Google
This is a digital copy of a book thaï was prcscrvod for générations on library shelves before it was carefully scanned by Google as part of a project
to make the world's bocks discoverablc online.
It has survived long enough for the copyright to expire and the book to enter the public domain. A public domain book is one that was never subject
to copyright or whose légal copyright term has expired. Whether a book is in the public domain may vary country to country. Public domain books
are our gateways to the past, representing a wealth of history, culture and knowledge that's often difficult to discover.
Marks, notations and other maiginalia présent in the original volume will appear in this file - a reminder of this book's long journcy from the
publisher to a library and finally to you.
Usage guidelines
Google is proud to partner with libraries to digitize public domain materials and make them widely accessible. Public domain books belong to the
public and we are merely their custodians. Nevertheless, this work is expensive, so in order to keep providing this resource, we hâve taken steps to
prcvcnt abuse by commercial parties, including placing lechnical restrictions on automated querying.
We also ask that you:
+ Make non-commercial use of the files We designed Google Book Search for use by individuals, and we request that you use thèse files for
Personal, non-commercial purposes.
+ Refrain fivm automated querying Do nol send automated queries of any sort to Google's System: If you are conducting research on machine
translation, optical character récognition or other areas where access to a laige amount of text is helpful, please contact us. We encourage the
use of public domain materials for thèse purposes and may be able to help.
+ Maintain attributionTht GoogX'S "watermark" you see on each file is essential for informingpcoplcabout this project and helping them find
additional materials through Google Book Search. Please do not remove it.
+ Keep it légal Whatever your use, remember that you are lesponsible for ensuring that what you are doing is légal. Do not assume that just
because we believe a book is in the public domain for users in the United States, that the work is also in the public domain for users in other
countiies. Whether a book is still in copyright varies from country to country, and we can'l offer guidance on whether any spécifie use of
any spécifie book is allowed. Please do not assume that a book's appearance in Google Book Search means it can be used in any manner
anywhere in the world. Copyright infringement liabili^ can be quite severe.
About Google Book Search
Google's mission is to organize the world's information and to make it universally accessible and useful. Google Book Search helps rcaders
discover the world's books while helping authors and publishers reach new audiences. You can search through the full icxi of ihis book on the web
at|http: //books. google .com/l
Google
A propos de ce livre
Ceci est une copie numérique d'un ouvrage conservé depuis des générations dans les rayonnages d'une bibliothèque avant d'être numérisé avec
précaution par Google dans le cadre d'un projet visant à permettre aux internautes de découvrir l'ensemble du patrimoine littéraire mondial en
ligne.
Ce livre étant relativement ancien, il n'est plus protégé par la loi sur les droits d'auteur et appartient à présent au domaine public. L'expression
"appartenir au domaine public" signifie que le livre en question n'a jamais été soumis aux droits d'auteur ou que ses droits légaux sont arrivés à
expiration. Les conditions requises pour qu'un livre tombe dans le domaine public peuvent varier d'un pays à l'autre. Les livres libres de droit sont
autant de liens avec le passé. Ils sont les témoins de la richesse de notre histoire, de notre patrimoine culturel et de la connaissance humaine et sont
trop souvent difficilement accessibles au public.
Les notes de bas de page et autres annotations en maige du texte présentes dans le volume original sont reprises dans ce fichier, comme un souvenir
du long chemin parcouru par l'ouvrage depuis la maison d'édition en passant par la bibliothèque pour finalement se retrouver entre vos mains.
Consignes d'utilisation
Google est fier de travailler en partenariat avec des bibliothèques à la numérisation des ouvrages apparienani au domaine public et de les rendre
ainsi accessibles à tous. Ces livres sont en effet la propriété de tous et de toutes et nous sommes tout simplement les gardiens de ce patrimoine.
Il s'agit toutefois d'un projet coûteux. Par conséquent et en vue de poursuivre la diffusion de ces ressources inépuisables, nous avons pris les
dispositions nécessaires afin de prévenir les éventuels abus auxquels pourraient se livrer des sites marchands tiers, notamment en instaurant des
contraintes techniques relatives aux requêtes automatisées.
Nous vous demandons également de:
+ Ne pas utiliser les fichiers à des fins commerciales Nous avons conçu le programme Google Recherche de Livres à l'usage des particuliers.
Nous vous demandons donc d'utiliser uniquement ces fichiers à des fins personnelles. Ils ne sauraient en effet être employés dans un
quelconque but commercial.
+ Ne pas procéder à des requêtes automatisées N'envoyez aucune requête automatisée quelle qu'elle soit au système Google. Si vous effectuez
des recherches concernant les logiciels de traduction, la reconnaissance optique de caractères ou tout autre domaine nécessitant de disposer
d'importantes quantités de texte, n'hésitez pas à nous contacter Nous encourageons pour la réalisation de ce type de travaux l'utilisation des
ouvrages et documents appartenant au domaine public et serions heureux de vous être utile.
+ Ne pas supprimer l'attribution Le filigrane Google contenu dans chaque fichier est indispensable pour informer les internautes de notre projet
et leur permettre d'accéder à davantage de documents par l'intermédiaire du Programme Google Recherche de Livres. Ne le supprimez en
aucun cas.
+ Rester dans la légalité Quelle que soit l'utilisation que vous comptez faire des fichiers, n'oubliez pas qu'il est de votre responsabilité de
veiller à respecter la loi. Si un ouvrage appartient au domaine public américain, n'en déduisez pas pour autant qu'il en va de même dans
les autres pays. La durée légale des droits d'auteur d'un livre varie d'un pays à l'autre. Nous ne sommes donc pas en mesure de répertorier
les ouvrages dont l'utilisation est autorisée et ceux dont elle ne l'est pas. Ne croyez pas que le simple fait d'afficher un livre sur Google
Recherche de Livres signifie que celui-ci peut être utilisé de quelque façon que ce soit dans le monde entier. La condamnation à laquelle vous
vous exposeriez en cas de violation des droits d'auteur peut être sévère.
A propos du service Google Recherche de Livres
En favorisant la recherche et l'accès à un nombre croissant de livres disponibles dans de nombreuses langues, dont le français, Google souhaite
contribuer à promouvoir la diversité culturelle grâce à Google Recherche de Livres. En effet, le Programme Google Recherche de Livres permet
aux internautes de découvrir le patrimoine littéraire mondial, tout en aidant les auteurs et les éditeurs à élargir leur public. Vous pouvez effectuer
des recherches en ligne dans le texte intégral de cet ouvrage à l'adressefhttp: //book s .google . coïrïl
tV ■■;■ ; 1 ^.^^
»j^--
y^
éééMMéMmé
BULLETIN
DE LA
r y
SOCIETE DE GEOGRAPHIE
Cinquième (iérie.
/
/
LISTE
DES PRÉSIDENTS HONORAIRES DE LA SOCIÉTÉ (1).
MM.
* Marquis de Laplace.
* Marquis de Pastoret.
*V*« de Chateaubriand.
*C*® Chabrol de Volvic.
*BECQT3EY.
^C^** Chabrol de Crodsol.
* Baron Georges Cuvier.
*B°" Hyde db Neuville.
*Duc de Doudeauville.
* Comte d'Argout.
♦J. B. Eyriés.
*Le vice-amiral de Rigni.
*Le cont.-am. d'Urville.
* Duc Degazes.
* Comte de Montalivet.
Baron de Barante.
*Le général baron Pelet.
MM»
GUIZOT.
*De Salvandy.
* Baron Tupinier.
Comte Jaubert.
* Baron de las Cases.
Villemain.
*Cunin-Gridaine.
* L'amiral baron Roussjn.
'"L'am. baron de Mackau.
*Bon Alex, de Huhboldt.
*Le vice-amiral Halgan.
* Baron Walckenaer.
'^ Comte MoLÉ.
De la Roquette.
*JOHARD.
Dumas.
Le contre-amir. Mathieu.
MM.
Le vice-amiral la Place.
*Hippolyte Fortoul.
Lefebvre-Duruflé .
guigniaut.
* Daussy.
Le général Daumas.
ÉLIE DE BeAUHONT.
s. Exe. M. ROULAND.
*S. Exe. l'am. Desfossés.
Le comte de Grossoles-
Flaharens.
S. Exe. M. le duc de Per-
SIGNY.
Le contre-amiral de la
Ronciére le Noury.
S. Exe. M. le comte Wa-
LEWSKI.
COMPOSITION DU BUREAU DE LA SOCIÉTÉ
POUR 1865-1866.
Président S. Exe. M. le marquis de Chasseloup-Laubat, ministre de la
marine et des colonies,
i M. Michel Chevalier, sénateur, membre de l'Institut.
Vtce-préstdents J ^^ j^ ^^^^^^ Didelot, contre-amiraL
(m. Blanche, avocat général à la cour de cassation.
Scrutateurs... j m. Vivien de Saint-Martin.
Secrétaire M. Bourdiol, ingénieur civil.
TRÉSORIER DE LA SOCIÉTÉ :
M. Meignen, notaire, rue Saint-Honoré, 370.
AGENCE : ^'
Au siège de la Société, rue Christine, 3.
M. N. NoiROT, agent.
M. Ch. Aubry, commis.
(1) La Société a perdu tous I«s Présidents dont les noms sont précédés d'un *.
BULLETIN
DE LA
SOCIÉTÉ DE GÉOGRAPHIE
RÉDIGÉ AtSG ht CONGODHS
DE LA SECTION DE PUBLICATION
PLU MM.
V. A. MALTE-BRUN
Secrétaire général de la Commission centrale
G. MAUNOIR ET V. A. BARBIE DU BOCAGE
Secrétaires adjoints.
CINQUIÈME SÉRIE. — TOME ONZIÈME
ANNÉE 1866
JANVIER — JUIN
PARIS
AU BUREAU DE LA SOCIÉTÉ
Rue Gbristine, 3
ET CHEZ M. ARTHOS BERTRAND, LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ
Rue HautefeuiUe, 21
1866
COMPOSITION Ï)U BUREAU
ET DES SECTIONS DE LA COMMISSION CENTRALE
POUR 1866.
BUREAU.
Président M. D*àvezag.
Vke-frésidmU M. Jules Duyal.
M. de QuATREFAGES, membre de Tlnstitat.
Secrétaire général . . M. Y. A. Malte-,Brun.
Secrétaires adjoints, . M. G. Maunoir.
M. V. Â. Barbie du Bocage.
Section de correspondance.
MM. Alexandre Bonneaiu ï MM. Vice-amiral Paris, de Tlastitut.
H. Bourdiol.
G^« d'Escayrac de Lauture.
Guigniaut, de l'Institut.
A. Maury, de l'Institut.
Noël des Vergers, corr. de l'Instit.
Vicomte de Rostaing.
SédiUot.
Trémaux.
Vivien de Saint-Mariin.
Adjoints : MM. E. de Froidefond des Farges, Grimoult et William Hiiber.
Section de publication.
MM. A. d'Abbadie, corresp. de Tlnst. MM. De la Roquette.
Eugène Gortambert. Martin de Moussy.
Ricbard Cor Lambert.
Alfred Demersay.
Ernest Desjardins.
Victor Gttérin.
Morel-Fatio.
Ernest Morin.
Elisée Reclus.
Reinaud, de l'Institut.
Adjoints : MM. le contre-amiral Belle, Lucien Dubois et Georges Perrot.
Section de comptabilité.
MM. Edouard Gharton.
Maximin Deloche.
S. Jacobs.
MM. Gabriel Lafond.
Lefebvre-Duruflé.
Poulain de Bossay.
Adjoints : MM. Arthas Bertrand, J. J. Dubocbet et Lecoq.
BULLETIN ^
DE LA
SOCIÉTÉ DE GÉOGRAPHIE
JANVIER 1866.
Mémoires, Hotline», etc.
CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
SUR L'ÉTAT ACTUEL DU JAPON
PAR M. LE COMTE DE MONTBLANC
Les études géographiques empruntent un iùtérèt
spécial à la facilité si grande des communications
actuelles. Cette facilité nous a tellement familiarisés
avec les produits des pays les plus éloignés^ que nous
ne nous étonnons plus de les voir à chaque instant au-
tour de nous, dans nos vêtements, sur nos tables, dans
nos habitations, partout à l'étalage de nos boutiques.
Par cela même, il ne nous est plus permis d'ignorer
aucune contrée du monde, lorsque toutes concourent
presque simultanément à la satisfaction de nos besoins.
Ce courant crée forcément entre les sociétés hu-
maines un lien de solidarité que toutes reconnaissent
et devant lequel s'est en dernier lieu incliné le Japon.
(6)
Depuis une dizaine d'années, ce pays est sorti de son
mystérieux isolement. Des lignes de bateaux à vapeur
le relient aujourd'hui à T Europe, et Marseille n'en est
plus séparé que d'un trajet de cinquante jours, A l'ex-
trémité de cette route, nous pénétrons dans l'empire
du Soleil-Naissant, dont l'ensemble géographique nous
est parfaitement retracé dans l'excellente carte due au
travail de M, V. A. Malte-Brun, l'honorable secrétaire
général de notre Commission.
J'ai eu l'heureux loisir de visiter et d'étudier cet
intéressant empire. Les notions que j'en possède ont
toutes été puisées à des sources japonaises, minutieu-
sement contrôlées les unes par les autres. Je retrace-
rai la physionomie de ce pays dans un rapide exposé,
pour lequel je vous demande, mesdames et messieurs,
toute votre indulgence.
Au premier abord, on est tenté de rapprocher mo-
ralement les Japonais des Chiuois. En réalité, les Ja-
ponais possèdent une valeur individuelle et sociale qui
les distingue profondément de leurs voisins. Non-
seulement ces deux nations sont différentes, mais elles
présentent dans leur comparaison des oppositions
directes ; ainsi toutes les deux possèdent un caractère
dominant, mais contraire. En Chine, le mobile princi*
pal des actions est l'intérêt matériel à l'exclusion pres-
que entière des besoins moraux. Au Japon, ce mobile
est moral, et si le sentiment d'honneur, qui en est
l'expression, prend chez eux une direction souvent
fausse, il n'en représente pas moins un des plus
nobles besoins de la nature humaine et demeure, pour
Tbomme qui le possède, un stimulant énergique de
(7)
progrès véritable. Le rapport des mœurs à Tesprit des
institutions présente, chez les deux peuples, les mêmes
contrastes, et nous oifre un exemple curieux de l'inef-
ficacité des institutions à réaliser seules et représenter
par elles-mêmes une direction sociale. En Chine, les
principes de l'organisation sont conformes à notre idéal
moderne. Ils sont entièrement démocratiques et auto-
risent toutes libertés. Malgré cette base, qui devrait
être féconde en noble émulation, le peuple chinois est
certainement un peuple dégradé. Au Japon, Torgani-
sation sociale n'est démocratique qu'à la base par la
liberté donnée à toutes les capacités de conquérir de
hautes positions en dehors des avantages de la nais-
sance ; mais, dans son expression générale, la société
japonaise est aristocratique, et le peuple, gouverné par
cette aristocratie, est fier dans ses allures, indépendant
dans son courage, noble dans ses aspirations. Ces
phénomènes, en désaccord avec nos idées modernes,
prouvent simplement l'influence prépondérante des
mœurs, et le fait est naturel, car une société se com-
pose d'hommes libres dans leur moralité, et non pas
de syllogismes incarnés.
La fierté des mœurs japonaises se traduit dans le
privilège de porter deux sabres : le plus court est, en
certaines circonstances, une arme de suicide. Il permet
à celui qui le porte et qui a mérité la mort, de s'af-
franchir de la honte, de la violence et de la dégrada-
tion qu'entraîne forcément le contact d'un bourreau.
Il permet à cette mort, ainsi affranchie et volontaire-
ment acceptée comme expiation, d'être un retour vers
la dignité humaine, un moment oubliée dans la faute.
(8)
au lieu d*être le sacrifice outrageant de cette dignité
sur l'autel de l'infamie. Cette façon de considérer le
suicide le transforme quelquefois en un duel, lorsque la
dignité blessée se complique d'un désir de vengeance
directement impossible. Si un Japonais est blessé dans
son honneur par un homme dont il ne puisse tirer
personnellement satisfaction, il s'ouvre les entrailles,
et rejette par cet acte sur son adversaire une déclai-a-
tion de vendetta, dont la famille, les amis et les servi-
teurs du suicidé poursuivent passionnément l'exécu-
tion. Celle-ci est ordinairement prévenue par la mort
volontaire du provocateur.
Un peuple qui donne une place si importante au
sentiment de l'honneur doit attacher un grand prix à
l'expression de mutuelle considération. C'est ce qui se
produit au Japon, où le respect se manifeste surtout
dans l'extrême politesse qui préside aux relations. Tout
y est soumis à l'observance de règles précises, qu'un
Japonais n'oublie jamais et dont le code de la poli-
tesse fixe chaque détail. Dans cet ordre, rentre le res-
pect dont sont entourées les femmes au Japon, à
côté cependant d'une licence de mœurs qui s'étale
comme la chose du monde la plus naturelle.
Les extrêmes se touchent partout ; mais, sous ce
rapport, le Japon est la terre privilégiée des contrastes.
On y voit la réserve et la modestie se confondre avec
la licence, l'arbitraire en harmonie avec le sentiment
de la dignité individuelle, la simplicité des mœurs
sociales en accord parfait chez les mêmes individus
avec le luxe féodal^ l'aristocratie en société avec la
. démocratie, la défiance administrative en paix avec
(9)
la confusion des pouvoirs, et toujours la politesse en
relation avec tous.
Cette politesse de mœurs se traduit encore par le soin
des personnes, la propreté des habitations» le fini ar-
tistique des objets d'usage journalier. Dans les villes,
les rues sont droites et alignées ; dans les campagnes,
la culture est soignée comme en des parcs d'agrément ;
partout les moyens de communication sont faciles.
La fréquence des voyages intérieurs a introduit chez
ce peuple une solidarité d'intérêts en opposition avec
le régime féodal, qui tend à l'isolement des pro-
vinces.
Autrefois, ces intérêts n'avaient qu'une valeur lo-
cale; aujourd'hui, ils rayonnent vers l'Europe, lui
demandent la satisfaction de besoins nouveaux et pro-
voquent de nouvelles sources d'activité dans une voie
réciproquement utile.
Par île nombre et la densité de ses habitants, le
Japon oflfre à l'étranger un vaste débouché pour un
grand nombre de ses produits.
Par la richesse du sol et l'industrie des indigènes,
ce pays peut nous donner en échange de précieuses
marchandises d'exportation vers l'Europe. Tous les ren-
seignements sont unanimes à désigner le Japon comme
un pays exceptionnel sous le rapport du nombre et de
la richesse de ses mines. Un seul renseignement don--
nera une idée suffisante de l'abondance et de la facilité
d'exploitation de l'or. Avant l'arrivée des étrangers,
ce métal valait à l'intérieur quatre fois seulement son
poids d'argent, au lieu de quinze fois et demie comme
chez nous. Tous les produits des industries extractives
(10)
sont abondamment représentés an Jap^n, où la surface
du sol est aussi prodigue de trésors que les entrailles
de la terre.
L'exportation du thé a déjà pris une importance con •
sidérable. La feuille de cet arbuste est, au Japon ^
d'excellente qualité; mais, comme elle est, dans le
pays, employée naturelle, les négociants étrangers,
pour satisfaire à la consommation européenne, habi-
tuée aux thés préparés de Chine, sont obligés d'expé-
dier d'abord en Chine les thés japonais. Là, ils reçoi*
vent, avant d'arriver en Europe, une préparation
particulière. On sait, en effet, que, dans le Céleste
Empire, les feuilles sont torréfiées et reçoivent un par-
fum étranger à l'aide de plusieurs plantes, entre autres
par la fleur d'un jasmin sauvage. Les matières pre-
mières que peut nous fournir la terre japonaise sont
abondantes et variées, mais elles sont trop nombreuses
pour recevoir ici une mention spéciale à chacune d'elles.
Au point de vue du luxe et de la curiosité, c'est à
l'industrie japonaise qu'il faut faire appel : les porce-
laines, les émaux, les laques, les bronzes, les aciers,
les broderies, certains tissus de soie, sont autant d'ar-
ticles dans lesquels les Japonais sont maîtres. Tous
ces produits se distinguent par l'excellence des ma-
tières, la beauté du travail, l'élégance des formes,
Toriginalité de la main-d'œuvre. Ils nous révèlent des
dispositions artistiques, qui prendront certainement un
développement nouveau au contact de la civilisation
européenne-
Sous tous les rapports, les Japonais sauront profit
ter de l'expérience occidentale ; car ils possèdent un
(11 )
ardent désir d'apprendre et une singulière aptitude au
progrès qui les séparent de tous les autres Orientaux.
Dans ce développement, plusieurs causes faciliteront,
ou bien, au contraire, retarderont l'impulsion défi*
nitive.
Toutes ces causes peuvent se formuler en upe seule :
en effet, le progrès dont le peuple japonais est sus-
ceptible s'affirmera en raison de la netteté de la politi*
que intérieure; mais cette politique elle-même dé-
pendra de la conduite qu'adopteront à son égard les
puissances étrangères.
La ligne précise de cette conduite est naturellement
tracée, car, non-seulement il y a équation réelle entre
les intérêts de l'Europe et ceux du Japon, mais encore,
malgré certaines apparences contradictoireSt accord
d'impulsion. Nous n'avons rien à sacrifier. Travailler
dans le sens le plus large à nos intérêts véritables, ce
sera en même temps suivre la route la plus profitable
à la civilisation japonaise. Vers ce double but, la voie
nous est ouverte, et, loin d'avoir à lutter, nous n'avons
qu'à suivre le courant. Ce qui simplifie encore la
question, c'est que ce courant est légal, et qu'il ren-
ferme la puissance matérielle.
Aujourd'hui, nos relations sont excessivement su-
perficielles : sur trois points seulement ont lieu quel-
ques trtosactions de marchands à marchands, quelques
commandes gouvernementales, quelques conférences
officielles^ et c'est tout. Pas de société, pas d'action
commune,, pas d'alliance réelle, pas de travail euro-
péen. Or tout cela, nous pouvons le réaliser.
Ce qui, jusqu'à présent, a fait obstacle à cette réa-
(12)
lisatioD, c'est que nous sommes restés dans les erre-
ments des premières démarches forcément erronées
dans un pays dont on ne connaissait pas la constitu-
tion sociale.
Lorsque le commodore Perry ^e présenta avec son
escadre dans la baie de Yédo, il fut mis en rapport
avec les autorités locales. Le chef supérieur de ces
autorités était le Taïkoune, auquel fut imposé ce traité
qui servît d'exemple aux nations européennes. Par ce
traité, le Taïkoune disposait de son administration, en
ouvrant, non pas quelques ports au Japon qu'il ne
gouverne pas, mais bien quelques ports des territoires
morcelles confiés à son gouvernement.
De l'anxiété produite par l'illégalité de l'autonomie
qu'il avait été forcé de prendre en cette circonstance,
le Taïkoune passa à la joie de se voir considéré comme
souverain du Japon, et de profiter seul des relations
établies. Cette joie fut de courte durée, et les anxiétés
revinrent avec les embarras d'une position illégale,
qu'il n'avait pas la force de légitimer.
Les étrangers, qui n'étaient pas dans le secret de
cette position, voyait le Taïkoune agir comme un sou-
verain, et en conclurent à la souveraineté du Japon.
La méprise n'eût pas été grande, si ce prince eût eu le
pouvoir de sauvegarder son rôle vis-à-vis de l'étran-
ger. Malheureusement» tous les actes de son adminis-
tration montrent qu'il ne possède pas à l'intérieur
l'autorité dont il veut conserver l'apparence à l'exté-
rieur, au détriment de son propre pays comme au
détriment de l'étranger.
La première atteinte que reçut la croyance en la sou-
( 13 )
veraineté tâîkounale fut produite par la révélation de
l'existence et de l'action prouvées d'un Mikado, dont
on fit cependant prompte justice, en le considérant
comme pontife chef de la religion. Gomme cela, tout
allait encore bien : le Taikoune était l'empereur tem-
porel du Japon, le Mikado en était l'empereur spi-
rituel.
Le doute en la souveraineté du Taîkoune fut plus sé-
rieusement provoqué par l'inexécution des traités con-
clus et la manière d'agir, à cet égard, de l'administra-
tion même du Taîkoune. Il fallut bien se demander
d'où naissaient les difficultés. La réponse fut donnée
par les restrictions, les hésitations et les demi-confi-
dences invoquées par le gouvernement du Taîkoune à
titre d'excuses.
On s'aperçut alors que le Taîkoune n'était pas aussi
empereur temporel qu'on l'avait cru dans le commen-
cement, et que ce prince n'était pas indépendant dans
son pouvoir. Du premier rang, il tomba au second; et
Von sait aujourd'hui que même ce second rang ne lui
appartient pas.
En effet, le Japon ne forme pas un empire sous un
gouvernement unique. C'est une confédération féodale
ayant à sa tête le Tèneshi ou Mikado, autour duquel
sont groupés les grands princes suzerains du pays.
Ces princes Daïmios possèdent l'entière suzeraineté
de leurs États. Ils ont leur armée, leur marine, leurs
finances, leur administration, leurjustice. Le Taîkoune
ne peut, sans déclaration de guerre, franchir leurs
frontières qu'avec leur autorisation.
Quant au Taîkoune, il est mandataire du Mikado.
H 14 )
Dans Tordre administratif du KouandsbiokoUy il oc-
cupe le quatrième rang ; dans Tordre honorifique des
Ikaï, il ne vient qu'en cinquième. Il ne possède pas
l'autonomie de son pouvoir, et n'en peut conserver la
puissance qu'en agissant comme mandataire. Cest
précisément pour avoir abandonné ce rôle en usurpant,
à Texclusion de tout autre pouvoir, Tinitiative souve-
raine vis-à-vis des étrangers, qu'aujourd'hui sa fai-
blesse est grande.
Le lien de féodalité fut rompu. Les Daïmios ne con-
sidèrent plus le Taïkoune comme mandataire du Mi-
kado. En signe de rupture, ils ne se portèrent à au*
cune violence, mais firent revenir dans leurs États
respectifs les membres de leur famille en résidence à
Yédo.
Il fallut les laisser faire ; car, en dehors de la puis-
sance supérieure des Daïmios, le Taïkoune ne peut
compter sur sa grande administration composée de
feudataires qui ont usurpé à son égard l'autonomie
que lui-même a usurpée sur le Mikado.
Ce morcellement moral se complique du morcelle-
ment matériel des États soumis à son autorité, les-
quels sont divisés en fractions séparées sur Tétendue
du territoire japonais.
Enfin, toutes les circonstances qui déterminent la
position spéciale du TaSkoune, suscitent autour de lui
des influences de personnalité qui donnent à son mi-
nistère, le jorodjio, une instabilité exclusive de tout
plan de conduite suivie.
Ces influences provoquent à leur tour un sentiment
de défiance générale, d'où naquit depuis longtemps ce
.(16)
système d'espionnage sur lequel repose le gouverne-
ment taïkounal.
A toutes ces causes de faiblesse s'ajoute le danger
du réveil du Mikado, qui, jusqu'à présent, est resté
plongé dans une léthargique fainéantise.
Cet état est d'autant plus grave pour le Taïkoune
que ses faiblesses n'ont pas leur correspondance chez
les Daïmios. Ces suzerains gouvernent leurs États di-
rectement par des agents délégués et résument en
eux*mêmes l'unité d'action sur un territoire homogène.
De tous ces faits il résulte que le Taïkoune, qui au-
rait dû être un guide sérieux de la politique étrangère,
ne peut inspirer aujourd'hui qu'une confiance limitée,
même dans sa propre sphère, par suite des influences
contradictoires qui pèsent sur son administration. C'est
ainsi que l'année dernière, l'ambassadeur Ikéda, à son
retour àYédo, fut reconnu coupable de sympathie
pour l'étranger, et sa condamnation nous découvre
cette nouvelle épéede Damoclès, désormais suspendue
sur nos relations avec un agent du Taïkoune.
A cause même de tous ces principes de faiblesse,
le Taïkoune veut aujourd'hui monopoliser à son profit
l'alliance étrangère ; tout en ne lui donnant pas satis-
faction, il désire en conserver le privilège.
Pour cela, il nous fait un épouvantail des Daïmios
suzerains, qu'il nous montre comme un obstacle à
l'exécution des traités, lorsqu'au contraire, tous les
plus puissants d'entre eux sont favorables à l'étranger.
Il aurait été si facile au Taïkoune de se fortifier»
entouré d'une juste considération, en protégeant dans
sa sphère .les relations extérieures. Au lieu de cela,
(16 )
c^est lui-même qui fait obstacle à des relàtioùs intiïûed
et générales, en s'interposant d'une façon exclusive
entre le Japon et TEurope, tandis que les princes pour-
suivent, dans la liberté de leur autonomie, d'utiles et
d'amicales relations au dehors. Us achètent les in-
struments de la scienci» et de l'industrie occidentale.
Ils ont des étudiants en Hollande, en Angleterre, et
bientôt ils en auront partout. Ils s'intruisent par des
missions importantes composées de hauts personnages
qui parcourent l'Europe et se montrent en tout aussi
réservés qu'intelligents.
Certes, il y a là un fait devant lequel il est impos-
sible de rester indiiférent, quand on y voit que la civili-
sation d'un peuple, peut être un moyen d'action sur l'ex-
trême Orient tout entier, et, de plus, la possibilité d'un
développement immense pour les intérêts de l'Europe.
Les Japonais présentent le grand spectacle d'un
peuple jeune et progressif au milieu de la torpeur asia-
tique ; d'un peuple qui veut avant tout s'instruire et
s'améliorer, et qui, quoique placé au fond de cet ex-
trême Orient, tout replié sur lui-même, ne repousse
aucun maître.
Avec les germes féconds que possèdent les Japonais
dans les ressources physiques de leur pays, dans les
ressources morales de leur caractère et même de leurs
mœurs sociales, ils peuvent conquérir une forme de so-
ciété qui leur assurera une grande place comme peuple.
Aussi c'est avec joie que nous saluons l'aurore d'une
civilisation nouvelle qui désire se rapprocher de la
nôtre pour travailler en commun au progrès des des-
tinées humaines.
(17 )
NOTICE
6É06RAPBIQUE, HISTORIQUE, ETPMRIPHIQUS KT SfUTISTIQUE
SUR LA BOSNIE (1)
PAR M. ROUSSEAU
Consul de France*
COHHOraCATIOM DU MINISTÈES 0B8 AFFAUES ATRAHGÈBBS.
(Direction des consulats et affiûres commerciales,)
§ 1. — GÉOGRAPHIE.
Limites. — La Bosnie comprend aujourd'hui : la
Bosnie proprement dite, la Croatie turque, appelée
Kraïna^ et une portion de pachalik de THerzégovine (2).
Elle est limitée au nord par la Slavonie, à l'ouest par
la Croatie autrichienne, au sud par une partie de la
Dalmatie et par l'Herzégovine, à Test enfin, par un
coin de la Roumélie et par la principauté de Servie.
Ses frontières naturelles ainsi que celles qui résultent
d'une ligne de démarcation convenue, s'établissent de
la manière suivante : de Yassovatz, au N.-O., à Racsa ;
au N.-E., tout le cours de la Save. A partir de ce point,
confluent de la Save et de la Drina, le cours de cette
dernière rivière, en la remontant vers le Sud jusqu'au-
près de Routchitza, à deux ou trois heures en dessous
de Vichegrad (3) ; de là, une ligne aboutissant à TOu-
(1) On a fonda dans cette notice deux mémoires envoyés par
U, Rousseau, l'un en 1863, Tautre en 1865. [Rédactions.)
(2) Ancien royaume de Rama et duché de Saint-Saba, d*où la dé-
nomination slave ^'Herzégovine ou Duché.
(3) La Drina est formée du Tara, du Pivâ et de lA Soutcbesa. Le
XI. JANVIER. 2. 2
( 18 )
vatz, non loin de Ratcha; vient ensuite le cours de
rOuvatz (1) jusqu'à la hauteur de Novo Varoch, puis
un traoé convenu, s* éloignant de TOuvatc d'environ
deux heures, en moyenne, et courant parallèlement à
cette rivière jûi^qu'à la hauteur de Vapa, longe des
crêtes de montagnes et atteint le point de jonction de la
Rascheka et de Tlbar (2). Cette dernière constitue la
frontière jusqu'à la ylUe de Métrovitia, sur les confins
de la Roumélie et de la Bosnie. De Méirovit^a, la limite
se poursuit par une ligne longeant, à deux heures en-
viron de distance, le cours de l'Ibar, aboutissant
d^abord au village de Derjean» et se prolongeaqt tou-
jours vers l'ouest, passant un peu au-dessus du lao
Plava pour aller atteindre le pic sud du mont Kom,
A pai*tir de ce point, la frontière remontant au nord
passe par le pied du Kom et par les villages de Kolas-
chin inférieur et de Berdorovo, laisne à l'ouest le bourg
de Prépol et louge ensuite le cours du Lim jusqu'au-
dessus de la hauteur de Novo Varoch. Un peu plus
loin, à trois heures environ de là, elle coupe le Lim,
remonte sa rive gauche jusqu'auprès de Préboï, oblique
à l'ouest, passe au-dessous du village de Gorachicbe
et atteint le bourg de Goracheda, après avoir traversé
Tara a sa soarce au moat Kom, le Piva sort en torrent du mont
Dormitor, et la Soutchesa commence aux crêtes qui relient les pics du
VolQJak-Planina au Dormitor.
(i)L'Oavati, qui prend sa soarce à deux heures environ aufl.-E. de
Sjenitza dans le Sagode-Planloa (mont des Fraises), sert, pendant près
de douze lieues, de limite entre la Servie et la Bosnie,
(2) La Rascheka prend sa source dans les monts Raseheka-Planiaa
et GloukOTik-Pianina; ribar naît dana les montagnes de Halla.
( 19 )
U Drina ; puis remontant vers le N.-O. et longéatit, à
trois heures environ de distance, le cours de TOllagj
l'un des affluents de la Drina, elle touché ^ la petitié
ville de Kognitzâl, sur la Narentà, suit lé cours de cette
rivière puis celui de la Kama jusqu'au-dessus de Vou-
kovaeb, d'où elle incUiie ensuite plus 4 l'ouest, va
passer au-dessuÀ de Ghevitza, laissant €hupaniatdi à
gauche et LivttO à droite, pour se relier un peu plus
loin à la frontière dalmate, à trois heures eiivhron au-
dessous d'Ovitza. A partir de ce point, la frontière
s'établit par les crêtes des monts Vranïna, Zavelin,'
I^olog, Vranovatz, Guéniatet Dinaru, où viennent
converger les limites de la Bosnie, de la Dalmatie et
de la Croatie, puis» par une ligne de démarcation,
aboutissant au ruisseau de Fissovatz et indiquée par
des postes militaires autrichiens, remontant au nord
jusqu'à Magliara, sut* la Glina; dé là elle incline à l'est,
passe par Kamen et Topla sur TUnna, et suit enfin le
*
cours de cette rivière jusqu'à son confluent avec la
Save, à Yassovatz.
RMèr'eê. — Les principales rivières de la Bosnie
sont : la Drina et TUnna déjà citées ; la Bosna, qui
donne son nom à la province et qui a sa naissance au
pied du mont Iguémann, à 12 kilomètres environ de
Sérajévo; et le "Werbass, qui prend sa source en
Bosnie à deux heures environ au S.-O. du mont Gorni
Vakôup. Leurs bassins, très-fet-tiles, sont couverts de
magnifiques forêts (jui avaient attiré .rattention de
Napoléon I*", alors que, maître des provinces Illy-
riennes, il y voyait une précieuse ressourcé pour
(20)
Talimentation de la marine française. Ces quatre
grandes rivières qui coulent du sud au nord et vont
toutes se jeter dans la Save, reçoivent de droite et de
gauche de nombreux affluents» qui sont tantôt de véri-
tables cours d'eau d'une importance relative» tantôt
de simples torrents rapides et impétueux en hiver,
et presque entièrement desséchés en été. Elles sont
toutes très-poissonneuses; mais, dans leur état aiCtuel^
aucune d'elles n'est navigable. Il ne faudrait peut^
être» pour les convertir en grandes et utiles artères de
communication», que peu de travaux et des dépenses à
coup sûr inférieures aux nombreux avantages qu'on
en retirerait.
Lac&. — Le seul, amas d'eau assez important pour
mériter le nom de lac, est celui de Goël Hissar» qui
est alimenté par la Pliwa, affluent du Werbass» dont
le cours sinueux s'élargit considérablement à cet en-
droit et forme trois grands bassins se reliant les uns
aux autres. Us sont très-poissonneux. Un peu plus
loin» leurs eaux» continuant le cours de la Pliwa, vont
tomber en pittoresque cascade dans le lit du Werbass.
Montagnes. — La Bosnie est extrêmement monta-
gneuse. Son orographie ne laisse pas d'être très-dif-
ficile à décrire; car ce n'est, à proprement parler,
qu'un enchevêtrement presque inextricable de chaînes
plus ou moins élevées, s'entre-croisant sans cesse, et
assez rapprochées les unes des autres pour ne laisser
que très-peu d'étendue aux plaines et aux vallées qui
les séparent. Des forêts immenses couvrent les flancs
de ces montagnes dont certaines crêtes atteignent des
( 21 )
altitudes trës« considérables. Ramification des branchéâ
méridionales des Alpes Dinariques et allant se joindre,
ârorient, aux pics gigantesques du Tchar-Dagh, telle
est la courte définition qu'on peut donner du système
uMHitagneux de la Bosnie, décrit d'ailleurs avec beau*
coup de détails par M. Ami Boue dans le tome P' de
sa Turquie (TEurope. L'inclinaison et les directions
générales sont presque toutes du sud au nord. La
Bosnie possède plusieui's sources d'eaux thermales
dont les principales sont celles d'ElBdje et de Bagna-
luka, ainsi qu'un assez grand nombre de sources aci«
dulées froides, telles que celles de Lepenitza, Rissélak,
Yoavatz, Kisséla-Voda, etc., etc.
Climat. — Le climat de la province est générale-
ment très-sain. Doux au printemps, passablement
chaud en été, il est extrêmement rigoureux en hiver.
La température est assez variable, les pluies d'au-
tomne sont abondantes, et d^ordinaire, du mois de
décembre à la mi-mars, le pays est presque partout
couvert de neige qui atteint, dans certains endroits,
deux ou trois pieds d'élévation.
Produits. — Le sol est extrêmement fertile, et si
toutes les terres étaient mises en culture, les rende-
ments seraient considérables. Pour diverses causes,
dont l'énumération ne saurait trouver place ici,elle3 sont
laissées incultes. Le blé, l'orge, Tavoine, lemsûfs et lé
millet y viennent très-bien et constituent le fond des
produits indigènes. Les arbres fruitiers y sont abon-
dants; 1^ pommiers, les poiriers et surtout les pru^
( 22)
niera, dont la récolte forme une des p^noipales res^
sources du payst tiennent le premier rftug* Quant h la
vigne, elle yient difficilement sous un climat aussi
frmd. Les foréta sont extrêmement riohes en bois de.
futaie de toutes sorte» et en bois de construction na*<
vale. Les principales essences sont le chône, le sapin^
le noyer, le châtaigner, le pin, le peuplier, l'orme, le
bpnleau et 1^ frêne. Ces immenses forêts ne sont sqih
mfUèBf bien ept^ndu, ^ aucun aménagement forestier»
mais leur étendue est telle, que leur exploitation par
les indignes, qui en retirant sans mesure le bois de
cbauifag^ et d^ cbarpente, pourra left dévaster à'tmû
manière très-regrettabJe sans jamais les épuiser.
L'élève des bestiaux est une des branches de Tagri-
cultiire à laquelle s'adonnent plus particulièremeAt les
paysans ))0&Qiaque^$ o^ai^ ils sont Ipip d'y apporter lot
soipB et la pratique convenables. Les r^es bovinef^
oyine et porcine y sont belles et très-productives^ L^
race chevaline, quoique petite, est bonne et vigou-
rpus^, parfaitement appropriée à ce pays essentiel-^
liment montagneui^; ms^lbeureusement, comme, l^Q
autres branches de l'industrie agricole, elle y ^t dèt
plorablement négligée. D'ailleurs les nombreuses
Inquisition» qR'pn. y ^ fj^itea derpièrçuient p0ur les
re^mantes <^e la^ p^vft^e^ip à^ corps d'aro^^^ de rQei^é-:
govipe et de la ï[aute Albanie l'ont singulièrement f^p-
pauvrie. AucuQ bara^ p' existe en Bo9;iie. Dans les b^
on trouye le sanglier, le chevreuil, le loup et le renards
l'pura se rencontra daps les l'opêta dpsi b^itea i^onte**
gn§^. Le gibier est pissez a|)ondant e> se GtPfupo^a pricN
cjp^inent de ^a perdrix griae, de i^ ci^Ufi, dq liôYne«
(2S)
du caiiafd, dé la bécasse et de la bééassine. -^ J'ai dit
que lés rivières et certains cours d'ean étaient poi^i-
soDoeux : on y pêche, en effet, des brochets , des àii-
guilles et d'excellentes truites saumonées. La géologie
et la minéralogie de la province sont riches et variées.
Lé âél parait être tertiaire et alluvial. Le minerai de
fer est le plus abondant et presque le seul exploité.
Routes. — Les voies de communication de la Bosnie
sont nombreuses, mais elles sont dans un déplorable
état. Les chemins, qu'ils sillonnent les plaines et les
vallées, ou qu'ils soient tracés aux flancs des montagne^
traversant des gorges difficiles aux profondes ravines,
sont souvent de véritables casse-cou. Les premiers,
en hiver, sont d'affreux sentiers vaseux et boijeiix, où
le cheval enfonce jusqu'à mi-jambe; les seconds, taillés
etï escaliers, sont si escarpés, qu'il faut la solidité du
pied du cheval bosniaque pour les parcourir sans dan-
ger. Toutefois il est juste de signaler une sensible
amélioration à cette triste situation de la grçmde voi-
rie: depuis deux ans environ, Osman pacha, gouver-
neur généi'al de la Boâtiie, administrateur intelligent
et éclairé, s*est occupé avec une sollicitude remar-
quable de cette question qui intéresse si grandement
là prospérité de la province, et déjà plusieurs nouvelles
roùteft assea bien construites, d une largeur moyenne
de & tnëtres, empierrées et retenues à droite et ^
gauche par des fascines, ont été livrées à la circulation.
Ce sont : 1® celle de Sérajévo à Brood , en Slavonig,
qui a un développement de 150 kilonaètres environ ;
y celle dé SéfajéVo à Vichégrad (410 kilomètres
(24 )
environ) ; 3* celle de Sérajévo à Kognitza, qui doit,
un peu plus tard, être poussée jusqu'à Mostar, en Her-
zégovine ; 4"* celle enfin de Sérajévo à Travenik (70 kilo-
mètres environ). On en projette plusieurs autres qui,
partant également de la capitale, pénétreront dans la
Possavina, ou partie de la province qui limite la Servie,
et dans la Kraïna ou districts frontières de la Croatie
autrichienne.
§ 2. — UISTOIRE ET ETHNOGRAPHIE.
Sans remonter trop loin dans le passé historique de
la Bosnie, je me bornerai à rappeler ici qu'ayant ap-
partenu au XV et au xii'' siècle à la Hongrie, elle fut
incorporée vers 1369 à l'empire serbe d'Etienne Dou-
chân. A la mort de ce héros de la nationalité slave,
les provinces et les petites principautés qu'il était par-
venu, non sans peine, à réunir en un État homogène
et formidable, se désagrégèrent d'elles-mêmes; de ce
nombre fut la Bosnie qui, sous le gouvernement des
chefs indigènes, essaya de ressaisir son ancienne au-
tonomie et de former un royaume à peu près indépen-
dant. Malheureusement il n'eut qu'une existence éphé-
mère ; car, déchiré par ses divisions intestines, épuisé
par sa lutte contre la Hongrie qui ne cessait de reven-
diquer ses anciens droits, le pays ne put opposer qu'une
impuissante résistance aux armées ottomanes qui
l'envahirent bientôt. Devenue en quelque sorte tribu-
taire des Turcs à la suite de la mémorable journée de
Kossovo (1389), où tous les Serbes, marchant sous le
drapeau du roi Lazar, furent battus et taillés en pièces,
r26 )
la Bosnie repassa quelques années après au pouvoir
de la Hongrie, qui la fit administrer par des Bans spé-
ciaux (1A07). Â partir de cette époque, l'histoire de la
province est de plus en plus diffuse et compliquée, et il
devient difficile de la suivre avec précision dans ses
luttes intérieures, dans les divisions politiques de ses
propres chefs, ainsi que dans sa participation forcée
aux longues guerres de la Hongrie et de la Turquie,
guerres qui en firent le théâtre de fréquentes et san-
glantes batailles. Cette longue période dura plus d'un
siècle. De part et d'autre on se battait avec acharne-
ment pour la possession de la Bosnie : les Turcs com-
prenant fort bien qu'elle devait puissamment les aider
dans leurs futures conquêtes en Europe; les chré-
tiens ne pouvaujt complètement se dissimuler que sa
perte, malgré l'aveuglement de leurs dissensions et
de leurs discordes, pouvait entraîner avec elle celle
des provinces limitrophes et constituer ainsi un im-
mense danger pour toute la chrétienté. La funeste et
désastreuse bataille de Mohacz (1626) justifia totale-
ment ces craintes, et mit un terme à cette situation
en assurant aux Turcs la conquête du pays. Toutefois,
ce ne fut que beaucoup plus tard, et après une nouvelle
série de luttes continuelles entre les Vénitiens, les
Turcs et les Hongrois, que la Bosnie fut définitivement
annexée à l'empire ottoman par le traité de Karlo-
witz (1699). Depuis cette époque elle fait partie inté-
grante de la Turquie dont elle forme un des quatre
Eyalets en Europe. à
Ethnographiquement, la Bosnie est serbe, et sa popu-
lation appartient à la grande famille slave.
(a«)
Les phllolôgtiés placent m vi* èiècle environ, et à la
suite d% rinyadioti des Gotbs, des Ayares et des Huns,
l'arrivée en Europe des Slaves qui se Axèrent d'abord
dans la Dacie, d'où, repousses un siècle après par de
nouvelles irruptions^ des peuplades oufaliqaes ou tar-
tares sur le monde romain^ ils durent se déplacer et
s'étendre en partie vers l'occident, en partie Vers le
nord. C'est vraisemblablement vers cette époque que
les Slaves, imitant les Venèdes qui venaient de fondre
sur les contrées voisines de l'Elbe, s'emparèrent à leur
tour des pays situés entre le Dantibe et les Alpes nô^
riques et juliennes. De ces expMitions aveiiiut^uses,
de oes déplacements formidables des hordes barbares,
il se forma, par agglomération de tribus, deiix fédéra-
tbns slavo^venëdes t celle appelée la Grande Khrobàtie.
dans la Bohème orientale, la Galicie et U Siléslè^ et
celle qui re$ut le nom de GranCte Servie, âans la Misnie,
la Bohème occidentale et la Moravie. Pendant cinq
cents ans oes peuples furent tour à touc vaincus ^
subjugués par les Francs et les Germains, et oe n'est
guère que vers le xit siècle que les peuples slaves de
la Bohème, de }a Pologne et de la Rus^e se eonstîtuè*-
rent en nations indépendantes. G^est aussi vers cette
époque que les l^aves du Midi se répandirent vers l'ouest
des rives du Danube et de la mer Noire jusqu'à 1- Adria-
tique* Fixés dans ces nouvelles contrées et aidés dés
contingents d'émigrés de la Grande Khi^b^tie et de la
Grande Servie, ils y fondèrent les rpyaumes slaves de
Croatie, d'Esclavonie, de Dalmatie, de Bulgarie et de
Bqenie.
Des missionnaires latins ava^pnt intr^uit )e ohria>
(«7)
tianisme et pfèthé TÉVâtigile chez les Slaves biéii
ftV&Dt l'àj^tolat de daint Cyrille et de dalnt Métôde,
qnl est fixé vers Ym 868. Le premier de ces deux pt*o»
pCigatetirs da cbrlstlaBisme modifia Talphabet grec et
raccommoda à la langtie des nOtlveatix prosélytes chré-
tiens, inventant ainsi une écriture spéciale, à laquelle
il dontia son iiom, ¥ écriture cyrilHquè.
La langue diavê prouve bien incontestablement Tori-»
giue àsiati<}ue deà peuples qui là parlent , car un nom-
bre asses considérable de ses racines et certaines dé
ses formes grammaticales ont une grande analogie
aveo le Qansiârït. Sa déëlinaison n'a point d'article, et
elle a trois genres, quatre décUnaisotis, deux verbes
auxiliaires et une conjugaison active, qui sert en même
temps pour le passif et le déponent. Elle s-écrit aveô
trente et tine ou quarante^-trois lettres. Sa pronôncia-^
tlon est généralement douée, et, à pa-rt quelques idio-
tiMues et certaines fermes particulières anx localités,
le slave des peuples méridionaux est à peu près le
même pour les Bosniaques, les Serbes, les Monté-
Bégrins, les Benégovlniens, les Dalmates, les Croates!
el les Sllavons. Il s'éérlt de nos jours indistinctement
en lettres latines eu cyrilliques t cèlles-'Ci sont pourtant
fim particulièrement adoptées dans les écoles publi-
ques, et c'est avec elles que sont imprimés tousleè
livres sacrés de la liturgie slave. Il est essentiel de
noter d'ailleurs que la langue parlée et écrite par lé
peuple dlfl'ère du slave d'église.
La raee bosniaque est généralement grande, forte
et vigoureuse. Plus rudes de caractère que leurs frères
d« ftaanbe, lé» Bosniaques ont lés mœurs extrême-
i
(38)
ment sévères. Ils sont conra^nx et braves, conser-
vent religieusement les traditions de leur origine
guerrière, et poussent jusqu'au fanatisme le souvenir
de leur ancienne indépendance, objet de leurs pro-
fonds regrets et de leur constant espoir. De là leurs
fréquentes prises d'armes sans cesse impuissantes, et
qui n'ont servi qu'à rendre leur asservissement plus
lourd et plus écrasant. Ils sont bons, francs et hospi*
taliers, passionnés pour la poésie nationale, sobres
dans leurs besoins, actifs à l'ouvrage, économes dans
leurs dépenses. Quant à leur intelligence, elle semble
peu éclairée, et, dans tous les cas, beaucoup moins
développée que celle de leurs frères serbes, dalmates
et croates. Ils sont susceptibles des plus vives et des
plus durables affections, et le sentiment et l'amour de
la famille sont profondément enracinés en eux. Ils
peuvent être parfois très-durs pour leur femme, mais
ils n'en respectent pas moins en elle la mère de leurs
enfants. Bien que le divorce soit admis chez eux
comme dans la religion grecque, ils n'en usent que
très-rarement et pour des cas tout à fait exceplion*-
nels. Quant au Bosniaque musulman , la polygamie
consacrée par le Coran semble n'avoir que fort peu
d^attraits pour lui, car presque généralement il n'a
qu'une seule femme.
Ce fut vers la fin du xv siècle et au commencement
du XVI'' que les Bosniaques, naguère si attachés à leur
croyance religieuse, abjurèrent en grande partie le
christianisme pour embrasser la foi mahométane. Cette
apostasie en masse eut des conséquences fatales
non-seulement pour la partie du peuple, bosniaque
(S9)
restée fidèle à son antique foi, mais aussi pour toute
la chrétienté. Les diverses tendances politiques des
États voisins, de la Hongrie en particulier, qui, s'ils
s'étaient inspirés d'une pensée généreuse et chré-
tienne, auraient dû tous se liguer étroitement contre
l'ennemi commun, au lieu de se disputer entre eux
quelques lambeaux de cette malheureuse province,
ne firent que favoriser l'invasion musulmane d'abord,
et pousser ensuite graduellement la majeure partie da
peuple bosniaque à embrasser l'islamisme, les uns
pour conserver leurs droits féodaux, les autres pour
échapper au joug tyrannique de maîtres ambitieux et
ingrats.
Cet événement, d'une portée immense, passa comme
inaperçu en Europe, et Ton peut dire que c'est à peine
s'il émut l'Autriche et la Hongrie, qui ne devaient pas
tarder de payer bien cher cette grande faute d'avoir
favorisé, pour ainsi dire, l'entrée des Turcs en Bosnie,
d'avoir laissé tomber entre leurs mains ce premier et
solide boulevard de la chrétienté. Si à l'approche des
armées ottomanes» la force et la vitalité de la nationa-
lité bosniaque n'avaient pas déjà été sacrifiées par les
rivalités égoïstes des États limitrophes chrétiens, si la
destruction des liens qui unissaient le pays à TEurope
n'eût pas été, en quelque sorte, comme préparée par
ses propres mains, certes le croissant n'aurait pas eu
si bon marché de la croix, l'Autriche n'aurait pas vu
un peu plus tard la marche victorieuse des Turcs
poussée jusque sous les murs de Vienne, ni la Hongrie
les calamités de la guerre au inilieu desquelles elle se
débattit pendant longtemps et qui aboutirent à la sân-
( W)
glaate bataille de Mohaci où elle perdit, avec son m»
tout espoir de conserver désormais son aotique anto^-
Domie.
Quoi qu*U eosoit de ces diverses causes, ce fut ^ Yè-
poque de la conquête faite par les armes de Mabomet II,
en 1528, que s'accomplit la grande conversion des Bos^
niaques ^ l'islamisme» conversion d'autant plus facile
alors que déjà, depuis la première invasion ottoi^aoet
qui eut lieu vers lâOl, cette religion comptait dans
la population un certain nombre d'adeptes. Il y a
tout lieu de croire qu'au fond ces récents néophytes
tenaient fort peu h, la croyance qu'ils venaient d'em-
brasser; car il est certain qu'ils l'adoptèrent bien plus
en vue des avantages personnels qu'ils devaient en
retirer que pour obéir à une conviction religieuse
réelle et profonde. Mais les Turcs, plus tolérants et
peut-être aussi plus indifférents que ne l'étaient leurs
farouches devanciers dans la propagation de la foi
musulmane, évitèrent soigneusement de pénétrer et
de scruter les motifs de cette conversion qui, avant tout,
consolidait leur conquête. En habiles politiques, ils se
contentèrent de profiter simplement des avantages que
leur oifrait le fait accompli qui étendait les limites de
leur nouvel empire, et faisait tourner au profit de sa
propre défense, la valeur de ce peuple belliqueux qu'ils
avaient eu tant de peine à subjuguer. C'est que l'ar-
deur du prosélytisme musulman, autrefois si farouche,
comme à l'époque de l'invasion des Arabes en Afrique,
où il s'exerçait à l'aide de la force et de la contrainte,
avait alors considérablement perdu de ses rigueurs
excessives, et que huit siècles plus tard, les couve-
(M)
napae« cita inl^rôts {M}Utiqy6s, Um pl^s q^e Im p^^
siens d'un s^yçpglo fs^i^tUme religieux) guids^ieût le»
sulUui^ de CpnatwtiQoplei eucçesseurs de fait dei^ pre^
mierg biUf<s»i, 4p>qs ^Hm {^r^i^^des Qo&tre Içs peuples
ctirëUeiis.
Ut Bo«iii#i k aettH^ époque» était «oumi^e au &yat6me
féodal* Seft grauda^ famille^ et sa i^oblease^ m abju-»
r^ut) obtinrent çamoif principale et exi^esse çonditiisu
de leur apostasie^ le maintien de leurs droitB seigneu*
riauxsur les paysans dont la foi chrétienyie« pias ar-
dente et plus vivace, sut les faire résister à renti*atne<t
ment de leurs maîtres. Ce fut là. la source des misères
qui, pendant plus de trois siècles, a' appesantirent sur
eux ; car, restés chrétiens et par suite dans une condition
essentiellement inférieure dans la nouvelle organisation
sociale de leur pays, Us devinrent dès ce moment une
sorte de population de parias, corvéables et taillables
h merci.
En raison même de leur abjuradon de la veille» les
nouveau;!^ musulmans de la Bosnie affectèrent dans le
principe une ferveur religieuse que n'avaient pas enx-^
mêmes les Turcs qui venaient de subjuguer leur patrie.
Bientôt, prenant au sérieux les sentiments qu'ils s'é*
taient d'abord contentés de simuler, ils devinrent petit
à petit ardents et zélés dans leur foi, si bien que pas-^
sant d'un extrême à l'autre, d'adeptes indifférents qu'ils
étaient aux premiers jours, ils devinrent de très-fer^
vents et très-fanatiques musulmans, C'edt k cette
cause et aussi aux anciens privilèges fonciers, politiques
et civils accordés, au commencement de la conquête,
à la noblesse bosniaque^ que sont dues les difficultés
( 32 )
qu^arencontréeâ de nos jours le gonvernement turc pour
introduire en Bosnie les réformes décrétées et assez
généralement mises à exécution dans les autres pro-
vinces de l'empire. — « En Servie, la féodalité qui se
» développa plus tard et seulement par imitation de
> rorienty fut enveloppée dans les désastres nationaux
» et périt ou fut réduite à l'état de raîa comme le reste
» du peuple; en Bosnie, au contraire, la noblesse passa
» à l'islamisme pour conserver ses fiefs, et elle est restée
» l'élément le plus rétrograde et le plus féodal de toute
» la Turquie. Aussi la Bosnie n'a-t-elle cessé de pro-
» tester par les armes contre les réformes de Mah-
n moud II et d'Abdul-Medjid (1). »
En échange de la conservation de leurs anciens fiefs,
les begs^ ou nobles de la Bosnie, ne devaient au gou-
vernement turc que l'obligation de marcher en armes
et au premier appel pour la défense de l'empire. Ils
étaient exempts de tout impôt, et leurs terres n'étaient
soumises à aucun droit envers le trésor ottoman, de
telle sorte que le pays devait s'administrer, pour ainsi
dire, lui-même, en formant comme un État dans l'État,
et que les Bosniaques devaient être considérés, ainsi
qu'ils se considéraient fièrement eux-mêmes, bien plu-
tôt comme des auxiliaires que comme des sujets de la
Turquie. La propriété foncière appartenait exclusive-
ment à cette arrogante noblesse, comme elle lui appar-
tient encore aujourd'hui, à peu d'exceptions près, et,
sous la dénomination de spahiliks^ elle divisait la
Bosnie en autant de fiefs, grands et petits, que le pays
(1) G. L^eani Ethnographie de la Turquie d* Europe,
( 3à )
comptait de familles nobles. Ces fiefs étaient et sont
restés héréditaires suivant l'usage oriental, c'est-à-dire
que leur transmission a lieu non par droit d'aînesse,
mais indivisiblement en faveur de tous les membres
d'une même famille qui élisent pour chef le plus' brave
ou le plus âgé d'entre eux, chargé au besoin de les
conduire au combat.
Forcée de consentir à cette organisation insolite et
dangereuse de la province, qui seule pourtant pouvai t
aux premiers jours lui attacher la noblesse et assurer
son pouvoir suzerain, sinon souverain, sur le pays
nouvellement conquis, la Turquie ne songea à apporter
quelques modifications à cet état de choses que lorsque,
débarrassée des soucis de la guerre, elle put s'occuper
du soin de mettre un peu d'ordre dans le chaos admî-
niâtratif de ses nouvelles annexions en Europe. Elle
commença, à cet effet, par nommer en Bosnie un pacha
chargé de la représenter officiellement dans la pro-
vince et d'y introduire progressivement l'action de son
autorité; elle y construisit des mosquées et des éta-
blissements pieux pour y réchauffer le zèle et la fer-
veur des nouveaux musulmans ; y institua la magis-
trature des cadis pour connaître sinon de tous les
crimes et délits, du moins des questions civiles et reli-
gieuses qui pouvaient s'élever entre eux ; donna aux
communautés chrétiennes locales une organisation ad-
ministrative propre à s'attirer leur fidélité et à assurer
leurs antiques privilèges ; détermina le chiffre du con-
tingent militaire que, sous la forme d'auxiUaires, le
pays devait lui fournir en cas de guerre ; s'attribua
toutes les terres vagues de la contrée dont les titres à
XL JANVIER. 3. 8
I
(34)
la propriété pe purent être auffisamment établis en
faveur dQa familles féodales; enfin décréta un impôt
foncier et personnel, qui, à bien dire, ne devait peser
que sur la classe agricole et chrétienne, et dont l'esti-
mation annuelle ne devait apporter que d'insignifiants
versements au trésor public. Cette dernière mesure,
qui était considérée comme la consécration solennelle
de la pri^e de possession du pays par l'État, ne devait
pas tarder à être abrogée par la nouvelle situation qui
allait se produire .
Aux premiers temps de la conquête, la conduite du
seigneur bosuiaque devenu musulman, à l'égard du
paysan resté serf et chrétien, fut tyrannique et fré-
quemment empreinte d'une excessive cruauté* 11
croyait prou ver, par ce moyen, la sincérité de son néo-
physme, et souvent aussi la violence de ses actes
n'avait pour but que d'assouvir ses passiojis ou ses
vengeances personnelles. Cependant les nouvelles ten-
dances politiques et administratives du gouvernement
ottoman, ainsi que l'ascendant que commençaient à
prendre sur les affaires publiques les pachas de la Su-
blime-Porte qui affichaient des sentiments d'équitable
protection à l'égard des chrétiens, firent ouvrir les
yeux aux begs sur les dangers de la situation. Bientôt,
comprenant mieux leurs intérêts, ils reconnurent qu'un
rapprochement entre eux et les paysans était devenu
d'autant plus indispensable qu'ils avaient un besoin
absolu de leur concours pour» mettre leurs terres en
ctdture; ils n'étaient pas sans crainte d'ailleurs que
l'excès de leurs rigueurs ne forçât ceux-ci à s'enfuir
en pays de chrétienté. Aussi, changeant de ligne de
(36)
conduite à leur égard, ils s'attachèrent à resserrer leè
liens qui les unissaient entre eux, et qu'ils avaient
imprudemment altérés: ils devinrent plus justes et
moins cruels dans leurs procédés, si bien que la com-
munauté des intérêts amena un rapprochement entre
les deux classes^et par suite une certaine amélioratioa
dans la condition des malheureux chrétiens.
Ce changement dans la situation des paysans bos-
niaques, motivé par des circonstances exceptionnelles,
ne fut malheureusement pour eux qu'un temps d'arrêt
dans le cours de leurs misères, car bientôt de nouvelles
circonstances les replongèrent encore une fois dans la
plus dure des servitudes. En effet, la Sublime Porte
ne tardant pas à s'inquiéter à son tour de l'accord par-
fait qui semblait s'être établi entre les Slaves chrétiens
et les Slaves musulmans de la nouvelle province de
l'empire, mit bientôt tout en œuvre pour modifier cet
état des choses qui menaçait son autorité» et s'efforça
d'anéantir l'influence qu'assurait à la noblesse la
grande division des terres en vastes et riches spahiliks.
Pour obtenir le but qu'elle se proposait, «la Porte, dit
M. Cyprien Robert dans son livre sur les Slaves de la
Turquie, voulant, dans son ambition jalouse, réduire
ses alliés à l'état de sujets^ excita d'une part le fana^-
tisme si prompt à s'enflammer des Bosniaques chré-
tiens contre leur spahis, de l'autre elle jeta un appât
à la cupidité des chefs musulmans dont elle trans-
forma les spahiliks en tchiftliks, sous prétexte de ré^
compenser leur dévouement à la cause de l'islamisme.»
Ces tchiftliks ou domaines érigés en une sorte de ma-
jorats, constituaient des propriétés d'un grand rapport
( 36)
dont la possession, avec d'importants privilèges, était
assurée par la Turquie à ceux des seigneurs bosniaques
partisans de Tautorité souveraine de Gonstantinople.
Ces begs recevaient, avec la propriété, le droit de pré-
lever à leur seul et unique profit les dîmes de la ré-
colte, et jouissaient en outre de la faculté d'expulser
au gré de leur caprice les habitants établis, ab antiquo^
sur leurs terres, si mieux ils n'aimaient en tirer large-
ment profit en les pressurant arbitrairement. « Partout
où cet infernal système fut appliqué, ajoute M. Gyprien
Robert, il excita l'horreur des raîas et le dépit des
spahis qui n'obtenaient pas de tchiftliks ; il en résulta
des luttes violentes, et une irritation extrême régna
des lors parmi les possesseurs des fiefs qui furent
amenés à ériger de leur propre autorité leurs terres
en tchiftliks. Les tchiftliks privés étaient, en effet, le
seul moyen infaillible de neutraliser l'influence des
tchiftliks impériaux. Les raïas foulés aux pieds n'eu-
rent plus d'autre propriété que celle de leur corps.
Tout spahis qui passait près de leurs cabanes se faisait
héberger et nourrir par eux, il pouvait employer leurs
chevaux pour un jour de marche sans être obligé de
les payer, il pouvait même accabler de coups le raîa
qui n'osait répondre; car tous les musulmans étaient
sacrés, il y avait peine de mort pour le chrétien qui
aurait frappé l'un d'eux, a
Cet état des choses dura bien longtemps et ce ne fut
guère que de nos jours, il y a dix ou douze années à
peine, que la Sublime Porte, ayant été amenée à com-
battre une formidable insurrection des Slaves musul-
mans delà Bosnie^ profita de- ses succès pour y briser
L.
(37)
défioitivement le système féodal, anéantir la puissance
des begs, exercer régaliërement ses droits souverains,
et introduire, avec une administration essentiellement
turque dans la province, les principes de réformes dé-
crétées pour tout l'empire.
J'examinerai bientôt quelle modification fut ap-
portée dans la situation des raïas paysans , ainsi que
dans leurs rapports avec les musulmans propriétaires
des terres qu'ils mettent seuls en culture.
§ 3. — STATISTIQUE.
Administration générale. — La Bosnie est gouver-
née par un nali^ ou gouverneur général, qui réside
dans la capitale, à Sérajévo, qui a la haute direction
de l'administration civile et politique de la province,
et dont les pouvoirs sont fort étendus. II a sous ses
ordres, disséminés dans le pays, des kaïmakams et
des mudirs^ dont les fonctions, dans l'arrondissement
de leurs districts, pourraient à la rigueur être assimi-
lées à celles de préfets et de sous-préfets. Le gouver-
neur général actuel est Scherif Osman Pacba, précé-
demment gouverneur de la citadelle de Belgrade.
Trois tribunaux fonctionnent à Sérajévo, près du
gouverneur général : 1° un tribunal mixte de com-
merce ; 2"* un tribunal criminel et correctionnel auquel
il est adjoint une* chambre d'instruction ; 3"" une cour
supérieure, ou conseil général auquel sont déférées les
affaires administratives importantes de la province» et
qui connaît, en même temps, des sentences rendues par
les tribunaux des mudirats et des kaimakamies; ses ar-
(88)
rôts judiciaires sont eux-mêmes susceptibles d'appel k
Gonstantinople. Les tribunaux oorrectioûnels et de com*
merce institués auprès de chaque kaïmakam et de
chaque madir sont^ en tnéme temps, des sortes de con*
seils municipaux et administratifs du district.
Un moUûy ou grand juge, qui, comme pour toutes les
autres provinces de l'empire, est changé chaque année,
est placé à la tête de la magistrature religieuse et a sous
ses ordres des cadis , qui fonctionnent dans les villes
où l'importance de la population musulmane réclame
la présence de ce juge.
Les évèques latins et grecs sont les chefs spirituels
de leurs coreligionnaires, et connaissent^ en dernier
ressort, des sentences rendues par les curés catholiques
et les popes en matière de mariage et de divorce et,
parfois aussi , dans des causes civiles^ D est extrême-
mentrare qu'on appelle de ces sentencesdevantlajustice
ottomane, bien que ce droit soit réservé aux parties»
Un rabbin bosniaque est le chef de la communauté
Israélite, et, comme les évèques à l'égard des chrétiens,
il est le seul juge de ses coreligionnaires en matière
d'état civil.
Les services militaires de la province sont confiés,
d'ordinaire^ sous le contrôle du gouverneur ou vali, à
un officier général de l'armée, qui réside à Sérajévo.
Les finances^ recettes et dépenses» sont centralisées
entre les mains d'un chef spécial ehvoyé de Constant
tinople^ et qui à le titre de muhassebedji . Le service
des douanes est cependant confié à un agent de cette
administration qui rend directement compte de sa ges-
tion à la direction supérieure de Gonstantinople,
( i^ )
Ce ne fût qu'en rentrant réellement ett possession de
la Bosnie en 1851, que la Turquie put se rendre un
compte à peu près exact de l'importance de cette pro-
vince et du chiffre numérique de sa population. Aussi,
une des premières mesures que prescrivit alors le gda*
vernement, fut d'ordonner un recensement général de
tous les habitants musulmans et chrétiens. C'est en-
core ce travail statistique, quelque incomplet et défec-^
tueux qu'il a pu être, qui sert aujourd'hui de base à la
répartition de l'impôt (1) .
Veyalei, ou gddvernenjent de Bosnie, fut Scindé en
six sandjaks^ ou préfectures, qui sont restés^ à peu â6
modifications près, les divisions actuelles du pays.
Ces sandjaks, administrés chacun par un kaïmakam)
relevant du vi^ir od vali^ gouverneur général^ corres-
pondent à peu près aux anciennes capitaneriés^ qui
morcelaient auti'efois la province \ ce sont ceux de Se*
rajévo, Travénik, Bihatch, Banyaluka, Zvornik et
Ndvi-Bazar (2).
(1) tl est à pea près t:éftain que les chi^s de cette 8là(iftii<|tié
n'obt pa être d'une i^igoufeuse eiaétitudé. Lés popuJâtidtts haVMiètli
que le recensement ordonné par Omer Pacha, devait servir de base
pour rétablissement d'uil impôt personnel ou ner^ui, par tète d'habi-
tants mâles, et, dès lors, elles Ont dû, de connivence sans doute avec
les agents chargés de ce premier travail, dissimuler le nombre exact
des habitants des P^ahias afin de diminuer le chiffre de la taxaiiOn
dont chacun des districts allait être frappé.
(2) Bien que le saridjak de Novi-Bazar ait été détaché, il y a dix-
huit mois environ, de Teyalet de Bosnie, pour former un inutessa-
rifelik à part, je le maintiens cependant dans la division delà Bosiiié,
par la double raison qu'il en faisait partie réceihmeni encore et qu^il
va lui faire prochainement retour, par suite de la nouvelle organi-
sation projetée.
(40 )
Chaque sandjak fut subdivisé, comme il Test encore,
en nahiés ou mudirliks, soit en districts ou sous-pré-
fectures.
Le sandjak de Sérajévo comprend les districts sui-
vants : Sérajévo (urbain), Sérajévo (rural), Vissoka,
Foïnitza. Neretva, Tchelebi-Bazar (Rogatitza) (1).
Le sandjak de Travenik compte ceux de Travenik,
Zénitza, Livno, Glamosch, Ak-Kissar, Yaïtzé, Guiol-
Hissar et Prozor.
Le sandjak de Bihatch renferme ceux de Bibatcb,
Novosselo, Priédor, Novi, Dojibitza, Ostrojatz, Kroupa,
Stari-Meïdan, Kozaratcb et Kliutcb.
Le sandjak de Banyaluka a dans sa circonscription
ceux de Banyaluka, Dervent, Foscbani.
Le sandjak de Zvornik, vers la Drina, comprend
ceux de Zvornik, Biélina, Tuzla-Gornia ou supérieure,
Tuzla-Donia ou inférieure, Srébrénitza, Bertcbeka,
Kladani (2) , Gradacbats et Maglai.
Enfin le sandjak de Novi-Bazar, situé au S.-E., vers
les confins de la Roumélie, s'étend aux mudirliks de
Novi-Bazar , Novi-Waroscb , Sienitza , Mitrovitza ,
(1) La circonscription du sandjak de Sérajévo a été changée depuis
la même époque, c'est-à-dire depuis que celui de Novi-Bazar a été
détaché de la Bosnie, il y a environ dix-huit mois. Elle comprend
aujourd'hui : les districts de Sérajévo, urbain et rural, de Vissoka,
de Foïnitza, de Tchelebi-Bazar, auxquels ont été ajoutés ceux de
Vichegrad et de Tchaïnitza ou Tergovischta, pris sur le sandjak de
Novi-Bazar, et celui de Rladani, pris sur le sandjak de Zvornik.
Quant au district de Neretwa, il fut enlevé k la Bosnie pour être
annexé à THerzégovine.
(2) l\ fait aujourd'hui partie du sandjak de Sérajévo. Voyez la note
précédente.
(41)
Vichegrad (1), Fergovichta (2), Bihor et Akova.
Le plus peuplé de ces six sandjaks est celui de Zvor-
nik, qui compte 239 977 habitants, et le moins peuplé
celui de Novi-Bazar, qui n'en a que 92 198.
Dans tous les chiffres que renferme ce travail, les
troupes cantonnées en Bosnie ne sont point comprises.
Les chrétiens se divisent aujourd'hui en deux caté-
gories : ceux du rite grec oriental, dont le clergé
supérieur relève du patriarcat synodial de Constan-
tinople, et ceux du rite catholique, dont le clergé
indigène, supérieur et inférieur, est resté latin et a
conservé ses attaches avec le saint-siége et la congré-
gation de la Propagande de Rome. Les chrétiens
orthodoxes sont en bien plus grand nombre que les
catholiques. Cette différence numérique, qu'on ne
comprendrait guère si l'on ne se rappelait que le gou-
vernement national bosniaque que vainquit Mahomet II,
était catholique, s'explique par les fréquentes émigra-
tions qui, depuis la conquête et à la suite des longues
guerres de l'Autriche et de la Turquie, ont déplacé
une notable partie de la population latine qui s'est
réfugiée soit en Dalmatie, soit en Croatie, soit en
Slavonie, On cite, entre autres, une grande émigration
des catholiques qui, en 1C98, s'expatrièrent à jamais,
en suivant, dans sa retraite, le corps expéditionnaire
du prince Eugène de Savoie.
Outre l'élément musulman et chrétien, la population
de la Bosnie comprend aussi quelques Zingares, dont,
(1) Ce district fait régulièrement partie aujourd'hui du landjak de
Sérajévo. Voyez la note 1 de la page précédente.
(2) Und.
(42)
malgré toutes les investigations on ignore encore la vé-
ritable religion, et une colonie d'Israélites, d'origine es-
pagnole, venue vers la moitié du xv!!!"" siècle, soit de la
Roumélie, soit des États de Raguse 6t de Venise.
La population totale de la Bosnie, en 1864, peut
être évaluée et répartie de la manière suivante :
ChrétieDs du rit« oriental grec 410 796 âmes.
Musulmans 359 461 —
Chrétiens du rite catholique. 132 257 — (1).
Zibgares 9 965 —
Israélites 2 181 —
Etrangers * . . 1 947 —
total 916607 âmes. (2).
Je crois devoir justifier autant que possible ici
l'exactitude approximative de cette évaluatioUi — Je
l'ai établie ed prenant pour première base les états de
la statistique ordonnée en 1861 par Orner Pacha (S).
Aux totaux de ces états, qui ne font mention que des
habitants mâles, j'ai ajouté un chiffre équivalent aux
neuf dixièmes, pour représenter la population du sexe
féminin, d'après une proportion que j'indique à la fin
de ce mémoire ; puis à la somme réunie de ces nou-
veaux chiffres avec ceux de la population mâle des états
de 1851 , j'ai encore ajouté une plus-value de 8 p. 100^
(1) Un document des archives du couvent de Foïoilza faitconnattre
qu'en Tannée 1777, la population catholique de la province n'était
que de 73 053 âinés. Le « schematismus » de Tannée 1856 Télèveau
chiffre de 122 865.
(2) Voyez les détails au tableau IX du prochain numéro.
(3) Voyez les détails aux tableaux I à VU du prochain numéro.
(48)
représentant Taugmeotation approximative et relative
qui a dû se produire dans la population générale pen-
dant une période de treize années, c'est-à-dire de 1861 à
J86â. — Cette plus-value, je ne l'ai point estimée arbi-
trairement; elle résulte, par exemple, pour les catholi-
ques, d'un document dont l'authenticité ne saurait être
mise en doute, je veux parler du Schematismus (l),âu
Annuaire publié par les RR. PP. Franciscains de la
Bosnie qui, dans chaque paroisse, tiennent régulière^
ment une sorte de registre matricule de leurs ouailles.
Or, le Schematismus de l'année 1856 donne le chiffre
de 122 865 catholiques des deux sexes, et celui de
Tannée 186&, en élevant ce chififre à 132 257 individus,
constate une augmentation de 9 892 âmes dans l'es-
pace de huit années, soit un peu moins de 8 p. 100 (2).
— Je ferai observer, en outre, que la comparaison de mes
chiffres porte sur une période de treize années, de 1851
à 186A, tandis que la comparaison des deux totaux pré-
sentés par le Schematismus ne s'applique qu'à une
période de huit années seulement, ce qui explique
pourquoi j'ai pris la proportion de 8 p. 100, pour la
(1) « Schematismas alms tniisiooaris pratiocite BoiB« argentin»
ordinis fratnltn tninonim observantiam. »
(2) Encore une preuve jasiificatîTe de mon Mtimatioa t on procède
en ce moment à un nouveau recensement de Ja province* Celui de
Sérajévo urbain et rural qui est d^à fait a donné 31 462 habitants
mâles, soit, fen ajoutant les 9/10^' pour le sexe féminin, 40 778 Ames.
La différence entre ce résultat et celui des états de 1851, également
augmenté de ces D/IO®"*, n^est que de 3412! Individus, chiffre qui
représente bieb, à ped i^rès, raugttieiltatioli ap{)roiiiiiatite de S polir
100 survenne dans la pupulation de ce diitrict dans la période de
tleiieaBBéel*
(44)
plus-valne que j'assigne à la population générale, bien
que cette plus-value soit en réalité d'un peu moins de
8 p. 1 00, d'après les résultats des deux publications des
RR. PP. Franciscains. — Cette augmentation pour les
catholiques étant donnée et acquise, il m'a semblé na-
turel d'en appliquer le principe et le résultat aux chré-
tiens du rite grec oriental et aux musulmans bosnia-
ques, vivant de la même vie que les premiers, ayant
les unset'les autres les mêmes mœurs, et provenanttous
d'une même origine et famille slaves. Des motifs à peu
près analogues m'ont engagé à comprendre également
dans cette évaluation augmentative les *Zingares, et»
quant aux étrangers qui ne figuraient sur les états de
1851 que pour 1228, et qui sont représentés dans mes
calculs par le chiffre de 19&7, il me paraît très-pro-
bable que leur nombre a dû augmenter dans cette pro-
portion dans l'espace de treize années.
Donc, il demeure à peu près constant pour moi,
qu'en l'année 1864, la population totale de la Bosnie
s'élevait au chiffre de 916 607 âmes, dans lequel les
six catégories entrent dans les proportions suivantes :
Ghrétiens da rite grec oriental 44,71 Vo*
Masalmans 39,3i <>/o.
Chrétiens du rite catholique 14,42 ^j^
Zidgares 1 ,08 *!•.
Israélites 0,23 <>/o.
Étrangers 0,22 '/o-
Aucun mudirlik, aucun sandjak, n'est exclusive-
ment peuplé de chrétiens ou de musulmans ; partout la
population, à quelque croyance religieuse qu'elle ap-
partienne, est mélangée dans des proportions diffé-
(45)
rentes. — Toutefois, on peut dire que Téléraent ma*
sulman domine dans les sandjaks de Sérajévo et de
Novi-Bazar, tandis que les chrétiens se trouvent établis
dans une proportion plus considérable dans les quatre
autres sandjaks de Banyaluka, Trayenik, Bihatcb et
Zvornik.
La proportion entre la population chrétienne des
deux rites, dans sa répartition dans la province, s'éta-
blit de la manière suivante : La communion grecque
orientale est exclusivement établie dans le sandjak
de Novi-Bazar toul entier, et elle domine dans les
districts établis le long de la frontière serbe, à Tché-
lébi-Bazar, Srébrénitza, Zvornik, Tuzla supérieure
et Biélina, ainsi que dans ceux de Banyaluka et de
Bihatch, à l'autre extrémité de la province (1)« La
(i) Cette agglomératioD toute particulière de chrétiens du rite grec
dam le sandjak de Novi-Bazar et dans les districts qui longent la
rive gauche de la Drina, s'explique par ce fait qae le schisme de Photius
s'Introduisit en Bosnie, à cette époque entièrement catholique, par
la Serbie, pays limitrophe, qui, dès 1288, avait embrassé les nouveaux
principes religieux de Bjzance, et qu'il est naturel d'admettre que ces
populations bosniaques, placées précisément aux frontières serbes,
furent les premières à se convertir.
Des rives de la Drina le schisme s'étendit progressivement le long
de la Save et jusqu'aux frontières croates, tandis qu'il eut beau-
coup de peine à s'introduire dans les parties méridionales de la pro-
vince. La raison en est peut-être que les catholiques avaient là le
plus grand nombre de leurs couvents, entre autres ceux de Kréchévo,
de Foïnitza et de Suttinska, qui existent encore aujourd'hui. La prin-
cipale résidence des rois bosniaques était à Robovatz, non loin de
Suttinska, et il y a lieu de croire que ce voisinage ne contribua pas
p«u à maintenir la foi catholique dans les pays environnants et à
empêcher une trop grande extenaion du prosélytiime de l-Égliae
grecque^
communion catholique est presque seule professée dans
les districts de Prozor, Travenik et Vissoka, et elle
l'est par les trois quarts environ de la population
chrétienne dans ceux de Neretva, Foïnitza et Bert-
cheka.
La Bosnie n'ayant point été cadastrée et sa statistique
officielle étant fort incomplète dans plusieurs de ses
parties, il devient extrêmement difficile d'établir la
densité de sa population. Toutefois on peut arriver à
se former à cet égard une idée approximative en pre-
nant pour base un travail statistique du sandjak de
Bibatcb, exécuté en 1859 par les officiers autrichiens
des régiments frontières.
D'après ce travail, dont j'ai eu une communication
officieuse, la densité de la population dans ce cercle,
ou sandjak, s'établirait de la manière suivante :
IliUes carrés (I). Habitants.
Disiriet de Bihatch 23,30 23 835
-^ de NoTOSselo 22,28 17 850
^ de Priédor 9,53 19 460 "
— deNofi 11,00 13 550
^ de DabiUa 3,94 8 180
— de Ostrojatz 9,81 26 740
— de Rrapa 10,71 15 010
— de Stari MeïdaD 10,46 14 570
~- de Kosaratz 6,49 1 0 750
^ deKlîatch 12,12 8 720
De ces dix districts, le plus peuplé serait celui d'Os-
trojatz, qui aurait 2725 habitants par mille carré
(allemand), et le moins peuplé, celui de Kliutch, qui
n'en compterait que 720.
(1) Milles allemands de 15 an degré, oa de 7408 mètres.
(47).
Il n'e^t point indifférent d'observer que la densité
de la population est pli]s considérable dans les districts
limitrophes autrichiens, En effet, l'effectif du régiment
frontière d'Otoçbatz est de 1523, celui du régiment
d'Ogulin de 1786, celui du régiment de Sluin de 2632,
celui du deuxième régiment de Banat de 2560, et,
d'autre part, sur les confins militaires de la Croatie et
de laSlavonie, on calcule environ '2100 habitants par
chaque mille carré (allemand). Or, comme il existe une
grande conformité climatérique et territoriale entre le
cercle de Bihatch et ceux de la frontière autrichienne,
on est amené à estimer que sur le territoire bosniaque
il pourrait vivre un plus grand nombre d'habitants
qu'on n'en compte aujourd'hui.
En effet, la densité approximative de la population
du sandjak de Bihatch étant ainsi établie, onpeut^ en
la prenant pour base et attendu la grande analogie qui
existe entre ce cercle et les cinq autres de la province,
en inférer que dans toute la Bosnie, chaque mille carré
allemand pourrait aisément contenir 1331 habitants,
tandis qu'en répartissant toute la population actuelle
sur sa superficie totale qui est d'environ mille milles
carrés, on arrive à ne constater que le chiffre de
916 âmes sur la même surface (1).
La statistique turque et les données que possède
l'administration locale ne portent que sur les habitants
mâles ; de là une ignorance complète du chiffre exact
de toute la population de la Bosnie. Mais il est pos-*
(1) Pour obtenir U somme de cette superficie, j'«i simplement
procédé par une triangulation faite sur la carte de Kiepert de 1853.
( 48 )
sible de suppléer à cette regrettable omissioD en appli-
quant à cette province les calculs de proportion entre
les deux sexes obtenus dans les contrées limitrophes
quiy comme la Bosnie elle-même^ sont habitées par
des populations slaves méridionales.
A cet égard, par exemple, la statistique autrichienne
nous montre que tandis que dans les provinces alle-
mandes, le sexe féminin est en majorité (102&-1079 ha-
bitants du sexe féminin contre 1000 habitants mâles),
cette majorité appartient aux mâles dans les provinces
slaves méridionales (1000 mâles contre 929-979 habi-
tants du sexe féminin). Je crois donc être resté dans
des limites raisonnables lorsque j'ai ajouté à la somme
des habitants mâles, donnée dans les états de 1851,
une plus-value de neuf dixièmes pour représenter les
habitants du sexe féminin ; de telle sorte que j'ai obtenu
pour toute la population, y compris 8 pour 100 en sus
pour l'augmentation qu elle a dû subir pour le moins
dans une période de treize années, un chiffre total de
91(5 607 âmes. On peut calculer que la Bosnie, relati-
vement à son étendue superficielle et toute proportion
de la densité des habitants des contrées limitrophes
de l'Autriche gardée, pourrait compter une population
beaucoup plus considérable, qui s'élèverait à bien près
du double de celle qu'elle a aujourd'hui.
11 ressort de ces divers calculs une curieuse obser-
vation qui ne laisse pas d avoir un certain intérêt au
point de vue social et politique.
Étant donné, d'une part, que le nombre des maisons,
tel qu'il ressort des états statistiques de 1851, est en-
core le même aujourd'hui, bien qu'on soit autorisé, à
<49)
priori, à croire qu'il adû s'ac(5roitre depuis treize ans
en raison de Taugmeutation de la population dans la
même période, il en résulterait que la Bosnie, abstrac-
tion faite des habitations des Zingares, des Israélites
et des étrangers, posséderait :
Biaisons musulmanes 1981 1
Vttsons chrétiennes 62777
••
Total 112588 (1)
Il s* ensuivrait que si la fécondité était égale dans
les familles chrétiennes et musulmanes, les Musulmans
devraient représenter les &&,25 pour 100 de la popu-
lation, tandis que nous avons vu qu'ils n'en forment
en réalité que les 39, SA pour 100, et que les chrétiens
ne devraient compter que pour les 55,76 pour 100,
alors qu'ils représentent effectivement les 59,13 pour
100 environ, grecs et catholiques réunis.
D'où cette conséquence physiologique que la repro-
duction dans les familles chrétiennes est de beaucoup
plus grande que dans les familles musulmanes, et cette
autre conséquence politique que l'élément chrétien
tend à s'augmenter , tandis que l'élément mahométan
reste stationnaire, si même il ne diminue pas. Je ne
trouve d'autre explication de ces résultats que dans
les avortements clandestins qui sont malheureusement
si fréquents dans l'intérieur des familles musulmanes,
(1) Une preuve que le nombre des maisons a dû augmenter depuis
13 ans : pour les districts de Sérajévo, urbain et rural, par exemple,
les états de 1851 donnent le chiffre de 6223 maisons, et le nouveau
recensement auquel on procède^aujourd'hui s'élève à 6837, soit une
augmentation de 614.
XL JANVIER. &« A
(W)
coutume barbare tellement entrée dans leurs mœura
intimes qu'aux yeux de beaucoup d'entre elles elle n'a
aucun caractère de criminalité. Et qui pourrait dire
le nombre d'infanticides qui s'accomplissent, on est
autorisé à le croire, dans les harems où les regards de
la police et de la justice ne peuvent jamais pénétrer !
Dans la ffimiUe ç^r^U.enne, au CQRtraire» ces crimes
sont tout à fait inconnus, non-seulement parce que les
mœurs y sont beaucoup plus sévères, mais parce qu'on
y observe plus rigoureusement les préceptes religieux
ainsi que les lois humaines et naturelles.
En ce qui concerne la division et la nature du sol
de la Bosnie, voici l'opinion qu'on peut s'en former :
Dans la contrée de la Kraîna et plus particulière-
ment dans le sandjak de Bihatch, sur une superficie
de 119 milles carrés allemands, on compte, d'après la
statistique autrichienne précitée, 99 milles de forêts
et terres incultes, 11 milles 83 centièmes de terres la-
bourées et cultivées et 9 milles 82 centièmes de prairies.
Suivapt ce calcul, et la superficie totale de 1000 milles
carrés étant donnée approximativement pour toute la
Bosnie, la province entière comprendrait : 96 milles de
champs cultivés, 82 1/2 de prairies, et le reste, soit
822 1/2 de bois et forêts, de cours d'eau, de terrains
pierreux et montagneux, de terres incultes. En d'au-
tres termes, les deux dixièmes environ du territoire
^seraient formés de terres labour^lep et de prairies, et
les huit dixièmes restant, de taures improductives pour
l'agriculture proprement dite.
(il continuer,)
(61)
€yominiinlcatloiis, ete.
INSTRUCTIONS GÉOGRAPHIQUES
PpU^ »i. OSMIN L4P0RTE
Gonsol de France à Femamboac.
La province de Fernambouc est aujourd'hui la se-
conde du Brésil au point de vue commercial, bien
qu'elle n'en soit ni la plus étendue, ni la plus peuplée.
Son heureuse situation, par suite de son voisinage re-
latif de l'Europe, car grâce aux bateaux à vapeur trans-
atlantiques,elle n'est plus aujourd'hui qu'à quinze jours
de Lisbonne, lui donne certains avantages commerciaux
que n'ont pas les autres provinces de l'empire brési-
lien. La population y est considérable et active, un
assez grand nombre d'étrangers s*y sont établis ; la
culture du coton et de la canne à sucre ont pris de
grands développements ; enfin tout y est en progrès; et
cela, quoique la province soit en pleine zone torride,du
septième au quinzième degré de latitude sud, voisine
de la mer sur laquelle elle a deux cents kilomètres de
côtes, et malgré que, depuis 1850, elle ait été éprouvée
par la fièvre jaune et le choléra inconnus chez elle avant
cette date funeste.
Au point de vue géographique, toute la partie vpi-
sine de l'océan Atlantique est bien connue. Les côtes en
ont été examinées plusieurs fois par des navigateurs
portugais, espagnols, anglais et français. Nous con-
(52)
naissons les travaux de Famiral Roussin à ce sujet \ et
Ton sait que M. le commandant Mouchez^ de la marine
française, y a exécuté tout récemment une nouvelle re-
connaissance.
Il en est autrement de l'intérieur. La configuration
des chaînes de montagnes qui traversent la province du
nord au sud et de l'est à l'ouest n'est pas très-bien
connue ; on ne sait rien de leur altitude, quoiqu'elles ne
paraissent pas dépasser 1200 ou 1500 mètres; leur
composition géologique est en partie ignorée, et l'on n'y
a pas fait de grandes recherches au point de vue miné-
ralogique. La partie septentrionale de la province offre
de grandes plaines fertiles, tandis que la partie aus-
trale est traversée du nord au sud par une longue
chaîne qui limite à l'occident le grand Rio San-Fran-
cisco qui sépare cette province de celle de Bahia,
Le cours du San-Francisco est parfaitement repro-
duit dans un bel atlas spécial consacré à cette rivière
et qui a été lithographie à Rio de Janeiro il y a quel-
ques années. Mais tout ce qui reste à l'occident de ce
fleuve a besoin d'être reconnu géographiquement, car
il n'existe encore aucune bonne description topogra-
phique de la province. Le dernier ouvrage publié en
français, sur le Brésil, celui de M. de Lahure, ne donne
qu'une simple nomenclature des rivières, des chaînes
de montagnes, des villes, bourgs et villages qui se
trouvent dans cette partie du Brésil sans entrer dans
aucun détail. Quant au bel ouvrage en deux volumes de
M. Avé-Lallemand, Reise durch nord Brasilieriy il n'a
pas encore été traduit en français.
Ainsi donc, M. Osmin Laporte rendrait un véritable
(53)
service à la géographie en faisant une bonne monogra-
phie de la province de Femambouc. En effet, ainsi que
nous venons de l'indiquer, sauf sur quelques points, la
position d'aucune localité n'a probablement été déter-
minée par des observations directes ; il comblerait un
desideratum de la science sous ce rapport. Il pourra
faire aussi avec avantage une description du Rio
San-Francisco dont nous ne connaissons le régime que
par les observations du botaniste voyageur, M. Auguste
Saint^Hilaire, qui a parcouru une pai:tie de sa vallée de
4820 à 1825.
Il serait utile d'étudier la partie montagneuse, région
la plus dépeuplée de cette province et où il reste
encore quelques tribus indiennes de Tupis, Omanès et
de Ghacriabas, appartenant à la race Guaranie, et par-
lant la langue générale, c'est-à-dire le Guarani. Ces
restes de l'ancienne population indigène diminuent de
nombre lentement» tant par leur mortalité propre, la
variole, le peu de fécondité des femmes, que par leur
fusion avec le reste des Brésiliens. Nous n'avons aucun
renseignement sur le chifi're que cette population peut
atteindre aujourd'hui.
Quant à la population brésilienne proprement dite,
elle se compose d'abord des descendants des Portugais
émigrés pendant trois siècles et demi dans la province
de Femambouc, puis des nombreux Européens qui
sont venus s'y établir depuis 1820, enfin des nègres et
de leurs métis à tous degrés dont le chiffre est devenu
considérable. Une partie de ces noirs et métis sont
encore esclaves, mais il y en a au moins un nombre
égal aujourd'hui qui sont libres, et sont considérés
( M )
comme citoyens brésiliens^ Il est important de savoir
quelle est la loi de cette population si différente d'ori-
gine et qui paraît croître avec rapidité malgré les
maladies tropicales, malgré la fièvre jaune, malgré le
choléra. En effet, M. de Lahare la porte à 950 OOÔ
suivant le recensement de 18C0; elle n'était que de
550 000 suivant M. Warden, en 1831.
On affirme que la province de Fernambouc, malgré
sa situation dans la zone torride, est très-saine ; sur-
tout dans la portion nord-est, voisine de la province de
Pianhy. M. Laporte peut nous édifier sur cette salu-
brité ; il serait important de savoir dans quelle pro-
portion les Brésiliens et les Européens émigrés ont été
frappés par la fièvre jaune introduite dans la capitale
en 1850. Depuîscette époque, elle y est devenue endé-
mique, alors qu'elle y était inconnue auparavant, sauf
peut-être une épidémie passagère, en 1688, sur laquelle
on n'a que des renseignements incomplets. Cette ma-
ladie, si meurtrière pour les blancs en général, a été bé-
nigne pour les noirs et les mulâtres, tandis que tout ce
qui avait du sang africain dans les veines a payé un large
tribut au choléra. Les choses se sont-elles passées à
Fernambouc comme dans le reste des ports, du Brésil ?
Quelle est la mesure de l'immigration européenne
depuis un demi-siècle ? En dehors des Portugais qui
sont les plus nombreux immigrants, et des habitants
des îles Açores qui viennent au Brésil faire la concur-
•
rence au travail servile, quel est le chiffre approximatif
des Allemands, des Anglais, des Nord-Américains, des
Français, des Espagnols qui viennent s'établir sur ces
plages ? Retournent-ils dws leur paya d'origine, épou-
(66)
sent-ils des Brésiliennes et conséquerament s'établis-
sent-ils indéfiniment dans le pays? Qael est leur état de
santé habituel, leur longévité ? Conservent-ils leurs
forces physiques et intellectuelles 7 Tout ce qui a trait
à cette partie de la biologie humaine est éminemment
intéressant. Nous demanderons aussi des détails sur
leur postérité, sur la nouvelle génération qui se forme
du mélange du sang européen nouvellement introduit
au Brésil avec celui des Portugais plus ou moins im-
prégné de celui des indigènes ou des Africains importés
pendant les trois siècles précédents.
Une question très-importante et qui ne peut être
élucidée que par des faits, c'est d'établir définitivement
s'il est vrai que, malgré les origines et les mélanges
divers, le sang caucasien va lentement, mais d'une
manière sûre, prédominantparmileshabitantsduBrésil;
en d'autres termes, si chaque recensement donne un
nombre de plus en plus considérable de blancs, alors
que celui des noirs purs ou des gens de couleur reste
stationnairè ou même diminue. Enfin nous demande-
rons à M. Laporte si des colonies agricoles, à l'instar de
celles qui ont été fondées dans les provinces de Rio-
Grande du Sud, Sainte- Catherine et Saint-Paul, ont été
établies dans la province de Femambouc et quel esi
leur état actuel.
Au point de vue commercial, il y a beaucoup de ren-
seignements utiles à recevoir sur une région siège de
transactions si étendues. En dehors de la production
du coton, du café, du sucre et du tabac, cultures indus-
trielles principales qui font la fortune de la province,
quels sont les objets d'une véritable valeur que l'agri-
(5«)
ôultnre y produit? Où en est Tindustrie manufactu-
rière? et prévoit-on l'époque à laquelle de véritables
fabriques pourront être établies dans le pays,sinon pour
l'exportation, du moins pour fournir aux besoins locaux?
Quel est l'état des voies de communication et du che-
min de fer commencé ?
Nous savons que l'agriculture brésilienne souffre
beaucoup en ce moment par suite du manque de bras.
La traite complètement suspendue depuis 1850 ne four-
nit plus les esclaves sur le travail desquels repo-
sait la production agricole. La mort, les affranchisse-
ments nombreux réduisant chaque année le nombre des
ouvriers de couleur qui formaient jadis le personnel des
plantations, comment l'agriculture brésilienne pourra-
t-elle sortir de cette crise ? Le sol de Fernambouc est
assez salubre pour que les blancs puissent, malgré le
climat tropical, se livrer à la culture. Se forme-t-il une
classe de petits propriétaires nationaux, blancs ou mé-
tis, se mettant sérieusement à Y œu\re 7 Les Moradores
ou petits blancs delsL campagne, ainsi que Ton nomme
cette classe aux colonies françaises, secouent-ils leur
apathie bien connue pour se mettre au travail rural et
produire des denrées dont la vente leur permettrait
une aisance dont ils ont paru peu se soucier jusqu'à
présent? Le développement commercial de Fernambouc
nous donne S croire que le mouvement a commencé,
mais nous serions heureux que M. Laporte voulût
bien nous renseigner exactement sur ce sujet.
Enfin la Société de géographie sera toujours très-
reconnaissante à M. Osmin Laporte des renseigne-
ments qu'il lui fournirait sur les documents» ouvrages
(57)
OU cartes, qui peuvent se publier à Fernambouc, soit
relativement à l'ensemble de l'empire du Brésil ou aux
provinces de cet empire, soit au sujet de la province
même de Fernambouc. La Société prendra également un
vif intérêt à la mention des explorations gui viendraient
à être entreprises, des voies nouvelles de communica-
tion qui seraient ouvertes dans le pays, en un mot à tout
ce qui peut l'éclairer sur la configuration physique et le
relief de la contrée où réside M. Osmin Laporte.
Tels sont les principaux points sur lesquels nous
n'hésitons pas à attirer l'attention de l'honorable consul
de France à Fernambouc. Nous bornons là nos courtes
indications, certain qu'il comprendra facilement tout ce
que comporte la monographie exacte et pratique d'une
. fraction du Brésil aussi importante que celle de Fernam-
bouc, province avec laquelle l'Europe en général et la
France en particulier ont tant de relations. Les com-
munications de l'ancien continent avec le nouveau se
multiplient chaque jour, et par conséquent augmentent
d'importance et de valeur ; la plupart des États et des
provinces de l'Amérique du Sud sont peu connus ; tout
ce qui peut contribuer à montrer à l'Europe leurs res-
sources, leur richesse native qui n'attend que des bras
pour être fructueusement exploitée, est un véritable
bienfait pour l'humanité.
D^ Martin de Moussy.
( W)
Aeiem de la Soeiété.
ElTRAltS DB8 PROCÈS-VERBAUX D£â 8ÉAMCEII.
I I I r»
Assemblée générale du 15 décembre \.%Qhi
La séance est ouverte à huit heures.. En T absence
du président de la Société, S. Exe. le marquis de
Chasseloup-Laubat, ministre de la marine et des colo-
nies , le bureau est présidé par M. de Quatrefages,
président de la Commission centrale, ayant à sa droite
M. d*Avezac, vice-président delà Commission centrale,
M. Vivien de Saint-Martin, scrutateur, et M. Malte-
Brun, secrétaire général de la Commission centrale,
et à sa gauche, M. l'avocat général Blanche, scruta-
teur, et M. Bourdiol, secrétaire de la Société.
Le président ouvre la séance ; il donne lecture d'une
lettre de M. le marquis de Chasseloup-Laubat. Son
Excellence exprime son regret de né pouvoir, par suite
d'une indisposition, présider la séance, et adresse sesre-
mercîments à la Société pour l'honneur qu'elle lui a fait
en le réélisant à la présidence pour l'année 1865-
1866,
M. de Quatrefages donne lecture de la liste des
membres de la Société admis depuis la dernière assem-
blée générale, et fait remarquer que la Société de géo-
graphie prend de jour en jour plus d'extension.
M. d'Avezac offre de la part de MM. Firmin Didot,
éditeurs, Le livre de Marco PolOy par M. G. Pauthier ;
il donne lecture d'une notice h ce sujet.
(59)
M. de Quatrefages dépose sur le bureau, de la part
de M. Barbie du Bocage, la table analytique des ma-
tières du Bulletin de la Société, 3** et à"" séries, an-
nées 18&A-1860.
M. Eugène Gortambert présente, de la part de M. le gé-
néral de Mosquera, ministre plénipotentiaire des États-
Unis de Colombie à Londres, et de M. Manuel Ponce,
ingénieur géographe colombien, Tatlas des États-Unis
de Colombie et la carte particulière du cours de la
Magdalena. Il présente aussi, de la part de l'auteur, le
nouveau globe terrestre de M. Grosselin, et dépose
sur le bureau des lettres adressées au président de la
Société par le général de Mosqueraet M. Grosselin pour
accompagner ces hommages.
M. Malte-Brun, secrétaire général de la Commission
centrale, donne lecture du rapport annuel sur les tra-
vaux de la Société et les progrès des sciences géogra- .
phiques pendant l'année 1865. Cette lecture est écou-
tée avec le plus vif intérêt.
Le président profite de la présence du frère de
M. Baker, l'explorateur dans la région des sources du
Nil, pour le prier de se faire auprès du hardi voyageur
l'interprète des sentiments d'estime et de sympathie
de la Société. Ces paroles sont accueillies par d'una-
nimes applaudissements.
M. le comte de Montblanc donne communication
d'un intéressant mémoire sur Tétat actuel du Japon
et l'avenir des Européens dans ce pays.
M. Vivien de Saint-Martin lit une notice sur M. Pal-
grave et sur les résultats de sa récente exploration
dans r Arabie intérieure; il dgnale ensuite la perte
( 60 )
douloureuse que vient de faire la géographie en la per-
donne du docteur Barth; M. Vivien de Saint-Martin
retrace la vie et les travaux de l'illustre voyageur.
M. Richard Gortambert raconte le voyage des dames
Tinné au Bahr-el-Ghazal, et ce récit vivement coloré
termine dignement la séance, à laquelle assistait un
auditoire nombreux et sympathique.
La Société procède ensuite par voie de scrutin an
renouvellement quinquennal de la Commission cen-
, traie. Sont élus : MM. Antoine d'Âbbadie, d'Avezac,
Jules Duval, Barbie du Bocage, Edouard Gharton,
Eugène Gortambert, Malte-Brun, Mauuoir, de Quatre-
fages, de l'Institut, Vivien de Saint-Martin, Elisée
Reclus, Meignen, notaire, trésorier de la Société, Pou-
lain de Bossay, Reinaud, de l'Institut, Alfred Demer-
say, le comte d'Escayrac de Lauture, Victor Guérin,
Lefebvre-Duruflé, sénateur, Léon Morel-Fatio, Max.
Deloche, Ernest Desjardins, Gabriel Lafond, Alfred
Maury, de l'Institut, de la Roquette, Guigniaut, de
l'Institut, Noël des Vergers, Trémaux, Ernest Morin,
Alexandre Bonneau, Jacobs, Martin de Moussy, l'ami-
ral Paris, de l'Institut, Richard Gortambert, le vicomte
de Rostaing, Bourdiol, Sédillot.
La séance est levée à onze heures.
Procès-verbal de la séance du 6 janvier 1866.
PBÉ8IDBHCB DB «. DE QUATKBFA6ES ET DE M. D'AVBZAC.
Le procès-verbal de la précédente séance est lu et
adopté.
M. Bourdiol, secrétaire de la Société, donne corn-
(ei)
muâication du procès-verbal de rassemblée; générale
du 15 décembre 1865.
H. de Quatrefages exprime le vœu qu'il soit désor-
loais envoyé aux membres de la Commission centrale
une lettre de convocation pour chaque séance. Cette
proposition est immédiatement adoptée. — M. Vivien
de Saint-Martin voudrait que la- convocation indiquât
en même temps Tordre du jour; mais le secrétaire
général fait observer qu'il est presque toujours difficile
^e dire à l'avance quels sont les sujets qui doivent
être traités, et le bureau ne peut donner de désigna-
tion précise que dans quelques cas exceptionnels.
Lecture est faite de la correspondance, M. Stanislas
Nogbera, homme de lettres^ remercie de son admission
comme membre de la Société. — Le général Blondel
envoie, au nom du ministre, le supplément, récenunent
publié, au tome IX du Mémorial du dépôt de la
guerre. — M. Ernest Frignet adresse un volume sur la
Californie. — M. Grosselin fait hommage d'un globe
terrestre et d'une carte d'Europe. — MM. Jules Duval,
Edouard Charton, Elisée Reclus demandent que la
Société fonde un prix annuel de 500 francs pour un
bon traité de géographie, un bon atlas, un bon globe
terrestre : cette proposition est renvoyée à l'examen
préalable de la section de comptabilité.
M. Le Saint, sous-lieutenant d'infanterie, écrit pour
demander à la Société qu'elle veuille bien donner son
appui moral à une tentative de voyage qu'il se propose
de faire dans la région qui sépare le haut Bahr-el-
Ghazal du Gabon : M. de Quatrefages déclare que
personnellement il n'a pas hésité à encourager le projet
(62)
de M. Le Saint ; mais comme président de là Commis-
sion centrale, il pense qu'il y a lieu de nommer une
commission pour examiner ce qu'il ctniVient de faire.
— M. Henri Duveyrier fait valoir l'importance des
résultats que donnerait la réussite d'une semblable
entreprise : une reconnaissance des grands lacs de
l'Afrique équatoriale qui se rattachent aux sources du
Nil serait un pas important dans la question qui préoc-
cupe depuis des siècles ; au point de vue de la linguisr
tique, le Toyage projeté conduirait également à de pré-
cieuses données : M. Le Saint passant entre le Baghir-
mi et le Dhor pourrait recueillir un vocabulaire qui
compléterait heureusement les renseignements acquis
déjà sur les idiomes de ces deux contrées. Ce serait une
gloire pour notre pays qu' un Français eût, le premier ,
tracé un itinéraire tout au travers de l'inconnu qui
s'étend du Haut Nil au Gabon. M. Duveyrier ajoute
que M. Antoine d' Abbadie est tout disposé à se charger
d'initier M. Le Saint aux procédés d'astronomie pra-
tique nécessaires pour an voyage de ce genre. — Sont
nommés membre de la commission appelée à examiner
la demande de M. Le Saint : MM. Antoine d'Abbadie,
Eugène Cortambert et Henri Duveyrier.
Le général de Mosquera, président des États-Unis de
Colombie, en adressant h la Société l'atlas récemment
terminé du territoire de cette république, demande
que ce travail soit l'objet d'un rapport particulier ;
MM. Eugène Cortambert, Vivien de Saint-Martin,
Elisée Reclus sont désignés pour cet objet. — M. le
coiiseiller Fornerod, président du département fédéral
militaire de la confédération suisse» adresse, à titi^
(68)
d*échaDge avec les publications de la Société de géo^
graphie, un exemplaire de la carte de la Suisse à
l'échelle de 1/100000% dressée sous la direction dn
général Dufour. Le secrétaire peni^ qu'en témoignage
de la haute estime de la Société pour cette œuvre
remarquable, il y aurait lieu de décerner à Téminent
directeur le titre de correspondant étranger de la
Société, à la place laissée vacante par le décès du color
nel Abert, des ingénieurs topographes des États-Unis.
Cette proposition est acaueillie par un assentiment
unanime^ et le général Dufour est, en conséquence,
nommé immédiatement correspondant étranger de
la Société de géographie.
Par suite à la correspondance, M. Barbie du Bocage
dépose sur le bureau la liste des postes consulaires
auxquels est envoyé le Bulletin de la Société de géo-
graphie, par les soins du ministre des afikires étran-
gères. — M* Barbie du Bocage remet, de la part de
la directioQ des consulats et affaires commerciales de
ce ministère, une note sur le territoire de Delhi à Su-
matra. — M. Richard Gortambert annonce que H. Pe-
trus Truong Vinhki, l'un des membres de la dernière
ambassade annamite à Paris, enverna prochainement à
laSociété un travail sur rempired'Annam. — M. Ramel
donne connaissance d'une lettre qu'il a reçue du
docteur Ifueller de Melbourne et qui annonce le pro-
chain envoi de documents adressés à la Société de
géographie par le Royal Society of Melbourne. M. Ra-
mel ajoute que, d'après les dernières nouvelles, Texpé-
diUon envoyée à la découverte sur le sort de Leich-
hardt ^ait arrivée à Boola dans de bonnes conditions ;
tÔ4)
parvenue au tenue du terrain sec, elle allait entrer
dans la région tropicale où Teau est en abondance. L'ex-
pédition avait perdu les traces de Leichhardt, qu'elle
avait pu suivre jusque-là. — M. d' Avezac donne com-
munication, par extrait, d'une lettre qu'il a reçue
du docteur Georges Asher, de Heidelberg, éditeur des
voyages de Hudson dans la collection publiée à Londres
par la Eakluyt Society. Elle contient d'intéressantes
remarques de la part d'un savant très-versé en ces
matières, sur le projet d'exploration du pôle nord qui
préoccupe en ce moment les marins, les géographes et
les savants en Angleterre et en Allemagne. — M . Rivière
père, à Mauzy-sur-le-Mignon, informe la Société que,
propriétaire de la maison où naquit René Gaillié, il se
dispose à mettre cet immeuble en vente et qu'il a cru
devoir faire à la Société de géographie les premières
offres d'achat.
Lecture est donnée de la liste des ouvrages offerts.
Par suite à cette liste, M. Malte-Brun dépose sur le
bureau un catalogue des arbres et arbrisseaux réunis
chez M. Poulain de Bossay, lequel a joint à cette brochure
une lettre d'envoi dans laquelle il exprime occasion-
nellement l'avis que la rédaction des procès- verbaux
pourrait être abrégée, en ne reproduisant pas une
seconde fois, à la suite du nom des candidats admis à
faire partie delà Société, celui des membres qui les ont
présentés. — M. Jules Du val offre : l*" de la part des
traducteurs un exemplaire de la petite géographie phy-
sique de Maury, traduite en français par MM. Zurcher
et MargoUé ; 2'» un numéro de Y Economiste français où
il a rendu compte de la dernière assemblée générale
(65)
et du banquet de la Société de géographie. — H. Eu
gène Gortambert fait hommage à la Société, de la part
du général de Mosquera, d'un exemplaire de la carte du
Rio-Magdalena. — Il dépose ensuite sur le bureau,
de la part de Fauteur, M. Manier, un exemplaire de
la carte statistique de l'instruction publique en France ;
M. Gortambert voudra bien faire une note à ce sujet.
— M. Malte-Brun offre personnellement à la Société
un globe céleste de Poirson qui était la propriété de
son père. Le président remercie le donateur de cet
hommage, qui est à la fois un souvenir du Malte-
Brun d'autrefois et de celui d'aujourd'hui. — M. d'A-
vezac dépose sur le bureau, de la part de M. Arthus-
Bertrand, un exemplaire de la brochure de M. Roux,
capitaine de frégate, sur les câbles électriques. —
M. d' Avezac offre en outre, au nom du prince Balthazar
Boncompagni, un exemplaire tiré à part d'un mémoire
sur Petrus Adsigerius et les pbis anciennes observa-
tions de la déclinaison de taiguille aimantée^ publié
en 1885, par le professeur Wenckebach, de Leyde,
dans un recueil hollandais fort difficile à se procurer
aujourd'hui ; le prince Boncompagni en a fait faire
une traduction française, qui a été insérée par ses
soins dans les Annalidi matematica de Rome. Le sujet
de ce mémoire n'est autre que la fameuse lettre sur
Taimant, adressée au XIIP siècle par Pierre de Mari-
court à Syger de Foncancourt, et dont la Société de
géographie avait, il y a quelques années, manifesté
l'intention de doùner une édition complète dans son
Recueil de Mémoires. — M. Maunoir remet de la part
de M. Le Mesle, la photographie d'une statuette de
XI, JAI9VXEB. 5. &'
(66 )
BoùdSab trouvée à Ankore, — et de la part de M. Gar-
ciû dé Tàssy un exemplaire de soh deruier discour»
d'ouvertni*e à la i^eprise de àon cours d'hindoustani à
r école des langues orientales vivantes.
II est procédé à l'admission des candidats inscrits au
tableau de présentation. Sont admis à faire partie de là
Société : M*^" Hommaire de Hell, M. Édouatd Levieiijt,
ancien vice-consul, et M. Delesse, ingédieur des mines.
Sont présentés poUr faire partie de la Société : H. A.
de Rivera, directeur du journal espagnol le Pabellan
tiacimiai, présenté par xMM. Gabriel Lafond et Petit
Didier. — M. Adolphe Hoiiegger, consul de Bolivie,
présenté par MM. Gabriel Lafond et Petit Didier. —
M. Charles Leiden, consul de Saxe, présenté pâf
MM. Gabriel Lafond et Petit Didier. — M. Lopeï de
Arosèméba; présenté par MM. Gabriel Lafond etHerran.
— M. Jacinto Guetierrez CoU, présenté par MM. Ga-
briel Lafond et Torrès Caïcedo. — M. le comte de Ros-
coât, cohsul de France, présenté par MM. le comte de
Mbntblanc et Paul de Laboulaye. —M. Reille, capitaine
d'état-major, présenté par MM. Chanoine etMaunoir. - —
M. Regnault, vice-amiral, présenté par MM. le vice-
amiral Paris et d'Avezac. — M. le baron Seillière, pré-
senté par MM. Michel Chevalier et Bourdiol. — M. ie
baron René Servatius, présenté par MM. Michel Che-
valier et Bourdiol. — M. Càrteret, ancien conseiller
d'État, présenté par MM'. Michel Chevalier et Bourdiol.
— M. de Lafressange, ancien secrétaire d'ambassade,
présenté par MM. Michel Chevalier et Bourdiol. —
M. Edmond Dollfus, agent de change, présenté par
MM. Guillaume Rey et Maunoir. — M. Paul Ernault^
(67 )
éx-officier d'infanterie de marine, présenté par
SiM. Guillauiaae Rey et Maunoir. — M. Théodore Dela-
inarre, présenté par MM. Richard Côrtambert et dé
Quatrèfages. — M. Lacaze-Duthiers, professeur au
Muséum, |)i*èsënté par MM. Ricbstfd Gortâmbertet de
Quatrefageâ. — M. Duhamel, memfcre de l'Institut,
présenté par MM. d'Avezàc et de Quàttèfages. —
M. Jules Marcou, présenté par MM. de la ftoquette et •
Richard Côrtambert. — Madame la comtesse Dora
d'Istria, Jirësentée par MM. Richard Côrtambert et
Bourdidl. — M. Eugène Schœlcner, capitaine d'artil-
lerie, présenté j^dt lilM. de (Juàtrefages et Eugène
Côrtambert. — M. le général de Mosquera, président
des États-Ùhis de Colombie, présenté {)ar IVtM. d' Avezac
et Eugène Côrtambert.
M. Eugène Côrtambert fait observer que M. le géné-
ral de Mosqiierâ étant sur le point de partir pour TAmé-
rique, il y aurait lieu d'invoquer en sa faveur le pré-
cédent qiii àutorii^e, en certains cas exceptionnels, à
procéder îteinédiâtemént à l'adthissiori. Cette propo-
sition est adoptée. En conséquence, M. lé général dé
Mosquera est excë|itionnellethent admis, sans désem-
parer, cottikie ihembre de la Société.
Il est ensuite procédé ad renouvellement du bureau de
la Commission centrale ; sont élus : Président, M. d' Avè-
zac ; viceprésidebis, MM.JiilesDuvaîetdeOûatrefages ;
secrétaire-général, M. Malte-Brun ; secrétaîfès-adjôihts,
MM. Maunoir et V.-A. Bàrblé du Bocage.
Les autres membres de la Commissioii centrale son
alors répartie ehtrë les itoU sections réglementaires,
sdnsi qu'il suit :
(68>
Correspondance : MM. Alexandre Bonneau, comte
d'Escayrac de Lauture, Guigniaut, de Tlnstitut, Alfred
Maury, de l'Institut, Noël des Vergers, correspondant
de rinstituty le vice-amiral Paris, de Tlnstitut, vicomte
de Rostaing,Sédillot, Trémaux, Vivien de Saint-Martin.
Publication : MM. Antoine d'Abbadie, correspondant
de rinstitat, Eugëue Gortambert, Richard Gortambert,
Alfred Demersay, Ernest Desjardins, Victor Guérin, de
laRo^ua tte, Martin de Moussy, Morel-Fatio, Ernest
Morin, Elisée Reclus, Reinaud, de llnstitut.
Comptabilité : MM. Edouard Charton, Maximin
Deloche» S. Jacobs, Gabriel Lafond, Lefebvre-Duruflé,
Poulain de Bossay.
Le président propose d'adjoindre à la Gommission
centrale un cert ain nombre de Membres de la Société
auxquels leur assiduité aux séances et leur zèle éprouvé
donne un titre particulier à cette distinction. Sont en
conséquence nommés membres adjoints de la commis-
sion centrale : MM. Arthus-Bertrand, le contre-amiral
BoUe, Jacques Dubochet, E. de Froidefond des Farges,
Grimoult, "William Hûber, Lecoq et Georges Perrot.
Les neuf membres adjoints sont immédiatement
répartis par tiers entre les sections, ainsi qu!il suit ;
Correspondance : MM. E. de Froidefond des Farges,
Grimoult et William Hûber.
Publication : MM. le contre-amiral BoUe, Lucien
Dubois et Georges Perrot.
Comptabilité: MM. Arthus-Bertrand, Jacques Dubo-
chet et Lecocq.
La séance est levée à 10 heures et demie.
■MHb
( 69)
Séance du i9 janvier 1866.
PRESIDENCE DE M. D'AYBZAC.
Le procès-verbal de la précédente séance est In et
adopté.
M. Lefebvre-Duruflé, président de la section de
comptabilité, annonce pour la prochaine séance la pré-
sentation du rapport sur l'exercice 1865. Il regrette
d'avoir à faire observer que les dépenses ont de beau-
coup dépassé les prévisions du budget et il insiste sur
la nécessité de se mettre rigoureusement en garde
contre le retour de cette irrégularité.
Le secrétaire-général donne lecture de la correspon-
dance :
Le ministère de Tinstraction publique annonce qu'il
a porté à 1000 francs l'allocation annuelle accordée
à la Société par son département en échange de 50
exemplaires du Bulletin. — Le président fait remar-
quer l'évaluation à 20 francs par exemplaire qui
ressort de ce chiffre total, et qui répond à une néces-
sité, déjà reconnue dans le sein de la section de comp-
tabilité, d'élever le prix du Bulletin à un taux mieux
proportionné au prix de revient : l'exemple donné par.
le ministère de l'instruction publique est un précédent
favorable qu'il y aurait lieu de faire valoir auprès des
autres départements ministériels, et qu'il conviendrait
d'étendre aux abonnements privés. — M. Reclus pense
qu'augmenter le prix du Bulletin n'est pas le moyen
d'augmenter le nombre des abonnés, et qu'il entre dans
le but de la Société de répandre le goût de la géographie.
