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Full text of "Bulletin de la Société de géographie"

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I 



la. 



BULL ETIN 



DE LA 



f f 



SOCIETE DE GEOGRAPHIE. 



Trolatème Série. 
TOUX Tzn. 



BUREAU DE LA SOCIÉTÉ, 

(ÉLECTIONS DU 30 AVRIL 1847.) 



Président. 
yic^-Présideiits, 

Scrutateurs, 
Secrétaire. 



M. le comte Molk, pair de France. 
M. Drouth db Lhuts. 
M. Dk La Roqubtte. 

M. Bajot. 

M. YAVviLLisms. 

M. POULAIH OB BOSSAT. 



Liste des Présidents honoraires de la Société, depuis son 

origine. 



MM. 

Le marquis de Laplacb. 

Le marquis de Pastoret. 

Le vicomte de Chatbaubriand. 

Le comte Chabrol de Yolvic. 

Becqubt. 

Le baron Albx. db Homboldt. 

Le comte Chabrol db Crousol. 

Le baron Cuvibr. 

Le baron Htdb db Neuville . 

Le duc de Doudbauville. 

J-B. Etriès. 

Le comte de Rioitt. 

Dumout d'Urvillb. 

Le duc Decazes. 



MM. 
Le comte de Montalivbt. 
Le baron de Barante. 
Le lieiitcoanl-général Pelet. 

GUIZOT. 

De Salvaitdt. 

Le haruu Tupiitier. 

Le comte de Las (^ases. 

Villemain. 

CuNiM Gridaiice. 

L'amiral barou Roussin. 

Le vice-amiral baron de Mackau. 

Le vice-amiral Halgan. 

Le baron Walgkbnabr. 



Correspondants étrangers dans l'ordre de leur nomination. 



MM. 

Le docteur J. Mbase, à Philadelphie. 
H. S. Tanner, à Philadelphie. 
W. WooDBRiDOB, à Boslun. 
Le It-col. Edward Sabine, à Loudres. 
Le colonel Poinsbtt, à Wa.shingtou. 
Le col. d*Abrahamson, à Copenhague. 
Le professeur Schumacher, à Altona. 
Le docteur Reinganum, à Berlin. 
Le capit. sir J. Franklin, à Londres. 
Le docteur Ricbardson, à Koudres. 
Le professeur Rafn, à Copenhague. 
Le capitaine Graah, à Copenhague. 
AiNSWORTH, à Edimbourg. 
Le conseiller Aprien BALBi,àVientte. 
Le comte Graberg de Hebisô,» Florence. 



MM. 

Le colonel Long, à Philadelphie. 

Sir John Barrow, à Londres. 

Le capitaine Maconochie , à Sydney. 

Le capitaine sir John Ross, à Londres. 

Le conseiller de Magedo, à Lisbonne. 

Le professeur Karl Rittbr, à Berlin. 

Le capitaine G. Bacb. 

F. Dubois DE Montpereux, à Neuchâtel. 

Le cap. John Washington, à Loudres. 

Le col. Ferdinand Yisconti, à Naples. 

P. DE Angelis , à Biienos-Ayres. 

Le docteur Kriegk, à Francfort. 

Adolphe Erman, à Berlin. 

Le docteur Wappaus , à Goel lingue. 

Le colonel Jackson , à Londres. 



I'aRIS. — IHPniMtBIK DE L 11ARTIN£T 

rH4> i»cu\) , 30. 



BULLETIN 

I>K LA - 

SOCIÉTÉ DE GÉOGRAPHIE. 



Some l)ttiliènie. 



PARIS, 
CHEZ ARTHUS-BEBTRAND, 

LIBHAIRB DE LA SOCIÉTÉ DE cé OGB A P UI B . 



COMMISSION CENTRALE. 



COMPOSITION DU BUREAU. 

(Élection du 8 janvier 1847.; 

Président. M. Jomard. 

Fiee'Président», MM* le vicomte ob Saï^tarkm , Roui db Rochbllé. 

Secrétaire-général. M. Vitibn db Sautt-Martixt. 

Section de Correspondance. 

MM. Bajot. MM. G. Moreau. 

Gallier. Noël-Desvergen. 

Cochelet. D'Orbigny. 

Guigniaut. Poulain de Bossay» 

Lafond. Baron Roger. 

Lebas. Texier. 

Section de Publication. 

MM. Albert-Montémont. MM. Gay. 

D'Avezac. Imbert des Mottelette». 

Berthelot. Baron de Ladoucette. 

Gortambert. Letronne. 

DauMy. Ternaux-Gompans. 

De Frobervill^. Le baron Walckenaer. 



Section de Comptabilité. 

MM. Ansart. MM. Isambert. 

Le colonel Gorabœuf. De la Roquette. 

Goutband. Thomassy. 

Comité chargé de la publication du Bulletin. 

MM. Albert-Montémont. MM. Guigniaut. 

D'Avezac. Jomard. 

Berthelot. De la Roquette. 

Gochelet Roux de Rochelle. 

Gortambert. Vicomte de Santarem. 

Daussy. Vivien. 



M. Ghapellier, notaire, trésorier de la Société, rue Saint-Honoré, 370. 
M. Noirot, agent-général et bibliothécaire de la Société, rue de TUniver- 



BULLETIN 



DE LA 



SOCIETE DE GEOGRAPHIE 



JUILLET 18i7. 



PREMIERE SECTION. 



MÉMOIRES, EXTRAITS, ANALYSES ET RAPPORTS. 



Exploration dans la Tartarie mongole et au Tibet ^ de 
ISii à 18A6 , par MM. Gabet et Hue , missionnaires 
français. Fragment inséré au cahier de juillet 1847 des 
Annales de la Propagation de la foi , et analysé par 
M. Albert -MoNTÉMOMT, membre de la Commission 
centrale. 



Les premiers prêtres français qui , en 1796 , furent 
envoyés dans la Mongolie, étaient des missionnaires 
lazaristes, dont le supérieur demeurait alors à Pékin. 
Un décret de l'empereur actuel , Tao-Kouang , ayant 
en 1827 expulsé de la capitale les missionnaires eu- 
ropéens et détruit leur église, les lazaristes se réfugièrent 
dansla Tartarie, à Siwan, station qui devint alors le siège 
d^un vicariat apostolique, embrassant une zone d'envi- 
ron 300 lieues de long sur 100 de large, et comprenant 
divers peuples échelonnés à droite et à gauche de la 
girande muraille. 



( 6 ) 

En 184A, les ecclésiastiques français Gabet et Hue, 
afin d'étendre de plus en plus la connaissance des vé- 
rités de l'Évangile, quittèrenl la vallée des Eaux-Noires, 
chétienté située à près de 100 lieues au nord de Pé- 
kin ; ils emmenaient avec eux un jeune lama de la 
province de Ran-Sou , d'où il s'était échappé dès l'âge 
de onze ans, pour essayer delà vie errante, et qui venait 
d'être instruit çt baptisé par M. Gabet. Deux cha- 
meaux portaient les bagages ; M. Gabet montait une 
grande chamelle, M. Hue un cheval blanc , et le jeune 
lama un mulet. 

Ce dernier n'étani pas mieux instruit qu'eux des 
routes de la Tartarie, nos voyageurs s'aventurèrent 
dans les déserts, n'ayant pour seuls guides qu'une 
boussole et une carte de l'empire chinois. Après huit 
jours de marche à travers les fertiles prairies du 
royaume de Géchekten, ils rencontrèrent de nombreu- 
ses caravanes qui les avertirent du voisinage de la 
grande ville de To/onNoor, Us aperçurent bientôt la 
toiture dorée de deux magnifiques lamazeries , ou de- 
meures de lamas ; puis ils cheminèrent au milieu des 
tombeaux innombrables qui environnent la ville et 
qui sont entremêlés de jardins, où» à force de soins, on 
cultive quelques misérables légumes , le sol sur lequel 
repose la cité ne produisant rien autre chose ; car le 
pays est aride, sablonneux, et les eaux y sont extrême- 
ment rares. 

Tolon-Noor n'est pas une ville murée; c'est «ne 
vaste agglomération de maisons laides et mal d\stiri- 
buées. Les rues sont tortueuses, sales, et boueuses. 
Cependant, malgré le peu d'agrément que présente 
Tolon-Noor, malgré la stérilité de ses environs , l'ex- 
tiême froidure de l'hiver et les chaleurs élouflfantes 



(7) 

de Tété , sa population , dit M. Hue, est immense ; le 
commerce y est prodigieux ; règle générale , ajoute* 
t-il , sur ce grand marché les Chinois finissent tou- 
jours par faire fortune , et les Tartares par se ruiner. 
Tolon-Noor est comme une monstrueuse pompe pneu- 
matique qui réussit merveilleusement à faire le vide 
dans les bourses mongoles. 

Cette grande ville commerçante , appelée par les 
Tartares Tolon^Noor (sept lacs) , par les Chinois Lama- 
niao ( temple lamanesque], est désignée sur la carte 
d'Andriveau Goujon , sous le nom de Dfonaiman" 
soume. Cette ville appartient au royaume de Géchekten, 
pays fertile et pittoresque. Mais d'année en année il 
perd sa couleur tartare. Les Chinois , par une combi- 
naison de finesse et d'audace , finissent peu à peu par 
l'envahir. Les limides et simples Mongols se laissent 
faire , et , dans peu de temps , ils seront obligés , dit 
M. Huc« de reculer vers le nord et d'aller demander 
au désert un peu d'herbe pour leurs troupeaux. 

Du royaume de Géchekten , nos voyageurs passè- 
rent dans le Thakàar, que les Chinois nomment Paki 
(huit bannières). Ce pays fut donné aux Tartares qui 
étaient venus aider la dynastie actuelle à faire la con- 
quête de la Chine. Les miliciens enrôlés sous les huit 
bannières sont tous soldats de l'empereur et » dit*oi\, 
les plus valeureux de l'empire. Ce n'est jamais qu'à la 
dernière extrémité qu'on les met en mouvement. Le 
Thakhar, dit M. I{uc, est un pays magnifique; les pâ- 
turages y sont gras , les eaux bonnes et intarissables. 
C'est là que se trouvent les grands troupeaux de l'em- 
pereur. Dans ces steppes si vastes , point de villes , 
point d'édifices , point d'art, point d'industrie, point 
de culture. C'est partout et toujours une prairie quel- 



(8) 
quefois entrecoupée de grands lacs, de fleuves œajes- 
tueuXy de hardies et imposantes montagnes , quelque- 
fois se déroulant en incommensurables plaines. Alors, 
quand on erre au milieu de ces verdoyantes solitudes» 
dont les bords vont se perdre à l'horizon, vous croi- 
riez être , dit M. Hue, par un temps calme au sein 
de rOcéan. Les blanches tentes mongoles surmontées 
de bannières qu'on voit se dessiner dans le lointain , 
sur ce fond de verdure , font assez l'effet de petits na^ 
vires aux mâts pavoises. Quand une fumée noire et 
épaisse s'élève de ces iourtes, vous croiriez voir des 
bateaux à vapeur sur le point d'appareiller. Au reste , 
ajoute le narrateur, le marin et le Mongol ont entre 
eux de frappantes analogies de caractère. De même 
que le premier s'identifie avec son navire qu'il ne 
quitte jamais , l'autre en quelque sorte ne fait qu'un 
avec son cheval Plus le coursier du désert est fou- 
gueux et sauvage , plus il s'élance par sauts et par 
bonds à travers les précipices, plus aussi le cavalier 
est à son aise. C'est comme un matelot qui aime à se 
trouver sur un navire agité par la tempête. Le Mongol 
et le marin , quand ils ont mis pied à terre , se sentent 
déconcertés et comme jetés hors de leur sphère; ils ont 
la démarche pesante et lourde ; la forme arquée de 
leurs jambes , leur buste toujours penché en avant , 
les regards qu'ils jettent à droite et à gauche ^ tout 
annonce des hommes qui passent la plus grande par- 
tie de leurs jours , non pas sur la terre , mais sur un 
cheval ou sur un navire. 

Suivant M. Hue , les solitudes de la Mongolie et la 
vaste étendue des mers agissent sur l'âme à peu près 
de la même manière ; leur aspect n'excite ni la joie ni 
la tristesse, mais plutôt un mélange de Tune et de 



(9) 
l'autre, un sentiment mélancolique et religieux qui 
peu à peu élève Tâme, sans lui faire perdre entière- 
ment de vue les choses d'ici-bas ; sentiment qui tient 
plus du ciel que de la terre , et qui parait bien con- 
forme à la nature d'une intelligence servie par des or- 
ganes. 

Après quelques journées de marche dans le Tha- 
khar, nos pèlerins rencontrèrent une vieille ville dé- 
serte , ruine imposante et majestueuse. Les remparts 
crénelés , les tours d'observation , les quatre grandes 
portes situées aux quatre points cardinaux , tout était 
conservé ; mais , tout était comme autrefois aux trois 
quarts enfoncé dans la terre et recouvert de gazon. 
Depuis que cette ville avait été abandonnée , le sol s'é* 
tait élevé , et était presque monté jusqu'à la hauteur 
des créneaux. Dans l'intérieur de cette ville abandon- 
née on n'apercevait ni décombres ni ruines, mais 
seulement la forme d'une grande et belle cité , enter- 
rée à demi, et que les herbes enveloppaient comme 
d'un linceul funèbre. L'inégalité du terrain dessinait 
encore la place des rues et des monuments. M. Hue 
rencontra un jeune berger mongol qui fumait siLen- 
cieusement sa pipe, assis sur un monticule, pendant 
que son grand troupeau de chèvrfes broutait l'herbe 
au-dessus des remparts et dans les rues désertes. Sui- 
vant M. Hue, il n'est pas rare de découvrir en Mongolie 
des traces de villes, autres Palmyres, autres Ninives , 
jadis bâties et occupées par les Chinois. 

Non loin de la vieille ville est une large .route allant 
du nord au midi ; c'est celle que suivent ordinairement 
les ambassades russes qui se rendent à Pékin. Les 
marchands chinois qui vont faire le commerce à Kiakta, 
yille fontière de la Sibérie , suivent aussi cet itinéraire. 



( 10 ) 

M. Timbouski , dans la relation de son voyage à Pékin , 
dit qu'il n'a jamais pu savoir pourquoi leurs guides 
leur faisaient prendre une route différente que celle 
que les ambassades précédentes avaient suivie. M. Hue 
en donne la raison : c'était , dit-il • une précaution 
politique du gouvernement. Il ordonnait de faire avan- 
cer les Russes par des circuits et des détours , afin 
qu'ils ne pussent pas reconnaître les chemins. 

Après cette vieille cité, on arrive à Koukou- Hôte [ville 
hleue)ySLppeléepBrlesChmoi3 Koui'Hoa-Tcheu. Il y avait 
un mois que nos pieux voyageurs étaient en marche. Il 
existe,ditM. Hue, deux villesdu même nom à cinq lis(l) 
de distance l'une de l'autre, la ville neuve et la vieille. 
Cette dernière est entourée de murs; mais le corn* 
merce y est si grand qu'il a fini ])ar franchir les rem* 
paris. Peu à peu des maisons se sont élevées , de 
grands quartiers se sont formés en dehors de la pre-<- 
mière enceinte, et maintenant l'extra muros est devenu 
beaucoup plus important que Tintérieur. La ville 
neuve , peu distante de sa sœur aînée , compte peu 
d'années d'existence. Elle a, suivant M. Hue, un aspect 
beau , grandiose , et qui serait même admiré en Eu-^ 
rope. Au dedans, les maisons, basses et de style chi- 
nois , n'ont rien qui soit en rapport avec les hauts et 
larges remparts d'alentour. Le commerce d'ailleurs 
n'y est d'aucune importance. 

De Koukou-Hote on se rendit à Thagau-^Kouren 
(enceinte blanche) , ville bâtie sur les bords du fleuve 
Jaune. Thagau-Rouren n'a de remarquable que la 
propreté des rues , la bonne tenue des maisons et le 
calme qu'on voit régner partout. Son commerce est 

(i) Le H chinois équivaut à un peu plus d'un demi-kilomètre. 



1 11) 

loin de pouvoir être comparé à celui de Koukou-Hote 
Toutes ces villes qu'où rencontre dans la Tartarie, à 
des distances plus ou moins éloignées des frontières de 
la Chine, sont des marchés très fréquentés, où se 
rendent les Tartares de tous les points de la Mon- 
golie. 

Avant de pénétrer dans le pays d'Ortous , nos ar- 
gonautes évangéliques avaient à traverser le fleuve 
Jaune , qui venait d'éprouver un affreux débordement, 
et dont les eaux n'étaient pas encore rentrées dans leur 
lit Pendant trois jours entiers , ils chevauchèrent dans 
des marais inconnus, s'abandonnant à la providence 
et laissant aller leurs montures d'après leur instinct. 
Quand elle rencontra le lit du fleuve , la petite cara- 
vane monta sur une barque de passage, et gagna mi- 
raculeusement le pays d'Ortous. 

Les rives du fleuve Jaune sont ordinairement cou- 
vertes de flaques d'eau et de marécages. Quand les 
ténèbres commencent à se répandre dans le désert , 
on entend s'élever petit à petit un tumulte harmo- 
nieux qui , allant toujours croissant , ne cesse que 
vers le milieu de la nuit. Ce sont , dit M. Hue , les 
mille voix , les concerts bruyants des oiseaux aquati- 
ques, arrivant par troupes, folâtrant sur la surface des 
eaux , et se disputant avec acharnement les touffes de 
joncs et les larges feuilles de nénuphar où ils veulent 
passer la nuit. La Tartarie est peuplée de ces oiseaux 
nomades qui passent sans cesse par nombreux batail- 
lons, en formant dans les airs par leur vol régulière- 
ment capricieux mille dessins bizarres. 

Le pays d'Ortous , selon nos voyageurs , est miséra- 
ble et désolé : partout des sables mouvants ou des mon- 
tagnes stériles. Tous les jours , quand l'heure de dres- 



( 12) 

ser la tente était venue , on était forcé de prolonger 
encore la marche , pour tâcher de découvrir un moins 
triste campement. L'eau était l'objet de la continuelle 
sollicitude de nos voyageurs. Lorsqu'ils rencontraient 
des lagunes ou quelques citernes, ils y remplissaient 
deux seaux de bois qu'ils s'étaient procurés à Koukou- 
Hôte. Ces eaux saumâtres et fétides sont dansl'Ortous 
d'une rareté extrême, et il arriva plus d'une fois à nos 
voyageurs de passer des journées entières sans pouvoir 
humecter leurs lèvres. Leurs animaux ne trouvaient 
non plus à brouter que des broussailles chargées de 
nitre et quelques herbes courtes , maigres et poudreu- 
ses. Aussi les bœufs et les chevaux que les Mongols 
nourrissent dans l'Ortous sont-ils misérables et de 
pauvre mine ; mais les chameaux , les moutons et les 
chèvres y prospèrent merveilleusement , parce qu'ils 
aiment les plantes nitreuses, et qu'ils se désaltèrent 
volontiers dans les eaux saumâtres. 

A dix journées de marche du fleuve Jaune , nos 
missionnaires trouvèrent une route fort bien tracée , 
conduisant au Tabos-Noor, mot qui veut dire lac du 
sel. Gomme elle serpentait vers l'occident , ils la sui- 
virent , et arrivèrent bientôt à ce lac salé , ou plutôt à 
un grand réservoir de sel gemme, mélangé d'efflores- 
cences nitreuses. Ces dernières sont d'un blanc mat 
et friables au moindre contact; on peut facilement les 
distinguer du sel gemme, qui a une teinte un peu 
grisâtre , et dont la cassure est luisante et cristalline. 
Le Tabos-Noor a au moins 2 lieues de circonférence. 
On voit s'élever çà et là quelques iourtes habitées par 
les Mongols qui font l'exploitation de cette magnifi- 
que saline. Quand le sel est convenablement purifié , 
ils le transportent sur les marchés chinois les plus 



(13 ) 

Yoisins > et Téchangent contre du thé , du tabac et d 
l'eau-de-vie. 

MM. Gabet et Hue traversèrent le Tabos-Noor dans 
toute sa largeur de Test à l'ouest , en marchant avec 
beaucoup de précaution sur ce sol toujours humide et 
quelquefois mouvant , où il existe même des gouffres 
très profonds. Deux jours après avoir laissé derrière 
eux ce lac de sel , ils trouvèrent une vallée fertile où 
ils purent camper pour reposer leurs animaux qui 
commençaient à dépérir. Ils firent en ce lieu la ren- 
contre de Mongols qui y avaient dressé leurs tentes, 
et qui, prenant nos deux missionnaires pour des la- 
mas, leur donnèrent une fête. 

Avant de quitter l'Ortous , nos voyageurs trouvèrent 
sur leur route des montagnes qui paraissaient avoir 
été jadis lentement travaillées par la mer, car les inon- 
dations du fleuve Jaune, comme le remarque M. Hue, 
n'auraient jamais pu arriver à une si grande élévation. 
Lorsqu'on fut parvenu sur la cime de ces monts pit- 
toresques , on aperçut à leurs pieds le fleuve Jaune 
lui-même , qui roulait majestueusement ses ondes du 
midi au nord. Après l'avoir franchi, on se trouva en 
Chine , et nos voyageurs dirent adieu à la Tartarie. 

Ils avaient eu d'abord l'intention de se diriger vers 
le royaume de Halechan ; mais ils en furent détournés 
par les indigènes , à cause de la difficulté de faire vivre 
les animaux dans les plaines sablonneuses de ce 
royaume , et ils prirent le chemin de la province de 
Kan-Sou, afin de pouvoir pénétrer ensuite chez les 
Mongols du Koukou-Noor. 

Le KanSoii est borné à l'est par le Ghen-Si, au sud 
parle Su-Tchuen, à l'ouest parle Koukou-Noor, et le 



(14) 

pays des Si Fan , au nord par les monts Halechan et 

les Eleuts. 

NingHia est la première grande ville que MM. Hue 

et Gabet rencontrèrent sur leur route. Ses remparts , 
de belle apparence , sont environnés de marais » de 
joncs et de roseaux. L'intérieur de la ville est pauvre 
et misérable ; les rues sont sales , étroites et guenil- 
leuses; les maisons enfumées et comme disloquées. 
On voit , dit M. Hue , que Ning-Hia est une très vieille 
ville. Quoique située non loin des frontières de laTar- 
tarie « le commerce n'y est d'aucune importance. Au- 
trefois , c'est-à-dire du temps des Royaumes-Unis , 
c'était une cilé royale. 

Bientôt on arriva à Tsoug-Wei , ville bâtie sur les 
bords du fleuve Jaune. La propreté , la bonne tenue 
et l'air d'aisance de cette cité contrastent singulière- 
ment avec la misère de Ning-Hia. Tsoug-Wei est , se- 
lon M. Hue , une ville très commerçante , à en juger 
par ses innombrables boutiques, toutes très bien 
achalandées , et par la grande population qui inces- 
samment encombre les rues. 

Quand on eut quitté Tsoug-Wei et passé la grande 
muraille , on traversa la crête des monts Halechan 
pour rentrer de nouveau en Chine. Cette longue chaîne 
de montagnes est exclusivement composée de sable 
mouvant, et tellement fin, qu'en le touchant, on le 
sent couler entre les doigts comme un liquide. Il est 
inutile , dit M. Hue , de remarquer qu'au milieu de ces 
sablières on ne rencontre pas la moindre trace de vé- 
gétation. A chaque pas les chameaux s'enfonçaient 
jusqu'au ventre , et ce n'était que par soubresauts 
qu'ils pouvaient avancer. Les chevaux éprouvaient en- 



( 16 ) 

core plus d'embarras , parce que la corne de leurs 
pieds avait sur le sable moins de prise que les larges 
pattes des cbameaux. Dans cette pénible marche on 
devait être bien attentif pour ne pas rouler du haut 
en bas des collines mouvantes jusque dans le fleuve 
Jaune, que l'on apercevait aux pieds de ces mon-* 
tagnes. 

Après avoir traversé Halechan , on rencontra la 
route qui se rend à Ili » le Botany-Bay de l'empire 
chinois. C'est là qu'on déporte les criminels condam* 
nés à l'exil. Avant d'arriver à ce lointain pays , les 
malheureux exilés sont obligés de traverser les monts 
Moussons (glaciers). Ces montagnes gigantesques sont 
uniquement formées de glaçons entassés les uns sur 
les autres. Pour faciliter le passage , on doit tailler 
dans la glace un escalier. Ili , dit M. Hue, est renfermé 
dans le Torgot^ pays évidemment tartare - mongol. 
Rien ne distingue les Tartares du Torgot des autres 
peuples de la Mongolie, ni langage, ni mœurs, ni cos- 
tume. Quand M. Hue demandait à ces lamas d'où ils 
étaient, ils répondaient toujours : « Nous sommes Mon- 
gols du royaume de Torgot. » 

La route d'Ili conduisit nos voyageurs jusqu'à la 
grande muraille qu'ils franchirent de nouveau. Voici 
quelques uns des détails que nous donne M. Hue sur 
ce monument si renommé. 

« On sait que l'idée d'élever des murailles pour se 
fortifier contre les invasions des ennemis n'a pas été 
particulière à la Chine ; l'antiquité nous offre plusieurs 
exemples de semblables travaux. Outre ce qui fut exé- 
cuté en ce genre chez les Assyriens, les Égyptiens et 
les Mèdes , en Europe , une muraille fut construite au 
nord de la Grande-Bretagne par ordre de l'empereur 



f 16 ) 

Septime Sévère. Mais aucune nation n'a rien fait 
d'aussi grandiose que la grande muraille élevée par 
Tsin-Ghe-Hoang , l'an 214 de J.-C. Un nombre prodi- 
gieux d'ouvriers y fut employé , et les travaux gigan-r 
tesques de cette entreprise durèrent dix ans. La grande 
muraille s'étend depuis le point le plus occidental du 
KanSou jusqu'à la mer orientale. L'importance de cet 
immense travail a été différemment jugée par ceux 
qui ont écrit sur la Chine. Les uns l'ont exalté outre 
mesure , et les autres se sont efforces de le tourner en 
ridicule. Je crois que cette divergence des opinions 
vient de ce que chacun a voulu juger de l'ensemble de 
l'ouvrage d'après l'échantillon qu'il avait sous les yeux. 
M. Barow, qui vint en Chine en 1793 avec l'ambassade 
anglaise de lord Macartney, a fait le calcul suivant. Il 
suppose qu'il y a dans l'Angleterre et dans l'Ecosse 
dix-huit cent mille maisons. En estimant la maçonne- 
rie de chacune à 2,000 pieds, il avance qu'elles ne 
contiennent pas autant de matériaux que la grande 
muraille chinoise. Selon lui , elle suffirait pour con- 
struire un mur qui ferait deux fois le tour du globe. 
M. Barow prend sans doute pour base la grande mu- 
raille telle qu'elle existe vers le nord de Pékin. Sur ce 
point, la construction en est réellement belle et im- 
posante ; mais il ne faudrait pas croire que cette bar- 
rière élevée contre les invasions des Tartares est dans 
son étendue également large et solide. Nous avons eu 
occasion de traverser la grande muraille sur plus de 
quinze points différents; plusieurs fois nous avons 
voyagé pendant des journées entières en suivant sa 
direction et sans jamais la perdre de vue. Souvent 
nous n'avons rencontré qu'une simple maçonnerie 
au lieu de ces doubles murailles qui existent aux envi- 



(17) 

rons de Pékin. Quelquefois c'est une élévation en 
terre ; il nous est même arrivé de voir celte fameuse 
barrière , uniquement composée de quelques Cailloux 
amoncelés. Pour ce qui est des fondements dont parle 
M. Barrow, et qui consisteraient en grandes pierres de 
taille cimentées avec du mortier , nulle part nous 
n'en avons trouvé le moindre vestige. Au reste , on 
doit concevoir que Tsin-Che-Hoang dans cette grande 
entreprise s'est appliqué à fortifier d'une manière spé- 
ciale les enviro ^s de la capitale do l'empire, où ordi- 
nairement se portaient, tout d'abord , les hordes tar- 
tares. Du côté de l'Ortous et des monts Halechan , les 
fortifications n'étaient guère nécessaires : le fleuve 
Jaune garde bien mieux le pays que ne saurait le faire 
un mur d'enceinte. » 

Après avoïr franchi la grande muraille , MM. Hue et 
Gabet se trouvèrent en présence delà barrière de San- 
Ven-Tsin, célèbre par une grande sévérité à l'égard des 
étrangers. On fit d'abord des difficultés à nos deux 
voyageurs; mais tout se borna à une assez violente 
querelle avec les soldats de la douane. Ils voulaient 
absolument de l'argent ; ils finirent par laisser le che- 
min libre, en recommandant aux élrangei^s de ne pas 
dire aux Tartares qu'ils étaient passés gratis. 

De San-Yen-Tsin on se rendit à Tchouang-Loung-ln, 
vulgairement appelé dans le pays Ping-Fan. Son com- 
merce est assez vivant ; la ville , prosaïquement taillée 
sur les patrons ordinaires , n'offre , dit M. Hue , au- 
cun trait particulier de laideur ni de beauté. 

Pour arriver à la grande ville de Si Ning-Fon , on 
suivit un chemin affreux ; on eut à traverser la haute 
montagne de Ping-Kéou, dont les aspérités offraient 
aux chameaux des obstacles presque insurmontables. 

VIII. JUILLET. 2. 2 



( 18) 

Chemin faisant » on était obligé de pousser continuel- 
lement de grands cris pour avertir les muletiers qui 
auraient pu se trouver sur le sentier , de conduire 
leurs bètes à Técart. La voie était si étroite, et la 
caravane inspirait à ces animaux tant de frayeur, qu'il 
était souvent à craindre , dit M. Hue , de les voir se 
précipiter dans des gouffres. Quand on fut arrivé au 
bas de la montagne de Ping-Kéou, on continua pen- 
dant deux jours de marcher à travers des rochers et 
le long d'un profond torrent, dont les eaux tumul- 
tueuses bondissaient aux pieds des voyageurs. L'abime 
était toujours béant à côté d'eux ; il eût suffi d'un faux 
pas pour y rouler. 

Si-Ning-Fou est une ville immense , dit M. Hue , 
mais peu habitée. Son commerce est intercepté par 
Tang'Kèou'Cult petite ville située sur les bords de la 
rivière Kéou^Ho , et à la frontière qui sépare le Kan- 
Sou duRou-Kou-Noor. Ce lieu n'est pas marqué sur la 
carte ; il est cependant , selon M. Hue , d'une très 
haute importance sous le point de vue commercial. 

A l'égard de Kan-Sou, cette province est belle et 
parait assez riche. L'admirable variété de ses produits 
est due à un climat tempéré , à un sol naturellement 
fertile , mais surtout à l'activité et au savoir faire des 
agricultears. M. Hue avait eu occasion d'admirer un 
magnifique système d'irrigation par le moyen, dit-il. 
des canaux superposés. A l'aide de petites écluses , 
construites avec simplicité , l'eau est distribuée dans 
tous les champs avec régularité et sans effort ; elle 
monte , descend , circule , et se joue en quelque sorte 
à travers ces riches campagnes au gré des cultiva- 
teurs. Dans le Kan-Sou , le froment est beau et abon- 
dant; les moulons et les chèvres y sont de belle espèce; 



( 19 ) 

de nombreuses et inépuisables mines de charbon 
mettent le chauffage à la portée de tout le monde ; en 
un mot , il est facile de se procurer dans ce pays un 
bon confortable à peu de frais. 

a Les Kanssonnais, ajoute M. Hue, diffèrent beau- 
coup par leur langage et leurs mœurs des habitants 
des autres provinces de l'empire ; mais c'est surtout 
leur caractère religieux qui les distingue le plus des 
Chinois, ordinairement si indifférents et si sceptiques. 
Dans le Kan-Sou on rencontre de nombreuses et flo- 
rissantes lamazeries qui suivent le culte réformé du 
Boudhisme. Tout porte à croire que le pays a été oc- 
cupe autrefois par les Si-Fan ou Thibétains orien- 
taux. 

» Les Dchiahours sont peut-être la race la plus 
saillante de la province du Ran-Sou. Ils occupent le 
pays appelé communément San-Tchouan. Ces Dchia- 
hours ont toute la fourberie et l'astuce des Chinois . 
moins leurs manières polies et les formes honnêtes de 
leur langage. Aussi sont-ils craints et détestés de tous 
leurs voisins. Quand ils se croient lésés dans leurs 
droits, c'est pour l'ordinaire à coups de poignard qu'ils 
se font raison. Parmi eux, l'homme le plus honoré 
est toujours celui qui a commis le plus grand nombre 
de meurtres. Ils parlent entre eux une langue parti- 
culière, incompréhensible , mélange de mongol, dt3 
chinois et de thibétain oriental. A les en croire , ils 
sont d'origine tartare. Quoique soumis à l'empereur 
chinois , ils sont gouvernés par une espèce de souve- 
rain héréditaire appartenant à leur tribu , et qui porte 
le nom de Tousse. 11 existe dans le Kan-Sou et sur les 
frontières du Su-Tchuen plusieurs tribus semblables , 
qui se gouvernent ainsi d'ellL>s-mêmes et d'après leurs 



(20) 

lois spéciales. Toutes portent le nom de Tousse, auquel 
on ajoute souvent le nom de la famille de leur chef ou 
souverain. Yan-Tousse est la plus célèbre et la plus 
redoutable. Revenant par quelques mots sur Tang- 
Kéou-Gul , M. Hue dit que cette ville a peu d'étendue, 
mais qu'elle est très populeuse, très active et très 
commerçante. C'est une vraie Babel où se trouvent 
réunis les gens de toutes langues ; des Thibétains orien- 
taux, des Yong-Mao-Cul ou longues chevelures, des 
Tartares de la mer Bleue , des Chinois de toutes les 
provinces et des Houydze-Turcs, descendants d'an- 
ciennes migrations indiennes. Tout porte dans cette 
ville le caractère de la violence. Chacun marche dans 
les rues armé d'un grand sabre, et affectant dans sa 
démarche une féroce indépendance. Il est impossible 
de sortir sans être témoin de querelles , qui ordinai- 
rement s'éteignent dans le sang. x> 

Après quelques jours de repos à Tang-Kéou-GuI , 
MM. Hue et Gabet allèrent visiter la lamazerie de 
Koumboun chez les Si-Fan ou Thibétains orientaux. 
Afin de mieux s'initier à la connaissance de la langue 
thibétaine et des doctrines du Boudhisme , ils séjour- 
nèrent plus de six mois dans ce célèbre couvent de 
lamas I dont un des chefs, appelé Tsonka Rembout- 
chi , devint le Luther ou le Calvin du Boudhisme au 
Thibet. C'est qu'il commença à établir la réforme bou- 
dhique dans les habits religieux et les formules litur- 
giques. Cette réforme est suivie dans le Thibet et la 
Tartarie. Maintenant on distingue des lamas de deux 
espèces; les lamas à habits jaunes et les lamas à ha- 
bits gris, c'est-à-dire les bonzes de Chine, qui n'ont 
pas voulu entrer dans les principes de la réforme. 

Koumboun est une lamazerie qui jouit de la plus 



( 21 ) 
grande célébrité; elle comple plus de trois mille lamas. 
Sa position, dit M. Hue, offre à la vue un aspect vraiment 
enchanteur. « Qu'on se figure une montagne partagée 
par un profond ravin , d'où s'élèvent de grands arbres 
peuplés de corneilles au bec jaune. Des deux côtés du 
ravin et sur les flancs de la montagne, s'élèvent en 
amphithéâtre les blanches habitations des lamas , 
toutes de grandeurs différentes, toutes entourées de 
petits jardins et surmontées de belvédères. Parmi ces 
modestes maisons, dont la propreté et la blancheur 
font toute la richesse, on voit saillir de nombreux 
temples boudhiques aux toits dorés , étincelant de 
mille couleurs et entourés d'élégants péristyles. Pour*- 
tant ce qui frappe le plus , c'est de voir circuler dans 
les nombreuses rues de la lamazerie tout ce peuple de 
lamas, revêtusd'habits rouges et coiffés d'un grand bon- 
net jaune en forme de mitre. Leur démarche est ordi- 
nairement grave et silencieuse; la paix et la concorde 
régnent toujours parmi eux ; ils se traitent avec les- 
pect et politesse ; les devoirs de l'hospitalité sont rem- 
plis chez eux avec une cordiale générosité. » 

Après un séjour de trois mois à Koumboun , nos 
voyageurs n'ayant pas pris le costume voulu par la 
règle des lamas, on les conduisit à la petite lamazerie 
de Tchogortan , distante de Koumboun de près de 
vingt minutes de chemin. Us demeurèrent là quelque9 
mois, continuant à étudier le thibétain. En août 18A5, 
on se remit en marche , et on alla dresser la tente sur 
les bords de la mer Bleue, c'est-à-dire dans le Kou- 
Kou-Noor. 

Le Koa-Kou-Noor (lac Bleu) est appelé par les 
Chinois Hin Hai (mer bleue) . Les Chinois ont raison , 
dit M. Hue , d'appeler mer plutôt que lac cet immense 



(22) 

réservoir d'eau qui se trouve dans la Tartarie. Il a en 
effet son flux et reflux; son eau est araère et salée, et 
quand on en approche , l'odorat est saisi par une 
forte odeur marine. Au milieu de la mer Bleue , vers 
la partie occidentale, est une petite lie où est bâtie une 
lamazerie. Une vingtaine de lamas contemplatifs Tha- 
bitent On ne peut les aller visiter, car il n'y a pas une 
seule barque sur toute l'étendue de la mer Bleue. 
Mais en hiver , au temps des grands froids , et lors- 
que la mer est glacée, lesTartares organisent leurs ca- 
ravanes , et vont en pèlerinage à la petite lamazerie. 
Ils apportent leurs offrandes aux lamas contemplatifs 
dont ils reçoivent en échange des bénédictions pour la 
bonté des pâturages et la prospérité des troupeaux. 

Le Kou-Kou-Noor est d'une grande fertilité. Quoi- 
que dépourvu d'arbres et de forêts, son séjour, suivant 
M. Hue , est assez agréable. Les herbes y sont d'une 
prodigieuse hauteur. Le pays est entrecoupé d'un 
grand nombre de ruisseaux qui fertilisent le sol , et 
permettent aux grands troupeaux de se désaltérer à 
satiété. Mais les habitants vivent toujours dans l'appré- 
hension des attaques des brigands du Thibet , connus 
sous la dénomination de Kolo. Quand ceux-ci parais- 
sent , on se livre un combat à outrance , et si les 
brigands sont les plus forts , ils emmènent les trou- 
peaux et mettent le feu aux iourtes. Aussi les Mongols 
des bords de la mer Bleue veillent-ils à la garde de leurs 
troupeaux toujours à cheval, la lance à la main , un 
fusil en bandoulière, et un grand sabre passé à la 
ceinture. 

Après une quarantaine de jours écoulés sur les bords 
de la mer Bleue, les nouvelles de l'arrivée des bri- 
gands forcèrent nos voyageurs à décamper et à suivre 



(23) 

les caravanes tartares qui ne faisaienl que changer de 
place , sans jamais s'éloigner des magnifiques pâtura- 
ges qui avoisinent le Noor. 

Le 15 octobre, l'ambassade thibétaine arriva dans 
le Rou-Kou-Noor, et nos missionnaires purent conti- 
nuer leur voyage. La troupe avait été grossie d'un 
grand nombre de caravanes mongoles qui se rendaient 
au Thibet : on était au moins 2,000 hommes 'avec 
i ,200 chameaux, 1,200 chevaux et 16,000 bœufs à long 
poil, connus sous le nom d'Yack ou bœufs grognants. 

Après quinze jours de marche parmi les magnifi- 
ques plaines de Kou-Kou-Noor, on arriva chez les 
Mongols du Tsaidam^ pays infécond et sauvage , au sol 
aride et salpétreux , à la nature triste et morose , qui 
donne la môme tristesse aux habitants. On arriva en- 
suite au pied de la montagne Borhan-Bota , où l'on 
eut à redouter des vapeurs pestilentielles. On grimpa 
difficilement sur les flancs de cette montagne , où 
les visages blanchissent , où le cœur s'affadit , et où 
les jambes ont tant de peine à fonctionner. Mais une 
fois au sommet, les poumons se dilatent et la des- 
cente n'est plus qu'un jeu. 

Continuant à s'avancer, on rencontra le mont 
Chuga^ dont l'ascension est plus dangereuse encore. 
La neige, le vent et le froid sévirent contre la cara- 
vane. On entrait dans les steppes du Thibet, c'est-à- 
dire , ajoute M. Hue , dans le pays le plus affreux 
qu'on puisse imaginer. Les hommes et les animaux 
étaient sans cesse obligés de fouiller dans la neige , 
ceux-ci pour brouter un peu d'herbe , et ceux*là pour 
déblayer quelques argols (1), unique chauffage qu'on 

(i) Quand la fiente des animaux est propre à être brûlée, les Tar- 
tares rappellent Argol, 



( 24 ) 

rencontre dans le désert. Dès ce moment, la mort 
commença à planer sur la grande caravane. Tous les 
jours on était forcé d'abandonner sur la route des 
chameaux, des bœufs, des chevaux qui ne pouvaient 
plus se traîner. Le tour des hommes vint un peu plus 
tard. On cheminait du reste comme dans un vaste ci- 
metière; les ossements humains et les carcasses d'a- 
nimaux qu'on rencontrait à chaque pas semblaient 
dire sans cesse à la caravane que sur celte terre meur- 
trière et au milieu de cette nature sauvage , les carava- 
nes précédentes n'avaient pas trouvé un sort meilleur. 

On arriva devant les montagnes Bayen-Hara, cou- 
vertes des pieds à la cime d'une épaisse couche de 
neige. Il fallut les franchir pour aller ensuite dresser 
la tente sur les bords du Mouren-Ousson ^ fleuve ainsi 
nommé vers sa source , mais appelé plus bas Kin-Cka- 
Kiang et vulgairement Ya-d^é-Kiang ou fleuve Bleu. 
On passa le Mouren-Ousson $ur la glace , et M. Hue, 
ici, eut l'occasion de remarquer de loin un singulier 
tfibleau : c'était une cinquantaine de bœufs sauvages 
qui avaient été surpris dans le fleuve par le froid et 
gelés sur place, leurs grandes têtes surmontées de 
cornes monstrueuses étaient à découvert , tandis que 
le reste du corps se trouvait dérobé sous la couche 
glacée. 

Il paraît que ces bœufs sauvages sont nombreux 
dans les déserts du Thibet; nos missionnaires en 
rencontrèrent souvent par troupes et d'une gros-; 
seur démesurée. Leur poil est long et ordinaire- 
ment noir; quelquefois il tire sur le fauve. Ces bœufs , 
dit M. Hue, sont surtout remarquables par la gran- 
deur, comme on vient de le voir, et la belle forme de 
leurs cornes. On rencontre aussi des mulets sauvages qui 



( 25 ) 

ont le corps petit et eiBlé. Leur poil est invariablement 
roux sur le dos , mais sous le ventre , à la tête et aux 
jambes, il tire sur le blanc; les oreilles sont longues 
et semblables à celles des ânes et des mulets ordi- 
naires. La tête est grosse et disgracieuse. Ces animaux 
sont très agiles et peu farouches. On voit aussi beaucoup 
de chèvres jaunes, ainsi que des rennes et des bou- 
quetins. 

Après le passage du Mouren-Ousson , la grande ca- 
ravane commença à se débander. Ceux qui avaient 
des chameaux prirent les devants , pour n'être point 
retardés par la marche lente des bœufs. Un affreux 
ouragan qui dura quinze jours se joignit à Tintensité 
du froid, et toutes sortes de misères » comme à la re- 
traite de Moscou , atteignirent nos pauvres voyageurs • 
qui commençaient à manquer de provisions. En outre, 
ils furent assaillis par les Kolo ou brigands du pays 
dont nous avons parié. Heureusement , ceux-ci , pre- 
nant nos missionnaires pour de vrais lamas , les lais- 
sèrent continuer leur route. 

On gravit la vaste ûhalne desononts Tanta , dont le 
sommet ne put être atteint qu'après six jours de pénible 
ascension. On voyagea pendant douze autres jours sur 
ce fameux plateau , puis on descendit pendant quatre 
jours entiers , et Ton rencontra des sources thermales 
d'une extrême magnificence, où les malades thibé- 
tains se rendent quelquefois de bien loin pour prendre 
des bains. 

Enfin , on arrivait insensiblement vers les pays ha- 
bités, et Ton commençait à découvrir quelques tentes 
noires. Les Thibétains nomades, ainsi que le remar- 
que M. Hue , ne logent pas dans les iourtes de feutre 
comme les Mongols; ils demeurent sous de grandes 



( 26) 

tentes faites avec de la toile noire. La forme de ces 
tentes est ordinairement hexagone, mais le système de 
perches et de cordages qui les tiennent est très bi- 
zarre , et deviendrait difficile à décrire. 

La station thibétaine la plus importante que nos 
pèlerins rencontrèrent en sortant des montagnes qu'ils 
venaient de franchir, est située sur les bords de la 
rivière Naptchuy que les Mongols appellent Khara- 
Ousson , c'est-à-dire eau noire. Là on changea de sys- 
tème de transport, à cause de la difficulté des chemins, 
et l'on substitua aux chameaux les bœufs à longs poils. 
La route qui conduit à Naptchu est rocailleuse et fa- 
tigante, surtout lorsqu'on arrive à la chaîne des monts 
Koiran; mais les tentes noires qu'on aperçoit de dis- 
tance en distance , et la rencontre des pèlerins qui se 
rendent à Lassa , capitale du Thibet, semblent, en 
quelque sorte , abréger le chemin. On rencontre 
d'ailleurs quelques champs cultivés, et à mesure qu'on 
approche de Lassa, mot qui veut dire la terre des 
esprits , les maisons remplacent les tentes noires; en- 
fin les bergers disparaissent, et l'on se trouve au mi- 
lieu d'un peuple agricole. 

Arrivé dans la vallée de Pampou, faussement appe- 
lée P/z/ietow, selon M. Hue, on trouva une agriculture 
florissante , et des fermes d'un aspect magnifique. Là 
on fut encore obligé de changer le mode de transport : 
on remplaça les bœufs à longs poils par des ânes. 
On n'était plus séparé de Lassa que par une montagne, 
il est vrai très ardue et très escarpée , mais que les 
Thibétains et les Mongols gravissent avec une extrême 
dévotion. Les pèlerins, qui, selon ces indigènes, ont 
le bonheur d'arriver au sommet, obtiennent la rémis- 
sion complète de leurs péchés. 



( 27 ) 

Enfio nos voyageurs entrèrent dans une belle et spa- 
cieuse vallée, et ils découvrirent la ville de Lassa, en- 
tourée d'arbres séculaires et remplie de temples nom- 
breux aux toitures dorées, parmi lesquels brille surtout 
le Boudda-La^ qui renferme le palais grandiose du 
grand lama. Ce fut le 29 janvier 18A6 que nos compa- 
triotes arrivèrent dans cette capitale du Tkibet. Il y 
avait dix-huit mois qu'ils avaient quitté la vallée des 
Eaux noires. 

Au bout d'un séjour de deux mois à Lassa , ils furent 
arrachés à leur douce quiétude par l'ambassadeur 
chinois qui les fit enlever et reconduire à Canton. On 
les fit passer par la grande ville de SSêtchouen , rési- ' 
dence d'un vice-roi, dont un officier, après un long 
interrogatoire, les conduisit sous escorte jusqu'à l'éta- 
blissement portugais de Macao. C'est de ce dernier 
port que M. Hue a transmis en Europe la relation 
dont nous venons d'offrir l'analyse. 

Thb wild spobts of SOUTHERN AFRiGA ; beifig the nar- 
rât we of an expédition Jrom the cape of Good Hope 
through the territories of the chief Moselakatse, to the 
tropic of Capricom ; by captain H A bris. London, 1841, 

1 "voL m- 8" Scènes saiwages de r Afrique méridionale, 

ou récit d^une expédition depuis le cap de Bonne -Espé^ 
rance, à tras>ers les contrées placées sous la domination 
du chej Moselekatse y jusquau tropique du Capricorne. 
(JnalfseparM, Albert-Montémont , membre de la 
commission centrale, ) 

L'auteur dont nous allons analyser rapidement le 
voyage quitta , le 16 mars 1836, le port de Bombay» 



(28) 

OÙ il était employé comme officier dans Tannée bri- 
tannique de rinde , et il fil voile pour le cap de Bonne- 
Espérance, où il toucha le 31 mai suivant. 

La première vue des rivages africains excita en son 
âme une vive émotion. Dans la ville du Gap, il se mit 
en rapport avec le voyageur Smith, qui venait d'ac- 
complir avec succès une expédition assez loin dans 
l'intérieur, et d'après les informations qu'il en ob- 
tint, il put bientôt réaliser ses projets de chasse aux 
bêtes fauves, et son désir d'explorer quelques unes 
des régions inconnues , en dehors du territoire civi- 
lisé de la colonie. Il acheta un attelage de bœufs , sui« 
vant la coutume du pays , et réunit toutes ses provi- 
sions ainsi que les présents qu^il devait offrir à un 
chef cafre, du nom de Moselekatse, redouté à cent 
lieues à la ronde, et dont il allait visiter les domaines. 

Il s'embarqua le 2 juillet sur un petit schooner pour 
la baie Algoa^ qu'il ne faut pas confondre avec la 
baie Dellagoa ou de Lagoa , car près de deux cent cin- 
quante lieues les séparent l'une de l'autre. La pre- 
mière est située par environ 34® latitude S., entre le 
cap de Bonne-Espérance , situé lui-même par 33*^, et 
Port-Natal, situé par 29* 50'; et la seconde,c'est-à-dire 
Dellagoa-Bay , se trouve au-delà de Port-Natal, par 
25** 50', vers le canal de Mozambique. 

La baie Algoa est très ouverte et peu sûre pour les 
vaisseaux à l'ancre. Durant les gros vents , un terrible 
ressac rend le mouillage dangereux, et il est alors 
quelquefois impossible aux bateanx de gagner le ri^ 
vage. Sur celle baie est assise la ville de Port-Elisabeth^ 
qui, bien que s'accroissant d'une manière très rapide, 
ne consiste guère encore qu'en cent cinquante mai- 
sons. Le sol des environs est assez fertile et produit 



{ 29 ) 

de l'orge et du blé , sans qu'il ait besoin d'irrigation , 
le voisinage de la mer lui apportant une suffisante hu- 
midité. 

Après un repos de huit jours , au Port-Ëlisabeth , 
M. Harris, voulant s'avancer dans les terres, partit 
pour Grakam's 'Town ^ où il arriva au bout de sept 
journées de marche. Cette ville , aujourd'hui le chef- 
lieu de la province située à l'est de celle du Cap, 
réunit déjà environ 16,000 habitants. Elle est placée 
près de la source de la rivière Cowie , à 660 milles ou 
environ deux cent dix-sept lieues de la ville du Cap , 
et à 30 milles ou dix lieues du point le plus rapproché 
de la côte orientale. Elle est bien bâlie, et contient 
près de sept cents maisons, habitées principalement 
par des esclaves anglais. Là notre voyageur trouva un 
excellent hôtel , mais il eut beaucoup de peine à se 
procurer les chevaux qui lui étaient indispensables 
pour continuer sa route au nord. 

De Graham's-Town il gagna Grau/Jf-Reinet, che{ lieu 
d'un district limitrophe de la Cafrerie. Avant d'at- 
teindre cet endroit reculé , il fit une halte à Somerset, 
petite ville naissante formée d'une trentaine de mai- 
sons anglaises, et qui se développe dans un marais au 
pied occidental d'une chaîne de montagnes appelées 
les Zurbergen. Cette ville est, aux trois autres côtés, 
environnée par la petite rivière du Poisson. 

La petite ville ou plus exactement le pittoresque vil- 
lage hollandais de Graa/jf-Reïnet,Si\ec ses jardins et ses 
champs adjacents , est entourée presque entièrement 
par la rivière Sunday, qui prend sa source dans les 
hautes montagnes de Sneuwbergen , situées vers le 
nord , et qui coule à travers les districts de Candebou 
et d'Uilenhague , pour aller déboucher à l'est dans la 



( 30 ) 

baie d'Algoa. Ce gros village est abrité de chaque côté 
par ces montagnes coniques décorées d'une verdure 
éternelle , due à l'abondance des herbes tachetées qui 
en couvrent les flancs. Le cours sinueux de la rivière 
est bordé de saules et d'acacias; ces derniers arbres 
sont ornés d'une vigne grimpante qui s'y entrelace en 
festons jusqu'aux derniers rameaux. 

Le district de GraafT-Reinet fut créé en 1786 sous l'ad- 
ministration du gouverneur hollandais Van-der*Graaff, 
dont il reçut le nom avec l'adjonction de celui de sa 
femme Reinet. Rien n'égale la propreté des jolies 
petites maisons hollandaises de ce lieu, dont le climat 
salubre est sans rival dans le sud de l'Afrique , et où 
le produit des jardins et des vignobles peut aller de 
pair avec ceux de l'Europe. Les fruits et les végétaux 
croissent à GraafT-Reinet avec une abondance et une 
excellence pour ainsi dire miraculeuses. M. Harris était 
entré de nuit dans ce village ; le lendemain matin, en 
ouvrant la fenêtre de son appartement, il fut étonm^ 
de voir les rues couvertes d'une couche de neige , 
pendant que les haies des jardins offraient des coins , 
des citrons et autres fruits mûrs, composant une dé-* 
coration aussi belle que nouvelle pour un œil indien. 
Notre voyageur fit de Graaff-Reinet le centre ou la 
base de ses opérations. Son objet actuel était de par- 
courir rapidement une grande étendue de pays , afin 
d'atteindre le plus tôt possible le point extrême qu'il 
voulait visiter. Il résolut de gagner d'abord Kuniman 
ou le Noiweau'Litakou , station de missionnaires assez 
importante, située par^27« 20' lat. S., 24° 10' long. 
E. du méridien de Greenwich, à &00 milles, vers le 
nord , et de continuer de là sa marche pour gagner la 
contrée de Moselekatse, roi des Abazoulous-Matabilis, 



(81 ) 

monarque aussi puissant que despote , dont les terres, 
abondantes en gibier, avaient encore été jusque là 
peu fréquentées par des Européens. H. Harris comp - 
tait ensuite s'avancer à tout hasard jusqu'au tropique 
du Capricorne , et même jusqu'au grand lac supposé 
exister bien plus loin dans Tintérieur. Enfin il proje- 
tait de revenir par la voie jusqu'alors inexplorée de 
Likwa ou Vaal Rivîer, qui , bien que la plus directe , 
se trouvait interdite par Moselekatse aux étrangers. 

A l'époque où M. Harris arrivait à Graaff-Reinet , 
l'émigration des Boers ou fermiers hollandais était 
devenue très considérable, et il. éprouva de plus 
grandes difficultés pour se procurer un wagon supplé- 
mentaire. Ne voulant pas prolonger son séjour en ce 
lieu au-delà du 1'' septembre, il s'arrangea avec un 
des colons, et parvint à compléter ses approvisionne- 
ments de route , comme aussi à louer des gens de ser- 
vice pour six mois. 

Il partit, en effet, le 1"" septembre, et franchit les 
montagnes Neigeuses qui bordent la colonie. Un trajet 
de 30 milles le porta à Vogel-Valley^ où il vit pour la 
première fois de grands troupeaux de gnous ^ espèces 
de taureaux sauvages , maladroits et grotesques , ano- 
malies de la nature qu'on ne saurait, dit-il, regarder 
sans rire. Tournant et caracolant dans toutes les di- 
rections, mettant sa tête velue et chargée de barbe 
entre ses jambes grêles et musculaires, et agitant dans 
les airs sa longue queue , le gnou a , tout ensemble , 
une apparence et féroce et burlesque. S'arrêtant sou- 
dain pour montrer un front imposant , et secouant la 
tête en manière de défi , ses yeux lancent la flamme , 
et son grognement , semblable au rugissement du 
lion , est répété avec une rare énergie. Alors, se bat- 



( 32 } 

tant les flancs avec sa queue , il hondit , se eabre , et 
en un moment s'élance en faisant voler derrière lui la 
poussière à mesure qu'il dévore l'espace. 

On était, le 7, à Boks-Fontein , dans le voisinage dû 
district appelé nouveau Hantam , par «^l"" lat. S.» 2&*' 
50' long. E.; puis on gagne les Sept^ Fontaines, Ici la 
campagne était littéralement blanche de spring-bucks 
ou gazelles euchores , qui présentaient au voyageur un 
supplément de nourriture délicieuse. Lorsqu'on livre 
une chasse à ces élégants animaux , ils font des 
bonds extraordinaires et s'élèvent dans les airs comme 
pour prendre l'essor, et cherchent ainsi à dérober leur 
trace; leur disposition naturelle à regarder l'homme à 
l'égal d'un ennemi les porte donc jusqu'à se défier du 
sol qu'il a foulé. Les Trek-Boken , ainsi que les colons 
appellent l'émigration au séjour de la civilisation, de 
ces innombrables essaims d'antilopes, prouvent la fé- 
condité extraordinaire do la vie animale. Les antilopes 
pullulent comme les sauterelles , et leur passage dé- 
truit en un clin d'œil la verdure des champs. 

M. Harris, après trois jours d'une marche pénible , 
arriva dans un pays nu, privé tout à la fois de verdure 
et d'eau; puis il atteignit l'extrême frontière de la co- 
lonie, marquée par le Nu-Garip ou rivière Noire, 
coulant de l'est au nord-ouest, pour aller joindre par 
29» 10 lat. S., 2â^ 30' long. E., le Garip ou fleuve 
Orange , dont cette rivière est une des deux principales 
branches. Là il dressa la tente pour goûter les délices 
du bain et faire laver son linge. Il avait perdu déjà 
plusieurs de ses bœufs , qui, morts de privation ou de 
fatigue , devinrent la proie des bêtes sauvages. Le 
commandant de la frontière fit bon accueil à notre 
voyageur. 



{ 33 ) 

Des limites de la colonie il passa dans la région 
stérile et inhospitalière habitée par les Buschmen ou 
Buschjesmans 9 c'est-à-dire hommes des bois, restes 
des hordes hottentotes, ces farouches aborigènes de 
la contrée , qui , reculant k mesure des empiétements 
des colons européens , vont chercher un refuge dans 
le sein des déserts. Ces peuplades malheureuses sont 
naturellement hostiles à Thomme civilisé, qui les re* 
foule au surplus à outrance. Elles vivent au jour la 
journée , sans soin du lendemain, et oubliant le passé, 
sans lois, ni arts, ni religion, n'ayant qu'un faible 
instinct pour les guider dans l'obscur sentier de l'exis- 
tence humaine. Vivant des produits de la chasse ou 
des présents spontanés de la nature , ils partagent le 
désert avec les bêtes féroces , et n'occupent guère 
qu'un degré au-dessus dans l'échelle de la vie. 

De la frontière pour arriver à Kuruman , il y a en- 
viron 200 milles, et dans ce trajet, M. Harris perdit 
encore un certain nombre de ses bœufs , faute d'eau 
pour les désaltérer et d'herbes pour les nourrir; les 
pauvres bêtes étaient quelquefois deux jours entiers 
sans pouvoir trouver ni nourriture ni eau quelconque. 
On avançait à travers des plaines sans fin et complète- 
ment arides ; nul buisson pour récréer la vue , nul être 
vivant , sauf de temps à autre une autruche marchant 
à grands pas dans le sombre et lointain horizon , ou 
quelque vautour solitaire prenant son essor vers les 
campagnes azurées. EnGn ce n'était partout qu'une 
désolante stérilité; on avait devant soi une terre de 
plus en plus déshéritée de la nature , et sur sa tête un 
ciel de feu. Si dans le jour la chaleur était accablante, 
les nuits , au contraire , étaient glaciales , et on ne 
trouvait nulle part de bois pour se chauffer. Chaque 

Vni. JUILLET 3. 3 



( 34) 

matin le sol était couvert de givre ; inais l'absence de 
vapeur et de brouillard propres à diminuer l'ardeur 
du soleil ne rendait que plus visible la nudité de la 
terre. Le mirage , en ces régions brûlantes , offre dans 
le lointain au voyageur altéré une illusion aussi flat- 
teuse qu'elle est désespérante; les lacs bleus si trom- 
peurs , dont la surface semble agitée et ridée par une 
sorte de vague , reculent à mesure que l'on avance , et 
disparaissent finalement sans laisser aucune trace 
après eux. 

Au bout de quatre journées de marche , on atteignit 
le cours même du fleuve Orange dont nous venons de 
parler, le seul cours d'eau considérable de ces con- 
trées qui mérite , en effet, ce nom. La vue de ce ma- 
gnifique tributaire de l'océan Atlantique , où , en se 
déchargeant, il ne conserve pas, il est vrai , la ma- 
jesté de son cours supérieur, parut faire oublier toutes 
les souffrances qu'on avait jusqu'alors endurées. A 
l'endroit où M. Harris l'aborda , il présentait 300 pieds 
de laideur, coulant dans un lit tranquille , et pareil à 
la surface d'un lac resplendissant, ainsi qu'une glace 
polie ; ses eaux glissaient comme à regret vers la mer, 
en réfléchissant sur leur sein aussi limpide que le 
cristal , l'image de leurs bords ombragés de saules 
pleureurs, et qu'elles paraissaient baiser en leur disant 
adieu. 

La profondeur du fleuve obligea M. Harris d'élever 
une plateforme sur le wagon , afin d'y placer les ba- 
gages. Le courant traversé, il gagna la station reli- 
gieuse de Campbellsdorp , par 28"* kO' lat. S., 2^!^ 
30^ long. £. En chemin, il avait rencontré une troupe 
de Gorannas , indigènes qui , à pied , couraient avec 
une vitesse étonnante après une autruche qu'ils espé- 



(35 ) 

raient aUeîndre. Ils portaient pour unique vêtement 
un manteau de cuir, et avaient la peau barbouillée de 
graisse et d ocre rouge. Près du Kraal ou village de 
Daniels-Kuil , habité par des Griquas ou Hottentots 
mulâtres , M. Harris se mit en rapport avec leur chef, 
qui , en 1831 » avait échappé avec un autre Griqua 
au massacre de leur armée exécuté par les soldats de 
Moselekatse. 

Continuant à s'avancer au nord, il rencontra le jour 
suivant à un lieu nommé Kramers-Fontein,par 28*lat. 
S. » 2&^ h(y long. • E, , une vieille et hideuse femme de la 
tribu des Buschjesmans , qui était venue de son Rraal 
pour remplir d'eau des œufs d'autruche. La misère 
lui avait rongé la chair jusqu'aux os , et ce n'était plus 
qu'un squelette couvert d'une peau ridée, n'ayant 
plus guère pour bras et pour jambes que ses seuls 
ossements, analogues à des bâtons noueux et mal 
joints. Elle avait le corps tout chargé de vermine, 
dont elle se nourrissait de temps en temps, ainsi qu'une 
chétive petite créature à moitié animée qu'elle por- 
tait sur son dos. 

M. Harris donna un peu de tabac à cette femme, 
dont la tribu habite des trous, des crevasses, des ro- 
chers, ou quelquefois de misérables huttes, qui ne 
sauraient protéger leurs hôtes contre l'intempérie des 
saisons. La crainte d'être découverts habitue ces tristes 
indigènes à se cacher dans des lieux éloignés de l'eau , 
précaution à laquelle ils ont aussi recours afin de 
guetter et de tuer plus sûrement les bêtes sauvages, 
auxquelles ils lancent des flèches empoisonnées, et 
qu'ils dévorent sur place. Us n'ont ni troupeaux, ni 
champs , ni biens quelconques, et ne possèdent que 
leurs armes et quelques chiens affamés comme leurs 



( 36 ) 

maîtres. Sans aucun soin que celui du moment, ils 
vivent presque uniquement de racines , de sauterelles, 
de reptiles et de fourmis. On ne peut, dans la route, 
découvrir aucune trace de leurs habitations, et le 
voyageur passerait au milieu d'elles sans apercevoir 
aucun être vivant, ni soupçonner aucune demeure 
quelconque. Leur défiance à l'égard des visiteurs 
étrangers est si grande que nul d'entre eux ne voulut 
s'approcher des Européens. 

Ces Buschjesmans ont une taille invariablement 
inférieure à cinq pieds anglais, ou urï mètre et demi. 
Les mâles sont maigres , cagneux , mal faits , et cepen- 
dant très agiles. Leur complexion est d'un pâle brun, 
que dérobent à la vue la saleté et la graisse. Leur seul 
vêtement est un manteau de peau jeté sur leur» 
épaules, et leur unique défense est un carquois avec 
de petites flèches empoisonnées, semblables à des 
joujous d'enfant. 

Les femmes, qui étaient moins réservées que les 
hommes , et qui ne manquaient pas de suivre les wa- 
gons pour avoir du tabac, en échange d'œufs d'au- 
truche, sont mieux proportionnées, mais frêles, ayant 
des n^ains et des pieds d'une dimension vraiment 
lilliputienne. Jeunes , elles ont une physionomie ex- 
pressive , et s'efforcent de se barbouiller d'ocre les 
narines et les joues dans l'espoir d'attirer davantage 
l'attention. Quelques unes s'étaient parées de cojliers 
composés d'entrailles fraîches de bêtes fauves; d'au- 
très avaient des coquillages , de vieux os et des boutons 
entremêlés à leur chevelure. Mais leur genre de vie, 
leur longue abstinence et leur contact continuel avec 
le vent et le soleil dans un pays sec et ouvert, les 
accoutument de bonne heure à tenir leurs yeux à 



(37) 

demi fermés; leur beauté ou leur grâce est très éphé- 
mère, et ne dure pas au-delà du jeune âge. Les fem- 
mes sont plus agiles encore que les hommes et ont des 
gestes plus animés. Mais leur voix n*est qu'une suite 
de clapements de la langue sur les dents et le 
palais , et leurs accents sont plutôt analogues aux cris 
du singe qu'à un langage humain. 

On arriva le 26 à Kuruman, ou Nouveau-Litakou , 
assez joli endroit» sorte d'oasis dans le désert» dont il 
est complètement environné , petite goutte de civilisa- 
tion tombée comme par hasard dans le cœur de cette 
vaste étendue , pour ainsi dire abandonnée et de Dieu 
et des hommes. 

M. Harris quitta Kuruman le 29 septembre pour se 
diriger vers Mosega , capitale de Moselekatse , située 
par 25» 40' lat. S.. 27» 20' long. E., à environ 200 
milles plus loin au nord-est. Il fut en route abordé par 
un Béchuanade distinction, plus noir que le cuir d'une 
botte et dont la peau ressemblait à celle du rhino- 
céros , bien qu'il eût une espèce de parasol fait de 
plumes d'autruche pour se garantir des rayons du 
soleil ; il laissait derrière lui deux petites filles, montées 
sur un jeune bœuf et prenant soin d'elles-mêmes. On 
s'avançait par une chaleur dévorante à travers des 
plaines incommensurables, sans autre paysage que la 
voûte des cieux , ayant après soi les bleuâtres sommets 
des monts Kamhanni, près de Kuruman. Quatorze 
milles de marche conduisirent notre voyageur sur les 
bords de la rivière périodique de Matluarin^ qu'il 
aborda par 27» 10' lat. S. , 2A* 40' long. E. , et qui sort 
de quelques marais dont l'eau est à peine potable ; les 
bœufs de la caravane trouvèrent là quelques joncs et 
un rare gazon pour seule pâture. Ensuite on gagna 



( 38 ) 
Littk CAooi, ou le petit Ckoui, par 26o 80' lat. S., 26» 
long. E., grand lac salé entouré de bandes nom* 
breuses d'autruches et de spring -bucks ou gazelles , 
attirées là par la verdure cassante et amère que les 
troupeaux refuseraient de goûter» et par un petit lac 
d'eau alkaline qu'il devint impossible à M. Harris de 
purifier. 

Notre voyageur eut ici la visite des Barolongs et des 
Batlarous, tribus de la nation Béchuana» qui vinrent 
lui demander du tabac. Il vit ensuite des troupes de 
zèbres de différentes espèces , en entrant dans le désert 
de Choui , entièrement nu, sans aucun arbre , et d'une 
stérilité monotone. Il fit halte au grand Choui, autre 
grand lac salé , qu'il atteignit le )our suivant. Le 9 
octobre, il était sur les bords de la rivière MerUsane ^ 
qu'il franchit par 26* 10' lat. S., 26^ 30' long. E., et 
où il revit des troupes de gnous et de zèbres, auxquels 
il fit une chasse suivie et obstinée. 

Le lA , continuant sa marche , il atteignit au bout 
de 38 milles le Lotlokane , par 26<' lat. S., 26<' &0^ long. 
E. C'est un petit canal desséché d'une rivière pério« 
dique dont les eaux se jettent vers l'ouest, par 25* 
40' lat. S.; 26" 30Mong. E., dans la rivière Molopo, 
elle-même souvent à sec, et dont l'antilope aime assez 
les rivages. M. Harris gagna et traversa la Molopo à 
quelques milles plus loin et à peu de distance de sa 
source. Cette rivière, qui forme à Touest la limite du 
territoire de Moselekatse , offre un lit assez large» cou- 
vert de tuf, traversé par un profond courant lairge 
lui-même d'environ dix pieds, et plein de grandes 
racines. Le sol , sur les deux rives , est noir, orné de 
ga%p^ et de bouquets d'acacias. M. Harris campa sur 
la rive septentrionale sous un arbre autour duquel 



(50) 

existait une clôture pour le bétail. Durant la nuit , il 
eut la visite des hippopotames, qui sont nombreui 
dans cette rivière , et le jour suivant , il fit la chasse à 
l'élan et au gembosk {Or/x capensis), dernier ani- 
mal de la grosseur d'un âne , qui peut avoir donné 
lieu à la fabuleuse unicorne et qui est une des plus 
belles antilopes de l'univers. 

Enfin, on passa par 2ô« 3(y lat. S., 27^ W long. E,, 
la rivière Mimori qui coule à cinq lieues de Mosega. 
Une chaîne de lacs , voisine du campement de notre 
voyageur, recelait un troupeau du buffles sauvages, 
dont les têtes formidables, pareilles à des masses de 
rochers » s'élevaient du sein des eaux parmi des joncs 
flottants, le reste de leur corps demeurant immergé. 

Ici H. Harris reçut la visite de quatre guerriers Ma- 
tabilis , envoyés de Mosega , par le lieutenant de Mose-r 
lekatse , en l'absence de sa majesté noire. C'étaient 
des hommes bien proportionnés , vigoureui^ , aux traits 
réguliers, et qui, bien qu'entièrement noirs, étaient 
supérieurs à ceux des tribus que jusqu'alors on avait 
vues. Leur tète rasée était couronnée d'un anneau ou 
cercle attaché au péricrâne , et une de leurs oreilles 
perforée portait une petite gourde de tabac. Leur vête- 
ment consistait en une ceinture de cuir, ornée de 
quelques bandelettes de peau de chat suspendues de- 
vant et derrièi*e. Chacun de ces guerriers était firme 
de deux courtes javelines et d'un bâton noueux destiné 
â lancer et à frapper. Tous les Matabilis sont pas* 
sionnés pour le tabac ; partager avec eux le contenu 
de votre boite est la plus grande politesse que vous 
puissiez leur l'aire , et rien n'égale la joie qu'ils éprou- 
vent à renifler une prise : malheur à quiconque trou- 
blerait une pareille jouissance! 



(40) 

Après cinq milles de marche dans des plaines ondu- 
lées, couvertes d'une assez riche verdure, on descendit 
au fond d'une fertile vallée ayant la forme d'un bassin 
de dix ou douze milles de circonférence, borné au nord 
et au nord-est par la chaîne des monts Kurrichane, et 
contenant les sources delà rivière Manqua. Cette 
vallée , avant d'être occupée par les Matabilis, formait 
la principale résidence de la tribu des Baharoutzis. 
Elle est maintenant cultivée avec soin , et renferme la 
ville militaire de Mose^a, ainsi qu'une quinzaine de 
kraals ou villages principaux de Moselekatse. Quelques 
maisons de missionnaires américains se voient dans 
cette vallée, située par 25» 30/ lat. S., 27» 20/long. E. 

A l'arrivée de la caravane européenne , les naturels, 
qui travaillaient dans les champs , les quittèrent pour 
grossir le cortège , jusqu'à l'endroit affecté à la halte« 
Là , on apprit que le roi était allé à la tète d'un com- 
mando, mot qui, dans l'Afrique australe, signifie 
expédition militaire, compléter, à Faal-RMer, la des- 
truction qu'il avait commencée des fermiers hollan- 
dais installés sur ce point. Cette circonstance déter- 
mina M. Harris à adopter la direction de Vaal Rivier, 
et, à cet effet , il se remit bientôt en route. 

Nous passerons sous silence le récit qu'il nous fait 
dans son livre d'un chef noir appeléC7/a^a, et surnommé 
à juste titre le sanguinaire. Ce récit n'est qu'une suc- 
cession de meurtres ou plutôt de boucheries , d'atroci- 
tés de tout genre , à la manière des Cafres , qui n'ont 
ni foi, ni loi, et ne connaissent de frein que lalassi-^ 
tude du carnage. Ce Chaka , révolté contre son frère 
ou parent Dingaan , roi des Amazoulous , s'était enfui 
d'un district voisin de la baie Delagoa , et après une 
longue série d'assassinats, parvenu à organiser une ar- 



( 41 ) 

mée disciplinée , il était devenu la terreur des pays li- 
mitrophes. Tout fier de son harem , il possédait à titre 
de servantes ou sœurs, pour contenter ses bizarres 
fantaisies, jusqu'à cinq cents jeunes filles, toutes plus 
jolies les unes que les autres. Dès que Tune d'elles 
devenait enceinte, il la faisait, pour un crime supposé, 
livrer à un exécuteur qui, aussitôt, plaçant une main 
sur le haut de la tète et l'autre sous le menton , lui 
tordait le cou sans rémission ; après quoi le corpsde la 
victime était traîné hors du village et abandonné aux 
hyènes et aux oiseaux de proie. C'est ainsi que toute la 
contrée soumise au terrible Ghaka était comme un 
sépulcre blanchi par les ossements de ses sujets égor- 
gés ou étranglés. Un jour un vieux sorcier du Rraal 
lui ayant raconté qu'il avait vu en songe des guerriers 
polluer son harem , le tyran roua de coups sa propre 
mère pour n'avoir pas eu soin de ses filles , et il fit sur 
l'heure périr au milieu des tortures 170 personnes des 
deux sexes. Une autre fois , il fit passer au fil de l'é- 
pée un régiment de 1,000 hommes qui lui avait déplu. 
Enfin la mort arrêta la carrière de ce monstre , qui 
fut assassiné lui-même par un de ses sujets. 

Quittant le séjour de la mission religieuse de Mosega, 
le 22 octobre , M. Harris reprit sa direction vers les 
monts Kurrichane au nord, et il traversa du nord à 
l'ouest une certain nombre de villages matabilis, ayant 
tous la même forme et le même aspect, bien que variant 
d'étendue et d'importance. Une clôture circulaire en 
épines , haute de 6 à 8 pieds, avec une seule entrée , 
enferme l'aire établie en pente , et autour de sa cir- 
conférence sont construites les habitations ou huttes 
des indigènes. Le troupeau passe la nuit dans une 
clôture semblable. Les demeures sont des cabanes 



(42) 

sales et basses , de forme également circulaire , avec 
une petite porte s'ouvrant vers le centre , et laissant à 
peine à un homme Tespace suffisant pour se traîner 
en rampant sur ses mains et ses genoux. Une multitude 
de femmes et d'enfants se tenaient devant ces de- 
meures pour voir M. Harris» et lui tendaient leurs 
mains ou les plaçaient sous leurs narines en reniflant 
avec bruit , en signe de demande de tabac , la plus 
grande de leurs jouissances , comme nous l'avons dit 
tout à l'heure d'autres indigènes de la contrée. 

La chaîne des Kurrichanes offre un aspect majes- 
tueux, qui contraste avec l'uniformité des plaines im- 
menses que le voyageur venait de traverser depuis Ku- 
ruman et les monts Sneuwbergen. La terre était cultivée 
partout dans la vallée où le bassin se prolongeait au 
loin , et de nombreux troupeaux paissaient sur le flanc 
des collines. On déjeuna près d'une source de la Ma- 
nqua, puis on commença à gravir les montagnes, 
non sans d'extrêmes difficultés pour les bœufs attelés 
aux wagons. Ces montagnes franchies , on se rendit à 
Kapaln, lieu situé par 25** KV lat. S., 27* 40' long. E., 
et où l'on rencontra Moselekastse, qui fit bon accueil à 
notre voyageur, mais en l'accablant d'obsessions 
pour voir ses diverses marchandises. M. Harris n'igno*^ 
rant point la sordide avarice des sauvages et leur in^ 
satiable envie d'accumuler pour le seul plaisir de pos* 
séder, ne négligea aucune précaution dans la vue de 
lui cacher ce qu'il portait. 

M. Harris, après les cadeaux obligés et la promesse 
d'abandonner sa tente de voyage à Moselekatse, fit 
des dispositions pour le retour, comme nous venons de 
le dire. Mais avant de le suivre , offrons encore quel- 
ques détails sur ce prince barbare , dont la principale 



( 43) 

et presque unique richesse consisie en innombrables 
troupeaux de bêtes à cornes. 

Il les distribue dans les diverses parties de ses do- 
maines y et ils y occupent une partie de ses sujets » 
qu'il appelle chiens^ et qui » soutenus par ses libéra- 
lités pour vi?re, tirent néanmoins davantage de la 
chasse leurs moyens.d'existence. Les morts et les ac- 
cidents qui surviennent parmi les bœufs ou autres ani- 
maux sont régulièrement notés , et toujours l'objet de 
rapports particuliers. A cet effet, les guerriers char- 
gés de faire ces rapports, accourent de toute leur vi- 
tesse jusqu'à cinquante pas du roi, puis déposent leurs 
armes sur le sol , et prenant la posture la plus hum- 
ble , le front dans la poussière , ils se traînent jus- 
qu'au tuyau de l'oreille du prince, tandis que ceux 
qui l'environnent s'écrient : Hayahl hayah! Alors le 
compte-rendu s'accomplit à haute voix. Gela terminé , 
le soldat qui l'a fait demeure encore quelques secondes 
étendu le ventre à terre , les yeux attachés sur le sol • 
et si le monarque n'a pas de question à adresser, sou- 
dain le guerrier se relève en répétant, hayah! et il 
court vite reprendre ses armes. Tous les sujets ou 
chiens du roi qui passent devant sa majesté sont obligés 
de se courber la moitié du corps et de garder cette 
posture inclinée plusieurs pas avant et après leur tra- 
versée en présence du despote , qui , du reste , ne se 
déplace jamais sans un cortège de courtisans et de hé- 
rauts d'armes, sautillant à l'exemple des bêtes sauva- 
ges et louant à grands cris « le noble éléphant , » titre 
qu'ils donnent à leur souverain. 

Moselekatse ayant aperçu près d'un des compa* 
gnons de M. Harris une boite renfermant divers 
grains, sauta dessus rapidement et voulut se Tappro- 



(44) 
prier. Notre voyageur trouva un biais pour s'excuser» 
en disant que cette boite en effet était destinée au mo- 
narque , mais que , selon une coutume de son pays 
d'Europe, lui Harris devait la conserver jusqu'au 
moment où il prendrait congé du prince. Moselekatse 
alors s'écria : « Donnez , donnez ! je vous permets , 
dès à présent, départir, et je vous donnerai des guides 
sûrs pour vous accompagner dès demain matin. )> 
M. Harris, enchanté d'avoir pu ainsi obtenir une per- 
mission, qu'il redoutait de n'avoir pas de sitôt, en pro- 
fita pour reprendre la direction sud et gagner Vaal* 
Rivier. 

Avant d'y accompagner notre voyageur, arrêtons- 
nous encore un moment avec Moselekatse, et parlons 
de son barem impérial. Il se composait de trente 
dames noires qui se tenaient en plein air auprès de 
leur maître absolu. Elles étaient d'un noir basané et 
d'un certain embonpoint qui touchait même à l'obé- 
sité; elles avaient les mamelles pendantes et la tête 
rasée , sauf une petite touffe de cheveux sur le haut , 
où étaient suspendues diverses plumes d'oiseaux. Leur 
vêtement consistait en bandelettes de cuir et en verro- 
teries de couleurs variées, ainsi qu'en une foule d'or- 
nements créés sans doute en vue de plaire à l'imagina- 
tion fantastique de leur royal époux. Parmi ces fem- 
mes du harem se trouvait une jeune captive Griqua , 
fille d'un chef de Baastards Lishuanis , que les guer- 
riers de Moselekatse avaient faite prisonnière dans une 
expédition à Vaal-Rivier. Le prince envoya celte Hébé 
africaine, comme ballon d'essai à M. Harris, dans 
l'espérance qu'en la voyant celui-ci se dessaisirait pour 
elle de quelques nouveaux présents, ce qu'il se garda de 
faire, tout en compatissant au triste sort de l'infortunée» 



(48) 

qui , entendant parler de son pays» s'en retourna les 
yeux en pleurs , après avoir prié M. Harris de la rap- 
peler au souvenir de ses parents. 

Le 27 octobre , notre voyageur partit en prenant le 
chemin de la rivière Mariqua qu'il franchit par 25*^20' 
lat. S. , 27* 50' long. E. pour gagner bientôt la rivière 
Tolaan , près de laquelle il rencontra un autre chef 
noir ; puis la rivière Simalakate , assez profonde et vi- 
sitée souvent par des lions et des rhinocéros. Ce cours 
d'eau traversé le 1*' novembre , on atteignit les monts 
Cashan et la rivière Bagobone par 25'' AO' lat. S. , 28<' 
10' long. E. 

Là notre voyageur fit une pointe vers le nord, franchit 
la rivière Liuoang par 25« 30' lat. S. . 28» 20'long. E. , 
puis s'avança jusque près de la rivière 6^r£ ou Limpopo^ 
que l'on présume déboucher sous le nom de Manice 
dans la baie Delagoa. Revenant sur ses pas en chas* 
sant les buffles sauvages , les aigocerus ou sortes de 
daims, les éléphants et les lions, puis les girafes , et 
repassant près des monts Cashan que l'on quitta le 16 
décembre , il gagna enfin Vaal-Rivier, qu'il trouva le 
19, par 28o 10' lat. S., 27« 20' long. E. Ce cours 
d'eau qui descend de l'est au sud-ouest est un bras éloi- 
gné du Garip ou fleuve Orange , et il forme la limite 
méridionale du territoire sur lequel Moselekalse pré- 
tend régner. Vaal-Rivîer s'est grossie delà Chonapas, 
qui vient du nord, et lorsque sous le nom de Ky- 
Garip , elle a au sud-ouest, réunie à la Modder, porté 
ses eaux à l'Orange, ce fleuve traverse le continent 
sud africain de l'est à l'ouest, comme une grande 
artère, et après un cours de mille milles ou environ 
337 lieues , va déboucher dans l'océan Atlantique. A 
l'endroit où M. Harris traversa le Garip, sa largeur 



( 4«) 
n'excédait pas 160 pieds ; mais cette largeur est plus 
grande lors des crues périodiques. Ce cours d'eau était 
rempli d'hippopotames. 

Le 20 décembre , M. Harris quitta le territoire des 
Matabilis pour traverser celui de Nama-Hari; Il erra 
pendant trois jours dans le désert , chassa les bêtes 
fauves , et après avoir dit adieu aux vastes plaines de 
Vaal-Rivier, et avoir eu ensuite à.repousser les attaques 
des maraudeurs indigènes » il rencontra les Boers , qui 
lui prêtèrent une bien précieuse assistance. 

M. Harris rentrait le lA janvier 1837 sur le territoire 
de la civilisation , et il revoyait Graaff-Reinet le 2A du 
même mois, après avoir perdu presque tous ses bœufs, 
au passage des monts Sneuwbergen , et éprouvé lui- 
même toutes sortes de privations et de misères. 

L'ouvrage de M. Harris , enrichi de belles vignettes 
représentant des portraits d'indigènes et d'animaux 
des contrées qu'il a explorées, se termine par plusieurs 
chapitres sur l'émigration des Boers ou fermiers hol- 
landais, qui, préférant la liberté du désert à l'esclavage 
policé que leur offrait le pouvoir britannique, aban- 
donnèrent spontanément les lieux qui les avaient vus 
naître, les tombeaux de leurs aïeux, tout ce qu'ils 
avaient de plus cher au monde, et s'en allèrent au 
nombre d'environ cinq à six mille individus chercher 
à se créer une autre patrie au-delà des limites du ter- 
ritoire civilisé. M. Harris les juge, ce semble, avec une 
grande dureté , sans vouloir bien comprendre tout ce 
qu'il y avait d'élevé, de noble et d'héroique dans une 
telle résolution : la raison en est simple, il est Anglais et 
plaide pour son gouvernement. Nous ne suivrons point 
le narrateur dans les développements qu'il donne à ce 
sujet,sur lequel il nous sera 'possible de revenir ultérieu- 



( 47 ) 
rement à Toccasion d'un autre voyage accompli vers le 
même temps et à peu près dans les mêmes contrées,ou 
du moins dans celles qui les touchent vers l'est ; l'auteur 
de cet autre voyage , M. Delegorgue , est plus juste à 
l'égard de ces malheureux exilés volontaires : il est 
Français et désintéressé dans le débat. Disons seule- 
ment , pour clore cet article déjà trop long peut-être» 
que la politique parait avoir été bien impitoyable en- 
vers les Boers , en les poussant sourdement à guerroyer 
contre les Cafres , tandis que ses agents, sous le titre 
démissionnaires, allaient armer ces noirs et les déci- 
der à tomber perfidement sur les Boers et à les abîmer ; 
puis cette même politique , sous un semblant d'huma- 
nité, intervenait pour réduire ces derniers au joug 
qu'ils n'avaient pas voulu d'abord subir. C'est ainsi , 
en effet , comme tout parait concourir à le prouver, 
que les choses se sont passées à Port -Natal, en 1837, 
témoin surtout le massacre de Rétief et de ses compa- 
gnons par Dingaan , roi des Âmazoulous , ce monstre 
couronné qui devait ensuite succomber à son tour sous 
une intervention dès longtemps et froidement calculée, 
qui , à l'exemple de la fable de l'huître et des plai- 
deurs , a fini par confisquer à son profit le territoire 
que se disputaient les parties belligérantes. 



ANTIQUITÉS AMÉRICAINES. 

iMlre de M. Samuel F. Haven, membre et bibliothé- 
caire de la Société américaine des antiquités des EtatS' 
Unis , à M. JoMARD , membre de r Institut de France. 

Worcester, Massachusetts, 27 mars i847- 

Monsieur , 
Un membre distingué du barreau de cette ville. 



(48) 
M. Frédéric Gale, se rendant à Paris, je profite de 
son occasion pour vous transmettre les remerciements 
de la Société américaine des antiquités de l'Union, à 
l'égard des objets de science et d'art que vous avez bien 
voulu lui adresser. 

Permettez -moi en même temps de vous informer 
que de récentes explorations sur les bords de l'Ohio 
ont fait découvrir des antiquités bien supérieures sous 
le rapport de l'art à toutes celles qu'on avait trouvées 
auparavant dans la contrée. La structure de certains 
monticules qu'on avait supposés, d'après l'aspect stra- 
tifié du sol, n'être que des formations naturelles, a 
été reconnue comme un produit de l'art humain; et 
dans leur centre mathématique , à la base , on a trouvé 
des autels d'argile et de limon brûlés, sur lesquels 
étaient déposés des articles curieui; parmi ces derniers 
on a remarqué des pipeaux de formes variées , repré- 
sentant des figures d'oiseaux et d'animaux exécutées 
d'un œil sûr et avec un fini d'une rare élégance ; des 
grains de perles grossières , des ustensiles de cuivre et 
des fragments de poterie délicate. 

Ces découvertes donnent une nouvelle impulsion 
aux recherches , et il est à présumer qu'elles répan- 
dront un jour nouveau sur l'origine et la destination 
de ces tumulus et de ces restes de constructions consi- 
dérables apparemment d'un caractère militaire, qui 
abondent dans nos États occidentaux. 

Comme la Société de géographie , dont vous êtes un 
membre si éminent , n'a reçu aucune publication de 
la Société américaine d'antiquités , en échange de ses 
précieux Bulletins ^ je suis heureux de pouvoir vous 
annoncer qu'un ouvrage de quelque importance se 
prépare pour être mis sous presse par notre Société. 



( 49 ) 

Les matériaux en sont tirés des documents du gouver- 
nement de la colonie de la Baie de Massachusetts, 
antérieurs à 16A0 , et ils seront accompagnés d'anno- 
tations historiques et géographiques; ils formeront 
ainsi une curieuse histoire de la colonie durant les dix 
premières années de son existence. Probablement que 
ce travail se composera de deux volumes in-8" de 
chacun 500 pages, et qu'il offrira à notre Société les 
moyens d'opérer un légitime échange en retour des 
envois des autres Sociétés. 
J*ai l'honneur, etc. 

Signé: Samuel F. Havrn. 



OUVRAGES ET MÉMOIRES OFFERTS A LA SOCIÉTÉ 
DE GÉOGRAPHIE, dans les dernières séances. Notice 
PAR M. Albert -MoNTÉiioNT. 



WKÉMOTÊLMB de la Soeiété royale dei seieiMet, de l'agrienltnre et 

det arto d« Xalle. ( Année 1845. ) 

Parmi les utiles travaux renfermés dans ce volume , 
il en est un qui intéresse la géographie agricole : c'est 
le rapport sur la maladie des pommes de terre , par 
H. Thém. Lestiboudois , à qui il parait évident que » 
si une grande obscurité cache encore la cause de cette 
maladie , on ne peut du moins l'attribuer , comme 
beaucoup de savants l'ont fait , à une végétation cryp- 
togamique ; il pencherait plutôt à y voir un effet du cli- 
mat et de la dégénérescence des plantes. Le moyen qui 
lui parait le plus propre à remédier à cette altération 
du précieux végétal , c'est de changer les tubercules , 
de choisir pour une contrée ceux qui ont été produits 

VIII. JUILLET. A. A 



( 50 ) 

en des contrées placées dans des conditions oppo- 
sées ; de tirer des pays montagneux dont le sol est léger 
et sablonneux ceux qu'on veut planter dans les plaines 
humides , dont le sol est froid et compacte. 



de rAeadémte de Bjon. (1845 , 184S. ) 

Nous remarquons dans ce volume l'article de 
H. Th. Foisset sur les services qu'ont rendus les États 
de Bourgogne ; celui de M. Rossignol sur l'inva- 
sion et l'affreuse dévastation de cette province par 
Galas; un rapport de M. Frantin sur les Questions 
Bourguignonnes de M. de Belloguet , ouvrage où sont 
traitées l'origine et les migrations des anciens Bour- 
guignons ei la géographie des divers peuples, royaumes 
ou contrées qui ont porté leur nom ; une esquisse 
topographique et historique de Mayorque, par M. Guy- 
nat ; des notices sur les tremblements de terre dans 
l'Afrique septentrionale et aux Antilles, par M. Perrey, 
suivies de la liste des tremblements de terre ressentis 
dans toutes les contrées du globe en 18AA, 18d5, 18i6. 



TBX JOUniTAZi of fthe Royal Asîatio Society (Vol. X, p. i et il , 
1846, N« XVII , parties i 1846, et ii, 1847.) 

Ces deux parties du 10* volume du Journal de la 
Société asiatique contiennent un savant Mémoire du 
major Rawlinson sur l'Alphabet cunéiforme de l'in- 
scription persane de Béhistun. La première partie du 
n* XVII se distingue par trois articles principaux : 
l'un sur la géologie de l'Inde méridionale par le capi- 
taine Newbold; l'autre sur les institutions civiles et 
religieuses des Sicks , par le professeur Wilson , et le 
troisième sur les fêtes religieuses des Indous par le 



(61 ) 

même Wilson. La 2* partie offre notamment la bio* 
graphie des anciens poètes persans » par M. Bland » et 
nn arbcle sur les coins et médailles de la dynastie des 
rois indoaa de Caboul y par Edward Thomas. 



des éléments constît«ti6 àm système de la troisième èeri- 
twe cvaéifbrme de Versépolis, par Isidore LAwensieni. Grand 
ia-8 de IM piges. Paris, 1847. 

La troisième écriture cunéiforme qui se trouve sur 
les monuments des rois Âchémënéens de la Perse , 
principalement à Persépolîs , Béhistun et Hamadan , 
appartient à la classe des écritures cunéiformes baby- 
loniennes et assyriennes. M. Lowenstern a ici traité 
de cette troisième écriture, relativement au sytème 
qu'elle présente de la permutation de ses lettres • et il 
montre l'analogie qu'il a avec celui des hiéroglyphes 
phonétiques de l'Egypte. 



l>XSC&ZFTIOWof the mini of the Ohoreh of Btartula Mariam 

ia Abessiaia ; by Gh. Beke. 

L'église de Martula Mariam ( Tabernacle de Marie ) , 
dans la province de Godjam , a été la plus magnifique 
et la plus célèbre construction religieuse de l'Abys- 
sinie. Ce sont les ruines de ce monument curieux que 
M. Beke décrit. 



Ii'ZWFKSTIOATSUa , journal de rinstitut historique. (Avril Ct 

Mai 1847.) 

Nous remarquons dans ces deux numéros un essai 
historique sur Tare de triomphe de Saintes , par 
M. H. d'Aussy, qui se plaint amèrement de la destruc- 
tion récente qu'on vient de faire de ce monument ro- 



(52) 
main ; et un article de M. Fabbé Auger , sur les prin- 
cipaux monuments du Bourbonnais , principalement 
sur le château de Bourhon-l'Archambault et Téglise de 
Souvigny. 



ESSAI fur le lymbolifiiié antique d'Orîent , prîaoipaleiii^t fur le 
symbolitme égyptien, par M. de Briére. 

M. de Brière combat» dans cet ouvrage, le système 
de GhampoUion sur les hiéroglyphes égyptiens, et cri- 
tique la traduction , par M. Letronne , du passage du 
5* livre des Stromates de Saint-Clément d'Alexandrie, 
relatif aux écritures égyptiennes. 11 cherche à faire voir 
que Vécriture hiéroglyphique est entièrement phoné- 
tique et imitative des paroles ; qu'il y avait d'ailleurs 
une langue sacrée et magique commune aux prêtres 
des divers pays » et représentant une idée théologique 
par une seule image , une espèce de tableau ; que le 
sytème religieux reposait sur la cosmologie astrolo- 
gique, et qu'il y avait dans les religions anciennes 
une communauté d'origine. 



AinWAUBS de la Propagation de la foi. Juillet 1847. N» WZ. 

Ce numéro contient notamment deux articles fort 
intéressants sur les missions évangéliques tant de la 
Mongolie que du Tong-Ring occidental. Le premier 
de ces articles est analysé avec étendue en tète du pré- 
sent Bulletin ; nous allons dire un mot du second. 

Le vicaire apostolique du Tong*King, M. Retort, 
par une lettre datée de janvier 18i6, adressée à M. Lau- 
rens, curé à Salles, près Lyon, informe celui-ci des 
succès nouveaux que viennent d'obtenir les ecclésias- 
tiques français envoyés dans diverses régions du Tong- 



( 68 ) 
King , où ils comptent déjà plusieurs collèges , beau- 
coup d'églises et de nombreux indigènes convertis au 
christianisme. Ces missionnaires ont cessé d'être per- 
sécutés par les autorités du pays , ou du moins on ne 
leur inflige plus de ces cruels châtiments auxquels ils 
furent si longtemps exposés. Cette lettre est suivie 
d'une autre de M. Legrand, datée de mars 18i6, et 
qui rend aux conseils centraux de Lyon et de Paris 
un compte à peu près analogue sur d'autres points 
qu'il a visités. 



BIS OZOGHAFHI8CHX Berbreitung einiger oharaeleristisolieii 
arabisdien Produete , YoD C. Ritter , 1847. 

Ce mémoire in-8* de 326 pages , offert à la Société 
de géographie « traite de la propagation successive , 
dans les diverses parties du monde , de plusieurs pro- 
duits caractéristiques de l'Arabie» tels que le cafier» 
le chameau et le dattier. M. Ritter indique notam- 
ment la propagation du cafier dans l'ancien monde , 
l'état primitif ou sauvage de cet arbuste, et sa culture 
dans diverses régions , l'introduction comme boisson 
du café en Orient et en Occident, etc. 



MOVATSBBHXOHTB flber die ▼erhandlnngen der Oesell<- 
ehoftOlr Zrdjrande su Berlin | redigtrt VOD D' Wilhem MalMoianQ. 
Berlin, 1845 et 1846. Trois cahiers in-8. 

Ces trois cahiers ou numéros contiennent l'analyse 
des travaux de la Société des. sciences géographiques 
de Berlin , et diverses communications faites à cette 
société, en 18A5 et 18A6« 



( 54) 

I 

JOTnELXAXê de la Société des misnpns évangéliquet de Paris. 

6*et1« livraiiont, 18 17. 

Ces deux livraisons renferment des détails sur les 
relations des missionnaires avec les indigènes , soit de 
l'Afrique méridionale, soit de Tlndo-Chine. M. Ar- 
bousset rend compte notamment d'une station nou- 
velle fondée à Cana, à deui ou trois lieues en deçà de 
Kuening, entre les rivières du Calédon et de la Pon- 
tiatsana. Le même parle d'une tribu d'anciens Bas- 
soutros antbropopliages qui guettaient les passants» 
comme la hyène, et les dévoraient sans pitié en n'é- 
pargnant que les jeunes femmes destinées à remplacer 
les vieilles immolées à leur tour. Quant aux gens mai- 
gres capturés, ils étaient, avant d'assouvir l'appétit 
effréné de leurs maîtres , engraissés avec du millet , 
du gramen ou de la chair humaine. « Tous les Bas- 
soutos, dit M. Arbousset, n'ont pas été anthropo- 
phages ; mais cette habitude a été , ajoute-t-il , fort 
générale il y a quinte ou seize ans , et du point de 
jonction du Lékoua ou Likwa avec le Fal , jusqu'aux 
sources du Calédon, et de là jusqu'à son embouchure 
dans le fleuve Orange; il n'est pas un seul quartier un 
peu considérable où, de 1823 à 1833, le cannibalisme 
n'ait exercé de grands ravages. » Ce serait, à ce qu'il 
parait , aux efl*orts des premiers missionnaires que 
l'on devrait l'abolition , sinon totale , du moins par- 
tielle de cette horrible coutume. 

Relativement à l'Indo-Chine , pays trois fois plus 
étendu que la France , et où le boudhisme est la re- 
ligion dpminante, il n'y a de missionnaires qu'à Ban- 
kok, ville capitale du royaume de Siam, assise sur 
ope lie du Meinam, centre d'un grand commerce , 



(56) 

rendez-vous des populations les plus diverses. Ce% 
apôtres du Christ sont plus nombreux dans l'empire 
Birman » surtout dans la province de Te%asserim. 

BUXUBTnr de U Sodété géologique de Franee. Tome IV. 

l'Oman, 19 avril 1847. 

Ce numéro contient quelques détails , notamment 
sur les eaux silicifères , et les deux principaux geysers 
ou sources thermales de l'Islande, sur les terrains com- 
pris entre le grès vert et le calcaire grossier, sur la 
forme extérieure des anciennes moraines des Vosges , 
et sur le genre paléotherium ou des pachydermes. 

