement  par  la  cour  de  Rome. 
L'évëque  actuel  est  M.  Francovich ,  Ragusais,  qui  a  le 
titre  d'évêque  in  partibm  de  Sion  et  de  vicaire  apo- 
stolique en  Bosnie.  Le  clergé  de  la  province  rentre  dans 
la  circonscription  diocésaine  de  Diakova  en  Slavonie. 
Les  couvents  obéissent  à  un  provincif^l  élu  chaque  trois 
ans  par  un  conseil  dit  des  défirliteursj  lequel  se  réunit 
à  époques  fixes  pour  procéder  à  cette  élection ,  exami* 
ner  et  discuter  les  questions  d'ordre  et  de  discipline, 
et  de  pourvoir  à  la  nomination  et  au  changement  des 
curés. 

(i)  Voye»  le  Dvméro  de  janvier* 

XI.    FÊVRIER-MÂRS.     5.  IG 


(  m  ) 

Voici  la  statistique  actuelle  de  TÉglise  catholique 
en  Bosnie. 

Anciens  couTents  atee  églises 3 

Goavenis  en  voie  de  constructioa S 

Églises  bâties H 

Église»  en  bois. .  ; i .  • . .  • 9 

Siège  et  église  à  ConsUntinople, i 

Écoles  nationales  où  enseignent  les  franciscains 22 

Paroisses  dirigées  par  des  carés dS 

Chapelles  locales 12 

Desservants  des   chapelles   locales,  ayant  la  Jari- 

dictloit  "ém  cnrét. . .  i  • ;  : .  7 ......  /^ ... .  ;  .-v  12 

Vicaires  dés  ériréti  -....*. i .:;;....;;;.... .  20 

Total  des  ecclésiastiques  en  Bosnie 164 

Clercs  dans  la  province  même. 60 

Clercs  achevant  lears  élades  à  l'étranger 40 

Novices  en  Bosnie 8 

^rdfèl  DÈÎqael  èani^  Ja  |)rovinci ; . .  t 

L'Église  grecque  orientale  de  la  Bosnie  est  divisée 
en  trois  diocèses  :  celui  de  Sérajévo,  celui  de  Zvomik 
et  celui  de  Novi-Bazar.  Le  premier  administre  les  po- 
pulations des  sandjaks  de  Sérajévo ,  de  Travenik,  de 
Banyaluka  et  de  Bihatcb  ;  le  second,  celles  du  sandjak 
de  Zvomik,  comprenant  les  nahias  de  Touzla,  Biélina, 
Brtscbka  et  Gradâscbatz  ;  le  troisième,  enfin,  celles  dn 
sandjak  dé  Novi-Bazar.  Le  métropolitain  de  ce  dernier 
diocèse  ne  réside  pas  en  Bosnie,  mais  à  Prisrend,  en 
Roumélie.  Les  évêques  du  rite  grec  ou  métropolitain 
so&t  nommés  par  le  patriarche  de  Consftantinople  sur 
la  proposition  du  saint  synode,  et  Télection  est  confir- 
mée par  la  Sublime-Porte. 
Les  Grecs  possèdent  en  Wstàé  ûa  tn&t  frand  nom- 


(ïàf  ) 

hté  d'égriâëà,  ^bi  âbiileti  gétiëràl  ëti  ftft^t  tt&uVârs  ë^ 
je  ne  ëivet^i  ibi  qb«  lèb  {Mind^ateâ  • 

/  vieille  église t 

SM4l»k   \.^m  feà  ^ttilYpà«loa: ...  ; . ...;...)  VSérajéYo. 

Sér^léTo.  (  Église.  ....*........*.;. à  KaMticb. 

ÎÉgJUe. .  ; «  • ^  TraTenlk. 

^iise , , .  à  Yanié. 

Ëgli^é i  Gefàcôô. 

Église àfclioiicli. 

timêi.A   ;  : . .  .t  :Ci  ;  :v  .^  i .  r. .  ^  S  mèôV 

jBglttfe..r...:..i..:;......;:i;.;.  à  Lepëniki. 

«v,  LLi'ancieii  inona»€èr6  de  GoiBieaica  afiieard'hai  abao* 

J       1     donaé..  ,  .   -^         ,  . 

\  Eglise a  Banyaluka. 

""'•"""•[ÉgHse  d« :......  BerVfâ't.- 

VÉglise  de Fechené. 

'    SMdJkk  lÉ^Kse  ife;..;;:..;.;.*...:n.::.     Dobrô;    '^ 

de       <  Église  de Priédor. 

..BihAtch.  I  Ancien  monastère  de  Mosçhtapica. 

\  Église  de Petrovass. 

/Ancienne  égtisé  de ZvorniL 

kvicieû  'é6aVent  i!è ...;....  : . .     Ôzreii . 

1  ^°*^®"  côuVefai  «ë.  i  :.....: Blrélth. 

^*.  /Église  de ; . . . .     Biéltiia. 

de       <  . 
M0  k    .1     à  Église  de • ...  : Matchekovitsa. 

Eglise  de Zovik. 

Église  de Modritch. 

\ÉgUsé  de Dragdlgéyiss. 

ttonÀstère  de ; . .  ; Banlà. 

Églis6 dé: .  ;  ;'.. ^iV ...;....;.....  ;  Dûbroni; 

1  Église  de  .   .  .^ .  i. Lopitch. 

*ii»:    !«f  f •• ^'^- 

Eglise  de Mitrovitza.  . 

^Eglise  de .'    Bièlopblié. 


(  148  ) 

On  sait  que  le  clergé  grec  se  divise  en  deux  classes; 
la  monacale  et  la  cléricale,  que  les  ecclésiastiques  qui 
appartiennent  à  la  première  doivent  être  célibataireSt 
et  que  ceux  de  la  seconde  doivent  être  mariés,  sans 
qu'il  leur  soit  permis  toutefois  de  convoler  à  de  nou- 
velles noces.  Les  cléricaux  ne  peuvent  aspirer  aux 
hautes  dignités  de  TÉglise  qui  sont  l'apanage  exclusif 
du  clergé  monacal,  à  moins  cependant  qa'ils  n*entrrat 
dans  les  ordres. 

Le  métropolitain  ou  évéque,  naturellement  monacal, 
est  le  chef  suprême  de  tout  le  clergé  de  son  diocèse. 
Les  métropolitains  actuels  de  la  province  sont,  à  Séra- 
jévo,  Mgr  Ignatius  ;  à  Zvornik,  Mgr  Dionisius  ;  à  Pris- 
rend,  Mgr  Melentius. 

Justice.  —  La  justice  se  divise  en  deux  catégories  : 
l*"  religieuse;  2P  criminelle,  correctionnelle  et  cmq* 
merciale. 

La  première  est  administrée  aux  Musulmans  par  les 
cadis,  fonctionnant  sbùs  la  haute  direction  du  moUa  et 
le  contrôle  du  mupbti.  La  loi  du  Coran  est  la  seule 
appliquée  par  elle,  et  dans  aucun  cas  le  témoignage 
des  chrétiens  n'y  est  admis. 

La  seconde,  dont  les  principes  sont  développés  dans 
des  codes  spéciaux  promulgués  depuis  qaelqnes  années 
en  Turquie,  s'étend  instinctivement  aux  Musulmans 
et  aux  chrétiens,  et  est  exercée  par  les  tribunaax  dont 
il  a  déjà  été  fait  mention..  Lesmemlnres  de  ces  cours 
sont  choisis  par  l'autorité  supérieure  locale  dans  les 
corps  des  notables  du  pays  et  doivent  forcément  con- 
naître le  turc,  la  procédure  se  faisant  dans  cette  lan- 


(  149  ) 

gMy  et  non  en  slave.  Parmi  enx  figurent  un  chrétien 
du  rite  latin,  un  autre  du  rite  grec  et  un  Israélite  ; 
presque  toujours  ces  fonctions  sont  dévolues  atiz 
kbodja-bacbis  et  au  grand  rabbin. 

Quand  dans  un  procès  un  Israélite  ou  un  chrétien  est 
encause^soit  comme  demandeur,  soit  comme  défendeur, 
contre  un  Musulman,  il  se  produit  presque  toujours  en 
faveur  de  celui-ci  une  influence  des  plus  partiales  parmi 
ses  coreligionnaires  membres  du  tribunal ,  influence  à  la- 
quelle le  fanatisme  inné  de  ces  juges  mahométans  ne  sau- 
rait se  80ustraire,quelles  que  soient  d'ailleurs  leur  bonne 
foi  et  l'honorabilité  de  leur  caractère.  La  présence  au 
tribunal  de  deux  chrétiens  et  d'un  israélite,  en  leur 
qualité  de  membres  assesseurs,  est  presque  totjours 
impuissante  pcmr  garantir  à  leurs  frères  mis  en  cause 
l'application  d'une  équitable  justice  ;  car  ^eur  voix  con- 
sultative et  délibérative  ne  peut  former  dans  tous  les 
cas  qu'une  très-faible  minorité,  et  elle  est  par  suite  corn- 
plument  insuffisante  pour  les  défendre.  Leur  position 
de  rsuias  les  place  d'ailleurs  vis-à-vis  de  leurs  collègues 
dans  une  condition  essentiellement  inférieure,  et  soit 
par  crainte  et  intimidation,  soit  par  conscience  de  leur 
impuissance,  il  est  extrêmement  rare  que  ces  asses* 
seurs,  adjoints  simplement  pour  la  forme,  se  permet- 
tent jamais  d'émettre  une  opinion  contraire  à  celle  de 
la  majorité,  et  encore  moins  qu'ils  osent  protester  par 
leur  abstention  contre  une  sentence  que  leur  conscience 
de  juge  réprouve.  Si  l'on  ajoute  à  cela  que  la  procé- 
dure, comme  je  l'ai  dit,  est  faite  en  turc,  langue  que 
presque  toujours  le  riâa  chrétien  ou  israélite  ignore, 
on  reconnaîtra  qu'il  faut  que  celui-ci  ait  mille  et  une 


(  m  \ 

i^  4it  qv'eji  aw^iècft  fl^  m%]îi«g^  fit  (te  divôjçcp  Qt 

les  juges  naturels  d§  ifar?  «çi?«ligipi^waiiifM>.  C^m^i 
mmt^  prtfWN^CQ  iWJS^ïfife  e*  U  f«. appelé;  4ftlprs 

9«  SWfeep.  WP^lW  489.  WgemB8to  y^B^u^ip^q  le^ 
tn^jzç^iix  4^.Mudir^  sflit^fJ^SfS^  çqpijle.l^jt^ûSma- 
]»ini^,  sq}^  d^r^teo^ie^t  dey^KJ»  U^bi^M  9Hp^îeqi; 
il)$îtiH\4^^!$ér9j^Y^«P4pi(a}Q.d6  l^provîjïefi»  GeUe  couf, 
^nofttl  éga)^Ki\efîl  4q«i  Sf^Dt^pe^  ireo^peâjiarle»  tiUxu- 
Q^ux  fpoctioupp^t  au  dief-^Hw  d'ua^^KwaîmaJbaAiie. 

pi^r^^iu  ea  Tu^q^i^  les  ppAQm  soui^daps  te.  plus  pauvfp 
éM^t*  mal  administrée»,  n^l  âftt(6^Qtte3  et  eaacèiaar 
q^wt^nu^saiiies. 

Li^(Zap^iés  smt  Jies.ag^ts  ds  la,f<ffia6  pahlîqiie.  Qa 
nci^.  tcè^rtioces^ws^eat  rçicuani^rL^et  argauber  (»  corps^ 
Qw prépara désoi;mÀi3 te oqm  d^^genéarmerleet  ser^ 
haJbplé,  éqiûpé  et  CjQwaaQdécoioiae  te  sont  les  troupes 
régulières. 

Armée.  —  Les  troppiift  caetftRPéiç^  en  fiosjate  fflot 
p9^rtip  0u  cqrps  â*acpée  ^e  Roumélte  et  prés^teat»  an 
tQmps  ordinaire,  un  effectif  de  SOOQbmpmes  epyir^q  ^Q 
tQMtQs  arqaes.  Eltessont  placées  $o^sk  comp^aqdftfn^m 
d'ttA  officier  général  qui,  k  mom  da  cas  ^toqt  4  fait 
exceptionnels,  relève  direçtemeut  du  gouverneur  génfe 
rai  de  l^  pmyince.  Il  existe  .en  çtutrejui  cadre  de  iQilice 
ou  .dQ  Bacbi-Bozouks  qui,,  ea  cas  â*éventualit^9  de 
gwrce,  peuvent  fournir  un  corps  d!^|:Uidire^  d^  ,plm 


<  m  ) 

4e  ^Q  AlOq  homqies,  soit  fantassins,  soit  cay^]iers.  Ces 
W^ili§ir§s,  ]^  plus  |n4iscipliné.§  qui  se  puissent  ima- 
gil^,  goQjt  équipé^  e^  nçiontés  à  leurs  propres  frais,  et 
ne  reçoivent  en  campagne  que  leur  iipurri^nre  p\  ujie 
sçi^fi  prpvlsp^rp  i^.  dpM?  piastres  turqqes  p^r  j^ur. 
LQr§  de  Ifiur  jiçgnçjepept,  ils  rentrent  dans  leups  foygfs 
|^M¥  Y  ^liposef  \^  fusil  et  r^prej)()re  la  çiiarru^  ou  la 
^ache  du  |)|Clc})erpq. 

Ui  fprçcs  ipmt{i}re8.f^gf)H^s  ^ist^gj^  i^iy^ui^'j^iii 
«!  pp8i«p,8?iÇpmB0apptde  : 

i  3  l>«UlUo09  4'iQ^pUrio } gpp  ll^pi^^. 

TrPVfiÇf  d'artillerie  et  diverses. . .      400      — 

îom impmm' 

88  Pièces  eo  bfUeriei )  ^      ., 

{92  pièces. 

La  poudre  et  autres  munittoQB  de  guerre  sont  en» 
voyées  en  Bosnie  de  la  Ronmélie  ou  de  Gonsti^ntinople 
même.  Sérajévo,  Zvornik,  Banyaluka  et  Bibatch  pos^ 
sèdent  des  dépôts  de  poudres.  One  sorte  de  parc  d'ar- 
tillerie existe  à  Travenik,  mais  il  est  d'une  insuffisaoos 
déplorable. 

F^n^nçes.  — -  L'administration  générale  des  finances 
^\^  ^9^PJ?  ^?^  confiée  à  un  agent  supérieur  envoyé 
dçCoçplantinopIeet  nommé  directement  par  la  Sublime- 
Porte.  Il  a  le  titre  de  Muhassebeâji^i  est  après  le  gou- 
^erpeuf  général,  Ip  premier  foaçtiopnaire  dan^  l'ordre 
civil. 

Lç^Mu|)êSsebedji  réside  à  Sérajévo  et  centralise  entre 
8jf9  m^^ï^  tous  lea  services  financiers,  recettes  et  dé- 


(152) 

penses.  Dans  leâ  districts  de  la  province  il  délègue  sea 
fonctions,  soit  à  des  agents  spéciaux ,  soit  aux  Kaïma- 
kams,  qui  lui  rendent  directement  compte  de  leurs 
gestions  financières. 

Les  revenus  de  la  Bosnie  sont  appliqués  aux  diverses 
dépenses  de  l'administration;  au  payement  du  traite- 
ment du  personnel  administratif,  parfois  a  des  avances 
pour  la  solde  des  troupes  régulières ,  à  la  solde  des 
bachi-bozouks  et  aux  approvisionnements  militaires  en 
temps  de  guerre,  à  l'acquittement  des  pensions  payées 
abantiquo^do:  FÉtat  aux  descendiants  d'anciens  spahis, 
aux  dépenses  de  travaux  pubKcs,  etc.,  etc. 

Les  recettes  l'emportent  d'ordinaire  de  beaucoup  sur 
les  dépenses.  Si  des  circonstances  particulières,  comme 
celles  dont  la  guerre  du  Monténégro  et  de  l'Herzégo- 
vine ont  été  le  résultat;  viennent  cependant  à  se  pro- 
duire et  déterminent  un  déficit,  le  vide  est  alors 
comblé  par  le  trésor  de  Constantinople.  En  cas  d'ex- 
cédant, la  somme  i*este  en  caisse  pour  faire  face, 
s'il  y  a  lieu,  aux  découverts  éventuels  des  exercices 
suivants. 

Les  recettes  se  composent  de  tous  les  revenus  publics, 
impôts,  redevances,  etc.,  etc.  Les  douanes,  ainsi  que 
je  l'ai  dit,  sont  administrées  par  un  agent  spécial,  in- 
dépendant du  Mubassebedji  ;  mais  c'est  dans  la  caisse 
de  celui-ci  que  s'opèrent  les  versements  des  recettes, 
défalcation  faite  des  frais  d'administration. 

Les  biens  des  Vakoufs,  ou  propriétés  de  mainmoite^ 
appartenant  à  des  établissements  religieux,  sont  admi- 
nistrés par  des  agents  dbects  sous  le  contrôle  et  la  di-* 
rection  supérieure  d'un  fonctionnaire  de  cette  branche 


(J68) 

spéciale  de  radministration,  le  VakaufNaziri.Lesre^ 
venus  de  ces  propriétés  sont  versés  dans  une  caisse 
particaliëre  et  destinés  uniquement  à  pourvoir  à  l'en- 
tretien des  établissements  religieux  et  à  la  solde  du  trai- 
tement de  leur  personnel. 

Les  recettes  générales  de  la  Bosnie  s'élèvent  au 
chiffre  approximatif  de  86000000  de  piastres. 

Dîmes.  —  La  dlme  ou  droit  du  dixième  est  perçue 
par  l'État  sur  la  culture  des  terres  et  divers  produits  du 
sol  et  de  l'agriculture,  tels  que  la  cire,  le  miel,  la  ré- 
colte des  cupules  de  glands  de  chône,  le  tabac»  la  dis- 
tillation del'eau^de^vie  de  prunes,  etc.,  etc.  La  percep- 
tion en  est  faite,  à  l'égard  des  musulmans,  par  un  agent 
spécial  qui  a  le  titre  de  Mouktavy  et,  à  l'égard  des  chré- 
tiens, par  le  syndic  ou  chef  de  la  petite  communauté 
aj^pelé  Knèse  ou  Khodja-bachi.  En  principe,  la  dlme 
devrait  être  payée  en  nature  ;  mais  elle  est  ordinaire- 
ment prélevée  en  aident,  conformémentàun  tarif  arrêté 
à  cet  effet  par  l'autorité  supérieure.  La  base  de  la  per- 
ception est  de  deux  sortes,  au  choix  des  contribuables  : 
oa  la  dlme  est  prélevée  telle  qu'elle  a  été  payée  l'année 
précédente,  ou,  si  le  contribuable  le  préfère,  on  pro- 
cède à  une  estimation  spéciale  de  la  récolte  présente  ; 
dans  l'un  et  l'autre  cas,  cette  estimation  est  fcdte  après 
la  réalisation  de  la  récolte  à  imposer  par  un  agent  du 
fisc,  concurremment  avec  le  paysan  et  le  Rnèze  ou  le 
Iftpoktar»  suivant  que  le  contribuable  est  chrétien  ou 
musulman.  La  dlme  est  payée  en  trois  versements  suc- 
\y  en  septembre,  décembreet  mars,  et  produit,  en 


(  i64  ) 

moyenne,  im  revenu  annuel  de  i%  706  Odû  piaatcfe 
turques  (1). 

Le  Vergm. — Cette  redevauceou  imposition  persoiUr 
nelle  répond  à  peu  près  à  l'Income-Tax  des  Anglais  e^ 
elle  est  généralement  établie  dans  toute  la  Turquie*  La 
quotité  n'est  pourtant  pas  la  même  pour  toutes  les  lo* 
calités  ;  en  Bosnie,  par  exemple,  elle  varie  de  80  à  95 
pi^strçs  par  an  et  par  chaque  habitation  ou  famille. 
Toute  la  population  y  est  soumise,  à  quelque  classf 
ou  religion  qu'appartiennent  ses  membres,  sauf  ton- 
tefois  les  étrangers  placés  sûu§[  les  juridiations  eitr 
Fopéennes.  Le  piode  de  perception  est  le  même  que 
pour  la  dlmp»  c'est-à-dire  que  pqur  le^  musulmans  et 
les  singares  c'est  le  Mouktar  qui  le  perçoit  ef  laverie 
au  fisc,  pour  les  chrétiens  le  Knëze  ou  K.odja-bachi,  et 
pour  les  isfaélUes  le  grand  Rabbin.  Néanmoins,  bien 
qu'en  principe  le  droit  doive  porter  également  sur 
chaque  habitation*  la  communauté,  ^n  dehors  de  l'actioB 
de  Tautorité,  s'arrange  elle-mftme  pour  la  répartition 
entre  ses  divers  memibres  de  l'impôt  dû  par  la  masse 
engouerai,  ef  cela  suivant  les  facultés  el^les  ressources 
de  chacun  d'eu^.  Le  droit  de  Vergui  est  évalué  annuelr 

(I)  SviyaDt  le»  rfgistfç^  4^  raocieo  e|  dçraiec  Csrmler  géafral  ^ 
reyeijiijç  dfi  If  pfovÎDçe,  la  dlme  sur  (f  produit  du  sol  ^ropreoieoi  dit, 
droit  pesant  uniquement  sur  l'agriculture,  avait  rapporté  en 
1857,  la  somme  de  13  985  542  piastres.  Le  droit  seul  sur  la  distil- 
lation de  Feau-de-vie  de  prunes  qni  figure  aujourd'hui  dans  la  clas- 
-fittcatîon  de  la  dtme,  et  qui,  à  cetieéppque,  était  compris  dam  la  caté- 
gorie do  i|(mis9ttfna4>  avai^  rapeonéi  en  \^y\  ta  foinme  49  1 4p24$f 
piastres. 


(165  ) 

Askérié.  —r  Ce  droit  pèse  uniquement  sur  les  chré^ 
tiens  et  les  Israélites,  et  a  remplacé  l'ancien  Kharadj. 
11  représente  pour  eux  Texonération  du  service  militaire 
auquel  ils  ne  sont  point  astreints.  Mais  comme  la 
conscription  n'a  point  été  encore  introduite  en  Bosnie 
et  que  la  population  musulmane  n'y  est  point  par  con- 
séquent  soumise  au  recrutement,  comme  dans  les 
autres  provinces  de  l'empire,  il  en  résulte  que  ce  droit 
constitue  une  charge  onéreuse  que,  par  une  regrettable 
exception ,  les  chrétiens  bosniaques  supportent  seuls. 
Le  clergé  catholique  et  grec  en  est  toutefois  exempté. 
L'askérié  est  de  16  piastres  et  17  paras  par  chaque 
famille  ;  il  est  perçu  de  la  même  manière  que  la  dîme 
et  le  vergui,  et  rapporte  en  moyenne  par  an  une 
somme  ronde  de  7  223  000  piastres  turques  (2). 

B^9u^uv(¥f^^  —  $Bu^  9^.  ^!^^Ç  figure  )in^  série  4'|^t 

(1)  Ce  chiffre,  <^<>°^°^®  ^"^  ^^^l^^  4^^  recettes  de  la  prov^oce^  m*a 
été  fourni  par  le  receveur  général  des  finances,  le  Muhassebedji.  J'en 
garantis  d^autant  moins  Texactitude  que  si  Ton  applique  la  moyenne 
dtt  droit,  toit  87  piastres  20  paras,  au  nombre  des  habitations  fourni 
parla  statistique  de  IL  HilfèrdinK.  rapportée  plni  haut^  çt  qui  ^\^\\,y  ^ 
||^a,/de  lt2  6^1^, on  j^v^ri^i^  poi|^  le f^^fovt  aonuçl  du  yergui  unjcbiffjpf 
toff^  de  9  ^^é  ^S^4  piastres  ,^  ç'c;^i-à-dire  supiérieur  d'un  million 
et  demi  è  celui  que  m*a  fourni  le  Muhassebedji.  Les  registres  du 
fermier  général,  àé\k  cités  en  note,  donnent  pour  la  perception  du 
Tergui,  pendant  Tannée  1857.  la  somme  de  11  983  542  piastres. 

(2)  Ea  1857,  la  contribution  de  Taskérié  ne  produisit. que  la 
nnuae  de  k  OCA  OAO  <l«  piwlrei  emlroit  (i!fgittr<K   ^q  fenoi^r 


(  45«  ) 

pots,  les  uns  perçus  en  régie,  les  autres  par  ferme  et 
qui  pèsent  d'une  manière  inégale  sur  la  population  de 
la  province.  Voici  les  principaux  :  Otlakiéy  droit  de 
pâturage  sur  les  terres  appartenant  à  l'État  ;  il  est  en 
général  de  6  piastres  par  tète  pour  la  race  bovine,  et 
de  2  piastres  pour  la  race  ovine,  pour  toute  la  saison  ; 
Kérestét  droit  dû  pour  la  coupe  du  bois  en  grand  dans 
les  forêts  de  l'État  ;  Thamis^  droit  que  prélève  un  fer- 
oiier  de  tous  les  cafetiers  qui  ne  s'approvisionnent  pas 
chez  lui  du  café  nécessaire  à  leur  établissement  ;  Dou- 
hanié^  droit  de  6  piastres  par  chaque  ocqae  de  tabac 
vendue  au  marché,  indépendamment  de  la  dlme  que 
prélève  le  fisc  lors  de  la  récolte  du  tabac  cultivé  dans 
la  province  ;  Kaïk  roussoumat^  droit  de  péage  sur  les 
bacs  ;  Fellalié,  droit  de  2  et  1/2  pour  100  perçu  par  un 
fermier  sur  tous  les  objets  vendus  à  la  criée  publique, 
indépendamment  d'un  droit  fixe  de  2  piastres  lorsque 
l'objet  est  promené  ou  exposé  au  marché  par  le  com- 
missaire-priseur  ;  Kantarié^  droit  d'octroi  évalué  à 
12  paras  par  chaque  charge  de  cheval;  Tchengarina, 
droit  de  campement  prélevé  sur  chaque  famille  zin- 
gare;  Méhané  roussoumat^  droit  dû  par  chaque 
taverne  suivant  un  tarif  spécial  ;  Barout  ve  satchma 
roussoumat^  droit  sur  l'achat  de  la  poudre  et  du 
plomb;  Souluk  roussoumatf  droit  sur  la  vente 
des  sangsues  ;  Hinzirié,  droit  de  S  piastres  et  demie 
par  an  par  chaque  tète  de  porc  élevé  dans  les  cam- 
pagnes, plus  1  piastre  7  paras  également  par  tète 
de  porc  pour  la  faculté  d'envoyer  les  troupeaux  man- 
ger les  glands  dans  les  forêts  de  l'État,  plus  encore 
1  piastre  et  7  paras  pour  chaque  porc  enfermé  dans 


(157) 

rhabitation  pour  être  eograissésnr  place;  Batch-bazari, 
droit  perçu  à  la  vente  au  marché  de  tous  les  produits 
de  la  culture,  céréales,  bétail,  légumes,  voire  môme 
comestibles,  etc*,  etc..  J'omets  sans  dqute  quelques 
autres  contributions  indirectes;  mais  celles  que  je 
viens  de  citer  sont  les  principales.  Les  roussoumats 
donnent  un  revenu  annuel  et  approximatif  de  2  i50  000 
piastres  turques  (1). 

DlmeK. 12  765  000 

Vergai 8  464  000 

Askërië 7  223  000 

Roaisoamat.... 2  450  000 

Total 30  902  000 

Rerena  net  et  approximatif  desdonanes      3  500  000 

Total  général.     34  402  000  (2).  . 

Il  y  a  une  différence  considérable  entre  les  indica- 
tions qui  m'ont  été  dpnnées  par  Tadministration  et 
celles  qui  résultent  d'informations  particulières,  dif- 
férence qui  élèverait  le  chiffre  total  des  recettes  géné- 
rales de  la  Bosnie  à  près  de  AO  000  000  de  piastres, 
somme  qui  me  parait  approcher  le  plus  de  la  vérité  (3). 

(1)  tes  registres  eq,  1857  iodiqoeiit  plus  4e  vingt  contributions 
.  diverses  conoprises  dans  la  désignation  générale  de  Houssoumat ,  et 

donnent  pour  les  recettes  qu^elles  ont  produites  pendant  cette  année 
la  somme  totale  de  6  967 179  piastres. 

(2)  Les  recettes  des  postes  et  de  la  télégraphie  en  Bosnie  sont 
perçues  par  les  agents  directs  de  ces  denx  administrations;  elles 
flgorenl  I  leurs  budgets  spéciaux  et  sont  versées  au  trésor  à  Constan- 
tinople. 

(3)  K  Tappoi  de  eetta  opinion  Je  rappellerai  que  les  registres  de 


(  458  ) 

II  lil*a  ëbcore  été  pltis  difficile  dé  më  l-ènsëigtier  sti* 
le  détail  des  dépenses.  Les  inforriiationâ  piii^ies  auprès 
3e  Tautorlté  locale  et  à  d'autres  source^  hé  mé  les  ont 
fait  corihâttrè  que  iiès-éotofaiairétnënti  ëllë§  peuvent 
être  évaluées  et  se  classer  ainsi  qu'il  silit  : 

1°  Traitebient  de  tout  le  personhél  de  l'àdttiinlëtrà- 
iibh,  pfestàtioUs  èii  faatute,  soldé  ée^iàptiéâ  bu  âgëflte 
de  la  force  publique,  frais  admihiàtt'aiifâ  âé  lolif^ 
sortes :  .  I  .  ; 6000000 

2«  Pensions  annuelles  accordées  aux 
membres  d'aiiciennes  familles  de  spahis, 
au  nombre  environ  de  20  000  et  calculéeâ 
à  raison  de  &00  piastres  par  tête  (1).  .  .     §b00  000 

A  reporter.  .  .  .  lA  000  000 

raDCiéa  fermier  générai  ièà  rèvénas  de  la  province  donnent  pour 
Tannée  1857  les  chiffres  suivants  : 

Vergui    1 1  985  542  piastres. 

Dîmes U  934  234       — 

Àskérié 3  859  374      -^ 

Roussomnat. ....  6  967  i 79      ^ 

Douanes .  ; 2  600  000      ~ 

Total 39  346  329      •— 

(1)  Ces  spahis  formant  fh)ié  légiohs;  celle  de  Klfts;  kelfe  de 
Zwornik  et  celle  de  Bosna.  D'aprèè  les  re^stres  màiricnles  drèisséi  In 
1852 ,  les  spahis  ayàti't  droit  à  \k  pënsloh  s'ëlèvaîedt  ad  bhfifte 

de ; ;:........;..     li  008 

pins,  lès  spahis  voKnitàires :  ; 7  031 

ToUI 19  034 


En  1852,  cette  dépense  n'était  que  de  6  357  iH  piu(t(til,  iàit 
1  îtà  m  ^liislïfo  Ué  iiibHU  hi'ti  1S65!. 


(  169  ) 

Report  .  .  *  .  lâOOÔÔOÔ 
S»  Travaux  d'ntililé  publique.  .  ;  ;  •  .  600  000 
r  Frais  divers,  ;;*.:....;..       600000 

Total  général  approximatif':  piastres,  •  .  15  000  OOO 

Les  recettes  générales  étant  estimées  à  AO  000  000 
Et  les  dépenses  à .  15  000000 

H  es  rëélilté  ild  fekcé9diit  à'ëiiiirbb.  .  i  2b  000  009 

Agriculture.  —  Le  sol  de  la  Bosnie  est  très-fertile; 

».  -  t.    ^     ■   f      -  . 

malheureusement  il  n'est  pas  partout  cultivé.    Cet 

•  »         »  •  .  • 

abandon  déplorable  d'excellentes  terres  qui,  en  d'au- 
très  mains,  seraient  si  avantageusement  utilisées,  est 
plusieurs  causes  :  aux  abus  excessifs  auxquels  se 
Uvrent  presque  impunément  les  propriétaires  à  l'égard 
de  leurs  tenanciers,  abus  qui  paralysent,  tout  dévelop- 
pement de  l'agriculture  ;  à  l'insouciance  de  l'autorité 
locale,  qui  ne  peut  ou  ne  veut  comprendre  que  là 
seul  se  trouve  l'élément  de  prospérité  et  de  richesse 
du  pays  ;  à  la  pauvreté  de  la  classe  agricole  ;  enfin  à 
cette  conviction  aes  paysans  et  des  fermiers,  parfai- 
tement justifiée  d'ailleurs  par  les  faits,  que  plus  ils 
mettent  de  terres  en  culture  et  plus  les  charges  qui  en 
résultent  pour  eux  sont  onéreuses. 

La  propriété  foncière  appartient  en  Bosnie  soit  à 
l'État,  soit  à  des  aghas,  begs  et  anciens  spahis,  tous 
Mahométans.  Car  il  faut  se  rappeler  que  la  conquête 
turque  dépouilla  les  habitants  de  la  contrée  restés 
cÈrétièns  dé  loUtes  Ifedrô  tët*r8â,  qiil  fureht  aSvfaliles, 
comme  une  sorte  de  prime,  à  leurs  compatriotes  clévë- 
nus  musulmans»  ou  dont  ceux-ci  s'emparèrent  eux- 


{  «60  ) 

mêmes  de  vive  force.  Les  chrétiens,  qui  seuls  cousU- 
tuent,  à  bien  dire,  la  classe  agricole,  ne  sont  donc  que 
les  prolétaires  jadis  propriétaires  fonders,  mais  obligés 
par  les  misérables  vicissitudes  de  leur  destinée  de 
se  contenter  aujourd'hui  de  la  mise  en  culture  des 
terres  soit  pour  le  compte  spécial  des  aghas,  soit  en 
participation  de  produits  avec  eux.  Dans  le  premier 
cas,  ce  ne  sont  que  de  simples  paysans,  des  journa- 
liers travaillant  au  mois  ou  à  la  tâche  ;  dans  le  second, 
des  associés,  mais  des  associés  forcés  de  supporter  la 
plus  grande  charge  des  frais  de  l'association. 

Voici,  d'après  les  faibles  données  que  j'ai  pu  avoir 
à  ma  disposition,  la  statistique  approximative  de  l'agri- 
culture de  la  Bosnie. 

J'estime  que  le  chiffre  de  12  756  000  piastres  qui 
m'a  été  fourni  ne  s'applique  qu'aux  seuls  produits 
agricoles,  c'est-à-dire  aux  récoltes  de  céréales  de  toutes 
espèce^.  Or,  en  calculant  environ  à  une  demi-piastre 
le  prix  de  l'ocque  (1)  de  chaque  nature  de  céréales, 
l'une  dans  l'autre,  on  obtient  une  quantité  moyenne 
de  255000000  d'ocques  de  grains  récoltés  annuelle- 
ment en  Bosnie,  soit,  d'après  une  estimation  approxi- 
mative, la  moitié  environ  de  blé,  orge  et  seigle,  et 
l'autre  moitié  en  maïs,  millet,  sarrasin,  haricots,  etc. 

La  dime  perçue  par  l'État  réduirait  ce  chiffre  à 
220  500  000  ocques.  En  en  défalquant  le  quart  envi- 
ron, qui  peut-ôtre  est  exporté  chaque  année  dans  les 

(1)  L*ocqae  est  runité  da  poids  dans  ton  te  U  Turquie  et  le  seul 
dont  on  se  senre  en  Bosnie,  il  se  sulxiivise  en  400  drammes  ou 
draehmes.  —  L*ocque  représente  1  kilog.  2829.  —  On  estime  qu'une 
ocque  de  blé  renferme  2600  grains. 


(  1^1  ) 

provinces,  frontières  de  l'Autriche,  il  resterait  encore 
pour  la  consommation  de  la  Bosnie  une  quantité  de 
173  125  000  d'ocques  de  céréales»  solt,envirpnl8S  p^ 
tête  d'habitant)  en  prenant,  ainsi  que  je  l'ai  établi  plus 
haut,  le  chiffre  de  910607  pour  celui  de  la  population 
entière.  i  : 

En  moyenne,  il  faut  en  Bosnie  : 
A3  mètres  1/3  carrés  de  terrain  pour  ensemencer 

i  ocque  de  blé,  orge  ou  seigle. 
266  mètres  6/10  —  1  ocque  de  maïs  ou  millet. 
86  mètres  6/10  —  1  ocque  de  sarrasin, haricots, etc. 

En  moyenne  aussi  :  . 
Le  blé,  l'orge,  le  seigle  rapportent  6  grains  pour  1. 
Le  maïs  et  les  haricots        —        50  — 

Le  millet  —        25  — 

Le  sarrasin  —        10  -7 

Le  blé,  le  seigle,  Torge,  le  millet  comme  le  sarrasin 
se  coupent  avec  des  faucilles.  L'épi  du  maïs  est  en- 
levé à  la  main  de  sa  tige  qui  reste  sur  le  champ,  soit 
pour  servir  de  pâture  aux  bestiaux,  soit  pour  fumer 
la  terre. 

Dans  quelques  localités  on  cultive  le  lin,  mais  en 
petite  quantité  ;  on  le  sème  en  automne  et  au  prin- 
temps, et  on  le  récolte  presque  en  même,  temps  que 
le  froment. 

On  cultive  aussi  le  tabac,  mais  également  en  petite 
quantité.  C'est  principalement  dans  les  districts  de  la 
Possavina  qu'on  se  livre  à  cette  culture;  on  sème  en 
avril,  et  l'on  récolte  dans  le  cours  de  Tété. 

Les  principales  plantes  potagères  qui  sont  cultivées, 
sont  :1e  chou  d'abord,  dont  la  population  indigène 

XI.  FÉVRIER-MARS.   6.  Il 


(  i02  ) 

fait  une  énorme  coosommation,  la  courge,  la  betteravei 
lee  navets,  le  topinambour,  la  pomme  de  terre,  le» 
dtrooilles,  etc.,  etc. 

Ponr  Tensemencement  de  l'orge  et  du  sarrasin,  oo 
donne  deux  labours  à  la  terre;  pour  le  blé,  le  seigle,  le 
millet  et  le  maïs,  un  seul.  En  plaine»  on  laboure  au 
moyen  de  charrues  montées  sur  deux  petites  roues 
pleines,  en  bois,  et  attelées  de  deux,  quatre  et  môme 
six  bœufs.  Sur  les  collines  et  les  montagnes,  la  char- 
rue est  simple  et  sans  roues. 

Les  semailles  se  font  à  la  volée,  et  l'on  herse  ensuite 
la  terre  sur  le  grain  au  moyen  de  herses  à  dents  de 
fer  attelées  d'une  paire  de  bœufs.  Le  millet  cependant 
est  semé  sur  un  terrain  hersé  après  avoir  été  labouré  ; 
puis,  l'ensemencement  terminé,  on  repasse  de  nouveau 
la  herse. 

La  coupe  des  foins,  qui  se  fait  au  moyen  de  la  faux, 
a  lieu  deux  et  même  trois  fois  l'année. 

On  bat  l'orge,  le  blé,  le  seigle,  le  millet  et  le  sarra* 
sin  non  loin  du  lieu  où  l'on  a  fait  la  récolte.  On  y  éga- 
lise à  cet  effet  un  terrain  sur  lequel  les  gerbes  sont 
jetées,  et  que  les  chevaux  foulent  avec  les  pieds  en 
trottant  autour  de  l'aire.  On  vanne  le  grain  au  moyeu 
de  pelles  en  bois  avec  lesquelles  on  le  jette  eu  l'air 
afin  de  le  séparer  des  brins  de  paille. 

Les  terrains  ne  sont  ordinairement  fumés  que  dans 
les  montagnes,  sur  les  hauts  plateaux.  Ailleurs»  lea 
terres  étant  plus  fertiles,  elles  n'ont  pas  besoin  d'en** 
grais;  cependant  on  utilise  parfois  les  petits  cours  d'eau 
des  plaines  pour  les  inonder  pendant  une  année  afin 
d'amender  le  terrain.  D'ordinaire  on  laisse  les  terres 


(  168  ) 

en  Jachères  pendant  une  et  même  deux  années,  peur 
les  rendre  meilleures  et  plus  productives. 

La  récolte  des  prunes  est  un  des  plus  importants 
produits  de  la  Bosnie  ;  il  s'en  fait  dans  le  pays  une 
trës-'^nsidérable  consommation.  On  en  fait  une  sorte 
d'eau«^e-vie  appelée  sliva  ou  slivovitza^  consommée 
par  la  population  indigène,  musulmane  ou  chrétiennei 
On  n'évalue  pas  à  moins  de  100  ocques  par  an  la 
quantité  qu'en  boit  chaque  habitant,  et  Ton  estime 
que  100  ocques  de  prunes  produisent  par  distillation 
douze  à  quatorze  ocques  d'eau«*de-vie. 

Il  m'a  été  impossible  de  me  procurer  une  statistique  « 
môme  approximative,  de  l'importance  du  bétail  comme 
quantité  et  comme  valeur.  Tout  ce  que  j'ai  pu  en  sa^ 
Voir,  c'est  que  cette  quantité  est  considérable.  Malheu-» 
reusement  la  reproduction  et  l'amélioration  des  races 
sont  extrêmement  négligées.  Le  bétail,  en  général, 
manque  de  soins,  et  en  outre  les  épizooties  viennent 
fréquemment  le  décimer. 

En  général  les  grands  pâturages  appartiennent  à 
l'État.  Ce  sont  principalement,  outre  les  prairies  et  les 
vallées^  les  hauts  plateaux  du  mont  Vrassitcb  et  dti 
mont  Glassinatch. 

Le  porc  est  surtout  élevé  dans  les  districts  de  la 
Kraïna  et  de  la  Possavina.  Us  vivent  par  troupeaux 
dans  les  forêts  de  chênes,  de  telle  sorte  que  les  proprié» 
taires  ignorent  parfois  le  nombre  qu'ils  en  possèdent* 
Us  s'y  nourrissent  de  glands.  Pour  mieux  les  engrais*^ 
ser^  les  propriétaires  en  renferment  quelquefois  dans 
des  étables  où  on  leur  donne  à  manger  de  Tprge  et  du 
mais. 


(  16à  ) 

La  tonte  des  moutons  se  fait  ordinairement  en  été, 
vers  la  Pentecôte  ;  toutefois,  dès  que  les  chaleurs  com- 
mencent à  se  faire  sentir,  on  a  soin  de  leur  enlever 
préalablement  la  laine  autour  du  col,  aux  pieds  et  à 
la  queue.  Une  toison  pèse  ordinairement  une  ocque. 
La  laine,  qui  est  d'une  qualité  inférieure,  est  tra- 
vaillée en  grande  partie  dans  le  pays  ;  on  en  fait  des 
tapis  à  Sîennitza  et  à  Prozor,  ainsi  que  des  couvertures 
et  des  vêtements  de  paysans. 

Les  peaux  qui  ne  s'exportent  pas,  et  c'est  la  plus 
grande  partie,  sont  tannées  et  travaillées  dans  le  pays. 
Il  existe  plusieurs  localités  où  la  population  s'occupe 
principalement  du  tannage  des  peaux  ;  mais  c'est  à 
Vissoka  que  cette  industrie  s'exerce  le  mieux.  On  tanne 
généralement  avec  le  palamout  ou  cupules  du  gland 
de  chêne. 

On  entretient  dans  les  fermes  une  assez  grande  quan- 
tité de  ruches.  Le  rendement  annuel  de  chacune  d'elles 
est  évalué  à  50  ocques  environ,  dont  un  tiers  de  cire 
et  deux  tiers  de  miel.  On  peut  estimer  approximative- 
ment à  30  000  ocques  le  produit  annuel  de  la  cire  en 
Bosnie,  et  celui  du  miel  à  60  000  ocques.  Le  produit 
de  ruches  est  soumis  au  système  de  la  dîme. 

L'Étatet  les  Begs  se  disputent  la  propriété  des  fo- 
rêts de  la  Bosnie.  Cette  question  de  droit  de  posses- 
sion n'a  jamais  été  bien  définie  ;  toutefois,  elle  semble 
être  plus  ou  moins  résolue  en  faveur  de  l'État,  car, 
pour  exploiter  en  grand  les  bois  d'une  forêt,  on  est,  le 
plus  souvent,  tenu  de  demander  au  préalable  une  per- 
mission spéciale  de  l'autorité  locale,  qui  prélèye  un 
impôt  de  10  pour  100  sur  le  produit  de  l'exploitation. 


(  165  ) 

Aucune  loi  ni  administration  forestière  n'existant  en 
Bosnie,  il  s'ensuit  qu'il  n'y  a  point  de  coupes  réglées, 
et  que  de  magnifiques  forêts  sont  ainsi  impunément 
dévastées  par  le  premier  paysan  ou  bûcheron  qui  y 
porte  la  hache  ;  mais  la  nature  y  est  si  riche  que  c'est 
à  peine  si  ces  coupes  sont  remarquées. 

On  exploite  les  forêts  pour  en  retirer  du  bois  de 
chauffage  ou  de  charpente  et  pour  en  faire  du  char- 
bon. 

On  exporte  des  planches,  des  solives  et  de  grandes 
pièces  mal  équarries  en  Servie  et  dans  le  Banat.  Le 
transport  se  fait  par  eau  quand  le  cours  des  rivières  le 
permet,  ou  bien,  à  défaut  de  ce  moyen,  les  pièces  de 
bois  sont  charriées  par  des  bœufs  qui  les  traînent  sim- 
plement le  long  des  chaussées  ou  à  travers  champs. 

J'ai  indiqué  les  principales  essences  forestières  de  la 
Bosnie.  On  trouve  d'excellents  bois  de  chêne  parfaite- 
ment convenables  pour  la  construction  navale,  dans  le 
sandjak  de  Bihatch  et  de  Banyaluka,  ou,  pour  mieux 
préciser,  dans  les  forêts  de  Kazara,  de  Kermin,  de 
Myavitza,  de  Motavitza,  etc. ,  etc. ,  etc. 

Je  finirai  cette  partie  de  ma  notice  par  quelques  mots 
sur  la  minéralogie  de  cette  contrée.  Sans  parler  des 
mines  d'or  et  d'argent  qu'on  prétend  y  avoir  été  exploi- 
tées autrefois  et  que  les  localités  de  Srebrénitza  (ar- 
gentifère), Zlatobor  ou  Zlatovo  (aurifère)  désignent 
suffisamment,  je  citerai  : 

1»  Mine  de  Stari-Maïdan.  —  C'est  celle  qui  produit 
le  meilleur  fer  ;  sa  qualité  est  bien  facile  à  travailler. 
On  en  retire  environ  un  million  d'ocques  par  an,  bien 
qu'elle  puisse  prodilîre  un   résultat  beaucoup   plus 


(  166  ) 

coDûdértble.  Ce  fer  est  travaillé  d&os  le  pays  et  con- 
verti  en  barres  ;  il  est  également  exporté  dans  les  pra« 
vinces  danubiennes. 

S"*  Mine  de  Fojnitza^  —  Elle  produit  annuellement 
environ  80  000  ocques  de  fer  qui  est  consommé  dans 
le  pays.  On  en  fait  des  fers  à  cheval^  des  bâches  de 
bûcheron,  des  instraments  divers^  de  la  clouterie,  etc. 

S""  Mine  de  Krechévo.  —  2b0  000  ocques  de  fer  par 
an.  On  en  fabrique  des  armes  blanches,  des  canons 
de  fusils  et  de  pistolets  à  Fotscha  et  à  SkopUé,  des 
faux^  deà  clous  et  des  fers  à  chevaU 

bl*  Mine  de  Varoch.  -^  Elle  produit  une  sorte  de 
fer  aoiéré  appelé  borovina^  qui  est  travaillé  dans  le 
pays*  On  en  fait  des  ustensiles  de  ménage,  des  objets 
de  Gbattdronnerie,  des  faux^  des  socles  de  char- 
mes, etc.,  etc. 

6^  Mine  de  Boussovatch*  —  D'un  très-faible  rende- 
menti  25  000  ocques  par  an.  On.  en  fabrique  des  fers 
à  cheval^  de  la  clouterie,  etc. ,  etc.»  etc. 

Je  ne  citerai  que  pour  mémoire  les  mines  de  plomb 
et  de  mercure  d'un  produit  très-médiocre,  et  qui  sont, 
d'ailleurs^  très-peu  exploitées.  Les  premières  sont 
situées  aux  environs  de  Varoch  et  les  secondes  près  de 
Fojnitza.  Quant  au  charbon  de  terre»  il  en  existe  très- 
certainement  dans  la  province,  mais  on  ne  l'exploite  pas. 

Toutes  les  mines  appartiennent  &  l'État,  qui  prélève 
un  droit  de  10  pour  100  sur  le  produit  brut« 

Commerce,  —  La  balance  de  la  statistique  commer- 
ciale de  la  Bosnie  est  en  faveur  des  exportations^  qui 
l'emportent  sur  les  importations. 


(467) 

Le  commerce  ést  presqtie  partout  «ntre  Ida  mail» 
âen  chrétieQft  tttyas*  Les  rares  fiégociants  on  petits 
commerçants  qui  ne  sont  point  sujets  ottomans,  sont 
tous  des  Autrichiens  de  la  Croatie  ou  de  la  Dalmatie. 

Bosna-Seraï  ou  Sèrajévo,  capitale  de  la  Bosnie,  est 
la  principale  place  commerciale,  et  c'est  là  qoe  les 
autres  villes  de  l'intérieur  viennent  s'approvisionner 
detoutessortes[âe  marchandises.  Cependant  les  centres 
de  population  rapprochés  des  frontières  autrichiennes 
tirent  le  plus  souvent  directement  de  la  Croatie  et  de 
la  Slavonie  les  objets  d'importation  dont  ils  ont  be- 
soin. 

Douanes,  —  Les  droits  de  douanes  en  Bosnie  sont 
les  mêmes  que  ceux  en  vigueur  dans  les  autres  pro- 
vinces de  la  Turquie. 

Des  bureaux  de  douanes,  où  les  droits  sont  acquit- 
tés à  l'entrée  comme  à  la  sortie,  sont  établis  sur  diffé* 
rents  points. 

Il  n'existe  point  de  gardes  douaniers  exerçant  une 
surveillance  sur  la  frontière  entre  chacun  des  bureaux  ; 
ausdi  la  contrebande  se  fait-elle  presque  partout,  au 
grand  détriment  du  fisG< 

On  m*a  donné  le  chiffre  de  3  millions  de  piastre! 
comme  étant  celui  des  revenus  de  la  douane  en  1861  < 
Je  le  crois  inférieur  à  la  vérité.  On  calcule  environ  à 
000  000  piastres  par  an  les  frais  d'administration  et  dç 
personnel. 

Jusqu'à  l'année  dernière»  le  gouvernement  cédait  à 
un  fermier  le  revenu  général  des  douanes  de  la  pro- 
vince ;  le  système  de  régie  est  aujourd'hui  substitué  à 


(  168  ) 

celui  de  la  ferme.  Geite  circonstance  explique  l'im- 
possibilité où  je  me  suis  trouvé  de  donner  un  état  des 
importations  et  exportations  des  marchandises  ponr 
l'exercice  de  1862.  Le  mouvement  commercial  de  la 
province  n'ayant^presque  pas  varié  pendant  ces  der- 
niers temps,  au  dire  des  n^ociants  que  j'ai  consultés, 
on  peut  donc,  sans  risquer  de  trop  se  tromper,  prendre 
pour  base  de  l'évaluation  des  échanges  commerciaux 
les  sommes  suivantes  des  entrées  et  des  sorties  des 
marchandises  : 

Importation .  • iO  263  406  piastres. 

Exportation 20  386  916      — 

Transport.  —  Le  transport  des  marchandises  se  fait 
à  dos  de  cheval.  La  charge  de  chaque  cheval  varie  de 
90  à  HO  ocques.  Les  frais  de  transport  peuvent  être 
calculés  à  raison  de  2  paras,  soit  un  vingtième  de 
piastre  par  ocque  et  par  heure  de  distance  parcourue. 
On  calcule  qu'un  cheval  chargé  ne  fait  guère  plus  de 
six  heures  de  chemin  par  jour. 

Monnaies.  —  Les  monnaies  qui  ont  cours  en  Bos- 
nie sont  :  l""  toutes  celles  de  la  Turquie;  2""  toutes 
celles  en  or  et  en  argent  de  l'Autriche  ;  3**  toutes  celles 
enoret  en  argent  de  la  Russie;  A*"  le  napoléon  et  la 
livre  sterling. 

La  valeur  actuelle  des  monnaies  étrangères  est  : 
pour  le  ducat  autrichien,  60  piastres  1/2  ;  pour  le 
zwanzik,  3  piastres  1/2;  pour  le  rouble  d'argent, 
17  piastres  1/2  ;  pour  le  napoléon,  85  piastres  ;  pour 
la  livre  sterling,  106  piastres.  Le  papier-monnaie  turc 
n'a  jamais  eu  cours  en  Bosnie. 


(  169  ) 

Poids  et  mesures. —  Les  poids  et  mesures  usités 
dans  la  province  sont  les  suivants  :  YOka  ou  ocque, 
unité  de  poids  en  Turquie,  équivaut  à  1^,2829.  Elle  se 
subdivise  en  AOO  drammes  ou  drachmes.  —  L'ocque 
sert  à  peser  les  solides  et  les  liquides.  —  C'est  égale- 
ment une  mesure  de  capacité  pour  les  grains. 

Le  Pic  est  la  même  mesure  de  longueur  usitée  par- 
tout en  Turquie  ;  il  est  de  deux  sortes  :  le  grand  pic, 
qui  sert  à  mesurer  les  étoffes  de  laine ,  les  draps,  ta- 
pis, etc.,  équivaut  à  O'^jôSôS;  le  petit,  qui  sert  à  mesu- 
rer les  soieries,  toileries,  cotonnades,  etc.,  équivaut  à 
0",6528.  L'un  et  l'autre  se  subdivisent  en  16  Roupes. 

Postes  et  télégraphie.  —  Le  service  des  postes  aijx 
lettres  s'effectue  par  des  courriers  à  cheval  appelés 
tatars. 

Sérajévo  est  relié  à  tout  le  réseau  européen  par  un 
fil  électrique  qui,  en  passant  par  Mostar,  va  se  joindre 
au  système  télégraphique  de  la  Dalmatie.  Un  autre  fil 
spécial  met  la  Bosnie  en  communication  directe  avec 
Constantinople  en  touchant  à  Pristina,  Nich,  Sophia, 
Philippopoli  et  Andrinople.  Cette  ligne  a  des  embran- 
chements sur  Prisrend  d'une  part  et,  de  l'autre,  sur 
Widdin  et  Belgrade. 


Pendant  que  l'article  qu'on  vient  de  lire  était  sous 
presse,  la  Société  de  géographie  a  reçu  de  M.  le  gé- 
néral de  Fligeljr,  l'éminent  directeur  de  l'Institut  mili- 
taire-géographique de  Vienne,  une  carte  que  nous 
croyons  devoir  signaler  aux  personnes  qui  s'occupent 


(170) 

de  la  géographie  de  la  Turquie  ;  elle  a  pour  titre  : 
Karte  von  Bosnien^  der  Hercegovina  und  des  Pascha^ 
liks  von  Novibazar*  Cette  carte  a  été  drefisée,  à 
Féchellé  de  1/&00  000%  par  le  capitaine  d'état-major 
Roskiewicz,  à  l'aide  de  tous  les  documents  antérieure^ 
ment  publiés  sur  la  Bosnie  et  THerzegovine,  et  de 
levés  exécutés  dans  le  pays  même  par  des  officiers 
autrichiens  ;  le  terrain  y  est  représenté  par  une  teinte 
grise  qui  laisse  bien  ressortir  les  détails  de  la  plani- 
métrie  et  les  écritures,  imprimés  en  noir.  Les  cotés 
d'altitude  sont  données  d'après  les  évaluations  d'Ami 
Boue  ;  selon  l'excellente  coutume  adoptée  par  l'Institut 
militaire-géographique,  un  tableau,  placé  dans  l'un  des 
coins  delà  carte, résume  les  données  statistiques  prin- 
cipales relatives  à  la  Bosnie;  d'après  ces  indications, 
la  superficie  de  la  Bosnie  serait  de  Al  72 A  kilomètres 
carrés;  celle  de  THerzegovine  de  12  078  kilomètres 
carrés;  celle  du  pachalik  de  Novi-^Bazar  de  7&11  kilo« 
mètres  carrés. 

Il  est  d'un  intelligent  libéralisme  d'avoir  livré  au 
public  des  documents  recueillis  dans  un  but  spécial  i 
la  science,  qui  est  déjà  redevable  à  l'Institut  militaire** 
géographique  de  Vienne  d'un  grand  nombre  de  pré* 
cieuses  cartes,  lui  sera  reconnaissante  de  cette  publi- 
cation sur  une  contrée  encore  mal  connue,  quoiqu'elle 
fasse  partie  de  l'Europe,  et  soit  située  à  quelques  jour- 
nées des  grands  centres  de  la  civilisation. 

(Rédaction.) 


(  171  ) 


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XI.   FÉTRIEBrMARS.    7. 


12 


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(  480  ) 

PRÉCIS  ETHNOGRAPHIQUE. 

Les  anciens  ne  nous  ont  légué  que  fort  peu  de  do- 
cuments propres  à  faciliter  Fétude  de  la  filiation  des 
peuples  de  race  ouralique  qui  autrefois  envahirent 
Tempire  romain.  Aussi  l'ancienne  ethnographie  des 
provinces  formant  aujourd'hui  Textrème  frontière  Est 
de  la  Turquie  d'Europe  me  parait-elle  difficile  à  être 
établie  d'une  manière  précise,  et  je  suis  porté  à  croire 
qu'on  ne  peut  guère  aborder  l'étude  de  cette  question 
que  par  de  simples  conjectures  et  des  hypothèses  plus 
on  moins  vraisemblables. 

Cette  difficulté  d'être  suffisamment  renseigné  m'a 
engagé  à  ne  point  m' étendre  sur  une  époque  qui  ne 
m'est  pas  assez  connue.  Négligeant  donc  tout  ce  qui 
s'écarte  trop  du  cadre  restreint  de  ce  travail,  je  me 
bornerai  à  jeter  un  rapide  et  préalable  coup  d'œil  sur 
le  passé  historique  des  seuls  anciens  habitants  de  la 
contrée  comprise  entre  la  Save  et  le  littoral  Adria- 
tique. 

En  remontant  dans  les  temps  reculés,  les  auteurs 
des  I"  et  II'  siècles  nous  apprennent  que  le  territoire 
de  la  Bosnie  formait  partie  intégrante  de  l'ancien  pays 
des  Dalmates,  nom  générique  d'une  nation  barbare  et 
féroce  que  les  Romains  combattirent  avec  acharnement 
pendant  le  cours  de  plus  de  deux  cents  ans,  depuis 
l'an  559  de  Rome  (195  av.  J.  G.),  que  Scipion  Nasica 
Corculum  la  vainquit  pour  la  première  fois,  jusqu'au 
règne  de  Tibère   (14-S7  de  J.  C),  qui  acheva  de 


(  m  ) 

la  subjuguer  et  de  la  soumettre  définitivement  à  l'em- 
pire (1). 

Le  pays  des  anciens  Dalmates,  compris  dans  ce  que 
les  Romains  appelaient  riUyrie  barbare,  avait  pour 
limites  :  au  nord^  la  Panonie  inférieure,  dont  il  était 
séparé  par  la  Save  depuis  Kertissa  (aujourd'hui  Gra- 
dischka 7)  jusqu'à  Tauruntum  (Semlin);  à  l'ouest,  des 
peuplades  illyriennes  dont  le  séparait  le  cours  du  Ver- 
bass  ou  peut-être  celui  de  la  Sanna,  ce  dernier  affluent 
de  rUnna;  à  l'ouest  et  au  sud-ouest,  la  Liburnie,  qui 
s'étendait  le  long  de  l'Adriatique,  depuis  les  frontières 
de  ristrie  jusqu'aux  environs  de  Scardone  ;  au  sud  et 
au  sud-ouest,  le  littoral  jusqu'à  Scutari,  et  de  là  une 
frontière  assez  incertaine  jusqu'aux  monts  Scardiens 
(le  Schar-Dagh  de  nos  jours)  ;  enfin,  depuis  ce  pâté  de 
montagnes  que  Ptolémée  place  vers  le  42*  degré  de 
latitude  et  sous  le  A?*"  de  longitude»  une  ligne  de  démar- 
cation vague  qui»  remontant  vers  le  N.-N.-O.,  allait 
directement  rejoindre  Tauruntum  (Semlin)  sur  la  Save. 

Il  résulte  de  cette  délimitation  que  les  Dalmates 
de  cette  époque  recalée ,  dont  la  capitale,  Deïmi- 
nium,  était  située,  suivant  les  uns,  non  loin  de  la 
Drina»  et,  suivant  les  autres,  beaucoup  plus  vers  le 
littoral,  à  Duono,  occupaient  une  contrée  très -considé- 
rable qui  comprenait  non-seulement  la  Bosnie  de  nos 
jours,  mais  encore  une  notable  partie  de  la  Dalmatie 


(1)  MoD  savant  collègue,  M.  le  doctear  Otto  Blaa,  cooral  de  Prusse 
à  Sérajévo,  à  qui  lliistoire,  la  numismatique,  ]*archéologie  et  la  sta- 
tistique doivent  déjà  de  très-utiles  publications  sur  les  différents  pays 
où  il  a  résidé,  s'occupe  dans  ce  moment  de  réunir  les  éléments  d'une 
sérieuse  étude  géographique  et  historique  de  la  Bosnie  et  de  THerzé^- 
lovioe  aux  temps  des  Romains.  > 


(  182  ) 

actuelle,  l'flerzégovîhe,  le  Monténégro,  une  frèictîon  du 
territoire  de  l'Albanie  supérieure  et  de  la  Roumélie,  et 
edèn  une  portion  de  la  Serbie  (i), 

(i)  Voici  le  dénombrement  des  populations  Je  cette  vaste  contrée» 

tel  c[ae  nous  Ta  taissë  t^line  *,  Ce  document  fait  partie  da  recense- 

ûitûi  gétiénii  de  l'eih(>ire,  ordDbklé  par  Auguste  àà  i*»^  siêelè  de  lésûs- 

Otèiit 

IHilHctf  fl«  f oniMtif  dt  SAltDa  : 

Pelmates* .  «  âmoa  349  000 

Beurici ....  —  â2  ÔOÔ 

Ditlonts. .t.  -*^  830  000 

Mazasi —  269  000 

Sardiatek...      -^      l^ioào 


TdUl  lltt  cù^HMU  de  Satdtia . .  a       «14  000  ÉiQ«i» 

Dtotrins  da  é9W9$n$  de  I^aroiia  : 

Daorizi Ames  17  000 

Geranni. ...  ^^  24  ÔOÔ 

Daeiitiates.i  ^  100  000 

Peretini  ...  —  14  000 

Déi'enttstfe.  •  -^  t^  066 

Dindari.  • .  ^  -^  ^$  ÔOO 

Dociéatffi...  —  33  000 

Gltndittoilèk.  ^f-  44  000 

Melcomani. .  —  24  000 

Nàrésii ....  ~  102  000    . 

Seirtarii   • .  ^^  ti  000 

Siculots...  —  24  000 

Vârdàttii . .  •  ^  SO  000 


Total  du  eoUvênt  da  Narott.      546  000  âttM. 
non  compris  les  cinq  peuples  de  Oznaei»  Par- 
thini»  Hemasini,  Ârtbit»  et  Armist»,  éYalnés 
è 36  000  âmes. 

Mil    ;  Il 


Total  général. ...     1  500  OOÔ  Ames. 

C!é  cbtifk'é  de  1  &Ô0  000  ime^  est  encore,  à  peu  dé  cbose  près, 
celui  de  la  population  actuelle  des  contrées  qu'occupaient,  au  i*'  siècle» 
les  tribus  dalmatei  éUumérées  dans  le  tableau  dmefesui. 

(*)  Piiné,  III,  26.  —  (l^Uné  donné  te  recensement  de  ta  popula- 
tion en  décurieSi  dont  cbacune  comprenait  1000  Amea.  Je  n'ai  fait 
qu'ajoutef  trois  létos  aut  chtIfIreK  de  cfaACttne  de  ces  dëettriaa  ludi-* 
quées  par  Pline.) 


(  183  ) 

Lès  Dalmates  d'alors,  vaincus  plus  d^une  fois  par  les 
armées  romaines,  et  subjugués  enfin  sous  Auguste  et 
Tibère,  perdirent  progressivement  leur  indépendance 
et  leur  liberté,  Tautonomie  de  leurs  vastes  possessions, 
et  soit  que  le  noyau  d'élite  de  leur  nation  eût  étâ  vio- 
lemment déplacé  et  leurs  diverses  tribus  dispersées, 
ftoit  que  le  souvenir  de  leur  voisinage  se  fût  conservé 
vivace  dans  la  contrée  limitrophe  de  la  Liburnie)  l'ap- 
plication de  leur  appellation  générique  se  restreignit 
petit  à  petit  pour  ne  plus  servir  qu'à  désigner  spécia- 
lement, sous  le  triumvirat  et  sous  Tempire,  une 
portion  de  leur  ancien  territoire  devenu  province  ro- 
maine, et  qui  a  gardé  de  nos  jours  le  nom  dç  palmatie. 

Lorsque  les  ][^o^lain3  eurent  Imposé  leurs  lois  aux 
Dalmates,  ils  ne  me  paraissent  point  avoir  oooupé  et 
colonisé  toute  la  Bosnie  supérieure,  où  d'ailleurs,  que 
je  le  sache  du  moins,  on  n'a  point  retrouvé  encore 
de  traces  positives  de  leurs  établissements. 

Des  opinions  con^bip^es  de  Ptolémée,  de  $trabon, 
de  Pline  et  d'Appien,  il  semblerait  résulter  qu'une 
voie  de  communication  était  ouverte  entre  Scardona, 
sur  l'Adriatique,  et  la  station  romaine  de  Kertissa  sur 
la  Save  (Gradischka?).  J'incline  à  croire  que  cette 
route  devait  passer,  après  avoir  franchi  le  mont  Prolog, 
par  la  vallée  de  la  Sanna,  l'un  des  afiQuents  de  l'Unna. 
On  cite  quelques  localités  qui  jalonnaient  la  voie, 
entre  autres  Assesia,  qui  aurait  eu  une  certaine  impor- 
tance, peut-être  à  cause  des  mines  de  fer  qui  abon- 
daient dans  le  pays  (1).  Faudrait-il  voir  dans  le  Stari- 

(1)  Sissea,  dans,  la  Groato-SlavdDie,  l'antique  Scioiu^  était  la  réii- 
dence  d'an  magistrat  chargé  de  radmiois^rvtjpD  et  da  rîQspeptiQO  des 
mines  de  tonte  la  contrée,  y  compris  la  Panonie  supérieure. 


(184) 

Meidan    actuel    remplacement,  de  TanèieDDe  Âsse- 
sia  (1)? 

L'Itinéraire  d'Antonin  (2)  indique  une  route  qui  re- 
liait Metrovitza,  en  Slavonie  (Sirmium) ,  à  Salone  sur 
l'Adriatique  (Salonas).  Comme  la  précédente,  elle  de- 
vait passer  par  la  partie  la  plus  occidentale  du  terri- 
toire bosniaque  actuel,  et  j'ai  lieu  de  croire  qu'aucun 
vestige  n'en  a  été  retrouvé  jusqu'ici.  En  voici  les  prin- 
cipales stations  données  par  l'Itinéraire  : 

ER  SLAYOIIIE. 

1.  Sirmiam ^ Metrovitza. 

2.  Budalia  onVedulia.  |  fusnitn,  d'après  Reichard. 

3.  Spanela l  Bacsmske^  d'après  Reichard,  et 

lirufcojev0^0,  d'après  Lapie. 

4.  OImo jPavIi^f,  d'après  Lapie. 

5.  Cibalis <  Fincovzé, 

6.  Cirtisia ÏDiàkovar^  d'après  Maonert. 

ÊKondriè,  d'après  Reichard,  et 
f  Piscorevcze^  d'après  Lapîe. 

7.  Urbate \  Brood,  d'après  Manaert,  et 


\ 


Gradiska,  d'après  Lapie. 


IH  BOSIIIB. 


8.  Servitti /  Sievierovczi^  d'après  Reichard,  et 

\  Douhitza,  d'après  Lapie. 

9.  Ad  Ladios }Ad  fi.  Sannam^  d'après  Reichard,  et 

I  Touriak  (?),  d'après  Lapie. 
10.  Aemate \BQnyaluka,  — 

(1)  Le  nom  de  Slari-Mcidan  est  composé  da  mot  slave  stari^  ^ui 
signifie  vieux^  et  du  mot  arabe  meiden  oa  mâdm^  qui  signifie  mtiitf, 
minière;  cette  désigoation  convient  parfaitement,  d'ailleurs,  |  \9l 
localité,  abondamment  dotée  de  richesses  métallurgiques, 

(2)  Édition  de  6.  Parthe^.  Berlin,  1848* 


(  186  ) 

i  1 .  Unsaba. .  • /Kotor^  d'après  Lapie. 

12.  Sarnade [  Ycûtxé,  — 

1 3.  Silvi» 1  Keupresch,  — 

14.  Pelva  (1) I  lÀmOf  — 

1 5.  Aequo  (?) i  Près  du  khan  de  Xinivich  (?),  d*après  Rei- 

f      chard  et  Lapie. 

16.  Salonas Xsaione, 

D'autre  part,  les  Tables  théodosiennes  donnent  une 
autre  route  qui,  partant  de  Sissea  (l'ancienne  Sciscia), 
aboutissait  également  à  Salona  avec  les  stations  inter- 
médiaires suivantes  :  PrcetoriurriyServitium^ad  Fines  ^ 
Castra jLomatis y  LevsabayBaloié^  Yudencay  Sarittaet 
Jonaria.  A  quelques  altérations  près  dans  la  forme,  on 
retrouve  dans  ces  noms  deux  stations  de  l'Itinéraire  : 
Servitium  Servitti^  et  Levsaba-Lensaba. 

Quant  à  la  portion  centrale  et  orientale  de  la  Bosnie, 
il  ne  me  semble  pas,  je  le  répète,  que  les  Romains 
Toccupèrent,  sauf  peut-être  quelques  points  straté- 
giques sur  le  bas  Drina,  et  dans  la  vallée  de  la  Save 
proprement  dite  ou  la  Possavina  actuelle  (2) . 

(i)  On  trouve  quelques  ruines  romaines  et  on  a  décoorert  quel- 
ques inscriptions  dans  les  paroisses  de  Vidosi  et  de  Lùtani  dans  le 
Sandjak  de  Li?m). 

(2)  J'ai  trouvé  tout  récemment  dans  les  environs  deSeraJévo  même, 
sur  les  bords  de  la  Milatzka  et  au  hameau  de  SwaMno-Selo  (Tchift- 
lik  ou  ferme  d*Âbda-Agha-Zlatarovic),  une  inscription  romaine  qui 
peut  être  de  nature  k  Jeter  un  jour  nouveau  sur  la  question  de  savoir 
si  les  Romains  s'établirent  à  demeure  fiie  dans  le  centre  même  de  la 
Bosnie.  Cette  inscription,  que  Je  transcris  ci-après,  est  gravée  en  creux 
•ar  un  stèle  en  marbre  blanc  rosé  de  0™,70  de  hauteur,  sur  0™,305  de 
largeur  et  0,™25  d'épaisseur.  Un  trou  pratiqué  au  centre  de  l'épais- 
seur du  stèle  et  è  sa  partie  inférieure  servait,  sans  doute,  à  le  relier 
par  un  crampon  de  fer  à  nn  socle  ou  base  qui  n*a  pas  été  trouvé. 


(186) 

Dans  l'Hôr2êgdylûe,  au  contraire,  il  est  â  peu  près 
certain  que  les  Romaips  eurent  des  établissements 
fixes,  tels  qu'à  Mostar,  par  exemple,  et  ailleurs  (1). 

Si  les  Romains,  selon  mon  opinion,  n'eurent  aucun 
établissement  important  dans  le  centre  et  dans  la  par- 
tie orientale  de  la  Bosnie,  la  cause  en  était  due  proba- 
blement à  l'épaisseur  des  forêts  qui  couvraient  le  pays 
entier  et  qui  devait  difficilement  permettre  d'y  tracer 
des  chemins  ou  des  routes  stratégiques  reliant  ces  po- 
sitions isolées  avec  les  stations  militaires  de  la  Panonie 
et  les  colonies  du  littoral  Adriatique. 

Toutefois,  pour  n'avoir  été»  à  cette  époque,  pour 
ainsi  dire,  qu'une  vaste  et  impénétrable  forêt,  la  con- 

Cette  pierre,  découverte  il  y  a  quelques  années,  dans  le  Ut  actuel  de  la 
Mlatika,  était  enfouie  ious  une  couehe  de  gravier.  Fant4l  admettre 
^a*il  e&iitait  là,  autrefois,  un  centre  dé  population  romaine  Y  Ou  bien, 
ne  devrait-on  y  voir  que  la  trace  du  passage  accidentel  d'une  légion  ? 
Les  trois  lettres  initiales  de  la  première  ligne  de  Tinscrlption  lui 
donnent,  d^ailleurs,  la  forme  votive  ! 

D.  0.  M. 

TONITBA 

PORI  "m 

MàXIMVS 
VI  ilAVGC 

Celte  inscription  te  tronvt  aiijourd'hal  au  consulat  de  France  à 
Séri^évOk 

(1)  M^tmr%  nom  tlavt  composé  de  mou  (pont)  ei  de  tior  (virai). 
La  ville  de  llostar  possède,  en  eist,  un  ancien  et  grand  pont  jeté  sur 
ia  Narenta,  dont  la  eonstruetion,  au  dire  des  habitants,  remonta  à 
une  époque  fort  reculée.  Faudrait-4l,  avee.  l'historien  Kandter  de 
Trieste»  voir  dans  remplacement  de  la  ville  actuelle  de  Mostar,  celui 
de  rancieuM  Matrix  des  Romains,  située  entre  BUUÊm  «slus  ut  Bitima 


(  187  ) 

itêe  tï'éUit  ^m-ém  pàd  aiièëi  dé{)ettplé«  qu^Oti  pôtSit-- 
rait  le  «irolfe.  fin  effet,  Appleti«  en  pfiirlànt  des  côit^ 
qufiteg  fkites  Boâs  lé  triumvirat  et  àU  commeûcement 
de  rempire,  depuis  l'Adriatique  jusqu'au  cours  de  Ift 
SavC)  nous  apprend  le  ûom  de  plusieurs  tribus  dissé«- 
midées  çà  et  là  sur  la  surfaee  du  pays  couquis,  et  il 
cite  tèlui  dee  Bi^^U,  des  IppasinU,  dèd  GliUndinH  et 
des  Narmi% 

Ce  ne  fut  que  bleu  pluë  tard  et  vers  le  y^  «siècle  que 
les  6lâTe6,  dout  Ptolëmée  parle  le  premier^  firent  irrup- 
tion dans  le  monde  romain,  à  la  suite  des  GothS,  des 

ÂTGirs  et  dess  Huns,  et  vinrent  occuper,  sous  le  nom  de 
Sktamni  ou  de  Siamnt,  la  Dacie  dont,  par  la  suite,  ils 
Airetit  bhàâSës  par  les  Kuntans  ou  les  Patzinmkiiéi  ou 
PiBtchinèfueÈ,  hordes  barbares  probablement  de  race 
turtjue. 

La  ft'action  slave,  dont  ce  travail  est  plus  particuliè- 
rement l'objeti  appartenait  à  ce  groupe  méridional  de 
ia  Dation^  qui,  plus  spécialement  dans  le  vii*  siècle» 
tint  s'établir  dans  la  contrée  connue  alors  sous  le  nom 
générique  d*!llyrle.  Les  auteurs  byzantins,  et  de  ce 
nombre  Procope  et  I^orphyrogénète,  distinguaient  en 
elle  les  Serblii  ou  Serbes  et  les  Chrohates  ou  Croates, 

A  l'époque  de  la  guerre  des  Persesi  les  légions  can- 
tonnées dans  la  Dalmatie  qui^  après  la  chute  de  l'em- 
pire d'Occident  avait  été  réunie  à  celui  de  Constanti- 
nople  sous  Justïnien,  durent  être  rappelées,  et  les 
Avars,  profitant  de  cette  circonstance,  envahirent  la 
province  dégarnie  fie  troupes,  la  dévastèrent  et  l'oc- 
cupèrent en  partie  (1)«  Ce  fui  alors  que  Tempereur 

(i)  Dès  le  règoederemperêarllaiiirice»  les  Âvars  avAient^  paraît-il, 


(  188  ) 

Héraclias  ayant  assigné  tout  le  pays  aux  Ghrobates  (1), 
à  la  condition  d'en  chasser  les  derniers  envahisseurs 
et  de  se  reconnaître  dépendants  de  Tempire,  une  grande 
fraction  de  ce  peuple,  sous  la  conduite  de  ses  princi- 
paux chefs,  les  frères  Klouk^  Lobel^  Mouchla^  Karentz 
et  Horvat^  se  porta  en  avant,  défit  les  tribus  qu'elle 
était  chargée  de  refouler  et  occupa  définitivement  toute 
la  contrée  s'étendant  de  l'Istrie  à  la  Cettina»  qui  se 
jette  dans  l'Adriatique  non  loin  de  Spalatro.  Plus  tard, 
au  ix''  siècle,  les  Ghrobates  méridionaux  s'affranchirent 
de  leur  vassalité  envers  l'empire. 

Les  Serblii  ou  Serbes  (2) ,  jaloux  des  avantages  ob- 
tenus par  leurs  frères  de  la  même  souche,  les  Ghro- 
bates, suivirent  bientôt  leur  exemple  d'une  émigration 
et  d'un  établissement  au  sud  du  grand  fleuve.  Du 
consentement  du  même  empereur  Héraclius,  ils  vin- 
rent à  leur  tour  occuper,  à  titre  de  colons  de  l'empire, 

fait  irrnptioD  dans  les  provinces  dalmates.  Toutefois,  il  semble  que  ce 
ne  fut  que  dans  leurs  incursions  dévastatrices  de  610  à  648,  sous 
Héraclius,  qu'ils  saccagèrent  et  ruinèrent  les  villes  du  littoral  adria- 
tique,  telles  que  Diocléa,  Êpidaure  et  Salone.  Les  Slaves  ne  parent  se 
fixer  sur  les  bords  de  la  mer,  et  durent  se  retirer  en  arrière,  laissant 
les  populations  du  littoral  se  reconstituer  en  colonies  romaines  nou- 
velles. Ce  fut  alors  que  naquirent  la  Raguse  actuelle^  Spalatro,  Traù, 
Zara^  et  autres  villes  maritimes  de  la  Dalmatie. 

(i  )  Les  Ghrobates  au  dire  du  Porphyrogénète,  habitaient  au  delà 
du  pays  de  «  Babigaréias  »,  et  dans  le  voisinage  de  Franks.  —  Fau- 
drait-il voir,  avec  Saint-Martin,  dans  ce  nom  de  «  Babigaréias,  »  la 
Bavière  de  nos  Jours? 

(i)  Ce  sont  les  Serblaii  des  Byzantins.  Ils  occupaient,  suivant 
M.  Lejean,  un  territoire  à  4'est  des  Ghrobates,  et  étaient  primitive- 
ment connus  sous  le  nom  de  5ôra&5,  qui  est  demeuré  celui  4'uQ 
débrii  delaniition  restée  dans  la  Lusace? 


(  189  ) 

les  terres  restées  libres  qui,  de  la  Save  et  du  Danube, 
s'étendaient  vers  la  mer  de  côté  du  Durazzo  et  qui, 
elles  aussi,  avaient  eu  à  souffrir  des  incursions  dévas- 
tatrices des  Avars.  Le  Porphyrogénète  ajoute  qu^aux 
Serbes  proprement  dits  se  joignirent,  dans  cette  grande 
et  deuxième  émigration  slave,  d'autres  tribus  de  la 
même  souche-mère,  les  Zachlumi^  les  Narentani^  les 
Terbuni  et  autres. 

Les  Serbes  occupèrent  d'abord  la  Moesie  supérieure^ 
qui  comprenait  la  Serbie  actuelle  et  une  partie  de  la 
Moesie  inférieure^  qui  s'étendait  de  la  rivière  de  Zi- 
brenitza  (l'ancien  Giabros,  qui  se  jette  dans  le  Danube) 
au  Pont-Euxin  ;  enfin  la  Sirmie  ou  la  Slavonie  dé  nos 
jours,  et  la  Rascie^  qui  était  une  contrée  à  part,  située 
au  sud  de  la  Serbie  actuelle  et  à  Touest  de  la  Roumé- 
lie,  et  qui,  comprise  en  grande  partie  aujourd'hui  dans 
le  pachalik  de  Bosnie,  a  Novi-Bazar  pour  chef-lieu  ; 
les  Zachlumi,  originaires  de  Chelm  (Za-Chlum)  et  des 
bords  de  la  Vistule,  s'établirent  dans  la  partie  ouest 
de  l'Herzégovine  actuelle  et  donnèrent  leur  déno- 
mination de  Burrij  ou  Chum^  ou  Chlum  à  tout 
le  pays  (1).   Les  Narentani,  qui,  suivant  les  uns, 

(1)  Le  nom  des  Zachlumi  dérive  probablement  du  vocable  slave  Aum, 
qui  signifie  :  «  Tertre,  colline,  d'où  :  pays  montagneux.  »  Ce  mot 
prononcé  par  les  Grecs  ou  par  les  Latins,  qui  n'avaient  pas  l'aspira- 
tion de  la  lettre  H,  s'est  changé,  dans  leurs  chroniques,  en  Chtêm  ou 
ChtUm,  11  n'est  pas  sans  intérêt  de  remarquer  que  ce  nom  de  Chelm 
ou  Chulm  est  encore  celui  de  plusieurs  localités  de  la  Pologne.  La 
ZtKMumiaj  selon  le  Porphyrogénète,  était  ainsi  limitée  :  «  A  Ransio 
»  Zachlumomm  Principatus  initium  ducit  et  protenditur  ad  Oron- 
•  tium  (Narenta)  flumen  ufque.  »  La  péninsule  de  Sabbioncello  avec 
la  ville  de  Stagno,  ajoute  Appendini,  appartenait  à  cette  province* 


(  lÔO  ) 

échangèrent  leur  nom  primitif  contre  celui  du 
neuve  Narenta,  qui  passe  par  Moslar,  ou  qui,  suivant 
les  autres,  lui  imposèrent  leur  dénomination,  se  fixè- 
rent dans  la  région  Est  de  la  même  contrée  (1).  Les 
Terbuni  occupèrent  le  pays  des  Canaletti,  au  sud-est 
de  Raguse,  et  les  terres  de  la  moderne  Trebigné,  qi;i 
leur  doit  son  appellation  (S).  Enfin,  une  autre  tribu, 
également  d'origine  slave,  venue  à  la  suite  des  pre- 
mières, s'établit  aux  environs  de  Diocléa,  soit  dans  le 
Monténégro  actuel,  et  ses  membres  s'appelèrept  long-» 
temps  Diocléates. 

Entre  les  limites  dos  detix  émigrations  croate  et 
serbe,  il  ne  semble  pas  que  le  pays  ibrmantla  provinôe 
actuelle  de  Bosnie  ait  été  compris;  sa  oonfigaration 
naturelle  l'avait  probablement  &it  négliger  par  les 
émigrants.  En  effet,  abstraction  faite  de  la  langue  de 
terre  qui  s'étend  de  Folcha  à  Novi-Bazar,  entre  les 
frontières  serbe,  roumélienne,  albanaise,  monténé- 
grine et  her^égovinienne,  la  Bosnie  proprement  dite 
forme  une  sorte  de  quadrilatère,  dont  deux  côtés  ont 
pour  limites  la  Save  ^t  la  Drina,  et  les  deux  autres, 

(1)  Mous  STons  déjà  tu  diaprés  Appien,  que  dès  Tépoque  du 
triumvim^  romaio,  une  popuUti^p  iiidigia«  appelée  NareiU,  était 
établie  dau^c^tia  contiée.  La  conformité  de  ce  nom  avec  celui  de  Nat* 
ren^pi  doQt  parla  le  Porphyrogénète,  ferait  penser  qu'il  u'eit  peutr 
être  qoestiop  ici  que  d*UP  s«ttl  et  même  peuple,  dont  quelques  tribus 
avaient  pu  devapcer  \»  grande  émigratiqu  du  vu'  siècle. 

(*2)  $q|vaDt  le  Porpbirrogéiiète,  la  TwHgna  oommeDeait  à  Gattare 
et  n'éteitdaH  iusqu>u«deisug  deBagu«e,  eu  eoufinant  à  la  Zaehlumia  : 
ff  A  Deo^taris  ipaipit  Trib9ui»  principatas  p#rrigit  que  «e  Ragusium 
9  U^queet  Yer^pafl|Pii(an«»  SirbU»  adyaeet  »  U  villa  de  Trebigaéeu 
étajt  U  ^tia«. 


(  191  ) 

soit  le  cours  de  TUnna,  soit  les  pentes  rapides  des 
bautes  montagnes,  obstacles  qui  durent  assurément 
faire  dévier  la  marche  de  l'invasion,  ou  plutôt  de  Tfr'. 
migration.  Ce  fait  donnerait  raison  à  Topinion  de 
quelques  auteurs  (1)  qui  font  descendre  les  Boanis^ 
ques  ou  Bosniens  des  Bessi^  petit  peuple,  d'origine 
slave  sans  doute  ,  antérieurement  établi  dani^  to 
Tbrace,  vers  les  sources  du  Strymon  et  qui,  chassé  par 
les  Bulgares,  dut  se  déplacer  et  venir  se  réfugier  dans 
cette  contrée,  alors  à  peu  près  déserte,  au  milieu  de» 
anciens  Dalmates,  bien  avant  l'irruption  des  ISl^ves,  et 
à  laquelle  il  imposa  son  nom.  Suivant  cette  version,  de 
l'appellation  originaire  de  Bessi  seraient  successive- 
ment dérivés  les  vocables  de  Bossi^  et,  par  contraQ*^ 
tion,  Boasina  et  Bosna  (2). 

Admettant  pour  vraies  cette  opinion  et  cette  étymo* 
logie,  il  en  résulterait  dgnc  que  la  Bosnie  aurait  déjà 
été  occupée  antérieurement  à  la  venue  des  familles 
Ghrobates  et  Serblii,  par  un  peuple  homogène  qui  n'au^ 
rait  en  rien  à  souffrir  sérieusement  des  invasions  précé^ 
dentés  desAvars,Vénèdesou  autres  bordes  barbares  ($). 

(1)  lituro  Orbipo  !  «c  Histoire  diss  Slaves,  »  (page  844),  et  Sébas- 
tien HuDster,  mort  m  1552,  dent  parle  Orbliio  loi-m^me. 

(2)  Appieq,  en  effet,  comme  nous  T  avons  vq,  parle  4n  peqple  liesse 
comme  étant  déjà  établi,  an  commencement  de  Pempire,  dans  la  con- 
trée qui  s'étend  du  littoral  adriatiqoe  à  1»  Save. 

(3)  Je  crois,  en  effet,  que  lorsque  les  Avars  envabireqt  la  P(|)m9tie, 
ils  laissèrent  de  côté  et  négligèrent  la  Bosnie  proprement  dite;  venant 
haut  Danpbe,  ils  durent  probablement,  traversant  la  ^ye  dans  sa 
partie  supérieure,  descendre  vers  U  mer  par  les  vallée?  iotérienres  4e 
la  Croatie,  peut-être  même  par  celle  frontière  de  rppoa,  ^  bieo  que 
la  Bosnie  fut  vraisemblablement  préservée  de  leur  paisflgp  di(SyasUi"* 


(  i\)â  ) 

Plus  tard,  et  pendant  nombre  d'années,  la  province  qui 
m'occupe  spécialement  a  pu  encore  se  mettre  à  Tabri 
du  flot  envahisseur  des  deux  grandes  fractions  da 
peuple  slave,  grâce  à  sa  topographie  montagneuse  et 
accidentée,  à  ses  immenses  et  impénétrables  forêts, 
aussi  bien  qu'à  la  valeur  de  ses  premiers  occupants  ; 
mais,  enviée  et  convoitée  par  tous,  enclavée  qu'elle 
était  au  milieu  de  voisins  redoutables,  elle  fut  forcée  à 
la  fin  de  cé^er  à  la  supériorité  numérique  des  nou- 
velles hordes  émigrantes  et,  dès  lors,  les  Bessiy  per- 
dant leur  homogénéité,  se  virent  contraints  de  se  sla- 
viser  tout  à  fait  en  se  fusionnant  avec  elles. 

Il  est  impossible  de  dire  avec  certitude  quelle  est, 
des  familles  croate  ou  serbe,  celle  qui  nationalisa  la 
Bosnie;  néanmoins,  si  Ton  admet  que  la  venue  des 
Ghrobates  dans  ses  régions  méridionales  précéda  celle 
des  Serblii  et  si,  d'autre  part,  on  tient  compte  d'un 
diplôme  du  vm*  siècle  d'un  certain  Turpiniero  (Tier- 
pirair).  Bande  Croatie,  rapporté  par  l'historien  Tar- 
latto,  duquel  il  résulte  que  l'Église  de  Bosnie  était 
suffragante  de  Tarchevôché  de  Spalatro,  on  serait  pro- 
bablement porté  à  conclure,  avec  quelques  raisons, 
que  ce  fut  la  première  de  ces  deux  familles  qui  soumit 
les  Bessi  et  leur  pays  à  ses  mœurs  et  à  ses  lois  (1). 

leur.  Le  savant  Szafarik  est  également  de  l*opinion  (Antiquités 
slaves)  que  des  populations  de  race  slave  occupaient  déjà  ces  con- 
trées lors  de  l'arrivée  des  Serbes  et  des  Croates. 

(1)  C'est  une  opinion  que  soutient  et  Justifie  par  de  très-plausibles 
raisonnements  Técrivain  national  Racki,  d'Agram,  dans  sa  récente 
publication  intitulée  :  Fragments  du  droit  public  croate  sur  la  natUh 
naUté  slave  méridionale. 


(  103  ) 

Plus  tard,  l'empire  serbe  proprement  dit  surgit  et 
se  forma  et,  sans  être  précisément  absorbée  par  lui,  la 
Bosnie  dut  maintes  fois  cependant,  et  selon  la  fortune 
des  armes,  subir  sa  suprématie  et  sa  suzeraineté.  Dans 
ce  cas,  un  Ban  serbe  (1)  la  gouvernait,  comme  le  fai- 
saient auparavant  les  Bans  croates  ;  mais  toujours  en 
observant  ses  coutumes  et  ses  institutions  indigènes  (2). 
Plus  tard  encore,  elle  repassa  de  nouveau  à  la  Croatie, 
puis  s  en  sépara  définitivement  pour  se  placer  sous 
l'obéissance  des  rois  de  Hongrie,  et  cela  jusqu'à  l'épo- 
que où  elle  devint  enfin  un  État  autonome  et  indépen- 
dant. Sa  soumission  à  la  puissance  hongroise  ne  fut 
point,  à  vrai  dire,  une  annexion,  une  incorporation  au 
royaume ,  mais  un  simple  état  de  vasselage,  suivant 
l'usage  de  l'époque.  En  effet,  dans  certains  docu- 
ments ecclésiastiques  adressés  au  Ban  Rulin  de  Bosnie, 

(i)  Le  vocable  Ban  ou  Pan  est  comman  à  toutes  les  nations  slaves. 
Tantôt  il  signifie  grande  et  tantôt  petit  seigneur.  En  Slavonie,  il 
s'entendait  d'un  gouverneur  de  province  et,  souvent  aussi,  d*un 
prince  ou  maître  absolu  d'un  territoire  possédé,  soit  par  droit  d'béri- 
dité ,  soit  par  faveur.  Tels  étaient  les  Bans  de  Zacblumia ,  de 
Tribunia ,  de  Bossina ,  etc.  De  là  les  verbes  panovaU  chei  les 
Bohèmes,  panoumé  chez  les  Polonais,  et  banovaU  cbei  lea  Ulyriens, 
dans  le  sens  de  commander,  gouverner. 

(2)  L'apostolat  des  saints  Kiriel  (Cyrille)  et  Méthode  est  placé  entre 
les  années  867  et  889  ;  après  avoir  converti  les  Bulgares,  ces  apôtre 
introduisirent  le  christianisme  au  sein  des  populations  slaves  méri- 
dionales  (Serbes,  Slavons,  Dalmates  et  Bosniaques).  Lès  questions  d  es 
limites  des  frontières,  de  juridiction,  de  hiérarchie  et  des  divisions 
des  Églises  furent  réglées  dans  un  grand  concile  national,  auquel 
prirent  part,  en  présence  du  légat  du  pape  et  de  l'empereur  de  By- 
lance,  le  roi  de  Serbie,  le  duc  de  Croatie  et  les  principaux  Baos, 
Jnpans  et  Chefs  indigènes. 

IX.   FÉ1^RI£R-MARS.    8.  13 


QP  voit  quQ  cQlni-ci  est  appelé  Banua  Bos&ine  Fidu- 
ciaria3  régis  HuQgari®, 

A  travers  les  sanglantes  luttes  dont  }e  pays  fut  long-* 
tomps  le  théâtre,  au  milieu  des  rivalltéa  intérieures  et 
d^  aoibitions  ei^térieures  qui  le  déchiraient  et  le  divi* 
aaâeut  eu  Iq  morcelant  sans  cesse^  déplaçant  fréqueoH 
meut  ainsi  ses  frontières,  il  est  peu  aisé,  sinon  impos^ 
sible»  d'établir,  même  avec  une  apparence  de  vraisem* 
blance,  les  véritables  limites  politiques  de  l'État 
bosniaque  à  ses  diverses  époques.  Toutefois,  on  peut 
dire,  en  termes  généraux,  qu'il  s'étendait  de  la  Save 
à  l'Adriatique  et  de  l'est  à  l'ouest,  depuis  la  Drina  et 
le  district  de  Fotcha»  par  exemple,  jusqu'au  cours  de 
la  Gettina,  comprenant  ainsi  dans  sa  circonscription 
territoriale  le  comté  de  Chelm  ou  pays  de  Htun  ou 
Chumt  qui  fut  ensuite  le  duché  de  Saint-Sabâ  et  qui 
est  devenu  l'Herzégovine  de  nos  jours  (1).  Plus  tard, 
il  est  vrai,  ainsi  que  nous  le  verroné,  la  Rascie  fut  an- 
nexée à  la  Bosnie,  et,  dès  lors,  les  frontières  de  l'État 
f  urent  repoussées  bien  plus  loin  à  l'orient,  vers  la 
Boumélie  et  la  Haute*  Albanie  actuelles. 

La  confusion  des  noms  et  des  dates  dans  la  liste  des 
Bans  ou  princes  de  Bosnie  est  telle  qu'il  est  tout  à  fait 
impossible  d'en  fprmer  une  nomenclature  exacte,  fidèle 
et  complète.  Cependant,  en  comparant  entre  ellea  les 
inforiuationa  et  les  opinions  des  divers  auteurs,  je 
crois  que  l'énumération  chronologique  suivante  que  je 
donne  est  encore  celle  qui  se  rapproche  le  plus  de 
rexactitude  et  de  la  vraisemblance. 

(1)  Pe  rftllemand  ^er9^  ou  Pôr9og^  Mf^fi^nl  :  4«c;  de  |è« 
l'HerzégoYine  ea  duché. 


(  195  ) 

BÀN8  DE  BOSNIE. 

I.  AnnéQ «•••««  CrMeimir l^'« 

IL    —       Stephan,  fils  de  Crwcimir . 

m.    — Leguète  (Légétus). 

IV.    — Noukmir. 

V.    —      994-1015 Crescimîrll. 

VI.    ««.«••  La  flacca^sfioroa  les  saccefsearf  im- 
médiats de  Grescimir  II,  ne  sont 
point  assez  connos. 
VIL     -^      1080  enYiron.*  Stephan. 
VIII.     r-       .•..    *..♦•♦.  Tvartko. 

IX.  —      1140  ou  1150.  Boris  ou  Borich  {BoritiuSf  des  au-. 

leurs  latins  •> 

X.  —      1180 Kulin, 

XI.  —      1233 Nicolas. 

XU.     —      1236  .,,.....  Zibislay. 
Xin.     —      1246 Ninoslav. 

XIV.  1270 Jovan  Kotroman. 

XV.  1280 Pavao  ou  ?attl. 

XVL  —  1290 Stephen  Drageutin. 

XVII.  -t-  1900  «^  * Pavao  ou  Paul  (pouT  U  leeonde  f^ii). 

XVIIL  —  1 309  t ,..,., .  Mladine, 

XIX.  —  1522  .. , Stephan  Lin. 

XX.  .1324 Stephan,  fils  du  prédécesseur. 

XXI.  1354 Tvartko,  derenu  plus  tard  roi  de 

Bosnie. 

ROIS  DE  BOSNIE. 

I.  Année  1376 Stephan  Tvartko  l*». 

n,    1391 Stephan  Dabîscha. 

ni.    —      1396 Stephan  Tvartko  II  (dît  le  Noir). 

IV.    ~      «397 «  Stephan  Ostola  Ghtistich. 

V,  —      1435  .t.^...*  TvartkolL 

VI.  -r-     1433  .,#..•  r .  Stephw  Thomas  Chriatich* 
VU.    ^      1499... Stephan Thomasc)u)yiçh. 

1 1  I  "l'i 


(  196  ) 


Analyses,  Rapporte,  ete. 


RAPPORT 

PAR  M.  GORTAMBERT 

SUR  LES 

KIPÉDITIONS  ET  PÈLERINAGES  DES  SCANDINAVES 

EN  TERRE  SAINTE  AD  TEMPS  DES  CROISADES 
PAR    M.    PAUL  RIANT. 


C'est  une  opinion  assez  générale  que  les  royaumes 
du  nord  de  l'Europe  restèrent  étrangers  au  grand  mou- 
vement religieux  qui,  pendant  deux  siècles,  précipita 
vers  rOrient  les  invasions  latines.  M.  Riant  fait  voir, 
dans  le  remarquable  volume  qu'il  a  offert  à  la  Société, 
que  c'est  là  une  erreur  profonde.  Ses  recherches  dans 
les  bibliothèques  du  Danemark,  de  la  Suède  et  de  la 
Norvège,  lui  ont  fait  découvrir  des  preuves  surabon- 
dantes de  la  part,  très-active  au  contraire,  que  prirent 
les  Scandinaves  aux  guerres  saintes.  Il  a  retrouvé, 
dans  les  Sagas  et  les  Drapas  composées  en  cette  vieille 
langue  norraine  aujourd'hui  éteinte,  des  récits  nom- 
breux des  expéditions  des  hommes  du  Nord  en  Pales- 
tine. Il  en  a  recueilli  aussi  dans  les  anciennes  chroni- 
ques latines  du  Danemark  et  de  la  Suède  ;  de  nos  jours, 
enfin,  l'histoire  du  peuple  norvégien,  par  Munch,  l'his- 
toire de  l'Église  suédoise,  par  Reuterdahl,  l'histoire 
de  Suède,  par  Strinnholm,  donnent  sur  ces  expédition  s 


(197) 

des  renseignements  précis,  que  les  historiens  des  croi- 
sades ne  pourront  désormais  se  dispenser  de  consulter. 

Comment,  en  effet,  des  peuples  aussi  ardents,  aussi 
voyageurs,  aussi  pleins  de  l'esprit  d'aventures,  et  chez 
qui  le  terme  de  casanier  {heimskr)  était  devenu  une 
grossière  injure,  des  peuples  nouvellement  convertis 
à  la  foi  chrétienne  et  qui  comptaient  des  saints  parmi 
leurs  rois,  seraient- ils  restés  spectateurs  indifférents 
de  ces  grandes  incursions  de  l'Occident  sur  l'Orient  ? 

L'Orient  exerçait  d'ailleurs  depuis  longtemps,  sur 
l'esprit  des  Scandinaves,  une  attraction  particulière  ; 
ils  considéraient  l'Asie  comme  leur  patrie  primitive,  ils 
reportaient  constamment  leur  pensée  sur  la  sainte  et 
mystérieuse  cité  d'Asgard. 

Ils  jouaient,  dans  une  très-grande  partie  du  monde 
alors  connu,  un  rôle  si  important,  que  rien  de  consi- 
dérable ne  pouvait  y  avoir  lieu  sans  qu'ils  y  fussent 
nécessairement  mêlés  ;  ils  occupaient  tout  l'espace 
depuis  le  nord  de  l'Amérique  (Vinland)  jusqu'aux 
monts  Ourals  ;  le  Groenland,  l'Islande,  Terre-Neuve, 
les  Hébrides,  les  Orcades,  les  îles  FaBroeer,  les  îles 
Shetland,  le  Danemark,  la  Russie  presque  entière,  la 
Normandie,  la  Fouille,  la  Catalogne,  reconnaissaient 
pour  noyau  et  pour  mère-patrie  la  grande  péninsule 
du  Nord  et  particulièrement  la  Norvège,  qui  était  alors 
un  royaume  si  puissant.  Enfin  une  garde  Scandinave, 
connue  sous  le  nom  de  garde  vaeringue  (par  corruption 
varègue),  s'était  formée  autour  des  souverains  deCons- 
tantinople  au  x«  siècle,  et  elle  exerçait  sur  les  destinées 
de  l'empire  d'Orient  une  influence  notable. 

C'est  vers  le  temps  de  la  création  de  cette  garde  que 


f  198  ) 

se  montrent  les  premiersi  pèlerinages  des  hommes  du 
Nord  en  Terre-Sainte. 

Puis,  lorsque  l'Europe  chrétienne  s'ébranle  en  armes 
vers  l'Orient,  dès  la  première  croisade,  les  Scandinaves, 
particulièrement  les  Danois  et  les  NoiTégiens,  y  occu- 
pent un  rang  honorable.  Ensuite  ils  firent  ute  croisade 
sans  les  peuples  latins,  en  1 106,  et  ce  fut  même  la  plus 
importante  détentes  celles  qu'ils  entreprirent;  elle  fut 
conduite  par  Sîgurd  I",  roi  de  Norvège,  surnommé  le 
Hiérosolymitain.  Les  60  vaisseaux  qui  la  composaient 
longèrent  les  côtes  de  l'Angleterre,  de  la  France,  de  la 
Galice,  passèrent  par  le  détroit  de  Gibraltar,  aux  îles 
Baléares,  en  Fouille  ;  Sigurd  assiégea  Sidon  et  Acre, 
revint  par  Gonstantinople,  la  Bulgarie,  la  Pannonie»la 
Saxe  ;  par  Heidaby,  l'ancienne  capitale  du  Slesvig, 
et  rentra  à  Ofilo  (Christiania) ,  alors  séjour  habituel  des 
rois  de  Norvège. 

On  compte  cinq  croisades  Scandinaves,  que  mon 
but  n'est  pas  de  raconter  ici  et  dont  on  lira  le 
récit  avec  intérêt  dans  l'ouvrage  de  M.  Riant;  la  der- 
nière eut  lieu  en  1213. 

Désormais,  il  n'y  eut  plus  que  des  pèlerinages, 
comme  avant  le  grand  mouvement  armé  ;  et  ces  pèleri- 
nages même  devenaient  plus  difficiles,  car  la  garde  vad- 
ringue  avait  disparu  de  l'empire  Grec,  avec  la  conquête 
des  Latins,  en  1204  ;  et  les  Mongols,  qui  avaient  envahi 
la  Russie,  fermaient  une  des  routes  principales  par 
lesquelles  les  peuples  du  Nord  gagnaient  la  Palestine. 

La  géographie  suit  avec  intérêt  ces  routes,  au  nombre 
de  trois»  que  notre  auteur  a  élucidées  et  décrites  par- 
faitement. La  plus  courte  était  celle  dont  nous  venons 


(  199  ) 

de  parler  :  on  l6  désigiiftit  âous  lé  nom  à'AUàtvè^ 
(roTite  orientale)  ou  Vœringavegt  (route  de  Vàeritigues)  ; 
elle  passait  par  Visby,  la  florissante  capitale  de  Tlle  de 
Gotlland,  parPaltesja  (Polotzk),  siège  d*une  dynastie 
Scandinave,  et  remontait  la  Névâ  ;  ou  bien  les  voya- 
geurs prenaient  la  Neva  et  le  Volkhôv,  en  passant  par 
Aldeyaborg  (Ladoga)  et  Holmgard  (Novgorod),  doux 
capitales  du  royaume  des  Gardar,  c'est-à-dire  des 
Marches  ;  ils  naviguaient  sur  le  lac  Ilmen,  puis  6ur 
le  Lovât  ;  ils  traversaient  par  terre  le  pays  couvert  de 
forêts  qui  sépare  le  versant  de  la  Baltique  de  celui 
de  la  mer  Noire,  et  arrivaient  au  Dniepr.  Leur  itiné- 
raire, à  partir  de  ce  fleuve,  est  complètement  indiqué 
par  Constantin  Porphyrogénëte,  dans  son  livre  sur  Tad- 
ministration  de  Tempire,  où  il  consacre  tout  un  cha* 
pitre  aux  Scandinaves,  qu'il  appelle  déjà  Rôs  (Russes). 
Les  pèlerins  et  les  croisés  s'arrêtaient  assez  longtemps 
à  Kiova  (Kiev),  grande  colonie  norraine,  où  ils  ache- 
taient aux  peuples  riverains  de  nouvelles  coques  de 
bâtiments,  sur  lesquels  ils  transt>ortaient  les  agrès 
des  anciennes  ;  puis  ils  faisaient  une  tiouvelle  halte 
importante  à  Vititchev ,  qui  leur  appartenait  et  où  ils 
s'attendaient  les  uns  les  autres  pour  opérer  ensemble 
la  descente  périlleuse  des  sept  cataractes  du  fleuve. 

Parvenus  dans  le  Pont  Euxin,  les  voyageurs  relâ- 
chaient à  rile  de  Saint'^Grègoire  et  à  File  Saint-iEther, 
dont  nous  regrettons  de  ne  pas  apprendre  les  noms  ac- 
tuels et  dont  nons  recommandons  la  synonvûoie  à  la 
sagacité  de  M.  Riant  dans  une  nouvelle  édition  \  ils  ren- 
contraient les  bouches  du  fleuve  Blanc  (Danube),  se 
reposûent  quelque  temps  à  Kilia  (la  Kjôvik  des  Scan- 


(  200  ) 

dinaves,  la  Thiagola  des  Grecs),  repaire  des  pirates  du 
Nord;  on  touchait  à  Tlle  des  Moucherons,  dont  le  nom 
moderne  n*est  pas  mentionné,  mais  qui  est  probablement 
rilan  Adassi  (tle  des  Serpents)  des  Turcs  et  la  Leuce  des 
anciens  ;  on  s'arrêtait  à  Gonstantia  (qui  est,  suivant 
nous,  la  moderne  Kustendjé,  plutôt  que  Varna,  comme 
le  croit  M.  Riant),  puis  à  Mesembria  (aujourd'hui  Mi- 
sivri).  On  franchissait  le  Bosphore,  que  les  gens  du  Nord 
appelaient  Sjavidarsund  (détroit  des  pieux),  et  Ton 
arrivait  enfin  à  Byzance,  qui  était,  pour  les  Scandina- 
ves, sinon  le  terme,  du  moins  l'un  des  buts  principaux 
du  voyage  en  Orient  ;  ils  y  trouvaient  des  souvenirs 
nombreux  de  la  mère  patrie  ;  la  garde  vasringue  leur 
procurait  à  la  cour  impériale  faveur  et  protection  ; 
saint  Olaf,  roi  de  Norvège,  y  avait  deux  sanctuaires 
célèbres  ;  un  autre  grand  roi  de  Norvège,  Harald-le- 
Sévëre,  s'y  était  signalé  par  ses  exploits  ;  enfin  c'était 
la  Grande  cité  (Mikligardr),  lacité  Sainte,  vénérée  dans 
les  trois  royaumes  à  l'égal  de  Rome,  et  dont  les  splen- 
deurs remplissaient  les  récits  des  veillées  du  Nord. 

Les  navires  Scandinaves  s'avançaient  de  là  dans  la 
mer  Egée,  et  doublaient  un  promontoire  que  les  Sagm 
nomment  ^gisnaes,  cap  2Ëgis,  et  dont  nous  cherchons 
un  peu  au  hasard  le  nom  actuel  :  peut-être  est-ce  F  Aghion- 
Oros  (mont  Athos) ,  dont  le  nom  a  une  prononciation 
qui  s'en  rapproche  sensiblement.  (C'est  ainsi  qu'Aghia 
Sophia  (Sainte-Sophie)  devint  pour  les  Scandinaves 
Mgisif).  Ils  mouillaient  à  Imboli,  qui  est  probablement 
TAmphipolis  des  anciens  ;  ils  cinglaient  vers  l'Ile 
de  Gos,  ils  longeaient  les  cdtes  méridionales  de  l'Asie 
Mineure,  en  rencontrant  Raudakastala  (Rastelorizo) , 


(  201  ) 

rialanderaaes  (cap  Khélidoni),  passaient  devant  le  golfe 
d'Alexandrette  (Atalsfjord),  et  manquaient  rarement  de 
s'arrêter  à  Bastaborg  (Baffa) ,  en  Chypre,  où  se  trouvait 
le  tombeaa  du  saint  roi  Erik  de  Danemark,  et  qu'occu-* 
paient  les  Vaeringues.  Enfin  on  parvenait  à  Âkrsborg 
(Acre),  terme  du  voyage  maritime. 

La  seconde  route  était  le  Vestvegr  (route  occiden- 
tale), deux  fois  plus  longue  que' celle  de  l'Est,  et  fré- 
quentée par  les  princes  ou  les  puissants  barons.  Elle 
suivait  les  côtes  de  Hollande,  de  France  et  d'Angle- 
terre, celles  de  Galice,  de  Portugal,  d'Andalousie,  puis 
celles  de  la  Catalogne,  de  la  Provence,  ou  bien  les  îles 
Baléares  et  la  Sardaigne,  ou,  quelquefois,  mais  très- 
rarement,  les  côtes  d'Afrique. 

Les  points  le  plus  souvent  cités  dans  les  relations 
de  cette  route  étaient  Cuidfall  (le  Helder) ,  Hvidsandr 
(Wissant) ,  Dartmouth,  le  Prolnaes  (cap  de  Prawle) ,  Holi, 
qui  parait  être  le  mont  Saint-Michel,  GrislupoUi  .ou  la 
baie  de  Grisli,  dont  nous  ne  découvrons  pas  la  synony- 
mie actuelle,  le  havre  de  Saint-Matthieu,  le  Thrasnaes 
(probablement  le  cap  de  Raz),  le  Fetlafjord  (la  rivière 
d'Etel),  Varrandi  (Guérande),  Far  (le  Ferrol),  dans  la 
terre  vénérée  de  Saint-Jacques  (Jacobsland) ,  Gunns- 
valborg  (qui  correspond  à  Tuy),  l'embouchure  du  Sel- 
jupoUi  (c'est-à-dire  du  Minho,  grossi  du  Sil),  celle  du 
fleuve  de  Portugal  (Douro),  Cintra,  Leskebone  ou  Les- 
bonn  (Lisbonne);  où  commençait  la  terre  des  Sarra« 
sins,  le  Serkland^  dénomination  générale  appliquée 
par  les  Sagas  à  tous  les  pays  musulmans  ;  on  arrivait 
enfin  à  Cadix,  dont  la  baie  était  la  fameuse  Karlsar 
(les  eaux  de  Charles) ,  où,  suivant  la  légende  accréditée 


4  «•  ^  -.«    . 


(  i02  ) 

dans  le  Nord,  Gharlemagne,  vainqueur  de  tonte  VEs« 
pagne,  avait  jeté  avec  colère  sa  lance  dans  la  mer,  qui 
l'empêchait  de  pousser  plus  loin  ses  conquêtes.  C'est 
là  que,  sur  une  tle,  probablement  celle  de  Léon,  avaient 
été  élevées,  suivant  M.  Riant,  les  Colonnes  d'Hercule, 
que  Ton  place  communément  sur  le  détroit  même  de 
Gibraltar.  L'auteur  entre  à  ce  sujet  dans  une  disserta- 
tion intéressante  tendant  à  prouver  qu'il  a  dû  y  avoir 
en  ce  point  trois  statues  colossales  d'Hercule,  érigées 
par  les  Phéniciens  et  posées,  chacune,  sur  un  piédestal 
que  quatre  colonnes,  reliées  par  des  armatures  en  fer, 
supportaient  à  cent  coudées  au-dessus  du  niveau  de  la 
mer.  Ce  ne  serait  donc  pas,  comme  on  le  pense  géné- 
ralement, et  comme  j'avoue  que  je  le  croyais  moi- 
même,  ce  ne  seraient  pas  les  montagnes  de  Calpe  et 
d'Abyla  qui  figuraient  ces  fameuses  Colonnes. 

On  franchissait,  non  sans  danger  pour  les  frêles 
navires  qui  étaient  en  usage,  le  détroit  de  Gibraltar, 
que  les  gens  du  Nord  appelaient  Njorva-Sund  ou  Narve 
(c*est-à-dire  le  détroit  par  excellence). 

Entrés  dans  la  Méditerranée,  qu'ils  nommaient  Mid- 
jardarhaf  (mer  du  milieu)  et  quelquefois  Jorsalahaf 
(mer  de  Jérusalem)  ou  Grikklandsaltî  (mer  de  Grèce), 
les  Scandinaves  rencontraient  Malaga,  Almeria,  Car- 
thagène,  Alicante,  Arruguen  (Tarragone),  Bardelôn 
(Barcelone),  Masselja  (Marseille);  ou  bien  on  passait 
parManorka  (Minorque);  on  atteignait  Kalîe  (Cagliari), 
et  Ton  se  reposait  à  Messine,  d'où  Ton  se  rendait  di- 
rectement à  Acre  en  treize  ou  quatorze  jours. 

On  ne  revenait  pas  généralement  par  cette  route 
occidentale,  car  les  croisés  qui  l'avaient  prise  pour 


(  208  ) 

gagner  la  Palestine ,  rançonnaient  presque  toujônrs 
de  la  manière  la  plus  audacieuse  toutes  les  popula- 
tions des  côtes,  quelles  que  fussent  leur  nationalité  et 
leur  religion,  et  ils  ne  voulaient  pas  s'exposer  à  la  ven- 
geance de  ceux  qu'ils  avaient  pillés. 

La  troisième  route,  celle  de  Rome  (Romavegr)  on 
du  midi  {Sudrvegr),  qu'on  appelait  aussi  route  de 
terre  {Thiodt)egr)^  parcourait  TAllemagne,  l'Italie  et 
la  Grèce.  On  passait  par  Alasund  (Aalborg),  par  Veb- 
jarga  (Viborg),  par  Heidaby ,  qu'a  remplacée  h  peu  prés 
Slesvig;  on  franchissait  l'^disdyra  (Eider),  le  Saxelfr 
(Elbe),  qu'on  rencontrait  à  Stade  (Stœduborg),  et  Ton  ga- 
gnait le  Rhin,  soit  vers  Meginzoborg  (Mayence),  soit  vers 
Trektar  (Utrecht).  On  remontait  ce  fleuve  jusqu'à  Bosla- 
raborg  (Bâle);  on  prenait  ensuite  par  Solatra  (Soleure) , 
par  Vifilsborg  (Avenche)*  par  Fivizuborg  (Vevay),  où 
Ton  atteignait  le  lac  de  Genève,  le  même  que  le  lac 
Saint-Martin  (Mertelnsvatn),  ainsi  nommé  de  la  cathé- 
drale de  Vevay;  on  traversait  le  mont  Joux  ou  Mundja, 
c^est-à-dire  les  Alpes  au  grand  Saint-Bernard,  où  se 
trouvait  déjà  l'hospice  de  Saint-Bernard  (Biarnard- 
spitali);  on  descendait  à  Aoste  la  bonne  ville  {Augusta 
god  borg),  et  Ton  s* avançait  en  Italie  par  Ivrée  (lôfo- 
rey),  Verceil  (Fridsœlu),  Pavie  (Papayar),  Plaisance 
(Plasinzo),  qui  était  une  des  haltes  les  plus  importantes 
du  voyage,  et  près  de  laquelle  s'élevait  un  hospice 
fondé  pour  les  gens  de  la  langue  norraine  par  Erik 
le  Bon,  roi  de  Danemark.  On  franchissait  les  Apennins 
(Munbardar) ,  vers  San-Croce  (Crucismarkadr) ,  et  Ton 
gagnait  Luna,  sur  la  Méditerranée,  célèbre  dans  les 
Saga$  par  les  exploits  des  fils  de  Sodbrok,  de  Bjôrn 


(  20-2  ) 
dans  le  Nord,  Charlemi^ne,  vainqueur  de  tonte  l'Es- 
pagne, avait  jeté  avec  colère  sa  lance  dans  la  mer,  qui 
l'empêchait  de  ponsser  plus  loin  ses  conquêtes.  C'est 
là  que,  sur  une  lie,  probablement  celle  de  Léon,  avaient 
été  élevées,  suivant  H.  Riant,  les  Colonnes  d'Hercule, 
que  l'on  place  communément  sur  le  détroit  même  de 
Gibraltar.  L'auteur  entre  à  ce  sujet  dans  «ne  disserta- 
tion intéressante  tendant  à  prouver  qu'il  a  dû  y  avoir 
en  ce  point  trois  statues  colossales  d'Hercule,  érigées 
par  les  Phéniciens  et  posées,  chacune,  sur  un  piédestal 
que  quatre  colonnes,  reliées  par  des  armatures  en  Cet, 
supportaient  à  cent  coudées  au-dessus  dn  niveau  de  la 
mer.  Ce  ne  serait  donc  pas,  comme  on  le  pense  géné- 
ralement, et  comme  j'avoue  que  je  le  croyais  moi- 
même,  ce  ne  seraient  pas  les  montagnes  de  Calpe  et 
d'Abyla  qui  figuraient  ces  fameuses  Colonnes. 