L'agent de la Société fait connattre qu'il a demandé
(70)
cpiinze francs, an lieu dedonze, pour le renouvellement
des abonnements de'cette année, et que cette augmen-
tation a été acceptée par tout le monde sans di£Q[culté«
]>I.Sédillo)t .écrit ppur s'excn§jer de ne pouvoir ai^in-
ter à la séance de ce jour. — Madame Honunaiir^ iji^
Pell et M. piivals, capitaine d'artiller^p, renotençient
de leur admission comme membres de la Société. — L^
préfet du Loif-et-Cher exprime ses f çgre^ de. ce fliug,
pour des faisons bjtjicjgétairçs, il n'^i pa$ été pos^J>Je
.^u conseil géniéral (Je son département de voter des
p^esijres effectives en faveur du nivellement de }a
France : M. de Quatrefages exprime l'espoir que 1^
Society tepter^ de nouvelles démarches en faveur de
cette œuvre si impoi*tante, et pense que des sollipita-
tipns ^réitérées finiront par aliéner m résultat. —
M. (J'Avezac lit, paj- ^ xtraitç, unç lettre qu'il a Jr(<çt^
jje M. le ,capi!t§iine de fpégate Vallon, et qui çonJ;iei?t
des déta^)â sjgyi* la récente expjëdiiiof) militaire ^pf^ép
par le colonel du génie pinet-Laprade, gouverneur dv
j^énégal, contre le marabout Sfiaba, chef d'un fapas
fie tous les brigands de la Sénég/Simbie, f^etrancb^ §^x^
le Rip ou Badibou, (^'où il (dirigeait 4Ç3 inci^irsio^^ ^p
pillage inquiétantes pour la sécurité de notre cplppiçl
^. Vallon sigpçde p^rticuUèreip,ei;it cette cirçppsjàpce
que, trois }9Vf^ ?pf es le corpfcat du 30 f^oyembre. qiii
^ fait un grand pombre ^e victimes, les cadayres de^
poirs avaient pris une teipte jaune al?§olumenjt pareille
,i celle des Européenj^ restés $ur le champ de batailj[<ç.
— Le secrétaire généi-al comm.ijiniqi^i^ ^ 1^ Société Iç
vœu exprimé par Jfi.. Guarmapi d'être ^utprisé |t fair^
tirer* ^ ^ ^^^' ^ c^ertaip nojrii^rp à'fi^fapflfii^ de
(71 )
sa carte itinéraire ie Jérasalem au M^dg^d 9{p|;$si;f io-
nàl : cette aiitorisatioD est accordée.
Lecture est donpée de la liste de^ p^vragg? pIT^r^
— Par suitç de c§tte liste, M. d'^vez^c gf^ente dp la
part de Tauteur, M. Apquetil, pevjBi; 4es dçijx apcipp§
académiçiçps ^e cç nom, un volupté intitulé : 4/^^
chasses^ qui con^iept d'excellents chapitres descrip-
tifs sur la Pirmanie. — U» d'Avezac reajiet auss|, de 1^
p^rt dç tf . )e comte Upsisel-Killougl), upe intérpssi^tf
brochure sjff les Pyrénées, dont Tapte^ir ^ fait ppypji
p^ une lettre qpi est déposée sur Je burç^u. —
M. Barbie du Bocage fait la remi§;p d'up trayail ijci^p^g-
crit de H. Titus Coaij, paîssiQuuaire aypéricain, ^ur
les phénomènes vplçaniques 4? l'ÎJlÇ Hawaï ; Bf. Cojiç
soljicitç i' envoi çj'un numéro 4p Bulletjp qù ce ffi^y^aji
^ura été inséré. — U. Barbie du Boc§ige dépp^e, gp
Q\xtf,^9 (le la p^JT)) di| mipjstérp de^ afjTaires étrangèj:e^,
un méiûoire dp Jf . f-eje^n sur une partie (je la BiJ;|}y-
nie, avec une carte qu'il serait peut-être iijtérçssjujt
de puWipr. ftenypi ppur ce trayai), çoiftnsfç pQur Jgpié-
céclept, aux sectiops ^de pqbUca|;iop et fie cofi^pf^bilit^.
— M. W^upoir, à ^pn tpuç, offrç : 1? de la fi^j:\de ^. je
baron de Schrençt, directeur des travaux topograpbiy
que§ du duché d*Pl4enJ)ourg, diverses car);çs ^e ^
pays et de^x fasçiçi^Çs ïgli?ttif§ à )['e;jécutioq de |a carjç
<}u duché ^ r écheUe de ^ /5P Oft.Q ; i' de la paft dç JJ. le
capit^ipe §chppi4eF, cjief de la section tppogr^pjjiqije
du grand-duché de Pade, un pjian des enyirop^ (jl^
Freîbi?rg et un plan des envirpp^ de Ba^t^|;» toiis deux
à J'écbelle de ^/2&00Q, et quelques feuilles (Je la caffe
du gïwfhdpçbé 4? m§ ^ rép^Uç .40/^0 ogo/-^
L.
( 72 )
M. Jules Duval dépose snr le bureau un numéro du
Journal des Débats où il a rendu un compte sommaire
de la séance générale et du banquet de la Société.
Il est procédé à l'admission des candidats inscrits
au tableau de présentation. Sont admis comme mem-
bres de la Société : MM. A. de Rivera, directeur du
journal espagnol le Pabellon wacîOTWï/; Adolphe Honeg-
ger, consul de Bolivie; Charles Leiden, consul de
Saxe ; Lopez de Arosemena ; Jacinto Gutierrez Coll ;
le comte de Roscoât, consul de France ; Reille, capi-
taine d'état-major; Reynaud, vice-amiral; le baron
Seillière ; le baron René Servatius ; Carteret, ancien
conseiller d'État ; de Lafressange, ancien secrétaire
d'ambassade; Edmond Dollfus, agent de change ; Paul
Emault, ex-ofBcier d'infanterie de marine ; Théodore
Delamarre ; Lacaze-Duthiers, professeur au Muséum ;
Duhamel, membre de l'Institut ; J. Marcou ; Eugène
Schœlcher, capitaine d'artillerie ; Madame la comtesse
Dora d'Istria.
Sont inscrits au tableau de présentation : M. le co-
lonel Dubois, ministre résident de la république
d'Haûli, présenté par MM. Gandido Bareiro et William
Martin. — M. Lanée, éditeur de cartes, présenté par
MM. Erhard et Maunoir. — M. Vuillemin, géographe,
présenté par MM. Erhard et Maunoir. — M. Armand
Landrin, présenté par MM. de Quatrefages et Edouard
Gharton. — M. Gaston de Selancy, présenté par MM. de
Quatrefages et Eugène Gortambert.
M. Eugène Gortambert donne lecture du Raipport
dont il avait été chargé sur l'ouvrage de M. Paul Riant,
intitulé : Expéditions et pèlerinages des Scandinaves
('73 )
en Terre-Sainte aa temps des Croisades. Ce rapport
sera iuséréau Bulletin.
M. Victor Guérin lit ensuite un compte rendu déve-
loppé du dernier ouvrage de M. de Saulcy sur son
€ Voyage en Terre-Sainte. ï^ A cette occasion, M. Rei-
naud signale le témoignage d'un historien oriental
qui vient confirmer un fait géographique recueilli sur
place par le voyageur. M. de Saalcy, dans la relation
de son premier voyage en Syrie, raconte qu'en visitant
le mont Garizim, dans le pays des Samaritains, il vit
auprès des ruines du temple de Garizim, d'autres
ruines considérables, et qu'ayant demandé aux indi-
gènes qui l'accompagnaient, d'où provenaient ces
dernières, il lui fut répondu que c'étaient celles d'une
ancienne ville du nom de Louza ; comme aucun livre
imprimé ne fait mention d'une ville de ce nom en cet
endroit, plusieurs savants soupçonnèrent que M. de
Saulcy avait été induit en erreur. Dans sa seconde
visite au mont Garizim, en 186i (tome IP de la nou-
velle relation, p. 2à6) , M. de Saulcy ne manqua pas
de demander de nouveau quelles étaient ces ruines,
et il lui fut fait la même réponse. Or une ville du nom
de Louza est citée, comme ayant existé jadis non
loin du temple de Garizim, dans une histoire des
Samaritains écrite en arabe par un Samaritain appelé
Aboul-Fath, lequel vivait vers le milieu du xiv' siècle.
Le texte de cette histoire a été publié en 1865, à
Gotha, par M. Edouard Vilmar, sous le titre de Abul--
Fathi annales Samaritani.
La séance est levée à 10 heures et demie.
(74)
Mouvelles et fait» séographlques
SOCIÉTÉS DE GÉOGRAPHIE ÉTRANGÈRES.
SCM:uiTÉ IMPÉRIALE GÉOGRAPHIQDE DE SAINT-P^TERSBOUIiG.
^'île de Ceylaru — M Société ioGipériale géographique de
Saint-Pétersl^purg ^ tei|u je 8 d^ceo^l^re derpjer 3a trofsi^^
assemblée générale. Au commencement de la séance, Of. Bous-
• . ..'''' ► . ' . ■ ■•il . ■ '
chen a lu des notices nécrologiques sur deux membres de la
Société, MIV1. Arseniew et Vtorow, réceniment enlevés à la
science. L'un et Tautre s'étaient distingués par des travaux
statistiques : M. Vtorow était Tauteur d*un ' atlas ethnogra-
phique du gouvernement de Yoronège.
Au nombre des ouvrages offerts à la Société, le secrétaire,
M. le baron d'Osten-Sacken, a particulièrement signalé le
compte rendu des observations magnétiques, astronomiques
et météorologiques faites par Fastronome suédois, Hansteen,
p^d9n{ un voyagi^ de ce savant (}909 la^ Sibérie orjeptaie eo
}^38-lÇ3p; Touyrage de }\. Tei^eira 4!? Vasconçellps, |e Por-
tuqaL et la ^îaisoji de firagance*^ le l^anmf of hydrology d|^
IVl. Beardmore: enfin, un mémoire rédigé par le cplonel
d*état-major, Babkow, qui présente le résumé historique des
travaux topographiques exécutés sur le lac Balkasch; une
carte était jointe à ce mémoire.
Le secrétaire a mis ensuite sous les veux de rassemblée
deux grandes cartes de Tîle de Ceylan, dont l'une (manuscrite)
représente les principaux traits de la formation physique de
cette île, ainsi que l'étendue des plantations de café et des
cocotiers qui s'y trouvent.
L'autre carte est publiée en langue singhabise par une
société scientifique qui réside dans Tile même. Cette carte
(?5)
ç'j^t ,étçodi} pifrtp'ff.^eiaf ^;; sijp U yégétftfsp 4^ (çejtç île gt
trè,s-çQn^i4ér^,b|jç. £lç g'pst pas seijlçpeû|t par |^ riçljp^p fj^ ??
végéfaijpn tropf/j^le, lirais jencofe par la grf ff^ç variété 4e la
patare daçs tef différentes paplie^ de Tîle, ijijç Cjeylfin ,^ un
|ittra|t particulier poj9;r le natqraliste. Ceyiap est à peu pp^
aussi graD4 .9|?6 rirlaude. La plijs grande partie j|e yt\e pjré-
^Qte i}j^ pays plat aij milieu duquel s*élève qp m^issif {^ mon-
î^gj dppjt lç§ plafeffjx ^'élèvjept jusgp'^ 6000 pieds au-de^up
h MW ^ '? W; k^^^ q^^ '?? P^^^ atfeiçqent la |)?ijtjçjff
4e 700.^ ^ 80QO pie^s. f.p yoyagpur p^u^ .^p cçitç papf^rp
P^ff^prir dafï? ijif ppurt ,espaç^ 4^ te^ps dfiïéreptgs ?oi}es di^
gies avec la nature des climats tempérés. Le çqcptipr çst Ip
^fv^ml ffr9,#^ ^e 1^ fpnç iftf^piearç de }7Jç. Les pljîptalions
dj ^cp ppbl^ pafpijer fprpient pne fa^ge ^0^ qi}f ^'étçp^ |e
Ippg de la #t^ pcoideptale de llle, ^^eppis fe c^p pppdr^ ju|-
qii'^ jQf Ip^fftyp. JPoin^e-de-Çalle, ^t^^ipp 4^s |)ateauj ^ Ppf !|f
auj yienpept 4e Sue^, §e trouye ^u ipilieu de çeç ^orêt^ ^g j^j-
nûeys. On n'a pre|c^çpj?s eu ïf^in d'é|rige(- 4^p9t|eaux pour
le télégraphe qui réunit ce port ayeç po.lppi})Q. p^ i|p)jji|;ejfir^
spjjf ai^(*^s, ppi?r la plu? ^j-^dç parjiç de }^ di^fjîpce. aux
tfjpn/^ des palmiers, ^n se 4ir|^eapt dç polpnoibp à jKL^p^^
(ancienne résidence dep pois de ^Geyjan), op entre, ppn loip dp
cette d^ï'ffjl^ri? yj'l®» ^?"^ *? ^PffÇ 4^? p!antatiopf 4.? ca^j^, jC|[ui g^
;rouyçpj"à ^pôo, 300() çf mêi^e ^ÔOq piet)^ fu-d^ps 4^
Une magnifique chaussée cp^(|uit 4p Kand^ a|i|i <^^ntre dii
mjissif inpntagneu^ 4e rî(ç. ^'éjeyfpt gradije|jçpj^^ jppqu>
(76)
Nduwera-Ellia, où les Anglais ont établi un sanatorium, sta-
tion de repos pour les oflBciers et soldats européens dont la
santé a souffert des effets du climat tropical. En quittant la
zone des caféiers, le voyageur entre bientôt dans une région
très-caractéristique pour la végétation de Tîle, celle des plantes
appartenant à la famille des Acanthacées. Les genres Strobi-
tantbes et J^pidagatbes ont ici le plus grand nombre de re-
présentants. Des fleurs jaunes, blanches et bleues ornent ces
buissons à verdure foncée et remplissent Tair de leur parfum
agréable quoique très-fort Toutes les plantes de cette famille
sont désignées chez les indigènes par le nom général de NelltL
Une autre région non moins caractéristique est celle que les
indigènes appellent les patenas; ce sont des plaines couvertes
d'une herbe grisâtre et dure (Andropogon et Schœnanthus).
Ces plaines occupant des espaces considérables dans la province
centrale de TUe, se trouvent au niveau de la plupart des plan-
tations de café.
A quatre lieues de Nouveera-Ellia, à une hauteur de
5000 pieds, quelques chéiifs bananiers marquent la limite de
la végétation essentiellement tropicale. A 6500 pieds^ le voya-
geur européen aperçoit avec plaisir des plantes qui lui rap-
pellent celles de son pays natal : Te trèfle, la stellaire (Alsine
média), le plantain (Plantago sp.) et une Lisymachia (L. alàta)
qui ressemble fort à la nôtre.
Les deux premières plantes sont positivement dVigine euro-
péenne. Dans les jardins attenant aux habitations de Nouwera-
Ellia, on cultive avec succ^ les différents légumes européens;
la pomme de terre y est excellente. On en pourvoit tous les
environs, Kandy compris. On a fait également des tentatives
pour acclimater à Nouwera-Ëllia nos arbres fruitiers, mais on
n'a pas réussi. A cette occasion on a observé un phé-
nomène physiologique assez intéressant quoique tout à fait
naturel. La température des plaines élevées varie pendant
( 77 )
toute l'année de 1* à 20® Réaumur. Il arrive toutefois que
le thermomètre marque zéro, cependant le froid n'est jamais
aussi Tlf, et surtout il n'a jamais une aussi longue durée
qu'en Europe. 11 en résulte que le pêcher et le cerisier
n'ayant pas de repos pendant l'hiver, sont devenus semper^
virentes; ils produisent continuellement des feuilles, et cet
état de surexcitation les exténue au point qu'ils ne sont
plus en état de produire des fruits de la grosseur et de la saveur
Toulues. Le cerisier ne donne souvent même aucun fruit,
quoiqu'il fleurisse annuellement. Le baron d'Oslen-Sacken a
fait ensuite le récit de son ascension de la montagne la plus
élevée de Geyian, le Pedro talla galla (1) (8280 p. anglais),
et il a terminé sa lecture par quelques observations ethnogra-
phiques sur les habitants de l'île, leur condition actuelle sous
la domination anglaise et leur genre de vie.
Dans cette même séance a été exposée une collection inté-
ressante de minéraux. Cette collection, arrangée ingénieuse-
ment par M. Andréiew, présente un petit tableau fort complet
des richesses du règne minéral des bords du lac Ladoga. U a
attiré l'attention des connaisseurs par la beauté de quelques-
uns des échantillons qui s'y trouvent. Dans une des prochaines
séances de la Société, M. Andréiew se propose de faire une
lecture sur le mouvement industriel et commercial qui a pour
objet ces différents produits minéraux, et qui se fait principa-
lement entre le Ladoga et Saint-Pétersbourg.
{Journal de Saint-Pétershourg. ]
(1) Le pic d^Âdam, longtemps considéré comme la plus haute mon-
tagne de Ttle, n*a qae 7420 pieds.
( 78 )
OUVRAGES OFFERTS A LA SOCIÉTÉ
sâÂNGES DE JÀNYIER 1^66.
EUROPE.
La Toscane, album pittoresque et archéologique publié diaprés les
dessins recueillis sous la directico de S, Exe. le prioce Anatole
Demidoff, en 1852, par André Durand. IX'' î et XI® livraisons.
S. Exe. LE PRINCE Anatole Dbhidoff.
Mémorial du Dépôt général de In guerre, imprimé par ordre du mi-
nistre. Supplément au tome IX contenant la jonction de« réseaui
' iféodé^iques de France et d^Àngleterre et les longitudes comparées
<fé Paris et Greenwich. Paris, 1865. I vol. la-l^.
\>Ép6r GBMèaAL OK LA (iitîkU.
Die Adamello-Presanellil-Alpeb iiach den forscKun^en und AâfnaB-
méntoii Jdlius Payer. Gotha, 1865. 1 broch. in-4<» avec cartel.
DOGTEUaA. PETBiiiAttM.
Les Pyrénées, les ascensions et la philosophie de reièrcice par le
comte Henri Russell-KiUough. Pau, 1865. 1 broch« in-8^.
M. LE cuHTE Henri RosSELL-KiLLOoaB.
Sur lés origines hongroises à Toccasion d'un travail de M. H. van der
HoBven. jiar M. Pruner-Bey. Paris, 1065. i broch. in-8°.
.1 •;. »
M. LE DOCTEUR PRUNER-BeY.
Observations inétéorologiques faites a Nijné-tâguilsk. Année 1864.
Paris, 1865. 1 bèbch. grand in-8<'.
ASIE.
Le livre de Sildrcd Polo, citoyen de Venise, conseiller privé et com-
missaire impérial de Koubilaï-KhaAn ; rédigé eu français sous sa
dictée en 1298, par Rusticieu de Pisé ; publié pour la première fois
d*après trois manuscrits inédits de la Bibliothèque impériale de
Paris, par M. 6. Pauthier. Paris, 1865. 2 vol. grand in-8°.
Mm. Firmin Didot.
Mes Chasses, — une Chasse au tigre en Birmanie, — le cheval Birman,
— la Chasse aux flambeaux, par A. Thomas-Anquetil. Paris^ 1866.
1 vol. in-18* M. A. Thomas-Anqubtu..
[
( 79)
AMÉRIQUE.
La Galiforoie, histoire, orgaaisatioo politique et administrative,
législation, description physique et géographique, agriculture, in-
dustrie, commerce, par Ernest Frignet. Paris, 1866. 1 vol. in-S**.
M. Ermbst Fbignbt.
OUVRAGES GÉNÉRAUX. MÉLANGES.
Géographie physique A Tusage de la jeunesse et des gens du monde,
traduit de l'anglais par MM. Zurcher et MargoIIé. Paris. 1 vol.
in-18. MM. ZoBpHEft bt Mabgollé.
Étude sar la fabrication et la pose des câbles électriques sous-marins,
par M. F. L. Roux, capital ne de frégate. Paris, 1865^1 brdch.in-8^.
M. ARTHDS-BBRTaANO.
SarPetras Adsigerius et les plus anciennes observations de la déclinaison
de l'aiguiile aimantée, par W. Wenckebach, traduit do hollandais,
par T. Hooiberg. Rome, 1865. i broch. in-4*.
M. LE PaiNGE BALTfiAZAB BOMCOMFAeNI.
4
Cours d*hindou8tani à l'école impériale et spéciale des langues orien-
tales vivantes. Discours d'ouverture du 4 décembre 1865. i bh)ch.
in-8. Paris. M. OàrcIn de Tassy.
Liste des arbres, arbrisseaux et arbustes d'ornement réunis cheÈ
M. Poulain de Bossay à la Remonière, commune d*Arrou (Eure-
, et -Loir). Chartres, 1865. 1 broch. in-S". M. Poulain de Bossa v.
Tableaux de population, de cuUiire, de commerce et de navigation
formant pour Tannée 1 863, la suite des tableaux insérés dans lél
notes statistiques sur les colonies francaiscB. Paris, 1865. 1 vol.
iu-8^. MuiiSTâBB DB LA MasinB et des Colonies.
Études sur le bassin considéré dans les différentes races humaines,
par M. Pruner-Bey. Paris, 1865. 1 broch. in-8°.
M. LE docteur Pruner-Bet.
Observations sur la pression et la température de Tair dans Pintérieur
de quelques mines, par M. L. Simonin. Paris, 1865. 1 feuille
grand in-8**. M. L. Simonin.
ATLAS ET CARTES.
Topograpbische Karte der Schweiz vermessen und herausgegeben auf
Befehl der eidgenossischen Behôrden, unter der Aufsicht des Geoe-
rais 6. H. Dufour. MaassUb der Karte 1/100»000®. 1833-1863.
2i feuilles. M. le Conseiller Fornerod.
(80)
Atlas de los estados uoidosde Colombia aatigaa Nuefa Granada que
comprende las carias jeograficas de los estados en qae esta dmdida
la repablica coùstraidas deordeodel goblerno jeaeral con arregio
a los trabigos corograficos del Jeneral A. Godazzi i a otros docn-
mentos offteiales,.por Manuel Ponce de Léon i Manuel Maria Paz.
Paris, 1865. i vol. grand in-f*. M. Manuel Ponge.
Carta jeografica de los estados unidos de Colombia Nueva Granada
constmida de ôrden del gobiemo jeneral con arregio a los trabajos
corograficos del jeneral A. Godazzi i a otros documentos oficialea,
par Manuel Ponce de Léon i Manuel Maria Paz. Bogota, 1864.
Paris, 1865. 4 feuilles. M. Manuel Ponce.
Carte physique et politique de TEurope avec Tindication des chemins
de fer et des Toies de communication maritimes. Grosselin, éditeur.
Paris, 1866. 1 feuille. M. Geosselin.
Le mont Athos et Tlle de Thasos pour servir à Tintelligence des rap-
*. poris de M. E.Miller, par V. A. Malte-Brun. Paris, 1865. 1 feuille.
M. V. A. Malte-Brum.
Le Mont-Blanc accompagnant Titinéraire de la Suisse, par Adolphe
Joanne. Paris, i feuille. M. EanARn.
Globe métrique. Grosselin. Paris, 1865. M. Grosselim.
Topographîsche Karte des Herzogthums Oldenborg, im Maasstabe,
M/50000 ini4 Blattern voo Albert Philibert Freiherrn von Schrenck.
1856-1863. feuilles, I, H, VIII, XII, XIII et XIV .
Karte von dem Herzogthume Oldenburg, von A. P. Freiherrn von
Schrenck. 1856. 1 feuille. M. de Schbenck.
Topographische Karte ttber das Grossherzogthum Baden nach der
altgemeinen Landesvermessung des Grossberzoglichen militairisch
topographischen Bureaas. feuilles, 16, 20, 23 et 24.
Topographische Karte der Umgebung von Rastatt. Maasstab 1/25000.
feuilles 1 à 4.
Topographische Karte der Umgebung von Freiburg. Maasstab. 1/2500O
feuilles 1 à 4. M. le cAPiTAraE Schneider.
Carte statistique de T instruction primaire en France à T usage des
écoles et des bibliothèques scolaires, par J. Manier. Paris, '1865.
1 feuille. M. J. Maniêi.
Paris, *- Imprimerie de fi. Martinkt, rue Mignoni 2.
BULLETIN
1>E LA
SOCIÉTÉ DE GÉOGRAPHIE
FÉYBIEB-MARS 186Ô.
Héniolres, Motlees, ete.
ESSAI SUR LE GHILAN
PAR M. E. GUILLINY
Placé en dehors des routes qui conduisent à la
capitale et ne possédant aucune de ces ruines qui atti-
rent les voyageurs, le Ghilan est resté jusqu'à ce jour
presque inconnu à TEurope savante, quoique, depuis
quelques années , des maisons gréco-anglaises s'y
Éoient établies pour faire le commerce des soies.
Entouré au midi d'une chaîne de hautes montagnes
et situé à une grande profondeur au-dessous du niveau
des terrains environnants, échappant par conséquent à
l'action des grands courants chargés de purifier l'at-
mosphère, chauffé par les rayons d'un soleil ardent,
constamment humecté par les vapeurs qui s'élèvent
du sein de la Caspienne, et inondé d'eaux croupissan-
XI. FÉVRIER-MARS. 1. 6
^
(82)
tes dans quelques parties, le Ghilan est une contrée
d'une fécondité admirable, mais un séjour malsain,
non-seulement pour TEiuropéen , mais encore pour
l'Asiatique. C'est un pays plat ^ formé d'une terre
ndrct cMipactft et mëlte de sàMft. Ses t>at'ti«a tmases
sont couvertes de marais, dont un, celui d'Enzeli, a
a» è ^ kilomètres de largeur, du nord au sud, et
60 à 60 de longuedr de fest è f0Qm,. Près du village
d'Enzeli, il sert de port et peut recevoir lea petita na«
vires qui naviguent sur la Caspienne. Le Ghilan, dont
le nom est lrès-sîg!llfièatrf et téut dite terre glaise^
boue, est en effet un terrain fort bas, bordé tout le
long de la mer par un banc de sable qui s'étend à 5 ou
600 mètres sous l'eau. Près d'Enzeli, on trouva une
côte él^ée de quelques toises, pouvant mettre les
navires à Tabri des vents du lai^e i à quelque distance
à l'ouest de cette ville, la côte forme une petite dune
où croissent quelques arbustes et quelques plantes
sauvages. Mais excepté sur ce point, le rivage est à p^ne
au-dessus du niveau de la mer» dont les eaux agitées
par un bouillonnement continuel viennent clapoter sur
le sable.
Une multitude de ruisseaux, quelques rivières et le
Sefid-Roud (fleuve blanc) ou Kizil-Ouzen (fleuve rouge),
cours d'eau torrentueux qui descend du Kurdestan,
coupent le rivage d'un nombre infini d'estuaires^ dont
les graviers mouvants offrent des difficultés aux voya-
geurs.
Les parties les plus basses du Ghilan paraissent
être de création récente : elles ont dû être formées par les
alluvions que le Sefid-Roud y a déposées, et» comme
(83)
la direction primitîire du lente ftalt à rcorienl, oelle
partie est pliis complëte que f aiktre^ et k maraiai qiii
reste encore de ce côté n'est mn^ cmpairë à oehii
d'Enzeli.
La profondeur du terrain gbibiiala est mcAn» wppttf-
rente quand on arrive par la rebute de poste qui débou-
che à Keuduin» parce qu'elle coupe la ohaine de TSl^
broul obliquement de l'est à roueet, et qu'elle fait de
nombreux détours; mais elle esl Irëe^ppapaa^te ^uaad
on remonte par Kergané^Aoud» Agha^irdiler ei Arde-'
bil, d'autant mieux que celle partie de rAderbidjan
est plus élevée que les plaia»es de Taurisi J'ai tnis deux
jours pour monter du rivage de^la Gaâpienne à Neochar,
hamea» bâti à peu de distance de la sortie des ttont»--
gnes ; c'était en novembre ; dans les basses terre», les
enfants Jouaient presque nua« le tempe était dtôeienx;
sur les bauteurs, les babitante porlsôent dea fourrure»,
un vent violent, écorehait iine terre durcie^ dépourvue
de végétation ; c'était partout la tristesse de Tbiver,
dans un pays sauvage,^ presque inhabitée
La chaîne de montagnes qui eaoïtoore le Gbilan est
une continuation de l'Elbrouz^ qm rattache la cbafeàe
du Caucase à celle de VHindou-kho. Dans la partie
que j'ai traversée^ de Gazvin à Recht, cette chaîne à
&0 ou âO kilomètres e^viroQ de large«ir. La partie qui
regarde l' Aderbidjan et l'Irac-Adjeiiû esA stérile, tandis
que celle qui avcNisine le Ghilan est eouvevte d^arbres
de haute futaie, dont la verdut e vigoureuse contraste
étrangement avec les contrées aridee q;u'oD vient de
traverser.
L'aspect du Ghilan^. vu dee hantaurs^ est. àtiiimta;
(84)
la plaine qui unit Recht à Lahidjan apparaît comme
un océan de verdure. Les champs semés de riz sont,
en outre, couverts d'arbres de toute sorte, de mûriers,
de figuiers, de pêchers, de poiriers, d'orangers, de
rosiers. Près des habitations, des hêtres élancés sou-
tiennent d'énormes vignes, dont les rameaux sauvages,
retombant en festons gracieux, couvrent presque en-
tièrement l'arbre qui leur sert d'appui. Dans les par-
ties basses et inondées, les acacias épineux forment
des fonds parés, au printemps, de belles grappes de
fleurs rouges et blanches.
Le Ghilan forme un demi-cercle irrégulier dont les
montagnes sont l'arc, et dont la Caspienne est la corde.
La plus grande irrégularité est vers l'orient. Sa pro-
fondeur est d'environ 80 kilomètres, si on la mesure
par une ligne qui, partant de Keudum, village placé
au débouché des montagnes,et passant par Recht, abou-
tirait à Enzeli, sur la Caspienne. Sa longueur mesurée
entre le Ténékaboun, à l'orient, et Kerganeroud, à
l'occident, est d'environ 200 kilomètres.
Les principales productions sont le riz et la soie. Le
riz bouilli remplace, pour le Ghilanien, le pain, que les
préjugés ou l'hygiène bannissent de son alimentation.
L'exportation de la soie est d'environ 15 millions de
francs par an, pour l'occident de l'Europe, sans comp-
ter ce qui est acheté par les industriels de Moscou. Le
pays fournit aussi à l'exportation des citrons et des
poissons salés. Il possède des moutons, des bœufs et
des chevaux. Les moutons sont de cette race à large
queue, répandue dans toute l'Asie et sur les côtes de
l'Afrique ; mais ou y trouve aussi notre race euro-
(85)
péenne. Les bœufs sont de petite taille ; ils sont remar-
quables par une loupe qu'ils portent sur le ga^rrot, et
qu'on retrouve chez une race de bœufs indiens ; mais,
ici, le croisement avec la race tatare tend à faire dis-
paraître ce signe distinctif d'origine. Ces animaux sont
vifs et alertes, et leur démarche est beaucoup plus
rapide que celle de leurs congénères européens. On les
utilise comme bêtes de charge. Les chevaux du Ghilan
sont de race commune, mais très-étoflFés et très-vigou-
reux.
Les basses-cours sont peuplées de poules et de ca-
nards, qui se vendent à très-bas prix, et, pendant l'hi-
ver, qui est très-doux, des multitudes d'oiseaux aqua-
tiques viennent chercher un refuge dans les marais.
Les pélicans et les cygnes y sont si nombreux que, par
instants, l'eau semble couverte d'une immense nappe
d'un blanc éclatant. On m'a assuré que les canards
présentent des variétés inconnues à l'Europe, entre
autres, une race naine dont la taille est celle de la
grive. On trouve aussi des bécasses, des bécassines et
des faisans. Pendant l'hiver, quelques personnes se
donnaient le plaisir de chasser aux flambeaux, et ces
sortes de chasses sont très-productives.
Les forêts recèlent des fouines, des martes, des cha-
cals, des sangliers, des loups et des ours, on dit même
des panthères et des tigres. M. le docteur Haentschie,
médecin allemand, établi à Recht depuis plusieurs
années, m'a assuré qu'avant mon arrivée il y avait au
consulat de Russie une panthère apprivoisée. Quant au
tigre , appelé en persan babr , plusieurs m'en ont
parlé, mais je n'en ai point vu; seulement, sur la route,
(86)
UBe ieia j'jd remarqué une peau qH'tm arait mise &
Ifeniper dans nae rnière, «Ite m'a pam êti^e celle iFnn
léopard oa d'une pantliènB,
Ob fetrouvtt dans ie pays la plupart des insectes
i» rSumpe^ moins lapunsàse : on dupp<»e que l'excès
d'huniidké l'a fait périr.
Los cooss d'mi, ha manais et là Caspienne four-
OMilliBit do poèsBons, dont quelques variétés sont, à ce
qi&'oil prétand, eioditoEites. det aRnsent passant à tort
ou à raison pour fiévreux, je n'en ai point fait usage.
Oa aasore que plaaienrs de oes animaux atteignent de
grandes proportions et sont d^i^ienx pour f homme,
qim la rade d'Bnseli est fréquentée par les monstres de
la mar , qnlk ; hotA attirés par les carcasses d'animaux
ttorts qu'on y jette ou que les courants y appottent,
ot qiae des baigneurs imprudents ont été dévorés. M. le
doetenr Ebenstcfaie, qm j'ai reeonnu comme un homme
sincère, m'a reconmiandé de prendre des précautions,
quand j'anraiB à traveraerles grands cours d'eau à leur
evcilioïKGhiiie^Il est certain que les pêcheries du Ghilan
établies à l'emboiifêfanre du Sefid^toud et de quelque
antre oonrs d'eau important, sont très-productÎTes.
Elles sont exploitées par des pêcheurs russes, qui salent
et sèchent les poiesoa^ et font un caviar qui s*expédie
jusqu'à Conetantinople.
One humidité constante est ce qu^il y a de plus
caractéristique dans le climat du Ghilan. Pendant Tété,
au mois de juillet, au moment d'une forte ploie, da
linge placé sur une chaise, dans une chambre bien
fermée, s'est trouvé le matin trempé comme s'il eût
été exposé à la rosée, il fallut ie faire sécher au feu
.j
(87)
avant de s'en servir. Dans cette saison» quoique U
chaleur ne soit point trop considérable, elle deviei
extraordinairement fatigante ht caus^ de l'huaudité
excessive et chaude de l'atmosphère]; l'air extérieur
}*esse(nble à c^Jui d'une étuve» il prQVoqui^ le» Wiurs
continuelles , quelquefois acres , 3ulvia9 de iâgàr^
éruptions cutanées , et produit uq ^ajaseiweat 4u
système peryew.
L'hiver est très-doux, 'H e^ ^ssi agréabte que Vèbè
jçst péwble. A partir du mois de décembre jusqu'en
iQ^^ les mont^^es se couvrent de neig^ ; ua veat
c})^ud qpk souffle duas les pUioe» vi^t ^iédk w»
2^t»)osphère déjà, trëg-doupe^ et qui pmwt 9m of^-
gçrs et aux citroxunierd de vivee eu pleiœ terx^
L^8 uuladj^s ^ues )e« |dD3 fréquei)te3 ^m% 1«$
fièvres, qui paraissent surtout ^ m^a et à la fia de
l'étéf les maladies d'x)reil]^s, le (^tarrhe des yeux, du
£Qsier pt dçs hron^bed, et certaiu^9 w^^^P■^ cutaoé^^
qui j:evèteu|; quelquefois de$ fRrme» épidéo^qu^
X44 dy33eaterie ^ <nppti^ peodwt }e9 fortes cbaLeunsi,
et Ton voit ;^ogvent j^paraltre l'angine fibreuse ft Je
Lft iièyre est surtout liilieuse» quelquefois elle pr4^-
duiJ; le lét^os* Ou la traite par les vomitilS) le sel
anglais k haut^ dose (à onces), et, plus tard^ avec la
quinine dounée également en grande quantité ; mais,
malgj?é cette médication héroïque, il arrive quelque-
fois que la fièvre persiste.
Les m^a(jjes chroniques les plus fréquentes sont les
rbwaâ'tiduies^ les hypertropbies du foie« de la rate et
du cœur, les gastralgies et les hydropisies, suites ordi-
naires des fièvres.
(88)
Les vers intestinaux, y compris le taenia, y sont
tellement fréquents, qu'à moins d'indication contraire,
on commence toujours par donner de la santoline aux
malades avant tout autre traitement.
Habitants. — On prétend que le Ghilan possédait
une population aborigène, parlant le pehlvi ou persan
des époques antérieures à l'islamisme, mais que, en
1822, la peste ayant emporté la population entière de
Recht, cette ville et ses environs ont été repeuplés par
des colonies arrivées des divers points de la Perse et
que les débris de la race primitive se trouvent au Téné-
kaboun, frontière du Mazendéran. Gomme j'ai pu le voir
moi-môme dans un voyage que j'ai fait dans ce Can-
ton, cette race a la taille svelte, le visage régulier,
le galbe grec, la physionomie fine et intelligente, les
extrémités petites et le tempérament nerveux.
Mais on peut ajouter que ce type est celui de la
race persane, et qu'on le retrouve dans toutes les
provinces, surtout dans celles où les invasions tatares
€t mogoles ont le moins laissé de trace, comme dans
le Fars, l'Irac Ademi, où Ton ne parle que la langue
persane. Dans l'Aderbidjan (pays des adorateurs du
feu),'ancienne Médie Atropatène, où se sont établis, en
grand nombre, des Turcs ottomans, des Turcs orien-
taux et des Mogols, la race persane a beaucoup perdu
de son caractère; la langue persane, même tout en
continuant d'être la langue écrite, a cessé d'être la lan-
gue parlée, c'est le turc tatar qui l'a remplacée.
Le Ghilan, en se repeuplant, a dû emprunter des
colons à l'Aderbidjan, comme aux autres provinces^
(89)
mais l'élément tatare ne put former qu'un faible ap-
point, puisque la langue turque n'est pas parlée dans
le gouvernement de Recht, qu'elle n'y est pas même
comprise.
Mais à l'extrémité occidentale du Ghilan, dans le
Thalidj, pays moins riche et plus sain, on rencontre
une race particulière, qui diffère beaucoup de la race
persane. Elle a des formes moins sveltes, plus arron-
dies, sans cependant être empâtées, le visage est plus
court, plus plein, la peau est blanche, le teint est
coloré, les dents sont magnifiques, les cheveux noirs
beaux et bien fournis ; les yeux, noirs aussi, sont grands,
bien fendus et pleins d'expression. L'ensemble de la
conformation indique la santé, la force, l'audace et
rintelligence.
Dans ce canton, on parle le turc, mais on connaît
aussi le persan, c'est du moins ce qu'on m'a assuré,
j'y ai été bien accueilli malgré ma qualité d'étranger,
de frengui infidèle.
Les populations ghilanaises ont un aspect souffre-
teux qui fait peine à voir, leur teint est jaune, les
classes inférieures surtout sont maladives; les fruits
verts et les poissons salés, dont elles font abus, nuisent
beaucoup à leur santé.
Les Ghilanais sont généralement faibles et lâches,
très-superstitieux et complètement dominés par leur
clergé. Les habitants de Recht se distinguent par leur
fanatisme, et par leur mauvais vouloir envers les étran-
gers. Les villageois sont moins intolérants. Les bergers
qui habitent les montagnes sont plus forts, plus vigou-
reux que les habitants de la plaine, les luttes avec les
(90)
bétes féroces les enhardissent et les rendent bons
tireurs. Si le pays ét^it envahi, les population^ monta-
gnardes seraient ses seuls défenseurs.
La langue du Ghilan a moins changé qu'on le pré-
tend : elle diffère, par son archaïsme de la langue parlée
à Téhéran, et elle possède une riche littérature; c'est
un dialecte persan, mais non un patois.
Le vêtement du bas peuple se compose d'une espèce
de bourgeron bleu très-court, d'un large pantalon en
toile bleue attaché à la ceinture par un cordon. Sa
coiffure ordinaire est une calotte en feutre non teint,
semblable à celles qu'on voit sur les bas-reliefe de
Persépolis. Les jours de fête, on met des bonneta de
peau d'agneau noirs ou gris, des tuniques de cotQH-
nade bleue, d'indienne ou de drap. Les riches met-
tent des chemises et des caleçons de soie, des panta-
lons de drap ou de soie; une première tunique de même
étoffe remplace notre gilet, une seconde tunique en
drap ou eji étoffe légère, et un grand manteau à man-
ches de même étoffe que la tunique complètent }'habil«-
lement, qui drape bien Thomme et s'harmonie bien
avec la coiffure en peau d'agneau. Un article iinpor-
tant aussi, c'est la ceinture ; les domestiques portent
un ceinturon à plaque , le peuple une ceinture en
mousseline^ les riches des ceintures en châles de ca-
chemire, quelquefois très-coûteux. Les bonnets en pew
d'agneau sont portés par la généralité des populations,
il n'y a guère que les mollahs qui aient conservé te
turban. Les bonnets les plus riches sont faits avec des
peaux d'agnedu apportées de Boukhara, il en est da
fort chers, on m'en a montré un qui avait coûté 161 fr.
(91)
H était composé de petits morceaux de peau cousus
et arrangés de manière à produite un effet comparable
à celui du plaqué dans les meubles, on aurait dit une
suite de rosaces, d*un fort jofi effet. Il y a aussi des
bonnets de 15 et même de 8 francs.
La chaussure est une sorte de mules en bois garnie
en peau de chèvre Tert tendre ; elle est commune aux
deux sexes et d'un usage fort incommode.
L'hkbïïiement des femmes n'est rien moins que dé-
cent; il consiste en une chemise de soie ou d€ coton,
qui descend à peine à la ceinture, en une veste de
même longueur et en un ou plusieurs jupons attachés
fort bas sur les hanches. Le ventre, enjolivé de tatoua-
ges, et les reins restent nus.
Le jupon arrive à peine à mi-jambe. Les femmes
élégantes, pour remplacer la crinoline et les cerceaux
qtf elles ne connaissent pas encore, mettent sept à huit
jupons Tun sur Tautre. Quand elles sortent en ville,
elles mettent par-dessus leurs jupons d'immenses pan-
talons en coton ou en soie, et elles s'enveloppent des
pieds h la tête d'une grande pièce de coton ou de soie
bleue et se couvrent le visage d'un morceau de calicot
blanc, percé de plusieurs petits trous. Les femmes
riches se couvrent de bijoux et de diamants, les pau-
vres s'estiment heureuses quand elles ont pu coudre
quelques pièces d^or à leur coiffure, et leur bonnet
renferme ainsi toute la richesse de la famille.
Les Ghilanais, comme tous les Persans, sont intelli-
gents, enthousiastes, passionnés, ils ont une grande
aptitude pour la poésie, la musique et la peinture ;
seulement, faute d'étude, les qualités restent toujours à
(92)
l'état de brillantes promesses. Leurs peintures n'ont
d'autre mérite qu'une certaine entente du coloris, il
n'est tenu compte ni de la forme ni des proportions, ni
de la perspective, le dessin est tout à fait incorrect ;
mais le coloris semble tout vivifier. J'ai vu. des pla-
fonds assez gracieux, on y avait peint des fleurs, des
fruits et des femmes, les unes nues, les autres vêtues
à la grecque. Les artistes persans affectionnent les
chasses fantastiques, où l'on voit des princes et des
rois coupant d'un seul coup de sabre la tête d'un lion
ou d'un ours.
La Perse abonde en poètes et en improvisateurs qui
rappellent sous certains rapports nos anciens trouvères,
dont ils ont la grâce, mais non la sobriété. Les Persans
aiment beaucoup les réunions, où ils s'enivrent de thé,
de vin et de rhum, pendant qu'un ménestrel indigène
relate, en s' accompagnant de la guitare, les actions des
héros perses de l'époque mythologique, ou bien se livre à
des chants anacréon tiques que le poète de Téos ne désa-
vouerait pas. Un des défauts les plus repoussants des
Persans, et ils en ont beaucoup, c'est l'ivrognerie. Ils
boivent pour s'enivrer, et leur ivresse arrive toujours
à ce dernier degré où l'homme n'est plus qu'un objet de
dégoût pour ceux qui l'environnent. Us ne rougissent
point de leurs excès, et, en sophistes qu'ils sont, ils
prétendent qu'il n'y pas plus de péché dans un ton-
neau que dans un verre de vin .
Les Persans ont un théâtre, ce que les Turcs n'ont
pas ; seulement, ils y jouent une pièce unique, toujours
la même, qui revient toutes les années, c'est la mort
d'Hussein, fils d'Ali, assassiné à Kerbela, par ordre de
(93)
Moavia, calife de Damas et compétiteur de la famille du
prophète arabe. Gomme sur le théâtre athénien, tous
les rôles, même ceux de femme, sont tenus par des
hommes, et le voile qui leur couvre le visage est si
épais qu'on ne saurait s'en apercevoir. Je ne sais com-
ment est le théâtre de Téhéran ; mais, dans les petites
localités, la pièce se joue sur la place publique, sans
aucun décor, c'est à l'imagination et au bon vouloir des
spectateurs à suppléer à tout ce qui manque. La foule
fait cercle autour des acteurs qui sont sur la scène ;
quant à ceux dont le tour n'est point encore arrivé, ils
se tiennent en dehors du cercle. Gomme la tragédie est
religieuse, les mollahs jouent les principaux rôles. J'ai
vu l'un d'eux qui représentait le personnage d'Hussein ;
tantôt il paraissait à cheval, tantôt il mettait pied à
terre, et, n'ayant pas eu le temps ou le courage d'ap-
prendre son rôle par cœur, il tenait un rouleau de
papier à la main, lisant chaque fois que la mémoire lui
faisait défaut, et le peuple n'en paraissait ni choqué
ni refroidi.
A l'époque où l'on joue cette tragédie, on a l'usage
de s'assembler dans les mosquées, sur les places publi-
, ques, ou dans les maisons des dévots, pour lire le
Goran et le martyre d'Hussein; les maisons de réunion
sont surmontées d'un drapeau noir, ayant, au lieu
de fer, une main ouverte, faite en tôle ou en fer-blanc,
selon les goûts. Au récit de la Passion du fils d'Ali,
le peuple fond en larmes, et ses sanglots couvrent la
voix du lecteur. G'est une époque d'exaltation reli-
gieuse.
La polygamie est beaucoup plus commune en Perse
(M )
qu'en Turquie, et,cDmmeconséqueûce,le3 mœurs y soDt
beaucoup plus dépravées encore. L'instruction est très-
répandue, m<ais elle se borne à la lecture, à récriture
et au calcul le plus simple. L'éducation de la famille
est très-mauvaise^ il règne dans le langage un cynisme
qui surprend péniblement l'Européen nouvellement ar-
rivé. Les spectacles, au Ghilan, comme à Constantino-
pie, sont d'un caractère obscène, les enfants des deux
sexes qui y assistent sont corrompus avant l'âge, et
ils perdent le sentiment de la pudeur, avant mêmede
connaître les passions. Les maladies qui proviennent
du dérèglement dea mœurs sont très-communes en
Perse.
Au Ghilan, ce qu'il y a de particulier, c'est une
procession pendant laquelle les jeunes filles chantent
des paroles fort licencieuses, et qu'on ne pourrait tra-
duire décemment en français, sans y mettre une gaze
épaisse {Avenk darem dest n'arem : on pourrait, ai l'on
voulait, dire en français : Nous sommes filles et nous
n avons pas damants; en persan, les termes sont
tout à fait crus). Ces coutumes reportent l'imagina-
tion au temps où les dames romaines allaient en pro-
cession portant, sous sa forme la plus caractéristique,
l'image du Dieu des jardins.
Religion. — Subjugés par les hordes arabes , les
Persans ont adopté l'islamisme et sont devenus les
plus fanatiques des sectateurs de Mahomet. La lutte
entre Ali, gendre du prophète, et Moavia, calife de
Damas, divisa les musulmans en deux partis : celui
d'AU et celui de son compétiteur. De cette époque
(95)
datent les deux rites : les chiites sont sectateurs exclu-
sifs d'Alî, les sunnites sont ceux qui ont accepté les faits
accomplis et qui, sans rien ôter aux mérites réels du
gendre de Mahomet , reconnaissent comme légitimes
les princes qui l'ont précédé et ceux qui sont venus
après lui : c'est Fécole du bon sens et de la raison. Les
chiites, au contraire , et cette secte n'a plus guère
d'adhérents qu'en Perse, protestent encore contre des
injustices historiques contre lesquelles personne ne
peut rien, et dont les auteurs n'ont pas laissé de des-
cendants.
Les Persans ont conservé quelques pratiques de leur
ancien culte; seulement ils leur donnent une signi-
fication différente. Ainsi, le Norouz, qui était la fête
du renouvellement du feu sacré, est devenu celle du
renouvellement de l'année. Elle a lieu à l'équinoxe
du printemps.
La procession silencieuse qui paraît particulière au
Ghilan est aussi un héritage du sabéisme.
Les mollahs sont généralement ignorants et fanati-
ques, ils ne savent qu'exciter les passions populaires,
pout accroître leur influence déjà fort grande et très-
hostile au gouvernement. Seulement la rivalité des
Bali, secte religieuse qui date à peu près de 18A8, a
donné à leur autorité un coup dont elle ne saurait se
relever.
Malgré leur fanatisme, les Persans ne possèdent que
des mosquées misérables, bâties en briques crues, mal
entretenues et qui ne sauraient être comparées sous
aucun rapport aux magnifiques monuments que la
piété des Ottomans a élevés en Thonneur de la
Divinité.
IÔ6)
Babitations, — L'humidité du climat et les pluies
continuelles ont fait bannir du Ghilan ces maisons en
pisé avec toit en terrasse qu'on voit dans toute la
Perse.
Les habitations sont construites en briques cuites et
couvertes de tuiles dans les villes, de chaume. dans
les campagnes, quelquefois même avec des planchet-
tes grossièrement taillées à la hache.
Elles sont généralement précédées d'une varanda à
la mode indienne. Les habitations des riches et des
gens aisés possèdent un premier étage ou balat-khané,
celles des pauvres n'ont qu'un rez-de-chaussée, tou-
jours élevé d'un mètre environ au-dessus du terrain
naturel. L'intérieur des appartements est quelquefois
orné d'arabesques et de peintures gracieuses, quelque-
fois on n'y trouve que quelques symboles grossiers et
obscènes. Les maisons importantes possèdent des croi-
sées vitrées, les autres n'ont que des châssis, garnis
de papier. Chez les pauvres, on se contente d'un volet
en bois grossièrement fait. Dans chaque pièce, on trouve
des tapis dont la finesse dépend de la fortune du pro-
priétaire. Les tapis de Perse sont réellement fort beaux,
c'est le luxe du pays, car, en fait de meubles, on ne
trouve que des coffres plus ou moins ornés de clous
de cuivre, généralement de fabrique russe et servant à
renfermer les vêtements, le linge et les provisions.
Chaque maison a un petit jardin extérieur.
Propriétés. — Le terrain est entre les mains d'un
nombre fort restreint de prcfpriétaires.
L'unité de la propriété territoriale est le village; il
(97)
appartient généralement à un noble sous la protection
dnquel les paysans cultivent la terre. De la bonne ou
de la mauvaise administration du maître dépend le sort
de la petite commune. Mal gouvernée, elle dépérit ;
bieii gouvernée, au contraire, elle devient bientôt flo-
rissante ; mais c'est très-rare, et le sort des paysans est
généralement malheureux.
Administration. — L'administration des gouver-
neurs de province est généralement déplorable, l'éloi-
gnement de la capitale leur laisse la facilité de se
livrer à tous leurs caprices. Us pillent plus qu'ils n'ad-'
ministrent les populations confiées à leurs soins ; ils
prennent l'argent partout où ils le trouvent : aussi le
numéraire est-il rare, tant on prend de précaution pour
le cacher.
L'argent a une puissance d'autant plus grande qu'il
peut racheter les délits, même les crimes ; comme en
général le châtiment n'atteint que les malheureux,
*
incapables de payer leur rançon, la pénalité est d'une
barbarie horrible. Les délits simples sont punis de la
bastonnade, les autres de la perte d'une oreille, d'un
bras, d'un pied, j'ai vu même un vol de moutons puni
de la peine capitale. Les gouverneurs sont de vérita-
bles dictateurs, leurs jugements sont sans appel,
exécutables à l'instant même, et rien ne peut garantir
de leurs caprices la vie et la fortune des citoyens. Une
ressource cependant reste à l'accusé quand il est pré-
venu à temps, c'est de se réfugier dans un asile et d'y
rester jusqu'à ce que ses parents ou ses amis aient
obtenu sa grâce, ou payé sa rançon. Le droit d'asile
XI. FÉVRIER-MARS. 2. 7
(98)
est attaché aux tombeaux de quelques imams, à cer«
taines mosquées, à la maison du mucbteid ou docteur
de la loi. Ou comprend qu'avec un pareil gouverne-
ment un peuple ne saurait prospérer.
Tous les abus sont connus des ministres^ mais jus-
qu'ici on n'a point songé i y mettre un terme. La
chose, du reste, est fort difficile': le peuple persan n'^
pas aisé à conduire, et, quand il s'agit de déraciner des
a^bas séculaires, personne n'ose l'entreprendre* On
assure que le roi actuel est un homme intelligent, in-
struit, libéral» très-bien disposé en faveur de la civili*
sation européenne, mais que toute sa bonne volonté ne
peut surmonter les obstacles qu'opposent la roatine^
la superstition et l'intérêt privé.
Les étrangers ne peuvent trafiquer ni même vivre
en Orient sans être soutenus et protégés par les coq*
suis européens. Pendant le séjour que je fis au Gbilan,
je demandai à M. Adolphe de Tingoborski, consul de
Russie, la protection de son gouvernement, il me l'ac-
corda pleine et entière, et, soit comme homme privé»
soit comme fonctionnaire, il se montra plein de btû
vouloir pour moi, parce que j'étais Français, et je suis
heureux de pouvoir lui en témoigner publiquement ma
reconnaissance.
Je dois ajouter aussi que notre ambassadeur à
Téhéran, M. le baron Pichon, fit tout ce qui était pos-
sible pour m'aider à. remplir ma mission, et qu'il <^tiQt
du gouvernement persan un firman qui «l'évita hi^
des difficultés et des tracasseries.
L'influence russe domine au Ghiian. Pendant mon
séjour, l'Angleterre installa un consulat h ftecbt, mm
le choiï qu'elle fit pour remplir jpç fQ^t§ fyt trè^-wa}-
heureux, §t j'ignore M ^e^ç ^ cpptinpé pu .ce^sé d'y
entretenir quelqu'un.
Division du pays. — Le Ghikn se divise es pki-
sieof s cantons ; la capitale est Recht, ^lUe de 16^0
âmes y placée à peu près a«i centre de la province.
£ô allant de cette ville vers l'orient, on tronve le
villagie important de iLut<chuk-4sfahan, et, à quelques
heures an delà, la ville de Lahidjan, qni ne le cède en
ijBpoFtanee qu'à Recbt et qui possède un gojaverneur
particulier, ordinairement indépendant de celui de
Keciit. Au delà de Lafaidji^n, on trouvo Rudesser, qui
£ait partie de son territoire, et de ce point jusqu'à la
frontière du Mazendéran, mi ne rencontre plus que
quelques misérables hameaux.
Au nord de Recht, sur les bords de la £a6pienfi# et
du marais qui porte aum nom, est bâti le village
d'Ënzeii, destiné à un grand avenir, mais qui, à cette
hejuro, n'est encore qu'un amas de hutces de roseaux.
A l'ouest de ce vill^i^çe, en suivant le })ord de la mer, on
Irottvie les faameaux de Kupridiah ^ de iNouaroud, et,
à l'extrémité du Ghilan, sur la frontière du Tfaali^j» \^
village de Kergané^Boud, qm offre quelque întérAI à
cause d^ sa magnifique population. Quapt aux villages
qui sont situés au pied dos wojstagnos, }^ ne les
connais pas.
Routes. -— Ce qu'on appelle de ce nom en Orient
n'a rien qui ressemble à nos voies de communication.
C'est un terrain foulé par les hommes et les chevaux*
mais où l'on ne voit aucune trace de travail, si ce n'e^
( 100 )
quelques ponts placés sur des cours d'eau , qu'il ne
serait pas possible de franchir à gué. Ces routes sont
généralement étroites, coupées de torrents et de
rochers, et inaccessibles aux voitures.
Dans les provinces persanes où le terrain est très-
sec, les routes sont praticables en toutes saisons ; mais,
au Ghilan, où le terrain est naturellement fangeux, une
pluie de peu de durée suffit pour les rendre imprati-
cables, d'autant mieux qu'on est souvent obligé de tra-
verser à gué des ruisseaux importants que le moindre
orage fait déborder.
La route de Recht à Lahidjan, qui est très-fréquentée,
traverse des rivières, et, comme elle est plus basse que
les champs environnants, elle sert de déversoir à leurs
eaux; dans certains endroits, les chevaux y entrent
jusqu'au poitrail; dans d'autres, le sabot de ces animaux
disparait en entier dans la terre glaise, de sorte que
leur marche n'est qu'une longue suite d'efforts. En
outre, le terrain est tout couvert d'acacias épineux qui
forment une forêt épaisse à travers laquelle on ne pénètre
qu'avec mille difficultés. Les Persans appellent ces forêts
djenguel; c'est ce que les Hindous appellent djungle.
La plage est la partie du pays qui se prête le mieux
à la marche. Quand on la suit, il faut se rapprocher
beaucoup de la mer, les chevaux qui en ont l'habitude
la rasent d'assez près pour laver leurs sabots dans les
vagues, ils y trouvent un sable plus serré et plus ferme.
L'inconvénient de cette route, c'est la difficulté qu'on
éprouve à traverser les ruisseaux à gué. Règle générale,
il ne faut jamais entrer dans un gué sans être précédé
d'un indigène qui le sonde avant de vous en permettre
( 101 )
rentrée, et ensuite il faut traverser le ruisseau le plus
près possible de la mer, parce que c'est le point où le
gravier est le plus ferme, tandis qu'en remontant le
ruisseau, on trouve des sables mouvants. Dans l'inté-
rieur des terres, on trouve quelques ponts en mauvais
état : les chevaux du pays, qui en ont Tbabitude, peu-
vent seuls les franchir.
Cinq routes principales sillonnent le Ghilan :
i"" La route du Mazendéran à Recht, qui passe au
Ténikaboun, traverse Rudesser, Lahidjan et Kutchuk-
Isfahan.
2"" La route de Recht à Gazvin, qui traverse la
chaîne de l'Elbrouz; c'est la route royale : elle est suivie
par les courriers et possède des relais de poste. Elle
est en fort mauvais état» mais on y trouve un pont
remarquable, bâti sur le Sefid-Roud. Le point le plus
intéressant est la vallée des Oliviers» ainsi nommée à
cause de ses plantations.
3** La route de Recht à Tauris, par la vallée de
Guesker et le mont Massoula ; elle rejoint la route
royale vers Miyan ; sa direction est de Test à l'ouest.
Elle est fréquentée par les caravanes, qui mettent
quinze jours pour la parcourir.
â* La route de Recht à Enzeli. Elle traverse un djen-
guel de 13 à li kilomètres, arrive à Piré-Bazar (vieux
marché), où Ton ne trouve qu'une chaumière. A ce
point, on s'embarque sur le Roud-Bar, qui est navigable
pour les lourdes mahonnes du pays, on entre dans le
marais d'Enzeli, large de 28 à 30 kilomètres, et l'on
va débarquer au village de ce nom.
5" La route qui va d'Enzeli à Ardebil, par Kupri-
( 102)
éhài , téngtieroud , Êerganéroud et Agha-Ëveller.
Elle suit la plage à partir d^'Enzeli, jusqu^â ÉLcrgané-
fôiidf, dâ elle cômitieDce à gravir les flancs de la mon-
tàgàe. Ëlté est fort mauvaise, à cause c(es nombreux
CÔuré d'eau qu'il faut traverser et de l'escarpement de
l'Êlbrôuz.
AgriculHêre^ industrie et e^mmefee. -^ Les Cul-
tures prineipales An Gbila» so&t )e riz et la soie. La
première est bien estendue^ on ddmire l'art avee lequel
les indigènes disposent leurs champs en terrasses suc-
cessives^ de manière à tirer le meilleur profit des eaux.
Leurs laos artificiels sont bien disposé» et entretenus
aveo soin^
La culture du mûrier est moins bien entendue que
celle du riz ; les arbres» plantés à environ un mètre de
distanee les uns des autres ont un aspect peu agréa-^
ble, parce que chaque année on les tond complètement
pour en avoir la feuille y on agit de même en Turquie.
L'humidité excessive a obligé de faire pour les verâ
à soie une habitation particulière; c'est une chaumière
grossièrement construite sur des poteaux ou sur deâ
colonnettes de briques cuites^ selon la fortune du pro-
priétaire. Le précieux insecte est à peine abrité de la
pluiOy il reçoit les impressions de l'humidité et du
froid y et il est à présumer que ce manque de soin a
contribué à la dégénérescence de la race et à l'infério-
rité de son cocon ; aussi n'a-t-on point voulu le pro-
pager en France.
Les fruits sont mauvais» parce que là nature du ter-
rain paraît leur être défavorable^ et que les soios leur
font défaut.
( 103 )
L'industrie principale est celle de la soie : elle est
encore dans Tenfance ; on compte que la moyenne du
kilogramme est de 25 francs, tandis qu'avec un outil-
lage meilleur elle pourrait être au moins de 50 francs.
En général, ce sont les hommes qui filent les cocons,
les femmes n'y sont employées qu'exceptionnellement
Là décorticatîon du ri^ est exécutée d'une manière
également três-primîtive ; elle se fait au moyen de
pilons garnis de pointes de fer, et mis en mouvement
par une bascule. Le riz, ne pouvant se sécher à Tair
libre, est suspendu en gerbes dans des granges et séché
ati moyen de la fumée.
Les femmes gbilanaîses tissent des étoffes de soie
grossières et d'une très-petite largeur, qiii se consom-
ment presque en entier dans le pays. Cependant, j*en
ai vu à Constantinople, où elles servent au luxe de la
clitsse pauvre.
On fabrique à Recht des tapis de table d'un genre
particulier. Ce sont des pièces de drap dans lesquelles
on fait d^ découpures qu'on remplit avec des mor-
ceaux de couleurs différentes ; pour masquer les cou-
tares, on y applique des tresses plates de différentes
couleurs : le tout forme un dessin plutôt étrange et
bizarre que réellement beau.
Le commerce du Ghilan est très-important ; il se
compose de soie, dont l'exportation est de 600 000 ki-
logrammes pour l'Europe occidentale, et d'au moins
100 000 kilogrammes pour la Russie; de poissons sè-
ches et salés, qui sont transportés soit en Russie, soit
dans les provinces persanes environnantes. L'importa -
tion européenne se compose d'indiennes anglaises, va-
lant environ 8 millions de francs, de soieries de Lyon,
( lOA )
d'étoffes d'or et d'argent, d'armes de chasse des manu-
factures de Liège, vendues comme anglaises, d'un peu
de quincaillerie et de draps de fabrique allemande, de
faïence et de coutellerie russes, de qualité très-inférieure.
Si le Ghilan était bien administré, il serait très-riche,
parce que ses exportations sont beaucoup plus consi-
dérables que ses importations, mais son mauvais gou-
vernement est plus pernicieux encore que la fièvre de
ses marais.
La navigation de la Caspienne est tout entière entre
les mains des Russes. En 18^8, ils avaient cinq petits
vapeurs chargés de desservir Astrakhan, Bakou^et les
ports de la côte occidentale, Recht et Asterabad ; ils
marchaient fort mal, et des voyageurs italiens venus
de Bakou se plaignaient de la mollesse et du manque
d'égard des officiers russes. Mais on assurait qu'une
nouvelle compagnie de navigation devait porter à quinze
le chiffre des navires à vapeur.
La marine militaire russe stationne pendant l'hiver
à Asterabad, ou plutôt à l'Ile d'Achounada, qui a été
cédée à la Russie.
Arrivé au Ghilan en juin 1858, au moment le plus
malsain de Tannée, fatigué par une longue route faite
tout entière à cheval, obligé de m'occuper d'affaires,
je n'ai point eu le loisir de parcourir le pays comme je
le désirais ; j'ai dû me contenter de parler de ce que
j'ai vu en passant, je serais heureux si je pouvais atti-
rer l'attention de la Société de géographie sur une
contrée remarquable à plus d'un titre, et si je pouvais
engager un voyageur plus compétent à s'en occuper.
( i05)
CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
SUR LES ALPES CENTRALES
PAR M. WILUAM HUBER,
Capitaine à rétat-major du génie de la confédération suisse.
La Société de géographie m'a chargé de lui adres-
ser un compte rendu sur la belle carte du mont Blanc,
récemment publiée par le Dépôt de la guerre : mais à
côté des moyens employés pour l'exécution de ce tra-
vail topographique, l'étude de la carte même révèle
divers phénomènes communs à toute la chaîne des
Alpes, et qui m'ont paru assez intéressants, au point
de vue géographique, pour mériter d'être résumés en
quelques pages.
Je signalerai tout d'abord une erreur trop générale-
ment répandue : s'il est vrai que le mont^Blanc soit le
point culminant des Alpes, il n'est pas juste de lui
attribuer la préséance sur les massifs voisins. En effet,
quand on étudie une région dans son ensemble, il faut
pour trouver ce qu'on pourrait appeler les hautes--
terres^ se garder d'envisager seulement des cimes qui
peuvent se perdre dans les nuages, sans que pour cela
le terrain qui environne leur base soit de beaucoup
au-dessus du niveau de la mer, et c'est alors dans un
examen attentif des thalweg qu'on trouvera d'infailli-
bles données sur cette question.
( m )
£n remontant un cours d'eau jusqu'à sa source, on
observe une relation directe entre son volume et la
surface de pays qui l'alimente. Pour un fleuve de
quelque importance , on atteint donc une région assez
étendue, plus basse peut-être, que telle cime voisine,
mais dans laquelle la courbe de niveau décrite par une
altitude donnée^ embrassera une beaucoup plnd grande
superficie que la courbe de même cote dans le sommet
isolé. C'est donc la surface enveloppée par les courbes
de même cote, et non le plus on moins grand nombre
de courbe» qui révèlent les hautes* régions des conti«
nents*
Cette remarque peut être appliquée ati mont Blanc^
où la courbe limite des neiges perpétuelles, par exem*
ple^ enceiût une surface beaucoup moins grande que
la surface embrassée par la même courbe dans le
massif central des Alpes. On peut en conclure que
c'est dans ce dernier massif que doivent se rencontra
les bautes-terres, auxquelles on parviendra en remon-
tant le cours des fleuves principaux.
Or, les cours du Rhône et du Rhin conduisent di^
rectement au Saint-Gothard, d'où s'échappent aussi
les afiluents supérieurs du second de ces fleuves, l'Aar
et la Reuss; c'est encore au Saint-Gothard que l'Inn
prend naissance pour verser, selon les uns, ses eaux
dans le Danube, ou constituer, selon d'autres, la véri-
table tête de ce fleuve; c'est de là, enfin, que descen-
dent le Tessin et la Toccia, tous deux principaux
afiluents du Pô. C'est donc au Saint-Gothard^ où les
thalweg de premier ordre atteignent la plus grande
altitude, qu'il faut rechercher les hautes-terres; là se
( 1Ô7 )
trôuVé ïe point âé partagé principal dès bassins dé la
Médïtérî'aiïéé, de là iûét du Nord, dé là méf Noife et
dé f Adriatique ; d'est dé là que M. de Maistf e disait
pouvoir cf adhéi* à velouté dans lés deux hémisphères.
Examinons dôJdiC la configuration des Alpes en géné-
. rai, et celle du Saint-Gothâfd en particulier.
Lés Alpes forment lïllé ligne dé démarcation hardie
et majestueuse entre les races, la faune et la flore dé
âôtré Europe méridionale, et les mêmeâ éléments tia-
furels dtî côté du nord. Cette longue arête de Tancien
nîcmde, partant des côtes de la Méditerranée pour finir
bien âVatit dans Témpire Ottoman, lance au loin ses
raitnificàtionâ eti France, en Italie, en Allemagne et
mêtoé en Turquie ; mais c'est sur le territoire de la
Confédération suisse qu elle atteint son maximum dé
puissance et d'épaisseur. Dans cette région, les cimêè
se miîltipïiéïit étincelantes, été comme hiver, d'un écla-
tant tiîantéaa de rieîge; là de vastes déserts de glace
récèlefit encore plus d'une vallée que n'ajarâais foulée
lé pied dé l'homme; là, enfin, malgré l'ardente activité
dés satants ou le téméraire amour-propre de quel-
ques touristes, de profonds mystères reposent encore
sur des resplendissants sommets qui dressent jusqu'aux
deux leurs pîcs gans nôûa. « L'étonnante structure de
ces cimes, la stratification dé leurs rochers, la forma-
tion dé leur diadème de neige et de leur ceinture de
glace, lenr influence sur les révolutions périodiques
de la nature, leurs rapports avec les organismes vi-
vants, leur première et leur dernière histoire, tous ces
sujets sotit àutaht d'énigmes qui attendent une solu-
tion i> (1).
(1) Tscbudi» Le monde des Àlpet.
( 108 )
Sauf le mont Blanc, sentinelle avancée d'une armée
de géants, aucun sommet d'Europe ne peut rivaliser
en hauteur avec ces souverains. Mais le mont Blanc
lui-même constitue un massif à part; ce n'est qu'une
lie de glace près d'un continent de glace, ses vallées
sont beaucoup moins élevées que celles du massif
principal, et ses rivières ne sont que des affluents de
fleuves plus importants.
Si l'on dégage la chaîne des Alpes centrales des
mille accidents qui en compliquent les formes sans
altérer les grandes lignes, on reconnaîtra sans peine
que de l'extrémité de la Suisse occidentale près du lac
de Genève, jusqu'aux contins de la Suisse orientale,
vers les montagnes du Tyrol, la grande ossature des
Alpes eât divisée en deux chaînes principales, séparées
par une longue et profonde vallée qui n'est interrom-
pue qu'au Saint-Gothard. Là les deux chaînes se sé-
parent sous des angles presque égaux pour se rappro-
cher encore vers les extrémités; figurant ainsi une
immense lettre B dont le jambage serait incliné de
l'O.-S.-O. à TE.-N-.E. Le Saint-Gothard occupe le
milieu du jambage; la boucle orientale se referme
près des montagnes du Tyrol, la boucle occidentale
près du lac de Genève. La première dessine le bassin
du Rhin supérieur, la seconde celui du haut Rhône.
Si maintenant du Saint- Gothard , point de contact
des deux chaînes, nous traçons une ligne à peu près
perpendiculaire au jambage, nous formerons, indépen*
damment des angles Rhin et Rhône, quatre nouveaux
angles qui dessinent les bassins de rivières impor-
tantes : au nord-ouest l'Aar ; au nord-est la Reuss,
( lOÔ )
toutes deux tributaires du Rhin ; au sud-est le Tessin,
au sud-ouest le Toccia, toutes deux tributaires du Pô.
Ces six cours d'eau prennent tous leur source au même
point, les uns pour se diriger vers la mer du Nord,
les autres pour arroser les plaines de France et de
Lombardie, et verser leurs eaux dans la Méditerranée
ou dans l'Adriatique.
Ce n'est pas tout. Extérieurement à la figure que
nous avons grossièrement représentée par la seconde
lettre de l'alphabet, on trouve, au sud-est, une troi-
sième chaîne ou tronçon de chaîne comptant aussi de
hauts sommets. Elle décrit une courbe parallèle à la
boucle, et forme comme une seconde enveloppe con-
centrique à celle-ci. Entre les deux courbes coule
rinn, et au sud de cette chaîne supplémentaire court,
mais en sens inverse, l'Adda, affluent du Pô.
Par rinn, le massif central des Alpes peut donc, de
plein droit, ajouter la mer Noire à la liste déjà longue
des mers qu'il alimente de ses neiges, et cette consi-
dération seule devrait être suffisante pour déshériter à
tout jamais la Forêt-Noire de l'honneur, qu'un long
usage contraire à toutes les lois géographiques a seul
consacré, de donner naissance au grand fleuve autri-
chien.
Au sud-ouest, un tronçon de chaîne s'échappe de la
boucle correspondante pour lancer au loin sa cime
gigantesque ; c'est le massif du mont Blanc, dont le
versant nord envoie ses eaux dans le Rhône par l'Arve,
et dont le versant sud alimente encore le Pô par la
Doire. Enfin, au midi de ce dernier massif s'en des-
sine un autre parfaitement distinct, celui du Grand
( 110 )
Funtdbeldea Alpes de la Udurienne, qui fortne à l'ouest
une courbe concentrique analogue à celle que nous
avons signalée à Test.
A partir du Saint-Gothard, la symétrie que nous
venons de faire ressortir par la description générale
des deux chaînes est rendue plus sensible encore par
un examen attentif des cours d'eau. En effet, le Bhône
et le Rhin, analogues déjà par leurs noms, coulent
tous deux au pied de la chaîne septentrionale, ne rece-
vant de celle-ci que des torrents insignifiants ; tous
deux reçoivent, au contraire, de la chaîne méridionale,
un nombre presque égal d'affluents principaux ; tous
deux, après avoir coulé dans des directions diamé-
tralement opposées, s'échappent des montagnes par
un coude brusque vers le nord; tous deux, après
quelques kilomètres de parcours en dehors des cuvettes
qui leur ont donné naissance, ferment deux grands
lacs, ceux de Genève et de Constance; tous deux,
enfin, à peu de distance en aval de ces lacs, franchis-
sent d'étroits défilés, l'un en disparaissant sous terre,
l'autre en se précipitant du haut d'une paroi de rochers.
Et cependant les eaux de l'un vont se transformer en
glace dans les mers polaires, tandis que les flots de
l'autre courent se réduire en vapeur sous l'ardent soleil
d'Afrique. Curieuse disposition et singulier équilibre
de la nature qui, après avoir créé deux frères jumeaux
d'une ressemblance si parfaite, les conduit à des des-
tinées si différentes.
Dans l'étude d'une chaîne de montagne, quatre élé-
ments principaux sont à considérer :
1° L'altitude des cimes; 2° l'altitude des cols;
( 111 )
d"* Taltitude des sources; A"" la pente des thalweg.
Nous, nous proposons d'entreprendre cette étude,
mais nous ne saurions le faire dans un travail d'aperçu
général comme Test celui-ci. Nous reprendrons plus
tard, une à une, les différentes ramifications des Alpes
autour du Saint-Gothard, dans le but d'étudier d'une
manière plus spéciale les cours d'eau et leur pente ;
pour le moment nous nous bornerons à l'orographie,
en recherchant les formes générales des soulèvements
et les lois auxquelles ces formes peuvent conduire.
Jusqu'à présent la classification des divers massifs
on groupes des Alpes est assez obscure : quelques
auteurs se basent sur la géologie, d^autres sur les alti-
tudes, d'autres encore sur la manière dont les Alpes
sont découpées par des vallées perpendiculaires- qui
en séparent les massifs. Pour plus de clarté et sans
vouloir imposer une nomenclature à laquelle on peut
faire plusieurs objections , j'en réfère au squelette dé-
barrassé de détails, et prenant le nœud du Saint-
Gothard pour origine de coordonnées fictives dont
Tune passerait par les vallées du Rhône et du Rhin,
j'appellerai :
La partie occidentale du jambage : Branche N.-O.^
massif de la Jungfrau ou des Alpes bernoises.
La boucle correspondante : Branche 5.-0., massif
du mont Rose ou des Alpes valaisannes.
La partie orientale du jambage : Branche N»'E.^
massif du Todi ou des Alpes^glaronnaises.
La boucle correspondante :JïrawcAc5.-£., ou massif
des Alpes grisonnes.
La perpendiculaire au nœud du Saint-Gptbard pren*
( 112 )
dra dans sa partie nord le nom de Branche M, groupe
du Galenstock ou des Alpes d'Uri; dans sa partie sud,
Branche S. ou groupe des Alpes tessinoises.
Enfin, les chaînes extérieures à la figure s'appelle-
ront : Massif de la Bemina à TE, et massif du mont
Blanc à l'O. (1).
J'ai résumé» dans le tableau ci-joint, l'étude de ces
différentes branches. Les deux premières colonnes
comprennent les moyennes altitudinales des cols et
des cinfes établies sur un certain nombre de termes,
inscrit dans la colonne des observations. Ce calcul des
moyennes pouvait se faire de différentes manières,
dont le choix aurait amené de grandes différences
dans les résultats. Il est évident, par exemple, que si
Ton se fixait une cote limite au-dessus de laquelle on
compterait tous les sommets et au-dessous de laquelle
on les passerait sous silence, il arriverait que la liste
à établir serait excessivement longue dans les hauts
massifs et peut-être nulle dans les autres. D'autre part,
si, sans tenir compte d'une altitude inférieure, on se
basait pour l'établissement de ces moyennes sur un
nombre identique d'addendes, vingt ou trente par
exemple, le choix à faire deviendrait difficile, embar-
rassant et souvent injuste ; de hautes cimes devraient
être négligées pour permettre d'introduire dans la liste
des points inférieurs, dont le choix serait, vu leur
multitude, plus difficile encore.
(1) Noos laisserons de côté, pour le moment, le massif du Grand-
Paradis et des Alpes de la Maurienne, qui ne fait pas partie des Âl^$
centraXes proprement dites.
( lia )
s
p o
«9
O.
&
PS
4»
'53
-
8 ï ?-§ S S S 8 8
gas^sasss
*7i *:; *:t <o •»• ««3 «^ ••* ••*
« « ** a« w 3 « « «»
oc:o,£«— «;2 0*- ««s oS S^
^
K
o
ttS
i
^•5 --s»- .ijr^- ®-^- v'S
§lcïa2i?gï|a|c|S^
Il II iJi Pli H lui
JlIliiyiililJlJl
2 £ 5j2 2 2 " 2 2 2
-
•
H
i^«^ ■* flOQO**aoco
S
a*
-<
©eo ^ «or-ooooîO
©fcT cT ©^'^^•ir^
-
ta r! ai
0000 0 eoi-©^o«o
PLUI
cimi
•*•* •* coeO"*coeo
-
«n
•<
COO fO -"t^Oa^oe
eo— — ao — •♦'Mco
00 C^l eoO)G^a>«-«
*
H*
©ICO 00 O'r»»«aoe^
ce
o*« 04 cocoeoeo —
S
CB
-
£/ 1
c<ei 00 cocooooeo
aOO art •♦CSlaooço
Z 1 ***
I-^w- 00 — <N«* — CO
«•<»• eo eocoeoeoci
-
"si s
9S / s
eo— o'«*Oaooee^
«r^r» (M (NancoQOr-
"-Il
ccoo 0 •*f-*aOC^CO
doi eo ei&iG^c^&i
Û "W
-
• • •
! * - r *
• • •
• • • «
» Qj • • •
SÂ
A • *
: s : K (g
: 5 S 5 5
î 3 fe- 2 s
s
: a> a
S ^ ? :
e S S X
s «S ^ ^
S
0
H
i-«a S H<fioeM
>«-»
XI. FÉVRIER-MARS. 3.
8
( 114 )
Je n'ai dtme tenu compte ni- de l'altitude, ni du
nombre de termes, mais j*ai considéré comme cime, les
cimes les plus visibles, lès plus connues, en un mot
celles qui se détachent d'une manière bien nettb du
corps du massif, que celui-ci suit plus ou moins élevé,
ap-dessUs ou aurdessious de h limite des. neiges.; J'ai
considéré comme cols les passages les plus-fréquentes,
franchissant la ligne de partage des bassina principaux
ou le prolongement de cette ligne , quand bien même
lefs deux versants appartiendraient au même bassifa.
Gela posé, j -ai recherché pour chaque branche s'il
n^.existait pas quelque rapport d'altitude soit entre lès
cols et les cimes, soit entre la cime prineipale-et le cspl
let moins élevé; J'espérais découvrir des . chiffres qui
nf auraient mis sur la trace d'une relation iquelcoaquo:
eQtre la hauteur des sommets et celle des passes, mftis::
la; lecture du tableau n'a rien fait ressortir^ de sem-
blable.
9
Cependant, tout dans la nature étantrsomnis à dès
Iqis, les cataclysmes comme les faits les plus ordi-
naires, cette apparente anomalie peut s'expliquer par
l'action des forces qui sont intervenues «pendant et
après les soulèvements. Les actions réciproques des
Idis les unes sur les autres altèrent la sin^licité des
premiers phéiH)mènes^et, dans l'étude qui' nous oc-
cupe , il faudrait pouvoir tenir compte de l'âge, des
soulèvements, de la nature du sol syr lequel ils se sont
{iroduitSy di^ leur;Orientation, de k quantité de force
qui les a esgçndfés, peut-être de la latitude et de la
température ; autaiâ; de facteurs essendelà^ dont quel-
^paes-ufis nous . sont inconnus» Siy àJ'aspect jdes ruines
( 1»S )
d'un édifiée^ wmë avèos peiteà i«c6nilÉitrè hd règles
qai ont pré^dè à sa cjoâstruction,' ciittiiÈiént nëtis étbfi-
ner que les rtilne^f d'f^ sbuIëVëàient nou^ laissent
embarrassés sut les loli^ ({til ïmt (iroduit? Ce tt*èst
âODc pas rabsencé de lois ^ii'il faut <^nstàtèr» iiiais
l'insTiffisaDce des éléments nécessaires à les étatbHh
Tôtitefois, si les ratages des siëètes ont âititilé ces
fers sômoDlets^ la base de gratuit âùr làqueHe lis réi^o-
saiem a résisté ànx iûjures du temps ; elk of&e én^tiré
anx lûvèstigations de. là sdéttce utï riche et vaste
champ d'ëlDâë, bien battit déjà; mais dans lequel ndii^
aHons néanmoins chercbér à glaner quëlcti^es épis.
La brânbhe N .-O. que îiotië déâigiibbs aussi àous te
nom dé inàssif de là Jungfrati o'n des Alpes beraolseij;
cooimenbé à ][)ioprement parlei* à la Derit du Midi; â
¥&: en Rbônë, pour s'étendre ëb ligne droite jtisqu'aù
Sainl^Sotbard ; elle est profondérhërit càiipék entre sdii
point d'origine et la Dent de Mordes, p&t la tallée dd
Rhône qui^ à Saibt-Maudce,' présente dne slltitude de
&00 mètres environ. A partit de la Dent d^ Morclés
(2938>, première ëlmë vers l'O:, les Alpes berhtiisës
s'élèvent graduellement vers TE: pour* atteindre àÙ
groQ^ delà Jungfràu lëiir alittûde màxinià(Al98) ; elles
s'abaissent ensuite plus rapidement jusqu'au Oriiiisel
(318&), {>assagë qui sépïi*e le Jûngfràu des attires
massifs. Remarquons ici que le point culminant ilë
cette branche N.-O., TAlëtschUërn, est beaucoup {ilùlï
rapprocbé du Saint-Gothârd que de la Dent de
liorcles.
Les cols suivent là nièttiè ^rogreâslôb i sauf la pro-
fonde Côil|iûre de la 6emittl (S30S), sitiiée à pëû prës
( 116 )
au milieu de la chaîne , ils augmentent tous en hau-*
tenr jusqu'au pied de la Jnngfrau, pour s'abaisser
ensuite du côté du Grimsel. On peut en conclure que
le massif entier, considéré dans son ensemble, s'élève
de rO. vers TE. pour s'abaisser ensuite vers le Saint-
Gothard.
La branche N.-E., massif du Todi ou des Alpes
glaronnaises, n'est que le prolongement vers TE. du
massif de la Jungfrau. Commençant à la vallée de la
Reuss, elle s'élève rapidement jusqu'au point culmi-
nant du Tôdi (3623), situé plus près du Saint-Gotbard
que de son extrémité orientale ; elle s'abaisse ensuite
graduellement jusque TersRagatz, où le Rhin sort des
montagnes à la cote 500 mètres, comme le Rhône s'en
échappait à Saint-Maurice, à la cote /lOO mètres, dans
la chaîne précédente. De l'autre côté de cette profonde
vallée du Rhin, la branche qui nous occupe lance en-
core une crête, celle du Falknis (2566) et de Scesa-
plana (2968), laquelle, ainsi que la Dent du Midi pour
la branche N.-O., semble être une sentinelle avancée
postée sur l'autre rive du fleuve; encore une analogie
singulière à ajouter à toutes celles que nous avons
constatées entre les bassins des deux grands fleuves
suisses.
Les cols augmentent ou diminuent d'altitude de
même que les sommets, et sauf le Panix (2A10), situé
comme la Gemmi à peu près au milieu de la chaîne
tous accusent une côte de plus en plus forte jusqu'au
pied du Tôdi, pour ensuite s'abaisser vers l'Est. Le
massif, pris dans son ensemble, suit donc la même
ondulation que le massif précédent; il s'élève du Saint*
(117)
Gothard jusqu'au groupe principal du Tôdi. pour
redescendre lentement vers le Rhin.
La branche S.-O., massif du Mont-Rose ou des
Alpes valaîsannes, commence au col Ferrex (2û92),
point de soudure du massif du Mont-Blanc. Elle s'é-
lève jusqu'au Mont-Rose (4(538) pour s'abaisser vers
les passages du Nufenen (2ÂAi) et du Gries (2il&8),
qui la séparent des autres branches. Le point culmi-
nant, le Mont-Rose, se trouve, comme la Jungfrau,
plus rapproché du Saint- Gothard, et les cols, comme
dans les autres branches, augmentent ou diminuent
d'altitude avec les cimes. Sauf la profonde coupure du
SimploQ (2010), situé non plus au milieu de la chaîne,
mais plus près du Saint-Gothard, toutes les passes
augmentent de hauteur à partir de 1*0. et en se diri-
geant vers le Moct-Rose, pour s'abaisser de ce point
vers le Nufenen (2ââl).
Ce massif est le plus imposant qui se puisse ima-
giner. Lorsque l'œil embrasse cette muraille de glace
crénelée par trente sommets qui dépassent 4000 mè-
tres, l'esprit est frappé d'une sorle d'enthousiasme que
n'inspire pas à un aussi haut degré la vue de la chaîne
du Mont-Blanc. Là, le colosse européen dépassant
tous ses rivaux, parait leur commander, et attire seul
les regards et les hommages comme le ferait un or-
gueilleux monarque, tandis que le Mont-Rose, siégeant
au milieu de ses pairs, semble présider un conseil de
souverains et partager avec eux le culte d'admiration
qu'il inspire.
Dans le massif du Mont-Rose» comme dans les au-
tres, un fait qui mérite attention, c'est que les passes
( as )
le^ p\m profmà^ éébonch&fit toujours d&ns ia ytilé^
principale, en face 4n ^rpope ^9 jsK^itagQes te |)lu3
^j&vé da yen^aojt pppo!$é. Am^, pstr jBxempJç, en cod-
ïidér^nt tes 9a$^fs idii ifont-^lose et, de l^ ^ungfraii,
on reB»rqa,ç qïie te col d^ Sipplon {2.01Q) débwphe
^Qs ite v»I)éô du lUbôBe ep facjQ dn ^ r^cupe'^e te Jung-
D^Mb^ tfin^s que te Gepftm {H^9), p9$sage te m(ûo^
étevié de te briincbiB N.-(l., dé)K)uc))^ ^i^tps te iBèo^
TaUée eb ^ace du grojope p^inçîgal di^ Mooï-Hlc^se.
4401» Teti^oaverons oe phéùosiénè nfttiârel dons toutes
tes cliaiDes des Alpes, aussi aurons-ûoises à y revenir.
Lab^w&cbe S.-E. commence an Sakit-iSoth^ poto*
m r^oindre Ters TE. aux Alpes in0ii& élevées 4si
Vyrd ; eDe est moins régulière et ne suit pas te même
ondulation que Tes ti'ois massif s -précédents^ mais s'^te-
^VMt de firime saut jusqu'au fibeinnvlildliorfi (3398^,
elte suit une ligne assez dentelée jt&qu'aai Vk linard,
ée tntflie laUstode (ftiM), qui ferine 4a lisie de ses
mnhniets vers i'fl. Les -ctAs suivent les ipémes variai
fions que tes cipiés : ibantdt plus élevés, tantôt pfais
%as, et on ué peut plus, comme ailleurs, 'smvre de
progre£»3i<^ plus%»u moins régulière. ,
Mais la Im àes débùutchés^ si l'on veut bien me per-
mettre àt désigner ainsâ le fait que j'ai signalé tout à
i'heure, est constata entre cette branche et celle "du
7(.-G. dans toute Sa pureté. En eiet» te col du Luk-
manier (3917) qui, de mènie que celui du SiinpIoB^
ii'^est pas au milieu de ia chaîne, mais plus à proximité
du Saint-Gothard, est le moins élevé de tout le massif;
il déi)0u(5he dans là vaHée du Rbiu en face du groupe
principal du Tôdi, danis ta branche N.-'Ë.; tandis ^ue
{ 1Î9 )
te côl :ât Patîix (2410), le plus profond de la chaîne
dtL Tôdi/débouche dans la même vallée en fkce du
Mieinwaldhofn, sîtiié dans la branche S.-E.
Le massif àe 4a Bernitfa prend naissance & F extré-
l&ité septentMoMte du lacde Gôiïie, potrr "âe rattacher
anSsi âti ây^èiftè tyrolien par le 'Stôlvio. SiSparé des
Mpës'gfisot^lbés par la vallée de Mtin, il décrit, cfomÂie
trotré r«v(«te fait re'oiïtrqtief , t^ne courbe coîicentrîqûe
'tfti Ébâ(ssîf précédent. *l î)rêseWè, pits de son origine,
tin 'Èî&àïùm ^tti 'meîîit Ztm !iài'ètres, le Monte dëlla
Disgrazia ; plus à 1*E. , W rencontre la Bërriina (40R2),
tpdiift 'CUl&iû^tit 1^ 'fo diatÊ^, BitHé li pëù ^pi%s a ifnbitié
«Ifetâtefas MtriB le lac de €%ài^ ^t ïe StéMb.
Plui^Wtfe cote Iraïidiigsènt «è faite, tiiâis, outfe la
toaCe icnainteiièitft à'j^ine caitoSàiable duStelvio et ^e
4'A<itrîoliè, p» 'dés raisons politiques, Mssè toràbèr
*eft rtîîtïe, ia seule rotttè à vbittire qui traverse èette
^têù^ test 'iié&e at M de îà ^éftiinà ^S«4), hctevëe
^gîBtttenïènt 4'ànhée dernière. Ï9éh que ce 061 n^ sait
^!te ïftélnà êlëvé^tt »aâSSjif,tt^tôiîK ^ifi ^ a été fîdt
^m: là cttùstructto^ tf^è ^haussée est feipHqtié par
% taéélësédté potir la Strisse de relier son territoire de
^iteschîlEvè, situé sûr le vei*sant itàfieh de là montagnte,
àvecîe reste tftû canton dès Grièoûs.
La loi des débouchés se trouve encore vérifiée entre
ce groupe d^ la B^rnîna et le massif dèÈ; Alpes ^ri-
Boâiiès ; eâi ^fet, !e passage du îulîêr (Î2287) , un des
plus baà de tfette dernière chaîne, débouche dans la val-
lée de Fftm à Sil^apFana, précisénàétit en face du groupe
|)rincîpa! de la Berlaitoâ, tàndià que le col de la fier-
flinadêbtyûiâieàSàtnàclèn vîs-à-Vis duPiz d'Ert* ^396),
( 120)
Tun des sommets les plus élevés des Alpes gri-
sonnes. Plus loin , vers TEst , le passage le moins
haut du massif qui nous occupe, celui de Fraele (2240),
débouche à Zernetz en face du Piz Vadred (3234),
tandis que le col de la Scaletta atteint la vallée en face
du Piz Fier, lequel, tout en ne faisantpas partie de la
ligne principale des crêtes, ne s'en élève pas moins
à 3070 mètres. Je pourrais multiplier les exemples,
mais je me borne à citer les principaux ; un coup d'œil,
jeté sur la carte de Suisse, suffira pour reconnaître les
autres points où la loi est applicable.
Le massif du Mont-Blanc ne forme pas un pendant
symétrique à celui de la Bernina; c'est la première fois
que nous avons à signaler une dissemblance entre les
Alpes de TE. et celles de l'O. par rapport au Saint-
Gothard. Au lieu de décrire une courbe concentrique
aux Alpes valaisannes, il se soude à celles-ci, entre le
col Ferrex et le col de Balme» formant ainsi un contre-
fort avancé de la chaîne du Mont-Rose. Le haut massif
commence, à proprement parler, au col du Bonhomme
(2340), pour s'élever brusquement jusqu'au point
culminant (/i8 10), et redescendre graduellement vers
le poiut de soudure, où il se termine par deux ai-
guilles comparativement basses , celle de Portalet
(3355) et celle d'Orny (3278).
De même que le groupe de la Bernina sépare deux:
rivières parallèles et de sens contraire, de même le
Mont-Blanc sépare l'Arve des deux* Doires, dont l'une
se dirige vers TE., tandis que l'Arve coule à l'O. Enfin,
de même que la Bernina est la ligne de partage entre
le bassin de la mer Noire et celui de l' Adriatique, de
(121 )
même le Mont-Blanc constitue la ligne de partage entre
le bassin de 1* Adriatique et celui de la Méditerranée.
11 est impossible, malgré le manque de symétrie dans la
position géographique de ces deux chaînes, de ne pas
reconnaître une certaine analogie dans le rôle qu'elles
jouent comme lignes principales de partage des eanx.
Dans le groupe du Mont-Blanc, les cols, sauf ceux
du Bonhomme et des Fours qui franchissent la chaîne
vers son extrémité occidentale, dépassent tous 3300 mè-
tres d*altitude; aussi ne sont-ils que des passages de
touristes peu fréquentés par les gens du pays. Néan-
moins, si nous considérons les grandes vallées abou-
tissant à ces cols quelque élevés qu'ils soient, nous
trouvons que la vallée de la mer de Glace (col du
Géant) débouche dans le thalweg de l'Arve en face de
rAîguille du Dard, la plus élevée du système savoyard ;
les vallées dans lesquelles se pressent les glaciers
d*Argentière et du Four atteignent le même thalweg
en face des Aiguilles rouges; enfin, sur le versant
méridional, la vallée du Glacier de Miage (col de
Miage) se réunit à celle de la Doire vis-à-vis du Mont
Favre (3253), un des plus hauts du système opposé.
Cette loi des débouchés que je n'ai vue énoncée
dans aucun ouvrage scientifique ou descriptif trouve,
ainsi que je l'ai annoncé, des applications frappantes
dans les six massifs que nous venons de décrire. Elle
est trop générale, dans les Alpes du moins, pour qu'être
pasle résultat de quelque grande cause physique etgéo-
logique dont l'explication serait un puissant auxiliaire
pour écarter un coin du voile qui recouvre encore la
question des soulèvements. J'aurais voulu savoir, avant
( ISffl )
de la signator à Tatlention deiiûs saTatits collègues, ^i,
sur les points dti globe où se rencontrent detrx ou
plusieurs grandes <:talnes parallèles^ on trouverait,
comme dans les Aipes, des exemples ^ien définis de
cette }oi. Alors ce ne serait plus un &it unique et
spécial au massâf européai, et sa généitdité augmen-
terait «on importance.
La première explication ^ui se présente À l'esprit,
xî'e^t que la croûte terrestre, déjà solidifiée lors d*tm
soulèvement lent ou rapide, n'a pu se boursoufler sans
qu'il se produisît une rupture correspondante dontle
point de départ se trouvait à proximité du point même
du soulèvement. I^lus la dilatation a été considérable,
plus la crevasse produite a dû être profonde, =6* sous
Tinfluence des agents météorologiques, cette dépres^
mon s'est de phis en plus accentuée et élargie selon
la nature des roches qui en forment le sous-sol et tes
parois. On pourrait encoreétablîr que le thahveg ayant
^té repoussé d'autant plus loin de la base du soulève-
ment, que celui-ci a été plus prononcé, le versairt
opposé a été peu à peu rongé par les eaux, précisément
au point où la pente de ce versant était devenue le plus
raide; les érosions du fieuve, jointes à celle des eaux
coulant sur le versant même, auraient à la longae et
par une suite d'éboulements partiels, pratiqué uue
coupure dans la montagne. Notre coHëgue, Elisée
Reclus, m'a dit avoir observé ce fait en petit et d'une
manière irrécusable dans les sables du bord de la m^r,
lorsqu'à marée basse ils sont sillonnés par de petits
cours d'eau. En face des dénivellations qui forcent ces
ruisseaux à décrire une courbe, on Teuwwque sur le
( 128 )
bwrd <^po8é de frtquçots ^otileiaents de saWe, qui
doivent à la lopgue créfsr sur ce point un col en mioia-
tqre. Totiitefpis, dans les Alpes, les fleuves ne parais-
sept pfs ^yok toujours été déviés par les ^soulèyeDaents,
^t dès lors, il me seint>le difficile d'admettre c^te
ej^p^cation quelque spécieux qu'elle puisse être. Je
dpis ajouter, du reste, qu'il serait probablement iouUle
de rechercher la loi que j'indique dans les faibles aou-
Jèvemeuts, où les détails of ographiques sont beaucoup
plus complexes, ,et où les boursouflements p'ont peut-
être ^s été siojiGisants pour produire d'iiuportantes
nQ)tures.
lie groupe du Galenstock et celui des Alpes tess^*
jH)ise5, ne sont réellement qne des ramifications que
la obaîne principale lance au N. et au S, ; mais, séparés
Ions ^teux des atjttres massife par de grandes et prp-
fondes yaUées, ils constituât des groupes ^ part, bien
défais et auxquels nous avons cru devoir donner des
dénominations spéciales.
le premier, celui 4e Galenatock:, se soude au Saint-
€hdi)arâ par le col de la Furka (2136); il s'élève, dès
son origine, justju'à la cote ^30 (Dammastock), pms
a'^aissé ientœient vers le N.-N.-E. pour venir plon-
gea: ses dermërs ressauts dans le lac des Qaatre-<lan-
tmm, à Treib. Dans ce massif, comme dans ceux du
Tbdi et des Alpes grisonnes, aucun sommet n'atteint
AOOO mètres; cinq passages très-fréquentés franchis-
frent son faite, mads ce groupe n'étant probabilement
que le résultat du soulèvement de la grande chaîne,
nous n'y trouvons, sur la loi des débouchés, que des
exeihpiës assez mal accusés qui m confirj9)ent qu'im-
parfaitement la règle.
( 124 )
Il en est de même du groupe méridional des Alpes
tessinoises : se détachant du Saint-Gothard au col du
Nufeneu ('iflAI) , il est séparé des massifs S.-E. et S.-O.
par les profondes vallées du Tessin et de la Toccia.
Aucune de ses cimes n'atteint 4000 mètres, c'est à
peine si deux d'entre elles dépassent 3000 mètres;
aussi ce groupe est-il le moins élevé de tous ceux que
nous avons passés en revue.
En résumé, Texamen du tableau que nous avons
dressé fera voir que le calcul de nos moyennes, fait le
plus consciencieusement possible, confirme pleinement
ce qu'ont avancé bien des auteurs avant nous, savoir:
que la chaîne centrale des Alpes s'élève brusquement
du côté de l'O. pour s'abaisser lentement vers TE.
Mais cette allure n'est pas régulière, et on peut remar-
quer que les branches principales qui rayonnent au-
tour du Saint-Gothard, ont toutes les quatre un point
culminant, symétriquement placé par rapport au nœud
central, et qu'elles s'abaissent vers FO. comme vers
l'Est. En ne considérant que les moyennes, nous voyons
que la chaîne du Mont-Rose entre en première ligne
(4102), puis vient le massif du Mont-Blanc (3858), et
celui de la Jungfrau (3752). A l'E. du Saint-Gothard,
le massif le plus élevé est celui de la Bernina au S.,
dont la moyenne atteint 3458 mètres ; puis vient celui
des Alpes grisonnes, 3226 ; enfin celui du Tôdi au N.
3143 mètres.
On peut donc classer comme suit les différents mas-
sifs alpins suivant leur altitude :
1" Massif du Mont-Rose 4102
2« Massif du Mont-Blanc 3858
( 125 )
S*" Massif de la Jangfrau 3753
A"" Massif de la Bernina 3/k58
Ô"* Massif des Alpes grisonnes 3226
&" Massif du Tôdi 31A3
D*où Ton peut conclure que l'altitude des chaînes
va décroissant à la fois de l'O. vers l'E., et du S. vers
le N. Les versants de ces chaînes présentent à peu près
des caractères semblables. Au N., elles s'étendent
toutes les quatre en pente douce, lançant au loin de
grands rameaux, tandis qu'au S. elles s'abaissent d'une
manière plus abrupte jusque dans les vallées adja-
centes. Enfin, et pour terminer cette première partie
du travail, nous devons résumer ce que nous avons
dit sur la position des cols, savoir que les cols les
moins élevés des massifs du N. (Gemmi et Panix) sont
situés à peu près au milieu de la chaîne à laquelle ils
appartiennent, tandis que les passages les plus bas
des massifs du S. (Simplon et Lukmanier) sont plus
rapprochés du Saint-Gothard que de l'autre extrémité»
et que tous, quels qu'ils soient, débouchent dans les
vallées en face des plus hautes cimes des chaînes
opposées.
Nous avons, jusqu'à présent, considéré le Saint-
Gothard comme le point pour ainsi dire géométrique
de croisement de six massifs. Mais nous devons quel-
ques éclaircissements sur ce nœud que nous avons si
. souvent nommé sans Tavoir encore décrit.
Le Saint-Gothard est le groupe isolé de toutes les
autres branches, compris entre l'extrémité de la vallée
du Rhône, le col de la Furka, le cours supérieur de la
Reuss, Je col de l'Oberalp, la vallée supérieure du
(126)
Rhin, jusqu'à Dissentis au nord, le col du Ëiâ^noranier
à l'est, la vallée supérieure du Tessin ou val Bedretto
au sudy et le passage des Nufenen à Tottest.
C'est au centre de ce massif que se tironVè situé le
passage du Saint*Gothard, qui te divise en deux parties
presque égales. Le massif se présente donc sosfs la
forme d'un quadrilatère, séparé de toutes les âuti^es
branches par des vallées profondes o» des cote accen-
tuas.
Les dmes de cette sorte d'iiot^ eotoui^ d'uti océâiù
de montagnes, ne aoot rdativemeat pas très-hautes,
leur moyenne atteint à peine 2950"", et la plus iotpor^
tante, le Piz Rotondo, H97'^. Ce peu de relief paraît
n'être pas en rapport avec le rôle que joue le Saint-
Gothard, dans la distribution des fleuves qui s' eh échap-
pent de tous côtés. -^ Ce sei'ait , d'après quelques
géologues, une preuve de l'ancienneté du souH-
vement.
En effet, se basant SHir une opinion émise par M. ÉHe
de Beaumont, savoir : que parmi les chaînes de mon-
tagnes d'un continent, les plus basses semblent èU*e
les plus anciennes , quelques savants se soilt crus
autorisés à supposer que, dans une menue chaîne,
lorsqu'elle a été formée par plusieurs soulèvements
successifs, les massifs les moins élevés sont aussi les
moins récents (l). D'après eux, ces massifs dont il ne
resterait aujoui^d'hui que les bases, devaieat compter
des cimes de hauteur inconnue, qu'a roiigées la dent
meurtrière des siècles, j^endant des milliecs d'an-
(1) Nordfahrt von Berna, par Çarl Vogt.
( m )
néea» les. tocrenta, les avalanches, les éboulemeats, les
glaces et les orages auraient travaillé à détruire cesk
fiëres pyramides qui semblaient devoir défier les plus»
puissantes actions. Attaquées de tous côtés pai; Hemr
leur plus redoutable ennemi, ces montagnes ont pu
s'affaisser pjour disparaître ensuite et reippiir de leurs
débris les vallées, voisines. Il est vrû que de i^oa
jours nous voyons s'accomplir cette œuvre lente et
continue de destruction, et nous pouvons, sinon me^
surer, du moins en constater les effets. Les torrents
bondissent. sans cesse dans un lit plein de décombres,
les avalanches labourent sans répit les flancs des mou<-
tagnes, les glaciers charrient, sans, relâche de longues,
files de débris, les orages emportent chaque année de.
vastes étendues de pâturages, qu'aucune forêt ne fixe
plus^an sol, et le rocher même, mis à nu, est secrète-
ment attaqué, lentement décomposé, jusqu'à ce qu'en-
traîné sur la pente commune^ il vienne bloc par. bloc,
s'abîmer dans la vallée. En dehors de ces effets
continus, il se présente, de temps à autre , de grands
cataclysmes; Téboulement. de Conto en lôlâ, qui dé*
truisit deux bourgs et ensevelit plus de 2000 habitants;
ceux des Diablerets, en 17lÂet 17 A9, qui recouvrirent
lesÂlpes de Cheville d'une couche de lOQ"" de débris*;
celui du Rossberg en 1806, qui engloutit Goldau et
qu^tre,autres.villa09s; .et la menaçante fismire du Fels-
berg, dent le. sommet est en mouvement depuis des
années et qui chaque jour menkce de s'écrbulér dans
la vkilée; et les éboulements partiels de la Dent dii
Midi. vers 1840, ceux de là Bernina et du Prâttigau;
enfin les xélëbres glissées de terrain de 180& à^S^ei»^
( 128 )
et de 1795 à Wâggis, n'est-ce pas là de Thistoire con-
temporaine? Oui, Fceuvre de destruction des mon-
tagnes s'opère sons nos yeux et s'est poursuivie depuis
l'origine des siècles avec une fatale persévérance ; le
grain de sable entraîné, la pierre précipitée des hau-
teurs n'ont jamais repris leur place, et les sommets
détruits peuvent n'avoir laissé, comme témoin de leur
ancienne puissance , que les gigantesques bases sur
lesquelles ils étaient assis ; leurs débris, charriés dans
les vallées ont servi à remblayer par des milliards de
mètres cubes, des dénivellations énormes et les gouf-
fres béants des vallées primitives pour doimer au
fleuve le cours régulier qu'il s'est construit lui-même
à la longue, en dépit des premiers accidents de son
cours (1).
Nous ne saurions affirmer si le massif du Saint-Go-
thard est d'une époque plus ancienne que les autres ; sa
structure géologique ne semble pas le prouver, et nous
nous garderons d'aborder une question sur laquelle
les plumes les plus autorisées ne sont pas d'accord;
nous dirons seulement que, placée au point de croise-
ment de plusieurs soulèvements, cette région a dû être
le théâtre d'une complication de phénomènes qui
échappent encore à nos investigations et dont nous de-
(I) a Cailloa à caillou, grain de sable à grain de sable, Teau porte
» les montagnes à la met; elle n*est pas seulement, comme le dit
» Pascal, un chemin qui marche, elle est aussi une masse conlinentale
» en voyage, qui, dans les siècles d'hier était couverte de la neige
» éternelle des montagnes, eiqui, demain, se fixera sur les bords de
» la mer pour augmenter le domaine de Thomme. » Les Fleuves,
par Elisée Beclus. Nouvelles annales des voyages^ mars 1865, p. 2S6.
( 129)
Tons, jusqu'à noavel ordre, admettre les effets sans
rechercher les causes. Les vallées qui entourent le
nœud du Saint-Gothard sont toutes très-profondes : le
Rhône à Oberwald n* accuse que 1«^58 mètres; la
Reuss à Andermatt 1A38 mètres ; le Rhin à Dissen-
tis, 1048 mètres; enfin le Tes^in, à Aïrolo, environ
1100 mètres d'altitude. Les cols qui joignent ses
vallées participent à rabaissement général : la Furka
a 2436 mètres; l'Oberalp, 2052 mètres; le Lukma-
nier, 1017 mètres; le Nufenen, 2&41 mètres; enfin Iq
Saint-Gothardy qui en forme la ligne médiane, ne
présente, à son point le plus élevé, qu'une hauteur de
2114 mètres.
Le Saint-Gothard est formé par des gneiss et des
micaschistes ; ces derniers se rencontrent sur le versant
méridional et sous forme de roche pourrie qui se délite
rapidement à Tair et n'offre aucune consistance. La
limite du terrain secondaire ne se trouve que bien loin
daHS les vallées : vers Attinghausen et Altorf dans
celle de la Reuss; vers Hof dans celle de l'Aar; vers
le Lotschcnthal, dans la vallée du Rhône, et au S. dans
les plaines de l'Italie. Mais un fait curieux à signaler
et qui pourrait embarrasser plus d'un géologue des
anciennes écoles, c'est la présence dans le groupe du
Galenstock d'un banc calcaire, stratifié à une hauteur
prodigieuse et serré entre un toit et un mur de roches
métamorphiques. Lorsque d'abondantes pluies tom-
bent dans ces régions et que les torrents gonflés
apportent, jusque dans les vallées, d'énormes quan^
tités de déj>ris entraînés par leur course rapide, on
trouve, dans les lits de ces mêmes torrents, quand.les
XI. FÉVRIER-MARS. 4. 0
( iSO )
eaux ont repris leur régime, des morceaux de calcaire
de toute diineosioD à côté de gros fragments de quartz
cristaliisé. Ce calcaire, dont nous avons rencontré de
nombreux échantillons dans la vallée de la Reuse,
après les inondations mémorables de 1800, 6st d^un
blanc quelquefois éclatant, quelquefois légèrement
tcdnté d*oore jaune, et souvent coloré de gris bien,
çpmme s'il avait été en contact avec des schistes; il
présente invariablement une cassure saccharoîde, san»
aucune trace de clivage» de cristallisation ni de fosi»Ies.
Il produit une chaux d^excellente qualité que non»
avons employée; aussi quelques foura sont41s établia
à Oberwald en Valais, à Gœschenen dans ie cantoH
d'Uri, et à Scbwanden en amont de Hof dans l'Ober-
basli. Ces exploitations très primiti?es s'approvisien*
nent uniquement de ce que leur apporte le torrent,
aussi la fabrication est-elle précaire et souvent inter-
rompue. Par qoel phénomène exceptionnel ce baao
calcaire de quelques mètres de puissance seutemeot
se trouve-t il ainsi perdu à des hauteurs presque
inaccessibles, bien loin au-dessus de la limite des
neiges ? Comment se trouve-t-il emprisonné et pîneé
en quelque sorte dans des gneiss et les mioasohistes f
C'est ce que nous ne nous hasarderons pas à recher-
clier. Nous nous bornerons à dire que sa préeene^
donne une force nouvelle à la thémîe, aujouid'hoi
généraleoieat adoptée, qui ne v^t da^s çei^ioes
roches, que Ton avait eru jusqu^à présent primitive»,
qu'uqe métamorphose du cal dure, soua l'aetioa €^
diverses influences physiques et chimiques.
Ces gisements calcaires, alternant avec dee banca de
( *8* )
gmm et âe sûbistft^ ne sont pa^ spéi^tix au garotipe
du Cialm&toelc. On en retcauve m Valais près de Zei^-»
»ait, au Liikaaaiiier^ au Rnmner^ ail Splûgen entre ]^
col et la village, où i]s a' exploitent uos-âBu^çifiôDt pou»
la statuaire, mais euoore {içur le aimple entretien dé
la n^ute* Snfiu U, de Billy, auquel noua devfins la tieUei
oarte ^éqle^ique des Vosges, a couataté la ppéaeuee
de hano& aualogaea près de Laveline (arjpoudisaesieiil
de SaintiDié)^ et aux environa d» SaiuterM^riie^uxHt
llipea< Là^ la roche eneaiasaute est d\\ gueisa parfailèi»
ment défisi, et le caJeaire se présente aoua form& lamel^
lake, avec tracea de g^apbite^ ee qui indiquerait ud
éiément primitif végétal, a^t(|rieur ^ la fondation du
gfi^iaa.
Si l'ea^ainen des cimea et dea oela noua a mia ^ur Iq
t^aee de la loi des débouchés, eeki dea eaura d*eau
0911s eu découvrira uâe autre non iKtoina importante
pour Itt géographie et ^'âtude du tfjfrain^
Cettç^ loi n*eét pas nouvelle ; émisa en 1808 par
UU, UupuiarrToréy et Bri&aon (4), elle é^it tombée
dftna l'oubli» an point <|U'un de qoa maîtres en topo<«
graphie, M. Bardin, aprèa eu avoir dam le temps cber^i
ché inutilement lea applio^tions, avoue lui-même avolt
ét^ obligé de rcaumcer à catca reehecehe. Gepeqdaui
le. fait énonoé par Briseoju existe dTune manière irréou»
sable dans lea grands aoulèvemeat», et les quelqueflj
enemplea que noua allons présenter auffitont pour la
ir^bâbiliter aux yeuii dea géepiaphea^
{\ ) Esiaii $ur ISsÊfi de projeté* M^eUio» de nâiijiganonf par Màf. D(i*
poisi-T<»rc| çt Bri|^p, ii^[ÉW|eu;:ft ^^ |>o^ti^ et cl)«^v^sé^, 3ÇlV»c|i|pier
da Journal de l'Ecole polytechnique, t. VU, p. 262 (di^j |%iiOc
(182)
MML Dupuis-Torcy et Brisson cherchaient à établir
dans un mémoire très-savant, mais assez confus, qu'en
projection verticale, les crêtes sont toujours parallèles
anx thalweg. Il s'ensuit qne le point le plus élevé
d'une chaîne devrait toujours être situé, par rapport
au fleuve qu'elle encaisse, du c6té de sa source. Jus-
qu'ici rien de plus simple ni de moins neuf, quoique
des exemples pris aux sources de la Garonne et dans
les Garpathes viennent opposer à cette aflSrmation
d'évidentes exceptions. En effet, dans les Pyrénées, la
Garonne qui prend sa source au sud de la chaîne» la
traverse perpendiculairement par le souterrain naturel
du Trou del Toro, pour gagner au Nord les plaines de
France ; et dans le Tatra (Garpathes), l' Arwa et le Po-
prat prennent leurs sources au N. et au S. pour ga-
gner la Theiss au S. et la Vistule au N. , coupant ainsi
la chaîne dans une direction normale à son faite (1) •
Enfin, dans l'Amérique du Sud, presque tous les fleuves
prennent naissance sur le versant E. des Andes, et tra-
versent perpendiculairement les Cordilliëres. Quoi qu'il
en soit, la loi émise par MM. Dupuis-Torcy et Brisson
peut avoir d'utiles résultats pour la recherche des cols.
D'après la loi énoncée, lorsque deux cours d'eau cou-
lent parallèlement, mais en sens contraire de chaque
côté d'une chaîne de montagnes, cette chaîne devra
présenter deux points hauts vers chacune des sources,
et, son inclinaison restant parallèle aux deux ri-
vières à la fois, elle devra s'abaisser vers son milieu;
on en conclut qu'en joignant les deux sources par
(1) Nouilles Annaks des Voyages, mars, 1865. — Les Fleuves^
par Elisée Reclus.
(133)
une ligne fictive, on rencontrera vraisemblablement un
col au point d'intersection de cette ligne avec le faite»
MM. Dupuis-Torcy et Brisson disent aussi que, lors-
que deux cours d'eau prennent leurs sources dans le
voisinage l'un de l'autre et coulent en sens opposé, le
prolongement de leurs thalweg indiquera un col sur
le faite qui les sépare. En résumé, d'après ces ingé*
nieurs, pour trouver un col il suiBt de joindre les
sources de deux rivières dont les cours soient diamé^
tralement opposés ou parallèles, mais en sens con-
traire (1).
Ce fait est vrai dans toute la chaîne des Alpes, et les
exemples les plus concluants abondent autour du Saint-
Gothard.
Lorsque des sources du Rhône à Gletsch on veut
passer à celles de l'Aar, on trouve le col du Grimsel
(2183) ; à celle de la Reuss, le col de la Furka (2&36);
à celle du Tessin, le passage du Nufenen (2&A1); à
celle de la Tocçia, le col du Griess (2A&8). Lorsque
des sources de la Reuss on veut passer disons les bassins
voisinSyOn trouve : pour arriver à la source du Rhône,
la Furka; pour gagner le bassin du Tessin, le Saint-
Gotbard (211A) ou le col Ganaria (2636) ; pour parve-
nir à la source du Rhin, le col de l'Oberalp (2052);
enfin, pour conduire dans le bassin de l'Aar, le Susten
(2262) par les vallées latérales du Mayenthal et du
Gadmenthal. Entre la source du Rhin et celle de la
Reuss, on trouve l'Oberalp; entre un affluent du Rhin
et la source du Rreno, dans le val Blenio, on franchit
(1) Voir l*éaoQcéde cette proposition, à la page 278 du vol. XII da
Journal de l^Ecole polytechnique •
( 194 )
te col du Lnktnanier (1917) ; entre wH autre isifttiieiit
et la iùèiûe vàtlôfe, te toi dié <îrêrDà (2360) ; tûBu lA
L^tita (2?7«), Ji là éblircè tfbô ti*oisièmè afBiieht plos
à FE. Eàflrt, tofsqwe ded àbufi^s du Ttessîi!^ on tihei?ché
à pàïàet dans le b^i^iîi dti Rhône, oh fVanehit lé Nufte-
neii ; et dans le ba^^in dé la Toccià, te côl 8àtt«4Q^ia<iA^
mo (2808).
Pl\ià feiu tïoifd, on troWve ènctiite de tibWbf^.u^s a^"^lî*
Tâttetiè dti toêiîie fait i ent^è là Vallée d*Ëngèlbfet^ ^t
T*lte diè Gitdbhen, où trouvé le ^a%^agè du Sut-ètten
(2305); entre celles d'Oberrikenbach et d'Isehlfcal, te
pasisagë du Scholhegg (1925); entt*e iè âtbâthenthal
et la vallée de la Lintb, lé col dti Klauseu (4088),
eiiC* m 6VC*
Nous étêftdrion* fè tfOLttïp de W)!à tiechiètchw dtt tt)us
feôtés, tjué de tous côté* ailèsi nous HurfOtt* à tîôïîâtSi*
tsY lès Vrtétaes VéHtés : d^ù F où peut èouclûre te kit
^ul, tout en topant pas ftoûveàu, n'est pas tepèftdànt
San* importance pour leé explorateurs, t'est qu'en tb^
taoûtant un cour* d'ièàu de q'Ueltiué Itaportante Jusqtf à
sa liource, Ort trouvera înfaîlllblekrieftt \ln col acceèi*-
stble.
MM. Dupuis-tbfcy et BrifeâOii tïe pariaient ett ISW
que de rivières opposées ou parallèles, Tnais de pente
contraire; nous allons plus loin et nous ne Clraignofti^
pas d'affirmer ï
1* Que lorsqu'une ou deux rivière^ importantes pr&-
^fentent des coudes brusques, ces coudes peuvent fttfè
considérés côttimè des sburôes pour la recherche dfeà
eolst e'est*à-dire «ervir de peint de joMtioti avec les
autres sources ou les autres coudes.
( 138 )
a« Qwe lorsqu*toiw rivière coule perpendiculaire*
iti»m à tthe autre» le prolongement de la perpendicu-
Mtt indiquera presque infailliblement un col.
En effitl, ^ànt àU premiiôr points celui des coudes^
nous en trouyons dans les Alpes de nombreux exem-
ptées. EiiV^ l^ Céude^ du Rhdnè et de l'Aar, près de
leùit» êoiirtieb ; aU mû dU coude du Rhin à Goire, oà m
troiiTe tà %«1 dé Parpàn (156 1)* m coude du Rhône à
MÀrtigny^ d'où ^art toUI un t^seau de passages ; entre
là. soUtte de la Landqti&rt m le c^dùde de Tlnn à Stts^
oïl ëe trMve uft col de 2&?9 mètres. Entre le coude de
là Lôtifea & Ki^pél et là doufce de la Kander, où Von
renisMtl*e M miJSeu du haUl Màèsif dei9 beiges le pas^
sège M Mti^¥imns jadk ttès-frëq\ienté, itiaiB que tes
^kc^B t^t l^ndu anjourd^htli {K'esqaë impratioablei
Eâflfl, llautilé rfiasâif dil Mt^â^B)anc^ c'est d'iiti coude
prtMioncé dé T Afté que pan lé col du Prarion.
On peut objecter & cette théorie ic^ué les coudes^
reèevâbt {génét^alé^àétit dés affluents^ lé êad dont nou«
noué l^éctipon^ f etèttibe dabs Celui de déUx Cours d'ea»
o|ypo«(éSi II él^t i^\ i[}Ué dane la niàjeure partie des cad,
le thalweg principal se fM'olôngé eu thalweg d'un ordre
iil#Hëu^ é)i au^bnt d«L toùdei mais les affluents qui
arrivent à ^ ee^ùAh ne sofit éouvent qu'in^gnifiants
par rappOfI au débit du fleu^ principal ; dès lors les
cols ne déVIraient pas être {>lUs accentués que ne le
soély dans les chaînes de Uiotitagne, ceux qui rejoignent
deux thalwegs de troisième ou de quatrième ordre,
suivant Timportance de Taffluent. Il n'eu est pas ainsi,
et quelque insignifiatH que isoit cet affloent, le coude
d'un grand fleuve du d'une rivîtte importante indi-
( lae )
qnera toujours une grande dépression. Le coude du
Rhin à Sargaus pourrait rentrer dans le cas dont nous
nous occupons ; toutefois, sans Taffirmer, il présente
un fait hydrographique trop singulier pour que nous
puissions le passer sous silence.
A Sargans, le fleuve qui coulait dans la direction du
nord depuis Coire tourne brusquement à Test, aban-<
donnant ce qu'on pourrait appeler son thalweg naturel,
pour franchir un étroit défilé entre le Flâschberg et le
Schollberg. En prolongement de la direction que le
Rhin suivait depuis Coire» s'ouvre une large vallée
marécageuse, celle de la Seez, qui conduit de niveau
au coude que fait ce torrent à Mels. La Seez, comme
le Rhin, ne reçoit aucun cours d'eau à son changement
de direction, et la hauteur du terrain entre les deux
coudes est de deux mètres environ (1). Si donc de Sar-
gans à Mels, sur une longueur de h kilomètres au plus,
on creusait un canal de 3 mètres de profondeur au
maximum, le Rhin, au lieu de se jeter dans le lac de
Constance, se précipiterait dans celui de Wallenstadt,
traverserait le lac de Zurich et emprunterait le cours
de la Limmat jusqu'à Waldshut.