TRAVAUX de la Commission hydrométriqae de Iiyon | rapporli 
iD-8 , 1845 el 1846. ( Extraits des Annales de la Société royale d'a- 
griculture de Lyon. ) 

Ces deux rapports contiennent une série d'observa- 
tions météorologiques recueillies dans les bassins de 
la Saône et du Rhône. La commission a noté les crues 
de ces deux grands cours d*eau, en 18A5 et 18A6 , en 
remarquant que la première de ces années a été hu- 
mide et froide , et la seconde sèche et chaude , ce qui 
a été dû , non à la quantité de pluies tombées , mais 
à la répartition et à la durée des pluies , en tenant 
compte aussi d'une haute température soutenue pen- 
dant certaines séries de jours, 

THS JOU&WAXa of the royal geograpbioal Society oflMudon. 

Vol. XVII, 1847. 1" partie. 

Ce numéro de la Société royale de géographie de 
Londres contient un article sur le Nil et ses affluents 
ou tributaires, par Charles T. Beke, Tun des corres- 



# 



( 56 ) 

pondants de la Société de géographie de Paris. Cet 
article , oui^rouve les vastes recherches et la profonde 
érudition de lenteur, ne compte pas moins de Sk pages 
in-8». - • 

TBZ PHOOnSSSof ethnologjTf an aeooimt of reeent archflBolo. 
gîoal , philologieal and geographieal reiearehes in varions parts 
of the Globe , tending to eluoîdate the physîoal history of man ; 
by John RassfBll Bartlett. New-York, 1847. 

Cette brochure in -8** de 150 pages , dont je viens de 
transcrire le titre, est une revue abrégée des progrès 
accomplis en 18&6 pour étendre la connaissance du 
globe , particulièrement en ce qui concerne la géo* 
graphie , et les peuples dont l'histoire n'est encore 
qu'imparfaitement retracée. Ce travail est une analyse 
méthodique et rapide des découvertes qui ont eu lieu 
durant cette période dans les cinq parties du monde. 

imrOBJVO ad alcuae loealit^ di Spagna e dî Franoiai visitate 
nelP autiinno del 1846 9 dal dottor Antonio Toschi. Broch. in-8. 

Cet article , qui traite de plusieurs pays d'Espagne 
et de France visités par l'auteur durant l'automne 
dernier, est extrait des Nouvelles annales des sciences 
naturelles de Bologne^ cahier de février et mars 18A7. 
Les lieux parcourus et décrits par M. Toschi, principa- 
lement sous le rapport géologique , soqt : Barcelone « 
Foix , Pamiers et Bordeaux. 



( 67 J 



DEUXIEME SECTIOK.* 



Actes de la Société. 

EXTRAIT DES PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES. 



Pb^siobhge db m. Jomabd. 



Séance du 2 juUlet 18i7. 

Le procès-verbal de la dernière séance est lu et 
adopté. 

M. le ministre de l'Instruction publiqoe écrit à la 
Société pour l'informer que , sur le rapport qui lui a 
été fait de ses travaux et des recherches qu'elle pour- 
suit dans l'intérêt de la science . il vient de mettre à 
sa disposition une somme de cinq cents francs à titre 
d'encouragement pour l'année 18&7. H. le ministre 
désire que la Société trouve dans cette décision un té- 
moignage de sa vive sympathie pour elle , et il serait 
heureux de pouvoir, plus tard, renouveler et augmen- 
ter même l'indemnité qui lui est attribuée aujour- 
d'hui. 

La Commission centrale vote des remerciements à 
M. le ministre de llnstruction publique. 

M. le général chevalier de Saluces écrit à la Société 
pour lui offrir plusieurs nouvelles feuilles de la carte 
topographique des États sardes, publiée sous sa direc- 
tion par le corps royal de Tétat-major générai. 



(68) 

M. le vicomte de Santarem offre à la Société un 
exemplaire de la grande mappemonde attribuée au 
XV* siècle oiraïusée Borgia ; il fait observer que plu- 
sieurs auteurs ont parlé de ce curieux monument de 
la géographie du moyen âge» entre autres Tabbé 
Fualdo, Simone Stratico et le professeur Heeren dans 
une dissertation publiée dans les Mémoires de la So- 
ciété de Gôttingue. M. de Santarem a donné lui-même 
une analyse de cette mappemonde dans ses Recher- 
ches sur la découverte des pays situés sur la côte occi- 
dentale d'Afrique au-delà du cap Bojador. 

La commission hydrométrique de Lyon adresse à 
la Société un rapport sur ses travaux pour Tannée 
18AÔ. 

M. Jomard donne lecture d'une lettre et d'un Mé- 
moire anglais de M. le D' Beke sur les descriptions 
de Paez et de Lobo , relatives à TAbyssinie. — Renvoi 
de ce Mémoire au comité du Bulletin. 

H. Berthelot fait part à la Société d'une exploration 
exécutée par M. le colonel Codazzi » gouverneur de la 
province de Barina (Venezuela) pour le tracé d'une 
route qui doit traverser des forêts vierges et passer par 
les Paramas ( hauts plateaux ) des Godillères , situées 
entre Barina , Truxillo et Mérida. Cette route mettrait 
en communication les populations de ces trois pro- 
vinces et faciliterait l'exportation de leurs produits, 
d'une part vers le lac de Maracaybo et de l'autre 
vers le Kio Apure, un des affluents de l'Orénoque. 
— Renvoi de cette communication au comité du Bul- 
letin, 



(69 ) 
Séance du 16 juillet 1847. 
Le procès-verbal de la dernière séance est u et 

^ Ypacol de Sainte-Marie . capitaine au^or^^yal 
d'état-maior, de retour de sa mission à Tunis . adresse 
1 Ts^lé un aperçu de ses travaux géographiques 
dL la régence, c'et officier annonce qu'il doitrepren- 
dre ses opérations au mois de septembre procham . 
e qu'il communiquera à la Société la relation de son 
nolau voyage, l se propose de P-dre pour P<n„ 
de départ le pays des Nef.aoua au sud des grands 
lac» pour arriver à Ghrademens et de là à Tripoli. 

Z Commission centrale remercie M. le capitaine 
Pricot de Sainte-Marie de ses intéressantes communi- 



cations. 



''u Société géologique de France annonce qu'elle 
tiendra cette année sa session extraordinaire à Epinal . 
le 10 septembre prochain. 

M le vicomte de Sanlarem Ut une Notice géogra- 
phique et analytique d'un Portulan royal ou atlas 
maritime portugais inédit de 1546. 

M. Albert- Monteront lit l'introduction des voyages 
de M. Delelorgue dans l'Afrique australe. 

OBVBAOES OFFERTS à. hk SOCIÉTÉ. 

Séance du 7 mai 1847. 

Par la Société royale asiatique de Londres': Journal 
of the Royal Asiatic Society. Vol. X. part 2. 

Par M. Brière : Essai sur le Symbolisme antique 
d'Orient, principalement sur le Symbolisme égyptien, 
contenant la critique raisonnée de la traduction du 



(60) 

passage du cinquième livre des Stromates de saint 
Glémentd'Alexandrie, relatif aux écritures égyptiennes 
de H. Letronne , membre de l'Institut. Paris 18i7. 
Broch. in-8. Plus, deux tableaux figurés. 

Par M. Lortet : Rapport sur les travaux de la Com- 
mission hydrométrique de Lyon en 18A5. In-8 , avec 
quatre tableaux. 

Séance du 21 mai 18ii7. 

Par M. C. de Montigny ; Manuel du négociant fran- 
çais en Chine , ou commerce de la Chine considéré au 
point de vue français. 1 vol. in-8 , 1846. 

Par M. Bouffard : Province d'Oran. — Carte du 
territoire de colonisation , dressée par M. Bouffard , 
avec indication de la nature des terrains , d'après le 
D' Aug. Warnier , membre de la Commission scienti- 
fique de l'Algérie, 18A7. 1 feuille. 

Par Jf . Isidore Lowenstern : Exposé des éléments 
constitutifs du système de la troisième écriture cunéi- 
forme de Persépolis. Paris , 1847. 1 vol. in-8. 

Par M, Beke : Description of the ruins of the church 
of Martula Mariam, in Abessinia. London, 1847. Broch. 
in-4. 

Par M. Murchison : Adress delivered at the Sout- 
hampton meeting of the british Association for the 
advancement of Science. September 10. Broch. in-8. 
1846. 

Par M. A.-R.'M. Sardat : Loi d'Union. Paris 
1847.1vol. in-8. 

Par les auteurs et éditeurs : Annales maritimes et 
coloniales, avril. — Nouvelles annales des voyages et 
dos sciences géographiques, janvier et février. — Bul- 



( 61 ) 

letin de la Société géologique de France , de janvier à 
mars. — L'Investigateur, journal de l'Institut histori- 
que , mai. — Bulletin spécial de l'Institutrice » mai. 
— Journal asiatique , mars. — Revue de l'Orient et 
de l'Algérie , janvier. — Journal d'éducation popu- 
laire » mars. — Annales de la propagation de la Foi» 
mai. — Recueil de la Société polytechnique , janvier 
et février. 

Séance du h juin 1847. 

Par M. Johann iWan^/ii ; Trigonomestrische Vermes- 
sungen im Kîrchenstaate und in Toscana ausgefûhrt 
von dem Ingénieur Johann Marieni unler der Direc- 
tion des R< R. militarischen geografischen Institutes 
in den Jahren , 1841 . 1842 und 184S . Vien , 1846, 
1 vol. in-4. 

Par M. le vicomte de Santarem : Portulan du xiv* et 
du XV* siècle 1384 à 1434 donné en fac-similé d'après 
l'original qui a appartenu à la bibliothèque Pinelli , 
maintenant dans celle de M. le baron Walckenaer. 
3 feuilles coloriées. 

Par M. Roux de Rochelle : Histoire d'Italie , 1*' vo- 
lume. Paris, 1846, in-8. 

Par M. de Caumont : Cartes agronomiques accom- 
pagnant un Mémoire sur l'objet et les avantages des 
cartes de cette espèce. Broch. in-4. 

Par la Société royale des Sciences ^ de V A griculture , 
et des Arts de Lille : Ses Mémoires pour l'année 1846. 
Vol. in-8. Lille, 1846. 

Par les auteurs et éditeurs : Recueil de la Société poly- 
technique , mars. — Journal des missions évangéliques, 
mai. — Journal d'éducation populaire , avril. 



(62) 

Séance du IS Juin ISA 7. 

Par la Société archéologique de Béziers : Bulletin de 
cette Société de 1836 à 18&&. liv. in-8. 

Par r Académie des Sciences , Jrts et Belles-Lettres de 
Dijon : Mémoires de cette Académie » années 1846 , 
18&6. 1 vol. in-8. 

Par M. Ck. Deifille : Voyage géologique aux Antilles» 
et aux îles de Ténériffe et de Foco 1" liv. Paris,1847, 

in-4. 

Par M, le Dr Vizer : Allocutio ad Palriam linguâ na- 
tional! habita , in merito : Geleberrimorum status 
OBConomiaB publici projectorum regni Hungari» ; res- 
pectu canalis Danubio, Tibiscani, Pestino Szegedinum 
ducendi, tum portus danubialis Pestini struendi, at- 
que urbium Budae, ac Pestini ab extraordinariâ exurj- 
datione Danubii glaciali salvandarum; peculiari atten- 
tione impensâ relaté ad novum pontem, Danubiique 
radicalem regulationem ; e principiis slaticis , dyna- 
micis , hydraulicis et technicis evoluta , ac in extractu 
juris publici reddita, 1846. Un exemplaire ms. en latin 
et deux exemplaires imprimés en langue hongroise. 
Broch. in-8. 

Par les auteurs et éditeurs : Annales maritimes et co- 
loniales , mai. — Revue de TOrient et de TAlgérie» fé* 
vrier et mars. — Bulletin de la Société économique 
des Amis du pays de Valence , avril. — Recueil de la 
Société polytechnique, avril. — Bulletin spécial de 
rinstitutrice , juin. — L'Investigateur, journal de Tln- 
stitul historique , juin. 

Séance du 2 juillet 1847. 

Ptir le Ministère de V agriculture et du commerce : Do- 



(63) 

cumenls sur le commerce extérieur. (N*** 369 à 376). 
In-S. 

Par la Société philosophique atnéricaine : Transactions 
of the american philosophical Society, held at Phila- 
delphia » for promoting useful knoviJedge. Vol. IX , 
part, m, in-i. 18A6« 

Par M. le général chevalier de Salaces : Garta topo- 
gralica degli Stati di Sua Maesta Sarda in Terraferma, 
opéra del Real Gorpo di Stato Maggiore Générale. 
Feuilles IV, V et VI. 

Par M, le vicomte de Santarem : Apographon des- 
criptionis orbis terrae, figuris et narratiunculis dis- 
tinctae, manu germanica opère nigelliari discolorio 
circa médium saec. XV. Tabulas aeneae Musei Borgiani 
Velitris consignatae, quod Gamillus Job. PauUi F. 
Borgia , cruce hieros. ornatus , ab intimo cubiculo 
Electoris Bavarici , patrui cardinalis exempta imitatus, 
summâ fide , maximoque artiJQcio expressum , reco- 
gnitumque Eruditis speclandum proponit A. G. 

GI3I3GGXCTII. 

Par John Russell Bartlett : The progress of Ethno- 
logy, an account of récent arcbœological , pbilological 
and geographical Researches in various parts of the 
globe » tending to elucidate the physical hisiory of 
man. In-8 , New- York. 1847. 

Par M, Coulier : Atlas général des phares et fanaux; 
Suède , 18* livraison. 

Par le Z>' Antonio Toschi : Intorno ad alcune localité 
di Spagna e di Francia visitate nelP autunno del 18A6. 
Broch. in-8. 

Par les auteurs et éditeurs : Journal asiatique, avril. 



(64) 

— Journal des Missions évangéliqnes , juin. -—Jour- 
nal d'Éducation populaire » mai. 

Séance du M juillet 18&7. 

Par la Société géologique de France : Mémoires de 
cette Société. Tome II» 2* partie. Paris , 18A7; in-4. 

Par les auteurs et éditeurs : Annales maritimes et 
coloniales , juin. — Annales de la Propagation de la 
foi, juillet. — Recueil de la Société polytechnique, 
mai. — Bulletin spécial de l'Institutrice , juillet. 



BLLLETIlN 



DE LA 



SOCIETE DE GEOGRAPHIE, 



AOUT 1847. 



PREMIERE SECTION 



MÉMOIUES, EXTRAITS, ANALYSES KT RAPPORTS. 



Voyage dans l'Afrique australe, notamment dans le 
territoire de Natal ^ dans celui des Cafres Amazoulous 
et Makatisses et jusqu^au tropique du Capricorne; exé^ 
cutè durant les années 1838, 1839, 4840, 1841, 
1842, 1843 et 1844 ; accompagné de dessins et caties^ 
par M. Adulpbe Delegorgue , de Douai, ai^ec une 
introduction par M, Albert - Montémont, 2 volumes 
in-8. Paris , 1847. ( Analyse par M. Aleert-Monté- 
MONT, membre de la Commission centrale, ) 

Chargé par la Société de géographie de rendre 
compte ici du voyage de M. Delegorgue , je vais m'ac- 
quitter de ma tâche , en commençant cette analyse 
par quelques mots préliminaires et sommaires sur les 
contrées sud-africaines visitées ou observées par le voya- 
geur, et sur ceux qui Ty ont précédé. Je puiserai à cet 
effet dans Tintroduction qu'à la demande de Tauteur 
je lui avais remise pour figurer en tète de son ou- 
vrage. 

VIII. AOUT 1. 5 



( 06 ) 

J^a colonie du cap de Bonne-Espérance , assise à 
Texlréinilé méridionale de l'Afrique , et comprenant 
aujourd'hui le territoire de Natal, principal théâtre 
des explorations de M. Delegorgue , présente un dé- 
veloppement de plus de AôO lieues de côtes. Elle a de 
l'ouest à l'est plus de 200 lieues de longueur; sa plus 
grande largeur, dans la partie occidentale , dépasse 
120 lieues; sa moindre , au centre , est d'environ 70 
lieues. On donne à son ensemble une superficie totale 
d'environ 16,000 lieues carrées, et une population de 
200,000 habitants , dont 60,000 blancs ou hommes de 
couleur libres, 30,000 liottentots, 40,000 nègres, et 
le reste Gafres, Boschjcsmans ou hommes des bois. 

Bornée au nord par la Hottentotie indépendante , 
qui se prolonge vers le tropique du Capricorne ; à 
l'ouest, par l'océan Atlantique ; au sud , par le grand 
océan Austral, et à l'est par la Cafrerîe, la colonie du 
Gap a plusieurs cours d'eau assez remarquables, tels 
que le fleus>e Orange et ses principales branches , 
cumme le Calédon ^ le f^aal-Rwier et le Nu-Garip ; 
puis les deux rivières des Éléphants et la rivière des 
Poissons ou Groote-Vish-Rivier. Elle est traversée par 
plusieurs chaînes de hautes montagnes, et on y trouve 
plus d'un désert ou Karrou , au sol imprégné de sel. 
Le climat, généralement assez chaud, divise l'année 
en deux saisons égales , la sèche et la pluvieuse. La 
première arrive quand le soleil est dans l'hémisphère 
nord , et la seconde , lorsque l'astre est dans l'hémi- 
sphère sud ; la première est l'hiver, et la deuxième 
l'été de ces contrées; l'hiver a lieu de mars à septem- 
bre, et l'été de septembre à mars. 

La colonie abonde en productions naturelles de 
tous genres, en fruits délicieux, en arbres et en 



(67) 

plantes ; elle a même d'excellents vignobles. Parmi les 
animaux domestiques , on distingue les bœufs , les 
moutons et les chevaux ; quant aux bêtes fauves, elles 
reculent de plus en plus vers le nord , à mesure que 
la civilisation s'avance de ce côté. Les mouches pullu- 
lent, les fourmis blanches infestent les champs, les 
perdrix et les outardes sont très multipliées, et mal- 
heureusement aussi les reptiles. En fait de contrastes, 
on remarque la grande autruche h côté du grimpe- 
reau , l'éléphant près de la souris , le monstrueux 
hippopotame et la légère gazelle , le gros buffle sauvage 
et le lièvre timide. 

Quant à la division territoriale , elle comprend 
deux provinces principales , savoir : celle de l'ouest , 
qui a pour chef-lieu le Cap; ou Cape-Town, ville capi- 
tale de la colonie, et celle de l'est, dont le chef-lieu 
est Graham's-Town , province qui embrasse en outre 
PortNalaL L'ouest a les grains et les vins; Test, les 
pâturages et les bestiaux. La ville du Gap réunit 
25,000 habitants, et Graham's-Town environ 16,000, 
a 15 ou 20 lieues de Port-Élisabelh, situé sur la baie 
Âlgoa, et à près de 150 lieues du Cap. 

Avant de gagner avec M. Delegorgue Porl-Natal, où 
il établira son point d'appui et le pivot de ses opéra- 
tions, indiquons rapidement ses principaux devan- 
ciers dans l'exploration de l'Afrique australe. Nous 
trouvons d'abord le voyageur Kolbe , qui y avait paru 
de 1705 à 1708, mais s'était peu avancé dans les 
terres. Viennent ensuite Sparmann, de 1772 à 1776 , 
qui avait étudié et décrit tout à la fois les Holtentots , 
les Boschjesmans et les Cafres; Levaillant, qui de 
1780 à 1785 fil de riches collections en ornithologie et 
en zoologie. Au commencement du xix' siècle appa- 



(68) 

ralt le savant Licbtenstein qui parcourt une grande 
étendue de pays, et de 1812 à 182â le naturaliste Bur- 
chell fait une ample moisson d'espèces botaniques et 
zoologiques. Enfin, le capitaine Harris explore en 
1838 les territoires soumis à la domination d'un chef 
cafre , très redouté des indigènes et même des colons 
limitrophes. Ce dernier voyage renferme des parties 
tout à fait analogues à celles de M. Delegorgue; mais 
nos deux intrépides chasseurs n'ont pas suivi les mê-^ 
mes directions. M. Harris a visité principalement les 
Cafres Matabilis, répandus au nord-ouest , par-delà 
le territoire de Graaf-Reynett , tandis que M. Dele- 
gorgue a vu principalement les Cafres Amazoulous et 
Makatisses, répandus à l'est. 

Arrivons maintenant à ce dernier voyageur. Il part 
de Bordeaux vers la fin de mai 1838, et fait voile en 
droite ligne pour le cap de Bonne-Espérance. Débar- 
qué dans ce port, sur lequel il présente quelques dé- 
tails topographiques, qui se retrouvent en partie dans 
d'autres voyages , M. Delegorgue se rend par mer à 
Port-Natal ; mais dans sa traversée il relâche à Port- 
Elisabeth y situé, comme il vient d'être dit, dans Al- 
goa-Bay. Ce dernier port, distant de 60 milles de 
Grnhain's'Toivn^ est le point où tout arrive ou part 
pour cette ville intérieure, qui lui envoie en retour ses 
provenances. Le Port-Élisabeth n'a rien de bien inté- 
ressant, sauf quelques promenades, où l'on remarque 
des arbres à bois puant (stinck out), qui, chargés 
d'une mousse pendante de 5 à 6 pieds, ont un aspect 
barbu fort étrange ; celte mousse parait nuire à leur 
végétation, car sous elle les branches se tordent comme 
de souffrance , n'ont que peu de feuilles et moisissent 
vivantes. L'humidité est grande au milieu de ces bois, 
l'herbe y est rare et les fougères y abondent. 



( 69 ) 

Parmi les animaux qu'on y trouve , M. Delcgorgue 
cite une espèce de chamois » le lièvre sauteur et le co- 
chon de terre. La baie Atgoa est très vaste et très ou- 
verte ; mais ce n'est autre chose qu'une rade foraine 
très peu sûre ; lorsqu'il y a raz de marée , la mer bat 
la côte avec assez de force pour faire cesser toute com- 
munication de bord à terre. Il existe à Port-klisabeth 
quelques pirogues armées pour la pèche de la ba- 
leine. 

M. Delegorgue , à peine entré à Port-Natal , s'em- 
presse de décrire ce beau et vaste point de relâche , 
garni dans son milieu de deux Ilots verdoyants. Un 
chenal , bien visible à marée basse , conduit de la 
pointe jusque devant Conguela, village peuplé de fer- 
miers hollandais à 3 milles de ce port. Dans ce chenal 
les navires peuvent se grouper comme dans un bassin. 
Les deux pointes qui en forment l'entrée sont perpen- 
diculaires Tune à l'autre. Celle du sud s'allonge de 
l'ouest vers l'est , et celle du nord s'étend vers le sud en 
forme de langue de sable, plate à l'extrémité » et plus 
loin recouverte partout de hautes futaies. 

Après une quinzaine de séjour à Port Natal , M. De- 
legorgue fut atteint d'une espèce de scorbut particulier 
à ces parages, maladie dont il eut à souffrir pendant 
plus de six mois consécutifs. Dès qu'il eti fut relevé , il 
entreprit ses chasses dans l'intérieur. Il commença par 
les hippopolauies qui se tiennent dans les rivières, en 
compagnie avec les crocodiles , voisinage assez dange^ 
reux pour le chasseur inexpérimenté. 

De Port-Natal , M. Delegorgue se rendit à Pieters- 
Mauritz-Burg, petite colonie de Boers ou fermiers ho - 
landais , assise au pied des montagnes dans l'intérieur 
des terres , et entourée de palissades qui protègent 



(70) 

les cabanes. Lps punaises et les rats pullulaient 
dans ce lieu , où plus d'une fois les rats enlevèrent 
à notre voyageur ses mouchoirs, ses souliers et ses 
bas. Au dehors, une masse de chiens entravaient 
toutes les issues, et, non contents d*aboyer, ils mor- 
daient les passants, malgré les cris de leurs maîtres; on 
était obligé de les repousser à coups de bâtons noueui. 

Rentré à Port-Natal » au commencement de 1840 , 
M. Delegorgue repartit avec une troupe de cava- 
liers boers qui allaient entreprendre une campagne 
de six semaines dans la contrée des Amazoulous, 
soumise à la domination du roi Dingaan. Après 
avoir franchi une chaîne . de montagnes , on tra- 
versa la rivière appelée Om-Guinée. C'était le 15 jan- 
vier; la pureté des eaux séduisit notre voyageur, qui 
s'y plongea, dit -il, avec délice, mais paya cher 
un tel plaisir, car il y gagna une lièvre intermittente 
qui nç le quitta plus ensuite qu'au bout de plusieurs 
mois. 

Le 16, on rencontra un autre cours d'eau , décoré 
du nom de Mooi-Rii^ler, c'est-à-dire la belle rivière , 
titre qu'elle mérite bien , ajoute M. Delegorgue ; et 
en effet»» du hautdes montagnes on la confondrait avec 
un fleuve, de vif argent qui s'efforce de chercher des 
obstacles , afin de prolonger son cours sinueux, comme 
s*il redoutait le néant qui l'attend à la mer. » Les vallées 
environnantes offraient de beaux pâturages et beau- 
coup <le mimosas. 

On fit route vers le nord ; on passa la haute chaîne 
des montagnes appelées Draakemberg ^ puis on gagna 
les bords de la rivière Touguela , que l'on franchit le 
20. On campa le 21 près de KlipRmer , rivière pier- 
l*eu£e , difficile à traverser à cause des roches qui 



( 71 ) 
Tencombrent. Le 23 , on faisait route parmi des ter* 
rains couverts de mimosas. Le 28, on traversait 
Zand-Riifier, et le 29 Om-Sinyati^ ou rivière des 
Buffles. Le 30, on était dans la contrée des Cafres Ma- 
kazanes, et le 31 janvier ISiO, on franchissait 0//i- 
philos-Omschlopu , c'est-à-dire la rivière Blanche, non 
loin de laquelle se trouve la capitale du roi Dingaan. 
Cette rivière s'abouche avec Omphilos-Mouniama ou 
rivière Noire , à 18 lieues de la mer, et toutes deux 
portent leurs eaux à la baie de Sainte-Lucie sous le 
nom A^Omphilozie; sur les cartes marines, TOmphi- 
lozie des Amazoulous est indiquée par celui de rivière 
de Sainte-Lucie, 

Le voyage de M. Delegorgue ofiFre sur ces coura 
d*eau quelques détails plus ou moins nouveaux , dont 
nous ne rapporterons ici que les principaux. 

a Après avoir arrosé une vaste étendue de contrée 
chauve , à partir de la chaîne de Qaaihlamhene où sont 
leurs sources , ces deux rivières , Omschlopu et Mou- 
niama^ arrivées à la moitié de leur course , pénètrent, 
dit M. Delegorgue , dans un pays couvert de bois , 
abondant en gibier de toute espèce. Leur cours de- 
vient alors sinueux à plaisir, car partout se présentent 
des obstacles. C'est au centre de ces forêts , près de 
leur confluent , que je passai une partie de 1841 et 
1842 à chasser les grands animaux , et principalement 
les éléphants. 

)) Omphilos-Onischlopu se distingue par son lit de 
sable, d'où lui vient son nom de rivière Blanche. 
Omphilos-Mouniama , quoique peu distante , est re- 
connaissable en beaucoup d'endroits par des pierres 
rondes et détachées, de teinte noirâtre, qui jonchent 



( 72 J 

son lit, et influent sur sa couleur apparente au point 
de lui avoir valu le nom de rivière Noire. » 

Le 1" février on campa dans une jolie vallée , et le 
lendemain on rencontra des cavaliers cafres qui an- 
noncèrent la déroute complète des troupes de Dingaan, 
lesquelles en étaient venues aux mains avec celles de 
Panda et d'un autre chef indigène. Le but de l'expé- 
dition des Boers chez les Amazoulous étant alors at- 
teint, on reprit bientôt la route du retour, et en effet, 
on était rentré le 30 mars à Pieters- Mauritz-Burg, 
nouveau chef-lieu de la colonie des émigrés hollan- 
dais d'origine. 

Revenu à Port-Natal , M. Delegorgue s'y procura 
une habitation et y déposa ses collections d'histoire 
naturelle. Dans un chapitre de son livre, il a consigné 
de précieuses observations sur les mœurs des Rooye- 
Booken , ou antilopes , et sur celles des serpents de la 
contrée ; nous regrettons que les limites de cette ana- 
lyse ne nous permettent point de les consigner ici. 
Nous éprouvons le même regret k l'égard de l'intéres- 
sant chapitre concernant les hippopotames , auxquels 
M. Delegorgue a fait une chasse opiniâtre qui lui a 
permis de les étudier à fond. Les rivières et les lacs 
de la Cafrerie sont remplis de ces animaux générale- 
ment craintifs , et qui ne .sortent que la nuit pour al- 
ler brouter l'herbe. M, Delegorgue a fait aussi une 
longue et terrible chasse aux rhinocéros et aux élé- 
phants , dont les habitudes et le caractère sont égale- 
ment retracés avec un soin particulier dans l'ouvrage 
que nous analysons. 

Forcé de choisir au milieu de tant de renseignements 
divers, nous nous arrêterons un moment au tableau 
que le voyageur nous trace desSlanses guerrières des 



( 73 ) 
Gafres Amazoulous, rangés sous rautorité despotique 
du chef Panda. 

Ce chef était alors enirironné de quatre-vingts belles 
femmes noires, n'ayant pour costume qu'une légère 
ceinture, et laissant à Tœil curieux le plaisir de con* 
templer à peu près tous leurs charmes. Elles étaient 
divisées en escouades de quatre , et gesticulaient en 
chantant une espèce de catftique en l'honneur de leur 
maître. Vingt- cinq régiments de chacun mille hommes 
défilèrent devant le roi. Laissons maintenant parler le 
voyageur. 

« Après le salut, qui dura plusieurs heures, cette 
. masse réunie de guerriers forma le cerle et se mit à 
chanter des cantiques belliqueux avec une intelli- 
gence des sons, une justesse, une précision telle 
qu'elle m'étonna beaucoup. Lorsqu'eurent cessé les 
chants, des orateurs distingués quittèrent leurs rangs , 
et, se tenant à quinze pas devant le roi, ils improvi- 
sèrent des discours , marqués par une extraordinaire 
volubilité. A un signe donné, la foule qui jusque là s'é- 
tait tenue debout, s'accroupit pour écouler plus à 
l'aise. D'autres orateurs répondirent aux premiers ; ils 
traitaient spécialement des affaires du pays ; il n'y 
était question que d'intérêts généraux , et Panda de 
son siège résumait à part les discours , se formait une 
opinion pour répondre lui-même ensuite au vœu ex- 
primé par son peuple. L'éloquence de ces hommes 
produisit sur moi l'effet le plus extraordinaire. La ra- 
pidité avec laquelle ils s'exprimaient prouvait qu'ils par- 
laient d'abondance. Elle m'empêchait de suivre leurs 
phrases ; mais, en m'attachant à l'intelligence de leurs 
gestes, je pus comprendre d'un bout à l'autre tout ce 
qui fut dit dans cette séance. 



(7a) 

» Ainsi, du geste fait de la main droite, armée d'un 
tonga ou bâton léger, souple et pliant, ils ponctuent ad- 
mirablement leurs phrases. Au moment où la convic- 
tion est forte, où les mots arrivent heureux et rapides, 
où ils veulent forcer les auditeurs à leur opinion , le 
tonga tourne invisible , fendant Tair qui siffle après 
son passage; il se pose, se relève aussitôt, décrit vingt 
cercles dont Tà-propos ne saurait être contesté, et l'o- 
rateur parle, parle toujours, sans qu'un mot jamais 
lui fasse défaut. Il y a un temps d'arrêt quelquefois , 
mais pour prouver encore plus de véhémence à la re* 
prise. 

)) Il y a de beaux moments dans ce genre d'élo- 
quence, où étonne toujours l'excessive facilité d'élo* 
cution , si éminemment renforcée par les gestes par- 
lants ; mais aussi vers la fin , lorsque l'orateur veut 
porter le dernier coup , ses traits se contractent comme 
par conviction : c'est un démon qui bondit et semble 
menacer de percer de son omkondo ou poignard qui- 
conque ne pense pas comme lui. C'est le travail le 
plus fatigant que je connaisse, à en juger par ces corps 
ruisselants de sueur, et si je ne l'avais vu , je ne com- 
prendrais pas comment un homme peut ainsi parler 
une heure entière. 

» Le 10, le temps était pluvieux dès le matin ; mais 
le roi devait danser, l'usage le veut ainsi , et pour cette 
cause chacun resta. Vers deux heures seulement on 
put se réunir, et bientôt ensuite la terre tremblait au 
loin sous la mesure marquée par les pieds puissants 
du peuple, et l'air retentissait de la voix une, immense, 
lie 25,000 guerriers. J'étais encore là près de Panda, 
fatigué , n'écoutant plus , ne pouvant plus entendre , 
tant ces sons m'avaient assourdi, lorsque vers quatre 



(76 ) 

heures le roi se leva tout d'un coup pour passer chez 
lui. Il y allait afin de changer son manteau de pourpre 
contre son costume de guerre, et pour m'en instruire, 
il me détacha un de ses capitaines chargé de me té- 
moigner sa volonté , qui était d'occuper pour lui son 
fauteuil jusqu'à ce qu'il revint. 

» U n'y avait point à balancer. « Asseyez-vous où 
s'assied le roi , » me répète encore l'om-douna ou in- 
terprète; et moi d'obéir sans réflexion permise, et 
toutefois avec une répugnance sentie. Pour la première 
fois de ma vie je me voyais sur un trône , heureux que 
cette première fût la dernière, heureux encore que 
mon rôle de roi ne durât que ce qu'il fallut à Panda 
de temps, je ne dirai pas pour passer une chemise , il 
est bien entendu qu'un Cafre , môme roi , n'en porte 
pas, mais pour revêtir ses ornements et distinctions de 
combat. 

» J'étais si mal dans mon royal fauteuil, obligé de sou- 
tenir les regards de tant d'hommes, tous également cu- 
rieux de voircomment je réussirais à me tirer d'affaire ; 
et puis, ne sentais-je pas peser d'un poids, gravitant sur 
mes épaules, cette chape de plomb que le peuple 
nomme un manteau royal , et ma tête comprimée 
dans ce carcan décoré du nom de couronne , ne souf- 
frait-elle pas à regretter le simple et moelleux bonnet 
phrygien ? Roi nouveau-venu , roi par hasard , roi 
d'un quart d'heure , j'eus cependant le temps d'ob- 
server la nargue peinte sur les traits de ceux qui n'é- 
taient mes sujets que comme j'étais leur roi, tant il 
est vrai que ce lot est celui de tout parvenu. 

» Déjà mon front se plissait de soucis, et je com- 
mençais à sentir un cauchemar. Panda reparaît ma- 
gnifique, imposant, l'air belliqueux, tenant de la 



(76) 

main gauche quatre assagayes ou flèches fines , et de 
la droite un autre assagayeen fer. Il avait la tête ornée 
déplumes, et son accoutrement avait quelque chose 
de vraiment guerrier. II se mit à chanter en marquant 
la mesure , puis à brandir ses armes , et , plein d'une 
expression sinistre , il me menaça comme s'il allait 
me percer ; mais ce n'était qu'un simulacre , et le fer 
ne quitta point sa main. Enfin Panda se remit à la tête 
de sa colonne , le chant de guerre recommença et les 
mouvements devinrent plus rapides ; le prince en pas- 
sant devant moi simula de nouveau la menace , puis , 
disparut comme l'éclair. » 

Après quelques minutes de silence, une vingtaine de 
femmes se présentèrent de front, flanquées de six 
jeunes filles , toutes parées de verroteries , mais 
n'ayant pour vêtement qu'une ceinture d'un ou deui^ 
doigts, faite d'une écorce frangée , ceinture qui sem- 
blait destinée à voiler quelque chose , mais ne voilait 
rien du tout. Un cantique fut encore entonné par 
Panda et répété par l'assemblée. Il fit alors circuler 
une immense quantité de bière, destinée à trois 
mille capitaines et à divers corps d'élite. Il reprit en- 
suite sa place sur son large fauteuil, et fit égorger un 
taureau que l'on partagea en plusieurs milliers de pe- 
tits morceaux qui furent distribués aux principaux 
chefs. 

Après les danses guerrières, M. Delegorgue prit 
congé du roi des Amazoulous , et se remit à faire la 
chasse aux éléphants , ainsi qu'aux buffles et aux hip- 
popotames. Il revint ensuite à son camp , et il expé- 
dia à Natal un chariot rempli de collections. Se rap- 
prochant de plus en plus de ce port, il arriva le 25 
août 1842 sur les bords du Touguela, rivière qu'il eut 



(77 ) 

beaucoup de peine à franchir, parce qu'elle se trou- 
vait débordée. Cet obstacle l'obligea de quitter son 
chariot et de revenir à pied à Port-Natal. 

De retour en ce lieu, il trouva les Anglais aux prises 
avec les fermiers hollandais. Ceux-ci baltirent les uni- 
formes rouges , et ce qui en resta dut se réfugier sur 
un navire mouillé dans la rade. Mais ce triomphe des 
Boers ne devait être que passager. Un traité secret fut 
conclu entre le commandant britannique et le roi des 
Âmazoulous. Les émigrants durent se soumettre à la 
loi du plus fort. 

Nous ne suivrons pas M. Delegorgue dans l'appré- 
ciation des événements qui se déroulèrent sous ses 
yeux ; le jugement qu'il en porte n'est peut-être que 
trop fondé, et il n'est pas à l'avantage du vainqueur. 
Les pièces du procès se trouvent consignées dans le 
voyage de l'auteur, et ceux qui voudront les connaître 
pourront les consulter à leur loisir; notre mission 
doit se borner ici aux faits purement géographiques. 

L'ouvrage de M. Delegorgue renferme de nom- 
breux détails sur les mœurs des Amazoulous; mais 
déjà un fragment de ce travail a été inséré dans 
le Bulletin de la Société, N° de mai 18A7 : nous ne 
pouvons qu'y renvoyer le lecteur. Il verra, dans ce frag- 
ment , que , chez ce peuple noir, la polygamie est de 
règle générale ; que l'on marche pieds nus , la tèle 
rase et également nue ; que l'unique vêtement est une 
ceinture d'écorce ; mais que le guerrier est couvert de 
queues de bœufs ; que les femmes mariées ont une 
espèce de manteau à longs poils , qui la nuit leur 
sert de couverture ; mais que les jeunes filles n'ont 
qu'une étroite ceinture de franges longues d'à peine 
trois doigts. Les enfants sont complètement nus jusqu'à 



( 78 ) 

Tâgc d'environ huit ans. Quelques traces de tatouage 
se rencontrent chez les femmes. Lo mariage se con- 
tracte au moyen d'un cadeau en vaches, convenu 
entre les parents. La femme reste chargée de tous les 
travaux domestiques: les hommes vont à la guerre. 
Les Amazoulous vivant surtout du produit de leurs 
troupeaux; le laitage et la viande sont leur principale 
nourriture Us ont aussi des céréales, et ils fabriquent 
une bière qui , nouvellement fermentée , est un breu- 
vage très agréable. 

Les Amazoulous ont pour habitations des huttes hé- 
misphériques , dont un certain nombre forment des 
villages appelés mouzis, A côté de ces habitations se 
trouve le parc des bestiaux , et dans ce parc sont en- 
louis les trésors de la récolte. Le roi a ses troupeaux 
{particuliers; mais, lorsqu'il lui manque du bétail, il 
rançonne les principaux chefs, qui doivent, sous peine 
de mort, se laisser gaiement dépouiller. 

Les Amazoulous n'ont, dit M. Delegorgue, aucune 
croyance religieuse , partant aucune espèce de culte. 
Ils ont seulement des Iniangas , ou prêtres-médecins, 
chargés de guérir à la fois les maux du corps et de 
l'esprit. Ces charlatans, prétendus sacrés, se font 
sans cesse faire des cadeaux; car ils ne guérissent pas 
pour rien ; et si le malade ne guérit pas du tout, c'est 
qu'un autre pouvoir a contrebalancé le leur. Au sur- 
plus, quand un homme est mort, on le transporte 
derrière le mouzi, et la nuit il sert de repas aux hyènes 
du voisinage. 

L'ouvrage de M. Delegorgue abonde en aventures 
personnelles , etc. Gomme nous l'avons déjà dit , il 
contient de curieuses peintures des grands quadru- 
pèdes auxquels il avait déclaré la guerre. Sa dernière 



l 79 ) 

excursion eut lieu au pays de Massilicatzi. Il rencontra 
dans sa roule un nombre immense de gnous ou tau- 
reaux indomptables et de couagas ou chetaux sau^a* 
ges , ainsi que des lions auxquels il fallut bien sourent 
tirer des coups de fusil pour les élois:ner des lieux de 
campement. M. Delegorgue séjourna quelque temps sur 
les bords de Faal-Rivier ^ et y rencontra des Cafres 
Makaiisses^ qui habitent a Touest des montagnes dites 
Draakensberg. 

Ce peuple a des manteaux de peau d*antilope ou de 
chacal , qu'il porte le poil en dedans. Un seul manteau 
de chacal ?aut une vache ; mais pour une vache on a 
trois ou quatre manteaux de peau d'antilope. Ce peu- 
ple encore se distingue des Amazoulous par Tusage d*un 
couvre-chef y qu'il fabrique avec des brins de paille en 
touronSy à peu près dans le même genre que ceux de 
nos matelots, avec cette différence , néanmoins» que 
ce chapeau est pointu , reposant sur une chevelure 
toulTue et noire comme le geai , mais malheureuse- 
ment garnie de vermine. Les femmes ont une ceinture 
d'où s'échappent douze ou quinze lanières disposées 
comme une sorte de vêtement de pudeur, destiné, dans 
les circonstances di£Bciles, à repousser les attaques d'un 
Lovelace africain. Elles ont le manteau de riiomme, et 
le plus souvent leur tête est nue. Elles aiment la parure» 
mai3 l'idée de se laver ne leur est jamais venue à l'es- 
prit. Les enfants restent complètement nus ; ils sont » 
il est vrai, presque toujours portés à dos parleur mère. 
Enfin , si les Makàtisses n'ont pas les danses guerrières 
des h mazoulous, ils ont du moins quelques danses gra- 
cieuses où leurs femmes sont admises et déploient une 
grande souplesse. Comme dernier trait caractéristique, 
ils ne portent pas plus de respect aux morts que les 



( 80) 
Amazoulous , et ils abandonnent également les corps 
à la faim des hyènes et des oiseaux de proie. 

Revenu définitivement à Port-Nalal , M« Delegorgue 
y met en ordre ses collections et fait voile pour le cap 
de Bonne-Espérance, où il débarque au bout de quinze 
jours de traversée. Une quinzaine après, il touche à 
Sainte-Hélène, et en deux mois et demi , vers la fin de 
novembre ISàài il revoit la France et le toit natal. 

N'oublions pas de noter encore que l'ouvrage de 
M. Delegorgue se termine , 1* par un vocabulaire de la 
langue zoulouse ; 2" par un catalogue entomologique , 
renfermant les principaux insectes qu'il a pu étudier 
sur les lieux; et 3" par quelques mots sur deux espè- 
ces d'oiseaux qu'il a pu également observer à Port- Natal. 

En résumé , le voyage dans l'Afrique australe, em- 
preint d'un bout à l'autre de la physionomie et du ca» 
ractère simple , noble et franc de l'auteur, se distin- 
gue, nous le répétons, par de nombreux épisodes de 
chasse, par des descriptions variées d'animaux sud- 
africains, tels que rhinocéros, hippopotames, girafes, 
gazelles, buffles, lions, éléphants et autres; enfin, 
par des tableaux de mœurs de peuples jusqu'ici peu 
connus des Européens. M, Delegorgue s'est avancé 
au milieu de ces peuples jusque vers le tropique du 
Capricorne , et il a réuni, pour en doter nos musées , 
des échantillons aussi nombreux que variés en his- 
toire naturelle. 



( Si) 
DES NOTATIONS GÉOGRAPHIQUES. 

Londres, i :> août i847« 

Vous connaissez mes opinions sur le sujet des 

notations géographiques (1) ; je suis fermement con- 
vaincu que la géographie n'atteindra jamais ce haut 
rang qu'elle mérite , comme une des sciences les plus 
importantes , tant que son langage ne sera pas réguliè- 
rement systématisé. Il n'y a plus de très grandes dé- 
couvertes à faire , bien que de nombreux détails 
manquent encore pour compléter la connaissance de 
l'intérieur de l'Afrique, du centre de l'Asie et du sud de 
TAmérique ; avec le temps, on obtiendra ces notions , 
et le tracé cartographique de la terre deviendra assez 
complet, autant du moins qu*il est permis de l'espé- 
rer, pour remplir les blancs qui existent encore et pour 
rectifier graduellement ce qui pourrait encore se trou- 
ver inexact. Ce dontnous avons maintenant besoin, c'est 
de construire un bel et complet édifice avec les abon- 
dants matériaux réunis jusqu'à ce jour. Afin d'obtenir 
cette parfaite symétrie et cet entier arrangement des 
parties , sans lesquels un édifice ne peut avoir ni 
convenance ni beauté , il est nécessaire , avant tout , 
de choisir et de classer les matériaux que l'on a à 
élever : tant que cet arrangement ne sera pas fait , 
nous continuerons de réunir des objets hétérogènes en 
une masse informe et d'une inextricable confusion. 
Ce labeur préparatoire est trop considérable pour une 
seule personne ; il doit être effectué par un certain 

(i) Voyez Bulletin de la Société de géographie, avril 1847. 
VIII. AOUT 2. 6 



( 82 ) 

nombre d'individus d'élite et capables de s'aider mu^ 
tuelleinent. Jainais sans doute il n'y eut de meilleure 
situation que Tétat des esprits pour provoquer un 
congrès géographique. La paix générale de TEurope , 
la facilité des communications de pays à pays , les 
avantages aujourd'hui universellement reconnus de 
l'esprit de méthode en fait d'instruction , l'impor- 
tance avérée de la science géographique, laquelle est 
eq réalité la science de notre globe et de ses ressources^ 
tout semble conspirer à rendre plus facile l'ouverture 
d'un conclave destiné à élever la géographie à la hau- 
teur qui lui est duc, et à donner à eon langage cette 
précision et cette uniformité qui sont devenues pour 
ainsi dire d'une impérieuse nécessité. Votre Ménuoire 
est parfaitement de nature à appeler l'attention sur ce 
sujet , et il ne restera pas , je l'espère , sans porter des 
fruits. M. de Hpmboldt est certainement, comme je 
l'insinuais dans ma lettre précédente, la personne la 
plus apte à tirer l'Europe savante de son apathie à cet 
égard; il le fçrs^it volontiers sans doute, et son appel 
serait inévitablement suivi d'un résultat Cet ap- 
pel, »'il est jamais fait , doit s'adresser aux gouverne- 
ments; une ou deux personnes devraient être choisies 
par les différents États , envoyées et entretenues aux 
frais de chacun d'eux , à l'endroit désigné pour le 
congrès , comme Paris ou toute autre ville , dans le 
but de systématiser les divers sujets de la science géo- 
graphique et sa terminologie. J*ai l'espoir que vous 
tâcherez de tenter vous-même une démarche directe 
près de M. de Humboldt pour obtenir son puissant 
concours en cette grande occurrence. Les gouverne- 
ments qui ont répondu à son appel, relatif aux coûteux 
établissements des observatoires magnétiques , ne vou- 



(83 ) 

dront pas demeurer sourde à sa voix» et îiidifTérents à. 
un projet d'une imporlance aussi universelle que ce- 
lui que nous avons en vue, et dont pour eux la dépense 
serait comparativement insignifiante. 

LeD'Beke me dit que vous désirez savoir si j'ai pu- 
blié quelque chose relativement à un premier méridien 
général; ma réponse doit être négative; mais j'ai plu- 
sieurs fois insisté sur l'avantage d'un pareil établisse- 
ment. Après tout , je crains fort qu'on ne trouve un 
obstacle insurmontable pour la réalisation de ce vœu , 
dans la ténacité des préjugés absurdes de vanité natio- 
nale. Quoi qu'il en soit , je ne désespère pas entière- 
ment, et je m'estimerai très heureux de pouvoir contri- 
buer, autant qu'il est en moi, à atteindre un but aussi 
glorieux que celui de fixer la science et le langage de 

la géographie. 

Signé : Jackson. 

Ejctrait d'aune lettre de M. le colonel Jackson 
à M. JoHARD , membre de t Institut, 



FRAGMENTS d'jÉCBITVRB LIBYENNE. 

M. Prax , qui est en ce moment dans le royaume de 
Tunis, vient de faire l'acquisition de deux pièces portant 
des caractères libyens récemment écrits, et qui prouvent 
que la langue libyenne a continué , jusqu'à nos jours, 
de s'écrire avec des signes propres à ce dialecte, et, en 
second lieu, que ces signes sont les mêmes que ceux qui 
étaient usités bien avant l'ère chrétienne. Le premier ob- 
jet est un bracelet, mdra^a (1) en pierre noire d'Agadès, 

(i) Les GKedamsyé donnent ce nom aux anneaux servant de bra- 
celet aux femmes; les TouAreq les appellent elaki. 



(84) 

qu'un certain BoubekrSadîq avait donné à une îemme 
targuie, appelée Takidaouta, et sur lequel celle-ci 
avait gravé une inscription en douze caractères expri- 
mant ces deux noms. Le Ghodamsi (habitant de Gha- 
dames ) qui a vendu le bracelet à M. Prax a transcrit 
ces signes en lettres arabes, d*où résultent, pour les 
signes libyens, les mêmes valeurs, à très peu de 
chose près , que celles qui sont fournies par l'alpha- 
bet recueilli en 182â à Toasis d'El-Ghàt, par le doc- 
teur Oudney, par celui qu'a donné M Boissonnet et 
par l'inscription antique de Thugga. En lisant les 
signes de droite à gauche , on trouve exactement ce 
quisuit: BBKR SDQ TKDOUT. 

Le second objet est une djbirah , sorte de sac ou 
sacoche en peau de Tafilelt, provenant d'El-Ghàt, sur 
laquelle sont tracés vingt caractères de même espèce 
que les précédents. La transcription n'en a pas été 
faite ; mais en combinant les valeurs qui résultent des 
alphabets ci-dessus , on trouve que les trois derniers 
signes correspondent à KN OU, que M. Prax lit Kanou 
ou Kano , nom d'une ville très commerçante de l'in- 
térieur de l'Afrique ; il fait observer que les marchands 
vont habituellement d'EUGhàt à Kanou. 

Voici la série entière de ces vingt caractères d'après la 
transcription qui résulte des alphabets combinés , sauf 
le 1" qui est inconnu , Q (le 5* qui est un B, comme 
le 6% se transcrit par un ssâd selon M. Prax, mais 
cette valeur est très douteuse). 
•Y N CH B B M N M CH A CH CH F T • T K N OU 

Le 16* signe en forme d'X a la même valeur (dans 
un autre alphabet) que les deux entre lesquels il figure; 
mais il est probable qu'ici il a une autre significa- 
tion. 



( 85 ) 

D*après M. Prax , le caractère libyen est usité au- 
jourd'hui à El-Ghàt, concurremment avec le caractère 
arabe, et, de plus, il serait familier aux deux sexes : 
remarquons que le récit du voyageur anglais ne don- 
nait pas lieu de soupçonner ce fait. 

Il résulte de tous ces rapprochements , qu*on ne 
peut plus nier l'existence d'un caractère spécial très an- 
cien , servant à écrire la langue libyenne (langue dont 
le berbère est le reste) ; un autre fait non moins im- 
portant est que l'usage de ce caractère a persévéré 
jusqu'à nos jours (1). On ne saurait donc trop recom> 
mander aux voyageurs qui parcourent l'Afrique sep- 
tentrionale de recueillir partout les exemples de cette 
écriture , soit sur les rochers , soit sur d'anciens mo- 
numents, soit sur des armes et ustensiles, et surtout 
les textes suivis , et même certaines figures isolées qui 
ne sont peut-être que de simples marques : ce qui 
n'empêcherait pas, d'ailleurs, que ce fussent des signes 
alphabétiques. J — D. 



Sun LA LàZfGU£ DBS MUYSGAS (2) OU LA LAZfGUB GHIBGHA. 



M. le colonel Joachim Acosta (3) a rapporté de la 
Nouvelle-Grenade un Vocabulairemanuscrit remontant 

(i) Voy. Mémoires de la Société de Géogr,^ t. IV, p. 199^ i43, et 
seconde note sur une pierre gravée trouvée dans un tuomlua , etc. , 
et , à cette occasion, sur l'idioine libyen. Paris, in-8, i845; enfin 
les instructions données à M. Prax et à M. Vattisr de Bourville par 
l'Académie des Inscriptions et belles-lettres. 

(s) Muysca veut dire homme en chibcha. 

(3) M. le colonel Acosta prépare une Histoire de In conquête de 
la Nouvelle Grenade, par les Espagnols. 



(86 ) 
à plus d'un siècle, contenant une grammaire et un dic- 
tionnaire de la langue des Muyscas (ou espagnol-chib- 
cha) » avec plusieurs textes en cette langue. On sait que le 
baron de Humboldt, dans son grand ouvrage sur les 
monuments de rAmériqiAe, a donné une idée extrê- 
mement curieuse de cette langue et témoigné le re- 
gret qu'on n'en possédât pas un bon vocabulaire. 
Le plateau de Cundinamarca était civilisé bien avant 
l'arrivée des Espagnols; les Muyscas ont cultivé les 
arts avec quelque succès. M. de Humboldt a publié , 
d'après le cbanoine Duquesne, le dessin d'une pierre 
pentagone qu'il regarde comme étant relative au calen- 
drier et servant à i'intcrcalation (1). Depuis, on a trouvé 
les ruines d'un édifice orné de nombreuses colonnes à 
Leiva, dans le district de Moniquira à une quarantaine 
de lieues de Santa-Fé de Bogota(2). Un voyageur français 
a découvert depuis peu, sur la route dePuerto-^Cabello à 
Valencia, un grand rocher tout couvert de figures hié- 
roglyphiques (3) . Je possède une collection d'environ 
200 objets figurés en or> en pierres dures , en terre 
cuite, etc. , provenantd'un voyageur qui les avait recueil * 
lis sur les bords de laMagdelaine, entre autres cinq de 
ces pierres polygones dont j'ai parlé. Dans le^ catacom- 
bes, on trouve de riches tombeaux et des momies recou- 
vertes de toiles peintes avec art et même avec un cer- 
tain goût, étoffes qui paraissent avoir été imprimées. 
Il y a quinze ans , un Indien porta chez un négociant 
de Santa-Fé 30 ou âO objets antiques de grande dimen- 
sion, en or, savoir : figures, idoles, vases, colliers et 

* 

(i) Voy. Monuments des Corilillères , t. If, in-8, p. 208 à 267. 

(2) Voyez plus loin la Notice sur les aniiquités de 1» Nouvelle- 
Grenade. 

(3) Voy. Bulletin de juin (-84^, p. ^o\. 



( 87) 

orneuienls de tout genre en or pur» qu'il avait trouvés 
en fouillant à Antioquia; la valeur au poids était de plus 
de 20,000 francs : on ne sait ce que sont devenus ces 
précieux restes d'antiquités colombiennes, qui avaient 
été communiqués à M. Raynouard et à moi , et dont je 
n*ai plus que les dessins; mais Ton a bien lieu de 
croire qu'ils ont été jetés au"creuset. On pourrait citer 
encore d'autres preuves de l'avancement des arts chez 
les Muyscas. 

Tous ces faits ajoutent à l'intérêt du dictionnaire et 
de la grammaire qu'a rapportés M. le colonel Acosta. 
La langue des Muyscas n'est pas entièrement morte ; 
elle n'est pas inconnue aux Indiens de la Sierra-Ne- 
vada et en d'autres pointsde la Nouvelle-Grenade. Cotte 
Idngue fournit l'explication de beaucoup de noms de 
lieux, tels entre autres que celui de Bogota. La 
pomme de terre est appelée yomi en chibcha; yomiest 
même un nom générique ; les diverses espèces de ce 
tubercule ont un nom distinclif ajouté à celui-là et ce 
nom est encore usité comme au temps des Indiens. 
Or, la pomme de terre croit spontanément et sans cul- 
ture dans la Nouvelle-Grenade , et le colonel Acosta 
est porté à croire qu'elle est originaire de ce pays, et 
non du Chili. 

Quoi qu'il en soit , on ne possède aucun autre dic- 
tionnaire de cette langue que celui que possède 
M. Acosta et une copie moins complète qu'a rapportée 
M. Roulin. Quant à la grammaire, il en a été publié une 
par le Père Lugo, dominicain, mais les exemplaires en 
sont extrêmement rares. Cette langue, ayant appartenu 
à un peuple assez avancé pour exploiter des mines 
d'or et d'émeraudes, exécuter de grands travaux d'a- 
griculture, et construire des monuments d'arts, mé* 



( 88 ) 

rite d'êtn^ étudiée, d'autant plus que l'attention se porte 
déplus en plus sur Tethnographie américaine.et sur les 
vestiges de toutes sortes qui se retrouvent dans les deux 
parties du Nouveau- Continent » c'est-à-dire aux États- 
Unis, au Mexique^ dans TYucatan, à Chiapas, au Pé- 
rou et, depuis quelques tenips, à la Nouvelle Grenade, 
Nous finirons en donnant la numération desMuys- 
cas; elle était décimale, comme on va le voir, ce que 
confirme le dictionnaire de M. le colonel Acosla (1)« 
1, Ata ; 2 , Bosa ; 3, Mica; A, Mhuyca (2) ; 5, Hiesca(3) ; 
6. Ta (4) ; 7, Qhupqa (6); 8, Shuzha (6) ; 9, Aca ; 
10, Hubcbihica; 11, Qhiclia-Ata; 12, Qliicha- 
Bosa, etc.; 20, Quihcha-Ubchihica ou Gueta; 21, 
Guetas asaqui ata; 22, Guetas Asaqui Losa , etc. ; 30, 
Guetas asaqui Ubchibica; AO, Guebosa; 60, Gue- 
Mica; 80, Gue-Muyhica, 100, Gue-Hisca. 

Or, Quibicha ou Qhicha veut dire pied; Gueta, 
maison. La numération est donc décimale ; à 10 , 20^ 
30, etc. , on ajoute , comme chez les Européens , les 
unités 1, 2, 3, A, etc. ; mais, tandis que 30 est repré- 
senté par 20 -J-10, 40 est le produit de 20 par 2 ; 60, 
celui de 20 par 3 ; 80, de 20 par 4 ; 100, de 20 par 5. 
Les Aztèques comptaient aussi par 20 ; ils avaient 
des signes pour les diverses puissances de 20 (20*, 
20» = 400, 20» -8000). 

Selon Duquesne, Tannée civile des Muyscas était 
composée de 20 lunes. Tannée religieuse de 37 ; vingt 
grandes années formaient un cycle niuysca. 

J— D, 

(i) Voyez les monuments des Cordillères , etc. , par M. de Huni- 
boldt. 

(2) Ou Mhuyzra. (3) Ou Hyzca. (4) Ou Ta a. (5) Ou Qhupqua. 
(6) Ou Suzha. 



( 89 ^ 

ENSEIGNEMENT GÊOGBAPHIQUE. 

Dans une longue lettre que la place ne permet pas 
de donner textuellement / M. Jean Godemo , profes- 
seur de littérature et de géographie à l'école impériale 
et royale de Trévise , expose le plan qu'il a suivi pour 
enseigner à la jeunesse la géographie et la cosmogra- 
phie. 

D'accord avec tous les bons esprits, il a pris pour 
base de sa méthode V enseignement sensible, qui consiste 
à mettre sous les yeux des élèves la configuration des 
pays , peints à fresque sur les murailles à une grande 
échelle , les phénomènes cosmographiques , les acci- 
dents de la géographie physique , et beaucoup d'au- 
tres notions utiles, de manière à faire connaître, mieux 
et plus vite que par tout autre moyen, ce qui caracté- 
rise chaque partie du globe et chaque population. 11 
serait trop long d'entrer dans le détail des moyens 
pratiques et attrayants qu'il a imaginés et mis en usage, 
ou de ceux qu'il propose pour compléter l'enseigne- 
ment de la géographie et de ses diverses branches : 
nous devons nous borner à dire, d'après M. Godemo, 
que le succès a couronné son entreprise. Bien que 
cette idée ne soit pas absolument nouvelle ( ainsi 
que lui-même en fait l'aveu ) , on doit le féliciter d'a- 
voir réalisé un projet, qui, dans le plus grand nombre, 
des établissements d'instruction , n'est encore qu'à l'é- 
tat de théorie. Le professeur Godemo ajoute qu'on de- 
vrait introduire de pareilles représentations graphiques 
dans les musées , les bibliothèques et les palais mu- 
nicipaux : cette idée mériterait d'être accueillie , et 
Ton sait qu'elle a été mise en pratique à Venise au 
palais ducal , et à Rome , au Vatican. J — D. 



( 90 ) 
Histoire de la Navigation, 

Il vient de paraître un ouvrage posthume deD. Fer- 
dinand de Navarrete, ouvrage plein d'intérêt. 

La publication nouvelle que nous annonçons re- 
porte les souvenirs sur la perte sensible qu'ont faite 
les sciences dans la personne de M. de Navarrete : 
l'Académie royale d'histoire de Madrid publie elle- 
même l'ouvrage du célèbre auteur qui la présida si 
longtemps. Cet écrit posthume mériterait une analyse 
détaillée : ici, nous nous bornerons à un compte-rendu 
très succinct(l) . Après une courte introduction, l'auteur 
entre en matière ; il expose l'origine de la navigation et 
ses premiers progrès, et il montre comment l'appli- 
cation des sciences mathématiques a contribué à la 
perfectionner : c'est l'objet de la première partie ; elle 
conduit cette histoire de la navigation jusqu'à la fin du 
XIII* siècle. Dans la seconde, M. de Navarrete traite de la 
découverte de la boussole , de l'invention des cartes 
plates, de Tusage de l'astrolabe pour les observations de 
latitude, et de l'emploi de l'artillerie à bord des navi- 
res. Il s'attache à montrer quelle grande part ont eue les 
Espagnols dans ces innovations, et combien ils ont in- 
flué sur les progrès de la navigation jusqu'à la fin du 
XV* siècle. Dans la troisième partie , relative aux siècles 
suivants et la plus étendue de toutes, l'auteur fait voir 
l'état des sciences mathématiques en Espagne et les ap- 
plications qu'oïl en a faites à la navigation et aux autres 
arts ; entre autres , l'invention des cartes sphériques 

(i) Disertacion sobre la hiatoria de la Nautica y de las Cienciaâ ma- 
teinaticas que han contribiiido a sus proçresos entre ios Espanoles. 
Obra postuma del Excmo Si D. Martin Fernandez Navarrete, i vol. 
in-8. Madrid, 1846. 



( 01) 

chez les Espagnols, il apprécie les différents traités 
de navigation composés par eux, et il traite des tenta- 
tives qu'ils ont faites pour la détermination des lon- 
gitudes en mer. L'ouvrage est terminé par des notes 
très développées, parmi lesquelles on remarque l'a- 
nalyse d'un grand nombre d'écrits qui roulent sur 
l'art de la navigation, principalement par des écrivains 
espagnols. En somme , c*est un excellent résumé de 
tout ce qu'on sait sur l'histoire de l'art de la navi- 
gation. J— D. 



Note sub hE public domain dbs États-Unis. 

En ce moment, il y a un milliard d'acres apparte- 
nant au domaine public de l'Union américaine , ce qui 
équivaut à AOA millions 671,000 hectares. Tous les 
États elles territoires ont entrepris une opération ca- 
dastrale , établie sur un levé géométrique , et chacun 
d'eux possède un diagramme ou tableau figuré sur le- 
quel sont marquées et distinguées par lots carrés toutes 
les terres aliénées et à aliéner pour les années 18i3 et 
suivantes. Ces sortes de cartes-cadastres contiennent 
seulement le cours des eaux , les lacs et les rivières. 

La Société de géographie a reçu , comme échantillon 
de ces diagrammes, celui du territoire du Wisconsîn et 
celui de l'État de Missouri ; plus, un relevé des quantités 
d'acres appartenant au domainedans les États d'Arkan- 
sas, Missouri, Floride, Missîssipi, et dans les territoires 
de Wisconsin et lotva , actoellement en émission » 
mofitanf en total à 10,Ai6,818 acres (1). 

Les terres à minerais sont évaluées à part; celle» 

(i) V^oir Hultctin d'avril 1847. 



(92 ) 

qui renferment du plomb dépendent du terriloire 
lowa, deTÉtat d'Arkansas^de Baterville, d^ Fayetleville 
et d'Illinois* La région du cuivre est dans le Missouri ; 
les terres de ce canton renferment 811,890 acres. 

Le prix minimum des terres du domaine est 1 dol- 
lar et 1/A ; les terres à minerai , 2 dollars 1/2. 

En ce moment, 1A2 millions d'acres sont à aliéner. 
La description fait connaître la qualité des terres, 
leurs différents degrés de fertilité , ainsi que celles 
qui sont propres aux divers genres de culture. 

Le Land'System a été fondé par un acte du Congrès 
du 10 mai 1800. La loi veut que toutes les terres, avant 
d'être offertes , soient rigoureusement mesurées ; le 
travail se fait aux frais du trésor. La base des opéra- 
tions est une série de méridiens observés; le pre- 
mier de ces méridiens est dans TOhio , le second dans 
Indiana, le troisième dans Illinois et ainsi de suite. 
Tout le pays est divisé en divers carrés de 1 mille et de 
6 milles chaque, tous à côtés parallèles. La plus grande 
division est appelée Township ( territoire urbain ) , et 
contient 23,0A0 acres , et il se divise en 36 carrés (de 
3,8i0 acres), partagés en sections de 6A0 acres, dont 
le quart [quarter-section) est de 160 acres. Il y a enfin 
les demi-quarts de section de 80 acres. Le terrain 
porte des marques correspondantes à ces divisions. 

Une suite de Townskips contigus s'appelle range ou 
chaîne, et les séries de chaînes sont numérotées, à 
partir d'un parallèle fixé. 

La haute direction des opérations de mesurage est 
confiée à 5 ingénieurs généraux. Le produit d'une 36^ 
partie, dans chaque Township^ estréservée pour le sou- 
tien des écoles , et d'autres portions, pour les collèges 
et les universités. Les sources salines et les mines de 



(93 ) 

plomb sont réservées pour la location.... Le land-office 
général est établi à Washington , sous la direction 
d'un commissaire spécial, subordonné au département 
du trésor; il existe des bureaux particuliers , dont le 
nombre actuel est de 52.... Dans chaque État, S cin- 
quièmes du produit sont réservés pour les routes lo- 
cales , et 2 pour Tencouragement de l'instruction. Les 
terres du domaine public sont exemptes de taxes pen- 
dant cinq ans à partir de l'achat. Le montant des alié^ 
nations depuis 1801 au 30 septembre 18A2, a été de 
107,9A0,9A2 dollars: de 1830 à 18A0, elles ont fourni 
près de 82 millions de dollars. En 1819, le Congrès a 
doté les collèges, les universités et les Académies de 
près de 5A0,000 acres de terre ; les canaux ont eu 
plus de 2 millions 1/2; les salines 330,000; les 
bâtiments publics 36,000 , etc. Le total des conces- 
sions s'élevait alors à 12,800,000 acres en nombre 
rond. 9 millions d'acres ont été donnés, au lieu d'argent, 
en gratification aux soldats qui ont servi dans les deux 
guerres avec la Grande Bretagne. Le Congrès a accordé 
à des individus près de 281 millions d'acres. On a donné 
aux sourds-muets 46,080 acres.... On a acheté des In- 
diens, de 1840 à 1843, près de 26,000,000 d'acres 

A mesure que les opérations d'arpentage s'effectuent , 
on découvre continuellement de nouvelles richesses mi- 
nérales, en fer, charbon, plomb et cuivre. Dans la 
saison dernière , on a fait une précieuse découverte de 
mine de cuivre dans l'État de Wisconsin. Dans le 
terrait! minéral des Illinois , il reste encore près de 
243,000 acres à explorer et à ^mesurer. La culture 
des terres a ajouté plusieurs millions de dollars au 
revenu public, en même temps que les classes pauvres 
et laborieuses ont vu leur bien-être augmenter,et que 



( 94 ) 

les bienfaits de la civilisation se sont répandus de plus 
en plus, et ont ajouté à la prospérité de l'Union Amé- 
ricaine.' 

Un témoignage qui n'est pas suspect est celui de 
VEdimburg'Review, dans son dernier numéro, au su- 
jet de la Statistique américaine de Macgregor : « L'Amé- 
» rique est. à cette heure, plus que jamais, ce qu'elle 
» a été pendant des siècles, un grand bienfait providen* 
» tiel pour l'ancien monde surchargé de population. » 

P, S, A la dernière session du Congrès ( 1847)) l'administration da 
irésor public a fait un rapport. sur \à situation du public domain^ 
d'où il résulte une étendue, toute dëduciion faite, de i,076,538,ai4 
acres , qui , e<«tiniés à i dollar i/.^, leprësentent 1,345,672,767 dol- 
lars, rtc. 

Extrait d'une lettre de M. Antoine d'Abbadie à 

M. JOMARD. 

Omokullu , 6 août i847* 

(( Voilà quatre annéns que j'ai l'intention de 

quitter l'Abyssinie, et l'espoir de terminer quelque 
chose m'a toujours retenu. J'ai voulu compléter ma 
collection de manuscrits Gûz , approfondir mes études 
de cette langue , planter avec mon frère le drapeau 
tricolore sur la source du fleuve Blanc, et relier cette 
source avec Gondar par une suite d'azimuts. Ces deux 
derniers buts ont été atteints, et, quant aux autres, 
j'ai dû me dire avec Hippocrate : y4rs longa, vita 
breçfis^ et y renoncer en définitive. MalheureusQ^ient 
ma collection de 150 manuscrits est restée à Gondar ; 
j'y veux retourner pour la retirer, et les chances du 
voyage en Ethiopie sont si grandes que je n'ose plus 
annoncer mon retour en France. Je ne puis pas pro- 
mettre grand'chose pour une carte du S.-O. de l'Abys- 



( 96 ) 

sinie : la guerre a été si constante dans ces derniers 
temps que j'ai dû renoncer à des levés de détail, et 
tout le pays entre Bonga et Gondar est plutôt esquissé 
par quelques points fixés avec soin que par une bonne 
configuration du terrain , qui exigerait des allées et 
venues toujours difficiles et souvent impraticables. J'ai 
borné enfin mon ambition à faire l'esquisse d'un ca- 
nevas trigonométrique. Je n ose dire que j'aie des 
preuves (matbématiquement parlant) que la princi- 
pale brancbe du Nil-Blanc ne vient pas du sud , mais 
bien tourne autour de Rafa ; mais il me semble que les 
renseignements de M. d'Arnaud , parfaitement d'ac- 
cord avec les miens, et une suite d'analogies, empiri- 
ques peut-être , mais que je développerai plus tard , 
rendent ma conclusion très probable , à savoir, que la 
vraie source du Nil-Blanc est située entre Inarya et 
Jimma-Kaka , par environ 1^ A9' de lat. et SA** 38 
long. E. de Paris. Mes informateurs Dogo m'ont tou- 
jours dit que la rivière principale est celle qui tourne 
autour de Rafa. 

» Je me suis amusé àcalculerainsi la longueur du Nil : 

millM géogr. 

De la source dans la forêt de Babia à Halelu Si 

Plus , 7 de sinuosités 1 3 76 

De Halelu à Puxeria au confluent de Gojab 282 « 

Plus, x/3 de sinuosités 70 5 

De Puxeria à Jeanker, diaprés la lon{>itudedeM. d'Ar- 
naud 53o » 

Pins , \ de sinuosités 1 78 3 

De Jeanker à Khartum , d'après M. d*Ârnaud ..... 1 a43 3 

De Rartum au Atbara 87 » 

Plus , i de sinuosités 21 75 

D*Atbar.i à Damiette, selon M. d« Humboldt. i85o » 

Total 43ai. 

(i) La source du Nil-Bleu est par 10° 58' de latitude et 34 53' de 
longitude. Sa hauteur absolue est de 2806 mètres. La hauteur de 



( 96 ) 
D'où le Nil serait la plus longue rivière du monde. Je 
dois néanmoins vous dire que ma longitude de Saka , 
déterminée par des azimuts qui relient ce point avec 
Gondar » ni) différant que de h' de ma longitude par 
distances lunaires , ne s'accorde point avec la position 
donnéep ar M. d'Arnaud au fleuve dans les envi- 
rons de Wambek et de Nieva , seuls points qui me pa- 
raissent pouvoir coïncider avec la description de l'Ile 
de Lakku, ainsi nommée par les chasseurs d'élé- 
pbants duWalaggaetceuxdu Gudra. Or, tous ces chas- 
seurs s'accordent à mettre entre Lakka et Saka une dis- 
tance beaucoup moindre que celle qui résulte des lon- 
gitudes de M. d'Arnaud comparées aux miennes. 

» J'ai recula lettre sur lesFalaxa (1) et je voudrais y 
donner suite; mais j'étais gravement indisposé quand 
elle m'est parvenue à Gondar» et d'ailleurs la guerre 
rendait toute communication avec le père Isaac im- 
possible à cette époque. Je suis néanmoins à même 
de répondre partiellement à cette lettre, et, si Dieu le 
permet, je ferai le reste des commissions dès mon re- 
tour à Gondar. Je regrette beaucoup de n'avoir pu en- 
core voir le voyage que vous avez publié sur le Dar- 
four et surtout la préface ».... 

Signé : Antoine d'Abbadie. 

Sur la même lettre est écrit ce qui suit de la main 
de M. Charles d'Abbadie : 

Aden , a août. 

« Mon frère étant trop souffrant quand je l'ai quitté 
àOmokullu, pour écrire aux Débats, comme il en avait 

Tautre source est de 2824 mètres. Cest le 19 janvier 1846 que 
MM. d'Abbadie sont parvenus à cette source du fleuve Blanc. 

J-D. 

(i) Ou Falacha. Voir une lettre de [M. Antoine d'Abbadie sur les 
Falacha , ou Juifs d'Abyssinie, Bulletin d'août i845. 



(97) 

le projet, un article sur la découverte du Nil*Blanc, 
où avec mon frère Arnaud il a planté notre pavillon 
national , il serait bien à désirer que sa découverte 
fût annoncée en France , puisqu'elle va l'être en Ânr 
gleterre. Je compte trop sur votre patriotisme » votre 
amour de la science et votre amitié pour mon frère , 
pour ne pas espérer que cette découverte fera l'objet 
d'une lettre, etc. 

Signé: Charles d'Abbadib. 



Notice sur les antiquités de la Noiwelle-Grenade (1). 

En parcourant à diverses reprises la province de 
Tunja , uniquement dans le but de reconnaître le 
pays , je recueillis un renseigneinent vague sur l'exis- 
tence présumée , dans le canton de Leiva, de quelques 
ruines appartenant à un temple ou à un palais du 
temps des anciens Indiens. Cette nouvelle variant 
chaque fois que je réitérais des demandes tendant à 
m'éclairer sur l'existence de quelques vestiges d'édifi- 
ces antérieurs à la conquête , et personne n'affirmant 
les avoir vus , je commençai à douter de la véracité 
d'un tel bruit. Toutefois , un tel sujet m'intéressant vi- 
vement , j'entrepris un voyage en juin 1846 , malgré 
le temps et la peine que cela devait me coûter , afin de 
fixer mes incertitudes. Après avoir parcouru le canton 
de Leiva en différents sens , sans rencontrer ce que je 
cherchais, après m'ètre avancé jusqu'aux environs de 
Moniquira , en suivant la direction de Gachantiva à cet 
endroit^ à travers une belle plaine livrée à la culture 
et légèrement en pente, je découvris une grande pierre 

(i) Traduit de l'espafinol. Voy. Bulletin de mars 1847, P* *o9- 
VIII. AOUT. 3. - 7 ^ ^ 



(98) 

qui f à une certaine distance ,ne me parut pas d'abord 
ayoir été travaillée par la main de Thomnle. En appro- 
chant^ je recontius que c'était une espèce de colonne de 
Avares 2/6 de longueur sur S 1/2 de diamètre. Je pen- 
sai que de telles pierres , quoique grossièrement tra- 
taillées ," avaient dû servir de colonnes. En parcou- 
rant le terrain; je trouvai'^ éparses çà et là^ d'autres 
pierres semblables « aux- premières; enfin, s'offrît 
rent à mes regards, treize pierres des pliis grosse^» 
rangées* cdmme en un cercle d'environ 50 vares de 
circonférence. Il me sembla qu'elles devaient pro- 
venir de quelque temple ou palais remontant à, des 
temps éloignés. Certaines de ces colonnes ont une 
forme aplatie comme un poisson (1) ; chacune a des 
entailles à ses extrémités , ce qui annonce clairement 
par quel moyen on s'y prit pour les attacher et les trans* 
porter hors de la carrière jusqu'à l'emplacement 
qu'elles occupent. , * i - ,. 

, Alors que je. désespérais de rencontrer les ruines 
d'un «édifice» objet prjncipal de mon voyage» les In« 
diens d'une cabane me signalèrent certain Ueu ' éloi- 
gné d'environ &00 vares de& treize dernières colonnes; 
je m'y dirigeai aussitôt, et quelle ne fut pas ma joi^ 
d'y apercevoir des ruines ! elles me causèrent une vive 
émotion. Je trouvai des colonnes cylindriques fort bien 
travaillées, fixées en terre , et occupant une surface de 
&5 vares de long sur 22 de large. Ces ruines, dans 1« 
sens de la longueur, vont de l'orient à l'occident; 
quelques unes sont rangées en ligne droite , dans la 
même direction , avec cette particularité , que, dans 

(i)ll y a daûs Tespagnoi : Semejantea la de un pez, expression qui 
ne semble pas rendre exactement la pensée de Pauteur de la Notice. 
Ces colonnes étaient probablement un peu ovales comme celles de 
Ramiriqui. Voy. plus bas, p.' io3. 



(99) 

une des files, les colonnes sont tellement rapprochées, 
que leur distance respective ne dépasse pas une 1/2 
Tare. La circonférence ne va pas non plus au-delà d'une 
l/2Tare(jic); quant à la longueur, elle ne saurait être dé- 
terminée , ces restes étant tellement endommagés que 
la plus haute n'a guère que 1 vare 1/3 au-dessus du 
sol; d'autres sont à peine visibles, les rangées aux* 
quelles elles appartiennent se trouvant interrompues. 
Les diamètres de ces coloûnes Sont d'une égalité par- 
faitei'elles sont'd 'une exacte ressemblance entre elles, 
et si bien tournées en forme cylindrique qu'elles me 
semblèrent mieuit travaillées que celles qu'on emploie 
actuellenient à Bogota; elles forment par leur légèi'eté 
et leur élégance, un contraste frappant avec les treize 
énormes morceaux' mentionnés plus haut. 

Il est Impossible d'affirmer qùà Têdifice dont il s'a- 
git eût Seulement bb vares de long sùV 22 dé large, 
jJàrce'qùe'dahs Cet espace les 'colonnes se touchent. 
Dans toute l'éteiidue de ce te'rrain, sur une surface 
cônsSdérable , on rencontre quantité de morceaux de 
colonnes épars ,* ainsi fc[ue d^ault'es pierres , parais- 
sant avoir été travaillées sur certaines de leurs faces. A 
iOO vares de là, je trouvai également un terrain rem- 
pli de bronssaillès et d'un nombre considérable de 
pierres qu'un examen i*apide me fit soupçonner 
avoir été travaillées!. Les colonnes qui existent en- 
foncées en terre sont au nombre de 29. 

Dans tout ce que je vis , je ne remarquai aucune 
trace de mortier de chaux ni* d'autre ciment ; en sou- 
levant quelques unes de ces colonnes, on en trouvera 
peut-être. 

L'examen de ces vestiges me fît une grande impres- 
sion, et j'acquis la certitude que le territoire qui les 
renfermait , présentant environ 2 milles d'étendue , 



( 400 ) 

avait dû être occupé par une grande ville, et, selon 
moi , par une nation beaucoup plus ancienne que les 
Muiscas (1). 

Gomme la superstition est toujours disposée à mal 
interpréter tout ce qui a appartenu aux nations idolâ- 
tres , les gens du pays appellent les ruines du tem- 
ple ou du palais en question, le Petit-Enfer» 

Mon opinion est que ces ruines remontent à une 
grande antiquité, parce que ces colonnes, tant celles qui 
sont enfouies dans le sol que celles qui sont éparses dans 
la plaine, portent sur elles la marque des ravages du 
temps, et des traces non équivoques de mutilations et de 
détériorations anciennes. Je pense aussi que ce qui a 
contribué à leur détérioration, c'est que ces ruines ont 
dû servir de carrière pour les besoins de la ville de Leiva, 
du village de Moniquira et du couvent du vallon Santo- 
Ej;ehomo(sic), les environs ne présentant ni montagne 
ni éminence. Ainsi Leiva devait surtout puiser des ma- 
tériaux parmi ces débris de colonnes d'un transport 
facile, pour construire ses temples et ses couvents. Je 

(i) Je crois que c'est une erreur d'appeler Muiscas les anciens ha- 
bitants de ce pays, parce que, dans leur idiome ^ Muisca signifie 
homme et est un mot composé. Mu veut dire corps , izca se tra- 
duit par cinq ; de telle sorte que, réunis et traduits en espagnol, ces 
mots signifient littéralement corps de cinq points ou corps de cinq 
extrémités. Comme il est probable que les Espagnols entendirent dé- 
signer par le mot de Muisca ou Muiscas quelques individus , ils en 
conclurent que tous portaient ce nom, et que la nation s'appelait 
Muisca, Je n*ai jamais lu dans aucune histoire que ce pays fût désigné 
par un nom générique. Tunja, seulement, s'appelait la province de 
Yravaca; mais sur le plateau de Bogota, il n'existait point de désigna- 
tion commune, parce que les Zipas , qui étaient soumis au roi de 
Tunja s s'étaient affranchis soixante ans à peine avant la conquête. 
Dans ce laps de temps, ils étendirent leur domination par la force 
des armes. 



• • 



• 



• 



• • ' 



( 101 ) 

penche vers cette opinion, d'autant plus qu'après avoir 
?isité ces ruines, je passai par la paroisse de l^loni- 
quira qui déjà était entièrement déserte, et que, dans 
l'église et la maison du curé , seuls édifices existants , 
je reconnus des colonnes et d'autres pierres entière- 
ment semblables à celles des ruines. 

L'ignorance qui a toujours régné dans la province 
de Tunja explique la négligence et le manque d'at- 
tention à l'égard de monuments si intéressants et si 
dignes d'être étudiés. Les habitants de la contrée en 
ont eu seuls connaissance jusqu'à présent ; et bien 
que, sous le rapport de l'importance et du grandiose, 
ils ne soient point comparables à ceux qu'on a décou- 
verts dans le Guatemala et le Yucalan,ils n'attestent pas 
moins l'existence dépopulations anciennes et déjà fort 
avancées en civilisation. 

Un autre motif qui me porte à être convaincu de 
l'antiquité de ces restes , c'est que la province de Tunja 
est , selon moi , le lieu de la Nouvelle -Grenade habité 
depuis le temps le plus reculé. Ce qui le prouve, c'est 
l'absence de terre végétale qu'on remarque assez gé- 
néralement , de telle sorte que certains territoires , 
tels que le canton de Leiva, sont déserts, traversés 
par des ravins, occupés par des rochers remplis de 
fentes, et présentent l'image de la misère et de la 
désolation, tandis qu'à une autre époque , ils furent 
cultivés, peuplés et fertiles. Ce qui me fortifia dans 
cette manière de voir, c'est que dans la province de 
Tunja, il n'existe pas en général de bois, par exem- 
ple à Somagose , où les gens du peuple font la cuisine 
avec de la fiente desséchée, et cultivent avec soin le 
saule, afin d'en tirerparli pour la construction de leurs 
maisons. Ce qui ajoute enfin à ma conviction , c'est 



( 102 ) 

que là on détruit les bois avec.une imprévoyance non 
moins déplorable que dans la majeure partie de la 
province de Tunja^ et qu'un tel épuisement est un fait 
qui dénonce l'existence de populations ancienneç^ , 

Au commencement dç cette année, je vis également 
à Tunja les deux, pierres nommées Jes Coussins du 
Diable. Sur une colline, à 6 cuadras (1) de la portion 
habitée de la .ville , et 4^ns la directipn de l'ouest , pp 
trouve un rocher travaillé, embrassant un espace d'ep- 
viron &0 vares , surmonté seulement de deux proémi- 
nences affectant la formQ de pierres de meule , mais 
un peu plus grandes. Le faite supérieur, est élevé 
d'une 1/2 ou 2/6 de vare ; le contour est parfaite- 
ment circulaire à la partie supérieure; mais vers le 
haut de la colline , ces deux pierres sont un peu en 
déclive,, ce qui a donné lieu de les appeler Cqussins ; 
elles sont égales et tellement jointes l'une à l'autre, 
que l'intervalle de 1/Â de vare seulement les sépare. 
Elles semblent avoir été.travaillées.. Je me suis age- 
nouillé sur une d'elles, et jetant de là. les regards au- 
tour de moi, je jouis de la. vue magnifique de la ville 
et du plateau d^ Tunja. Dans cette position,, on se 
trouve en face de l'Orient. Peut-être les habitants, 
comme les Péruviens « adoraient-ils dans ces pierres le 
soleil à son lever. Il dut en coûter de grands effortS| 
pour travail,ler tput ce rocher , aiin de le rendre uni 
en laissant les deux grandes meules proéminentes. 

Je me dirigeai ensuite àRamiriqui par Boyacà, pour 
voir les grandes colonnes appelées communément les 
Poutres de pierre çu Poutres du Diable. Dans un dé- 
tour, à peu de distance de la rivière de Ramiriqui, je 

(i) Guadra signifie ile de maisons; cette distance équivaut à 6oo 
vares. 



( 1P3 ) 
trouvai trois graades colonnes couchées par terre. Les 
deux pren^ières que j'aperçus aoot ftius renfwCées 
au milieu que dans leurs eitréioaités ; eUes,ont la forais 
ellipUque, mais leurs contours son^.âï .parfutament 
arrondis, et travaillés arecun tel art, qu'on pourrait les 
faire entrer dans la construction d'un édifice actuel , 
sai)sa*oir àlea retouche^. L'une a 7vares. 1/& de long 
et presque la même circonféreDce que l'autre. Toutes 
deux présenleot k leurs extrémités des entailjes qui 
ont aidé saus doute. à les saisir et à les transporter. 
L'autre colonne se trouve à quelque distance des pré' 
cédentes; elle a la même cirt^nférence-, sur & Tarea> 
1/2 de longueur; elle n'est, pas cylindrique, mais 
elle a des faces que je ne pus compter, parce qu'eUa 
est à moitié enterrée ; l'une de ses extrémités est plus 
grosse; quant aux faces, elles se présentent dans le 
même ordre. 

Lorsque, descendu decUeval, je me mis en devoir 
d'examiner attentÏTement ces pierres , quelques habi- 
tants de la localité m'entourèrent , se moquant de 
moi, et, autant que je pus le comprendre, s'imaginent 
que j'étais un fou ou un maaiaque; lorsque je leur 
dis que ces pierres avaient été travaillées par d'anciens 
Indiens , ils furent déconcertés et surpris. Cela me 
rappela ce qui advînt à M. Bullock, Anglais d'origine, 
voyageant au Mexique, lorsqu'il ajla visiter la pyra- 
mide du Soleil ou de Teolîhuacan ; comme il interro- 
geait à cet égard le curé d'Otumbra , celui-ci ne put 
rien lui en dire , ne se doutant même pas de son exisr 
tence. quoiqu'elle fût en vue des fenêtres de sa 
maison. 

Le docteur Moncô , curé de Ramiriqui, me fit con- 
naître ensuite que, dans un autre lieu de sa paroisse. 



f 104 ) 

existaient cinq ou six colonnes en tout semblables à 
celles que je venais de voir. 

Mon ami le colonel J. Acosta , qui écrit une histoire 
de la conquête de la Nouvelle-Grenade , m'a mandé , 
d'après des manuscrits inédits, que les grandes pierres 
de Raquira ( existant entre Moniquira et Gacbantiva , 
à quatre lieues à peu près de Raquira ) furent con- 
duites, au temps de la conquête , au plateau de Tunja, 
où les Indiens les employèrent à la construction d'un 
temple. Mais les auteurs de ces récits n'ont pu écrire 
de telles choses qu'en s'appuyant de relations faites 
par les Indiens depuis la conquête ; or, ces versions , 
propagées par le vulgaire , ne méritent pas plus de 
crédit que ce qu'on raconte à Ramiriqui des colonnes 
attibuées au diable. 

La nation qui a su travailler ces pierres a dû assu- 
rément atteindre un certain degré de civilisation et 
d'intelligence : aussi ne doit-on pas croire ces hommes 
assez stupides pour aller travailler des pierres énor- 
mes à cinq lieues de distance , et les conduire ensuite 
par de profondes vallées et de rudes pentes, lorsqu'ils 
les avaient à Tunja même , et qu'ils pouvaient les tirer 
d'excellentes carrières. C'est le grès avec lequel on bâ- 
tit à Bogota, Tunja, Chiquinquira, etc. Les pierres des 
ruines que j'ai vues , tant dans la vallée de Leiva qu'à 
Ramiriqui, sont toutes de grès (Ij. En outre, la cir- 
constance d'avoir trouvé ces ruines adhérentes au sol , 
avec des rangées de colonnes, enclavées au milieu d'é- 
normes pierres, détruit entièrement ce que rappor- 
tent ces auteurs inédits. 
' Je suis arrivé à me convaincre que ces pays ont été 

(i) Asperon , sorte de grès ou pierre à aiguiser. 



( 105 ) 

habités par des peuples plus anciens et plus civilisés 
que ceux qu'ont rencontrés les Espagnols au temps de 
la conquête. Par exemple, sur le territoire de Saint- 
Augustin, dans la partie élevée de la province de Neiva, 
on trouve des monuments célèbres , tels que la grande 
table de pierre , soutenue par des cariatides et dite 
des sacriâces » des statues de fortes dimensions , et 
une foule d'autres objets artistement travaillés. 

Or, au temps de la conquête , les Espagnols ne ren- 
contrèrent que les Pijados, les Pantagosas et d'autres 
tribus qui , bien que remarquables par leur bravoure, 
étaient très barbares. On ne saurait en aucune manière 
leur attribuer la construction de ces ouvrages aujour- 
d'hui ruinés qui , sans nul doute , remontent à des 
temps plus anciens et plus civilisés. 

Dans la vallée de Medeiiin , province d'Antioquia , 
les Espagnols n'ont rencontré qu'une petite tribu bien 
pauvre et fort ignorante; mais Piedrahita rapporte 
qu'ils trouvèrent, en compensation , des tombeaux 
d'une grande richesse. Ce qu'il y a de certain , c'est 
qu'en 1833 , j'ai vu retirer d'un de ces tombeaux pour 
trois mille castellanos d'or (1) en bijoux fort curieux. 
Il est donc présumable qu'avant le temps de la con- 
quête de l'Amérique par les Espagnols , il avait existé 
déjà dans ces localités des peuples puissants et riches, 
que des causes difficiles à déterminer avaient affaiblis 
ou fait complètement disparaître. 

Une autre preuve de cette origine antique et de la 
présence de populations nombreuses dans ce pays est 
ce qui suit. A Antioquia , dans le canton deSanta-Rosa, 
mes parents creusèrent jadis un terrain de granit 

(i) Ancienne monnaie d*or. 



( 106 ) 

d'alluvion appelé Guadalup^» au moyen de la poudre^ 
et d^pensèreot bes^ucoup de temps et. d'argent.i Dès 
qu'oase fut enfoncé à environ & yares <le profondeur, 
on trouva un lU d'arbres touffus» bien conaecvéa^ 
spécialement des chênes» tout pareils à ceux delà 
fpr^t de dessus. Sous ce tissu de bois esofoui par quel-» 
que cataclysme» on découvrit iui;te arme deS: anciens 
Indiens dite, maccuia^ en bois de palmiqr» loQgue de 2 
vares» terminée en forme de lance à l'une de ses «xlré*- 
mités» et ayant ^ l'autre une lame étroite d'^pée en- 
richie de reliefs fort curieux*. J'ai fait oadeauda cette 
arme au docteur Jervis» qui l'a envoyée en Angle*- 
tei|:e«... * - \ w . \ 

Ici, à Bogota, on a fait .Récemment dea excavations^ 
dans le but de chercher de l'eau potable «et à une 
profondeur d'environ 16 varçs on a .retrouvé un lit de 
bois et de plantes semblable à ce qu'cm a découisert 
dans les mines d'Antioquia dans la vallée de Santa- 
Rosa. 

Je crois de^voir ajouter que , lors du dernier ii^oyage 
que je fis dansle canton de Leiva» j'ai visité également 
une grande grotte servant aux Indiens pour enterrer 
leurs morts» et découvert^, par hasard par les habi- 
tants du pays il y a deux ans* Dans la. direction de Ga- 
chantiva ,. canton- de .Leiva» au seinide la Cordillève o^ 
se trouvent les mines de cuivre de Moniquira » et à peu 
de distance de celles-ci» coule la rivière qui plua bas 
forme le Suarès» en suivant un cours impétueux* .«.n^ 
Dans cette fondrière » un homme poiirsuivait avec ua 
petit chien un renard lorsque, tout à cou,p,*le renard 
et le chien disparurent par un trou. L'individu 
cherchant à élargir le trou afin de retrouver son 
chien» quelques pierres se détachèrent et laissèrent 



. . ( 107 ) 

voir une gcotto très vaste remplie de momies » de vête- 
ments et de différents obj.et$. A l'entrée de la grotte 
était une de ces momies» assise sur un siège en bois» bas 
et sans bras , tenant un arc et une flèche» dans l'atti- 
tude d'une personne prête à lancer son javelot au de- 
hors : on assure qu'elle, portait aussi une couronne 
d'or surla.tète. L'individu» saisi de frayeur» n'osa tou- 
cher à rien, ef se contenta d'accourir pr^s de ses voi- 
sins pour les pré^venir.. Il revint accompagné de plu- 
sieurs d'ent|ce eux , lesquels pénétrèrent alors dans la 
grotte » en priant; ils arrachèrent aux monûesJes bi- 
joux qui les couvraient» et les jetèrent après. Us em- 
portèrent quantité d'objets curieux qu'ils étaient in- 
capables d'apprécier» surtout des masses de vêtements» 
des manteaux de coton d'une grande finesse et fort 
bien conservés » avec lesquels on se vêtit dans tout 
le pays » et même on en couvrit des mules. 

J'arrivai en juin 18&6 pour visiter cette grotte. Je 
montai avec beaucoup de peine la côte depuis l'em- 
bouchure de la rivière» ayant avec moi un.guide; je sui- 
vis durant AOO vares une direction presque verticale » 
m'accrochant pour me retenir aux arbustes que je ren- 
contrais. Auxabordjs de la grotte»je découvris d'abord 
des os en grand nombre» ainsi que les restes des momies 
qu'on, avait jetées d'une mani^è^e si déplorable. En-, 
trant le premier» je reconnus que cette caverne était 
creusée dans un roc calcaire » ce qui explique com- 
ment tous les cadavres s'étaient conservés et changés en 
momies» et comment les manteaux. et les autres ol^jets 
dont elles étaient revêtues étaient dans un état si par- 
fait» depuis je ne sais combien do siècles^ 

Je ne pus pénétrer dans toute l'étendue de la grotte»car 
bien qu'à l'exception de l'entrée» la hauteur intérieure 



( 108 ) 
fût au moins aussi considérable que dans nos appar* 
ments, je n'étais pas précédé de torches allumées; en 
outre, par suite de la sécheresse du terrain «calcaire , 
la poussière que je soulevais en marchant me gênait 
beaucoup. Le fait d'avoir creusé des tombeaux dans un 
rocher de cette nature , si bien approprié à la conser- 
vation des cadavres , prouve la sagacité des Indiens. 

Une telle découverte ayant été faite par des gens 
ignorants, nous accourûmes pour retirer de leurs 
mains ce qu'ils avaient retiré de là et déjà dispersé , 
et sans doute ce n'était pas la partie la moins curieuse. 
Cependant j'ai vu en possession du docteur Garcia, 
curé de Guatèque , quelques émeraudes parmi les- 
quelles une grande, non ouvragée, et d'autres portant 
l'empreinte d'un assez mauvais travail. 

En insistant, j'ai pu me procurer le petit siège en bois, 
un buste en terre (1) , deux morceaux de manteau, un 
collier d'os fort artistement travaillé, liéau moyen d'un 
cordon , formé d'un curieux tissu , deux petites figures 
d'animaux en or, des pendants d'oreilles en tom- 
bag , d'un bon goût et très riches , une tête ou crâne 
de petit cerf avec ses cornes , recouvertes d'un enduit 
de cire noire d'abeilles, circonstance qui me fit penser 
que cette substance avait dû être employée comme 
baume. Il peut se faire que, pour embaumer les cada- 
vres, on se servit de cire noire ayant la propriété de 
les préserver de la corruption. 

Le musée de cette ville a perdu la précieuse pierre 
pentagone qui contenait le calendrier des anciens In- 
diens , et que le baron de Humboldt décrit dans un 
de ses ouvrages. Depuis , on a découvert dans le petit 

(i) Barro, argile rougeàtrc, servànl à faire des vases. 



( 109 j 

I 

ravin de San-Diego, près de la ville, une autre pierre 
qui était la propriété de M. Quijano, et que je possède 
maintenant. La pierre décrite par M. le baron de Hum- 
boldt était pentagone, plus grande que celle de M. Qui- 
jano et verte ; celle-ci est un petit carré long de basalte , 
contenant des signes semblables à ceux de la pierre que 
le musée a perdue (1) . Une telle coïncidence corrobore 
l'opinion exprimée par MM. Duquesne et de Humboldt 
au sujet du calendrier des Indiens, que de telles 
pierres étaient d'un usage vulgaire. La pierre que je 
possède a deux signes à moitié effacés ; aussi ai-je pensé 
qu'il était intéressant de la faire accompagner d'un 
dessin fidèle , qui la reproduisit sous toutes ses faces. 

Bogota , I o décembre 1 846 Signé : VALEZ. 

( Cet article est tiré d'une lettre adressée à M. Bous- 
singault^et communiquée à M. Jomard par le colonel 
Âcosta,) 

ANTIQUITÉS DE LA RÉGENCE DE TUNIS. 

Tunis, 3o août 1846. 

Monsieur le PriSsident , 

Encouragé par la manière bienveillante dont la So- 
ciété de géographie a parlé de mes travaux dans son 
Bulletin , je viens aujourd'hui vous présenter quel- 
ques aperçus sur l'ensemble de la régence de Tunis. 

Le gouvernement m'a confié une riche mine à ex- 

(i) Ma collection américaine renferme 5 pierres pentagones d» 
la même espèce, recueillies dans la Nouvelle-Grenade, avec beau- 
coup d'idoles, de colliers et ornements en or et en pierres dures , 
ainsi que des toiles de momies, imprimées en couleur avec de riches 
dessins, provenant selon toute apparence des découvertes faites à 
Leiva. ■ J— D, 



( 110 ) 

ploiter : je le ferai de mon mieux » et cela en réunis- 
sant le plus de matériaux qu'il me sera possible. 
Quelques années encore me seront nécessaires pour 
compléter mon ouvrage ; l'nais alors )*aurat, j*éspère , 
terminé la carte de toute ta Régence ? j'y joindrai une 
grande quantité d*observations barométriques' qui 
permettront de filer les hauteurs de' beaucoup de 
points ;'les observations correspondantes \;enues régu- 
lièrement à Tunis,' aux heures indiquées patTObser- 
vatoîf'e de t^aris, servent suffisantes pour faire connaî- 
tre les variations de tenipératuVe de ce pays.' 

