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Full text of "Bulletin de la Société scientifique, historique et archéologique de la Corrèze"

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BULLETIN 

SOCIItl    ICIlItlIItll,    IJSTHIIII 

A.K.c;iïi!or.oc3HQrrB  " 

I.A    CORRÈZE 


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BULLETIN 
mtn  SCIEITIFIQIE,  HISTORIQUE 

ARCHÉOLOGIQUE 

LA   CORRÈZE 

SIÈGE   A   BRIVE 

d'BtUlté  pnbUqoe  (Décret  dn  30  MTembie  1188} 


TOME    VINGTIEMI 


BRIVE 

MARCEL   ROCHE,    IMPRIMEUR    DK    LA   SOUÉTÉ 


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LISTE 

DES   MEMBRES  DE  LA   SOCIÉTÉ 


Président  d'honneur  : 
M.  le  comte  Robert  de  LA8TEYRIE,  #,  I  P  «,  membre 
de  l'Institut,  à  Paris. 

Président  : 
M.  Ernest  RUPIN,  I  P  O,  à  Brive. 

Vice-Présidents  : 
M.  Gaston  de  LÉPINAY,  à  Moriolle,  près  Brive. 
M.  EvabsE  BOBIË,  «,  à  Brive. 

Secrétaire-Général  : 
M.  Louis  de  NUSSAC,  à  Brive. 

Trésorier  : 
M.  Jean-Baptiste  BOSREDON,  à  Brive. 

Bibliothécaire  : 

M.  Alfred  MAS,  à  Brive. 

Membres  du  Bureau  : 
M.  Louis  BONNAY,  à  Brive. 
M.  Jean-Baptistb  ESPÉRËT,  A  V.  à  Brive. 
M.  Sylvain  GUILLOT,  à  Brive. 
M.  ÉLiE  MAS3ÉNAT,  A.»,  à.  Brive. 
M.  Ludovic  de  VALON,  à  Brive. 


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MEMBRES    FONDATEURS    ET    TITULAIRES 

MM. 
Alayrac,  président  du  Tribuaal  de  1"  instance,  à  Brive. 
AsHER  (A.),  libraire,  13,  Unter  den  Linden,  à  Berlin  W. 
Bar  (José pli- Louis  de),  propriétaire,  à  Argentat. 
Barbier  de  Montault  (Mgr},  A  O,  prélat  de  la  maison 

de  Sa  Sainteté,  37,  rue  Saint-Denis,  à  Poitiers. 
Bardon  (Krnestf,  *,  A  f|,  architecte  du  département, 

80,  rue  de  la  Barrière,  à  Tulle. 
Bardon  (Téléphe),  avocat,  au  château  du  Saillant,  par 

Voutezac. 
Barthélémy  (Anatole  de),  *,  membre  de  l'Institut,  9, 

rue  d'Anjou-Saint-Honoré,  A  Paris. 
Baudot  (de),  *,  architecte,  153,  rue  do  Rennes,  à  Paris. 
Bei.lefon  (de  MÉRic  do',  ancien  magistrat,  3,  rue  de 

rilôlol -de- Ville,  à  Montauban  (Tarnet-Garonne). 
Béon  (le  comte  de),  16,  avenue  Kléber,  à  Paris. 
Besse  (dom  Martial),  religieux  bénédictin  à  Ligugé 

(Vienne). 
Bessou  (l'abbé),  chanoine  honoraire,  curé-doyen  de 

Lubersac  (Corrèze). 
Beynié  (Jean- Baptiste),  photographe,  à  Brive. 
Bial  (Paul),  0  *,  ancien  commandant  d'artillerie,  8, 

rue  Taupin,  à  Toulouse. 
Billot  (le  général),  G  C  *,  sénateur.  Ministre  de  la 

Guerre,  28,  avenue  du  Trocadéro,  A  Paris. 
Blanc  (Antoine),  juge  de  paix,  A  Ayen. 
Blanc  Chambon,  négociant,  rueCarnot,  à  Brivc. 
BoNNAY  (Louis),  architecte,  place  Cttampanatier,  à  Brive. 
BoRiE  (Eugène),  *,  lieutenant-colonel  territorial,  chargé 

du  service  des  étapes,  A  Brive. 
Bosredon  (Alexandre  de),  *,  ancien  sénateur,  au  cliâ- 

teau  de  la  Fauconnie,  par  Terrasson  (Dordogne). 
Bosredon  (Jean-Baptiste),  rue  de  l'Hôtel -de- Ville,  à 

Brive. 
Bosredon  (Philippe  de),  G  *,  ancien  conseiller  d'Etat, 


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rue  Verte,  à  Montretout,  par  Salnt-Cloud  (Seine-el- 
Oise). 

BouRNEix  (l'abbé),  curé  de  Nonards,  par  Beautieu. 

Breton  (l'abbéGermain),  chanoine  honoraire.  Supérieur 
du  Petit- Séminaire,  à  Brive. 

Brettes  (le  comte  Joseph  do),  A  0>  explorateur-géogra- 
phe, chargé  de  missions  par  le  gouvernement  français, 
château  du  Puy,  par  Thenon  (Dordogne). 

Breuil  (Victor),  llquorlste,  à  Brive. 

BRUGEiLLES(Fernand},  Inspecteur  principal  des  cliemins 
de  fer  du  Midi,  chef  du  contentieux,  30,  rue  Lebertbon, 
à  Bordeaux. 

Brugère  (Eugène),  A  S*-Ybard,  par  Uzerche  (Gorrèze). 

Cars  (le  duc  des)  75,  rue  de  Grenelle,  à  Paris,  et  châ- 
teau deSourches,  par  Cernay- Champagne  (Sarthe). 

Chabau  (l'abbé),  chanoine  à  Sainl-Flour  (Cantal). 

Chabrerie  (Louis),  I  P  i?.  Principal  honoraire,  maire 
de  Sarran,  par  Corrèze  (Corrèze). 

Chadourne  (Léonl,  avoué-licencié,  à  Brive. 

Chalup  (le  vicomte  Bobert  de),  au  château  Darrlcaud, 
par  Landlras  (Gironde). 

Chamaillard  (Auguste  de),  propriétaire,  à  Brive. 

Champbval  (Jean-Baptiste),  avocat,  à  Plgeac  (Lot). 

Chauveron  (Audoin  de),  président  du  Tribunal  de  l^* 
Instance,  à  Louviers  (Eure). 

Chiroux,  vérificateur  des  poids  et  mesures,  i  Ussel 
(Corrèzel. 

Clapier  (Henri),  A  Q,  architecte,  à  Brive. 

Clédat  (Gaston  de),  commandant  au  95™«  territorial,  â 
Brive. 

Clément-Simon  (Gustave),  *,  ancien  procureur  géné- 
ral, au  château  de  Bach,  commune  de  Naves,  par 
Tulle. 

Clochard,  ébéniste,  à  Brive. 

Corbier  (Luc  de),  conservateur  des  hypothèques,  à 
Vitry-le-Français  (Marne). 

CoSNAC  (la  marquise  Henri  de),  à  Brive. 


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CosNAC  (la  comtesse  Jules  de),  au  château  du  Pin,  par 
Salon-la-Tour  (Corrèze),  et  37,  rue  Vaneau,  à  Paria. 

CosNAG  (l'abbé  Médéric  de),  chanoine  honoraire  de 
Mohilew,  chanoine  à  Tulle. 

CosNAC  (le  comte  Paul  de],  au  château  de  Friac,  par 
Meyssac. 

CoiiLiÈ,  notaire  et  maire,  au  Soulier-de-Chasteaux,  par 
Larche, 

Decoux-Lagoutte  (Edouard),  A  M,  ancien  magistrat, 
12,  rue  BourdeiUes,  à  Pérlgrueux. 

Delisi-e  (Léopold;,  0  #,  directeur  de  la  Bibliothèque 
nationale,  rue  Richelieu,  à  Paris. 

Deloche  (Maximin),  G  «,  I  P  U,  membre  de  l'Institut, 
5,  rue  Herschell.â  Paris. 

Delpeuch  (l'abbé},  A  O,  aumônier  au  collège  de  Brlve. 

Denoix  (EIîg),  entrepreneur  de  menuiserie,  à  Brive. 

Devars  (Max),  au  château  de  Lascamps,  près  Brive. 

Drapeyron  (Ludovic),  1  P  O,  docteur  ès-lettres,  direc- 
teur de  la  Reçue  de  Géographie,  secrétaire-général  de 
la  Société  de  Topographie  de  Paris,  55,  rue  Claude- 
Bernard,  à  Paris. 

Duboi:sqi;et-Laborderie  (Louis),  I  P  y,  docteur- 
médecin,  rue  des  Landis,  à  Saint-Ouen  (Seine). 

DucouRTiEUX  (Paul),  A  i>,  libraire  éditeur,  7,  rue  des 
Arènes,  à  Limogea. 

DuTHEiLLET  DE  Lamothe,  à  Caramlja,  par  Lubersac,  et 
10,  rue  Brichaut,  à  Schaei-beck,  faub.  de  Bruxelles. 

KspÉRET  (Jean- Baptiste),  A  y,  professeur  d'histoire  au 
collège  de  Brive. 

Fage  (René),  1  P  O,  avocat,  25,  boulevard  Gambetta,  â 
Limoges. 

Perrière  (Gilbert),  à  La  Geneste,  commune  de  Naves, 
par  Tulle. 

Fournet,  architecte,  â  Brive. 

GiRODOLLE,  docteur- médecin,  à  Objat  (Corrèze). 

GiROu  (l'abbé),  curé  de  Hommes,  par  Savlgné  {Indre-et- 
Loire). 


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Gkeil  (Louis),  A  Q,  boulevard  Gambetta,  A  Cahors. 
GuiBERT  {Louis}  A  it,  agent  principal  de  la  Compagnie 

d'Assurances  générales,  8,  rue  Sainte-Catherine,  à 

Limoges. 
GuiLLOT  (Sylvain),  entrepreneur,  conseiller  municipal, 

rue  Charles-de-Lasteyrîe,  à  Brive. 
GuiLLOT  (Jean- Baptiste),  propriétaire,  maire  de  Naves, 

à  La  Geneste,  commune  de  Naves,  par  TuHc, 
Gyoux,  docteur  en  médecine  et  en  chirurgie,  143,  rue 

Fondaudège,  à  Borderux. 
iMBEAUi-T  (Jules),  A  Brive. 
JossE  (Gabriel),  à  Payrac  (Lot). 
JotîVENEL  (le  baron  Raoul  de),  0  #,  ancien  Préfet,  au 

chAteau  de  Castel-Novel,  par  Varetz  (Corrèze),  et  35, 

rue  de  la  Bientalsanoe,  à  Paris. 
Juin  de  Faucal  Demonteil  (Gaston),  notaire,  à  Damp- 

niat,  par  Obasine  (Corrézc). 
Julien,  professeur  à  la  Faculté  des  sciences  de  Clermonl- 

Ferrand. 
Labesse  (comte  de),  au  château  de  Chabrignac,  par 

Juillac. 
Laborde  (Raymond),  A  4»,  licencié  ès-lettres,  professeur 

au  Lycée  Michelet,  à  Vanves  (Seine). 
La  brousse  (Michel),  *,  A  Q,  docteur-médecin,  séna- 
teur de  la  Corrèze,  membre  du  Conseil  général,  35, 

avenue  Marceau,  à  Paris. 
Labrunie  de  Laprade  (André),  au  château  de  Balagé. 

par  les  Quatre-Routes  (Loti. 
Lachaud  (Edouard),  A  Q,  docteur-médecin,  conseiller 

municipal,  à  Brive. 
Lacroix,  A  O,  Principal  du  Collège  de  Brive. 
Lafarge  (Aimé),  notaire,  à  Lagraulière  (Corrézf>). 
Laffont  (Marc),  A  it,  docteur-médecin,  lauréat  de  la 

Faculté  de  médecine  de  Paris,  245,  rue  Salnt-Honoré, 
'  à  Paris. 
Laoane  (Klie),  pharmacien,  à  Brive. 