La vallée de la Seez, comme le rapportent les lointains
^chos d'une tradition mourante, est-elle ou non l'an-
cien lit du fleuve qu'un éboulement de montagne aurait
forcé à changer de direction pour se précipiter dans un
étroit défilé ? Telle est la question qu'on est en droit
(1) Cote du Rhia à son coade 483"^
— de la vallée près Sargans. . • 485"
— — Thiergarten 470»
— da lac de Wallenstadt. . . . 425"^
( 187 )
de se poser. S'il y a eu jadis un chaûgement de direc-
tion, nous ne croyons pas qu'il faille l'attribuer à un
cataclysme violent, tel qu'un éboulement, car les deux
mètres de dénivellation ne sont pas formés de détritus
de montagne» mais d'une sorte de tourbe incomplète
reposant snr un lit de graviers roulés. Nous pensons
qu'il serait plus vraisemblable d'invoquer un effet lent
et continu, tel que la formation, par un ancien glacier,
de quelque moraine frontale ou un atterrissement du
Rhin, lorsque vers la fin de la période glaciaire, ce
fleuve devait rouler un volume d'eau bien plus consi-
dérable qu'aujourd'hui. Ces deux hypothèses peuvent
cependant être combattues : si la dénivellation était
le résultat de quelque moraine* on peut afiirmer que
le sous-sol ne se présenterait pas sous la forme de
galets roulés que n'affectent jamais les matériaux trans-
portés par les glaciers. En effet, chariés lentement et
sans frottement sur les glaces, les détritus ne perdent
pas leur forme anguleuse, et ils se retrouvent à plu-
sieurs lieues de distance tels qu'ils se sont détachés
des flancs des montagnes. En second lieu, si une mo-
raine avait jamais existé, ses matériaux assez puissants
pour s'opposer aux assauts du Rhin et l'obliger à
changer de cours, n'auraient pu être dispersés par les
agents atmosphériques ; on en retrouverait des traces
visibles ei caractéristiques. C'est ce qui n'a pas lieu ;
aussi sommes -nous forcés de conclure que si le Rhin a
jadis changé de direction, ce fait n'a dft être que le
résultat d'un atterrissement considérable. Remarquons
à ce propos que les atterrissements ne prennent nais-
sance que dans les courbes des fleuves et du côté cou-
( 13é )
vexiB de ces courbtss pat* rapport à Tlixfe du courant*
or, en sfuppoisant qu'autrefois Ife fthih eôuîât dans le
lâc de Wallenstadt, il ûfe fof diait, à partit* dé Mayëti-
ffeld, qti*unë ligne seriBibîemeïit droite et par consé-
quent défavorable ^ùx dépôts. Ce n'est dotlc pas pluà
atix atterrîsséments du fthiû qu'au fait d'une moraine
quMl faut, croyons-nous, attribuer l*abândt)n par fe
fteiive de la rallèë )^ui, tôpographiquement, sôtoblfe
devoir être son lit ttaturel. Mais cêâ dépoté pètirent
côrtstituer un aticîen tôHe de déjection de la Sééz, tôt-
Têtït qui dans ses débordements charrié ëtir sa pente
rapide i\tïé gr^ande quantité de matériaux ; ces graviers
otot pu venir obstruer la vallée, comme oti te rfemanj[aè
encore aujourd'hui danà le cantoU du Valais auîc tt)r-
rènts dé Gliss et de l'îlgrab, dôlît lés détritus font
dévier lé fthôûé Jusqu'au pied de là montagne oppbséé.
Sur ceè points, le fthOnë, ëéfré contre les Wctierà,
auètuente de vitesse et enlève au fur et à tneâutte tôim
léâ gf avièrs et Ifes blocs qui rouiettt jusqu'à ses eaûi
impétueuses; mais le fthin, ayant trouvé une issue à
i^èst, s^y sera tirèuèé un noùveati lit, laissant à là âeeî
la Ubtt possession dé la vallèè. 11 serait aisé de t^con-
nUîtré si ôetté assertioîi est fondée par la UatUre dès
glravièr^ du sous-sôli malheureusement, jfe n'ai jàidals
eu Topportuftité dé le faire, et je me boilie à émettre
l'explication (jul me semble la plus plausible, en atten-
dant (jue ï'ôh puisse recueillir des preuves,
NoUs avoUs dit, éU second lieu, que lorsqu'un cours
d*eau prend ^a source perpendiculairement à une ïi-
vière, le prolougemènt du thalweg auquel âppartietit
la source indiquera presque Infailliblement ttt t(A.
(1^9)
Voîci, à 1* appui de cette affirmation, qtieltjTiés exemples
significatifs : là Reuss du Sàiûl-Gôthàrd (1) 6'olllë pef-
pendiciilairemént au cours du Tfessin, et le col du
Saint-Gothàrd se trouvé dahs le pmlongement dil
thalweg de la Reuss; f A.a coule perpendiculairement
à l'Aar,et le passage du Brunig se trouve dans lé pro-
longement du thalweg de TÀa; la Sariné, la Siûinien,
la Kander, coulent perpendiculairement àu fthôné, et
livrent passage, à 1* extrémité supérieure de leurâ thaï*
wegs, aux cols du Sahetsch, du Rawyl et dé la tGemmii
ïl est vrai quMl existe presque toujours urt petit torrent
secondaire ou tertiaire sur le versant opposé à la source,
mais, comme dans le cas des brusques inflexions, sort
débit eât souvent horé de toute proportion avèb, celui
des fleuves et dés rivières que l'on considéré, et âl
faible que soit cet aflluent, deux importants cours d'eau
perpendiculaires donneront toujours lieu à qne impor-
tante dépressit}n. Le même fait se retrouve encore
entre la Linth et le Rbin ; dans le Jura, entre TAu-
bonne et l*Orbe ; enfin, un phénoqiène naturel analogue
à celui du Rhin et de la Seez k Sargans se produit
entre la ThîellQ et le Rhône, çt mérite quelques mots
de développement.
LaThîelle, qui se jette dans le lac deNeachàtel poi^r
passer dans celui de Bienne et rejoindre l'A-ar à Bûren
ReussdelaFurka; .
^eqss da Samt-43othar(];
Reass del'Uo^çralp;
t(«als (ië f ObëVâlp.
( 140 )
SOUS le nom de la Zihl, coule au pied du Jura paral-
lèlement à la chaîne; le Rhône, au contrûre, après sa
sortie des Alpes, forme le lac de Genève, dont la cour-
bure est à peu près perpendiculaire à la direction de
la Thielle. Si Ton prolonge le thalweg de cette dernière,
on arrive près de la ville de la Sarraz à un point de
partage de premier ordre, entre les bassins du Rhin
et du Rhône» dont l'altitude est si faible, qu'il livrait
passage, récemment encore, à uu canal remplacé au-
jourd'hui par le chemin de fer d'Yverdon à Morges.
Cette voie navigable, connue sous le nom de canal
d'Entreroches , franchissait le petit soulèvement cal-
caire du Mormont dans une profonde et sinueuse cou-
pure naturelle, à la cote 4A8, dont les ingénieurs
hydrographes avaient su profiter. Or, l'altitude du lac
de Genève étant de 375 mètres et celle du lac de Nea-
çhâtel de i35, les eaux du second, au lieu de s'écouler
dans le Rhin, devraient, s'il n'y avait pas de col, s'é-
couler dans le lac de Genève. En poussant plus loin
encore notre hypothèse, nous pourrions ajouter que
toutes les eaux de la Zihl, situées au-dessus de la cote
du lac Léman, s'écouleraient dans la Méditerranée au
lieu de se diriger vers la mer du Nord. Or, la cote du
confluent de la Zihl et de l'Aar, près de Bûren, est
de A32 mètres, soit 3 mètres de moins que l'altitude
du lac de Neuchâtel ; une différence de 3 mëti*es s'op-
pose donc à l'entrée de l'Aar dans le lac de Neuchâtel,
et une dénivellation de 13 mètres seulement empêche
ce lac de se déverser dans le Rhône.
Nous avons signalé deux exemples où, sans franchir
de montagne et dans un terrain que Tœil estime plat.
( 141 )
on peut passer d*iin bassin dans un autre : du bassin
da Rhin dans celui de la Limmat, et du bassin de
TAar dans celui du Rhône. Il importe de mentionner
un fait orographique non moins intéressant par suite
duquel, sans col apparent, on peut passer du basdn
du Danube dans celui du Pô.
L'Inn prend sa source dans le lac de Sils (179 A") ; en
remontant le cours de la rivière, on atteint le lac par
une pente douce, presque insensible, et pour ainsi
dire au grand trot sur la belle route de TEngadine* A
Haloggia, près de l'extrémité occidentale du lac, on
touche au point de partage entre les deux bassins de
de la mer Noire et de TAdriatique, et à 2 kilomètres
plus loin on rencontre les sources de la Maira, affluent
du lac de Gôme. La route redescend, il est vrai, assez
rapidement sur le versant italien, et une différence de
niveau de 300 mètres environ efface la pensée d'un
passage sans col dans l'esprit de tout voyageur se ren-
dant d'Italie en Tyrol. Mais en sens contraire, l'obser-
vateur se trouve tout surpris d'avoir à redescendre
sans s'être aperçu qu'il montait autrement que par
le cours de l'Inn que longe la chaussée. On peut donc
affirmer à juste titre qu'il n'y a pas de passage de mon-
tagne à franchir pour se rendre du Tyrol en Italie. Un
fait analogue se produit encore entre les sources d'un
affluent de laLandquart et celle de la Landwasser, toutes
deux tributaires tlu Rhin ; l'altitude de la première est
cotée 1510 mètres; celle de la seconde 1661, et le col
qui les sépare ne compte que 1627 mètres.
Nous avons examiné jusqu'à présent comment on
pouvait déterminer les cols soit par les sources des
( U2 )
cours d'eftu dedirejçtioii opposée, sQit paq: tevirs QO.wdeçi^
90^ t wû^ p^ des rivière^ perpçodiculçiires. eptre elles^
U 00^9 reste à recherchc^r si X^ c^ de deux rivièi:es
parallèlesi vxm d§ peutfi çpmrairq, préaeutç ^es^ fait$. à
l'ftppyi dç Ift théorie émi^e p^ MÎ(I. ftup^^-To^çy q^
Brisson. Sans sortir du terr«^^ qyj^ yiçnt d^ do^QÇf liq^
^ noti:^ derni^çe ot)serv^tiw^ uqu^ devons re,CQnnaUre
que Vlnn coule au N. j;.^ taudis que VA(3lda,se <Jiris;ç,
eno^is^ée daus lav yalteliue, vers le S, 0* .— Sép^irées,
çompj^e uo\*s r^voD^ yu, j^^ le paâssif de ta Berniu^,
cç^^s deux, rivière^i WUt tributaii:ç§i du OaAa.I)e et du P^
El? joiguaut leurs çourcçs par uue ligue fieMv^, op 4Qit*
selon UQ9 aut^tur?, rencoutrer un coi près^ du poiftt de
çxais^œent; 4e cettç ligue a,veo le f^Ue^ Le passîige d§
U Ber^u^ est là pour leur dpuner raisQU- J^iUeur^^
eutre TAajr et le Rhôof}, ou trouva h col du Gjciaise^
4^i cité Iprst d^ posi i;euwrque3 sur leçii cbu(^s; lu^.
nptt$ (çrou^ observer qu'il y ^ à^W col^* distincts ^ik
CÂu^sel, celui qui dç rbQsj[)|ic|^ coud vit àU glwer du
Rbôue pftr la Mayeuwf^nd (2 1 83) , et celui qui du ujêoie
point çQuduit à Obergestelen en Valais. {^20^, Séparés
par uu maipelou insiguifi^pt, il ^s,t \mi^ en cpmp<ï»rai-,
squ de ramplûthéâire enviroB;B^nt, ce^ cols e;^i$tç«p^t;
]|[^éiantnQius d'une ipa,j(û.ére disUqçto et le^.gçns. du p2Q^3,
ue. tça çQufQu4eut pa;?. U^m d'çux pçut doue ^t,re cou^-
ji4é|Çé comw l,e résultat dç h loi r^^ve au;^ coud%
^ rauti;e con\ipe 1^ ré^ult^^^ cjç. la Ipi sujç ligiSf çwra ii^-
YWses^
Ailleurs euçojfe, HWP «^vpna V^^^çu^plç 4u Rhiu^ ^
i^U WV^de dç Coire,, et 4ç l^^ Landwa^seç à ^a wujpce
4s^qs Içlw de Payo^ (4&^1>, Ç^ cou^*» 4'^%^ wujç^ftt
( m )
q^és QU tombe ?>vf .1^ ifta^age <Je. ]^ Str^a, (î.377>i
Cettç vxèm^ L$m^ was3çr ÇQule en s^$ im^^^^ e^ PHP*lt
«i¥ec le (K^dç d^ra^f^ei^f du Danube à §^«9, i^ms M^oun
YQna le pt»|3i^ge 4e la flveU (2405). (iÇi ^oU ^^^ Uf
\^ tAvigoa qoMle p^ç^èlçm^t ^ VA^da, inai|.e^ wi^ii
i^veiç^ ; e^ joignant leur^ sQurcfea uciiviia trouvons ]^
passage de FosçagaQ au ^d 4e ç^\fli de Fr^^le, Et|fiï|«
d^u^ If^, Qia«^f du ^ojt^t^lila^Q, le cp\ ^ea m^Qu^^ta^ est
spi: la ligue ^ui r^jjpit dWf apurcss p«vraU#ç|^ ^xm
Nous i^'^urona pasif |^ r^berçber longtemps Te^plif^
^QB d^ çe^ îfrppç^rente^. aingularitési, w \^ troii^ve e«
intervertissajpt. 1^ p]çop9sitiQn ; ce. ft'çat paa dç V^wa-r
tence des sources dans certaines conditions topogra-
phiques qu'il fant conclure à l'existence des cols en
relation avec ces sources ; c'est, au contraire, parce
qu'il existe des cols et des vallées définies que les
sources sont situées de telle ou telle manière et que les
eaux coulent dans un sens ou dans l'autre. Il ne peut
y avoir de doute à ce sujet qu'à l'égard des cours
d'eau parallèles et de sens contraire. Il nous semble
que, pour arriver à cette explication toute naturelle, il
n'était pas absolument nécessaire de recourir aux ma-
thématiques, ainsi que Font fait MM. Dupuis-Torcy et
Brisson, qui, du reste, paraissent avoir pris les effets
pour les causes, et vice versa.
Néanmoins, si j'ai posé la question comme ils l'ont
fait eux-mêmes, c'est qu'ainsi formulée, elle conduit
plus directement peut-être à cette donnée importante,
(144)
que Texamen des cours d'eau révèle infjsulliblement
remplacement 4]es cols. A peine aurais-je besoin de
faire ressortir ici quels services pratiques Tingénieur,
le topographe et le géographe sont en droit d'attendre
de ce fait ; quel intérêt il peut avoir pour diriger des
itinéraires dans une région encore peu visitée ; quel
champ il ouvre a la détermination, par voie d'hypo-
thèse, de ce que doit être le relief d'un pays sillonné
seulement par quelques reconnaissances.
Je termine ici cette première étude ; elle est très-
au-dessous de ce que j'aurais voulu ; mais, du moins,
aurai-je été de quelque utilité à la science qui nous
unit, si je donne à de mieux informés l'occasion de
présenter leurs idées en discutant les miennes et en
rectifiant les erreurs que j'ai pu commettre.
( 146)
NOTICE
G^OCliPfllQlIE, IISTOIIQIII, ttHnOfiBlPHIQDE ET STiTISTIQIII
SUR LA ROSNIE
PAR M. ROUSSEAU
Consul de Franco.
COHnmiG&TKM. W aimSTÈKB. DB& AVBAIM8 JTiâltOtittw
. . (Dinclioo iet oonwlat^ et tt/bàn^ wmamnUèm.)
{SuHe et fin) (1).
Le clergé catholique esjt indigène et appartient à
Tordre des Franciscains mineurs qui vint s'établir en
Bosnie vers l'an 1325. Il a pour chef spirituel un
évoque nommé directement par la cour de Rome.
L'évëque actuel est M. Francovich , Ragusais, qui a le
titre d'évêque in partibm de Sion et de vicaire apo-
stolique en Bosnie. Le clergé de la province rentre dans
la circonscription diocésaine de Diakova en Slavonie.
Les couvents obéissent à un provincif^l élu chaque trois
ans par un conseil dit des défirliteursj lequel se réunit
à époques fixes pour procéder à cette élection , exami*
ner et discuter les questions d'ordre et de discipline,
et de pourvoir à la nomination et au changement des
curés.
(i) Voye» le Dvméro de janvier*
XI. FÊVRIER-MÂRS. 5. IG
( m )
Voici la statistique actuelle de TÉglise catholique
en Bosnie.
Anciens couTents atee églises 3
Goavenis en voie de constructioa S
Églises bâties H
Église» en bois. . ; i . • . . • 9
Siège et église à ConsUntinople, i
Écoles nationales où enseignent les franciscains 22
Paroisses dirigées par des carés dS
Chapelles locales 12
Desservants des chapelles locales, ayant la Jari-
dictloit "ém cnrét. . . i • ; : . 7 ...... /^ ... . ; .-v 12
Vicaires dés ériréti -....*. i .:;;....;;;.... . 20
Total des ecclésiastiques en Bosnie 164
Clercs dans la province même. 60
Clercs achevant lears élades à l'étranger 40
Novices en Bosnie 8
^rdfèl DÈÎqael èani^ Ja |)rovinci ; . . t
L'Église grecque orientale de la Bosnie est divisée
en trois diocèses : celui de Sérajévo, celui de Zvomik
et celui de Novi-Bazar. Le premier administre les po-
pulations des sandjaks de Sérajévo , de Travenik, de
Banyaluka et de Bihatcb ; le second, celles du sandjak
de Zvomik, comprenant les nahias de Touzla, Biélina,
Brtscbka et Gradâscbatz ; le troisième, enfin, celles dn
sandjak dé Novi-Bazar. Le métropolitain de ce dernier
diocèse ne réside pas en Bosnie, mais à Prisrend, en
Roumélie. Les évêques du rite grec ou métropolitain
so&t nommés par le patriarche de Consftantinople sur
la proposition du saint synode, et Télection est confir-
mée par la Sublime-Porte.
Les Grecs possèdent en Wstàé ûa tn&t frand nom-
(ïàf )
hté d'égriâëà, ^bi âbiileti gétiëràl ëti ftft^t tt&uVârs ë^
je ne ëivet^i ibi qb« lèb {Mind^ateâ •
/ vieille église t
SM4l»k \.^m feà ^ttilYpà«loa: ... ; . ...;...) VSérajéYo.
Sér^léTo. ( Église. ....*........*.;. à KaMticb.
ÎÉgJUe. . ; « • ^ TraTenlk.
^iise , , . à Yanié.
Ëgli^é i Gefàcôô.
Église àfclioiicli.
timêi.A ; : . . .t :Ci ; :v .^ i . r. . ^ S mèôV
jBglttfe..r...:..i..:;......;:i;.;. à Lepëniki.
«v, LLi'ancieii inona»€èr6 de GoiBieaica afiieard'hai abao*
J 1 donaé.. , . -^ , .
\ Eglise a Banyaluka.
""'•"""•[ÉgHse d« :...... BerVfâ't.-
VÉglise de Fechené.
' SMdJkk lÉ^Kse ife;..;;:..;.;.*...:n.::. Dobrô; '^
de < Église de Priédor.
..BihAtch. I Ancien monastère de Mosçhtapica.
\ Église de Petrovass.
/Ancienne égtisé de ZvorniL
kvicieû 'é6aVent i!è ...;.... : . . Ôzreii .
1 ^°*^®" côuVefai «ë. i :.....: Blrélth.
^*. /Église de ; . . . . Biéltiia.
de < .
M0 k .1 à Église de • ... : Matchekovitsa.
Eglise de Zovik.
Église de Modritch.
\ÉgUsé de Dragdlgéyiss.
ttonÀstère de ; . . ; Banlà.
Églis6 dé: . ; ;'.. ^iV ...;....;..... ; Dûbroni;
1 Église de . . .^ . i. Lopitch.
*ii»: !«f f •• ^'^-
Eglise de Mitrovitza. .
^Eglise de .' Bièlopblié.
( 148 )
On sait que le clergé grec se divise en deux classes;
la monacale et la cléricale, que les ecclésiastiques qui
appartiennent à la première doivent être célibataireSt
et que ceux de la seconde doivent être mariés, sans
qu'il leur soit permis toutefois de convoler à de nou-
velles noces. Les cléricaux ne peuvent aspirer aux
hautes dignités de TÉglise qui sont l'apanage exclusif
du clergé monacal, à moins cependant qa'ils n*entrrat
dans les ordres.
Le métropolitain ou évéque, naturellement monacal,
est le chef suprême de tout le clergé de son diocèse.
Les métropolitains actuels de la province sont, à Séra-
jévo, Mgr Ignatius ; à Zvornik, Mgr Dionisius ; à Pris-
rend, Mgr Melentius.
Justice. — La justice se divise en deux catégories :
l*" religieuse; 2P criminelle, correctionnelle et cmq*
merciale.
La première est administrée aux Musulmans par les
cadis, fonctionnant sbùs la haute direction du moUa et
le contrôle du mupbti. La loi du Coran est la seule
appliquée par elle, et dans aucun cas le témoignage
des chrétiens n'y est admis.
La seconde, dont les principes sont développés dans
des codes spéciaux promulgués depuis qaelqnes années
en Turquie, s'étend instinctivement aux Musulmans
et aux chrétiens, et est exercée par les tribunaax dont
il a déjà été fait mention.. Lesmemlnres de ces cours
sont choisis par l'autorité supérieure locale dans les
corps des notables du pays et doivent forcément con-
naître le turc, la procédure se faisant dans cette lan-
( 149 )
gMy et non en slave. Parmi enx figurent un chrétien
du rite latin, un autre du rite grec et un Israélite ;
presque toujours ces fonctions sont dévolues atiz
kbodja-bacbis et au grand rabbin.
Quand dans un procès un Israélite ou un chrétien est
encause^soit comme demandeur, soit comme défendeur,
contre un Musulman, il se produit presque toujours en
faveur de celui-ci une influence des plus partiales parmi
ses coreligionnaires membres du tribunal , influence à la-
quelle le fanatisme inné de ces juges mahométans ne sau-
rait se 80ustraire,quelles que soient d'ailleurs leur bonne
foi et l'honorabilité de leur caractère. La présence au
tribunal de deux chrétiens et d'un israélite, en leur
qualité de membres assesseurs, est presque totjours
impuissante pcmr garantir à leurs frères mis en cause
l'application d'une équitable justice ; car ^eur voix con-
sultative et délibérative ne peut former dans tous les
cas qu'une très-faible minorité, et elle est par suite corn-
plument insuffisante pour les défendre. Leur position
de rsuias les place d'ailleurs vis-à-vis de leurs collègues
dans une condition essentiellement inférieure, et soit
par crainte et intimidation, soit par conscience de leur
impuissance, il est extrêmement rare que ces asses*
seurs, adjoints simplement pour la forme, se permet-
tent jamais d'émettre une opinion contraire à celle de
la majorité, et encore moins qu'ils osent protester par
leur abstention contre une sentence que leur conscience
de juge réprouve. Si l'on ajoute à cela que la procé-
dure, comme je l'ai dit, est faite en turc, langue que
presque toujours le riâa chrétien ou israélite ignore,
on reconnaîtra qu'il faut que celui-ci ait mille et une
( m \
i^ 4it qv'eji aw^iècft fl^ m%]îi«g^ fit (te divôjçcp Qt
les juges naturels d§ ifar? «çi?«ligipi^waiiifM>. C^m^i
mmt^ prtfWN^CQ iWJS^ïfife e* U f«. appelé; 4ftlprs
9« SWfeep. WP^lW 489. WgemB8to y^B^u^ip^q le^
tn^jzç^iix 4^.Mudir^ sflit^fJ^SfS^ çqpijle.l^jt^ûSma-
]»ini^, sq}^ d^r^teo^ie^t dey^KJ» U^bi^M 9Hp^îeqi;
il)$îtiH\4^^!$ér9j^Y^«P4pi(a}Q.d6 l^provîjïefi» GeUe couf,
^nofttl éga)^Ki\efîl 4q«i Sf^Dt^pe^ ireo^peâjiarle» tiUxu-
Q^ux fpoctioupp^t au dief-^Hw d'ua^^KwaîmaJbaAiie.
pi^r^^iu ea Tu^q^i^ les ppAQm soui^daps te. plus pauvfp
éM^t* mal administrée», n^l âftt(6^Qtte3 et eaacèiaar
q^wt^nu^saiiies.
Li^(Zap^iés smt Jies.ag^ts ds la,f<ffia6 pahlîqiie. Qa
nci^. tcè^rtioces^ws^eat rçicuani^rL^et argauber (» corps^
Qw prépara désoi;mÀi3 te oqm d^^genéarmerleet ser^
haJbplé, éqiûpé et CjQwaaQdécoioiae te sont les troupes
régulières.
Armée. — Les troppiift caetftRPéiç^ en fiosjate fflot
p9^rtip 0u cqrps â*acpée ^e Roumélte et prés^teat» an
tQmps ordinaire, un effectif de SOOQbmpmes epyir^q ^Q
tQMtQs arqaes. Eltessont placées $o^sk comp^aqdftfn^m
d'ttA officier général qui, k mom da cas ^toqt 4 fait
exceptionnels, relève direçtemeut du gouverneur génfe
rai de l^ pmyince. Il existe .en çtutrejui cadre de iQilice
ou .dQ Bacbi-Bozouks qui,, ea cas â*éventualit^9 de
gwrce, peuvent fournir un corps d!^|:Uidire^ d^ ,plm
< m )
4e ^Q AlOq homqies, soit fantassins, soit cay^]iers. Ces
W^ili§ir§s, ]^ plus |n4iscipliné.§ qui se puissent ima-
gil^, goQjt équipé^ e^ nçiontés à leurs propres frais, et
ne reçoivent en campagne que leur iipurri^nre p\ ujie
sçi^fi prpvlsp^rp i^. dpM? piastres turqqes p^r j^ur.
LQr§ de Ifiur jiçgnçjepept, ils rentrent dans leups foygfs
|^M¥ Y ^liposef \^ fusil et r^prej)()re la çiiarru^ ou la
^ache du |)|Clc})erpq.
Ui fprçcs ipmt{i}re8.f^gf)H^s ^ist^gj^ i^iy^ui^'j^iii
«! pp8i«p,8?iÇpmB0apptde :
i 3 l>«UlUo09 4'iQ^pUrio } gpp ll^pi^^.
TrPVfiÇf d'artillerie et diverses. . . 400 —
îom impmm'
88 Pièces eo bfUeriei ) ^ .,
{92 pièces.
La poudre et autres munittoQB de guerre sont en»
voyées en Bosnie de la Ronmélie ou de Gonsti^ntinople
même. Sérajévo, Zvornik, Banyaluka et Bibatch pos^
sèdent des dépôts de poudres. One sorte de parc d'ar-
tillerie existe à Travenik, mais il est d'une insuffisaoos
déplorable.
F^n^nçes. — - L'administration générale des finances
^\^ ^9^PJ? ^?^ confiée à un agent supérieur envoyé
dçCoçplantinopIeet nommé directement par la Sublime-
Porte. Il a le titre de Muhassebeâji^i est après le gou-
^erpeuf général, Ip premier foaçtiopnaire dan^ l'ordre
civil.
Lç^Mu|)êSsebedji réside à Sérajévo et centralise entre
8jf9 m^^ï^ tous lea services financiers, recettes et dé-
(152)
penses. Dans leâ districts de la province il délègue sea
fonctions, soit à des agents spéciaux , soit aux Kaïma-
kams, qui lui rendent directement compte de leurs
gestions financières.
Les revenus de la Bosnie sont appliqués aux diverses
dépenses de l'administration; au payement du traite-
ment du personnel administratif, parfois a des avances
pour la solde des troupes régulières , à la solde des
bachi-bozouks et aux approvisionnements militaires en
temps de guerre, à l'acquittement des pensions payées
abantiquo^do: FÉtat aux descendiants d'anciens spahis,
aux dépenses de travaux pubKcs, etc., etc.
Les recettes l'emportent d'ordinaire de beaucoup sur
les dépenses. Si des circonstances particulières, comme
celles dont la guerre du Monténégro et de l'Herzégo-
vine ont été le résultat; viennent cependant à se pro-
duire et déterminent un déficit, le vide est alors
comblé par le trésor de Constantinople. En cas d'ex-
cédant, la somme i*este en caisse pour faire face,
s'il y a lieu, aux découverts éventuels des exercices
suivants.
Les recettes se composent de tous les revenus publics,
impôts, redevances, etc., etc. Les douanes, ainsi que
je l'ai dit, sont administrées par un agent spécial, in-
dépendant du Mubassebedji ; mais c'est dans la caisse
de celui-ci que s'opèrent les versements des recettes,
défalcation faite des frais d'administration.
Les biens des Vakoufs, ou propriétés de mainmoite^
appartenant à des établissements religieux, sont admi-
nistrés par des agents dbects sous le contrôle et la di-*
rection supérieure d'un fonctionnaire de cette branche
(J68)
spéciale de radministration, le VakaufNaziri.Lesre^
venus de ces propriétés sont versés dans une caisse
particaliëre et destinés uniquement à pourvoir à l'en-
tretien des établissements religieux et à la solde du trai-
tement de leur personnel.
Les recettes générales de la Bosnie s'élèvent au
chiffre approximatif de 86000000 de piastres.
Dîmes. — La dlme ou droit du dixième est perçue
par l'État sur la culture des terres et divers produits du
sol et de l'agriculture, tels que la cire, le miel, la ré-
colte des cupules de glands de chône, le tabac» la dis-
tillation del'eau^de^vie de prunes, etc., etc. La percep-
tion en est faite, à l'égard des musulmans, par un agent
spécial qui a le titre de Mouktavy et, à l'égard des chré-
tiens, par le syndic ou chef de la petite communauté
aj^pelé Knèse ou Khodja-bachi. En principe, la dlme
devrait être payée en nature ; mais elle est ordinaire-
ment prélevée en aident, conformémentàun tarif arrêté
à cet effet par l'autorité supérieure. La base de la per-
ception est de deux sortes, au choix des contribuables :
oa la dlme est prélevée telle qu'elle a été payée l'année
précédente, ou, si le contribuable le préfère, on pro-
cède à une estimation spéciale de la récolte présente ;
dans l'un et l'autre cas, cette estimation est fcdte après
la réalisation de la récolte à imposer par un agent du
fisc, concurremment avec le paysan et le Rnèze ou le
Iftpoktar» suivant que le contribuable est chrétien ou
musulman. La dlme est payée en trois versements suc-
\y en septembre, décembreet mars, et produit, en
( i64 )
moyenne, im revenu annuel de i% 706 Odû piaatcfe
turques (1).
Le Vergm. — Cette redevauceou imposition persoiUr
nelle répond à peu près à l'Income-Tax des Anglais e^
elle est généralement établie dans toute la Turquie* La
quotité n'est pourtant pas la même pour toutes les lo*
calités ; en Bosnie, par exemple, elle varie de 80 à 95
pi^strçs par an et par chaque habitation ou famille.
Toute la population y est soumise, à quelque classf
ou religion qu'appartiennent ses membres, sauf ton-
tefois les étrangers placés sûu§[ les juridiations eitr
Fopéennes. Le piode de perception est le même que
pour la dlmp» c'est-à-dire que pqur le^ musulmans et
les singares c'est le Mouktar qui le perçoit ef laverie
au fisc, pour les chrétiens le Knëze ou K.odja-bachi, et
pour les isfaélUes le grand Rabbin. Néanmoins, bien
qu'en principe le droit doive porter également sur
chaque habitation* la communauté, ^n dehors de l'actioB
de Tautorité, s'arrange elle-mftme pour la répartition
entre ses divers memibres de l'impôt dû par la masse
engouerai, ef cela suivant les facultés el^les ressources
de chacun d'eu^. Le droit de Vergui est évalué annuelr
(I) SviyaDt le» rfgistfç^ 4^ raocieo e| dçraiec Csrmler géafral ^
reyeijiijç dfi If pfovÎDçe, la dlme sur (f produit du sol ^ropreoieoi dit,
droit pesant uniquement sur l'agriculture, avait rapporté en
1857, la somme de 13 985 542 piastres. Le droit seul sur la distil-
lation de Feau-de-vie de prunes qni figure aujourd'hui dans la clas-
-fittcatîon de la dtme, et qui, à cetieéppque, était compris dam la caté-
gorie do i|(mis9ttfna4> avai^ rapeonéi en \^y\ ta foinme 49 1 4p24$f
piastres.
(165 )
Askérié. —r Ce droit pèse uniquement sur les chré^
tiens et les Israélites, et a remplacé l'ancien Kharadj.
11 représente pour eux Texonération du service militaire
auquel ils ne sont point astreints. Mais comme la
conscription n'a point été encore introduite en Bosnie
et que la population musulmane n'y est point par con-
séquent soumise au recrutement, comme dans les
autres provinces de l'empire, il en résulte que ce droit
constitue une charge onéreuse que, par une regrettable
exception , les chrétiens bosniaques supportent seuls.
Le clergé catholique et grec en est toutefois exempté.
L'askérié est de 16 piastres et 17 paras par chaque
famille ; il est perçu de la même manière que la dîme
et le vergui, et rapporte en moyenne par an une
somme ronde de 7 223 000 piastres turques (2).
B^9u^uv(¥f^^ — $Bu^ 9^. ^!^^Ç figure )in^ série 4'|^t
(1) Ce chiffre, <^<>°^°^® ^"^ ^^^l^^ 4^^ recettes de la prov^oce^ m*a
été fourni par le receveur général des finances, le Muhassebedji. J'en
garantis d^autant moins Texactitude que si Ton applique la moyenne
dtt droit, toit 87 piastres 20 paras, au nombre des habitations fourni
parla statistique de IL HilfèrdinK. rapportée plni haut^ çt qui ^\^\\,y ^
||^a,/de lt2 6^1^, on j^v^ri^i^ poi|^ le f^^fovt aonuçl du yergui unjcbiffjpf
toff^ de 9 ^^é ^S^4 piastres ,^ ç'c;^i-à-dire supiérieur d'un million
et demi è celui que m*a fourni le Muhassebedji. Les registres du
fermier général, àé\k cités en note, donnent pour la perception du
Tergui, pendant Tannée 1857. la somme de 11 983 542 piastres.
(2) Ea 1857, la contribution de Taskérié ne produisit. que la
nnuae de k OCA OAO <l« piwlrei emlroit (i!fgittr<K ^q fenoi^r
( 45« )
pots, les uns perçus en régie, les autres par ferme et
qui pèsent d'une manière inégale sur la population de
la province. Voici les principaux : Otlakiéy droit de
pâturage sur les terres appartenant à l'État ; il est en
général de 6 piastres par tète pour la race bovine, et
de 2 piastres pour la race ovine, pour toute la saison ;
Kérestét droit dû pour la coupe du bois en grand dans
les forêts de l'État ; Thamis^ droit que prélève un fer-
oiier de tous les cafetiers qui ne s'approvisionnent pas
chez lui du café nécessaire à leur établissement ; Dou-
hanié^ droit de 6 piastres par chaque ocqae de tabac
vendue au marché, indépendamment de la dlme que
prélève le fisc lors de la récolte du tabac cultivé dans
la province ; Kaïk roussoumat^ droit de péage sur les
bacs ; Fellalié, droit de 2 et 1/2 pour 100 perçu par un
fermier sur tous les objets vendus à la criée publique,
indépendamment d'un droit fixe de 2 piastres lorsque
l'objet est promené ou exposé au marché par le com-
missaire-priseur ; Kantarié^ droit d'octroi évalué à
12 paras par chaque charge de cheval; Tchengarina,
droit de campement prélevé sur chaque famille zin-
gare; Méhané roussoumat^ droit dû par chaque
taverne suivant un tarif spécial ; Barout ve satchma
roussoumat^ droit sur l'achat de la poudre et du
plomb; Souluk roussoumatf droit sur la vente
des sangsues ; Hinzirié, droit de S piastres et demie
par an par chaque tète de porc élevé dans les cam-
pagnes, plus 1 piastre 7 paras également par tète
de porc pour la faculté d'envoyer les troupeaux man-
ger les glands dans les forêts de l'État, plus encore
1 piastre et 7 paras pour chaque porc enfermé dans
(157)
rhabitation pour être eograissésnr place; Batch-bazari,
droit perçu à la vente au marché de tous les produits
de la culture, céréales, bétail, légumes, voire môme
comestibles, etc*, etc.. J'omets sans dqute quelques
autres contributions indirectes; mais celles que je
viens de citer sont les principales. Les roussoumats
donnent un revenu annuel et approximatif de 2 i50 000
piastres turques (1).
DlmeK. 12 765 000
Vergai 8 464 000
Askërië 7 223 000
Roaisoamat.... 2 450 000
Total 30 902 000
Rerena net et approximatif desdonanes 3 500 000
Total général. 34 402 000 (2). .
Il y a une différence considérable entre les indica-
tions qui m'ont été dpnnées par Tadministration et
celles qui résultent d'informations particulières, dif-
férence qui élèverait le chiffre total des recettes géné-
rales de la Bosnie à près de AO 000 000 de piastres,
somme qui me parait approcher le plus de la vérité (3).
(1) tes registres eq, 1857 iodiqoeiit plus 4e vingt contributions
. diverses conoprises dans la désignation générale de Houssoumat , et
donnent pour les recettes qu^elles ont produites pendant cette année
la somme totale de 6 967 179 piastres.
(2) Les recettes des postes et de la télégraphie en Bosnie sont
perçues par les agents directs de ces denx administrations; elles
flgorenl I leurs budgets spéciaux et sont versées au trésor à Constan-
tinople.
(3) K Tappoi de eetta opinion Je rappellerai que les registres de
( 458 )
II lil*a ëbcore été pltis difficile dé më l-ènsëigtier sti*
le détail des dépenses. Les inforriiationâ piii^ies auprès
3e Tautorlté locale et à d'autres source^ hé mé les ont
fait corihâttrè que iiès-éotofaiairétnënti ëllë§ peuvent
être évaluées et se classer ainsi qu'il silit :
1° Traitebient de tout le personhél de l'àdttiinlëtrà-
iibh, pfestàtioUs èii faatute, soldé ée^iàptiéâ bu âgëflte
de la force publique, frais admihiàtt'aiifâ âé lolif^
sortes : . I . ; 6000000
2« Pensions annuelles accordées aux
membres d'aiiciennes familles de spahis,
au nombre environ de 20 000 et calculéeâ
à raison de &00 piastres par tête (1). . . §b00 000
A reporter. . . . lA 000 000
raDCiéa fermier générai ièà rèvénas de la province donnent pour
Tannée 1857 les chiffres suivants :
Vergui 1 1 985 542 piastres.
Dîmes U 934 234 —
Àskérié 3 859 374 -^
Roussomnat. .... 6 967 i 79 ^
Douanes . ; 2 600 000 ~
Total 39 346 329 •—
(1) Ces spahis formant fh)ié légiohs; celle de Klfts; kelfe de
Zwornik et celle de Bosna. D'aprèè les re^stres màiricnles drèisséi In
1852 , les spahis ayàti't droit à \k pënsloh s'ëlèvaîedt ad bhfifte
de ; ;:........;.. li 008
pins, lès spahis voKnitàires : ; 7 031
ToUI 19 034
En 1852, cette dépense n'était que de 6 357 iH piu(t(til, iàit
1 îtà m ^liislïfo Ué iiibHU hi'ti 1S65!.
( 169 )
Report . . * . lâOOÔÔOÔ
S» Travaux d'ntililé publique. . ; ; • . 600 000
r Frais divers, ;;*.:....;.. 600000
Total général approximatif': piastres, • . 15 000 OOO
Les recettes générales étant estimées à AO 000 000
Et les dépenses à . 15 000000
H es rëélilté ild fekcé9diit à'ëiiiirbb. . i 2b 000 009
Agriculture. — Le sol de la Bosnie est très-fertile;
». - t. ^ ■ f - .
malheureusement il n'est pas partout cultivé. Cet
• » » • . •
abandon déplorable d'excellentes terres qui, en d'au-
très mains, seraient si avantageusement utilisées, est
plusieurs causes : aux abus excessifs auxquels se
Uvrent presque impunément les propriétaires à l'égard
de leurs tenanciers, abus qui paralysent, tout dévelop-
pement de l'agriculture ; à l'insouciance de l'autorité
locale, qui ne peut ou ne veut comprendre que là
seul se trouve l'élément de prospérité et de richesse
du pays ; à la pauvreté de la classe agricole ; enfin à
cette conviction aes paysans et des fermiers, parfai-
tement justifiée d'ailleurs par les faits, que plus ils
mettent de terres en culture et plus les charges qui en
résultent pour eux sont onéreuses.
La propriété foncière appartient en Bosnie soit à
l'État, soit à des aghas, begs et anciens spahis, tous
Mahométans. Car il faut se rappeler que la conquête
turque dépouilla les habitants de la contrée restés
cÈrétièns dé loUtes Ifedrô tët*r8â, qiil fureht aSvfaliles,
comme une sorte de prime, à leurs compatriotes clévë-
nus musulmans» ou dont ceux-ci s'emparèrent eux-
{ «60 )
mêmes de vive force. Les chrétiens, qui seuls cousU-
tuent, à bien dire, la classe agricole, ne sont donc que
les prolétaires jadis propriétaires fonders, mais obligés
par les misérables vicissitudes de leur destinée de
se contenter aujourd'hui de la mise en culture des
terres soit pour le compte spécial des aghas, soit en
participation de produits avec eux. Dans le premier
cas, ce ne sont que de simples paysans, des journa-
liers travaillant au mois ou à la tâche ; dans le second,
des associés, mais des associés forcés de supporter la
plus grande charge des frais de l'association.
Voici, d'après les faibles données que j'ai pu avoir
à ma disposition, la statistique approximative de l'agri-
culture de la Bosnie.
J'estime que le chiffre de 12 756 000 piastres qui
m'a été fourni ne s'applique qu'aux seuls produits
agricoles, c'est-à-dire aux récoltes de céréales de toutes
espèce^. Or, en calculant environ à une demi-piastre
le prix de l'ocque (1) de chaque nature de céréales,
l'une dans l'autre, on obtient une quantité moyenne
de 255000000 d'ocques de grains récoltés annuelle-
ment en Bosnie, soit, d'après une estimation approxi-
mative, la moitié environ de blé, orge et seigle, et
l'autre moitié en maïs, millet, sarrasin, haricots, etc.
La dime perçue par l'État réduirait ce chiffre à
220 500 000 ocques. En en défalquant le quart envi-
ron, qui peut-ôtre est exporté chaque année dans les
(1) L*ocqae est runité da poids dans ton te U Turquie et le seul
dont on se senre en Bosnie, il se sulxiivise en 400 drammes ou
draehmes. — L*ocque représente 1 kilog. 2829. — On estime qu'une
ocque de blé renferme 2600 grains.
( 1^1 )
provinces, frontières de l'Autriche, il resterait encore
pour la consommation de la Bosnie une quantité de
173 125 000 d'ocques de céréales» solt,envirpnl8S p^
tête d'habitant) en prenant, ainsi que je l'ai établi plus
haut, le chiffre de 910607 pour celui de la population
entière. i :
En moyenne, il faut en Bosnie :
A3 mètres 1/3 carrés de terrain pour ensemencer
i ocque de blé, orge ou seigle.
266 mètres 6/10 — 1 ocque de maïs ou millet.
86 mètres 6/10 — 1 ocque de sarrasin, haricots, etc.
En moyenne aussi : .
Le blé, l'orge, le seigle rapportent 6 grains pour 1.
Le maïs et les haricots — 50 —
Le millet — 25 —
Le sarrasin — 10 -7
Le blé, le seigle, Torge, le millet comme le sarrasin
se coupent avec des faucilles. L'épi du maïs est en-
levé à la main de sa tige qui reste sur le champ, soit
pour servir de pâture aux bestiaux, soit pour fumer
la terre.
Dans quelques localités on cultive le lin, mais en
petite quantité ; on le sème en automne et au prin-
temps, et on le récolte presque en même, temps que
le froment.
On cultive aussi le tabac, mais également en petite
quantité. C'est principalement dans les districts de la
Possavina qu'on se livre à cette culture; on sème en
avril, et l'on récolte dans le cours de Tété.
Les principales plantes potagères qui sont cultivées,
sont :1e chou d'abord, dont la population indigène
XI. FÉVRIER-MARS. 6. Il
( i02 )
fait une énorme coosommation, la courge, la betteravei
lee navets, le topinambour, la pomme de terre, le»
dtrooilles, etc., etc.
Ponr Tensemencement de l'orge et du sarrasin, oo
donne deux labours à la terre; pour le blé, le seigle, le
millet et le maïs, un seul. En plaine» on laboure au
moyen de charrues montées sur deux petites roues
pleines, en bois, et attelées de deux, quatre et môme
six bœufs. Sur les collines et les montagnes, la char-
rue est simple et sans roues.
Les semailles se font à la volée, et l'on herse ensuite
la terre sur le grain au moyen de herses à dents de
fer attelées d'une paire de bœufs. Le millet cependant
est semé sur un terrain hersé après avoir été labouré ;
puis, l'ensemencement terminé, on repasse de nouveau
la herse.
La coupe des foins, qui se fait au moyen de la faux,
a lieu deux et même trois fois l'année.
On bat l'orge, le blé, le seigle, le millet et le sarra*
sin non loin du lieu où l'on a fait la récolte. On y éga-
lise à cet effet un terrain sur lequel les gerbes sont
jetées, et que les chevaux foulent avec les pieds en
trottant autour de l'aire. On vanne le grain au moyeu
de pelles en bois avec lesquelles on le jette eu l'air
afin de le séparer des brins de paille.
Les terrains ne sont ordinairement fumés que dans
les montagnes, sur les hauts plateaux. Ailleurs» lea
terres étant plus fertiles, elles n'ont pas besoin d'en**
grais; cependant on utilise parfois les petits cours d'eau
des plaines pour les inonder pendant une année afin
d'amender le terrain. D'ordinaire on laisse les terres
( 168 )
en Jachères pendant une et même deux années, peur
les rendre meilleures et plus productives.
La récolte des prunes est un des plus importants
produits de la Bosnie ; il s'en fait dans le pays une
trës-'^nsidérable consommation. On en fait une sorte
d'eau«^e-vie appelée sliva ou slivovitza^ consommée
par la population indigène, musulmane ou chrétiennei
On n'évalue pas à moins de 100 ocques par an la
quantité qu'en boit chaque habitant, et Ton estime
que 100 ocques de prunes produisent par distillation
douze à quatorze ocques d'eau«*de-vie.
Il m'a été impossible de me procurer une statistique «
môme approximative, de l'importance du bétail comme
quantité et comme valeur. Tout ce que j'ai pu en sa^
Voir, c'est que cette quantité est considérable. Malheu-»
reusement la reproduction et l'amélioration des races
sont extrêmement négligées. Le bétail, en général,
manque de soins, et en outre les épizooties viennent
fréquemment le décimer.
En général les grands pâturages appartiennent à
l'État. Ce sont principalement, outre les prairies et les
vallées^ les hauts plateaux du mont Vrassitcb et dti
mont Glassinatch.
Le porc est surtout élevé dans les districts de la
Kraïna et de la Possavina. Us vivent par troupeaux
dans les forêts de chênes, de telle sorte que les proprié»
taires ignorent parfois le nombre qu'ils en possèdent*
Us s'y nourrissent de glands. Pour mieux les engrais*^
ser^ les propriétaires en renferment quelquefois dans
des étables où on leur donne à manger de Tprge et du
mais.
( 16à )
La tonte des moutons se fait ordinairement en été,
vers la Pentecôte ; toutefois, dès que les chaleurs com-
mencent à se faire sentir, on a soin de leur enlever
préalablement la laine autour du col, aux pieds et à
la queue. Une toison pèse ordinairement une ocque.
La laine, qui est d'une qualité inférieure, est tra-
vaillée en grande partie dans le pays ; on en fait des
tapis à Sîennitza et à Prozor, ainsi que des couvertures
et des vêtements de paysans.
Les peaux qui ne s'exportent pas, et c'est la plus
grande partie, sont tannées et travaillées dans le pays.
Il existe plusieurs localités où la population s'occupe
principalement du tannage des peaux ; mais c'est à
Vissoka que cette industrie s'exerce le mieux. On tanne
généralement avec le palamout ou cupules du gland
de chêne.
On entretient dans les fermes une assez grande quan-
tité de ruches. Le rendement annuel de chacune d'elles
est évalué à 50 ocques environ, dont un tiers de cire
et deux tiers de miel. On peut estimer approximative-
ment à 30 000 ocques le produit annuel de la cire en
Bosnie, et celui du miel à 60 000 ocques. Le produit
de ruches est soumis au système de la dîme.
L'Étatet les Begs se disputent la propriété des fo-
rêts de la Bosnie. Cette question de droit de posses-
sion n'a jamais été bien définie ; toutefois, elle semble
être plus ou moins résolue en faveur de l'État, car,
pour exploiter en grand les bois d'une forêt, on est, le
plus souvent, tenu de demander au préalable une per-
mission spéciale de l'autorité locale, qui prélèye un
impôt de 10 pour 100 sur le produit de l'exploitation.
( 165 )
Aucune loi ni administration forestière n'existant en
Bosnie, il s'ensuit qu'il n'y a point de coupes réglées,
et que de magnifiques forêts sont ainsi impunément
dévastées par le premier paysan ou bûcheron qui y
porte la hache ; mais la nature y est si riche que c'est
à peine si ces coupes sont remarquées.
On exploite les forêts pour en retirer du bois de
chauffage ou de charpente et pour en faire du char-
bon.
On exporte des planches, des solives et de grandes
pièces mal équarries en Servie et dans le Banat. Le
transport se fait par eau quand le cours des rivières le
permet, ou bien, à défaut de ce moyen, les pièces de
bois sont charriées par des bœufs qui les traînent sim-
plement le long des chaussées ou à travers champs.
J'ai indiqué les principales essences forestières de la
Bosnie. On trouve d'excellents bois de chêne parfaite-
ment convenables pour la construction navale, dans le
sandjak de Bihatch et de Banyaluka, ou, pour mieux
préciser, dans les forêts de Kazara, de Kermin, de
Myavitza, de Motavitza, etc. , etc. , etc.
Je finirai cette partie de ma notice par quelques mots
sur la minéralogie de cette contrée. Sans parler des
mines d'or et d'argent qu'on prétend y avoir été exploi-
tées autrefois et que les localités de Srebrénitza (ar-
gentifère), Zlatobor ou Zlatovo (aurifère) désignent
suffisamment, je citerai :
1» Mine de Stari-Maïdan. — C'est celle qui produit
le meilleur fer ; sa qualité est bien facile à travailler.
On en retire environ un million d'ocques par an, bien
qu'elle puisse prodilîre un résultat beaucoup plus
( 166 )
coDûdértble. Ce fer est travaillé d&os le pays et con-
verti en barres ; il est également exporté dans les pra«
vinces danubiennes.
S"* Mine de Fojnitza^ — Elle produit annuellement
environ 80 000 ocques de fer qui est consommé dans
le pays. On en fait des fers à cheval^ des bâches de
bûcheron, des instraments divers^ de la clouterie, etc.
S"" Mine de Krechévo. — 2b0 000 ocques de fer par
an. On en fabrique des armes blanches, des canons
de fusils et de pistolets à Fotscha et à SkopUé, des
faux^ deà clous et des fers à chevaU
bl* Mine de Varoch. -^ Elle produit une sorte de
fer aoiéré appelé borovina^ qui est travaillé dans le
pays* On en fait des ustensiles de ménage, des objets
de Gbattdronnerie, des faux^ des socles de char-
mes, etc., etc.
6^ Mine de Boussovatch* — D'un très-faible rende-
menti 25 000 ocques par an. On. en fabrique des fers
à cheval^ de la clouterie, etc. , etc.» etc.
Je ne citerai que pour mémoire les mines de plomb
et de mercure d'un produit très-médiocre, et qui sont,
d'ailleurs^ très-peu exploitées. Les premières sont
situées aux environs de Varoch et les secondes près de
Fojnitza. Quant au charbon de terre» il en existe très-
certainement dans la province, mais on ne l'exploite pas.
Toutes les mines appartiennent & l'État, qui prélève
un droit de 10 pour 100 sur le produit brut«
Commerce, — La balance de la statistique commer-
ciale de la Bosnie est en faveur des exportations^ qui
l'emportent sur les importations.
(467)
Le commerce ést presqtie partout «ntre Ida mail»
âen chrétieQft tttyas* Les rares fiégociants on petits
commerçants qui ne sont point sujets ottomans, sont
tous des Autrichiens de la Croatie ou de la Dalmatie.
Bosna-Seraï ou Sèrajévo, capitale de la Bosnie, est
la principale place commerciale, et c'est là qoe les
autres villes de l'intérieur viennent s'approvisionner
detoutessortes[âe marchandises. Cependant les centres
de population rapprochés des frontières autrichiennes
tirent le plus souvent directement de la Croatie et de
la Slavonie les objets d'importation dont ils ont be-
soin.
Douanes, — Les droits de douanes en Bosnie sont
les mêmes que ceux en vigueur dans les autres pro-
vinces de la Turquie.
Des bureaux de douanes, où les droits sont acquit-
tés à l'entrée comme à la sortie, sont établis sur diffé*
rents points.
Il n'existe point de gardes douaniers exerçant une
surveillance sur la frontière entre chacun des bureaux ;
ausdi la contrebande se fait-elle presque partout, au
grand détriment du fisG<
On m*a donné le chiffre de 3 millions de piastre!
comme étant celui des revenus de la douane en 1861 <
Je le crois inférieur à la vérité. On calcule environ à
000 000 piastres par an les frais d'administration et dç
personnel.
Jusqu'à l'année dernière» le gouvernement cédait à
un fermier le revenu général des douanes de la pro-
vince ; le système de régie est aujourd'hui substitué à
( 168 )
celui de la ferme. Geite circonstance explique l'im-
possibilité où je me suis trouvé de donner un état des
importations et exportations des marchandises ponr
l'exercice de 1862. Le mouvement commercial de la
province n'ayant^presque pas varié pendant ces der-
niers temps, au dire des n^ociants que j'ai consultés,
on peut donc, sans risquer de trop se tromper, prendre
pour base de l'évaluation des échanges commerciaux
les sommes suivantes des entrées et des sorties des
marchandises :
Importation . • iO 263 406 piastres.
Exportation 20 386 916 —
Transport. — Le transport des marchandises se fait
à dos de cheval. La charge de chaque cheval varie de
90 à HO ocques. Les frais de transport peuvent être
calculés à raison de 2 paras, soit un vingtième de
piastre par ocque et par heure de distance parcourue.
On calcule qu'un cheval chargé ne fait guère plus de
six heures de chemin par jour.
Monnaies. — Les monnaies qui ont cours en Bos-
nie sont : l"" toutes celles de la Turquie; 2"" toutes
celles en or et en argent de l'Autriche ; 3** toutes celles
enoret en argent de la Russie; A*" le napoléon et la
livre sterling.
La valeur actuelle des monnaies étrangères est :
pour le ducat autrichien, 60 piastres 1/2 ; pour le
zwanzik, 3 piastres 1/2; pour le rouble d'argent,
17 piastres 1/2 ; pour le napoléon, 85 piastres ; pour
la livre sterling, 106 piastres. Le papier-monnaie turc
n'a jamais eu cours en Bosnie.
( 169 )
Poids et mesures. — Les poids et mesures usités
dans la province sont les suivants : YOka ou ocque,
unité de poids en Turquie, équivaut à 1^,2829. Elle se
subdivise en AOO drammes ou drachmes. — L'ocque
sert à peser les solides et les liquides. — C'est égale-
ment une mesure de capacité pour les grains.
Le Pic est la même mesure de longueur usitée par-
tout en Turquie ; il est de deux sortes : le grand pic,
qui sert à mesurer les étoffes de laine , les draps, ta-
pis, etc., équivaut à O'^jôSôS; le petit, qui sert à mesu-
rer les soieries, toileries, cotonnades, etc., équivaut à
0",6528. L'un et l'autre se subdivisent en 16 Roupes.
Postes et télégraphie. — Le service des postes aijx
lettres s'effectue par des courriers à cheval appelés
tatars.
Sérajévo est relié à tout le réseau européen par un
fil électrique qui, en passant par Mostar, va se joindre
au système télégraphique de la Dalmatie. Un autre fil
spécial met la Bosnie en communication directe avec
Constantinople en touchant à Pristina, Nich, Sophia,
Philippopoli et Andrinople. Cette ligne a des embran-
chements sur Prisrend d'une part et, de l'autre, sur
Widdin et Belgrade.
Pendant que l'article qu'on vient de lire était sous
presse, la Société de géographie a reçu de M. le gé-
néral de Fligeljr, l'éminent directeur de l'Institut mili-
taire-géographique de Vienne, une carte que nous
croyons devoir signaler aux personnes qui s'occupent
(170)
de la géographie de la Turquie ; elle a pour titre :
Karte von Bosnien^ der Hercegovina und des Pascha^
liks von Novibazar* Cette carte a été drefisée, à
Féchellé de 1/&00 000% par le capitaine d'état-major
Roskiewicz, à l'aide de tous les documents antérieure^
ment publiés sur la Bosnie et THerzegovine, et de
levés exécutés dans le pays même par des officiers
autrichiens ; le terrain y est représenté par une teinte
grise qui laisse bien ressortir les détails de la plani-
métrie et les écritures, imprimés en noir. Les cotés
d'altitude sont données d'après les évaluations d'Ami
Boue ; selon l'excellente coutume adoptée par l'Institut
militaire-géographique, un tableau, placé dans l'un des
coins delà carte, résume les données statistiques prin-
cipales relatives à la Bosnie; d'après ces indications,
la superficie de la Bosnie serait de Al 72 A kilomètres
carrés; celle de THerzegovine de 12 078 kilomètres
carrés; celle du pachalik de Novi-^Bazar de 7&11 kilo«
mètres carrés.
Il est d'un intelligent libéralisme d'avoir livré au
public des documents recueillis dans un but spécial i
la science, qui est déjà redevable à l'Institut militaire**
géographique de Vienne d'un grand nombre de pré*
cieuses cartes, lui sera reconnaissante de cette publi-
cation sur une contrée encore mal connue, quoiqu'elle
fasse partie de l'Europe, et soit située à quelques jour-
nées des grands centres de la civilisation.
(Rédaction.)
( 171 )
i
•S» '«?'
î=) t
SI
I
e
5
o
5
M
I
n
u
o
a
mÊÊm
S O •« 00 M
î3 c se >« •=•
«^ ^ ^ !>« ^
05 O ^ CO ' lA
O
00
co
'soosnfi
co
«» c^ r»
o
QO O) QQ «^
2 »^ ^ •© 00
8U«)^nioqe|^
co
94 ^
8II8lt^JII3
s sr
00
eo
a> fo Oi co
•* eo ♦< eo
00
co
'soiçm
9Và^\<m 00
«9
'9006I«1|
S
SS
CP
0<f
'Sdl^ca
•ft ^ fl<| 0> 00 ço
«mmm « « «> w •« o
■4^»^M*i
.«n»o..«r «^ 00 O *< CO
8»i»1iqtH
O o co co o o
S»0 r« ^ «^i «v*
O G<| •« aO 0>
•• CO •♦ •* ^ «-%
M
M
\
*flaonv||
-fttosreu
<y\
o
eo
co
04
G4
o
^^
00
o>
o
<o
00
co
•*
eo
eo
•0
•9
s
•H
*•
«
o
co
e
»-
co
^
00
o>
^■^
eo
•4
ml
aA
o>
eo
00
^4
lO
r-
CI
co
CI
C^
co
l 04
o 00 00 OD
Ob 00 «4 <0
«0 00 04 <d
C4 ^i*
tn Q3
âo
O
6*
g
t3
•c
'O
s
e
1 ^
> .3
a
es
CQ
I
.■S
H
( 1"2 )
00
a -S
^ '3
n .s
^ 8
9
ta
fi.
M
O
H
H
9
K
2
4
S
s
K
C0
5
K 1 «lUBjiqgH
K
•M
i
siu»l!qtH
oocoaor*ao«i«coo>
0000C0iQC0^i«O«4
co
1
'suMnn
aonaDO>aoe<r<i0>
e^ 04 O eo co ^
'gaifai
8Utt^aiOIIB||
« «
s 2S » s
00
00
« s
s s A co
CO
'soffin
8)in)iqvH
co
«s A
*8U08W||
O
CO
s
» e
'saura
tlutfiqvH
CO lO CO
^" 40 ^
e« lO
CO
o
eo
CD
«o
*8U08t»K
•»« 00 lO
•♦ ©4 W
A
CO
eo
*8aifui
siaefiqeH
« •* «*
o (N <0
00 00 CO
ao e^ o>
•o Od CO
aO 00 «^i
04 ao O)
CO 00 O)
0> 00
00 O)
r* Cl
CO
eo
Cl
CO
CO
00
00
'8ao8ran
aO 00 O)
H< C< i*<
CO r* CO
^ 04
CI O) r*
o> o CO
CO CI CI
Cl CI
o CO
CI •*
•4i ao
CO
(
'89i|in
CO 1^ 00
o> r- o
Oa CI x^
Hi ao «•
CO CI aO
o r- •*
00 ^ CO
aO CO
l* CO
*8008W){
00 CI CI
eo ^ •-
•* ao aO
Cl
Cl
t^ CI
o o
ao O
CI CI
O) aO
CI •«
CI
O)
eo
O)
CO
3
O
g
ta
3
2 5 «>
^ 'S es ^
s
s s "
^ -^ •« ^ o
s .2 g
• ^ ^rt ^*^
*S P w
CD -< * t3 o.
B S
J
( 173 )
H
O
H
«9
00
■saosivji
^r^eofi^C0ïA<««oaA00
0'MO)*4iaocor^aO<«4G^
94
«o
a
E3
*88i|ai
8U9i»8aqo
0^
S fi S S CD s
<o
fi«fiOb*Sfi«(l<"fi
CO <«4
ao
I
C5 «
9
£3
ta
ta
ta
K
m'
N
(A
K
U
Ma
I
oa
2
a
o
*8a08t«|{
sjuuiiqej
'suosivK
'S9iftn
8»a«1!q»H
•montjfi
'8U0SI«K
«a
8
MMi
fifiSfiAsfiSSfi
fiSftSftfififiSfi
©4 •"f»eor-«*« e«oo
00
i«?N «N d «n ^r4 ^*
00
00
^^H*^HiO0a»O0t^(M
eoooeoOH«»«4«0^0
COaO^OOeOOdCO^O
t^«oeoo5Qor-o^r*r-
Hiao<4ieieiOd04<^oo»
coaoe<io<0'4<ceo»coio
MOaAfOMaAOOOr-aO
coaoaA004MOO)iA'4)
oo^aor-ooiOiOfOO:*
COCIC«^ OJ«*CO^O<I
CO
eo
o»
CO
^0 — (NMC|aOCO^
aAr-*«e4^oco«4<<o
00
CO
00
M
<0
:55
U3 o
« ® fc«
pa s Bu 2 o o ;4 m
S t^
► I
II
il
fl
-N[fni
•mtl!q.H
i
i
1
i
■•™™
^
i
i
1
!j
s
•
1
i
■
■
«
.
î!
■MnB
«in^iqiH
■
.
•
■
-«""•H
=
•
•
■
i\
■«nai
îïU«l!q«H
s
1
s
z
iimiqt
s
s
s
c
li
■«rm
nirwiqiH
1
£
i
i
•m»!»!!
ï
i
1
i
il
s
S
i
(176)
( *76 )
•0
00
S
f
H
nnvfiqeH
oooe^ir-*4>e4t«r*Hi
«4 ^ ^ ^ <j.
m
*flUOiie||
-« (O O Ok Hi 99 aA *<».'4>
r-oooocoaAco^eoei
•4i^oe^a0Q0t«00<0
<0
§
L
*80[9tn
guoiiwqo
•« eo 00 ^ ««
*«
r
8uvai{n)ni]f
0»
04
i
[
«ïOTïîqcH
fifi»S«ft&fift
fi
1
i
'sao8ie|i(
AAftftaflAfiS
fi
s
i
•»nwi
^roi^oiocoo^eooo
tO C^ e<) •« ^ lA
64
'8U0«!«|f
«oooo>i«cooocoo^c^
co o «* Ifi CÔ co o> co
00
§
•a
JS
•wini
^ co
« fi
fi e« «
fi fi
h-
O
*8U08t«I|
« » fi fi
I
8
*S9||tlI
«io»i!q»H
ooiA««iAw<eioor<-co
««iCDOOaOaAeioo^c^
©<t*t»>oosaor«"-«o
^ Ci
O
co
o
co
'saosivfn
wr^r^coco^^-^coe^
^eo^0^aAO>a»co
COiA'vHOCO^^OOCO
•I" eo ^ ^ ^ co ^t
00
M»
r-
I
*89t^in
8}U«)t<{VH
*8U08I«]|
•««••«Qooc^oooe^eo
&9000)00*^QOHiOaO
coe^ooooeocooco
«OHiO^Ococ^^coeo
©4
aO
co^Hi«oe^eooor-o
<N-*-*r^O«*^'*CO
roaOO>OQOCOaOr«0)
^ ^ co ^ •*
h-
aO
o>
aO
o
a
A
«A
a
" 3 «
.o
M
«0
ce w •
5:1 g g^^:3-2TD
P P
^ (S <9
( 47^ )
MIHÉHM
£â
•S
I
tu
I
H
O O t^ <N <«« aA
00 »Q •« e^ CO &I
O) 0> OO (0 00 •«
«O aO co •« O) >A
•* r* r^ 00 iw« Hji
Oi
co
co
'BUOSIVjl
CO ■<(• 00 •« CO O
•« •« O» 04 CO CO
^ 00 co 09 ao co
eo 00 00 »« •« ^
^ ^" ^^ ^< co ^fN
co
sinniinraii
00 fi
co
O) co o>
aO •* «^
00
co
o
ao co
01
fi
co
S
ta
ta
8ï«e»iq«H
«o fi
00
co
<0 fi
co
a «o
co
co
o
'sqosieiq
co fi
04
o fi fi
co
o
co
m
<
® 8
PC a
•WWW
co 00 o
eo ©4 H"
co co co
©4
o
co
co
'saosiei^
a
•M[eW
^
ï-
CO
00
«N
co
eo
co
t*
co
00
^
co
•*
^r*
**
04
00
^
co
r-
r-
fi
^
fi
fi
o
09
fi
o
01
'8U08IBN
as
s
*89i|ta
S)u«îiqBH
04 o> eo
aA «^i co
o o> 00
© •»* 00
oi co •«*
^ o o«
co co o»
oi o •♦
o> ■««• o
•* co 01
co
co
*8aosiv|{
o o» co
•<i« co o>
co 04 •*
ao -^i ^
©I 00
aO ta
co
04
co
w
•M
S
8|UBïiqen
•♦
«<N
^"
co
00
O
r»
•^
CO
w*
co
««
•*
i>
"4*
co
w*
Oi
Oi
•^
'«^
ao
co
•*
•«•
04
•♦
W3
04
^<
04
CO
ao
04
l*
1
'8ao8iep[
00 00 a>
ï- 0> co
o co o>
r- H» co
•* r^ ao
00 aO aO
co 05 »^
00 ao CO
00
o>
co
SB
s
s
g I ^ -S - S
S0 la ••« >• o
n H n N ss
XI. FÉTRIEBrMARS. 7.
12
i
MOUS
>U DDTOCTS
(H«dirlik().
1
;,
il
■B
1
1^
lï
ChTéUO»
Jl
'
R
i
1
1
"i
1
1
10
Otlnjtlch . .
RrMpa
Mder
Kliulch. . . .
63
U
M
M
W
M
31
11
î!
11
4
10
ÎO
N
SI
&
10
g
38
1
11
s?
1
1637
11Ï7
neso
M7»
ISDIO
H
'S
îffi
10960
10»
■a
tuo
<»HI
19)1
1
i
s
ino
•we
8410
3060
33M
im
ma
tm
im
30BG
1110
To
Comparaiton àta popntaUtm t»
SANDIAKS.
S« B/IO^"!- 1» P0|™M
1
iiK
Il
11
H
j
J
1
i
1
i
S6rBJrto. . . .
Baajjiliihi . . .
Tr.ïniili
uuo
iïSm
a
4W6I
iMfn
48E6
1063
BW
iS
31140
»7en
18047
557Ï5
43977
iS
1844i
""
»,
■
•J
""'
»«
i£76ei
2381113
m
ra
{
^~— —^lâÎM— "-^— ''
"^ — ■"^'T^r'^^^
(1) AMCbil»*
at*lil
.pour
eu. p.
-'ZZ
m loc
^Îk
MlouV
a Dnn
.S*'
firéuf
^
(179)
nn.
ifc par l«f offMeri miMehieni. I8S9-
BÉTAIL
'X
Mseoe ss/so
169710 ÎÎ/Ï8
T»50 9/«
B30SS 10/71
8WII0 tl/
Î75fiu ■■"
asoot
«4lrt .,.
108600 Mî/i
O I6S9»
A 19640
'I i«ei40
k JSomte n 18S1 al «
augmbntat;on
TOTAUX GÉNÉRAUX
• ™.«».
^^a£-'
'•••""ï.isr-'""'-
s
si
J
II
si
d
li
iS
J
si
M
il
.1
J
■ i
si
t-.
11
M
II
31
^i
^1
5^
îi
!»
ïï
îi
u
-s
*
"S
*s
"1
_i
J
i
"1
1
~i
A
1 3RDee
«WI
3041
fiîïti
*H4n
■ BSH40
i«i
«m
IB03
aeai
738
m
444
g<W5
""
18*7
B»N830
m
mlïssi
KUNI Mîîï
Trë
T*
-flï
tiW4ei
stewa
B9ifc
^
lA«
84S718
816607 {1). 1
lu..».
u«
iUa
"!
9^18»
.elw
tw
yepu
>H
iVI^
BoBDie
iMi
»"i
'~
( 480 )
PRÉCIS ETHNOGRAPHIQUE.
Les anciens ne nous ont légué que fort peu de do-
cuments propres à faciliter Fétude de la filiation des
peuples de race ouralique qui autrefois envahirent
Tempire romain. Aussi l'ancienne ethnographie des
provinces formant aujourd'hui Textrème frontière Est
de la Turquie d'Europe me parait-elle difficile à être
établie d'une manière précise, et je suis porté à croire
qu'on ne peut guère aborder l'étude de cette question
que par de simples conjectures et des hypothèses plus
on moins vraisemblables.
Cette difficulté d'être suffisamment renseigné m'a
engagé à ne point m' étendre sur une époque qui ne
m'est pas assez connue. Négligeant donc tout ce qui
s'écarte trop du cadre restreint de ce travail, je me
bornerai à jeter un rapide et préalable coup d'œil sur
le passé historique des seuls anciens habitants de la
contrée comprise entre la Save et le littoral Adria-
tique.
En remontant dans les temps reculés, les auteurs
des I" et II' siècles nous apprennent que le territoire
de la Bosnie formait partie intégrante de l'ancien pays
des Dalmates, nom générique d'une nation barbare et
féroce que les Romains combattirent avec acharnement
pendant le cours de plus de deux cents ans, depuis
l'an 559 de Rome (195 av. J. G.), que Scipion Nasica
Corculum la vainquit pour la première fois, jusqu'au
règne de Tibère (14-S7 de J. C), qui acheva de
( m )
la subjuguer et de la soumettre définitivement à l'em-
pire (1).
Le pays des anciens Dalmates, compris dans ce que
les Romains appelaient riUyrie barbare, avait pour
limites : au nord^ la Panonie inférieure, dont il était
séparé par la Save depuis Kertissa (aujourd'hui Gra-
dischka 7) jusqu'à Tauruntum (Semlin); à l'ouest, des
peuplades illyriennes dont le séparait le cours du Ver-
bass ou peut-être celui de la Sanna, ce dernier affluent
de rUnna; à l'ouest et au sud-ouest, la Liburnie, qui
s'étendait le long de l'Adriatique, depuis les frontières
de ristrie jusqu'aux environs de Scardone ; au sud et
au sud-ouest, le littoral jusqu'à Scutari, et de là une
frontière assez incertaine jusqu'aux monts Scardiens
(le Schar-Dagh de nos jours) ; enfin, depuis ce pâté de
montagnes que Ptolémée place vers le 42* degré de
latitude et sous le A?*" de longitude» une ligne de démar-
cation vague qui» remontant vers le N.-N.-O., allait
directement rejoindre Tauruntum (Semlin) sur la Save.
Il résulte de cette délimitation que les Dalmates
de cette époque recalée , dont la capitale, Deïmi-
nium, était située, suivant les uns, non loin de la
Drina» et, suivant les autres, beaucoup plus vers le
littoral, à Duono, occupaient une contrée très -considé-
rable qui comprenait non-seulement la Bosnie de nos
jours, mais encore une notable partie de la Dalmatie
(1) MoD savant collègue, M. le doctear Otto Blaa, cooral de Prusse
à Sérajévo, à qui lliistoire, la numismatique, ]*archéologie et la sta-
tistique doivent déjà de très-utiles publications sur les différents pays
où il a résidé, s'occupe dans ce moment de réunir les éléments d'une
sérieuse étude géographique et historique de la Bosnie et de THerzé^-
lovioe aux temps des Romains. >
( 182 )
actuelle, l'flerzégovîhe, le Monténégro, une frèictîon du
territoire de l'Albanie supérieure et de la Roumélie, et
edèn une portion de la Serbie (i),
(i) Voici le dénombrement des populations Je cette vaste contrée»
tel c[ae nous Ta taissë t^line *, Ce document fait partie da recense-
ûitûi gétiénii de l'eih(>ire, ordDbklé par Auguste àà i*»^ siêelè de lésûs-
Otèiit
IHilHctf fl« f oniMtif dt SAltDa :
Pelmates* . « âmoa 349 000
Beurici .... — â2 ÔOÔ
Ditlonts. .t. -*^ 830 000
Mazasi — 269 000
Sardiatek... -^ l^ioào
TdUl lltt cù^HMU de Satdtia . . a «14 000 ÉiQ«i»
Dtotrins da é9W9$n$ de I^aroiia :
Daorizi Ames 17 000
Geranni. ... ^^ 24 ÔOÔ
Daeiitiates.i ^ 100 000
Peretini ... — 14 000
Déi'enttstfe. • -^ t^ 066
Dindari. • . ^ -^ ^$ ÔOO
Dociéatffi... — 33 000
Gltndittoilèk. ^f- 44 000
Melcomani. . — 24 000
Nàrésii .... ~ 102 000 .
Seirtarii • . ^^ ti 000
Siculots... — 24 000
Vârdàttii . . • ^ SO 000
Total du eoUvênt da Narott. 546 000 âttM.
non compris les cinq peuples de Oznaei» Par-
thini» Hemasini, Ârtbit» et Armist», éYalnés
è 36 000 âmes.
Mil ; Il
Total général. ... 1 500 OOÔ Ames.
C!é cbtifk'é de 1 &Ô0 000 ime^ est encore, à peu dé cbose près,
celui de la population actuelle des contrées qu'occupaient, au i*' siècle»
les tribus dalmatei éUumérées dans le tableau dmefesui.
(*) Piiné, III, 26. — (l^Uné donné te recensement de ta popula-
tion en décurieSi dont cbacune comprenait 1000 Amea. Je n'ai fait
qu'ajoutef trois létos aut chtIfIreK de cfaACttne de ces dëettriaa ludi-*
quées par Pline.)
( 183 )
Lès Dalmates d'alors, vaincus plus d^une fois par les
armées romaines, et subjugués enfin sous Auguste et
Tibère, perdirent progressivement leur indépendance
et leur liberté, Tautonomie de leurs vastes possessions,
et soit que le noyau d'élite de leur nation eût étâ vio-
lemment déplacé et leurs diverses tribus dispersées,
ftoit que le souvenir de leur voisinage se fût conservé
vivace dans la contrée limitrophe de la Liburnie) l'ap-
plication de leur appellation générique se restreignit
petit à petit pour ne plus servir qu'à désigner spécia-
lement, sous le triumvirat et sous Tempire, une
portion de leur ancien territoire devenu province ro-
maine, et qui a gardé de nos jours le nom dç palmatie.
Lorsque les ][^o^lain3 eurent Imposé leurs lois aux
Dalmates, ils ne me paraissent point avoir oooupé et
colonisé toute la Bosnie supérieure, où d'ailleurs, que
je le sache du moins, on n'a point retrouvé encore
de traces positives de leurs établissements.
Des opinions con^bip^es de Ptolémée, de $trabon,
de Pline et d'Appien, il semblerait résulter qu'une
voie de communication était ouverte entre Scardona,
sur l'Adriatique, et la station romaine de Kertissa sur
la Save (Gradischka?). J'incline à croire que cette
route devait passer, après avoir franchi le mont Prolog,
par la vallée de la Sanna, l'un des afiQuents de l'Unna.
On cite quelques localités qui jalonnaient la voie,
entre autres Assesia, qui aurait eu une certaine impor-
tance, peut-être à cause des mines de fer qui abon-
daient dans le pays (1). Faudrait-il voir dans le Stari-
(1) Sissea, dans, la Groato-SlavdDie, l'antique Scioiu^ était la réii-
dence d'an magistrat chargé de radmiois^rvtjpD et da rîQspeptiQO des
mines de tonte la contrée, y compris la Panonie supérieure.
(184)
Meidan actuel remplacement, de TanèieDDe Âsse-
sia (1)?
L'Itinéraire d'Antonin (2) indique une route qui re-
liait Metrovitza, en Slavonie (Sirmium) , à Salone sur
l'Adriatique (Salonas). Comme la précédente, elle de-
vait passer par la partie la plus occidentale du terri-
toire bosniaque actuel, et j'ai lieu de croire qu'aucun
vestige n'en a été retrouvé jusqu'ici. En voici les prin-
cipales stations données par l'Itinéraire :
ER SLAYOIIIE.
1. Sirmiam ^ Metrovitza.
2. Budalia onVedulia. | fusnitn, d'après Reichard.
3. Spanela l Bacsmske^ d'après Reichard, et
lirufcojev0^0, d'après Lapie.
4. OImo jPavIi^f, d'après Lapie.
5. Cibalis < Fincovzé,
6. Cirtisia ÏDiàkovar^ d'après Maonert.
ÊKondriè, d'après Reichard, et
f Piscorevcze^ d'après Lapîe.
7. Urbate \ Brood, d'après Manaert, et
\
Gradiska, d'après Lapie.
IH BOSIIIB.
8. Servitti / Sievierovczi^ d'après Reichard, et
\ Douhitza, d'après Lapie.
9. Ad Ladios }Ad fi. Sannam^ d'après Reichard, et
I Touriak (?), d'après Lapie.
10. Aemate \BQnyaluka, —
(1) Le nom de Slari-Mcidan est composé da mot slave stari^ ^ui
signifie vieux^ et du mot arabe meiden oa mâdm^ qui signifie mtiitf,
minière; cette désigoation convient parfaitement, d'ailleurs, | \9l
localité, abondamment dotée de richesses métallurgiques,
(2) Édition de 6. Parthe^. Berlin, 1848*
( 186 )
i 1 . Unsaba. . • /Kotor^ d'après Lapie.
12. Sarnade [ Ycûtxé, —
1 3. Silvi» 1 Keupresch, —
14. Pelva (1) I lÀmOf —
1 5. Aequo (?) i Près du khan de Xinivich (?), d*après Rei-
f chard et Lapie.
16. Salonas Xsaione,
D'autre part, les Tables théodosiennes donnent une
autre route qui, partant de Sissea (l'ancienne Sciscia),
aboutissait également à Salona avec les stations inter-
médiaires suivantes : PrcetoriurriyServitium^ad Fines ^
Castra jLomatis y LevsabayBaloié^ Yudencay Sarittaet
Jonaria. A quelques altérations près dans la forme, on
retrouve dans ces noms deux stations de l'Itinéraire :
Servitium Servitti^ et Levsaba-Lensaba.
Quant à la portion centrale et orientale de la Bosnie,
il ne me semble pas, je le répète, que les Romains
Toccupèrent, sauf peut-être quelques points straté-
giques sur le bas Drina, et dans la vallée de la Save
proprement dite ou la Possavina actuelle (2) .
(i) On trouve quelques ruines romaines et on a décoorert quel-
ques inscriptions dans les paroisses de Vidosi et de Lùtani dans le
Sandjak de Li?m).
(2) J'ai trouvé tout récemment dans les environs deSeraJévo même,
sur les bords de la Milatzka et au hameau de SwaMno-Selo (Tchift-
lik ou ferme d*Âbda-Agha-Zlatarovic), une inscription romaine qui
peut être de nature k Jeter un jour nouveau sur la question de savoir
si les Romains s'établirent à demeure fiie dans le centre même de la
Bosnie. Cette inscription, que Je transcris ci-après, est gravée en creux
•ar un stèle en marbre blanc rosé de 0™,70 de hauteur, sur 0™,305 de
largeur et 0,™25 d'épaisseur. Un trou pratiqué au centre de l'épais-
seur du stèle et è sa partie inférieure servait, sans doute, à le relier
par un crampon de fer à nn socle ou base qui n*a pas été trouvé.
(186)
Dans l'Hôr2êgdylûe, au contraire, il est â peu près
certain que les Romaips eurent des établissements
fixes, tels qu'à Mostar, par exemple, et ailleurs (1).
Si les Romains, selon mon opinion, n'eurent aucun
établissement important dans le centre et dans la par-
tie orientale de la Bosnie, la cause en était due proba-
blement à l'épaisseur des forêts qui couvraient le pays
entier et qui devait difficilement permettre d'y tracer
des chemins ou des routes stratégiques reliant ces po-
sitions isolées avec les stations militaires de la Panonie
et les colonies du littoral Adriatique.
Toutefois, pour n'avoir été» à cette époque, pour
ainsi dire, qu'une vaste et impénétrable forêt, la con-
Cette pierre, découverte il y a quelques années, dans le Ut actuel de la
Mlatika, était enfouie ious une couehe de gravier. Fant4l admettre
^a*il e&iitait là, autrefois, un centre dé population romaine Y Ou bien,
ne devrait-on y voir que la trace du passage accidentel d'une légion ?
Les trois lettres initiales de la première ligne de Tinscrlption lui
donnent, d^ailleurs, la forme votive !
D. 0. M.
TONITBA
PORI "m
MàXIMVS
VI ilAVGC
Celte inscription te tronvt aiijourd'hal au consulat de France à
Séri^évOk
(1) M^tmr% nom tlavt composé de mou (pont) ei de tior (virai).
La ville de llostar possède, en eist, un ancien et grand pont jeté sur
ia Narenta, dont la eonstruetion, au dire des habitants, remonta à
une époque fort reculée. Faudrait-4l, avee. l'historien Kandter de
Trieste» voir dans remplacement de la ville actuelle de Mostar, celui
de rancieuM Matrix des Romains, située entre BUUÊm «slus ut Bitima
( 187 )
itêe tï'éUit ^m-ém pàd aiièëi dé{)ettplé« qu^Oti pôtSit--
rait le «irolfe. fin effet, Appleti« en pfiirlànt des côit^
qufiteg fkites Boâs lé triumvirat et àU commeûcement
de rempire, depuis l'Adriatique jusqu'au cours de Ift
SavC) nous apprend le ûom de plusieurs tribus dissé«-
midées çà et là sur la surfaee du pays couquis, et il
cite tèlui dee Bi^^U, des IppasinU, dèd GliUndinH et
des Narmi%
Ce ne fut que bleu pluë tard et vers le y^ «siècle que
les 6lâTe6, dout Ptolëmée parle le premier^ firent irrup-
tion dans le monde romain, à la suite des GothS, des
ÂTGirs et dess Huns, et vinrent occuper, sous le nom de
Sktamni ou de Siamnt, la Dacie dont, par la suite, ils
Airetit bhàâSës par les Kuntans ou les Patzinmkiiéi ou
PiBtchinèfueÈ, hordes barbares probablement de race
turtjue.
La ft'action slave, dont ce travail est plus particuliè-
rement l'objeti appartenait à ce groupe méridional de
ia Dation^ qui, plus spécialement dans le vii* siècle»
tint s'établir dans la contrée connue alors sous le nom
générique d*!llyrle. Les auteurs byzantins, et de ce
nombre Procope et I^orphyrogénète, distinguaient en
elle les Serblii ou Serbes et les Chrohates ou Croates,
A l'époque de la guerre des Persesi les légions can-
tonnées dans la Dalmatie qui^ après la chute de l'em-
pire d'Occident avait été réunie à celui de Constanti-
nople sous Justïnien, durent être rappelées, et les
Avars, profitant de cette circonstance, envahirent la
province dégarnie fie troupes, la dévastèrent et l'oc-
cupèrent en partie (1)« Ce fui alors que Tempereur
(i) Dès le règoederemperêarllaiiirice» les Âvars avAient^ paraît-il,
( 188 )
Héraclias ayant assigné tout le pays aux Ghrobates (1),
à la condition d'en chasser les derniers envahisseurs
et de se reconnaître dépendants de Tempire, une grande
fraction de ce peuple, sous la conduite de ses princi-
paux chefs, les frères Klouk^ Lobel^ Mouchla^ Karentz
et Horvat^ se porta en avant, défit les tribus qu'elle
était chargée de refouler et occupa définitivement toute
la contrée s'étendant de l'Istrie à la Cettina» qui se
jette dans l'Adriatique non loin de Spalatro. Plus tard,
au ix'' siècle, les Ghrobates méridionaux s'affranchirent
de leur vassalité envers l'empire.
Les Serblii ou Serbes (2) , jaloux des avantages ob-
tenus par leurs frères de la même souche, les Ghro-
bates, suivirent bientôt leur exemple d'une émigration
et d'un établissement au sud du grand fleuve. Du
consentement du même empereur Héraclius, ils vin-
rent à leur tour occuper, à titre de colons de l'empire,
fait irrnptioD dans les provinces dalmates. Toutefois, il semble que ce
ne fut que dans leurs incursions dévastatrices de 610 à 648, sous
Héraclius, qu'ils saccagèrent et ruinèrent les villes du littoral adria-
tique, telles que Diocléa, Êpidaure et Salone. Les Slaves ne parent se
fixer sur les bords de la mer, et durent se retirer en arrière, laissant
les populations du littoral se reconstituer en colonies romaines nou-
velles. Ce fut alors que naquirent la Raguse actuelle^ Spalatro, Traù,
Zara^ et autres villes maritimes de la Dalmatie.
(i ) Les Ghrobates au dire du Porphyrogénète, habitaient au delà
du pays de « Babigaréias », et dans le voisinage de Franks. — Fau-
drait-il voir, avec Saint-Martin, dans ce nom de « Babigaréias, » la
Bavière de nos Jours?
(i) Ce sont les Serblaii des Byzantins. Ils occupaient, suivant
M. Lejean, un territoire à 4'est des Ghrobates, et étaient primitive-
ment connus sous le nom de 5ôra&5, qui est demeuré celui 4'uQ
débrii delaniition restée dans la Lusace?
( 189 )
les terres restées libres qui, de la Save et du Danube,
s'étendaient vers la mer de côté du Durazzo et qui,
elles aussi, avaient eu à souffrir des incursions dévas-
tatrices des Avars. Le Porphyrogénète ajoute qu^aux
Serbes proprement dits se joignirent, dans cette grande
et deuxième émigration slave, d'autres tribus de la
même souche-mère, les Zachlumi^ les Narentani^ les
Terbuni et autres.
Les Serbes occupèrent d'abord la Moesie supérieure^
qui comprenait la Serbie actuelle et une partie de la
Moesie inférieure^ qui s'étendait de la rivière de Zi-
brenitza (l'ancien Giabros, qui se jette dans le Danube)
au Pont-Euxin ; enfin la Sirmie ou la Slavonie dé nos
jours, et la Rascie^ qui était une contrée à part, située
au sud de la Serbie actuelle et à Touest de la Roumé-
lie, et qui, comprise en grande partie aujourd'hui dans
le pachalik de Bosnie, a Novi-Bazar pour chef-lieu ;
les Zachlumi, originaires de Chelm (Za-Chlum) et des
bords de la Vistule, s'établirent dans la partie ouest
de l'Herzégovine actuelle et donnèrent leur déno-
mination de Burrij ou Chum^ ou Chlum à tout
le pays (1). Les Narentani, qui, suivant les uns,
(1) Le nom des Zachlumi dérive probablement du vocable slave Aum,
qui signifie : « Tertre, colline, d'où : pays montagneux. » Ce mot
prononcé par les Grecs ou par les Latins, qui n'avaient pas l'aspira-
tion de la lettre H, s'est changé, dans leurs chroniques, en Chtêm ou
ChtUm, 11 n'est pas sans intérêt de remarquer que ce nom de Chelm
ou Chulm est encore celui de plusieurs localités de la Pologne. La
ZtKMumiaj selon le Porphyrogénète, était ainsi limitée : « A Ransio
» Zachlumomm Principatus initium ducit et protenditur ad Oron-
• tium (Narenta) flumen ufque. » La péninsule de Sabbioncello avec
la ville de Stagno, ajoute Appendini, appartenait à cette province*
( lÔO )
échangèrent leur nom primitif contre celui du
neuve Narenta, qui passe par Moslar, ou qui, suivant
les autres, lui imposèrent leur dénomination, se fixè-
rent dans la région Est de la même contrée (1). Les
Terbuni occupèrent le pays des Canaletti, au sud-est
de Raguse, et les terres de la moderne Trebigné, qi;i
leur doit son appellation (S). Enfin, une autre tribu,
également d'origine slave, venue à la suite des pre-
mières, s'établit aux environs de Diocléa, soit dans le
Monténégro actuel, et ses membres s'appelèrept long-»
temps Diocléates.
Entre les limites dos detix émigrations croate et
serbe, il ne semble pas que le pays ibrmantla provinôe
actuelle de Bosnie ait été compris; sa oonfigaration
naturelle l'avait probablement &it négliger par les
émigrants. En effet, abstraction faite de la langue de
terre qui s'étend de Folcha à Novi-Bazar, entre les
frontières serbe, roumélienne, albanaise, monténé-
grine et her^égovinienne, la Bosnie proprement dite
forme une sorte de quadrilatère, dont deux côtés ont
pour limites la Save ^t la Drina, et les deux autres,
(1) Mous STons déjà tu diaprés Appien, que dès Tépoque du
triumvim^ romaio, une popuUti^p iiidigia« appelée NareiU, était
établie dau^c^tia contiée. La conformité de ce nom avec celui de Nat*
ren^pi doQt parla le Porphyrogénète, ferait penser qu'il u'eit peutr
être qoestiop ici que d*UP s«ttl et même peuple, dont quelques tribus
avaient pu devapcer \» grande émigratiqu du vu' siècle.
(*2) $q|vaDt le Porpbirrogéiiète, la TwHgna oommeDeait à Gattare
et n'éteitdaH iusqu>u«deisug deBagu«e, eu eoufinant à la Zaehlumia :
ff A Deo^taris ipaipit Trib9ui» principatas p#rrigit que «e Ragusium
9 U^queet Yer^pafl|Pii(an«» SirbU» adyaeet » U villa de Trebigaéeu
étajt U ^tia«.
( 191 )
soit le cours de TUnna, soit les pentes rapides des
bautes montagnes, obstacles qui durent assurément
faire dévier la marche de l'invasion, ou plutôt de Tfr'.
migration. Ce fait donnerait raison à Topinion de
quelques auteurs (1) qui font descendre les Boanis^
ques ou Bosniens des Bessi^ petit peuple, d'origine
slave sans doute , antérieurement établi dani^ to
Tbrace, vers les sources du Strymon et qui, chassé par
les Bulgares, dut se déplacer et venir se réfugier dans
cette contrée, alors à peu près déserte, au milieu de»
anciens Dalmates, bien avant l'irruption des ISl^ves, et
à laquelle il imposa son nom. Suivant cette version, de
l'appellation originaire de Bessi seraient successive-
ment dérivés les vocables de Bossi^ et, par contraQ*^
tion, Boasina et Bosna (2).
Admettant pour vraies cette opinion et cette étymo*
logie, il en résulterait dgnc que la Bosnie aurait déjà
été occupée antérieurement à la venue des familles
Ghrobates et Serblii, par un peuple homogène qui n'au^
rait en rien à souffrir sérieusement des invasions précé^
dentés desAvars,Vénèdesou autres bordes barbares ($).
(1) lituro Orbipo ! «c Histoire diss Slaves, » (page 844), et Sébas-
tien HuDster, mort m 1552, dent parle Orbliio loi-m^me.
(2) Appieq, en effet, comme nous T avons vq, parle 4n peqple liesse
comme étant déjà établi, an commencement de Pempire, dans la con-
trée qui s'étend du littoral adriatiqoe à 1» Save.
(3) Je crois, en effet, que lorsque les Avars envabireqt la P(|)m9tie,
ils laissèrent de côté et négligèrent la Bosnie proprement dite; venant
haut Danpbe, ils durent probablement, traversant la ^ye dans sa
partie supérieure, descendre vers U mer par les vallée? iotérienres 4e
la Croatie, peut-être même par celle frontière de rppoa, ^ bieo que
la Bosnie fut vraisemblablement préservée de leur paisflgp di(SyasUi"*
( i\)â )
Plus tard, et pendant nombre d'années, la province qui
m'occupe spécialement a pu encore se mettre à Tabri
du flot envahisseur des deux grandes fractions da
peuple slave, grâce à sa topographie montagneuse et
accidentée, à ses immenses et impénétrables forêts,
aussi bien qu'à la valeur de ses premiers occupants ;
mais, enviée et convoitée par tous, enclavée qu'elle
était au milieu de voisins redoutables, elle fut forcée à
la fin de cé^er à la supériorité numérique des nou-
velles hordes émigrantes et, dès lors, les Bessiy per-
dant leur homogénéité, se virent contraints de se sla-
viser tout à fait en se fusionnant avec elles.
Il est impossible de dire avec certitude quelle est,
des familles croate ou serbe, celle qui nationalisa la
Bosnie; néanmoins, si Ton admet que la venue des
Ghrobates dans ses régions méridionales précéda celle
des Serblii et si, d'autre part, on tient compte d'un
diplôme du vm* siècle d'un certain Turpiniero (Tier-
pirair). Bande Croatie, rapporté par l'historien Tar-
latto, duquel il résulte que l'Église de Bosnie était
suffragante de Tarchevôché de Spalatro, on serait pro-
bablement porté à conclure, avec quelques raisons,
que ce fut la première de ces deux familles qui soumit
les Bessi et leur pays à ses mœurs et à ses lois (1).
leur. Le savant Szafarik est également de l*opinion (Antiquités
slaves) que des populations de race slave occupaient déjà ces con-
trées lors de l'arrivée des Serbes et des Croates.
(1) C'est une opinion que soutient et Justifie par de très-plausibles
raisonnements Técrivain national Racki, d'Agram, dans sa récente
publication intitulée : Fragments du droit public croate sur la natUh
naUté slave méridionale.
( 103 )
Plus tard, l'empire serbe proprement dit surgit et
se forma et, sans être précisément absorbée par lui, la
Bosnie dut maintes fois cependant, et selon la fortune
des armes, subir sa suprématie et sa suzeraineté. Dans
ce cas, un Ban serbe (1) la gouvernait, comme le fai-
saient auparavant les Bans croates ; mais toujours en
observant ses coutumes et ses institutions indigènes (2).
Plus tard encore, elle repassa de nouveau à la Croatie,
puis s en sépara définitivement pour se placer sous
l'obéissance des rois de Hongrie, et cela jusqu'à l'épo-
que où elle devint enfin un État autonome et indépen-
dant. Sa soumission à la puissance hongroise ne fut
point, à vrai dire, une annexion, une incorporation au
royaume , mais un simple état de vasselage, suivant
l'usage de l'époque. En effet, dans certains docu-
ments ecclésiastiques adressés au Ban Rulin de Bosnie,
(i) Le vocable Ban ou Pan est comman à toutes les nations slaves.
Tantôt il signifie grande et tantôt petit seigneur. En Slavonie, il
s'entendait d'un gouverneur de province et, souvent aussi, d*un
prince ou maître absolu d'un territoire possédé, soit par droit d'béri-
dité , soit par faveur. Tels étaient les Bans de Zacblumia , de
Tribunia , de Bossina , etc. De là les verbes panovaU chei les
Bohèmes, panoumé chez les Polonais, et banovaU cbei lea Ulyriens,
dans le sens de commander, gouverner.
(2) L'apostolat des saints Kiriel (Cyrille) et Méthode est placé entre
les années 867 et 889 ; après avoir converti les Bulgares, ces apôtre
introduisirent le christianisme au sein des populations slaves méri-
dionales (Serbes, Slavons, Dalmates et Bosniaques). Lès questions d es
limites des frontières, de juridiction, de hiérarchie et des divisions
des Églises furent réglées dans un grand concile national, auquel
prirent part, en présence du légat du pape et de l'empereur de By-
lance, le roi de Serbie, le duc de Croatie et les principaux Baos,
Jnpans et Chefs indigènes.
IX. FÉ1^RI£R-MARS. 8. 13
QP voit quQ cQlni-ci est appelé Banua Bos&ine Fidu-
ciaria3 régis HuQgari®,
A travers les sanglantes luttes dont }e pays fut long-*
tomps le théâtre, au milieu des rivalltéa intérieures et
d^ aoibitions ei^térieures qui le déchiraient et le divi*
aaâeut eu Iq morcelant sans cesse^ déplaçant fréqueoH
meut ainsi ses frontières, il est peu aisé, sinon impos^
sible» d'établir, même avec une apparence de vraisem*
blance, les véritables limites politiques de l'État
bosniaque à ses diverses époques. Toutefois, on peut
dire, en termes généraux, qu'il s'étendait de la Save
à l'Adriatique et de l'est à l'ouest, depuis la Drina et
le district de Fotcha» par exemple, jusqu'au cours de
la Gettina, comprenant ainsi dans sa circonscription
territoriale le comté de Chelm ou pays de Htun ou
Chumt qui fut ensuite le duché de Saint-Sabâ et qui
est devenu l'Herzégovine de nos jours (1). Plus tard,
il est vrai, ainsi que nous le verroné, la Rascie fut an-
nexée à la Bosnie, et, dès lors, les frontières de l'État
f urent repoussées bien plus loin à l'orient, vers la
Boumélie et la Haute* Albanie actuelles.
La confusion des noms et des dates dans la liste des
Bans ou princes de Bosnie est telle qu'il est tout à fait
impossible d'en fprmer une nomenclature exacte, fidèle
et complète. Cependant, en comparant entre ellea les
inforiuationa et les opinions des divers auteurs, je
crois que l'énumération chronologique suivante que je
donne est encore celle qui se rapproche le plus de
rexactitude et de la vraisemblance.
(1) Pe rftllemand ^er9^ ou Pôr9og^ Mf^fi^nl : 4«c; de |è«
l'HerzégoYine ea duché.
( 195 )
BÀN8 DE BOSNIE.
I. AnnéQ «•••«« CrMeimir l^'«
IL — Stephan, fils de Crwcimir .
m. — Leguète (Légétus).
IV. — Noukmir.
V. — 994-1015 Crescimîrll.
VI. ««.«•• La flacca^sfioroa les saccefsearf im-
médiats de Grescimir II, ne sont
point assez connos.
VIL -^ 1080 enYiron.* Stephan.
VIII. r- .•.. *..♦•♦. Tvartko.
IX. — 1140 ou 1150. Boris ou Borich {BoritiuSf des au-.
leurs latins •>
X. — 1180 Kulin,
XI. — 1233 Nicolas.
XU. — 1236 .,,..... Zibislay.
Xin. — 1246 Ninoslav.
XIV. 1270 Jovan Kotroman.
XV. 1280 Pavao ou ?attl.
XVL — 1290 Stephen Drageutin.
XVII. -t- 1900 «^ * Pavao ou Paul (pouT U leeonde f^ii).
XVIIL — 1 309 t ,..,., . Mladine,
XIX. — 1522 .. , Stephan Lin.
XX. .1324 Stephan, fils du prédécesseur.
XXI. 1354 Tvartko, derenu plus tard roi de
Bosnie.
ROIS DE BOSNIE.
I. Année 1376 Stephan Tvartko l*».
n, 1391 Stephan Dabîscha.
ni. — 1396 Stephan Tvartko II (dît le Noir).
IV. ~ «397 « Stephan Ostola Ghtistich.
V, — 1435 .t.^...* TvartkolL
VI. -r- 1433 .,#..• r . Stephw Thomas Chriatich*
VU. ^ 1499... Stephan Thomasc)u)yiçh.
1 1 I "l'i
( 196 )
Analyses, Rapporte, ete.
RAPPORT
PAR M. GORTAMBERT
SUR LES
KIPÉDITIONS ET PÈLERINAGES DES SCANDINAVES
EN TERRE SAINTE AD TEMPS DES CROISADES
PAR M. PAUL RIANT.
C'est une opinion assez générale que les royaumes
du nord de l'Europe restèrent étrangers au grand mou-
vement religieux qui, pendant deux siècles, précipita
vers rOrient les invasions latines. M. Riant fait voir,
dans le remarquable volume qu'il a offert à la Société,
que c'est là une erreur profonde. Ses recherches dans
les bibliothèques du Danemark, de la Suède et de la
Norvège, lui ont fait découvrir des preuves surabon-
dantes de la part, très-active au contraire, que prirent
les Scandinaves aux guerres saintes. Il a retrouvé,
dans les Sagas et les Drapas composées en cette vieille
langue norraine aujourd'hui éteinte, des récits nom-
breux des expéditions des hommes du Nord en Pales-
tine. Il en a recueilli aussi dans les anciennes chroni-
ques latines du Danemark et de la Suède ; de nos jours,
enfin, l'histoire du peuple norvégien, par Munch, l'his-
toire de l'Église suédoise, par Reuterdahl, l'histoire
de Suède, par Strinnholm, donnent sur ces expédition s
(197)
des renseignements précis, que les historiens des croi-
sades ne pourront désormais se dispenser de consulter.
Comment, en effet, des peuples aussi ardents, aussi
voyageurs, aussi pleins de l'esprit d'aventures, et chez
qui le terme de casanier {heimskr) était devenu une
grossière injure, des peuples nouvellement convertis
à la foi chrétienne et qui comptaient des saints parmi
leurs rois, seraient- ils restés spectateurs indifférents
de ces grandes incursions de l'Occident sur l'Orient ?
L'Orient exerçait d'ailleurs depuis longtemps, sur
l'esprit des Scandinaves, une attraction particulière ;
ils considéraient l'Asie comme leur patrie primitive, ils
reportaient constamment leur pensée sur la sainte et
mystérieuse cité d'Asgard.
Ils jouaient, dans une très-grande partie du monde
alors connu, un rôle si important, que rien de consi-
dérable ne pouvait y avoir lieu sans qu'ils y fussent
nécessairement mêlés ; ils occupaient tout l'espace
depuis le nord de l'Amérique (Vinland) jusqu'aux
monts Ourals ; le Groenland, l'Islande, Terre-Neuve,
les Hébrides, les Orcades, les îles FaBroeer, les îles
Shetland, le Danemark, la Russie presque entière, la
Normandie, la Fouille, la Catalogne, reconnaissaient
pour noyau et pour mère-patrie la grande péninsule
du Nord et particulièrement la Norvège, qui était alors
un royaume si puissant. Enfin une garde Scandinave,
connue sous le nom de garde vaeringue (par corruption
varègue), s'était formée autour des souverains deCons-
tantinople au x« siècle, et elle exerçait sur les destinées
de l'empire d'Orient une influence notable.
C'est vers le temps de la création de cette garde que
f 198 )
se montrent les premiersi pèlerinages des hommes du
Nord en Terre-Sainte.
Puis, lorsque l'Europe chrétienne s'ébranle en armes
vers l'Orient, dès la première croisade, les Scandinaves,
particulièrement les Danois et les NoiTégiens, y occu-
pent un rang honorable. Ensuite ils firent ute croisade
sans les peuples latins, en 1 106, et ce fut même la plus
importante détentes celles qu'ils entreprirent; elle fut
conduite par Sîgurd I", roi de Norvège, surnommé le
Hiérosolymitain. Les 60 vaisseaux qui la composaient
longèrent les côtes de l'Angleterre, de la France, de la
Galice, passèrent par le détroit de Gibraltar, aux îles
Baléares, en Fouille ; Sigurd assiégea Sidon et Acre,
revint par Gonstantinople, la Bulgarie, la Pannonie»la
Saxe ; par Heidaby, l'ancienne capitale du Slesvig,
et rentra à Ofilo (Christiania) , alors séjour habituel des
rois de Norvège.
On compte cinq croisades Scandinaves, que mon
but n'est pas de raconter ici et dont on lira le
récit avec intérêt dans l'ouvrage de M. Riant; la der-
nière eut lieu en 1213.
Désormais, il n'y eut plus que des pèlerinages,
comme avant le grand mouvement armé ; et ces pèleri-
nages même devenaient plus difficiles, car la garde vad-
ringue avait disparu de l'empire Grec, avec la conquête
des Latins, en 1204 ; et les Mongols, qui avaient envahi
la Russie, fermaient une des routes principales par
lesquelles les peuples du Nord gagnaient la Palestine.
La géographie suit avec intérêt ces routes, au nombre
de trois» que notre auteur a élucidées et décrites par-
faitement. La plus courte était celle dont nous venons
( 199 )
de parler : on l6 désigiiftit âous lé nom à'AUàtvè^
(roTite orientale) ou Vœringavegt (route de Vàeritigues) ;
elle passait par Visby, la florissante capitale de Tlle de
Gotlland, parPaltesja (Polotzk), siège d*une dynastie
Scandinave, et remontait la Névâ ; ou bien les voya-
geurs prenaient la Neva et le Volkhôv, en passant par
Aldeyaborg (Ladoga) et Holmgard (Novgorod), doux
capitales du royaume des Gardar, c'est-à-dire des
Marches ; ils naviguaient sur le lac Ilmen, puis 6ur
le Lovât ; ils traversaient par terre le pays couvert de
forêts qui sépare le versant de la Baltique de celui
de la mer Noire, et arrivaient au Dniepr. Leur itiné-
raire, à partir de ce fleuve, est complètement indiqué
par Constantin Porphyrogénëte, dans son livre sur Tad-
ministration de Tempire, où il consacre tout un cha*
pitre aux Scandinaves, qu'il appelle déjà Rôs (Russes).
Les pèlerins et les croisés s'arrêtaient assez longtemps
à Kiova (Kiev), grande colonie norraine, où ils ache-
taient aux peuples riverains de nouvelles coques de
bâtiments, sur lesquels ils transt>ortaient les agrès
des anciennes ; puis ils faisaient une tiouvelle halte
importante à Vititchev , qui leur appartenait et où ils
s'attendaient les uns les autres pour opérer ensemble
la descente périlleuse des sept cataractes du fleuve.
Parvenus dans le Pont Euxin, les voyageurs relâ-
chaient à rile de Saint'^Grègoire et à File Saint-iEther,
dont nous regrettons de ne pas apprendre les noms ac-
tuels et dont nons recommandons la synonvûoie à la
sagacité de M. Riant dans une nouvelle édition \ ils ren-
contraient les bouches du fleuve Blanc (Danube), se
reposûent quelque temps à Kilia (la Kjôvik des Scan-
( 200 )
dinaves, la Thiagola des Grecs), repaire des pirates du
Nord; on touchait à Tlle des Moucherons, dont le nom
moderne n*est pas mentionné, mais qui est probablement
rilan Adassi (tle des Serpents) des Turcs et la Leuce des
anciens ; on s'arrêtait à Gonstantia (qui est, suivant
nous, la moderne Kustendjé, plutôt que Varna, comme
le croit M. Riant), puis à Mesembria (aujourd'hui Mi-
sivri). On franchissait le Bosphore, que les gens du Nord
appelaient Sjavidarsund (détroit des pieux), et Ton
arrivait enfin à Byzance, qui était, pour les Scandina-
ves, sinon le terme, du moins l'un des buts principaux
du voyage en Orient ; ils y trouvaient des souvenirs
nombreux de la mère patrie ; la garde vasringue leur
procurait à la cour impériale faveur et protection ;
saint Olaf, roi de Norvège, y avait deux sanctuaires
célèbres ; un autre grand roi de Norvège, Harald-le-
Sévëre, s'y était signalé par ses exploits ; enfin c'était
la Grande cité (Mikligardr), lacité Sainte, vénérée dans
les trois royaumes à l'égal de Rome, et dont les splen-
deurs remplissaient les récits des veillées du Nord.
Les navires Scandinaves s'avançaient de là dans la
mer Egée, et doublaient un promontoire que les Sagm
nomment ^gisnaes, cap 2Ëgis, et dont nous cherchons
un peu au hasard le nom actuel : peut-être est-ce F Aghion-
Oros (mont Athos) , dont le nom a une prononciation
qui s'en rapproche sensiblement. (C'est ainsi qu'Aghia
Sophia (Sainte-Sophie) devint pour les Scandinaves
Mgisif). Ils mouillaient à Imboli, qui est probablement
TAmphipolis des anciens ; ils cinglaient vers l'Ile
de Gos, ils longeaient les cdtes méridionales de l'Asie
Mineure, en rencontrant Raudakastala (Rastelorizo) ,
( 201 )
rialanderaaes (cap Khélidoni), passaient devant le golfe
d'Alexandrette (Atalsfjord), et manquaient rarement de
s'arrêter à Bastaborg (Baffa) , en Chypre, où se trouvait
le tombeaa du saint roi Erik de Danemark, et qu'occu-*
paient les Vaeringues. Enfin on parvenait à Âkrsborg
(Acre), terme du voyage maritime.
La seconde route était le Vestvegr (route occiden-
tale), deux fois plus longue que' celle de l'Est, et fré-
quentée par les princes ou les puissants barons. Elle
suivait les côtes de Hollande, de France et d'Angle-
terre, celles de Galice, de Portugal, d'Andalousie, puis
celles de la Catalogne, de la Provence, ou bien les îles
Baléares et la Sardaigne, ou, quelquefois, mais très-
rarement, les côtes d'Afrique.
Les points le plus souvent cités dans les relations
de cette route étaient Cuidfall (le Helder) , Hvidsandr
(Wissant) , Dartmouth, le Prolnaes (cap de Prawle) , Holi,
qui parait être le mont Saint-Michel, GrislupoUi .ou la
baie de Grisli, dont nous ne découvrons pas la synony-
mie actuelle, le havre de Saint-Matthieu, le Thrasnaes
(probablement le cap de Raz), le Fetlafjord (la rivière
d'Etel), Varrandi (Guérande), Far (le Ferrol), dans la
terre vénérée de Saint-Jacques (Jacobsland) , Gunns-
valborg (qui correspond à Tuy), l'embouchure du Sel-
jupoUi (c'est-à-dire du Minho, grossi du Sil), celle du
fleuve de Portugal (Douro), Cintra, Leskebone ou Les-
bonn (Lisbonne); où commençait la terre des Sarra«
sins, le Serkland^ dénomination générale appliquée
par les Sagas à tous les pays musulmans ; on arrivait
enfin à Cadix, dont la baie était la fameuse Karlsar
(les eaux de Charles) , où, suivant la légende accréditée
4 «• ^ -.« .
( i02 )
dans le Nord, Gharlemagne, vainqueur de tonte VEs«
pagne, avait jeté avec colère sa lance dans la mer, qui
l'empêchait de pousser plus loin ses conquêtes. C'est
là que, sur une tle, probablement celle de Léon, avaient
été élevées, suivant M. Riant, les Colonnes d'Hercule,
que Ton place communément sur le détroit même de
Gibraltar. L'auteur entre à ce sujet dans une disserta-
tion intéressante tendant à prouver qu'il a dû y avoir
en ce point trois statues colossales d'Hercule, érigées
par les Phéniciens et posées, chacune, sur un piédestal
que quatre colonnes, reliées par des armatures en fer,
supportaient à cent coudées au-dessus du niveau de la
mer. Ce ne serait donc pas, comme on le pense géné-
ralement, et comme j'avoue que je le croyais moi-
même, ce ne seraient pas les montagnes de Calpe et
d'Abyla qui figuraient ces fameuses Colonnes.
On franchissait, non sans danger pour les frêles
navires qui étaient en usage, le détroit de Gibraltar,
que les gens du Nord appelaient Njorva-Sund ou Narve
(c*est-à-dire le détroit par excellence).
Entrés dans la Méditerranée, qu'ils nommaient Mid-
jardarhaf (mer du milieu) et quelquefois Jorsalahaf
(mer de Jérusalem) ou Grikklandsaltî (mer de Grèce),
les Scandinaves rencontraient Malaga, Almeria, Car-
thagène, Alicante, Arruguen (Tarragone), Bardelôn
(Barcelone), Masselja (Marseille); ou bien on passait
parManorka (Minorque); on atteignait Kalîe (Cagliari),
et Ton se reposait à Messine, d'où Ton se rendait di-
rectement à Acre en treize ou quatorze jours.
On ne revenait pas généralement par cette route
occidentale, car les croisés qui l'avaient prise pour
( 208 )
gagner la Palestine , rançonnaient presque toujônrs
de la manière la plus audacieuse toutes les popula-
tions des côtes, quelles que fussent leur nationalité et
leur religion, et ils ne voulaient pas s'exposer à la ven-
geance de ceux qu'ils avaient pillés.
La troisième route, celle de Rome (Romavegr) on
du midi {Sudrvegr), qu'on appelait aussi route de
terre {Thiodt)egr)^ parcourait TAllemagne, l'Italie et
la Grèce. On passait par Alasund (Aalborg), par Veb-
jarga (Viborg), par Heidaby , qu'a remplacée h peu prés
Slesvig; on franchissait l'^disdyra (Eider), le Saxelfr
(Elbe), qu'on rencontrait à Stade (Stœduborg), et Ton ga-
gnait le Rhin, soit vers Meginzoborg (Mayence), soit vers
Trektar (Utrecht). On remontait ce fleuve jusqu'à Bosla-
raborg (Bâle); on prenait ensuite par Solatra (Soleure) ,
par Vifilsborg (Avenche)* par Fivizuborg (Vevay), où
Ton atteignait le lac de Genève, le même que le lac
Saint-Martin (Mertelnsvatn), ainsi nommé de la cathé-
drale de Vevay; on traversait le mont Joux ou Mundja,
c^est-à-dire les Alpes au grand Saint-Bernard, où se
trouvait déjà l'hospice de Saint-Bernard (Biarnard-
spitali); on descendait à Aoste la bonne ville {Augusta
god borg), et Ton s* avançait en Italie par Ivrée (lôfo-
rey), Verceil (Fridsœlu), Pavie (Papayar), Plaisance
(Plasinzo), qui était une des haltes les plus importantes
du voyage, et près de laquelle s'élevait un hospice
fondé pour les gens de la langue norraine par Erik
le Bon, roi de Danemark. On franchissait les Apennins
(Munbardar) , vers San-Croce (Crucismarkadr) , et Ton
gagnait Luna, sur la Méditerranée, célèbre dans les
Saga$ par les exploits des fils de Sodbrok, de Bjôrn
( 20-2 )
dans le Nord, Charlemi^ne, vainqueur de tonte l'Es-
pagne, avait jeté avec colère sa lance dans la mer, qui
l'empêchait de ponsser plus loin ses conquêtes. C'est
là que, sur une lie, probablement celle de Léon, avaient
été élevées, suivant H. Riant, les Colonnes d'Hercule,
que l'on place communément sur le détroit même de
Gibraltar. L'auteur entre à ce sujet dans «ne disserta-
tion intéressante tendant à prouver qu'il a dû y avoir
en ce point trois statues colossales d'Hercule, érigées
par les Phéniciens et posées, chacune, sur un piédestal
que quatre colonnes, reliées par des armatures en Cet,
supportaient à cent coudées au-dessus dn niveau de la
mer. Ce ne serait donc pas, comme on le pense géné-
ralement, et comme j'avoue que je le croyais moi-
même, ce ne seraient pas les montagnes de Calpe et
d'Abyla qui figuraient ces fameuses Colonnes.
On franchissait, non sans danger pour les frêles
navires qui étaient en usage, le détroit de Gibraltar,
que les gens du Nord appelaient Njorva-Sond ou Narve
(c'est-à-dire le détroit par excellence).
Entrés dans la Méditerranée, qu'ils nommaient Mid-
jardarhaf i
(mer de Je
les Scandii
thagène, .
(Barcelone
parManorli
et l'on se i ^
rectement ■*
On ne 1 ^
occidentale
:nmerce. Elle
i^r), à Saint-
oigaait à Gos
point de dé-
it dans l'inté-
ar, Nazareth,
>ili), Naptous
érusatem).
t due surtout
, abbé du mo-
slande, et qui
suivit, CD qua-
1 cour d'Hakon
lute de l'Ouest.
iens documeats
:ouverts dans les
.écieux sur l'état
Scandinaves da
[)e et de l'ocddent
es, le Stjiont, ou-
[akon Magnusson;
MandevUle ; deux
, de la Ville-Sîùnte et
alhott, par un ano-
r Erlendsson.
. à la Palestine le nom
ui de Syrland. L'Ar-
u Ermland. Ils font
monts Eldingjafjell,
( 204 )
Côte-de-Fer et d*Etli« roi des Huns ; c'était aussi le
rendez-vous de ceux des pèlerins du Nord qui ne ve-
nsdent à Roaae qu'après avoir fait le pieux voyage de
Saint-Jacques de Gompostelle.
Puis on s'acheminait vers Rome par Lucques, où se
trouvait un autre hospice du roi Erik ; par Sienne
(Sennunt), par Acquapendente (Hangandaborg) , par
Bolsena (Kristinuborg) , par Yiterbe (Boternisborg) ,
par Monte-Fajano (Fegoisbrekka), d'où Von voyait
Rome, la ville sacrée, longue, disent les chroniqueurs
du Nord, de quatre milles, large de deux, remplie
de palais et d'églises, dont personne ne savait le
nombre*
Les pèlerins allaient de là à Bénévent, soit par la
voie Appienne, que les Scandinaves appelaient Tra-
jansbru, soit par Aquino (Akynaborg) et San-Germano
(Germanisborg) , près du mont Gassin (Montakasrin),
où l'on trouvait une fastueuse hospitalité. Bénévent
était la capitale de la Fouille {Puli ou Puland) , nom
que les gens du Nord donnaient volontiers à l'Italie
tout entière.
De Bénévent, on se dirigeait vers le mont Gargano,
appelé par les Scandinaves Mikaelsfjell, et on longeait
la côte de l'Adriatique, entre Manfredonia (Sepont) et
Brindisi (Brandeis), jusqu'à ce qu'on eût trouvé un
navire en partance pour l'Orient. Un des points d'em-
barquement les plus fréquentés était Bari (Bar), qui
faisait donner le nom de Barland à une grande partie
de l'Italie, et de là le nom de M unbatdar appliqué aux
Apennins.
A partir de cette côte, la route des pèlerins du Nord
( 205 )
se confondait avec celle des navires de commerce. Elle
passait généralement à Dnrazzo (Dyrakr), à Saint-
Martin de Laconie (Martinnsborg) , et rejoignait à Gos
la route orientale.
Acre, comme nous Favons dit, était le point de dé-
barquement ordinaire : de là on s'avançait dans Tinté-
rieur de la Palestine par le mont Thabor, Nazareth,
Samarie (qu'on appelait Jobanniskastali), Naplous
(Nepl), et l'on arrivait enfin à Jorsala (Jérusalem).
La connaissance de cet itinéraire est due surtout
au savant auteur Nicolas Saemundarson, abbé du mo-
nastère bénédictin de Thingeyrar, en Islande, et qui
fit le voyage de Terre-Sainte en 1151.
Un itinéraire du moine Maurice, qui suivit, en qua-
lité de chapelain, un haut baron de la coar d'Hakon
le Grand, éclaire particulièrement la route de l'Ouest.
Un assez grand nombre d'autres anciens documents
qu'à force de recherches M. Riant a découverts dans les
archives du Nord, jettent un jour précieux sur l'état
des notions géographiques que les Scandinaves du
moyen âge avaient du midi de l'Europe et de l'occident
de l'Asie : on peut citer, entre autres, le Stjiorn^ ou-
vrage composé par ordre du roi Hakon Magnusson ;
la traduction danoise du voj âge de Mande ville ; deux
monographies, en langue norraine, de la Ville-Sainte et
de ses envh'ons ; le livre de Skalholt, par un ano-
nyme; celui du chancelier Haukr Erlendsson.