Je relève avec soin toutes les inscriptions déjà con- 
nues ou non : ces dernières seront nombreuses ; je 
détermine tous les avant-postes romains, toutes les 
villeé anciennes que je rencontre;' plusieurt û'ont 
pas encore été signalées. * * 

J'apporterai, j'espère , quelque jour sur la forme el 
la situation des trois lacs de Ptolémée , qui sont en 
effet bien distincts. La ville de Nefta est placée au 
nœud de ces lacs. La masse d'eau qui verse dans ces 
bas-fonds est considérable, et l'observation des eaux du 
Djerid, leur température relative , comme leur niveau 
relatif, ne font que me confirmer dans l'opinion que 
j'avais déjà émise, d'une grande nappe souterraine 
coulant du nord-ouest au sud-est. 

Le lac du nord reçoit les eaux des montagnes depuis 
un point près de Tebessa , pris à partir de Gajsa ; une 
large vallée courant au sud-ouest est bornée par deux 
hautes chaînes abruptes, dont les eaux, jusqu'à Tama* 
gréztt au nord, et El-Hamma ad sud , versent dans ce 
même lac. 

Celui de l'ouest appartient à l'Algérie ; celui de l'esté 



( 111 ) 

dit Sebkhat'Faraoun (1) » reçoit les eaux du versant 
sad de la chaîne qui ta de Gùfia- à El^Hàmma^ et 
borde cette chaîne jusqu'auprès de Hamma (de Ga- 
beuss ) , distinct du précédent » et est toujours au 
nord bordée parla chaîne, qui, sous les noms de 
Chereb Dakrelania, Chereb B erra nia, Dzehaniet Hadifà, 
Khanguat Aïcha^ Ras el-Oued ^ aboutit à la mer au 
nord de Gabeuss, Dans Râs el-^Oued est la source de 
Oited el-Akarit , que Ton supposait à tort venir du lac, 
pour établir ainsi, sa communication avec la Méditer- 
ranée (2). 

Cette communication n'existe pas, n'a même, je 
crois, jamais existé, èft n'aurait eu lieu jadis qu'au 
sud de la petite ville de Oadérif (3). 

On trouve au Z)/mrf plusieurs sources d'eaux chaudes ; 
les plus» «onsîdérable» sont èi&'/-itfa^/»t<2 de Gabeuss ; 
une d'eliesnûapquant AO^, porte le nom de Batnma ; 
nom , dit la tradition , d'un ancien sultan chrétien de 
ce pays. Là sont des rUines romaines : tout le pays 
d'ailleurs en est parsemé. 

Je vais rapidement ftiire l'analyse des principales 
villes de cette partie de la Régence. 

A Gafsay où Ton trouve aussi les sources thermales, 
les Romains avaient' établi plusieurs bains , aujour- 
d'hui détruits par le temps; ils ont été relevés avec 

(i) LVtymologie de Farao\in aurait-elle pour origine la catastro- 
phe du roi Pharaon ? Pour passer dan» le pays des Nefzaoua, si 
l'on sort des passages connus , on es< englouti dans les sables. 

(2) De El'Hamma mta Gabeuss part la longue chaîne des Nefzaoua, 
bordâM U lad ao And , courant au sud^ ouest, et <lite le Djebel Atiza, 
ayant après , le nom générique de Djebel tlfj^c&ar.' 

(3) Les matériaux que j*ai envo-jés récemment au Dépôt de la 
guerre feront mieux comprendre la configuration du terrain, et 
donneront les distances entre les divers points que je cite. 



( 112 ) 

les anciens matériaux ; à Tun d'eux on trouve Tin- 
cription suivante : 



AQUE' 



SVAPEC*" 

caviTa 



IVNIVS 



• • • • • 






SSniHiHAGRYM 



...AFECIT 



Celle-ci parait donner pour le nom de la ville , 
CAPSE au lieu de CAPSA. 

...OR • MNOSTRORVM N 
MAGISTRVM MILIT 
..NI ANE CAPSE... C 

Les cinq pierres suivantes sont sur les murs de la 
Casbah» qui est donc d'une époque postérieure. 

DM SA 

IFAAPOAAeNl 
SSAGAPA |XXX 

RPIVSEETVS 






R\EP 


RVA 


RCAV 


R^MA 


lUTV 


FRCE 


NDAH 


Ea 


ENT. 


IMP- CAES 




MAVRELIVS 




ANTONINVS 




PIVS AVGVSTVS 




PONT- MAX- 




BRITMAXS 




MAX- TKIB PO 




XVIIII QWSIYI 




RES1 


riT.... 





J'ai trouvé encore d'autres inscriptions, mais celles* 
ci sont les principales. 

En allant de Gafsa au Djerid, on trouve sur la 
route , à Courbatu , une borne milliaire renversée ; l'in- 
scription est illisible. 



( 113 ) 

A El'Hamma, Tozenr, ISiefta^ il y a des restes ro- 
mains, mais pas d'inscriptions. 

En partant de Tozeur pour Gabeuss , en longeant 
Sebkhat Faraoun , on passe à El-Oudien , amas de pe- 
tits villages, où Ton voit aussi les traces des Romains; 
ce pays autrefois s'appelait , d'après la tradition , Ta^ 
guiouss, nom d'un ancien sultan chrétien; puis on 
trouve quelques anciens petits postes jusqu'à Khanguat 
Dzekaniet. Ensuite on ne trouve plus de ruines ro- 
maines, qu'après avoir traversé le lac , un peu avant 
d'arriver à El-Hainma mta Gabeuss. 

Dans ce lieu , qui est aussi une réunion de villages, 
on ne rencontre pas d'inscriptions. 

En parlant de El^Hamma pour venir \x Gabeuss , on 
traverse un ancien poste dit Enchir Chenchou. 

Gabeuss est aussi une réunion de petites villes ; là 
est une belle forêt de palmiers ; la rivière, qui prend 
naissance à deux lieues environ, arrose un ravin 
d'une fertilité remarquable , et d'où s'exporte une 
quantité considérable des feuilles de l'arbrisseau dit 
El'henné. 

Je n'ai trouvé à Gabeuss que ces fragments d'in- 
scriptions. 

O.PRCOS, 

CPOINT'''* T.TESTAMENTO (1) 

•NPENSAE « OPPI 

En continuant l'exploration au sud de la Régence le 
long de la mer, on traverse plusieurs villages , qui 
tous ont été des points de l'occupation romaine , 
Teboulbou, Keténa , Zarat; puis au pied d'un marais 
sont de grandes ruines dites El-Medina ; on voit en- 

(i) Une troisième inscription est en caractères phéniciens au nom- 
bre de 14. 

VIII. AOUT, h* 8 



( IIA ) 

core le canal qui avait été creusé jusqu'à la mer; on 
arrive après en face de Tlle de Djerba (1) , Là se retrou* 
vent aussi des ruines; les plus considérables, les 
seules même importantes , sont auprès de Bordj El^ 
Kantera sur la côte sud de l'Ile au bord de 1^ mer. 

A. NNIOQF.... 

lAIi» FNATIA 
»>)(.»' O? IMHON 
FVNCT3C IN ORD 
OBEINr INMAC 
INDVST.PT/AD 
OSËINT&GRE 
ADMINISTRATA\ 
IMPENSREMIS- 
ET-PORTVLIS 
DBDICAVIT 

Inscription à Médina Burdj el-Kantera, île de Djerba. 

Des fouilles ont été faites ici dansTespoir d'y trouver 
un trésor ; elles ont procuré la découverte de trois 
statues, dont deux colossales en marbre blanc, mais 
sans tète i elles semblent représenter un empereur et 
une impératrice. Là sans doute des fouilles bien en- 
tendues donneraient des résultats ; mais un point sur 
lequel j'appellerai votre attention, et qui est encore 
vierge de rechercbes , «'est une ancienne ville sur le 
continent, à l'ouest, et à peu de distance de Zarziss^ et 
dite Enchir Medint Zién : là, sur un point des ruines , 
sont enfouies à moitié neuf statues, dont deux à tuni- 

(i) Faut-il p9S9«r squ^ «ilonce l'affreui^ Q$saaire élo^4 sii^r la côt^ 
nord à Souk, avec les ossements des Espagnols, et qui, qncore d« 
nos jours , se dresse béant devant le chrétien qui met le pied sur 
cette plage? 

Nota» l>« Bey de Tunis vient de dûiiii»r Tordre de déirpîre ce 
triste monument. ( N. dq R, ) 



( 115 ) 

ques courtes ; les autres avec la toge flottante jusqu'aux 
pieds (1). 

Puis , toute la vaste plaine qui s'étend au sud est 
parsemée de ruines , mais complètement dégradées et 
sans inscriptions ; des ruines se retrouvent même à 
Biben , limite de la Régence avec Tripoli ; plus au sud , 
de l'autre côté du grand lac dit El-Bahira , il existe 
aussi, d'après les rapports des Arabes, de très grandes 
ruines que j'espère visiter cette année. 

En revenant à Gabeuss^ îe long de la haute chaîne 
du sud , on visite deux villages dits Kesseur Mon^ 
denin et Metameur^ habitations singulières qui ne se 
trouvent que là ; ce sont des chambres longues voû- 
tées , superposées par cinq et six étages ; là les Oiier- 
gremma déposent leurs richesses, et lorsqu'ils quittent 
ces forts pour aller labourer ou mener paître leurs 
troupeaux sur les rives de l'Oued Fissi^ aux confins de 
Tripoli^ une partie des hommes restent préposés à la 
garde de leurs repaires. 

Dans la chaîne, en avançant au nord, une grande par- 
tie des habitants demeurent sous terre; la nature du ter- 
rain , parfaitement sec, permet d'y conserver, pendant 
des années , les blés , les huiles , etc. 

De Metameur à Gabeuss , on traverse beaucoup de 
ruines romaines, dont plusieurs importantes; mais la 
main du temps n'a rien respecté. La plus remarqua- 
ble est celle dite Koutin^ entre Metameur et Arrum : c'é- 
tait une ville étendue; on y retrouve un grand mauso- 
lée , un petit temple et une forteresse. 

(i) La tr«ditioQ dit qo'an cooduit en pierra ( qui en effpt exinte 
encore en partie) partait de là, abouiÎMait à la mer, et versait 
lliuile jusque dan» les bâtiments qui venaient mouiller à In bouche 
de ce conduit. 



( 110 ) 

En visitant ces contrées, aujourd'hui presque dér 
séries , où le ciel refuse le plus souvent à rhomme 
Teau nécessaire pour vivifier les plantes qui doivent 
lui procurer sa nourriture, on s'humilie devant la 
force, le génie de ce peuple géant, dont la trace reste 
si profondément empreinte sur le sol qu'il a foulé. 

Sur un autre point de la Régence, point d'ailleurs 
parfaitement décrit déjà, des fouilles amèneraient 
d'heureux résultats; c'est à EUDjein , V ancienne Thys^ 
dms. Un Français, M. Mattei, hahiiQUi k S/acs , y a 
recueilli plusieurs morceaux précieux,et entre autres, le 
15 août 18A1, une pierre portant l'inscription ciraprès, 
pierre qu'il remit à M. le consul général de France. 

Je ne sais si la Société géographique en a déjà con- 
naissance ; mais, dans le doute, j'ai cru devoir la lui 
adresser. 

,.. NIORVM VOCVQVI THYSDRVM 

EX INDVLGENTÎA PRINCIPIS CV 

RAT- ET COLONIAE SVFFICIENS ET 

PERPLATAEAS LAGNVS IMPERTITA 

DOMIBVS ETIAM CERTA CONDI 

CIONE CONCESSA FELICIS SECV 

LI PROVIDENTIA ET IISSTINCTV 

MERCVRII POTENTIS THYSSDRITA 

NAE COLPUAESIDISET CONSERVA 

TORIS • DEDICATA EST 

Je terminerai ici ce rapide aperçu des ruines de celte 
partie de la Régence. Comme je l'ai déjà dit, j'ai re- 
connu et copié toutes celles du nord, entre autres, l'im- 
mense inscription qui se trouvé sur le mausolée de 

Kasserin. 

Afin de donner une idée de la constitution géologi- 
que de la surface de la régence de Tunis , je ramasse 
partout des échantillons; lorsque ma carte sera ter- 
minée, ces échantillons, remis à un homme versé dans 



( 117 ) 

cette science y pourront, je Tespèrc» avec la carte à 
l'appui, faire connaître la nature diverse des terrains 
qui constituent ce pays. 

J'ai remarqué dans le Bulletin de la Société une 
note où il est question de paniers-silos , dont remploi 
est signalé par M. le général Marey^i) ; ces paniers-silos 
sont aussi en usage dans l'Ile deDjerba et chez les Oner- 
gremma sur le continent, mais ils ne sont pas suspen- 
dus ; ils reposent sur le sol, ont environ l'^.&O de 
hauteur, avec la forme d'une poire ; l'ouverture est au 
sommet ; ils sont tressés avec l'herbe dite alfa , et con- 
servent parfaitement les grains , quoique exposés à 
l'intempérie des saisons. 

Je vous demande indulgence, monsieur le Président, 
pour une note écrite à la hâte et sans suite; mon désir 
de bien faire sera , j'espère , auprès de vous , l'excuse 
du peu de renseignements que je fournis ici ; mais , 
guidé plus tard par les avis de la Société , j'espère tu^r 
plus de fruits de mes voyages. 

Veuillez agréer, etc. 

DB Saintk-Marie , 
capitaine au corps royal (VétaUmajor en 
mission a Tunis, 

.LA GIMBÉBASIE. 

Extrait d^une lettre deM. Théod. de Saisset, lieutenant 

de vaisseau. 

Nos géographes indiquent la Gimbébasie comme un 
plateau élevé et désert dépourvu d'eau : la Cimbébasie 

(i) Voyez Bulletin de septembre i845, vol. IV ( a* âérie), p. 180. 



(H8) 

est habitée, sinon bien peuplée. Elle possède des 
vallées, des plaines et des montagnes, comme toute autre 
partie du globe ; seulement des masses de sable gisent 
çà et là ; l'eau s'y trouve partout , saumâtre sur beau- 
coup de points, potable en d'autres endroitSé Les na- 
turels sont d'un caractère complètement inoffensif, 
détestent les spiritueux , usent peu de la viande , vi- 
vant principalement de riz et de racines bouillies. 
Ceux du littoral sont ichthyophages. Leur religion est 
un fétichisme absolu. J'ai rapporté un de leurs dieux 
en bois grossièrement travaillé: il est entre les mains 
de M» le duc de Luynes. Ces braves gens connabsent 
l'usage des armes à feu, sont excellents chasseurs» et 
font le commerce de pelleterie. 

Un fait d'une haute importance résulte des décla- 
rations d'un aventurier anglais que j'ai rencontré dans 
le pays , voyageant à la manière de Levaillant , dans 
un chariot attelé de bœufs. S'il faut l'en croire , vers 
l'intérieur, il y a dans l'est, à 5 ou 600 milles du litto- 
ral, un vaste lac d'eau salée embrassant toute l'é- 
tendue de l'horizon. Serait-ce cette mer intérieure 
d'Afrique, dont le souvenir est venu jusqu'à hous (1) ? 

La corne d'unicorne que j'ai rapportée de la Gim* 
bébasie, et qui est en ce moment suspendue dans la 
salle de billard du château de Gour-Senlisse , m'a été 
donnée par un chef Cîrabébas de l'intérieur, venant 
d'un pays où il est difficile de rencontrer le narval, dont 
d^ailleurs je connais très bien la corne, qui est courbée 
légèrement vers l'extrémité, et d'une matière toute par- 

(i) Ce fait se rapporte manifestement an grand lao on mer inté- 
rieure dont le gavant M. Desborough Gooley a traité dans an des 
derniers numéros du Journal of ihe Geographical Royal Society, 



( 41^ ) 
ticulière. La corne que je possède est de même nature 
que celle des élans; seulement elle est complètement 
droite sans aucun contour de spirale , sans être can- 
nelée , et d'une longueur de près de 0"»,80. Je ne puis 
malheureusement donner d'autres renseignements sur 
l'animal que les indications, par signes, du chef qui 
nous donnait à entendre que cet animal est peu élevé 
sur les jambes, qu'il edt fort rare et n'a qu'une corne 
sur la tète. 

Ce même chef m'a également donné la peau et les 
cornes d'un kamisbeurk , animal complètement in- 
connu en Europe , de la hauteur d'un âne , ayant les 
pattes munies d'ergots ; cet animal a des cornes d'une 
longueur et d'un poids extraordinaires. La peau a été 
donnée à M. le duc de Luynes et les cornes sont sus- 
pendues aussi à Gour-Senlisse , où chacun peut les 
voir. 

Dans ma publication , je me bornerai à la descrip- 
tion hydrographique des côtes et à l'exposé des res- 
sources du littoral , dont j'ai pu vérifier la certitude. 

Th. DE Saisset. 



MJkMVML dtt ttégoeiAat fraiif«ii en Ghifle , ou ootnaiefoe de là 
OhiiM eoBndéfé en point de vue Iraaçaîf , par H. G. de HonUgny, 
attaché à Tambassade du roi en Chine. 1 vol. in-8. Paris , 1846. 

Cet ouvrage contient des renseignements nombreux 
et précieux à la fois pour les relations du commerce 
français avec la Chine. On y trouve une analyse déve« 
loppée des principaux articles d'impoi'tation et d'ex- 
portation ; les tarifs des droits de douane ; divers ta^ 
bleauxde comparaison et de conversion des monnaies, 
poids et mesures , tant de la Chine que des pays de; 



( i2^ ) 

l'orient qui commercent avec elle; etc. , etc. Le livre 
se termine par une esquisse historique et descriptive 
de Canton et de Macao. Indiquons seulement quelques 
traits de cette dernière portion du travail de M. de 
Montigny; car, ayant fait partie de l'ambassade de 
M. de Lagrenée, en 18iA , il a pu recueillir sur les 
lieux et d'une manière plus précise les faits géogra- 
phiques nouveaux ou encore peu connus qu'il nous 
présente. 

Le nom de Canton est écrit sur les cartes chinoises 
Kwangtung'Sang'Ching ^ mots qui signifient capitale 
de la province de Canton (K.wangtung) ; mais en par- 
lant de la ville elle-même , les Chinois l'appellent ha- 
bituellement Sang^Chin^ ville provinciale, ou capitale 
de la province. 

Canton est bâtie sur la rive nord de la rivière des 
Perles ou Chou-Kiang ^ le Tigre des Européens. Elle 
est située par 23« 1\ 10'' lat. N. , H3o 14' 30" long. li. 
de Greenwich , à 3^ 30' long. 0. de Pékin , à environ 
60 milles ou 100 kilomètres de la mer, ou de l'em- 
bouchure du HoU'Mun, le Bogue ou Bocca-Tigiis ^ 
Bouche du Tigre. Aux environs de la ville et dans les 
campagnes voisines , la perspective est riche et variée, 
mais n'offre rien de pittoresque ni de grandiose; au 
nord et au nord-est, le pays est accidenté et monta- 
gneux. Dans les autres directions . il est plat et l'on 
découvre un point de vue très étendu. Au midi , le 
coup d'œil embrasse un immense espace d'eau ; des 
rizières et des jardins occupent tous les terrains bas, 
sauf quelques monticules et quelques arbres qui rom- 
pent l'uniformité du tableau* 

La partie de Canton qui est environnée de mu* 
railles affecte la forme d'un quadrilatère , divisé lui* 



( lâl ) 
même en deux sections par une autre muraille courant 
de Test à l'ouest. La partie nord , qui est la plus 
grande et qui s'appelle la Fieille cité ou Fille tartare , 
est celle que nous venons de citer; la partie sud se 
nomme la Nouvelle cité. Le périmètre entier des mu- 
railles qui embrassent aujourd'hui les deux parties » 
est d'environ Q kilomètres 1/2. Du côté du sud , la 
muraille se prolonge de l'est à l'ouest, parallèlement 
à la rivière, à une distance d'environ 50 mètres. Vers 
le nord , où la ville est assise sur le penchant des col- 
lines , la muraille suit naturellement les ondulations 
du terrain. La hauteur de ces murailles , construites 
en pierres et en briques , est de 9 à 10 mètres , et 
leur épaisseur de 7 à 8 mètres. Elles ont des embra- 
sures et des créneaux et un chemin de ronde inté- 
rieur. 

La ville de Canton a 16 portes » dont h percées dans 
la muraille intérieure qui sépare la vieille ville de la 
nouvelle , et 12 dans la grande muraille qui envi- 
ronne tout Canton. De plus, entre la rivière et les mu- 
railles, il y a les faubourgs , qui sont aussi peuplés 
que la ville même. Enfin , il y a ce qu'on appelle la 
i)ille flottante , ou ville sur l'eau , peuplée de plus de 
800,000 âmes. Tout l'ensemble de la population de 
Canton dépasse 1,580,000 habitants. 

Macao , petite péninsule située à l'extrémité de Tlle 
de Hiang-Shan, par 22° 11' 80" lai. N. , 111» 82' 30'' 
long. E. deGreenwich, est trop connue pour nous y 
arrêter. Sa population est d'environ 35,000 âincs , 
dont 5,000 chrétiens et le reste Chinois. 

Albert-Montémont. 



( 122 J 



DEUXIEME SECTION^ 



Actes de la Sooièté* 

EXTRAIT DES PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES. 



Présidence db M. Johard, 



Séance du 6 ojoût 1847. 

Le prooès-yerbal dd la dernière séance est lu et 
adopté. 

M. le conseiller commandeur Lopes de Lima , admis 
récemment comme membre, adresse ses remerci- 
ments à la Société, et promet de concourir à sea 
utiles travaux. 

M. A. Cochelet» consul général de France à Lon* 
dres , écrit à H. le Président que M. le D' Leiohardt 
auquel la Société a décerné une médaille d'or pour 
ses découvertes en Australie, vient de repartir pour un 
nouveau voyage , et il ajoute qu'il a remis la médaille 
à M. le 1>' Nioholson, ami de ce voyageur,qui se charge 
de la lui transmettre* 

MM. Yandermaelen et Coulier écrivent à la Société^ 
pour lui offrir, le premier, le compte-rendu de l'exploi- 
tation des mines en Belgique de 1830 à 18 A4 , et le 
second , sa Description générale des phares et fa- 
naux. 

M. J. Codemo, professeur de géographie etdelitté- 



( 128 ) 

rature à l'école impériale et ro^fale de Trévise, fait 
hommage à la Société de plusieurs de ses ouvrages ; il 
rend compte de la méthode qu'il a adoptée pour l'en- 
seignement de la géographie et des heureux résultats 
qu'elle a produits; en appelant l'attention de la Société 
sur ses travaux» M. le professeur Godemo espère 
qu'elle voudra bien les examiner et exprimer son ju- 
gement sur le mode d'enseignement qu'il vient de 
mettre en pratique dans l'école de Trévise. ( Voir le 
Bulletin, ) 

M. Berthelot offre , de la paît de l'auteur, M. d'Has- 
trel, plusieurs livraisons de ses Souvenirs de voyages, 
et entre autres un Album de l'Ile Bourbon. M. de La 
Roquette est prié d'en rendre compte. 

Le même membre fait hommage en son nom d'une 
dissertation sur l'histoire de la navigation en Espagne, 
ouvrage posthume de M. de Navarrete. 

M. Jomard dépose sur le bureau la collection en 
couleur ou en noir des anciennes cartes faisant par- 
tie de ses Monuments de la géographie^ jusqu'au n* 49 
des planches. 

M. le Président annonce à Rassemblée la présence 
de M. le D' Beke, le célèbre voyageur en Abyssinie 
dont elle a couronné les découvertes. Il félicite ce 
voyageur sur le succès de ses explorations, et le re- 
mercie des intéressantes communications qu41 a bien 
voulu faire à la Société. 

M. le vicomte de Santarem continue la lecture de 
son Mémoire sur un portulan royal ou atlas maritime 
portugais inédit de 1546. 

M. le secrétaire continue la lecture du Mémoire de 
H. le D' Beke relatif aux descriptions de TAbyssinie 
par les PP. Paez et Lobo. 



( m ) 

La Commission centrale apprend avec beaucoup 
d'intérêt le retour de M. de Castelnau de son long 
voyage dans les différentes contrées de l'Amérique. 

Séance du 20 août 18A7. 

Le procès-verbal de la dernière séance est lu et 
adopté. 

M. Ewald , secrétaire de la Société géographique de 
Darmstadt» écrit à la Commission centrale pour 
lui offrir une description du grand-duché de Hesse 
Darmstadt , publiée par cette Société , et il joint la 
suite des livraisons de son atlas géographique uni- 
versel. 

M. Delegorgue écrit à la Société pour lui faire hom- 
mage de la relation de son voyage dans l'Afrique aus- 
trale en 2 vol. ; il annonce qu'il a le projet d'entrepren- 
dre un nouveau voyage dans l'Afrique intérieure, et il 
prie la Société de l'aider de ses conseils et de son appui. 
Déjà M. le ministre de l'Instruction publique et l'admi- 
nistration du Jardin du Roi lui ont promis de seconder 
son entreprise. La Société accueille cette communica- 
tion avec intérêt, et invite M. Albert- Montémont à 
lui rendre compte du voyage de M. Delegorgue. 

M. Dieffenbach, capitaine au long cours, arrivant 
de Sumatra, écrit à la Société pour lui signaler une 
rectification à faire à la position géographique de l'Ile 
Amsterdam. M. Dieffenbach doit accompagner M. De- 
legorgue dans son nouveau voyage. 

M. Angelot, de retour d'un voyage en Amérique, 
écrit à la Société pour lui communiquer deux frag- 
ments relatifs aux indigènes de l'Alabama et à une 
réunion champêtre religieuse des habitants de Mo- 
bile. 



( 126 ) 

M. le professeur Rafn , correspondant de la Société 
à Copenhague , adresse une Notice sur les anciennes 
Sagas de llslande. — Renvoi au comité du Bulletin. 

M. Jomard met sous les yeux de la Commission 
centrale l'esquisse géographique du Ouâdây ajoutée par 
M. le D* Perron à la relation de ce pays, qu'il a tra- 
duite en français de l'arabe du cheykh Mohammed-el- 
Tounsy, ainsi que les dessins de costumes , d'armes , 
et ustensiles joints à la relation de son voyage. 

Le même membre signale les questions relatives à 
rinde et à la Perse , énoncées dans le dernier rapport 
général de la Société asiatique de Paris, comme pou- 
vant servir à la commission spéciale chargée de faire 
un travail général sur les questions de géographie. 

M. Berthelot offre à la Société , pour son musée , 
une petite natte en tissu végétal , objet de curiosité 
ayant appartenu à M. le contre-amiral d'Utville , et 
antérieurement au capitaine Cook. 

Le même membre annonce son prochain départ 
pour les lies Canaries , où il va remplir les fonctions 
d'agent consulaire; il offre ses services à la Société et 
témoigne le désir de conserver avec elle des relations 
utiles à la science. M. le Président remercie M. Berthe- 
lot de ses oifres , et l'assure du bon accueil que rece- 
vront ses communications. 

M. Angelot donne lecture des deux chapitres de son 
voyage^ dont il a été fait mention au commencement 
de la séance. — Renvoi au comité du Bulletin. 

H. d'Avezac lit une Notice géographique et histori - 
que sur l'Ile de Sainte-Hélène. 



( 126 j 

MEMBRE ADMIS DANS LA SOGI&Ti. 

Séance (lu 6 août 18A7. 
M. Adolphe dUastrel» ancien officier d'çirtillerie. 

OUVRAGES OFFERTS A l'A SOCI^T^f 

Séance du 6 août 18A7. 

Par le Ministère de la marine : Tableaux de popula- 
tion » de culture , de commerce et de navigçition » for- 
mant» pour les années 1843 et 18A» la 9uite def 
tableaux insérés dans les Notice^ statistiques sur les 
coloniQ3 françaises, Paris , 18i7 , in-8. 

Par la Société royale géographique de Londres : Vol. 
XYII , !'• partie de son journal. In-8, 

Par M. C, Ritter ; Die geographi9cbe Verbreitung 
einiger characterischen arabiscben Producte. i vol. 
in.8. 

Par M. le D''. IVilhelm Mahlmann : Monalsberiqhte 
ùber dieVerhandlungen der Gesellscbaft fur Erdkunde 
m Berlin , 4845 et 1846. 2 vol. in-8. 

Par M, G, Codemo : Elemenii di gepgrafia fisica es- 
posli in treprospettisinottici.Treviso, 1844. In-fol.-.- 
Descrizione geografica délia Monarchia austriaca con 
cenni storico-genealogici esposta in quadri sinottiç). 
Venezia, 1845, in-fol. — Una Scuola di geografia 
elementareînTreviso con una tayola litografica ç quat- 
tro incisioni in rame lavoro q de^crizione, in* fol. 

Par M. Fandermae/en : Statistique de la Belgique ; 

mines , usines minéralurgiques , paachines à vapevr. 

Années 1839 à 1844. — Compte-rendu, publié par le 

minisire des travaux publics. Bruxelles , 1846, in-fol. 

Par M, Coulier : Description générale des phares , 



( 127 ) 

fimaux et remarques existant sur les plages maritimes 
du globe à Tusage des navigateurs. 7* édition. Paris , 
18A7. i vol. in-12. 

Par M. Adolphe d^Hastrel : Souvenirs de voyages à 
travers la France, l'Espagne, Tltalie, TAlgérie » le 
Sénégal, le cap de Bonne -Espérance, l'Amérique du 
sud et les lies de Sainte-Hélène , Bourbon , Maurice et 
Madagascar, dessinés d'après nature, i'* livraison. — 
Album de l'Ile Bourbon , composé de trente-six étu- 
des, sites, eostumes, etc. , dessinés d'après nature. 
1~ et 2« llv. in-fol. 

Par M, Berthelot: Disertacion sobre la hisioria de la 
Naulica, y de las ciencias matematicas que ban con- 
tribuido à sus progresos entre los Espaâoles. Obra 
postuma del Exe. Sr. D. Martin Pernandez Nav arrête x 
la publica la Real Academia de la historia , etc. Ma- 
drid , 18i6. i vol. in-8. 

Par les auteurs et éditeurs : Nouvelles annales des 
voyages, avril, mai et juin. — Annales maritimes et 
coloniales, juin. — Journal asiatique, mai. ^— Jour- 
nal des missions évangéliqu es, juillet. — Journal d'é- 
ducation populaire , mai. — Bulletin de la Société géo- 
logique , mars , avril. — L'Abolitioniste français, 1'* 
liv. de 18&7. — Boletin de la Sociedad economica de 
Amîgos del pais de Valencia , mai. 

Séance du 20 août 18Â7. 

Par M. Neumann : Zeîtscbrift der Deutschen mor- 
genlândischen Gesellscbaft herausgegeben von den 
Geschâftsrûhrern. Heft ii. Leipzig, 18Â7. Brochure 
in^8. 

Par M. f^^o/^/ ; Bauerkellers Handatlas der allge- 



( ^28 ) 

meinen Erdkunclc » der Lancier 'und Slaatenkunde. 6* 
et 7"liv. in -fol. 

Par la Société géographique de Darmstadt : Beitràge 
zur Lande-Volks • und Staatskunde des Grossherzog- 
ihuius Hessen. 1 cahier in-8. 

Par M, Jd, Delegorgue : Voyage dans l'Afrique aus- 
trale , notamment dans le territoire de Natal, dans 
celui des Cafres Amazoulous et Makatisses et jusqu'au 
tropique du Capricorne » exécuté durant les années 
1838 à 18ii , accompagné de dessins et de cartes , 
avec une introduction par M. Albert-Montémont. Pa- 
ris, 1847. 2 vol. in-8. 

Par M, de La Roquette : Notices historiques sur 
Santa -Gruz, cosmographe espagnol et sur l'amiral 
Saumarez. ( Extrait de la Biographie universelle. ) 

Par les auteurs et éditeurs :^'Abolitioniste français , 
2% 3* et 4" liv. , 1847. — Journal d'éducation popu- 
laire, juin. — Boletin de la Sociedad economica de 
Amigos de] pais de Yalencia, juin. — Recueil de la 
Société polytechnique, juin. — Annales maritimes et 
coloniales, juillet. 



BCLLETIN 



DB LA 



SOCIETE DE GEOGRAPHIE, 



SBPTBMBBE 18A7. 



PREMIERE SECTION^ 



BIÉMOIRES, EXTRAITS, ANALYSES ET RAPPORTS. 



OBSERVATIONS 

SUH LA NOMENCLATURE ET LE CLASSEMENT DBS ILES ET 
ARCHIPELS DE LA MER DE MADAGASCAR. 

(Lues à la Société de géo(<;rapbie, dans sa séance du 5 novembre 1847)» 

Par M. D'AVBZAC. 



Llnde» terre des prodiges et des merveilles, dont 
les riches produits faisaient les délices et l'envie de 
l'Europe, dont les voyageurs avaient popularisé le 
renom par leurs magnifiques récits , et dont les navi* 
gateurs néoJalins cherchaient aventureusement la 
route maritime , par l'Orient et par l'Occident à la 
fois : l'Inde devait naturellement donner son nom à la 
mer où les vaisseaux portugais, après avoir doublé le 
cap de Bonne*Espérance , n'avaient plus qu'à voguer 
en droiture vers ces rivages tant désirés. 

VllI. SEPTEMBRE 1. ^ 



( 130 ) 

Une ligne de quinze cents lieues, tirée du cap des 
Aiguilles à l'extrémité sud de TAustralie, marque Tou- 
verture de ce golfe immense» qui enfonce son large 
front à plus de mille lieues dans les terres avant d'at- 
teindre aucun point de ces plages indiennes qu'il va 
presser de sa double corne sous les noms de mer 
d'Oman et de golfe du Bengale, 

L'antiquité classique avait de mèn^e appelé mer des 
Indes , ou plutôt océan Indien ( Iv^cxbv ircXôyoç ) , cette 
grande mer qui, baign&nt les côtes des deux Indes , 
roulait au loin ses ondes vers le sud à des distances 
inconnues ; mais parmi les opinions diverses qui eu- 
rent cours entre les géographes , aucune certainement 
n'attribuait à cette mer, si vaste qu'on la supposât , 
une étendue comparable à celle que nous venons 
d'indiquer ; et en effet , qu'on la considérât, avec Era- 
tostUènes ou Strabon, comme un immense golfe ouvert 
ainsi qu'elle est en réalité, ou qu'avec Hipparque et 
Ptolémée on en fit une mer intérieure fermée au sud 
par des terres imaginaires, toujours est-il que la lar- 
geur en était subordonnée aux proportions médiocres 
que l'on assignait au prolongement austral de l'A- 
frique. 

Dans tous les cas, alors comme aujourd'hui, l'A- 
frique avait droit à revendiquer pour son domaine 
une partie considérable de cette mer, sur laquelle 
pourtant, pas plus aujourd'hui qu'alors, ce droit d'ac- 
cession qui étend jusqu'au centre de l'océan Indien 
les limites africaines, n'était signalé par aucune 
dénomination quelconque : sorte de représailles que 
rinde fait subir à l'Afrique p en compensation de l'em- 
ploi exclusif du nom africain d'océan Atlantique jus- 
qu'aux rivages mêmes du Nouveau-Monde. 



l 131 ) 

Il fut un temps , U est vrai , oîi précisément ce nowi 
d'océan Atlantique,contournant par le sud une Afrique 
écourtée , fut supposé applicable à la xuer qui venait 
battre de ses flots les côtes méridionales de l'Arabie (1) ; 

m 

mais l'Arabie alors était censée se prolonger au sud 
pour le moins autant que l'Afrique (2) , et celle-ci 
n'avait ainsi encore aucun contact avec l'océan Indien ; 
ne remontons donc pas / dans l'antiquité , plus baut 
que le dernier état des connaissances géographiques 
tel qu'il nous est exposé dans le livre de Ptolémée , 
pour nous rendre compte de ce qu'était la mer des In- 
des chez les anciens , et des subdivisions que l'usage 
y avait tracées suivant les plages où elle étalait ses 
ondes. 

Au centre , depuis l'extrémité orientale de l'Arabie 
jusqu'aux approches de la Taprobane , elle conservait 
son nom d'océan Indique; au-delà, elle s'enfonçait 
dans les terres sous la dénomination de golfe Gange- 
tique ; et tout au bout du monde connu, elle formait 
encore le Grand golfe. Dans l'ouest, autour de l'Ara- 
bie et le long des côtes africaines jusqu'à l'Ile loin- 
taine de Menouthias, elle s'appelait la mer Erythrée 
( c'est-à-dire Rouge ) avec ses deux longs appepdices 
le golfe Persique et le golfe Arabique : sans parler des 
subdivisions secondaires auxquelles s'attachaient les 
noms de golfe Sakhalitc, de golfe Adulique, de golfe 
Avalite , en-deçà du cap des Aromates ; puis dé mer 
d'Hippade (3) , de golfe Barbarique, de mer Péril- 

(i) Strabon, XVI, IV ; Diodobb, III, 38.. 
(HénoDOTE, m, (07.) 

r' 

(33 Peut-être cl'Hippale : KiXayo^ IirnaXov xotXctrat : comme le pro- 



( 132 ) 
leuse (1) , se succédant au-delà du cap des Aromates 
jusqu'au cap Prason ou Vert. De là une ligne tirée vers 
l'est jusqu'aux derniers rivages du Grand golfe (2), en 
passant par la Taprobane (3),. traçait la limite de la 
grande mer Prasode ou Verte , qui s'étendait au sud 
jusqu'à l'immense terre inconnue formant l'imagi- 
naire prolongement oriental de TAfrique vis-à-vis des 
plages de l'Asie. 

Ainsi, l'océan Indique, tel. que se le figuraient les 
anciens y équivalait à peine, dans son ensemble, à la 
moitié septentrionale de ce que nous appelons aujour- 
d'hui mer des Indes ; et dans cette étendue même , la 
limite derrière laquelle la mer Prasode se déroulait au 
fond de Thorizon, était le dernier terme des notions 
réelles. Tout ce qui est au sud de cette limite appar- 
tient donc exclusivement à l'histoire des découvertes 
modernes. 11 en résulte naturellement, dans l'étude 
des mers et des lies de l'Afrique orientale , deux sec- 
tions distinctes : l'une consacrée aux parages connus 
de Tantiquité, et célèbres surtout par ces vieux souve- 
nirs où sont consignés tour à tour les récits merveil- 
leux d'Evhémère , et la fameuse découverte nautique 
d'Hippale, et les périples des anciens nautoniers; 

pose le professeur Nobbe, au lieu de IlAayof 'imvaJoc x«>c?ira<> 
(IV, Tir, 4i.) 

(i) BaO/Mx'ttt 6«Ua99a dans toutes les ëditions de Ptolémée (Vif, m, 
6), sans doute pour Tpax>^ot on pour BpaxtU. Cette dernière le<;on 
est celle de Marcien d*Héraclée, abréviateur du géographe Alexan- 
drin. (Édition de Miller, page 21.) 

(a) Upwfai-ni OaXavfftt... Mt t9ii Mcvov6c«^o$ vy}«ov ^{«rirvct xaTcmocp- 
«l3l>t|lovrf>«f*/*»)» f*«3CP» f »* «»Tixit/i/»»v tÇ M*y«>(p xoXitm. (PTOLBuéB, VII, 

II, I.) 

(3) Ta«poWvy)« v>îaov .^latç... Upaiwlnç xôXwo;. (Ptolémke, Vil, 

IV, 40 



( 133 ) 

Tautre , au contraire » bornée aux parages destitués 
de traditions antiques, et dont l'histoire ne commence 
qu'avec les explorations et les conquêtes de Vasco da 
Gama , avant lesquelles on n'entrevoit que de fausses 
lueurs dans les confuses descriptions des géographes 
arabes. * 

Cette dernière partie de la mer des Indes est préci- 
sément celle dont nous voulons nous occuper exclusi- 
vement ici. Danscelte grande moitié australe de l'océan 
Indien» l'Afrique» l'Inde et l'Australie réclament cha- 
cune leur part , et nous avons à fixer la démarcation 
où doivent s'arrêter les prétentions mutuelles des trois 
continents circonvoisins. Une ligne tirée du nord- 
nord-ouest au sud-sud-est par le point d'intersection 
de l'équateur et du méridien de 60» à l'est de Paris » 
nous semble résoudre toutes les difficultés du pro- 
blème de la manière la plus simple et la plus heup 
reuse ; car elle coupe justement l'équateur à égale dis- 
tance de Magadoschou et du cap de Comorin , et le 
parallèle de 30"* sud » à égale distance du cap das Cor- 
rentes et du cap Leeuwen, laissant d'ailleurs à détermi- 
ner, entre l'Inde et l'Australie» une délimitation dont 
nous n'avons en ce moment aucun besoin de prendre 
souci. 

Les Arabes» chez qui les ouvrages de Ptolémée étaiei^t 
en honneur » et qui calquaient leurs cartes grossières 
sur les siennes» avaient reçu de lui la fausse notion du 
prolongement des parties australes de l'Afrique dans 
une direction parallèle aux rivages de l'Inde; et ils ne se 
firent faute de considérer le tracé conjectural de cette 
côte imaginaire» comme un type immuable auquel ils 
devaient rapporter les connaissances effectives qu'eux- 
mêmes avaient acquises » des terres centrales au-delà 



( 13/1 ; 

du cap Pfdson ; c'est ainsi que le pays des Zenges , 
Sofalah, elles contrées ultérieures, au lieu de se pour- 
suifre au sud , se succédèrent à leurs yeux d'ouest en 
est , ?i8-à-vis de la Perse , de l'Inde et de la Chine , 
et que les lies africaines et asiatiques se trouvèrent res- 
serrées dans celte méditerranée orientale, de manière 
à se toucher et se confondre, si bien qu'il est à peu 
près impossible de se reconnaître au milieu du chaos 
qui en est résulté (1). Des Arabes, cette géographie 
de convention passa aux Européens, et se perpétua 
chez eux jusqu'au moment où l'expédition de 6ama 
eut ouvert la voie aux explorations directes. 

Celles des Portugais eurent bientôt peuplé les mers 
de l'Afrique orientale d'un nombre considérable d'Iles 
et d'archipels : l'hydrographie moderne les a fait con* 
naître , sans doute , avec une exactitude à laquelle ne 
pouvaient atteindre les observateurs et les cosmogra- 
phes du xvi* siècle ; mais il y a lieu de croire que tout , 
dans ces parages, avait été vu et signalé par les naviga- 
teurs portugais avant les reconnaissances qui en ont 
procuré des levés plus rigoureux ; et il est à regretter 
qu'une critique érudite ne se soit point assez appli- 
quée à rapprocher, des travaux plus récents , les 
indications et la nomenclature des premiers décou- 
vreurs. 

Il semble , au contraire , que la négligence des hy- 
drographes et l'incurie des copistes se soient conjurées 
pour effacer, déplacer, ou rendre méconnaissables les 
dénominations que les anciens navigateurs portugais 

(i) Voyez particulièrement Édrisi, édition de la Société de géogra' 
phie y tome I, pages 58 et suivantes , en ce qui concerne les îles de 
Zaledj ; et comparez Reivacd , Relation de voyages dans tînde et à 
la Chine ^ tomel, pages Ixxiv et 17. 



( 435 ) 
avaient imposées à ces lies à mesure qu'ils les rénoon- 
traient sur leur route vers Tlnde : à la corruption , aux 
déplacements , aux fausses applications , à l'oubli des 
noms , il faut ajouter encore les rigueurs intempesti- 
ves de la critique elle-même , qui a éliminé » proscrit 
aveuglément , comme un double emploi erroné , l'at- 
tribution répétée du nom d'un même navigateur à 
diverses lies par lui successivement découvertes. 

Une telle confusion est advenue dans la nomencla- 
ture historique de toutes ces lies , que ce serait aujour- 
d'hui un travail pénible et difficile que de rétablir 
complètement , sous leur forme correcte, & leur place 
etacte , en donnant la date et le motif précis de leur 
application, tant de noms défigurés, méconnus, dont 
l'origine est oubliée ; un élément essentiel pour accom- 
plir une pareille tâche nous manque d'ailleurs encore : 
nous ne savons pas assez l'histoire détaillée des expé- 
ditions » des voyages, des découvertes des navigateurs 
et des pilotes portugais du xvi* siècle , pour faire , à 
l'égard de chaque lie, des vérifications suffisantes; 
mais il y a lieu d'espérer que les érudits portugais 
dont le zèle s'applique depuis quelques années à exhu- 
mer delà poussière de leurs archives les pièces justi- 
ficatives de leur ancienne gloire maritime, rempliront 
eux-mêmes ou nous fourniront les moyens de remplir 
cette déplorable lacune. Dans l'état actuel des choses, 
quelques rectifications clairsemées sont tout ce que 
nous pouvons entreprendre , et nous nous bornerons 
à les indiquer. 

En partant du cap Delgado pour aller à l'est» on 
rencontre d'abord , sur les cartes modernes , une lie 
appelée Aldabra ; sur les cartes du xvii* siècle ce nom 
est écrit ^/6m//*a , et sur la grande mappemonde de 



( 1*« ) 

Cabot (1) Àlhadara : évidemment c'est le nom arabe 
Al'khahdrâ^ ou la Verte, appartenant à Tlle connue 
valgairement sous celui de Penba » qui » par une mé- 
prise facile à s'expliquer dans la lecture d'une carte à 
petit point , a été attribué à une lie voisine ; il y a donc 
ici corruption et déplacement d'une dénomination 
certaine : il faut désormais écrire correctement Al^ 
khadhrâ et restituer ce nom à Penba. 

Quant à la petite lie à laquelle ce nom avait été 
transporté à l'étourdie » quel est celui qui lui appar- 
tient en réalité ? Diverses cartes du xvii* siècle disent 
Adamo , celles d'Ortelius ajoutent alùs 1. darea , et la 
carte espagnole de Diego Ribero» de 1529 (2), confirme 
cette dernière leçon en écrivant /• de Arena ; d'autres 
portent /. darco , et un bel atlas portugais de 
16i6 (3) écrit /. do Arquo : il semble qu'il y ait là en 
présence deux dénominations distinctes, qu'il faut 
restituer en Ilha da Arêa ou lie du Sable , et Ilha do 
Arco ou lie de l'Arc ; nous sommes disposé à croire 
que ce dernier nom , qui parait faire allusion à la 

(i) Ce curieux monument de la géographie du xvi* siècle, grave en 
1544) ^^^ ^^^ rare; il en exisie un bel exemplaire au département des 
cartes de la Bibliothèque royale , acquis en Bavière par les soins de 
M, Jomard et les bons offices du D' Martius. 

(3) Gonservëe à Weimar, et dont un fac-similé, en ce qui concerne 
l'Afrique, fait pour M, de Humboldt, a été reproduit dans le bel Atlas 
du vicomte de Santarem. 

(3) Cet atlas manuscrit est en la possession de M. de Santarem, qui 
Fattribue au cosmographe portugais Joâo Freirc ; le savant possesseur 
a communiqué à la Société de géographie quelques fragments d'une 
notice qu*il a entrepris d*en donner , et qui sans doute nous eût dis- 
pensé des discussions critiques que nous insérons ici , s'il eut lui- 
même abordé ces questions de nomenclature , que nous prenons la 
liberté de recommander à son attention. 



{ 137 ) 
forme de File qu*il désigne , doit s'appliquer à la petite 
île semi-circulaire appelée l'Assomption sur les cartes 
modernes» et que le premier appartient à Ttle ou plu- 
tôt au petit groupe de trois lies contiguës auprès du- 
quel est insent le nom ridicule d*Aldabra ; ce petit 
groupe , formé en grande partie , sinon en totalité » de 
sable blanc» mérite tout-à-fait qu'on lui applique la 
dénomination d'Ilhas da At^a. 

Plus k l'est est le groupe des lies qu'on appelle com- 
munément aujourd'hui Amirantes » et qu'on devrait 
nommer plus exactement lies de l'Amiral» en portugais 
Ilhas do Almirante ; c'est en 1502 , à son second , 
voyage dans l'Inde avec le titre d'amiral » que Vasco 
da Gama» dans sa traversée de.Mélindo à Gananor» fit 
la rencontre de ces lies » ainsi que Galvam l'a consi- 
gné dans son Histoire des Découvertes ; le cosmogra- 
phe impérial Ribero l'a également indiqué dans ses 
cartes » en se bornant à écrire le prénom Vasco ; mais 
Cabot» en copiant cette légende» commit la méprise 
d'ajouter le nom da Cugna au lieu de celui da Gama^ 
et l'erreur n'a pas manqué d'être répétée par les car- 
tographes ultérieurs. 

En continuant d'avancer à l'est» nous trouvons sur 
les cartes anciennes deux groupes successifs avec les 
noms de Mascarenhas et de Sete Irmâxis ; mais au mi- 
lieu du XVIII* siècle le nom de Séchelles i:/emplaça celui 
de Mascarenhas (1), et les Sete Irmâas continuèrent 
de figurer au voisinage; aujourd'hui ces dernières 
lies ont» avec juste raison, disparu tout-à-fait de nos 
cartes» où elles faisaient double emploi : un peu d'at- 

(i) En 175G, à la suite d*une prise de possession, au nom delà 
France, par le capitaine Morphey, commandant la frëgate te Cerf^ 
d'ordre du (jouyemear de l'île de Fi anre, Magon. 



(188) 

tention eût dès longtemps fait reconnaître que les Iles 
de Mascarenhas répondaient seulement au groupe sud- 
ouest des Séchelles, c*est-à-dire aux lies Nord, Sil- 
houette et Mahé , tandis que les Sete Innâas ou les 
Sept Sœurs étaient représentées par le groupe nord- 
est, c'est-à-dire par Tlle Praslin et ses voisines; l'Ile 
aux Récifs tient précisément , au sud de Praslin , la 
place donnée sur les anciennes cartes à XAbroïho ou 
écueil au sud des Sete Irmâas. 

Le nom de Mascarenhas se reproduisait, comme 
chacun sait , sur un point assez éloigné , et désignait 
rtle qu'on appelle aujourd'hui Bourbon : il provenait , 
là comme ici , du célèbre Pero ou Pierre de Masca- 
renhas ^ l'un des compagnons de Vasco da Gama. 

Le nom également célèbre du galicien Juan de 
Nova figurait pareillement à deux places distinctes , à 
l'ouest et au nord-est de Madagascar ; en ce dernier 
point, il a donné lieu aune confusion que nous devons 
signaler. On s'accorde à reconnaître que ce navigateur 
découvrit en 1501 la petite lie appelée aujourd'hui 
a Galega ou la Galicienne , par allusion à la nationa- 
lité du découvreur; cependant le nom même de Juan 
de Nova est appliqué à un massif de douze petites lies 
situées plus à l'ouest, et qui sur les cartes anciennes 
était appelé As doze ilhas ; et plus à l'ouest encore, au 
sud de l'Ile de Gosmo Ledo, est la petite lie à laquelle 
on donne le nom corrompu à'Astoue : sans rappeler 
ici tQus les doubles emplois et les déplacements de 
noms dont ces lies ont été l'objet, il nous semble 
constant que la Galega est, entre les trois , la seule et 
véritable lie de Juan de Nêifa , et que ce nom a été 
transporté par erreur sur As doze ilhas , pendant que 
cette dernière désignation aurait été transportée à 



( 139 ) 
son tour, mais tronquée et corrompue , sur l'Ile voi- 
«ne , Astove. 

Cosmo Ledo, que nous Tenons de mentionDer, paratl 
conseirer le nom d'un navigateur portugais. Peut-être 
en faut-il dire autant à'O Cinie{aora d'une Famille por- 
tugaise connue ) , auquel les Hollandais ont préférA 
celui de Mauritius , les Français celui d'tle de France, 
et qui lui-même avait remplacé jadis le nom primitif 
de Santa Apollonia inscrit sur la mappemonde de U- 
bero. L'Ile Toiûne , qu'on appelle aujourd'hui Rodri- 
gue ( plus exactement Diogo Rodrigues , et sous la 
forme abrév iatire , Diogo Roy s) porte sur cette même 
carte le nom de Domingoa Feraandes , remplacé dans 
celles d'Ortelius et de Hercator , par la forme barbare 
Don Galopes , sous laquelle semble masqué Biago 
Lopes de Sequeira, l'un des premiers gouTemeurs de 
l'Inde portugaise. 

Pour en 6nir avec les noms propres d'hommes , 
nous n'avons plus S rappeler que celui de Pero ( on 
lierre) dos Banhos , mal à propos corrompu en Peros 
Sankos , et qui désigne deux basses , l'une an voisi- 
nage immédiat des lies de l'Almirante, l'autre près 
du petit archipel dasChagas, en dehors de nos limites, 
près des Maldives; et celui de Rotjue Pires (Roch fils 
de Pierre] , transformé en Roquepii par ceux qui ne 
savaient pas lire les abréviations usuelles de l'écH- 
turcdu temps, ce qui a prodoit aussi la transforma 
tion en Antongil du nom A'Ahtâo Gonçalvea appliqu< 
& une baie bien connue de Madagascar. 

Enfin nous terminerons Cette fastidieuse récapitula 
tion des bévues onomastiqnes des cartographes, en rea 
tltuant sa dènomihatiod Véritable aU ghind banc qii< 
l'on appelle aujourd'hui ndiciilemerit Cat-gados-Gam 



(140) 

yojr, et quelquefois plus ridiculement encore» simple<- 
ment Cargados. Les cartes du xvii** siècle écrivaient 
Corgadbs^Garajos ^ et on lit sur celle de Cabot publiée 
en ihhkt ^ corda dos Gariocos^ pendant qu'un bel 
atlas portugais anonyme , qui date de 1645, porte B. 
( c'est-à-dire Baixo) do Graiao ; le grajào ou garajào 
est un oiseau de mer très commun dans ces parages » 
et le banc sur lequel il pullule a dû être appelé natu- 
rellement Baixo ( c'est-à-dire Basse ) ou Corôa ( c'est- 
à-dire Banc de Sable) do Garajao ou dos Garajaos. Au 
nord de ce banc en est un autre qu'on est tout surpris 
de trouver exactement nommé Saia de malha ou Cotte 
de maille* 

Il nous reste à indiquer le classement le plus natu- 
rel de tous ces groupes insulaires. Au premier aspect 
des cartes du xvi' siècle aussi bien que des Neptunes 
les plus nouveaux, l'œil est frappé » avant tout, de la 
prédominance de Madagascar au milieu d'une foule 
de petites lies qui ne figurent à son égard que comme 
d'humbles satellites ; l'usage en a même réuni le plus 
grand nombre sous l'appellation commune à* Archipel 
Nord-Est de Madagascar^ ne laissant à mentionner que 
les ile9 du Nord-Ouest pour compléter un recensement 
général. Il y aurait donc toute raison à désigner par 
le nom de mer de Madagascar l'ensemble de ce do- 
maine maritime ; et il est naturel de faire de la grande 
lie de Madagascar, avec les Ilots qui lui sont immé- 
diatement contigus , la première subdivision de notre 
cadre. 

L'archipel , ou plutôt l'ensemble des archipels et 
des lies au nord-est de Madagascar, forme une seconde 
subdivision, non moins bien déterminée par les dé- 
couvreurs portugais que par nos explorateurs moder- 



( 141 ) 

nés : au temps des premiers » elles étaient toutes uni- 
formément désertes; elles sont toutes aujourd'hui 
considérées comme des colonies ou des possessions 
européennes. La France, jadis, en disposait seule; 
réduite maintenant à l'Ile unique de Bourbon , elle a 
laissé tout le reste aux Anglais maîtres de Maurice. 

Enfin les lies du Nord-Ouest constituent la troisième 
et dernière subdivision , très bien déterminée aussi , 
dans l'histoire des expéditions portugaises tout comme 
de nos jours , étant alors directement au pouvoir des 
Arabes, et conservant aujourd'hui une population 
indigène où l'élément arabe s'est infiltré dans une pro«> 
portion notable. 

Ainsi, des considérations d'origine et de nationalité 
concourent avec les motifs de grandeur et de situation 
relative pour recommander la classification tripartite 
que nous venons d'exposer, et qui, dans cet ensemble 
des lies africaines de la mer des Indes australe , dé- 
signe successivement à notre étude Madagascar, les 
Colonies européennes, et les lies Arabes. 



c m ) 

FRAGMENTS 

DUNE NOTliCE SUfe UN ATLAS MANUSCRIT 

m hfL BIBUOT^fiQUE WALGKENAER (i). 

riXAtlON DBS DATBS Dtt DIVB&SES PAATIIS DONT IL SB COMPOSB; 

Par M. D'AVEZAC. 



I. Introduction* 

Nous voulons parler ici d'un monument géograplu- 
que faisant partie de la riche collection de M. le baron 
Walckenaer : sous quelque dénomination qu'il ait pu 
être déjà mentionné dans divers écrits , nous croyons 
préférable de le désigner simplement par le nom de 
son possesseur actuel , ce qui ne préjuge rien à l'égard 
des précédents propriétaires , du lieu d'origine , de la 
date de rédaction , etc. , toutes questions qui deman- 
dent examen. 

C'est un atlas petit in-folio , de 30 centimètres de 
haut sur 23 centimètres de large , couvert d'un léger 
cartonnage moderne, avec des gardes en fort papier. 

(i) Cette notice est en portefeuille depuis longues années; les frag- 
ments communiqués à la Société de géographie, dans ses séances 
des 19 mars et 5 novembre derniers, étaient beaucoup plus éten- 
dus , et se trouvaient précédés d'un coup-d*oeil synthétique sur 
l'ensemble des monuments écrits ou dessinés de la géographie du 
moyen-âge, avec leur classification générale en huit séries parallèles, 
suivant un plan de publication qui nous occupe depuis long- 
temps. Nous avons pensé devoir élaguer ici, non seulement ces pro- 
légomènes généraux , mais même une bonne partie des développe- 
ments spéciaux dans lesquels nous étions entré pour l'explication 
de la table lunaire formant la page i de l'atlas Walck«naerien qui 
fait l'objet de cette notice. 



( 143 ) 

Il se compose de quatorze feuillets, dont le premier et 
le dernier sont en simple parchemin « et les douze 
autres en beau irélin : ceux-ci oflrent , en réalité , six 
feuilles entières pliées chacune séparément par le 
milieu, juxtaposées dans un ordre successif, et non 
superposées en un seul cahier; tandis que le premier 
et le dernier feuillet , qui probablement sont aussi les 
deux moitiés d'une même feuille, sont aujourd'hui 
indépendants Tun de l'autre. 

Tous ces feuillets sont collés ensemble deux à deux, 
de manière à ne présenter en totalité que quatorze 
pages , dont la dixième et la quatorzième sont restées 
blanches. Dès le premier aspect , l'œil le moins exercé 
peut y reconnaître trois parties de factures diffé • 
rentes : la plus considérable comprend la série des 
pages 2 à 9 ; la seconde dans l'ordre d'importance est 
formée des pages 11 à 13 ; et la dernière consiste uni- 
quement dans la page 1. 

Ce volume fut acheté à Londres, en 1790 , par M. le 
baron Walckeûaer, moyennant cinq guinées ; il lui fut 
vendu par les frères Edwards, libraires bien connus 
dans le quartier de Piccadilly, où leur petite boutique, 
exclusivement remplie de raretés bibliographiques et 
de manuscrits curieux , était fréquentée par les hom« 
mes les plus distingués , par les plus riches amateurs. 
Us déclarèrent au savant acquéreur que ce petit atlas 
provenait de la célèbre bibliothèque Pinelli, et qu'une 
notice manuscrite de douze pages, en langue italienne, 
dont le volume était accompagné , et qu'ils lui ven- 
dirent en même temps, était de la main du docte Tira* 
boschi. 

La haute réputation de probité des frères Edwards 
ne permettait point de suspecter leur sincérité, leur 



( 144 ) 

bonne foi, dans cette double déclaration. Mais il y avait 
certainement de leur part erreur complète sur le se- 
cond point, et au moins équivoque » sinon erreur 
aussi 9 sur le premier. 

Quant à la notice, en effet » l'écriture en est radica- 
lement différente de celle d'une lettre autographe de 
Tiraboschi avec laquelle nous l'avons confrontée : au- 
cune comparaison n'est possible entre l'une et l'autre. 

Pour ce qui est du nom de Pinelli » un éclaircisse- 
ment est nécessaire. On sait que la magnifique biblio- 
ihèque rassemblée de père en fils par les Pinelli de 
Venise fut, à la mort de Maffeo Pinelli en 1785^ 
achetée par des libraires anglais, et transportée à Lon- 
dres» où elle fut vendue publiquement, du 2 mars au 
2 juin 1789. Le catalogue de cette riche bibliothèque 
avait été rédigé par le savant abbé Jacques Morelli , et 
publié en 1787 à Venise, en 6 volumes in- 8*, puis 
réimprimé en 1789 à Londres , sous une forme abré- 
gée et compacte, en un seul volume grand in-8% pour 
servu* de guide aux acheteurs. On y remarque , sous 
les numéros A90Ô à i908 , l'indication de plusieurs 
portulans analogues à celui qui nous occupe ; mais on 
n'y voit point figurer celui-ci. 

Comment donc admettre qu'il appartient à la même 
collection? Supposera-t-on qu'il avait échappé d'a- 
bord à la vérification de Morelli , et que le savant 
bibliographe l'ayant retrouvé seulement après la con- 
fection de son catalogue , se serait alors borné à le 
réunir à la masse des livres inventoriés , en y joignant 
la notice manuscrite dont nous avons parlé ? Cette 
idée nous est venue à nous -même, et nous en avons 
cherché la confirmation dans l'examen comparatif de 
l'écriture de ces douze pages avec celle de diverses 



( 1A5 ) 

lettres autographes de Horelii , dont nous devons la 
communication à la gracieuse obligeance de M. Bois- 
sonnade. Au premier coup d œil, une ressemblance gé- 
nérale des deux écritures semblait permettre de les 
attribuer à la même main » en tenant compte d'une 
distance de vingt années entre leurs dates respeclives; 
mais une vérification plus attentive et plus scrupuleuse 
nous a donné lieu de remarquer, dans la forme de 
certaines lettres, des différences essentielles, qui ont 
dû nous faire renoncer à cette pensée. 

Au surplus , la déclaration des frères Edwards pour- 
rait être rapportée à une autre bibliothèque Pinelli, 
non moins précieuse , non moins célèbre que celle de 
Venise ; nous voulons parler de celle qui avait été for- 
mée à Padoue, à la fin du xvi* siècle, par Jean-Vincent 
Pinelli , et qui fut dispersée après sa mort, entre Ve- 
nise , Naples et Milan. Mais il serait bien difficile , si- 
non impossible , de parvenir aujourd'hui à constater 
une telle origine, et nous sommes forcés de rester à 
cet égard dans l'incertitude. 

Peut-être pourrait-on tirer quelque lumière d'une 
notion précise de l'auteur à qui est due la notice ano- 
nyme jointe à l'atlas. La vue de son écriture suffirait 
probablement à quelque Italien amateur d'autogra- 
phes pour le reconnaître avec assurance parmi les cé- 
lébrités littéraires de la fin du siècle dernier; et nous 
ne désespérons pas d'obtenir par cette voie une indi- 
cation certaine; mais jusque là nous devons observer 
une prudente réserve. 

Quoi qu'il en soit, le devoir de faire connaître les 
résultats d'un examen qui a précédé le nôtre , et dont 
nous avons pu profiter, nous détermine à insérer ici 
une traduction littérale de cette note inédite ( en ce 

Vni. SBPTXIiBR£. 2. 10 



(146) 

qui concerne les points que nous examinons dans ces 
fragments). 

« Ces cartes paraissent fort anciennes , et sont con- 
» struites avec beaucoup d'exactitude; elles méritent 
xî cependant d*ètre examinées avec soin , et qu'on en 
)> relève le prix en signalant quelques unes des particu- 
le larités qui les rendent justement précieuses. 

» I. Elles sont toutes hydrographiques , si Ton en 
» excepte la première , laquelle n'est autre chose 
» qu'une table numérique offrant probablement quel- 
>i que règle relative à la navigation , ou aux variations 
» de la lune , comme le font soupçonner quelques 
x> mots interrompus encore apercevables , bien que 
» cette carte soit d'ailleurs fort maltraitée par les in- 
» Jures du temps et des insectes. Les mots dont il s'a- 
rr git se voient à droite du tableau , en haut. Celle-ci 
)y est ])lus gâtée , et plus endommagée que toutes les 
» autres, qui, à vrai dire, n'ont réellement que très 
» peu ou presque point souffert. 

» II. Cette première carte n'occupe qu'une page ou 
» demi-feuille. La seconde , qui est la première des 
» cartes hydrographiques, est divisée en deux portions 
)> égales formant chacune une page du volume. Nous 
» donnerons quelque idée de toutes deux et d'abord 
ïhà^ la première. 

i> Elle présente , inscrit autour de la marge , un cy- 
» cle commençant à l'année 138& et se continuant jus- 
)) qu'en l&ll ; ce qui pourrait peut-être donner lieu 
)» de penser que ces cartes ont été faites vers l'année 
>xl38i» suivant l'usage ordinaire de ne s'occuper, 
D dans le développement des cycles, que des années à 
» venir : à moins que quelqu'un ne prétendit que ce 
» cycle est plutôt un recueil d'expériences et d'obser- 
» valions f)Our des années déjà écoulées ; auquel cas il 



( 147) 
!>- en faudrait rapporter la construction à i'antiée 1 AU, 
» et peut-être même plus tard. Les années bissextiles 
» sont distinguées par le signe B en encre rouge. Il faut 
1» observer ensuite que sous la première année de ce 
» cycle, c'est-à-dire sous l'année 138i, est placée l'an- 
)) liée 143A, ce qui se continue jusqu'en 1387 qui à , 
» en dessous, 1437, d'une encre, et, à ce qu'il me 
)» semble même, d'une écriture un peu différente. 

» On voit ensuite trois mains , dont la première , 
» entièrement ouverte , donne quelques règles pour la 
» Pâque; les deux autres offrent probablement quel- 
)) que règle pour la navigation. Sur les phalanges sont 
y> des chiffres romains; et en outre, sur la première 
» et sur la troisième main , le millésime 138& , qui 
» est la première année du cycle. Sur la première et 
» la seconde se trouve aussi le millésime 1A3A ; mnis 
» on doit observer que celui de 138A est toujours du 
» caractère plus ancien dans lequel la carte a été pri- 
y> mitivement écrite , et celui de li3A du même carac- 
y) tère et de la même encre que les additions mention- 
» nées ci-dessus. 

» Sous ces mains se trouve une table de tous les 
» mois, pour chacun desquels est notée quelque par*- 
» ticularité , entre autres une maladie spéciale , celle 
» peut-être qui dominait en ce mois d'après les idées 
» de l'auteur. En voici un exemple pour plus de claiié : 



Mars 
Avril 



ainsi nommé 
ainsi nommé 



y te soleil dans le bélier 

I 
I Le soleil dans le taureau 



frappe sur la lé le, 
frappe sur le cou. 



il a 5\ jours, 
il a iO jours. 



)) Au mois de mai est encore indiqué le soleil dans le 
» Taureau; et le dernier mois de la table , qui est fé- 
» vrier, est ainsi marqué : 



Févrierlainêi nommé 



yi 



Le soleil dans le verseau 
les poissons 



frappe sur les pieds 



il a2»jows. 



(148) 

» Le peu de connaissances que montre l'auteur 
» quant aux contrées septentrionales de l'Europe, in- 
x> dique peut-être que ces cartes furent construites 
2> ayant la relation des voyages des deux Zeni. Et Ton 
» voit néanmoins que l'auteur était Vénitien , puisque 
» toutes sont écrites en ce dialecte. » 

» Les deux dernières cartes sont écrites d'un carac- 
)) tère plus grand et plus lourd que les précédentes. Je 
)) soupçonne qu'elles ne sont point l'œuvre de celui qui 
» a fait la seconde » la troisième , la quatrième et la 
» cinquième; et la première semble aussi n'être l'ou- 
» vrage ni de celui qui a exécuté ces deux dernières , 
» ni de l'auteur des quatre autres.. .. En outre» le rouge 
» avec lequel sont écrits quelques noms, est différent, 
Vi et n'est pas aussi vif dans ces deux dernières qu'il l'est 
» dans les autres; dans la dernière même , le noir est 
)> différent. 

» Quant aux quatre premières hydrographiques, je 
» les crois rédigées avant la fin du xiv* siècle , et cela 
x) pour diverses raisons. Premièrement , l'écriture 
» semble absolument de ce temps , et l'on n'y trouve 
» pas d^ abréviations ; secondement , le peu de préci- 
x> sion du tracé des parties septentrionales de l'Europe 
D nous fait croire qu'elles ont été faites avant que l'on 
» eût vu les relations des Zeni ; en troisième lieu , ce 
» cycle que nous avons déjà observé sur la première 
» carte, et qui commence à l'année 138A et finit avec 
» l'année lAll , nous porte naturellement à le croire 
» composé vers 138A ; et les trois cartes suivantes sont 
» écrites absolument avec le même caractère que celle 
)) qui contient le susdit cycle. 



(iA9) 
On voit que l'auteur de cette Notice avait examiné 
avec autant d'intérêt que de soin le petit atlas au« 
jourd*hui possédé par M. Walckenaer ; qu'il en avait 
bien distingué la triple origine sous le point de vue 
graphique ; qu'il avait reconnu dans la nomencla- 
ture les formes du dialecte vénitien ; et qu'il estimait 
la date des quatre cartes principales voisine de 
138A. Ce sont des données générales, à l'égard des- 
quelles il a tout l'honneur de la priorité. Elles ont 
été admises par M. Walckenaer dans la plupart des 
citations qu'il a faites de ce monument géographi* 
que f et divers érudits , tels que Angelo Pezzana , 
Malte-Brun , Zurla , Andrès , Baldelli , Humboldt , les 
ont répétées plus ou moins exactement après lui ; 
une seule fois le savant académicien a indiqué d'une 
manière plus vague la date de son portulan^ en di- 
sant que y d'après le calendrier dont il est accompa- 
gné 9 il peut remonter jusqu'en 138& ou descendre 
jusqu'en lA3i; et M. de Humboldt a reproduit cette 
assertion, de même que M. de Santarem. On a pu 
voir que cette indécision s'était déjà montrée dans les 
observations de l'auteur de la Notice. 

Maisledocteltalien n'en avaitlaissé percer aucune sur 
la question de l'origine vénitienne du portulan, dont la 
nomenclature appartient en entier, d'après sa déclara- 
tion formelle, au dialecte spécial de Venise. Cependant 
BaldelK, qui, par inadvertance, en citant inexactement 
M. Walckenaer, attribue à un Castillan la carte de 138A 
dont nous parlons ; Baldelli, dans sa dissertation sur 
le portulan Hédicéen de 1351, fait, sur l'origine de 
celuf-ciy une série de remarques, toutes applicables 
au portulan Walckenaerien : a De nombreux indices, » 
dit - il , « doivent faire reconnaître ce porlolan 



(m) 

» pour l'œuvre d'un Génois. Il n'est pas présumable 
» qu'un Vénitien , un Catalan , émules des Ligurien^ , 
» eussent pris soin de peindre sur les Canaries la ban- 
» nière des Génois » pour rappeler que ceux-ci en 
» avaient été les découvreurs depuis la renaissance 
D des lumières en Europe. On reconnaît l'œuvre d'un 
» Génois en lisant Cai^o di Non , par exemple , et non 
» Cabo di Non comme aurait écrit un Vénitien , ou 
)) Capo di Non comme un Pisan. Une des lies Cana- 
» ries est appelée sur la carte Isola de* f^egi Marin , 
» comme s'écrit en génois le nom d'un genre d'am- 
» phibies que nous appelons » nous autres Italiens » 
» vùcchi marini. » M. Walckenaer a pris note de cette 
opinion sur les gardes de son atlas , où on lit de sa 
main : « Selon la remarque de Baldelli dans ses 
» Viaggi di Marco Polo , tome I , p. clv » cette carte est 
» génoise 9 puisqu'on y trouve Ca{>o de Enbueder , au 
» lieu de Caho qui serait Vénitien » et de Capo qui se- 
» rait du dialecte pisan. » 

Quoi qu'il en soit , les motifs sur lesquels Baldelli 
appuie son opinion n'ont point un fondement solide : 
indépendamment de l'affirmation si précise de l'au- 
teur de la Notice , il suffit d'étudier les portulans de 
Grazioso Benincasa , natif d'Ancône et établi à Venise» 
pour reconnaître que plusieurs des indices relevés 
comme des signes caractéristiques d'une origine gé- 
noise se retrouvent dans les productions de l'école vé- 
nitienne : ainsi l'écu de Gênes est marqué sur Lan- 
cerotte dans les cartes de Benincasa ( et même dans 
les cartes catalanes ) aussi bien que dans le portulan 
Médicéen ; Benincasa emploie de même la prétendue 
forme génoise Cavo; et enfin le nom de l'Ile des f^e^i 
Mariai ^^X. si peu caractéristique d'une facture génoise» 



\ 



Table lunaire ^ formant la p 
Zenohad.31 







2 


£ 




Dj 




2 


m 




liore 


a 


19 


8 




ponti. 




676 


• • • 








2. 


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6 


513 


97*. 


1 






1. 


9 






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23 


13 








570 


774 


4 






28 


27 




1473 


B 


23 


12 








570 


273 


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16 




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21 








260 


78 


7 






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6 






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17 


5 








360 


934 


7 






26 


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880 


694 


• • * 



( »5l ) 

qu'on trouve cette lie appelée de ce même nom dans la 
carte catalane de 1375. Il ne reste donc rien des argu- 
ments avancés par Baldelli comme exclusifs d'une 
origine vénitienne , et la question nous arrive encore 
dans toute son intégrité. 

Passons à l'examen successif des diverses parties de 
notre atlas, en les prenant dans l'ordre même où elles 
se présentent à nous : d'abord la table numérique con- 
signée sur la première page , et qui n'a aucune liaison 
avec le reste de l'atlas ; puis les cartes hydrographi- 
ques, consacrées d'une part à un portulan général 
d'Europe et d'Afrique , de l'autre à des portulans spé- 
ciaux du golfe Adriatique et de l'archipel , et formant, 
ainsi que nous l'avons dit , deux groupes bien dis- 
tincts, mais qui ont néanmoins entre eux, tant à caus^ 
du sujet qu'à raison de certaines circonstances maté- 
rielles , des rapports dont il est indispensable de tenir 
compte. 

II. Calendrier lunaire formant la première page 

de V Atlas (1). 

Gomme l'aremarquél'auteur delaNotice, lepremier 
morceau est en fort mauvais état , et c'est bien, comme 
il le (}it , un tableau de chiffres , en marge duquel se 
trouvent , vers le haut, à droite , les mots interrompus 
qui l'avaient induit à soupçonner qu'il s'agissait ici de 
quelque règle pour les phases de la lune. On peut i^n 
effet entrevoir qu'il existait en cet endroit quatre lignes 
d'écriture , lesquelles n'offrent plus aujourd'hui de li- 
sible que le mot luna , mais qui laissent cependant de- 
viner que la première ligne entière devait se lire Re- 

(i) Voir le tableau ri>joint. 



( 162 ) 

gola de la Inna. Le tableau lui-même est formé de 
petites cases disposées en dix-neuf rangées horizon- 
tales sur douze colonnes verticales : les rangées hori- 
zontales sont respectivement désignées par les dix- 
neuf premières lettres de Talphabet, A. B. G. D. E. 
F. G. H. I. K. L. M. N. 0. P. Q. R. S. T.; les colonnes 
verticales portent successivement en tête les douze 
lettres Z. F. M. A. M. Z. L. A. S. 0. N. D. ; il est aisé 
de reconnaître dans celles-ci les initiales des noms 
des douze mois dans quelqu'un des dialectes italiens : 

Zener Avril Luyo Otubre 

Fevrer Mazo Avosto Novembre 

Harzo Zugno Setembre Dezembre. 

Dans la marge au - dessus on parvient à lire , sur le 
premier mois, Zen*o ha d. 31 {Zenero ha dj 31, janvier 
a 31 jours) ; et ainsi averti que le nombre des jours du 
mois devait se trouver indiqué sur chacun d'eux, on 
vient à bout d'apercevoir, par places , quelques restes 
de cette indication. 

Ghaque rangée horizontale contient donc douze 
cases corrélatives aux douze mois de Tannée, et répond 
ainsi à une année entière; la série alphabétique des 
dix-neuf lettres affectées à ces rangées marque donc 
une période de dix-neuf années successives : et ce nom- 
bre de dix-neuf ans suffit à lui seul pour nous assurer 
que nous avons sous les yeux un calendrier lunaire 
perpétuel, puisque c'est précisément la durée du cycle 
dans lequel la lune est censée accomplir son retour à 
la même position relative à Tégard du soleil. Trois 
nombres sont inscrits dans cliaque case , et une indica- 
tion marginale, à gauche de la première rangée , nous 
apprend que ces trois nombres sont respectivement 



(15S) 

des dj. des hore , et des poniî : nous aYons donc pour 
chaque mois, dans toute la série des dix -neuf années 
du cycle, le jour, l'heure et le point d'un phénomène 
lunaire qu'on doit naturellement supposer à priori 
être celui des néoménies : la coupure de certaines 
cases en deux pour l'intercalation des sept lunaisons 
embolismiques ne permet pas de conserver le moindre 
doute à cet égard. 

Une foule de questions se présentent à résoudre ; 
les unes indépendantes et isolées, les autres mutuelle* 
ment connexes , compliquées les unes et les autres par 
les incertitudes inséparables d'un texte que les rava- 
ges du temps et des insectes ont mutilé, où l'impé- 
ritie du copiste et celle même du calculateur ont 
d'ailleurs multiplié les erreurs de chiffres. La valeur 
du point horaire ; la détermination du comput ecclé- 
siastique ou astronomique , vrai ou moyen, auquel se 
rapportent les néoménies ; la distinction des années 
communes et des bissextiles ; la place assignée aux lu- 
naisons embolismiques; le numéro d'ordre de chaque 
année du cycle ; la spécialisation chronologique de ce 
cycle; la date précise, enfin, à laquelle se rapporte 
tout le calendrier; voilà ce qu'il nous faut successive* 
ment chercher. 

Le rapprochement de quelques résultats identiques 
obtenus par places suffit pour donner la clef delà com- 
position du tableau , en démontrant qu'il s'agit des 
néoménies moyennes, et que l'intervalle constant, 
partout où il n'y a pas erreur de chiffres , est bien 
celui de 29 jours 12 heures et 793 points, si connu 
des computistes, ce qui nous assure immédiatement 



( 16A ) 

de )a valeur du point, à raison d*un total de 1080 
points pour une heure : ces points sont donc précisé- 
ment, sans incertitude possible, les hhelaqym des 
computistes hébreux, et il y a erreur certaine de co- 
piste partout où le nombre écrit dépasse lOSO. 

En refaisant , sur ces données , tous les calculs du 
jiableau qui nous occupe ^ nous avons pu nous rendre 
un compte facile des erreurs dont il est entaché. Le 
plus grand nombre de ces erreurs tient à des inadver- 
tances d'écriture, soit qu'il y ait confusion entre cer- 
tains chiffres, soit qu'il y ait transposition d'une case 
à une autre ; quelques fautes tiennent au calcul même 

, i • • • 

et influent sur toute une série de résultats ultérieurs : 
fl y a surtout dans l'année F, et, autant que les mutila- 
tions permettent d'en juger, dans le mois d'août, une 
erreur considérable de ce genre ; la même circon- 
stance se reproduit, dans des proportions un peu 
moindres, à la fin de l'année K, ou dans le passage 
de Tannée R à l'année L. 

11 est digne de remarque , à ce propos , que les er- 
reurs ainsi renfermées entre août de l'année F et jan- 
vier de l'année L sont placées de telle manière et se 
combinent si bien avec certaines conditions du com- 
put , que l'anticipation ou proégëse résultant de la dif- 
férence de longueur entre le cycle lunaire et les dix- 
neuf années solaires correspondantes (1) se trouve com- 
plètement effacée à la fin du tableau, et que le calcul 
amène, après la néoménie de décembre de l'année T , 
précisément la néoménie de janvier de Tannée A, comme 

(i) G'est-à'dire le déficit de 7 heures 485 pointa sur les 69^0 jours 
de l'ennéadécaétéride à cinq bissextiles, ou l'excès de i6 heures 
595 points sur les 6989 jours de l'ennéadécaétéride à quatre bis- 
sextiles. 



( 155 ) 

si celte année A dcTail soiTre immédiatement FannéeT 
an lieu de la précéder de presque tout an cyde. Un tel 
arrangement ne peut être l'effet du hasard ; il proTO* 
que naturellement de noutelles questions. 

La partie du tableau qui s'étend de A en F serait- 
elle donc une suite de la portion renfennée entre L et 
T? — La place occupée par le bissexte ou Tembolisme 
doit nous venir en aide pour résoudre ce problème. 
Malgré les lacunes et les erreurs de notre tableau » il 
est aisé de Yérïfier que le bissexte y est employé aux 
années C , G,.., O, S ; on n*en découvre aucune trace 
entre les années G et O. Il est évident que si Tordre 
général des années du cycle progressait de A en T, les 
bissextiles G et G devraient être suivies des bissextiles 
L» P9T; ou bien les bissextiles O, S» devraient avoir 
devant elles les bissextiles B» F» K; tandis que si Ton 
renverse les deux parties du tableau, les bissex- 
tilesO» S, appelleront naturellement à leur suite 
les bissextiles G, 6; nous avons donc une complète 
certitude que notre tableau se compose de deux par- 
ties transposées entre elles » dont la coupure doit se 
trouver entre G et O. 

Quant àla distribution des lunaisons embolismiques» 
ces intercalations figurent dans le tableau aux anni^es 
A, G| F» I,M, O, R; comme» d'après les conditions qui 
résultent de Tordre connu des bissextiles 0» S» G, G» 
nous ne pouvons faire commencer le cycle plus tard 
que Tannée O, ni le terminer plus tôt que Tannée 6, le 
commencement de la série indicative du rang des an- 
nées embolimisques ne peut tomber que sur les lettres 
M et O, dont la première suppose le commencement 
du cycle en R, ce qui ferait correspondre Tannée A 4 



( ISfl ) 

la 11* du cycle; la seconde établit le commencement 
du cycle en N, et la corrélation de Tannée A avec la 
8* du cycle : d'où il résulte que Thypotlièse deTennéa- 
décaétéride a quatre bissextiles, gui fixe le commence- 
ment du cycle en L, doit être rejetée» et qu'il y a er- 
reur matérielle dans l'omission du cinquième bissextc 
entre G et 0. 

Mais la coupure demeure toujours incertaine et flot« 
tante : il nous faut donc recourir encore à d'autres in- 
dices. 

Quatre dates particulières, li73» 1550, li58, 1A&6, 
écrites à la marge, vis-à-vis des lettres D. E, H et P, 
semblent nous venir enfin en aide pour obtenir sans 
plus de tâtonnements une détermination précise ; car 
ces dates , malgré leur interversion apparente , sont 
placées de manière à conserver entre elles le rang qui 
convient à chacune dans le cycle décemnovennal , 
puisque 1Â73 , qui est vis-à-vis de la lettre D, répond 
au nombre d'or 11; que 1550, en face de E, répond 
à 12 ; 1^58 , en face de H , à 15 ; et 1A&6 , vis-à-vis de 
P, à 3. Nous aurions ainsi la clef de la valeur numé- 
rique de toute la série des dix-neuf lettres du tableau : 
la lettre A désignerait la 8* année du cycle, B la 9*, G la 
10*, et ainsi de suite jusqu'à M , qui représenterait 
la 19* et dernière ; tandis que N serait la 1'*, O la 2*, 
P la 3% et ainsi de suite jusqu'à la 7*, représentée par 
T ; la 8* se retrouvant en tète du tableau , sous la lettre 
A. Si cette correspondance est exacte , les données sur 
lesquelles elle se fonde doivent nous procurer immé- 
diatement des résultats plus importants : car les dates 
ainsi exprimées ayant un rapport direct avec la dis- 
position du tableau, il y aurait lieu d'en conclure 
qu'une d'elles au moins appartient au cycle même 



(157) 

dont la détermination est le but final de notre re* 
cherche. 

Quelque hésitation que.ron ait, on ne peut échap- 
per à cette considération spéciale, que ]e tableau, de 
L en T, et de A en F, présente une série homogène 
dont la régularité ne peut être mise sur le compte du 
hasard ; qu'il y a même certitude acquise , à raison de 
la place occupée par les années bissextiles, que la por- 
tion A-F est réellement la suite de L-T ; tandis que le 
défaut de liaison ne se manifeste qu'entre août de Tan- 
née F et janvier de Tannée L. Faut-il donc en venir à 
supposer que le commencement du cycle remonte plus 
haut que Tannée N, et que les dotes marginales n'ont 
pas autant de portée que nous l'avions présumé ? 

Examinons la chose de plus près. 

Toutes ces dates marginales, écrites, à ce qu'il sem- 
ble , à des époques diverses, et appartenant à des cy* 
clés différents , concourent néanmoins à désigner Tan- 
née N pour la première de la série décemnovennale 
qui fait le sujet de ce tableau. C'est aussi Tune des hy- 
pothèses où nous avait conduit la considération spé- 
ciale de Tordre qu'affectent ici les années embolismi- 
ques, lesquelles se trouvent très bien placées aux 
n®' 2, 5, 8, 10, 13, 16 et 19 du cycle. Les années bis- 
sextiles y occupent de leur côté lesn"*' 2, 6, 10, Ih et 
..•• (il y a omission du 5* bissexte). Il ne nous reste 
plus qu'à vérifier comment peuvent y être coordon- 
nées les dates inscrites à la marge , en examinant tour 
à tour jusqu'à quel point chacune d'elles peut être 
prise pour celle de la rédaction de notre tableau. 

Reprenons-les successivement à leur rang dans le 
cycle, c'est-à-dire dans Tordre que leur assigne res- 



( i58 ) 

pectivemeiit le nbînkre a'cir qui leur demeure af- 
fecté. 

L'année lii6, 3*' du cycle, doit tout d'abord être 
écartée , puisqu'elle amènerait , aux places où tombe 
lé bissexte Jes années ihhb, iàh9, li53, li67 et 1&61, 
qui ne sont aucunement bissextiles. 

L'année 1A73 , 11* du cycle, ayant pour bissextiles 
corrélatives l^Oâ , 1468 , 147^ , 1476 et 1480, s'enca- 
dre au contraire parfaitement dans notre tableau, con- 
sidéré comme représentant exclusivement le cycle qui 
a commencé en 1463 , et c'est en ce cas sur l'année L 
que devrait porter la correction relative à l'omission 
du cinquième bissexte, outre la correction générale 
des erreurs de calcul à opérer dès lors sur toute la por- 
tion comprise depuis l'année F jusqu'à l'année H in- 
cluse, de manière à rétablir , entre celle-ci et Tannée 
N initiale du même cycle , la différence de 7 heures 
486 points résultant inévitablement de la proégèse. 
En supposant donc que cette année 1473 exprimât la 
date précise de la rédaction du document qui nous 
occupe, il faudrait reconnaître, d'une part, que le 
rédacteur aurait faiit remonter son calcul aU comtnen- 
cement du cycle dont on comptait alors la 11* année , 
et d'autre part , que la liaison immédiate de l'année 
M avec l'année N (et celle de l'année L avec l'année M ) 
ne serait que l'effet d'un pur hasard, au milieu de 
la confusion causée par les erreurs de calcul dont la 
portion médiane du tableau se trouve entachée. Ni 
Tune ni l'autre de ces hypothèses n'est probable : d'un 
côté , c'est , en général , à partir de l'année courante 
que les rédacteurs de ces sortes de tables commencent 
leur calcul, en le poursuivant jusqu'à épuisement de la 
période thématique ; et dans le cas actuel , ce ne serait 



( iSo ) 

point eh remontant de àh années jusqiililJdS, mais 
bien en descendant jusqu'en 1491 , que suivant toute 
apparence le rédacteur de notre document eûi rempli 
son cadre et complété son cycle. Cette conjecture est 
corroborée en ce que, d*un autre côté» le Jiassage 
immédiat de Tannée M à Tannée N , comme celui de 
Tannée T à Tannée A , s'effectue atec une exactitude 
qui ne peut raisonnablement être mise sut* le coinpte 
dti hasard. Le rédacteur , d'après ce qui vietit d'être 
dit, commençant son calcul à Tannée D, 11* du cy- 
cle alors courant , l'aurait poursuivi de M en N et de T 
en A jusqu'à G , dans les dix première^ années du 
cycle suivant. Si cela est , les bissextiles corrélatives ft 
la date initiale de 1Â73 deviennent 1&76, 1A80, HSi 
et 1188 , dont la première tombe exactement sur la 
lettre 6 , conmie' nous l'avons déjà vérifié ; mais les 
deux dernières se trouvent correspondre aux années 
P et T , qui ne sont point affectées du bissexte : d'où il 
faudra conclure que Tannée 1A73 n'est point la daté 
de rédaction que nous cherchons à découvrir. 

Continuons notre vérification. 

L'année 1650 , 12* du cycle , se présente dans des 
conditions absolument identiques; car, considérée 
dans son propre cycle , elle a pour bissextiles corré* 
latlves 15A0, lôi&,45A8, 1552 et 1556, qui tombent de 
même sur les années 0, S, G, G, L ; tandis que, con- 
sidérée comme date initiale, elle a pour bissextiles cor- 
rélatives 1552, 1556, 1560, 1564 et 1568 , dont les 
trois dernières se trouvent correspondre aux années P, 
T etD, sur lesquelles ne tombe point le bissexte : d'où 
nous tirons cette conséquence , que 1550 ne devra 
pas non plus être prise pour la date de rédaction de 
notre document. Nous pouvons ajouter que ce mille- 



( 160) 

sime nous semble d'une encre et d'une main différen- 
tes f et comme de raison plus modernes. 

Reste l'année 1&58, 16* du cycle» laquelle nous offre 
précisément les conditions inverses. Considérée dans 
son propre cycle»elle doit se produire avec les bissextiles 
Ihhh, li&8, 1462, ihb6, li60, répondant aux années 
N, R» B, F» dont aucune n'est affectée du bissexte , et 
K» qui demeure douleuse ; prise au contraire comme 
date initiale , cette même année 1458 entraîne après 
elle les bissextiles 1160, iàH, 1A68, li72, et li76 , 
qui répondent aux années K» 0, S, C, G, sur lesquelles, 
à part le doute relatif à la première , tombe effective- 
ment le bissexte. Ce serait donc là , à notre sens » la 
date réelle de la confection du document qui fait l'ob- 
jet de notre étude, et la clef des corrections applicables 
à notre tableau , corrections qui se trouvent dès lors 
renfermés dans le cercle le plus étroit possible , puis- 
que t sauf le rétablissement du bissexte sur l'année K, 
les autres ne sont amenées que par des erreurs maté- 
rielles de calcul. Et il n'est pas sans intérêt de remar- 
quer en outre que la bissextile 1476 tombant tout 
juste sur l'année G , qui précède immédiatement l'an- 
née H à laquelle correspond 1A58, il ne peut rester 
d'incertitude sur l'endroit précis de la coupure où 
doit se manifester la proégèse de 7 heures A85 points. 

III. Calendrier solaire formant la deuxième page 

de V Atlas, 

Immédiatement après la table des néoménies, que 
nous venons d'examiner, et que nous présumons 
écrite en 1A58 , vient la série de quatre feuilles for- 
mant les pages 2 à du volume, et constituant incon- 



( *<*» ) 

testablement la partie la plus ancienne et la j^us im- 
portante de ce manuscrit (1). 

Ainsi que Ta fait remarquer Fauteur anonyme de h\ 
Notice que nous avons transcrite , la première de ce:i 
quatre feuillesest divisée en deux pages, dont l'objet est 
complètement distinct : Tune présente en effet une 
carte hydrographique de Tocéan Occidental, qui se rat- 
tache immédiatement aux cartes de même espèce des** 
sinées sur les trois feuilles suivantes ; tandis que Tau^ 
tre page est un tableau dont la Notice anonyme fait 
pressentir plutôt qu'elle n^en définit la nature. 

C'est en réalité un calendrier solaire perpétuel , 
dont nous avons à examiner les éléments » la disposi- 
tion générale,et la signification chronologique eu égard 
à l'atlas dont il fait partie. 

Il offre 9 dès l'abord , trois divisions principales , 
savoir : un tableau des mois occupant un peu plus de 
la moitié inférieure de la page ; trois mains dessinées 
au-dessus et chargées d'indications numériques; enfin, 
un encadrement dans lequel sont distribués» par casen 
successives» une série de millésimes. Reprenons tour 
& tour chacune de ces trois parties» pour en détermi- 
ner la composition et l'emploi. 

Le tableau des mois est disposé sur sept colonnes 
verticales» dont la dernière est restée vide, et dont la se- 
conde est sans motif séparée de la première» puis- 
qu'elle ne contient que ces mots a /io/7t«» uniformé- 
ment répétés à la suite de chaque nom de mois écrit 
dans celle<i ; la troisième renferme des éléments 
numériques sur lesquels nous reviendrons spéciale- 
ment. La quatrième indique l'entrée successive du so- 

(i) Le faosiniile en est coinpns dans le he\ Allas du vicomte de 
Santaren. 

Vni. SEPTEMBRE. 3 11 



im) 

{fil dans lef douze si{;nes du Eodipqpe re^pecUvçpoiei^t 
correspondants aux douze i^ois ; par inadvertance » 
Roanne Ta déjà remarqué Tautepr de la Notice ano- 
nyme, le signe du taureaiz a été écrit deux foijs ^u liçu 
d'une, et tou»le3 8igpp3 ult^ri^pr^» »e ^pnt ainsi Iropyés 
yeculé»4 V» ï^ang, ce doot)^ calligraplfe ne s'e^t aperçu 
qu'à |a fin de la cplonpp , et alprs . pour signalep la 
çprrectiop néce^^aire, il ^ ajputé^ en dessous du f^r- 
s0q^ . les Poissons r^^léq 3fiQ§ eo^ploi. La colonne pair 
YaPte eçt consacrée à certains pronostics asfro}Qgi«- 
ques ; 1^ sls^iéme donne le pon^bre des jours de Gk^çm^ 
i<|oi3. 

En fçiisant disparaître la septième colonne rpsfée vide; 
l'inutile séparation des deux première^ , et la repentir 
tion eiTonée du Taureau dans la quatrième» toutes l^s 
indications de l'originaj 3e trouveront exacteniept re- 
produites dans les cinq colonnes que voici « 



lHarzo a nome. 
4VtH 9 iipine. 
Mazo a nome. 

fvqno a nome. 
ulo a nome. 
Avoétq a nome, 
Séhtenbre a nome. 
Otumlfr$ a nome. 
Ifûvenbre a nome. 
Dexehrt a nome. 
Zener a nome. 
Fevrer a nome. 






V 

i 

iii 

Vi 

I 

au 

vti 

il 

V 

vu 

iii 

vl 



sol In 
•olln 
sol in 
soliq 
sol in 
9ol In 
sol in 
sol In 
Kol in 
sol in 
Hoi in 
sol in 



ânes. 
tauroa. 
iemini. 
oanzer. 

leo- 

virgQ. 

librà. 

fçorpio. 

sàgitario. 

capicornO' 

aqnnrio. 

pisis, 



Rere 
fitre 
Aère 
fiere 
fiere 
fiere 
fiere 
fiere 
fiere 
fiere 
fiere 
fiere 






in la testât 
in la gela, 
in le braze. 

in l9 petL 

in lo cuor. 
in le b%4elç, 
in le ance. 
in Vfirga. 
in le coge. 
in H tenogli. 
in ganbe. 
in U pi^. 



a dl x|xi. 
a êi xxt, 
a di xxxi. 
adlxkr 
a di xxxi. 
a d| jEXKl. 
a ai XXX. 
a di |Ȕ^, 
a dl XXX. 
a di |xxj, 
à dl xxxi. 
a di x«v|ii. 



Lapremièreetla deuxième de cescoIoiines,dpnns^nJ 
simplement le nom des moi^ et le nombre d$ jours dç 
chacun d'eux, ne semblent demander aucune §*pUc^r 
tion, p^s plus que la colonne du milieu, qui marquç 
leç signes du zodiaque correspond^nts. Cgs trois pq*- 
lonnes cependant ont à nos yeux beaucoup d*înjpprr 
tance , car elles nous paraissent résoudre 4'une ma- 
nière pérempoire la question , resiée eu suspens # 4e 



( 163 ) 

Vorigine vénUiepae ou génoise du monument géogra- 
phique que nous avons sous les yeux. 

Les noms des mois nous sont un premier indicé : 
iU appartiennent tous sans conteste au dialecte véni- 
tien , comme nous avons pu le vérifier nous*m6me au 
moyen de documents autbentiquement écrits à Venise 
à la même époque. Mais une autre considéralion nous 
fournit jjn argument d'une autre espèce, qui vient cov- 
roborer singulièrement le premier. 

En voyant le mois de mars placé en tête d^ Tannéa, 
avec le signe du bélier» on serait» dès l'abord, tenté 
de croire qu'il s'agit de l'année astronomique com- 
mençant à Téquinoxe du printemps suivant le style 
florentin ou le style pisan ; mais la dernière colonne » 
qui attribue au mois de mars le nombre intégral de 
31 jours , et qui se termine par les 28 jours de février» 
ne permet aucun doute sur le commencement de l'an- 
née» fixé précisément au 1" mars » de manière à por- 
ter à la fin même de l'année l'intercalation du jour 
épagomène dans les bissextiles. Or» c'est justement 
ainsi que, jusqu'à une époque encore assez récente» se 
trouvait constituée l'année civile d'après l'usage spécial 
de Venise. Il ne peut donc nous rester aucune in- 
certitude sur la facture vénitienne de l'atlas Wal- 
ckenaérien. 

L'avant-dernière colonne est consacrée à des préju- 
gés astronpmiques dont il serait sans doute oiseux de 
discuter aujourd'hui la valeur, mais auxquels on atta- 
chait autrefois une grande importance» et que l'on trouve 
en conséquence fréquemment rappelés; l'atlas catalan 
de 1375 donne^ sur s^ première feuille» une figure 
d'homme sur les membres duquel sont respective- 
ment inscrits les noms des douze signes du zodiaque. » 



( lô4 ) 

conformément à ces mêmes ci*ojances, qui avaient 
cours dès le temps de Ptolémée, ainsi que le remarque 
fort bien le cosmographe catalan anonyme : a Diu To- 
» lomeu : Guardat que no tochs en ta persona ab ferr 
» ne segnar mentra che la luna es en aquel signe qui 
D es sobra aquel membre » ; littéralement : « Ptolémée 
a dit : Garde-toi de toucher à ta personne avec le fer ni 
de te saigner pendant que la lune se trouve dans le 
signe qui est sur ce membre. « On lit en effet dans le 
Centîloque de l'astronome grec : pîj &^ popéw «n^^ rnç 

etkvpfïiç nri)(ovoi}ç t^ Cc^<«V| S xuptcvci rov fiyplw cxccvou* Les CU*- 

rieux peuvent consulter sur cette matière les commen- 
tateurs de Ptolémée y depuis Haly-Aben-Ragel jusqu'à 
Bourdin de Villennes , et les médecins depuis Pierre 
d'Abano jusqu'à Antoine Mizauld ; nous n'avons point, 
quant à nous » à nous en occuper autrement ici (1). 