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-  io  — 

Lalande  (Philibert),  A  M>  Receveur  des  Hospices,  à 
Brlve. 

Lalauze  (Adolphe),  aqua-fortiste,  24,  quai  de  Bétliune, 
à  Paris. 

Larobertie  (Albert),  A  O,  Sous- Préfet  de  Brlve. 

Laroche  (Paul),  Imprimeur,  43,  rue  d'Amiens,  à  Arras. 

Lasteyrie  (le  comte  Robert  de),  *,  1  P  O,  membre  de 
l'Institut,  professeur  d'archéologie  A  l'Ecole  des  Char- 
tés,  député  de  la  Corrèze,  vice-président  du  Conseil 
général  de  la  Corrèze,  10  bis,  rue  du  Pré-auï-Clercs, 
à  Paris. 

Lasteyrie  (Charles  de),  10  bis,  rue  du  Pré-aux-Clercs, 
à  Paris. 

Laveyx  (Gaston),  à  Laplène,  par  Meymac  (Corrèze). 

Lemas  (Elle],  #,  I  P  U,  Inspecteur  honoraire  d'Acadé- 
mie, avenue  du  Midi,  27,  à  Limogea. 

LÉPINAY  (Adolphe  de),  *,  Ingénieur,  6,  passage  Sandrié, 
à  Paris. 

LÉPINAY  (Gaston  de),  au  château  de  Moriolle,  par  Lar- 
che. 

LESP1NAS  (Edmond),  avocat,  ancien  magistrat,  rue 
Saint- Plerre-ès- Liens,  à  Pérlgueux. 

Lespinasse  de  Pebeyre  (Charles  de),  *,  I  P  M,  ancien 
Préfet,  au  château  de  Pebeyre,  par  Laroche-Canillac 
(Corrèze). 

Lestrade  (le  marquis  E.  de),  à  Rom  (Deux-Sèvres). 

Leygonie,  ingénieur-hydrographe,  3,  rue  Neuve-de- 
l'Evêché,  A  Limoges. 

Levnia  de  la  JarrigE( Louis),  171,  faubourg  S'-Martin, 
à  Paris. 

Leymarie,  pharmacien,  à  Tulle. 

L'Hermitte  (Julien),  archiviste  de  la  Corrèze,  31,  ave- 
nue Victor  Hugo,  à  Tulle. 

Limoges  (Bibliothèque  de  la  ville  de}  (llaute-Vienno). 

LoBBÉ  (Auguste)  A  i»,  maire  de  Beaulieu  (Corrèze). 

Malliard  (Fernand  de),  docteur  en  droit,  lauréat  de 
l'Institut.  16,  avenue  de  Lamothe- Piquet,  à  Paris. 


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—  ii  - 

Marbeau  (Eugène),  0  *,  ancien  conseiller  d'Etat,  27, 
rue  de  Londres,  à  Paris. 

Marche  (l'abbé  Adolphe),  curé  d'Allassac  (Corrèze). 

Marquessac  (le  vice-amiral  comte  Raoul  de),  G  0  », 
au  château  de  Cieurac,  par  Souillac  (Lot). 

Marsy  (Je  comte  de),  I  P  y,  directeur  de  la  Société 
Française  d'archéologie,  à  Compiègne  (Oise). 

Martel  (Edouard- Alfred),  A  Q,  membre  du  Club  Alpin 
Français,  8,  rue  Ménars,  à  Paris. 

Mas  (Alfred),  boulevard  des  Sœurs,  à  Brive. 

Massénat-Déroche  (Octave),  132,  boulevard  Saint- 
Germain,  à  Paris. 

Massênat  (Elie),  A  U,  ancien  maire,  membre  de  la 
Société  d'Anthropologie,  conseiller  municipal,  à  Brive. 

Maynard  ibaron  Marc  de),  au  chûteau  de  Lopeyre,  par 
Martel  (Lot). 

Maza  (Henrii,  #,  avoué  honoraire,  20,  rue  Joubert,  à 
Paris. 

Mazeaud  (Paul),  au  château  de  la  Bastille,  près  Brive. 

Molinier  (Emile),  #,  A  *},  conservateur- adjoint  au 
Musée  du  Louvre,  53,  quai  Bourbon,  A  Paris. 

MONJAUZE,  notaire  honoraire,  faubourg  Le  Clère,  â 
Brive. 

MOREAU  (Frédéric),  père,  à  Fèreen-Tardenois  (Aisne). 

Morély  (Léopold),  docteur-médecin,  à  Argentat  (Cor- 
rèze). 

Mortillet  (Gabriel  de),  #,  professeur  à  l'Ecole  d'An- 
thropologie, à  Saint  Germaln-en-Laye  (Seine  et-Oise). 

MouRET  (Georges),  #,  ingénieur  en  chef  des  ponts  et 
Chaussées,  à  Besançon. 

NiNAUD  (Victor),  négociant,  à  Saint-Qentin  (Aisne). 

NoAiLLES  (le  comte  Alexis  de), 16,rue('.hauveau-Lagarde, 
à  Paris. 

NouviON  (Baptiste),  0  *,  ancien  Préfel,  â  Vars,  par 
Ayen  (Corrèze). 

Ntiss.AC  (Louis  de  Claris  de),  à  Brive. 

Pau  (l'abbé  Jules),  chanoine  honoraire  de  Tulle  et  de 


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—  a  — 

Salnt-Flour,  aumônier  des  Fabriques  de  la  Cascade, 

près  de  Bort  (Corrèze). 
PÉRONNE  (Prosper),  avocat  à  la  Cour  d'appel,  32,  rue 

des  Mathurins,  à  Pans. 
PERRiER  (Edmond),  0  *,  I  P  y,  membre  de  l'Institut, 

protesseur-admlniatrateur  au  Must^um,  28,  rue  Gay- 

Lussac,  à  Paris. 
Plantadis  (Johannès),  A  y,  rédacteur  au  Ministère  du 

Commerce,  65,  rue  Truffaut,  à  Paris. 
PouLBRiÈRE  (l'abbé},  chanoine  honoraire,  Inspecteur  de 

la  Société  Française  d'archéologie,  supérieur  du  Petit- 
Séminaire  de  Servières  (Corrèze). 
Rbbièhb  (Alphonse),  #,  I  P  U.  examinateur  d'admission 

à  l'Ecole  militaire  de  Saint-Cyr,  112,  boulevard  Arago, 

à  Paris,  et  maison  de  Loyac,  â  Tulle. 
Rivière  (l'abbé  Léonard- Joseph),  curé  du  Lonzac  (Cor- 
rèze). 
Roche  (Emile),  docteur  en  droit,  avoué,  4,  boulevard 

Beaumarchais,  d  Paris. 
Roche  (Marcel),  A  (),  imprimeur,  conseiller  municipal, 

à  Brive. 
Roche  (Paul),  avoué  de  l'«  instance,  10,  rue  Sainte- 
Anne,  à  Paris. 
Roque  (Antoine),  banquier,  à  Brive. 
Rouchaud-Nemours,  ancien  percepteur,  A  Ribérac 

(Dordogne). 
Roujou  (Anatole),  professeur  de  sciences,  à  Chamallères, 

près  Clermont-Ferrand. 
Rupin  (Ernest),  1  P  U,  à  Brive. 
SainteFortunade  (comte  Albert  de  Lavaur  de),  au 

château  de  Sainte- Fortunade  (Corrèze). 
Saint-Germain  (Louis  de),  *,  Directeur  honoraire  des 

Domaines,  place  Champanatier,  à  Brive. 
Saint-Germain  (Paul  de),  greflier  en  chef  du  Tribunal 

civil,  à  Brive. 
SAr.vANDY  (le  comte  Paul  de),  A  11,  ancien  député,  18, 

rue  Cas^iette,  A  Paris, 


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—  Ï3  — 

Segol  (Antoayi,  propriétaire,  â  Beaulieu. 

Seguin  (Paul),  propriétaire,  au  château  d'Ayen  (Corrèze) . 

Selve  de  Sarran  (de),  *,  banquier,  ancien  receveur 

des  Finances,  A  La  Ganne,  près  Ussel  (Corrèze). 
SiMBiLLE  (Elie),  aégoclant,  à  Brive. 
SouLHiÉ  (Louis),  notaire,  â  Vayrac  (Lot), 
SouuÉ  (Gabriel),  pharmacien,  à  Brlve. 
SouLiÉ  iLouls),  A  0>  conducteur  des  ponts  et  chaussées, 

à  Argentat  [Corrèze). 
SouLLiER  (l'abbé  Martial)  secrétaire-général  de  Tévêché 

et  chanoine  de  la  cathédrale,  à  Tulle. 
Stechert  (G.-E.),  libraire,  76,  rue  de  Rennes,  â  Paris. 
Tardieu  (Ambroise),  historiographe  de  l'Auvergne,  2, 

rue  Bansac,  â  Clermont-Ferrand. 
Thalamy,  maître  d'hôtel,  ancien  adjoint,  â  Brlve. 
Thomas-Duris  (René),  docteur-médecin,  à  Eymoutlers 

(Haute- Vienne). 
Tevssier  (Charles),  avocat,  27,  rue  Blaise-Reynal,  A 

Brive. 
Teyssier,  a  O,  ancien  juge  de  paix,  notaire,  A  Pérols, 

par  Bugeat  (Corrèze. 
Teyssier,  # ,  directeur  des  contributions  directes,  à 

Agen  (Lot-et-Garonne). 
TixiER  (Jules),  A  O,  architecte,  3i,  boulevard  Gambelta, 

à  Limoges. 
TouRNEMiRB  (Guillaume  de),  lieutenant  de  vaisseau  à 

bord  de  l'Algésiraa,  à  Toulon,  et  au  château  de  Pier- 

reOtte,  par  Sort  (Corrèze). 
TouMiEux  (Zenon),  ancien  notaire,  ancien  maire  de 

Royère  (Creuse). 
Ussel  (te  baron  d'),  13,  rue  d'Angevilliers,  à  Versail- 
les. 
Vachal  (  Joseph  ) ,   ancien  député ,  maire  d'Argentat 

(Corrèze). 
Vai.at  (Julien),  à  Souillac  (Lot). 

Valette  (Charles),  notaire  honoraire,  à  Chamboullvc 
Corrèze). 


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—  14  — 

Valon  (comtesae  de),  au  château  de  St-Priest,  par  Tulle. 
Valon  (Ludovic  de),  chef  de  section  du  chemin  de  ïer 

d'Orléans,  à  Brive. 
Verlhac  (Pierre),  homme  de  lettres,  à  Brive. 
ViCANT  (Max),  propriétaire,  au  château  d'Enval,  près 

Brive. 
Vignes  (Marc),  avenue  Charles  Bivet,  à  Brive. 


MEMBRES    CORRESPONDANTS 
INSTITUTKVRS 

MM. 

Chammard,  instituteur,  à  Mansac,  par  Larche  (Corrèze). 

Chazal,  instituteur,  à  Estivaux  (Corrèze). 

Colas  (l'abbé  Joseph),  professeur  à  l'Institut  S'-Joseph, 

à  Périgueux, 
Delmond  (P.),  instituteur,  à  AUassac. 
Lavialle  (Ernest),  instituteur,  à  Condat,  par  Uzerclic 

(Corrèze). 
Prat  (Jules),  A  O,  directeur  de  l'Ecole  communale  de 

dessin,  à  Brive. 
SouLiÉ  (Antoine),  A  \t,  directeur  de  l'Ecole  communale 

de  dessin,  à  Tulle. 


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-  t5  — 
SOCIÉTÉS   CORRESPONDANTES 

éCHANGE     DK     BULLETINS 

A  Ipes-Maritimes 
Société  des  lettres,  sciences  et  arts,  â  Nice. 

Bel/ort  (Territoire  de) 
Société  Belforlame  d'émulation,  à  Belfort. 

Bouches-du- Rhône 
Société  d'horticulture  et  de  botanique  de  Marseille,  52A, 
rue  TbuJïaneau. 