Les auteurs norrains donnent à la Palestine le nom
de Jorsalaland ; à la Syrie, celui de Syrland. L'Ar-
ménie est leur Armeniuland ou Ermland. Ils font
sortir le Tigre et TEuphrate des monts Eldingjafjell^
( 806 )
dont la racine eldinff (éclair) indique uo vague «Qaye*
m dw ipoDta CôraumQQa ou du Touuorre des anoiena,
situés cependaQt plus au nord« daua la Sarmatie m^
tique. La mer Rouge est le Ravdahaf\ la Q^er MartQ^
l^Daudahaf. Antioche estnpnmiée Anthekw^; Laodi-
cée, Lik\ Tyr, Syr ; Sidori, SwfU
Les études géographiques des peaplea du Nord ga*"
guëreut donc considérablement à ces grands voyagest
Toutes les autres connaissances humaines reçurent une
impulsion nouvelle ) l'état social, les mesurai le pou-
yement littéraire, le commercOi éprouvèrent des mot*
difications profondes. On en suivra avec intérêt le
développement dans ce beau volun)e par lequel un
jeune savant entre brillamment dans la carrière des
publications et qui a été le sujet même de la thèse
soutenue avec honneur par lui, en juillet dernier, pour
l'obtention du titre de docteur ès-lettres» Notre Société
salue dans le nouveau docteyr un consciencieux érudH
de plus et en môme tepips un bon géographe. Elle est
heureuse de le compter au nombre de ses membres,
et elle espère que, par de fréquentes communications,
il contribuera à son éclat et aux services qu'elle rend
^ la science.
( J07 )
Aetem de la 8oe|é((é<
EXTRAITS P£9 PROCÈS-VEÏWAUX D£$i SÊANCBa.
"•!*iii^*«*"»«i»
Procès-Verbal de la Sémiee du % février 18Ô6.
niSIDENCK DB M. d'àVKZAG-
Le procèa*<verbal de la séaxioe^ précédente eat lu et
adopté.
Le secrétaire général ^time que la Société de géo*-
graphie doit tenir compta de ce qu'un de aes membres,
qui depuis trente-cinq années a pris toujours une part
des plus actives à ses travaux» et qui occupe aujour?-
d'hui encore ce fauteuil de la présidencOi qui lui a déjà
été décernée nombre de fois, vient d'être appelé ^ fcm^^
plir h l'Institut, le fauteuil Umé vacapt par la mor(
de M. Victor Leclerc. La Société de géographie a Heu
de aa féliciter de cettQ éclatante distinction oopférée
à Tun de ses membres le^ plus éminents, et le seoré*
t^e général pense que mention doit en être faite au
procès-verbal de la présente séance ; cette proposition
est accueillie par les sympathiques et unanimes applau-
dissements de l'assemblée.
M. d' A?aaEac ramerde avec egusûm ses coUègues do
( 208 )
ces bienveillants témoignages, qui viennent ainsi dou-
bler le prix des illustres suffrages qu'il est heureux
d'avoir dans une autre enceinte.
Lecture est donnée de la correspondance. M. Marcou
remercie de son admission. — M. Herran écrit pour
présenter, de concert avec M. d' Avezac, deux candidats
et solliciter pour l'un d'eux la faveur d*une admission
immédiate. — Le général Dufour adresse des remer-
clments pour sa nomination de membre correspondant
étranger. — M. Miguel Arroyo, secrétaire de la Société
géographique et statistique de Mexico, envoie le som-
maire trimestriel des documents originaux adressés à
cette Société. — M. de Quatrefages s'excuse de ne pou-
voir assister à la séance et présente un candidat dont
M. Gharton- voudra bien être le second parrain.
Par suite à la correspondance, M. Malte-Brun fait
connaître les dernières nouvelles qu'on ait reçues du
baron von der Decken. On avait annoncé d'abord que
ce voyageur avait perdu ses deux embarcations, mais
ce renseignement n'était, heureusement, pas tout à
fait exact. Cependant l'expédition avait subi un grave
échec: après avoir remonté le Jug jusqu'à une cer-
taine distance, elle s'était heurtée aux Somâlis qui
avaient montré les dispositions les plus hostiles : une
lutte s'était engagée, à la suite de laquelle il y avait eu
mort d'hommes. Le baron von der Decken, lui-même,
et un des siens, avaient été faits prisonniers ; le reste
de la petite troupe avait pu regagner Zanzibar, d'où
un navire était parti pour réclamer les prisonniers.
Lecture est donnée de la liste des ouvrages offerts :
M. d'Avezac croit devoir' attirer l'attention particulière
( 209 )
de ses collègues sur une Histoire de la géographie y
adressée à la Société par M. Oscar Peschel, déjà bien
connu depuis pour un livre non moins remarquable,
ï Histoire de V époque des découvertes. Son Histoire de
la géographie^ dont il serait à désirer de voir paraître
chez nous une traduction française, fait partie d'un
ensemble de traités sur T histoire des sciences en Alle-
magne, publiés sous les auspices du roi de Bavière,
par les soins d'une commission spéciale de l'Académie
de Munich.
M. Alfred Demersay fait hommage d'un exemplaire
du tirage à part de son rapport au ministre de l'in-
struction publique» à la suite d'une mission de recher-
ches dans les archives d'Espagne et de Portugal. —
M. Jules Duval dépose sur le bureau quelques exem-
plaires d'un numéro de Y Economiste français^ où se
trouve une biographie du docteur Barth, par le doc-
teur Warnîer. — M. William Htiber offre , de la part
de M. Charles Thirion, ingénieur civil, les premiers
numéros du journal la Propagation industrielle ; à ces
numéros est jointe une lettre par laquelle M. Thirion
annonce, pour la suite, l'envoi régulier du journal
qu'il dirige. — M. Malte-Brun fait hommage : 1** d'une
carte du Spitzberg, réduite aux deux tiers, d'après celle
de Duner et Nordenskiold ; 2° carte du voyage de Sa-
muel Baker, aux lacs de l'Afrique équatoriale, réduite
de celle qui a paru dans les proceedings de la Société
géographique de Londres ; M. Malte-Brun fait observer
qu'il a cru devoir maintenir en première ligne les noms
indigènes des lacs auxquels Speke et Baker ont attri-
bué des noms anglais. — M. Eugène Gortambert offre
]X. FÉVRIER-MARS. 9. H
( 200 )
dinaves, la Tbiagola des Grecs), repaire des pirates du
Nord; on touchait à Tlle des Moucherons, dont le nom
moderne n'est pas mentionné, mais qui est probablement
rUan Adassi (tle des Serpents) des Turcs et la Leuce des
anciens ; on s'arrêtait à Gonstantia (qui est, suivant
nous, la moderne Kustendjé, plutôt que Varna, comme
le crmt M. Riant), puis à Mesembria (aujourd'hui Mi-
sivri). On franchissait le Bosphore, que les gens du Nord
appelaient Sjavidarsund (détroit des pieux), et l'on
arrivait enfin à Byzance, qui était, pour les Scandina-
ves, sinon le terme, du moins l'un des buts principaux
du voyage en Orient ; ils y trouvaient des souvenirs
nombreux de la mère patrie ; la garde vaeringue leur
procurait à la cour impériale faveur et protection ;
saint Olaf, roi de Norvège, y avait deux sanctuaires
célèbres ; un autre grand roi de Norvège, Harald-le-
Sévère, s'y était signalé par ses exploits ; enfin c'était
la Grande cité (Mikligardr), lacité Sainte, vénérée dans
les trois royaumes à l'égal de Rome, et dont les splen-
deurs remplissaient les récits des veillées du Nord.
Les navires Scandinaves s'avançaient de là dans la
mer Egée, et doublaient un promontoire que les Sagas
nomment iËgisnass, cap iEgis, et dont nous cherchons
un peu au hasard le nom actuel : peut-être est-ce Y Aghion-
Oros (mont Athos) , dont le nom a une prononciation
qui s'en rapproche sensiblement. (C'est ainsi ^v^Aghia
Sophia (Sainte-Sophie) devint pour les Scandinaves
Mgidf). Ils mouillaient à Imboli, qui est probablement
TAmphipolis des anciens ; ils cinglaient vers l'tle
de Gos, ils longeaient les côtes méridionales de l'Asie
Mineure, en rencontrant Raudakastala (Rastelorizo) ,
( 201 )
rialandernses (cap Khélidoni), passaient devant le golfe
d'Alexandrette (Atalsfjord),et manquaient rarement de
s'arrêter à Bastaborg (Baffa) , en Chypre, où se trouvait
le tombeau du saint roi Erik de Danemark, et qu'occu-
padent les Vaeringues. Enfin on parvenait à Âkrsborg
(Acre), terme du voyage maritime.
La seconde route était le Vestvegr (route occiden-
tale), deux fois plus longue que' celle de l'Est, et fré-
quentée par les princes ou les puissants barons. Elle
suivait les côtes de Hollande, de France et d'Angle-
terre, celles de Galice, de Portugal, d'Andalousie, puis
celles de la Catalogne, de la Provence, ou bien les lies
Baléares et la Sardaigne, ou, quelquefois, mais très-
rarement, les côtes d'Afrique.
Les points le plus souvent cités dans les relations
de cette route étaient Guidfall (le Helder) , Hvidsandr
(Wissant) , Dartmouth, le Prolnaes (cap de Prawle) , Holi,
qui parait être le mont Saint-Michel, Grislupolli .ou la
baie de Grisli, dont nous ne découvrons pas la synony-
mie actuelle, le havre de Saint-Matthieu, le Thrasnaes
(probablement le cap de Raz), le Fetlafjord (la rivière
d'Etel), Varrandi (Guérande), Far (le Ferrol), dans la
terre vénérée de Saint-Jacques (Jacobsland) , Gunns-
valborg (qui correspond à Tuy), l'embouchure du Sel-
jupoUi (c'est-à-dire du Minho, grossi du Sil), celle du
fleuve de Portugal (Douro), Cintra, Leskebone ou Les-
bonn (Lisbonne); où commençait la terre des Sarra-
sins, le Serkland^ dénomination générale appliquée
par les Sagas à tous les pays musulmans ; on arrivsdt
enfin à Cadix, dont la baie était la fameuse Karlsar
(les eaux de Charles) , où, suivant la légende accréditée
( i02 )
dans le Nord, Gharlemagne, vainqueur de tonte VEs*
pagne, avait jeté avec colère sa lance dans la mer, qui
l'empêchait de pousser plus loin ses conquêtes. C'est
là que, sur une lie, probablement celle de Léon, avaient
été élevées, suivant M. Riant, les Colonnes d'Hercule,
que Ton place communément sur le détroit même de
Gibraltar. L'auteur entre à ce sujet dans une disserta-
tion intéressante tendant à prouver qu'il a dû y avoir
en ce point trois statues colossales d'Hercule, érigées
par les Phéniciens et posées, chacune, sur un piédestal
que quatre colonnes, reliées par des armatures en fer,
supportaient à cent coudées au-dessus du niveau de la
mer. Ce ne serait donc pas, comme on le pense géné-
ralement, et comme j'avoue que je le croyais moi-
même, ce ne seraient pas les montagnes de Galpe et
d'Abyïa qui figuraient ces fameuses Colonnes.
On franchissait, non sans danger pour les frêles
navires qui étaient en usage, le détroit de Gibraltar,
que les gens du Nord appelaient Njorva-Sund ou Narve
(c'est-à-dire le détroit par excellence).
Entrés dans la Méditerranée, qu'ils nommaient Mid-
jardarhaf (mer du milieu) et quelquefois Jorsalahaf
(mer de Jérusalem) ou Grikklandsalti (mer de Grèce),
les Scandinaves rencontraient Malaga, Almeria, Car-
thagène, Alicante, Arruguen (Tarragone), Bardelôn
(Barcelone), Masselja (Marseille); ou bien on passait
parManorka (Minorque); on atteignait Kalîe (Cagliari),
et Fou se reposait à Messine, d'où Ton se rendait di-
rectement à Acre en treize ou quatorze jours.
On ne revenait pas généralement par cette route
occidentale, car les croisés qui l'avaient prise pour
( 208 )
ga^er la Palestine , rançonnaient presque toujours
de la manière la plus audacieuse toutes les popula-
tions des côtes, quelles que fussent leur nationalité et
leur religion, et ils ne voulaient pas s'exposer à la ven-
geance de ceux qu'ils avaient pillés.
La troisième route, celle de Rome (Romavegr) ou
du midi [Sudrvegr)^ qu'on appelait aussi route de
terre {Thiùdf>egr)^ parcourait l'Allemagne, l'Italie et
la Grèce. On passait par Alasund (Aalborg), par Veb-
jarga (Viborg), par Heidaby , qu'a remplacée à peu prés
Slesvig ; on franchissait l'iEdisdyra (Eider), le Saxelfr
(Elbe), qu'on rencontrait à Stade (Stœduborg), et l'on ga-
gnait le Rhin, soit vers Meginzoborg (Mayence), soit vers
Trektar (Utrecht). On remontait ce fleuve jusqu'à Bosla-
raborg (Râle); on prenait ensuite par Solatra (Soleure) ,
par Vifilsborg (Avenche), par Fivizuborg (Vevay), où
Ton atteignait le lac de Genève, le même que le lac
Saint-Martin (Merteinsvatn), ainsi nommé de la cathé-
drale de Vevay ; on traversait le mont Joux ou Mundja,
c^est-à-dire les Alpes au grand Saint-Bernard, où se
trouvait déjà l'hospice de Saint-Remard (Riarnard-
spitali); on descendait à Aoste la bonne ville {Augusta
god borg), et Ton s'avançait en Italie par Ivrée (lôfo-
rey), Verceil (Fridsœlu), Pavie (Papayar), Plaisance
(Plasinzo), qui était une des baltes les plus importantes
du voyage, et près de laquelle s'élevait un hospice
fondé pour les gens de la langue norraine par Erik
le Ron, roi de Danemark. On franchissait les Apennins
(Mùubardar) , vers San-Croce (Crucismarkadr), et l'on
gagnait Luna, sur la Méditerranée, célèbre dans les
SagoB par les exploits des fils de Sodbrok, de Rjôm
( 204 )
Côte-de-Fer et d*Etli» roi des Huns ; c'était aussi le
rendez-vous de ceux des pèlerins du Nord qui ne ve-
naient à Rome qu'après avoir fait le pieux voyage de
Saint-Jacques de Compostelle.
Puis on s'acheminait vers Rome par Lucques, où se
trouvait un autre hospice du roi Erik ; par Sienne
(Sennunt), par Acquapendente (Hangandaborg) , par
Bolsena (Kristinuborg) , par Viterbe (Boternisborg),
par Moiite-Fajano (Fegnisbrekka), d'où Von voyait
Rome, la ville sacrée, longue, disent les chroniqueurs
du Nord, de quatre milles, large de deux, remplie
de palab et d'églises, dont personne ne savait le
nombre.
Les pèlerins allaient de là à Bénévent, soit par la
voie Appienne, que les Scandinaves appelaient Tra-
jansbru, soit par Aquino (Akynaborg) et San-Germano
(Germanisborg) , près du mont Gassin (Montakasrin),
où l'on trouvait une fastueuse hospitalité. Bénévent
était la capitale de la Fouille {Puli ou Puland) , nom
que les gens du Nord donnaient volontiers à l'Italie
tout entière.
De Bénévent, on se dirigeait vers le mont Gargano,
appelé par les Scandinaves Mikaelsfjell, et on longeait
la côte de l'Adriatique, entre Manfredonia (Sepont) et
Brindisi (Brandeis), jusqu'à ce qu'on eût trouvé un
navire en partance pour l'Orient. Un des points d'em-
barquement les plus fréquentés était Bari (Bar), qui
faisait donner le nom de Barland à une grande partie
de l'Italie, et de là le nom de Munbardar appliqué aux
Apennins.
A partir de cette côte, la route des pèlerins du Nord
( 205 )
se confondait avec celle des navires de commerce. Elle
passait généralement à Dnrazzo (Dyrakr), à Saint-
Hartin de Laconie (Martinnsborg) , et rejoignait à Gos
la route orientale.
Acre, comme nous l'avons dit, était le point de dé«
•
barquement ordinaire : de là on s'avançait dans Tinté-
rieur de la Palestine par le mont Tbabor, Nazareth,
Samarie (qu'on appelait Johanniskastali), Naplous
(Nepl) , et l'on arrivait enfin à Jorsala (Jérusalem).
La connsdssance de cet itinéraire est due surtout
au savant auteur Nicolas Saemundarson, abbé du mo-
nastère bénédictin de Thingeyrar, en Islande, et qui
fit le voyage de Terre-Sainte en 1161.
Un itinéraire du moine Maurice, qui suivit, en qua-
lité de chapelain, un haut baron de la cour d'Hakon
le Grand, éclaire particulièrement la route de l'Ouest.
Un assez grand nombre d'autres anciens documents
qu'à force de recherches M. Riant a découverts dans les
archives du Nord, jettent un jour précieux sur l'état
des notions géographiques que les Scandinaves du
moyen âge avaient du midi de l'Europe et de l'occident
de l'Asie : on peut citer, entre autres, le Stjiom^ ou-
vrage composé par ordre du roi Hakon Magnusson ;
la traduction danoise du vo) âge de Mandeville ; deux
monographies, en langue norraine, de la Ville-Sainte et
de ses envhrons ; le livre de Skalholt, par un ano-
nyme*, celui du chancelier Haukr Erlendsson.
Les auteurs norrains donnent à la Palestine le nom
de Jorsalaland ; à la Syrie, celui de Syrland. L'Ar-
ménie est leur Armeniuland ou Ermland. Ils font
sortir le Tigre et TEuphrale des monts Eldingjafjell^
( 806)
dont la racine elding (éclair) indique un vague «Quve^
nir des mont» Géranniena ou du Tonnerre des anciens,
situés cependant plus au nord« dans la Sarmatie m^
tique. La mer Rouge est le Raudahaf\ la iner Mortes
le Daudahaf. Antioche est nonunée Antheki^; Laodi-
cée, Lik\ Tyr, Syr ; Sidori, Sçetu
Les études géographiques des peuples du Nord ga**
gnèrent donc considérablement à ces grands voyages*
Toutes les autres connaissances humaines reçurent une
impulsion nouvelle \ Vétat social, les mœur^i le mou-
vement litléraire, le commercOi éprouvèrent des mot?
difications profondes^ On en suivra avec intérêt le
développement dans ce beau volume par lequel un
jeune savant entre brillamment dans la carrière des
publications et qui a été le sujet môme de la thèse
soutenue avec honneur par lui, en juillet dernier» pouf
l'obtention du titre de docteur is-lettres. Notre Société
salue dans le nouveau docteur un consciencieux érudit
de plus et en môme tepips un bon géographe. Elle est
heureuse de le compter au nombre de ses meinbresi
et elle espère que, par de fréquentes communications,
il contribuera à son éclat et aux services qu'elle rend
^ la science.
( W7)
Aetcm de la 8iM|é|é<
EXTIUaTS V& PROCÈS-VÇaSAUX D£$ SËAHCBfi.
'•-••^■i^^
Procès-Verbal de la Séance du S février 1866.
riÉnDiHCi DK H. d'aykzic*
Le procè8-«verbal de la 8éa,D09 précMenta est la et
adopté.
Le secrétaire général leatime que la Société de géo--
graphie doit tenir compte de ce qu'un de fies membres,
qui depuis trente-cinq années a pris toujours une part
des plus actives à ses travaux, et qui occupe aujour^-
d'hui encore ce fauteuil de la présÂdencOj qui lui a déjà
été décernée nombre de foin, vient d'être appelé is rem*
plir k r Institut, le fauteuil laUsé vacapt par la mort
de H, Victor Leçlerc* La Société de géographie a lieu
de SQ féliciter de cette éclatante distinction conférée
à Tun de ses membres le^ plus éminents, et le secré*
taire général pen^e que mention doit en être faite au
procès-verbal de la présente séance ; cette proposition
est accueillie par les sympathiques ot unanimes applau*-
dissements de rassemblée.
U. d' Avexac remerde avec eQusîmi ses coUégaea de
( 208 )
ces bienveillants témoignages, qui viennent ainsi dou-
bler le prix des illustres suffrages qu'il est heureux
d'avoir dans une autre enceinte.
Lecture est donnée de la correspondance. M. Marcou
remercie de son admission. — M. Herran écrit pour
présenter, de concert avec M. d'Avezac, deux candidats
et solliciter pour l'un d'eux la faveur d*une admission
immédiate. — Le général Dufour adresse des remer-
ciments pour sa nomination de membre correspondant
étranger. — M. Miguel Arroyo, secrétaire de la Société
géographique et statistique de Mexico, envoie le som-
maire trimestriel des documents originaux adressés à
cette Société. — M. de Quatrefages s'excuse de ne pou-
voir assister à la séance et présente un candidat dont
M. Gharton voudra bien être le second parrain.
Par suite à la correspondance, M. Malte-Brun fait
connaître les dernières nouvelles qu'on ait reçues du
baron von der Decken. On avait annoncé d'abord que
ce voyageur avait perdu ses deux embarcations, mais
ce renseignement n'était, heureusement, pas tout à
fait exact. Cependant l'expédition avait subi un grave
échec: après avoir remonté le Jug jusqu'à une cer-
taine distance, elle s'était heurtée aux Somâlis qui
avaient montré les dispositions les plus hostiles : une
lutte s'était engagée, à la suite de laquelle il y avait eu
mort d'hommes. Le baron von der Decken, lui-même,
et un des siens, avaient été faits prisonniers ; ]e reste
de la petite troupe avait pu regagner Zanzibar, d'où
un navire était parti pour réclamer les prisonniers.
Lecture est donnée de la liste des ouvrages offerts :
M. d'Avezac croit devoir' attirer l'attention particulière
T
( 200 )
de ses collègues sur une Histoire de la géographie^
adressée à la Société par M. Oscar Peschel, déjà bien
connu depuis pour un livre non moins remarquable,
¥ Histoire de f époque des découvertes. Son Histoire de
la géographie^ dont il serait à désirer de voir paraître
chez nous une traduction française, fait partie d'un
ensemble de traités sur l'histoire des sciences en Alle-
magne, publiés sous les auspices du roi de Bavière,
par les soins d'une commission spéciale de l'Académie
de Munich.
M. Alfred Demersay fait hommage d'un exemplaire
du tirage à part de son rapport au ministre de l'in-
struction publique, a la suite d'une mission de recher-
ches dans les archives d'Espagne et de Portugal. —
M. Jules Duval dépose sur le bureau quelques exem-
plaires d'un numéro de Y Economiste français^ où se
trouve une biographie du docteur Barth, par le doc-
teur Wamîer. — M. William Huber offre , de la part
de M. Charles Thirion, ingénieur civil, les premiers
numéros du journal la Propagation industrielle ; à ces
numéros est jointe une lettre par laquelle M. Thirion
annonce, pour la suite» l'envoi régulier du journal
qu'il dirige. — M. Malte-Brun fait hommage : l"" d'une
carte du Spitzberg, réduite aux deux tiers, d'après celle
de Duner et Nordenskiôld ; 2* carte du voyage de Sa-
muel Baker, aux lacs de l'Afrique équatoriale, réduite
de celle qui a paru dans les proceedings de la Société
géographique de Londres ; M. Malte-Brun fait observer
qu'il a cru devoir maintenir en première ligne les noms
indigènes des lacs auxquels Speke et Baker ont attri-
bué des noms anglais. — M. Eugène Gortambert offre
IX. FÉVRIER-MARS. 0. ik
( 210 )
de h p^rt de M. Richard Gortambert, empoché d'assis-
ter à la séance, un exemplaire de son ouvrage intitulé :
Les illustres voyageuses, —M. Bourdiol dépose sur le
]3ureau, de la part de M. Stanislas Nogbera, un exem-
plaire de la relation d'un voyage exécuté dans l'Asie
centrale par M. Modeste Gavazzi,
Il est procédé à l'admission des candidats inscrits
au tableau de présentation. Sont admis comme mem-
bres de la Société : MM. le colonel Dubois, ministre
résident de la république d'Haïti, Lanée, éditeur de
cartes, Yuillemin» géographe, Armand Landrin, Gas-
ton de Selancy.
Sont présentés comme candidats, pour être statué
sur leur admission, dans une prochaine séance :
MM, Charles Bal, directeur du Veritas universel et du
Lloyd français, présenté par MM. Herran et d' Avezac ;
Gustave Hobin, négociant, présenté par MM. Maunoir
et Malte-Brun ; Georges Mandrot, présenté par MM . Wi-
liam Martin et William Huber ; Henri de Suckau, litté-
rateur, présenté par MM. Herran et d' Avezac; Henri
Gaston Bourgeois , voyageur, présenté par MM. de
Quatrefages et d' Avezac ; Auguste Beaumier, consul de
France à Mogador, présenté par MM. Jules Ouval et
d'Avezac ; Sagansan, géographe, présenté par MM. Eu-
gène Cortambert et d' Avezac.
Au nombre de ces candidats, fait observer le prési-
dent, se trouve M. Henri de Suckau, pour lequel M, Her-
ran sollicite la faveur exceptionnelle d'une admission
immédiate, pour lui conférer le droit d'ajouter à son
nom, dans le titre d'un ouvrage sur Honduras, qu'il
est tout prêt de publier, la qualité de membre de la
(2U )
Société de géographie. La Commission centrale accède
h cette demande, et l'admission de M. Henri de Suckau
est en conséquence prononcée.
M. William Hûber donne lecture d'un intéressant
travail sur divers faits relatifs à T orographie et à l'hy-
drologie des Alpes centrales.
M. Barbie du Bocage lit la relation d'une ambassade
chinoise en Gochinchine» au moment de l'avènement
de l'empereur Tu-Duc. Cette relation a été traduite de
celle de l'ambassadeur lui-même.
La séance est levée à dix heures.
Procès-verbal de la séance du 1 6 février 1860.
ratelOBHCB Dl M, d'AYIZAC.
Le prooôs-verbal de la précédente séance est lu et
adopté.
Lecture est donnée de la correspondance ; Madame
Dora dlstria(princeââeKoUzQirMassalsky).-^iVl. Duha-
mel, M. de Rivera et le général de Mosquera remer-
cient la Société de les avoir admis au nombre de ses
membres. — M. Lejean adresse quelques détails som-
maires sur la partie de l'Asie Mineure qu'il parcourt en
ce moment : cette lettre sera insérée au Bulletin,
Il est donné lecture de la liste des ouvrages offerts.
Comme suite k cette liste, M. Marcou fait hommage
4' un exemplaire de sa carte géologique du nowveau
Mexique et de s^ carte géologique du globe 1 1^ dona-
( 200 )
dinaves» la Tbiagola des Grecs) , repaire des pirates du
Nord; on touchait à l'Ile des Moucherons, dont le nom
moderne n'est pas mentionné, mais qui est probablement
rilan Adassi (lie des Serpents) des Turcs et la Leuce des
anciens ; on s'arrêtait à Gonstantia (qui est, suivant
nous, la moderne Kustendjé, plutôt que Varna, comme
le croit M. Riant), puis à Mesembria (aujourd'hui Mi-
sivri). On franchissait le Bosphore, que les gens du Nord
appelaient Sjavidarsund (détroit des pieux), et Tod
arrivait enfin à Byzance, qui était, pour les Scandina-
ves, sinon le terme, du moins l'un des buts principaux
du voyage en Orient ; ils y trouvaient des souvenirs
nombreux de la mère patrie ; la garde vasringue leur
procurait à la cour impériale faveur et protection;
saint Olaf, roi de Norvège, y avait deux sanctuaires
célèbres ; un autre grand roi de Norvège, HaraldJe-
Sévëre, s'y était signalé par ses exploits ; enfin c'était
la Grande cité (Mikligardr), la cité Sainte, vénérée dans
les trois royaumes à l'égal de Rome, et dont les splen-
deurs remplissaient les récits des veillées du Nord.
Les navires Scandinaves s'avançaient de là dans la
mer Egée, et doublaient un promontoire que les Sagm
nomment iEgisnœs, cap iEgis, et dont nous cherchons
un peu au hasard le nom actuel : peut-être est-ce Y Aghion-
Oros (mont Athos) , dont le nom a une prononciation
qui s'en rapproche sensiblement. (C'est ainsi qviAghia
Sophia {Sainte-Sophie) devint pour les Scandinaves
JEgisif). Ils mouillaient à Imboli, qui est probablement
TAmphipolis des anciens ; ils cinglaient vers Ttle
de Gos, ils longeaient les côtes méridionales de l'Asie
Mineure, en rencontrant Raudakastala (Rastelorizo) ,
( 201 )
rialanâeraaes (cap Khélidoni), passaient devant le golfe
d'Alexandrette (Atalsf jord), et manquaient rarement de
s'arrêter à Bastaborg (Baffa) , en Chypre, où se trouvait
le tombeau du saint roi Erik de Danemark, et qu'occu-
paient les Vaeringues. Enfin on parvenait à Akrsborg
(Acre), terme du voyage maritime.
La seconde route était le Vestvegr (route occiden-
tale), deux fois plus longue que'celle de l'Est, et fré-
quentée par les princes ou les puissants barons. Elle
snivait les côtes de Hollande, de France et d'Angle-
terre, celles de Galice, de Portugal, d'Andalousie, puis
celles de la Catalogne, de la Provence, ou bien les îles
Baléares et la Sardaigne, ou, quelquefois, mais très-
rarement, les côtes d'Afrique.
Les points le plus souvent cités dans les relations
de cette route étaient Cuidfall (le Helder) , Hvidsandr
(Wissant) , Dartmouth, le Prolnaes (cap de Prawle) , Holi,
qui parait être le mont Saint-Michel, GrislupoUi .ou la
baie de Grisli, dont nous ne découvrons pas la synony-
mie actuelle, le havre de Saint-Matthieu, le Thrasnaes
(probablement le cap de Raz), le Fetlafjord (la rivière
d'Etel), Varrandi (Guérande), Far (le Ferrol), dans la
terre vénérée de Saint-Jacques (Jacobsland) , Gunns-
valborg (qui correspond à Tuy), l'embouchure du Sel-
jupoUi (c'est-à-dire du Minho, grossi du Sil), celle du
fleuve de Portugal (Douro), Cintra, Leskebone ou Les-
bonn (Lisbonne); où commençait la terre des Sarra-
sins, le Serkland^ dénomination générale appliquée
par les Sagas à tous les pays musulmans ; on arrivait
enfin à Cadix, dont la baie était la fameuse Karlsar
(les eaux de Charles), où, suivant la légende accréditée
( 200 )
dinaves» la Tbiagola des Grecs), repaire des pirates du
Nord; on touchait à l'Ile des Moucherons, dont le nom
moderne n'est pas mentionné, mais qui est probablement
rUan Adassi (tle des Serpents) des Turcs et la Leuce des
anciens ; on s'arrêtait à Gonstantia (qui est, suivant
nous, la moderne Kustendjé, plutôt que Varna, comme
le croit M. Riant}, puis à Mesembria (aujourd'hui Mi-
sivri). On franchissait le Bosphore, que les gens du Nord
appelaient Sjavidarsund (détroit des pieux), et l'on
arrivait enfin à Byzance, qui était, pour les Scandina-
ves, sinon le terme, du moins l'un des buts principaux
du voyage en Orient ; ils y trouvaient des souvenirs
nombreux de la mère patrie ; la garde vasringue leur
procurait à la cour impériale faveur et protection ;
saint Olaf, roi de Norvège, y avait deux sanctuaires
célèbres ; un autre grand roi de Norvège, Harald-le-
Sévère, s'y était signalé par ses exploits ; enfin c'était
la Grande cité (Mikligardr), la cité Sainte, vénérée dans
les trois royaumes à l'égal de Rome, et dont les splen-
deurs remplissaient les récits des veillées du Nord.
Les navires Scandinaves s'avançaient de là dans la
mer Egée, et doublaient un promontoire que les Sagas
nomment ^gisnœs, cap iEgis, et dont nous cherchons
un peu au hasard le nom actuel : peut*être est-ce Y Aghion-
Oros (mont Athos) , dont le nom a une prononciation
qui s'en rapproche sensiblement. (C'est ainsi ^(SiAghia
Sophia (Sainte-Sophie) devint pour les Scandinaves
Mgisif). Ils mouillaient à Imboli, qui est probablement
FAmphipolis des anciens ; ils cinglaient vers l'tle
de Gos, ils longeaient les cdtes méridionales de l'Asie
Mineure, en rencontrant Raudakastala (Rastelorizo) ,
( 201 )
rialandernaes (cap Khélidoni), passaient devant le golfe
d'AIexandrette (Atalsfjord), et manquaient rarement de
s'arrêter à Bastaborg (BafTa) , en Chypre, où se trouvait
le tombeau du saint roi Erik de Danemark, et qu'occu*
paient les Vaeringues. Enfin on parvenait à Akrsborg
(Acre), terme du voyage maritime.
La seconde route était le Vestvegr (route occiden-
tale), deux fois plus longue que'celle de l'Est, et fré-
quentée par les princes ou les puissants barons. Elle
suivait les côtes de Hollande, de France et d'Angle-
terre, celles de Galice, de Portugal, d'Andalousie, puis
celles de la Catalogne, de la Provence, ou bien les îles
Baléares et la Sardaigne, ou, quelquefois , mais très-
rarement, les côtes d'Afrique.
Les points le plus souvent cités dans les relations
de cette route étaient Cuidfall (le Helder) , Hvidsandr
(Wissant) , Dartmouth, le Prolnaes (cap de Prawle) , Holi,
qui paraît être le mont Saint-Michel, GrislupoUi .ou la
baie de Grisli, dont nous ne découvrons pas la synony-
mie actuelle, le havre de Saint-Matthieu, le Thrasnaes
(probablement le cap de Raz), le Fetlafjord (la rivière
d'Etel), Varrandi (Guérande), Far (le Ferrol), dans la
terre vénérée de Saint-Jacques (Jacobsland) , Gunns-
valborg (qui correspond à Tuy), l'embouchure du Sel-
jupoUi (c'est-à-dire du Minho, grossi du Sil), celle du
fleuve de Portugal (Douro), Cintra, Leskebone ou Les-
bonn (Lisbonne); où commençait la terre des Sarra-
sins, le Serkland^ dénomination générale appliquée
par les Sagas à tous les pays musulmans ; on arrivait
enfin à Cadix, dont la baie était la fameuse Karlsar
(les eaux de Charles) , où, suivant la légende accréditée
( 216 )
vu détacher d'un tronc d'arbre à l'aide d'une hache de
ce genre ; on attaque, en effet, les hypothèses relatives
à Tâge de pierre, en niant la possibilité de tailler du
bois avec une hache de silex. Les éclats détachés, ré-
pond M. Marcou, pouvaient avoir jusqu'à 10 centi-
mètres ; c'est, au surplus, avec des pieux façonnés par
ce moyen que certaines tribus comanches construisent
leurs habitations, ainsi que le voyageur a pu le con-
stater en examinant de près les huttes d'un villi^e
abandonné. M. Marcou a recueilli dans une tribu Zuni
une légende assez curieuse relativement à un déluge
dont les eaux n'auraient pas été produites par d'abon-
dantes pluies, mais seraient venues en montant de
l'ouest ; or, les peuplades chez lesquelles règne cette
tradition ignorent tout à fait l'existence de l'Océan.
M. de Quatrefages fait observer que la même légende
se retrouve chez les Polynésiens : pas un d'eux ne parle
de pluie, tous disent qu'un Dieu irrité avait soulevé
la mer.
Lecture est donnée de la liste des ouvrages offerts :
M. Malte-Brun dépose en outre sur le bureau, les
3* et A*" livraisons de l'atlas industriel et commercial
de MM. Henri Lange et Klûn ; et M. Maunoir présente,
de la part de l'auteur, une Notice sur la flore des lies
Baléares de M. le docteur Paul Mares, déjà connu par
ses nivellements barométriques en Algérie.
Il est procédé à l'admission des candidats inscrits
au tableau de présentation ; sont admis comme mem-
bres de la Société : MM. Edouard Engelhardt, consul
général de France à Galatz, et Conrad Jameson, ban-
quier.
( 217 )
Sont inscrits au tableau de présentation pour être
statué sur leur admission dans une prochaine séance :
MM. Antoine-Emile Blanche, docteur en médecine, et
Georges-Henri Marsh, propriétaire, présentés par
MM. Blanche, avocat général à la Cour de cassation,
et Maunoir; M. Edouard Bertrand» vice-consul des
États-Unis de Colombie, présenté par MM. Richard
Cortarobert et Torrès Caïcedo.
M. E. Guillaume Rey donne lecture de la relation
d'un voyage quil a fait en 186& aux montagnes des
Ausariës, et met sous les yeux de la Société les cartes
à grand point qu'il a dressées de son itinéraire. Renvoi
à la section de publication en vue d'une insertion au
Bulletin.
On procède à la nomination de la Commission du
prix annuel, et le président invite ceux des membres
qui ont le droit de vote à choisir le plus possible lears
candidats en dehors du bureau de la Commission cen-
trale. Sont désignés pa,r le scrutin pour faire partie de
cette Commission : MM. Eugène Gortambert, Vivien
de Saint-Martin, Martin de Moussy, Malte -Brun,
Bourdiol.
La séance est levée à dix heures un quart.
( 218 )
Mom^elles et faits séojiraphlques
Le nouveau voyage du docteur Livingstone. — ^ On sait que
le docteur Livingstone a quitté l'Europe dans le courant de
l'année dernière, se rendant aux Indes pour y faire les prépa-
ratifs de son voyage et re})rendre, de là, le chemin de T Afrique.
Il a fait à Bonabay, le 12 octobre 1865, dans la salle de ta
Société orientale, une communication à laquelle assistait un
nombreux public, avide d'entehdfc l'illustre voyageur, le
Colomb de l'Afrique, comme l'ont appelé quelques pnblicistes
anglais, parler d'un pdys dont il a exploré le premier Une si
vaste étendue.
Entre autres choses, le docteur Livingstone a donné les
indications suivantes sur le climat de l'Afrique centrale, au
point de vue de la santé des voyageurs.
i( Les parties basses de l'Afrique sont fiévreuses, car elles sont
couvertes de marécages, mais la vie que doivent mener dans
ce pays les voyageurs qui sont toujours en plein air, faute
(le pouvoir transporter des tentes, constitue un état de choses
qui ne permet pas de juger impartialement ce climat. Si Ton
avait là les ressources que présente la vie aux Indes, je crois
que les hommes pourraient vivre et prospérer sur les hauts
terrains de l'Afrique. Je n'y ai pas vu d'autre maladie que la
fièvre et n'ai, en particulier, rencontré aucun cas de phthisie
ou de scrofules ; nos maladies d'Europe n'y sont pas connues.
Parfois la petite vérole fait une apparition, mais elle ne gagne
pas l'intérieur du pays (1). Le choléra se déclara une fois à
Mozambique, mais il s'arrêta là.
(1) Dans la relation de son deroier voyage à la côte occidentale
d'Afriqae, Duchaillu parle d'une violente épidémie de petite vérole
qui sévissait au village d'Olinda, à environ 150 kilomètres dans Tin-
térieur du pays. {Rédaction»)
( 219 )
s Un poitit de différence entre Tlnde et T Afrique, c'est qtié
dans cette deriiiôre oonirée ogus n'Ayons jamais de coups de
soleil; mes compagnons de route ne portaient jamais Ce qu'on
appelle un garde-soleil ; nous voyagions avec de simples cha-
peaux de marins ; quelques-uns d'entre nous portaient même
une coiffure plus petite, et pourtant nous ne fûmes jamais at-
teints d'insolation (1) ; les indigènes se promènent la tête nue.
Nous voyons, au contraire, que dans Flndei les gens prennent
un soin particulier pour se protéger la tête contre les rayons
du soleil, et c'est là sans doute une suggestion de l'expérience.
En Afrique, on prend beaucoup plus de soin de ses pieds que de
sa tête : les marchands d'esclaves ne se mettent jamais en route
avant que les premières pluies de novembre ne soient venues
mouiller le sol, de naanière à rafraîchir les pieds des indigènes ;
quant à la tête ils ne s'en préoccupent nullement, et je crois
que l'action do soleil est moins puissante dans ce pays que
dans le vôtre> ce qui peut s'expliquer par le fait que le climat
est plus sec en Afrique qu'aux Indes. Nous avons eu parfois
30 degrés de différence entre les indications du thermomètre
sec et celles du thermomètre mouillé. »
L'itinéraire que se propose de suivre le docteur Livingstone
sera de reconnaître le Rovuma (ou Lovuma), qui a déjà été
remonté jusqu'à 150 milles de son embouchureé Tout permet
d'espérer <|u'on trouvera sur le cours de ce fleuvç un haut
pays convenable pour l'établissement d'une station eurqpéenne.
Il sera nécessaire d'emmener de l'Inde quelques buffles^ car
on ne rencontre pas de bêtes de somme dans la portion de
(1) M™<^ Baker, la courageuse iBompagne de Samuel Baker, fut cepea-
daat frappée d'un coup de soleil eo traversant la rivière Somerset,
entre le Victoria Nyaoza et Mwatanzigé (Âlbert-Nyanza] ; mais il
importe d'ajouter que les voyageurs étaient alors dans les conditions
d'humidité qui, d'après le docteur Livingstone, semblent nécessaires
pour détermiUer Tinsolation. {Rédaction,)
( 220 )
TAfrique sur laquelle doit se diriger Livingstone. En revanche
le pays est peuplé de bêtes sauvages, et dans le Shîré on ren-
contre jusqu'à 800 éléphants réunis en une seule troupe. A ce
propos Livingstone a évalué^ d'après la quantité d'ivoire ap-
portée sur les marchés, que la quantité d*éléphants tués an-
nuellement devait s'élever à 30 UOO. Le buffle sauvage abonde
dans la région du Rovuma ; la piqûre de la mouche tsé-tsé ne lui
est pas funeste ; en sera-t-il de même pour le buffle domestique?
On n'ose guère l'espérer, car aucun animal domestique ne
peut vivre dans les régions où se rencontre la mouche
tsé-tsé. Il est assez remarquable que fatal aux chevaux,
aux bœufs et aux chiens, cet insecte ne le soit ni aux
chèvres, ni à l'homme, ni au singe. La nature de son poison
nous est inexplicable encore. On a supposé, à une certaine épo-
que, que ce n'était pas la mouche qui tuait les animaux, mais
une plante dont ils auraient mangé dans des localités où abonde
la mouche tsé-tsé. Le docteur Livingstone raconte, à ce sujet,
l'expérience suivante : Un officier del'armée des Indes qui l'ac-
compagnait, se rendit avec un cheval de peu de valeur sur le som-
met d'une colline où abonde le tsé-tsé ; il n'y resta que le temps
nécessaire pour jeter un coup d'œil sur le pays environnant et
attraper quelques échantillons de la mouche ; il ne permit pas
au cheval de rien manger , et dix jours après celui-ci suc-
comba. Sur l'homme le tsé-tsé ne produit pas plus d'effet
que le moustique.
« J'ai deux buts, a dit en terminant le docteur Livingstone :
le premier est de tenter d'établir dans cette partie de l'Afrique
une station de missionnaires et de commerçants honorables.
L'espace est vaste, presque entièrement dépeuplé ; on peut
cheminer pendant des centaines de milles sans rencontrer un
seul être humain dans un pays aussi riche que l'Inde. En
d'autres parties sont des villages clair-seaiés, et les chefs ne s'op-
posent point à ce que les blancs y entrent et y séjournent. Un
chef est même plutôt désireux d'avoir et de garder un blanc
( 221 )
avec lai; la dijBSculté n*est pas de parvenir, elle est de revenir.
Mon second but est celui-ci : la Société royale géographique
de Londres est désireuse de connaître le système hydrogra-
phique de cette partie du continent africain. Dans la partie
basse du pays sont plusieurs lacs dont quelques-uns n'ont pas
encore été visités. En me dirigeant à Touest du lac Nyassa J'ar-
rivai en une dizaine de jours à un petit lac nommé Bemba;
de ce lac sort une rivière, le Loapula, qui forme un second
et un troisième lac. Au sortir de ce dernier, la rivière se jette
dans le Tanganyka, découvert par fiurton et Speke. Ces deux
oflSciers parvinrent en canot presque jusqu'à Tautre extrémité
du lac. Arrivés lâi, ils apprirent que la rivière entrait dans le
lac mais qu'elle n'en sortait pas. Peut-être ont-ils été trom-
pés; il est également possible que les eaux de ce lac s'écou-
lent dans le lac découvert par Baker et qui, selon ce voyageur,
serait plus long que le Nyanza. Le lac vu pour la première
fois par Speke et Grant, le Vicloria-Nyanza, coule dans le lac
de Baker et de là dans le Nil. Ce lac est probablement la prin-
cipale source du Nil, mais le Tanganika peut aussi se déverser
dans l'Albert-Nyanza, et ce serait là une seconde source; en
fait, les lacs Bemba et Moero peuvent être aussi des sources
du grand fleuve. La recherche d'une solution à ce problème
et l'exploration d'une portion de pays entièrement blanche
sur nos cartes constitue le second motif qui me fait retourner
en Afrique. »
Le discours du docteur Livingstone a été suivi d'une sous-
cription publique qui a produit 3000 roupies (7000 francs).
Le gouvernement anglais avait accordé à l'illustre voyageur
une somme de 500 livres sterling, et la Société royale géogra-
phique de Londres lui avait assuré déjà une somme égale.
(Journal de Bombay.)
( 222 )
Voyage du professeur Agassiz au Brésil. -^ la commis*
ma ceotralQ de 1^ Société de géographie, i^ la séance da
17 novembre 1865, a enteada une int^^ressante commauica-
tion^de M* Elisée Reclus sur le voyage du profe^eur Agaa^is
daus rAmérique du Sud. Voici, d'après le NeW" York-Po^^
quelques nouveaux détails sur cette exploration scientifique
dont on peut espérer de précieux résultats,
AgassU et ses cuo^gnons, partis de New-York le l*' avril
1865, arrivèrent après une traversée de trois semaines» V Rio*
Janeiro, Aussitôt qu'Agassiz eut été débarqué, l'Empereur le
fit prier de se rendre au palais, et le savant reçut du souverain
l'accueil auquel son haqt mérite lui donnait droit. Il faut rap«
peler ici que le nom d*Àgassiz était particulièrement bien
connu au Brésil en 1820. Spix, le compagnon de voyage de
de Martius dans TAmérique du Sud^ étant mort, de lMariiu9
ne trouva qu'un homme qui fut capable de coordonner Tim-'
portante collection de poissons brésiliens que Spix avait ras-r
semblée pendant le voyage : c'était Agassiz, alors fort jeune,
ei qui écrivit ^ cette occasion son premier ouvrage.
Les résultats du présent voyage d'Àgassiz seront des plus
fructueux. Quinze jours après son arrivée au Brésil, l'illustre
géologue découvrait la preuve d'une assertion qu'il avait émise
avant de quitter New^York, savoir, qu'à une époque fort re-
culée les glaciers, les grandes rivières de glace et les plaines
mouvantes existaient sur le territoire de cette contrée anjoqr*-
4'bui tropicale. Il a trouvé, sur les montagnes couvertes de
palmiers, près de Rio^Janeiro , des blocs erratiques et des
dépôts laissés par des glaciers, comme en Suisse, en Norwége
et en Suède.
Au point de vue commercial, l'exploration dirigée par Agas-
siz a confirmé la notion qu'on avait, qu'il existe au Brésil des
houilles de l'époque carbonifère. Jusqu'à présent ce pays a
importé à grands frais tout son charbon d'Angleterre ; mais
il y a quelques années qu'un géologue anglais, M. Nathan
( 388 )
Plant, a trouvé sur les bords sudrouest dv Rio-Grande-do-Sul
de graodf» quantités de houille qu'Agaasii; a déclarée, d'après
les fossiles qui y sont contenus, être d'une très-bonne qualité
et destinée à augmenter beaucoup les richesses du pays.
L'expédition, en juin et juillet, s*est partagée ep plusieurs
compagnies : deux ont exploré rintériear, tandis qu'une autre,
flous la direction d'Àgassiz lui-^même, parcourt le fleuve des
Amazones et ses affluents sur un steamer mis par l'empereur
du Bréffll è la disposition du professeur.
Climat de la Nouvelle-Zélande^ — Le docteur Julius
Haast, géologue de la province de Ganterbury à la Nouvelle-
Zélande passe depuis plusieurs années sa saison d'été à
explorer les montagnes de l'île méridionale de cette belle colo-
nie. A son retour il adresse au conseil provincial un rapport
étendu sur le résultat de ses recherches, La série de ces rap-
ports offre une riche collection de faits géographiques et Témi-
nent géologue a tous les droits possibles à la gratitude de la
science. Dernièrement, dans une réunion publique, le docteur
J. Haast a fait le récit de son dernier voyage à la côte occi-
dentale de l'île méridionale, dont la province de Canterbury
occupe à peu près le milieu. Voici, d*après le Canterbury
Times, quelques passages de ce récit ; a Depuis qu'un premier
explorateur a mis le pied sur la côte occidentale pour y déQQtlvrir
des gisements aurifères, on n'a pas cessé de se préoccqper de
la question de la différence entre les quantités de pluie qui
tombent sur l'un et sur l'autre des versants alpins de la Nou-
velle-Zélande. iMalheureusement on n'a pas encore de données
suffisantes pour déterminer avec précision la différence, en
pouces, des volumes d'eau qui tombent sur les deux versants,
toutefois, les excellentes observations faites en 1863 par le
docteur Hector, pendant un espace de sept mois (du 1**' juin
au 31 décembre (l)^font voir qu'il tombe dans la partie sud-
(1) Cette période correspond, pour notre bémisphère, à la période
comprise entre le !«' janvier et le 31 Jailiet. (Rédaction,)
( 22A )
ouest de l'Ile 87 pouces d*eau (2"^20], Undis qu'il n*en
tombe à Dunedln que 23 i/2 pouces (0,60), d*où résulterait
que la quantité de pluie est plus de trois fois et demie plus
considérable sur la côte occidentale qu'elle ne Test sur la côte
orientale. Quant à la différence entre Ghristchurch et Hoki-
tika, nous n'ayons de données certaines que depuis le 29 aTril
de cette année, époque à laquelle M. Rochford a établi un
pluviomètre dans la première de ces deux villes. Du 29 avril
au 3 juin (i), c'est-à-dire pendant 67 jours, il est tombé à
Hokitika 36 1/2 pouces {\^,OkO) d'eau, tandis que pendant la
même période la quantité de pluie à Ghristchurch, n'a été que
de 7 1/2 pouces (0'',19}, c'est-à-dire environ un cinquième
de la première quantité. Pendant toute Tannée 1866 la quan-
tité de pluie qui est tombée sur Ghristchurch s'est élevée,
d'après les observations de M. Holmes, à 22,093 pouces
(O'^fSS). Si l'on prend comme base d'évaluation les 67 jours ci-
dessus, on aura environ 200 pouces (5,079) de pluie annuelle à
Hokitika, ou neuf fois la quantité de pluie qui tombe dans |la
même période sur Ghristchurch.
La quantité de pluie qui tombe annuellement sur le nord-
ouest de l'Amérique est de 80 pouces (2*°, 03) ; à Bergen, en
Norwége, elle est de 83 pouces (2", 10) ; à Goïmbra, en Por-
tugal, de 110 pouces (2<",79); à "Westmoreland elle s'élève à
134 pouces (3'',40). D'après les travaux classiques de Darwin
sur ce sujet, nous savons qu'il tombe, à la côte occidentale
d'Amérique, à peu près cette dernière quantité de pluie. Les
côtes occidentales de l'Amérique, ainsi que celles de la
Nouvelle-Zélande, sont couvertes d'épaisses forêts qui favorisent
la condensation des vapeurs et la pluie.
Sur le versant oQcidental des Alpes de la Nouvelle-Zélande,
la limite de la neige perpétuelle se maintient très-bas (àquel-
(1) Pour notre hémisphère, du 29 septembre au 3 novembre. {Ré-
daction^)
( 225 )
que chose comme 6500 pieds, aux environs du mont Cook),
par suite de Tégalité et de Thumidité du climat; comme,
d'autre part, la chute de la neige et la condensation des va-
peurs sont activées dans les hautes régions où les courants
équatoriaux se heurtent aux surfaces froides des Alpes, on voit
que la côte occidentale de la Nouvelle-Zélande est dans des con-
ditions propres à favoriser la formation des grands glaciers, et
leur allongement jusqu'à un niveau inférieur à celui qu'ils
atteignent sur la côte orientale.
La différence qui existe à ce point de vue, entre les deux ver-
sants delà grande chaîne centrale, est bien indiquée par le grand
glacier Tasman qui, beaucoup plus considérable que le glacier
François-Joseph, ne descend pourtant que jusqu'à 2nU pieds
au-dessus du niveau de la mer, tandis que le glacier François-
Joseph s'étend jusqu'à 2000 pieds plus bas, c'est-à-dire jus-
qu'à 705 pieds au-desstis de la mer. Il est juste de dire que
l'espèce de vaste cuvette dans laquelle s'accumulent les quan-
tités de neige qui donnent naissance à ce glacier, est abritée du
soleil par le mont de la Bêche et ses contre-forts, et que le gla*-
cier est dans des conditions favorables pour s'étendre jusqu'à
un niveau où croissent les fougères arborescentes, les pins et
d'autres plantes des terres basses. Si maintenant nous compa-
rons la position de ce glacier avec celle de glaciers de l'Amé-
rique du Sud, nous observerons que des montagnes moins
élevées que nos Alpes méridionales, et cela même dans des
latitudes correspondant à l'extrémité nord de l'île Stewart,
soit à environ 46*^, 50^ d'après Darwin, prolongent jusqu'au
niveau de la mer la face terminale d'immenses glaciers dont
les fragments détachés par l'effort des vagues sont emportés au
loin en énormes montagnes de glace. Il résulte de là que les
'conditions d'humidité ou d'abaissement de la ligne des neiges
perpétuelles doivent être plus accentuées entx)re dans l'Amé-
rique du Sud qu'elles ne le sont en Nouvelle-Zélande, où le
voisinage de l'Australie et de la Tasmanie exerce certainement
IX. FÉVRI£R-HARS. 10. 16
( 226 )
ane influence modératrice qui n'existe pas pour la Terre de
Feu. D'observations faites dans ces régions et dans diverses
autres, il résulte que l'abaissement de la ligne des neiges per-
pétuelles ne dépend pas de la température moyenne de Tannée,
mais de la température basse de l'été (1).
à Christchurch, ta température moyenne de l'été, d'après
les observations faites en i86/i, est de M"" i/h Farenheit
(IB^'ylS centigrades) ; le Ciel y est généralement clair et sans
nuages ; mais il est évident qu'à la côte occidentale il l'est
beaucoup moins et que la pluie y est fréquente, ce qui ex-
plique l'abaissement de la ligne des neiges persistantes dans
les Alpes de l'ouest; mais je pense que la température
moyenne annuelle n'est pas, sur la partie occidentale de l'île,
inférieure à ce qu'elle est à Ghristchurcb, où elle a été de
53° 3/a Farenheit (ll'>,79 centigrades) avec une température
moyenne de 61* Farenheit (16'', 11 centigrades) pour les mois
d'été, et de hU^ i/ti Farenheit (6^,71 centigrades) pour les
mois d'hiver ; la température plus élevée de l'hiver à la côte
occidentale compense sans doute la basse température d»
l'été.
La position du glacier François-Joseph est à peu près par
/t3' 35' qui correspond, pour l'hémisphère septentrional, à la
latitude de Pau ou de Marseille, en France, et de Livourne,
(1) Il 7 a lieu de rapprocher TassertioD de M. J. Haastde Topiiiioii
émise sur catte matière par M. Renou, rémioent secrétaire de la
Société de météorologie de Paris, (Compas rendus de V Académie d£s
sciences, t. LVIII, n° 8, 22 février 1864.) « La limite qui nous oc-
cupe est en rapport avec la température de la moitié la plus chaude
de rannëe, c'est-à-dire avec la température des six mois compris entre
le 22 avril et le 22 octobre. » {Pour la Nou\)6lle-Zélande, du 22 no-^
^mtbre au 22 «mit.) <x C'est ce qui m^a fait découvrir la loi suivante :
dans toutes les contrées d« la terre , la limite des neiges persistantes
est raltitode à laquelle ta moitié la plus chaude de Tannée a une tem*
pérature ao|«nne égale à teile de la glace fbndaBie. »(A^dactioii.)
( 227 )
en Italie. Même dans les Alpes européennes, qui sont à
quelques degrés plus au nord, Taiiitude moyenne de la face
terminale des plus grands glaciers est à environ /!iOO0 pieds,
tandis qu'il faut aller à 20 degrés plus au nord pour trouver,
en Norvège, des glaciers qui descendent aussi bas que le gla-
cier François-Joseph. If faut, d'après Léopold de Buch, pour
voir la face terminale des glaciers arriver au bord de la mer,
aller jusqu'à 67"* de latitude septentrionale , c'est-à-dire à
20 degrés plus près du pôle que dans l'hémisphère Sud, à la
Terre de Feu.
Des tables météorologiques qui sont à ma disposition me
permettent d^ajouter qu'aucun climat en Angleterre ne res-
semble plus à celui de Christchurch que le climat de Torquay;
entre ce point et Christchurch il y a une différence de tem-
pérature de plus d'un degré. Ici nous avons 53° 1/& Farenheit
11%71 centigrades), et là-bas on a 52«,10 Farenheit (11%15
centigrades) .
SOCIÉTÉS DE GÊOGBâPHIE ÉTRANGÈRES.
SOCIÉTÉ IMPÉRIALE GÉOGRAPHIQUE DE SAINT-PÉTERSBOURG.
Dans la séance annuelle, présidée par l'amiral Ltitke, il a été
donné lecture d'une partie du compte rendu des travaux de la
Société en 1865; puis a eu lieu la distribution des médailles
décernées par la Société. La grande médaille Constantin a été
donnée à l'académicien G» de Helmersen pour sa carte géologi**
que de la Russie d'Europe ; carte sur laquelle M. Semenof a
fait un compte rendu analytique ; trois petites médailles d'or
et dit médailles d'argent ont ensuite été décernées aux auteurs
de divers travaux géographiques ou ethnographiques. -^ Après
la distribution des médailles, M. Romanovesky a donné lecture
d'un mémoire sur la marche des investigations géographiques
qui se poursuivent dans le Turkesun et dans les steppes des
Kirghises et il a conuQuoiqué qaekpies observations sur i'im«
( 228 )
portance que la ville de Taschkent peut acquérir pour le com-
merce russe dans FAsie centrale. Ce mémoire sera publié dans
la prochaine livraison des Bulletins de la Société de géographie
de Saint-Pétersbourg. [Journal de Saint- Pétershmirg.)
SOCIÉTÉ BOTALE GÉOGRArHIQIJE DE LONDRES.
Madagascar. — La Société royale géographique de Londres
a, à sa séance du 1 1 décembre 1 865, entendu deux communica-
tions relatives à Madagascar. L'auteur de la première communi-
cation, le capitaine Rook, a suivi, dans une légère embarcation,
la chaîne de lacs qui s'étend à la côte orientale de l'île. Parti, en
août 1865, du lac le plus septentrional, avec trois compagnons
de route et un équipage indigène, le capitaine Rook a voyagé
pendant trente-deux jours et parcouru environ l\OQ milles
(643 kilomètres) de chemin, tantôt sur des lacs plus ou moins
étendus, tantôt sur des canaux tortueux et des torrents qui
reUent les lacs les uns aux autres. Tout ce système hydrologi-
que occupe une zone de basse terre, qui n'est quelquefois sé-
parée de la mer que par des bancs de sable. Pendant leur
exploration, les voyageurs ont rencontré de nombreux villages
et plusieurs grandes villes, dont chacune pouvait avoir 1000
habitants; le capitaine Rook s'est arrêté à Manzanari. Les
voyageurs ont été bien reçus par les chefs Hovas et ont vu peu
de terre cultivée; les habitants leur ont paru indolents, mais
d'un naturel gai. Les rives des canaux et des lacs sont cou -
vertes d'une magnifique végétation tropicale, qui, dans les en-
droits resserrés, forme voûte au-dessus des eaux. A Manzanari,
le capitaine Rook a vu un certain nombre d'individus de la
tribu Akongo, dont le territoire est situé vers le sud de l'île et
qui a réussi à maintenir son indépendance contre les Hovas.
La capitale des Akongo, située à plusieurs journées au S. O.
de Manzanari, est située sur une haute colline dont les flancs
ont été rendus escarpés dans un but de défense*
( 229 )
La seconde communication relative à Madagascar était due
au révérend Ëllis, missionnaire anglican. Vers la fin de 1861,
M. £llis, sur l'invitation du roi Radama, se rendit dans Tinté-
rieur de la contrée. En se livrant à des explorations dans le
but de rechercher de la pierre à chaux, il a parcouru une par-
tie de la province d*Ankova, la plus importante des vingt-deux
provinces de l'île, car c*est la province des Hovas; elle a 150
milles (2^0 kilomètres) de longueur et environ 100 milles
(160 kilomètres) de largeur.
Cette contrée est montagneuse, mais les élévations sont iso-
lées ou disposées en massifs plutôt qu'en chaînes continues. La
montagne d*Ankaratra, au sud-ouest d'Ankova, est une des
plus hautes de Tîle ; on lui donne 13 000 pieds d'altitude. Au-
cun Européen et probablement aucun des indigènes n'en a fait
l'ascension. Ces derniers disent pourtant que pendant la saison
froide les creux voisins du sommet contiennent de la neige.
Entre les massifs montagneux régnent de fertiles vallées ou des
plaines, dont quelques-unes, parfois d'une étendue de plusieurs
milles, sont souvent bien arrosées et cultivées en riz. Les eaux
de la province d'Ankova sont abondantes et, bien que les ri-
vières ne soient pas larges, elles sont rarement à sec pendant
l'été. Après avoir décrit les cours d'eau et les lacs de cette pro-
vince, l'auteur décrit les forêts qui, riches en beaux bois de
charpente, bordent la province sur trois côtés, tandis que le
district central est presque dépourvu d'arbres. Les eupkorbias
et diverses espèces de ficus sont indigènes : les arbres fruitiers,
qui ont été introduits dans le pays, y viennent à merveille. Les
bêtes à cornes sont nombreuses. Le bœuf domestique est le
bœuf à bosse de l'Inde, tandis que les vastes troupeaux de bes-
tiaux sauvages ont le dos droit.
Il y a dans le pays d'Ankova douze cités ou villages sacrés,
qui doivent cette qualité au fait qu'elles ont été le lieu de
naissance, de résidence ou de sépulture des souverains. La plu-
part de ces localités sont interdites aux Européens, et bien que
( 230 )
quelques-unes soient considérables, elles ne figurent pas sur nos
cartes; en voici les noms et les positions relatives : 1® Alasora,
à 6 milles environ (10 kilomètres) au sud-est de la capitale;
elle passe pour avoir été la première résidence des Hovas à
Imerina. — 2"" Imerinmanjaka, à 2 milles (3 kilomètres) au
nord-est de la capitale. — 3"^ Ambohitrahiby, à 1 2 milles (18 kilo-
mètres) au nord-ouest de la capitale. — ^"^ Antananarivo, la
capitale. — 5° Àmbohimanga, à 10 milles (17 kilcsnètres}, au
nord-est d^Antananarivo; c*est la ville la plus sainte de la pro-
vince : c'était la capitale de la partie nord dlmerina avant que
son chef ne se fût emparé d*Antananarivo. Elle contient le
temple dl£aintak, une des divinités nationales. Le souverain
s'y rend une fois par année pour assister et prendre part aux
cérémonies en Thonneur de l'idole. Ambohimanga contient les
tombeaux des divers souverains et, en particulier, de la mère
du dernier roi, qui était aussi la tante de la reine actuelle. Cette
place est défendue par des fortifications. — 6^ Ambobitany, à
2 milles 1/2 (4 kilomètres) d' Ambohimanga, construite sur
une crête élevée. C'est la ville de Ramahavaly, divinité plus
renommée qu'Infantak, et qui passe pour punir, par l'inter-
médiaire des serpents, ceux qui ont mérité sa colère. —
V Ambohidralrimo, à 12 milles (18 kilomètres) au nord-ouest
de la capitale; lieu de naissance de la mère de Radama I®^ —
8° Ilafy, à 5 milles (8 kilomètres 1/2) N. N. E. delà capitale ;
c'est le Ueu de naissance de la mère de feu la reine Ranavolo ;
elle appartient à son fils Radama II. — 9"" Inamehana, à 6 milles
(9 kilomètres), au nord-ouest de la capitale, appartient à la
reine actuelle. — lO"" Ambatofimanjana, dont la position exacte
est inconnue au révérend Ellis. — 11"" Ambohimanambola
(le village qui contient de l'argent), à 7 milles à l'est de la
capitale; elle contient le temple de la principale idole hovas,
Ikelimalaza. — 12'' Ambimalaza, à 10 milles (17 kilomètres)
E. S. £. de la capitale. — La croyance en l'intervention de
l'esprit des ancêtres des souverains du pays est une des bases
de la religion malgache.
( 281 )
A la suite de ces communicatioas, diverses remarques ont
été faites par les assistants. M. J. Grawfurd a fait observer que
Madagascar est, comme dimension, la troisième île du globe ;
elle vient après Bornéo et la Nouvelle-Guinée ; elle est beaucoup
plus grande que la France et trois fois grande comme l'Angle-
terre et rÉcosse. Les nègres qui habitent Madagascar, bien
que plus avancés en civilisation que ceux du continent voisin,
sont de vrais barbares. Il doit y avoir eu jadis des relations
entre les îles de la Malaisie et Madagascar. Le trajet des Malais,
pour se rendre à Madagascar, était favorisé par la mousson du
sud-est; mais le retour leur devait être totalement impossible.
M. J. Grawfurd a terminé en indiquant un certain nombre de
termes employés à Madagascar et dont Tétymologie est évidem-
ment d'origine malaise.
M. J. Kessler estime, d'après des observations faites dans le
courant de l'année dernière à Antananarivo, que cette ville
est placée, sur les cartes, beaucoup trop à l'ouest ; on y a égale-
ment mal placé la rivière Ikopa, qui se jette dans la baie de
Bombatoko, à la côte occidentale.
Quant à l'influence mahométane dans l'île de Madagascar,
M. J. Kessler établit que la langue malgache comprend plu-
sieurs mots arabes, et, en particulier, les noms des jours et
deux noms de mots ; le dictionnaire malgache compte aussi
quelques mots sanscrits, arrivés soit directement, soit par les
Malais, quelques mots hébreux, plusieurs mots français et un
petit nombre de mots anglais. M. J. Kessler pense que, ^ans
l'étude minutieuse de l'idiome des Hovas, on trouverait des
indices relativement à leur provenance et au chemin qu'ils ont
suivi pour arriver à Madagascar.
M. Ellis exprime l'opinion que trois races se sont mélangées
pour constituer la population actuelle de Madagascar: l'une est
venue de la côte occidentale d'Afrique, la deuxième de l'archi-
pel Malais, la troisième enfin serait de provenance inconnue.
L'influence arabe peut s'être exercée dans une certaine mesure
( 23!2 )
avant que I*île ne fût connue des Européens, et quelques usages
du peuple semblent avoir une origine mahométane ; Majamba
et quelques autres points de la côte occidentale sont encore la
résidence d*un certain nombre de commerçants mahométans,
mais cette influence a beaucoup diminué depuis un siècle.
M. Ellis a des renseignements qui lui permettent d'indiquer la
côte sud-est comme ayant été, plus que toute autre partie de
111e, habitée par des Arabes; du reste, aucun des indigènes
avec lesquels il a été en relation n'était capable d'écrire ou de
parler l'arabe ; les traditions que M. Ellis a consultées lui ont
révélé ce fait, que l'arabe n'était employé que pour les besoins
du trafic et ne s'était point répandu dans la population indi-
gène.
Dans le numéro d'avril du BuUetin, nous donnerons le résumé de la
communication adressée à la Société de géographie de Londres par
M. Dacbaillu, à la suite de son voyage à la céte occidentale d'Afrique.
{Rédaction,)
ERRATA
Page 64, ligne 9, après remarques,
— '65 — 27, au lieu de Foncancoort lisez Foocaucourt.
-^66 — 17 — Guetierrei lisez Gotierrez.
— 66 — 22 — Regnault Itsejsr Reynaud.
— 68 — 1, après Bonneau lisez Bourdiol.
( 283 )
OUVRAGES OFFERTS A LA SOCIÉTÉ
SÉANCES DE FÉVRIER-MARS 1866.
EDROPE.
Aperçu général sur le groupe des ties Baléares et leur végétation,
par M. Paul Mares, 1865. 1 feuille in-8°. M. Paul Mares.
Rapport sur les résultats d*une mission dans les archives d'Espagne
et de Portugal, par M. Alfred Demersay. Paris, 1865. 1 brocb.
grand in-S**. M. Alfred Demkrsat.
Jahrbnch des Sch'weizer Alpenclub. Zireiter Jahrgang 1865. Bern,
1865. 1 vol. in-8^ — Jahrbuch des Scbweizerischen Alpenclub,
6 feuilles.
ASIE.
Alcuue notizie raccoUe in uno Yiaggio à Bucara da Modeste Gàvazzi.
Milano, 1865. 1 vol. in-8^ M. Modbsto Gavazzi.
OUVRAGES GÉNÉRAUX. MÉLANGES.
Geschichte der Erdkunde bis auf A. v. Humboldt und cari Rilter
von Oscar Peschel. Muncben, 1865. 1 vol. in-8*.
M. Oscar Peschel.
Les illustres voyageuses, par M. Richard Cortambert. Paris, 1866.
1 vol. in- 8®. M. Richard Ck>RTAMBERT.
Sur la possibilité d*atteindre le pôle Nord, cause de i*insuccès des
tenUtives antérieures,* expédition projetée en Angleterre et en
Allemagne, par M. Charles Martins. Paris, 1866. 1 broch. in-8<>.
M. Charles Martims.
Résultats de crAniométrie, par le docteur Pruner^Bey. Paris, 1 broch.
in-8°. D' Prohbr-Bky.
( 9.84" )
Annuaire da Cosmos, 8" année. Paris, i866. 1 yoI. in>12^
M, Tramblat.
Meteorologische Beobachtnngen an der kônigUchen Universitâts-
Sternwarte za Christiania, 1837-1863. 1 vol. in-4*.
Meteoroiogiske Jagttagelser paa Christiania Obseryatorinm 1864.
1 broch. in-4^ Christiania, 1865.
Les grandes puissances maritimes dans Teitrème Orient, par
M. Casimir Delamarre fils. Article du journal la Patrie, 22 féyrier
1865. M. Casimir Delamarre.
ATLAS ET CARTES.
Carte géologique de la terre, par Jules Marcou, construite par
J. M. Ziegler. Échelle 1/23,000,000". Winterthur, 1861.
8 feuilles. M. Jules Marcou.
Geological map of New Meiico by Jules Marcou, 1857. Échelle
1/900,000®. 1 feuille. M. Joles Marcou.
Karte vom Kdnigreiche Hannoyer, Herzogthume Braunschweig ond
Oldenburg, bearbeitet und herausgegeben vom Kôniglich Hanno-
verschen Generalstabe. 4 feuilles. Échelle 1/250,000*. Hannover,
1 863. GÉNÉRAL SiCHART, CHEF D'BTAT-MAJOR DE L'ARMÉE HANOVRIENNB.
Karte von Bosnien der Hercegovina nnd des Paschaliks von Novibazar
auf Anordnung der Raiserl. Kônigli. Gênerais tabès nach den
neuesten Quellen, und mit Ausuahme der Kraioa an Ort und
Stelle gesammelten topografischen Skizzen entworfen und gezeich-
net von Hauptmann Roskiewicz des Grlstabes. Mit Theilen der
angrenzenden Provinzen enganzt und lithografirt im Mrlitar-
geografischen Institute. Wien, 1865. 4 feuilles.
GÉIÉRAL DI FliGELT, OIRECTKUH de l'institut MILITAII19
GBOGBAPBIQOE DB ViBIlHE.
Carte de la Hongrie à 1/144,000" exécutée à rioititut mflitaire
géographicfue de Vienne, d'après les levés de FÉtat-major autrichien,
feuilles d'épreuve n°' 3« 3, 15, 25, 26, 35 et 49.
GÉNÉRAL DB FlIGELT.
(285 )
Carte de la Valachie à 1/^88 000<» exécutée à l'Institat militaire géo-
graphique de Vienne, d'après les le?és de TÉtat -major autrichien,
feuilles d*épreuYen^" 3 et 4. GiNàiAL de Fu«bly.
Carte de TEmpire d'Autriche, par le Lieutenant-Colonel de Scheda,
à 1/576 000« feuilles n»» 7, H, 12, 15 et 17.
Le LmUTENANT-GOLONEL DE SCHEDA.
Atlas zur industrie und Handelsgeographie fur commercielle und
technische Lehranstalten, fur Kaufleute und Industrielle. Miterlâu-
terdem Teite. Ton docteur V. F. Klun und docteur Henry Lange»
Leipiig, 1865. 2 livraisons. M. le doctbub Henet Lange.
Carte des tles Spitzberg, réduction au quart de la carte de
MM. N. Dunér et A. E. Nordensk]$ld, par T. A. Malte-Brun.
1866. 1 feuille. M. V. A. Malte-Beok.
Carte du grand lac Albert N^janza et des routes qui ont conduit
Samuel White Baker à sa découverte en 1864. Réduction de la
carte originale anglaise des Proceedings sous la direction de
M. V. A. Malte-Brun. 1865. 1 feuille. M. Y. A. Malte-Beun.
Sketch of the récent discoveries on the Northern coast of Americ a
by captain M"" Glintock in search of sir John Franklin. 1 feuille.
M. Madnoiba
( 236
;
MÉMOIRES DES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES,
RECUEILS PÉRIODIQUES.
Zeitschrift fur allgemeine Erdkmde. N»» 145 à 147.
N<* 145. Itinéraire de H. Palgrave dans PArabie centrale, avec
une carte de H. Kiepert. — Aperçu des voyages du docteur A. Bers-
tein dans les parties orientales des Moluques, 1 860-03. — Meinicke.
Les derniers voyages dans les parties orientales de TAustralie cen-
trale. — Traces de Teipédition du docteur Leichhardt. — Le lac
Copaïs. — Statistique de la province de Mendoza. — Population
de la Prusse au 3 décembre 1864. — Le canal de jonction de la
mer du Nord et de la Baltique. --- Critique littéraire. — Société
de géographie de Berlin, 10 Juin.
N" 146. W, SchuUz» Habitudes, mœurs et usages des arbori-
gènes de TAmérique centrale. — Meinicke. Les derniers voyages
dans r Australie centrale {suite), — Moritz. Altitude de Kazbek.
— Haentsche. Divisions politiques du Talidj. — Nouvelle détermi-
nation astronomique dans TArabie centrale. — Extrait d'une lettre
du baron de Decken. — Sur le courant froid de la côte occidentale
d'Afrique. — Critique littéraire. — Société de géographie de
Berlin, 8 juillet.
Zeitschrift der Deutschen Morgenlândischen Gesellschaft. T. XIX,
cah. 1-2.
A . Rapp. La religion et les usages des Perses et des autres Ira-
niens, diaprés les sources grecques et romaines. — L'inscription
phénicienne de Marseille, avec un fragment d'inscription nouvelle-
ment découvert à Cartbage; traduits et commentés par E, Meier, —
J. Euting, Notices sur les manuscrits mandéens ou sabiens de la Bi-
bliothèque impériale de Paris et du British Muséum. — Max MiUler»
Catalogne alphabétique des Oupanichads. — E. Osiander. Notes
posthumes. sur les antiquités himyarites; éditées par A. Lévy* —
( 237 )
Quelques remarques sur HDScriptiou (rilÎDgue de SardaigDe. —
Notices, etc. — Notices bibliographiqaes.
Bévue orientale et américaine, N*''* 54 et 55.
Â. Bonté. Recherches faites et à faire sur I^origine de la race
mexicaine indigène (3^ article). — J. Ferez* Mémoire sur les rela-
tions des anciens Américains avec les peuples de TEurope, de TAsie
et de l'Afrique. — Martin de Moussy. De Tunité de la race améri-
caine. — J. Smith. Notice sur la langue tarasca. — Critique litté-
raire et bibliographie.
Fr. Lenormant. Les pâtres valaques de la Grèce. — Holmhoë.
Les anneaux à serment.'— Schwab. Abravanel (fin). — L. de Rosny.
Sur quelques particularités des inscriptions cunéiformes anarien-
nes. — L. Rodet. Voyage d'Ardjouna au ciel d'Indra, d'après la
version Javanaise. — Umery. Aperçu des langues monosyllabiques
de TAsie orientale. — E. Beauvois, Les populations riveraines de
Tocéan Glacial.
Actes de la Société d*etnogr aphte. N<* 7.
Revue de V Orient, Octobre-novembre-décembre 1864. in-8°.
Octobre'novembre. J. B. Emin, de Moscou, Recherches sur le
paganisme arménien. — Garcin de Tassy, Un chapitre de This-
toire de Tlnde musulmane (suite). — L'àbbé Delamare. Annales
chinoises de la dynastie Min.
Décembre. Garcin de Tassy. Un chapitre, etc. (fin). — L'abbé
Delamarre. Annales, etc. (suite).
Bulletin de la Société impéiHak d'acclimatation, 2* série, t. I*f,n«* 10,
11 et 12, octobre à décembre 1864. T. II, n. 1, janvier, ln-8'.
Annuaire delà Société météorologique de France. Octobre, novembre
et décembre 1865. Mars 1866.
Décembre. Ch. Ritter. Considérations sur les caractères et les
causes des variations périodiques et séculaires de quelques condi-
tions et phénomènes météorologiques du globe.
Mars. P. Mares. Nivellement barométrique dans les provinces
d'Alger et de Constantine.
Btt^tn de la Société géologique. Juin 1864.
( 288 )
Annales hydrographiquei 1864, 3* trimestre, iD-8^
Capitaine Kergrist, Traversée de la corvette à vapeur le cTAssaSy
de Toulon à Valparaiso. — Lient. Chardonneau. Renseignemeota
sur le Yang-tze-kiang. — Renseignements géographiques, ethno-
graphiques, etc., sur quelques lies de l'océan Pacifique, par le
Rév. Gulick; traduit de Tanglais par Â. Le Gras. — Instructions
générales de Tamirauté anglaise pour les levés hydrographiques. —
Eau de rOcéan.
Archives des missions scientifiq%*es et littéraires. 2* Série, t. !•', 1*' faa-
cicule, in-8®.
BotUan, Mémoire sur la Triphylie, avec un plan. — Basin. Mé-
moire sur rÊtolie, avec une carte.
Le Tour du Èéonde. ^•* 268 à 274.
N* 258-261. Voyage en Espagne, par lillf. GtM* Doré et Ch. t)a-
villier (suite).
N**" 262, 263. Voyage à Tunis, par M. Am. CrapeleL
N^' 264-267. P. Lancelot, De Paris à Bucharest, causeries géo-
graphiques.
N<>" 268-274. G. Lejean» Voyage au Taka (haute Nubie).
N<» 272 à 276. P. Marcoy. Voyage de Tocéan Pacifique à To-
céan Atlantique, k travers PAmérique du Sud.
Annales de la propagation de la foi. ^^* 218 et 2id, janvier et mars
1865.
Afrique orientale. Lettre de M<' MasM/ya^ vicaire apostolique
des Gallas. ^ Chine. lieilres de M^' VsrroiUes. ^ De W* Faurie.
Du R. P. Lébourcq.
Mars, Dahomey. Lettre de M«' Borghero, — La Bulgarie. — «
Tong-king. Lettre du père Estevea, — L^Hindoustan. Lettre de
M. Tagîiabue. — Nouvetle-Câlëdonle. Lettre du P. Poupinel.
Journal des Missions évang4iiqu$Sm Novembre et décembre» Janvier
à mars 1865»
Lettres de TAfrique méridionale. — De Plnde. -< De la Nou-
velle-Zélande.— Du Sénégal.— De Talti. — De l'Amérique du Nord,
— De Madagascar. — De la Côte d*Or, etc.
( 289 )
Afinaks du conmeroe $36téri9wr. N«« 1571 à ISTS, 18T4 à 1580^
1581 à 1585, 1586 à 1591, 1592àl596« 1597 à l600; Novem-
bre «t décembre 1864> janvier, février et mars l865«
No 1595. Perse. Renseignements sur sa situation, etc.
Bibliothèque wiherselle et Revue suisse. Archives des sciences physi-
ques et naturelles. Janvier et février 1865, in-8°.
Février. J.L. Ëtirckhardt (scheik Ibrahim). -Ëltrait et traduit de
la galerie des Célébrités suisses contemporaines.
Journal des savants. Novembre, décembre, janvier, février, mars.
Novembre. L'Étmrie et les Étrusques, par Noei des Vergers (arti-
cle de M. Beulé). — Histoire du règne de Pierre le Grand, etc.
(3<* article de M. Mérimée). — De Tétat actuel du Japon (1®' article
de M. Barthélémy Saint- Hilaire)» — D( Tunité de composition, etc.
5^ article de M. Flourens).
Décembre. — Le Japon, etc. (2* art. de AI. Barthélémy Saint-
Bilaire). — Pierre le Grand, etc. (*• article de M* Mérimée). —
Mazarin et Richelieu (4® article de M. Cousin).
Janvier 1865. Li livros dou Trésor, par Brunetto Latini, publié
par P. Chabaille (article de M. Littré). ^ Mazarin et Richelieu, etc.,
ft« article. **^ Le Japon, etc., 3* article. -^ L*Étrarie, etc., 2* ar-
ticle.
Février. Pierre le Grand, etc., (5® et dernier article). — Hugues
Capet, chanson de geste, etc. (article de M* Littré). — Saint Mar-
tin, le Philosophe inconnu, etc. (4*^ article de M. Franck). — Maza-**
rifi et Richelieu, «te» (6^ arti^a).
Mars. Considérations sur l'histoire de la médecine, par M« Claude
Bernard (1*" article de M. Chevreul). — Le Japon, etc. (4« article
de M. B. Saint-Hilairé), — V.8 Étrusques, etc. ( 5® article de
M. Beulé}* -^ Gomicorom reliquia» etc. (artieU de M* Patin)^
Bulletin de la Société centrale d'agriculture de Nice. 1864, S*' et 4* tri-
mestres, juillet-septembre, octobre-décembre. In-8^.
Mémoires de la Société impériale des sciences de Cherbourg. T. X.
Cherbourg, 1864, in-S*".
H. Jouan. Remarquei météorologiquei et nautiques faites ^ •
( 240 )
daat UQ Yoyage de France à la. Nouvel le^^lédonie et dans la partie
S. 0. de rocéan Pacifique. — Da même. Note sur les bois de la
Nouvelle-Zélande. — Du même. Additions à la faune de la Nou-
Telle-Calédonie.
Tramux de VÀcadémie impériale de Rûims. T.XXXVIII, 1862-1863.
Reims, 1864, 1 vol. in-S" avec planches.
Givelet. Le Mont-Notre-Dame, histoire et description. — Cheys-
son. Rapport sur Thistoire de Tarchlpel Havaïen, de M. Jules
Rémy.
Mémoires de laSociélé d*agricuUure, commerce, otc, du département
de la Marne, 1864. Ghâlons-snr-Marne (1865), in-8^
Cosmos, Revue encyclopédique hebdomadaire. T. XXV, n*' 25 et 26,
décembre 1864. Nouvelle série, t. I, d°^ 1 à 13, janvier, mars,
1865;in-8^
Presse scientifiqw des deux mondes. 1865, n«* 1, 2 et 7 ; in-8^.
Les mondes. Revue hebdomadaire des sciences. Par M. Tabbé Moigno.
3« année. T. VII, n" 1 à 13.
Revue de Vinslruction publique; n'** 32 à 52, 10 novembre-30 mars.
25® année, 16 avril.
»
Journal d'éducation populaire. Novembre et décembre 1864 , Jan-
vier 1865.
La correspondance littéraire» Novembre et décenibre 1864, janvier et
février 1865; in-8^
VJsthmedeSuez. N»' 202 à 211,17 novembre 1864. !•' avril 1865.
Société des ingénieurs civils. Bulletin des séances. Octobre à décembre
1864, janvier et février 1865; in-8^
Parie— Imprimerie de £. Martinet, rue Mignon, 2.
BULLETIN
DE LA
SOCIÉTÉ DE GÉOGRAPHIE
AVRIL 1866.
Méiiioircii, Notices, etc.
SUR LE DROIT B/LEN
A PROPOS DU LIVRE
DE M. WERNER MUNZINGER
INTITULÉ
LES MŒURS ET LE DROIT DES BOGOS(*>
Il y a déjà longtemps, Messieurs, que j'ai promis
de vous entretenir de cet ouvrage, et ce retard pro-
longé aurait rendu bien vaine ma prétention de vous
en parler aujourd'hui, s'il s'était agi d'un de ces livres
éphémères qui reflètent à la hâte de fugitives impres-
sions de voyage pour retomber bientôt dans le vaste'
abîme de l'oubli. Heureusement pour moi, la modeste
(1) Ueber die Sitlenund dos Rechi derBogos^ ia-8*, xiv*''9G'^pages
XI. AVRIL, i. 16
( 242 )
brochure de M. Munzioger a une portée bien plus haute
car elle révèle au public tout un ordre de recherches
trop négligé par les voyageurs qui cherchent à esquis-
ser les pays sauvages et peu connus. Quelque vifs et
quelque préciâ que soient les traits ded sciences natu-
relles etphysiqueSy on ne saurait oublier qu'un aven-
tureux pionnier en découvertes a encore bien autre
chose à faire qu'à récolter des dessins, des herbiers et
dès chiifirès, et que le poète a dit avec raison : a Le
genre humain est la plus noble étude de l'homme (1). >
Veut-on savoir pourquoi la curiosité des géographes
est toujours si irritée et si peu récompensée quand elle
s'adresse à l'intérieur de l'Afrique ?
Est-ce la nature si peu articulée de son tontour, si
vaste et si continentale, qui arrête également les incur-
sions rapides des touristes et les recherches patientes
de nos savants t NoU, l'hoiUkne n^est pas à un tel point
l'esclave des précipices, des fleuves et des montagnes.
Depuis les temps fabuleux des Nimrod et des Hercule,
il sait Vfib franchir. Cette Afrique, si impénétrable de
notre temps, a vu s'acclimater sur la lisière de son
désert la civilisation étrangère de la Cyrénaïque, dont
les annales perdues nous auraient révélé des données
précieuses sur les nations du Waday, du Darfour et
d'autres terres voisines, comme elles à peine connues de
nom aigourd'hui. De nos jours on voit se renouveler
avec encore plus d'éclat et d'avenir les merveilles de
cette Pratapole si habilement fondée par les Lacédé-
moniens, car les Anglais, au Cap, et les Français, en
(t) mTkê aoU«it fiiidy «f mmàsM u oua. » Poh*
(3*8)
AlgéAë^ teiin^ flu» à ùàe, nuatlmt rttitflltiitmfi
litt^que pas à pas» térs là toné ieûkak du cdûtiiilWt
^fiébrénxi
Quaad. le gédlmphe {ïenâeiir déposé M pkâiê dè^
iBHuntgée d'aTeir fût la k&roiiiqilê de taiit de VoyagetiN
Ad Afrique moi^âennéff aVant le iëin^s^ et qu^il s'élèté
jusqu'aux causes niorales qui ont retidu itôriles taût
dbpatîebee et tant d'addace, il se persuadé biëâtét
que le génie inné des Afrioaiâs s'op^se aui voyagea
<|ui sont les premières grandes artères de là eivili-
Éê&eui Ëtcependant rUistoire nous apprend qu'il n'en a
pas été toujours ainsi, et que^ sur trois points aumMns,
r Afrique à eu assez de sève et de jeunesse pour ftdr^
âattrd des oÎTilisatious qui lui ont été propres;
Nous lie j^arl^rons pas de Garthage, si indigène dàtiè
tëttte son bistôire, mais qui semble atoir piiisé dani»
une iuitnigratidn étrange le féu sac^é dd pfogl'ès'i
nous vous citerons le royaume fadieux et presque
ftbulsttji dé. Iléreë \ nous vous noidmërons ausÉi ^ëels
K.OBS0 révélés par le P« Léon des AvancherS) (1) et dotit
récriture ld»rahidmqile est bans douté le reflet d'uà
beau passé. A ceux qui doutent de la valeur morale
:des Afrioàim nous parlerons surcoût 4e VÉgyptd, si
eélèlire et si florissante déjà aux prèndères lueurè des
.annales lustoriqueSi
Les riverains du Mil se t*égénëreni aujoord'bui, mate
:M s'appuyantdes deui mains suf la civiliààlion OtraH^
gère ; dès qu'on les livre à ëuJi^mAmesi ils subissent^ fmi
«ussi^ cet arrêt de développement moral qui^èfûMe
(1) Yoiei BuUetin ^ la Société de géographie, U XVaiHii),
( 244 )
peser de nos jours sur r Africbia de pur sang» Tandis
que tel peuple de TAsie; le visage: aiboureuseaieivt
porté en arrière vers de grands et brillants ancêtpes^
vit surtout de son passé, tandis que l'Europe, au géaie
inquiet ^et ardent, tâtonne, fiévreusement toutes les
voies de Tavenir, rAfricain d'aujourd'hui, partout où
il est livré à lui-même, descend, sans éprouver ni
honte ni espoir, cette échelle, de la civilisation qu'il
avsdt jadis montée si haut.
Nos études scientifiques se résument surtout et se
couronnent par celles de l'âme humaine, et nous amè-
nenti en dernier lieu, à poser de grands problèmes. On
peut surtout énoncer les suivants : Qud est l'état de la
société od le géoie du progrès et même celui de la
conservation abandonnent l'homme pour le laisser se
plonger lentement et de plus en plus dans cette malé-
diction de Dieu qu'on appelle la barbarie ? Quel est
ce relâchement des ressorts religieux, moraux et Intel--
lectuels qui fait éclater la faiblesse dé l'homme dès
qu'il est livré aux simples penchants de ses sens et
d'une raison périssant à la dérobée faute d'exercice et
de nourriture ?
Il n'est guère de penseurs qui se soient élevés assex
haut pour répondre à ces graves questions. Quand lis
les abordent, ils s'adressent d'abord; à. la philologie,
qui crayonne seulement le berceau de chaque peuple
et en montre le reflet lointain ; car, si toute nation
peut aiguiser et user sa langue à son gré, elle ne
saurait jamais en modifier la physionomie primor-
diale.
A des époques plus voisines de nous, la religion.
( 345 )
niot dont l'étymologie dessine si bien le vrai sensi con-
serve snr la société une influence incontestée. Mais bien
peu de voyageurs étudient à fond les croyances trans-
terrestres des peuples : quand ils s'en préoccupent
même, ils savent rarement nous redire, à côté des
détsdls presque toujours purs du précepte, les Super-
stitions dégénérées de la pratiqué. C'est de la religion
surtout que dérivent les mœurs, et plus d'un géo-
graphe philosophe les a interrogées pour rendre vivante
en âOR esprit une société dont les traits saillants
le heurtent presque toujours plutôt qu'ils ne le
charment.
Les récits de coutumes et même de sentiments ou
d'opinions éparpillés dans les livres de voyages nous
révèlent rarement la vraie physionomie des peuples.
Il était réservé à M. Munzinger d'avoir le premier mis
devant le public le fruit d'une pensée qui m'a fait
prendre la plume dans /narya en 18i3, que mon frère,
M. Amauld d' Abbadie, a travaillée ensuite, à ma de-
mande, comme une féconde spécialité, et qu'il est allé
reeompléter en Ethiopie il y a neuf ans.
Jlûpar les mêmes saines idées, M. Munzinger a songé
aussi à étudier dans un coin de la même contrée les
alluiies diverses du droit et des us judiciaires.
On sait assez que le droit, comme sa mère ou du
moins sa sosur aînée» la religion, vit dans la vénération
du passé, mais qu'au contraire de celle-ci, tout en
reflétant les idées primordiales des sociétés humaines,
il se rajeunit souvent et se modifie lentement en se
moulant sur les idées du temps actuel. C'est seulement
df la connaissance pratique et combinée de la religiofi.
( 2*0 )
dm droH 9t d^s mesura éindiés |iu seiB mèoM do
r Afrifi)4, qu'eu pourra imûn a-autoriÉer peur eem*
pi^q4re9 influeqcer et peut-être même régénérer eeif
^i^bitapt^.
piup Qiqpreflisé et $urtout plus hardi que meu Irtoe»
le Y^yf^emr puisse aeua a livré le fruit précecç de ses
r^berc))es et de son expérieuce.
Ou le9 voudrait plus complètes, mais personue ue
sepger^ à lui reprocher d'avoir donné avcie tao^ do
Pl^odeaftie le premier àicompte d'un travail bien eanfn
e^ sincèrement développé* C'est dans la pepaéci de k
lui voir continuer un jour que nous y signalereof daa
doutes et deç lacunes, et nop pour céder ^ la faiôle
e( i^ieu trisite sati^ction d^ eii^(|uer un tra»TaU
sans précédent &t, hérissé de diffioultéa de twlA
espèce,
. 5-eçi p«len,qiie i*ai cru pouvoir, il y a déjklaïf-*
teiups (i), identii^ avec leg fUenimyeft de^ Kemaim,
^t un vaillant mais pe^it peypie qui (qrmQ k renapajut
Q^ré^ le plus septentrion^ 4» l'Étbi^pie. Hase omti
ment Boas gor oq Sfjs^ àfi ^P^, prQb«l^le«ieiMl 4iu|iid sta.
d^^t leur thëmfi 4e guerre, owvm hm trihm Mbo
^■Jl^owat, q^i çl^njfeut leur no^a en pareille oooap..
sion. Ces 4eweïç s^ppelîeut ^iQV^ Ibm f^h, fila:
dft Qftl^a, ft les^ jmpU^ voisins qui m% epffis lenr
^f ^^teuç^ par Içm^s incursions guerviérest Iqut eut
t^i^s donné ce 90?^ \ oix, pe:(i^ dgnc attribuer à une orin.
gine f^alopei le xiomde Bo^^gor» tra^afonné parlée
(I) Qaatrenière a placé 1« patrie dei BlamniTes dans ta région
oamiiéa aqioant'boi par las Bileii. il saiait aisé de fcire voir qo'ao
(247)
étrangers, selon notre auteur, en celui de Bogos. Midi
dans le langage ordinaire ils se donnent le nom de
Belen, et nous préférons employer cette dénondnation
tout indigène.
Il çst probable, en effet, comme M. Munzinger
TaflBrme hardiment d'ailleurs, que les us Be'len ont
été jadis communs au reste de TÉthiopie chrétienne,
qu'il aime à désigner spécialement par le nom d^Abys-
sinie : un Européen qui a tant séjourné dans ces con-
trées lointaines, comme l'a fait votre rapporteur, se
demande si M. Munzinger a bien étudié ce droit en
Amara ou même en Tsgray» avant d'ajBbmer, comme il
le fait, que les vieux U3 se sont métamorphosés et que
la^cohésion des familles s'est relftchée pour abandonner
au roi sa puissance de faire justice ? Du moins il n'en
était pas ainsi il y a douze ans, malgré de longs eièeles
de gouvernement monarchique, et si un pareil phéne*
mène ^'est réalisé depuis sous le chef actuel, ce serait
un des faits les plus anormaux et les plus étonnant^
dans l'histoire abstraite du droit. Au nom de tout ee
qu'il y a dç plQ§ sacré dans le monde de la pensée et
du pentiment de ce qui est juste, en protestera wec
noqs contre cette assertion jusqu'à ce qu'elle scrft
surabondamment prouvée. Le droit ne change point ék
jour au lendemain comme les gouvernements de notre
siècle : il peut devçnir muet sous le régime du sabrà
et plier un instant son étemelle majesté sous l'étrdnte
d'un despote ; mais c'est une croyance innée à l'homme,
qu'un arrêt, surtput prononcé par un magistrat, puise
sa force dans la raison pure qui Ta dicté, et cette
croyance inspire la septence du juge tout en
( 248 )
géant toujours dans T esprit du justiciable. Même le
souple et dévoué Oriental^ alors qu'il succombe à une
avanie, accuse et réprouve la force brutale qui Ta
frappé. Pour l'honneur éternel du genre humain, nous
ne craignons pas d'afBrmer qu'à toutes les époques et
dans tous les pays, le sommeil du droit est l'avant-
coureur infaillible de la chute des tyrans.
Ailleurs notre auteur admet implicitement ces véri-
tés. Nous irons plus loin que lui en commentant son
assertion navrante, que celui qui est sans famille ne
saurait trouver de la justice {Familienlos wird recht-
los). En empruntant le droit à leurs ancêtres Kam/a,
les Bilen n'en ont point développé les principes, ou, ce
qui est toujours le plus probable chez des nations
:retombées dans la barbarie, ils en ont perdu l'usage et
même l'esprit. Au contraire, un amara vous dirait qu'en
effet justice doit se faire, et que même deux voya-
geurs qui se disputent ont droit d'arrêter le premier
passant pour les juger. Les Éthiopiens énumërent les
formes à suivre en pareil cas. C'est ce qu'ils appellent
la procédure du adaras dana ou juge passant. Sa
justice improvisée semble avoir été imaginée pour
atteindre les plaideurs sans domicile, et elle peut
réupir, dans le juge et les deux parties, trois per-
sonnes de nationalités différentes, à la seule condi-
tion d'avoir une langue commune pour s'entendre.
M. Munzinger regrette de ne pouvoir comparer le
droit Belen à celui des autres nations, et c'est en partie
le désir d'en agir ainsi qui a arrêté jusqu'aujourd'hui
la publication de mon frère. Nous puiserons quelques
.idées dans ses travaux inédits pour rehausser les cita-
( 249)
lioâs de M. Mlinziiiger, devenu, par occasion, cOmm^
un juge passant qui a prononcé sur plus d'un B2len
^vec la conscience d'un sage allemand. G'ei^t en pra-
tiquant les procès qu'il a recueilli les faits particuliers
pour remonter à leur ensemble et pour saisir l'esprit
de la législation. Au fond de l'Afrique, en eifet, comme
dans nos districts ruraux de France, le vieil us vit par
tradition : il n'est écrit nulle part, seulement tel cas
particulier le fait surgir à la lumière avec son autorité
muette jusqu'alors, toujours majestueuse par sa longue
durée.
Avant d'entrer en matière, notre auteur raconte les
traditions du pays, annales séculaires formées de
vérités en lambeaux, mais dont un antiquaire philo-
sophe pourra dégager les nuages en rebâtissant l'his-
toire avec ces débris flottants du passé» comme notre
€uvier a su reconstruire avec quelques ossements fos-
siles les formes des animaux qui ne sont plus. Les
traditions B2len sont analogues à celles du reste de
l'Ethiopie; partout on voit des peuples qui arrivent le
front haut et le javelot levé pour déplacer leurs devan-
ciers. Partout ceux-ci s'échappent vers l'ouest et vont
occuper les qualla ou terres chaudes et malsaines.
Partout les premiers colons ne vont se perpétuer hors
de leur patrie envahie et perdue, que pour tomber
dans la fange de la barbarie, et tout au contraire de
notre Europe sous les invasions des barbares, les
conquérants africains ont toujours plus de sève, plus
de civilisation et plus d'avenir que les tribus usées
qu'ils ont vaincues.
Les derniers venus sont ici les Belen. M. Munzinger
( 2^0 )
date leur origine de rinvasion de 6ra£, en se fondant
sar leurs généalogies de douze générations seulement^
et ep attribuant à une génération une durée de vingt-
cinq ans au lieu de trente-trois, qu'on adopte généra^
lement ailleurs. Cette grave exception aux lois géné-^
raies de l'humanité , et qui abrégerait de sept ans la
durée de la vie de célibataire chez Thomme , aurait
cependant besoin d'être bien prouvée : nous avons
étudié la même question en cherchant à préciser le^
dates des émigrations Saho et Ilmorma ; mais ce n'est
pas ici le lieu d'exposer nos demi-preuves, nos doutes et
nos résultats.
Les trois généalogies citées par M. Munzinger offrent
la preuve intrinsèque d'un mélange de peuples, pro-
bablement de conquérants et de vaincus , car si l'an*
edtre commun Gabra Tirke porte un nom Gùiz ou du
moins Tegray, on trouve parmi ses descendants des
noms exclusivement affectés aux musulmans et d'au-
tres qui ne sauraient appartenir à la langue Bilen. Eu
effet , cet idiome étant de famille Kamitique , pe doit
commencer aucun mot par la lettre R. Nous avons ,
d'ailleurs, peine à croire que le mot Ad, qui signifie
village ou hameau en Ttgray, forme partie d'un nom
d'honome, et nous en demanderons la preuve à ncHre
auteur avant de souscrire à son opinion. Nous sommes
aussi fort en peine d'admettre que la nation , évidem-»
ment valeureuse qu'il décrit , provienne de nombreux
mariages (wechselseitige Heiraihen) dans son propre
fonds , car ce serait la négation de cet heureux effet
des mélanges si bien admis par nos hygiénistes les plus
éooânents, et dont nous espéroQs un jour montrer la
( 251 )
tréiité , m6ffle en Ethiopie , chez les Ilmorma , tandis
qae les mariages entre proches paraissent avoir abâ-
tardi les races , jadis puissantes, des *Afer. Quoiqtf on
dii^ , B0U3 croirons encore que les influences de races
0t de climats ne sauraient changer les grandes lois de
rhumanité.
DeiSAOà 185i, quatre invasionis étrangères ont
èteioFalisé les Bûen , qui eurent le plus à souffrir des
nousulmans d'Egypte , ces messagers de barbarie sur
teul le pourtour de la Nubie. Après avoir brièvement
narré leurs incursions , notre auteur ajoute avec une
raison pl^nQ de tristesse s « Un petiple démoralisé qui
doit se jeter dans les bras des étrangers, perd sa fierté
nationale , son droit et même son langage. Le? idées
ae changent : l'ancien usage perd sa sainteté, et l'on
se Mi à ^lui qui est nouveau. Nous * décrivons donc
UB droit qui mourra, parée que l'indépendance pa-
t^roale qui Ta engendré menace de s'évanouir : pa-
reil à une momie mise au oercueil et endurcie là, qui,
faite pour les trous des rochers , y gisait des milliers
d'années sans se détruire, et qui aujourd'hui doit être
atondonate an soleil , au vent et à la pluie, d
Mais ^itséquons cette momie. Jusqu^à preuve du
cimtrfire , nous }^ croyons mieux embaumée qu'on ne
l'm $1^ et la vie nouvelle que les P.P. Lazaristes
réchiraffinit depuis âept ans chez les Btlen ne pourra
détniire de quelque temps, pas plus que ne l'a &it leur
reste suid^n de christianisme, le droit, tant soit peu
p»ieB, de cette nation. Elle se compose d'une race
d' Alite régie d'une façon primitive qui s'est assujetti,
^Mlit^restr^fite , les aborigènes , ainsi que quel-
( 252 )
ques tribus incorporées plus tard. Leur droit est pa»
triarcal et aristocratique : sa sanction est la liaison ou
cohérence des familles.
Après cette définition i M. Munzinger ajoute qtie
ridée de Dieu est inconnue comme fondement du drbit.
Il va même jusqu'à dire que, chez les Bilen, il n'existe
pas de lien entre le droit et la morale. Aucun juriste
ne voudra admettre de pareils axiomes, surtout en
voyant notre auteur ajouter que» sans aucun doute,
les principes du droit des Btlen dérivent de leur
ancien lieu de séjour dans le sud de TÉtbiopie. Là,
en efifety tout porte cet éclatant témoignage que l'idée
de Dieu est toujours et partout présente non-seule^
ment chez les Kam/a et les Amara , mais même chez
les Ilmorma les plus rebelles aux idées chrétiennes
ou musulmanes. Pour l'éternel honneur du genre hu-
main , proclamons bien haut qu'ici comme ailleurs,
comme partout, l'idée du droit ne saurait être basée
que sur celle des principes moraux et surtout de Dieu
qui en est l'étemelle source. Telle est forcément la
théorie originelle du droit.
Dans lapratique Belen, il est sauvegardé par l'intérêt
même des familles et la grande facilité de l'émigration ;
celui à qui Ton a dénié la justice, quitte le pays et
affaiblit ainsi la famille* en cherchant ailleurs un juge
assez indépendant pour le protéger. Il en est dé même
dans le reste de l'Ethiopie, où la garantie de la justice
se trouve en outre dans le droit qu'on a de choisir
librement son juge, droit qui, dans la plupart des cas,
appartient exclusivement au défendeur. Il y a certaine-
ment moins de liberté chez les Btlen , où a la famille
( 253 )
est rÉtat , le souverain et le législateur. » Nous ajou-
tarons qu'il doit être parfois un despote, car le droit
d'appel, si bien défini ailleurs en Ethiopie, ne paraît
pas exister chez les Bilen.
En Afrique comme en Angleterre , le ministère pu-
blic est inconnu : Taccnsation y perd sans doute de
son impartialité et de sa dignité; mais l'action du juge
vient sauvegarder ces ingrédients de toute bonne jus-
tice, et la pratique enseigne que la saine liberté gagne
à livrer, uniquement au plus intéressé, le cri sacré qui
demande justice.
Malgré l'autorité incontestée du Sim (chef de la
famille jusqu'au septième degré), son autorité n'a rien
de politique comme chez les Sum des Amara« L'esprit
d^égalité entre les Stmag/le (patriciens on aristocrates)
s'oppose à cette extension de pouvoir, et le Sim peut
être le plus faible et le plus pauvre de toute la tribu.
Il ne prend sa valeur que lorsqu'il rend la justice et
quand l'ordre de la nature lui confère sa charge. Son
meurtre est taxé comme celui de deux patriciens» Le
Sim est quelque chose de saint et d'inviolable : il a
droit à une certaine quantité de blé pour chaque paire
de bœufs qui travaille sous sa juridiction , mais ce
tribut se borne à la première année de sa charge,
sans doute par cet amour d'égalité si inné aux peuples
qui , en Suisse , en Arabie ou en Ethiopie , préfèrent
l'élève des bestiaux à la culture de la terre.
Le droit des Bslen se nomme Fitha Mogareh (droit
ou jurisprudence de Mogareh), du nom de la plaine
habitée en premier lieu par le fondateur de ces tribus.
S'il s*élève une contestation entre deux clans, ils la
( 254 )
défèrent à un troisième plus ancien dans la généalogie
traditionnelle, et parfois même à un chef étranger, tou-
jours en stipulant alors que la cause sera jugée d'après
le droit dé Mogareh. Comme ailleurs en Ethiopie , le
ministère de l'avoué est remplacé par des cautions ju-
diciaires. Celle de la procédure se nomme wah/s. Le
Garàm est la cautio judicatum solvi des îlomains ;
mais elle est toujours exigible, absolument comme
dans le reste de l'Ethiopie , ce qui montre assez que ,
dans rorîgine , cette forme de procédure fut instituée
pour des peuples nomades. On exige aussi qudquefois
le zoho ou otage, qui est perdu pour la partie non adhé-
rant au jugement. Le devoir du wahes est de faire
payer le débiteur dans le délai légal , et dé payer pour
lui s^il s'y refuse ; dans ce dernier cas» il a le droit de
se faire rembourser par celui-ci au double.
Ce zoho^ mot qui signifie seulement otage parmi
les Amara, peut être aussi un gage chez les Beleo,
et il est perdu {verschlungen) pour son propriétaire
s*il s'oppose à l'exécution du jugement. Le zoho est
employé surtout dans les affaires politiques, et con-
siste en enfants notables, en sabres ou en bijoui;
alors ces deux derniers doivent valoir le prix d'un
homme. L'otage abandonné n'a plus aucun droit, ^t
si le possesseur d'un pareil zoho tue l'enfant ou perd
Tarticle de valeur, il n'y a ni sang à payer ni dette
à rembourser. Ces singuliers principes sont inconnus
dans la partie monarchique de l'Ethiopie et mar-
quent bien chez les Bilen une rare décadence de la
justice. Us n'acceptent comme témoin qu'un indigène
libre , de condition honnête , qui cultive sa terre , patt
( 256 )
sa vache et rase son menton. Il faut, de plus, qu'il
soit né de parents mariés, ce qui prouve, à nos yeux,
que les idées morales se mêlent bien au droit Mogareb*
Les incapacités de témoins sont d'ailleurs les mêmes
que cbez nous , mais toutes ces règles de témoignage
ne concernent que les procès civils, et ne s'appliquent
point aux cas de vol ou de sang répandu.
Un autre genre de preuve admis en justice est le
woiwozam ou aveu d'un complice. C'est ce que les An-
glais appellent king's évidence ou témoignage royal i
dont l'institution impure montre au moins la résolution
de ne jamais laisser un crime entièrement impuni. Les
Belen sont fort logiques à cet égard , car ils admettent
comme wotwozam même un ennemi de la nation , un
étranger ou. un serf. L'auteur ne dit ici rien de l'es-
clave. Remercions la prudence de nos pères, qui n'ont
jamais admis le wotwozam en France.
Le serment est la preuve suprême : il incombe au
défendeur et le demandeur peut l'y obliger à son gré.
Il peut même choisir le genre de serment à déférer,
soit en faisant frapper de la main droite la paume
droite d'un proche parent, soit en obligeant le défen-
deur à franchir du pied droit un sabre couché à terre
par la partie adverse , tout en protestant de la vérité
de son dire.
Une forme plus grave consiste à enjamber la tombe
d'un proche parent comme pour s'attirer la malédic^
tion du défunt en cas de mensonge. Mais le serment le
plus redouté est celui de l'église. Près de ce lieu sacré,
le demandeur jette au vent les cendres d'un pot en
souhaitant une pareille dispersion aux enfanta de celui
( 556 )
qui. ment; puis il brise le pot en prophétisant le bris
du menteur; ensuite il égorge à la porte de l'église un
chevreau noirci de charbon et il maudit le diseur félon ;
enfin la partie adverse conduit le défendeur dans le
hameau de Mogareh , où il renouvelle ses imprécations
à la Durma, nom de la pierre où, dit-on, les éléphants
ont assermenté leur frère. A chacune des malédictions
prononcées par le demandeur, celui à qui l'on défère
le serment répond : Amen. S'il y manque une seule
fois , le serment est invalide et doit être recommencé.
Gomme on n'a recours au serment qu à défaut de toute
preuve , on a le droit de s'y soustraire en payant la
moitié du prix contesté , mais une pareille fin de procès
est rare en cour de justice bilen.
Après ces légères notions de procédure, notre auteur
ajoute que le pari judiciaire n'est usité en droit Mo-
gareh que par les Éthiopiens étrangers, et qu'il ne sert
d'ailleurs qu'à ruiner les parties pour enrichir un juge
étranger. J'ai entendu décrire sous ce point de vue les
paris employés dans le j?amasen; cependant l'origine de
cette procédure singulière n'en est pas moins respec-
table au dire des légistes Amara. « Chez nous, m'assu-
raient-ils, les juges ne sont pas aussi parfaits que dans
le pays des blancs. Us s'endorment quelquefois sous
l'éloquence impuissante des plaideurs , et le pari inter-
locutoire qu'on propose en allant nouer la toge du juge
et qu'on accepte en la dénouant, l'empêche physique-
ment de sommeiller. D'ailleurs, moralement parlant,
un juge prête toute son attention à bien décider un fait
important, dont le pari doit dans tous les cas s'ajoutera
ses*frais de justice, fort modestes, vous le savez. Enfin,
( 257 )
avons-nous besoin de vous citer l'axiome de palais
bien connu :
Hezbtam ha Wâfqqet
d2ha ba durgo daqet?
(le riche parie par onces d'or; le pauvre, par poignées
de farine). »
La procédure est la partie la plus pittoresque et la
plus curieuse de Tus éthiopien , et nous ne savons si
M. Munzinger a omis de Texposer au long, ou si cette
preuve de civilisation , bien patente d'ailleurs, même
chez les Gurage et les Ilmorma , manque de tout point
dans la décadence des Belen.
Notre auteur divise son sujet en cinq chapitres :
!• rapports de père à fils ; 2** de maître à serf et de
patron à vassal {Dienstmann) : contrats; 3^ relations
des sexes, droit de mariage; &"" droits matériels, vio-
lation de la propriété , vol ; 5"* il traite enfin de la vio-
lation de la personne et du droit de sang.
I
La population totale des B2len, tant patriciens (sima-
gile) que plébéiens (t/gre), est estimée à 2100 lances
ou hommes capables de porter les armes, et, comme
à Rome jadis {pecunia^ de pecics) , leur richesse est
donnée en vaches, estimées ensemble à 170000 fr., en
évaluant la vache en moyenne à 15 fr., et sans compter
les chèvres ni les bœufs de labour. Les patriciens for-
ment le tiers de la population. Mes renseignements sur
ce pays, publiés dans votre bulle tin (1), portaient à 1600
(t) Année 1842, tome XVm, p. 199.
XI. AVBIL. 2. 17
( 558 )
lanees setilement la population totale. Plus tard , Une
statistique individuelle des habitants d'un gi*d§ Village
dans Akala me donna la pi'ûpdttioti âê 1 à & comme
étant celle des lances comparées à la population totale.
C'est aussi le résultat adopté par Ms MunEingen
La majorité, à 18 ans, ou le mariage d'un fils l'en-
lève à la puissanee de son père^ qui peut d'ailleurs, ^n
droit strict^ vendre ou même tuer son enfant mineur i et
le premier de ces crimes était fréquent dans les anûéeft
de famine : de là l'origine des serfs indigèbés. Ce droit,
trop digne des Romains antiqued, m prévaut d'aîlleun^
point dans le reste de Y Ethiopie où une mère est tou-
jours admise à ester en justice poui* venger la vente Ou
la mort de son enfant. Ghee lois Bilen^ une femme
mariée appartient moitié à son p^e et moitié à la
famille de son marii Le patroti est le tuteur des en>-
fante d'un client (plébéien) mort sans laisser de proche
parent Afin de tempérer la puissanee exorbitante des
pères, un enfant a le droit de le quitter pour aller vivre
sous la protection de n'importe quel patricien, mais
cette démarche ne libère point le père de sa respon-
sabilité légale vis-à-vis dé son enfant, qu'il efet donc
intéressé à bien trsdtér.
§î une fiancée vient à mourir avant soà inariàgè, elle
est remplacée dé droit pài* sa sœur, où sa niécè i on peut
être ainsi promise avant de naître.
Là fiUè-mêrè fait ses bouchés âahs une hiittë hors
du village; son enfant est étouffé et enterré clans un
lieu solitaire. Ce que ràiitèùr hôùè à déjà dit sur lihé
incapacité 5è têAôiii fait néanmoins présuméif ^^ôri
se dérobe quetquefoisàtël ueagë,|[ûiî lHid^dâle^qtae
( 259 )
barbare, prouve rexistence d'une idée morale dans le
droit des Etien.
On appelle Singalat une cérémonie analogue à la
prise dé la togé virile chez les Romains* Vers la Noël»
un jeudi ou un âamedi» le candidat va en nombreuse
coînpagûie, et avant l'aurore, cbez son oncle maternel
qui lui rase la touffe de cheveux conservée sur le de-
vant de la tète (contre le mauvais œil croyons-nouSi
côinibe dansle reste dé l'Ethiopie) , et lui donne sa béné-
diction d^ abord, puis une lance et une jeune vache. Le
jéùùë homme visite ensuite ses parents et connus-
sàncës qui lui font un cadeau, chacun selon ses
moyens. Cette fête dure sept jours.
Les vieilles lavent et parfument le corps d'un dé-
funt et lui mettent une pierre blanche dans la bouche.
Si c'était un homme, on lui jette dessus trois fois au-
tant de pois d'eau qu'il a épousé de femmes pendant
sa vie. Puis le corps est enseveli dans une toile blanche
dé coton. Chemin faisant vers le tombeau» on le pose
trois ibis à terre, et on l'arrose, ainsi que le tombeau^
avec àé f eau parfumée.
Celui-ci est entouré d'un mur de deux pieds de
haut qui est dépassé par un amas de pierres, blanches
s4l y a eu mort naturelle, et noires si le défunt a péfi
par la main de l'ennemi. Mais on omet ces dernièree
si l'ennemi était un roi étranger, car, dans l'idée de
ces peuples, on ne venge pas plus le sang contre ua
roi qu'on ne le ferait contre Dieu^ S'il s'agit d'un ohef
on portera jusqu'à vingt pieds de hauteur le tertre de
pierres funéraires. Les demeures des morts sont ainsi
plus pittoresques que celles des vivantst Toute mort
( 260 )
est suivie du sacrifice d'une vache dont on distribue la
chair aux pauvres, et Ton fait ensuite un fèstin funéraire
à chaque anniversaire. Ce festin n'a lieu qu'une fois dans
le reste de l'Ethiopie et n'est omis ni par les Umorma
ni par les Qnnant, ni même par les nègres qui font
tous alors, selon les croyances, ou des prières, ou de
bons souhaits pour le défunt. Cependant M. Munzinger
dit que les Belen ne connaissent point de prières pour
les morts : nous aimons à douter de cette assertion
navrante, car dans nos propres recherches nous avons
appris combien il est souvent difficile de constater un
fait négatif.
Il
Chez les B2len on peut être serf (Leibeigener) par
naissance, par vente, ou par l'impossibilité de payer
ses dettes. Cette dernière origine rappelle la loi ro-
maine qui, plus barbare, faisait un esclave du débi-
teur malheureux. Ce qui est extraordinaire c'est qu'un
Btlen peut se constituer volontairement serf : la terre
classique de l'esclavage pouvait seule faire passer dans
la loi une telle perversion des saines idées du droit.
Mais le maintien d'un pareil us prouve assez, ce que *
nous avons vu partout en Ethiopie, qu'un esclave n'est
pas malheureux tant qu'il ne sort pas des limites de
cette contrée.
Quaud un serf ne l'est pas de naissance il peut tou-
jours se racheter au prix fixe de dix vaches ou envi-
ron 160 francs de notre monnaie. Cette somme doit
être livrée dans le Muhabâfr on assemblée de village.
( 261 )
Le ci-devant maître donne alors une caution à Taffrau-
chi qui, de son côté, doit se choisir un patron. L*4>s a
établi les divers frais de ce contrat verbal , dont toutes
les formes doivent être suivies sous peine de nullité,
et que le crieur public proclame dans les trois villages
les plus voisins, car telle est, avec de légères variantes,
la méthode éthiopienne pour enregistrer les contrats.
Ces sages coutumes tempèrent la noirceur de Tescla-
vage et sont l'aurore d'an droit plus pur. Mais l'us
Bilen va encore plus loin : le serf, sans distinction de
sexe, a le droit de vivre où il veut, et même chez un
patron qu'il peut choisir parmi les nobles du pays. Il
ne reste alors au maître d'autre droit sur son serf que
celui qu'il possède toujours de s'approprier une cer-
taine portion de son revenu. Ce choix d'un patron a lieu
quand le serf se méfie de son maître dont les pouvoirs
sont assez étendus, non-seulement pour l'affranchir,
mais encore pour le donner ou le vendre. En relatant
ces ingénieux tempéraments de l'esclavage , nous
n'avons pas pu retenir la pensée que, dans l'Amérique,
nos amis les Confédérés, malgré leur supériorité in-
contestée dans la civilisation, pourraient prendre quel-
ques leçons de savoir-vivre chez les demi-barbares de
l'Ethiopie.
L'héritage du serf appartient à son hôte sans distin-
guer s'il est patron ou maître. Mais ce dernier est
regardé comme le père de son serf, est responsable des
meurtres qu'il commet, et a le droit de venger sa mort.
Le prix du sang d'un plébéien est le même que celui
d'un patricien. Le maître est le juge, le patron et la
caution de son $erf. Tous les esclaves font partie de
( 2«2 )
l'héritage du fils aîné. M. Munzinger ne nous dit
pas quelle est la ligne de démarca^on en^e Iç 3erf pi
Tesclave proprement dit.
III
L^ouvrage que nous examinons a le très-rare mérite
d'éviter les phrases inutiles et d'être rempli seulement
de faits nouveaux. Malgré l'aridité du sujet, nous
croyons donc devoir en présenter plusieurs extraits,
surtout pour les rapprocher des institutions de l'an-
cienne Rome, qui sont familières à plusieurs de nos
lecteurs. En les comparant aux us Belen, on sera forcé
d'en conclure une communauté d'origine, bien loin-
taine il est vrai, ou bien d'admettre que toute civili-
sation passe par les mêmes phases, et que des arrêts
de développement dans l'épanouissement du droit
peuvent faire durer longtemps des us faits pour un
temps qui a passé. A ces deux points de vue, nous
parlerons des patriciens (5^mag^le) et des plébéiens
(Tigre, Gulfare ou Waresa). Les prenaiers sont ou des
B^len purs ou des étrangers d'assez haut rang dans
leur patrie pour dédaigner un patron hors de chQz
eux. Le Tigre est un client qui peut tenir sa condition
de son consentement ; elle peut aussi résulter dç sa nais-
sance, car tous les rapports de patron à client sont
strictement héréditaires.
Pour avoir droit à la justice chez les Bijen , tout
étrange? s'y choisit un patron, comme il prend up
abban chez les Çomal , un haddar à Muça^w^'a , un
gofta en pays Jlmorma, et, naguère encore, un Jafyr
( 26S )
çfaei: l^ Ar^as qui Fèdent aux environs de Suez.
Le§ ch^i^ops de la fortune ne peuvent changer Tétat
403 pçirsQpnes : un patrieien peut rester pauvre , et un
p^ébéi^il devepir fort riche sans que Tus lui perHiette
de sortir da 3a caste.