Il reste à se rendre raison de la deuxième colonne 
de ce petit tableau : en se demandant quel élément 
usuel on peut chercher encore pour chaque mois de 
Tannée dans un calendrier qui offre déjà le nom de 
ce mois» le signe du zodiaque auquel il correspond , 
et le nombre de jours dont il se compose, on ne tarde 

(i) Notice de MM. Bcchom et Tastd, p. 37. — Cl. Ptolesi^i 
Pelusiensis Libn IV compositi Sjro fratri ; ejusdem Fructus libro - 
rum suorum , sive Centum dicta ^ iH'4% Noniiiber(];x i535, fol. 56. — 
Opéra eadem^ in folio , VeDeiiis i5i6 : Liber centum verborum ciim 
commenta Haly^ fol. 98, v**. -^ Bocrdim hb Villuses , le Centiloque 
de Ptolémée^ in-folio, Paris i65i, p 65. —> Pftiii âbahi Couciliaior 
controversiarumj in-folio, Veneiiis i565, diff. 168, fol. aa4) ^- ^- **" 
Antoine Mizacld, VExplication^ usage etpractique de VÉphéméride 
céleste^ in-8'^ Paris i556, foll. 49 9 5o. — Comp. ^fô. français 
N* 7928 de la Bibliothèqne royale : « Comment la liroe est gouver- 
» fiante de toute humaine créature et règne sur l'homme par chascuQ 
» des m tiçnes du Zodiacre» » 



( 1«5 ) 

galère à reconnaître que , pour compléter ces indica- 
tions » il n'y a plus qu'à déterminer les jours de la se- 
maine ; et Ton en doit conclure à priori que Télôment 
numérique renfermé dans la colonne qui nous occupe 
est précisément la clef de cette détermination; en 
d'autres termes, que ces chiffres respectivement affec* 
tés à chaque mois ne sont autre chose que les quan- 
tités invariables désignées par les anciens computistes 
sous le nom de Réguliers solaires^ et dont l'addition 
avec l'épacte annuelle du soleil donne immédiatement 
le numéro d'ordre» dans la semaine, du premier jour 
de chaque mois. Ainsi, par exemple, l'épacte annuelle 
du soleil étant 1 , et le régulier solaire du mois de 
mars étant 5 dans notre tableau , il s'ensuit que dans 
toute année dont l'épacte solaire était 1 , le 1*' mars 
tombait le 6* jour de la semaine , ou , suivant le lan- 
gage des computistes, la Eérie 6*, c'est-à-dire le ven- 
dredi ; le régulier d'avril étant 1 , le 1*' avril tombait 
le 2* jour de la semaine , ou la férié 2' , c'est-à-dire le 
lundi ; le régulier de mai étant 3 , le 1*' mai tombait 
le A* jour de la semaine ou mercredi, et ainsi de 
suite. De même , dans toutes les années dont l'épacte 
solaire était 2 , le 1** mars , dont le régulier était 5 , 
devait tomber le 7*" jour de la semaine ou le samedi ; 
le 1" avril , le S* jour de la semaine ou le mardi ; le 
1*' mai, le 5* jour de la semaine ou le jeudi» et aipsi 
de suite. 

Le second élément indispensable pour le calcul des 
jours de la semaine au moyen des réguliers solaires men- 
suels,c'e8t, comme on voit, l'épacte du soleil pour chaque 
année ; nous devons donc nécessairement trouver, dans 
le calendrier que nous étudions, une table particulière 
des épactes annuelles du soleil , sans lesquelles le pc- 



(166) 

lit tableau des réguliers que nous Tenons de reconnaî- 
tre ne pourrait être utilisé. Rendons-nous compte d'th 
bord de ce que c'était que Tépacie du soleil : l'année 
commune étant de 306 jours, c'est-à-dire de cinquante» 
deux semaines plus un jour, et l'année bissextile étant 
de866 )ours, c'est-à-dire cinquante-deuxsemainesplus 
deux jours , il s'ensuit que chaque année empiète d'un 
ou deux jours» suiYant les cas , sur la semaine initiale 
de l'année siiiyante , de telle manière que , le jour de 
la semaine auquel commence une année quelcon- 
que étant connu , on en pourra conclure aiséihent oe^ 
lui auquel doit commencer l'année suivante , et ainsi 
d'année en année ; en sorte que , si toutes les années 
étaient communes , le même jour de la semaine se re<* 
trouverait au commencement de la huitième année s 
mais le bissexte qui s'intercale tous les quatre ans fait 
que cette proégèse ne s'épuise qu'au bout de i fois 
sept années,c'est-à-dire à la fin de vingt-huit ans ; c'est 
ce qui constitue le cycle solaire. L'épacte est précisé» 
lùent le nombre indicatif de cette proégèse partie»** 
lière; étant 1 pour la 1'* année <iu cycle , elle est 8 
p6W la seconde , 3 pour la 3* , A pour la A* ; après quoi 
l'ititercalation du bissexte amène 6 pour la b* année » 
7 pour la 6« , 1 (1) pour la ?• , 2 pour la 8« ; et ici une 
nouvelle intercalation du bissexte amène & pour ia 9* 
année du cycle, 5 pour la 10*, 6 pour la 11*, et ainsi 
de suite , en intercalant le bissexte tous les quatre ans, 
jusqu'à la dernière année du cycle, après laquelle 
seulement l'épacte 1 concourt de nouveau avec la i** 
année du cycle suivant. La manière dont ces nombres 

(i) Nous disons i au lieu de 8 , parce que 8 est en réaJîté une se- 
maine entière plus i dVpacte. 



( 187 ) 

courent parallèlement aux années dit cyde leiir a talu 
lé hom usuel de concurrents. 

La table des concurrents de tout an cycle doit donc 
offrir sept fois quatre nombres se succédant en progrès* 
sion croissante par l'addition d'une simple nttité, atee 
ressaut de deux unités en passant d'une série à Ttiutrei 
en cet ordre : 1. S. 8i ft. 

6. 7. 1. 2. 

4. 6. 6. 7. 
£• 8. A. 8. 

7. 1. 2. 1 

5. 6. 7. 1. 

8. àé 6. 6. 

Or, si Ton jette les yetrx sur les trots ttiaiiis figurées 
dâtis la moitié supérieure de la page , et qui sont char- 
gées d'indications numériques, oti i*einat'qttet*a que les 
deux mains placées k droite sont réunies pour forhiér 
un seul tableau à sept colotine^ de quatre cases chacune, 
offrant précisément les sept séries de quatre nombres 
que noua tenons de signaler ; le pouce de la main gauche 
étant fermé, aitisi que lë pouCe et l'index de la main 
droite, ces deux mainS accolées tie présentent eh effet 
ensemble que sept doitgs étendus, sur chacun desquels, 
en partant de la paume de la fliaiii, et sdirant d^ 
phalange en phalange , on compte lei quatre concur- 
rents qui se succèdent h une simple unité d'intértalle,» 
tandis qu'on fait le saut de deux unités en passant 
d'un doigt à un autre. Après avoir commeiicé par l'in^ 
dex de la inairt gauche et suivi jusqu'au petit doigt , 
dn passe au petit doigt de la main droite pour finir 
avec le grand doigt de celle-ci. 

Une ligne d'écriture, qui accompagne ces deux 
mains , assez difficile à déchiffrer quand on en ignore 



( *^8 ) 
l'objet i devient niaée u lire dès que le sens probable 
en est ainsi déterminé à l'avance : elle porte en effet : 
a Cuèsté do mam son le mani de la raxon del troffare de 
Vintrata de i mexi; )» littéralement : « Ces deux mains 
sont les mains du calcul pour trouver le commence- 
ment des mois. )» 

La main isolée ( une main gauche ) qui est figurée 
a côté et à la gauche des deux autres , est accompa- 
gnée aussi d'une inscription analogue ainsi conçue : 
<x Cuesta he la mono del trouare de la raxon de lepas'^ 
que y> ; c'est-à-dire : a Celle-ci est la main pour trou- 
ver le calcul des pâques d ; ce qui signifie que nous 
avons ici un tableau du terme pascal. En effet , tous 
les doigts étant ouverts , le pouce est chargé de trois 
indications numériques , et les autres doigts de quatre, 
ce qui fait en tout dix-neuf cases » nombre égal à ce- 
loi des années du cycle lunaire. Les nombres écrits 
dans ces cases sont les uns en rouge » les autres en 
noir; comme ceux en rouge sont les plus élevés» et 
ceux en noir les moindres» il est aisé de deviner que les 
premiers se rapportent au mois de mars et les autres 
au mois d'avril » puisque le terme pascal, c'est-à-dire 
la pleine lune équinoxiale» ne peut tomber qu'entre le 
21 mars et le 1 8 avril. 

Dans le tableau des concurrents qui couvre les deux 
mains accolées à droite » comme dans celui du terme 
pascal inscrit sur la main isolée à gauche» on remarque 
deux millésimes, savoir 138i et iMh» insérés chacun 
dans une des cases du tableau. Sur celui des concur- 
rents» 133A est écrit en rouge dans la 21* case, et 
1A3A en noir dans la 15* case : cela est tout simple ; 
138A est la 21* année du cycle solaire commencé en 
1364» et 14SA est la 15* année du cycle solaire com- 



( 1«9 ) 

m«ncé en 1A20 ; et il était convenable de marquer» 
dans la case qui lui appartient, la date qui devait ser- 
vir de clef pour l'application de tout le tableau. Pa- 
reillement » sur le tableau du terme pascal , 138A est 
marqué en rouge dans la 17* case» et li3& en noir dans 
la 10* case» parce que 138A est la 17* année du cycle 
décemnovennal commencé en 1S08, et Htà la 10* 
année d'un cycle ultérieur, commencé en 1425. Noua 
reviendrons bientôt sur la signification de ces deux 
dates. 

Maintenant , portons nos yeux sur ^encadr^ment de 
la page , formé de cases successives au nombre de 28, 
ce qui nous indique immédiatement la durée d'un cy- 
cle solaire; dans chacune de ces cases se trouvent indi- 
qués, d'abord un millésime, en commençant par 
138A et finissant par liil , avec un B aux années bis- 
sextiles;. puis un nombre accompagné de la lettre A ou 
de la lettre M : rien n'est plus aisé que de reconnaître 
là les pâques d'avril ou de mars ; ces dernières sont 
écrites en rouge , ainsi que les aonées où elles tombent. 
Il est évident que nous avons dans ces cases les liuit 
dernières années du cycle solaire commencé en 136&, 
et les vingt premières années du cycle suivant, com- 
mencé en 1392; si donc on voulait numéroter ces 
cases d'après l'ordre des années dans le cycle , la 1'* 
case aurait le n* 21 , la 2* le n* 22 , la 8* le n*» 23.... ; 
la 9* le n* 1, la 10* le n* 2, et ainsi de suite jusqu'à la 
dernière, qui aurait le n* 20.- 

Or, il est à remarquer encore que , sous les quatre 
premières cases, c'est*à dire celles que nous ve- 
nons de numéroter 21 , 22 , 23 et 24 , se trouvent 
écrits quatre nouveaux millésimes, savoir, li3A , 
1A36,.1436 et 1437; les trois premiers, accompagnés 



(17b) 

de la doable Indication du tei^me pascal et dé là 
pâque. Mais comme ces années sont les 16*, 16*, 47* el 
18* du cycle solaire, on voit qu'il n'y a aucune cor- 
respondance entre l'insertion de ces années et le nu^- 
Dàéro d'ordre des cases où elles ont été placées. Il suit 
delà pour nods, évidemment, que lors même que 
nous ne serions pas avertis, par la différence d'encre et 
d'écriture, que ces quatre millésimés ont été ajoutée 
après coup, nous en serions suffisamment assurés 
par l'inconnexité de leur numéro d'ordre dans le c^<^ 
de , âVec celui des cases où ils ont été inscrite. 

Il est tétnps d'aftiver à la signification chronologique 
des diverses indications qde nous venons de relever. 
Et d'abord , mettons à l'écart, comme des interpola- 
tions tardives bien constatées, les millésimes qui de 
rattachent à l'année 143A et autres à la suite. Il ndùs 
reste alors un calendrier homogène, où figurent : l'^un 
tableau des concurrents pour le cycle solaire, dont la SI* 
famée est expressément déterminée par le millésithe 
18SA; 2" un tableau du terme pascal pour le cycle dé(;efll- 
novennal, dont la IT"" année est expressément détermi- 
née par le millésime 138& ; 3* un calendrier des pftquès 
pour une nombreuse série d'années , commençant par 
celle de 138A. Avons-nous besoin d'en dire davantage 
pour mettre hors de doute que le calendrier solaire 
perpétuel que voilà a été dressé précisément pott^ 
l'année 188A et les années suivantes, et par consé- 
quent en cette même année 1384? Or ce calendrier 
est , sans incertitude ailssi , contemporain^de la carte 
à côté de laquelle il est écrit , sur la même feuille de 
vélin, des mêmes encres, et de la même main ; et cette 
carte, à son tour, est de la même facture que les trois 
cartes suivantes : Tannée i88â est donc la date cer- 



( 171- ) 

taine de ces quatre feuilles, formant» comme nous 
Tavons dit , les pages 2 à 9 du volume, dont elles con- 
stituent la partie la plus ancienne et la plus impor- 
tante. 

Maintenant , revenons aux interpolations ; elles nous 
montrent l'intention évidente de faire servir à l'année 
1A3A et aux années suivantes les éléments du calen- 
drier établi en vue de l'année 138â. Pour quel niotif ? 
l'explication se présente d'elle-même : aux quatre pre- 
mières cartes y exécutées en 1384 » on a joint postérieu- 
rement deux nouvelles cartes, occupant les pages 11 
à là du volume ; et l'on a dès lors marqué , sur le ca- 
lendrier de cet atlas rajeuni, les indications au moyen 
desquelles le volume redevenait un document usuel 
pour le possesseur : voilà comment nous est donnée 
la date des deux cartes additionnelles. 

IV. Concluéion. 

En résumé, l'atlas vénitien de la bibliothèque Wal- 
ckenaer est composé de trois parties bien distinctes : 
l'une, de quatre feuilles datées de 138A; l'autre, de 
deux feuilles ajoutées en 1Â3Â ; et la troisième, d'une 
seule page contenant un calendrier lunaire dressé en 
1468. 

La distinction de ces trois parties est d'autant plus 
importante , que les cartes auxquelles s'applique la 
date certaine de 1384 peuvent ainsi être invoquées 
avec confiance comme une autorité incontestable de 
plus dans la question chronologique des découvertes 
faites au moyen-âge dans l'océan Atlantique. 



(172) 

Note sur un Recueil des hauteurs au-dessus de la mer. 

publiée par }\. Ostrrvald. 



M. Ostenrald» membre de la Société helvétique des 
sciences naturelles , fait hommage à la Société de géo- 
graphie d'un exemplaire de l'ouvrage qu'il vient de 
publier sous le titre de Recueil des hauteurs des pays 
compris dans le cadre de la carte générale de la Suisse. 

Ce Recueil doit son existence à un travail plus diffi- 
cile et de plus longue haleine qui occupe H. Ostervald 
depuis bien des années » celui d'une carte générale de 
la Suisse, dont ce Recueil doit en quelque sorte servir 
à la fois d'annonce et de complément, la publication 
de cette carte ne devant paraître, pour des causes qui 
sont énoncées dans un avertissement mis en tête de ce 
Recueil, qu'au commencement de 18i9. 

La nécessité de rendre cette carte portative et ù l'u- 
sage des voyageurs, a forcé de restreindre son échelle 
à celle du A00,000% Elle aura deux feuilles, chacune 
de 65 sur A') centimètres. 

Dans un exposé , qui précède ce Recueil des hau- 
teurs, M. Ostervald donne tous les renseignements 
qui sont propres u faire apprécier le mérite de cette 
carte, tant sous le rapport de l'exactitude des fonde- 
ments sur lesquels elle repose , que de^ la bonté des 
documents que l'auteur a recueillis et mis en œuvre ; 
elle a pour fondement plus de 1500 points trigono- 
métriques, dont les positions géographiques ont été 
calculées rigoureusement. Il n'y a guère de carte mo- 
derne qui en réunisse un aussi grand nombre pro- 
portionnellement à son étendue. 



( i78 ) 
Quant aux altitudes, qui doivent être l'objet princi- 
pal de cette note , M. Ostervald a dû , à raison de leur 
nombre (environ 5500), les élaguer entièrement pour 
les réunir dans ce Recueil. Cette marche lui a permis, 
tout en évitant de surcharger la carte , de préciser le 
lieu qui a été déterminé, d'indiquer les personnes 
auxquelles sont dues ces observations, ainsi que les 
variantes qui existent entre celles-ci, et de rendre fa- 
cile enfin la comparaison des mesures barométriques 
et trigonométriques au point de vue de l'exactitude 
respective des deux méthodes. 

Les hauteurs trigonométriques sont précédées d'un 
A» les hauteurs barométriques d'unB; lorsqu'il y en a 
plusieurs, le nombre en est donné à côté, et lors- 
qu'elles sont dues à des nivellements, elles sont carac- 
térisées par une N. Toutes sont rapportées au niveau 
de la mer, et exprimées en mètres, et en pieds de 
France. L'auteur a joint de petites tables pour trans- 
former le mètre en pieds de roi et en pieds anglais, à 
l'usage des personnes qui ont l'habitude de ces der- 
nières mesures. 

Les hauteurs de la Suisse sont classées par cantons, 
et, au-delà des frontières, par États; dans chacune de 
ces divisions l'ordre alphabétique est adopté. 

Si M. Ostervald avait pu joindre à chaque altitude 
la poMtion géographique du point auquel elle se rap- 
porte , il aurait ajouté un perfectionnement bien utile 
à cette intéressante orographie de la Suisse et de 
quelques parties des pays limitrophes. C'est un soin 
qu'il prendra sans doute lorsqu'il devra s'occuper 
d'une seconde édition d'un Recueil que le monde sa- 
vant accueillera avec faveur. 

F.*F» COBASOBVF. 



( "4 ) 
NOTICE 

sur Us anciennes Sagas de l'Isi^ade, 

P»rM. C.-C. HAFH, 

HccrAsire de la Société rojrale d«g Antiquairei du Nord. 

L'islamle attire aoua plusieurs rapports l'atteatien 
dfl l'hiitonen. C'est à la fois la pairie et le foyer de 
. rbistoire du Nord, et c'est le premier pays du nou- 
veau monde qui fut découvert et habile par les Ba- 
ropéens. L'amour de la mère-patrie, en tournant la 
vufl des colons émigrés vers tes lieux où leurs aBc£tr«s 
avaient vécu , les portait à recueillir les hauts faits d«s 
temps passéB.à lesconsigncrdans leurs annales, pour 
90 CMiserver le souvenir et les transmettre à leurs eo- 
fante- L'histoire des exploits des aïeux, en passant 
ainsi de génération en génération, devint le tien qui 
rattachait le passé au présent ; et tandis que l'amour 
d« 1% patrie se réchauffait dans ce foyer des souve- 
nirs , l'esprit se pénétrait du désir irrésistible de raar- 
cbBT sur les traces gloiieuses des ancêtres. Les limites 
du nouveau domicile que leur offrait l'Ile rocailleuse de 
l'Océan leur devinrent alors trop étroites ; l'envie leur 
prit ainsi d'aller plus loin à la découverte d'autres 
pays, et le premier fruit de cet esprit aventureux fut 
la découverte du littoral de l'Amérique du Nord. 

C'e»t en reconnaissant le haut intérêt des manus- 
crits contenant de tels faits, que la Société royale des 
antiquaires du Nord a publié les sources de l'histoire 
fUilé-Colombienne despa} s découverts en Amérique par 
des Islandais pendant le x'et lexi* siècle. Ces manus- 
crits prîmitifc ont ainsi fourni des matériaux aux deux 



(175) 

QUFragei ftiir l«6 Antiquités qméricaifMS 9t Wï l^A ^- 
mments historiques du Groenhml. Uq trQi3ièQl^ QPFrige 
p'y rattache étroitement , en foripant pour W^A 4û?e 
\%, çjptiiro de la série des doouqieots littéraires iodiS" 
pepsables 4 la cpaqaisi^aace Qomplètç de cette partie 
il^t^ressante de l'histoire s^Qté-ColQp9})ieQoe de T Amé- 
rique : cet puvra|;e , qui a pour titre tsknd'mga Sàgu^f 
eontiepl; les Sagas de l'Islande et les exploits des Ifl- 
Imdais depuis la colonisation du pays jusqu'au xiy' 
•i^clei le premier volume en parut déjà Tan 1849' 
En pi^Uiant toute c§tte série de S^gas » on a résolu 
4e cuivre l'ordre topographique indiqué dans le Lc^- 
dfiaffiQ^âk » qui nous offre Tbistoire de la première 
habitation du pays , et de sa division entre les colons : 
conformément à ce plan , on commencera par Rey- 
kiarvik » qui est le lieu où le plus ancien des colons 
émigrés de Norvège établit son nouveau domicile ; en 
partant de là on passera vers l'ouest, et Ton fera ainsi 
le tour du pays , de manijère à terminer la série par 
les Sagas d'Arnesthing et par la Sturlunga Saga ou 
Islendinga Saga hin mikla , la grande histoire des Is- 
landais. Le 2* volume, que nous venons de publier, 
contient par cette raison les Sagas de Kialaniesthing 
et de Thverartbing, dont voici l'énumératipn : l*' Har- 
dar saga Grimkelsonar ok Geirs , dont les événements 
appartiennent à la fin du x* siècle ; 2o Hœnsa-Poris 
saga; Z^ Saga aJRafniok Gunrdangi Ormstungu^ qui 
est une des plus célèbres de toutes les Sagas de l'Is- 
lande, dont les événements principaux appartiennent 
environ à Tan mille ; 4** Fntgments de la saga de Viga 
Styr ok Heidarvigum; 5® Kialnesinga saga ou Saga de 
Bue Andridson. Ce volume contient encore, en supplé- 
ment: Narration de Jôkul Ruason; puis Gritamal et 



( 1^6) 

Tr)rg€Uimat,(ormu\es de réconciliation préalable etd'ac« 
cord définitif» citées tant d'après la Grettis saga que d'a- 
près les deux codes islandais Gragasiyoït grise) de l'an 
1128» et Jonsbok de l'an 1281» pour servir de terme 
de comparaison avec les très anciennes formules con- 
serfées dans la Heidarviga saga. Le volume est accom- 
pagné de six fac-similé offrant des échantillons des 
manuscrits les plus importants qu'on ait employés» 
et dont la collection Arné-Magnéenne de Copenhague 
et la bibliothèque royale de Stockholm sont les dépo- 
ûtaires. La collation des manuscrits est due aux soins 
de M. Jon Sigurdson, archiviste de la Société. M. Rafn 
a aussi collationné le texte avec les anciens manuscrits 
d'après lesquels il a été reproduit. 

Copeuhag^ue, le ii août i847> 



EiiiATA pour U Bulletin Je la Société de géographie^ tuaie VI, 



Page 64 1 ligne 14) Are Trode ^ lihez Are Frode, c*est-à-fl4re le 

savant. 

— y ligne 24) Hvitsak : lisez Hvirtserk. 
Page 65 y ligne x <, Heriulfnes : lisez HeriulfisneSé 

— , ligne 8 , Siglisfiord : lise* Siglufiord* 
Page 66 , ligne 4 > Nurdsetar : lisez Mordrsetnr. 



( 177 ) 

Ren»bi6Nements sur les Voyages et Albums pittoresques 
de M. d'Hastrbl» et sur les traç^aux chorographiques 
de M. Laguillermie , par M. Bbrthelot. 

J'ai eu l'honneur, dans une de nos dernières 
séances, de présenter à la Société quelques spécimens 
des albums pittoresques dont M. d'Hastrel ]ui a fait 
hommage, et je viens aujourd'hui lui fournir quel- 
ques nouveaux renseignements sur les voyages et les 
travaux de cet habile artiste voyageur, 

M. Adolphe d'Hastrel , ancien officier d'artillerie el 
Jils du lieutenant-général baron d'Hastrel de Rivedoux, 
a été successivement employé à l'ile Bourbon, au Se- 
négaly à bord de l'escadre de blocus de Buenos-Âyres» 
de l'expédition de la Plata , etc. Dans les différentes 
positions où il s'est trouvé placé, il a su utiliser ses 
loisirs par des études de mœurs et de nombreux des- 
sins originaux qui ont fait apprécier à la fois ses con- 
naissances et ses talents comme observateur et conune 
artiste. Chez lui, l'amour de l'art s'est associé à celui 
de la science. Peintre distingué , et bon mathémati- 
cien, il s'est encore voué avec zèle à l'étude de la 
nature. C'est pendant ses expéditions militaires et les 
différentes missions dont il a été chargé qu'il a pu for* 
mer des collections intéressantes et rédiger une foule 
de notes sur les sites curieux que reproduisait son pin- 
ceau. N'écoutant que son zèle et ses goûts studieux, il 
a entrepris à ses frais de longs et pénibles voyages , 
tels que ceux de l'Ile de France et de Madagascar; il a 
visité l'Algérie et plusieurs autres contrées, et en a 
rapporté des albums précieux qu'il s'occupe de repro- 
duire par la lithographie, d'après ses dessins originaux. 
M. d'Hastrel se propose en outre de publier une rela- 
viii. septembre. 4. 12 



(178) 

lion détaillée de ses voyages » qui formera le complé- 
ment de ses albums. Ses Souvenirs du Brésil, le beau 
Recueil des vues de la Plata , son Album de Saintes- 
Hélène et celui de Bourbon ont déjà paru , et la So- 
ciété a été à même de juger de leur intérêt par les 
beaux exemplaires que M. d'Hastrel lui a offerts. L'al- 
bum du Sénégal est en voie de publication; les excur- 
sions au cap de Bonme-Espérance » en Algérie , en Es- 
pagne et en France paraîtront plus tard. L'album seul 
de rile Bourbon se composera de 86 dessins et d'un 
texte descriptif; ce que nous en avons vu donne la 
plus haute idée du sentiment varié de l'artiste » de ce 
coup d'œil exercé qui lui a fait saisir les grandes vues 
d'ensemble , et de l'habileté dont il a fait preuve en 
rendant dans tous leurs détails les pays qu'il a par- 
Courus. C'est sous ce dernier rapport, surtout, que 
M. d'Hastrel mérite d'être encouragé dans ses travaux. 
Son crayon facile a reproduit avec exactitude ce que 
trop souvent les artistes -voyageurs négligent, je veux 
parler du port des grands végétaux, de ce faciès qui 
forme le caractère distinctif des espèces , et dont le 
dessin seul peut donner une juste idée. Mais lorsqu'à 
côté de cette fidèle représentation de l'arbre exotique 
de la forêt vierge , on ajoute l'aspect des lieux, les To* 
chers et les montagnes , lorsqu'on anime ce paysage 
original par des groupes de figures dont les physio- 
nomies s'harmonisent avec le costume et l'action, 
alors la scène est complète , et l'artiste vous fait par- 
tager toutes ses impressions. Voilà ce qui résulte de 
l'examen des albums de M. d'Hastrel, qui forme une 
suite de panoramas des plus pittoresques. 

Un mot maintenant sur des travaux plus sérieux 
et non moins utiles. Ce sont ceux de H. Laguillermie, 



(17ÔJ 

qui méritent bien aussi de fixer Tattention de la So- 
ciété , et ont des droits à ses encouragements. Je mets 
sous ses yeux quelques échantillons des belles cartes 

• 

sphériques de l'atlas de ce chorographe, qui est venu 
remplir une lacune dans l'enseignement élémentaire 
de la géographie. M. Laguillermie a eu ridée de repré- 
senter par ses cartes la terre tellequ'elle est , en repro- 
duisant ses principaux aspects, et cette idée fort simple 
Ta conduit à d'heureux résultais. La manière dont il a 
ombré ses cartes lui a permis de faire sentir la convexité 
du sphéroïde sur toutes les parties de l'hémisphère ^ 
de sorte que la portion du globe qu'on veut étudier, et 
qui se trouve toujours indiquée par le titre même de 
la carte, est précisément la plus éclairée et la moins 
déformée. Les autres détails de la carte indiquent les 
parties qui, dans un globe matériel, fuient devant l'œil 
du spectateur ; mais ces parties, vues ici en raccourci, 
se reproduisent ensuite dans leur développement na- 
turel sur chacune des cartes qui forment l'atlas. En un 
mot, les cartes sphériques que M. Laguillermie a eu 
l'heureuse idée de composer ne sont autre chose que 
X^Jlgure de la terre prise sous ses différents aspects. 
L'atlas qui les renferme est , pour ainsi dire , un globe 
que l'on fait tourner en le feuilletant. 

L'auteur se propose de compléter naturellement 
son atlas sphéroidal par la série des cartes par(icu« 
Itères à chaque État , et dans lesquelles on trouvera 
tous les détails topographiques qui ne sauraient pren*^ 
dre place dans une carte générale embrassant un dé- 
veloppement de 180 degrés , et dont le but est d'of- 
frir le tableau synoptique et sphérique tout à la foît 
d'un hémisphère, quelle que soit l'inclinaison que l'on 
suppose à la terre. 



( 180 ) 

Note sur la publication ^ préparée par M. Jomard, (Vun 
recueil de cartes du moyen âge, sous le titre de Monu- 
ments DE LA GÉOGRAPHIE. 



Dnns une des dernières séances de la Société (celle 
du d août) , M. Jomard a déposé sur le bureau une sé- 
rie de planches 9 destinées à faire partie d'une magni- 
fique collection qu'il prépare sous le titre de Manu- 
ments de la géographie ; depuis (séance du 1'' octo- 
bre)» il y a encore ajouté plusieurs feuilles, de mo-- 
ni^re à porter à 35 planches, dont 2A doubles, le 
nombre total des fac-similé dont il a mis les épreuves 
sous les yeux de la Société. Il nous a paru utile de 
faire connaître 9 au moins d'une manière succincte , 
d'après cette communication anticipée, la composi- 
tion de ce beau recueil , en nous aidant , pour ranger 
dans un certain ordre les monuments dont il se com- 
pose , des indications que nous avons puisées » soit 
dans les planches mômes, soit dans les diverses lectu- 
res que nous avons pu entendre à l'Institut, de quel- 
ques fragments du texte qui en doit accompagner la 
publication, soit enfin dans les explications orales du 
savant éditeur. 

Le corps principal de l'ouvrage, exclusivement con- 
sacré à la géographie, est précédé d'une introduction, 
à laquelle se rattachent quelques planches relatives à 
l'uranographie , la gnomonique et la cosmographie , 
savoir ; 

1"* Globe céleste ^rabe koufique, en bronze, du xi* 
siècle, fâiisant partie de la collection géographique de 
la Bibliothèque royale à Paris ; ce globe est représenté 
ici de trois manières différenlos : d*abord en dessia 



( 181 ) 

perspectif ombré , sur un diamètre qui n*excàde guère 
7 centimètres ; puis projeté stéréographiquement en 
deux hémisphères de près de 18 centimètres de rayon ; 
enfin en vingt-quatre demi-fuseaux propres à être ap- 
pliqués sur une monture sphérique d'environ 9 cen- 
timètres de rayon. Le tout occupe deux planches sim- 
ples portant les n^* provisoires 13 et 14. 

2" Astrolabe arabe koufique rapporté d'Egypte, 
tiré de la collection de M. Marcel ; il est représenté en 
vingt-deux figures de à 11 centimètres de diamètre , 
sur une seule planche portant le n° provisoire 56. 

3o Ancien cadran arabe koufique de 39 centimètres 
de large sur 29 centimètres de haut, occupant la moi- 
tié d'une feuille numérotée provisoirement 57, et dont 
l'autre moitié parait destinée à contenir un secoiild 
• spécimen du même genre. 

à"* Enfin des fragments tirés d'un manuscrit floren- 
tin de Goro Dati, du xv* siècle. Sur une seule planche 
portant provisoirement le n* 36 , se trouvent réunies 
quinze figures, dont huit, relatives aux théories cos- 
mographiques du temps , sont renfermées dans des 
cercles de 3 centimètres de rayon ;. les sept autres 
sont des fractions de côtes , tant de Syrie que d'Afri- 
que , jusqu'au-delà de Mêsah sur l'Océan. 

Quant à la partie géographique proprement dite , 
' elle se compose, dans l'état actuel, de trente planches, 
la plupart doubles , comprenant ensemble treize su- 
jets, dont deux sur six feuilles chaque , trois sur trois 
feuilles , un sur deux feuilles , et les sept autres cha- 
cun sur une feuille. Nous allons les passer en revue 
dans l'ordre chronologique. 

1" La carte du schéryf El-Edrysy, reproduite à la 
fois en planisphère circulaire de 12 cenlimctres de 



( 182 ) 

rayon » tant d'après lea manuscrits da Paris qua d'a- 
près celui d'Oxford i et en tableau d'assemblage réduit 
des 70 cartes de détail renfermées dans le manuscrit 
parisien» formant ensemble un parallélogramme de 
80 centimètres de long sur 33 centimètres de haut; 
la lettre y est remplacée par des chiffres de renvoi à 
une liste qui sera donnée sans doute dans le texte pré- 
paré par le savant éditeur ; une autre planche sera 
consacrée à une restitution de la carte arabe : celle-ci 
occupe une feuille double, portant les n^ provisoires 
à2 et AS* 

2* Itinéraire d'un pèlerinage de Londres à Jérusa- 
lem » tiré d'un manuscrit de la chronique de Mathieu 
Paris» du xiu* siècle, où il occupe neuf pages de 37 
centimètres de haut sur 26 de large ; il est ici ren- 
fermé en trois planches numérotées provisoirement 
39»i0et41« 

3* Mappemonde du xai"* siècle conservée à Hereford ; 
cette curieuse carte porte , comme on sait » la signa- 
ture de Richard de Haldingham et de Lafford , et oc- 
cupe l'intérieur d'un cercle de 70 centimètres de 
rayon , entouré d'un encadrement figurant un carré 
surmonté d'un fronton ; elle est reproduite ici en six 
feuilles ou planches doubles , dont le numérotage pro- 
visoire s'étend de 1 à 12. 

h^ Carte nautique de la Méditerranée» présumée 
du commencement du xiv' siècle» appartenant à la 
Bibliothèque royale , et provenant d'une ancienne fa- 
mille de Pise : elle a 1 mètre de long sur 51 centimè- 
tres de haut» et remplit une feuille double» numérotée 
50 et 51. 

5* L'atlas du Génois Pietro Vesconte, daté de l'année 
1318» et appartenant à la Bibliothèque impériale de 



(185) 

Vienne; formé de neuf petites cartes» hautes. de IQ 
centimètres et larges de 20, lesquelles se trouvent réu- 
nies ici en une seule planche double» portant les nu^ 
méros provisoires 37 et 38. 

6*" Mappemonde du siv"* siècle » tirée du manuscrit 
latin A939 de la Bibliothèque royale, intitulé Chronicon 
ad annumu.cccTLX, et considérée par le savant éditeur 
comme le type de celle qui accompagne, dans le Geski 
Dei per Francos doBongars» le Sécréta fideliurii Crucie 
de Marin Sanudo; elle est dessinée dans un cercle d'eO'* 
viron 17 centimètres de rayon , et occupe le centre 
d'une planche double , numérotée provisoirement 68 
6t 59 1 où M. Jomard se propose de comprendre en 
outre neuf autres mappemondes du ii" au xv* siècle. 

7® La fameuse carte vénitienne des frères Pizsigani, 
portant la date de Tannée 1367» et Conservée dans la 
bibliothèque de Parme ; elle n'a pas moins d'un mètre 
33 centimètres de long, sttr 90 ceatimères de haut » et 
se trouve représentée ici en trois feuilles doubles, 
ayant provisoirement les n'^' hh à h9^ 

8** Carte italienne de l'ancien Padouan, dtitée de 
l'année 1M9 , et signée de Hannibal de Madiis , ren- 
fermée dans un cadre circulaire d'un peu plus de 30 
centimètres de rayon , formant ici la planche 6A pro* 
visoire. 

9^ Carte italienne des pays compris entre la xAtt M 
Marmara et les monts Balkans , tirée d'un manuscrit 
de la Bibliothèque royale , et dont la rédaction pmrait 
au savant éditeur devoir être estimée voiûne de Tan 
1A53 ; elle a environ 37 centimètres de long sur 82 
centimètres de haut» et forme ici, provisoirement, la 
planche 36. 

lO"" Mappemonde allemande ^n deux hémisphères « 



( 184 ) 

diaprés le globe de Martin de Beheim , de 1&92 ; c'est 
une projection stéréograpbiqiie à l'échelle de 28 cen^ 
timètres pour le rayon terrestre ; chaque hémisphère 
occupe une planche simple : l'une porte le n** 52 pro* 
fisoire , l'autre le n° 53. 

11* La célèbre mappemonde de Juan de la Cosa, 
pilote de Christophe Colomb, datée de l'année 1500» 
et dont l'original appartient à la précieuse bibliothè- 
que du baron Walckenaer ; longue de 1 mètre 80 cen- 
timètres, haute de près de 96 centimètres ; elle remplit 
trois {grandes feuilles ou planches doubles , qui portent 
provisoirement les n<>* 17 à 22. 

12* Globe terrestre du xvi* siècle, dont l'original 
est à Francfort ; représenté ici de deux manières , sa* 
voir, en une projection stéréographique de notre hé- 
misphère , à l'échelle de 13 centimètres pour le rayon 
terrestre; et en vingt-quatre demi-fuseaux propres, à 
s'adapter sur une monture sphérique de 27 centimè- 
tres environ de diamètre ; le tout est réuni sur une 
planche double à laquelle sont affectés provisoirement 
les n*' 15 et 16. 

13* Enfin une grande mappemonde ou plani- 
sphère, exécutée vers 1550 par ordre du roi de France 
Henri II, et formant un vaste parallélogramme qui 
n'a pas moins de 2 mètres 56 centimètres de longueur 
de l'Ouest à l'Est, sur une hauteur d'un mètre 27 cen- 
timètres du Nord au Sud ; elle est ici distribuée en six 
grandes feuilles ou planches doubles , qui portent les 
n*' provisoires 23 à 3 A. 

Cet aperçu peut donner une idée de la magnifique 
entreprise à laquelle depuis longtemps le savant aca- 
démicien consacre des soins assidus et une partie de 
sa fortune; nous l'avons entendu plus d'une fois énon- 



( 186 ) 
cer le projet de porter jusqu'à une centurie complète 
le nombre de documents qu'il- projette d'y compren- 
dre : c'est pour le public studieux une perspective di- 
gne d'admiration et de sympathie; mais en passant en 
revue , comme nous venons de le faire, les parties déjà 
exécutées , n'avons-nous point à regretter» dans l'inté- 
rêt du savant éditeur comme dans le nôtre» que ces 
richesses ne soient pas déjà mises en circulation? Nous 
répéterons ici » en terminant cette note succincte , le 
vœu que nous avons à plus d'une reprise exprimé à 
l'éditeur lui-même, qu'une publication très prochaine 
mette au plus tôt ces belles planches à la portée de 
tous : publici juris fiant, * A. 



Notice d'une carte dfs yents et des Courants de V océan 
Atlantique septentrional^ par M. Maury, lieutenant de 
la marine des États-Unis ^ directeur de C Obserpatoire 
de la marine h ff^ashington. 

Le lieutenant de vaisseau M. J. Maury, directeur de 
l'Observatoire de la marine à Washington, a entrepris 
la publication d'une carte fort intéressante , dont la 
première feuille a été mise sous les yeux de la Société. 
Cette carte , rédigée d'après les matériaux réunis au 
bureau hydrographique sous la direction du Commo- 
dore Lewis Warrington, et dessinée par le lieutenant 
W. B. Whiting , a pour but de constater la direction 
et l'intensité des vents et des courants , en toute sai- 
son , dans l'océan Atlantique septentrional : la pre- 
mière feuille , qui a pour limites , au sud Téquateur, 
au nord le parallèle de AO^, et d'est en ouest les méri- 
diens de 70** et de 100** comptés de Greenvich» est un 
curieux spécimen de cette entreprise, que l'ingénieux. 



( 180 ) 

éditeur a Id projet d'étendre ultérieurement aux autres 
grandes mers du globe. 

Des lignes de roules multipliées sillonnent ici l'O- 
eéan : c'est le tracé du sillage effectif d'une quantité 
de bâtiments » dont les livres de lok ont été soigneu* 
sèment dépouillés pour y relever les dates , les vents , 
les courants , la température de Teau » la variation ma-* 
gnétique, constatés par l'observation ; et tout cela est 
noté sur la carte avec exactitude et sans confusion : 
lit-on un chiffre romain , c'est la variation observée à 
l'endroit même où ce chiffre est écrit; remarque-t*on 
tm chiffre arabe , c'est le nombre de nceuds accusé par 
le lok ; le chiffre arabe est-il souligné , c'est le degré 
de la température de l'eau à la place indiquée ; une 
flèche désigne la direction du courant; quant aux 
vents t la notation est aussi simple qu'ingénieuse : du 
point d'observation s'échappe en rayonnant,à l'oppo- 
site du côté d'où vient le vent , un faisceau de hachu- 
res dont la longueur et la force sont proportionnelles 
à l'intensité du vent ; des inégalités dans la disposition 
du faisceau signalent des rafales intermittentes. 

Qu'on suppose un pilote familiarisé par plus de 
cent voyages avec la traversée de l'Océan ; n'est-il pas 
évident qu'il aura» pour effectuer rapidement une seti^ 
blable traversée , une aptitude bien supérieure à celle 
du marin qui ferait le Voyage pour la première fois ? 
Eh bien , cette expérience , celle de cent autres pilotes 
habiles , la carte du lieutenant Maury a pour but de là 
mettre immédiatement à la portée de tous , en réunis* 
sant à un point de vue synoptique toutes les observa* 
tiens propres à caractériser, pour ainsi dire , chaque 
point de l'OcéaUi sous le rapport des vents et des cou-* 
rants qui y régnent , sinon constamment , au moins 



(187) 

le plus habituellement. Cette carte, toute riche qu'elle 
est de résultats acquis, n'est qu'un premier canevas, 
sur lequel viendront successivement prendre place des 
milliers de résultats nouveaux, de manière à procurer, 
à la simple inspection^ une connaissance détaillée de 
l'Océan, et la facilité de choisir, suivant les saisons, la 
ligne la plus favorable pour le traverser avec rapidité. 

« Quand le D' Franklin , » écrit M. Maury au con- 
sul américain à Paris, M. Walsh , « quand le D" Fran- 
klin, en plongeant son thermomètre dans l'Océan, mit 
ainsi aux mains des navigateurs un moyen sûr de re- 
connaître le Gulf-Stream, pour l'éviter ou le mettre à 
profit, la route maritime de l'ancien et du nouveau 
monde se trouva en réalité raccourcie de moitié. N'est- 
il pas permis d'espérer que la connaissance parfaite 
des vents et des courants amènera aussi des résultats 
dont il serait difficile «de limiter l'importance ? On a 
vu récemment une frégate fine voilière mettre ceat 
jours pour se rendre des États-Unis à Rio-Janeiro , tan- 
dis qu'un autre bâtiment, parti en même temps, avait 
fait la même traversée en trente jours ; avec la carie 
actuelle , certes, la frégate ne se fût pas méprise sur le 
choix de sa route au point de mettre à »a traversée 
plus que le triple du temps nécessaire. » 

On ne peut qu'applaudir chaudement à l'utile en- 
k^prise du lieutenant Maury : il ne qualifie lui-même 
son travail que de grossier essai ; c'est une formule de 
modestie que personne, en voyant son beau spéci- 
men , ne sera tenté de prendre au pied de la lettre : 
mais nous répétons avec lui que c'est un commence- 
ment qui acquerra une valeur plus grande à mesure 
que l'expérience de tous les jours tendra & le complé- 
ter, et dont on doit espérer des résultats nautiques 
d'une haute importajice. * A • . . *. 



(188) 



-^" ■■ » 



DEUXIEME SECTION. 



Actes de la Société. 

y 

EXTRAIT DES PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES. 



Pai^sidence dk m. Jomabd. 



Séance du 3 septembre 1847. 

Le procès-Terbal de la dernière séance est lu et 
adopté. 

M. le Président communique une lettre de M. le 
D' Gustave Klemm, directeur du musée de Dresde, 
annonçant qu'on vient de découvrir dans un marais de 
la seigneurie de Beitzsih ( Poméranie prussienne )« 
entre autres armes et armures antiques, un casque en 
bronze aurifère , le premier qu'on ait découvert ^n 
Allemagne de cette forme, tout à fait différente de 
celle des casques romains et grecs. Le savant anti* 
quaire pense qu'il est de l'époque des plus ancien- 
nes invasions en Europe des peuplades de la haute 
Asie. 

11 annonce que M. le colonel Jackson lui a écrit une 
lettre qui roule sur le sujet de l'unité à introduire dans 
les mesures géographiques , et dont il donne la sub- 
stance. 

Il lit ensuite une lettre de M. Haten , membre et 



( 180) 

bibliothécaire de la Société des antiquaires américains 
qui , après avoir parlé des récentes découvertes sur les 
anciens nnonuncients de TAoïérique , annonce Tenvoi 
prochain à la Société d'un ouvrage en deux volumes 
sur rhistoîre de la colonie de Massachussetts-Bay. 

Enfin , il annonce le départ pour la côte orientale 
d'Afrique de M. John Leigh , voyageur qui est déjà 
connu pour avoir fait la reconnaissance d'une rivière 
voisine de l'embouchure du Jub , et pour avoir fourni 
à M. le D' Gooley un itinéraire de Zanzibar au lac dit 
Niassy ; qui , enfin , a formé un vocabulaire de la 
langue sowayli , comprenant 7 à 8000 mots. M. John 
Leigh se rend à Quiloa d'où il espère pénétrer dans 
l'intérieur. 

M. Berthelot lit une Note sur les voyages et les al* 
bums pittoresques offerts à la Société par M. d'Has- 
trd , et sur les travaux chorographiques de M. Laguil- 
lermie, dont plusieurs feuilles sont mises sous les 
yeux de l'assemblée. — Renvoi au comité du Bulletin. 

M. le colonel Corabœuf offre , de la part de l'au- 
teur, M. Ostervald , un Recueil des hauteurs des pays 
compris dans le cadre de la carte générale de la Suisse» 
et il commynique une analyse succincte de cet ouvrage. 
— Renvoi au comité du Bulletin. 

M. le vicomte de Santarem lit la suite de sa Notice 
géographique et analytique d'un atlas maritime por- 
tugais inédit de 16Â6. 

M. le vicomte Le Serrée de Kervilly, lieutenant de 
vaisseau de la marine royale , qui a fait partie de l'ex- 
pédition de M. Tardy de Montravel sur l'Amazone / 
donne lecture d'un Mémoire sur les délimitations de 
la Guyane française et du Brésil» et sur les moyens' 
d'obtenir pour la France la ligne de l'Amazone* Dans 



(190) 

ce travail, M. de Kemlly a été conduira faire des re* 
oherches sur la Traie position de la rivière de Vincent 
Pinson » et il présente leurs résultats à la Société. La 
Commission centrale écoute cette lecture avec beau* 
coup. d'intérêt, et elle prie M. de Kervilly de donner 
communication de son travail au comité du Bulletin. 

Séance du 17 septembre 18A7. 

Le procès-verbal de la dernière séance est lu et 
adopté. 

H. le ministre de l'Instruotion publique adresse à la 
Société une circulaire par laquelle il l'invite à lui 
faire connaître l'état de ses ressources et de ses dé- 
penses annuelles, afin de lui accorder, s'il y a lieu , 
les encouragements nécessaires pour continuer ses 
utiles travaux. 

M, le D' Mauruc écrit à la Société pour lui ofirir, 
de la part de son frère , le capitaine Arnaud Hauruc , 
1* un plan de l'archipel Dangereux en k feuilles , avec 
une Notice; 2'' la carte et le journal d'un voyage qu'il 
a fait dans l'Océanie en ISAO. M. le capitaine Mauruc, 
qui a fait de nombreux voyages dans ces parages , a 
recueilli des renseignements qu'il croit utiles à la 
science , et il espère que la Société voudra bien les 
accueillir avec intérêt. La Commission vote des re* 
merciements à l'auteur, et renvoie ses communica- 
tions au comité du Bulletin. 

M. Cochelet, consul général de France à Londres , 
écrit à H. le Président qu'il a remis la médaille d'or de 
la Société à M. le D' Nicholson, qui s'est chargé de la 
transmettre au D' Leichhardt. Il annonce que le voyage 
du savant allemand doit bientôt paraître à Londres , et 



(m) 

que H. le D' Nicholsoo se propose d*en offrir un exem* 

plaire à la Société. 

M. Lamare-Piquot écrit à la Société pour lui offrir 
un échantillon de la plante farineuse qu'il a rapportée 
d'Amérique pour l'introduire en France ; il y joint un 
apécimen de cette plante et une note sommaire sur son 
histoire,*— Remerciements et renvoi au comité du Bul* 
le tin. 

M. le vicomte de Santarem donne lecture de plu-- 
sieura observations relatives à une note insérée dans 
le Bulletin du mois de juin dernier, M. Jomard ré- 
pond à ces observations, 

M. de La Roquette rappelle à la Société qu'en 1826, 
une commission composée de MM. Malte-Brun , baron 
de Férussac> L. de Freycinet, Jomard , baron Wal- 
ckenaer et de lui , fut chargée de préparer pour un 
voyageur français^ M. Ghemisard • des questions sur la 
Gochincfainey le Gamboge, le Laos et le Tonquin. 
Nommé rapporteur de cette commission» M. de La 
Roquette rédigea une série de questions , et réunit 
celles que chacun de ses collègues avait préparées. 

M. Ghemisard n'ayant point mis son projet à exé« 
cution, et la Commission centrale ayant cessé la pu- 
blication de son recueil de questions , aucun usage 
n'a été fait du travail de M. de La Roquette et de ses 
collègues. Il pense cependant qu'il pourrait être publié ; 
mais comme plus de vingt ans se sont écoulés depuis 
qu'il a été rédigé , et que dans cet intervalle de temps, 
plusieurs des questions qu'il contient doivent avoir été 
résolues par quelques uns des voyageurs qui ont vi- 
sité l'empire d'An-Nam , il propose à la Société de 
nommer une commission qui serait chargée de revoir 



(m) 

atec lui ce iraYail, et de le remettre au niveau de la 
science. 

Après quelques observations de MM. Jomard , d'A- 
vezac et de La Roquette , la Commission centrale dé- 
cide , sur la proposition de M. Vivien » son secrétaire 
général » que M. de La Roquette reverra lui-même son 
travail, après avoir consulté les différentes relations 
qui ont paru sur TAn-Nam , et en particulier le Dic- 
tionnaire an-namitique du missionnaire Taberd. 

M. Roui de Rochelle lit un rapport de M. Berthelot 
sur Thistoire et la géographie de l'Ile de Madagascar» 
par MM. Macé - Descartes et Mac-Carthy. — Renvoi au 
comité du Bulletin. 

M. d'Avezac lit une Notice sur quelques lies de To- 
céan Atlantique. 

M. Noël des Vergers entretient la Société des diffé* 
rentes phases qu'a eu à subir le projet de publication 
d'un recueil général d'inscriptions latines > formé par 
M. Villemain , sous son ministère , recueil dont l'exé- 
cution aurait un grand intérêt pour la géographie an* 
cienne. M. des Vergers est prié de donner une Note & 
ce sujet au comité du Bulletin. 

MEMBRE ADMIS DANS LA SOCIÉTÉ. 

Séance du 3 septembre 18&7, 
■M.. Laguuxbrmib /géographe. 



BULLETIN 



DE LA 



SOCIÉTÉ DE GÈOGRAMIE. 



OCTOBRE 18A7. 



PREMIERE SECTION 



MÉMOIRES, EXTRAITS, ANALYSES ET RAPPORTS. 



DISSERTATION GËOGRAPfflQUE . 

COMMUNIQUEE A LA SOCIÉTÉ DE GEOGRAPHIE 

Par M. FRANCIS L/l VALLÉE, 

Vice-consal de France , etc. 

L'Amérique fut-elle eonDue des aociens? 



m 

L'esprit d'association propre à produire les plus 
heureux résultats dans ce siècle, doit s'appliquer 
surtout avec utilité à la propagation des connaissances 
géographiques. Les hommes éclairés , dont nous nous 
proposons aujourd'hui d'exposer les travaux , sont 
hien pénétrés de cette vérité. Les fruits de cette réu- 
nion désintéressée n'ont point tardé à se montrer. 
Une vaste correspondance sur divers points du globe , 

VIII. OCTOBRE. !• 13 



( 194 ) 

les gratifications et indemnisations promises au zèle 
des voyageurs » et des prix offerts à l'émulation des 
savants ont fait connaître les immenses bienfaits de 
cette institution. Mais il ne suffit pas de réunir en si- 
lence les notices des pays éloignés, d'établir des ques- 
tions sur des contrées non encore explorées, et de 
réunir dans un centre commun tant de lumières dis- 
séminées. Tout ces services, justement appréciés au 
moment qu'ils sont rendus , auraient pu se perdre 
pour les temps à venir, si la société ne s'était empressée 
de laisser un monument durable de ses travaux. Les 
écrits qu'elle a publiés jusqu'à présent ne sont que 
les préludes des communications importantes qlie 
Ton doit espérer d'elle, quand ses moyens d'action 
auront acquis plus d'étendue , et quand , convaincue 
du bien qu'elle peut faire, cette Société aura plus de 
confiance en elle-même , plus de persévérance et plus 
d'activité. 

Les écrits cités ici contiennent des relations et des 
mémoires. Les relations que Ton réunit dans cette 
collection ne sont pas de celles qui méritent l'appro- 
bation du vulgaire , mais celles qui n'ont rien de roma- 
nesque et dans lesquelles des observations neuves, 
exactes et scrupuleuses occupent la place du charla- 
tanisme et des forgeurs de voyages. Le célèbre Malte- 
Brun dit dans le prologue de cette collection : « Un 
itinéraire, un vocabulaire constituent souvent le mé- 
rite d'un récit aux yeux du monde savant; quelques 
grandes cartes suffisent quelquefois pour indiquer le 
résultat d'un long et mémorable voyage ; mais par 
malheur il y a des éditeurs, dont le premier soin est 
de supprimer ou d'altérer de semblables documents 
dont ils ne connaissent point la valeur. Il est à désirer 



( 105 ) 

que déftormaii aucun voyâgour ne les livra à det spé* 
culateurs qui les altëreul au préjudice de la science. 
Us ont ici la Société qui leur facilite les moyens de les 
publier. Il n'est point nécessaire d'ajouter que son 
secours sera encore plus efficace pour les dissertation 
ou mémoires qui s'adressent en général aux savants. 
Combien d'observations et de découvertes partielles 
sont restées ensevelies dans l'oubli pour n'avoir pas 
rencontré un semblable asile et encouragement 1 
Combien d'entreprises de voyageurs auraient échoué, 
si les profond es études des géographes célèbres» réu- 
nies en collections» n'avaient guidé leurs pas 1 

Le Vénitien Marco-Polo« vrai père de la géographie 
orientale et de la science des voyages» a été celui qui 
a reçu le premier hommage de la Société. En effet on 
a publié une traduction de son ouvrage en français, 
dans le langage du xiv siècle » extrait de la bibliothè** 
que royale ; cette copie est » de toutes celles connues » 
la plus exacte et la plus complète. 

Les autres travaux déjà publiés sont relatifs à la Cy- 
rénaique et à la Pentapole. Quelques récits sur Tinté- 
rieur de l'Afrique » un itinéraire de Constantinople 
à la Mecque» et aux gouvernements de Bagdad, de 
Orfa et d'Alep» avec une notice de M. Barbie du Bo- 
cage; les provinces méridionales de la Perse décrites 
par M. Hammer dans un mémoire traduit par M. Mer* 
oiati le beau travail de M. Bruguière» intitulé \ Oro-* 
graphie de l'Europe» etc.» etc. Nous ne nous arrêterons 
pas sur l'importance et la nouveauté de ces documents, 
géographiques enrichis la plupart de cartes inédites 
et de dessins» et nous appellerons l'attention des per- 
sonnes instruites sur l'Amérique dont nous ne con** 
naissons» eneore bien faiblement, que les peuples qui 



(196) 

existaient à l*époque de la découverte du célèbre Co« 
lomb. Et, serait-il possible qu'avant ces Indiens, dont 
nous parlent les anciens historiens espagnols, de grands 
peuples aient habité ces contrées?... Que ces peuples 
aient construit des villes opulentes , de magnifiques 
édifices, et que TAmérique ait ses ruines comme l'Eu- 
rope, l'Asie et l'Afrique? C'est cependant ce cpie nous 
assurent les autorités les plus respectables, dont les té- 
moignages ont été réunis par M. Warden, ancien consul 
des Etats-Unis, dans des mémoires très précieux , l'un 
sur les ruines de Palenque et l'autre sur les antiquités 
de divers Etats des provinces unies de l'Amérique. 
Nous parlerons de ces faits parce qu'ils sont encore 
très peu connus. 

Dans toutes les parties de l'Amérique septentrionale, 
baignées par l'Ohio depuis le lac Erié et l'état de l'Il* 
linois jusqu'au golfe du Mexique, et sur les bords du 
Missouri jusqu'aux montagnes Rocky, la terre découvre 
des indices d*époques passées, et montre l'existence 
d'une grande et puissante population, dont l'histoire, 
sans doute , est perdue pour toujours. Des élévations 
immenses dont l'usage reste ignoré, même pour les 
Indiens modernes, pleins d'ossements humains qui 
semblent émaner de peuples étrangers; des armes 
dont la forme n'a jamais été imitée dans ce continent 
depuis sa découverte , des restes de villes , construites 
de briques et de chaux, entourés de grosses murailles 
de terre, sur lesquelles végètent des arbres d'une 
grosseur prodigieuse; quelques constructions régu* 
Hères , des habitations en voûte et des inscriptions 
dans une langue inconnue du temps des premiers voya- 
geurs ; tout annonce l'antique existence d'un peuple 
très différent de celui que les Européens rencontrèrent 



( 197 ) 

d'abord dans ces mêmes pays. Et ces profondes mar- 
ques d'antiquité la plus reculée, dont le pays situé à 
TEst des monts Alleghany n'offre pas le moindre ves- 
tige, semblent nous dire que nous sommes bien loin 
de savoir ce qui se passait dans ces contrées, bien avant 
qu'elles fussent découvertes. 

Des traits semblables d'antiquités se rencontrent 
parfois dans les provinces du Nord. Larocbe de Dig- 
ton, dan$ l'Etat de Massachussets, a fatigué l'esprit des 
savants des deux mondes. Plusieurs se sont limités à 
rencontrer dans son inscription la forme de caractères 
phéniciens et en conséquence une preuve des expédi- 
tions commerciales des Carthaginois en Amérique ; 
d'autres plus hardis se sont figurés lire très claire- 
ment sur cette roche le nom Au fils Indien^ qui vivait, 
selon leur opinion , du temps de l'empereur de la 
Chine Yao^ an du monde 2,296, quarante -huit ans 
après la submersion de l'Atlantide. 

A Fayetteville, sur la rive de l'Elk, aux environs 
d'une fortification ruinée , on vient de rencontrer une 
monnaie romaine, qui doit être du second siècle de 
notre ère, car elle porte en bon style numismatique , 
d'un côté le nom de Antoninus Pius , et de l'autre celui 
de Marcus Aurelius, Celle-ci est, il est vrai, une mé- 
daille qui prouve fort peu de chose , parce qu'elle 
prouverait trop; cependant il est bien étonnant de 
l'avoir rencontrée dans ce lieu. 

La découverte des ruines trouvées près de Palenque , 
dans la province de Guatemala^ sera sans doute encore 
plus intéressante. Restes majestueux d'édifices qui 
sont restés cachés l'espace de beaucoup de siècles, 
dans des bois impénétrables, et qui jusqu'à nos jours 
sont restés inconnus aux historiens du nouveau monde. 



( 198 ) 

Ces ruines manifestent an état de société plus florin 
sant que celui des peuples qui hubitërent la vallée de 
rOhio. Des aqueducs qui paraissent de construction 
romaine, des bas^reliefs où quelques uns ont oru 
rencontrer les faits fabuleux de l'antiquité classique , 
et des emblèmes analogues à ceux de l'ancien monde» 
ont induit le capitaine del Rio, un des premiers obser- 
Tateurs de cette nouvelle Herculanum , à penser que 
des Phéniciens, des Grecs ou des Romains purent 
étendre leurs conquêtes ou leur commerce jusqu'à Ces 
régions lointaines, où Ils auraient laissé quelques 
légers signes de leurs arts et de leur croyance. 

D'autres, dans les fragments confus de ces idoles, 
ont prétendu rencontrer l'Isis et l'Osiris de l'Egypte, 
malgré que ces extravagantes figures ressemblent plutôt 
aux dieux de l'Inde, et que cette ressemblance s'ao» 
corde mieux avec l'opinion, plus probable, que l'Ame* 
rique reçut sa première population de la partie da 
Nord-Ouest D'autres se sont hasardés jusqu'à fixer 
année par année et presque jour par jour , l'époque 
certaine où Hercule Libicua débarqua dans l'Atlantide 
et d'un point de la côte expédia une nouvelle colonie 
pour le continent américain. M. Warden ne se décide 
pour aucune opinion, et il n'est pas besoin d'être 
bien téméraire pour assurer qu'il a raison. 

Quelle que soit l'opinion qu'on adopte touchant cm 
restes d'une civilisation effacée depuis tant de siècles « 
il est certain qu'ils existent et que des hommes dignes 
de foi les ont décrits. Donc Robertson a eu tort de dire 
que les Espagnols, dans leur conquête, détruisirent tous 
les anciens monuments de l'Amérique, et mémo ense^ 
velirent leurs ruines. Les voyages de MM. da Hambotdt^ 
Buliodk, etc., le réfutent eom^itemciiti et dut suffis 



( 199 ) 

samment manifesté que le nouveau monde possédait 
aussi ses antiquités. Et même on croit que beaucoup 
de ces magnifiques, ruines étaient déjà perdues dans 
l'obscurité des temps , à l'époque de la conquête ; et 
que la féconde et riche végétation, qui, aujourd'hui 
même, permet à peine de distinguer les palais, les 
temples et les monuments, les cachait alors. 

Ces restes sont moins parlants que ceux de l'ancien 
monde, et à peine mériteot-ils le nom de monuments ^ 
car ils ne font allusion à aucun fait connu , et ne 
présentent à la mémoire aucune histoire. Ceux de la 
Grèce et de Rome ont pour interprètes les écrits im- 
mortels de ces grands peuples , et, grâce à eux, nous 
pouvons suivre , entre les siècles, leurs longues vicissi- 
tudes. Plus confuses et plus obscures sont certainement 
les annales d'Egypte et de Palmyre; cependant les 
traditions du passé ne sont pas entièrement muettes 
quant à leur origine et à leur destinée ; on espère 
même quelque jour voir dissiper les mystères que ca- 
chent les anciens temples de l'Inde, mais aucun espoir 
ne nous reste sur les monuments de l'Amérique^ Le 
peuple qui éleva ces temples , qui adora ces idoles , 
leurs livres, leurs annales : tout a disparu ! L'Amérique, 
surtout dans le Nord, n'ofFre à l'inutile curiosité du 
voyageur que. les signes d'une langue à jamais perdue 
et des ruines sans souvenir. 

Tout le monde sait combien de systèmes ont imagi- 
ginés les modernes depuis Rudbeck jusqu'à Bailly, 
touchant l'Atlantide de Platon , lie plus grande , d'après 
ce philosophe, que l'Asie et l'Afrique ensemble, et 
que le même Platon place en face des colonnes d'Her- 
cule. Il dit dans Timeus que les rois de ce vaste con- 
tinent, maîtres déjà d'une partie de l'Afrique et de 



( 200 ) 

l'Europe » s'efibrcèrent de conquérir Athènes qui sau- 
va sa liberté par une victoire. « Avec le cours des siè- 
cles, ajoute Platon , à la fin du jour inévitable» arriva 
l'horrible nuit, et avec elle le tremblement de terre, 
qui, au milieu des inondations, plongea dans les 
profonds abîmes tous les soldats d'Athènes ;* et File 
de l'Atlantide resta ensevelie pour toujours dans les 
ondes. Aujourd'hui cette mer est inaccessible, et le 
feu du continent submergé arrête les navigateurs qui 
veulent en visiter les ruines. » Voilà le récit que l'an- 
cien Critias entendit de la bouche de Selon. Nous 
voyons dans Pro^Ius que le même Platon avait lu cette 
même relation écrite en caractères hiéroglyphes sur 
des colonnes égyptiennes, et Jamblicus ajoute que 
c'étaient celles de Hermès Trismegistns, Beaucoup con- 
viennent que cette tradition n'est pas entièrement fa- 
buleuse, que l'Ile submergée peut très bien avoir 
existé dans l'océan Atlantique , et que peut-être les 
îles Canaries et les Antilles en sont quelques restes. 
La mémoire d'une grande catastrophe de cette nature 
parait s'être conservée parmi quelques peuplades er- 
rantes de l'Amérique du Nord. Chassées sans cesse 
par la civilisation des États qui forment la nation 
américaine, elles ne doutent point que leurs tribus pé- 
riront également, comme dans un autre temps périrent 
les Athéniens avec les habitants de l'Atlantide, qu'ils 
avaient vaincus. « Quand les hommes blancs, disent 
leurs sages , auront fini de tuer les hommes cuivreux , 
le Grand-Esprit donnera le signal de la vengeance : la 
gigantesque tortue qui porte sur son écaille notre 
terre , secouera son fardeau , comme elle le fit dans 
un autre temps; les blancs seront tous victimes de ce 
nouveau déluge , et le Grand-Esprit restituera alors 



( 201 ) 

la terre aux hommes cuivreux. » Ces relations sont à 
coup sûr très singulières : nous pourrions en réunir 
plusieurs autres plus notables , si nous examinions la 
question qui se discute dans un ouvrage, qui n'a point 
appelé l'attention de M. Warden , et qui fut publié à 
Boston sous le nom de P Amérique connue des anciens. 
Pour ne point nous engager à tout dire dans ce bref 
discours, où à peine les limites que nous nous sommes 
tracées nous permettent d'indiquer rapidement quel- 
ques faits, nous nous bornerons ici à une compa- 
raison qui peut-être n'est venue à l'esprit de personne, 
et que nous soumettons aux réflexions de nos savants 
et illustres lecteurs. 

La topographie de Mexico est assez connue. Cette 
ville, dit Roberlson, est située dans une plaine entourée 
de montagnes ; les eaux qui descendent de ces hauteurs 
se réunissent à différents lacs ; une communication 
naturelle existe entre les deux principaux. Sur les 
bords de l'un des deux, et dans quelques lies conti- 
guës était bâtie la capitale du Mexique , où l'on arrivait 

par des chaussées en pierres et en terre, de trente 
pieds de large à peu près. Gomme dans le temps des 

pluies abondantes, les eaux des lagunes inondaient 
la plaine, la chaussée avait beaucoup d'étendue. Ces 
digues n'existant pas ^u côté du levant , il élait néces- 
saire de se servir de bateaux pour arriver à la capitale. 
Chaque chaussée était coupée , de dislance en dis- 
tance, par des ouvertures sur lesquelles on avait 
construit des ponts. La ville n'était pas moins admi- 
rable par la magnificence des temples, des palais de 
l'empereur et des maisons des principaux person- 
nages. Lisons à présent le Critias de Platon. Gomme 
nous ne pouvons pas traduûre ici toute la description 



( 202 ) 

de la capitale de l'Atlantide» nous nous limiterons à 
en donner quelques fragments. « Neptune commença 
par entourer de fossés remplis d'eau le terrain où il 
fonda sa ville, les coupant» de distance en distance» 
par des chemins en terre plus ou moins larges. Ces 
fossés étaient autant de barrières destinées à rendre 
la ville inaccessible. On fit des ouvertures à ces di« 
verses chaussées» et l'on construisit sur chacune d'elles 
des ponts » de manière qu'un trirème pût passer faci- 
lement par dessous Les rois de l'Atlantide étaient 

si puissants , qu'aucun prince n'eut et n'aura jamais 
autant de richesses» etc., etc. » Sans doute que cette 
ressemblance est casuelle ; nrais enfin est-ce impos- 
sible que quelques navigateurs phéniciens aient ap- 
porté jusqu'en Egypte quelques notions d'un autre 
hémisphère» et que sur ces anciennes traditions , 
Platon formât sa description poétique d'un continent 
qui n'ejûstait plus et que l'on considérait comme dé- 
truit. 

Dans l'histoire de l'Amérique tout est conjecture 
parce que sa découverte est récente » et parce que 
les circonstances et l'époque de la découverte firent 
disparaître beaucoup de témoignages du passée Mais 
les conjectures sont plus fondées quand elles s'ap- 
puient, non sur le récit de quelques paroles ou de 
quelques usages» sinon sur le terrain même » et quand 
elles peuvent servir de guide au voyageur éclairé et 
impartial» qui nous montre encore* au milieu de bois 
impénétrables» les respectables vestiges de villes» de 
fortifications» de cimetières» etc.» et nous transmet la 
copie des inscriptions des pierres sculptées, des armes 
et des bronzes » ouvrages d'un peuple enseveli dans la 
nuit des tempa. Les coutttiMft Yamnt ei 1m analogies 



( SOS J 

dff idiomes pêuvtnt tromper; màii les grandes cons* 
truotions et les restes magnifiques témoignent que « 
dans un autre temps » l'industrie et les arts régnèrent 
dans ces immenses solitudes, qui de temps à autre 
sont maintenant traversées par quelques Indiens sau- 
vages sans annales ni traditions. Avec le secours des 
probabilités de la science moderne, et marchant pas à 
pas avec une lenteur scrupuleuse au milieu de sem- 
blables traces d'une obscure antiquité, on parviendra 
successivement à enrichir nos connaissances ou au 
moins les vraisemblances historiques. 

La civilisation avec un pied victorieux et une main 
généreuse s'avance dans ces régions si longtemps in- 
connues, introduisant dans l'intérieur son bienfaisant 
flambeau. Le désert va disparaître, et chaque nou* 
velle tentative laisse à découvert quelques secrets. 
Les Humboldt, les del Rio , et les Warden ont com- 
mencé à soulever un coin du voile qui couvre l'antique 
berceau du nouveau monde. Il reste beaucoqp à faire 
encore, même il est probable que jamais on ne par- 
viendra à dissiper entièrement l'incertitude, mais 
l'impulsion est donnée , les investigations font dés 
progrès, et dans un temps plus ou moins éloigné 
l'agriculture et les sciences refleuriront sur ces im- 
menses contrées. 

La Société de géographie , par ses sat antes publi- 
cations, excitera une honorable émulation ; elle donne 
déjà un salutaire exemple; elle facilite les commu- 
nications entre les voyageurs et les savants de tous les 
pays, elle offre à leur zèle de nobles récompenses, 
elle encourage et publie les découvertes , qui en quel- 
que sorte complètent le monde et son histoire; en ex- 
citant ainsi tout les hommes éclaifte i QSMauôr au 



{ 204) 

noble et principal but de son institution » ce corps 
illustre est appelé à remplir la mission la plus digne 
d'un peuple haut en civilisation. 



OUVRAGES, MÉMOIRES ET JOURNAUX 

OFFERTS À LA SOGIl^TË DE GÉOGRAPHIE 

Pendant le mois d'octobre l847« 



. Plusieurs de ces ouvrages ne contenant pas de 
morceaux consacrés spécialement aux sciences géo* 
graphiques, nous devons nous borner à en donner le 
titre (1) . Ce sont les suivants : 

Recueil Je la Société polytechnique^ publié sous la di- 
rection de M. de Moléon , numéro d*août 1847; 

Journal iV éducation populaire^ publié par. la Société 
pour l'instruction élémentaire , numéro d'août 18A7 ; 

Bulletin spécial de l'institutrice , publié par plusieurs 
professeurs, livraisons d'août et de septembre 18A7; 

V InçestigateiWp journal de l'Institut historique, li- 
vraison de septembre 18A7 ; 

Annales de la Société iV agriculture du département de 
la Charente , janvier et février 18i7. 

Mémoires de la Société royale iC agriculture ^ etc., du 
département de Seine-efc-Oise (i8A7). 

Séances et travaux de l'Académie de Reims (18^7) • 



(i^ Quelques uns de ces journaux ou recueils [lériodiques nous 
fournissent crpendant de temps à nutre des indications dont la géq- 
if|ra|4iMi peut tirer pro6t« i . • 



( 205 ) 

Voyage en Irlande en 1846 e/ ^/i 1847, par M. Ed. 
Dechy. Paris, 1 volume in-8, 1847. 

Histoire de la Belgique depuis son ongine jusqu^cn 
1844 » etc. , par M. Casimir Heoricy ; Paris , 1847. 

JOURNAUX ET RSGUBILS PiftlODIQUES. 

Mémoires de la Société ou Académie géographique de 
Saint-Pétersbourg^ 2 vol. in-8. Saint-Pétersbourg, 4846 
et 1847. 

Parmi les ouvrages offerts à la Société pendant le 
mois d'octobre 1847, je dois signaler en première 
ligne les deux volumes désignés ci-dessus , publiés en 
langue russe par la Société ou Académie géographique 
de Saint-Pétersbourg. Il est vivement à regretter que 
cette Société, fondée en 1845, publie ses Mémoires 
dans une langue peu connue dans le reste du globe, et 
pour laquelle il n'existe malheureusement pas de chaire 
hors des limites de l'empire russe. A en juger par les 
volumes en ce moment sous nos yeux, les publica- 
tions de cette Société savante , hautement patronnée 
par le gouvernement russe, et qui a pour protecteur 
le prince impérial , offriront un grand intérêt pour la 
science. On pourra en prendre une idée par les courts 
extraits qu'il m'a été possible de faire , grâce à l'obli- 
geance de mon ancien collègue et ami M. Bigot, tra- 
ducteur au ministère des affaires étrangères 

Le premier volume commence par la listé des inem* 
bres de la Société, et par un exposé sur sa création et 
sur le but qu'elle se propose. 11 contient ensuite plu- 
sieurs mémoires et relations dont je suis forcé de ne 
donner ici que les titres. 

1. Mémoires sitr la géographie fie la Russie d^ Europe y 



( 200 ) 

par H. Strave» lu en français dans la séance du 19 dé- 
cembre 18i6 (1). 

2. Mémoire statistique et historique sur les relations 
iiONÉTàiats de la Russie^ par M. Arseikiew. 

8. Extrait de la relation du voyage de M, Frey-mann, 
chargé par la Société d'aller visiter les établissements de 
la Compagnie anglaise de Gudzof dans Vjiinérique sep- 
Untrioiutlê. 

A* De V Ethnographie et de la topographie en général, 
et particulièrement en Russie, par M. Behr. 

6. Coup d*œil sur la situation actuelle de la Société 
géodésique et topographique, par M. Bototof. 

Ce ? olume est terminé par le catalogue des ouTra-» 
ges, cartes et plans offerts à la Société jusqu'au mois 
de mai 18i(« 

Après le-compte rendu de la situation de la Société 
géographique adressé au grand duc Constantin , on 
trouve dans le second volume les mémoires suivants : 

1. Mémoire de M, Ranikow sur l'état oii se trouvait 
en i8il la grande horde des Kirghises, Ce mémoire, 
dont l'auteur vous a donné communication dans le 
temps pendant son séjour à Paris, est accompagné 
d'une carte du territoire occupé par les Kirghises, entre 
les goupernements de Saratof et dOremhoufg. 

2. De l'enseignement de la science ethnologique en 
Russie, par M. Naliegedin» 

3. Coup d^œil sur les progrès de la statistique f par 
M. Zablotski. 

&• Extrait du Journal de M. Zagoskine, on de la Re« 

(t) La Sociéië gëogriphique de Saint-Pétersbourg nous rendrait 
service en faisant parvenir à Paris une oepit ée rori^iBal écrit an frai^ 
9«i« fss Ptalrar. 



( 207 ) 

lation de son voyage aux côtes de rAmérique septen- 
trionale, avec une carte dressée de 1842 à 1844. 

5. De la race des Turkmènes^ des Gorklans et des 
Yamacs, par M. le baron Bode. 

6. Des moyens de s^ acclimater ^ par M. Poroschinç. 

7. Extrait du voyage ethnographique en Liçonie et en 
Courlande , par M. Schegrine. 

8. Fbyage à la presqu*ile de Manghislak exécuté en 
1846 , par M. Ivanine , accompagné d*une carte des 
côtes de la mer Caspienne , et d'un pian du cours de 
la rivière Asbtschivasch (golfe d'Aschtscha]. 

La liste des prix fondés par le grand duc Constantin 
termine ce second volume. 

BeRICHT iJBER DIE ZUR BERANNTMAGHUNG, CtC. Extraits 

des rapports mensuels de l'Académie des sciences de 
Berlin pendant les six derniers mois de 1846 et les si^ 
premiers de 1847. 

1. Sur la patrie originaire du café. 

Suivant M. Ritter, auteur de ce mémoire, le café n'a 
été probablement importé en Arabie que pendant le 
moyen âge; même sur le sol de l'Yémen, qui lui est si 
favorable, et où croissent les plus belles graines du 
moka (mochha), cet arbuste n'est qu'un produit du 
jardinage et sa culture exige toutes sortes de précau- 
tions. Son nom ne dérive d'aucune racine arabe. Le 
pays véritablement natal du café, ce sont les hauts pla- 
teaux de l'Ethiopie, les pays interlropicaux de l'Afrique, 
et, parmi ces pays, plus proprement les régions com- 
prises entre l'équateur et le 6' degré de latitude septen- 
trionale. C'est là que l'arbre du café se trouve à l'état 
sauvage. A CafFa et Enarea et dans le pays des Gallas, 
sur le Niger et jusqu'à Sierra-Leone et à Angola, on le 



( 208 ) 

trouve formant des forêts étendues et portant des fruits 
d'une qualité supérieure et extrêmement abondants. 
M. Ritter propose d'appeler le café sauvage Coffea Su^ 
danica^ et les variétés cultivées» Cojfea JEthiopica et 
Arabica. 

2. Anomalies que présentent les courbes des tempéra ^ 
tares annuelles dans C Amérique du Nord. 

H. Dove donne dans ce mémoire les températures 
mensuelles moyennes d'un grand nombre de points 
de nos terres septentrionales, et finit par attribuer les 
grandes anomalies des courbes annuelles de la tem- 
pérature américaine , à la complication du climat de 
cette partie du globe , qui présente en hiver les phé- 
nomènes d'un climat continental , tandis qu'en été 
il se comporte complètement à la manière des climats 
océaniques. 

3. Sur la dispersion géographique du dromadaire 
{^chameau à une seule bosse \^Kameel\) et du palmier à 
dattes considérés dans leurs rapports aifec la vie nomade 
ou sédentaire des premiers peuples. 

Le but de ce mémoire de M. Ritter, lu dans les 
séances du 17 décembre 18A6 et 7 janvier 18A7, est de 
montrer que le dromadaire a toujours été la condition 
indispensable de tout développement de la vie no- 
made ; que c'est un animal éminemment continental 
et appartenant aux régions chaudes et tempérées, 
mais non humides; que la zone de la propagation s'ar- 
rête au midi avec le commencement des régions à ti- 
gres et à éléphants de l'Asie méridionale , et au nord 
avec l'apparition du renne; que c'est l'animal par 
excellence du sol salé, sableux et siliceux, des steppes 
peuplés de plantes marines, de mimoses épineuses et 
d'acacias; que cette espèce, refusée complètement aux 



( 200 ) 

climatâ littoraux, pourrait rendre de grands services 
si on l'importait dans certaines contrées de l'Anaérique 
du Sud» au Chili septentrional et au Pérou, par exemple, 
et surtout dans l'intérieur de la Nouvelle-Hollande. 

â. Sur les changements qu^éproupe la direction moyenne 
du vent dans la période annuelle^ dans V Amérique septen* 
trionale. 

Dans ce mémoire, lu le !•' février 1847, M. Dove, 
que nous avons déjà cité, prouve que, contrairement 
à ce qui a lieu en Europe , où le vent souffle en hiver 
moyennement du sud-ouest, en été du nord-ouest 
et en automne du midi, dans l'Amérique du Nord les 
vents du sud-ouest régnent pendant l'été, et ceux du 
nord- o uest pendant l'hiver. 

Dans cette même séance, M. Dove aé gaiement dit 
quelques mots sur la distribution des pluies dans l'A- 
mérique septentrionale. 

Avant de clore cet aperçu du Monats^Bcricht , nous 
devons annoncer que M. FrapoUi, de Milan, a pré- 
senté le 30 juillet 18&6, à l'Académie des sciences.de 
Berlin, le manuscrit d'une carte topographique et géo* 
logique du pays subhœrcynien septentrional (Vorder^ 
fiarzés)^ ainsi que les dessins qui l'accompagnent, et 
que cette carte ne tardera pafs à paraître. 

Abhandlungbn der Akademie der Wissenschafien zu 
Berlin ; Mémoires de r Académie des sciences de Berlin , 
pour l'année 1845. — Berlin. 1 vol. in-4*. 1847. 

On y trouve entre autres mémoires d'une haute uti- 
lité pour la géographie : 

1. Sur les variations non périodiques dans la distribua 
iion de la température sur la sut face de la terre ^ par 

VIII. OCTOBRE. 2. 44 



(210) 

M. Dove ; c'est le quatrième mémoire sur le même sujet. 
L'auteur fait, dans ce mémoire, rbistoire.de la tem- 
pérature du globe, depuis Tannée 1729 jusqu'à l'année 
18Â&. U a réuni « dans cet immense travail , toutes les 
données ayant rapport à la température terrestre, pen- 
dant ce laps de temps, qui se trouvaient éparses dans 
une quantité énorme de brocbures et de monographies 
isolées. Il les a groupées et les a coordonnées en nom- 
bres exacts et en tableaux ; et ces tableaux de nombres 
occupent prés de cent quatre-vingts pages d'un grand 
in*A. M. Dove parvient ainsi à confirmer l'important 
résultat que les élévations extraordinaires de la tempé> 
rature ne sont jamais purement locales , mais qu'elles 
se propagent sur de grandes étendues de la surface de 
la terre» et parviennent sur des points donnés, à des 
maximums en plus et en moins, entre lesquels la tem* 
pérature affecte tou tes sortes de passages. Ce qui établit 
entre les différentes parties de cette surface une véri- 
table compensation de chaleur et de froid , qui main- 
tient à la température générale une intensité normale 
et constante pour toutes les années indifféremment» 

2. Sur la hauteur du Pôle au nouvel Observatoire de 
Berlin^ par M. Encke. 

Après une discussion profonde de tous les éléments 
préexistants , et en se fondant également sur des ob- 
servations directes, l'auteur établit définitivement cette 
hauteur à 

62o 30' 16" 68. 

3. Cosmographie /rançonne du vu* siècle. 

M. Pertz publie cette ancienne cosmographie écrite 
en très mauvais vers latins, dont il avait d'abord dé- 
couvert deux copies parmi les anciens manuscrits de 
la grande Bibliothèque de Paris , et qu'il a retrouvées 



( ÎJIl ) 

plus tard dans les anciennes paperasses de diverses 
bibliothèques d'Allemagne. Cette cosmographie n*a 
aucune importance pour l'état actuel de la science. 

A. Abrégé de la Grammaire ossé tique. 

On doit cet abrégé, qui présente le plus haut inté- 
rêt, à M. G. Rosen, connu par ses voyages dans Tinté- 
rieur de l'Asie. Il lui sert à établir que les Ossètes 
(Iroriy dans leur idiome) sont une branche de la famille 
médo-persane , et que , quoique isolés, ils appartien* 
nent par conséquent à la grande division caucasique. 

Dans un second mémoire sur les langues caucasien- 
nes , M. Rosen démontre l'analogie des dialectes de la 
Mingrélie suant que et abchasique, 

5. Sur Vongine et les premiers temps des peuplades 
mongoles et ta tares. 

M. Schott a réuni dans ce très savant mémoire tout 
ce que l'on sait sur ces peuple» qui, dit-il , tant qu'ils 
ont conservé la devise : Le chemin de l'homme n'est 
qu'un seul (celui de la gloire éternelle) — àràiin m'àr 
nigan bui -> ont été invincibles et ont subjugué la plus 
grande partie des peuples de l'ancien monde , depuis 
la presqu'île de Korée jusqu'au centre de l'Alle- 
magne. 

Rrport ofthe sixteenth meetings etc., etc.; Rapport 
de la seizième réunion de l'Association britannique 
pour les progrès dés sciences, tenue à Southampton , 
en septembre 18â6. — Londres , Murray , 1847. 

Le but de cette association , qui tient annuellement 
ses séances dans des lieux différents, est de propager 
les sciences et d'en hâter les progrès. I.a première 
partie du volume qui nous a été offert, relative aux 
actes particuliers de la société , fait connaître les ques- 



(212) 

tioDS déjà traitées depuis Tannée 183& , et les sommes 
qui ont été payées soit pour la publication des mé* 
moires» soit pour rémunération ou indemnités aux 
auteurs , etc. , etc. Elles se sont élevées pendant ces 
Italie années à environ trois cent dix mille francs x le 
terme moyen dé 1839 à 18A3 a été de trente-sept mille 
francs^ et pendant les trois années de 18iA à 18A6 de 
vingt et un mille francs. Dans le rapport qui termine cette 
première partie , sir Roderickimpey Murchison, pré- 
sident de l'Association britannique, rappelle succinc- 
tement les travaux de ses collègues , et rend en même 
temps un juste et impartial hommage aux travaux des 
savants étrangers. Parmi les Français dqnt il apprécie 
le mérite» et dont quelques uns appartiennent à nos 
Sociétés de géographie et de géologie, nous citerons 
MM. de Verneuil, Elie de Beaumont, Dufresnoy, 
Deshayes , Alcide d'Orbigny , Adolphe Brongniart , 
et M. Dumas, dont le bel ouvrage, la Chimie appli- 
quée aux arts ^ est, suivant M. Murchison, aussi fa- 
milier à tous les manufacturiers d'Angleterre qu'il peut 
l'être à ceux de France. Nous y joindrons le nom de 
M. le baron Alexandre de Humboldt , que nous ai- 
mons à considérer presque comme un compatriote. 
Le défaut d'espace et la nature aussi de la plupart 
des mémoires contenus dans la seconde partie du vo- 
lume que l'Association britannique a bien voulu offrir 
à la Société de géographie , ne nous permettent pas 
d'en donner une analyse. Nous ferons toutefois re- 
marquer que la géologie , la géographie physique , la 
statistique et l'ethnologie ont fourni un assez grand 
nombre de notices et d'extraits de communications 
faites A l'association. 



( 21S ) 

Boletin delà Sociedad economica^ etc. Bulletin rie la 
société économique des amis du pays de Valence; Va- 
lence, août 18i7. 

Ce numéro renferme un seul article intéressant la 
géographie, ayant pour litre : Des^cription géograpldqii» 
et statistique de la rivière Jucar. Il doit être accom* 
pagné d'un plan que les rédacteurs n'ont pas joint, et 
comme ils ont négligé également de nous envoyer le 
commencement de cette notice , nous ne pouvons en 
donner l'analyse. Nous dirons seulement qu'on trouve 
dans l'Appendice un tableau de l'élévation au-dessus 
du niveau de la mer de 12Â points voisins du fleuve 
Jucar; le plus élevé, nommé Pic de la Mogorrita^ a une 
altitude de 6A07 pieds castillans (1785",A17) (1). Les 
sources du Jucar ont une élévation de 6097 pieds cas- 
tillans (environ 1700"^) au-dessus du niveau de la mer, 
et la longueur de son cours (développé) est de 92 lieues 
de vingt au degré. 

Annaes maritimos e coloniaes. Annales maritimes et 
coloniales (de Portugal). Lisbonne, 18i6, n<> A. De 
Timprimerie nationale. 

De même que les annales maritimes et coloniales 
de France , les annales portugaises commencent par 
des documents officiels sur lesquels nous ne nous ar^ 
réterons pas. 

On trouve dans la seconde partie du n" A : 

Un Mémoire sur le Préside de Punço-Andongo , pa» 
Francisco de Salles Ferreira, capitaine de ultramar, 
membre de l'Association maritime et coloniale de Lis- 
bonne. 

(i) Le pied castillan = ciiviion o",a78. 



( 2U ) 

Le préside de Pungo*j4ndongo^ appelé aussi de Pe- 
draS'Negras, est situé dans la Nigritie méridionale , à 
h milles au nord de la rivière de Quanza ou Coanza el 
à 60 ou 70 lieues de son embouchure. Sa juridiction 
est bornée au sud parle Quanza, au nord par le district 
d*Ambaca , à Test par la rivière de Loango , et il con* 
fine à Touest avec la juridiction du préside de Cam- 
bambe. Un plan du préside de Pungo-Andongo en 
accompagne la description, qui donne des renseigne- 
ments, sans doute exacts, sur le gouvernement; la 
population, les usages et coutumes des habitants, ainsi 
que sur les productions du pays. 

Deux documents inédits sont aussi contenus dans 
le même numéro. Le premier, dont on n'indique pas 
le nom de l'auteur, est intitulé : Notices sur U pays de 
Quisama, situé sur la rive méridionale de la rivière de 
Quanza, à deux lieues au Sud delà ville capitale d'An- 
gola. 

Le second a pour litre : Notice sur !e pays de Mo- 
sul ( royaume d'Angola ) , conquis , pendant l'année 
1790 et les premiers mois de 1791 , par le sergent- 
major Paulo Martins Pinheiro de Lacerda, aujourd'hui 
colonel d'infanterie, et écrite par lui-même. Cette no- 
tice est à la fois historique et géographique. 

Les dernières pages du n^ h des Annales maritimes 
portugaises sont consacrées à des observations météo* 
rologiques. faites à l'observatoire de la marine en jan- 
lier et février \ 8A6. 

Annales maritimes et coloniales (de France), mois 
de septembre 1847. Paris, 1847. 

Ce numéro , divisé comme les précédents en deux 
parties, l'une consacrée aux actes ofTwiels^ el l'autre 



( 215 ) 

aux sciences et arts, en contient même depuis quelque 
temps une troisième portant le titre de tie{fu9 coloniale, 
où Ton traite plus spécialement les matières concer- 
nant les colonies. Nous n'avons à nous occuper que 
des deux dernières. 

On trouve dans la division Sciences et arts plusieurs 
articles dignes de fixer l'attention du géographe. Nous 
allons les énumérer successivement : 

1. Des ouragans ^ tornados, typhons et tempêtes , ar* 
ticle extrait par M. Relier, ingénieur hydrographe de 
la marine, d'un grand travail inédit sur les courants des 
marées et sur lev ondes liquides, qui a été, le 18 janvier 
1847, Tobjèt d'un rapport favorable présenté à l'Aca- 
démie des sciences. 

2. Renseignements sur la navigation du golfe Persique^ 
recueillis par le lieutenant de vaisseau Cabaret , capi- 
taine du transport le Cormoran. 

Les vents régnant à l'ouverture du golfe Persique , 
les courants, les points où l'on trouve des pilotes, les 
ports et les rades, l'espèce de bâtiments la plus avan- 
tageuse pour la navigation du golfe Persique , l'eau , 
les provisions, les établissements de ce golfe» telles sont 
les matières traitées dans ce Mémoire parun marin 
instruit et compétent. 

8. Naifigation du nai>ire ffxinçais le Stanislas dans le 
déttr>it de Torres. 

Parti de Papeïti , l'un des havres de l'île de Taili , 
le 11 juin 18A6, pour se rendre à Java, M. Durand, 
capitaine du Stanislas, donne sur le détroit de Torres 
des informations qui se rapportent parfaitement à la 
carte du grand récif de la barrière , levée par le capi*- 
taine Blachwood , en 18AS-18&4 , et publiée par l'ami- 
rauté anglaise en 1846. 



(216) 

à. Journal du voyage du capitaine de cotvette MaÀssUif 
commandant le naifire à ^vapeur le Pha^ton » aux îles 
Marquises et a Taïti, par le détroit de Magellan y de 
18A3 à 18i5. 

C'est le premier voyage accompli au-delà d'un des 
grands caps par un navire à vapeur français. Les An- 
nales maritimes pour le mois de septembre en donnent 
seulement le commencement ; la fin paraîtra dans le 
prochain numéro. 

Cette seconde partie du numéro de septembre con- 
tient aussi : l*" un extrait d'un Rapport fait le 8 août 
18A7 par le capitaine de vaisseau Jehenne , comman- 
dant la corvette la Boussole et la station de Terre- 
Neuife, On y trouve des renseignements nautiques et 
commerciaux sur Je port anglais de Sidney , dans la 
Nouvelle-Ecosse, et des informations précieuses sur 
l'importance de ses mines de houille. 

2<> Un Rapport lu à l'Académie des sciences, le 13 
septembre 18A7 , par M. le baron Séguier , sur des 
perfectionnements apportés par lui dans la navigation 
à vapeur ; 

Et 3° enfin un résumé des opérations faites par le 
brick de la Compagnie des Indes anglaises le Palinu- 
ruSf commandé par le capitaine J. -P. Saunders, pour 
la reconnaissance de la côte d'Arabie . comprise entre 
RaS'Morbat et Ras-Seger , et entre Ras-Fartack et les 
ruines de Messinah. Ce résumé est traduit du journal 
de la Société géographique de Londres (tome I*^, 
1847). 

La Revue coloniale , ou troisième partie des Annales 
maritimes « donne un Mémoire de M. A. RafFenel , da- 
tée de Toubabo-Kané ^ le 8 mars 18A7 » dans lequel il 
rend compte de sa nouvelle expédition au Bambouk , 



( 217 ) 

et fait connaître une nouvelle exploration de la rivière 
du Gabon , effectuée en novembre et décembre 18A0, 
par M. Mequet » lieutenant de vaisseau , commandant 
la goélette l*Jube, Elle fournit des détails curieux sur 
les peuplades de la côte et de Tintérieur. 

Journal asiatique, etc., etc., publié par la Société 
asiatique de Paris, A" série, t. X, n'* d*août 18A7. 

Ce numéro du Journal asiatique ne renferme qu'un 
seul article qui puisse se rattacher à la géographie; 
c'est celui qui est intitulé : Thien-Tchou, l'Inde, com- 
pris dans les Notices Ji^/* les pays et les peuples étran- 
gers, tirées des géographies et des annales chinoises, par 
M. Stanislas Julien. 

Il existe également dans le même numéro la suite 
d'un savant Mémoire sur récriture cunéiforme assyrienne^ 
par M. Botta, dont la lecture peut être utile aux voya- 
geurs archéologues. 

Reifue de V Orient et de l* Algérie, etc. Bulletin et actes 
de la Société orientale. Rédacteur en chef, M. O. Mac- 
Garthy. — Numéro de septembre 1847. 

Un intéressant Mémoire sur l'Ile de Madagascar, à la 
fois géographique et historique , adressé au roi par le 
Conseil colonial de File Bourbon , nous parait être le 
seul morceau que nous devions citer. 

Deux autres articles contenus dans ce numéro con- 
cernent essentiellement l'économie politique. 

Journal des missions épangéliques, 8* et 9* livraisons, 
août et septembre 18A7. — Paris, 1847. 

A Texception de quelques extraits d'un Journal de 
^voyage dans V Afrique méridionale ^ par M. Dyke, ces 



{ 218 ) ■ 
deux numéros ne contiennent aucun document géo* 
graphique. 

Si quelques uns des rédacteurs Tlu journal des mis- 
sions protestantes emploient des expressions très peu 
évangéliques en parlant du catholicisme, qu'ils appel- 
lent le christianisme corrompu de Rome, probablement 
à cause des progrès du papisme dans le champ du travail 
évangélique^ il en est d'autres mieux inspirés qui de^ 
mandent au Seigneur que le zèle missionnaire de toutes 
LES GomiuHioNs ait sa source unique dans Pamour du 
Christ et dans la compassion pour les âmes qui se perdent 
loin de lui. Nous ne pouvons que féliciter ces derniers, 
en engageant leurs confrères à les imiter et à se borner 
à remplir la mission qu'ils se sont imposée, en s'occu- 
pant exclusivement de ses progrès et de ceux des 
sciences géographiques. 

MEMOIRES ET AUTRES OUVRAGES. 

An essay on the Ni le and ils tributaries. Essai sur le 
Nil et ses affluents, par le docteur Charles T. Beke ; 
Londres, W. Clowes, 1847. 

Malgré tous les voyages et toutes les recherches «f- 
fectués pendant les dernières années pour connaître 
le bassin supérieur du Nil , la position de la source de 
cette célèbre rivière est , suivant l'auteur de cet Essai, 
qui a visité lui-même tous les lieux où Ton suppose 
qu'elle peut exister, en observateur instruit et con- 
sciencieux, aussi ignorée qu'elle l'était dans les temps 
anciens. Les vains efforts qu'on a faits jusqu'ici ne 
doivent cependant pas décourager les voyageurs. 

Les expéditions entreprises par les ordres du pacha 
d'Egypte d'un côté, et les explorations des nombreux 
voyageurs qui ont pénétré en Afric(uè par la côte 



( 219 j 

orientale en se dirigeant vers Touest , ont produit de 
riches matériaux qui aideront à résoudre la question. 

Le but que s'est proposé M. le docteur Beke en ré- 
digeant son essai a été . ainsi qu'il le dit lui-même , 
de passer une revite générale aussi complète que pos- 
sible des nombreux cours d'eau qui s'unissent pour 
former la rivière d'Egypte. 

La méthode usuelle et la plus méthodique de dé- 
crire une rivière , est de commencer à sa source et de 
suivre en entier son cours, en prenant note de ses di- 
vers affluents au fur et à mesure qu'ils se réunissent. 
Pour le Nil , on est forcé d'adopter une marche in- 
verse; il faut le remonter , en partant de son embou- 
chure, énumérer successivement ses différenls af- 
fluents, et chaque fois qu'on parvient à un point de 
jonction , agir de la même manière avec chacun de» 
bras de la fourche , comme si chacun d'eux était le 
principal courant. 

M. Beke commence par Y Atbnrnh, appelé Takkash 
en Abyssinie, et désigné aussi sous le nom de Bahr- 
el-J'swad, ou fleuve Noir. C'est le principal tributaire 
du Nil , dans lequel il se jette par 18* de latitude. Le 
savant anglais s'occupe ensuite du Bahr-el-Abyad et du 
Bahr-el^Arreh (fleuve Blanc et fleuve Bleu) , qui con- 
fluent au 16* 87' de latitude nord , à une distance de 
IfiO milles environ de la jonction de l'Atbarah avec 
le Nil. Il rend hommage au mérite du père Pierre 
Paef , religieux portugais , auquel on doit une des- 
cription exacte et détaillée de la source de VAhai (1), 
et blâme la conduite de Bruce à son égard (2). Il ne 

(i) Kirkers Œdipus /Cgyptianus^ singtanMi i, cap. vu, p. Sy. 

(»} Lp professeur Hartmann, dans VEdrisii Àfrica^ publiée par lu» 



( 220 ) 

partage ni Topinion du docteur Murray qui , dans sa 
▼ie de Bruce , dit que le Bahr-el-Jb/'ad mériie par son 
importance d*être nommé la principale source du Nil, 
ni, et peut-être encore moins, celle de M. d'Abbadie, 
qui affirme que le Godjeb est le Nil lui-même, et place 
sa source au 7"* 20' de latitude, et au l*" 20' de longitude 
à l'ouest de Sakka. 