Charente 
Société  archéolog:iqiie  et  historique  de  la  Charente,  â 
Angoulème. 

Charente-Inférieure 
Société  des  sciences  naturelles  de  la  Charente-Inférieure, 
à  La  Rochelle. 

Cher 
Société  des  Antiquaires  du  Centre,  à  Bourges. 

Conatantine  (Province  de) 
Académie  d'Hippône,  à  Bône  (Algérie). 

Corrèse 
Société  des  lettres,  sciences  et  arts,  à  Tulle. 

Côte-d'Or 
Commission  des  Antiquités  de  la  Côte-d'Or,  à  Dijon. 

Creuse 
Société  des  sciences  naturelles  et  archéologiques  de  la 
Creuse,  à  Guôret. 

Dordogne 
Société  historique  et  archéologique  du  Périgord,  à  Péri- 
gueux. 


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—  16  — 

Drôme 
Bulletin  d'histoire  ecclésiastique  et  d'arcliéologie  reli- 
gieuse, dirigé  par  M.  l'abbé  Ulysse  Chevalier,  à  Ro- 
mans. 

Eure 
Société  d'agriculture,  sciences,  arts  et  belles-lettres  de 
l'Eure,  à  Évreux. 

Eure-et  Loir 
Société  archéologique  d'Eureet-Loir,  A  Chartres. 
Société  Danoise,  à  Châteaudun. 

Gard 

Société  archéologique  d'Alais. 

Garonne  (Haute-) 

Académie  des  sciences,  Inscriptions  et  belles-lettres,  à 
Toulouse. 

Société  d'histoire  naturelle,  28,  nie  Saint-Rome,  à  Tou- 
louse. 

Société  archéologique  du  Midi  de  la  France,  hôtel  d'As- 
sezat,  à  Toulouse. 

Société  de  géographie,  rue  Lakanal  (ancienne  Faculté 
des  sciences),  à  Toulouse, 

Gironde 
Société  archéologique  de  Bordeaux.  Bibliothécaire:  17, 
rue  Rode. 

Hérault 
Revue  des  langues  romanes  (secrétaire  :  M.  Chabaneau), 
3,  rue  de  l'Ancien-Courrier,  à  Montpellier. 

Landes 
Société  de  Borda,  à  Dax. 

Loire  (Haute-) 
Société  agricole  et  scientiOque  de  la  llaute-lx)irc  (secré- 
taire-général :  M.  Lascombe).  au  Puy-en-Velay. 


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—  17  — 

Loire-Inférieure 

Société  archéologique  de  Nantes  et  de  la  Loire  Infé- 
rieure, d  Nantes. 

Société  des  sciences  naturelles  de  l'Ouest  de  la  France 
(secrétariat-général  au  Muséum  de  Nantes). 

Loiret 
Société  archéologique  et  historique  de  l'Orléanais,  A 
Orléans. 

Lot 
Société  des  études  littéraires,  scientifiques  et  artistiques 
du  département  du  Lot,  à  Caliors. 

Meurthe-et-Moselle 
Société  de  géographie  de  l'Est,  1  bis,  rue  de  la  Prairie, 
à  Nancy. 

Oise 
Société  Française  d'archéologie ('fioZ/fif in  Monumental). 
Direction  à  Compiègne. 

Paade-Calais 

Académie  des  sciences,  lettres  et  arts  d'Arras. 

Commission  des  Antiquités  départementales  du  Pas-de- 
Calais,  à  Arras. 

Puy-de-Dôme 

Bulletin  historique  et  scientifique  de  l'Auvergne,  à  Cler- 
mont-Ferrand, 

Académie  des  sciences,  belles-lettres  et  arts,  à  Clermont- 
Perrand. 

Société  d'émulation  d'Auvergne,  à  Clermont-Ferrand. 

RItône 
Société  littéraire,  historique  et  archéologique  de  Lyon , 
Secrétaire-général  :  M.  Vachez.  24,  rue  de  la  Charité 
à  Lyon. 

Sadm  (Haute-) 
Société  d'agriculture,  sciences  et  arts  de  Vesoul. 


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Sarthe 
Société  archéologique  du  Maine,  au  Macs. 

Savoie  (Haute-) 
Société  Florimontane  d'Annecy. 

Seine 
Société  nationale  des  Antiquaires  de  France  (Palais  du 

Louvre),  à  Paris. 
Académie  des  Inscriptions  et  Belles- lettres  [Palais  de 

l'Institut),  à  Paris. 
Société  nationale  d'agriculture  de  France,  18,  rue  de 

Bellechasae,  â  Paris. 
Revue  de  Géographie,  55,  rue  Claude- Bernard,  â  Paris. 
Annales  du  Musée  Guimet,  30,  avenue  du  Trocadéro,  â 

Paris. 
Feuille  des  Jeunes  Naturalistes.  Directeur:  M.  Dolfus, 

35,  rue  Pierre-Charron,  à  Paris. 
Ruche  Corrézienne.  Secrétariat-général  :  65,  rue  Truf- 

faut,  à  Paris. 
Mélusine,  recueil  de  littérature  populaire.  E.  Rolland, 

libraire,  2,  rue  des  Chantiers,  à  Paris. 
L'Ami  des  Monuments  (M.  Charles  Normand,  directeur 

de),  98,  rue  de  Miromesnil. 

Somme 

Société  des  Antiquaires  de  Picardie,  à  Amiens.  Secré- 
taire perpétuel  :  6,  rue  Gloriette. 

Société  d'émulation  d'Abbeville,  3,  rue  des  Grandes- 
Ecoles. 

Tarn-et- Garonne 
Société  archéologique  du  Tarn-et-Garonne,  à  Montauban. 

Vienne 
Société  des  Antiquaires  de  l'Ouest,  à  Poitiers. 


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-  19- 

Vienne  (Haute-) 
Société  archéologique  et  historique  du  Limousin,  à 

Limogea. 
Archives  départementales  de  la  Haute-Vienne  (bureaux 

de  la  Préfecture,  à  Limoges). 
Société  botanique  du  Limousin,  3,  place  des  Carmes, 

à  Limoges. 
Société  des  Amis  des  sciences  et  arts,  à  Rochechouart. 


SOCIÉTÉS    ÉTRANGÈRES 

Angleterre 
Société  des  Antiquaires  de  Londres:  Burlington  house 
Plccadilly.  W.  London. 

Belgique 
Société  d'archéologie  de  Bruxelles,  Secrétariat  général  : 

11,  rue  Ravenstein,  à  Bruxelles. 
Bibliothèque  des  BoUandistes.  Directeur  :  M.  Van  Ortroy, 

14,  rue  des  Ursulines,  â  Bruxelles. 
Revue  bénédictine  de  l'abbaye  de  Maredsous. 

Suède 
Académie  royale  des  belles-lettres,  d'histoire  et  des 
antiquités  de  Stockolm. 


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NÉCROLOGIE 


La  Société  a  eu  à  regretter  la  perte,  en  1897,  de 
MM.  Gustave  Roque,  ancien  banquier  ;  Ernest  Vicant, 
ancien  maire  de  Brive  ;  Tandeau  de  Mahsac,  notaire, 
A  Paris  ;  Cheynier  ,  ancien  inspecteur  du  service  des 
Postes  et  Télégraphes,  à  Sainte-Féréole.  Tous  étaient  des 
sociétaires  de  la  première  heure;  MM.  Tandeau  de 
Marsac  et  Cheynier  étaient  renommés,  l'un  pour  aa 
bibliothèque  limousine,  l'autre  pour  sa  collection  de 
livres  et  de  curiosités  artistiques  et  archéologiques. 

Nous  prions  les  familles  d'agréer  l'expression  des  vlts 
regrets  de  la  Société. 


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NOELS 

DU    BAS-LIMOUSIN 


Les  Noëls  sont  des  cantiques,  pastorales  ou 
idylles  composés  en  l'honneur  de  la  nativité  du 
Messie.  Développés  en  un  langage  d'une  simplicité 
toute  rustique,  en  rapport  avec  celui  des  bergers 
qui  sont  censés  en  être  les  auteurs,  ils  offrent  tous 
les  sentiments  d'une  foi  vive  et  naïve.  11  y  avait  au 
moyen  âge  des  noëls  latins  et  des  noëls  en  langue 
vulgaire. 

Plusieurs  auteurs  se  basant  sur  une  phrase  de 
l'abbé  Lebœuf,  souvent  citée  mais  toujours  mal 
interprétée,  ont  avancé  que  ces  cantiques  populaires 
ont,  de  tout  temps,  emprunté  leur  mélodie  aux  airs 
profanes,  en  vogue,  auxquels  on  a  substitué  tout 
simplement  de  pieuses  paroles.  Cette  assertion  n'est 
point  exacte  ;  il  suffît,  pour  le  prouver,  de  citer  les 
propres  paroles  de  cet  historien  qui  écrivait  au 
xviii*  siècle  : 

«  Les  chants  de  Noël  (les  anciens),  supposé  qu'ils 
ressemblassent  par  leur  mouvement  à  ceux  que 
l'on  connaltdepuis  deux  ou  trois  cents  ans,  n'étaient 
pas  dans  le  genre  du  chant  grégorien  appelé  plain- 
chant,  mais  dans  le  genre  que  nous  appelons 
aujourd'hui  musique  ou  airs  de  vaudeville  »  (1). 


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Lebœui"  suppose  donc  que  les  Noëls  qui  se  chan- 
taient de  son  temps  sont  restés  purs  de  toute 
altération  quant  à  la  musique  ;  il  reconnaît  seule- 
ment que  leur  facture  est  différente  de  celle  du 
chant  grégorien  et  qu'elle  se  rapporte  au  genre 
appelé  musique  ou  airs  de  vaudeville  ;  mais  il  ne  dit 
pas  que  les  airs  des  cantiques  populaires,  au  moyen 
âge,  ont  appartenu  primitivement  à  des  chansons 
profanes  auxquelles  on  substituait  de  pieuses  pa- 
roles. 

11  estclairque.commetoutesles  formes  littéraires, 
celles  de  ces  petits  poèmes  ont  eu,  avec  le  temps, 
leur  évolution.  Tout  ce  qu'on  peut  affirmer  c'est 
que,  primitivement,  les  Noëls,  après  s'être  psalmo- 
diés sur  une  espèce  de  plain-chant,  se  rajeunirent 
en  se  mettant  sur  des  airs  nouveaux  mais  qui  leur 
étaient  propres,  probablement  vers  le  temps  où  le 
peuple  cessa  d'entendre  le  latin.  Ce  n'est  qu'au 
xvn'  siècle  que  l'abus  signalé  a  commencé  à  s'intro- 
duire et  qu'on  a  composé  des  Noéls  sur  des  airs  déjà 
connus,  tek  que  :  Au  jardin  de  mon  père,  un 
oranger  y  a;  —  0  levez-vous  belle  endormie, 
etc.  (i). 

Dans  la  suitCj  on  n'a  fait  qu'enchérir  sur  cette 
déplorable  habitude  et  la  plupart  de  ces  airs  reli- 
gieux, qui  se  chantaient  encore  parmi  le  peuple  et 
dans  les  églises,  n'étaient,  au  dire  de  Piganiol  de 
La  Force,  que  des  gavottes  et  des  menuets  d'un 
ballet  composé,  par  Eustache  Ducaurroy,  pour  le 
divertissement  de  Charles  IX  (2). 

(1)  Alexis  Socard,  Noël»  el  cantiques  imprimés  à  Troyes. 
(2J  Vapereau,  Diction,  des  lillérateiirs,  p,  148y. 


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Le  mot  Noël,  employé  d'une  façon  générique, 
désigne  soit  la  fête  de  la  Nativité  elle-même,  soit 
les  chants  composés  pour  cette  occasion.  Dans  la 
première  acception,  il  se  dit  en  langue  limousine 
Nadal,  Nadau  ;  dans  la  seconde  :  Nadalet  ou 
Nadalou. 