Le devoir du patron , ou pour mieux dire du patri-
ciei^ B{]ep « (t^st de soutenir son client d^s ses proeès,
et ^'É^tv^ 3on médiateur (Fûrsprecher) ; il est à la fois
sa cg^tipn naturelle et son juge. I|ans la permission
du patFQD » le client ne peut ni contracter une obliga-
1|pn m 3Q laisser juger. En commençant sa clientèle,
il epnsent à faire à son patron un cadeau , ordinaire-
Ql^pt de peu de valeur, par exemple à apporter chez
Iwî UQ pot de bière apx fêtes de Neël et de Pâques,
v^^s Tinstitution de ce tribut peut entraîner des consé-
quepces graves, car chaque omission de payement doit
étfe pli|s tar4 remplacée par qne génisse de deux ans.
CfQiQine les Sabo, les Bilep efaercfaent la fortune en
velwt \W(^^ voisins ; à chaque entreprise heureuse, le
QU^Pt doit h son patron une vache, s'il a ramené des
bestiaux, et la moitié du prix de vente s'il a vol4 une
personne ou bien tué ou trouvé un éléphant. Si le client
n'obéit pas à cet us, le patron peut s'approprier tout
le butin. Il a droit à une vache si le client meurt sans
enfants; dans le eas où le Tigre défunt n'a pas laissé
de parent, le patron hérite de tous ses biens, y com-
pris sa femme et même sa fiancée, ce qui est une
extension monstrueuse de la logique du droit. Ce n'est
paa tout : si le client refuse complètement de satisfaire
au^ prétentions de son patron, eelui-ei peut le réduire
es servage et par conséquent le vendre, M et toute sa
( 26â )
postérité. Hors des cas précités, le client ne doit rien
à son patron et peut vivre où il veut. Les liens du
mariage peuvent unir le patron et le client sans aucune
disgrâce pour le plus noble des deux conjoints ; mais si
la mariée est une Tegre, on omet Tun des sacrifices
prescrits dans tout autre mariage.
Disons quelques mots des contrats à temps. Le pas-
teur s'engage pour un terme prescrit qu'il doit attein-
dre sous peine de perdre tous ses gages. Si le proprié*
taire d'un troupeau s'aperçoit, avant son pasteur, de
la perte d'une bête , ce dernier doit eu remplacer la
valeur, mais il n'en est pas responsable s'il a été le pre-
mier à annoncer l'absence de la bête, tout en montrant
au propriétaire la trace de ses pas. Quand un pasteur
a quitté son maître malgré ses prières, et qu'après son
départ une vache accoutumée à lui perd son lait , le
pasteur doit au maître primitif deux fois le prix de
cette vache. Cet us nous paraît fondé sur la supersti-
tion du mauvais œil, et nous amènerait presque à parler
des faits et des contes de sorcellerie qui abondent en
Ethiopie.
IV
Le métayage est la forme la plus usitée dans l'agri-
culture : on partage la récolte par moitié quand une
personne fournit les bœufs et la* semence, tandis que
l'autre donne son travail; si l'un des associés ne fournit
qu'un des deux bœufs , il n'a droit qu'au cinquième de
la récolte ; la proportion monte au quart pour celui qui
donne un bœuf et la semence. Toute contestation sur
( 265 )
des faits de métayage est vidée , faute de témoins , par
le serment du laboureur en frappant de la main le pied
gauche de son bœuf de labour.
Si une servante n'a pas demandé congé trois se-
maines avant de s'en aller, elle doit ou servir un autre
terme, ou perdre tous ses gages.
Nous regrettons que M. Munzinger n'ait fait que
mentionner les donzeaux (mesanit) ou compagnons de
noce, etc., dont l'institution prévaut dans toute l'éten-
due de l'Ethiopie et qui ne nous a paru complètement
développée que chez les Mav.
Les procès vermoulus (wurmstichiges) sont chers aux
B2len ; ils plaident sur des bagatelles pendant de longues
années, et ont l'art de donner un semblant de vérité aux
prétentions les plus futiles. Le seiTage aie plus souvent
cette impure origine. Il n'y a cependant guère plus de
deux cents serfs dans tout le pays, et comme il n'est
pas naturel de fonder le droit sur une exception , on
peut présumer que les malheurs des temps ont porté les
Bilen à vendre la majeure partie de leurs serfs, et que
l'esclave ne leur rendant guère de profit par son travail,
ils n'ont presque aucun intérêt à soutenir une institution
•
due jadis et surtout à des guerres heureuses. L'esclavage
par le vol des enfants a presque cessé aujourd'hui , et
le précieux droit du serf de se choisir un patron a pour
effet d'éteindre lentement une institution odieuse.
Lorsqu'il s'agit- d'un usage qui dégrade l'homme,
on ne peut s'empêcher de citer les réflexions de
M. Munzinger, qui en fait rarement dans son travail si
bien conçu : « Quoique la prohibition de l'esclavage
ait été proclamée dans Muçaww^'a, cet infâme trafic y
( 266 )
mA (}« h f»pr flQug§ y mmm^ fis ém§ w mm, ^^
les musulmans ne recoq^m^Pf B^aiiQQl gag um spès^9r
ûm ^ftUpiif^yse, «) A ($0s parol§s ^ iî§tre ^ut^r,
j'^e^^paî q^^ ^e mon t^n^ppi l§a ))4tiipeiU^ «^agi^is
paraissaient avoir roFdrg ^e resipaQt^ |q§ p§s3QSftmi9
Ô*8!BcJ»ve3, m l0 e^pitftipe d^un vêissiga^ i^ gûCFfe feri-
^llnI)iq^e ^ Tyjurpfllî m'ft fô^sé 4i reaevpiF^ poq kf^i
m PBçkve ^çbapp^, ^t dafl§ A4en l^ police fôr§ai| 1^
fiSQlaves fugitifîi à retPHpiier j^uprès de l^iir§ m§tttf§p,
En présence de faits parçi]^ , oi) ^iirA peîiie è §û|itai|if
8»§ h mtÏQn apglftise ftit ^bolj r^siqlôyftge ^f^PA l-Qqest
â£i YAfriqw PftF »P P9? ^iBlipent d'b^rpawtô, çme 1^
SieJaypS. dftpslipom'toyr iJç Ift |»^p BQUge. §ORt ^m-
ywit ^jâs 4ftps 1^ religion cJirétiçnflQ, ^); Tîpfifp^ni^ mftT
jprité (Je €#§ yietim§§ 4» te iBupîflité ^§roantils se ^î©5
BPP§ Ô'wfilPÎ? qyi P'ôflt pas §u §pj5or6 le tepi^pg 46
flU^l fjMi?g : 4'.^iU8Br§f Oei e§çl^e§ §ppt pjus iî^tfiUigeiïte
pt pjys SHpc^ptiWiBg d'<Sdu§3.tipa que tei^ pègr@^ 4©
y Afrique e6(îi4imtale. ï^§g Angtei§ jiont t^nt^piji^^ftti
d»s§ là BJSr Rp?ige, Pt il§ y mmmU 4epwis vipgl 9^^,
9^pli Xmi^m^f »'ite a^ teB^îent pfts * gw^F §py^i?6
la T^rgilîÇ 4^« pciéqagements ^xce§pife, ^ipsi q»'ep V%
y^ ep i840 «J m 48§&f P^preu^eipent; tout WÎi^Q PQÏi-
liqye p9rt§ »» peiqe, J^pd^nt qm ï^tm h Muçaww^^,
on y y§p4jit VHH g^FW» 4pPÎ )a pe»ft tçute })l&06b§ Xï^im-
s^t rpfigin^ feriî^pnîgue, fiç <?o/|> ge^ sip8ulçiô.0», pro-
bi|))l@0)spt ypîé 4i|ni9 J'jindç, et gç'us ©poisQur «tur^it §i
^}l69)^pt lii)^ré , fpt dirigé yiBFs }e N§rd , §»m dduto
pp»r teoir les c}iefe 4e quelque h^rem dans flo^stan-f
tinpplp, Us Apg¥§( iQo§^p$ wri» d^Qa été h yistme
( 2«7 )
é'aae grande négligence politique : Dieu se plaît sou-
vent à punir les hommes par où ils ont failli.
Il y a parfois une profonde sagesse dans les institu-
tions immémoriales dont on ij^nore aujourd'hui le sen§.
On aura remarqué Jadis en Ethiopie que les niariages
entre consanguins abâtardissent la race. Aussi les Belen
ne peuvent-ils se marier en dedans du septième degré.
De même, les Borana ou patriciens Ilmorma perdraient
leur rang s'ils ne s'alliaient au delà du douzième, et il
est remarqiiable que ces deux classes d'Africains ont
une vigueur physique et une intelligence qui les rend
toujours dignes de leur position élevée.
Chez les B^en. si Tun des fiancés meurt avant le
mariage , il est remplacé par le plus proche parent ;
cette règle s'applique aux deux ^exes. Une yeuve de-
vient la femme du plus proche parent de ^on mari
défunt, et avant tout du fils 4e ce mari s'il est né fl'qn
autre lit. La veuve d'un patricien a droit pendant pn
an entier à la maison de spn mari défupt : ce drpit est
limité à quarante jours s'il s'agit d'un T2gre ou clienj.
Après ces délais ^ elle est libre de convoler à de se-
condes noces. Le^fiapc^Q^ comme I^s épouses n'appar-r
tiennent plus que par moitié ^ la famille de Jeijfr pèrç ;
par conséquent le meurtrier de sa fiancée ne doit c^uu^
la moitié du prix de son saq^^ Chez les T2gray et leç
Amara, où l'idée exclusive dp la famille prédomine
moins , la mariée est , au contraire , répnie à la fan^illç
de son mari, à moins qu'il ne s'agisse de venger $on
sang, (juipeut être revendiqué en entier par la famjiUe
de son père.
L'hyène étant l'être le plus méprisé de l'Ethiopie ,
on la nomme en justice pour indiquer l'absence de tout
( 268 )
droit. Ainsi , un Amara dira qu'un homme tué de nuit
hors de chez lui était une hyène , parce qu'on ne venge
pas sa mort. En effet, un honnête homme est censé ne
rien entreprendre dans l'obscurité. Dans le même sens,
le Belen affirme que la femme est une hyène. Elle ne
peut ni hériter, ni cautionner, ni jurer, ni témoigner;
on ne peut même l'appeler en justice si elle a commis
un crime. Elle est absolument sans responsabilité et
sans droits.
Malgré l'influence du christianisme, la loi civile ad-
met le divorce dans toute l'étendue de l'Ethiopie. On
doit ajouter que là est la cause principale des querelles
civiles et de l'infériorité politique et morale de ce beau
pays, car l'union politique ne saurait être forte quand
des divisions intestines affaiblissent le lien de la fa-
mille, cette base fondamentale de toute société. La di-
vorcée hilen ne peut se remarier qu'au bout d'un an,
si elle est de race patricienne, ou de quarante jours si
elle est plébéienne. Le mari peut néanmoins abréger
ce délai lorsqu'il prononce le divorce. Les enfants des
divorcés appartiennent au père, mais la mère peut ré-
clamer ceux qui tettent encore. Le divorce amené par
la femme est le plus rare. Elle l'effectue en se réfu-
giant, à trois reprises, dans la demeure de son père.
Gomme chez les Umorma, tous les gens d'une noce
jouissent de la trêve de Dieu pendant toute la cérémo-
nie, et les vengeances les plus légales sont alors dé*
fendues par le droit Mogarth.
L'usage de prohiber tout rapport, même de conver-
sation, entre des fiancés, prévaut chez les Ilmorma
comme chez les Belen, et ceux«ci n'ont garde d'emme-
( 269)
ner T épouse de chez elle pour la donner à son mari
sans employer un simulacre de force et même de com-
bat. Les habitants du Kaffa en font autant ; comme
eux, les Bilen enlèvent la fiancée bien couverte et font
des sacrifices prescrits là comme dans toutes les grandes
occasions de la vie humaine. Dans toutes ces tribus,
si éloignées aujourd'hui les unes des autres, on re-
trouve aussi le même us qui défend aux femmes de
traire les vaches et de prononcer jamais le nom de
leur mari. Chez les Belen, comme au Darfur, cette
interdiction s'étend aussi à la belle-mère.
Revenant aux incapacités légales de la femme dans la
société demi-chrétienne des Bilen, M. Munzinger remar-
que qu'elles ne sont pas propres à ennoblir son carac-
tère, que dans l'Ethiopie chrétienne le mari qui divorce
est obligé de restituer le douaire et de nourrir sa
femme répudiée; enfin, que le pays tout voisin de
Barka est le paradis des femmes. Là, en effet, le mari
doit en tant d'occasions des présents à son conjoint
qu'il en est souvent réduit à la misère : l'épouse s'ad-
ministre elle-même, prend dans la succession une part
égale à celle de son fils, a maintes facilités pour le di-
vorce et garde sa fortune à l'abri de toute atteinte. En
remémorant l'histoire antique de l'Ethiopie, on devait
bien s'attendre à trouver quelque part de pareilles lois,
dans une contrée où tant de femmes ont joui et jouissent
souvent encore du plus haut privilège de l'homme, ce-
lui de gouverner ses semblables.
Les Bilen, comme les .4k«l«-Guzay, épousent régu-
lièrement la veuve d'un frère défunt, quand même il
a laissé des enfants. Les divorces sont très-fréquents
( 270 ) '
dans toutes ces tribus, vu raffâiblissement des idées
chrétiennes. Par la môme raison, et pour augmenter
leur influence en agrandissant leurs relations de fa-
milie, les riches sont adonnés à la polygamiei
On croira sans peine M. Muzinger quand il affirme
qu'un polygame n'est jamais tranquille entre ses deux
épouses, et il est consolant d'enregistrer ici la convie-
tion de notre auteur, que les époux monogames sont
de beaucoup les plus fortunés ; que les doubles ma-
riages proviennent rarement d'un besoin physique^ et
enfin que les polygames, tout comme ceux qui di-
vorcent souvent, ont ordinairement peu d'enfaots. Ici,
comme dans le cas des mariages entre proches, on voit
planer les mêmes lois humanitaires, sous les feux de
l'équateur comme près les glaces du pdle.
(i ^iitt^«.)
(271)
LE
DiOCÊSE D^ÂLESSÏO ET LÀ MiRiômÈ
DE M. ^firlÈt
Consul âe France à écûtarl.
COkMDRÎGÀTldi^ DU MINISTÈRE DES AFFAIRES éTâANciRBS.
(Direction des consulats et affaires commercialea.)
S 1. — lb)»06RÂPHI£, ÈtimOGBAPHIE ET STATISTIQUE.
Étiend^ et limitées — Le dioôèâè d'AIeàâiô, âotit
l'étendue est de 59 lieues en longueur et de 15 liéuésr
en largeur, éonfine au S. et à Î'E. àtee le âi(k:ède de
Dûrasio ) au N^ avec celui de Sappà \ au N. B; avee
celui de Prisrénd , et & TO» avec celui de Scutari et la
mat Adriatique. Ses frentièreâ uaturelles sôUt : aU S.
et à l'E. le fleiiye Matia , ainsi ^ue sed déuic afflueutâ
le grand et le petit Fandl ^ jusqa'à Prei-Briidet) qui le
séparent de Duraezo ; puis ùiië chattie de mofitàgtieâ
désignée sur les (^tes KOUs ie neâi d^Ibelèa s s'étèu-
d«at jusqu'au pont de l^pas (Van Spas), forme la dé-
limitation au N. E. aveé Prisirenâ; au N., et eu pre^
nant Spas po«ir point de dé]part^ la riviël'é G&joâka lé
faiicmifiner àteo Sappa; àl'O., ènfm , la gf andè fôUte
de CiaffiBi^Mattt , puis le KMtM et la Biéâelfea Juë^'& h
rivMre «l«»iii(&jay (brmeut i5€^ Vsù&m aree Seutath
( 272 )
Montagnes. — La chaîne de montagnes qui traverse
le diocèse d'Alessio peut être considérée comme une
ramification duScbar (Scardus) ; ses sommets les plus
considérables sont le Veglia, qui s'élève au-dessus de
Calraetti et qui forme à TE. les hauteurs de Freglina,
d'Ugrii et de Calori jusqu'au Fandi; au N. celle de
Cresta, qui domine la Zadrima et s'étend vers le tor-
rent de Ghiadri; au S. £., cette hauteur se divise en
deux bras, qui forment la vallée entre Griesesi et Bul-
gari ; au S., il prend le nom de Molungo, sur le revers
duquel se trouvent les villages de Grûcca , de Manatia,
de Trinsci , de Spidani , de Soïmendi et de Pedana.
Le Bieseka-Ses, autour duquel, en commençant de
CorsopuUo, se trouvent groupées les paroisses de
Castanietti, St-Gcorgio, Gacinari, les villes de Gegiani,
Gojoni et Scosa, ainsi qu'une partie de Giafia-Malit.
Gette montagne se relie à celle de Krabi , dans le dio-
cèse de Sappa, Le Fandi , dont le sommet le plus élevé
est le Monella» prend au N. Ë. les dénominations de
Bosci et de Koravi ; ces deux rameaux s'étendent jus-
qu'au pont du Vizir sur le Drin; au S. et au S. 0.,
celles de Ruena, de Kumla, de Zeppe et de Mali-
Sentit (Mont-Saint), qui, par une pente progressive,
se perdent dans les environs de Nderfandina.
Deux particularités remarquables distinguent la
Monella : la première , c'est qu'à sa cime se trouve une
longue plaine recouverte de neige pendant toute Tan-
née, et qu'à ses bords, vers TE., existe une espèce de
puits où fourmillent des serpents venimeux ; la seconde
consiste en ce qu'à de certaines époques, plus ou moins
rapprochées ^ une source appelée Y igani sort du sein
( 273 )
de la montagne , traverse le village de Kimessa , et »
sans pluies ou autre cause atmosphérique, se jette
avec grand fracas dans la plaine , charriant avec elle
des rochers, dés arbres, etc.. Les villageois en ont
très-peur et les traditions superstitieuses en font re-
monter l'origine à un dragon siégeant dans les entrailles
de la Monella , et auquel ils ont donné le nom de Go-
liedra. Ce phénomène se produit ordinairement au mois
d'avril.
Fleuves et rivières. — Les principaux fleuves sont le
Drin et le Matia ; le premier n'a pas son origine dans
le diocèse , mais il le traverse dans toute sa longueur
et va se jeter sous Alessio, dans la mer Adriatique,
tandis que le second sort du voisinage de Cidena, et,
après avoir reçu le grand et le petit Fandi , côtoie la
ligne de démarcation entre le diocèse d' Alessio et celui
de Durazzo , et s'écoule également dans l'Adriatique.
Les rivières les plus importantes sont, outre le grand
et le petit Fandi , lesquels, bien que d'origine diverse,
portent pourtant le même nom , îe Ghioska, le Ghiadri
et le Glomsichja,
Le grand Fandi sort du mont Krabi et reçoit neuf
affluents. Le petit Fandi sort du mont Monella ; il reçoit
trois affluents. Le Ghioska sort du Rosci et s'écoule
dans le Drin , un peu au-dessous de Van-Spas , vers
Prisrend. Le Ghiadri sort du mont Monella, s'unit au
Vorna et se jeUe dans le Drin, près du village damême
nom, dans la Zadrima. Le Glomsichja sort de Bieseka-
Ses et se jette aussi dans le Drin, un peu au-dessus de
Van-dens ou Zadegne.
XI. AVAIL. 3. 18
( 274 )
Lacs et marais. — Le diocèse ne possède aucun lac,
et les marais les plus considérables sont : celui de San-
Martine , au-dessous de Triuschi ; celui de Knet-colce-
dres 9 au S, de Thospice des Franciscains , à Alessio ;
celui de Knali , à Tembouchure du Drin , près du port
de St-Jean--de*Medua ; celui de Hriva, au delà du
Drin , et enfin, celui qui s*étend au S. O. de Baldrani
et de Caôarichi, et quî rend Tair infecte et malsain.
Dans ce dernier marais flottent des îles couvertes d'ar*
bres et qui s'attachent tantôt à un bord , tantôt à
rautre«
Forêts. — Presque toutes les montagnes du diocèse
sont boisées ; les plus riches forêts sont celles de Fandi,
d'Orosch et de Monella. On trouve aussi de belles forêts
dans la plaine de Berdloja, entre le Drin et le fleuve
Matia. Le pin , le rouvre , le sapin , le chêne, le hêtre,
l'orme, le genévrier, le tilleul et le peuplier sont les
essences que l'on rencontre le plus communément. Les
platanes sont bien moins nombreux et les cyprès ne
produisent que des individus rabougris.
Population. — La population entière du diocèse est
de 22y3Â0 habitants, occupant 2,78& maisons; elle est
ainsi divisée : 5,050 Turcs dans 630 maisons; 17,279
catholiques dans 2,104 maisons; 12,256 Mirdites
occupant 1,â50 maisons. Les Turcs habitent Alessio
et Mal-isi. Il n'y a point, dans le diocèse, de villages
mixtes.
Ob peut diviser les catholiques , selon les drapeaux
(bandiere) auxquels ils appartiennent > en catholiques
de la montagne et en catholiques de la {^laine» On en
( 275 )
connaîtra la force et la composition dans le chapitre
suivant.
Les habitants du diocèse sont de race albanaise et ne
parlent que Talbanais,.
§ 2. -^ CULTES, INSTRUCTION PUBLIQUE,
ORGANISATION POLITIQUE, ADMINISTRATIVE ET JUDICIAIRE.
Culte catholique^ — L'administration ecclésiastique
du diocèse est exercée par Tévêque d'Alessio, résidant
à Calmetti; il est suffragant de l'archevêque de Du-
razzo , mais cette dépendance est tempérée par l'action
immédiate et absolue de la Propagande de Rome, Les
lois qui régissent le clergé sont les canons de l'Église
et les instructions spéciales pour les missions.
Le clergé est national et séculier, sauf la mission de
Franciscains dile de l'Épire , qui a succédé à l'antique
Provincia Albana. Le diocèse possède un nombre suffi-
sant d'églises , qui sont pour la plupart mal bâties , et,
par conséquent, assujetties à de fréquentes réparations*
Les plus solides sont celles de Cacarichi et de Baldrani,
ainsi que l'hospice des Franciscains à Alessio. Sur le
mont Saint ( Mali-Sentit) , qui domine Orosch , U y a
une grande église dédiée à saint Jean-Baptiste, laquelle
a été donnée aux Franciscains par le pape Clément VIIL
Toutes ces églises ont des cloches et on peut librement
les sonner, à l'exception toutefois de celles de l'église
St-Nicolas» sise au bazar d' Alessio, et de l'hospice des
Fransciscains de la même ville , quoique situé au delà
du Drin. Cette dernière église parait dater de 12iii0,
Jiea deux chapelles de Cacarichi et de Baldrwîf
( 276 )
du XY^ siècle , époque de la domination vénitienne.
D'après rhistorien franciscain Wadingo, la pro-
vince franciscaine de l'Albanie comptait , depuis les
temps les plus reculés , une trentaine d'hospices ou de
couvents qui étaient partagés dans tous les diocèses de
l'Albanie. Il ne reste plus de nos jours que l'hospice
deCaporadoni de Sebaste, dans le diocèse deDurazzo;
celui de Trosciani, dans le diocèse de Sappa, et enfin ,
ceux de Rbien et d'Alessio de ce diocèse. Ce dernier
est considéré comme maison-mère. Ces hospices for-
maient, jusqu'en 1831, la province religieuse; ils
étaient desservis par des prêtres nationaux , mais avec
un provincial étranger, lequel étant obligé de venir
faire régulièrement sa visite et de retourner à son poste,
dépensait en frais de voyage, plus qu'on ne lui allouait;
c'est pourquoi un bref papal supprima à cette époque
la province et institua la mission d'observants, qui,
néanmoins, n'est pas encore légalement introduite.
Le diocèse d'Alessio compte vingt-trois paroisses ,
dont douze se trouvent dans la Mirditie, appelée aussi
le pays au-dessus de Cresta ou simplement la Monta-
gne , et onze dans le pays au-dessous de Cresta.
En outre des églises paroissiales , il existe neuf cha-
pelles où les desservants des cures desquelles elles
relèvent, vont oiSScier à certaines époques de l'année.
Les paroisses , pour le pays au-dessus de Cresta,
sont au nombre de douze , dont dépendent quarante-
neuf localités (1450 maisons et 12256 habitants). Pour
le pays au-dessous de Cresta , le nombre des paroisses
est de onze et le nombre des localités qui en dépen-
Hient est de quatorze ( 654 maisons et 5023 habitants).
( 277 )
Culte mahométan. — Il y a dans le diocèse d* Alessio
plusieurs mosquées , dont deux sont situées dans la
ville : Tune d'elles est Tanôienne église de St-Georges;
une troisième près de la paroisse de Grûcca et trois
beaucoup plus petites à Mal-isi et dans les autres vil-
lages turcs , derrière les montagnes de Fandi.
histruction publique, \— Sur les 17 279 catholiques
du diocèse, cinquante à peine savent lire avec diffi-
culté, dix savent signer leur nom. L'instruction est
on ne peut plus négligée. C'est dire qu'il n'existe ni
écoles, ni personne qui veuille s'occuper d'instruire
la jeunesse dans les devoirs qu'imposent la religion
catholique et la société. Quand on compare cet état
d'igiiorance à ce que font les orthodoxes dans les
autres provinces de l'empire, on ne doit être nulle-
ment surpris si ceux-ci parviennent généralement à
s'élever au-dessus de leur condition sociale ou à acqué-
rir du bien-être ; jusqu'à l'âge de quinze ans, les jeunes
gens fréquentent les écoles que les villages grecs les
plus misérables du Pinde entretiennent aux frais des
communautés. Les musulmans du diocèse d'Alessio
envoient leurs enfants chez le hodja ou le simple
muezzin desservant la mosquée, qui leur enseigne à
lire et à s'instruire dans leur religion.
Organisation politique , administrative et judi-
ciaire. — Aucun diocèse n'est aussi mal partagé, en
ce qui concerne son organisation politique , que celui
d'Alessio. Tandis que la portion la plus considérable
est soumise au pachalik de Scutari , les deux paroisses
de Pedaua et de Soïmendi dépendent à la fois du gou-
( 278 )
vernenr de Monastir et du commandant de Tirana. Ce
dernier n'exerce pourtant sa juridiction que par des
Zaptiés chargés de percevoir les impôts, et il n'a jamais
mis les pieds dans ces deux paroisses, séparées du
reste de son district par le Matia, sur lequel n^existe
aucun pont. La partie soumise au gouverneur de Scu*
tari est subdivisée en plusieurs Mudirliks. Le Mudir
de Daïci, dans la Zadrima, a sous lui les neuf dixièmes
de la paroisse]de Calmetti; le Mudir d'Alessio a le reste
de cette paroisse, plus celles d'Alessio, Veglio, Bul-
gari, Criesesi, Grucca et Merchigne; le gouverneur
général a sous sa dépendance immédiate les paroisses
de Baldrani et de Cacarichi, situées au delà du Drin.
L'autre portion formée des villages mirdites jouit
d'une autonomie complète dans son administration in-
térieure, à la tète de laquelle est placé un chef catho-
lique , qui a le titre de pacha et le rang de général de
brigade , que lui a conféré la Porte , à la demande du
maréchal duc de MalakoiT, à l'issue de la guerre de
Grimée.
Auprès de chaque mudir, il y a un conseil de caza
et un cadi, qui ne décident que les'affaires de second
ordre , tandis que celles qui ont un caractère plus im-
portant sont soumises au gouvernement de Scutari,
Des prisons, en fort mauvais état, sont établies à
Alessio et à Daïri.'La gendarmerie , en nombre insuf-
fisant , n'est nullement en état de maintenir la tran-
quillité publique.
État de défense. — L'unique forteresse du diocèse
est celle d'Alessio, qui s'élève à environ 188 mètres
f
( 279 )
au-dassns de la ville et qui peut être considérée comine
la clef de la plaine du Drin. Aujourd'hui sa vaste en-
ceinte 9 que n'occupe aucune garnison , présente un
amas de ruines sur lesquelles reposent quelques ca-
nons hors de service.
Le diocèse d'Alessio et celui de Sappa forment une
espèce d'île séparée du reste du pays, d'un côté par
le Drin , de l'autre par les deux F&ndi, et bordée de
montagnes et de gorges qui lui donnent une position
naturelle assez forte. Le brigandage ôte toute sécurité
sur les deux routes principales qui traversent ce
territoire.
Force armée. — Il n'existe dans le diocèse aucune
force armée régulière ; celle que le gouvernement peut
y requérir en cas de nécessité est évaluée , pour les
musulmans, à 1200 fusils (deux fusils par maison),
2400 pistolets et 60 yatagans. Les catholiques, de
leur côté, disposent de 4000 fusils, de 8000 pistolets
et 200 yatagans.
Impôts. — Pour , déterminer le chiffre et la nature
des impôts et revenus , il faut se rappeler la division
politique du diocèse. Les cinq drapeaux de la Mirditie
ne payaient autrefois au sultan que 10 paras par
maison à titre de rédif ; progressivement cet impôt a
été porté jusqu'à 100 paras ; mais p depuis plusieurs
aonées, il n'est pas exigé, probablement à cause des
m^rvices rendus par les Mirdites dans la première expé*
dition contre le Monténégro et dans la dernière guerre
contre la Russie. Il est d'usage que le pacha de Scutari
donne chaque année m cadeau, aa chef des Mirdites ,
( 280 )
cent charges de maïs ; il en garde la moitié et distribue
le reste entre les différents chefs et sous- chefs des au-
tres drapeaux. Cette fourniture en maïs est prélevée
sur les villageois de Calmetti, Trosciani, Bljnisti, etc.,
par mille moyens plus ou moins vexatoires. Pedana et
Soïmendi payent les impôts conformément aux pres-
criptions du Tanzimat , puisque ces deux villages relè-
vent du pachalik de Monastir.
Les cinq drapeaux d'Alessio acquittent annuellement
le droit de A piastres et demie par maison à titre
de rédif. Les villages de Mercigne , Grucca , Manatia ,
Triusci et Spidani sont, de plus, soumis à lad! me,
tandis que les villages de Veglia, Criesesi et Bulgari en
sont exempts, par suite de l'obligation qui leur est im-
posée de servir dans l'armée en qualité de bachi-bou-
zouks. Calmetti, ou pour mieux dire ses 70 maisons,
payent, outre la dîme , un impôt appelé pegh ou mac-
toum^ atteignant la somme de 2500 piastres par an,
plus 60 paras par chaque tête de bétail de la race ovine.
Cette taxe n'est que de 10 paras dans le reste de la
province. Baldrani et Cacarichi acquittent la dtme et
les impôts communaux exigés à Scutari.
La ville d'Alessio paye chaque année les impôts sui-
vants : 15 000 piastres pour les débits de liqueurs spi-
ritueuses ; 2000 pour le passage du Drin ( 20 paras
par personne) ; 4000 pour le passage dans la ville
d'un cheval chargé , à raison de 20 paras par 100
ocques de charge. Cette dernière contribution doit être
affectée aux réparations des routes,
»
Hygiène publique. — Un office sanitaire existe à
( 281 )
Alessîo pour les navires arrivant à St-Jean-de-Medua ,
où réside un agent du député sanitaire.
Dans les montagnes , la maladie la plus mortelle est
une fièvre putride dite sujutra ou moria. Cette dernière
dénomination lui a été donnée après le retour des Al-
banais de la guerre de Morée ; les fièvres intermittentes
sont également très-fréquentes , surtout dans le pays
au-dessous de Cresta , en exceptant les paroisses de
Veglia, Criesesiet Bulgari. Grûcca, Cacarichi, Bal-
drani et Alessio sont les plus infestés, à cause du
voisinage des marais. Sur la montagne, les morts
occasionnées par le peu de précautions que prend la
population contre T épidémie ne sont pas rares. Aucun
médecin n'existant dans le diocèse, les habitants sont
obligés de se soigner eux-mêmes ; parfois ils appellent
leurs curés, qui possèdent en général quelques notions
médicales , mais ils ne le font qu'à la dernière extré"
mité , et il est rare qu'ils exécutent les prescriptions
ordonnées. Ils possèdent , néanmoins , des gens qui
savent soigner les blessures occasionnéespar les armes
à feu.
§ 3. — ORGANISATION DE LA MIRDITIE.
On a vu que la population entière de la Mirditie
était de 12 256 âmes occupant 1A50 maisons; elle est
établie sur les montagnes qui, deCalmetti, s'étendent
jusqu'à Van-Spas- ou pour mieux dire jusqu'au pont
du Vizir, près de Prisrend. Une petite partie de la
Mirditie est comprise dans le diocèse de Sappa, ce sont
les paroisses de Muella-Spacit et de Vigu» A cette po-
( 282 )
puUtioQ il faut ajouter les Mirdites qui habitent près
de Giacova, à titre de colons , au nombre de A 60 far
milles.
La Mirditie se divise en cinq drapeaux qui sont ceux
d'Orosch (123 maisons), deFandi ( 200 maisons ) , de
Spacci (AOô maisons), de Gusneni ( 205 maisons ) » de
Dibri (A26 maisons) .
Les trois drapeaux qui forment la Mirditie propre-
ment dite sont ceux d*Oroscb » de Spacci et de Cu9-
nenL
Quelques versions , exagérées sans doute , donnent
200 maisons au drapeau d'Orosch , 300 à Fandi, ëOO
à Spacci 9 300 à Gusneni et 500 à Dibri , ce qui ferait
1800 maisons , tandis qu'il n'y en a en réalité que
1A50.
Pour compléter le tableau des forces du diocèse,
il faut ajouter les cinq di*apeaux, nommés drapeaux
d'Alessio, formés des habitants du pays au-dessous de
Gresta , qui marchent en temps de guerre avec ceux
de la Mirditie; ce sont : le drapeau de Galmetti {làh
maisons), le drapeau de Manatia (82 maisons), le
drapeau de Bulgari (97 maisons), le drapeau de Veglia
(108 maisons), le drapeau de Griesesi (60 maisons).
Le drapeau d'Orosch, quoique le plus faible sous le
rapport de la population , a le commandement général
sur les dix drapeaux, et son chef, qui a pris dans les
derniers temps le titre de prince , réside dans le chef-
lieu du drapeau.
Le chef actuel de la Mirditie est Bib^Boda-Pacha ;
sa famille prétend descendre directement des anciens
princes de Dukagini , célèbres sons Scaoderbeg. Les
( 288 )
opinions à cet égard sont bien divisées dans le paya,
et une tradition ne fait remonter qu'à soixante-dix ans
la suprématie du drapeau d'Orosch.
Il y a même des personnes qui se souviennent encore
de l'époque où le drapeau de Dibri était commandé
par un bey de Scutarî, et où la justice y était admi-
nistrée par le chef d'Orosch et un Boulouk-bachi
nommé par le gouverneur de la province. Le dernier
bey fut chassé pour avoir fait brûler sur un bûcher
deux Mirdites convaincus de vol ; il n'a pas été rem-
placé, et, depuis 1810, l'autonomie administrative et
judiciaire de la Mirditie est complète.
L'administration de la Mirditie repose sur le régime
oligarchique. Toutes les questions sont réglées : 1*^ par
les anciens (Vecchiardi) de chaque village; 2* par
ceux des différents drapeaux (bandière), et 3"* par les
chefs de tous les bayracks réunis en conseil sous la
présidence de Bib-Boda. Ces trois instances judiciaires
jugent d'après les lois traditionnelles du Canoun^ ne
possédant point de code écrit. Si jamais un pareil tra-
vail était fait , il pourrait certainement jeter plus de
jour sur l'origine de ce petit peuple.
Caractère des habitants. — Le caractère et les mœurs
des habitants du diocèse sont en rapport avec l'état de
barbarie dans lequel ils vivent depuis tant de siècles. La
vendetta, ce fléau terrible de l'Albanie, s'y exerce d'une
façon inexorable. , Les Mirdites se croient de fervents
catholiques. Les villageois font consister le service divin
dans l'élévation, et ils ne se servent que de l'expres-
sion : /ai vu la messCy pour dire qu'ils l'ont entendue.
(284 )
' Malgré l'absence d*un gouvernement ferme et d'un
clergé suffisamment instruit, les habitants du diocèse
d'Alessio sont les plus recommandables de l'Albanie.
Us ne manquent pas de quelques qualités, et, sans
parler de leur attachement à l'Église catholique qu'ils
ont conservé malgré les persécutions les plus violentes
des Turcs, ils respectent et exercent l'hospitalité,
punissant de mort quiconque la trahit.
Différents indices semblent indiquer leur origine
grecque : ainsi, il n'y a pas longtemps, les principales
fêtes du pays (Saint-Nicolas, Saint-Georges, Saint-
Jean, Saint-Démétrius, etc.) étaient célébrées d'après
le calendrier oriental, et ils observent encore l'usage
de prendre une gorgée de vin après avoir communié,
se servant à cet effet d'une gourde pleine qui passe
de main en main. Le peu d'objets sacrés anciens, tels
que calices, croix, etc., conservés dans le diocèse,
sont de style byzantin.
La femme occupe un rang très-inférieur, étant con-
sidérée par l'homme comme une esclave destinée à
subir tous ses caprices et à exécuter les travaux les
plus pénibles; elle n'est jamais appelée par son nom,
mais bien par la qualification de mori. Les cérémonies
de mariages, de baptêmes, de funérailles et de fian-
çailles sont semblables aux usages suivis par tous les
montagnards albanais. L'infidélité de la fenuue est
punie de mort, et la sentence rendue à cet effet doit
être exécutée par son parent le plus rapproché.
( 285 )
% b. — agriculture; bestiaux, industrie, commerce
ET VOIES de communication.
Agriculture. — Toute la population du diocèse est
vouée à l'agriculture et à l'élève des bestiaux. Par une
étrauge anomalie , la montagne est mieux cultivée que
la plaine, ob des terrains immenses, entre Alessio
et Matia , sont couverts de broussailles et d'eaux sta-
gnantes.
Les principaux produits de la montagne sont le maïs
et la vigne. Le premier de ces produits suffit à la con-
sommation d'un tiers des li50 maisons de la Mirditie,
tandis que les deux autres tiers sont obligés d'importer
leur approvisionnement de Giacova et de Prisrend. La
vigne donne une récolte abondante en quantité , mais
médiocre sous le rapport de la qualité. Avec les rai-
sins d'Orosch, de Cacinari et de Calivari, il serait
facile de faire d'excellents vins, si les grappes étaient
choisies et surtout s'ils étaient mieux travaillés. Il n'y
a en fait d'arbres fruitiers que des cerisiers et des
châtaigniers à Giégani et à Gortopullo. II est d'usage
d'envoyer chaque année en cadeau, à un bey de Scutari,
dix charges de cerises.
Dans la plaine , la production consiste en blé, maïs,
raisins et olives, dont on fait de l'huile de qualité in-
férieure. Tous ces produits sont abondants et suffisent,
année commune , à la consommation des habitants. Les
vins de Trosciani et de Calmetti sont très-généreux.
La plaine ne produit en fait de légumes et de fruits
que des melons d'eau\ des concombres » des courges ,
des figues , des cerises et des poires.
( 286 )
Elève des bestiattx. — Toutes les races aDÎmales
existent dans le dîocësel La paroisse de Fandi, qui est
considérée comme la plus riche, possède environ
20000 moutons; Orosch 5000 et Spaçi ,10 000, Les
meilleures races de chèvres sont celles de Fandi, de
Vegliaet de Bulgari. Les vaches sont en grand nombre
k Oroscb f à cause des facilités qu'offre le voisinage
des pâturages de Nderfandina; puis à Fandi et è.
Spacci. Il existe peu de bœufs, ils sont employés à
Vagriculture, On compte un cheval par maison à
Ciaffa-Malit, et à peine un pai* deux maisons à Gorto-^
puUo, Galmetti, Merchigne, Grûcca et Pedana«
Animaux sauvages. — En fait d'animaux sauvages,
on rencontre près du Drin, au-dessous d' Alessio , des
loups, des renards, des chacals et des loutres; dans
les montagnes vivent des fouines, des ours et un ani-
mal que les Albanais nomment Lucerbul; il doit ap-
partenir à la famille des léopards. Il existe aussi des
chevreuils et des chèvres sauvages en grand nombre
dans les forêts situées entre Pedana et Bulgari.
Le fleuve Matia et les rivières des montagnes con-
tiennent beaucoup détruites; le Drin est également
très-poissonneux.
Industrie. — L'industrie est nulle; on se borne à la
confection de quelques tissus de laine ; ce travail est
la spécialité des femmes ; on fabrique aussi des in-
struments aratoires très-imparfaitement confectionnés.
Commerce. — - Le commerce n'a pas une plus grande
importance que l'indiistrie. Le charbon, le bois à
( 287 )
brûler et la résine sont envoyés à Scutari ; les planches '
de sapin, dans le pachalik de Prisrend, et le scodano
(bois de teinture) descend d'Alessio, d'où il est ex-
pédié en France.
L'article le plus considérable de l'importation était
autrefois le sel , que l'on obtenait à bas prix , ce qui
permettait aux habitants de la Mirditie de s'approvi-
sionner avec abondance ; mais les prix ayant haussé
considérablement par suite du nouvel impôt établi ,
les malheureux Mirdites sont obligés de se priver de
cet objet de première nécessité ou de n'en acheter que
le strict nécessaire ; puis viennent les tissus, les denrées
coloniales et les spiritueux que Scutari fournit. Le
bazar d'Alessio , qui contient 240 boutiques, s'appro-
visionne également dans le chef-lieu de la province.
La navigation est très-limitée et se borne à un faible
mouvement par le port de St- Jean-de-Medua , situé à
rO. d'Alessio et à l'embouchure du Drin. Ce port est
si vaste qu'une flotte entière pourrait y stationner à
l'aise, et il prendrait de l'importance si le Drin et le
Hatia devenaient un jour navigables.
D'Alessio à l'embouchure du Drin, il y a à kilo-
mètres > et les barques de 30 à 40 tonneaux peuvent
remonter le fleuve à une faible distance de la ville ;
elles débarquent les cargaisons au bazar même.
Voies de communication* — Les voies de commu-
nication, laissées à la merci du hasard ou de quelque
moribond affectant une somme quelconque de sa suc-*
cession à la réparation de tel ou tel chemin (khairat) ,
sont dans le plus triste état. La principale route est
(288)
•celle qui conduit de Scutari à Prisrend , comprise jus^
qu'à Ciaffa-Malit, daus le diocèse de Sappa, et de là
jusqu'au pont du Vizir dans celui d'Alessio ; elle tra-
verse une partie de la Mirditie. Cettç route , dont on
connaît déjà l'état pitoyable, est pourtant l'unique
moyen de communication existant entre Scutari et les
pachaliks de l'intérieur. La seconde route est celle qui
de Tirana , par conséquent de Monastir et de toute là
Roumélie, conduit à Alessio et à Scutari. Elle n'est
pas mieux entretenue que la précédente et elle est
beaucoup moins sûre, attendu que des bandes de bri-
gands y ont établi le siège de leurs opérations.
Le diocèse ne possède aucun pont pour traverser les
fleuves et les rivières. Deux troncs creusés , attachés
l'un à côté de l'autre, servent à transporter sur les
deux rives les hommes, les animaux et les marchan-
dises. Il existe quatre bacs de ce genre à Van-Molen,
à Alessio, à Matia et à Van-Spas, vers Prisrend.
La distance à parcourir d' Alessio à Scutari est de
quatre heures ; celle de cette dernière ville à Orosch
est de trois petites journées, et, enfin, il faut deux
jours pour se rendre de la capitale de la Mirditie à
Prisrend.
En résumé, le diocèse d' Alessio est le plus consi-
dérable , après celui de Scutari , sous le rapport de la
population catholique ; mais il est le plus pauvrement
*doté sous celui de la richesse et du bien-être.
( 289 )
Analyses, Rapporte, etc.
RAPPORT
PAR M, V. GUÉRIN
SUR LE 2V0UTEL OUVRAGE INTITULÉ :
VOYAGE EN TERRE-SAINTE
DE M. DE SA13LCY
■ Membre de llnstitut.
Au nombre des savants de notre temps qui se sont
occupés de la Palestine avec l'amour le plus passionné
de ce sujet, et en même temps avec Tesprit le plus
perspicace et le plus ingénieux, il faut citer en pre-
mière ligne M. de Saulcy.
Tout le monde connaît les importants résultats du
premier voyage qu'il a exécuté dans cette contrée cé-
lèbre en 1850 et 1851, et qu'il a publié en 1853
dans deux volumes intitulés : Voyage autour de la mer
Morte et dans les terres bibliques.
Tout le monde a lu aussi le second ouvrage qu'il a
fait paraître en 1858, sous le titre de : Histoire de Fart
judaïque tirée des textes sacrés et profanes^
Enfin^ dans l'année qui vient de s'écouler, après un
deuxième voyage en Palestine accompli en 1863, il a
publié un troisième ouvrage en deux volumes, intitulé :
Voyage en Terre-Sainte.
J'ai déjà, en 1858, essayé de rendre compte» dans
XI. AVRIL. A. 19
( 290 )
les Annales de philosophie chvétienne, tome XVIII,
du second de ses écrits, en montrant lont ce qu'il ren-
ferme d'idées neuves, de faits inattendus, de conjec-
tures à la fois audacieuses et rigoureusement déduites
dans leur hardiesse même. Aujourd'hui, sans prétendre
en aucune manière m' ériger en juge du dernier des
ouvrages que je viens de mentionner, et laissant à de
plus compétents que moi le soin de l'apprécier comme
il le mérite, je vais en donner une courte et rapide
analyse.
Après avoir consacré, chemin faisant, quelques jours
à revoir Alexandrie et le Caire, à étudier l'emplace-
ment de Memphis et des pyramides de Gbizeh, et à
examiner à Boulaq le beau musée créé par M. Mariette,
M. de Saulcy débarque à Jaffa le 27 octobre 1 863 avec
les compagnons de son voyage. Le personnel de la mis-
sion, dont il était le chef, se composait de M. l'abbé
Michon, de M. le capitaine d'état-major Gélis et de
M. de Behr, auxquels devaient bientôt s'adjoindre
M. Salzmann, M. Mauss et M. le docteur Gaillardot,
tous hommes d'intelligence, de talent et de cœur, et
qui devaient concourir efficacement, chacun pour sa
part, au succès général de la mission.
Parvenu àRamleb, au lieu de se rendreà Jéruèalem
par la voie que suivent d'ordinaire les pèlerins, c'est-
à-dire d'Abou-Rhoch, qu'il connaissait déjà lui-même,
M. de Saulcy préfère prendre celle de Koubeïbeh et
de Naby-SamouïL
Autour de l'oualy du scheikh Souleiman, des ruines
assez considérables lui sont désignées sous le txoin de
Koufour Tab. M. de Saulcy les identifie avec Caphar
tebi, ââcieh botik'g àitttè à lorient de Lydcla et tnëii-
lionné dans le l^àlmud.
n identifie ëgaletûeiit Koubàb avec Capbar K.oube,
que ûouâ connaissons de même par le Talmud, et qui
êtâtt âur les limites dés territoires d'Israël et des Phî-^
listîns.
Ceâ deux identifications me paraissent très-plau-
sibleâ.
Qiiani à celle de Boureïdj avec le castellum Ârnoldi
qui, d'après uti passage de Guillaume de Tyr, avoisi-
nait Nobé, je ne la crois pas aussi sûre, bien qu'elle
puisse être néanmoins défendue.
Arrivé à Koubeïbeh, que beaucoup regardent comme
étant l'Ëmmaûs de l'Évangile de saint Luc, M. de
Saulcy incline à croire avec le savant père Bassi^
que c'est là une tradition erronée, et qu'il faut placer
à Amoas ce bourg célèbre.
A peine entré dans l'enceinte de Jérusalem, dont il
salue de nouveau les murs, après treize ans d'intervalle,
avec une vive et pieuse émotion, M. de Saulcy com-
mence aussitôt l'étude de la ville sainte, modifiant cou-
rageusement ses premières idées, lorsqu'un examen
plus attentif et plus approfondi le force à les changer.
Sans se laisser aveugler par un amour-propre indigne
d'un savant qui cherche avant tout la vérité, il ne craint
pas d'avouer loyalement qu'il s'est trompé dans plu-
sieurs de ses appréciations antérieures, toutes les foîà
que l'occasion s'en présente. Cette noble franchise
ajoute ensuite un nouveau poids à son témoignage,
quand il confirme ses preniières assertions.
Ainsi, par e^temple, il avait le premier, sur là face
( 292 )
orientale du Haram-ech-Chérif et dans le voisinage de
Tangle sud-eét, signalé l'existence d'une sorte de balcon
en encorbellement élevé de plusieurs mètres au-dessus
du sol; actuellement, ayant pu voir les choses de plus
près, grâce à l'exhaussement progressif des décombres
en cet endroit, il commence à croire qu'il y a eu là
une vraie porte et un pont, ce prétendu balcon présen-
tant une douelle de pont circulaire analogue à celle
du pont du Xystus. Était-ce par là que le bouc émis-
saire était lancé vers le désert, ainsi que le prétendent
les talmudistes? C'est très-possible, dit-il.
En ce qui regarde la fameuse porte Dorée, ses ar-
chivoltes lui paraissent plus romaines que jamais, mais
les pieds droits qu'il croyait du même temps que les
archivoltes, il les reconnaît maintenant comme posté-
rieurs et d'un travail médiocre.
De même, dans la base antique de la tour carrée qui
fait face à l'une des entrées du Haram, il propose de
voir lés soubassements du tombeau d'Alexandre Jan-
néas, l'un des princes asmonéens, tombeau qu'il avait
d'aborJ placé dans la grotte dite de Jérémie. II se
fonde pour cela sur un passage de Josëphe {Bell,
jud. , V, VII, 3) , où il est dit que Titus ayant trans-
porté son camp à l'intérieur de la muraille au point
qui s'appelle le cainp des Assyriens, Jean avec les
siens combattait du haut d'Antonia et du portique
septentrional du temple.
m
L'arc de VEcce Homo, depuis que les travaux exé-
cutés pour les constructions des Dames de Sion ont
dégagé une partie considérable de ce curieux édifice,
lui semble une porte monumentale à triple baie, qu'il
( 295 )
regarde toujours sans doute comme romaine» mais
qu'il croit aujourd'hui postérieure à la Passion de Jésus-
Christ» et il n'y avait plus, comme auparavant» un
arc du haut duquel le Christ aurait été présenté par
Pilate à la populace juive.
Quant à Tenceinte antique de la ville, une nouvelle
étude du terrain et la découverte faite depuis son pre-
mîer voyage des véritables cavernes royales, confon-
dues d'abord avec les Kbour-el-Molouk» lui font rejeter
le plan de Schultz qu'il avait précédemment adopté,
£t il en détermine le périmètre d'une manière qui me
])aratt désormais à l'abri de toute critique.
Pour rendre & chacun ce qui lui est dû, il faut dire
que c'est à M. de Barrère ainsi qu'à M. Pierrotti que
revient l'honneur d'avoir rectifié les premiers le plan
de Schultz et ceux de Barclay et de Robinson, et d'avoir
prouvé que l'enceinte d' Agrippa ne dépassait pas ver3
le nord les limites de l'enceinte actuelle. Seulement
M. de Saulcy a précisé davantage leurs assertions et
modifié quelques-unes d'entre elles. Ainsi les restes
des deux tours antiques qui avoisinent la porte de Da-
mas, et qui sont très-évidemment les tours dites des
femnies dont il est question dans Josèphe lors du siège
de Titus, paraissent a cet éminent archéologue bien
antérieures à l'époque d' Agrippa, et il est disposé à y
voir l'un des ouvrages avancés qui sont cités dans les
Antiqtdtés judaïques (X, m, 2) comme existant avant
Hanassès, puisque ce prince ne fit que pourvoir à leur
approvisionnement.
L'entrée du Haram-eçh-Chérif, comme on le sait,
lui avait été interdite lors de son premier voyage, les
(294)
chrétiens n'ayant point alors le droit d'y pénétrer \
maintenant qpe cette enceinte lui est oaverte, U m
commence une reconnaissance préliminaire; plus tard^
au retour des explorations qu*il a l'intention d'acconi-*
plir, il en fera une étude approfondie et complète.
Il jette de nouveau un premier coup d'œil suc les
diverses nécropoles de Jérusalem et en particulier sur
les magnifiques excavations des Rbour^l-Molouk, où
il doit entreprendre des fouilles d'un si haut intérêt.
Le 1" novembre, il prend la route d'Hébron. Arrivé
aux . vasques de Salomon, il incline, contrairement à
l'opinion généralement admise qui place ailleurs Etbam ,
à reconnaître l'emplacement de cette ville près d^ là
fontaine scellée et du Kalaat-el-Bourak, Cette conjec-
ture me semble très-digne d' attention , non-seulemeq(
à cause des gros cubes de mosaïques que l'on rencontrci
fréquemment en cet endroit, mais encore parce qnQ le.
Kalaat-el-Bourak a dû succéder probablement à un^i
forteresse antique, et qu'en outre une source d'una
pareille impoilance, des vasques si considérables Qt Iç
voisinage de 1' Aïn-Atan»nom qui rappellecelui d'Etbayov^
semble fixer sur ce plateau plutôt que sar les ^ntes
de l'Oued-Eurtas la yille ainsi appelée.
Ramet-el-Khalil est pour M, de Saulcy Tendroit. où
Abraham planta sa tente. En cela, il est d'accord avec
la tradition juive ; mais il s'en écarte en plaçant à la
riiine voisine, appelée Kharbet-en-Nasara,le bosquet de
Mamré ; car là, dit-il, le nom l'indique comme les rui«
ries elles-mêmes , il y a eu un important établissement
chrétien au milieu duquel il est disposé à chercher
l'église bâtie par Tordre de Constantin. Pour moi, je
( 295 ) *
l'avouerai, je préfère, avec la tradition juive, recou"
naître cet emplacement dans l'enceinte même du Haram*
çl~Khalil, et le puits qu'on y remarque encore me pa-
raît être celui dont il est question dans Y Itinéraire
du pèlerin de Bordeaux^ comme ayant été creusé par
Abraham près du Térébinthe. Les juifs d'Hébron que
j'ai consultés sur ce point sont unanimes à ce sujet.*
D'ailleurs, au-dessus et dans le voisinage de cette eur
ceinte; il y avait un bourg antique actuellement détruit
et appelé Kharbet Ramet-el-Kbalil : j'y ai retrouvé les
traces très-reconnaissables d'une basilique chrétienne
dont je parlerai en son lieu.
M. de Saulcy, dans son premier voyage, avait déjà
visité Hébron, mais il n'avait pu y jeter qu'un coup
d'œil rapide. Cette fois-ci, il l'examine avec plus ^ de
soin et de loisir, et jM. le capitaine Gélis en dresse un
plan trës-fidèle. Il lui est impossible néanmoins, à cause
du fanatisme des habitants, de pénétrer dans le Haranv-
el-Khalil, c'est-à-dire dans l'enceinte célèbre con-
struite au-dessas de la grotte de Makfelab, où ont
reposé Abraham, Isaac et Jacob avec leurs femmes : U
doit donc se borner^ comme tous les voyageurs du reste,,
. à eu examiner l'extérieur. L'âge de cette superbe <?on-
struction a été discuté bien des fois et a fait naître les
opinions les plus diverses; les uns, comme M. de
Saulcy, y voient un appareil judaïque des premiers
temps de la royauté; les autres font descendre ces
vénérables murailles jusqu'aux époques lea plus basses.
Après les avoir étudiées moi-même à plusieurs reprise^,
j'ai toujours été frappé de leur aspect de haute anti-^
quité, et Tavis défendu par M. de Saulcy, conforme en
( 296 )
tela d'ailleurs à la tradition du pays, me parait réunir
en sa faveur de grandes probabilités.
Avant de rentrer à Jérusalem, M. de Saulcy se di-
rige vers le Djebel-Foureïdis, généralement connu
parmi les chrétiens sous le nom de montagne des
Francs. Cette montagne, dont les flaiics inférieurs sont
couverts de ruines et au bas de laquelle s'étend un
beau birkeh, offre l'aspect d'un cône régulier que cou-
ronnent les restes d'une forteresse. M. de Saulcy les
décrit avec une grande exactitude ; il tenait d'autant
plus à les examiner attentivement , que c'était là un
échantillon incontestable des constructions hérodiennes,
puisque cette forteresse avait été élevée par Hérode qui
lui avait donné son nom en l'appelant Hérodium. Or,
les ruines, tant du bas que du haut de la montagne»
offrent toutes au regard des pans de murailles et des
voûtes en pierres de taille d'un appareil assez bon, sans
doute, mais médiocre quant aux dimensions des blocs
"employés, et par conséquent très-différent de celai que
Ton remarque au Haram-el-Khalil d'Hébron et dans
les parties antiques du Haram-ech-Chérif de Jéru-
salem.
De retour dans la ville sainte, M. de Saulcy entre-
prend une nouvelle exploration, plus difficile et plus
lointaine, dans l'ancienne Ammonitide, au delà du
Jourdain. Personne n'ignore que dans son premier
voyage, en 1851, il avait accompli autour de la mer
Morte une expédition des plus intéressantes et des plus
aventureuses, qui lui avait permis de retrouver sur les
^ bords de cette mer célèbre les traces de la plupart des
' villes maudites, et de faire une reconnaissance hardie
( 297 )
^e la plus grande partie de la Moabitide. Il veut rnain^
tenant compléter et poursuivre ses recherches en par-
courant de même l'antique pays d'Ammon.
Parvenu à Er-Riha, l'ancienne Jéricho, M. de Saulçy,
avant de franchir le Jourdain, fait une nouvelle étude
de cette localité. Près de là, un tumulus.de dimensions
considérables lui est signalé sous le nom de Tell-rAbou^
es-Salaït (le tertre père des écorchures). A cause de
son nom et de sa position, il T identifie avec le tumulus
d'Aralout, sur lequel furent dressées, après le passage
du Jourdain, les douze pierres qui avaient été recueil-
lies dans le lit du fleuve et sur lequel aussi ont lieu,
dans le campement de Gilgal, la circoncision des. en*
fants d'Israël,
Au delà du Jourdain, il laisse sur sa gauche en
Nëmrieh, la Beth-Nimra de la tribu de Gad«
Il étudie avec un soin tout particulier les ruines
d' Aaraq-el-£myr. Pour lui, la prétendue tour attribuée
par Josèphe à Hyrcan était en réalité un antique sanc-
tuaire des Ammonites, dédié probablement au dieu
Moloch, et Hyrcan s* est seulement construit une forte-
resse dans l'intérieur de ce temple déjà abandonné de
son temps.
Plus loin, à Omm-Eddeba, il croit reconnaître la
Midba de l'Écriture dont il est question dans les Chro^
niques (I, 19).
Arrivé à Amman, l'ancienne Rabbath-Ammon, ca-
pitale des Ammonites, appelée plus tard Philadelphie,
il en décrit minutieusement les magnifiques ruines.
Thermes, basilique, temples, colonnades, théâtre, tout
atteste une grande et importante cité aujourd'hui com-
( 298 )
plétement déserte. Mais, d'un autre côté, ces beaux
édifices d'époque romaine ont fait disparaître, en les
absorbant, tous les débris des monuments antérieurs,
et il ne subsiste plus rien des constructions de l'antique
forteresse assiégée jadis par David. Une particularité
digne d'intérêt, c'est l'existence au milieu de ces ruines
de deux arceaux de forme ogivale et qui sont évidem-*
ment romains comme le prétend M. de Saulcy.
Il visite ensuite Kherbet-el^Al, TElealeh de TÉcrî-
ture, Hesban, l'antique Hesbon qui n'est plus qu'un
amas de décombres informes, Mayn, la Baal-Maoun de
la Bible.
Puis il côtoie le Djebel*Nebâ, qu'il identifie d'une
manière qui semble certaine avec le mont Nebo, que
d'autres, avec beaucoup moins dé raison, selon moi,
reconnaissent dans le Djebel-Attarous. L'identité du
nom actuel avec le nom antique, la présence sur les
flancs inférieurs de la montagne de sources appelées
encore ajourd'hui Ayoun^Mousa (sources de Moïse) , la
position de cette montagne vis-rà-vis Jéricho, tout con-
court à prouver que c'est bien là le mont fameux du
haut duquel Moïse contempla la terre promise, et qui
fut ensuite le théâtre de sa mort.
A Soueïmefa, M. de Saulcy reconnaît le site probable
de la Betb-Jésimoth de l'Écriture, dont U est question
dans le livre des Nombres (XXXIII, hl) (1).
Après avoir laissé sur sa gauche £r-Rameb, la Betha-
V
(1) Avant d'atteindre cette localité, il avait remarqué sur sa route
plusieurs dolmens et cromlechs entièrement analogues à ceux que Ton
rencontre dans plusieurs eoqtrées de Toccident, et notamment en
Bretagne.
( 299)
ramphta de rÉcritare, devenue sous Qérode Julias ou
Liyias, il repasse |e môme gué du Jourdain, et rentre
ensuite à Jérusalem, heureux d'avoir accompli d'ui^
manière si fructueuse pour la science cette exploration
importante.
Pendant son absence, les fouilles qu'il avait donné
l'ordre d'entreprendre au Kbour-el-Molouk avaient été
commencées, et le gros tertre de décombres placé de-
vant le vestibule du monument dans la grande cour
intérieure avait été entamé profondément. Les tran-
chées qu'on avait ouvertes avaient un double but : elles
devaient d'abord rendre impossibles dans l'avenir les
mutilations de toutes sortes que les touristes depuis
plusieurs années faisaient subir aux sculptures de la
façade; en second lieu, elles permettaient de recbt^-r
cher les traces du monument expiatoire d'Hérodeque
M. de Saulcy espérait trouver, et dont la présence en
ce lieu devait confirmer sa théorie relative à cette royale
nécropole. De beaux fragments de corniches, d'une-
pierre différente de celle dans laquelle les tombes,
élaiept creusées, avaient été retirés des^ fouilles et trans-
portés à Sainte-Anne. Des difficultés de tpute nature,
ayant été bientôt suscitées à l'auteur par les différent^
propriétaires du terrain et par les juifs de Jérusalem^
les travaux furent un instant suspendus, puis repris
avec une nouvelle ardeur, à la suite de négociations
actives près du pacha de Jérusalem.
Le vestibule fut déblayé jusqu'au sol, et ce travail
mit k jour trois belles marches entaillées dans. le roc
M, de Saulcy fit également attacjuer par le haut ia
(300)
{)remiëre coût*, et dès le premier jour il reconnut un
superbe escalier formé de rampes et de paliers irrégu-
liers, et comptant vingt-six marches. Quant aux déblais
effectués dans la grande cour, ils donnèrent d'excel-
lents résultats, tels que tronçons de colonnes, un frag-
•
ment de pilastre d'ante, d'autres morceaux de corni-
ches, et, entre autres, un bloc considérable offrant
exactement le même profil et la même ornementation
que les beaux fragments déjà transportés à Sainte-
Anne. Tous ces débris, sauf le pilastre, appartenaient
à un seul et même édifice, que M. de Saulcy considère
comme le monument expiatoire élevé par Hérode. Ce
monument avait été placé au-dessus du vestibule du
sépulcre, comme nous l'apprend Sosèphe {Antiq. jud.t
XVI, vn, 1); il aura été ensuite précipité dans la grande
cour soit par un tremblement de terre, soit par les dé-
vastateurs du tombeau.
Après avoir bien reconnu les parties extérieures des
Kbour-el-Molouk, M. de Saulcy en fait déblayer tout
rintérieur.
La chambre dans laquelle on pénètre lorsqu'on a
franchi rentrée,qui jadis était défendue par un disque
de pierre, était encombrée de terre et de pierrailles :
en enlevant cette couche énorme de décombres, on
rencontra une foule d'objets de l'époque romaine, entre
autres un grand nombre d'urnes de toutes dimensions
remplies d'ossements incinérés, de fioles dites lacryma-
toires, de lampes, etc. , enfin, des ossements appartenant
à quelques cadavres qui y avaient été enterrés. Trois
groupes de médailles furent ramassés à côté de ces
squelettes entiers. Comme ces médailles appartiennent
( sai )
toutes à une époque antérieure au 3iég« dç Titus^ M. de
Saulcy^ en conclut qu'il a retrouvé là l'un de3 charniers
dans lesquels des morts i*omains (ceux-ci très-nom-
breux), et juifs (ceux-là eu grande minorité] , ont été
déposés pendant le siège. Suivant la coutume, les Ro-
mains furent incinérés et enferma dans des urnes, le^
Juifs furent tout simplement couverts de terre; et,
puisque ce vestibule a pu ainsi servir de cbarnieF de
guerre, c'est que le monument funéraire lui-même avai(
été violé et abandonné.
Toutes les chambres sépulcrales déjà connues furent
nettoyées avec soin. Sous un amoncellement de dé«
combres, à droite de la porte du vestibule, on. décou-
vrit l'entrée d'une chambre inconnue ; mais en y péné<*
trant, on s'aperçut qu'elle avait été violée il y a peu
d'années, comme l'attestaient quelques fragments de
journal qui gisaient à terre. La cuve du sarcophage
avait été brisée, le couvercle seul était entier»
Le 8 décembre» une découverte bien plus importante
cette fois vint couronner dignement les recherches dç
M. de Saulcy. Une nouvelle chambre basse fut trouvée
en soulevant une dalle encastrée dans une banquette,
et lorsqu'on eut descendu quelques marches, on se
trouva en présence d'un sarcophage intact muni de son
couvercle et placé sous une arcade faisant face à l'en-
trée. Sur le devant du sarcophage était une inscription
sémitique de deux lignes. Le couvercle ayant été des-
cellé et culbuté, laissa voir un squelette bien conservé.»
ia tète appuyée sur un coussinet* C'était celui d'une
femme, qui s'aiTaissa et s'évanouit en poudre aussitôt
qu'il eut vu le jour. Le sarcophage qui le contenait est
( 802 )
aujourd'hui àu Louvre, ^inscription bilingue qui s*y
trouve gravée se comjpose, comme je Tai dît, de deux
lignes de huit lettres chacune. La première ligne est
en estranghelo, la seconde en hébreu carré. M. de
Saulcy traduit ainsi la prertiière : Zoran ou Zodan^
reine; et la seconde : Sadah ou Sarah^ reine.
A quelle époque faut-îl faire remonter là tombe îBtt
question? Voilà un problème difficile à résoudre. La
reine dont elle a contenu les restes était une Araméenne.
Son nom et son titre ont d'abord été inscrits en carac-
tères araméens sur la cuve du sarcophage : plus tard,
une seconde main a transcrit et traduit en hébreu là
légende funéraire : ceci est positif; le reste tombe danis
le domaine de l'hypothèse.
Quant à la vaste nécropole elle-même des Kbour-el-
Molouk, à quelle dynastie l'attribuer? En effet, c*est
. bien une nécropole royale ; il n'est plus permis désor-
mais d'en douter, puisqu'une reine y a été enterrée et
dans un endroit qui est loin d'être la place d'honneur.
M. de Saulcy a déjà démontré depuis longtemps qu'il
n*est pas possible de penser aux rois asmonéens , pas
plus qu'à la dynastie des Hérodes. Il apporte cette
fois-ci de nouveaux arguments pour prouver que ce
n'est pas non plus le tombeau d'Hélène ni de son fils
tzates. Quant à celui d'Alexandre Jannéas , il est im-
possible d'y songer. Force est donc de revenir toujours
à la dynastie des rois de Juda.
Plusieurs objections ont été opposées h l'auteur à
ce sujet ; elles peuvent se réduire à quatre principales *
1*^ Le tombeau de David et de sa dynastie était sur
< 808)
te znont Sion ^ et il y est encore en grande vénération
parmi les musulmans.
2*" Les ornements architectoniques des &bour-el*Mo-
louk sont formés de motifs empruntés à l'architecture
grecque.
3° Le livre de Néhémie semble placer le tombeau de
David sur le moât Sion.
à"" Enfin ce tombeau a été ouvert , par basard > il y
quelques siècles » suivant le récit de Benjamin de Tu*-
dële ,. et refermé aussitôt t)ar Tordre du rabbin de Jé-
rusalem.
De ces quatre objections que j'ai examinées ailleurs,
les deux plus fortes , à mon avis , sont la première et
la troisième; celle-ci surtout, comme j'ai essayé de le
montrer, me parait au premier abord insurmontable.
Voici, en effet, le passage de Néhémie (III) :
15. (( Et Saloûm, fils de Kolkhoze, chef du district
de Mitspa, éleva la porte de la source; c'est lui qui la
construisit, la couvrit, en |)osa les portes, les serrures
et les verrous , ainsi que la muraille de l'étang de Se-
lakh (Siloé), près des jardins du roi et j'usquaux
rampes qui descendent de la ville de David.
16. » Après lui travailla Néhémie , fils d' Azbouk ,
chef du demi-district de Beth-Tsour , jusqu'en fac^
des tombeaux de David ^ jusqu'à l'étang d'Assoui^h et
jusqu'à la maison des héros. >
Ces deux versets ne semblent-ils pas décisifs contre
la théorie de M. de Saulcy ? Après avoir parlé de l'étang
de Siloé et des rampes qui descendent de la cité de
David , c'est-à-dire évidemment de la colline de Sion ,
Néhémie mentionne ensuite immédiatement les tom-
beaux de David.
( âôà )
Ne pouvant dénouer le nœud de cette difficulté,
M* de Saulcy n'hésite pas à le trancher hardiment en
prétendant que ce n'est peut-être là qu'une interpola-
tion erronée dans un livre rempli d'ailleurs d'obscu-
rités impénétrables. Fort de toutes les raisons qu'il a
accumulées pour démontrer son hypothèse, et ruiner de
fond en comble celles qui sont contraires à la sienne, il
maintient énergiquement son opinion, sans tenir compte
de ce petit passage qui me parait très-net , quoique
inséré dans un chapitre qui ne l'est pas du tout.
Mais que faire alors des Kbour-el-Molouk et comment
sortir d'embarras?
J'ai discuté longuement avec M. de Barrère, à Jéru-
salem , cette question difficile , et il m'a cité une fois
un passage d'Ézéchiel auquel je n'avais pas d'abord
fait assez grande attention, et qui peut-être peut mettre
sur la voie de la solution de ce problèniie,
Voici ce passage , ch . XLIIl r
7. « Fils de l'homme, c^est ici le lieu de mon trône,
le lieu où je poserai mes pieds et où je demeurerai
pour jamais au milieu des enfants d'Israël, et la maison
d'Israël ne profanera plus mon saint nom à l'avenir, ni
eux , ni leurs rois par leur idolâtrie , par les sépulcres
de leurs rois (1 ), ni par les hauts lieux.
9. » Qu'ils rejettent donc maintenant loin d'eux leur
idolâtrie; qu'ils éloignent loin de moi les sépulcres de
leurs rois (mot à mot les cadavres de leurs rois) , et je
demeurerai toujours au milieu d'eux, n
De ces deux versets ne serait-il pas permis de con-
(1) Mot à mot par les cadavres des rois.
( 806 )
dure qu'ayant la captivité de Babylone , époque pen-
dant laquelle prophétisait Ézéchiel , les sépulcres des
rois de Juda avaient, par leur rapprochement du
Temple, situés qu'ils étaient sur le mont Sion, violé
les prescriptions de la loi judaïque, et qu'au retour de
la captivité , pour obéir aux injonctions du Seigneur,
qui ordonnait par son prophète d'éloigner de son sanc-
tuaire les cadavres des rois , ceux-ci furent transférés
ailleurs, dans les magnifiques excavations connues au*
jourd'hui sons le nom de Kbour-el-Molouk ?
De cette manière , on ne peut plus invoquer contre
l'hypothèse de M. de Saulcy aucun texte de l'Écriture.
C'est bien sur le mont Sion, la cité proprement dite
de David, qu'aurait été creusée la nécropole primitive
des rois de Juda , à l'endroit que Néhémie désigne sous
le nom de Tombeaux de David , ce prince étant comme
la personnification de tonte sa dynastie et imposant
son nom unique au mausolée multiple et commun où
reposaient, dans plusieurs chambres sépulcrales, les
corps des rois ses descendants. Plus tard, leurs royales
dépouilles , comme je viens de le supposer, auront été
transportées hors de la ville , dans le mausolée que
M. de Saulcy leur attribue.
En même temps qu'il pratiquait des fouilles aux
Kbour-el-Molouk, M. de Saulcy en exécutait d'autres
au pied de la face méridionale duHaram-ech-Chérif,
afin de dégager le seuil de la triple porte. La base de
cette porte a été entièrement déchaussée sur une
étendue de près de 30 mètres ; il a été constaté que
le roc se trouvait immédiatement en dessous de la
grande assise nommée par M. de Saulcy salomonienne,
XI. AVRIL. 5, 20
( 306 )
qoi formait la base de la mnraille, telle qu'elle appa*
raissait avant la fouille. On découvrit ausdi plusieurs
canaux souterrains qui servaient à l'écoulement , vers
le Cédron, Jes eaux nécessaires à la propreté du
Témplë.
H. Sauicy envoya égaleiûent quelques ouvriers au
gtMd tertre éti forme d'hémicycle , qui se trouve à
dtàltid dé la route de Naplouse , à 800 mètres au p\û&
dé la pàtle de Damaé. Led tranchées qui y furetit ou-
vertes n'ameUêrent que de faibles résultats. Nêân-
ïÉàittêy c<mime ce tertre affecte la forme d'un théâtre,
M. de Saulcy croit y recoûttattrfe remplaceitaetit de
celui qU'Hérode avait fait coUStruire à Jérusalem.
St. dé Saulcy aborde ensuite dans son ouvrage
Teittnneâ des différents canaux, sources et bassins qui
aHihetifsdent Jérusalem. Puis il discute très-savam-
ïûéiA lés diverses enceintes de la ville.
11 tiéiûàiicté uù chapitre spécial à Tenceinte du Temple,
(fetil a pu cette fois étudier à loisir dans les moindres
cMUilé , et il affirme de la manière la plus formelle et
Àfctis toute la sincérité de sa conviction qu'il était jadis
dftUè le vttd «n regardant comme judaïques les portions
antiques de murailles que d'autres critiques attribuent
à Bérode ou à une époque plus récente encore.
!l revient d« nouveau sur la porte Dot^e et la porte
sous d-Aksa. Ces deux portes, dit-il, sont bien plus
aïiciemies que les parties surchargées d'ornements qui
leur ont été appliquées après coup. Celles-ci sont dé
Péi^oque d'Hérode très-probablement.
te $5 décemibre, enfin, après avoir parcouru et
«iâmïnTê en tous sens îa ville sainte dont Mf. le capttàiîië
j
( 807 )
Gélis avait dressé un nivellement exécuté avec un soin
minutieux , M. de Saulcy quitte, non sans regrets, avec
ses compagnons de voyage , le théâtre de ses fécondes
recherches, riche des précieux résultats qu'il a obtenus
et des découvertes qu'il a faites!
Je lui avais signalé dans les montagnes d'Éphraïm,
près du Kharbet-Tibneh , l'ancienne Thimnat- Hères,
Fexlstence d'un magnifique tombeau que j'avais trouvé
6û parcourant cette région , et que , conformément aux
données de la Bible, d'Eusèbe et de saint Jérôçae,
j'attribuais à Josué. Il s* y transporte avec tout 9on
monde, en lève le plan, y découvre une chambre
sépulcrale qui m'avait échappé, et ajoute un grand
poids à mes conjecutres en les confirmant entièrement.
De là, il se rend à Naplouse par une route peu
connue à travers les montagnes et fait une nouvelle
étude des mines du Garizim.
Dans la relation de son premier voyage , il raconte
qu'en visitant cette montagne célèbre il avait vu, auprès
des débris de l'ancien temple des Samaritains, d'autres
fuines considérables, et qu'ayant demandé aux indi-
gènes qui l'accompagnaient d'où provenaient ces ruines,
il lui avait été répondu que c'étaient celles d'uue an-
cienne ville du nom de Louza. Gomme aucun livre
imprimé ne fait mention d'une ville de ce nom en cet
endroit, plusieurs critiques soupçonnèrent que M. de
Saulcy avait été induit en erreur. Dans sa seconde
visite au mont Garizim, M. de Saulcy ne manque pas
de demander de nouveau quelles sont ces ruines, et il
lui est fait la même réponse. Or, comme l'a fait obser-
ver le docte M. Beinaud , une ville du nom de Louza
( 308 )
est citée comme ayant existé jadis dans le voisinage du
temple de Garizim, dans nne histoire des Samaritains,
écrite en arabe par un Samaritain appelé Aboul-Fath,
lequel vivait vers le milieu du xiv* siècle. Le texte de
cet ouvrage a été publié en 1855, à Gotfaa, par
M. Edouard Vilmar, sous le titre de Abul-Fathi an-
nales^Samaritani.
Les pluies torrentielles dont il est malheureusement
presque chaque jour assailli empêchent M. de Saulcy
d'explorer les parties de la Samarie et de la Galilée
qu'il voulait étudier, et c'est avec beaucoup de peine
qu'il gagne Beyrout, où il se rembarque le 11 janvier
pour la France.
Tel est le résumé fidèle des deux beaux volumes
dont j'ai été chargé de rendre compte. Ils sont enrichis
de planches et de cartes d'une rare exactitude , où tous
les itinéraires de l'auteur sont tracés avec la plus grande
netteté. De nombreux problèmes archéologiques y sont
posés et résolus ; la géographie de la Palestine y est
aussi éclairée , sur beaucoup de points, d'une lumière
nouvelle. Aussi la science n'a-t-elle qu'à féliciter M. de
Saulcy de ses courageuses et doctes recherches, et elle
attend avec impatience le nouvel ouvrage auquel il
travaille en ce moment sur le siège de Jérusalem par
Titus.
( 309 )
Commanteatlons» eto.
LETTRE DE M. G. LEJEAN
AU PHÉSIDENT DB LA CQHIUSSION CENTRALB.
Angora, le 9 décembre 1865.
<c Monsieur le Président,
* L'hiver et d'autres circonstances qui tiennent au
temps et au pays impriment à mon voyage une lenteur
qui m'inquiéterait pour le résultat final, si je n'étais
assuré d'avance de pouvoir doubler mes étapes quand
je descendrai dans les pays à chameaux, c'est-à-dire
en Mésopotamie et en Assyrie. J'espère être sur l'Eu-
phrate dans une vingtaine de jours. L'Asie Mineure est
un pays admirable à parcourir quand on en a le temps,
ce qui n'est pas tout à fait le cas pour moi. Le froid
est intense et mon tempérament africain en souffre
beaucoup, d'autant mieux que la neige et le vent du
nord rendent les ascensions de montagnes très-pé-
nibles, souvent impossibles. Les relevés géodésiques
que je fais avec soin me montrent à quel point la to-
pographie de la Péninsule est encore mal connue. Les
cartes vraiment admirables de Kiepert et Bolotof des-
sinent les grands traits, mais rien de plus. Dieu veuille
inspirer à quelque gouvernement européen, ami de la
science, d'envoyer ici une mission sérieuse, qui fasse
( 510 )
pour les provinces littorales ce qu'a fait Texpédition
Yiocke-Fischer pour un coin de la Cappadoce.
1 J'expédie par ce courrier, à M. le ministre de l'in-
struction publique, un petit rapport accompagné d'une
carte, en trois feuilles, d'une portion de la Galatie, re-
levée au 1/150 000% pluâ deut platis.M. le ministre
jugera peut-^ètre à propos de vous envoyer ma carte,
à une partie de laquelle le Bulletin pourrait accorder
sa gracieuse hospitalité. L'échelle de 1/160 000^ est
bien graâde, mais il m'a paru impossible de la réduire
sans sacrifier les détails qu font précisément l'origina-
lité de la carte, en montrant à quel point la vraie to-
pographie de l'Asie Mineure s'éloigne du dessin ar-
randi et uniformément élégant de la oarte Bolotof. —
La partid de là Galatie comprise entre Nalli-Han et
Aiach est une succession de steppes d'une aridité ef-
froyable» formées par des plaines et des plateaux bas,
qui m'ont parfaitement rappelé le Samhar nubien. Je
les ai figurés dans la feuille III, à laquelle j'ai joint âes
profils de collines sedimentaires voisines de Sarlar.
Un géologue trouverait peut<»étre ces collines, trèfe-
itômbreuses le long de l'Aladagh, moins extraordinaifès
qu'elles ne m'ont paru^ avec leurs couches rouges,
blanches, vertes, régulièrement superposées* Ces cou-
leurs Aont si tranchées en certains endroits^ qu'elles
figurent un drapeau italien.
» Je m'occupe avec ardeur d'une étude adMs neuve :
«elle de l'agriculture, et en général des forces produc-
tives de TAnatolie* Cette magnifique province, si riche
aux diverses époques de son autonomie, a toujours la
méam vigueur de production qu'il y a viûgt eièclas.
( 311 )
Daps le3 provinces que j'ai parcourues, j'ai trouvé
deu:i^ races agricoles fort diverses : le paysan du litto-
ral. Turc ou Grec, est actif, intelligent, un peu routi-
nier comme tQus les paysans, mais en somme upe
population d'avenir. Dans l'intérieur, tout est Tijrç: là,
le paysan» sans être précisément paresseux^ e^t tor-
pide, engourdi par ses habitudes de résignation mju-
sulmanei du reste moral, bonnête, sans fanatisme
violent, sans grand besoin de bien-être. Pans les yil-
lages mixtes où j'ai passé, le chrétien est à l'aise ; le
musulman est pauvre, mais ne semble rieii désirer de
mieux. Le grand mal est la rareté spécifique de I^ po-
pulation, et ce mal ne promet pas de diminuer^ car la
race turque subit un décroissement rapide dont )es
causes sont trop longues à ejcpliquer ici. J'ai éprpuyé
dans les districts intérieurs du Khodavendjar et ^n
Khodja^Hi l'irritation continue qu'inspire à un agri-
culteur consciencieux un pays admirable h^^tfâ pfir
des fainéants, ou, ce qui revient au même, par de
grands enfants sans initiative. Quant à la Galatie cen-
trale, c'est tout autre chose : la Champagne pouilleuse
est un Éden à côté. Figurez-vous des steppes blan-
châtres, avec quelques cavités où les torrents ont roulé
un peu de terre brune : là, les paysans turcs font du
jardinage, ce à quoi ils ne s'entendent pas trop mal.
Il faut convenir que les Gallo-Grecs n'ont pas abusé
des droits de la victoire en s' emparant de ce triste pays ;
il est vrai que le Gaulois n'a jamais eu Tesprit très-
pratique.
» Je suis, comme ethnographe, un peu dérouté ici :
j'y trouve, dans les campagnes, un type singulier,
( 812)
difficile à classer, et qui D*est pas turc, bien que les in-
dividus se disent Osmanlis ; j'ai trop étudié le type
turc en Bithynie pour m'y tromper. Je dirais que c'est
le même type que dans l'ouest de la France, si je n'é-
tais en légitime défiance de mes idées préconçues à
l'endroit des populations galates. Mais je n'épargnerai
rien pour arriver à quelque chose de satisfaisant. Il est
bien certain que tout ce qui se dit Osmanli en Asie
Mineure n'est pas de sang osmanli, et que le Turc s'y
est superposé à des populations indigènes, que les
Grecs et les Romains n'avaient pas fortement enta-
*
mées. Mais quelles sont ces races ?
» Ma prochaine lettre sera datée de Mossoul, où je
me rends tout droit, et j'y joindrai quelques études
topographiques, peut-être un levé soigné de la plaine
d' Arbelles, qui n'a pas encore été fait, que je sache.
» Veuillez, monsieur le Président, recevoir mes sa-
lutations les plus empressées.
» G. Lejean. »
(313 )
RAPPORTS
SUR LA MOKT
DU BARON VON DER DECKEN (1)
Zanzibar, le 23 novembre 1865,
0
CX>NSULAT DES VILLES LIBRES ET HÂNSÉATIQUES DE LUBEGK
DE BRÈME ET DE HAMBOURG
Je m'appelle Mabruk et j'appartenais à la tribu des
Wabiao. J*ai pris part à l'expédition de Speke sur le
Nil, et j'ai reçu une médaille. J'étais esclave, et j'ai
obtenu ma liberté au retour de ladite expédition. Le
baron Von der Decken m'a engagé pour son expédi-
tion à raison de 3 thalers par mois.
Lorsque le baron quitta le camp et le steamer au
fleuve Djuba, il me prit avec lui pour ramer, ainsi que
Soliman, Mbaruko et Ahmed. Outre le baron, entrè-
rent dans l'embarcation le médecin, le Somali Abdio,
Baraka, un homme libre, et Kero, l'esclave d'un So-
mali (Auwes) . Nous partîmes de bonne heure le matin,
je ne me souviens pas quel jour» et nous arrivâmes
vers midi à Bordera. Tout le monde descendit à terre.
(1) Ces rapports sont le résultat de la déposition de deux indigènes
qui furent les témoins de la mort tragique de von der Decken. Us ont
été adressés à la Société de géographie par le docteur Kusten, qui fut
le compagnon de route du baron yon der Decken dans un précédent
voyage*
(314)
Mbaruko resta dans l'embarcation jusqu'à ce que Âbdio
l'appelât. Ensuite l'embarcation fut conduite vers le
rivage opposé. Le baron m*envoya chercher l'embar-
cation, mais je ne la trouvai pas. En chemin, une
femme me fit signe qu'on voulait nous couper le cou.
J'avertis le baron, mais celui-ci me dit que je pou-
vais être sans crainte.
En effet, les jours suivants, nous nous promenâmes
librement dans Berdera. Nous ne pouvions pas com-
prendre ce que les Somali se disaient entre eux. Mba-
ruko et Ahmed étaietit dans la maiêOn où le baron
passait la nuit afin de veiller sur la porte, lorsque le
baron fut appelé pM Abdio pour un schauri (entre-
tien). Abdio décide Baraka et Ahmed à ift'én Aller éga-
lement, attendu qu'on n'avait pas à craindre d'être
volé.
- Geux4}i une foil^ pAtiiSi on prit les armes àHM la
maison. En revenant, le ba^en demanda oà elles
étaient restéeê. Noue lui déelarfttnes qti'Abdie était
oèuse de teut. Le bàroâ ejcigêa qu'on Itti rendit les
àfifiês, fnaie on l'atûiisa avec des prôtûeeees. A ttiéS,
Itàmis^ Meyer, Mabruk-Charïes , luma et ÎLamtA
ttftivftrent à Berdera, et racontèrent qu'un eombat
avait eu lieu près du steamer sur le fleuve Djubà, et
que deux BurepéenS avaient été tuée.
Le bài*oii réelama de nôuveàU ses armes. Les Soiaali
firent semblant de vouloir les lui restituer.
Les armes furent apportées ; mais, au moment où
le baron se baissait pour prendre les siennes, les So-
mali m jetèrent sur lui et lui lièrent lee mains derrière
le dos. Le docteur ne fut pas attaché, mais arrêté. On
( diA )
s'empara, également de moi et des autres oooipagDOiifi
du baron. Abdio prit la fuite^ taudis qu'on liait le
baron. On nous garda dans la cabane, mais je pus voir
qu'on entraîna le baron et le médecin vers le fleuve,
et qu une fois là on les égorgea. On porta deux coups
au baron et un seul au médecin. Tous les deux mou-
rurent instantanément.
Je vis lês cadavres jetés dans le fleuve et entraînés
par te courant.
Abdio û' était pas là lorsque ce fait eut lieu. Les
meurtriers étaient des Somali i il n'y avait parmi eux
aucun chef de Berdera^
L'argent du baron et tout ce qu'il avait sur lui fut
pris après sa mort. On n'avait laissé que sa chexbise
BtLf son cadavi*e. On voulait nous garder comme es-
claves, mais le cfaef^ dont je ne me rappelle plus le
<iom, déclara qu'on devait se contenter de ce qui avait
été pri» aux Européens et qu'il fallait nous rendre la
liberté.
Abdio reçut une part de l'argent qui fut distribué.
Aeeompagné d' Abdio ^ de trois Somalis et de SolieaaQ,
d'Hainis, de Juma, d'Ahmed^ d'Amadi^ deBaraka^ de
Salomini,de Baruko^ de Mabruk-Charlss et de Meyer,
je me rendis à Brava.
Plus tard, nous y fûmes rejoints par Ssriug et Fe-
retji. Je restai environ dix jours à Brava, chai AbdiD,
et je dus y travailler comme un esclave^
Mabfuk-Gharles et Paul Meyer demeurèrent égale-
ment chez Abdio.
Je trouvai un nahosa (capitaine) qui^ par humanité,
me prit à {Km berd et me transporta à Lama. Là^ je
( 316 )
trouvai le capitaine Von Schickh. Nous passâmes de-
vant Mombas et nous arrivons aujourd'hui ici.
Zanzibar, le 25 aovembre 1865.
A comparu:
Paul Meyer, nègre libre, personnellement connu du
consul soussigné, qui a fait la déclaration suivante :
Dimanche à midi, j'étais au camp près du steamer.
Il apparut environ douze Somali d'un côté du fleuve et
beaucoup d'autres Somali de l'autre côté, qid crièrent
d'envoyer l'embarcation.
Le capitaine de Schikh crut que Kero revensût de
Bordera et il envoya Sering pour vérifier le fait. Mais
Kero n'était pas là, pas plus qu'Abdio. D'abord trois
Somali entrèrent dans le fleuve, puis trois autres en-
core; Sering demanda combien de Somali il devait
prendre dans l'embarcation. Tout à coup, je vis les
Somali saisir nos hommes dans l'embarcation et les
jeter dans l'eau ; je vis aussi d'autres Somali massa-
crer MM. Trenn et Ganter. Je sautai à l'eau et nageai
vers Tautre rive. J'entendis les Européens qui com-
mençaient à tirer. Je retournai en courant à la ville,
accompagné de Hamis, Auma, Mabruck - Charles et
Hamadi.
Nous fûmes d'abord poursuivis.
Lundi, à midi» nous arrivâmes à Bordera. Le baron
dormait. Nous fûmes conduits à une mosquée ; Abdio
rendit compte de notre arrivée au baron, qui n'en sa-
vait encore rien. Nous racontâmes tout au baron. Une
( 817
dit rien. Je le vis écrire. Nous ne savions rien au sujet
des autres Européens, pas même qu'ils s'étaient sauvés
dans l'embarcation. J'appris que l'embarcation avait
été vue quittant Berdera après la mort du baron. Le
soir» le baron sortit. Abdio appela Baraka et Ahmed,
qui étaient chargés de veiller aux armes. Les Somali
vinrent et emportèrent les armes, mais les armes seu-
lement et rien autre chose.
Le docteur avait été envoyé au steamer par le baron.
Lorsque nous arrivâmes à Berdera, le docteur n'y était
pas. Il n'arriva que quelques jours plus tard. Le baron
réclama ses armes. Les Somali les apportèrent et les
placèrent contre la muraille. Le baron était couché sur
la kitanda (lit) , lorsque les Somali se saisirent de sa
personne et lui lièrent les mains derrière le dos. Le doc-
teur n'était pas là. Nous autres nous étions près de la
maison, mais nous ne pouvions être d'aucun secours,
attendu que les Somali étaient trop nombreux. On
conduisit le baron sur le bord du fleuve et on 1* égor-
gea. Je vis plus tard son pantalon ensanglanté et la
lance dont on lui avait transpercé le corps. J'appris
plus tard qu'on lui avait coupé le doigt pour avoir sa
bague et qu'on lui avait enlevé son sifflet d'argent et sa
chaîne. Nous fumes retenus dans la maison de Hadji Ali.
Deux jours après, arriva le docteur Link. Il n'avait rien
mangé depuis longtemps et appela le baron, dont il
cherchait la demeure. Soliman était avec lui ; le doc-
teur Link avait un fusil, mais il n'eut pas le temps de
jse défendre. On lui perça le flanc. Je ne Tai pas vu
tuer, mais j'ai vu porter son cadavre par les rues.
Lui aussi fut jeté dans le fleuve. On prit à Soliman
( 3«;
son fusil et on le conduisit vers nous. Abdio et Ba-
ratta étaient là lorsqu'on se saisit du baron et le con-
duisit au fleuve. Kero avait été envoyé avec le docteur
pour conduire cinq bœufs au steamer, J'appris qu'on
lui avait pris ses boeufs et qu'on l'avait fait prisonnier «
HamiS) qui comprenait la langue du pays, apprit
qu' Abdio avait envoyé les Somali pour attaquer le
steamer et ensuite pour tuer le baron. Après la mort
de celui-ci, je restai encore une semaine à Berdera.
Le sultan Hadji Ali nous donna la permission de quittçr
Berdera.
Avec Mabruk*Speke, Mabruk,-Gharles, Hamis, Bar
ruko, Hamadi, Soliman, Suma, Sabemin, Hamed et
Sering, j'allai à Brava, accompagné d' Abdio et de
Baraka.
Noua restâmes plus d'une semaine en route, mar*
cbant le jour et dormant la nuit. L'eau manquait de
tçmps en temps ; la viande était en abondance. Arrivas
à Brava, Abdio me prit, ainsi que Mabruk-Charles,
dans sa maison. Les autres furent placés dans d'autres
«maisons. On me faisait porter du bois et chercher de
l'herbe pour les bœufs; j'étais nourri en échange de
ces services.
Lorsqu'on apprit la nouvelle de l'arrivée du Mon
of war (navire de guerre), Abdio voulut d'abord nous
faire partir pour la schamba (campagne). Chaque
fois qu'une embarcation venait à terre, nous étions en-
fermés. Baïuko dit au capitaine anglaisdu ifan ofwar
que cinq hommes étaient encore prisonniers, et là-
dessus on nous remit en liberté.
Abdallah Bin Ali me transporta avec Mabnik-
( 31^ )
Charles, Hamis et Baruko sur le steamer le Vigilant^
sur lequel nous venons d'arriver ici.
Mabruk-Speke s'enfuit de Brava et ae rendit à bord
d'un dhow en partance pour Zanzibar, Sering et Feretji
en firent autant. Fuma, Soliman et Ahmed se rendi-
rent sur un dhow à LaoïQ,
J'appris que les Somali avaient tué le baron pour
venger la tnort de leurs frères qui avaient été tués à
l'attaque du steamer.
Les Somali doivent s'être alliés aux Gallas.
Soliman serait parvenu au steamer; il n'y aurait
troayé aucun Européen, et aurait été forcé de revenir
sur ses pas. J'ai appris cela d'Hamis, qui comprend la
langue du pays.
( S20 )
Actes de la Soelété.
EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES.
Procès-verbal de la séance du 16 mars 1866.
PRÉSIDENCE DE M. D*ATBZAC.
Le procès-verbal de la séance précédente est lu et
adopté.
Le secrétaire général donne lecture de la correspon-
dance. M. Bourgeois remercie de son admission au
nombre des membres de la Société. — M. Jules Du-
val, l'un des vice-présidents, s'excuse de ne pouvoir
assister à la séance. — iM. Simonin exprime le désir
de faire à la Société une communication sur l'exploi-
tation de l'étain dans l'aucienne Gaule et sur l'empla-
cement des îles Cassitérides : cette communication est
immédiatement inscrite à l'ordre da jour. — M. Bur-
guet sollicite l'appréciation de la Société sur un pro-
cédé de son invention, et qui consiste à fabriquer un
papier dans la pâte même duquel sont dessinées des
cartes muettes, dont on fait ensuite tracer les contours
par les élèves. M. Ernest Desjardins ne pense pas que
ce soit là une idée tout à fait neuve : il a vu des cartes
muettes dont les délinéaments, faiblement indiqués,
devaient être repassés dans les écoles. Le président in-
vite MM. Ernest Desjardins et Eugène Gortambert à
( ââi )
examiner les procédés de M. Burguet pour en faire à
la Société un rapport verbal. — La Société des ingé-
nieurs civils, par l'organe de M. Nozo, son président,
annonce qu'elle s'est pleinement associée aux vœux de
la Société de géographie pour Tachèvement du nivelle-
ment général de la France, et elle propose de réunir
dans une action commune, à laquelle serait aussi con«
viée la Société centrale d'agriculture, leurs efforts
pour atteindre le but désiré. Cette proposition sera
l'objet d'un examen particulier. — Par suite à la cor-
respondance, M. Elisée Reclus informe ses collègues,
d'après les éclaircissements qu'il a reçus des États-
Unis, que l'annonce de la fondation d'une Société de
géographie à Boston, dans des conditions de prospé-
rité tout exceptionnelles, n'était malheureusement
qu'une nouvelle controuvée.
Lecture est donnée de la liste des ouvrages offerts.
M. Malte-Brun présente» en outre, de la part de
M. Henri Lange, le quatrième volume annuel (1864)
résumant les travaux de la Société géographique de
Leipzig ; et, de la part de M. Achmet d'Hériconrt, les
livraisons parues de son Annuaire des Sociétés sau-
vantes. — M. Eugène Cortambert offre, au nom de
l'auteur, M. Hyacinthe de Charancey, le deuxième fas-
cicule de ses Études sur la langue basque et les
idiomes de f Oural. — M. Bourdiol remet une notice
de M. Taillefer sur la Cochinchine, et M. Hûber une
notice de M. Tronquoy, secrétaire de la Société des in-
génieurs civils, sur la planchette photographique de
M. Chevalier.
Il est procédé à l'admission des candidats inscrits
XI. AVRIL. 6. 21
( 322 )
au tableM de présentation. Sont i^dmi» comme menci-
br«s de la Société : MM. Antoipe^Émile Blanche* doc**
teor eo médecioei Creorges-Henri Marsb; Edouard
Bertrand, yice-coosnl das États*Uni9 de Goloml^iQ, -»
Sont inaarits au tableau de préfioptation les oouyeaii^
eandidatfi ci'^aprés : MM» Abel Lemercier» docteur eu
droit, présenté par MM- Meignen et Qimly \ — le
eomte de Rocbeebeuart, présenté par MM- Maunoir ^t
d'Avexac ; -^ Engène Taetu, consul général, présenté
par MM. de Quatrefagee et d'Aye^ac ( ^ B. Garnîer,
premier drogman du consulat général de France en
Egypte, présenté par MM. de Quatre%es et d'Avez^ ;
•^ Henri-René Dumont, présenté par MM* Wiesener et
Malte«^Prun ; ^ Sidi-Mohammed-ben^Moustapba, pré-
senté par MM. Ernest Desjardins et Malte-Brun ; rr^
Thomas Comnëne de Garaman, présenté par MM< d'A^
vesac et Barbie du Bocage ; -^ le baron d' Adhémar,
présenté par MM, d'Ayezac et Barbie du Bocage»
M. Alfred Demersay expose i la Société qu'étant
•ur le point de repartir pour l'Espagne et le Portugal,
où il va poursuivre sa mission de recherches dans le^
archives, il désirerait recevoir des instructions de la
Société. Le président remercie M. Demersay de ses
offres de service ; des instructions seront rédigées par
les soins de la section de correspondance* '^ M. Gom*-
Bène de Garaman, qui se dispose à, un prochain voysge
dans la pays de Siam* la Birmanie et le Thibet, de-
mande également les instructions de la Société : la
aeotion de correspondanoe e3t par^Uement invitée ^
les préparer.
La diseuamoD est ouverte sur la proposition de la
( 323 )
Société des ingénieurs civils. M. Bourdiol pense qu'il
est convenable que la Société de géographie concoure
à une nouvelle démarche en ferveur du nivellement de
la France, et que la poursuite en pourrait être confiée
à la commission qui avait précédemment été appelée
à s'occuper de la question. M. Reclus voudrait que
cette mission fût assumée par le bureau même de la
commission centrale, auquel pourraient être adjoints
les membres de la commission spéciale du nivellement.
Le président, en acceptant Thonorable tâche qui lui
est déférée, croit nécessaire de mettre sous les yeu;K de
ses collègues la situation réelle des choses , et les diffi^
cultes matérielles qu'il faut s'attendre à rencontrer
dans la poursuite d'une ai&ire dont le succès est subor-
donné à des votes de crédits financiers de la pari des
conseils généraux des départements, qui ont, à la vé-
rité, reconnu généralement l'utilité de l'opération re-
commandée à leurs sympathies, mais qui ont, à de
rares exceptions près, déclaré leur impuissance actuelle
de subvenir à la part de dépens qui doit rester à leur
charge» Peut-être cependant le point de vue des exploi-
tations rurale$, mis particulièrement en relief &vee le
concours spécial de la Société d'agriculture, aura-t-il
une influence pins dédsive que les considérations
scientifiques sur lesquelles la Société de géographie
doit surtout insister, et même que les avantages in-
dustriels que fera naturellement valoir la Société des
ingénieurs civils. En résumé, le président pense que,
sans se décourager, il importe de ne point se faire
illusion sur les chances d'une réussite aussi prochaine
que l'on aimerait à l'espérer. M. Deloche, après
( 32â )
avoir fait ressortir la grandeur et l'importance de
l'œuvre, expose combien il est urgent d'obtenir au
moins des allocations partielles, au moyen desquelles
puisse être maintenue l'organisation du personnel
d'élite formé par M. Bourdaloue pour les nivellements
précédemment accomplis sous sa direction. M. Delocfae
n'hésite pas à croire que l'action commune et bien di-
rigée des trois Sociétés qui représentent dans cette
question la science, l'industrie et l'agriculture, ne par-
vienne à de favorables résultats. — Conformément à la
proposition de M. Elisée Reclus, la commission centrale
décide que son bureau, auquel s'adjoindra la précé-
dente commission spéciale du nivellement, avisera aux
mesures à prendre pour une démarche à faire en com-
mun avec la Société des ingénieurs civils et la Société
d'agriculture.
M. le comte Julien de Rochechouart donne lecture
d'une étude sur l'organisation des tribus de la Perse.
— Renvoi au Bulletin.
L'ordre du jour appelait la fixation du jour de la
prochaine séance générale ; la commission du prix an-
nuel n'ayant pas encore préparé son rapport, la déter-
mination à prendre est ajournée à la séance prochaine.
La séance est levée à 10 heures et quart.
( 826 )
IVoairelles et faits séog;raphic|aes
7 Carte topographique des Iles Britanniques. — La carte des
Iles Britanniqaes publiée par VOrdnance survey office se com-
pose de trois parties : Angleterre (150 213 k. c), 110 feuilles;
Ecosse {77696k. c), 120 feuilles; Irlande (84982 k. c),
205 feuilles. Cette dernière carte se publie sous deux formes :
carte d'Irlande, donnant le relief du terrain par courbes de ni-
veau, et carte d'Irlande donnant le relief par hachures. On se
fera une idée deFimportance des travaux de VOrdnance survey
office quand on saura que cet établissement exécute, outre la
carte à 1/63 360 (1 pouce pour 1 mille), une carte à 1/10 560
(6 pouces pour 1 mille), dont il a déjà paru 2994 feuilles.
VOrdnance survey office publie aussi, pour l* Angleterre et
l'Ecosse, une carte de paroisses {parish map) à l'échelle de
1/2500 (25 34* pouces pour 1 mille), dont 13 857 feuilles sont
aujourd'hui publiées, avec 897 cahiers et 18 feuillets relatifs à
l'aréa du parcellaire de détail. Enfin, ce grand établissement a
fait paraître, jusqu'ici, les plans de 165 Tilles aux échelles
de 1/5280, 1/2640, 1/1056, 1/500 (1, 2. 5, 10 pieds pour
1 mille) : 2376 feuilles de ces plans ont actuellement paru. Le
plan de Londres à 1/1056 (5 pieds pour 1 mille) se composera,
à lui seul, de 819 feuilles. C. M.
Les puits artésiens de Chicago. — Sur la foi d'un corres-
pondant du New- York Times^ presque tous les journaux sclen-
tiûques parlent des « anomalies extraordinaires» que présente-
raient ces puits sous plusieurs rapports. Cependant ces eaux
jaillissantes, qui donnent à peu près 66 litres par seconde, un
peu moins que le puits artésien de Passy, n'ont absolument rien
d'anormal Elles proviennent d'une profondeur de 210 mètres,
et leur température est de 14 degrés centigrades : or, la tem-
( 826 )
pérature moyenne de Chicago étant nn peu inférieure à 10 de-
grés, il en ré9alt« qnei dans cMto partie sopefflcicHe de la
couche terrestre, l'accroissement de chaleur est de 1 degré par
50 mètres. Il n'est donc pas exact de dire et de répéter que « la
température moyenne des puits de Chicago est au-dessous de la
température moyenne de la localité. » E. B,
Émigration au Brésil, — Les émigrants des États-Unis an
Sud, qui se sont dirigés vers le Brésil, après la fin de la gueffé,
ont ôhoisi, pour remplacement de leur ville future, une langue
dé terre iKltuée au confluent de deux petites rivières , prèai
d'Afâguara. — On leur a concédé près de 3 000000 d'hectàre$
de terres vacantes. {New- York tribune.)
Les steppes du Kuma-Manich» — On se souvient qu'en
1858-1859 des études avaient été exécutées dans cette région,
en vue de rechercher la possibilité d'établir un canal de jonc*
tion entre la roerd'Azof etlamer Caspienne. L'enquête, à la-
quelle restera attaché le nom du docteur Bergstraesser» avait
conduit à renoncer à ce projet de canal, mais on avait songé à
adopter les mesures nécessaires au peuplement de l'intervalle
Ponto*Gaspien : une eupédilion, organisée pour, faire une en-
quête à ce sujet, a séjourné deux années (1860-1861) dans ce
pays, qu'elle a exploré an point de vue scientifique et éGOQo-
mique; les résultats les plus saillants des recherches de cette
expédition sont les suivants : la basse plaine du Manitch n'étant
qu'un désert salin, toute tentative pour la peupler entraînerait
à d'inutiles sacrifices, te poiiit le plus élevé de cette plaine est de
ld*,S/i9 au-dessus du niveau de la mer Nolrë. La steppe kâl*^
monke présente, au nord du Manitch, deux portions distincte»:
b iSteppé bdSâe d'Astrakhan, formée de sédlfUents marins d'une
espèce récente^ et la steppe élevée du Dotl, d^nne forinalidn
plud ancienne. Les minéraux utiles de la steppe sont le sel, lé
^ypse, la chaux, la pierre meulière, etc.. La steppe haute,
composée de roehéduré, ptèêtnib ié$ smrtéà, et, $è tR*éiétttâ
( *27 )
là eultare, pourrait êire peuplée i la steppe baw;e« au csentraire^
oôAiposée de sables mouvants et d'un sol argileux^ souvent
salin, lie pourrait recevoir de population permanente et ne ié
prêterait qu'à Télève du bétail; quelques parties, eependant»
de cette région seraient susceptibles d'être améliorées par des
irrigations artificielles. On ne pourrait établir^ dans la basse
steppe, d'autres établissements ûies que de petits viltages et des
habitations échelonnées te long des routes. Le forage des
puits artésiens ny offrirait aucune chance de succès ; on de^
▼rait, pour les approvisionnetnents d'eau, creuser des citerries
(khàudoukê) où s'accumulerait Teau du sol.
• L'éttpédiiion a dressé une earte géologique et statistique et
une carte topographique de là Steppe. Ges cartes ainsi que les
lAémèf res sur la question seront publiés en langue russe^
[Jôurnùt de Saint-Pétèréouf'g. )
SOCIÉTÉS DE GÉOGRAPHIE ÉTRANGÈRES.
SOGIBtÉ BOTALE GBOeBAPHIOUB DB M>SfDBS6«
Voyage de Duchaillu à la côie occidentale d' Afrique.
^ jDaehaillu quittait Londres k 5 août 1803^ et attdgvlt
lé rio Pemafld-Vaz le 9 octobre suivante LH indigènes lé
ferrent avec de grandes démonstrations de Joie; malhèGlréU^
Serment, il perdit à la eôte rembarcation qui contenait la ploë
grande partie de ses instruments d'observation^ En attendàilt
qti'U loi en fût envoyé d'autres» il eeaploya ses loisirs à ntumn-
hier des spécimens de la faune et de la flore du pays.
Après maintes diflBcultés pour organiser son départ , il attei-
gnit le village du roi Olinda, dans le pays d'Ashlra t par là
rente qu'il a suivie, ce village est H 110 milles (171 kllomèt.)
de l'embonchtire du rlo Femand-vai Ollnda reçut fort bien
DuehaillQi qui ne tarda cièpendattt pas à s'apercevoir que
cet aecueil était Intéressé et s'adressait surtout sut eadèaut
qu'on espérait obtenir de lui. En quittant le pays des Asblra^ il
m<MÊÊÊ M lerfiteivis du IMMÉ^des fComiMi, ééi Avti^ i^ur
( 328 )
gagner les cataractes de Samba-Nagoshi, auxquelles il n'avait
pu parvenir lors de son premier voyage. Ces cataractes sont
situées à 50 milles (80 kilom.) N. N. £. du village d*Olinda.
Pendant ce trajet, il put constater que les gorilles vivent par-
fois en troupes, contrairement à ce qu'il avait avancé dans sou
premier ouvrage.
Ayant atteint et descendu pendant quelques heures la rivière
Ovigui, le voyageur et sa troupe débouchèrent dans le grand
Rembo, qui était très-gonflé parles pluies. Enfin, il atteignit le
village de Suba, qui fait partie de la tribu des A via et qui est
situé au-dessus des rapides et des chutes. La contrée qu'il
venait de traverser est couverte de villages abandonnés^ qui lui
donnent un aspect monotone et triste.
Les chutes et les rapides s'appellent Ssmba-Nagoshi. La
légende dit que deux esprits, l'un masculin, l'autre féminin,
agitent les eaux afin d'empêcher de remonter et de descendre
le cours de la rivière. Au milieu de la chute réside Foogamoo,
qui rugit et qui pousse l'eau avec une force effrayante.
Les chutes sont au nombre de trois : la première, appelée
Naghosi (du nom de l'esprit féminin) n'est qu'un rapide;
sur ce point la rivière contient deux îles. Environ 12 milles
(19 kilom.) au-dessous se trouve la grande cataracte, à la
hauteur de laquelle la rivière est large d'environ 150 yards
(137 mètres), et présente une île qui, coupaut la chute en deux,
empêche d'en voir l'une des moitiés; du côté où était Du-
chaillu, la chute peut avoir 70 yards de large (6U mètres).
C'est toutefois de l'autre côté, qui n'a guère que 20 ou
30 yards (18 à 27 mètres), que se précipite la plus grande
quantité d'eau. La hauteur de la chute était d'à peu près
15 pieds (^""iSO); cet accident n'est rien auprès du tumulte
et du fracas produit par la rivière qui, au-dessous de la
chute, s'éloigne à perte de vue en sautant de rochers en ro-
chers.
A son retour chez Olinda, Ducbaillu commença à parler de
( 329 )
s'avancer davantage dans l*iutériear et à manifester le désir de
gagner le pays des Apingi; mais Olinda lui fit observer que ce
voyage n'était pas possible, car, peu de jours après sa première
visite chez les Apingi, Remandji, le chef de la tribu, étant
venu à mourir, le peuple avait attribué sa mort à l'étranger,
qui l'avait tué pour voyager avec son esprit. En présence du
fait il se résolut donc à passer par le territoire des Otanda, un
peu au sud des Apingi.
Tandis que Duchaillu faisait ses préparatifs de voyage , une
effrayante épidémie de petite vérole se déclara et vint augmen-
ter les difiScultés et les dangers de sa situation. Olinda sucomba
au fléau et Duchaillu fut accusé de Tavoir fait périr par des
moyens magiques ; il s^e décida à envoyer en avant, avec les
bagages, cinq de ses compagnons de route.
Enfin, il réussit à quitter le pays des Ashira pour celui des
Otanda. Là encore, la petite vérole sévissait sur toute la tribu;
le chef seul n'en avait pas été atteint, mais il refusait de rece-
voir Duchaillu, car, disait-il, l'homme blanc, dans tous les en-
droits où il va, porte la mort et tue le chef : témoins Re-
mandji et Olenda. La fatalité voulut que, quatre jours après
son arrivée à Mayolo, le chef Otanda tombât malade et que sa
vie fût menacée. Enfin, il se rétablit, et l'explorateur se pré-
para à continuer son voyage.
Mayolo n'était pas méchant, mais il était intéressé. Duchaillu
découvrit bientôt qu'il se proposait d'exercer sur lui, dans le
but de le rendre généreux à son égard, une manœuvre dictée
par la superstition et qui s'appelle Yalumbt. Voici en quoi elle
consiste : quand meurt un chef, on lui coupe la tête et on la
place dans un vase, au milieu d'une masse d'argile ; toutes les
parties molles et les liquides sont absorbés, et le crâne est
conservé dans la maison à^alumbi; le chef, à l'occasion, y
pénètre et gratte une certaine quantité de poudre d'os qu'on
mélange à de la nourritre et qu'onuadministre à l'hôte sur
lequel on veut faire opérer le charme. Les soupçons de Du*
( S30 )
ebailltt furent éi^eillés par la ponctualité avec laquelle M lui
«âvdj^ait on ripas tont préparé. Ayant été, à l'avanee, aYM A*
emto cotttnitt« du pays, Il reftun de toneher àut allntenta qot
M étaient aervia.
Apréd avoir quitté le village de Mayok>« sitné k 40 millet
(64 kilom.) Ë. S. £. dn village d'OIinda, capitale dee Aebira,
Il marcha presque directement du côté de rest« en traversiMt
le pays des Apono, où les indigènes lui auDoitèrént mille em-
barras, craignant Tinvasion de la petite vérole. Ile mirent
même une fois le feu h une forêt pour empêcher la marehé.
Léa Apono ont la ooatame de s'arracber toujcmni dent: dé
leurs incisives supérieures : ils sont trèa-gaêrriers maie très**
ivrognes. En s'avançant vers Test, c'est chez eui que Dtiebattbi
rencontra la dernière notion des objets ou armes à feu 4ei
Européens* A partir de Ih, on entre dans le damaine des tribus
t<yat 91 l^it primitives. Aut Apoflo succèdent les Isbogo^ poptt«
latlon bienveillante, qui etcelle à fabriquer des vê temeuts avec
Tépiderme de» feuilles de palmier.
C'est là qu*il rencontra une tribu errante de nègres de petita
caille; ils ne travaillent jamals4 mènent une vie vagàbdiide, aé-«
joursiént peu de temps à la même place et semblent oonstttoer
lé type inférieur des êtres humains. Ilsprioment du gibier dans
des pièges et l'échangent contre d'autres objets, dans les tribus
Oâ ils résident. Leur peau présenté une légère cok>rati«ii brttie;
quoiqu'ils soient d'une très-^petite stature « ils sont bien ooih
formés et généralement velus sur une grande partie du ùbvpBé
Lenrs cheveux sont plus courts que ceux des uèfgrea de eetia
contrée. Lès femmes, dont il a mesuré quelques-unes, em de
4 pieds à 4 pie^ 5 pouces de haut.
Btt quittant les Apono^ il entra sur le territoire des Ashangs*
A mesure qu'il s'avançait, il trouvait le pays plus montagneux
et plus difficile. La route était un étroit sentier à travers i'é-
pélsseur de la forêt : l'escorte du royagem* était obligea de
marcbèr sur «ne seule file, franAissaui les oôlUttea et iés vtU
( 881 )
Mds, tes focfaërs et les «rbret abaltos qui bamiitit te ehemin.
Âtt village d6 Mongori) dans TÂshatigo, à 265 milles (/i26 klL)
mr te route* de Tenibouchure du Femflbd-Vaz^ l'auérolde
dotitta une altitude de 2472 pieds (733 mètres). En a^aut^
ai^paraissaient, par imervaltes, les sommets d*one chatue plus
élevée t mais il n*y ? pas de plateau, tout est montée et &m**
eeiAte. Le ciel, à cette altitude ^ était généralement obsourei
pat des nuages et une légère vapeur grise voilait le sommet des
collines boisées. Il n*y a pas, à proprement parler, de saismi
sè6be dans cette région accidentée, où il pleut plus ou moini
pendant toute Tannée. La plus grande pluie que Ducbaillu ail
d^érvée a été de 6 4/2 pouces (O'^jlOS) en vingt-quatre beures.
Les Asbango se montrèrent hospitaliers, bien qu'ils soient nné
peuphde belliqueuse. Lents villages» assez considérables, — 11
en est de 300 huttes, -^ Sont éloignés les uns des autres et
communiquent entre eut par des eentieris dans les forêts.
Le voyage semblait devoir se poursuivre heureusement,
lorsque Duehaillu fut retenu pendant plusieurs Jours au village
de Mouâott->Kombo, à /i60 milles (70 kilomètres) dn Ho Fer-^
nâAd-'-yaz, par le chef de la tribu , qui lui apprit qu'une peu-
plade, placée Sur sa route, était dans l'intention de s'oppoMt* a
son passage. Petï après arrivaient au village quatre envoyés dé
ééltè peuplade, et le chef Mouaou-Kombo donna aux hommes
de la suite du voyageur le conseil d'effrayer ces émissaires en
tirant des coups de feu. « Le fusil d'un de mes hommei^, dk
Ducbaillu, avait) accld^tellement, tué un des indigènes qui
mourut sans se débattre, v Les naturels s'enfuirent dans tous
lis sens et, jugeant la position grave, Ducbaillu chercha à les
ramener et à les apaiser en leur offrant le prix de vingt hommes.
Cêê négociations auraient peut-être favorablement abouti si la
btile, qui avait fait une première victime, n'en eût fait une
seconde en pénétrant h travers les parois d'une hutte ; la se-
eottde victime se trouvait être la sceur de celui des indigènes qui
â'étili montré te plus disposé h entrer en aM>mmo*MMfti ^
( 882 )
I^ tambour de guerre retentit de tous côtés; les voyageurs
durent opérer à travers le viikige une retraite dans laquelle fut
abandonnée la partie la plus précieuse des bagages; autour
d'eux volait une grêle de flèches ; Ducbaillu et l'un des siens
furent blessés ; une fois arrivés dans les sentiers de la forêt, les
hommes de son escorte, pris de panique, jetèrent tout ce qu'ils
portaient pour fuir plus rapidement; Duchaillu, qui tenait
rarriôre-garde avec celui qui avait été cause de l'accideot, eot
la douleur de voir ses instruments, ses collections, ses photo-
graphies, ses cahiers de notes, joncher le terrain et perdus sans
ressource. Dans cette partie de la fuite il reçut une seconde
blessure, faite par une flèche empoisonnée, qui porta heureu-
sement sur la ceinture de son revolver. Après ces événements
et diverses autres péripéties, l'expédition regagnait, à la fin du
mois de septembre, le rio Femand-Vaz.
Après cette communication, quelques observations ont été
faites : le professeur Owen, en particulier, a constaté qne le
BritUh Muséum devait, à ce second voyage de Ducbaillu, d'in-
téressantsspécimensd'bistoire naturelle, et notamment plusieurs
échantillons de peaux de gorilles, un lézard à écailles, animal à
sang chaud, du genre Manis, qui fait sa nourriture des termites
si nombreux dans cette partie de l'Afrique, un nid de chim-
panzé, etc. — Le président a fait observer que Duchaillu avait
rapporté, de ce dernier voyage, une harpe des naturels du pays;
les cordes en sont faites de fibres herbeuses, et, néanmoins,
elles peuvent produire des sons musicaux. — M. Edwin
Dunkin a donné des détails sur les observations astronomiques
do voyageur; elles sont très-nombreuses, et la |)osilion de
Mayolo, en particulier, a été déterminée en longitude par
trente observations de distances lunaires. — M. WinwoodRead,
qui, en 1862, parcourait le pays des Fans, constate que ces
peuplades sont cannibales, ainsi que le prétend Duchaillu. —
M. Harris confirme le dire de Duchaillu, quant à la harpe
indigène qui est aussi en usage à Sierra-Leone. Une coutume,
( 333 )
analogue à celle de Valumbi, se retrouve dans le district de
Sherboro ; là, on ne conserve pas les restes de ses ancêtres
dans sa maison, mais on leur fait des sacrifices quand. on part
pour un voyage ou qu'on entreprend quelque importante affaire.
— M. Barris a rencontré une tribu cannibale^ les Bushy, qui
emportent dans des paniers la chair de leurs prisonniers et
s'en nourrissent pendant plusieurs jours.. — M. J. Crawfurd
n'admet pas que les nains dont a parlé Ducbaillu forment une
tribu à part; ne seraient-ce pas des individus appartenant à la
même race que les indigènes du voisinage et chassés à cause
de leur petite taille ? — M. Duchaillu a fait observer que les indi-
gènes de l'Afrique équatoriale occidentale ont de longs cheveux
laineux, tandis que ces nains ont des cheveux courts sur. le
sommet de la tête. Ils ressemblent aux Bushmen de l'Airique
australe.
SOCIÉTÉ GEOGBÂPHIQDË RT STATISTIQUE DB MEXICO.
Envois adressés à cette Société pendant le troisième tri-
mestre.— M. J. M. Fornél a envoyé d'Orizaba la photographie
de deux figures aztèques sculptées sur une pierre qui fait
partie d'un mur de celte ville. La description et l'appréciation
de ces deux figures seront publiées au Bulletin de la Société
de Mexico. — Il a été adressé un ancien mémoire manuscrit
sur les gisements métallifères de Real del Monte et Pachuca.