On  franchissait,  non  sans  danger  pour  les  frêles 
navires  qui  étaient  en  usage,  le  détroit  de  Gibraltar, 
que  les  gens  du  Nord  appelaient  Njorva-Sond  ou  Narve 
(c'est-à-dire  le  détroit  par  excellence). 

Entrés  dans  la  Méditerranée,  qu'ils  nommaient  Mid- 
jardarhaf  i 
(mer  de  Je 
les  Scandii 
thagène,  . 
(Barcelone 
parManorli 

et  l'on  se  i  ^ 

rectement  ■* 

On  ne  1  ^ 

occidentale 


:nmerce.  Elle 
i^r),  à  Saint- 
oigaait  à  Gos 

point  de  dé- 
it  dans  l'inté- 
ar,  Nazareth, 
>ili),  Naptous 
érusatem). 
t  due  surtout 
,  abbé  du  mo- 
slande,  et  qui 

suivit,  CD  qua- 

1  cour  d'Hakon 

lute  de  l'Ouest. 

iens  documeats 

:ouverts  dans  les 

.écieux  sur  l'état 

Scandinaves  da 

[)e  et  de  l'ocddent 

es,  le  Stjiont,  ou- 

[akon  Magnusson; 

MandevUle  ;  deux 

,  de  la  Ville-Sîùnte  et 

alhott,  par  un  ano- 

r  Erlendsson. 

.  à  la  Palestine  le  nom 

ui  de  Syrland.  L'Ar- 

u  Ermland.  Ils  font 

monts  Eldingjafjell, 


(  204  ) 

Côte-de-Fer  et  d*Etli«  roi  des  Huns  ;  c'était  aussi  le 
rendez-vous  de  ceux  des  pèlerins  du  Nord  qui  ne  ve- 
nsdent  à  Roaae  qu'après  avoir  fait  le  pieux  voyage  de 
Saint-Jacques  de  Gompostelle. 

Puis  on  s'acheminait  vers  Rome  par  Lucques,  où  se 
trouvait  un  autre  hospice  du  roi  Erik  ;  par  Sienne 
(Sennunt),  par  Acquapendente  (Hangandaborg) ,  par 
Bolsena  (Kristinuborg) ,  par  Yiterbe  (Boternisborg) , 
par  Monte-Fajano  (Fegoisbrekka),  d'où  Von  voyait 
Rome,  la  ville  sacrée,  longue,  disent  les  chroniqueurs 
du  Nord,  de  quatre  milles,  large  de  deux,  remplie 
de  palais  et  d'églises,  dont  personne  ne  savait  le 
nombre* 

Les  pèlerins  allaient  de  là  à  Bénévent,  soit  par  la 
voie  Appienne,  que  les  Scandinaves  appelaient  Tra- 
jansbru,  soit  par  Aquino  (Akynaborg)  et  San-Germano 
(Germanisborg) ,  près  du  mont  Gassin  (Montakasrin), 
où  l'on  trouvait  une  fastueuse  hospitalité.  Bénévent 
était  la  capitale  de  la  Fouille  {Puli  ou  Puland) ,  nom 
que  les  gens  du  Nord  donnaient  volontiers  à  l'Italie 
tout  entière. 

De  Bénévent,  on  se  dirigeait  vers  le  mont  Gargano, 
appelé  par  les  Scandinaves  Mikaelsfjell,  et  on  longeait 
la  côte  de  l'Adriatique,  entre  Manfredonia  (Sepont)  et 
Brindisi  (Brandeis),  jusqu'à  ce  qu'on  eût  trouvé  un 
navire  en  partance  pour  l'Orient.  Un  des  points  d'em- 
barquement les  plus  fréquentés  était  Bari  (Bar),  qui 
faisait  donner  le  nom  de  Barland  à  une  grande  partie 
de  l'Italie,  et  de  là  le  nom  de  M unbatdar  appliqué  aux 
Apennins. 

A  partir  de  cette  côte,  la  route  des  pèlerins  du  Nord 


(  205  ) 

se  confondait  avec  celle  des  navires  de  commerce.  Elle 
passait  généralement  à  Dnrazzo  (Dyrakr),  à  Saint- 
Martin  de  Laconie  (Martinnsborg) ,  et  rejoignait  à  Gos 
la  route  orientale. 

Acre,  comme  nous  Favons  dit,  était  le  point  de  dé- 
barquement ordinaire  :  de  là  on  s'avançait  dans  Tinté- 
rieur  de  la  Palestine  par  le  mont  Thabor,  Nazareth, 
Samarie  (qu'on  appelait  Jobanniskastali),  Naplous 
(Nepl),  et  l'on  arrivait  enfin  à  Jorsala  (Jérusalem). 

La  connaissance  de  cet  itinéraire  est  due  surtout 
au  savant  auteur  Nicolas  Saemundarson,  abbé  du  mo- 
nastère bénédictin  de  Thingeyrar,  en  Islande,  et  qui 
fit  le  voyage  de  Terre-Sainte  en  1151. 

Un  itinéraire  du  moine  Maurice,  qui  suivit,  en  qua- 
lité de  chapelain,  un  haut  baron  de  la  coar  d'Hakon 
le  Grand,  éclaire  particulièrement  la  route  de  l'Ouest. 

Un  assez  grand  nombre  d'autres  anciens  documents 
qu'à  force  de  recherches  M.  Riant  a  découverts  dans  les 
archives  du  Nord,  jettent  un  jour  précieux  sur  l'état 
des  notions  géographiques  que  les  Scandinaves  du 
moyen  âge  avaient  du  midi  de  l'Europe  et  de  l'occident 
de  l'Asie  :  on  peut  citer,  entre  autres,  le  Stjiorn^  ou- 
vrage composé  par  ordre  du  roi  Hakon  Magnusson  ; 
la  traduction  danoise  du  voj  âge  de  Mande  ville  ;  deux 
monographies,  en  langue  norraine,  de  la  Ville-Sainte  et 
de  ses  envh'ons  ;  le  livre  de  Skalholt,  par  un  ano- 
nyme; celui  du  chancelier  Haukr  Erlendsson. 

Les  auteurs  norrains  donnent  à  la  Palestine  le  nom 
de  Jorsalaland  ;  à  la  Syrie,  celui  de  Syrland.  L'Ar- 
ménie est  leur  Armeniuland  ou  Ermland.  Ils  font 
sortir  le  Tigre  et  TEuphrate  des  monts  Eldingjafjell^ 


(  806  ) 

dont  la  racine  eldinff  (éclair)  indique  uo  vague  «Qaye* 
m  dw  ipoDta  CôraumQQa  ou  du  Touuorre  des  anoiena, 
situés  cependaQt  plus  au  nord«  daua  la  Sarmatie  m^ 
tique.  La  mer  Rouge  est  le  Ravdahaf\  la  Q^er  MartQ^ 
l^Daudahaf.  Antioche  estnpnmiée  Anthekw^;  Laodi- 
cée,  Lik\  Tyr,  Syr  ;  Sidori,  SwfU 

Les  études  géographiques  des  peaplea  du  Nord  ga*" 
guëreut  donc  considérablement  à  ces  grands  voyagest 
Toutes  les  autres  connaissances  humaines  reçurent  une 
impulsion  nouvelle  )  l'état  social,  les  mesurai  le  pou- 
yement  littéraire,  le  commercOi  éprouvèrent  des  mot* 
difications  profondes.  On  en  suivra  avec  intérêt  le 
développement  dans  ce  beau  volun)e  par  lequel  un 
jeune  savant  entre  brillamment  dans  la  carrière  des 
publications  et  qui  a  été  le  sujet  même  de  la  thèse 
soutenue  avec  honneur  par  lui,  en  juillet  dernier,  pour 
l'obtention  du  titre  de  docteur  ès-lettres»  Notre  Société 
salue  dans  le  nouveau  docteyr  un  consciencieux  érudH 
de  plus  et  en  môme  tepips  un  bon  géographe.  Elle  est 
heureuse  de  le  compter  au  nombre  de  ses  membres, 
et  elle  espère  que,  par  de  fréquentes  communications, 
il  contribuera  à  son  éclat  et  aux  services  qu'elle  rend 
^  la  science. 


(  J07  ) 


Aetem  de  la  8oe|é((é< 


EXTRAITS  P£9  PROCÈS-VEÏWAUX  D£$i  SÊANCBa. 


"•!*iii^*«*"»«i» 


Procès-Verbal  de  la  Sémiee  du  %  février  18Ô6. 

niSIDENCK  DB  M.  d'àVKZAG- 


Le  procèa*<verbal  de  la  séaxioe^  précédente  eat  lu  et 
adopté. 

Le  secrétaire  général  ^time  que  la  Société  de  géo*- 
graphie  doit  tenir  compta  de  ce  qu'un  de  aes  membres, 
qui  depuis  trente-cinq  années  a  pris  toujours  une  part 
des  plus  actives  à  ses  travaux»  et  qui  occupe  aujour?- 
d'hui  encore  ce  fauteuil  de  la  présidencOi  qui  lui  a  déjà 
été  décernée  nombre  de  fois,  vient  d'être  appelé  ^  fcm^^ 
plir  h  l'Institut,  le  fauteuil  Umé  vacapt  par  la  mor( 
de  M.  Victor  Leclerc.  La  Société  de  géographie  a  Heu 
de  aa  féliciter  de  cettQ  éclatante  distinction  oopférée 
à  Tun  de  ses  membres  le^  plus  éminents,  et  le  seoré* 
t^e  général  pense  que  mention  doit  en  être  faite  au 
procès-verbal  de  la  présente  séance  ;  cette  proposition 
est  accueillie  par  les  sympathiques  et  unanimes  applau- 
dissements de  l'assemblée. 

M.  d' A?aaEac  ramerde  avec  egusûm  ses  coUègues  do 


(  208  ) 

ces  bienveillants  témoignages,  qui  viennent  ainsi  dou- 
bler le  prix  des  illustres  suffrages  qu'il  est  heureux 
d'avoir  dans  une  autre  enceinte. 

Lecture  est  donnée  de  la  correspondance.  M.  Marcou 
remercie  de  son  admission.  —  M.  Herran  écrit  pour 
présenter,  de  concert  avec  M.  d' Avezac,  deux  candidats 
et  solliciter  pour  l'un  d'eux  la  faveur  d*une  admission 
immédiate.  —  Le  général  Dufour  adresse  des  remer- 
clments  pour  sa  nomination  de  membre  correspondant 
étranger.  —  M.  Miguel  Arroyo,  secrétaire  de  la  Société 
géographique  et  statistique  de  Mexico,  envoie  le  som- 
maire trimestriel  des  documents  originaux  adressés  à 
cette  Société.  —  M.  de  Quatrefages  s'excuse  de  ne  pou- 
voir assister  à  la  séance  et  présente  un  candidat  dont 
M.  Gharton-  voudra  bien  être  le  second  parrain. 

Par  suite  à  la  correspondance,  M.  Malte-Brun  fait 
connaître  les  dernières  nouvelles  qu'on  ait  reçues  du 
baron  von  der  Decken.  On  avait  annoncé  d'abord  que 
ce  voyageur  avait  perdu  ses  deux  embarcations,  mais 
ce  renseignement  n'était,  heureusement,  pas  tout  à 
fait  exact.  Cependant  l'expédition  avait  subi  un  grave 
échec: après  avoir  remonté  le  Jug  jusqu'à  une  cer- 
taine distance,  elle  s'était  heurtée  aux  Somâlis  qui 
avaient  montré  les  dispositions  les  plus  hostiles  :  une 
lutte  s'était  engagée,  à  la  suite  de  laquelle  il  y  avait  eu 
mort  d'hommes.  Le  baron  von  der  Decken,  lui-même, 
et  un  des  siens,  avaient  été  faits  prisonniers  ;  le  reste 
de  la  petite  troupe  avait  pu  regagner  Zanzibar,  d'où 
un  navire  était  parti  pour  réclamer  les  prisonniers. 

Lecture  est  donnée  de  la  liste  des  ouvrages  offerts  : 
M.  d'Avezac  croit  devoir'  attirer  l'attention  particulière 


(  209  ) 

de  ses  collègues  sur  une  Histoire  de  la  géographie  y 
adressée  à  la  Société  par  M.  Oscar  Peschel,  déjà  bien 
connu  depuis  pour  un  livre  non  moins  remarquable, 
ï  Histoire  de  V époque  des  découvertes.  Son  Histoire  de 
la  géographie^  dont  il  serait  à  désirer  de  voir  paraître 
chez  nous  une  traduction  française,  fait  partie  d'un 
ensemble  de  traités  sur  T histoire  des  sciences  en  Alle- 
magne, publiés  sous  les  auspices  du  roi  de  Bavière, 
par  les  soins  d'une  commission  spéciale  de  l'Académie 
de  Munich. 

M.  Alfred  Demersay  fait  hommage  d'un  exemplaire 
du  tirage  à  part  de  son  rapport  au  ministre  de  l'in- 
struction publique»  à  la  suite  d'une  mission  de  recher- 
ches dans  les  archives  d'Espagne  et  de  Portugal.  — 
M.  Jules  Duval  dépose  sur  le  bureau  quelques  exem- 
plaires d'un  numéro  de  Y  Economiste  français^  où  se 
trouve  une  biographie  du  docteur  Barth,  par  le  doc- 
teur Warnîer.  —  M.  William  Htiber  offre ,  de  la  part 
de  M.  Charles  Thirion,  ingénieur  civil,  les  premiers 
numéros  du  journal  la  Propagation  industrielle  ;  à  ces 
numéros  est  jointe  une  lettre  par  laquelle  M.  Thirion 
annonce,  pour  la  suite,  l'envoi  régulier  du  journal 
qu'il  dirige.  —  M.  Malte-Brun  fait  hommage  :  1**  d'une 
carte  du  Spitzberg,  réduite  aux  deux  tiers,  d'après  celle 
de  Duner  et  Nordenskiold  ;  2°  carte  du  voyage  de  Sa- 
muel Baker,  aux  lacs  de  l'Afrique  équatoriale,  réduite 
de  celle  qui  a  paru  dans  les  proceedings  de  la  Société 
géographique  de  Londres  ;  M.  Malte-Brun  fait  observer 
qu'il  a  cru  devoir  maintenir  en  première  ligne  les  noms 
indigènes  des  lacs  auxquels  Speke  et  Baker  ont  attri- 
bué des  noms  anglais.  —  M.  Eugène  Gortambert  offre 

]X.  FÉVRIER-MARS.  9.  H 


(  200  ) 

dinaves,  la  Tbiagola  des  Grecs),  repaire  des  pirates  du 
Nord;  on  touchait  à  Tlle  des  Moucherons,  dont  le  nom 
moderne  n'est  pas  mentionné,  mais  qui  est  probablement 
rUan  Adassi  (tle  des  Serpents)  des  Turcs  et  la  Leuce  des 
anciens  ;  on  s'arrêtait  à  Gonstantia  (qui  est,  suivant 
nous,  la  moderne  Kustendjé,  plutôt  que  Varna,  comme 
le  crmt  M.  Riant),  puis  à  Mesembria  (aujourd'hui  Mi- 
sivri).  On  franchissait  le  Bosphore,  que  les  gens  du  Nord 
appelaient  Sjavidarsund  (détroit  des  pieux),  et  l'on 
arrivait  enfin  à  Byzance,  qui  était,  pour  les  Scandina- 
ves, sinon  le  terme,  du  moins  l'un  des  buts  principaux 
du  voyage  en  Orient  ;  ils  y  trouvaient  des  souvenirs 
nombreux  de  la  mère  patrie  ;  la  garde  vaeringue  leur 
procurait  à  la  cour  impériale  faveur  et  protection  ; 
saint  Olaf,  roi  de  Norvège,  y  avait  deux  sanctuaires 
célèbres  ;  un  autre  grand  roi  de  Norvège,  Harald-le- 
Sévère,  s'y  était  signalé  par  ses  exploits  ;  enfin  c'était 
la  Grande  cité  (Mikligardr),  lacité  Sainte,  vénérée  dans 
les  trois  royaumes  à  l'égal  de  Rome,  et  dont  les  splen- 
deurs remplissaient  les  récits  des  veillées  du  Nord. 

Les  navires  Scandinaves  s'avançaient  de  là  dans  la 
mer  Egée,  et  doublaient  un  promontoire  que  les  Sagas 
nomment  iËgisnass,  cap  iEgis,  et  dont  nous  cherchons 
un  peu  au  hasard  le  nom  actuel  :  peut-être  est-ce  Y  Aghion- 
Oros  (mont  Athos) ,  dont  le  nom  a  une  prononciation 
qui  s'en  rapproche  sensiblement.  (C'est  ainsi  ^v^Aghia 
Sophia  (Sainte-Sophie)  devint  pour  les  Scandinaves 
Mgidf).  Ils  mouillaient  à  Imboli,  qui  est  probablement 
TAmphipolis  des  anciens  ;  ils  cinglaient  vers  l'tle 
de  Gos,  ils  longeaient  les  côtes  méridionales  de  l'Asie 
Mineure,  en  rencontrant  Raudakastala  (Rastelorizo) , 


(  201  ) 

rialandernses  (cap  Khélidoni),  passaient  devant  le  golfe 
d'Alexandrette  (Atalsfjord),et  manquaient  rarement  de 
s'arrêter  à  Bastaborg  (Baffa) ,  en  Chypre,  où  se  trouvait 
le  tombeau  du  saint  roi  Erik  de  Danemark,  et  qu'occu- 
padent  les  Vaeringues.  Enfin  on  parvenait  à  Âkrsborg 
(Acre),  terme  du  voyage  maritime. 

La  seconde  route  était  le  Vestvegr  (route  occiden- 
tale), deux  fois  plus  longue  que' celle  de  l'Est,  et  fré- 
quentée par  les  princes  ou  les  puissants  barons.  Elle 
suivait  les  côtes  de  Hollande,  de  France  et  d'Angle- 
terre, celles  de  Galice,  de  Portugal,  d'Andalousie,  puis 
celles  de  la  Catalogne,  de  la  Provence,  ou  bien  les  lies 
Baléares  et  la  Sardaigne,  ou,  quelquefois,  mais  très- 
rarement,  les  côtes  d'Afrique. 

Les  points  le  plus  souvent  cités  dans  les  relations 
de  cette  route  étaient  Guidfall  (le  Helder) ,  Hvidsandr 
(Wissant) ,  Dartmouth,  le  Prolnaes  (cap  de  Prawle) ,  Holi, 
qui  parait  être  le  mont  Saint-Michel,  Grislupolli  .ou  la 
baie  de  Grisli,  dont  nous  ne  découvrons  pas  la  synony- 
mie actuelle,  le  havre  de  Saint-Matthieu,  le  Thrasnaes 
(probablement  le  cap  de  Raz),  le  Fetlafjord  (la  rivière 
d'Etel),  Varrandi  (Guérande),  Far  (le  Ferrol),  dans  la 
terre  vénérée  de  Saint-Jacques  (Jacobsland) ,  Gunns- 
valborg  (qui  correspond  à  Tuy),  l'embouchure  du  Sel- 
jupoUi  (c'est-à-dire  du  Minho,  grossi  du  Sil),  celle  du 
fleuve  de  Portugal  (Douro),  Cintra,  Leskebone  ou  Les- 
bonn  (Lisbonne);  où  commençait  la  terre  des  Sarra- 
sins, le  Serkland^  dénomination  générale  appliquée 
par  les  Sagas  à  tous  les  pays  musulmans  ;  on  arrivsdt 
enfin  à  Cadix,  dont  la  baie  était  la  fameuse  Karlsar 
(les  eaux  de  Charles) ,  où,  suivant  la  légende  accréditée 


(  i02  ) 

dans  le  Nord,  Gharlemagne,  vainqueur  de  tonte  VEs* 
pagne,  avait  jeté  avec  colère  sa  lance  dans  la  mer,  qui 
l'empêchait  de  pousser  plus  loin  ses  conquêtes.  C'est 
là  que,  sur  une  lie,  probablement  celle  de  Léon,  avaient 
été  élevées,  suivant  M.  Riant,  les  Colonnes  d'Hercule, 
que  Ton  place  communément  sur  le  détroit  même  de 
Gibraltar.  L'auteur  entre  à  ce  sujet  dans  une  disserta- 
tion intéressante  tendant  à  prouver  qu'il  a  dû  y  avoir 
en  ce  point  trois  statues  colossales  d'Hercule,  érigées 
par  les  Phéniciens  et  posées,  chacune,  sur  un  piédestal 
que  quatre  colonnes,  reliées  par  des  armatures  en  fer, 
supportaient  à  cent  coudées  au-dessus  du  niveau  de  la 
mer.  Ce  ne  serait  donc  pas,  comme  on  le  pense  géné- 
ralement, et  comme  j'avoue  que  je  le  croyais  moi- 
même,  ce  ne  seraient  pas  les  montagnes  de  Galpe  et 
d'Abyïa  qui  figuraient  ces  fameuses  Colonnes. 

On  franchissait,  non  sans  danger  pour  les  frêles 
navires  qui  étaient  en  usage,  le  détroit  de  Gibraltar, 
que  les  gens  du  Nord  appelaient  Njorva-Sund  ou  Narve 
(c'est-à-dire  le  détroit  par  excellence). 

Entrés  dans  la  Méditerranée,  qu'ils  nommaient  Mid- 
jardarhaf  (mer  du  milieu)  et  quelquefois  Jorsalahaf 
(mer  de  Jérusalem)  ou  Grikklandsalti  (mer  de  Grèce), 
les  Scandinaves  rencontraient  Malaga,  Almeria,  Car- 
thagène,  Alicante,  Arruguen  (Tarragone),  Bardelôn 
(Barcelone),  Masselja  (Marseille);  ou  bien  on  passait 
parManorka  (Minorque);  on  atteignait  Kalîe  (Cagliari), 
et  Fou  se  reposait  à  Messine,  d'où  Ton  se  rendait  di- 
rectement à  Acre  en  treize  ou  quatorze  jours. 

On  ne  revenait  pas  généralement  par  cette  route 
occidentale,  car  les  croisés  qui  l'avaient  prise  pour 


(  208  ) 

ga^er  la  Palestine ,  rançonnaient  presque  toujours 
de  la  manière  la  plus  audacieuse  toutes  les  popula- 
tions des  côtes,  quelles  que  fussent  leur  nationalité  et 
leur  religion,  et  ils  ne  voulaient  pas  s'exposer  à  la  ven- 
geance de  ceux  qu'ils  avaient  pillés. 

La  troisième  route,  celle  de  Rome  (Romavegr)  ou 
du  midi  [Sudrvegr)^  qu'on  appelait  aussi  route  de 
terre  {Thiùdf>egr)^  parcourait  l'Allemagne,  l'Italie  et 
la  Grèce.  On  passait  par  Alasund  (Aalborg),  par  Veb- 
jarga  (Viborg),  par  Heidaby ,  qu'a  remplacée  à  peu  prés 
Slesvig  ;  on  franchissait  l'iEdisdyra  (Eider),  le  Saxelfr 
(Elbe),  qu'on  rencontrait  à  Stade  (Stœduborg),  et  l'on  ga- 
gnait le  Rhin,  soit  vers  Meginzoborg  (Mayence),  soit  vers 
Trektar  (Utrecht).  On  remontait  ce  fleuve  jusqu'à  Bosla- 
raborg  (Râle);  on  prenait  ensuite  par  Solatra  (Soleure) , 
par  Vifilsborg  (Avenche),  par  Fivizuborg  (Vevay),  où 
Ton  atteignait  le  lac  de  Genève,  le  même  que  le  lac 
Saint-Martin  (Merteinsvatn),  ainsi  nommé  de  la  cathé- 
drale de  Vevay  ;  on  traversait  le  mont  Joux  ou  Mundja, 
c^est-à-dire  les  Alpes  au  grand  Saint-Bernard,  où  se 
trouvait  déjà  l'hospice  de  Saint-Remard  (Riarnard- 
spitali);  on  descendait  à  Aoste  la  bonne  ville  {Augusta 
god  borg),  et  Ton  s'avançait  en  Italie  par  Ivrée  (lôfo- 
rey),  Verceil  (Fridsœlu),  Pavie  (Papayar),  Plaisance 
(Plasinzo),  qui  était  une  des  baltes  les  plus  importantes 
du  voyage,  et  près  de  laquelle  s'élevait  un  hospice 
fondé  pour  les  gens  de  la  langue  norraine  par  Erik 
le  Ron,  roi  de  Danemark.  On  franchissait  les  Apennins 
(Mùubardar) ,  vers  San-Croce  (Crucismarkadr),  et  l'on 
gagnait  Luna,  sur  la  Méditerranée,  célèbre  dans  les 
SagoB  par  les  exploits  des  fils  de  Sodbrok,  de  Rjôm 


(  204  ) 

Côte-de-Fer  et  d*Etli»  roi  des  Huns  ;  c'était  aussi  le 
rendez-vous  de  ceux  des  pèlerins  du  Nord  qui  ne  ve- 
naient à  Rome  qu'après  avoir  fait  le  pieux  voyage  de 
Saint-Jacques  de  Compostelle. 

Puis  on  s'acheminait  vers  Rome  par  Lucques,  où  se 
trouvait  un  autre  hospice  du  roi  Erik  ;  par  Sienne 
(Sennunt),  par  Acquapendente  (Hangandaborg) ,  par 
Bolsena  (Kristinuborg) ,  par  Viterbe  (Boternisborg), 
par  Moiite-Fajano  (Fegnisbrekka),  d'où  Von  voyait 
Rome,  la  ville  sacrée,  longue,  disent  les  chroniqueurs 
du  Nord,  de  quatre  milles,  large  de  deux,  remplie 
de  palab  et  d'églises,  dont  personne  ne  savait  le 
nombre. 

Les  pèlerins  allaient  de  là  à  Bénévent,  soit  par  la 
voie  Appienne,  que  les  Scandinaves  appelaient  Tra- 
jansbru,  soit  par  Aquino  (Akynaborg)  et  San-Germano 
(Germanisborg) ,  près  du  mont  Gassin  (Montakasrin), 
où  l'on  trouvait  une  fastueuse  hospitalité.  Bénévent 
était  la  capitale  de  la  Fouille  {Puli  ou  Puland) ,  nom 
que  les  gens  du  Nord  donnaient  volontiers  à  l'Italie 
tout  entière. 

De  Bénévent,  on  se  dirigeait  vers  le  mont  Gargano, 
appelé  par  les  Scandinaves  Mikaelsfjell,  et  on  longeait 
la  côte  de  l'Adriatique,  entre  Manfredonia  (Sepont)  et 
Brindisi  (Brandeis),  jusqu'à  ce  qu'on  eût  trouvé  un 
navire  en  partance  pour  l'Orient.  Un  des  points  d'em- 
barquement les  plus  fréquentés  était  Bari  (Bar),  qui 
faisait  donner  le  nom  de  Barland  à  une  grande  partie 
de  l'Italie,  et  de  là  le  nom  de  Munbardar  appliqué  aux 
Apennins. 

A  partir  de  cette  côte,  la  route  des  pèlerins  du  Nord 


(  205  ) 

se  confondait  avec  celle  des  navires  de  commerce.  Elle 
passait  généralement  à  Dnrazzo  (Dyrakr),  à  Saint- 
Hartin  de  Laconie  (Martinnsborg) ,  et  rejoignait  à  Gos 
la  route  orientale. 

Acre,  comme  nous  l'avons  dit,  était  le  point  de  dé« 

• 

barquement  ordinaire  :  de  là  on  s'avançait  dans  Tinté- 
rieur  de  la  Palestine  par  le  mont  Tbabor,  Nazareth, 
Samarie  (qu'on  appelait  Johanniskastali),  Naplous 
(Nepl) ,  et  l'on  arrivait  enfin  à  Jorsala  (Jérusalem). 

La  connsdssance  de  cet  itinéraire  est  due  surtout 
au  savant  auteur  Nicolas  Saemundarson,  abbé  du  mo- 
nastère bénédictin  de  Thingeyrar,  en  Islande,  et  qui 
fit  le  voyage  de  Terre-Sainte  en  1161. 

Un  itinéraire  du  moine  Maurice,  qui  suivit,  en  qua- 
lité de  chapelain,  un  haut  baron  de  la  cour  d'Hakon 
le  Grand,  éclaire  particulièrement  la  route  de  l'Ouest. 

Un  assez  grand  nombre  d'autres  anciens  documents 
qu'à  force  de  recherches  M.  Riant  a  découverts  dans  les 
archives  du  Nord,  jettent  un  jour  précieux  sur  l'état 
des  notions  géographiques  que  les  Scandinaves  du 
moyen  âge  avaient  du  midi  de  l'Europe  et  de  l'occident 
de  l'Asie  :  on  peut  citer,  entre  autres,  le  Stjiom^  ou- 
vrage composé  par  ordre  du  roi  Hakon  Magnusson  ; 
la  traduction  danoise  du  vo)  âge  de  Mandeville  ;  deux 
monographies,  en  langue  norraine,  de  la  Ville-Sainte  et 
de  ses  envhrons  ;  le  livre  de  Skalholt,  par  un  ano- 
nyme*, celui  du  chancelier  Haukr  Erlendsson. 

Les  auteurs  norrains  donnent  à  la  Palestine  le  nom 
de  Jorsalaland  ;  à  la  Syrie,  celui  de  Syrland.  L'Ar- 
ménie est  leur  Armeniuland  ou  Ermland.  Ils  font 
sortir  le  Tigre  et  TEuphrale  des  monts  Eldingjafjell^ 


(  806) 

dont  la  racine  elding  (éclair)  indique  un  vague  «Quve^ 
nir  des  mont»  Géranniena  ou  du  Tonnerre  des  anciens, 
situés  cependant  plus  au  nord«  dans  la  Sarmatie  m^ 
tique.  La  mer  Rouge  est  le  Raudahaf\  la  iner  Mortes 
le  Daudahaf.  Antioche  est  nonunée  Antheki^;  Laodi- 
cée,  Lik\  Tyr,  Syr  ;  Sidori,  Sçetu 

Les  études  géographiques  des  peuples  du  Nord  ga** 
gnèrent  donc  considérablement  à  ces  grands  voyages* 
Toutes  les  autres  connaissances  humaines  reçurent  une 
impulsion  nouvelle  \  Vétat  social,  les  mœur^i  le  mou- 
vement litléraire,  le  commercOi  éprouvèrent  des  mot? 
difications  profondes^  On  en  suivra  avec  intérêt  le 
développement  dans  ce  beau  volume  par  lequel  un 
jeune  savant  entre  brillamment  dans  la  carrière  des 
publications  et  qui  a  été  le  sujet  môme  de  la  thèse 
soutenue  avec  honneur  par  lui,  en  juillet  dernier»  pouf 
l'obtention  du  titre  de  docteur  is-lettres.  Notre  Société 
salue  dans  le  nouveau  docteur  un  consciencieux  érudit 
de  plus  et  en  môme  tepips  un  bon  géographe.  Elle  est 
heureuse  de  le  compter  au  nombre  de  ses  meinbresi 
et  elle  espère  que,  par  de  fréquentes  communications, 
il  contribuera  à  son  éclat  et  aux  services  qu'elle  rend 
^  la  science. 


(  W7) 


Aetcm  de  la  8iM|é|é< 


EXTIUaTS  V&  PROCÈS-VÇaSAUX  D£$  SËAHCBfi. 


'•-••^■i^^ 


Procès-Verbal  de  la  Séance  du  S  février  1866. 

riÉnDiHCi  DK  H.  d'aykzic* 


Le  procè8-«verbal  de  la  8éa,D09  précMenta  est  la  et 
adopté. 

Le  secrétaire  général  leatime  que  la  Société  de  géo-- 
graphie  doit  tenir  compte  de  ce  qu'un  de  fies  membres, 
qui  depuis  trente-cinq  années  a  pris  toujours  une  part 
des  plus  actives  à  ses  travaux,  et  qui  occupe  aujour^- 
d'hui  encore  ce  fauteuil  de  la  présÂdencOj  qui  lui  a  déjà 
été  décernée  nombre  de  foin,  vient  d'être  appelé  is  rem* 
plir  k  r  Institut,  le  fauteuil  laUsé  vacapt  par  la  mort 
de  H,  Victor  Leçlerc*  La  Société  de  géographie  a  lieu 
de  SQ  féliciter  de  cette  éclatante  distinction  conférée 
à  Tun  de  ses  membres  le^  plus  éminents,  et  le  secré* 
taire  général  pen^e  que  mention  doit  en  être  faite  au 
procès-verbal  de  la  présente  séance  ;  cette  proposition 
est  accueillie  par  les  sympathiques  ot  unanimes  applau*- 
dissements  de  rassemblée. 

U.  d' Avexac  remerde  avec  eQusîmi  ses  coUégaea  de 


(  208  ) 

ces  bienveillants  témoignages,  qui  viennent  ainsi  dou- 
bler le  prix  des  illustres  suffrages  qu'il  est  heureux 
d'avoir  dans  une  autre  enceinte. 

Lecture  est  donnée  de  la  correspondance.  M.  Marcou 
remercie  de  son  admission.  —  M.  Herran  écrit  pour 
présenter,  de  concert  avec  M.  d'Avezac,  deux  candidats 
et  solliciter  pour  l'un  d'eux  la  faveur  d*une  admission 
immédiate.  —  Le  général  Dufour  adresse  des  remer- 
ciments  pour  sa  nomination  de  membre  correspondant 
étranger.  —  M.  Miguel  Arroyo,  secrétaire  de  la  Société 
géographique  et  statistique  de  Mexico,  envoie  le  som- 
maire trimestriel  des  documents  originaux  adressés  à 
cette  Société.  —  M.  de  Quatrefages  s'excuse  de  ne  pou- 
voir assister  à  la  séance  et  présente  un  candidat  dont 
M.  Gharton  voudra  bien  être  le  second  parrain. 

Par  suite  à  la  correspondance,  M.  Malte-Brun  fait 
connaître  les  dernières  nouvelles  qu'on  ait  reçues  du 
baron  von  der  Decken.  On  avait  annoncé  d'abord  que 
ce  voyageur  avait  perdu  ses  deux  embarcations,  mais 
ce  renseignement  n'était,  heureusement,  pas  tout  à 
fait  exact.  Cependant  l'expédition  avait  subi  un  grave 
échec: après  avoir  remonté  le  Jug  jusqu'à  une  cer- 
taine distance,  elle  s'était  heurtée  aux  Somâlis  qui 
avaient  montré  les  dispositions  les  plus  hostiles  :  une 
lutte  s'était  engagée,  à  la  suite  de  laquelle  il  y  avait  eu 
mort  d'hommes.  Le  baron  von  der  Decken,  lui-même, 
et  un  des  siens,  avaient  été  faits  prisonniers  ;  ]e  reste 
de  la  petite  troupe  avait  pu  regagner  Zanzibar,  d'où 
un  navire  était  parti  pour  réclamer  les  prisonniers. 

Lecture  est  donnée  de  la  liste  des  ouvrages  offerts  : 
M.  d'Avezac  croit  devoir'  attirer  l'attention  particulière 


T 


(  200  ) 

de  ses  collègues  sur  une  Histoire  de  la  géographie^ 
adressée  à  la  Société  par  M.  Oscar  Peschel,  déjà  bien 
connu  depuis  pour  un  livre  non  moins  remarquable, 
¥  Histoire  de  f  époque  des  découvertes.  Son  Histoire  de 
la  géographie^  dont  il  serait  à  désirer  de  voir  paraître 
chez  nous  une  traduction  française,  fait  partie  d'un 
ensemble  de  traités  sur  l'histoire  des  sciences  en  Alle- 
magne, publiés  sous  les  auspices  du  roi  de  Bavière, 
par  les  soins  d'une  commission  spéciale  de  l'Académie 
de  Munich. 

M.  Alfred  Demersay  fait  hommage  d'un  exemplaire 
du  tirage  à  part  de  son  rapport  au  ministre  de  l'in- 
struction publique,  a  la  suite  d'une  mission  de  recher- 
ches dans  les  archives  d'Espagne  et  de  Portugal.  — 
M.  Jules  Duval  dépose  sur  le  bureau  quelques  exem- 
plaires d'un  numéro  de  Y  Economiste  français^  où  se 
trouve  une  biographie  du  docteur  Barth,  par  le  doc- 
teur Wamîer.  —  M.  William  Huber  offre ,  de  la  part 
de  M.  Charles  Thirion,  ingénieur  civil,  les  premiers 
numéros  du  journal  la  Propagation  industrielle  ;  à  ces 
numéros  est  jointe  une  lettre  par  laquelle  M.  Thirion 
annonce,  pour  la  suite»  l'envoi  régulier  du  journal 
qu'il  dirige.  —  M.  Malte-Brun  fait  hommage  :  l""  d'une 
carte  du  Spitzberg,  réduite  aux  deux  tiers,  d'après  celle 
de  Duner  et  Nordenskiôld  ;  2*  carte  du  voyage  de  Sa- 
muel Baker,  aux  lacs  de  l'Afrique  équatoriale,  réduite 
de  celle  qui  a  paru  dans  les  proceedings  de  la  Société 
géographique  de  Londres  ;  M.  Malte-Brun  fait  observer 
qu'il  a  cru  devoir  maintenir  en  première  ligne  les  noms 
indigènes  des  lacs  auxquels  Speke  et  Baker  ont  attri- 
bué des  noms  anglais.  —  M.  Eugène  Gortambert  offre 

IX.  FÉVRIER-MARS.  0.  ik 


(  210  ) 

de  h  p^rt  de  M.  Richard  Gortambert,  empoché  d'assis- 
ter à  la  séance,  un  exemplaire  de  son  ouvrage  intitulé  : 
Les  illustres  voyageuses,  —M.  Bourdiol  dépose  sur  le 
]3ureau,  de  la  part  de  M.  Stanislas  Nogbera,  un  exem- 
plaire de  la  relation  d'un  voyage  exécuté  dans  l'Asie 
centrale  par  M.  Modeste  Gavazzi, 

Il  est  procédé  à  l'admission  des  candidats  inscrits 
au  tableau  de  présentation.  Sont  admis  comme  mem- 
bres de  la  Société  :  MM.  le  colonel  Dubois,  ministre 
résident  de  la  république  d'Haïti,  Lanée,  éditeur  de 
cartes,  Yuillemin»  géographe,  Armand  Landrin,  Gas- 
ton de  Selancy. 

Sont  présentés  comme  candidats,  pour  être  statué 
sur  leur  admission,  dans  une  prochaine  séance  : 
MM,  Charles  Bal,  directeur  du  Veritas  universel  et  du 
Lloyd  français,  présenté  par  MM.  Herran  et  d' Avezac  ; 
Gustave  Hobin,  négociant,  présenté  par  MM.  Maunoir 
et  Malte-Brun  ;  Georges  Mandrot,  présenté  par  MM .  Wi- 
liam  Martin  et  William  Huber  ;  Henri  de  Suckau,  litté- 
rateur, présenté  par  MM.  Herran  et  d' Avezac;  Henri 
Gaston  Bourgeois ,  voyageur,  présenté  par  MM.  de 
Quatrefages  et  d' Avezac  ;  Auguste  Beaumier,  consul  de 
France  à  Mogador,  présenté  par  MM.  Jules  Ouval  et 
d'Avezac  ;  Sagansan,  géographe,  présenté  par  MM.  Eu- 
gène Cortambert  et  d' Avezac. 

Au  nombre  de  ces  candidats,  fait  observer  le  prési- 
dent, se  trouve  M.  Henri  de  Suckau,  pour  lequel  M,  Her- 
ran sollicite  la  faveur  exceptionnelle  d'une  admission 
immédiate,  pour  lui  conférer  le  droit  d'ajouter  à  son 
nom,  dans  le  titre  d'un  ouvrage  sur  Honduras,  qu'il 
est  tout  prêt  de  publier,  la  qualité  de  membre  de  la 


(2U  ) 

Société  de  géographie.  La  Commission  centrale  accède 
h  cette  demande,  et  l'admission  de  M.  Henri  de  Suckau 
est  en  conséquence  prononcée. 

M.  William  Hûber  donne  lecture  d'un  intéressant 
travail  sur  divers  faits  relatifs  à  T  orographie  et  à  l'hy- 
drologie des  Alpes  centrales. 

M.  Barbie  du  Bocage  lit  la  relation  d'une  ambassade 
chinoise  en  Gochinchine»  au  moment  de  l'avènement 
de  l'empereur  Tu-Duc.  Cette  relation  a  été  traduite  de 
celle  de  l'ambassadeur  lui-même. 

La  séance  est  levée  à  dix  heures. 


Procès-verbal  de  la  séance  du  1 6  février  1860. 

ratelOBHCB  Dl  M,   d'AYIZAC. 


Le  prooôs-verbal  de  la  précédente  séance  est  lu  et 
adopté. 

Lecture  est  donnée  de  la  correspondance  ;  Madame 
Dora  dlstria(princeââeKoUzQirMassalsky).-^iVl.  Duha- 
mel, M.  de  Rivera  et  le  général  de  Mosquera  remer- 
cient la  Société  de  les  avoir  admis  au  nombre  de  ses 
membres.  —  M.  Lejean  adresse  quelques  détails  som- 
maires sur  la  partie  de  l'Asie  Mineure  qu'il  parcourt  en 
ce  moment  :  cette  lettre  sera  insérée  au  Bulletin, 

Il  est  donné  lecture  de  la  liste  des  ouvrages  offerts. 
Comme  suite  k  cette  liste,  M.  Marcou  fait  hommage 
4' un  exemplaire  de  sa  carte  géologique  du  nowveau 
Mexique  et  de  s^  carte  géologique  du  globe  1 1^  dona- 


(  200  ) 

dinaves»  la  Tbiagola  des  Grecs) ,  repaire  des  pirates  du 
Nord;  on  touchait  à  l'Ile  des  Moucherons,  dont  le  nom 
moderne  n'est  pas  mentionné,  mais  qui  est  probablement 
rilan  Adassi  (lie  des  Serpents)  des  Turcs  et  la  Leuce  des 
anciens  ;  on  s'arrêtait  à  Gonstantia  (qui  est,  suivant 
nous,  la  moderne  Kustendjé,  plutôt  que  Varna,  comme 
le  croit  M.  Riant),  puis  à  Mesembria  (aujourd'hui  Mi- 
sivri).  On  franchissait  le  Bosphore,  que  les  gens  du  Nord 
appelaient  Sjavidarsund  (détroit  des  pieux),  et  Tod 
arrivait  enfin  à  Byzance,  qui  était,  pour  les  Scandina- 
ves, sinon  le  terme,  du  moins  l'un  des  buts  principaux 
du  voyage  en  Orient  ;  ils  y  trouvaient  des  souvenirs 
nombreux  de  la  mère  patrie  ;  la  garde  vasringue  leur 
procurait  à  la  cour  impériale  faveur  et  protection; 
saint  Olaf,  roi  de  Norvège,  y  avait  deux  sanctuaires 
célèbres  ;  un  autre  grand  roi  de  Norvège,  HaraldJe- 
Sévëre,  s'y  était  signalé  par  ses  exploits  ;  enfin  c'était 
la  Grande  cité  (Mikligardr),  la  cité  Sainte,  vénérée  dans 
les  trois  royaumes  à  l'égal  de  Rome,  et  dont  les  splen- 
deurs remplissaient  les  récits  des  veillées  du  Nord. 

Les  navires  Scandinaves  s'avançaient  de  là  dans  la 
mer  Egée,  et  doublaient  un  promontoire  que  les  Sagm 
nomment  iEgisnœs,  cap  iEgis,  et  dont  nous  cherchons 
un  peu  au  hasard  le  nom  actuel  :  peut-être  est-ce  Y  Aghion- 
Oros  (mont  Athos) ,  dont  le  nom  a  une  prononciation 
qui  s'en  rapproche  sensiblement.  (C'est  ainsi  qviAghia 
Sophia  {Sainte-Sophie)  devint  pour  les  Scandinaves 
JEgisif).  Ils  mouillaient  à  Imboli,  qui  est  probablement 
TAmphipolis  des  anciens  ;  ils  cinglaient  vers  Ttle 
de  Gos,  ils  longeaient  les  côtes  méridionales  de  l'Asie 
Mineure,  en  rencontrant  Raudakastala  (Rastelorizo) , 


(  201  ) 

rialanâeraaes  (cap  Khélidoni),  passaient  devant  le  golfe 
d'Alexandrette  (Atalsf jord),  et  manquaient  rarement  de 
s'arrêter  à  Bastaborg  (Baffa) ,  en  Chypre,  où  se  trouvait 
le  tombeau  du  saint  roi  Erik  de  Danemark,  et  qu'occu- 
paient les  Vaeringues.  Enfin  on  parvenait  à  Akrsborg 
(Acre),  terme  du  voyage  maritime. 

La  seconde  route  était  le  Vestvegr  (route  occiden- 
tale), deux  fois  plus  longue  que'celle  de  l'Est,  et  fré- 
quentée par  les  princes  ou  les  puissants  barons.  Elle 
snivait  les  côtes  de  Hollande,  de  France  et  d'Angle- 
terre, celles  de  Galice,  de  Portugal,  d'Andalousie,  puis 
celles  de  la  Catalogne,  de  la  Provence,  ou  bien  les  îles 
Baléares  et  la  Sardaigne,  ou,  quelquefois,  mais  très- 
rarement,  les  côtes  d'Afrique. 

Les  points  le  plus  souvent  cités  dans  les  relations 
de  cette  route  étaient  Cuidfall  (le  Helder) ,  Hvidsandr 
(Wissant) ,  Dartmouth,  le  Prolnaes  (cap  de  Prawle) ,  Holi, 
qui  parait  être  le  mont  Saint-Michel,  GrislupoUi  .ou  la 
baie  de  Grisli,  dont  nous  ne  découvrons  pas  la  synony- 
mie actuelle,  le  havre  de  Saint-Matthieu,  le  Thrasnaes 
(probablement  le  cap  de  Raz),  le  Fetlafjord  (la  rivière 
d'Etel),  Varrandi  (Guérande),  Far  (le  Ferrol),  dans  la 
terre  vénérée  de  Saint-Jacques  (Jacobsland) ,  Gunns- 
valborg  (qui  correspond  à  Tuy),  l'embouchure  du  Sel- 
jupoUi  (c'est-à-dire  du  Minho,  grossi  du  Sil),  celle  du 
fleuve  de  Portugal  (Douro),  Cintra,  Leskebone  ou  Les- 
bonn  (Lisbonne);  où  commençait  la  terre  des  Sarra- 
sins, le  Serkland^  dénomination  générale  appliquée 
par  les  Sagas  à  tous  les  pays  musulmans  ;  on  arrivait 
enfin  à  Cadix,  dont  la  baie  était  la  fameuse  Karlsar 
(les  eaux  de  Charles),  où,  suivant  la  légende  accréditée 


(  200  ) 

dinaves»  la  Tbiagola  des  Grecs),  repaire  des  pirates  du 
Nord;  on  touchait  à  l'Ile  des  Moucherons,  dont  le  nom 
moderne  n'est  pas  mentionné,  mais  qui  est  probablement 
rUan  Adassi  (tle  des  Serpents)  des  Turcs  et  la  Leuce  des 
anciens  ;  on  s'arrêtait  à  Gonstantia  (qui  est,  suivant 
nous,  la  moderne  Kustendjé,  plutôt  que  Varna,  comme 
le  croit  M.  Riant},  puis  à  Mesembria  (aujourd'hui  Mi- 
sivri).  On  franchissait  le  Bosphore,  que  les  gens  du  Nord 
appelaient  Sjavidarsund  (détroit  des  pieux),  et  l'on 
arrivait  enfin  à  Byzance,  qui  était,  pour  les  Scandina- 
ves, sinon  le  terme,  du  moins  l'un  des  buts  principaux 
du  voyage  en  Orient  ;  ils  y  trouvaient  des  souvenirs 
nombreux  de  la  mère  patrie  ;  la  garde  vasringue  leur 
procurait  à  la  cour  impériale  faveur  et  protection  ; 
saint  Olaf,  roi  de  Norvège,  y  avait  deux  sanctuaires 
célèbres  ;  un  autre  grand  roi  de  Norvège,  Harald-le- 
Sévère,  s'y  était  signalé  par  ses  exploits  ;  enfin  c'était 
la  Grande  cité  (Mikligardr),  la  cité  Sainte,  vénérée  dans 
les  trois  royaumes  à  l'égal  de  Rome,  et  dont  les  splen- 
deurs remplissaient  les  récits  des  veillées  du  Nord. 

Les  navires  Scandinaves  s'avançaient  de  là  dans  la 
mer  Egée,  et  doublaient  un  promontoire  que  les  Sagas 
nomment  ^gisnœs,  cap  iEgis,  et  dont  nous  cherchons 
un  peu  au  hasard  le  nom  actuel  :  peut*être  est-ce  Y  Aghion- 
Oros  (mont  Athos) ,  dont  le  nom  a  une  prononciation 
qui  s'en  rapproche  sensiblement.  (C'est  ainsi  ^(SiAghia 
Sophia  (Sainte-Sophie)  devint  pour  les  Scandinaves 
Mgisif).  Ils  mouillaient  à  Imboli,  qui  est  probablement 
FAmphipolis  des  anciens  ;  ils  cinglaient  vers  l'tle 
de  Gos,  ils  longeaient  les  cdtes  méridionales  de  l'Asie 
Mineure,  en  rencontrant  Raudakastala  (Rastelorizo) , 


(  201  ) 

rialandernaes  (cap  Khélidoni),  passaient  devant  le  golfe 
d'AIexandrette  (Atalsfjord),  et  manquaient  rarement  de 
s'arrêter  à  Bastaborg  (BafTa) ,  en  Chypre,  où  se  trouvait 
le  tombeau  du  saint  roi  Erik  de  Danemark,  et  qu'occu* 
paient  les  Vaeringues.  Enfin  on  parvenait  à  Akrsborg 
(Acre),  terme  du  voyage  maritime. 

La  seconde  route  était  le  Vestvegr  (route  occiden- 
tale), deux  fois  plus  longue  que'celle  de  l'Est,  et  fré- 
quentée par  les  princes  ou  les  puissants  barons.  Elle 
suivait  les  côtes  de  Hollande,  de  France  et  d'Angle- 
terre, celles  de  Galice,  de  Portugal,  d'Andalousie,  puis 
celles  de  la  Catalogne,  de  la  Provence,  ou  bien  les  îles 
Baléares  et  la  Sardaigne,  ou,  quelquefois ,  mais  très- 
rarement,  les  côtes  d'Afrique. 

Les  points  le  plus  souvent  cités  dans  les  relations 
de  cette  route  étaient  Cuidfall  (le  Helder) ,  Hvidsandr 
(Wissant) ,  Dartmouth,  le  Prolnaes  (cap  de  Prawle) ,  Holi, 
qui  paraît  être  le  mont  Saint-Michel,  GrislupoUi  .ou  la 
baie  de  Grisli,  dont  nous  ne  découvrons  pas  la  synony- 
mie actuelle,  le  havre  de  Saint-Matthieu,  le  Thrasnaes 
(probablement  le  cap  de  Raz),  le  Fetlafjord  (la  rivière 
d'Etel),  Varrandi  (Guérande),  Far  (le  Ferrol),  dans  la 
terre  vénérée  de  Saint-Jacques  (Jacobsland) ,  Gunns- 
valborg  (qui  correspond  à  Tuy),  l'embouchure  du  Sel- 
jupoUi  (c'est-à-dire  du  Minho,  grossi  du  Sil),  celle  du 
fleuve  de  Portugal  (Douro),  Cintra,  Leskebone  ou  Les- 
bonn  (Lisbonne);  où  commençait  la  terre  des  Sarra- 
sins, le  Serkland^  dénomination  générale  appliquée 
par  les  Sagas  à  tous  les  pays  musulmans  ;  on  arrivait 
enfin  à  Cadix,  dont  la  baie  était  la  fameuse  Karlsar 
(les  eaux  de  Charles) ,  où,  suivant  la  légende  accréditée 


(  216  ) 

vu  détacher  d'un  tronc  d'arbre  à  l'aide  d'une  hache  de 
ce  genre  ;  on  attaque,  en  effet,  les  hypothèses  relatives 
à  Tâge  de  pierre,  en  niant  la  possibilité  de  tailler  du 
bois  avec  une  hache  de  silex.  Les  éclats  détachés,  ré- 
pond M.  Marcou,  pouvaient  avoir  jusqu'à  10  centi- 
mètres ;  c'est,  au  surplus,  avec  des  pieux  façonnés  par 
ce  moyen  que  certaines  tribus  comanches  construisent 
leurs  habitations,  ainsi  que  le  voyageur  a  pu  le  con- 
stater en  examinant  de  près  les  huttes  d'un  villi^e 
abandonné.  M.  Marcou  a  recueilli  dans  une  tribu  Zuni 
une  légende  assez  curieuse  relativement  à  un  déluge 
dont  les  eaux  n'auraient  pas  été  produites  par  d'abon- 
dantes pluies,  mais  seraient  venues  en  montant  de 
l'ouest  ;  or,  les  peuplades  chez  lesquelles  règne  cette 
tradition  ignorent  tout  à  fait  l'existence  de  l'Océan. 
M.  de  Quatrefages  fait  observer  que  la  même  légende 
se  retrouve  chez  les  Polynésiens  :  pas  un  d'eux  ne  parle 
de  pluie,  tous  disent  qu'un  Dieu  irrité  avait  soulevé 
la  mer. 

Lecture  est  donnée  de  la  liste  des  ouvrages  offerts  : 
M.  Malte-Brun  dépose  en  outre  sur  le  bureau,  les 
3*  et  A*"  livraisons  de  l'atlas  industriel  et  commercial 
de  MM.  Henri  Lange  et  Klûn  ;  et  M.  Maunoir  présente, 
de  la  part  de  l'auteur,  une  Notice  sur  la  flore  des  lies 
Baléares  de  M.  le  docteur  Paul  Mares,  déjà  connu  par 
ses  nivellements  barométriques  en  Algérie. 

Il  est  procédé  à  l'admission  des  candidats  inscrits 
au  tableau  de  présentation  ;  sont  admis  comme  mem- 
bres de  la  Société  :  MM.  Edouard  Engelhardt,  consul 
général  de  France  à  Galatz,  et  Conrad  Jameson,  ban- 
quier. 


(  217  ) 

Sont  inscrits  au  tableau  de  présentation  pour  être 
statué  sur  leur  admission  dans  une  prochaine  séance  : 
MM.  Antoine-Emile  Blanche,  docteur  en  médecine,  et 
Georges-Henri  Marsh,  propriétaire,  présentés  par 
MM.  Blanche,  avocat  général  à  la  Cour  de  cassation, 
et  Maunoir;  M.  Edouard  Bertrand»  vice-consul  des 
États-Unis  de  Colombie,  présenté  par  MM.  Richard 
Cortarobert  et  Torrès  Caïcedo. 

M.  E.  Guillaume  Rey  donne  lecture  de  la  relation 
d'un  voyage  quil  a  fait  en  186&  aux  montagnes  des 
Ausariës,  et  met  sous  les  yeux  de  la  Société  les  cartes 
à  grand  point  qu'il  a  dressées  de  son  itinéraire.  Renvoi 
à  la  section  de  publication  en  vue  d'une  insertion  au 
Bulletin. 

On  procède  à  la  nomination  de  la  Commission  du 
prix  annuel,  et  le  président  invite  ceux  des  membres 
qui  ont  le  droit  de  vote  à  choisir  le  plus  possible  lears 
candidats  en  dehors  du  bureau  de  la  Commission  cen- 
trale. Sont  désignés  pa,r  le  scrutin  pour  faire  partie  de 
cette  Commission  :  MM.  Eugène  Gortambert,  Vivien 
de  Saint-Martin,  Martin  de  Moussy,  Malte -Brun, 
Bourdiol. 

La  séance  est  levée  à  dix  heures  un  quart. 


(  218  ) 


Mom^elles  et  faits  séojiraphlques 


Le  nouveau  voyage  du  docteur  Livingstone.  — ^  On  sait  que 
le  docteur  Livingstone  a  quitté  l'Europe  dans  le  courant  de 
l'année  dernière,  se  rendant  aux  Indes  pour  y  faire  les  prépa- 
ratifs de  son  voyage  et  re})rendre,  de  là,  le  chemin  de  T Afrique. 
Il  a  fait  à  Bonabay,  le  12  octobre  1865,  dans  la  salle  de  ta 
Société  orientale,  une  communication  à  laquelle  assistait  un 
nombreux  public,  avide  d'entehdfc  l'illustre  voyageur,  le 
Colomb  de  l'Afrique,  comme  l'ont  appelé  quelques  pnblicistes 
anglais,  parler  d'un  pdys  dont  il  a  exploré  le  premier  Une  si 
vaste  étendue. 

Entre  autres  choses,  le  docteur  Livingstone  a  donné  les 
indications  suivantes  sur  le  climat  de  l'Afrique  centrale,  au 
point  de  vue  de  la  santé  des  voyageurs. 

i(  Les  parties  basses  de  l'Afrique  sont  fiévreuses,  car  elles  sont 
couvertes  de  marécages,  mais  la  vie  que  doivent  mener  dans 
ce  pays  les  voyageurs  qui  sont  toujours  en  plein  air,  faute 
(le  pouvoir  transporter  des  tentes,  constitue  un  état  de  choses 
qui  ne  permet  pas  de  juger  impartialement  ce  climat.  Si  Ton 
avait  là  les  ressources  que  présente  la  vie  aux  Indes,  je  crois 
que  les  hommes  pourraient  vivre  et  prospérer  sur  les  hauts 
terrains  de  l'Afrique.  Je  n'y  ai  pas  vu  d'autre  maladie  que  la 
fièvre  et  n'ai,  en  particulier,  rencontré  aucun  cas  de  phthisie 
ou  de  scrofules  ;  nos  maladies  d'Europe  n'y  sont  pas  connues. 
Parfois  la  petite  vérole  fait  une  apparition,  mais  elle  ne  gagne 
pas  l'intérieur  du  pays  (1).  Le  choléra  se  déclara  une  fois  à 
Mozambique,  mais  il  s'arrêta  là. 

(1)  Dans  la  relation  de  son  deroier  voyage  à  la  côte  occidentale 
d'Afriqae,  Duchaillu  parle  d'une  violente  épidémie  de  petite  vérole 
qui  sévissait  au  village  d'Olinda,  à  environ  150  kilomètres  dans  Tin- 
térieur  du  pays.  {Rédaction») 


(  219  ) 

s  Un  poitit  de  différence  entre  Tlnde  et  T Afrique,  c'est  qtié 
dans  cette  deriiiôre  oonirée  ogus  n'Ayons  jamais  de  coups  de 
soleil;  mes  compagnons  de  route  ne  portaient  jamais  Ce  qu'on 
appelle  un  garde-soleil  ;  nous  voyagions  avec  de  simples  cha- 
peaux de  marins  ;  quelques-uns  d'entre  nous  portaient  même 
une  coiffure  plus  petite,  et  pourtant  nous  ne  fûmes  jamais  at- 
teints d'insolation  (1)  ;  les  indigènes  se  promènent  la  tête  nue. 
Nous  voyons,  au  contraire,  que  dans  Flndei  les  gens  prennent 
un  soin  particulier  pour  se  protéger  la  tête  contre  les  rayons 
du  soleil,  et  c'est  là  sans  doute  une  suggestion  de  l'expérience. 
En  Afrique,  on  prend  beaucoup  plus  de  soin  de  ses  pieds  que  de 
sa  tête  :  les  marchands  d'esclaves  ne  se  mettent  jamais  en  route 
avant  que  les  premières  pluies  de  novembre  ne  soient  venues 
mouiller  le  sol,  de  naanière  à  rafraîchir  les  pieds  des  indigènes  ; 
quant  à  la  tête  ils  ne  s'en  préoccupent  nullement,  et  je  crois 
que  l'action  do  soleil  est  moins  puissante  dans  ce  pays  que 
dans  le  vôtre>  ce  qui  peut  s'expliquer  par  le  fait  que  le  climat 
est  plus  sec  en  Afrique  qu'aux  Indes.  Nous  avons  eu  parfois 
30  degrés  de  différence  entre  les  indications  du  thermomètre 
sec  et  celles  du  thermomètre  mouillé.  » 

L'itinéraire  que  se  propose  de  suivre  le  docteur  Livingstone 
sera  de  reconnaître  le  Rovuma  (ou  Lovuma),  qui  a  déjà  été 
remonté  jusqu'à  150  milles  de  son  embouchureé  Tout  permet 
d'espérer  <|u'on  trouvera  sur  le  cours  de  ce  fleuvç  un  haut 
pays  convenable  pour  l'établissement  d'une  station  eurqpéenne. 
Il  sera  nécessaire  d'emmener  de  l'Inde  quelques  buffles^  car 
on  ne  rencontre  pas  de  bêtes  de  somme  dans  la  portion  de 

(1)  M™<^  Baker,  la  courageuse  iBompagne  de  Samuel  Baker,  fut  cepea- 
daat  frappée  d'un  coup  de  soleil  eo  traversant  la  rivière  Somerset, 
entre  le  Victoria  Nyaoza  et  Mwatanzigé  (Âlbert-Nyanza]  ;  mais  il 
importe  d'ajouter  que  les  voyageurs  étaient  alors  dans  les  conditions 
d'humidité  qui,  d'après  le  docteur  Livingstone,  semblent  nécessaires 
pour  détermiUer  Tinsolation.  {Rédaction,) 


(  220  ) 

TAfrique  sur  laquelle  doit  se  diriger  Livingstone.  En  revanche 
le  pays  est  peuplé  de  bêtes  sauvages,  et  dans  le  Shîré  on  ren- 
contre jusqu'à  800  éléphants  réunis  en  une  seule  troupe.  A  ce 
propos  Livingstone  a  évalué^  d'après  la  quantité  d'ivoire  ap- 
portée sur  les  marchés,  que  la  quantité  d*éléphants  tués  an- 
nuellement devait  s'élever  à  30  UOO.  Le  buffle  sauvage  abonde 
dans  la  région  du  Rovuma  ;  la  piqûre  de  la  mouche  tsé-tsé  ne  lui 
est  pas  funeste  ;  en  sera-t-il  de  même  pour  le  buffle  domestique? 
On  n'ose  guère  l'espérer,  car  aucun  animal  domestique  ne 
peut  vivre  dans  les  régions  où  se  rencontre  la  mouche 
tsé-tsé.  Il  est  assez  remarquable  que  fatal  aux  chevaux, 
aux  bœufs  et  aux  chiens,  cet  insecte  ne  le  soit  ni  aux 
chèvres,  ni  à  l'homme,  ni  au  singe.  La  nature  de  son  poison 
nous  est  inexplicable  encore.  On  a  supposé,  à  une  certaine  épo- 
que, que  ce  n'était  pas  la  mouche  qui  tuait  les  animaux,  mais 
une  plante  dont  ils  auraient  mangé  dans  des  localités  où  abonde 
la  mouche  tsé-tsé.  Le  docteur  Livingstone  raconte,  à  ce  sujet, 
l'expérience  suivante  :  Un  officier  del'armée  des  Indes  qui  l'ac- 
compagnait, se  rendit  avec  un  cheval  de  peu  de  valeur  sur  le  som- 
met d'une  colline  où  abonde  le  tsé-tsé  ;  il  n'y  resta  que  le  temps 
nécessaire  pour  jeter  un  coup  d'œil  sur  le  pays  environnant  et 
attraper  quelques  échantillons  de  la  mouche  ;  il  ne  permit  pas 
au  cheval  de  rien  manger ,  et  dix  jours  après  celui-ci  suc- 
comba. Sur  l'homme  le  tsé-tsé  ne  produit  pas  plus  d'effet 
que  le  moustique. 

«  J'ai  deux  buts,  a  dit  en  terminant  le  docteur  Livingstone  : 
le  premier  est  de  tenter  d'établir  dans  cette  partie  de  l'Afrique 
une  station  de  missionnaires  et  de  commerçants  honorables. 
L'espace  est  vaste,  presque  entièrement  dépeuplé  ;  on  peut 
cheminer  pendant  des  centaines  de  milles  sans  rencontrer  un 
seul  être  humain  dans  un  pays  aussi  riche  que  l'Inde.  En 
d'autres  parties  sont  des  villages  clair-seaiés,  et  les  chefs  ne  s'op- 
posent point  à  ce  que  les  blancs  y  entrent  et  y  séjournent.  Un 
chef  est  même  plutôt  désireux  d'avoir  et  de  garder  un  blanc 


(  221  ) 

avec  lai;  la  dijBSculté  n*est  pas  de  parvenir,  elle  est  de  revenir. 
Mon  second  but  est  celui-ci  :  la  Société  royale  géographique 
de  Londres  est  désireuse  de  connaître  le  système  hydrogra- 
phique de  cette  partie  du  continent  africain.  Dans  la  partie 
basse  du  pays  sont  plusieurs  lacs  dont  quelques-uns  n'ont  pas 
encore  été  visités.  En  me  dirigeant  à  Touest  du  lac  Nyassa  J'ar- 
rivai en  une  dizaine  de  jours  à  un  petit  lac  nommé  Bemba; 
de  ce  lac  sort  une  rivière,  le  Loapula,  qui  forme  un  second 
et  un  troisième  lac.  Au  sortir  de  ce  dernier,  la  rivière  se  jette 
dans  le  Tanganyka,  découvert  par  fiurton  et  Speke.  Ces  deux 
oflSciers  parvinrent  en  canot  presque  jusqu'à  Tautre  extrémité 
du  lac.  Arrivés  lâi,  ils  apprirent  que  la  rivière  entrait  dans  le 
lac  mais  qu'elle  n'en  sortait  pas.  Peut-être  ont-ils  été  trom- 
pés; il  est  également  possible  que  les  eaux  de  ce  lac  s'écou- 
lent dans  le  lac  découvert  par  Baker  et  qui,  selon  ce  voyageur, 
serait  plus  long  que  le  Nyanza.  Le  lac  vu  pour  la  première 
fois  par  Speke  et  Grant,  le  Vicloria-Nyanza,  coule  dans  le  lac 
de  Baker  et  de  là  dans  le  Nil.  Ce  lac  est  probablement  la  prin- 
cipale source  du  Nil,  mais  le  Tanganika  peut  aussi  se  déverser 
dans  l'Albert-Nyanza,  et  ce  serait  là  une  seconde  source;  en 
fait,  les  lacs  Bemba  et  Moero  peuvent  être  aussi  des  sources 
du  grand  fleuve.  La  recherche  d'une  solution  à  ce  problème 
et  l'exploration  d'une  portion  de  pays  entièrement  blanche 
sur  nos  cartes  constitue  le  second  motif  qui  me  fait  retourner 
en  Afrique.  » 

Le  discours  du  docteur  Livingstone  a  été  suivi  d'une  sous- 
cription publique  qui  a  produit  3000  roupies  (7000  francs). 
Le  gouvernement  anglais  avait  accordé  à  l'illustre  voyageur 
une  somme  de  500  livres  sterling,  et  la  Société  royale  géogra- 
phique de  Londres  lui  avait  assuré  déjà  une  somme  égale. 

(Journal  de  Bombay.) 


(  222  ) 

Voyage  du  professeur  Agassiz  au  Brésil.  -^  la  commis* 
ma  ceotralQ  de  1^  Société  de  géographie,  i^  la  séance  da 
17  novembre  1865,  a  enteada  une  int^^ressante  commauica- 
tion^de  M*  Elisée  Reclus  sur  le  voyage  du  profe^eur  Agaa^is 
daus  rAmérique  du  Sud.  Voici,  d'après  le  NeW"  York-Po^^ 
quelques  nouveaux  détails  sur  cette  exploration  scientifique 
dont  on  peut  espérer  de  précieux  résultats, 

AgassU  et  ses  cuo^gnons,  partis  de  New-York  le  l*'  avril 
1865,  arrivèrent  après  une  traversée  de  trois  semaines»  V  Rio* 
Janeiro,  Aussitôt  qu'Agassiz  eut  été  débarqué,  l'Empereur  le 
fit  prier  de  se  rendre  au  palais,  et  le  savant  reçut  du  souverain 
l'accueil  auquel  son  haqt  mérite  lui  donnait  droit.  Il  faut  rap« 
peler  ici  que  le  nom  d*Àgassiz  était  particulièrement  bien 
connu  au  Brésil  en  1820.  Spix,  le  compagnon  de  voyage  de 
de  Martius  dans  TAmérique  du  Sud^  étant  mort,  de  lMariiu9 
ne  trouva  qu'un  homme  qui  fut  capable  de  coordonner  Tim-' 
portante  collection  de  poissons  brésiliens  que  Spix  avait  ras-r 
semblée  pendant  le  voyage  :  c'était  Agassiz,  alors  fort  jeune, 
ei  qui  écrivit  ^  cette  occasion  son  premier  ouvrage. 

Les  résultats  du  présent  voyage  d'Àgassiz  seront  des  plus 
fructueux.  Quinze  jours  après  son  arrivée  au  Brésil,  l'illustre 
géologue  découvrait  la  preuve  d'une  assertion  qu'il  avait  émise 
avant  de  quitter  New^York,  savoir,  qu'à  une  époque  fort  re- 
culée les  glaciers,  les  grandes  rivières  de  glace  et  les  plaines 
mouvantes  existaient  sur  le  territoire  de  cette  contrée  anjoqr*- 
4'bui  tropicale.  Il  a  trouvé,  sur  les  montagnes  couvertes  de 
palmiers,  près  de  Rio^Janeiro ,  des  blocs  erratiques  et  des 
dépôts  laissés  par  des  glaciers,  comme  en  Suisse,  en  Norwége 
et  en  Suède. 

Au  point  de  vue  commercial,  l'exploration  dirigée  par  Agas- 
siz a  confirmé  la  notion  qu'on  avait,  qu'il  existe  au  Brésil  des 
houilles  de  l'époque  carbonifère.  Jusqu'à  présent  ce  pays  a 
importé  à  grands  frais  tout  son  charbon  d'Angleterre  ;  mais 
il  y  a  quelques  années  qu'un  géologue  anglais,  M.  Nathan 


(  388  ) 

Plant,  a  trouvé  sur  les  bords  sudrouest  dv  Rio-Grande-do-Sul 
de  graodf»  quantités  de  houille  qu'Agaasii;  a  déclarée,  d'après 
les  fossiles  qui  y  sont  contenus,  être  d'une  très-bonne  qualité 
et  destinée  à  augmenter  beaucoup  les  richesses  du  pays. 

L'expédition,  en  juin  et  juillet,  s*est  partagée  ep  plusieurs 
compagnies  :  deux  ont  exploré  rintériear,  tandis  qu'une  autre, 
flous  la  direction  d'Àgassiz  lui-^même,  parcourt  le  fleuve  des 
Amazones  et  ses  affluents  sur  un  steamer  mis  par  l'empereur 
du  Bréffll  è  la  disposition  du  professeur. 

Climat  de  la  Nouvelle-Zélande^  —  Le  docteur  Julius 
Haast,  géologue  de  la  province  de  Ganterbury  à  la  Nouvelle- 
Zélande  passe   depuis    plusieurs   années  sa   saison  d'été  à 
explorer  les  montagnes  de  l'île  méridionale  de  cette  belle  colo- 
nie. A  son  retour  il  adresse  au  conseil  provincial  un  rapport 
étendu  sur  le  résultat  de  ses  recherches,  La  série  de  ces  rap- 
ports offre  une  riche  collection  de  faits  géographiques  et  Témi- 
nent  géologue  a  tous  les  droits  possibles  à  la  gratitude  de  la 
science.  Dernièrement,  dans  une  réunion  publique,  le  docteur 
J.  Haast  a  fait  le  récit  de  son  dernier  voyage  à  la  côte  occi- 
dentale de  l'île  méridionale,  dont  la  province  de  Canterbury 
occupe  à  peu  près  le  milieu.  Voici,  d*après  le  Canterbury 
Times,  quelques  passages  de  ce  récit  ;  a  Depuis  qu'un  premier 
explorateur  a  mis  le  pied  sur  la  côte  occidentale  pour  y  déQQtlvrir 
des  gisements  aurifères,  on  n'a  pas  cessé  de  se  préoccqper  de 
la  question  de  la  différence  entre  les  quantités  de  pluie  qui 
tombent  sur  l'un  et  sur  l'autre  des  versants  alpins  de  la  Nou- 
velle-Zélande. iMalheureusement  on  n'a  pas  encore  de  données 
suffisantes  pour  déterminer  avec  précision  la  différence,  en 
pouces,  des  volumes  d'eau  qui  tombent  sur  les  deux  versants, 
toutefois,  les  excellentes  observations  faites  en  1863  par  le 
docteur  Hector,  pendant  un  espace  de  sept  mois  (du  1**'  juin 
au  31  décembre  (l)^font  voir  qu'il  tombe  dans  la  partie  sud- 

(1)  Cette  période  correspond,  pour  notre  bémisphère,  à  la  période 
comprise  entre  le  !«'  janvier  et  le  31  Jailiet.  (Rédaction,) 


(  22A  ) 

ouest  de  l'Ile  87  pouces  d*eau  (2"^20],  Undis  qu'il  n*en 
tombe  à  Dunedln  que  23  i/2  pouces  (0,60),  d*où  résulterait 
que  la  quantité  de  pluie  est  plus  de  trois  fois  et  demie  plus 
considérable  sur  la  côte  occidentale  qu'elle  ne  Test  sur  la  côte 
orientale.  Quant  à  la  différence  entre  Ghristchurch  et  Hoki- 
tika,  nous  n'ayons  de  données  certaines  que  depuis  le  29  aTril 
de  cette  année,  époque  à  laquelle  M.  Rochford  a  établi  un 
pluviomètre  dans  la  première  de  ces  deux  villes.  Du  29  avril 
au  3  juin  (i),  c'est-à-dire  pendant  67  jours,  il  est  tombé  à 
Hokitika  36  1/2  pouces  {\^,OkO)  d'eau,  tandis  que  pendant  la 
même  période  la  quantité  de  pluie  à  Ghristchurch,  n'a  été  que 
de  7  1/2  pouces  (0'',19},  c'est-à-dire  environ  un  cinquième 
de  la  première  quantité.  Pendant  toute  Tannée  1866  la  quan- 
tité de  pluie  qui  est  tombée  sur  Ghristchurch  s'est  élevée, 
d'après  les  observations  de  M.  Holmes,  à  22,093  pouces 
(O'^fSS).  Si  l'on  prend  comme  base  d'évaluation  les  67  jours  ci- 
dessus,  on  aura  environ  200  pouces  (5,079)  de  pluie  annuelle  à 
Hokitika,  ou  neuf  fois  la  quantité  de  pluie  qui  tombe  dans  |la 
même  période  sur  Ghristchurch. 

La  quantité  de  pluie  qui  tombe  annuellement  sur  le  nord- 
ouest  de  l'Amérique  est  de  80  pouces  (2*°, 03)  ;  à  Bergen,  en 
Norwége,  elle  est  de  83  pouces  (2", 10)  ;  à  Goïmbra,  en  Por- 
tugal, de  110  pouces  (2<",79);  à  "Westmoreland  elle  s'élève  à 
134  pouces  (3'',40).  D'après  les  travaux  classiques  de  Darwin 
sur  ce  sujet,  nous  savons  qu'il  tombe,  à  la  côte  occidentale 
d'Amérique,  à  peu  près  cette  dernière  quantité  de  pluie.  Les 
côtes  occidentales  de  l'Amérique,  ainsi  que  celles  de  la 
Nouvelle-Zélande,  sont  couvertes  d'épaisses  forêts  qui  favorisent 
la  condensation  des  vapeurs  et  la  pluie. 

Sur  le  versant  oQcidental  des  Alpes  de  la  Nouvelle-Zélande, 
la  limite  de  la  neige  perpétuelle  se  maintient  très-bas  (àquel- 

(1)  Pour  notre  hémisphère,  du  29  septembre  au  3  novembre.  {Ré- 
daction^) 


(  225  ) 

que  chose  comme  6500  pieds,  aux  environs  du  mont  Cook), 
par  suite  de  Tégalité  et  de  Thumidité  du  climat;  comme, 
d'autre  part,  la  chute  de  la  neige  et  la  condensation  des  va- 
peurs sont  activées  dans  les  hautes  régions  où  les  courants 
équatoriaux  se  heurtent  aux  surfaces  froides  des  Alpes,  on  voit 
que  la  côte  occidentale  de  la  Nouvelle-Zélande  est  dans  des  con- 
ditions propres  à  favoriser  la  formation  des  grands  glaciers,  et 
leur  allongement  jusqu'à  un  niveau  inférieur  à  celui  qu'ils 
atteignent  sur  la  côte  orientale. 

La  différence  qui  existe  à  ce  point  de  vue,  entre  les  deux  ver- 
sants delà  grande  chaîne  centrale,  est  bien  indiquée  par  le  grand 
glacier  Tasman  qui,  beaucoup  plus  considérable  que  le  glacier 
François-Joseph,  ne  descend  pourtant  que  jusqu'à  2nU  pieds 
au-dessus  du  niveau  de  la  mer,  tandis  que  le  glacier  François- 
Joseph  s'étend  jusqu'à  2000  pieds  plus  bas,  c'est-à-dire  jus- 
qu'à 705  pieds  au-desstis  de  la  mer.  Il  est  juste  de  dire  que 
l'espèce  de  vaste  cuvette  dans  laquelle  s'accumulent  les  quan- 
tités de  neige  qui  donnent  naissance  à  ce  glacier,  est  abritée  du 
soleil  par  le  mont  de  la  Bêche  et  ses  contre-forts,  et  que  le  gla*- 
cier  est  dans  des  conditions  favorables  pour  s'étendre  jusqu'à 
un  niveau  où  croissent  les  fougères  arborescentes,  les  pins  et 
d'autres  plantes  des  terres  basses.  Si  maintenant  nous  compa- 
rons la  position  de  ce  glacier  avec  celle  de  glaciers  de  l'Amé- 
rique du  Sud,  nous  observerons  que  des  montagnes  moins 
élevées  que  nos  Alpes  méridionales,  et  cela  même  dans  des 
latitudes  correspondant  à  l'extrémité  nord  de  l'île  Stewart, 
soit  à  environ  46*^, 50^  d'après  Darwin,  prolongent  jusqu'au 
niveau  de  la  mer  la  face  terminale  d'immenses  glaciers  dont 
les  fragments  détachés  par  l'effort  des  vagues  sont  emportés  au 
loin  en  énormes  montagnes  de  glace.  Il  résulte  de  là  que  les 
'conditions  d'humidité  ou  d'abaissement  de  la  ligne  des  neiges 
perpétuelles  doivent  être  plus  accentuées  entx)re  dans  l'Amé- 
rique du  Sud  qu'elles  ne  le  sont  en  Nouvelle-Zélande,  où  le 
voisinage  de  l'Australie  et  de  la  Tasmanie  exerce  certainement 

IX.    FÉVRI£R-HARS.  10.  16 


(  226  ) 

ane  influence  modératrice  qui  n'existe  pas  pour  la  Terre  de 
Feu.  D'observations  faites  dans  ces  régions  et  dans  diverses 
autres,  il  résulte  que  l'abaissement  de  la  ligne  des  neiges  per- 
pétuelles ne  dépend  pas  de  la  température  moyenne  de  Tannée, 
mais  de  la  température  basse  de  l'été  (1). 

à  Christchurch,  ta  température  moyenne  de  l'été,  d'après 
les  observations  faites  en  i86/i,  est  de  M""  i/h  Farenheit 
(IB^'ylS  centigrades)  ;  le  Ciel  y  est  généralement  clair  et  sans 
nuages  ;  mais  il  est  évident  qu'à  la  côte  occidentale  il  l'est 
beaucoup  moins  et  que  la  pluie  y  est  fréquente,  ce  qui  ex- 
plique l'abaissement  de  la  ligne  des  neiges  persistantes  dans 
les  Alpes  de  l'ouest;  mais  je  pense  que  la  température 
moyenne  annuelle  n'est  pas,  sur  la  partie  occidentale  de  l'île, 
inférieure  à  ce  qu'elle  est  à  Ghristchurcb,  où  elle  a  été  de 
53°  3/a  Farenheit  (ll'>,79  centigrades)  avec  une  température 
moyenne  de  61*  Farenheit  (16'', 11  centigrades)  pour  les  mois 
d'été,  et  de  hU^  i/ti  Farenheit  (6^,71  centigrades)  pour  les 
mois  d'hiver  ;  la  température  plus  élevée  de  l'hiver  à  la  côte 
occidentale  compense  sans  doute  la  basse  température  d» 
l'été. 

La  position  du  glacier  François-Joseph  est  à  peu  près  par 
/t3'  35'  qui  correspond,  pour  l'hémisphère  septentrional,  à  la 
latitude  de  Pau  ou  de  Marseille,  en  France,  et  de  Livourne, 

(1)  Il  7  a  lieu  de  rapprocher  TassertioD  de  M.  J.  Haastde  Topiiiioii 
émise  sur  catte  matière  par  M.  Renou,  rémioent  secrétaire  de  la 
Société  de  météorologie  de  Paris,  (Compas  rendus  de  V Académie  d£s 
sciences,  t.  LVIII,  n°  8,  22  février  1864.)  «  La  limite  qui  nous  oc- 
cupe est  en  rapport  avec  la  température  de  la  moitié  la  plus  chaude 
de  rannëe,  c'est-à-dire  avec  la  température  des  six  mois  compris  entre 
le  22  avril  et  le  22  octobre.  »  {Pour  la  Nou\)6lle-Zélande,  du  22  no-^ 
^mtbre  au  22  «mit.)  <x  C'est  ce  qui  m^a  fait  découvrir  la  loi  suivante  : 
dans  toutes  les  contrées  d«  la  terre ,  la  limite  des  neiges  persistantes 
est  raltitode  à  laquelle  ta  moitié  la  plus  chaude  de  Tannée  a  une  tem* 
pérature  ao|«nne  égale  à  teile  de  la  glace  fbndaBie.  »(A^dactioii.) 


(  227  ) 

en  Italie.  Même  dans  les  Alpes  européennes,  qui  sont  à 
quelques  degrés  plus  au  nord,  Taiiitude  moyenne  de  la  face 
terminale  des  plus  grands  glaciers  est  à  environ  /!iOO0  pieds, 
tandis  qu'il  faut  aller  à  20  degrés  plus  au  nord  pour  trouver, 
en  Norvège,  des  glaciers  qui  descendent  aussi  bas  que  le  gla- 
cier François-Joseph.  If  faut,  d'après  Léopold  de  Buch,  pour 
voir  la  face  terminale  des  glaciers  arriver  au  bord  de  la  mer, 
aller  jusqu'à  67"*  de  latitude  septentrionale ,  c'est-à-dire  à 
20  degrés  plus  près  du  pôle  que  dans  l'hémisphère  Sud,  à  la 
Terre  de  Feu. 

Des  tables  météorologiques  qui  sont  à  ma  disposition  me 
permettent  d^ajouter  qu'aucun  climat  en  Angleterre  ne  res- 
semble plus  à  celui  de  Christchurch  que  le  climat  de  Torquay; 
entre  ce  point  et  Christchurch  il  y  a  une  différence  de  tem- 
pérature de  plus  d'un  degré.  Ici  nous  avons  53°  1/&  Farenheit 
11%71  centigrades),  et  là-bas  on  a  52«,10  Farenheit  (11%15 
centigrades) . 

SOCIÉTÉS  DE  GÊOGBâPHIE   ÉTRANGÈRES. 

SOCIÉTÉ   IMPÉRIALE  GÉOGRAPHIQUE  DE  SAINT-PÉTERSBOURG. 

Dans  la  séance  annuelle,  présidée  par  l'amiral  Ltitke,  il  a  été 
donné  lecture  d'une  partie  du  compte  rendu  des  travaux  de  la 
Société  en  1865;  puis  a  eu  lieu  la  distribution  des  médailles 
décernées  par  la  Société.  La  grande  médaille  Constantin  a  été 
donnée  à  l'académicien  G»  de  Helmersen  pour  sa  carte  géologi** 
que  de  la  Russie  d'Europe  ;  carte  sur  laquelle  M.  Semenof  a 
fait  un  compte  rendu  analytique  ;  trois  petites  médailles  d'or 
et  dit  médailles  d'argent  ont  ensuite  été  décernées  aux  auteurs 
de  divers  travaux  géographiques  ou  ethnographiques.  -^  Après 
la  distribution  des  médailles,  M.  Romanovesky  a  donné  lecture 
d'un  mémoire  sur  la  marche  des  investigations  géographiques 
qui  se  poursuivent  dans  le  Turkesun  et  dans  les  steppes  des 
Kirghises  et  il  a  conuQuoiqué  qaekpies  observations  sur  i'im« 


(  228  ) 

portance  que  la  ville  de  Taschkent  peut  acquérir  pour  le  com- 
merce russe  dans  FAsie  centrale.  Ce  mémoire  sera  publié  dans 
la  prochaine  livraison  des  Bulletins  de  la  Société  de  géographie 
de  Saint-Pétersbourg.  [Journal  de  Saint- Pétershmirg.) 

SOCIÉTÉ  BOTALE  GÉOGRArHIQIJE  DE  LONDRES. 

Madagascar.  —  La  Société  royale  géographique  de  Londres 
a,  à  sa  séance  du  1 1  décembre  1 865,  entendu  deux  communica- 
tions relatives  à  Madagascar.  L'auteur  de  la  première  communi- 
cation, le  capitaine  Rook,  a  suivi,  dans  une  légère  embarcation, 
la  chaîne  de  lacs  qui  s'étend  à  la  côte  orientale  de  l'île.  Parti,  en 
août  1865,  du  lac  le  plus  septentrional,  avec  trois  compagnons 
de  route  et  un  équipage  indigène,  le  capitaine  Rook  a  voyagé 
pendant  trente-deux  jours  et  parcouru  environ  l\OQ  milles 
(643  kilomètres)  de  chemin,  tantôt  sur  des  lacs  plus  ou  moins 
étendus,  tantôt  sur  des  canaux  tortueux  et  des  torrents  qui 
reUent  les  lacs  les  uns  aux  autres.  Tout  ce  système  hydrologi- 
que occupe  une  zone  de  basse  terre,  qui  n'est  quelquefois  sé- 
parée de  la  mer  que  par  des  bancs  de  sable.  Pendant  leur 
exploration,  les  voyageurs  ont  rencontré  de  nombreux  villages 
et  plusieurs  grandes  villes,  dont  chacune  pouvait  avoir  1000 
habitants;  le  capitaine  Rook  s'est  arrêté  à  Manzanari.  Les 
voyageurs  ont  été  bien  reçus  par  les  chefs  Hovas  et  ont  vu  peu 
de  terre  cultivée;  les  habitants  leur  ont  paru  indolents,  mais 
d'un  naturel  gai.  Les  rives  des  canaux  et  des  lacs  sont  cou  - 
vertes  d'une  magnifique  végétation  tropicale,  qui,  dans  les  en- 
droits resserrés,  forme  voûte  au-dessus  des  eaux.  A  Manzanari, 
le  capitaine  Rook  a  vu  un  certain  nombre  d'individus  de  la 
tribu  Akongo,  dont  le  territoire  est  situé  vers  le  sud  de  l'île  et 
qui  a  réussi  à  maintenir  son  indépendance  contre  les  Hovas. 
La  capitale  des  Akongo,  située  à  plusieurs  journées  au  S.  O. 
de  Manzanari,  est  située  sur  une  haute  colline  dont  les  flancs 
ont  été  rendus  escarpés  dans  un  but  de  défense* 


(  229  ) 

La  seconde  communication  relative  à  Madagascar  était  due 
au  révérend  Ëllis,  missionnaire  anglican.  Vers  la  fin  de  1861, 
M.  £llis,  sur  l'invitation  du  roi  Radama,  se  rendit  dans  Tinté- 
rieur  de  la  contrée.  En  se  livrant  à  des  explorations  dans  le 
but  de  rechercher  de  la  pierre  à  chaux,  il  a  parcouru  une  par- 
tie de  la  province  d*Ankova,  la  plus  importante  des  vingt-deux 
provinces  de  l'île,  car  c*est  la  province  des  Hovas;  elle  a  150 
milles  (2^0  kilomètres)  de  longueur  et  environ  100  milles 
(160  kilomètres)  de  largeur. 

Cette  contrée  est  montagneuse,  mais  les  élévations  sont  iso- 
lées ou  disposées  en  massifs  plutôt  qu'en  chaînes  continues.  La 
montagne  d*Ankaratra,  au  sud-ouest  d'Ankova,  est  une  des 
plus  hautes  de  Tîle  ;  on  lui  donne  13  000  pieds  d'altitude.  Au- 
cun Européen  et  probablement  aucun  des  indigènes  n'en  a  fait 
l'ascension.  Ces  derniers  disent  pourtant  que  pendant  la  saison 
froide  les  creux  voisins  du  sommet  contiennent  de  la  neige. 
Entre  les  massifs  montagneux  régnent  de  fertiles  vallées  ou  des 
plaines,  dont  quelques-unes,  parfois  d'une  étendue  de  plusieurs 
milles,  sont  souvent  bien  arrosées  et  cultivées  en  riz.  Les  eaux 
de  la  province  d'Ankova  sont  abondantes  et,  bien  que  les  ri- 
vières ne  soient  pas  larges,  elles  sont  rarement  à  sec  pendant 
l'été.  Après  avoir  décrit  les  cours  d'eau  et  les  lacs  de  cette  pro- 
vince, l'auteur  décrit  les  forêts  qui,  riches  en  beaux  bois  de 
charpente,  bordent  la  province  sur  trois  côtés,  tandis  que  le 
district  central  est  presque  dépourvu  d'arbres.  Les  eupkorbias 
et  diverses  espèces  de  ficus  sont  indigènes  :  les  arbres  fruitiers, 
qui  ont  été  introduits  dans  le  pays,  y  viennent  à  merveille.  Les 
bêtes  à  cornes  sont  nombreuses.  Le  bœuf  domestique  est  le 
bœuf  à  bosse  de  l'Inde,  tandis  que  les  vastes  troupeaux  de  bes- 
tiaux sauvages  ont  le  dos  droit. 

Il  y  a  dans  le  pays  d'Ankova  douze  cités  ou  villages  sacrés, 
qui  doivent  cette  qualité  au  fait  qu'elles  ont  été  le  lieu  de 
naissance,  de  résidence  ou  de  sépulture  des  souverains.  La  plu- 
part de  ces  localités  sont  interdites  aux  Européens,  et  bien  que 


(  230  ) 

quelques-unes  soient  considérables,  elles  ne  figurent  pas  sur  nos 
cartes;  en  voici  les  noms  et  les  positions  relatives  :  1®  Alasora, 
à  6  milles  environ  (10  kilomètres)  au  sud-est  de  la  capitale; 
elle  passe  pour  avoir  été  la  première  résidence  des  Hovas  à 
Imerina.  —  2""  Imerinmanjaka,  à  2  milles  (3  kilomètres)  au 
nord-est  de  la  capitale. — 3"^  Ambohitrahiby,  à  1 2  milles  (18  kilo- 
mètres) au  nord-ouest  de  la  capitale.  —  ^"^  Antananarivo,  la 
capitale.  —  5°  Àmbohimanga,  à  10  milles  (17  kilcsnètres},  au 
nord-est  d^Antananarivo;  c*est  la  ville  la  plus  sainte  de  la  pro- 
vince :  c'était  la  capitale  de  la  partie  nord  dlmerina  avant  que 
son  chef  ne  se  fût  emparé  d*Antananarivo.  Elle  contient  le 
temple  dl£aintak,  une  des  divinités  nationales.  Le  souverain 
s'y  rend  une  fois  par  année  pour  assister  et  prendre  part  aux 
cérémonies  en  Thonneur  de  l'idole.  Ambohimanga  contient  les 
tombeaux  des  divers  souverains  et,  en  particulier,  de  la  mère 
du  dernier  roi,  qui  était  aussi  la  tante  de  la  reine  actuelle.  Cette 
place  est  défendue  par  des  fortifications.  —  6^  Ambobitany,  à 
2  milles  1/2  (4  kilomètres)  d' Ambohimanga,  construite  sur 
une  crête  élevée.  C'est  la  ville  de  Ramahavaly,  divinité  plus 
renommée  qu'Infantak,  et  qui  passe  pour  punir,  par  l'inter- 
médiaire des  serpents,  ceux  qui  ont  mérité  sa  colère.   — 
V  Ambohidralrimo,  à  12  milles  (18  kilomètres)  au  nord-ouest 
de  la  capitale;  lieu  de  naissance  de  la  mère  de  Radama  I®^  — 
8°  Ilafy,  à 5  milles  (8  kilomètres  1/2)  N.  N.  E.  delà  capitale  ; 
c'est  le  Ueu  de  naissance  de  la  mère  de  feu  la  reine  Ranavolo  ; 
elle  appartient  à  son  fils  Radama  II.  — 9""  Inamehana,  à  6  milles 
(9  kilomètres),  au  nord-ouest  de  la  capitale,  appartient  à  la 
reine  actuelle.  —  lO""  Ambatofimanjana,  dont  la  position  exacte 
est  inconnue  au  révérend  Ellis.  —  11""  Ambohimanambola 
(le  village  qui  contient  de  l'argent),  à  7  milles  à  l'est  de  la 
capitale;  elle  contient  le  temple  de  la  principale  idole  hovas, 
Ikelimalaza.  —  12''  Ambimalaza,  à  10  milles  (17  kilomètres) 
E.  S.  £.  de  la  capitale.  —  La  croyance  en  l'intervention  de 
l'esprit  des  ancêtres  des  souverains  du  pays  est  une  des  bases 
de  la  religion  malgache. 


(  281  ) 

A  la  suite  de  ces  communicatioas,  diverses  remarques  ont 
été  faites  par  les  assistants.  M.  J.  Grawfurd  a  fait  observer  que 
Madagascar  est,  comme  dimension,  la  troisième  île  du  globe  ; 
elle  vient  après  Bornéo  et  la  Nouvelle-Guinée  ;  elle  est  beaucoup 
plus  grande  que  la  France  et  trois  fois  grande  comme  l'Angle- 
terre et  rÉcosse.  Les  nègres  qui  habitent  Madagascar,  bien 
que  plus  avancés  en  civilisation  que  ceux  du  continent  voisin, 
sont  de  vrais  barbares.  Il  doit  y  avoir  eu  jadis  des  relations 
entre  les  îles  de  la  Malaisie  et  Madagascar.  Le  trajet  des  Malais, 
pour  se  rendre  à  Madagascar,  était  favorisé  par  la  mousson  du 
sud-est;  mais  le  retour  leur  devait  être  totalement  impossible. 
M.  J.  Grawfurd  a  terminé  en  indiquant  un  certain  nombre  de 
termes  employés  à  Madagascar  et  dont  Tétymologie  est  évidem- 
ment d'origine  malaise. 

M.  J.  Kessler  estime,  d'après  des  observations  faites  dans  le 
courant  de  l'année  dernière  à  Antananarivo,  que  cette  ville 
est  placée,  sur  les  cartes,  beaucoup  trop  à  l'ouest  ;  on  y  a  égale- 
ment mal  placé  la  rivière  Ikopa,  qui  se  jette  dans  la  baie  de 
Bombatoko,  à  la  côte  occidentale. 

Quant  à  l'influence  mahométane  dans  l'île  de  Madagascar, 
M.  J.  Kessler  établit  que  la  langue  malgache  comprend  plu- 
sieurs mots  arabes,  et,  en  particulier,  les  noms  des  jours  et 
deux  noms  de  mots  ;  le  dictionnaire  malgache  compte  aussi 
quelques  mots  sanscrits,  arrivés  soit  directement,  soit  par  les 
Malais,  quelques  mots  hébreux,  plusieurs  mots  français  et  un 
petit  nombre  de  mots  anglais.  M.  J.  Kessler  pense  que,  ^ans 
l'étude  minutieuse  de  l'idiome  des  Hovas,  on  trouverait  des 
indices  relativement  à  leur  provenance  et  au  chemin  qu'ils  ont 
suivi  pour  arriver  à  Madagascar. 

M.  Ellis  exprime  l'opinion  que  trois  races  se  sont  mélangées 
pour  constituer  la  population  actuelle  de  Madagascar:  l'une  est 
venue  de  la  côte  occidentale  d'Afrique,  la  deuxième  de  l'archi- 
pel Malais,  la  troisième  enfin  serait  de  provenance  inconnue. 
L'influence  arabe  peut  s'être  exercée  dans  une  certaine  mesure 


(  23!2  ) 

avant  que  I*île  ne  fût  connue  des  Européens,  et  quelques  usages 
du  peuple  semblent  avoir  une  origine  mahométane  ;  Majamba 
et  quelques  autres  points  de  la  côte  occidentale  sont  encore  la 
résidence  d*un  certain  nombre  de  commerçants  mahométans, 
mais  cette  influence  a  beaucoup  diminué  depuis  un  siècle. 
M.  Ellis  a  des  renseignements  qui  lui  permettent  d'indiquer  la 
côte  sud-est  comme  ayant  été,  plus  que  toute  autre  partie  de 
111e,  habitée  par  des  Arabes;  du  reste,  aucun  des  indigènes 
avec  lesquels  il  a  été  en  relation  n'était  capable  d'écrire  ou  de 
parler  l'arabe  ;  les  traditions  que  M.  Ellis  a  consultées  lui  ont 
révélé  ce  fait,  que  l'arabe  n'était  employé  que  pour  les  besoins 
du  trafic  et  ne  s'était  point  répandu  dans  la  population  indi- 
gène. 


Dans  le  numéro  d'avril  du  BuUetin,  nous  donnerons  le  résumé  de  la 
communication  adressée  à  la  Société  de  géographie  de  Londres  par 
M.  Dacbaillu,  à  la  suite  de  son  voyage  à  la  céte  occidentale  d'Afrique. 

{Rédaction,) 


ERRATA 


Page  64,  ligne  9,  après  remarques, 

—  '65    —    27,  au  lieu  de  Foncancoort  lisez  Foocaucourt. 
-^66    —    17        —        Guetierrei  lisez  Gotierrez. 

—  66    —    22        —        Regnault  Itsejsr  Reynaud. 

—  68    —    1,  après  Bonneau  lisez  Bourdiol. 


(  283  ) 


OUVRAGES  OFFERTS  A  LA  SOCIÉTÉ 


SÉANCES    DE   FÉVRIER-MARS    1866. 


EDROPE. 

Aperçu  général  sur  le  groupe  des  ties  Baléares  et  leur  végétation, 
par  M.  Paul  Mares,  1865. 1  feuille  in-8°.  M.  Paul  Mares. 

Rapport  sur  les  résultats  d*une  mission  dans  les  archives  d'Espagne 
et  de  Portugal,  par  M.  Alfred  Demersay.  Paris,  1865.  1  brocb. 
grand  in-S**.  M.  Alfred  Demkrsat. 

Jahrbnch  des  Sch'weizer  Alpenclub.  Zireiter  Jahrgang  1865.  Bern, 
1865.  1  vol.  in-8^  —  Jahrbuch  des  Scbweizerischen  Alpenclub, 
6  feuilles. 

ASIE. 

Alcuue  notizie  raccoUe  in  uno  Yiaggio  à  Bucara  da  Modeste  Gàvazzi. 
Milano,  1865.  1  vol.  in-8^  M.  Modbsto  Gavazzi. 

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Geschichte  der  Erdkunde  bis  auf  A.  v.  Humboldt  und  cari  Rilter 
von  Oscar  Peschel.  Muncben,  1865.  1  vol.  in-8*. 

M.  Oscar  Peschel. 

Les  illustres  voyageuses,  par  M.  Richard  Cortambert.  Paris,  1866. 
1  vol.  in- 8®.  M.  Richard  Ck>RTAMBERT. 

Sur  la  possibilité  d*atteindre  le  pôle  Nord,  cause  de  i*insuccès  des 
tenUtives  antérieures,*  expédition  projetée  en  Angleterre  et  en 
Allemagne,  par  M.  Charles  Martins.  Paris,  1866. 1  broch.  in-8<>. 

M.  Charles  Martims. 

Résultats  de  crAniométrie,  par  le  docteur  Pruner^Bey.  Paris,  1  broch. 
in-8°.  D'  Prohbr-Bky. 


(  9.84"  ) 

Annuaire  da  Cosmos,  8"  année.  Paris,  i866.  1  yoI.  in>12^ 

M,  Tramblat. 

Meteorologische  Beobachtnngen  an  der  kônigUchen  Universitâts- 
Sternwarte  za  Christiania,  1837-1863.  1  vol.  in-4*. 

Meteoroiogiske  Jagttagelser  paa  Christiania  Obseryatorinm  1864. 
1  broch.  in-4^  Christiania,  1865. 

Les  grandes  puissances  maritimes  dans  Teitrème  Orient,  par 
M.  Casimir  Delamarre  fils.  Article  du  journal  la  Patrie,  22  féyrier 
1865.  M.  Casimir  Delamarre. 

ATLAS  ET  CARTES. 

Carte  géologique  de  la  terre,  par  Jules  Marcou,  construite  par 
J.  M.  Ziegler.  Échelle  1/23,000,000".  Winterthur,  1861. 
8  feuilles.  M.  Jules  Marcou. 

Geological  map  of  New  Meiico  by  Jules  Marcou,  1857.  Échelle 
1/900,000®.  1  feuille.  M.  Joles  Marcou. 

Karte  vom  Kdnigreiche  Hannoyer,  Herzogthume  Braunschweig  ond 
Oldenburg,  bearbeitet  und  herausgegeben  vom  Kôniglich  Hanno- 
verschen  Generalstabe.  4  feuilles.  Échelle  1/250,000*.  Hannover, 

1 863.       GÉNÉRAL  SiCHART,  CHEF  D'BTAT-MAJOR  DE  L'ARMÉE  HANOVRIENNB. 

Karte  von  Bosnien  der  Hercegovina  nnd  des  Paschaliks  von  Novibazar 
auf  Anordnung  der  Raiserl.  Kônigli.  Gênerais  tabès  nach  den 
neuesten  Quellen,  und  mit  Ausuahme  der  Kraioa  an  Ort  und 
Stelle  gesammelten  topografischen  Skizzen  entworfen  und  gezeich- 
net  von  Hauptmann  Roskiewicz  des  Grlstabes.  Mit  Theilen  der 
angrenzenden  Provinzen  enganzt  und  lithografirt  im  Mrlitar- 
geografischen  Institute.  Wien,  1865.  4  feuilles. 

GÉIÉRAL  DI  FliGELT,  OIRECTKUH  de  l'institut  MILITAII19 
GBOGBAPBIQOE  DB  ViBIlHE. 

Carte  de  la  Hongrie  à  1/144,000"  exécutée  à  rioititut  mflitaire 
géographicfue  de  Vienne,  d'après  les  levés  de  FÉtat-major  autrichien, 
feuilles  d'épreuve  n°'  3«  3,  15,  25,  26,  35  et  49. 

GÉNÉRAL  DB  FlIGELT. 


(285  ) 

Carte  de  la  Valachie  à  1/^88  000<»  exécutée  à  l'Institat  militaire  géo- 
graphique de  Vienne,  d'après  les  le?és  de  TÉtat -major  autrichien, 
feuilles  d*épreuYen^"  3  et  4.  GiNàiAL  de  Fu«bly. 

Carte  de  TEmpire  d'Autriche,  par  le  Lieutenant-Colonel  de  Scheda, 
à  1/576  000«  feuilles  n»»  7,  H,  12,  15  et  17. 

Le  LmUTENANT-GOLONEL  DE  SCHEDA. 

Atlas  zur  industrie  und  Handelsgeographie  fur  commercielle  und 
technische  Lehranstalten,  fur  Kaufleute  und  Industrielle.  Miterlâu- 
terdem  Teite.  Ton  docteur  V.  F.  Klun  und  docteur  Henry  Lange» 
Leipiig,  1865.  2  livraisons.  M.  le  doctbub  Henet  Lange. 

Carte  des  tles  Spitzberg,  réduction  au  quart  de  la  carte  de 
MM.  N.  Dunér  et  A.  E.  Nordensk]$ld,  par  T.  A.  Malte-Brun. 
1866.  1  feuille.  M.  V.  A.  Malte-Beok. 

Carte  du  grand  lac  Albert  N^janza  et  des  routes  qui  ont  conduit 
Samuel  White  Baker  à  sa  découverte  en  1864.  Réduction  de  la 
carte  originale  anglaise  des  Proceedings  sous  la  direction  de 
M.  V.  A.  Malte-Brun.  1865.  1  feuille.      M.  Y.  A.  Malte-Beun. 

Sketch  of  the  récent  discoveries  on  the  Northern  coast  of  Americ  a 
by  captain  M""  Glintock  in  search  of  sir  John  Franklin.  1  feuille. 

M.  Madnoiba 


(  236 


; 


MÉMOIRES  DES  ACADÉMIES  ET  SOCIÉTÉS  SAVANTES, 
RECUEILS  PÉRIODIQUES. 


Zeitschrift  fur  allgemeine  Erdkmde.  N»»  145  à  147. 

N<*  145.  Itinéraire  de  H.  Palgrave  dans  PArabie  centrale,  avec 
une  carte  de  H.  Kiepert.  —  Aperçu  des  voyages  du  docteur  A.  Bers- 
tein  dans  les  parties  orientales  des  Moluques,  1 860-03.  —  Meinicke. 
Les  derniers  voyages  dans  les  parties  orientales  de  TAustralie  cen- 
trale. —  Traces  de  Teipédition  du  docteur  Leichhardt.  —  Le  lac 
Copaïs.  —  Statistique  de  la  province  de  Mendoza.  —  Population 
de  la  Prusse  au  3  décembre  1864.  —  Le  canal  de  jonction  de  la 
mer  du  Nord  et  de  la  Baltique.  ---  Critique  littéraire.  —  Société 
de  géographie  de  Berlin,  10  Juin. 

N"  146.  W,  SchuUz»  Habitudes,  mœurs  et  usages  des  arbori- 
gènes  de  TAmérique  centrale.  —  Meinicke.  Les  derniers  voyages 
dans  r Australie  centrale  {suite),  —  Moritz.  Altitude  de  Kazbek. 
—  Haentsche.  Divisions  politiques  du  Talidj.  —  Nouvelle  détermi- 
nation astronomique  dans  TArabie  centrale.  —  Extrait  d'une  lettre 
du  baron  de  Decken.  —  Sur  le  courant  froid  de  la  côte  occidentale 
d'Afrique.  —  Critique  littéraire.  —  Société  de  géographie  de 
Berlin,  8  juillet. 

Zeitschrift  der  Deutschen   Morgenlândischen  Gesellschaft.  T.  XIX, 
cah.  1-2. 

A .  Rapp.  La  religion  et  les  usages  des  Perses  et  des  autres  Ira- 
niens, diaprés  les  sources  grecques  et  romaines.  —  L'inscription 
phénicienne  de  Marseille,  avec  un  fragment  d'inscription  nouvelle- 
ment découvert  à  Cartbage;  traduits  et  commentés  par  E,  Meier, — 
J.  Euting,  Notices  sur  les  manuscrits  mandéens  ou  sabiens  de  la  Bi- 
bliothèque impériale  de  Paris  et  du  British  Muséum.  —  Max  MiUler» 
Catalogne  alphabétique  des  Oupanichads.  —  E.  Osiander.  Notes 
posthumes. sur  les  antiquités  himyarites;  éditées  par  A.  Lévy*  — 


(  237  ) 

Quelques  remarques  sur  HDScriptiou  (rilÎDgue  de  SardaigDe.  — 
Notices,  etc.  —  Notices  bibliographiqaes. 

Bévue  orientale  et  américaine,  N*''*  54  et  55. 

Â.  Bonté.  Recherches  faites  et  à  faire  sur  I^origine  de  la  race 
mexicaine  indigène  (3^  article).  —  J.  Ferez*  Mémoire  sur  les  rela- 
tions des  anciens  Américains  avec  les  peuples  de  TEurope,  de  TAsie 
et  de  l'Afrique.  —  Martin  de  Moussy.  De  Tunité  de  la  race  améri- 
caine. —  J.  Smith.  Notice  sur  la  langue  tarasca.  —  Critique  litté- 
raire et  bibliographie. 

Fr.  Lenormant.  Les  pâtres  valaques  de  la  Grèce.  —  Holmhoë. 
Les  anneaux  à  serment.'—  Schwab.  Abravanel  (fin). —  L.  de  Rosny. 
Sur  quelques  particularités  des  inscriptions  cunéiformes  anarien- 
nes.  —  L.  Rodet.  Voyage  d'Ardjouna  au  ciel  d'Indra,  d'après  la 
version  Javanaise.  —  Umery.  Aperçu  des  langues  monosyllabiques 
de  TAsie  orientale.  —  E.  Beauvois,  Les  populations  riveraines  de 
Tocéan  Glacial. 

Actes  de  la  Société  d*etnogr aphte.  N<*  7. 

Revue  de  V Orient,  Octobre-novembre-décembre  1864.  in-8°. 

Octobre'novembre.  J.  B.  Emin,  de  Moscou,  Recherches  sur  le 
paganisme  arménien.  —  Garcin  de  Tassy,  Un  chapitre  de  This- 
toire  de  Tlnde  musulmane  (suite).  —  L'àbbé  Delamare.  Annales 
chinoises  de  la  dynastie  Min. 

Décembre.  Garcin  de  Tassy.  Un  chapitre,  etc.  (fin).  —  L'abbé 
Delamarre.  Annales,  etc.  (suite). 

Bulletin  de  la  Société  impéiHak  d'acclimatation,  2*  série,  t.  I*f,n«*  10, 
11  et  12,  octobre  à  décembre  1864.  T.  II,  n.  1,  janvier,  ln-8'. 

Annuaire  delà  Société  météorologique  de  France.  Octobre,  novembre 
et  décembre  1865.  Mars  1866. 

Décembre.  Ch.  Ritter.  Considérations  sur  les  caractères  et  les 
causes  des  variations  périodiques  et  séculaires  de  quelques  condi- 
tions et  phénomènes  météorologiques  du  globe. 

Mars.  P.  Mares.  Nivellement  barométrique  dans  les  provinces 
d'Alger  et  de  Constantine. 

Btt^tn  de  la  Société  géologique.  Juin  1864. 


(  288  ) 

Annales  hydrographiquei  1864,  3*  trimestre,  iD-8^ 

Capitaine  Kergrist,  Traversée  de  la  corvette  à  vapeur  le  cTAssaSy 
de  Toulon  à  Valparaiso.  —  Lient.  Chardonneau.  Renseignemeota 
sur  le  Yang-tze-kiang.  —  Renseignements  géographiques,  ethno- 
graphiques, etc.,  sur  quelques  lies  de  l'océan  Pacifique,  par  le 
Rév.  Gulick;  traduit  de  Tanglais  par  Â.  Le  Gras.  —  Instructions 
générales  de  Tamirauté  anglaise  pour  les  levés  hydrographiques.  — 
Eau  de  rOcéan. 

Archives  des  missions  scientifiq%*es  et  littéraires.  2*  Série,  t.  !•',  1*'  faa- 
cicule,  in-8®. 

BotUan,  Mémoire  sur  la  Triphylie,  avec  un  plan. —  Basin.  Mé- 
moire sur  rÊtolie,  avec  une  carte. 

Le  Tour  du  Èéonde.  ^•*  268  à  274. 

N*  258-261.  Voyage  en  Espagne,  par  lillf.  GtM*  Doré  et  Ch.  t)a- 
villier  (suite). 

N**"  262,  263.  Voyage  à  Tunis,  par  M.  Am.  CrapeleL 

N^'  264-267.  P.  Lancelot,  De  Paris  à  Bucharest,  causeries  géo- 
graphiques. 

N<>"  268-274.  G.  Lejean»  Voyage  au  Taka  (haute  Nubie). 

N<»  272  à  276.  P.  Marcoy.  Voyage  de  Tocéan  Pacifique  à  To- 
céan  Atlantique,  k  travers  PAmérique  du  Sud. 

Annales  de  la  propagation  de  la  foi.  ^^*  218  et  2id,  janvier  et  mars 
1865. 

Afrique  orientale.  Lettre  de  M<'  MasM/ya^  vicaire  apostolique 
des  Gallas.  ^  Chine.  lieilres  de  M^'  VsrroiUes.  ^  De  W*  Faurie. 
Du  R.  P.  Lébourcq. 

Mars,  Dahomey.  Lettre  de  M«'  Borghero,  —  La  Bulgarie.  — « 
Tong-king.  Lettre  du  père  Estevea,  —  L^Hindoustan.  Lettre  de 
M.  Tagîiabue.  —  Nouvetle-Câlëdonle.  Lettre  du  P.  Poupinel. 

Journal  des  Missions  évang4iiqu$Sm  Novembre  et  décembre»  Janvier 
à  mars  1865» 

Lettres  de  TAfrique  méridionale.  —  De  Plnde.  -<  De  la  Nou- 
velle-Zélande.— Du  Sénégal.— De  Talti. — De  l'Amérique  du  Nord, 
—  De  Madagascar.  —  De  la  Côte  d*Or,  etc. 


(  289  ) 

Afinaks  du  conmeroe  $36téri9wr.  N««  1571  à  ISTS,  18T4  à  1580^ 
1581  à  1585,  1586  à  1591,  1592àl596«  1597  à  l600;  Novem- 
bre «t  décembre  1864>  janvier,  février  et  mars  l865« 
No  1595.  Perse.  Renseignements  sur  sa  situation,  etc. 

Bibliothèque  wiherselle  et  Revue  suisse.  Archives  des  sciences  physi- 
ques et  naturelles.  Janvier  et  février  1865,  in-8°. 

Février.  J.L.  Ëtirckhardt  (scheik  Ibrahim). -Ëltrait  et  traduit  de 
la  galerie  des  Célébrités  suisses  contemporaines. 

Journal  des  savants.  Novembre,  décembre,  janvier,  février,  mars. 

Novembre.  L'Étmrie  et  les  Étrusques,  par  Noei  des  Vergers  (arti- 
cle de  M.  Beulé).  —  Histoire  du  règne  de  Pierre  le  Grand,  etc. 
(3<*  article  de  M.  Mérimée).  —  De  Tétat  actuel  du  Japon  (1®'  article 
de  M.  Barthélémy  Saint- Hilaire)» —  D(  Tunité  de  composition,  etc. 
5^  article  de  M.  Flourens). 

Décembre.  —  Le  Japon,  etc.  (2*  art.  de  AI.  Barthélémy  Saint- 
Bilaire).  —  Pierre  le  Grand,  etc.  (*•  article  de  M*  Mérimée).  — 
Mazarin  et  Richelieu  (4®  article  de  M.  Cousin). 

Janvier  1865.  Li  livros  dou  Trésor,  par  Brunetto  Latini,  publié 
par  P.  Chabaille  (article  de  M.  Littré).  ^  Mazarin  et  Richelieu,  etc., 
ft«  article.  **^  Le  Japon,  etc.,  3*  article.  -^  L*Étrarie,  etc.,  2*  ar- 
ticle. 

Février.  Pierre  le  Grand,  etc.,  (5®  et  dernier  article).  —  Hugues 
Capet,  chanson  de  geste,  etc.  (article  de  M*  Littré).  —  Saint  Mar- 
tin, le  Philosophe  inconnu,  etc.  (4*^  article  de  M.  Franck). — Maza-** 
rifi  et  Richelieu,  «te»  (6^  arti^a). 

Mars.  Considérations  sur  l'histoire  de  la  médecine,  par  M«  Claude 
Bernard  (1*"  article  de  M.  Chevreul).  —  Le  Japon,  etc.  (4«  article 
de  M.  B.  Saint-Hilairé),  —  V.8  Étrusques,  etc.  (  5®  article  de 
M.  Beulé}*  -^  Gomicorom  reliquia»  etc.  (artieU  de  M*  Patin)^ 

Bulletin  de  la  Société  centrale  d'agriculture  de  Nice.  1864,  S*'  et  4*  tri- 
mestres, juillet-septembre,  octobre-décembre.  In-8^. 

Mémoires  de  la  Société  impériale  des  sciences  de  Cherbourg.  T.  X. 
Cherbourg,  1864,  in-S*". 
H.  Jouan.  Remarquei  météorologiquei  et  nautiques  faites  ^     • 


(  240  ) 

daat  UQ  Yoyage  de  France  à  la.  Nouvel le^^lédonie  et  dans  la  partie 
S.  0.  de  rocéan  Pacifique.  —  Da  même.  Note  sur  les  bois  de  la 
Nouvelle-Zélande.  —  Du  même.  Additions  à  la  faune  de  la  Nou- 
Telle-Calédonie. 

Tramux  de  VÀcadémie  impériale  de  Rûims.  T.XXXVIII,  1862-1863. 
Reims,  1864,  1  vol.  in-S"  avec  planches. 