Ces  diverses  dénominations  se  trouvent  employées 
dans  les  plus  anciens  monuments  de  notre  langue, 
mais  les  auteurs  ne  sont  pas  d'accord  sur  l'étymo- 
logie  du  mot  Noël.  Le  plus  grand  nombre,  Ménage 
entr 'autres,  en  ses  Origines,  en  trouvent  la  dériva- 
tion dans  le  vocable  latin  natalem,  qui  se  traduit 
natal,  jour  natal.  En  effet,  dans  le  Rituel  romain, 
ce  mot  s'est  appliqué  à  plusieurs  fêles.  Ainsi,  on  a 
dit  natale  calicis  en  parlant  du  jour  de  la  Cène  ; 
natale  cathedrœ  Sancti-Petri,  pour  la  fête  de 
la  Chaire  de  saint  Pierre  ;  natalis  templi  basilicse, 
pour  désigner  le  jour  anniversaire  de  sa  dédicace  (1). 

En  effet,  d'après  les  plus  récentes  autorités  (2),  le 
terme  latin  natalem  serait  devenu,  en  vieux  fran- 
çais, nael,  puis  noel,  qu'on  aurait  écrit  dans  la 
suite  noël,  pour  indiquer  que  les  lettres  o  et  e  ne 
forment  point  diphthongue. 

Dans  certains  dialectes  méridionaux,  tel  que  le 
provençal,  le  mot  noël  se  dit  novel  ;  ce  serait  alors, 
ainsi  que  l'affirme  Borel,  une  contraction  du  mot 
nouvel,  signifiant  nouveau,  jour  nouveau. 

Quelles  que  puissent  être  l'origine  et  la  significa- 
tion du  mot,  Noël  est  une  des  fêtes  les  plus  impor- 

(1)  DictioimBiire  de  Trévoux,  verbo  Nobl. 

(3}  Hatzefeld,  Darmesteter  et  Thomas,  Diction,  général  de  Ih 
langue  françaite. 


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—  26  — 

tantes  que  l'Eglise  chrétienne  ait  inscrite  dans  son 
calendrier.  Aussi  pendant  une  grande  partie  du 
moyen  âge,  et  dans  plusieurs  nations  de  l'Europe, 
on  data  du  jour  où  elle  est  célébrée  le  commence- 
ment de  l'année,  tandis  qu'ailleurs  on  regardait 
comme  le  premier  jour  de  l'an  celui  où  tombe  la 
fête  de  Pâques  (1). 

Le  joyeux  avènement  du  Christ  fut  pour  le  monde 
entier  un  fait  si  considérable  que  le  mot  Noël 
devint  chez  plusieurs  peuples  une  expression  d'al- 
légresse suprême,  non  seulement  à  la  fin  de  l'A  vent, 
mais  encore  dans  maintes  circonstances.  En  effet, 
c'est  par  ce  mot  que  la  France  saluait  autrefois  la 
naissance  de  ses  princes,  le  sacre  de  ses  rois  ou 
leur  entrée  solennelle  dans  les  villes  ;  il  était  syno- 
nyme de  bienvenue. 

Martial  Paris  raconte  ainsi  l'entrée  du  roi  Char- 


(1)  C'est  Denis-le-Petit,  en  Italie,  qui,  en  525,  établit  l'ère  chri- 
tienne  et  U  fit  partir  de  la  naissance  de  Jésus-Christ.  Mais  ce  ne 
fut  qu'au  vcri*  siècle,  sous  Charlemagiie,  qu'on  adopta  en  France 
cette  manière  de  compter.  En  Limousin,  le  premier  janvier  n'a  pas 
toujours  marqué  le  commencement  de  l'année.  Sous  les  MiSrovin- 
giens,  le  calendrier  s'ouvrait  le  i"  mars;  puis  ce  fut  à  la  Noël,  le 
25  décembre  et  plus  tard  ft  Pâques.  Pierre  Faure,  chancelier  de 
l'orficialité  de  Limoges,  fiia,  par  un  édit,  l'ouverture  de  l'année  au 
35  mars,  date  do  la  fâte  de  l'Annonciation.  Mais,  en  1560,  Charles  IX 
ordonna  qu'à  l'avenir  l'année  s'ouvrirait  le  premier  janvier.  Le  Parle- 
ment s'opposa  pendant  six  ans  à  cet  édit  qui  ne  fut  mis  à  exécution 
que  le  premier  janvier  1567.  Quelques  années  après,  en  1583,  le  pape 
Grégoire  XIII  introduisit  le  nouveau  calendrier,  qui  porte  encore 
aujourd'hui  le  nom  de  ce  pontife  et  qui  fixa  le  commencement  de 
l'aunée  au  premier  janvier.  Ce  calendrier,  ainsi  réformé,  ne  fut  pas 
admis  tout  de  suite  par  les  pays  protestants  de  l'Kurope  :  l'Allema- 
gne, la  Hollande,  la  Suiase  et  le  Danemark  ne  l'adoptèrent  qu'en 
1700  ;  l'Angleterre  en  t752  et  la  Suède  en  1753,  La  Russie  est  le 
seul  pays  chrétien  qui  ne  l'ait  point  accepté,  car  son  calendrier  est 
en  retard  de  douie  jours  sur  le  nfttre,  de  sorte  que  le  premier 
janvier  chez  les  Russes  correspond  chez  nous  au  13  du  même 
mois. 


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I 


les  VII  dans  la  ville  de  Paris  reconquise  sur  les 
Anglais  : 

Les  ungs  aux  fenestres  estoient 

A  veoir  ledit  feu  Roy  passer 

Puis  les  enfans  s'agenoilloient 

En  criant  Noël  sans  cesser  (1). 

Quand  Louis  XI,  revenant  de  Bayonne,  traversa 
la  ville  de  Brive  le  33  juillet  1463,  il  fut  reçu  aux 
cris  de  Noël,  Noël,  par  les  consuls  et  les  enfants 
qui  se  précipitèrent  à  sa  rencontre,  les  derniers 
revêtus  de  robes  blanches  et  la  tête  couronnée  de 
fleurs  (2). 

Cependant,  par  Noël,  on  entend  communément 
un  cantique  fait  en  l'honneur  de  cette  Nativité. 

Si  la  naissance  du  Christ  dans  une  étable  et 
l'adoration  des  Mages  et  des  pasteurs  n'étaient  pas  un 
article  de  foi  pour  les  chrétiens,  ce  serait  assuré- 
ment la  plus  sublime  et  la  plus  attendrissante  des 
légendes.  Il  y  a,  dit  Simon  Boubée,  quelque  chose 
de  plus  touchant  que  l'Homme-Dieu  daignant  se 
mêler  à  l'iiumanité,  c'est  un  Dieu  enfant  qui  veut 
bien  s'offrir  à  ses  caresses.  Aussi  les  fêtes  de  Noël 
ont-elles  donné  lieu  à  une  quantité  de  pratiques  qu'il 

[1)  Martial  Paris,  Les  VlgUles  de  la  mort  du  roi  Charles  sep- 
tieame,  à  neuf  p«eaume«  et  neuf  leçons.  Paris,  Robert  Bouchier, 
in-fol. 

(2)  «  Premieyrameiit  los  menealriea  el  las  trompetas,  plusieurs 
efonts  en  grant  nombre  vealits  aobrc  laa  raubas  de  chamîsas  bUn- 
cbaa,  cubcrtaa  de  flors  et  chapels  de  flors  en  lor  testas,  portans 
chaacuii  dels  dichs  eronts  un  pcnoncel  en  las  armas  de  Fransa, 
arrengats  per  lo  chami  aïs  doa  costats  ;  loquals  etonts  aneysi  babi- 
Ihata.  encoutinent  que  lodit  Sire  fo  entré,  chantèrent  tots  en  auta 
vots:  \oél  Koét  Vioo  lo  Reyl  et  totas  las  campanas  de  ladita 
viala  sourrcn ".  Arch.  de  (a  ville  de  Brive,  FF.  12. 


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serait  assez  curieux  de  recueillir  et  qui,  depuis  les 
premiers  temps  du  christianisme,  se  sont  mainte- 
nues en  partie  jusqu'à  nos  jours. 

Une  des  coutumes  les  plus  générales  est  de 
chanter,  pendant  la  nuit  de  Noël,  des  cantiques  en 
l'honneur  du  Christ  enfant.  Elle  remonte  à  l'époque 
primitive  de  l'Eglise,  car  saint  Jérôme  (331-420) 
rapporte  que  les  chrétiens  de  la  Thébaïde  solenni- 
saient  de  cette  manière  la  naissance  du  Sauveur,  et 
saint  Augustin  (354-430)  dit  que,  de  son  temps,  on 
chantait,  depuis  l'Avent  jusqu'à  l'Epiphanie  et 
spécialement  la  nuit  de  la  Nativité,  des  cantiques 
composés  par  saint  Ambroise  (340-397)  pour  célébrer 
l'avènement  du  Messie.  Cet  usage  ne  tarda  pas  à  se 
propager  dans  l'Occident,  mais  peu  à  peu  les  hymnes 
liturgiques  firent  place  à  des  chants  populaires  et 
l'idiome  vulgaire  se  substitua  à  l'idiome  latin.  Dès 
lors  ces  chants,  généralement  adaptés  à  des  mélodies 
rustiques,  purent  d'autant  mieux  se  graver  dans  la 
mémoire  et  se  propager  parmi  le  peuple.  Ce  sou- 
venir des  pasteurs  de  Bethléem,  ces  cantilènes  reli- 
gieuses conservèrent  longtemps  leur  caractère  agreste 
en  Italie  où,  pour  ce  motif,  on  les  désigna  par  le 
nom  de  pastourelles,  c'est-à-dire  cantiques  des 
pasteurs. 

Pendant  le  moyen  âge,  ces  Noëls  étaient  commu- 
nément chantés  dans  les  églises  par  les  fidèles,  ou 
dans  les  cercles  de  famille  qui  veillaient  pieusement 
pendant  la  nuit  commémorative .  On  dit  même 
qu'en  Angleterre  ces  cantiques  se  faisaient  entendre 
au  milieu  des  danses  et  dans  le  cimetière  des  églises 
d'où  le  nom  de  Christmas  carols,  rondes  champê- 


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très  de  Noël.  Détail  caractéristique^  sur  lequel  nous 
aurons  occasion  de  revenir,  on  faisait  souvent  à  ce 
moment  là  une  distribution  de  gui  (1). 

Dans  certaines  régions  il  était  d'usage,  et  cet  usage 
n'a  pas  encore  entièrement  disparu,  d'allumer^  après 
l'avoir  bénite,  une  énorme  bûche  qui  brûlait  toute 
la  nuit  dans  le  foyer  et  qui,  appelée  bûche  de  Noël, 
servit  d'abord  à  prêter  sa  joyeuse  chaleur  à  la 
famille  pendant  la  pieuse  veillée,  et  plus  lard  à 
donner  un  charme  de  plus  à  ces  repas  nocturnes 
que  l'on  désigne  encore  par  le  nom  de  réveillons. 

Dans  un  grand  nombre  de  nos  villages  du  Limou- 
sin et  dans  l'arrondissement  de  Brive  en  particulier, 
on  voit  encore,  la  veille  de  la  Nativité,  des  troupes 
d'enfants  pauvres  aller  de  porte  en  porte ,  dans  les 
campagnes,  dans  les  bourgs  et  dans  les  villes  même, 
faire  entendre  quelques-uns  de  ces  cantiques  tradi- 
tionnels qui  sont  presque  toujours  pour  les  jeunes 
chanteurs  l'occasion  d'une  charitable  largesse.  Le 
bruit  des  sabots  ferrés  sur  la  terre  durcie  par  le  froid 
fait  connaître  l'arrivée  de  la  petite  bande  qui  s'an- 
nonce en  chantant  tout  de  suite  quelques  Noêls  du 
pays. 

Si  on  tarde  trop  à  leur  donner  des  étrennes,  ils 
les  réclament  par  le  couplet  suivant  : 

Vivo  lou  meslre, 

E  lo  mestrescho 

Ë  l'aîmablo  coumpagaio. 