Ce mémoire sera aussi publié. — M. Pimentel a fait hommage
du tome II de son ouvrage intitulé : Tableau descriptif et
comparatif des langues indigènes du Mexique. — M. J. de
Emparan a fait parvenir des notices statistiques sur le départe-
ment de Yera-Gruz, et un mémoire accompagné de vues et
plans sur r.expédition scientifique envoyée parle gouvernement
pour étudier les ruines de Metlatoyuca, récemment découvertes
dans le district de Tulancingo. — Le préfet politique de Oaxaca
a remis des notes statistiques sur le Choapan, rassemblées
par SI. Garriedo, — M. Laurent, lieutenant de zouaves, a offert
( nk )
un plan topograpbiquQ 4« 1a ville de Parras, àrmi par lui. ~
M. Aniooio del CastîUo a présenté un nouvel entooiopbyt*»
ioaecte-plante» avec une description y relative. -^ M. Larrain-
ur aiuunlpDg et intéressant mémoire sur Tbistoire en général
et particulièremeut sur la manière d'écrire Tbistoire contem-
poraine du Mexique. — IhI Société auxiliaire de géographie de
Guadaiaxara a envoyé ; une notice sur la population du dépar-
tement de Jaliscos un discours sur Tutilité de la géographie
médicale ; quelque! détails géographiques et physiques sur la
vilto de Guadaiaxara ; un mémoire sur la destruction d9s forlts
dans Tempire du Mexique et sur la nécessité de remédier à ce
maL ^ M. J. ti. Fernande^ de Puebla a envoyé une cute
hydrographique de la rivière Atoyac, levée par la Commission
obargée d*étvdier b navigabilité de ce cours d*oau* -t«* ML I.
Epstein, de Monterey, a remis un plan topograpbique de cette
ville, dressé par lui. — M. J. Elentcrio Gonzales a envoyé un
exemplaire de son Traité élémentaire d'anatomie générale.
Les plus importants de ces travaux ont été soumis k des
Commissions chargées d'examiner s*il y avait lien de les inaérer
an reoueil publié par la Société.
( 385 )
OUVRAGES OFFERTS A LA SOCIÉTÉ
SÉANCES DE MÂR5 ET A^TRIL 1866.
EUROPE.
Die Reise des Pytheas nach Thaïe vod Alexander Ziegler. DresdeD»
1861. 1 brQch. iQ-8<^. M. Alexandre ZiEtiLER.
Der Reonstei^f des ThùriDgerwaldes, yoq Âlexander Ziegler. Avec
carte. Presdeo^ 1862. 1 vol. ia-S*^. M. Alexandre Ziegler.
ASIE.
La GoehinchiDe, ce qu'elle est, ce qu'elle sera. — Deux ans de
s^otir dans ce fiars de 1868 à 1^65. Périgaeox, I86& i brO(^ti.
\n^%^. If. TAn.LBfiii.
AFRIQUE.
Tableau da la situation des établissement! firançais dans TAIg^ie,
1864. Paris, 1866. 1 vol. in»^.
A piopas d*an livre récent sar la Tunisie, observations par Nonce
Rocoa. Paris, 1666. 1 broeli. in-8^ II. Koifos ftocOA*
Voyage dans l'intérieur de l'Afrique par Dambargar(apocrfplie)y traduit
par L.-H. Delamarre. Paris, an IX. 2 vol. in-8<>.
M. IfnSMAOQOS.
AMÉRIQUE.
Gompandio da gaografia gênerai politiea, fisien y «spécial dos es tndos
vnidea de Colombia, dedicado al Gongreio gênerai de la Union,
par T. C. de Uosqoara^ gran général de la Union Colombie. l^OBdres^
i86i. 1 vol. Jn«0^ M. LB aijDÊRAL T*d PB MOSQQQIA»
Une vole Boovelle à travers TAmérlque ctRtMlc* Étude géograplûquey
etiAographiqoe et statistique sur le Honduras, par Henri de
Suckau. Paris, 1866. 1 brocb. in-S*".
M. Henri de Sucauku.
Martin Bebaim ans Niimberg der geistige entdecker Amerika's, von
AI«iMi4er Xiaglor* Dr«sdan» i8S9« i brocb. ior8^
Die amerikaniscbe Volkerwanderung. Eine Studio von Friedricb
vonHellwald. Wien, 1866. 1 brocb. in-8*. M, de Hkllwald.
( 386 )
ODYRAGES GÉNÉRAUX. MÉLANGES.
Lt Ungne baMiue et les idiomes de rOaral, par H. de GhareDcey.
Mortagoe, 1866. 1 broch. ia-8<*. M. H. de Chabencet.
Annuaire des Sociétés savantes de la France et de TÉtranger, par
M. le comte Achmet d'Héricourt. (France — Belgique — Pays-Bai
— Angleterre — Suisse). Paris, 1866. 2 broch. in-8*.
M. LE COMTE ACHMET D*HÊBIGOUBT.
Note sur la planchette photographique de M. Auguste CheYalier, par
M. C. Tronquoj. 1 broch. in-8°. M. Wiluam Hubeb.
ATLAS ET CARTES.
Atlas universel d*histoire et de géographie, par M. N. Bouillet.
Paris, 1865. i vol. grand in-8°. Madame Bouillet.
Atlas général composé de vingt cartes coloriées et gravées sur cuivre.
Gotha, in-P. Jostus Perthes. M. F. Klincksibck.
Atlas zun Indnstrie-und Handelsgeographie. Mit erlftuterndem Teite
von Doctor V.-F. Klun und doctor Henry Lange. In-f* et in-8<>.
M. LE D' Henbt Lange.
Carte des pays au nord-ouest de l'Abyssinie par M. Plowden. 1860.
Réduction à moitié de Toriginal. 1 feuille manuscrite.
M. M. G. Lejean et Malte-Bbum.
Garte figurative et approximative des populations spécifiques des pro-
vinces d^Espagne, dressée par M. Minard, selon une nouvelle re-
présentation graphique. Paris, 1866. 1 feuille. M. Elisée Reclus.
Garte figurative de la structure de Técorce terrestre et classification
des terrains diaprés la méthode de M. Gordier, airec indication et
figures des principaux fossiles caractéristiques des divers étages,
par MM. Gharles d'Orbigny et Gharles Léger. Paris. 1 feuille.
M. Ghaeles Léger.
AVIS
Les communications et rapports lus à rassemblée générale da
27 avril paraîtront au Bulletin de mai.
FAIUS. — U0»JUMBRII DB B. MARTINBT, RUB HIflMON, S.
BULLETIN
DE LA
SOCIÉTÉ DE GÉOGRAPHIE
haï 1866.
ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DU 27 AVRIL.
DISCOURS D'OUVERTURE
DE
S. EXG. H. LE HÂRQUIS DE GHÂSSELOUP-LÂUBÂT
Ministre de la Marine et des Colonies
PBiswBirr db la sociÂTi.
Messieurs,
C'est pour moi une bien vive satisfaction de venir
encore une fois présider une de ces séances où votre
Société fait connaître d'importantes découvertes, et de
me retrouver ainsi au milieu de vous. Plus on se mêle
à vos travaux, plus on s'y intéresse, mieux on en com-
prend la grandeur et l'importance.
Ils touchent, en quelque sorte, à tout ce qui est
humain, vous disais-je à une de vos dernières réu-
XI. MAI. 1. 22
( 338 )
nions. Pour s'en convaincre, en vérité, il ne faut ici
que jeter les yeux autour de soi.
Que d'érudition, que de connaissances puissantes et
variées se groupent spontanéinept autour de Isv^ience
à laqualla vous vous consacrez et que toutes le& autres
viennent, pour ainsi dire, interroger tour à tour !
Ces profondes recherches sur quelques-uns des pro-
blèmes que Thomine soulève pour découvrir le mys-
tère de son établissement sur les différents points du
globe ; ces études sur les modifications, les altérations
que l'influence du milieu dans lequel ils sont placés
produit sur les divers corps organisés; les consé-
quences morales mêmes — qui peuvent en être le ré-
sultat, — toutes ces études qui sont ai brillamment
représentées dans cette enceinte, — vous savez ce
qu'elles ont à demander à la géographie! — Et ces
efforts po^r arracher quelques-uns de leurs secrets aux
pierres des tombeaux et des temples de sociétés qui ont
disparu, n'est-ce pas à elle, avant tout, qu'ils s'adressent
pour trouver le fil qui pourra peut-être les guider dans
ces labyrinthes de débrig entassés par tant de siècles?
N'est-ce pas elle aussi qui, dans sa philosophie,
peut leur dire les causes de ces déplacements succes-
sifs des civilisations qui ont précédé la nôtre ?
Car c'est là pour l'homme, messieurs, le plus noble
sujet de ses recherches, de ses méditations ; et, soit
qu'il fouille dans les âges passés pour y découvrir
quelques traces de sa i)ropre histoire, soit qu'il porte
ses regards au delà du présent/ il sçnt^n lui, en même
t^mps que sa faiblesse» cette divine émaoatioi) (jui lui
révéla que tout ne doit pas finir avea lui
( 339 )
C'est ce seotiment qui inspire le dévouement au
grandes choses, et qui fait que nous nous consacrons
avec ardeur aux œuvres que nous ne sommes pas des-
tinés à voir s'achever, dont nous ne profiterons pas nous-
mêmes, mais qu'avec amour pourtant nous voulons
léguer à ceux qui viendront après nous.
Parmi ces dévouements qui travaillent sans cesse
au développement des destinées humaines, nous avons
bien quelque droit de placer au premier rang ces
hommes courageux dont la géographie s'enorgueillit à
ai juste titre*
Souvent martyrs de la science, ou martyrs de la foi,
voy^eurs» marins, missionnaires, — que ne devons-
nous pas à ces intrépides pionniers de notre moderne
civilisation? Que de progrès accomplis grâce à leur
généreuse initiative !
Dans notre jeunesse» messieurs, nous avons tous
appris ces vers dans lesquels le vieil Homère récitait à
la Grèce charmée les errantes navigationsd'Ulysse jus-
qu'aux extrémités du monde. Mais alors, pour le poète,
le monde» avec ses bornes les plus lointaines, vague-
ment indiquées dans la Fable, s'étendait à peine de la
Colchide k quelque ile incertaine de notre bassin de la
Méditerranée.
Puis» un Samien dépassa les colonnes d'Hercule ; un
Marseillais a'avança», dit-on» dans le nord de l'Océan
jusqu'U' ultime Thulé ?. , . et si les conquêtes d'Alexandre
(car la guerre apporte aussi son tribut à la science), si
lea conquêtes d' Alexandre ouvrirent de nouveaux bon*
sonS| vous savez quelles furent les limites du monde
rt?Pttftitti
( 3A0)
Que de siècles il avait fallu pour réaliser ces pro-
grès, que de temps encore pendant lequel l'Europe
devenue chrétienne ne jette ses regards au dehors que
pour chercher à refouler rislamisrae qui l'envahit, mais
voit cependant ainsi s'agrandir le cercle de ses rela-
tions, et rapporte de l'Orient les germes de nouvelles
connaissances I
Enfin le xy\ le xyV siècle arrivent. Grande et
magnifique époque pour l'esprit humain I Ah I c'est
depuis lors, messieurs, que navigateurs, voyageurs,
missionnaires, s'élancent à l'envi dans la voie dont les
brillantes perspectives leur sont ouvertes : ceux-ci
pour découvrir, quelquefois pour conquérir de nou-
velles terres ; ceux-là pour faire aussi d'importantes
découvertes et enrichir la science de tout ce que leur
révèlent des contrées jusqu'alors inconnues; enfin ces
derniers pour convertir à la foi du Christ des nations
idolâtres -ou des peuplades sauvages*
Mais, qu'ils soient marins, voyageurs ou prêtres, et
quelle que soit la pensée qui les inspire, tous devien-
nent les apôtres de notre civilisation, les bienfaiteurs
de l'humanité, en rapprochant les peuples, en portant
la lumière sur tous les points du globe, et nous devons
les confondre dans notre reconnaissance.
Depuis lors, depuis leur généreux élan, quels rapides
progrès ; et, à mesure que nous nous rapprochons de
notre époque, combien ils s'accélèrent! Les retracer,
ce serait presque raconter l'histoire des rapports éta-
blis entre les différents peuples de la terre ; ce serait
vouloir parler de tous les pays dont naguère encore on
connaissait à peine l'existence, car il semble aujour'^
( 341 )
d*hui que l'homme veuille, si j'ose ainsi dire, rattraper
le temps perdu. Ce que vingt siècles n'ont pu faire,
un seul l'accomplit.
Dans ces progrès incessants, votre Société fournit
aussi sa part, et sa part, laissez-moi vous le dire, mes-
sieurs, est belle par les travaux scientîiSques des hom-
mes éminents qui la composent, par les efforts qu'elle
fait pour répandre les notions qu'elle recueille chaque
jour de toutes les parties du monde, enfin par les en-
couragements, les récompenses qu'elle décerne, et
qui, pour être modestes, n'en ont pas moins de prix
aux yeux de ceux qui les obtiennent.
Oui, messieurs, vos encouragements, votre exemple,
vos réunions, sont toujours de nobles incitations; vous
formez un centre d'où rayonne une généreuse influence
sur les esprits qui ne veulent pas rester étrangers au
grand mouvement qui, aujourd'hui, entraîne les na-
tions à se rapprocher les unes des autres et à multi-
plier les rapports profitables à toutes. Et, en effet, à
côté du point de vue purement spéculatif dont sont
frappés d'abord les regards de l'homme livré à quel-
ques-unes des profondes études qu'elle peut offrir, la
géographie a aussi d'utiles, de pratiques et d'indispen-
sables enseignements pour tous ceux qui désirent seu-
lement se tenir au courant de la marche de l'esprit
humain.
Laissez-moi donc, messieurs, remercier les membres
de cette Société qui, par leurs savants travaux, con-
courent à étendre quelques-unes des branches des
connaissances qui se rattachent à la science à laquelle
nous sommes plus particulièrement voués ; laissez-moi
S42)
remercier ceax qui veulent bien venir ici nous raconter
ce qu'ils ont vu, ce qu'ils ont appris dans lêtifà inté-
ressants voyages. C'est à ces récits, bien souvent,
qu'une vocation se révèle, qu'une imagination s'in-
spire. Pour ma part, je ne doute pas que vos BuUeUûs
niaient fait plus d'un voyageur.
Laissez- moi remercier enfin tous ceux — et il en
est d'éminents parmi vous, — qui ont pris pour mis-
sion de vulgariser, de populariser ces connaissances
qui, sous leur plume et leur burin, ont toujours tant
d'attraits.
( 843 )
liPPOBT SUR LE PRIX ANNUEL
POm LA DÉCOUVERTE LA PLUS IMPORTANTE EN GÉOGRAPHIE
Au nom d^aae CommissioQ cotapôsée dt
VM. B. CdUtAMBBftT» TlVIElf 0fe SllKT-HÂRTra, MALTB-^BRUII» MÂlftN 1»B KéUÉftT
El BOÙRDIOL, rapporteur.
Messieurs,
Grâce au zèle dMnfatîgables explorateurs que n* ar-
rêtent ni les fatigues ni les dangers, chaque année enre-
gistrée quelque nouvelle conquête de la géographie et
voit diminuer les lacunes de la carte du monde. Des
découvertes successives nous révèlent les contrées
restées mystérieuses et nous initient aux mœurs,
aux usages et aux aptitudes des peuples sur lesquels
on ne possédait que des notions vagues.
L'année 1863, que nous avons à examiner aujour-
d*hui, apporte, elle aussi, sa moisson de documents,
d'informations intéressantes et solides; elle a vu,
comme ses devancières, d'intrépides voyageurs se
répandre dans les diverses parties du monde, et les
régions polaires aussi bien que les régions équatoriales
ont été le théâtre d'investigations hardies, intelligentes
et fructueuses.
Les explorations qu*îl convient de signaler en pre-
mière ligne se sont accomplies dans l'Ancien continent,
en des pays qui sont à nos portes, qui ont joué un rôle
( Uh )
important dans l'histoire da inonde, mais où l'œil
européen n*a pu encore jeter en quelque sorte qu'un
furtif regard, trop rapide pour donner complète satis-
faction à nos exigences scientifiques.
Jusqu'ici on ne connaissait guère de la vaste pénin-
sule arabique, dont la superficie est quatre fois celle de
la France, que la zone extérieure, baignée par trois
mers, la Méditerranée, la mer Rouge et le golfe Per-
sique, que ses ports en petit nombre et les embou-
chures de ses torrents, tantôt à sec, tantôt roulant des
eaux troubles et dévastatrices, qui interrompent la
monotonie de son immense littoral. Mais le climat, la
nature du sol, et plus encore, le caractère soupçon-
neux et cruel des habitants, avaient fermé les routes
de l'intérieur aux explorateurs les plus hardis et
dressé une infranchissable barrière entre l'Arabie cen-
trale et le reste du monde. On connaissait encore, et
moins par des relations scientifiques que par les rap-
ports contradictoires de quelques trafiquants, l'exis-
tence et la géographie des royaumes échelonnés le long
des mers : l'Hadramaut, au sud ; à l'est, l'Oman, siège
d'un État qui conserve au moins le souvenir de son
ancienne splendeur ; à l'ouest, l'Yémen et le Hedjaz,
fameux par les traditions du prophète ainsi que par les
villes saintes, la Mekke, Médine, Djedda ; mais plus
des deux tiers de l'Arabie demeuraient inconnus et
inaccessibles.
M. William GifFord Palgrave est parvenu au cœur
même de la Péninsule; il l'a traversée obliquement de
la Méditerranée au milieu du golfe Persique, et il
nous donne de son voyage une relation aussi intér«s-
( Ub )
santé que pittoresque. Avant lui, quelques itinéraires
avaient été tracés, notamment par le capitaine Sadlier,
qui, en 1819, fit le voyage de £1-Ratif à Médine, en
passant par Riadh et Bereydah, et le docteur Wallin,
qui explora le Nedjed en 18&8. Mais aucune de ces
laborieuses tentatives n'obtint des résultats compa-
rables à ceux qu'a obtenus M. Palgrave.
Un vieux préjugé nous représentait l'Arabie inté-
rieure comme un immense océan de sables, entre-
coupé çà et là de montagnes rocheases et nues, et
parcouru uniquement par des nomades qui campent
sous leurs tentes noires à l'ombre des palmiers des
oasis : en un mot, le désert classique, avec son ciel de
feu, ses vagues solidifiées, ses tourmentes au souffle du
simoum et ses pirates lancés à la poursuite des cara-
vanes. En réalité, l'Arabie intérieure possède des pla-
teaux et des montagnes couvertes de végétation» de
fraîches vallées, des prairies, des ruisseaux perma-
nents, des fleuves souterrains dont le cours invisible
est jalonné par des puits, et des villes entourées de
jardins et de champs cultivés. Les Bédouins nomades et
pillards, qu'on nous avait représentés à tort jusqu'ici
comme le véritable type de l'homme libre, y sont en
petit nombre et tendent à disparaître de jour en jour;
au contraire, il y croît, il s*y développe une race labo-
rieuse, intelligente, énergique, possédant une indus-*
trie avancée et des gouvernements réguliers, celle des
Arabes des villes.
Le à mai 1802, M. Palgrave partait de JafTa, dans
la direction de Gaza, où il devait achever l'organisa-
tion de la caravane. Il quittait cette ville le 27 maii
( 3â6 )
sous là conduite de quelques Afabeà de là tribu dè&
Beni-Abîjeh, qui s'étaient engagés à lé conduire îi
Maau, importante station sur la route de Damas à ta
Mekke. Ils traversèrent le désert de El-Tih et conti-
nuèrent leur roule vers le sud-est, à travers des gorges
rocheuses, jusqu'à deux journées dé marche d*Akabà;
tournant ensuite au nord-est, ils arrivèrent à Maaû.
M. Palgfave avait pris le costume et se donnait le
titre de médecin ; cette profession honorée dans tout
rOrient, et sa parfaite connaissance de la langue arabe,
devaient lui ouvrir les portes les plus rigoureusement
fermées. Mais il ne put emporter avec lui les instru-
ments indispensables aux observations géodésiques et
astronomiques; sa relation se ressent de l'absence de
ces auxiliaires si utiles. Complète et remplie de faits
aussi nouveaux que curieux eu ce qui touche à l*his-
toire, à la peinture des mœurs et à la description des
localités, elle laisse à désirer au point de vue dé là
détermination scientifique des distances, du relief dû
sol, de la direction des vallées et des montagnes, de la
position exacte des lieux qu'il a reconnus, mais qu'il
n'a placés qu' approximativement sur sa carte.
Les épreuves, lés souffrances et les dangers du
voyageur commencèrent àla sortiede Maan. Là s'étend,
en eifet, une plaine sombre, uniforme, dépourvue de
vie et de végétation : le désert aride, immense, que
parcourent les tribus de Bédouins les plus dangereuses,
dont quelques roches basaltiques hérissent de loin en
loin la surface, et doût la solitude offre un tel spec-
tacle d'horreur que la rencontre même d'un ennemi
y apporterait quelque soulagement. M. Palgrave,
/
(W)
affaM pàf la fièvre, brûlé par te ftdlrfl, étHl »éiiii-
moîos obligé de matcher qttîfixe ou scl«e béureé par
jour, au pas rapide de son chameau. S'arf6tait41 titi
Instant, hésitait-il à se remettre en route, !â voîx des
guides faisait retentir à ses oreilles ces sittistnss
paroles : « Si fions tardons, nous mourrons tous de
Soif. > Quelques heures avant d'atteindre le Djebel-
iSiomer, ils furent assaillis par une tempête ! le simônm,
vent de fièvre et dé feu, souleva autour d>ux lés
sables tourbillonnants, qui faillirent les eitigloutîf,
comme ils avaient englouti Gambyse et soU armée.
Enfin, la caravane atteignit la frontière du royaume
de Shomer^ elle longea pendant sept jours le lit des-
séché du Wadi-Serham jusqu'à la station de Magua»
et entra le 30 juiu à Djôf, centre de commerte pour
les habitants de l'Arable du Nord.
L'oasis de Djôf est parsemée de jolis villages, établis
sous des palmiers. Deux tours chrétiennes, datant des
croisades, défendent les approches de la ville. Lés
habitants profésseùt l'islamisme ; mais dans les cam-
pagnes on retrouve encore nu christianisme tradi-
tionnel, défiguré par de nombreuses superstitions.
M. Palgrave séjourna une vingtaine de jours dans ce
pays hospitalier, dont la population n'est étrangère ni
à l'agriculture, ni au commerce, et le quitta ensuite
pour se diriger vers Haïl, capitale du royaume de
Shomer.
Entre cette ville et Toasiâ de Djôf règne une vaste
Néfoud, ou bras de désert, que les voyageurs traver-
sèrent sur une largeur de plus de 200 kilomètres.
Cette plaine brûlante, sillonnée de monticuleè^ de
< 348 )
sable, qui réfléchissent les rayons solaires et rendent
ainsi la chaleur plus accablante encore, effraye même
les Arabes les plus hardis. M. Palgrave atteignit la
ville de Hsûl, qui devait le remettre de ses fatigues. Il
se retrouva à la cour d'un prince intelligent, Telal-
Ebn-Rashid, qu'il considêife comme un homme d'État
des plus remarquables. Il y traita de nombreux ma-
lades, et sut se concilier l'amitié du souverain, qui
chercha à le retenir en lui offrant c une maison avec
un joli visage » . M. Palgrave sut résister à ces offres
séduisantes.
Après avoir franchi le Djebel-Sokna, la caravane
entra sur le mystérieux territoire des Wahabites. La
route parcourue depuis Haïl suit une vallée bien cul-
tivée, possédant de l'eau en abondance ; mais l'aspect
général du pays est rendu monotone par l'absence de
montagnes ou de collines de quelque élévation. Les
voyageurs traversèrent la riche province du Kacïm et
parvinrent à Bereydah, résidence d'un gouverneur
wahabite et lieu de station important pour les pèle-
rins asiatiques de la Mekke.
Bereydah est une ville considérable. Les h24)itants
sont industrieux et cultivent le coton. Avec ses rem-
parts, ses hautes tours, ses édifices en pierre mena-
çant ruine, avec les jardins et les riches plantations
qui Tentourent, Bereydah, ainsi que la plupart des
villes du Nedjed, rappelle une époque florissante, que
l'histoire n'a pas oubliée.et qui fut témoin d'une grande
prospérité pour toute la péninsule, quand l'islamisme
n'exerçait pas encore son influence funeste sur ces
belles contrées*
( 849 )
M. Palgrave traversa ensuite Hormeimeieh» patrie
de Mohammed Abd-El-Wahab, fondateur de la secte
des Wahabites, visita les ruines de Dereiyah, ville
autrefois importante, détruite à la suite des guerres
religieuses, et le 18 octobre il se trouvait à Riadh,
capitale du royaumç, au cœur même de l'Arabie.
Chemin faisant, notre voyageur recueille des infor-
mations sur la constitution physique du Nedjed qu'il a
traversé dans toute sa largeur. Entre le Djebel-Solma
et le Djebel-Torreyk, qui s'élève au milieu de l'État
wahabite, se trouve le plateau central de l'Arabie,
dont Taltitude est d'environ 600 mètres. Cette région
est sillonnée de wadis, où roule une eau torrentielle,
que dessèchent les ardeurs de l'été ; elle est entre-
coupée de profondes vallées livrées à la culture, qui
s'ouvrent entre des blocs de calcaires disposés en gi-^
gantesques assises, abruptes et comme creusées de main
d'homme. On dirait qu'il y a là une lutte constante
entre le désert et le sol fertile, entre la nature sau-
vage et la nature civilisée, qui se disputeraient l'espace.
Le vieux sultan Feysoul accueillit favorablement
H. Palgrave et lui assigna pour résidence une maison
en lui donnant le titre de médecin attaché à sa per-
sonne. Le voyageur put ainsi étudier de près les
mœurs, l'organisation sociale et la religion des Waha-
bites. Ces sectaires farouches, intolérants et puritains
lui rappellent les anabaptistes de Munster et de Leyde;
ils exagèrent les doctrines fatalistes du Coran, les
observances et les prières que commande le Livre
sacré. Dieu, disent-ils, après avoir pétri l'argile
humaine, en jeta une moiUé vers le ciel, une moitié
( 3S0 )
dam les imfers* D^fnii^k te sort de tous ie& hoaunes
est irrévocablement taé ; U ^v^i^ pour être certaîa de
son salol, d'apparteoir à la moitié favorisée. Les
Wahalntes ont institué on tribunal d*in<{uisitieii qui
s'exerœ à domicile. La confrérie des zélateurs» des
purs, dtos laquelle le roi, souverain absolu, recrute
ses gouverneurs et ses conseillers, surveUle les fidèles
dans Faccomplisseaieot de leurs devoirs religieux ;
œlaî qui s'absente de la mosquée voii sa maison enva-
hie par des bourreaux officieux qui lui administrent la
bastonnade sans jugement* M. Palgrave eut beaucoup
de peine i échapper à cette exécution sommaire»
Pendant son séjour à Riadb» notre explorateur visita
les haras^ où sont réunis les plus beaux types des che-
vaux du N«djed dont il vante les quali^ et qu'il con-
sidère cQinme V idéal de leur race. U se trouva mêlé»
plus qu'il ne le désirait, aux intrigues de la cour. Le
nev^o du roi Feysoul, témoin de» merveilleux effets de
la strychnine, emf^oyée à petites dosesr insista pour
obtenir une oa*taine quantité de ce poison. Son but
était trop facile à comprendre ; le médecin du sultan
n« voulut pas contribuer à changer Tordre de lasuccesh
sion au trône, il refusa formellement. Sans la protec-
tion du premier ministre, homme intelligent, fils d'une
esclave circaasienne, et dont les cheveux blonds, les
yeux bi^us attestaient assez l'origine, M. Palgrave eût
difficilement échappé à la oolère de son royal client.
Ghes les Wahabttes, l'usage du tabaa est sévère^
ment prohibé ; ils regardent comme un acte méritoire
Sa meurtre d'un fiimeuir surpris en flagrant délit. Mais»
malgré leur rigorismet le peuple des eamp^OM coii*
( 351 )
serve le souvenir et le regret de ses anciennes croyances ;
le JQur où cessera cette domination oppressive, on
verra renaître dans le Nedjed une tolérance générale,
qui confondra l'islamisme avec d'anciennes traditions
chrétiennes, juives et même sabéennes,
M, Palgrave §ortit de Riadh après un mois çt demi
de résidence j il eut soin d'éviter les villes de Manfu-
leb et de Solemieh, gagna la vallée de Yamanieb et se
dirigea vers Test à travers de belles plaines bien arro*-
sées ; il franchit en deux jours le Néfoud de Dohur,
qui est le prolongement du Dahna, ou grand désert du
sud, et arriva à Hofhuf, dans la province de El-Haça,
la plus riche^ la plus peuplée, la plus salubre et la
plus industrieuse du pays wahabite. De là il prit sa
route vers le nord, et trois jours après il atteignait El-
Katif, sur les bords du golfe Persique, après avoir
traversé l'Arabie sur une largeur de plus de quatre
cents lieueç.
Depuis M. Palgrave, d'autres voyageurs ont pénétré
ou cherchent à pénétrer en Arabie. Le colonel Pelly,
agent politique anglais à Boûchehr, sur le golfe Per-
sique, a visité, en 1865, le pays des Wahabites et
déterminé la position astronomique de Riadh, qui est
située par 24° S8' 34" de latitude nord et 44° 21'' 38"
de longitude orientale du méridien de Paris. C'est le
premier point astronomique que nous ayons pour l'Ara-
bie intérieure. M. Guarmani, qui s'est rendu à Haïl,
dans le Shomer, en 1864, se dispose à pénétrer de
nouveau et plus avant dans le centre de la péninsule.
Sur sa demande, la Société de géographie rédige en ce
momept même des instructions générales sur les con-
( 362 )
trées qu*il doit parcourir. Espérons que ces voyages
successifs feront entrer F Arabie dans la grande famille
des pays connus.
La fin de la relation de M. Palgrave décrit le golfe
d'Oman et les lies Bahreyn, qui présentèrent au voya-
geur le spectacle d'une civilisation en pleine déca-
dence et de mœurs bien plus tolérantes, mais aussi plus
relâchées que celles du Nedjed. Là dominèrent en effet
les Garmathes, si fameux dans Thistoire de l'Asie au
moyen-âge. C'est en traversant le golfe Persique, à
l'issue de ses dernières explorations, que M. Palgrave
fit naufrage. Des vingt et un hommes qui montaient
sa barque, neuf seulement furent sauvés. Il parvint
cependant à Mascate, de là à Bagdad et enfin à
Beyrouth , terme de son voyage , où il arriva le
16 juillet 1863.
M. Palgrave, nous l'avons déjà dit, pour ne pas
éveiller la méfiance des indigènes, n'avait pu empor-
ter les instruments nécessaires aux observations de
latitude, de longitude et d'altitude; mais il n'en a pas
moins recueilli dans son voyage de nombreuses in-
dications sur la configuration générale et le caractère
physique du pays. Il nous montre que l'Arabie est
formée d'un plateau central, le Nedjed, dont la super-
ficie est un peu moins que la moitié de la péninsule
entière ; ce plateau est entouré d'un cercle de déserts,
lesquels sont bordés eux-mêmes de montagnes basses
et stériles pour la plupart, mais qui présentent dans le
Yémen et dans l'Oman une hauteur considérable en
même temps qu'une grande fertilité; puis enfin, après
ces montagnes, une bande étroite de littoral aboutit à
( 35â )
la mer. Si Ton ajoute à ces hauts plateaux du centre
toutes les parties fertiles appartenant aux cercles exté-
rieurs, nous voyons que les deux tiers de l'Arabie se
composent de terrains cultivés, ou tout au moins cul-
tivables.
Mais le but important auquel a visé M. Palgrave,
c'est de soulever le voile qui nous dérobait là partie
humaine de TArabie, ses croyances et sa politique, son
esprit et son mouvement; les deux intéressants volumes
qu'il a publiés abondent en observations ethnogra-
phiques, morales et philosophiques. Il nous peint»
sous des couleurs saisissantes, les Bédouins du désert,
sanguinaires, nomades, indifférents en matière reli^
gieuse, ne prenant d'autre part aux pèlerinages que
celle de piller les pèlerins, mentant à la réputation
d'hospitalité patriarcale que la tradition leur a faite ;
les Arabes des villes, et en particulier ceux du Sho-
mer, qui constituent une des plus nobles races de la
terré, intelligents, laborieux, adonnés à la poésie et
parlant l'idiome le plus pur de la langue commune à
toute leur race ; les Wahabites, austères, rigoristes,
fanatiques, dévorés du désir d'étendre leur religion
le fer et le feu à la main ; la population des campagnes,
dominée, terrorisée et conspirant en silence ; les habi-
tants de l'Oman, enfin, héritiers dégénérés d'une nation
antique, vivant dans le luxe, l'oisiveté, les plaisirs
faciles, au sein d'une nature opulente, dans les cités
bâties par leurs ancêtres et qu'ils laissent tomber en
ruine. C'est un monde nouveau qui s'ouvre à nos
regards.
Le voyage de M. Palgrave en Arabie nous a paru
XI. MAI. 2. 23
(S»4 )
le pins importaDt de eeux qui oot été effeatuéa en i 8é3«
Ses découvertes ont une haute portée ( en mèaie temps
qu'elles enrichissent là science, elles sont destinées à
fadiiter la solution de bien des problèmes qui s'agita
tent partout où les nations chrétiennes et musulmanes
sont en contact.
Ainsi que rArabie, l'Afrique a ses mystèpes et oSn
un vif attrait aux explorateufs sdenlifiques. On a
attaqué sur bien des points ses impéoétrables solitudes,
et tons ces voyages, partant du littoral pour conveiv
ger an centre, sont autant de sillons lumineux quji
finiront par éclairer les parties ks buhus connues de
cette vaste région.
Ces); en 1863 que les capitaines Speke et Graxf^
ont twminé leur mémorable campagne aux sources
du Nil, continuée avec suepès par leur compatriote
Baker. Dans la même année, le docteur Livingstone
poursuivait ses découvertes dans l'Afrique australe;
notre confrère, M. Guillaume Lejeao, visitait les
régions situées à l'est du fleuve Blane; MM. Mage
et Quentin exploraient le haut Niger et frayaient la
route de Tembouotou» pendant que MM. Serval et
Griffon du Bellay remontaient l'Ogobai^ua des fleuves
qui paraissent pénétrer le plus avant dans l'intérieur
de l'Afrique. Citons également le docteur Baikie
et M. Du Ghaillu, deux infatigables explora^urs de
ces contrées occidentales; enfin , dans le nord, les eo^
treprises hardies de M, Gérard Hohlf, dont l^s titres
A vos suffrages devront être ultérieurement examinés.
Mais, avant de récompenser ceux qui sont ibvoimis
yic^ieux de £stle lutte contre le climat jl^voraol; de
( 856 )
l'Afrique ^t contre rinbospitalité de ses habitants, nous
devons» messieurs, un sympathique souvenir à ceux
qui ont succombé ! Us sont malheureusement en grand
nombre: Beurmann, massacré au Waday; Steudner,
Schubert, morts de la fièvre sur le haut Nil; et, tout
récemment, le baron de Decke», l'intrépide et persévé-
rant exploral^eur des régions du Kilimandjaro, assas-
pné sur les bords de la rivière Djuba. Honneur à ces
naartyrs de la science, dont la perte même est féconde
pour la civilisation, car T œuvre qu'ils laissent incom-
pU^ f pp^)le d^ continuateurs l ]Les hardis navigateurs
qpj recherchaient }es traces de Franklin nous ont ré-
vélé les régions polaires; ç^est en elierchant les traces
de rinfprtoné Edouard Vogel que M. Hauglin et see
^QOmp^gnon^ se màX distingués par Lee découvertes «ur
j^uelles j'ai' Vhonneur d'appeler votre attentidi|.
tu. Théodore 4e Qéuglin, que eept années de rédr
4#i^Qa à Kbartpum, en qualité de vicercon^ol d^Aur
triche> avmant fiM»iUarisé ave/(^ le dimai et la langue
du pays, reçut la direction de la grande mission aciea-
tifique que l'AUepi^ne envoyait dans le Soudan i la
recherche de son jeune et regrettable exploratàur,
Dél^rqué à Mass^^i^h en l&6i. 11. d^ Heuglin se dt-
fiyge v/er^ le nordr^uest jusqu'à la vallée de Lebka,
I^S$fi d^s Qelle i^ t' Aïn-Saba et arrive à K^er^, dans
le pays des Bogos; oontiDuant sa route vers le sud, il
fraaçl^it la yallée du Atareb, entre dans le Tigré, visite
1^ ruifies d'Ai^ouQp, antique capitale d'un royaume
gr^Q^aby^lo» et gagne iSondar, DiajQs le cours de eett^
exploration, notre voyageur recueille de «ombr^us
4^i}pen}§ «cieajiâûqiies» i^otainmeot les i^tes dé-
( 356 )
taillées du bassin supérieur de rAîn-Saba, basées sur
des positions astronomiques, des études physiques et
archéologiques sur les contrées du nord du Tigré, et
des notes sur les régions zoologiques de l'Abyssinie
selon les altitudes.
M. de Heuglin avait cru devoir modiûer les instruc-
tions qu'il avait reçues en Allemagne, et au lieu de se
rendre directement à KJiartoum, il prenait la route de
Kafa pour gagner le fleuve Blanc par la vallée inex->
plorée du Sobat. Le comité de Gotha lui retira alors
la direction de Tentreprise pour la confier à M. Wemer
Munzinger, un des voyageurs les plus remarquables
de ces contrées, qui se dirigea vers le Nil pour gagner
le Waday par le Kordofan et le Darfour.M.de Heuglin,
empêché, sans doute par les événements politiques dont
l'Abyssinie était alors le théâtre, d'explorer les contrées
du sud, ainsi qu'il en avait l'intention, partit de Gondar
pour Khartoum, où il arriva, accompagné du docteur
Steudner et du botaniste Schubert, au commencement
de juin 1862.
A. ce moment, les régions du haut Nil étaient l'objet
d'une excursion aventureuse dont la nouvelle avait
produit en Europe une véritable surprise. Les dames
Tinné, riches Hollandaises, après avoir poussé jusqu'à
Gondokoro, étaient retournées à Khartoum et organi-
saient une nouvelle expédition vers les contrées situées
à Touest du fleuve Blanc, dont elles avaient entendu
dire des merveilles. MM. de Heuglin et Steudner firent
partie de la caravane, et, grâce à eux, le voyage pro-
jeté acquit un caractère plus scientifique.
Les deux. explorateurs prennent les devants et sont
( 357 )
tsaivis à peu de journées ^e distance par la flottille qui
porte nos nouvelles Amazones. Ils atteignent l'île
d'EI-Eis, passent devant le Djebel-^Tefatan et arrivent
à Tembouchure du Sobat, affluent oriental du Nil
Blanc M. de Heuglin vérifie la position astronomique
attribuée & ce confluent par le capitaine Speke, et»
sans toutefois se prononcer d'une manière absolue, il
croit que la longitude de ce point a été placée trop
vers Test et qu'elle doit être plus occidentale (1). Au-
dessus du Sobat, le paysage prend graduellement un
nouveau caractère ; la végétation y est plus riche et
plus vigoureuse ; de très-beaux arbres ombragent les
rives et forment un épais rideau de verdure, émaillé
d'une multitude de fleurs aux nuances éclatantes et
variées.
Le 5 février, M. de Heuglin entre dans le lac Nô, où
se forme la jonction du Bahr-el-Gbazal, ou fleuve des
Gazelles, qui vient de l'ouest, avec le Bahr-el-^Abyad,
ou fleuve Blanc, qui coule du sud au nord. Il remonte
le cours du Babr-el-Ghazal, dont M. Lejean nous a
déjà donné une description, et il en explore les rives
en véritable pionnier scientifique. La largeur et la pro-
fondeur, de la rivière sont très-irréguUères ; sur certains
points elle est fort étroite et ofire les caractères d'un
canal ; ailleurs, elle s'élargit jusqu'à former des lacs
d'une étendue considérable qui, dans la saison des
pluies, se réunissent tous ensemble et constituent une
immense lagune. Le Bahr-el-Gbazal est bordé à perte
(I) Les observations deSpeke, calcnléespar M. Dunkin, ont donné
pour le confluent da Sobat, latltnde 9» ^0' 4S'^ longitude est da mé-
ridien de Paris 29^ 3' M".
( »58 )
de vue de plaitt66 màféeflgeitised, coûvefteé if une foréft
de roseaux et de pktite^ etqtiattques à fleû!^ jaudêâ
appelées ambadjy qui atteignent jusqit^â 6kS mettes
de hauteur et dont la feuille a quelque analogie avee
telle Aea mimosàd^ ées plaines àont parcourues pût
des trodpeaux de baffles et d^élé^hants. Les Nouers et
le» Reks, peuplades qui habitent cJette région, appar-
tiennent au type ûègre le plus prononcé j ils sent
grands, vigoureux, et paraisèeût cônstîiùés au moral
et M physique pouf réagir contre ïes périls (Jxie pré-
seiite c^tte régioh ingrate. M. de Heuglin et le docteur
Steodner parvinreht au port de Meshra*él-Hek, situé
& envlrofl cînquattte lieties au-dessus du laô NÔ, et
point extrême de la natigatîoô du fleuve àts Gazelles ;
IjB reste de l'expédition et le bateau à vapeur qui portait
les dames Tinné n'y àirivérent que pins tard, par suite .
du mauvais vouloir et de là perfidie deâ gens de l' es-
corte. Au milieu du Meshra-el-Rek, c[tA est formé par
une extension de la rivière, se trouve la petite lie de
Rek située par 8* 27' de latitude nord, et approxîma-
flvement 28* 27' de longitude orientale du mérî^en
de Paris.
Nos deux voyageurs reprirent leur toute Vet^è le
sud-ouest, franchirent la rivière Djoor dont ïa largeur
est de 800 mètres, et arrivèrent extéùxié^ par là fièVrie
au village de Vau, où le docteur Steudnef succotuba
le 10 avril. Cette nouvelle victîine reçut du moins les
derniers devoirs. M. de Heuglin, après avoir enëëveli
son compagnon, fuyait ce lieu funèbrOf atteignait
Bongo, plus à l'ouest, et revenait ensuite au Mesbr»-
el-Rek où s'était arrêté le gros dé la cafavane. Gè
( »»9 )
n'était qu'une premièi'e reconnaissance Ter» le pays
fies Nyam-Nyam.
Pont accomplir ttn véritable toyage jusque-là, il
fallait des forces plus imposantes I M. de Hedglin et
Y un de ses compagnons, le baron d'Ablatngy allèrent
à Kliaftôum chercher des hommes et des nvre»^
Atteint par la maladie m retour, il se reposa m Meëbra^
el-Rek et put cependant rejoindre quelques» jours plus
tardy au eantpeaieni d'AbocM8ea0«im, Teupédhion qtii^
dès lots suffisamment n0ffîbr)^se,^6lle cotnpflait pins
de cent cinquante personnel^, ^ reprit lâ^ ^^tîoil dH
sttâ^ouesf/
On ebètninà lentement et péniblement l^r la rdnte
déjà pareonme niiei fois par M.* de Henglin et don in*-
fortuné compagnon. Api'ès slvoir franchi le DJot^r, on
trarei^a des pays» d'un aspect i^ant^ fënilesf et habîiés f
enduite des pays sauvages où no^ voyagetir^ reneoDH
Iraient fréquemment des traces de pachydeririès $ pui9
des plaines douvertes tantôt de hautes graminées et de
fleurs inconnues aux senteurs enivrantes, tantôt ded
fordts d'arbres gigantesques et variés. Les oiseaut
étaient rare»^ mais à chaque pad en apercevait âe§
antilopes, des gazelles et quelque Menu gibier^
Ces contrées, ainsi que toutes les régions du haut
Nily sont dévastées par les trafiquants d'ivoire, dont
la plupart font en même temps le commerce âe9
esclaves. Ces hommes, l'écume des pays civilisé»,
suscitent et entretiennent des guerres interminables dei
tribu à tribu i ils soulèvent les populations contre lei^
paisibles exploiteurs scientifiques qui leur font Oin»
brage, et par leur influence funeste pervertissent la
( S60 )
race indigène, qu'il serait facile de régénérer. Aiiusi
Tesclavagc, cette lèpre de l'humanité, s'étend encore
aujourd'hui jusqu'au centre de l'Afrique et en paralyse
le développement naturel.
Ces difficultés, jointes à Fardeur du climat, aux
vexations que les trafiquants Biselli et Ali-Oumouri
multipliaient autour des voyageurs, rendaient leur ex-
ploration de plus en plus pénible. La maladie fit plus
d'un vide parmi eux; madame Tinné succomba le
20 juillet, et fut suivie de près dans la tombe par ses
deux domestiques européennes.
Cependant M. de Heuglin avançait toujours. Il par-
vint le 17 juillet 1863 jusqu'au delà de Koulanda, sur
les bords du Bahr-el-Dombo, que l'on regarde comme
un affluent du fleuve des Gazelles, et se mit en rapport
avec les Nyam-Nyam. Ce peuple singulier, sur lequel
on a répandu tant de bruits ridicules, appartient, ainsi
que les Fertit, les Kredj et les Djour leurs voisins, à
une race supérieure parmi les nègres, et parait sus-
ceptible de civilisation. Toutes ces populations sont de
stature moyenne, robustes et bien proportionnées, avec
des mollets bien accusés et des talons peu saillants ;
leurs cheveux sont longs, un peu frisés et chez la plu-
part disposés eu tresses nombreuses; la barbe est
beaucoup plus forte que chez les nègres, elle est d'un
brun olivâtre et souvent plus claire que chez les
Arabes du Soudan. Le pays des Nyam-Nyam forme la
région centrale de l'Afrique; c'est là que prennent
leur so'urce divers affluents du Babr-el-Ghazal et du
fleuve Blanc. Il renferme beaucoup de grandes mon-
( 9«* )
tagiies isolées^. granitiques ou airgileuses, mais il. est
dépourvu de massif central.
Enfin, l'expédition à bout de forces» vaincue par les
hommes, par le climat et par les maladies, se décida à
reprendre le chemin de Kbartoum, où elle entra Iç
29 mars 1864.
Dans cette rude campagne , M. de Heuglin a fait
preuve des qualités les plus éminentes du voyageur
scientifique : le courage et la persévérance dans l'exé-
cution de ses entreprises, le savoir qui permet d'^n
tirer parti. S'il ne lui a pas été donné d'accomplir de
ces éclatantes découvertes qui frappent l'imagination
et auxquelles vous réservez vos plus hautes récom-
penses, il a du moins rendu plus accessibles les pays
qu'il a visités, il s'est avancé plus loin dans l'ouest de
l'Afrique qu'aucun Européen, et il nous est revenu
avec de nombreux et trés-sérleux documents géogra-
phiques. Nous lui devons une carte qui accroît nota-
blement les lumières qu'on avait déjà sur le Bahr-el-
Ghazal et les régions voisines, des études approfondies
sur la flore et la faune, des observations astronomiques,
des détail sur les mœurs, les origines et le langage des
tribus qui peuplent ces contrées. A ces divers titres,
M. de Heuglin méritait de fixer l'attention de la Société
de géographie.
Vous usez aujourd'hui, messieurs, d'une de vos
plus belles attributions. Les récompenses que vous
accordez sont à la fois un honneur pour les lauréats
et un encouragement pour ceux qui marchent sur leurs
traces. Elles ne font naître dans les cœurs d'autres
sentiments qu'une émulation salutaire. En entourant
( S«2 )
quelle qae soit la nationalité deit e:t{^lérfatâui^ érf qttël
que soit lèdr but 5 religieux, scientifique^ politi<)tie ou
iMfDpIemetit commereiÀl, vous contribuez éffiedceoiéat
ÈLui ptogtt^ de la îitiméà à laquelle âi'est cotis&créè
notre libre Association.
V(Hré commission; méâSSMTSi td)l9 pr<lf>0dè dt dé-
def tiéf âfte médaille d'of à M. William Olfford Pdtgfavè
I^cttr sm vdyage eti Arable, et «de grande médaiftto
d'argent ft M. Théodore de Hetfgtto pour ses expiera^
tiens dani» l'Afrique erietitale.
Tii ri t I 11 II M fiTi
( S63 )
RAPPORT
SUR LES
tLANS-ftËLlÉFS DES MONTAGNES FRANCAtSÊS
D£ M. BAUDIN
PAR M. 0. MAUROIH.
Messieurs,
A éôtè deê unnrntenim mtrepuiêm dont 1* Hià/^
tioD otfi« YPMfkit d^ la mw^ntéf quelquefois métm
rimA^t M ^litie^ 0# ^ursuivdfit d'utilet travaux
d'un éaràcfèr^ tdoind salMsdfttit pour kt foule irt qu'il
ëÈ/tf Gêp&ùdmi, de Totrd det^oir â'efi€our«g«r ft'ite
fWideni & U^ m]ëti(î0 de gtgnttléà «cirvices; A ce ûtx^,
fotÈë m pcmvtee lâauqucnr à'aecùvâ^ ùDe atumihni
pftftiéiilière à rcmvre de M« Bardin, ancien proiè^senr
àë dé^rtti iopograpbiqae ft l'École polytcicbDiqâe^ d'ob
i) était lol^^sèOKi sorti, pôls ft YÈcoie d'applieatioa de
Fftrtillerie et du géoie^ Mis aux prises^ par Icxi exigences
de^ dôu énséignenûietit, atee le délicat problème dei re^
pfés^méf hût tifie Mrfa60 plaoe^, lèg fiiottmiMitd dn
sfo! dé ïÉiiittfëre à en faire ^Ht h la fois l'ei^seanble et
l€â détails, h eé estpritoer )ed pemes avec leur degté
d'iMlinaisôi^i on les dépressi^iis avec leur profbudeiir,
il d'est livré pendant de lot)gtie$ années à um recbercbe
Cot)d<!îenciedSë, méthodiqtié, deâ lois qdi régiâsebt le
félièf eu terrain i peâdaot dé kmgoes Iimié9êi il A 4til-
( 36A )
dié le modelé topograpbique avec autant de soin qu'en
met un statuaire à étudier, dans le corps humain, le
juste agencement, les saillies et les rentrées des
muscles .
Apres avoir enseigné les procédés de représentation,
sur un plan, des formes plus ou moins accidentées des
surfaces terrestres, et l'art non moins difficile de re-
connaître ces formes accidentées dans le plan sur
lequel elles sont écrites, il a voulu davantage : il a pré-
tendu lier d'une manière si intime ce langage conven-
tionnel de la topographie avec les réalités de la nature,
qu'il devint aisé de reconstituer, avec une irrépro-
diable exactitude, les formes mouvementées du sol,
d'après le tracé planimétrique qui les traduisait.
Tout le monde sait l'ingénieuse hypothèse suivant
laquelle les eaux» découvrant graduellement la terre,
y auraient laissé, par échelons, tes traces équidis-
tantes de leur ï*etrait successif, et comment les topo-
graphes ont fait à leur tour, de la série superposée de
ces lignes, avec leurs cotes de hauteur, l'élément fon-
damental de leurs dessins représentatifs. Pour trans-
former ces dessins en des reliefs, il devenait tout sim-
ple dé substituer aux cotes chiffrées l'épaisseur
matérielle des échelons qu'elles accusent. Tel est le
principe rigoureusement exact sur lequel repose tout
entier le système des plans-reliefs de: M. le professeur
Bardin. De cette première opération, il résulte une
série de gradins dont on efface les ressauts au moyen
d'une substance plastique ; on se procure ainsi un mo-
dèle sur lequel on peut, à volonté, sculpter les rochers,
teinter les ^ux» les forêts, lesi prairies, les glaciers.
( âd6 )
figurer les centres de populatioD, et Ton obtient, en
dernier résultat, une représentation du terrain pleine
de vérité et de vie.
Dans l'origine, l'auteur de ces travaux se contenta,
en vue de ses recherches et de son' enseignement, de
reproduire quelques accidents de terrain d'une étén^
due restreinte; c'est ainsi qu'il représentait les lies
d'Hyères à diverses échelles, la colline de Montléry, lè
mont Yalérien, et enfin le col du mont Genis. Plus
tard, ses vues s'agrandirent. < Le jour où j'ai appris,
dit -il dans une note adressée à l'Académie des
sciences, que les minutes au A0,000* des officiers
d*état-major, étaient terminées, j'ai formé le projet dé
construire, à cette échelle, les plans-reliefs des mon-
tagnes françaises. C'est avec l'agrément de M; le ma-
réchal ministre de la guerre, avec la bienveillante et
large assistance de M. le général Blondel, directeur
du dépôt de la guerre, et sous l'impulsion de M. Élie
de Beaumont, que j'ai entrepris ce travail sur l'orogra-
phie de la France. »
Certes, messieurs, le plan-relief d'un massif isolé,
dressé à l'aide d'aussi bons documents que le sont
les minutes de notre carte de l'État-major, présente
un véritable intérêt ; toutefois, son caractère circon-
scrit ne lui laisserait qu'une place bien petite sur les
vastes horizons de la géographie : mais que l'œuvre se
poursuive dans un ordre d'idées plus large et bien
conçu, que le résultat final en soit, par exemple, un
ensemble de spécimens caractéristiques des systèmes
montagneux d'une contrée, cette œuvre acquiert alors
( m )
upe wKP^t^i^ qiie h g^Pgr^pbie m p^itlt plus mé-
V. BardiD vous a exposé lui-mêo^e un déyçtepp^
ipeut sembl^I^le de se3 idées : i] a voul» doQu^r ¥^6
juste mesure 4e la proppniou relative des accWeut? du
soi, depuis le» humbles duoe^ de la Çta^cogne ju^qu'M?
^Biipets nçigeuii du Mopt-BlauCp eu passant, suivant
iine progp^âsipQ raisounée, par les m(N3ticaIejg^ les
b94pes et Jiautes collines, ies basses, poyeunes et
ï^UiQ^ roont^ues. Le résultat, vou3 l'ave? pu voir ^
l'une deiJ derrières çiéauces de votre commission çeor
toîe; le^f plu9 éloquentes phrases ue auraient rieu
4out»r ^ l'éloquence de3 çliose3 ; vpi;u* avea été uni^-
niwes à prQclftmer le mérite aérien?, le réel intérêt djç
l'cpuvre ; ?ous ^vez ^miré |a courageuse persévérance
dp l'auteur. Plusieurs paruji pous .Qnj peuJt-0tre éprouvé
ijuelqup surprise en voyant se révéler à leur esprit de^
wpp(^ts d'altitude, des conditipos de formes et d'ia-
çlip,^iapns que lej? cçtes en chiffres pe leur ^.yaieul p^
nettement représentées, ou dont ils ^vs^iept m^pie pa
concevoir une fausse idée en se fiant aux reliefs sur-
hau^)^ que débite le commercer Vou3 m^ eu sppç les
yeu? les fragments les plu^ importants d'un^ cplleo
tiop que M, Bardin prépare pppr re;çpo$itio^ interu^
tion^ de }8Ô7 et qui çomprendri^ lf|s pl^p^-relie^p
des îles 4'By^e^f 1a «haipe de^ puys d§ l'Auverg^
m^ p^tie d^ Vpsges, le massif à^ h Qr^^x^p-Cbaifr
^m^0 upe pfirtie dp yer^apt frpiçais des Pyrépée^, i»
(spfip le mits$if dp i/lqnp'^^uc ; c'e«, w tout, n^
étpwlpe dg p^y§ de 6^p Jwues jçarr^es. l.'4^heU§ ^1%
U t^vmn ^H «^prioiéie par nm longmnv ou nm k^9^
teur à^ 1 ipilUmèftre sur \^ relief. Ppuf mie^^f ^ppr^T
cier isp rapport eqtre lei^ dimeufiiaQ^ di^ l9> n^ti^e ^|;
qe\h^ des piaffa, il ^ufl^ d^ recqarqijer quç le ^rf
d'une carte de France à l'échelle d§ i/AO 000* n'çmpaii;
pa^ m^m dp 27 rpètr?s de ^ong et 2$ jn^tres de J^wçe.
$i l'og ym^9i% €oq@traire un globp terre^t^^ sur ces prot-
pprtîQns, il foudrait Im dwuer prts d^ i^^ mitres dç
r^yon, <:fj^tnMir@ m i^^ ^s4 iq^Atra |bi^ la baute^ir
au Pantîi^pn ; Ja toog^ur dévfiopp^ 4^ l'équ^teRF
4ii £^ glol>fi fierait di9 pim d'un ]$:ilomét|«, 4 p^^ pr^
}f moitié (1# 1# lang-?ur ^ô? Cha^ppsk^ÉJyaé^Sf D'^utiç
pftft, ^ Von i^m^m * e^o mèim éçk^ih l'boujfuô d*
}^ gi^w kwt^ ^t#f^^p, il n'^^r* pl«3 qs»'yi^ Ji^lUe ^qi^r
y^le^tflf 4 fiipips qu9 j['épws»ei|r 4'un ^*^Wf J)?lw»t
devant une table oy pQflj; pl^-çi^^ 1^ Tf li^fet ÏQl^mVk-
l^r, doA^ r«»i| ^f à Q'^iôO ^^«rd^s^?s ^i^^ ^9«A«ets
}a$ plus bwts, fie tFQmr^ #n# Ift p<wit|pn r^lfttiw /i|9*il
WGiupemU s'il plaçait ep l?allo» à 3P J(:ilojp^trs|i ^çl-
4essDs du fiiyew de la flaer, ç'^M-àT^ire, d'îg?rès Jî^-
IjçhelJ, ^» ti§fë eçvif Qif 4? )* couche 4'w 4ont fiPtr^
jerf<^ eji^ ^îiviropnée.
j^% rev^UfliPB, ffla^p^rs, ^ YemVf^ gi^m m fi»t
l'ola^t 4e fiçt e«po^. App»y4^ WF ^ tr^y^UJ^ bprs
Jigpe, t;çls qç^e Jçs Jçyé? 4o la /ç*rV8 4^ f ra^QÇi, §l)p
^riijfrQ UQg pewrqi^^bl§ ^r/e 4« plftflS7relie(p, dpui J^
Pf^çfl9)pr mérite e^ de f^vQ cçmpreçdr^^ 4'un sçt^lfioup
d'ceil, l'exacte mesure en même temps que la dispo-
sition véritable des culminances, de formes variées,
^m» if«ï# j»s<ps pvmffm?^ m^ \'U^^ êm ^^^
( S66 )
Faces au milieu desquelles elles surgissent et dont elles
diversifient l'aspect : ajoutant ainsi, et sans altération
de module, aux deux anciennes coordonnées topogra-
phiques fondamentales, la longeur et la largeur, la
troisième coordonnée, celle des hauteurs, telle que la
science la détermine.
Nous n'avons point à dire le parti que la photogra-
phie, que les ingénieux procédés de réduction aux-
quels reste attaché lé nom de Collas, pourront tirer de
ces cartes à trois dimensions pour en répandre et en
multiplier Fusage et les applications utiles, pour mettre
à la portée de tous ces images rigoureusement sincères
dés configurations terrestres. Sans doute aussi le malti'e
aura des disciples : il entre toujours quelqu'un par une
porte ouverte, et l'exemple suscitera des imitateurs
qui ne pourront mieux faire que de suivre les mé-
thodes de leur laborieux devancier.
" Après avoir reconnu le mérite incontestable de Fen-
treprise scientifique de M. Bardin^ et les services réels
qu'elle est appelée à rendre à la géographie» vous
avez, en outre, été frappés, messieurs, du zèle désin-
téressé, modeste, et toujours en éveil, d'un honune qui
n'a recherché d'autre récompense de ses efforts que la
satisfaction de faire luire quelques rayons de vérité
sur lés questions auxquelles il a voué une longue et
active carrière. Votre Commission centrale n*a donc
pas hésité à penser qu'il y avait lieu de décerner une
médiulle d'or aux travaux de M. le professeur Bardin.
Après la lecture de ce rapport, H. d'Avezac, prési-
(369 )
dent de la Commission centrale, a pris la parole en ces
termes :
« Messieurs,
c L'assemblée me permettra d'ajouter, à la suite du
rapport qu'elle vient d'entendre, quelques mots qui
n avaient pas été prévus au programme de cette réu-
nion.
R C'est à l'issue d'une de nos séances ordinaires, où
M. Bardin avait consenti à nous faire une exhibition
de ses beaux reliefs, si consciencieux» si merveilleux
d'exactitude, oserai-je dire, que la Commission cen-
trale résolut spontanément de décerner à ce savant
modeste et dévoué une médaille d'or, en témoignage
de sa haute estime pour l'œuvre et pour l'ouvrier.
» Il y a quatre jours, un billet lui fut officieusement
adressé à Paris, par le rapporteur, pour l'inviter à se
trouver aujourd'hui au milieu de nous, afin de recevoir
la médaille qui lui était réservée.
» Mais cet infatigable pionnier était déjà parti ; il ,
était allé reprendre ses travaux sur le terrain, et c'est
à Hyëres que Ta trouvé le billet de M. Maunoir. La
Société entendra avec intérêt l'expression de surprise
et de gratitude que le lauréat vient de m' adresser à ce
sujet, comme président de votre Commission cen-
trale.
« Hyères, 25 ayril 1866.
« Monsieur le Président,
» C'est sur le terrain, en face de la rade d'Hyères,
dont je suis occupé à compléter le plan-relief , que me
XI. MAI. S. 2A
( 8^0 )
parvient Ja lettre qui m'apprend la haute distinction
décernée par la Société de géographie à mes étndes
sur l'orographie de la France. Je suis parti de Paris
sans me douter en rien de la surprise qui m'était ré-
servée. Aussi qu'elle a été vive et douce à la fois î
» Heureux d'avoir réussi, par mes travaux inache-
vés, à exciter l'intérêt de votre grande Société, je me
tenais pour assez récompensé. Nulle prétention à une
distinction quelconque ne m'était venue à la pensée.
Jugez d'après cela, monsieur le Président, du prix que
je dois attacher à la flatteuse initiative de la Société
de géographie. Que ses membres présents veuillent
bien agréer l'expression de ma respectueuse reconnais-
sance, et l'assurance de mes nouveaux efforts pour
faire honneur à sa médaille d'or.
j? Soyez en même temps, je vous prie, l'interprète
de mes regrets de ne pas pouvoir assister à la séance
générale prochaîne. Les minutes de 1866 me 3ont tel-
lement comptées, qu'il m'est impossible de quitter le
terrain sur lequel j'arrive à peine. J'ai plus de 5000 ki-
lomètres à parcourir cette année.
« Croyez, monsieur le Président, à la nouvelle assu-
rance de ma haute considération et de mou entier dé-
vouement.
c Bardin,
ancien professeur aux écoles d'artillerie
et à rÉcole polytechnique.
(871 )
SOUVENIRS DE TAÏTI
sous LE PROTECTORAT FRANÇAIS
PAR M. E. 6. DE LA RICHERIE
Capitaine de frégate, ancien Commissaire impérial aux îles de la Société,
Messieurs,
Lies Voyages de BôugaînvîUe sont encore popu-
laires : on n a pas oublié le récit dés impressions de
notre célèbre marin et géographe, lors de la décou-
verte qu'il fit d'une île enchantée lau milieu dès mers
australes. Les habitants de cette terre nouvelle sem*
blaient mettre en application, sous le plus doux cli<-
mat, les riantes fictions de la mythologie grecque.
Wallis, Bougaînville, Cook et tous ceux qui les ont
suivis, se sont plu à donner à Taîti les surnoms de
Nouvelle Cythère , Beine et Métropole des mers dû
Sud, Perle de ÏOcèanie. Le riant Éden, décrit par les
illustres marins du siècle dernier, n'a point changé.
La douceur et la salubrité du climat, la fertilité et la
richesse du sol, produisent encore aujourd'hui, sur les
Européens, les mêmes impressions qu'éprouvèrent les
voyageurs de i'Jijf, 1768 et 1766; msds l'éiat tmïàl
( ^72 )
des insulaires a subi une heureuse transformation. Ces
indigènes, aux mœurs douces et polies, étaient dénués
de sentiments moraux ; ils sont maintenant arrivés à
un degré de civilisation remarquable. Loin de dispa-
raître au contact des Européens, ils semblent y puiser
une force nouvelle. Depuis longtemps, ils ont abjuré
le paganisme ; leur réformation est due au zèle et aux
efforts d'une compagnie de missionnaires protestants
anglais, qui, pendant plus de quarante ans, inspirèrent
et dirigèrent les chefs du pays. Après une série de
vicissitudes appartenant à Thistoire, la France s'est
trouvée investie, depuis vingt-quatre ans, du protec-
torat des intéressantes populations du centre Pacifique.
Pas plus que dans aucune partie du monde, lious n'avons
failli à notre mission, et notre gouvernement paternel
s'exerce sur des populations qui vont au devant de
son autorité.
La Société de géographie me fait un grand honneur
en m'invitant à dire, devant cette réunion d'élite,
quelques mots sur l'état présent de notre colonie poly-
nésienne, que je viens d'administrer pendant plusieurs
années, et à laquelle j'ai voué une affection profonde.
L'Ile Taïti est plus grande [que la Martinique (1). De
hautes montagnes occupent le centre des terres, et
leurs sommets arrêtant les nuages, opèrent une con-
densation permanente de vapeurs, qui donne naissance
à de nombreux cours d'eau. Ils roulent en torrents au
fond des vallées supérieures, s'élancent en cascades
vers les vallées inférieures, et arrosent les plaines du
(1) La tuperficie de la Martiniqae est de 98 782 hectarei ; la fn-
perficie de Taïti est de 1 04 2 1 5 hectares.
( 873 )
littoral avant de se perdre dans la mer. Sur une lar-
geur varisCnt entre 1 et 3 kilomètres, une bande de
terrains plats entoure l'île, presque sans solution de
continuité. Cette riche ceinture mesure au moins
20 000 hectares de terres propres à l'agriculture, n'at-
tendant que le travail de l'homme pour rendre large-
ment ce qui sera demandé à leur fécondité. Une multi-
tude de vallées s'ouvrent sur la zone du bord de mer
et donnent accès dans l'intérieur de l'île.
Une seconde ceinture extérieure, formée par des ré'
cifs de coraux, arrête les assauts de la mer du large.
A l'abri de ces digues naturelles règne une mer calme,
profonde, qui permet la navigation aux plus grands
bâtiments. De distance en distance, une coupure dans
le récif ouvre le passage vers la haute mer. Ces passes,
souvent étroites, ont la profondeur nécessaire aux plus
forts vaisseaux. La mer intérieure offre de nombreux
«t excellents mouillages. En se rapprochant de terre^
on trouve des ports entièrement abrités, dans lesquels
les navires peuvent s'amarrer contre un quai nature),
il muraille verticale, construction des polypiers.
iPeu de temps après l'établissement de notre Protec-
torat sur les lies de la Société, le chef4ieu de notre co-
lonie océanienne, avec l'ensemble de nos forces d'oc-
cupation, fut fixée à Papéété, capitale du royaume des
Pomarés. Auprès de ce port, il n'y avait, en 1842,
qu'un village formé de quelques maisons en bois,
appartenant à des Européens, et de cases indiennes.
Le nom de Papéété est celui d'une petite rivière aux
bords de laquelle la reine Pomaré habitait et habite
encoure une grande et belle maison en bois. Un palais.
(374)
construit en pierres, va bientôt remplacer Panrieni»
demeure et donner à la royauté indigène de&fegementg
plus en rapport avec la situation présente de la capi-
tale.
Aucune position ne pouvait être mieux choisie. Pa-
péété est assise au fond d'une baie étendue, formant
rade et port, accessible par trois passes, dont la prin-
cipale donne entrée aux navires du plus fort tannage.
Faisant face au nord, une magnifique plage s'étend eo
fer à cheval, sur une longueur de près de 2 kilomètres :
au sud s'élèvent, par degrés, de hautes montagnes,
entre lesquelles s'ouvre une jolie vallée, an centre de
la ville; deux rivières forment les limites est et ouest.
Papéété peut recevoir plus de 20 000 habitams sans
recourir aux maisons à étages multipliés, où s'entasse
la population de nos villes modernes. En attendant tes
développements de l'avenir, notre chef-lieu ne compte
que 2000 âmes environ, dont les deux tiers sont indi^
gènes.
Mais ce n'est pas à ces chiffres qu*îl faut naesurer
l'importance du port de Papéété. Outre les établisse-
ments du gouvernement, arsenal, casernes, magasins,
hôpital, directions d'artillerie et du génie, hôtels êtes
fonctionnaires , la ville compte quelques maisons en
pierres à un étage. Les navires y trouvent to^utes les
ressources nécessaires à la navigation: des bois de
mâture provenant de la Californie, des filins, du
cuivre, etc. L*arsenal de la marine possède de beaux
quais, et une cale de halage pouvant monter des bâti-
ments de âOO à 500 tonneaux. Les armateurs ont ausa
construit des quais pour faciliter les opérations de
(378)
cbargemeat et de déchargement. On travaille ex^ ce
moment à un aqueduc destiné à conduire en ville lea
eaux de la cascade de Sainte-Amélie. Cette source,
prise à une grande élévation, permettra de répandre à
discrétion, dans toutes les parties de Papéété, Télé*
ment le plus précieux à la santé et au bien^tre dauk?
les pays chauds. Ce port résume tout le mouvement
GCEuinercial , non-seuiemeni des îles du Protectorat,
mais encore dea «arehipela voisina* Pédant Vanr^é^
lSi6àf Bapéété a vu entrer et sortir hil navire^ âe^
toutes dimenâons, représentant un tonnagg. 4e SQ QOQ
tonneaux.
Une grande partie de ce mouvement est due au e^*<
botage. La capitale des États du Protectorat est cons^r
aérée comme la grande ville, le pays des Lumiére(|«
par les habitants des nombreuses îles qui» dans un
rayon de 300 lieuee, s'habituent à y venir cbercber ce
qu'ils ne sauraient trouver chez eux. lls^ apporti^nt )es
denrées et produits dont le marcbé de Papéété leuF
offre un placement assuré.
La valeur des importations et exportations pendant
l'année iS^h est évaluée à i 500 OQO francs envirqiï:
c est la moyenne des dernières années^ Papéété est en
relations suivies avec les ports de San Francisco, Val-
paraisoet Stdney. Les rapports directs avec l'Europe
étaient ttès^rares autrefois ; depuis quelques années^
grâce aux bieinveillantes dispo^tioua- prescrites par le
Ministre de la ntarine et des colonies, des expéditions^
périodiques ont lieu de Bordeaux sur nos colonies du
Pacifique. Celles-ci ont profité de la voie qui leur était
ouverte, ei il paraît qu'un des naïf ires de la ligiie de
( 376 )
Bordeaux va rentrer dans un de nos ports avec un
chargement recueilli en Océanie.
Les exportations des denrées du crû ont monté» en
186 A, à la valeur de 582 000 francs» consistant en
huile de coco, oranges, nacres, fungus» tripangs, etc.
Les oranges se vendent avantageusement en Califor-
nie. Le fungus est une espèce de gi os champignon, ré-
pandu dans les bois du pays ; le tripang, animal ver-
miforme du genre zoophyte, se trouve en abondance
sur les rochers de la côte. Ces deux derniers produits
sont des condiments très-recherchés des Chinois.
Cette exportation est bien peu considérable, mais il
faut remarquer qu'elle consiste en produits naturels,
pour lesquels la main de Thomme n'a eu pour ainsi
dire qu'à faire la récolte. L'année 1865 a vu le chiifre
de Texportation se doubler par un commencement de
produit de coton, dont nous parlerons plus loin.
La population de l'Ile Taïti ne monte pas au delà
de 10 000 habitants, comprenant les Européens et
leurs familles.
A quelques milles à l'ouest et en vue de la capitale,
s'élève la charmante lie Mooren. Dans des proportions
plus restreintes, c'est l'image de sa métropole : ports
nombreux, plaines du bord de mer, vallées, mon-
tagnes, cours d*eau. Sa superficie est de 13000 hec-
tares, sur lesquels sont dispersés 1250 indigènes et
20 européens. On voit quels espaces restent disponibles
pour la colonisation dans ces deux tles. Quoique le
royaume des Pomarés n'ait pas passé tout entier sous
notre Protectorat, une centaine d'Iles s'étendant jus-
qu'à 800 lieues dans l'est de Taïti, reconnaissent
t S77 )
notre autorité. Ce sont les lies Basses ouTuamotu.
Ces terres ou plutôt ces récifs forment de longs pla-
teaux madréporiques de &00 à 500 mètres de largeur,
contournant un lac intérieur. Ces surfaces émergentes
sont le produit du travail des polypiers, qui ont bâti
leurs murailles sur les bords d'un cratère, dont la
cuve reste plus ou moins profondément au-dessous de
la mer. Lorsque la muraille, élevée par des millions
d'ouvriers sous-'marins, rencontre le niveau de l'eau,
la vague s'y brise et la recouvre des sables qu'elle en-
traîne avec elle. Bientôt un coco, une graine quel-
conque, amenée par les eaux de la rive voisine, se fixe
a la surface. Un arbre surgit, d'autres le suivent, et
au-dessus de l'Océan apparaît une magnifique forêt de
palmiers. Ce sont ces précieux végétaus^, dont l'usage
s'étend à tous les besoins de la vie, qui font la ri-
chesse des lies Basses. Leurs ressources, ajoutées à
celles du poisson des lacs, fournissent amplement à la
nourriture des indigènes. Cette population, qui vient
de Taïti, est douée» avec plus de rudesse, de toutes les
qualités de ses ancêtres : elle est énergique, vigou-
reuse, disposée au travail. Les Tuamotu ont du goût
pour la navigation. Leur plus grande ambition est de
posséder un léger bateau, construit à l'européenne, pour
parcourir leurs lies et se rendre à Papéété, la grande
ville.
L'archipel Tuamotu, jadis refTroi des navigateurs,
commence à être bien connu. Les récifs sont accores
du côté du large et permettent aux navires d'en passer
à petite distance. Ils s'ouvrent dans plusieurs groupes
et donnent entrée dans le lac» où Ton trouve de bons
( 37» )
monillages près des bords intérietirs. Déjà rhoile de
coco, exploitée grossièrement par les natnreb, donne
lieu à un commerce d'échanges assez important avec
Papéété. A mesure que les indigènes comprennent
mieux leurs intérêt», ils prennent plus de soin de
leurs forêts. C'est dans les lagons formés par ces
îles que se feît la pêche des nacre», de ces grosse»
huîtres dans lesquelles »*élaborent les perfes. Lear
mouvements du cabotage répandent la vie et YinM-
lîgence au milieu de ces populations, jadis isoKe^ sur
leurs rochers. Les indigènes sont fiers de vivre sous le»
lois dii Protectorat, et ils ne manquent jamais d'arborer
sa bannière toutes les fois qu'un bâtiment passe en vue.
Un de nos économistes distingués, qui a écrit Pin-
structive et intéressante histoire de nos cofonies* (1),,
caractérise d'une heureuse expression une des île» du
grand Océan. « Vn paradis pour le charme, un trésor
pour la richesse. » Mais la terre seule jouit de ces pri-
vilèges, et une mer furieuse frappe les bases de l'île
fbrtunée. Taïtî, non moins favorisée qtue la réunion
pour la fertilité du sol et l'agrément du climat, est
dotée de ports nombreux. Le charme et îa richefsse ne
s'arrêtent pas à la terre 2 des eaux tranquîBes et trans-
parentes, protégées, comme nous l'avons dît, par de
puissantes digues , entourent l'île d'une ceinture de
vastes rades, de ports sûrs, immense réservoir de pois-
sons et de coquillages. Dès que le navigateur a touché
les eaux des îles de ta Société, pîn» de souci», plu»
<(l) Les Coieniê» et kk poHUque eoloniàh deia FtWMéy par M. Mu
IHlY^U P9riS|, Aflbiil Qf^toQ4> é^^uv^
if hïqttiélxided ; it peut y géjoapcier daaa we séetnrhé
parfaite, faire reposer son écfuipage, risiter ta ctarèoe de
sofi narire, effectuer toute opératio» oommeéciatei^ C'est
i!me relâche bienfaisante où f on puise dçs ftiroea w%yh-
veiles ponr tenir te haute mer« Le» ouragans req)esct6iit
Ta'iti : Ils passent à nne centaine de lieues au sud.
Malgré tous ces ayantagee, te nombre è$ eolonséta^
bl}& dans ce beau pays est encore bien peu ë^é. Il sf
dépasse pas le chiffre de 700, hommes, femmes et m«
fiints. La composition de ee grelipef e^ digee d'atten-
tion. En 4869, if Européennes seuleanny^ei^rvaieiit de
compagne» aîir cokuis: mais 59 fiMmes du p»ys
avaient eu assez d^ attraits et de puissance pour que
leur» unions avec les- celons eussent été sanetieanAes
par là M civile (code Napoléon) et bénies^ par \^ véà^
gion. N*est-Tl pas remarquable iqffie dans uu taîHeo à
tneeurs aussi libres, oà la satisfaction des paissions n«
rencontrait pas d*ô6staâles, lebesdn de^foroier des liem
indissolubles se soit si vivement jfkit sentira Quel tdeiU
ieup indice enfkveur deFexpan^onde kt cotonisation 1
Quête puissants et nobles agewts de rapproehemeiil;
etïire eoloif» et indigènes i ramour et la iàmiUe )
De ces nnions entre Européens ei Océaniennes «st
résulté le plus parfkit acdord, la fusion la^ plus comr
plète. Aucun préjugé n'existe contre la couleur de la
peau, audun^ souvenir d'inégalité de race ne trouble
les rapports entre les naturels et les ^eiotf^ Leirrs iii<-
térêts se confondent dans un même sentiment d'affeo-
tiOB et de tendresse sur la tète de lemrs enfants; Geox-
d, vrais fils de l'aipour, n'ont pa» tarompé les espé^
ranees de lwP9 parenter Ils sent d'une grande hemM ;
( 380 )
leur caractère est doux et aimabje, leur esprit ouvert
et Tif ; ils semblent avoir reçu, dsu)s un heureux më*
lange, plutôt les qualités physiques et morales de leurs
père et mère que leurs défauts. Ils forment le noyau
d'une population intelligente, active, morale, tout à
fait apte à comprendre et à pratiquer notre civilisa^
tion. Le mariage de ces jeunes gens avec des Euro-
péens donne des sujets plus parfaits que les pre-
miers.
Les Tiûtiens sont d- une taille et d'une stature géné-
ralement au'-dessus de la nôtre ; hommes et femmes
sont forts et bien faits ; leurs jeunes gens nous re^-
tracent les traits de Mars, d'Hercule, de Junon et de
Vénus. Leur teint naturel est d'un brun clair ou olive;
leur peau est délicate, douce, polie, sans aucune des
nuances que nous appelons couleurs. Le seul trait qui
s^écarte de l'idée que nous nous faisons de la beauté
est leur nez, généralement un peu aplati. Leurs yeux,
surtout chez les femmes, sont pleins d'expression. Us
étincellent de feu ou se remplissent d'mie douce sensi-
bilité. Leurs dents sont très-blanches, très-belles, et
leur haleine est d'une pureté parfaite. Leurs cheveux
sont noirs et un peu rudes. Cependant les femmes en
prennent un soin extrême et en font un de leurs plus
agréables ornements.
La reine Pomaré est âgée de cinquante-trois ans ;
son port est plein de dignité. Elle est entièrement ha-
billée à l'européenne, et lors des cérémonies pu*
bliques, elle revêt des robes confectionnées avec
nos plus belles étoffes de Lyon^ N'ayant pas eu d'en-
fants de ton premier mari, elle :a divorcée selon la loi
( 581 )
taStieUme, pour épouser un prin&e phis jeune qu'OUô de
sept ans. Six eufants sont nés de ce second mariage :
Taîné est mort en 1856; le plus jeune vient de pas-
ser deux années en France pour compléter son éduca^
tion : c'est dire assez qu'il parle notre langue et qu'il
est imbu de nos. idées de civilisation. Pomaré IV ne
eomprmà pas du tout la langue anglaise ; elle entend
un peu le français, mais ne le parle pas. Nous ren-
dons des honneurs royaux à la reine des États du Pro-
tectorat, lofs de toutes les cérémonies publiques. Une
des plus imposantes consacrées par l'usage est celle
de l'ouverture de l'assemblée législative indigène. La
reine et le commissaire impérial se rendent à l'a^sepoi-
blée en grande pompe. Des cbceurs composés de jeunes
gens et de jeunes filles accueillent l'arrivée et le dé-*
part du cortège. Notre artillerie salue de ses canons,
et toute la ville de Papéété se met en fête. Ces solenni-
tés ont contribué à cet excellent résultat de pénétrer
les indigènes d'un grand respect pour la loi. J'ai vu
moi-même un indigène se présenter devant le commis-
saire impérial et lui dire : « Je suis condamné à un
mois de prison par le juge de mon district. Je te
demande de m' autoriser à ne commencer ma peine
que dans quinze jours, parce que j'ai des affaires à
régler. »
c £h bien, répond le commissaire impérial, tu peux
appeler de ton jugement : tu seras libre jusqu'à ce que
le tribunal d'appel ait prononcé. »
c Non, je ne veux pas appeler de mon jugement :
je veux du temps avant de me rendre en prison. ?
K^Soit 2 ta vienâms<dains qulnase joori^ à P^ipéété. x^Et,
( 38a )
le délai ^firé, Tindig^ête se rendut sdal an dief4iâtai«
diâtettt d<d fiO lieues, pour se cofistituèr prisonoier. €«
profond respect de la loi, de la chose jugée, est là
principale vertu des Taît^ns. Elle a fait dire avec rai^
son que cette population était amie de Tordre.
Notre influence s'est étendue d'elle-même sur des
lies restée ^eti dehors du Protectorat^ mais dont les
habitants parient la même langue « ont les mêmes
mCBurs que nos sujets protégés et sont en fréquents
rapports atec eux. C'est ainsi qu'on agit à Taïti ; voilà
te meilleur et décisif argument pour tiMiBbei^ les ques-
tions difficiles.
Pendant Tannée 186ft, des pirates sont saisb à
600 lieues de Papéété par des naturels indépendaàts
du Protectorat ; ceux<K)i conduisent leur prise à notre
eilèf'Uéli et demandent au gouverneur français de se
charger de punir des étrangers viôlateura des lois de
rhumànîté.
Jusqu'à l'année 1863, celons et indigènes sont restés
à peti près iifidifférents aux richesses du sol. L'agri»
Culture n'était pratiquée ni par les uns ni par les
autres { ils étaient trop peu nombreux pour épuiser
rabotidance des produits spontanés de la terre^ La léfi>
giâlation locale opposait un obstacle insurmontable à
toute culture un peu étendue ; elle autorisait le libte
parcours des animauit, sans garantir les propriétaires
du terrain contre leurs dévastations. De nouvelles db«
positions furent mises en vigueur à partir du !«' jkn^
yitt de cette antiée, et deux conûoes agric^s» tenus à
Papéété aut fKiefs d'août iSde et 1868, présentèrent
n»e expeditiôn IntArUi^siaite des productions â& la tetoe
< 688 )
et des eauK des ilee dont Taîti est le centre. On peut
dire que ces comices affirmèrent la colonisation agri-
cole : isolons et indigènes ouvrirent des yeux fermés
depuis longtemps, et la foi leur vint.
Au commencement de 186^, une compagnie a
acquis^ à bon compte, une vaste étendue de terrains*
plus de 3000 hectares dans Tîle Taïti, afin d'y cultiver
le coton et le café. Ses opérations sont commencées
depuis deux ans. Les premiers travailleurs ont été en-
gagés pamnl les colons et les Taïtiens^ Un contingent
d'ouvriers a pu 6U*e recruté dans les lies voisines ; en-
fin 500 ou (>00 coolies chinois ont été introduits sur les
terres de la compagnie, Elle a reçu, provenant de la
récolte de Tannée 1855, 50 000 kilogr. de coton sea-
island longne-soiQ. Ce coton se serait vendu 9 francs
CO cent, le kilogr, ^ sur le marché de Liverpool. Ainsi,
les exportations des denrées du cru de Tajiti, qui n'é-
taient, en l$6à, que d'une valeur de 582 000 francs^
ont dû plus que doubler.
Il est superflu.de faire les calculs du développement
<{ue la production agricole peut donner au commerce
et à la navigation des îles du Protectorat. Les élé-
ments de la richesse abondent pour ceux qui la deman-
deroât à un travail modéré, mais persévérant.
L'introduction d'immigrants chinois n'a été au-
torisée qu'à titre d'essai et pour faciliter les débuts
d'une entreprise sans précédents. L'administration
â'est réservé le rapatriem?i)t de !ous les Chinois
imimgrant3 aux frais de la compagnie. Ce n'est
pas <par ces travailleurs de passage « laissant trop
souvent apiiès. euv des : traces funestes de débauche
( isA )
et d'immoralité, que nos belles lies du Protectorat
doivent être peuplées et exploitées, mais par nne po*
pulation européenne et nationale, ayant ses a£Rsctions
et ses liens de famille dans le pays même. Nous ayons
dit quelles relations s'étaient établies entre les pre-
miers colons et les indigènes : tout fait espérer qu»
cette heureuse entente se continuera ; sans vouloir pé-
nétrer les immuables arrêts de la Providence , noos
aimons à croire que le Protectorat de la France saura
concilier les intérêts des indigènes et ceux des Euro-
péens, de manière que les uns et les autres se prêtent
un mutuel appui. Nous nous plaisons à Fidée que
notre civilisation, loin d'écraser les indigènes, vivifiera
de son souffle charitable les populations océaniennes
placées sous notre tutélaire direction. Les natifs ne
sont pas réfractaires au travail , comme on s'est plu à
le répéter. Leurs anciennes mœurs ne comportaient ni
régularité ni prévoyance. Us vivaient d'une vie com-
mune, sans domicile fixe, sans nom propre, sans pro-
priété individuelle ; les vallées, les forêts et les lacs
étaient la réserve où ils puisaient, au fur et à mesure
de leurs besoins, leurs ressources alimentaires, qweU
quefois au prix de grandes fatigues, jamais par un tra-
vail de longue durée. Un mouvement prononcé vers
des habitudes nouvelles fait espérer d'heureux change-
ments chez les indigènes.
Dans le développement des relations entre les di-
verses parties de notre globe, le rôle de Tàîti est mar-
qué par sa position géographique. Cette lie se trouve
placée, comme une étape nécessaire, sur la route cen?-
traie qui doit unir entre eux les différents continents»
i
( 885 )
Ce grand chemin international traverse TAtlantique,
l'isthme de Panama , passe au milieu des solitudes
profondes du Pacifique, s'engage dans une multitude
d'îles, en tête desquelles sont situés nos archipels des
Marquises, des îles Basses et des îles de la Société,
touche à l'Australie, passe dans le détroit de Torrès,
continue sa direction au sud de l'Indoustan, pénètre
dans la mer Rouge, franchit l'isthme (bientôt le canal)
de Suez, et par la Méditerranée rejoint notre vieux con-
tinent.
Cette situation, qui pouvait, il y a quelques années,
être considérée comme devant appartenir à un avenir
éloigné, est au moment de se réaliser. Il parait certain
que les colons de la Nouvelle-Zélande se décident à
inaugurer, dans deux mois, un service de navigation à
vapeur entre Auckland et Panama. Le port de Papéété
doit servir de lieu d'escale et de ravitaillement pour
les paquebots. Ainsi, notre colonie, placée aux anti-
podes, va se trouver à 40 jours de distance de Paris,
et plus de la moitié du trajet peut, dès aujourd'hui,
être parcourue sous pavillon français de Saint-Nazaire
à Colomb-AspinwalL
Un autre service de navigation à vapeur, partant du
nord-est de l'Australie, doit se diriger sur Batavia et
Singapore, par le détroit de Torrès, et rejoindre les
lignes anglo-françaises de Chine.
Les lies de la Société ne sont pas sans voisins, sans
relations, sans marchés pour écouler ou échanger leurs
produits. Elles occupent une position à peu près cen-
trale dans la cinquième partie du monde, si justement
dénommée monde maritime. La race européenne fait,
zi. MAI. A. 25
f
( 386 )
depuis quelques années, de grands progrès dans ces
contxées insulaires, dont le climat lui est généralement
favorable, dont le sol fertile récompense largement ses
travaux. Le courant d'émigration, déjà formé, a reçu^
pendant ces dernières années, une force nouvelle par
le puissant attrait des mines d'or de la Californie, de
l'Australie et de la Nouvelle-Zélande. Là où la nature
restait livrée à elle-même, ou nourrissait quelques tri-
bus sauvages, se sont élevées, comme par enchante-
ment, de spacieuses cités, remplies d'une population
nombreuse, active, énergique, laborieuse, productrice,
ardente aux plaisirs, avide de jouissances et de laxe.
Le marché de ces fpyers de production et de consom-
mation réclame, comme celui de nos grandes places
d'Europe, un approvisionnement de matières pre-
mières, de fruits, de légumes, de toutes les denrées
des divers climatâ, de tous ces objets que les routes de
terre et de mer concentrent vers les rassemblements
humains. Le sucre, le café, l'huile de coco, etc., pro-
ductions de nos îles, trouvent un facile débouché dans
tous ces centres importants*
Si l'attention publique a été détournée de nos lies
lointaines par les événements qui se sont succédé en
Europe depuis vingt ans, le Ministre, dont la présence
honore notre Société, ne les a pas perdues de vue. Par
ses ordres, on a organisé, en 1860, un service mensuel
de bâtiments à voiles, reliant le chef-lieu de nos éta-
blissements aux ports de la côte d'Amérique. Les dé-
pêches et les passagers à destination de l'Océanie
prennent la voie, rapide relativement au passage par
le cap Horn, des paquebots transatlantiques, traver-
( 887 )
sent risthme de Panama et trouvent, dans un des ports
du Pacifique, nos paquebots coloniaux (1). Le bienfait
de ces communications régulières avec la mère patrie
a été vivement ressenti par les colons. Il a ranimé leur
activité et les a préparés aux rapports suivis qu'ils vont
avoir avec les continents par la route centrale du
monde.
L'Ile de France était, disait-on il y a cent quarante-
quatre ans (1722), un rocher de nulle valeur agricole,
bon à conserver seulement à cause de ses ports. On
sait ce qu'entre les mains de ces Français» qu'il est
d'usage de déclarer incapables de toute colonisation,
était devenu ce rocher perdu au milieu des flots. On
sait ce qu'une île voisine, celle-là dépourvue de ports,
mais restée française, représente aujourd'hui d'éner-
gie, d'activité, de puissance productrice. L'histoire
perpétuera cet enseignement, que nos lies de l'océan
Indien et leurs patriotiques populations ont été le bou-
levard de notre marine dans ses derniers et glorieux
combats d'une lutte héroïque !
En présence des conditions nouvelles de la naviga-
tion et du commerce, Taïti et la pléiade d'îles qui l'en-
tourent, se trouvent admirablement placées pour faire
(1) Les dépêches et les passagers partant de Saint-Nazaire le 8 de
chaque mois, sont rendus à Payta le 6 du mois suivant. De ce port
le paquebot océanien les transporte à destination, en ?ingt-cinq jours,
sur une mer toujours belle. La durée du voyage d'aller est donc de
cinquante-trois jours à peu près. Le retour est plus difficile et plus
long. Le paquebot aborde les côtes d'Amérique vers le sud, à Valpa-
raiso, après trente-trois à trente-huit jours de navigation. La durée
du voyage s'étend de quatre-vingts à quatre-vingt-dix jouis.
( â88 )
flotter notre drapeau au milieu du monde maritime.
Une colonie de quelques milliers de nos nationaux ha-
bitant, au centre du Pacifique, les terres salubres et
fertiles du Protectorat français, pèserait plus qu'on ne
se rimagine, pour notre influence politique et commer-
ciale, sur les côtes des deux Amériques et de l'Aus-
tralie.
Mais je ne dois pas me laisser entraîner par mes sou-
venirs et mes sympathies. J'ai plus compté, Messieurs,
sur l'intérêt du sujet dont j'avais à parler devant vous,
que sur mon talent de bien dire : toutefois, je m'esti-
merais heureux si cet entretien pouvait contribuer
à faire connaître et apprécier une de nos plus char-
mantes colonies. J'ai conçu le plus grand espoir sur
gon avenir : ma confiance devient absolue quand je
pense que le soin de veiller à sa destinée appartient à
l'habile et sage homme d'État, sous l'administration
duquel un magnifique domaine s'est ajouté à notre
empire colonial et se constitue par delà les mers.
( 389 )
LE
SAN FRANCISCO AU BRÉSIL
PAR M. LIAIS.
Après TAmazone et le Rio de la Plata, le plus long
des fleuves de TAmérique du Sud est le Rio de Sau-
Francisco, dont le cours entier est renfermé dans le
vaste empire du Brésil. Cependant, jusqu'à ces der-
nières années, l'attention a été peu appelée sur cette
immense rivière, et l'on ne possédait, à son sujet, que
des renseignements très-incomplets. Aussi, à peine le
Rio de San-Francisco est-il cité dans la plupart des
géographies, et parfois son nom n'est même pas men-
tionné. Une seule remarque me suflSra pour mon-
trer le vague qui régnait encore tout récemment dans
les notions qu'on avait de ce grand fleuve. Elle est rela-
tive à sa longueur, que l'on fixait à 2100 kilomètres, au
lieu de 2900 kilomètres, sa valeur réelle, comme je l'ai
reconnu en 1862, lors de l'exploration que j'ai faite
dans l'intérieur du Brésil. L'erreur commise était du
quart du développement du cours, et c'est la grandeur
de cette erreur qui avait empêché d'accorder au San-
Francisco le rang qui lui appartient parmi les fleuves
de l'Amérique du Sud, et de reconnaître que son déve-
loppement surpasse celui de l'Orénoque.
Il importe, toutefois, de remarquer que le bassin
( 890 )
qui renfenne le San-Francisco et ses affluents con-
serve, contrairement à ceux des autres grands cours
d'eau de TAmérique méridionale, une largeur presque
toujours uniforme ou du moins ne variant que dans
des limites assez restreintes, tandis qae les bassins de
l'Amazone et de la Plata s'ouvrent en éventail et ac-
quièrent des largeurs beaucoup plus grandes. Il ré-
sulte de cette disposition que le volume des eaux débi-
tées par le Rio de San-Francisco est, relativement à
la longueur du cours, inférieur à celui de ces dernières
rivières, quoiqu'il soit encore considérable. Ce volume
est près de l'emboochure de 2800 mètres cubes par
seconde aux plus basses eaux et après une sécheresse
absolue de six mois* La largeur du bassin du fleuve est
toujours comprise entre ôO et 80 lieues géographiques,
mais à cause de sa longueur, la surface de terrain ar*
rosée par le San-Francisco et ses affluents est à très«-
peu près égale à celle de la France.
Parmi les particularités dignes de remarque que pré-
sente le cours du fleuve qui nous occupe, il faut citer,
en première ligne, sa gigantesque cascade, rivale de
celle du Niagara, et qui est désignée sous le nom de
cascade de Paulo-Affonso. C'est à 300 kilomètres seu*
lement de la mer que se produit cette admirable chute,
et quand le San-Francisco arrive en ce point, il a déjà
reçu tous ses grands affluents et parcouru 2600 kilo-
mètres. Le fleuve a donc réuni la presque totalité
de ses eaux quand il s'élance à travers la petite
chaîne granitique qui semblait vouloir arrêter sa
marche. Resserré entre deux immenses murailles de
pierre , il coule d'abord en torrent et sur rni fond
( 391 )
dont la déclivité accroît la vitesse, puis tout à coup îl
se précipite en trois chutes consécutives dont la hau-
teur réunie est de 84 mètres. La dernière de ces chuteis,
la plus grande des trois, n'a pas moins de 60 mètres
d'altitude.
Il résulte de ce resserrement de lit du San-Fran-
cisco que la cascade de Paulo- Affonso, quoique compa-
rable à celle de Niagara par la hauteur et le volume
des eaux, ofifre un spectacle très-différent de celui de la
rivière de l'Amérique du Nord. Dans le Niagara, en
effet, la disposition des lieux fait que les eaux s'étalent
au lieu de se resserrer dans un étroit passage, de sorte
que la nappe blanche d'écume possède une grande
largeur, mais par compensation on n'y voit pas les
phénomènes particuliers qui, dans le San -Francisco,
résultent de la concentration d'une force vive consi-
dérable, resserrée dans un étroit canal. Vue à distance,
la cascade de Niagara l'emporte donc en magnificence
sur celle de Paulo- Affonso, mais, de près, l'avantage
est pour le San-Francisco, dont les eaux furieuses se
relèvent avec plus de violence et forment une série
d'immenses vagues chargées d'écume. L'effet de ces
grandes vagues, d'où sort, comme de la chute elle-
même, une gigantesque colonne de vapeur, ajoute à
la splendeur du spectacle, et la force expansive de l'air
que les eaux, dans cet étroit canal, entraînent et compri-
ment au pied de la chute, produit une sorte d'ouragan
dont la puissance contribue à accroître l'extension de
cette immense colonne de poussière aqueuse. La com-
pression de l'air à la surface des eaux après la chute
est'telle, qo^une pierre lancée avec la plus grande force
( 392 )
ne peut résister au vent résultant, de sorte que sa vi-
tesse est anéantie après un parcours de 6 à 7 mètres.
Cette particularité a répandu, parmi les habitants des
environs, l'opinion que le lieu de la cascade est en-
chanté.
Après les grandes chutes de Paulo-Affonso, le Rio de
San -Francisco reste encore pendant quelques lieues
resserré entre des roches granitiques, taillées à pic
sur ses rives et parfois môme en surplomb. Dans cet in-
tervalle se produisent encore plusieurs petites chutes.
Sur quelques points, le lit est creusé dans le roc à une
profondeur considérable, et le niveau des rives sur-
passe de 80 mètres celui des eaux. Coulant avec impé-
tuosité dans l'étroit canal qu'il s'est ouvert, le fleuve
continue d'être complètement innavigable jusqu'à son
confluent avec la petite rivière da Ortiga. Mais , à
partir de ce dernier point, au tableau efl'rayant qui
s'était oflert jusqu'ici entre les escarpements de pierre,
succède un spectacle tout différent. Les rives s'abais-
sent, le lit prend une largeur considérable, et les eaux,
devenues tranquilles, forment une immense nappe au-
dessus de laquelle surgissent une multitude de petites
îles couvertes, comme les bords du fleuve, de la plus
riche végétation. A partir de ce point, éloigné de la
mer de 225 kilomètres, le San-Francisco ne cesse plus
d'être navigable jusqu'à l'Océan.
L'obstacle invincible qu'oppose à la navigation la
splendide cascade de Paulo-Affonso et le peu de lon-
gueur de la région navigable depuis la mer, compara-
tivement au développement total du fleuve, expliquent
facilement l'oubli dans lequel est resté jusqu'ici carS'
( â93 )
marquable cours d'eau. Msds depuis qu'on a découvert
qu'au-dessus de la cascade de Paulo-Affonso, il existe
une immense région dans laquelle le San-Francisco,
à la fois large et profond, coule avec lenteur et offre à
la navigation fluviale les plus belles conditions, l'atten-
tion du gouvernement du Brésil a été appelée sur cette
magnifique voie intérieure qui, courant du nord au
sud, unit la riche province de Minas-Geraës à celles de
Bahia, de Pernambuco et d' Alagoas. Ce n'est pas, tou-
tefois, immédiatement au-dessus des grandes chutes
que commence la portion navigable du fleuve. Un inter-
valle de 300 kilomètres la sépare de la grande cascade,
intervalle dans lequel de nombreux bancs de rochers
donnent lieu à des rapides. Mais, à partir de cette dis-
tance jusqu'à Pirapora^ c'est-à-dire dans une extension
de 1500 kilomètres environ, le fleuve est complètement
libre et possède un très-faible courant. Dans cette ma-
gnifique région de son cours , le San-Francisco reçoit
une multitude d'affluents^ parmi lesquels je citerai seu-
lement ici les trois plus grands, qui sont: le Rio das
Velhas, le Paracatù et le Rio Grande. Après le con-
fluent de cette dernière rivière, la largeur du fleuve
atteint jusqu'à 1800 mètres.
Dans la portion dont je viens de parler, le cours du
San-Francisco a été exploré en 1852 par un ingénieur
allemand au service du Brésil, M. Halfeld, qui en a
publié des cartes détaillées. Mais cet explorateur s'était
arrêté au rapide de Pirapora, le premier obstacle que
présente le fleuve dans son cours supérieur. De plus, le
lit de la rivière n'avait été que relevé topographique-
ment par lui, sans aucune détermination de position
( 894 )
géographique. Il restait donc une incertitude considé-
rable sur la position dePirapora.Or voulant faire con-
verger vers le San-Francisco les chemins de fer par-
tant des trois grandes villes de l'empire du Brésil, Rio-
de-Janeiro, Bahia et Pernambuco, le gouvernement
brésilien se trouvait dans la nécessité de faire procéder
à de nouvelles explorations. Il importait surtout d'étu*-
dier la partie du cours située au-dessus du rapide de
Pirapora, région sur laquelle on ne possédait aucune
indication précise. Il fallait de plus fixer la position
géographique de ce point, afin de pouvoir utiliser, dans
la rectification des cartes géographiques du Brésil, le
travail topographique de M. Halfeld, dont les deux
extrémités, savoir, l'embouchure dans TOcéan et le ra-
pide de Pirapora, pouvaient servir de repère pour tracer
le cours inférieur du fleuve dont on avait les détails.
Tels furent les motifs pour lesquels le gouvernement de
Sa Majesté l'empereur du Brésil m'invita à procéder à
l'exploration du cours supérieur du San-Francisco.
Dans cette exploration, que je fis pendant l'année 1862,
j* eus l'occasion de visiter la partie la plus intéressante
de la vallée du fleuve, celle qui est comprise dans la
province de Minas-Geraës.
C'est dans la serra da Ganastra que le Rio de San •
Francisco prend sa source. A partir de son origine, il
coule d'abord du sud-ouest au nord'-est, et après avoir
reçu le Rio Bambuhy, il commence à être navigable
pour de petites barques, dans une extension de
180 kilomètres environ. Alors commencent une série
de rapides très-nombreux qui embarrassent son cours
de distance en distance jusqu'à Pirapora, c'est-à-dire
j
( 896 )
peiidant l'espace de plus de SOO kilomètres^ Â Pirapora,
on observe deux chutes dout la réunion Corme une bau**
teur de S mètres 50 cent., et c'est à partir de ce point
qu'on rencontre la belle région navigable dont j'ai an--
térieurement parié et qui s'étend sur une longueur de
1600 kilomètres.
Pirapora est à 86 kilomètres au-dessus du confluent
du San-Frandsco et du Rio das Velhas. Cette dernière
rivière, qui naît dans la serra de Mai dos Homems ,
près de la ville d'OurO'pretOi ancienne Villa-rica, capi-
tale de la province de Minas^G^raës, mériterait plutôt
d'être considérée comme un bras du San^-Francisco
que comme un simple affluent. Sa longueur, en effet,
est égale à celle de l'autre bras, auquel on a conservé
le nom de San^^Francisco. Elle court presque parallë*
lement à lui et n'en est séparée que par une petite
* chaîne de montagnes nommée serra do Espirito-Santo«
Le bras connu m)us le nom de Rio das Velhas est beau-^
coup plus navigable que celui qui garde le nom de
San-Francisco. J'ai pu le parcourir dans toute sa lon-
gueur avec une petite barque, et quoiqu'il offre aussi
des rapides, les conditions pour l'ouverture de pas*
sages offrant toute la sécurité nécessaire, sont beaucoup
meilleures que dans le San^Francisco proprement dit.
C'est donc par le Rio das Velhas que se continue jus*^
qu'au cœur de la province de Minas-Geraës la grande
voie navigable formée par le fleuve au-dessus de la
cascade de Paulo-Affonso.
<
Limitée à l'est par la serra d'Espinhaço dans la pro-
vince de Minas-'Geraës et par la serra da Chapada
dans la province de Bahia» la vallée du Sau-Fraacîsca
( 396 )
présente un aspect bien différent de celui de la vaste
région comprise entre ces mêmes montagnes et la mer.
Arrosée par le Rio Doce et le Jequitinhonha, cette
dernière région est presque complètement couverte
par les forêts vierges, tandis que la vallée du Rio de
San-Francisco appartient à cette immense zone des
prairies qui occupe tout le centre de l'Amérique du
du Sud et, en dehors du Brésil, reçoit au nord le nom
de Llanos et au sud celui de Pampas. Au Brésil elle
est désignée sous le nom de Gampos.
La présence d'un épais tapis de graminées sur toute
la surface du sol donne, au premier abord, l'idée d'une
grande uniformité d'aspect. Cependant il n'en est pas
ainsi, et les paysages des Gampos sont des plus variés.
Des bouquets d'arbres dans lesquels les feuillages les
plus divers s'allient aux fleurs de toutes couleurs por-
tées par les guirlandes des lianes ou par de superbes
orchidées ou broméliacées parasites, rompent la mono-
tonie du tapis de verdure, et Ton se croirait dans un
parc admirablement cultivé. D'autres fois, sur le bord
de petits ruisseaux, croissent des groupes de gigan-
tesques Mauritia vinifera, pahniers précieux de ces
régions. Leur tronc élevé, surmonté d'un magnifique pa-
rasol formé par de vastes feuilles en éventail, produit un
effet des plus pittoresques, lorsque surtout une immense
prairie est parsemée çà et là de ces végétaux gracieux.
D'autres fois, et ce fait s'observe surtout dans les ré-
gions les plus sèches, des arbustes tortueux couvrent
tout le terrain, et dans ces parties des Gampos se font
remarquer les belles fleurs des Garîocar, des Gochlo-
spermum, des Vochysia.Enfin^ souvent, au milieu d'une
( 397 )
vaste plaine^ on voit surgir une de ces curie oses
chaînes de montagnes de grès rougeâtre ou verdâtre,
à sommet coupé en table, et si abondantes dans tout le
Brésil, où M. de Gastelnau les a déjà signalées. Les
flancs arides de ces collines, parfaitement alignées et
qui se prolongent sur plusieurs lieues de longueur en
gardant le même niveau et présentant l'aspect d'un
toit, sont couverts par des Melocactus et par de magni-
fiques Kielmeyera, dont les grandes fleurs roses rap-
pellent celles des camélias. Lorsqu'on monte sur ces
collines, qui parfois atteignent jusqu'à 500 mètres au-
dessus du niveau de la région environnante, un admi-
rable panorama se déroule sous les yeux du specta-
teur. Je me rappelle en particulier un magnifique
tableau de ce genre que j'ai aperçu en gravissant les
flancs de la serra de Gurumatahy. Le regard embras-
sait toute la largeur de la vallée du Rio das Velhas.
Son fond ofi'rait l'apparence d'une immense plaine d'où
on voyait sortir comme des îlots les serras du Paraùna,
de Buenos-Ayres, da Garça et du Bicudo. La rivière,
accompagnée sur ses deux rives d'un cordon de grands
arbres, dessinait son cours au fond de la vallée par une
ligne d'une verdure fraîche qui tranchait sur la teinte
rougeâtre des graminées desséchées et éclairées par les
feux du soleil couchant. De belles teintes violettes cou-
vraient les flancs des montagnes rapprochées, et dans le
lointain, à une énorme distance, une chaîne de mon-
tagnes bleu pâle se montrait à l'horizon. G' était la
serra da Mata da Gorda avec ses dômes dioritiques, qui
limite à l'ouest le bassin du San-Francisco.
Composé d'alluvions anciennes aurifères et gemmi-
( S98 )
fères, le sol de la rallée du San-Franciseô ft, par sa
richesse, appelé dans le siècle dernier rattention des
chercheurs d*or et de diamant, et c'est à cette circon-
stance que cette vaste région doit d'avoir été peuplée.
Sa population, toutefois, est très-minime par rapport
à l'extension, et elle s'est agglomérée sur divers points
du bassin du fleuve, en laissant désertes d'immenses
surfaces. Les Indiens, qui jadis habitaient les rives du
San-Francisco, ont été repoussés par les aventuriers
qui couraient à la recherche des métaux précieux, et
celles de leurs tribus qui ne furent pas anéanties, pas-
sèrent la serra d'Espinhaço et se rendirent dans les
immenses forêts comprises entre cette chaîne de mon-
tagnes et la mer. Là elles trouvèrent un refuge plus
assuré que dans les terres découvertes des Campos.
Ennemies de la civilisation, certaines nations indiennes,
comme les Botocudos, ont encore conservé aujour**
d'hui leurs habitudes de cannibalisme, et le gouverne-
ment du Brésil est obligé d'entretenir des postes mili-
taires pour empêcher leurs excursions dans le territoire
colonisé. La région que les Indiens habitent aujour-
d'hui est couverte de bois. Ce sont les forêts vierges dont
on a si souvent parlé, et dont le vrai caractère n'a géné-
ralement été que très-imparfaitement indiqué* Dans
un ouvrage que j'ai publié récemment, sous le titre de
U espace céleste et la nature tropicale^ j'ai donné une
description détaillée de ces forêts, et je me suis efforcé
de faire comprendre en quoi elles diffèrent de celles de
nos contrées par la variété du port des végétaux qui
les composent, par la présence des grands feuillages
des monocotylédonés et spécialement par la multi-
( 3Ô9 )
plicité des espèces d'arbres, renlacement des lianes et
la profusion dcd végétaux parasites. Je ne m'étendrai
donc pas ici sur ce point ; mais si les forêts vierges
déploient des magnificences sans égales dans nos con-
trées» elles n'offrent cependant, comme nos bois, que
bien peu de ressourcespour l'alimentation de l'homme.
Aussi les malheureuses tribus indiennes, restées sau-
vages, y vivent dans la plus profonde misère, qu'elles
préfèrent toutefois au travail qu'on leur offre et qui
pourrait leur donner une existence plus facile. Déci-
mées par la famine et les maladies, le nombre des
individus qui les composent va en décroissant, et si
elles continuent de refuser la civilisation, elles dispa-
raîtront dans un avenir rapproché.
Les premiers aventuriers qui pénétrèrent dans le
bassin du San-Francisco vinrent de la province de
San-Paulo et se précipitèrent sur les plaçers aurifères
qui bordaient le Rio das Yelhas et le Rio Paracatù. Au
bout de peu de temps, les dépôts les plus riches se trou-
vèrent épuisés et la recherche de l'or devint plus péni-
ble. Elle se continua toutefois pendant longtemps, mais
à mesure que les difOicultés augmentèrent, le nombre
des chercheurs d'or diminua et l'élève du bétail forma
la préoccupation dominante. Aujourd'hui, il n'existe
plus que très-peu d'exploitations de sables aurifères.
Quant aux riches filons pyriteux qui abondent dans les
régions montagneuses circonscrivant le bassin du San-
Francisco et où ses divers affluents prennent leur
aource, ils ont été à peine attaqués. C'est là cependant
que réside la grande richesse aurifère de la province
de MinsbS^Geraës^ car c*est de la surface décomposée
( AOO )
de ces filons pyriteux qu'était provenu Tor qui fut
jadis retiré des dépôts meubles. Hais dépourvus de
machines, n'employant que les bras de l'homme, on
comprend facilement que les habitants de Minas-Geraês
se découragèrent promptement dans l'exploitation de
filons dont la gangue est le quartz, et l'abandon suc-
cessif des mines diminua l'exportation de l'or dans une
proportion telle qu'il en résulta l'opinion que les mines
de la province de Minas-Geraës sont presque épuisées.
Il n'en est rien cependant, et tout récemment plusieurs
compagnies anglaises se sont formées pour attaquer
les filons voisins de Sahara. Le grand succès obtenu
par la compagnie de Morro-Velbo est venu encourager
les nouvelles tentatives, et tout promet que sous peu
les mines de la partie supérieure du bassin du San-
Francisco prendront une importance considérable.
L'or n'est pas le seul métal abondant dans la
province de Minas-GeraOs. Tous les métaux usuels,
sauf rétain, s'y rencontrent également, ainsi qu'un
grand nombre de pierres précieuses. C'est aujourd'hui
de cette région que viennent presque tous les diamants.
On les trouve sur plusieurs points, au milieu des im-
menses dépôts de galets recouverts d'argile, qui occu-
pent la majeure partie de la vallée du fleuve. Le procédé
employé par les habitants du pays pour les découvrir
consiste à soumettre au lavage, sous un courant d'eau,
les graviers qu'Us retirent de leurs gisements au
moyen de pelles. Ce lavage a pour but d'entraîner les
sables et les argiles. On enlève ensuite à la main les
gros galets et on étale au soleil le gravier restant. Par
son éclat particulier, le diamant attire le regard, et il
(ADl )
est curieux de voir avec quelle facilité les habitants
du pays en discernent les moindres parcelles au milieu
d'une multitude de cailloux beaucoup plus volumineux.
On a déjà fait beaucoup de recherches relativement
au gisement primitif du diamant, car son gisement
actuel au milieu de terrains de transport ne peut être
celui dans lequel il s'est formé. Jusqu'ici on n'est
arrivé à aucune indication certaine sur la nature de la
roche qui le renfermait primitivement. Dans beaucoup
d'ouvrages de minéralogie^ on lui donne pour gaiîgue
primitive les quartz talqaeux, connus sous le nom
d'itacolumite, mais c'est une erreur. Non-seulement
j'ai appris dans le pays que jamais on n'avait trouvé
le diamant dans l'itacolumite, mais encore j'ai remar-
qué l'absence des diamants dans les alluvions du val
des rivières qui ont, comme le Rio das Velhas, leur
source dans les cbsînes constituées par l'itacolumite
ou l'itabirite, et au contraire j'ai noté sa présence dans
des graviers qui ne contenaient aucun fragment de ces
deux roches. En réalité, le diamant ne se trouve que
dans les dépôts où l'on rencontre des galets des diorités
micacées et même des serpentines qui forment des dykés
ou des filons au milieu des grès rougeâtres constituant
les montagnes en table ou en toit dont j'ai déjà parlé.
Il est très-probable que l'apparition de ces roches
éruptives plus ou moins métamorphosées postérieure-
ment, n'est pas étrangère à la formation des gemmes
si abondantes dans la province de Minas-^Geraês.
Quoiqu'il en soit, la recherche du diamant est très-
incertaine au point de vue du rapport. Parfois, avec
peu de travail on obtient un produit considérable, et
XI. MAI. 5. 26
( â02 )
le plus souvent des travaux immenses ne denuent
presque pas de résultat. Aussi les exploitations sont peu
nombreuses. Comme je l'ai déjà dit, la ressource prin-
cipale du pays est dans les troupeaux immenses de
bœufs et de chevaux qui vivent dans les Gampos, où
ils sont à moitié sauvages. Chaque propriété, compre-
nant plusieurs lieues carrées d'étendue et possédant
des limites naturelles comme des ruisseaux et parfms
de grandes rivières ou des collines^ retiferme d'énormes
quantités de ces animaux, dont on ne s'occupe çuèce
que pour leur appliquer la marque de leur proprié-
taire. Les chevaux, toutefois, sont l'objet d'un peu plus
de soins. Outre qu'on en dresse toujours un certain
nombre> on les attrape de temps en temps au lazzo, et
on les débarrasse de certains vers parasites qui pénè-
trent sous leur cuir; Chasseurs intrépides, les proprié-
taires ou fasendeiros de ces régions attaquent les ani-
maux féroces, notamment les jaguars, qui font parfois
des ravages dans leurs troupeaux. Dans les parties iBs
plus habitées de la vallée, et surtout dans la partie infé-
rieure, on retrouve des cultures^ dont les principales
sont le coton, la canne à sucre, le manioc, le maïs et
le riz. Le sol fertile de ces régions ne manque aujour-
d'hui que de voies faciles pour l'écoulement de ses
produits vers les grands centres de consommation, et
quand les chemins de fer partant de Pernambuco et
de Bahia rejoindront les régions navigables du iSan-
Francisco et permettront Jusqu'à l'Océan les transports
aujourd'hui empêchés par la cascade de Paulo-Aflbnso,
le val du San-Francisco^ avec sa richesse minérale et ses
terrains productifs, prendra une immense importance
dans le mouvement commercial de l'empire du Brésil
( &t)B )
Actes de la Société.
EXtRAITS DES PROCÈS- VERBAUX DES SÉANCES.
Pi*ocès-vèrbal de la séance du 6 avril 4860.
FlÉnDBHCE DE M. D*ATUAC.
Le procès-verbal de la précédente séance est la et
adopté.
Lecture est donnée de la correspondance. MM. Marsh^
Jameson et le docteur Blanche» remercient de leur ad-
mission au nombre des membres de la Société. —
M. Lejean écrit de Mossoul une lettre qui contient
quelques détails sur son voyage en Asie Mineure* A
propos d'un passage de cette lettre où il est questiee
de l'ouverture d'un tombeau i Mi de Quatrefagés
exprime le regret que M. Lejean n'ait pas conservé,
pour le rapporter, le crâne que contenait ce tombeau :
on sait assez généralement, aujourd'hui, quel est le
but^ qudles sont les méthodes de l'anthropologie, pour
qu'il ne soit plus permis de négliger les occasions de
recueillir des restes dont l'intérêt scientifique est aussi
grand que celui des médailles ou des inscriptions, et
qui, d'autre part, n'ont pas les mêmes chances de du-
rée ; il n'y aurait plus aujourd'hui d'e^^cuse pour cet
archéologue qui se cëtitentait, il y a quelques années,
d'enveyer^ Ielu professeur d'anthropologie, na sedi Irag-
( 404 )
ment de crâne extrait d'une sépulture mérovingienne,
où il avait trouvé plus de trente squelettes intacts, que
lui et ses confrères avaient mis en pièces.
Par suite à la correspondance, M. Malte-Brun dépose
sur le bureau deux lettres autographiées renfermant
des détails sur la mort du baron von der Decken : ces
documents sont adressés à la Société par le docteur
Kersten , qui fut le compagnon de route du regrettable
voyageur dans une précédente expédition. — M. Barbie
du Bocage a reçu une demande d'instructions géogra-
phiques de la part de M. Izarié, consul de France à
Bahia. Renvoi à la section de correspondance.
A l'occasion de la correspondance, M. d* Avezac croît
devoir signaler, à l'intérêt de la Société, un ouvrage
actuellement en cours d'exécution aux États-Unis, sous
le titre de Bibliotheca Americana vettistissima , et
dont il met sous les yeux de ses collègues quelques
feuilles d'épreuve ; il est autorisé à espérer qu'un des
exemplaires peu nombreux de ce bel ouvrage sera
destiné à la Société de géographie de Paris. — M, d'A-
vezac a reçu, en outre, du lieutenant-colonel Dastugue,
directeur des affaires arabes à Oran, de nouvelles
communications fort remarquables sur le pays de Tâ-
filëlt. — L'abbé Borghero, missionnaire au Dahomey,
lui a adressé, de son côté, une carte de partie de la
côte des Esclaves, qu'il lui a personnellement dédiée,
et à laquelle M. d' Avezac croit ne pouvoir donner une
meilleure destination qu'en l'offrant à la Société. — Le
mémoire de xU. Dastugue avec les cartes détaillées qui
raccompagnent, et la carte de M. Borghero, seront en
conseil neuce transmis à la section de publication.
( 405 )
Il est donné lecture de la liste des ouvrages offerts.
Comme suite à cette liste, M. Malte-Brun dépose sur le
bureau: 1** de la part de M. Heller de Belle vald, la
seconde partie de ses recherches sur les migrations des
peuples américains, avec lettre d'envoi ; 2° au nom de
' MM. Henri Langé et Klun, la fm de leur atlas indus-
triel et commercial ; S"" de la part de M. Alexandre
Ziegler, trois ouvrages de cet auteur, intitulés : Der
Rennstelg des Thûringerwald^ Die Reise des Pytheas
nach Thule^ et Martin Behaim.
Le même membre présente à la Société une copie,
faite par lui, de la carte d'une partie de l'Ethiopie,
dressée par le consul anglais Plowden et acquise en
Abyssinie par M. Lejean ; l'original, remis à la Com-
mission centrale dans sa séance du 16 juin 1865, est
destiné, d'après le vœu de M. Lejean, à être renvoyé
à la Société de géographie de Londres, à laquelle elle
semble appartenir de droit. Des remerclments sont
adressés à M. Malte-Brun pour la peine qu'il a prise
de conserver aux archives de notre Société la copie
d'un travail auquel M. Lejean attribuait une certaine
. valeur.
M. Eugène Cortambert offre, de la part du général
Mosquera, la géographie générale des États-Unis de
Colombie. — M. Jules Du val remet deux volumes de
l'Économiste français (1864-1865), en signalant l'al-
liance systématique, observée dans ce journal, entre
les faits économiques et les faits géographiques;
V Économiste français contient, en outre, beaucoup de
données relatives aux colonies. — M. Elisée Reclus
dépose sur le bureau une carte de la population spéci-
( 466 )
fiqua des diverses parties de FEspagne, dressée par
M. Minard ; Tespacement varié des bachupes produit
des teintes conventionnelles graduées suivant le nembve
d'habitants par kilomëtpe carré. — - M. Bourdiol offre,
au nom de M. Charles Léger, uoe carte de TéceFce
terrestre, d'après le système du célèbre professeup de
géologie Louis Cordier. — M. Maunoir remet, pour la
Société, de la part de M. Musmacque, un exemplaire
du voyage apocryphe de Dam^erger en Afrique ; et de
la part de M. Kliucksieck, libraire à Paris, un petit
atlas de vingt cartes, publié en français à Gotha, et
remarquable par la modicité de son prix. — M. Ernest
Desjardins fait hommage à la Société, au nom de
M*" ^ veuve Bouillet, de F Atlas destiné à servir de com-
plément au Dictionnaire historique et géographique de
notre défunt collègue ; il donne, au sujet de cette pu-
blication, des éclaircissements qui seront consignés
dans une note spéciale.