Givelet.  Le  Mont-Notre-Dame,  histoire  et  description.  —  Cheys- 
son.  Rapport  sur  Thistoire  de  Tarchlpel  Havaïen,  de  M.  Jules 
Rémy. 

Mémoires  de  laSociélé  d*agricuUure,  commerce,  otc,  du  département 
de  la  Marne,  1864.  Ghâlons-snr-Marne  (1865),  in-8^ 

Cosmos,  Revue  encyclopédique  hebdomadaire.  T.  XXV,  n*'  25  et  26, 
décembre  1864.  Nouvelle  série,  t.  I,  d°^  1  à  13,  janvier,  mars, 
1865;in-8^ 

Presse  scientifiqw  des  deux  mondes.  1865,  n«*  1,  2  et  7  ;  in-8^. 

Les  mondes.  Revue  hebdomadaire  des  sciences.  Par  M.  Tabbé  Moigno. 
3«  année.  T.  VII,  n"  1  à  13. 

Revue  de  Vinslruction  publique;  n'**  32  à  52,  10  novembre-30  mars. 

25®  année,  16  avril. 

» 

Journal  d'éducation  populaire.  Novembre  et  décembre  1864 ,  Jan- 
vier 1865. 

La  correspondance  littéraire»  Novembre  et  décenibre  1864,  janvier  et 
février  1865;  in-8^ 

VJsthmedeSuez.  N»'  202  à  211,17  novembre  1864.  !•'  avril  1865. 

Société  des  ingénieurs  civils.  Bulletin  des  séances.  Octobre  à  décembre 
1864,  janvier  et  février  1865;  in-8^ 


Parie—  Imprimerie  de  £.  Martinet,  rue  Mignon,  2. 


BULLETIN 


DE   LA 


SOCIÉTÉ  DE  GÉOGRAPHIE 


AVRIL    1866. 


Méiiioircii,  Notices,  etc. 

SUR  LE  DROIT  B/LEN 

A  PROPOS  DU  LIVRE 

DE  M.  WERNER  MUNZINGER 

INTITULÉ 

LES  MŒURS  ET  LE  DROIT  DES  BOGOS(*> 


Il  y  a  déjà  longtemps,  Messieurs,  que  j'ai  promis 
de  vous  entretenir  de  cet  ouvrage,  et  ce  retard  pro- 
longé aurait  rendu  bien  vaine  ma  prétention  de  vous 
en  parler  aujourd'hui,  s'il  s'était  agi  d'un  de  ces  livres 
éphémères  qui  reflètent  à  la  hâte  de  fugitives  impres- 
sions de  voyage  pour  retomber  bientôt  dans  le  vaste' 
abîme  de  l'oubli.  Heureusement  pour  moi,  la  modeste 

(1)  Ueber  die  Sitlenund  dos  Rechi  derBogos^  ia-8*,  xiv*''9G'^pages 
XI.   AVRIL,   i.  16 


(  242  ) 

brochure  de  M.  Munzioger  a  une  portée  bien  plus  haute 
car  elle  révèle  au  public  tout  un  ordre  de  recherches 
trop  négligé  par  les  voyageurs  qui  cherchent  à  esquis- 
ser les  pays  sauvages  et  peu  connus.  Quelque  vifs  et 
quelque  préciâ  que  soient  les  traits  ded  sciences  natu- 
relles etphysiqueSy  on  ne  saurait  oublier  qu'un  aven- 
tureux pionnier  en  découvertes  a  encore  bien  autre 
chose  à  faire  qu'à  récolter  des  dessins,  des  herbiers  et 
dès  chiifirès,  et  que  le  poète  a  dit  avec  raison  :  a  Le 
genre  humain  est  la  plus  noble  étude  de  l'homme  (1).  > 

Veut-on  savoir  pourquoi  la  curiosité  des  géographes 
est  toujours  si  irritée  et  si  peu  récompensée  quand  elle 
s'adresse  à  l'intérieur  de  l'Afrique  ? 

Est-ce  la  nature  si  peu  articulée  de  son  tontour,  si 
vaste  et  si  continentale,  qui  arrête  également  les  incur- 
sions rapides  des  touristes  et  les  recherches  patientes 
de  nos  savants  t  NoU,  l'hoiUkne  n^est  pas  à  un  tel  point 
l'esclave  des  précipices,  des  fleuves  et  des  montagnes. 
Depuis  les  temps  fabuleux  des  Nimrod  et  des  Hercule, 
il  sait  Vfib  franchir.  Cette  Afrique,  si  impénétrable  de 
notre  temps,  a  vu  s'acclimater  sur  la  lisière  de  son 
désert  la  civilisation  étrangère  de  la  Cyrénaïque,  dont 
les  annales  perdues  nous  auraient  révélé  des  données 
précieuses  sur  les  nations  du  Waday,  du  Darfour  et 
d'autres  terres  voisines,  comme  elles  à  peine  connues  de 
nom  aigourd'hui.  De  nos  jours  on  voit  se  renouveler 
avec  encore  plus  d'éclat  et  d'avenir  les  merveilles  de 
cette  Pratapole  si  habilement  fondée  par  les  Lacédé- 
moniens,  car  les  Anglais,  au  Cap,  et  les  Français,  en 

(t)  mTkê  aoU«it  fiiidy  «f  mmàsM  u  oua.  »  Poh* 


(3*8) 

AlgéAë^  teiin^  flu»  à  ùàe,  nuatlmt  rttitflltiitmfi 
litt^que  pas  à  pas»  térs  là  toné  ieûkak  du  cdûtiiilWt 
^fiébrénxi 

Quaad.  le  gédlmphe  {ïenâeiir  déposé  M  pkâiê  dè^ 
iBHuntgée  d'aTeir  fût  la  k&roiiiqilê  de  taiit  de  VoyagetiN 
Ad  Afrique  moi^âennéff  aVant  le  iëin^s^  et  qu^il  s'élèté 
jusqu'aux  causes  niorales  qui  ont  retidu  itôriles  taût 
dbpatîebee  et  tant  d'addace,  il  se  persuadé  biëâtét 
que  le  génie  inné  des  Afrioaiâs  s'op^se  aui  voyagea 
<|ui  sont  les  premières  grandes  artères  de  là  eivili- 
Éê&eui  Ëtcependant  rUistoire  nous  apprend  qu'il  n'en  a 
pas  été  toujours  ainsi,  et  que^  sur  trois  points  aumMns, 
r  Afrique  à  eu  assez  de  sève  et  de  jeunesse  pour  ftdr^ 
âattrd  des  oÎTilisatious  qui  lui  ont  été  propres; 

Nous  lie  j^arl^rons  pas  de  Garthage,  si  indigène  dàtiè 
tëttte  son  bistôire,  mais  qui  semble  atoir  piiisé  dani» 
une  iuitnigratidn  étrange  le  féu  sac^é  dd  pfogl'ès'i 
nous  vous  citerons  le  royaume  fadieux  et  presque 
ftbulsttji  dé.  Iléreë  \  nous  vous  noidmërons  ausÉi  ^ëels 
K.OBS0  révélés  par  le  P«  Léon  des  AvancherS)  (1)  et  dotit 
récriture  ld»rahidmqile  est  bans  douté  le  reflet  d'uà 
beau  passé.  A  ceux  qui  doutent  de  la  valeur  morale 
:des  Afrioàim  nous  parlerons  surcoût  4e  VÉgyptd,  si 
eélèlire  et  si  florissante  déjà  aux  prèndères  lueurè  des 
.annales  lustoriqueSi 

Les  riverains  du  Mil  se  t*égénëreni  aujoord'bui,  mate 

:M  s'appuyantdes  deui  mains  suf  la  civiliààlion  OtraH^ 

gère  ;  dès  qu'on  les  livre  à  ëuJi^mAmesi  ils  subissent^  fmi 

«ussi^  cet  arrêt  de  développement  moral  qui^èfûMe 

(1)  Yoiei  BuUetin  ^  la  Société  de  géographie,  U  XVaiHii), 


(  244  ) 

peser  de  nos  jours  sur  r  Africbia  de  pur  sang»  Tandis 
que  tel  peuple  de  TAsie;  le  visage:  aiboureuseaieivt 
porté  en  arrière  vers  de  grands  et  brillants  ancêtpes^ 
vit  surtout  de  son  passé,  tandis  que  l'Europe,  au  géaie 
inquiet  ^et  ardent,  tâtonne,  fiévreusement  toutes  les 
voies  de  Tavenir,  rAfricain  d'aujourd'hui,  partout  où 
il  est  livré  à  lui-même,  descend,  sans  éprouver  ni 
honte  ni  espoir,  cette  échelle,  de  la  civilisation  qu'il 
avsdt  jadis  montée  si  haut. 

Nos  études  scientifiques  se  résument  surtout  et  se 
couronnent  par  celles  de  l'âme  humaine,  et  nous  amè- 
nenti  en  dernier  lieu,  à  poser  de  grands  problèmes.  On 
peut  surtout  énoncer  les  suivants  :  Qud  est  l'état  de  la 
société  od  le  géoie  du  progrès  et  même  celui  de  la 
conservation  abandonnent  l'homme  pour  le  laisser  se 
plonger  lentement  et  de  plus  en  plus  dans  cette  malé- 
diction de  Dieu  qu'on  appelle  la  barbarie  ?  Quel  est 
ce  relâchement  des  ressorts  religieux,  moraux  et  Intel-- 
lectuels  qui  fait  éclater  la  faiblesse  dé  l'homme  dès 
qu'il  est  livré  aux  simples  penchants  de  ses  sens  et 
d'une  raison  périssant  à  la  dérobée  faute  d'exercice  et 
de  nourriture  ? 

Il  n'est  guère  de  penseurs  qui  se  soient  élevés  assex 
haut  pour  répondre  à  ces  graves  questions.  Quand  lis 
les  abordent,  ils  s'adressent  d'abord; à. la  philologie, 
qui  crayonne  seulement  le  berceau  de  chaque  peuple 
et  en  montre  le  reflet  lointain  ;  car,  si  toute  nation 
peut  aiguiser  et  user  sa  langue  à  son  gré,  elle  ne 
saurait  jamais  en  modifier  la  physionomie  primor- 
diale. 

A  des  époques  plus  voisines  de  nous,  la  religion. 


(  345  ) 

niot  dont  l'étymologie  dessine  si  bien  le  vrai  sensi  con- 
serve snr  la  société  une  influence  incontestée.  Mais  bien 
peu  de  voyageurs  étudient  à  fond  les  croyances  trans- 
terrestres des  peuples  :  quand  ils  s'en  préoccupent 
même,  ils  savent  rarement  nous  redire,  à  côté  des 
détsdls  presque  toujours  purs  du  précepte,  les  Super- 
stitions dégénérées  de  la  pratiqué.  C'est  de  la  religion 
surtout  que  dérivent  les  mœurs,  et  plus  d'un  géo- 
graphe philosophe  les  a  interrogées  pour  rendre  vivante 
en  âOR  esprit  une  société  dont  les  traits  saillants 
le  heurtent  presque  toujours  plutôt  qu'ils  ne  le 
charment. 

Les  récits  de  coutumes  et  même  de  sentiments  ou 
d'opinions  éparpillés  dans  les  livres  de  voyages  nous 
révèlent  rarement  la  vraie  physionomie  des  peuples. 
Il  était  réservé  à  M.  Munzinger  d'avoir  le  premier  mis 
devant  le  public  le  fruit  d'une  pensée  qui  m'a  fait 
prendre  la  plume  dans /narya  en  18i3,  que  mon  frère, 
M.  Amauld  d' Abbadie,  a  travaillée  ensuite,  à  ma  de- 
mande,  comme  une  féconde  spécialité,  et  qu'il  est  allé 
reeompléter  en  Ethiopie  il  y  a  neuf  ans. 

Jlûpar  les  mêmes  saines  idées,  M.  Munzinger  a  songé 
aussi  à  étudier  dans  un  coin  de  la  même  contrée  les 
alluiies  diverses  du  droit  et  des  us  judiciaires. 

On  sait  assez  que  le  droit,  comme  sa  mère  ou  du 
moins  sa  sosur  aînée»  la  religion,  vit  dans  la  vénération 
du  passé,  mais  qu'au  contraire  de  celle-ci,  tout  en 
reflétant  les  idées  primordiales  des  sociétés  humaines, 
il  se  rajeunit  souvent  et  se  modifie  lentement  en  se 
moulant  sur  les  idées  du  temps  actuel.  C'est  seulement 
df  la  connaissance  pratique  et  combinée  de  la  religiofi. 


(  2*0  ) 

dm  droH  9t  d^s  mesura  éindiés  |iu  seiB  mèoM  do 
r  Afrifi)4,  qu'eu  pourra  imûn  a-autoriÉer  peur  eem* 
pi^q4re9  influeqcer  et  peut-être  même  régénérer  eeif 
^i^bitapt^. 

piup  Qiqpreflisé  et  $urtout  plus  hardi  que  meu  Irtoe» 
le  Y^yf^emr  puisse  aeua  a  livré  le  fruit  précecç  de  ses 
r^berc))es  et  de  son  expérieuce. 

Ou  le9  voudrait  plus  complètes,  mais  personue  ue 
sepger^  à  lui  reprocher  d'avoir  donné  avcie  tao^  do 
Pl^odeaftie  le  premier  àicompte  d'un  travail  bien  eanfn 
e^  sincèrement  développé*  C'est  dans  la  pepaéci  de  k 
lui  voir  continuer  un  jour  que  nous  y  signalereof  daa 
doutes  et  deç  lacunes,  et  nop  pour  céder  ^  la  faiôle 
e(  i^ieu  trisite  sati^ction  d^  eii^(|uer  un  tra»TaU 
sans  précédent  &t,  hérissé  de  diffioultéa  de  twlA 
espèce, 

.  5-eçi  p«len,qiie  i*ai  cru  pouvoir,  il  y  a  déjklaïf-* 
teiups  (i),  identii^  avec  leg  fUenimyeft  de^  Kemaim, 
^t  un  vaillant  mais  pe^it  peypie  qui  (qrmQ  k  renapajut 
Q^ré^  le  plus  septentrion^ 4» l'Étbi^pie.  Hase  omti 
ment  Boas  gor  oq  Sfjs^  àfi  ^P^,  prQb«l^le«ieiMl  4iu|iid  sta. 
d^^t  leur  thëmfi  4e  guerre,  owvm  hm  trihm  Mbo 
^■Jl^owat,  q^i  çl^njfeut  leur  no^a  en  pareille  oooap.. 
sion.  Ces  4eweïç  s^ppelîeut  ^iQV^  Ibm  f^h,  fila: 
dft  Qftl^a,  ft  les^  jmpU^  voisins  qui  m%  epffis  lenr 
^f  ^^teuç^  par  Içm^s  incursions  guerviérest  Iqut  eut 
t^i^s  donné  ce  90?^  \  oix,  pe:(i^  dgnc  attribuer  à  une  orin. 
gine  f^alopei  le  xiomde  Bo^^gor»  tra^afonné  parlée 

(I)  Qaatrenière  a  placé  1«  patrie  dei  BlamniTes  dans  ta  région 
oamiiéa  aqioant'boi  par  las  Bileii.  il  saiait  aisé  de  fcire  voir  qo'ao 


(247) 

étrangers,  selon  notre  auteur,  en  celui  de  Bogos.  Midi 
dans  le  langage  ordinaire  ils  se  donnent  le  nom  de 
Belen,  et  nous  préférons  employer  cette  dénondnation 
tout  indigène. 

Il  çst  probable,  en  effet,  comme  M.  Munzinger 
TaflBrme  hardiment  d'ailleurs,  que  les  us  Be'len  ont 
été  jadis  communs  au  reste  de  TÉthiopie  chrétienne, 
qu'il  aime  à  désigner  spécialement  par  le  nom  d^Abys- 
sinie  :  un  Européen  qui  a  tant  séjourné  dans  ces  con- 
trées lointaines,  comme  l'a  fait  votre  rapporteur,  se 
demande  si  M.  Munzinger  a  bien  étudié  ce  droit  en 
Amara  ou  même  en  Tsgray»  avant  d'ajBbmer,  comme  il 
le  fait,  que  les  vieux  U3  se  sont  métamorphosés  et  que 
la^cohésion  des  familles  s'est  relftchée  pour  abandonner 
au  roi  sa  puissance  de  faire  justice  ?  Du  moins  il  n'en 
était  pas  ainsi  il  y  a  douze  ans,  malgré  de  longs  eièeles 
de  gouvernement  monarchique,  et  si  un  pareil  phéne* 
mène  ^'est  réalisé  depuis  sous  le  chef  actuel,  ce  serait 
un  des  faits  les  plus  anormaux  et  les  plus  étonnant^ 
dans  l'histoire  abstraite  du  droit.  Au  nom  de  tout  ee 
qu'il  y  a  dç  plQ§  sacré  dans  le  monde  de  la  pensée  et 
du  pentiment  de  ce  qui  est  juste,  en  protestera  wec 
noqs  contre  cette  assertion  jusqu'à  ce  qu'elle  scrft 
surabondamment  prouvée.  Le  droit  ne  change  point  ék 
jour  au  lendemain  comme  les  gouvernements  de  notre 
siècle  :  il  peut  devçnir  muet  sous  le  régime  du  sabrà 
et  plier  un  instant  son  étemelle  majesté  sous  l'étrdnte 
d'un  despote  ;  mais  c'est  une  croyance  innée  à  l'homme, 
qu'un  arrêt,  surtput  prononcé  par  un  magistrat,  puise 
sa  force  dans  la  raison  pure  qui  Ta  dicté,  et  cette 
croyance  inspire  la  septence  du  juge  tout  en 


(  248  ) 

géant  toujours  dans  T esprit  du  justiciable.  Même  le 
souple  et  dévoué  Oriental^  alors  qu'il  succombe  à  une 
avanie,  accuse  et  réprouve  la  force  brutale  qui  Ta 
frappé.  Pour  l'honneur  éternel  du  genre  humain,  nous 
ne  craignons  pas  d'afBrmer  qu'à  toutes  les  époques  et 
dans  tous  les  pays,  le  sommeil  du  droit  est  l'avant- 
coureur  infaillible  de  la  chute  des  tyrans. 

Ailleurs  notre  auteur  admet  implicitement  ces  véri- 
tés. Nous  irons  plus  loin  que  lui  en  commentant  son 
assertion  navrante,  que  celui  qui  est  sans  famille  ne 
saurait  trouver  de  la  justice  {Familienlos  wird  recht- 
los).  En  empruntant  le  droit  à  leurs  ancêtres  Kam/a, 
les  Bilen  n'en  ont  point  développé  les  principes,  ou,  ce 
qui  est  toujours  le  plus  probable  chez  des  nations 
:retombées  dans  la  barbarie,  ils  en  ont  perdu  l'usage  et 
même  l'esprit.  Au  contraire,  un  amara  vous  dirait  qu'en 
effet  justice  doit  se  faire,  et  que  même  deux  voya- 
geurs qui  se  disputent  ont  droit  d'arrêter  le  premier 
passant  pour  les  juger.  Les  Éthiopiens  énumërent  les 
formes  à  suivre  en  pareil  cas.  C'est  ce  qu'ils  appellent 
la  procédure  du  adaras  dana  ou  juge  passant.  Sa 
justice    improvisée  semble  avoir  été  imaginée   pour 
atteindre  les  plaideurs  sans  domicile,  et  elle  peut 
réupir,  dans  le  juge  et  les  deux  parties,  trois  per- 
sonnes de  nationalités  différentes,  à  la  seule   condi- 
tion d'avoir  une  langue  commune  pour  s'entendre. 

M.  Munzinger  regrette  de  ne  pouvoir  comparer  le 
droit  Belen  à  celui  des  autres  nations,  et  c'est  en  partie 
le  désir  d'en  agir  ainsi  qui  a  arrêté  jusqu'aujourd'hui 
la  publication  de  mon  frère.  Nous  puiserons  quelques 
.idées  dans  ses  travaux  inédits  pour  rehausser  les  cita- 


(  249) 

lioâs  de  M.  Mlinziiiger,  devenu,  par  occasion,  cOmm^ 
un  juge  passant  qui  a  prononcé  sur  plus  d'un  B2len 
^vec  la  conscience  d'un  sage  allemand.  G'ei^t  en  pra- 
tiquant les  procès  qu'il  a  recueilli  les  faits  particuliers 
pour  remonter  à  leur  ensemble  et  pour  saisir  l'esprit 
de  la  législation.  Au  fond  de  l'Afrique,  en  eifet,  comme 
dans  nos  districts  ruraux  de  France,  le  vieil  us  vit  par 
tradition  :  il  n'est  écrit  nulle  part,  seulement  tel  cas 
particulier  le  fait  surgir  à  la  lumière  avec  son  autorité 
muette  jusqu'alors,  toujours  majestueuse  par  sa  longue 
durée. 

Avant  d'entrer  en  matière,  notre  auteur  raconte  les 
traditions  du  pays,  annales  séculaires  formées  de 
vérités  en  lambeaux,  mais  dont  un  antiquaire  philo- 
sophe pourra  dégager  les  nuages  en  rebâtissant  l'his- 
toire avec  ces  débris  flottants  du  passé»  comme  notre 
€uvier  a  su  reconstruire  avec  quelques  ossements  fos- 
siles les  formes  des  animaux  qui  ne  sont  plus.  Les 
traditions  B2len  sont  analogues  à  celles  du  reste  de 
l'Ethiopie;  partout  on  voit  des  peuples  qui  arrivent  le 
front  haut  et  le  javelot  levé  pour  déplacer  leurs  devan- 
ciers. Partout  ceux-ci  s'échappent  vers  l'ouest  et  vont 
occuper  les  qualla  ou  terres  chaudes  et  malsaines. 
Partout  les  premiers  colons  ne  vont  se  perpétuer  hors 
de  leur  patrie  envahie  et  perdue,  que  pour  tomber 
dans  la  fange  de  la  barbarie,  et  tout  au  contraire  de 
notre  Europe  sous  les  invasions  des  barbares,  les 
conquérants  africains  ont  toujours  plus  de  sève,  plus 
de  civilisation  et  plus  d'avenir  que  les  tribus  usées 
qu'ils  ont  vaincues. 

Les  derniers  venus  sont  ici  les  Belen.  M.  Munzinger 


(  2^0  ) 
date  leur  origine  de  rinvasion  de  6ra£,  en  se  fondant 
sar  leurs  généalogies  de  douze  générations  seulement^ 
et  ep  attribuant  à  une  génération  une  durée  de  vingt- 
cinq  ans  au  lieu  de  trente-trois,  qu'on  adopte  généra^ 
lement  ailleurs.  Cette  grave  exception  aux  lois  géné-^ 
raies  de  l'humanité ,  et  qui  abrégerait  de  sept  ans  la 
durée  de  la  vie  de  célibataire  chez  Thomme ,  aurait 
cependant  besoin  d'être  bien  prouvée  :  nous  avons 
étudié  la  même  question  en  cherchant  à  préciser  le^ 
dates  des  émigrations  Saho  et  Ilmorma  ;  mais  ce  n'est 
pas  ici  le  lieu  d'exposer  nos  demi-preuves,  nos  doutes  et 
nos  résultats. 

Les  trois  généalogies  citées  par  M.  Munzinger  offrent 
la  preuve  intrinsèque  d'un  mélange  de  peuples,  pro- 
bablement de  conquérants  et  de  vaincus ,  car  si  l'an* 
edtre  commun  Gabra  Tirke  porte  un  nom  Gùiz  ou  du 
moins  Tegray,  on  trouve  parmi  ses  descendants  des 
noms  exclusivement  affectés  aux  musulmans  et  d'au- 
tres qui  ne  sauraient  appartenir  à  la  langue  Bilen.  Eu 
effet ,  cet  idiome  étant  de  famille  Kamitique ,  pe  doit 
commencer  aucun  mot  par  la  lettre  R.  Nous  avons , 
d'ailleurs,  peine  à  croire  que  le  mot  Ad,  qui  signifie 
village  ou  hameau  en  Ttgray,  forme  partie  d'un  nom 
d'honome,  et  nous  en  demanderons  la  preuve  à  ncHre 
auteur  avant  de  souscrire  à  son  opinion.  Nous  sommes 
aussi  fort  en  peine  d'admettre  que  la  nation ,  évidem-» 
ment  valeureuse  qu'il  décrit ,  provienne  de  nombreux 
mariages  (wechselseitige  Heiraihen)  dans  son  propre 
fonds ,  car  ce  serait  la  négation  de  cet  heureux  effet 
des  mélanges  si  bien  admis  par  nos  hygiénistes  les  plus 
éooânents,  et  dont  nous  espéroQs  un  jour  montrer  la 


(  251  ) 

tréiité ,  m6ffle  en  Ethiopie ,  chez  les  Ilmorma ,  tandis 
qae  les  mariages  entre  proches  paraissent  avoir  abâ- 
tardi les  races ,  jadis  puissantes,  des  *Afer.  Quoiqtf  on 
dii^ ,  B0U3  croirons  encore  que  les  influences  de  races 
0t  de  climats  ne  sauraient  changer  les  grandes  lois  de 
rhumanité. 

DeiSAOà  185i,  quatre  invasionis  étrangères  ont 
èteioFalisé  les  Bûen ,  qui  eurent  le  plus  à  souffrir  des 
nousulmans  d'Egypte ,  ces  messagers  de  barbarie  sur 
teul  le  pourtour  de  la  Nubie.  Après  avoir  brièvement 
narré  leurs  incursions ,  notre  auteur  ajoute  avec  une 
raison  pl^nQ  de  tristesse  s  «  Un  petiple  démoralisé  qui 
doit  se  jeter  dans  les  bras  des  étrangers,  perd  sa  fierté 
nationale ,  son  droit  et  même  son  langage.  Le?  idées 
ae  changent  :  l'ancien  usage  perd  sa  sainteté,  et  l'on 
se  Mi  à  ^lui  qui  est  nouveau.  Nous  *  décrivons  donc 
UB  droit  qui  mourra,  parée  que  l'indépendance  pa- 
t^roale  qui  Ta  engendré  menace  de  s'évanouir  :  pa- 
reil à  une  momie  mise  au  oercueil  et  endurcie  là,  qui, 
faite  pour  les  trous  des  rochers ,  y  gisait  des  milliers 
d'années  sans  se  détruire,  et  qui  aujourd'hui  doit  être 
atondonate  an  soleil ,  au  vent  et  à  la  pluie,  d 

Mais  ^itséquons  cette  momie.  Jusqu^à  preuve  du 
cimtrfire ,  nous  }^  croyons  mieux  embaumée  qu'on  ne 
l'm  $1^  et  la  vie  nouvelle  que  les  P.P.  Lazaristes 
réchiraffinit  depuis  âept  ans  chez  les  Btlen  ne  pourra 
détniire  de  quelque  temps,  pas  plus  que  ne  l'a  &it  leur 
reste  suid^n  de  christianisme,  le  droit,  tant  soit  peu 
p»ieB,  de  cette  nation.  Elle  se  compose  d'une  race 
d' Alite  régie  d'une  façon  primitive  qui  s'est  assujetti, 

^Mlit^restr^fite ,  les  aborigènes ,  ainsi  que  quel- 


(  252  ) 

ques  tribus  incorporées  plus  tard.  Leur  droit  est  pa» 
triarcal  et  aristocratique  :  sa  sanction  est  la  liaison  ou 
cohérence  des  familles. 

Après  cette  définition  i  M.  Munzinger  ajoute  qtie 
ridée  de  Dieu  est  inconnue  comme  fondement  du  drbit. 
Il  va  même  jusqu'à  dire  que,  chez  les  Bilen,  il  n'existe 
pas  de  lien  entre  le  droit  et  la  morale.  Aucun  juriste 
ne  voudra  admettre  de  pareils  axiomes,  surtout  en 
voyant  notre  auteur  ajouter  que»  sans  aucun  doute, 
les  principes  du  droit  des  Btlen  dérivent  de  leur 
ancien  lieu  de  séjour  dans  le  sud  de  TÉtbiopie.  Là, 
en  efifety  tout  porte  cet  éclatant  témoignage  que  l'idée 
de  Dieu  est  toujours  et  partout  présente  non-seule^ 
ment  chez  les  Kam/a  et  les  Amara ,  mais  même  chez 
les  Ilmorma  les  plus  rebelles  aux  idées  chrétiennes 
ou  musulmanes.  Pour  l'éternel  honneur  du  genre  hu- 
main ,  proclamons  bien  haut  qu'ici  comme  ailleurs, 
comme  partout,  l'idée  du  droit  ne  saurait  être  basée 
que  sur  celle  des  principes  moraux  et  surtout  de  Dieu 
qui  en  est  l'étemelle  source.  Telle  est  forcément  la 
théorie  originelle  du  droit. 

Dans  lapratique  Belen,  il  est  sauvegardé  par  l'intérêt 
même  des  familles  et  la  grande  facilité  de  l'émigration  ; 
celui  à  qui  Ton  a  dénié  la  justice,  quitte  le  pays  et 
affaiblit  ainsi  la  famille*  en  cherchant  ailleurs  un  juge 
assez  indépendant  pour  le  protéger.  Il  en  est  dé  même 
dans  le  reste  de  l'Ethiopie,  où  la  garantie  de  la  justice 
se  trouve  en  outre  dans  le  droit  qu'on  a  de  choisir 
librement  son  juge,  droit  qui,  dans  la  plupart  des  cas, 
appartient  exclusivement  au  défendeur.  Il  y  a  certaine- 
ment moins  de  liberté  chez  les  Btlen ,  où  a  la  famille 


(  253  ) 

est  rÉtat ,  le  souverain  et  le  législateur.  »  Nous  ajou- 
tarons  qu'il  doit  être  parfois  un  despote,  car  le  droit 
d'appel,  si  bien  défini  ailleurs  en  Ethiopie,  ne  paraît 
pas  exister  chez  les  Bilen. 

En  Afrique  comme  en  Angleterre ,  le  ministère  pu- 
blic est  inconnu  :  Taccnsation  y  perd  sans  doute  de 
son  impartialité  et  de  sa  dignité;  mais  l'action  du  juge 
vient  sauvegarder  ces  ingrédients  de  toute  bonne  jus- 
tice, et  la  pratique  enseigne  que  la  saine  liberté  gagne 
à  livrer,  uniquement  au  plus  intéressé,  le  cri  sacré  qui 
demande  justice. 

Malgré  l'autorité  incontestée  du  Sim  (chef  de  la 
famille  jusqu'au  septième  degré),  son  autorité  n'a  rien 
de  politique  comme  chez  les  Sum  des  Amara«  L'esprit 
d^égalité  entre  les  Stmag/le  (patriciens  on  aristocrates) 
s'oppose  à  cette  extension  de  pouvoir,  et  le  Sim  peut 
être  le  plus  faible  et  le  plus  pauvre  de  toute  la  tribu. 
Il  ne  prend  sa  valeur  que  lorsqu'il  rend  la  justice  et 
quand  l'ordre  de  la  nature  lui  confère  sa  charge.  Son 
meurtre  est  taxé  comme  celui  de  deux  patriciens»  Le 
Sim  est  quelque  chose  de  saint  et  d'inviolable  :  il  a 
droit  à  une  certaine  quantité  de  blé  pour  chaque  paire 
de  bœufs  qui  travaille  sous  sa  juridiction ,  mais  ce 
tribut  se  borne  à  la  première  année  de  sa  charge, 
sans  doute  par  cet  amour  d'égalité  si  inné  aux  peuples 
qui ,  en  Suisse ,  en  Arabie  ou  en  Ethiopie ,  préfèrent 
l'élève  des  bestiaux  à  la  culture  de  la  terre. 

Le  droit  des  Bslen  se  nomme  Fitha  Mogareh  (droit 
ou  jurisprudence  de  Mogareh),  du  nom  de  la  plaine 
habitée  en  premier  lieu  par  le  fondateur  de  ces  tribus. 
S'il  s*élève  une  contestation  entre  deux  clans,  ils  la 


(  254  ) 

défèrent  à  un  troisième  plus  ancien  dans  la  généalogie 
traditionnelle,  et  parfois  même  à  un  chef  étranger,  tou- 
jours en  stipulant  alors  que  la  cause  sera  jugée  d'après 
le  droit  dé  Mogareh.  Comme  ailleurs  en  Ethiopie ,  le 
ministère  de  l'avoué  est  remplacé  par  des  cautions  ju- 
diciaires. Celle  de  la  procédure  se  nomme  wah/s.  Le 
Garàm  est  la  cautio  judicatum  solvi  des  îlomains  ; 
mais  elle  est  toujours  exigible,  absolument  comme 
dans  le  reste  de  l'Ethiopie ,  ce  qui  montre  assez  que , 
dans  rorîgine ,  cette  forme  de  procédure  fut  instituée 
pour  des  peuples  nomades.  On  exige  aussi  qudquefois 
le  zoho  ou  otage,  qui  est  perdu  pour  la  partie  non  adhé- 
rant au  jugement.  Le  devoir  du  wahes  est  de  faire 
payer  le  débiteur  dans  le  délai  légal ,  et  dé  payer  pour 
lui  s^il  s'y  refuse  ;  dans  ce  dernier  cas»  il  a  le  droit  de 
se  faire  rembourser  par  celui-ci  au  double. 

Ce  zoho^  mot  qui  signifie  seulement  otage  parmi 
les  Amara,  peut  être  aussi  un  gage  chez  les  Beleo, 
et  il  est  perdu  {verschlungen)  pour  son  propriétaire 
s*il  s'oppose  à  l'exécution  du  jugement.  Le  zoho  est 
employé  surtout  dans  les  affaires  politiques,  et  con- 
siste en  enfants  notables,  en  sabres  ou  en  bijoui; 
alors  ces  deux  derniers  doivent  valoir  le  prix  d'un 
homme.  L'otage  abandonné  n'a  plus  aucun  droit,  ^t 
si  le  possesseur  d'un  pareil  zoho  tue  l'enfant  ou  perd 
Tarticle  de  valeur,  il  n'y  a  ni  sang  à  payer  ni  dette 
à  rembourser.  Ces  singuliers  principes  sont  inconnus 
dans  la  partie  monarchique  de  l'Ethiopie  et  mar- 
quent bien  chez  les  Bilen  une  rare  décadence  de  la 
justice.  Us  n'acceptent  comme  témoin  qu'un  indigène 
libre ,  de  condition  honnête ,  qui  cultive  sa  terre ,  patt 


(  256  ) 

sa  vache  et  rase  son  menton.  Il  faut,  de  plus,  qu'il 
soit  né  de  parents  mariés,  ce  qui  prouve,  à  nos  yeux, 
que  les  idées  morales  se  mêlent  bien  au  droit  Mogareb* 
Les  incapacités  de  témoins  sont  d'ailleurs  les  mêmes 
que  cbez  nous ,  mais  toutes  ces  règles  de  témoignage 
ne  concernent  que  les  procès  civils,  et  ne  s'appliquent 
point  aux  cas  de  vol  ou  de  sang  répandu. 

Un  autre  genre  de  preuve  admis  en  justice  est  le 
woiwozam  ou  aveu  d'un  complice.  C'est  ce  que  les  An- 
glais appellent  king's  évidence  ou  témoignage  royal  i 
dont  l'institution  impure  montre  au  moins  la  résolution 
de  ne  jamais  laisser  un  crime  entièrement  impuni.  Les 
Belen  sont  fort  logiques  à  cet  égard ,  car  ils  admettent 
comme  wotwozam  même  un  ennemi  de  la  nation ,  un 
étranger  ou.  un  serf.  L'auteur  ne  dit  ici  rien  de  l'es- 
clave. Remercions  la  prudence  de  nos  pères,  qui  n'ont 
jamais  admis  le  wotwozam  en  France. 

Le  serment  est  la  preuve  suprême  :  il  incombe  au 
défendeur  et  le  demandeur  peut  l'y  obliger  à  son  gré. 
Il  peut  même  choisir  le  genre  de  serment  à  déférer, 
soit  en  faisant  frapper  de  la  main  droite  la  paume 
droite  d'un  proche  parent,  soit  en  obligeant  le  défen- 
deur à  franchir  du  pied  droit  un  sabre  couché  à  terre 
par  la  partie  adverse ,  tout  en  protestant  de  la  vérité 
de  son  dire. 

Une  forme  plus  grave  consiste  à  enjamber  la  tombe 
d'un  proche  parent  comme  pour  s'attirer  la  malédic^ 
tion  du  défunt  en  cas  de  mensonge.  Mais  le  serment  le 
plus  redouté  est  celui  de  l'église.  Près  de  ce  lieu  sacré, 
le  demandeur  jette  au  vent  les  cendres  d'un  pot  en 
souhaitant  une  pareille  dispersion  aux  enfanta  de  celui 


(  556  ) 

qui. ment;  puis  il  brise  le  pot  en  prophétisant  le  bris 
du  menteur;  ensuite  il  égorge  à  la  porte  de  l'église  un 
chevreau  noirci  de  charbon  et  il  maudit  le  diseur  félon  ; 
enfin  la  partie  adverse  conduit  le  défendeur  dans  le 
hameau  de  Mogareh ,  où  il  renouvelle  ses  imprécations 
à  la  Durma,  nom  de  la  pierre  où,  dit-on,  les  éléphants 
ont  assermenté  leur  frère.  A  chacune  des  malédictions 
prononcées  par  le  demandeur,  celui  à  qui  l'on  défère 
le  serment  répond  :  Amen.  S'il  y  manque  une  seule 
fois ,  le  serment  est  invalide  et  doit  être  recommencé. 
Gomme  on  n'a  recours  au  serment  qu  à  défaut  de  toute 
preuve ,  on  a  le  droit  de  s'y  soustraire  en  payant  la 
moitié  du  prix  contesté ,  mais  une  pareille  fin  de  procès 
est  rare  en  cour  de  justice  bilen. 

Après  ces  légères  notions  de  procédure,  notre  auteur 
ajoute  que  le  pari  judiciaire  n'est  usité  en  droit  Mo- 
gareh que  par  les  Éthiopiens  étrangers,  et  qu'il  ne  sert 
d'ailleurs  qu'à  ruiner  les  parties  pour  enrichir  un  juge 
étranger.  J'ai  entendu  décrire  sous  ce  point  de  vue  les 
paris  employés  dans  le  j?amasen;  cependant  l'origine  de 
cette  procédure  singulière  n'en  est  pas  moins  respec- 
table au  dire  des  légistes  Amara.  «  Chez  nous,  m'assu- 
raient-ils, les  juges  ne  sont  pas  aussi  parfaits  que  dans 
le  pays  des  blancs.  Us  s'endorment  quelquefois  sous 
l'éloquence  impuissante  des  plaideurs ,  et  le  pari  inter- 
locutoire qu'on  propose  en  allant  nouer  la  toge  du  juge 
et  qu'on  accepte  en  la  dénouant,  l'empêche  physique- 
ment de  sommeiller.  D'ailleurs,  moralement  parlant, 
un  juge  prête  toute  son  attention  à  bien  décider  un  fait 
important,  dont  le  pari  doit  dans  tous  les  cas  s'ajoutera 
ses*frais  de  justice,  fort  modestes,  vous  le  savez.  Enfin, 


(  257  ) 

avons-nous  besoin  de  vous  citer  l'axiome  de  palais 
bien  connu  : 

Hezbtam  ha  Wâfqqet 

d2ha  ba  durgo  daqet? 

(le  riche  parie  par  onces  d'or;  le  pauvre,  par  poignées 
de  farine).  » 

La  procédure  est  la  partie  la  plus  pittoresque  et  la 
plus  curieuse  de  Tus  éthiopien ,  et  nous  ne  savons  si 
M.  Munzinger  a  omis  de  Texposer  au  long,  ou  si  cette 
preuve  de  civilisation ,  bien  patente  d'ailleurs,  même 
chez  les  Gurage  et  les  Ilmorma ,  manque  de  tout  point 
dans  la  décadence  des  Belen. 

Notre  auteur  divise  son  sujet  en  cinq  chapitres  : 
!•  rapports  de  père  à  fils  ;  2**  de  maître  à  serf  et  de 
patron  à  vassal  {Dienstmann)  :  contrats;  3^  relations 
des  sexes,  droit  de  mariage;  &""  droits  matériels,  vio- 
lation de  la  propriété ,  vol  ;  5"*  il  traite  enfin  de  la  vio- 
lation de  la  personne  et  du  droit  de  sang. 

I 

La  population  totale  des  B2len,  tant  patriciens  (sima- 
gile)  que  plébéiens  (t/gre),  est  estimée  à  2100  lances 
ou  hommes  capables  de  porter  les  armes,  et,  comme 
à  Rome  jadis  {pecunia^  de  pecics) ,  leur  richesse  est 
donnée  en  vaches,  estimées  ensemble  à  170000  fr.,  en 
évaluant  la  vache  en  moyenne  à  15  fr.,  et  sans  compter 
les  chèvres  ni  les  bœufs  de  labour.  Les  patriciens  for- 
ment le  tiers  de  la  population.  Mes  renseignements  sur 
ce  pays,  publiés  dans  votre  bulle  tin  (1),  portaient  à  1600 

(t)  Année  1842,  tome  XVm,  p.  199. 

XI.  AVBIL.  2.  17 


(  558  ) 

lanees  setilement  la  population  totale.  Plus  tard ,  Une 
statistique  individuelle  des  habitants  d'un  gi*d§  Village 
dans  Akala  me  donna  la  pi'ûpdttioti  âê  1  à  &  comme 
étant  celle  des  lances  comparées  à  la  population  totale. 
C'est  aussi  le  résultat  adopté  par  Ms  MunEingen 

La  majorité,  à  18  ans,  ou  le  mariage  d'un  fils  l'en- 
lève à  la  puissanee  de  son  père^  qui  peut  d'ailleurs,  ^n 
droit  strict^  vendre  ou  même  tuer  son  enfant  mineur i  et 
le  premier  de  ces  crimes  était  fréquent  dans  les  anûéeft 
de  famine  :  de  là  l'origine  des  serfs  indigèbés.  Ce  droit, 
trop  digne  des  Romains  antiqued,  m  prévaut  d'aîlleun^ 
point  dans  le  reste  de  Y  Ethiopie  où  une  mère  est  tou- 
jours admise  à  ester  en  justice  poui*  venger  la  vente  Ou 
la  mort  de  son  enfant.  Ghee  lois  Bilen^  une  femme 
mariée  appartient  moitié  à  son  p^e  et  moitié  à  la 
famille  de  son  marii  Le  patroti  est  le  tuteur  des  en>- 
fante  d'un  client  (plébéien)  mort  sans  laisser  de  proche 
parent  Afin  de  tempérer  la  puissanee  exorbitante  des 
pères,  un  enfant  a  le  droit  de  le  quitter  pour  aller  vivre 
sous  la  protection  de  n'importe  quel  patricien,  mais 
cette  démarche  ne  libère  point  le  père  de  sa  respon- 
sabilité légale  vis-à-vis  dé  son  enfant,  qu'il  efet  donc 
intéressé  à  bien  trsdtér. 

§î  une  fiancée  vient  à  mourir  avant  soà  inariàgè,  elle 
est  remplacée  dé  droit  pài*  sa  sœur,  où  sa  niécè  i  on  peut 
être  ainsi  promise  avant  de  naître. 

Là  fiUè-mêrè  fait  ses  bouchés  âahs  une  hiittë  hors 

du  village;  son  enfant  est  étouffé  et  enterré  clans  un 

lieu  solitaire.  Ce  que  ràiitèùr  hôùè  à  déjà  dit  sur  lihé 

incapacité  5è  têAôiii  fait  néanmoins  présuméif  ^^ôri 

se  dérobe  quetquefoisàtël  ueagë,|[ûiî  lHid^dâle^qtae 


(  259  ) 

barbare,  prouve  rexistence  d'une  idée  morale  dans  le 
droit  des  Etien. 

On  appelle  Singalat  une  cérémonie  analogue  à  la 
prise  dé  la  togé  virile  chez  les  Romains*  Vers  la  Noël» 
un  jeudi  ou  un  âamedi»  le  candidat  va  en  nombreuse 
coînpagûie,  et  avant  l'aurore,  cbez  son  oncle  maternel 
qui  lui  rase  la  touffe  de  cheveux  conservée  sur  le  de- 
vant de  la  tète  (contre  le  mauvais  œil  croyons-nouSi 
côinibe  dansle  reste  dé  l'Ethiopie) ,  et  lui  donne  sa  béné- 
diction d^  abord,  puis  une  lance  et  une  jeune  vache.  Le 
jéùùë  homme  visite  ensuite  ses  parents  et  connus- 
sàncës  qui  lui  font  un  cadeau,  chacun  selon  ses 
moyens.  Cette  fête  dure  sept  jours. 

Les  vieilles  lavent  et  parfument  le  corps  d'un  dé- 
funt et  lui  mettent  une  pierre  blanche  dans  la  bouche. 
Si  c'était  un  homme,  on  lui  jette  dessus  trois  fois  au- 
tant de  pois  d'eau  qu'il  a  épousé  de  femmes  pendant 
sa  vie.  Puis  le  corps  est  enseveli  dans  une  toile  blanche 
dé  coton.  Chemin  faisant  vers  le  tombeau»  on  le  pose 
trois  ibis  à  terre,  et  on  l'arrose,  ainsi  que  le  tombeau^ 
avec  àé  f  eau  parfumée. 

Celui-ci  est  entouré  d'un  mur  de  deux  pieds  de 
haut  qui  est  dépassé  par  un  amas  de  pierres,  blanches 
s4l  y  a  eu  mort  naturelle,  et  noires  si  le  défunt  a  péfi 
par  la  main  de  l'ennemi.  Mais  on  omet  ces  dernièree 
si  l'ennemi  était  un  roi  étranger,  car,  dans  l'idée  de 
ces  peuples,  on  ne  venge  pas  plus  le  sang  contre  ua 
roi  qu'on  ne  le  ferait  contre  Dieu^  S'il  s'agit  d'un  ohef 
on  portera  jusqu'à  vingt  pieds  de  hauteur  le  tertre  de 
pierres  funéraires.  Les  demeures  des  morts  sont  ainsi 
plus  pittoresques  que  celles  des  vivantst  Toute  mort 


(  260  ) 

est  suivie  du  sacrifice  d'une  vache  dont  on  distribue  la 
chair  aux  pauvres,  et  Ton  fait  ensuite  un  fèstin  funéraire 
à  chaque  anniversaire.  Ce  festin  n'a  lieu  qu'une  fois  dans 
le  reste  de  l'Ethiopie  et  n'est  omis  ni  par  les  Umorma 
ni  par  les  Qnnant,  ni  même  par  les  nègres  qui  font 
tous  alors,  selon  les  croyances,  ou  des  prières,  ou  de 
bons  souhaits  pour  le  défunt.  Cependant  M.  Munzinger 
dit  que  les  Belen  ne  connaissent  point  de  prières  pour 
les  morts  :  nous  aimons  à  douter  de  cette  assertion 
navrante,  car  dans  nos  propres  recherches  nous  avons 
appris  combien  il  est  souvent  difficile  de  constater  un 
fait  négatif. 

Il 

Chez  les  B2len  on  peut  être  serf  (Leibeigener)  par 
naissance,  par  vente,  ou  par  l'impossibilité  de  payer 
ses  dettes.  Cette  dernière  origine  rappelle  la  loi  ro- 
maine qui,  plus  barbare,  faisait  un  esclave  du  débi- 
teur malheureux.  Ce  qui  est  extraordinaire  c'est  qu'un 
Btlen  peut  se  constituer  volontairement  serf  :  la  terre 
classique  de  l'esclavage  pouvait  seule  faire  passer  dans 
la  loi  une  telle  perversion  des  saines  idées  du  droit. 
Mais  le  maintien  d'un  pareil  us  prouve  assez,  ce  que  * 
nous  avons  vu  partout  en  Ethiopie,  qu'un  esclave  n'est 
pas  malheureux  tant  qu'il  ne  sort  pas  des  limites  de 
cette  contrée. 

Quaud  un  serf  ne  l'est  pas  de  naissance  il  peut  tou- 
jours se  racheter  au  prix  fixe  de  dix  vaches  ou  envi- 
ron 160  francs  de  notre  monnaie.  Cette  somme  doit 
être  livrée  dans  le  Muhabâfr  on  assemblée  de  village. 


(  261  ) 

Le  ci-devant  maître  donne  alors  une  caution  à  Taffrau- 
chi  qui,  de  son  côté,  doit  se  choisir  un  patron.  L*4>s  a 
établi  les  divers  frais  de  ce  contrat  verbal ,  dont  toutes 
les  formes  doivent  être  suivies  sous  peine  de  nullité, 
et  que  le  crieur  public  proclame  dans  les  trois  villages 
les  plus  voisins,  car  telle  est,  avec  de  légères  variantes, 
la  méthode  éthiopienne  pour  enregistrer  les  contrats. 
Ces  sages  coutumes  tempèrent  la  noirceur  de  Tescla- 
vage  et  sont  l'aurore  d'an  droit  plus  pur.  Mais  l'us 
Bilen  va  encore  plus  loin  :  le  serf,  sans  distinction  de 
sexe,  a  le  droit  de  vivre  où  il  veut,  et  même  chez  un 
patron  qu'il  peut  choisir  parmi  les  nobles  du  pays.  Il 
ne  reste  alors  au  maître  d'autre  droit  sur  son  serf  que 
celui  qu'il  possède  toujours  de  s'approprier  une  cer- 
taine portion  de  son  revenu.  Ce  choix  d'un  patron  a  lieu 
quand  le  serf  se  méfie  de  son  maître  dont  les  pouvoirs 
sont  assez  étendus,  non-seulement  pour  l'affranchir, 
mais  encore  pour  le  donner  ou  le  vendre.  En  relatant 
ces  ingénieux  tempéraments  de  l'esclavage ,  nous 
n'avons  pas  pu  retenir  la  pensée  que,  dans  l'Amérique, 
nos  amis  les  Confédérés,  malgré  leur  supériorité  in- 
contestée dans  la  civilisation,  pourraient  prendre  quel- 
ques leçons  de  savoir-vivre  chez  les  demi-barbares  de 
l'Ethiopie. 

L'héritage  du  serf  appartient  à  son  hôte  sans  distin- 
guer s'il  est  patron  ou  maître.  Mais  ce  dernier  est 
regardé  comme  le  père  de  son  serf,  est  responsable  des 
meurtres  qu'il  commet,  et  a  le  droit  de  venger  sa  mort. 
Le  prix  du  sang  d'un  plébéien  est  le  même  que  celui 
d'un  patricien.  Le  maître  est  le  juge,  le  patron  et  la 
caution  de  son  $erf.  Tous  les  esclaves  font  partie  de 


(  2«2  ) 

l'héritage  du  fils  aîné.  M.  Munzinger  ne  nous  dit 
pas  quelle  est  la  ligne  de  démarca^on  en^e  Iç  3erf  pi 
Tesclave  proprement  dit. 


III 


L^ouvrage  que  nous  examinons  a  le  très-rare  mérite 
d'éviter  les  phrases  inutiles  et  d'être  rempli  seulement 
de  faits  nouveaux.  Malgré  l'aridité  du  sujet,  nous 
croyons  donc  devoir  en  présenter  plusieurs  extraits, 
surtout  pour  les  rapprocher  des  institutions  de  l'an- 
cienne Rome,  qui  sont  familières  à  plusieurs  de  nos 
lecteurs.  En  les  comparant  aux  us  Belen,  on  sera  forcé 
d'en  conclure  une  communauté  d'origine,  bien  loin- 
taine il  est  vrai,  ou  bien  d'admettre  que  toute  civili- 
sation passe  par  les  mêmes  phases,  et  que  des  arrêts 
de  développement  dans  l'épanouissement  du  droit 
peuvent  faire  durer  longtemps  des  us  faits  pour  un 
temps  qui  a  passé.  A  ces  deux  points  de  vue,  nous 
parlerons  des  patriciens  (5^mag^le)  et  des  plébéiens 
(Tigre,  Gulfare  ou  Waresa).  Les  prenaiers  sont  ou  des 
B^len  purs  ou  des  étrangers  d'assez  haut  rang  dans 
leur  patrie  pour  dédaigner  un  patron  hors  de  chQz 
eux.  Le  Tigre  est  un  client  qui  peut  tenir  sa  condition 
de  son  consentement  ;  elle  peut  aussi  résulter  dç  sa  nais- 
sance, car  tous  les  rapports  de  patron  à  client  sont 
strictement  héréditaires. 

Pour  avoir  droit  à  la  justice  chez  les  Bijen ,  tout 
étrange?  s'y  choisit  un  patron,  comme  il  prend  up 
abban  chez  les  Çomal ,  un  haddar  à  Muça^w^'a ,  un 
gofta  en  pays  Jlmorma,  et,  naguère  encore,  un  Jafyr 


(  26S  ) 

çfaei:  l^  Ar^as  qui  Fèdent  aux  environs  de  Suez. 

Le§  ch^i^ops  de  la  fortune  ne  peuvent  changer  Tétat 
403  pçirsQpnes  :  un  patrieien  peut  rester  pauvre ,  et  un 
p^ébéi^il  devepir  fort  riche  sans  que  Tus  lui  perHiette 
de  sortir  da  3a  caste. 

Le  devoir  du  patron ,  ou  pour  mieux  dire  du  patri- 
ciei^  B{]ep  «  (t^st  de  soutenir  son  client  d^s  ses  proeès, 
et  ^'É^tv^  3on  médiateur  (Fûrsprecher)  ;  il  est  à  la  fois 
sa  cg^tipn  naturelle  et  son  juge.  I|ans  la  permission 
du  patFQD  »  le  client  ne  peut  ni  contracter  une  obliga- 
1|pn  m  3Q  laisser  juger.  En  commençant  sa  clientèle, 
il  epnsent  à  faire  à  son  patron  un  cadeau ,  ordinaire- 
Ql^pt  de  peu  de  valeur,  par  exemple  à  apporter  chez 
Iwî  UQ  pot  de  bière  apx  fêtes  de  Neël  et  de  Pâques, 
v^^s  Tinstitution  de  ce  tribut  peut  entraîner  des  consé- 
quepces  graves,  car  chaque  omission  de  payement  doit 
étfe  pli|s  tar4  remplacée  par  qne  génisse  de  deux  ans. 

CfQiQine  les  Sabo,  les  Bilep  efaercfaent  la  fortune  en 
velwt  \W(^^  voisins  ;  à  chaque  entreprise  heureuse,  le 
QU^Pt  doit  h  son  patron  une  vache,  s'il  a  ramené  des 
bestiaux,  et  la  moitié  du  prix  de  vente  s'il  a  vol4  une 
personne  ou  bien  tué  ou  trouvé  un  éléphant.  Si  le  client 
n'obéit  pas  à  cet  us,  le  patron  peut  s'approprier  tout 
le  butin.  Il  a  droit  à  une  vache  si  le  client  meurt  sans 
enfants;  dans  le  eas  où  le  Tigre  défunt  n'a  pas  laissé 
de  parent,  le  patron  hérite  de  tous  ses  biens,  y  com- 
pris sa  femme  et  même  sa  fiancée,  ce  qui  est  une 
extension  monstrueuse  de  la  logique  du  droit.  Ce  n'est 
paa  tout  :  si  le  client  refuse  complètement  de  satisfaire 
au^  prétentions  de  son  patron,  eelui-ei  peut  le  réduire 
es  servage  et  par  conséquent  le  vendre,  M  et  toute  sa 


(  26â  ) 

postérité.  Hors  des  cas  précités,  le  client  ne  doit  rien 
à  son  patron  et  peut  vivre  où  il  veut.  Les  liens  du 
mariage  peuvent  unir  le  patron  et  le  client  sans  aucune 
disgrâce  pour  le  plus  noble  des  deux  conjoints  ;  mais  si 
la  mariée  est  une  Tegre,  on  omet  Tun  des  sacrifices 
prescrits  dans  tout  autre  mariage. 

Disons  quelques  mots  des  contrats  à  temps.  Le  pas- 
teur s'engage  pour  un  terme  prescrit  qu'il  doit  attein- 
dre sous  peine  de  perdre  tous  ses  gages.  Si  le  proprié* 
taire  d'un  troupeau  s'aperçoit,  avant  son  pasteur,  de 
la  perte  d'une  bête ,  ce  dernier  doit  eu  remplacer  la 
valeur,  mais  il  n'en  est  pas  responsable  s'il  a  été  le  pre- 
mier à  annoncer  l'absence  de  la  bête,  tout  en  montrant 
au  propriétaire  la  trace  de  ses  pas.  Quand  un  pasteur 
a  quitté  son  maître  malgré  ses  prières,  et  qu'après  son 
départ  une  vache  accoutumée  à  lui  perd  son  lait ,  le 
pasteur  doit  au  maître  primitif  deux  fois  le  prix  de 
cette  vache.  Cet  us  nous  paraît  fondé  sur  la  supersti- 
tion du  mauvais  œil,  et  nous  amènerait  presque  à  parler 
des  faits  et  des  contes  de  sorcellerie  qui  abondent  en 
Ethiopie. 

IV 

Le  métayage  est  la  forme  la  plus  usitée  dans  l'agri- 
culture :  on  partage  la  récolte  par  moitié  quand  une 
personne  fournit  les  bœufs  et  la* semence,  tandis  que 
l'autre  donne  son  travail;  si  l'un  des  associés  ne  fournit 
qu'un  des  deux  bœufs ,  il  n'a  droit  qu'au  cinquième  de 
la  récolte  ;  la  proportion  monte  au  quart  pour  celui  qui 
donne  un  bœuf  et  la  semence.  Toute  contestation  sur 


(  265  ) 

des  faits  de  métayage  est  vidée ,  faute  de  témoins ,  par 
le  serment  du  laboureur  en  frappant  de  la  main  le  pied 
gauche  de  son  bœuf  de  labour. 

Si  une  servante  n'a  pas  demandé  congé  trois  se- 
maines avant  de  s'en  aller,  elle  doit  ou  servir  un  autre 
terme,  ou  perdre  tous  ses  gages. 

Nous  regrettons  que  M.  Munzinger  n'ait  fait  que 
mentionner  les  donzeaux  (mesanit)  ou  compagnons  de 
noce,  etc.,  dont  l'institution  prévaut  dans  toute  l'éten- 
due de  l'Ethiopie  et  qui  ne  nous  a  paru  complètement 
développée  que  chez  les  Mav. 

Les  procès  vermoulus  (wurmstichiges)  sont  chers  aux 
B2len  ;  ils  plaident  sur  des  bagatelles  pendant  de  longues 
années,  et  ont  l'art  de  donner  un  semblant  de  vérité  aux 
prétentions  les  plus  futiles.  Le  seiTage  aie  plus  souvent 
cette  impure  origine.  Il  n'y  a  cependant  guère  plus  de 
deux  cents  serfs  dans  tout  le  pays,  et  comme  il  n'est 
pas  naturel  de  fonder  le  droit  sur  une  exception ,  on 
peut  présumer  que  les  malheurs  des  temps  ont  porté  les 
Bilen  à  vendre  la  majeure  partie  de  leurs  serfs,  et  que 
l'esclave  ne  leur  rendant  guère  de  profit  par  son  travail, 
ils  n'ont  presque  aucun  intérêt  à  soutenir  une  institution 

• 

due  jadis  et  surtout  à  des  guerres  heureuses.  L'esclavage 
par  le  vol  des  enfants  a  presque  cessé  aujourd'hui ,  et 
le  précieux  droit  du  serf  de  se  choisir  un  patron  a  pour 
effet  d'éteindre  lentement  une  institution  odieuse. 

Lorsqu'il  s'agit- d'un  usage  qui  dégrade  l'homme, 
on  ne  peut  s'empêcher  de  citer  les  réflexions  de 
M.  Munzinger,  qui  en  fait  rarement  dans  son  travail  si 
bien  conçu  :  «  Quoique  la  prohibition  de  l'esclavage 
ait  été  proclamée  dans  Muçaww^'a,  cet  infâme  trafic  y 


(  266  ) 

mA  (}«  h  f»pr  flQug§  y  mmm^  fis  ém§  w  mm,  ^^ 

les  musulmans  ne  recoq^m^Pf  B^aiiQQl  gag  um  spès^9r 
ûm  ^ftUpiif^yse,  «)  A  ($0s  parol§s  ^  iî§tre  ^ut^r, 
j'^e^^paî  q^^  ^e  mon  t^n^ppi  l§a  ))4tiipeiU^  «^agi^is 
paraissaient  avoir  roFdrg  ^e  resipaQt^  |q§  p§s3QSftmi9 
Ô*8!BcJ»ve3,  m  l0  e^pitftipe  d^un  vêissiga^  i^  gûCFfe  feri- 

^llnI)iq^e  ^  Tyjurpfllî  m'ft  fô^sé  4i  reaevpiF^  poq  kf^i 

m  PBçkve  ^çbapp^,  ^t  dafl§  A4en  l^  police  fôr§ai|  1^ 
fiSQlaves  fugitifîi  à  retPHpiier  j^uprès  de  l^iir§  m§tttf§p, 
En  présence  de  faits  parçi]^ ,  oi)  ^iirA  peîiie  è  §û|itai|if 
8»§  h  mtÏQn  apglftise  ftit  ^bolj  r^siqlôyftge  ^f^PA  l-Qqest 
â£i  YAfriqw  PftF  »P  P9?  ^iBlipent  d'b^rpawtô,  çme  1^ 
SieJaypS.  dftpslipom'toyr  iJç  Ift  |»^p  BQUge.  §ORt  ^m- 
ywit  ^jâs  4ftps  1^  religion  cJirétiçnflQ,  ^);  Tîpfifp^ni^  mftT 
jprité  (Je  €#§  yietim§§  4»  te  iBupîflité  ^§roantils  se  ^î©5 
BPP§  Ô'wfilPÎ?  qyi  P'ôflt  pas  §u  §pj5or6  le  tepi^pg  46 
flU^l  fjMi?g  :  4'.^iU8Br§f  Oei  e§çl^e§  §ppt  pjus  iî^tfiUigeiïte 
pt  pjys  SHpc^ptiWiBg  d'<Sdu§3.tipa  que  tei^  pègr@^  4© 
y  Afrique  e6(îi4imtale.  ï^§g  Angtei§  jiont  t^nt^piji^^ftti 
d»s§  là  BJSr  Rp?ige,  Pt  il§  y  mmmU  4epwis  vipgl  9^^, 

9^pli  Xmi^m^f  »'ite  a^  teB^îent  pfts  *  gw^F  §py^i?6 

la  T^rgilîÇ  4^«  pciéqagements  ^xce§pife,  ^ipsi  q»'ep  V% 
y^  ep  i840  «J  m  48§&f  P^preu^eipent;  tout  WÎi^Q  PQÏi- 

liqye  p9rt§  »»  peiqe,  J^pd^nt  qm  ï^tm  h  Muçaww^^, 

on  y  y§p4jit  VHH  g^FW»  4pPÎ  )a  pe»ft  tçute  })l&06b§  Xï^im- 
s^t  rpfigin^  feriî^pnîgue,  fiç  <?o/|>  ge^  sip8ulçiô.0»,  pro- 
bi|))l@0)spt  ypîé  4i|ni9  J'jindç,  et  gç'us  ©poisQur  «tur^it  §i 
^}l69)^pt  lii)^ré ,  fpt  dirigé  yiBFs  }e  N§rd ,  §»m  dduto 
pp»r  teoir  les  c}iefe  4e  quelque  h^rem  dans  flo^stan-f 
tinpplp,  Us  Apg¥§(  iQo§^p$  wri»  d^Qa  été  h  yistme 


(  2«7  ) 

é'aae  grande  négligence  politique  :  Dieu  se  plaît  sou- 
vent  à  punir  les  hommes  par  où  ils  ont  failli. 

Il  y  a  parfois  une  profonde  sagesse  dans  les  institu- 
tions immémoriales  dont  on  ij^nore  aujourd'hui  le  sen§. 
On  aura  remarqué  Jadis  en  Ethiopie  que  les  niariages 
entre  consanguins  abâtardissent  la  race.  Aussi  les  Belen 
ne  peuvent-ils  se  marier  en  dedans  du  septième  degré. 
De  même,  les  Borana  ou  patriciens  Ilmorma  perdraient 
leur  rang  s'ils  ne  s'alliaient  au  delà  du  douzième,  et  il 
est  remarqiiable  que  ces  deux  classes  d'Africains  ont 
une  vigueur  physique  et  une  intelligence  qui  les  rend 
toujours  dignes  de  leur  position  élevée. 

Chez  les  B^en.  si  Tun  des  fiancés  meurt  avant  le 
mariage ,  il  est  remplacé  par  le  plus  proche  parent  ; 
cette  règle  s'applique  aux  deux  ^exes.  Une  yeuve  de- 
vient la  femme  du  plus  proche  parent  de  ^on  mari 
défunt,  et  avant  tout  du  fils  4e  ce  mari  s'il  est  né  fl'qn 
autre  lit.  La  veuve  d'un  patricien  a  droit  pendant  pn 
an  entier  à  la  maison  de  spn  mari  défupt  :  ce  drpit  est 
limité  à  quarante  jours  s'il  s'agit  d'un  T2gre  ou  clienj. 
Après  ces  délais  ^  elle  est  libre  de  convoler  à  de  se- 
condes noces.  Le^fiapc^Q^  comme  I^s  épouses  n'appar-r 
tiennent  plus  que  par  moitié  ^  la  famille  de  Jeijfr  pèrç  ; 
par  conséquent  le  meurtrier  de  sa  fiancée  ne  doit  c^uu^ 
la  moitié  du  prix  de  son  saq^^  Chez  les  T2gray  et  leç 
Amara,  où  l'idée  exclusive  dp  la  famille  prédomine 
moins ,  la  mariée  est ,  au  contraire ,  répnie  à  la  fan^illç 
de  son  mari,  à  moins  qu'il  ne  s'agisse  de  venger  $on 
sang,  (juipeut  être  revendiqué  en  entier  par  la  famjiUe 
de  son  père. 

L'hyène  étant  l'être  le  plus  méprisé  de  l'Ethiopie , 
on  la  nomme  en  justice  pour  indiquer  l'absence  de  tout 


(  268  ) 

droit.  Ainsi ,  un  Amara  dira  qu'un  homme  tué  de  nuit 
hors  de  chez  lui  était  une  hyène ,  parce  qu'on  ne  venge 
pas  sa  mort.  En  effet,  un  honnête  homme  est  censé  ne 
rien  entreprendre  dans  l'obscurité.  Dans  le  même  sens, 
le  Belen  affirme  que  la  femme  est  une  hyène.  Elle  ne 
peut  ni  hériter,  ni  cautionner,  ni  jurer,  ni  témoigner; 
on  ne  peut  même  l'appeler  en  justice  si  elle  a  commis 
un  crime.  Elle  est  absolument  sans  responsabilité  et 
sans  droits. 

Malgré  l'influence  du  christianisme,  la  loi  civile  ad- 
met le  divorce  dans  toute  l'étendue  de  l'Ethiopie.  On 
doit  ajouter  que  là  est  la  cause  principale  des  querelles 
civiles  et  de  l'infériorité  politique  et  morale  de  ce  beau 
pays,  car  l'union  politique  ne  saurait  être  forte  quand 
des  divisions  intestines  affaiblissent  le  lien  de  la  fa- 
mille, cette  base  fondamentale  de  toute  société.  La  di- 
vorcée hilen  ne  peut  se  remarier  qu'au  bout  d'un  an, 
si  elle  est  de  race  patricienne,  ou  de  quarante  jours  si 
elle  est  plébéienne.  Le  mari  peut  néanmoins  abréger 
ce  délai  lorsqu'il  prononce  le  divorce.  Les  enfants  des 
divorcés  appartiennent  au  père,  mais  la  mère  peut  ré- 
clamer ceux  qui  tettent  encore.  Le  divorce  amené  par 
la  femme  est  le  plus  rare.  Elle  l'effectue  en  se  réfu- 
giant, à  trois  reprises,  dans  la  demeure  de  son  père. 
Gomme  chez  les  Umorma,  tous  les  gens  d'une  noce 
jouissent  de  la  trêve  de  Dieu  pendant  toute  la  cérémo- 
nie, et  les  vengeances  les  plus  légales  sont  alors  dé* 
fendues  par  le  droit  Mogarth. 

L'usage  de  prohiber  tout  rapport,  même  de  conver- 
sation, entre  des  fiancés,  prévaut  chez  les  Ilmorma 
comme  chez  les  Belen,  et  ceux«ci  n'ont  garde  d'emme- 


(  269) 

ner  T  épouse  de  chez  elle  pour  la  donner  à  son  mari 
sans  employer  un  simulacre  de  force  et  même  de  com- 
bat. Les  habitants  du  Kaffa  en  font  autant  ;  comme 
eux,  les  Bilen  enlèvent  la  fiancée  bien  couverte  et  font 
des  sacrifices  prescrits  là  comme  dans  toutes  les  grandes 
occasions  de  la  vie  humaine.  Dans  toutes  ces  tribus, 
si  éloignées  aujourd'hui  les  unes  des  autres,  on  re- 
trouve aussi  le  même  us  qui  défend  aux  femmes  de 
traire  les  vaches  et  de  prononcer  jamais  le  nom  de 
leur  mari.  Chez  les  Belen,  comme  au  Darfur,  cette 
interdiction  s'étend  aussi  à  la  belle-mère. 

Revenant  aux  incapacités  légales  de  la  femme  dans  la 
société demi-chrétienne  des  Bilen,  M.  Munzinger  remar- 
que qu'elles  ne  sont  pas  propres  à  ennoblir  son  carac- 
tère, que  dans  l'Ethiopie  chrétienne  le  mari  qui  divorce 
est  obligé  de  restituer  le  douaire  et  de  nourrir  sa 
femme  répudiée;  enfin,  que  le  pays  tout  voisin  de 
Barka  est  le  paradis  des  femmes.  Là,  en  effet,  le  mari 
doit  en  tant  d'occasions  des  présents  à  son  conjoint 
qu'il  en  est  souvent  réduit  à  la  misère  :  l'épouse  s'ad- 
ministre elle-même,  prend  dans  la  succession  une  part 
égale  à  celle  de  son  fils,  a  maintes  facilités  pour  le  di- 
vorce et  garde  sa  fortune  à  l'abri  de  toute  atteinte.  En 
remémorant  l'histoire  antique  de  l'Ethiopie,  on  devait 
bien  s'attendre  à  trouver  quelque  part  de  pareilles  lois, 
dans  une  contrée  où  tant  de  femmes  ont  joui  et  jouissent 
souvent  encore  du  plus  haut  privilège  de  l'homme,  ce- 
lui de  gouverner  ses  semblables. 

Les  Bilen,  comme  les  .4k«l«-Guzay,  épousent  régu- 
lièrement la  veuve  d'un  frère  défunt,  quand  même  il 
a  laissé  des  enfants.  Les  divorces  sont  très-fréquents 


(  270  )  ' 

dans  toutes  ces  tribus,  vu  raffâiblissement  des  idées 
chrétiennes.  Par  la  môme  raison,  et  pour  augmenter 
leur  influence  en  agrandissant  leurs  relations  de  fa- 
milie,  les  riches  sont  adonnés  à  la  polygamiei 

On  croira  sans  peine  M.  Muzinger  quand  il  affirme 
qu'un  polygame  n'est  jamais  tranquille  entre  ses  deux 
épouses,  et  il  est  consolant  d'enregistrer  ici  la  convie- 
tion  de  notre  auteur,  que  les  époux  monogames  sont 
de  beaucoup  les  plus  fortunés  ;  que  les  doubles  ma- 
riages proviennent  rarement  d'un  besoin  physique^  et 
enfin  que  les  polygames,  tout  comme  ceux  qui  di- 
vorcent souvent,  ont  ordinairement  peu  d'enfaots.  Ici, 
comme  dans  le  cas  des  mariages  entre  proches,  on  voit 
planer  les  mêmes  lois  humanitaires,  sous  les  feux  de 
l'équateur  comme  près  les  glaces  du  pdle. 

(i  ^iitt^«.) 


(271) 


LE 


DiOCÊSE  D^ÂLESSÏO  ET  LÀ  MiRiômÈ 


DE  M.  ^firlÈt 

Consul  âe  France  à  écûtarl. 


COkMDRÎGÀTldi^  DU  MINISTÈRE  DES  AFFAIRES  éTâANciRBS. 
(Direction  des  consulats  et  affaires  commercialea.) 


S  1.    —  lb)»06RÂPHI£,  ÈtimOGBAPHIE  ET  STATISTIQUE. 

Étiend^  et  limitées  —  Le  dioôèâè  d'AIeàâiô,  âotit 
l'étendue  est  de  59  lieues  en  longueur  et  de  15  liéuésr 
en  largeur,  éonfine  au  S.  et  à  Î'E.  àtee  le  âi(k:ède  de 
Dûrasio  )  au  N^  avec  celui  de  Sappà  \  au  N.  B;  avee 
celui  de  Prisrénd ,  et  &  TO»  avec  celui  de  Scutari  et  la 
mat  Adriatique.  Ses  frentièreâ  uaturelles  sôUt  :  aU  S. 
et  à  l'E.  le  fleiiye  Matia ,  ainsi  ^ue  sed  déuic  afflueutâ 
le  grand  et  le  petit  Fandl  ^  jusqa'à  Prei-Briidet)  qui  le 
séparent  de  Duraezo  ;  puis  ùiië  chattie  de  mofitàgtieâ 
désignée  sur  les  (^tes  KOUs  ie  neâi  d^Ibelèa  s  s'étèu- 
d«at  jusqu'au  pont  de  l^pas  (Van  Spas),  forme  la  dé- 
limitation au  N.  E.  aveé  Prisirenâ;  au  N.,  et  eu  pre^ 
nant  Spas  po«ir  point  de  dé]part^  la  riviël'é  G&joâka  lé 
faiicmifiner  àteo  Sappa;  àl'O.,  ènfm ,  la gf andè  fôUte 
de  CiaffiBi^Mattt ,  puis  le  KMtM  et  la  Biéâelfea  Juë^'&  h 

rivMre  «l«»iii(&jay  (brmeut  i5€^  Vsù&m  aree  Seutath 


(  272  ) 

Montagnes.  —  La  chaîne  de  montagnes  qui  traverse 
le  diocèse  d'Alessio  peut  être  considérée  comme  une 
ramification  duScbar  (Scardus)  ;  ses  sommets  les  plus 
considérables  sont  le  Veglia,  qui  s'élève  au-dessus  de 
Calraetti  et  qui  forme  à  TE.  les  hauteurs  de  Freglina, 
d'Ugrii  et  de  Calori  jusqu'au  Fandi;  au  N.  celle  de 
Cresta,  qui  domine  la  Zadrima  et  s'étend  vers  le  tor- 
rent de  Ghiadri;  au  S.  £.,  cette  hauteur  se  divise  en 
deux  bras,  qui  forment  la  vallée  entre  Griesesi  et  Bul- 
gari  ;  au  S.,  il  prend  le  nom  de  Molungo,  sur  le  revers 
duquel  se  trouvent  les  villages  de  Grûcca ,  de  Manatia, 
de  Trinsci ,  de  Spidani ,  de  Soïmendi  et  de  Pedana. 
Le  Bieseka-Ses,  autour  duquel,  en  commençant  de 
CorsopuUo,  se  trouvent  groupées  les  paroisses  de 
Castanietti,  St-Gcorgio,  Gacinari,  les  villes  de  Gegiani, 
Gojoni  et  Scosa,  ainsi  qu'une  partie  de  Giafia-Malit. 
Gette  montagne  se  relie  à  celle  de  Krabi ,  dans  le  dio- 
cèse de  Sappa,  Le  Fandi ,  dont  le  sommet  le  plus  élevé 
est  le  Monella»  prend  au  N.  Ë.  les  dénominations  de 
Bosci  et  de  Koravi  ;  ces  deux  rameaux  s'étendent  jus- 
qu'au pont  du  Vizir  sur  le  Drin;  au  S.  et  au  S.  0., 
celles  de  Ruena,  de  Kumla,  de  Zeppe  et  de  Mali- 
Sentit  (Mont-Saint),  qui,  par  une  pente  progressive, 
se  perdent  dans  les  environs  de  Nderfandina. 

Deux  particularités  remarquables  distinguent  la 
Monella  :  la  première ,  c'est  qu'à  sa  cime  se  trouve  une 
longue  plaine  recouverte  de  neige  pendant  toute  Tan- 
née, et  qu'à  ses  bords,  vers  TE.,  existe  une  espèce  de 
puits  où  fourmillent  des  serpents  venimeux  ;  la  seconde 
consiste  en  ce  qu'à  de  certaines  époques,  plus  ou  moins 
rapprochées  ^  une  source  appelée  Y igani  sort  du  sein 


(  273  ) 

de  la  montagne ,  traverse  le  village  de  Kimessa ,  et  » 
sans  pluies  ou  autre  cause  atmosphérique,  se  jette 
avec  grand  fracas  dans  la  plaine ,  charriant  avec  elle 
des  rochers,  dés  arbres,  etc..  Les  villageois  en  ont 
très-peur  et  les  traditions  superstitieuses  en  font  re- 
monter l'origine  à  un  dragon  siégeant  dans  les  entrailles 
de  la  Monella ,  et  auquel  ils  ont  donné  le  nom  de  Go- 
liedra.  Ce  phénomène  se  produit  ordinairement  au  mois 
d'avril. 

Fleuves  et  rivières. — Les  principaux  fleuves  sont  le 
Drin  et  le  Matia  ;  le  premier  n'a  pas  son  origine  dans 
le  diocèse ,  mais  il  le  traverse  dans  toute  sa  longueur 
et  va  se  jeter  sous  Alessio,  dans  la  mer  Adriatique, 
tandis  que  le  second  sort  du  voisinage  de  Cidena,  et, 
après  avoir  reçu  le  grand  et  le  petit  Fandi ,  côtoie  la 
ligne  de  démarcation  entre  le  diocèse  d' Alessio  et  celui 
de  Durazzo ,  et  s'écoule  également  dans  l'Adriatique. 
Les  rivières  les  plus  importantes  sont,  outre  le  grand 
et  le  petit  Fandi ,  lesquels,  bien  que  d'origine  diverse, 
portent  pourtant  le  même  nom ,  îe  Ghioska,  le  Ghiadri 
et  le  Glomsichja, 

Le  grand  Fandi  sort  du  mont  Krabi  et  reçoit  neuf 
affluents.  Le  petit  Fandi  sort  du  mont  Monella  ;  il  reçoit 
trois  affluents.  Le  Ghioska  sort  du  Rosci  et  s'écoule 
dans  le  Drin ,  un  peu  au-dessous  de  Van-Spas ,  vers 
Prisrend.  Le  Ghiadri  sort  du  mont  Monella,  s'unit  au 
Vorna  et  se  jeUe  dans  le  Drin,  près  du  village  damême 
nom,  dans  la  Zadrima.  Le  Glomsichja  sort  de  Bieseka- 
Ses  et  se  jette  aussi  dans  le  Drin,  un  peu  au-dessus  de 
Van-dens  ou  Zadegne. 

XI.  AVAIL.  3.  18 


(  274  ) 

Lacs  et  marais.  —  Le  diocèse  ne  possède  aucun  lac, 
et  les  marais  les  plus  considérables  sont  :  celui  de  San- 
Martine ,  au-dessous  de  Triuschi  ;  celui  de  Knet-colce- 
dres  9  au  S,  de  Thospice  des  Franciscains ,  à  Alessio  ; 
celui  de  Knali ,  à  Tembouchure  du  Drin ,  près  du  port 
de  St-Jean--de*Medua  ;  celui  de  Hriva,  au  delà  du 
Drin ,  et  enfin,  celui  qui  s*étend  au  S.  O.  de  Baldrani 
et  de  Caôarichi,  et  quî  rend  Tair  infecte  et  malsain. 
Dans  ce  dernier  marais  flottent  des  îles  couvertes  d'ar* 
bres  et  qui  s'attachent  tantôt  à  un  bord ,  tantôt  à 
rautre« 

Forêts.  —  Presque  toutes  les  montagnes  du  diocèse 
sont  boisées  ;  les  plus  riches  forêts  sont  celles  de  Fandi, 
d'Orosch  et  de  Monella.  On  trouve  aussi  de  belles  forêts 
dans  la  plaine  de  Berdloja,  entre  le  Drin  et  le  fleuve 
Matia.  Le  pin ,  le  rouvre ,  le  sapin ,  le  chêne,  le  hêtre, 
l'orme,  le  genévrier,  le  tilleul  et  le  peuplier  sont  les 
essences  que  l'on  rencontre  le  plus  communément.  Les 
platanes  sont  bien  moins  nombreux  et  les  cyprès  ne 
produisent  que  des  individus  rabougris. 

Population.  —  La  population  entière  du  diocèse  est 
de  22y3Â0  habitants,  occupant  2,78& maisons;  elle  est 
ainsi  divisée  :  5,050  Turcs  dans  630  maisons;  17,279 
catholiques  dans  2,104  maisons;  12,256  Mirdites 
occupant  1,â50  maisons.  Les  Turcs  habitent  Alessio 
et  Mal-isi.  Il  n'y  a  point,  dans  le  diocèse,  de  villages 
mixtes. 

Ob  peut  diviser  les  catholiques ,  selon  les  drapeaux 
(bandiere)  auxquels  ils  appartiennent  >  en  catholiques 
de  la  montagne  et  en  catholiques  de  la  {^laine»  On  en 


(  275  ) 

connaîtra  la  force  et  la  composition  dans  le  chapitre 
suivant. 

Les  habitants  du  diocèse  sont  de  race  albanaise  et  ne 
parlent  que  Talbanais,. 

§  2.  -^  CULTES,  INSTRUCTION  PUBLIQUE, 
ORGANISATION  POLITIQUE,   ADMINISTRATIVE  ET  JUDICIAIRE. 

Culte  catholique^  —  L'administration  ecclésiastique 
du  diocèse  est  exercée  par  Tévêque  d'Alessio,  résidant 
à  Calmetti;  il  est  suffragant  de  l'archevêque  de  Du- 
razzo ,  mais  cette  dépendance  est  tempérée  par  l'action 
immédiate  et  absolue  de  la  Propagande  de  Rome,  Les 
lois  qui  régissent  le  clergé  sont  les  canons  de  l'Église 
et  les  instructions  spéciales  pour  les  missions. 

Le  clergé  est  national  et  séculier,  sauf  la  mission  de 
Franciscains  dile  de  l'Épire ,  qui  a  succédé  à  l'antique 
Provincia  Albana.  Le  diocèse  possède  un  nombre  suffi- 
sant d'églises ,  qui  sont  pour  la  plupart  mal  bâties ,  et, 
par  conséquent,  assujetties  à  de  fréquentes  réparations* 
Les  plus  solides  sont  celles  de  Cacarichi  et  de  Baldrani, 
ainsi  que  l'hospice  des  Franciscains  à  Alessio.  Sur  le 
mont  Saint  (  Mali-Sentit) ,  qui  domine  Orosch ,  U  y  a 
une  grande  église  dédiée  à  saint  Jean-Baptiste,  laquelle 
a  été  donnée  aux  Franciscains  par  le  pape  Clément  VIIL 
Toutes  ces  églises  ont  des  cloches  et  on  peut  librement 
les  sonner,  à  l'exception  toutefois  de  celles  de  l'église 
St-Nicolas»  sise  au  bazar  d' Alessio,  et  de  l'hospice  des 
Fransciscains  de  la  même  ville ,  quoique  situé  au  delà 
du  Drin.  Cette  dernière  église  parait  dater  de  12iii0, 
Jiea   deux  chapelles  de  Cacarichi   et  de   Baldrwîf 


(  276  ) 

du  XY^  siècle ,  époque  de  la  domination  vénitienne. 

D'après  rhistorien  franciscain  Wadingo,  la  pro- 
vince franciscaine  de  l'Albanie  comptait ,  depuis  les 
temps  les  plus  reculés ,  une  trentaine  d'hospices  ou  de 
couvents  qui  étaient  partagés  dans  tous  les  diocèses  de 
l'Albanie.  Il  ne  reste  plus  de  nos  jours  que  l'hospice 
deCaporadoni  de  Sebaste,  dans  le  diocèse  deDurazzo; 
celui  de  Trosciani,  dans  le  diocèse  de  Sappa,  et  enfin , 
ceux  de  Rbien  et  d'Alessio  de  ce  diocèse.  Ce  dernier 
est  considéré  comme  maison-mère.  Ces  hospices  for- 
maient, jusqu'en  1831,  la  province  religieuse;  ils 
étaient  desservis  par  des  prêtres  nationaux ,  mais  avec 
un  provincial  étranger,  lequel  étant  obligé  de  venir 
faire  régulièrement  sa  visite  et  de  retourner  à  son  poste, 
dépensait  en  frais  de  voyage,  plus  qu'on  ne  lui  allouait; 
c'est  pourquoi  un  bref  papal  supprima  à  cette  époque 
la  province  et  institua  la  mission  d'observants,  qui, 
néanmoins,  n'est  pas  encore  légalement  introduite. 

Le  diocèse  d'Alessio  compte  vingt-trois  paroisses , 
dont  douze  se  trouvent  dans  la  Mirditie,  appelée  aussi 
le  pays  au-dessus  de  Cresta  ou  simplement  la  Monta- 
gne ,  et  onze  dans  le  pays  au-dessous  de  Cresta. 

En  outre  des  églises  paroissiales ,  il  existe  neuf  cha- 
pelles où  les  desservants  des  cures  desquelles  elles 
relèvent,  vont  oiSScier  à  certaines  époques  de  l'année. 

Les  paroisses ,  pour  le  pays  au-dessus  de  Cresta, 
sont  au  nombre  de  douze ,  dont  dépendent  quarante- 
neuf  localités  (1450  maisons  et  12256  habitants).  Pour 
le  pays  au-dessous  de  Cresta ,  le  nombre  des  paroisses 
est  de  onze  et  le  nombre  des  localités  qui  en  dépen- 
Hient  est  de  quatorze  (  654  maisons  et  5023  habitants). 


(  277  ) 

Culte  mahométan.  —  Il  y  a  dans  le  diocèse  d*  Alessio 
plusieurs  mosquées ,  dont  deux  sont  situées  dans  la 
ville  :  Tune  d'elles  est  Tanôienne  église  de  St-Georges; 
une  troisième  près  de  la  paroisse  de  Grûcca  et  trois 
beaucoup  plus  petites  à  Mal-isi  et  dans  les  autres  vil- 
lages turcs ,  derrière  les  montagnes  de  Fandi. 

histruction  publique,  \—  Sur  les  17  279  catholiques 
du  diocèse,  cinquante  à  peine  savent  lire  avec  diffi- 
culté, dix  savent  signer  leur  nom.  L'instruction  est 
on  ne  peut  plus  négligée.  C'est  dire  qu'il  n'existe  ni 
écoles,  ni  personne  qui  veuille  s'occuper  d'instruire 
la  jeunesse  dans  les  devoirs  qu'imposent  la  religion 
catholique  et  la  société.  Quand  on  compare  cet  état 
d'igiiorance  à  ce  que  font  les  orthodoxes  dans  les 
autres  provinces  de  l'empire,  on  ne  doit  être  nulle- 
ment surpris  si  ceux-ci  parviennent  généralement  à 
s'élever  au-dessus  de  leur  condition  sociale  ou  à  acqué- 
rir du  bien-être  ;  jusqu'à  l'âge  de  quinze  ans,  les  jeunes 
gens  fréquentent  les  écoles  que  les  villages  grecs  les 
plus  misérables  du  Pinde  entretiennent  aux  frais  des 
communautés.  Les  musulmans  du  diocèse  d'Alessio 
envoient  leurs  enfants  chez  le  hodja  ou  le  simple 
muezzin  desservant  la  mosquée,  qui  leur  enseigne  à 
lire  et  à  s'instruire  dans  leur  religion. 

Organisation  politique ,  administrative  et  judi- 
ciaire. —  Aucun  diocèse  n'est  aussi  mal  partagé,  en 
ce  qui  concerne  son  organisation  politique ,  que  celui 
d'Alessio.  Tandis  que  la  portion  la  plus  considérable 
est  soumise  au  pachalik  de  Scutari ,  les  deux  paroisses 
de  Pedaua  et  de  Soïmendi  dépendent  à  la  fois  du  gou- 


(  278  ) 

vernenr  de  Monastir  et  du  commandant  de  Tirana.  Ce 
dernier  n'exerce  pourtant  sa  juridiction  que  par  des 
Zaptiés  chargés  de  percevoir  les  impôts,  et  il  n'a  jamais 
mis  les  pieds  dans  ces  deux  paroisses,  séparées  du 
reste  de  son  district  par  le  Matia,  sur  lequel  n^existe 
aucun  pont.  La  partie  soumise  au  gouverneur  de  Scu* 
tari  est  subdivisée  en  plusieurs  Mudirliks.  Le  Mudir 
de  Daïci,  dans  la  Zadrima,  a  sous  lui  les  neuf  dixièmes 
de  la  paroisse]de  Calmetti;  le  Mudir  d'Alessio  a  le  reste 
de  cette  paroisse,  plus  celles  d'Alessio,  Veglio,  Bul- 
gari,  Criesesi,  Grucca  et  Merchigne;  le  gouverneur 
général  a  sous  sa  dépendance  immédiate  les  paroisses 
de  Baldrani  et  de  Cacarichi,  situées  au  delà  du  Drin. 

L'autre  portion  formée  des  villages  mirdites  jouit 
d'une  autonomie  complète  dans  son  administration  in- 
térieure, à  la  tète  de  laquelle  est  placé  un  chef  catho- 
lique ,  qui  a  le  titre  de  pacha  et  le  rang  de  général  de 
brigade ,  que  lui  a  conféré  la  Porte ,  à  la  demande  du 
maréchal  duc  de  MalakoiT,  à  l'issue  de  la  guerre  de 
Grimée. 

Auprès  de  chaque  mudir,  il  y  a  un  conseil  de  caza 
et  un  cadi,  qui  ne  décident  que  les'affaires  de  second 
ordre ,  tandis  que  celles  qui  ont  un  caractère  plus  im- 
portant sont  soumises  au  gouvernement  de  Scutari, 

Des  prisons,  en  fort  mauvais  état,  sont  établies  à 
Alessio  et  à  Daïri.'La  gendarmerie ,  en  nombre  insuf- 
fisant ,  n'est  nullement  en  état  de  maintenir  la  tran- 
quillité publique. 

État  de  défense.  —  L'unique  forteresse  du  diocèse 
est  celle  d'Alessio,  qui  s'élève  à  environ  188  mètres 


f 


(  279  ) 

au-dassns  de  la  ville  et  qui  peut  être  considérée  comine 
la  clef  de  la  plaine  du  Drin.  Aujourd'hui  sa  vaste  en- 
ceinte 9  que  n'occupe  aucune  garnison ,  présente  un 
amas  de  ruines  sur  lesquelles  reposent  quelques  ca- 
nons hors  de  service. 

Le  diocèse  d'Alessio  et  celui  de  Sappa  forment  une 
espèce  d'île  séparée  du  reste  du  pays,  d'un  côté  par 
le  Drin ,  de  l'autre  par  les  deux  F&ndi,  et  bordée  de 
montagnes  et  de  gorges  qui  lui  donnent  une  position 
naturelle  assez  forte.  Le  brigandage  ôte  toute  sécurité 
sur  les  deux  routes  principales  qui  traversent  ce 
territoire. 

Force  armée.  —  Il  n'existe  dans  le  diocèse  aucune 
force  armée  régulière  ;  celle  que  le  gouvernement  peut 
y  requérir  en  cas  de  nécessité  est  évaluée ,  pour  les 
musulmans,  à  1200  fusils  (deux  fusils  par  maison), 
2400  pistolets  et  60  yatagans.  Les  catholiques,  de 
leur  côté,  disposent  de  4000  fusils,  de  8000  pistolets 
et  200  yatagans. 

Impôts.  —  Pour ,  déterminer  le  chiffre  et  la  nature 
des  impôts  et  revenus ,  il  faut  se  rappeler  la  division 
politique  du  diocèse.  Les  cinq  drapeaux  de  la  Mirditie 
ne  payaient  autrefois  au  sultan  que  10  paras  par 
maison  à  titre  de  rédif  ;  progressivement  cet  impôt  a 
été  porté  jusqu'à  100  paras  ;  mais  p  depuis  plusieurs 
aonées,  il  n'est  pas  exigé,  probablement  à  cause  des 
m^rvices  rendus  par  les  Mirdites  dans  la  première  expé* 
dition  contre  le  Monténégro  et  dans  la  dernière  guerre 
contre  la  Russie.  Il  est  d'usage  que  le  pacha  de  Scutari 
donne  chaque  année  m  cadeau,  aa  chef  des  Mirdites , 


(  280  ) 

cent  charges  de  maïs  ;  il  en  garde  la  moitié  et  distribue 
le  reste  entre  les  différents  chefs  et  sous- chefs  des  au- 
tres drapeaux.  Cette  fourniture  en  maïs  est  prélevée 
sur  les  villageois  de  Calmetti,  Trosciani,  Bljnisti,  etc., 
par  mille  moyens  plus  ou  moins  vexatoires.  Pedana  et 
Soïmendi  payent  les  impôts  conformément  aux  pres- 
criptions du  Tanzimat ,  puisque  ces  deux  villages  relè- 
vent du  pachalik  de  Monastir. 

Les  cinq  drapeaux  d'Alessio  acquittent  annuellement 
le  droit  de  A  piastres  et  demie  par  maison  à  titre 
de  rédif.  Les  villages  de  Mercigne ,  Grucca ,  Manatia  , 
Triusci  et  Spidani  sont,  de  plus,  soumis  à  lad!  me, 
tandis  que  les  villages  de  Veglia,  Criesesi  et  Bulgari  en 
sont  exempts,  par  suite  de  l'obligation  qui  leur  est  im- 
posée de  servir  dans  l'armée  en  qualité  de  bachi-bou- 
zouks.  Calmetti,  ou  pour  mieux  dire  ses  70  maisons, 
payent,  outre  la  dîme ,  un  impôt  appelé  pegh  ou  mac- 
toum^  atteignant  la  somme  de  2500  piastres  par  an, 
plus  60  paras  par  chaque  tête  de  bétail  de  la  race  ovine. 
Cette  taxe  n'est  que  de  10  paras  dans  le  reste  de  la 
province.  Baldrani  et  Cacarichi  acquittent  la  dtme  et 
les  impôts  communaux  exigés  à  Scutari. 

La  ville  d'Alessio  paye  chaque  année  les  impôts  sui- 
vants :  15  000  piastres  pour  les  débits  de  liqueurs  spi- 
ritueuses  ;  2000  pour  le  passage  du  Drin  (  20  paras 
par  personne)  ;  4000  pour  le  passage  dans  la  ville 
d'un  cheval  chargé ,  à  raison  de  20  paras  par  100 
ocques  de  charge.  Cette  dernière  contribution  doit  être 
affectée  aux  réparations  des  routes, 

» 

Hygiène  publique.  —  Un  office  sanitaire  existe  à 


(  281  ) 

Alessîo  pour  les  navires  arrivant  à  St-Jean-de-Medua , 
où  réside  un  agent  du  député  sanitaire. 

Dans  les  montagnes ,  la  maladie  la  plus  mortelle  est 
une  fièvre  putride  dite  sujutra  ou  moria.  Cette  dernière 
dénomination  lui  a  été  donnée  après  le  retour  des  Al- 
banais de  la  guerre  de  Morée  ;  les  fièvres  intermittentes 
sont  également  très-fréquentes ,  surtout  dans  le  pays 
au-dessous  de  Cresta ,  en  exceptant  les  paroisses  de 
Veglia,  Criesesiet  Bulgari.  Grûcca,  Cacarichi,  Bal- 
drani  et  Alessio  sont  les  plus  infestés,  à  cause  du 
voisinage  des  marais.  Sur  la  montagne,  les  morts 
occasionnées  par  le  peu  de  précautions  que  prend  la 
population  contre  T épidémie  ne  sont  pas  rares.  Aucun 
médecin  n'existant  dans  le  diocèse,  les  habitants  sont 
obligés  de  se  soigner  eux-mêmes  ;  parfois  ils  appellent 
leurs  curés,  qui  possèdent  en  général  quelques  notions 
médicales ,  mais  ils  ne  le  font  qu'à  la  dernière  extré" 
mité ,  et  il  est  rare  qu'ils  exécutent  les  prescriptions 
ordonnées.  Ils  possèdent ,  néanmoins ,  des  gens  qui 
savent  soigner  les  blessures  occasionnéespar  les  armes 
à  feu. 

§  3.  —  ORGANISATION  DE  LA  MIRDITIE. 

On  a  vu  que  la  population  entière  de  la  Mirditie 
était  de  12  256  âmes  occupant  1A50  maisons;  elle  est 
établie  sur  les  montagnes  qui,  deCalmetti,  s'étendent 
jusqu'à  Van-Spas-  ou  pour  mieux  dire  jusqu'au  pont 
du  Vizir,  près  de  Prisrend.  Une  petite  partie  de  la 
Mirditie  est  comprise  dans  le  diocèse  de  Sappa,  ce  sont 
les  paroisses  de  Muella-Spacit  et  de  Vigu»  A  cette  po- 


(  282  ) 

puUtioQ  il  faut  ajouter  les  Mirdites  qui  habitent  près 
de  Giacova,  à  titre  de  colons ,  au  nombre  de  A  60  far 
milles. 

La  Mirditie  se  divise  en  cinq  drapeaux  qui  sont  ceux 
d'Orosch  (123  maisons),  deFandi  ( 200  maisons  ) ,  de 
Spacci  (AOô  maisons),  de  Gusneni  ( 205  maisons ) »  de 
Dibri  (A26  maisons) . 

Les  trois  drapeaux  qui  forment  la  Mirditie  propre- 
ment dite  sont  ceux  d*Oroscb  »  de  Spacci  et  de  Cu9- 
nenL 

Quelques  versions ,  exagérées  sans  doute ,  donnent 
200  maisons  au  drapeau  d'Orosch ,  300  à  Fandi,  ëOO 
à  Spacci  9  300  à  Gusneni  et  500  à  Dibri ,  ce  qui  ferait 
1800  maisons ,  tandis  qu'il  n'y  en  a  en  réalité  que 
1A50. 

Pour  compléter  le  tableau  des  forces  du  diocèse, 
il  faut  ajouter  les  cinq  di*apeaux,  nommés  drapeaux 
d'Alessio,  formés  des  habitants  du  pays  au-dessous  de 
Gresta ,  qui  marchent  en  temps  de  guerre  avec  ceux 
de  la  Mirditie;  ce  sont  :  le  drapeau  de  Galmetti  {làh 
maisons),  le  drapeau  de  Manatia  (82  maisons),  le 
drapeau  de  Bulgari  (97  maisons),  le  drapeau  de  Veglia 
(108  maisons),  le  drapeau  de  Griesesi  (60  maisons). 

Le  drapeau  d'Orosch,  quoique  le  plus  faible  sous  le 
rapport  de  la  population ,  a  le  commandement  général 
sur  les  dix  drapeaux,  et  son  chef,  qui  a  pris  dans  les 
derniers  temps  le  titre  de  prince ,  réside  dans  le  chef- 
lieu  du  drapeau. 

Le  chef  actuel  de  la  Mirditie  est  Bib^Boda-Pacha  ; 
sa  famille  prétend  descendre  directement  des  anciens 
princes  de  Dukagini ,  célèbres  sons  Scaoderbeg.  Les 


(  288  ) 

opinions  à  cet  égard  sont  bien  divisées  dans  le  paya, 
et  une  tradition  ne  fait  remonter  qu'à  soixante-dix  ans 
la  suprématie  du  drapeau  d'Orosch. 

Il  y  a  même  des  personnes  qui  se  souviennent  encore 
de  l'époque  où  le  drapeau  de  Dibri  était  commandé 
par  un  bey  de  Scutarî,  et  où  la  justice  y  était  admi- 
nistrée par  le  chef  d'Orosch  et  un  Boulouk-bachi 
nommé  par  le  gouverneur  de  la  province.  Le  dernier 
bey  fut  chassé  pour  avoir  fait  brûler  sur  un  bûcher 
deux  Mirdites  convaincus  de  vol  ;  il  n'a  pas  été  rem- 
placé, et,  depuis  1810,  l'autonomie  administrative  et 
judiciaire  de  la  Mirditie  est  complète. 

L'administration  de  la  Mirditie  repose  sur  le  régime 
oligarchique.  Toutes  les  questions  sont  réglées  :  1*^  par 
les  anciens  (Vecchiardi)  de  chaque  village;  2*  par 
ceux  des  différents  drapeaux  (bandière),  et  3"*  par  les 
chefs  de  tous  les  bayracks  réunis  en  conseil  sous  la 
présidence  de  Bib-Boda.  Ces  trois  instances  judiciaires 
jugent  d'après  les  lois  traditionnelles  du  Canoun^  ne 
possédant  point  de  code  écrit.  Si  jamais  un  pareil  tra- 
vail était  fait ,  il  pourrait  certainement  jeter  plus  de 
jour  sur  l'origine  de  ce  petit  peuple. 

Caractère  des  habitants.  — Le  caractère  et  les  mœurs 
des  habitants  du  diocèse  sont  en  rapport  avec  l'état  de 
barbarie  dans  lequel  ils  vivent  depuis  tant  de  siècles.  La 
vendetta,  ce  fléau  terrible  de  l'Albanie,  s'y  exerce  d'une 
façon  inexorable. ,  Les  Mirdites  se  croient  de  fervents 
catholiques.  Les  villageois  font  consister  le  service  divin 
dans  l'élévation,  et  ils  ne  se  servent  que  de  l'expres- 
sion :  /ai  vu  la  messCy  pour  dire  qu'ils  l'ont  entendue. 


(284  ) 

'  Malgré  l'absence  d*un  gouvernement  ferme  et  d'un 
clergé  suffisamment  instruit,  les  habitants  du  diocèse 
d'Alessio  sont  les  plus  recommandables  de  l'Albanie. 
Us  ne  manquent  pas  de  quelques  qualités,  et,  sans 
parler  de  leur  attachement  à  l'Église  catholique  qu'ils 
ont  conservé  malgré  les  persécutions  les  plus  violentes 
des  Turcs,  ils  respectent  et  exercent  l'hospitalité, 
punissant  de  mort  quiconque  la  trahit. 

Différents  indices  semblent  indiquer  leur  origine 
grecque  :  ainsi,  il  n'y  a  pas  longtemps,  les  principales 
fêtes  du  pays  (Saint-Nicolas,  Saint-Georges,  Saint- 
Jean,  Saint-Démétrius,  etc.)  étaient  célébrées  d'après 
le  calendrier  oriental,  et  ils  observent  encore  l'usage 
de  prendre  une  gorgée  de  vin  après  avoir  communié, 
se  servant  à  cet  effet  d'une  gourde  pleine  qui  passe 
de  main  en  main.  Le  peu  d'objets  sacrés  anciens,  tels 
que  calices,  croix,  etc.,  conservés  dans  le  diocèse, 
sont  de  style  byzantin. 

La  femme  occupe  un  rang  très-inférieur,  étant  con- 
sidérée par  l'homme  comme  une  esclave  destinée  à 
subir  tous  ses  caprices  et  à  exécuter  les  travaux  les 
plus  pénibles;  elle  n'est  jamais  appelée  par  son  nom, 
mais  bien  par  la  qualification  de  mori.  Les  cérémonies 
de  mariages,  de  baptêmes,  de  funérailles  et  de  fian- 
çailles sont  semblables  aux  usages  suivis  par  tous  les 
montagnards  albanais.  L'infidélité  de  la  fenuue  est 
punie  de  mort,  et  la  sentence  rendue  à  cet  effet  doit 
être  exécutée  par  son  parent  le  plus  rapproché. 


(  285  ) 
%  b.  —  agriculture;  bestiaux,  industrie,  commerce 

ET  VOIES  de  communication. 

Agriculture.  —  Toute  la  population  du  diocèse  est 
vouée  à  l'agriculture  et  à  l'élève  des  bestiaux.  Par  une 
étrauge  anomalie ,  la  montagne  est  mieux  cultivée  que 
la  plaine,  ob  des  terrains  immenses,  entre  Alessio 
et  Matia ,  sont  couverts  de  broussailles  et  d'eaux  sta- 
gnantes. 

Les  principaux  produits  de  la  montagne  sont  le  maïs 
et  la  vigne.  Le  premier  de  ces  produits  suffit  à  la  con- 
sommation d'un  tiers  des  li50  maisons  de  la  Mirditie, 
tandis  que  les  deux  autres  tiers  sont  obligés  d'importer 
leur  approvisionnement  de  Giacova  et  de  Prisrend.  La 
vigne  donne  une  récolte  abondante  en  quantité ,  mais 
médiocre  sous  le  rapport  de  la  qualité.  Avec  les  rai- 
sins d'Orosch,  de  Cacinari  et  de  Calivari,  il  serait 
facile  de  faire  d'excellents  vins,  si  les  grappes  étaient 
choisies  et  surtout  s'ils  étaient  mieux  travaillés.  Il  n'y 
a  en  fait  d'arbres  fruitiers  que  des  cerisiers  et  des 
châtaigniers  à  Giégani  et  à  Gortopullo.  II  est  d'usage 
d'envoyer  chaque  année  en  cadeau,  à  un  bey  de  Scutari, 
dix  charges  de  cerises. 

Dans  la  plaine ,  la  production  consiste  en  blé,  maïs, 
raisins  et  olives,  dont  on  fait  de  l'huile  de  qualité  in- 
férieure. Tous  ces  produits  sont  abondants  et  suffisent, 
année  commune ,  à  la  consommation  des  habitants.  Les 
vins  de  Trosciani  et  de  Calmetti  sont  très-généreux. 
La  plaine  ne  produit  en  fait  de  légumes  et  de  fruits 
que  des  melons  d'eau\  des  concombres  »  des  courges , 
des  figues ,  des  cerises  et  des  poires. 


(  286  ) 

Elève  des  bestiattx.  —  Toutes  les  races  aDÎmales 
existent  dans  le  dîocësel  La  paroisse  de  Fandi,  qui  est 
considérée  comme  la  plus  riche,  possède  environ 
20000  moutons;  Orosch  5000  et  Spaçi  ,10  000,  Les 
meilleures  races  de  chèvres  sont  celles  de  Fandi,  de 
Vegliaet  de  Bulgari.  Les  vaches  sont  en  grand  nombre 
k  Oroscb  f  à  cause  des  facilités  qu'offre  le  voisinage 
des  pâturages  de  Nderfandina;  puis  à  Fandi  et  è. 
Spacci.  Il  existe  peu  de  bœufs,  ils  sont  employés  à 
Vagriculture,  On  compte  un  cheval  par  maison  à 
Ciaffa-Malit,  et  à  peine  un  pai*  deux  maisons  à  Gorto-^ 
puUo,  Galmetti,  Merchigne,  Grûcca  et  Pedana« 

Animaux  sauvages.  —  En  fait  d'animaux  sauvages, 
on  rencontre  près  du  Drin,  au-dessous  d' Alessio ,  des 
loups,  des  renards,  des  chacals  et  des  loutres;  dans 
les  montagnes  vivent  des  fouines,  des  ours  et  un  ani- 
mal que  les  Albanais  nomment  Lucerbul;  il  doit  ap- 
partenir à  la  famille  des  léopards.  Il  existe  aussi  des 
chevreuils  et  des  chèvres  sauvages  en  grand  nombre 
dans  les  forêts  situées  entre  Pedana  et  Bulgari. 

Le  fleuve  Matia  et  les  rivières  des  montagnes  con- 
tiennent beaucoup  détruites;  le  Drin  est  également 
très-poissonneux. 

Industrie.  —  L'industrie  est  nulle;  on  se  borne  à  la 
confection  de  quelques  tissus  de  laine  ;  ce  travail  est 
la  spécialité  des  femmes  ;  on  fabrique  aussi  des  in- 
struments aratoires  très-imparfaitement  confectionnés. 

Commerce.  — -  Le  commerce  n'a  pas  une  plus  grande 
importance  que  l'indiistrie.   Le  charbon,  le  bois  à 


(  287  ) 

brûler  et  la  résine  sont  envoyés  à  Scutari  ;  les  planches  ' 
de  sapin,  dans  le  pachalik  de  Prisrend,  et  le  scodano 
(bois  de  teinture)  descend  d'Alessio,  d'où  il  est  ex- 
pédié en  France. 

L'article  le  plus  considérable  de  l'importation  était 
autrefois  le  sel ,  que  l'on  obtenait  à  bas  prix ,  ce  qui 
permettait  aux  habitants  de  la  Mirditie  de  s'approvi- 
sionner avec  abondance  ;  mais  les  prix  ayant  haussé 
considérablement  par  suite  du  nouvel  impôt  établi , 
les  malheureux  Mirdites  sont  obligés  de  se  priver  de 
cet  objet  de  première  nécessité  ou  de  n'en  acheter  que 
le  strict  nécessaire  ;  puis  viennent  les  tissus,  les  denrées 
coloniales  et  les  spiritueux  que  Scutari  fournit.  Le 
bazar  d'Alessio ,  qui  contient  240  boutiques,  s'appro- 
visionne également  dans  le  chef-lieu  de  la  province. 

La  navigation  est  très-limitée  et  se  borne  à  un  faible 
mouvement  par  le  port  de  St- Jean-de-Medua ,  situé  à 
rO.  d'Alessio  et  à  l'embouchure  du  Drin.  Ce  port  est 
si  vaste  qu'une  flotte  entière  pourrait  y  stationner  à 
l'aise,  et  il  prendrait  de  l'importance  si  le  Drin  et  le 
Hatia  devenaient  un  jour  navigables. 

D'Alessio  à  l'embouchure  du  Drin,  il  y  a  à  kilo- 
mètres >  et  les  barques  de  30  à  40  tonneaux  peuvent 
remonter  le  fleuve  à  une  faible  distance  de  la  ville  ; 
elles  débarquent  les  cargaisons  au  bazar  même. 

Voies  de  communication*  —  Les  voies  de  commu- 
nication, laissées  à  la  merci  du  hasard  ou  de  quelque 
moribond  affectant  une  somme  quelconque  de  sa  suc-* 
cession  à  la  réparation  de  tel  ou  tel  chemin  (khairat) , 
sont  dans  le  plus  triste  état.  La  principale  route  est 


(288) 

•celle  qui  conduit  de  Scutari  à  Prisrend ,  comprise  jus^ 
qu'à  Ciaffa-Malit,  daus  le  diocèse  de  Sappa,  et  de  là 
jusqu'au  pont  du  Vizir  dans  celui  d'Alessio  ;  elle  tra- 
verse une  partie  de  la  Mirditie.  Cettç  route ,  dont  on 
connaît  déjà  l'état  pitoyable,  est  pourtant  l'unique 
moyen  de  communication  existant  entre  Scutari  et  les 
pachaliks  de  l'intérieur.  La  seconde  route  est  celle  qui 
de  Tirana ,  par  conséquent  de  Monastir  et  de  toute  là 
Roumélie,  conduit  à  Alessio  et  à  Scutari.  Elle  n'est 
pas  mieux  entretenue  que  la  précédente  et  elle  est 
beaucoup  moins  sûre,  attendu  que  des  bandes  de  bri- 
gands y  ont  établi  le  siège  de  leurs  opérations. 

Le  diocèse  ne  possède  aucun  pont  pour  traverser  les 
fleuves  et  les  rivières.  Deux  troncs  creusés ,  attachés 
l'un  à  côté  de  l'autre,  servent  à  transporter  sur  les 
deux  rives  les  hommes,  les  animaux  et  les  marchan- 
dises. Il  existe  quatre  bacs  de  ce  genre  à  Van-Molen, 
à  Alessio,  à  Matia  et  à  Van-Spas,  vers  Prisrend. 

La  distance  à  parcourir  d' Alessio  à  Scutari  est  de 
quatre  heures  ;  celle  de  cette  dernière  ville  à  Orosch 
est  de  trois  petites  journées,  et,  enfin,  il  faut  deux 
jours  pour  se  rendre  de  la  capitale  de  la  Mirditie  à 
Prisrend. 

En  résumé,  le  diocèse  d' Alessio  est  le  plus  consi- 
dérable ,  après  celui  de  Scutari ,  sous  le  rapport  de  la 
population  catholique  ;  mais  il  est  le  plus  pauvrement 
*doté  sous  celui  de  la  richesse  et  du  bien-être. 


(  289  ) 


Analyses,  Rapporte,  etc. 


RAPPORT 

PAR  M,  V.  GUÉRIN 

SUR  LE  2V0UTEL  OUVRAGE  INTITULÉ   : 

VOYAGE  EN  TERRE-SAINTE 

DE  M.  DE  SA13LCY 

■  Membre  de  llnstitut. 


Au  nombre  des  savants  de  notre  temps  qui  se  sont 
occupés  de  la  Palestine  avec  l'amour  le  plus  passionné 
de  ce  sujet,  et  en  même  temps  avec  Tesprit  le  plus 
perspicace  et  le  plus  ingénieux,  il  faut  citer  en  pre- 
mière ligne  M.  de  Saulcy. 

Tout  le  monde  connaît  les  importants  résultats  du 
premier  voyage  qu'il  a  exécuté  dans  cette  contrée  cé- 
lèbre en  1850  et  1851,  et  qu'il  a  publié  en  1853 
dans  deux  volumes  intitulés  :  Voyage  autour  de  la  mer 
Morte  et  dans  les  terres  bibliques. 

Tout  le  monde  a  lu  aussi  le  second  ouvrage  qu'il  a 
fait  paraître  en  1858,  sous  le  titre  de  :  Histoire  de  Fart 
judaïque  tirée  des  textes  sacrés  et  profanes^ 

Enfin^  dans  l'année  qui  vient  de  s'écouler,  après  un 
deuxième  voyage  en  Palestine  accompli  en  1863,  il  a 
publié  un  troisième  ouvrage  en  deux  volumes,  intitulé  : 
Voyage  en  Terre-Sainte. 

J'ai  déjà,  en  1858,  essayé  de  rendre  compte»  dans 

XI.  AVRIL.  A.  19 


(  290  ) 

les  Annales  de  philosophie  chvétienne,  tome  XVIII, 
du  second  de  ses  écrits,  en  montrant  lont  ce  qu'il  ren- 
ferme d'idées  neuves,  de  faits  inattendus,  de  conjec- 
tures à  la  fois  audacieuses  et  rigoureusement  déduites 
dans  leur  hardiesse  même.  Aujourd'hui,  sans  prétendre 
en  aucune  manière  m' ériger  en  juge  du  dernier  des 
ouvrages  que  je  viens  de  mentionner,  et  laissant  à  de 
plus  compétents  que  moi  le  soin  de  l'apprécier  comme 
il  le  mérite,  je  vais  en  donner  une  courte  et  rapide 
analyse. 

Après  avoir  consacré,  chemin  faisant,  quelques  jours 
à  revoir  Alexandrie  et  le  Caire,  à  étudier  l'emplace- 
ment de  Memphis  et  des  pyramides  de  Gbizeh,  et  à 
examiner  à  Boulaq  le  beau  musée  créé  par  M.  Mariette, 
M.  de  Saulcy  débarque  à  Jaffa  le  27  octobre  1 863  avec 
les  compagnons  de  son  voyage.  Le  personnel  de  la  mis- 
sion, dont  il  était  le  chef,  se  composait  de  M.  l'abbé 
Michon,  de  M.  le  capitaine  d'état-major  Gélis  et  de 
M.  de  Behr,  auxquels  devaient  bientôt  s'adjoindre 
M.  Salzmann,  M.  Mauss  et  M.  le  docteur  Gaillardot, 
tous  hommes  d'intelligence,  de  talent  et  de  cœur,  et 
qui  devaient  concourir  efficacement,  chacun  pour  sa 
part,  au  succès  général  de  la  mission. 

Parvenu  àRamleb,  au  lieu  de  se  rendreà  Jéruèalem 
par  la  voie  que  suivent  d'ordinaire  les  pèlerins,  c'est- 
à-dire  d'Abou-Rhoch,  qu'il  connaissait  déjà  lui-même, 
M.  de  Saulcy  préfère  prendre  celle  de  Koubeïbeh  et 
de  Naby-SamouïL 

Autour  de  l'oualy  du  scheikh  Souleiman,  des  ruines 
assez  considérables  lui  sont  désignées  sous  le  txoin  de 
Koufour  Tab.  M.  de  Saulcy  les  identifie  avec  Caphar 


tebi,  ââcieh  botik'g  àitttè  à  lorient  de  Lydcla  et  tnëii- 
lionné  dans  le  l^àlmud. 

n  identifie  ëgaletûeiit  Koubàb  avec  Capbar  K.oube, 
que  ûouâ  connaissons  de  même  par  le  Talmud,  et  qui 
êtâtt  âur  les  limites  dés  territoires  d'Israël  et  des  Phî-^ 
listîns. 

Ceâ  deux  identifications  me  paraissent  très-plau- 
sibleâ. 

Qiiani  à  celle  de  Boureïdj  avec  le  castellum  Ârnoldi 
qui,  d'après  uti  passage  de  Guillaume  de  Tyr,  avoisi- 
nait  Nobé,  je  ne  la  crois  pas  aussi  sûre,  bien  qu'elle 
puisse  être  néanmoins  défendue. 