Les explorations récentes de M. d'Arnaud et de ses 
compagnons jusqu'à 1008 milles [Nouvelles Annales 
fies voyages^ 18A5, vol. II, p. 112) au-dessus du point 
où le Bahr-el'Abyad est joint par le Bahr-el-Azrekt 
ont prouvé cependant d'une manière incontestable, 
suivant le docteur Beke, que le premier de ces cours 
d'eau est une rivière infiniment plus considérable 
que le premier. Il ajoute qu'il ne faut pas perdre 
de vue, qu'au-dessus de 9® 30' de latitude nord, le 
courant sur lequel M. d'Arnaud navi(;uait n'est que 
le tiers de trois rivières, car, vers ce parallèle, deux 
bras, le Sobat ou Télji à l'est, et le Bahr-el-Ghazal à 
l'ouest, qui se détachent du bras principal , ont cha- 
cun autant d'importance que ce dernier. Quant au 
Godjeb de M. d'Abbadie , M. le docteur Beke en sou- 
tient l'identité avec le Sobat ou Télfi. 

Un aperçu général du pays dans lequel les aiQuents 
de la rive droite du Nil prennent leur source , termine 
cet Essai, dans lequel le docteur Beke a comparé entre 
elles les opinions des différents voyageurs anciens et 
modernes qui se sont occupés du Nil et de sa source. 
Sa conclusion est , ainsi que nous l'avons dit plus haut, 

en 1796, relève les menson{]fe8 et accuse la mauvaise foi de Bruce, 
anqnel il reproche d'avoir cherché à s'attribuer les travaui de ses 
devanciers. 



1 221 ) 

qu'on ne peut encore affirmer avec certitude que celte 
source est trouvée. 

Histoire db l'Océanie, depuis son origine jnsqu^en 
18A6, suii^ie de notices biographiques sur ses grands 
hommes y par M. Casimir Henricy, Paris, 18i6; Pa« 
gnerre.l vol. în-18. 

En jetant d'abord un coup d'oeil sur le titre de ce 
résumé, je n'ai pu, je dois l'avouer, me défendre 
de quelque surprise. Donner l'histoire de TOcéanie 
depuis son origine ne me semble pas en effet chose 
facile , si tant est qu'elle soit possible. Après avoir 
lu attentivement cet ouvrage, il m'a paru qu'avec de 
l'esprit et de la lecture , l'auteur se laissait souvent 
entraîner par son imagination , et adoptait parfois des 
idées un peu trop arrêtées en traitant des sujets sur 
lesquels les maîtres de la science osent hasarder tout 
au plus des doutes. 

Avant de parler de l'Océanie, l'auteur remonte à la 
création du monde et à celle de l'homme. Il entre- 
prend de les expliquer à sa manière , et se montre , 
toutes les fois qu'il en peut saisir l'occasion , l'adver- 
saire déclaré de la Genèse. En donnant sur certains 
points à peu près les mêmes idées générales qui pré- 
valent dans la science , M. Henricy commet, au juge- 
ment d'éminents géologues que j'ai dû consulter, 
beaucoup d'erreurs de détail , qu'il serait trop long de 
relever ici. Nous nous bornerons seulement à quelques 
observations. 

La conclusion que tire M. Henricy des premiers 
bouleversements du globe, que a désormais à V abri des 
» cataclysmes^ il ne doit plus subir que d^ insignifiantes 
)) modifications purement locales ^ d n'est pas admise par 



( 222 ) 

les géologues modernes. Ils pensent qu'aucun fait be 
tend à prouver que les causes internes qui ont produit 
les grandes révolutions du globe aient cessé d'agir et 
que la terre, ait perdu la propriété de se rider successi- 
vemeni en différents sens, comme dans les temps an- 
térieurs. Us ajoutent que rien en conséquence ne peut 
assurer que la période de calme dans laquelle nous 
vivons ne sera pas troublée à Timproviste par Tappa* 
rition de quelque nouveau système de montagnes...; 
d'où suit l'idée d'une fin. ou d'un renouvellement tout 
au moins partiel , si ce n'est général, des choses d*ici- 
bas... 

Après s'être élevé , i notre avis , avec autant de force 

que de raison , contre les matérialistes qui tendent à 

faire descendre l'homme par enchaînement des autres 

animaux, et à lui donner ainsi pour premiers ancêtres 

des zoophites et des coquillages , M. Henricy s'exprima 

ainsi : « Mais de là à la croyance absurde et par trop 

)) biblique d^un seul couple « souche de toutes les races 

» humaines, il y a loùii Cette idée déraisonnable n'est 

» rien moins que religieuse malgré ses prétentions. 

» D'ailleurs il ne se forme nulle part de nouvelles 

» races , tandis qu'on en voit disparaître de ia surfafce 

» de la terre , et il est évident qu'une fusion s'opère 

» entre les autres , laquelle fusion doit établir l'unité 

» dans un temps éloigné. Telles sont les diverses con- 

» sidératioQS qui nous ont fait placer hardiment le 

» berceau des Polynésiens dans l'une des contrées 

» qu'ils habitent, bien que personne ne Veut f tût encore^ 

» et au risque de voir calomnier nos intentions par des 

» gens ennemis nés de quiconque ose oootredire la 

t) Genèse. » 

SanA avoir l'idée de calomnier en aucune nianière 



( 223 ) 

les înientions de M. Henricy, nous devons dire cepen- 
dant qu'il est admis assez généralement aujourd'hui 
que la succession des êtres organisés , telle qu'elle est 
rapportée en peu de mots dans le récit de Moïse, n'est 
point en contradiction avec les faits, que les détails 
ajoutés au récit de la Genèse par l'observation sont 
en harmonie générale avec les faits qui s'y trouvent 
brièvement émis, et dont ils ne sont que le dévelop- 
pement, et qu'il y a lieu enfin d'admirer cette force 
de génie qui a fait deviner au législateur hébreu quel- 
ques uns des faits que les recherches scientifiques de- 
vaient démontrer vingt-trois siècles plus tard. Quant à 
la descendance de toute la race humaine d'un seul 
couple, question sinon insoluble , du moins très grave 
et très difficile , tranchée avec tant d'assurance dans 
V Histoire de rOcéanie, nous croyons devoir citer l'opi- 
nion d'un homme parfaitement compétent , M. Flou- 
rens , qui dit : ce Qu'en dernier résultat» Y unité de 
D l'espèce humaine et la variété de ses races est la con- 
)) clusion générale et certaine de tous les faits acquis 
» sur l'histoire naturelle de l'homme. » Nous ajoute- 
rons que de nos jours cette opinion , présentée dans 
l'ouvrage que nous examinons comme déraisonnable 
et absurde , a été soutenue par les naturalistes qui ont 
fait faire le plus de progrès aux sciences , par les ^Buf- 
fon, les Blumenbach, les Cuvîer, MM. de Blalnville, 
Burdach, Duvernoy, I. GeoflFroy Salot-Hilaire. etc. 

Dans le quatrième volume du Précis de la géographie 
universelle^ publié en 1813, le célèbre Malte-Brun, 
rejetant comme insignifiantes ou inexactes les déno- 
minations à^ Austral- Asie (1), à^ Australie ^ de iVo- 

(i) C'est Malte-Brun, et non pas Huot, qui demande ce qu*il y a 
d'asiatique dans la Nouvelle-Hollande, pour l'appeler Âustralasie; 



( 224 ) 

tasie^ etc.» proposa de diviser la cinquième partie du 
monde, qu'il appelait Océanique, et à laquelle tous 
les géographes modernes s'accordent à donner le nom 
à'Océanie, en Océanique du nord-ouest, Océanique 
centrale et Océanique orientale ou Polynésie. Ce sont» 
à quelques légères modifications près, les divisions 
adoptées , il y a longtemps , par M. le baron Walcke- 
naer, par Adrien Balbi , etc. 

On divise donc aujourd'hui TOcéanie en trois par- 
ties appelées : Océanie occidendale, ou Malaisie; 
Océanie centrale , ou Australie ; Océanie orientale, ou 
Polynésie (1), 

M. Henricy adopte ces trois dernières divisions , et 
on ne peut que le féliciter de s'être conformé aux 
décisions des maîtres. Nous lui reprocherons seule* 
ment d'avoir préféré le nom ai ÂustraUAsie à celui 
è! Australie; celte dernière dénomination, équivalant 
à continent austral , s'applique, en effet, assez bien à 
la Nouvelle-Hollande, qui, par sa vaste étendue, peut 
s'appeler presque un continent , tandis que nous ré- 
pétons, avec Malte-Brun, f/i'i/ /t'j a rien d* asiatique 
dans la Nouvelle Hollande. 

Voulant faire autrement que Malte-Brun, M. Hubt, 

c e^t lui aussi qui fait remarquer que le hasard seul donna naissance 
au nom de Nouvelle- Hollande^ ce qui peut être rependant justifié si 
Ton fait attention que les premiers découvreurs, ou ceux du moins 
qui Pont fait connaître les premiers, furent des Hollan<lais. C'est par 
des motifs semblables qu'on a donné Içs noms de NouTelle-Zélande, 
Nouvelle-Bretagne, Nouvelle-Ecosse, etc. 

(i) Le nom de Malaisie est dû n M. Lesspn, celui d^Àusttalie fut 
proposé par le capitaine Flinders, et c'est le président de Brosses 
qui, dans son Histoire des navigations aux terres australes (t. I, p. 80), 
appliqua le nom de Polynésie à la partie orientale de l'Océanîe, Ren- 
dons à chacun ce qui lui appartient. 



( 22b ) 

son continuateur, a cru devoir diviser TOcéaiiie «n 
quatre parties, savoir : la Malaisie ou Océanie occi- 
dentale , la Mélanaisie ou Océanie centrale» la Micro- 
nésie ou Océanie septentrionale , et la Polynésie ou 
Océanie orientale. Nous croyons qu'il a eu toit, d'a« 
bord parce qu'en géographie il faut éviter autant que 
possible de multiplier les divisiotis et les dénomina- 
tions, et d'en introduire de nouvelles, surtout lors- 
qu'il en existe qui ont été généralement admises et ont 
reçu l'assentiment des personnes compétentes ; et par 
plusieurs autres motifs qu'il serait tout au moins su- 
perflu de développer. 

Quant à la superficie de l'Océanie, elle est évaluée 
parBalbià S,iOO,000 mill. carr., ou 10,631,000 kil. 
Par M. Henricy, à A96,105 1. carrées 

de 25 au degré, ou environ. . . 9,920,000 
Par Huot, à A95,000 lieues carrées, dont il ne fait pas 
connaître l'espèce. 

Enfin, en ce qui concerne la population de bette 
5« partie du monde , Balbi l'élève à 20^300,000 hab. 
Huot, à, ,...,... . 23,627,000 

Rienzi , à. 25,250,000 

Henricy, à . 81,047,000 

Entre ces évaluations si différentes, de populatiot 
principalement , quelle est celle qu'on doit adopter ? 
C'est une question peu aisée à résoudre ; il n'est pas un 
seul des calculateurs qui n'affirme que ses chiffres 
sont le fruit consciencieux de tous les éléments dont 
la connaissance est nécessaire pour la solution de ce 
problème aussi important que difficile. Les rédacteurs 
du Dictionnaire géographique de Picquet et Kilian , es 
hommes prudents, n'indiquent aucune population» 
Us se bornent à évaluer à 532,000 lieues carrées ht. 

VIII. OCTOBRE. 3. 15 



( 226 ) 

superficie de TOcéanie qu'ils divisent en trois parties, 
savoir : la Notasie. la plus petite au nord*ouefltt; TAus^ 
tralie ou Aiistralasie au sud; el enfin la Polynésie à 
Test. Le talent bien connu d*Adrien Balbi , les con* 
sciencieuses et minutiieuses recherches auxquelles il se 
livre, et le soin qu'il met à consulter toutes les sources, 
nous feraient adopter aveuglément ses résultats» si 
nous n'étions convaincus que peut- être longtemps 
-encore on sera dans l'impossibilité de pouvoir ajouter 
une entière confiance aux données statistiques sur 
reni&emble de l'Océanie. 

La population des lies Marquises, que M. Henricy 
évalue à âO^OOO ômes, ne serait même pas de 20,000 
suivant M. Vincendon - Dumoulin , ingénieur hydro- 
graphe de la marine , qui a visité ces lies, en a levé là 
carte, et sur lesquelles il a publié en 18A3 un ouvrage 
jspécial; M. le contre -amiral Dupetit-Thouars leur 
donne une superficie de 128,880 hectares et environ 
20,200 habitants, dont 8,000 pour Nouka-Hiva, et 
6,000 pour Hiva-Oa. Balbi adopte les évaluations de 
M. Vinceodon-Dumoulin , tandis que M. Huôt porte, 
comme M. Henricy, le nombre des habitants à 40,000 
en citant Dumont d'Urville. 

On trouvera sans doute que nous avons donné trop 
de développement è notre examen d'un manuel sur 
VOcéanie, et cependant nous ne nous sommes pas 
occupé encore de l'histoire de cette cinquième partie 
dlu monde, et quelques liguies seulement ont été con- 
sacrées pa^ nous à Jâ statistique générale. Ce reproche 
9Di<|iS .paraissant fondé, nouis nous orrèleroas en x:e 
naoown^t, swf à préspulier plus tard un aperçu com- 
p$ir(ides différents ouvrages géographiques ou autres 
publiés sur l'Océanie , et il nous sera très facile de 



( 227 ) 

prouver alors qu^on peut appeler des jogemenu plus 
que sévères que l'autour du manuel a portés sur presque 
tous ses devanciers* 

Atlas général des phares et fanaux à t usage desnavi' 
gateurSy par M. Coulier. — Deux-Siciles. — 2* section, 
— 1847. 

Cette livraison, la 20* qui ait paru depuis la création 
de TAtlas, se compose de sept pages et demie de texte, 
d une carte hydrographique générale de la Sicile, et 
de onze plans de phares, etc., exécutés tous d'après les 
cartes du capitaine anglais W.-H. Smyth. 

Je n'ai ni le temps nécessaire, ni surtout des con- 
naissances assez spéciales, pour rendre un compte 
détaillé du travail de M. C40u]ier. Les marins instruits 
qui en auront fait usage ià la mer peuvent seuls ai&rmer 
si l'auteur entre dans des développements suffisants 
pour les dispenser de recourir aux instructions qui 
accompagnent ordinairement les Cartes hydrographi- 
ques. 

M. Coulier aime assez à critiquer les travaux des 
autres, et pour ma part ^e suis loin de leo blâmer. 
Lorsque les critiques sont faites sans passion et d'une 
manière convenali^le, qu'elles soient fondées ou même 
qu'elles ne le soient pas, la science ne peut qu'y ga- 
gner, parce que, dans tous les cas, il en résulte des 
discussions, et, dans le dernier, des réfutations qui ne 
sont pas sans utilité. M. Coulier dit, par exemple, 
p. 12, que sur le plan français du port de Syracuse la 
latitude est écrite 37'' 20' 58'' N., que c'est une jfaute. 
et qu'il faut lire 87o 2' 58". Pour être impartial, il 
aurait dû ajouter que ce plan, publié en 18.27 ^^ 



( 228 ) 

Dépôt des cartes et plaiis de la marine, a été copié sur 
celui du capitaine anglais Smyih, où l'on remarque 
Terreur, signalée avec juste raison ; c'est une erreur 
anglaise et non française ^ ainsi qq'oQ pourrait le sup- 
poser d'après le texte de l'Atlas des phares. M. Coulier 
aurait dû ajouter aus?)i que cette erreur n'existe pas 
dans la Connaissance des temps. Quant à la prétendue 
réduction au 60* d'une partie de ce plan, ce n'est point 
une heureuse correction , ainsi que le dit M. Coulier 
avec une espèce d'ironie, mais tout bonnement l'effet 
tlu retrait du papier, effet qu'il connaît aussi bien que 
qui que ce soit. 

Si la position du cap Castagna de l'Ile de Lipari, 
comparée à celle de la pointe Bandiera de Vulcano, 
11 'est pas la même dans la carte française que dans celle 
de capitaine Smyth, et s'il existe d'autres différences 
entre les cartes anglaise et française de ces deux lies , 
cela ne prouve pas du tout que leurs positions ne sont 
pas exactement déterminées, comme le suppose l'au- 
teur. On peut en conclure seulement que, dans notre 
Dépôt de la marine, on n'a pas copié servilement le 
travail de Smyth, mais qu'on s'est servi des observa- 
tions du capitaine Gauthier. Ce n'est pas, au surplus, 
la carte française n* 607 qui renferme les lies Lipari et 
Vulcano, ainsi que le dit M. Coulier, mais les cartes 
ti" 906 et 907; le n* 607 est consacré à une carte du 
Voyage de Dentrecasteaux. 

L'évaluation de 3,237 mètres donnée par M. Coulier 
i\ la hauteur de l'Etna parait au moins douteuse, bien 
qu'il l'ait prise dans V Jntiuaire du Bureau des longitudes. 
Je crois en effet qu'on est assex généralement d'accord 
aujourd'hui à évaluer A environ 3,316 mètres la hau- 



f 22»- ) 

lourde la cima la plus élevée de l'Etna, en s'appujant 
sur les travaux de Ferrara (1)» du capitaine anglais 
Smyth» de sir John Herschell et de Gacciatore , astro- 
nome de Palerme. LeS trois premiers ont établi la hau- 
teur du volcan d'après des observations barométriques, 
et le dernier d'après des angles d'altitude, mesurés en 
évaluant la réfraction terrestre à 0,076, et leurs évalua* 
tions n'offrent que des différences imperceptibles. 
Ainsi 

Ferrara trouve 10,87a pieds anglsis s=s 3,3 13",^ 
Snayth. . . . 10,874 — =3,3i4"i4 

Herschell.. . 10,876 — = 3,3i5" 

Cacciatore. . i.uSgS — = 3,334" 

Dans son Essai sur la géographie physique de V Eu- 
rope (2), M. le professeur danois J.-F.. Schouvy assigne 
cependant à la cime orientale de l'Etna, d'après ses 
propres observations et d'api^ès celles consignées dans 
la correspondance astronomique de Zach , et dans la 
Bibliothèque universelle (1819), une élévation de 10,il8&^ 
pieds français,, correspondant à 3,A06 mètres, évalua- 
tion qu'un voyageur, M. Angelot, membre distingué 
de la Société de géologie, qui est monté au sommet de 
cette cime en 1835, est tenté d'adopter, bien qu'il n'ait 
fait personnellement aucune observation. 

On ne doit pas s'étonner si les évaluations. de la hau- 
teur de l'Etna ont souvent varié, parce que cette éléyar. 
tion n'a réellement pas été toujours la même, la partie 
supérieure du cône principal grandissant quelquefois 
par suite de l'entassement des déjections, tandis qqe 
fréquemment elle s'abîme subitement dans. Le fond du 

(i) Descriziàae delC Etna. Palermo, 1818. 

(x) Europa^ en phj'sisk geographical Skildriny ; a^iden Udgave- 
Kiôbenliavn, i83J. 



l 230 ) 

cratère. II eiiste encore plusieurs autres causes, des 
différences qui existent entre les évaluations récentes 
et celles qui ont été obtenues antérieurement. Je n'en 
signalerai qu'une, en faisant remarquer ici que» dans 
l'origine de l'emploi du baromètre pour la mesuve des 
hauteurs, on négligeait d'avoir des observations cor- 
respondantes faites dans un lieu dont l'altitude fêl 
connue, et qu'on supposait en conséquence que le 
baromètre se maintenait à 760 millimètres au niveau 
de la mer, supposition qui , en certains cas , pouvait 
produire des erreurs énormes. 

Dans son P^ojrage critique à l^Etna, exécuté en 1819„ 
H. S.- A. de Gourbillon piétend (t. I, p. 531) que,, 
selon les calculs de La Hire et le baromètre de Bry- 
done, l'Etna aurait de hauteur 17,632 pieds, français»^ 
c'est-à-dire 6,728 mètres. Il cite une longue série d'é« 
▼aluations de hauteur de l'Etna données par plusieurs 
observateurs, présentant entre elles des différences 
considérables, et fait remarquer que les savants sont 
loin de s'entendre sur le nombre de toises, de pieds et 
de lignes à assigner à chaque ligne de mercure dans 
les observations barométriques sur lesquelles reposent 
leurs calculs. C'est de là, suivant lui, que proviennent 
les erreurs ou les énormes différences. Aujourd'hui» 
grftce aux progrès de la science, l'observation de notre 
voyageur n'est plus exacte, et nous ne pouvons quo 
trouver spirituelle la boutade par laquelle il termine 
un de ses chapitres : « Que le ciel fas^ paix auï savants,. 
» aux calculs et aux baromètres; qu'il les accorde entre 
» eux; et nous apprenne enfin à quels savants, à quels 
s calculs et à quels baromètres il Faut croire I » 

D. L. R.. 



( 251 ) 
LETTRE DE M. ANTOINE D'ABBADIE 

A M. D'AVEZAC. 



Cottéf^c catholique de Gul'a» Ag*aine (Abysnnie), 9 «septembre 1 847< 

Mon cher monsieur. 

Je n*ai reçu qu'en août 18A7, et par les soins d'un 
ami anglais t M. Ayrtcm, le Bulletin de la Société de géa^ 
graphie de navembre 18A2. Il y a donc un mois que 
j'ai appris pour la première fois qu'on avait jugé mes 
lettres assez importantes pour les imprimer toutes. Si 
j'avais su cela plus tôt, je vous aurais déjà envoyé un 
nombre effroyable de renseignements; car l'autre jour» 
en faisafnt la revue de mes noms de lieux, j'en ai trouvé 
plus de six raille, sans compter tous ceux que j'ai 
ajoutés dans le grand Damot. Le principal but de ce 
travail fastidieux était d'avoir une donnée , au moins 
approxiniative, sur la population d'Abyssinie. Avant de 
commencer, je mis par écrit les noms de tous les ha- 
bitants de cinq villages du Tigray, y compris Halay et 
Digsa. Cette petite statistique me donna pour bases, 
entre autres : qu'il y a en Abyssinie, comme en Aralûe, 
près de cinq âmes par feu ; qxie les hommes en état de 
porter les armes sont un peu plus du quart de la popu- 
lation ; et que le nombre des hommes est à celui deâ 
femmes à peu près comme 16 : 15. 5, résultat déjà 
trouvé en Europe. J'ai essayé en vain de faire le même 
travail à Zula, village musulman, pour tenter une 
première solution sur la grande question c< si la poly- 
gamie a pour effet de donner naissance à plus de 



( 232 ) 

femmes que d*bomines : » Bruce Ta dit, mais j*en 
' doute. 

Gela fait » dans toute la profvince Akala Guzay oa 
compte le nombre de combattants que fournit chaque- 
village. On a ainsi, et par le coefficient déjà trouvé, la 
population approximative de toute cette province. Pour 
une portion du reste de l'Abyssinie , )'ai fait eompler 
les maisons, d'où le coefficient 5 m'a donné la popula-» 
tion totale. Enfin j'ai tiré de là la population moyenne 
d'un village pour l'appliquer à une longue liste où je 
n'avais que des nmns ; malheureusement cette der«^ 
nière catégorie est la plus nombreuse. Cependant j'au- 
rais déjà tiré de ce long travail au moins un chiffre 
approximatif, si, par malheur, il n'y avait manqué 
encore quelques provinces importantes comme le Xire 
et le Tanhen. Une autre raison empêche aussi que d'ici 
à longtemps on puisse «voir de bonnes données sur la 
population de ce pays, c'est qu'elle est essentielle^^ 
ment flottante, en grande partie du moins^ c'est que 
la famine et surtout le guerre, peuplent et dépeuplent 
avec une rapidité vraiment étonnante. En 18A2, les trois 
quarts de la population de l'Armacoho avaient disparu, 
et je me rappelle encore bien mon désappointement 
en Xire , où je cherchais un village bien connu. Six 
ans auparavant j'y reçus la plus généreuse hospitalité? 
aujourd'hui un vigoureux taillis a si bien tout envahi» 
que les gens nés dans le pays osent seuls dire : à Là 
j'ai passé mon enfance jusqu'à ce q^ie les soldats noua 
eussent tous chassés* » Cette dépopulation est devenue 
effrayante surtout en Gojam ^ comme depuis la mort 
de Ras Gugsa l'Abyssinie (le Xawa excepté) n'a pas 
joui d'un montent de repos, et qu'il est d'ailleurs im-^ 
possible de compléter en même temps un travail sur 



( 253 ) 

la population , on est nécessairement exposé à mettre 
ensemble des données qui se rapportent à des époques 
différentes. Par exemple , la plus grande partie de la 
population d'Armacoho s'est dispersée dans les pro- 
vinces voisines, qui ont contribué aussi depuis trois 
ans à repeupler le Kwara. Somme toute , la statisti- 
que, fille de la civilisation, n'est possible que par elle. 

Permettez-moi de revenir sur ma lettre du 3 )uin 
18A2, et d'y relever quelques erreurs. Le Wabi des 
Somal n'est ni le Jeb des Arabes , ni le Wâbi ( avec 
un â long) dont la source est dans le pays Gurage, et 
qui est un affluent de rive gauche du Nil Blanc. C'est 
sur le Wâbi et non sur le W&bi que le roi Klawdios 
remporta une victoire mentionnée dans les annales 
abyssines. Le Zebe des Portugais , Kibbee de Bruce , 
est le Gibe, appelé aussi Kusaro; c'est un affluent de 
rive droite du Nil-Blanc. 

Sidama me parait être un nom général donné par 
les Gallas à toutes les peuplades demi-chrétiennes qui 
occupaient le plateau du grand Damot avant l'invasion 
Umorma, Kafa est nommé Gomara par les gens de 
KuUo, compris comme ceux de Kafa dans la grande 
spirale formée par le Gojab et le Uma, Orna ou Omo; car 
chaque peuplade riveraine termine le nom de ce fleuve 
suivant le génie de sa langue. Tsambaro ou Tambaro, 
2ala, Golda, Walayza dit Walamo par les Gallas, Gofa 
et Kuca, sont autant de petits royaumes indépendants, 
situés aux environs de Kafa. Quant aux Doqo, qui se 
donnent eux-mêmes ce nom national, ils se sous- 
divisent en une trentaine de royaumes indépendants» 
ayant la plupart des langues différentes. Le pays Doqo, 
le plus méridional que j'aie pu placer sur ma carte, est 
celui du peuple dit Basketa par les Gobo, mais qui se 



( 234 ) 

ni^tniDe Bask, nom qui rappelle les Basques de nos Py* 
renées. J'ai en effet trouvé des racines Ëscuara dans la 
langue Omate^ qui se relie étroitement à quelques lan - 
gués Doqo. Je crois d'ailleurs me rappeler vous avoir 
entendu dire, il y a dix ans, que vous aviez trouvé dans 
un auteur latin peu connu un nom Escuara de nation 
africaine.. 

Le lac près* Gofa se nomme Abbala, et est d*eau 
douce; on le dit fort grand; il contient plusieurs lies» 
entre autres celle de Gazamba. Une toute jolie esclave 
de cette lie, bien rouge ^ et que j'ai vue.à Inarya, chez 
on marchand, savait assez de langtie Dawro pour pou* 
▼oir me donner par cet intermédiaire un assez long 
vocabulaire de sa langue, dite Haruro par les gens de 
Walamo. J'insiste sur ce point, parce que j'ai parlé 
ailleurs des Haruro comme de nègres , ce qui est un 
outrage à l'un des plus beaux types d'hommes que j'aie 
vus en Ethiopie. 

Aujourd'hui, même après un séjour de sept années 
en Ethiopie, j'ai encore trop d'affaires sur les bras pour 
consulter souvent mes manuscrits ou même pour pro- 
céder avec méthode* Je vous prie donc de m'excuser si 
je continue mes causeries à vol d'oiseau. 

La grande montagne des Walayza , sur laquelle est 
sitiiée Woxo, résidence ordinaire du roi, a à087 mè-^ 
très de haut, suivant une distance zénithale et une po^ 
sîlion établie par renseignements il est vrai , mais qtii 
coïncide bien avec Tazimuth que j'en pris à Falle, dans 
lé Liban. Malheureusement, la distance zénithale est 
itks grande, et l'arc terrestre étant de 130 milles, cette 
mesuré n'est qu'une approximation. J'ai mesuré ainsi 
au théodolite un grand nombre de montagnes, et j'ai 
déjà calculé les hauteurs de plus de cinquante. J'avais 



( 235 ; 

d'abord envie de vous communiquer cette liste, qui 
comprend aussi les longitudes et les latitudes; mais 
comme ma carte, ou pour parler plus vrai mon canevas, 
quoique bien avancé, peut néanmoins encore subir des 
corrections, ces hauteurs absolues sont exposées à re- 
cevoir encore de légers changements. Pour le calcul 
de ces hauteurs, j'ai fait usage d'une formule copiée 
dans Guépratte : 

H = Kcot (D —0,42 1). 
oh H est la hauteur au-dessus de l'observateur, D la 
distance zénithale , et ^ l'arc terrestre K réduit en se- 
condes et qui réunit le théodolite au lieu que l'on ob- 
serve. Cette formule suppose le coefficient de la réfrac- 
tion =: 0,08, ce que je ne pouvais d'abord admettre 
dans ces contrées , où l'air très sec est le siège d'un 
météore particulier qui éteint notablement la lumière, 
météore dont M. de Humboldt a effleuré la description, 
mais dont personne à ma connaissance n'a encore parlé 
en détail. Je prenais donc mes distances zénithales 
eomme documents dont pourraient user les savants à 
venir, jusqu'à ce qu'une heureuse rencontre me per- 
mit de mesurer le mont Amara presque directement , 
et le résultat comparé avec celui des distances zénithales 
d'Adami (Lofe) et de Gurene (Gojam), n'a pas telle- 
ment difF^é pour que je me crusse autorisé de choisir, 
d'après mes faibles expériences, un autre coefficient de 
}a réfraction. Néanmoins, si j'avais un niveati à bulle 
d'air ou bien un deuxième théodolite de Gambey pour 
prendre avec un aide deux distances zénithales simul- 
tanées^ je voudrais étudier le coeflGcient de la réfraction 
en Ethiopie, où l'atmosphère, d'après mon sentiment, 
diffère beaucoup de celle de l'Europe. 

Perraeltet-moi de passer sans transition à vos obser- 



( 236 ) 

valions sur mes Lettres {Bulletin de novembre 18A2» 
pp. 36i à 367) (1). Le capitaine nrabe qui m'a fourni 
la liste des noms de lieux de la côte d'Afrique [BuUetui 
de septembre 18A2) parlait le sawahély, et je suis au-, 
jourd'hui désolé de ne pas lui avoir demandé le noiii. 
savirahély de chaque lieu » car il peut différer du nom. 
usité chez les caboteurs arabes , et serait parfois pré-^ 
cieux pour établir la synonymie des noms employés, 
par des voyageurs non arabes , peut-être même pour 
ajouter quelques lumières aux documents que les an- 
ciens nous ont laissés. Je mentionne cette faute dans, 
l'espoir qu'aujourd'hui, où plus d'une nation euro- 
péenne envoie ses vaisseaux à Zang bar, quelque zélé 
voyageur voudra bien combler une lacune grave dans 
la géographie de l'Afrique. Dans ce continent, il est 
en effet bien des lieux qui ont deux et même trois 
noms. 

Vos remarques sur l'orthographe des noms de lieux 
sont très judicieuses, et je vous remercie d'avoir cor- 
rigé mes erreurs (la deuxième est involontaire) quand 
j'ai écrit Zanzibar et Sawahil au lieu de Zang bar et 
Sawahel. J'ai aussi la conviction, sans preuves mal- 
heuîeusement, qu'il faut écrire avec vous 'Ado Kles et 
'Ado Maryam. D'un autre côté, M. Fresnel, à qui je 
crois avoir entendu prononcer Hadarabé, peut vous 
éclairer sur la vraie orthographe de ce mot; mais Ha- 
dendwa n'a pas le *ajrn arabe, et mon d pointé est le d 
cérébral du sanskrit et de quelques autres langues in- 
diennes. Tawila, mot abyssin et non arabe, ne signifie 
certainement pas allongé. La montaj;ne de ce nom n'a 
d'ailleurs pas cette forme. 

(i) Voir aus)»i le Bulletin de février 184)? pp. 8i à 88. 



( 237 ) 

J'émettrai ici le Tœu que les géographes d'Europe 
veuillent bien , comme vous , quereller un peu les 
voyageurs sur leur orthographe. Gela nous rendra plus 
soigneux, et la géographie en tirera un grand bien et 
peut-être d'immenses résultats; car» ainsi que Guil- 
laume de Humbôldt l'a établi» les migrations des peu- 
ples et les chemins qu'ils ont suivis sont surtout établis 
par les noms de lieux. Qu'il serait agréable de pouvoir» 
avec des cartes bien faites» et surtout avec des noms 
bien écrits» tracer de contrée en contrée la marche des 
hordes errantes dans l'enfance du monde» et de prouver 
ainsi par la science » et par une nouvelle science » que 
le genre humain est descendu d'un père commun ! 

Vous l'avez dit» mais on ne saurait assez le répéter» 
et je dirai encore que les étymologies indigènes doi- 
vent être surtout consultées pour bien écrire les noms 
de lieux» car la prononciation varie souvent d'un indi- 
vidu à l'autre. On apprend ainsi en même temps des 
traditions souvent curieuses, parfois importantes. Pre- 
nons pour exemple un sanctuaire du Gojam » qui con- 
tenait il y a un an 8500 habitants. Un voyageur anglais 
l'a nommé Yaush; écoutons pourtant la tradition. 

« Un roi allant à la guerre campa près de là » et 
comme Yawix était un misérable hameau» il y envoya 
seulement sa meute de chiens dans la répartition des 
quartiers que Ton donna à chaque corps d'armée. Les 
voisins» enchantés d'humilier un méchant hameau» ne 
l'appelèrent désormais que le lieu des chiens (en am- 
harna, Yawixa); et quand» grâce aux bienfaits d'une 
source miraculeuse» ce lieu devint un opulent sanc- 
tuaire» on supprima l'a final pour effacer le souvenir 
d'une longue injure. » L'orthographe indigène actuelle 
nous montre aussi que le double sv ne doit pas dispa- 



( 238 ) 

traître dece mot; mais la tradition étant bien positive 
là-dessus» on ne saurait supprimer ce double (v. 

Ces observations nous mènent à un sujet beaucoup 
plus épineux» puisque les savants ne sont pas encore 
d*accord sur la marche à suivre. Tout voyageur scru- 
puleux écrit les noms propres avec Talphabet des indi- 
gènes; mais comment traduire cet alphabet? Cette 
question» posée je crois par Volney, a été abordée 
très franchement par Young, qui ne Ta pourtant pas 
tout à fait résolue. Loin de moi la présomption de me 
mesurer avec ces grandes renommées; mais il faut 
adopter un système d'orthographe quelconque» ou 
bien écrire dans un alphabet étranger, ou bien enfin 
ne rien écrire, et ce dernier parti bien peu de gens 
osent le prendre. J'avais appuyé l'initiative prise par 
M. Mohl, dans la Société asiatique, qui a laissé son ju- 
gement en suspens , sans doute à cause des complica- 
tions qu'offrirait un système général pour toute l'Asie. 
En attendant, et tout en écrivant pour moi en carac- 
tères éthiopiens, j'ai changé deux fois ma manière de 
traduire leurs sons en caractères latins. Enfin , un zélé 
missionnaire qui se rend chez les Gallas . et qui copie 
en ce moment en caractères latins mon vocabulaire 
ilmorma, m'a provoqué à rédiger un système. Voici 
les hases que nous avons arrêtées ensemble : 

1* Éviter la faute de Richardson , qui a mis un 'ayn 
arabe parmi les caractères européens; 

2* Éviter le défaut de notre orthographe européenne 
où certaines lettres changent de son suivant la lettre 
qui les suit ; 

3*" N'avoir aucun double emploi dans l'alphabet 
latin ; 

h" Faire servir les lettres surabondantes à exprimer 



( 2S1» ) 

un son qu'elles ont çlèjà dans Tune des languie de TEu* 
ro|>e occidentale ; 

5^ Pour les soos inconnus en Europe, employer les 
levures latin^s qui s*en rapprochent le |4us» et les dis- 
tinguer au moyen de points diacritiques placés ^u- 
dessous ou au-dessus des consonnes et aq bas des 
voyelles; car cellesi-ci peuvent (en jangue kafàqo» par 
exemple) avoir besoin d'être surmontées d'un. accent. 

Nos changements les plus saillants sont : 

c a toujours le son qu'il présente en italien devant 
un e ou un i. Je me hâte d'ajouter que cette innovation 
hardie a été déjà faite par l'auteur anglais de la gram- 
maire sechuana. c est donc le ch anglais. 

y a le son qu'on lui attribue en Angleterre. 

q est le k claqué des Arabes. 

1/ a le son italien et w le son anglais. 

X est emprunté aux Portugais, et représente le ch 
français, jA anglais. Les travaux des jésuites en Ethiopie 
me feront excuser d'avoir songé à cet emploi de x : 
d'ailleurs il est indispensable d'exprimer par une seule 
lettre un son familier à tous les Européens* 

e a toujours le son de Vé fermé français. 

'z est le son éthiopien que l'on exprime ordinaire- 
ment par ts^ mais qui tient un milieu entre un t et 
un s. 

i avec un point au-dessous exprime un son que 
j'avais jusqu'ici rendu par une lettre allemande, un o 
surmonté de deux points; mais beaucoup de voyageurs 
le rendent par /, et d'ailleurs il devient un véritable i 
à la lin d'un mot, position où toute voyelle tend à s'al- 
longer : c'est plutôt un i très bref que tout autre son. 

A moins que vous ou vos savants collègues ne me 
montrent de graves inconvénients dans ce système, j'ai 



( 2à0 ) 

rintention de le suivre toujours à l'avenir. D'ailleurs, 
si à mon insu la Société asiatique ou celle de Géogra- 
phie avait déjà pris quelque décision sur cette grave 
question, je m'engage en loyal confrère à m'y confor* 
mêr dès que j'en aurai connaissance. 

Je saisis avec plaisir cette nouvelle occasion de vous 
assurer de toute ma considération et de toutes mes 
sympathies. 

, Antoine d'Abbadib. 



( 241 ) 



DEUXIEME SECTION. 



Actes de la Société. 

EXTRAIT DES PROCÈS- VERBAUX DES SÉANCES. 



Présidence de M. Jomard. 



Séance du !•' octobre 1847. 

Le procès-verbal de la dernière séance est lu et 
adopté. 

M. le baron Walckenaer, secrétaire perpétuel de 
l'Académie des inscriptions et belles-lettres, adresse à 
la Société plusieurs exemplaires des Instructions dres- 
sées par l'Académie, d'après la demande de M. le 
ministre des affaires étrangères, pour l'exploration 
scientifique de la partie de l'Afrique comprise dans 
l'étendue de l'ancienne Cyrénaîque. 

M. Eucke, secrétaire de l'Académie des sciences de 
Berlin, remercie la Société de l'envoi de son Bulletin, 
et lui adresse le volume des Mémoires de l'Académie 
pour l'année 1845, ainsi que les Comptes-Rendus de 
ses séances du mois de juillet 1846 au mois de juin 1847 
inclusivement. 

M. J. Van Wyk Roelandzsoon écrit de Kampen pour 

Vfll. OCTOBRB. 4. 16 



( 242 ) 

annoncer la mort de son frère, ancien membre de la 
Société. 

M. Lamare-Picquot remercie la Société de l'intérêt 
qu'elle a bien .voulu prendre à sa dernière communi- 
cation , et il lui adresse un échantillon de farine et de 
pain» pour être joint à la plante et à la racine de la 
picquotiana ,' qu'd lui a remises dans sa précédente 
séance. 

M. Jomard communique par extrait une lettre par- 
ticulière qui lui a été adressée par M. Antoine d'Ab- 
badie, datée d'Omokullu, et suivie d'une autre lettre 
de M. Charles d'Abbadie, son frère, datée d'Aden. Le 
premier doit aller encore à Gondar avant de songer à 
son retour en Europe. 

Le même membre communique la découverte faite 
au mois de juillet dernier par M. Prax, chargé d'une 
mission en Afrique, de deux objets venant d'El-Ghàt, 
sur lesquels sont gravés des caractères libyques , avec 
une transcription arabe, d'où résultent pour ces carac- 
tères les mêmes valeurs que celles qui sont données 
par le D*" Oudney et par M. le capitaine Boissonet, 
d'accord avec l'inscription de Thugga. 

M. le vicomte de Santarem communique l'extrait 
d'un£ lettre de M. le D' Sigaud^ datée de Rio-Janeiro, 
le 6 août 18A7, et par laquelle il lui annonce la perte 
que les sciences géo(j;raphiques viennent de faire dan» 
la personne de M. le vicomte de San-Leopold , grand 
de l'Empire» président de l'Institut historique et géo- 
graphique du Brésil» qui a rendu par ses publications 
de grands services à la géographie du Brésil» Le même 
savant annonce aussi à M. de Santarem que M. le vi- 
comte de Villiers-Adam , qui réside à Rio-Janeiro de- 
puis pjusieurs années, a fait lithographier et colorier 



( 243 ) 

diverses cartes, mieux réduites, des. provinces de Rio* 
Janeiro, de Saint-Paul et de Rio-Grande du Sud. Ces 
cartes n*ont point été dressées sur les lieux, mais elles 
ont été tracées d'après des données précieuses puisées 
dans les livres et los journaux de Tépoque, et elles ont 
l'avantage de présenter la nouvelle division du terri- 
toire en districts ou municipios. Enfin , il annonce que 
M. de Beaarepaire vient de partir de nouveau pour 
explorer les confluents du Parana. 

M. le secrétaire lit quelques fragments du voyage de 
M. Angelot à Mobile, et des Notices de M. le capitaine 
iMauruc sur TOcéanie et l'archipel Dangereux. — 
M. Daussy est prié de rendre compte des travaux de 
M. le capitaine Mauruc. 

Séance du 15 octobre 18A7. 

Le procès -verbal de la dernière séance est lu et 
adopté. 

La Société de géographie de Saint-Pétersbourg 
adresse les deux premiers volumes de ses Mémoires 
pour les années 18&6 et 18A7. 

M. Coulier adresse la 20*" livraison de son Atlas gé* 
néral des phares et fanaux. Dans la lettre qui accom- 
pagne cet envoi, l'auteur signale la rectification qu'il a 
faite de plusieurs erreurs existant dans les travaux hy- 
drographiques, et réclame contre les critiques qui se 
sont produites contre son ouvrage dans le sein de la 
Société et au dehors. Il annonce que sa Préface ré- 
pondra à toutes ces critiques. 

M. de Brière écrit à la Société pour la prier de rec- 
tifier une erreur qui s'est glissée dans le compte-rendu 
de son Essai sur le symbolisme d^ Orient, et qui dénature 



( 244 ) 

compléteoient sa pensée. Loin de faire consister, 
comme le suppose Tauteurdu compte-rendu» la langue 
sacrée dans un langage mystique et permanent intel- 
lectuel, il n*a eu, dit-il, d'autre but que de combattre 
cette opinion, qui est contredite par toute l'antiquité. 

M. le vicomte de Santarem offre à ta Société un ca- 
hier des Annales de l'association maritime et coloniale 
de Lisbonne , et signale un Mémoire de M. de Salles- 
Ferreira sur l'établissement de Pungo-Andongo, situé 
au nord du fleuve Guanza, dans l'Afrique portugaise. 
Ce Mémoire, accompagné d'une carte, renferme des 
détails intéressants sur la topographie, le climat, le 
gouvernement, la population et les mœurs des habi- 
tants de cette partie des possessions portugaises. Le 
même cahier contient une Notice sur le pays de Gui- 
lama, situé dans la partie méridionale du fleuve Guanza, 
et à dix lieues au sud d'Angola. Ce document, entière- 
ment inédit, et renfermant des notions curieuses pour 
Thisloire de ces contrées, est suivi d'une Notice sur le 
pays de Mosul, conquis en 1790-1791 par le major 
Pinheiro de Lacerda. M. le vicomte de Santarem com- 
munique ensuite la carte chorographique de l'empire 
du Brésil, dressée par le colonel du génie Gonrado 
Jacob Niemeyer, et accompagnée des plans de Rio- 
Janeiro, Nothero y Para, Saint-Paul, Pernambuco, 
Porto-Alegre, Maranham, Ouro-Pi*eto et Bahia. 

M. le président fait connaître que, sur les Notes 
fournies par la section de comptabilité, il à été ré- 
pondu à la circulaire de M. le ministre de Tln'struction 
publique. 

Il fait hommage , au nom du D' Beke , de son Mé- 
moire sur le Nil et ses affluents, et annonce en même 
temps que son Mémoire sur les découvertes de Bruce 



( 245 ) 

en Abyssinie lui a été renvoyé pour être traduit en 
français. — Il annonce ensuite que la ville de Gênes a 
ordonné un second monument en Thonneur de Chris- 
tophe Colomb, qui sera élevé à VAcqua Sola ( le mo- 
nument actuellement en construction est à V Acqua 
Ferde). Il signale aussi la publication en allemand 
d'une courte relation du Voyage d'un cheik tunisien 
au Ouadây, traduite du turc. Enfin, il met sous les 
yeux de l'Assemblée une carte des Ventf et des Cou- 
rants que vient de publier l'Observatoire national de 
Washington. 

M. le comte de Castelnau assiste à la séance, et pré- 
sente verbalement un aperçu rapide sur toutes les 
contrées de l'Amérique qu'il a visitées dans le cours 
de son voyage. M. le président adresse à M. de Cas- 
telnau les félicitations de la Société, et le remercie de 
son intéressante communication, en le priant de ré- 
diger une notice pour la séance générale. 

OUVRAGES OFFERTS A LA SOCléTÉ. 

Séance du 1"' octobre 1847. 

Par V Académie royale des sciences de Berlin : Ab- 
handlungen der Kôniglichen Akademie der Wissens- 
chaften zu Berlin. Aus dem Jahre 18A5. Berlin, 1847. 
1 vol. in-4**. — Bericht ûber die zur Bekanntmachung 
geeipneten Verhandlungen der Kônigl. Preuss. Aka- 
demie der Wissenschaften zu Berlin. Juli 1846 ^ Juni 
1847. 11 cahiers in-8". 

Par V Association britannique pour l'avancement des 
sciences : Report of the sixteenth meeting of the British 
Association for the advancement of science : held al 



( !>.46 ) 

Southampton in september 1846. London 18A7. 1 vol. 
in-S». 

Par le secrétaire perpétuel de V Académie des uiscrip'* 
lions et belles-lettres : Rapport fait à l'Académie au nom 
de la commission chargée de rédiger les instructions 
demandées par M. le ministre des Affaires étrangères 
sur lea recherches archéologiques qu'on pourrait en- 
treprendre dans l'étendue de cette partie de l'Afrique 
qui correspond à l'ancienne Gyrénaîque. 1 cahier 
in-4o. 

Par M. Casimir Henrici : Histoire de l'Océanie de- 
puis son origine jusqu'en 1840, suivie de Notices bio- 
graphiques sur ses grandis hommes. Paris, 1846. 1 vol. 
in*12. — Histoire de la Belgique depuis son origine 
jusqu'en 18&7, suivie de Notices biographiques sur ses 
grands hommes. Paris. 1847. 1 vol. in-12. 

Par les auteurs et éditeurs : Journal asiatique. Août. 
— Boletin de la Sociedad economica de amigos del 
pais de Valencla. Août. — L'Investigateur, journal de 
l'Institut historique. Septembre. — Bulletin spécial 
de l'institutrice. Août et septembre. —Journal d'édu- 
cation populaire. Bulletin de la Société pour l'instruc- 
tion élémentaire. Août. — Revue de l'Orient et de 
l'Algérie, Bulletin des actes de la Société orientale. 
Août. 

Séance du 15 octobre 1847. 

Par la Société de géographie de Saint-Pétersbourg : 
n"^ 1 et 2 de ses Mémoires ( 1846 et 1847 ). 

Par M. Coulier : Atlas général des phares et fanaux. 
20* livraison. (Deux Siciles.) 

Pur M. le fy Beke : an Essay on ihe Nile and its Trr- 
hutarios. London, 1847. Broch. in-8'*. 



( 247 ) 

Par M, Ed. Dechy^ officier de gendarmerie : Voyage. 
— Irlande en 1846 et 1847. 1 vol. in-8^ 

Par les auteurs et éditeurs : Mémoires de la Société 
d'agriculture et des arts de Versailles. 47* année. — 
Annales de la Société d'agriculture de la Charente. 
Janvier et février 1847. — Séances et travaux de l'Aca- 
démie de Reims. N** 1 et 2. — Annaes maritimos e 
coloniaes de Lisbonne. N° 4 de 1846. — Journal des 
missions évangéliques. 8* et 9* livr. — Recueil de la 
Société polytechnique. Août. 



BULLETIN 



DE LA 



SOCIETE DE GEOGRAPHIE, 



NOVKMBBE ET DéCBIIBRE 18A7. 



PREMIERE SECTION. 



MÉMOIRES, EXTRAITS, ANALYSES ET RAPPORTS. 



ASSEMBLÉE GÉNÉRALE 

TENUE A L*HOTEL DE VILLE LE iU JANVIER 18^, 

socs LA PBK8IDEVCB 

DE M. LE COMTE MOLE, 

Pair de France (1). 



DISCOURS PRONONCÉ PAR M. MOLE. 

Messieurs , 

Vos suffrages m'ont pénétré de reconnaissance; je 
me sens fier et touché de voir mon nom inscrit sur 
cette liste d'hommes illustres qui ont été appelés à 
vous présider. En remarquant parmi eux plus d'un 
personnage politique, j'ai cru comprendre votre pen- 

(i) Une indispositiou de M. le comte Mole avait fait ajourner au 
■ 4 janvier la séance générale qui devait avoir lieu le 17 décembre. 

VIII. NOVEMBRE ET DiCEMBRE. 1. 17 



( 250 ) 

sée. Nous vivons dans un tenaps où la science elle- 
même ne peut s'isoler de la grande association civile 
et politique. Il n'est plus donné à celui qui se voue 
à son culte de se renfermer dans des méditations 
solitaires. On attend de ses veilles et de ses vives 
lumières quelque chose qui ajoute au bien-être, à 
la grandeur, à la prospérité de tous. Plus que ja* 
mais tous: avez dû croire que les hommes d'État 
ne pouvaient se méprendre sur l'importance de vos 
travaux et l'utilité de vos services. Sous ce rapport, du 
moins, je justifierai votre choix. Ce n'est pas moi, 
assurément, qui demanderai quel profit, quels avan- 
tages le pays est en droit d'attendre de vous. N'est-ce 
pas vous qui encouragez le zèle et le dévouement de 
ces hardis voyageurs, qui sont comme les éclaireurs 
de notre commerce , de notre navigation , que dis-je ? 
de la civilisuation elle-même? N'est-ce pas vous qui 
réunissez en faisceau , qui faites aboutir à un centre 
commun tant d'efforts et d'entreprises suggérés par 
des motifs et un but si différents? La science ne 
s'enrichit pas seulement au moyen de ces voyages qui 
lui sont particulièrement dédiés, et dont les gouver- 
nements font magnifiquement les frais : elle ne profite 
pas moins de ceux qui sont librement commencés et 
inspirés par cette passion que l'homme apporte 
parfois en naissant, de connaître, d'explorer ce globe 
«ur lequel il est placé. Comme le grand Christophe 
Colomb» il sesent alors entraîné vers des cieux incon* 
nvis; nul obstacle ne l'arrête; il brave mille morts 
pour atteindre des rivages qu'il ignore , mais que lui 
révèle )« ne sais quelle conscience mystérieuse et sûre. 
Tantôt c'est le géologue, le botaniste, le naturaliste 
qui poursuit, à travers les privations et les dangers, 



( £51 ) 

des conquêtes dont la science qu'il cultive lui fait sen- 
tir le prix, et qui recueille en passant dos faits» des 
observations qui agrandissent la vôtre. Parlerai-je dq 
plus sublime des voyageurs , du piissionnaire chré- 
tien» auquel la géographie et rhqmanité tout entière 
ont dû tant de découvertes et de progrès ? Vous ne 
voulez pas lion plus que j'oublie une autre sorte de 
voyageurs» un autre ordre d'esprits avides de con- 
naître les nouveaux espaces que vous ouvrez à leurs 
regards : je veux parler de ceux qui sentept la nature 
plus qu'ils ne l'étudient. Aidés par le fil que vous re- 
mettez dans leurs maips» ils aiment à pénétrer dans 
ces solitudes reculées qui ont encore leur physionomif 
native, parce que l'industrie hun^aine n'a pas com- 
mencé à les exploiter. Ceux-là, messieurs, ne rap- 
portent de leurs courses les plus aventureuses, les 
plus lointaines, que des trésors d'émotions et de poésie. 
Devons-nous le leur reprocher? L'univers n<e resterait- 
il pas impar^^itement connu si, ^ côté de ceux qui 
l'expliquent, ne se trouvaient ceux qui le contemplent? 
Les merveilles de la nature étonnent et confondent la 
science qui s'efforce de les approfondir; mais elles ne 
se reflètent avec toute leur grandeur que dans l'âme 
qu'elles remplissent d'admiration et de plaisir. Que 
la poésie et la science fassent donc ensemble une 
étroite alliance : c'est dans leur intime union que se 
trouve l'homme tout entier. Grâce aux progrès des lu- 
mières, on ne les voit plus se reléguer dans des camps 
séparés et presque ennemis. Politique, industrie, 
science et poésie , sources diverses et abondantes de 
richesse et de civilisation , qui se réunissent aujour- 
d'hui et se confondent dans une grandeur commune. 
— Un prince, objet de nos inconsolables regrets, et 



( 252 ) 

qui trouvait en lui-même toutes les pensées grandes 
et généreuses , avait ainsi compris notre sociabilité 
nouvelle. Il vous l'a bien prouvé, messieurs, en Tondant 
ce prix que vous n'avez pu donner encore , et qui est 
réservé au voyageur qui fera l'importation la plus utile 
à notre agriculture, à notre industrie ou à l'humanité. 
Votre Société, qui compte déjà plus d'un quart de 
siècle d'existence et tant de laborieux travaux , a adopté 
plus qu'aucune autre ce principe d'association de 
toutes les forces intellectuelles au profit de tous. Là 
science que vous représentez vous met en rapport 
avec tous les intérêts de la société ; elle est un des flam- 
beaux de l'histoire ; la science économique à tous mo* 
ments l'interroge ; la statistique ne peut se passer 
d'elle ; enfin les sciences naturelles ou exactes lui de- 
mandent incessamment son concours. Votre mo« 
destie est égale à votre importance. Vous ne vous faites 
connaître que par vos services, et vous savez attendre la 
justice , tout en n'épargnant rien pour la mériter. 



( 253 ) 
RAPPORT 

SUR LES TRAVAUX DB LA SOCIÂTi DE ^OGRAPHIE, 

ET sua LK 

PROGRÈS DES DÉCOUVERTES ET DES ETUDES GÉOGRAPHIQUES 

PBftDAHT l'aHRÉB 1847. 

Lu à la rëunion aonaelle de la Société de (géographie de Parii , 

le i4 janvier 1848, 

Par M. L. VIVIBN DE 8A1NT-MART1W, 

Secrétaire gënëral de la Société. 



Messieurs, 

Lorsque, il y a vingt-six ans, quelques hommes zélés 
pour la science, que tous avaient déjà longuement 
servie par leurs travaux, se réunirent dans la pensée 
commune de fonder à Paris une Société de géographie, 
le but de cette création fut non seulement de féconder, 
en les rapprochant, les travaux individuels, et de con- 
centrer dans un même foyer la connaissance de tout 
ce que l'activité des nations policées produit chaque 
jour d'entreprises et de découvertes géographiques 
dans les diverses parties du globe, mais surtout de 
contribuer directement à ces entreprises et à ces dé- 
couvertes par des instructions bien étudiées, par de 
bonnes et nombreuses publications, par des prix et 
des encouragements. Ce but élevé de votre association, 
messieurs , a toujours été présent à votre pensée. De 
nombreux sujets de prix mis au concours, de nouveaux 
théâtres d'explorations signalés par vos programmes 
au zèle des voyageurs , des récompenses et des mé- 
dailles décernés solennellement chaque année, sept 



( 25i ) 

volumes in*i* de Mémoires remplis de documents pré- 
cieux, votre Bulletin mensuel» dont la collection forme 
aujourd'hui quarante-huit volumes in-S"* : ce sont là 
des titres qui attestent et votre constante sollicitude et 
votre incessante activité. Et cependant, messieurs, 
vous avez eu, comme tout ce qui est utile, à lutter 
contre les difficultés et les obstacles. Votre marche a 
pu en être ralentie, mais vous ne vous êtes pas décou- 
ragés. Vous aviez en vous le sentiment profond de votre 
utilité ; ce sentimetit vous a soutenus contre l'oubli de 
ceux qui devaient vous aider et vous protéger. Si, livrés 
presque entièrement à vous-mêmes et aux ressources 
bien limitées chez vous de l'association individuelle, 
vous avez pu rendre encore à la science tant et de si 
grands services, qu'eussiez- vous fait» messieurs» plus 
libéralement secondés I 

Le moment viendra, espérons-le, où votre persévé- 
radce portera tous ses fruits et où il vous sera possible 
enfin de redonner à votre institution tous les dévelop- 
pements que comportait sa pensée première. Déjà 
dette année je suis heureut d'avoir à vous annoncer 
que MM. les ministres du commerce et de l'instruction 
publique ont pu prélever en votre faveur, sur les fonds 
dont ils disposent pour l'encouragement des sciences, 
une double allocation de 1,000 et de 500 francs. Cet 
accroissement dans vos ressources voui^ a permis dé 
songer à la continuation du septième volume de vos 
Mémoires^ depuis longtemps suspendue par suite de 
l'insuffisance de votre budget. Des documents d'un 
haut intérêt attendent dans vos cartons les moyens 
matériels de publication; d'aUtrès ont été mis tout ré- 
cemment à votre disposition , Sut la seule annonce de 
la décision ministérielle t nous avons donc tout lieu 



( ^5& ) 
d'esp^^rer que noire collection s'augmentera prochai- 
nement d'une nouvelle partie, non moins riche que les 
parties précédentes en matériaux utiles pour la con- 
naissance du globe et pour l'histoire de la science. 

Mais toute votre ambition ne sera satisfaite, — et 
cette ambition-là, messieurs, vous pouvez l'avouer 
hautement , car elle n'aspire qu'à rendre à la science 
de plus grands services, — que lorsque vous aurez pu 
reprendre dans tous ses développements votre pro- 
gramme Fondamental. La création de prix spéciaux 
pour des explorations déterminées en était une des 
principales conditions; ces prix, vous avez été depuis 
quinze ans contraints de les supprimer, et il vous a 
fallu restreindre vos encouragements à la médaille que 
vous réservez chaque année pour la découi^erte fa plus 
importante en géographie. L'utilité de cette médaille est 
grande encore, mais elle ne saurait remplacer les prix 
que vous avez dû effacer de vos programmes. 

Maintenant plus que jamais des prix de cette nature, 
appliqués à des études ou à des explorations détermi- 
nées, sont appelés à rendre d'incontestables service^. 
Aujourd'hui que nous connaissons d'une manière à 
peu près complète la surface terrestre dans son en- 
semble, il fi'y a plus à faire de grandes découvertes 
proprement dites. Si deux ou trois espaces d'une vaste 
étendue restent encore en blanc sur nos cartes , ces 
grandes lacunes, dont le rayon va chaque jour décrois- 
sant, sont du moins parfaitement circonscrites. Sauf 
uù petit nombre d'exceptions, tels que le Soudan 
oriental, l'intérieur du sud de l'Afrique, et le centre de 
l'Australie, ce ne sont plus les grandes courses pous- 
sées au hasard par les explorateurs qui peuvent être 
actuellement d'une utilité réelle à la science : ce qu'il 



( 25« ) 

faut aujourd'hui^ ce sont des études approfondies con- 
centrées dans un rayon limité. Une bonne monographie 
consacrée à un peuple ou à une tribu» à un canton ou 
à une province, au pourtour d'un grand lac, à un 
massif montagneux, au cours d'un fleuve important, 
servira désormais la géographie et l'ethnographie in- 
comparablement mieux que de longues courses à tra- 
vers tout un continent ou dans l'étendue entière d'un 
grand pays. C'est quand une étude est arrivée à ce 
point qu'elle appelle surtout l'intervention directe et 
continue des corps savants. Dans une science toute 
d'observation telle que la géographie, où chaque jour 
ajoute un fait nouveau à la masse toujours croissante 
des faits acquis , ce n'est pas une chose si aisée ni si 
commune que de savoir exactement et d'une manière 
complète ce qui s'est fait depuis trois ou quatre siècles 
pour la connaissance d'un point donné du globe ; et 
cependant cette notion préalable est indispensable 
pour diriger et préciser les recherches encore néces- 
saires, ne pas recommencer inutilement ce que d'au* 
très ont accompli, s'aider de toutes les lumières ac- 
quises, et concentrer ainsi tout son temps, toute son 
attention et toutes ses forces sur les investip;ations vrai- 
ment neuves et utiles. Or il est facile de comprendre 
combien une réunion d'hommes spéciaux qui ont con- 
sacré leur vie entière à ces longues et difficiles études, 
qui ont exploré toutes les sources et comparé tous les 
résultats, peut contribuer utilement aux recherches 
futures et hâter l'achèvement de l'édifice, en dirigeant 
les pas souvent indécis de l'observateur, en lui signa- 
lant ici la mine déjà fouillée, là le filon encore vierge; 
en un mot, en appelant ses investigations là où elles 
peuvent le mieux servir la science, et aussi en éclairant 



( 257) 

ses travaux par de bonnes et solides instructions. Le 
sujet que je touche ici serait fécond en considérations 
d'un ordre élevé et en développements instructifs : je 
ne puis que l'indiquer à vos méditations; et il n'est 
assurément aucun de vous, messieurs, qui, dans le 
cercle plus ou moins étendu de ses études de prédi- 
lection , ne lui pressente de nombreuses applications. 
Mais ce qui doit être dès à présent évident pour tous 
les esprits, c'est qu'une série continue de sujets de prix 
conçus dans cette pensée d'études monographiques, 
en provoquant une longue suite de travaux approfondis 
sur toutes les parties encore incomplètes de la science 
du globe et de l'ethnographie, ne dût contribuer puis- 
samment à en hâter les progrès. Et d'ailleurs, au point 
de vue même de l'application pratique, dont l'homme 
d'État doit peut-être se préoccuper avant tout, com- 
bien vos actives incitations ainsi dirigées ne pour- 
raient-elles pas servir nos. intérêts communs! Qui 
pourrait dire que les sujets de prix que vous aviez pro- 
posés jadis, et qu'il vous a fallu retirer, pour l'explo- 
ration des contrées inconnues comprises entre le lac 
Tchad et le bassin du Nil, et celle de la région du 
lac Maravi dans l'Afrique australe, n'auraient pas de- 
puis quinze ans amené des résultats qui profiteraient 
aujourd'hui, d'un côté aux rapports de notre établis- 
sement d'Alger avec les Ltats du Soudan , de l'autre 
aux relations récentes que nous avons établies avec le 
sultan de Zanzibar ? 

TRiLTAUX INTÉRIBUBS DE LA SOCIÉTÉ. 

S^il vous est encore interdit, quant à présent, mes- 
sieurs , de donner vos pensées à cette partie impor- 



( 258 ) 

tante de vos travaux, faute des moyens pécuniaires 
dont il faudrait appuyer chacun de vos concours, du 
moins n'avez-vous jamais cessé de travailler activement, 
autant qu'il est en votre pouvoir, aux progrès généraux 
des sciences géographiques. Cette année , comme tou- 
jours, votre Bulletin s'est rempli d'utiles matériaux, 
fournis soit par vos correspondants étrangers, soit par 
le zèle des membres résidents, soit par les fréquentes 
communications des voyageurs. Vos rapports avec la 
plupart des sociétés savantes de toutes les parties du 
monde sont toujours actives comme par le passé , et 
leurs nombreuses Transactions viennent régulièrement 
enrichtr votre bibliothèque, en échange de vos propres 
publications. La nouvelle Société géographique de 
Saint-Pétersbourg vous a récemment fait parvenir les 
deux premiers volumes de ses Mémoires, volumes ri- 
ches en documents importants sur la Sibérie , l'Asie 
centrale et la région nord-ouest de FAmérique , mais 
malheureusement écrits en russe , c'est-à-dire dans 
une langue généralement peu accessible pour l'Occi- 
dent de l'Europe. La société de Saint-Pétersbourg, gé- 
néreusement soutenue par un patronage élevé, est ex- 
clusivement consacrée à l'étude ethnographique et 
géographique des parties les moins connues de l'em- 
pire russe ; mais cet empire est à lui seul un monde 
tout entier. 

Il me suffira de rappeler ici quelques unes des 
nombreuses lectures qui ont en partie occupé vos 
séances. M. de M aslatrie vous b. donné, en plusieurs 
notices, un aperçu de ses travaux dans l'Ile de 
Gypre , pendant la mission commerciale et littéraire 
qu'il y a remplie il y a deux ans , et il a mis sous vos 
yeux une trèà belle carte de l'Ile, construite à gt*and 



,9) 

S propres itiDéraires. Il est 
Lslatrîe soit promptement à 
ux, les plus importants et 
grande Ile de la Médîterra- 
l'objet. Dans une disserta' 
)lique de la presqu'île de 
sius f si connu par ses tra- 
ptienne , a proposé , et je 
'importantes modifications 
lelle de plusieurs des noms 
de la marche des Hébreux 
! d'Egypte, notamment du 
B sacrée, le Sinaî. Ce travail 
ullelin , avec les cartes qui 
un des délégués de la mis- 
ons a lu une notice statîs- 
les parties littorales de la 
ées. M. jitlulphe Deîegorgue, 
'ec de KervilXfVous ont ap- 
nunications , le premier sur 
quelques unes des peupla- 
ïecond sur les observations 
our récent à l'île Bourbon 
r parmi les esclaves de notre 
frique australe; le troisième 
e la Guiane française et du 
l'obtenir pour la France la 
ligne de l'Amazone. U. Kervily a recherché dans ce 
travail la vraie position de la rivière Vincent Pinson , 
et il présente à ce sujet des considérations qui parais- 
sent décisives. Quant à M. Deîegorgue, il a, depuis sa 
Communication , publié en deux volumes sa relation 
entière, où l'on trouve nofi seulement les détails les 



( 260 ) 

plus circonstanciés et les plus curieux qu'aucun voya- 
geur ait jamais réunis sur les mœurs , les habitudes et 
l'habitation des grands animaux sauvages du sud de 
rAfrique, mais aussi des notices pleines d'intérêt sur 
les populations parmi lesquelles ses longues excur- 
sions de chasse l'ont conduit. M. de Froberville pré- 
pare aussi une publication étendue sur les objets qui 
l'ont occupé, et nous pouvons assurer que depuis 
longtemps l'ethnologie ne se sera enrichie d'un travail 
aussi important, au double point de vue de la compa- 
raison des idiomes et de l'étude physique des races. 
Je n'ai pas besoin de vous rappeler, messieurs , avec 
quel vif intérêt vous avez, dans une de nos dernières 
séances, entendu notre collègue, M. le comte de 
Castelnau^ vous retracer, dans un récit tout plein en- 
core des émotions de son aventureux voyage, les scènes 
variées de son immense pérégrination à travers tout 
le continent américain. Cet aperçu promet une grande 
et belle relation , où l'histoire naturelle et la géogra-* 
phie, l'ethnographie et l'archéologie américaines, au- 
ront à puiser des faits aussi nombreux que nouveaux. 
Si votre attention s'attache avec un égal intérêt à la 
marche simultanée de la science dans toutes les con- 
trées du globe, votre pensée aime aussi à en embrasser 
toutes les époques. Parmi les nombreux auteurs de ces 
siècles intermédiaires qu'on nomme la période byzan- 
tine, Procope est sans contredit le plus riche en no- 
tions positives sur la géographie contemporaine ; et 
de toutes les données géographiques que ses écrits ren- 
ferment sur les pays frontières de l'empire grec , la 
plus étendue , la plus complète et la plus précieuse à 
bien des égards , est sa description de la Lazique et 
des pays limitrophes. On sait qu'au temps de Procope, 



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( 259 ) 

point, en partie d'après ses propres itinéraires. Il est 
bien à désirer que M. de Maslatrie soit promptement à 
même de publier ses travaux, les plus importants et 
les plus étendus dont cette grande lie de la Méditerra- 
née orientale ait encore été l'objet. Dans une disserta- 
tion sur la géographie biblique de la presqu'île de 
Sinaî, M. le professeur Lepsius y si connu par ses tra- 
vaux sur l'archéologie égyptienne , a proposé , et je 
crois parfaitement établi, d'importantes modifications 
dans l'application traditionnelle de plusieurs des noms 
mentionnés par l'historien de la marche des Hébreux 
au désert après leur sortie d'Egypte , notamment du 
nom même de la montagne sacrée, le Sinaî. Ce travail 
est imprimé dans votre Bulletin , avec les cartes qui 
l'accompagnent. M. Hedde, un des délégués de la mis- 
sion française en Chine , vous a lu une notice statis- 
tique et commerciale sur les parties littorales de la 
Chine que la mission a visitées. M. Adulphe Delegorgue^ 
M. de Froherville et M. Serrée de Ken^fljTyyous ont ap- 
porté d'intéressantes communications , le premier sur 
les mœurs et les usages de quelques unes des peupla- 
des kafres qu'il a vues ; le second sur les observations 
ethnologiques que son séjour récent à l'Ile Bourbon 
l'a mis à même de recueillir parmi les esclaves de notre 
colonie, originaires de l'Afrique australe; le troisième 
enfin sur la délimitation de la Guiane française et du 
Brésil, et sur les moyens d'obtenir pour la France la 
ligtie de l'Amazone. M. Kervily a recherché dans ce 
travail la vraie position de la rivière Vincent Pinson , 
et il présente à ce sujet des considérations qui parais- 
sent décisives. Quant à M. Delegorgue, il a, depuis sa 
communication , publié en deux volumes sa relation 
entière , où l'on trouve noti seulement les détails les 



t 262 ) 

procuré des notices déuillées , soit par eux-mêmes» 
soit par leurs correspondants. Tous deux aussi ont mis 
sous vos yeux de nouvelles planches des deux beau^ 
monuments qu'ils élèvent simultanément à l'histoire 
de la science : M. de Santarem » la curieuse Mappe- 
monde du Musée Borgia, que l'on croit être du xv*siè- 
cle , et un fac-similé parfait du Portulan vénitien qv\ , 
de la bibliothèque des Pinelli, a passé dans celle de 
M. le baron Walckenaer; M. Jomard, la série entièrç 
des cartes déjà terminées, mais non encore publiées, 
qui entreront dans les premières livraisons de ses Mo-r 
numenta. M. d^^ii^ezac , de son côté , a soumis à unç 
analyse approfondie le calendrier inscrit sur une des 
feuilles du Portulan walcken aérien, et, par un enchaî- 
nement de déductions aussi ingénieuses que solides, il 
a déduit de cette analyse la date précise des diverses 
parties du monument. 

M. d'Avezac vous a aussi entretenus dans une séance 
récente, d'un document génois vulgairement intitulé 
Itinerariuin Ususmaris , ou , selon la transcription ita- 
lienne , Vsodiniare. Ce document, signalé en 1667 par 
Soprani , en 1802 par M. Graeberg de Hemsœ, et très 
bien caractérisé par Akerblad , fut l'objet en 1809 de 
savants aperçus de la part de M. Walckenaer; enfin , 
une copie entière en fut envoyée en 1824 par M. Grae- 
berg à la Société de Géographie^. M. d'Avezac, qui 
avait provoqué des vériiications en Italie pour re- 
trouver le manuscrit original , annonce qu'il a repris 
personnellement ces recherches en 1842 , et qu'il est 
possesseur d'une recension nouvelle qu'il se propose 
de publier. Il résulte de la plus simple inspection de 
ce prétendu itinéraire que ce n'est autre chose qu'un 
relevé des légendes dont les cartes du moyen âge étaient 



( 26è ) 

ooi|vertes, et c'est là précisément ce qui en fait aujour- 
d'hui pour nous un très curieux document. 

D'autres questions ou d'autres faits qui se rattachent 
à l'histoire des grandes découvertes du xyi* siècle vous 
ont occupés. M. de Santarem^ outre une notice sur un 
Portulan portugais inédit de 15i6» vous a communiqué 
un travail assez étendu sur un point intéressant de 
la cartographie américaine : il a recherché à quelle 
époque l'Amérique du Sud a cessé d'être figurée comme 
une grande lie sur les cartes des géographes européens. 
En vous présentant plusieurs nouveaux volumes de 
son grand ouvrage sur les relations commerciales et 
politiques dii Portugal avec les différentes puissances 
du monde, depuis les premiers temps de la monarchie 
portugaise, au xn* sièclejusqu'à nos jours, M. deSan- 
tarem vous a signalé les documents officiels en très 
grand nombre, qui, dans cette histoire diplomatique et 
commerciale de sa patrie, appartiennent à l'histoire 
même des découvertes géographiques, et il se propose 
d'offrir plus tard à la Société un précis méthodique de 
cette classe de documents. M. de Santarem vous a aussi 
à plusieurs reprises donné un aperçu verbal des docu- 
ments plus récents, mais d'un non moindre intérêt* 
que renferme le recueil officiel qui se publie à Lis- 
bonne à l'imitation de nos Annales maritimes ^ recueil 
exclusivement consacré aux possessions coloniales de 
la couronne de Portugal , et qui, depuis quelques an- 
nées, a surtout donné de très curieux morceaux sur l'in- 
térieur de l'Afrique australe. M. d'Avezac vous a com- 
muniqué une suite d'études sur les lies et les archipels 
du pourtour de l'Afrique, résumé concis, mais sub- 
stantiel , empreint de ce consciencieux esprit de re- 
cherches ptde celte critique émineate qui distinguent 



( 264 ) 

à un si haut degré tous les travaux de notre savant cot- 
lègue. Notre président, M. Jomard, parmi les extraits 
de sa vaste ^correspondance scientifique qui alimen- 
tent en partie chacune de vos séances» vous a commu* 
nique à plusieurs reprises des faits nouveaux, et quel- 
quefois très curieux, relatifs aux antiquités des peuples 
indigènes des deux Amériques, dont le hasard, ou les 
investigations des archéologues américains, procure 
de temps à autre la découverte. On peut regarder 
comme très douteux que ces débris de nationalités dé- 
truites aident beaucoup à résoudre le grand problème 
de l'origine des populations américaines; mais ils ser- 
viront du moins à apprécier le degré de civilisation où 
ces populations étaient parvenues avant l'arrivée des 
Européens. Au surplus, l'archéologie américaine est 
une science toute nouvelle encore , et l'on ne saurait 
prévoir avec certitude quels faits en pourront ressortir 
un jour; aussi devons-nous applaudir au zèle des sa- 
vants qui s'attachent à recueillir ces matériaux, sur 
lesquels devront s'appuyer les recherches des futurs 
historiens du Nouveau-Monde. 

Parmi les travaux et les publications de notre collè- 
gue M. de Satitarem , il m'en reste une dernière à men- 
tionner , sur laquelle sans doute votre pensée m'a de- 
vancé : c'est le fac-similé de la célèbre mappemonde 
vénitienne de Fra-Mauro. Déjà, depuis plusieurs se- 
maines, la première feuille de cet admirable monu- 
ment a été mise sous vos yeux dans une de vos séances 
particulières, et elle a aussi été présentée à l'Académie 
des inscriptions; aujourd'hui, cette feuille entièrement 
coloriée est devant vous, et nous pouvons en apprécier 
la beauté d'exécution. Ce sera la première fois que ce 
^ chef-d'œuvre cartographique du xn' siècle, le plus im- 



( 266 ) 

portant sans contredit que nous ait légué le moyen 
âge, aura été publié dans son entier. Cette magnifique 
carte sera divisée en cinq grandes feuilles dans la pu- 
blication de M. de Santarem, et formera à elle seule la 
troisième livraison de son Atlas des monuments de la 
Géographie du moyen â»e^ Le savant éditeur avait déjà 
conquis bien des titres à la reconnaissance du monde 
géographique , celui-là seul les égalera tous. 

IséCROLOGIE. 

Tout à rheure, messieuTs, je vous rappelais l'époque 
déjà bien éloignée de la fondation de notre Société, 
époque si riche pour nous et pour la science en pro* 
messes d'avenir, dont beaucoup se sont réalisées. Des 
hommes qui soutinrent de leur position élevée, de l'au- 
torité de leur nom , la faiblesse de nos premiers pas, 
plusieurs sont encore au milieu de nous» nobles vété- 
rans qui nous apportent en exemple leurs travaux et 
leur parole, à nous, leurs disciples et leurs émules. 
Mais, hélas! lé temps impitoyable emporte chaque 
année une de nos gloires. Depuis notre dernière 
réunion annuelle de 18A6, la mort a-frappé deux de 
vos fondateurs, M. Amedée Jaubert et M. Benjamin De^ 
lessert. Celui-ci avait surtout porté ses études vers la 
botanique ; mais on sait quels rapports intimes ratta- 
chent la botanique à la géographie , et le musée que 
M. Delessert avait élevé à sa science favorite, avec une 
somptuosité vraiment royale , est aussi devenu un vé- 
ritable musée géographique. Le catalogue de cette 
riche collection » publié du vivant de son fondateur, 
renferme pour Tbistoire des explorations du monde 
par les botanistes, une multitude d*indications cu- 

VIII. NOVEMBRE ET DÉCEBIBRE^. 2. 18 



( 26» ) 

rieuses et de précieux documents que l'on chercherait 
vainement ailleurs. 

M. Amédee Jaubert avait pris à vos travaux une part 
encore plus directe. D'autres voix plus compétentes 
que la mienne ont apprécié en lui le profond orienta- 
liste et Tbabile professeur. Je dois me borner à rap-> 
peler le voyageur et le traducteur de TEdrisi. 

Elève distingué de Silvestre de Sacy, M. Jaubert 
n'avait que dix-huit ans lorsqu'en 1798 il fut désigné 
comme un des interprètes de l'expédition d'Ef>;ypte. 
Bonaparte distingua bientôt le jeune Amédée, et Tat- 
tacha directement à sa personne avec le titre de pre- 
mier secrétaire -interprète. Il fil en celte qualité la 
campagne de Syrie de 1799, et y recueillit les maté* 
riaux d'un intéressant travail sur les tribus arabes de 
risthme.de Suez, qui a été publié dans le grand recueil 
de la commission d'Egypte. Revenu en France avec le 
général en chef, il fut bientôt après chargé successive* 
ment de plusieurs missions préside la cour ottomane ; 
et lorsqu'en 1806 Napoléon voulut ouvrir des rela- 
tions diplomatiques avec la cour de Téhéran , ce fut 
M. Âmédée Jaubert qu'il choisit pour cette nouvelle 
mission plus délicate encore, et surtout plus périlleuse. 
C'est ce voyage de 1805, à travers quelques portions 
de l'Anadoli oriental, le centre de TArménie et l' Azer- 
baïdjan jusqu^à Téhéran, qui fait l'objet de la relation 
que M. Jnubert publia beaucoup plus tard, en 1821. 
Les souffrances qu'il y endura et les dangers qu'il y 
courut, le voyageur les a fa'ît connaître dans son récit; 
et quoique la nature même de sa mission, le secret dont 
il fallait s'entourer, la promptitude qui y était exigée 
et le peu de durée de son séjour en Perse, ne lui aient 
pu permettre ce riche ensemble d'observations variées 



( 267 ) 

qui dislingue les relations de quelques voyageurs plu4 
favorisés , les Chardin , les Hanway et les Olivier, les 
John Malcolm et les Kinneir, les Ouseley, les Morier 
et les Ker Porter, on sent partout» dans les trop courte 
chapitres de M. Jaubert, Thomme instruit et Tesprit 
judicieux, qui connaît bien le peuple et le pays, mais 
qui ne veut rien dire que ce qu'il a vu par lu^-même 
et ce qu'il a pu étudier directement. 

M. Jaubert fit en 1818 un second voyage en Orient, 
dans le but d'introduire en France la chèvre tibétaine 
à duvet de cachemire, que M. Ternaux voulait natura- 
liser chez nous pour donner un nouvel aliment à nos 
manufactures et un nouveau débouché à notre com- 
merce. On sait jusqu'à quel point cette entreprise 
vraiment patriotique a réussi. M. Jaubert n'a rien écrit» 
ou du moins rien publié de cette seconde expédition, 
qui l'avait conduit aux abords de la mer Caspienne, 
entre le Térek et le Volga. Il se livra tout entier, après 
son retour, à l'enseignement du turk et du persan, 
publia, en 1823, ses éléments de grammaire (orque, 
donna ses soins, en 1826, à l'édition française du voyage 
à Boukhara de M, de Meyendorf, enrichit divers re- 
cueils de notices intéressantes sur différents points 
d'histoire littéraire et de géographie orientale, notam- 
ment d'une dissertation sur l'ancien cours de l'Oxus; 
traduisit en 1825, pour le deuxième volume de nos 
mémoires, une curieuse relation de Ghanat, écrite par 
un Arabe de Tunis et envoyée d'Afrique par M. Grâberg 
de Hemsô; et enfin accepta la tâche laborieuse de faire 
passer dans notre langue la géographie toiit entière du 
cheikh el Edrlsù Cette traduction, qui, au miliev^ de 
diverses interruption^, occupa M. Jaubert pendapt dix 
années, parut en 1836 dans la collection de nos Mé« 



( 268 ) 

tDoires, dont elle forme les tomes V et VI. On peut i*e- 
gretter que le savant traducteur n'ait eu à sa disposition 
que deux manuscrits du géographe arabe, dont le texte 
aurait eu besoin de moyens de contrôle plus abondants, 
et surtout qu'il n'entrât pas dans le plan de M. Jaubert 
de joindre à sa version un commentaire souvent indis* 
pensable, et dont mieux que personne il sentait la né* 
cessité : mais, telle qu'il nous l'a donnée, cette œuvre 
n'en est pas ihoins un des présents les plus précieux 
qu'aient reçu les lettres orientales , et elle mérite à son 
auteur toute la reconnaissance des géographes. 

Tout récemment, la mort a fait aussi un double vide 
dans les rangs de vos correspondants étrangers. Vous 
avez perdu le général Visconti à Naples, et M. Grâberg 
de Hemsô à Florence. Toute l'Europe connaît les nom- 
breux travaux de M. Grâberg de Hemsô\ comme géo- 
graphe, comme voyageur, comme critique, comme lin- 
guiste et comme historien; ces travaux remontent à un 
demi-siècle, et depuis lors chaque année on en a vu s ac - 
croitré*la liste. Ce n'est pas ici le moment de les rap- 
peler tous : mais je dois mentionner ses Annalidi Geo- 
^rajia e di Statislica^ où se trouve un bon aperçu de 
l'histoire de la géographie jusqu'à la fin du moyen âge, 
travail qui ajoute nombre de faits curieux à ceux que 
déjà Sprengel avait recueillis sur le même sujet, et 
dont Malte-Brun a beaucoup profité ; je ne puis non 
plus omettre son Specchio deWimperio di Marocco, fruit 
d'un séjour de dix années à Tanger, fructueusement 
employées à réunir sur l'empire du Maroc des docu- 
ments de toute nature. Vos mémoires renferment plu- 
sieurs morceaux curieux fournis par M. Grâberg , sur 
le nord de l'Afrique, et vos Bulletins sont remplis de ses 
fréquentes communications. 



( 569 ) 

C'est dans un autre ordre de travaux que s'est signalé 
le général Visconti. Directeur du bureau topographique 
de Naples, il a attache son nom au grand travail de la 
carte topograpliique des environs de celte capitale, 
dont l'exécution, très supérieure à la carte de Rizzi 
Zannoni , est comparable aux meilleurs ouvrages de 
ce genre publiés par les corps savants de l'Europe. Le 
général Visconti était versé dans les sciences mathé- 
matiques et dans l'astronomie pratique. L'Académie 
de Naples, dont il était membre, lui doit d'importants 
mémoires. Sa perte sera longtemps sentie dans le corps 
du génie , à la tête duquel il était placé. Elle rappelle 
celle de l'astronome Fergola, dont lui-mèrne nous an* 
nonça la catastrophe. Vous vous souvenez , messieurs , 
que ce savant fut frappé de la foudre sur le sommet 
d'une montagne, au moment où il faisait une observa- 
tion géodésique. 

MOUVEMENT EXTJâRlEUR 
DES TRAVAUX ET DES DÉCOUVERTES GJÊOGRAPHIQUES. 

Maintenant, messieurs, j'appellerai votre attention 
sur le mouvement extérieur des travaux et de^ décou- 
vertes géographiques dans toutes les contrées du globe, 
pendant l'année cpi vient de s'écouler. Ces entreprises 
et ces découvertes vous sont déjà en partie connues 
par les communications plus ou moins détaillées dont 
elles ont été l'objet pour la plupart dans vos séances 
particulières ; mais il est bon d'en résumer ici le ta- 
bleau général. 

Des expéditions importantes ont été commencées 
cette année; d'autres se poursuivent ou sont arrivées 
à leur terme : je vous entretiendrai d'abord de celles 
qui se rapportent à l'Asie. 



( 270 ) 



ASIB. 



L'Académie impériale de Saint-Pétersbourg ne se 
ralentit pas dans son active sollicitude poor Texplora- 
lion scientifique des parties encore imparfaitement 
connues de Tempire russe. Depuis 1720 , que Daniel 
Messerschmidt parcourut le premier , par ordre de 
Pierre-le-Grandy l'intérieur de la Sibérie » une armée 
tout entière de voyageurs, — naturalistes, astronome»» 
e&Dologues et géo^aphes , — soKis pour la plupart 
des rangs mêmes de l'Académie ou dirigés par ses 
instructions, a pénétré dans toutes les provinces d'Eu- 
rope et d'Asie, fouillant le sol, étudiant les produc- 
tions, déterminant le cours des rivières et la direction 
des montagnes , fixant la position des lieux par Tob- 
servation des astres, recueillant des vocabulaires , re- 
cherchant les antiquités et les traditions, décrivant les 
mœurs, les usages et le genre de vie des populations 
d'origine diverse : mais ces populations et leurs langues 
sont si nombreuses, les pays à étudier sont si vastes 
<èt lés climats si différents, que, malgré la masse énorme 
de docfuments recueillis depuis cent vingt-cinq anâ par 
Crtfife Sicile 'pi^sque ininlerroriipue d'expéditions CoUec- 
♦thréfc'où de Voyageurs isolés, c'e^ à peine si la tâche 
^at*ait entamée. Ajoutons qUe les fréquentes acquisi- 
%kyns de pï^ovinfces '^uî d'épôqué eta époque ont reculé 
4és frontièret; de Pèmpire , nô'talmment dan^ là 'règioii 
•û^ Caucase, dont déveùti^s chë({u« fo^is l'occasion 'd^eï- 
péditions nouvelles dans un but d'étude scientifique ; 
"et pdis enfin la rigueut* touJ6ars ^roissàtite dès liiéïho- 
des dVybservation daftis toutes les parties des Sciences, 
len faisant ^e(;<)i)naltre de ^nottibreases lacunes 'o^ù âe 
graves imperfections dans les i^ésiiltatis â'tiùe dat^ ttù- 



( 271 ) 

ciennef-ont «léceasilé la révision de beaucoup de tra^ 
i^aux que peodaiit loAgtempfi on avait crus défioiiifs. 
Cteiie gnuode ei belle tâche occupe incessamment lat* 
iientîaû 4e rAcadémie.. Les provinces ou les répons 
déjà décritfes par les foyageurs du dernier siècle sont 
paiicoupoes de nouyeau pour la plupart, et soumises 
à à^s investigations plus complètes et plus rigoureuses ; 
celles qui in 'avaient pas été examinées encore , ou qui 
«'avaient été ivues que superficiellement, sontroJbjet* 
à leur tour, d'expéditions s^^éciales. A peine M. Midden- 
dorff ayait*il terminé ses pénibles explorations, qui se 
sont éteodues depuis la pointe la plus septentrionale 
des côtes de la mer Polaire jusqu'aux bords de la mer 
d'Okhotsk qui baigne le Kamitschaika, que l'Académie 
feisait entreprendre un nouveau voyage , non moins 
vaste dans ses proportiions, quoique plus limité dans 
son objet. M. Castrèn, le nouveau voyageur, est un 
jeune Finnois déjà connu par des productions litté- 
raires écrites dans sa langue natale, et par des travau::^ 
linguistiques sur plusieurs dialectes d« la même £a 
mille , notamment par une grammaire de la langue 
ioliérémisse. Aussi l'objet de son expédition est-il prin- 
cipalement eilhnologique. M. Gastrèn doit soumettre suc- 
cessivevQfetit à'une étude approfondie toutes les langues, 
a^ec leiiT6 nombreux «dialectes , qui se parlent chez les 
poQp^iesvndigèfies de4a moitié oocidentalede la Sibérie, 
depuis 'les <moBts «Ouraliens jusqu'au leniseî , et com- 
parer ces l2mga>e6 soi t entre elles, soit avec le groupe 
des lan<gaes "finnoises ; en^mème temps ^u'il pénétrera 
d'une manière intime dans la vie privée de ces popu- 
lalions nomades» 6t qu'il recherchera avec soin tout ce 
qui peut éclairer sur leurs idées religieuses et leurs 
souvenirs traditionnels. Le voyage de M. Gastrèn, com- 



( 272 ) 

mencé au mois de juin 18^5 , a déjà deux ans et demi 
de durée , et ne paraît pas devoir toucher de sitôt à sa 
fin. Ce que t*on en connaît jusqu'à présent parles rap- 
ports qu'il envoie périodiquement à l'Académie » et 
par un grand nombre de ses lettres adressées à M. Sjb- 
gren, est de nature à faire concevoir une haute idée 
des résultats que l'on peut attendre de cette grande 
étude. D'importants détails sur la nature des pays où 
le voyageur séjourne , sur le climat , sur le cours des 
rivières , et sur d'autres points de géographie physique, 
se mêlent fréquemment aux tableaux de mœurs et aux 
recherches purement ethnologiques. Les rapports de 
M. Castrèn et des lettres à M. Sjogren sont écrits en al- 
lemand ; la traduction en parait au fur et à mesure dans 
les Nouvelles Annales des Voyages. M. Castrèn a visité 
en premier lieu le versant oriental des montagnes d'Ob- 
dorsk, qui forment l'extrémité de la chaîne de l'Oural. 
Il a ensuite remonté l'Ob jusque dans sa région supé- 
rieure, est passé du système de l'Ob dans celui du 
lénisei, a ^descendu ce dernier fleuve jusqu'à Tolstoi- 
Noss» au milieu des marécages glacés qui en avoisinent 
l'embouchure et bordent sur une immense étendue 
les cèles de la mer Polaire ; puis de Tolstoi-Noss il est 
revenu à léniseisk et à Minousînsk , d'où sont datées 
ses dernières lettres écrites au mois d'avril dernier. Le 
voyageur a ainsi complètement exploré les deux bas- 
sins fluviaux de l'Ob et du léniseî , faisant des haltes 
fréquentes et de longs >séjours au milieu des popula- 
tions indigènes , et poursuivant les différents objets de 
sa mission avec une ardeur que ni les fatigues, ni les 
privations , ni les souffrances d'un aussi rude climat, 
ne peuvent ralentir. Aux dernières nouvelles que l'on 
avait de lui , M. Castrèn se disposait à pénétrer dans 



( 273 ) 

les hautes valléts de la région altaique, point de départ 
probable des populations de la Sibérie (Ij. 

La nouvelle Société géographique de StPétersbourg 
a été spécialement instituée pour s'occuper, d'une ma- 
nière plus exclusive encore que TAcadémie impériale, 
de ces vastes études ethnographiques et physiques des- 
tinées à compléter ou à perfectionner la connaissance 
de Tempire russe. L'expédition scientifique qu^elle a 
envoyée dans la partie des monts Ourals qui vient 
aboutir à la mer Glaciale, en complétant les explora- 
tions de MM. Murchison et Reyserling» inaugurera 
dignement cette ère nouvelle qui s'ouvre dans l'histoire 
géographique de la Russie. On n'a rien publié encore 
des premiers résultats de cette expédition. 

Un autre géologue russe, M. le comte de Tchiha^ 
tcheff^ déjà connu par un voyage à l'Altaï dont la re- 
lation a été publiée en France il y a deux ans, est 
occupé en ce moment à étudier les parties les moins 
fréquentées de l'Asie-Mineure. Déjà à la fin de l'année 
dernière il avait exploré plusieurs cantons de la haute 
Phrygie que M. Charles Texier et M. William Hamilton 
n'ont pas touchés, ou qu'ils n'ont vus que rapidement, 
tels que les environs du lac d'Egherdir el le groupe 
alpin du Sultan -Dâgh. Revenu à Gonstantinople, pour 
y laisser passer l'hiver, il en est reparti au prin- 
temps, pour compléter la carte géologique de la pé- 
ninsule. M. de Tchihatcheff destinait deux années à ce 
grand travail , sur lequel aucun détail ultérieur ne 
nous est parvenu jusqu'à présent. 

(i) Od a reçu postérieurement de Douvclles lettres de M. Castrèn 
jusqu'au mois d*août 1847. H avait parcouru déjà les steppes des 
Koïbales, visité les monts Saïan»k, et pénétré dans les pays des Suïoles 
sur le territoire chinois. 



(27i ) 

On n*a pas non plus de nouvelles réceni^s de notre 
compatriote M. Hommaàe de Hell , parti de Paris Tan 
dernier pour aller étudier les pays qui bordent à l'o- 
rient la mer Caspienne et qui entourent le lac d*Aral. 
Les dei^fiières lettres reçues de lui il y a plusieurs mois 
le laissaient à Ërzeroum, se disposant à pénétrer en 
Arménie (1). 

A Tautne eJitrémîté de l'Asie» notre station navale , 
placée sous les ordres de l'amiral Cécille , n'a rien né- 
gligé pour perfectionner l'hydrographie des mers qui 
baignent 1^ Chine à TOrient. Une reconnaissance corn- 
plèle des archipels de Lieou-Khieou a été faite : ces 
Iles», par leur position intermédiaire entre la Chine et 
le Japon, sont indubitablement appelées à un rôle 
important dans nos futures relations avec ces grands 
empires de l'extrême Asie, qui tôt ou tard s'ouvriront 
au commerce européen. Malheureusement la perte 
récente de deux de nos corvettes , sur un banc non 
signalé, est venue montrer combien laissent encore à 
désirer nos meilleures cartes de ces parages loin- 
tains. 

La Corée, arrosée souvent du sang des néophytes 
chrétiens , a vu se renouveler dans ces derniers temps 
les efforts -des missionnaires français pour s'ouvrir de 
nouveau œtte terre , Bon moins rigoureusement fer- 
mée aux- Européens que la Chine et le Japon. Ces 
efforts ont produit quelques bons renseignements pour 
la géographie , consignés dans les lettres des mission- 

y 
I 

(i) Depuis que ceâ li(][nes ont été écrites, on a reçu des lettres de 
Tauris, datées du mois de novembre 1847. ^® voyageur y rapporte 
des détails sommaires, mais intéiessants par les données positives de 
fîéographie physique et de géographie astronomique qui y sont cou- 
tenus, sur fon passage à travers le Kurdistan. 



( 275 ) 

tiaires insérées au recueil de la Propagation de la fou 
D'ail Ires lettres en plus grand nombre ajoutent d'ex- 
cellentes notions à celles que les missionnaires des 
deux dèf niers siècles , les voyageurs russes et les ren- 
seignements fournis par les livres chinois, nous avaient 
déjà données sur la Mongolie orrentale et sur quelques 
cantoYis de la Mandchourie. €es indications éparses 
nous sont précieuses, quand' elles se rapportent à des 
contrées aussi peu accessibles aux observateurs euro- 
péens que ces régions intérieures de la haute Asie. 

Une excursion bien autrement étendue de deux de 
tes intrépides missionnaires , fera époque dans l'his*- 
toire géographique de l'Asie centrale. Chargés par 
leurs supérieurs d*aller étudier le caractère et les 
toœurs des populations nomades de la Mongolie, qu'ils 
Bvaient mission d'évangéliser , MM. Hue et Gabet ont 
pénétré, de \%hfi à 1$A6, dans les parties les plus re- 
culées du Tibet. De l'extrémité N.-O. delà Chine ils 
sont parvenus jusqu'à L'hassa, cette résidence célèbre 
du Grand Lama située au revers septentrional de la 
chaîne Himalaienne ; et de L'hassa, où ils furent arrêtés 
par l'influence des agents chinois, ils ont été ramenés 
jinsqu'à Canton, en coupant successivement, dans leurs 
vallées sfupérieures , tous les fleuves qui vont féconder 
ia péninsule Trans-Gangétique. L'aperçu sommaire 
tque M. Hue a donné récemment de ce prodigieux 
voyage fait attendre avec une anxieuse impatience la 
^relation détaillée qu'il en promet. Je ne saurais dire 
queh secours cette relation fournira pour la géogra- 
pliie positive ; car une grande partie du voyage s'est 
feite dans des circonstances diflBciles, et on ignore jus- 
qti'à présent dé quels moyens d'observation les voya- 
'geilils étaient pourvus ; mais ne nous donnât-eHe qu'un 



( 276 ) 

premier aperçu de ces contrées alpines oii jamais 
Européen n*avait pénétré, et qui ne nous sont connues 
jusqu'à présent que par les livres chinois, ce serait 
déjà d'un immense intérêt. MM. Hue et Gabet sont 
d'ailleurs des hommes d'une rare énergie et d'une 
haute intelligence : on peut donc attendre d'eux, même 
en dehors de ces déterminations positives sur lesquel- 
les se base la perfection de nos cartes , des aperçus 
justes et instructifs sur l'aspect et la nature du pays, 
la direction générale des fleuves et des grandes vallées, 
la hauteur au moins relative des montagnes , en un 
mot sur tous les traits essentiels qui caractérisent la 
physionomie générale d'une grande région. Ce que l'on 
est d'ailleurs certain de trouver dans la relation des 
deux missionnaires, c'est une profonde étude, au point 
de vue moral et religieux , d'une partie au moins des 
peuples qu'ils ont visités , et sans doute aussi sous tous 
les autres rapports qui peuvent intéresser l'historien , 
le philosophe et l'ethnologue. 