Il est procédé à l'admission des candidats inscrits an *
tableau de présentation. Sont admis au nombre des
membres de la Société : MM. Abel Lemerciep, docteur en
droit ; le comte Julien de Rochechouart; Eugène Tastn,
consul généra} ; B. Garnier , drogman du consulat
général de France en Egypte ; Henri-René Dumont ;
Sidi Mohammed ben Moustapha, Thomas-Comnène, de
Caraman ; le baron d'Adbémar.
Sont présentés, pour être statué sur leur admission
dans une prochaine séance : M&f. Fortuné Chabrier,
présenté par MM. d'Avezac et Eugène Gortambert; —
Théodore Vernes, propriétaire, présenté par MM. Wil-
liam Martin et William Hilber ; -tt Casimir Deluiafre,
( 407 )
présenté par MM. Théodore Delamarre et Lefebvre-
Duruflé;^ — Gaultier de la Richerîe, capitaine de fré-
gate, présenté par MM. Jules Duval et d'Avezac; —
Lecointre, attaché au ministère des affaires étrangères,
présenté par MM. de Saulcy et Théodore Delamarre ;
— J. Bertrand Payne, présenté par MM. Noël des Ver-
gers et d' A vezac; — Charles Léger, ingénieur civil,
présenté par MM. Bourdiol et d'Avezac ; — René de
Séu)alé, présenté par MM. de Quatrefages et d'Avezac ;
— le lieutenant-colonel Dastugue, directeur des aifaires
arabes à Qran, présenté par MM. Challamel et d'Avezae;
— le conseiller d'État Herbet, ministre plénipoten-
tiaire, directeur des consulats et affaires commerciales
au ministère des affaires étrangères, présenté par
MM. d'Avezac et Barbie du Bocage.
M. Saint-Loup, professeur d'histoire et de géogra-
phie au lycée Bonaparte, soumet à la Société un sys-
tème de projection icosaédrique de la sphère terrestre,
et présente, à ce sujet, quelques explications qui figu-
reront au Bulletin. — M. d'Avezac fait observer que
ce mode de représentation graphique est, à propre-
ment parler, une partition de la sphère qui se résout
en application de la projection centrale à chacune des
faces du polyèdre inscrit, ainsi que Font déjà fait
Reichard pour le cube, M. Élie de Beaumont pour le
dodécaèdre, ^t le général autrichien de Hauslab pour
quelques autres polyèdres.
L'ordre du jour appelait la lecture d'un rapport de
M. Pourdiol sur les colonies portugaises et d'un rap-
port de M. William Hiiber sur la carte du massjf du
MoQtrBlanc, extraite des minutes de }a carte de France
( 408 )
de rÉtat-major. Les deux rapporteurs cèdent là parole
à M. Bardin, dont l'intéressante collection de spéci-
mens en relief des principales montagnes françaises
^st exposée dans la salle. M. Bardin explique le but
qu'il s'est proposé et les moyens qu'il a mis en œuvre
pour l'atteindre. Ces détails font l'objet d'une note
spéciale qui sera insérée au Bulletin.
M. Richard Cortambert, au nom d'une commission
qui avait reçu la tâche d'examiner des cartes géogra-
phiques dessinées sur les parois d'une École munici-
pale située avenue Trudaine, rend compte du résultat
de cet examen.
M. Simonin communique à la Société ses idées per-
sonnelles sur l'emplacement présumé des îles Gassité-
rides ; se fondant sur l'antique exploitation des mines
d'étain, non-seulement dans la Gornouaille anglaise,
mais encore dans l'Armorique gauloise, et repoussant
l'hypothèse qui identifie ces lies aux Scilly ou Sor-
lingues, il pencherait à les placer aux îles situées vers
l'embouchure de la Loire : Noirmoutiers , Belle-Ile,
Houët, etc. A son avis, le nom de Bretagne pourrait
bien avoir été appliqué par Strabon, lorsqu'il indique le
gisement des Gassitérides, aussi bien à notre Bretagne
actuelle qu'aux îles Britanniques. — MiM. d'Avezac,
Poulain de Bossay, Vivien de Saint-Martin, Eugène
Cortambert, s'élèvent contre cette interprétation des
idées du géographe grec, sur lesquelles il ne peut
rester aucun doute : pour Strabon, comme pour tous
les autres auteurs anciens, la Bretagne était le pays
appelé aujourd'hui Angleterre,- et aucun écrivain de
l'antiquité classique n'a étendu ce nom aux contrées
( 409 )
situées au nord-ouest de la Gaule. — M. de Quatre*
fages pense que s'il a été trouvé des haches de pierre
dans les plus anciennes mines de la Gornouaille, on y
doit voir une preuve que^ l'exploitation de ces mines
avait précédé l'âge de bronze, et qu'il n'y aurait, dès
lors, pas eu de raison d'y transporter du cuivre,
puisque ce métal est une des richesses du pays. —
M. Poulain de Bossay estime qu'on peut abandonner
l'hypothèse qui place les Cassitérides aux îles Scilly
sans qu'il s'ensuive nécessairement que les îles à étain
des anciens fussent précisément celles que désigne
l'auteur de la communication. Il ne peut y avoir de
doute à cet égard. Les auteurs anciens disent claire-
ment que le plomb, extrait en grande partie de la Cor-
nouaille anglaise, était porté à l'île d'Itis ou Vectis
(île de Wight), où il était vendu à des marchands
étrangers. — M. Vivien de Saint-Martin pense que le
nom d'îles Cassitérides n'a jamais eu, dans l'antiquité,
une acception géographique nettement définie ; et que
sans exclure les Sorlingues ni la pointe de Cornouailles,
les îles bretonnes ont très-bien pu être comprises dans
l'acception générale. Il croit d'ailleurs que les moyens
exacts d'orientation faisaient défaut à l'antiquité ; les
auteurs ont souvent indiqué la Bretagne comme étant
en face de l'Espagne, et quelques-uns même ont
placé les Cassitérides près du littoral de l'Ibérie. —
Afin d'expliquer l'erreur où, selon lui, seraient tombés
les géographes en prenant les Scilly pour les Cassi-
térides des anciens, M. Simonin pense que les Phé~
niciens avaient foh bien pu, afin de conserver leur
monopole, chercher à effrayer les concurrents, en indi-
( 410 )
quant faussement, comme lieux de production de Té-
tain, des parages d'un abord dangereux, tels que les
Sorlingues, perdues en plein Océan et qui n'ont jamais
renfermé le plus mince filon, d'étain. L'étain de la Cor-
nouaille anglaise devait se charger aux lieax où sont
aujourd'hui Penzance et le mont Saint-Michel, qui est
peut-être le Vectis de Diodore de Sicile. L'étain de
l'Armorique gauloise se chargeait, à son tour, aux îles
situées vers l'embouchure de la Loire. Les gîtes d'étaia
de notre Bretagne, de Piriac, de Penistin, sont, en
effet, vis-à-vis de ces îles. — En vue de concilier
d'une part les conditions métallifères si différentes
vérifiées sur place par M. Simonin dans la Cornouaille
et dans les Sorlingues, et d'autre part les témoignages
anciens relatifs à la position des Cassitérides, et qu'il
faut bien reconnaître applicables aux Sorlingues,
M. d'Avezac admettrait volontiers Thypothèse que ces
îles auraient pu n'être, en réalité, qii^un lieu d'en-
trepôt, où les navigateurs seraient venus chercher
Tétain apporté par les possesseurs des mines si riches
et si fécondes du littoral voisin : ils auraient pratiqué
le commerce à la manière primitive et prudente de
ces peuples sauvages qui vont à la frontière déposer
leurs denrées sur qnelque point neutre où les viennent
chercher les acheteurs, lesquels déposent à leur tour,
près de l'objet en vente, le prix offert en échange,
les marchés se concluant ainsi sans aucune commu-
nication directe entre les deux parties. — M. Simo-
nin reconnaît que les choses se passent, en effet, à
peu près de la sorte encore aujourd'hui à la côte ocd-
dentale de Madagascar s le^ objets de trafic sont entre-
pû«é?î nÇiP Bas, |1 est vrai, mp pu îlp| ypûijp du \\ttQf
rai, i{)^i^ (l^ns ]an port sp^çia} où se fait ex(}|i}§jye.ineQt
le GQinqierce (iveç les étrangers; p'est ^ifisi qi]§ )p i^ç^^f
g). Ig riz diB Tap^flftrive viennent sg vgndrç ^ Taniat^ye;
toutefois, le comm^ïç^ s'y fait â'wpp f^çpp îpjoiqs pfl-
initive qijie cejle ç|tée par Thopor^ble ppésî^l^nt : Igs
pfix spï}); discu]té§, et il y a, ;dp part et d'autre, 4§3
courtier^ et 4fis iflarpljftnds. rrr C'est d^ flfjgfne &u^s«,
gljagrve ]H; J^laximip Dplçiçhe, qqe se fait eniçpre Je tra-
fic dans certaines parties de l'Algépjg R\éFi<îiQPM?- ^^
M. Reinaud fl^ pgp^ p^^ qHp pette ^uppQsitjpi} spit de
nature à résoudre les difTicultés soulevées au sujet de
remplacement des îles Cassitérides ; il a peine à ad-
mettre, autrement que d'un point à un autre du même
continent, ou de la même île, le mode de commerce
auquel il vient d'iè(i-ç ffiit ^m^iâSs ^ ses yeux, ce tra-
fic ne s'explique guère entre deux points séparés par
de grands espaces maritimes, dont le paFGûur^ néces-
site des embarcations de quelque importance. — Gela
serait vrai, s^ns doute, reprend M. d'Avezao, si l'on
admettait que les Bretens B^eusse&t pas été des navi-
gateurs; mais on sait, au ooq^raire, quUls étaient
excellants marins; du reste, M. de Quatrefages, qui
s'e^t beaucoup occupé des migrations des Bolynésiens,
est là pour dire quels trajets immepses des peuples ré*
pûtes sauvages parviennent à accomplir, dans des em-
barcations où nos plus habiles marins n'oseraieat
s'aventurer. — M. Reinaud ne s'explique pas, ep
admettant ^hypothès^ des entrepôts, que Pon eût pré-
féré, pour cette desftinatiqn , des tles plus ou moins
éleiguées du littoral, à ce littoral même, et surtout que
( 412 )
l'on eût choisi les lies Scilly, dont l'accès est toujours
très-difficile. — M. de Quatrefages fait remarquer à ce
sujet que le littoral occidental de la France, aussi bien
que le littoral opposé de la Bretagne, présente de
nombreuses îles ou îlots, que pendant la basse mer on
peut atteindre à pied sec ; il en existait, dans l'anti-
quité, d'autres encore, entre lesquelles on peut citer,
en particulier, File d' Aix, et quelques-uns de ces points
ont pu, en eflfet, servir d'entrepôt pour l'étain exploité
sur les côtes voisines.
La séance est levée à dix heures et demie.
Procès-verbal de la séance du 20 avril 1866.
^ P&âlDBNCE DE M. D^AVBZAC.
Le procès-verbal de la séance précédente est lu et
adopté.
Lecture est donnée de la correspondance. —
MM. Bertrand, consul des États-Unis de Colombie, à
Paris, Garnier, Engelhard et Tastu, remercient de
leur admission au nombre des membres de la Société ;
pareils remercîments sont transmis par M. Eugène
Gortambert de la part de M. le ^^pitaine d'artillerie
Schœlcher. — M. Doré , lieutenant de vaisseau ,
annonce un prochain envoi de notes et de documents
géographiques.
Par suite à la correspondance, M. Ramel donne des
nouvelles de l'exploration qui se poursuit actuellement
en Australie, dans le but de rechercher des indications
( 4ia )
sur le sort du voyageur Leichhardt ; il y ajoute quel-
ques détails relatifs à des faits d'acclimatation sur les-
quels son attention a été appelée par diverses circon-
stances de l'entreprise ; il est prié de faire de cette
double communication Tobjet d'une note à insérer au
Bulletin.
Lecture est donnée de la liste des ouvrages offerts,
au nombre desquels figure le bel atlas des levés du
Rio San-Francisco, au Brésil, par M. Liais. — Un plan
manuscrit de la ville de Méridaest, en outre, déposé
sur le bureau, par M. Malte-Brun, au nom de M. Bour-
geois, l'un des compagnons de M. Brasseur de Bour-
bourg dans son dernier voyage au Mexique ; le Prési^
dent adresse à MM. Liais et Bourgeois, présents à la
séance, les remercîments de la Société. — M. Malte-
Brun remet également, sur le bureau, deux cartes.de
M. Henri Kiepert , Tune de la Russie d'Europe en
6 feuilles, l'autre de l'empire Ottoman en 4 feuilles,
toutes deux à l'échelle de 1/3 000 000*. Une lettre
d'envoi dont il est donné lecture accompagne ces deux
publications du célèbre cartographe allemand. —
M. d'Avezac présente, de la part de l'auteur, M. le
docteur Thiercelin, un ouvrage en deux volumes ayant
pour titre: Journal d^ un baleinier; M, Gabriel Lafond
voudra bien en rendre compte. — M. Maunoir remet
des photographies représentant des types maoris, qui
lui ont été envoyées pour la Société, par M. Julius
Haast, géologue à Christchurch. — M. Bourdiol dé-
pose sur le bureau, de la part de M. Vivien de Saint7
Martin, empêché d'assister à la séance le quatrième
volume (1865) de Y Année géographique. — M. de
(âiâ)
tm^ s^Fétàirè delà Sbeiëtë de gê^i^^ië dé Getëve,
offre, de la fiàrt de cette Société, le pt^mlei* fascicillë
dta Globe, nooltellé publication destinée à faire siiilë
àai précédents Volunlës de mémoires et bulletins.
Il est procédé à l'admission des personnes inscrites
au tableau de proposition; sont successivement ph)-
clamés metobi^s : MM; Fortuné Chabrier ; Théodore
Yernes ; Casimir Delamarre ; Gaultier de la Richerië,
ëapitairie de frégate; Pierre Lecoirilre, attaché àtl
fiflittistèré dès affaires étrangères ; J. Bertrand Payne ;
Charles Léger, ingénieur civil ; René de Sémalé ; le
Uentenant - colonel Dastugue, directeur dès affaires
arabes à Oran; le conseille^ d'État Herbe t^ mi bistre
plénipotentiaire, directeur des consulats et affaires
commerciales au iilinistère des affaires étrangères.
Sont inscrits sur la nouvelle liste des candidats pré-
sentés : MM. José-Maria É'ernandez de la boizj àhcieiî
ministre en Efepagné, J)résenié par MM. Gabriel Lafond
et Malte-Brun; — Camille Marcilhacy, négociant, pré-
senté par MM. Michel Chevalier et Bourdiol; -^ Emma-
nuel Liais, astronome de l'Observatoire impérial, en
ttiission, présenté par MM. d'Avezac et Théodore Dela-
ïnarre; -^ Adolphe- Chrétien Lindemanh, secrétaire de
là légation du Sadvador, présenté par MM. Victor Hër-
iran et d'Avezac.
M. Erfaest Desjardins commence la lecture d'un mé-
moire sur l'embouchure du Rhône et le canal Saint-
Louis : il demande que ce travail^ s'il est jugé digne
tf ètrfe imprimé au Bulletin ^ puisse être t^produit en-
suite, aui fi^is de l'auteur, dahâ des conditions parti-
culières de fbrmàt i cett6 autoril$ation est acôôrâëe.
(415)
A Toccasion de la citation faite par M. Deajardins
d'une date attribuée à la table peutingérienne dans un
mémoire académique sur la cosmographie d'Ethicus,
M. d'Arezac tient à préciser la portée qu'il a entendu
donner à cette date ; il n'a point eu la prétention de
/îxer, d'une manière générale et absolue, l'époque pré-
cise de la composition originale de ce document, dont
les éléments remontent peut-être jusqu'aux premiers
empereurs, et dont l'exemplaire que nous possédons
aujourd'hui n'est pas matériellement antérieur au
xiu® siècle ; il a voulu, seulement, établir que la ré-
daction qui nous a été transmise à travers des copies
successives et en dernier lieu par le moine de Colmar,
offre, dans Texistence simultanée des trois capitales,
Rome, Gonstantinople et Antioche^ un trait fondamen-
tal qui ne s'est vérifié qu'une seule fois, savoir^ pendant
les neuf mois qui ont immédiatement suivi la mort
de Constantin le Grand. ^- Un second point sur lequel
M. d'Avezac croit opportun de présenter aussi une
observation, c*est l'époque de Pomponius-Mela, ou
plutôt la date de la rédaction de sa Géographie.
M. Desjardins s'est conformé à l'opinion vulgaire, qui
avait supposé ce livre écrit sous le règne de l'empereur
Claude; mais c'est en réalité au règne de Caligula, et,
au plus tard, à l'année àO de notre ère, qu'il faut rap-
porter la composition de cet ouvrage, puisque la divi-
aion provinciale de l'Afrique romaine, qui s'y trouve
consignée, a cessé d'exister en cette môme année par
la création des deux provinces de Mauritanie aux
dépens du royaume dePtoIémée: cette date est confir-
mée {)ar des monuments épigraphiques constatant l'on-
( àl6 )
gine de Tère provinciale mauritanienne en exacte con-
cordance avec l'an iO ; la géographie de Pomponius-
Mela, antérieure à ce nouvel ordre de choses, ne peut
donc plus, sans anachronisme, être retardée jusqu'au
règne de Claude. — M. Elisée Reclus demande à
faire une observation au sujet de la question de géo-
graphie physique soulevée dans le travail de M. Des-
jardins : il ne pense pas que pour les fleuves tribu-
taires de la Méditerranée, non plus que pour ceux
de toute autre mer, avec ou sans marées, il soit pos-
sible d'établir une loi de proportion entre la masse
d'eau roulée par un fleuve et la hauteur de la barre
à l'embouchure. Si Ton prend l'exemple du Rhône,
de l'Ebre et du Tibre, qui roulent respectivement
à leur étiage, 550, 50 et 16 mètres cubes d'eau,
on ne parvient pas à constater de rapport entre les
masses pluviales et la hauteur du seuil d'entrée,
puisque la baiTe du Rhône s'est trouvée au moins une
fois (janvier et février 1863) à 1 mètre 16 centimètres
seulement au-dessous de la surface de l'eau, tandis
que dans les deux autres fleuves la profondeur des
passes est souvent plus forte. En considérant le
Rhône seul qui, dans ses crues, peut rouler jusqu'à
12 000 mètres cubes d'eau, on remarque bien que le
premier effet de l' accroissement du courant fluvial est
de creuser la barre, mais cette amélioration ne dure
que le temps nécessaire au déplacement des sables ; le
bourrelet sous-marin se reforme plus au large de Tem-
bouchure, sur la ligne précise où l'équilibre se produit
entre la pression de la mer et celle des eaux fluviales.
M. Elisée Reclus pense que s'il existe une loi dans la
( M7 )
hauteur relative des barres fluviales, il faut la cher-
cher, non dans l'importance des fleuves, mais plutôt
dans la conformation du lit de la mer et dans la direc-
tion des vents et des courants maritimes. — M. Ernest
Desjardins répond qu'il n'existe pas, à l'embouchure
du Rhône, de courant maritime : ce fait lui a été afSrmé
par M. Reybert, conducteur des Ponts-et- Chaussées,
qui, depuis longtemps, se livre à l'élude de ces ques-
tions, et dit n'avoir jamais constaté aucune perturba-
tion dans la disposition des couches limoneuses dépo-
sées par le fleuve ; ses conclusions sont le résultat de
sondages fréquemment répétés ; la seule chose qu'il
ait constatée, c'est l'augmentation, à l'embouchure du
bras dit Grau principal, des atterrissements déterminés
par les apports du courant. La marche de ce phéno-
mène est assez rapide, car une ancienne carte manu-
scrite conservée aux archives des Bouches-du-Rhône et
qui remonte à 1740, établit qu'à cette époque la tour
Saint-Louis, située aujourd'hui à 7 kilomètres dans
l'intérieur du pays, était, il y a 120 ans, au bord de la
mer. — La constatation de l'absence de courants mari-
times à l'embouchure du Rhône serait d'autant plus im-
portante, ajoute M. Elisée Reclus, que tous les auteurs,
sans exception, afiirment l'existence de ces courants
littoraux, et qu'on a même essayé de mesure^ la quan-
tité des sables entraînés constamment dans la direction
de l'ouest: cette quantité serait de 200 000 mètres
cubes devant le port de Cette. — M. Ernest Desjardins,
qui se propose d'examiner, dans la seconde partie de
son travail, la question du prétendu courant maritime,
peut, dès à présent, annoncer que Topinion des hommes
XI. MAI. 6. 27
( 4*8 )
spéciaux s'est sensiblement modifiée à cet égard, et qu'il
fera connaître le résultat des opérations exécutées Tan
dernier à Cette ; résultat qui vient confirmer ceux que
M. Reybert a obtenus aux Bouches-du-Bbône. Répon-
dant à une autre objection de M. Elisée Reclus, relative-
ment à l'élévation progressive des barres en raison du
débit des eaux, M. Desjardins n'a point exprimé, dans
son mémoire, l'opinion qu'on lui attribue. Il a dit seule-
ment que la somme des atterrissements fluviaux, et non
r élévation de la barre, était en raison du débit des
eaux, et s'il est démontré qu'il n'y a point de courants
maritimes perturbateurs ou distributeurs des terres
d'apport, il faut, de toute nécessité, que cette propor-
tion entre le sol d'alluvion et le débit des eaux soit
juste : elle l'est d'une manière si rigoureuse, qu'elle
peut même être formulée en loi.
La séance est levée à dix heures.
Assemblée générale du 27 avril 1866.
PRÉ8IDBIICB DE S. EXC. M. LE MABQDIS DE CHÂSSELODPHJkUBAT,
Ministre de ta Marine et des Colonies.
La séance est ouverte à huit heures. — Le bureau
est occupé par S. £xc. M. le marquis de Chasseloup-
Laubat, président, ayant à sa droite M. d'Avezac,
membre de l'Institut, président de la Commission cen-
trale; M. le vice-amiral Paris, membre de l'Institut;
M. Malte-Brun, secrétaire général de la Commission
centrale; et à sa gauche M. Michel Chevalier, membre
de l'Institut, vice-président de la Société ^ M. Jules
Puval) vice-président de la Commission centrale, et
M.BonrdioI, secrétaire de la Société.
Le président ouvre la séance par une allocution dans
laquelle il expose les importants services que la géo-
graphie rend aux autres sciences, et comment les voya-
geurs, les marins et les missionnaires contribuent aux
progrès de la civilisation. S, Exe, après avoir retracé
le grand mouvement géographique qui s'est produit
depuis Homère jusqu'à nos jours, rend hommage à
notre siècle qui, mieux que ses devanciers, est par-
venu à porter la lumière sur de nombreux points du
globe, et à établir des rapports moraux ou matériels
entre les divers peuples. Ce discours est accueilli par
d'unanimes applaudissements.
M, d'Avezac, président de la Commission centrale,
donne, suivant l'usage, lecture de la liste des membres
admis dans la Société depuis la dernière assemblée
générale; le nombre des admissions est, cette fois,
d'environ soixante.
Après avoir rappelé que la Commission centrale
s'est interdit d'une manière générale de mettre sous
les yeux de l'assemblée les donations de livres, de
cartes et d'instruments qui lui sont généreusement
offerts, et dont l'énumération retarderait trop long-
temps la lecture des rapports qui font l'objet principal
de la séance, M. d'Avezac annonce qu'une exception a
dû être faite pour deux ouvrages envoyés par le dépar-
tement de la marine et des colonies, et par le gouver-
nement général de l'Algérie ; ouvrages à raison des-
quels les remercîments de la Société sont adressés
aux éminents donateurs : d'une part, un volume de
(420 )
Notices et avec atlas des colonies françaises; d'autre
part, un rapport sur les Forages artésiens exécuté
dans la Province de Constantine de 1860 à 1864.
M. Bourdiol, secrétaire de la Société, fait, au nom
de la commission du prix annuel, le rapport sur les
découvertes géographiques accomplies en 1863 ; il
examine les principaux voyages, et s'attache particu-
lièrement aux explorations de M. William Gifford
Palgrave dans l'Arabie intérieure, et à celles de
M. Théodore de Heuglin dans l'Afrique orientale.
Conformément à ses conclusions, la Société de géo-
graphie décerne une médaille d'or à M. Palgrave et une
grande médaille d'argent à M. de Heuglin.
Sur un rapport de M. Maunoir, secrétaire-adjoint de
la Commission centrale, une autre médaille d'or est
décernée à M. Bardin, ancien professeur à l'École
polytechnique et à l'École d'application de l'artillerie
et du génie, pour ses remarquables reliefs des mon-
tagnes françaises.
Aucun des lauréats n'est présent à la séance : M. Pal-
grave, retourné en Egypte, et M. de Heuglin, en ce
moment en Prusse, n'ont pu répondre à l'appel.
M. d'Avezac donne lecture d'une lettre où M. Bardin,
récemment parti de Paris afin d'aller reprendre àHyères
ses travaux sur le terrain, exprime la vive gratitude
que lui cause une distinction si gracieusement accordée.
M. le capitaine de frégate Gaultier de la Richerie,
ancien commissaire impérial aux îles de la Société, lit un
intéressant mémoire sur l'état actuel des îles deXaïtiet
sur ses populations aux mœurs paisibles, si. aptes et si
promptes à se façonner à la civilisation européenne.
( 421 )
M. Emmannel Liais, astronome à l'Observatoire im-
périal de Paris, qui, dans une mission scieutifique au
Brésil, a parcouru la vallée de San-Francisco, donne
une description de cette partie peu connue de l'im-
mense empire brésilien, et en fait ressortir les richesses
végétales et minérales.
Enfin. M. Simonin, ingénieur des mines, a la parole
sur les placers de la Californie. Dans une improvisa-
tion spirituelle et animée , M. Simonin expose les
moyens ingénieux employés par les mineurs pour
e^^traire l'or des masses rocheuses qui le contiennent ;
il fait le tableau des populations agglomérées en Cali-
fornie, et il rend hommage aux hommes industrieux
qui, d'abord partis à la recherche de l'or, ont succes-
sivement défriché, peuplé et civilisé cette contrée de
l'Amérique occidentale. Ce récit, vivement applaudi,
termine la séance, à laquelle assistait un public nom-
breux, où les sciences,*la politique, les arts et la litté-
rature étaient dignement représentés.
L'assemblée procède ensuite au dépouillement du
scrutin pour la nomination du bureau pour l'année
1866-67 ; sont élus :
Président : S. Exe. le marquis de Chasseloup-Lau-
bat, ministre de la marine et des colonies, (réélu.)
Vice-présidents: M. Michel Chevalier, sénateur,
membre de l'Institut, (réélu), et M. Herbet, conseiller
d'État, ministre plénipotentiaire.
Scrutateurs: M. Eugène Cortambert et M. Théodore
Delamarre.
Secrétaire : M. William Hûber.
La séance est levée à onze heures.
( â22 )
IVoiiTellai e* faite séographiqueii^
Expédition scientifique aux bouches de VYénisséù — La
Gazette de Moscou annonce que le gouverneur général de ia
Sibérie vient d'ordonner une expédition scientifique qui, sous
la direction de M. Lopatiue , ira explorer le bas Yénisséf.
Bien que Testuaire de ce fleuve abonde en poissons, la naviga*
tion fluviale ne dépasse guère llie de Broikoff, située par 72*
de latitude nord. En ce point, la largeur du fleuve est cousi*
dérable et son courant presque insensible* La rive droite est
composée d'une série d'élévations rocheuses recouvertes de
terre, et qui s'infléchissent vers le nord-est, à l'endroit où le
fleuve oblique vers l'ouest En approchant des steppes, les ri-
vages de l'Yénisséi s'abaissent ; k son embouchure même, s'a-
vancent dans la mer deux pointes rocheuses noires, formées
probablement de la houille qui abonde dans le pays de
Touroukhansk. Une grande quantité de bois flotté, retenu par
le puissant reflux de la mer, encombre, dit-on, l'embouchure
de l'Yénisséi. Dans les montagnes qui traversent la steppe, on
rencontre des squelettes d'animaux antédiluviens, qui ont
presque tous la tête tournée vers le sud, comme si la mort les
avait surpris tandis qu'ils fuyaient un danger venant du nord
Le commerce de l'ivoire de ces animaux fut autrefois très-
actif, mais il a beaucoup diminué, paraît-il, depuis qu'on em-
ploie la gutta-percha. L'expédition gagnerait les îles en bateau
à vapeur, puis continuerait sa route sur de petites embarca-
tions, quitte à prendre la voie de terre et à parcourir le pays
avec des rennes, si de trop grands obstacles s'opposaient au
trajet par eau. Des photographes, attachés à l'expédition, rap-
porteront sans doute une curieuse collection de vues de ces
contrées si peu connues.
( 423 )
Le No marCs Land. — Le territoire de la Cafrerie, désigné
sous le nom de No man's Land^ vient d'être proclamé posses-
sion de la couronne d'Angleterre et annexé à la colonie de
Natal.
Le No man's Land territory est situé entre la rivière Umta-
foona, dans la Cafrerie propre, et la rivière Umzunkalu, qui
avait, jusqu'à présent, formé la frontière sud de Natal L'ori-
gine de ce nom de No man's Land (terre qui n'appartient à
personne, ou terre sans maître) se rattache à la création de
celte dernière colonie, qui, effectivement, s'est trouvée, pen-
dant un certain temps, n'appartenir à personne, le chef indi-
gène en ayant cédé la suzeraineté aux autorités de Natal et la
sanction de la reine pour cette cession s'étant fait attendre.
Le territoire du No man's Land présente une superficie de
900 milles carrés, son aspect est montagneux et ahnipte comme
celui de Natal. Il est boisé, abondamment ponrvu d'eau, et
peut être considéré, en somme, comme un beau et fertile
pays. La partie basse de la côte est parfaitement propre à la
culture de la canne à sucre, du coton, du café et autres pro-
duit» tropicaux, tandis que, dans la partie haute^ le terrain est
excellent pour l'agriculture et l'élève des bestiaux. [Communi-
qué par le Ministère des Affaires étrangères j Direction des
consulats et affaires commerciales.)
SOCIÉTÉS DE GÉOGRAPHIE ÉTRANGÈRES*
SOClÉTâ GÉ06BAPH1QDE DB 8AIRT-PKTRR8BODBG*
Mesure d'un arc de parallèle. — Dans sa séance du 16 fé-
vrier dernier, la Société géographique de Saint-Pétersbourg a
reçu divers ouvrages intéressants, au nombre desquels nous
citerons la Description de la Nouvelle-Zemble, publiée aux
frais de M. Sidorow, et une carte de partie de la contrée de
l'Amour, de TOssouri et des côtes de la mer du Japon. L'au-
teur de ce dernier travail est M. le capitaine forestier Bon-
( 42â )
distcfaew, qoi^ pendant quatre ajis, a exploré les contrées dont
il donne la carte.
La section de Sibérie se propose d'envoyer une expédition
dans la contrée de la province de Touroukhansk, pour des in-
vestigations géologiques, botaniques, zoologiqnes et topogra-
phiques. Cette expédition doit descendre le fleuve Yénissi'i jus-
qu'à son embouchure dans la mer Glaciale. L'expédition qui
avait exploré le cours du fleuve Wittim, pendant Tété passé,
est revenue à Irkoutsk au mois de décembre.
Le colonel d'état-major Forsch a donné lectare d'un mé-
moire sur la mesure du grand arc du parallèle européen
sous le 52*^ degré de latitude. Voici le résumé de cette lectare:
La question fondamentale de la haute géodésie, la détermina-
tion de la figure et des dimensions du globe terrestre a occupé
les géographes depuis des siècles. Les savants les plus éminents
de tous les pays civilisés ont entrepris dans ce sens des travaux
pour mesurer la longueur du degré du méridien sous diffé-
rentes latitudes. Malgré l'étendue et la supériorité des travaux
qui ont été exécutés, les géographes regardent la question de
la conGguration de la terre comme non encore définitivement
résolue. En comparant les différents mesurages de degrés avec
la figure moyenne qui en est déduite, on remarque des anonui-
lies partielles si considérables, qu'il n'est pas possible de les at-
tribuer uniquement aux erreurs inévitables des investigations,
mais il faut admettre que la vraie figure de la terre diffère en
effet de la figure moyenne. Ces anomalies, qui en grande partie
ont un caractère tout à fait local, portent le nom de déviations
locales du fil à plomb, et dépendent sans doute de la strnctnre
intérieure de la terre. Pour diminuer leur influence sur la
moyenne obtenue par les différents mesurages, il faut multi-
plier autant que possible le nombre des observations. Chaque
nouveau mesurage doit par conséquent vivement intéresser les
géographes comme une acquisition considérable pour leurs in-
vestigations futures. Indépendamment des déviations locales
( 425 )
du fil à plomb, les anomalies susmentionnées peuvent provenir
d'autres causes encore.
Le mesurage d'un arc du parallèle est le meilleur moyen de
s'assurer de l'exactitude de la supposition qui admet la terre
comme étant un ellipsoïde de révolution. Le perfectionnement
actuel des instruments, des moyens d'observation, et l'usage des
télégraphes, donnent la possibilité de déterminer la loi^itude
tout aussi exactement que la latitude. La quantité considérable
des triangulations existantes, qui couvrent l'Europe comme
d'un immense réseau, ont suggéré au célèbre astronome Struve
l'idée d'en profiter pour un mesurage du grand arc du paraN
lèle européen. Pour la réalisation de ce projet, M. de Struve
avait eu vue, dans le commencement, le parallèle qui se trouve
sous le UV de latitude, sur lequel avaient été exécutés, en
18/i9, des travaux de triangulation de premier ordre sous la
direction du général Yrontschenko. Gomme les travaux géodé-
siques au sud de l'Allemagne, sur ce parallèle, ne présentaient
pas l'exactitude nécessaire, on a dû préférer pour le mesurage
projeté le parallèle sous le 52° de latitude, qui s'étend entre
l'île Yalencia, à l'est de l'Irlande, et la ville d'Orsk, sur le fleuve
Oural. Ce choix a nécessité de nouvelles triangulations très-
étendues en Russie, qui ont été achevées pour la plus grande
partie par les officiers de Tétat-major russe durant les années
1861, 62 et 63.
Les travaux astronomiques, qui consistaient dans la déter-
mination de la longitude et la latitude de 16 différents points
sous ce parallèle, ont été exécutés par deux officiers de l'état-
major conjointement avec les astronomes étrangers. Ces tra-
vaux, commencés à l'étranger en 1864, ont été poursuivis en
1865 et achevés sur le parcours de la ligne jusqu'à Saratow.
L'année prochaine, on les continuera depuis Saratow jusqu'à
Orsk. Pour compléter les travaux de la mesure du grand arc
du parallèle, il restera encore à rectifier une partie de l'an-
cienne triangulation du gouvernement d'Orlow.
(Journal de Saint-Pétersbourg.)
( 426 )
SOCIÉTÉ ROYALE GÉ06BAPHIQDE DE LONDRES.
La mûri du baron von der Decken. — Dans U séance da
12 mars, le colonel Playfair, consul des îles Britanniques à
Zanzibar, a donné, sur la mort du baron von der Decken, des
détails que nous allons résumer ; ils compléteront les déposi-
tions que M. le docteur Kersten avait bien voulu nous adresser
et qui ont paru dans le numéro d'avril du Bulletin. Quelques
temps avant la catastrophe, M. Piaylair avait reçu du baron
lui-même une lettre assez triste et qui se terminait par cette
phrase : « Adieu, je ne vous dis pas au revoir ^ car je crains
qu'il n*y ait guèi^ de chances pour cela. » La plus petite des
deux embarcations s'était perdne à la barre du Juba, et l'autre,
le Welf, donna, le 26 septembre, contre des rochers aux en*
virons de Berdcra, à 563 kilomètres de l'embouchure dn
fleuve. Le 28, M. von der Decken, le docteur Link, un chef
brava, nommé Abdio, et six indigènes, se rendirent à Berdera
dans le but de se procurer des provisions et de recueillir des
données sur la route à suivre après avoir abandonné le steaiuer
désormais hors de service. Le l""^ octobre» les indigènes atta-
quèrent le camp des voyageurs^ affaibli par l'absence du baron
et de ceux qui l'accompagnaient. M. Trenn, peintre de l'expé-
dition, et M. Kanter, ingénieur, furent tués. Le chevalier de
Schickh, quatre Européens et huit nègres réussirent à se dé-
gager en faisant subir à l'assaillant des pertes sérieuses. Jugeant
la position critique et ne recevant aucune nouvelle de leurs
compagnons partis pour Berdera, ils redescendirent en bateau
le cours du Juba, suivirent quelque temps à pied le littoral et
rencontrèrent une embarcation indigène qui les reconduisit à
Zanzibar.
Cependant M. von der Decken, informé de l'attaque proje-
tée contre son camp, résolut d'y retourner au plus vite ; son
bateau avait été enlevé, Abdio refusa de servir de guide aux
voyageurs, qui ne purent trouver personne pour les conduire;
( 4S9 )
le baron , le docteur link et les; tiègres de Zantibar ge mirait
cependant en route, hissant derrière ent Abdio avec les prori'^
gîon«. Ayant perdu leur route, ib décidèrent ^ue le docteur
Link et un jeune nègre tâcheraient de regagner le camp, tandis
que le baron et trois hommes retourneraient â 9erdera. Le
2 octobre, sous le prétexte de traiter au sujet des provisions
qu'il avait demandées, on Télolgna de ses armes, qui restèrent
aux mains de ses suivants; ceut-ci, appelés par Abdio, les
ayant abandonnées, elles furent immédiatement enlevées.
Le baron les réclama vainement. Abdio vint lui annoncer
que le bateau perdu était retrouvé, et Tinvita à envoyer ses
homn^es pour en reprendre possession; ceux-ci, une fois
hors de vue, fuirent saisis et emprisonnés dans une mosquée;
en même temps, des habitants de Berdera rapportèrent les
fusils et les jetèrent aux pieds de M. von der Decken qui, en ce
moment, était ass» sur un lit indigène ; s*étant baissé pour ra-
•
masser les armes, H fut assailli par plusieurs Somfilis, qui lu'
lièrent les bras. Vainement leur offrit-il la rançon qu'il leur
plairait de demander; conduit vers la rivière, il y fut assassiné.
Quatre nègres de Zanzibar, qui le virent emmener, n'osèrem
pas intervenir ; ils reconnurent plus tard ses effets couverts de
sang. Le corps du malheureux voyageur fut jeté dans le Juba.
Le docteur Link, après s'être séparé du baron, fut attaqué
par une troupe de Somâiis, et réussit tout d'abord à se sauver,
soit en courant, soit en nageant. Lui et le jeune garçon qui l'aC
compagnait atteignirent enfin le steamer; mais qu'on juge dn
désappointement qu'ils durent éprouver en n'y trouvant aucun
des leurs! Le docteur Link revint alors à Berdera, où il éprouva
le même sort que M. von der Decken.
Les indigènes qui faisaient partie de l'expédition furent suc-
cessivement remis en liberté. Les Somâiis et Abdio se parta-
gèrent les bagages.
Selon le colonel Playfair, les indigènes de la suite des voya-
geurs ne peuvent être accusés de trahison ; ils ont seulement
( 428 )
abandonné lenr maître à la première «Carence da danger, et
l'on pouvait s*y attendre ; lem* secours eût été, du reste, de peu
d'utilité contre toute une population. Quant aux motifs qui ont
poussé les SomâUs à commettre ce crime, ils sont de diverse
nature, et le désir de piller le bateau à vapeur y entre sans
doute pour quelque cbose ; d'autre part, les indigènes ne s'ex-
pliquant pas la présence des blancs dans le pays, avaient conçu
des inquiétudes et des soupçons ; enfin le désir des Somâlis de
venger ceux des leurs qui avaient été tués par les voyageurs res-
tés au camp, près du steamer abandonné, a nécessairement dû
aggraver la situation.
Quant à châtier les coupables, a ajouté le colonel Playfair^
il n'y faut guère songer. Le sultan de Zanzibar est entièrement
irresponsable des événements; il avait prévenu le baron von der
Oecken des dangers auxquels il s'exposait Son influence ne
s'étend pas au delà du littoral. Une expédition destinée à pu-
nir les Somâlis n'aurait aucune chance de succès; les indigènes
se retireraient dans l'intérieur du pays jusqu'à ce que le danger
fût passé , et Berdera est une collection de huttes dont la
destruction causerait un mince préjudice à leurs propriétaires.
A la fin de cette séance, le président, sir Roderick Murchi-
son, a fait observer que parmi les personnes présentes à la
réunion se trouvait M. Angelo, qui, en 1836, avait remonté
le Juba jusqu'à Berdera; Al. Angelo a donné alors des détails
sur le cours du fleuve. Lors de son voyage, Berdera était habité
par des esclaves fugitifs et des SomâUs de classe inférieure ; i^
n'a eu qu'à se louer de la manière dont il a été reçu par les
indigènes.
( hi9 )
OUVRAGES OFFERTS A LA SOCIÉTÉ
SÉANCES d'avril ET MAI 1866.
EUROPE.
Portogaliae monvmenta historica a saecYlo octavo post ChrisUm Tsqve
ad qvÎDtvmdecimvm ivssY Àcademiae scienUarivm olisiponensis
édita. Loges et consTetvdines, volumen I, fasciculva IV. Olisipone,
1864. 1 Tol. grand in-r. AcADéiUB de Lisbdhve*
Conp d'œil sur quelques points de Thistoire générale des peuples
slaves et de leurs voisins les Turcs et les Finnois, par M. Auguste
Yiquesnel. Lyon, 1865. 1 br. in-8**. M. Auguste Viqueshel.
ASIE.
Voyage en Chine et en Mongolie de M. de Bonrbonlon et de M">« de
Rourbonlon, 1860-1861, par M. Achille Poassielgne. Paris, 1866.
1 vol. in-18. M. Achille Poussiblgue.
Lendas da India por Gaspar Correa pnblicadas ^e ordem da classe de
sciencias moraes, politicas e bellas lotiras da Academia real das
sciendas de Lisboa e sob a direcçâo de Rodrigo José de Lima Peiner,
tomo IV, parte I. Lisboa, 1864. 1 vol. in-i^.
Académie de LisBONirE.
Recherches ethnographiques sur les Aïnos on habitants des Kouriles,
par M. de Charencey, Versailles, 1866. 1 feuille in-8<».
M. DE Cbarencbt.
AFRIQUE.
Rapport h M. le maréchal gouverneur général de TAlgérie sur les
forages artésiens exécutés dans la division de Gonstantine, de 1860
à 1864. 1 voL grand in-f*, avec planches.
Le GouvERNEHBirr général de l'Algérie.
La régence de Tunis au dix-neuvième siècle, par A. de Flanx. Paris.
1865. 1 vol. in- S''. M. Challamel.
Le Sénégal, étude intime, par le D^ F. Ricard. Paris, 1865. 1 vol,
in-18. M. Gballamel.
( 430 )
AMÉRIQUE.
Amëriqne éqvaiorûile, sm bistoire pittoresque et poli tiqve, sa géo-
graphie et ses richesses naturelles, sod état présent et son avenir,
par don Enriqve, viooniie Onffroy de Tboron, ingénieur, accom-
pagné d^une carte. Paris, 1S66. i toI. in-8<^.
Don Enrique, vicomte Onffrov de Thobon.
Explorations scientifiques au Brésil. Hydrographie du haut San-Fran-
cisco et du Rio das Velhas, ou résultats au point de vue hydro-
graphique d*un voyage effectué dans la province de Minas-Geraes,
par Emm. Liais. Paris, 1865. 1 vol. grand in-f . M. Emh. Luis,
La guerre d* Amérique, ré'sumé des opérations militaires et maritimes,
par Arthur Kratz, accompagné de 3 cartes. Paris, 1866. 1 br.in-8°.
M. ÀRtBus Bbbtkand.
Crîmen y expfacion. CrAnica de la villa impérial de Potosi, por Vi-
centeO. Quesada. Buenos- Aires, 1865. 1 br. in-8\
M. ViCENTE QOESADA.
Report of the secretary of war. 1863-1865* fi br. iB-8*.
OGÉAKIE.
Joamal d*an baleinier. Voyages en Océanie, par le IF Tfaferedin.
Pariip 1866. 2 vol. 10-3**. U.Lgjy TnsBCBuir.
MÉMOIRES DES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES,
RECUEILS PÉRIODIQUES.
Âfmales des voyages* Février, mars et avril.
Février, — Découverte du second grand lac du Nil, appelé Albert-
N'yanza, par Samuel WUhe Baker, esq. Communication de ce
voyageur à la séance du 13 novembre 1865 de la Société royale géo-
graphique de Lopdres, avec carte par M. Malte-Brun» — Esquisse
physique des lies Spitzbergen et du Pôle arctique (2® art.}, par
Charles Grad. — Description de Gaza, par M. F. Guérin, ^ Le
bassin du fleuve Blanc Aperçu géographique, hydrographique et
ethnologique des contrées baignées par ce fleuve depuis les régions
équatorialej jusqu*à son confluent avec le 6ahr-el-Azreq ou fleuve
Bleu, d'après les observations personnelles des voyageurs modernes
et les renseignements fournis par les Indigènes, par M. Tabbé Dt-
nom* —-'Voyage de M. William Gifford Palgrave dans i*Asie ceo-
/
(481)
traie et orientale^ 4862 et 4863* . . Narrative of a year*^ joamçy
through central and eastern Ârabia. Par M. Henri Duveyrier,
Mar$, — L'hydrographie da Sahara occidental. Réponse à une
lettre de M, Gerhard RoblfiB au D^ Henri Bartb, par Henri Duvey-
rkr* — Esqaisse physique des iles Spitzbergen et du pôle arciique
(3* art.), par Charles Grad, — Le bassin du fleuve Blanc. Aperçu
gé<>graphiquey hydrographique et ethnologique des contrées baignées
paj ee fleuve, depuis les régions équatoriales jusqu'à son confluent
avec le Babr-el-Azreq ou fleuve Bleu, d'après les observations per-
fonnelles des voyageurs modernes et les renseignements fournis
pur les indigènes (suite et fin), par M* Tabbé Dinomé, — Extrait
d'un voyage dans le nord de rtle de Louçon. Mœurs et coutumes
des iTgorrotes, par le D^ Cari Semper* — Coup d'œil sur quelques
points de l'histoire générale des peuples slaves, par Auguste Yi-
quesoel, par Prosper BcUlly. — Carte de l'Europe orientale, com-
prenant la Norvège, la Suède» la Russie, le Caucase et la Turquie,
par A. Petermann, par F. À, Malte-Brun» — Mémoires du Peuple
français, par Augustin Cballamel, par G* Privas* — Mémoire sur
TAnaouDaria, par le contre-amiral BovUaJcaw* — Mort de M. le
baron de Decken^ voyageur en Afrique* — Projet d'un canal mari-
time à travers l'isthme de Panama, par MM. jMcien de Puydt et
Mougel'Bey. — Nouvelles de Texpédition Wilson, pour l'explora-
tion de la Palestine*
Avril, — Les Estuaires et les Deltas, Etude de géographie phy-
sique, par M. Elisée Reclus, > — Second voyage de Paul du Ghaillu
dans TAfrique éqoatoriale. Communication de ce voyageur à la
séance du 8 janvier 1866 de la Société royale géographique de
Londres. — Esquisse physique des tles Spitzbergen et du pôle arc
tique (4^ art.), par Charles Grad. — Annuaire de la Gochinchine
française pour l'année 4866, par M. V. A, Malle-Brun, — Les
gloires maritimes de la France. Notices biographiques sur les plus
célèbres marins, découvreurs, astronomes, ingénieurs, hydrogra-
phes, médecins, administrateurs, etc.» par MM. P. Levot et A. Do-
neand, par M. K A, Malte-Brun. > — Exploration de TAipena, un
des affluents du Huallaga, par M. Gregorio Perez^ de la marine pé-
ruvienne. — Position arrêtée du groupe Michel sur les cartes, —
Un dernier mot snr la mort de Jules Gérard.
( m )
BulUUns de la Société d'anthropologie. T. V, n'* 5 ; t. Vf, n»' 1 et 2,
N^ 5. Bonté. Sur la cheyelare. — Boucher de Perthes, Nouvelles
découvertes d*08 humains dans lediluvium, 1863-64. — MeiUet.
Sur les gisements de silex taillés de Pressigny-le-6rand. — Pruner-
Bey, Sur le crAue de Neanderthal. — Simonot, L*accllaiatemeDt et
Facclimatation. — Broca, Carte de la répartition de la langue
basque en France. — Boudin. Sur le pk*étendu acclimatement, du
nègre blanc et du nègre aux Antilles. — Defert, Rapport sur la Re-
vue anthropologique de Londres. — Bis, Sur la population rhé-
tique. — fiofidin. Sur racclimatement des Espagnols aux Antilles.
— Pruner-Bey, Études sur le bassin considéré dans les diflérentes
races humaines. — Garrigou* Sur les cràues de la caverne de
Lombrives. — Broca. Nouveau goniomètre. — Martin de Moussy
Reproduction naturelle de la race caucasique dans l'Amérique du
Sud.
T. VI, n*' !• Schaafhausen. Sur les rapports entre les singes an-
thropomorphes et rhomme. — Pruner-Bey, GrAnes des cavernes de
Larzac — Bonté. Sur la classification des races ariennes. — AUx.
Sur la manière dont on doit mesurer les diamètres du bassin. —
Schac^ausen. Description du crAne d'un ancien Germain. —
Girard de Rialle, De racclimatement de la race blanche dans rinde
orientale. — Sur racclimatement. Discussion.
N° 2. Bonté. Examen du travail de M. Gaussin sur la crAnio-
métrie. — Alix, Réj(K)nse aux attaques dirigées contre M. Gratiolet,
par M. Vogt. — Du même. Rapport sur un Mémoire de 11. Wagner
intitulé : Mensuration de la surface du cerveau. — lyOmalius
d*Halloy. Sur la prétendue origine asiatique des Européens. —
Nicolucci. Deux crAnes anciens du type ligure. -— Sasse, Sur les
crAnes hollandais. — Bonté. Sur la stabilité des races croisées. *-
Martin de Mous^. Sur la reproduction des métis et Tatavisme.
Mémoires de la Société d'anthropologie. T. II, 3^ fascicule, in*8*.
Pruner-Bey. Sur les origines hongroises. — C. M. Boudin, Sur
Taccroissement de la taille en France. — N, Périer. Essai sur les
croisements ethniques.
Paris — Imprimerie de E. Ma&tinbt, rue Mignon, 2.
BULLETIN
DE LA
SOCIÉTÉ DE GÉOGRAPHIE
JUIN iSM.
RECONNAISSANCE
DE LA MONTAGNE DES ANSARIÉS
PAR E. G. REY.
Messieurs,
Aq mois d'août ISôA, S. £xc. M. le ministre de
l'instruction publique me fit Thonneur de me charger
d'une mission scientifique dans le nord de la Syrie où,
pour la troisième fois, j'allais reprendre mes explora-
tions des parties les moins connues de ce pays si riche
en grands souvenirs.
Je viens aujourd'hui, messieurs, vous entretenir
des résultats de mes travaux durant les années 186Â
et 1865.
Le but principal de la mission qui m'était confiée
devait être, outre Tétude des monuments militaires
du moyen âge, la reconnaissance topographique de la
montagne des Ansariés, connue de» anciens sous le
XI. JUiN< i. 28
{ma)
nom des monts Bargylus, et â*une partie des r^ons
situées sur la rive droite dé TOronte.
Burckhardt, au printemps de Tannée 1810^ traversa
l'extFépité sud de ces moqtagqes, en se rendant de
Massiad à Tripoli, et nous laissa sur son exploration
des rapports qui, les premiers, ont apporté quelque
lumière sur la topographie de ce pays ; mais depuis la
fin tragique du colonel Boutin, qui en 1812 vint
anéantir les résultats des recherches de cet officier,
peu de voyageurs s'étaient aventurés dans les vallées
mystérieuses que désignait aux savants, comme but de
leurs études dans le nord de la Syrie, Téminent géo-
graphe Karl Ritter.
De 18A8 à 1852, les missionnaires américains, Eli
Smith et Thompson, puis le chapelain Lyde, parcou-
nirent ces montagnes, où ils tentèrent de fonder une
mission et des écoles protestantes ; mais leurs efforts
furent sans résultat. Eli Smith seul recueillit une
série de notes géographiques des plus intéressantes
«( les communiqua au savant Karl Kitter; la moit
prématurée de Smith nous fit perdre tout le fruit des
relations qu'il avait laissées et qui paraissent à jamais
perdues pour la science. Quelques itinéraires du révé-
rend M. Thompson, publiés dans la Bibliotheca sacra,
nous ont fourni les premiers renseignements sérieux
sur les districts de Safita et de el-Hosn.
Vers la même époque, ces régions furent encore
visitées par le lieutenant Walpoole, qui poursuivait
le même but que ses trois derniers prédécesseurs;
malheureusement, pas plus des notes qu'il a pu-
bliées que de celles du chapelain Lyde, il n'est pos-
( 456 )
sibl^ de tirer la moindre notion eT^acte de la Gopfi-
guration dn pays. Ces deux voyageurs, tout préoc-
cupés d'un but spécial^ n'ont nullement pris soin
dan^ leurs recherches de la partie géographique
qui pouvait intéresser la science. Le ipeilleur docu-
ment, et le seul d'ailleurs auquel j'aie pu recourir avec
fruit, ne comprend que le littoral : c'est la carte
hydrographique levée en 1862 par le capitaine Uansell
de la marine anglaise ; encore n'y ai-je rencontré que
des déterminations de certains points destinés à la
reconnaissance des atterrages et situés par conséquent
très-près de la côte. Quant à la topographie qui relie
ces points, elle est plus que légèrement traitée, et ne
m'a été d'aucun profit .pour l'étude que j'ai Thonneur
de vous soumettre aujourd'hui.
Au moment où j'arrivai en Syrie» à la fin du mois
d'août 186 A, M. ie duc de Luynes venait de terminer
son exploration du bassin de la mer Morte, et je trou-
vai à Beyrouth M, Vignes, lieutenant de vaisseau de
la marine impériale que S. £xc. M. le ministre de la
marine avait attaché èi la mission du savant académi-
d(^n* Cet ofiicier se disposait, ppi^r compléter sa ricb«
moisson scientifique, ê^ aller rectifier la détermination
astronomique de Palmyre et d'une série de points
dans la vallée d^ TOroote.
Nous résolûmes (le reliçr nos travaux géographiques
et mesurâmes ^n^^mbl^, avant de nous séparer, près
de Tripoli, i^n triangle cou)pris entre le petit château
arabe de el-Kleïat, le Kalaat-el-Hosu et la tour dé
S^fita ) CCI triangle d<^vant à la fois servir de point de
d6p9ffi et 4e t^ficpi^à^^ni 4 nQ9 levés.
( Zi86 )
Nous quittions Tripoli le 15 septembre 18Ô4 et tra-
versions à peu d'heures d'intervalle deux rivières, le
Nahar-el-Bared, au point où fut Orthosia, puis le
Nahar-el-Kébir, sur les bords duquel nous avons campé
près du Santon nommé Sclieik-Aîasch.
Les terrains qui avoisinent le Nahar-el-Bared sont
encore désignés de nos jours sous le nom de Ard-
Artouzy, et les nombreuses ruines que Ton y rencontre
autorisent Tidentification de ce lieu avec TArtésie du
comté de Tripoli, mentionnée dans les chartes latines
du moyen âge. Le second fleuve, le Nahar-el-Kébir
{Eleutherus des anciens), est aujourd'hui l'une des
principales rivières de la Syrie et sépare le district
d'Akkar de celui de Safîta. Les deux rivières coulent
dans une vaste plaine qui s'étend au nord jusqu'à
risar, ou plaine de Tortose, avec laquelle elle vient
se confondre.
Je suivis, le 16 septembre au matin, la même route
que mes compagnons, jusqu'au village de Bordj-
Maksour. A cette hauteur, nous nous séparâmes en
nous donnant rendez-vous à Ilamah vers le 20 octobre.
M. Vignes et un aspirant de marine qui l'accompagnait
se dirigèrent vers Homs, par Kalaat-el-Hosn, et j'ap-
puyai au nord-est.
A l'est et au nord- est de la plaine, traversée par
le Nahar-el-Bared et le Nahar-el-Kébir, le terrain
s'élève graduellement en collines arrondies ? ce sont
les premiers contre-forts des montagnes des Ansariés.
Une partie de cette plaine et les premières pentes qui
se voient à l' est-quart-nord, forment le district de
Châra. A l'ouest^ entre la plaine et la mer, sur les
( tô7 )
premiers gradins des montagnes, vers Safita, s'élève
le village de Tléaï.
Les pentes douces qu'il couronne sont des terrains
calcaires émaillés çà et là de beaux bouquets de chênes
verts, entourant des tombeaux ansariés aux coupoles
d'une blancheur éclatante.
Je traversai la plaine en remontant le cours du
Nafaar-el-Khalifeb,qui, grossi du Nahar-Rouz descendu
des montagnes du Gbâra, constitue de la sorte le prin-
cipal affluent du Nahar^el-Kébir dans cette partie de
son cours. Ce ruisseau forme la limite nord du canton
de Ghâra et partage la plaine en deux parties, connues
sous le nom de Sahel-el-Bordj et Sahel-el-Kérab.
Les districts montueux de Safita que j'avais devant
moi» et celui de el-Hosn s'éteudant à l'est, forment, à
proprement parler, l'extrémité sud de ces montagnes
qui se prolongent vers le nord jusqu'à Antioche, où
elles sont limitées ainsi qu'à l'est par la vallée de
l'Oronte. C'est par l'étude de ce dernier district que
je commencerai •
Le Hosn forme une région très-étendue, générale-
ment montueuse et ne renfermant qu'une petite plaine
nommée Boukheiael-Hosn (c'est la Boqué des histo-
riens des croisades). Cette plaine forme un grand
bassin borné au nord par les pentes du Djebel-Ksaïr,
qui s' étendent jusqu'au village de Tell-Djordan ; et, à
partir de ce point, à l'est et au sud-est, jusqu'au Ouady-
Kaled, règne une série de mouvements de terrain
rocailleux formant le Ouar-el-Hosn (ou rocaille du
Hosn), au delà duquel se trouve un district qui a pris
le nom de Ouar de Homs.
( 488)
La population du Hosn est composée en partie d'An-
sariés et de chrétiens. Ces derniers y sont assez nom-
breux pour qu*on ait dû leur donner un mudir ou
gouverneur particulier. On rencontre également dans
ce canton un assez grand nombre de musulmans Den»
dechlis. Les chrétiens du Hosn appartiennent gériëra-
lement au rite grec schismatique, habitent surtout le
Ouady-Rawil et passent pour très-belliqueux.
Les montagnes peu élevées du district de Châfa,
qui ferment la Boukeia vers Touest, en font une véri-
table cuvette, dont le fond est complètement anî et
Taltitude au-dessus du niveau delà mer d'etivii'on
408 mètres.
Au nord-ouest de cette plaine, stir tmfe colline dé-
pendant du massif dii Châra, s'élève la forteresse dé
Kalaat-el-flosn, qui a donné son nom au district. Au
moyen âge, ce château -fort fut appelé le Krak
des chevaliers; il appartenait aux hospitaliers de
Saint Jean, et sa masse imposante donne une grande
idée de la puissance de cet ordre militaire. Un ravin
profond, nommé Ouady-Réraïbeh, sépare le massif du
Charra de l'extrémité sud de la montagne des Ansariés.
C'est au fond de cette vallée, à environ 8 kilomètres
du château, auprès du monastère grec de Saint-Georges
(Mar-Georgios), que je visitai le Fouar ou Source sab-
batique, dont les eaux réunies à celles du Ouady-Khé-
raïbeh donnent naissance au Nahar-Rouz , le principal
affluent du Nahar-Khalifeh.
La source ne jaillit que tous les trois ou quatre jours;
l'arrivée de l'eau s'annonce par une détonation sourde
mais puissante, suivie d'un roulement qui, d^abofd
r
( m )
lointaiDi va toujours se rapprochant; ^tifiu des tor-
rents d'eau s'échappent de lacaverneetse précipitent
dans la vallée. A droite et à gauche existent dans le
rocher des failles^ qui» elles aussi, se transforment
alors en sources jaillissantes. Les eaux coulent pen-»
dant plusieurs heures» quelquefois durant une defani-
journée, puis elles s'arrêtent. La durée ordinaire de
l'intermittence est de quatre jours» elle est parfois
plus considérable. 11 est de tradition qu'en 1822» à la
suite du tremblement de terre qui détruisit Alep, l'eau
ne jaillit point pendant une année tout entière. Dans
le nom de Nahar-es-Sabté que le Fouar porte encore
de nos jours» il est facile de reconnaître la rivière
Sabbatique de Josèpbe» près de laquelle Titus vint
camper quand il se dirigeait vers Raphania» au retour
du siège de Jérusalem. La source a une altitude de
318 mètres au-dessus du niveau de la mer»
Un contre-fort des montagnes des Ansariés, nommé
le Djébel-es^Saïeh, que je franchis en me dirigeant
vers Safita, sépare le bassin du Nabar-eUKébir de
celui du Nahar-el- Abrasch , dont j'ai exploré le cours,
inférieur pendant mon séjour à Safita. Dans cette
excursion, je visitai le village de Turkab, où se ren-
contrent à chaque pas des débris antiques. Au centre»
se trouve une belle citerne qui sert aux habitants ; elle
paraît remonter au temps du Bas-Empire et est par-
faitement conservée. A l'est, dans les jardins, se voient
aussi quelques vestiges d'une grande construction
antique» ainsi que quelques fragments épars d'une
inscription grecque, malheureusement dépourvue d'in-
térêt.
( AiO)
. De là j'allai à Semkeb , où je fis une courte halte
chez le scheik, dont les femmes, au nombre de quatre,
étaient occupées à nettoyer du coton. A quelque dis-
tance des habitations, je pénétrai dans un massif de
vieux oliviers sauvages ; là sont des ruines nommées
el-Deir, qui doivent être les restes d'un couvent,
comme d'ailleurs l'indique leur nom. Plusieurs arcades
fort surbaissées ont seules été épargnées par raction
dévastatrice du temps qui ne nous a laissé que cette
partie de l'édifice. J'ai remarqué des croix et un peu
plus loin une inscription , mais celle-ci est tellement
fruste que je n'ai pu en copier une seule lettre.
Reprenant bientôt ma route, et inclinant au sud, je
me dirigeai vers les ruines du Kalaat-el-Areymeh,
jadis possession des chevaliers du Temple. Il me fallut
traverser le Nahar-el-Abrasch pour atteindre ce châ-
teau établi sur le sommet d'une colline qui commande
la vallée. Cette forteresse est dans un état de ruine
très-avancé. Après deux heures consacrées à photo-
graphier et à prendre des angles, je regagnai Safita en
remontant la vallée de TAbrasch.
Avant de continuer le récit de mon exploration, per-
mettez-moi, messieurs, de vous dire quelques mots
sur les populations du pays que je viens de décrire et
sur celles des autres cantons des montagnes que j'ai
parcourues.
Des divers renseignements que j*ai recueillis durant
mon voyage, et des notes qu*a bien voulu me commu-
niquer M. Blarxhe, vice-consul de France à Tripoli,
il résulte que la population ansariée se divise en acfiairs
ou tribus, dont les principales sont : les Kaïatine^ les
( m )
Motaouara, les Chamsin et les Rosselane qui habitent
plus particulièrement le pays de Safita. Voici d'ailleurs
un tableau statistique établi sur les données les plus
dignes de foi :
Les Kaïatine 2A 000 habitants.
Les Haddadineh 11 000 —
Les Nonassera 10 000 —
Les Motaouara âOOO —
Les Rosselane \
Les Chamsin
Les Touachera
Les Karahle.
Les Rochaoune .......
Les Mlih .
Dans le district de Saflta, les chrétiens appartenant
au rite grec sont répartis en cinq villages : Bordj -
Saflta, Meschta-Beit-el-Kalou, Yézidieh, Beit-Sbat et
Djenin ; ils forment une population d'environ AOOO âmes.
Les Maronites, au nombre de 1000, occupent Meschta-
Beit-Serkis, Bsarsa et Adida.
Je ne m'étendrai pas ici sur la forteresse de Safita,
devant ailleurs longuement traiter ce sujet.
Au sortir de ce village et après avoir traversé l'Ouad-
Boueré, il me fallut, pour gagner les hauteurs qui
forment le bassin du Ouady-Keïs, m'engager dans un
ravin tributaire du Ramka, cours d'eau assez consi-
dérable qui prend sa source dans TOuad-Boueré, et
se jette dans la mer entre Amrit et Tortose. Chemin
faisant, nous rencontrâmes des femmes ansariés, mais
n'ayant jamais vu d'Européens, elles s'enfuirent à notre
approche.
( M2)
Aprèd deux heures de marche euviron, j'atteigoîs le
village de Tocklé, où je fia une halte d'une heure et
demie pour lever la tour qui le domine, el (}Ui me
parait avoir été un poste de Templiers. Je fis ensuite
rascenôiou d'une colline surmontée du Kottbbet où
Ton voit le tombeau .de Naby-Zaher, et qui, dads le
pays, est connu sous le nom de ce personnage. Je pris
de là des recoupements sur les montagnes de Daliaret-
TeiTaab, de Naby-Metta et de Naby-Saleh. J'avais alors
devant moi, s' élevant sur les pentes de la colline située
au nord-est, le petit palais de Drékisoh, sérail du gou-
verneur turc de Safita. Ce palais était antérieurement
rhabitation du célèbre Ismaïl-Kai(er-Bey qui, après avoir
joué un grand rôle dans la montagne d^s Ansariés, de
1S5A à 1856^ finit d'une manière tragique k Aiii«el-
Karoun, trahi et mis & mort par ses propres parents.
Après une halte des plus courtes chez le mutzellim
turc, je pris le chemin des ruines.de Hosn-Suleiman. Il
était une heure quand» au sortir du village de Dr6kish,
je passai pour la première fois près d'un de ces petits
tombeaux si communs dans la montagne des Ansariës.
Celui que je mentionne ici est ombragé par un bou-
quet de chênes verts auxquels leur taille colossale
permet d'attribuer une ancienneté fort reculée. Disons
tout de suite que durant le cours de notre voyage dans
ces montagnes, nous eûmes fréquemment l'occaeion
d'observer de ces grands arbres qui semblent avoir
formé la principale essence forestière, antérieurement
au défrichement^ quand, à une époque fort éloignée,
la chaîne des monts Bargylus était, comme le Liban,
couverte de forêts verdoyantes.
( àii )
A partir de Drekisb, la route suit le sommet d'une
longue crête, s' élevant graduellement et ayant au nord
le Ouady-Keïs, et d'où, au sud, descend une série de
ravins tributaires du Ramka.
Vers deux heures quarante minutes, j'atteignis le
point culminant de la crête, qui est à 10à2 mètres au-
dessus du niveau de la mer. En ce lieu se trouvent
trois gros arbres qtie Ton découvre de toute la-contréô
environnante. Aussi ce point est il merveilleusement
choisi pour servir de station géodésiqUe, car là
vue y embrasse tous les sommets d'alentouf . G^est à
cet endroit que je commençai à apercevoir des affleu-
rements de roches ignées ; toutes les pentes que tlous
veniohs de gravir étaient donc leâ témoins calcaires
des soulèvements plutoniens qui ont produit les som-
mets de la montagne des Ansariés.
' II était deux heures cinquante-six minutes quand je
me remis en marche ; descendant par une pente rapide,
ma petite caravane atteignit bientôt l'origine d'une
vallée qui prend naissance au pied du Naby-Saleh, et
j'aperçus au milieu de massifs d'arbres les ruines de
Hosn-Suleiman, où je me rendis en moins de trois
quarts d'heure.
La première chose qui frappe les regards du voya-
geur descendant vers le site de l'ancienne Boétocèce
est une vaste enceinte carrée de 144 mètres de long sur
90 de large ; son tracé est irrégulier et affecte la forme
d'un trapèze, ce qui donne à son plan quelque analogie
avec celui du Haram-esch-Schérif de Jérusalem. C'est
le spécimen de TejAevoç le mieux conservé qui existe
encore en Syrie.
( hhh )
Cette enceinte est construite en blocs de 6 à 9 mè-
tres de long sur 2"*, 85 à 90 centimètres de haut, et
ayant une épaisseur moyenne de 0'",98 sur 1",10.
Quatre portes de forme pylonique y donnent accès.
Sur l'un des pieds droits de celle qui s'ouvre au nord-
est, se lit une longue inscription latinç mentionnant
la restauration de ces sanctuaires à Tépoque de Tem-
pereur Valérien. Cette entrée subit alors un remanie-
inent assez considérable par l'addition d'une espèce
de vestibule carré d'un style et d'un effet plus que
médiocres.
Au centre de l'enceinte s'élève un temple pseudo-
périptère d'ordre ionique, qui ne paraît pas avoir été
complètement terminé, et en avant du péristyle se
dresse un autel.
Ce fut de Hosn-Suleiman que je fis l'ascension des
deux montagnes de Naby-Metta et de Naby-Saleb.
Ayant quitté notre campement à onze heures du matin,
après avoir passé le village de Aïn-ed-Dehab, j'attei-
gnis rapidement le col qui sépare les deux sommets
de ces montagnes, au milieu duquel s'élève un piton
de rocher que couronnent les restes d'un petit château
nommé Kalaat-el-Koleiah. J'ai cru reconnaître dans
ces ruines les derniers vestiges du poste militaire des
croisades appelé Château de la Colée ; sa position
même nous donne Fétymologie de son nom, car ce
poste gardait le col par où devait très-probablement
passer au moyen âge une route se dirigeant vers le
château de Mons-Ferrandus ; nous verrons plus tard ce
qui reste de ce dernier château dans la localité mo-
derne de Barïn.
( à46 )
La pente qui conduit au sommet du Naby-Metta est
encombrée de blocs de basalte arrondis, et les fougères
poussent en abondance sur le plateau qui couronne la
montagne. L'observation barométrique que j'ai faite à
Voualy même de Naby-Metta, c'est-à-dire au point
culminant, donne à cet endroit une altitude de
1189 mètres. Ce Naby-Metta ne peut s'identifier avec
un autre lieu du même nom situé en face de Kalaat-
em-Médick, signalé par Burckhardt comme l'endroit
le plus élevé de cette chaîne de montagnes, et visité
depuis par le lieutenant Walpoole. De Naby-Metta le
regard embrasse les principaux sommets de la chaîne
de montagnes : au nord-ouest, et à peu de distance,
s'élève la montagne de Soulthan-Ibrahim, ombragée
d'un bouquet d'arbres magnifiques ; à l'ouest, appa-
raît celle de Daharet-Teffaah ; au nord se déploient
les montagnes de la Kadmousieh que dominent le
Djebel -er-Raz et le Naby-Schit ; entre ces deux pitons,
on distingue la petite ville de Kadmous.
J'effectuai mon retour au camp en passant par le
sommet du Naby-Saleh, où l'observation barométrique
donne une altitude de 11 AO mètres. Cette cote, on le
voit, se rapproche beaucoup de celle de Naby-Metta.
Je regagnai Hosn-Suleiman en traversant un joli bois
de chênes-liége qui couvre les pentes occidentales de
la montagne.
Voici les remarques que j'ai pu faire relativement
au costume des Ansariés. Leurs vêtements sont pres-
que tous blancs, cette couleur étant considérée parmi
eux comme sacrée. Une longue chemise de coton, ou-
verte sur la poitririe, avec de larges manches peu-
( 4M )
dantes, forme la principale partie de leur ba})illeinent
que complète un turban blanc. Quelques-uns seulement
d'entre eux portent des vestes de drap foncé et de
larges pantalons qu'ils nomment scherwals; les cava-
liers sont les seuls"qui portent ce costume. A Texcep-
lion des moquaddems ou chefs de villages, j'ai vu peu
d* Ansariés porter des chaussiures, et les enfants restent
complètement nus jusqu'à l'âge de dix ans environ.
— Le costume des femmes semble également consister
en une chemise de coton, une jaquette et un pantalon
serré à la cheville ; elles sont coiffées d'un tarbouche
avec un mouchoir et n'ont pas l'habitude de se voiler,
si ce n'est quand un étranger, qui n'est pas leur hôte,
parait s'occuper d'elles d'une manière insolite. J'ai eu
lieu de faire h leur sujet une remarque singulière ■;
parmi les femmes ansariées que je vis en assez grand
nombre pendant mon séjour à la montagne, aucune
ne portait un vêtement qui ne fût exactement iden-K
tique avec celui des autres ; tous les costumes de ces
femmes étaient d'une même cotonnade à raies alterna-
tivement rouges et brunes et d'une largeur invariable
de 2 à 3 centimètres.
Le 2& septembre, je quittai Hosn-Suleiman, et con-
tournant l'extrémité sud des montagnes Ansariés, je
fus ramené par cette route après avoir traversé les
villages de Meschta, d'el-Aïoun, etc., vers le Kalaat-
el-Hosn, dont j'ai déjà parlé. Le hameau d'el-Aïoun
semble s'identifier avec un Casai cité dans le code di-
plomatique de Sébastien Paoli, à propos d'une contes-
tation de propriété qui s' éleva entre les Hospitaliers du
Krak et les Templiers de Tortose.
( 447 )
je cqmpais le même soir au couvent de Saint-
Geoi^etf déjà mentionné, et après une nouvelle journée
eon^Aoréé à revoir le Kalaat-el-Hosn, je me dirigeai
vero Massiiad en remontant une partie du Ouady-Rawîl;
ayfint fait une balte dans les villages de Douerlin et de
Moklos, je francbis la montagne de Djebel*Ksaïr qui
igrme les parties orientales du ouady. J'atteignis à
une heure trente minutes le sommet du Djebel-Ksaïr^
dpQt l'altitude s'élève à 1152 mètres aurdessus du ni-
veau de la mer. — A cinq heures, après avoir suivi
des pentes couvertes de tous côtés de belles cultures
de vignes, je vins camper dans une petite plaine nom-
mée Ard-Rapbanieb, à Textrémité ouest de laquelle se
trouvent les ruines de la Raphanea, citée par Josëphe
et Pline et qui est aussi mentionnée dans le Synecdo^
mo$ de Hiéroolës.
Rapbapéa fut, au moyen âge, un fief des Hospita^
liers de Saint-Jean ; mais ses restes n'offrent rien de
remarquable, sinon quelques sarcophages sans inscrip-
tion, fit quelques débris d'un édifice qui se voient sur
un tertre voisin, et dont les murailles semblent avoir
été d*appareil cyclopéen. — Non loin de là, dans le
Qanc de la montagne, on remarque encore quelques
traces de la nécropole, mais un éboulement de rochers
Ta presque ensevelie.
Sur la colline qui domine le Ard-Raphanieh, s'élè-
vent les ruines du château de Barin, signalées par
Burckhardt : c'est là que Ton retrouve le Mons-Ferran-
das des croisades ; malheureusement, depuis le siège
de cette place par l' Atabek Zengui, le célèbre château
n'est plus qu'on monceau de déce^mbr^s. Ces ruines
( 448 )
durent données depuis, et en roême temps que le
Krak, aux Hospitaliers de Saint-Jean par le comte
de Tripoli. La fondation de la forteresse de Barîn est,
d'après Aboulfeda, attribuée aux Byzantins ; Texamen
que j'ai fait de certaines murailles encore debout, m'a
pleinement confirmé dans cette opinion.
Le lendemain, après avoir passé la matinée à par-
courir les ruines de Raphanéa, je me dirigeai vers
Deir-Soleib où Burckbardt indique des ruines impor-
tantes. Pour y arriver, je franchis le Saroudj à pied
sec ; mais les recherches minutieuses auxquelles je me
livrai me firent constater là une erreur du savant voya-
geur : les ruines de Deir-Soleib se bornent simplement
aux restes d'un monastère byzantin dépourvu de tout
intérêt archéologique.
Le 28 septembre, je m'acheminai de bonne heure vers
Massiady que j'atteignis avant neuf heures du matin.
Le château s'élève sur un rocher d'environ une dizaine
de mètres de relief, au pied même de l'escarpe de la
montagne des Ansariés, presque à pic de ce côté (1).
Après une visite faite au gouverneur de Massiad,
que je trouvai fort pauvrement vêtu, je me mis à
parcourir les ruines du château, où je vis la voûte
décrite par Burckbardt, et où se lit le nom du mame-
louck Toula.
Les maisons modernes ont remplacé les ruines du
vieux château des Ismaéliens ; je n'y remarquai que
(t) C'est ici le lieu de noter un caractère constant dans le soulève-
ment de ces montagnes : elles forment une crête des plus abruptes
vers Test, tandis qu'elles s'abaissent vers la mer par une série de
eontre-forts que siUonnent de nombrettses vallées.
( Aâô )
deux inscriptions arabes très-ornées, mais placées
beaucoup trop haut pour qu'il m'ait été possible de
les estamper. Au bas du château est le village, dont il
n'y a rien à dire après la description qu'en a donnée
Burckhardt.
Comme ce lieu n'offrait aucun sujet d'étude intéres-
sant, je me décidai à m' acheminer directement sur
Hamah. J'ai rarement vu dans mes voyages, même au
cœur de l'Arabie Pétrée, quelque chose d'aussi triste
et d'aussi désolé que la première partie de cette route.
Pendant cinq heures environ, le chemin traverse un
pays horriblement tourmenté, pourtant sans caractère
topographique nettement accusé, et où les accidents de
terrain sont trop peu élevés pour être indiqués à une
échelle géographique quelconque.
Vers six heures, sur un pont de deux arches, je
traversai l'ouad qui prend naissance au pied du châ-
teau de Massiad, et dont je n'ai pu me procurer le
nom d'une manière exacte au point où je dus le tra-
verser. Au delà de ce cours d'eau, les cultures re-
prennent ; devant nous à l'horizon se découvraient les
sommets des montagnes du Djebel-Arbaïn et du Dje-
bel-Zein-el-Abdïn, qui m'indiquaient la position de la
ville de Hamah. Je passai près de deux camps arabes,
et la nuit étant tombée, je campai à sept heures du
soir au village de Ktesïn.
Le lendemain, 29 septembre, moins de deux heures
m'amenaient à Hamah, chez l'agent consulaire de
France, où je trouvais M. Hecquard, notre consul à
Damas, et M. Bell, attaché à l'ambassade française à
Constantinople.
XI. JUIN* 2. 29
{ 460 )
Après ayoii* pris quelques jours de repos, je résolus
4§ faire une excursion sur la rive droite de l'Oronte,
yprs Seimieh, ^ la lisière méipe du désert. Une escorte
%YW^l été jygée nécessaire pour cette entreprise, deux
cavaliers turcs m'accompagnèrent, outre mon drogmau
et les gens qui composaient ma petite caravane habi-
tuelle.
Partis de Hamah le h octobre, nous suivîmes une
route parallèle à l'Oronte, dont nous remontions le
cours. Vers Test, à une distance de plusieurs kilo-
mètres, s'élèvp une série de plateaux, qui, de ce côté,
U(qitent |e déseft. Au bout de six jieures de marche,
UQUS atteignîmes Selmieh, aujourd'hui Medjid-Abad..
Sur les ruines d'upe ville byzantine que la carte de
Berghaus identifie avec Irénopolis, s'est fondée, peu
après V hégire, une ville musulmane, (ià, je visitai une
vieille mosquée où j*ai recueilli quelques inscriptions
cou0iqaes assez intéressantes.
Daps la petite forteresse voisine, se troi^vent de
{ïpmbr^ux débris byzantins qui qe sont pas sans quel-
que intérêt. Je visitai également pendant mon séjour à
Selmieh les ruines du château de Schoumaïmis, dont
l'historien d'Alep, Kemal-Eddin-Abou-Hafs-Omar, at-
tribue la reconstruction au Melik-Moudjahid. — Les
annales d'Aboulféda nous apprennent que cette forte-
resse fut livrée, en 0/i5 de l'hégire, par Mélik-el-Aschraf,
prince de Homs, à Melik-Saleh-Aîoub.
Ce château couronne une colline conique de cal-
caire marneux, dont le sommet paraît avoir été aplani
de main d'homme pour recevoir le château qui pré-
sente une grande analogie avec celui d'Alep, plus
( ik51 )
ruiné encore. L^. forme générale de cette forteresse est
un cercle avec des flanquements dont la saillie est
presque nulle.
En revenant vers Hamab, je passai sqr la rive gauche
de rOronte, où je fis la reconnaissance topographique
du Djebel-Arbaïn ; le point culminant de cette mon-
tagne est à 723 mètres au-dessus du niveau de la mer.
— Je ne vous parlerai pas, messieurs, de Hamab, qui
a fait, de la part de mon savant prédécesseur, M. Wad-
dington, l'objet d'une longue étude dont vous avez été
à même d'apprécier tout le mérite.
Le lendemain de mon retour en cette ville, M. Vi-
gnes y arriva également après avoir atteint le but de
son expédition à Palmyre. La journée du 8 fut
employée à déterminer la position astronomique de
Hamab, qui n'avait jamais été fixée d'une manière
satisfaisante. Nous nous séparâmes ensuite, M. Vi-
gnes se dirigeant vers la Méditerranée, et moi vers
Alep.
Le 10, accompagné de deux bachi-bouzouks qui
devaient m'escorter jusqu'à Maarrah, je quittai Hamah
en contournant le pied du Djebel-Zeïn-el-Abdin, que
je laissai à droite de ma route à dix heures. Je fis halte
au village de Taïbeh, dont l'altitude au-dessus du
niveau de la mer est de 869 mètres.
Nous reprîmes bientôt notre chemin dans la direc-
tion de Khan-Scheikoun, où nous passâmes la nuit,
après avoir suivi toute la journée la limite du désert.
Partis ensuite à quatre heures du matin, en nous diri-
geant au nord vers Maarrah, nous avons travei:sé une
plaine paraissant bien cultivée, et à neuf heures nous
( Àâ2 )
«^irrivioûs en cette ville, où je laissai les deux bachi-
bouzouksqui m'avaient accompagné depuis Hamah.
Au sortir de Maarrah, la route s'infléchit nord-quart-
ouest dans la direction de Sermin, où, après six nou-
velles heures de marche, nous dressâmes nos tentes.
Partis le 12 au matin de Sermin, je me dirigeai au
nord-est et rencontrai successivement dans la journée
les villages de Tell-Hyeh, de Teftanaz, Afiz et Bcn-
nisch. A onze heures et demie, je passai auprès d'un
tertre assez élevé nommé Djebel-Aïssa. A droite, au
delà du Kowik, se remarquaient les villages de Zirbab,
el-Hader et Zeitoun.
A trois heures et demie, j'établis mon camp dans
une belle prairie, au bord de la rivière, près du village
de Khan-Touman, et le lendemain, 13, j'étais de bonne
heure à Alep.
Dès le 15 octobre, je quittai cette ville, et le même
jour, passant par Serbes, j'allai camper à Tedef, vil-
lage habité par les Juifs, où, à cette époque de Tan-
née, une grande partie de la population Israélite d' Alep
était venue célébrer la fête des Tabernacles. Dans ce
village, existe une synagogue sous laquelle se voit
une grotte que, s'il faut en croire la tradition locale,
le prophète Esdras aurait habitée alors qu'il recueil-
lait les textes sacrés dont il composa le livre qui a
conservé son nom.
Sur une colline, au nord-ouest, s'élève une grande
mosquée, et à mi-côte un village en ruines, nommé
el-Bab ; c'est celui dont parle en ces termes Thistorien
arabe Ibn-Djobaïr : < Il y a, dans une vallée près de
» Bozaab, une grande bourgade nommée el-Bab, qui
( 453 )
» sert de passage entre Bozaah et Âlep. Elle avait pour
» habitants depuis quatre-vingts ans une peuplade
> d'hérétiques ismaéliens, dont Dieu seul pouvait
» compter le nombre. Leurs étincelles voltigèrent, leur
)) méchanceté et leurs méfaits interceptèrent cette voie
» de communication. Mais enfin un mouvement de
» zèle s'empara des habitants de ce pays, la honte et
)> l'indignation les excitèrent ; ils se réunirent contre
> eux de toutes parts, les passèrent au fil de Tépée et
> les exterminèrent jusqu'au dernier.... »
Le ruisseau qui passe à Tedef est considéré par le
major général Chesney et par le docteur Ainsworth
comme le Daradax de la retraite des Dix-Mille.
De Tedef, en visitant les ruines d'Areymeh qui
n'offrent rien d'intéressant, si ce n'est Tinscription
très-fruste d'une borne milliaire, sur laquelle on peut
seulement déchiffrer les noms de l'empereur Nerva,
j'atteignis, le 17, le site de Membedj, l'ancienne Hié-
rapolis (1), où existait jadis le temple dans lequel se
célébrait le culte de la déesse de Syrie, que nous con-
naissons par le traité de Lucien.
Le 19, malgré une pluie torrentielle, je m'acheminai
vers l'Euphrate ; mais à peine avais-je pu voir le fleuve
et fouler ses bords, que je dus reprendre la route
d'Alep, où je n'arrivai qu'avec beaucoup de difficulté,
tant la pluie qui tombait depuis quelque temps déjà
avait rendu les chemins impraticables.
Ce ne fut que le 29 octobre, après que les grandes
(1) Cette ville s'élevait au milieu d'une plaiae rocailleuse, où Tod
remarque ses ruines à 10 kilomètres environ de TEuphrate. L'altitude
de ce point, au-dessus du niveau de la mer, est d'environ 447 mètres.
( i5i )
phiies eurent cessé, que je quittai Alep en traversant
de nouveau la vaste plaine qui s'étend entre cette
ville et la vallée de TOronte, et dont l'altitude moyenne
est de 350 mètres environ au-dessus du niveau de la
mer.
Le second jour, j'atteignis d'assez bonne heure le
village de Moharat-Mousserim an delà duquel la route
s'engage dans le Ouady-er-Rouz, qui fait partie d'uo
système de vallées marécageuses apportant leurs
eaux à TOronte et dont les pentes sont à contre-val dii
cours de ce fleuve. Ces diverses vallées sont séparées
les unes des autres par des chaînes de collines qui
sont en quelque sorte les Contre-forts du Djebel-
Assergieh et du plateau que nous venons de traverser.
C'est pendant cette seconde journée après mon dé-
part d'Alep que j'arrivai au village de Djiser-Schdgr,
où je trouvai, mesurée au pont, l'altitude de la vallée
à 101 métrés.
Cette vallée est large et couverte de magnifiques
prairies qui s'étendent jusqu'au pied des montagnes
des Ansariés ; nous y retrouvons l'aspect d'une crête
abrupte et rocailleuse, comme je l'ai déjà observé an-
térieurement à Barîn et à Massiad.
L'Oronte sépare ici le pachalick d'Alep du livâ de
Latakieh, qui dépend de l'eyalet de Beyrouth. Le che-
min que je suivis au sortir du village de Schogr s'élève
rapidement le long des flancs de la montagne des An-
sariés ; les escarpements que je gravis alors sont des
calcaires friables, au milieu desquels apparaissent des
couches de marnes jaunes et vertes.
Au bout de deux heures, la route centoume une
( 4S6 )
crodpe de la ndontagne à peb prëâ àù iilVèau âti édl
que, vers onze heures et demie, je frahchiâ âli tillagè
de Hebdama.
C'est là qu'est le point de séparation des eaux qui
se dirigent à Test, dans la vallée de TOrbiite, à
l'ouest, vers la Méditerranée, dont à cet endroit l'cml
fatigué du voyagent* aperçoit les flots âvec joiei. —
Ce t)oint est à 1107 mètres au-dessus dû tiivëali de
la mer.
La route est des plus accidentées et serpenté au
milieu des sites les plus pittoresques. De toutes parts
s'élèvent des rochers à pic et des pentes couvertes
d'une splendide végétation. Je longeai là un torrent
qui coule au fond d'une crevasse profonde, qui tie ré-
vèle àa présence qule par un mugisâëttlent ôontiniii et
à l'éntour duquel croissent des nOyërs^ des platMe»,
des pins d'Alep, desi lauriers, dés peuplifel-s et ofie
foule d'autres arbl-es s'étagearit sut- les flancs fleô hau-
teurs qtii l'etivirdnnént. A deux heures trente-diiq mi-
nutes, je franchissais le pont de là Fethriië-du-8fcheik,
et à quatre heures je dressais ma tëntë sotis \^ bëadi
arbres du Ghaffar.
Le lendemain, 1*' novembre, j'arrivai dès dixhetlite
du matin à Latakieh.
Le district ou llvâ de Latakieh s'étend, depuis le
torrent nommé el-Mameltein, qui descend du itiont
Câssius au nord, jusqu'à Tortose au sud, entré
rOronte à l'est et la mer à l'ouest. Ce district se coni*-
pose de 17 cantons ou moquetâab, renfermant 760 Vil-
lages ou hameaux, dont la population, y compris cèllë
de Latakieh, qui est de 1& 000 habitants, s'élève à
( 466 )
ISO 000 âmes environ, se répartissant ainsi : &6 000
Musulmans, 10 000 Chrétiens, Maronites ou Grecs;
10 000 Ismaéliens, et le surplus d'Ansariés (6A 000).
Voici la liste de ces dix-sept cantons :
Latakieh, — Markab, — Khaouaby, — Kadraous,
— Semti-Gibly, — Béni- Ali, — Kardaah ou Kel-
bieh, — Mehelbeh, — Mozeïraah, — Sahioun, —
Djebel-Akrad, — Bâyr, — Boudjâk, — Bakloulich,
— Kaf, — Djerbâz, — Djeblé-Edhemi.
Durant cette période de mon voyage, je recueillis
les renseignements que je vais avoir l'honneur de vous
communiquer , messieurs , sur les Ansariés et les
Ismaéliens.
Les premiers, que l'on croit originaires de la Perse,
occupent les montagnes qui s'éteadent depuis Tripoli
jusqu'à Adana. Dans cette dernière ville, ils sont, de
même qu'à Antioche, fort nombreux, et feignent, pour
la plupart, de professer Tislamisme. lies Ansariés
s'adonnent tous à l'agriculture, et il y a lieu de présu-
mer que sans les persécutions incessantes auxquelles
ils sont en butte de la part des musulmans, ils quitte-
raient leurs montagnes pour s'établir dans des régions
plus fertiles. Leur religion nous est encore fort peu
connue ; nous savons seulement qu'elle est toute mys-
tique, que l'homme seul y est initié vers l'âge de dix-
huit ans, et après avoir été préparé par les scheiks de
la religion à savoir garder les mystères qui leur sont
révélés. La cérémonie de l'initiation se nomme Teznir.
Ils sont divisés religieusement en quatre rites : les
Cham-si, les Camari, les Kleisi et les Chemali, ado-
rant le soleil et la lune et donnant à chacun de ces
(457)
astres le nom d*Etoir-el-Nahal (prince des abeilles);
c'est-à-dire des étoiles gravitaiit autour de ces astres,
comme les abeilles voltigeant autour d'une ruche.
L'empyrée est leur paradis, et chaque étoile est pour
eux l'âme d'un élu.
Ces quatre rites doivent être considérés comme au-
tant de degrés d'initiation. Les femmes sont exclues
de toute instruction religieuse, et l'on a souvent vu les
Ansariés mourir au milieu des supplices, plutôt que de
divulguer les secrets de leur religion. En fait de culte
extérieur, ils ont des prières qu'ils récitent trois fois
par jour en plein air. Pour prier, ils se tournent vers
r Orient, et si au moment de cet exercice religieux ils
aperçoivent une bête immonde, leur prière n'est plus
valable. Comme les musulmans, ils ont les ablutions
et la circoncision; la plupart d'entre eux feignent de
jeûner pendant le Rhamadan. Leur principale fête
religieuse se nomme le Ghadir et tombe le 18* jour
du mois de Zéli-Hadj. Ils ont aussi des fêtes secon-
daires qui se nomment Aid- Quoddas ou fêtes sacrées.
Quant au reste, la doctrine des Ansariés parait avoir
quelque analogie avec celle des Druses.
On a cru à tort que des réunions nocturnes d'hommes
et de femmes se pratiquaient chez les Ansariés ; elles
n'ont lieu que chez les Ismaéliens, et encore est-ce
douteux. Pour eux, la science religieuse consiste à
savoir lire et écrire, et à être initié. Celui qui se trouve
dans ces trois conditions peut devenir chef religieux,
et en général cette profession devient héréditaire dans
sa famille. La polygamie est licite ainsi que le divorce.
Les mariages se font par l'entremise et du consente-
( A5S )
ment du moquaddem ou chef civil du canton, qui
raccorde par un écrit qu*il lait payer plus bu moins
cher, suivant ja fortune des contractants.
Les Ansariés sont généraleilient indolents, snperfsti-
tieux, ignorants, enclins au vol, bien que Thospitalité
passe chez eux pour la première vettu. Ainsi PAnsârié
qui pendant sa vie a donné beaucoup à manger, est
réputé saint aux yeux de ses coreligionnaires, et on
élève une coupole au-dessus de son tombeau.
De temps immémorial, chaque canton de la moiî-
tagne était administré par un moquaddem, dolit les
fonctions étaient héréditaires et qui recevait son inves-
titure âù gouverneur turc résidant à Latakieh, chèf-
lieu de la province. Jusqu'aux derniers temps, les
moquaddems étaient à peu près indépendants; au-
jourd'hui nn grand nombre ont été obligés de ployer
devant l'autorité turque, et les cantons de la bàtitè
montagne, dits cantons rebelles, sont les seuls qui
aient gardé leur autonomie.
Durant mon séjour à Latakieh, le vice-consul d'Au-
triche en cette ville, M. Lazari, dont les t-elations avec
les moquaddems des environs sont nombreuses, vou-
lut bien m' accompagner dans mes excursions au milieu
des cantons insoumis, et le A novembre nous quit-
tions Latakieh dans l'après-midi. Nous franchîmes le
Nahar-el-Kébir, non loin de son embouchure, fen face
du village de Cheffatieh ; et après avoir remonté un
ruisseau nommé le Nahar-Sahioun, nous établîmes
notre campement, vers quatre heures et demie, au pied
du tertre que couronne le village de Moudjbah. Le len-
demain, nous levions le camp dès six heures et demie
( A69 )
du matin, et à huit heures nous faisions halte àèl-Hafeh,
quis*élèveau sommet des premières pentes de la mon-
tagne; l'altitude de ce village est de 279 mètres au-
dessus du niveau de la mer. De ce point, nous allâmes
planter nos tentes au village de Scheir-el-Kâk, voîsiii
des ruines du château de Sahioun.
L'étude de la vieille forteresse des sires de Sahône
nous prit toute la journée du 6 novembre, et le 8 nous
partîmes dès le point du jour pour aller camper à
Méhelbeh, qui donne son nom à un des cantons de là
montagne. Toutes les collines que nous eûmes à con-*
tourner ou à gravir, appartiennent aux terrains calcaires
crétacés, et sont sillonnées par de profonds ravins aux
parois abruptes; leurs flancs dénudés fatiguent l'œil
par une blancheur éclatante.
Les hauts sommets qui forment la crête la plus
élevée de cette partie de la raontagne pbrtent le nom
de Djébel-Darious. Nous atteignîmes à trois heures le
village de Méhelbeh, situé à une altitude de 682 mè-
tres, et nous fîmes l'ascension de la montagne couron-
née par un château également du nom de Méhelbeh ,
qui n'offre aux regards qu'un amas confus de débris
appartenant, les uns au moyen-âge chrétien, les autres
à l'époque musulmane. Après avoir fait une station dé
ce point dont l'altitude est de 920 mètres au-dessus
du niveau de la mer, nous rentrâmes au camp où lé
moquaddem du canton vînt nous faire sa visite.
Le lendemain, nous nous dirigeâmes vers Djibleh,
que nous quittions le 7 pour explorer la Kadmousie,
Partis de Djibleh à cinq heures du matin, nous
avons suivi le littoral jusqu'au cap nommé Ras-Baldy-
( 460)
el-Malek, où s'élevait jadis Paltos cité par les géogra-
phes de l'antiquité. Au moyen-âge, ce lieu paraît avoir
porté le nom de Toron-de-Boldo. C'est de ce point,
qu'après avoir franchi l'embouchure du Nahar-Sïn,
nous nous engageâmes dans les montagnes en remon-
tant le cours d'un ravin dont nous atteignîmes la nais-
sance vers une heure et demie. En face de nous, de
l 'autre côté de la profonde vallée de Ouady-Djobar,
s'élevaient alors sur un contre-fort de la montagne le
village et le château d'Aleïka, si souvent mentionné
par les auteurs du moyen âge qui ont écrit sur les Ba-
théniens ou Haschischiens, et où résidaient ces scheiks
redoutables que nos chroniques désignent sous le nom
général de Vieux de la Montagne. Ce château est
aujourd'hui presque complètement ruiné et n'offre plus
aucun intérêt.
Nous remontâmes le flanc gauche de la vallée» en
suivant un sentier à peine tracé, sur le bord des pentes
qui s'abaissent brusquement et font de cette vallée un
affreux précipice. Les bois qui couvraient les hauteurs
que nous parcourûmes avaient été récemment brûlés ;
la terre était encore chargée de cendres blanchâtres ;
çà et là quelques arbrisseaux et quelques gros chênes
verts noircis par le feu et dépouillés de leurs feuilles,
se tenaient encore debout quoique ayant cessé de vivre.
Ces traces récentes d'un incendie au milieu de ces
gorges si abruptes en rendaient T aspect plus sauvage
et plus désolé. De là, à peine apercevait-on au loin
quelques chétifs hameaux qui semblaient accrochés
aux flancs des montagnes voisines. Arrivés le soir à
Aïn-eUHatmieh, pendant que l'on dressait nos tentes, je
( A6l )
découvris au fond d'un ravin un village composé de
maisons ombragées de noyers séculaires. Parvenu au
milieu de ce hameau, j'en trouvai les habitations en-
tièrement désertes; ce fait, qui peut d'abord sembler
étrange, me fut tout naturellement expliqué par l'ap-
proche des recruteurs turcs.
Le lendemain, nous atteignîmes de bonne heure
Kadmous, où nous attendait une hospitalité des plus
gracieuses chez l'émir Assad, chef des Ismaéliens qui
forment la majorité des habitants de ce canton.
Kadmous est un grand village entouré de murailles
percées de deux portes ; on y compte environ cent
cinquante maisons, une mosquée et un petit bazar. Un
rocher escarpé sur lequel s élevait le Kalaat-Kadmous,
détruit par Ibrahim-Pacha, domine le tout.
Nous fîmes le même jour, en compagnie de quelques
cavaliers de Témir, l'ascension de la montagne du
Naby-Schit, que nous avions déjà aperçue du sommet
de la montagne de Naby-Metta ; l'altitude de ce point
est de 107i mètres. C'est un cône de soulèvement plu-
tonien, au sommet duquel se sont fait jour des roches
porphyriques. D'épaisses fougères couvrent les pentes
supérieures de ce pilon au sommet duquel se voit un
prétendu tombeau de Seth qui a donné son nom à cette
montagne. De cet endroit, j'ai recoupé les points déjà
connus, tels que la tour de Safita, le Roubbet-Soulhan
Ibrahim, les sommets de Naby-Metta, de Naby-Saleh,
de Daharet-TeiTaah, enfin le château de Markab à
l'ouest-quart-nord.
Je comptais le lendemain faire l'ascension du Djebel-
Ras-, mais le temps devint tellement mauvais que nous
(462)
dûmes passer la journée du 10 chez l'émir. J'appris là
que Massiad n'est éloigné de Kadmous que d'environ
quatre heures, sous un angle de 85 degrés environ. Les
résultats de mes observations géodésiques m'ont démon-
tré l'exactitude de la relation qui me fut faite alors.
Le 11, nous partîmes de bonne heure de Kadmous,
nous dirigeant vers Markab. La route que nous sui-
vîmes traverse un pays en tout analogue à celui que
nous avions vu les jours précédents : mêmes rochers
abruptes qu'égayent de loin en loin quelques verts
bouquets de myrtes et de lentisques ; la route longe le
bord d'un ravin nommé Ouady-Mehika. Vers onze
heures, nous étions sur le sommet des hauteurs qui
ferment la vallée du Nahar-Marakiak. Après avoir
aperçu et noté successivement les villages de Tânîta,
de Seredin, etc., etc., nous atteignîmes à trois heures
la vieille forteresse des Hospitaliers, que je revoyais
pour la seconde fois à quatre ans de date. Je pris là
quelque repos et M. Lazari rejoignit son consulat de
Latakieh. Le 12, je gagnai Tortose, et comme la saison
des pluies devenait chaque jour plus menaçante, je me
dirigeai vers Tripoli pour aller installer mes quartiers
d'hiver à Beyrouth.
Après la course dont je viens, messieurs, de vous
faire le récit, bien des lacunes restaient encore dans
mon travail. Je me préparai donc à compléter mes
recherches par de nouvelles excursions entreprises
dans le printemps de Tannée 1865. J'employai les
derniers jours de mars à visiter aux environs de Tyr
les ruines du château de Rrein, le Montfort des cheva-
liers teutoniques.
( 463 )
Je repris ensuite le chemin du nord de la Syrie, et
après avoir fait une étude détaillée des sanctuaires de
Naous, je quittai Tripoli le 9 avril, me dirigeant vers
le cantqn du Khaouaby en traversant la partie nord-
ouest du district de Safita. Mou plan était de pousser
vers le nord jusqu'au Djiser-el-Hpiddid, près d' Anlioche,
en visitant les parties encore inexplorées de la mon-
tagne que j'avais été obligé de négliger dans mon pré-
cédent voyage, et particulièrement les districts de
Kourdâah et de Béni-Ali, puis les montagnes où le
Nahar-el-Kébir de Latakieb prend sa source et qui pour
nous sont également inconnues, entre le Ghaffar et la
source de ce fleuve.
Je campai le même jour au village de Tléaï, d'où le
lendemain, en repassant par Bordj-om-Maach, Safita
et Toklé, que j'avais visités dans ma course précédente,
je vins franchir au bas de ce dernier point le cours du
Ouady-Reïs. Après l'avoir traversé, je m'engageai sur
les escarpements abrupts qui se trouvent à la base
de la montagne de Daharet-TeiFaah ; je laissai mes ba-
gages et mes tentes au village de ce nom, et j'atteignis
le point culminant de la montagne vers trois heures
et demie. C'est un cône de rochers porphyriques de
tous points semblable aux autres montagnes de la
même chaîne dont j'avais déjà effectué l'ascension.
De là je pus recouper les principaux sommets que
j'avais remarqués dans ma première excursion : Rad-
mous, Naby-Schit, Djebel-Ras, Naby-Metta, Naby-
Zaher, Bordj-Safita, etc. A l'est de ce point se voit
très-distinctement l'Ile de Rouad.
En redescendant au village de Teifaah, où je n'étais
( À6A )
pas entré tout d'abord , je fus frappé des manières
sauvages de ses habitants. Les femmes fuyaient à notre
approche, et la plupart des indigènes les imitaient.
Trois ou quatre seulement, qui étaient allés à Tortose
ou à Tripoli, se hasardèrent à nous accoster, et nous
apprirent que jamais Européen n'avait été vu dans ce
pays. Pendant toute la journée je fus mouillé par des
averses successives, et dans la nuit je fus saisi d'un
grand malaise. Le lendemain, néanmoins, je continuai
mon chemin vers Tortose que je voulais relier à cette
partie de mon canevas géographique, comptant de là
gagner Khaouaby.
Parti à six heures quinze minutes du village de
TefTaah, je descendis dans une vallée qui va se réunir
au Ouady-Keïs. Elle est remplie de beaux arbres:
chênes verts, platanes, noyers, etc., que festonnent,
en s' enlaçant à leurs troncs et à leurs branches,
d'énormes vignes sauvages. Çà et là plusieurs arbres
de Judée, aux fleurs éclatantes, sont mêlés à des gre-
nadiers sauvages, et produisent de magnifiques teintes
d'ombre et de verdure, sur lesquelles les regards du
voyageur se reposent avec plaisir en traversant ces
sites agrestes.
Vers huit heures, ayant dépassé le village d'Aïn-
Tchesnou, notre route nous amena dans la vallée du
Ouady-Keïs que je trouvai bien cultivée. Sa direction
à cet endroit est du S.-E. au N.-O.; après l'avoir
suivie trois quarts d'heure, je gravis les pentes de la
rive gauche, dont j'atteignis le sommet à neuf heures
quinze minutes au village de Melchi. Je dépassai suc-
cessivement les hameaux de Bderich et de Semmaka,
( 465 )
et à onze heures je descendis dans Tlsar de Tortose.
On désigne sous ce nom la plaine du littoral dans la
partie où elle avoîsine cette ville. Cette plaine demeure
inculte à cause des nombreux marais qui la rendent
horriblement fiévreuse pendant la plus grande partie
de Tannée.
J'employai la journée du 12 à compléter mes études
archéologiques de Tortose. J*espérais continuer le len-
demain ma route vers le nord, mais il devait en être
autrement : je fus pris d'un si violent accès de fièvre,
que je n*eus plus d'autre ressource que de revenir à
Tripoli pour y chercher les soins d'un médecin euro-
péen. Le 14, plusieurs heures avant d'arriver dans
cette ville, je fus atteint d'un accès pernicieux qui
m'eût été fatal sans les soins empressés que je trouvai
au consulat de France. Je fus bientôt hors de danger,
mais tout espoir de continuer mon excursion fut
perdu pour moi, et je dus songer à me rapatrier pour
échapper aux suites de ces influences paludéennes.
J'ai cependant pu, durant cette seconde course,
compléter mon étude sur l'époque des croisades et
élucider bien des points de l'organisation territoriale
et militaire des principautés chrétiennes de Syrie
durant le moyen âge.
Tels sont, messieurs, les résultats de mes courtes
au milieu de ces régions encore si peu connues, et je
jii' estimerais heureux si mes efforts vous paraissent
avoir été couronnés de succès et avoir enrichi la science
de quelques nouvelles données.
■
Les documents qui ont servi à établir la carte dont
XI. JUIN. i. 30
( àôô )
cett3 notice est accompagnée, sont : pour le tracé de
la côte, les cartes de Tamiranté anglaise; pour les
positions de Hama et de Homs, les déterminations
obtenues par M. Vignes, lieutenant de vaisseau, pen-
dant son voyage avec M. le duc de Luynes; enfin mes
levés personnels exécutés à l'échelle de 1/100000%
J'ai cru devoir laisser en blanc les parties du terrain
que je n'ai pu voir par moi-même; cette méthode a
deux avantages : le premier est de ne rien donner qui
ne soit aussi précis que possible ; le second est de per-
mettre de voir d'un coup d'œil qo^s sont les espaces
sur lesquels il est à désirer que se portent dans l'avenir
les investigations des voyageurs.
E. G. Rey.
(467)
TABLEAU DES OBSERVATIONS
FAITES DANS LES MONTAGNES DES ANSARIÉS
\Du 16 septembre 186& au 10 avril 1865.
Remarques générales.
Les coiitre-observations barométriques ont été faites
à Beyrouth, à bord de la frégate f Impétueuse ^ sur
deux baromètres à cuvette, deux anéroïdes et sur un
fortin ; ces observations étaient faites à six heures du
matin, à neuf heures, à midi, à trois heures et à six
[ heures par les timoniers du bord.
[ Le plan de comparaison est le niveau de la mer
moyenne à Beyrouth.
Mon baromètre était un holostérique, et mes thermo-
mètres étaient à la graduation centigrade.
Le mot Station indique les points d'arrêt d'où j'ai
fait des observations barométriques, pris des recoupe-
ments. J'ai désigné chaque sommet de triangle n'abou-
j tissant pas à un lieu dit, par une lettre latine ou
!' grecque.
L'instrument dont je me suis servi pour mes levés
çst un petit théodolite ; mon point de départ a été le
triangle Kleiaat — Kalaat-el-Hosn— Safita, mesuré par
. M, le lieutenant Vignes et moi, au commencement de
la campagne.
2223 3'3S2S^r2l2!2!S33SISS3S'
rrîïi
( 469 )
B ^O QO <D O
h co Qo e^ ao --^
I
•^ CO CO QO
O) CO t-^ OO
€0 CO CO CO
CO
OOOQOO)OOOaA
«o ^ r* <M
^ CO ^« <M
00 ^
iO 00
aA QO<OrOO*^aO^<4'*!P94eQr«MQC90<MG4G4C4aA
»« eq e>i G4 94
»- © oa •«•
^N ©^ ^H «in
kV-CO'^V^^e«l V3O0aAO0<4*
aO
lO
««ioC4«4e4<4>MM>«0)OOoor«aoeo
g
«i
a
0
O
■
o
I
g
as
«. g -s ;5 S ^ - g - T3 .-o -o -ë -a
a
o
c^ O (» O tf) Û CO
«s
JS
a
19
CO
a a
«8 ,
= a
Cd « > <
0:9
o ^
Cfj
.2 T
5*5
00
Oi
CO eo •«
M eo o
E o
*W ^^ atfk
«) S g —
« « S «
US tïdKH
iiriw<HMeocQ«oco«i9«ooocoeoeo
:A<o<oo>o)a>o><v*
O) a> 1^ o
I I I i I I I I I I I I I I I I I II I I I I I
I [î
i
2
l-B
m M «)
• • •
|-«6t-îoooeo«oco*«»o<o«««<oeoaoio»o^'i^»«2î>o»02;g<g;5îg 222 —
¥)
• • • • t
• • •
• »
L^ mJ • •
.*••••• • • • • • •
•a "O t3 T3 "O "O "O T3 TS TS "O TS
f©*«*.«e^«ioi^oaoao>ooo
^ «w ^rt ^ ^ ^ «p*
e^c^eocoeoeocococococoeo
•o<o<oo>Aa>o>^
g*
t- o
Mil I M I I M I I I I I l I I I I il I I I M I li| l| I
I
as
n
(470)
SUR LE DROIT B/LEN
A PROPOS DU LIVRE
DE M. WERN£R MUNZINGER
INTITULi
LES KŒUR8 ET LE DROIT DES B060S^'>
(Suite eL fin).
Malgré l'étendue de cette notice, nous ne saurions
quitter le fécond sujet des us btlen sans parler de la
propriété. Son origine vient de Théritage, de l'achat,
de la première possession, ou enfin d'un butin fait à
l'étranger.
Celui qui a vendu une terre a le droit, pendant
toute la vie de l'acquéreur, de la racheter en doublant
son prix* Nous voudrions demander à M. Munzinger
si cette règle est absolue. En Tegray où elle existe
aussi, nous avons compris qae ce droit compète seule-
ment à celui qui a vendu sa terre paternelle, et qu'un
acheteur adventice, devenu vendeur à son tour, ne
saurait le réclamer. Cet us a été introduit pour con-
server Tesprit de famille par les souvenirs matériels
qui l'ont entourée, et l'on suppose qu'un prix d'affec-
(1) U^er die SUlenwid das Recht der Bogos^ in -8*, xiv-96 pages.
. ( 471 )
lion est le double d'une valeur ordinaire, car celle-ci
est souvent dictée par la nécessité du malheur.
Quel que soit le nombre des ventes postérieures,
le premier vendeur est seul admis, en cas de contes-
tation, à indiquer les bornes de la terre, et peut ainsi
devenir témoin dans sa propre cause. On se rap-
pellera, d'ailleurs, qu'une pareille anomalie légale
existe aussi chez nous, où, en cas de contestation sur
la quotité des gages, notre loi se contente de la seule
aflbmation du maître.
On retrouve encore chez les Bûen l'usage ilmorma
de la bénédiction demandée au propriétaire d'une terre
d'étranger, en lui portant comme cadeau une petite
partie de la moisson qu'on y a faite. La crainte du
mauvais œil est probablement au fond de cet us, qui a
d'ailleurs pour eifet d'entretenir de bons rapports
entre des gens trop adonnés au vol et à la violence.
Chez les Takue et les Mansab, on donne, en cas pareil,
le tiers de la récolte au propriétaire qui ne cultive pas
sa propriété; mais en pays belen, l'abondance des
terres en friche a fait abandonner une aussi forte pro-
portion. Gomme dit notre auteur, ce n'est pas une loi,
mais bien une sainte coutume qui, alors qu'une terre
étrangère a été cultivée une première fois, défend d'en
empêcher la culture pendant la seconde année par le
même colon, et le propriétaire foncier ne rentre pas
dans ses droits avant la troisième année ; cet usage pro-
vient d'une crainte superstitieuse de la malédiction du
colon. Si celui-ci a commencé sa culture contre la vo-
lonté du maître, ce dernier a le droit de s'emparer du
champ fraîchement labouré, en donnant une compen-
(472)
satioD pour la semence, à moins qu elle ne soit déjà
répandue, cas auquel on doit se contenter, pour tout
revenu, du cadeau d'usage.
Si une terre a été délaissée, ou si son ancien maître
ne donne plus signe de vie, elle appartient au premier
qui la défriche. De même, tout objet de valeur sans
maître appartient à celui qui le trouve, à moins que le
trouveur ne soit un Tigre, cas auquel il doit la moitié
de la valeur à son patron.
La propriété d'une pièce de terre implique son ex-
tension en ligne droite vers le côté de la montagne
voisine pour son bois, son eau, ses abeilles, ses fruits
sauvages, etc. L'émigré ne perd pas la propriété du
sol de sa hutte et peut la réclamer à son retour, au
point d'obliger un nouveau possesseur à détniire sa
demeure pour restituer le sol primitif. Quoique les
eaux courantes appartiennent au public, celui qui en
creusant à découvert une source, en conserve 1^ pro-
priété perpétuelle.
Nos historiens français savent le rôle que le droit
d'asile jouait chez nous dans des siècles moins fortunés
que le nôtre. Ce droit existe en Ethiopie à peu près
partout, et devient plus rigoureux à mesure que la
tribu est plus sauvage. On n'est donc pas surpris d'ap-
prendre qu'un homme pris à l'étranger et présenté
comme captif soit à un chef, soit à l'assemblée du vil-
lage, reprend sa liberté et a le droit de retourner chez
lui si, après avoir échappé à son possesseur, il prend
refuge auprès de n'importe quel patricien. J^ai été té-
moin d'un pareil droit d'asile en KafTa.
Le plébéien, faute de payer une dette, devient le
(473)
serf de sa caution ; s*.il meurt sans payer ^ on vend ses
enfants. C'est là nne barbare extension de la logique
légale, et qu'à leur éternel honneur les vieux Romains
n'ont jamais connue. Le fils btlen est responsable des
dettes de son père s'il a hérité de la moindre valeur dans
sa succession. Faute d'héritiers mâles* les fiUes^ bien
qu'elles ne puissent hériter de l'actif, sont néanmoins
appelées à acquitter le passif de la succession, sans
quoi elles tombent en servage. Mais cet us, ajoute
notre auteur, est un abus du droit, établi postérieure^
ment à son origine, et d'ailleurs récemment abrogé.
Enfin, les orphelins mineurs d'un patricien ne peuvent
être actionnés pour les dettes de leur père avant d'avoir
atteint leur majorité, dont l'époque doit être alors pro-
clamée dans l'assemblée des notables.
On appelle « gabat > l'obligation de rendre au bout de
l'an un capital prêté en payant un intérêt de 100 pour
100, Cet intérêt usuraire continue à courir si le débi-
teur ne s'est pas acquitté ♦ Lors d'une mauvaise récolte
et en temps de guerre, l'assemblée a le droit de sup-
primer les intérêts ou de renvoyer le payement à l'an-
née suivante. Mais ce droit ne s'applique pas aux ga-
bat appartenant aux Askar ou miliciens du Nayb, qui
depuis longtemps sont les pnncipaux commerçants en
pays bilen. Le taux excessif de l'intérêt montre com-
bien le négoce y est chanceux. A Gondar, l'emprunt
d'un thaler, de 36 sels environ, donne un intérêt légal
d'un sel par mois ; mais il ne s'élève réellement qu'à
25 pour 100, car l'indulgente législation des Amara
suppose que le capital reste inactif pendant les trois
mois de la saison pluvieuse. Plus dur envers les spécu-
( 474)
lateurs, le droit mogareh réserve ses tendresses pour
fortifier les liens de parenté. Aussi élève-t-il à la dignité
d'une dette les cadeaux dits iffaybatot et ilfosnit. Le
premier se fait à un parent tombé dans la misèi*e ou
rainé par la guerre. Le donateur d'un maybatot a droit
de le redemander s'il tombe dans la misère ou si son
obligé rétablit sa mauvaise fortune. Le masnit est
donné par ses donzeaux, ou garçons d'honneur, à un
homme qui se marie. Quand le donzeau s'établit à son
tour, il a droit à un cadeau de même valeur : cet usage
prévaut aussi chez les tribus Tigre, et par conséquent
à Muç^zwWa. Si un donzeau impatient ne veut pas at-
tendre l'époque de ses noces, il a le droit d'exiger la
valeur de la moitié de son cadeau ; mais par cette
démarche il quitte l'association dont il était membre.
Les biens passent par héritage à Talnë des fils, à
l'exclusion des filles. Les esclaves, les clients et même
l'épouse, font partie de l'héritage d'un défunt. JMaisle
titre d'alné (bekir) n'appartient pas au premier-né
s'il est idiot ou s'il est atteint de défauts organiques,
car le biker doit être en état de soutenir l'honneur
de son père. On regarde comme aîné le fils de la pre-
mière femme, quand même il serait né après le fils de
la seconde épouse.
Tout homme libre a, de son vivant, le droit de faire
des cadeaux au-dessus de ses moyens ; mais, s'il a des
fils majeurs, ils peuvent le contraindre à ne pas tou-
cher à son capital, c'est-à-dire à ses vaches blanches.
L'us mogareh ne reconnaît pas le droit de tester.
Cette négation légale nous parait des plus étranges,
car ridée du testament est étroitement liée à celle de
(475)
rimraortalité de Tâme, universelle en Ethiopie, et l'on
a d'autant plus lieu de s'étonner du refus de la loi
bzlen à cet égard, que Tinstitution des legs est habi-
tuelle dans l'Ethiopie chrétienne. Au contraire, le
Bîlen qui veut faire un don à son fils ou à son épouse
doit le remettre de son vivant à un gardien, car sa vie
légale cesse dès le moment de sa mort naturelle.
L'aîné est l'exécuteur de la succession. Il doit en
premier lieu faire fiancer ses frères, contrat qui s'exé-
cute habituellement pendant l'enfance des fiancés, et
donner la même dot (m«slot) que ses frères mariés ont
déjà reçue. Ces préliminaires étant exécutés» Talné
prend pour lui-même le parc {harai)y c'est-à-dire les
vaches blanches, toutes les vaches stériles ou enta-
chées de quelques défauts, les veaux et taureaux, tous
les effets et meubles de la maison, les ânes, chevaux
et mules, la terre avec ses droits, les clients et les plé-
béiens, la responsabilité des dettes de son père et,
enfin, sa veuve. Le reste de la fortune se'partage éga-
lement entre Tatné et les enfants mâles, mais la mai-
son vide est légalement la propriété du plus jeune fils.
Tous les patriciens se garantissent réciproquement
leur propriété. Celui qui la viole est puni d'une amende
regardée non comme une peine ou une vengeance lé-
gale, mais comme un moyen d'établir de la sécurité
dans ce pays de brigandages. Celui qui rencontre dans
le désert, loin de tout village ou champ cultivé, un
voleur qui revient avec son butin, a le droit de prendre
une moitié du produit du vol, et en devient alors l'as-
socié ou complice.
Il n'y a point d'action légale contre celui qui vole
( 476 )
son oncle maternel. On peut voir là une extension de
notre droit, qui n'autorise pas un père à ester contre
l'enfant qui Va volé, car le droit mogareh, ne recon-
naissant pas de femme en justice, semble vouloir la
faire représenter par son frère dès qu'elle a un enfant»
Le voleur pris sur le fait est mis en liberté après
avoir payé une amende de sept vaches ; cette peine
s'applique au vol agricole comme au vol avec effrac-
tion, mais l'amende est portée à dix vaches quand on
•
a dérobé des bêtes à corne, car toutes les législations
primitives ont tâché, en élevant la peine, de mieux
protéger ce genre de propriété, qui échappe plus aisé-
ment à la garde de son maître.
Si le vol est prouvé par T affirmation d'un seul té-
moin, par le serment (gar) du propriétaire, ou par
wotwozam^ le voleur et ses complices sont punis cha-
cun par la restitution multiple de la chose volée. Si, par
exemple, trois voleurs se sont réunis pour dérober une
vache, Chacun d'entre eux doit restituer trois vaches.
Mais si le vol n'a pu être prouvé que par le refus du
voleur de prêter serment, lui et ses complices doivent
chacun restituer cinq fois la chose volée. Cette dispo-
sition de la loi est peu sage, car elle y semble perdre
sa dignité et sa raison uniquement parce que sa proie
allait lui échapper. Ce n'est pas tout: si l'habitant
d' un village est convaincu d'avoir égorgé chez lui une
vache volée dans ce village, une fiction légale prend
pour complice chaque membre de la famille, et même
le pot à bouillon, chaque assiette, etc. S'il y a en tout
une vingtaine de ces complices volontaires et involon-
taires, le voleur doit restituer vingt fois. Bien que cet
(477)
uâ doive évidemment son origine au besoîîi d'établir
la sécurité entre voisins, on conviendra ici sans peine
que la loi devient ridicule en voulant être trop raffinée
dans sa logique.