(1)  L.  Saint-H&rlin,  La  Guillouné,  élude  nir  le  Noél  populaire, 
p.  31. 


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—  30  — 

Que  Dîeou  vous  faschio 

BouDO  festo, 
Bouno  festo  de  Nodal. 

E  renvoia-nous 

La  pi-oufesto, 
La  proufesto,  si  vous  plai  (1). 

Dans  le  cas  où  on  ne  répond  pas  favorablement 
aux  souhaits  des  chanteurs,  ceux-ci  adressent  aux 
récalcitrants  quelque  malice  au  gros  sel,  lèvent  la 
séance  et»  sans  se  déconcerter,  vont  recommencer 
plus  loin  leur  sérénade.  Mais,  avant  de  partir,  ils 
entonnent  le  couplet  suivant  : 

Que  lou  diable 

Vous  n'emportio, 

Din  la  serbo 

De  tsa  lou  Pial, 
E  que  lei  vous  botlio 

De  la  testo, 

De  la  testo 
Drequ'aux  orpials  (3). 

Bans  la  région  pyrénéenne,  si  les  chanteurs  ont 
obtenu  ce  qu'ils  demandent,  ils  se  retirent  en  re- 
merciant : 

Dé  brabos  gens  n'aouèn  troubal  ; 
L'Aguillonné  mous  an  baitlat. 


(1)  Vive  le  maître  et  la  maîtresse  el  Taimable  compagnie.  Que 
Dieu  vous  fasse  bonne  fôte,  bonne  fête  de  No6l.  Et  renvoyez -nous 
votre  offrande,  votre  offrande,  s'il  vous  plaît,  —  Nous  donnons  plus 
loin  la  musique  de  ce  chant. 

(!)  Que  le  diable  vous  emporte,  dans  la  mare  de  chez  Pial,  et 
qu'il  vous  y  mette  de  la  lëtc,  de  la  tftte  jusqu'aux  orteils.  —  La 
mare  de  chez  Le  Pial  est  située  près  de  Brive.  dans  les  dépen- 
dances du  moulin,  aujourd'hui  dâlniit,  du  Handar,  rive  gauclie  de 
la  CorrèKe,  entre  le  faubourg  Le  Clfere  et  le  moulin  de  La  Bouvie, 


dbyGooglc 


—  31  - 

Mais,  si  on  ne  leur  a  rien  donné,  comme  dans  le 
Limousin  leur  indignation  et  leur  colère  se  don- 
nent libre  cours: 

Dé  tristos  gens  n'aouèn  troubat  i 

L'Aguillonné  mous  an  pas  dat. 

Lou  diable  qu'ous  tiré  lous  oueils 

A  cops  dé  C0U03  dé  careils. 

Remarquons  ce  mot  aguillonné  (1),  employé 
pour  désigner  \q%  offrandes  faites  dans  cette  cir- 
constance, et  qui  nous  indique  la  lointaine  origine 
de  ces  usages. 

Ces  usages,  qui  tendent  aujourd'hui  à  disparaître, 
paraissent,  eu  effet,  fort  anciens  et  sont  visiblement 
un  écho  lointain  des  fêtes  religieuses  de  nos  ancêtres 
dans  les  forêts  druidiques  de  la  Gaule  ;  c'est  une 

(1]  Aol'iljInneuf.  Vieui  mat,  qu'on  criait  autrefois  le  premier 
jour  de  janvier  en  signe  de  réjouissance.  Ce  mot  vient  d'une  an- 
cienne  superstition  des  druides.  Les  prfilres  allaient,  au  mois  de 
décembre,  qu'on  appelait  sacré,  cueillir  le  gui  du  chêne  en  grande 

cérémonie et  au  premier  jour  de  l'an  on  le  distribuait  au 

peuple,  comme  une  chose  sainte,  après  l'avoir  béni  et  consacré,  en 

criant:  A^igui  l'an  neuf,  pour  annoncer  une  nouvelle  année 

En  Bourgogne,  à  Dreux,  et  autres  lieux,  les  enfanta  crient  Agui- 
lanneuf,  pour  demander  leurs  étreniies.  On  donna  depuis  le  Dom 
à'AfiuUanneuf  à  une  quête  qui  se  faisait  le  premier  jour  de  l'an. 
Elle  se  faisait  par  les  jeunes  gens  de  l'un  et  de  l'autre  sexe.  Les 
Synodes  ont  aboli  cette  quête,  à  cause  de  la  licence  et  du  scandale, 
dont  elle  était  accompagnée.  Diction,  de  TrèDOttx. 

Dans  le  Cher,  et  principalement  k  Vierzon,  à  l'approche  du  jour 
de  Noél,  on  fabrique  un  gâteau  de  forme  particulière  auquel  on 
donne  le  ««m  i'Aguilan,  traduction  bourguigTionne  du  cri  Au  giti 
l'an  neuf.  Ce  g&teau  est  distribué  avec  les  autres  étrennei,  L. 
Saiut-Martin,  hc.  cit.,  p.  39. 

En  Limousin  et  en  Périgord,  même  province  ethnique  et  dialec- 
tale, lou  Guilhaneu  se  chante,  mais  c'est  le  chant  qui  est  employé 
la  veille  du  l"  janvier;  il  est  du  resie  différent  des  NadaleU. 
Son  refrain  est  :  lou  Gtiilhttneu  li  chau  dounar. 


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suite  du  cérémonial  mystérieux  de  la  cueillette  du 
Gui.  Au  renouvellement  de  l'année,  l'an  nouveau, 
l'an  neuf,  disent  les  historiens,  les  Druides,  vêtus 
de  robes  blanches,  coupaient  avec  une  serpe  d'or 
le  gui  du  chêne,  qu'ils  distribuaient  au  peuple 
comme  un  symbole  d'abondance  et  de  fécondité. 
Alors,  les  jeunes  gaulois,  réunis  en  troupes,  se  ré- 
pandaient dans  les  campagnes  et  réclamaient 
l'étrenne  du  Gui.  Les  femmes  leur  offraient  les 
restes  du  repas  ;  les  hommes,  masqués  de  la  façon 
la  plus  grotesque,  se  livraient  à  des  danses  et  à  des 
libations  en  l'honneur  des  quêteurs. 

Peu  à  peu,  la  primitive  religion  gauloise  disparut 
et  l'Eglise  catholique  fit  tourner  à  son  profit  les 
quêtes  auxquelles  avait  donné  naissance  la  cérémo- 
nie du  Gui. 

Divers  documents  mentionnent  ces  emprunts  de 
la  religion  nouvelle  au  culte  druidique.  Les  Archi- 
ves historiques  de  Saintonge  et  de  l'Aunis,  tome 
Vil,  rapportent  le  passage  suivant  d'une  transaction 
intervenue  le  3  mai  1514,  entre  le  prieur,  le  curé  et 
la  fabrique  de  Saint-Saturnin  de  Seschaux  (Cha- 
rente-Inférieure) et  retenue  par  Meschinet,  notaire 
royal  à  Saintes  : 

a  Demeure  à  ladicte  fabricque,  touttes  les  aus- 
mones  qui  seront  faictes  et  données  à  la  guilla-' 
neuf,  comme  pain,  lait,  argent  et  autres  ausmones  » . 

M.  L.  Saint-Martin,  qui  indique  cette  citation, 
nous  fait  encore  connaître  le  document  suivant  qui 
date  de  la  fin  du  xv*  siècle  ; 

a  Le  dernier  jour  de  décembre,  le  suppliant,  avec 
les  bacheliers  de  la  paroisse  de  la  Petite  Boîssière 


D.g.tizedbyGoOglC  1 


(bas  Poitou)  et  ung  ménétrier,  fu  par  les  villaiges 
de  ladite  paroisse  pour  prendre  et  recevoir  les  au- 
raosnes  des  bonnes  gens,  qu'ilz  ont  accoustumé 
donner  pour  l'entretènement  d'une  lampe  et  de 
seize  lamperons,  ainsi  que  de  coustume  est  de  faire 
de  tout  temps  la  vigille  de  l'an  neuf,  et  s'appellent 
les  diz  dons  aguillaniieuf  ;  estoient  les  dlz  dons, 
rilles,  et  oreilles  de  pourceaux  et  autres  pièces  de 
char,  vendues  publicquement  après  vespresau  plus 
offrant  et  derrenier  enchérisseur  »  (1). 

L' Aguilanneuf  n'a.  pas  toujours  été  bien  vu  par 
l'Eglise.  Les  tournées  entreprises  par  les  jeunes  gens 
à  travers  les  villages  engendraient  souvent  de  regret- 
tables désordres.  Avec  le  produit  des  quêtes  on  or- 
ganisait des  festins  qui  dégénéraient  quelquefois  en 
débauches  ;  on  se  livrait  à  des  danses  des  plus  licen- 
cieuses, et  le  tout  sous  le  couvert  de  la  religion. 
Aussi  plusieurs  conciles  durent-ils  s'occuper  de 
l'Aguilanneuf  ;  desévéques  l'interdirent  sous  peine 
â'excomm  un  ication . 

Charles  Miron,  évéque  d'Angers,  défendit  les 
quêtes  qui  se  faisaient  en  cette  occasion,  au  synode 
de  Château -Gontier,  en  1595,  et  Henri  Arnauld, 
également  évéque  d'Angers,  prit  la  même  mesure, 
en  1668,  tout  en  prononçant  les  peines  les  plus 
sévères  à  l'égard  des  contrevenants  (2). 

Cette  coutume  d'aller  quêter  de  maison  en  mai- 
son aux  approches  de  la  Noël,  qui  était  autrefois, 
ainsi  que  nous  l'avons  dit  dans  une  note,  le  premier 

(1)  L.  Saint-Martin,  La  Guillouné,  étude  »ur  le  Noèl  populaire, 
p.  Il  et  15.  Auch,  Capin  impr.,  s.  d.  (vers  1391}. 

(2)  L.  Sailli- Martin,  loc.  cil.,  p.  15. 


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jour  de  l'année,  se  retrouve  en  Anjou^  en  Gascogne 
et  dans  d'autres  provinces  de  l'ancienne  France. 
Déjà,  au  xni*  siècle,  on  diantait  : 

IrieigDors,  or  entendez  à  nous, 

De  loin  sommes  venus  à  vous 

Pour  querre  no6l  (1). 

El  maintenant  on  chante  encore  en  Beauce  : 

Honneur  à  la  compagnie 

De  cette  maison, 
A  l'entour  de  votre  table 

Nous  vous  saluons. 
Nous  sommes  v'nus  d'un  pays  étrange  (étriLmjer) 

Dedans  ces  lieux, 
C'est  pour  vous  faire  la  demande 

De  la  part  à  Dieu. 

Dans  l'arrondissement  de  Saint-Brîeuc,  les  jeunes 
gens,  avant  de  faire  leur  quête,  entonnent  quelques 
couplets,  adressant  d'abord  leurs  salutations  à  tous 
les  habitants  de  la  maison,  sans  oublier  même  les 
domestiques  ; 

En  entrant  dans  cette  cour, 

Par  amour, 
Nous  saluons  le  Seigneur, 

Par  honneur. 
Et  sa  noble  demoiselle 
Les  petits  enfants  et  tous. 

Par  amour, 
I-es  valets  et  chambrières. 

Mais  avant  d'aller  plus  loin,  ils  veulent  s'assurer 


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—  35  — 

des  bonnes  dispositions  à  leur  égard  des  hôtes  du 
logis  : 

Si  vous  avez  de  nous  donner, 

Ne  nous  fail's  pas  attendre, 

Jons  du  chemin  il  faire, 

Le  point  du  jour  avance. 
Donnez-nous  vat  des  œufs  ou  de  l'argent, 

Et  renvoyez-nous  promptement- 
Donnez-nous  vat  du  cidre  ou  bien  du  vin. 

Et  renvoyez-nous  au  chemin. 

Et  les  malicieux  gars  s'empressent  d'ajouter: 
Si  vous  n'ais  rien  à  nous  donner, 

Donnez-nous  la  servante, 

Le  porteur  du  panier 

Est  tout  prêt  à  la  prendre  ; 
Il  n'en  a  point,  il  en  voudrait  pourtant 

A  l'arrivée  du  doux  printemps  !  (t). 