Pendant que le zèle religieux attaquait l'intérieur du 
Tibet au nord-est, du côté de la Mongolie, des vues 
tout à la fois politiques, commerciales et scientifiques 
allaient en forcer l'entrée du côté du sud-ouest, par la 
haute vallée du Sedledj et les gorges de l'Himalaîa. Il 
semble que le temps approche enfin où ces régions 
mystérieuses si longtemps inaccessibles vont céder au 
génie européen qui de toutes parts les cerne et les 
presse. La nouvelle entreprise dont je veux parler a été 
conçue et organisée par le gouvernement britannique 
de l'Inde. Les sociétés Asiatiques de Calcutta et de 
Bombay en ont fourni les'itistructions scientifiques. 
Trois hommes d'une capacité éprouvée en ont la di- 
rection , le capitaine Cwiingham , du corps des ingé- 



H 



( 577 ) 

nieurs , le docteur Thomas Thompson , connu dans 
l'Inde par ses travaux comme naturaliste, et un jeune 
ofiBcier, le lieutenant Strachey. qui a déjà visité THi- 
malaîa. L'expédition a quitté Simla le 10 août dernier, 
pour remonter le Setledj et pénétrer, par celte voie, 
dans la haute région où tous les grands fleuves de celle 
partie de l'Asie ont leur source. Arrivés à un point dé- 
terminé, les voyageurs doivent se séparer et poursuivre 
leurs explorations dans des directions complètement 
différentes. Tandis que le capitaine Cuningham se por- 
tera au nord ou au nord-ouest par la vallée supérieure 
du Sindb, dans la direction de Yarkand, de Khotân 
et Rachghar, pour revenir dans le Pendjab par X^^terta 
incognita qui bordent au nord le Kachmtr, le lieutenant 
Strachev francbira les hautes ramifications himalaîen* 
nés qui séparent à leurs sources le système fluvial du 
Sindh de celui du Tzan-pou, ou grand fleuve du Tibet, 
et descendra ce dernier fleuve jusqu'à sa partie infé- 
rieure, pour déterminer enfin d'une manière bien po- 
sitive si ses eaux se portent à la mer par la rivière 
d'Ava , ou s'il se confond , comme on a tout lieu de le 
croire, avec le Brahmapoutra. Le docteur Thompson, 
de son côté , étudiera les richesses minéralogiques du 
versant nord de THimalaîa. L'expédition est d'ailleurs 
amplement pourvue de baromètres, de thermomètres, 
de sextants, de cercles d'altitude et azimulaux, d'instru- 
ments magnétiques et autres, de tout ce qui est néces- 
saire, en un mot, pour recueillir les observations 
propres à fixer la géographie de ces contrées si peu 
connues , et à contribuer aux progrès de la physique 
du globe. Je n'ai pas besoin de vous faire remarquer, 
messieurs, que celle longue vallée intérieure du Tibet, 
dont l'exploration complète est confiée au lieutonapt 



( 278 ) 

Strachey» n'a jamais été vue par les voyageurs ^uro- 
péens, si, ce n'est sur quelques points isolés de la route 
de Calcutta à L'tiassa. Il y a tout lieu d*espérer çIq trè9 
importants résultais scientifiques de cette grande ex-* 
pédition; car il est à croire que le gouvernement de 
rinde ne l'aura fait entreprendre qu'après les mesures 
préalables qui peuvent en assurer la réussite. 

Je vous ai parlé, dans mon rapport de l'année der-r 
nière» de notre compatriote M. Robert, qui se proposait 
alors de pénétrer dans la région où va se porter M. Gu« 
ningham. On a depuis reçu , à la date du mois de mai 
dernier, des nouvelles du voyageur, et c'est avec regret 
que j'ai à vous annoncer qu'il avait alors renoncé à ses 
premiers projets. La lettre de M. Robert est datée du 
pays d'Assam, et il se proposait seulement de jeter un 
dernier coup d'œil vers le grand coude du Brahma- 
poutra avant d'abandonner ces contrées, et de repren- 
dre le chemin de la France (1). 

Descendons de ces régions alpines » où la nature se 
déploie sous ses aspects à la fois les plus grandioses et 
les plus sauvages , et arrêtons-nous un moment dans 
ces belles contrées de l'Iran où un heureux climat fa- 
vorisa de bonne heure les développements de l'intelli- 
gence humaine , et en a fait aussi un des plus anciens 
théâtres des événements de l'histoire. Là existent d'in- 
destructibles monuments gravés sur le roc, qui remon- 
teraient , s'il en fallait croire les traditions historiques 
du pays, à une époque où la Grèce elle-même , cette 
institutrice de l'Occident, était plongée dans les ténè- 
bres de la vie sauvage. D'autres monuments de même 

(i) La leHi^ f^ ^^ Robert est iinf>riinée dans U cahier de de'oembre 
1847 (les Nouvelles Annales des voyages. 



( 279 ) 

nature , mais de dates moins reculées . nous reportent 
encore aux temps de }a splendeur de la monarchie de 
Ninive , qui n'existait plus sept cents ans avant notre 
ère; d'autres enfin, et ce sont les plus nombreux, ap- 
partiennent aux règnes de Darius et deXerxès, noms 
qui se seraient éteints dans Toubli comme ceux de tant 
d'autres monarques puissants du vieil Orient, sans la 
lutte acharnée que la Grèce soutint contre eux, et que 
ses historiens ont immortalisée. 

Vingt siècles d'oubli avaient passé sur ces antiques 
monuments de l'Assyrie et de la Perse; ce sont les 
voyageurs européens qui les ont rendus à la lumière , 
comme ce sont les persévérantes études de nos savants 
qui ont rendu la vie à une lettre morte. Quelques-^un» 
de ces monuments, ceux de Persépolis, de Hamadàn 
et de Bisutoun (ou Behislân) avaient élé retrouvés de- 
puis longtemps déjà; d'autres n'ont été découvert» 
que depuis un petit nombre d'années^ aux rives du lac 
de Van et sur les bords du Tigre. C'est à Schultz^ à 
M. Botta f et à son heureux émule, M. Layard, que 
sont dues ces découvertes récentes, où la France , qui 
en a eu l'initiative, peut revendiquer la plus grande part 
d'honneur; et l'interprétation des inscriptions énigma- 
tiques qu'on en a rapportées, inscriptions tracées dans 
ce caractère primitif qu'on a nommé Técriture cunéi- 
forme, constitue aujourd'hui une branche extrême- 
ment importante des études orientales. Déjà des noms 
glorieux s'y sont signalés: en France, Sihestre de Sacy 
et Eugène Burnouf; en Allemagne, Grote/end eï Lassen ; 
en Danemark, If^esterganrd ; en Angleterre, Aa(vA/9.$r»//.^ 
Sorti des rangs de l'armée britannique de l'Inde » 
où tant d'officiers éminents ont bien mérité de l'Ë-- 
rudition et de la Géographie, le major Rawlinson 



( 280 ) 

a droit à la double palme du voyageur et de rorien- 
iàliste. Lui-même a découvert» ou du moins recueilli 
sur les lieux, une partie des inscriptions qu'il a ex- 
pliquées. C'est lui qui le premier est parvenu à co- 
pier dans son entier la gigantesque inscription gra- 
vée sur les rochers de Bisutoun » non loin de Kirman- 
châh » dans l'ancienne Médie , inscription où le rot 
Darius fit consigner, dans les premières années de son 
règne, vers l'an 516 avant Jésus-Christ, l'histoire de 
son avènement à l'empire, et où se trouvent un grand 
nombre de particularités précieuses pour l'ancienne 
géographie de l'Iran. Le travail que le major Rawlinson 
consacre à l'interprétation de cette inscription monu- 
mentale est très considérable ; la Société Asiatique de 
Londres en a publié depuis peu la troisième partie, 
qui forme un demi-volume de ses Transactions. Cette 
troisième partie comprend deux chapitres : dans l'un 
(le chapitre it), M. Rawlinson donne le texte de 
l'inscription de Bisutoun, transcrit en lettres ro- 
maines et accompagné d'une version anglaise avec 
des remarques; dans l'autre ( le chapitre v), l'auteur 
transcrit et traduit de la même manière, comme texte 
de comparaison, toutes les autres inscriptions per- 
sanes en caractères cunéiformes que l'on a trouvées 
jusqu'à présent, tant àPersépolis qu'aux environs de 
l'ancienne cité royale d'Ecbatane, la Hamadân ac- 
tuelle. Quoique les remarques qui occupent une partie 
notable de ces deux chapitres se rapportent surtout à 
la philologie , on y trouve touchés çà et là quelques 
points de l'ancienne géographie iranienne; mais plu- 
sieurs chapitres seront spécialement consacrés à la 
géographie dans la suite de ce beau travail. Des lettres 
loutes récentes du major Rawlinson nous apprennent 



( 281 ) 

qu'il était encore une fois retourné de Bagdad à Bisu- 
toun pour y vérifier de nouveau le relevé tout, entier 
des inscriptions » espérant être à même cette fois d'en 
compléter certaines parties des plus difiGicilement ac- 
cessibles. Le voyageur annonce en outre avoir décou- 
vert de nouvelles inscriptions près d'un lieu nommé 
Hulvân , sur la route de Bagdad à Kirmanchâh. On sait 
d'ailleurs que Tinfaligable antiquaire a entamé une 
nouvelle série d'études sur les inscriptions assyriennes 
déterrées à Nimroud par son compatriote M. Layard(i). 

M. Layard , qui se trouvait à Paris il y a quelques 
semaines à son retour d'Asie, a mis sous les yeux de 
l'Académie des Inscriptions une partie des dessins 
qu'il rapporte de Nimroud. Ces dessins, exécutés avec 
un sentiment parfait de l'art asiatique, vont être gravés 
en Angleterre, et formeront un beau complément de 
la publication de M. Botta sur Khorsabad. Mais outre 
cette partie archéologique de son voyage sur les 
bords du Tigre , onze années de courses ou de séjour 
dans quelques unes des provinces les. moins connues 
du S.-O. de la Perse nous permettent aussi d'espérer 
une relation importante pour la géographie. Déjà un 
premier mémoire sur les rivières de la Susiane, pu- 
blié par la Société de Géographie de Londres, nous 
montre ce qu'on est en droit d'attendre du savant 
voyageur. 

Ces belles découvertes , nous pouvons en être fiers ; 
car si elles doivent être l'honneur immortel des explo- 
rateurs qui y auront attaché leur nom, cet honneur re- 
jaillira sur notre époque tout entière qui les a inspi- 

(i) M. de Saulcy, et un autre savant dont le nom nous échappe, 
s'occupent simattanément, le premier en France, le second en Angle- 
terre, de rinierpréiation des inscriptions assyriennes du lac de Vân. 

VIII. NOVEMBRE ET D^CEIIRRE. 3. 19 



( 282 ) 

Tées. N'esl-ce pas en effet à la direclioti élevée que les 
études acluelles des corps savants ont donnée aux in- 
vestigations des voyageurs, n*est*ce pas à la précision 
qu'elles les ont habitués à mettre dans leurs observa- 
lions, que Ton doit ces grands résultats qui marquent 
aujourd'hui la plupart des voyages sérieux, et qui ont 
tant contribué de nos jours à étendre en même temps 
qu'à perfectionner toutes les branches des sciences 
historiques et des sciences naturelles ? 

AFRIQUE. 

L'Afrique , où nous allons entrer , ne nous réserve 
ni ces imposants tableaux d'une nature grandiose, ni 
surtout cette magie des vieux souvenirs , qui donnent 
tant d'attrait aux études sur l'Asie; mais un autre 
charme, celui de l'inconnu, plane vaguement sur 
cette terre encore à demi voilée. Et d'abord, messieurs, 
nous devons nous féliciter d'y avoir en quelque sorte 
retrouvé un de ses plus constants explorateurs, sur le 
sort duquel un silence de plus de deux années avait fait 
concevoir les plus vives inquiétudes : vous devinez que 
je veux parler de M. Antoine cTAbbadie. Ses longs tra- 
vaux en Abyssinie sont connus de toute TEurope. Des 
lettres datées du mois d'août dernier nous ont expli- 
qué la cause de ce silence prolongé. A la fin de 18Aâ, 
alors qu'il se dirigeait vers Massouâh pour reprendre 
le chemin de l'Europe , un scrupule sur l'exactitude 
de quelques unes de ses opérations lui fit rebrousser 
chemin pour retourner dans l'Enaréa. La conduite in- 
considérée de deux voyageurs anglais, en irritant con- 
tre les Européens les chefs du pays, l'a fait retenir 
pendant deux ans par le roi Galla de ces contrées. Ce 



( 28S ) 

séjour involontaire n'y aura pas du moins été perdu 
pour la science; le voyageur» accompagné de son frère 
Arnaud » nous revient ))lus riche que jamais en ob- 
servations de toutes sortes sur les hautes régions de 
l'Abyssinie méridioniile. Parmi les découvertes que 
M. d'Abbadie annonce dans ses lettres» il en est ce- 
pendant une sur laquelle on partagera difficilement 
la confiance du voyageur. Je crains fort, je Tavoue» 
que M. d'Abbadie ne se flatte un peu prématurément 
d'avoir, ce sont ses expressions» ce planté le drapeau 
tricolore à la source du Nil-Blanc. » La solution défi- 
nilive de ce grand problème des sources du Nil » de 
ce problème qui depuis deux mille ans tient en éveil 
la curiosité du monde» et que bien avant le célèbre 
Bruce les missionnaires portugais du seizième siècle 
crurent aussi avoir résolu, cette solution pourrait bien, 
en effet , exciter le légitime orgueil de notre compa- 
triote ; car le génie scientifique du xix* siècle la comp- 
terait au nombre de ses plus belles conquêtes. Mais il 
reste encore, dans le fait annoncé par le voyageur, 
trop de sujets de doute pour que Ton puisse le rece-^ 
voir sans examen. Ce que M. d'Abbadie appelle sa 
découverte n'est en définitive qu'une conjecture; et 
dans une chose de fait, une conjecture ne peut jamais, 
aurait-elle pour elle toutes les probabilités , tenir lieu 
d'une vérification directe. Tant que la sourée jtjue 
M. d'Abbadie a reconnue ne sera pas liée par une re- 
connaissance non interrompue avec la partie déjà con- 
nue du fleuve ; tant qu'on ne se sera pas assuré en 
outre que dans l'intervalle encore inexploré aucun 
cours d'eau plus important ne vient s'y réunir , on 
n'aura pas le droit d'affirmer d'une manière positive 
qu'on a trouvé la source vraie do Ni). Il y a plus d'un 



( 284 ) 

indice qui semblerait devoir» en effet, reporter cette 
source jusque dans les régions intérieures de FAfrique 
australe; et avant de rejeter définitivement ces indices-, 
il faut en avoir constaté la valeur par une exploration 
directe. Un autre voyageur, le docteur jSe^«, assurément 
un des plus habiles et des plus savants parmi ceux 
qui depuis dix ans ont visité l'Abyssinie, a publié der- 
nièrement à ce sujet , dans le Journal de la Société de 
Géographie de Londres, un travail élaboré dont il faut 
tenir grand compte dans Texamen théorique de cette 
question. Il se peut , après tout , que la conjecture de 
M.. Antoine d*Abbadie soit fondée, et dans ce cas 
nous serons les premiers à nous en applaudir avec 
bonheur; mais dansTétat actuel des faits connus^ nous 
avons dû ne Taccueillir qu'avec cette sage réserve qui 
prévient les déceptions. 

Sûrement, bien des doutes seraient déjà levés et bien 
des notions acquises sur les contrées inconnues qui 
bordent au sud TAbyssinie, si le missionnaire Krapf 
avait réussi, comme il en avait Tintention, à pénétrer 
dans ces régions intérieures en partant de la côte du 
Zanguebar. Je vous exprimais dans mon dernier rap- 
port les inquiétudes que déjà Ion avait lieu de conce- 
voir sur le sort de ce zélé propagateur de TEvangile ; 
rien dans l'année qui vient de s'écouler n'est venu 
dissiper ces inquiétudes. Au mois de janvier 1845, au 
moment de quitter Monbaza,.il adressa à un orienta- 
liste allemand, M^ Ewajd, une notice très intéressante. 
sur les peuples et les langues de la côte orientale d'A-. 
frique au sud du cap Guardafui , notice que M. Ewald 
a publiée ei^ 18AÔ dans le premier cahier du Journal de 
la Société oriçQteJe d'Allemagne : depuis cette époque, 
c'est-à-dire depuis trois ans, il ne pariilt pas qu'au- 



( 285 ) 

cune nouvelle de M. Krapf soit parvenue en Europe. 

Cette région si longtemps négligée de la côte orien- 
tale d'Afrique , commence au reste à attirer l'attention 
des gouvernements d'Europe, et à éveiller la sollici- 
tude des explorateurs. Depuis qu'un traité de com- 
merce entre la France et le sultan de Zanzibar nous 
en a ouvert ruccés , l'Angleterre s'en est surtout beau- 
coup occupée. On sait qu'en 18iâ, un oflScier de la 
marine de Tlnde, le lieutenant Christopber, a fait une 
reconnaissance de toute la côte du sud au nord, à 
partir de la hauteur de Zanzibar : aujourd'hui il est 
question d'en faire explorer une des principales ri- 
vières, le Gotchob, par une mission spéciale confiée à 
un officier du nom de Parker^ en vue de s'ouvrir par 
cette voie une route commerciale vers le sud de TA- 
byssinie ; en même temps qu'une association, qui s'est 
formée à Londres depuis un an, envoie un autre voya- 
geur, M. Leigh, à Quiloa, d'où il essaiera de remon- 
ter vers la région du grand lac intérieur désigné sur 
les cartes anciennes sous le nom de Maravi. C'est pré- 
cisément le projet indiqué par votre programme de 
1824 , que vous avez été contraints de retirer du con- 
cours. Nous , messieurs , qui plaçons les éternels in- 
térêts de la science au-dessus des mesquines rivalités 
de négoce , et qui croyons d'ailleurs que dans cette 
vaste arène de l'émulation commerciale il y a placé 
pour tous, nous faisons des vœux sincères pour que 
M. Parker et M. Leigh, plus heureux que l'infortuné 
Maizan, notre compatriote, assassiné, il y a deux ans, 
non loin de Zanzibar, puissent réussir complètement 
dans leur double tentative. 

J'ai déjà mentionné les courses de M. Adulphe Deïe- 
gorgue au milieu des tribus kafres , et les fructueuses 



( 28« ) 

études de M* Eugène dg Froberville sur l'ethnologie de 
l'Afrique australe; l'Angleterre a vu aussi paraître, 
dans le cours de cette année» trois relations d'une 
certaine importance sur trois autres pardes du conti- 
nent africain t celle de IL Daniell^ qui renferme de 
bonnes données sur les pay& et Les peuples nègres qui 
avoisinent le golfe de Bénin et le Congo i celle de 
M. John Duncan qiû s'est avancé plus loin dans l'inté- 
rieur du ûahomé qu'aucun des voyageurs précédents; 
enfin, la relation toute récente où M. Jmnes Richnrdson 
raconte ses courses da 184fr et de 18A6 dans quel- 
ques unes des oasis du Sahara septentrional. P&rmi les 
notices particulières, qui, sans s'être élevées jusqu'aux 
proportions de la relation proprement dite, ne laissent 
pas de fournir d'utiles renseignements sur quelques 
points spéciaux , je citerai une très bonne monogra- 
phie du pays de Ralagari donnée par un des mission-^ 
naires protestants du sud de l'Afrique, M. Lemue^ et 
un rapport très remarquable d'^un de nos officiers de 
marine , U. Méquet^ sur le pays qui avoisine le cours 
inférieur de la rivière Gabon , au fond du golfe de Bé- 
nin. Quant au pays de Ralagari , c'est une contrée 
aussi grande au moins que la FVance , située entre le 
21*^ et le 27* degrés de latitude australe, depuis le 20* 
jusqu'au 26* degré de longitude à l'E. du méridien de 
Paris, précisément à l'ouest des pays kafres parcourus 
par M. Delegorgue. Aucun Européen avant M. Lemue 
n'y avait pénétré. Le missionnaire donne de très-inté- 
ressants détails sur la nature et l'aspect du pays, sur ses 
productions et ses animaux, sur ses habitants, qui 
appartiennent à la race Bechous^na , sur leurs usages 
et leur constitution sociale» A l'autre extrémité de l'A- 
frique, un de nos officiers les plus distingtiés du corps 



( 287 ) 

royal de l*état-major, M. Pricot de Sainte-^Marie, a re- 
pris depuis quelques mois la suite de ses études topo- 
graphiques dans la régence de Tunis , qui se lieront , 
pour les compléter, aux travaux de nos ingénieurs en 
Algérie. 

Ces excursions , ces tentatives » ces publications que 
je viens de mentionner» depuis les confins méridionaux 
de l'Abyssinie jusqu'à nos possessions de l'Atlas, ne 
louchent guère encore qu'au pourtour du continent. 
Voici une entreprise qui dans ses immenses pro- 
portions n^embrasse rien moins que l'intérieur tout 
entier de l'Afrique septentrionale : c'est celle de notre 
jeune et intrépide compatriote M. Anne RaffeneL Non 
moins audacieuse que les voyages de l'illustre Mungo- 
Park» qui le premier» il y a cinquante ans, a ouvert la 
voie aux explorateurs du Soudan; plus vaste encore, 
sinon plus périlleuse , que ceux de Dochard et de 
Caillié , de Ritchie et de Lyon , de Clapperton même , 
de Denham et d'Oudney, ces immortels éclaireurs des 
grandes découvertes africaines, cette entreprise de 
M. Raffenel , si le succès la couronne , achèvera de dé« 
chirer, pour le nord de l'Afrique, le voile que ses de- 
vanciers ont à demi soulevé. C'est en attaquant le con- 
tinent par nos possessions de l'ouest, et remontanit le 
bassin du Sénégal pour atteindre celui du Djoli-bà, 
que ^. Raffenel a voulu pénétrer au cœur même du 
Soudan pour en parcourir toute l'étendue de l'ouest à 
l'est jusqu'aux pays du Nil. C^est une route de oniê 
à douze cents lieues en ligne directe, à travers des con- 
trées dont quelques parties seulement ont été aperçues 
par un très petit nombre de voyageurs, et où de vastes 
régions sont encore absolument inconnues. M. Raf- 
fenel a envisagé d'avance tous les périls, toutes les dif- 



( 288 ) 

ficultés que doit rencontrer l'exécution d'un semblable 
projet, et il n'a pas désespéré de les vaincre. Il est 
parti d'au milieu de nous préparé par des études pré* 
liminaires, muni d'instructions que l'Académie des 
sciences et vous , messieurs , lui ont fournies , pourva 
des principaux instruments nécessaires pour les obser- 
vations physiques et astronomiques» soutenu par quel- 
ques moyens pécuniaires indispensables au milieu de 
ces peuples dont il faut capter la bienveillance et 
acheter la protection par des présents continuels, et 
que le gouvernement a pu lui fournir; mais plus que 
tout cela encore, aoimé de cette confiante ardeur, de 
ce chaleureux enthousiasme qui seuls poussent l'homme 
aux glorieuses entreprises et le grandissent devant les 
obstacles. 

M. Raffenel s'était d'ailleurs préparé, il y a trois ans, 
& cette tâche immense par un premier voyage d'explo- 
ration à la Falémé, dans la Haute-Sénégambie, voyage 
dont les résultats sont connus par la relation qu'il en 
a publiée. Cette fois encore, avant de pénétrer dans le 
Soudan, le voyageur a voulu revoir la. Falémé pour 
compléter sur quelques points sa reconnaissance de 
18AA; il voulait aller, par cette voie,, jusqu'au pays au- 
rifère de Bambouk, et préparer des rapports ultérieurs 
entre cette riche contrée et nos établissements du Sé- 
négal. Cette excursion accessoire n'a pas réussi aussi 
complètement que M. Raffenel l'aurait désiré. Il a 
trouvé, aux approches du Bambouk, des difficultés 
contre lesquelles il n'a pas jugé prudent de s'opiniâ- 
trer trop longtemps, n'oubliant pas qu'un but plus 
grand réclamait de lui tous ses efforts et toute son 
énergie. La tentative de notre zélé compatriote n'aura 
pas été cependant sans résultats utiles : le voyageur y 



( 289 ) 

a recueilli des informations nombreuses , et il trace de 
bonnes directions pour ceux qui la reprendront après 
lui. Il y a là des éléments dé relations commerciales 
qui peuvent être pour nous d*un grand avenir. 

Les dernièfes' nouvelles ^e M. RaiTenel remontent 
maintenait à huit mois, et sont datées dé Raarta, au 
nord du Haut-Sénégal, à mi*chemin environ entre 
notre établissement sénégambien de Bakel et la ville 
de Ségo, la première place importante des pays du 
Niger. C'est par Ségo que le voyageur doit entrer dans 
la Nigritie, pour se porter de là d'abord jusqu'à Tom- 
bouktou , en descendant le grand fleuve du Soudan. 
n Très probablement, dit-il dans ses lettres, je serai 
forcé d'hiverner à Ségo. Je pourrai y mûrir tout à mon 
aise mon projet nouveau de visiter la ville mystérieuse, 
et m'orienter pour continuer ma route. » Il promet 
d'écrire de Ségo, et d'envoyer ses itinéraires. 

Avant d'abandonner le continent africain , où nous 
pouvons espérer , dans un avenir prochain , d'impor- 
tantes découvertes, je dois, messieurs, vous dire quel- 
ques mots d'une publication récente qui a fait une 
certaine sensation dans le monde géographique d'Aile* 
magne et de France : c'est la relation écrite par un 
musulman de Tunis nommé Zaïn el Abidin, d'un 
voyage fait par lui, vers l'année 1800, dans le royaume 
nègre de Ouaclai ou Védai, par le Kordofân et le Dâr- 
four (1). Le Soudan oriental, c'est-à-dire les parties 
de l'Afrique intérieure comprises entre le Fezzan , le 
lac Tchad et le bassin du Nil, est pour nous, je l'ai déjà 



(i) Das Buch des Sudan^ oder Reisen des Scheich Zaïn el Àbidîn 
in Aigritieu. Aus dem turkischen iibersetzt von \)' G. Rosen. Leipzig, 
1847, in-S". 



( 290 ) 

dit, à peu d'exceptions près, une terre absolumeplin- 
connue. C'est dans cet espace d'une vaste étendue 
que se trouve situé le Ouadaî. Le nom de ce pays , un 
des plus grands et des plus renommés de cette regio 
ignota » était vaguement arrivé jusqu'à nous parmi les 
renseignements recueillis par quelques voyageurs de la 
bouche des nègres esclaves ou des marchands arabes, 
principalement par Browne. Seetzen» Ritchie et 
Burckhardt; mais aucun Européen connu n'y a jamais 
pénétré» et même sa situation précise est encore indé- 
terminée. Peut-être est-ce là une des palmes réservées 
au courage persévérant de M. RaffeneL 

Dans cette ignorance à peu près absolue où nous 
sommes encore sur cette région du Soudan oriental, il 
n'est donc pas surprenant que la seule annonce d'un 
voyage fait dans ce mystérieux royaume de Ouadaî ail 
excité chez nous une assez vive curiosité. 

Cette curiosité s'y trouvo-t elle justifiée? — Oui, ré- 
pondrai-je, si l'on ne cherche dans la relation de Zain 
el Abidtn que ce qu'un Asiatique y pouvait mettre : 
une foule d'anecdotes et de détails propres à nous ini- 
tier aux mœurs, aux usages, aux croyances religieuses, 
en un mot à la vie morale et à la vie matérielle des 
peuples que le voyageur a visités ; — non, si nous lisons 
cette relation à notre point de vue européen, et que 
nous lui demandions des indications quelque peu pré- 
cises sur la situation respective el la distance des lieux, 
sur l'aspect général et la nature du pays, sur les rivières 
et leur direction , sur les montagnes et leur hauteur, 
ou même encore sur les traits de conformation phy- 
sique qui rapprochent ou diversifient les races. Pour* 
tant, El Abidin n'est pas, tant s'en faut, un homme 
d'une intelligence commune. Quoique son éducation 



( 291 ) 

ait été conoeQtrée dans le cercle habituel des étude» 
qui se rattachent au Koran , et que les courtes excur^ 
sions qu'il a faites en dehors de ce thème ordinaire ne 
se portent guère que vers les stériles spéculations des 
sciences occultes et de l'alchimie» il a cependant puisé 
au contact des chrétiens qui fréquentent Tunis» sa ville 
natale, quelque notion de nos idées et de nos connais- 
sances générales. Il est plus d'un feit que je pourrais 
citer dans la relation » qui montre chez le voyageur 
musulman un esprit de recherche et d'observation 
assez rare chez les Orientaux. 

M. Geoi^e Rosen» traducteur allemand de la relation 
de Zain el Abidln , a fait il y a quaire ans un voyage 
au pays des Lazes , et il a publié depuis lors dans les 
Mémoires de l'Académie royale de Berlin une suite de 
travaux importants sur les langues de plusieurs peu«* 
pies du Caucase occidental. M. Rosen , qui occupe au- 
jourd'hui à Constantin ople le poste d'interprète de la 
légation prussienne, ne saurait assurément mieux em- 
ployer les loisirs que lui laissent ses devoirs officiels, 
qu'à doter l'Europe savante de quelques uns des monu- 
ments encore inconnus qui peuvent exister en Turquie 
sur l'histoire ou la géographie des pays musulmans. 
C'est un exemple malheureusement trop peu suivi par 
les résidents européens dans les pays étrangers. 

L'original de la relation du Ouadai étaût écrit en 
arabe: M. Rosen n'en a eu dans les mains qu'une ver- 
sion turque. On peut regretter que le savant traducteur 
n'ait pas fait de recherches pour découvrir le texte 
même d'El Abidln. Peut être quelque voyageur futur 
sera-t41 plus heureux à cet égard. C'est surtout \ Tunis 
mime, patrie du voyageur, qu'il conviendrait de porter 
ses investigations. 11 serait possible que le traducteur 



( 29*2 ) 

turk n'eût donné qu'un abrégé de ]a relation originale. 

Cette relation rappelle un autre voyageur musulman, 
natif de Tunis comme El Abidtn» et qui» comme celui- 
ci, a été au Dârfour et au Ouadaî à peu près dans le 
même temps. Je veux parler du cheikh Mohammed 
el Tounsl. On sait qu'une traduction française de la 
partie des voyages du cheikh Mohammed qui se rap- 
porte au Dârfour, traduction faite au Caire par le doc- 
teur Perron , sous les yeux mêmes du voyageur, a été 
publiée il y a deux ans par les soins de notre collègue 
M. Jomard. M. Jomard a aussi dans les mains la partie 
du voyage qui traite du Ouadaî : il serait bien à dé- 
sirer que les circonstances lui permissent de la rendre 
publique. La comparaison de deux documents qui ont 
entre eux tant de rapports ne pourrait manquer d'être 
à la fois intéressante et instructive. 

Je ne dois pas oublier un fait curieux rapporté par 
elAbidln. Il nous apprend que pendant qu'il était au 
Ouadaî { c'était probablement en 1800) il y vit arriver 
un voyageur chrétien. Ce voyageur parlait parfaitement 
l'arabe, et il dit à notre Tunisien avoir été chargé par 
le gouvernement français d'explorer les pays à l'ouest 
du Nil dans un but d'études scientifiques. On sait en 
effet que pendant son séjour en Egypte, c'est-à-dire 
en 1798 et 1799, Bonaparte avait songé à l'exploration 
des contrées intérieures avec lesquelles l'Egypte entre- 
tenait des relations de commerce, et que même il 
écrivit plusieurs lettres au sultan du Dârfour. Mais on 
n'a eu en France nulle connaissance, que je sache, 
d'un voyageur français envoyé dans le Soudan. Il est 
certain, en tout cas, que ce voyageur, quel qu'il soit, 
a dû périr au retour, car aucune nouvelle de cette ten- 
tative n'est jamais parvenue en Europe. 



( 293 ) 

AMERIQUE. 

Je viens, messieurs, de parcourir avec vous le cerclé 
entier des travaux, des entreprises, des découvertes et 
des publications géographiques qui ont plus ou moins 
ojouté, dans le cours de Tannée 18A7, à la somme de 
nos connaissances acquises sur les contrées asiatiques 
et sur le continent africain : ceux qui me restent à 
mentionner pour le monde océanien et pour les deux 
Amériques ont été moins nombreux et nous arrêteront 
peu. 

Un voyage entrepris au mois de juillet 18A6 par les 
ordres des directeurs de la Compagnie anglaise de la 
baie d'Hudson, et terminé au mois de septembre der- 
nier, a donné des résultats d'une certaine importance 
pour la géographie de la mer Polaire. Le docteur Rae, 
qui conduisait l'expédition, s'est dirigé par la mer 
d'Hudson jusqu'au golfe profond qu'où a nommé Re- 
pulse*Bay; et de là, prenant à l'ouest à travers terre , 
il a reconnu un vaste golfe que borde d'un côté la côte 
occidentale de la péninsule Melville, de l'autre la côte 
orientale d'une autre presqu'île nommée Boothia» 
Félix, et constaté, ce qui était en litige, que cette der- 
nière péninsule est liée par un isthme au continent. 
Ce voyage de quatorze mois n'est connu jusqu'à pré-* 
sent que par un rapport circonstancié que le docteur 
Rae a rédigé pour les directeurs de la Compagnie, et 
qui a été livré immédiatement à la publicité. Ajoutons 
que l'Amirauté britannique , justement alarmée de ce 
que, depuis deux ans et demi, aucune nouvelle de la 
dernière expédition polaire n'est parvenue en Angle- 
terre, vient d'ordonner que trois expéditions simulta- 



( 294 ) 

nées aillent, dans différentes directions, à la recherche 
du capitaine Franklin. La première de ces expéditions, 
destinée à gagner la mer Polaire par le détroit de 
Behring, vient de mettre à la Toile; les autres suivront 
d'ici à peu de mois. Au prix de quelles souffrances et 
de quels dangers Thomme doit acheter chacun de ses 
progrès dans la connaissance de ces affreux climats du 
nordl 

Les deux ou trois dernières années avaient vu pa- 
raître aux Étals-Unis un assez grand nombre de rela* 
tions , dont plusieurs importantes , sur la région que 
dominent les montagnes Rocheuses et qu'arrose la Co- 
lumbia. Cette année n'aura pas ajouté, que nous sa* 
chions • d'ouvrage notable à ces récentes publications. 
Mais les événements qui se sont accomplis au Mexique 
doivent sans doute procurer bientôt à l'Europe de nou*- 
velles et plus amples notions non seulement sur les 
provinces mexicaines, mais aussi sur les deux Galifor- 
nies et le territoire de l'Orégon. L'esprit entreprenant 
de la race saxonne servira ici la science en même temps 
que la civilisation. 

J'ai déjà mentionné les courses si fructueuses de 
notre savant collègue M. le comte de Casteinau dans 
une immense étendue de l'Amérique du Sud : qu'il me 
soit seulement permis d'exprimer encore une fois le 
vœu que la publication des riches matériaux fournis 
par ce voyage soit , au moins quant à la partie histo* 
rique et géographique, à la fois prompte et accessible 
aux hommes d'étude. C'est un vœu auquel on est inces* 
samment ramené par l'expérience du passé. 

Un autre de nos voyageurs, M. Alfred Demersay-y est 
aussi tout récemment de retour d'un voyage de plu« 
sieurs années dans l'Amérique du Sud , où il avait été 



{ 295 ) 

chargé d^une mission de notre gouvernement. Plus 
heureux que M. de Gastelnau, M. Demersay a pu fran- 
chir la barrière dont la politique ombrageuse du doc- 
teur Prancia a entouré le Paraguay» et il a consacré dix 
mois entiers à l'étude ethnographique et économique 
du pays. Les notes et les documents de toute nature 
que rapporte le voyageur paraissent être des plus ri- 
ches; nous espérons qu'une prompte publication nous 
mettra bientôt à même d'en apprécier toute la valeur. 

M. Auguste de Saint- Hilaire^ un de nos voyageurs qui 
ont le mieux étudié le Brésil , et qui a déjà donné sur 
ce grand pays deux ouvrages justement appréciés» en 
prépare un troisième qui en formera le complément. 
Plusieurs fragments de cette nouvelle publication de 
notre savant naturaliste ont été cette année communi- 
qués  l'Institut, et sont imprimés dans les Noui^elles 
Annales des Doyages, 

Un autre de nos compatriotes, M. le comte de Saint- 
Cricq, qui parcourait l'Amérique du Sud dans le même 
temps que M. de Castelnau, et qui, dit-on, en a rap-* 
porté aussi d'abondantes observations, est de retour à 
Paris depuis quelques semaines seulement. C'est sans 
doute un bel ouvrage de plus que nous réserve l'avenir. 
Enfin, un autre Français, M. à*Arcet, dignv héritier 
d'un nom cher à la science, et qui lui-même promet- 
tait de grossir la liste des bons observateurs , a péri 
misérablement il y a treize mois au moment où il 
venait de toucher la terre du Brésil. La seule lettre que 
l'on ait de lui, écrite de Rio de Janeiro immédiatement 
après son arrivée , est de nature à faire sentir plus vi- 
vement encore cette perte cruelle. 



( 29(5 ) 

OciANIE. 

Un dernier regard jeté sur cette immense étendue 
d'Iles, qui occupe, sous la dénomination collective de 
Monde Océanique, tout Tintervalle compris entre 
Touest de TAmérique et l'Asie orientale, va compléter 
ce rapide aperçu des travaux géographiques et des 
découvertes de Tannée. Plusieurs publications se pré- 
parent en ce moment à Londres, qui, sans nul doute, 
enrichiront notablement la géographie , Thistoire na- 
turelle et l'ethnographie du grand archipel asiatique. 
Une ère nouvelle s'est levée pour l'étude de ces vastes 
archipels depuis que l'Angleterre y cherche un nou- 
veau foyer d'exploitation commerciale. Les Néerlan- 
dais eux-mêmes , réveillés au dangereux contact de 
cette activité dévorante, secouent la torpeur qui depuis 
deux siècles a privé l'Europe de tout ce qu'une nation 
plus agissante aurait pu donner d'informations scien- 
tifiques, et semblent vouloir racheter leur trop longue 
inaction. Un membre de la commission néerlandaise 
des sciences physiques, le docteur Schwaner^ a fait ré- 
cemment dans l'intérieur de Bornéo uYi voyage d'ex- 
ploration dont on ne connaît pas encore les résultats. 
Le temps approche où ces régions insulaires, si long- 
temps négligées, vont entrer à leur tour dans le cercle 
chaque jour plus large de nos investigations habi- 
tuelles. 

Les Anglais ont pris pied cette année sur un point 
de la côte méridionale de la Nouvelle-Guinée; mais 
jusqu'à présent il n'en est rien sorti pour la géogra- 
phie. Il n'en est pas ainsi de la Nouvelle-Hollande. Là 
chaque jour voit s'agrandir ou se perfectionner les 



( 297 ) 

connaissances acquises sur ce continent océanien \ où 
l'activité britannique se déploie dans toute son énergie. 
Toute une brigade d'ingénieurs, conduite par H. Mit" 
chellf l'ancien explorateur de la rivière Darling, a 
reconnu avec le plus grand soin le pays qui s'étend 
depuis Sydney jusqu'au fond du golfe de Garpentarie, 
dans le but de préparer de faciles communications 
entre la capitale de l'Australie et les futurs établisse- 
ments- de la côte du nord. Ce grand travail de M. Mit- 
chell , et de son second, M. Kennedy, travail qui n'est 
pas encore publié , couvrira de détails circonstanciés 
une portion très étendue de la carte de l'Australie 
orientale, qui était il y a peu d'années absolument en 
blanc. 

Mais dans l'faistoire actuelle des entreprises géogra- 
phiques en Australie, il est un nom dont la gloire do- 
mine tous les autres noms contemporains : c'est celui 
du docteur Leichhardf. A ce nom s'attache à la fois le 
souvenir encore récent d'importantes découvertes heu- 
reusement accomplies, et l'espoir de découvertes en- 
core plus importantes courageusement entreprises. Je 
n'ai pas à vous entretenir des travaux passés du jeune 
naturaliste prussien; vous les avez, messieurs, juste- 
ment appréciés en leur décernant il y a six mois votre 
grande médaille annuelle, en même temps que, par 
une coïncidence aussi rare qu'elle est honorable, la 
Société de Géographie de Londres décernait de son 
côté une récompense semblable à l'habile explorateur. 
La relation circonstanciée du premier voyage du doc- 
teur Leichhardt de Sydney à Port - Essington vient 
d'ailleurs de paraître à Londres. 

Vous savez, messieurs, qu'à peine remis des fatigues 
de cette première exploration, l'infatigable voyageur 

Vni. NOVEMBRE ET D&GBMBBX. A. 20 



t 298 ) 

en méditait une autre bien autrement vaste, ei que 
bientôt il en eut arrêté le plan. Cette fois il ne s'agissait 
de rien moins que de la traversée tout entière du con- 
tinent australien dans sa longueur de Test à l'ouest » 
— une distance de 1,000 lieues au moins, ou près de 
3,000 milles anglais, à travers des déserts inconnus où 
nul Européen n'a jamais pénétré. Le docteur Leich- 
bardt a quitté Sydney le 21 décembre 18A6, pour se 
rendre à Moreton-Bay, où était le rendez-vous général 
de la nouvelle expédition. Elle a dû se composer de 
sept personnes , indépendamment du docteur lui- 
même, qui conduit l'entreprise. Outre les chevaux et 
les mulets pour le transport des hommes et des provi- 
sions, on avait réuni un assez grand nombre de bœufs 
destinés à fournir les voyageurs de nourriture animale. 
De cette façon , la partie la plus encombrante des ap- 
provisionnements se transporte d'elle-même, et l'ex- 
pédition est ainsi assurée de nourriture fraîche pour 
'toute sa durée, que l'on a supposé devoir être de deux 
années. Inutile d'ajouter que le voyageur a eu soin de 
se munir de tous les instruments nécessaires pour les 
observations. Tous ces préparatifs ont été faits des pro- 
pres deniers du docteur Leichhardt, qui y a consacré 
la majeure partie de la somme que la colonie lui avait 
votée après son retour de Port-Essington. Les journaux 
australiens , au moment du départ de l'expédition , 
manquaient de termes pour exprimer tout ce que le 
zèle infatigable du savant prussien, non moins que son 
intrépidité et son désintéressement, leur inspiraient 
d'admiration. 

Et nous aussi, messieurs, nous suivons avec un vif 
et profond intérêt les persévérants efforts de ces hom- 
mes courageux qui dévouent leur vie à l'accomplisse- 



( 299 ) 

ment d'une grande pensée. Ce saint enthousiasme de 
la science» cette noble et généreuse ambition de s'illus- 
trer par de grandes découvertes, nous y applaudissons, 
nous aussi, de toutes les forces de notre âme et de nos 
sympathies. Ainsi, par une coïncidence qui sans doute 
aura déjà frappé vos esprits, deux hommes également 
animés de cette passion des entreprises hasardeuses , 
RafFenel en Afrique et Leichhardt en Australie, tous 
deux éprouvés par de premiers travaux et récompensés 
déjà par de premiers succès, s'attaquent maintenant à 
la fois aux deux plus grandes lacunes qui restent en- 
core* dans la carte du monde. Puisse un double succès 
couronner cette fois une double tentative où déjà tant 
d'efforts sont venus se briser ! 

Ajouterai-je que, s'il en fallait croire quelques bruits 
de gazettes, que nulle information officielle n'a jusqu'à 
présont conQrmés, l'expédition du docteur Leichhardt 
aurait éprouvé un échec dès ses premiers pas vers l'in- 
térieur du continent? Les animaux dont l'expédition 
s'était pourvue, soit comme moyen de transport, soit 
comme provisions vivantes, se seraient, dit -on, dis- 
persés à la descente des montagnes Bleues , emportés 
par leur naturel sauvage, et auraient ainsi mis les 
voyageurs dans l'impossibilité de s'aventurer plus loin. 
Cette nouvelle , heureusement , ne semble guère prp- 
bable. En tout cas, on connaît la persévérance de l'in- 
trépide observateur et son esprit de ressources, et nous 
pouvons être bien assurés que tant qu'un moyen hu- 
main lui restera pour surmonter les difficultés insépa- 
rables d'un tel voyage, et que mieux que personne il 
a prévues, il n'abandonnera pas une carrière à laquelle 
il attache la gloire de son nom. 



( 300 ) 

TRAVAUX D*éRDDlTION OÉOGRAPHlQim. 

Avant de terminer, messieurs , cette imparfaite es- 
quisse des entreprises et des résultats que Tannée 
18&7 aura légués aux sciences géographiques, quel- 
ques mois encore me restent à dire des œuvres de 
pure érudition et des travaux de cabinet. Les plus im- 
portants et les plus vastes, je les ai déjà mentionnés : 
ce sont les deux splendides publications de nos savants 
collègues , M. le vicomte de Santarem et M. Joinanl^ 
composées Tune et l'autre de la série chronologique 
des monuments cartographiques du moyen âge, et 
destinées , nous l'espérons du moins , à se compléter 
mutuellement en se partageant les soins si minutieux 
de cette longue et dispendieuse publication. Déjà plus 
de soixante monuments, presque tous inédits, ont été 
publiés par M. de Santarem, tant intégralement qu'en 
fragments ; et bien qu'à notre grand regret M. Jomard 
n'ait encore Tien mis au jour, plusieurs d'entre nous 
ont été à même d'apprécier la beauté des planches 
déjà gravées, au nombre de cinquante-neuf, qui doi- 
vent entrer dans ses premières livraisons. M. Jomard 
et M. de Santarem joindront d'ailleurs à leurs publi- 
cations respectives un texte critique dont plusieurs 
fragments ont été déjà communiqués à l'Académie 
des Inscriptions, et qui ne peut manquer d'ajouter 
encore au prix ainsi qu'à l'utilité des monuments jus- 
qu'à présent à peu près inaccessibles , qui vont enfin 
entrer, grâce à eux , dans la circulation du monde 
savant. 

Une autre publication récente qui se rattache à l'his- 
toire géographique du moyen âge, est celle d'une édi- 



t sot ) 

tion- nouvelle de Marco Polo, que MM. Lazari et Pasini 
viennent de faire paraître à Venise. Je n'ai pas été 
à même d'examiner cet ouvrage, et je ne saurais 
dire, conséquemment , ce que les commentaires de 
M. Lazari ajouteront à ceux de Marsden , de Baldelli 
et de Neumann , ainsi qu'aux remarques détachées de 
quelques orientalistes contemporains, notamment de 
Klaproth et de M. Etienne Quatremère;- mais ce qui 
doit du moins donner pour vous, messieurs, un prix 
particulier à cette édition du célèbre voyageur véni- 
tien , c'est que le texte français que vous avez publié 
dans le tome P' de vos Mémoires en forme la base. 
La versioa italienne de M. Lazari a été faite sur ce 
texte* 

M. le baron de la Pylaie , membre de la Société , de 
retour à Paris après quatre années de recherches dans 
l'ouest de la France, annonce la publication très pro- 
chaine d'une carte de géographie comparée en même 
temps qu'archéologique, comprenant la Gaule celtique 
occidentale, la Neustrie, le Maine et la Touraine, sous 
la domination romaine et au moyen âge ; cette carte , 
que plusieurs de nos collègues ont vue avant qu'elle 
fût mise à la gravure, présente la synonymie com- 
plète des noms des peuples , des localités et des ri- 
vières. 

Vous savez, messieurs, et personne dans le monde 
savant n'ignore que M. le professeur Reinaud prépare 
depuis de longues années une version française 
d'Abou'lféda, dont il a déjà publié le texte arabe con* 
jointement avec M. de Slane. Cette traduction de 
M. Reinaud est accompagnée d'une introduction , qui 
à elle seule sera un ouvrage capital. On avait espéré 
que ce grand travail pourrait être mis au jour dans 



( 302 ) 

Tannée qui vient de s'écouler; Tétendue des recherches 
de l'auteur, et le soin consciencieux qu'il y apporte » 
ne lui ont pas permis encore de satisfaire au vœu uni- 
versel de tous ceux qui s'intéressent à l'histoire géo- 
graphique de l'Orient. Nous sommes du moins certains 
que ce Tceu sera bientôt rempli. 

L'histoire, vous le savez, messieurs, a plus d'un point 
de contact avec les sciences géographiques; à ce titre, 
)e puis rappeler l'Histoire de l'Italie que publie notre 
savant collègue, M Roux de Rochelle. 

M. le professeur Cari Ritter de Berlin , un de nos 
cprrespondants étrangers, a publié cette année un 
nouveau volume de sa géographie générale, ou, selon 
son titre allemand, YErdkunde; c'est le douzième de 
l'Asie, et le second de l'Arabie, qu'il termine. Cet ou- 
vrage colossal, beaucoup plus connu chez nous, je dois 
le dire , par sa réputation européenne que par lui- 
même, demanderait une notice particulière que ni 
l'espace , ni le temps ne me permettent de lui consa- 
crer ici. Le savant auteur ne s'y est pas seulement pro- 
posé de tracer une description physique et politique 
de la terre selon l'idée que nous attachons communé- 
ment au mot géographie^ telle, par exemple, que la 
plume éloquente de Malte-Brun en a laissé un modèle 
achevé dans son Précis. Pour M. Ritter, la partie pure- 
ment descriptive n'est qu'un point de départ, une base 
préliminaire. Son but essentiel, la pensée-mère de son 
livre, c'est de mettre en relief les rapports mutuels du 
sol et de l'homme (de là son second titre de Géographie 
Comparative, P^ergleichende Géographie); c'est de mon- 
trer quelle influence la conformation naturelle et les 
conditions physiques de chaque région ont .eue sur 
le développement moral et historique des peuples qui 



( S08 ) 

Tunt habitée; c'est de rechercher quel rèle chaque 
individualité nationale, ainsi créée ou modifiée par le 
milieu physique où elle s'est développée, a rempli 
dans le grand mouvement de Thistoire générale, quelle 
influence elle a exercée sur le développement universel 
de la civilisation, quelle part lui est ainsi dévolue dans 
les destinées finales de l'humanité. Cette pensée est 
large et féconde, mais peut-être Timmense érudition 
de Tauteur l'a-t-il trop souvent retenu dans des détails 
où Tesprit quelquefois se fatigue à le suivre. On vou* 
drait le voir plus souvent, secouant ces mille entraves 
d'une science inépuisable, s'élever, libre et puissant, 
non jusque dans les espaces nuageux de l'abstraction 
métaphysique, mais dans les régions philosophiques 
de la généralisation. Ce n'est pas une pensée critiqué 
qui m'a dicté ces observations ; nul plus que moi n'ad- 
mire ce monument prodigieux d'érudition géogra- 
phique, qui a fait et méritait de faire école; je n'ai 
voulu qu'indiquer une des causes, la principale selon 
moi , qui a dû empêcher. YErdkunde de se naturaliser 
parmi nous. Pour une œuvre de cet ordre, ce n'est pas 
assez de l'accueil de courtoisie qui , chez nous , ne fait 
jamais défaut aux choses non plus qu'aux personnes , 
et surtout aux livres de l'étranger ; mais un accueil 
plus intime, une asûmilation plus complète, auraient 
voulu plus de rapports qu'il n'y en a réellement entre 
hijorme de l'œuvre allemande et les exigences de notre 
esprit français. Nous voulons, même dans la composi* 
tion la plus sérieuse, une exposition toujours nette, 
toujours simple et claire, exempte surtout de toute af^ 
fectation de terminologie d'école; nous voulons que 
les différentes parties d'un ouvrage étendu se dévelop- 
pent et s'enchaînent naturellement , sans recourir au 



( ZOà ) 

procédé mécanique des divisons et des subdivisions 
typographiques poussées à l'infini , inextricable laby- 
rinthe à travers lequel l'esprit a peine à suivre la 
pensée première et la liaison des faits; nous voulons que 
le sujet même le plus complexe » longuement élaboré 
au mystérieux creuset de la pensée» en sorte épuré de 
tout alliage inutile et se moule en quelque sorte d'un 
seul jet» au lieu de se composer de parties étrangères 
réunies par une simple agrégation ; pour nous, enfin» 
il ne faut pas que l'objet esssentiel ni le fait principal 
se perdent étouffés sous le luxe des détails. Au surplus» 
ce qui nous parait un défaut à notre point de vue fran- 
çais» peut n'en être pas un au point de vue germanique; 
mais il n'en est pas moins vrai que» chez nous» un sen- 
timent de répulsion instinctive s'attache à tout ce qui 
s'éloigne des beaux modèles que nous ont légués les 
grands maîtres. Et c'est avec raison que nous y res- 
tons fidèles : c'est là en effet, l'étranger lui-même 
l'avoue , c'est là ce qui fait au dehors notre force et 
notre autorité. 

De ces considérations de littérature géographique 
que vous apprécierez» messieurs, revenons à des objets 
d'une application plus usuelle. Il en est peu » parmi 
ceux dont je pourrais encore vous entretenir» qui pré- 
sentent un plus haut intérêt que la question des noto- 
Uons géographiques 9 c'est-à-dire de cette partie de- la 
nomenclature qui s'applique à l'énoncé des distances 
itinéraires, des hauteurs des lieux et des positions as- 
tronomiques. Cet objet a depuis quelques années attiré 
l'attention de plusieurs bons esprits. Le colonel Jackson 
à Londi^es» et surtout chez nous notre collègue M. /o- 
mard^ s'en sont particulièrement occupés. 

Débarrasser la nomenclature géographique de la 



( 306 } 
complicatioD dont elle est chargée par suite de la dUsi- 
dcnce qui règne entre les diverses natioDs, et par l'ar- 
bitraire que le laps du temps, joint nu caprice de» 
Toyageurs, des navigateurs et des cartographes, y ont 
introduite, serait en effet rendre un immense service  
U science et contribuer à son avaocenieot d'une ma- 
nière puissante. Quel effroyable chaos que le conflit 
entre les noms divers donnés à un même lieu I Qui 
pourrait compter les lieux différents auxquels la même 
appellation s'applique ? De combien de manières a'a- 
t-on pas exprimé un même intervalle? Quelle diversité 
sans fin dans l'emploi des milles, des lieues, de toutes 
les mesures itinéraires, différentes sous la même ap- 
pellation , ou bien identiques sous des appellations 
différentes I Et lorsqu'on veut convertir les distances 
ainsi exprimées et les rapporter à un module unique, 
par exemple à l'unité nationale, quel embarras 
n'éprouve- l-on pas fréquemment, faute par ceux qui 
les ont citées de les avoir définies I On est loin de s'en- 
tendre sur un premier méridien , à partir duquel se 
compteraient les longitudes ; et comme si ce n'était 
pas assez de cette dilBculté , on y a joint celle de 
compter les longitudes de deux façons, soit dans un 
seul sens, de 1 à 360 degrés, soit en deux sens, de 
1 degré à 180, à l'est et à l'ouest. Et quant au pre- 
mier méridien , aux dix ou douze que l'on en con~~" 
il faudra bientôt peut être en ajouter un nouveau, c 
de la Californie, récemment proposé à Cincinnati, i 
parler de celui qu'on veut faire passer à Rome cou 
capitale du inonde ancien. 

La notation des sondes, celle des hauteurs, et 1 
d'autres points encore d'application parliculière, n 
pellent pas moins l'attention des géographes. Ne se 



( 306 ) 

il pas bien désirable de voir adopter certaines déno- 
minations fixes pour les océans et leurs subdivisions, 
et de consacrer en la complétant la réforme si heureu- 
sement introduite par Fleurieu il y a un demi-siécle? 
de déterminer les branches principales des fleuves» 
pour mettre fin aux interminables disputes sur leurs 
sources? de faire disparaître des cartes et des traités 
de géographie les noms de lieux imposés par les diffé- 
rentes nations européennes là où il existe un nom in- 
digène ? d'adopter dans toute TEurope une orthographe 
uniforme pour les noms orientaux, en observant la dif- 
férence des dialectes? Ces améliorations et beaucoup 
d'autres seraient en effet bien désirables. En France 
comme en Angleterre, en Russie comme en Allemagne» 
en Espagne comme en Italie, on en reconnaît haute- 
ment l'utilité : et cependant la puissance de la routine, 
et plus encore peut-être les étroites préoccupations des 
vanités nationales, y ont mis jusqu'à présent d'insur- 
montables obstacles. Cette cause n'est cependant pas 
celle d'un peuple en particulier; c'est la cause de tous 
les peuples savants, c'est celle de la civilisation tout 
entière. Ce ne sont pas des concessions de peuple à 
peuple que l'on aurait à réclamer ici, mais bien des 
concessions d'usages vicieux à la science , à la raison , 
au bon sens. Mais pour s'entendre sur toutes ces ques- 
tions de principe et sur les applications de détail, il ne 
suffit pas de réclamations isolées, si justes, si évidentes 
soient elles : ce qu'il faudrait, ce serait un véritable 
congrès des nations savantes. En dire plus en ce mo«- 
ment serait superflu; mais il est juste de reporter 
rhonneur de cette idée, d'une réalisation plus ou moins 
prochaine, j'en ai la conviction, à celui qui le premier 
l'a émise , à M. Jomard , notre récent président. Il est 



( 307 ) 

digne de la France de prendre l'initiative de ces utile» 
réformes, que le présent appelle et auxquelles l'avenir 
applaudira. 

Le nom de M. Jornard^ que j'ai prononcé, reporte 
toujours notre pensée sur ce riche dépôt géographique 
de la Bibliothèque du Roi, à la tête duquel notre col- 
lègue est placé, et auquel il se consacre avec tant de 
zèle et de dévouement. J'ai pu , dans mes précédents 
Rapports, y signaler d'importants accroissements; 
c'est avec regret qu'il me faut ajouter que cette année 
les accroissements n'y ont pas eu le même développe- 
ment, surtout en ce qui touche aux acquisitions. Plu* 
sieurs causes ont concouru à ce regrettable temps 
d'arrêt, qui n'est sûrement que temporaire. Au dehors 
toutefois, comme par compensation, l'utilité de la 
Collection est bien comprise , et de plusieurs côtés de 
l'Europe il est venu des dons importants. 

Il ne faut pas nous dissimuler cependant une cause 
principale de l'infériorité des accroissements prove- 
nant de l'intérieur : cette infériorité tient par-dessu» 
tout à l'état actuel de la cartographie en France. Le 
temps n'est plus , hélas! où la science géographique 
tout entière se formulait d'une manière à la fois si 
brillante et si complète dans les admirables travaux 
d'un d'Anville. Celte branche capitale de la géogra- 
phie savante est bien déchue depuis lors. Aujourd'hui, 
sauf dans les ouvrages de nos ingénieurs militaires et 
de nos ingénieurs hydrographes, qui ne sont pas ici 
en question, le métier, l'art tout au plus, ont remplacé 
la science. Parmi cette foule de cartes marchandes- 
dont le vulgaire se contente, on en chercherait vaine* 
ment une seule , en dehors des cartes des pays euro-» 
péens où il ne s'est agi que de réduire mécaniquement 



( ao8 ) 

les documents chorographiqties , on en chercheraitv 
dis-je, inutilement une seule qui représente, par la 
patiente et intelligente élaboration de tous les maté- 
riaux existants» Yétatjùlèle des connaissances acquises 
sur un point donné du glbbe. 

Dans cette triste pénurie de cartes françaises aux^ 
quelles Thomme 'd'études sérieuses puisse accorder 
quelque valeur, j'ai pourtant à faire deux exceptions 
capitales. 

M, le colonel Lapie Yieni de terminer une carte en 
six feuilles qui comprend les pays situés entre la mer 
Egée etl'Indus, c'est-à-dire l 'Asie-Mineure, l'Arménie, 
la Syrie, les pays de l'Euphrate, l'Iran dans sa plus 
grande extension, et la Boukharie. Cette carte est digne 
de l'habileté bien connue de son auteur; mais nous 
regrettons seulement qu'une échelle trop restreinte ne 
lui ait pas permis d'employer d'une manière plus dé- 
veloppée et plus profitable encore pour l'étude sérieuse 
de ces contrées les riches matériaux, tous inédits, que 
depuis quarante ans le gouvernement a mis à sa dis- 
position. Nous espérons vivement que ces matériaux, 
si péniblement réunis parles ingénieurs qui ont à di- 
verses époques accompagné les missions françaises en 
Orient, entreront bientôt dans une composition plus 
large encore et plus complètement étudiée , propre à 
servir de base non seulement à la lecture des voyages, 
mais aussi, et surtout, aux études de géographie com- 
parée. 

Deux belles cartes de France ont été publiées par 
M. le baron Walckenaër^ secrétaire perpétuel de l'Aca- 
démie des inscriptions. De ces deux cartes, l'une est 
spécialement consacrée aux indications multiples de 
la géographie physique, l'autre a pour objet la géo- 



( 809 ). 

graphie comparée de la Gaule ancienne. M. Walckenaër 
est un de ces hommes, toujours trop rares, qui impri- 
ment immanquablement à tout ce qui sort de leurs 
mains le double cachet d'une science profonde et d'un 
goût sûr. Des morceaux précieux d'érudition géogra- 
phique sont encore renfermés, nous le savons, dans le 
riche portefeuille de l'illustre secrétaire de l'Académie 
des belles-lettres : espérons que , moins avare de ses 
trésors , notre savant confrère les livrera bientôt à la 
publicité. 

En payant ainsi un tribut d'éloges bien mérité à 
celui qui depuis cinquante ans a rendu tant et de si 
éminents services aux hautes études géographiques, ma 
faible voix, je le sais, ne peut rien ajouter au concert 
d'éloges et de respect dont l'Europe entière entoure 
son nom; mais c'est un besoin pour moi d'incliner 
mon front devant les sommités de la science, que nous 
servons tous à des degrés différents. C'est avec bonheur 
que je salue du fond de l'âme les hommes qui dans 
le cours laborieux d'une longue carrière sont toujours 
restés fidèles à leur premier culte; que nul calcul in- 
téressé ne poussa vers la science , que nul calcul n'en 
a éloignés; les hommes enfin qui ont en eux le feu 
sacré , ce don du ciel que Dieu n'envoie qu'aux élus. 
Cet hommage-là, messieurs, nous pouvons le payer 
sans crainte : nous n'aurons jamais à le prodiguer. 

Les travaux d'érudition géographique que j'ai eu à 
mentionner sont bien peu nombreux; mais aussi quel 
temps fut jamais moins favorable à ces grands labeurs 
dont la condition première est une vie d'abnégation? 
Quand chacun enferme sa vie dans un cercle glacé de 
calculs individuels; quand nul ne sent rayonner autour 
de lui cette chaleur sympathique du dehors qui est & 



( 810) 

la fois un stimulant, un encouragement et une récom- 
pense, faut-il s'étonner que les travaux intellectuels 
d'un ordre élevé se retirent de cette atmosphère toute 
imprégnée d'indifférence et de froid égoisme ? C'est à 
vous, messieurs, qui trouvez dans vos propres rangs tant 
de nobles exemples, c'est à vous de conserver intact le 
dépôt sacré que vous avez reçu de vos prédécesseurs. 
Ces hautes études dont vous gardez la tradition ont 
d'ailleurs en elles bien des joies et des consolations : 
c'est un abri contre les tristes préoccupations du pré- 
sent, un refuge contre les sombres prévisions de l'a- 
venir (1). 

(i) Ces paroles (ristement prophétiques étaient prononcées, il ne 
faut pas l'oublier, le 14 janvier. 



( 311 ) 



NOTES 

SUR LES MfOBVRS , COUTUMES ET TRADITIONS DES AMAKOUA , 

SOR LE COMMERCE ET Lk TRAITE DES ESCLAVES 

DANS L'AFRIQUE ORIENTALE. 
Par M. EUGÈNE DE FROBERVILE. 



Lorsque je partis de Paris» il y a bientôt trois ans, 
je demandai à la Société de Géographie des instructions 
pour les études auxquelles je devais me livrer dans le 
cours de mon voyage dans l'océan Indien et durant 
le séjour que je comptais faire aux lies Bourbon et 
Maurice. La Société, avec sa bienveillance accoutumée, 
me laissa le choix du sujet qui me paraîtrait le plus 
digne d'intérêt, et j'ai cru répondre à cette marque 
flatteuse de confiance en dirigeant mes recherches sur 
la géographie et l'ethnographie de l'Afrique orientale 
au sud de l'équateur, région presque inconnue que 
l'on désigne vaguement sous les noms de Zanguebar, 
de Mozambique et de Monomolapa. 

Plus de trois cents indigènes de ces contrées, parmi 
lesquels une cinquantaine avaient quitté récemment 
leur pays, furent donc interrogés avec méthode et 
scrupule, et leurs relations diverses me servirent, après 
avoir été contrôlées, à tracer l'esquisse d'une carte 
dont un extrait a été mis sous les yeux de la Société. 
Je recueillis en outre soixante masques et bustes 
moulés en plâtre sur des individus appartenant aux 
divers peuples de cette région, cinquante portraits 
dessinés avec les tatouages caractéristiques que ces 



(812) 

races aiment à se tracer sur le visage et sur le corps. 
Enfin» j'amassai trente et un vocabulaires de leurs lan- 
gues, et des notes sur leurs mœurs, coutumes et tradi- 
tions. C'est de cette dernière partie de mou travail que 
j'extrais le fragment que j'ai l'honneur de communi- 
quer à la Société. 



NOTBS SUR LBS AllAKLOUA. 

Les Amakoua forment une des nations les plus bel- 
liqueuses et les plus considérables de l'Afrique orien- 
tale. Leur territoire , qui s'étend des environs de la 
rivière d'Angozha jusqu'au cap Delgado, sur une pro- 
fondeur d'environ soixante lieues, est fertile et très 
peuplé. 

Les tribus voisines de Mozambique dépendent du 
Portugal : mais cette espèce de vasselage n'existe que 
de nom ; car , à plusieurs époques , et même tout ré- 
cemment, les naturels attaquèrent les établissements 
formés par les Portugais sur la grande terre , et corn* 
mirent impunément sur les colons et leurs esclaves 
des actes d'une cruauté inouïe. Vers l'année 180A, une 
irruption de ces hordes sauvages mit les Portugais & 
deux doigts de leur perte. La péninsule de Babaceiro 
fut entièrement ravagée , et le fort de Msiriri (Mesuril) 
pris et pillé , ainsi qne la maison de campagne du 
gouverneur. La ville de Mozambique , appelée par les 
Amakoua Mouhoupiti^ ne dut son salut qu'à sa position 
insulaire; les Amakoua n'osèrent pas affronter, en 
pirogue , les canons qui défendent cet Ilot. Les excès 
épouvantables auxquels se livrèrent ces tribus barba- 
res m'ont été rapportés par un chef qui figurait parmi 



( S13 ) 

les assaillants , et qui , trop confiant dans la terreur 
dont les Portugais étaient frappés , s'attarda et fut fait 
prisonnier , tandis que les siens se retiraient dans l'in- 
térieur avec un riche butin. 

Les instincts sanguinaires des Amakoua ne se mani- 
festent pas seulement dans leurs guerres contre les 
Portugais; les diverses tribus ^ souvent en hostilité les 
unes avec les autres» déploient, dans leurs rencontres, 
une férocité sans exemple. Les mains et la tête d'un 
ennemi vaincu sont apportées en triomphe devant le 
chef, et les chairs de ces sanglantes dépouilles sont 
bouillies ou rôties, et mangées par le vainqueur, tan- 
dis que le crâne lui sert de coupe. 

Prévoyant ces fatales mutilations, le Makoua, en 
outre du tatouage tracé sur le front, se marque la poi- 
trine et le flanc de dessins variés qui permettront à sa 
famille de reconnaître le tronc de son cadavre sur le 
champ de bataille , précaution que rend souvent inu- 
tile la féroce curiosité du vainqueur qui n'abandonne 
le corps de sa victime qu'après l'avoir disséqué , et 
avoir complaisamment étudié sur lui l'anatomie du 
corps humain. 

Les armes des Amakoua sont la sagaie , le javelot , 
l'arc, les flèches (parmi lesquelles il en est d'empoi- 
sonnées, et il en est qui laissent leur dard dans la 
blessure ) , le bouclier, la massue , et une espèce de 
poignard ou de petit sabre. Le fusil est très estimé 
chez ce peuple ; mais la nécessité de se pourvoir de 
poudre et de balles enlève à cette ^rme une partie de 
sa valeur. Les Amakoua sont surtout renommés pour 
leur adresse à manier la sagaie. 

Dans l'esclavage, les Amakoua deviennent des ser* 
viteurs laborieux , dociles et dévoués , et leurs mau- 

Vni. NOVEMBRE ET DI^CEIfBRB. Ô. 21 



( 814 ) 

taises passions se réveillent rarement. Un grand 
nombre d'entre ceux qui habitent les côtes viennent 
s'établir librement à Zanzibar et aux tles Comores. 
Les parents vendent volontiers leurs enfants aux Ara- 
bes qui vont trafiquer en longeant la côte presque 
jusqu'aux embouchures du Zembedzi. 

Tous les Amakoua Se tatouent au front une marque 
dont la forme est celle d'un fer à cheval. Ce signe est 
répété horizontalement sur les tempes oft il entoure 
plusieurs raies divergeant légèrement en avant. Chez 
quelques individus le caprice introduit des modifica- 
tions dans oe dessin; mais ces modifications ne sont 
jamais assez profondes pour dénaturer la forme du 
fer à cheval , signe de nationalité auquel on ne pourra 
se méprendre» car je l'ai observé sur tous les Amakoua 
que )'ai rencontrés. 

J'ai mentionné déjà le but du tatouage que lés Ama- 
koua se font sur la poitrine et Sur d'autres parties du 
oorps. Quoique la fantaisie préside seule à ces dessins, 
on y remarque souvent comme une réminiscence du 
signe national. 

Outre le tatouage proprement dit, j'ai remarqué sou- 
vent sur le visage des Amakonà de légères cicatrices 
longues d'environ un pouce» et que d'abord j'avais 
prises aussi pour uû tatouage, à cause de leur régula- 
rité. Ces marques sont produites par l'opération de la 
saignée ou de la ventouse scarifiée , auxquels tous les 
peuples de l'Afrique orientale ont recours pour se sou- 
lager de la fièvre et de la migraine. 

Le costume des Amdkoua consiste en une brasse de 
toile de coton bleue ou d'indienne , dont ils s'entou<^ 
rtnt lei retns» et qu'ils relèvent entre leurs jambes de 
façon à fermer une sorte de caleçon. Les femmes at- 



( 315 ) 

tachent ce vêtement plus haut que les hommes et le 
laissent tomber en jupe. Les deux sexes portent par^ 
fois sur la tête une calotte en toile ou en joncs tressés» 
et, au cou, aux bras et aux jambes, des anneaux en 
cuivre, en fer, en perles de Venise ou en ivoire. Les 
femmes se percent toutes la gouttière nasale, et y 
insèrent un morceau de cristal ou un grossier bijou 
de cuivre ou d'ivoire. Leurs oreilles , percées de plu* 
sieurs trous , sont ornées d'anneaux de cuivre , ou de 
verroteries de Yenise. Les hommes et les fenmaes se 
cassent les incisives en pointe, de façon que leur rate- 
lier a l'air d'une scie, ce dont ils sont très fiers. 

Ces peuples aiment passionnément la toilette; il 
existe parmi eux des jeunes gens que l'on appelle fj- 
sàssa , qui passent tout leur temps à s'adoniser et à 
courtiser les femmes et les filles. On a coutume de dire 
de ces farauds <r qu'ils ne foulent pas la terre , » tant 
ils portent la tète haute , tant leur démarche est légère 
et dégagée. — Les Amakoua ont une infinité de ma^ 
nières de se coiffer. Les uns se rasent les cheveux de 
façon à ne ménager qu'une touffe sur le haut de la 
tête , les autres se rasent une tonsure , ou tout un côté 
du crâne ; ceux-ci ne laissent figurer qu'un croissant 
de cheveux, ceux-là se dépouillent entièrement la têie, 
ou conservent une bande de cheveux large de deux 
doigts qui part du front et aboutit à la nuque. 

De même que tous les peuples de l'Afrique orien- 
tale , les Amakoua reconnaissent l'existence d'un bon 
et d'un mauvais génie ; mais ils n'ont aucun culte , si 
ce n'est celui de la divination augurale , au moyen de 
laquelle on s'assure, disent-^ils, de la volonté du Bon 
Dieu. *^ Ils appellent Mouloukou le Bon Génie , et Mi- 
rmpa ou Mitoha le Génie du Blal. 



(316) 

Le nom de Mouhukou^ que Toii retrouve sous 1» 
forme de Mouloungou dans la plupart des dialectes de 
TAfrique orientale , rappelle tk*op cehii de Moloch, cé^ 
lèbre divinité des Ammonites , pour que j'omette de 
signaler ici les traits principaux de ressemblance qui 
existent entre les traditions et les coutumes africaines 
et celles de certains peuples d'origine hébraïque. ^^ 
On trouve dans l'ancien Testament de nombreux pas- 
sages relatifs à Holoch et à l'usage qu'avaient les ^q:-- 
veoXj&àe passer leurs enfants par le feu en l'honneur de ce 
dieu. Cette coutume superstitieuse existe chez plusieurs 
nations de l'Afrique orientale. Au sortir de la réclu- 
sion qui suit les cérémonies de la circoncision, les 
jeunes gens mettent le feu à leur retraite , et se retirent 
sans regarder en arrière { autre superstition d'origine 
judaïque) ; sur la route de leur hameau , ils rencon- 
trent un grand feu d'herbes sèches que leurs parents 
ont allumé et à travers duquel on les force de passer^ 
Cet acte s'appelle traverser le feu de Mouloukou^ — Tous 
les Africains nomment l'arc-en-cieU l^arc de Moulou-^ 
kou ; ils disent que ce météore est un bon signe et que 
l'arc de Mouloukou boit l'eau, sans pouvoir toutefois 
éclaircir ce qu'ils entendent par là. Or c'est exacte- 
ment ce que nous lisons dans la Genèse (ix, 5-8). 
«Dieu dit... J'ai mis mon arc dans la nue, qu'il soit le 
signe d'une alliance entre moi et la terre. Ainsi, lors* 
que des nuages se formeront au-dessus de la terre et 
que l'arc paraîtra dans la nue... les eaux ne serviront' 
plus à ravager la terre. » — On retrouve également dans 
les traditions africaines les antiques récits de la Genèse 
touchant la faute du premier homme et de la première 
femme, l'ivresse de Noé et ses suites. Ces histoires 
4&ont ornées de détails puérils que l'on n'est pas étonné^. 



( 317 ) 

de tix>uver chez des peuples sauvages; mais le fond en 
est conservé scrupule usenien t. En voici un échan- 
tillon : 

<( Au coHimeneemenl, le Bon Dieu fit deux trous 
» ronds dans la terre; de l'un il sortit un homme, de 
» l'autre une femme. Puis il fit deux autres trous d'où 
M sortirent un singe et une guenon, auxquels il assigna 
» les forêts et les lieux stériles pour séjour. A l'homme 
» et à la femme le Bon Dieu donna la terre cultivable» 
)) une pioche , une hache , une marmite , une assiette 
x> et du millet. Il leur dit de piocher la terre, d'y semer 
)»1& millet, de se construire une maison et d'y faire 
» cuire leur nourriture. L'homme et sa compagne , au 
)» Keu d'obéir au Bon Dieu, mangent cru le millet, 
»^ cassent Tassiette, répandent des ordures dans la mar- 
» mite, jettent au loin leurs outils et vont chercher un 
» abri dans les bois. Dieu, voyant cela, appelle le singe 
» et la guenon, leur donne les mêmes outils et les mê- 
» mes ustensiles, et leur ordonne de travailler. Ceux- 
» ci piochent et plantent, se bâtissent une maison, 
» cuisent et mangent k millet, nettoient et rangent 
y> l'assiette et la marmite. Alors Dieu fut content. Il 
)^ coupa la queue qu'il avait n^ise au singe et à la gue- 
» non , et l'iattacha à l'homme et à la femme. Puis il dit 
» aux premiers : « Soyez hommes ; » et aux seconds : 
« Soyez singes. » 

» Au commencement , les Africains étaient aussi 
» blancs et aussi intelligents que les autres hommes. 
» C'est par leur faute qu'ils sont devenus noirs et igno- 
» rants. Un }our Mouloungou ( le Bon Dieu ) s'étant 
)» enivré, était tombé dans le chemin, les vêtements en 
» désordre. Les Africains qui passaient le raillèrent de 
» sa nudité; les Européens, au contraire, eurent honte 



818 ) 

I) et pitié de Tétat de Mouloungotu Ils €ueiIlireQt des 
» feuilles et l'en couvrirent respectueusement, afin que 
» d'autres passants ne le vissent pas. Dieu punit les 
i> Africains en leur étant leur esprit et en leur donnant 
» une peau noire. x> 

Les coutumes africaines relatives à l'impureté légale 
et à l'interdiction de certains aliments ont aussi beau- 
coup d'analogie avec les ordres divins consignés dans 
le Lévitique ; le principe de la défense est le même ^ 
quoique la liste des impuretés et des chairs défendues 
soit en partie différente» 

La circoncision est une coutume universellement 
adoptée par les Amakoua et tous les peuples de l'A-^ 
frique orientale. Cette cérémonie consacre le passage 
de l'enfance à la virilité. Elle a lieu avec solennité et 
à intervalles irréguliers» en sorte qu'on voit en même 
temps parmi les néof^ytes des enfants et des adultes» 
Après l'opération» qui est faite par un prêtre dont 
toute la mission consiste à suivre aveuglément les 
usages antiques» les circoncis vont» sous la conduite 
d'un gardien sévère , habiter une hutte que leurs pa^ 
rents ont construite dans un endroit retiré» près d'une 
rivière^ et dont l'approche est défendue au3( fenitmes. 
Us y sont soumis à une foule d'exercices et de péni- 
tences qui ont pour but d'endurcir leurs corps aux 
privations» de leur donner de l'adresse» et de les accoxir 
tumer àla discipline et au respect des traditions. Ainsi, 
pendant le temps de la réclusion » qui dure jusqu'à ce 
que leurs plaies soient & peu près cicatrisées , c est-à«^ 
dire deux ou trois mois» il leur est rigoureusement dé- 
fendu de manger de certaines viandes^ de s'approcher 
du feu» de prononcer des jurements ou le nom de 
choses obscènes et impures» et de boire aucun liquide» 



( 319 ) 
Coiniue cette dernière pi-obibitioD prétenleraît des 
dangers soub un climat aussi chaud, des bains répété* 
cinq ou six fois par jour sont prescrits et remAdient à 
l'alutinence de tout breuvag«, accélèrent la guérison 
de la plaie et accoutument les jeunes gens à l'exercice 
de la natation. Le gardien, armé d'une houasine, veille 
à ce que les circoncis n'avalent pas d'eiu darant ces 
bains. Les parents envoient tour à tour la nourriture - 
des reclus dans un vaste panier que oeux-ei doivent 
soulever de la tète du porteur et déposer i terre en 
n'emplovant chacun que le bout d'un dmgl, opéniion 
qui cause souvent la chute des mets renfermés dans 
le panier. Le prêtre circonciscur vient chaque soir îa- 
struire les néophytes des coutumes makoua. Cette mi- 
tiatioQ, mêlée de chants, dure fort avant dans la nuit, 
et ceux d'entre les auditeurs qui b« laissent aller eu 
sommeil sont rudement réveiUé« et eh&tiés par le 
gardien. 

L'exemple suivant donnera une idée de la foitt 
instructions faites par le prêtre makoufl. 

a Le pabtrb ( atternativement chantwit et pari 
Ne brisez pas le nid du Natièkoua, — JVatié/coaa 
un homme qui chérissait son enfant. — N'allea i 
la rivière sur les sables de la rivièrç. — Le petit g; 
y alla un jour en l'absence de son père, Jl tomba 
l'eau profonde et ne reparut plus. — m Avez-voi 
mon enfant au bord de l'eau , sur les sables de 
vière ? » Natiékoua passe une lune sur la rive k 
cher son petit garçon : l'enfant est au fond de l'es 
« L'enfant est au foqd de l'eau ; je veux passer o 
à le chercher. » — Mouloukou, le Son Dieu, est t4 
de la douleur du père ; il le change en oiseau, 
permet de rester au bord de la rivière attentif et 



( 320 ) 

cieux. Natiékoua , immobile , surveille et saisit d« son 
bec tout ce qui se meut dans Teau. Il prend beaucoup 
de poissons ; mais , vous voyez sa tristesse , il n'a pas 
retrouvé son fils. — Ne brisez pas le nid du Natié- 
koua. — 

7> Comprenez-vous cette histoire , mes enfants ? 

T» Les assistants : Non ! 

» Lb fbbtbb : Elle vous apprend qu'il faut obéir à 
vos parents et aux vieillards pour qu'il ne vous arrive 
pas malheur. 

»Les assistants : Ne brisez pas le nid du Natié- 
koua I )» 

Lorsque le temps de la réclusion est passé , les cir* 
concis s'arment de bâtons , mettent le feu à la hutte 
commune» et reviennent en procession vers le hameau 
sans regarder en arrière. Les habitants » égalemeni 
armés de gaules et do houssines , les attendent sur le 
chemin, et s'efforcent de défendre l'entrée du hameau 
aux jeunes gens. Les coups pleuvent bientôt des deux 
côtés dans ce combat simulé. Après quoi on se réunit 
pour fêter par des danses et des festins, le retour des 
novices dans leurs familles. 

La crainte des sortilèges exerce un cruel empire sur 
l'esprit des Amakoua. Toute personne accusée de sor- 
cellerie est soumise à une espèce d'épreuve judiciaire ; 
on lui fait avaler une composition vénéneuse qu'on 
appelle Moulaukou ou le Bon Dieu. L'accusé vomira 
Mouloukeu s'il est innocent ^ sinon» c'est Moidoukou qui 
le tuera, disent les Amakoua. Mais le plus souvent le 
poison a pour effet de troubler le cerveau du patient 
et de le faire délirer. Le devin , qui préside à l'admi- 
nistration de la substance vénéneuse, et les assistants, 
parents ou amis de l'ensorcelé, écoutent avidement les 



( 321 ) 

paroles entrecoupées qui échappent au prétendu sor- 
cier, et cherchent à y découvrir un sens. Parfois ils 
croient entendre Taveu du crime , et c'est le signal 
d'une mort immédiate; parfois un nom prononcé par 
le mourant révèle aux superstitieux Amakoua un com- 
plice ou le principal auteur du sortilège. 

Les maladies, les accidents subits, la mort ailleurs 
qu'à la guerre, sont en général attribués aux maléfices 
des sorciers. Le devin est consulté et tenu de trouver 
un coupable. Il le découvre par le plus simple des pro- 
cédés : il sort de sa hutte , et suit le premier chien ou 
la première poule qu'il rencontre. La cabane dans la- 
quelle l'animal vient s'arrêter est celle où demeure le 
sorcier demandé. On saisit alors le chien ou la poule, 
on lui fait prendre le poison, et le sort de la bête em- 
poisonnée décide du sort de l'accusé. 

Questionnés à reffet de savoir si les voyageurs euro- 
péens pourraient sans danger pénétrer dans leur pays, 
les Amakoua m'ont unanimement répondu : a C'est 
un bon pays pour les noirs , mauvais pour les blancs. 
Qu'iraient-ils faire là-bas? S'ils arrivent chez une tribu, 
personne ne s'approchera d'eux avant d'avoir consulté 
le sort, qui dira s'ils viennent avec de bonnes ou de 
méchantes intentions. Si Mouloukou leur est favorable , 
on les accueillera bien ; mais s'il leur est contraire, on 
les tuera sur l'heure. » 

Les Amakoua enterrent leurs morts dans la position 
d'un homme assis. Leur deuil consiste à porter des 
bandelettes de toile blanche ou des feuilles de certains 
palmiers au front ou aux bras. 

L'autorité et la propriété sont héréditaires chez les 
Amakoua comme chez les autres peuples de l'Afrique 
orientale, c'est-à-dire qu'elles passent de l'oncle au 



( 822 ) 

neveu ( ûls de la sœur aloée du défunt ). Chaque tribu 
est commandée par un chef qui n'est tenu qu'en temps 
de guerre à l'obéissance envers le chef supérieur qui 
commande à plusieurs tribus. Ces chefs subalternes 
entretiennent à leur solde tous les jeunes gens de la 
tribu. Lorsqu'une expédition guerrière est décidée, les 
hommes mariés se joignent à leur troupe et obéissent 
aux ordres du chef; mais, de retour au hameau, ils 
recouvrent leur entière indépendance. Les person^ 
nages influents dans la tinbu makoua sont, outre W 
chef, le )uge ou arbitre, le devin et les vieillards <m 
gens riches 9 qui, réunis en assemblée, donnent force^ 
de loi à leurs décisions. 

Parmi les occupations journalières des Amakoua , je 
mentionnerai les chasses au buffle et à l'éléphant pour 
lesquelles il existe des confréries secrètes dont tous les 
membres se jurent fidélité; la fabrication de la poterie 
de terre, travail confié aux femmes; et la fonte du mi- 
nerai de fer, industrie qui parait très développée dans 
certaines parties du pays makoua. 

C'est durant la saison sèche que toute la tribu se 
livre à rexlraction du minerai et à sa fusion sous la 
direction d'un chef, dit le grand forgeron. — On com* 
mence par élever une vaste enceinte en terre glaise » 
dans laquelle le chef assigne à chaque homme» i 
chaque femme, à chaque enfant, un espace où i\» 
viendront déposer le minerai qu'ils recueillent dans 
les environs. Pendant ce temps , une partie de la po- 
pulation CQupe le bois et fait le charbon. Chaoun em- 
pile son minerai dans l'enceinte, que l'on rempliit ^-^ 
suite avec le charbon. On recouvre le tout aveo des 
barres de fer et de la terre, en ménageant de distance 
en distance des ouvertures en gui&e de cheminées ; on 



( 323 ) 

dispose enfin les soufflets de peau dont les tuyaux 
communiquent avec Tintérieur du fourneau , et l'on 
met le feu , après avoir éloigné les femmes. L'activité la 
plus grande règne alors parmi les fondeurs. On relève les 
souffleurs qui n'ont trêve ni jour ni nuit, on renouvelle 
le charbon , on s*assure que la fusion s'opère convena- 
blement. Après quinte jours de travail incessant, le chef 
annonce que le fer est fondu. On éteint la fournaise en 
y jetant de l'eau. Les travailleurs vont se baigner ; les 
hommes mariés rejoignent leurs femmes qui n'ap- 
prophent pas de la fonderie , dès que le feu y est mis; 
car la présence d'une femme en état d'impureté ferait 
évanouir le minerai ou le changerait en pierres inu- 
tiles. On découvre enfin le fourneau » et chacun vient 
recueillir le produit de son minerai. Les blocs de fonte 
sont brisés au moyen de masses de fer et transportés 
dans les forges particulières , où Ton en fabrique des 
haches, des couteaux^ des serpes, de fers de sagaie, 
des balles de fusil, des anneaux, etc« > que l'on va 
échanger chez les peuples voisins pour des fu« 
sils, de la poudre, de» toiles de coton , des verrote* 
ries , etc. 

Il est peu d'Africains qui n'aient fait au moins uae 
fois le voyage delà côte* tant pour son propre compte 
que pour celui de ses parents ou de son chef. Les ca-» 
ravanes^se composent ordinairement de vingt ou trente 
personnes , sans compter les captifs qui sont parfoi» 
aussi nombreux que leurs maîtres, mais qui cherchent 
rarement à reconquérir leur liberté par la force. 

C'est ici le moment de parler des enlèvement» 
d'hommes auxquels se livrent toutes les caravanes qui 
vont de l'intérieur au littoral. Il est très rare que le» 
voyageurs africains négligent ce facile moyen de s'en- 



{ 324 ) 

richîr; Tbospitalité qu'ils viennent de recevoir dans 
un hameau ne les empêchera pas de capturer en par- 
tant toute personne qu'ils rencontreront à l'écart. Sot»- 
vent ils feignent d'ignorer le chemin et s'emparent des 
confiants jeunes gens qui leur servent de guides. Les 
deux tiers environ des indigènes vendus aux Arabes et 
aux Portugais sont ainsi réduits en esclaves (1). Hais 
capteurs et captifs tombent fréquemment entre les 
mains des tribus au milieu desquelles ils passent. Ces 
sortes d'embuscades sont communes sur le territoire 
qui dépend de l'iman de Mascate , et peu d'années 
s'écoulent sans que des ramas générales soient entre^ 
prises contre les étrangers qui viennent y commercer. 
La stupéfaction est permise lorsqu'on songe au mons^ 
trueux assemblage de sang-froid et de perfidie que dé* 
ploient les Africains dans ces divers modes de capture^ 
Ce n'est plus la soif du gain, c'en est le délire, quand 
on apprend que ceux mêmes qui trahissent et vendent 
sans pitié leurs amis et leurs parents savent être à 
chaque pas menacés de la même infortune , et que les 
traditions les plus effrayantes sont répandues par toute 
l'Afrique orientale touchant le sort des esclaves transe- 
portés dans le pays des blancs. Mes informateurs m'ont 
unanimement déclaré que l'on croyait généralement 
que les blancs mangeaient les esclaves qu'ils viennent 
chercher en Afrique. Quant a l'origine de la traite, ils 
ont conservé la tradition suivante : 

c( 11 y a bien longtemps , le fond de la mer, qui se- 
» pare aujourd'hui la terre des Noirs de celle des 
» Blancs, était un pays d'une fertilité merveilleuse. On 



(i) L'autre tiers consiste en prisonniers de guerre, car resclavaçîe 
(iomestique est absolantent inconnu dans l'Afrique orieotale. 



( 325 ) 

» V appelsàt Kassipi. Une année y futparticulièreinenl 
» si abondante en grains, qu& les habitants, dont les 
» magasins étaient pleins jusqu'au comble, en sablèrent 
» leurs chemins, au lieu d'en faire présent aux peu- 
)) pies voisins qui éprouvaient alors une affreuse di- 
» sette. Mouhukou^ le Bon Dieu, fut irrité de cette mé- 
» chante indifférence : « Malheur sur vous I » dit-il 
» aux habitants de Kassipi; et celte malédiction ne 
» tarda pas à s'accomplir. La terre devint stérile, mais 
» cette nation ne devint pas meilleure. Les diables 
» prirent possession du pays , mais le cœur des habi-> 
» tants s'endurcit davantage , et ils firent cause com- 
» mune avec les démons. La mer envahit leur terri-> 
)) toire , mais les mauvais esprits les aidèrent à gagner 
» le rivage d'Afrique , où ils furent bien reçus des 
n indigènes parce qu'ils étaient intelligents et in- 
» dustrieux. Alors Mouloukou dit: « Ces gens sont 
» incorrigibles , et les peuples qui les ont accueillis 
» sont stupides. Je détourne mes yeux de cette race 
» de méchants et de fous. » C'est depuis cette époque 
» que les Africains se vendent les uns les autres, et que 
» les navires des Blancs viennent les enlever. Cepen* 
» dant comme les diables vivent toujours au fond de 
» la mer dans le pays de Kassipi, et qu'ils soulèvent des 
» tempêtes tembles, le passage est dangereux pour 
» les navires, et il est d'usage de les apaiser en jetant 
» à l'eau un sac d'argent ou l'esclave le mieux fait et 
)> le mieux vêtu de la cargaison. » 

Je ne quitterai pas ce sujet sans faire part à la Société • 
des réflexions que m'ont suggérées mes longues cau- 
series avec les naturels de l'Afrique orientale, relative** • 
ment à la traite et à l'esclavage. Tous m'ont dit que 



( 326 ) 

c'est un grand malheur que d'être esclave ; mais on se 
tromperait si Ton mesurait les impressions des Afri^ 
caîns à Téchelle de nos sensations. Pour apprécier ce 
qu'ils entendent par un grand malheur , il faut savoir 
ce qu'est pour eux le suprême bonheur. Se repaître 
abondamment, puis perdre dans une complète inac- 
tion le sentiment de l'existence, tel est pour eux le 
comble de la félicité. On comprend dès lors que la 
privation de ces jouissances matérielles leur soit une 
grande infortune , mais ce n'est pas là l'idée désolante 
que conçoivent de l'esclavage les races européennes. 
Une étude attentive de ces peuples montre qu'ils pos* 
sèdent dans tout son développement la série entière 
des instincts humains , et qu'ils ont à peine dépassé la 
ligne qui sépare ceux-ci du domaine du sentiment. 
L'espérance et le regret sont des états de l'âme à peu 
près inconnus des Africains, et l'absence de ces senti-* 
ments , si puissants chez les Européens , permet aux 
l'aces africaines de supporter avec infiniment moins 
de peine le fardeau de la servitude. On ne cite pas un 
seul cas de nostalgie parmi eux aux Iles Maurice et 
Bourbon , tandis que cette maladie , dont la cause est 
toute morale, était très commune parmi les Madécas- 
ses» esclaves comme eux et placés dans les mêmes 
conditions. La sensibilité nerveuse des Africains est 
aussi proportionnellement peu marquée. Us endurent 
avec un sang-froid inoui les opérations chirurgicales 
pour nous les plus douloureuses. Un coup • une pi- 
qûre , un chatouillement qui fait tressaillir et crier un 
Hindou, un Malais ou un créole > les trouve impas- 
sibles et silencieux. J'ai eu dans mes opérations de 
moulage bien souvent l'occasion d'observer le calme 
a^ec lequel ils se laissaient arracher des cheveux et de 



( 327 ) 

Id batb^ et quasi étouffer par le plâtre. Plusieurs s'en- 
dormirent profondément pendant qu'on moulait leur 
visage. 

Loin de moi la pensée de fournir aux partisans de 
l'esclayage un argument en faveur d'une cause dont 
les idées chrétiennes et libérales ont fait justice depuis 
.ongtemps. De ce que les Africains sentent moins vive- 
ment que nous, ne surgit point le droit de les asservir. 
D'ailleurs, les faits de perfectionnements ou plutôt de 
changements moraux sont si nombreux, si notoires 
dans cette race , la dissemblance intellectuelle si frap- 
pante entre les enfants nés dans les colonies et leurs 
parente africains, que Ton ne saurait sans aveuglement 
déilespérer d'améliorer l'organisation apathique des 
populations noires au milieu desquelles on fera péné- 
trer lés doctrines vivifiantes du christianisme. 

On sait déjà avec quelle promptitude, même sous 
l'influence abrutissante de l'esclavage, les nègres les 
plus barbares se façonnent et s'améliorent au contact 
des Européens et des Arabes. C'est de ce rapide per- 
fectionnement que l'Afrique profitera dès qu'on per- 
mettra la libre circulation des indigènes et leur séjour 
comme travailleurs dans des centres industrieux et 
moraux. Qui peut douter que, de retour dans leur 
patrie, ces hommes n'y rapportent quelques unes des 
idées élémentaires sur lesquelles sont posés les fonde- 
ments de la civilisation européenne , et ne deviennent 
ainsi , sans le savoir eux-mêmes , de véritables mis- 
sionnaires sociaux ? 

On commence à reconnaître que les efforts tentés à 
grands frais pour l'abolition de la traite , les croisières, 
les traités négociés auprès des souverains semi-bar- 
bares des côtes , n'ont fait que détourner le cours de 



( 328 ) 

cet odieux commerce ; les épouvantables moyens par 
lesquels il est alimenté sont plus en honneur que ja- 
mais dans l'intérieur du continent. On comprendra 
donc aujourd'hui que c'est au siège du mal qu'il faut 
appliquer le remède» et ce remède , c'est la diffusion 
des principes d'ordre et de travail, qui, en adoucissant 
les mœurs» en développant la prospérité matérielle 
des peuples , les préparent à l'enseignement dogmati- 
que du christianisme. Or, l'Afrique centrale, vaste foyer 
des misères désolantes qui se trahissent par la traite , 
n'est accessible qu'aux indigènes. Le besoin de certains 
produits européens les amène sur le littoral ; pour peu 
qu'on y prête la main , la curiosité et l'appât du gain 
les conduira jusqu'aux colonies où ils seront émer- 
veillés du spectacle de l'industrie et des bienfaits d'une 
société régulière. Le jour où ils retourneront dans leur 
pays , les instruments de la régénération africaine se- 
ront trouvés. Par leur intermédiaire , ce grand acte 
providentiel s'accomplira sûrement. 

D'un autre côté, l'on sait de quelle importance pour 
les colonies est cette question de l'immigration des 
Africains. L'expérience est venue démontrer qu'il était 
chimérique d'attendre des affranchis un traYail régu* 
lier. L'idée d'esclavage a été, dans leur esprit, si long- 
temps associée à celle du travail des champs , que la 
ci|lture est abandonnée sans retour dès que l'heure de 
la liberté a sonné pour eux. La vie est d'ailleurs si fa- 
cile sous l'heureux climat des colonies, la nature y 
pourvoit si généreusement à tous les besoins du corps» 
que l'indolent affranchi n'y éprouve jamais l'aiguillon 
de la misère. Le colon reste donc maître de la terre , 
mais privé des moyens d'en tirer les fruits, si ce n'est 
par des sacrifices au-dessus de ses forces. 



( 329 ) 

Cependant TAfrique est là qui croupit dans son 
antique barbarie : en poursuivant les négriers, en don- 
nant la liberté aux esclaves des colonies, on n'a réelle- 
ment rien fait pour elle, et la sympathie souvent sen- 
timentale dont les nègres sont l'objet en Europe n'a eu 
pour résultat que de rendre cette immense population 
nuisible à elle-même , inutile au reste du monde. 

La philanthropie abolitioniste , victorieuse des pré- 
jugés qui maintenaient la nécessité et la justice du 
principe de l'esclavage, bornerait-elle son ambition 
à cette t&che purement philosophique ? Grande, forte, 
chrétienne , tant qu'elle s'est tenue dans le domaine 
de la théorie , vacillerait-elle devant l'application de 
son principe ? Oublierait-elle que c'est en faveur des 
Africains que doit s'accomplir la grande révolution qui 
bouleverse les colonies ? Enfin, se laissera-t-elle accu- 
ser de n'avoir combattu que pour une utopie , et de 
voir avec indifférence les malheurs que son triomphe 
cause aux colonies ? Ces terres lointaines ont rendu 
des services éclatants à la cause de la civilisation euro* 
péenne; elles sont, plus qu'à aucune autre époque, 
nécessaires à leurs métropoles » qui se ressentiraient 
longtemps de leur ruine. L'initiative du travail de la 
régénération africaine leur appartient. Qu'un pacte 
équitable soit établi entre les colons et les noirs , que 
l'immigration des nègres soit organisée , et les colo-^ 
nies deviendront , par la seule force des choses , les 
institutrices de l'Afrique aux mœurs cruelles et bar- 
bares. 



VIII. NOVEMBRE ET DÉCEMBRE. 6. 22 



( S30 j 
NOTICE 

SUB L'BZPiDITIOll ENTOTAe PAR LE GOUTERNElfENT FBAlfÇàlS 

DAMS L'AMÉRIQUE DU SUD, 

sous LA mucTU» 

De M. le comte DS CASTEUWAU. 



)1 ç$l pçu de contrées qoi 3e ptésentent & Tima- 
ginatioQ avec autant de prestige que l'Amérique 
du Sud ; pendant que la partie septentrionale de ce 
Qontinent perd chaque jour de son caractère primitif 
pour faire place aux merveilles de l'industrie mo- 
derqe , la partie du Sud au contraire conserve encore 
aujourd'hui le cachet de la nature vierge : là point 
de chemins de fer ni de canaux, ni le plus souvent de 
routes quelconques , mais partout d'admirables forêts 
▼ierges, des fleuves dont l'étendue est sans bornes» des 
9)pntagnes dont les cimes glacées se perdent au*dessus 
dçs nuages » des nations sauvages auxquelles le nom 
même de l'Europe est inconnu. 

IXans l'Amérique du Nord l'homme civilisé empiète 
sans cesse sur la. nature sauvage; dans l'Amérique du 
Sud, au contraii^e» tout vous rappelle un lendemain de 
création» et dans ces solitudes sans bornes Tceuvre 
de Dieu déploie partout son admirable grandeur. 

De tout temps mes désirs lés plus ardents avaient 
été de parcourir ces contrées, et ce fut avec joie 
que je me vis chargé de diriger une expédition 
scientifique que le gouvernement français avait décidé 



( 381) 
d*y eiiToyer pour en explorer les parties les moins 
connues. , 

Mgr. le duc d'Orléans, qui portait le plus vif intérêt 
aux sciences géographiques » contribua puissamment 
à l'organisation de ce voyage , auquel Mgr. le duc de 
Nemours a continué la même protection. 