Arrivé  à  Koubeïbeh,  que  beaucoup  regardent  comme 
étant  l'Ëmmaûs  de  l'Évangile  de  saint  Luc,  M.  de 
Saulcy  incline  à  croire  avec  le  savant  père  Bassi^ 
que  c'est  là  une  tradition  erronée,  et  qu'il  faut  placer 
à  Amoas  ce  bourg  célèbre. 

A  peine  entré  dans  l'enceinte  de  Jérusalem,  dont  il 
salue  de  nouveau  les  murs, après  treize  ans  d'intervalle, 
avec  une  vive  et  pieuse  émotion,  M.  de  Saulcy  com- 
mence aussitôt  l'étude  de  la  ville  sainte,  modifiant  cou- 
rageusement ses  premières  idées,  lorsqu'un  examen 
plus  attentif  et  plus  approfondi  le  force  à  les  changer. 
Sans  se  laisser  aveugler  par  un  amour-propre  indigne 
d'un  savant  qui  cherche  avant  tout  la  vérité,  il  ne  craint 
pas  d'avouer  loyalement  qu'il  s'est  trompé  dans  plu- 
sieurs de  ses  appréciations  antérieures,  toutes  les  foîà 
que  l'occasion  s'en  présente.  Cette  noble  franchise 
ajoute  ensuite  un  nouveau  poids  à  son  témoignage, 
quand  il  confirme  ses  preniières  assertions. 

Ainsi,  par  e^temple,  il  avait  le  premier,  sur  là  face 


(  292  ) 

orientale  du  Haram-ech-Chérif  et  dans  le  voisinage  de 
Tangle  sud-eét,  signalé  l'existence  d'une  sorte  de  balcon 
en  encorbellement  élevé  de  plusieurs  mètres  au-dessus 
du  sol;  actuellement,  ayant  pu  voir  les  choses  de  plus 
près,  grâce  à  l'exhaussement  progressif  des  décombres 
en  cet  endroit,  il  commence  à  croire  qu'il  y  a  eu  là 
une  vraie  porte  et  un  pont,  ce  prétendu  balcon  présen- 
tant une  douelle  de  pont  circulaire  analogue  à  celle 
du  pont  du  Xystus.  Était-ce  par  là  que  le  bouc  émis- 
saire était  lancé  vers  le  désert,  ainsi  que  le  prétendent 
les  talmudistes?  C'est  très-possible,  dit-il. 

En  ce  qui  regarde  la  fameuse  porte  Dorée,  ses  ar- 
chivoltes lui  paraissent  plus  romaines  que  jamais,  mais 
les  pieds  droits  qu'il  croyait  du  même  temps  que  les 
archivoltes,  il  les  reconnaît  maintenant  comme  posté- 
rieurs et  d'un  travail  médiocre. 

De  même,  dans  la  base  antique  de  la  tour  carrée  qui 
fait  face  à  l'une  des  entrées  du  Haram,  il  propose  de 
voir  lés  soubassements  du  tombeau  d'Alexandre  Jan- 
néas,  l'un  des  princes  asmonéens,  tombeau  qu'il  avait 
d'aborJ  placé  dans  la  grotte  dite  de  Jérémie.  II  se 
fonde  pour  cela  sur  un  passage  de  Josëphe  {Bell, 
jud. ,  V,  VII,  3) ,  où  il  est  dit  que  Titus  ayant  trans- 
porté son  camp  à  l'intérieur  de  la  muraille  au  point 
qui  s'appelle  le  cainp  des  Assyriens,  Jean  avec  les 
siens  combattait  du  haut  d'Antonia  et  du  portique 
septentrional  du  temple. 

m 

L'arc  de  VEcce  Homo,  depuis  que  les  travaux  exé- 
cutés pour  les  constructions  des  Dames  de  Sion  ont 
dégagé  une  partie  considérable  de  ce  curieux  édifice, 
lui  semble  une  porte  monumentale  à  triple  baie,  qu'il 


(  295  ) 

regarde  toujours  sans  doute  comme  romaine»  mais 
qu'il  croit  aujourd'hui  postérieure  à  la  Passion  de  Jésus- 
Christ»  et  il  n'y  avait  plus,  comme  auparavant»  un 
arc  du  haut  duquel  le  Christ  aurait  été  présenté  par 
Pilate  à  la  populace  juive. 

Quant  à  Tenceinte  antique  de  la  ville,  une  nouvelle 
étude  du  terrain  et  la  découverte  faite  depuis  son  pre- 
mîer  voyage  des  véritables  cavernes  royales,  confon- 
dues d'abord  avec  les  Kbour-el-Molouk»  lui  font  rejeter 
le  plan  de  Schultz  qu'il  avait  précédemment  adopté, 
£t  il  en  détermine  le  périmètre  d'une  manière  qui  me 
])aratt  désormais  à  l'abri  de  toute  critique. 

Pour  rendre  &  chacun  ce  qui  lui  est  dû,  il  faut  dire 
que  c'est  à  M.  de  Barrère  ainsi  qu'à  M.  Pierrotti  que 
revient  l'honneur  d'avoir  rectifié  les  premiers  le  plan 
de  Schultz  et  ceux  de  Barclay  et  de  Robinson,  et  d'avoir 
prouvé  que  l'enceinte  d' Agrippa  ne  dépassait  pas  ver3 
le  nord  les  limites  de  l'enceinte  actuelle.  Seulement 
M.  de  Saulcy  a  précisé  davantage  leurs  assertions  et 
modifié  quelques-unes  d'entre  elles.  Ainsi  les  restes 
des  deux  tours  antiques  qui  avoisinent  la  porte  de  Da- 
mas, et  qui  sont  très-évidemment  les  tours  dites  des 
femnies  dont  il  est  question  dans  Josèphe  lors  du  siège 
de  Titus,  paraissent  a  cet  éminent  archéologue  bien 
antérieures  à  l'époque  d' Agrippa,  et  il  est  disposé  à  y 
voir  l'un  des  ouvrages  avancés  qui  sont  cités  dans  les 
Antiqtdtés  judaïques  (X,  m,  2)  comme  existant  avant 
Hanassès,  puisque  ce  prince  ne  fit  que  pourvoir  à  leur 
approvisionnement. 

L'entrée  du  Haram-eçh-Chérif,  comme  on  le  sait, 
lui  avait  été  interdite  lors  de  son  premier  voyage,  les 


(294) 

chrétiens  n'ayant  point  alors  le  droit  d'y  pénétrer  \ 
maintenant  qpe  cette  enceinte  lui  est  oaverte,  U  m 
commence  une  reconnaissance  préliminaire;  plus  tard^ 
au  retour  des  explorations  qu*il  a  l'intention  d'acconi-* 
plir,  il  en  fera  une  étude  approfondie  et  complète. 

Il  jette  de  nouveau  un  premier  coup  d'œil  suc  les 
diverses  nécropoles  de  Jérusalem  et  en  particulier  sur 
les  magnifiques  excavations  des  Rbour^l-Molouk,  où 
il  doit  entreprendre  des  fouilles  d'un  si  haut  intérêt. 

Le  1"  novembre,  il  prend  la  route  d'Hébron.  Arrivé 
aux .  vasques  de  Salomon,  il  incline,  contrairement  à 
l'opinion  généralement  admise  qui  place  ailleurs Etbam , 
à  reconnaître  l'emplacement  de  cette  ville  près  d^  là 
fontaine  scellée  et  du  Kalaat-el-Bourak,  Cette  conjec- 
ture me  semble  très-digne  d' attention ,  non-seulemeq( 
à  cause  des  gros  cubes  de  mosaïques  que  l'on  rencontrci 
fréquemment  en  cet  endroit,  mais  encore  parce  qnQ  le. 
Kalaat-el-Bourak  a  dû  succéder  probablement  à  un^i 
forteresse  antique,  et  qu'en  outre  une  source  d'una 
pareille  impoilance,  des  vasques  si  considérables  Qt  Iç 
voisinage  de  1' Aïn-Atan»nom  qui  rappellecelui  d'Etbayov^ 
semble  fixer  sur  ce  plateau  plutôt  que  sar  les  ^ntes 
de  l'Oued-Eurtas  la  yille  ainsi  appelée. 

Ramet-el-Khalil  est  pour  M,  de  Saulcy  Tendroit.  où 
Abraham  planta  sa  tente.  En  cela,  il  est  d'accord  avec 
la  tradition  juive  ;  mais  il  s'en  écarte  en  plaçant  à  la 
riiine  voisine,  appelée  Kharbet-en-Nasara,le  bosquet  de 
Mamré  ;  car  là,  dit-il,  le  nom  l'indique  comme  les  rui« 
ries  elles-mêmes ,  il  y  a  eu  un  important  établissement 
chrétien  au  milieu  duquel  il  est  disposé  à  chercher 
l'église  bâtie  par  Tordre  de  Constantin.  Pour  moi,  je 


(  295  )      * 

l'avouerai,  je  préfère,  avec  la  tradition  juive,  recou" 
naître  cet  emplacement  dans  l'enceinte  même  du  Haram* 
çl~Khalil,  et  le  puits  qu'on  y  remarque  encore  me  pa- 
raît être  celui  dont  il  est  question  dans  Y  Itinéraire 
du  pèlerin  de  Bordeaux^  comme  ayant  été  creusé  par 
Abraham  près  du  Térébinthe.  Les  juifs  d'Hébron  que 
j'ai  consultés  sur  ce  point  sont  unanimes  à  ce  sujet.* 
D'ailleurs,  au-dessus  et  dans  le  voisinage  de  cette  eur 
ceinte;  il  y  avait  un  bourg  antique  actuellement  détruit 
et  appelé  Kharbet  Ramet-el-Kbalil  :  j'y  ai  retrouvé  les 
traces  très-reconnaissables  d'une  basilique  chrétienne 
dont  je  parlerai  en  son  lieu. 

M.  de  Saulcy,  dans  son  premier  voyage,  avait  déjà 
visité  Hébron,  mais  il  n'avait  pu  y  jeter  qu'un  coup 
d'œil  rapide.  Cette  fois-ci,  il  l'examine  avec  plus  ^  de 
soin  et  de  loisir,  et  jM.  le  capitaine  Gélis  en  dresse  un 
plan  trës-fidèle.  Il  lui  est  impossible  néanmoins,  à  cause 
du  fanatisme  des  habitants,  de  pénétrer  dans  le  Haranv- 
el-Khalil,  c'est-à-dire  dans  l'enceinte  célèbre  con- 
struite au-dessas  de  la  grotte  de  Makfelab,  où  ont 
reposé  Abraham,  Isaac  et  Jacob  avec  leurs  femmes  :  U 
doit  donc  se  borner^  comme  tous  les  voyageurs  du  reste,, 
.  à  eu  examiner  l'extérieur.  L'âge  de  cette  superbe  <?on- 
struction  a  été  discuté  bien  des  fois  et  a  fait  naître  les 
opinions  les  plus  diverses;  les  uns,  comme  M.  de 
Saulcy,  y  voient  un  appareil  judaïque  des  premiers 
temps  de  la  royauté;  les  autres  font  descendre  ces 
vénérables  murailles  jusqu'aux  époques  lea plus  basses. 
Après  les  avoir  étudiées  moi-même  à  plusieurs  reprise^, 
j'ai  toujours  été  frappé  de  leur  aspect  de  haute  anti-^ 
quité,  et  Tavis  défendu  par  M.  de  Saulcy,  conforme  en 


(  296  ) 

tela  d'ailleurs  à  la  tradition  du  pays,  me  parait  réunir 
en  sa  faveur  de  grandes  probabilités. 

Avant  de  rentrer  à  Jérusalem,  M.  de  Saulcy  se  di- 
rige vers  le  Djebel-Foureïdis,  généralement  connu 
parmi  les  chrétiens  sous  le  nom  de  montagne  des 
Francs.  Cette  montagne,  dont  les  flaiics  inférieurs  sont 
couverts  de  ruines  et  au  bas  de  laquelle  s'étend  un 
beau  birkeh,  offre  l'aspect  d'un  cône  régulier  que  cou- 
ronnent les  restes  d'une  forteresse.  M.  de  Saulcy  les 
décrit  avec  une  grande  exactitude  ;  il  tenait  d'autant 
plus  à  les  examiner  attentivement ,  que  c'était  là  un 
échantillon  incontestable  des  constructions  hérodiennes, 
puisque  cette  forteresse  avait  été  élevée  par  Hérode  qui 
lui  avait  donné  son  nom  en  l'appelant  Hérodium.  Or, 
les  ruines,  tant  du  bas  que  du  haut  de  la  montagne» 
offrent  toutes  au  regard  des  pans  de  murailles  et  des 
voûtes  en  pierres  de  taille  d'un  appareil  assez  bon,  sans 
doute,  mais  médiocre  quant  aux  dimensions  des  blocs 
"employés,  et  par  conséquent  très-différent  de  celai  que 
Ton  remarque  au  Haram-el-Khalil  d'Hébron  et  dans 
les  parties  antiques  du  Haram-ech-Chérif  de  Jéru- 
salem. 

De  retour  dans  la  ville  sainte,  M.  de  Saulcy  entre- 
prend une  nouvelle  exploration,  plus  difficile  et  plus 
lointaine,  dans  l'ancienne  Ammonitide,  au  delà  du 
Jourdain.  Personne  n'ignore  que  dans  son  premier 
voyage,  en  1851,  il  avait  accompli  autour  de  la  mer 
Morte  une  expédition  des  plus  intéressantes  et  des  plus 
aventureuses,  qui  lui  avait  permis  de  retrouver  sur  les 
^  bords  de  cette  mer  célèbre  les  traces  de  la  plupart  des 
'  villes  maudites,  et  de  faire  une  reconnaissance  hardie 


(  297  ) 

^e  la  plus  grande  partie  de  la  Moabitide.  Il  veut  rnain^ 
tenant  compléter  et  poursuivre  ses  recherches  en  par- 
courant de  même  l'antique  pays  d'Ammon. 

Parvenu  à Er-Riha,  l'ancienne  Jéricho,  M.  de  Saulçy, 
avant  de  franchir  le  Jourdain,  fait  une  nouvelle  étude 
de  cette  localité.  Près  de  là,  un  tumulus.de  dimensions 
considérables  lui  est  signalé  sous  le  nom  de  Tell-rAbou^ 
es-Salaït  (le  tertre  père  des  écorchures).  A  cause  de 
son  nom  et  de  sa  position,  il  T identifie  avec  le  tumulus 
d'Aralout,  sur  lequel  furent  dressées,  après  le  passage 
du  Jourdain,  les  douze  pierres  qui  avaient  été  recueil- 
lies dans  le  lit  du  fleuve  et  sur  lequel  aussi  ont  lieu, 
dans  le  campement  de  Gilgal,  la  circoncision  des.  en* 
fants  d'Israël, 

Au  delà  du  Jourdain,  il  laisse  sur  sa  gauche  en 
Nëmrieh,  la  Beth-Nimra  de  la  tribu  de  Gad« 

Il  étudie  avec  un  soin  tout  particulier  les  ruines 
d' Aaraq-el-£myr.  Pour  lui,  la  prétendue  tour  attribuée 
par  Josèphe  à  Hyrcan  était  en  réalité  un  antique  sanc- 
tuaire des  Ammonites,  dédié  probablement  au  dieu 
Moloch,  et  Hyrcan  s* est  seulement  construit  une  forte- 
resse dans  l'intérieur  de  ce  temple  déjà  abandonné  de 
son  temps. 

Plus  loin,  à  Omm-Eddeba,  il  croit  reconnaître  la 
Midba  de  l'Écriture  dont  il  est  question  dans  les  Chro^ 
niques  (I,  19). 

Arrivé  à  Amman,  l'ancienne  Rabbath-Ammon,  ca- 
pitale des  Ammonites,  appelée  plus  tard  Philadelphie, 
il  en  décrit  minutieusement  les  magnifiques  ruines. 
Thermes,  basilique,  temples,  colonnades,  théâtre,  tout 
atteste  une  grande  et  importante  cité  aujourd'hui  com- 


(  298  ) 

plétement  déserte.  Mais,  d'un  autre  côté,  ces  beaux 
édifices  d'époque  romaine  ont  fait  disparaître,  en  les 
absorbant,  tous  les  débris  des  monuments  antérieurs, 
et  il  ne  subsiste  plus  rien  des  constructions  de  l'antique 
forteresse  assiégée  jadis  par  David.  Une  particularité 
digne  d'intérêt,  c'est  l'existence  au  milieu  de  ces  ruines 
de  deux  arceaux  de  forme  ogivale  et  qui  sont  évidem-* 
ment  romains  comme  le  prétend  M.  de  Saulcy. 

Il  visite  ensuite  Kherbet-el^Al,  TElealeh  de  TÉcrî- 
ture,  Hesban,  l'antique  Hesbon  qui  n'est  plus  qu'un 
amas  de  décombres  informes,  Mayn,  la  Baal-Maoun  de 
la  Bible. 

Puis  il  côtoie  le  Djebel*Nebâ,  qu'il  identifie  d'une 
manière  qui  semble  certaine  avec  le  mont  Nebo,  que 
d'autres,  avec  beaucoup  moins  dé  raison,  selon  moi, 
reconnaissent  dans  le  Djebel-Attarous.  L'identité  du 
nom  actuel  avec  le  nom  antique,  la  présence  sur  les 
flancs  inférieurs  de  la  montagne  de  sources  appelées 
encore  ajourd'hui  Ayoun^Mousa  (sources  de  Moïse) ,  la 
position  de  cette  montagne  vis-rà-vis  Jéricho,  tout  con- 
court à  prouver  que  c'est  bien  là  le  mont  fameux  du 
haut  duquel  Moïse  contempla  la  terre  promise,  et  qui 
fut  ensuite  le  théâtre  de  sa  mort. 

A  Soueïmefa,  M.  de  Saulcy  reconnaît  le  site  probable 
de  la  Betb-Jésimoth  de  l'Écriture,  dont  U  est  question 
dans  le  livre  des  Nombres  (XXXIII,  hl)  (1). 

Après  avoir  laissé  sur  sa  gauche  £r-Rameb,  la  Betha- 

V 

(1)  Avant  d'atteindre  cette  localité,  il  avait  remarqué  sur  sa  route 
plusieurs  dolmens  et  cromlechs  entièrement  analogues  à  ceux  que  Ton 
rencontre  dans  plusieurs  eoqtrées  de  Toccident,  et  notamment  en 
Bretagne. 


(  299) 

ramphta  de  rÉcritare,  devenue  sous  Qérode  Julias  ou 
Liyias,  il  repasse  |e  môme  gué  du  Jourdain,  et  rentre 
ensuite  à  Jérusalem,  heureux  d'avoir  accompli  d'ui^ 
manière  si  fructueuse  pour  la  science  cette  exploration 
importante. 

Pendant  son  absence,  les  fouilles  qu'il  avait  donné 
l'ordre  d'entreprendre  au  Kbour-el-Molouk  avaient  été 
commencées,  et  le  gros  tertre  de  décombres  placé  de- 
vant le  vestibule  du  monument  dans  la  grande  cour 
intérieure  avait  été  entamé  profondément.  Les  tran- 
chées qu'on  avait  ouvertes  avaient  un  double  but  :  elles 
devaient  d'abord  rendre  impossibles  dans  l'avenir  les 
mutilations  de  toutes  sortes  que  les  touristes  depuis 
plusieurs  années  faisaient  subir  aux  sculptures  de  la 
façade;  en  second  lieu,  elles  permettaient  de  recbt^-r 
cher  les  traces  du  monument  expiatoire  d'Hérodeque 
M.  de  Saulcy  espérait  trouver,  et  dont  la  présence  en 
ce  lieu  devait  confirmer  sa  théorie  relative  à  cette  royale 
nécropole.  De  beaux  fragments  de  corniches,  d'une- 
pierre  différente  de  celle  dans  laquelle  les  tombes, 
élaiept  creusées,  avaient  été  retirés  des^  fouilles  et  trans- 
portés à  Sainte-Anne.  Des  difficultés  de  tpute  nature, 
ayant  été  bientôt  suscitées  à  l'auteur  par  les  différent^ 
propriétaires  du  terrain  et  par  les  juifs  de  Jérusalem^ 
les  travaux  furent  un  instant  suspendus,  puis  repris 
avec  une  nouvelle  ardeur,  à  la  suite  de  négociations 
actives  près  du  pacha  de  Jérusalem. 

Le  vestibule  fut  déblayé  jusqu'au  sol,  et  ce  travail 
mit  k  jour  trois  belles  marches  entaillées  dans.  le  roc 

M,  de  Saulcy  fit  également  attacjuer  par  le  haut  ia 


(300) 

{)remiëre  coût*,  et  dès  le  premier  jour  il  reconnut  un 
superbe  escalier  formé  de  rampes  et  de  paliers  irrégu- 
liers, et  comptant  vingt-six  marches.  Quant  aux  déblais 
effectués  dans  la  grande  cour,  ils  donnèrent  d'excel- 
lents résultats,  tels  que  tronçons  de  colonnes,  un  frag- 

• 

ment  de  pilastre  d'ante,  d'autres  morceaux  de  corni- 
ches, et,  entre  autres,  un  bloc  considérable  offrant 
exactement  le  même  profil  et  la  même  ornementation 
que  les  beaux  fragments  déjà  transportés  à  Sainte- 
Anne.  Tous  ces  débris,  sauf  le  pilastre,  appartenaient 
à  un  seul  et  même  édifice,  que  M.  de  Saulcy  considère 
comme  le  monument  expiatoire  élevé  par  Hérode.  Ce 
monument  avait  été  placé  au-dessus  du  vestibule  du 
sépulcre,  comme  nous  l'apprend  Sosèphe  {Antiq.  jud.t 
XVI,  vn,  1);  il  aura  été  ensuite  précipité  dans  la  grande 
cour  soit  par  un  tremblement  de  terre,  soit  par  les  dé- 
vastateurs du  tombeau. 

Après  avoir  bien  reconnu  les  parties  extérieures  des 
Kbour-el-Molouk,  M.  de  Saulcy  en  fait  déblayer  tout 
rintérieur. 

La  chambre  dans  laquelle  on  pénètre  lorsqu'on  a 
franchi  rentrée,qui  jadis  était  défendue  par  un  disque 
de  pierre,  était  encombrée  de  terre  et  de  pierrailles  : 
en  enlevant  cette  couche  énorme  de  décombres,  on 
rencontra  une  foule  d'objets  de  l'époque  romaine,  entre 
autres  un  grand  nombre  d'urnes  de  toutes  dimensions 
remplies  d'ossements  incinérés,  de  fioles  dites  lacryma- 
toires,  de  lampes,  etc. ,  enfin,  des  ossements  appartenant 
à  quelques  cadavres  qui  y  avaient  été  enterrés.  Trois 
groupes  de  médailles  furent  ramassés  à  côté  de  ces 
squelettes  entiers.  Comme  ces  médailles  appartiennent 


(  sai  ) 

toutes  à  une  époque  antérieure  au  3iég«  dç  Titus^  M.  de 
Saulcy^  en  conclut  qu'il  a  retrouvé  là  l'un  de3  charniers 
dans  lesquels  des  morts  i*omains  (ceux-ci  très-nom- 
breux),  et  juifs  (ceux-là  eu  grande  minorité] ,  ont  été 
déposés  pendant  le  siège.  Suivant  la  coutume,  les  Ro- 
mains furent  incinérés  et  enferma  dans  des  urnes,  le^ 
Juifs  furent  tout  simplement  couverts  de  terre;  et, 
puisque  ce  vestibule  a  pu  ainsi  servir  de  cbarnieF  de 
guerre,  c'est  que  le  monument  funéraire  lui-même  avai( 
été  violé  et  abandonné. 

Toutes  les  chambres  sépulcrales  déjà  connues  furent 
nettoyées  avec  soin.  Sous  un  amoncellement  de  dé« 
combres,  à  droite  de  la  porte  du  vestibule,  on.  décou- 
vrit l'entrée  d'une  chambre  inconnue  ;  mais  en  y  péné<* 
trant,  on  s'aperçut  qu'elle  avait  été  violée  il  y  a  peu 
d'années,  comme  l'attestaient  quelques  fragments  de 
journal  qui  gisaient  à  terre.  La  cuve  du  sarcophage 
avait  été  brisée,  le  couvercle  seul  était  entier» 

Le  8  décembre»  une  découverte  bien  plus  importante 
cette  fois  vint  couronner  dignement  les  recherches  dç 
M.  de  Saulcy.  Une  nouvelle  chambre  basse  fut  trouvée 
en  soulevant  une  dalle  encastrée  dans  une  banquette, 
et  lorsqu'on  eut  descendu  quelques  marches,  on  se 
trouva  en  présence  d'un  sarcophage  intact  muni  de  son 
couvercle  et  placé  sous  une  arcade  faisant  face  à  l'en- 
trée. Sur  le  devant  du  sarcophage  était  une  inscription 
sémitique  de  deux  lignes.  Le  couvercle  ayant  été  des- 
cellé et  culbuté,  laissa  voir  un  squelette  bien  conservé.» 
ia  tète  appuyée  sur  un  coussinet*  C'était  celui  d'une 
femme,  qui  s'aiTaissa  et  s'évanouit  en  poudre  aussitôt 
qu'il  eut  vu  le  jour.  Le  sarcophage  qui  le  contenait  est 


(  802  ) 

aujourd'hui  àu  Louvre,  ^inscription  bilingue  qui  s*y 
trouve  gravée  se  comjpose,  comme  je  Tai  dît,  de  deux 
lignes  de  huit  lettres  chacune.  La  première  ligne  est 
en  estranghelo,  la  seconde  en  hébreu  carré.  M.  de 
Saulcy  traduit  ainsi  la  prertiière  :  Zoran  ou  Zodan^ 
reine;  et  la  seconde  :  Sadah  ou  Sarah^  reine. 

A  quelle  époque  faut-îl  faire  remonter  là  tombe  îBtt 
question?  Voilà  un  problème  difficile  à  résoudre.  La 
reine  dont  elle  a  contenu  les  restes  était  une  Araméenne. 
Son  nom  et  son  titre  ont  d'abord  été  inscrits  en  carac- 
tères araméens  sur  la  cuve  du  sarcophage  :  plus  tard, 
une  seconde  main  a  transcrit  et  traduit  en  hébreu  là 
légende  funéraire  :  ceci  est  positif;  le  reste  tombe  danis 
le  domaine  de  l'hypothèse. 

Quant  à  la  vaste  nécropole  elle-même  des  Kbour-el- 
Molouk,  à  quelle  dynastie  l'attribuer?  En  effet,  c*est 
.  bien  une  nécropole  royale  ;  il  n'est  plus  permis  désor- 
mais d'en  douter,  puisqu'une  reine  y  a  été  enterrée  et 
dans  un  endroit  qui  est  loin  d'être  la  place  d'honneur. 
M.  de  Saulcy  a  déjà  démontré  depuis  longtemps  qu'il 
n*est  pas  possible  de  penser  aux  rois  asmonéens ,  pas 
plus  qu'à  la  dynastie  des  Hérodes.  Il  apporte  cette 
fois-ci  de  nouveaux  arguments  pour  prouver  que  ce 
n'est  pas  non  plus  le  tombeau  d'Hélène  ni  de  son  fils 
tzates.  Quant  à  celui  d'Alexandre  Jannéas ,  il  est  im- 
possible d'y  songer.  Force  est  donc  de  revenir  toujours 
à  la  dynastie  des  rois  de  Juda. 

Plusieurs  objections  ont  été  opposées  h  l'auteur  à 
ce  sujet  ;  elles  peuvent  se  réduire  à  quatre  principales  * 

1*^  Le  tombeau  de  David  et  de  sa  dynastie  était  sur 


<  808) 

te  znont  Sion  ^  et  il  y  est  encore  en  grande  vénération 
parmi  les  musulmans. 

2*"  Les  ornements  architectoniques  des  &bour-el*Mo- 
louk  sont  formés  de  motifs  empruntés  à  l'architecture 
grecque. 

3°  Le  livre  de  Néhémie  semble  placer  le  tombeau  de 
David  sur  le  moât  Sion. 

à""  Enfin  ce  tombeau  a  été  ouvert ,  par  basard  >  il  y 
quelques  siècles  »  suivant  le  récit  de  Benjamin  de  Tu*- 
dële ,.  et  refermé  aussitôt  t)ar  Tordre  du  rabbin  de  Jé- 
rusalem. 

De  ces  quatre  objections  que  j'ai  examinées  ailleurs, 
les  deux  plus  fortes ,  à  mon  avis ,  sont  la  première  et 
la  troisième;  celle-ci  surtout,  comme  j'ai  essayé  de  le 
montrer,  me  parait  au  premier  abord  insurmontable. 
Voici,  en  effet,  le  passage  de  Néhémie  (III)  : 

15.  ((  Et  Saloûm,  fils  de  Kolkhoze,  chef  du  district 
de  Mitspa,  éleva  la  porte  de  la  source;  c'est  lui  qui  la 
construisit,  la  couvrit,  en  |)osa  les  portes,  les  serrures 
et  les  verrous ,  ainsi  que  la  muraille  de  l'étang  de  Se- 
lakh  (Siloé),  près  des  jardins  du  roi  et  j'usquaux 
rampes  qui  descendent  de  la  ville  de  David. 

16.  »  Après  lui  travailla  Néhémie ,  fils  d' Azbouk , 
chef  du  demi-district  de  Beth-Tsour ,  jusqu'en  fac^ 
des  tombeaux  de  David ^  jusqu'à  l'étang  d'Assoui^h  et 
jusqu'à  la  maison  des  héros.  > 

Ces  deux  versets  ne  semblent-ils  pas  décisifs  contre 
la  théorie  de  M.  de  Saulcy  ?  Après  avoir  parlé  de  l'étang 
de  Siloé  et  des  rampes  qui  descendent  de  la  cité  de 
David ,  c'est-à-dire  évidemment  de  la  colline  de  Sion , 
Néhémie  mentionne  ensuite  immédiatement  les  tom- 
beaux de  David. 


(  âôà  ) 

Ne  pouvant  dénouer  le  nœud  de  cette  difficulté, 
M*  de  Saulcy  n'hésite  pas  à  le  trancher  hardiment  en 
prétendant  que  ce  n'est  peut-être  là  qu'une  interpola- 
tion erronée  dans  un  livre  rempli  d'ailleurs  d'obscu- 
rités impénétrables.  Fort  de  toutes  les  raisons  qu'il  a 
accumulées  pour  démontrer  son  hypothèse,  et  ruiner  de 
fond  en  comble  celles  qui  sont  contraires  à  la  sienne,  il 
maintient  énergiquement  son  opinion,  sans  tenir  compte 
de  ce  petit  passage  qui  me  parait  très-net ,  quoique 
inséré  dans  un  chapitre  qui  ne  l'est  pas  du  tout. 

Mais  que  faire  alors  des  Kbour-el-Molouk  et  comment 
sortir  d'embarras? 

J'ai  discuté  longuement  avec  M.  de  Barrère,  à  Jéru- 
salem ,  cette  question  difficile ,  et  il  m'a  cité  une  fois 
un  passage  d'Ézéchiel  auquel  je  n'avais  pas  d'abord 
fait  assez  grande  attention,  et  qui  peut-être  peut  mettre 
sur  la  voie  de  la  solution  de  ce  problèniie, 

Voici  ce  passage ,  ch .  XLIIl  r 

7.  «  Fils  de  l'homme,  c^est  ici  le  lieu  de  mon  trône, 
le  lieu  où  je  poserai  mes  pieds  et  où  je  demeurerai 
pour  jamais  au  milieu  des  enfants  d'Israël,  et  la  maison 
d'Israël  ne  profanera  plus  mon  saint  nom  à  l'avenir,  ni 
eux ,  ni  leurs  rois  par  leur  idolâtrie ,  par  les  sépulcres 
de  leurs  rois  (1  ),  ni  par  les  hauts  lieux. 

9.  »  Qu'ils  rejettent  donc  maintenant  loin  d'eux  leur 
idolâtrie;  qu'ils  éloignent  loin  de  moi  les  sépulcres  de 
leurs  rois  (mot  à  mot  les  cadavres  de  leurs  rois) ,  et  je 
demeurerai  toujours  au  milieu  d'eux,  n 

De  ces  deux  versets  ne  serait-il  pas  permis  de  con- 

(1)  Mot  à  mot  par  les  cadavres  des  rois. 


(  806  ) 

dure  qu'ayant  la  captivité  de  Babylone ,  époque  pen- 
dant laquelle  prophétisait  Ézéchiel ,  les  sépulcres  des 
rois  de  Juda  avaient,  par  leur  rapprochement  du 
Temple,  situés  qu'ils  étaient  sur  le  mont  Sion,  violé 
les  prescriptions  de  la  loi  judaïque,  et  qu'au  retour  de 
la  captivité ,  pour  obéir  aux  injonctions  du  Seigneur, 
qui  ordonnait  par  son  prophète  d'éloigner  de  son  sanc- 
tuaire les  cadavres  des  rois ,  ceux-ci  furent  transférés 
ailleurs,  dans  les  magnifiques  excavations  connues  au* 
jourd'hui  sons  le  nom  de  Kbour-el-Molouk  ? 

De  cette  manière ,  on  ne  peut  plus  invoquer  contre 
l'hypothèse  de  M.  de  Saulcy  aucun  texte  de  l'Écriture. 
C'est  bien  sur  le  mont  Sion,  la  cité  proprement  dite 
de  David,  qu'aurait  été  creusée  la  nécropole  primitive 
des  rois  de  Juda ,  à  l'endroit  que  Néhémie  désigne  sous 
le  nom  de  Tombeaux  de  David ,  ce  prince  étant  comme 
la  personnification  de  tonte  sa  dynastie  et  imposant 
son  nom  unique  au  mausolée  multiple  et  commun  où 
reposaient,  dans  plusieurs  chambres  sépulcrales,  les 
corps  des  rois  ses  descendants.  Plus  tard,  leurs  royales 
dépouilles ,  comme  je  viens  de  le  supposer,  auront  été 
transportées  hors  de  la  ville ,  dans  le  mausolée  que 
M.  de  Saulcy  leur  attribue. 

En  même  temps  qu'il  pratiquait  des  fouilles  aux 
Kbour-el-Molouk,  M.  de  Saulcy  en  exécutait  d'autres 
au  pied  de  la  face  méridionale  duHaram-ech-Chérif, 
afin  de  dégager  le  seuil  de  la  triple  porte.  La  base  de 
cette  porte  a  été  entièrement  déchaussée  sur  une 
étendue  de  près  de  30  mètres  ;  il  a  été  constaté  que 
le  roc  se  trouvait  immédiatement  en  dessous  de  la 
grande  assise  nommée  par  M.  de  Saulcy  salomonienne, 

XI.  AVRIL.   5,  20 


(  306  ) 

qoi  formait  la  base  de  la  mnraille,  telle  qu'elle  appa* 
raissait  avant  la  fouille.  On  découvrit  ausdi  plusieurs 
canaux  souterrains  qui  servaient  à  l'écoulement ,  vers 
le  Cédron,  Jes  eaux  nécessaires  à  la  propreté  du 
Témplë. 

H.  Sauicy  envoya  égaleiûent  quelques  ouvriers  au 
gtMd  tertre  éti  forme  d'hémicycle ,  qui  se  trouve  à 
dtàltid  dé  la  route  de  Naplouse ,  à  800  mètres  au  p\û& 
dé  la  pàtle  de  Damaé.  Led  tranchées  qui  y  furetit  ou- 
vertes n'ameUêrent  que  de  faibles  résultats.  Nêân- 
ïÉàittêy  c<mime  ce  tertre  affecte  la  forme  d'un  théâtre, 
M.  de  Saulcy  croit  y  recoûttattrfe  remplaceitaetit  de 
celui  qU'Hérode  avait  fait  coUStruire  à  Jérusalem. 

St.  dé  Saulcy  aborde  ensuite  dans  son  ouvrage 
Teittnneâ  des  différents  canaux,  sources  et  bassins  qui 
aHihetifsdent  Jérusalem.  Puis  il  discute  très-savam- 
ïûéiA  lés  diverses  enceintes  de  la  ville. 

11  tiéiûàiicté  uù  chapitre  spécial  à  Tenceinte  du  Temple, 
(fetil  a  pu  cette  fois  étudier  à  loisir  dans  les  moindres 
cMUilé ,  et  il  affirme  de  la  manière  la  plus  formelle  et 
Àfctis  toute  la  sincérité  de  sa  conviction  qu'il  était  jadis 
dftUè  le  vttd  «n  regardant  comme  judaïques  les  portions 
antiques  de  murailles  que  d'autres  critiques  attribuent 
à  Bérode  ou  à  une  époque  plus  récente  encore. 

!l  revient  d«  nouveau  sur  la  porte  Dot^e  et  la  porte 
sous  d-Aksa.  Ces  deux  portes,  dit-il,  sont  bien  plus 
aïiciemies  que  les  parties  surchargées  d'ornements  qui 
leur  ont  été  appliquées  après  coup.  Celles-ci  sont  dé 
Péi^oque  d'Hérode  très-probablement. 

te  $5  décemibre,  enfin,  après  avoir  parcouru  et 
«iâmïnTê  en  tous  sens  îa  ville  sainte  dont  Mf.  le  capttàiîië 


j 


(  807  ) 

Gélis  avait  dressé  un  nivellement  exécuté  avec  un  soin 
minutieux ,  M.  de  Saulcy  quitte,  non  sans  regrets,  avec 
ses  compagnons  de  voyage ,  le  théâtre  de  ses  fécondes 
recherches,  riche  des  précieux  résultats  qu'il  a  obtenus 
et  des  découvertes  qu'il  a  faites! 

Je  lui  avais  signalé  dans  les  montagnes  d'Éphraïm, 
près  du  Kharbet-Tibneh ,  l'ancienne  Thimnat- Hères, 
Fexlstence  d'un  magnifique  tombeau  que  j'avais  trouvé 
6û  parcourant  cette  région ,  et  que ,  conformément  aux 
données  de  la  Bible,  d'Eusèbe  et  de  saint  Jérôçae, 
j'attribuais  à  Josué.  Il  s* y  transporte  avec  tout  9on 
monde,  en  lève  le  plan,  y  découvre  une  chambre 
sépulcrale  qui  m'avait  échappé,  et  ajoute  un  grand 
poids  à  mes  conjecutres  en  les  confirmant  entièrement. 
De  là,  il  se  rend  à  Naplouse  par  une  route  peu 
connue  à  travers  les  montagnes  et  fait  une  nouvelle 
étude  des  mines  du  Garizim. 

Dans  la  relation  de  son  premier  voyage ,  il  raconte 
qu'en  visitant  cette  montagne  célèbre  il  avait  vu,  auprès 
des  débris  de  l'ancien  temple  des  Samaritains,  d'autres 
fuines  considérables,  et  qu'ayant  demandé  aux  indi- 
gènes qui  l'accompagnaient  d'où  provenaient  ces  ruines, 
il  lui  avait  été  répondu  que  c'étaient  celles  d'uue  an- 
cienne ville  du  nom  de  Louza.  Gomme  aucun  livre 
imprimé  ne  fait  mention  d'une  ville  de  ce  nom  en  cet 
endroit,  plusieurs  critiques  soupçonnèrent  que  M.  de 
Saulcy  avait  été  induit  en  erreur.  Dans  sa  seconde 
visite  au  mont  Garizim,  M.  de  Saulcy  ne  manque  pas 
de  demander  de  nouveau  quelles  sont  ces  ruines,  et  il 
lui  est  fait  la  même  réponse.  Or,  comme  l'a  fait  obser- 
ver le  docte  M.  Beinaud ,  une  ville  du  nom  de  Louza 


(  308  ) 

est  citée  comme  ayant  existé  jadis  dans  le  voisinage  du 
temple  de  Garizim,  dans  nne  histoire  des  Samaritains, 
écrite  en  arabe  par  un  Samaritain  appelé  Aboul-Fath, 
lequel  vivait  vers  le  milieu  du  xiv*  siècle.  Le  texte  de 
cet  ouvrage  a  été  publié  en  1855,  à  Gotfaa,  par 
M.  Edouard  Vilmar,  sous  le  titre  de  Abul-Fathi  an- 
nales^Samaritani. 

Les  pluies  torrentielles  dont  il  est  malheureusement 
presque  chaque  jour  assailli  empêchent  M.  de  Saulcy 
d'explorer  les  parties  de  la  Samarie  et  de  la  Galilée 
qu'il  voulait  étudier,  et  c'est  avec  beaucoup  de  peine 
qu'il  gagne  Beyrout,  où  il  se  rembarque  le  11  janvier 
pour  la  France. 

Tel  est  le  résumé  fidèle  des  deux  beaux  volumes 
dont  j'ai  été  chargé  de  rendre  compte.  Ils  sont  enrichis 
de  planches  et  de  cartes  d'une  rare  exactitude ,  où  tous 
les  itinéraires  de  l'auteur  sont  tracés  avec  la  plus  grande 
netteté.  De  nombreux  problèmes  archéologiques  y  sont 
posés  et  résolus  ;  la  géographie  de  la  Palestine  y  est 
aussi  éclairée ,  sur  beaucoup  de  points,  d'une  lumière 
nouvelle.  Aussi  la  science  n'a-t-elle  qu'à  féliciter  M.  de 
Saulcy  de  ses  courageuses  et  doctes  recherches,  et  elle 
attend  avec  impatience  le  nouvel  ouvrage  auquel  il 
travaille  en  ce  moment  sur  le  siège  de  Jérusalem  par 
Titus. 


(  309  ) 


Commanteatlons»  eto. 


LETTRE    DE  M.   G.    LEJEAN 

AU  PHÉSIDENT  DB  LA  CQHIUSSION  CENTRALB. 


Angora,  le  9  décembre  1865. 

<c  Monsieur  le  Président, 

*  L'hiver  et  d'autres  circonstances  qui  tiennent  au 
temps  et  au  pays  impriment  à  mon  voyage  une  lenteur 
qui  m'inquiéterait  pour  le  résultat  final,  si  je  n'étais 
assuré  d'avance  de  pouvoir  doubler  mes  étapes  quand 
je  descendrai  dans  les  pays  à  chameaux,  c'est-à-dire 
en  Mésopotamie  et  en  Assyrie.  J'espère  être  sur  l'Eu- 
phrate  dans  une  vingtaine  de  jours.  L'Asie  Mineure  est 
un  pays  admirable  à  parcourir  quand  on  en  a  le  temps, 
ce  qui  n'est  pas  tout  à  fait  le  cas  pour  moi.  Le  froid 
est  intense  et  mon  tempérament  africain  en  souffre 
beaucoup,  d'autant  mieux  que  la  neige  et  le  vent  du 
nord  rendent  les  ascensions  de  montagnes  très-pé- 
nibles, souvent  impossibles.  Les  relevés  géodésiques 
que  je  fais  avec  soin  me  montrent  à  quel  point  la  to- 
pographie de  la  Péninsule  est  encore  mal  connue.  Les 
cartes  vraiment  admirables  de  Kiepert  et  Bolotof  des- 
sinent les  grands  traits,  mais  rien  de  plus.  Dieu  veuille 
inspirer  à  quelque  gouvernement  européen,  ami  de  la 
science,  d'envoyer  ici  une  mission  sérieuse,  qui  fasse 


(  510  ) 

pour  les  provinces  littorales  ce  qu'a  fait  Texpédition 
Yiocke-Fischer  pour  un  coin  de  la  Cappadoce. 

1  J'expédie  par  ce  courrier,  à  M.  le  ministre  de  l'in- 
struction publique,  un  petit  rapport  accompagné  d'une 
carte,  en  trois  feuilles,  d'une  portion  de  la  Galatie,  re- 
levée au  1/150  000%  pluâ  deut  platis.M.  le  ministre 
jugera  peut-^ètre  à  propos  de  vous  envoyer  ma  carte, 
à  une  partie  de  laquelle  le  Bulletin  pourrait  accorder 
sa  gracieuse  hospitalité.  L'échelle  de  1/160  000^  est 
bien  graâde,  mais  il  m'a  paru  impossible  de  la  réduire 
sans  sacrifier  les  détails  qu  font  précisément  l'origina- 
lité de  la  carte,  en  montrant  à  quel  point  la  vraie  to- 
pographie de  l'Asie  Mineure  s'éloigne  du  dessin  ar- 
randi  et  uniformément  élégant  de  la  oarte  Bolotof.  — 
La  partid  de  là  Galatie  comprise  entre  Nalli-Han  et 
Aiach  est  une  succession  de  steppes  d'une  aridité  ef- 
froyable» formées  par  des  plaines  et  des  plateaux  bas, 
qui  m'ont  parfaitement  rappelé  le  Samhar  nubien.  Je 
les  ai  figurés  dans  la  feuille  III,  à  laquelle  j'ai  joint  âes 
profils  de  collines  sedimentaires  voisines  de  Sarlar. 
Un  géologue  trouverait  peut<»étre  ces  collines,  trèfe- 
itômbreuses  le  long  de  l'Aladagh,  moins  extraordinaifès 
qu'elles  ne  m'ont  paru^  avec  leurs  couches  rouges, 
blanches,  vertes,  régulièrement  superposées*  Ces  cou- 
leurs Aont  si  tranchées  en  certains  endroits^  qu'elles 
figurent  un  drapeau  italien. 

»  Je  m'occupe  avec  ardeur  d'une  étude  adMs  neuve  : 
«elle  de  l'agriculture,  et  en  général  des  forces  produc- 
tives de  TAnatolie*  Cette  magnifique  province,  si  riche 
aux  diverses  époques  de  son  autonomie,  a  toujours  la 
méam  vigueur  de  production  qu'il  y  a  viûgt  eièclas. 


(  311  ) 

Daps  le3  provinces  que  j'ai  parcourues,  j'ai  trouvé 
deu:i^  races  agricoles  fort  diverses  :  le  paysan  du  litto- 
ral. Turc  ou  Grec,  est  actif,  intelligent,  un  peu  routi- 
nier comme  tQus  les  paysans,  mais  en  somme  upe 
population  d'avenir.  Dans  l'intérieur,  tout  est  Tijrç:  là, 
le  paysan»  sans  être  précisément  paresseux^  e^t  tor- 
pide,  engourdi  par  ses  habitudes  de  résignation  mju- 
sulmanei  du  reste  moral,  bonnête,  sans  fanatisme 
violent,  sans  grand  besoin  de  bien-être.  Pans  les  yil- 
lages  mixtes  où  j'ai  passé,  le  chrétien  est  à  l'aise  ;  le 
musulman  est  pauvre,  mais  ne  semble  rieii  désirer  de 
mieux.  Le  grand  mal  est  la  rareté  spécifique  de  I^  po- 
pulation, et  ce  mal  ne  promet  pas  de  diminuer^  car  la 
race  turque  subit  un  décroissement  rapide  dont  )es 
causes  sont  trop  longues  à  ejcpliquer  ici.  J'ai  éprpuyé 
dans  les  districts  intérieurs  du  Khodavendjar  et  ^n 
Khodja^Hi  l'irritation  continue  qu'inspire  à  un  agri- 
culteur consciencieux  un  pays  admirable  h^^tfâ  pfir 
des  fainéants,  ou,  ce  qui  revient  au  même,  par  de 
grands  enfants  sans  initiative.  Quant  à  la  Galatie  cen- 
trale, c'est  tout  autre  chose  :  la  Champagne  pouilleuse 
est  un  Éden  à  côté.  Figurez-vous  des  steppes  blan- 
châtres, avec  quelques  cavités  où  les  torrents  ont  roulé 
un  peu  de  terre  brune  :  là,  les  paysans  turcs  font  du 
jardinage,  ce  à  quoi  ils  ne  s'entendent  pas  trop  mal. 
Il  faut  convenir  que  les  Gallo-Grecs  n'ont  pas  abusé 
des  droits  de  la  victoire  en  s' emparant  de  ce  triste  pays  ; 
il  est  vrai  que  le  Gaulois  n'a  jamais  eu  Tesprit  très- 
pratique. 

»  Je  suis,  comme  ethnographe,  un  peu  dérouté  ici  : 
j'y  trouve,  dans  les  campagnes,  un  type  singulier, 


(  812) 
difficile  à  classer,  et  qui  D*est  pas  turc,  bien  que  les  in- 
dividus se  disent  Osmanlis  ;  j'ai  trop  étudié  le  type 
turc  en  Bithynie  pour  m'y  tromper.  Je  dirais  que  c'est 
le  même  type  que  dans  l'ouest  de  la  France,  si  je  n'é- 
tais en  légitime  défiance  de  mes  idées  préconçues  à 
l'endroit  des  populations  galates.  Mais  je  n'épargnerai 
rien  pour  arriver  à  quelque  chose  de  satisfaisant.  Il  est 
bien  certain  que  tout  ce  qui  se  dit  Osmanli  en  Asie 
Mineure  n'est  pas  de  sang  osmanli,  et  que  le  Turc  s'y 
est  superposé  à  des  populations  indigènes,  que  les 
Grecs  et  les  Romains  n'avaient  pas  fortement  enta- 

* 

mées.  Mais  quelles  sont  ces  races  ? 

»  Ma  prochaine  lettre  sera  datée  de  Mossoul,  où  je 
me  rends  tout  droit,  et  j'y  joindrai  quelques  études 
topographiques,  peut-être  un  levé  soigné  de  la  plaine 
d' Arbelles,  qui  n'a  pas  encore  été  fait,  que  je  sache. 

»  Veuillez,  monsieur  le  Président,  recevoir  mes  sa- 
lutations les  plus  empressées. 

»  G.  Lejean.  » 


(313  ) 


RAPPORTS 

SUR  LA   MOKT 

DU  BARON  VON  DER  DECKEN    (1) 


Zanzibar,  le  23  novembre  1865, 

0 

CX>NSULAT  DES  VILLES  LIBRES  ET  HÂNSÉATIQUES  DE  LUBEGK 

DE  BRÈME  ET  DE  HAMBOURG 

Je  m'appelle  Mabruk  et  j'appartenais  à  la  tribu  des 
Wabiao.  J*ai  pris  part  à  l'expédition  de  Speke  sur  le 
Nil,  et  j'ai  reçu  une  médaille.  J'étais  esclave,  et  j'ai 
obtenu  ma  liberté  au  retour  de  ladite  expédition.  Le 
baron  Von  der  Decken  m'a  engagé  pour  son  expédi- 
tion à  raison  de  3  thalers  par  mois. 

Lorsque  le  baron  quitta  le  camp  et  le  steamer  au 
fleuve  Djuba,  il  me  prit  avec  lui  pour  ramer,  ainsi  que 
Soliman,  Mbaruko  et  Ahmed.  Outre  le  baron,  entrè- 
rent dans  l'embarcation  le  médecin,  le  Somali  Abdio, 
Baraka,  un  homme  libre,  et  Kero,  l'esclave  d'un  So- 
mali (Auwes) .  Nous  partîmes  de  bonne  heure  le  matin, 
je  ne  me  souviens  pas  quel  jour»  et  nous  arrivâmes 
vers  midi  à  Bordera.  Tout  le  monde  descendit  à  terre. 

(1)  Ces  rapports  sont  le  résultat  de  la  déposition  de  deux  indigènes 
qui  furent  les  témoins  de  la  mort  tragique  de  von  der  Decken.  Us  ont 
été  adressés  à  la  Société  de  géographie  par  le  docteur  Kusten,  qui  fut 
le  compagnon  de  route  du  baron  yon  der  Decken  dans  un  précédent 
voyage* 


(314) 

Mbaruko  resta  dans  l'embarcation  jusqu'à  ce  que  Âbdio 
l'appelât.  Ensuite  l'embarcation  fut  conduite  vers  le 
rivage  opposé.  Le  baron  m*envoya  chercher  l'embar- 
cation, mais  je  ne  la  trouvai  pas.  En  chemin,  une 
femme  me  fit  signe  qu'on  voulait  nous  couper  le  cou. 

J'avertis  le  baron,  mais  celui-ci  me  dit  que  je  pou- 
vais être  sans  crainte. 

En  effet,  les  jours  suivants,  nous  nous  promenâmes 
librement  dans  Berdera.  Nous  ne  pouvions  pas  com- 
prendre ce  que  les  Somali  se  disaient  entre  eux.  Mba- 
ruko et  Ahmed  étaietit  dans  la  maiêOn  où  le  baron 
passait  la  nuit  afin  de  veiller  sur  la  porte,  lorsque  le 
baron  fut  appelé  pM  Abdio  pour  un  schauri  (entre- 
tien). Abdio  décide  Baraka  et  Ahmed  à  ift'én  Aller  éga- 
lement, attendu  qu'on  n'avait  pas  à  craindre  d'être 
volé. 

-  Geux4}i  une  foil^  pAtiiSi  on  prit  les  armes  àHM  la 
maison.  En  revenant,  le  ba^en  demanda  oà  elles 
étaient  restéeê.  Noue  lui  déelarfttnes  qti'Abdie  était 
oèuse  de  teut.  Le  bàroâ  ejcigêa  qu'on  Itti  rendit  les 
àfifiês,  fnaie  on  l'atûiisa  avec  des  prôtûeeees.  A  ttiéS, 
Itàmis^  Meyer,  Mabruk-Charïes ,  luma  et  ÎLamtA 
ttftivftrent  à  Berdera,  et  racontèrent  qu'un  eombat 
avait  eu  lieu  près  du  steamer  sur  le  fleuve  Djubà,  et 
que  deux  BurepéenS  avaient  été  tuée. 

Le  bài*oii  réelama  de  nôuveàU  ses  armes.  Les  Soiaali 
firent  semblant  de  vouloir  les  lui  restituer. 

Les  armes  furent  apportées  ;  mais,  au  moment  où 
le  baron  se  baissait  pour  prendre  les  siennes,  les  So- 
mali m  jetèrent  sur  lui  et  lui  lièrent  lee  mains  derrière 
le  dos.  Le  docteur  ne  fut  pas  attaché,  mais  arrêté.  On 


(  diA  ) 

s'empara,  également  de  moi  et  des  autres  oooipagDOiifi 
du  baron.  Abdio  prit  la  fuite^  taudis  qu'on  liait  le 
baron.  On  nous  garda  dans  la  cabane,  mais  je  pus  voir 
qu'on  entraîna  le  baron  et  le  médecin  vers  le  fleuve, 
et  qu  une  fois  là  on  les  égorgea.  On  porta  deux  coups 
au  baron  et  un  seul  au  médecin.  Tous  les  deux  mou- 
rurent instantanément. 

Je  vis  lês  cadavres  jetés  dans  le  fleuve  et  entraînés 
par  te  courant. 

Abdio  û' était  pas  là  lorsque  ce  fait  eut  lieu.  Les 
meurtriers  étaient  des  Somali  i  il  n'y  avait  parmi  eux 
aucun  chef  de  Berdera^ 

L'argent  du  baron  et  tout  ce  qu'il  avait  sur  lui  fut 
pris  après  sa  mort.  On  n'avait  laissé  que  sa  chexbise 
BtLf  son  cadavi*e.  On  voulait  nous  garder  comme  es- 
claves, mais  le  cfaef^  dont  je  ne  me  rappelle  plus  le 
<iom,  déclara  qu'on  devait  se  contenter  de  ce  qui  avait 
été  pri»  aux  Européens  et  qu'il  fallait  nous  rendre  la 
liberté. 

Abdio  reçut  une  part  de  l'argent  qui  fut  distribué. 
Aeeompagné  d' Abdio  ^  de  trois  Somalis  et  de  SolieaaQ, 
d'Hainis,  de  Juma,  d'Ahmed^  d'Amadi^  deBaraka^  de 
Salomini,de  Baruko^  de  Mabruk-Charlss  et  de  Meyer, 
je  me  rendis  à  Brava. 

Plus  tard,  nous  y  fûmes  rejoints  par  Ssriug  et  Fe- 
retji.  Je  restai  environ  dix  jours  à  Brava,  chai  AbdiD, 
et  je  dus  y  travailler  comme  un  esclave^ 

Mabfuk-Gharles  et  Paul  Meyer  demeurèrent  égale- 
ment chez  Abdio. 

Je  trouvai  un  nahosa  (capitaine)  qui^  par  humanité, 
me  prit  à  {Km  berd  et  me  transporta  à  Lama.  Là^  je 


(  316  ) 

trouvai  le  capitaine  Von  Schickh.  Nous  passâmes  de- 
vant Mombas  et  nous  arrivons  aujourd'hui  ici. 


Zanzibar,  le  25  aovembre  1865. 


A  comparu: 


Paul  Meyer,  nègre  libre,  personnellement  connu  du 
consul  soussigné,  qui  a  fait  la  déclaration  suivante  : 

Dimanche  à  midi,  j'étais  au  camp  près  du  steamer. 
Il  apparut  environ  douze  Somali  d'un  côté  du  fleuve  et 
beaucoup  d'autres  Somali  de  l'autre  côté,  qid  crièrent 
d'envoyer  l'embarcation. 

Le  capitaine  de  Schikh  crut  que  Kero  revensût  de 
Bordera  et  il  envoya  Sering  pour  vérifier  le  fait.  Mais 
Kero  n'était  pas  là,  pas  plus  qu'Abdio.  D'abord  trois 
Somali  entrèrent  dans  le  fleuve,  puis  trois  autres  en- 
core; Sering  demanda  combien  de  Somali  il  devait 
prendre  dans  l'embarcation.  Tout  à  coup,  je  vis  les 
Somali  saisir  nos  hommes  dans  l'embarcation  et  les 
jeter  dans  l'eau  ;  je  vis  aussi  d'autres  Somali  massa- 
crer MM.  Trenn  et  Ganter.  Je  sautai  à  l'eau  et  nageai 
vers  Tautre  rive.  J'entendis  les  Européens  qui  com- 
mençaient à  tirer.  Je  retournai  en  courant  à  la  ville, 
accompagné  de  Hamis,  Auma,  Mabruck  -  Charles  et 
Hamadi. 

Nous  fûmes  d'abord  poursuivis. 

Lundi,  à  midi»  nous  arrivâmes  à  Bordera.  Le  baron 
dormait.  Nous  fûmes  conduits  à  une  mosquée  ;  Abdio 
rendit  compte  de  notre  arrivée  au  baron,  qui  n'en  sa- 
vait encore  rien.  Nous  racontâmes  tout  au  baron.  Une 


(  817 

dit  rien.  Je  le  vis  écrire.  Nous  ne  savions  rien  au  sujet 
des  autres  Européens,  pas  même  qu'ils  s'étaient  sauvés 
dans  l'embarcation.  J'appris  que  l'embarcation  avait 
été  vue  quittant  Berdera  après  la  mort  du  baron.  Le 
soir»  le  baron  sortit.  Abdio  appela  Baraka  et  Ahmed, 
qui  étaient  chargés  de  veiller  aux  armes.  Les  Somali 
vinrent  et  emportèrent  les  armes,  mais  les  armes  seu- 
lement et  rien  autre  chose. 

Le  docteur  avait  été  envoyé  au  steamer  par  le  baron. 
Lorsque  nous  arrivâmes  à  Berdera,  le  docteur  n'y  était 
pas.  Il  n'arriva  que  quelques  jours  plus  tard.  Le  baron 
réclama  ses  armes.  Les  Somali  les  apportèrent  et  les 
placèrent  contre  la  muraille.  Le  baron  était  couché  sur 
la  kitanda  (lit) ,  lorsque  les  Somali  se  saisirent  de  sa 
personne  et  lui  lièrent  les  mains  derrière  le  dos.  Le  doc- 
teur n'était  pas  là.  Nous  autres  nous  étions  près  de  la 
maison,  mais  nous  ne  pouvions  être  d'aucun  secours, 
attendu  que  les  Somali  étaient  trop  nombreux.  On 
conduisit  le  baron  sur  le  bord  du  fleuve  et  on  1* égor- 
gea. Je  vis  plus  tard  son  pantalon  ensanglanté  et  la 
lance  dont  on  lui  avait  transpercé  le  corps.  J'appris 
plus  tard  qu'on  lui  avait  coupé  le  doigt  pour  avoir  sa 
bague  et  qu'on  lui  avait  enlevé  son  sifflet  d'argent  et  sa 
chaîne.  Nous  fumes  retenus  dans  la  maison  de  Hadji  Ali. 
Deux  jours  après,  arriva  le  docteur  Link.  Il  n'avait  rien 
mangé  depuis  longtemps  et  appela  le  baron,  dont  il 
cherchait  la  demeure.  Soliman  était  avec  lui  ;  le  doc- 
teur Link  avait  un  fusil,  mais  il  n'eut  pas  le  temps  de 
jse  défendre.  On  lui  perça  le  flanc.  Je  ne  Tai  pas  vu 
tuer,  mais  j'ai  vu  porter  son  cadavre  par  les  rues. 
Lui  aussi  fut  jeté  dans  le  fleuve.  On  prit  à  Soliman 


(  3«; 
son  fusil  et  on  le  conduisit  vers  nous.  Abdio  et  Ba- 
ratta étaient  là  lorsqu'on  se  saisit  du  baron  et  le  con- 
duisit au  fleuve.  Kero  avait  été  envoyé  avec  le  docteur 
pour  conduire  cinq  bœufs  au  steamer,  J'appris  qu'on 
lui  avait  pris  ses  boeufs  et  qu'on  l'avait  fait  prisonnier  « 

HamiS)  qui  comprenait  la  langue  du  pays,  apprit 
qu' Abdio  avait  envoyé  les  Somali  pour  attaquer  le 
steamer  et  ensuite  pour  tuer  le  baron.  Après  la  mort 
de  celui-ci,  je  restai  encore  une  semaine  à  Berdera. 
Le  sultan  Hadji  Ali  nous  donna  la  permission  de  quittçr 
Berdera. 

Avec  Mabruk*Speke,  Mabruk,-Gharles,  Hamis,  Bar 
ruko,  Hamadi,  Soliman,  Suma,  Sabemin,  Hamed  et 
Sering,  j'allai  à  Brava,  accompagné  d' Abdio  et  de 
Baraka. 

Noua  restâmes  plus  d'une  semaine  en  route,  mar* 
cbant  le  jour  et  dormant  la  nuit.  L'eau  manquait  de 
tçmps  en  temps  ;  la  viande  était  en  abondance.  Arrivas 
à  Brava,  Abdio  me  prit,  ainsi  que  Mabruk-Charles, 
dans  sa  maison.  Les  autres  furent  placés  dans  d'autres 
«maisons.  On  me  faisait  porter  du  bois  et  chercher  de 
l'herbe  pour  les  bœufs;  j'étais  nourri  en  échange  de 
ces  services. 

Lorsqu'on  apprit  la  nouvelle  de  l'arrivée  du  Mon 
of  war  (navire  de  guerre),  Abdio  voulut  d'abord  nous 
faire  partir  pour  la  schamba  (campagne).  Chaque 
fois  qu'une  embarcation  venait  à  terre,  nous  étions  en- 
fermés. Baïuko  dit  au  capitaine  anglaisdu ifan  ofwar 
que  cinq  hommes  étaient  encore  prisonniers,  et  là- 
dessus  on  nous  remit  en  liberté. 

Abdallah   Bin   Ali  me  transporta  avec  Mabnik- 


(  31^  ) 

Charles,  Hamis  et  Baruko  sur  le  steamer  le  Vigilant^ 
sur  lequel  nous  venons  d'arriver  ici. 

Mabruk-Speke  s'enfuit  de  Brava  et  ae  rendit  à  bord 
d'un  dhow  en  partance  pour  Zanzibar,  Sering  et  Feretji 
en  firent  autant.  Fuma,  Soliman  et  Ahmed  se  rendi- 
rent sur  un  dhow  à  LaoïQ, 

J'appris  que  les  Somali  avaient  tué  le  baron  pour 
venger  la  tnort  de  leurs  frères  qui  avaient  été  tués  à 
l'attaque  du  steamer. 

Les  Somali  doivent  s'être  alliés  aux  Gallas. 

Soliman  serait  parvenu  au  steamer;  il  n'y  aurait 
troayé  aucun  Européen,  et  aurait  été  forcé  de  revenir 
sur  ses  pas.  J'ai  appris  cela  d'Hamis,  qui  comprend  la 
langue  du  pays. 


(  S20  ) 


Actes  de  la  Soelété. 

EXTRAITS  DES  PROCÈS-VERBAUX  DES  SÉANCES. 


Procès-verbal  de  la  séance  du  16  mars  1866. 

PRÉSIDENCE  DE  M.  D*ATBZAC. 


Le  procès-verbal  de  la  séance  précédente  est  lu  et 
adopté. 

Le  secrétaire  général  donne  lecture  de  la  correspon- 
dance. M.  Bourgeois  remercie  de  son  admission  au 
nombre  des  membres  de  la  Société.  —  M.  Jules  Du- 
val,  l'un  des  vice-présidents,  s'excuse  de  ne  pouvoir 
assister  à  la  séance.  —  iM.  Simonin  exprime  le  désir 
de  faire  à  la  Société  une  communication  sur  l'exploi- 
tation de  l'étain  dans  l'aucienne  Gaule  et  sur  l'empla- 
cement des  îles  Cassitérides  :  cette  communication  est 
immédiatement  inscrite  à  l'ordre  da  jour.  —  M.  Bur- 
guet  sollicite  l'appréciation  de  la  Société  sur  un  pro- 
cédé de  son  invention,  et  qui  consiste  à  fabriquer  un 
papier  dans  la  pâte  même  duquel  sont  dessinées  des 
cartes  muettes,  dont  on  fait  ensuite  tracer  les  contours 
par  les  élèves.  M.  Ernest  Desjardins  ne  pense  pas  que 
ce  soit  là  une  idée  tout  à  fait  neuve  :  il  a  vu  des  cartes 
muettes  dont  les  délinéaments,  faiblement  indiqués, 
devaient  être  repassés  dans  les  écoles.  Le  président  in- 
vite MM.  Ernest  Desjardins  et  Eugène  Gortambert  à 


(  ââi  ) 

examiner  les  procédés  de  M.  Burguet  pour  en  faire  à 
la  Société  un  rapport  verbal.  —  La  Société  des  ingé- 
nieurs civils,  par  l'organe  de  M.  Nozo,  son  président, 
annonce  qu'elle  s'est  pleinement  associée  aux  vœux  de 
la  Société  de  géographie  pour  Tachèvement  du  nivelle- 
ment général  de  la  France,  et  elle  propose  de  réunir 
dans  une  action  commune,  à  laquelle  serait  aussi  con« 
viée  la  Société  centrale  d'agriculture,  leurs  efforts 
pour  atteindre  le  but  désiré.  Cette  proposition  sera 
l'objet  d'un  examen  particulier.  —  Par  suite  à  la  cor- 
respondance, M.  Elisée  Reclus  informe  ses  collègues, 
d'après  les  éclaircissements  qu'il  a  reçus  des  États- 
Unis,  que  l'annonce  de  la  fondation  d'une  Société  de 
géographie  à  Boston,  dans  des  conditions  de  prospé- 
rité tout  exceptionnelles,  n'était  malheureusement 
qu'une  nouvelle  controuvée. 

Lecture  est  donnée  de  la  liste  des  ouvrages  offerts. 
M.  Malte-Brun  présente»  en  outre,  de  la  part  de 
M.  Henri  Lange,  le  quatrième  volume  annuel  (1864) 
résumant  les  travaux  de  la  Société  géographique  de 
Leipzig  ;  et,  de  la  part  de  M.  Achmet  d'Hériconrt,  les 
livraisons  parues  de  son  Annuaire  des  Sociétés  sau- 
vantes. —  M.  Eugène  Cortambert  offre,  au  nom  de 
l'auteur,  M.  Hyacinthe  de  Charancey,  le  deuxième  fas- 
cicule de  ses  Études  sur  la  langue  basque  et  les 
idiomes  de  f  Oural.  — M.  Bourdiol  remet  une  notice 
de  M.  Taillefer  sur  la  Cochinchine,  et  M.  Hûber  une 
notice  de  M.  Tronquoy,  secrétaire  de  la  Société  des  in- 
génieurs civils,  sur  la  planchette  photographique  de 
M.  Chevalier. 

Il  est  procédé  à  l'admission  des  candidats  inscrits 

XI.   AVRIL.   6.  21 


(  322  ) 

au  tableM  de  présentation.  Sont  i^dmi»  comme  menci- 
br«s  de  la  Société  :  MM.  Antoipe^Émile  Blanche*  doc** 
teor  eo  médecioei  Creorges-Henri  Marsb;  Edouard 
Bertrand,  yice-coosnl  das  États*Uni9  de  Goloml^iQ,  -» 
Sont  inaarits  au  tableau  de  préfioptation  les  oouyeaii^ 
eandidatfi  ci'^aprés  :  MM»  Abel  Lemercier»  docteur  eu 
droit,  présenté  par  MM-  Meignen  et  Qimly  \  —  le 
eomte  de  Rocbeebeuart,  présenté  par  MM-  Maunoir  ^t 
d'Avexac  ;  -^  Engène  Taetu,  consul  général,  présenté 
par  MM.  de  Quatrefagee  et  d'Aye^ac  (  ^  B.  Garnîer, 
premier  drogman  du  consulat  général  de  France  en 
Egypte,  présenté  par  MM.  de  Quatre%es  et  d'Avez^  ; 
•^  Henri-René  Dumont,  présenté  par  MM*  Wiesener  et 
Malte«^Prun  ;  ^  Sidi-Mohammed-ben^Moustapba,  pré- 
senté par  MM.  Ernest  Desjardins  et  Malte-Brun  ;  rr^ 
Thomas  Comnëne  de  Garaman,  présenté  par  MM<  d'A^ 
vesac  et  Barbie  du  Bocage  ;  -^  le  baron  d' Adhémar, 
présenté  par  MM,  d'Ayezac  et  Barbie  du  Bocage» 

M.  Alfred  Demersay  expose  i  la  Société  qu'étant 
•ur  le  point  de  repartir  pour  l'Espagne  et  le  Portugal, 
où  il  va  poursuivre  sa  mission  de  recherches  dans  le^ 
archives,  il  désirerait  recevoir  des  instructions  de  la 
Société.  Le  président  remercie  M.  Demersay  de  ses 
offres  de  service  ;  des  instructions  seront  rédigées  par 
les  soins  de  la  section  de  correspondance*  '^  M.  Gom*- 
Bène  de  Garaman,  qui  se  dispose  à,  un  prochain  voysge 
dans  la  pays  de  Siam*  la  Birmanie  et  le  Thibet,  de- 
mande également  les  instructions  de  la  Société  :  la 
aeotion  de  correspondanoe  e3t  par^Uement  invitée  ^ 

les  préparer. 
La  diseuamoD  est  ouverte  sur  la  proposition  de  la 


(  323  ) 

Société  des  ingénieurs  civils.  M.  Bourdiol  pense  qu'il 
est  convenable  que  la  Société  de  géographie  concoure 
à  une  nouvelle  démarche  en  ferveur  du  nivellement  de 
la  France,  et  que  la  poursuite  en  pourrait  être  confiée 
à  la  commission  qui  avait  précédemment  été  appelée 
à  s'occuper  de  la  question.   M.  Reclus  voudrait  que 
cette  mission  fût  assumée  par  le  bureau  même  de  la 
commission  centrale,  auquel  pourraient  être  adjoints 
les  membres  de  la  commission  spéciale  du  nivellement. 
Le  président,  en  acceptant  Thonorable  tâche  qui  lui 
est  déférée,  croit  nécessaire  de  mettre  sous  les  yeu;K  de 
ses  collègues  la  situation  réelle  des  choses ,  et  les  diffi^ 
cultes  matérielles  qu'il  faut  s'attendre  à  rencontrer 
dans  la  poursuite  d'une  ai&ire  dont  le  succès  est  subor- 
donné à  des  votes  de  crédits  financiers  de  la  pari  des 
conseils  généraux  des  départements,  qui  ont,  à  la  vé- 
rité, reconnu  généralement  l'utilité  de  l'opération  re- 
commandée à  leurs  sympathies,  mais  qui  ont,  à  de 
rares  exceptions  près,  déclaré  leur  impuissance  actuelle 
de  subvenir  à  la  part  de  dépens  qui  doit  rester  à  leur 
charge»  Peut-être  cependant  le  point  de  vue  des  exploi- 
tations rurale$,  mis  particulièrement  en  relief  &vee  le 
concours  spécial  de  la  Société  d'agriculture,  aura-t-il 
une  influence  pins  dédsive  que  les  considérations 
scientifiques  sur  lesquelles  la  Société  de  géographie 
doit  surtout  insister,  et  même  que  les  avantages  in- 
dustriels que  fera  naturellement  valoir  la  Société  des 
ingénieurs  civils.  En  résumé,  le  président  pense  que, 
sans  se  décourager,  il  importe  de  ne  point  se  faire 
illusion  sur  les  chances  d'une  réussite  aussi  prochaine 
que    l'on  aimerait  à  l'espérer.    M.   Deloche,  après 


(  32â  ) 

avoir  fait  ressortir  la  grandeur  et  l'importance  de 
l'œuvre,  expose  combien  il  est  urgent  d'obtenir  au 
moins  des  allocations  partielles,  au  moyen  desquelles 
puisse  être  maintenue  l'organisation  du  personnel 
d'élite  formé  par  M.  Bourdaloue  pour  les  nivellements 
précédemment  accomplis  sous  sa  direction.  M.  Delocfae 
n'hésite  pas  à  croire  que  l'action  commune  et  bien  di- 
rigée des  trois  Sociétés  qui  représentent  dans  cette 
question  la  science,  l'industrie  et  l'agriculture,  ne  par- 
vienne à  de  favorables  résultats.  —  Conformément  à  la 
proposition  de  M.  Elisée  Reclus,  la  commission  centrale 
décide  que  son  bureau,  auquel  s'adjoindra  la  précé- 
dente commission  spéciale  du  nivellement,  avisera  aux 
mesures  à  prendre  pour  une  démarche  à  faire  en  com- 
mun avec  la  Société  des  ingénieurs  civils  et  la  Société 
d'agriculture. 

M.  le  comte  Julien  de  Rochechouart  donne  lecture 
d'une  étude  sur  l'organisation  des  tribus  de  la  Perse. 
—  Renvoi  au  Bulletin. 

L'ordre  du  jour  appelait  la  fixation  du  jour  de  la 
prochaine  séance  générale  ;  la  commission  du  prix  an- 
nuel n'ayant  pas  encore  préparé  son  rapport,  la  déter- 
mination à  prendre  est  ajournée  à  la  séance  prochaine. 

La  séance  est  levée  à  10  heures  et  quart. 


(  826  ) 


IVoairelles  et  faits  séog;raphic|aes 


7  Carte  topographique  des  Iles  Britanniques.  —  La  carte  des 
Iles  Britanniqaes  publiée  par  VOrdnance  survey  office  se  com- 
pose de  trois  parties  :  Angleterre  (150  213  k.  c),  110  feuilles; 
Ecosse  {77696k.  c),  120  feuilles;  Irlande  (84982  k.  c), 
205  feuilles.  Cette  dernière  carte  se  publie  sous  deux  formes  : 
carte  d'Irlande,  donnant  le  relief  du  terrain  par  courbes  de  ni- 
veau, et  carte  d'Irlande  donnant  le  relief  par  hachures.  On  se 
fera  une  idée  deFimportance  des  travaux  de  VOrdnance  survey 
office  quand  on  saura  que  cet  établissement  exécute,  outre  la 
carte  à  1/63  360  (1  pouce  pour  1  mille),  une  carte  à  1/10  560 
(6  pouces  pour  1  mille),  dont  il  a  déjà  paru  2994  feuilles. 
VOrdnance  survey  office  publie  aussi,  pour  l* Angleterre  et 
l'Ecosse,  une  carte  de  paroisses  {parish  map)  à  l'échelle  de 
1/2500  (25  34*  pouces  pour  1  mille),  dont  13  857  feuilles  sont 
aujourd'hui  publiées,  avec  897  cahiers  et  18  feuillets  relatifs  à 
l'aréa  du  parcellaire  de  détail.  Enfin,  ce  grand  établissement  a 
fait  paraître,  jusqu'ici,  les  plans  de  165  Tilles  aux  échelles 
de  1/5280,  1/2640,  1/1056,  1/500  (1,  2.  5,  10  pieds  pour 
1  mille)  :  2376  feuilles  de  ces  plans  ont  actuellement  paru.  Le 
plan  de  Londres  à  1/1056  (5  pieds  pour  1  mille)  se  composera, 
à  lui  seul,  de  819  feuilles.  C.  M. 

Les  puits  artésiens  de  Chicago.  —  Sur  la  foi  d'un  corres- 
pondant du  New-  York  Times^  presque  tous  les  journaux  sclen- 
tiûques  parlent  des  «  anomalies  extraordinaires»  que  présente- 
raient ces  puits  sous  plusieurs  rapports.  Cependant  ces  eaux 
jaillissantes,  qui  donnent  à  peu  près  66  litres  par  seconde,  un 
peu  moins  que  le  puits  artésien  de  Passy,  n'ont  absolument  rien 
d'anormal  Elles  proviennent  d'une  profondeur  de  210  mètres, 
et  leur  température  est  de  14  degrés  centigrades  :  or,  la  tem- 


(  826  ) 

pérature  moyenne  de  Chicago  étant  nn  peu  inférieure  à  10  de- 
grés, il  en  ré9alt«  qnei  dans  cMto  partie  sopefflcicHe  de  la 
couche  terrestre,  l'accroissement  de  chaleur  est  de  1  degré  par 
50  mètres.  Il  n'est  donc  pas  exact  de  dire  et  de  répéter  que  «  la 
température  moyenne  des  puits  de  Chicago  est  au-dessous  de  la 
température  moyenne  de  la  localité.  »  E.  B, 

Émigration  au  Brésil,  —  Les  émigrants  des  États-Unis  an 
Sud,  qui  se  sont  dirigés  vers  le  Brésil,  après  la  fin  de  la  gueffé, 
ont  ôhoisi,  pour  remplacement  de  leur  ville  future,  une  langue 
dé  terre  iKltuée  au  confluent  de  deux  petites  rivières ,  prèai 
d'Afâguara. — On  leur  a  concédé  près  de  3  000000  d'hectàre$ 
de  terres  vacantes.  {New- York  tribune.) 

Les  steppes  du  Kuma-Manich»  —  On  se  souvient  qu'en 
1858-1859  des  études  avaient  été  exécutées  dans  cette  région, 
en  vue  de  rechercher  la  possibilité  d'établir  un  canal  de  jonc* 
tion  entre  la  roerd'Azof  etlamer  Caspienne.  L'enquête,  à  la- 
quelle restera  attaché  le  nom  du  docteur  Bergstraesser»  avait 
conduit  à  renoncer  à  ce  projet  de  canal,  mais  on  avait  songé  à 
adopter  les  mesures  nécessaires  au  peuplement  de  l'intervalle 
Ponto*Gaspien  :  une  eupédilion,  organisée  pour,  faire  une  en- 
quête à  ce  sujet,  a  séjourné  deux  années  (1860-1861)  dans  ce 
pays,  qu'elle  a  exploré  an  point  de  vue  scientifique  et  éGOQo- 
mique;  les  résultats  les  plus  saillants  des  recherches  de  cette 
expédition  sont  les  suivants  :  la  basse  plaine  du  Manitch  n'étant 
qu'un  désert  salin,  toute  tentative  pour  la  peupler  entraînerait 
à  d'inutiles  sacrifices,  te  poiiit  le  plus  élevé  de  cette  plaine  est  de 
ld*,S/i9  au-dessus  du  niveau  de  la  mer  Nolrë.  La  steppe  kâl*^ 
monke  présente,  au  nord  du  Manitch,  deux  portions  distincte»: 
b  iSteppé  bdSâe  d'Astrakhan,  formée  de  sédlfUents  marins  d'une 
espèce  récente^  et  la  steppe  élevée  du  Dotl,  d^nne  forinalidn 
plud  ancienne.  Les  minéraux  utiles  de  la  steppe  sont  le  sel,  lé 
^ypse,  la  chaux,  la  pierre  meulière,  etc..  La  steppe  haute, 
composée  de  roehéduré,  ptèêtnib  ié$  smrtéà,  et,  $è  tR*éiétttâ 


(  *27  ) 

là  eultare,  pourrait  êire  peuplée  i  la  steppe  baw;e«  au  csentraire^ 
oôAiposée  de  sables  mouvants  et  d'un  sol  argileux^  souvent 
salin,  lie  pourrait  recevoir  de  population  permanente  et  ne  ié 
prêterait  qu'à  Télève  du  bétail;  quelques  parties,  eependant» 
de  cette  région  seraient  susceptibles  d'être  améliorées  par  des 
irrigations  artificielles.  On  ne  pourrait  établir^  dans  la  basse 
steppe,  d'autres  établissements  ûies  que  de  petits  viltages  et  des 
habitations  échelonnées  te  long  des  routes.  Le  forage  des 
puits  artésiens  ny  offrirait  aucune  chance  de  succès  ;  on  de^ 
▼rait,  pour  les  approvisionnetnents  d'eau,  creuser  des  citerries 
(khàudoukê)  où  s'accumulerait  Teau  du  sol. 
•  L'éttpédiiion  a  dressé  une  earte  géologique  et  statistique  et 
une  carte  topographique  de  là  Steppe.  Ges  cartes  ainsi  que  les 

lAémèf  res  sur  la  question  seront  publiés  en  langue  russe^ 

[Jôurnùt  de  Saint-Pétèréouf'g.  ) 

SOCIÉTÉS  DE  GÉOGRAPHIE  ÉTRANGÈRES. 
SOGIBtÉ  BOTALE  GBOeBAPHIOUB  DB  M>SfDBS6« 

Voyage  de  Duchaillu  à  la  côie  occidentale  d' Afrique. 
^  jDaehaillu  quittait  Londres  k  5  août  1803^  et  attdgvlt 
lé  rio  Pemafld-Vaz  le  9  octobre  suivante  LH  indigènes  lé 
ferrent  avec  de  grandes  démonstrations  de  Joie;  malhèGlréU^ 
Serment,  il  perdit  à  la  eôte  rembarcation  qui  contenait  la  ploë 
grande  partie  de  ses  instruments  d'observation^  En  attendàilt 
qti'U  loi  en  fût  envoyé  d'autres»  il  eeaploya  ses  loisirs  à  ntumn- 
hier  des  spécimens  de  la  faune  et  de  la  flore  du  pays. 

Après  maintes  diflBcultés  pour  organiser  son  départ ,  il  attei- 
gnit le  village  du  roi  Olinda,  dans  le  pays  d'Ashlra  t  par  là 
rente  qu'il  a  suivie,  ce  village  est  H 110  milles  (171  kllomèt.) 
de  l'embonchtire  du  rlo  Femand-vai  Ollnda  reçut  fort  bien 
DuehaillQi  qui  ne  tarda  cièpendattt  pas  à  s'apercevoir  que 
cet  aecueil  était  Intéressé  et  s'adressait  surtout  sut  eadèaut 

qu'on  espérait  obtenir  de  lui.  En  quittant  le  pays  des  Asblra^  il 

m<MÊÊÊ  M  lerfiteivis  du  IMMÉ^des  fComiMi,  ééi  Avti^  i^ur 


(  328  ) 

gagner  les  cataractes  de  Samba-Nagoshi,  auxquelles  il  n'avait 
pu  parvenir  lors  de  son  premier  voyage.  Ces  cataractes  sont 
situées  à  50  milles  (80  kilom.)  N.  N.  £.  du  village  d*Olinda. 
Pendant  ce  trajet,  il  put  constater  que  les  gorilles  vivent  par- 
fois en  troupes,  contrairement  à  ce  qu'il  avait  avancé  dans  sou 
premier  ouvrage. 

Ayant  atteint  et  descendu  pendant  quelques  heures  la  rivière 
Ovigui,  le  voyageur  et  sa  troupe  débouchèrent  dans  le  grand 
Rembo,  qui  était  très-gonflé  parles  pluies.  Enfin,  il  atteignit  le 
village  de  Suba,  qui  fait  partie  de  la  tribu  des  A  via  et  qui  est 
situé  au-dessus  des  rapides  et  des  chutes.  La  contrée  qu'il 
venait  de  traverser  est  couverte  de  villages  abandonnés^  qui  lui 
donnent  un  aspect  monotone  et  triste. 

Les  chutes  et  les  rapides  s'appellent  Ssmba-Nagoshi.  La 
légende  dit  que  deux  esprits,  l'un  masculin,  l'autre  féminin, 
agitent  les  eaux  afin  d'empêcher  de  remonter  et  de  descendre 
le  cours  de  la  rivière.  Au  milieu  de  la  chute  réside  Foogamoo, 
qui  rugit  et  qui  pousse  l'eau  avec  une  force  effrayante. 

Les  chutes  sont  au  nombre  de  trois  :  la  première,  appelée 
Naghosi  (du  nom  de  l'esprit  féminin)  n'est  qu'un  rapide; 
sur  ce  point  la  rivière  contient  deux  îles.  Environ  12  milles 
(19  kilom.)  au-dessous  se  trouve  la  grande  cataracte,  à  la 
hauteur  de  laquelle  la  rivière  est  large  d'environ  150  yards 
(137  mètres),  et  présente  une  île  qui,  coupaut  la  chute  en  deux, 
empêche  d'en  voir  l'une  des  moitiés;  du  côté  où  était  Du- 
chaillu,  la  chute  peut  avoir  70  yards  de  large  (6U  mètres). 
C'est  toutefois  de  l'autre  côté,  qui  n'a  guère  que  20  ou 
30  yards  (18  à  27  mètres),  que  se  précipite  la  plus  grande 
quantité  d'eau.  La  hauteur  de  la  chute  était  d'à  peu  près 
15  pieds  (^""iSO);  cet  accident  n'est  rien  auprès  du  tumulte 
et  du  fracas  produit  par  la  rivière  qui,  au-dessous  de  la 
chute,  s'éloigne  à  perte  de  vue  en  sautant  de  rochers  en  ro- 
chers. 

A  son  retour  chez  Olinda,  Ducbaillu  commença  à  parler  de 


(  329  ) 

s'avancer  davantage  dans  l*iutériear  et  à  manifester  le  désir  de 
gagner  le  pays  des  Apingi;  mais  Olinda  lui  fit  observer  que  ce 
voyage  n'était  pas  possible,  car,  peu  de  jours  après  sa  première 
visite  chez  les  Apingi,  Remandji,  le  chef  de  la  tribu,  étant 
venu  à  mourir,  le  peuple  avait  attribué  sa  mort  à  l'étranger, 
qui  l'avait  tué  pour  voyager  avec  son  esprit.  En  présence  du 
fait  il  se  résolut  donc  à  passer  par  le  territoire  des  Otanda,  un 
peu  au  sud  des  Apingi. 

Tandis  que  Duchaillu  faisait  ses  préparatifs  de  voyage ,  une 
effrayante  épidémie  de  petite  vérole  se  déclara  et  vint  augmen- 
ter les  difiScultés  et  les  dangers  de  sa  situation.  Olinda  sucomba 
au  fléau  et  Duchaillu  fut  accusé  de  Tavoir  fait  périr  par  des 
moyens  magiques  ;  il  s^e  décida  à  envoyer  en  avant,  avec  les 
bagages,  cinq  de  ses  compagnons  de  route. 

Enfin,  il  réussit  à  quitter  le  pays  des  Ashira  pour  celui  des 
Otanda.  Là  encore,  la  petite  vérole  sévissait  sur  toute  la  tribu; 
le  chef  seul  n'en  avait  pas  été  atteint,  mais  il  refusait  de  rece- 
voir Duchaillu,  car,  disait-il,  l'homme  blanc,  dans  tous  les  en- 
droits où  il  va,  porte  la  mort  et  tue  le  chef  :  témoins  Re- 
mandji et  Olenda.  La  fatalité  voulut  que,  quatre  jours  après 
son  arrivée  à  Mayolo,  le  chef  Otanda  tombât  malade  et  que  sa 
vie  fût  menacée.  Enfin,  il  se  rétablit,  et  l'explorateur  se  pré- 
para à  continuer  son  voyage. 

Mayolo  n'était  pas  méchant,  mais  il  était  intéressé.  Duchaillu 
découvrit  bientôt  qu'il  se  proposait  d'exercer  sur  lui,  dans  le 
but  de  le  rendre  généreux  à  son  égard,  une  manœuvre  dictée 
par  la  superstition  et  qui  s'appelle  Yalumbt.  Voici  en  quoi  elle 
consiste  :  quand  meurt  un  chef,  on  lui  coupe  la  tête  et  on  la 
place  dans  un  vase,  au  milieu  d'une  masse  d'argile  ;  toutes  les 
parties  molles  et  les  liquides  sont  absorbés,  et  le  crâne  est 
conservé  dans  la  maison  à^alumbi;  le  chef,  à  l'occasion,  y 
pénètre  et  gratte  une  certaine  quantité  de  poudre  d'os  qu'on 
mélange  à  de  la  nourritre  et  qu'onuadministre  à  l'hôte  sur 
lequel  on  veut  faire  opérer  le  charme.  Les  soupçons  de  Du* 


(  S30  ) 

ebailltt  furent  éi^eillés  par  la  ponctualité  avec  laquelle  M  lui 
«âvdj^ait  on  ripas  tont  préparé.  Ayant  été,  à  l'avanee,  aYM  A* 
emto  cotttnitt«  du  pays,  Il  reftun  de  toneher  àut  allntenta  qot 
M  étaient  aervia. 

Apréd  avoir  quitté  le  village  de  Mayok>«  sitné  k  40  millet 
(64  kilom.)  Ë.  S.  £.  dn  village  d'OIinda,  capitale  dee  Aebira, 
Il  marcha  presque  directement  du  côté  de  rest«  en  traversiMt 
le  pays  des  Apono,  où  les  indigènes  lui  auDoitèrént  mille  em- 
barras, craignant  Tinvasion  de  la  petite  vérole.  Ile  mirent 
même  une  fois  le  feu  h  une  forêt  pour  empêcher  la  marehé. 
Léa  Apono  ont  la  ooatame  de  s'arracber  toujcmni  dent:  dé 
leurs  incisives  supérieures  :  ils  sont  trèa-gaêrriers  maie  très** 
ivrognes.  En  s'avançant  vers  Test,  c'est  chez  eui  que  Dtiebattbi 
rencontra  la  dernière  notion  des  objets  ou  armes  à  feu  4ei 
Européens*  A  partir  de  Ih,  on  entre  dans  le  damaine  des  tribus 
t<yat  91  l^it  primitives.  Aut  Apoflo  succèdent  les  Isbogo^  poptt« 
latlon  bienveillante,  qui  etcelle  à  fabriquer  des  vê  temeuts  avec 
Tépiderme  de»  feuilles  de  palmier. 

C'est  là  qu*il  rencontra  une  tribu  errante  de  nègres  de  petita 
caille;  ils  ne  travaillent  jamals4  mènent  une  vie  vagàbdiide,  aé-« 
joursiént  peu  de  temps  à  la  même  place  et  semblent  oonstttoer 
lé  type  inférieur  des  êtres  humains.  Ilsprioment  du  gibier  dans 
des  pièges  et  l'échangent  contre  d'autres  objets,  dans  les  tribus 
Oâ  ils  résident.  Leur  peau  présenté  une  légère  cok>rati«ii  brttie; 
quoiqu'ils  soient  d'une  très-^petite  stature  «  ils  sont  bien  ooih 
formés  et  généralement  velus  sur  une  grande  partie  du  ùbvpBé 
Lenrs  cheveux  sont  plus  courts  que  ceux  des  uèfgrea  de  eetia 
contrée.  Lès  femmes,  dont  il  a  mesuré  quelques-unes,  em  de 
4  pieds  à  4  pie^  5  pouces  de  haut. 

Btt  quittant  les  Apono^  il  entra  sur  le  territoire  des  Ashangs* 
A  mesure  qu'il  s'avançait,  il  trouvait  le  pays  plus  montagneux 
et  plus  difficile.  La  route  était  un  étroit  sentier  à  travers  i'é- 
pélsseur  de  la  forêt  :  l'escorte  du  royagem*  était  obligea  de 
marcbèr  sur  «ne  seule  file,  franAissaui  les  oôlUttea  et  iés  vtU 


(  881  ) 

Mds,  tes  focfaërs  et  les  «rbret  abaltos  qui  bamiitit  te  ehemin. 
Âtt  village  d6  Mongori)  dans  TÂshatigo,  à  265  milles  (/i26  klL) 
mr  te  route*  de  Tenibouchure  du  Femflbd-Vaz^  l'auérolde 
dotitta  une  altitude  de  2472  pieds  (733  mètres).  En  a^aut^ 
ai^paraissaient,  par  imervaltes,  les  sommets  d*one  chatue  plus 
élevée  t  mais  il  n*y  ?  pas  de  plateau,  tout  est  montée  et  &m** 
eeiAte.  Le  ciel,  à  cette  altitude  ^  était  généralement  obsourei 
pat  des  nuages  et  une  légère  vapeur  grise  voilait  le  sommet  des 
collines  boisées.  Il  n*y  a  pas,  à  proprement  parler,  de  saismi 
sè6be  dans  cette  région  accidentée,  où  il  pleut  plus  ou  moini 
pendant  toute  Tannée.  La  plus  grande  pluie  que  Ducbaillu  ail 
d^érvée  a  été  de  6  4/2  pouces  (O'^jlOS)  en  vingt-quatre  beures. 
Les  Asbango  se  montrèrent  hospitaliers,  bien  qu'ils  soient  nné 
peuphde  belliqueuse.  Lents  villages»  assez  considérables,  — 11 
en  est  de  300  huttes,  -^  Sont  éloignés  les  uns  des  autres  et 
communiquent  entre  eut  par  des  eentieris  dans  les  forêts. 

Le  voyage  semblait  devoir  se  poursuivre  heureusement, 
lorsque  Duehaillu  fut  retenu  pendant  plusieurs  Jours  au  village 
de  Mouâott->Kombo,  à  /i60  milles  (70  kilomètres)  dn  Ho  Fer-^ 
nâAd-'-yaz,  par  le  chef  de  la  tribu ,  qui  lui  apprit  qu'une  peu- 
plade, placée  Sur  sa  route,  était  dans  l'intention  de  s'oppoMt*  a 
son  passage.  Petï  après  arrivaient  au  village  quatre  envoyés  dé 
ééltè  peuplade,  et  le  chef  Mouaou-Kombo  donna  aux  hommes 
de  la  suite  du  voyageur  le  conseil  d'effrayer  ces  émissaires  en 
tirant  des  coups  de  feu.  «  Le  fusil  d'un  de  mes  hommei^,  dk 
Ducbaillu,  avait)  accld^tellement,  tué  un  des  indigènes  qui 
mourut  sans  se  débattre,  v  Les  naturels  s'enfuirent  dans  tous 
lis  sens  et,  jugeant  la  position  grave,  Ducbaillu  chercha  à  les 
ramener  et  à  les  apaiser  en  leur  offrant  le  prix  de  vingt  hommes. 
Cêê  négociations  auraient  peut-être  favorablement  abouti  si  la 
btile,  qui  avait  fait  une  première  victime,  n'en  eût  fait  une 
seconde  en  pénétrant  h  travers  les  parois  d'une  hutte  ;  la  se- 
eottde  victime  se  trouvait  être  la  sceur  de  celui  des  indigènes  qui 

â'étili  montré  te  plus  disposé  h  entrer  en  aM>mmo*MMfti  ^ 


(  882  ) 

I^  tambour  de  guerre  retentit  de  tous  côtés;  les  voyageurs 
durent  opérer  à  travers  le  viikige  une  retraite  dans  laquelle  fut 
abandonnée  la  partie  la  plus  précieuse  des  bagages;  autour 
d'eux  volait  une  grêle  de  flèches  ;  Ducbaillu  et  l'un  des  siens 
furent  blessés  ;  une  fois  arrivés  dans  les  sentiers  de  la  forêt,  les 
hommes  de  son  escorte,  pris  de  panique,  jetèrent  tout  ce  qu'ils 
portaient  pour  fuir  plus  rapidement;  Duchaillu,  qui  tenait 
rarriôre-garde  avec  celui  qui  avait  été  cause  de  l'accideot,  eot 
la  douleur  de  voir  ses  instruments,  ses  collections,  ses  photo- 
graphies, ses  cahiers  de  notes,  joncher  le  terrain  et  perdus  sans 
ressource.  Dans  cette  partie  de  la  fuite  il  reçut  une  seconde 
blessure,  faite  par  une  flèche  empoisonnée,  qui  porta  heureu- 
sement sur  la  ceinture  de  son  revolver.  Après  ces  événements 
et  diverses  autres  péripéties,  l'expédition  regagnait,  à  la  fin  du 
mois  de  septembre,  le  rio  Femand-Vaz. 

Après  cette  communication,  quelques  observations  ont  été 
faites  :  le  professeur  Owen,  en  particulier,  a  constaté  qne  le 
BritUh  Muséum  devait,  à  ce  second  voyage  de  Ducbaillu,  d'in- 
téressantsspécimensd'bistoire  naturelle,  et  notamment  plusieurs 
échantillons  de  peaux  de  gorilles,  un  lézard  à  écailles,  animal  à 
sang  chaud,  du  genre  Manis,  qui  fait  sa  nourriture  des  termites 
si  nombreux  dans  cette  partie  de  l'Afrique,  un  nid  de  chim- 
panzé, etc.  —  Le  président  a  fait  observer  que  Duchaillu  avait 
rapporté,  de  ce  dernier  voyage,  une  harpe  des  naturels  du  pays; 
les  cordes  en  sont  faites  de  fibres  herbeuses,  et,  néanmoins, 
elles  peuvent  produire  des  sons  musicaux.  —  M.  Edwin 
Dunkin  a  donné  des  détails  sur  les  observations  astronomiques 
do  voyageur;  elles  sont  très-nombreuses,  et  la  |)osilion  de 
Mayolo,  en  particulier,  a  été  déterminée  en  longitude  par 
trente  observations  de  distances  lunaires. — M.  WinwoodRead, 
qui,  en  1862,  parcourait  le  pays  des  Fans,  constate  que  ces 
peuplades  sont  cannibales,  ainsi  que  le  prétend  Duchaillu.  — 
M.  Harris  confirme  le  dire  de  Duchaillu,  quant  à  la  harpe 
indigène  qui  est  aussi  en  usage  à  Sierra-Leone.  Une  coutume, 


(  333  ) 

analogue  à  celle  de  Valumbi,  se  retrouve  dans  le  district  de 
Sherboro  ;  là,  on  ne  conserve  pas  les  restes  de  ses  ancêtres 
dans  sa  maison,  mais  on  leur  fait  des  sacrifices  quand. on  part 
pour  un  voyage  ou  qu'on  entreprend  quelque  importante  affaire. 
—  M.  Barris  a  rencontré  une  tribu  cannibale^  les  Bushy,  qui 
emportent  dans  des  paniers  la  chair  de  leurs  prisonniers  et 
s'en  nourrissent  pendant  plusieurs  jours..  —  M.  J.  Crawfurd 
n'admet  pas  que  les  nains  dont  a  parlé  Ducbaillu  forment  une 
tribu  à  part;  ne  seraient-ce  pas  des  individus  appartenant  à  la 
même  race  que  les  indigènes  du  voisinage  et  chassés  à  cause 
de  leur  petite  taille  ? — M.  Duchaillu  a  fait  observer  que  les  indi- 
gènes de  l'Afrique  équatoriale  occidentale  ont  de  longs  cheveux 
laineux,  tandis  que  ces  nains  ont  des  cheveux  courts  sur.  le 
sommet  de  la  tête.  Ils  ressemblent  aux  Bushmen  de  l'Airique 
australe. 

SOCIÉTÉ   GEOGBÂPHIQDË   RT   STATISTIQUE   DB   MEXICO. 

Envois  adressés  à  cette  Société  pendant  le  troisième  tri- 
mestre.—  M.  J.  M.  Fornél  a  envoyé  d'Orizaba  la  photographie 
de  deux  figures  aztèques  sculptées  sur  une  pierre  qui  fait 
partie  d'un  mur  de  celte  ville.  La  description  et  l'appréciation 
de  ces  deux  figures  seront  publiées  au  Bulletin  de  la  Société 
de  Mexico.  —  Il  a  été  adressé  un  ancien  mémoire  manuscrit 
sur  les  gisements  métallifères  de  Real  del  Monte  et  Pachuca. 
Ce  mémoire  sera  aussi  publié.  —  M.  Pimentel  a  fait  hommage 
du  tome  II  de  son  ouvrage  intitulé  :  Tableau  descriptif  et 
comparatif  des  langues  indigènes  du  Mexique.  —  M.  J.  de 
Emparan  a  fait  parvenir  des  notices  statistiques  sur  le  départe- 
ment de  Yera-Gruz,  et  un  mémoire  accompagné  de  vues  et 
plans  sur  r.expédition  scientifique  envoyée  parle  gouvernement 
pour  étudier  les  ruines  de  Metlatoyuca,  récemment  découvertes 
dans  le  district  de  Tulancingo.  —  Le  préfet  politique  de  Oaxaca 
a  remis  des  notes  statistiques  sur  le  Choapan,  rassemblées 
par  SI.  Garriedo,  —  M.  Laurent,  lieutenant  de  zouaves,  a  offert 


(  nk  ) 

un  plan  topograpbiquQ  4«  1a  ville  de  Parras,  àrmi  par  lui.  ~ 
M.  Aniooio  del  CastîUo  a  présenté  un  nouvel  entooiopbyt*» 
ioaecte-plante»  avec  une  description  y  relative.  -^  M.  Larrain- 
ur  aiuunlpDg  et  intéressant  mémoire  sur  Tbistoire  en  général 
et  particulièremeut  sur  la  manière  d'écrire  Tbistoire  contem- 
poraine du  Mexique.  —  IhI  Société  auxiliaire  de  géographie  de 
Guadaiaxara  a  envoyé  ;  une  notice  sur  la  population  du  dépar- 
tement de  Jaliscos  un  discours  sur  Tutilité  de  la  géographie 
médicale  ;  quelque!  détails  géographiques  et  physiques  sur  la 
vilto  de  Guadaiaxara  ;  un  mémoire  sur  la  destruction  d9s  forlts 
dans  Tempire  du  Mexique  et  sur  la  nécessité  de  remédier  à  ce 
maL  ^  M.  J.  ti.  Fernande^  de  Puebla  a  envoyé  une  cute 
hydrographique  de  la  rivière  Atoyac,  levée  par  la  Commission 
obargée  d*étvdier  b  navigabilité  de  ce  cours  d*oau*  -t«*  ML  I. 
Epstein,  de  Monterey,  a  remis  un  plan  topograpbique  de  cette 
ville,  dressé  par  lui.  —  M.  J.  Elentcrio  Gonzales  a  envoyé  un 
exemplaire  de  son  Traité  élémentaire  d'anatomie  générale. 
Les  plus  importants  de  ces  travaux  ont  été  soumis  k  des 
Commissions  chargées  d'examiner  s*il  y  avait  lien  de  les  inaérer 
an  reoueil  publié  par  la  Société. 


(  385  ) 
OUVRAGES  OFFERTS  A  LA  SOCIÉTÉ 

SÉANCES    DE   MÂR5  ET   A^TRIL  1866. 


EUROPE. 
Die  Reise  des  Pytheas  nach  Thaïe  vod  Alexander  Ziegler.  DresdeD» 

1861.  1  brQch.  iQ-8<^.  M.  Alexandre  ZiEtiLER. 

Der  Reonstei^f  des  ThùriDgerwaldes,  yoq  Âlexander  Ziegler.  Avec 

carte.  Presdeo^  1862.  1  vol.  ia-S*^.       M.  Alexandre  Ziegler. 

ASIE. 
La  GoehinchiDe,   ce  qu'elle  est,  ce  qu'elle  sera.  — Deux  ans  de 
s^otir  dans  ce  fiars  de  1868  à  1^65.  Périgaeox,  I86&  i  brO(^ti. 
\n^%^.  If.  TAn.LBfiii. 

AFRIQUE. 
Tableau  da  la  situation  des  établissement!  firançais  dans  TAIg^ie, 
1864.  Paris,  1866.  1  vol.  in»^. 

A  piopas  d*an  livre  récent  sar  la  Tunisie,  observations  par  Nonce 
Rocoa.  Paris,  1666.  1  broeli.  in-8^  II.  Koifos  ftocOA* 

Voyage  dans  l'intérieur  de  l'Afrique  par  Dambargar(apocrfplie)y  traduit 
par  L.-H.  Delamarre.  Paris,  an  IX.  2  vol.  in-8<>. 

M.  IfnSMAOQOS. 

AMÉRIQUE. 
Gompandio  da  gaografia  gênerai  politiea,  fisien  y  «spécial  dos  es tndos 
vnidea  de  Colombia,  dedicado  al  Gongreio  gênerai  de  la  Union, 
par  T.  C.  de  Uosqoara^  gran  général  de  la  Union  Colombie.  l^OBdres^ 

i86i.  1  vol.  Jn«0^  M.  LB  aijDÊRAL  T*d  PB  MOSQQQIA» 

Une  vole  Boovelle  à  travers  TAmérlque  ctRtMlc*  Étude  géograplûquey 
etiAographiqoe  et  statistique  sur  le  Honduras,  par  Henri  de 
Suckau.  Paris,  1866. 1  brocb.  in-S*". 

M.  Henri  de  Sucauku. 

Martin  Bebaim  ans  Niimberg  der  geistige  entdecker  Amerika's,  von 
AI«iMi4er  Xiaglor*  Dr«sdan»  i8S9«  i  brocb.  ior8^ 

Die  amerikaniscbe  Volkerwanderung.  Eine  Studio  von  Friedricb 
vonHellwald.  Wien,  1866.  1  brocb.  in-8*.       M,  de  Hkllwald. 


(  386  ) 

ODYRAGES  GÉNÉRAUX.  MÉLANGES. 

Lt  Ungne  baMiue  et  les  idiomes  de  rOaral,  par  H.  de  GhareDcey. 

Mortagoe,  1866.  1  broch.  ia-8<*.  M.  H.  de  Chabencet. 

Annuaire  des  Sociétés  savantes  de  la  France  et  de  TÉtranger,  par 

M.  le  comte  Achmet  d'Héricourt.  (France  —  Belgique  —  Pays-Bai 
—  Angleterre  —  Suisse).  Paris,  1866.  2  broch.  in-8*. 

M.  LE  COMTE  ACHMET  D*HÊBIGOUBT. 

Note  sur  la  planchette  photographique  de  M.  Auguste  CheYalier,  par 
M.  C.  Tronquoj.  1  broch.  in-8°.  M.  Wiluam  Hubeb. 

ATLAS  ET  CARTES. 

Atlas  universel  d*histoire  et  de  géographie,  par  M.  N.  Bouillet. 
Paris,  1865.  i  vol.  grand  in-8°.  Madame  Bouillet. 

Atlas  général  composé  de  vingt  cartes  coloriées  et  gravées  sur  cuivre. 
Gotha,  in-P.    Jostus  Perthes.  M.  F.  Klincksibck. 

Atlas  zun  Indnstrie-und  Handelsgeographie.  Mit  erlftuterndem  Teite 
von  Doctor  V.-F.  Klun  und  doctor  Henry  Lange.  In-f*  et  in-8<>. 

M.  LE  D'  Henbt  Lange. 

Carte  des  pays  au  nord-ouest  de  l'Abyssinie  par  M.  Plowden.  1860. 
Réduction  à  moitié  de  Toriginal.  1  feuille  manuscrite. 

M.  M.  G.  Lejean  et  Malte-Bbum. 

Garte  figurative  et  approximative  des  populations  spécifiques  des  pro- 
vinces d^Espagne,  dressée  par  M.  Minard,  selon  une  nouvelle  re- 
présentation graphique.  Paris,  1866.  1  feuille.    M.  Elisée  Reclus. 

Garte  figurative  de  la  structure  de  Técorce  terrestre  et  classification 
des  terrains  diaprés  la  méthode  de  M.  Gordier,  airec  indication  et 
figures  des  principaux  fossiles  caractéristiques  des  divers  étages, 
par  MM.  Gharles  d'Orbigny  et  Gharles  Léger.  Paris.  1  feuille. 

M.  Ghaeles  Léger. 


AVIS 

Les  communications  et  rapports  lus  à  rassemblée  générale  da 
27  avril  paraîtront  au  Bulletin  de  mai. 


FAIUS.  —  U0»JUMBRII  DB  B.  MARTINBT,  RUB  HIflMON,  S. 


BULLETIN 

DE  LA 


SOCIÉTÉ  DE  GÉOGRAPHIE 


haï   1866. 


ASSEMBLÉE  GÉNÉRALE  DU  27  AVRIL. 


DISCOURS  D'OUVERTURE 

DE 

S.  EXG.  H.  LE  HÂRQUIS  DE  GHÂSSELOUP-LÂUBÂT 

Ministre  de  la  Marine  et  des  Colonies 
PBiswBirr  db  la  sociÂTi. 


Messieurs, 

C'est  pour  moi  une  bien  vive  satisfaction  de  venir 
encore  une  fois  présider  une  de  ces  séances  où  votre 
Société  fait  connaître  d'importantes  découvertes,  et  de 
me  retrouver  ainsi  au  milieu  de  vous.  Plus  on  se  mêle 
à  vos  travaux,  plus  on  s'y  intéresse,  mieux  on  en  com- 
prend la  grandeur  et  l'importance. 

Ils  touchent,  en  quelque  sorte,  à  tout  ce  qui  est 
humain,  vous  disais-je  à  une  de  vos  dernières  réu- 

XI.  MAI.  1.  22 


(  338  ) 

nions.  Pour  s'en  convaincre,  en  vérité,  il  ne  faut  ici 
que  jeter  les  yeux  autour  de  soi. 

Que  d'érudition,  que  de  connaissances  puissantes  et 
variées  se  groupent  spontanéinept  autour  de  Isv^ience 
à  laqualla  vous  vous  consacrez  et  que  toutes  le&  autres 
viennent,  pour  ainsi  dire,  interroger  tour  à  tour  ! 

Ces  profondes  recherches  sur  quelques-uns  des  pro- 
blèmes que  Thomine  soulève  pour  découvrir  le  mys- 
tère de  son  établissement  sur  les  différents  points  du 
globe  ;  ces  études  sur  les  modifications,  les  altérations 
que  l'influence  du  milieu  dans  lequel  ils  sont  placés 
produit  sur  les  divers  corps  organisés;  les  consé- 
quences morales  mêmes  —  qui  peuvent  en  être  le  ré- 
sultat, —  toutes  ces  études  qui  sont  ai  brillamment 
représentées  dans  cette  enceinte,  —  vous  savez  ce 
qu'elles  ont  à  demander  à  la  géographie!  —  Et  ces 
efforts  po^r  arracher  quelques-uns  de  leurs  secrets  aux 
pierres  des  tombeaux  et  des  temples  de  sociétés  qui  ont 
disparu,  n'est-ce  pas  à  elle,  avant  tout,  qu'ils  s'adressent 
pour  trouver  le  fil  qui  pourra  peut-être  les  guider  dans 
ces  labyrinthes  de  débrig  entassés  par  tant  de  siècles? 

N'est-ce  pas  elle  aussi  qui,  dans  sa  philosophie, 
peut  leur  dire  les  causes  de  ces  déplacements  succes- 
sifs des  civilisations  qui  ont  précédé  la  nôtre  ? 

Car  c'est  là  pour  l'homme,  messieurs,  le  plus  noble 
sujet  de  ses  recherches,  de  ses  méditations  ;  et,  soit 
qu'il  fouille  dans  les  âges  passés  pour  y  découvrir 
quelques  traces  de  sa  i)ropre  histoire,  soit  qu'il  porte 
ses  regards  au  delà  du  présent/ il  sçnt^n  lui,  en  même 
t^mps  que  sa  faiblesse»  cette  divine  émaoatioi)  (jui  lui 
révéla  que  tout  ne  doit  pas  finir  avea  lui 


(  339  ) 

C'est  ce  seotiment  qui  inspire  le  dévouement  au 
grandes  choses,  et  qui  fait  que  nous  nous  consacrons 
avec  ardeur  aux  œuvres  que  nous  ne  sommes  pas  des- 
tinés à  voir  s'achever,  dont  nous  ne  profiterons  pas  nous- 
mêmes,  mais  qu'avec  amour  pourtant  nous  voulons 
léguer  à  ceux  qui  viendront  après  nous. 

Parmi  ces  dévouements  qui  travaillent  sans  cesse 
au  développement  des  destinées  humaines,  nous  avons 
bien  quelque  droit  de  placer  au  premier  rang  ces 
hommes  courageux  dont  la  géographie  s'enorgueillit  à 
ai  juste  titre* 

Souvent  martyrs  de  la  science,  ou  martyrs  de  la  foi, 
voy^eurs»  marins,  missionnaires,  —  que  ne  devons- 
nous  pas  à  ces  intrépides  pionniers  de  notre  moderne 
civilisation?  Que  de  progrès  accomplis  grâce  à  leur 
généreuse  initiative  ! 

Dans  notre  jeunesse»  messieurs,  nous  avons  tous 
appris  ces  vers  dans  lesquels  le  vieil  Homère  récitait  à 
la  Grèce  charmée  les  errantes  navigationsd'Ulysse  jus- 
qu'aux extrémités  du  monde.  Mais  alors,  pour  le  poète, 
le  monde»  avec  ses  bornes  les  plus  lointaines,  vague- 
ment indiquées  dans  la  Fable,  s'étendait  à  peine  de  la 
Colchide  k  quelque  ile  incertaine  de  notre  bassin  de  la 
Méditerranée. 

Puis»  un  Samien  dépassa  les  colonnes  d'Hercule  ;  un 
Marseillais  a'avança»,  dit-on»  dans  le  nord  de  l'Océan 
jusqu'U'  ultime  Thulé  ?. , .  et  si  les  conquêtes  d'Alexandre 
(car  la  guerre  apporte  aussi  son  tribut  à  la  science),  si 
lea  conquêtes  d' Alexandre  ouvrirent  de  nouveaux  bon* 
sonS|  vous  savez  quelles  furent  les  limites  du  monde 
rt?Pttftitti 


(  3A0) 

Que  de  siècles  il  avait  fallu  pour  réaliser  ces  pro- 
grès, que  de  temps  encore  pendant  lequel  l'Europe 
devenue  chrétienne  ne  jette  ses  regards  au  dehors  que 
pour  chercher  à  refouler  rislamisrae  qui  l'envahit,  mais 
voit  cependant  ainsi  s'agrandir  le  cercle  de  ses  rela- 
tions, et  rapporte  de  l'Orient  les  germes  de  nouvelles 
connaissances  I 

Enfin  le  xy\  le  xyV  siècle  arrivent.  Grande  et 
magnifique  époque  pour  l'esprit  humain  I  Ah  I  c'est 
depuis  lors,  messieurs,  que  navigateurs,  voyageurs, 
missionnaires,  s'élancent  à  l'envi  dans  la  voie  dont  les 
brillantes  perspectives  leur  sont  ouvertes  :  ceux-ci 
pour  découvrir,  quelquefois  pour  conquérir  de  nou- 
velles terres  ;  ceux-là  pour  faire  aussi  d'importantes 
découvertes  et  enrichir  la  science  de  tout  ce  que  leur 
révèlent  des  contrées  jusqu'alors  inconnues;  enfin  ces 
derniers  pour  convertir  à  la  foi  du  Christ  des  nations 
idolâtres -ou  des  peuplades  sauvages* 

Mais,  qu'ils  soient  marins,  voyageurs  ou  prêtres,  et 
quelle  que  soit  la  pensée  qui  les  inspire,  tous  devien- 
nent les  apôtres  de  notre  civilisation,  les  bienfaiteurs 
de  l'humanité,  en  rapprochant  les  peuples,  en  portant 
la  lumière  sur  tous  les  points  du  globe,  et  nous  devons 
les  confondre  dans  notre  reconnaissance. 

Depuis  lors,  depuis  leur  généreux  élan,  quels  rapides 
progrès  ;  et,  à  mesure  que  nous  nous  rapprochons  de 
notre  époque,  combien  ils  s'accélèrent!  Les  retracer, 
ce  serait  presque  raconter  l'histoire  des  rapports  éta- 
blis entre  les  différents  peuples  de  la  terre  ;  ce  serait 
vouloir  parler  de  tous  les  pays  dont  naguère  encore  on 
connaissait  à  peine  l'existence,  car  il  semble  aujour'^ 


(  341  ) 

d*hui  que  l'homme  veuille,  si  j'ose  ainsi  dire,  rattraper 
le  temps  perdu.  Ce  que  vingt  siècles  n'ont  pu  faire, 
un  seul  l'accomplit. 

Dans  ces  progrès  incessants,  votre  Société  fournit 
aussi  sa  part,  et  sa  part,  laissez-moi  vous  le  dire,  mes- 
sieurs, est  belle  par  les  travaux  scientîiSques  des  hom- 
mes éminents  qui  la  composent,  par  les  efforts  qu'elle 
fait  pour  répandre  les  notions  qu'elle  recueille  chaque 
jour  de  toutes  les  parties  du  monde,  enfin  par  les  en- 
couragements,  les  récompenses  qu'elle  décerne,  et 
qui,  pour  être  modestes,  n'en  ont  pas  moins  de  prix 
aux  yeux  de  ceux  qui  les  obtiennent. 