Mais  comme  il  était  difflcile  de  déraciner  une 
coutume  plusieurs  fois  séculaire,  l'Eglise  résolut  de 
la  purifier.  Elle  se  l'appropria,  comme  aux  premiers 
siècles  elle  s'était  approprié  certaines  traditions 
pour  lesquelles  les  nouveaux  fidèles  avaiint  con- 
servé un  invisible  attachement.  D'une  fête  païenne 
elle  fit  à  peu  près  une  fête  chrétienne. 

Dans  le  Périgord,  les  curés  substituèrent  au  chant 
banal  une  sorte  de  complainte  sur  la  Passion.  En 
voici  les  douze  strophes  : 

/  Appourte-nous  l'etreno 
)  Aou  noum  de  Zceju-Christ. 
1      Per  un  divendredi, 
I      Per  un  divendredi. 


Refrain 


(1)  Bull,  du  Comi7ê  de  ta  Langue,  de  VHiêloire  el  des  Arts  de 
la  France,  t.  I  (lS5MSa3),  p.  131  et  332. 


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—  36  — 

La  saato  Vierzo  pleuixi, 
0  eycarta  soun  fl. 
Vay  per  pays  et  coumbo 
Sou  djomay  lover  vi, 

Lou  prumie  que  rencountro 
Ey  saint  Zan,  son  cousi  : 

«  Ditzo,  saint  Zan-Botisto, 
Aouria-tu  vi  moun  fi  ?  » 

«  Oh  nouD  pas,  saoto  Vieno, 
Desempe  hier  moti  ». 

«  A  la  croi  de  Piiato 
Y  Tau  lou  Zir  i'o  mis  ■>. 

«  —  T'en  preze,  Zan-BoUsto 
T'en  pi-eze  meno  my  !  n 
Lo  près  per  sa  main  blanco 
E  lo  meno  o  soun  &. 
De  tant  loun  que  lo  vido, 
D'ount'ero,  s'eyplami. 
•  T'en  preze,  Zan-Botlslo 
Tiro  mo  may  d'oqui  ». 
Lo  pren  per  so  main  blanco 
Lo  meno  en  paradis. 

Cette  complainte  n'est-elle  pas  d'une  naïveté 
vraiment  touchante  et  ne  croirait-on  pas  lire  une 
page  de  la  Légende  dorée';'  (I). 

(t)  Oscar  Havard,  dans  la  France  illustrée,  an.  1881,  p.  94. 

Noua  donnons  cetle  version  telle  qu'elle  a  été  reproduite  dans  la 
France  itlualrée,  mais  nous  avons  lieu  de  croire  qu'elle  renferme 
de  nombreuses  erreurs  :  Divendredi  (vendredi)  est  un  mot  singu- 
lièrement fait  qui,  dans  son  étymologie,  renTerme  deui  fois  le  mot 
dtet  (jour).  On  a  sans  doute  amalgamé  le  mol  divendtes,  qui  est  de 
langue  d'Oc  et  le  mot  vendredi,  qui  est  de  langue  d'Oil.  L'ortho- 
graphe de  ce  morceau  est  étrange  aussi.  Les  inots  croi  et  main 


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Presque  partout  l'usage  de  ces  quêtes  aux  appro- 
ches du  jour  de  Noèl  tend  à  disparaître  et  on  doit 
se  hâter  d'en  recueillir  les  derniers  vestiges.  M.  L. 
Saint-Martin,  dans  l'ouvrage  déjà  cité,  nous  mon- 
tre qu'il  existait  dans  plusieurs  nations  de  l'Eu- 
rope: 

(t  En  Allemagne,  aux  approches  de  Noël  fCkrist- 
bawnj,  les  jeunes  gens  de  certains  villages  se 
réunissent  pour  aller,  en  chantant  devant  les  mai- 
sons, réclamer  leurs  étrennes,  principalement  des 
objets  servant  à  la  nourriture.  Ils  accompagnent 
leurs  chants  d'une  pluie  de  lentilles  lancées  contre 
les  vitres  de  la  maison,  ce  qui  a  fait  donner  à  cette 
coutume  le  nom  de  Toselnacht  {nuit  du  bruit). 
Les  offrandes  reçues  sontattachées  à  un  arbre  dressé 
sur  la  principale  place  du  village.  Le  jour  de  Noël, 
tous  les  habitants  se  réunissent  autour  de  cet  arbre 
et  chaque  enfant  reçoit  sa  part  des.  objets  appendus 
aux  branches  ». 

En  Angleterre,  nous  l'avons  déjà  dit,  cette  fête 
prend  le  nom  de  Christmas. 

a  En  Espagne,  c'est  au  son  des  castagnettes  et  du 
tambour  de  basque,  en  se  livrant  à  des  danses  et  en 
portant  des  cierges  allumés,  que,  dans  certains  vil- 
lages, les  jeunes  gens  pauvres  vont  demander  aux 
riches  leurs  étrennes.  Les  Espagnols  appellent 
Aguinaldos  les  présents  faits  aux  quêteurs  de  Nof'l, 
et  la  messe  du  25  décembre  se  nomme  Messe 
d'aguinaldo. 

sont  français  et  ne  ressemblent  en  rien  aux  mots  patois.  Enfin, 
nous  nous  demandons  ce  que  veut  bien  dire  le  vers  :  1'  /au  /ou 
7.ir  lo  mis ï 


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»  En  Italie,  les  mêmes  pratiques  se  retrouvent  ; 
mais  la  danse  et  les  flambeaux  sont  supprimés.  Les 
castagnettes  et  le  tambour  de  basque  sont  rempla- 
cés par  la  guitare,  la  mandoline,  le  chalumeau  et 
la  cornemuse  des  Zampognari  des  Abruzzes. 

B  Dans  l'ancienne  Grèce  existait  aussi  la  coutume 
de  quêter  à  la  veille  des  fêtes,  sinon  de  Noël,  du 
moins  du  renouvellement  de  l'année.  Le  chant  des 
quêteurs  était  accompagné  par  les  lyres  et  les  flûtes 
à  l'unisson  des  voix  et  par  des  coups  de  crembales  j 
souvent,  la  danse  se  mêlait  au  chant.  Les  étrennes 
reçues  étaient  apportées  au  temple,  comme  cela  se 
pratiquait  encore  dernièrement  dans  quelques  pro- 
vinces de  France  » . 

Nous  nous  sommes  déjà  servi  de  l'autorité  de  saint 
Jérôme  et  de  saint  Augustin  pour  prouver  que  dès 
le  IV'  et  le  v*  siècle  on  commençait  à  composer  des 
cantiques  en  l'honneur  de  la  Nativité  du  Sauveur. 
Nous  citerons  encore  saint  Ephrem,  l'auteur  de 
quinze  hymnes,  en  langue  syriaque,  sur  la  Nativité 
et  l'Enfance  de  Notre-Seigneur .  Jean ,  dit  Bar 
Aphtonnis,  au  vi*  siècle,  a  traité  le  même  sujet  et 
dans  la  même  langue. 

Mais  il  y  a  loin  de  ces  hymnes  ou  cantiques  aux 
Noëls  proprement  dits,  et  ce  n'est  que  plus  tard 
que  ces  derniers  ont  été  consacrés  par  l'usage  public. 
Les  uns  les  font  remonter  au  ii*  siècle,  d'autres  au 
ivi*  seulement.  C'est  trop  les  rajeunir  ou  trop  les 
vieillir. 

Lambert,  prieur  de  Saint- "Wast  d'Arras,  qui  écri- 
vait au  xn'  siècle,  nous  apprend  que  de  son  temps 
on  avait,  en  France^  l'habitude  de  charmer  la  nuit 


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de  Noël  par  de  brillantes  illuminations  et  le  chant 

des  cantiques  : 

Lumine  multiplici  noctis  solatia  prœst&nt 
Moresque  G&llorum  carminanocïô  tenant. 

De  son  côté,  M.  Capefigues,  dans  an  volume  inti- 
tulé les  Cours  d'amour,  fait  remonter  l'introduction 
des  Noêls  dans  le  Midi  de  la  France  aux  comtes  de 
race  aragonaise  (commencement  du  xri'  siècle),  qui 
en  auraient  rapporté  l'usage  d'au-delà  des  Pyré- 
nées (1). 

La  Bibliothèque  nationale,  département  des  ma- 
nuscrits, possède  un  certain  nombre  de  Noëls  qui 
n'ont  jamais  été  publiés  et  qui  paraissent  dater  du 
XI'  ou  du  xn*  siècle.  Ce  sont,  sans  contredit,  les  plus 
anciens  que  l'on  connaisse  ;  ils  sont  très  difficiles 
à  lire  et  à  plus  forte  raison  à  traduire  (2). 

Guillaume  de  Villeneuve,  trouvère  de  la  fin  du 
xm'  siècle,  cite  des  collections  de  Noëls  dans  un 
fabliau  recueilli  par  Barbazan  et  Méon.  La  bibliothè- 
que La  Vallière  possédait  en  ce  genre  un  précieux 
manuscrit  du  xiv'  siècle.  Le  siècle  suivant  en  a 

(1)  Paul  Terris,  E*eai  hitlor.  et  littéraire  sur  tes  NoëU,da.aa  la 
Revue  du  monde  catholique,  XXXII,  557. 

(2)  H.  Simon  Boubée,  dans  le  journal  le  Gantois,  n*  du  24  décem- 
bre I89&,  donne  le  suivant,  à  tiUe  de  spécimen  : 

Noël  en  cresche  est  nascut 
Di  diex  infans,  dien  li  steste 
Asine  et  Vaque  o  Trons  o  teste 
Bergien,  partons,  mesme  reyx 
Affine  1er  in  son  lordouneyit 
Per  cavetam  lors  dulx  Noël 
Y  fray  bisogne  as  tel 
Per  fonger  o  ta  Jésus 
Salvar  home  de  infcrn 
Issotr  burle  de  tabern 
Intras  somei  diex  ne  pus  ! 


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laissé  un  plus  grand  nombre  ;  mais  les  cantiques, 
prenant  une  autie  forme,  ont  été  mis  en  action, 
distribués  par  personnages  et  sont  devenus  de  véri- 
tables Mystères  de  la  Nativité. 

Au  XVI*  et  surtout  au  xvu'  siècle,  les  Noëls  se 
multiplient  et  forment  des  recueils  considérables  {!). 

Les  plus  anciens  Noëls  imprimés  que  nous  con- 
naissons datent  du  commencement  du  xvi*  siècle. 
Ce  sont  ceux  de  Lucas  Lemoygne,  curé  de  Saint- 
Georges  du  Puy-la-Garde,  en  Poitou .  Ils  ont  été 
édités  à  Paris  en  1520,  et  sont  composés  avec  une 
naïveté  de  style  tellement  forte  que  de  nos  jours 
bien  des  personnes,  en  les  lisant,  se  voileraient  la 
face  en  criant  à  l'obscénité. 

Si  la  fête  de  Noël  a  donné  lieu  tout  d'abord  à 
d'innombrables  poésies  en  toutes  les  langues  et  à 
des  représentations  publiques  dans  les  églises,  il 
faut  ajouter  que  ces  solennités  ont  souvent  affecté 
un  caractère  bizarre,  dégénérant  parfois  en  bouf- 
fonnerie. Mais  la  foi  naïve  de  ces  temps  reculés  n'en 
recevait  nulle  atteinte.  Nos  candides  aïeux  n'avaient 
d'autre  prétention  que  celle  d'y  voir  des  fêtes  reli- 
gieuses et  ils  se  permettaient  sans  malice  d'étranges 
familiarités  avec  le  divin  sujet  qu'ils  traitaient. 