Celui qui est soupçonné de sorcellerie est expulsé
du pays avec ses proches parents ; mais s'il est con-
vaincu d'avoir tué quelqu'un par ses pouvoirs occultes,
il doit périr ou payer le sang du défunt, et passe léga-
lement pour son meurtrier. Tous les Africains croient à
l'existence des sorciers. Il est de mode, aujourd'hui, de
la nier chez nous ; néanmoins les penseurs qui sondent
sans préjugés les plaies morales de l'humanité, ad-
mettent, comme nos ancêtres le faisaient, selon les
temps et selon les peuples, que tout n'est pas faux
dans ce qu'on nous a transmis sur cet art ou ce mal,
aussi néfaste qu41 est mystérieux.
On connaît la distinction tracée par les Anglais
entre la loi {commun law) et l'acte du Parlement. La
première a chez nos voisins une grande part de la ma-
jesté et de l'immuabilité qui n'appartiennent ailleurs
qu'à la religion, car la loi est le lien pnncipal de la
société, et Ton ne saurait y toucher sans commettre le
crime de lèse-humanité. Le common law est un us
tellement antique que la mémoire â! aucun homme ne
rappelle rien qui lui sait contraire. Au contraire, un
atcte du Parlemept peut être modifié et même abrogé,
puisqu'il sert tant à consacrer quelques décisions nou-
velles de la jurisprudence, qu'à régler cette foule de
différends imprévus qui naissent toujours dans une
société en progrès. Une distinction pareille semble
exister chex les Btlen, et si cette assimilation est juste,
(498)
nous regrettons que M. Munzinger n*ait pas donné la
liste des « sire » ou lois, car elles dessinent au mieux l'es-
prit de la société. Outre le «sire» et le droit mogareh,
ou coutume judiciaire, les Bilen ont aussi les décisions
du mohaber, sorte de parlement on d'assemblée de
notables^ qui commentent et appliquent la coutume
dans les cas particuliers.
L'origine du « sire > se perd dans la nuit dea temps et
doit avoir précédé le divorce des peuples en j^thiopie,
car on y rei,trouve les mêmes prescriptions chou des
tribus qui n'ont plus entre elles aucun rapport aujoi^:^
d'bui, soit pour la langue, soit même pour lai religion.
Le « sire » inspire plus que du respect : c'ost une vnue
superstition» et les Bilen aimeraient mieux commettre
les plus gros péchés que de violer un sire. Heureux le
peuple qui professe pour la loi cette vénération ; mais
en Afrique, comme en Europe, on la donne seulement
aux idées dont l'origine est aujourd'hui perdue dans
la nuit des temps et dans la majesté toujours croissante
des siècles.
C'est un (( sire » qu'un patricien ou une femme ne peut
tirer le lait, l'un sans doute parce qu'il est trop noble,
l'autre, comme les llmorma et les Saho me l'ont expli-
qué, parce qu'elle en est indigne. Le soin des trou-
peaux fait le bonheur et la gloire des Bilen. C'est pour
satisfaire à cette passion dominante qu'un tiers de tout
ce peuple vit à l'état nomade. Il aime tant les vaches que,
hors des cas prescrits par le vieil us, il mange seule-
ment celles qui sont mortes naturellement ou par acci-
dent. L'agriculture est peu en honneur. Elle s'exerce
sur les daga ou hauts plateaux, et c'est dans les an--
( 4^9 )
nées de paix seulement que le soc fécond descend dans
les qualla ou terres basses et chaudes, qui, par le con-
traste des daga voisins, forment dans toute l'Ethiopie
le trait dominant de la physionomie géographique* Le
cours de l'année est divisé en trois saisons : celle des
pluies (kûr^m), l'hiver et Tété. La température varie
entre 17 et 32 grades, et en somme le pays est fort
sain; te sorgbum est la céréale principale ; le froment
est peu répandu, et quant aux légumes on ne cultive
que des fèves et des choux, car le manque d'eau cou-
rante s'oppose au jardinage. Malgré la fertilité du sol,
la famine n'est pas inconnue dans ce pays; entre
autres désastres qui la causent, on doit signaler un in-
secte qui se multiplie assez pour anéantir des récoltes
entières de sorghum. Notre auteur ne dit rien des sau-
terelles, cette calamité dont on se fait difficilement une
idée. Bien que les beaux arbres ne manquent point chez
les Bîlen, on n'y trouve pas une seule forêt.
VI
Le droit et le devoir de venger le sang répandu for-
ment, aux yeux de ces peuples, la partie la plus im-
portante de la coutume comme de la loi. Jusqu'au sep-
tième degré, tous les membres d'une famille sont
mutuellement responsables tie leurs vies, et on les ga-
rantit par le merdat ou droit du talion pour le sang
répandu. L'us est impitoyable et même déraisonnable
à cet égard, car on n'apprécie pas l'intention, et même
dans une guerre déclarée, le cas de légitime défense ne
( A80 )
sert jamais â'excuae. Il a fallu sans doute des lois
aui^ai draconiennes pour maintenir intacte une société
bartif^re où les Uens légaux sont d'ailleurs peu nom-
bi'eux.
Quant à la peine due pour le sang répandu, la cou-
tuipe distiqgue deux cas : Si le meurtrier a été pris sur
le i^t, il est pendu et balancé trois fois en Tair ; s'il
revient à la vie ensuile, il n'a plus rien à redouter : il a
payé la dette du sang» car Tus serait impie s'il s'achar-
nait à ses fins contre la volonté de Dieu, qui est en der-
nier lieu le vrai donneur de vie et de mort. Nous rela-
tons ici l'explication toute religieuse des Tigray et des
Amara, et nous avons peine à croire que cette idée mo-
rale n'ait pas sanctionné la même pratique chez les
Bilen« Kn l'absence du meurtrier, ceux-ci admettent
qu'on venge le sang en pendant le père, le frère ou le
Q}s du coupable.
Si le meurtrier s'échappe avec ses proches et prend
refuge dans les sept degrés de sa famille, et qu'il en-
voie ensuite la vache dite dungub aux funérailles de sa
victime, la famille de celle-ci a le droit ou de pour-
suivre sa vengeance, ou d'accepter le prix du sang,
dçunt le payement éteint toute poursuite.
Oq doit le mirdat pour le meurtre d'une jeune fille,
d'une veuve ou d'une femme divorcée et remise en
liberté ; un père de famille le doit pour avoir remarié
sa fille ou sa parente avant le délai légal qui doit suivre
le divorce, ou s'il a donné en mariage une fille fiancée
à up autre. Le prix du sang est également dû par
celui qui vole uqe personne ^ ses aînés et la vend à
l'étranger, et par celui qui tue au naoyen de la sercelle^
{ h8\ )
rie, cas auquel la déclaration du mourant fait foi eil
justice.
La dette du sang incombe par moitié seulement si le
sang humain a été répandu, n'importe en quelle quan-
tité, mais sans que la mort s'ensuive, ou si Ton a crevé
un œil ou cassé une dent, n'importe par quel moyen.
La moitié du prix est due aussi par celui qui accom-
pagne ou aide un meurtrier, et même par celui dont
la lance ou le sabre tue quelqu'un sans l'intervention
de son propriétaire. L'us a voulu ainsi réprimer impi-
toyablement la violence, et a cru bien faire d'imposer
à des gens grossiers une règle unique plutôt que d'é-
tablir cette graduation des peines, qui exige trop de
connaissances pour être bien appliquée dans une civi-
lisation peu mûrie.
Comme dans nos lois antiques de l'Europe, le prix
du sang est minutieusement réglé quant à la condition
du mort ou du blessé et quant au nombre et à l'âge
des vaches qui seules doivent composer ce prix. Pour
intéresser la vigilance de chaque famille à faire exé-
cuter Tus, on donne la moitié du prix au chef et l'on
partage le reste également entre tous les membres ma-
jeurs de sa famille jusqu'au septième degré. Mais une
sanction plus désagréable, quoique bien plus sûre pour
le rétablissement de la paix, dérive de l'us fort singu-
lier qui ne regarde la vengeance légale comme éteinte,
qu'après que le meurtrier aura donné sa propre fille, ou
la fille de son fils en mariage, au fils de sa victime tuée ;
le meurtrier doit y joindre le cadeau d'usage. Chaque
membre de la famille contribue à ce cadeau pom* une
part égale, de même que pour' fournir le nombre de
XI. jmN. A. 31
( &82 )
vaches qui composent le prix du s^og, et, sauf Tobli-
gation de donner sa fille, le meurtrier n'a pas um part
plus forte que les autres dans cette souscriptipn forcée.
Mais les fondateurs de cet us ont été sans doute pré-
occupés de ridée que la solids^rité de tous les membres
d'une grande famille est la meilleure garantie qu'au-
cun de ces membres ne se livrera à des violences
illégales.
L'acceptation du prix du sang est d'ailleurs faculta^
tive de la part de la famille investie du droit du talion :
on peut la prier, mais personne ne saurait la con-
traindre à y renoncer. On se rappelle, à cet égard, la
coutume légale qui prévaut encore en Espagne : dans
les condamnations capitales, le souverain n'y peut
exercer son droit de grâce qu'après le pardon donné
au meurtrier par le plus proche parent de sa victime.
Si le meurtre n'est pas notoire, on ne peut poursuivre
le prévenu sur les dires d'un petit nombre de témoins
et encore moins d'après des preuves induites des cir-
constances matérielles, mais seulement par le wotwo-
zam ou le serment. Dans ce dernier cas, si l'accusé ne
veut pas prêter le serment qui le déchargerait, il doit
solder la moitié du prix du sang, et toute sa parenté
contribue à ce prix, chacun pour une part égale. On
voit dans cet us le désir de simplifier l'exécMtion de
la loi.
Celui qui fournit au meurtrier un moyen pour émi-
grer à l'étranger n'encourt aucune responsabilité. Cet
us nous semble prouver, entre autres, que l'idée mo-
rale lui a servi de base, qu'il regarde le devoir de
poursuivre le sang répandu non comme une vengeance,
( 48S )
tnais comme l'égide d'une société peu munie de liens
et qu'il suffit à la loi coutumière que la présence d'un
criminel ne souille plus le sol de la patrie. La maxime
de laisser vivre, s'il est possible, est en effet la base
fondamentale de toute société.
Le droit du talion s'exerce sans aucune forme légale,
car ce qui est dans le sang doit être antérieur à tout
us. Il est à peu près inouï, chez les B/len, qu'une exé-
cution ait été précédée d'un procès en forme. Nous
avons remarqué que les T/gray et les Amara sont, à
cet égard, beaucoup plus scrupuleux (jue les troupes
errantes des pasteurs belen .
Le talion n'est pas seulement un droit, mais un de-
voir sacré. Hors les cas cités, le sang répandu n'est
jamais pardonné. Avec le lait de sa mère, l'enfant suce
ridée de vengeance, et ces représailles atroces et fré-
quentes soDt la cause principale, selon M. Munzinger,
de la dépopulation des frontières éthiopiennes. On
peut affirmer qu'il ne s'y trouve pas un village sans un
cas de sang à venger ou à payer, et jusqu'ici, sur dix
patriciens bflen,. à peine un seul mourait-il tranquille-
ment dans son lit. Mais quel frein peut exister dans un
pays où personne n'exerce l'autorité suprême et où la
religion n'est plus qu' un mot vide de sens ?
Le législateur ne peut que définir et réprimer les
crimes et les délits : l'homme d'État parvient quelque-
fois à en diminuer le nombre en intéressant ses sujets
à ne pas les commettre, en arrachant avant leur matu-
rité ces mauvaises herbes de l'état social ; mais le mo-
raliste, le prêtre surtout, peut seul empêcher la graine
de perversité de germer dans le cœur de Thomme, en
( hU )
habituant chacun à pratiquer^ en les chérissant, la
vertu et le devoir.
« Tout mon écrit, dit M. Manzinger, a pour sujet un
droit sans juge ni gouvernement, et, parmi les garan-
ties de ce droit, il ne me reste qu*à parler de la reli-
gion. »
Les Bilen se nomment Kostan, c'est-à-dire chrétiens,
et, comme preuve de leur croyance, ils s'abstiennent
de la viande des bêtes égorgées par les musulmans,
de celle des lièvres, des éléphants et des autruches. Le
dimanche s'appelle grand sabbat, mais, comme en Ha-
masen et en Gojjam, on évite aussi de travailler le.
samedi. Il n'y a que deux églises en pays bzlen, et les
prêtres héréditaires qui y sont attachés n'ont d'autre
fonction que d'aller, aux fêtes principales, frapper les
deux pierres sonores suspendues près de l'église et qui
tiennent lieu de cloches. Il n'est pas question de con-
sécration cléricale ni d'instruction religieuse et même
je ne saurais affirmer qu'aucun des prêtres actuels ait
reçu le baptême. L'église n'est que le monument muet
et mystérieux d'un passé inconnu. Quand les pluies
manquent, les femmes du village marchent en proces-
sion autour de l'église en chantant : <c Seigneur ! par-
donne-nous, ô Christ ! ]> Un fait analogue, une même
naïve pauvreté d'esprit existe dans Moca, sur la fron-
tière du Kaffa, où l'on ignore le nom du Christ, mais
où l'on invoque Marie. Le prêtre principal de Karan^
la capitale des B2len, est un homme opulent, qui se
croit fort habile, qui ne s'assied jamais sans invoquer
la Sainte-Trinité, mais qui ne connaît pas Y Oraison
dommicaie.
( 485 )
Le troupeau est à l'avenant du pasteur : on vénère
beaucoup la sainte Vierge, mais personne ne la regarde
comme la mère du Rédempteur. Notre aluteur dit, à ce
propos, que c les égarements des Éthiopiens dans leurs
vues dogmatiques viennent de l'inhabileté (hûlflosig-
keit) de la langue éthiopienne à traduire les symboles
grecs ». Il convient de protester contre une opinion pa-
reille : la langue gviz, usitée partout en Ethiopie pour
les choses saintes, n'est pas, comme organe de la pen-
sée, inférieure aux autres langues de la grande famille
des Sémites qui ont établi trois religions dans le monde.
Quelques termes gi*iz ont été détournés de leur vrai
sens par des sectes dissidentes ; mais un évêque napo-
litain, Mgr de Jacobis, qui a enseigné vingt ans en
Ethiopie, a trouvé des croyances très-raisonnées et
très-pures parmi les habitants du Bagemder, qui de-
vaient toute leur théologie à la langue griz.
Quant aux sacrements, des moines venus du Sud, et
faisant une tournée chez les Belen, doivent avoir de
temps en temps administré le baptême. Çà et là, toute-
fois, ces pauvres missionnaires étaient tués, ou vendus
dans le Barka, par leurs néophytes, et leur zèle, mé-
connu par les hommes, n'a pu être récompensé que
par Dieu.
Le peu de religion qui languit encore dans ce pays
est étouffé par la superstition. On y croit aux charmes,
et peu importe qu'ils soient écrits par des chrétiens ou
par des musulmans. Comme partout ailleurs en Ethio-
pie, on croit aux songes, aux présages, à la divination
et à toute la horde des sciences dites occultes. Toute
la religion des B2len est une affaire de tradition, un
( A86 )
simple nom^ mais il est respecté comme un héritage de
leurs ancêtres.
Par bonheur, ce tableau affligeant n*est plus vrai que
dans le passé. Grâce à la mission dont nous avons pro-
voqué rétablissement en Ethiopie, et qui a choisi un
de ses sièges chez les Belen, cette petite, mais valeu-
reuse nation renaît à la vie sociale. Le pays est devenu
plus sûr ; les. invasions de Webe et des Turcs ont élargi
les faibles notions de la géographie. Les vieux enyient
les jeunes, qui, plus sages que leurs pères, apprennent
à prier et à épeler. Ces tribus ont beaucoup de saga-
cité, surtout dans les questions de droit, et j'ai connu,
dit notre auteur, plus d'un juge de village qui aurait
été en Europe un excellent président de cour.
Les philosophes et les moraUstes qui narrent l'his-
toire des nations^ ou qui sondent les abîmes du cœur
•humain, diront que, malgré de légères erreurs dans
son fécond volume, écrit d'ailleurs en pays sauvage,
sans conseils et sans bibliothèque, M. Munzinger a bien
mérité* de la science humanitaire en nous révélant,
avec les cachets évidents du soin et de l'impartialité,
une nation des plus intéressantes, à peine connue avant
son travail si consciencieux (1) .
(0 Avril, 1863.
Voyezj poar les premières notices sur le pays Btlen, mes lettrts
ôahÈ le Èûllem ae Id ÈiiUilétë éé IJàigràphièt t. lit (1839), p« ÎSi,
t. XIV (1840), p. 114, et t. IVI1I(1841)» p 186. Le nom oaUoDal,
Bilen, ne m^a pas été donné da»s ces renseignements. Jeneraieuqu*en
faisant mon Tocabutéir» di leUMângitë éti 1649. U est à reiharqaer
que les citations de M. Munzinger sont en langue tigre etquMi donne
à peine tjuètqués mots de BIJëd, toit dans les chansôiis, ibit dans léd
termes de dr&it ^u'il a eu la précaution de décrire eq \e$ traduisant»
Nous comptons qu'il nous donnera bientôt rèxplicatiop de cette ano-
malie apparente.
( tô7 )
CARTE D'ITALIE
DRKSSÉK
PAR L'ÉTAT-MAJOR ITALIEN.
PAR C. MAUNOIR.
En 18Ô2 paraissaient les premières feuilles de la
carte à 1/50 000* des ci-devant États sardes (1), dres^
sée par Tétat-major piémontais et exécutée au Bureau
supérieur d état-major^ qui correspond à peu près à
notre Dépôt de la gderre. Cette carte, gravée mt
pierre, se compose de 94 feuilles, dont h restent encore
à paraître (Mont-Blanc, ValorsincVinadio, feuille d*ex-
plications) : elles seront prochainement publiées. Outre
cette carte, le gouvernement sarde en a fait établit*
une réduction à l'échelle de 1/250 600' ; publiée de
18A2 à 1852, elle se compose de 6 feuîtles gravées sur
cuivre, avec une remarquable habileté; TuD de nos
collègues, dont nous regrettons 1^ perte récei^te,
M. Lecocq, a dirigé cette partie du travail. Ënân^ efi
1846, une carte générale à 1/600 000* venait compléter
ce bel ensemble de documents sur les États sardes. Les
travaux de la carte à 1/50 000"" ont été exécutés sous
la direction des généraux Annibal de Saluces, de Sa»
(1) Voir pour Thistorique et ie8 détails de Texécution de cette carte
la précieuse collection des notices annuelles sur la cartographie en
Europe, publiées par M. le mijor de Sydow dans les ItHltheilungep
de Petérmann» — Voir aussi un article do Spectateur miiUMre^ 2^ ié-
rie, I. XLVl, «864.
( 488 }
lasco, Franzini, délia Rocca, GoUato et Ricci, qui se
sont succédé dans le commandement du corps d'état-
major et dans la direction du bureau supérieur de ce
corps. La géodésie a été dirigée par le colonel Basso et
par le capits&ne Borson, aujourd'hui lieutenant^olonel
à l'état-major français. La topographie fut faite sous
la direction des colonels Muletti et d'Aiberti et du
major Righini.
Après les événements de 1859, un des premiers
soins du nouveau gouvernement italien fut de pourvoir
à l'établissement d'une carte complète du royaume.
Dès le mois de mars 1862, on envoya en Sicile des
officiers qui, au nombre de sept en moyenne chaque
année, ont travaillé sans relâche, sous la direction du
colonel Devecchi et du major Ghio, à la triangulation
de nie. Cette opération a été terminée dans le courant
de 1865. Elle s'appuie sur une ligne de base de
3692"', 08955, mesurée à deux reprises dans la plaine
de Catane au moyen d'un appareil de Bessel, construit
chez Ertel, de Munich ; la différence entre les résultats
de ces deux mesures a été de 0^,00655, c'est-à-dire
environ l/56â 677* de la longueur de la base. Le réseau
géodésique sicilien franchit le détroit de Messine et
va se rattacher à l'un des côtés de la triangulation
exécutée naguère sur le continent par les officiers na-
politains ; les déterminations de la longueur de ce côté
par les Napolitains et par les Italiens ont donné une
différence df 0",16, soit à peu près 1/184 234* de la
longueur du côté qui est de 29 û47",61.
La géodésie de la Sicile a été exécutée à l'aide de théo-
dolites de Garabey, d'un diamètre de 22 à 27 milli-
( A8Ô )
mètres, et accusant au vernier de 3'' à 5". La triangu-
lation de 1*' ordre a été contrôlée par une seconde
opération faite au moyen d'instruments universels réi-
térateurs de 8 à 10 pouces de diamètre, construits par
Pistor et Martin, et donnant à la lecture micrométrique
des fractions de 1". Cette partie du travail exigeait des
soins tout particuliers : elle devait, en effet, fournir
des données, non-seulement pour l'établissement de la
carte, mais encore pour la mesure d'un arc de méridien
à travers l'Europe centrale, entreprise par la Prusse,
sous la savante direction du général prussien Baeyer
et avec le concours de plusieurs des États européens.
La limite de tolérance imposée aux opérations dû
1" ordre était de i" pour les directions angulaires et
de 1/250 000* pour les longueurs. Il n'a pas été fait
d'observations astronomiques : on est parti de l'obser-
vatoire de Palerme, mais daiis le but de rattacher géo-
désiquement la Sicile au littoral de TAfrique, on se
propose d'établir, dans l'île, trois ou quatre observa-
toires temporaires pour établir régulièrement les don-
nées astronomiques nécessaires à cette liaison.
La triangulation de l'Ile de Sicile se compose des
éléments suivants :
Points. Triangles.
!«' ordre 55 80
2« ordre 92 293
3« ordre 118 253
Détail 599 1 065
Total 864 169f
Ces déterminations permettront d'établir 30 points,
au moins, sur chaque feuille qui représente 35 kilo-
mètres sur 25, soit 875 kilomètres carrés.
( A90 )
La géodésie, terminée en Sicile, a été entreprise et
Bifime assez avancée dans les Galabres et les anciennes
provinoes napolitaines } une base de vérification sera
mesiu-ée dans la plaine de Foggia (1).
Pendant qné se poursuivait la triangulation^ les tra-
vaux topograpbiques proprement dits, les opérations
du levé, étaient entrepris en mars 1862 et conduits
avec beaucoup d'activité. Les levés de la Sicile et des
îles italiennes adjacentes constituent, dès aujourd'hui,
5A feuilles à l'échelle de 1/50 000% dont chacune a
O^'./O sur 0*^,50, et représente, comme nous l'avons
dit ci-dessus, 876 kilomètres carrés de pays. Dans le
courant de 1866, on aura terminé la topographie de la
Sicile et du littoral des Galabres* Ces travaox ont été
pendant ces cinq années exéoutés sous les ordres d'un
directeur et d'un sous-directeur, officiers supérieui-s
d'étftt-major.
Poar faciliter l'exécution des levés, ohaque feuille
est divisée en deux planchettes, dont chacune a 0*° ^50
sur O'^tib. Toutes les feuilles n'étant pas égaleoient
remplies, le nombre réel des planchettes n'est que de
85 pour les SA feuilles. L? levé de chaque planchette
a été exécuté par un capitaine ou un lieutenant d'état-
major dans Téspace d'à peu près 8 mois, pour un ter-
rain découvert et peu accidenté ; de 10 mois pour un
terrain couvert, boisé ou montueux. Les 85 planchettes
ont été levées en cinq ans par dix-sept opérateurs, en
(1) En 1814, sous la domination française, il avait été mesaré une
base (Castel-Voiturno — Patria) qb peu au nord de Naples; elle a
serti à détermioer le cdté Coccozzo-Mootdiiero de la iriaflgutttioa
actuelle.
( 491)
moyeDBe, chaque iipnée« L'instnioient em|doyé pour
les levés est uniquement la planchette prétorienM^
avec deu]i stadia, partant à 100(X on 1200 mètres^ et
une lunette à éolimètre axée sur une alidade. On n'a
pas eu besoin pour TUe de Sicile, qui né présente pàë
de larges étendues de pays boisé, de reeoûrir à la bous-
sole ; mais cet instrument deviendra indispensable dans
les Calabres que couvrent de vastes forêts*
Le relief du terrain est figuré, sur les feuilles, par
descourl^es équidistantes de 10 en 10 mettes» Tout
officier est tenu de fournir, outre ses levés, un mémoire
descriptif, statistique et militaire sur. les communes
qui se trouvent comprises dans retendue de son cbamp
d'opérationSé Toutes les villefâ cbéfs^lieux de provinèes
ont été levées à récbeile de 1/10 OOO'i
En tenant compte de tous les frliis pour la géodésie
et la topographie, on peut évaluer à environ 16 franos
par kilomètre carré le prix de revient des levés de l'île
de Sicile.
Les officiers italiens attachés aux services géodé^t
sique et topographiqvie^ aussi bien eH Sioile que dans
les Calabres et Tancieii royaume de Naples^ acoomr
plissent une lâche qui leur crée des droits sérieux à la
gratitude de la science et de leur pays. Bon nombre
parmi eux ont été obligés de vivre, pendant des se^
maines entières, sous la tei:)te et loin de teut centre
peuplé; apx difficultés mêmçs du terrain ^ qui sont
grandes en Sicile et en Galabre, il faut ajouter les
embarras causés par l'absence de chemista et de
moyens de transpt^rt : rhostilité de populations igno^
rantes elj fanatisées n'était d'ailleurs pas iUte poUr
( 462 )
Alléger la tâche : en certains endroits même, les topo-
graphes ont dû opérer sous la protection d'une escorte.
Enfin, pendant les travaux que n'interrompaient Tété ni
rhiver, ces courageux officiers ont eu à supporter
d'énormes différences de température : d'une part,
c'était le froid et les neiges ; de l'autre, les ardeurs
d'un soleil saharien. L*idée d'accomplir, en même
temps qu'un devoir, une œuvre utile au pays, n'est pas
de trop pour soutenir l'homme au milieu des dures
réalités d'une semblable existence ; et le courage, en
pareil cas, a d'autant plus de mérite qu'il s'exerce d'une
manière longue, soutenue, loin des applaudissements
réservés aux palmes cueillies sur le champ de bataille.
Il n'a rien encore été décidé quant au mode de re-
production de l'œuvre qui sera publiée à Féchelle de
1/50 OW ; on réduit les minutes des levés et on les
réunit en feuilles à l'aide de la photographie, dans
l'atelier photographique du bureau d'état-major, en
attendant qu'une détermination soit prise quant à la
gravure; cette détermination sera subordonnée aux
résultats que produira un procédé imaginé par M. Avet,
colonel au corps d'état-major italien, et d'après lequel
il deviendrait possible d'obtenir directement sur une
planche de cuivre l'épreuve photographique des mi-
nutes. Ce procédé, pour lequel le colonel Avet a pris
des brevets en divers pays, serait, on le comprend,
une simplification précieuse du travail; le jour où de
nouveaux essais, des perfectionnements de détail auront
rendu .l'idée tout à fait pratique, on commencera à la
mettre en usage pour graver les feuilles de la nouvelle
carte d'Italie. Le bureau d'état-major fait revoir, pour
( ÀÔ3 )
la mettre âu courant de l'état actuel des choses, la
carte de la Lombardie et de l'Italie centrale que le gou-
vernement autrichien avait fait publier à 1/86 &00* ;
cette partie de Tœuvre sera réduite à 1/100 000*. Enfin
une dizaine d'officiers sont occupés, chaque année, à
exécuter le long du cours du Pô des levés à l'échelle
de ^/^oooo^
Pour répondre aux besoins les plus immédiats, le
bureau supérieur d'état-major a fait paraître, en 1865,
deux cartes : l'une à 1/600 000% composée de 6 feuilles,
donne l'Italie septentrionale et l'Italie centrale jus-
qu'aux environs de Naples ; l'autre, à 1/640 000*, est
composée de 4 feuilles, qui donnent Tltalie méridio-
nale et la Sicile ; cette dernière est une reproduction
de la carte dressée sous l'ancien gouvernement napo-
litain.
On peut donc espérer que d'ici à quelques amiées
lîous verrons combler une regrettable lacune dans la
géographie de l'Europe méridionale.
Ainsi, à côté des efforts par lesquels l'Italie cherche
à se constituer d'une manière solide et complète,
elle poursuit silencieusement des opérations qui n'ont
de retentissement ni dans la tribune ni dans les feuilles
publiques, mais dont les résultats seront d'une grande
portée pour l'organisation du nouveau royaume en
même temps que d'un haut intérêt pour la géo*
»
graphie.
(A(tt)
Analyse», Rapports, ete.
RAPPORT
DE LA SECTION DÉ COMPTABILITÉ
SUR LES COMPTES DE 1865
ET SIJB UB BUDGET DE i8««.
Messieurs, , — Ordinatirenieot votre Section de
comptabilité a rhonqeur 4e vqi|3 présenter en poème
temps le compte de vos Recettes et Dépenses pour
l'exercice de Tannée qui vient de s'écouler, et Je
projet de Budget pour l'année qui commence.
Cette année elle sç trouve dans la nécessité de vous
présenter d'a))ord la première partie d^ son travail,
c'est-à-dire le compte rendu de l'exercice de 1 866, et
de subordonner la présentation complète du projet
de budget de 1866 à 1^ décision des questions sur
lesquelles elle va appeler votre attention . L'e^^posé de
ce qui s'est passé en 1 865 yous fera sentir, messieurs,
la nécessité de cette marche^
Il s'est produit pour la première fois, dans le cours
de cette année, au seip de votre Société, un fi&it qaî,
s'il se répétait, pourrait y porter bientôt upe pertur-
bation regrettable. Le voici,
JusquMci les budgets proposés par votre Sectiop
de comptabilité et adoptés par la Commission centrale,
étaient regardés comme une loi respectable et respectée
que personne ne se croyait le droit d'enfreindre.
Chacun, en ce qui le concernait, se renfermait dans
la limite des dépenses. Si, dans le. cours de l'année,
( WB )
une qfîadifiçation» q'allant jaofiais jiisqu'^ porter fine
atteÎQte profonde à réconomiç do budget, était jugées
oécegoair^, elle ét^it rçnyoyi^e à Texamen de la Section
de comptabilité, qui Vemm^^t 6t la ^oiipiettait ensai(#
au vote de la Comwssiou içeQtrale,
En 1865 les choses se sont passéçs.diiférefiameQt.
Vos dépenses^ qm vous ayiez fixées pour ©et exercice
à i60â0 francs, se 3opt é}eyées« sous l'influeuee d'en^
trainemepts divers, ^ 21 221 fr, 31.
Qui avait le droit d'autoriser de son chef ces excé-
dants de dépense de 6 201 fr. 31, c'est-à-dire d'un tiers
en sus des dépenses prévues ?
Votre Section de comptabilité û' hésite pas à ré-
pondre I Personne.
Qui a en fait autorisé ces excédants ? Votre Section
de comptabilité n'a pas cru devoir le rechercher,
car il est loin de sa pensée de vouloir faire une question
de personnes au sujet d'infractions auxquelles chacun
s^est laissé aller de son côté sans calculer les consé-
quences de leur ensemble.
Pour bien apprécier l'état des choses, mettons en
regard la situation qui serait résultée de la fidèle exé-
cution du budget de 1865, et la situation qui a été la
conséquence des infractions qu'on lui a fait subir.
Au 31 décembre 1864, vousaviez en caisse, messieurs,
un reliquat de 3 A50 »
Vous aviez présumé que vos recettes
s'élèveraient, dans le cours de 1865, à
14 560 fr. , elles ont atteint. ..-...•. 18 453 50
Ce qui, avec le reliquat de 1864, forme un
total de recettes de 21 908 30
( A96 )
Vous avie2 fixé vos dépenses à 16 020 fr. En supposant
que^ conformément au faible écart qu'elles atteignent
habituellement, elles se soient élevées à.. 16 500 >
nous vous présenterions aujourd'hui un
exercice se balançant par un excédant de
recettes de 5ii03 80
c'est-à-dire avec un excédant en caisse ^
supérieur de 1 953 30
à l'excédant de 186A, qai était de. . . • 3 i50 »
Dans cette situation financière, vous auriez pu,
messieurs, sans troubler l'économie habituelle de vos
finances, employer 2 et même 3000 francs soit à un
accroissement de dépenses en 1866, soit à une acquisi-
tion de rentes qui aurait élargi et consolidé la base de
votre Société.
Au lieu de cela, quel a été le résultat du système des
infractions?
Les rex^ettes effectuées, réunies a l'excédant de caisse
de fin d'année, c'est-à-dire à la somme qu'il est ton-
jours sage de réserver pour les éventualités de Tannée
qui s'ouvre, se sont élevées, comme nous l'avons déjà •
dit, à 21 903, 30
tandis que les dépenses qui, d'après les
limites fixées par votre budget, n'auraient
pas dû dépasser 16 500 francs, se sont
éle\tées à 21 321 31
Ce qui ne vous laisse en caisse au 31 dé-
cembre 1865 que ô81 99
somme bien insuffisante pour faire face aux dépenses
du premier trimestre de l'année et aux moindres dé-
penses imprévues.
( A99 )
ïelle est, messieurs, la situation produite par ieâ
infractions budgétaires sur lesquelles votre Section de
comptabilité appelle toute votre attention.
Recherchons maintenant la nature et l'importance
des diverses dépenses qui ont accru le chiffre total fixé
par le buget.
Le chapitre I, personnel y et le chapitre II, frais de
logefnent^ n'ont éprouvé aucune modification.
Le chapitre III , frais de bureau^ a dépassé de
843fr. 30 le crédit prévu.
Cette augmentation est motivée par le tirage à part
de plusieurs articles du Bulletin, —par l'impression de
circulaires relatives au nivellement de la France, à un
projet de voyage proposé par M. Lejean, — et par celle
de diverses lettres de convocation.
Pour le chapitre IV, matériel^ on s*est renfeimé,
à 33 fr. 75 près, dans le crédit ouvert.^
Le chapitre V, publication du Bulletin, Cette dé-
pense prévue sur la moyenne des années précédentes
à 5500 francs, s'est élevée à 9568 fr. hh. C'est sur ce
chapitre que pèse la plus grosse part de l'excédant des
a
dépenses anormales que nous signalons, puisqu'elle
s'élève pour ce seul chapitre à 4068 fr. â4.
Cet excédant est résulté d'abord de l'augmentation
du tirage du Bulletin, porté de 600 exemplaires à 800,
par suite de l'accroissement des membres de la Société
et d'un plus grand nombre d'abonnements à servir au
ministère des affaires étrangères. On a agi à cet égard
sous l'empire d'une heureuse nécessité; mais cela ne
dispensait point d'agir régulièrement et d'en référer
à la Section de comptabilité , qui aurait probablement
XI. JUiN« 5, 32
( 498 )
prémuni contre le surcroît dç dépenses provenant du
développement donné aux Bulletins par l'inaertion
qu'on y a faite d'un trop grand nombre de cartes et de
tableaux dispendieux, et par des corrections et des rema-
niements d'épreuves dépassant les limites ordinaires.
Chapitre VI, publication des Mémoires. Aucun crédit
n'avait été porté à ce chapitre. Il ne dqvait lui en être
attribué qu'en 1866 pour clore la série de vos Mé-
moires in-â°. Malgré cette absence de crédit, on n'a
pas moins engagé ce chapitre pour 195 francs, consa*
crés par anticipation aux frais de la carte qui illustrera
la fin de l'œuvre de M. N. de K-hanikof, dont le texte
exigera, en 1866, une dépense évaluée à 500 francs.
Chapitre VII, placement de capitaux. Ce chapitre
n'a pas été plus exempt qu'un autre de perturbation ,
et bien que l'infraction qui a été faite n'ait point été
regrettable pour la Société, puisque la somme dépensée
en sus du créclit alloué a été employée à compléter
1 *200 francs de rentes que la Société possédait avant
1848 et qu'elle avait été obligée de vendre à cette
époque. Noua ne pouvons néanmoins nous empêcher de
remarquer que cette dépense, tout utile qu'elle était au
fond, a été cqmme les autres irrégulière dans la forme.
En vous présentant ces observations, messieurs,
votre Section de comptabilité n'entend en aucune façon
faire d'imputations personnelles à l'égard de qui que
ce soit, ni s'immiscer dans les attributions de la Section
de publication. Son unique but est de faire sentir la
nécessité pour la Société de se renfermer dans les
limites fixées par le budget de chaque année et de ne
faire aucuns virements, si l'on en croyait quelques-uns
{m)
néce^sfûr^Sy sans en référer à la Section de comptabilité.
Ceci bien entendu, voyons, messieurs, comment il
conviendrait d'établir le budget de 1866.
Commençons par les recettes, ^Qn\ oq peut fixer les
cbii&es de la manière suivante :
ClMpitre I, Pr4M)iilt ordinaire des rtoptioos (tSO
membres) • • • • t 1 0 OÛO »
— II. Produit extraordinaire des réceptions. . • 2 000 »
— III. Produit des publications 1 000 »
-^ IV. Allocation de TEmpereur et souscription
des ministres 3 31^9 80
— V. Revenus de la Société i 390 »
— Vf. Recettes imprévues Mémoire .
— VII. Solde de compte de Tannée précédente
(1865).,... 581 99
Total 18 301 79
Quant aux dépenses ^ elles se composent fie huit
chapitres, sur sept desquels il n'y a pas de discussion.
C'est sur le chiffre du chapitre V seul, publication du
Bulletin^ que se portent des nécessités et des vœux
d'augmentation i car le tirage du Bulletin a été porté
de 000 à 800 exemplaires, et à l'avenir les travaux qui
trouvaient place aux Mémoires in-4** , devront dans
une certaine mesure figurer au Bulletin.
* Pour donner à cet accroissement de crédit toute
l'étendue doiat il est susceptible, déterminons d'abord
les dépenses que nous qualifierons d'obligatoires et
sur lesquelles il n'y a rien* à retrancher.
Chapitre I. Personnel , 2 260 40
— II. Frais de logement â 959 91
— III. Frais de bureau * 1 500 . »
— IV. Matériel : 540 »
— V. Publication dn Bulletin Réservé.
Af$porter 1 260 SI
( 500 )
Report t 260 31
Chapitre VL FablicalioD de mémoires (dernier crédit). 500 u
— VU. Placement de capitaux 1 200 »
— vni. Dépenses générales et imprévues (prix et
secrétariat) i 800 »
ToUl 10 760 31
En déduisant du montant des recettes présumées
pour 1866, qui est de 18 301 79
Le total des dépenses indispensables por-
tées aux sept chapitres ci-dessus, qui est de 10 760 31
Il reste disponible une somme de. . . . 7 ôAl AS
sur laquelle nous vous proposons d'appliquer 7 000 fr.
au chapitre V ci-dessus réservé, publication du Bulle-
tin. Si vous adoptez cette disposition, le budget
de 1866 se trouverait établi de la manière suivante :
Recettes 18 301 79
Dépenses 17 760 31
Excédant en recettes 541 48
Ce crédit de 7000 francs alloué à la publication du
Bulletin, donne 583 fr. 33 par numéro, et est en rapport
avec la dépense faite pour les bulletins des cinq der«
niers mois.
Pour que ce chiffre ne soit pas dépassé, il serait
nécessaire que chaque bulletin n'excédât pas six'
feuilles et que la dépense des cartes n'excédât pas
1000 francs par an.
Appelons aussi l'attention sur un détail tout maté*
riel, mais qui ne laisse pas que d'exercer une influence
préjudiciable sur la dépense du Bulletin, nous voulons
parler de l'abus des corrections.
Plus d'une fois déjà votre section de comptabilité
s'est vue dans la nécessité de faire observer combien
( 601 )
il était essentiel de ne livrer à Timpression que des
manuscrits nettement écrits et suffisamment revus pour
n'occasionner que des corrections typographiques;
mais, loin que cette recommandation ait été écoutée, le
mal a toujours été croissant, et il est arrivé à un tel
point que nous devons vous en signaler les résultats.
Ainsi, en 1863, la dépense des corrections a été en
moyenne, par feuille d'impression, de 7 fr. 88 c.
En 1864 de 11 fr. 52 c.
Et en 1865 de 21 fr. 20 c.
Ce dernier chiffre est presque égal à celui de la
composition, qui est de 25 francs par feuille.
Or, les douze numéros du Bulletin formant, à raison
de cinq feuilles par numéro, un total de soixante feuilles,
si aucun remède n^était apporté à l'abus que nous si-
gnalons, il en résulterait pour les corrections seules
une dépense de 1272 francs par an. Cette dépense a
été plus considérable en 1865, dont les deux derniers
bulletins contiennent vingt-deux feuilles d'impression.
Nous ne doutons pas, messieurs, qu'il ne suffise
d'avoir appelé votre attention sur le relâchement au-
quel notre Société s'est laissé entraîner, l'an passé, en
ce qui concerne les règles d'une bonne comptabilité,
pour que nous nous attachions tous à rentrer dans des
voies plus sévères.
Nous livrons donc à vos votes le projet provisoire
de budget que nous avons établi dans ce rapport,
et si vous l'adoptez, nous avons la confiance que les
dispositions en seront fidèlement observées.
( 502 )
Le Rapport ci-dessus est mis aux Toit et adopté dans loutes
ses condusions. £n conséquence le Budget de 1866 â 6té
arrêté et voté de la manière suivante t
DÉPENSES.
Chapitra I. t^rsonnel S 260 40
-^ il. Frais de logement ». 3 959 91
— III. Frais de bureau 1 500 »
— iV. Matériel 540 »
— V. Publication dn Bnlletin;. . . » 7 000 »
— VI. Publication de Mémoires (dernier crédit). 500 »
— VU* Placement de capitaux. .... « ..,...« k . 1 200 »
— VIIL Dépenses générales et imprévues (prii et
secrétariat) 1 800 »
TloUl 47 760 31
EECEtTEs.
Cllapiira I. Produit ofdittaire des réeétiHon» (tlo
membres ) 10 000 *
— II. Produit extraordinaire des réceptions . . 2 000 »
— III. Prodttitdet pttblicaaoni lOOO »
— IVt Allocation de l'Empereur et sottloripttonl
des ministres 3 329 80
— V. (téVtïnni de la Société i 300 s
-^ Vf. Becettea împréTVM. . . k i . ». i . i ..... • Ifëmoirab
— VIIi Solde de compte de Tannée précédente
(1 865) 58i §9
Total 18 801 79
Recettel ,,.., .;.... is ^1 H
Dépenses ^ 4 * 17 760 31
Excédant en recettes « . . . . 541 48
Les membres de la Section âé ôômptabHUé :
N. LefeéVre-DUruflé, président, rapporteur,
É0OÛÀRD Cûarïon, Mâxîmin Deloghe,
& JAGOBS^ GABRIEL LAlKlêtD, POCt AIN DE
Sossât; ÀRtHUS^BffiRTiiANDi secrétmre,
J. J. DUBOCHET et Lecocq, adjoints.
( 503 )
Commanlcations, été.
-' ■ - - . f
NOUVELLE NOTE
SUR L'INSCRIPTION LATINE RELATIVE AU NOM GÉOGRAPHIQUE
DE €ENÂBUM
ET SUtl L'EMPLACEHËNT DÉ CEtTE TILLE.
DE M, E. DESJARDINS
A Ja suite d'une communication orale que j'ai eu
l'honneur de faire à la Commission centrale, à la
séance du 17 mars 1865, j'ai donné, sur l'invitation
de M. d'Avezac, quelques explications touchant un mé-
moire épigraphique lu à l'Académie des inscriptions par
M. Léon Renier, à la séance de ce mémo Jour. Ce mé-
moire était relatif à une inscription mentionnant le nom
de Cenabum. Je terminais cette explication analytique
par ces mots : < Les conclusions de M* Renier pa-
raissent devoir être considérées comme définitives et
sont favorables à l'opinion de d'Anville, qui place Ge-
nabuniy ou plutôt Cenabum^ à Orléans et non à Gien,
comme le voudrait l'abbé Lebeuf. L'inscription a été
trouvée à Orléans, et elle prouve que Cenabum, au
premier siècle, n'était qu'un vicm de la cité des Car-
tiutes. » Voyez le j8t///c^m d'avril 1865, p. 369, 6t
pour la discussion à laquelle cette communication a
donné lieu, voyez le Bulletin de mars, p. 279-282.
Notre confrère, M. Alfred Demersay, cita à l'appui
( 504)
de Topinion de Lebeuf, c'est-à-dire de ridentification
do Cenabum avec Gieriy les textes de César, le nom de
Génabie donné encore à un quartier de Gien, et les
ruines situées à une demi-lieue de cette ville moderne
et découvertes il y a trois ans seulement. Tous ces
faits sont consignés dans un travail de M. Bréan, ingé«
nieur civil» alors résidant à Gien.
L'inscription expliquée par M. L. Renier , dont le
mémoire a été publiée dans la Revue archéologique de
Paris et analysée dans le neuvième volume des Comptes
rendus de l'Académie des inscriptions, a peut-être
ajouté quelque poids à Topinion de d'An ville. Les ha-
bitants de Gien s'en sont émus, et M. Bréan a proposé
une interprétation différente de celle de M. L. Renier.
Le Bulletin de notre Société (mois de juin, p. 577-
579)y dans son impartialité bien connue, a donné asile
à la note de M. Bréan. Privé d'assister aux séances par
un voyage imprévu et par une longue maladie, je n'ai
pu répondre un mot et faire un redressement néces-
saire à la suite de l'insertion dont il s'agit. Il importe
de le faire, quoique tardivement, et je laisse la parole
à l'homme le plus autorisé de France en matière d'épi-
graphie.
« La restitution proposée par M. Bréan pour l'in-
scription d'Orléans, restitution que la Société de géo-
graphie semble avoir adoptée, puisqu'elle l'a admise
sans observations dans son Bulletin (juin 1855,
p. 578), est non-seulemen.t contraire à toutes les habi-
tudes épigraphiques des Romains, elle est évidemment
fausse, car elle signifie tout le contraire du sens que
M. Bréan a voulu lui attribuer.
( 505 )
» Cette restitution est ainsi conçue :
Cùm ou AurELIVS MAC er
AtePOMAKI filius
fusiS SENONIbus
tutoR'GENAB ensis
qVOS SIBI
adscit
et voici comment M. Bréan la tradait :
€ Cornélius ou Aurelius Magnus, fils d'Atepomare,
» protecteur des Génabes mêlés aux Sénons, se les
> affilie. )>
» Cette traduction est évidemment erronée, le texte
dont il s'agit ne pouvant signifier autre chose que ce
qui suit, si toutefois il signifie quelque chose :
« Cornélius oti Aurelius Macer, fils d'Atepomare,
)) (fusis Senonibm) les Sénonais étant défaits, {tutor
n Cenabensis) tuteur cénabien, (quos sibi adscit) les-
» quels il s'associe. »
» Suivant M. Bréan, ce sont les Sénonais qui sont
vainqueurs ; suivant sa restitution, ce sont eux qui
sont vaincus.
> Qu'est-ce d'ailleurs qu'un tuteur cénabien {tutor
cenabensis) ? Il est vrai que M. Bréan traduit ces mots
par protecteur des Cénabes.
» Cette restitution, de plus, n'est pas latine; car
à quoi, par exemple, se rapporte le quos de la der-
nière ligne ?»
Il n'est donc pas inutile de rappeler que l'épigraphie
est une science positive qui ne laisse rien à l'arbitraire
et à l'hypothèse, quelque ingénieuse qu'elle soit. L'é-
pigraphie a ses sigles abréviatifs, ses lois, sa langue,
( 506 )
qu'il faut connaître pour se permettre de risquer une
interprétation, surtout quand elle est contraire à celle
des hommes compétents qui consacrent leur vie à ces
études.
Je passe aux impossibilités géographiques. Il me
suffira de rappeler les mesures des itinéraires :
ITINÉRAIRE D'ANTOMIN.
(Voyez réditioQ Parthey et Pinder.)
Différences
Milles.
en plus.
en moins
Gondate. . . .
• • • .
Gosne
B
»
Brifodttrum.
.w. XVI
Briare
ai
9
Beica* . 1 . . .
. . . . XV
Bonné« .«..«...
Orléans * . »
2S
27
1
5
Cenabum*. .
. ... XXÏI
Salioclita. . .
.... XXIV
Êtampes . •
4/t
20
Luticia
. ... XXIV
Paris
33
9
Il y a donc au moins 87 milles entre Brivodurum,
qui est certainement Briare, et Cenabum ; or, il n'y en
a que 6 8/10 entre Briare et Gien.
TABLE D£ PEUTINGER.
(Voyez rédition Mannert.)
Lieues
gauloises.
Brivoduro
Belea XV
Genabo XXII
Luteci XLVn
Briare »
Bolmée 15
OriôauB 18
Paris 50
Différences
Gasaroduno . ^ . . .
Genabo LI
Fines XV
A(|ui8 Segesle . . . XXlI
Oriéans 51 » »
Près de Chambon . Ib * »
Bordives 17 » 5
(60? )
Of, la distance d'Orléans à Oied est de eS kilmnètrèd,
c'est-à-dire de ai milles et demi; celle de Gien à
Briare n'étant que de lO kilomètres ou 6 milles 8/10,
si Cenabum était Gieii, il faudrait 6 mlUeë 8/10 entfe
Brivodurum et ce poitit, tandis que ritlûéridre d^An^
tonin en porte 87.
11 est vrai que cet itinéraire est fautif sur Ce par-
cours et que seâ distances tie cadrent pas avec celles
qu'on trouve en réalité eutre leâ lieux connus^ mais
elles sont partout trop faibles sur le monument. C'est
ainsi qu'au lieu de XXIV milles entre Cênaànm et Sa-
lioclitay puis de XXIV entre ce dernier lieu et Lutma
(Paris), en tout 48 milles entre Genabitm et Lutimà,
il en faudrait 77, en supposant que Cenabum «oit Or-
léans. Si Cenabum était Gien^ il en faudrait liS; la
différence, au lieu d'être de 29 milles, lirait de 70.
Pbur expliquer les écarts entre les distance» on sait
combien il est fréquent de constater det X omis par
les copistes. Il est certain que c'est une omission de ce
genre qui a réduit à XXIV» pour XXXXIV^ la distance
entre CeHabum et Saîioclita (Étampes), et à XXIV
milles également, pour XXXIV, la distance entre Sa-
îioclita et Luticia.
Si nous examinons la Table de Pentinger, dont les
distances, pour cette partie de la Gaule, sont exprimées
eu lieues gauloises (d'un raille et demi) , nous voyons
que les différences sont beaucoup moindres. Ainsi,
Cenabum est porté à 37 lieues gauloises de Brivodu-
rum^ et il n'y en a que 83 entre Briare et Orléans.
Mais si Cenabum était Gien, il ne faudrait que h lieues
et demie au lieu de 33. Luteci (Paris), qui est porté à
( 608 )
Â7 ligues gauloises de Cenabum et qui en est distant
en réalité-de 50, est à 76 lienes gauloises de Gien. —
Enfin, entre Cœsarodunum (Tours) et Cenabum^ la
Table de Peutinger porte 51 lieues gauloises, ce qui
est la distance exacte entre Tours et Orléans.
Ainsi, là où les distances des deux monuments an-
ciens ne cadrent pas avec les distances modernes con-
nues, l'écart est insignifiant ou s'explique facilement
dans un sens favorable à Orléans. Cet écart est, au con-
traire, considérable et même inadmissible dans l'hypo-
thèse qui placerait Cenabum à Gien. Là où les distances
cadrent, elles portent Cenabum à Orléans et nous re-
jettent à M milles de Gien, distance efiective qui sépare
ces deux villes.
Je laisse à mes confrères le soin de tirer la consé-
quence du rapprochement du texte épigraphique d'Or-
léans et des mesures des itinéraires, deux sources aux-
quelles il faut attribuer une importance de premier
ordre, car ce sont des documents oiBciels contre les-
quels aucun texte d'écrivain ne saurait prévaloir, sur-
tout quand ces textes ne donnent pas de mesures.
( 500 )
CARTE GÉOLOGIQUE DE LA TERRE
PAR JULES MARGOU.
Essayer de construire une carte géologique de la
terre, c'est-à-dire essayer de résumer et de tracer
graphiquement les travaux de douze à quinze cents
géologues depuis enviroq soixante années, est une
entreprise un peu téméraire et qui est environnée de
nombreuses difficultés; difficultés qui heureusement
ne se sont {nrésentées que successivement, car si elles
étaient venues toutes ensemble, j'aurais abandonné la
tâche dès le début de mes recherches.
La géologie est Tanatomie de la terre. Or, nous
sommes loin de connaître toute la terre , malgré les
efforts si nombreux, si persistants et si courageux des
géographes. Chaque continent a sa physionomie propre,
par conséquent son anatomie ; et après avoir cherché à
connaître cette anatomie en tout, comme pour l'Europe,
ou en partie seulement, comme pour l'Amérique du
Nord, il y a à résoudre an problème encore plus dif-
ficile, c'est l'anatomie comparée ou géologie comparée
de ces grandes divisions de l'écorce terrestre. Enfin
les géologues ne sont pas tous d'accord sur l'âge des
roches, leurs terminologies et leurs classifications ; de
plus, les classifications et terminologies ont varié sui-
vant les temps, les écoles et même les. nations. Ainsi
des travaux faits à l'époque de de Humboldt, en suivant
la méthode de Verner et les classifications allemandes.
( m)
sont très-différents et d'une grande difficulté de com-
parai^oo avec leimévioires publiés depuis vingt apuées,
en suivant la méthode de Brongniart et Smith, et avec
les classifications anglaises.
Quoi qu'il en soit de C6â difficultés, j'ai pris pour
règle invariable de ne pas colorier géologiquement
toute région sur laquelle on Q*avait pas de doppées
positives sur l'âge et la nature des roebes.
Pour l'Europe, grâoe aux travaux généraux de
Smith, d'Omaliug, Élie de Beaumont, Dufréqoy, de
Buch, de Decken, Uurcbison, Gollegno, de Vemeuil,
de Keyserling, Helmersen, Dumont, etc., xna tâche a
été assez facile. Cependant j'ai eu quelques modifîca^
tiens importantes à introduire. D'abord l'Islande qui,
dans les cartes géologiques de l'Europe publiées par
MM. Murchison et Dumont, est représentée avec une
seule teinte, comme ne contenant que des roches vol-
caniques, est dans ma carte beaucoup plus compliqué^,
puisque en outre des roches volcaniques il y a de grandes
surfaces de terrain tertiaire, et aussi des formations
de cailloux roulés et de drift glaciaii'e de l'époque qua*
ternaire. C'est à un géologue bavarois, M. Wiokler,
qui a bien voulu me communiquer cette carte manus--
crite plusieurs années avant la publication de son
voyage, que je dois cette rectification. Pour la Russie
et le Caucase, j'ai mis à profit les derniers travaux des
géologues russes, et notamment ceux de Pacht pour le
centre de la Russie, de Grewingk pour les provinces
de la Baltique, et enfin ceux d'Abich pour le Cau-
case.
En Asie, quoique j'aie dû laisser de très-vastes sur-
( ôll )
facesi ÇQ blanc, ce n'est qu'après de nombreuses re--
chercbes et avec beaucoup d'hésitation que j'ai fini par
colorier certaines parties, et encore n'y a-t^-il guèr^
que Hnde anglaise pu j'aie pu donner des contours à
peu près exacts w^ matériaux qui constituent le soi
asiatique. Apt*és que étude des plus consciencieuses de
la carte géologique de la Sibérie par Ërmann, et en
remontant souvent, autant que cela m'a été possible,
aux sources mêmes des renseignements où Ermann
avait puisé, j'ai dû, à mon grand regret, l'abandonner
entièrement et ne faire usage que des travaux de Tcfai*
hatcbeffy Middendorf, de Dittmar et Meglitzky,
L'Afrique, au point de vue géologique, n'est guère
mieux connue qu'elle ne l'était au point de vue géo-
graphique avant les voyages de Vasco de Gama. C'est
à peine si Ton connaît un peu de l'Egypte, l'Algérie
et les colonies du Cap et de Natal Les voyages de Barth
et d'Overweg ont donné quelques points de repère
sur la route de Tripoli au lac de Tchad. Mais avec
l'Asie, l'Afrique est le grand desideratum de la géologie
géographique : il y a dans ces deux continents les plus
beaux champs d'étude ouverts pour l'ardeur des géo-
logues voyageurs*
Les deux Amériques, et surtout celle du Nord, ont
été soumises à des recherches plus suivies et plus
nombreuses; et après l'Europe, c'est le continent qui
nous est le mieux connu* Siumboldt, Mac-Clure, Va-
nuxem, Edmons, Owen, d'Orbigny, Karsten, Do-
meyko, etc. , etc. , ont publié des travaux considérables
et de la plus grande importance sur le nouveau monde.
Des géologues ont traversé les côtes de l'Atlantique
( 512 )
à celles du Pacifique, aussi bien dans rAmérique du
Nord que dans celle du Sud ; et quoique de grandes
surfaces restent encore à explorer, la géologie de Thé-
Ifnisphëre occidental est, on peut le dire, mieux connue
que celle de l'autre hémisphère. Les voyages qui ont
été faits pour chercher le fameux passage du nord-
ouest ont fourni de nombreuses dpnnées géologiques,
qui ont permis de colorier avec un certain degré d'exac-
titude les côtes nord du continent américain et les
nombreuses îles découvertes par Perry, Franklin,
Richardson, M'Clintock, Mac-Clure, etc. C'est le pro-
fesseur Haughton (de Dublin) qui a fait ce travail, qui
se trouve à la fin du célèbre volume publié par le capi-
taine M'Clintock sous le titre de A narrative of the
discovery of the fate of sir John Franklin^ London,
1859. Malgré toute la confiance que m'inspirait l'au-
teur, j'ai voulu remonter aux sources mêmes, comme
pour toutes les autres parties de la terre ; et bien m'en
a pris, car j'ai pu corriger une errreur assez grave qui
s'était glissée dans la carte géologique et dans la
rédaction du professeur Haughton : Boothia Félix
la partie nord-ouest, est marquée entièrement comme
formée de calcaire silurien, tandis que le capitaine
M'Clintock, daus son journal (page 311), dit qu'il
a passé du calcaire au granit à la latitude de 71'',10
nord; là s'étend une grande bande granitique, qui
n'est d'ailleurs que la prolongation de celle qui forme
toute la partie orientale de l'île de North Sommerset.
Cette rectification montre le soin que j'ai apporté dans
toutes les recherches que m'a obligé de faire cet essai
d'une carte géologique de la terre.
( 5iâ )
Pour l'Australie et les lies du Pacifique, il y a bien
peu de connu en dehors des volcans éteints ou en
activité, et de quelques points de la côte de la Tasma-
nie, de Victoria, de la Nouvelle-Galles du Sud, de la ,
Nouvelle-Zélande et de l'Australie occidentale. Mais
depuis plusieurs années les Anglais ont établi des
commissions pour les relevés géologiques de presque
toutes leurs colonies antipodales, et il y a tout lieu
d'espérer qu'avant peu d'années on connaîtra beaucoup
mieux la géologie australienne.
Somme toute, cet essai est bien imparfait, et je
réclame pour lui la bienveillance des géologues voya-
geurs qui voudront bien rectifier et surtout augmenter
nos connaissances, en coloriant ces immenses surfaces
laissées en blanc, et qui occupent actuellement près
dés deux tiers de la carte.
En terminant, je rappellerai qu'un géologue et géo-
graphe français, le docteur A. Boue, a publié en 18A5
un Essai d'mu carte géologique du globe terrestre
(Paris, une feuille), basée sur des principes tellement
diflFérents de ceux qui m'ont guidé daiis la construction
de ma carte, qu'il m'a été impossible d'en faire aucune
espèce d'usage, et que ces deux- cartes n'ont absola-
ment rien de commun entre elles, excepté le titre.
M. Boue, au moyen d'inductions et de suppositions, a
colorié toute la terre, même les parties non-seulement
inconnues aux géologues, mais, bien plus, celles qui
sont encore inconnues des géographes. Pour une science
d'observations, et d'observations multiples et difiîciles,
comme la géologie, on comprend qu'il faut laisser de
côté complètement l'imagination « et non pas en faire
XI. jum. 6. 33
l W4)
1» feMP m^q»8 dg ipp firayî^L De rIh^, |j^ çaj:^ de
M. Bftjié »g ppmpffiBfl que si? couleufp, taodjs qpQ Ui
misons qq » npuf, ^ayoir : ^*? Ip j>»pp p^Jq fiSflf: leg
leri:«n§ quatpmairfip pt i:éc§pte; 3' Ip j.^HPg fppcj^ poup
1^ tprr^w» tertiaires; ?î* }fi ver); pour }p çr^t^^ ; ji° j^
b)e^ <Jjw ppur te? fophQ§ ji^a§siqu^; &° }a terfe ie
^eanp |)r^ég pp|if fe J^ouypau grèp ppugç j ^? le noir
pfrlj^ pour lp9 terrains houU}ers oi^ parj^opifèpes ; 7° 1^
bleu foncé ppur }fis t^rp^ips 4p tf apçjtipp or gf apy^ ^^ J:? ;
S"" le rose pour les roch§^ gr^pitigpes ^t ep gép^p^
cristallisa; et enfiq 9" Ip (rppge yeriniilon pour les
rocb(^ yplçftRlqpes, cprpipe jo? ^y^s, bas^H^p^, pb^h
4içBPp3.
p« )
AU PRESIDENT DE 14 <X)]P|IW1QN CiptT|liLlS,
Mossool, 23 février 1866.
Monsieur le Président,
J'ai fini, apri^s un yoyage assez pénibje, par ^:(t!Bindre
Ifogsoul, où je trouvQ le printemps l:fien établi, de sorte
que la pa|:);ie agréable de inpn vpyage va conanaencer.
le 3uig tiraillé ep deux sens, d'un côté par la longueur
du vpy^gfî à falrp jet la nécessité d'être dans |e Kafiris-
tap ep juiii ou juillef au plus tard; d'p-qtre côté, par Tin-
térêt scientifique des contrées que je parcours. Ainsi
MqssquI, qù je croyais n'avpir riep à faire après
MM. Botta, Lay^pl, B^dger et tant d'autres, m'occupe
beaucqup. Q\x a fait }ci fqrce travaux assyriens (section
à laquelle je me garde bien de toucher); mais le grec,
le byzantin, etc. , sopt restjés fpf t ep arrjère, sans comp-
teF la géqgraphie prqprepïepf dite. Il y a deux cartes
des pîljy^ Rpstftpens, Vnm fie Jf. Layard, l'autre de
M. Badger : elles sont absolumppt dissemtilables. te
pbamp de jDatfiille ^'A^beUçs p'^St pas même fixé. J'en-
voie par pe couj-rjer à ^. le ministre de l'instruction
pudique (} fei^ills? ^^ topographie au 1/200 000* et
dpvze ^ qnîi^zQ plf^P^, l^ plupart intéressant la géo-
graphie cpmparée. Parpai cps pjans sont trqis villes
a»tîque3 (T^l^, Rezab^e, Pîjisibis) et de^ <ppoupLoç gréco-
byzantins, ngtami^ept le çqstqlluni - Maiiroriçrn de
MésppQt^mi^- Jp n'ai eu que vingt jours poyr traverser
cette prpvipce, qui est pn nausée splendide 4'aptiqui-
( 516 )
tés. Il serait à désirer qu'on envoyât une mission pour
faire des fouilles à Tela, Bezabde, Dara, Resaïna et bien
d'autres. J'ai ouvert un tombeau à Derik, prèsMardin,
et j'y ai trouvé, parmi des ossements d'hommes et de
cheval mêlés, force antiquités barbares identiques avec
ce qu'on a trouvé dans les kourganesie Crimée. Je rap-
porte cette tombe à l'invasion cimmérienne de Lygda-
més vers 6S1 : il y en a quatre autres à côté; je n'ai pas
eu le temps de les ouvrir, mais si je repasse en ce
pays, je ne les manquerai pas. Un prêtre chaldéen m'a
signalé à Kesari-Roum, à trois journées d'ici, une
énorme ville ruinée, sept enceintes, une statue colos-
sale couverte d'inscriptions : je compte y aller demain.
Je fais de l'ethnographie de toutes mes forces, et j'ob-
tiens des résultats. Les débris des populations chaldéo-
araméennes sont précieux à étudier; mais les plus
précieux sont les groupes iraniens voisins du Tigre
(Kurdes, Vazidis, Chebak, etc.), avec leurs religions
étranges. Ces Chebak, qui occupent trente-huit villages
et parlent un dialecte iranien très-sauvage que je tâche-
rai d'étudier, sont, comme religion, un peu parents
des Ansarié et des Sezidis.
A mon retour de Kesari je partirai pour Bagdad,
d'où je gagnerai Kuratchee par les vapeurs anglais;
puis je remonterai jusqu'à Pechaour (Peshawur), où
commencera ma campagne proprement dite. Il serait
bien à désirer que la section ethnographique de Tex-
position de 1867 s'enrichît, entre autres spécimens,
d'une couple dé sia-poh , mais reste à savoir si l'on en
pourrait trouver de disposés à quitter leurs montagnes.
En tout cas, je les étudierai avec le soin qu'ils méri-
( 517 )
tent, eux et leur étrange pays. J'espère être à Bagdad
le 20 mars, à Kuratchee le 15 avril, et peut-être vers
le 10 mai à Pechaour : c'est !a meilleure saison pour
entrer dans THindou-Koh. Ayant du temps de reste,
je vais faire cette excursion de Kesari pour bien des
raisons. La position d'Amédia, position si singulière-
ment déplacée dans quelques cartes, est fort impor-
tante à fixer pour bien asseoir la topographie de tous
ces pays. J'espère y réussir tant bien que mal ; je le
répète, les cartes de Kiepert, Badger et autres offrent
des divergences énormes pour tout ce pâté de monta-
gnes. J'ai des raisons de croire la carte de Layard exacte
pour le cours supérieur du Rhabour de Zachou, et
celle de Kiepert fort erronée sur ce même point. Puis
je tiens à savoir quelque chose du Kurdistan, où, par
parenthèse, on se bat en ce moment. Les Kurdes du
Bohtan ont saccagé Pechabour (Feizabour de Kiepert)
sur le Tigre : l'autorité a requis quatre à cinq cents
bachi-bouzouks qui ont envahi le Bohtan sans résis-
tance, et les arrestations ont commencé. J'étais dans
le pays lors de ces troubles.
Autre nouvelle. J'ai trouvé le pays de Nisibe en
grande fermentation par suite du projet de la Porte de
cantonner le long du grand Khabour quelques milliers
de CircassiensTchetchenzes, qu'en général on redoute
comme voisins. On va bâtir pour eux une ville à Ras-
el-Aïn, la Resaïna colonia^ que je regrette tant de
n'avoir pu visiter quand j'ai passé par Mardin; on ve-
nait de requérir à cet effet tous les maçons et charpen-
tiers de la ville, et Ton aurait même commencé à faire
les semailles pour ces paresseux aristocrates du Cau- . *
(618)
case. Cet établisseinent pilittt être dti bieti,^ si les Gircaa-
slens deviennent de loyatix côlons^ et servent de bàr-
Hëre contre là tourbe pillatde des Arabes Ghatdat et
Tâl, fléaux de ces pays : mais dn craint (|u*ils ne don-
nent la malti à ces brigands.
La Mésopotamie, que je viens de parcourir ^ esti
comme force productive; un des plus beaux piays du
monde. Avis aux géographes qui dessinent des déserts
de sable au sud d'Orfa ou de Harran. C'est une su-
perbe plaine d'alluvioti tnen arrosée; couverte de vil-
lages là où les Arabes n'atteignent pas, sendée de
collines {tell^ plur. tloulj^ qui sont tantôt des cônes
tronqués^ tantôt des dômes plUâ bu moins réguliers.
y a dessiné sur mes cartes cent cidquarite où deux
cents de ces {iusttlles, tout ce que j'ai pu relever; mai^
il y eu a bien dix fois davantage, ëurtout verë Sindjar
et le Khabour, 06 ils àont couverts de ruines antique^.
A côté de chaque teli surgit presque toujours une eau
courante j parfbis deux. Les villes bâties par Neihrod
et Assar ont dû être (sauf Ninive) des teil fortifiés : du
moins il y en a que j'ai cru j[)6u voir «identifier, car ilë
auraient gardé leurs noms antiques, comme Gbala,
Ërach, Cbsllahne (aujodrd'bui Khala, Erach^ GUablâoe).
J'ai levé des plans et pris des dessins de ruines et vous
lès montrerai.
Agréez, en attendant, l'assurance de.mes sentiments
respectueux et dévoués.
t ^^^ )
àh îâ soéiélé
EXTRAITS DES PROCÈB-YERBAUX DES SËaIICËS.
Procès-verbal de la séance du à mai 1866,
niÉàlDilNCE OE il. b'ÀVBIÀG.
Lé |)rocës-vérbâl de la BéktïCë j[)récéâeDte est lu et
adopté.
H. ËoilrdiôU secrétaire de la Société; àrrifé aa
tertne de Sûri elitèrôicé, coiîiffîûniqde à la Gotntniësioti
centrale le procès-verbal de rassemblée générale du
27 à^ril 18i66.
Lëèturé m dôtïHèé de la correspondanèe f — La Société
^ëbgrâpliii|ilë et ètàtiëliquë de Mexico Mfèûèe l'état
dès tratatrt qui Itii ont été sotïmisf pêMant le f)réfaiier
tHflbèi^trë 488ë. — La Sëbîëté géO^ràpMqtié dé' Nel^-
tbfi: ë'C l'AcMêiliiè dôMsdëiidë^ deLisbôrine adressent
dès ëitèiiiplâirëès de lédfe puîilicâiionS res|)éctitèsi -^
M. J.-F. Palgràvë, en FàbëéÈlôe de Son frère Wîlliiîiû
Gîfford PisLlgrèive, àccùëë réception dé rdvis donné à ce
dernier du ^dtè d'une liiédàille d'br que la Société
de géographie lui décërbë pour Son vdyâge à travers
rArât)ié: - M: théoddrë de Heuglifi écHt qu'il a reçu
la hcJtîriCatiôn qd'une grande médaille d'argent lui était
dëèeriiëe pour ses explorattions eti Afrique. — M. Îi-H.
Thomas Combène de Câramati àdi'esSe Un travail Stff les
Mois, tribu sàiivâgë de l'èihpired'AnnsaM.— M- William
( 520 )
Hûber remercie la Société de l'avoir élu secrétaire pour
l'année 1866-1867. — MM. Gaultier de la Richerie,
Casimir Delamarre et Fortuné Ghabrier remercient de
leur admission comme membres de la Société. —
M. Eugène Gortambert, en s'excusant de ne pouvoir
assister à la séance, envoie un exemplaire du tirage
à part de son rapport sur le livre de M. Paul Riant,
Pèlerinages des Scandinaves en Terre-Sainte. — La
Gommission royale italienne pour la culture du coton
fait parvenir un ouvrage intitulé : Specie dei cotoni^
accompagné d'un atlas de planches coloriées. — La pré-
fecture de la Seine transmet un exemplaire de la carte
agronomique de ce département, dressée par M. Delesse,
ingénieur en chef des mines. — Le ministre de la ma-
rine envoie l'Annuaire de son département pour 1866.
S. Exe. avait précédemment fait don à la Société d'un
volume de «Notices sur les colonies françaises » , accom-
pagné d'un atlas ; le gouvernement général de l'Algérie
avait de son côté adressé un c Rapport sur le forage
de puits artésiens dans la province de Gonstantine>; et
ces ouvrages avaient été présentés à l'assemblée géné-
rale du 27 avril. M. Jules Duval demande que, vu
l'importance de ces deux publications, il en soit fait
une analyse dans le Bulletin de la Société : cette pro-
position est adoptée, et M. Jules Duval lui-même est
désigné pour faire ce compte rendu .
Par suite à la correspondance, M. Barbie du Bocage
lit l'extrait d'un rapport consulaire relatif au territoire
de No Man's Land, récemment annexé à la colonie an-
glaise du Gap ; et M. Richard Cortambert communique
une lettre de M. Lejean, datée de Mossoul
( 521 )
Lecture est donnée de la liste des ouvrages offerts.
Gomme suite à cette liste, M. Onffroy de Tboron fait
en outre personnellement hommage d'un exemplaire
de son volume intitulé Y Amérique équatorialej et
donne quelques détails sur le contenu de cet ouvrage
dont M. Martin de Moussy est prié de rendre compte.
— M. William Martin remet une note manuscrite sur
le commerce hawaïen : renvoi à la section de publica-
tion. — M. Maunoir offre un exemplaire de la carte de
la Sonora, dressée par M. de Fleury, et fait observer que
ce ^travail, bien imparfait, est encore ce qui existe de
plus complet sur la partie nord-ouest du Mexique. —
M. d'Avezac dépose sur le bureau, au nom de M. Arthiis-
Bertrand, éditeur, une brochure intitulée : La guerre
<r Amérique j par M. Arthur Kratz, auditeur au conseil
d'État. — M. le docteur Martin de Moussy remet, de la
part de M. Vicente Quesada, rédacteur de la Revista de
BuenoS'Ayres^ la collection de ce journal pour la fin de
l'année 1864 et toute Tannée 1866; on y trouve un
grand nombre de documents géographiques intéres-
sants sur les régions de la Plata. M. le docteur xMartin
de Moussy demande, en outre, qu'il soit nommé un
rapporteur pour son ouvrage sur la Confédération
argentine en remplacement du docteur Moure, parti
pour le Mexique. M. Bourdiol est désigné pour ce
soin.
On procède à l'admission des personnes présentées
pour devenir membres de la Société ; sont admisià ce
titre : MM. José-Maria Fernandez de la Hoz, ancien
ministre en Espagne ; Camille Marcilhacy, négociant ;
Emmanuel Liais, astronome de l'Observatoire impérial
( llM )
de Pàfiâ ; Âdûlphé-ICIhrétien Lifidedaiiti, sëcrét^iè de
là légatioii du ààRaclor:
Sotii pbhës Su tableâii de^ candidats, diir Vàjiihii-
siod desquels 11 sèti siàiiïé daii^ liiïe j[)r6cbàiDè Séance :
lÎM: Coiillet, adtnmlsti-ateur^àdjbiilt deij servifcèé
màritiiBles des messageries impériales, t)rôseiïté par
MM. Mofel-Fatio et Barbie du Boèagé ; Hippidltte Fetry,
inspecteur de la compagnie la ffàtionàU^ présenté pér
MM. Malte-Bruiî et Duflot de Mofras ; Adrieù Lecdb^j
présenté flâr MM. Jàcobset Màuuoir; lé dbctetii' Ldvé,
présenté pat* MM. Casidir et Ttiéôdore DelatHâlrrè ; le
barotï Rendu, présenté {iar MM. Gaillilët de laRléîliëHë
et Jules btivàl; S. Exë: le kljâziiadâi* Mi Wikk^]^M;
premier ministre de S. A; le bëy de Tdiiis,' |<rèsëritè
par MM: d'Avezâc et Èrtiest Èiesjardtas ; S: Êxfc: àidl
Kbaîreddlti; ^hcieh ministre de 1^ ditrihe; faiemtîtë ^tt
conseil elfe S. À. le bey detuhi^, pi-^^ehtè ^^i Mlll.d' Afé-
zsicfetEfnëàtliesjardins; lecointëdë MôustieH pirêâëlfië
par MM. le coiiité Julien de RdcHèchbil^rt et Matiatfîl-.
Là f)ar6ie e^t ddntiêé aux ihëmibres insctits polî^ des
lectures. Le président; l^ué l'état dé ôa saiité oblige â
se retirer avant là fin de là. séance; est rernjilâcé àù
fauteuil par M. Jules Duvàl, |iremièr vice-préSidètit.
M. Erttest Desjàrdifas continue là lecture de son
travail sur les bouche^ du Rhône et le càfaal Saint*
Louis; et M. William Hûber lit un rapport sur la carte
du Mont-Blanc, dressée par le capitaine Mieiilët et
publiée par le Dépôt de la guerre.
Après ces divers hommages, pour lesquels dès
remerfcîments sont votés aux auteurs où éditeurs, le
président iiièt sous les yeux de la; Société liu voltiine
depuis lûdgteid^s absent de làbibfiothëqtre, à j^avijtir, lë
MeWoire de Richard Biddle sui- Sébastien Càboti t[ttë
M: Déliôta, libraire, a rencontré pârini defe HvrëS desti-
nés à iïrie vente publique et qti'îl à'eât ëitt|)rëssê d*eii
extraire après aVbii- reconnu stU* lë titré Fë^taitipille elfe
la Coiïiiriîssîôn centrale ; ensuite de quoi 11 S prié
M. d'A^ezâcd'ènvouloirbieti faire fèstittttidtiàlàSodeté
de géographie. Il convient de signaler, dStÛthë ttb
exemple digne d'éloges, lé louable jJrôcédé de M: Délion
en cette circonstance, et d'émettre le vœu qu'il soit
imité en toute occasion semblable par les libraires et les
commissaires-priseurs chargés des ventes publiques.
Une lettre spéciale de rèmërcimerits sera adressée à ce
sujet à M. Délion.
M. Malte- Brun saisit cette occasion pour exprimer
le vœu de voir imprimer prochainement le catalogue
des ouvrages dont se compose la bibliothèque de la
Société ; cataïogile dû a(i zële de M. Gtliiiotllt et qiii est
maintenant presque terminé. — M. Deloche faii ohÈet-
ver qiië la sèfelibn de C(3înptabilité; dkni sa dëtilière
rèuiiion, s*est Wccupëë dë'èet bbjet, êï qà'éHH i rë-
fcotifaù prudent d'attendre le règlement des fcdtelfites
fihaiicîers des trois fîi-emiers trimestre^; potii* êttè èfi
iîiësùre de dètël-niinef avefe plus d'assiiràncë qûellëë
soitiiiiei& 11 cotiviendr^t flë consacrer à l'impression dti
catîtlbgue.
M. Elisée lleclus informe ses collègue^ ^^'il âfe fotfflë
en ce mouieht à Gotha, sous lès auspices dil diidteur
t^ètermàiin, tiiië Société allemande de géographie îjui
s'efforcera de réunir, dans tous les pays du monde, le
plus grand nombre possible de souscripteurs, doht là
\
( 52à )
cotisation annuelle ne sera que de 1 thaler (3 fr. 75 c.),
et qui auront droit aux documents el cartes publiés
par l'association. Une partie du revenu sera employée
à faire entrepriendre des explorations géographiques. —
M. Jules Duval exprime un regret que cette Société
ait pris le titre restreint de Société allemande^ alors
qu'elle désire se recruter parmi toutes les nationalités
du monde.
La séance est levée à dix heures.
Procès-verbal de la séance du 18 mai 1866,
PRÉSIDENCE DE M. D*AVEZAC
Le procès-verbal de la séance précédente est lu et
adopté.
Lecture est donnée de la correspondance. MM. John
Bertrand-Payne, Théodore Vernes, René de Sémalé,
Adolphe Lindemann, Auguste Beaumier, remercient la
Société de les avoir admis au nombre de ses membres. —
La Société royale géographique de Londres adresse
des remercîments pour Tenvoi de la carte d'une partie
de l'Ethiopie, dessinée par Plowden, et recueillie,
après la mort de ce voyageur, par M. Guillaume Lejean.
— Le président fait remarquer que la correspondance
contenait une lettre par laquelle M. le conseiller d'État
Herbet, nommé récemment Tun des vice -présidents
de la Société, remerciait de sa nomination, mais que
( Ô25 )
le nouvel élu a tenu à témoigner de son isèle pout
la Société, en venant en personne prendre place au
bureau de la commission centrale.
Lecture est donnée de la liste des ouvrages offerts.
Comme suite à cette liste, M., Marcou fait hommage
d'un volume intitulé Lettres sur les roches du Jura et
leur distribution géographique dans les deux hémi^
sphères^ accompagné d'une carte hypothétique de la
terre à l'époque jurassique ; il entre, au sujet de cette
carte, dans des développements qui feront l'objet d'une
note spéciale. — M. Gabriel Lafond fait observer que,
d'après M. Marcou, l'un des continents jurassiques se
serait étendu jusqu'à la Nouvelle-Zélande, sans y com-
prendre, ni les îles Sandwich situées dans l'hémisphère
septentrional par 20° environ de latitude, ni même les
Marquises, les îles de la Société, les îles des Amis, celles
des Navigateurs (Samoa), les Fidgi ou Viti, et Auckland ;
ces derniers archipels, situés dans l'hémisphère austral
par différentes latitudes, ont dû former, avecla Nouvelle-
Zélande, un continent terminé au nord par les îles
Sandwich, à l'est par les Marquises, à l'ouest par les
Fidgi, la Nouvelle-Zélande, au sud par la Nouvelle-
Zélande et peut-être aussi par l'île Auckland. On ne
saurait révoquer en doute que ces Polynésiens, qui
habitent des grandes terres montagneuses, toutes de
soulèvement, ne constituent avec les Maoris une race
unique dont les principaux caractères sont : une taille
élevée et fortement charpentée, des cheveux ondulés,
moins noirs et moins lisses que ceux de la race malaise,
les yeux grands et beaux, le nez aquilin, et un type
de physionomie voisin par quelques traits du type eau-
(52$)
ç^J!|ug ; la cqpteur dp }ppr peau ^t plys fopc^ pg
celle 4s c^^fP râpe, f»^f? plus pjàifp gpe celle (jes Pply-:
nésieus qui habitent tou^ les ^phip^jg ^ l'ouest ^^ pe^
grap^p? terres j|j^<jftî^uj î)e^ Ptjijippjpe^.— IJI. d'Ayepc
fai( RlîPPrvfiF qpp |e coptiqppt auqpel f^jt ^IJu^ipi)
H. fi^briel l^afoaâ a pft ^);r^ p|us ou jpflips étepdu
SW? WP^f^^ir ^^^ formatioDs jurassiques, fhèffl!^
expri^ ^^ ]^ ^^^^P ™^® s^^? ^ps yP^* fî^ ^3» Société :
(|aDs tous le^ pas, 1^ carte de I^}. M^rcoq, ;^ins| que Tau-
tem: lui-pième Y^ (lit, pe prétepd p^s représenter pne
éppque dét^fpainée )ip la période jurasj^iqpe, et se
rappprte à. upe longue série de sièclps; elle peut,
dans une certaine mesure, j&trp ppmparée, à ce point
4e vue spécial, aqx partes aifjoiird'l)ui répudiées par
pue i^fudition et qne critique plus exigeantes, pu Ton
portait siznultanément les notipps géographiques dp
top^ les âges saqs distinction. — M. Marcpp ri^pppd ^
M. f4fpp4 gu'ij s'est écoul0 uq si gr^pd npinbrg d'an-
nées 4^ppis l'apparftion de la faune prijuordiale, et les
pb^ngemppts brusques q\\ insensibles sur la surfacp
jle notre planète se sont opérés d'une panière si con-
tippp pt si régulière, qu'il pense qup le Pré^teur a
4||jà Qxécuté tputes |ps combinaisons que le géographe
\p pips ^abile ppurrait imaginer en essayant de tracer
spr ijpe pi^pppïppp^P d^^ terres et des naers faptas-
^iques, tout en restant dans des proportions voisines
dp pn tiers pour les terres fermes.
iH, Epg^ue Cortambert feroet, de la p^rt de l'auteur,
^. 4e ph^pnçey, une brochure sur }es Aïnos des Kou-
rijeç. 11 offre, ei^ outre, de 1^ part (Je ]>J. Viquesnel :
1? pp e?pfi[ip}3.ife de ^op pi^yfage iptit]i|é ; Çtief^ms
(527)
pp^int^ sur f histoire générale des peuples slaves; cet
hommage est accompagné d'une lettre de Tauteur dont
j} çst dpnQté lecture ; 2'' un certain npmbre de [euilles
}^*^|)reuves d^^ planpî^es gpi cppgqsent Tatlas de la
gu^rfe^'prient, pp})li$ par le Dépôt de la guerre.
W- fi'Ay§?ap présente, au nom dQ l'auteur, M. J|iles
yerpe, un exemplaire de ses deux derniers volumes :
Les J^nglftis au pôle nord pi fje désert de glace^ pu^
vrages dans lesquels l'ingénieuse fiction s'allie à un
fpp4 de savoir sérieux.— M. d'Avezac fiépqse en oi|tre
spr le bureau, fie la part de M. Çhallamel, éditeur,
/^ régence dç '^unis au xix« siècle par M. A. de Flaux,
fjC Sénégal par le docteur Ricard, et un numéro des
^njiales des vQyçtges où se trouve reproduit le discours
P|:pnQncé par M. le marquis de ph^.sseloup-Laubat,
Pjr^id^pt, ^ la dp^rnière assemblée générale de la Société
jie g^Rgraphie-
M. 3ar|)ié flu Bocage met sous les yeu^ de la Çom-
ini3§ioi| peptfale deux albums de photographies conte-
TïB^^U l'un des nombreuses vues prises dans le royaume
de ^ï^m^ l'autre des portraits de chefs javanais encore
indépendants.
I| est procédé à Tadmission dies candidat? inscrits
au tableau de présentation ; sont admis à faire partie
de la Société : MM. CouUet, administrateur adjoint des
services maritimes des messageries iippériales; Hippo-
lyte Ferry, inspecteur de la compagnie la Nationale;
Adrien Lecocq; le docteur Emile- Frederick Love;
le baron Rendu ; le comte A. de Moustier ; S. Exe. le
khaznadar sidi Mustapha, premier ministre de S. A. le
bey de Tunis; S. Exe. sidi Khioreddiny ancien mi-
( 628 )
tiistre de la marine, membre du conseil de S. A. le be^f
de Tunis,
M. Maximin Deloche donne lecture de son rapport
sur l'ouvrage de M. Jules Duval, intitulé : Les colonies
et la politique coloniale de la France ; renvoi à la
section de publication, qui pourvoira, d'accord avec le
rapporteur, à la suppression des considérations poli-
tiques dont la Société de géographie n'a point à s'oc-
cuper.
Le président informe la Société que son agent,
M. Noirot, maire de la commune d'Ormancey, a été
appelé par ses fonctions municipales dans le départe-
ment de la Haute-Marne y et qu'un congé a dû en
conséquence lui être accordé par le bureau, afin de
régulariser cette absence vis-à-vis de la Commission
centrale ; cette circonstance, qui se renouvellera natu-
rellement bien des fois, donne lieu de reconnaître
l'opportunité de désigner un nouvel agent-adjoint à la
place de M. Adolphe Noirot, et de conférer expressé-
ment ce titre à M. Charles Aubry, qui depuis longtemps
en remplit les fonctions avec un zèle et une intelligence
dont tous les membres de la Société se plaisent à
rendre témoignage : cette proposition est adoptée, et
M. Charles Aubry est en conséquence nommé agent-
adjoint de la Société de géographie.
La séance est levée à dix heures et demie.
( 52Ô )
Monirelled éi faits séographlques.
Projet d'exploration du pôle nord. — Un officier de la
{narine russe, le baron Schilling, a proposé, pour atteindre les
r^k)hs polstires, une route différente de celle du Groenland et
de celle du Spitzberg, présentées par MM. Sherard Osborn et
par le docte\ir Petermann. Il suppose que son bâtiment se diri-
gemt vers le détroit de Behring et s'avancerait, en suivant
une direction vers le nord-ouest, jusqu'à la Nouvelle-Sibérie.
On sait qu'il existe dans l'océan Arctique deux courants domi-
nants qui charrient une masse énorme de glaces polaires. L'un
de ces courants affecte une direction vers le sud- ouest; on le
ressent particulièrement entre le Spitzberg et la côte orientale
du Groenland. L'autre se dirige vers le sud-est; on l'a remarqué
plus d'une fois dans les détroits de l'archipel septentrional de
l'Amérique du Nord. Pour expliquer ce phénomène, c'est-à-
dire he partageites courants dans deux directions opposées, le
baron Schilling admet l'existence d'une terre qui, ^e trouvant
sur le chemin du courant, niodifie sensiblement sa direction
en le tournant vers l'est dans les détroits de l'archipel septen-
trional de l'Amérique.
L'existence d'une pareille terre étant donnée, il est à suppo-
ser que son côté occidental, qui ne se trouve pas exposé au
courand du sud-ouest de la mer Glaciale, présentera à la navi-
gation les mêmes conditions favorables que les côtes occiden-
tales du Spilzberg, de la Nouvelle-Zemble et du Groenland.
Cette supposition est confirmée par l'existence d'une mer ou-
verte et d'espaces considérables libres de glace que Yftmg^
Anjou et d'autres marins ont observée an nord de la mMe
compacte des glaces de la côte asiatique. Selon le projet du
baron Schilling, l'expédition, après avoirfranchiledetroit.de
XI. JUIN. 7. 84
{
( 530 )
Behring, devra se diriger dans la partie de la mer Glaciale qai
se trwf^ 6|)$rf )« cjip Map» sur k cputif^t i«aliqi}#, ê% Pne
terre désignée sar la plupart des nouvelles cartes par les mots :
Montagnes élevées oues de loin. L'auteur du projet s'abstieot
de dire quelque chose de positif sur la route que l'expédition
davralt siurrie tm uite pour atteiod^s le» tiei dje la NoqytUe-
Sibérie; cependant il émet Topinion ^ue si ta met oufert« qui
a été observée bien des fois et à différents endroits ail nord de»
gisces do la côte sibérienne, se prolonge encore pins bin ven
Tonest^ ca qoi est assez probable» il sera possible à Teipédition,
en eontinnant sa navigation dans cette direction, d'atteindn»
les latitudes les plus septentrionales et de prendre énsnite la
ronce de l'ooéan Atlantique. {Journal de SaininPéter$bourg. )
Population de Samt-Pétersbourg et du gouvernement de
Kovno, — D'après le dernier recenseoieot, la popul^tioii de
la capitale de la Russie esjt de 539122 b^bit^ats^ dont,
313 kli^ hommes et 225 679 femmes. I^es babitapis dg goa-
vernement de Kovno seraient, d'après le recensement achevé
en 18(}5, ^u nombre de 1 QUI 394, dont 509 3^8 hommes et
538036 femmes : ce chi&e donna une moyenne de 28,1 ba*
bitants par verste carrée, c>st-à-dire par 1 J 384 kitomètre
carré. La population de la yille de Kpvqp était, d'après le re-
censement terminé le 23 avril de cette année^ de 31 601 habi-
tants, dont 12 623 da Be%e masculin et 18 976 du s^%e féoiioin.
{Corresfimdmce rus^,]
SOCIÉTÉS DE GÉOGRAPHIE ÉTRANGÈRES.
j^OClilé IVPéaiALB 9]Ê0GRAPPIQUP DE SAi^T-p^TPDlSBOUBG.
lAê Mumlmam de la Chine et Imtr 4n$Hr9^tiofU *^ Dans
âa séance du 16 avrU dernier, cette Société a entendu la lecture
d'nn rapport du éokmel Heinz sur Tinsurrectlon des Doungans
dans la Chine occidentale; les Doongans sont la popalatlOB'
Musulfliiuiedela€hlns$ leur nombre, diaprés le notonei Ii«int,
( 581 )
serait dé SO millions ; dispersés dans tout l*empirç, ils occu-
pent plus particulièrement les provinces de Kan-sott« Ghen-si^
Ssetchouen, Yun^nan, et le nord de la chrîne da Tian-^chan.
Des faits qu'il a pu recueillir sur cette insurrection, l'auteur
du travail conclut que Tétat de faiblesse dans lequel se trouve
le gouvernement chinois ne laisse auoun doute sur rimpos**
sibilité où se trouve la dynastie mantchoue de recouvrer un
jour, sans l'intervention étrangère, son pouvoir dans la DÉoun-
garie et le TiÉrkestaUé II est probable que nous assistons à la
décomposition de ce grand corps politique qui occupe tout le
centre et Torient de TAsie» Toute cette partie de TAsie est
divisée maintenant en deux grandes fractions, dont Tune est au
pouvoir d'une population portée pour Tislamisme, se trouvant
dans un état de fermentation difficile à concevoir, tandis que
l'autre partie, avec sa population inerte et apathique touchant
la question religieuse, pourra difficilement opposer une résis-
tance énergique et efficace à l'action envahissante de l'isla-
misme.
Cette lecture a élé suivie d'une discussion dans laquelle
M. Skatschkow a exprimé des doutes sur le chiffre de la popu-
lation musulmane en Chine, il Ta trouvé exagéré. D'après les
renseignements chinois, tant officiels que non officiels, on
compte en Chine environ 20 millions de musulmans. Pour ce
qui concerne le motif de l'insurrection, M. Skatschkow ne
croyait pas pouvoir en admettre le caractère exclusivement reli-
gieux. Ce n'est pas le fanatisme qui a porté les Doungans à la
révolte contre les Manlchoux. Depuis longtemps déjà, dans
toutes les provinces de la Chine, un mécontentement général
se faisait jour contre les actes injustes de la dynastie régnante
et de la classe privilégiée des Mantchoux. C'est dans cette
circonstance qu'il faut chercher la vraie cause de l'insurrection.
En général, M. Skatschkow ne partageait pas l'opinion du co-
lonel Heinz sur la grande importance qu'il attribue au mouve-
ment des musulmans, et il cita différents faits qui devaient
( 5â2 )
prouver le peu de succès qu'ont eu les Ooungaos dans quel-
ques parties de la Chine.
M. Giers a dît que, selon lui, ie caractère religieux de l'in-
surrection des Doungans ne peut être soumis à aucun doute.
Cette insurrection peut prendre de grandes proportions et
réagir d'une manière pernicieuse sur les populations des steppes
des Kirghizes.
M. Wassiliew s'est exprimé dans le même sens que M, Giers.
Il a fait voir, dans une courte esquisse historique, la signification
de l'islamisme en Chine, qui pénétra dans celte contrée bientôt
après le bouddhisme. Il est hors de doute que la population
musulmane en Chine est très-considérable, quoiqu'il soit im-
possible d'en fixer le chiffre^ même approximativement. Actuel-
lement, l'insurrection, qui a un caractère essentiellement reli-
gieux et fanatique, s'est répandue sur l'immense parcours
depuis la province Chcn-sl jusqu'à notre frontière.
SOCIÉTÉ ROYALE GÉOGRAPHIQUE DE LONDRES.
Exploration du Rw-^Purus. {Séance du 26 février
1866.) — Des commerçants brésiliens, natifs du territoire des
Amazones, avaient remonté le Rio-Purus sur une grande par-
tie de sou cours : ils n'avaient trouvé aucun obstacle à la
navigation, et il fut naturellement décidé que ce courant
d'eau satisfaisait au grand desideratum d'un moyen iacile de
communication entre les parties orientales du Pérou (séparées
des ports du PaciGque par la chaîne presque impraticable
des Andes). Diverses explorations du Purus furent ordonnées
par le gouvernement brésilien. L'une d'elles (1860) fut con-
duite par ManoëL Urban, mulâtre de peu d'instruction, mais
d'une grande intelligence naturelle. Son but principal, en
entreprenant cette exploration, était de constater l'existence
d'une communication entre un tribulaire du Purus et le grand
Rio-Madura, au-dessus des rapides de ce dernier cours d'eau.
Cette communication aurait offert d'incalcnlablesavantagespour
( 5S8 )
le commerce brésilien, mais il fut prouvé qu*elle n^existait pas.
En 1862 eut lieu une expédition plus importante : un steamer
fut envoyé, mais il revint après avoir pénétré jusqu'à 800 milles
(129 kilomètres) et sans trouver de profondeur de moins de
7 1/2 fethoms (13 mètres); cependant aucune observation
astronomique n*avait été faite pour fixer les positions géogra-
phiques avant le voyage que vient d'accomplir M. Chandiess.
Il loua un bateau et un équipage d'Indiens Boliviens dans la
ville de Manaos sur le Rio-Negro, et commença à remonter le
24 juin 1864. Il réussit à arriver presque aux sources de ce
grand cours d'eau navigable, et fut de retour aux Amazones
en février 1865. Possédant les instruments d'astronomie et
d'arpentage, il exécuta un levé du fleuve. La longueur du
Purus entre son embouchure et le point qu'atteignit M. Chan-
diess est de 1866 milles (3000 kilomètres). Son cours, très-
tortueux et obstrué par des rapides, traverse une riche plaine
alluviale couverte de forêts si hantes et si épaisses qu'il ne put
nulle part découvrir la contrée environnante. Le principal
résultat de son exploration fut que le South-Pemvian-River
(Madré de Dios) n'était pas, comme on l'avait espéré» le com-
mencement du Purus.
Les petites tribus d'Indiens qui vivent près de ses sources
n'ont jamais été en communication avec les tribus demi-civi-
lisées qui habitent plus bas sur le fleuve, et même elles font
encore usage de la hachette primitive en pierre. Elles avaient
des chiens , mais pas de volatilesdomêstiques. Les tapirs, extrême-
ment nombreux dans ces sdfitudes reculées, semblent plutôt
étonnés qu'alarmés à la vue des voyageurs. Non loin de sa source,
le Purus reçoit deux cours d'eau presque égaux; M. Chandiess
les remonta tous les deux, et les trouva obstrués par des ro-
chers et des rapides. Au point extrême qu'il atteignit sur la
branche nord, le fleuve a une largeur de 30 yards (36 mètres).
Le voyageur estime que la source même du Purus n'était pas
à moins de 20 milles de distance. Le point le plus éloigné qu'il
( 63i )
ait atteint sur la branche nord était è 10^ 36' kh" de latitiide
méridionale, et k 72"* 9' de longitude ouest (méridien de Green-
wich); sur la branche sud, il est allé h iO° 53' 53" de latitude
et à 12'' iV de longitude ouest. Il a trouvé pour la hnuti^ar
au«4e8SU8 du nifeau de la mer i08S pieds (332 mètreB)^
M, Ghandless était résoin k tenter une seconde exploratioa
pour s'assurer que TAquiry, un affluent sud du Pumsi m
conduirait pas au Madré de Dios.
Le Niger. — M. Yaleniio Robins^qul a réaidé à Lukoja lor
le Niger de septembre 1864 II octobre 1865, a donné sur ce
fleuve« dans la séance du 12 mars, des détaib dont voici le ré-
sumé } Le cours du Niger est obstrué par de nombreosea îles
couvertes d'une brillante végétation tropicale qui semble sortir
de Teau, et sont de l'eflet le plus pittoresque. Après qu'on a
passé Onitsha, on aperçoit au loin une chaîne de montagneaj
le cours du fleuve commence alors à présenter des réciti*
Lukoja, station établie sur un territoire cédé w% AugWi,
par le rd des fiida, occupe une verdoysuls plaine au pied.
du PaUd (cet mot veqt dire rrumt dans la langue indigèoa) et
en face de l'embouchure de la Tsctadda* Le Niger canmaiiçi
à baisser au commencement d'octobre : au lé avril ii s'élaît
déjà retiré de 32 pieds (10 mètres); rabaiaiement continua
jusqu'à la fin de mal Au 1*^ juin les ^èw commancéren^ à
remonter, et au 1 0 septembre elles s*étai^ut levées à 41 pieda
6 pouces (12"", 60)) ce mouveiuent se continua juaqu'au 2$ ae|>-
tembrei la hauteur des eaui^ était akirsde 50 pieda (15 mètita)*
mais cette çnie est inu^éo) ainsi la rivière mit 243 juars à
baisser et 122 jours à s'élever ; il y a« en conséquence» huit mois
de sécheresse et quatre moia de saison humide. La montagne
en forme de taUe <pii domine Lukoja a 1100 pieds do haut
(335 mètres), et en arrière s'étend une vastt forêt. Selon te
traité passé avec le roi des Bida« le territoire anglais s'étend
jusqu'à trois journées de marche* Un pau au sud d« Luko^ le
Nige«* reçoit un petil affluent, le i^dokodo.
( 535 )
OUVRAGES OFFERTS A LA SOCIÉTÉ
SlANGES d'aTVL ET MAI 1866.
■/"i
EtROPË.
Beitrage znr Statistik des Grossherzogthums Hessen, 5 Band. Darm-
stadt, 1865. 1 broch. in-4°. M. Ewaud.
Znr Hypsometrie der Schweiz und zur Orographie der Alpen. Erlau-
terungen fur die hypsometrische Karte der Schweiz yon J. M. ?ie?
gler. Wiolertlinr, 1866. 1 broch. in-S^. M, J. M. Zibgler.
Éclaircissements de la troisième carte de la Suisse, a^ec l'index de la
carte et de Thypsométrie de la Suisse, par M. J. M, Ziegler,
4* édition. Winterthur, 1866. 1 broch. ip-8°. Bft J- M. Zikglbr.
Esquisse physique des tles Spitzbergen et du p61e arctique, par
M. A. Charles Grad. Avec une carte. Paris, 1866, 1 vol. in-8°.
ASIE.
Il Keged setlentrionale. Itinerario da Gerusalemme a Aneizeh nel
Cassimdi Carlo Guarmani di Livorno. Gerusalemme, 1866. 1 vol.
in-8*. M« Chabuss Guarman).
Excursion en Asie Mineure, par le comte A. dç Moustier (1862).
Paris, 1864, t vol. \n-&°, U. le gomtb A. de Modst(bb.
OUVRAGES 6ÉN6PADI. IIÊUNGE&
NoUeas sur Ua colonies françaises, accompagnées d*nn atlas de
U carttf, publiées par ordra da S. Exe, la maïquif da Q^affei^p-f
Laubat, ministre de la marine at des eolonies» Parisi 1866, 4 fol.
iU'8^ at 1 vol. in-fol^ S. £xc. ut HABOPia na CBAsanopv-LÀDaAf t
L'espace céleste et la nature tropicale. Desorip^ion ihysi^mf d9 rypi-
vers» d^aprèf des ohaervationy parsonnallef failas dans laa 44liS
b^misphèrast par M. Emin. {jals- Paris* i vol, gr^pd IfHI^» mrec
planches, ll« fiaiif Uaib^
De l'emploi des observations aztmutales ppur )a déteroiinaiiaq dM
ascensions droites et des déclinaisons des étoilas, par M« ipinm*
Liais. Paris, 1858. 1 br. in-8^ M. Eu* Liiia,
Influença de \^ mer sur les climats, ou résultats des observations «é-
( 536 )
iëorologiqaes faites à Gherboarg en 1848, 1849, 1850, 1851, par
M* Emm. Liais. Paris, 1860. 1 br. in-8<>. M. Ehm. Liais.
Eine Encyclica ans dem 9^ Jahrhandert. — Ein Tractât ûber das
heilige Laod und den dritten Kreaizag, von D' 6. M. Thomas.
Mûochen, 1865. 1 br. in-8^ M. le D^^ 6. M. Thomas.
Le Specie dei cotoni descritte da Filippo Parlatore, accompagné d'an
volume de planches. Firenze, 1866. 1 br. in-4° et 1 vol. in-fol^
M. Filippo Pablatore.
L'homme et ranimai, par M. Praner-Bey. Paris, 1865. 1 br. in-8*'.
M. LE D*^ Prcner-Bet.
Lettres sur les roches du Jura et leur distribution géographique dans
les deux hémisphères, par Jules Marcou. Paris, 1860. 1 vol. in-8*
avec 2 cartes. M. Jules Margoo.
Les Anglais an pâle nord. Aventures du capitaine liatteras, par
Jules Verne. Paris, 1 vol. in-18. M. Jules Verne.
Le Désert de glace. Aventures du capitaine Hattéras, par Jules Verne.
Paris. 1 vol. in-18. M. Jules Verre.
Rapport sur Touvrage de M. Paul Riant, intitulé : Expéditions et pèle-
rinages des Scandinaves en Terre-Sainte au temps des croisades,
par M. E. Cortambert. Paris, 1866. 1 br. in-8^
M. E. Cortambert.
Gollecçâo das medalhas e condecoraçôes portuguezas e das estran-
geiras com relagâo a Portugal pertencente ao tom III, part. II, das
If emorias da Âcademia real das sciencias de Lisboa coordenada
pelo socio effectivo Manuel Bernardo Lopes Femandes. 1 vol. in-4°.
ACAOâlIE DE UsBomiE.
Considérations ^générales sur les animaux fossiles de Pikermi, par
Albert Gaudry. Paris, 1866. 1 br. in-8o. ^ Albert Gaudrt.
Essai sur led croisements ethniques. 3' mémoire, par J. A. N. Perier.
Paris, 1865. 1 br. in-8'. M. J. A. N. Perier.
Suggestions fbr the encouragement of émigration by theoretical,
financial aod practical means, by. J. J. Sturz. Washington, 1866.
1 feuille in-8°, M. J. J. Stdbi.
Die Deutsche Nordfahrt, Aufruf an die Deutsche Nation, D^ A. Peter-
mann. Gotha, 1866. 1 feuille in-4<>. M. le D^ A. PETERMAim.
Annuaire de la Marine et des Colonies, 1866. Paris, 1866. 1 vol.
iii-80. Ministère de la Marotb.
( 537 )
Das harmoDiscbe oder Âllgemeine Alphabet zur traoscription fremder
schriftsysteme io lateioîsche schrift, zunâchst in seiner anwendung
auf die Slawischen uod Semitischea Sprachen, von D' Andréas
Angust Ernst Scbleiermacher. Darmstadt, 1864. 1 vol. in-4%
M. EWALD.
£1 Kamsa. Il cavallo arabo paro sangue di Carlo Gnarmani di Li-
vorno. Seconda edizione. Gerusalemme, 1866. 1 vol. in-8*^.
M. Charles GnARHANi.
Anuario de la direccion de bidrografia. Ano IV. Madrid, 1866, 1 vol.
in-8'.
ATLAS ET CARTES.
Karte des Russiscben Reicbs in Earopa. Bearbeitet von Heinrich Kie-
pert. Berlin, 1865. 6 feuilles. M. Hsrbi Kiepert.
Carte générale de l*empire Ottoman en Europe et en Asie, dressée par
Henri Kiepert. Berlin, 1865. 4 feuilles. M, Henri Kiepert.
Piano topografico de la ciudad de Merida, por Agustin Diaz. 1864-
1865. 1 feuille. M. Augustin DrAz.
Nuevo mapa de los Estados de Sonora, Cbihaabua, Sinaloa, Durango,
y territorio de la baja California, formado por E. de Fleury. San-
Francisco, 1864. 8 feuilles. M. G. Maunoir.
Amérique équatoriale. Carte dressée par le vicomte Onfflroy de Tho-
ron. 1866. 1 feuille. M. le vicomte Onffrot de Thoeon.
Carte agronomique des environs de Paris, par M. Delesse^ ingénieur
des mines. Paris. 2 feuilles. Échelle de 1/40 000^.
Pri&fecture de la Seine.
Le Jura dans les deux hémisphères. Carte du globe à Tépoque juras-
sique, montrant la distribution des terres eC des mers, construite
par M. Jules Marcou. 1860. 1 feuille. M. Jules Margou.
Carte du théâtre des opérations autour de Sébastopol. 15 feuilles»
M. Auguste Yiquesnel.
Carte du cours inférieur du Jourdain, de la mer Morte et des régions
qui Pavoisineut. — Carte du Wady Arabah et du lit du Wady el
Jeib, dressées par M. Vignes, lieutenant de vaisseau, assisté de
M. le D' Combe, pendant leur voyage avec M. le duc de Luynes en
1864, et publiées sous ses auspices en 1865. 2 feuilles (1/140000*).
M. le duc de Lutnes.
L'hoinro'^
Lettres ?•
avec "
Les A"'
Joies
Le Désf
Pari^
Rappor
riu
pai
F'
l
Eioe Enc^ " » r - ''- ^^=^
heiVige L ^ *»
Mùnch* —
-«•* * ii i>
....^fl-
lit
Z
( b^^ )
Abhanihingen fur dk Kundê deê MwyeniéÊndés^ beraasgegèbèn Von
der deutiebfn morgedlXDdiseheti Qesellsotaafkj m BUnd, n^ it
Sse-schu, Scha-king, Behi-king^ ia teandschaiMlier Uebersetxàag;
mit einem Mandschn-Deoticbeii Wcerterboeb. (Èéïtê p«r H. de
Oabelentz.) f faaeionle. Teile. Leipz., lSd4, ln-8''.
Abhandlungm der hé». Akâd, def Wis8(fnscMfiên èH BéfUn, iÉtZ.
Berlin, ^864, in-4.
Wetzstein. Gboii dlnaeriptions greeqttéà et laliifea recueillies
pendant un royage dans lea Trachonet et les montagne^ du Hàtsû*-
ràn. -^ Bmthmann, Système todal dés langues dé la 9ônofa :
1'^ partie, Grammaire des quatre principales langue» de la Sotfora.
Monatsbeféohte der kostt. prettsslseben Âkademie étt Wissdfnscba/ten
iti Bériitt, 1864. Beflin, 1§65, iii-8», avec p\.
H, KieperU Étude sur Tethnographie ancienne de la pénfttSQle
Ibérique. -* Parihey. Sût le eoui4 supérieur du Kil, d'atïrè* Pt(^
lémée. — Dove, Sur le tracé des isométfatcis dins VAtbêAifiit du
Nord.
IHtftiâbiaH des Verèlnl fur ErdMUûd^^ zu Darmsiadt, tietausgeg. Ton
L. Ewald. 1864, n*" 25-î<6, JaUY.oct.
19&rdische HevUe. T. III, «• 3, anil; t. IV, u«* 1 et 2, mats et mèi.
MemôHas de la Real Aedêérttkt de ôtencids dé ModfiÛ, t. tt. IJiéiicias
flsicas, t. 11^ part. 1-2. Madrid, 1864-^68, ib-4*.
htsumbn de Ids cu:ta$ de là Real Âcademîa de ciencias de Madrid, en
el ano de 1862 à 1863. Madrid, 1864, in-8\
Boletim e Annaes do Conseîho uUramarino» N^' 78 à 84. Novembre
1860, mai 1861. ^N^'llSà 117. Décembre 1863, février 1864,
Vf
N*^ 78 et 79. Angola. Noticia de algunsdas districtos de que se
compoe esta provincia.
No« 79 à 82. Cabo Verde, Descripçâo em 1810.
No« 83-84. /. V. Carneiro, Observaçoes sobre e estatiética das
possessoes portuguezas na A frica occidental, 1848.
N*" 84-85. Fr. Xav. Lopes. 6 Domhe grande daQuisamba.
Boletim de la Sociedad Mexicana de Geografia y EsladisUca, T. X,
n» 9; t. XI, n" 1 et 2.
N<* 9. J. Andrade. Memoria sobre el cultivo de Talgodon (concl.).
— A» del CaslUlpx pescripcion de la masa de berro meteorico de
r
( 540 )
Yautniillao recientemeote traida a esta capital. — L90p. Rhâela
Loxa. El fierro meteorico de Yanbuillan. — Memoria sobre la
pesca de la perla en la Bj^ja California (18S7). — D. José F.Ve-
lasco . Efttadiftica de Sonora (contiouacioD).
T. XI, n® 1 « Resena de los trabajos de la sociedad en el ano de
1864, por el lecretario perpetao i). José Miguel Arroyo, — Esta-
disiica de Sonora (con tin.) • ^
N^ 2. Estadiitica de Sonora (conclusion).
Revista trknensal do Institato bistorico, geographico e etbnographioo
do Brasil* T. XXYII, parte seconda, 4^ trimestre. Rio de Janeiro.
1865, in-8*.
J. M» P, de Àleneaslre^ Anuaes da provincia de Goyaz (soite).
Proceedings of the American phUosophiccd Socieiy. N*" 71 et 72. Phi-
ladelpbia.
Annual Report of the Smilhsonian Institution ^ for tbe year 1863.
Washington, 1864, in-S».
Brief abstract of a séries of six Lectures on the principles of lin-
guistic science, i864. — Memoir of C. F. Beantemps-Beanpré, by
M. Élie de Beaoniout, transi, from the frencb. — Figure of the;
earth, by Sr. M. Merino, from the Span. — An Account of the
aboriginal iohabitants of the Galifornian peninsula, by J. Baegert,
S. J. from the spanish lang.
Journal of the Franktin institute of PennsyWania for the promotion or
the mechanic arts. Mars à octobre.
AustraUan and New ZeaXand Gazette. N*** 700, 701, 725-729.
25 mars-l«' avril 1865^ 18 sept.-17 oct.
The Australasian. N^* 27 à 30, 44 à 47. 31 mars-21 avril, 28 juillet-
18 août 1865 (Melbourne),
The LyUeUon Times. N<>> 1386, 1399, 1458.
Rapports de MM. Juiss Haast et Griffith sur leurs eiplorations
géologiques et topographiques, Nouvelle-Zélande.
The Cape and Natal News. No** 126-131. 2 août-17 oct. 1865.
The Canadian News and British Columbian Intelligencer. N^* 340 à
351. 3août-19oct. 1865.
Annales des voyages. Mai et Juin.
Mai. — Résumé historique et géographique de Teiploration de
Gerhard Robifs au Touàt et à In-Çâlab, diaprés le journal dece voya-
1
( 54i )
gettr, publié par M. Â. PetermaDD. Par M. T. A, iÀa)X9^%iv,fi
(1*' article). — Haïti et les HaUiens, par le docteur CamXWe Ricque.
— Esquisse physique des lies Spitzbergeu et du pôle arctique (suite
et fia), par Charles Grad. — Société centrale de sauvetage des nau-
fragés^ par Augustin ChcMameL — Journal de la Société impériale
de Géographie de Saint-Pétersbourg. Quelques extraits, par M. Ad.
de Circourt. — I. Statistique ethnographique et commerciale
d*Odessa. II. Armes et instruments de pierre proyenant de la Russie
boréale, par Adolphe de drcourt. — La Régence de Tunis au xii*
siècle, par A. de Flaux. Par G, Privas. — Discours prononcé par
M. le marquis de Chassdoup^Lauhaty ministre de la marine, à la
première Assemblée générale, pour 1866, de la Société de géogra-
phie. — Extrait d*une lettre de H. Frédéric de Helleval au Rédac-
teur, à propos de Torigine asiatique de quelques anciens peuples
d*Amérique. — Les plans-reliefs topographiques de M. Bardin. —
Le Rio San -Francisco, importance de son bassin. Travaux hydro-
graphiques de Emm. Liais.
Juin. — La Papousie et ses habitants. Etude géographique sur un
pays peu connu, d'après le docteur F'riedmann. Par M. V. A. Malte-
Brun. — Résumé historique et géographique de Pexploration de
Gerhard Rohifs au TouAt et & In-^ftlah, d'après le Journal de ce
voyageur, publié par M. A. Petermann. Par M. F. A. Malte-Brun
(suite), avec carte. — Le massif des Vosges. Etude de géographie
physique, par Charles Grad. — Notices sur les colonies françaises,
accompagnées d'un atlas de 14 cartes, et publiées par le ministère
delà marine et des colonies, par M. V. A. McUte^Brun, — L^Année
géographique. Revue des voyages de terre et de mer, ainsi que les
explorations^ missions, relations et publications relatives aux sciences
géographiques et ethnologiques, par L. Vivien de Saint-Martin ;
par Charles Grad. — Lettre de M. Frédéric Schiern, professeur
d'histoire à TUniversité de Copenhague, et membre de TAcadémie
des sciences, au Rédacteur.
TABLE DES MATIÈRES
CORTBIillM
DANS LE TOME XI DE LA 6* SÉRIE.
■Ii^t ■■ ni
t. — MÉMOIRES, NOTiCeS, RTC.
CoMTB Di MoNTBLANC. — Considérations géa^ral^t «ur l'état «etu^l
du JapQAt . . . , f t . > . , • * . . • t * 5
Eailft«lAU, consul de Frupce. — Notiee géog râphique, historique^
ethnographique et staUllique sur la Bosnie 17, iil5
Vt GinLiiOnFi -^ Essai sur le Qhilan , 81
Wii4aA]f Hv?i(i|. — OoQftidératiens générales sur les Alpes Cen-
rralej, , , 405
4IIT0IKS H'Abbaois. •»* Sur le droit bilen à propos du livre de
||. Werner Munsiuger, intitulé : Les mœurs et le droit des
99m' • • • » • 241. A70
Wl^Tf ^Biul de France. — Le diocèse d'Àlessio et la Mirditie. , 871
piscpurs d'ouverture de S. Exe* M, le marquis de C]IA&9E|.oup-
Laupat, Ministre de la marine e^ des colonies^ président de la
Société, prononcé à rassemblée générale du 27 avril. . . , 337
BouKBioi*. ^- Kappert sur le prix annuel pour la découverte la phi»
importante en géographie , 3A3
G. Maunoir. — Rapport sur les Plans-reliefs des montagnes fran-
çaises de M. Bardin 363
£. Gaultier de la Righerie. — Souvenirs de Taïti sous le pro-
tectorat français 371
EUMANDEL Liais. — Le San Francisco au Brésil 389
Ifcl
/ '
\
^
t I
I
(643)
E. G. Ret. — ' Keconnaissa nce de la montagne des Ânsariés 433
G. Màunoir. — Garte d'Italie dressée ][»ar Tétat-major italien /187
IL — ANALYSES^ RAPPORTS, ETC.
EuGÈN^ GpRT^VSPaT» r^ ^pprMur bs 09péditioa# ^It pi^rÎD^ges
des iScandin»v^ lea Terfrerj^^ij»^, ^^ tpmps ^ CrpjMies. , . , , 196
y. GcÉiiifr -^ I^Ppoit sur le voyag;e en Terre-Sainte de M. 4ç
Saulpy , ,,., ,., 289
MsFjRByRE-DuanF^, -^ h9f^jfini de la Sectipn de cpn^^Ubilité spr
i«s G|9jODpte9 4» i865 i»t sur le budget de i866. .... ^ ,..,., , A94
III. — COMMUNICATION.
MAiTiN &B MoimT» •«— bàflraotioAs géoyrtphiqu es p9iir M, Oflmw
Laporte, consul de France à Fernambouc • . . 51
Lettre de M. G. Lejean au Président de la Gommission centrale. . . 309
Rapports sur la mort du baron von der Decken 313
E. Desjardins. — Nouvelle note sur Tinscription latine relative au
nom géographique de Genabum et sur l'emplacement de cette
ville 503
Garle géologique de la terre^ par M. Jules Marcou 509
Lettre de M. G. Lejean au Président de la Gommission centrale. . . 515
iV, ^ ACTS3 DP LA SOCIÉTÉ.
Procès-verbaux des séimces 58, 207, 320, 403, 519
V. — NOUVELLES ET FAITS GÉOGRAPHIQUES.
Le nouveau voyaj^e du docteur Livingstone. — Voyage du profes-
seur Agessiz au Brésil . — Glimat de la tïouvelle-Zélande ..... 218
Carte ttqMnpbiqua des Ues Britcaniques. — Les puits artésiens
de Ghicago. — Émigration au Brésil. — Les steppes de Kuma-
Manich ^ ff 3^^
Expédition scientifique aux bouches de l'Yénisséi. — Le No-man's
Land 422
Projet d'exploration du pôle nord, — Population de Saint-Péters-
bourg et du gotivemement de Kevno • » 529
( 5i )
Sociélé impériaU géographique de Russie. — LÎle àe Oeylan. —
Séance annuelle de 1865. — Mesure d'un arc de parallèle. —
Les mulsumans de la Chine et leur insurrection. .74, 227, 423^ 530
Société royale géographique de Londres. — Madagascar. —
Voyage de Duchaillu à la cdte occidentale d'Afrique. — La mort
du baron von der Decken. — Exploration du Rio-Purus. — Le
Niger 228, 327, 426, 532
Société de géographie et de statistique de Mexico. -^ Envois
adressés à cette société pendant le troisième trimestre 333
Ouvrages offerts à la Société 78, 233, 335, 429, 535
PLANCHE.
Reconnaissance de la montagne des Ansariés à 1/500 000*, par
M. E. G. Rey.
y
ERRATA
Page 208 ligne 3 aii lieu de d'avoir dans une autre enceinte. <ii6<3r d'à voir
obtenus dans une autre enceinte
— 209 — 3 — déjà bien connu depuis pour un livre. Usez
déjà bien connu pour un livre
— 210 — 14 — sur leur admission, dans une, lise j sur leur
admission dans une
— 2^1 — 17 — (PrincesseKoltzoffMassalsky).— M. Duha-
mel, lisez (Princesse Koltzoff Massalsky)»
M. Duhamel
— 213 — 18 — pour établir, {fsejar afin d'établir
— 213 — 19 — la juste balance, entre les prévisions, Itses
la jusle balance entre les prévisions
— 217 — 11 — Ausariés, Usez Ansariés
— 313 — 3 de la note, au lieu de Kusten, Usez Kersten
-* 331 — 1 9 au lieude 440 milles, lisez 40 milles
Pfris. — Imprimerie de E, Martinet, me Mignon, 8,
^■^
/'f
'^
^
*<. ^k. .1
THB NBW YORK PUBLIC LIBRARY
KBFBRBNCB DBPARTMBNT
Tldft book i» imder no oiromneteiioes to b«
tak«a from tfi« Building
+'
k
:
m,
'i—
]-
fvrni «if
» » .'
.. /.
I
» 1
-Mx'"^,
/ ''v.
.■'\V»,;:.i5