Oui,  messieurs,  vos  encouragements,  votre  exemple, 
vos  réunions,  sont  toujours  de  nobles  incitations;  vous 
formez  un  centre  d'où  rayonne  une  généreuse  influence 
sur  les  esprits  qui  ne  veulent  pas  rester  étrangers  au 
grand  mouvement  qui,  aujourd'hui,  entraîne  les  na- 
tions à  se  rapprocher  les  unes  des  autres  et  à  multi- 
plier les  rapports  profitables  à  toutes.  Et,  en  effet,  à 
côté  du  point  de  vue  purement  spéculatif  dont  sont 
frappés  d'abord  les  regards  de  l'homme  livré  à  quel- 
ques-unes des  profondes  études  qu'elle  peut  offrir,  la 
géographie  a  aussi  d'utiles,  de  pratiques  et  d'indispen- 
sables enseignements  pour  tous  ceux  qui  désirent  seu- 
lement se  tenir  au  courant  de  la  marche  de  l'esprit 
humain. 

Laissez-moi  donc,  messieurs,  remercier  les  membres 
de  cette  Société  qui,  par  leurs  savants  travaux,  con- 
courent à  étendre  quelques-unes  des  branches  des 
connaissances  qui  se  rattachent  à  la  science  à  laquelle 
nous  sommes  plus  particulièrement  voués  ;  laissez-moi 


S42) 

remercier  ceax  qui  veulent  bien  venir  ici  nous  raconter 
ce  qu'ils  ont  vu,  ce  qu'ils  ont  appris  dans  lêtifà  inté- 
ressants voyages.  C'est  à  ces  récits,  bien  souvent, 
qu'une  vocation  se  révèle,  qu'une  imagination  s'in- 
spire. Pour  ma  part,  je  ne  doute  pas  que  vos  BuUeUûs 
niaient  fait  plus  d'un  voyageur. 

Laissez- moi  remercier  enfin  tous  ceux  —  et  il  en 
est  d'éminents  parmi  vous,  —  qui  ont  pris  pour  mis- 
sion de  vulgariser,  de  populariser  ces  connaissances 
qui,  sous  leur  plume  et  leur  burin,  ont  toujours  tant 
d'attraits. 


(  843  ) 
liPPOBT  SUR  LE  PRIX  ANNUEL 

POm  LA  DÉCOUVERTE  LA  PLUS  IMPORTANTE  EN  GÉOGRAPHIE 

Au  nom  d^aae  CommissioQ  cotapôsée  dt 

VM.  B.  CdUtAMBBftT»  TlVIElf  0fe  SllKT-HÂRTra,  MALTB-^BRUII»  MÂlftN  1»B  KéUÉftT 

El  BOÙRDIOL,  rapporteur. 


Messieurs, 

Grâce  au  zèle  dMnfatîgables  explorateurs  que  n* ar- 
rêtent ni  les  fatigues  ni  les  dangers,  chaque  année  enre- 
gistrée quelque  nouvelle  conquête  de  la  géographie  et 
voit  diminuer  les  lacunes  de  la  carte  du  monde.  Des 
découvertes  successives  nous  révèlent  les  contrées 
restées  mystérieuses  et  nous  initient  aux  mœurs, 
aux  usages  et  aux  aptitudes  des  peuples  sur  lesquels 
on  ne  possédait  que  des  notions  vagues. 

L'année  1863,  que  nous  avons  à  examiner  aujour- 
d*hui,  apporte,  elle  aussi,  sa  moisson  de  documents, 
d'informations  intéressantes  et  solides;  elle  a  vu, 
comme  ses  devancières,  d'intrépides  voyageurs  se 
répandre  dans  les  diverses  parties  du  monde,  et  les 
régions  polaires  aussi  bien  que  les  régions  équatoriales 
ont  été  le  théâtre  d'investigations  hardies,  intelligentes 
et  fructueuses. 

Les  explorations  qu*îl  convient  de  signaler  en  pre- 
mière ligne  se  sont  accomplies  dans  l'Ancien  continent, 
en  des  pays  qui  sont  à  nos  portes,  qui  ont  joué  un  rôle 


(  Uh  ) 

important  dans  l'histoire  da  inonde,  mais  où  l'œil 
européen  n*a  pu  encore  jeter  en  quelque  sorte  qu'un 
furtif  regard,  trop  rapide  pour  donner  complète  satis- 
faction à  nos  exigences  scientifiques. 

Jusqu'ici  on  ne  connaissait  guère  de  la  vaste  pénin- 
sule arabique,  dont  la  superficie  est  quatre  fois  celle  de 
la  France,  que  la  zone  extérieure,  baignée  par  trois 
mers,  la  Méditerranée,  la  mer  Rouge  et  le  golfe  Per- 
sique,  que  ses  ports  en  petit  nombre  et  les  embou- 
chures de  ses  torrents,  tantôt  à  sec,  tantôt  roulant  des 
eaux  troubles  et  dévastatrices,  qui  interrompent  la 
monotonie  de  son  immense  littoral.  Mais  le  climat,  la 
nature  du  sol,  et  plus  encore,  le  caractère  soupçon- 
neux et  cruel  des  habitants,  avaient  fermé  les  routes 
de  l'intérieur  aux  explorateurs  les  plus  hardis  et 
dressé  une  infranchissable  barrière  entre  l'Arabie  cen- 
trale et  le  reste  du  monde.  On  connaissait  encore,  et 
moins  par  des  relations  scientifiques  que  par  les  rap- 
ports contradictoires  de  quelques  trafiquants,  l'exis- 
tence et  la  géographie  des  royaumes  échelonnés  le  long 
des  mers  :  l'Hadramaut,  au  sud  ;  à  l'est,  l'Oman,  siège 
d'un  État  qui  conserve  au  moins  le  souvenir  de  son 
ancienne  splendeur  ;  à  l'ouest,  l'Yémen  et  le  Hedjaz, 
fameux  par  les  traditions  du  prophète  ainsi  que  par  les 
villes  saintes,  la  Mekke,  Médine,  Djedda  ;  mais  plus 
des  deux  tiers  de  l'Arabie  demeuraient  inconnus  et 
inaccessibles. 

M.  William  GifFord  Palgrave  est  parvenu  au  cœur 
même  de  la  Péninsule;  il  l'a  traversée  obliquement  de 
la  Méditerranée  au  milieu  du  golfe  Persique,  et  il 
nous  donne  de  son  voyage  une  relation  aussi  intér«s- 


(  Ub  ) 

santé  que  pittoresque.  Avant  lui,  quelques  itinéraires 
avaient  été  tracés,  notamment  par  le  capitaine  Sadlier, 
qui,  en  1819,  fit  le  voyage  de  £1-Ratif  à  Médine,  en 
passant  par  Riadh  et  Bereydah,  et  le  docteur  Wallin, 
qui  explora  le  Nedjed  en  18&8.  Mais  aucune  de  ces 
laborieuses  tentatives  n'obtint  des  résultats  compa- 
rables à  ceux  qu'a  obtenus  M.  Palgrave. 

Un  vieux  préjugé  nous  représentait  l'Arabie  inté- 
rieure comme  un  immense  océan  de  sables,  entre- 
coupé çà  et  là  de  montagnes  rocheases  et  nues,  et 
parcouru  uniquement  par  des  nomades  qui  campent 
sous  leurs  tentes  noires  à  l'ombre  des  palmiers  des 
oasis  :  en  un  mot,  le  désert  classique,  avec  son  ciel  de 
feu,  ses  vagues  solidifiées,  ses  tourmentes  au  souffle  du 
simoum  et  ses  pirates  lancés  à  la  poursuite  des  cara- 
vanes. En  réalité,  l'Arabie  intérieure  possède  des  pla- 
teaux et  des  montagnes  couvertes  de  végétation»  de 
fraîches  vallées,  des  prairies,  des  ruisseaux  perma- 
nents, des  fleuves  souterrains  dont  le  cours  invisible 
est  jalonné  par  des  puits,  et  des  villes  entourées  de 
jardins  et  de  champs  cultivés.  Les  Bédouins  nomades  et 
pillards,  qu'on  nous  avait  représentés  à  tort  jusqu'ici 
comme  le  véritable  type  de  l'homme  libre,  y  sont  en 
petit  nombre  et  tendent  à  disparaître  de  jour  en  jour; 
au  contraire,  il  y  croît,  il  s*y  développe  une  race  labo- 
rieuse, intelligente,  énergique,  possédant  une  indus-* 
trie  avancée  et  des  gouvernements  réguliers,  celle  des 
Arabes  des  villes. 

Le  à  mai  1802,  M.  Palgrave  partait  de  JafTa,  dans 
la  direction  de  Gaza,  où  il  devait  achever  l'organisa- 
tion de  la  caravane.  Il  quittait  cette  ville  le  27  maii 


(  3â6  ) 

sous  là  conduite  de  quelques  Afabeà  de  là  tribu  dè& 
Beni-Abîjeh,  qui  s'étaient  engagés  à  lé  conduire  îi 
Maau,  importante  station  sur  la  route  de  Damas  à  ta 
Mekke.  Ils  traversèrent  le  désert  de  El-Tih  et  conti- 
nuèrent leur  roule  vers  le  sud-est,  à  travers  des  gorges 
rocheuses,  jusqu'à  deux  journées  dé  marche  d*Akabà; 
tournant  ensuite  au  nord-est,  ils  arrivèrent  à  Maaû. 

M.  Palgfave  avait  pris  le  costume  et  se  donnait  le 
titre  de  médecin  ;  cette  profession  honorée  dans  tout 
rOrient,  et  sa  parfaite  connaissance  de  la  langue  arabe, 
devaient  lui  ouvrir  les  portes  les  plus  rigoureusement 
fermées.  Mais  il  ne  put  emporter  avec  lui  les  instru- 
ments indispensables  aux  observations  géodésiques  et 
astronomiques;  sa  relation  se  ressent  de  l'absence  de 
ces  auxiliaires  si  utiles.  Complète  et  remplie  de  faits 
aussi  nouveaux  que  curieux  eu  ce  qui  touche  à  l*his- 
toire,  à  la  peinture  des  mœurs  et  à  la  description  des 
localités,  elle  laisse  à  désirer  au  point  de  vue  dé  là 
détermination  scientifique  des  distances,  du  relief  dû 
sol,  de  la  direction  des  vallées  et  des  montagnes,  de  la 
position  exacte  des  lieux  qu'il  a  reconnus,  mais  qu'il 
n'a  placés  qu' approximativement  sur  sa  carte. 

Les  épreuves,  lés  souffrances  et  les  dangers  du 
voyageur  commencèrent  àla  sortiede  Maan.  Là  s'étend, 
en  eifet,  une  plaine  sombre,  uniforme,  dépourvue  de 
vie  et  de  végétation  :  le  désert  aride,  immense,  que 
parcourent  les  tribus  de  Bédouins  les  plus  dangereuses, 
dont  quelques  roches  basaltiques  hérissent  de  loin  en 
loin  la  surface,  et  doût  la  solitude  offre  un  tel  spec- 
tacle d'horreur  que  la  rencontre  même  d'un  ennemi 
y  apporterait    quelque   soulagement.  M.   Palgrave, 


/ 


(W) 

affaM  pàf  la  fièvre,  brûlé  par  te  ftdlrfl,  étHl  »éiiii- 
moîos  obligé  de  matcher  qttîfixe  ou  scl«e  béureé  par 
jour,  au  pas  rapide  de  son  chameau.  S'arf6tait41  titi 
Instant,  hésitait-il  à  se  remettre  en  route,  !â  voîx  des 
guides  faisait  retentir  à  ses  oreilles  ces  sittistnss 
paroles  :  «  Si  fions  tardons,  nous  mourrons  tous  de 
Soif.  >  Quelques  heures  avant  d'atteindre  le  Djebel- 
iSiomer,  ils  furent  assaillis  par  une  tempête  !  le  simônm, 
vent  de  fièvre  et  dé  feu,  souleva  autour  d>ux  lés 
sables  tourbillonnants,  qui  faillirent  les  eitigloutîf, 
comme  ils  avaient  englouti  Gambyse  et  soU  armée. 

Enfin,  la  caravane  atteignit  la  frontière  du  royaume 
de  Shomer^  elle  longea  pendant  sept  jours  le  lit  des- 
séché du  Wadi-Serham  jusqu'à  la  station  de  Magua» 
et  entra  le  30  juiu  à  Djôf,  centre  de  commerte  pour 
les  habitants  de  l'Arable  du  Nord. 

L'oasis  de  Djôf  est  parsemée  de  jolis  villages,  établis 
sous  des  palmiers.  Deux  tours  chrétiennes,  datant  des 
croisades,  défendent  les  approches  de  la  ville.  Lés 
habitants  profésseùt  l'islamisme  ;  mais  dans  les  cam- 
pagnes on  retrouve  encore  nu  christianisme  tradi- 
tionnel, défiguré  par  de  nombreuses  superstitions. 
M.  Palgrave  séjourna  une  vingtaine  de  jours  dans  ce 
pays  hospitalier,  dont  la  population  n'est  étrangère  ni 
à  l'agriculture,  ni  au  commerce,  et  le  quitta  ensuite 
pour  se  diriger  vers  Haïl,  capitale  du  royaume  de 
Shomer. 

Entre  cette  ville  et  Toasiâ  de  Djôf  règne  une  vaste 
Néfoud,  ou  bras  de  désert,  que  les  voyageurs  traver- 
sèrent sur  une  largeur  de  plus  de  200  kilomètres. 
Cette  plaine  brûlante,  sillonnée  de   monticuleè^  de 


<  348  ) 

sable,  qui  réfléchissent  les  rayons  solaires  et  rendent 
ainsi  la  chaleur  plus  accablante  encore,  effraye  même 
les  Arabes  les  plus  hardis.  M.  Palgrave  atteignit  la 
ville  de  Hsûl,  qui  devait  le  remettre  de  ses  fatigues.  Il 
se  retrouva  à  la  cour  d'un  prince  intelligent,  Telal- 
Ebn-Rashid,  qu'il  considêife  comme  un  homme  d'État 
des  plus  remarquables.  Il  y  traita  de  nombreux  ma- 
lades, et  sut  se  concilier  l'amitié  du  souverain,  qui 
chercha  à  le  retenir  en  lui  offrant  c  une  maison  avec 
un  joli  visage  » .  M.  Palgrave  sut  résister  à  ces  offres 
séduisantes. 

Après  avoir  franchi  le  Djebel-Sokna,  la  caravane 
entra  sur  le  mystérieux  territoire  des  Wahabites.  La 
route  parcourue  depuis  Haïl  suit  une  vallée  bien  cul- 
tivée, possédant  de  l'eau  en  abondance  ;  mais  l'aspect 
général  du  pays  est  rendu  monotone  par  l'absence  de 
montagnes  ou  de  collines  de  quelque  élévation.  Les 
voyageurs  traversèrent  la  riche  province  du  Kacïm  et 
parvinrent  à  Bereydah,  résidence  d'un  gouverneur 
wahabite  et  lieu  de  station  important  pour  les  pèle- 
rins asiatiques  de  la  Mekke. 

Bereydah  est  une  ville  considérable.  Les  h24)itants 
sont  industrieux  et  cultivent  le  coton.  Avec  ses  rem- 
parts, ses  hautes  tours,  ses  édifices  en  pierre  mena- 
çant ruine,  avec  les  jardins  et  les  riches  plantations 
qui  Tentourent,  Bereydah,  ainsi  que  la  plupart  des 
villes  du  Nedjed,  rappelle  une  époque  florissante,  que 
l'histoire  n'a  pas  oubliée.et  qui  fut  témoin  d'une  grande 
prospérité  pour  toute  la  péninsule,  quand  l'islamisme 
n'exerçait  pas  encore  son  influence  funeste  sur  ces 
belles  contrées* 


(  849  ) 

M.  Palgrave  traversa  ensuite  Hormeimeieh»  patrie 
de  Mohammed  Abd-El-Wahab,  fondateur  de  la  secte 
des  Wahabites,  visita  les  ruines  de  Dereiyah,  ville 
autrefois  importante,  détruite  à  la  suite  des  guerres 
religieuses,  et  le  18  octobre  il  se  trouvait  à  Riadh, 
capitale  du  royaumç,  au  cœur  même  de  l'Arabie. 

Chemin  faisant,  notre  voyageur  recueille  des  infor- 
mations sur  la  constitution  physique  du  Nedjed  qu'il  a 
traversé  dans  toute  sa  largeur.  Entre  le  Djebel-Solma 
et  le  Djebel-Torreyk,  qui  s'élève  au  milieu  de  l'État 
wahabite,  se  trouve  le  plateau  central  de  l'Arabie, 
dont  Taltitude  est  d'environ  600  mètres.  Cette  région 
est  sillonnée  de  wadis,  où  roule  une  eau  torrentielle, 
que  dessèchent  les  ardeurs  de  l'été  ;  elle  est  entre- 
coupée de  profondes  vallées  livrées  à  la  culture,  qui 
s'ouvrent  entre  des  blocs  de  calcaires  disposés  en  gi-^ 
gantesques  assises,  abruptes  et  comme  creusées  de  main 
d'homme.  On  dirait  qu'il  y  a  là  une  lutte  constante 
entre  le  désert  et  le  sol  fertile,  entre  la  nature  sau- 
vage et  la  nature  civilisée,  qui  se  disputeraient  l'espace. 

Le  vieux  sultan  Feysoul  accueillit  favorablement 
H.  Palgrave  et  lui  assigna  pour  résidence  une  maison 
en  lui  donnant  le  titre  de  médecin  attaché  à  sa  per- 
sonne. Le  voyageur  put  ainsi  étudier  de  près  les 
mœurs,  l'organisation  sociale  et  la  religion  des  Waha- 
bites. Ces  sectaires  farouches,  intolérants  et  puritains 
lui  rappellent  les  anabaptistes  de  Munster  et  de  Leyde; 
ils  exagèrent  les  doctrines  fatalistes  du  Coran,  les 
observances  et  les  prières  que  commande  le  Livre 
sacré.  Dieu,  disent-ils,  après  avoir  pétri  l'argile 
humaine,  en  jeta  une  moiUé  vers  le  ciel,  une  moitié 


(  3S0  ) 

dam  les  imfers*  D^fnii^k  te  sort  de  tous  ie&  hoaunes 
est  irrévocablement  taé  ;  U  ^v^i^  pour  être  certaîa  de 
son  salol,  d'apparteoir  à  la  moitié  favorisée.  Les 
Wahalntes  ont  institué  on  tribunal  d*in<{uisitieii  qui 
s'exerœ  à  domicile.  La  confrérie  des  zélateurs»  des 
purs,  dtos  laquelle  le  roi,  souverain  absolu,  recrute 
ses  gouverneurs  et  ses  conseillers,  surveUle  les  fidèles 
dans  Faccomplisseaieot  de  leurs  devoirs  religieux  ; 
œlaî  qui  s'absente  de  la  mosquée  voii  sa  maison  enva- 
hie par  des  bourreaux  officieux  qui  lui  administrent  la 
bastonnade  sans  jugement*  M.  Palgrave  eut  beaucoup 
de  peine  i  échapper  à  cette  exécution  sommaire» 

Pendant  son  séjour  à  Riadb»  notre  explorateur  visita 
les  haras^  où  sont  réunis  les  plus  beaux  types  des  che- 
vaux du  N«djed  dont  il  vante  les  quali^  et  qu'il  con- 
sidère cQinme  V  idéal  de  leur  race.  U  se  trouva  mêlé» 
plus  qu'il  ne  le  désirait,  aux  intrigues  de  la  cour.  Le 
nev^o  du  roi  Feysoul,  témoin  de»  merveilleux  effets  de 
la  strychnine,  emf^oyée  à  petites  dosesr  insista  pour 
obtenir  une  oa*taine  quantité  de  ce  poison.  Son  but 
était  trop  facile  à  comprendre  ;  le  médecin  du  sultan 
n«  voulut  pas  contribuer  à  changer  Tordre  de  lasuccesh 
sion  au  trône,  il  refusa  formellement.  Sans  la  protec- 
tion du  premier  ministre,  homme  intelligent,  fils  d'une 
esclave  circaasienne,  et  dont  les  cheveux  blonds,  les 
yeux  bi^us  attestaient  assez  l'origine,  M.  Palgrave  eût 
difficilement  échappé  à  la  oolère  de  son  royal  client. 

Ghes  les  Wahabttes,  l'usage  du  tabaa  est  sévère^ 
ment  prohibé  ;  ils  regardent  comme  un  acte  méritoire 
Sa  meurtre  d'un  fiimeuir  surpris  en  flagrant  délit.  Mais» 
malgré  leur  rigorismet  le  peuple  des  eamp^OM  coii* 


(  351  ) 

serve  le  souvenir  et  le  regret  de  ses  anciennes  croyances  ; 
le  JQur  où  cessera  cette  domination  oppressive,  on 
verra  renaître  dans  le  Nedjed  une  tolérance  générale, 
qui  confondra  l'islamisme  avec  d'anciennes  traditions 
chrétiennes,  juives  et  même  sabéennes, 

M,  Palgrave  §ortit  de  Riadh  après  un  mois  çt  demi 
de  résidence  j  il  eut  soin  d'éviter  les  villes  de  Manfu- 
leb  et  de  Solemieh,  gagna  la  vallée  de  Yamanieb  et  se 
dirigea  vers  Test  à  travers  de  belles  plaines  bien  arro*- 
sées  ;  il  franchit  en  deux  jours  le  Néfoud  de  Dohur, 
qui  est  le  prolongement  du  Dahna,  ou  grand  désert  du 
sud,  et  arriva  à  Hofhuf,  dans  la  province  de  El-Haça, 
la  plus  riche^  la  plus  peuplée,  la  plus  salubre  et  la 
plus  industrieuse  du  pays  wahabite.  De  là  il  prit  sa 
route  vers  le  nord,  et  trois  jours  après  il  atteignait  El- 
Katif,  sur  les  bords  du  golfe  Persique,  après  avoir 
traversé  l'Arabie  sur  une  largeur  de  plus  de  quatre 
cents  lieueç. 

Depuis  M.  Palgrave,  d'autres  voyageurs  ont  pénétré 
ou  cherchent  à  pénétrer  en  Arabie.  Le  colonel  Pelly, 
agent  politique  anglais  à  Boûchehr,  sur  le  golfe  Per- 
sique, a  visité,  en  1865,  le  pays  des  Wahabites  et 
déterminé  la  position  astronomique  de  Riadh,  qui  est 
située  par  24°  S8'  34"  de  latitude  nord  et  44°  21''  38" 
de  longitude  orientale  du  méridien  de  Paris.  C'est  le 
premier  point  astronomique  que  nous  ayons  pour  l'Ara- 
bie intérieure.  M.  Guarmani,  qui  s'est  rendu  à  Haïl, 
dans  le  Shomer,  en  1864,  se  dispose  à  pénétrer  de 
nouveau  et  plus  avant  dans  le  centre  de  la  péninsule. 
Sur  sa  demande,  la  Société  de  géographie  rédige  en  ce 
momept  même  des  instructions  générales  sur  les  con- 


(  362  ) 

trées  qu*il  doit  parcourir.  Espérons  que  ces  voyages 
successifs  feront  entrer  F  Arabie  dans  la  grande  famille 
des  pays  connus. 

La  fin  de  la  relation  de  M.  Palgrave  décrit  le  golfe 
d'Oman  et  les  lies  Bahreyn,  qui  présentèrent  au  voya- 
geur le  spectacle  d'une  civilisation  en  pleine  déca- 
dence et  de  mœurs  bien  plus  tolérantes,  mais  aussi  plus 
relâchées  que  celles  du  Nedjed.  Là  dominèrent  en  effet 
les  Garmathes,  si  fameux  dans  Thistoire  de  l'Asie  au 
moyen-âge.  C'est  en  traversant  le  golfe  Persique,  à 
l'issue  de  ses  dernières  explorations,  que  M.  Palgrave 
fit  naufrage.  Des  vingt  et  un  hommes  qui  montaient 
sa  barque,  neuf  seulement  furent  sauvés.  Il  parvint 
cependant  à  Mascate,  de  là  à  Bagdad  et  enfin  à 
Beyrouth ,  terme  de  son  voyage ,  où  il  arriva  le 
16  juillet  1863. 

M.  Palgrave,  nous  l'avons  déjà  dit,  pour  ne  pas 
éveiller  la  méfiance  des  indigènes,  n'avait  pu  empor- 
ter les  instruments  nécessaires  aux  observations  de 
latitude,  de  longitude  et  d'altitude;  mais  il  n'en  a  pas 
moins  recueilli  dans  son  voyage  de  nombreuses  in- 
dications sur  la  configuration  générale  et  le  caractère 
physique  du  pays.  Il  nous  montre  que  l'Arabie  est 
formée  d'un  plateau  central,  le  Nedjed,  dont  la  super- 
ficie est  un  peu  moins  que  la  moitié  de  la  péninsule 
entière  ;  ce  plateau  est  entouré  d'un  cercle  de  déserts, 
lesquels  sont  bordés  eux-mêmes  de  montagnes  basses 
et  stériles  pour  la  plupart,  mais  qui  présentent  dans  le 
Yémen  et  dans  l'Oman  une  hauteur  considérable  en 
même  temps  qu'une  grande  fertilité;  puis  enfin,  après 
ces  montagnes,  une  bande  étroite  de  littoral  aboutit  à 


(  35â  ) 

la  mer.  Si  Ton  ajoute  à  ces  hauts  plateaux  du  centre 
toutes  les  parties  fertiles  appartenant  aux  cercles  exté- 
rieurs, nous  voyons  que  les  deux  tiers  de  l'Arabie  se 
composent  de  terrains  cultivés,  ou  tout  au  moins  cul- 
tivables. 

Mais  le  but  important  auquel  a  visé  M.  Palgrave, 
c'est  de  soulever  le  voile  qui  nous  dérobait  là  partie 
humaine  de  TArabie,  ses  croyances  et  sa  politique,  son 
esprit  et  son  mouvement;  les  deux  intéressants  volumes 
qu'il  a  publiés  abondent  en  observations  ethnogra- 
phiques,  morales  et  philosophiques.  Il  nous  peint» 
sous  des  couleurs  saisissantes,  les  Bédouins  du  désert, 
sanguinaires,  nomades,  indifférents  en  matière  reli^ 
gieuse,  ne  prenant  d'autre  part  aux  pèlerinages  que 
celle  de  piller  les  pèlerins,  mentant  à  la  réputation 
d'hospitalité  patriarcale  que  la  tradition  leur  a  faite  ; 
les  Arabes  des  villes,  et  en  particulier  ceux  du  Sho- 
mer,  qui  constituent  une  des  plus  nobles  races  de  la 
terré,  intelligents,  laborieux,  adonnés  à  la  poésie  et 
parlant  l'idiome  le  plus  pur  de  la  langue  commune  à 
toute  leur  race  ;  les  Wahabites,  austères,  rigoristes, 
fanatiques,  dévorés  du  désir  d'étendre  leur  religion 
le  fer  et  le  feu  à  la  main  ;  la  population  des  campagnes, 
dominée,  terrorisée  et  conspirant  en  silence  ;  les  habi- 
tants de  l'Oman,  enfin,  héritiers  dégénérés  d'une  nation 
antique,  vivant  dans  le  luxe,  l'oisiveté,  les  plaisirs 
faciles,  au  sein  d'une  nature  opulente,  dans  les  cités 
bâties  par  leurs  ancêtres  et  qu'ils  laissent  tomber  en 
ruine.  C'est  un  monde  nouveau  qui  s'ouvre  à  nos 
regards. 

Le  voyage  de  M.  Palgrave  en  Arabie  nous  a  paru 
XI.  MAI.  2.  23 


(S»4  ) 
le  pins  importaDt  de  eeux  qui  oot  été  effeatuéa  en  i  8é3« 
Ses  découvertes  ont  une  haute  portée  (  en  mèaie  temps 
qu'elles  enrichissent  là  science,  elles  sont  destinées  à 
fadiiter  la  solution  de  bien  des  problèmes  qui  s'agita 
tent  partout  où  les  nations  chrétiennes  et  musulmanes 
sont  en  contact. 

Ainsi  que  rArabie,  l'Afrique  a  ses  mystèpes  et  oSn 
un  vif  attrait  aux  explorateufs  sdenlifiques.  On  a 
attaqué  sur  bien  des  points  ses  impéoétrables  solitudes, 
et  tons  ces  voyages,  partant  du  littoral  pour  conveiv 
ger  an  centre,  sont  autant  de  sillons  lumineux  quji 
finiront  par  éclairer  les  parties  ks  buhus  connues  de 
cette  vaste  région. 

Ces);  en  1863  que  les  capitaines  Speke  et  Graxf^ 
ont  twminé  leur  mémorable  campagne  aux  sources 
du  Nil,  continuée  avec  suepès  par  leur  compatriote 
Baker.  Dans  la  même  année,  le  docteur  Livingstone 
poursuivait  ses  découvertes  dans  l'Afrique  australe; 
notre  confrère,  M.  Guillaume  Lejeao,  visitait  les 
régions  situées  à  l'est  du  fleuve  Blane;  MM.  Mage 
et  Quentin  exploraient  le  haut  Niger  et  frayaient  la 
route  de  Tembouotou»  pendant  que  MM.  Serval  et 
Griffon  du  Bellay  remontaient  l'Ogobai^ua  des  fleuves 
qui  paraissent  pénétrer  le  plus  avant  dans  l'intérieur 
de  l'Afrique.  Citons  également  le  docteur  Baikie 
et  M.  Du  Ghaillu,  deux  infatigables  explora^urs  de 
ces  contrées  occidentales;  enfin ,  dans  le  nord,  les  eo^ 
treprises  hardies  de  M,  Gérard  Hohlf,  dont  l^s  titres 
A  vos  suffrages  devront  être  ultérieurement  examinés. 

Mais,  avant  de  récompenser  ceux  qui  sont  ibvoimis 
yic^ieux  de  £stle  lutte  contre  le  climat  jl^voraol;  de 


(  856  ) 

l'Afrique  ^t  contre  rinbospitalité  de  ses  habitants,  nous 
devons»  messieurs,  un  sympathique  souvenir  à  ceux 
qui  ont  succombé  !  Us  sont  malheureusement  en  grand 
nombre:  Beurmann,  massacré  au  Waday;  Steudner, 
Schubert,  morts  de  la  fièvre  sur  le  haut  Nil;  et,  tout 
récemment,  le  baron  de  Decke»,  l'intrépide  et  persévé- 
rant exploral^eur  des  régions  du  Kilimandjaro,  assas- 
pné  sur  les  bords  de  la  rivière  Djuba.  Honneur  à  ces 
naartyrs  de  la  science,  dont  la  perte  même  est  féconde 
pour  la  civilisation,  car  T œuvre  qu'ils  laissent  incom- 
pU^  f  pp^)le  d^  continuateurs  l  ]Les  hardis  navigateurs 
qpj  recherchaient  }es  traces  de  Franklin  nous  ont  ré- 
vélé les  régions  polaires;  ç^est  en  elierchant  les  traces 
de  rinfprtoné  Edouard  Vogel  que  M.  Hauglin  et  see 
^QOmp^gnon^  se  màX  distingués  par  Lee  découvertes  «ur 
j^uelles  j'ai'  Vhonneur  d'appeler  votre  attentidi|. 

tu.  Théodore  4e  Qéuglin,  que  eept  années  de  rédr 
4#i^Qa  à  Kbartpum,  en  qualité  de  vicercon^ol  d^Aur 
triche>  avmant  fiM»iUarisé  ave/(^  le  dimai  et  la  langue 
du  pays,  reçut  la  direction  de  la  grande  mission  aciea- 
tifique  que  l'AUepi^ne  envoyait  dans  le  Soudan  i  la 
recherche  de  son  jeune  et  regrettable  exploratàur, 
Dél^rqué  à  Mass^^i^h  en  l&6i.  11.  d^  Heuglin  se  dt- 
fiyge  v/er^  le  nordr^uest  jusqu'à  la  vallée  de  Lebka, 
I^S$fi  d^s  Qelle  i^  t' Aïn-Saba  et  arrive  à  K^er^,  dans 
le  pays  des  Bogos;  oontiDuant  sa  route  vers  le  sud,  il 
fraaçl^it  la  yallée  du  Atareb,  entre  dans  le  Tigré,  visite 
1^  ruifies  d'Ai^ouQp,  antique  capitale  d'un  royaume 
gr^Q^aby^lo»  et  gagne  iSondar,  DiajQs  le  cours  de  eett^ 
exploration,  notre  voyageur  recueille  de  «ombr^us 
4^i}pen}§  «cieajiâûqiies»  i^otainmeot  les  i^tes  dé- 


(  356  ) 

taillées  du  bassin  supérieur  de  rAîn-Saba,  basées  sur 
des  positions  astronomiques,  des  études  physiques  et 
archéologiques  sur  les  contrées  du  nord  du  Tigré,  et 
des  notes  sur  les  régions  zoologiques  de  l'Abyssinie 
selon  les  altitudes. 

M.  de  Heuglin  avait  cru  devoir  modiûer  les  instruc- 
tions qu'il  avait  reçues  en  Allemagne,  et  au  lieu  de  se 
rendre  directement  à  KJiartoum,  il  prenait  la  route  de 
Kafa  pour  gagner  le  fleuve  Blanc  par  la  vallée  inex-> 
plorée  du  Sobat.  Le  comité  de  Gotha  lui  retira  alors 
la  direction  de  Tentreprise  pour  la  confier  à  M.  Wemer 
Munzinger,  un  des  voyageurs  les  plus  remarquables 
de  ces  contrées,  qui  se  dirigea  vers  le  Nil  pour  gagner 
le  Waday  par  le  Kordofan  et  le  Darfour.M.de  Heuglin, 
empêché,  sans  doute  par  les  événements  politiques  dont 
l'Abyssinie  était  alors  le  théâtre,  d'explorer  les  contrées 
du  sud,  ainsi  qu'il  en  avait  l'intention,  partit  de  Gondar 
pour  Khartoum,  où  il  arriva,  accompagné  du  docteur 
Steudner  et  du  botaniste  Schubert,  au  commencement 
de  juin  1862. 

A.  ce  moment,  les  régions  du  haut  Nil  étaient  l'objet 
d'une  excursion  aventureuse  dont  la  nouvelle  avait 
produit  en  Europe  une  véritable  surprise.  Les  dames 
Tinné,  riches  Hollandaises,  après  avoir  poussé  jusqu'à 
Gondokoro,  étaient  retournées  à  Khartoum  et  organi- 
saient une  nouvelle  expédition  vers  les  contrées  situées 
à  Touest  du  fleuve  Blanc,  dont  elles  avaient  entendu 
dire  des  merveilles.  MM.  de  Heuglin  et  Steudner  firent 
partie  de  la  caravane,  et,  grâce  à  eux,  le  voyage  pro- 
jeté acquit  un  caractère  plus  scientifique. 

Les  deux. explorateurs  prennent  les  devants  et  sont 


(  357  ) 

tsaivis  à  peu  de  journées  ^e  distance  par  la  flottille  qui 
porte  nos  nouvelles  Amazones.  Ils  atteignent  l'île 
d'EI-Eis,  passent  devant  le  Djebel-^Tefatan  et  arrivent 
à  Tembouchure  du  Sobat,  affluent  oriental  du  Nil 
Blanc  M.  de  Heuglin  vérifie  la  position  astronomique 
attribuée  &  ce  confluent  par  le  capitaine  Speke,  et» 
sans  toutefois  se  prononcer  d'une  manière  absolue,  il 
croit  que  la  longitude  de  ce  point  a  été  placée  trop 
vers  Test  et  qu'elle  doit  être  plus  occidentale  (1).  Au- 
dessus  du  Sobat,  le  paysage  prend  graduellement  un 
nouveau  caractère  ;  la  végétation  y  est  plus  riche  et 
plus  vigoureuse  ;  de  très-beaux  arbres  ombragent  les 
rives  et  forment  un  épais  rideau  de  verdure,  émaillé 
d'une  multitude  de  fleurs  aux  nuances  éclatantes  et 
variées. 

Le  5  février,  M.  de  Heuglin  entre  dans  le  lac  Nô,  où 
se  forme  la  jonction  du  Bahr-el-Gbazal,  ou  fleuve  des 
Gazelles,  qui  vient  de  l'ouest,  avec  le  Bahr-el-^Abyad, 
ou  fleuve  Blanc,  qui  coule  du  sud  au  nord.  Il  remonte 
le  cours  du  Babr-el-Ghazal,  dont  M.  Lejean  nous  a 
déjà  donné  une  description,  et  il  en  explore  les  rives 
en  véritable  pionnier  scientifique.  La  largeur  et  la  pro- 
fondeur, de  la  rivière  sont  très-irréguUères  ;  sur  certains 
points  elle  est  fort  étroite  et  ofire  les  caractères  d'un 
canal  ;  ailleurs,  elle  s'élargit  jusqu'à  former  des  lacs 
d'une  étendue  considérable  qui,  dans  la  saison  des 
pluies,  se  réunissent  tous  ensemble  et  constituent  une 
immense  lagune.  Le  Bahr-el-Gbazal  est  bordé  à  perte 

(I)  Les  observations  deSpeke,  calcnléespar  M.  Dunkin,  ont  donné 
pour  le  confluent  da  Sobat,  latltnde  9»  ^0'  4S'^  longitude  est  da  mé- 
ridien de  Paris  29^  3'  M". 


(  »58  ) 

de  vue  de  plaitt66  màféeflgeitised,  coûvefteé  if  une  foréft 
de  roseaux  et  de  pktite^  etqtiattques  à  fleû!^  jaudêâ 
appelées  ambadjy  qui  atteignent  jusqit^â 6kS  mettes 
de  hauteur  et  dont  la  feuille  a  quelque  analogie  avee 
telle  Aea  mimosàd^  ées  plaines  àont  parcourues  pût 
des  trodpeaux  de  baffles  et  d^élé^hants.  Les  Nouers  et 
le»  Reks,  peuplades  qui  habitent  cJette  région,  appar- 
tiennent au  type  ûègre  le  plus  prononcé  j  ils  sent 
grands,  vigoureux,  et  paraisèeût  cônstîiùés  au  moral 
et  M  physique  pouf  réagir  contre  ïes  périls  (Jxie  pré- 
seiite  c^tte  régioh  ingrate.  M.  de  Heuglin  et  le  docteur 
Steodner  parvinreht  au  port  de  Meshra*él-Hek,  situé 
&  envlrofl  cînquattte  lieties  au-dessus  du  laô  NÔ,  et 
point  extrême  de  la  natigatîoô  du  fleuve  àts  Gazelles  ; 
IjB  reste  de  l'expédition  et  le  bateau  à  vapeur  qui  portait 
les  dames  Tinné  n'y  àirivérent  que  pins  tard,  par  suite . 
du  mauvais  vouloir  et  de  là  perfidie  deâ  gens  de  l' es- 
corte. Au  milieu  du  Meshra-el-Rek,  c[tA  est  formé  par 
une  extension  de  la  rivière,  se  trouve  la  petite  lie  de 
Rek  située  par  8*  27'  de  latitude  nord,  et  approxîma- 
flvement  28*  27'  de  longitude  orientale  du  mérî^en 
de  Paris. 

Nos  deux  voyageurs  reprirent  leur  toute  Vet^è  le 
sud-ouest,  franchirent  la  rivière  Djoor  dont  ïa  largeur 
est  de  800  mètres,  et  arrivèrent  extéùxié^  par  là  fièVrie 
au  village  de  Vau,  où  le  docteur  Steudnef  succotuba 
le  10  avril.  Cette  nouvelle  victîine  reçut  du  moins  les 
derniers  devoirs.  M.  de  Heuglin,  après  avoir  enëëveli 
son  compagnon,  fuyait  ce  lieu  funèbrOf  atteignait 
Bongo,  plus  à  l'ouest,  et  revenait  ensuite  au  Mesbr»- 
el-Rek  où  s'était  arrêté  le  gros  dé  la  cafavane.  Gè 


(  »»9  ) 

n'était  qu'une  premièi'e  reconnaissance  Ter»  le  pays 
fies  Nyam-Nyam. 

Pont  accomplir  ttn  véritable  toyage  jusque-là,  il 
fallait  des  forces  plus  imposantes  I  M.  de  Hedglin  et 
Y  un  de  ses  compagnons,  le  baron  d'Ablatngy  allèrent 
à  Kliaftôum  chercher  des  hommes  et  des  nvre»^ 
Atteint  par  la  maladie  m  retour,  il  se  reposa  m  Meëbra^ 
el-Rek  et  put  cependant  rejoindre  quelques»  jours  plus 
tardy  au  eantpeaieni  d'AbocM8ea0«im,  Teupédhion  qtii^ 
dès  lots  suffisamment  n0ffîbr)^se,^6lle  cotnpflait  pins 
de  cent  cinquante  personnel^,  ^  reprit  lâ^  ^^tîoil  dH 
sttâ^ouesf/ 

On  ebètninà  lentement  et  péniblement  l^r  la  rdnte 
déjà  pareonme  niiei  fois  par  M.*  de  Henglin  et  don  in*- 
fortuné  compagnon.  Api'ès  slvoir  franchi  le  DJot^r,  on 
trarei^a  des  pays»  d'un  aspect  i^ant^  fënilesf  et  habîiés  f 
enduite  des  pays  sauvages  où  no^  voyagetir^  reneoDH 
Iraient  fréquemment  des  traces  de  pachydeririès  $  pui9 
des  plaines  douvertes  tantôt  de  hautes  graminées  et  de 
fleurs  inconnues  aux  senteurs  enivrantes,  tantôt  ded 
fordts  d'arbres  gigantesques  et  variés.  Les  oiseaut 
étaient  rare»^  mais  à  chaque  pad  en  apercevait  âe§ 
antilopes,  des  gazelles  et  quelque  Menu  gibier^ 

Ces  contrées,  ainsi  que  toutes  les  régions  du  haut 
Nily  sont  dévastées  par  les  trafiquants  d'ivoire,  dont 
la  plupart  font  en  même  temps  le  commerce  âe9 
esclaves.  Ces  hommes,  l'écume  des  pays  civilisé», 
suscitent  et  entretiennent  des  guerres  interminables  dei 
tribu  à  tribu  i  ils  soulèvent  les  populations  contre  lei^ 
paisibles  exploiteurs  scientifiques  qui  leur  font  Oin» 
brage,  et  par  leur  influence  funeste  pervertissent  la 


(  S60  ) 

race  indigène,  qu'il  serait  facile  de  régénérer.  Aiiusi 
Tesclavagc,  cette  lèpre  de  l'humanité,  s'étend  encore 
aujourd'hui  jusqu'au  centre  de  l'Afrique  et  en  paralyse 
le  développement  naturel. 

Ces  difficultés,  jointes  à  Fardeur  du  climat,  aux 
vexations  que  les  trafiquants  Biselli  et  Ali-Oumouri 
multipliaient  autour  des  voyageurs,  rendaient  leur  ex- 
ploration de  plus  en  plus  pénible.  La  maladie  fit  plus 
d'un  vide  parmi  eux;  madame  Tinné  succomba  le 
20  juillet,  et  fut  suivie  de  près  dans  la  tombe  par  ses 
deux  domestiques  européennes. 

Cependant  M.  de  Heuglin  avançait  toujours.  Il  par- 
vint le  17  juillet  1863  jusqu'au  delà  de  Koulanda,  sur 
les  bords  du  Bahr-el-Dombo,  que  l'on  regarde  comme 
un  affluent  du  fleuve  des  Gazelles,  et  se  mit  en  rapport 
avec  les  Nyam-Nyam.  Ce  peuple  singulier,  sur  lequel 
on  a  répandu  tant  de  bruits  ridicules,  appartient,  ainsi 
que  les  Fertit,  les  Kredj  et  les  Djour  leurs  voisins,  à 
une  race  supérieure  parmi  les  nègres,  et  parait  sus- 
ceptible de  civilisation.  Toutes  ces  populations  sont  de 
stature  moyenne,  robustes  et  bien  proportionnées,  avec 
des  mollets  bien  accusés  et  des  talons  peu  saillants  ; 
leurs  cheveux  sont  longs,  un  peu  frisés  et  chez  la  plu- 
part disposés  eu  tresses  nombreuses;  la  barbe  est 
beaucoup  plus  forte  que  chez  les  nègres,  elle  est  d'un 
brun  olivâtre  et  souvent  plus  claire  que  chez  les 
Arabes  du  Soudan.  Le  pays  des  Nyam-Nyam  forme  la 
région  centrale  de  l'Afrique;  c'est  là  que  prennent 
leur  so'urce  divers  affluents  du  Babr-el-Ghazal  et  du 
fleuve  Blanc.  Il  renferme  beaucoup  de  grandes  mon- 


(  9«*  ) 

tagiies  isolées^. granitiques  ou  airgileuses,  mais  il.  est 
dépourvu  de  massif  central. 

Enfin,  l'expédition  à  bout  de  forces»  vaincue  par  les 
hommes,  par  le  climat  et  par  les  maladies,  se  décida  à 
reprendre  le  chemin  de  Kbartoum,  où  elle  entra  Iç 
29  mars  1864. 

Dans  cette  rude  campagne ,  M.  de  Heuglin  a  fait 
preuve  des  qualités  les  plus  éminentes  du  voyageur 
scientifique  :  le  courage  et  la  persévérance  dans  l'exé- 
cution de  ses  entreprises,  le  savoir  qui  permet  d'^n 
tirer  parti.  S'il  ne  lui  a  pas  été  donné  d'accomplir  de 
ces  éclatantes  découvertes  qui  frappent  l'imagination 
et  auxquelles  vous  réservez  vos  plus  hautes  récom- 
penses, il  a  du  moins  rendu  plus  accessibles  les  pays 
qu'il  a  visités,  il  s'est  avancé  plus  loin  dans  l'ouest  de 
l'Afrique  qu'aucun  Européen,  et  il  nous  est  revenu 
avec  de  nombreux  et  trés-sérleux  documents  géogra- 
phiques. Nous  lui  devons  une  carte  qui  accroît  nota- 
blement les  lumières  qu'on  avait  déjà  sur  le  Bahr-el- 
Ghazal  et  les  régions  voisines,  des  études  approfondies 
sur  la  flore  et  la  faune,  des  observations  astronomiques, 
des  détail  sur  les  mœurs,  les  origines  et  le  langage  des 
tribus  qui  peuplent  ces  contrées.  A  ces  divers  titres, 
M.  de  Heuglin  méritait  de  fixer  l'attention  de  la  Société 
de  géographie. 

Vous  usez  aujourd'hui,  messieurs,  d'une  de  vos 
plus  belles  attributions.  Les  récompenses  que  vous 
accordez  sont  à  la  fois  un  honneur  pour  les  lauréats 
et  un  encouragement  pour  ceux  qui  marchent  sur  leurs 
traces.  Elles  ne  font  naître  dans  les  cœurs  d'autres 
sentiments  qu'une  émulation  salutaire.  En  entourant 


(  S«2  ) 

quelle  qae  soit  la  nationalité  deit  e:t{^lérfatâui^  érf  qttël 
que  soit  lèdr  but  5  religieux,  scientifique^  politi<)tie  ou 
iMfDpIemetit  commereiÀl,  vous  contribuez  éffiedceoiéat 
ÈLui  ptogtt^  de  la  îitiméà  à  laquelle  âi'est  cotis&créè 
notre  libre  Association. 

V(Hré  commission;  méâSSMTSi  td)l9  pr<lf>0dè  dt  dé- 
def tiéf  âfte  médaille  d'of  à  M.  William  Olfford  Pdtgfavè 
I^cttr  sm  vdyage  eti  Arable,  et  «de  grande  médaiftto 
d'argent  ft  M.  Théodore  de  Hetfgtto  pour  ses  expiera^ 
tiens  dani»  l'Afrique  erietitale. 


Tii   ri   t     I  11        II      M  fiTi 


(  S63  ) 
RAPPORT 

SUR  LES 

tLANS-ftËLlÉFS  DES  MONTAGNES  FRANCAtSÊS 

D£  M.  BAUDIN 

PAR  M.  0.  MAUROIH. 


Messieurs, 

A  éôtè  deê  unnrntenim  mtrepuiêm  dont  1*  Hià/^ 

tioD  otfi«  YPMfkit  d^  la  mw^ntéf  quelquefois  métm 
rimA^t  M  ^litie^  0#  ^ursuivdfit  d'utilet  travaux 
d'un  éaràcfèr^  tdoind  salMsdfttit  pour  kt  foule  irt  qu'il 
ëÈ/tf  Gêp&ùdmi,  de  Totrd  det^oir  â'efi€our«g«r  ft'ite 
fWideni  &  U^  m]ëti(î0  de  gtgnttléà  «cirvices;  A  ce  ûtx^, 
fotÈë  m  pcmvtee  lâauqucnr  à'aecùvâ^  ùDe  atumihni 
pftftiéiilière  à  rcmvre  de  M«  Bardin,  ancien  proiè^senr 
àë  dé^rtti  iopograpbiqae  ft  l'École  polytcicbDiqâe^  d'ob 
i)  était  lol^^sèOKi  sorti,  pôls  ft  YÈcoie  d'applieatioa  de 
Fftrtillerie  et  du  géoie^  Mis  aux  prises^  par  Icxi  exigences 
de^  dôu  énséignenûietit,  atee  le  délicat  problème  dei  re^ 
pfés^méf  hût  tifie  Mrfa60  plaoe^,  lèg  fiiottmiMitd  dn 
sfo!  dé  ïÉiiittfëre  à  en  faire  ^Ht  h  la  fois  l'ei^seanble  et 
l€â  détails,  h  eé  estpritoer  )ed  pemes  avec  leur  degté 
d'iMlinaisôi^i  on  les  dépressi^iis  avec  leur  profbudeiir, 
il  d'est  livré  pendant  de  lot)gtie$  années  à  um  recbercbe 
Cot)d<!îenciedSë,  méthodiqtié,  deâ  lois  qdi  régiâsebt  le 
félièf  eu  terrain  i  peâdaot  dé  kmgoes  Iimié9êi  il  A  4til- 


(  36A  ) 

dié  le  modelé  topograpbique  avec  autant  de  soin  qu'en 
met  un  statuaire  à  étudier,  dans  le  corps  humain,  le 
juste  agencement,  les  saillies  et  les  rentrées  des 
muscles . 

Apres  avoir  enseigné  les  procédés  de  représentation, 
sur  un  plan,  des  formes  plus  ou  moins  accidentées  des 
surfaces  terrestres,  et  l'art  non  moins  difficile  de  re- 
connaître ces  formes  accidentées  dans  le  plan  sur 
lequel  elles  sont  écrites,  il  a  voulu  davantage  :  il  a  pré- 
tendu lier  d'une  manière  si  intime  ce  langage  conven- 
tionnel de  la  topographie  avec  les  réalités  de  la  nature, 
qu'il  devint  aisé  de  reconstituer,  avec  une  irrépro- 
diable  exactitude,  les  formes  mouvementées  du  sol, 
d'après  le  tracé  planimétrique  qui  les  traduisait. 

Tout  le  monde  sait  l'ingénieuse  hypothèse  suivant 
laquelle  les  eaux»  découvrant  graduellement  la  terre, 
y  auraient  laissé,  par  échelons,  tes  traces  équidis- 
tantes  de  leur  ï*etrait  successif,  et  comment  les  topo- 
graphes ont  fait  à  leur  tour,  de  la  série  superposée  de 
ces  lignes,  avec  leurs  cotes  de  hauteur,  l'élément  fon- 
damental de  leurs  dessins  représentatifs.  Pour  trans- 
former ces  dessins  en  des  reliefs,  il  devenait  tout  sim- 
ple dé  substituer  aux  cotes  chiffrées  l'épaisseur 
matérielle  des  échelons  qu'elles  accusent.  Tel  est  le 
principe  rigoureusement  exact  sur  lequel  repose  tout 
entier  le  système  des  plans-reliefs  de:  M.  le  professeur 
Bardin.  De  cette  première  opération,  il  résulte  une 
série  de  gradins  dont  on  efface  les  ressauts  au  moyen 
d'une  substance  plastique  ;  on  se  procure  ainsi  un  mo- 
dèle sur  lequel  on  peut,  à  volonté,  sculpter  les  rochers, 
teinter  les  ^ux»  les  forêts,  lesi  prairies,  les  glaciers. 


(  âd6  ) 

figurer  les  centres  de  populatioD,  et  Ton  obtient,  en 
dernier  résultat,  une  représentation  du  terrain  pleine 
de  vérité  et  de  vie. 

Dans  l'origine,  l'auteur  de  ces  travaux  se  contenta, 
en  vue  de  ses  recherches  et  de  son'  enseignement,  de 
reproduire  quelques  accidents  de  terrain  d'une  étén^ 
due  restreinte;  c'est  ainsi  qu'il  représentait  les  lies 
d'Hyères  à  diverses  échelles,  la  colline  de  Montléry,  lè 
mont  Yalérien,  et  enfin  le  col  du  mont  Genis.  Plus 
tard,  ses  vues  s'agrandirent.  <  Le  jour  où  j'ai  appris, 
dit -il  dans  une  note  adressée  à  l'Académie  des 
sciences,  que  les  minutes  au  A0,000*  des  officiers 
d*état-major,  étaient  terminées,  j'ai  formé  le  projet  dé 
construire,  à  cette  échelle,  les  plans-reliefs  des  mon- 
tagnes françaises.  C'est  avec  l'agrément  de  M;  le  ma- 
réchal ministre  de  la  guerre,  avec  la  bienveillante  et 
large  assistance  de  M.  le  général  Blondel,  directeur 
du  dépôt  de  la  guerre,  et  sous  l'impulsion  de  M.  Élie 
de  Beaumont,  que  j'ai  entrepris  ce  travail  sur  l'orogra- 
phie de  la  France.  » 

Certes,  messieurs,  le  plan-relief  d'un  massif  isolé, 
dressé  à  l'aide  d'aussi  bons  documents  que  le  sont 
les  minutes  de  notre  carte  de  l'État-major,  présente 
un  véritable  intérêt  ;  toutefois,  son  caractère  circon- 
scrit ne  lui  laisserait  qu'une  place  bien  petite  sur  les 
vastes  horizons  de  la  géographie  :  mais  que  l'œuvre  se 
poursuive  dans  un  ordre  d'idées  plus  large  et  bien 
conçu,  que  le  résultat  final  en  soit,  par  exemple,  un 
ensemble  de  spécimens  caractéristiques  des  systèmes 
montagneux  d'une  contrée,  cette  œuvre  acquiert  alors 


(  m  ) 

upe  wKP^t^i^  qiie  h  g^Pgr^pbie  m  p^itlt  plus  mé- 

V.  BardiD  vous  a  exposé  lui-mêo^e  un  déyçtepp^ 
ipeut  sembl^I^le  de  se3  idées  :  i]  a  voul»  doQu^r  ¥^6 
juste  mesure  4e  la  proppniou  relative  des  accWeut?  du 
soi,  depuis  le»  humbles  duoe^  de  la  Çta^cogne  ju^qu'M? 
^Biipets  nçigeuii  du  Mopt-BlauCp  eu  passant,  suivant 
iine  progp^âsipQ  raisounée,  par  les  m(N3ticaIejg^  les 
b94pes  et  Jiautes  collines,  ies  basses,  poyeunes  et 
ï^UiQ^  roont^ues.  Le  résultat,  vou3  l'ave?  pu  voir  ^ 
l'une  deiJ  derrières  çiéauces  de  votre  commission  çeor 
toîe;  le^f  plu9  éloquentes  phrases  ue  auraient  rieu 
4out»r  ^  l'éloquence  de3  çliose3  ;  vpi;u*  avea  été  uni^- 
niwes  à  prQclftmer  le  mérite  aérien?,  le  réel  intérêt  djç 

l'cpuvre  ;  ?ous  ^vez  ^miré  |a  courageuse  persévérance 
dp  l'auteur.  Plusieurs  paruji  pous  .Qnj  peuJt-0tre  éprouvé 
ijuelqup  surprise  en  voyant  se  révéler  à  leur  esprit  de^ 
wpp(^ts  d'altitude,  des  conditipos  de  formes  et  d'ia- 
çlip,^iapns  que  lej?  cçtes  en  chiffres  pe  leur  ^.yaieul  p^ 
nettement  représentées,  ou  dont  ils  ^vs^iept  m^pie  pa 
concevoir  une  fausse  idée  en  se  fiant  aux  reliefs  sur- 
hau^)^  que  débite  le  commercer  Vou3  m^  eu  sppç  les 
yeu?  les  fragments  les  plu^  importants  d'un^  cplleo 

tiop  que  M,  Bardin  prépare  pppr  re;çpo$itio^  interu^ 
tion^  de  }8Ô7  et  qui  çomprendri^  lf|s  pl^p^-relie^p 

des  îles  4'By^e^f  1a  «haipe  de^  puys  d§  l'Auverg^ 

m^  p^tie  d^  Vpsges,  le  massif  à^  h  Qr^^x^p-Cbaifr 
^m^0  upe  pfirtie  dp  yer^apt  frpiçais  des  Pyrépée^,  i» 

(spfip  le  mits$if  dp  i/lqnp'^^uc  ;  c'e«,  w  tout,  n^ 
étpwlpe  dg  p^y§  de  6^p  Jwues  jçarr^es.  l.'4^heU§  ^1% 


U  t^vmn  ^H  «^prioiéie  par  nm  longmnv  ou  nm  k^9^ 
teur  à^  1  ipilUmèftre  sur  \^  relief.  Ppuf  mie^^f  ^ppr^T 
cier  isp  rapport  eqtre  lei^  dimeufiiaQ^  di^  l9>  n^ti^e  ^|; 
qe\h^  des  piaffa,  il  ^ufl^  d^  recqarqijer  quç  le  ^rf 
d'une  carte  de  France  à  l'échelle  d§  i/AO  000*  n'çmpaii; 
pa^  m^m  dp  27  rpètr?s  de  ^ong  et  2$  jn^tres  de  J^wçe. 
$i  l'og  ym^9i%  €oq@traire  un  globp  terre^t^^  sur  ces  prot- 
pprtîQns,  il  foudrait  Im  dwuer  prts  d^  i^^  mitres  dç 
r^yon,  <:fj^tnMir@  m  i^^  ^s4  iq^Atra  |bi^  la  baute^ir 
au  Pantîi^pn  ;  Ja  toog^ur  dévfiopp^  4^  l'équ^teRF 
4ii  £^  glol>fi  fierait  di9  pim  d'un  ]$:ilomét|«,  4  p^^  pr^ 
}f  moitié  (1#  1#  lang-?ur  ^ô?  Cha^ppsk^ÉJyaé^Sf  D'^utiç 
pftft,  ^  Von  i^m^m  *  e^o  mèim  éçk^ih  l'boujfuô  d* 
}^  gi^w  kwt^  ^t#f^^p,  il  n'^^r*  pl«3  qs»'yi^  Ji^lUe  ^qi^r 

y^le^tflf  4  fiipips  qu9  j['épws»ei|r  4'un  ^*^Wf  J)?lw»t 
devant  une  table  oy  pQflj;  pl^-çi^^  1^  Tf li^fet  ÏQl^mVk- 
l^r,  doA^  r«»i|  ^f  à  Q'^iôO  ^^«rd^s^?s  ^i^^  ^9«A«ets 
}a$  plus  bwts,  fie  tFQmr^  #n#  Ift  p<wit|pn  r^lfttiw  /i|9*il 
WGiupemU  s'il  plaçait  ep  l?allo»  à  3P  J(:ilojp^trs|i  ^çl- 
4essDs  du  fiiyew  de  la  flaer,  ç'^M-àT^ire,  d'îg?rès  Jî^- 
IjçhelJ,  ^»  ti§fë  eçvif Qif  4?  )*  couche  4'w  4ont  fiPtr^ 
jerf<^  eji^  ^îiviropnée. 

j^%  rev^UfliPB,  ffla^p^rs,  ^  YemVf^  gi^m  m  fi»t 
l'ola^t  4e  fiçt  e«po^.  App»y4^  WF  ^  tr^y^UJ^  bprs 
Jigpe,  t;çls  qç^e  Jçs  Jçyé?  4o  la  /ç*rV8  4^  f  ra^QÇi,  §l)p 
^riijfrQ  UQg  pewrqi^^bl§  ^r/e  4«  plftflS7relie(p,  dpui  J^ 
Pf^çfl9)pr  mérite  e^  de  f^vQ  cçmpreçdr^^  4'un  sçt^lfioup 
d'ceil,  l'exacte  mesure  en  même  temps  que  la  dispo- 
sition véritable  des  culminances,  de  formes  variées, 

^m»  if«ï#  j»s<ps  pvmffm?^  m^  \'U^^  êm  ^^^ 


(  S66  ) 

Faces  au  milieu  desquelles  elles  surgissent  et  dont  elles 
diversifient  l'aspect  :  ajoutant  ainsi,  et  sans  altération 
de  module,  aux  deux  anciennes  coordonnées  topogra- 
phiques fondamentales,  la  longeur  et  la  largeur,  la 
troisième  coordonnée,  celle  des  hauteurs,  telle  que  la 
science  la  détermine. 

Nous  n'avons  point  à  dire  le  parti  que  la  photogra- 
phie,  que  les  ingénieux  procédés  de  réduction  aux- 
quels reste  attaché  lé  nom  de  Collas,  pourront  tirer  de 
ces  cartes  à  trois  dimensions  pour  en  répandre  et  en 
multiplier  Fusage  et  les  applications  utiles,  pour  mettre 
à  la  portée  de  tous  ces  images  rigoureusement  sincères 
dés  configurations  terrestres.  Sans  doute  aussi  le  malti'e 
aura  des  disciples  :  il  entre  toujours  quelqu'un  par  une 
porte  ouverte,  et  l'exemple  suscitera  des  imitateurs 
qui  ne  pourront  mieux  faire  que  de  suivre  les  mé- 
thodes de  leur  laborieux  devancier. 
"  Après  avoir  reconnu  le  mérite  incontestable  de  Fen- 
treprise  scientifique  de  M.  Bardin^  et  les  services  réels 
qu'elle  est  appelée  à  rendre  à  la  géographie»  vous 
avez,  en  outre,  été  frappés,  messieurs,  du  zèle  désin- 
téressé, modeste,  et  toujours  en  éveil,  d'un  honune  qui 
n'a  recherché  d'autre  récompense  de  ses  efforts  que  la 
satisfaction  de  faire  luire  quelques  rayons  de  vérité 
sur  lés  questions  auxquelles  il  a  voué  une  longue  et 
active  carrière.  Votre  Commission  centrale  n*a  donc 
pas  hésité  à  penser  qu'il  y  avait  lieu  de  décerner  une 
médiulle  d'or  aux  travaux  de  M.  le  professeur  Bardin. 


Après  la  lecture  de  ce  rapport,  H.  d'Avezac,  prési- 


(369  ) 

dent  de  la  Commission  centrale,  a  pris  la  parole  en  ces 
termes  : 

«  Messieurs, 

c  L'assemblée  me  permettra  d'ajouter,  à  la  suite  du 
rapport  qu'elle  vient  d'entendre,  quelques  mots  qui 
n  avaient  pas  été  prévus  au  programme  de  cette  réu- 
nion. 

R  C'est  à  l'issue  d'une  de  nos  séances  ordinaires,  où 
M.  Bardin  avait  consenti  à  nous  faire  une  exhibition 
de  ses  beaux  reliefs,  si  consciencieux»  si  merveilleux 
d'exactitude,  oserai-je  dire,  que  la  Commission  cen- 
trale résolut  spontanément  de  décerner  à  ce  savant 
modeste  et  dévoué  une  médaille  d'or,  en  témoignage 
de  sa  haute  estime  pour  l'œuvre  et  pour  l'ouvrier. 

»  Il  y  a  quatre  jours,  un  billet  lui  fut  officieusement 
adressé  à  Paris,  par  le  rapporteur,  pour  l'inviter  à  se 
trouver  aujourd'hui  au  milieu  de  nous,  afin  de  recevoir 
la  médaille  qui  lui  était  réservée. 

»  Mais  cet  infatigable  pionnier  était  déjà  parti  ;  il  , 
était  allé  reprendre  ses  travaux  sur  le  terrain,  et  c'est 
à  Hyëres  que  Ta  trouvé  le  billet  de  M.  Maunoir.  La 
Société  entendra  avec  intérêt  l'expression  de  surprise 
et  de  gratitude  que  le  lauréat  vient  de  m' adresser  à  ce 
sujet,  comme  président  de  votre  Commission  cen- 
trale. 

«  Hyères,  25  ayril  1866. 

«  Monsieur  le  Président, 

»  C'est  sur  le  terrain,  en  face  de  la  rade  d'Hyères, 
dont  je  suis  occupé  à  compléter  le  plan-relief  ,  que  me 

XI.  MAI.   S.  2A 


(  8^0  ) 

parvient  Ja  lettre  qui  m'apprend  la  haute  distinction 
décernée  par  la  Société  de  géographie  à  mes  étndes 
sur  l'orographie  de  la  France.  Je  suis  parti  de  Paris 
sans  me  douter  en  rien  de  la  surprise  qui  m'était  ré- 
servée. Aussi  qu'elle  a  été  vive  et  douce  à  la  fois  î 

»  Heureux  d'avoir  réussi,  par  mes  travaux  inache- 
vés, à  exciter  l'intérêt  de  votre  grande  Société,  je  me 
tenais  pour  assez  récompensé.  Nulle  prétention  à  une 
distinction  quelconque  ne  m'était  venue  à  la  pensée. 
Jugez  d'après  cela,  monsieur  le  Président,  du  prix  que 
je  dois  attacher  à  la  flatteuse  initiative  de  la  Société 
de  géographie.  Que  ses  membres  présents  veuillent 
bien  agréer  l'expression  de  ma  respectueuse  reconnais- 
sance, et  l'assurance  de  mes  nouveaux  efforts  pour 
faire  honneur  à  sa  médaille  d'or. 

j?  Soyez  en  même  temps,  je  vous  prie,  l'interprète 
de  mes  regrets  de  ne  pas  pouvoir  assister  à  la  séance 
générale  prochaîne.  Les  minutes  de  1866  me  3ont  tel- 
lement comptées,  qu'il  m'est  impossible  de  quitter  le 
terrain  sur  lequel  j'arrive  à  peine.  J'ai  plus  de  5000  ki- 
lomètres à  parcourir  cette  année. 

«  Croyez,  monsieur  le  Président,  à  la  nouvelle  assu- 
rance de  ma  haute  considération  et  de  mou  entier  dé- 
vouement. 

c  Bardin, 

ancien  professeur  aux  écoles  d'artillerie 
et  à  rÉcole  polytechnique. 


(871  ) 


SOUVENIRS  DE  TAÏTI 

sous  LE  PROTECTORAT  FRANÇAIS 
PAR  M.  E.  6.  DE  LA  RICHERIE 

Capitaine  de  frégate,  ancien  Commissaire  impérial  aux  îles  de  la  Société, 


Messieurs, 

Lies  Voyages  de  BôugaînvîUe  sont  encore  popu- 
laires :  on  n  a  pas  oublié  le  récit  dés  impressions  de 
notre  célèbre  marin  et  géographe,  lors  de  la  décou- 
verte qu'il  fit  d'une  île  enchantée  lau  milieu  dès  mers 
australes.  Les  habitants  de  cette  terre  nouvelle  sem* 
blaient  mettre  en  application,  sous  le  plus  doux  cli<- 
mat,  les  riantes  fictions  de  la  mythologie  grecque. 

Wallis,  Bougaînville,  Cook  et  tous  ceux  qui  les  ont 
suivis,  se  sont  plu  à  donner  à  Taîti  les  surnoms  de 
Nouvelle  Cythère ,  Beine  et  Métropole  des  mers  dû 
Sud,  Perle  de  ÏOcèanie.  Le  riant  Éden,  décrit  par  les 
illustres  marins  du  siècle  dernier,  n'a  point  changé. 
La  douceur  et  la  salubrité  du  climat,  la  fertilité  et  la 
richesse  du  sol,  produisent  encore  aujourd'hui,  sur  les 
Européens,  les  mêmes  impressions  qu'éprouvèrent  les 
voyageurs  de  i'Jijf,  1768  et  1766;  msds  l'éiat  tmïàl 


(  ^72  ) 

des  insulaires  a  subi  une  heureuse  transformation.  Ces 
indigènes,  aux  mœurs  douces  et  polies,  étaient  dénués 
de  sentiments  moraux  ;  ils  sont  maintenant  arrivés  à 
un  degré  de  civilisation  remarquable.  Loin  de  dispa- 
raître au  contact  des  Européens,  ils  semblent  y  puiser 
une  force  nouvelle.  Depuis  longtemps,  ils  ont  abjuré 
le  paganisme  ;  leur  réformation  est  due  au  zèle  et  aux 
efforts  d'une  compagnie  de  missionnaires  protestants 
anglais,  qui,  pendant  plus  de  quarante  ans,  inspirèrent 
et  dirigèrent  les  chefs  du  pays.  Après  une  série  de 
vicissitudes  appartenant  à  Thistoire,  la  France  s'est 
trouvée  investie,  depuis  vingt-quatre  ans,  du  protec- 
torat des  intéressantes  populations  du  centre  Pacifique. 
Pas  plus  que  dans  aucune  partie  du  monde,  lious  n'avons 
failli  à  notre  mission,  et  notre  gouvernement  paternel 
s'exerce  sur  des  populations  qui  vont  au  devant  de 
son  autorité. 

La  Société  de  géographie  me  fait  un  grand  honneur 
en  m'invitant  à  dire,  devant  cette  réunion  d'élite, 
quelques  mots  sur  l'état  présent  de  notre  colonie  poly- 
nésienne, que  je  viens  d'administrer  pendant  plusieurs 
années,  et  à  laquelle  j'ai  voué  une  affection  profonde. 
L'Ile  Taïti  est  plus  grande  [que  la  Martinique  (1).  De 
hautes  montagnes  occupent  le  centre  des  terres,  et 
leurs  sommets  arrêtant  les  nuages,  opèrent  une  con- 
densation permanente  de  vapeurs,  qui  donne  naissance 
à  de  nombreux  cours  d'eau.  Ils  roulent  en  torrents  au 
fond  des  vallées  supérieures,  s'élancent  en  cascades 
vers  les  vallées  inférieures,  et  arrosent  les  plaines  du 

(1)  La  tuperficie  de  la  Martiniqae  est  de  98  782  hectarei  ;  la  fn- 
perficie  de  Taïti  est  de  1 04  2 1 5  hectares. 


(  873  ) 

littoral  avant  de  se  perdre  dans  la  mer.  Sur  une  lar- 
geur varisCnt  entre  1  et  3  kilomètres,  une  bande  de 
terrains  plats  entoure  l'île,  presque  sans  solution  de 
continuité.  Cette  riche  ceinture  mesure  au  moins 
20  000  hectares  de  terres  propres  à  l'agriculture,  n'at- 
tendant que  le  travail  de  l'homme  pour  rendre  large- 
ment ce  qui  sera  demandé  à  leur  fécondité.  Une  multi- 
tude de  vallées  s'ouvrent  sur  la  zone  du  bord  de  mer 
et  donnent  accès  dans  l'intérieur  de  l'île. 

Une  seconde  ceinture  extérieure,  formée  par  des  ré' 
cifs  de  coraux,  arrête  les  assauts  de  la  mer  du  large. 
A  l'abri  de  ces  digues  naturelles  règne  une  mer  calme, 
profonde,  qui  permet  la  navigation  aux  plus  grands 
bâtiments.  De  distance  en  distance,  une  coupure  dans 
le  récif  ouvre  le  passage  vers  la  haute  mer.  Ces  passes, 
souvent  étroites,  ont  la  profondeur  nécessaire  aux  plus 
forts  vaisseaux.  La  mer  intérieure  offre  de  nombreux 
«t  excellents  mouillages.  En  se  rapprochant  de  terre^ 
on  trouve  des  ports  entièrement  abrités,  dans  lesquels 
les  navires  peuvent  s'amarrer  contre  un  quai  nature), 
il  muraille  verticale,  construction  des  polypiers. 

iPeu  de  temps  après  l'établissement  de  notre  Protec- 
torat sur  les  lies  de  la  Société,  le  chef4ieu  de  notre  co- 
lonie océanienne,  avec  l'ensemble  de  nos  forces  d'oc- 
cupation, fut  fixée  à  Papéété,  capitale  du  royaume  des 
Pomarés.  Auprès  de  ce  port,  il  n'y  avait,  en  1842, 
qu'un  village  formé  de  quelques  maisons  en  bois, 
appartenant  à  des  Européens,  et  de  cases  indiennes. 
Le  nom  de  Papéété  est  celui  d'une  petite  rivière  aux 
bords  de  laquelle  la  reine  Pomaré  habitait  et  habite 
encoure  une  grande  et  belle  maison  en  bois.  Un  palais. 


(374) 

construit  en  pierres,  va  bientôt  remplacer  Panrieni» 
demeure  et  donner  à  la  royauté  indigène  de&fegementg 
plus  en  rapport  avec  la  situation  présente  de  la  capi- 
tale. 

Aucune  position  ne  pouvait  être  mieux  choisie.  Pa- 
péété  est  assise  au  fond  d'une  baie  étendue,  formant 
rade  et  port,  accessible  par  trois  passes,  dont  la  prin- 
cipale donne  entrée  aux  navires  du  plus  fort  tannage. 
Faisant  face  au  nord,  une  magnifique  plage  s'étend  eo 
fer  à  cheval,  sur  une  longueur  de  près  de  2  kilomètres  : 
au  sud  s'élèvent,  par  degrés,  de  hautes  montagnes, 
entre  lesquelles  s'ouvre  une  jolie  vallée,  an  centre  de 
la  ville;  deux  rivières  forment  les  limites  est  et  ouest. 
Papéété  peut  recevoir  plus  de  20  000  habitams  sans 
recourir  aux  maisons  à  étages  multipliés,  où  s'entasse 
la  population  de  nos  villes  modernes.  En  attendant  tes 
développements  de  l'avenir,  notre  chef-lieu  ne  compte 
que  2000  âmes  environ,  dont  les  deux  tiers  sont  indi^ 
gènes. 

Mais  ce  n'est  pas  à  ces  chiffres  qu*îl  faut  naesurer 
l'importance  du  port  de  Papéété.  Outre  les  établisse- 
ments du  gouvernement,  arsenal,  casernes,  magasins, 
hôpital,  directions  d'artillerie  et  du  génie,  hôtels  êtes 
fonctionnaires ,  la  ville  compte  quelques  maisons  en 
pierres  à  un  étage.  Les  navires  y  trouvent  to^utes  les 
ressources  nécessaires  à  la  navigation:  des  bois  de 
mâture  provenant  de  la  Californie,  des  filins,  du 
cuivre,  etc.  L*arsenal  de  la  marine  possède  de  beaux 
quais,  et  une  cale  de  halage  pouvant  monter  des  bâti- 
ments de  âOO  à  500  tonneaux.  Les  armateurs  ont  ausa 
construit  des  quais  pour  faciliter  les  opérations  de 


(378) 

cbargemeat  et  de  déchargement.  On  travaille  ex^  ce 
moment  à  un  aqueduc  destiné  à  conduire  en  ville  lea 
eaux  de  la  cascade  de  Sainte-Amélie.  Cette  source, 
prise  à  une  grande  élévation,  permettra  de  répandre  à 
discrétion,  dans  toutes  les  parties  de  Papéété,  Télé* 
ment  le  plus  précieux  à  la  santé  et  au  bien^tre  dauk? 
les  pays  chauds.  Ce  port  résume  tout  le  mouvement 
GCEuinercial ,  non-seuiemeni  des  îles  du  Protectorat, 
mais  encore  dea  «arehipela  voisina*  Pédant  Vanr^é^ 
lSi6àf  Bapéété  a  vu  entrer  et  sortir  hil  navire^  âe^ 
toutes  dimenâons,  représentant  un  tonnagg.  4e  SQ  QOQ 
tonneaux. 

Une  grande  partie  de  ce  mouvement  est  due  au  e^*< 
botage.  La  capitale  des  États  du  Protectorat  est  cons^r 
aérée  comme  la  grande  ville,  le  pays  des  Lumiére(|« 
par  les  habitants  des  nombreuses  îles  qui»  dans  un 
rayon  de  300  lieuee,  s'habituent  à  y  venir  cbercber  ce 
qu'ils  ne  sauraient  trouver  chez  eux.  lls^  apporti^nt  )es 
denrées  et  produits  dont  le  marcbé  de  Papéété  leuF 
offre  un  placement  assuré. 

La  valeur  des  importations  et  exportations  pendant 
l'année  iS^h  est  évaluée  à  i  500  OQO  francs  envirqiï: 
c  est  la  moyenne  des  dernières  années^  Papéété  est  en 
relations  suivies  avec  les  ports  de  San  Francisco,  Val- 
paraisoet  Stdney.  Les  rapports  directs  avec  l'Europe 
étaient  ttès^rares  autrefois  ;  depuis  quelques  années^ 
grâce  aux  bieinveillantes  dispo^tioua-  prescrites  par  le 
Ministre  de  la  ntarine  et  des  colonies,  des  expéditions^ 
périodiques  ont  lieu  de  Bordeaux  sur  nos  colonies  du 
Pacifique.  Celles-ci  ont  profité  de  la  voie  qui  leur  était 
ouverte,  ei  il  paraît  qu'un  des  naïf  ires  de  la  ligiie  de 


(  376  ) 

Bordeaux  va  rentrer  dans  un  de  nos  ports  avec  un 
chargement  recueilli  en  Océanie. 

Les  exportations  des  denrées  du  crû  ont  monté»  en 
186 A,  à  la  valeur  de  582  000  francs»  consistant  en 
huile  de  coco,  oranges,  nacres,  fungus»  tripangs,  etc. 
Les  oranges  se  vendent  avantageusement  en  Califor- 
nie. Le  fungus  est  une  espèce  de  gi  os  champignon,  ré- 
pandu dans  les  bois  du  pays  ;  le  tripang,  animal  ver- 
miforme  du  genre  zoophyte,  se  trouve  en  abondance 
sur  les  rochers  de  la  côte.  Ces  deux  derniers  produits 
sont  des  condiments  très-recherchés  des  Chinois. 

Cette  exportation  est  bien  peu  considérable,  mais  il 
faut  remarquer  qu'elle  consiste  en  produits  naturels, 
pour  lesquels  la  main  de  Thomme  n'a  eu  pour  ainsi 
dire  qu'à  faire  la  récolte.  L'année  1865  a  vu  le  chiifre 
de  Texportation  se  doubler  par  un  commencement  de 
produit  de  coton,  dont  nous  parlerons  plus  loin. 

La  population  de  l'Ile  Taïti  ne  monte  pas  au  delà 
de  10  000  habitants,  comprenant  les  Européens  et 
leurs  familles. 

A  quelques  milles  à  l'ouest  et  en  vue  de  la  capitale, 
s'élève  la  charmante  lie  Mooren.  Dans  des  proportions 
plus  restreintes,  c'est  l'image  de  sa  métropole  :  ports 
nombreux,  plaines  du  bord  de  mer,  vallées,  mon- 
tagnes, cours  d*eau.  Sa  superficie  est  de  13000  hec- 
tares, sur  lesquels  sont  dispersés  1250  indigènes  et 
20  européens.  On  voit  quels  espaces  restent  disponibles 
pour  la  colonisation  dans  ces  deux  tles.  Quoique  le 
royaume  des  Pomarés  n'ait  pas  passé  tout  entier  sous 
notre  Protectorat,  une  centaine  d'Iles  s'étendant  jus- 
qu'à 800  lieues  dans  l'est  de  Taïti,  reconnaissent 


t  S77  ) 

notre  autorité.  Ce  sont  les  lies  Basses  ouTuamotu. 
Ces  terres  ou  plutôt  ces  récifs  forment  de  longs  pla- 
teaux  madréporiques  de  &00  à  500  mètres  de  largeur, 
contournant  un  lac  intérieur.  Ces  surfaces  émergentes 
sont  le  produit  du  travail  des  polypiers,  qui  ont  bâti 
leurs  murailles  sur  les  bords  d'un  cratère,  dont  la 
cuve  reste  plus  ou  moins  profondément  au-dessous  de 
la  mer.  Lorsque  la  muraille,  élevée  par  des  millions 
d'ouvriers  sous-'marins,  rencontre  le  niveau  de  l'eau, 
la  vague  s'y  brise  et  la  recouvre  des  sables  qu'elle  en- 
traîne avec  elle.  Bientôt  un  coco,  une  graine  quel- 
conque, amenée  par  les  eaux  de  la  rive  voisine,  se  fixe 
a  la  surface.  Un  arbre  surgit,  d'autres  le  suivent,  et 
au-dessus  de  l'Océan  apparaît  une  magnifique  forêt  de 
palmiers.  Ce  sont  ces  précieux  végétaus^,  dont  l'usage 
s'étend  à  tous  les  besoins  de  la  vie,  qui  font  la  ri- 
chesse des  lies  Basses.  Leurs  ressources,  ajoutées  à 
celles  du  poisson  des  lacs,  fournissent  amplement  à  la 
nourriture  des  indigènes.  Cette  population,  qui  vient 
de  Taïti,  est  douée»  avec  plus  de  rudesse,  de  toutes  les 
qualités  de  ses  ancêtres  :  elle  est  énergique,  vigou- 
reuse, disposée  au  travail.  Les  Tuamotu  ont  du  goût 
pour  la  navigation.  Leur  plus  grande  ambition  est  de 
posséder  un  léger  bateau,  construit  à  l'européenne,  pour 
parcourir  leurs  lies  et  se  rendre  à  Papéété,  la  grande 
ville. 

L'archipel  Tuamotu,  jadis  refTroi  des  navigateurs, 
commence  à  être  bien  connu.  Les  récifs  sont  accores 
du  côté  du  large  et  permettent  aux  navires  d'en  passer 
à  petite  distance.  Ils  s'ouvrent  dans  plusieurs  groupes 
et  donnent  entrée  dans  le  lac»  où  Ton  trouve  de  bons 


(  37»  ) 

monillages  près  des  bords  intérietirs.  Déjà  rhoile  de 
coco,  exploitée  grossièrement  par  les  natnreb,  donne 
lieu  à  un  commerce  d'échanges  assez  important  avec 
Papéété.  A  mesure  que  les  indigènes  comprennent 
mieux  leurs  intérêt»,  ils  prennent  plus  de  soin  de 
leurs  forêts.  C'est  dans  les  lagons  formés  par  ces 
îles  que  se  feît  la  pêche  des  nacre»,  de  ces  grosse» 
huîtres  dans  lesquelles  »*élaborent  les  perfes.  Lear 
mouvements  du  cabotage  répandent  la  vie  et  YinM- 
lîgence  au  milieu  de  ces  populations,  jadis  isoKe^  sur 
leurs  rochers.  Les  indigènes  sont  fiers  de  vivre  sous  le» 
lois  dii  Protectorat,  et  ils  ne  manquent  jamais  d'arborer 
sa  bannière  toutes  les  fois  qu'un  bâtiment  passe  en  vue. 
Un  de  nos  économistes  distingués,  qui  a  écrit  Pin- 
structive  et  intéressante  histoire  de  nos  cofonies*  (1),, 
caractérise  d'une  heureuse  expression  une  des  île»  du 
grand  Océan.  «  Vn  paradis  pour  le  charme,  un  trésor 
pour  la  richesse.  »  Mais  la  terre  seule  jouit  de  ces  pri- 
vilèges, et  une  mer  furieuse  frappe  les  bases  de  l'île 
fbrtunée.  Taïtî,  non  moins  favorisée  qtue  la  réunion 
pour  la  fertilité  du  sol  et  l'agrément  du  climat,  est 
dotée  de  ports  nombreux.  Le  charme  et  îa  richefsse  ne 
s'arrêtent  pas  à  la  terre  2  des  eaux  tranquîBes  et  trans- 
parentes, protégées,  comme  nous  l'avons  dît,  par  de 
puissantes  digues ,  entourent  l'île  d'une  ceinture  de 
vastes  rades,  de  ports  sûrs,  immense  réservoir  de  pois- 
sons et  de  coquillages.  Dès  que  le  navigateur  a  touché 
les  eaux  des  îles  de  ta  Société,  pîn»  de  souci»,  plu» 

<(l)  Les  Coieniê»  et  kk  poHUque  eoloniàh  deia  FtWMéy  par  M.  Mu 
IHlY^U  P9riS|,  Aflbiil  Qf^toQ4>  é^^uv^ 


if  hïqttiélxided  ;  it  peut  y  géjoapcier  daaa  we  séetnrhé 
parfaite,  faire  reposer  son  écfuipage,  risiter  ta  ctarèoe  de 
sofi  narire,  effectuer  toute  opératio»  oommeéciatei^  C'est 
i!me  relâche  bienfaisante  où  f  on  puise  dçs  ftiroea  w%yh- 
veiles  ponr  tenir  te  haute  mer«  Le»  ouragans  req)esct6iit 
Ta'iti  :  Ils  passent  à  nne  centaine  de  lieues  au  sud. 

Malgré  tous  ces  ayantagee,  te  nombre  è$  eolonséta^ 
bl}&  dans  ce  beau  pays  est  encore  bien  peu  ë^é.  Il  sf 
dépasse  pas  le  chiffre  de  700,  hommes,  femmes  et  m« 
fiints.  La  composition  de  ee  grelipef  e^  digee  d'atten- 
tion. En  4869,  if  Européennes  seuleanny^ei^rvaieiit  de 
compagne»  aîir  cokuis:  mais  59  fiMmes  du  p»ys 
avaient  eu  assez  d^  attraits  et  de  puissance  pour  que 
leur»  unions  avec  les-  celons  eussent  été  sanetieanAes 
par  là  M  civile  (code  Napoléon)  et  bénies^  par  \^  véà^ 
gion.  N*est-Tl  pas  remarquable  iqffie  dans  uu  taîHeo  à 
tneeurs  aussi  libres,  oà  la  satisfaction  des  paissions  n« 
rencontrait  pas  d*ô6staâles,  lebesdn  de^foroier  des  liem 
indissolubles  se  soit  si  vivement  jfkit  sentira  Quel  tdeiU 
ieup  indice  enfkveur  deFexpan^onde  kt  cotonisation  1 
Quête  puissants  et  nobles  agewts  de  rapproehemeiil; 
etïire  eoloif»  et  indigènes  i  ramour  et  la  iàmiUe  ) 

De  ces  nnions  entre  Européens  ei  Océaniennes  «st 
résulté  le  plus  parfkit  acdord,  la  fusion  la^  plus  comr 
plète.  Aucun  préjugé  n'existe  contre  la  couleur  de  la 
peau,  audun^  souvenir  d'inégalité  de  race  ne  trouble 
les  rapports  entre  les  naturels  et  les  ^eiotf^  Leirrs  iii<- 
térêts  se  confondent  dans  un  même  sentiment  d'affeo- 
tiOB  et  de  tendresse  sur  la  tète  de  lemrs  enfants;  Geox- 
d,  vrais  fils  de  l'aipour,  n'ont  pa»  tarompé  les  espé^ 
ranees  de  lwP9  parenter  Ils  sent  d'une  grande  hemM  ; 


(  380  ) 

leur  caractère  est  doux  et  aimabje,  leur  esprit  ouvert 
et  Tif  ;  ils  semblent  avoir  reçu,  dsu)s  un  heureux  më* 
lange,  plutôt  les  qualités  physiques  et  morales  de  leurs 
père  et  mère  que  leurs  défauts.  Ils  forment  le  noyau 
d'une  population  intelligente,  active,  morale,  tout  à 
fait  apte  à  comprendre  et  à  pratiquer  notre  civilisa^ 
tion.  Le  mariage  de  ces  jeunes  gens  avec  des  Euro- 
péens donne  des  sujets  plus  parfaits  que  les  pre- 
miers. 

Les  Tiûtiens  sont  d- une  taille  et  d'une  stature  géné- 
ralement au'-dessus  de  la  nôtre  ;  hommes  et  femmes 
sont  forts  et  bien  faits  ;  leurs  jeunes  gens  nous  re^- 
tracent  les  traits  de  Mars,  d'Hercule,  de  Junon  et  de 
Vénus.  Leur  teint  naturel  est  d'un  brun  clair  ou  olive; 
leur  peau  est  délicate,  douce,  polie,  sans  aucune  des 
nuances  que  nous  appelons  couleurs.  Le  seul  trait  qui 
s^écarte  de  l'idée  que  nous  nous  faisons  de  la  beauté 
est  leur  nez,  généralement  un  peu  aplati.  Leurs  yeux, 
surtout  chez  les  femmes,  sont  pleins  d'expression.  Us 
étincellent  de  feu  ou  se  remplissent  d'mie  douce  sensi- 
bilité. Leurs  dents  sont  très-blanches,  très-belles,  et 
leur  haleine  est  d'une  pureté  parfaite.  Leurs  cheveux 
sont  noirs  et  un  peu  rudes.  Cependant  les  femmes  en 
prennent  un  soin  extrême  et  en  font  un  de  leurs  plus 
agréables  ornements. 

La  reine  Pomaré  est  âgée  de  cinquante-trois  ans  ; 
son  port  est  plein  de  dignité.  Elle  est  entièrement  ha- 
billée à  l'européenne,  et  lors  des  cérémonies  pu* 
bliques,  elle  revêt  des  robes  confectionnées  avec 
nos  plus  belles  étoffes  de  Lyon^  N'ayant  pas  eu  d'en- 
fants de  ton  premier  mari,  elle  :a  divorcée  selon  la  loi 


(  581  ) 

taStieUme,  pour  épouser  un  prin&e  phis  jeune  qu'OUô  de 
sept  ans.  Six  eufants  sont  nés  de  ce  second  mariage  : 
Taîné  est  mort  en  1856;  le  plus  jeune  vient  de  pas- 
ser deux  années  en  France  pour  compléter  son  éduca^ 
tion  :  c'est  dire  assez  qu'il  parle  notre  langue  et  qu'il 
est  imbu  de  nos. idées  de  civilisation.  Pomaré  IV  ne 
eomprmà  pas  du  tout  la  langue  anglaise  ;  elle  entend 
un  peu  le  français,  mais  ne  le  parle  pas.  Nous  ren- 
dons  des  honneurs  royaux  à  la  reine  des  États  du  Pro- 
tectorat,  lofs  de  toutes  les  cérémonies  publiques.  Une 
des  plus  imposantes  consacrées  par  l'usage  est  celle 
de  l'ouverture  de  l'assemblée  législative  indigène.  La 
reine  et  le  commissaire  impérial  se  rendent  à  l'a^sepoi- 
blée  en  grande  pompe.  Des  cbceurs  composés  de  jeunes 
gens  et  de  jeunes  filles  accueillent  l'arrivée  et  le  dé-* 
part  du  cortège.  Notre  artillerie  salue  de  ses  canons, 
et  toute  la  ville  de  Papéété  se  met  en  fête.  Ces  solenni- 
tés ont  contribué  à  cet  excellent  résultat  de  pénétrer 
les  indigènes  d'un  grand  respect  pour  la  loi.  J'ai  vu 
moi-même  un  indigène  se  présenter  devant  le  commis- 
saire impérial  et  lui  dire  :  «  Je  suis  condamné  à  un 
mois  de  prison  par  le  juge  de  mon  district.  Je  te 
demande  de  m' autoriser  à  ne  commencer  ma  peine 
que  dans  quinze  jours,  parce  que  j'ai  des  affaires  à 
régler.  » 

c  £h  bien,  répond  le  commissaire  impérial,  tu  peux 
appeler  de  ton  jugement  :  tu  seras  libre  jusqu'à  ce  que 
le  tribunal  d'appel  ait  prononcé.  » 

c  Non,  je  ne  veux  pas  appeler  de  mon  jugement  : 
je  veux  du  temps  avant  de  me  rendre  en  prison.  ? 
K^Soit  2  ta  vienâms<dains  qulnase  joori^  à  P^ipéété.  x^Et, 


(  38a  ) 

le  délai  ^firé,  Tindig^ête  se  rendut  sdal  an  dief4iâtai« 
diâtettt  d<d  fiO  lieues,  pour  se  cofistituèr  prisonoier.  €« 
profond  respect  de  la  loi,  de  la  chose  jugée,  est  là 
principale  vertu  des  Taît^ns.  Elle  a  fait  dire  avec  rai^ 
son  que  cette  population  était  amie  de  Tordre. 

Notre  influence  s'est  étendue  d'elle-même  sur  des 
lies  restée  ^eti  dehors  du  Protectorat^  mais  dont  les 
habitants  parient  la  même  langue  «  ont  les  mêmes 
mCBurs  que  nos  sujets  protégés  et  sont  en  fréquents 
rapports  atec  eux.  C'est  ainsi  qu'on  agit  à  Taïti  ;  voilà 
te  meilleur  et  décisif  argument  pour  tiMiBbei^  les  ques- 
tions difficiles. 

Pendant  Tannée  186ft,  des  pirates  sont  saisb  à 
600  lieues  de  Papéété  par  des  naturels  indépendaàts 
du  Protectorat  ;  ceux<K)i  conduisent  leur  prise  à  notre 
eilèf'Uéli  et  demandent  au  gouverneur  français  de  se 
charger  de  punir  des  étrangers  viôlateura  des  lois  de 
rhumànîté. 

Jusqu'à  l'année  1863,  celons  et  indigènes  sont  restés 
à  peti  près  iifidifférents  aux  richesses  du  sol.  L'agri» 
Culture  n'était  pratiquée  ni  par  les  uns  ni  par  les 
autres  {  ils  étaient  trop  peu  nombreux  pour  épuiser 
rabotidance  des  produits  spontanés  de  la  terre^  La  léfi> 
giâlation  locale  opposait  un  obstacle  insurmontable  à 
toute  culture  un  peu  étendue  ;  elle  autorisait  le  libte 
parcours  des  animauit,  sans  garantir  les  propriétaires 
du  terrain  contre  leurs  dévastations.  De  nouvelles  db« 
positions  furent  mises  en  vigueur  à  partir  du  !«'  jkn^ 
yitt  de  cette  antiée,  et  deux  conûoes  agric^s»  tenus  à 
Papéété  aut  fKiefs  d'août  iSde  et  1868,  présentèrent 
n»e  expeditiôn  IntArUi^siaite  des  productions  â&  la  tetoe 


<  688  ) 

et  des  eauK  des  ilee  dont  Taîti  est  le  centre.  On  peut 
dire  que  ces  comices  affirmèrent  la  colonisation  agri- 
cole :  isolons  et  indigènes  ouvrirent  des  yeux  fermés 
depuis  longtemps,  et  la  foi  leur  vint. 

Au  commencement  de  186^,  une  compagnie  a 
acquis^  à  bon  compte,  une  vaste  étendue  de  terrains* 
plus  de  3000  hectares  dans  Tîle  Taïti,  afin  d'y  cultiver 
le  coton  et  le  café.  Ses  opérations  sont  commencées 
depuis  deux  ans.  Les  premiers  travailleurs  ont  été  en- 
gagés pamnl  les  colons  et  les  Taïtiens^  Un  contingent 
d'ouvriers  a  pu  6U*e  recruté  dans  les  lies  voisines  ;  en- 
fin 500  ou  (>00  coolies  chinois  ont  été  introduits  sur  les 
terres  de  la  compagnie,  Elle  a  reçu,  provenant  de  la 
récolte  de  Tannée  1855,  50  000  kilogr.  de  coton  sea- 
island  longne-soiQ.  Ce  coton  se  serait  vendu  9  francs 
CO  cent,  le  kilogr,  ^  sur  le  marché  de  Liverpool.  Ainsi, 
les  exportations  des  denrées  du  cru  de  Tajiti,  qui  n'é- 
taient, en  l$6à,  que  d'une  valeur  de  582  000  francs^ 
ont  dû  plus  que  doubler. 

Il  est  superflu.de  faire  les  calculs  du  développement 
<{ue  la  production  agricole  peut  donner  au  commerce 
et  à  la  navigation  des  îles  du  Protectorat.  Les  élé- 
ments de  la  richesse  abondent  pour  ceux  qui  la  deman- 
deroât  à  un  travail  modéré,  mais  persévérant. 

L'introduction  d'immigrants  chinois  n'a  été  au- 
torisée qu'à  titre  d'essai  et  pour  faciliter  les  débuts 
d'une  entreprise  sans  précédents.  L'administration 
â'est  réservé  le  rapatriem?i)t  de  !ous  les  Chinois 
imimgrant3  aux  frais  de  la  compagnie.  Ce  n'est 
pas  <par  ces  travailleurs  de  passage  «  laissant  trop 
souvent  apiiès.  euv  des  :  traces  funestes  de  débauche 


(  isA  ) 

et  d'immoralité,  que  nos  belles  lies  du  Protectorat 
doivent  être  peuplées  et  exploitées,  mais  par  nne  po* 
pulation  européenne  et  nationale,  ayant  ses  a£Rsctions 
et  ses  liens  de  famille  dans  le  pays  même.  Nous  ayons 
dit  quelles  relations  s'étaient  établies  entre  les  pre- 
miers colons  et  les  indigènes  :  tout  fait  espérer  qu» 
cette  heureuse  entente  se  continuera  ;  sans  vouloir  pé- 
nétrer les  immuables  arrêts  de  la  Providence ,  noos 
aimons  à  croire  que  le  Protectorat  de  la  France  saura 
concilier  les  intérêts  des  indigènes  et  ceux  des  Euro- 
péens, de  manière  que  les  uns  et  les  autres  se  prêtent 
un  mutuel  appui.  Nous  nous  plaisons  à  Fidée  que 
notre  civilisation,  loin  d'écraser  les  indigènes,  vivifiera 
de  son  souffle  charitable  les  populations  océaniennes 
placées  sous  notre  tutélaire  direction.  Les  natifs  ne 
sont  pas  réfractaires  au  travail ,  comme  on  s'est  plu  à 
le  répéter.  Leurs  anciennes  mœurs  ne  comportaient  ni 
régularité  ni  prévoyance.  Us  vivaient  d'une  vie  com- 
mune, sans  domicile  fixe,  sans  nom  propre,  sans  pro- 
priété individuelle  ;  les  vallées,  les  forêts  et  les  lacs 
étaient  la  réserve  où  ils  puisaient,  au  fur  et  à  mesure 
de  leurs  besoins,  leurs  ressources  alimentaires,  qweU 
quefois  au  prix  de  grandes  fatigues,  jamais  par  un  tra- 
vail de  longue  durée.  Un  mouvement  prononcé  vers 
des  habitudes  nouvelles  fait  espérer  d'heureux  change- 
ments chez  les  indigènes. 

Dans  le  développement  des  relations  entre  les  di- 
verses parties  de  notre  globe,  le  rôle  de  Tàîti  est  mar- 
qué par  sa  position  géographique.  Cette  lie  se  trouve 
placée,  comme  une  étape  nécessaire,  sur  la  route  cen?- 
traie  qui  doit  unir  entre  eux  les  différents  continents» 


i 


(  885  ) 

Ce  grand  chemin  international  traverse  TAtlantique, 
l'isthme  de  Panama ,  passe  au  milieu  des  solitudes 
profondes  du  Pacifique,  s'engage  dans  une  multitude 
d'îles,  en  tête  desquelles  sont  situés  nos  archipels  des 
Marquises,  des  îles  Basses  et  des  îles  de  la  Société, 
touche  à  l'Australie,  passe  dans  le  détroit  de  Torrès, 
continue  sa  direction  au  sud  de  l'Indoustan,  pénètre 
dans  la  mer  Rouge,  franchit  l'isthme  (bientôt  le  canal) 
de  Suez,  et  par  la  Méditerranée  rejoint  notre  vieux  con- 
tinent. 

Cette  situation,  qui  pouvait,  il  y  a  quelques  années, 
être  considérée  comme  devant  appartenir  à  un  avenir 
éloigné,  est  au  moment  de  se  réaliser.  Il  parait  certain 
que  les  colons  de  la  Nouvelle-Zélande  se  décident  à 
inaugurer,  dans  deux  mois,  un  service  de  navigation  à 
vapeur  entre  Auckland  et  Panama.  Le  port  de  Papéété 
doit  servir  de  lieu  d'escale  et  de  ravitaillement  pour 
les  paquebots.  Ainsi,  notre  colonie,  placée  aux  anti- 
podes, va  se  trouver  à  40  jours  de  distance  de  Paris, 
et  plus  de  la  moitié  du  trajet  peut,  dès  aujourd'hui, 
être  parcourue  sous  pavillon  français  de  Saint-Nazaire 
à  Colomb-AspinwalL 

Un  autre  service  de  navigation  à  vapeur,  partant  du 
nord-est  de  l'Australie,  doit  se  diriger  sur  Batavia  et 
Singapore,  par  le  détroit  de  Torrès,  et  rejoindre  les 
lignes  anglo-françaises  de  Chine. 

Les  lies  de  la  Société  ne  sont  pas  sans  voisins,  sans 
relations,  sans  marchés  pour  écouler  ou  échanger  leurs 
produits.  Elles  occupent  une  position  à  peu  près  cen- 
trale dans  la  cinquième  partie  du  monde,  si  justement 
dénommée  monde  maritime.  La  race  européenne  fait, 
zi.  MAI.  A.  25 


f 


(  386  ) 

depuis  quelques  années,  de  grands  progrès  dans  ces 
contxées  insulaires,  dont  le  climat  lui  est  généralement 
favorable,  dont  le  sol  fertile  récompense  largement  ses 
travaux.  Le  courant  d'émigration,  déjà  formé,  a  reçu^ 
pendant  ces  dernières  années,  une  force  nouvelle  par 
le  puissant  attrait  des  mines  d'or  de  la  Californie,  de 
l'Australie  et  de  la  Nouvelle-Zélande.  Là  où  la  nature 
restait  livrée  à  elle-même,  ou  nourrissait  quelques  tri- 
bus sauvages,  se  sont  élevées,  comme  par  enchante- 
ment, de  spacieuses  cités,  remplies  d'une  population 
nombreuse,  active,  énergique,  laborieuse,  productrice, 
ardente  aux  plaisirs,  avide  de  jouissances  et  de  laxe. 
Le  marché  de  ces  fpyers  de  production  et  de  consom- 
mation réclame,  comme  celui  de  nos  grandes  places 
d'Europe,  un  approvisionnement  de  matières  pre- 
mières, de  fruits,  de  légumes,  de  toutes  les  denrées 
des  divers  climatâ,  de  tous  ces  objets  que  les  routes  de 
terre  et  de  mer  concentrent  vers  les  rassemblements 
humains.  Le  sucre,  le  café,  l'huile  de  coco,  etc.,  pro- 
ductions de  nos  îles,  trouvent  un  facile  débouché  dans 
tous  ces  centres  importants* 

Si  l'attention  publique  a  été  détournée  de  nos  lies 
lointaines  par  les  événements  qui  se  sont  succédé  en 
Europe  depuis  vingt  ans,  le  Ministre,  dont  la  présence 
honore  notre  Société,  ne  les  a  pas  perdues  de  vue.  Par 
ses  ordres,  on  a  organisé,  en  1860,  un  service  mensuel 
de  bâtiments  à  voiles,  reliant  le  chef-lieu  de  nos  éta- 
blissements  aux  ports  de  la  côte  d'Amérique.  Les  dé- 
pêches et  les  passagers  à  destination  de  l'Océanie 
prennent  la  voie,  rapide  relativement  au  passage  par 
le  cap  Horn,  des  paquebots  transatlantiques,  traver- 


(  887  ) 

sent  risthme  de  Panama  et  trouvent,  dans  un  des  ports 
du  Pacifique,  nos  paquebots  coloniaux  (1).  Le  bienfait 
de  ces  communications  régulières  avec  la  mère  patrie 
a  été  vivement  ressenti  par  les  colons.  Il  a  ranimé  leur 
activité  et  les  a  préparés  aux  rapports  suivis  qu'ils  vont 
avoir  avec  les  continents  par  la  route  centrale  du 
monde. 

L'Ile  de  France  était,  disait-on  il  y  a  cent  quarante- 
quatre  ans  (1722),  un  rocher  de  nulle  valeur  agricole, 
bon  à  conserver  seulement  à  cause  de  ses  ports.  On 
sait  ce  qu'entre  les  mains  de  ces  Français»  qu'il  est 
d'usage  de  déclarer  incapables  de  toute  colonisation, 
était  devenu  ce  rocher  perdu  au  milieu  des  flots.  On 
sait  ce  qu'une  île  voisine,  celle-là  dépourvue  de  ports, 
mais  restée  française,  représente  aujourd'hui  d'éner- 
gie, d'activité,  de  puissance  productrice.  L'histoire 
perpétuera  cet  enseignement,  que  nos  lies  de  l'océan 
Indien  et  leurs  patriotiques  populations  ont  été  le  bou- 
levard de  notre  marine  dans  ses  derniers  et  glorieux 
combats  d'une  lutte  héroïque  ! 

En  présence  des  conditions  nouvelles  de  la  naviga- 
tion et  du  commerce,  Taïti  et  la  pléiade  d'îles  qui  l'en- 
tourent, se  trouvent  admirablement  placées  pour  faire 

(1)  Les  dépêches  et  les  passagers  partant  de  Saint-Nazaire  le  8  de 
chaque  mois,  sont  rendus  à  Payta  le  6  du  mois  suivant.  De  ce  port 
le  paquebot  océanien  les  transporte  à  destination,  en  ?ingt-cinq  jours, 
sur  une  mer  toujours  belle.  La  durée  du  voyage  d'aller  est  donc  de 
cinquante-trois  jours  à  peu  près.  Le  retour  est  plus  difficile  et  plus 
long.  Le  paquebot  aborde  les  côtes  d'Amérique  vers  le  sud,  à  Valpa- 
raiso,  après  trente-trois  à  trente-huit  jours  de  navigation.  La  durée 
du  voyage  s'étend  de  quatre-vingts  à  quatre-vingt-dix  jouis. 


(  â88  ) 

flotter  notre  drapeau  au  milieu  du  monde  maritime. 
Une  colonie  de  quelques  milliers  de  nos  nationaux  ha- 
bitant, au  centre  du  Pacifique,  les  terres  salubres  et 
fertiles  du  Protectorat  français,  pèserait  plus  qu'on  ne 
se  rimagine,  pour  notre  influence  politique  et  commer- 
ciale, sur  les  côtes  des  deux  Amériques  et  de  l'Aus- 
tralie. 

Mais  je  ne  dois  pas  me  laisser  entraîner  par  mes  sou- 
venirs et  mes  sympathies.  J'ai  plus  compté,  Messieurs, 
sur  l'intérêt  du  sujet  dont  j'avais  à  parler  devant  vous, 
que  sur  mon  talent  de  bien  dire  :  toutefois,  je  m'esti- 
merais heureux  si  cet  entretien  pouvait  contribuer 
à  faire  connaître  et  apprécier  une  de  nos  plus  char- 
mantes colonies.  J'ai  conçu  le  plus  grand  espoir  sur 
gon  avenir  :  ma  confiance  devient  absolue  quand  je 
pense  que  le  soin  de  veiller  à  sa  destinée  appartient  à 
l'habile  et  sage  homme  d'État,  sous  l'administration 
duquel  un  magnifique  domaine  s'est  ajouté  à  notre 
empire  colonial  et  se  constitue  par  delà  les  mers. 


(  389  ) 


LE 


SAN   FRANCISCO   AU  BRÉSIL 


PAR  M.  LIAIS. 


Après  TAmazone  et  le  Rio  de  la  Plata,  le  plus  long 
des  fleuves  de  TAmérique  du  Sud  est  le  Rio  de  Sau- 
Francisco,  dont  le  cours  entier  est  renfermé  dans  le 
vaste  empire  du  Brésil.  Cependant,  jusqu'à  ces  der- 
nières années,  l'attention  a  été  peu  appelée  sur  cette 
immense  rivière,  et  l'on  ne  possédait,  à  son  sujet,  que 
des  renseignements  très-incomplets.  Aussi,  à  peine  le 
Rio  de  San-Francisco  est-il  cité  dans  la  plupart  des 
géographies,  et  parfois  son  nom  n'est  même  pas  men- 
tionné. Une  seule  remarque  me  suflSra  pour  mon- 
trer le  vague  qui  régnait  encore  tout  récemment  dans 
les  notions  qu'on  avait  de  ce  grand  fleuve.  Elle  est  rela- 
tive à  sa  longueur,  que  l'on  fixait  à  2100  kilomètres,  au 
lieu  de  2900  kilomètres,  sa  valeur  réelle,  comme  je  l'ai 
reconnu  en  1862,  lors  de  l'exploration  que  j'ai  faite 
dans  l'intérieur  du  Brésil.  L'erreur  commise  était  du 
quart  du  développement  du  cours,  et  c'est  la  grandeur 
de  cette  erreur  qui  avait  empêché  d'accorder  au  San- 
Francisco  le  rang  qui  lui  appartient  parmi  les  fleuves 
de  l'Amérique  du  Sud,  et  de  reconnaître  que  son  déve- 
loppement surpasse  celui  de  l'Orénoque. 

Il  importe,  toutefois,  de  remarquer  que  le  bassin 


(  890  ) 

qui  renfenne  le  San-Francisco  et  ses  affluents  con- 
serve, contrairement  à  ceux  des  autres  grands  cours 
d'eau  de  TAmérique  méridionale,  une  largeur  presque 
toujours  uniforme  ou  du  moins  ne  variant  que  dans 
des  limites  assez  restreintes,  tandis  qae  les  bassins  de 
l'Amazone  et  de  la  Plata  s'ouvrent  en  éventail  et  ac- 
quièrent des  largeurs  beaucoup  plus  grandes.  Il  ré- 
sulte de  cette  disposition  que  le  volume  des  eaux  débi- 
tées par  le  Rio  de  San-Francisco  est,  relativement  à 
la  longueur  du  cours,  inférieur  à  celui  de  ces  dernières 
rivières,  quoiqu'il  soit  encore  considérable.  Ce  volume 
est  près  de  l'emboochure  de  2800  mètres  cubes  par 
seconde  aux  plus  basses  eaux  et  après  une  sécheresse 
absolue  de  six  mois*  La  largeur  du  bassin  du  fleuve  est 
toujours  comprise  entre  ôO  et  80  lieues  géographiques, 
mais  à  cause  de  sa  longueur,  la  surface  de  terrain  ar* 
rosée  par  le  San-Francisco  et  ses  affluents  est  à  très«- 
peu  près  égale  à  celle  de  la  France. 

Parmi  les  particularités  dignes  de  remarque  que  pré- 
sente le  cours  du  fleuve  qui  nous  occupe,  il  faut  citer, 
en  première  ligne,  sa  gigantesque  cascade,  rivale  de 
celle  du  Niagara,  et  qui  est  désignée  sous  le  nom  de 
cascade  de  Paulo-Affonso.  C'est  à  300  kilomètres  seu* 
lement  de  la  mer  que  se  produit  cette  admirable  chute, 
et  quand  le  San-Francisco  arrive  en  ce  point,  il  a  déjà 
reçu  tous  ses  grands  affluents  et  parcouru  2600  kilo- 
mètres. Le  fleuve  a  donc  réuni  la  presque  totalité 
de  ses  eaux  quand  il  s'élance  à  travers  la  petite 
chaîne  granitique  qui  semblait  vouloir  arrêter  sa 
marche.  Resserré  entre  deux  immenses  murailles  de 
pierre ,   il  coule  d'abord  en  torrent  et  sur  rni  fond 


(  391  ) 

dont  la  déclivité  accroît  la  vitesse,  puis  tout  à  coup  îl 
se  précipite  en  trois  chutes  consécutives  dont  la  hau- 
teur réunie  est  de  84  mètres.  La  dernière  de  ces  chuteis, 
la  plus  grande  des  trois,  n'a  pas  moins  de  60  mètres 
d'altitude. 

Il  résulte  de  ce  resserrement  de  lit  du  San-Fran- 
cisco  que  la  cascade  de  Paulo- Affonso,  quoique  compa- 
rable à  celle  de  Niagara  par  la  hauteur  et  le  volume 
des  eaux,  ofifre  un  spectacle  très-différent  de  celui  de  la 
rivière  de  l'Amérique  du  Nord.  Dans  le  Niagara,  en 
effet,  la  disposition  des  lieux  fait  que  les  eaux  s'étalent 
au  lieu  de  se  resserrer  dans  un  étroit  passage,  de  sorte 
que  la  nappe  blanche  d'écume  possède  une  grande 
largeur,  mais  par  compensation  on  n'y  voit  pas  les 
phénomènes  particuliers  qui,  dans  le  San -Francisco, 
résultent  de  la  concentration  d'une  force  vive  consi- 
dérable, resserrée  dans  un  étroit  canal.  Vue  à  distance, 
la  cascade  de  Niagara  l'emporte  donc  en  magnificence 
sur  celle  de  Paulo- Affonso,  mais,  de  près,  l'avantage 
est  pour  le  San-Francisco,  dont  les  eaux  furieuses  se 
relèvent  avec  plus  de  violence  et  forment  une  série 
d'immenses  vagues  chargées  d'écume.  L'effet  de  ces 
grandes  vagues,  d'où  sort,  comme  de  la  chute  elle- 
même,  une  gigantesque  colonne  de  vapeur,  ajoute  à 
la  splendeur  du  spectacle,  et  la  force  expansive  de  l'air 
que  les  eaux,  dans  cet  étroit  canal,  entraînent  et  compri- 
ment au  pied  de  la  chute,  produit  une  sorte  d'ouragan 
dont  la  puissance  contribue  à  accroître  l'extension  de 
cette  immense  colonne  de  poussière  aqueuse.  La  com- 
pression de  l'air  à  la  surface  des  eaux  après  la  chute 
est'telle,  qo^une  pierre  lancée  avec  la  plus  grande  force 


(  392  ) 

ne  peut  résister  au  vent  résultant,  de  sorte  que  sa  vi- 
tesse est  anéantie  après  un  parcours  de  6  à  7  mètres. 
Cette  particularité  a  répandu,  parmi  les  habitants  des 
environs,  l'opinion  que  le  lieu  de  la  cascade  est  en- 
chanté. 

Après  les  grandes  chutes  de  Paulo-Affonso,  le  Rio  de 
San -Francisco  reste  encore  pendant  quelques  lieues 
resserré  entre  des  roches  granitiques,  taillées  à  pic 
sur  ses  rives  et  parfois  môme  en  surplomb.  Dans  cet  in- 
tervalle se  produisent  encore  plusieurs  petites  chutes. 
Sur  quelques  points,  le  lit  est  creusé  dans  le  roc  à  une 
profondeur  considérable,  et  le  niveau  des  rives  sur- 
passe de  80  mètres  celui  des  eaux.  Coulant  avec  impé- 
tuosité dans  l'étroit  canal  qu'il  s'est  ouvert,  le  fleuve 
continue  d'être  complètement  innavigable  jusqu'à  son 
confluent  avec  la  petite  rivière  da  Ortiga.  Mais ,  à 
partir  de  ce  dernier  point,  au  tableau  efl'rayant  qui 
s'était  oflert  jusqu'ici  entre  les  escarpements  de  pierre, 
succède  un  spectacle  tout  différent.  Les  rives  s'abais- 
sent, le  lit  prend  une  largeur  considérable,  et  les  eaux, 
devenues  tranquilles,  forment  une  immense  nappe  au- 
dessus  de  laquelle  surgissent  une  multitude  de  petites 
îles  couvertes,  comme  les  bords  du  fleuve,  de  la  plus 
riche  végétation.  A  partir  de  ce  point,  éloigné  de  la 
mer  de  225  kilomètres,  le  San-Francisco  ne  cesse  plus 
d'être  navigable  jusqu'à  l'Océan. 

L'obstacle  invincible  qu'oppose  à  la  navigation  la 
splendide  cascade  de  Paulo-Affonso  et  le  peu  de  lon- 
gueur de  la  région  navigable  depuis  la  mer,  compara- 
tivement au  développement  total  du  fleuve,  expliquent 
facilement  l'oubli  dans  lequel  est  resté  jusqu'ici  carS' 


(  â93  ) 

marquable  cours  d'eau.  Msds  depuis  qu'on  a  découvert 
qu'au-dessus  de  la  cascade  de  Paulo-Affonso,  il  existe 
une  immense  région  dans  laquelle  le  San-Francisco, 
à  la  fois  large  et  profond,  coule  avec  lenteur  et  offre  à 
la  navigation  fluviale  les  plus  belles  conditions,  l'atten- 
tion du  gouvernement  du  Brésil  a  été  appelée  sur  cette 
magnifique  voie  intérieure  qui,  courant  du  nord  au 
sud,  unit  la  riche  province  de  Minas-Geraës  à  celles  de 
Bahia,  de  Pernambuco  et  d' Alagoas.  Ce  n'est  pas,  tou- 
tefois, immédiatement  au-dessus  des  grandes  chutes 
que  commence  la  portion  navigable  du  fleuve.  Un  inter- 
valle de  300  kilomètres  la  sépare  de  la  grande  cascade, 
intervalle  dans  lequel  de  nombreux  bancs  de  rochers 
donnent  lieu  à  des  rapides.  Mais,  à  partir  de  cette  dis- 
tance jusqu'à  Pirapora^  c'est-à-dire  dans  une  extension 
de  1500  kilomètres  environ,  le  fleuve  est  complètement 
libre  et  possède  un  très-faible  courant.  Dans  cette  ma- 
gnifique région  de  son  cours ,  le  San-Francisco  reçoit 
une  multitude  d'affluents^  parmi  lesquels  je  citerai  seu- 
lement ici  les  trois  plus  grands,  qui  sont:  le  Rio  das 
Velhas,  le  Paracatù  et  le  Rio  Grande.  Après  le  con- 
fluent de  cette  dernière  rivière,  la  largeur  du  fleuve 
atteint  jusqu'à  1800  mètres. 