Un  couplet  de  Noël,  que  nous  a  légué  le  moyen 
âge  mais  qui  semble  avoir  été  un  peu  rajeuni  dans 
la  suite,  nous  montre  la  Joie  des  Bêtes  à  la  nou- 
velle de  ta  naissance  du  Saint  Enfant.  Nous 
laissons  à  penser,  dit  F.  Fertiault  qui  le  donne  (2), 


(f)  Desobry  et  Bachelet,  Diction.,  verbo  Noël. 
(3)  F.  Keniault,  Clianla  poptitait^s,  noél»,  etc. 


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—  41  — 

ce  que  devaient  faire  les  hommes  puisque  les  bêles 
étaient  si  joyeuses  !  Ce  singulier  Noël  demandait, 
de  la  part  de  celui  qui  l'exécutait,  une  grande  étude 
d'harmonie  imitative,  car  il  devait  parodier  succes- 
sivement le  chant  clair  du  coq,  le  mugissement 
sourd  du  bœuf,  le  cri  tremblotant  de  la  chèvre,  le 
braiment  strident  de  l'âne  et  le  beuglement  rauque 
du  veau  : 

Gomme  les  Bestes  autrefois 

Parloient  mieux  latin  que  françois, 

Le  Coq,  de  loin  voyant  le  faict, 

S'écria  :  Christus  natus  est  ; 

Le  Bœuf,  d'un  air  tout  ébaubî, 

Demande  :  Uai,  Ubi,  Ubi?  (qui  se  prononçait  oufei^ 

La  Chèvre,  se  tordant  le  groin, 

Respond  que  c'est  à  Bethl^.eu  ; 

Maistre  Baudet,  curiosus 

De  l'aller  voir,  dit  :  Eahus  ; 

Et,  droit  sur  ses  pattes,  le  Veau 

Beugle  deux  fois  :  Volo,  Volo. 

Jusqu'au  xvi*  siècle,  les  NoOls  faisaient  partie, 
intégrante  de  la  liturgie  et  se  chantaient  dans  les 
églises  la  nuit  et  le  jour  de  la  Nativité.  Ils  se  popu- 
larisèrent en  passant  dans  la  langue  vulgaire,  mais 
en  même  temps  ils  perdirent  de  leur  caractère 
solennel  et  ils  tombèrent  peu  à  peu  dans  le  style 
profane. 

Tant  que  les  cœurs  furent  remplis  de  croyance, 
les  Noêls  s'en  tinrent  à  leur  sainte  mission.  Le 
Messie  seul  remplissait  le  cantique,  et  c'est  à  peine 
si  l'on  consacrait  un  couplet  final  pour  demander  à 
Dieu  de  venir  en  aide  à  ses  humbles  serviteurs.  Mais 
peu  à  peu  l'homme  s'empara  d'un  plus  grand  nom- 


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bre  de  couplets,  et  en  laissa  moins  pour  le  Rédemp- 
teur ;  la  dévotion  aux.  choses  de  la  terre  remplaça 
la  dévotion  aux  choses  du  ciel,  et  alors  les  Noëls, 
tout  en  conservant  leur  forme  primitive,  devinrent 
des  requêtes  pour  les  besoins  de  l'homme,  des 
allusions  aux  événements  et  aux  personnages  his- 
toriques (1). 

Les  premiers  Noëls  étaient  relatifs  à  la  Nativité 
du  Sauveur,  mais  dans  la  suite  on  utilisa  les  airs 
gais  qui  avaient  une  certaine  vogue  pour  composer 
des  chansons  dont  le  sujet  était  à  demi  profane  ou 
n'offrait  même  rien  de  religieux. 

Parmi  les  Noëls  qui  détournent  ainsi  le  mot  de 
son  acception  primitive,  nous  citerons  le  Noël  poli- 
tique, composé  dans  le  but  de  louer  un  personnage 
distingué  ;  le  Noël  badin,  qui  traite  d'un  sujet 
vulgaire  et  s'adresse  à  un  simple  particulier,  et  les 
Noëls  bourguignons  qui  remplirent  l'office  de 
gazette  pendant  tout  le  commencement  du  xvm* 
siècle  et  qui  durent  leur  succès  au  talent  d'Aimé 
Piron  et  de  Bernard  de  La  Monnoye.  Il  n'y  avait  pas 
d'événements  dans  la  cité  de  Dijon,  pas  de  ridicules 
bourgeois,  pas  d'aventure  qui  ne  leur  servit  d'ali- 
ment, lis  sont  écrits,  dit  l'abbé  d'Artigny,  avec 
toute  l'élégance  et  la  délicatesse  du  patois  bourgui- 
gnon, et,  sous  un  air  négligé,  renferment  des  beautés 
et  des  grâces  inimitables. 

Pour  en  donner  une  idée,  nous  allons  citer  quel- 
ques strophes  de  celui  où  Blaizote,  fille  de  Dijon, 


(1)P.  Fertiault.  loc.  cil. 


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prend  la  résolution  de  se  donner  à  Dieu,  et  dit  à 
son  amant  : 

Duran  tan  d'année 

Que  tu  m'é  gouvanée, 

Duran  tan  d'année, 

Combé  j'on  faî  lé  fô  ! 

An  caichenôte, 

Que  de  pinçôte  ! 

Que  d'aimorôte  ! 

Ha  c'an  à  trô, 

J'on  de  quoi  gémi  note  sô. 

Au  pié  de  lai  creiche, 
Fleuron,  laivon  no  teiche. 
Au  pié  de  lai  creiche, 
Prions  le  saint  anfan. 
Le  cœur  sans  fointe. 
Parce  de  pointe, 
Lé  deu  main  jointe, 
Prions  le  tan, 
Que  de  noir  ai  no  rende  blan. 

J'ai  quelque  retaille 

Qu'ai  fau  que  je  l'y  baille, 

J'ai  queique  retaille 

PrOpe  ai  l'aramaillôterai. 

J'ai  po  sa  meire 

Queique  jateire, 

Queique  braisseire, 

Et  po  Jôzai 

Ton  bonô  qui  m'a  demeurai  (1). 

(1)  Durant  tant  d'annâes  —  que  tu  m'as  gouvernée,  —durant  tant 
d'années  —combien  nous  avons  fait  les  fous!  —En cachette, -que 
de  baisers  '.  —  que  d'amourettes  !  —  Ah  !  c'en  est  trop,  —  nous  avons 
de  quoi  gémir  notre  saoul. 

Au  pied  de  la  crèche,  —  pleurons,  lavons  nos  péchés  ;  —  au  pied 
de  la  crèche  ~  prions  le  saint  Enfant,  —  le  coeur  sans  feinte,  — 


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Mentionnons  aussi  les  IVoëls  satiriques. 

Il  y  a  loin  de  ces  Noëls  pieux  et  édifiants  des  xv", 
xvi'  et  xvn'  siècles  à  ceux  que  nous  venons  d'ènu- 
mérer.  On  peut  en  juger  encore  par  les  quatre  cou- 
plets que  nous  reproduisons  et  que  cite  Alexis 
Socard(l).  Ils  sont  extraits  d'un  manuscrit  portant 
pour  titre  :  Noëls  anciens  et  nouveaux  à  l'usage 
du  Père  Onézime  de  Doncfiery,  capucin.  L'auteur 
fait  venir  tour  à  tour  les  ordres  religieux  de  France 
pour  se  prosterner  devant  l'Enfant-Dieu  : 

Nourris  comme  gens  de  Cocagne, 

Chanoines,  Curez  et  Prélats 

Fourrez  comme  vrays  chats  d'Espagne 

Y  vinrent,  mais  à  petits  pas. 

Un  Célestîn  de  bonne  mine 

Vint  adorer  cet  Enfant-Dieu, 

Mais  ne  voyant  pas  de  cuisine 

Il  délogea  sans  dire  adieu. 

Un  Cordelier  prêt  à  tout  faire 

Entonna  forces  chants  joyeux. 

A  ce  bruit,  l'âne  vint  à  hraire, 

Ils  s'accordèrent  bien  tous  deux. 

Pieds  nus  avec  son  camarade 

Un  Capucin  vint  de  fort  loin, 

Le  bœuf  voyant  sa  grande  barbe 

La  voulut  bi-outer  pour  du  foin. 

Et  ainsi  de  suite  pendant  trente-cinq  couplets. 

percé  de  pointes,  —  les  deux  mains  jointes,  —  prions  le  (ant,  — 
que  de  noirs  ils  nous  rendent  blancs. 

J'ai  quelques  retailles  —  qu'il  faut  que  je  lui  baille,  —  j'ai  quel- 
ques retailles  —  propres  à  l'emmailloter.  —  J'ai  pour  sa  mare  — 
quelques  jarretières.  —  quelques  brassières,  —  et  pour  Joseph  — 
ton  bonnet  qui  m'est  resté,  ipiction.  des  proverbes  français,  î"* 
édition,  p.  327.  Paris,  IS!I'. 

(I)  Alexis  Socard.  Moéls  et  cantiques  imprimés  à  Troyat,  p.  53. 


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Nous  avions  à  Brive  un  Noël  comjKtsé  dans  ce 
genre  d'esprit.  Nous  n'en  connaissons  que  les  vers 
suivants,  qui  sont  relatifs  à  l'abbé  Chiniae,  un  des 
vicaires  de  l'église  Saint-Martin  (t)  : 

L'abbé  Chiniae,  en  entrant. 

Fit  une  telle  grimace, 

Il  fit  peur  à  l'Enfant 

Et  saint  Joseph  le  chasse. 

Va  t'en  voir  s'ils  viennent,  Jean, 

Va  l'en  voir  s'ils  viennent. 

Contrairement  à  l'affirmation  de  plusieurs  au- 
teurs, tels  qu'Ampère  et  Champfieury,  M.  Joseph 
Daymard  fait  remarquer  avec  raison  que  les  Noëls, 
comme  tous  les  chants  populaires  en  général,  n'ont 
pas  de  patrie  proprement  dite  ;  ce  ne  sont  pas  des 
produits  spéciaux  aux  provinces  où  ils  étaient 
recueillis.  Grâce  au  grand  nombre  de  volumes  pu- 
bliés sur  ce  sujet,  on  a  pu  comparer  entr'eux  les 
chants  recueillis  dans  les  diverses  provinces  et  alors 
on  a  été  amené  à  cette  conclusion  :  qu'il  y  a  très 
peu  de  chants  régionaux  ;  la  plupart  des  chants  po- 
pulaires sont  communs  à  toutes  les  provinces.  Cha- 
cun d'eux  n'a  qu'une  seule  origine,  seulement, 
dans  ses  pérégrinations,  dans  sa  diffusion,  il  a  subi 
des  variantes,  des  changements  dans  la  forme  et 
quelquefois  dans  le  fond  (2). 


(1)  L'abbé  Chiniae  était  chanoine  de  l'église  Saint- Martin,  à  Brive, 
avant  la  Révolution.  Plus  tard,  M.  do  Coanac,  curé  de  cette  pa- 

.  roiase,  le  prit  comme  vicaire  ;  su  mois  de  juillet  1803,  il  fut  nommé 
curé  de  Saint-Solvo. 

(2)  Joseph    Daymard,    Vieux  chants  populaires  recueillis  en 
(jucrcy,  iiitrod.,  p.  vin.  Cahors,  Gîrma,  libr.,  18S0. 


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—  46  — 

En  faisant  une  analyse  très  détaillée  d'un  ouvrage 
de  M.  Alfred  Jeanroy,  intitulé  :  Les  origines  de  la 
poésie  lyrique  en  Fraiice  au  moyen  âge  (Paris, 
Hachette,  1889),  M.  Gaston  Paris  émet  l'opinion  que 
l'origine  du  genre  de  la  poésie  lyrique  de  l'ancienne 
France  (chansons,  pastourelles,  ballets  et  les  dérivés 
auxquels  il  a  donné  lieu)  doit  être  recherchée  dans 
la  région  qui  comprend  à  peu  près  le  Poitou  et  le 
Limousin,  longtemps  soumis  aux  mômes  ducs  et 
dont  le  second  a  été,  comme  on  sait,  le  berceau 
même  de  la  langue  littéraire  du  Midi.  Ce  genre  de 
poésie  se  propageant  de  là  au  Sud  et  au  Nord,  a  été 
plus  cultivé  au  Nord  et  a  fini  par  en  revenir  pour 
renouveler  au  Midi  la  forme  ancienne  tombée  en 
désuétude  (1). 