Nous partîmes de Paris .le 23 avril. 18&3. Mes.com- 
pagnona de voyage étaient H. Eugène d'Osery , jeune 
ingénieur au corps royal des mines , dont les talents 
et la capacité étaient garantis par son admirable exa- 
men de sortie de l'école Polytechnique. Fils d'un 
officier général illustré par cent combats, nieveu de 
rillustre Moreau , M. d'Osery, à peine âgé de 2& ans , 
s'était déjà fait connaître et estimer par son carac- 
tère honorable et par la grande étendue de ses con-* 
naissances; nous étions loin alors de nous attendre 
que quelques années plus tard ce brillant jeune 
homme, dont le concours fut si précieux à l'expédition, 
et devant lequel s'ouvrait un si bel avenir , devait tom- 
ber sous le fer de lâches assassins. Venait ensuite M. le 
docteur Weddell , médecin et botaniste de l'ei^édi- 
tion , dont l'intrépidité et le savoir me furent souvent 
d'un grand secours ; et enfin M. Emile Deville , jeune 
naturaliste , le seul de mes compagnons de voyage qu i 
ait revu le sol de la France , après avoir accompli 
en entier l'immense tâche que nous nous étions pro- 
posée. 

Après avoir relâché à Ténériffe et au Sénégal , 
l'expédition débarqua à Rio-Janeiro où elle fut reçue 
avec une extrême bienveillance par le gouvernement 
impérial. Les ordres les plus positifs furent aussitôt 
envoyés aux présidents des différentes provinces que 
nous devions traverser , afin qu'ils tinssent prêts tout 



( 3Î2 ) 

lies secoui's doni ils pourraient disposer en notre fa- 
veur dans des régions aussi éloignées. Notre séjour è 
Rio fut de près de trois mois. Ce temps fut employé à 
organiser nos moyens de recherches scientifiques et 
à faire les nombreux préparatifs que nécessitait un 
voyage de ce genre. Pour donner une idée de la diffi« 
culte que présentait une telle organisation, je ne citerai 
que le fait suivant : On m'avait beaucoup recoounandé 
un Français qui avait fait quelques excursions dans 
l'intérieur, et on mêle représentait comme ayant une 
grande habitude des mules et des muletiers» Je le pris 
pour majordome, sentant parfaitement qiè'en raison de 
notre ignorance de la langue portugaise , ce person- 
nage nous devenait indispensable. Il fut donc chargé 
de transmettre les ordres, et je lui confiai la surveil^ 
kmce du matériel; mais peu de jours avant l'époque 
fixée pour le départ, je voulus vérifier si tout était con-^ 
venablement préparé, et nos 50 mules ayant été ame- 
nées, on en commença le chargement. Quel ne fut pas 
mon étonnement, lorsque je vis ces bêtes de somme 
s'abattre les unes après les autres au fur et à mesure 
qu'on plaçait les caisses vides sur leur dos I L'on décida 
qu'elles étaient défectueuses, et on se mit à en cher- 
cher d'autres. Heureusement que dans l'intervalle je 
fis connaissance avec un Brésilien de la province de 
Minas --Geraës, et que lui ayant fait connaître mon 
embarras , il voulut bien venir visiter nos équipages ; 
ce fut alors seulement que j'appris que les caisses 
destinées à recevoir les charges avaient été faites sur 
de telles dimensions et avec des bois tellement pesants» 
que leur seul poids, même étant vides, excédait de 
beaucoup le chargement complet d'une mule, Il fallut 
donc tout recommencer. 



( Wï ) 

Je partis enfin de Rio- Janeiro, à peine remis du 
typhus, et, laissant toute la caravane sous la direction 
de M. d'Osery, je parcourus à petites journées la 
Sierra d'Estrella. Près de 20 jours se passèrent ainsi 
sans que j'eusse de nouvelles de mon compagnon de 
voyage; enfin l'expédition parut, mais j^aurais de la 
peine à peindre l'état dans lequel elle se trouvait 
L'inexpéiîence de notre majordome avait amené un 
désastre complet. Les muletiers, ennuyés de recevoir 
les ordres inexécutables de ce dernier , s'étaient pour 
la plupart enfuis, en emmenant les nveilleurs ani- 
maux. Les mules qui nous restaient étaient blessées et 
hors d'état de marcher, et on avait échangé les jeunes 
bêtes, trop vives, pour des vieilles de rebut et sans au- 
cune valeur. Mon pauvre compagnon de voyage- déses- 
péré suivait à pied un lot de mules (7 mulets) qui se 
trouvaient chargées de nos instruments d'astronomie, 
et qui avaient absorbé avec raison toute sa sollici- 
tude. Ce ne fut qu'à Barbacena que nous pûmes réor- 
ganiser cette malheureuse caravane. Le voyage avait 
eu lieu jusque là au milieu de montagnes couvertes 
des plus magnifiques forêts vierges du monde; mais 
à partir de cette ville nous entrâmes dans les campos, 
vastes plaines qui s'étendent sur presque tout le centre 
du continent, et dont la végétation se compose d'ar-« 
bustes et de petits palmiers rabougris. 

En nous rendant à Ouro-Preto^ appelée jadis Villa- 
rico, capitale de la province de Minas-Geraës , nous 
visitâmes les mines de topaze de Copaô, puis nou3 
étudiâmes la formation aurifère , riche surtout aux 
environs de Sahara. Le précieux métal est extrait des 
profondeurs de la terre par de nombreux esclaves qui 
appartiennent à des compagnies anglaises^ 



( SSA ) 

Nous traversâmes la rivière de San-Francisco si re- 
doutée à cause des fièvres intermittentes qui ravagent 
ses bords; puis» passant par Ptianguij Bomfiin et Meia^ 
ponte ^ nous atteignîmes Goyaz , capitale de la province 
du même nom et qui sur les anciennes cartes porte 
le nom de Villa*Boa. La population de cette ville est 
presque entièrement composée de nègres et de mulâ- 
tres. Je pris ici la résolution d'explorer la rivière 
^Araguay^ nommée Rio-Grande, et, par erreur» Uru- 
guay^ qui formera un jour la communication naturelle 
de la capitale de la province a^ec le Para» mais dont 
la navigation a été interrompue il y a une quarantaine 
d'années par suite du massacre des équipages de 
plusieurs pirogues par les Indiens qui en habitent les 
bords* L'expédition se composait d'environ A5 hommes» 
y compris l'escorte militaire que m'avait fournie le 
commandant de la province. Nous allâmes nous em- 
barquer au petit village de Salinas» seul établissement 
que possèdent les Brésiliens dans cette direction. Nous 
y rencontrâmes les Indiens Carajai avec lesquels nous 
nous mimes en bons rapports. La descente de la rivière 
s'opéra sans difficultés pendant les premiers jours» mais 
nous gardâmes une surveillance sévère nécessitée par 
le voisinage de nombreuses nations indiennes qui 
nous entouraient et dont nous ne connaissions pas les 
dispositions. 

Au bout de peu de jours nous entrâmes dans un 
canal étroit connu sous le nom de Furo de Bananal. 
Les seules créatures qu'on rencontre dans ces parages 
sont des milliards d'oiseaux aquatiques» qui» n'étant 
jamais troublés par la présence de l'homme » s'envo- 
laient à peine à notre approche. Rentrés dans le cours 
principal de la rivière, Tabâcnce presque complète du 



( 335 ) 

poisson , et Teffroi que causait notre vue aui autres 
animaux, nous annoncèrent la présence de l'homme; 
effectivement nous ne tardâmes pas à parvenir aux 
grands villages des Indiens Chambioas» dont la fé- 
rocité est proverbiale dans le pays; cependant grâce 
aux précautions militaires que je crus devoir prendre » 
nous traversâmes sans encombre leurs trois popula* 
tiens. Ces Indiens sont absolument nus» les femmes 
seules portent une pièce de cotonnade autour des 
reins; la pèche et la chasse fournissent à leurs besoins. 

Ils nous parlèrent avec un sentiment de crainte des 
grandes cascades que nous allions avoir à passer, et 
rien ne put les engager à nous servir de guides. J'em- 
menai avec moi quatre chrétiens du Brésil dont ils 
s'étaient emparés.* 

Bientôt nous pûmes nous convaincre que les sau- 
vages ne nous avaient sous aucun rapport exagéré les 
dangers des cascades ; car sans connaissance du pays 
comme sans guides, ce ne fut que par une sorte de 
miracle que nous parvinmes à les franchir. Un jour nous 
venions de nous lancer dans une passe étroite, empor- 
tés par la force du courant, lorsque tout à coup notare 
embarcation frappe avec violence contre une roche et 
reste engagée entre deux pierres; la position était déjà 
périlleuse, mais combien ne le devint-elle pas davantage 
lorsque nous aperçûmes la seconde embarcation en- 
traînée avec violence dans la cascade et arrivant sur 
nous avec Timpétoosilé de la flèche ! Grâce à l'habileté 
du pilote, ce second canot ne fit qu'effleurer notre 
bord. Un instant après nous nous dégageâmes, et nous 
oubliâmes bien vite cet accident qui aurait pu nous 
coûter la vie. 

Nous arrivâmes enfin, après un mois de navigation. 



( 336 ) 

au furt de San Juan ile Los Baros (1), situé à la jonc- 
tion de TAraguay et du Tocantin, et dont la garnison 
est le plus souvent composée de soldats du Para qui 
ont mérité la punition de l'exil. J'espérais trouver là 
des vivres dont nous manquions presque complète- 
ment. Quel ne fut pas mon chagrin lorsque j'appris 
que la garnison souffrait elle-même de la famine , et 
que le plus petit crocodile s'y vendait au prix de 8 à 10 
francs I J'envoyai des gens dans les bois pour y re- 
cueillir quelques sacs de châtaignes et s'y procurer 
quelque tortues. Ce fut avec ces misérables provisions 
que je me décidai à remonter le Tocantin » espérant 
pouvoir atteindre la tribu des Apinagès, où j'avais la 
presque certitude de trouver des vivres » avant que la 
faim n'eût par trop afi'aibli nos forces. Nous eûmes 
beaucoup à souffrir pendant un pénible voyage. Il 
nous fallait remonter à la rame un courant des plus 
rapides; à chaque instant d'effroyables cascades nous 
obligaient à décharger les canots, à les traîner sur la 
plage » et pendant qu'une partie des hommes trans- 
portait le bagage au-dessus de la cascade en la tour- 
nant , l'autre partie était employée à protéger les tra- 
vailleurs en cas d'une attaque des Indiens Chaventes, 
qui peu de jours auparavant avaient massacré dans les 
mêmes lieux l'équipage d'un canot. EnGn , pour sur- 
croît de difficultés , les homn>es aigris par la faim 
refusèrent tout à coup de travailler, et ce ne fut qu avec 
peine que je pus calmer cette révolte. 

Nous parvînmes enfin chez les Apinagès, et, ainsi 
qu'on nous l'avait annoncé, nous trouvâmes des 
vivres en abondance chez ces industrieux Indiens.. 

(i) Baibi et Brut* l« noDuncni San-^uan de Duos Barrau 



( 387 ) 

Continuant à remonter le fleuve , nous atteignîmes le 
petit village de Porto-Imperial, dont les habitants vivent 
dans une crainte perpétuelle des sauvages qui les en- 
tourent. Laissant là les embarcations , nous retour- 
nâmes à Goyaz à travers les déserts habités par les 
féroces Ganouers et la nation anthropophage desCha- 
ventes. Des plantations de citronniers et d'orangers, 
dispersés dans le désert , nous montrèrent qu'une 
population industrieuse s'était autrefois répandue sur 
cette région ; mais elle est aujourd'hui détruite par le 
massacre et l'incendie » et cette contrée est retombée 
dans les mains des sauvages. Cette excursion avait 
duré cinq mois. 

Je m'empressai d'organiser notre départ pour 
Cuyaba , séparée de Goyas par un désert de près de 
200 lieues. Le défaut de nourriture, les pluies tropi- 
cales dans la saison desquelles nous venions d'entrer, 
la désertion de plusieur&des muletiers et la crainte des 
attaques des Indiens, rendirent ce voyage aussi fatigant 
que pénible. Cuyaba est une des villes les plus cen* 
traies du monde ; la population en est active et indus- 
trieuse , et il s'y fait quelque commerce. Une excur- 
sion vers le nord nous fit examiner les mines de 
diamants et nous permit de visiter les sources du Pa- 
raguay et celles des Rios Preto et Arinos. De retour à 
Cuyaba nous nous embarquâmes sur la rivière du 
même nom , qui se jette dans le San-Lorenzo , par le- 
quel nous parvinmes à la rivière du Paraguay. En 
suivant cette dernière rivière nous passâmes par 
Albuquerque et le fort de Coimbre , puis nous en- 
trâmes dans la république du Paraguay; naais des 
difficultés diplomatiques ne nous permirent pas 



( 338 ) . 

d'aller au-delà du fort d'Olimpe ou Bourbon (1). 
Reveoant sur nos pas, nous visitâmes plusieurs parties 
du grand Ghaco en compagnie des tribus cavalières 
des Guaicurus ou Abipones , puis nous fîmes la carte 
de la rivière du Mondego et de la frontière du Para- 
guay avec le Brésil. Remontant toujours la rivière du 
Paraguay, nous visitâmes les grands lacs de Gaîva et 
d'Uberava, entre lesquels nous découvrîmes une com- 
munication, puis nous pénétrâmes dans les marais de 
Xaraguès, si peu connus jusqu'à ce jour. Toute cette ré- 
gion est habitée par les Indiens CrUatos qui vivent con- 
tinuellement dans lesmarais, ne sortent guère de leurs 
pirogues et se tiennent toujours par familles séparées , 
chaque homme ayant dix ou douze femmes. Gette 
race est bien distincte de toutes les autres, par ses 
yeux droits, son nez aquilin et sa longue barbe. Par- 
venus à Villa-Maria, nous continuâmes notre voyage 
vers rOoest; et, traversant le pays des Indiens Boro- 
ros, nous parvînmes àMatto Grosso, dont le climat est 
mortel pour les blancs. 

Entrant en Bolivie, nous trouvâmes le pays des Chi- 
quitos, où nous admirâmes les restes des magnifiques 
missionsque les Jésuites avaient autrefois établies dans 
ces régions. A Santa-Gruz de la Sierra, nous revîmes pour 
la première fois depuis Rio-de-Janeiro une population 
blanche; mais elle n'est guère composée que de fem- 
mes, presque tous les hommes ayant trouvé la mort 
dans les guerres civiles qui ont ravagé ce pays. Escala- 
dant la grande Gordilière des Andes, nous visitâmes 
Chuquisaca, Potosi, dont les célèbres mines sont 
aujourd'hui presque abandonnées, Oruro , la Paz , les 

(i) Braé le nomme Borbon, 



( 339 ) 

belles ruines incasiques de Tiaguanaco » Pudo sur le 
lac de Titicaca; puis» parvenus au volcan d'Arequipa» 
nous descendîmes en un seul jour la Gordilière des 
Andes, pour arriver à la jolie ville du même nom» 
située au pied du volcan. Parvenu à Islai, je m'y em- 
barquai pour Lima, pendant que M. d'Osery suivait 
la côte par terre avec les équipages ; dans cette ville 
nous primes un repos de quelques mois. Je ne dirai 
rien de ces combats de taureaux , de ces femmes en 
saya , de ses splendeurs et de ses misères : tout cela 
est dit dans vingt ouvrages. Je me dirigeai ensuite avec 
H. d*Osery vers le Nord-Est pour visiter les célèbres 
mines du Serra de Pasco. Pour y parvenir nous eûmes 
à gravir encore une fois la grande Gordilière. La Passe 
de la Viuda est une des plus difficiles» et nous y souf- 
frîmes beaucoup du soroche. On nomme ainsi au Pé- 
rou la sensation très pénible que cause la raréfaction de 
l'air dans les grandes altitudes. Cette maladie» car on 
peut lui donner ce nom» ressemble sous tous les rap* 
ports au mal de mer porté au plus haut degré. Nos 
chevaux mêmes en furent atteints si cruellement que le 
sang jaillissait de leurs narines. Nous suivîmes ensuite 
la route de Tarma pour gagner Huancavalica , dont 
nous étudiâmes les mines de mercure. Ces riches 
produits viendront certainement un jour sur les mar- 
chés européens en concurrence avec ceux d'Istria et 
d'Almaden. Passant ensuite par Ayacucho nous explo- 
râmes les fameux champs de bataille où se décida le 
triomphe de Bolivar et la destruction de la puissance 
espagnole dans le nouveau monde. La route qui con- 
duit de ce point à la ville impériale de Cusco doit 
compter parmi les plus mauvaises de l'Amérique » 
tantôt traversant de ravissantes vallées , tantôt s'éle- 



f 840 ) 

Tant aax sommets les plus hauts par des pentes de 6 
à 8 lieues d'étendue. Dans ces parties elle est bordée 
d'un côté par des murs perpendiculaires de roches, et 
de l'autre par des précipices dont l'œil ne peut mesu- 
rer la profondeur à cause des nuages et des brouillards 
qui y régnent sans cesse. Dans un voyage de ce genre 
l'on gravit 20 fois la Gordilière. Cusco , l'ancienne 
capitale de l'empire des Incas, offre encore partout 
des vestiges de son antique splendeur. La forteresse 
est le plus remarquable des monuments de cette ville, 
tant par son étendue que par l'habileté des disposi- 
tions qui avaient été faites pour la défense de la 
ville. A Cusco la population presque entière appar- 
tient à la race indienne, et la nationalité des Tncas s'y 
conserve dans toute sa force. 

Au Nord -Est de cette ancienne capitale s'étend une 
région d'une extrême fertilité , couverte de belles fo- 
rêts et dont le climat est semblable à celui des plaines 
du Brésil. La tradition raconte que lors de l'invasioa 
des Espagnols dans le Pérou, des bandes guerrières , 
ne pouvant se soumettre à l'esclavage des blancs, se 
réfugièrent dans ces solitudes, en y portant une haine 
implacable à ces persécuteurs de leur race. Cette con- 
trée est connue sous le nom de Pampa del Sacramenta. 

Nombre de missionnaires ont trouvé la mort en 
cherchant à y pénétrer, et c'est vers cette terre pres- 
que inconnue des géographes que se dirigea l'expédi- 
tion en sortant de Cusco. Traversant de nouveau les 
contreforts des Andes couverts de neiges éternelles, 
nous parvînmes dans la belle vallée de Santa-Anna , 
dont le principal produit est la coca , arbuste dont les 
feuilles forment le seul aliment de l'Indien dans ses 
plus rudes marches. Sur celle route nous traversa- 



( 841 ) 
mes les magnifiques ruines de Ollantay-Tambo, an* 
cienne résidence féodale d*un chef qui osa lutter 
contre Flnca lui-même* 

Parvenue sur les bords de rUrubanba, véritable 
source de TUcayale, l'expédition s'embarqua sur des 
pirogues achetées aux Indiens Tampas; elle se com- 
posait alors de MM. d'Osery , Deville et moi, de trois 
officiers péruviens qui y avaient été adjoints par le 
gouvernement de leur république, et d'un assez grand 
nombre d'engagés. Un artiste français s'était aussi 
joint à nous. Quant à l'escorte qui nous avait été 
donnée par le président , elle avait tout entière dé- 
serté. 

A peine partis, de graves accidents eurent lieu. Les 
canots chaviraient dans les cascades, et le soir du même 
}ournous avions déjà éprouvé de notables pertes. Notre 
marche était lente et le découragement était devenu 
général ; enfin une nuit nous fûmes abandonnés par 
tous les engagés, et dès lors je reconnus la nécessité de 
changer notre organisation. Je me séparai de M. d'O- 
sery, que je renvoyai à Lima avec nos papiers , nos 
journaux , nos instruments et nos collections. Il de- 
vait venir par la route de terre me rejoindre au con- 
fluent de rUcayale et de l'Amazone. 

Notre voyage fut des plus tristes. Nous eûmes à souf- 
frir des atteintes de la faim; nous étions sans moyens 
de défense livrés aux caprices et aux brutalités des In- 
diens» et je suis persuadé que c'est l'excès de notre mi- 
sère qui nous sauva delà mort. Nous eûmes à déplorer 
la perte d'un de nos compagnons de voyage, vénérable 
prêtre octogénaire qui périt dans une cascade. Enfin 
nous parvînmes à Sarayacu , mission des franciscains 
dans le bas Ucayale, et dont le préfet, le padre Plaza» 



( 542 ) 

nous reçut avec la plus grande bienTeillance. Je n'ou- 
blierai jamais les services que nous rendit cet excellent 
homme , qui depuis plus de AO ans vit au milieu des 
déserts qu'il a su conquérir sur des tribus barbares et 
anthropophages. Grâce au bon père, nous pûmes con- 
tinuer notre voyage vers l'Amazone; et après une navi- 
gation d'une quinzaine de jours , nous arrivâmes à la 
mission du Nauta. Ici, j'attendis pendant plusieurs 
mois M. d'Osery. On concevra facilement quelles fu- 
rent mes inquiétudes et mes alarmes en ne voyant pas 
reparaître mon fidèle compagnon de voyage. Notre 
temps était principalement employé à préparer lesbelles 
collections d'histoire naturelle qui ont été déposées au 
Jardin des Plantes. Une cinquantaine dlndiens ar- 
més de longues sarbacanes destinées à lancer des flè- 
ches empoisonnées étaient chaque jour occupés à 
poursuivre, dans les forêts les plus impénétrables , les 
quadrupèdes singuliers et les magnifiques oiseaux qui 
les habitent. 

Enfin il fallut nous remettre en route ; mais nous 
voyagions le plus lentement possible , afin de donner 
le temps d'arriver à celui que nous attendions avec 
tant d'impatience. Nous visitâmes ainsi plusieurs vil* 
lages indiens : à celui de Pabba? nous fîmes un assez 
long séjour. Une excursion dans les magnifiques fo- 
rêts qui entourent celte mission nous conduisit au vil- 
lage des Yaguas, tribu caraïbe qui a conservé plusieurs 
de ces singulières coutumes dont nous parlent les 
premiers voyageurs. La femme , par exemple , à peine 
remise des douleurs de l'enfantement, cède son hamac 
à son mari , qui pousse d'effroyables gémissements 
pendant que la pauvre créature l'entoure de ses soins. 
Le mariage est aussi précédé de cérémonies bizarres 



( SAS ) 

et souTent pénibles # destinées à prouver que le jeune 
homme est digne de devenir le chef d'une famille 
nouvelle. L'une de ces épreuves consiste à lui faire 
plonger le bras dans un vase rempli d'une espèce 
gigantesque de fourmis donjk la piqûre cause une dou» 
leur qu'il est impossible d'exprimer. 

Enfin nous parvînmes à Tabatinga» premier établis- 
sement brésilien dpins cette direction ; nous y fûmes 
reçus de la manière la plus fraternelle par les officiers 
de la garnison. J'appris là que le gouvernement impé- 
rial» nous continuant son ancienne bienveillance, avait 
fait remonter la rivière par un bâtiment de guerre qui 
m'avait attendu 18 mois» mais qui malheureusement 
Tenait de redescendre vers le Para, la nouvelle de notre 
mort s'étant répandue. 

Notre voyage ne fut plus comparativement qu'une 
promenade de plaisir. Nous rencontrâmes toute espèce 
de secours dé la part des autorités, et je ne puis me 
rappeler, sans en être profondément touché, l'intérêt 
que nous témoignèrent tous les habitants , jusqu'aux 
plus pauvres Indiens. 

Arrivés au Para , le gouvernement brésilien mit le 
comble à ses bontés en mettant à ma disposition un 
bâtiment à vapeur qui me conduisit à Gayenne. 

J'envoyai en France M. Devilie et toutes nos collec- 
tions, et je me dirigeai vers le Nord sur un brick do 
guerre qui avait été spécialement destiné à cet effet. 
C'est ainsi que je visitai successivement Surinam, 
Demerari, la Barbade, Sainte-Lucie et la Martinique. 
Là je pris un bateau à vapeur anglais, qui me fit faire la 
tournée des Antilles et me condubit à Tile danoise de 
Saint-Thomas , d'où le magnifique bâtiment transat* 
lantiqne le Twed me ramena en Angleterre. 



( 3A& ) 

Celte expédition a duré quatre ans et demi : elle aura 
pour résultats principaux de mieux faire connaître les 
parties centrales de TAmérique du Sud , ainsi que les 
productions de ces régions. Les immenses collections 
d'histoire naturelle qui ont été recueillies durant le 
voyage ont été exposées dans l'orangerie du Jardin des 
Plantes y et l'Académie des Sciences est appelée en ce 
moment à donner son avis sur leur intérêt scien- 
tifique. 

Quant à nous » nous oublierons avec joie nos fati- 
gues et nos dangers» si nos travaux peuvent contribuer 
à étendre dans le nouveau monde l'influence fran* 
çaise ; nos mœurs et notre religion nous y préparent un 
grand avenir, car ce continent recevra avec reconnais- 
sance le patronage de notre civilisation. 

Castelnav. 



(SA5) 
LES ANTIQUITÉS AMÉRICAINES 

AU POINT DE VUE DES PROGRÈS DE LA GÉOGRAPHIE, 

Par M. JOMARD. 



Ce n*es€ qae depuis peu d'années que les antiquités 
du Nouveau-Monde occupent sérieusement les hommes 
de science, même au sein de la nation la plus instruite 
de ce continent. Il y a environ un demi-siècle que les 
savants américains, européens, allemands, anglais, 
italiens et français ont enfin , comme à Tenvi , tourné 
leurs regards de ce côté; de nombreux voyageurs* ont 
visité el décrit ces vestiges antiques; plusieurs ont pu* 
blié leurs découvertes. Les érudits ont rapproché . 
commenté les récits, et ils ont essayé, quoique avec 
peu de succès, d'expliquer les monuments de l'an- 
cienne, ou plutôt des anciennes civilisations de l'Amé- 
rique : on doit reconnaître aujourd'hui que ces efforts 
étaient prématurés. 

En effet, pendant longtemps on n'a guère parié que 
du Mexique et du Pérou ; au nord , on n'avait pas ex- 
ploré les régions plus boréales que le Mexique (1); ni 
au midi, la Nouvelle-Grenade et Venezuela; ni au 
centre, les cinq cents lieues qui séparent le Mexique 
du golfe de Darien ; et c'est là qu'étaient cachés les tré- 
sors d'une ancienne et étonnante architecture. Il y a 
plus ; le Mexique lui-même était assez mal connu avant 

(f ) C'est-à-dire au nord da 4^* parallèle. 

VIII. NOVEMBRE ET Dlic EMBUE. 7. 23 



( sie ) 

Alexandre de Humboldt, et les grandes mines des Za- 
catecas ne Tétaient pas du tout. Du CQté du Pérou, l'on 
n'avait pas décrit Cuzco , si riche en anciens ouvrages 
de l'art péruvien. Depuis seulement vingt^ciriq ans, sur 
un appel parti de l'Europe, on a recherché, découvert 
et décrit plus de monuments et de ruines qu'on n'en 
avait fait connaître dans tout le temps qui a précédé. 
Il ne se passe point, pour ainsi dire, une année qu'on 
n'apporte en Angleterre, en France ou en Allemagne, 
d'antiques ohji^Ui porutifsi» en or ou ep ^^ires dures, 
figures , ornements et sujets de tau4e eapëç^ s ou bi^n 
les deissins de^ a|)cien,nes constructions n^Qnwuraiktales 
yiaperçues jusqu'à c<^ joi^r^ ^t ççjmme OQ eisl biealcnii 
encore d'avoir psurcçuru tous les lîeu:i. au iH^rd et .4^1 
mic}i ^ partir de l'Amiérique centrale» et, cjaos chaque 
lieu r d'avoir vu » 4écrit el dessiné toutes les i^uîaes 
( ainsi qu'on doit le penser par Vabondaope et la prQ«> 
fusioj;i qu'il y en a dans, les parties oonnues )» oTestâl 
pas prudent de suspendre loqte conclusion sy«A^a^'^ 
tiqu^ sur l'interprétation des bas-reliefs amériotaiQs (1)? 
(.es faits nouveaux se ngiuUipUent ftaps interrypûfKq ; 
çbaque année des ruines incopotues app^aisaept ftmi 
yeux des voyageurs, assez hardis, .a^Be:^ persé^é]|?|ipt3i» 
pour pénétrer au sein 4e;» forêts et dlws bs li^u^: écmiés 
qu'habitent, deS; peupladrcs deçniisauy^gfs. Oa> va, & 
la fin du dernier si^çj^ , Tbèb^s.d'Égypte e9 quelque 
sorte exhumée ; après vipftle timjf 4a FersépoUSiPuift 
celui de Babylane et da Plipive^ T Amérique. 9nt^Ao-« 

(1) U a fallu plusieurs siècles d'études aux antiquaires pour ipter- 
prëter les antiques de la Grèce., les vases, les^ peintures, les médailles, 
hes bns-rehefs, et Ton avait le secours des textes classiques; eiicore^ 
ronibien d*explications restent conjecturales! Ici, aucune autorité 
pour appuyer les expUcaliona dsa monuaiMitf ! 



(S47) 

lopabiânne a aujourd'hui son tour; les traces hûfiséeft 
]à jadis par les Scaudiuaves, traces qu'ont retrouTées 
les érudîts daiH)is leurs descendants , ont excité le tèle 
des voyageurs ^t la curiosité savante des nations de 
l'Europe. Vingt explorateurs ont pénétré en des lieux 
igaoréa; d'anciennes villes se sont révélées à leurs 
yeux; des monuments extraordinaires par leur style r 
et une richesse de décoration qu'on ne s'attendait pas 
à trouver en Amérique, ont fixé l'attention de l'Europe 
savante, et ils la convient aujourd'hui à des études plus 
c^mplètes.que par le passé. L'on peut donc aujourd'hui, 
espérer que la comparaison des figures» des symboles 
et des caractères de toute espèce qui ont servi d'écri- 
ture r le rapprochement de ces signes avec les langues 
encoreparlées chez leslndiens (rapprochement diflBcile, 
mais non impossible), surtout l'étude des signes qui 
paraissent liés avec la notion du temps, avec celles des 
faits physiques et des êtres naturels, ou avec la con- 
naissance du ciel ; on peut espérer, dis*je, que tant de 
points une fois approfondis procureront peu à peu les 
données nécessaires à l'interprétation des monuments 
américains. 

Si cette époque est encore éloignée, il n'en est pas 
de même de Tavancement de la géographie en Amé- 
rique et des recherches qui s^y rattachent : elle est ap* 
pelée à profiter de toutes les explorations; elle est donc 
intéressée aux expéditions de découvertes. Ce qui jette 
dès à présent du jour sur la géographie de ces contrées, 
c'est la connaissance acquise, depuis peu, de la situation 
des Keux que visitent suecessivement ceux qui vont à la 
recherche desan liquités. Heureusement ils ne négligent 
pas tous de déterminer, au moins approximativement, 
les positions géographiques; ils décrivent le sol, ils nous 



( 848 ) 

en Font connaître la population, la richesse on Tinfer- 
tilité; oh apprend par eux quelles races y habitent, 
quelles langues on y parle , quel est le cours des eaux 
ou rélévalion des montagnes. Souvent les monuments 
sont comme ensevelis dans d'épaisses forêts qui les ont 
longtemps cachés aux regards, comme elles nous ont 
caché les anciens habitants eux-mêmes, qui ont résisté 
à la civilisation et à la puissance des chrétiens. C'est 
ainsi que les nombreux voyageurs de l'Europe, et, 
dans ces derniers temps, ceux de l'Amérique elle^ 
même ont fait faire quelques pas à la géographie amé- 
ricaine, en même temps qu'à l'archéologie (1). 

(i) On doit ces explorations h MM. Gorroy, Waldeck, Mebel^ Fré«> 
ilérikstahl» Norman, Siephens, Gaiherwood, Squier, etc., sans parler 
de ceux qui les ont précédés, Antonio de] Rio et Dupaix, ni de ceux 
qui ont visité l'Amérique méridionale, MM. Lund, d^Orbigny, Ru- 
(];endas, de Castelnau, etc. Cest ici le lieu de citer les savants améri- 
cains qui travaillent avec persévérance à éclaircir Thistoire des abori- 
(]^net, MM. Albert Gallatin^ Macculloch, le docteur Pickerin^r, 
Morton, Herman-Ludewig, feu Duponceau , Atwater, général Giss, 
Schoolcraft , Everett, docteur Harlan, M. Hodgson, M. Bartiett, 
Prescotf, Ticknor, ^heetoU) etc.; la Société des antiquaires et ethno- 
logues américains, la Société philosophique américaine, et d^autres 
compagnies savantes des Ëtais-Unis. La grande et précieuse collection 
dto voyages originaux publiés par notre compatriote M. Henri Ter» 
n«ux Compans mérite d'être citée en première ligne parmi les publi- 
cations faites pour éclairer les recherches. 

C'est en allant à ]a recherche des monuments mexicains du N.-E. 
que M. Nebel a tracé la carte du pays des Zacatecas; c*est en étu- 
diant les antiquités de Guatemala que M. le colonel Gnltndo a pro* 
curé une carte curieuse non seulement da site de Palenquè, du laa 
de Peteii) de la chaîné occupée par les tribus Mayas, mais encore 
du cours de l'Usumasinta et des autres rivières qui ont leurs embou- 
chures non loin de Tabasco. C'est encore en explorant les monu- 
ments extraordinaires de IVucatan que M. Waldeck a pu former une 
carte de ce pays si intéressant sous tous les rapports, et donner la 



( H9 ) 

Nous n'entrerons pas dans le délail des expéditionsv 
^es voyages ou des simples excursions tenlées depuis 
un quart de siècle en Amérique & la recherche des 
àntiquit es: notre but est seulement d'appeler l'atten- 
tion sur l'ensemble de ces travaux et sur les résultats 
généraux.qui en découlent pour les progrès de la géo- 
graphie ; par exemple» pour la connaissance des lieux, 
des productions, des races, des idiomes, des migra- 
tions, des rapports de peuple à peuple. S'il est Trai 
qu^on doit s'en promettre des résultats importants 
pour la science (et l'on. ne peut en douter), la con*- 
elttsion toute naturelle sera qu'il y a une sorte de 
devoir pour les gouvememients de protéger, et, pour 
les corps savants, d'encourager, de hâter l'exploration 
des antiquités américaines. Elt il faut bien avouer 
qu'aujourd'hui l'on ne se passionne pas assez pour la 
géographie pure (je ne dis pas l'hydrographie), pour 
se flatter qu'elle obtienne de bien grands sacrifices de 
la part des États , surtout pour Texploration des terres 
intérieures, des lieux reculés, ott ni le commerce, ni 
la politique ne sont intéressés; tandis que l'intérêt qui 
s'attache à l'histoire des arts, à la découverte de faits 
absolument nouveaux, pour Tétude de la civilisation 
extra-européenne, cet intérêt, dis^je, appellera l'ai* 
Mention et la sympathie générales ; la géographie, auxi- 
liaire utile, en saura profiter avec habileté. 
^ L'une des plus grandes difficultés qu'il y ait pour 
l'étude de la géographie de l'Amérique, principale- 



situation respective de tant de villes où les ruines abondent. Enfin, 
en visitant plus en détail encore les antiquîtës yucatèques, M. Ste- 
f>ken$ et M. Gathérwood ont faiCKïODiiaiCre la position et rimporiance 
d'un grand nombre de lieux inconnus à la géographie» 



( 360 ) 

ment dans F Amérique centrale et la NotSYâUe-Grenàde, 
e'e9t qu'à l'époque de la conquête l'ancienne civilisa- 
tion avait disparu; la barbarie lui avait succédé; les 
traditions étaient éteintes : le Pérou même et le Mexi- 
que avaient beaucoup dégénérée Les Européens n'ont 
pu recueillir beaucoup de notions vivantes sur les peu- 
ples primitifs, sur leurs annaUs ou leur origine» L'ob- 
stacle deslanjpies n'était pas le seul ; le plus grand était 
i'^ignorance même des natifs. On ne peut attribuer ce 
fkit qu'à des guerres prolongées qui avaient aboli cm 
élat politique bien antérieur. 

■ Les monuments encore debout attestent ea effet «me 
longue eidslence et un degré avancé de civilisation ; et 
Ai les conquérants espagnols ont trouvé une forme po- 
litique toute différente, il faut bien l'expliquer par dés 
révolutions et àos guerres intestines. Le géographe ne 
peut donc trouver qu'avec peine un guide sûr pour 
l'étude de l'ancien état du pays et des races qui l'ont 
peuplé au temps de sa prospérité. 

Panni ces peuplades » par exemple , il cherche avec 
curiosité à quelle nation ont succédé les^ Indiens ap^ 
pelés Muysoas, ou plutôt les Indiens parlant la langue 
(diîbcha* Au temps de Tinvasion» coùime aujourd'hui», 
ces hommes n'étaient pas en état de communiquer 
aux conquérants des notions sur leurs ancêtres ou leurs 
prédécesseurs auteurs des monuments. Il en fut de 
même dans le Yucatan et dans les pays au sud là où^ 
l'on parle la langue maya» Les Lacandons d'aujour* 
d'hui» les hommes de la Sierra qui part du lac de 
Peten, restés sauvages jusqu'à présent malgré trois 
siècles et demi de voisinage avec les colons espa- 
gnols, sont sans doute les descendants des hommes 
que les Européens trouvèrent sur les lieux ^ aussi igno- 



(861) 

Yfintf qu'euôi'-tDéœeâ -d^ l'hÎBtoire des andeps àabi^ 
iQlnIs» Il «a efii eocore de xnêiiie datifi \û nord«du«8t du 
Mexique» au Rio-Gila (i) et ailleurs^ oà il y a des ixiibes 
«td«9 vUlea abandonnées. 

Les tradUiofia recueillies au Meanque^ iûc^taitieft» 
▼agues et parfois ootitradictoires^iie reoiontent qu'6 
MB.petk nombre d années conppatativeilient bw an*- 
nales de l'aneien siondu» tandis que le nombre et 
l'itnpof tance des antiques ouvrages des arts supposent 
nécassaireoient une longue durée et môme une longue 
prospérité. Il résulte de ce qui précède qu'il serait im* 
p^Asible» daf)s l'état actilel des choses» de tracer sur la 
carte du pays les noms des peuple^ qui l'ont habité é 
ceà anciennes époques; il n'en sera pas de même quand 
l'étude des antiquités, aura jeté des lumièresisar la po« 
pulation primitive. 

Considérons encore la question géographique sous 
un autre point de vue. Il pourra paraître singulier de 
parler de la géograp/ûe atteitmne de l'Alnérique : Cette 
recherche n*a pourtant rien de déraisonnable» La seul» 
différence avec ce qui à rapport à Tancien monde » 
c'est que la géographie ancienne classique ne descend 
guère qu'au iv* ou v* siècle de notre ère, tandis que , 
pour rAmérique» îl faut delcendre au jl!^ ou même plus 
bas encore» 

La révolution qui a été la suite de ia découverte de 
1&92 a changé complètement de face le Nouveau- 
Monde. Par rétid)Ussement de là oivilisation euro- 

(i) Là où sont les casas grandes ^ et, plus loin, chez les Munchies 
Indiens blancs, qui habitent une ville et une riche vallëe au pied de 
la Sierra de los Mimbros ; ce point ^ peine aperçu est à explorer, 
ainsi qUe tout le pays compris entre Blo^GlIft, Rio-Coloradd ^t Kio- 
Golnaoïbia. 



( SBS ) 

péeiine» par riatroduction du chrislianisme et en 
même temps de TescIaTage , tout s'est renouvelé à la 
fois. Les systèmes politiques américains ont disparu , 
les populations se sont évanouies ou bien transfor- 
mées; les lieux ont perdu leui*s noms et en ont pris 
de nouveaux; les langues elles-mêmes , ce qu'il y a de 
plus vîvaee et de plus persistant, ont été remplacées, 
ei ce qui en reste change encore tous les jours. 

Qu'y a-t-il de plus dans les changements de cette 
espèce qu'ont subis l'Afrique, l'Asie, ainsi que l'Europe 
dle-mème depuis l'ère chrétienne, ou plutôt depuis les 
invasions des Barbares? La géographie, à réception 
du sol, s'est modifiée dans presque toute l'Amérique, 
et la géographie ancienne y a même deux phases dis- 
tinctes que devront exprimer un jour des cartes spé- 
ciales : 

Première époque, comprenant les temps des an- 
ciennes civilisations, attestées par les ouvrages des 
hommes, par les monuments, par les traditions, et 
même par certains documents écrits , au Mexique , au 
Pérou , dans l'Yucatan , au Guatemala , dans toute 
l'Amérique centrale, dans une partie de l'Amérique 
du Sud; 

Seconde époque : état des tribus indiennes; sites 
qu'elles occupaient des rives de l'Atlantique à celles 
de la Pacifique; dénominations quelles portaient; 
noms qu'elles-mêmes donnaient aux rivières, aux 
fleuves, aux lacs, aux montagnes, avant et depuis la 
fin du xv* siècle. 

Les Espagnols, les Français , les Anglais , et surtout 
les Anglo-Américains, en occupant le sol foulé par les 
tribus , ont subsUtué à leur tour d'autres noms , en se 
substituant aux anciens habitants ; la géographie a 



( 353 ) 

dope essentiellement besoin d'être étudiée souft cet 
aspect. Plusieurs tribus se sont éteintes, d'autres ont 
été anéanties par la violence, le reste a été expulsé 
dans l'ouest* Il est pour tout le moins curieux de savoir 
le site que chacune occupait avant la conquête et jus- 
qu'au milieu du xvii* siècle. 

Pendant qu'il en est temps. encore» il faudrait inter- 
roger les hommes des tribus existantes sur la résidence 
de leurs pères. On tracerait le plus correctement pos- 
sible les noms anciens sur des cartes spéciales, ainsi 
que les circonscriptions approximatives, et l'on rap^ 
procherait de ces noms les principaux noms actuels. 
Ne pourrait-on pas, à bon droit, donner le nom de 
cartes de géographie comparée à des cartes de cette 
espèce (1) ? 

Il eiiste des peintures mexicaines sur lesquelles on 
voit tracées les routes suivies lors des migrations des 
Aztèques ; on n'a pas encore assez tiré parti de l'étude de 
ces lignes de routes. Quand on aura pu aborder avec 
^ccès l'interprétation des hiéroglyphes mexicains qui 
accompagnent ces cartes grossières, on découvrira 
probablement les noms anciens des lieu^ qui sont dis*- 
tribués sur ces itinéraires, et peut-être les noms des 
peuples qui les parcouraient. 

M. Stephens a trouvé dans le Yucatan une sorte de 
cart« indienne, indian map^ comme il l'appelle, qui 
présente la situation respective de trente-deux villes 
ou lieux différents, avec des lignes de route à partir de 
Mani, telles que Uxmal, Ticul, Jan, Kecah, etc. Beau*^ 
coup de ces villes sont très anciennes, comme le prou- 

(i) Un ouvragée important qui vient de paraître pourrait faciliter 
l'exécution de ce travail i Synopsis of indian tribes^ par M. Gallatin : 
voir aussi V Essai sur les tiibus indienne* des États-Unis ; par M. Vail. 



( 354 ) 

vent les ruines remarquables qui se trouvent en ces 
mènies lieux. La carte est évidemment postérieure à 
la oonquête; maïs il est possible que l'Indien conirertt 
qui l'a tracée ait eu sous les yeux un original plus an« 
cîen : il ne serait pas sans intérêt de rechercher les 
documents de même nature et de les rassembl«)r tous 
pour IcB rapprocher et les comparer* 

On découvre pour ainsi dire tous les jours de ftott*^ 
velles traces de Tarchitecture et des arts des anciens 
habitants du prétendu nouveau monde. Sans parler 
des innombrables tumulni de TOhio et des autres af*- 
fluents du Misstssipi (dont on ne oonnaissail pour 
ainsi dire que l'existence, si l'on songe aut découvertes 
inattendues qu'ont amenées les fouilles récentes) ; sans 
parler des enceintes fortifiées, des circonvallations, de 
tous les ouvrages militaires qui ont été explorés avec 
tant de fruit , surtout par le docteur Squier, ouvrages 
dont personne n'a pu encore dire l'époque ni les au*- 
teurs, n'a-t-on pas découvert, à une distance bien 
reculée dans le nord-ouest, entre les monts Rocheux 
et le gi*and Océan, des ruines remarquables, des ves-' 
tiges de grandes villes détruites , dont les environs 
mêmes sont presque entièrement déserts aujourd'hui, 
ruines sur lesquelles les traditions sont muettes , mais 
qu'une étude attentive saura un jour faire parler? 

N'a-t^on pas comme exhumé des archives du Brésil 
des manuscrits où sont décrits des monuments anti*- 
ques d'écriture, des rochers couverts d'anciens carac- 
tères qui rappellent ceux de Massachusetts, de Rode-^ 
bland et de Vermont (1) ? Et quand ori parcourra 

(i) fievhUi trimensal de hisioftM e fftotftaphiuj 18^9 (Institot hi»-^ 
toriffue et (v^grapliiqii« da Br<^il ). 



( 355 ) 

a«0c silite les fcHéU vîei^es du Brésil, ne trouveniH-on 
pa3 oe3 moaumeoU oubliés ? 

N*a-t-on pas, tout récemment, trouvé au noïd de 
la Nouvelle-Grenade d'autres rochers sculptés où sont 
gravés des signes, des figures de tout genre; et plus 
loin , des ruines de villes perdues , même pour la tra- 
dition; des constructions monumentales qui étaient 
ornées de colonnes ; des catacombes remplies de mo- 
mies magnifiquement vêtues; des vases, des orne- 
ments, des idoles en or pur, des étoffes couvertes de 
riches dessiner, à couleurs éclatantes? 

Dans l'isthme de Darien , n'a-t-on pas découvert des 
ruines à Cana et à Gasas-del-Principe (1)? 

Mais tous ces lieux différents, où les œuvres des arts 
ont des caractères propres et des styles distincts» n'ont 
encore été, poar ainsi dire» qu^entrevus; il s'agit de les 
soumettre à une investigation suivie, d'en confier l'ex- 
ploration à des commissions savantes; et c'est là que 
-la géographie a de grands pas à faire» si les chefs de 
ces entreprises n'oublientpas de l'appeler en aide (2). 

Et co^mment pourrait- on négliger son secours? 
N'est-ce pas par la détermination exacte des lieux, et 
et par leur description» que l'eeuvr» doit commencer? 
Sans ces bases fondamentales , les recherches historié 
ques et linguistiques ne pourraient mener à des con- 
clusions certaines; l'exposition du terrain, la configu* 
aration du sol» le cours^des eaux», les productions locales» 

(i) M. Hellert, cl^ns sqh Fopra^ à Fisthme de Darien» 
(a) Dans lès lieux mieux connus, tels que le Guatemala, TYucatan, 
Chiapas, et toute l'Amérique centrale, on est si peu d'accord sur la 
situation des lieux, même les plus importants, que les positions des 
cartes diffèrent jusqu'à nn demi-deçré et plus encore; exemple, Yal- 
ladolid. Que doit^oe être sur les points plus reculés diins rintérieur? 



{ 866 ) 

seront dans tons les temps , et en tous lieux » )e guide 
le plus sûr pour l'histoire de Tespèce humaine et de la 
civilisation. 



LETTRE DE M. BERE 

ADRESSÉE AU PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ DE GÉOGRAPHIE. 



Londres, «7 noirenibre i847* 

Monsieur, 

La lettre que M. Antoine d'Abbadie tous a adressée 
d'Omokullu (près de Hassouâh), à la date du 6 août 
dernier, et qui a été insérée dans le Journal des Débats 
du 6 octobre, contient le passage suivant : 

« Je dois néanmoins vous dire que ma longitude de 
Saka, déterminée par des azimuts, qui, reliant ce point 
avec Gondar, ne diffèrent que de quatre minutes de 
ma longitude par distances lunaires, ne s'accorde pas 
avec la position donnée par M. d'Arnaud (1) au fleuve 
dans les environs ée Wambèk et de Niéva, seuls points 
qui me paraissent pouvoir coïncider avec la description 
de nie de Lakkou, ainsi nommée par les chasseurs 
d'éléphants de Walegga et ceux du Gouderon/Or tous 
ces chasseurs s'accordent à mettre entre Lakkou et 
Saka une distance beaucoup moindre que celle qui 
résulte des longitudes de M. d'Arnaud comparées aux 
miennes. » 



(t) Voyez la rarte du Bahr-el-Altiad de M. d'Arnaud, dans le Bul- 
letin de la Société de Géographie, a* séri«, t. XIX. 



(367) 

. J'ai été heureux, dans une occasion précédente, de- 
défendre les latitudes de M. d'Arnaud contre des objec* 
tions qu'on leur avait opposées en Angleterre (1) ; 
maintenant je puis dissiper de même les doutes que 
l'on élève quant à l'exactitude des longitudes du même 
voyageur. 

M» d'Abkadie parait avoir déterminé , dans son se* 
cond voyage à TËnaréa, la longitude de Saka non seu«- 
lement par des distances lunaires, mais aussi a par 
une suite d'azimuts )» rattachant cette position à celle 
de Gondar. Par la première méthode» il trouve Zb!^ 38% 
et» par la seconde, SA*" hH' Zh" E. de Paris (2). Prenant 
la moyenne des deux nombres, nous avons Si"* iO' pour 
la longitude absolue de Saka à l'est de Paris. Il est vrai 
que le chiffre diffère considérablement du résultat ob- 
tenu par M. d'Abbadie lors de son premier voyage à 
l'Énaréa et au Kaffa , car il faisait alors par estime la 
longitude de Saka de 33» âO' (3), et de 34* 18' 36'' d'a- 
près les distances lunaires, telles que les a calculées 
M. Daussy (A) . Heureusement cette différence ne parait 
pas devoir influer sur le résultat de la question ac« 
tuelle« 

Cette question est simplement de savoir jusqu'à quel 
point est fondée l'objection faite aux longitudes de 
M. d'Arnaud de ne pas s'accorder avec la distance qu'il 
y a <le là à Saka et A Gouderon sur l'Ile de Lakkou, lie 
que M. d'Abbadie identifie (5) avec la triple ile située 

(i) Notedaus le Journal ofthe royal Geogiaphical Society, y o\^ XYll, 

p. 38. 

(a) Athenœum^ 9 octobre i847» "* io4i. 

(3) NjouveUes Annales des voyages^ t. II de i845, p. 1 10. 

(4) Bulletin de la Société^ 3* série, t. III, p. 56 et suiv.; t. IV, p. 23i . 
(5)/Wrf.,t.m, p. i35. 



( 368 ) 

par 6*iBU et 20'' long» dans la ca>ftQ de H. d'Arnaud, 
qaoiqae M. dfAbb&die «emarque mi même temps, au 
sujet de celte tle, ce qu'elle est habitée par des nègres, 
dont y ai tu , dit4l, deux à Saka , ef qcii ie lAevùinenî 
YambOr mot fort différent de Bkorr et de Chir. )> 

Il me semble que cette objection est sans aucun 
fondement réel , et qu'elle repose uniquement sur une 
supposition erronée , à savoir, que l'ile de Lakkou , 
liabitée par des nègres appelés Yambo, et connue des 
chasseurs d'éléphants de Gouderon et de Wallegga, est 
la tnpk îh située par d* lai. N. La seule inspection de 
là carte de M. d'Arnaud montre que Lakkou doit dtre 
beaucoup plus bas en suivant le cours du Bahr-^I 
Abyed, et conséquemmœnt beaucoup plus pr^ de Saka 
et de Gouderon. Il faut la chercher à Dénab par ÎO^ de 
latitude N.f immédiatement au-«dessoos du confluent 
du Sftubat : la carte noos^ montre là , dans le pays des 
nègres Dinka , une tle placée dans le voisinage immé^ 
diat de la « plaine couverte de hautes graminées, et 
où paissent fie nombreaiv troupeaux d*éIêphaKts. y» C*est 
dans celte p)ainë basse et marécageuse, inofidée par 
les débordements de la grande rivière de Habesch, 
« qui porte au Nil<-Blanc prés de la moitié des eaox 
que fournit ce fleuve , » que les gens de Wallegga et 
de Gouderon vont à la chasse aux éléphants (t), ef non 
pas à quatre degrés plus haut, sur le Bahr'-el-'AbTad , 
où le pays qui borde les rives de ce fleute commence 
à s'élever, puisque Ton entre là dans une contrée 
montagneuse habitée par un peuple agridolc (2). 

Dans mon Essai sur le Nil et ses tributaires (3), j*ai 

(i) Journal oftfie Royai 6'eogr, Soc:, vol. XVH,- p. 41, 49* 

(î) ButUtin dé la Société, 2* série, t. XIX, p. g4. 

(3) Journal ofthé Royal Geogr, Soc, vol. XVIf, p, 4» er strhr. 



( W» ) 

exposé lâs raisoas sur lesquelles je fon^e ro[>îiiiotPi qpc 
le Cçd/êb et le Guibbè se réuQi$sent pour (ociuer le 
cours supérieur du Saubat (Sobat), ou Telfi des expé- 
ditions égyptiennes. Selon M. d^Abbcidie» c'était dV 
bord le Godjeb (1], mais maintenant c est le Guibbé (2)» 
qui forme la tête de la branche principale du fiahr* 
el-*Abyad. L'examea plus attentif que j'ai été amené à 
faire de la carte de M. d'Arnau4 par l'objection àt 
M. d'Àbbadie louchant la longitude du Bahr<^l-Abyaijl 
dans cette carte , m*a offert une explicatioo probable 
de la méprise dans laquelle M. d'Ab)>adie parait êtr^ 
tombé. 

On voit dans cette carte une route marquée depuis 
Baso dans le Godjam jusqu'à Berry« passant par le 
Gouderon, le Djima» le Gpuma, l'Ënaréa» Kolla, Kaffai. 
Bakko et Bakka-Kolla ; et cette route se prolonge de 
Berry» qui est une grande ville à marché» jusqu'à Bel- 
lénia sur le Babr-el-Abyad» par 5* lat. N. environ. Des 
notes de M» d'Arnaud (8) on peut raisonnablement 
inférer que jusqu'à Berry eette route n'est pas le ré- 
sultat d'informations personnelles qu'il aurait prises 
à Bellénia , mais qu'elle lui avait été fournie par 
M. Blondeel van Cuelebrooik» que M. d'Arnaud renr 
contra à son retour au Sennâr en 18&2« et qui^ avec 
ML BelU v^Dait d'y arriver du Godjam. 

En analysant la route d'après cette suppofiîtiah très 
fondée, nous pouvons admettre que M. Blondeel avait 
été informé dans le Godjam que la route de Baso 
passe (comme cela est en effet) près du Goucleron ou 
par le Gouderon même, puis par le Djimma, le Gouma 

(i) Bulletin de la Société^ 3* série, t. III, p. 3i3 et saiv. 

(a) Athenosum^ o* li^^i. 

(3) Bulletin de la Société^ a' série, t. XVttI, p. 379. 



( S60 ) 

et l'Enaréa, el enfin par Kolla, c'est-à-dire par le 
k'oHa ou vallée du Godjeb, <c entre Yîgga et le désert 
de Rankattl (1) m jusqu'à Raffa. Au-delà de Kaffa, on 
fait passer la route par un lieu ou un pays appelé Bakko, 
puis par Bakka-Kolla, et de là à Berry. M. d'Abbadie, 
parlant dans une occasion précédente de la carte de 
M. d'Arnaud , dit qu'il n y a pas de ^ille nommée 
Bakko (2); mais dans une lettre récenle, insérée dans 
YAthenœum (3), il admet, ce qui est important, que 
«le pays étendu situé à l'ouest du Baro est appelé 
Bago (Bako), et non Oualléga. i> Voilà donc le Bakko 
de M. Blondeel ; et sa Bakka-KoUa est tout simplement 
le k*olla, ou vallée, de la rmère Bakka^ — Bago ou 
Baaa (A) , — située à V ouest de la rivière Baro, et, par 
une conséquence nécessaire, également très loin à V ouest 
tlu Kajfa. 

C'est donc dans cette direction, vers l'ouest et a une 
faible distance au sud du Kajfa, qu'il faut placer la 
grande rivière Godjeb, Ouma, Bago, Bako, Bakka, 
Baca, de quelque nom enfin qu'on l'appelle, que 
traversent les caravanes qui vont aux marchés de Berry, 
non seulement venant de l'Enaréa et du Kaffa (ô), 
mais aussi de Fadassi sur le Yabus (6) . Si, au contraire, 
on maintient la vallée (k'ûlla) du Bakka dans la po- 
sition que lui attribuent également et la carte de 
M. d'Arnaud et celles de M. d'Abbadie publiées dans 

(i) Bulletin de la SocUié, 3* série, t. lil, p. 3 f 4. 

(2) ///£(/•, p. i35. 

(3) N« 1042, du 16 octobre 1847. 

(4) Dans une des cartes de M. d'Abbadie {AUienœum^ n** 1042 ), 
le Dom est écrit Baca. 

(5) Bulletin de la Société, %" série, t. XVIII, p. ^79. 

(6) Ibid., t. XIX, p. 95. 



(861 ) 

VAthenaumj il est évident que ce fleufe ne pourrait* 
ètce traversé par les routes qui vont de ces pays à 
Berry. 

Le résultat semble concluant quant à ce fait. que la 
rivière dont il s'agit n'est autre que le cours supérieur 
du Saubat (Sobat), Talfi, Ta, Bahr-el-Mekadah ou 
rivière de Habesch des expéditions égyptiennes» rivière 
que M. Russegger a aussi connue sous le nom de Balir- 
el-Abyad (1). 

Si maintenant il est permis de hasarder une conjec- 
ture sur l'origine de la méprise de M. d'Abbadie au 
sujet de celte rivière, on peut supposer que cette mé- 
prise provient de ce qu'il aura considéré qu'en con- 
duisant le Godjeb ( Uma ou Baka), loin de Kaffa 'vers 
le sud^ de manière à ce qu'elle rejoignit le Babr-el- 
Abyad au-dessus du point extrême atteint par la se- 
conde expédition égyptienne, il avait un guide sûr 
dans M. d'Arnaud, qui. d* après son obsenfation person^ 
neile, aurait rencontré cette rivière à mi-chemin en 
remontant depuis le pays de Pulunch par A* lat. N.', 
au lieu qu'en réalité c*est seulement M, Btondeel quUl a 
siupi dans sa détermination hypothétique du cours in- 
férieur du Godjeb (Uma ou Baka), c'esl-à-dire seu- 
lement fies informations orales obtenues élans le Godjam. 
S'il restait encore le moindre doute à cet égard , il 
suffirait pour le dissiper de se rappeler ce fait que 
ya Bakka k'olla est une expression abyssine (amha- 
rique) signifiant la vallée du Bakka, expression qui a 
dû naturellement être employée par ceux de qui 
M. Blondeel recevait ses informations dans le Godjam, 

(i) ^Reise in Europa, As'ien und Àfrika, t. Il, a* partie, p. 88. Voy. 
ûûUï'Joutnaiofthe Royal Geogr, Soc, vol. XVII, p. 4>* 

VIII. IIOVKMBRB ET DÉCIMBBB. 8. 24 



( MS ) 

^maiA qu'il n'eu pas vraiaemblable que VL d'Amaud 
ait entendue dans la bouche d'aucun des habitants de 
la vallée du Bahr-el-Abyad. 
Croye^moi, monsieur* etc. 

Chaslbs t. Bbkb. 



DE LA DÉTERMINATION 

DES COTES SEPTENTRIONALES DE LA SIBÉRIE 

Par MM. dt WRANGBLL et hM^V. 

1821 — 18Î3. 

Commaniqué par M. le prince Emhanobl Gautziv, de Saint- 
Pétersbourg, membre correspondant de la Sociëté. 



Le résultat le plus frappant des expéditions acrom- 
plies avec tant d'énergie par MIL de Wrangell et Anjou 
dans le nord de la Sibérie, est sans contredit la déter- 
mination définitive de la longue étendue de côtes qui 
s'étend de l'embouchure de l'Olének, vers l'est» jus«- 
qu'auprès du détroit de Behring, dans une étendue 
totale de plus de 60 degrés de longitude. Il y a vingt- 
^pt ans seulement que la géographie de cette partie 
du globe demeurait encore inexplorée. Malgré les 
efforts éclairés du gouvernement de Timpératrice 
Ajcine pour mettre un terme aux ténèbres répandues 
sur ces régions, aucun résultat n'avait été ol^tenu qtii 
fût propre à satisfaire aux justes exigences de la science : 
c'est au règne de l'empereur Alexandre qu'appartient 
l'honneur du résultat. L'histoire des grandes «ntror 



(S6S) 

prises dans le domaine de la géographie l'a cooeigné 
dans ses annales . et elle a marqué une place briUante 
aux bommes courageux qui se sont acquittés av^c un^ 
si noble abnégation dç la pénible et laborieuse tàdM 
que la confiance du gouvernement leur avait confiée. 
Il suffit de lire la relation de. M. de Wrangell • dont 
nqiM$ avons donné une traduction française en 1843, 
PfOm* connaître les privations sans nombre que 1^4 
voyageurs eurent à supporier dans un climat horrible* 
au sçin de plaines de neige hérissées de rocher)» d^ 
glace » bien couvent forcés de bivouaquer sans feu par 
un froid de trente degrés* 

Non seulement M. de Wrangell et ses compa*^ 
gnons eurent à supporter le froid le plus âpre , le 
manque de feu » d'abri , de nourriture ; ils furent ^n 
ovatrt exposés plus d'une fois aux plus grands dangers. 
Ils Gotirurent le risque de disparaître sous la glace, qui 
s'effondrait au passage des traîneaux, et ils finirent 
même par être emportés à la merci des flots de l'o- 
céan Glacial le jour où la plaine glacée sur laquelle ils 
voyageaient se rompît autour d'eux. Il est à présumer 
que les difBcultés que M. Anjou (actuellement contre- 
amiral) aura eu à supporter n'auront guère été moin^ 
dres; par malheur, l'histoire de sa relation n'a point 
encore vu le jour : il est, dit-on, question de Timpri- 
mer. Toutefois les relèvements astronomiques de ce 
deiiiier voyageur sont acquis à la science , et ce sont 
ces relèvements, joints à ceux de M. de Wrangell, qui 
ont servi conjointement de données au tracé définitif 
des cAtes septentrionales de la Russie asiatique. 

La relation de H. le baron de Wrangell ayant été 
communiquée par moi aux lecteurs français, il ne me 
resterait rien à y ajouter aujourd'hui, si je n'avais dé- 



( 96a ) 

Couvert derniërcjinenl , datis un recueil de documenta 
publié en 182A par ramifauté de Saint-Pétersbourg, 
une notice intéretisatite de Fastrononie Schubert. Cette 
)>ièce, qui présente ie Compte-Rendu de Texamen que 
ce ida?ant avait été chargé de faire des Hahiers astrrp^ 
homiques rédigés pendant letoyage par les deux explo- 
rtitéurs; estpropre à en hire ressortir la haute faleur, 
et à confihner l'exactitude du ttacé actuel de la cAtt 
sibériemie. J'^ai pensé que la Société de Créographie 
de Pliris ne se montrerait pas indifférenlte à la corn- 
tminication de cette notice, et c'est ce qui m*a engagé 
à la traduire du russe : la voici reproduite textuelle»- 
-mont. 

Opinion exprimée ^n 1*824 par Jf. Schubert, membre bof 
Moraire du dépatlement de L^amitauté » sur les opértUf 
lions astronomiques faites pendant deux expenUiion^ 
aux côtes septentrionales de la ^Sibérie par MM. lest 
lieutenants de marine de ff^rangell^t Anjou, 

IX Le département impérial de Tamirauté m'ayai^ 
chai:gé de lui faire connaître mon opinion sur les ol)- 
servations faites en Sibérie par MM. de Wtangeii et 
Anjou en 1821, 1822 et 1823, j'ai soumis leurs Cahiers 
astronomiques à l'examen attentif qu'ils méritent à tant 
d'égards, examen dont je consigne ici le résultat. 

Cahiers de M, de ft^raligelL 

» Le nombre de points déterminés tant en lAtitu4ç 
qu'en longpitude par -cet officier est de 110 : il^ on| 
donné lieu à la série 4'observation»qut suit : 

i* Pour 1(1 détermination du temps vrai qt de la 
marphe dçs cbrononnètres , 



( 305 ) 

340 hauteurs simples du soleil» 22 hauteurs d*è<* 
loiles, 6 hauteurs de Sakurnc» et 13.6 hauteurs corres- 
pondantes doubles du soleil ; 

2* Pour les déterminations en latitude » 
145 hauteurs méridiennes du.so)eil.»,9.baujteurs de 
la lune, et 1 hauteur d'étoilç ; 

3"* Pour les déterminations en. longitude , 
46ii distances de Ipi lune au soleil» 17. distantes des 
étoUes» et 3 éclipses. des satellites de Jupiter. 

».£n outce » la^ déclinaison de, l'aiguille a donné lieu 
à 1Ô5 observations d'azimuts, du. soleil, et son incli- 
QAi^n à 6 observations. 

Cahiers de M ^ Anjou, 

» Ce voyageur a déterminé la longitude et la latitude 
de 65 points , au moyen des observations suivantes : 

1* Pour la détermination du temps, 

27d hauteurs simples du soleil , 110 hauteurs d'é- 
toiles, et h hauteurs doubles, correspondantes du so- 
leil; 
. 2* Pour les. déterminations en latitude, 

5ft hauteurs méridiennes du soleil et 3 hauteurs de 
Mars; 

3* PouT' les déterminations en longitude , 

35i distances de la lune au soleil, 113 des étoiles, 
A9 de Saturne, et 23 de Mars. 

fk La comparaison des. intervalles de temps avec les 
différences des hauteurs oades distances lunaires m'a 
démontré que les observations de Tun et de l'autre 
voyageur sont aussi exactes qu'il est possible de les 
faire à l'aide des instruments dont ils disposaient (1) . 

(i) Voici la liste des principauji instraments mis à la disposition 
de Texpédition de la Kolima : 3 sextants, 3 horizons artificiels an 



( S66 ) 

Mtis par lé désir de rendre les résultats de leurs obser- 
vations aussi exacts que possible, ils ont eu recours à 
toute espèce de précaution, et n'ont négligé aucun 
genre de correction : on peut citer parmi ^es dernières 
des corrections de réfraction par le moyen du thermo- 
mètre et du baromètre , ce qui est indispensable sous 
d'aussi hautes latitudes. 

Ht J'ai soumis è des Térificattons rigoureuses un 
nombre considérable d'observations, et n'ai déoouTert 
aucune erreur grave, trouvant presque toujours l'éva- 
hiation des longitudes et des latitudes seconde pour se«- 
conde. Habituellement il existe une différence marquée 
entre l'expression des distances lunaires orientales et 
occidentales ; mais, dans les observations faites par ces 
messieurs, la différence est presque nulle; en voici 
un exemple frappant. Si l'on compare les observations 
qu'a faites M. de Wran^ell en 1821 , du 16 mai au 
10 juin (v. s.), on trouve que les distances orientales 
donnent, pour la longitude de Nijné-Kolilnsk, IQ** i^ 
15^ tandis que les distances occidentales donnent 10^ 
ki' hà". En général , les distances lonaiites qu'il a ob- 
servées donnent pour la longitude des résultats telle- 
ment satisfaisants , qu'entre les observations extrènea 
et l'observation moyenne la différence atteint xarement 
une minute. 

» Je pense d'ailleurs que Tod ùe sauvait trop ac- 
corder d 'éloges 4 la fermeté, à l'activité, an aoin, à 
inhabileté et aux conuaissaoces déployées par oes deux 
officiers ; et l'on est d'autant pluB porté à leur rendra 

mercure, -i sextani depoche, une bousaole pour mesurer les azimuts, 
3 boussoles d'arpenteur, 3 thermomètres au mercure, 3 thermomètres 
à PblcoDl, 3 baromètres portatifs, t aiguîMe d'indiiiaisott, et a aimants 
arti^ek. 



(M7 ) 

cette juBticé, qtte leili*d voyages» et principfftenenl 
celui de M. de Wrdageil » sarpasiMnl en difficultés de 
toute sorte, en fatigue» et en dangers, de qui s'était vu 
jusqu'à ce jour; «* 



SCÈNES DE LA VIE SIBÉRIENNE. 

PECHE DE L*01fOULE DANS LA SÉLENGA. 
Tradnit da ra«t« ot commuDi^oé par lo nôna. 



. Parmi le^diverses espèces de poissons . qui, peuplant 
fes eaux du Baikal, donnent lieu à une industeie lucra* 
live pour les populations avoîsinantes, ei fournissent 
une nourriture substantielle aux habitants des districts, 
éloignés où Tagriculture est nulle, l'omoulemétfita».. 
pac l'importance de sa pêche, une mention. papliiwH 
liétie. C^tte variété de la truite», é laqtieile Pàllas a< 
doi)né le nom de Salma ayêumnalisp. a une tête effilée 
de forme conique^, la mâchoire inférieure débofdant 
celle de dessus» et Tiiis d'un- jaune pâle; elle est dé- 
fK>urvue diss deints que possèdent les autres poissons 
du gepre :, cheK elle , l'orifice des branchies est 8|mh 
jcieus; le trône est fourni et uni peu comprimé sur les. 
^6ïés( ; le 4qs est épais « de couleur bleu foncé et taillé 
(^n gouttiàre ; . la- Jigne latérale est droite, tachetée de 
points ûoirs; les flancs sont blanchâtres, et les écailles 
jH>Qt menvest Ce. poisson a de à iO verchoks (le 
verchok équivaut à h'^'^'^Ah) de fongiieur; son poids 
dépasse 3.1ivres« On assure que les individus pris dans 
le voisinage des cotes de l'océan Glacial, ou bien dans 
le partie supérienrfe d«i lénisel» diffèrent de- ceux- qm 



(8M) 

proviennent du Baikal , tant en raison des dimensions 
que de la disposition variée des niigeoires. 
. Dans Jets derniers jours du mob. de juillet ou au 
commencement du mois d'août, les omoules aban-^ 
donnent le Baikal» et, passant à travers les embou- 
chures des rivières qui y versent leurs eaux, mais plus 
particulièrement par l'embouchure de la vaste Sélenga, 
ils en remontent le courant, à la recherche d'eaux 
moins froides, pour y déposer leur frai. Quoique ce 
soit alors l'époque des grands travaux, tellement péni- 
bles pour les riverains qu'ils lui ont donné le nom de 
saison des souffrances ( stradnoie - vrémia ) , les villages 
situés sur les bords de la Sélenga se dépeuplekit de 
leurs habitants^ qu'appelle le moment favorable pour 
la pèche. Hommes, femmes et enfants, se mettent en 
marche ; de lourds bateaux apparaissent venant d'Ir-^ 
koutsk, et des centaines d'embarcations , chargées de 
tonnes vides destinées à recevoir le produit de la pèche» 
descendent de la partie supérieure de la Sélenga^ Plu- 
sieurs villages, placés au bord du courant, servent de 
points de réunion. Je ne vous parlerai que des opéra**- 
tions de la pèche auprès du village de Tchertovkina, 
eelle des stations qui est le plus rapprochée de l'em^ 
bmichure de la Sélenga , à 12 verstes du Baikal. 

Les habitants du village, avant que les viàileufS 
n'arrivent, vont s'établir sur des bateaux amarrés près 
du rivage, tant pour y guetter l'approche du poisson 
que pour laisser l'espace libre aux arrivants. L'époque 
où l'omoule apparatt n'étant pas parfaitement déter- 
■ainée, cette population continue fort souvent à habil- 
ler sur l'eau pendant un mois el même plus. Durant 
ce temps, barques et marchands arrivent de tous côtés, 
•t. le village se transforme en un bourg çommerçiint. 



( â68! ) 

Les rangées de boutiques de son bazar» qui est une 
construclioo à demeure en bois, ainsi que bon nombre 
de huttes treillagées, s'emplissent de marchandises de 
toute espèce. 

Trois bras, qui ont leur point de départ à SO versies 
du Baikal» forment l'embouchure de la Sélenga, Le 
poisson choisissant toujours de préférence le courant 
le plus profond , et le fond des trois bras étant d'ail- 
leurs sablonneux» c'est-à-dire sujet à varier de profon- 
deur, il en résulte que ce n'est jamais par les trois 
bsas à la fois que les omoules pénètrent dans la rivière, 
mais par celui qui leur offre une eau suffisamment 
profonde. Ils ne parcourent pas, dans leur marche; 
au*delà de 20 verstes par jour; circonstance qui permet 
aux pêcheurs, lorsque le cas l'exige, de se mettre à la 
poursuite du banc : ceci a lieu toutes les fois que, par 
défaut d'attention suffisante, ils ont manqué le mo- 
ment où le poisson franchit le point où les pêcheurs 
ont disposé leurs filets. Afin d'éviter autant que pos« 
sihle de laisser échapper une aussi riche proie, ces 
.gens ne cessent d'aller et venir entre un bras et l'autre, 
pour s'assurer dans chacun d'eux, au moyen d'un petit 
filet destiné à ces essais , si le poisson commence à y 
passer. 

Divers indices annoncent la prochaine apparition 
des omoules; en voici deux remarquables* Par exem- 
ple, dès l'instant où les petits filets destinés aux 
essais amèuent beaucoup de kariouzes {Sal/no thy- 
rmUlus ), ou bien sitôt que des volées nombreuses de 
cormorans ou de mouettes se mettant à planer au- 
dessus de l'eau , on en conclut que le banc d'omoules 
est arrivé» Les kariouzes s'avancent en bandes au-de- 
vai^t des omoules, dont ils forment ravaiit*g0rde , 



(870) 

tandis que hs oiseaux pèchenrs les suivent pour fondfi» 
sur eut et en faire leur pftture. C'est d'ordinaire lorsque 
le temps est sombre et filé à la ploie que le poisson 
se met en route; c'est là un fait tellement cofinu parmi 
les gens du pays, qu'ils- donnent au mauvais temps le 
nom de temps aux omoules ( omoulévala^pogoda ). 

Dès l'instant qu'il a été reconnu à des signes cerlaint 
que les omoules apparaissent en phalanges nom^ 
breuses, un tableau des plus animés se déploie aux 
regards de l'observateur. En un clin d'eeil, les pèebéotis^ 
réunis au quartier général, se dispersent de tous c^s 
pour courir à leurs filets. Le large fleuve se couvre de^ 
batelets agiles, qui se croisent dans tous les sens, el 
vont d'un bras du fleuve à l'autre portef des nouvelles, 
sur la marche que suivent les omoulesi Ceci se pro-^ 
longe pendant le jour; dès que la nuit a paru, bara- 
ques et bateaux allument des lanternes re^'ètoes de^ 
papier de diverses couleurs, qui, vues à distance, 
produisent un coup d'œil agréable. Le charme du ta- 
bleau est encore accru par l'effet de la réflexion de ces 
mille feux dans le miroir du fleuve. L'aetivité du four 
se prolonge encore pendant la nuit : on voit alors se 
former des groupes nombreux, qui se livrent à des 
entretiens animés ; questions et réponses s'y succèdent 
-coup sur coup, et toutes se rapportent au puissant motif 
~d 'intérêt qui tient les esprits en suspens : la pêche !... 
Cependant le jour a paru, et les bateaux se remettent 
en route : les uns transportent des pêcheurs; les au- 
tres, lourdement chargés, portent le produit de la 
pêche au rivage. Ici, le tableau est différent, mais non 
moins pittoresque : on y aperçoit des acheteurs, venus 
d'Irkoutsk, courir à la rencontre ^es pêcheurs qui 
vienaenl de descendre à terre , leur transmettre avec 



( Î71 ) 

folubiKté des offres d*aebat, s'efforçsnt à qui mieux 
mieiiz de parfenir les (iretiiieré auprès des vendeurs 
de poisson : chacun prétend se faire livrer de préf^' 
rence la cargaiscm d'omonles. Plus Jbin , ce sont des 
groupes nombreux de fbmmes et d'enftints occupés è 
laver^ à saler et à serrer le poisson dans des tonneaui* 
Des ventes de diverses marchandises s'opèrent aussi et 
en OBème temps dans le village. Une foule d'acheteurs, 
russes et bourfales, circulent dans les galeries du baser 
et à Tentour des huttes/ transformées en magasips^ 
Beaucoup de gens qui n'avaient pas le sou la veille se 
trouvent en cet instant pourvus d'argent « qui provient 
des ventes de poisson qu'ils ont déjà faites, et ilq en 
profitent pour s'approvisionner, sans retard, des divers 
objets nécessaires à leur ménage. Lé , tous les visages 
expriment l'animation et le contentement ; la rumeur 
est grande, et l'air retentit continuellement de da* 
meurs joyeuses. Un tableau tout différent app^aralt aus 
regards dans les années où la pèche est mauvaise: 
alors plus de joie, de chansons, d'entretiens animés I. .• 
mais l'abattement se peint sur toutes les physiono*- 
mies, le silence règne de toutes parts, et les eaux de 
la Sélenga ne sont plus sillonnées que par quelques 
t*ares bateaux. 

Dans l'intérêt des populations rivei^aines, et- pour 
écarter tout sujet de trouble capable de nuire au succès 
des opérations de la pèche, rautorité locale a 4oin de 
prendre quelque^s toesures de police< C'est ainsi qu'une 
limité file a été pltiôée, sur les deux rives du fleuve, à 
une distance de 10 verstès du village» Kmite au*de)A 
de laquelle la pêche est strictement interdite. Cette 
mesure a été adoptée parce qu'une longue e^lpé- 
riencé*a fait reconnaître qiie pour peu que roneffa* 



( »72 ) 

touche U poissoQ au inogaenl où il auméetUid à ro« 
iBonter le courant» il interrompt sa marche^ a(» Eaisâni 
Tolte-*face » rentre dans le Balkal. C'est ausn dans uti 
iotér6l d'ordre que les pêcheurs présents au village 
sont divisés en trois principales troupes » subdivisera 
chacune en ub nombre plus ou moins grand de bandes, 
dont le chiffre iitleint fréquemment à ceiit. Les filets 
dont on fait usage sont fort longs : 20(k sugèocs est 
une Ibngueur qui n'est point extraordinaire. Avant que 
la pèche ne commence» un inspecteur de la police* ru* 
raie se reûd dan^ le village pour tout oii^aniser et diir 
tribuer aux diverses bandes de pécheurs des permis 
de pèche numérotés, spécifiant le chef de la bander, 
ainsi que le nombre et la dimension des filets. Le nu«^ 
méro premier jouit de l'avantage d'aller s'établir à la 
limite même de l'espace réservé; les autres numéros 
s'écbelopnent successivement à la suite du premier. A 
une époque déjà éloignée; où le poisson donnait plus 
abondamment que de nos jours, chaque station de 
pèche rendait dans la journée jusqu'à cent tonneaux 
d'omoules; mais acluellemeiit vingt tonneaux est le 
maximumt 

Dans l'état actuel des choses, le produit total de la 
pèche s'élève à environ 7,700 tonneaux de poisson 
( pour les diverses pêcheries de la Sélenga ) ; diaque 
tonneau renfermant près de 1,300 poissons, il en ré^ 
suU^, pour les 7,700 tonneaux» un total d^ 10 millions 
d'omoules* Enfin , chaque tonneau valant 60 fr. , pn 
voit que le produit de cette pèche représente une va- 
leur de 100,000 fr. Quoique, comme nous venons de 
le rem.arquer, le nombre des poissons ait diminué , il 
arrive souvent qu'à l'époque du passage du banc d'o* 
moules les bateliers qui traversent le fleuve, en relcr 



( Î7S) 

vani b rame, enlèvent un de oes« poissons» qu'ils lan<> 
cent hors de i*eau« 

Les omoules accomplissent régolièremenl chaque 
année leur royage en amont du fleufe; la pèche serait 
toujours favorable si des circonstances particulières ne 
venaient en troubler le succès. Quelquefois c'est peu- 
dant la nuit qu*a lieu le passage du banc d'omouies» 
qui, par ce moyen, mettent en défaut toute la sagacité 
et l'eipérience des pécheurs. Une crue subite peut être 
cause que les omoules se dispersent et pénètrent à la 
fais chins les divers bras et canaux d'écoulement que 
le fleuve forme près de son embouchure. La profon«- 
deur variable du fond de la rivière , variation que l'on 
ne peut qu'imparfaitement apprécier, est souvent cause 
4|ue le poisson se dirige par un chemin tout è fait hors 
dé ses habitudes , de manière à déranger tous les cal- 
culs des pêcheurs vieillis dans le métier. 

Tout le poisson provenant de la pèche est immédia- 
tement transporté dans le village de Tchertovkaia. Dès 
qu'il y arrive, les femmes s'en emparent pour le laver 
d'abord, après quoi elles le déposent par rangées dans 
des tonneaux, en ayant soin de v«'rser sur chaque 
rangée une quantité suffisante de saumure. Au reste , 
les procédés de la salaison sont encore très imparfaits, 
et sous ce rapport de grands progrès restent à accom- 
plir. 

Une d0s principales causes qui abrègent parfois la 
durée de la conservation du poisson salé dans le pays 
^st particuliive et mérite d'être rapportée. On a ob- 
servé que toutes les fois qoe le désordre s'est mis 
parmi les pêcheurs , et qu'ils se sent précipités bk*U9- 
quement et avec des clameurs dans leurs bateaux pour 
s'en aller jeter le filet, au risque d'eiTarouchéi«lê 



{ 374 ) 

poiHOii » le» omoulf^sonl dMcendus au fiHid de l'eau 
et sont allés chercher une retraite dans les nomlureuses 
cavités que reqferine le lit de ta rivière. Une fois qù^ils 
y sont entriSf ils y demeurent pendant plusieurs jours» 
el ce n'est qu'après ce laps de temps qu'il devient posî- 
sible de les prendre. Mais ce long séjour dans de pa^ 
reilles cavUés» ainsi que l'immobilité où ils sont restés 
SI longtemps, a suffi pour donner Keu au développe-^ 
nieiH de oetftains vers d'une espèce particulière» qui 
.premaent toujours naissance dans la partie inférieure 
des bi?aiiefalies. Ce commencement de corruptioii s'ae*- 
croit rapideiUjBnt après que le poisson a été retiré de 
l'eau, et la salaison ne retarde que pour peu de temps 
une décompositiosi complète. 

L'omoule, après avoir été salé et serré dans des loo- 
iieaux» eet ensuite transporté dans les diverses parties 
de l'immense gouvernement d'Irkoutsk» qui, comme 
OU sait.rjenferme une superficie d'environ 2^,000 milles 
géograpjtûques carrés. Dans les districts les plus éloi«- 
gnés • il. forme la base principale des moyens de aul)* 
sistance dea habitants. Soumis dans des chaudières à 
l'action de la chaleur» ce poisson laisse écouler une 
huile que .l'on emploie i un très grand nombre d'u«- 
sages différais » et dont la vente est l'objet d'un com- 
meree de quelque valeur. Les riverains de la Sélenga 
la mélangent aux couleurs dont ils ont l'habitude de 
décorer les toits de leurs habitations et leurs cloisons 
de clôture. Elle convient » et même est très emqployée » 
pour l'éol^rage. Enfin » les Sibériens me dédaignent 
pas de s'en servir pour l'usage de leur cuisine en ma^ 
AÎère d'assaisonnement 

Les MpéralUons de la pèche que nous vepons de dé«- 
qrire dans le village de Tchertovsluda ont ègalemem 



( S75 ) 

lieu dans plusieurs autres élablissemenls 
le long des bords de la Sélenga, sur le vaste espace qui 
s'étend du côté du sud jusque dans les environs de 
Riakhta. Il est certain que Fomoule remonte ce fleuve 
à une distance qui dépasse 500 verstes, car ce poisson 
pénètre dans la partie de la Sélenga qui traverse le 
territoire chinois. Arrivé au terme d'un aussi long 
voyage» l'omoule dépose son frai : ceci fait, ses forces 
paraissent l'abandonner» et, cédant au courant, il se 
laisse entraîner par lui, dans un état de somnolence , 
jusque dans le Baikal. 

Hais la Sélenga n'est pas le seul des tributaires du 
Baîkal que l'omoule ait l'habitude de remonter; plu- 
sieurs autres rivières qui y débogchent sont dans le 
même cas, et nous citerons parmi elles la haute Angara 
et la Bargoumip. t.es omoules que Ton pèche une 
fois par an dans chacune de ces rivières diffèrent sujffi- 
samment entre eux par la taille pour constituer des 
genres différents, très reconnaissables pour un œil 

exercé. Il n'y a point d'exemple, au dire des pè- 

• 

cheu^s du pays, que le genre qui fréquente les eaux 
de la Sélenga se soit jamais fourvoyé dans celles de 
l'Angara , et vice versa. 



( 876 ) 
EXTRAIT DVN MÉMOIRE 

SUR LA LAZIQUE DE PROCOPE. 

Lu à la Société de fréograpliie dans la séance du 4 juin 1847 
Par M. VIVIEN DE 6A1NT-M4RT1N. 



Les anciens n'avaient pas, comme nous, de 

voyageurs curieux qui missent à profit les rapports» 
devenus plus faciles d'État à État, pour aller étudier, 
dans un intérêt purement scientifique, les peuples et 
les pays étrangers. Chez eux, sauf un bien petit nombre 
d'exceptions, les recherches et les observations géograf- 
phiques furent toujours le résultat, soit des relations 
amenées par le commerce, soit, et bien plus fréquent- 
ment , des nécessités et des occurrences de la guerre. 
Pour les contrées du Caucase , si les plus anciennes 
notions qu'en eurent les Grecs leur avaient* été don- 
nées par leurs établissements commerciaux du fond 
du Pont-Enxin , ce fut ensuite exclusivement aux ex- 
péditions militaires des Romains en Arménie et dans 
ribérie que l'Occident dut les connaissances bien au» 
trement étendues et circonstanciées qui se trouvent 
dans les géographes de l'époque des Césars. 

Ces connaissances, rien ne vient les accroître durant 
les quatre ou cinq siècles qui suivirent l'époque des 
Ptolémée, des Pline et des Strabon. 

En 387 eut lieu le premier partage de l'Ar- 
ménie entre l'empereur grec et le roi de Perse, par- 
tage qui fut suivi bientôt après, en &28, de la ruine 
totale de la dynastie arsacide. Ce second partage de 



( 377 ) 

428, qui consoiuuia ranéantissemcnt de la nationalité 
politique de TArroénie , loin de mettre un terme aux 
guerres dont ce malheureux pays était depuis long- 
temps le sujet et le théâtre entre les deux puissances 
usurpatrices, ne fît que leur donner un nouvel aliment. 
Le champ de la lutte se porta tour à tour sur plusieurs 
points du territoire. Au vi* siècle, il était passé des 
provinces du haut Araxe sur les bords du Phase, au 
cœur même de Tanciennc Golchide, que la géographie 
byzantine désigne sous le nom de Lazique, 

L'histoire de cette guerre nous a valu sur ces pro- 
vinces maritimes du fond de TEuxin, jusque là fort 
imparfaitement décrite dans les anciens auteurs, de 
Viches et nombreux détails. C'est surtout à Pwcope de 
Césarée que nous les devons (1). 

Gomme Strabon et Arrien, mais d'une manière 

encore plus explicite et plus circonstanciée, Procope 
mentionne à l'orient de Trébizonde, dans l'intervalle 
de cette ville au Phase, un peuple désigné sous le nom 
de Tzaniy TÇolvot. Ces Tzani habitaient alors non plus 
les vallées qui débouchent à la mer, quoique plus an- 
ciennement ils se fussent étendus le long de la côte (2) , 
mais bien le pays intérieur que des montagnes boisées 



(t) Procope écrivait au mîlien du vi* siècle, vers l'année 55o. 11 ne 
parait pas qu*il eût vu les pays voisins du haut Euphrate et du Cau- 
case; mais sa position officielle à la cour de Justinien l'avait mis à 
même de consulter les rapports des gfénéraux, ainsi que les autres 
documents officiels , et son esprit investigateur en sut tirer de pré- 
cieuses notions. Aussi ses écrits sont-ils les plus précieux sans con- 
tredit, et aussi les plus instructifs, que nous ait lé{]^ués la période du 
Bas- Empire antérieurement à Constantin Porphyrogénète. 

(?) Dans Arrien, la Tzanique est séparée du territoire de Trcbi- 
xonde par XOphis^ un des ruisseaux qui débouchent à la r6te. 
VIII. NOVEMBRE KT PéCEUBRE. 9. 25 



( a78) 

6t d^affreux précipices séparent du littoral (1). Cette 
indication nous conduit nécessaireiuent dans les par* 
lies supérieures du bassin de Tchorokb, Ces montagnes 
presque impraticables où demeuraient les Tzani, Pro* 
cope les nomme Montagnes de la Tzanique^ T^ovtx^ç opu; 
ce sont les Moschici montes de la plupart des géographes 
antérieurs. C'est là que commençait, pour s'étendre 
vers l'orient, la partie de l'Arménie alors soumise aux 
Romains* Il faut remarquer que la géographie géor-^ 
gienne de ces contrées, dont la population originaire 
est de sang géorgien, connaît encore dans la position 
de la Tzanique de Procope , entre la haute vallée du 
Tcborokh et la côte, un canton de Tchanethi (pays de 
Tchan)^ où se conserve exactement l'ancien nom des 
Sanni, de même que les Tzanicœ montes sont repré- 
sentés par une chaîne qui garde le nom de montagnes 
du Tchanethi (2); et, d'un autre côté, la dénomination 

(i) Procop., Bell, Goth., lib. iv, c. i. Il faut comparer un pnssage 
d'Agathias , Df Imperio et rébus gestis Justiniani^ lib. v, initio. Aga- 
thiai, qui a continué les histoires de Procope, vivait peu de temps 
•près ce dernier, vers la fin du vi* siècle. Il est bon aussi de rappro- 
eber de cet notions fournies par les deux auteurs byzantins celles que 
donne Arrien au commencement du ii* siècle. 

(a) C'est dans la précieuse Description de la Géorgie du prince 
Whakhoucht, traduite en français par M. Brosset, et imprimée en 
|84a è Saint-Pétersbourg (p. 139), que nous trouvons cette syno- 
nymie ignorée des voyageurs. Déjà cependant la carte générale des 
pays Caucasiens construite en 1738 à Saint-Pétersbourg par Delille, 
uniquement d'après des mémoires et des documents géorgiens, dit le 
titre de la carte, et, nous ajouterons, sans nul doute d'après los mafé- 
riaux mêmes que vient de publier M. Brosset ( voir la Préface de ce 
dernier, p. ij et suiv.), cette ^arte, disons-nous, marquait le pays de 
Tchanethi, qui y est écrit Ischanétit dan^ la même situation a l'orient 
de Tr^bixonde ; et cette indication avait été reproduite par d'Anville 
sur .ses cirteii 



( 379 ) 

de Djanik^ qui n*esi qu'une autre forme du inèine 
ethnique , s'est propagée parmi Jes Turks du nord de 
de TAsie-Mineure, qui seulement l'ont étendue beau- 
coup plus loin vers l'ouest le long de la côte» jusqu'iius^ 
environs de Samsoun (1). 

L'historien, dans un autre de ses ouvrages (2), donne 
sur les Tzanes des détails assez étendus. Ipdépen*- 
dants de toute antiquité , et n'étant pas même soumis 
à un roi • ils vivaient à la manière des bêtes sauvagen. 
Ils ne rendaient de culte qu'aux arbres, aux oiseaux 
et aux choses de la nature. C'est ce que Ton rapporte^ 
méixxQ de nos jours, de beaucoup de tribus confinée^ 
dans les hautes vallées caucasiennes. Ne quittant pas 
leurs montagnes couvertes d'épaisses forêts, complè- 
tement étrangers à la culture de la terre, et sans com- 
merce avec leurs voisins, ils ne subsistaient que de vols 
et de brigandages. Entourés de neiges perpétuelles et 
d'éternels frimas, vivant sous la rude étreinte d'un cli- 
mat sans étés, et foulant un sol pierreux dont le soleil 
ne venait jamais amollir la surface désolée, leurs col* 
Unes mêmes étaient sans verdure et leurs arbres san^ 
fruits. Ils avaient cependant parfois reconnu l'autorité 
romaine; mais c'était une obéissance toujours pré- 
caire. Cependant, sous le règne de Justinien, c'esM*- 
dire du temps même de Procope (3J, on parvint à les 
dompter d'une manière plus durable en abattant une 
partie des forêts qui leur servaient de repaires, en per- 
çant des routes à travers leur pays, et en construisant 
ou en réparant un certain nombre de châteaux dans 

(i) Voyez notre Description de V Asie -Mineure moderne, i846, 
p. 449. 

(a) De jEdificiis, lib. m, c. 6; Jdd, Bell. Pers., i, i5. 
(3) En Tannée 5a8. 



( 380 ) 

les situations principales (1). Procope en nomme sept, 
dont il indique les positions relatives; mais, dans Fétat 
actuel de nos connaissances topographiques sur ces 
▼allées sauvages, on essaierait vainement d'assigner à 
ces positions sur la carte moderne un emplacement 
précis et des synonymies. Dans le même temps, le 
christianisme fut porté chez les Tzanes , nouveau 
moyen d* adoucir leurs mœurs farouches et de les 
maintenir dans la soumission. 

Au fond de la vallée alpestre et boisée que les mon* 
tagnes des Tzanes séparent du pays littoral coule un 
fleuve rapide auquel les indigènes donnent le nom de 
Boas; près de la mer, ce fleuve change de nom, et 
c'est sous la dénomination nouvelle à^Acampsis qu'il 
débouche dans l'Euxin, — dénomination, dit Procope, 
qu'il doit à l'absence de sinuosités (axajui^cç) de son 
cours inférieur. Cet Acampsis ne difl'ère pas de VAb- 
snros des anciens auteurs, et Arrien nous montre 
une place de ce dernier nom & quinze stades de son 
embouchure, c'est-à-dire à un peu plus d'une demi- 
lieue de nos mesures actuelles. C'est le Tchorokh ou 
rivière de Sber de la géographie géorgienne ; le nom 
même de Sber, dont les Turks ont fait Spir^ se recon- 
naît sans peine dans celui d'Absar-os, qui ne difi'ére 
de la dénomination indigène que par une simple trans- 
position de lettre ( pour Asbar-os). Quant au terme 
de BoaSy ce n'est autre chose que l'appellation com- 
mune de Phase f dérivée d^un mot (Jis) qui signifie 
rivière, et qui s'est originairement appliquée non seu- 
lement au fleuve célèbre de la Golcbide , mais aussi à 
l'Araxe supérieur et à d'autres rivières de cette région. 

(i) Procop.^ Veli, Pers.^ ii i5; De ACHific.^ iir, (> 



( »«1 ) 

La domination directe des Romains sur le pays lit* 
toral, à Test de Trébizonde, ne s'étendait guère que 
jusqu'à Rhizœum (le Rizéh de nos cartes modernes). 
Non loin de là commençait le territoire d'une popu- 
lation libre comprise entre les Romains et les Lazes; 
c'est dans cet intervalle que l'on trouvait les villes 
à*Athenœ^ à^Arkhabis^ d*Absaros, et plusieurs autres 
lieux notés par les anciens périples (1). On y men- 
tionne notamment une place de T/ieodorias, dont la 
position est inconnue (2). 

La frontière de ce que du temps de Procope on 
nommait spécialement la Lazique ne commençait 
qu'au-delà de l'Acampsis. L'bistorien insiste expres- 
sément sur la distinction des Tzanes et des Lazes, que 
d'autres auteurs avaient confondus (3); ce dernier 
peuple occupait la contrée que les anciens avaient 
nommée la Colchide. 

Le Phase traversait la Lazique ; mais le pays situé à 
la gauche ou au sud de ce fleuve n'était guère qu'une 
vaste solitude où ne s'élevait aucune place notable , à 
l'exception de Petra, ville fortifiée que l'empereur Jus* 
tinien , peu de temps avant l'époque où Procope écri- 
vait, y avait bâtie au bord même de la mer, sur Tem** 
placement d'une bourgade auparavant insignifiante. 
Des rochers escarpés, qui, du côté de la terre, n'y 
laissaient accès que par une gorge étroite, lui avaient 
valu son nom (A). Petra existait encore au x* siècle, et 

(i) Procop,, Bell. Goth., lib. iv, c. 2; Beil, Pers,, 11, ag. 
(a) Agathias, lib. v, p. 144) ^^' Heg. 

(3) Procop., Beli, Goth,, iv, i. 

(4) Id., c. a et i3; Bell. Pen, , 11, 17 et 39; De JEiltfic., 
III, 7. 



( S82 ) 

peul'èire même deux ou trois siècles plus tard, car 
elle est mentionnée dans une liste des sièges épisco- 
paux de l'eaipire grec , communément imprimée à la 
suite des tetivres de Constantin Porpbyrogétiète (1). 
Un foyageur técent croyait en avoir retrouvé le site 
dans des ruines situées entre Osourghéti et la mer» 
dans le Gouria méridional (2); mais les quatre lieuea 
d'intervalle qui séparent ces ruines de la côte sont 
absolument contraires à cette supposition. Un examen 
plus attentif qu'on ne l'a fait jusqu'à présent de la 
partie du littoral comprise entre Batoum et Poti per- 
mettra peut*être sinon de retrouver les restes mêmes 
de la ville, du moins d'en reconnaître l'emplacement 
•i clairement décrit par l'auteur grec (S). 

C'était au nord du Phase, c'est à-dire dans le paye 
que les anciens Grecs avaient autrefois proprement 
désigné sous le nom de Colchide, que se trouvaient 
toutes les villes de la Lazique. Àrehœopolis^ Àp^^atoiroXcç, 
y occupait alors le premier rang par la grandeur et 
Timportance. Son nom grec, qui signifie la viêiUê vilh, 
indique lancienneté de sa fondation ; mais Procope , 
ni aucun autre ancien, ne nous apprend quel nom 
antérieur elle avait pu porter. M. Dubois, qui a exploré 
le pays en archéologue autant qu'en naturaliste, a ei^ii 
pouvoir, sur des raisons qui paraissent fondées, l'iden* 

{i) De CerimonB Aui, B/xant.t edit. Reg., p. 4^^. 

(2 Dubois de Muntpéreaz, Voyage autour du Caucase^ t. II, p. io4; 
ett. III, p. 87. 

(3) Le doctear Karl Koch, dans son premier voyage au Caucase 
( Heiie nach dem kaukasiscken Isthmus, 1. 1, p. 227 ), avait déjà relevé 
la singulière erreur de M. Dubois; mais M. Koch lui-même se trompe 
et) avançant que Petra n*était qu*nn château fort et non pas une ville. 
Procope {De JSdif.) dit formellement le contraire. 



( SSS ) 

tifier STec le site moderne de Aakntakèt'i. Il v croil r*" 
coonaitre aussi, mais sur des raisons peu solides» Tan* 
tique ^£at doni la silualion ii*esi que très confusément 
indiquée par les textes anciens (1), KoutaifsioH^ autre 
ville que les Grecs des temps antérieurs nommaient 
Kotiaion (Cotiœum dans la transcription latine)» et les 
plus anciens poëies Kutaïa^ ne le cédait pas en anti* 
quité à i£a ; comme celle*ci» elle se rattachait aux plus 
vieilles traditions poétiques de l'expédition des Argo- 
nautes. Ni son nom ni sa position ne sont changés ; 
Kouthathis^ sur la gauche du Rioni, est encore la capi* 
taie de l'iméréthi; et c'est par un adoucissement de 
prononciation tout è fait analogue à celui des Greci 
que nos cartes européennes écrivent Coûtais^ 

Après ces deux cités célèbres, les principales du 
pays étaient Rhodopolis et Mokhorèsis. Rhodopolis (1a 
ville des roses) est évidemment la traduction grecque 
d'un nom indigène* Plusieurs lieux de l'iméréthi por* 
tent en effet des noms où le terme géorgien vard 
(rose) entre comme élément de composition, La plui 
notable de ces localités est Var-tsiLbé ( la citadelle dei 
roses), que M. Dubois identifie avec la Rhodopolii de 
Procope (2) . Mais ce rapprochement est évidemment 
impossible, car Rhodopolis , comme toutes les autrei 
villes de la Lazique, était au nord du Phase, et lea 

(i) Procop., BelL Goîk., iv^ i3 et i4; Bêtl. Pen., tU *9\ Dnhûi$ 
de Monipéreax, Foyage autour du Cauâaie, t. 111, p. 5l et «ulv* 
G)mp. Wackhoncbt, Detcript. delà Géorgie f p* 397. Nouf écrironf 
Nakalakévi avec Tanteur géor^vien, et non Nakolakévi avee le voya* 
geur. 