Dans  la  portion  dont  je  viens  de  parler,  le  cours  du 
San-Francisco  a  été  exploré  en  1852  par  un  ingénieur 
allemand  au  service  du  Brésil,  M.  Halfeld,  qui  en  a 
publié  des  cartes  détaillées.  Mais  cet  explorateur  s'était 
arrêté  au  rapide  de  Pirapora,  le  premier  obstacle  que 
présente  le  fleuve  dans  son  cours  supérieur.  De  plus,  le 
lit  de  la  rivière  n'avait  été  que  relevé  topographique- 
ment  par  lui,  sans  aucune  détermination  de  position 


(  894  ) 

géographique.  Il  restait  donc  une  incertitude  considé- 
rable  sur  la  position  dePirapora.Or  voulant  faire  con- 
verger vers  le  San-Francisco  les  chemins  de  fer  par- 
tant des  trois  grandes  villes  de  l'empire  du  Brésil,  Rio- 
de-Janeiro,  Bahia  et  Pernambuco,  le  gouvernement 
brésilien  se  trouvait  dans  la  nécessité  de  faire  procéder 
à  de  nouvelles  explorations.  Il  importait  surtout  d'étu*- 
dier  la  partie  du  cours  située  au-dessus  du  rapide  de 
Pirapora,  région  sur  laquelle  on  ne  possédait  aucune 
indication  précise.  Il  fallait  de  plus  fixer  la  position 
géographique  de  ce  point,  afin  de  pouvoir  utiliser,  dans 
la  rectification  des  cartes  géographiques  du  Brésil,  le 
travail  topographique  de  M.  Halfeld,  dont  les  deux 
extrémités,  savoir,  l'embouchure  dans  TOcéan  et  le  ra- 
pide de  Pirapora,  pouvaient  servir  de  repère  pour  tracer 
le  cours  inférieur  du  fleuve  dont  on  avait  les  détails. 
Tels  furent  les  motifs  pour  lesquels  le  gouvernement  de 
Sa  Majesté  l'empereur  du  Brésil  m'invita  à  procéder  à 
l'exploration  du  cours  supérieur  du  San-Francisco. 
Dans  cette  exploration,  que  je  fis  pendant  l'année  1862, 
j* eus  l'occasion  de  visiter  la  partie  la  plus  intéressante 
de  la  vallée  du  fleuve,  celle  qui  est  comprise  dans  la 
province  de  Minas-Geraës. 

C'est  dans  la  serra  da  Ganastra  que  le  Rio  de  San  • 
Francisco  prend  sa  source.  A  partir  de  son  origine,  il 
coule  d'abord  du  sud-ouest  au  nord'-est,  et  après  avoir 
reçu  le  Rio  Bambuhy,  il  commence  à  être  navigable 
pour  de  petites  barques,  dans  une  extension  de 
180  kilomètres  environ.  Alors  commencent  une  série 
de  rapides  très-nombreux  qui  embarrassent  son  cours 
de  distance  en  distance  jusqu'à  Pirapora,  c'est-à-dire 


j 


(  896  ) 

peiidant  l'espace  de  plus  de  SOO  kilomètres^  Â  Pirapora, 
on  observe  deux  chutes  dout  la  réunion  Corme  une  bau** 
teur  de  S  mètres  50  cent.,  et  c'est  à  partir  de  ce  point 
qu'on  rencontre  la  belle  région  navigable  dont  j'ai  an-- 
térieurement  parié  et  qui  s'étend  sur  une  longueur  de 
1600  kilomètres. 

Pirapora  est  à  86  kilomètres  au-dessus  du  confluent 
du  San-Frandsco  et  du  Rio  das  Velhas.  Cette  dernière 
rivière,  qui  naît  dans  la  serra  de  Mai  dos  Homems , 
près  de  la  ville  d'OurO'pretOi  ancienne  Villa-rica,  capi- 
tale de  la  province  de  Minas^G^raës,  mériterait  plutôt 
d'être  considérée  comme  un  bras  du  San^-Francisco 
que  comme  un  simple  affluent.  Sa  longueur,  en  effet, 
est  égale  à  celle  de  l'autre  bras,  auquel  on  a  conservé 
le  nom  de  San^^Francisco.  Elle  court  presque  parallë* 
lement  à  lui  et  n'en  est  séparée  que  par  une  petite 
*  chaîne  de  montagnes  nommée  serra  do  Espirito-Santo« 
Le  bras  connu  m)us  le  nom  de  Rio  das  Velhas  est  beau-^ 
coup  plus  navigable  que  celui  qui  garde  le  nom  de 
San-Francisco.  J'ai  pu  le  parcourir  dans  toute  sa  lon- 
gueur avec  une  petite  barque,  et  quoiqu'il  offre  aussi 
des  rapides,  les  conditions  pour  l'ouverture  de  pas* 
sages  offrant  toute  la  sécurité  nécessaire,  sont  beaucoup 
meilleures  que  dans  le  San^Francisco  proprement  dit. 
C'est  donc  par  le  Rio  das  Velhas  que  se  continue  jus*^ 
qu'au  cœur  de  la  province  de  Minas-Geraës  la  grande 
voie  navigable  formée  par  le  fleuve  au-dessus  de  la 

cascade  de  Paulo-Affonso. 

< 

Limitée  à  l'est  par  la  serra  d'Espinhaço  dans  la  pro- 
vince de  Minas-'Geraës  et  par  la  serra  da  Chapada 
dans  la  province  de  Bahia»  la  vallée  du  Sau-Fraacîsca 


(  396  ) 

présente  un  aspect  bien  différent  de  celui  de  la  vaste 
région  comprise  entre  ces  mêmes  montagnes  et  la  mer. 
Arrosée  par  le  Rio  Doce  et  le  Jequitinhonha,  cette 
dernière  région  est  presque  complètement  couverte 
par  les  forêts  vierges,  tandis  que  la  vallée  du  Rio  de 
San-Francisco  appartient  à  cette  immense  zone  des 
prairies  qui  occupe  tout  le  centre  de  l'Amérique  du 
du  Sud  et,  en  dehors  du  Brésil,  reçoit  au  nord  le  nom 
de  Llanos  et  au  sud  celui  de  Pampas.  Au  Brésil  elle 
est  désignée  sous  le  nom  de  Gampos. 

La  présence  d'un  épais  tapis  de  graminées  sur  toute 
la  surface  du  sol  donne,  au  premier  abord,  l'idée  d'une 
grande  uniformité  d'aspect.  Cependant  il  n'en  est  pas 
ainsi,  et  les  paysages  des  Gampos  sont  des  plus  variés. 
Des  bouquets  d'arbres  dans  lesquels  les  feuillages  les 
plus  divers  s'allient  aux  fleurs  de  toutes  couleurs  por- 
tées par  les  guirlandes  des  lianes  ou  par  de  superbes 
orchidées  ou  broméliacées  parasites,  rompent  la  mono- 
tonie du  tapis  de  verdure,  et  Ton  se  croirait  dans  un 
parc  admirablement  cultivé.  D'autres  fois,  sur  le  bord 
de  petits  ruisseaux,  croissent  des  groupes  de  gigan- 
tesques Mauritia  vinifera,  pahniers  précieux  de  ces 
régions.  Leur  tronc  élevé,  surmonté  d'un  magnifique  pa- 
rasol formé  par  de  vastes  feuilles  en  éventail,  produit  un 
effet  des  plus  pittoresques,  lorsque  surtout  une  immense 
prairie  est  parsemée  çà  et  là  de  ces  végétaux  gracieux. 
D'autres  fois,  et  ce  fait  s'observe  surtout  dans  les  ré- 
gions les  plus  sèches,  des  arbustes  tortueux  couvrent 
tout  le  terrain,  et  dans  ces  parties  des  Gampos  se  font 
remarquer  les  belles  fleurs  des  Garîocar,  des  Gochlo- 
spermum,  des  Vochysia.Enfin^  souvent,  au  milieu  d'une 


(  397  ) 

vaste  plaine^  on  voit  surgir  une  de  ces  curie  oses 
chaînes  de  montagnes  de  grès  rougeâtre  ou  verdâtre, 
à  sommet  coupé  en  table,  et  si  abondantes  dans  tout  le 
Brésil,  où  M.  de  Gastelnau  les  a  déjà  signalées.  Les 
flancs  arides  de  ces  collines,  parfaitement  alignées  et 
qui  se  prolongent  sur  plusieurs  lieues  de  longueur  en 
gardant  le  même  niveau  et  présentant  l'aspect  d'un 
toit,  sont  couverts  par  des  Melocactus  et  par  de  magni- 
fiques Kielmeyera,  dont  les  grandes  fleurs  roses  rap- 
pellent celles  des  camélias.  Lorsqu'on  monte  sur  ces 
collines,  qui  parfois  atteignent  jusqu'à  500  mètres  au- 
dessus  du  niveau  de  la  région  environnante,  un  admi- 
rable panorama  se  déroule  sous  les  yeux  du  specta- 
teur. Je  me  rappelle  en  particulier  un  magnifique 
tableau  de  ce  genre  que  j'ai  aperçu  en  gravissant  les 
flancs  de  la  serra  de  Gurumatahy.  Le  regard  embras- 
sait toute  la  largeur  de  la  vallée  du  Rio  das  Velhas. 
Son  fond  ofi'rait  l'apparence  d'une  immense  plaine  d'où 
on  voyait  sortir  comme  des  îlots  les  serras  du  Paraùna, 
de  Buenos-Ayres,  da  Garça  et  du  Bicudo.  La  rivière, 
accompagnée  sur  ses  deux  rives  d'un  cordon  de  grands 
arbres,  dessinait  son  cours  au  fond  de  la  vallée  par  une 
ligne  d'une  verdure  fraîche  qui  tranchait  sur  la  teinte 
rougeâtre  des  graminées  desséchées  et  éclairées  par  les 
feux  du  soleil  couchant.  De  belles  teintes  violettes  cou- 
vraient les  flancs  des  montagnes  rapprochées,  et  dans  le 
lointain,  à  une  énorme  distance,  une  chaîne  de  mon- 
tagnes bleu  pâle  se  montrait  à  l'horizon.  G' était  la 
serra  da  Mata  da  Gorda  avec  ses  dômes  dioritiques,  qui 
limite  à  l'ouest  le  bassin  du  San-Francisco. 
Composé  d'alluvions  anciennes  aurifères  et  gemmi- 


(  S98  ) 

fères,  le  sol  de  la  rallée  du  San-Franciseô  ft,  par  sa 
richesse,  appelé  dans  le  siècle  dernier  rattention  des 
chercheurs  d*or  et  de  diamant,  et  c'est  à  cette  circon- 
stance que  cette  vaste  région  doit  d'avoir  été  peuplée. 
Sa  population,  toutefois,  est  très-minime  par  rapport 
à  l'extension,  et  elle  s'est  agglomérée  sur  divers  points 
du  bassin  du  fleuve,  en  laissant  désertes  d'immenses 
surfaces.  Les  Indiens,  qui  jadis  habitaient  les  rives  du 
San-Francisco,  ont  été  repoussés  par  les  aventuriers 
qui  couraient  à  la  recherche  des  métaux  précieux,  et 
celles  de  leurs  tribus  qui  ne  furent  pas  anéanties,  pas- 
sèrent la  serra  d'Espinhaço  et  se  rendirent  dans  les 
immenses  forêts  comprises  entre  cette  chaîne  de  mon- 
tagnes et  la  mer.  Là  elles  trouvèrent  un  refuge  plus 
assuré  que  dans  les  terres  découvertes  des  Campos. 
Ennemies  de  la  civilisation,  certaines  nations  indiennes, 
comme  les  Botocudos,  ont  encore  conservé  aujour** 
d'hui  leurs  habitudes  de  cannibalisme,  et  le  gouverne- 
ment du  Brésil  est  obligé  d'entretenir  des  postes  mili- 
taires pour  empêcher  leurs  excursions  dans  le  territoire 
colonisé.  La  région  que  les  Indiens  habitent  aujour- 
d'hui est  couverte  de  bois.  Ce  sont  les  forêts  vierges  dont 
on  a  si  souvent  parlé,  et  dont  le  vrai  caractère  n'a  géné- 
ralement été  que  très-imparfaitement  indiqué*  Dans 
un  ouvrage  que  j'ai  publié  récemment,  sous  le  titre  de 
U espace  céleste  et  la  nature  tropicale^  j'ai  donné  une 
description  détaillée  de  ces  forêts,  et  je  me  suis  efforcé 
de  faire  comprendre  en  quoi  elles  diffèrent  de  celles  de 
nos  contrées  par  la  variété  du  port  des  végétaux  qui 
les  composent,  par  la  présence  des  grands  feuillages 
des  monocotylédonés  et  spécialement  par  la  multi- 


(  3Ô9  ) 

plicité  des  espèces  d'arbres,  renlacement  des  lianes  et 
la  profusion  dcd  végétaux  parasites.  Je  ne  m'étendrai 
donc  pas  ici  sur  ce  point  ;  mais  si  les  forêts  vierges 
déploient  des  magnificences  sans  égales  dans  nos  con- 
trées» elles  n'offrent  cependant,  comme  nos  bois,  que 

bien  peu  de  ressourcespour  l'alimentation  de  l'homme. 
Aussi  les  malheureuses  tribus  indiennes,  restées  sau- 
vages, y  vivent  dans  la  plus  profonde  misère,  qu'elles 
préfèrent  toutefois  au  travail  qu'on  leur  offre  et  qui 
pourrait  leur  donner  une  existence  plus  facile.  Déci- 
mées par  la  famine  et  les  maladies,  le  nombre  des 
individus  qui  les  composent  va  en  décroissant,  et  si 
elles  continuent  de  refuser  la  civilisation,  elles  dispa- 
raîtront dans  un  avenir  rapproché. 

Les  premiers  aventuriers  qui  pénétrèrent  dans  le 
bassin  du  San-Francisco  vinrent  de  la  province  de 
San-Paulo  et  se  précipitèrent  sur  les  plaçers  aurifères 
qui  bordaient  le  Rio  das  Yelhas  et  le  Rio  Paracatù.  Au 
bout  de  peu  de  temps,  les  dépôts  les  plus  riches  se  trou- 
vèrent épuisés  et  la  recherche  de  l'or  devint  plus  péni- 
ble. Elle  se  continua  toutefois  pendant  longtemps,  mais 
à  mesure  que  les  difOicultés  augmentèrent,  le  nombre 
des  chercheurs  d'or  diminua  et  l'élève  du  bétail  forma 
la  préoccupation  dominante.  Aujourd'hui,  il  n'existe 
plus  que  très-peu  d'exploitations  de  sables  aurifères. 
Quant  aux  riches  filons  pyriteux  qui  abondent  dans  les 
régions  montagneuses  circonscrivant  le  bassin  du  San- 
Francisco  et  où  ses  divers  affluents  prennent  leur 
aource,  ils  ont  été  à  peine  attaqués.  C'est  là  cependant 
que  réside  la  grande  richesse  aurifère  de  la  province 
de  MinsbS^Geraës^  car  c*est  de  la  surface  décomposée 


(  AOO  ) 

de  ces  filons  pyriteux  qu'était  provenu  Tor  qui  fut 
jadis  retiré  des  dépôts  meubles.  Hais  dépourvus  de 
machines,  n'employant  que  les  bras  de  l'homme,  on 
comprend  facilement  que  les  habitants  de  Minas-Geraês 
se  découragèrent  promptement  dans  l'exploitation  de 
filons  dont  la  gangue  est  le  quartz,  et  l'abandon  suc- 
cessif des  mines  diminua  l'exportation  de  l'or  dans  une 
proportion  telle  qu'il  en  résulta  l'opinion  que  les  mines 
de  la  province  de  Minas-Geraës  sont  presque  épuisées. 
Il  n'en  est  rien  cependant,  et  tout  récemment  plusieurs 
compagnies  anglaises  se  sont  formées  pour  attaquer 
les  filons  voisins  de  Sahara.  Le  grand  succès  obtenu 
par  la  compagnie  de  Morro-Velbo  est  venu  encourager 
les  nouvelles  tentatives,  et  tout  promet  que  sous  peu 
les  mines  de  la  partie  supérieure  du  bassin  du  San- 
Francisco  prendront  une  importance  considérable. 

L'or  n'est  pas  le  seul  métal  abondant  dans  la 
province  de  Minas-GeraOs.  Tous  les  métaux  usuels, 
sauf  rétain,  s'y  rencontrent  également,  ainsi  qu'un 
grand  nombre  de  pierres  précieuses.  C'est  aujourd'hui 
de  cette  région  que  viennent  presque  tous  les  diamants. 
On  les  trouve  sur  plusieurs  points,  au  milieu  des  im- 
menses dépôts  de  galets  recouverts  d'argile,  qui  occu- 
pent la  majeure  partie  de  la  vallée  du  fleuve.  Le  procédé 
employé  par  les  habitants  du  pays  pour  les  découvrir 
consiste  à  soumettre  au  lavage,  sous  un  courant  d'eau, 
les  graviers  qu'Us  retirent  de  leurs  gisements  au 
moyen  de  pelles.  Ce  lavage  a  pour  but  d'entraîner  les 
sables  et  les  argiles.  On  enlève  ensuite  à  la  main  les 
gros  galets  et  on  étale  au  soleil  le  gravier  restant.  Par 
son  éclat  particulier,  le  diamant  attire  le  regard,  et  il 


(ADl  ) 

est  curieux  de  voir  avec  quelle  facilité  les  habitants 
du  pays  en  discernent  les  moindres  parcelles  au  milieu 
d'une  multitude  de  cailloux  beaucoup  plus  volumineux. 
On  a  déjà  fait  beaucoup  de  recherches  relativement 
au  gisement  primitif  du  diamant,  car  son  gisement 
actuel  au  milieu  de  terrains  de  transport  ne  peut  être 
celui  dans  lequel  il  s'est  formé.  Jusqu'ici  on  n'est 
arrivé  à  aucune  indication  certaine  sur  la  nature  de  la 
roche  qui  le  renfermait  primitivement.  Dans  beaucoup 
d'ouvrages  de  minéralogie^  on  lui  donne  pour  gaiîgue 
primitive  les  quartz  talqaeux,  connus  sous  le  nom 
d'itacolumite,  mais  c'est  une  erreur.  Non-seulement 
j'ai  appris  dans  le  pays  que  jamais  on  n'avait  trouvé 
le  diamant  dans  l'itacolumite,  mais  encore  j'ai  remar- 
qué l'absence  des  diamants  dans  les  alluvions  du  val 
des  rivières  qui  ont,  comme  le  Rio  das  Velhas,  leur 
source  dans  les  cbsînes  constituées  par  l'itacolumite 
ou  l'itabirite,  et  au  contraire  j'ai  noté  sa  présence  dans 
des  graviers  qui  ne  contenaient  aucun  fragment  de  ces 
deux  roches.  En  réalité,  le  diamant  ne  se  trouve  que 
dans  les  dépôts  où  l'on  rencontre  des  galets  des  diorités 
micacées  et  même  des  serpentines  qui  forment  des  dykés 
ou  des  filons  au  milieu  des  grès  rougeâtres  constituant 
les  montagnes  en  table  ou  en  toit  dont  j'ai  déjà  parlé. 
Il  est  très-probable  que  l'apparition  de  ces  roches 
éruptives  plus  ou  moins  métamorphosées  postérieure- 
ment, n'est  pas  étrangère  à  la  formation  des  gemmes 
si  abondantes  dans  la  province  de  Minas-^Geraês. 

Quoiqu'il  en  soit,  la  recherche  du  diamant  est  très- 
incertaine  au  point  de  vue  du  rapport.  Parfois,  avec 
peu  de  travail  on  obtient  un  produit  considérable,  et 
XI.  MAI.  5.  26 


(  â02  ) 

le  plus  souvent  des  travaux  immenses  ne  denuent 
presque  pas  de  résultat.  Aussi  les  exploitations  sont  peu 
nombreuses.  Comme  je  l'ai  déjà  dit,  la  ressource  prin- 
cipale du  pays  est  dans  les  troupeaux  immenses  de 
bœufs  et  de  chevaux  qui  vivent  dans  les  Gampos,  où 
ils  sont  à  moitié  sauvages.  Chaque  propriété,  compre- 
nant plusieurs  lieues  carrées  d'étendue  et  possédant 
des  limites  naturelles  comme  des  ruisseaux  et  parfms 
de  grandes  rivières  ou  des  collines^  retiferme  d'énormes 
quantités  de  ces  animaux,  dont  on  ne  s'occupe  çuèce 
que  pour  leur  appliquer  la  marque  de  leur  proprié- 
taire. Les  chevaux,  toutefois,  sont  l'objet  d'un  peu  plus 
de  soins.  Outre  qu'on  en  dresse  toujours  un  certain 
nombre>  on  les  attrape  de  temps  en  temps  au  lazzo,  et 
on  les  débarrasse  de  certains  vers  parasites  qui  pénè- 
trent sous  leur  cuir;  Chasseurs  intrépides,  les  proprié- 
taires ou  fasendeiros  de  ces  régions  attaquent  les  ani- 
maux féroces,  notamment  les  jaguars,  qui  font  parfois 
des  ravages  dans  leurs  troupeaux.  Dans  les  parties  iBs 
plus  habitées  de  la  vallée,  et  surtout  dans  la  partie  infé- 
rieure, on  retrouve  des  cultures^  dont  les  principales 
sont  le  coton,  la  canne  à  sucre,  le  manioc,  le  maïs  et 
le  riz.  Le  sol  fertile  de  ces  régions  ne  manque  aujour- 
d'hui que  de  voies  faciles  pour  l'écoulement  de  ses 
produits  vers  les  grands  centres  de  consommation,  et 
quand  les  chemins  de  fer  partant  de  Pernambuco  et 
de  Bahia  rejoindront  les  régions  navigables  du  iSan- 
Francisco  et  permettront  Jusqu'à  l'Océan  les  transports 
aujourd'hui  empêchés  par  la  cascade  de  Paulo-Aflbnso, 
le  val  du  San-Francisco^  avec  sa  richesse  minérale  et  ses 
terrains  productifs,  prendra  une  immense  importance 
dans  le  mouvement  commercial  de  l'empire  du  Brésil 


(  &t)B  ) 


Actes  de  la  Société. 

EXtRAITS  DES  PROCÈS- VERBAUX  DES  SÉANCES. 


Pi*ocès-vèrbal  de  la  séance  du  6  avril  4860. 

FlÉnDBHCE  DE  M.  D*ATUAC. 


Le  procès-verbal  de  la  précédente  séance  est  la  et 
adopté. 

Lecture  est  donnée  de  la  correspondance.  MM.  Marsh^ 
Jameson  et  le  docteur  Blanche»  remercient  de  leur  ad- 
mission au  nombre  des  membres  de  la  Société.  — 
M.  Lejean  écrit  de  Mossoul  une  lettre  qui  contient 
quelques  détails  sur  son  voyage  en  Asie  Mineure*  A 
propos  d'un  passage  de  cette  lettre  où  il  est  questiee 
de  l'ouverture  d'un  tombeau  i  Mi  de  Quatrefagés 
exprime  le  regret  que  M.  Lejean  n'ait  pas  conservé, 
pour  le  rapporter,  le  crâne  que  contenait  ce  tombeau  : 
on  sait  assez  généralement,  aujourd'hui,  quel  est  le 
but^  qudles  sont  les  méthodes  de  l'anthropologie,  pour 
qu'il  ne  soit  plus  permis  de  négliger  les  occasions  de 
recueillir  des  restes  dont  l'intérêt  scientifique  est  aussi 
grand  que  celui  des  médailles  ou  des  inscriptions,  et 
qui,  d'autre  part,  n'ont  pas  les  mêmes  chances  de  du- 
rée ;  il  n'y  aurait  plus  aujourd'hui  d'e^^cuse  pour  cet 
archéologue  qui  se  cëtitentait,  il  y  a  quelques  années, 
d'enveyer^  Ielu  professeur  d'anthropologie,  na  sedi  Irag- 


(  404  ) 

ment  de  crâne  extrait  d'une  sépulture  mérovingienne, 
où  il  avait  trouvé  plus  de  trente  squelettes  intacts,  que 
lui  et  ses  confrères  avaient  mis  en  pièces. 

Par  suite  à  la  correspondance,  M.  Malte-Brun  dépose 
sur  le  bureau  deux  lettres  autographiées  renfermant 
des  détails  sur  la  mort  du  baron  von  der  Decken  :  ces 
documents  sont  adressés  à  la  Société  par  le  docteur 
Kersten ,  qui  fut  le  compagnon  de  route  du  regrettable 
voyageur  dans  une  précédente  expédition.  —  M.  Barbie 
du  Bocage  a  reçu  une  demande  d'instructions  géogra- 
phiques de  la  part  de  M.  Izarié,  consul  de  France  à 
Bahia.  Renvoi  à  la  section  de  correspondance. 

A  l'occasion  de  la  correspondance,  M.  d*  Avezac  croît 
devoir  signaler,  à  l'intérêt  de  la  Société,  un  ouvrage 
actuellement  en  cours  d'exécution  aux  États-Unis,  sous 
le  titre  de  Bibliotheca  Americana  vettistissima ,  et 
dont  il  met  sous  les  yeux  de  ses  collègues  quelques 
feuilles  d'épreuve  ;  il  est  autorisé  à  espérer  qu'un  des 
exemplaires  peu  nombreux  de  ce  bel  ouvrage  sera 
destiné  à  la  Société  de  géographie  de  Paris.  —  M,  d'A- 
vezac  a  reçu,  en  outre,  du  lieutenant-colonel  Dastugue, 
directeur  des  affaires  arabes  à  Oran,  de  nouvelles 
communications  fort  remarquables  sur  le  pays  de  Tâ- 
filëlt.  —  L'abbé  Borghero,  missionnaire  au  Dahomey, 
lui  a  adressé,  de  son  côté,  une  carte  de  partie  de  la 
côte  des  Esclaves,  qu'il  lui  a  personnellement  dédiée, 
et  à  laquelle  M.  d' Avezac  croit  ne  pouvoir  donner  une 
meilleure  destination  qu'en  l'offrant  à  la  Société.  —  Le 
mémoire  de  xU.  Dastugue  avec  les  cartes  détaillées  qui 
raccompagnent,  et  la  carte  de  M.  Borghero,  seront  en 
conseil  neuce  transmis  à  la  section  de  publication. 


(  405  ) 

Il  est  donné  lecture  de  la  liste  des  ouvrages  offerts. 
Comme  suite  à  cette  liste,  M.  Malte-Brun  dépose  sur  le 
bureau:  1**  de  la  part  de  M.  Heller  de  Belle vald,  la 
seconde  partie  de  ses  recherches  sur  les  migrations  des 
peuples  américains,  avec  lettre  d'envoi  ;  2°  au  nom  de 
'  MM.  Henri  Langé  et  Klun,  la  fm  de  leur  atlas  indus- 
triel et  commercial  ;  S""  de  la  part  de  M.  Alexandre 
Ziegler,  trois  ouvrages  de  cet  auteur,  intitulés  :  Der 
Rennstelg  des  Thûringerwald^  Die  Reise  des  Pytheas 
nach  Thule^  et  Martin  Behaim. 

Le  même  membre  présente  à  la  Société  une  copie, 
faite  par  lui,  de  la  carte  d'une  partie  de  l'Ethiopie, 
dressée  par  le  consul  anglais  Plowden  et  acquise  en 
Abyssinie  par  M.  Lejean  ;  l'original,  remis  à  la  Com- 
mission centrale  dans  sa  séance  du  16  juin  1865,  est 
destiné,  d'après  le  vœu  de  M.  Lejean,  à  être  renvoyé 
à  la  Société  de  géographie  de  Londres,  à  laquelle  elle 
semble  appartenir  de  droit.  Des  remerclments  sont 
adressés  à  M.  Malte-Brun  pour  la  peine  qu'il  a  prise 
de  conserver  aux  archives  de  notre  Société  la  copie 
d'un  travail  auquel  M.  Lejean  attribuait  une  certaine 
.  valeur. 

M.  Eugène  Cortambert  offre,  de  la  part  du  général 
Mosquera,  la  géographie  générale  des  États-Unis  de 
Colombie.  —  M.  Jules  Du  val  remet  deux  volumes  de 
l'Économiste  français  (1864-1865),  en  signalant  l'al- 
liance systématique,  observée  dans  ce  journal,  entre 
les  faits  économiques  et  les  faits  géographiques; 
V Économiste  français  contient,  en  outre,  beaucoup  de 
données  relatives  aux  colonies.  —  M.  Elisée  Reclus 
dépose  sur  le  bureau  une  carte  de  la  population  spéci- 


(  466  ) 

fiqua  des  diverses  parties  de  FEspagne,  dressée  par 
M.  Minard  ;  Tespacement  varié  des  bachupes  produit 
des  teintes  conventionnelles  graduées  suivant  le  nembve 
d'habitants  par  kilomëtpe  carré.  — -  M.  Bourdiol  offre, 
au  nom  de  M.  Charles  Léger,  uoe  carte  de  TéceFce 
terrestre,  d'après  le  système  du  célèbre  professeup  de 
géologie  Louis  Cordier.  —  M.  Maunoir  remet,  pour  la 
Société,  de  la  part  de  M.  Musmacque,  un  exemplaire 
du  voyage  apocryphe  de  Dam^erger  en  Afrique  ;  et  de 
la  part  de  M.  Kliucksieck,  libraire  à  Paris,  un  petit 
atlas  de  vingt  cartes,  publié  en  français  à  Gotha,  et 
remarquable  par  la  modicité  de  son  prix.  —  M.  Ernest 
Desjardins  fait  hommage  à  la  Société,  au  nom  de 
M*"  ^  veuve  Bouillet,  de  F  Atlas  destiné  à  servir  de  com- 
plément au  Dictionnaire  historique  et  géographique  de 
notre  défunt  collègue  ;  il  donne,  au  sujet  de  cette  pu- 
blication, des  éclaircissements  qui  seront  consignés 
dans  une  note  spéciale. 

Il  est  procédé  à  l'admission  des  candidats  inscrits  an  * 
tableau  de  présentation.  Sont  admis  au  nombre  des 
membres  de  la  Société  :  MM.  Abel  Lemerciep,  docteur  en 
droit  ;  le  comte  Julien  de  Rochechouart;  Eugène  Tastn, 
consul  généra}  ;  B.  Garnier ,  drogman  du  consulat 
général  de  France  en  Egypte  ;  Henri-René  Dumont  ; 
Sidi  Mohammed  ben  Moustapha,  Thomas-Comnène,  de 
Caraman  ;  le  baron  d'Adbémar. 

Sont  présentés,  pour  être  statué  sur  leur  admission 
dans  une  prochaine  séance  :  M&f.  Fortuné  Chabrier, 
présenté  par  MM.  d'Avezac  et  Eugène  Gortambert;  — 
Théodore  Vernes,  propriétaire,  présenté  par  MM.  Wil- 
liam Martin  et  William  Hilber  ;  -tt  Casimir  Deluiafre, 


(  407  ) 

présenté  par  MM.  Théodore  Delamarre  et  Lefebvre- 
Duruflé;^ —  Gaultier  de  la  Richerîe,  capitaine  de  fré- 
gate, présenté  par  MM.  Jules  Duval  et  d'Avezac;  — 
Lecointre,  attaché  au  ministère  des  affaires  étrangères, 
présenté  par  MM.  de  Saulcy  et  Théodore  Delamarre  ; 

—  J.  Bertrand  Payne,  présenté  par  MM.  Noël  des  Ver- 
gers et  d' A  vezac;  —  Charles  Léger,  ingénieur  civil, 
présenté  par  MM.  Bourdiol  et  d'Avezac  ;  —  René  de 
Séu)alé,  présenté  par  MM.  de  Quatrefages  et  d'Avezac  ; 

—  le  lieutenant-colonel  Dastugue,  directeur  des  aifaires 
arabes  à  Qran,  présenté  par  MM.  Challamel  et  d'Avezae; 

—  le  conseiller  d'État  Herbet,  ministre  plénipoten- 
tiaire, directeur  des  consulats  et  affaires  commerciales 
au  ministère  des  affaires  étrangères,  présenté  par 
MM.  d'Avezac  et  Barbie  du  Bocage. 

M.  Saint-Loup,  professeur  d'histoire  et  de  géogra- 
phie au  lycée  Bonaparte,  soumet  à  la  Société  un  sys- 
tème de  projection  icosaédrique  de  la  sphère  terrestre, 
et  présente,  à  ce  sujet,  quelques  explications  qui  figu- 
reront au  Bulletin.  —  M.  d'Avezac  fait  observer  que 
ce  mode  de  représentation  graphique  est,  à  propre- 
ment parler,  une  partition  de  la  sphère  qui  se  résout 
en  application  de  la  projection  centrale  à  chacune  des 
faces  du  polyèdre  inscrit,  ainsi  que  Font  déjà  fait 
Reichard  pour  le  cube,  M.  Élie  de  Beaumont  pour  le 
dodécaèdre,  ^t  le  général  autrichien  de  Hauslab  pour 
quelques  autres  polyèdres. 

L'ordre  du  jour  appelait  la  lecture  d'un  rapport  de 
M.  Pourdiol  sur  les  colonies  portugaises  et  d'un  rap- 
port de  M.  William  Hiiber  sur  la  carte  du  massjf  du 
MoQtrBlanc,  extraite  des  minutes  de  }a  carte  de  France 


(  408  ) 

de  rÉtat-major.  Les  deux  rapporteurs  cèdent  là  parole 
à  M.  Bardin,  dont  l'intéressante  collection  de  spéci- 
mens en  relief  des  principales  montagnes  françaises 
^st  exposée  dans  la  salle.  M.  Bardin  explique  le  but 
qu'il  s'est  proposé  et  les  moyens  qu'il  a  mis  en  œuvre 
pour  l'atteindre.  Ces  détails  font  l'objet  d'une  note 
spéciale  qui  sera  insérée  au  Bulletin. 

M.  Richard  Cortambert,  au  nom  d'une  commission 
qui  avait  reçu  la  tâche  d'examiner  des  cartes  géogra- 
phiques dessinées  sur  les  parois  d'une  École  munici- 
pale située  avenue  Trudaine,  rend  compte  du  résultat 
de  cet  examen. 

M.  Simonin  communique  à  la  Société  ses  idées  per- 
sonnelles sur  l'emplacement  présumé  des  îles  Gassité- 
rides  ;  se  fondant  sur  l'antique  exploitation  des  mines 
d'étain,  non-seulement  dans  la  Gornouaille  anglaise, 
mais  encore  dans  l'Armorique  gauloise,  et  repoussant 
l'hypothèse  qui  identifie  ces  lies  aux  Scilly  ou  Sor- 
lingues,  il  pencherait  à  les  placer  aux  îles  situées  vers 
l'embouchure  de  la  Loire  :  Noirmoutiers ,  Belle-Ile, 
Houët,  etc.  A  son  avis,  le  nom  de  Bretagne  pourrait 
bien  avoir  été  appliqué  par  Strabon,  lorsqu'il  indique  le 
gisement  des  Gassitérides,  aussi  bien  à  notre  Bretagne 
actuelle  qu'aux  îles  Britanniques.  — MiM.  d'Avezac, 
Poulain  de  Bossay,  Vivien  de  Saint-Martin,  Eugène 
Cortambert,  s'élèvent  contre  cette  interprétation  des 
idées  du  géographe  grec,  sur  lesquelles  il  ne  peut 
rester  aucun  doute  :  pour  Strabon,  comme  pour  tous 
les  autres  auteurs  anciens,  la  Bretagne  était  le  pays 
appelé  aujourd'hui  Angleterre,-  et  aucun  écrivain  de 
l'antiquité  classique  n'a  étendu  ce  nom  aux  contrées 


(  409  ) 

situées  au  nord-ouest  de  la  Gaule.  —  M.  de  Quatre* 
fages  pense  que  s'il  a  été  trouvé  des  haches  de  pierre 
dans  les  plus  anciennes  mines  de  la  Gornouaille,  on  y 
doit  voir  une  preuve  que^  l'exploitation  de  ces  mines 
avait  précédé  l'âge  de  bronze,  et  qu'il  n'y  aurait,  dès 
lors,  pas  eu  de  raison  d'y  transporter  du  cuivre, 
puisque  ce  métal  est  une  des  richesses  du  pays.  — 
M.  Poulain  de  Bossay  estime  qu'on  peut  abandonner 
l'hypothèse  qui  place  les  Cassitérides  aux  îles  Scilly 
sans  qu'il  s'ensuive  nécessairement  que  les  îles  à  étain 
des  anciens  fussent  précisément  celles  que  désigne 
l'auteur  de  la  communication.  Il  ne  peut  y  avoir  de 
doute  à  cet  égard.  Les  auteurs  anciens  disent  claire- 
ment que  le  plomb,  extrait  en  grande  partie  de  la  Cor- 
nouaille  anglaise,  était  porté  à  l'île  d'Itis  ou  Vectis 
(île  de  Wight),  où  il  était  vendu  à  des  marchands 
étrangers.  —  M.  Vivien  de  Saint-Martin  pense  que  le 
nom  d'îles  Cassitérides  n'a  jamais  eu,  dans  l'antiquité, 
une  acception  géographique  nettement  définie  ;  et  que 
sans  exclure  les  Sorlingues  ni  la  pointe  de  Cornouailles, 
les  îles  bretonnes  ont  très-bien  pu  être  comprises  dans 
l'acception  générale.  Il  croit  d'ailleurs  que  les  moyens 
exacts  d'orientation  faisaient  défaut  à  l'antiquité  ;  les 
auteurs  ont  souvent  indiqué  la  Bretagne  comme  étant 
en  face  de  l'Espagne,  et  quelques-uns  même  ont 
placé  les  Cassitérides  près  du  littoral  de  l'Ibérie.  — 
Afin  d'expliquer  l'erreur  où,  selon  lui,  seraient  tombés 
les  géographes  en  prenant  les  Scilly  pour  les  Cassi- 
térides des  anciens,  M.  Simonin  pense  que  les  Phé~ 
niciens  avaient  foh  bien  pu,  afin  de  conserver  leur 
monopole,  chercher  à  effrayer  les  concurrents,  en  indi- 


(  410  ) 

quant  faussement,  comme  lieux  de  production  de  Té- 
tain,  des  parages  d'un  abord  dangereux,  tels  que  les 
Sorlingues,  perdues  en  plein  Océan  et  qui  n'ont  jamais 
renfermé  le  plus  mince  filon,  d'étain.  L'étain  de  la  Cor- 
nouaille  anglaise  devait  se  charger  aux  lieax  où  sont 
aujourd'hui  Penzance  et  le  mont  Saint-Michel,  qui  est 
peut-être  le  Vectis  de  Diodore  de  Sicile.  L'étain  de 
l'Armorique  gauloise  se  chargeait,  à  son  tour,  aux  îles 
situées  vers  l'embouchure  de  la  Loire.  Les  gîtes  d'étaia 
de  notre  Bretagne,  de  Piriac,  de  Penistin,  sont,  en 
effet,  vis-à-vis  de  ces  îles.  —  En  vue  de  concilier 
d'une  part  les  conditions  métallifères  si  différentes 
vérifiées  sur  place  par  M.  Simonin  dans  la  Cornouaille 
et  dans  les  Sorlingues,  et  d'autre  part  les  témoignages 
anciens  relatifs  à  la  position  des  Cassitérides,  et  qu'il 
faut  bien  reconnaître  applicables  aux  Sorlingues, 
M.  d'Avezac  admettrait  volontiers  Thypothèse  que  ces 
îles  auraient  pu  n'être,  en  réalité,  qii^un  lieu  d'en- 
trepôt, où  les  navigateurs  seraient  venus  chercher 
Tétain  apporté  par  les  possesseurs  des  mines  si  riches 
et  si  fécondes  du  littoral  voisin  :  ils  auraient  pratiqué 
le  commerce  à  la  manière  primitive  et  prudente  de 
ces  peuples  sauvages  qui  vont  à  la  frontière  déposer 
leurs  denrées  sur  qnelque  point  neutre  où  les  viennent 
chercher  les  acheteurs,  lesquels  déposent  à  leur  tour, 
près  de  l'objet  en  vente,  le  prix  offert  en  échange, 
les  marchés  se  concluant  ainsi  sans  aucune  commu- 
nication directe  entre  les  deux  parties.  —  M.  Simo- 
nin reconnaît  que  les  choses  se  passent,  en  effet,  à 
peu  près  de  la  sorte  encore  aujourd'hui  à  la  côte  ocd- 
dentale  de  Madagascar  s  le^  objets  de  trafic  sont  entre- 


pû«é?î  nÇiP  Bas,  |1  est  vrai,  mp  pu  îlp|  ypûijp  du  \\ttQf 
rai,  i{)^i^  (l^ns  ]an  port  sp^çia}  où  se  fait  ex(}|i}§jye.ineQt 
le  GQinqierce  (iveç  les  étrangers;  p'est  ^ifisi  qi]§  )p  i^ç^^f 
g).  Ig  riz  diB  Tap^flftrive  viennent  sg  vgndrç  ^  Taniat^ye; 
toutefois,  le  comm^ïç^  s'y  fait  â'wpp  f^çpp  îpjoiqs  pfl- 
initive  qijie  cejle  ç|tée  par  Thopor^ble  ppésî^l^nt  :  Igs 
pfix  spï});  discu]té§,  et  il  y  a,  ;dp  part  et  d'autre,  4§3 
courtier^  et  4fis  iflarpljftnds.  rrr  C'est  d^  flfjgfne  &u^s«, 
gljagrve  ]H;  J^laximip  Dplçiçhe,  qqe  se  fait  eniçpre  Je  tra- 
fic dans  certaines  parties  de  l'Algépjg  R\éFi<îiQPM?-  ^^ 
M.  Reinaud  fl^  pgp^  p^^  qHp  pette  ^uppQsitjpi}  spit  de 
nature  à  résoudre  les  difTicultés  soulevées  au  sujet  de 
remplacement  des  îles  Cassitérides  ;  il  a  peine  à  ad- 
mettre, autrement  que  d'un  point  à  un  autre  du  même 
continent,  ou  de  la  même  île,  le  mode  de  commerce 
auquel  il  vient  d'iè(i-ç  ffiit  ^m^iâSs  ^  ses  yeux,  ce  tra- 
fic ne  s'explique  guère  entre  deux  points  séparés  par 
de  grands  espaces  maritimes,  dont  le  paFGûur^  néces- 
site des  embarcations  de  quelque  importance.  —  Gela 
serait  vrai,  s^ns  doute,  reprend  M.  d'Avezao,  si  l'on 
admettait  que  les  Bretens  B^eusse&t  pas  été  des  navi- 
gateurs; mais  on  sait,  au  ooq^raire,  quUls  étaient 
excellants  marins;  du  reste,  M.  de  Quatrefages,  qui 
s'e^t  beaucoup  occupé  des  migrations  des  Bolynésiens, 
est  là  pour  dire  quels  trajets  immepses  des  peuples  ré* 
pûtes  sauvages  parviennent  à  accomplir,  dans  des  em- 
barcations où  nos  plus  habiles  marins  n'oseraieat 
s'aventurer.  —  M.  Reinaud  ne  s'explique  pas,  ep 
admettant  ^hypothès^  des  entrepôts,  que  Pon  eût  pré- 
féré, pour  cette  desftinatiqn ,  des  tles  plus  ou  moins 
éleiguées  du  littoral,  à  ce  littoral  même,  et  surtout  que 


(  412  ) 

l'on  eût  choisi  les  lies  Scilly,  dont  l'accès  est  toujours 
très-difficile.  —  M.  de  Quatrefages  fait  remarquer  à  ce 
sujet  que  le  littoral  occidental  de  la  France,  aussi  bien 
que  le  littoral  opposé  de  la  Bretagne,  présente  de 
nombreuses  îles  ou  îlots,  que  pendant  la  basse  mer  on 
peut  atteindre  à  pied  sec  ;  il  en  existait,  dans  l'anti- 
quité, d'autres  encore,  entre  lesquelles  on  peut  citer, 
en  particulier,  File  d' Aix,  et  quelques-uns  de  ces  points 
ont  pu,  en  eflfet,  servir  d'entrepôt  pour  l'étain  exploité 
sur  les  côtes  voisines. 
La  séance  est  levée  à  dix  heures  et  demie. 


Procès-verbal  de  la  séance  du  20  avril  1866. 

^  P&âlDBNCE  DE  M.  D^AVBZAC. 

Le  procès-verbal  de  la  séance  précédente  est  lu  et 
adopté. 

Lecture  est  donnée  de  la  correspondance.  — 
MM.  Bertrand,  consul  des  États-Unis  de  Colombie,  à 
Paris,  Garnier,  Engelhard  et  Tastu,  remercient  de 
leur  admission  au  nombre  des  membres  de  la  Société  ; 
pareils  remercîments  sont  transmis  par  M.  Eugène 
Gortambert  de  la  part  de  M.  le  ^^pitaine  d'artillerie 
Schœlcher.  —  M.  Doré ,  lieutenant  de  vaisseau , 
annonce  un  prochain  envoi  de  notes  et  de  documents 
géographiques. 

Par  suite  à  la  correspondance,  M.  Ramel  donne  des 
nouvelles  de  l'exploration  qui  se  poursuit  actuellement 
en  Australie,  dans  le  but  de  rechercher  des  indications 


(  4ia  ) 

sur  le  sort  du  voyageur  Leichhardt  ;  il  y  ajoute  quel- 
ques détails  relatifs  à  des  faits  d'acclimatation  sur  les- 
quels son  attention  a  été  appelée  par  diverses  circon- 
stances de  l'entreprise  ;  il  est  prié  de  faire  de  cette 
double  communication  Tobjet  d'une  note  à  insérer  au 
Bulletin. 

Lecture  est  donnée  de  la  liste  des  ouvrages  offerts, 
au  nombre  desquels  figure  le  bel  atlas  des  levés  du 
Rio  San-Francisco,  au  Brésil,  par  M.  Liais.  — Un  plan 
manuscrit  de  la  ville  de  Méridaest,  en  outre,  déposé 
sur  le  bureau,  par  M.  Malte-Brun,  au  nom  de  M.  Bour- 
geois, l'un  des  compagnons  de  M.  Brasseur  de  Bour- 
bourg  dans  son  dernier  voyage  au  Mexique  ;  le  Prési^ 
dent  adresse  à  MM.  Liais  et  Bourgeois,  présents  à  la 
séance,  les  remercîments  de  la  Société.  —  M.  Malte- 
Brun  remet  également,  sur  le  bureau,  deux  cartes.de 
M.  Henri  Kiepert ,  Tune  de  la  Russie  d'Europe  en 
6  feuilles,  l'autre  de  l'empire  Ottoman  en  4  feuilles, 
toutes  deux  à  l'échelle  de  1/3  000  000*.  Une  lettre 
d'envoi  dont  il  est  donné  lecture  accompagne  ces  deux 
publications   du   célèbre  cartographe   allemand.   — 
M.  d'Avezac  présente,  de  la  part  de  l'auteur,  M.  le 
docteur  Thiercelin,  un  ouvrage  en  deux  volumes  ayant 
pour  titre:  Journal  d^ un  baleinier;  M,  Gabriel  Lafond 
voudra  bien  en  rendre  compte.  —  M.  Maunoir  remet 
des  photographies  représentant  des  types  maoris,  qui 
lui  ont  été  envoyées  pour  la  Société,  par  M.  Julius 
Haast,  géologue  à  Christchurch.  —  M.  Bourdiol  dé- 
pose sur  le  bureau,  de  la  part  de  M.  Vivien  de  Saint7 
Martin,  empêché  d'assister  à  la  séance    le  quatrième 
volume   (1865)  de  Y  Année  géographique.  —  M.  de 


(âiâ) 

tm^  s^Fétàirè  delà  Sbeiëtë  de  gê^i^^ië  dé  Getëve, 
offre,  de  la  fiàrt  de  cette  Société,  le  pt^mlei*  fascicillë 
dta  Globe,  nooltellé  publication  destinée  à  faire  siiilë 
àai  précédents  Volunlës  de  mémoires  et  bulletins. 

Il  est  procédé  à  l'admission  des  personnes  inscrites 
au  tableau  de  proposition;  sont  successivement  ph)- 
clamés  metobi^s  :  MM;  Fortuné  Chabrier  ;  Théodore 
Yernes  ;  Casimir  Delamarre  ;  Gaultier  de  la  Richerië, 
ëapitairie  de  frégate;  Pierre  Lecoirilre,  attaché  àtl 
fiflittistèré  dès  affaires  étrangères  ;  J.  Bertrand  Payne  ; 
Charles  Léger,  ingénieur  civil  ;  René  de  Sémalé  ;  le 
Uentenant  -  colonel  Dastugue,  directeur  dès  affaires 
arabes  à  Oran;  le  conseille^  d'État  Herbe  t^  mi  bistre 
plénipotentiaire,  directeur  des  consulats  et  affaires 
commerciales  au  iilinistère  des  affaires  étrangères. 

Sont  inscrits  sur  la  nouvelle  liste  des  candidats  pré- 
sentés :  MM.  José-Maria  É'ernandez  de  la  boizj  àhcieiî 
ministre  en  Efepagné,  J)résenié  par  MM.  Gabriel  Lafond 
et  Malte-Brun;  —  Camille  Marcilhacy,  négociant,  pré- 
senté par  MM.  Michel  Chevalier  et  Bourdiol;  -^  Emma- 
nuel Liais,  astronome  de  l'Observatoire  impérial,  en 
ttiission, présenté  par  MM.  d'Avezac  et  Théodore  Dela- 
ïnarre;  -^  Adolphe- Chrétien  Lindemanh,  secrétaire  de 
là  légation  du  Sadvador,  présenté  par  MM.  Victor  Hër- 
iran  et  d'Avezac. 

M.  Erfaest  Desjardins  commence  la  lecture  d'un  mé- 
moire sur  l'embouchure  du  Rhône  et  le  canal  Saint- 
Louis  :  il  demande  que  ce  travail^  s'il  est  jugé  digne 
tf  ètrfe  imprimé  au  Bulletin ^  puisse  être  t^produit  en- 
suite, aui  fi^is  de  l'auteur,  dahâ  des  conditions  parti- 
culières de  fbrmàt  i  cett6  autoril$ation  est  acôôrâëe. 


(415) 

A  Toccasion  de  la  citation  faite  par  M.  Deajardins 
d'une  date  attribuée  à  la  table  peutingérienne  dans  un 
mémoire  académique  sur  la  cosmographie  d'Ethicus, 
M.  d'Arezac  tient  à  préciser  la  portée  qu'il  a  entendu 
donner  à  cette  date  ;  il  n'a  point  eu  la  prétention  de 
/îxer,  d'une  manière  générale  et  absolue,  l'époque  pré- 
cise de  la  composition  originale  de  ce  document,  dont 
les  éléments  remontent  peut-être  jusqu'aux  premiers 
empereurs,  et  dont  l'exemplaire  que  nous  possédons 
aujourd'hui  n'est  pas  matériellement  antérieur  au 
xiu®  siècle  ;  il  a  voulu,  seulement,  établir  que  la  ré- 
daction qui  nous  a  été  transmise  à  travers  des  copies 
successives  et  en  dernier  lieu  par  le  moine  de  Colmar, 
offre,  dans  Texistence  simultanée  des  trois  capitales, 
Rome,  Gonstantinople  et  Antioche^  un  trait  fondamen- 
tal qui  ne  s'est  vérifié  qu'une  seule  fois,  savoir^  pendant 
les  neuf  mois  qui  ont  immédiatement  suivi  la  mort 
de  Constantin  le  Grand.  ^-  Un  second  point  sur  lequel 
M.  d'Avezac  croit  opportun  de  présenter  aussi  une 
observation,  c*est  l'époque  de  Pomponius-Mela,  ou 
plutôt  la  date  de  la  rédaction  de  sa  Géographie. 
M.  Desjardins  s'est  conformé  à  l'opinion  vulgaire,  qui 
avait  supposé  ce  livre  écrit  sous  le  règne  de  l'empereur 
Claude;  mais  c'est  en  réalité  au  règne  de  Caligula,  et, 
au  plus  tard,  à  l'année  àO  de  notre  ère,  qu'il  faut  rap- 
porter la  composition  de  cet  ouvrage,  puisque  la  divi- 
aion  provinciale  de  l'Afrique  romaine,  qui  s'y  trouve 
consignée,  a  cessé  d'exister  en  cette  môme  année  par 
la  création  des  deux  provinces  de  Mauritanie  aux 
dépens  du  royaume  dePtoIémée:  cette  date  est  confir- 
mée {)ar  des  monuments  épigraphiques  constatant  l'on- 


(  àl6  ) 

gine  de  Tère  provinciale  mauritanienne  en  exacte  con- 
cordance avec  l'an  iO  ;  la  géographie  de  Pomponius- 
Mela,  antérieure  à  ce  nouvel  ordre  de  choses,  ne  peut 
donc  plus,  sans  anachronisme,  être  retardée  jusqu'au 
règne  de  Claude.  —  M.  Elisée  Reclus  demande  à 
faire  une  observation  au  sujet  de  la  question  de  géo- 
graphie physique  soulevée  dans  le  travail  de  M.  Des- 
jardins :  il  ne  pense  pas  que  pour  les  fleuves  tribu- 
taires de  la  Méditerranée,  non  plus  que  pour  ceux 
de  toute  autre  mer,  avec  ou  sans  marées,  il  soit  pos- 
sible d'établir  une  loi  de  proportion  entre  la  masse 
d'eau  roulée  par  un  fleuve  et  la  hauteur  de  la  barre 
à  l'embouchure.  Si  Ton  prend  l'exemple  du  Rhône, 
de  l'Ebre  et  du  Tibre,  qui  roulent  respectivement 
à  leur  étiage,  550,  50  et  16  mètres  cubes  d'eau, 
on  ne  parvient  pas  à  constater  de  rapport  entre  les 
masses  pluviales  et  la  hauteur  du  seuil  d'entrée, 
puisque  la  baiTe  du  Rhône  s'est  trouvée  au  moins  une 
fois  (janvier  et  février  1863)  à  1  mètre  16  centimètres 
seulement  au-dessous  de  la  surface  de  l'eau,  tandis 
que  dans  les  deux  autres  fleuves  la  profondeur  des 
passes  est  souvent  plus  forte.  En  considérant  le 
Rhône  seul  qui,  dans  ses  crues,  peut  rouler  jusqu'à 
12  000  mètres  cubes  d'eau,  on  remarque  bien  que  le 
premier  effet  de  l' accroissement  du  courant  fluvial  est 
de  creuser  la  barre,  mais  cette  amélioration  ne  dure 
que  le  temps  nécessaire  au  déplacement  des  sables  ;  le 
bourrelet  sous-marin  se  reforme  plus  au  large  de  Tem- 
bouchure,  sur  la  ligne  précise  où  l'équilibre  se  produit 
entre  la  pression  de  la  mer  et  celle  des  eaux  fluviales. 
M.  Elisée  Reclus  pense  que  s'il  existe  une  loi  dans  la 


(  M7  ) 

hauteur  relative  des  barres  fluviales,  il  faut  la  cher- 
cher, non  dans  l'importance  des  fleuves,  mais  plutôt 
dans  la  conformation  du  lit  de  la  mer  et  dans  la  direc- 
tion des  vents  et  des  courants  maritimes.  —  M.  Ernest 
Desjardins  répond  qu'il  n'existe  pas,  à  l'embouchure 
du  Rhône,  de  courant  maritime  :  ce  fait  lui  a  été  afSrmé 
par  M.  Reybert,  conducteur  des  Ponts-et- Chaussées, 
qui,  depuis  longtemps,  se  livre  à  l'élude  de  ces  ques- 
tions, et  dit  n'avoir  jamais  constaté  aucune  perturba- 
tion dans  la  disposition  des  couches  limoneuses  dépo- 
sées par  le  fleuve  ;  ses  conclusions  sont  le  résultat  de 
sondages  fréquemment  répétés  ;  la  seule  chose  qu'il 
ait  constatée,  c'est  l'augmentation,  à  l'embouchure  du 
bras  dit  Grau  principal,  des  atterrissements  déterminés 
par  les  apports  du  courant.  La  marche  de  ce  phéno- 
mène est  assez  rapide,  car  une  ancienne  carte  manu- 
scrite conservée  aux  archives  des  Bouches-du-Rhône  et 
qui  remonte  à  1740,  établit  qu'à  cette  époque  la  tour 
Saint-Louis,  située  aujourd'hui  à  7  kilomètres  dans 
l'intérieur  du  pays,  était,  il  y  a  120  ans,  au  bord  de  la 
mer.  —  La  constatation  de  l'absence  de  courants  mari- 
times à  l'embouchure  du  Rhône  serait  d'autant  plus  im- 
portante, ajoute  M.  Elisée  Reclus,  que  tous  les  auteurs, 
sans  exception,  afiirment  l'existence  de  ces  courants 
littoraux,  et  qu'on  a  même  essayé  de  mesure^  la  quan- 
tité des  sables  entraînés  constamment  dans  la  direction 
de  l'ouest:  cette  quantité  serait  de  200  000  mètres 
cubes  devant  le  port  de  Cette.  —  M.  Ernest  Desjardins, 
qui  se  propose  d'examiner,  dans  la  seconde  partie  de 
son  travail,  la  question  du  prétendu  courant  maritime, 
peut,  dès  à  présent,  annoncer  que  Topinion  des  hommes 
XI.  MAI.  6.  27 


(  4*8  ) 

spéciaux  s'est  sensiblement  modifiée  à  cet  égard,  et  qu'il 
fera  connaître  le  résultat  des  opérations  exécutées  Tan 
dernier  à  Cette  ;  résultat  qui  vient  confirmer  ceux  que 
M.  Reybert  a  obtenus  aux  Bouches-du-Bbône.  Répon- 
dant à  une  autre  objection  de  M.  Elisée  Reclus,  relative- 
ment à  l'élévation  progressive  des  barres  en  raison  du 
débit  des  eaux,  M.  Desjardins  n'a  point  exprimé,  dans 
son  mémoire,  l'opinion  qu'on  lui  attribue.  Il  a  dit  seule- 
ment que  la  somme  des  atterrissements  fluviaux,  et  non 
r  élévation  de  la  barre,  était  en  raison  du  débit  des 
eaux,  et  s'il  est  démontré  qu'il  n'y  a  point  de  courants 
maritimes  perturbateurs  ou  distributeurs  des  terres 
d'apport,  il  faut,  de  toute  nécessité,  que  cette  propor- 
tion entre  le  sol  d'alluvion  et  le  débit  des  eaux  soit 
juste  :  elle  l'est  d'une  manière  si  rigoureuse,  qu'elle 
peut  même  être  formulée  en  loi. 
La  séance  est  levée  à  dix  heures. 


Assemblée  générale  du  27  avril  1866. 

PRÉ8IDBIICB  DE  S.    EXC.  M.   LE    MABQDIS    DE    CHÂSSELODPHJkUBAT, 

Ministre  de  ta  Marine  et  des  Colonies. 


La  séance  est  ouverte  à  huit  heures.  —  Le  bureau 
est  occupé  par  S.  £xc.  M.  le  marquis  de  Chasseloup- 
Laubat,  président,  ayant  à  sa  droite  M.  d'Avezac, 
membre  de  l'Institut,  président  de  la  Commission  cen- 
trale; M.  le  vice-amiral  Paris,  membre  de  l'Institut; 
M.  Malte-Brun,  secrétaire  général  de  la  Commission 
centrale;  et  à  sa  gauche  M.  Michel  Chevalier,  membre 
de  l'Institut,  vice-président  de  la  Société  ^  M.  Jules 


Puval)  vice-président  de  la  Commission  centrale,  et 
M.BonrdioI,  secrétaire  de  la  Société. 

Le  président  ouvre  la  séance  par  une  allocution  dans 
laquelle  il  expose  les  importants  services  que  la  géo- 
graphie rend  aux  autres  sciences,  et  comment  les  voya- 
geurs, les  marins  et  les  missionnaires  contribuent  aux 
progrès  de  la  civilisation.  S,  Exe,  après  avoir  retracé 
le  grand  mouvement  géographique  qui  s'est  produit 
depuis  Homère  jusqu'à  nos  jours,  rend  hommage  à 
notre  siècle  qui,  mieux  que  ses  devanciers,  est  par- 
venu à  porter  la  lumière  sur  de  nombreux  points  du 
globe,  et  à  établir  des  rapports  moraux  ou  matériels 
entre  les  divers  peuples.  Ce  discours  est  accueilli  par 
d'unanimes  applaudissements. 

M,  d'Avezac,  président  de  la  Commission  centrale, 
donne,  suivant  l'usage,  lecture  de  la  liste  des  membres 
admis  dans  la  Société  depuis  la  dernière  assemblée 
générale;  le  nombre  des  admissions  est,  cette  fois, 
d'environ  soixante. 

Après  avoir  rappelé  que  la  Commission  centrale 
s'est  interdit  d'une  manière  générale  de  mettre  sous 
les  yeux  de  l'assemblée  les  donations  de  livres,  de 
cartes  et  d'instruments  qui  lui  sont  généreusement 
offerts,  et  dont  l'énumération  retarderait  trop  long- 
temps la  lecture  des  rapports  qui  font  l'objet  principal 
de  la  séance,  M.  d'Avezac  annonce  qu'une  exception  a 
dû  être  faite  pour  deux  ouvrages  envoyés  par  le  dépar- 
tement de  la  marine  et  des  colonies,  et  par  le  gouver- 
nement général  de  l'Algérie  ;  ouvrages  à  raison  des- 
quels les  remercîments  de  la  Société  sont  adressés 
aux  éminents  donateurs  :  d'une  part,  un  volume  de 


(420  ) 

Notices  et  avec  atlas  des  colonies  françaises;  d'autre 
part,  un  rapport  sur  les  Forages  artésiens  exécuté 
dans  la  Province  de  Constantine  de  1860  à  1864. 

M.  Bourdiol,  secrétaire  de  la  Société,  fait,  au  nom 
de  la  commission  du  prix  annuel,  le  rapport  sur  les 
découvertes  géographiques  accomplies  en  1863  ;  il 
examine  les  principaux  voyages,  et  s'attache  particu- 
lièrement aux  explorations  de  M.  William  Gifford 
Palgrave  dans  l'Arabie  intérieure,  et  à  celles  de 
M.  Théodore  de  Heuglin  dans  l'Afrique  orientale. 
Conformément  à  ses  conclusions,  la  Société  de  géo- 
graphie décerne  une  médaille  d'or  à  M.  Palgrave  et  une 
grande  médaille  d'argent  à  M.  de  Heuglin. 

Sur  un  rapport  de  M.  Maunoir,  secrétaire-adjoint  de 
la  Commission  centrale,  une  autre  médaille  d'or  est 
décernée  à  M.  Bardin,  ancien  professeur  à  l'École 
polytechnique  et  à  l'École  d'application  de  l'artillerie 
et  du  génie,  pour  ses  remarquables  reliefs  des  mon- 
tagnes françaises. 

Aucun  des  lauréats  n'est  présent  à  la  séance  :  M.  Pal- 
grave, retourné  en  Egypte,  et  M.  de  Heuglin,  en  ce 
moment  en  Prusse,  n'ont  pu  répondre  à  l'appel. 
M.  d'Avezac  donne  lecture  d'une  lettre  où  M.  Bardin, 
récemment  parti  de  Paris  afin  d'aller  reprendre  àHyères 
ses  travaux  sur  le  terrain,  exprime  la  vive  gratitude 
que  lui  cause  une  distinction  si  gracieusement  accordée. 

M.  le  capitaine  de  frégate  Gaultier  de  la  Richerie, 
ancien  commissaire  impérial  aux  îles  de  la  Société,  lit  un 
intéressant  mémoire  sur  l'état  actuel  des  îles  deXaïtiet 
sur  ses  populations  aux  mœurs  paisibles,  si.  aptes  et  si 
promptes  à  se  façonner  à  la  civilisation  européenne. 


(  421  ) 

M.  Emmannel  Liais,  astronome  à  l'Observatoire  im- 
périal de  Paris,  qui,  dans  une  mission  scieutifique  au 
Brésil,  a  parcouru  la  vallée  de  San-Francisco,  donne 
une  description  de  cette  partie  peu  connue  de  l'im- 
mense empire  brésilien,  et  en  fait  ressortir  les  richesses 
végétales  et  minérales. 

Enfin.  M.  Simonin,  ingénieur  des  mines,  a  la  parole 
sur  les  placers  de  la  Californie.  Dans  une  improvisa- 
tion spirituelle  et  animée ,  M.  Simonin  expose  les 
moyens  ingénieux  employés  par  les  mineurs  pour 
e^^traire  l'or  des  masses  rocheuses  qui  le  contiennent  ; 
il  fait  le  tableau  des  populations  agglomérées  en  Cali- 
fornie, et  il  rend  hommage  aux  hommes  industrieux 
qui,  d'abord  partis  à  la  recherche  de  l'or,  ont  succes- 
sivement défriché,  peuplé  et  civilisé  cette  contrée  de 
l'Amérique  occidentale.  Ce  récit,  vivement  applaudi, 
termine  la  séance,  à  laquelle  assistait  un  public  nom- 
breux, où  les  sciences,*la  politique,  les  arts  et  la  litté- 
rature étaient  dignement  représentés. 

L'assemblée  procède  ensuite  au  dépouillement  du 
scrutin  pour  la  nomination  du  bureau  pour  l'année 
1866-67  ;  sont  élus  : 

Président  :  S.  Exe.  le  marquis  de  Chasseloup-Lau- 
bat,  ministre  de  la  marine  et  des  colonies,  (réélu.) 

Vice-présidents:  M.  Michel  Chevalier,  sénateur, 
membre  de  l'Institut,  (réélu),  et  M.  Herbet,  conseiller 
d'État,  ministre  plénipotentiaire. 

Scrutateurs:  M.  Eugène  Cortambert  et  M.  Théodore 
Delamarre. 

Secrétaire  :  M.  William  Hûber. 

La  séance  est  levée  à  onze  heures. 


(  â22  ) 

IVoiiTellai  e*  faite  séographiqueii^ 


Expédition  scientifique  aux  bouches  de  VYénisséù  —  La 
Gazette  de  Moscou  annonce  que  le  gouverneur  général  de  ia 
Sibérie  vient  d'ordonner  une  expédition  scientifique  qui,  sous 
la  direction  de  M.  Lopatiue ,  ira  explorer  le  bas  Yénisséf. 
Bien  que  Testuaire  de  ce  fleuve  abonde  en  poissons,  la  naviga* 
tion  fluviale  ne  dépasse  guère  llie  de  Broikoff,  située  par  72* 
de  latitude  nord.  En  ce  point,  la  largeur  du  fleuve  est  cousi* 
dérable  et  son  courant  presque  insensible*  La  rive  droite  est 
composée  d'une  série  d'élévations  rocheuses  recouvertes  de 
terre,  et  qui  s'infléchissent  vers  le  nord-est,  à  l'endroit  où  le 
fleuve  oblique  vers  l'ouest  En  approchant  des  steppes,  les  ri- 
vages de  l'Yénisséi  s'abaissent  ;  k  son  embouchure  même,  s'a- 
vancent dans  la  mer  deux  pointes  rocheuses  noires,  formées 
probablement  de  la  houille  qui  abonde  dans  le  pays  de 
Touroukhansk.  Une  grande  quantité  de  bois  flotté,  retenu  par 
le  puissant  reflux  de  la  mer,  encombre,  dit-on,  l'embouchure 
de  l'Yénisséi.  Dans  les  montagnes  qui  traversent  la  steppe,  on 
rencontre  des  squelettes  d'animaux  antédiluviens,  qui  ont 
presque  tous  la  tête  tournée  vers  le  sud,  comme  si  la  mort  les 
avait  surpris  tandis  qu'ils  fuyaient  un  danger  venant  du  nord 
Le  commerce  de  l'ivoire  de  ces  animaux  fut  autrefois  très- 
actif,  mais  il  a  beaucoup  diminué,  paraît-il,  depuis  qu'on  em- 
ploie la  gutta-percha.  L'expédition  gagnerait  les  îles  en  bateau 
à  vapeur,  puis  continuerait  sa  route  sur  de  petites  embarca- 
tions, quitte  à  prendre  la  voie  de  terre  et  à  parcourir  le  pays 
avec  des  rennes,  si  de  trop  grands  obstacles  s'opposaient  au 
trajet  par  eau.  Des  photographes,  attachés  à  l'expédition,  rap- 
porteront sans  doute  une  curieuse  collection  de  vues  de  ces 
contrées  si  peu  connues. 


(  423  ) 

Le  No  marCs  Land.  —  Le  territoire  de  la  Cafrerie,  désigné 
sous  le  nom  de  No  man's  Land^  vient  d'être  proclamé  posses- 
sion de  la  couronne  d'Angleterre  et  annexé  à  la  colonie  de 
Natal. 

Le  No  man's  Land  territory  est  situé  entre  la  rivière  Umta- 
foona,  dans  la  Cafrerie  propre,  et  la  rivière  Umzunkalu,  qui 
avait,  jusqu'à  présent,  formé  la  frontière  sud  de  Natal  L'ori- 
gine de  ce  nom  de  No  man's  Land  (terre  qui  n'appartient  à 
personne,  ou  terre  sans  maître)  se  rattache  à  la  création  de 
celte  dernière  colonie,  qui,  effectivement,  s'est  trouvée,  pen- 
dant un  certain  temps,  n'appartenir  à  personne,  le  chef  indi- 
gène en  ayant  cédé  la  suzeraineté  aux  autorités  de  Natal  et  la 
sanction  de  la  reine  pour  cette  cession  s'étant  fait  attendre. 

Le  territoire  du  No  man's  Land  présente  une  superficie  de 
900  milles  carrés,  son  aspect  est  montagneux  et  ahnipte  comme 
celui  de  Natal.  Il  est  boisé,  abondamment  ponrvu  d'eau,  et 
peut  être  considéré,  en  somme,  comme  un  beau  et  fertile 
pays.  La  partie  basse  de  la  côte  est  parfaitement  propre  à  la 
culture  de  la  canne  à  sucre,  du  coton,  du  café  et  autres  pro- 
duit» tropicaux,  tandis  que,  dans  la  partie  haute^  le  terrain  est 
excellent  pour  l'agriculture  et  l'élève  des  bestiaux.  [Communi- 
qué par  le  Ministère  des  Affaires  étrangères  j  Direction  des 
consulats  et  affaires  commerciales.) 

SOCIÉTÉS  DE  GÉOGRAPHIE  ÉTRANGÈRES* 
SOClÉTâ  GÉ06BAPH1QDE  DB  8AIRT-PKTRR8BODBG* 

Mesure  d'un  arc  de  parallèle.  —  Dans  sa  séance  du  16  fé- 
vrier dernier,  la  Société  géographique  de  Saint-Pétersbourg  a 
reçu  divers  ouvrages  intéressants,  au  nombre  desquels  nous 
citerons  la  Description  de  la  Nouvelle-Zemble,  publiée  aux 
frais  de  M.  Sidorow,  et  une  carte  de  partie  de  la  contrée  de 
l'Amour,  de  TOssouri  et  des  côtes  de  la  mer  du  Japon.  L'au- 
teur de  ce  dernier  travail  est  M.  le  capitaine  forestier  Bon- 


(  42â  ) 

distcfaew,  qoi^  pendant  quatre  ajis,  a  exploré  les  contrées  dont 
il  donne  la  carte. 

La  section  de  Sibérie  se  propose  d'envoyer  une  expédition 
dans  la  contrée  de  la  province  de  Touroukhansk,  pour  des  in- 
vestigations géologiques,  botaniques,  zoologiqnes  et  topogra- 
phiques. Cette  expédition  doit  descendre  le  fleuve  Yénissi'i  jus- 
qu'à son  embouchure  dans  la  mer  Glaciale.  L'expédition  qui 
avait  exploré  le  cours  du  fleuve  Wittim,  pendant  Tété  passé, 
est  revenue  à  Irkoutsk  au  mois  de  décembre. 

Le  colonel  d'état-major  Forsch  a  donné  lectare  d'un  mé- 
moire sur  la  mesure  du  grand  arc  du  parallèle  européen 
sous  le  52*^  degré  de  latitude.  Voici  le  résumé  de  cette  lectare: 

La  question  fondamentale  de  la  haute  géodésie,  la  détermina- 
tion de  la  figure  et  des  dimensions  du  globe  terrestre  a  occupé 
les  géographes  depuis  des  siècles.  Les  savants  les  plus  éminents 
de  tous  les  pays  civilisés  ont  entrepris  dans  ce  sens  des  travaux 
pour  mesurer  la  longueur  du  degré  du  méridien  sous  diffé- 
rentes latitudes.  Malgré  l'étendue  et  la  supériorité  des  travaux 
qui  ont  été  exécutés,  les  géographes  regardent  la  question  de 
la  conGguration  de  la  terre  comme  non  encore  définitivement 
résolue.  En  comparant  les  différents  mesurages  de  degrés  avec 
la  figure  moyenne  qui  en  est  déduite,  on  remarque  des  anonui- 
lies  partielles  si  considérables,  qu'il  n'est  pas  possible  de  les  at- 
tribuer uniquement  aux  erreurs  inévitables  des  investigations, 
mais  il  faut  admettre  que  la  vraie  figure  de  la  terre  diffère  en 
effet  de  la  figure  moyenne.  Ces  anomalies,  qui  en  grande  partie 
ont  un  caractère  tout  à  fait  local,  portent  le  nom  de  déviations 
locales  du  fil  à  plomb,  et  dépendent  sans  doute  de  la  strnctnre 
intérieure  de  la  terre.  Pour  diminuer  leur  influence  sur  la 
moyenne  obtenue  par  les  différents  mesurages,  il  faut  multi- 
plier autant  que  possible  le  nombre  des  observations.  Chaque 
nouveau  mesurage  doit  par  conséquent  vivement  intéresser  les 
géographes  comme  une  acquisition  considérable  pour  leurs  in- 
vestigations futures.  Indépendamment  des  déviations  locales 


(  425  ) 

du  fil  à  plomb,  les  anomalies  susmentionnées  peuvent  provenir 
d'autres  causes  encore. 

Le  mesurage  d'un  arc  du  parallèle  est  le  meilleur  moyen  de 
s'assurer  de  l'exactitude  de  la  supposition  qui  admet  la  terre 
comme  étant  un  ellipsoïde  de  révolution.  Le  perfectionnement 
actuel  des  instruments,  des  moyens  d'observation,  et  l'usage  des 
télégraphes,  donnent  la  possibilité  de  déterminer  la  loi^itude 
tout  aussi  exactement  que  la  latitude.  La  quantité  considérable 
des  triangulations  existantes,  qui  couvrent  l'Europe  comme 
d'un  immense  réseau,  ont  suggéré  au  célèbre  astronome  Struve 
l'idée  d'en  profiter  pour  un  mesurage  du  grand  arc  du  paraN 
lèle  européen.  Pour  la  réalisation  de  ce  projet,  M.  de  Struve 
avait  eu  vue,  dans  le  commencement,  le  parallèle  qui  se  trouve 
sous  le  UV  de  latitude,  sur  lequel  avaient  été  exécutés,  en 
18/i9,  des  travaux  de  triangulation  de  premier  ordre  sous  la 
direction  du  général  Yrontschenko.  Gomme  les  travaux  géodé- 
siques  au  sud  de  l'Allemagne,  sur  ce  parallèle,  ne  présentaient 
pas  l'exactitude  nécessaire,  on  a  dû  préférer  pour  le  mesurage 
projeté  le  parallèle  sous  le  52°  de  latitude,  qui  s'étend  entre 
l'île  Yalencia,  à  l'est  de  l'Irlande,  et  la  ville  d'Orsk,  sur  le  fleuve 
Oural.  Ce  choix  a  nécessité  de  nouvelles  triangulations  très- 
étendues  en  Russie,  qui  ont  été  achevées  pour  la  plus  grande 
partie  par  les  officiers  de  Tétat-major  russe  durant  les  années 
1861,  62  et  63. 

Les  travaux  astronomiques,  qui  consistaient  dans  la  déter- 
mination de  la  longitude  et  la  latitude  de  16  différents  points 
sous  ce  parallèle,  ont  été  exécutés  par  deux  officiers  de  l'état- 
major  conjointement  avec  les  astronomes  étrangers.  Ces  tra- 
vaux, commencés  à  l'étranger  en  1864,  ont  été  poursuivis  en 
1865  et  achevés  sur  le  parcours  de  la  ligne  jusqu'à  Saratow. 

L'année  prochaine,  on  les  continuera  depuis  Saratow  jusqu'à 
Orsk.  Pour  compléter  les  travaux  de  la  mesure  du  grand  arc 
du  parallèle,  il  restera  encore  à  rectifier  une  partie  de  l'an- 
cienne triangulation  du  gouvernement  d'Orlow. 

(Journal  de  Saint-Pétersbourg.) 


(  426  ) 

SOCIÉTÉ   ROYALE  GÉ06BAPHIQDE   DE    LONDRES. 

La  mûri  du  baron  von  der  Decken.  —  Dans  U  séance  da 
12  mars,  le  colonel  Playfair,  consul  des  îles  Britanniques  à 
Zanzibar,  a  donné,  sur  la  mort  du  baron  von  der  Decken,  des 
détails  que  nous  allons  résumer  ;  ils  compléteront  les  déposi- 
tions que  M.  le  docteur  Kersten  avait  bien  voulu  nous  adresser 
et  qui  ont  paru  dans  le  numéro  d'avril  du  Bulletin.  Quelques 
temps  avant  la  catastrophe,  M.  Piaylair  avait  reçu  du  baron 
lui-même  une  lettre  assez  triste  et  qui  se  terminait  par  cette 
phrase  :  «  Adieu,  je  ne  vous  dis  pas  au  revoir ^  car  je  crains 
qu'il  n*y  ait  guèi^  de  chances  pour  cela.  »  La  plus  petite  des 
deux  embarcations  s'était  perdne  à  la  barre  du  Juba,  et  l'autre, 
le  Welf,  donna,  le  26  septembre,  contre  des  rochers  aux  en* 
virons  de  Berdcra,  à  563  kilomètres  de  l'embouchure  dn 
fleuve.  Le  28,  M.  von  der  Decken,  le  docteur  Link,  un  chef 
brava,  nommé  Abdio,  et  six  indigènes,  se  rendirent  à  Berdera 
dans  le  but  de  se  procurer  des  provisions  et  de  recueillir  des 
données  sur  la  route  à  suivre  après  avoir  abandonné  le  steaiuer 
désormais  hors  de  service.  Le  l""^  octobre»  les  indigènes  atta- 
quèrent le  camp  des  voyageurs^  affaibli  par  l'absence  du  baron 
et  de  ceux  qui  l'accompagnaient.  M.  Trenn,  peintre  de  l'expé- 
dition,  et  M.  Kanter,  ingénieur,  furent  tués.  Le  chevalier  de 
Schickh,  quatre  Européens  et  huit  nègres  réussirent  à  se  dé- 
gager en  faisant  subir  à  l'assaillant  des  pertes  sérieuses.  Jugeant 
la  position  critique  et  ne  recevant  aucune  nouvelle  de  leurs 
compagnons  partis  pour  Berdera,  ils  redescendirent  en  bateau 
le  cours  du  Juba,  suivirent  quelque  temps  à  pied  le  littoral  et 
rencontrèrent  une  embarcation  indigène  qui  les  reconduisit  à 
Zanzibar. 

Cependant  M.  von  der  Decken,  informé  de  l'attaque  proje- 
tée contre  son  camp,  résolut  d'y  retourner  au  plus  vite  ;  son 
bateau  avait  été  enlevé,  Abdio  refusa  de  servir  de  guide  aux 
voyageurs,  qui  ne  purent  trouver  personne  pour  les  conduire; 


(  4S9  ) 
le  baron ,  le  docteur  link  et  les;  tiègres  de  Zantibar  ge  mirait 
cependant  en  route,  hissant  derrière  ent  Abdio  avec  les  prori'^ 
gîon«.  Ayant  perdu  leur  route,  ib  décidèrent  ^ue  le  docteur 
Link  et  un  jeune  nègre  tâcheraient  de  regagner  le  camp,  tandis 
que  le  baron  et  trois  hommes  retourneraient  â  9erdera.  Le 
2  octobre,  sous  le  prétexte  de  traiter  au  sujet  des  provisions 
qu'il  avait  demandées,  on  Télolgna  de  ses  armes,  qui  restèrent 
aux  mains  de  ses  suivants;  ceut-ci,  appelés  par  Abdio,  les 
ayant  abandonnées,  elles  furent  immédiatement  enlevées. 

Le  baron  les  réclama  vainement.  Abdio  vint  lui  annoncer 
que  le  bateau  perdu  était  retrouvé,  et  Tinvita  à  envoyer  ses 
homn^es  pour  en  reprendre  possession;  ceux-ci,  une  fois 
hors  de  vue,  fuirent  saisis  et  emprisonnés  dans  une  mosquée; 
en  même  temps,  des  habitants  de  Berdera  rapportèrent  les 
fusils  et  les  jetèrent  aux  pieds  de  M.  von  der  Decken  qui,  en  ce 
moment,  était  ass»  sur  un  lit  indigène  ;  s*étant  baissé  pour  ra- 

• 

masser  les  armes,  H  fut  assailli  par  plusieurs  Somfilis,  qui  lu' 
lièrent  les  bras.  Vainement  leur  offrit-il  la  rançon  qu'il  leur 
plairait  de  demander;  conduit  vers  la  rivière,  il  y  fut  assassiné. 
Quatre  nègres  de  Zanzibar,  qui  le  virent  emmener,  n'osèrem 
pas  intervenir  ;  ils  reconnurent  plus  tard  ses  effets  couverts  de 
sang.  Le  corps  du  malheureux  voyageur  fut  jeté  dans  le  Juba. 

Le  docteur  Link,  après  s'être  séparé  du  baron,  fut  attaqué 
par  une  troupe  de  Somâiis,  et  réussit  tout  d'abord  à  se  sauver, 
soit  en  courant,  soit  en  nageant.  Lui  et  le  jeune  garçon  qui  l'aC 
compagnait  atteignirent  enfin  le  steamer;  mais  qu'on  juge  dn 
désappointement  qu'ils  durent  éprouver  en  n'y  trouvant  aucun 
des  leurs!  Le  docteur  Link  revint  alors  à  Berdera,  où  il  éprouva 
le  même  sort  que  M.  von  der  Decken. 

Les  indigènes  qui  faisaient  partie  de  l'expédition  furent  suc- 
cessivement remis  en  liberté.  Les  Somâiis  et  Abdio  se  parta- 
gèrent les  bagages. 

Selon  le  colonel  Playfair,  les  indigènes  de  la  suite  des  voya- 
geurs ne  peuvent  être  accusés  de  trahison  ;  ils  ont  seulement 


(  428  ) 

abandonné  lenr  maître  à  la  première  «Carence  da  danger,  et 
l'on  pouvait  s*y  attendre  ;  lem*  secours  eût  été,  du  reste,  de  peu 
d'utilité  contre  toute  une  population.  Quant  aux  motifs  qui  ont 
poussé  les  SomâUs  à  commettre  ce  crime,  ils  sont  de  diverse 
nature,  et  le  désir  de  piller  le  bateau  à  vapeur  y  entre  sans 
doute  pour  quelque  cbose  ;  d'autre  part,  les  indigènes  ne  s'ex- 
pliquant  pas  la  présence  des  blancs  dans  le  pays,  avaient  conçu 
des  inquiétudes  et  des  soupçons  ;  enfin  le  désir  des  Somâlis  de 
venger  ceux  des  leurs  qui  avaient  été  tués  par  les  voyageurs  res- 
tés au  camp,  près  du  steamer  abandonné,  a  nécessairement  dû 
aggraver  la  situation. 

Quant  à  châtier  les  coupables,  a  ajouté  le  colonel  Playfair^ 
il  n'y  faut  guère  songer.  Le  sultan  de  Zanzibar  est  entièrement 
irresponsable  des  événements;  il  avait  prévenu  le  baron  von  der 
Oecken  des  dangers  auxquels  il  s'exposait  Son  influence  ne 
s'étend  pas  au  delà  du  littoral.  Une  expédition  destinée  à  pu- 
nir les  Somâlis  n'aurait  aucune  chance  de  succès;  les  indigènes 
se  retireraient  dans  l'intérieur  du  pays  jusqu'à  ce  que  le  danger 
fût  passé ,  et  Berdera  est  une  collection  de  huttes  dont  la 
destruction  causerait  un  mince  préjudice  à  leurs  propriétaires. 

A  la  fin  de  cette  séance,  le  président,  sir  Roderick  Murchi- 
son,  a  fait  observer  que  parmi  les  personnes  présentes  à  la 
réunion  se  trouvait  M.  Angelo,  qui,  en  1836,  avait  remonté 
le  Juba  jusqu'à  Berdera;  Al.  Angelo  a  donné  alors  des  détails 
sur  le  cours  du  fleuve.  Lors  de  son  voyage,  Berdera  était  habité 
par  des  esclaves  fugitifs  et  des  SomâUs  de  classe  inférieure  ;  i^ 
n'a  eu  qu'à  se  louer  de  la  manière  dont  il  a  été  reçu  par  les 
indigènes. 


(  hi9  ) 
OUVRAGES  OFFERTS  A  LA  SOCIÉTÉ 

SÉANCES    d'avril  ET  MAI  1866. 


EUROPE. 

Portogaliae  monvmenta  historica  a  saecYlo  octavo  post  ChrisUm  Tsqve 
ad  qvÎDtvmdecimvm  ivssY  Àcademiae  scienUarivm  olisiponensis 
édita.  Loges  et  consTetvdines,  volumen  I,  fasciculva  IV.  Olisipone, 

1864.  1  Tol.  grand  in-r.  AcADéiUB  de  Lisbdhve* 

Conp  d'œil  sur  quelques  points  de  Thistoire  générale  des  peuples 
slaves  et  de  leurs  voisins  les  Turcs  et  les  Finnois,  par  M.  Auguste 
Yiquesnel.  Lyon,  1865.  1  br.  in-8**.  M.  Auguste  Viqueshel. 

ASIE. 
Voyage  en  Chine  et  en  Mongolie  de  M.  de  Bonrbonlon  et  de  M">«  de 
Rourbonlon,  1860-1861,  par  M.  Achille  Poassielgne.  Paris,  1866. 
1  vol.  in-18.  M.  Achille  Poussiblgue. 

Lendas  da  India  por  Gaspar  Correa  pnblicadas  ^e  ordem  da  classe  de 
sciencias  moraes,  politicas  e  bellas  lotiras  da  Academia  real  das 
sciendas  de  Lisboa  e  sob  a  direcçâo  de  Rodrigo  José  de  Lima  Peiner, 
tomo  IV,  parte  I.  Lisboa,  1864.  1  vol.  in-i^. 

Académie  de  LisBONirE. 
Recherches  ethnographiques  sur  les  Aïnos  on  habitants  des  Kouriles, 
par  M.  de  Charencey,  Versailles,  1866.  1  feuille  in-8<». 

M.  DE  Cbarencbt. 
AFRIQUE. 
Rapport  h  M.  le  maréchal  gouverneur  général  de  TAlgérie  sur  les 
forages  artésiens  exécutés  dans  la  division  de  Gonstantine,  de  1860 
à  1864.  1  voL  grand  in-f*,  avec  planches. 

Le  GouvERNEHBirr  général  de  l'Algérie. 

La  régence  de  Tunis  au  dix-neuvième  siècle,  par  A.  de  Flanx.  Paris. 

1865.  1  vol.  in- S''.  M.  Challamel. 
Le  Sénégal,  étude  intime,  par  le  D^  F.  Ricard.  Paris,  1865.  1  vol, 

in-18.  M.  Gballamel. 


(  430  ) 

AMÉRIQUE. 

Amëriqne  éqvaiorûile,  sm  bistoire  pittoresque  et  poli tiqve,  sa  géo- 
graphie et  ses  richesses  naturelles,  sod  état  présent  et  son  avenir, 
par  don  Enriqve,  viooniie  Onffroy  de  Tboron,  ingénieur,  accom- 
pagné d^une  carte.  Paris,  1S66.  i  toI.  in-8<^. 

Don  Enrique,  vicomte  Onffrov  de  Thobon. 

Explorations  scientifiques  au  Brésil.  Hydrographie  du  haut  San-Fran- 
cisco  et  du  Rio  das  Velhas,  ou  résultats  au  point  de  vue  hydro- 
graphique d*un  voyage  effectué  dans  la  province  de  Minas-Geraes, 
par  Emm.  Liais.  Paris,  1865.  1  vol.  grand  in-f .      M.  Emh.  Luis, 

La  guerre  d* Amérique,  ré'sumé  des  opérations  militaires  et  maritimes, 
par  Arthur  Kratz,  accompagné  de  3  cartes.  Paris,  1866. 1  br.in-8°. 

M.  ÀRtBus  Bbbtkand. 

Crîmen  y  expfacion.  CrAnica  de  la  villa  impérial  de  Potosi,  por  Vi- 
centeO.  Quesada.  Buenos- Aires,  1865.  1  br.  in-8\ 

M.   ViCENTE  QOESADA. 

Report  of  the  secretary  of  war.  1863-1865*  fi  br.  iB-8*. 

OGÉAKIE. 
Joamal  d*an  baleinier.  Voyages  en  Océanie,  par  le  IF  Tfaferedin. 
Pariip  1866.  2  vol.  10-3**.  U.Lgjy  TnsBCBuir. 


MÉMOIRES  DES  ACADÉMIES  ET  SOCIÉTÉS  SAVANTES, 

RECUEILS  PÉRIODIQUES. 

Âfmales  des  voyages*  Février,  mars  et  avril. 

Février,  —  Découverte  du  second  grand  lac  du  Nil,  appelé  Albert- 
N'yanza,  par  Samuel  WUhe  Baker,  esq.  Communication  de  ce 
voyageur  à  la  séance  du  13  novembre  1865  de  la  Société  royale  géo- 
graphique de  Lopdres,  avec  carte  par  M.  Malte-Brun»  —  Esquisse 
physique  des  lies  Spitzbergen  et  du  Pôle  arctique  (2®  art.},  par 
Charles  Grad.  —  Description  de  Gaza,  par  M.  F.  Guérin,  ^  Le 
bassin  du  fleuve  Blanc  Aperçu  géographique,  hydrographique  et 
ethnologique  des  contrées  baignées  par  ce  fleuve  depuis  les  régions 
équatorialej  jusqu*à  son  confluent  avec  le  6ahr-el-Azreq  ou  fleuve 
Bleu,  d'après  les  observations  personnelles  des  voyageurs  modernes 
et  les  renseignements  fournis  par  les  Indigènes,  par  M.  Tabbé  Dt- 
nom*  —-'Voyage  de  M.  William  Gifford  Palgrave  dans  i*Asie  ceo- 


/ 


(481) 

traie  et  orientale^  4862  et  4863* . .  Narrative  of  a  year*^  joamçy 
through  central  and  eastern  Ârabia.  Par  M.  Henri  Duveyrier, 

Mar$,  —  L'hydrographie  da  Sahara  occidental.  Réponse  à  une 
lettre  de  M,  Gerhard  RoblfiB  au  D^  Henri  Bartb,  par  Henri  Duvey- 
rkr*  —  Esqaisse  physique  des  iles  Spitzbergen  et  du  pôle  arciique 
(3*  art.),  par  Charles  Grad,  —  Le  bassin  du  fleuve  Blanc.  Aperçu 
gé<>graphiquey  hydrographique  et  ethnologique  des  contrées  baignées 
paj  ee  fleuve,  depuis  les  régions  équatoriales  jusqu'à  son  confluent 
avec  le  Babr-el-Azreq  ou  fleuve  Bleu,  d'après  les  observations  per- 
fonnelles  des  voyageurs  modernes  et  les  renseignements  fournis 
pur  les  indigènes  (suite  et  fin),  par  M*  Tabbé  Dinomé,  —  Extrait 
d'un  voyage  dans  le  nord  de  rtle  de  Louçon.  Mœurs  et  coutumes 
des  iTgorrotes,  par  le  D^  Cari  Semper*  —  Coup  d'œil  sur  quelques 
points  de  l'histoire  générale  des  peuples  slaves,  par  Auguste  Yi- 
quesoel,  par  Prosper  BcUlly.  —  Carte  de  l'Europe  orientale,  com- 
prenant la  Norvège,  la  Suède»  la  Russie,  le  Caucase  et  la  Turquie, 
par  A.  Petermann,  par  F.  À,  Malte-Brun»  —  Mémoires  du  Peuple 
français,  par  Augustin  Cballamel,  par  G*  Privas*  —  Mémoire  sur 
TAnaouDaria,  par  le  contre-amiral  BovUaJcaw*  — Mort  de  M.  le 
baron  de  Decken^  voyageur  en  Afrique*  —  Projet  d'un  canal  mari- 
time à  travers  l'isthme  de  Panama,  par  MM.  jMcien  de  Puydt  et 
Mougel'Bey.  —  Nouvelles  de  Texpédition  Wilson,  pour  l'explora- 
tion de  la  Palestine* 

Avril,  —  Les  Estuaires  et  les  Deltas,  Etude  de  géographie  phy- 
sique, par  M.  Elisée  Reclus,  > —  Second  voyage  de  Paul  du  Ghaillu 
dans  TAfrique  éqoatoriale.  Communication  de  ce  voyageur  à  la 
séance  du  8  janvier  1866  de  la  Société  royale  géographique  de 
Londres.  —  Esquisse  physique  des  tles  Spitzbergen  et  du  pôle  arc 
tique  (4^  art.),  par  Charles  Grad.  —  Annuaire  de  la  Gochinchine 
française  pour  l'année  4866,  par  M.  V.  A,  Malle-Brun,  —  Les 
gloires  maritimes  de  la  France.  Notices  biographiques  sur  les  plus 
célèbres  marins,  découvreurs,  astronomes,  ingénieurs,  hydrogra- 
phes, médecins,  administrateurs,  etc.»  par  MM.  P.  Levot  et  A.  Do- 
neand,  par  M.  K  A,  Malte-Brun.  > —  Exploration  de  TAipena,  un 
des  affluents  du  Huallaga,  par  M.  Gregorio  Perez^  de  la  marine  pé- 
ruvienne. —  Position  arrêtée  du  groupe  Michel  sur  les  cartes,  — 
Un  dernier  mot  snr  la  mort  de  Jules  Gérard. 


(  m  ) 

BulUUns  de  la  Société  d'anthropologie.  T.  V,  n'*  5  ;  t.  Vf,  n»'  1  et  2, 

N^  5.  Bonté.  Sur  la  cheyelare.  —  Boucher  de  Perthes,  Nouvelles 
découvertes  d*08  humains  dans  lediluvium,  1863-64.  — MeiUet. 
Sur  les  gisements  de  silex  taillés  de  Pressigny-le-6rand.  —  Pruner- 
Bey,  Sur  le  crAue  de  Neanderthal.  —  Simonot,  L*accllaiatemeDt  et 
Facclimatation.  —  Broca,  Carte  de  la  répartition  de  la  langue 
basque  en  France.  —  Boudin.  Sur  le  pk*étendu  acclimatement,  du 
nègre  blanc  et  du  nègre  aux  Antilles.  —  Defert,  Rapport  sur  la  Re- 
vue anthropologique  de  Londres.  —  Bis,  Sur  la  population  rhé- 
tique.  —  fiofidin.  Sur  racclimatement  des  Espagnols  aux  Antilles. 
—  Pruner-Bey,  Études  sur  le  bassin  considéré  dans  les  diflérentes 
races  humaines.  —  Garrigou*  Sur  les  cràues  de  la  caverne  de 
Lombrives.  —  Broca.  Nouveau  goniomètre.  —  Martin  de  Moussy 
Reproduction  naturelle  de  la  race  caucasique  dans  l'Amérique  du 
Sud. 

T.  VI,  n*'  !•  Schaafhausen.  Sur  les  rapports  entre  les  singes  an- 
thropomorphes et  rhomme.  —  Pruner-Bey,  GrAnes  des  cavernes  de 
Larzac  —  Bonté.  Sur  la  classification  des  races  ariennes.  —  AUx. 
Sur  la  manière  dont  on  doit  mesurer  les  diamètres  du  bassin.  — 
Schac^ausen.  Description  du  crAne  d'un  ancien  Germain.  — 
Girard  de  Rialle,  De  racclimatement  de  la  race  blanche  dans  rinde 
orientale.  —  Sur  racclimatement.  Discussion. 

N°  2.  Bonté.  Examen  du  travail  de  M.  Gaussin  sur  la  crAnio- 
métrie.  —  Alix,  Réj(K)nse  aux  attaques  dirigées  contre  M.  Gratiolet, 
par  M.  Vogt.  —  Du  même.  Rapport  sur  un  Mémoire  de  11.  Wagner 
intitulé  :  Mensuration  de  la  surface  du  cerveau.  —  lyOmalius 
d*Halloy.  Sur  la  prétendue  origine  asiatique  des  Européens.  — 
Nicolucci.  Deux  crAnes  anciens  du  type  ligure.  -—  Sasse,  Sur  les 
crAnes  hollandais.  —  Bonté.  Sur  la  stabilité  des  races  croisées.  *- 
Martin  de  Mous^.  Sur  la  reproduction  des  métis  et  Tatavisme. 
Mémoires  de  la  Société  d'anthropologie.  T.  II,  3^  fascicule,  in*8*. 

Pruner-Bey.  Sur  les  origines  hongroises.  —  C.  M.  Boudin,  Sur 
Taccroissement  de  la  taille  en  France.  —  N,  Périer.  Essai  sur  les 
croisements  ethniques. 


Paris  —  Imprimerie  de  E.  Ma&tinbt,  rue  Mignon,  2. 


BULLETIN 

DE  LA 

SOCIÉTÉ  DE  GÉOGRAPHIE 

JUIN  iSM. 
RECONNAISSANCE 

DE  LA  MONTAGNE  DES  ANSARIÉS 

PAR  E.  G.  REY. 


Messieurs, 

Aq  mois  d'août  ISôA,  S.  £xc.  M.  le  ministre  de 
l'instruction  publique  me  fit  Thonneur  de  me  charger 
d'une  mission  scientifique  dans  le  nord  de  la  Syrie  où, 
pour  la  troisième  fois,  j'allais  reprendre  mes  explora- 
tions des  parties  les  moins  connues  de  ce  pays  si  riche 
en  grands  souvenirs. 

Je  viens  aujourd'hui,  messieurs,  vous  entretenir 
des  résultats  de  mes  travaux  durant  les  années  186Â 
et  1865. 

Le  but  principal  de  la  mission  qui  m'était  confiée 

devait  être,  outre  Tétude  des  monuments  militaires 

du  moyen  âge,  la  reconnaissance  topographique  de  la 

montagne  des  Ansariés,  connue  de»  anciens  sous  le 

XI.  JUiN<  i.  28 


{ma) 

nom  des  monts  Bargylus,  et  â*une  partie  des  r^ons 
situées  sur  la  rive  droite  dé  TOronte. 

Burckhardt,  au  printemps  de  Tannée  1810^  traversa 
l'extFépité  sud  de  ces  moqtagqes,  en  se  rendant  de 
Massiad  à  Tripoli,  et  nous  laissa  sur  son  exploration 
des  rapports  qui,  les  premiers,  ont  apporté  quelque 
lumière  sur  la  topographie  de  ce  pays  ;  mais  depuis  la 
fin  tragique  du  colonel  Boutin,  qui  en  1812  vint 
anéantir  les  résultats  des  recherches  de  cet  officier, 
peu  de  voyageurs  s'étaient  aventurés  dans  les  vallées 
mystérieuses  que  désignait  aux  savants,  comme  but  de 
leurs  études  dans  le  nord  de  la  Syrie,  Téminent  géo- 
graphe Karl  Ritter. 

De  18A8  à  1852,  les  missionnaires  américains,  Eli 
Smith  et  Thompson,  puis  le  chapelain  Lyde,  parcou- 
nirent  ces  montagnes,  où  ils  tentèrent  de  fonder  une 
mission  et  des  écoles  protestantes  ;  mais  leurs  efforts 
furent  sans  résultat.  Eli  Smith  seul  recueillit  une 
série  de  notes  géographiques  des  plus  intéressantes 
«(  les  communiqua  au  savant  Karl  Kitter;  la  moit 
prématurée  de  Smith  nous  fit  perdre  tout  le  fruit  des 
relations  qu'il  avait  laissées  et  qui  paraissent  à  jamais 
perdues  pour  la  science.  Quelques  itinéraires  du  révé- 
rend M.  Thompson,  publiés  dans  la  Bibliotheca  sacra, 
nous  ont  fourni  les  premiers  renseignements  sérieux 
sur  les  districts  de  Safita  et  de  el-Hosn. 

Vers  la  même  époque,  ces  régions  furent  encore 
visitées  par  le  lieutenant  Walpoole,  qui  poursuivait 
le  même  but  que  ses  trois  derniers  prédécesseurs; 
malheureusement,  pas  plus  des  notes  qu'il  a  pu- 
bliées que  de  celles  du  chapelain  Lyde,  il  n'est  pos- 


(  456  ) 

sibl^  de  tirer  la  moindre  notion  eT^acte  de  la  Gopfi- 
guration  dn  pays.  Ces  deux  voyageurs,  tout  préoc- 
cupés d'un  but  spécial^  n'ont  nullement  pris  soin 
dan^  leurs  recherches  de  la  partie  géographique 
qui  pouvait  intéresser  la  science.  Le  ipeilleur  docu- 
ment, et  le  seul  d'ailleurs  auquel  j'aie  pu  recourir  avec 
fruit,  ne  comprend  que  le  littoral  :  c'est  la  carte 
hydrographique  levée  en  1862  par  le  capitaine  Uansell 
de  la  marine  anglaise  ;  encore  n'y  ai-je  rencontré  que 
des  déterminations  de  certains  points  destinés  à  la 
reconnaissance  des  atterrages  et  situés  par  conséquent 
très-près  de  la  côte.  Quant  à  la  topographie  qui  relie 
ces  points,  elle  est  plus  que  légèrement  traitée,  et  ne 
m'a  été  d'aucun  profit  .pour  l'étude  que  j'ai  Thonneur 
de  vous  soumettre  aujourd'hui. 

Au  moment  où  j'arrivai  en  Syrie»  à  la  fin  du  mois 
d'août  186 A,  M.  ie  duc  de  Luynes  venait  de  terminer 
son  exploration  du  bassin  de  la  mer  Morte,  et  je  trou- 
vai  à  Beyrouth  M,  Vignes,  lieutenant  de  vaisseau  de 
la  marine  impériale  que  S.  £xc.  M.  le  ministre  de  la 
marine  avait  attaché  èi  la  mission  du  savant  académi- 
d(^n*  Cet  ofiicier  se  disposait,  ppi^r  compléter  sa  ricb« 
moisson  scientifique,  ê^  aller  rectifier  la  détermination 
astronomique  de  Palmyre  et  d'une  série  de  points 
dans  la  vallée  d^  TOroote. 

Nous  résolûmes  (le  reliçr  nos  travaux  géographiques 
et  mesurâmes  ^n^^mbl^,  avant  de  nous  séparer,  près 
de  Tripoli,  i^n  triangle  cou)pris  entre  le  petit  château 
arabe  de  el-Kleïat,  le  Kalaat-el-Hosu  et  la  tour  dé 
S^fita  )  CCI  triangle  d<^vant  à  la  fois  servir  de  point  de 
d6p9ffi  et  4e  t^ficpi^à^^ni  4  nQ9  levés. 


(  Zi86  ) 

Nous  quittions  Tripoli  le  15  septembre  18Ô4  et  tra- 
versions à  peu  d'heures  d'intervalle  deux  rivières,  le 
Nahar-el-Bared,  au  point  où  fut  Orthosia,  puis  le 
Nahar-el-Kébir,  sur  les  bords  duquel  nous  avons  campé 
près  du  Santon  nommé  Sclieik-Aîasch. 

Les  terrains  qui  avoisinent  le  Nahar-el-Bared  sont 
encore  désignés  de  nos  jours  sous  le  nom  de  Ard- 
Artouzy,  et  les  nombreuses  ruines  que  Ton  y  rencontre 
autorisent  Tidentification  de  ce  lieu  avec  TArtésie  du 
comté  de  Tripoli,  mentionnée  dans  les  chartes  latines 
du  moyen  âge.  Le  second  fleuve,  le  Nahar-el-Kébir 
{Eleutherus  des  anciens),  est  aujourd'hui  l'une  des 
principales  rivières  de  la  Syrie  et  sépare  le  district 
d'Akkar  de  celui  de  Safîta.  Les  deux  rivières  coulent 
dans  une  vaste  plaine  qui  s'étend  au  nord  jusqu'à 
risar,  ou  plaine  de  Tortose,  avec  laquelle  elle  vient 
se  confondre. 

Je  suivis,  le  16  septembre  au  matin,  la  même  route 
que  mes  compagnons,  jusqu'au  village  de  Bordj- 
Maksour.  A  cette  hauteur,  nous  nous  séparâmes  en 
nous  donnant  rendez-vous  à  Ilamah  vers  le  20  octobre. 
M.  Vignes  et  un  aspirant  de  marine  qui  l'accompagnait 
se  dirigèrent  vers  Homs,  par  Kalaat-el-Hosn,  et  j'ap- 
puyai au  nord-est. 

A  l'est  et  au  nord- est  de  la  plaine,  traversée  par 
le  Nahar-el-Bared  et  le  Nahar-el-Kébir,  le  terrain 
s'élève  graduellement  en  collines  arrondies  ?  ce  sont 
les  premiers  contre-forts  des  montagnes  des  Ansariés. 
Une  partie  de  cette  plaine  et  les  premières  pentes  qui 
se  voient  à  l' est-quart-nord,  forment  le  district  de 
Châra.  A  l'ouest^  entre  la  plaine  et  la  mer,  sur  les 


(  tô7  ) 

premiers  gradins  des  montagnes,  vers  Safita,  s'élève 
le  village  de  Tléaï. 

Les  pentes  douces  qu'il  couronne  sont  des  terrains 
calcaires  émaillés  çà  et  là  de  beaux  bouquets  de  chênes 
verts,  entourant  des  tombeaux  ansariés  aux  coupoles 
d'une  blancheur  éclatante. 

Je  traversai  la  plaine  en  remontant  le  cours  du 
Nafaar-el-Khalifeb,qui,  grossi  du  Nahar-Rouz  descendu 
des  montagnes  du  Gbâra,  constitue  de  la  sorte  le  prin- 
cipal affluent  du  Nahar^el-Kébir  dans  cette  partie  de 
son  cours.  Ce  ruisseau  forme  la  limite  nord  du  canton 
de  Ghâra  et  partage  la  plaine  en  deux  parties,  connues 
sous  le  nom  de  Sahel-el-Bordj  et  Sahel-el-Kérab. 

Les  districts  montueux  de  Safita  que  j'avais  devant 
moi»  et  celui  de  el-Hosn  s'éteudant  à  l'est,  forment,  à 
proprement  parler,  l'extrémité  sud  de  ces  montagnes 
qui  se  prolongent  vers  le  nord  jusqu'à  Antioche,  où 
elles  sont  limitées  ainsi  qu'à  l'est  par  la  vallée  de 
l'Oronte.  C'est  par  l'étude  de  ce  dernier  district  que 
je  commencerai  • 

Le  Hosn  forme  une  région  très-étendue,  générale- 
ment montueuse  et  ne  renfermant  qu'une  petite  plaine 
nommée  Boukheiael-Hosn  (c'est  la  Boqué  des  histo- 
riens des  croisades).  Cette  plaine  forme  un  grand 
bassin  borné  au  nord  par  les  pentes  du  Djebel-Ksaïr, 
qui  s' étendent  jusqu'au  village  de  Tell-Djordan  ;  et,  à 
partir  de  ce  point,  à  l'est  et  au  sud-est,  jusqu'au  Ouady- 
Kaled,  règne  une  série  de  mouvements  de  terrain 
rocailleux  formant  le  Ouar-el-Hosn  (ou  rocaille  du 
Hosn),  au  delà  duquel  se  trouve  un  district  qui  a  pris 
le  nom  de  Ouar  de  Homs. 


(  488) 

La  population  du  Hosn  est  composée  en  partie  d'An- 
sariés  et  de  chrétiens.  Ces  derniers  y  sont  assez  nom- 
breux pour  qu*on  ait  dû  leur  donner  un  mudir  ou 
gouverneur  particulier.  On  rencontre  également  dans 
ce  canton  un  assez  grand  nombre  de  musulmans  Den» 
dechlis.  Les  chrétiens  du  Hosn  appartiennent  gériëra- 
lement  au  rite  grec  schismatique,  habitent  surtout  le 
Ouady-Rawil  et  passent  pour  très-belliqueux. 

Les  montagnes  peu  élevées  du  district  de  Châfa, 
qui  ferment  la  Boukeia  vers  Touest,  en  font  une  véri- 
table cuvette,  dont  le  fond  est  complètement  anî  et 
Taltitude  au-dessus  du  niveau  delà  mer  d'etivii'on 
408  mètres. 

Au  nord-ouest  de  cette  plaine,  stir  tmfe  colline  dé- 
pendant du  massif  dii  Châra,  s'élève  la  forteresse  dé 
Kalaat-el-flosn,  qui  a  donné  son  nom  au  district.  Au 
moyen  âge,  ce  château -fort  fut  appelé  le  Krak 
des  chevaliers;  il  appartenait  aux  hospitaliers  de 
Saint  Jean,  et  sa  masse  imposante  donne  une  grande 
idée  de  la  puissance  de  cet  ordre  militaire.  Un  ravin 
profond,  nommé  Ouady-Réraïbeh,  sépare  le  massif  du 
Charra  de  l'extrémité  sud  de  la  montagne  des  Ansariés. 
C'est  au  fond  de  cette  vallée,  à  environ  8  kilomètres 
du  château,  auprès  du  monastère  grec  de  Saint-Georges 
(Mar-Georgios),  que  je  visitai  le  Fouar  ou  Source  sab- 
batique, dont  les  eaux  réunies  à  celles  du  Ouady-Khé- 
raïbeh  donnent  naissance  au  Nahar-Rouz ,  le  principal 
affluent  du  Nahar-Khalifeh. 

La  source  ne  jaillit  que  tous  les  trois  ou  quatre  jours; 
l'arrivée  de  l'eau  s'annonce  par  une  détonation  sourde 
mais  puissante,  suivie  d'un  roulement  qui,  d^abofd 


r 


(  m  ) 

lointaiDi  va  toujours  se  rapprochant;  ^tifiu  des  tor- 
rents d'eau  s'échappent  de  lacaverneetse  précipitent 
dans  la  vallée.  A  droite  et  à  gauche  existent  dans  le 
rocher  des  failles^  qui»  elles  aussi,  se  transforment 
alors  en  sources  jaillissantes.  Les  eaux  coulent  pen-» 
dant  plusieurs  heures»  quelquefois  durant  une  defani- 
journée,  puis  elles  s'arrêtent.  La  durée  ordinaire  de 
l'intermittence  est  de  quatre  jours»  elle  est  parfois 
plus  considérable.  11  est  de  tradition  qu'en  1822»  à  la 
suite  du  tremblement  de  terre  qui  détruisit  Alep,  l'eau 
ne  jaillit  point  pendant  une  année  tout  entière.  Dans 
le  nom  de  Nahar-es-Sabté  que  le  Fouar  porte  encore 
de  nos  jours»  il  est  facile  de  reconnaître  la  rivière 
Sabbatique  de  Josèpbe»  près  de  laquelle  Titus  vint 
camper  quand  il  se  dirigeait  vers  Raphania»  au  retour 
du  siège  de  Jérusalem.  La  source  a  une  altitude  de 
318  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la  mer» 

Un  contre-fort  des  montagnes  des  Ansariés,  nommé 
le  Djébel-es^Saïeh,  que  je  franchis  en  me  dirigeant 
vers  Safita,  sépare  le  bassin  du  Nabar-eUKébir  de 
celui  du  Nahar-el- Abrasch ,  dont  j'ai  exploré  le  cours, 
inférieur  pendant  mon  séjour  à  Safita.  Dans  cette 
excursion,  je  visitai  le  village  de  Turkab,  où  se  ren- 
contrent à  chaque  pas  des  débris  antiques.  Au  centre» 
se  trouve  une  belle  citerne  qui  sert  aux  habitants  ;  elle 
paraît  remonter  au  temps  du  Bas-Empire  et  est  par- 
faitement conservée.  A  l'est,  dans  les  jardins,  se  voient 
aussi  quelques  vestiges  d'une  grande  construction 
antique»  ainsi  que  quelques  fragments  épars  d'une 
inscription  grecque,  malheureusement  dépourvue  d'in- 
térêt. 


(  AiO) 

.  De  là  j'allai  à  Semkeb ,  où  je  fis  une  courte  halte 
chez  le  scheik,  dont  les  femmes,  au  nombre  de  quatre, 
étaient  occupées  à  nettoyer  du  coton.  A  quelque  dis- 
tance des  habitations,  je  pénétrai  dans  un  massif  de 
vieux  oliviers  sauvages  ;  là  sont  des  ruines  nommées 
el-Deir,  qui  doivent  être  les  restes  d'un  couvent, 
comme  d'ailleurs  l'indique  leur  nom.  Plusieurs  arcades 
fort  surbaissées  ont  seules  été  épargnées  par  raction 
dévastatrice  du  temps  qui  ne  nous  a  laissé  que  cette 
partie  de  l'édifice.  J'ai  remarqué  des  croix  et  un  peu 
plus  loin  une  inscription ,  mais  celle-ci  est  tellement 
fruste  que  je  n'ai  pu  en  copier  une  seule  lettre. 

Reprenant  bientôt  ma  route,  et  inclinant  au  sud,  je 
me  dirigeai  vers  les  ruines  du  Kalaat-el-Areymeh, 
jadis  possession  des  chevaliers  du  Temple.  Il  me  fallut 
traverser  le  Nahar-el-Abrasch  pour  atteindre  ce  châ- 
teau établi  sur  le  sommet  d'une  colline  qui  commande 
la  vallée.  Cette  forteresse  est  dans  un  état  de  ruine 
très-avancé.  Après  deux  heures  consacrées  à  photo- 
graphier et  à  prendre  des  angles,  je  regagnai  Safita  en 
remontant  la  vallée  de  TAbrasch. 

Avant  de  continuer  le  récit  de  mon  exploration,  per- 
mettez-moi, messieurs,  de  vous  dire  quelques  mots 
sur  les  populations  du  pays  que  je  viens  de  décrire  et 
sur  celles  des  autres  cantons  des  montagnes  que  j'ai 
parcourues. 

Des  divers  renseignements  que  j*ai  recueillis  durant 
mon  voyage,  et  des  notes  qu*a  bien  voulu  me  commu- 
niquer M.  Blarxhe,  vice-consul  de  France  à  Tripoli, 
il  résulte  que  la  population  ansariée  se  divise  en  acfiairs 
ou  tribus,  dont  les  principales  sont  :  les  Kaïatine^  les 


(  m  ) 

Motaouara,  les  Chamsin  et  les  Rosselane  qui  habitent 
plus  particulièrement  le  pays  de  Safita.  Voici  d'ailleurs 
un  tableau  statistique  établi  sur  les  données  les  plus 
dignes  de  foi  : 

Les  Kaïatine 2A  000  habitants. 

Les  Haddadineh 11  000      — 

Les  Nonassera 10  000       — 

Les  Motaouara âOOO      — 

Les  Rosselane \ 

Les  Chamsin 

Les  Touachera 

Les  Karahle. 

Les  Rochaoune ....... 

Les  Mlih  . 

Dans  le  district  de  Saflta,  les  chrétiens  appartenant 
au  rite  grec  sont  répartis  en  cinq  villages  :  Bordj  - 
Saflta,  Meschta-Beit-el-Kalou,  Yézidieh,  Beit-Sbat  et 
Djenin  ;  ils  forment  une  population  d'environ  AOOO  âmes. 
Les  Maronites,  au  nombre  de  1000,  occupent  Meschta- 
Beit-Serkis,  Bsarsa  et  Adida. 

Je  ne  m'étendrai  pas  ici  sur  la  forteresse  de  Safita, 
devant  ailleurs  longuement  traiter  ce  sujet. 

Au  sortir  de  ce  village  et  après  avoir  traversé  l'Ouad- 
Boueré,  il  me  fallut,  pour  gagner  les  hauteurs  qui 
forment  le  bassin  du  Ouady-Keïs,  m'engager  dans  un 
ravin  tributaire  du  Ramka,  cours  d'eau  assez  consi- 
dérable qui  prend  sa  source  dans  TOuad-Boueré,  et 
se  jette  dans  la  mer  entre  Amrit  et  Tortose.  Chemin 
faisant,  nous  rencontrâmes  des  femmes  ansariés,  mais 
n'ayant  jamais  vu  d'Européens,  elles  s'enfuirent  à  notre 
approche. 


(  M2) 

Aprèd  deux  heures  de  marche  euviron,  j'atteigoîs  le 
village  de  Tocklé,  où  je  fia  une  halte  d'une  heure  et 
demie  pour  lever  la  tour  qui  le  domine,  el  (}Ui  me 
parait  avoir  été  un  poste  de  Templiers.  Je  fis  ensuite 
rascenôiou  d'une  colline  surmontée  du  Kottbbet  où 
Ton  voit  le  tombeau  .de  Naby-Zaher,  et  qui,  dads  le 
pays,  est  connu  sous  le  nom  de  ce  personnage.  Je  pris 
de  là  des  recoupements  sur  les  montagnes  de  Daliaret- 
TeiTaab,  de  Naby-Metta  et  de  Naby-Saleh.  J'avais  alors 
devant  moi,  s' élevant  sur  les  pentes  de  la  colline  située 
au  nord-est,  le  petit  palais  de  Drékisoh,  sérail  du  gou- 
verneur turc  de  Safita.  Ce  palais  était  antérieurement 
rhabitation  du  célèbre  Ismaïl-Kai(er-Bey  qui,  après  avoir 
joué  un  grand  rôle  dans  la  montagne  d^s  Ansariés,  de 
1S5A  à  1856^  finit  d'une  manière  tragique  k  Aiii«el- 
Karoun,  trahi  et  mis  &  mort  par  ses  propres  parents. 

Après  une  halte  des  plus  courtes  chez  le  mutzellim 
turc,  je  pris  le  chemin  des  ruines.de  Hosn-Suleiman.  Il 
était  une  heure  quand»  au  sortir  du  village  de  Dr6kish, 
je  passai  pour  la  première  fois  près  d'un  de  ces  petits 
tombeaux  si  communs  dans  la  montagne  des  Ansariës. 
Celui  que  je  mentionne  ici  est  ombragé  par  un  bou- 
quet de  chênes  verts  auxquels  leur  taille  colossale 
permet  d'attribuer  une  ancienneté  fort  reculée.  Disons 
tout  de  suite  que  durant  le  cours  de  notre  voyage  dans 
ces  montagnes,  nous  eûmes  fréquemment  l'occaeion 
d'observer  de  ces  grands  arbres  qui  semblent  avoir 
formé  la  principale  essence  forestière,  antérieurement 
au  défrichement^  quand,  à  une  époque  fort  éloignée, 
la  chaîne  des  monts  Bargylus  était,  comme  le  Liban, 
couverte  de  forêts  verdoyantes. 


(  àii  ) 

A  partir  de  Drekisb,  la  route  suit  le  sommet  d'une 
longue  crête,  s' élevant  graduellement  et  ayant  au  nord 
le  Ouady-Keïs,  et  d'où,  au  sud,  descend  une  série  de 
ravins  tributaires  du  Ramka. 

Vers  deux  heures  quarante  minutes,  j'atteignis  le 
point  culminant  de  la  crête,  qui  est  à  10à2  mètres  au- 
dessus  du  niveau  de  la  mer.  En  ce  lieu  se  trouvent 
trois  gros  arbres  qtie  Ton  découvre  de  toute  la-contréô 
environnante.  Aussi  ce  point  est  il  merveilleusement 
choisi  pour  servir  de  station  géodésiqUe,  car  là 
vue  y  embrasse  tous  les  sommets  d'alentouf .  G^est  à 
cet  endroit  que  je  commençai  à  apercevoir  des  affleu- 
rements de  roches  ignées  ;  toutes  les  pentes  que  tlous 
veniohs  de  gravir  étaient  donc  leâ  témoins  calcaires 
des  soulèvements  plutoniens  qui  ont  produit  les  som- 
mets de  la  montagne  des  Ansariés. 
'  II  était  deux  heures  cinquante-six  minutes  quand  je 
me  remis  en  marche  ;  descendant  par  une  pente  rapide, 
ma  petite  caravane  atteignit  bientôt  l'origine  d'une 
vallée  qui  prend  naissance  au  pied  du  Naby-Saleh,  et 
j'aperçus  au  milieu  de  massifs  d'arbres  les  ruines  de 
Hosn-Suleiman,  où  je  me  rendis  en  moins  de  trois 
quarts  d'heure. 

La  première  chose  qui  frappe  les  regards  du  voya- 
geur descendant  vers  le  site  de  l'ancienne  Boétocèce 
est  une  vaste  enceinte  carrée  de  144  mètres  de  long  sur 
90  de  large  ;  son  tracé  est  irrégulier  et  affecte  la  forme 
d'un  trapèze,  ce  qui  donne  à  son  plan  quelque  analogie 
avec  celui  du  Haram-esch-Schérif  de  Jérusalem.  C'est 
le  spécimen  de  TejAevoç  le  mieux  conservé  qui  existe 
encore  en  Syrie. 


(  hhh  ) 

Cette  enceinte  est  construite  en  blocs  de  6  à  9  mè- 
tres de  long  sur  2"*, 85  à  90  centimètres  de  haut,  et 
ayant  une  épaisseur  moyenne  de  0'",98  sur  1",10. 
Quatre  portes  de  forme  pylonique  y  donnent  accès. 
Sur  l'un  des  pieds  droits  de  celle  qui  s'ouvre  au  nord- 
est,  se  lit  une  longue  inscription  latinç  mentionnant 
la  restauration  de  ces  sanctuaires  à  Tépoque  de  Tem- 
pereur  Valérien.  Cette  entrée  subit  alors  un  remanie- 
inent  assez  considérable  par  l'addition  d'une  espèce 
de  vestibule  carré  d'un  style  et  d'un  effet  plus  que 
médiocres. 

Au  centre  de  l'enceinte  s'élève  un  temple  pseudo- 
périptère  d'ordre  ionique,  qui  ne  paraît  pas  avoir  été 
complètement  terminé,  et  en  avant  du  péristyle  se 
dresse  un  autel. 

Ce  fut  de  Hosn-Suleiman  que  je  fis  l'ascension  des 
deux  montagnes  de  Naby-Metta  et  de  Naby-Saleb. 
Ayant  quitté  notre  campement  à  onze  heures  du  matin, 
après  avoir  passé  le  village  de  Aïn-ed-Dehab,  j'attei- 
gnis rapidement  le  col  qui  sépare  les  deux  sommets 
de  ces  montagnes,  au  milieu  duquel  s'élève  un  piton 
de  rocher  que  couronnent  les  restes  d'un  petit  château 
nommé  Kalaat-el-Koleiah.  J'ai  cru  reconnaître  dans 
ces  ruines  les  derniers  vestiges  du  poste  militaire  des 
croisades  appelé  Château  de  la  Colée  ;  sa  position 
même  nous  donne  Fétymologie  de  son  nom,  car  ce 
poste  gardait  le  col  par  où  devait  très-probablement 
passer  au  moyen  âge  une  route  se  dirigeant  vers  le 
château  de  Mons-Ferrandus  ;  nous  verrons  plus  tard  ce 
qui  reste  de  ce  dernier  château  dans  la  localité  mo- 
derne de  Barïn. 


(  à46  ) 

La  pente  qui  conduit  au  sommet  du  Naby-Metta  est 
encombrée  de  blocs  de  basalte  arrondis,  et  les  fougères 
poussent  en  abondance  sur  le  plateau  qui  couronne  la 
montagne.  L'observation  barométrique  que  j'ai  faite  à 
Voualy  même  de  Naby-Metta,  c'est-à-dire  au  point 
culminant,  donne  à  cet  endroit  une  altitude  de 
1189  mètres.  Ce  Naby-Metta  ne  peut  s'identifier  avec 
un  autre  lieu  du  même  nom  situé  en  face  de  Kalaat- 
em-Médick,  signalé  par  Burckhardt  comme  l'endroit 
le  plus  élevé  de  cette  chaîne  de  montagnes,  et  visité 
depuis  par  le  lieutenant  Walpoole.  De  Naby-Metta  le 
regard  embrasse  les  principaux  sommets  de  la  chaîne 
de  montagnes  :  au  nord-ouest,  et  à  peu  de  distance, 
s'élève  la  montagne  de  Soulthan-Ibrahim,  ombragée 
d'un  bouquet  d'arbres  magnifiques  ;  à  l'ouest,  appa- 
raît celle  de  Daharet-Teffaah  ;  au  nord  se  déploient 
les  montagnes  de  la  Kadmousieh  que  dominent  le 
Djebel -er-Raz  et  le  Naby-Schit  ;  entre  ces  deux  pitons, 
on  distingue  la  petite  ville  de  Kadmous. 

J'effectuai  mon  retour  au  camp  en  passant  par  le 
sommet  du  Naby-Saleh,  où  l'observation  barométrique 
donne  une  altitude  de  11 AO  mètres.  Cette  cote,  on  le 
voit,  se  rapproche  beaucoup  de  celle  de  Naby-Metta. 

Je  regagnai  Hosn-Suleiman  en  traversant  un  joli  bois 
de  chênes-liége  qui  couvre  les  pentes  occidentales  de 
la  montagne. 

Voici  les  remarques  que  j'ai  pu  faire  relativement 
au  costume  des  Ansariés.  Leurs  vêtements  sont  pres- 
que tous  blancs,  cette  couleur  étant  considérée  parmi 
eux  comme  sacrée.  Une  longue  chemise  de  coton,  ou- 
verte sur  la  poitririe,  avec  de  larges  manches  peu- 


(  4M  ) 

dantes,  forme  la  principale  partie  de  leur  ba})illeinent 
que  complète  un  turban  blanc.  Quelques-uns  seulement 
d'entre  eux  portent  des  vestes  de  drap  foncé  et  de 
larges  pantalons  qu'ils  nomment  scherwals;  les  cava- 
liers sont  les  seuls"qui  portent  ce  costume.  A  Texcep- 
lion  des  moquaddems  ou  chefs  de  villages,  j'ai  vu  peu 
d*  Ansariés  porter  des  chaussiures,  et  les  enfants  restent 
complètement  nus  jusqu'à  l'âge  de  dix  ans  environ. 
—  Le  costume  des  femmes  semble  également  consister 
en  une  chemise  de  coton,  une  jaquette  et  un  pantalon 
serré  à  la  cheville  ;  elles  sont  coiffées  d'un  tarbouche 
avec  un  mouchoir  et  n'ont  pas  l'habitude  de  se  voiler, 
si  ce  n'est  quand  un  étranger,  qui  n'est  pas  leur  hôte, 
parait  s'occuper  d'elles  d'une  manière  insolite.  J'ai  eu 
lieu  de  faire  h  leur  sujet  une  remarque  singulière  ■; 
parmi  les  femmes  ansariées  que  je  vis  en  assez  grand 
nombre  pendant  mon  séjour  à  la  montagne,  aucune 
ne  portait  un  vêtement  qui  ne  fût  exactement  iden-K 
tique  avec  celui  des  autres  ;  tous  les  costumes  de  ces 
femmes  étaient  d'une  même  cotonnade  à  raies  alterna- 
tivement rouges  et  brunes  et  d'une  largeur  invariable 
de  2  à  3  centimètres. 

Le  2&  septembre,  je  quittai  Hosn-Suleiman,  et  con- 
tournant l'extrémité  sud  des  montagnes  Ansariés,  je 
fus  ramené  par  cette  route  après  avoir  traversé  les 
villages  de  Meschta,  d'el-Aïoun,  etc.,  vers  le  Kalaat- 
el-Hosn,  dont  j'ai  déjà  parlé.  Le  hameau  d'el-Aïoun 
semble  s'identifier  avec  un  Casai  cité  dans  le  code  di- 
plomatique de  Sébastien  Paoli,  à  propos  d'une  contes- 
tation de  propriété  qui  s' éleva  entre  les  Hospitaliers  du 
Krak  et  les  Templiers  de  Tortose. 


(  447  ) 

je  cqmpais  le  même  soir  au  couvent  de  Saint- 
Geoi^etf  déjà  mentionné,  et  après  une  nouvelle  journée 
eon^Aoréé  à  revoir  le  Kalaat-el-Hosn,  je  me  dirigeai 
vero  Massiiad  en  remontant  une  partie  du  Ouady-Rawîl; 
ayfint  fait  une  balte  dans  les  villages  de  Douerlin  et  de 
Moklos,  je  francbis  la  montagne  de  Djebel*Ksaïr  qui 
igrme  les  parties  orientales  du  ouady.  J'atteignis  à 
une  heure  trente  minutes  le  sommet  du  Djebel-Ksaïr^ 
dpQt  l'altitude  s'élève  à  1152  mètres  aurdessus  du  ni- 
veau de  la  mer.  —  A  cinq  heures,  après  avoir  suivi 
des  pentes  couvertes  de  tous  côtés  de  belles  cultures 
de  vignes,  je  vins  camper  dans  une  petite  plaine  nom- 
mée Ard-Rapbanieb,  à  Textrémité  ouest  de  laquelle  se 
trouvent  les  ruines  de  la  Raphanea,  citée  par  Josëphe 
et  Pline  et  qui  est  aussi  mentionnée  dans  le  Synecdo^ 

mo$  de  Hiéroolës. 

Rapbapéa  fut,  au  moyen  âge,  un  fief  des  Hospita^ 
liers  de  Saint-Jean  ;  mais  ses  restes  n'offrent  rien  de 
remarquable,  sinon  quelques  sarcophages  sans  inscrip- 
tion, fit  quelques  débris  d'un  édifice  qui  se  voient  sur 
un  tertre  voisin,  et  dont  les  murailles  semblent  avoir 
été  d*appareil  cyclopéen.  —  Non  loin  de  là,  dans  le 
Qanc  de  la  montagne,  on  remarque  encore  quelques 
traces  de  la  nécropole,  mais  un  éboulement  de  rochers 
Ta  presque  ensevelie. 

Sur  la  colline  qui  domine  le  Ard-Raphanieh,  s'élè- 
vent les  ruines  du  château  de  Barin,  signalées  par 
Burckhardt  :  c'est  là  que  Ton  retrouve  le  Mons-Ferran- 
das  des  croisades  ;  malheureusement,  depuis  le  siège 
de  cette  place  par  l' Atabek  Zengui,  le  célèbre  château 
n'est  plus  qu'on  monceau  de  déce^mbr^s.  Ces  ruines 


(  448  ) 

durent  données  depuis,  et  en  roême  temps  que  le 
Krak,  aux  Hospitaliers  de  Saint-Jean  par  le  comte 
de  Tripoli.  La  fondation  de  la  forteresse  de  Barîn  est, 
d'après  Aboulfeda,  attribuée  aux  Byzantins  ;  Texamen 
que  j'ai  fait  de  certaines  murailles  encore  debout,  m'a 
pleinement  confirmé  dans  cette  opinion. 

Le  lendemain,  après  avoir  passé  la  matinée  à  par- 
courir les  ruines  de  Raphanéa,  je  me  dirigeai  vers 
Deir-Soleib  où  Burckbardt  indique  des  ruines  impor- 
tantes. Pour  y  arriver,  je  franchis  le  Saroudj  à  pied 
sec  ;  mais  les  recherches  minutieuses  auxquelles  je  me 
livrai  me  firent  constater  là  une  erreur  du  savant  voya- 
geur :  les  ruines  de  Deir-Soleib  se  bornent  simplement 
aux  restes  d'un  monastère  byzantin  dépourvu  de  tout 
intérêt  archéologique. 

Le  28  septembre,  je  m'acheminai  de  bonne  heure  vers 
Massiady  que  j'atteignis  avant  neuf  heures  du  matin. 
Le  château  s'élève  sur  un  rocher  d'environ  une  dizaine 
de  mètres  de  relief,  au  pied  même  de  l'escarpe  de  la 
montagne  des  Ansariés,  presque  à  pic  de  ce  côté  (1). 

Après  une  visite  faite  au  gouverneur  de  Massiad, 
que  je  trouvai  fort  pauvrement  vêtu,  je  me  mis  à 
parcourir  les  ruines  du  château,  où  je  vis  la  voûte 
décrite  par  Burckbardt,  et  où  se  lit  le  nom  du  mame- 
louck  Toula. 

Les  maisons  modernes  ont  remplacé  les  ruines  du 
vieux  château  des  Ismaéliens  ;  je  n'y  remarquai  que 

(t)  C'est  ici  le  lieu  de  noter  un  caractère  constant  dans  le  soulève- 
ment de  ces  montagnes  :  elles  forment  une  crête  des  plus  abruptes 
vers  Test,  tandis  qu'elles  s'abaissent  vers  la  mer  par  une  série  de 
eontre-forts  que  siUonnent  de  nombrettses  vallées. 


(  Aâô  ) 

deux  inscriptions  arabes  très-ornées,  mais  placées 
beaucoup  trop  haut  pour  qu'il  m'ait  été  possible  de 
les  estamper.  Au  bas  du  château  est  le  village,  dont  il 
n'y  a  rien  à  dire  après  la  description  qu'en  a  donnée 
Burckhardt. 

Comme  ce  lieu  n'offrait  aucun  sujet  d'étude  intéres- 
sant, je  me  décidai  à  m' acheminer  directement  sur 
Hamah.  J'ai  rarement  vu  dans  mes  voyages,  même  au 
cœur  de  l'Arabie  Pétrée,  quelque  chose  d'aussi  triste 
et  d'aussi  désolé  que  la  première  partie  de  cette  route. 
Pendant  cinq  heures  environ,  le  chemin  traverse  un 
pays  horriblement  tourmenté,  pourtant  sans  caractère 
topographique  nettement  accusé,  et  où  les  accidents  de 
terrain  sont  trop  peu  élevés  pour  être  indiqués  à  une 
échelle  géographique  quelconque. 

Vers  six  heures,  sur  un  pont  de  deux  arches,  je 
traversai  l'ouad  qui  prend  naissance  au  pied  du  châ- 
teau de  Massiad,  et  dont  je  n'ai  pu  me  procurer  le 
nom  d'une  manière  exacte  au  point  où  je  dus  le  tra- 
verser. Au  delà  de  ce  cours  d'eau,  les  cultures  re- 
prennent ;  devant  nous  à  l'horizon  se  découvraient  les 
sommets  des  montagnes  du  Djebel-Arbaïn  et  du  Dje- 
bel-Zein-el-Abdïn,  qui  m'indiquaient  la  position  de  la 
ville  de  Hamah.  Je  passai  près  de  deux  camps  arabes, 
et  la  nuit  étant  tombée,  je  campai  à  sept  heures  du 
soir  au  village  de  Ktesïn. 

Le  lendemain,  29  septembre,  moins  de  deux  heures 
m'amenaient  à  Hamah,  chez  l'agent  consulaire  de 
France,  où  je  trouvais  M.  Hecquard,  notre  consul  à 
Damas,  et  M.  Bell,  attaché  à  l'ambassade  française  à 
Constantinople. 

XI.  JUIN*  2.  29 


{  460  ) 

Après  ayoii*  pris  quelques  jours  de  repos,  je  résolus 
4§  faire  une  excursion  sur  la  rive  droite  de  l'Oronte, 
yprs  Seimieh,  ^  la  lisière  méipe  du  désert.  Une  escorte 
%YW^l  été  jygée  nécessaire  pour  cette  entreprise,  deux 
cavaliers  turcs  m'accompagnèrent,  outre  mon  drogmau 
et  les  gens  qui  composaient  ma  petite  caravane  habi- 
tuelle. 

Partis  de  Hamah  le  h  octobre,  nous  suivîmes  une 
route  parallèle  à  l'Oronte,  dont  nous  remontions  le 
cours.  Vers  Test,  à  une  distance  de  plusieurs  kilo- 
mètres, s'élèvp  une  série  de  plateaux,  qui,  de  ce  côté, 
U(qitent  |e  déseft.  Au  bout  de  six  jieures  de  marche, 
UQUS  atteignîmes  Selmieh,  aujourd'hui  Medjid-Abad.. 
Sur  les  ruines  d'upe  ville  byzantine  que  la  carte  de 
Berghaus  identifie  avec  Irénopolis,  s'est  fondée,  peu 
après  V hégire,  une  ville  musulmane,  (ià,  je  visitai  une 
vieille  mosquée  où  j*ai  recueilli  quelques  inscriptions 
cou0iqaes  assez  intéressantes. 

Daps  la  petite  forteresse  voisine,  se  troi^vent  de 
{ïpmbr^ux  débris  byzantins  qui  qe  sont  pas  sans  quel- 
que intérêt.  Je  visitai  également  pendant  mon  séjour  à 
Selmieh  les  ruines  du  château  de  Schoumaïmis,  dont 
l'historien  d'Alep,  Kemal-Eddin-Abou-Hafs-Omar,  at- 
tribue la  reconstruction  au  Melik-Moudjahid.  —  Les 
annales  d'Aboulféda  nous  apprennent  que  cette  forte- 
resse fut  livrée,  en  0/i5  de  l'hégire,  par  Mélik-el-Aschraf, 
prince  de  Homs,  à  Melik-Saleh-Aîoub. 

Ce  château  couronne  une  colline  conique  de  cal- 
caire marneux,  dont  le  sommet  paraît  avoir  été  aplani 
de  main  d'homme  pour  recevoir  le  château  qui  pré- 
sente une  grande  analogie  avec  celui  d'Alep,  plus 


(  ik51  ) 

ruiné  encore.  L^.  forme  générale  de  cette  forteresse  est 
un  cercle  avec  des  flanquements  dont  la  saillie  est 
presque  nulle. 

En  revenant  vers  Hamab,  je  passai  sqr  la  rive  gauche 
de  rOronte,  où  je  fis  la  reconnaissance  topographique 
du  Djebel-Arbaïn  ;  le  point  culminant  de  cette  mon- 
tagne est  à  723  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la  mer. 
—  Je  ne  vous  parlerai  pas,  messieurs,  de  Hamab,  qui 
a  fait,  de  la  part  de  mon  savant  prédécesseur,  M.  Wad- 
dington,  l'objet  d'une  longue  étude  dont  vous  avez  été 
à  même  d'apprécier  tout  le  mérite. 

Le  lendemain  de  mon  retour  en  cette  ville,  M.  Vi- 
gnes y  arriva  également  après  avoir  atteint  le  but  de 
son  expédition  à  Palmyre.  La  journée  du  8  fut 
employée  à  déterminer  la  position  astronomique  de 
Hamab,  qui  n'avait  jamais  été  fixée  d'une  manière 
satisfaisante.  Nous  nous  séparâmes  ensuite,  M.  Vi- 
gnes se  dirigeant  vers  la  Méditerranée,  et  moi  vers 
Alep. 

Le  10,  accompagné  de  deux  bachi-bouzouks  qui 
devaient  m'escorter  jusqu'à  Maarrah,  je  quittai  Hamah 
en  contournant  le  pied  du  Djebel-Zeïn-el-Abdin,  que 
je  laissai  à  droite  de  ma  route  à  dix  heures.  Je  fis  halte 
au  village  de  Taïbeh,  dont  l'altitude  au-dessus  du 
niveau  de  la  mer  est  de  869  mètres. 

Nous  reprîmes  bientôt  notre  chemin  dans  la  direc- 
tion de  Khan-Scheikoun,  où  nous  passâmes  la  nuit, 
après  avoir  suivi  toute  la  journée  la  limite  du  désert. 
Partis  ensuite  à  quatre  heures  du  matin,  en  nous  diri- 
geant au  nord  vers  Maarrah,  nous  avons  travei:sé  une 
plaine  paraissant  bien  cultivée,  et  à  neuf  heures  nous 


(  Àâ2  ) 

«^irrivioûs  en  cette  ville,  où  je  laissai  les  deux  bachi- 
bouzouksqui  m'avaient  accompagné  depuis  Hamah. 

Au  sortir  de  Maarrah,  la  route  s'infléchit  nord-quart- 
ouest  dans  la  direction  de  Sermin,  où,  après  six  nou- 
velles heures  de  marche,  nous  dressâmes  nos  tentes. 
Partis  le  12  au  matin  de  Sermin,  je  me  dirigeai  au 
nord-est  et  rencontrai  successivement  dans  la  journée 
les  villages  de  Tell-Hyeh,  de  Teftanaz,  Afiz  et  Bcn- 
nisch.  A  onze  heures  et  demie,  je  passai  auprès  d'un 
tertre  assez  élevé  nommé  Djebel-Aïssa.  A  droite,  au 
delà  du  Kowik,  se  remarquaient  les  villages  de  Zirbab, 
el-Hader  et  Zeitoun. 

A  trois  heures  et  demie,  j'établis  mon  camp  dans 
une  belle  prairie,  au  bord  de  la  rivière,  près  du  village 
de  Khan-Touman,  et  le  lendemain,  13,  j'étais  de  bonne 
heure  à  Alep. 

Dès  le  15  octobre,  je  quittai  cette  ville,  et  le  même 
jour,  passant  par  Serbes,  j'allai  camper  à  Tedef,  vil- 
lage habité  par  les  Juifs,  où,  à  cette  époque  de  Tan- 
née, une  grande  partie  de  la  population  Israélite  d' Alep 
était  venue  célébrer  la  fête  des  Tabernacles.  Dans  ce 
village,  existe  une  synagogue  sous  laquelle  se  voit 
une  grotte  que,  s'il  faut  en  croire  la  tradition  locale, 
le  prophète  Esdras  aurait  habitée  alors  qu'il  recueil- 
lait les  textes  sacrés  dont  il  composa  le  livre  qui  a 
conservé  son  nom. 

Sur  une  colline,  au  nord-ouest,  s'élève  une  grande 
mosquée,  et  à  mi-côte  un  village  en  ruines,  nommé 
el-Bab  ;  c'est  celui  dont  parle  en  ces  termes  Thistorien 
arabe  Ibn-Djobaïr  :  <  Il  y  a,  dans  une  vallée  près  de 
»  Bozaab,  une  grande  bourgade  nommée  el-Bab,  qui 


(  453  ) 

»  sert  de  passage  entre  Bozaah  et  Âlep.  Elle  avait  pour 
»  habitants  depuis  quatre-vingts  ans  une  peuplade 

>  d'hérétiques  ismaéliens,  dont  Dieu  seul  pouvait 
»  compter  le  nombre.  Leurs  étincelles  voltigèrent,  leur 
))  méchanceté  et  leurs  méfaits  interceptèrent  cette  voie 
»  de  communication.  Mais  enfin  un  mouvement  de 
»  zèle  s'empara  des  habitants  de  ce  pays,  la  honte  et 
)>  l'indignation  les  excitèrent  ;  ils  se  réunirent  contre 

>  eux  de  toutes  parts,  les  passèrent  au  fil  de  Tépée  et 

>  les  exterminèrent  jusqu'au  dernier....  » 

Le  ruisseau  qui  passe  à  Tedef  est  considéré  par  le 
major  général  Chesney  et  par  le  docteur  Ainsworth 
comme  le  Daradax  de  la  retraite  des  Dix-Mille. 

De  Tedef,  en  visitant  les  ruines  d'Areymeh  qui 
n'offrent  rien  d'intéressant,  si  ce  n'est  Tinscription 
très-fruste  d'une  borne  milliaire,  sur  laquelle  on  peut 
seulement  déchiffrer  les  noms  de  l'empereur  Nerva, 
j'atteignis,  le  17,  le  site  de  Membedj,  l'ancienne  Hié- 
rapolis  (1),  où  existait  jadis  le  temple  dans  lequel  se 
célébrait  le  culte  de  la  déesse  de  Syrie,  que  nous  con- 
naissons par  le  traité  de  Lucien. 

Le  19,  malgré  une  pluie  torrentielle,  je  m'acheminai 
vers  l'Euphrate  ;  mais  à  peine  avais-je  pu  voir  le  fleuve 
et  fouler  ses  bords,  que  je  dus  reprendre  la  route 
d'Alep,  où  je  n'arrivai  qu'avec  beaucoup  de  difficulté, 
tant  la  pluie  qui  tombait  depuis  quelque  temps  déjà 
avait  rendu  les  chemins  impraticables. 

Ce  ne  fut  que  le  29  octobre,  après  que  les  grandes 

(1)  Cette  ville  s'élevait  au  milieu  d'une  plaiae  rocailleuse,  où  Tod 
remarque  ses  ruines  à  10  kilomètres  environ  de  TEuphrate.  L'altitude 
de  ce  point,  au-dessus  du  niveau  de  la  mer,  est  d'environ  447  mètres. 


(  i5i  ) 

phiies  eurent  cessé,  que  je  quittai  Alep  en  traversant 
de  nouveau  la  vaste  plaine  qui  s'étend  entre  cette 
ville  et  la  vallée  de  TOronte,  et  dont  l'altitude  moyenne 
est  de  350  mètres  environ  au-dessus  du  niveau  de  la 
mer. 

Le  second  jour,  j'atteignis  d'assez  bonne  heure  le 
village  de  Moharat-Mousserim  an  delà  duquel  la  route 
s'engage  dans  le  Ouady-er-Rouz,  qui  fait  partie  d'uo 
système  de  vallées  marécageuses  apportant  leurs 
eaux  à  TOronte  et  dont  les  pentes  sont  à  contre-val  dii 
cours  de  ce  fleuve.  Ces  diverses  vallées  sont  séparées 
les  unes  des  autres  par  des  chaînes  de  collines  qui 
sont  en  quelque  sorte  les  Contre-forts  du  Djebel- 
Assergieh  et  du  plateau  que  nous  venons  de  traverser. 

C'est  pendant  cette  seconde  journée  après  mon  dé- 
part d'Alep  que  j'arrivai  au  village  de  Djiser-Schdgr, 
où  je  trouvai,  mesurée  au  pont,  l'altitude  de  la  vallée 
à  101  métrés. 

Cette  vallée  est  large  et  couverte  de  magnifiques 
prairies  qui  s'étendent  jusqu'au  pied  des  montagnes 
des  Ansariés  ;  nous  y  retrouvons  l'aspect  d'une  crête 
abrupte  et  rocailleuse,  comme  je  l'ai  déjà  observé  an- 
térieurement à  Barîn  et  à  Massiad. 

L'Oronte  sépare  ici  le  pachalick  d'Alep  du  livâ  de 
Latakieh,  qui  dépend  de  l'eyalet  de  Beyrouth.  Le  che- 
min que  je  suivis  au  sortir  du  village  de  Schogr  s'élève 
rapidement  le  long  des  flancs  de  la  montagne  des  An- 
sariés ;  les  escarpements  que  je  gravis  alors  sont  des 
calcaires  friables,  au  milieu  desquels  apparaissent  des 
couches  de  marnes  jaunes  et  vertes. 

Au  bout  de  deux  heures,  la  route  centoume  une 


(  4S6  ) 

crodpe  de  la  ndontagne  à  peb  prëâ  àù  iilVèau  âti  édl 
que,  vers  onze  heures  et  demie,  je  frahchiâ  âli  tillagè 
de  Hebdama. 

C'est  là  qu'est  le  point  de  séparation  des  eaux  qui 
se  dirigent  à  Test,  dans  la  vallée  de  TOrbiite,  à 
l'ouest,  vers  la  Méditerranée,  dont  à  cet  endroit  l'cml 
fatigué  du  voyagent*  aperçoit  les  flots  âvec  joiei.  — 
Ce  t)oint  est  à  1107  mètres  au-dessus  dû  tiivëali  de 
la  mer. 

La  route  est  des  plus  accidentées  et  serpenté  au 
milieu  des  sites  les  plus  pittoresques.  De  toutes  parts 
s'élèvent  des  rochers  à  pic  et  des  pentes  couvertes 
d'une  splendide  végétation.  Je  longeai  là  un  torrent 
qui  coule  au  fond  d'une  crevasse  profonde,  qui  tie  ré- 
vèle àa  présence  qule  par  un  mugisâëttlent  ôontiniii  et 
à  l'éntour  duquel  croissent  des  nOyërs^  des  platMe», 
des  pins  d'Alep,  desi  lauriers,  dés  peuplifel-s  et  ofie 
foule  d'autres  arbl-es  s'étagearit  sut-  les  flancs  fleô  hau- 
teurs qtii  l'etivirdnnént.  A  deux  heures  trente-diiq  mi- 
nutes, je  franchissais  le  pont  de  là  Fethriië-du-8fcheik, 
et  à  quatre  heures  je  dressais  ma  tëntë  sotis  \^  bëadi 
arbres  du  Ghaffar. 

Le  lendemain,  1*'  novembre,  j'arrivai  dès  dixhetlite 
du  matin  à  Latakieh. 

Le  district  ou  llvâ  de  Latakieh  s'étend,  depuis  le 
torrent  nommé  el-Mameltein,  qui  descend  du  itiont 
Câssius  au  nord,  jusqu'à  Tortose  au  sud,  entré 
rOronte  à  l'est  et  la  mer  à  l'ouest.  Ce  district  se  coni*- 
pose  de  17  cantons  ou  moquetâab,  renfermant  760  Vil- 
lages ou  hameaux,  dont  la  population,  y  compris  cèllë 
de  Latakieh,  qui  est  de  1&  000  habitants,  s'élève  à 


(  466  ) 

ISO  000  âmes  environ,  se  répartissant  ainsi  :  &6  000 
Musulmans,  10  000  Chrétiens,  Maronites  ou  Grecs; 
10  000  Ismaéliens,  et  le  surplus  d'Ansariés  (6A  000). 

Voici  la  liste  de  ces  dix-sept  cantons  : 

Latakieh,  —  Markab,  —  Khaouaby,  —  Kadraous, 

—  Semti-Gibly,  —  Béni- Ali,  —  Kardaah  ou  Kel- 
bieh,  —  Mehelbeh,  —  Mozeïraah,  —  Sahioun,  — 
Djebel-Akrad,  —  Bâyr,  —  Boudjâk,  —  Bakloulich, 

—  Kaf,  —  Djerbâz,  —  Djeblé-Edhemi. 

Durant  cette  période  de  mon  voyage,  je  recueillis 
les  renseignements  que  je  vais  avoir  l'honneur  de  vous 
communiquer ,  messieurs ,  sur  les  Ansariés  et  les 
Ismaéliens. 

Les  premiers,  que  l'on  croit  originaires  de  la  Perse, 
occupent  les  montagnes  qui  s'éteadent  depuis  Tripoli 
jusqu'à  Adana.  Dans  cette  dernière  ville,  ils  sont,  de 
même  qu'à  Antioche,  fort  nombreux,  et  feignent,  pour 
la  plupart,  de  professer  Tislamisme.  lies  Ansariés 
s'adonnent  tous  à  l'agriculture,  et  il  y  a  lieu  de  présu- 
mer que  sans  les  persécutions  incessantes  auxquelles 
ils  sont  en  butte  de  la  part  des  musulmans,  ils  quitte- 
raient leurs  montagnes  pour  s'établir  dans  des  régions 
plus  fertiles.  Leur  religion  nous  est  encore  fort  peu 
connue  ;  nous  savons  seulement  qu'elle  est  toute  mys- 
tique, que  l'homme  seul  y  est  initié  vers  l'âge  de  dix- 
huit  ans,  et  après  avoir  été  préparé  par  les  scheiks  de 
la  religion  à  savoir  garder  les  mystères  qui  leur  sont 
révélés.  La  cérémonie  de  l'initiation  se  nomme  Teznir. 
Ils  sont  divisés  religieusement  en  quatre  rites  :  les 
Cham-si,  les  Camari,  les  Kleisi  et  les  Chemali,  ado- 
rant  le  soleil  et  la  lune  et  donnant  à  chacun  de  ces 


(457) 

astres  le  nom  d*Etoir-el-Nahal  (prince  des  abeilles); 
c'est-à-dire  des  étoiles  gravitaiit  autour  de  ces  astres, 
comme  les  abeilles  voltigeant  autour  d'une  ruche. 
L'empyrée  est  leur  paradis,  et  chaque  étoile  est  pour 
eux  l'âme  d'un  élu. 

Ces  quatre  rites  doivent  être  considérés  comme  au- 
tant de  degrés  d'initiation.  Les  femmes  sont  exclues 
de  toute  instruction  religieuse,  et  l'on  a  souvent  vu  les 
Ansariés  mourir  au  milieu  des  supplices,  plutôt  que  de 
divulguer  les  secrets  de  leur  religion.  En  fait  de  culte 
extérieur,  ils  ont  des  prières  qu'ils  récitent  trois  fois 
par  jour  en  plein  air.  Pour  prier,  ils  se  tournent  vers 
r Orient,  et  si  au  moment  de  cet  exercice  religieux  ils 
aperçoivent  une  bête  immonde,  leur  prière  n'est  plus 
valable.  Comme  les  musulmans,  ils  ont  les  ablutions 
et  la  circoncision;  la  plupart  d'entre  eux  feignent  de 
jeûner  pendant  le  Rhamadan.  Leur  principale  fête 
religieuse  se  nomme  le  Ghadir  et  tombe  le  18*  jour 
du  mois  de  Zéli-Hadj.  Ils  ont  aussi  des  fêtes  secon- 
daires qui  se  nomment  Aid-  Quoddas  ou  fêtes  sacrées. 
Quant  au  reste,  la  doctrine  des  Ansariés  parait  avoir 
quelque  analogie  avec  celle  des  Druses. 

On  a  cru  à  tort  que  des  réunions  nocturnes  d'hommes 
et  de  femmes  se  pratiquaient  chez  les  Ansariés  ;  elles 
n'ont  lieu  que  chez  les  Ismaéliens,  et  encore  est-ce 
douteux.  Pour  eux,  la  science  religieuse  consiste  à 
savoir  lire  et  écrire,  et  à  être  initié.  Celui  qui  se  trouve 
dans  ces  trois  conditions  peut  devenir  chef  religieux, 
et  en  général  cette  profession  devient  héréditaire  dans 
sa  famille.  La  polygamie  est  licite  ainsi  que  le  divorce. 
Les  mariages  se  font  par  l'entremise  et  du  consente- 


(  A5S  ) 

ment  du  moquaddem  ou  chef  civil  du  canton,  qui 
raccorde  par  un  écrit  qu*il  lait  payer  plus  bu  moins 
cher,  suivant  ja  fortune  des  contractants. 

Les  Ansariés  sont  généraleilient  indolents,  snperfsti- 
tieux,  ignorants,  enclins  au  vol,  bien  que  Thospitalité 
passe  chez  eux  pour  la  première  vettu.  Ainsi  PAnsârié 
qui  pendant  sa  vie  a  donné  beaucoup  à  manger,  est 
réputé  saint  aux  yeux  de  ses  coreligionnaires,  et  on 
élève  une  coupole  au-dessus  de  son  tombeau. 

De  temps  immémorial,  chaque  canton  de  la  moiî- 
tagne  était  administré  par  un  moquaddem,  dolit  les 
fonctions  étaient  héréditaires  et  qui  recevait  son  inves- 
titure âù  gouverneur  turc  résidant  à  Latakieh,  chèf- 
lieu  de  la  province.  Jusqu'aux  derniers  temps,  les 
moquaddems  étaient  à  peu  près  indépendants;  au- 
jourd'hui nn  grand  nombre  ont  été  obligés  de  ployer 
devant  l'autorité  turque,  et  les  cantons  de  la  bàtitè 
montagne,  dits  cantons  rebelles,  sont  les  seuls  qui 
aient  gardé  leur  autonomie. 

Durant  mon  séjour  à  Latakieh,  le  vice-consul  d'Au- 
triche en  cette  ville,  M.  Lazari,  dont  les  t-elations  avec 
les  moquaddems  des  environs  sont  nombreuses,  vou- 
lut bien  m' accompagner  dans  mes  excursions  au  milieu 
des  cantons  insoumis,  et  le  A  novembre  nous  quit- 
tions Latakieh  dans  l'après-midi.  Nous  franchîmes  le 
Nahar-el-Kébir,  non  loin  de  son  embouchure,  fen  face 
du  village  de  Cheffatieh  ;  et  après  avoir  remonté  un 
ruisseau  nommé  le  Nahar-Sahioun,  nous  établîmes 
notre  campement,  vers  quatre  heures  et  demie,  au  pied 
du  tertre  que  couronne  le  village  de  Moudjbah.  Le  len- 
demain, nous  levions  le  camp  dès  six  heures  et  demie 


(  A69  ) 

du  matin,  et  à  huit  heures  nous  faisions  halte  àèl-Hafeh, 
quis*élèveau  sommet  des  premières  pentes  de  la  mon- 
tagne; l'altitude  de  ce  village  est  de  279  mètres  au- 
dessus  du  niveau  de  la  mer.  De  ce  point,  nous  allâmes 
planter  nos  tentes  au  village  de  Scheir-el-Kâk,  voîsiii 
des  ruines  du  château  de  Sahioun. 

L'étude  de  la  vieille  forteresse  des  sires  de  Sahône 
nous  prit  toute  la  journée  du  6  novembre,  et  le  8  nous 
partîmes  dès  le  point  du  jour  pour  aller  camper  à 
Méhelbeh,  qui  donne  son  nom  à  un  des  cantons  de  là 
montagne.  Toutes  les  collines  que  nous  eûmes  à  con-* 
tourner  ou  à  gravir,  appartiennent  aux  terrains  calcaires 
crétacés,  et  sont  sillonnées  par  de  profonds  ravins  aux 
parois  abruptes;  leurs  flancs  dénudés  fatiguent  l'œil 
par  une  blancheur  éclatante. 

Les  hauts  sommets  qui  forment  la  crête  la  plus 
élevée  de  cette  partie  de  la  raontagne  pbrtent  le  nom 
de  Djébel-Darious.  Nous  atteignîmes  à  trois  heures  le 
village  de  Méhelbeh,  situé  à  une  altitude  de  682  mè- 
tres, et  nous  fîmes  l'ascension  de  la  montagne  couron- 
née par  un  château  également  du  nom  de  Méhelbeh , 
qui  n'offre  aux  regards  qu'un  amas  confus  de  débris 
appartenant,  les  uns  au  moyen-âge  chrétien,  les  autres 
à  l'époque  musulmane.  Après  avoir  fait  une  station  dé 
ce  point  dont  l'altitude  est  de  920  mètres  au-dessus 
du  niveau  de  la  mer,  nous  rentrâmes  au  camp  où  lé 
moquaddem  du  canton  vînt  nous  faire  sa  visite. 

Le  lendemain,  nous  nous  dirigeâmes  vers  Djibleh, 
que  nous  quittions  le  7  pour  explorer  la  Kadmousie, 

Partis  de  Djibleh  à  cinq  heures  du  matin,  nous 
avons  suivi  le  littoral  jusqu'au  cap  nommé  Ras-Baldy- 


(  460) 

el-Malek,  où  s'élevait  jadis  Paltos  cité  par  les  géogra- 
phes de  l'antiquité.  Au  moyen-âge,  ce  lieu  paraît  avoir 
porté  le  nom  de  Toron-de-Boldo.  C'est  de  ce  point, 
qu'après  avoir  franchi  l'embouchure  du  Nahar-Sïn, 
nous  nous  engageâmes  dans  les  montagnes  en  remon- 
tant le  cours  d'un  ravin  dont  nous  atteignîmes  la  nais- 
sance vers  une  heure  et  demie.  En  face  de  nous,  de 
l 'autre  côté  de  la  profonde  vallée  de  Ouady-Djobar, 
s'élevaient  alors  sur  un  contre-fort  de  la  montagne  le 
village  et  le  château  d'Aleïka,  si  souvent  mentionné 
par  les  auteurs  du  moyen  âge  qui  ont  écrit  sur  les  Ba- 
théniens  ou  Haschischiens,  et  où  résidaient  ces  scheiks 
redoutables  que  nos  chroniques  désignent  sous  le  nom 
général  de  Vieux  de  la  Montagne.  Ce  château  est 
aujourd'hui  presque  complètement  ruiné  et  n'offre  plus 
aucun  intérêt. 

Nous  remontâmes  le  flanc  gauche  de  la  vallée»  en 
suivant  un  sentier  à  peine  tracé,  sur  le  bord  des  pentes 
qui  s'abaissent  brusquement  et  font  de  cette  vallée  un 
affreux  précipice.  Les  bois  qui  couvraient  les  hauteurs 
que  nous  parcourûmes  avaient  été  récemment  brûlés  ; 
la  terre  était  encore  chargée  de  cendres  blanchâtres  ; 
çà  et  là  quelques  arbrisseaux  et  quelques  gros  chênes 
verts  noircis  par  le  feu  et  dépouillés  de  leurs  feuilles, 
se  tenaient  encore  debout  quoique  ayant  cessé  de  vivre. 
Ces  traces  récentes  d'un  incendie  au  milieu  de  ces 
gorges  si  abruptes  en  rendaient  T aspect  plus  sauvage 
et  plus  désolé.  De  là,  à  peine  apercevait-on  au  loin 
quelques  chétifs  hameaux  qui  semblaient  accrochés 
aux  flancs  des  montagnes  voisines.  Arrivés  le  soir  à 
Aïn-eUHatmieh,  pendant  que  l'on  dressait  nos  tentes,  je 


(  A6l  ) 

découvris  au  fond  d'un  ravin  un  village  composé  de 
maisons  ombragées  de  noyers  séculaires.  Parvenu  au 
milieu  de  ce  hameau,  j'en  trouvai  les  habitations  en- 
tièrement désertes;  ce  fait,  qui  peut  d'abord  sembler 
étrange,  me  fut  tout  naturellement  expliqué  par  l'ap- 
proche des  recruteurs  turcs. 

Le  lendemain,  nous  atteignîmes  de  bonne  heure 
Kadmous,  où  nous  attendait  une  hospitalité  des  plus 
gracieuses  chez  l'émir  Assad,  chef  des  Ismaéliens  qui 
forment  la  majorité  des  habitants  de  ce  canton. 

Kadmous  est  un  grand  village  entouré  de  murailles 
percées  de  deux  portes  ;  on  y  compte  environ  cent 
cinquante  maisons,  une  mosquée  et  un  petit  bazar.  Un 
rocher  escarpé  sur  lequel  s  élevait  le  Kalaat-Kadmous, 
détruit  par  Ibrahim-Pacha,  domine  le  tout. 

Nous  fîmes  le  même  jour,  en  compagnie  de  quelques 
cavaliers  de  Témir,  l'ascension  de  la  montagne  du 
Naby-Schit,  que  nous  avions  déjà  aperçue  du  sommet 
de  la  montagne  de  Naby-Metta  ;  l'altitude  de  ce  point 
est  de  107i  mètres.  C'est  un  cône  de  soulèvement  plu- 
tonien,  au  sommet  duquel  se  sont  fait  jour  des  roches 
porphyriques.  D'épaisses  fougères  couvrent  les  pentes 
supérieures  de  ce  pilon  au  sommet  duquel  se  voit  un 
prétendu  tombeau  de  Seth  qui  a  donné  son  nom  à  cette 
montagne.  De  cet  endroit,  j'ai  recoupé  les  points  déjà 
connus,  tels  que  la  tour  de  Safita,  le  Roubbet-Soulhan 
Ibrahim,  les  sommets  de  Naby-Metta,  de  Naby-Saleh, 
de  Daharet-TeiTaah,  enfin  le  château  de  Markab  à 
l'ouest-quart-nord. 

Je  comptais  le  lendemain  faire  l'ascension  du  Djebel- 
Ras-,  mais  le  temps  devint  tellement  mauvais  que  nous 


(462) 

dûmes  passer  la  journée  du  10  chez  l'émir.  J'appris  là 
que  Massiad  n'est  éloigné  de  Kadmous  que  d'environ 
quatre  heures,  sous  un  angle  de  85  degrés  environ.  Les 
résultats  de  mes  observations  géodésiques  m'ont  démon- 
tré l'exactitude  de  la  relation  qui  me  fut  faite  alors. 

Le  11,  nous  partîmes  de  bonne  heure  de  Kadmous, 
nous  dirigeant  vers  Markab.  La  route  que  nous  sui- 
vîmes traverse  un  pays  en  tout  analogue  à  celui  que 
nous  avions  vu  les  jours  précédents  :  mêmes  rochers 
abruptes  qu'égayent  de  loin  en  loin  quelques  verts 
bouquets  de  myrtes  et  de  lentisques  ;  la  route  longe  le 
bord  d'un  ravin  nommé  Ouady-Mehika.  Vers  onze 
heures,  nous  étions  sur  le  sommet  des  hauteurs  qui 
ferment  la  vallée  du  Nahar-Marakiak.  Après  avoir 
aperçu  et  noté  successivement  les  villages  de  Tânîta, 
de  Seredin,  etc.,  etc.,  nous  atteignîmes  à  trois  heures 
la  vieille  forteresse  des  Hospitaliers,  que  je  revoyais 
pour  la  seconde  fois  à  quatre  ans  de  date.  Je  pris  là 
quelque  repos  et  M.  Lazari  rejoignit  son  consulat  de 
Latakieh.  Le  12,  je  gagnai  Tortose,  et  comme  la  saison 
des  pluies  devenait  chaque  jour  plus  menaçante,  je  me 
dirigeai  vers  Tripoli  pour  aller  installer  mes  quartiers 
d'hiver  à  Beyrouth. 

Après  la  course  dont  je  viens,  messieurs,  de  vous 
faire  le  récit,  bien  des  lacunes  restaient  encore  dans 
mon  travail.  Je  me  préparai  donc  à  compléter  mes 
recherches  par  de  nouvelles  excursions  entreprises 
dans  le  printemps  de  Tannée  1865.  J'employai  les 
derniers  jours  de  mars  à  visiter  aux  environs  de  Tyr 
les  ruines  du  château  de  Rrein,  le  Montfort  des  cheva- 
liers teutoniques. 


(  463  ) 

Je  repris  ensuite  le  chemin  du  nord  de  la  Syrie,  et 
après  avoir  fait  une  étude  détaillée  des  sanctuaires  de 
Naous,  je  quittai  Tripoli  le  9  avril,  me  dirigeant  vers 
le  cantqn  du  Khaouaby  en  traversant  la  partie  nord- 
ouest  du  district  de  Safita.  Mou  plan  était  de  pousser 
vers  le  nord  jusqu'au  Djiser-el-Hpiddid,  près  d' Anlioche, 
en  visitant  les  parties  encore  inexplorées  de  la  mon- 
tagne que  j'avais  été  obligé  de  négliger  dans  mon  pré- 
cédent voyage,  et  particulièrement  les  districts  de 
Kourdâah  et  de  Béni-Ali,  puis  les  montagnes  où  le 
Nahar-el-Kébir  de  Latakieb  prend  sa  source  et  qui  pour 
nous  sont  également  inconnues,  entre  le  Ghaffar  et  la 
source  de  ce  fleuve. 

Je  campai  le  même  jour  au  village  de  Tléaï,  d'où  le 
lendemain,  en  repassant  par  Bordj-om-Maach,  Safita 
et  Toklé,  que  j'avais  visités  dans  ma  course  précédente, 
je  vins  franchir  au  bas  de  ce  dernier  point  le  cours  du 
Ouady-Reïs.  Après  l'avoir  traversé,  je  m'engageai  sur 
les  escarpements  abrupts  qui  se  trouvent  à  la  base 
de  la  montagne  de  Daharet-TeiFaah  ;  je  laissai  mes  ba- 
gages et  mes  tentes  au  village  de  ce  nom,  et  j'atteignis 
le  point  culminant  de  la  montagne  vers  trois  heures 
et  demie.  C'est  un  cône  de  rochers  porphyriques  de 
tous  points  semblable  aux  autres  montagnes  de  la 
même  chaîne  dont  j'avais  déjà  effectué  l'ascension. 
De  là  je  pus  recouper  les  principaux  sommets  que 
j'avais  remarqués  dans  ma  première  excursion  :  Rad- 
mous,  Naby-Schit,  Djebel-Ras,  Naby-Metta,  Naby- 
Zaher,  Bordj-Safita,  etc.  A  l'est  de  ce  point  se  voit 
très-distinctement  l'Ile  de  Rouad. 

En  redescendant  au  village  de  Teifaah,  où  je  n'étais 


(  À6A  ) 

pas  entré  tout  d'abord ,  je  fus  frappé  des  manières 
sauvages  de  ses  habitants.  Les  femmes  fuyaient  à  notre 
approche,  et  la  plupart  des  indigènes  les  imitaient. 
Trois  ou  quatre  seulement,  qui  étaient  allés  à  Tortose 
ou  à  Tripoli,  se  hasardèrent  à  nous  accoster,  et  nous 
apprirent  que  jamais  Européen  n'avait  été  vu  dans  ce 
pays.  Pendant  toute  la  journée  je  fus  mouillé  par  des 
averses  successives,  et  dans  la  nuit  je  fus  saisi  d'un 
grand  malaise.  Le  lendemain,  néanmoins,  je  continuai 
mon  chemin  vers  Tortose  que  je  voulais  relier  à  cette 
partie  de  mon  canevas  géographique,  comptant  de  là 
gagner  Khaouaby. 

Parti  à  six  heures  quinze  minutes  du  village  de 
TefTaah,  je  descendis  dans  une  vallée  qui  va  se  réunir 
au  Ouady-Keïs.  Elle  est  remplie  de  beaux  arbres: 
chênes  verts,  platanes,  noyers,  etc.,  que  festonnent, 
en  s' enlaçant  à  leurs  troncs  et  à  leurs  branches, 
d'énormes  vignes  sauvages.  Çà  et  là  plusieurs  arbres 
de  Judée,  aux  fleurs  éclatantes,  sont  mêlés  à  des  gre- 
nadiers sauvages,  et  produisent  de  magnifiques  teintes 
d'ombre  et  de  verdure,  sur  lesquelles  les  regards  du 
voyageur  se  reposent  avec  plaisir  en  traversant  ces 
sites  agrestes. 

Vers  huit  heures,  ayant  dépassé  le  village  d'Aïn- 
Tchesnou,  notre  route  nous  amena  dans  la  vallée  du 
Ouady-Keïs  que  je  trouvai  bien  cultivée.  Sa  direction 
à  cet  endroit  est  du  S.-E.  au  N.-O.;  après  l'avoir 
suivie  trois  quarts  d'heure,  je  gravis  les  pentes  de  la 
rive  gauche,  dont  j'atteignis  le  sommet  à  neuf  heures 
quinze  minutes  au  village  de  Melchi.  Je  dépassai  suc- 
cessivement les  hameaux  de  Bderich  et  de  Semmaka, 


(  465  ) 

et  à  onze  heures  je  descendis  dans  Tlsar  de  Tortose. 
On  désigne  sous  ce  nom  la  plaine  du  littoral  dans  la 
partie  où  elle  avoîsine  cette  ville.  Cette  plaine  demeure 
inculte  à  cause  des  nombreux  marais  qui  la  rendent 
horriblement  fiévreuse  pendant  la  plus  grande  partie 
de  Tannée. 

J'employai  la  journée  du  12  à  compléter  mes  études 
archéologiques  de  Tortose.  J*espérais  continuer  le  len- 
demain ma  route  vers  le  nord,  mais  il  devait  en  être 
autrement  :  je  fus  pris  d'un  si  violent  accès  de  fièvre, 
que  je  n*eus  plus  d'autre  ressource  que  de  revenir  à 
Tripoli  pour  y  chercher  les  soins  d'un  médecin  euro- 
péen. Le  14,  plusieurs  heures  avant  d'arriver  dans 
cette  ville,  je  fus  atteint  d'un  accès  pernicieux  qui 
m'eût  été  fatal  sans  les  soins  empressés  que  je  trouvai 
au  consulat  de  France.  Je  fus  bientôt  hors  de  danger, 
mais  tout  espoir  de  continuer  mon  excursion  fut 
perdu  pour  moi,  et  je  dus  songer  à  me  rapatrier  pour 
échapper  aux  suites  de  ces  influences  paludéennes. 
J'ai  cependant  pu,  durant  cette  seconde  course, 
compléter  mon  étude  sur  l'époque  des  croisades  et 
élucider  bien  des  points  de  l'organisation  territoriale 
et  militaire  des  principautés  chrétiennes  de  Syrie 
durant  le  moyen  âge. 

Tels  sont,  messieurs,  les  résultats  de  mes  courtes 
au  milieu  de  ces  régions  encore  si  peu  connues,  et  je 
jii' estimerais  heureux  si  mes  efforts  vous  paraissent 
avoir  été  couronnés  de  succès  et  avoir  enrichi  la  science 
de  quelques  nouvelles  données. 

■ 

Les  documents  qui  ont  servi  à  établir  la  carte  dont 
XI.  JUIN.  i.  30 


(  àôô  ) 

cett3  notice  est  accompagnée,  sont  :  pour  le  tracé  de 
la  côte,  les  cartes  de  Tamiranté  anglaise;  pour  les 
positions  de  Hama  et  de  Homs,  les  déterminations 
obtenues  par  M.  Vignes,  lieutenant  de  vaisseau,  pen- 
dant son  voyage  avec  M.  le  duc  de  Luynes;  enfin  mes 
levés  personnels  exécutés  à  l'échelle  de  1/100000% 
J'ai  cru  devoir  laisser  en  blanc  les  parties  du  terrain 
que  je  n'ai  pu  voir  par  moi-même;  cette  méthode  a 
deux  avantages  :  le  premier  est  de  ne  rien  donner  qui 
ne  soit  aussi  précis  que  possible  ;  le  second  est  de  per- 
mettre de  voir  d'un  coup  d'œil  qo^s  sont  les  espaces 
sur  lesquels  il  est  à  désirer  que  se  portent  dans  l'avenir 
les  investigations  des  voyageurs. 

E.  G.  Rey. 


(467) 
TABLEAU  DES  OBSERVATIONS 

FAITES  DANS  LES  MONTAGNES   DES  ANSARIÉS 
\Du  16  septembre  186&  au  10  avril  1865. 


Remarques  générales. 

Les  coiitre-observations  barométriques  ont  été  faites 
à  Beyrouth,  à  bord  de  la  frégate  f  Impétueuse ^  sur 
deux  baromètres  à  cuvette,  deux  anéroïdes  et  sur  un 
fortin  ;  ces  observations  étaient  faites  à  six  heures  du 
matin,  à  neuf  heures,  à  midi,  à  trois  heures  et  à  six 
[  heures  par  les  timoniers  du  bord. 

[  Le  plan  de  comparaison  est  le  niveau  de  la  mer 

moyenne  à  Beyrouth. 

Mon  baromètre  était  un  holostérique,  et  mes  thermo- 
mètres étaient  à  la  graduation  centigrade. 

Le  mot  Station  indique  les  points  d'arrêt  d'où  j'ai 
fait  des  observations  barométriques,  pris  des  recoupe- 
ments. J'ai  désigné  chaque  sommet  de  triangle  n'abou- 
j  tissant  pas  à  un  lieu  dit,  par  une  lettre  latine  ou 

!'  grecque. 

L'instrument  dont  je  me  suis  servi  pour  mes  levés 

çst  un  petit  théodolite  ;  mon  point  de  départ  a  été  le 

triangle  Kleiaat — Kalaat-el-Hosn— Safita,  mesuré  par 

.  M,  le  lieutenant  Vignes  et  moi,  au  commencement  de 

la  campagne. 


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(  469  ) 


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(470) 


SUR  LE  DROIT  B/LEN 

A  PROPOS  DU  LIVRE 

DE  M.  WERN£R  MUNZINGER 

INTITULi 

LES  KŒUR8  ET  LE  DROIT  DES  B060S^'> 

(Suite  eL  fin). 


Malgré  l'étendue  de  cette  notice,  nous  ne  saurions 
quitter  le  fécond  sujet  des  us  btlen  sans  parler  de  la 
propriété.  Son  origine  vient  de  Théritage,  de  l'achat, 
de  la  première  possession,  ou  enfin  d'un  butin  fait  à 
l'étranger. 

Celui  qui  a  vendu  une  terre  a  le  droit,  pendant 
toute  la  vie  de  l'acquéreur,  de  la  racheter  en  doublant 
son  prix*  Nous  voudrions  demander  à  M.  Munzinger 
si  cette  règle  est  absolue.  En  Tegray  où  elle  existe 
aussi,  nous  avons  compris  qae  ce  droit  compète  seule- 
ment à  celui  qui  a  vendu  sa  terre  paternelle,  et  qu'un 
acheteur  adventice,  devenu  vendeur  à  son  tour,  ne 
saurait  le  réclamer.  Cet  us  a  été  introduit  pour  con- 
server Tesprit  de  famille  par  les  souvenirs  matériels 
qui  l'ont  entourée,  et  l'on  suppose  qu'un  prix  d'affec- 

(1)  U^er  die  SUlenwid  das  Recht  der  Bogos^  in -8*,  xiv-96  pages. 


.    (  471  ) 

lion  est  le  double  d'une  valeur  ordinaire,  car  celle-ci 
est  souvent  dictée  par  la  nécessité  du  malheur. 
Quel  que  soit  le  nombre  des  ventes  postérieures, 
le  premier  vendeur  est  seul  admis,  en  cas  de  contes- 
tation, à  indiquer  les  bornes  de  la  terre,  et  peut  ainsi 
devenir  témoin  dans  sa  propre  cause.  On  se  rap- 
pellera, d'ailleurs,  qu'une  pareille  anomalie  légale 
existe  aussi  chez  nous,  où,  en  cas  de  contestation  sur 
la  quotité  des  gages,  notre  loi  se  contente  de  la  seule 
aflbmation  du  maître. 

On  retrouve  encore  chez  les  Bûen  l'usage  ilmorma 
de  la  bénédiction  demandée  au  propriétaire  d'une  terre 
d'étranger,  en  lui  portant  comme  cadeau  une  petite 
partie  de  la  moisson  qu'on  y  a  faite.  La  crainte  du 
mauvais  œil  est  probablement  au  fond  de  cet  us,  qui  a 
d'ailleurs  pour  eifet  d'entretenir  de  bons  rapports 
entre  des  gens  trop  adonnés  au  vol  et  à  la  violence. 
Chez  les  Takue  et  les  Mansab,  on  donne,  en  cas  pareil, 
le  tiers  de  la  récolte  au  propriétaire  qui  ne  cultive  pas 
sa  propriété;  mais  en  pays  belen,  l'abondance  des 
terres  en  friche  a  fait  abandonner  une  aussi  forte  pro- 
portion. Gomme  dit  notre  auteur,  ce  n'est  pas  une  loi, 
mais  bien  une  sainte  coutume  qui,  alors  qu'une  terre 
étrangère  a  été  cultivée  une  première  fois,  défend  d'en 
empêcher  la  culture  pendant  la  seconde  année  par  le 
même  colon,  et  le  propriétaire  foncier  ne  rentre  pas 
dans  ses  droits  avant  la  troisième  année  ;  cet  usage  pro- 
vient d'une  crainte  superstitieuse  de  la  malédiction  du 
colon.  Si  celui-ci  a  commencé  sa  culture  contre  la  vo- 
lonté du  maître,  ce  dernier  a  le  droit  de  s'emparer  du 
champ  fraîchement  labouré,  en  donnant  une  compen- 


(472) 

satioD  pour  la  semence,  à  moins  qu  elle  ne  soit  déjà 
répandue,  cas  auquel  on  doit  se  contenter,  pour  tout 
revenu,  du  cadeau  d'usage. 

Si  une  terre  a  été  délaissée,  ou  si  son  ancien  maître 
ne  donne  plus  signe  de  vie,  elle  appartient  au  premier 
qui  la  défriche.  De  même,  tout  objet  de  valeur  sans 
maître  appartient  à  celui  qui  le  trouve,  à  moins  que  le 
trouveur  ne  soit  un  Tigre,  cas  auquel  il  doit  la  moitié 
de  la  valeur  à  son  patron. 

La  propriété  d'une  pièce  de  terre  implique  son  ex- 
tension en  ligne  droite  vers  le  côté  de  la  montagne 
voisine  pour  son  bois,  son  eau,  ses  abeilles,  ses  fruits 
sauvages,  etc.  L'émigré  ne  perd  pas  la  propriété  du 
sol  de  sa  hutte  et  peut  la  réclamer  à  son  retour,  au 
point  d'obliger  un  nouveau  possesseur  à  détniire  sa 
demeure  pour  restituer  le  sol  primitif.  Quoique  les 
eaux  courantes  appartiennent  au  public,  celui  qui  en 
creusant  à  découvert  une  source,  en  conserve  1^  pro- 
priété perpétuelle. 

Nos  historiens  français  savent  le  rôle  que  le  droit 
d'asile  jouait  chez  nous  dans  des  siècles  moins  fortunés 
que  le  nôtre.  Ce  droit  existe  en  Ethiopie  à  peu  près 
partout,  et  devient  plus  rigoureux  à  mesure  que  la 
tribu  est  plus  sauvage.  On  n'est  donc  pas  surpris  d'ap- 
prendre qu'un  homme  pris  à  l'étranger  et  présenté 
comme  captif  soit  à  un  chef,  soit  à  l'assemblée  du  vil- 
lage, reprend  sa  liberté  et  a  le  droit  de  retourner  chez 
lui  si,  après  avoir  échappé  à  son  possesseur,  il  prend 
refuge  auprès  de  n'importe  quel  patricien.  J^ai  été  té- 
moin d'un  pareil  droit  d'asile  en  KafTa. 

Le  plébéien,  faute  de  payer  une  dette,  devient  le 


(473) 

serf  de  sa  caution  ;  s*.il  meurt  sans  payer ^  on  vend  ses 
enfants.  C'est  là  nne  barbare  extension  de  la  logique 
légale,  et  qu'à  leur  éternel  honneur  les  vieux  Romains 
n'ont  jamais  connue.  Le  fils  btlen  est  responsable  des 
dettes  de  son  père  s'il  a  hérité  de  la  moindre  valeur  dans 
sa  succession.  Faute  d'héritiers  mâles*  les  fiUes^  bien 
qu'elles  ne  puissent  hériter  de  l'actif,  sont  néanmoins 
appelées  à  acquitter  le  passif  de  la  succession,  sans 
quoi  elles  tombent  en  servage.  Mais  cet  us,  ajoute 
notre  auteur,  est  un  abus  du  droit,  établi  postérieure^ 
ment  à  son  origine,  et  d'ailleurs  récemment  abrogé. 
Enfin,  les  orphelins  mineurs  d'un  patricien  ne  peuvent 
être  actionnés  pour  les  dettes  de  leur  père  avant  d'avoir 
atteint  leur  majorité,  dont  l'époque  doit  être  alors  pro- 
clamée dans  l'assemblée  des  notables. 

On  appelle  «  gabat  >  l'obligation  de  rendre  au  bout  de 
l'an  un  capital  prêté  en  payant  un  intérêt  de  100  pour 
100,  Cet  intérêt  usuraire  continue  à  courir  si  le  débi- 
teur ne  s'est  pas  acquitté ♦  Lors  d'une  mauvaise  récolte 
et  en  temps  de  guerre,  l'assemblée  a  le  droit  de  sup- 
primer les  intérêts  ou  de  renvoyer  le  payement  à  l'an- 
née suivante.  Mais  ce  droit  ne  s'applique  pas  aux  ga- 
bat  appartenant  aux  Askar  ou  miliciens  du  Nayb,  qui 
depuis  longtemps  sont  les  pnncipaux  commerçants  en 
pays  bilen.  Le  taux  excessif  de  l'intérêt  montre  com- 
bien le  négoce  y  est  chanceux.  A  Gondar,  l'emprunt 
d'un  thaler,  de  36  sels  environ,  donne  un  intérêt  légal 
d'un  sel  par  mois  ;  mais  il  ne  s'élève  réellement  qu'à 
25  pour  100,  car  l'indulgente  législation  des  Amara 
suppose  que  le  capital  reste  inactif  pendant  les  trois 
mois  de  la  saison  pluvieuse.  Plus  dur  envers  les  spécu- 


(  474) 

lateurs,  le  droit  mogareh  réserve  ses  tendresses  pour 
fortifier  les  liens  de  parenté.  Aussi  élève-t-il  à  la  dignité 
d'une  dette  les  cadeaux  dits  iffaybatot  et  ilfosnit.  Le 
premier  se  fait  à  un  parent  tombé  dans  la  misèi*e  ou 
rainé  par  la  guerre.  Le  donateur  d'un  maybatot  a  droit 
de  le  redemander  s'il  tombe  dans  la  misère  ou  si  son 
obligé  rétablit  sa  mauvaise  fortune.  Le  masnit  est 
donné  par  ses  donzeaux,  ou  garçons  d'honneur,  à  un 
homme  qui  se  marie.  Quand  le  donzeau  s'établit  à  son 
tour,  il  a  droit  à  un  cadeau  de  même  valeur  :  cet  usage 
prévaut  aussi  chez  les  tribus  Tigre,  et  par  conséquent 
à  Muç^zwWa.  Si  un  donzeau  impatient  ne  veut  pas  at- 
tendre l'époque  de  ses  noces,  il  a  le  droit  d'exiger  la 
valeur  de  la  moitié  de  son  cadeau  ;  mais  par  cette 
démarche  il  quitte  l'association  dont  il  était  membre. 

Les  biens  passent  par  héritage  à  Talnë  des  fils,  à 
l'exclusion  des  filles.  Les  esclaves,  les  clients  et  même 
l'épouse,  font  partie  de  l'héritage  d'un  défunt.  JMaisle 
titre  d'alné  (bekir)  n'appartient  pas  au  premier-né 
s'il  est  idiot  ou  s'il  est  atteint  de  défauts  organiques, 
car  le  biker  doit  être  en  état  de  soutenir  l'honneur 
de  son  père.  On  regarde  comme  aîné  le  fils  de  la  pre- 
mière femme,  quand  même  il  serait  né  après  le  fils  de 
la  seconde  épouse. 

Tout  homme  libre  a,  de  son  vivant,  le  droit  de  faire 
des  cadeaux  au-dessus  de  ses  moyens  ;  mais,  s'il  a  des 
fils  majeurs,  ils  peuvent  le  contraindre  à  ne  pas  tou- 
cher à  son  capital,  c'est-à-dire  à  ses  vaches  blanches. 

L'us  mogareh  ne  reconnaît  pas  le  droit  de  tester. 
Cette  négation  légale  nous  parait  des  plus  étranges, 
car  ridée  du  testament  est  étroitement  liée  à  celle  de 


(475) 

rimraortalité  de  Tâme,  universelle  en  Ethiopie,  et  l'on 
a  d'autant  plus  lieu  de  s'étonner  du  refus  de  la  loi 
bzlen  à  cet  égard,  que  Tinstitution  des  legs  est  habi- 
tuelle dans  l'Ethiopie  chrétienne.  Au  contraire,  le 
Bîlen  qui  veut  faire  un  don  à  son  fils  ou  à  son  épouse 
doit  le  remettre  de  son  vivant  à  un  gardien,  car  sa  vie 
légale  cesse  dès  le  moment  de  sa  mort  naturelle. 

L'aîné  est  l'exécuteur  de  la  succession.  Il  doit  en 
premier  lieu  faire  fiancer  ses  frères,  contrat  qui  s'exé- 
cute habituellement  pendant  l'enfance  des  fiancés,  et 
donner  la  même  dot  (m«slot)  que  ses  frères  mariés  ont 
déjà  reçue.  Ces  préliminaires  étant  exécutés»  Talné 
prend  pour  lui-même  le  parc  {harai)y  c'est-à-dire  les 
vaches  blanches,  toutes  les  vaches  stériles  ou  enta- 
chées de  quelques  défauts,  les  veaux  et  taureaux,  tous 
les  effets  et  meubles  de  la  maison,  les  ânes,  chevaux 
et  mules,  la  terre  avec  ses  droits,  les  clients  et  les  plé- 
béiens, la  responsabilité  des  dettes  de  son  père  et, 
enfin,  sa  veuve.  Le  reste  de  la  fortune  se'partage  éga- 
lement entre  Tatné  et  les  enfants  mâles,  mais  la  mai- 
son vide  est  légalement  la  propriété  du  plus  jeune  fils. 

Tous  les  patriciens  se  garantissent  réciproquement 
leur  propriété.  Celui  qui  la  viole  est  puni  d'une  amende 
regardée  non  comme  une  peine  ou  une  vengeance  lé- 
gale, mais  comme  un  moyen  d'établir  de  la  sécurité 
dans  ce  pays  de  brigandages.  Celui  qui  rencontre  dans 
le  désert,  loin  de  tout  village  ou  champ  cultivé,  un 
voleur  qui  revient  avec  son  butin,  a  le  droit  de  prendre 
une  moitié  du  produit  du  vol,  et  en  devient  alors  l'as- 
socié ou  complice. 

Il  n'y  a  point  d'action  légale  contre  celui  qui  vole 


(  476  ) 

son  oncle  maternel.  On  peut  voir  là  une  extension  de 
notre  droit,  qui  n'autorise  pas  un  père  à  ester  contre 
l'enfant  qui  Va  volé,  car  le  droit  mogareh,  ne  recon- 
naissant pas  de  femme  en  justice,  semble  vouloir  la 
faire  représenter  par  son  frère  dès  qu'elle  a  un  enfant» 
Le  voleur  pris  sur  le  fait  est  mis  en  liberté  après 
avoir  payé  une  amende  de  sept  vaches  ;  cette  peine 
s'applique  au  vol  agricole  comme  au  vol  avec  effrac- 
tion, mais  l'amende  est  portée  à  dix  vaches  quand  on 

• 

a  dérobé  des  bêtes  à  corne,  car  toutes  les  législations 
primitives  ont  tâché,  en  élevant  la  peine,  de  mieux 
protéger  ce  genre  de  propriété,  qui  échappe  plus  aisé- 
ment à  la  garde  de  son  maître. 

Si  le  vol  est  prouvé  par  T affirmation  d'un  seul  té- 
moin, par  le  serment  (gar)  du  propriétaire,  ou  par 
wotwozam^  le  voleur  et  ses  complices  sont  punis  cha- 
cun par  la  restitution  multiple  de  la  chose  volée.  Si, par 
exemple,  trois  voleurs  se  sont  réunis  pour  dérober  une 
vache,  Chacun  d'entre  eux  doit  restituer  trois  vaches. 
Mais  si  le  vol  n'a  pu  être  prouvé  que  par  le  refus  du 
voleur  de  prêter  serment,  lui  et  ses  complices  doivent 
chacun  restituer  cinq  fois  la  chose  volée.  Cette  dispo- 
sition de  la  loi  est  peu  sage,  car  elle  y  semble  perdre 
sa  dignité  et  sa  raison  uniquement  parce  que  sa  proie 
allait  lui  échapper.  Ce  n'est  pas  tout:  si  l'habitant 
d' un  village  est  convaincu  d'avoir  égorgé  chez  lui  une 
vache  volée  dans  ce  village,  une  fiction  légale  prend 
pour  complice  chaque  membre  de  la  famille,  et  même 
le  pot  à  bouillon,  chaque  assiette,  etc.  S'il  y  a  en  tout 
une  vingtaine  de  ces  complices  volontaires  et  involon- 
taires, le  voleur  doit  restituer  vingt  fois.  Bien  que  cet 


(477) 

uâ  doive  évidemment  son  origine  au  besoîîi  d'établir 
la  sécurité  entre  voisins,  on  conviendra  ici  sans  peine 
que  la  loi  devient  ridicule  en  voulant  être  trop  raffinée 
dans  sa  logique. 

Celui  qui  est  soupçonné  de  sorcellerie  est  expulsé 
du  pays  avec  ses  proches  parents  ;  mais  s'il  est  con- 
vaincu d'avoir  tué  quelqu'un  par  ses  pouvoirs  occultes, 
il  doit  périr  ou  payer  le  sang  du  défunt,  et  passe  léga- 
lement pour  son  meurtrier.  Tous  les  Africains  croient  à 
l'existence  des  sorciers.  Il  est  de  mode,  aujourd'hui,  de 
la  nier  chez  nous  ;  néanmoins  les  penseurs  qui  sondent 
sans  préjugés  les  plaies  morales  de  l'humanité,  ad- 
mettent, comme  nos  ancêtres  le  faisaient,  selon  les 
temps  et  selon  les  peuples,  que  tout  n'est  pas  faux 
dans  ce  qu'on  nous  a  transmis  sur  cet  art  ou  ce  mal, 
aussi  néfaste  qu41  est  mystérieux. 

On  connaît  la  distinction  tracée  par  les  Anglais 
entre  la  loi  {commun  law)  et  l'acte  du  Parlement.  La 
première  a  chez  nos  voisins  une  grande  part  de  la  ma- 
jesté et  de  l'immuabilité  qui  n'appartiennent  ailleurs 
qu'à  la  religion,  car  la  loi  est  le  lien  pnncipal  de  la 
société,  et  Ton  ne  saurait  y  toucher  sans  commettre  le 
crime  de  lèse-humanité.  Le  common  law  est  un  us 
tellement  antique  que  la  mémoire  â! aucun  homme  ne 
rappelle  rien  qui  lui  sait  contraire.  Au  contraire,  un 
atcte  du  Parlemept  peut  être  modifié  et  même  abrogé, 
puisqu'il  sert  tant  à  consacrer  quelques  décisions  nou- 
velles de  la  jurisprudence,  qu'à  régler  cette  foule  de 
différends  imprévus  qui  naissent  toujours  dans  une 
société  en  progrès.  Une  distinction  pareille  semble 
exister  chex  les  Btlen,  et  si  cette  assimilation  est  juste, 


(498) 

nous  regrettons  que  M.  Munzinger  n*ait  pas  donné  la 
liste  des  «  sire  »  ou  lois,  car  elles  dessinent  au  mieux  l'es- 
prit de  la  société.  Outre  le  «sire»  et  le  droit  mogareh, 
ou  coutume  judiciaire,  les  Bilen  ont  aussi  les  décisions 
du  mohaber,  sorte  de  parlement  on  d'assemblée  de 
notables^  qui  commentent  et  appliquent  la  coutume 
dans  les  cas  particuliers. 

L'origine  du  «  sire  >  se  perd  dans  la  nuit  dea  temps  et 
doit  avoir  précédé  le  divorce  des  peuples  en  j^thiopie, 
car  on  y  rei,trouve  les  mêmes  prescriptions  chou  des 
tribus  qui  n'ont  plus  entre  elles  aucun  rapport  aujoi^:^ 
d'bui,  soit  pour  la  langue,  soit  même  pour  lai  religion. 

Le  «  sire  »  inspire  plus  que  du  respect  :  c'ost  une  vnue 
superstition»  et  les  Bilen  aimeraient  mieux  commettre 
les  plus  gros  péchés  que  de  violer  un  sire.  Heureux  le 
peuple  qui  professe  pour  la  loi  cette  vénération  ;  mais 
en  Afrique,  comme  en  Europe,  on  la  donne  seulement 
aux  idées  dont  l'origine  est  aujourd'hui  perdue  dans 
la  nuit  des  temps  et  dans  la  majesté  toujours  croissante 
des  siècles. 

C'est  un  ((  sire  »  qu'un  patricien  ou  une  femme  ne  peut 
tirer  le  lait,  l'un  sans  doute  parce  qu'il  est  trop  noble, 
l'autre,  comme  les  llmorma  et  les  Saho  me  l'ont  expli- 
qué, parce  qu'elle  en  est  indigne.  Le  soin  des  trou- 
peaux fait  le  bonheur  et  la  gloire  des  Bilen.  C'est  pour 
satisfaire  à  cette  passion  dominante  qu'un  tiers  de  tout 
ce  peuple  vit  à  l'état  nomade.  Il  aime  tant  les  vaches  que, 
hors  des  cas  prescrits  par  le  vieil  us,  il  mange  seule- 
ment celles  qui  sont  mortes  naturellement  ou  par  acci- 
dent. L'agriculture  est  peu  en  honneur.  Elle  s'exerce 
sur  les  daga  ou  hauts  plateaux,  et  c'est  dans  les  an-- 


(  4^9  ) 

nées  de  paix  seulement  que  le  soc  fécond  descend  dans 
les  qualla  ou  terres  basses  et  chaudes,  qui,  par  le  con- 
traste  des  daga  voisins,  forment  dans  toute  l'Ethiopie 
le  trait  dominant  de  la  physionomie  géographique*  Le 
cours  de  l'année  est  divisé  en  trois  saisons  :  celle  des 
pluies  (kûr^m),  l'hiver  et  Tété.  La  température  varie 
entre  17  et  32  grades,  et  en  somme  le  pays  est  fort 
sain;  te  sorgbum  est  la  céréale  principale  ;  le  froment 
est  peu  répandu,  et  quant  aux  légumes  on  ne  cultive 
que  des  fèves  et  des  choux,  car  le  manque  d'eau  cou- 
rante s'oppose  au  jardinage.  Malgré  la  fertilité  du  sol, 
la  famine  n'est  pas  inconnue  dans  ce  pays;  entre 
autres  désastres  qui  la  causent,  on  doit  signaler  un  in- 
secte qui  se  multiplie  assez  pour  anéantir  des  récoltes 
entières  de  sorghum.  Notre  auteur  ne  dit  rien  des  sau- 
terelles, cette  calamité  dont  on  se  fait  difficilement  une 
idée.  Bien  que  les  beaux  arbres  ne  manquent  point  chez 
les  Bîlen,  on  n'y  trouve  pas  une  seule  forêt. 


VI 


Le  droit  et  le  devoir  de  venger  le  sang  répandu  for- 
ment, aux  yeux  de  ces  peuples,  la  partie  la  plus  im- 
portante de  la  coutume  comme  de  la  loi.  Jusqu'au  sep- 
tième degré,  tous  les  membres  d'une  famille  sont 
mutuellement  responsables  tie  leurs  vies,  et  on  les  ga- 
rantit par  le  merdat  ou  droit  du  talion  pour  le  sang 
répandu.  L'us  est  impitoyable  et  même  déraisonnable 
à  cet  égard,  car  on  n'apprécie  pas  l'intention,  et  même 
dans  une  guerre  déclarée,  le  cas  de  légitime  défense  ne 


(  A80  ) 

sert  jamais  â'excuae.  Il  a  fallu  sans  doute  des  lois 
aui^ai  draconiennes  pour  maintenir  intacte  une  société 
bartif^re  où  les  Uens  légaux  sont  d'ailleurs  peu  nom- 
bi'eux. 

Quant  à  la  peine  due  pour  le  sang  répandu,  la  cou- 
tuipe  distiqgue  deux  cas  :  Si  le  meurtrier  a  été  pris  sur 
le  i^t,  il  est  pendu  et  balancé  trois  fois  en  Tair  ;  s'il 
revient  à  la  vie  ensuile,  il  n'a  plus  rien  à  redouter  :  il  a 
payé  la  dette  du  sang»  car  Tus  serait  impie  s'il  s'achar- 
nait à  ses  fins  contre  la  volonté  de  Dieu,  qui  est  en  der- 
nier lieu  le  vrai  donneur  de  vie  et  de  mort.  Nous  rela- 
tons  ici  l'explication  toute  religieuse  des  Tigray  et  des 
Amara,  et  nous  avons  peine  à  croire  que  cette  idée  mo- 
rale n'ait  pas  sanctionné  la  même  pratique  chez  les 
Bilen«  Kn  l'absence  du  meurtrier,  ceux-ci  admettent 
qu'on  venge  le  sang  en  pendant  le  père,  le  frère  ou  le 
Q}s  du  coupable. 

Si  le  meurtrier  s'échappe  avec  ses  proches  et  prend 
refuge  dans  les  sept  degrés  de  sa  famille,  et  qu'il  en- 
voie ensuite  la  vache  dite  dungub  aux  funérailles  de  sa 
victime,  la  famille  de  celle-ci  a  le  droit  ou  de  pour- 
suivre sa  vengeance,  ou  d'accepter  le  prix  du  sang, 
dçunt  le  payement  éteint  toute  poursuite. 

Oq  doit  le  mirdat  pour  le  meurtre  d'une  jeune  fille, 
d'une  veuve  ou  d'une  femme  divorcée  et  remise  en 
liberté  ;  un  père  de  famille  le  doit  pour  avoir  remarié 
sa  fille  ou  sa  parente  avant  le  délai  légal  qui  doit  suivre 
le  divorce,  ou  s'il  a  donné  en  mariage  une  fille  fiancée 
à  up  autre.  Le  prix  du  sang  est  également  dû  par 
celui  qui  vole  uqe  personne  ^  ses  aînés  et  la  vend  à 
l'étranger,  et  par  celui  qui  tue  au  naoyen  de  la  sercelle^ 


{  h8\  ) 

rie,  cas  auquel  la  déclaration  du  mourant  fait  foi  eil 
justice. 

La  dette  du  sang  incombe  par  moitié  seulement  si  le 
sang  humain  a  été  répandu,  n'importe  en  quelle  quan- 
tité, mais  sans  que  la  mort  s'ensuive,  ou  si  Ton  a  crevé 
un  œil  ou  cassé  une  dent,  n'importe  par  quel  moyen. 
La  moitié  du  prix  est  due  aussi  par  celui  qui  accom- 
pagne ou  aide  un  meurtrier,  et  même  par  celui  dont 
la  lance  ou  le  sabre  tue  quelqu'un  sans  l'intervention 
de  son  propriétaire.  L'us  a  voulu  ainsi  réprimer  impi- 
toyablement la  violence,  et  a  cru  bien  faire  d'imposer 
à  des  gens  grossiers  une  règle  unique  plutôt  que  d'é- 
tablir cette  graduation  des  peines,  qui  exige  trop  de 
connaissances  pour  être  bien  appliquée  dans  une  civi- 
lisation peu  mûrie. 

Comme  dans  nos  lois  antiques  de  l'Europe,  le  prix 
du  sang  est  minutieusement  réglé  quant  à  la  condition 
du  mort  ou  du  blessé  et  quant  au  nombre  et  à  l'âge 
des  vaches  qui  seules  doivent  composer  ce  prix.  Pour 
intéresser  la  vigilance  de  chaque  famille  à  faire  exé- 
cuter Tus,  on  donne  la  moitié  du  prix  au  chef  et  l'on 
partage  le  reste  également  entre  tous  les  membres  ma- 
jeurs de  sa  famille  jusqu'au  septième  degré.  Mais  une 
sanction  plus  désagréable,  quoique  bien  plus  sûre  pour 
le  rétablissement  de  la  paix,  dérive  de  l'us  fort  singu- 
lier qui  ne  regarde  la  vengeance  légale  comme  éteinte, 
qu'après  que  le  meurtrier  aura  donné  sa  propre  fille,  ou 
la  fille  de  son  fils  en  mariage,  au  fils  de  sa  victime  tuée  ; 
le  meurtrier  doit  y  joindre  le  cadeau  d'usage.  Chaque 
membre  de  la  famille  contribue  à  ce  cadeau  pom*  une 
part  égale,  de  même  que  pour'  fournir  le  nombre  de 
XI.  jmN.  A.  31 


(  &82  ) 

vaches  qui  composent  le  prix  du  s^og,  et,  sauf  Tobli- 
gation  de  donner  sa  fille,  le  meurtrier  n'a  pas  um  part 
plus  forte  que  les  autres  dans  cette  souscriptipn  forcée. 
Mais  les  fondateurs  de  cet  us  ont  été  sans  doute  pré- 
occupés de  ridée  que  la  solids^rité  de  tous  les  membres 
d'une  grande  famille  est  la  meilleure  garantie  qu'au- 
cun de  ces  membres  ne  se  livrera  à  des  violences 
illégales. 

L'acceptation  du  prix  du  sang  est  d'ailleurs  faculta^ 
tive  de  la  part  de  la  famille  investie  du  droit  du  talion  : 
on  peut  la  prier,  mais  personne  ne  saurait  la  con- 
traindre à  y  renoncer.  On  se  rappelle,  à  cet  égard,  la 
coutume  légale  qui  prévaut  encore  en  Espagne  :  dans 
les  condamnations  capitales,  le  souverain  n'y  peut 
exercer  son  droit  de  grâce  qu'après  le  pardon  donné 
au  meurtrier  par  le  plus  proche  parent  de  sa  victime. 
Si  le  meurtre  n'est  pas  notoire,  on  ne  peut  poursuivre 
le  prévenu  sur  les  dires  d'un  petit  nombre  de  témoins 
et  encore  moins  d'après  des  preuves  induites  des  cir- 
constances matérielles,  mais  seulement  par  le  wotwo- 
zam  ou  le  serment.  Dans  ce  dernier  cas,  si  l'accusé  ne 
veut  pas  prêter  le  serment  qui  le  déchargerait,  il  doit 
solder  la  moitié  du  prix  du  sang,  et  toute  sa  parenté 
contribue  à  ce  prix,  chacun  pour  une  part  égale.  On 
voit  dans  cet  us  le  désir  de  simplifier  l'exécMtion  de 
la  loi. 

Celui  qui  fournit  au  meurtrier  un  moyen  pour  émi- 
grer  à  l'étranger  n'encourt  aucune  responsabilité.  Cet 
us  nous  semble  prouver,  entre  autres,  que  l'idée  mo- 
rale lui  a  servi  de  base,  qu'il  regarde  le  devoir  de 
poursuivre  le  sang  répandu  non  comme  une  vengeance, 


(  48S  ) 

tnais  comme  l'égide  d'une  société  peu  munie  de  liens 
et  qu'il  suffit  à  la  loi  coutumière  que  la  présence  d'un 
criminel  ne  souille  plus  le  sol  de  la  patrie.  La  maxime 
de  laisser  vivre,  s'il  est  possible,  est  en  effet  la  base 
fondamentale  de  toute  société. 

Le  droit  du  talion  s'exerce  sans  aucune  forme  légale, 
car  ce  qui  est  dans  le  sang  doit  être  antérieur  à  tout 
us.  Il  est  à  peu  près  inouï,  chez  les  B/len,  qu'une  exé- 
cution ait  été  précédée  d'un  procès  en  forme.  Nous 
avons  remarqué  que  les  T/gray  et  les  Amara  sont,  à 
cet  égard,  beaucoup  plus  scrupuleux  (jue  les  troupes 
errantes  des  pasteurs  belen . 

Le  talion  n'est  pas  seulement  un  droit,  mais  un  de- 
voir sacré.  Hors  les  cas  cités,  le  sang  répandu  n'est 
jamais  pardonné.  Avec  le  lait  de  sa  mère,  l'enfant  suce 
ridée  de  vengeance,  et  ces  représailles  atroces  et  fré- 
quentes soDt  la  cause  principale,  selon  M.  Munzinger, 
de  la  dépopulation  des  frontières  éthiopiennes.  On 
peut  affirmer  qu'il  ne  s'y  trouve  pas  un  village  sans  un 
cas  de  sang  à  venger  ou  à  payer,  et  jusqu'ici,  sur  dix 
patriciens  bflen,. à  peine  un  seul  mourait-il  tranquille- 
ment dans  son  lit.  Mais  quel  frein  peut  exister  dans  un 
pays  où  personne  n'exerce  l'autorité  suprême  et  où  la 
religion  n'est  plus  qu'  un  mot  vide  de  sens  ? 

Le  législateur  ne  peut  que  définir  et  réprimer  les 
crimes  et  les  délits  :  l'homme  d'État  parvient  quelque- 
fois à  en  diminuer  le  nombre  en  intéressant  ses  sujets 
à  ne  pas  les  commettre,  en  arrachant  avant  leur  matu- 
rité ces  mauvaises  herbes  de  l'état  social  ;  mais  le  mo- 
raliste, le  prêtre  surtout,  peut  seul  empêcher  la  graine 
de  perversité  de  germer  dans  le  cœur  de  Thomme,  en 


(  hU  ) 

habituant  chacun  à  pratiquer^  en  les  chérissant,  la 
vertu  et  le  devoir. 

«  Tout  mon  écrit,  dit  M.  Manzinger,  a  pour  sujet  un 
droit  sans  juge  ni  gouvernement,  et,  parmi  les  garan- 
ties de  ce  droit,  il  ne  me  reste  qu*à  parler  de  la  reli- 
gion. » 

Les  Bilen  se  nomment  Kostan,  c'est-à-dire  chrétiens, 
et,  comme  preuve  de  leur  croyance,  ils  s'abstiennent 
de  la  viande  des  bêtes  égorgées  par  les  musulmans, 
de  celle  des  lièvres,  des  éléphants  et  des  autruches.  Le 
dimanche  s'appelle  grand  sabbat,  mais,  comme  en  Ha- 
masen  et  en  Gojjam,  on  évite  aussi  de  travailler  le. 
samedi.  Il  n'y  a  que  deux  églises  en  pays  bzlen,  et  les 
prêtres  héréditaires  qui  y  sont  attachés  n'ont  d'autre 
fonction  que  d'aller,  aux  fêtes  principales,  frapper  les 
deux  pierres  sonores  suspendues  près  de  l'église  et  qui 
tiennent  lieu  de  cloches.  Il  n'est  pas  question  de  con- 
sécration cléricale  ni  d'instruction  religieuse  et  même 
je  ne  saurais  affirmer  qu'aucun  des  prêtres  actuels  ait 
reçu  le  baptême.  L'église  n'est  que  le  monument  muet 
et  mystérieux  d'un  passé  inconnu.  Quand  les  pluies 
manquent,  les  femmes  du  village  marchent  en  proces- 
sion autour  de  l'église  en  chantant  :  <c  Seigneur  !  par- 
donne-nous, ô  Christ  !  ]>  Un  fait  analogue,  une  même 
naïve  pauvreté  d'esprit  existe  dans  Moca,  sur  la  fron- 
tière du  Kaffa,  où  l'on  ignore  le  nom  du  Christ,  mais 
où  l'on  invoque  Marie.  Le  prêtre  principal  de  Karan^ 
la  capitale  des  B2len,  est  un  homme  opulent,  qui  se 
croit  fort  habile,  qui  ne  s'assied  jamais  sans  invoquer 
la  Sainte-Trinité,  mais  qui  ne  connaît  pas  Y  Oraison 
dommicaie. 


(  485  ) 

Le  troupeau  est  à  l'avenant  du  pasteur  :  on  vénère 
beaucoup  la  sainte  Vierge,  mais  personne  ne  la  regarde 
comme  la  mère  du  Rédempteur.  Notre  aluteur  dit,  à  ce 
propos,  que  c  les  égarements  des  Éthiopiens  dans  leurs 
vues  dogmatiques  viennent  de  l'inhabileté  (hûlflosig- 
keit)  de  la  langue  éthiopienne  à  traduire  les  symboles 
grecs  ».  Il  convient  de  protester  contre  une  opinion  pa- 
reille :  la  langue  gviz,  usitée  partout  en  Ethiopie  pour 
les  choses  saintes,  n'est  pas,  comme  organe  de  la  pen- 
sée, inférieure  aux  autres  langues  de  la  grande  famille 
des  Sémites  qui  ont  établi  trois  religions  dans  le  monde. 
Quelques  termes  gi*iz  ont  été  détournés  de  leur  vrai 
sens  par  des  sectes  dissidentes  ;  mais  un  évêque  napo- 
litain, Mgr  de  Jacobis,  qui  a  enseigné  vingt  ans  en 
Ethiopie,  a  trouvé  des  croyances  très-raisonnées  et 
très-pures  parmi  les  habitants  du  Bagemder,  qui  de- 
vaient toute  leur  théologie  à  la  langue  griz. 

Quant  aux  sacrements,  des  moines  venus  du  Sud,  et 
faisant  une  tournée  chez  les  Belen,  doivent  avoir  de 
temps  en  temps  administré  le  baptême.  Çà  et  là,  toute- 
fois, ces  pauvres  missionnaires  étaient  tués,  ou  vendus 
dans  le  Barka,  par  leurs  néophytes,  et  leur  zèle,  mé- 
connu par  les  hommes,  n'a  pu  être  récompensé  que 
par  Dieu. 

Le  peu  de  religion  qui  languit  encore  dans  ce  pays 
est  étouffé  par  la  superstition.  On  y  croit  aux  charmes, 
et  peu  importe  qu'ils  soient  écrits  par  des  chrétiens  ou 
par  des  musulmans.  Comme  partout  ailleurs  en  Ethio- 
pie, on  croit  aux  songes,  aux  présages,  à  la  divination 
et  à  toute  la  horde  des  sciences  dites  occultes.  Toute 
la  religion  des  B2len  est  une  affaire  de  tradition,  un 


(  A86  ) 

simple  nom^  mais  il  est  respecté  comme  un  héritage  de 
leurs  ancêtres. 

Par  bonheur,  ce  tableau  affligeant  n*est  plus  vrai  que 
dans  le  passé.  Grâce  à  la  mission  dont  nous  avons  pro- 
voqué rétablissement  en  Ethiopie,  et  qui  a  choisi  un 
de  ses  sièges  chez  les  Belen,  cette  petite,  mais  valeu- 
reuse nation  renaît  à  la  vie  sociale.  Le  pays  est  devenu 
plus  sûr  ;  les.  invasions  de  Webe  et  des  Turcs  ont  élargi 
les  faibles  notions  de  la  géographie.  Les  vieux  enyient 
les  jeunes,  qui,  plus  sages  que  leurs  pères,  apprennent 
à  prier  et  à  épeler.  Ces  tribus  ont  beaucoup  de  saga- 
cité, surtout  dans  les  questions  de  droit,  et  j'ai  connu, 
dit  notre  auteur,  plus  d'un  juge  de  village  qui  aurait 
été  en  Europe  un  excellent  président  de  cour. 

Les  philosophes  et  les  moraUstes  qui  narrent  l'his- 
toire des  nations^  ou  qui  sondent  les  abîmes  du  cœur 
•humain,  diront  que,  malgré  de  légères  erreurs  dans 
son  fécond  volume,  écrit  d'ailleurs  en  pays  sauvage, 
sans  conseils  et  sans  bibliothèque,  M.  Munzinger  a  bien 
mérité*  de  la  science  humanitaire  en  nous  révélant, 
avec  les  cachets  évidents  du  soin  et  de  l'impartialité, 
une  nation  des  plus  intéressantes,  à  peine  connue  avant 
son  travail  si  consciencieux  (1) . 

(0  Avril,  1863. 

Voyezj  poar  les  premières  notices  sur  le  pays  Btlen,  mes  lettrts 
ôahÈ  le  Èûllem  ae  Id  ÈiiUilétë  éé  IJàigràphièt  t.  lit  (1839),  p«  ÎSi, 
t.  XIV  (1840),  p.  114,  et  t.  IVI1I(1841)»  p  186.  Le  nom  oaUoDal, 
Bilen,  ne  m^a  pas  été  donné  da»s  ces  renseignements.  Jeneraieuqu*en 
faisant  mon  Tocabutéir»  di  leUMângitë  éti  1649.  U  est  à  reiharqaer 
que  les  citations  de  M.  Munzinger  sont  en  langue  tigre  etquMi  donne 
à  peine  tjuètqués  mots  de  BIJëd,  toit  dans  les  chansôiis,  ibit  dans  léd 
termes  de  dr&it  ^u'il  a  eu  la  précaution  de  décrire  eq  \e$  traduisant» 
Nous  comptons  qu'il  nous  donnera  bientôt  rèxplicatiop  de  cette  ano- 
malie apparente. 


(  tô7  ) 


CARTE  D'ITALIE 

DRKSSÉK 

PAR  L'ÉTAT-MAJOR  ITALIEN. 

PAR  C.  MAUNOIR. 


En  18Ô2  paraissaient  les  premières  feuilles  de  la 
carte  à  1/50  000*  des  ci-devant  États  sardes  (1),  dres^ 
sée  par  Tétat-major  piémontais  et  exécutée  au  Bureau 
supérieur  d état-major^  qui  correspond  à  peu  près  à 
notre  Dépôt  de  la  gderre.  Cette  carte,  gravée  mt 
pierre,  se  compose  de  94  feuilles,  dont  h  restent  encore 
à  paraître  (Mont-Blanc, ValorsincVinadio,  feuille  d*ex- 
plications)  :  elles  seront  prochainement  publiées.  Outre 
cette  carte,  le  gouvernement  sarde  en  a  fait  établit* 
une  réduction  à  l'échelle  de  1/250  600'  ;  publiée  de 
18A2  à  1852,  elle  se  compose  de  6  feuîtles  gravées  sur 
cuivre,  avec  une  remarquable  habileté;  TuD  de  nos 
collègues,  dont  nous  regrettons  1^  perte  récei^te, 
M.  Lecocq,  a  dirigé  cette  partie  du  travail.  Ënân^  efi 
1846,  une  carte  générale  à  1/600  000*  venait  compléter 
ce  bel  ensemble  de  documents  sur  les  États  sardes.  Les 
travaux  de  la  carte  à  1/50  000""  ont  été  exécutés  sous 
la  direction  des  généraux  Annibal  de  Saluces,  de  Sa» 

(1)  Voir  pour  Thistorique  et  ie8  détails  de  Texécution  de  cette  carte 
la  précieuse  collection  des  notices  annuelles  sur  la  cartographie  en 
Europe,  publiées  par  M.  le  mijor  de  Sydow  dans  les  ItHltheilungep 
de  Petérmann»  —  Voir  aussi  un  article  do  Spectateur  miiUMre^  2^  ié- 
rie,  I.  XLVl,  «864. 


(  488  } 

lasco,  Franzini,  délia  Rocca,  GoUato  et  Ricci,  qui  se 
sont  succédé  dans  le  commandement  du  corps  d'état- 
major  et  dans  la  direction  du  bureau  supérieur  de  ce 
corps.  La  géodésie  a  été  dirigée  par  le  colonel  Basso  et 
par  le  capits&ne  Borson,  aujourd'hui  lieutenant^olonel 
à  l'état-major  français.  La  topographie  fut  faite  sous 
la  direction  des  colonels  Muletti  et  d'Aiberti  et  du 
major  Righini. 

Après  les  événements  de  1859,  un  des  premiers 
soins  du  nouveau  gouvernement  italien  fut  de  pourvoir 
à  l'établissement  d'une  carte  complète  du  royaume. 
Dès  le  mois  de  mars  1862,  on  envoya  en  Sicile  des 
officiers  qui,  au  nombre  de  sept  en  moyenne  chaque 
année,  ont  travaillé  sans  relâche,  sous  la  direction  du 
colonel  Devecchi  et  du  major  Ghio,  à  la  triangulation 
de  nie.  Cette  opération  a  été  terminée  dans  le  courant 
de  1865.  Elle  s'appuie  sur  une  ligne  de  base  de 
3692"', 08955,  mesurée  à  deux  reprises  dans  la  plaine 
de  Catane  au  moyen  d'un  appareil  de  Bessel,  construit 
chez  Ertel,  de  Munich  ;  la  différence  entre  les  résultats 
de  ces  deux  mesures  a  été  de  0^,00655,  c'est-à-dire 
environ  l/56â  677*  de  la  longueur  de  la  base.  Le  réseau 
géodésique  sicilien  franchit  le  détroit  de  Messine  et 
va  se  rattacher  à  l'un  des  côtés  de  la  triangulation 
exécutée  naguère  sur  le  continent  par  les  officiers  na- 
politains ;  les  déterminations  de  la  longueur  de  ce  côté 
par  les  Napolitains  et  par  les  Italiens  ont  donné  une 
différence  df  0",16,  soit  à  peu  près  1/184  234*  de  la 
longueur  du  côté  qui  est  de  29  û47",61. 

La  géodésie  de  la  Sicile  a  été  exécutée  à  l'aide  de  théo- 
dolites de  Garabey,  d'un  diamètre  de  22  à  27  milli- 


(  A8Ô  ) 

mètres,  et  accusant  au  vernier  de  3''  à  5".  La  triangu- 
lation  de  1*'  ordre  a  été  contrôlée  par  une  seconde 
opération  faite  au  moyen  d'instruments  universels  réi- 
térateurs  de  8  à  10  pouces  de  diamètre,  construits  par 
Pistor  et  Martin,  et  donnant  à  la  lecture  micrométrique 
des  fractions  de  1".  Cette  partie  du  travail  exigeait  des 
soins  tout  particuliers  :  elle  devait,  en  effet,  fournir 
des  données,  non-seulement  pour  l'établissement  de  la 
carte,  mais  encore  pour  la  mesure  d'un  arc  de  méridien 
à  travers  l'Europe  centrale,  entreprise  par  la  Prusse, 
sous  la  savante  direction  du  général  prussien  Baeyer 
et  avec  le  concours  de  plusieurs  des  États  européens. 
La  limite  de  tolérance  imposée  aux  opérations  dû 
1"  ordre  était  de  i"  pour  les  directions  angulaires  et 
de  1/250  000*  pour  les  longueurs.  Il  n'a  pas  été  fait 
d'observations  astronomiques  :  on  est  parti  de  l'obser- 
vatoire de  Palerme,  mais  daiis  le  but  de  rattacher  géo- 
désiquement  la  Sicile  au  littoral  de  TAfrique,  on  se 
propose  d'établir,  dans  l'île,  trois  ou  quatre  observa- 
toires temporaires  pour  établir  régulièrement  les  don- 
nées astronomiques  nécessaires  à  cette  liaison. 

La  triangulation  de  l'Ile  de  Sicile  se  compose  des 
éléments  suivants  : 

Points.  Triangles. 

!«'  ordre 55  80 

2«  ordre 92  293 

3«  ordre 118  253 

Détail 599  1  065 

Total 864  169f 

Ces  déterminations  permettront  d'établir  30  points, 
au  moins,  sur  chaque  feuille  qui  représente  35  kilo- 
mètres sur  25,  soit  875  kilomètres  carrés. 


(  A90  ) 

La  géodésie,  terminée  en  Sicile,  a  été  entreprise  et 
Bifime  assez  avancée  dans  les  Galabres  et  les  anciennes 
provinoes  napolitaines }  une  base  de  vérification  sera 
mesiu-ée  dans  la  plaine  de  Foggia  (1). 

Pendant  qné  se  poursuivait  la  triangulation^  les  tra- 
vaux topograpbiques  proprement  dits,  les  opérations 
du  levé,  étaient  entrepris  en  mars  1862  et  conduits 
avec  beaucoup  d'activité.  Les  levés  de  la  Sicile  et  des 
îles  italiennes  adjacentes  constituent,  dès  aujourd'hui, 
5A  feuilles  à  l'échelle  de  1/50  000%  dont  chacune  a 
O^'./O  sur  0*^,50,  et  représente,  comme  nous  l'avons 
dit  ci-dessus,  876  kilomètres  carrés  de  pays.  Dans  le 
courant  de  1866,  on  aura  terminé  la  topographie  de  la 
Sicile  et  du  littoral  des  Galabres*  Ces  travaox  ont  été 
pendant  ces  cinq  années  exéoutés  sous  les  ordres  d'un 
directeur  et  d'un  sous-directeur,  officiers  supérieui-s 
d'étftt-major. 

Poar  faciliter  l'exécution  des  levés,  ohaque  feuille 
est  divisée  en  deux  planchettes,  dont  chacune  a  0*°  ^50 
sur  O'^tib.  Toutes  les  feuilles  n'étant  pas  égaleoient 
remplies,  le  nombre  réel  des  planchettes  n'est  que  de 
85  pour  les  SA  feuilles.  L?  levé  de  chaque  planchette 
a  été  exécuté  par  un  capitaine  ou  un  lieutenant  d'état- 
major  dans  Téspace  d'à  peu  près  8  mois,  pour  un  ter- 
rain découvert  et  peu  accidenté  ;  de  10  mois  pour  un 
terrain  couvert,  boisé  ou  montueux.  Les  85  planchettes 
ont  été  levées  en  cinq  ans  par  dix-sept  opérateurs,  en 

(1)  En  1814,  sous  la  domination  française,  il  avait  été  mesaré  une 
base  (Castel-Voiturno  —  Patria)  qb  peu  au  nord  de  Naples;  elle  a 
serti  à  détermioer  le  cdté  Coccozzo-Mootdiiero  de  la  iriaflgutttioa 
actuelle. 


(  491) 

moyeDBe,  chaque  iipnée«  L'instnioient  em|doyé  pour 
les  levés  est  uniquement  la  planchette  prétorienM^ 
avec  deu]i  stadia,  partant  à  100(X  on  1200  mètres^  et 
une  lunette  à  éolimètre  axée  sur  une  alidade.  On  n'a 
pas  eu  besoin  pour  TUe  de  Sicile,  qui  né  présente  pàë 
de  larges  étendues  de  pays  boisé,  de  reeoûrir  à  la  bous- 
sole ;  mais  cet  instrument  deviendra  indispensable  dans 
les  Calabres  que  couvrent  de  vastes  forêts* 

Le  relief  du  terrain  est  figuré,  sur  les  feuilles,  par 
descourl^es  équidistantes  de  10  en  10  mettes»  Tout 
officier  est  tenu  de  fournir,  outre  ses  levés,  un  mémoire 
descriptif,  statistique  et  militaire  sur.  les  communes 
qui  se  trouvent  comprises  dans  retendue  de  son  cbamp 
d'opérationSé  Toutes  les  villefâ  cbéfs^lieux  de  provinèes 
ont  été  levées  à  récbeile  de  1/10  OOO'i 

En  tenant  compte  de  tous  les  frliis  pour  la  géodésie 
et  la  topographie,  on  peut  évaluer  à  environ  16  franos 
par  kilomètre  carré  le  prix  de  revient  des  levés  de  l'île 
de  Sicile. 

Les  officiers  italiens  attachés  aux  services  géodé^t 
sique  et  topographiqvie^  aussi  bien  eH  Sioile  que  dans 
les  Calabres  et  Tancieii  royaume  de  Naples^  acoomr 
plissent  une  lâche  qui  leur  crée  des  droits  sérieux  à  la 
gratitude  de  la  science  et  de  leur  pays.  Bon  nombre 
parmi  eux  ont  été  obligés  de  vivre,  pendant  des  se^ 
maines  entières,  sous  la  tei:)te  et  loin  de  teut  centre 
peuplé;  apx  difficultés  mêmçs  du  terrain ^  qui  sont 
grandes  en  Sicile  et  en  Galabre,  il  faut  ajouter  les 
embarras  causés  par  l'absence  de  chemista  et  de 
moyens  de  transpt^rt  :  rhostilité  de  populations  igno^ 
rantes  elj  fanatisées  n'était  d'ailleurs  pas  iUte  poUr 


(  462  ) 
Alléger  la  tâche  :  en  certains  endroits  même,  les  topo- 
graphes  ont  dû  opérer  sous  la  protection  d'une  escorte. 
Enfin,  pendant  les  travaux  que  n'interrompaient  Tété  ni 
rhiver,  ces  courageux  officiers  ont  eu  à  supporter 
d'énormes  différences  de  température  :  d'une  part, 
c'était  le  froid  et  les  neiges  ;  de  l'autre,  les  ardeurs 
d'un  soleil  saharien.  L*idée  d'accomplir,  en  même 
temps  qu'un  devoir,  une  œuvre  utile  au  pays,  n'est  pas 
de  trop  pour  soutenir  l'homme  au  milieu  des  dures 
réalités  d'une  semblable  existence  ;  et  le  courage,  en 
pareil  cas,  a  d'autant  plus  de  mérite  qu'il  s'exerce  d'une 
manière  longue,  soutenue,  loin  des  applaudissements 
réservés  aux  palmes  cueillies  sur  le  champ  de  bataille. 
Il  n'a  rien  encore  été  décidé  quant  au  mode  de  re- 
production de  l'œuvre  qui  sera  publiée  à  Féchelle  de 
1/50  OW  ;  on  réduit  les  minutes  des  levés  et  on  les 
réunit  en  feuilles  à  l'aide  de  la  photographie,  dans 
l'atelier  photographique  du  bureau  d'état-major,  en 
attendant  qu'une  détermination  soit  prise  quant  à  la 
gravure;  cette  détermination  sera  subordonnée  aux 
résultats  que  produira  un  procédé  imaginé  par  M.  Avet, 
colonel  au  corps  d'état-major  italien,  et  d'après  lequel 
il  deviendrait  possible  d'obtenir  directement  sur  une 
planche  de  cuivre  l'épreuve  photographique  des  mi- 
nutes. Ce  procédé,  pour  lequel  le  colonel  Avet  a  pris 
des  brevets  en  divers  pays,  serait,  on  le  comprend, 
une  simplification  précieuse  du  travail;  le  jour  où  de 
nouveaux  essais,  des  perfectionnements  de  détail  auront 
rendu  .l'idée  tout  à  fait  pratique,  on  commencera  à  la 
mettre  en  usage  pour  graver  les  feuilles  de  la  nouvelle 
carte  d'Italie.  Le  bureau  d'état-major  fait  revoir,  pour 


(  ÀÔ3  ) 

la  mettre  âu  courant  de  l'état  actuel  des  choses,  la 
carte  de  la  Lombardie  et  de  l'Italie  centrale  que  le  gou- 
vernement autrichien  avait  fait  publier  à  1/86  &00*  ; 
cette  partie  de  Tœuvre  sera  réduite  à  1/100  000*.  Enfin 
une  dizaine  d'officiers  sont  occupés,  chaque  année,  à 
exécuter  le  long  du  cours  du  Pô  des  levés  à  l'échelle 

de  ^/^oooo^ 

Pour  répondre  aux  besoins  les  plus  immédiats,  le 
bureau  supérieur  d'état-major  a  fait  paraître,  en  1865, 
deux  cartes  :  l'une  à  1/600  000%  composée  de  6  feuilles, 
donne  l'Italie  septentrionale  et  l'Italie  centrale  jus- 
qu'aux environs  de  Naples  ;  l'autre,  à  1/640  000*,  est 
composée  de  4  feuilles,  qui  donnent  Tltalie  méridio- 
nale et  la  Sicile  ;  cette  dernière  est  une  reproduction 
de  la  carte  dressée  sous  l'ancien  gouvernement  napo- 
litain. 

On  peut  donc  espérer  que  d'ici  à  quelques  amiées 
lîous  verrons  combler  une  regrettable  lacune  dans  la 
géographie  de  l'Europe  méridionale. 

Ainsi,  à  côté  des  efforts  par  lesquels  l'Italie  cherche 

à  se  constituer  d'une  manière  solide   et  complète, 

elle  poursuit  silencieusement  des  opérations  qui  n'ont 

de  retentissement  ni  dans  la  tribune  ni  dans  les  feuilles 

publiques,  mais  dont  les  résultats  seront  d'une  grande 

portée  pour  l'organisation  du  nouveau  royaume  en 

même  temps  que   d'un   haut  intérêt   pour   la  géo* 
» 

graphie. 


(A(tt) 
Analyse»,  Rapports,  ete. 

RAPPORT 

DE  LA  SECTION  DÉ  COMPTABILITÉ 

SUR  LES  COMPTES  DE  1865 
ET  SIJB  UB  BUDGET  DE   i8««. 


Messieurs,  , —  Ordinatirenieot  votre  Section  de 
comptabilité  a  rhonqeur  4e  vqi|3  présenter  en  poème 
temps  le  compte  de  vos  Recettes  et  Dépenses  pour 
l'exercice  de  Tannée  qui  vient  de  s'écouler,  et  Je 
projet  de  Budget  pour  l'année  qui  commence. 

Cette  année  elle  sç  trouve  dans  la  nécessité  de  vous 
présenter  d'a))ord  la  première  partie  d^  son  travail, 
c'est-à-dire  le  compte  rendu  de  l'exercice  de  1 866,  et 
de  subordonner  la  présentation  complète  du  projet 
de  budget  de  1866  à  1^  décision  des  questions  sur 
lesquelles  elle  va  appeler  votre  attention .  L'e^^posé  de 
ce  qui  s'est  passé  en  1 865  yous  fera  sentir,  messieurs, 
la  nécessité  de  cette  marche^ 

Il  s'est  produit  pour  la  première  fois,  dans  le  cours 
de  cette  année,  au  seip  de  votre  Société,  un  fi&it  qaî, 
s'il  se  répétait,  pourrait  y  porter  bientôt  upe  pertur- 
bation regrettable.  Le  voici, 

JusquMci  les  budgets  proposés  par  votre  Sectiop 
de  comptabilité  et  adoptés  par  la  Commission  centrale, 
étaient  regardés  comme  une  loi  respectable  et  respectée 
que  personne  ne  se  croyait  le  droit  d'enfreindre. 

Chacun,  en  ce  qui  le  concernait,  se  renfermait  dans 
la  limite  des  dépenses.  Si,  dans  le.  cours  de  l'année, 


(  WB  ) 

une  qfîadifiçation»  q'allant  jaofiais  jiisqu'^  porter  fine 
atteÎQte  profonde  à  réconomiç  do  budget,  était  jugées 
oécegoair^,  elle  ét^it  rçnyoyi^e  à  Texamen  de  la  Section 
de  comptabilité,  qui  Vemm^^t  6t  la  ^oiipiettait  ensai(# 
au  vote  de  la  Comwssiou  içeQtrale, 

En  1865  les  choses  se  sont  passéçs.diiférefiameQt. 

Vos  dépenses^  qm  vous  ayiez  fixées  pour  ©et  exercice 
à  i60â0  francs,  se  3opt  é}eyées«  sous  l'influeuee  d'en^ 
trainemepts  divers,  ^  21 221  fr,  31. 

Qui  avait  le  droit  d'autoriser  de  son  chef  ces  excé- 
dants de  dépense  de  6  201  fr.  31,  c'est-à-dire  d'un  tiers 
en  sus  des  dépenses  prévues  ? 

Votre  Section  de  comptabilité  û' hésite  pas  à  ré- 
pondre I  Personne. 

Qui  a  en  fait  autorisé  ces  excédants  ?  Votre  Section 
de  comptabilité  n'a  pas  cru  devoir  le  rechercher, 
car  il  est  loin  de  sa  pensée  de  vouloir  faire  une  question 
de  personnes  au  sujet  d'infractions  auxquelles  chacun 
s^est  laissé  aller  de  son  côté  sans  calculer  les  consé- 
quences de  leur  ensemble. 

Pour  bien  apprécier  l'état  des  choses,  mettons  en 
regard  la  situation  qui  serait  résultée  de  la  fidèle  exé- 
cution du  budget  de  1865,  et  la  situation  qui  a  été  la 
conséquence  des  infractions  qu'on  lui  a  fait  subir. 