(3) Dobow de Montp^renx, voyage cité, t, II, p, 2%o. Cooip, BroNtt, 
daos le Bulletin teientifigue de VAead, de SainUPéteréourg, t. T| , 
eol. i56. 



( 38/i ) 

ruines de \ar-lsikhé sont à la gauclie, ou au sud du 
(Icuvc. De plus, Var-tsiklié est au sommet d'une hau- 
teur, et Rliodopolis élait située dans la plaine. 11 faut 
donc en chercher le site sur un autre point. La con- 
jecture du docteur Koch , qui le placerait à Tzikhé- 
Darbazi , entre Koutliaîs et Var-tsikhé » n'est pas sans 
quelque probabilité (1); mais ce n'est qu*une simple 
conjecture qui ne s'appuie sur aucun fait direct. 

Mokorêsis ou Moukheïrêsis donnait son nom à un 
canton particulier, le plus fertile et le mieux peuplé 
de toute la Lazique (2). C'est ce que l'on peut dire 
aujourd'hui encore du district de Faké (3), qui s'étend 
à l'ouest de Kothathis jusqu'au Tkhénis-tsqàli, dans la 
position même que plusieurs indications assignent au 
territoire de Moukheirêsis. Ce dernier nom, sous ses 
formes géorgiennes de Mtsqéris , Mtqouris , Mou- 
khar» etc., qui toutes font allusion à des plantations de 
chênes , est fréquent dans le Kartvéli et dans l'Imé- 
réthi. II y a encore aujourd'hui une ville de Moukhaour 
à environ huit de nos lieues communes dans l'est de 
Kothathis; mais la situation delà Moukheïrêsis de Vvo- 
cope, à une journée seulement d'Archéopolis, dans la 
plaine fertile qu'arrose le Rioni, ne permet pas de se 
porter si loin vers la frontière orientale de la province. 
Une place du nom de Moukhour^ que nous trouvons 
indiquée sur la droite du Rioni, un peu au-dessous 
du confluent de Tékhouri et à 7 ou 8 lieues de Naka- 
lakévi, nous parait répondre complètement, indépen* 
damment de l'identité des noms, à toutes les conditions 

(i) Reise nach dem kaukasisckem Istlimus, 1. 1, p. i83. 
(a) Procop., Bitll. Goth,, iv, i^;SelL Pers.^ ii, 39. Gomp. Agatbias, 
lib. Il, p. 56, édit. de Paris. 

(3) Dubois de Munipéreux, t. III, p. 137. 



données par les huiicalionsde Procope cl d*Agalliias (i) 
pour rcmplacemenl de Moukkeïrésis. Nous ne pouvons 
donc souscrire au sentiment de M. Dubois de Montpé- 
reux, qui a cru retrouver Moukheirêsis dans un site 
beaucoup plus rapproché de Kothaihis» et où il y a de 
belles ruines connues dans le pays sous le double nom 
de T zikhé-Darhazi et do Tamara^tzikhé (2). Nous re- 
connaîtrions plus volontiers dans ce site de Darbazi» 
nous l'avons déjà dit, l'emplacement de Rhodopolis. 

On mentionne encore d'autres places fortes dans 
l'intérieur de la Lazique. Les plus fréquemment citées» 
parce que leur position leur assignait un rôle éminent 
dans l'histoire des guerres locales» sont Skamla et Sa- 
râpants (3). Toutes deux existent encore sous les noms 
identiques de Skanda et de Chorapani^ la première dans 
l'intérieur des terres» la seconde sur les bords mêmes 
de la branche méridionale du Phase» que les Géorgiens 
distinguent par le nom de Çvlrila. Une autre forteresse» 
citée sous le nom à'Onougouris par un auteur contem- 
porain de Procope (&)» était au voisinage d'Archaeo* 
polis; la situation de ce lieu» que l'on supposait avoir 
pu être fondé par les Lazes en mémoire de quelque 
victoire anciennement remportée sur les Huns Ono- 
goifres, et qui était plus communément désigné sous 
le nom à* Agios Stephanos depuis qu'une église y avait 
été érigée sous l'invocation de saint btienne» cette si* 
tuation n'est pas spécifiée d'une manière plus précise. 
M. Dubois de Montpéreux » l'habile explorateur de la 
Géorgie» a cru pouvoir identifier Onougouris avec la 

(i) Àgathias, lib. m, p. 78. 

(a) Dubois de Montpéreux, t. H, p. 112 et 200. 

(3) Proc, BelL Goth,^ iv, i3. 

(4) Agathias, lib. m, p. 77, eil. Hcj». Comp. lib. 11, p 60. 



( S86 ) 

ville actuelle de Khoni^ située à quelques lieues vers 
Test de Nakalakévi, et dont Téglise principale est dédiée 
à saint Etienne, l'apôtre des Lazes. Mais le nom à^Ou*» 
naghira que porte encore dans le pays une chaîne de 
hauteurs qui couvre Nakalakévi à l'ouest, et qui formé 
de ce côté la ceinture extrême de l'Iméréthi (1), nous 
disposerait à croire que c'est là qu'il faut chercher le 
site d'une place forte destinée probablement à défendre 
les approches du pays. Ajoutons que, d*apràs une in-^ 
dication d'Agathias (2), Onougouris se tiH>uvait prés 
d'une rivière que l'historien nomme Katharis, Ce nom 
ne se rencontre dans aucun autre auteur. Si Ton veut 
bien y admettre une transposition de syllabes» ce que 
tant d'exemples autorisent dans la nomenclature géo- 
graphique des anciens auteurs , le mot Thakaris , ou 
plutôt Takharis^ reproduira presque sans altération le 
nom de la Tékhouri, qui passe en effet à Nakalakévi, et 
baigne la base des hauteurs d'Ounaghira. 

Toutes les indications que fournissent les écrits de 
Procope sur la géographie du pays des Lazes témoi* 
gnent d'une connaissance très circonstanciée et géné- 
ralement exacte de cette région, ce qui ne doit pas 
nous surprendre, puisque, selon toute apparence, les 
notions de l'historien étaient principalement tirées des 
rapports militaires adressés à l'empereur Justinien. 
Procope , de même que Strabon , applique le nom de 
Phase au plus méridional des deux grands bras supé* 
rieurs du fleuve (3) , à celui que les Géorgiens nom- 
ment Qifirilaf et qui n'est pour eux qu'un affluent du 
Rioni, Ce dernier, qui vient du massif même du Gau- 

(i) Wakhoucht, Descript, de la Géorgie, p. 397. 

(3) Lib. m, p. 80. 

(3) Procop., Bell. Goth., iv, a. 



(887) 

case» et qui passe à Kothathis avant de recevoir la 
Qvirila, est en effet de beaucoup le plus considérable 
des deux. Procope le connaît sous son nom indigène» 
qu'il écrit Rheôn, Viw (1). Il fait naître le Phase dans 
les montagnes qui confinent au fertile district des 
Meskhi, c'est«à-dire à la haute vallée du Koûr (2), 
ajoutant que, jusqu'aux gorges étroites que la rivière 
franchit pour pénétrer de l'Ibérie dans la Lazique (3), 
elle porte chez les indigènes le nom de Boas» et que 
c'est seulement à la sortie de ces gorges étroites qu'en 
devenant navigable elle prend le nom de Phasis, qu'elle 
garde jusqu'à la mer (A). Le Rheôn ou Rioni serait 
ainsi regardé comme la branche afiluente , tandis que 
chez les Géorgiens c'est le contraire qui a lieu. Nous 
savons d'ailleurs que le mot Boas n'est qu'une des 
formes indigènes du terme appellatif Phase ^ dont la 
signification primitive n'est autre que celle de fleuve 
ou de rivière. Procope ne mentionne nulle part l'an- 
tique cité de Phasis qui existait à l'embouchure même 
du fleuve; mais elle est citée dans Agathias» son con* 
temporain et son continuateur (5). 

Les parties hautes de la Lazique, du côté du nord, 

(i) Procop., Bell. Goth,, iv, 14. 

(a) Dans un autre endroit (BeU, Pers,, lib. 11, c. 29), Thistorien, 
moins exact, fait naître le Boas dans les montagnes qui dominent la 
Tzanique, c'est-à-dire vers les confins septentrionaux du canton actuel 
d'Adjara, qui appartient à la vallëe inférieure du Tchorokh. Il y aura 
eu dans ces indications contradictoires quelque cause d'erreur prove- 
nant de la confusion de noms semblables appliqués à des cours d'eau 
différents. La même inexactitude se rencontre dans des géographes 
antérieurs, où peut-être Procope l'aura puisée. 

(3) Bell, Fers., lib. 11, c. 29. 

(4) Gémp. Strab., lib. xi, p. 5oo, Gasaub. 

(5) Agathias, lib. m, p. 96, édit. Paris. 



( S88 ) 

étaient principalement occupées par le pays, des 
Skumni et des Soimni, Zx^ifnia et Douavia» Tun et l'autre 
tributaires des rois lazes» quoique gouvernés par des 
chefs particuliers (1 ). Acluelleineot encore» Letchkhoumi 
et Souanéthi sont deux grands pays du nord de rimé- 
réthi. Ptoléniée (2), et longtemps avant lui le géo- 
graphe Eudoxe (8) y avaient mentionné sur le versant 
nord du Caucase un peuple Skumnite (Zxupccrai ou 
Srjpcaiotc), qui parait avoir été une tribu gétique, et 
qui peut-être s'était fixé» dans les premiers siècles de 
notre ère, au sein des vallées méridionales où Procope 
nous montre les Skumni. Dans un autre passage de ses 
hbtoires (i)» Procope cite un peuple Souniti, ^ùwvtrot, 
qu'il dit être voisin des Alains, c'est-à-dire des parties 
centrales de la haute chaîne caucasienne. Il semble» 
comme l'a conjecturé M. Saint-Martin (6), que ces 
Sounites ne doivent pas être distingués des Souanes. 
Peut-être le mot grec n'est- il en effet qu'une trans- 
cription vicieuse du géorgien Souanéthi, qui signifie 
pays des Souanes. 

Dans l'énumération géographique qui se trouve au 
commencement de la Chronique Paschale » les noms 
de SaUi (pour Sanni) et de Sanitœ, sont mentionnés 



(i) Procop., BelL Goth., iv, a» Il y a de nombreux et curieux dé- 
tails sur les Souanes et leur pays, dans les fragments qui nous sont 
parvenus de l'Histoire de Menander, Excerpta de Legatiombus^ p. i38 
et suiv. Sur Menander et son ouvrage, voyez la page suiv., note 4. 

(2) Geograph»^ lib. v, p. 9. 

(3) Dans Etienne de Byzance , au mot ZnwfAtia^ac* Eudoxe vivait 
dans le 11* siècle avant notre ère, vers Tan i3o. 

{JDBelL Pen,, i, x5. 

(5) Notes sur V Histoire du Bas-Empire de Lebeau , t. VIII, f, iSg; 
1827. 



( S89 ) 

comme synonymes (1). On trouve de même fréquem- 
ment, dans les derniers auteurs de la période byzan- 
tine, Tzannidœ pour Tzànni (2). 

Agathias, dont il ne faut pas séparer les notions de 
celles de Procope, parce qu'elles se rapportent au 
même temps, et que sans doute elles dérivent en partie 
des mêmes sources, Agathias mentionne fréquem- 
ment (8) la tribu montagnarde des Misimiani (Mc<yi- 
^covoc ), dont les vallées confinaient vers l'ouest a celles 
des Souanes. Les Misimiani, sous le nom légèrement 
modifié de Mindimiani^ figurent dans le curieux récit 
de l'ambassade envoyée en 567 par Justin, successeur 
de Justinien, au grand kakhan des Turks de TAltaî (A). 
Ils étaient, comme les Souanes, soumis aux rois lazes; 
mais ils parlaient une langue particulière. Cette cir«* 
constance parait indiquer une origine étrangère au 
Caucase, car on sait que la langue des Souanes n'est 

(i) Chronic. Pasch,^ p. 34; comp. les variantes de ce passage, i6t</., 
p. 496, édit. Paris. Cette chronique anonyme, éditée dans le Corps 
des écrivains byzantins, est du iv* siècle. 

(tt) Voyez notamment Chalcocondylas, p. 34, etc. Le texte a par 
corruption TÇai^yt^ai, au lieu de TÇavvi^at. 

(3) Particulièrement au livre m, p. 91, de l'édition du Louvre. Le 
pays des Misimiani était entre le nord et le levant de celui des Apsi- 
liens, dont nous verrons bientôt la situation. 

(4) Dans Menander, Excerptade Légation. , p. 109. Menander, qui 
vivait sous l'empereur Maurice, à la fin du vi* siècle et au commence- 
ment du vil*, avait écrit une Histoire en huit livres commençant à la 
trente-troisième année de Justinien, où se termine la chronique d*A- 
gathias, et s'ctendant jusqu'à la quatrième année de Tibère, c*est-à* 
dire de l'an 56o à Tan 58i de J.-C. Il ne nous reste de cette histoire 
que quelques extraits imprimés dans la Collection Byzantine parmi 
les Exctrpta de Legationibus, où se trouvent d'importants détails, tant 
historiques que géographiques, fur les peuples et les pays d'au-delà 
Ȕii Csurase. 



( 390 ) 

qu'un rameau du tronc géorgien. Des différentes places, 
ou plutôt, probablement y des différents villages que 
possédaient les MUimiani, le plus fort était Tzakar^ 
surnommé le Cbâteau de Fer (1). Quoique ni Strabon 
ni Ptolémée n'aient mentionné ce peuple, il nou4 pa- 
rait impossible de ne pas le reconnaître dans les Mes- 
simiani, que Pline (2) compte au nombre des tribus 
sarmates, à côté des Zighes et les Dandares, que Top 
sait avoir occupé une partie au moins du bassin du 
Kouban. Il en résuUe qu'au i*' siècle de notre ère les 
Misimiani demeuraient encore au revers septentrional 
du Caucase, ce qui s'accorde bien avec ce que nous 
avons remarqué de la différence de leur idiome par 
rapport à celui des peuples lazes. 

Quant à ce dernier peuple, qui joue un si grand rôle 
dans l'histoire du Caucase occidental à partir des 
V* et VI* siècles, on voudrait pouvoir remonter avec 
certitude à son berceau et le suivre dans les phases 
diverses de son développement. Quelle est son origine? 
d'où vient son nom? Ce nom de Lazes, qu'aucun an- 
cien écrivain grec n'a mentionné , et qui durant les 
quatre premiers siècles de Tère chrétienne se montre 
seulement çà et là dans les auteurs, en quelque sorte 
accidentellement, sans que rien le distingue des autres 
tribus barbares de cette partie de la côte pontique, 
sans que rien non plus fasse pressentir la place émi- 
nente qu'il va y occuper bientôt, pourquoi surgit-il 
tout à coup sur la scène historique parmi les noms 
principaux de l'ethnographie caucasienne, et domine- 
t-il dès lors exclusivement sur ces belles contrées du 



(i) Agathias, Ub. iv, p. ia4. 

(a) Hislor. natun^ lib. vi, c. 7, Harcl. 



( 3Ô1) 
Phase antérieurement désignées sous le nom de €ol- 
chide? Ce pays même, siège de leur puissance poli- 
tique, les Lazes Tont-ils occupé de tout temps, ou n'y 
sont-ils ?enus qu'à une époque comparativement ré- 
cente? 

Sur toutes ces questions, l'histoire ne donne que des 
renseignements tout à fail incomplets et insuffisants, là 
même où elle ne garde pas un silence absolu. 

On voit seulement qu'à l'époque des guerres des 
Romains contre Mithridate et de l'expédition de Pompée 
dans le Caucase, les Lazes, alors nommés pour la pre- 
mière fois , n'avaient aucune importance politique. U 
ne parait pas que cette importance se fût beaucoup 
accrue lorsque, deux siècles plus tard, sous les règnes 
de Trajan et d'Adrien, ils recevaient leurs chefs de la 
main des empereurs, de même que les autres popu- 
lations barbares riveraines du fond de l'Euxin, telles 
que les Absiles, les Abasges et les Sanighes; c'est seu- 
lement à l'époque où les démêlés entre les Romains et 
les Perses eurent pour théâtre les provinces de l'Araxe 
et du Phase, que le nom des Lazes, grandi tout à coup 
par une suite de circonstances inconnues, acquiert 
dans cette dernière région une prééminence qu'il de- 
vait conserver longtemps. Les traditions historiques 
des Géorgiens, que l'on est porté naturellement à in- 
terroger sur les origines d'un peuple dont la domina- 
tion eut pour siège une province géorgienne, sont en- 
core moins satisfaisantes , s'il est possible , que les 
auteurs de l'Occident. Le nom même des Lazes ne s'y 
rencontre que très tard et sans aucun des détails dont 
nous voudrions le voir accompagné. Il est vrai que dans 
ce que l'on a publié jusqu'à présent des annales géor- 
giennes il existe une grande lacune pour les premiers 



( J92 ) 

siècles de notre ère ; mais toujours est-il que rien dans 
les traditions plus anciennes ne se rapporte au peuple 
qui nous occupe. Le nom à^EgroSy ou de Mingrélie, est 
le seul que de tout temps les populations centrales du 
KartTel paraissent avoir appliqué à la province mari- 
time que les Grecs des temps antiques désignèrent sous 
le nom de Golchide. Les chroniqueurs byzantins, Pro- 
cope comme les autres, s'accordent tous à dire que les 
Lazes sont le même peuple que les anciens Kolkhes, 
et qu'il n'y a entre eux de changé que le nom. Ceci 
est vrai dans le sens de l'habitation géographique, mais 
n'explique pas le fait dont précisément nous voudrions 
nous rendre compte, l'apparition dans ces localités 
d'un ethnique auparavant inconnu. 

Cette explication , nous avons cru la trouver dans 
quelques rapprochements fort simples. 

A l'autre extrémité de l'isthme caucasien, séparé du 
bassin de la Golchide par la vallée du Koûr, il existe 
un peuple qui dans tous les temps s'est fait redouter 
par ses courses déprédatrices sur les terres voisines (1) , 
t et en particulier dans toute la Géorgie jusqu'aux mon- 
tagnes qui la limitent à l'occident : ce sont lesLesghi. 

G'est dans les Lesghi que nous croyons retrouver la 
souche du peuple laze. 

Peu de mots nous suffiront pour exposer les motifs, 
selon nous déterminants, qui justifient cette identifi- 
cation. 

Et d'abord nous ferons remarquer que ce n'est pas 
seulement pour des incursions passagères que les 
Lesghi descendent de leurs vallées; il leur est souvent 

(i) Voyez ce que Strabon dît fies Alhaniers, fini sont nos Lps^Ïii, 
liîj. ir, p. 5^3, relit. Cii?aiïî». 



: 393 ) 

arrivé de former loin de chez eux des établissements à 
demeure» constatés par des témoignages contempo- 
rains. Toutes les races montagnardes se ressemblent 
d'ailleurs à cet égard. Soit par le défaut de moyens de 
subsistance réguliers et assurés, soit par suite d'un trop 
grand accroissement de population ou par toute autre 
cause accidentelle, on retrouve presque partout chez 
les montagnards des habitudes d'émigrations périodi- 
ques; et ces émigrations, ordinairement temporaires, 
se changent parfois en véritables colonies. C'est ainsi, 
que, sans sortir de la région où nous conduit Procope, 
nous trouvons des tribus de Souanes (les Sannt ou 
Tzanni) établies sur la côte Pontiquê jusqu'à Trébi- 
zonde, fort loin de leurs vallées natales, situées au- 
dessus de la Mingrélie et de Tlméréthi; que nous 
voyons des tribus abazes envahir à diverses époques 
plusieurs parties de la Mingrélie, et descendre très 
probablement beaucoup plus bas encore le iong de la 
côte (les Makrons)i que même une tribu qui habite 
aujourd'hui près des bouches du Kouban, les Chap- 
sough, se trouve, aux premiers siècles de notre ère, 
sous le nom grécisé d'Jpsiles, vers les bouches du 
Phase. 

11 en a été de même des Lesghi. Encore aujourd'hui 
il y en a d'établis à demeure dans la haute vallée du 
Koûr, entre Gori et Akhallzikhé, d'où ils infestent lo 
pays environnant. Klaproth, au mois d'avril 1808, ac- 
compagna une expédition militaire dirigée contre ces 
Lesghi du Trialéthi (1). Macdonald Kinneir en a ren- 
contré jusque dans la vallée du Mourad'lchaî, sur le 

(i ) Voyaife au Caucase^ t. H, p. 8i et siiiv, ot pa^f^^^ '-> ^^^'"t ^^^* 
VIII. NOVEMBRE ET DéCElIBRE. 10. 26 



( 394 ) 

bord occidental du lac de Vân, où un corps d'entre 
eux était entré dans la garde du pacha de Moûch (1). 
Nous pourrions multiplier ces exemples. 

Il reste donc avéré que le fait du passage et de Téta* 
blissement d'un corps de Lesghi dans le bassin du 
Phase, au revers occidental des montagnes qui sont 
encore aujourd'hui, ou qui étaient du moins, il y a 
peu d'années , le terme habituel de leurs courses en 
Géorgie, il reste avéré, disons-nous, que ce fait n'a 
par lui-même rien d'improbable. 

Nous ajoutons que d'autres indices paraissent en 
donner une confirmation directe. 

D'abord le nom. 

Celui de Lesghi, que nous donnons aux peuples 
montagnards du Daghestan, n'est en réalité qu'une 
altération purement européenne de la forme indigène, 
— nous pourrions dire de la forme géorgienne, car le 
nom, quoique connu et accepté des montagnards eux- 
mêmes, parait être géorgien d'origine. Or les Géor- 
giens disent Lek^ et plus communément Leks, C'est 
sous cette forme de Leks que le nom est écrit dans les 
Mémoires du prince royal Davith, publiés par M. Bros- 
set (2); le prince Wakhoucht (3), dans sa Description 
de la Géorgicy traduite en français et publiée par le 
même savant, écrit Lécethi^ pays des Lèces ou Leks (A). 

( I ) Jjoumey through Ana Minory Armenia, etc., p. 3jg et 388. 
(s) Dans ses Mémoires relatifs à rhistoire des pays géorgiens, Paris, 
i833,in-8». 

(3) Ondoit prononcer, et la traducteur français aurait dû écrire , 
Vakhoucht. Le Wakhoucht avec le double w est une forme allemande 
étrangère à Torthographe française. 

(4) Wakhouchtf^p. 437- ^ 



( 805 ) 

La même forme se retrouve dans les écrivains orien- 
taux. Tous les anciens géographes arabes ont Leks^ 
Legs y Lehèh, Leksi (1), et aussi Lakz. Celte dernière 
consonnance, qui nous donne presque intégralement 
le nom des Lazes, se trouve dans Maçoudi et dans 
Aboulféda (2). On sait combien les voyelles sont aisé- 
ment variables dans la transcription des mots orien- 
taux , surtout pour les noms de peuples et de tribus 
que l'écrilure n*a pas fixés, et combien aussi certains 
sons qui flottent indécis entre les sons arrêtés de nos 
cinq voyelles sont parfois difficiles à exprimer nette- 
ment avec les alphabets européens. Josapha Barbaro, 
qui visita TArménie , la Perse et la Géorgie dans le 
%y^ siècle , mais qui parait avoir puisé à des sources 
arabes ce qu'il rapporte des pays du Caucase orienta], 
où il n'avait pas pénétré, donne aux Lesghi les noms 
de Lokzi et de Lezikh (â). Enfin , quant à cette muta- 
tion fréquente de \e en a^ et réciproquement ^ dans 
certains sons étrangers , nous en trouvons encore ici 
un exemple particulièrement frappant, en ce qu'il se 
rapporte à une grande tribu du nord-ouest de la Perse» 
qui présente, au moins par le nom , une grande ana- 
logie avec les Leksi du Daghestan, et que M. Morier 
dit être indifieremment nommée Lek ou Lak (4).. Nous 
ajouterons» quoique nous n'attachions à ce fait qu'une 

(i) Dom, G€ographica Caucasiaf 1847^ '^*4% P- ^^ «< 7^; Bescliid- 
eldïti, tradait par M. Quatremère, p. 399. 

(a) Maçoudi, traduction anglaise de M. Sprenger, I, 3 10; Aboul- 
féda de Reisk, dans le Biisching's Magazin, t. v, p. 3o8, 3i 8 et 35g. 

(3) J. Barbare, Fiaggio nella Persia, dans Ramu.xiu, t. II, i574, 
p. 109, A et D. Lezikh est la forme plurielle de 1 ethnique J^zi, 
. (4) Morief, Some avcount of thc IHyats, d«Qf le Jownaf of (reo/yr. 
Soc, of Lond.y vol. VII, p. 23a. 



iv 



( 396 ) 

importance secondaire, que pour les Turks Lazes et 
Lezghi sont un seul et même nom (1). 

La langue est le second point à considérer. Il existe 
encore actuellement dans les sombres montagnes qui 
dominent la côte à Tosi de Trébizonde jusque vers 
l'embouchure du Tchorokh, une population à demi 
sauvage à laquelle la tradition a consçrvé, et qui se 
donne aussi à elle-même, le nom de Lâz. Ce sont bien 
indubitablement les descendants des Lazes de Tanti* 
quité, de ceux que nous décrit Procope : seulement, 
comme ces âpres vallées étaient occupées antérieure- 
ment par d'autres tribus, notamment par les TzamU 
(dont le nom, nous l'avons vu, s'est perpétué, à To- 
rient de Trébizonde, dans l'Ischanéthi de la géographie 
géorgienne, et à l'ouest dans le Djanik des Turks), et 
que les Tzannl, de même probablement que d'autres 
tribus antérieures, appartenaient à la famille des po- 
pulations géorgiennes dont les Souanes sont un ra« 
meau; comme les Lazes, d'un autre côté, ne sont 
vraisemblablement descendus dans ces vallées de l'an- 
cienne Tzanique qu'au x* siècle de notre ère, époque 
où leur domination fut renversée, au nord du Phase, 
par les Bagratides de Géorgie, et que sans nul doute 
ils devaient être alors numériquement inférieurs aux 
tribus qui occupaient déjà le pays, il a dû résulter de 
cet ensemble de circonstances, joint à l'action des huit 
ou neuf siècles écoulés depuis lors, que les différents 
dialectes ainsi mis en contact se sont plus ou moins 
rapprochés et confondus, et que dans cette fusion to- 
tale ou partielle il y aura eu absorption de l'un des 

(i) Hadji-Khalfa, Detcriptîon du livah de Trébizonde, imprioiét 
dtns notre Description de V Asie-Mineure moderne, p. 655. 



( S97 ) 

éléments par l'autre , selon le degré de leur prédomi* 
nance relative. C'est ce qui est toujours arrivé , l'his- 
toire et l'ethnologie nous l'attestent, dans tous les cas 
analogues. 

Or, ici que voyons-nous ? 

Plusieurs voyageurs ont recueilli des vocabulaires 
du dialecte laze tel qu'il se parle actuellement dans le 
gouvernement de Trébizonde. Le comte Potocki le 
premier rapporta de Gonstantinople, il y a une soixan- 
taine d'années, une liste de mots que l'abbé Hervas 
publia dans son Vocabulario Poligloto ( in Cesena , 
1787, in-4*, p. 65 ) sous le titre fautif de Fbcabulaù'e 
lesf^hi^ méprise qui provenait sans doute de ce que les 
Turks, comme nous l'avons dît, donnent aussi le nom 
de Lesghi à ces montagnards de la côte Pontique. 
Klaproth reproduisit partiellement ce vocabulaire dans 
l'édition originale de son Voyage au Cmtease (1), et 
avec plus d'étendue dans l'édition française qu'il ea 
donna plus tard (2), ainsi que dans son Asie Poty- 
glotte (3). Mais un jeune savant prussien, le docteur 
George Rosen , qui a parcouru en 18A3 ces vallées 
sauvages de compagnie avec le docteur Koch, en a 
rapporté des documents ethnographiques bien autre- 
ment étendus que ceux qu'avait pu se procurer le 
comte Potocki, et il en a fait l'objet d'un travail spé- 
cial, accompagné d'un vocabulaire de plus de six cents 
mots, qu'il a publié dans les Mémoires de l'Académie 
des sciences de Berlin (A). On est donc parfaitement à 



( i) Reise in den Koukasits, th. U, 1 8 1 4? [>• i4 ^^ suIt. 
(2] f^oyage au Caucase^ 1823, t. II, p. 539. 

(3) Asia Polygloîtay 18a 3, p. 122. 

(4) Ueher die Spraehe der Lnzon, dans le? Ahhanl, derJeÔmgl. Akad. 



( 808 ) 

même de reconnaître le degré de connexion oo d6 
parenté qui existe entre le dialecte laze et les autres 
langues de l'isthme caucasien. Un seul coup d'oeil suffit 
pour apercevoir cette parenté. Rlaproth TaTait déjà 
signalée, et les études du docteur Rosen n'ont fait que 
la confirmer. Le dialecte laie est un rameau de la 
souche géorgienne, et il se rapproche surtout, comme 
on pouvait le prévoir à priori^ du mingrélien et da 
souane ; mais , ainsi qu'on pouvait le présumer aussi 
d'après l'état de barbarie des montagnards du Lazistan 
et la diversité des éléments qui se sont fondus dans 
leur idiome , cet idiome est très grossier, les éléments 
constitutifs y ont subi beaucoup d'altération, et un 
grand nombre de niots grecs et turks s'y sont intro- 
duits , ce qui s'explique assez par la domination Suc- 
cessive des Grecs de Trébizonde et des Turks Osmanlis» 
à laquelle les Lazes ont été soumis depuis leur établis* 
sèment dans la Tzanique. 

' Un point important pour la solution de notre pro-» 
blême restait à examiner. Il fallait rechercher si au 
milieu des éléments mêlés et corrompus dont se com-^ 
pose actuellement le dialecte laze il s*y trouve encore 
quelques traces d'anciens rapports avec les dialectes 
multiples des montagnards du Daghestan. Nous avons 
comparé tous les mots du vocabulaire de M. Rosen 
avec le vocabulaire des langues lesghi donné par KJa^ 
proth dans la partie linguistique de son voyage (1)» 
et nous avons vu avec satisfaction, mais sans surprise» 



der Wissensch. zu Berlin, fiir i843« Berlin, i845, in*4S partie philo- 
l0(|;ique, p. i à 38. 

(i) Kankasische Spracheny p. 74 et suU., ou t. II de l'édition fran- 
$aiit, p. 3o6. 



( 3^ ) 

que de nombreuses analogies s'y laissent en effet re- 
connaître. 

Si. donc la linguistique comparée n'apporte qu'un 
faible secours dans la question qui nous occupe, elle 
concourt cependant jusqu'à un certain point à vérifier 
la solution où d^autres considérations nous ont con- 
duit, — elle y concourt, ajouterons-nous* dans la me- 
sure que les indications dé l'histoire pouvaient faire 
pressentir. 

D'autres faits, que nous avons développés danat un 
travail antérieur (1), en nous faisant reconnaître dans 
le peuple célèbre des Héniokhes une tribu lesghl (les 
montagnards du Caucase oriental recevant encore au- 
jourd'hui des Tcherkesses le nom de Hhannoâtché), 
nous autorisent d'ailleurs à faire remonter la présence 
des Lesghi sur la côte orientale du Pont-Euxin à une 
très haute antiquité. Dans le mémoire que nous venons 
de rappeler, nous avons montré qu'à une époque voi- 
sine de notre ère les Héniokhes, que Scylax, environ 
500 ans avant J.-C, connaît sur la côte actuelle 
des Abazes, étaient descendus au sud jusqu'aux envi- 
rons de Trébizonde, là où d'autres tribus de même 
sang devaient revenir dix siècles plus tard sous le nom 
de Lazes; que les montagnes qui séparent le haut 
bassin du Koûr du système fluvial du Phase , monta- 
gnes nommées dans Pline Heniochorum montes^ portent 
dans la géographie géorgienne le nom correspondaift 
de monts Lekhi ou montagnes des Lesghi; enfin, que 
dans YMexandra de Lycophron, ce poète érudit de 
l'école d'Alexandrie contemporain de Ptolémée Phi- 

(i ) Mémoire historique sur la géographie ancienne du Caucase avani 
les guerres de Mithridate, lu à 1* Académie des inscriptions et bell^- 
lettres. Paris, 1847, in- 8**, p. a8 et suiv. 



( Aon ; 

ladelphe, conséquemment du m* siècle avant notre 
ère, Routaia ou Routhais, l'antique métropole de la 
Colchide , est surnommée la Lîgustique » Kura/a r, Xiyu- 
^rtxii (1), épîtbète qui emporte nécessairement le 
sens de terre des Idghyes^ et qui doit s*appliquer aux 
Lesghi, A'<yue? étant précisément le nom (analogue au 
lÀkhi géorgien ) sous lequel les Lesghi sont désignés 
dans la recension que fait Hérodote des peuples voisins 
des bords occidentaux de la mer Caspienne (2), 

Si cet ensemble de témoignages et de rapproche- 
ments a quelque valeur, il en résulte nécessairement 
que depuis les temp^ les plus reculés les Lesghi, Lekhi» 
Leksi ou Lakzi du Caucase oriental ont poussé des 
incursions et formé des établissements à l'extrémité 
opposée de l'isthme, sur la côte du Pont-Euxin; 
qu'après s'être portés sur différents points de cette 
côte et des montagnes qui la conloument, depuis les 
confins du pays tcherkesse jusqu'aux environs deTré- 
bîzonde, il vint une époque, au commencement du 
vi" siècle de notre ère, où par suite d'événements que 
l'histoire ne nous a pas conservés ils établirent leur 
domination sur la Colchide , c'est-à-dire sur la Min- 
grélie et l'Iméréthi; qu'à dater de cette époque les 
historiens grecs contemporains, Procope notamment, 
ne connaissent plus l'ancienne Colchide que sous le 
nom de Lazique; enfin, que ce dernier mot n'est que 
le nom même des Lesghi, appelés par les auteurs 

(i) Lycophronis Alexandray éd. Meursio, 1697, p. 88. Eustathe^ 

dans son Commentaire sur Denys le Périégète (ad vers, 76, p. i5 dt 

l*édiCion de Londres, 1688 ), fait allusion à ce passage de Lycophron 

pour établir qu'une colonie des Ligbves d^Eui-ope s'était fixée en Col- 

~ chide. 

(3 j Herodot.) lib. vii, v, 71. 



(iOl ) 

orientaux, géorgiens et arabes, Leksi et Lakzi^ l'arli- 
culation médiale du nom s'étant effacée dans la pro- 
nonciation grecque, toujours portée à adoucir le son 
des mots étrangers. 

D'autres écrivains avaient entrevu déjà cette iden- 
tité des Lesghi et des Lazes (1); mais aucun, que nous 
sachions, n'avait cherché a l'étayer des preuves qui la 
peuvent justifier. 

Poursuivons maintenant l'exposé des notions de 
Procope sur la géographie du pourtour oriental de 
l'Euxin. 

La zone maritime du pays laze, à partir des environs 
du Phase et remontant vers le nord, était, comme au 
temps de Pline et d'Arrien, occupée par les Apsiles, 
k-itkioi (2). Menander, dans sa relation de l'ambas- 
sade de Zemarkh (3), nous les montre dans la môme 
situation. Le pays qui leur est ainsi attribué répond à 
VOdiclii ou Odikhi de la géographie géorgienne, qui 
s'étend sur la côte jusqu'à Anakopi, à une dizaine de 
lieues dans l'ouest de la Kodor. On reconnaît en effet 
à Anakopi même, dans une passe étroitement res- 
serrée entre le front abrupte d'une montagne et la 
mer, un défilé que décrit Procope sous le nom de 
Trakhea, comme formant la seule entrée du pays des 
Apsiles dans celui des Abasges (i). La Tzkhénis-tsqali 

(i) Notamment G'ârber, dans ses Remarques sur fe mémoire où 
Bayer (t. X des Commentarii Petropoiit,) , examine la géographie de 
Constantin Porphyro(çënète (Anmerkungen^ etc., dans Millier, Samm- 
Ittng russiscker Geschichte, t. IV, p. i49)« 

(2) Procop., Bell, Gotk.y iv, 2." 

(3) Excerpta de Legat,y p. 1 10, éd. Reg. 

(4) Procop., Bell. GofA., iv, 9 ; comp. Dubois de Montpérenx, Voyage 
MUtùur du Caucase, t. T, p. 374* 



( 402 ) 

( Tancien Hippos ) lui servait de limite du côté de 
rimérélhi (1). L'Odichi porte aussi chez les Géorgiens 
le nom de Méégrel ou Mégréli^ d*où les Européens ont 
fait Mingrélie. Ce dernier nom, que les chroniques 
karthlosiennes rattachent à Égros» un des fils de Thar- 
gamos» mais qui dérive beaucoup plus probablement 
de la rivière d'Égouri (TEngour de nos cartes)» la 
plus considérable de celles qui arrosent ce pays, ce 
nom de Mingrélie, disons-nous, n'a été mentionné ni 
par Procope ni par aucun autre écrivain de l'antiquité, 
à l'exception de Ptolémée (2) , qui compte les Manrali 
au nombre des peuples de la Golchide (S). Dans la 
Géographie de Moise de Khorèn , écrite à peu près à 
la même époque que les livres de Procope, ce qui se 
rapporte à ces provinces extrêmes de la Géorgie est 
ainsi conçu : « La Golchide , ou le pays d*Egher^ est à 
l'orient de la mer de Pont et dans le voisinage de la 
Sarmatie ; elle est divisée en quatre petits pays» nom- 
més Manrhéghia (mot qu'il faut prononcer Manrhélia), 
j4/crkéflighé, Ghasw ( prononcez Lazw ) , et Djaniv^ qui 
sont les Klialdéens (A). La Golchide contient une 
grande quantité de montagnes, de fleuves, de cantons, 
de villes, de forteresses, de bourgs et de ports (5). » 

« 

(i) Wakhoucht, Descript. de la Géorgie, p. SqS à 4o3. 

(2) Geogr., lib. v, c. 9, Wilb. 

(3) On a cru y reconnaître aussi YEcretice de Pline , vi , 4 ! ^^^^ ^* 
nom doit plutôt s*appliquei- au district même de FËgour, comme 1« 
montre le passage de Moïse de Khotèn que nous citons ci-après. 

(4) L'auteur arménien confond évidemment ici les Ttanet méridiv- 
naux de Tchorokh , qui touchaient aux Khaldi de l'Arménie occiden- 
tale, avec les Sanni ou Souanes du nord de la Lazique. 

{5) Géographie de Moïse de Kliorèo , traduct. franf . de M. Saint- 
Martin y dans ses Mémoiret $ur l'Arménie^ U II, p. ^7, a^ec les cor- 
rections de la page 388. 



( 408 ) 

Sur l'origine du nom des Apsiles, non plus que sur 
celle du nom des Lazes, nous ne trouvons aucune indi- 
cation ni dans les auteurs, ni dans Tétude même de la 
topographie locale. Il semble résulter d'un passage où 
ils sont nommés dans Agathias (1), que leur langue 
ne différait pas de celle des Lazes. On les trouve 
mentionnés dans les auteurs arméniens sous le nom 
diAphschel ou Aphschegh^ mais sans autres détails (2). 
Le comte Potocki, dans son Histoire primiiwe des peu» 
pies de la Russie (3) , a signalé Tanalogie de ce nom 
avec celui des Chapchigh, ou, plus correctement» 
Chapsugh, tribu tcherkesse qui demeure actuellement 
aux environs du bas Kouban , et qui s'étend aussi sur 
la côte assez loin vers le sud. Ce rapprochement nous 
parait d'autant plus naturel , que les anciennes infor-- 
mations mentionnaient les Ghapsough comme étant 
d'extraction abaze {à) , ce qui leur suppose une habi- 
tation autrefois plus méridionale. Parmi les tribus 
tcherkesses, il n'y en a guère dont le nom ne soit écrit 
avec des différences d'orthographe beaucoup plus 
grandes que celles qui se trouvent entre le nom des 
Apsiles et celui des Chapsough. Les mots tcherkesses et 
abazes sont d'ailleurs hérissés d'articulations guttu- 
rales extrêmement difficiles à saisir pour une oreille 
étrangère: et il ne faut pas oublier combien les Grecs 
se faisaient peu scrupule d'adoucir l'àpreté des noms 
barbares. 

(i) Lib. m, p« 9t. 

(a) SaÎDt-Martin, dans see notes sur Lebean , Hùtoire du Bas^Em" 
pire, t. IX, p. ao6. 

(3) Page 940, édit. Rlapr. 

(4) Pallas, Voyage dans tes gouvernements méridionaux de tempire 
de Muttie, tradttct« franc., ûi*4^, 1. 1, p. 4>>* 



(404 ) 

Le& AbasglU, À^ocys;', succédaient aui Apsiles (1). 
AiTÎen, qui nous fournit une indication analogue» 
étend leur territoire à Touest jusqu'à la rivière actuelle 
de Chakhé : une partie des vallées maritimes comprises 
dans cet intervalle sont encore occupées aujourd'hui 
par plusieurs petites tribus désignées par leurs voisins 
les Tcherkesses sous la commune appellation d'^« 
baza (2). Les Abasghi sont les Abkhaz de la géographie 
géorgienne, dont les princes, bientôt après le temps 
de Procope, firent une grande ligure dans Thistoire 
de ces régions. Les Abasges adoraient les arbres des 
forêts; la trace de ce grossier fétichisme se retrouve 
chez leurs descendants, mêlée aux pratiques dégéné- 
rées du christianisme, qui fut porté chez eux du temps 
de Justinien. Leurs princes enlevaient les enfants les 
plus beaux du pays, et ils les vendaient aux Romains, 
après en avoir fait des eunuques. Le commerce des 
esclaves sur cette côte est en vigueur depuis les temps 
les plus anciens, et il s'y est perpétué jusqu'à nos 
)0urs (3). Il parait que les Abasges proprement dits 
étaient principalement confinés* dans les vallées supé* 
rieureSf et que la côte était occupée par les Sagkides, 
£«y(^ac, sur le territoire desquels s'élevaient les villes 
de Sebastopolis (antérieurement appelée Dioskourias) 
et de Pityûs ou Pitywita. Cette dernière place est la 
BUchçïnda des chroniqueurs géorgiens , nommée plui 

(i) Procop., BelL Goth.<t lib. iv, c. 3. 

(a) Stan. Bell, Journal of a Resideftce in Cireastiof voU II, p. ^%i. 

(3) il faut rapprocher de cette indication ce qne Procope ( Bell. 
Pers.y II, a8) et Agathias (lib. m, p. 76 et suiv.) disent des relations 
commerciales des Lazes avec les Romains. Gomp. PeySsonel, Obser 
vations historiques eu géographiques tur les peuples barbares qui ont 
habité ha bords du Danube et du PonNi^nxin, in»4*, 1766, p. 55. 



( 406 ) 

habituellement Pitziunta dans les relations européen- 
nes. Ces deux places, autrefois célèbres et florissantes, 
étaient grandement déchues au vi* siècle ; Procope ne 
les qualifie que de châteaux, ainsi que Justinien dans 
une de ses Novelles. Les Saghides sont du reste indu- 
bitablement le même peuple qu'Ârrien, et avant lui 
Pline et Memnon , nomment Sanighes; mais l'ortho- 
graphe de Procope serait la véritable forme du mot, 
si les Saghides, comme cela parait probable, retrou- 
vaient leur synonymie dans la tribu abaze de Sakhi^ 
maintenant confinée à l'extrémité occidentale du ter- 
ritoire que les anciens auteurs leur attribuent. 

A mesure que l'historien s'éloigne des pays du Phase, 
ses notions sur une côte à demi sauvage, avec laquelle 
les Romains n'avaient depuis longtemps que peu de 
rapports, deviennent plus maigres et moins précis. Il 
y a même dans son texte (1) une confusion qui semble 
placer les Zekkhi entre les Abasges et les Saghides, 
arrangement directement contraire aux indications 
d'Arrien, ainsi qu'à la résrlité des faits. Les Zekkhi ou 
Zikhs sont les Adighè^ que nous connaissons sous le 
nom de Tcherkesses, et qui ont occupé de toute anti- 
quité l'extrémité nord-ouest du massif caucasien jus^ 
qu'au Kouban inférieur. Chez les Géorgiens, le nom 
des Adighé prend la forme de Djik (2), tout à fait 
analogue au Zikh des Romains et des Grecs. 

Au-delà des Zikhs, c'est-à-dire vers les bas Kouban, 
sur les pentes septentrionales du Caucase, et le long 
de la Méotide jusqu'au Tanais, habitaient au temps de 

(i) Be//. Goth,^ IV, 4. Dans nn autre endroit de ses Histoires {BelL 
Pers»)^ II, 39 \ Procope énumère les Abasp.es et les Zekhes (c'est ainsi 
qtt*il y écrit leur nom, Zftx^O ^^°* nomroer les Saghides. 

(t) Wakhoacht, p. 409* 



( â06 ) 

Procope différentes tribus hunniques ^1). La plus puis- 
sante était celle des Sabires; leur nom figure perpé- 
tuellement dans rhistoire des guerres dont les pays 
caucasiens furent alors le théâtre entre les Perses et 
les Grecs. Les Outourgours occupaient, au-«dessus des 
Sabires, la partie des plaines sarmatiques qui borde à 
l'orient le Palus Mœotis. Les Goths dits Tetraxites, 
rôT^ot TerpaÇrTOK , demeuraient sur le Bosphore, siège 
antique du peuple kimmérien. t 

Sur le reste du Caucase, Procope se borne à quel- 
ques généralités. Il dépeint bien la prodigieuse élé- 
vation de ces montagnes énormes , dont la partie 
supérieure est couverte de neiges éternelles, et qui 
portent leur front sourcilleux bien loin au-delà de la 
région du ciel où se forment les orages (2). Deux prin- 
cipaux défilés qui traversent la chaîne ouvraient les 
contrées du midi aux redoutables incursions des hordes 
du nord : l'un de ces défilés, connu de toute antiquité 
sous le nom de Portes Caspiennes (3) , coupe la centre 
même du massifcaucasien au-dessus de l'Ibérie; l'autre, 
que notre auteur appelle Tzour, est, selon toute proba- 
bilité, la passe de Dzour-zdouk de la géographie géor- 
gienne , qui conduit des hautes vallées de l'Aragvi à la 

(i) Bell. Pers., ii, 29; Bell. Goth,^ iv, c. 3 et 4. Il faut rectifier, par 
le premier de ces deux passages, ce qnil y a d'inexact dans l*énoncé 
du second. 

(a) Bell. Go(*., iy, 3. 

(S) M. Walckenaër a parfaitement démontré que cette dénomina- 
tion de Portes Caspiennes s'était toujours appliquée, dans les auteurs 
anciens, à la passe centrale de la cbaine, aujourd'hui connue sous le 
Qom de Passe de Dariel, nonobstant l'assertion contraire de Pline 
/ Mémoire sur les dénominations de Portes Caspiennes , Cauca- 
siennes, etc.', 1816, dans les Mémoires de l Académie des {nscriptionif 
t. VI). 



(407 ) 

▼allée des Kistes arrosée par le Koi-sou, à quelque 
distance à rorient des Portes Caspicnnes (1). Il est vrai 
que les Arméoiens appliquent communément le nom 
de Djor à la passe de Derbend, les Portes Âlbaniennes 
de Ptolémée ('2); mais les notions géographiques de 
Procope, dont l'ensemble se rapporte exclusivement 
aux parties occidentales de la chaîne, ne semblent 
guère permettre de s'éloigner autant vers TOrient. Le 
géographe arabe Edrisi, qui énumère douze passes 
principales du Caucase entre le défilé de Dariel et la 
mer Caspienne, y nomme aussi la porte de Tsoul, qui 
parait devoir être distinguée dans son énumération de 
la passe de Derbend (3). Les Jtains étaient maîtres du 
pays où sont situées les Portes Caspiennes (4). Plus à 
l'ouest, entre les Alains et les Abasges, les Broukhi^ 
Bpouxot» tenaient quelques unes des hautes vallées de 
la chaîne. On trouve encore aujourd'hui dans les mê- 
mes lieux une tribu de Brakhi ou Barakai\ de sang 
abaze, sur un des affluents supérieurs de la Laba, tri- 
butaire du Kouban. 

(i) Wakhoucht, Description de la Géorgie, p. ^5S. Il faut rappro' 
cher sa carte duRarthii septentrioDal des cartes beaucoup plus exactes 
que Ton doit aux Russes. 

(i) Notes de M. Kabaragy Garabed , à la suite de sa traduclion 
française de V Histoire d'Élisf'e^ p. 3o9; Add. Saint-Martin, dans son 
édition de V Histoire du Bas-Empire de Lebeau, t. VI, p. «69. 

(3) Géographie d^Edrisi, traduct. franc, du comte Am. Jauberc, 
t. II, p. 339; traduction qu'il faut rapprocher de celle de Rlaproth, 
dans le Magasin Asiat.^ 1. 1, p. 261. 

(4) Bell. Goth,^ lib. iv, c. 3. 



( 408) 

PHOGRËS 

DE LA COLLECTION GÉOGRAPHIQUE 

DE LÀ BIBLIOTHÈQUE ROYALE. 

NEUVIÈME RAPPORT. 

(Pour r année 1847.) 



L'espoir et le vœu exprimés à la fin du rapport de 
Tannée 1843 pour le progrès de la collection géogra- 
phique de la Bibliothèque royale ne se sont pas réalisés, 
malgré la bienveillance souvent manifestée par le mi- 
nistre sous les ordres duquel est placé ce grand musée 
littéraire. Différentes causes ont ralenti les acquisitions, 
et rien n'a été fait pour faire jouir le public des nom- 
breux objets précédemment acquis et recueillis non 
sans peine. La branche la plus nouvelle, celle qu'il est 
le plus urgent de compléter, ne devait pas souffrir des 
plaintes, plus ou moins fondées, auxquelles a donné 
lieu l'absence du catalogue des livres imprimés : or la 
stagnation est bien plus fâcheuse pour une institution 
naissante que pour des établissements dès longtemps 
constitués et aussi riches que le sont les départe- 
ments des livres, des antiques, des estampes et des 
manuscrits. Un peu plus de quinze cents articles, for- 
mant environ deux mille cinq cents pièces, sans com- 
prendre le dépôt légal, sont entrés au Cabinet de géo- 
graphie cette année, au lieu de cinq à six mille pièces 
qui l'avaient enrichi chaque année depuis 1839. Heu- 
reusement» et comme par une sorte de compensation, 
beaucoup de dons, et plusieurs importants, sont venus 



( 409 ) 

suppléer le manque d'acquisitions. La collection a déjà 
au dehors un commencement de renom; plus connue 
peut-être dans l'étranger qu'à Paris même, elle a excité 
l'attention des acadéoiîes et des compagnies savantes, 
comme celle des géographes et des savants ilIustres,dont 
s'honorent l'Allemagne, l'Angleterre et l'Italie. Citer 
ici le suffrage de Garl Ritter, du baron de Humboldt, 
d'Adrien Balbi, du colonel Leake, de MM. Pasini, 
Grâberg de Hemsô, Lelewel, Beke, etc., c'est prouver 
l'estime dont jouit au dehors la nouvelle collection. 

Le conseiller Werlauff a ajouté encore quarante- 
trois cartes à son riche présent de l'année dernière de 
cartes sur la Scandinavie, tellement qu'on peut re- 
garder le Cabinet de Paris comme aussi riche en ce 
genre que pas une autre collection de cartes géogra- 
phiques. Le gouvernement de la Grande-Bretagne a 
adressé les nouvelles cartes de Hong-Kong; le duc 
de Luynes, une ancienne carte chinoise; le comte de 
Saluées 9 la carte des États sardes de terre* ferme; 
M. Morse, citoyen des États-Unis, son atlas cérogra- 
phique exécuté par un procédé nouveau; M. Rafn, le 
secrétaire de la Société des antiquaires de Copenhague, 
une carte du Groenland ; M. de Chateaugiron , consul 
à Nice, la carte de la ville et de la campagne de Nice; 
l'amirauté britannique, soixante-dîx-sept cartes hydro- 
graphiques récentes sur toutes les parties du monde; 
le dépôt de la marine de France, soixante-huit cartes; 
M. Mollien , de la Havane, plusieurs cartes sur l'Ile de 
Cuba; le professeur Lepsius et M. Pergameni, une 
nouvelle carte de la presqu'île de Sinaî, avec l'exposé 
de l'opinion du savant prussien sur la situation qu'il 
assigne au mont Sinaî; M. de Pourlales Gorgier, la 
carte sous-aqueuse du lac de Neuchâtel; le ministre 

VIII. >OVEMBBE ET DÉCEMBRE. 11 27 



( AlO ) 

des travaux publics, la carte géologique de France ; le 

miuiâtère de la marioe» le grand Neptune du Cattégat; 

le ministre de la guerre» la carte forestière de TAl- 

gérie; H. Viquesnel» la carte géologique de l'Europe, 

par M. Boue; M« Vattemare» le bassin du Mississipi, 

de M. NicoUet; le docteur Beke, son Essai sur le Nil; 

H. de Gaumonty ses cartes agronomiques du Calvados 

et d'Argentan ; M. Grâberg de Hemsô, une collection 

d'opuscules géographiques; M. Biot (Edouard)» la 

notice des météores observés en Chine; M. Sédiltot, 

les systèmes géographiques des Grecs et des Arabes; 

M. D'Avezac, ses mémoires sur les découvertes dans 

l'Océan et sur le voyage de Bethencourt; le chevalier 

de Falbe, plusieurs ouvrages sur l'ancien Danemark 

(Origines Hafnienses^ etc.). 

Nous passons sur d'autres envois gratuits de cartes 
et opuscules géographiques; cette énumération suc- 
cincte suffît pour prouver le désir des savants étran- 
gers, comme des savants français» de voir la nouvelle 
collection se compléter de plus en plus. Puisse l'ad* 
ministralion en apprécier assez l'utilité pour la con- 
stituer définitivement! Les services qu'elle peut rendre 
aux ingénieurs» aux voyageurs» aux marins, au com- 
merce, aux savants, à ceux qui s'occupent de l'his- 
toire , au public français et étranger» doivent engager 
le gouvernement à prendre des mesures efficaces pour 
tirer parti d'un dépôt déjà considérable» fruit d'un 
travail assidu de dix-huit années» mais qui n'est en- 
core pour ainsi dire qu'un simple magasin. Nous arri- 
vons au détail des acquisitions. 

La PREMIÈRE CLASSE» cousacréc à la cosmographie et à 
la géographie mathématique, ne s'est augmentée d'au- 
cune piècp très importante; il n'est guère entré en ce 



( 411 ) 

genre au Cabinet que la Carte de Téclipse annulaire 
de 18A7, et un Catalogue des météores observés par les 
Chinois. 

La SECONDE CLASSE, ckorographie et hydrographie^ 
s'est enrichie beaucoup davantage : voici une liste suc- 
cincte des principales pièces. 

Asie. — L'Ile de Hong-Kong, récemment publiée 
en Angleterre en quatre grandes feuilles, ouvrage du 
lieutenant Collinson ; une très grande carte de la 
Chine , ancien ouvrage chinois ; un atlas d'Arabie , de 
Zimmermann , et une carte générale de T Arabie ; 
TEmpire chinois, par Weiland et Riepert; l'Indostan» 
par Allen, en six grandes feuilles; la presqu'île de 
Sinaî, par le docteur Lepsius, avec la situation nou- 
velle qu'il assigne au mont Sinai. 

Europe. — Angleterre, un grand plan de Londres 
récent en six feuilles ; — Belgique et Hollande , trois 
nouvelles feuilles de la grande carte topographique de 
la Belgique ; — Scandiname, quarante-trois feuilles des 
cartes diverses et anciennes relatives au Danemark, à 
la Norvège, à l'Islande, et carte d'une partie du Groen- 
land ; — Russie, environs de Saint-Pétersbourg, par le 
bureau topographique, carte russe; — Pologne y plan 
de Cracovie, par Koczicka; — Allemagne, la suite de 
l'atlas de Hanovre , par Papen ; plan de Hambourg et 
environs, par Nagela, 1845, six grandes feuilles; six 
nouvelles feuilles de la carte de Wurtemberg, par le 
bureau topographique de Stuttgard; plan de Cassel, 
par Boekel, à 1 :3000; carte spéciale de Mersebourg, 
par Albert Platt; — Prusse, la suite de la Westphalie, 
par Fétat-major prussien ; les Environs de Schweid- 
nitz, en quatre feuilles, 1845, par Hoiïmann ; la Prusse 
entre la Meuse et le Weser, par Schmidt, 1846; 



\ 



( 412 ) 
une grande carie de la Prusse eu dix Teuilles à Tusage 
des postes, publiée par le bureau des postes de 
Prusse ; carte topographique des environs de Berlin , 
par V. Falckenstein, une grande feuille ; la carte topo- 
grapbique de la province de Brandebourg , par l'état- 
major prussien ; — États autrichiens ^ Royaume d'IUyrie 
et duché de Styrie» par Tétat-major autrichien» en 
trente-six feuilles ; la Carte générale du royaume lom- 
bard-vénitien, en quatre feuilles; — Turquie eu Grèce, 
l'Europe ottomane, par Kiepert; Carte grecque de la 
Turquie d'Europe (Belestina); le Détroit de Constan- 
tinople» par Rephala, en grec; — l'Italie, carte topo- 
graphique de la ville et de la campagne de Nice ; les 
États sardes de terre ferme, excellente carte, par l'état- 
major de Turin, quatre feuilles à 1 : 25000; — la Repu» 
blica romana^ carte gravée à Rome en Tan vi (1798), 
représentant TÉtat romain avec sa division en huit 
départements; — Suisse, le Canton de Genève, en 
quatre feuilles,, par le colonel Dufour; l'Atlas topo- 
graphique de la Suisse, par le même, les deux pre- 
mières feuilles ; — France, dix nouvelles feuilles de la 
Carte topographique de la France , par le Dépôt de la 
guerre ; une suite de cuites des anciennes provinces 
de France ; plusieurs cartes spéciales de nos départe- 
ments, publiées sur les lieux, ouvrages qui déposent 
d'un progrès réel dans les travaux géographiques et 
dans l'intérêt que les administrations locales et le pu- 
blic leur accordent ; par exemple, trois feuilles du dé- 
partement du cher, l'atlas des Ardennes par cantons, 
le département de la Haute-Marne, l'atlas du départe- 
ment du Rhône par cantons, de M. Rembielinski ; 
enfin quelques bons dessins de localités diverses des- 
sinés à nn^ grande échelle ; à quoi il faut joindre plu- 



{ A13 ) 

sieurs départemenls lires de la grande carie de France 
du dépôt de la guerre par le procédé du transport. 

Afrique. — La région du Nil, carie revue par Kie- 
perl, 1846; l'Afrique du nord-ouest, par le même; 
un Plan administratif de la ville d'Alger, en quatre 
feuilles coloriées, 1847; deux cartes manuscrites de 
rile-de-France de 1772, avec le détail du terrier et 
l'état des possesseurs du temps. 

Amérique : — la carte de Massachusetts^ en quatre 
feuilles; un atlas à' Amérique, par M. Morse, publié 
par un procédé dont nous parlerons plus loin ; — le 
Pérou central, par Arenales, Buénos-Ayres, 1830; — 
rile de Cuba, par D. José de la Torre ; Plan de la Ha- 
vane et Port de Cienfugos, à la Havane, 1847; — le 
Mexique et la Californie, par Kiepert. 

Océanie; — Australie, une grande feuille, par Wie- 
land, 1847. 

Atlas gi^néravx : le nouvel atlas publié par Rudolph 
Gross, imprimé en couleur et d'une belle exécution; 
l'Atlas universel en quatre-vingts cartes, publié par 
Ewald, Stuttgard, imprimé en couleur d'après le pro- 
cédé de Bauerkeller; TAtlas général de Zîegler, en 
vingt-quatre feuilles, d'après les leçons de Cari Ritter. 

Hydrographie : le Neptune du Cattègat, de Claret de 
Fleurieu, soixante-dix feuilles; suite de l'Atlas des 
Phares, de M. Coulier; cartes de l'amirauté britan- 
nique, publiées pendant Tannée précédente, au nom- 
bre de soixante-dix-sept feuilles, relatives à toutes les 
parties du globe; cartes du Dépôt de la marine de 
France, soixante^neuf feuilles; deux anciens atlas de 
la mer Adriatique et d'une partie de la Méditerranée, 
dessinés par un ingénieur de la république de Venise, 
F. -G. de Lato, en 1729, formant cent soixante-qua- 



( A14 ) 

torze feuilles, comprenant tous les lieux» Ilots et châ- 
teaux, dessinés en perspective, ouvrage inédit qui fut 
acheté récemment à Lodi par un voyageur anglais. 

A cette deuxième classe se rapporte un ouvrage de 
Pierre Boyer, sieur Duparq , formant un grand atlas 
général en deux volumes manuscrits, du temps de 
Louis XIII , intitulés Cathalngue de cartes idrographi- 
ques et géographiques de la mer occéane, etc., et une 
autre série de cartes diverses, également inédites, sur 
l'Europe , sur la France en particulier et ses colonies. 

Troisième classe ; Géographie physique; — cartes géo- 
logiques : Carte générale géologique de France , im- 
primée à rimprimerie royale à vingt-deux couleurs^ 
par de nouveaux procédés; Carte géognostique des 
environs de Paris, par Cuvier et Brongniart; Essai 
d'une carte géologique du globe et une de l'Europe, 
par M. Boue ; publications de la Société géologique de 
Londres; la Carte géologique de New- York, faite par 
ordre de la législature, en quatre feuilles; Carte géolo:- 
gique de la Manche, par M. de Caumont; la Carte 
géognostique du lac Laach, par M. OSlynhausen, en 
huil feuilles; la Carte géologique des provinces au- 
strales du Brésil; la Carte géognostique de Saxe, par 
Naumann, 18&5; Hydrographie continentale .'plusieurs 
cartes spéciales des rivières et canaux de France; Carte 
du fond du lac de Neucl.âtel, avec toutes ses sondes; 
Cours de l'Adige, carte à une très grande échelle 
(1:288), publiée à Inspruck; un Allas général de 
Sydow, en vingt -sept feuilles, montrant principale- 
ment l'hydrographie continentale; l'Embouchure dé 
la Seine, une très grande carte en deux feuilles, par 
M. Saint Genis, ingénieur civil; le Panorama du lac 
de Constance , par Brandmayer, en huit feuilles ; le 



( M6 ) 

Cours de Rîo-Bermejo , par Descahi, Buenos -Ayres» 
1831; Panorama du Danube, d'UIm à Vienne, par 
Grûber, en quinte feuilles; le Bassin hydrographique 
do haut Mississipi , par Nicollet. Orographie et cartes 
physiques : Carte orographique de la région du Cau- 
case, d'après Tétat-major impérial russe» 18A2; le 
Mont-Cénis, au 5000% par Thuillîer, carte publiée 
anciennement ' par l'Institut; la Carte physique de la 
France et une Carte générale de France, par le baron 
Walckenaêr; Carte climatérique de Varsovie, par 
Jaczelbowski, ISAô; la Carte physique des envii'ons 
de Fréjus, par M. Gh. Texier. 

Quatrième classe ; géographie statistique; administra- 
tiife^ économique. — Ici se classent les daiHes dé^ (Che- 
mins de fer, cartes qui, naturellemetit, 9e ùîultiplient 
beaucoup en Europe, en même temps que ces lignes 
de communication rapide : 

1** Le réseau des chemins de lsi> italiens, Racchid', 
18A6; les Chemins de fer entre BerKii, Dresde, ete'., 
par Hammer; Berlin, 18â2; Atlas des chemins de fer 
allemands, par de Perthes; le Chemin de fer du Nord, 
Paris à Amiens, et les autres chemins de fer de France; 
les Chemins de fer de la Bavière, par Bauem ; * - 

2* L'Atlas administratif des États prussiens, exécuté 
par ordre du ministre du commerce de la Prusse , en " 
vingt feuilles; la Carte forestière de l'Algérie, 1817; 
suite de Cartes forestières de la France ; Carte des vi- 
gnobles de l'union douanière , on deux feuilles , pat 
Hellrûng, Augsbourg; Cartes agronomiques du Ga- 
valdos et d'Argentan, par M. de Caumont ; 

if" Carte manuscrite du diocèse de Toulouse, pro- 
venant de la bibliothèque d'un archevêque de ce dio^ 
oèse» le cardinal de Loménie; plusieurs cartes des 



( 410 ) 

anciens diocèses de France et autres cartes ecclésiasti- 
ques (Hîspania BenedictinUy llalia benediciina, etc*). 

GiNQUikiiB CLA8SB; géographie historique. — Cette classe 
se subdivise» comme les deux précédentes» en plusieurs 
branches : 1* Géographie ancienne et comparée : une carte 
de/brum Julii et des anciennes carrières de Fréjus» par 
M. Texier; 2« le Théâtre de la guerre : la collection des 
Cartes du général Guilleminot sur les campagnes d'Al- 
lemagne, d'Italie, etc., en cent quarante-cinq articles; 
une série de cartes militaires pour les campagnes du 
XVII* siècle et du xviii* (avant 1789); une autre suite 
relative au théâtre de la guerre pendant la Révolution; 
deux cartes de la dernière guerre au Penjab, une en 
quatre feuilles par Zimmermann , 1846, et une autre 
parWyld; l'Atlas des campagnes du prince Eugène de 
Savoye, par Rausler, en trente-quatre feuilles; 3"* Atlas 
historiques : l'Atlas historique et géographique de We- 
dell; h^ lesVoyages: suite duVoyage deRussegger en Asie 
et en Afrique, et Voyage de Waddington en Ethiopie ; du 
docteur Desborough-Cooley, Histoire générale des dé- 
couvertes maritimes; Voyage de Délia Cella, de Tripoli 
d'Afrique vers l'Egypte; Voyages de Franklin et de Ri- 
chardson à la mer Polaire; Voyage de découvertes aux 
régions arctiques , par John Barrow, et divers autres 
voyages avec cartes; ô** Cartes orientales : les cartes en 
turc des guerres maritimes des Ottomans, par Kiateb- 
Tchelebi; Ëbn-Haukal, géographe du x* siècle; une 
carte arabe de l'an 1009 de l'hégire (1600 de i.-C), 
sur parchemin, par le Tunisien Mohammed-ebn-Aly- 
ebn-Ahmed-el-Cherfy, natif de Sfax, Mappemonde 
faite d'après la géographie d'El-Edrisi : il est à remar- 
quer que le père et le fils de ce cartographe arabe se 
iiont, comme lui, adonnés à la géographie; cette na- 



( 4 «7 ) 
tion a fourni aussi plusieurs voyageurs recomiuanda- 
bles; 6* Monuments de la géographie : une Carte vtjni- 
tienne du 3iv' siècle» par de Giroldis» datée de 1A22» 
acquise à Lodi, et représentant la Méditerranée , la 
mer Noire, etc.; un volume de trente et une cartes an- 
ciennes de la moitié du xvi'' siècle ; une petite carte 
d'une partie des côtes de l'Océan et de la Méditerranée, 
sur parchemin» avec une rose des vents en bas-breton ; 
enfin , le fac«simile du globe de Martin Behaim , dont 
il a été question dans un des rapports précédents. 

Le reste des acquisitions de l'année 18A7 se compose 
de plusieurs articles qui ne rentrent pas exactement 
dans les cinq classes précédentes. En dictionnaires de 
géographie» on a reçu la onzième livraison du Die-- 
tionnaire géographique de feu Adrien Guibert» que 
l'éditeur» M. Renouard, s'efforce de rendre digne des 
premières livraisons ; plusieurs dictionnaires géogra- 
phiques des États de Lorraine et du Barrois; le Dic- 
tionnaire de la Moselle ; la suite du Dictionnaire topo- 
graphique de l'Allemagne» par Eugène Huhn; celle 
du Dictionnaire géographique de l'Autriche» par Raf- 
felsberg; la Topographie des États prussiens» par 
Messow, par ordre alphabétique; pour les recueils 
géograghiques périodiques» la suite des journaux de la 
Société géographique de Paris et de celle de Londres; 
duRecueil deLudde; du Moniteur des Indes deSiebold; 
des Nouvelles Annales des Voyages; des Progrès de la 
géographie» parFroriep; en ouvrages divers» plusieurs 
volumes ou opuscules de géographie de M. Grâberg de 
Hemso sur le Maroc» l'Algérie» l'Italie» la mer Noire» 
les Kirghis» sur les navigateurs génois» sur les progrès 
de la géographie depuis 18&0, les découvertes dans 
l'Amérique et dans l'Afrique centrale, etc.; — le Ta- 



(418) 

bicaii des établissements publics en Algérie pour 18A&, 
adressé par le ministère de la guerre ; les hauteuns deë 
points de la carte de Suisse, par M. Osterwald» 18&7; 
les Symbolœ ad geographiam medii aifi^ par M. Werlauff; 
les opuscules et outrages déjà cité s, offerts au Cabinet 
de géographie par MM. le docteur Beke, Sédillot, Falbe 
et D'Avezac. Quant aux atlas composés par M. Morse, 
citoyen des États-Unis» ils sont publiés & l'aide d'un 
procédé particulier qu'il ?Li^^e\\ecérographique. Ce n'est 
pas le lieu de faire la description de sa mMbode^ il 
suffit de dire qu'elle est propre à généraliser de plus 
en plus les connaissances en géographie et même à 
populariser tout à fait cette étude, attendu que par ce 
moyen on multiplie indéfiniment le tirage des cartes 
géographiques de manière à en abaisser le prix conai- 
dérablement. Une seule carte en relief a été déposée 
cette année; elle est encore l'ouvrage de M.Bauerkeller ; 
elle représente l'Espagne et le Portugal. 

Tel est, en abrégé, le résultat des acquisitions dont 
s'est enrichie la Bibliothèque royale en 18&7; quel- 
ques unes sont assez précieuses pour compenser l'in- 
fériorité du nombre des pièces. Puisse la sympathie 
manifestée par les savants étrangers pour la nouvelle 
collection, et leur bienveillance pour celui qui lui a con- 
sacré tous ses efforts, éveiller en France un sentiment 
semblable, démontrer l'utilité de cet établissement 
public, et provoquer des mesures salutaires et effi- 
caces^ changer enfin un simple dépôt en un lieu de 
hautes études et de recherches scientifiques à la hau- 
teur des connaissances du xix* siècle t 



< W9 ) 

EXTRAIT ' 

D'UNE LETTRE DU COLONEL MARIENI, 

Al^ SERVICE D'AUTRICHE, 
Datée de Vienne le 21 novembre 1847. 



Au mois d'août dernier» j'ai fait un séjour à Tama- 
grai (royauixle de Pologne), pour convenir avec le 
lieutenant général russe Tenner des moyens d'opérer 
la jonction de la triangulation qu'il dirige dans cette 
partie de l'empire de Russie avec la triangulation au- 
trichienne du royaume de la Gallicie. J'espère que, 
dans le cours de la prochaine année, on mettra à exé- 
cution les travaux que demande cette liaison, laquelle 
aura lieu dans les environs de Cracovie et de Tamogrod, 
c'est-à-dire sur deux points. On aura donc ainsi la 
preuve de l'exactitude des opérations trigonométriques 
autrichiennes, si peu connues jusqu'à présent 

Le général Tenner réunit et coordonne les travaux 
trigonométriques russes , qui se poursuivent avec une 
grande célérité. 

A l'aide de ces travaux on obtiendra dans peu d'an- 
nées la mesure d'un arc de méridien de 25% lequel 
s'étend depuis Ismaîl, sur le Danube, par Jacobstadt, 
Borysat et Tornea, jusqu'au cap Nord, 

Je m'occupe en ce moment de la mise en ordre des 
travaux trigonométriques qui , dans ces dernières an- 
nées, ont été exécutés en Transylvanie, pour pouvoir 
ensuite les publier Tannée prochaine, et procurer ainsi 
la description géométrique d'un pays jusqu'à présent 
si peu connu sous ce rapport. 



( 420 ) 



COMPTE RENDU 



Des Recettes et fies Dépenses de la Société pendant 

rexetTwe 18i6-t8&7. 



RECBTTK5. 

Reliquat du compte de \ 8A5-18i6 ; in- 
térêts des fonds placés ; souscription du 
Roi; renouvellement des souscriptions 
annuelles et produit des diplômes délivrés 
aux nouveaux membres; vente du Recueil 
des Mémoires et du Bulletin 10107'' 70' 

DÉPENSES. 

Frais d'administration , d'agence , de 
loyer; impression du Btdletin ; médailles 
décernées en 1 8A7 8 978 80 



En caisse le 31 décembre 1847. . . 1 038'" 81" 
Plus, une inscription de 600 fr. de rente 5 p. 100. 

Certifié par le Trésorier de la Société et approuifé par 



V Assemblée générale. 



Signé Chapellieb. 



ParU, le i4 janvier 1848. 



( 421 ) 



DEUXIEME SEGTIONt 



Actes de la Société. 

EXTRAIT DES PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES. 



Présidence de M. Jomard. 



Séemee du 5 novembre 18A7. 

Le procès -verbal de la dernière séance est lu et 
adopté. 

M. Constant Dufeu, architecte, écrit à la Sociélé que, 
conformément à l'autorisation qui lui a été donnée, il 
vient de faire au tombeau du contre-amiral Dumont 
d'Urville les restaurations des peintures et quelques 
autres réparations. Les procédés qu'il a employés pour 
les peintures sont peu dispendieux et assurent une 
longue durée à cet ouvrage. M. Dufeu soumet à la So- 
ciété quelques observations au sujet des inscriptions, 
et il la prie de vouloir bien lui donner son avis sur la 
rectification qu'il propose. Cet objet est renvoyé à 
l'examen de la commission spéciale du monument. 

M. Verger écrit à la Société pour lui offrir en son 
nom et au nom de M. Le Sant une Géographie élémen- 
taire du département de la Loire-Inférieure, et il ap- 
pelle son attention sur ce travail. 



( 422 ): 

M. le présideni met sous les yeux de l'assemblée un 
dessin représentant douze caractères hiéroglyphiques 
gravés par les anciens Indiens Chibchas de la Nouvelle- 
Grenade %m ua rocher de la p«)f iace de l^elez , au 
nord de Bogota , et envoyés au colonel Acosta. M. le 
président invite ensuite MM. les membres qui auraient 
des renseignements sur le nouveau voyage de M. Rae, 
officier de la Compagnie de la baie d'Hudson, à la terre 
de Bootbia-Felix, à vouloir bien les commqpiqiHr à la 
Société. 

M. le vicomte de Santarem fait hommage à la So- 
ciété de plusieurs volumes de son ouvrage sur les re- 
lations politiques et commerciales du Portugal avec les 
différentes puissances du monde, depuis le commen- 
cement de la monarchie portugaise au xii'' siècle jus- 
qu'à nos jours. Il offre aussi le premier volume de sa 
Collection des documents relatifs aux ipel&tions exté- 
rieures du Portugal, ayant pour titre Corpo diplornatico. 
M. le vicomte de Santarem fait observer que, dans les 
volumes déjà publiés et renfermant les sommaires de 
plus de six mille documents, pour la plupart inédits, 
on en rencontre un grand nombre qui appartiennent 
à l'histoire de la géographie et qui intéressent cette 
science. D'après le désir manifesté par la Commission 
centrale, M. de Santarem signalera ces documents dans 
une prochaine notice. 

M. D'Avezac présente des observations sur la nomen- 
clature et le classement des Iles et archipels de la mer 
de Madagascar. 

Le même membre donne des explications sur le 
calendrier de l'Atlas vénitien de la bibliothèque de 
M. Jie baron Walckenaër. 

M. Roux de Rochelle présente un compte rendu des 



( 423 ) 

dernieirs tabJeaux de la 3ituation des établissements 
fiançais en Algérie, publiés par le ministère de la 
guerre. 

Séance ffn 19 noi^embre 18 A7. 

Le procès-verbal de la dernière séance est lu et 
adopté. 

La Société royale asiatique de Londres adresse la 
troisième partie du dixième volume de son journal- 
Mi. le vicomte de Santarem communique la première 
feuille de la grande mappen^onde de Fra-Mauro, de 
l/tôQy publiée pour la première fois en entier et de la 
grandeur de l'oi'iginal, avec ses nombreuses légendes, 
si importantes pour la géographie du moyen âge et 
pour Thistoire des découvertes du xv*" siècle. Il annonce 
que les autres feuilles paraîtront successivement de 
mois en mois. 

M. le président, en adressant des remerclments à 
M. le vicomte de Santarem, au nom de la Commission 
centrale, rappelle qu'en 1843, à son retour d'Italie, 
il a rendu compte à la Société de son voyage, et qu'entre 
autres cartes anciennes de dififérentes villes qu'il avait 
fait copier ou décrites, il a insisté sur la beauté du tra- 
vail de la grande carte de Fra-Mauro, transportée de 
Saint-Michel de Murano au palais ducal de Venise, ainsi 
que sur son admirable conservation sous le rapport du 
dessin , des écritures et des couleurs. 

M. Roux de Rochelle fait hommage du second vo- 
lume de son Histoire de l'Italie. 

M. le président annonce que M. Forchhammcr est 
présent à la séance, et il l'invite à faire une commu-^ 
nication à la Société sur ses voyages. 



( hU ) 

M. de Froberville Ht une notice sur les Va^Nghindo, 
peuplade de la côte orientale d'Afrique. M. le prési- 
dent l'invite à vouloir bien détacher un fragment de 
cette notice pour le lire à la prochaine assemblée gé- 
nérale. 

M. D'Avezac annonce qu'il a reçu de H. Edouard 
Dulaurier, professeur de malai à l'école spéciale des 
langues orientales vivantes, l'offre de deux morceaux 
géographiques d'un grand intérêt, pour être compris 
dans le recueil de Voyages et de Mémoires publié par 
la Société. Le premier de ces morceaux est la relation 
d'un voyageur indigène dans l'intérieur de la pénin- 
sule malaie, traduite sur le manuscrit original; le se- 
cond est la relation espagnole du célèbre Mendana, 
avec la traduction faite également par M. Dulaurier. 
Cette offre est accueillie avec empressement, et ren- 
voyée à l'examen de la section de publication. 

M. D'Avezac entretient ensuite la Société d'un docu- 
ment génois vulgairement intitulé Itineraviiim usas- 
maris; ce document, signalé en 1667 par Soprani, en 
1802 par M. Grâberg de Hemso, et 1res bien caracté- 
risé par Akerblad, fut l'objet, en 1809, de savants 
aperçus de la part de M. Walckenaër; enfin une copie 
entière en fut envoyée en 1824 par M. Grâberg à la 
Société de Géographie. M. D'Avezac, qui avait pro- 
voqué en 1832 des vérifications en Italie pour retrouver 
le manuscrit original , annonce qu'il a repris person- 
nellement ces recherches en 1842, et'qu'il est posses- 
seur d'une recensîon nouvelle qu'il se dispose à pu- 
blier; il donne quelques détails sur les diverses parties 
dont se compose le manuscrit, sur la date de chacune 
d'elles, et sur la nature, l'origine et l'auteur présumé 
de cette compilation. 



( A2Ô ) 

Séance du 3 (iéceinbre 1847. 

Le procès-verbal de la dernière séance est lu et 
adopté. 

A loccasion du procès-verbal, M. le président rap- 
pelle qu'il a été question de plusieurs manuscrits sus- 
ceptibles d'entrer dans la composition des mémoires 
inédits, et que la section de publication pourra s'en 
occuper, en même temps que de ceux qui viennent de 
lui être signalés. 

M. le colonel Corabœuf communique une lettre de 
M. le colonel Marieni, au service de l'Autriche, relative 
aux moyens d'opérer la jonction de la triangulation 
dirigée en Pologne par le général russe Tenner, avec 
la triangulation autrichienne du royaume de Gallicie. 
Un extrait de cette lettre est renvoyé au comité du 
Bulletin, 

M. Jomard donne lecture d'une lettre de M. le doc- 
teur Beke , ainsi que de ses observations relatives à la 
source de la principale branche du fleuve Blanc. — 
Renvoi au comité du Bulletin. 

Le même membre fait les communications suivantes : 

l"" Il résulte de sa correspondance avec U. Garl 
Ritter, au sujet du voyage au Soudan [(las Buch des 
Sudan) que M. Rosen vient de traduire du turc en a11c« 
mand, que le voyageur tunisien, Mohammed-ben-Ali- 
ben-Zaid-el'Abidin-el-Tounsi, est autre que le cheykh 
Mohammed- el-Tounsi, auteur du Voyage au Darfour 
et d'un Voyage au Ouadây, dont les dessins ont été 
communiqués à la Société. Tous deux y sont allés par 
l'Egypte, et sont revenu» du Ouadây à Tunis par le 
Fezzan et Tripoli ; mais le cheykh seul est revenu de 
Tunis au Caire. Celui-ci ne parle aucunement de rui- 

VIII. NOVEMBRB ET DléCEMBRE. 12. 28 



( A26 ) 

ncs, de sarcophages, d'inscriptions sur tables de cuivre 
avec les signes du soleil, etc., mentionnés dans le Biœh 
fias Sudan, ni d'un Français voyageant à Ouadây à la 
même époque. Ces divers points seront examinés dans 
la préface du Voyage du cheykh au Ouadây. 

2* M. le docteur Squier est occupé à la publication 
de ses recherches sur les anciennes enceintes ou cir* 
convallations et les tumulus américains qu'il a fouillés, 
et sur divers sujets curieux d'antiquités américaines. 
Plusieurs planches de son ouvrage représentant en 
plan et en coupe des enceintes et des tumulus situés 
sur les bords des rivières Print-Creek, Little*Miani et 
Brush-'Creek, sont déposées sur le bureau ; la dernière 
présente la singulière conformation d'un serpent et 
d'un œuf (ou ovale) à son extrémité. 

3* M. Gustave Klemm, directeur du musée deDresde, 
en continuant ses recherches au sujet du casque asia- 
tique trouvé dans un marais dans la seigneurie de 
Beitzsch (cercle de Guben, régence de Francfort), 
s'est assuré que le poignard et les bracelets trouvés au 
même lieu sont d'une matière et d'une forme tout à 
fait différentes de celles des armes et ustensiles con- 
servés dans sa collection et dans toutes les collections 
connues. 

M. de Bruyn adresse d'Amsterdam une grande carte 
de la Palestine, qu'il vient de publier, et il exprime à 
la Société le désir de connaître son opinion sur ce tra- 
vail. — M. Poulain de Bossay est prié d'en rendre 
compte. 

M. Jomard offre, en son nom, une brochure de 
M. Geoffrov Saint-Hilaire sur l'acclimatation et la do- 
mesticatîon de nouvelles espèces d'animaux. 

I\l. Adolphe d'Hastrel fait hommage de la troisième 



( 427 ) 
et dernière livraison de son Album de Tlle fiourbon. 

Séance du 17 décembre 1847. 

Le procès - verbal de la dernière séance est lu et 
adopté. 

M. le président lit une lettre de M. le comte Mole 
par laquelle il prie la Commission de vouloir bien re- 
mettre la séance générale qu*il doit présider au mois 
de janvier prochain, l'état de ses yeux ne lui permet- 
tant pas de remplir ce devoir avant un mois. La Com- 
mission fixe la séance au vendredi li janvier. 

M. le prince de Craon, vice-président du Comité 
central de l'œuvre française pour le mont Carmel et 
la protection des chrétiens d'Orient , écrit à la Société 
qu'après avoir aidé au rétablissement de cet hospice, 
le Comité dont il est l'organe avait pensé aussi à réor- 
ganiser la bibliothèque qui fut détruite par l'armée 
française lors du siège de Saint- Jean d'Acre, et qu'il 
comptait sur les sympathies de la Société. La Com- 
mission centrale, désirant contribuer, pour sa part, à 
la réalisation de cette pensée du Comité central , que 
la réédific^tion du mont Carmel est non seulement 
une question de religion , mais encore d'humanité , 
décide qu'elle mettra à la disposition de ce comité une 
collection de son bulletin et de son recueil de Mé* 
moires. 

M. le président annonce la perte douloureuse que la 
Société vient de faire dans la personne de deux de ses 
correspondants étrangers, M. le comte Gràberg de 
Hemso à Florence, et M. le général Visconli, directeur 
(lu dépôt géographique et hydrographique de Naples. 
La Commission centrale décide que l'expression de ses 
regrets sera mentionnée an procès-verbal. 



i 428 ) 

Il annonce cnsuile le départ pour Ceylan de M. Jauge 
fils» qui se rend à Colombo pour un long séjour, et se 
met à la disposition de la Société. 

M. le président inforuie aussi la Société du passage 
à Paris de M. Layard, qui a fait des découvertes impor- 
tantes aux bords du Tigre, sur remplacement de la 
ville de Nemrod, et en rapporte de nombreux dessins; 
on y compte plusieurs palais, des temples et divers 
bâtiments; les sculptures sont d'une grande richesse, 
et rappellent celles de Khorsabad ou Ninive , avec cer- 
taines particularités. Les bas-reliePs représentent un 
passage de rivière, une chasse aux lions, des marches 
militaires, des combats, et d'autres sujets historiques. 
M. Layard a vu la pyramide citée par les auteur? grecs ; 
elle a 180 pieds environ. 

Le môme annonce qu'il a reçu de M. Pasini, secré- 
taire de rinstîlut de Venise, une nouvelle édition ita- 
lienne de Marco Polo, qu'il vient de publier avec un 
Commentaire de M. Lazari. Le texte de la Société de 
Géographie a été choisi pour cette version , comme le 
plus complet. Une longue Introduction, dans laquelle 
est cité M. Roux plus d'une fuis, précède tout l'ouvrage, 
qui est accompagné d'une carte des voyages de Marco- 
Polo, avec les deux nomenclatures. 

Il donne lecture d'un rapport du général Edhem- 
Bey, ministre de l'instruction au Caire, sur l'état actuel 
des écoles publiques en Egypte. 

Enfin , il communique le récit d'un voyage en cara- 
vane dans les déserts de Californie, où se trouve décrit 
un phénomène extraordinaire de mirage. 

M. le baron de La Pylaie donne , à celte occasion , 
(|iiolques délails sur les mirages qu'il a observés en 
France. 



( 429 ) 

M. le docteur Ewald écrit à la Société pour lui offrir 
les livraisons 8-10 de son Atlas universel. 

M. le vicomte de Santarem fait hommage d'une nou- 
velle planche de son Atlas de mappemondes et de 
cartes du moyen âge; cette planche renferme les mo- 
numents suivants : 

1* Une mappemonde tirée d'un manuscrit de Ma- 
crobe du x* siècle; 2"* un autre monument tiré du 
même manuscrit; 3^ une mappemonde du xn* siècle 
tirée du Liber Guidoms de la Bibliothèque royale de 
Bruxelles, d'après un fac-similé envoyé par M. le baron 
de KeifTenberg ; h"" une autre mappemonde tirée du 
même manuscrit; 5® une mappemonde du xiii^ siècle 
tirée d'un manuscrit islandais, et publiée dans les 
Antiquitates arnencanœ; 0° un monument du xiv^ siècle, 
tiré d'un manuscrit de la Bibliothèque royale de Paris, 
pour servir de démonstration aux théories de quelques 
cosmographes du moyen âge; 7® un monument tiré 
d'un manuscrit du xit"* siècle de la Bibliothèque royale 
de Paris, pour servir d'explication aux théories de 
quelques cosmographes du moyen âge ; 8*^ une map- 
pemonde du xiv'^ siècle, qui se trouve dans un manu- 
scrit de la Bibliothèque royale de Paris. — M. de San- 
tarem donne l'analyse de ces monuments dans le texte 
explicatif de son Atlas. 

OUVRAGES OFFERTS k LA SOClÉTlà. 

Séance du 5 noifembre 1847. 

Par M, le vicomte de Santarem : Quadro elementar 
das relaçoes politicas e diplomaticas de Portugal com 
as diversas potencias do mundo, desde o principio da 
monarchia portugueza até aos nossos dias. Tomes II , 



( 430 ) 

III. IV, V. Paris, 18A2-18A6. — Corpo diplomatico 
Portuguez conlendo lodos os iraiados de paz» de al- 
liança , de neutralîdade , de iregua , de commercio , de 
limites» de ajustes de casamentas, de cessôes de terri* 
torio e outras transacçoes entre a coroa de Portugal e 
ns diversas poteDcias do mundo, desde o principio da 
luonarchia aie aos nossos dias. Tome I. Paris, 18i6. 

Par MM. Le Sont et f^erger : Géographie élémen- 
taire de la Loire-Inférieure. Nantes, 1847. 1 vol. in-18. 

Par les auteurs et éditeurs : Annales de la Société 
d'agriculture de la Charente. Mars et avril. — Séances 
et travaux de l'Académie de Reims, n"" A. — Nouvelles 
Annales des voyages et des sciences géographiques. 
Tome III. 1847. — L'AboIitioniste Français. 5* livrai- 
son. — Revue de l'Orient et de l'Algérie. Septembre. 

— L'Investigateur, journal de l'Institut historique. Oc- 
tobre. — Journal des Missions évangéliques. 10* li- 
vraison. — Bulletin spécial de l'Institulrice. Octobre. 

— Annales de la propagation de la Foi. Novembre. ' 

Séance e/a 19 noifembre 1847. 

Par la Société royale asiatique de la Grande-Bretagne 
et de l* Irlande : Journal de cette société. Volume X, 
partie III. Londres, 1847. In-8°. 

Par M. C. Hitter, au nom du docteur Georges Rosen : 
Das Buch des Sudan oder Reisen des Scheiz Zain el 
Abidin in Nigritien. Broch. in-8". Leipzig, 1847. 

Par les auteurs et éditeurs : Annales maritimes et 
coloniales. Octobre. — Journal asiatique. Septembre. 
- Recueil de la Société polytechnique. Septembre. — 
Bulletin spécial de riustitutrice. Novembre. 



( 431 ) 

Séance du 3 décembre 1847. 

Par le ministère de l^ Agriculture et du Commerce : Do- 
cuments sur le commerce extérieur (n** 383 à 386). 
In- 8». 

Par M, Adolphe d'Hasirel : Album de Ttle de Bour- 
l)on. 3' et dernière livraison. In-fol. 

Par M, Bruyn : Palœstina ex veteris œvi monumentis 
ac recentiorum observationibus illustravit M. D. de 
Bruyn. Amstelodami. 18Aâ. 1 feuille. 

The journal of the Indian Archipelago and Eastern 
Asia. N°* 1, 2 et 3 (july, augusl, september 1847). 
Singapore. In-8°. 

Par M. Jomard : Acclimatation et domestication de 
nouvelles espèces d'animaux (extrait de la Reloue Inde 
pendante), par M. Is. Geoffroy Saint-Hîlaire. Brocb. 
tn-8^ 

Par les auteurs et éditeurs : Revue de TOrient et de 
l'Algérie. Octobre, — L'Investigateur, journal de l'In- 
stitut historique. Novembre. — Journal asiatique. Oc- 
tobre. — Boletin de la Sociedad economica de Amigos 
del pays de Valencia. Septembre. — Journal des Mis- 
sions évangéliques. Novembre. 

Séance du 17 décembre 1847. 

Par M, le capitaine sir James Clark Ross : A Voyage 
of discovery and research in the southern and antarctic 
régions, during the yars 1839-1843. 2 vol. in-8*. Lon- 
dres, 1847. 

Par M, le Dice-président du Comité : Œuvre française 
du Mont-Carmel. Broch. in -8°. 



( 432 ) 

Par les auteurs et éditeurs : Journal d'éducation po- 
pulaire. Septembre et octobre. — Séances et travaux 
de l'Académie de Reims. — Bulletin spécial de l'Insti- 
tutrice. Décembre. — Tableaux de mars et avril de la 
Commission hydromélrique de Lyon. 



TABLE DES MATIÈRES 



OOinBlfOBS 



DANS LE VHP VOLUME DE LA &• SÉRIE. 

(Juillet à Décembre 1847.) 



PREMIÈRE SECTION. 

MÉMOIRES , EXTRAITS, ANALYSES ET RAPPORTS. 



Pagct. 



Explorations dans la Tariarie mongole et au Thibet, de i844 à 
1846, par MM. Gabet et Hue , missionnaires français. Frag- 
ment inséré an cahier de juillet i847 ^^ Annales de la Pro- 
pagation de la foi ^ et analysé par M. Albewt-Mohtémokt, 
membre de la Commission centrale 5 

The wild sports of southem Africa ; being the narative of an 
expédition from the cap of Oood Hop through the territories 
of the chief Moselekatse , to the tropic of Capricorn ; by 
.càptain Harris. — Scènes sauvages de l'Afrique méridio- 
nale, ou récit d'une expédition depuis le cap de Bonne- 
Espérance, à travers les contrées placées sous la domina- 
tion du chef Moselekatse, jusqu'au tropique du Capri- 
corne. (Analyse par M. ALBERT-MoifTiÊMONTy membre de 
la Commission centrale. ) 27 

Antiquités amériraines: — Lettre de Ht, Samuel F. Baven , 
membre et bibliothécaire de la Société américaine des anti- 
quaires des États-Unis , à M. Jomard , membre de llnstitut 
de France 4? 

Ouvrages ou Mémoires offerts à la Société de géographie , dans 
les dernières séances. Notice par M. AIbert-Momteoiort. . 49 

Voyage dans TAfrique australe , notamment dans le territoire 
de Natal , dans celui des Cafres Amazonlous et Makatisses et 
VIII. NOVEMBRE ET D1^.CEMBRE. 13. 29 



»J 



ju8qa*au tropique du Capricorne; exécute durant leA années 
itôS, 1839, 1840, i84< 9 184^9 1843 et 1844 9 accomp»- 
gnë de destins et cartes, par M. Adulphe Delegorgne. 
( Analyse par Bi. Albbrt-Mohtimoiit , membre de la Com- 
mission centrale. ) 65 

Des Notations gëograpliii|ues. (Extrait d*nne lettre de M. le co- 
lonel Jacksobt à M. Jomabd, membre de llnstitut . ... 81 

Fragment d'écriture libyenne. J-*-D 83 

Sur la langue des Mnyscas ou la langue chibcha. J — D. . 85 

Enseignement géographique. J — D 89 

Histoire de la navigation , par M. de Navarbbts. J — D. . . 90 

Note sur le public domain des États-Unis. J— D 91 

Extrait d'une lettre de M. Antoine d'Abbadie à M. Jomard. 94 

Notice sur les antiquités de la NouveMe-Orenade, par M. Valez. 97 
Antiquités de la Régence de Tunis , par M. de Saikte-Mabib » 

capitaine au corps royal dVtat-major en mission à Tunis. . 109 
La Qmbébasie. (Extrait d'une lettre de M. Tbéod. de Saissct, 

lieutenant de vaisseau 1 1 2 

Manuel du négociant français en Chine , ou commerce de la 
Chine, considéré au point de vue français , par M, C. de 
Monti^ny, attaché à l'ambassade du roi en Chine. ( Ana- 
lyse par M. ALBERT-MotlTÉMOKT. ) II9 

Observations sur la nomenclature et le classement des îles et 
archipels de la mei* de Madagascar ( lues à la Sociéié de géo- 
graphie, dans sa séance du 5 novembre 1847)^ P*'' ^- ^'^"^ 
TEZAC 139 

Fragments d'une Notice sur un Atlas manuscrit de la biblio- 
thèque Walckenaer. Fixation des dates des diverses parties, 
dont il se compose , par M. D'Avbzac 142 

I. Introduction « ih, 

II. Calendrier lunaire formant la première page de l'Atlas. . i5i 

III. Calendrier solaire formant la deuxième page de l'Atlas • i6a 

IV. Conclusion 171 

Note de M. le colonel Cobabqbuf sur un Recueil des hauteurs 

au-dessus de la mer, publié par M. Ostbbvald 172 

Notice sur les anciennes Sagas de l'Islande, par M. C.-C. Rafh, 

secrétaire de la Société royale .des Antiquaires du Nord. . . 1 74 
Renseignements sur les Voyages et Albums pittoresques de 

M. d'Hastrbl, et sur les .travaux chorographinues de M. X^a- 



( â36 ) 

•UILLKMIll, par M. BlETHKLOT « I77 

Note sur la publicaiion, préparée par M. Johard, d'un Recueil 
de cartes da moy«n âge , sous le titre de Monuments de la 
géographie i8o 

Notice d*une carte des Vents et des Gourants de l'océan Atlan- 
tique septentrional, par M. Macrt, lieutenant de la marine 
des États-Unis, directeur de l'Observatoire de la marine à 
Washington i85 

Dissertation géographique sur l'Amérique, communiquée k la 
Société de géographie par M. Fbahcis LàTâLLés 198 

Revue des ouvrages, mémoires et joiimaux offerts à la Société 
de géographie pendant le mois d'oc^hre 1847 • . . . . ao4 

Letire deM. Amtoi.kb d'Abbadib à M.D'Aveiac. • . . • . »3i 

Discours prononcé par M. le comte Mole dans l'assemblée gêné* 
raie tenue à l'hôtel de ville le i4 janvier 1848 a49 

Rapport sur les travaux de la Société de Géographie et sur le 
progrès des découvertes et des études géographiques pendant 
l'année 1 847) par M. ViviKH DE Saint-Martik a53 

Notes sur les mœurs, coutumes et traditions des Amakoua, sur 
le commerce et la traite des esclaves dans l'Afrique orientale, 

parM. EuoiNB DE Frobbb VILLE 3ii 

Notes sur les Amakoua 3i2 

Notice sur l'expédition envoyée par le gouvernement français 
dans l'Amérique du Sud, sous la direction de M. le comte de 
Castblhau « 33o 

Les antiquités américaines au point de vue des progrès de la 
géographie, par M. Johard 345 

Lettre de M. Bebb adressée au président de la Société de Géo- 
graphie 356 

De la détermination des côtes septentrionales de la Sibérie par 
MM. DE Whargeel et Arjod 362 

Scènes de la vie sibérienne. Pèche de l'omoule dans la Se- 

lenga 367 

Extrait d'un Mémoire sur la Laûque de Procope, par M. Vivier 
DB Sairt-Martir 376. 

Progrès de la collection géographique de la Bibliothèque 
royale 4o8 

Extrait d'une lettre du colonel Marieni relative aux moyens 
d'opérer la jonction de la triangulation dirigée en Pologne 



( 489 ) 

avec celle de la Gallicie 4^9 

Compte rendii dei receciet et dépenses de la SooiÀé pendant 
lexeiteice t^6*^S^y 420 

DEUXIÈME SECTION. 

ACTBS DE LA SOCIÉTÉ. 

Frocis-Terbaoz des téaaées éê li GonunissNm centrale (de 

juillet à déeettbre 1847). * . . , 57, 1»^ t88, )4>9 4^' 

Onrrages offerts à U Sôei^té 5^» 196» a45, 43o 

Membres admis dans k Société. • . 196, 193 

Table des matières 433 



nu DE LA TASLB DU 8* VOLtME.