Au  31  décembre  1864,  vousaviez  en  caisse, messieurs, 
un  reliquat  de 3  A50    » 

Vous  aviez  présumé  que  vos  recettes 
s'élèveraient,  dans  le  cours  de   1865,  à 
14  560  fr. ,  elles  ont  atteint.  ..-...•.  18  453  50 
Ce  qui,  avec  le  reliquat  de  1864,  forme  un 

total  de  recettes  de 21 908  30 


(  A96  ) 

Vous  avie2  fixé  vos  dépenses  à  16  020  fr.  En  supposant 
que^  conformément  au  faible  écart  qu'elles  atteignent 
habituellement,  elles  se  soient  élevées  à..     16  500     > 
nous  vous  présenterions  aujourd'hui  un 
exercice  se  balançant  par  un  excédant  de 

recettes  de 5ii03  80 

c'est-à-dire  avec  un   excédant  en  caisse  ^ 

supérieur  de 1 953  30 

à  l'excédant  de  186A,  qai  était  de.  .  .  •       3  i50     » 

Dans  cette  situation  financière,  vous  auriez  pu, 
messieurs,  sans  troubler  l'économie  habituelle  de  vos 
finances,  employer  2  et  même  3000  francs  soit  à  un 
accroissement  de  dépenses  en  1866,  soit  à  une  acquisi- 
tion de  rentes  qui  aurait  élargi  et  consolidé  la  base  de 
votre  Société. 

Au  lieu  de  cela,  quel  a  été  le  résultat  du  système  des 
infractions? 

Les  rex^ettes  effectuées,  réunies  a  l'excédant  de  caisse 
de  fin  d'année,  c'est-à-dire  à  la  somme  qu'il  est  ton- 
jours  sage  de  réserver  pour  les  éventualités  de  Tannée 
qui  s'ouvre,  se  sont  élevées,  comme  nous  l'avons  déjà  • 

dit,  à 21 903,  30 

tandis  que  les  dépenses  qui,  d'après  les 
limites  fixées  par  votre  budget,  n'auraient 
pas  dû  dépasser  16  500  francs,  se  sont 
éle\tées  à 21 321  31 

Ce  qui  ne  vous  laisse  en  caisse  au  31  dé- 
cembre 1865  que ô81  99 

somme  bien  insuffisante  pour  faire  face  aux  dépenses 
du  premier  trimestre  de  l'année  et  aux  moindres  dé- 
penses imprévues. 


(  A99  ) 

ïelle  est,  messieurs,  la  situation  produite  par  ieâ 
infractions  budgétaires  sur  lesquelles  votre  Section  de 
comptabilité  appelle  toute  votre  attention. 

Recherchons  maintenant  la  nature  et  l'importance 
des  diverses  dépenses  qui  ont  accru  le  chiffre  total  fixé 
par  le  buget. 

Le  chapitre  I,  personnel  y  et  le  chapitre  II,  frais  de 
logefnent^  n'ont  éprouvé  aucune  modification. 

Le  chapitre  III ,  frais  de  bureau^  a  dépassé  de 
843fr.  30  le  crédit  prévu. 

Cette  augmentation  est  motivée  par  le  tirage  à  part 
de  plusieurs  articles  du  Bulletin, —par  l'impression  de 
circulaires  relatives  au  nivellement  de  la  France,  à  un 
projet  de  voyage  proposé  par  M.  Lejean,  —  et  par  celle 
de  diverses  lettres  de  convocation. 

Pour  le  chapitre  IV,  matériel^  on  s*est  renfeimé, 
à  33  fr.  75  près,  dans  le  crédit  ouvert.^ 

Le  chapitre  V,  publication  du  Bulletin,  Cette  dé- 
pense prévue  sur  la  moyenne  des  années  précédentes 
à  5500  francs,  s'est  élevée  à  9568  fr.  hh.  C'est  sur  ce 
chapitre  que  pèse  la  plus  grosse  part  de  l'excédant  des 

a 

dépenses  anormales  que  nous  signalons,  puisqu'elle 
s'élève  pour  ce  seul  chapitre  à  4068  fr.  â4. 

Cet  excédant  est  résulté  d'abord  de  l'augmentation 
du  tirage  du  Bulletin,  porté  de  600  exemplaires  à  800, 
par  suite  de  l'accroissement  des  membres  de  la  Société 
et  d'un  plus  grand  nombre  d'abonnements  à  servir  au 
ministère  des  affaires  étrangères.  On  a  agi  à  cet  égard 
sous  l'empire  d'une  heureuse  nécessité;  mais  cela  ne 
dispensait  point  d'agir  régulièrement  et  d'en  référer 
à  la  Section  de  comptabilité ,  qui  aurait  probablement 
XI.  JUiN«  5,  32 


(  498  ) 

prémuni  contre  le  surcroît  dç  dépenses  provenant  du 
développement  donné  aux  Bulletins  par  l'inaertion 
qu'on  y  a  faite  d'un  trop  grand  nombre  de  cartes  et  de 
tableaux  dispendieux,  et  par  des  corrections  et  des  rema- 
niements d'épreuves  dépassant  les  limites  ordinaires. 

Chapitre  VI,  publication  des  Mémoires.  Aucun  crédit 
n'avait  été  porté  à  ce  chapitre.  Il  ne  dqvait  lui  en  être 
attribué  qu'en  1866  pour  clore  la  série  de  vos  Mé- 
moires in-â°.  Malgré  cette  absence  de  crédit,  on  n'a 
pas  moins  engagé  ce  chapitre  pour  195  francs,  consa* 
crés  par  anticipation  aux  frais  de  la  carte  qui  illustrera 
la  fin  de  l'œuvre  de  M.  N.  de  K-hanikof,  dont  le  texte 
exigera,  en  1866,  une  dépense  évaluée  à  500  francs. 

Chapitre  VII,  placement  de  capitaux.  Ce  chapitre 
n'a  pas  été  plus  exempt  qu'un  autre  de  perturbation , 
et  bien  que  l'infraction  qui  a  été  faite  n'ait  point  été 
regrettable  pour  la  Société,  puisque  la  somme  dépensée 
en  sus  du  créclit  alloué  a  été  employée  à  compléter 
1  *200  francs  de  rentes  que  la  Société  possédait  avant 
1848  et  qu'elle  avait  été  obligée  de  vendre  à  cette 
époque.  Noua  ne  pouvons  néanmoins  nous  empêcher  de 
remarquer  que  cette  dépense,  tout  utile  qu'elle  était  au 
fond,  a  été  cqmme  les  autres  irrégulière  dans  la  forme. 

En  vous  présentant  ces  observations,  messieurs, 
votre  Section  de  comptabilité  n'entend  en  aucune  façon 
faire  d'imputations  personnelles  à  l'égard  de  qui  que 
ce  soit,  ni  s'immiscer  dans  les  attributions  de  la  Section 
de  publication.  Son  unique  but  est  de  faire  sentir  la 
nécessité  pour  la  Société  de  se  renfermer  dans  les 
limites  fixées  par  le  budget  de  chaque  année  et  de  ne 
faire  aucuns  virements,  si  l'on  en  croyait  quelques-uns 


{m) 

néce^sfûr^Sy  sans  en  référer  à  la  Section  de  comptabilité. 

Ceci  bien  entendu,  voyons,  messieurs,  comment  il 
conviendrait  d'établir  le  budget  de  1866. 

Commençons  par  les  recettes,  ^Qn\  oq  peut  fixer  les 
cbii&es  de  la  manière  suivante  : 

ClMpitre  I,  Pr4M)iilt  ordinaire  des  rtoptioos  (tSO 

membres) •  •  •  •  t  1 0  OÛO    » 

—  II.  Produit  extraordinaire  des  réceptions. .  •     2  000    » 

—  III.  Produit  des  publications 1  000     » 

-^     IV.  Allocation  de  TEmpereur  et  souscription 

des  ministres 3  31^9  80 

—  V.  Revenus  de  la  Société i  390    » 

—  Vf.  Recettes  imprévues Mémoire . 

—  VII.  Solde  de  compte  de  Tannée  précédente 

(1865).,... 581  99 


Total 18  301  79 

Quant  aux  dépenses  ^  elles  se  composent  fie  huit 
chapitres,  sur  sept  desquels  il  n'y  a  pas  de  discussion. 
C'est  sur  le  chiffre  du  chapitre  V  seul,  publication  du 
Bulletin^  que  se  portent  des  nécessités  et  des  vœux 
d'augmentation  i  car  le  tirage  du  Bulletin  a  été  porté 
de  000  à  800  exemplaires,  et  à  l'avenir  les  travaux  qui 
trouvaient  place  aux  Mémoires  in-4** ,  devront  dans 
une  certaine  mesure  figurer  au  Bulletin. 
*  Pour  donner  à  cet  accroissement  de  crédit  toute 
l'étendue  doiat  il  est  susceptible,  déterminons  d'abord 
les  dépenses  que  nous  qualifierons  d'obligatoires  et 
sur  lesquelles  il  n'y  a  rien*  à  retrancher. 

Chapitre  I.  Personnel , 2  260  40 

—  II.  Frais  de  logement â  959  91 

—  III.  Frais  de  bureau * 1  500 .  » 

—  IV.  Matériel : 540    » 

—  V.  Publication  dn  Bulletin Réservé. 


Af$porter 1  260  SI 


(  500  ) 

Report t  260  31 

Chapitre  VL  FablicalioD  de  mémoires  (dernier  crédit).        500    u 

—  VU.  Placement  de  capitaux 1  200     » 

—  vni.  Dépenses  générales  et  imprévues  (prix  et 

secrétariat) i  800    » 

ToUl 10  760  31 

En  déduisant  du  montant  des  recettes  présumées 
pour  1866,  qui  est  de 18  301  79 

Le  total  des  dépenses  indispensables  por- 
tées aux  sept  chapitres  ci-dessus,  qui  est  de  10  760  31 

Il  reste  disponible  une  somme  de.  .  .  .  7  ôAl  AS 
sur  laquelle  nous  vous  proposons  d'appliquer  7  000  fr. 
au  chapitre  V  ci-dessus  réservé,  publication  du  Bulle- 
tin. Si  vous  adoptez  cette  disposition,  le  budget 
de  1866  se  trouverait  établi  de  la  manière  suivante  : 

Recettes 18  301  79 

Dépenses 17  760  31 

Excédant  en  recettes 541  48 

Ce  crédit  de  7000  francs  alloué  à  la  publication  du 
Bulletin,  donne  583  fr.  33  par  numéro,  et  est  en  rapport 
avec  la  dépense  faite  pour  les  bulletins  des  cinq  der« 
niers  mois. 

Pour  que  ce  chiffre  ne  soit  pas  dépassé,  il  serait 
nécessaire  que  chaque  bulletin  n'excédât  pas  six' 
feuilles  et  que  la  dépense  des  cartes  n'excédât  pas 
1000  francs  par  an. 

Appelons  aussi  l'attention  sur  un  détail  tout  maté* 
riel,  mais  qui  ne  laisse  pas  que  d'exercer  une  influence 
préjudiciable  sur  la  dépense  du  Bulletin,  nous  voulons 
parler  de  l'abus  des  corrections. 

Plus  d'une  fois  déjà  votre  section  de  comptabilité 
s'est  vue  dans  la  nécessité  de  faire  observer  combien 


(  601  ) 

il  était  essentiel  de  ne  livrer  à  Timpression  que  des 
manuscrits  nettement  écrits  et  suffisamment  revus  pour 
n'occasionner  que  des  corrections  typographiques; 
mais,  loin  que  cette  recommandation  ait  été  écoutée,  le 
mal  a  toujours  été  croissant,  et  il  est  arrivé  à  un  tel 
point  que  nous  devons  vous  en  signaler  les  résultats. 

Ainsi,  en  1863,  la  dépense  des  corrections  a  été  en 
moyenne,  par  feuille  d'impression,  de    7  fr.  88  c. 

En  1864  de 11  fr.  52  c. 

Et  en  1865  de 21  fr.  20  c. 

Ce  dernier  chiffre  est  presque  égal  à  celui  de  la 
composition,  qui  est  de  25  francs  par  feuille. 

Or,  les  douze  numéros  du  Bulletin  formant,  à  raison 
de  cinq  feuilles  par  numéro,  un  total  de  soixante  feuilles, 
si  aucun  remède  n^était  apporté  à  l'abus  que  nous  si- 
gnalons, il  en  résulterait  pour  les  corrections  seules 
une  dépense  de  1272  francs  par  an.  Cette  dépense  a 
été  plus  considérable  en  1865,  dont  les  deux  derniers 
bulletins  contiennent  vingt-deux  feuilles  d'impression. 

Nous  ne  doutons  pas,  messieurs,  qu'il  ne  suffise 
d'avoir  appelé  votre  attention  sur  le  relâchement  au- 
quel notre  Société  s'est  laissé  entraîner,  l'an  passé,  en 
ce  qui  concerne  les  règles  d'une  bonne  comptabilité, 
pour  que  nous  nous  attachions  tous  à  rentrer  dans  des 
voies  plus  sévères. 

Nous  livrons  donc  à  vos  votes  le  projet  provisoire 
de  budget  que  nous  avons  établi  dans  ce  rapport, 
et  si  vous  l'adoptez,  nous  avons  la  confiance  que  les 
dispositions  en  seront  fidèlement  observées. 


(  502  ) 

Le  Rapport  ci-dessus  est  mis  aux  Toit  et  adopté  dans  loutes 
ses  condusions.  £n  conséquence  le  Budget  de  1866  â  6té 
arrêté  et  voté  de  la  manière  suivante  t 

DÉPENSES. 

Chapitra  I.  t^rsonnel S  260  40 

-^      il.  Frais  de  logement ».  3  959  91 

—  III.  Frais  de  bureau 1  500  » 

—  iV.  Matériel 540  » 

—  V.  Publication  dn  Bnlletin;. . .  » 7  000     » 

—  VI.  Publication  de  Mémoires  (dernier  crédit).        500     » 

—  VU*  Placement  de  capitaux. ....  « ..,...«  k .     1  200     » 

—  VIIL  Dépenses  générales  et  imprévues  (prii  et 

secrétariat) 1  800     » 

TloUl 47  760  31 

EECEtTEs. 

Cllapiira  I.  Produit  ofdittaire  des  réeétiHon»  (tlo 

membres  ) 10  000    * 

—  II.  Produit  extraordinaire  des  réceptions  . .     2  000     » 

—  III.  Prodttitdet  pttblicaaoni lOOO    » 

—  IVt  Allocation  de  l'Empereur  et  sottloripttonl 

des  ministres 3  329  80 

—  V.  (téVtïnni  de  la  Société i  300    s 

-^     Vf.  Becettea  împréTVM. . .  k  i .  ».  i .  i .....  •     Ifëmoirab 

—  VIIi  Solde  de  compte  de  Tannée  précédente 

(1 865) 58i  §9 

Total 18  801  79 

Recettel ,,.., .;....  is  ^1  H 

Dépenses ^ 4  * 17  760  31 

Excédant  en  recettes « . . . .         541  48 

Les  membres  de  la  Section  âé  ôômptabHUé  : 

N.  LefeéVre-DUruflé,  président,  rapporteur, 
É0OÛÀRD  Cûarïon,  Mâxîmin  Deloghe, 

&  JAGOBS^  GABRIEL  LAlKlêtD,  POCt  AIN  DE 

Sossât;  ÀRtHUS^BffiRTiiANDi  secrétmre, 
J.  J.  DUBOCHET  et  Lecocq,  adjoints. 


(  503  ) 

Commanlcations,  été. 


-'  ■  -        - .  f 


NOUVELLE  NOTE 

SUR  L'INSCRIPTION  LATINE  RELATIVE  AU  NOM  GÉOGRAPHIQUE 

DE  €ENÂBUM 

ET   SUtl    L'EMPLACEHËNT   DÉ    CEtTE    TILLE. 

DE  M,  E.  DESJARDINS 


A  Ja  suite  d'une  communication  orale  que  j'ai  eu 
l'honneur  de  faire  à  la  Commission  centrale,  à  la 
séance  du  17  mars  1865,  j'ai  donné,  sur  l'invitation 
de  M.  d'Avezac,  quelques  explications  touchant  un  mé- 
moire épigraphique  lu  à  l'Académie  des  inscriptions  par 
M.  Léon  Renier,  à  la  séance  de  ce  mémo  Jour.  Ce  mé- 
moire était  relatif  à  une  inscription  mentionnant  le  nom 
de  Cenabum.  Je  terminais  cette  explication  analytique 
par  ces  mots  :  <  Les  conclusions  de  M*  Renier  pa- 
raissent devoir  être  considérées  comme  définitives  et 
sont  favorables  à  l'opinion  de  d'Anville,  qui  place  Ge- 
nabuniy  ou  plutôt  Cenabum^  à  Orléans  et  non  à  Gien, 
comme  le  voudrait  l'abbé  Lebeuf.  L'inscription  a  été 
trouvée  à  Orléans,  et  elle  prouve  que  Cenabum,  au 
premier  siècle,  n'était  qu'un  vicm  de  la  cité  des  Car- 
tiutes.  »  Voyez  le  j8t///c^m  d'avril  1865,  p.  369,  6t 
pour  la  discussion  à  laquelle  cette  communication  a 
donné  lieu,  voyez  le  Bulletin  de  mars,  p.  279-282. 

Notre  confrère,  M.  Alfred  Demersay,  cita  à  l'appui 


(  504) 

de  Topinion  de  Lebeuf,  c'est-à-dire  de  ridentification 
do  Cenabum  avec  Gieriy  les  textes  de  César,  le  nom  de 
Génabie  donné  encore  à  un  quartier  de  Gien,  et  les 
ruines  situées  à  une  demi-lieue  de  cette  ville  moderne 
et  découvertes  il  y  a  trois  ans  seulement.  Tous  ces 
faits  sont  consignés  dans  un  travail  de  M.  Bréan,  ingé« 
nieur  civil»  alors  résidant  à  Gien. 

L'inscription  expliquée  par  M.  L.  Renier ,  dont  le 
mémoire  a  été  publiée  dans  la  Revue  archéologique  de 
Paris  et  analysée  dans  le  neuvième  volume  des  Comptes 
rendus  de  l'Académie  des  inscriptions,  a  peut-être 
ajouté  quelque  poids  à  Topinion  de  d'An  ville.  Les  ha- 
bitants de  Gien  s'en  sont  émus,  et  M.  Bréan  a  proposé 
une  interprétation  différente  de  celle  de  M.  L.  Renier. 
Le  Bulletin  de  notre  Société  (mois  de  juin,  p.  577- 
579)y  dans  son  impartialité  bien  connue,  a  donné  asile 
à  la  note  de  M.  Bréan.  Privé  d'assister  aux  séances  par 
un  voyage  imprévu  et  par  une  longue  maladie,  je  n'ai 
pu  répondre  un  mot  et  faire  un  redressement  néces- 
saire à  la  suite  de  l'insertion  dont  il  s'agit.  Il  importe 
de  le  faire,  quoique  tardivement,  et  je  laisse  la  parole 
à  l'homme  le  plus  autorisé  de  France  en  matière  d'épi- 
graphie. 

«  La  restitution  proposée  par  M.  Bréan  pour  l'in- 
scription d'Orléans,  restitution  que  la  Société  de  géo- 
graphie semble  avoir  adoptée,  puisqu'elle  l'a  admise 
sans  observations  dans  son  Bulletin  (juin  1855, 
p.  578),  est  non-seulemen.t  contraire  à  toutes  les  habi- 
tudes épigraphiques  des  Romains,  elle  est  évidemment 
fausse,  car  elle  signifie  tout  le  contraire  du  sens  que 
M.  Bréan  a  voulu  lui  attribuer. 


(  505  ) 
»  Cette  restitution  est  ainsi  conçue  : 

Cùm  ou  AurELIVS  MAC  er 
AtePOMAKI  filius 
fusiS  SENONIbus 
tutoR'GENAB  ensis 
qVOS  SIBI 
adscit 

et  voici  comment  M.  Bréan  la  tradait  : 

€  Cornélius  ou  Aurelius  Magnus,  fils  d'Atepomare, 
»  protecteur  des  Génabes  mêlés  aux  Sénons,  se  les 
>  affilie.  )> 

»  Cette  traduction  est  évidemment  erronée,  le  texte 
dont  il  s'agit  ne  pouvant  signifier  autre  chose  que  ce 
qui  suit,  si  toutefois  il  signifie  quelque  chose  : 

«  Cornélius  oti  Aurelius  Macer,  fils  d'Atepomare, 
))  (fusis  Senonibm)  les  Sénonais  étant  défaits,  {tutor 
n  Cenabensis)  tuteur  cénabien,  (quos  sibi  adscit)  les- 
»  quels  il  s'associe.  » 

»  Suivant  M.  Bréan,  ce  sont  les  Sénonais  qui  sont 
vainqueurs  ;  suivant  sa  restitution,  ce  sont  eux  qui 
sont  vaincus. 

>  Qu'est-ce  d'ailleurs  qu'un  tuteur  cénabien  {tutor 
cenabensis)  ?  Il  est  vrai  que  M.  Bréan  traduit  ces  mots 
par  protecteur  des  Cénabes. 

»  Cette  restitution,  de  plus,  n'est  pas  latine;  car 
à  quoi,  par  exemple,  se  rapporte  le  quos  de  la  der- 
nière ligne  ?» 

Il  n'est  donc  pas  inutile  de  rappeler  que  l'épigraphie 
est  une  science  positive  qui  ne  laisse  rien  à  l'arbitraire 
et  à  l'hypothèse,  quelque  ingénieuse  qu'elle  soit.  L'é- 
pigraphie a  ses  sigles  abréviatifs,  ses  lois,  sa  langue, 


(  506  ) 

qu'il  faut  connaître  pour  se  permettre  de  risquer  une 
interprétation,  surtout  quand  elle  est  contraire  à  celle 
des  hommes  compétents  qui  consacrent  leur  vie  à  ces 
études. 

Je  passe  aux  impossibilités  géographiques.  Il  me 
suffira  de  rappeler  les  mesures  des  itinéraires  : 

ITINÉRAIRE  D'ANTOMIN. 
(Voyez  réditioQ  Parthey  et  Pinder.) 


Différences 

Milles. 

en  plus. 

en  moins 

Gondate. . . . 

•  •  • . 

Gosne 

B 

» 

Brifodttrum. 

.w.  XVI 

Briare 

ai 

9 

Beica* .  1 . . . 

. . . .  XV 

Bonné« .«..«... 
Orléans  * .  » 

2S 

27 

1 
5 

Cenabum*. . 

. ...  XXÏI 

Salioclita.  . . 

....   XXIV 

Êtampes  .  • 

4/t 

20 

Luticia 

. ...   XXIV 

Paris 

33 

9 

Il  y  a  donc  au  moins  87  milles  entre  Brivodurum, 
qui  est  certainement  Briare,  et  Cenabum  ;  or,  il  n'y  en 
a  que  6  8/10  entre  Briare  et  Gien. 


TABLE     D£    PEUTINGER. 
(Voyez  rédition  Mannert.) 


Lieues 
gauloises. 

Brivoduro 

Belea XV 

Genabo XXII 

Luteci XLVn 


Briare » 

Bolmée 15 

OriôauB 18 

Paris 50 


Différences 


Gasaroduno  .  ^ . . . 

Genabo LI 

Fines XV 

A(|ui8  Segesle  . . .  XXlI 


Oriéans 51  »         » 

Près  de  Chambon .   Ib  *         » 

Bordives    17  »        5 


(60?  ) 

Of,  la  distance  d'Orléans  à  Oied  est  de  eS  kilmnètrèd, 
c'est-à-dire  de  ai  milles  et  demi;  celle  de  Gien  à 
Briare  n'étant  que  de  lO  kilomètres  ou  6  milles  8/10, 
si  Cenabum  était  Gieii,  il  faudrait  6  mlUeë  8/10  entfe 
Brivodurum  et  ce  poitit,  tandis  que  ritlûéridre  d^An^ 
tonin  en  porte  87. 

11  est  vrai  que  cet  itinéraire  est  fautif  sur  Ce  par- 
cours et  que  seâ  distances  tie  cadrent  pas  avec  celles 
qu'on  trouve  en  réalité  eutre  leâ  lieux  connus^  mais 
elles  sont  partout  trop  faibles  sur  le  monument.  C'est 
ainsi  qu'au  lieu  de  XXIV  milles  entre  Cênaànm  et  Sa- 
lioclitay  puis  de  XXIV  entre  ce  dernier  lieu  et  Lutma 
(Paris),  en  tout  48  milles  entre  Genabitm  et  Lutimà, 
il  en  faudrait  77,  en  supposant  que  Cenabum  «oit  Or- 
léans. Si  Cenabum  était  Gien^  il  en  faudrait  liS;  la 
différence,  au  lieu  d'être  de  29  milles,  lirait  de  70. 
Pbur  expliquer  les  écarts  entre  les  distance»  on  sait 
combien  il  est  fréquent  de  constater  det  X  omis  par 
les  copistes.  Il  est  certain  que  c'est  une  omission  de  ce 
genre  qui  a  réduit  à  XXIV»  pour  XXXXIV^  la  distance 
entre  CeHabum  et  Saîioclita  (Étampes),  et  à  XXIV 
milles  également,  pour  XXXIV,  la  distance  entre  Sa- 
îioclita et  Luticia. 

Si  nous  examinons  la  Table  de  Pentinger,  dont  les 
distances,  pour  cette  partie  de  la  Gaule,  sont  exprimées 
eu  lieues  gauloises  (d'un  raille  et  demi) ,  nous  voyons 
que  les  différences  sont  beaucoup  moindres.  Ainsi, 
Cenabum  est  porté  à  37  lieues  gauloises  de  Brivodu- 
rum^ et  il  n'y  en  a  que  83  entre  Briare  et  Orléans. 
Mais  si  Cenabum  était  Gien,  il  ne  faudrait  que  h  lieues 
et  demie  au  lieu  de  33.  Luteci  (Paris),  qui  est  porté  à 


(  608  ) 

Â7  ligues  gauloises  de  Cenabum  et  qui  en  est  distant 
en  réalité-de  50,  est  à  76  lienes  gauloises  de  Gien.  — 
Enfin,  entre  Cœsarodunum  (Tours)  et  Cenabum^  la 
Table  de  Peutinger  porte  51  lieues  gauloises,  ce  qui 
est  la  distance  exacte  entre  Tours  et  Orléans. 

Ainsi,  là  où  les  distances  des  deux  monuments  an- 
ciens ne  cadrent  pas  avec  les  distances  modernes  con- 
nues, l'écart  est  insignifiant  ou  s'explique  facilement 
dans  un  sens  favorable  à  Orléans.  Cet  écart  est,  au  con- 
traire, considérable  et  même  inadmissible  dans  l'hypo- 
thèse qui  placerait  Cenabum  à  Gien.  Là  où  les  distances 
cadrent,  elles  portent  Cenabum  à  Orléans  et  nous  re- 
jettent à  M  milles  de  Gien,  distance  efiective  qui  sépare 
ces  deux  villes. 

Je  laisse  à  mes  confrères  le  soin  de  tirer  la  consé- 
quence du  rapprochement  du  texte  épigraphique  d'Or- 
léans et  des  mesures  des  itinéraires,  deux  sources  aux- 
quelles il  faut  attribuer  une  importance  de  premier 
ordre,  car  ce  sont  des  documents  oiBciels  contre  les- 
quels aucun  texte  d'écrivain  ne  saurait  prévaloir,  sur- 
tout quand  ces  textes  ne  donnent  pas  de  mesures. 


(  500  ) 

CARTE  GÉOLOGIQUE  DE  LA  TERRE 

PAR  JULES  MARGOU. 


Essayer  de  construire  une  carte  géologique  de  la 
terre,  c'est-à-dire  essayer  de  résumer  et  de  tracer 
graphiquement  les  travaux  de  douze  à  quinze  cents 
géologues  depuis  enviroq  soixante  années,  est  une 
entreprise  un  peu  téméraire  et  qui  est  environnée  de 
nombreuses  difficultés;  difficultés  qui  heureusement 
ne  se  sont  {nrésentées  que  successivement,  car  si  elles 
étaient  venues  toutes  ensemble,  j'aurais  abandonné  la 
tâche  dès  le  début  de  mes  recherches. 

La  géologie  est  Tanatomie  de  la  terre.  Or,  nous 
sommes  loin  de  connaître  toute  la  terre ,  malgré  les 
efforts  si  nombreux,  si  persistants  et  si  courageux  des 
géographes.  Chaque  continent  a  sa  physionomie  propre, 
par  conséquent  son  anatomie  ;  et  après  avoir  cherché  à 
connaître  cette  anatomie  en  tout,  comme  pour  l'Europe, 
ou  en  partie  seulement,  comme  pour  l'Amérique  du 
Nord,  il  y  a  à  résoudre  an  problème  encore  plus  dif- 
ficile, c'est  l'anatomie  comparée  ou  géologie  comparée 
de  ces  grandes  divisions  de  l'écorce  terrestre.  Enfin 
les  géologues  ne  sont  pas  tous  d'accord  sur  l'âge  des 
roches,  leurs  terminologies  et  leurs  classifications  ;  de 
plus,  les  classifications  et  terminologies  ont  varié  sui- 
vant les  temps,  les  écoles  et  même  les.  nations.  Ainsi 
des  travaux  faits  à  l'époque  de  de  Humboldt,  en  suivant 
la  méthode  de  Verner  et  les  classifications  allemandes. 


(  m) 

sont  très-différents  et  d'une  grande  difficulté  de  com- 
parai^oo  avec  leimévioires  publiés  depuis  vingt  apuées, 
en  suivant  la  méthode  de  Brongniart  et  Smith,  et  avec 
les  classifications  anglaises. 

Quoi  qu'il  en  soit  de  C6â  difficultés,  j'ai  pris  pour 
règle  invariable  de  ne  pas  colorier  géologiquement 
toute  région  sur  laquelle  on  Q*avait  pas  de  doppées 
positives  sur  l'âge  et  la  nature  des  roebes. 

Pour  l'Europe,  grâoe  aux  travaux  généraux  de 
Smith,  d'Omaliug,  Élie  de  Beaumont,  Dufréqoy,  de 
Buch,  de  Decken,  Uurcbison,  Gollegno,  de  Vemeuil, 
de  Keyserling,  Helmersen,  Dumont,  etc.,  xna  tâche  a 
été  assez  facile.  Cependant  j'ai  eu  quelques  modifîca^ 
tiens  importantes  à  introduire.  D'abord  l'Islande  qui, 
dans  les  cartes  géologiques  de  l'Europe  publiées  par 
MM.  Murchison  et  Dumont,  est  représentée  avec  une 
seule  teinte,  comme  ne  contenant  que  des  roches  vol- 
caniques, est  dans  ma  carte  beaucoup  plus  compliqué^, 
puisque  en  outre  des  roches  volcaniques  il  y  a  de  grandes 
surfaces  de  terrain  tertiaire,  et  aussi  des  formations 
de  cailloux  roulés  et  de  drift  glaciaii'e  de  l'époque  qua* 
ternaire.  C'est  à  un  géologue  bavarois,  M.  Wiokler, 
qui  a  bien  voulu  me  communiquer  cette  carte  manus-- 
crite  plusieurs  années  avant  la  publication  de  son 
voyage,  que  je  dois  cette  rectification.  Pour  la  Russie 
et  le  Caucase,  j'ai  mis  à  profit  les  derniers  travaux  des 
géologues  russes,  et  notamment  ceux  de  Pacht  pour  le 
centre  de  la  Russie,  de  Grewingk  pour  les  provinces 
de  la  Baltique,  et  enfin  ceux  d'Abich  pour  le  Cau- 
case. 

En  Asie,  quoique  j'aie  dû  laisser  de  très-vastes  sur- 


(  ôll  ) 

facesi  ÇQ  blanc,  ce  n'est  qu'après  de  nombreuses  re-- 
chercbes  et  avec  beaucoup  d'hésitation  que  j'ai  fini  par 
colorier  certaines  parties,  et  encore  n'y  a-t^-il  guèr^ 
que  Hnde  anglaise  pu  j'aie  pu  donner  des  contours  à 
peu  près  exacts  w^  matériaux  qui  constituent  le  soi 
asiatique.  Apt*és  que  étude  des  plus  consciencieuses  de 
la  carte  géologique  de  la  Sibérie  par  Ërmann,  et  en 
remontant  souvent,  autant  que  cela  m'a  été  possible, 
aux  sources  mêmes  des  renseignements  où  Ermann 
avait  puisé,  j'ai  dû,  à  mon  grand  regret,  l'abandonner 
entièrement  et  ne  faire  usage  que  des  travaux  de  Tcfai* 
hatcbeffy  Middendorf,  de  Dittmar  et  Meglitzky, 

L'Afrique,  au  point  de  vue  géologique,  n'est  guère 
mieux  connue  qu'elle  ne  l'était  au  point  de  vue  géo- 
graphique avant  les  voyages  de  Vasco  de  Gama.  C'est 
à  peine  si  Ton  connaît  un  peu  de  l'Egypte,  l'Algérie 
et  les  colonies  du  Cap  et  de  Natal  Les  voyages  de  Barth 
et  d'Overweg  ont  donné  quelques  points  de  repère 
sur  la  route  de  Tripoli  au  lac  de  Tchad.  Mais  avec 
l'Asie,  l'Afrique  est  le  grand  desideratum  de  la  géologie 
géographique  :  il  y  a  dans  ces  deux  continents  les  plus 
beaux  champs  d'étude  ouverts  pour  l'ardeur  des  géo- 
logues voyageurs* 

Les  deux  Amériques,  et  surtout  celle  du  Nord,  ont 
été  soumises  à  des  recherches  plus  suivies  et  plus 
nombreuses;  et  après  l'Europe,  c'est  le  continent  qui 
nous  est  le  mieux  connu*  Siumboldt,  Mac-Clure,  Va- 
nuxem,  Edmons,  Owen,  d'Orbigny,  Karsten,  Do- 
meyko,  etc. ,  etc. ,  ont  publié  des  travaux  considérables 
et  de  la  plus  grande  importance  sur  le  nouveau  monde. 

Des  géologues  ont  traversé  les  côtes  de  l'Atlantique 


(  512  ) 

à  celles  du  Pacifique,  aussi  bien  dans  rAmérique  du 
Nord  que  dans  celle  du  Sud  ;  et  quoique  de  grandes 
surfaces  restent  encore  à  explorer,  la  géologie  de  Thé- 
Ifnisphëre  occidental  est,  on  peut  le  dire,  mieux  connue 
que  celle  de  l'autre  hémisphère.  Les  voyages  qui  ont 
été  faits  pour  chercher  le  fameux  passage  du  nord- 
ouest  ont  fourni  de  nombreuses  dpnnées  géologiques, 
qui  ont  permis  de  colorier  avec  un  certain  degré  d'exac- 
titude les  côtes  nord  du  continent  américain  et  les 
nombreuses  îles  découvertes  par  Perry,  Franklin, 
Richardson,  M'Clintock,  Mac-Clure,  etc.  C'est  le  pro- 
fesseur Haughton  (de  Dublin)  qui  a  fait  ce  travail,  qui 
se  trouve  à  la  fin  du  célèbre  volume  publié  par  le  capi- 
taine M'Clintock  sous  le  titre  de  A  narrative  of  the 
discovery  of  the  fate  of  sir  John  Franklin^  London, 
1859.  Malgré  toute  la  confiance  que  m'inspirait  l'au- 
teur, j'ai  voulu  remonter  aux  sources  mêmes,  comme 
pour  toutes  les  autres  parties  de  la  terre  ;  et  bien  m'en 
a  pris,  car  j'ai  pu  corriger  une  errreur  assez  grave  qui 
s'était  glissée  dans  la  carte  géologique  et  dans  la 
rédaction  du  professeur  Haughton  :  Boothia  Félix 
la  partie  nord-ouest,  est  marquée  entièrement  comme 
formée  de  calcaire  silurien,  tandis  que  le  capitaine 
M'Clintock,  daus  son  journal  (page  311),  dit  qu'il 
a  passé  du  calcaire  au  granit  à  la  latitude  de  71'',10 
nord;  là  s'étend  une  grande  bande  granitique,  qui 
n'est  d'ailleurs  que  la  prolongation  de  celle  qui  forme 
toute  la  partie  orientale  de  l'île  de  North  Sommerset. 
Cette  rectification  montre  le  soin  que  j'ai  apporté  dans 
toutes  les  recherches  que  m'a  obligé  de  faire  cet  essai 
d'une  carte  géologique  de  la  terre. 


(  5iâ  ) 

Pour  l'Australie  et  les  lies  du  Pacifique,  il  y  a  bien 
peu  de  connu  en  dehors  des  volcans  éteints  ou  en 
activité,  et  de  quelques  points  de  la  côte  de  la  Tasma- 
nie,  de  Victoria,  de  la  Nouvelle-Galles  du  Sud,  de  la  , 
Nouvelle-Zélande  et  de  l'Australie  occidentale.  Mais 
depuis  plusieurs  années  les  Anglais  ont  établi  des 
commissions  pour  les  relevés  géologiques  de  presque 
toutes  leurs  colonies  antipodales,  et  il  y  a  tout  lieu 
d'espérer  qu'avant  peu  d'années  on  connaîtra  beaucoup 
mieux  la  géologie  australienne. 

Somme  toute,  cet  essai  est  bien  imparfait,  et  je 
réclame  pour  lui  la  bienveillance  des  géologues  voya- 
geurs qui  voudront  bien  rectifier  et  surtout  augmenter 
nos  connaissances,  en  coloriant  ces  immenses  surfaces 
laissées  en  blanc,  et  qui  occupent  actuellement  près 
dés  deux  tiers  de  la  carte. 

En  terminant,  je  rappellerai  qu'un  géologue  et  géo- 
graphe français,  le  docteur  A.  Boue,  a  publié  en  18A5 
un  Essai  d'mu  carte  géologique  du  globe  terrestre 
(Paris,  une  feuille),  basée  sur  des  principes  tellement 
diflFérents  de  ceux  qui  m'ont  guidé  daiis  la  construction 
de  ma  carte,  qu'il  m'a  été  impossible  d'en  faire  aucune 
espèce  d'usage,  et  que  ces  deux-  cartes  n'ont  absola- 
ment  rien  de  commun  entre  elles,  excepté  le  titre. 
M.  Boue,  au  moyen  d'inductions  et  de  suppositions,  a 
colorié  toute  la  terre,  même  les  parties  non-seulement 
inconnues  aux  géologues,  mais,  bien  plus,  celles  qui 
sont  encore  inconnues  des  géographes.  Pour  une  science 
d'observations,  et  d'observations  multiples  et  difiîciles, 
comme  la  géologie,  on  comprend  qu'il  faut  laisser  de 
côté  complètement  l'imagination  «  et  non  pas  en  faire 
XI.  jum.  6.  33 


l  W4) 

1»  feMP  m^q»8  dg  ipp  firayî^L  De  rIh^,  |j^  çaj:^  de 
M.  Bftjié  »g  ppmpffiBfl  que  si?  couleufp,  taodjs  qpQ  Ui 
misons  qq  »  npuf,  ^ayoir  :  ^*?  Ip  j>»pp  p^Jq  fiSflf:  leg 
leri:«n§  quatpmairfip  pt  i:éc§pte;  3'  Ip  j.^HPg  fppcj^  poup 
1^  tprr^w»  tertiaires;  ?î*  }fi  ver);  pour  }p  çr^t^^  ;  ji°  j^ 
b)e^  <Jjw  ppur  te?  fophQ§  ji^a§siqu^;  &°  }a  terfe  ie 
^eanp  |)r^ég  pp|if  fe  J^ouypau  grèp  ppugç  j  ^?  le  noir 
pfrlj^  pour  lp9  terrains  houU}ers  oi^  parj^opifèpes  ;  7°  1^ 
bleu  foncé  ppur  }fis  t^rp^ips  4p  tf apçjtipp  or  gf  apy^ ^^ J:?  ; 
S""  le  rose  pour  les  roch§^  gr^pitigpes  ^t  ep  gép^p^ 
cristallisa;  et  enfiq  9"  Ip  (rppge  yeriniilon  pour  les 
rocb(^  yplçftRlqpes,  cprpipe  jo?  ^y^s,  bas^H^p^,  pb^h 
4içBPp3. 


p«  ) 

AU  PRESIDENT  DE  14  <X)]P|IW1QN  CiptT|liLlS, 


Mossool,  23  février  1866. 

Monsieur  le  Président, 

J'ai  fini,  apri^s  un  yoyage  assez  pénibje,  par  ^:(t!Bindre 
Ifogsoul,  où  je  trouvQ  le  printemps  l:fien  établi,  de  sorte 
que  la  pa|:);ie  agréable  de  inpn  vpyage  va  conanaencer. 
le  3uig  tiraillé  ep  deux  sens,  d'un  côté  par  la  longueur 
du  vpy^gfî  à  falrp  jet  la  nécessité  d'être  dans  |e  Kafiris- 
tap  ep  juiii  ou  juillef  au  plus  tard;  d'p-qtre  côté,  par  Tin- 
térêt  scientifique  des  contrées  que  je  parcours.  Ainsi 
MqssquI,  qù  je  croyais  n'avpir  riep  à  faire  après 
MM.  Botta,  Lay^pl,  B^dger  et  tant  d'autres,  m'occupe 
beaucqup.  Q\x  a  fait  }ci  fqrce  travaux  assyriens  (section 
à  laquelle  je  me  garde  bien  de  toucher);  mais  le  grec, 
le  byzantin,  etc. ,  sopt  restjés  fpf  t  ep  arrjère,  sans  comp- 
teF  la  géqgraphie  prqprepïepf  dite.  Il  y  a  deux  cartes 
des  pîljy^  Rpstftpens,  Vnm  fie  Jf.  Layard,  l'autre  de 
M.  Badger  :  elles  sont  absolumppt  dissemtilables.  te 
pbamp  de  jDatfiille  ^'A^beUçs  p'^St  pas  même  fixé.  J'en- 
voie par  pe  couj-rjer  à  ^.  le  ministre  de  l'instruction 
pudique  (}  fei^ills?  ^^  topographie  au  1/200  000*  et 
dpvze  ^  qnîi^zQ  plf^P^,  l^  plupart  intéressant  la  géo- 
graphie cpmparée.  Parpai  cps  pjans  sont  trqis  villes 
a»tîque3  (T^l^,  Rezab^e,  Pîjisibis)  et  de^  <ppoupLoç  gréco- 
byzantins,  ngtami^ept  le  çqstqlluni  - Maiiroriçrn  de 
MésppQt^mi^-  Jp  n'ai  eu  que  vingt  jours  poyr  traverser 
cette  prpvipce,  qui  est  pn  nausée  splendide  4'aptiqui- 


(  516  ) 

tés.  Il  serait  à  désirer  qu'on  envoyât  une  mission  pour 
faire  des  fouilles  à  Tela,  Bezabde,  Dara,  Resaïna  et  bien 
d'autres.  J'ai  ouvert  un  tombeau  à  Derik,  prèsMardin, 
et  j'y  ai  trouvé,  parmi  des  ossements  d'hommes  et  de 
cheval  mêlés,  force  antiquités  barbares  identiques  avec 
ce  qu'on  a  trouvé  dans  les  kourganesie  Crimée.  Je  rap- 
porte cette  tombe  à  l'invasion  cimmérienne  de  Lygda- 
més  vers  6S1  :  il  y  en  a  quatre  autres  à  côté;  je  n'ai  pas 
eu  le  temps  de  les  ouvrir,  mais  si  je  repasse  en  ce 
pays,  je  ne  les  manquerai  pas.  Un  prêtre  chaldéen  m'a 
signalé  à  Kesari-Roum,  à  trois  journées  d'ici,  une 
énorme  ville  ruinée,  sept  enceintes,  une  statue  colos- 
sale couverte  d'inscriptions  :  je  compte  y  aller  demain. 
Je  fais  de  l'ethnographie  de  toutes  mes  forces,  et  j'ob- 
tiens des  résultats.  Les  débris  des  populations  chaldéo- 
araméennes  sont  précieux  à  étudier;  mais  les  plus 
précieux  sont  les  groupes  iraniens  voisins  du  Tigre 
(Kurdes,  Vazidis,  Chebak,  etc.),  avec  leurs  religions 
étranges.  Ces  Chebak,  qui  occupent  trente-huit  villages 
et  parlent  un  dialecte  iranien  très-sauvage  que  je  tâche- 
rai d'étudier,  sont,  comme  religion,  un  peu  parents 
des  Ansarié  et  des  Sezidis. 

A  mon  retour  de  Kesari  je  partirai  pour  Bagdad, 
d'où  je  gagnerai  Kuratchee  par  les  vapeurs  anglais; 
puis  je  remonterai  jusqu'à  Pechaour  (Peshawur),  où 
commencera  ma  campagne  proprement  dite.  Il  serait 
bien  à  désirer  que  la  section  ethnographique  de  Tex- 
position  de  1867  s'enrichît,  entre  autres  spécimens, 
d'une  couple  dé  sia-poh ,  mais  reste  à  savoir  si  l'on  en 
pourrait  trouver  de  disposés  à  quitter  leurs  montagnes. 
En  tout  cas,  je  les  étudierai  avec  le  soin  qu'ils  méri- 


(  517  ) 

tent,  eux  et  leur  étrange  pays.  J'espère  être  à  Bagdad 
le  20  mars,  à  Kuratchee  le  15  avril,  et  peut-être  vers 
le  10  mai  à  Pechaour  :  c'est  !a  meilleure  saison  pour 
entrer  dans  THindou-Koh.  Ayant  du  temps  de  reste, 
je  vais  faire  cette  excursion  de  Kesari  pour  bien  des 
raisons.  La  position  d'Amédia,  position  si  singulière- 
ment déplacée  dans  quelques  cartes,  est  fort  impor- 
tante à  fixer  pour  bien  asseoir  la  topographie  de  tous 
ces  pays.  J'espère  y  réussir  tant  bien  que  mal  ;  je  le 
répète,  les  cartes  de  Kiepert,  Badger  et  autres  offrent 
des  divergences  énormes  pour  tout  ce  pâté  de  monta- 
gnes. J'ai  des  raisons  de  croire  la  carte  de  Layard  exacte 
pour  le  cours  supérieur  du  Rhabour  de  Zachou,  et 
celle  de  Kiepert  fort  erronée  sur  ce  même  point.  Puis 
je  tiens  à  savoir  quelque  chose  du  Kurdistan,  où,  par 
parenthèse,  on  se  bat  en  ce  moment.  Les  Kurdes  du 
Bohtan  ont  saccagé  Pechabour  (Feizabour  de  Kiepert) 
sur  le  Tigre  :  l'autorité  a  requis  quatre  à  cinq  cents 
bachi-bouzouks  qui  ont  envahi  le  Bohtan  sans  résis- 
tance, et  les  arrestations  ont  commencé.  J'étais  dans 
le  pays  lors  de  ces  troubles. 

Autre  nouvelle.  J'ai  trouvé  le  pays  de  Nisibe  en 
grande  fermentation  par  suite  du  projet  de  la  Porte  de 
cantonner  le  long  du  grand  Khabour  quelques  milliers 
de  CircassiensTchetchenzes,  qu'en  général  on  redoute 
comme  voisins.  On  va  bâtir  pour  eux  une  ville  à  Ras- 
el-Aïn,  la  Resaïna  colonia^  que  je  regrette  tant  de 
n'avoir  pu  visiter  quand  j'ai  passé  par  Mardin;  on  ve- 
nait de  requérir  à  cet  effet  tous  les  maçons  et  charpen- 
tiers de  la  ville,  et  Ton  aurait  même  commencé  à  faire 
les  semailles  pour  ces  paresseux  aristocrates  du  Cau-  .  * 


(618) 

case.  Cet  établisseinent  pilittt  être  dti  bieti,^  si  les  Gircaa- 
slens  deviennent  de  loyatix  côlons^  et  servent  de  bàr- 
Hëre  contre  là  tourbe  pillatde  des  Arabes  Ghatdat  et 
Tâl,  fléaux  de  ces  pays  :  mais  dn  craint  (|u*ils  ne  don- 
nent la  malti  à  ces  brigands. 

La  Mésopotamie,  que  je  viens  de  parcourir ^  esti 
comme  force  productive;  un  des  plus  beaux  piays  du 
monde.  Avis  aux  géographes  qui  dessinent  des  déserts 
de  sable  au  sud  d'Orfa  ou  de  Harran.  C'est  une  su- 
perbe plaine  d'alluvioti  tnen  arrosée;  couverte  de  vil- 
lages là  où  les  Arabes  n'atteignent  pas,  sendée  de 
collines  {tell^  plur.  tloulj^  qui  sont  tantôt  des  cônes 
tronqués^  tantôt  des  dômes  plUâ  bu  moins  réguliers. 
y  a  dessiné  sur  mes  cartes  cent  cidquarite  où  deux 
cents  de  ces  {iusttlles,  tout  ce  que  j'ai  pu  relever;  mai^ 
il  y  eu  a  bien  dix  fois  davantage,  ëurtout  verë  Sindjar 
et  le  Khabour,  06  ils  àont  couverts  de  ruines  antique^. 
A  côté  de  chaque  teli  surgit  presque  toujours  une  eau 
courante j  parfbis  deux.  Les  villes  bâties  par  Neihrod 
et  Assar  ont  dû  être  (sauf  Ninive)  des  teil  fortifiés  :  du 
moins  il  y  en  a  que  j'ai  cru  j[)6u  voir  «identifier,  car  ilë 
auraient  gardé  leurs  noms  antiques,  comme  Gbala, 
Ërach,  Cbsllahne  (aujodrd'bui  Khala,  Erach^  GUablâoe). 
J'ai  levé  des  plans  et  pris  des  dessins  de  ruines  et  vous 
lès  montrerai. 

Agréez,  en  attendant,  l'assurance  de.mes  sentiments 
respectueux  et  dévoués. 


t  ^^^  ) 
àh  îâ  soéiélé 


EXTRAITS  DES  PROCÈB-YERBAUX  DES  SËaIICËS. 


Procès-verbal  de  la  séance  du  à  mai  1866, 

niÉàlDilNCE  OE  il.  b'ÀVBIÀG. 


Lé  |)rocës-vérbâl  de  la  BéktïCë  j[)récéâeDte  est  lu  et 
adopté. 

H.  ËoilrdiôU  secrétaire  de  la  Société;  àrrifé  aa 
tertne  de  Sûri  elitèrôicé,  coiîiffîûniqde  à  la  Gotntniësioti 
centrale  le  procès-verbal  de  rassemblée  générale  du 
27  à^ril  18i66. 

Lëèturé  m  dôtïHèé  de  la  correspondanèe  f — La  Société 
^ëbgrâpliii|ilë  et  ètàtiëliquë  de  Mexico  Mfèûèe  l'état 
dès  tratatrt  qui  Itii  ont  été  sotïmisf  pêMant  le  f)réfaiier 
tHflbèi^trë  488ë.  —  La  Sëbîëté  géO^ràpMqtié  dé'  Nel^- 
tbfi:  ë'C  l'AcMêiliiè  dôMsdëiidë^  deLisbôrine  adressent 

dès  ëitèiiiplâirëès  de  lédfe  puîilicâiionS  res|)éctitèsi  -^ 
M.  J.-F.  Palgràvë,  en  FàbëéÈlôe  de  Son  frère  Wîlliiîiû 
Gîfford  PisLlgrèive,  àccùëë  réception  dé  rdvis  donné  à  ce 
dernier  du  ^dtè  d'une  liiédàille  d'br  que  la  Société 
de  géographie  lui  décërbë  pour  Son  vdyâge  à  travers 
rArât)ié:  -  M:  théoddrë  de  Heuglifi  écHt  qu'il  a  reçu 
la  hcJtîriCatiôn  qd'une  grande  médaille  d'argent  lui  était 
dëèeriiëe  pour  ses  explorattions  eti  Afrique.  — M.  Îi-H. 
Thomas  Combène  de  Câramati  àdi'esSe  Un  travail  Stff  les 
Mois,  tribu  sàiivâgë  de  l'èihpired'AnnsaM.— M- William 


(  520  ) 

Hûber  remercie  la  Société  de  l'avoir  élu  secrétaire  pour 
l'année  1866-1867.  —  MM.  Gaultier  de  la  Richerie, 
Casimir  Delamarre  et  Fortuné  Ghabrier  remercient  de 
leur  admission  comme  membres  de  la  Société.  — 
M.  Eugène  Gortambert,  en  s'excusant  de  ne  pouvoir 
assister  à  la  séance,  envoie  un  exemplaire  du  tirage 
à  part  de  son  rapport  sur  le  livre  de  M.  Paul  Riant, 
Pèlerinages  des  Scandinaves  en  Terre-Sainte.  —  La 
Gommission  royale  italienne  pour  la  culture  du  coton 
fait  parvenir  un  ouvrage  intitulé  :  Specie  dei  cotoni^ 
accompagné  d'un  atlas  de  planches  coloriées. — La  pré- 
fecture de  la  Seine  transmet  un  exemplaire  de  la  carte 
agronomique  de  ce  département,  dressée  par  M.  Delesse, 
ingénieur  en  chef  des  mines.  —  Le  ministre  de  la  ma- 
rine envoie  l'Annuaire  de  son  département  pour  1866. 
S.  Exe.  avait  précédemment  fait  don  à  la  Société  d'un 
volume  de  «Notices  sur  les  colonies  françaises  » ,  accom- 
pagné d'un  atlas  ;  le  gouvernement  général  de  l'Algérie 
avait  de  son  côté  adressé  un  c  Rapport  sur  le  forage 
de  puits  artésiens  dans  la  province  de  Gonstantine>;  et 
ces  ouvrages  avaient  été  présentés  à  l'assemblée  géné- 
rale du  27  avril.  M.  Jules  Duval  demande  que,  vu 
l'importance  de  ces  deux  publications,  il  en  soit  fait 
une  analyse  dans  le  Bulletin  de  la  Société  :  cette  pro- 
position est  adoptée,  et  M.  Jules  Duval  lui-même  est 
désigné  pour  faire  ce  compte  rendu . 

Par  suite  à  la  correspondance,  M.  Barbie  du  Bocage 
lit  l'extrait  d'un  rapport  consulaire  relatif  au  territoire 
de  No  Man's  Land,  récemment  annexé  à  la  colonie  an- 
glaise du  Gap  ;  et  M.  Richard  Cortambert  communique 
une  lettre  de  M.  Lejean,  datée  de  Mossoul 


(  521  ) 

Lecture  est  donnée  de  la  liste  des  ouvrages  offerts. 
Gomme  suite  à  cette  liste,  M.  Onffroy  de  Tboron  fait 
en  outre  personnellement  hommage  d'un  exemplaire 
de  son  volume  intitulé  Y  Amérique  équatorialej  et 
donne  quelques  détails  sur  le  contenu  de  cet  ouvrage 
dont  M.  Martin  de  Moussy  est  prié  de  rendre  compte. 
—  M.  William  Martin  remet  une  note  manuscrite  sur 
le  commerce  hawaïen  :  renvoi  à  la  section  de  publica- 
tion. —  M.  Maunoir  offre  un  exemplaire  de  la  carte  de 
la  Sonora,  dressée  par  M.  de  Fleury,  et  fait  observer  que 
ce  ^travail,  bien  imparfait,  est  encore  ce  qui  existe  de 
plus  complet  sur  la  partie  nord-ouest  du  Mexique.  — 
M.  d'Avezac  dépose  sur  le  bureau,  au  nom  de  M.  Arthiis- 
Bertrand,  éditeur,  une  brochure  intitulée  :  La  guerre 
<r Amérique j  par  M.  Arthur  Kratz,  auditeur  au  conseil 
d'État.  — M.  le  docteur  Martin  de  Moussy  remet,  de  la 
part  de  M.  Vicente  Quesada,  rédacteur  de  la  Revista  de 
BuenoS'Ayres^  la  collection  de  ce  journal  pour  la  fin  de 
l'année  1864  et  toute  Tannée  1866;  on  y  trouve  un 
grand  nombre  de  documents  géographiques  intéres- 
sants sur  les  régions  de  la  Plata.  M.  le  docteur  xMartin 
de  Moussy  demande,  en  outre,  qu'il  soit  nommé  un 
rapporteur  pour  son  ouvrage  sur  la  Confédération 
argentine  en  remplacement  du  docteur  Moure,  parti 
pour  le  Mexique.  M.  Bourdiol  est  désigné  pour  ce 
soin. 

On  procède  à  l'admission  des  personnes  présentées 
pour  devenir  membres  de  la  Société  ;  sont  admisià  ce 
titre  :  MM.  José-Maria  Fernandez  de  la  Hoz,  ancien 
ministre  en  Espagne  ;  Camille  Marcilhacy,  négociant  ; 
Emmanuel  Liais,  astronome  de  l'Observatoire  impérial 


(  llM  ) 

de  Pàfiâ  ;  Âdûlphé-ICIhrétien  Lifidedaiiti,  sëcrét^iè  de 
là  légatioii  du  ààRaclor: 

Sotii  pbhës  Su  tableâii  de^  candidats,  diir  Vàjiihii- 
siod  desquels  11  sèti  siàiiïé  daii^  liiïe  j[)r6cbàiDè  Séance  : 
lÎM:  Coiillet,  adtnmlsti-ateur^àdjbiilt  deij  servifcèé 
màritiiBles  des  messageries  impériales,  t)rôseiïté  par 
MM.  Mofel-Fatio  et  Barbie  du  Boèagé  ;  Hippidltte  Fetry, 
inspecteur  de  la  compagnie  la  ffàtionàU^  présenté  pér 
MM.  Malte-Bruiî  et  Duflot  de  Mofras  ;  Adrieù  Lecdb^j 
présenté  flâr  MM.  Jàcobset  Màuuoir;  lé  dbctetii'  Ldvé, 
présenté  pat*  MM.  Casidir  et  Ttiéôdore  DelatHâlrrè  ;  le 
barotï  Rendu,  présenté  {iar  MM.  Gaillilët  de  laRléîliëHë 
et  Jules  btivàl;  S.  Exë:  le  kljâziiadâi*  Mi  Wikk^]^M; 
premier  ministre  de  S.  A;  le  bëy  de  Tdiiis,'  |<rèsëritè 
par  MM:  d'Avezâc  et  Èrtiest  Èiesjardtas  ;  S:  Êxfc:  àidl 
Kbaîreddlti;  ^hcieh  ministre  de  1^  ditrihe;  faiemtîtë  ^tt 
conseil  elfe  S.  À.  le  bey  detuhi^,  pi-^^ehtè  ^^i  Mlll.d' Afé- 
zsicfetEfnëàtliesjardins;  lecointëdë  MôustieH  pirêâëlfië 
par  MM.  le  coiiité  Julien  de  RdcHèchbil^rt  et  Matiatfîl-. 

Là  f)ar6ie  e^t  ddntiêé  aux  ihëmibres  insctits  polî^  des 
lectures.  Le  président;  l^ué  l'état  dé  ôa  saiité  oblige  â 
se  retirer  avant  là  fin  de  là.  séance;  est  rernjilâcé  àù 
fauteuil  par  M.  Jules  Duvàl,  |iremièr  vice-préSidètit. 

M.  Erttest  Desjàrdifas  continue  là  lecture  de  son 
travail  sur  les  bouche^  du  Rhône  et  le  càfaal  Saint* 
Louis;  et  M.  William  Hûber  lit  un  rapport  sur  la  carte 
du  Mont-Blanc,  dressée  par  le  capitaine  Mieiilët  et 
publiée  par  le  Dépôt  de  la  guerre. 

Après  ces  divers  hommages,  pour  lesquels  dès 
remerfcîments  sont  votés  aux  auteurs  où  éditeurs,  le 
président  iiièt  sous  les  yeux  de  la;  Société  liu  voltiine 


depuis  lûdgteid^s  absent  de  làbibfiothëqtre,  à  j^avijtir,  lë 
MeWoire  de  Richard  Biddle  sui-  Sébastien  Càboti  t[ttë 
M:  Déliôta,  libraire,  a  rencontré  pârini  defe  HvrëS  desti- 
nés à  iïrie  vente  publique  et  qti'îl  à'eât  ëitt|)rëssê  d*eii 
extraire  après  aVbii-  reconnu  stU*  lë  titré  Fë^taitipille  elfe 
la  Coiïiiriîssîôn  centrale  ;  ensuite  de  quoi  11  S  prié 
M.  d'A^ezâcd'ènvouloirbieti  faire  fèstittttidtiàlàSodeté 
de  géographie.  Il  convient  de  signaler,  dStÛthë  ttb 
exemple  digne  d'éloges,  lé  louable  jJrôcédé  de  M:  Délion 
en  cette  circonstance,  et  d'émettre  le  vœu  qu'il  soit 
imité  en  toute  occasion  semblable  par  les  libraires  et  les 
commissaires-priseurs  chargés  des  ventes  publiques. 
Une  lettre  spéciale  de  rèmërcimerits  sera  adressée  à  ce 
sujet  à  M.  Délion. 

M.  Malte- Brun  saisit  cette  occasion  pour  exprimer 
le  vœu  de  voir  imprimer  prochainement  le  catalogue 
des  ouvrages  dont  se  compose  la  bibliothèque  de  la 
Société  ;  cataïogile  dû  a(i  zële  de  M.  Gtliiiotllt  et  qiii  est 
maintenant  presque  terminé.  —  M.  Deloche  faii  ohÈet- 
ver  qiië  la  sèfelibn  de  C(3înptabilité;  dkni  sa  dëtilière 
rèuiiion,  s*est  Wccupëë  dë'èet  bbjet,  êï  qà'éHH  i  rë- 
fcotifaù  prudent  d'attendre  le  règlement  des  fcdtelfites 
fihaiicîers  des  trois  fîi-emiers  trimestre^;  potii*  êttè  èfi 
iîiësùre  de  dètël-niinef  avefe  plus  d'assiiràncë  qûellëë 
soitiiiiei&  11  cotiviendr^t  flë  consacrer  à  l'impression  dti 
catîtlbgue. 

M.  Elisée  lleclus  informe  ses  collègue^  ^^'il  âfe  fotfflë 
en  ce  mouieht  à  Gotha,  sous  lès  auspices  dil  diidteur 
t^ètermàiin,  tiiië  Société  allemande  de  géographie  îjui 
s'efforcera  de  réunir,  dans  tous  les  pays  du  monde,  le 
plus  grand  nombre  possible  de  souscripteurs,  doht  là 


\ 


(  52à  ) 

cotisation  annuelle  ne  sera  que  de  1  thaler  (3  fr.  75  c.), 
et  qui  auront  droit  aux  documents  el  cartes  publiés 
par  l'association.  Une  partie  du  revenu  sera  employée 
à  faire  entrepriendre  des  explorations  géographiques. — 
M.  Jules  Duval  exprime  un  regret  que  cette  Société 
ait  pris  le  titre  restreint  de  Société  allemande^  alors 
qu'elle  désire  se  recruter  parmi  toutes  les  nationalités 
du  monde. 
La  séance  est  levée  à  dix  heures. 


Procès-verbal  de  la  séance  du  18  mai  1866, 

PRÉSIDENCE  DE  M.   D*AVEZAC 


Le  procès-verbal  de  la  séance  précédente  est  lu  et 
adopté. 

Lecture  est  donnée  de  la  correspondance.  MM.  John 
Bertrand-Payne,  Théodore  Vernes,  René  de  Sémalé, 
Adolphe  Lindemann,  Auguste  Beaumier,  remercient  la 
Société  de  les  avoir  admis  au  nombre  de  ses  membres.  — 
La  Société  royale  géographique  de  Londres  adresse 
des  remercîments  pour  Tenvoi  de  la  carte  d'une  partie 
de  l'Ethiopie,  dessinée  par  Plowden,  et  recueillie, 
après  la  mort  de  ce  voyageur,  par  M.  Guillaume  Lejean. 
—  Le  président  fait  remarquer  que  la  correspondance 
contenait  une  lettre  par  laquelle  M.  le  conseiller  d'État 
Herbet,  nommé  récemment  Tun  des  vice -présidents 
de  la  Société,  remerciait  de  sa  nomination,  mais  que 


(  Ô25  ) 

le  nouvel  élu  a  tenu  à  témoigner  de  son  isèle  pout 
la  Société,  en  venant  en  personne  prendre  place  au 
bureau  de  la  commission  centrale. 

Lecture  est  donnée  de  la  liste  des  ouvrages  offerts. 
Comme  suite  à  cette  liste,  M.,  Marcou  fait  hommage 
d'un  volume  intitulé  Lettres  sur  les  roches  du  Jura  et 
leur  distribution  géographique  dans  les  deux  hémi^ 
sphères^  accompagné  d'une  carte  hypothétique  de  la 
terre  à  l'époque  jurassique  ;  il  entre,  au  sujet  de  cette 
carte,  dans  des  développements  qui  feront  l'objet  d'une 
note  spéciale.  —  M.  Gabriel  Lafond  fait  observer  que, 
d'après  M.  Marcou,  l'un  des  continents  jurassiques  se 
serait  étendu  jusqu'à  la  Nouvelle-Zélande,  sans  y  com- 
prendre, ni  les  îles  Sandwich  situées  dans  l'hémisphère 
septentrional  par  20°  environ  de  latitude,  ni  même  les 
Marquises,  les  îles  de  la  Société,  les  îles  des  Amis,  celles 
des  Navigateurs  (Samoa),  les  Fidgi  ou  Viti,  et  Auckland  ; 
ces  derniers  archipels,  situés  dans  l'hémisphère  austral 
par  différentes  latitudes,  ont  dû  former,  avecla  Nouvelle- 
Zélande,  un  continent  terminé  au  nord  par  les  îles 
Sandwich,  à  l'est  par  les  Marquises,  à  l'ouest  par  les 
Fidgi,  la  Nouvelle-Zélande,  au  sud  par  la  Nouvelle- 
Zélande  et  peut-être  aussi  par  l'île  Auckland.  On  ne 
saurait  révoquer  en  doute  que  ces  Polynésiens,  qui 
habitent  des  grandes  terres  montagneuses,  toutes  de 
soulèvement,  ne  constituent  avec  les  Maoris  une  race 
unique  dont  les  principaux  caractères  sont  :  une  taille 
élevée  et  fortement  charpentée,  des  cheveux  ondulés, 
moins  noirs  et  moins  lisses  que  ceux  de  la  race  malaise, 
les  yeux  grands  et  beaux,  le  nez  aquilin,  et  un  type 
de  physionomie  voisin  par  quelques  traits  du  type  eau- 


(52$) 

ç^J!|ug  ;  la  cqpteur  dp  }ppr  peau  ^t  plys  fopc^  pg 
celle  4s  c^^fP  râpe,  f»^f?  plus  pjàifp  gpe  celle  (jes  Pply-: 
nésieus  qui  habitent  tou^  les  ^phip^jg  ^  l'ouest  ^^  pe^ 
grap^p?  terres  j|j^<jftî^uj  î)e^  Ptjijippjpe^.— IJI.  d'Ayepc 
fai(  RlîPPrvfiF  qpp  |e  coptiqppt  auqpel  f^jt  ^IJu^ipi) 
H.  fi^briel  l^afoaâ  a  pft  ^);r^  p|us  ou  jpflips  étepdu 
SW?  WP^f^^ir  ^^^  formatioDs  jurassiques,  fhèffl!^ 
expri^  ^^  ]^  ^^^^P  ™^®  s^^?  ^ps  yP^*  fî^  ^3»  Société  : 
(|aDs  tous  le^  pas,  1^  carte  de  I^}.  M^rcoq,  ;^ins|  que  Tau- 
tem:  lui-pième  Y^  (lit,  pe  prétepd  p^s  représenter  pne 
éppque  dét^fpainée  )ip  la  période  jurasj^iqpe,  et  se 
rappprte  à.  upe  longue  série  de  sièclps;  elle  peut, 
dans  une  certaine  mesure,  j&trp  ppmparée,  à  ce  point 
4e  vue  spécial,  aqx  partes  aifjoiird'l)ui  répudiées  par 
pue  i^fudition  et  qne  critique  plus  exigeantes,  pu  Ton 
portait  siznultanément  les  notipps  géographiques  dp 
top^  les  âges  saqs  distinction.  —  M.  Marcpp  ri^pppd  ^ 
M.  f4fpp4  gu'ij  s'est  écoul0  uq  si  gr^pd  npinbrg  d'an- 
nées 4^ppis  l'apparftion  de  la  faune  prijuordiale,  et  les 
pb^ngemppts  brusques  q\\  insensibles  sur  la  surfacp 
jle  notre  planète  se  sont  opérés  d'une  panière  si  con- 
tippp  pt  si  régulière,  qu'il  pense  qup  le  Pré^teur  a 
4||jà  Qxécuté  tputes  |ps  combinaisons  que  le  géographe 
\p  pips  ^abile  ppurrait  imaginer  en  essayant  de  tracer 
spr  ijpe  pi^pppïppp^P  d^^  terres  et  des  naers  faptas- 
^iques,  tout  en  restant  dans  des  proportions  voisines 
dp  pn  tiers  pour  les  terres  fermes. 

iH,  Epg^ue  Cortambert  feroet,  de  la  p^rt  de  l'auteur, 
^.  4e  ph^pnçey,  une  brochure  sur  }es  Aïnos  des  Kou- 
rijeç.  11  offre,  ei^  outre,  de  1^  part  (Je  ]>J.  Viquesnel  : 
1?  pp  e?pfi[ip}3.ife  de  ^op  pi^yfage  iptit]i|é  ;  Çtief^ms 


(527) 

pp^int^  sur  f  histoire  générale  des  peuples  slaves;  cet 
hommage  est  accompagné  d'une  lettre  de  Tauteur  dont 
j}  çst  dpnQté  lecture  ;  2''  un  certain  npmbre  de  [euilles 
}^*^|)reuves  d^^  planpî^es  gpi  cppgqsent  Tatlas  de  la 
gu^rfe^'prient,  pp})li$  par  le  Dépôt  de  la  guerre. 

W-  fi'Ay§?ap  présente,  au  nom  dQ  l'auteur,  M.  J|iles 
yerpe,  un  exemplaire  de  ses  deux  derniers  volumes  : 
Les  J^nglftis  au  pôle  nord  pi  fje  désert  de  glace^  pu^ 
vrages  dans  lesquels  l'ingénieuse  fiction  s'allie  à  un 
fpp4  de  savoir  sérieux.—  M.  d'Avezac  fiépqse  en  oi|tre 
spr  le  bureau,  fie  la  part  de  M.  Çhallamel,  éditeur, 
/^  régence  dç  '^unis  au  xix«  siècle  par  M.  A.  de  Flaux, 
fjC  Sénégal  par  le  docteur  Ricard,  et  un  numéro  des 
^njiales  des  vQyçtges  où  se  trouve  reproduit  le  discours 
P|:pnQncé  par  M.  le  marquis  de  ph^.sseloup-Laubat, 
Pjr^id^pt,  ^  la  dp^rnière  assemblée  générale  de  la  Société 

jie  g^Rgraphie- 

M.  3ar|)ié  flu  Bocage  met  sous  les  yeu^  de  la  Çom- 
ini3§ioi|  peptfale  deux  albums  de  photographies  conte- 
TïB^^U  l'un  des  nombreuses  vues  prises  dans  le  royaume 
de  ^ï^m^  l'autre  des  portraits  de  chefs  javanais  encore 
indépendants. 

I|  est  procédé  à  Tadmission  dies  candidat?  inscrits 
au  tableau  de  présentation  ;  sont  admis  à  faire  partie 
de  la  Société  :  MM.  CouUet,  administrateur  adjoint  des 
services  maritimes  des  messageries  iippériales;  Hippo- 
lyte  Ferry,  inspecteur  de  la  compagnie  la  Nationale; 
Adrien  Lecocq;  le  docteur  Emile- Frederick  Love; 
le  baron  Rendu  ;  le  comte  A.  de  Moustier  ;  S.  Exe.  le 
khaznadar  sidi  Mustapha,  premier  ministre  de  S.  A.  le 
bey  de  Tunis;  S.  Exe.  sidi  Khioreddiny  ancien  mi- 


(  628  ) 

tiistre  de  la  marine,  membre  du  conseil  de  S.  A.  le  be^f 
de  Tunis, 

M.  Maximin  Deloche  donne  lecture  de  son  rapport 
sur  l'ouvrage  de  M.  Jules  Duval,  intitulé  :  Les  colonies 
et  la  politique  coloniale  de  la  France  ;  renvoi  à  la 
section  de  publication,  qui  pourvoira,  d'accord  avec  le 
rapporteur,  à  la  suppression  des  considérations  poli- 
tiques dont  la  Société  de  géographie  n'a  point  à  s'oc- 
cuper. 

Le  président  informe  la  Société  que  son  agent, 
M.  Noirot,  maire  de  la  commune  d'Ormancey,  a  été 
appelé  par  ses  fonctions  municipales  dans  le  départe- 
ment de  la  Haute-Marne  y  et  qu'un  congé  a  dû  en 
conséquence  lui  être  accordé  par  le  bureau,  afin  de 
régulariser  cette  absence  vis-à-vis  de  la  Commission 
centrale  ;  cette  circonstance,  qui  se  renouvellera  natu- 
rellement bien  des  fois,  donne  lieu  de  reconnaître 
l'opportunité  de  désigner  un  nouvel  agent-adjoint  à  la 
place  de  M.  Adolphe  Noirot,  et  de  conférer  expressé- 
ment ce  titre  à  M.  Charles  Aubry,  qui  depuis  longtemps 
en  remplit  les  fonctions  avec  un  zèle  et  une  intelligence 
dont  tous  les  membres  de  la  Société  se  plaisent  à 
rendre  témoignage  :  cette  proposition  est  adoptée,  et 
M.  Charles  Aubry  est  en  conséquence  nommé  agent- 
adjoint  de  la  Société  de  géographie. 

La  séance  est  levée  à  dix  heures  et  demie. 


(  52Ô  ) 
Monirelled  éi  faits  séographlques. 


Projet  d'exploration  du  pôle  nord.  —  Un  officier  de  la 
{narine  russe,  le  baron  Schilling,  a  proposé,  pour  atteindre  les 
r^k)hs  polstires,  une  route  différente  de  celle  du  Groenland  et 
de  celle  du  Spitzberg,  présentées  par  MM.  Sherard  Osborn  et 
par  le  docte\ir  Petermann.  Il  suppose  que  son  bâtiment  se  diri- 
gemt  vers  le  détroit  de  Behring  et  s'avancerait,  en  suivant 
une  direction  vers  le  nord-ouest,  jusqu'à  la  Nouvelle-Sibérie. 
On  sait  qu'il  existe  dans  l'océan  Arctique  deux  courants  domi- 
nants qui  charrient  une  masse  énorme  de  glaces  polaires.  L'un 
de  ces  courants  affecte  une  direction  vers  le  sud- ouest;  on  le 
ressent  particulièrement  entre  le  Spitzberg  et  la  côte  orientale 
du  Groenland.  L'autre  se  dirige  vers  le  sud-est;  on  l'a  remarqué 
plus  d'une  fois  dans  les  détroits  de  l'archipel  septentrional  de 
l'Amérique  du  Nord.  Pour  expliquer  ce  phénomène,  c'est-à- 
dire  he  partageites  courants  dans  deux  directions  opposées,  le 
baron  Schilling  admet  l'existence  d'une  terre  qui,  ^e  trouvant 
sur  le  chemin  du  courant,  niodifie  sensiblement  sa  direction 
en  le  tournant  vers  l'est  dans  les  détroits  de  l'archipel  septen- 
trional de  l'Amérique. 

L'existence  d'une  pareille  terre  étant  donnée,  il  est  à  suppo- 
ser que  son  côté  occidental,  qui  ne  se  trouve  pas  exposé  au 
courand  du  sud-ouest  de  la  mer  Glaciale,  présentera  à  la  navi- 
gation les  mêmes  conditions  favorables  que  les  côtes  occiden- 
tales du  Spilzberg,  de  la  Nouvelle-Zemble  et  du  Groenland. 
Cette  supposition  est  confirmée  par  l'existence  d'une  mer  ou- 
verte et  d'espaces  considérables  libres  de  glace  que  Yftmg^ 
Anjou  et  d'autres  marins  ont  observée  an  nord  de  la  mMe 
compacte  des  glaces  de  la  côte  asiatique.  Selon  le  projet  du 
baron  Schilling,  l'expédition,  après  avoirfranchiledetroit.de 
XI.  JUIN.  7.  84 


{ 


(  530  ) 

Behring,  devra  se  diriger  dans  la  partie  de  la  mer  Glaciale  qai 
se  trwf^  6|)$rf  )«  cjip  Map»  sur  k  cputif^t  i«aliqi}#,  ê%  Pne 
terre  désignée  sar  la  plupart  des  nouvelles  cartes  par  les  mots  : 
Montagnes  élevées  oues  de  loin.  L'auteur  du  projet  s'abstieot 
de  dire  quelque  chose  de  positif  sur  la  route  que  l'expédition 
davralt  siurrie  tm uite  pour  atteiod^s  le»  tiei  dje  la  NoqytUe- 
Sibérie;  cependant  il  émet  Topinion  ^ue  si  ta  met  oufert«  qui 
a  été  observée  bien  des  fois  et  à  différents  endroits  ail  nord  de» 
gisces  do  la  côte  sibérienne,  se  prolonge  encore  pins  bin  ven 
Tonest^  ca  qoi  est  assez  probable»  il  sera  possible  à  Teipédition, 
en  eontinnant  sa  navigation  dans  cette  direction,  d'atteindn» 
les  latitudes  les  plus  septentrionales  et  de  prendre  énsnite  la 
ronce  de  l'ooéan  Atlantique.  {Journal  de  SaininPéter$bourg.  ) 

Population  de  Samt-Pétersbourg  et  du  gouvernement  de 
Kovno,  —  D'après  le  dernier  recenseoieot,  la  popul^tioii  de 
la  capitale  de  la  Russie  esjt  de  539122  b^bit^ats^  dont, 
313  kli^  hommes  et  225  679  femmes.  I^es  babitapis  dg  goa- 
vernement  de  Kovno  seraient,  d'après  le  recensement  achevé 
en  18(}5,  ^u  nombre  de  1  QUI  394,  dont  509  3^8  hommes  et 
538036  femmes  :  ce  chi&e  donna  une  moyenne  de  28,1  ba* 
bitants  par  verste  carrée,  c>st-à-dire  par  1  J  384  kitomètre 
carré.  La  population  de  la  yille  de  Kpvqp  était,  d'après  le  re- 
censement terminé  le  23  avril  de  cette  année^  de  31  601  habi- 
tants, dont  12  623  da  Be%e  masculin  et  18  976  du  s^%e  féoiioin. 

{Corresfimdmce  rus^,] 

SOCIÉTÉS  DE  GÉOGRAPHIE  ÉTRANGÈRES. 
j^OClilé   IVPéaiALB  9]Ê0GRAPPIQUP  DE  SAi^T-p^TPDlSBOUBG. 

lAê  Mumlmam  de  la  Chine  et  Imtr  4n$Hr9^tiofU  *^  Dans 
âa  séance  du  16  avrU  dernier,  cette  Société  a  entendu  la  lecture 
d'nn  rapport  du  éokmel  Heinz  sur  Tinsurrectlon  des  Doungans 
dans  la  Chine  occidentale;  les  Doongans  sont  la  popalatlOB' 
Musulfliiuiedela€hlns$  leur  nombre,  diaprés  le  notonei  Ii«int, 


(  581  ) 

serait  dé  SO  millions  ;  dispersés  dans  tout  l*empirç,  ils  occu- 
pent plus  particulièrement  les  provinces  de  Kan-sott«  Ghen-si^ 
Ssetchouen,  Yun^nan,  et  le  nord  de  la  chrîne  da  Tian-^chan. 
Des  faits  qu'il  a  pu  recueillir  sur  cette  insurrection,  l'auteur 
du  travail  conclut  que  Tétat  de  faiblesse  dans  lequel  se  trouve 
le  gouvernement  chinois  ne  laisse  auoun  doute  sur  rimpos** 
sibilité  où  se  trouve  la  dynastie  mantchoue  de  recouvrer  un 
jour,  sans  l'intervention  étrangère,  son  pouvoir  dans  la  DÉoun- 
garie  et  le  TiÉrkestaUé  II  est  probable  que  nous  assistons  à  la 
décomposition  de  ce  grand  corps  politique  qui  occupe  tout  le 
centre  et  Torient  de  TAsie»  Toute  cette  partie  de  TAsie  est 
divisée  maintenant  en  deux  grandes  fractions,  dont  Tune  est  au 
pouvoir  d'une  population  portée  pour  Tislamisme,  se  trouvant 
dans  un  état  de  fermentation  difficile  à  concevoir,  tandis  que 
l'autre  partie,  avec  sa  population  inerte  et  apathique  touchant 
la  question  religieuse,  pourra  difficilement  opposer  une  résis- 
tance énergique  et  efficace  à  l'action  envahissante  de  l'isla- 
misme. 

Cette  lecture  a  élé  suivie  d'une  discussion  dans  laquelle 
M.  Skatschkow  a  exprimé  des  doutes  sur  le  chiffre  de  la  popu- 
lation musulmane  en  Chine,  il  Ta  trouvé  exagéré.  D'après  les 
renseignements  chinois,  tant  officiels  que  non  officiels,  on 
compte  en  Chine  environ  20  millions  de  musulmans.  Pour  ce 
qui  concerne  le  motif  de  l'insurrection,  M.  Skatschkow  ne 
croyait  pas  pouvoir  en  admettre  le  caractère  exclusivement  reli- 
gieux. Ce  n'est  pas  le  fanatisme  qui  a  porté  les  Doungans  à  la 
révolte  contre  les  Manlchoux.  Depuis  longtemps  déjà,  dans 
toutes  les  provinces  de  la  Chine,  un  mécontentement  général 
se  faisait  jour  contre  les  actes  injustes  de  la  dynastie  régnante 
et  de  la  classe  privilégiée  des  Mantchoux.  C'est  dans  cette 
circonstance  qu'il  faut  chercher  la  vraie  cause  de  l'insurrection. 
En  général,  M.  Skatschkow  ne  partageait  pas  l'opinion  du  co- 
lonel Heinz  sur  la  grande  importance  qu'il  attribue  au  mouve- 
ment des  musulmans,  et  il  cita  différents  faits  qui  devaient 


(  5â2  ) 

prouver  le  peu  de  succès  qu'ont  eu  les  Ooungaos  dans  quel- 
ques parties  de  la  Chine. 

M.  Giers  a  dît  que,  selon  lui,  ie  caractère  religieux  de  l'in- 
surrection des  Doungans  ne  peut  être  soumis  à  aucun  doute. 
Cette  insurrection  peut  prendre  de  grandes  proportions  et 
réagir  d'une  manière  pernicieuse  sur  les  populations  des  steppes 
des  Kirghizes. 

M.  Wassiliew  s'est  exprimé  dans  le  même  sens  que  M,  Giers. 
Il  a  fait  voir,  dans  une  courte  esquisse  historique,  la  signification 
de  l'islamisme  en  Chine,  qui  pénétra  dans  celte  contrée  bientôt 
après  le  bouddhisme.  Il  est  hors  de  doute  que  la  population 
musulmane  en  Chine  est  très-considérable,  quoiqu'il  soit  im- 
possible d'en  fixer  le  chiffre^  même  approximativement.  Actuel- 
lement, l'insurrection,  qui  a  un  caractère  essentiellement  reli- 
gieux et  fanatique,  s'est  répandue  sur  l'immense  parcours 
depuis  la  province  Chcn-sl  jusqu'à  notre  frontière. 

SOCIÉTÉ  ROYALE  GÉOGRAPHIQUE   DE   LONDRES. 

Exploration  du  Rw-^Purus.  {Séance  du  26  février 
1866.)  —  Des  commerçants  brésiliens,  natifs  du  territoire  des 
Amazones,  avaient  remonté  le  Rio-Purus  sur  une  grande  par- 
tie de  sou  cours  :  ils  n'avaient  trouvé  aucun  obstacle  à  la 
navigation,  et  il  fut  naturellement  décidé  que  ce  courant 
d'eau  satisfaisait  au  grand  desideratum  d'un  moyen  iacile  de 
communication  entre  les  parties  orientales  du  Pérou  (séparées 
des  ports  du  PaciGque  par  la  chaîne  presque  impraticable 
des  Andes).  Diverses  explorations  du  Purus  furent  ordonnées 
par  le  gouvernement  brésilien.  L'une  d'elles  (1860)  fut  con- 
duite par  ManoëL  Urban,  mulâtre  de  peu  d'instruction,  mais 
d'une  grande  intelligence  naturelle.  Son  but  principal,  en 
entreprenant  cette  exploration,  était  de  constater  l'existence 
d'une  communication  entre  un  tribulaire  du  Purus  et  le  grand 
Rio-Madura,  au-dessus  des  rapides  de  ce  dernier  cours  d'eau. 
Cette  communication  aurait  offert  d'incalcnlablesavantagespour 


(  5S8  ) 

le  commerce  brésilien,  mais  il  fut  prouvé  qu*elle  n^existait  pas. 

En  1862  eut  lieu  une  expédition  plus  importante  :  un  steamer 
fut  envoyé,  mais  il  revint  après  avoir  pénétré  jusqu'à  800  milles 
(129  kilomètres)  et  sans  trouver  de  profondeur  de  moins  de 
7  1/2  fethoms  (13  mètres);  cependant  aucune  observation 
astronomique  n*avait  été  faite  pour  fixer  les  positions  géogra- 
phiques avant  le  voyage  que  vient  d'accomplir  M.  Chandiess. 
Il  loua  un  bateau  et  un  équipage  d'Indiens  Boliviens  dans  la 
ville  de  Manaos  sur  le  Rio-Negro,  et  commença  à  remonter  le 
24  juin  1864.  Il  réussit  à  arriver  presque  aux  sources  de  ce 
grand  cours  d'eau  navigable,  et  fut  de  retour  aux  Amazones 
en  février  1865.  Possédant  les  instruments  d'astronomie  et 
d'arpentage,  il  exécuta  un  levé  du  fleuve.  La  longueur  du 
Purus  entre  son  embouchure  et  le  point  qu'atteignit  M.  Chan- 
diess est  de  1866  milles  (3000  kilomètres).  Son  cours,  très- 
tortueux  et  obstrué  par  des  rapides,  traverse  une  riche  plaine 
alluviale  couverte  de  forêts  si  hantes  et  si  épaisses  qu'il  ne  put 
nulle  part  découvrir  la  contrée  environnante.  Le  principal 
résultat  de  son  exploration  fut  que  le  South-Pemvian-River 
(Madré  de  Dios)  n'était  pas,  comme  on  l'avait  espéré»  le  com- 
mencement du  Purus. 

Les  petites  tribus  d'Indiens  qui  vivent  près  de  ses  sources 
n'ont  jamais  été  en  communication  avec  les  tribus  demi-civi- 
lisées qui  habitent  plus  bas  sur  le  fleuve,  et  même  elles  font 
encore  usage  de  la  hachette  primitive  en  pierre.  Elles  avaient 
des  chiens ,  mais  pas  de  volatilesdomêstiques.  Les  tapirs,  extrême- 
ment nombreux  dans  ces  sdfitudes  reculées,  semblent  plutôt 
étonnés  qu'alarmés  à  la  vue  des  voyageurs.  Non  loin  de  sa  source, 
le  Purus  reçoit  deux  cours  d'eau  presque  égaux;  M.  Chandiess 
les  remonta  tous  les  deux,  et  les  trouva  obstrués  par  des  ro- 
chers et  des  rapides.  Au  point  extrême  qu'il  atteignit  sur  la 
branche  nord,  le  fleuve  a  une  largeur  de  30  yards  (36  mètres). 
Le  voyageur  estime  que  la  source  même  du  Purus  n'était  pas 
à  moins  de  20  milles  de  distance.  Le  point  le  plus  éloigné  qu'il 


(  63i  ) 

ait  atteint  sur  la  branche  nord  était  è  10^  36'  kh"  de  latitiide 
méridionale,  et  k  72"*  9'  de  longitude  ouest  (méridien  de  Green- 
wich);  sur  la  branche  sud,  il  est  allé  h  iO°  53'  53"  de  latitude 
et  à  12''  iV  de  longitude  ouest.  Il  a  trouvé  pour  la  hnuti^ar 
au«4e8SU8  du  nifeau  de  la  mer  i08S  pieds  (332  mètreB)^ 
M,  Ghandless  était  résoin  k  tenter  une  seconde  exploratioa 
pour  s'assurer  que  TAquiry,  un  affluent  sud  du  Pumsi  m 
conduirait  pas  au  Madré  de  Dios. 

Le  Niger.  —  M.  Yaleniio  Robins^qul  a  réaidé  à  Lukoja  lor 
le  Niger  de  septembre  1864  II  octobre  1865,  a  donné  sur  ce 
fleuve«  dans  la  séance  du  12  mars,  des  détaib  dont  voici  le  ré- 
sumé }  Le  cours  du  Niger  est  obstrué  par  de  nombreosea  îles 
couvertes  d'une  brillante  végétation  tropicale  qui  semble  sortir 
de  Teau,  et  sont  de  l'eflet  le  plus  pittoresque.  Après  qu'on  a 
passé  Onitsha,  on  aperçoit  au  loin  une  chaîne  de  montagneaj 
le  cours  du  fleuve  commence  alors  à  présenter  des  réciti* 
Lukoja,  station  établie  sur  un  territoire  cédé  w%  AugWi, 
par  le  rd  des  fiida,  occupe  une  verdoysuls  plaine  au  pied. 
du  PaUd  (cet  mot  veqt  dire  rrumt  dans  la  langue  indigèoa)  et 
en  face  de  l'embouchure  de  la  Tsctadda*  Le  Niger  canmaiiçi 
à  baisser  au  commencement  d'octobre  :  au  lé  avril  ii  s'élaît 
déjà  retiré  de  32  pieds  (10  mètres);  rabaiaiement  continua 
jusqu'à  la  fin  de  mal  Au  1*^  juin  les  ^èw  commancéren^  à 
remonter,  et  au  1 0  septembre  elles  s*étai^ut  levées  à  41  pieda 
6  pouces  (12"", 60))  ce  mouveiuent  se  continua  juaqu'au  2$  ae|>- 
tembrei  la  hauteur  des  eaui^  était  akirsde  50  pieda  (15  mètita)* 
mais  cette  çnie  est  inu^éo)  ainsi  la  rivière  mit  243  juars  à 
baisser  et  122  jours  à  s'élever  ;  il  y  a«  en  conséquence»  huit  mois 
de  sécheresse  et  quatre  moia  de  saison  humide.  La  montagne 
en  forme  de  taUe  <pii  domine  Lukoja  a  1100  pieds  do  haut 
(335  mètres),  et  en  arrière  s'étend  une  vastt  forêt.  Selon  te 
traité  passé  avec  le  roi  des  Bida«  le  territoire  anglais  s'étend 
jusqu'à  trois  journées  de  marche*  Un  pau  au  sud  d«  Luko^  le 
Nige«*  reçoit  un  petil  affluent,  le  i^dokodo. 


(  535  ) 
OUVRAGES  OFFERTS  A  LA  SOCIÉTÉ 

SlANGES    d'aTVL  ET   MAI  1866. 


■/"i 


EtROPË. 

Beitrage  znr  Statistik  des  Grossherzogthums  Hessen,  5  Band.  Darm- 
stadt,  1865.  1  broch.  in-4°.  M.  Ewaud. 

Znr  Hypsometrie  der  Schweiz  und  zur  Orographie  der  Alpen.  Erlau- 
terungen  fur  die  hypsometrische  Karte  der  Schweiz  yon  J.  M.  ?ie? 
gler.  Wiolertlinr,  1866.  1  broch.  in-S^.  M,  J.  M.  Zibgler. 

Éclaircissements  de  la  troisième  carte  de  la  Suisse,  a^ec  l'index  de  la 
carte  et  de  Thypsométrie  de  la  Suisse,  par  M.  J.  M,  Ziegler, 
4*  édition.  Winterthur,  1866. 1  broch.  ip-8°.      Bft  J-  M.  Zikglbr. 

Esquisse  physique  des  tles  Spitzbergen  et  du  p61e  arctique,  par 
M.  A.  Charles  Grad.  Avec  une  carte.  Paris,  1866, 1  vol.  in-8°. 

ASIE. 
Il  Keged   setlentrionale.  Itinerario  da  Gerusalemme  a  Aneizeh  nel 

Cassimdi  Carlo  Guarmani  di  Livorno.  Gerusalemme,  1866.  1  vol. 

in-8*.  M«  Chabuss  Guarman). 

Excursion  en  Asie  Mineure,  par  le  comte  A.  dç  Moustier  (1862). 

Paris,  1864,  t  vol.  \n-&°,  U.  le  gomtb  A.  de  Modst(bb. 

OUVRAGES  6ÉN6PADI.  IIÊUNGE& 

NoUeas  sur  Ua  colonies  françaises,  accompagnées  d*nn  atlas  de 
U  carttf,  publiées  par  ordra  da  S.  Exe,  la  maïquif  da  Q^affei^p-f 
Laubat,  ministre  de  la  marine  at  des  eolonies»  Parisi  1866,  4  fol. 
iU'8^  at  1  vol.  in-fol^      S.  £xc.  ut  HABOPia  na  CBAsanopv-LÀDaAf t 

L'espace  céleste  et  la  nature  tropicale.  Desorip^ion  ihysi^mf  d9  rypi- 
vers»  d^aprèf  des  ohaervationy  parsonnallef  failas  dans  laa  44liS 
b^misphèrast  par  M.  Emin.  {jals-  Paris*  i  vol,  gr^pd  IfHI^»  mrec 
planches,  ll«  fiaiif  Uaib^ 

De  l'emploi  des  observations  aztmutales  ppur  )a  déteroiinaiiaq  dM 
ascensions  droites  et  des  déclinaisons  des  étoilas,  par  M«  ipinm* 
Liais.  Paris,  1858. 1  br.  in-8^  M.  Eu*  Liiia, 

Influença  de  \^  mer  sur  les  climats,  ou  résultats  des  observations  «é- 


(  536  ) 

iëorologiqaes  faites  à  Gherboarg  en  1848,  1849,  1850,  1851,  par 
M*  Emm.  Liais.  Paris,  1860.  1  br.  in-8<>.  M.  Ehm.  Liais. 

Eine  Encyclica  ans  dem  9^  Jahrhandert.  —  Ein  Tractât  ûber  das 
heilige  Laod  und  den  dritten  Kreaizag,  von  D'  6.  M.  Thomas. 
Mûochen,  1865.  1  br.  in-8^  M.  le  D^^  6.  M.  Thomas. 

Le  Specie  dei  cotoni  descritte  da  Filippo  Parlatore,  accompagné  d'an 
volume  de  planches.  Firenze,  1866.  1  br.  in-4°  et  1  vol.  in-fol^ 

M.  Filippo  Pablatore. 

L'homme  et  ranimai,  par  M.  Praner-Bey.  Paris,  1865.  1  br.  in-8*'. 

M.  LE  D*^  Prcner-Bet. 

Lettres  sur  les  roches  du  Jura  et  leur  distribution  géographique  dans 
les  deux  hémisphères,  par  Jules  Marcou.  Paris,  1860.  1  vol.  in-8* 
avec  2  cartes.  M.  Jules  Margoo. 

Les  Anglais  an  pâle  nord.  Aventures  du  capitaine  liatteras,  par 
Jules  Verne.  Paris,  1  vol.  in-18.  M.  Jules  Verne. 

Le  Désert  de  glace.  Aventures  du  capitaine  Hattéras,  par  Jules  Verne. 
Paris.  1  vol.  in-18.  M.  Jules  Verre. 

Rapport  sur  Touvrage  de  M.  Paul  Riant,  intitulé  :  Expéditions  et  pèle- 
rinages des  Scandinaves  en  Terre-Sainte  au  temps  des  croisades, 
par  M.  E.  Cortambert.  Paris,  1866.  1  br.  in-8^ 

M.  E.  Cortambert. 

Gollecçâo  das  medalhas  e  condecoraçôes  portuguezas  e  das  estran- 
geiras  com  relagâo  a  Portugal  pertencente  ao  tom  III,  part.  II,  das 
If  emorias  da  Âcademia  real  das  sciencias  de  Lisboa  coordenada 
pelo  socio  effectivo  Manuel  Bernardo  Lopes  Femandes.  1  vol.  in-4°. 

ACAOâlIE  DE  UsBomiE. 
Considérations  ^générales  sur  les  animaux  fossiles  de  Pikermi,  par 

Albert  Gaudry.  Paris,  1866. 1  br.  in-8o.  ^  Albert  Gaudrt. 

Essai  sur  led  croisements  ethniques.  3'  mémoire,  par  J.  A.  N.  Perier. 

Paris,  1865.  1  br.  in-8'.  M.  J.  A.  N.  Perier. 

Suggestions  fbr  the  encouragement  of  émigration  by  theoretical, 

financial  aod  practical  means,  by.  J.  J.  Sturz.  Washington,  1866. 

1  feuille  in-8°,  M.  J.  J.  Stdbi. 

Die  Deutsche  Nordfahrt,  Aufruf  an  die  Deutsche  Nation,  D^  A.  Peter- 

mann.  Gotha,  1866.  1  feuille  in-4<>.  M.  le  D^  A.  PETERMAim. 

Annuaire  de  la  Marine  et  des  Colonies,  1866.  Paris,  1866.  1  vol. 

iii-80.  Ministère  de  la  Marotb. 


(  537  ) 

Das  harmoDiscbe  oder  Âllgemeine  Alphabet  zur  traoscription  fremder 
schriftsysteme  io  lateioîsche  schrift,  zunâchst  in  seiner  anwendung 
auf  die  Slawischen  uod  Semitischea  Sprachen,  von  D'  Andréas 
Angust  Ernst  Scbleiermacher.  Darmstadt,  1864. 1  vol.  in-4% 

M.  EWALD. 

£1  Kamsa.  Il  cavallo  arabo  paro  sangue  di  Carlo  Gnarmani  di  Li- 
vorno.  Seconda  edizione.  Gerusalemme,  1866.  1  vol.  in-8*^. 

M.  Charles  GnARHANi. 

Anuario  de  la  direccion  de  bidrografia.  Ano  IV.  Madrid,  1866,  1  vol. 
in-8'. 

ATLAS  ET  CARTES. 

Karte  des  Russiscben  Reicbs  in  Earopa.  Bearbeitet  von  Heinrich  Kie- 
pert.  Berlin,  1865.  6  feuilles.  M.  Hsrbi  Kiepert. 

Carte  générale  de  l*empire  Ottoman  en  Europe  et  en  Asie,  dressée  par 
Henri  Kiepert.  Berlin,  1865.  4  feuilles.  M,  Henri  Kiepert. 

Piano  topografico  de  la  ciudad  de  Merida,  por  Agustin  Diaz.  1864- 
1865. 1  feuille.  M.  Augustin  DrAz. 

Nuevo  mapa  de  los  Estados  de  Sonora,  Cbihaabua,  Sinaloa,  Durango, 
y  territorio  de  la  baja  California,  formado  por  E.  de  Fleury.  San- 
Francisco,  1864.  8  feuilles.  M.  G.  Maunoir. 

Amérique  équatoriale.  Carte  dressée  par  le  vicomte  Onfflroy  de  Tho- 
ron.  1866.  1  feuille.  M.  le  vicomte  Onffrot  de  Thoeon. 

Carte  agronomique  des  environs  de  Paris,  par  M.  Delesse^  ingénieur 
des  mines.  Paris.  2  feuilles.  Échelle  de  1/40  000^. 

Pri&fecture  de  la  Seine. 

Le  Jura  dans  les  deux  hémisphères.  Carte  du  globe  à  Tépoque  juras- 
sique, montrant  la  distribution  des  terres  eC  des  mers,  construite 
par  M.  Jules  Marcou.  1860. 1  feuille.  M.  Jules  Margou. 

Carte  du  théâtre  des  opérations  autour  de  Sébastopol.  15  feuilles» 

M.  Auguste  Yiquesnel. 

Carte  du  cours  inférieur  du  Jourdain,  de  la  mer  Morte  et  des  régions 
qui  Pavoisineut.  —  Carte  du  Wady  Arabah  et  du  lit  du  Wady  el 
Jeib,  dressées  par  M.  Vignes,  lieutenant  de  vaisseau,  assisté  de 
M.  le  D'  Combe,  pendant  leur  voyage  avec  M.  le  duc  de  Luynes  en 
1864,  et  publiées  sous  ses  auspices  en  1865. 2  feuilles  (1/140000*). 

M.  le  duc  de  Lutnes. 


L'hoinro'^ 
Lettres  ?• 

avec  " 

Les  A"' 
Joies 

Le  Désf 
Pari^ 

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(  b^^  ) 

Abhanihingen  fur  dk  Kundê  deê  MwyeniéÊndés^  beraasgegèbèn  Von 
der  deutiebfn  morgedlXDdiseheti  Qesellsotaafkj  m  BUnd,  n^  it 

Sse-schu,  Scha-king,  Behi-king^  ia  teandschaiMlier  Uebersetxàag; 
mit  einem  Mandschn-Deoticbeii  Wcerterboeb.  (Èéïtê  p«r  H.  de 
Oabelentz.)  f  faaeionle.  Teile.  Leipz.,  lSd4,  ln-8''. 

Abhandlungm  der  hé».  Akâd,  def  Wis8(fnscMfiên  èH  BéfUn,  iÉtZ. 
Berlin,  ^864,  in-4. 

Wetzstein.  Gboii  dlnaeriptions  greeqttéà  et  laliifea  recueillies 
pendant  un  royage  dans  lea  Trachonet  et  les  montagne^  du  Hàtsû*- 
ràn.  -^  Bmthmann,  Système  todal  dés  langues  dé  la  9ônofa  : 
1'^  partie,  Grammaire  des  quatre  principales  langue»  de  la  Sotfora. 

Monatsbeféohte  der  kostt.  prettsslseben  Âkademie  étt  Wissdfnscba/ten 
iti  Bériitt,  1864.  Beflin,  1§65,  iii-8»,  avec  p\. 

H,  KieperU  Étude  sur  Tethnographie  ancienne  de  la  pénfttSQle 
Ibérique.  -*  Parihey.  Sût  le  eoui4  supérieur  du  Kil,  d'atïrè*  Pt(^ 
lémée.  —  Dove,  Sur  le  tracé  des  isométfatcis  dins  VAtbêAifiit  du 
Nord. 

IHtftiâbiaH  des  Verèlnl  fur  ErdMUûd^^  zu  Darmsiadt,  tietausgeg.  Ton 
L.  Ewald.  1864,  n*" 25-î<6, JaUY.oct. 

19&rdische  HevUe.  T.  III,  «•  3,  anil;  t.  IV,  u«*  1  et  2,  mats  et  mèi. 

MemôHas  de  la  Real  Aedêérttkt  de  ôtencids  dé  ModfiÛ,  t.  tt.  IJiéiicias 
flsicas,  t.  11^  part.  1-2.  Madrid,  1864-^68,  ib-4*. 

htsumbn  de  Ids  cu:ta$  de  là  Real  Âcademîa  de  ciencias  de  Madrid,  en 
el  ano  de  1862  à  1863.  Madrid,  1864,  in-8\ 

Boletim  e  Annaes  do  Conseîho  uUramarino»  N^'  78  à  84.  Novembre 
1860,  mai  1861.  ^N^'llSà  117.  Décembre  1863,  février  1864, 

Vf 

N*^  78  et  79.  Angola.  Noticia  de  algunsdas  districtos  de  que  se 
compoe  esta  provincia. 

No«  79  à  82.  Cabo  Verde,  Descripçâo  em  1810. 

No«  83-84.  /.  V.  Carneiro,  Observaçoes  sobre  e  estatiética  das 
possessoes  portuguezas  na  A frica  occidental,  1848. 

N*"  84-85.  Fr.  Xav.  Lopes.  6  Domhe  grande  daQuisamba. 

Boletim  de  la  Sociedad  Mexicana  de  Geografia  y  EsladisUca,  T.  X, 
n»  9;  t.  XI,  n"  1  et  2. 

N<*  9.  J.  Andrade.  Memoria  sobre  el  cultivo  de  Talgodon  (concl.). 
—  A»  del  CaslUlpx  pescripcion  de  la  masa  de  berro  meteorico  de 


r 


(  540  ) 

Yautniillao  recientemeote  traida  a  esta  capital.  —  L90p.  Rhâela 
Loxa.  El  fierro  meteorico  de  Yanbuillan.  —  Memoria  sobre  la 
pesca  de  la  perla  en  la  Bj^ja  California  (18S7).  —  D.  José  F.Ve- 
lasco .  Efttadiftica  de  Sonora  (contiouacioD). 
T.  XI,  n®  1  «  Resena  de  los  trabajos  de  la  sociedad  en  el  ano  de 

1864,  por  el  lecretario  perpetao  i).  José  Miguel  Arroyo,  —  Esta- 

disiica  de  Sonora  (con tin.) •  ^ 

N^  2.  Estadiitica  de  Sonora  (conclusion). 
Revista  trknensal  do  Institato  bistorico,  geographico  e  etbnographioo 
do  Brasil*  T.  XXYII,  parte  seconda,  4^  trimestre.  Rio  de  Janeiro. 

1865,  in-8*. 

J.  M»  P,  de  Àleneaslre^  Anuaes  da  provincia  de  Goyaz  (soite). 
Proceedings  of  the  American  phUosophiccd  Socieiy.  N*"  71  et  72.  Phi- 

ladelpbia. 
Annual  Report  of  the  Smilhsonian  Institution  ^  for  tbe  year  1863. 

Washington,  1864,  in-S». 
Brief  abstract  of  a  séries  of  six  Lectures  on  the  principles  of  lin- 

guistic  science,  i864.  —  Memoir  of  C.  F.  Beantemps-Beanpré,  by 

M.  Élie  de  Beaoniout,  transi,  from  the  frencb.  —  Figure  of  the; 

earth,  by  Sr.  M.  Merino,  from  the  Span.  —  An  Account  of  the 

aboriginal  iohabitants  of  the  Galifornian  peninsula,  by  J.  Baegert, 

S.  J.  from  the  spanish  lang. 
Journal  of  the  Franktin  institute  of  PennsyWania  for  the  promotion  or 

the  mechanic  arts.  Mars  à  octobre. 
AustraUan  and  New  ZeaXand  Gazette.  N***  700,   701,  725-729. 

25  mars-l«'  avril  1865^  18  sept.-17  oct. 
The  Australasian.  N^*  27  à  30,  44  à  47.  31  mars-21  avril,  28  juillet- 

18  août  1865  (Melbourne), 
The  LyUeUon  Times.  N<>>  1386, 1399, 1458. 

Rapports  de  MM.  Juiss  Haast  et  Griffith  sur  leurs  eiplorations 

géologiques  et  topographiques,  Nouvelle-Zélande. 
The  Cape  and  Natal  News.  No**  126-131.  2  août-17  oct.  1865. 
The  Canadian  News  and  British  Columbian  Intelligencer.  N^*  340  à 

351.  3août-19oct.  1865. 
Annales  des  voyages.  Mai  et  Juin. 

Mai.  —  Résumé  historique  et  géographique  de  Teiploration  de 

Gerhard  Robifs  au  Touàt  et  à  In-Çâlab,  diaprés  le  journal dece  voya- 


1 


(  54i  ) 

gettr,  publié  par  M.  Â.  PetermaDD.  Par  M.  T.  A,  iÀa)X9^%iv,fi 
(1*'  article).  —  Haïti  et  les  HaUiens,  par  le  docteur  CamXWe  Ricque. 
—  Esquisse  physique  des  lies  Spitzbergeu  et  du  pôle  arctique  (suite 
et  fia),  par  Charles  Grad.  —  Société  centrale  de  sauvetage  des  nau- 
fragés^ par  Augustin  ChcMameL  —  Journal  de  la  Société  impériale 
de  Géographie  de  Saint-Pétersbourg.  Quelques  extraits,  par  M.  Ad. 
de  Circourt.  —  I.  Statistique  ethnographique  et  commerciale 
d*Odessa.  II.  Armes  et  instruments  de  pierre  proyenant  de  la  Russie 
boréale,  par  Adolphe  de  drcourt.  —  La  Régence  de  Tunis  au  xii* 
siècle,  par  A.  de  Flaux.  Par  G,  Privas.  —  Discours  prononcé  par 
M.  le  marquis  de  Chassdoup^Lauhaty  ministre  de  la  marine,  à  la 
première  Assemblée  générale,  pour  1866,  de  la  Société  de  géogra- 
phie. —  Extrait  d*une  lettre  de  H.  Frédéric  de  Helleval  au  Rédac- 
teur,  à  propos  de  Torigine  asiatique  de  quelques  anciens  peuples 
d*Amérique.  —  Les  plans-reliefs  topographiques  de  M.  Bardin.  — 
Le  Rio  San -Francisco,  importance  de  son  bassin.  Travaux  hydro- 
graphiques de  Emm.  Liais. 

Juin.  —  La  Papousie  et  ses  habitants.  Etude  géographique  sur  un 
pays  peu  connu,  d'après  le  docteur  F'riedmann.  Par  M.  V.  A.  Malte- 
Brun.  — Résumé  historique  et  géographique  de  Pexploration  de 
Gerhard  Rohifs  au  TouAt  et  &  In-^ftlah,  d'après  le  Journal  de  ce 
voyageur,  publié  par  M.  A.  Petermann.  Par  M.  F.  A.  Malte-Brun 
(suite),  avec  carte.  —  Le  massif  des  Vosges.  Etude  de  géographie 
physique,  par  Charles  Grad.  —  Notices  sur  les  colonies  françaises, 
accompagnées  d'un  atlas  de  14  cartes,  et  publiées  par  le  ministère 
delà  marine  et  des  colonies,  par  M.  V.  A.  McUte^Brun,  —  L^Année 
géographique.  Revue  des  voyages  de  terre  et  de  mer,  ainsi  que  les 
explorations^  missions,  relations  et  publications  relatives  aux  sciences 
géographiques  et  ethnologiques,  par  L.  Vivien  de  Saint-Martin  ; 
par  Charles  Grad.  —  Lettre  de  M.  Frédéric  Schiern,  professeur 
d'histoire  à  TUniversité  de  Copenhague,  et  membre  de  TAcadémie 
des  sciences,  au  Rédacteur. 


TABLE  DES  MATIÈRES 

CORTBIillM 

DANS  LE  TOME  XI  DE  LA  6*  SÉRIE. 


■Ii^t         ■■     ni 


t.  —  MÉMOIRES,  NOTiCeS,  RTC. 

CoMTB  Di  MoNTBLANC.  —  Considérations  géa^ral^t  «ur  l'état  «etu^l 

du  JapQAt . . . , f  t .  > . , •  * . .  • t  *       5 

Eailft«lAU,  consul  de  Frupce.  —  Notiee  géog râphique,  historique^ 

ethnographique  et  staUllique  sur  la  Bosnie 17,  iil5 

Vt  GinLiiOnFi  -^  Essai  sur  le  Qhilan , 81 

Wii4aA]f  Hv?i(i|.  —  OoQftidératiens  générales  sur  les  Alpes  Cen- 

rralej, , , 405 

4IIT0IKS  H'Abbaois.  •»*  Sur  le  droit  bilen  à  propos  du  livre  de 

||.  Werner  Munsiuger,  intitulé  :  Les  mœurs  et  le  droit  des 

99m'  •  •  •  » • 241.  A70 

Wl^Tf  ^Biul  de  France.  —  Le  diocèse  d'Àlessio  et  la  Mirditie.    ,  871 
piscpurs  d'ouverture  de  S.  Exe*  M,  le  marquis  de  C]IA&9E|.oup- 
Laupat,  Ministre  de  la  marine  e^  des  colonies^  président  de  la 

Société,  prononcé  à  rassemblée  générale  du  27  avril. . . , 337 

BouKBioi*.  ^-  Kappert  sur  le  prix  annuel  pour  la  découverte  la  phi» 

importante  en  géographie , 3A3 

G.  Maunoir.  —  Rapport  sur  les  Plans-reliefs  des  montagnes  fran- 
çaises de  M.  Bardin 363 

£.  Gaultier  de  la  Righerie.  —  Souvenirs  de  Taïti  sous  le  pro- 
tectorat français 371 

EUMANDEL  Liais.  —  Le  San  Francisco  au  Brésil 389 


Ifcl     


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^ 


t  I 

I 


(643) 

E.  G.  Ret.  — '  Keconnaissa  nce  de  la  montagne  des  Ânsariés 433 

G.  Màunoir.  —  Garte  d'Italie  dressée  ][»ar  Tétat-major  italien /187 

IL  —  ANALYSES^  RAPPORTS,  ETC. 

EuGÈN^  GpRT^VSPaT»  r^  ^pprMur  bs  09péditioa#  ^It  pi^rÎD^ges 
des  iScandin»v^  lea  Terfrerj^^ij»^,  ^^  tpmps  ^  CrpjMies. , . , ,  196 

y.  GcÉiiifr  -^  I^Ppoit  sur  le  voyag;e  en  Terre-Sainte  de  M.  4ç 
Saulpy , ,,., ,., 289 

MsFjRByRE-DuanF^,  -^  h9f^jfini  de  la  Sectipn  de  cpn^^Ubilité  spr 
i«s  G|9jODpte9  4»  i865  i»t  sur  le  budget  de  i866. .... ^ ,..,., ,  A94 

III.  —  COMMUNICATION. 

MAiTiN  &B  MoimT»  •«—  bàflraotioAs  géoyrtphiqu  es  p9iir  M,  Oflmw 

Laporte,  consul  de  France  à  Fernambouc • . .     51 

Lettre  de  M.  G.  Lejean  au  Président  de  la  Gommission  centrale. . .  309 

Rapports  sur  la  mort  du  baron  von  der  Decken 313 

E.  Desjardins.  —  Nouvelle  note  sur  Tinscription  latine  relative  au 
nom  géographique  de  Genabum  et  sur  l'emplacement  de  cette 

ville 503 

Garle  géologique  de  la  terre^  par  M.  Jules  Marcou 509 

Lettre  de  M.  G.  Lejean  au  Président  de  la  Gommission  centrale. . .  515 

iV,  ^  ACTS3  DP  LA  SOCIÉTÉ. 

Procès-verbaux  des  séimces 58, 207,  320,  403,  519 

V.  —  NOUVELLES  ET  FAITS  GÉOGRAPHIQUES. 

Le  nouveau  voyaj^e  du  docteur  Livingstone.  —  Voyage  du  profes- 
seur Agessiz  au  Brésil .  —  Glimat  de  la  tïouvelle-Zélande .....  218 

Carte  ttqMnpbiqua  des  Ues  Britcaniques.  —  Les  puits  artésiens 
de  Ghicago.  —  Émigration  au  Brésil.  —  Les  steppes  de  Kuma- 
Manich ^ ff  3^^ 

Expédition  scientifique  aux  bouches  de  l'Yénisséi.  —  Le  No-man's 
Land 422 

Projet  d'exploration  du  pôle  nord,  —  Population  de  Saint-Péters- 
bourg et  du  gotivemement  de  Kevno • » 529 


(  5i  ) 

Sociélé  impériaU  géographique  de  Russie.  —  LÎle  àe  Oeylan.  — 
Séance  annuelle  de  1865.  —  Mesure  d'un  arc  de  parallèle.  — 
Les  mulsumans  de  la  Chine  et  leur  insurrection.  .74,  227, 423^  530 

Société  royale  géographique  de  Londres.  —  Madagascar.  — 
Voyage  de  Duchaillu  à  la  cdte  occidentale  d'Afrique.  —  La  mort 
du  baron  von  der  Decken.  —  Exploration  du  Rio-Purus.  —  Le 
Niger 228,  327,  426,  532 

Société  de  géographie  et  de  statistique  de  Mexico.  -^  Envois 
adressés  à  cette  société  pendant  le  troisième  trimestre 333 

Ouvrages  offerts  à  la  Société 78,  233,  335,  429,  535 

PLANCHE. 

Reconnaissance  de  la   montagne   des  Ansariés  à  1/500  000*,    par 
M.  E.  G.  Rey. 


y 


ERRATA 


Page  208  ligne  3  aii  lieu  de  d'avoir  dans  une  autre  enceinte.  <ii6<3r  d'à  voir 

obtenus  dans  une  autre  enceinte 

—  209    —    3      —      déjà  bien  connu  depuis  pour  un  livre.  Usez 

déjà  bien  connu  pour  un  livre 

—  210    —    14    —      sur  leur  admission,  dans  une,  lise  j  sur  leur 

admission  dans  une 

—  2^1     —     17     —      (PrincesseKoltzoffMassalsky).— M.  Duha- 

mel, lisez  (Princesse  Koltzoff  Massalsky)» 
M.  Duhamel 

—  213     —     18    —      pour  établir,  {fsejar  afin  d'établir 

—  213     —    19    —      la  juste  balance,  entre  les  prévisions,  Itses 

la  jusle  balance  entre  les  prévisions 

—  217    —     11     —      Ausariés,  Usez  Ansariés 

—  313    —     3  de  la  note,  au  lieu  de  Kusten,  Usez  Kersten 
-*    331     —    1 9  au  lieude  440  milles,  lisez  40  milles 


Pfris.  —  Imprimerie  de  E,  Martinet,  me  Mignon,  8, 


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