Le  recueil  de  ces  hymnes  rustiques  serait  im- 
mense, car  il  n'y  a  pas  de  littérature  en  Europe 
qui  ne  puisse  citer  une  quantité  considérable  de  ces 
compositions  naïves  dues  à  des  poètes  populaires 
pour  la  plupart  inconnus. 

Ce  petit  enfant  qui  vient  sauver  le  monde  et  qui 
naît  dans  une  étable  ;  ce  roi  du  ciel  couché  dans  une 
crèche  et  dont  les  premiers  adorateurs  sont  des 
bergers  épars  dans  la  campagne  ;  ces  chants  d'anges 
et  ces  clartés  éthérées  ;  tout  ce  mystérieux  prologue 
de  la  Rédemption  n'est-il  pas  fait  pour  charmer, 
attendrir,  entraîner  l'imagination  populaire?  (2). 

Nous  croyons  qu'il  n'existe  aucun  ancien  recueil 
imprimé  contenant  des  Noéis  en  pa^is  du  Bas- 

(t)  Journal  de»  sauanfft,  an.  ISSI,  pp.  741  et  712,  an.  1891,  p.  426. 
Paria,  1801  et  I89Î. 
(2)  Emmanuel  Solcvîlle,  Ciaiifs  populaires  du  Uas-Quercy. 


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_  47  — 

Limousin  et  c'est  à  tort  que  le  Dictionnaire  des 
lettres  et  des  beauœ-arts,  par  Bachelet  et  Dezcbry, 
indique  «  des  Noëls  limousins  »  édités  à  Tulle. 

M.  l'abbé  Victor  Pourville,  curé  de  Queyssac,  a 
bien  publié  récemment  à  Ussel  (sans  date)  un  Re- 
cueil de  cantiques  en  patois  du  Bas-Limousin, 
mais  ce  recueil  renferme  en  grande  partie  des  poé- 
poésies  modernes.  A  la  page  29,  il  donne  sous  sa 
signature  un  Noël  «  Un  dzéonne  pastre  »  répandu 
dans  bien  des  localités  et  qui  depuis  longtemps 
figure  dans  un  grand  nombre  de  recueils  imprimés, 
à  l'exception  toutefois  de  quelques  couplets  qui 
sont  de  lui. 

Ces  hymnes  populaires  ont  subi  de  nombreuses 
modifications  dialectales  suivant  l'endroit  où  elles 
ont  été  chantées.  Non  seulement  elles  ont  dû  s'adap- 
ter à  nos  deux  dialectes  principaux,  ceux  du  Haut  et 
du  Bas-Limousin,  mais  encore  aux  sous-dialectes  si 
nombreux  dans  notre  département  et  qui  présen- 
tent entr'eux  des  divergences  notables.  Le  patois 
des  environs  d'Ussel  et  d'Eygurande  se  rapproche 
de  celui  de  l'Auvergne  et  s'éloigne  aussi  un  peu  de 
celui  de  Tulle.  Ce  dernier,  à  son  tour,  est,  sous 
bien  des  points  de  vue,  différent  de  celui  de  Brive: 
les  mêmes  mots  ne  se  prononcent  point  de  la  même 
manière.  En  outre,  dans  l'arrondissement  de  Brive, 
le  patois  diffère  encore  à  mesure  qu'on  s'éloigne  de 
cette  localité  et  qu'on  aborde  les  limites  de  la  Haute- 
Vienne  ou  celle  du  Lot. 

Le  mot  chatte,  en  patois,  se  prononcera,  à  Brive, 
chato,  chata,  et  cato,  cala,  à  Beaulieu. 

La  piononcialion  d'un  même  mot  n'est  plus  la 


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même  et  varie  à  l'infini  à  quelques  kilomètres  de 
Brive.  La  voyelle  finale  qui  termine  certains  mots 
prend  souvent  la  consonnance  de  la  lettre  o  quand 
ce  mot  est  au  singulier  et  celle  de  la  lettre  a  quand 
ce  mot  est  au  pluriel.  Ainsi  on  dira  au  singulier 
lo  fem.no,  la  femme,  lo  basto,  la  comporte,  et  au 
pluriel  la  femna,  les  femmes,  la  basta,  les  com- 
portes. 

En  adoptant,  pour  écrire  le  patois,  les  règles  fort 
judicieuses  établies  par  M.  le  chanoine  Joseph  Roux 
dans  sa  remarquable  grammaire  (I),  ce  serait  peut- 
être  ne  point  faire  sentir  toutes  ces  nuances,  ou  du 
moins  obliger  le  lecteur  à  se  livrer  à  une  véritable 
étude.  11  nous  faudrait,  de  notre  côté,  lui  indiquer 
les  prononciations  multiples  d'un  même  mot,  qui 
varient  dans  bien  des  localités  ;  cela  nous  entraîne- 
rait fort  loin  et  nous  ferait  sortir  de  notre  sujet. 

Aussi,  à  moins  de  reproduire  un  noël  qui  a  déjà 
été  imprimé  ou  qui  nous  a  été  communiqué,  et  au- 
quel nous  conservons  alors  l'orthographe  qui  lui  a 
été  donnée,  nous  avons  tâché  d'écrire  le  patois  de  la 
manière  la  plus  analogue  à  la  prononciation.  Nous 
n'avons  pas  hésité  à  débarrasser  la  plupart  des 
mots  d'une  infinité  de  lettres  et  surtout  d'accents 
tout  à  fait  inutiles.  Ainsi  TE  muet  n'existant  pas  en 
patois,  l'E  non  marqué  d'un  accent  grave  doit  tou- 
jours se  prononcer  comme  un  É  fermé  ;  il  est  donc 
Hiutile  de  l'accentuer. 


(I)  Joseph  Roux,  GrammaiVe  UmousiM.  Brive,  1895.  Commfi 
complâmetit  k  <!etLe  œuvre  capitale  du  félibre  majorai,  M.  Raymond 
Labordo  a  publié  un  Lexique  iimoiuin  d'aprét  les  wuvres  da 
Joseph  /îoux  (Brive,  I8!>â),  qui  sera  iitiloraent  consulté  par  tous 
ceux  qui  s'occupent  de  linguistique. 


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—  49  — 

Il  y  a  peu  de  monuments  dans  la  littérature 
vulgaire  plus  intéressants  que  les  Noëls.  L'esprit  du 
pays  y  est  fortement  empreint;  on  y  trouve  des 
documents  précieux  sur  les  mœurs,  les  productions, 
les  ustensiles,  les  personnages  de  certaines  provin- 
ces et  on  y  découvre  le  fidèle  tableau  de  la  condition 
matérielle  des  anciens  habitants  de  nos  campagnes. 

Eux  qui  chantaient  le  Sauveur,  que  pouvaient-ils 
voir  de  plus  beau,  de  plus  divin  à  célébrer  dans  sa 
venue  si  ce  n'est  la  délivrance  de  tant  de  maux  qui 
pesaient  sur  eux  ;  la  cessation  de  la  guerre^  la  di- 
minution des  impôts,  l'assurance  d'amples  et  de 
bonnes  récoltes,  d'un  vin  abondant  et  généreux  qui, 
en  réchauffant  leurs  sens,  leur  donnait  les  jouissan- 
ces de  la  vie  telles  qu'ils  les  pouvaient  compren- 
dre. 

Les  Noëls  limousins  renchérissent  encore  sur  la 
légende  chrétienne  de  la  naissance  de  Jésus.  Notre 
peuple  a  fait  la  Sainte- Famille  pauvre,  souffrante, 
mal  abritée  à  l'excès,  modelant  ainsi  sur  le  sort  du 
paysan  malheureux  l'idée  de  l'infirmité  où  le  Sau- 
veur voulut  naître.  Ainsi  les  bergers  le  trouvent 
«  dans  la  crèche  d'une  étable  mal  couverte  »,  «  tout 
nu  comme  un  misérable». 

Marie  et  Joseph  n'ont  point  de  langes  secs  ;  Ma- 
delon  prête  au  Sauveur  une  couette  bien  qu'elle  ne 
soit  pas  bien  propre  ;  Tony  apporte  de  l'huile  ;  saint 
Joseph  allume  du  feu,  il  tient  a  lou  tsolel  s  la  petite 
lampe.  Et  cela  n'a  pour  but  que  de  vanter  et  de  faire 
ressortir  d'autant  plus  la  puissance,  l'amour  du 
nouveau- né. 

De  l'ange  qui  vient  leur  annoncer  la  nouvelle  de 


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la  naissance  de  l'Enfant-Dieu,  ils  font  un  messager 
habilléen  gentil  berger  entouréd'unelueur  éclatante. 

Ils  veulent  aller  les  premiers  voir  l'Enfant.  Rien 
ne  les  arrête  :  ni  le  froid,  ni  la  neige,  ni  les  ruis- 
seaux, ni  les  passages  difBciles.  Ils  ont  pris  leurs 
plus  beaux  habits  ;  jouent  de  la  musette,  de  la 
cornemuse,  du  flageolet;  mangent,  boivent  et 
montrent  leur  contentement  en  se  livrant  aux  joies 
et  aux  danses.  Ils  ont  laissé  leurs  bètes  sans  aucune 
garde  et  arrivent  à  la  pointe  du  jour.  Ils  sont  bien 
accueillis.  Ils  présentent  «r honneur  et  révérence», 
offrent  leurs  manteaux  bien  qu'ils  ne  soient  pas  des 
meilleurs  et  regrettent  de  ne  pas  faire  davantage  et 
de  ne  pouvoir  donner  des  présents. 

Il  y  a  pourtant  des  bandes  qui  offrent  au  nouveau- 
né  un  agneau,  un  oiseau,  un  coq. 

Lecoupletsuivant,  donné  par  M.  Cligny,  emprunté 
à  un  Noël  qui  se  chantait  aux  environs  d'Ussel  et 
qu'il  ne  nous  a  pas  été  possible  de  compléter,  déve- 
loppe une  idée  assex  singulière  qui  doit  être  emprun- 
tée à  des  compositions  plus  anciennes  : 

So  mair'i  Vierdzo  puro, 
Beleû  n'o  pas  de  lai 
El  per  80  nourriture 
N'in  port'un  plé  gaudai  (1). 

Et  tous  l'implorent  pour  leurs  péchés  d'abord, 
puis  pour  que  la  disette  ne  les  fasse  plus  souffrir, 
que  les  intempéries  ne  détruisent  plus  leurs  récoltes 


(1)  S&  mère  est  vierge  pure,  —  peut-être  elle  n'a  pas  de  lait  —  et 
pour  sa  nourriture  (celle  de  l'Eiifatit),  —  je  lui  eh  porte  un  plein 
godet. 


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et  que  l'on  renvoie  a  tous  les  percepteurs  tons  farcis 
de  leurs  rôles  ». 

Souvent  ces  Noëls  ont  la  forme  d'un  dialogue 
entre  les  anges  et  les  bergers.  Les  interlocuteurs 
adoptent  généralement  la  même  langue,  mais  il 
arrive  parfois  que  les  anges,  en  leur  qualité  d'esprits 
supérieurs,  se  servent  du  français,  tandis  que  les 
bergers  répondent  en  langue  vulgaire. 

Si  plusieurs  de  ces  Noëis  manquent  souvent  de 
finesse,  d'idées  et  de  délicatesses  d'expressions,  ils 
possèdent,  au  moins,  un  incontestable  mérite  de 
rusticité  naïve.  On  doit  regretter  seulement  de  ne 
pouvoir  indiquer  l'époque  précise  où  ils  ont  été  faits 
et  le  nom  de  leurs  auteurs.  Leur  caractère  néanmoins 
ressort  très  nettement.  Ce  sont,  en  général,  des 
chants  de  plaintes  sur  les  maus  de  toutes  sortes  que 
souffrait  le  paysan  et  l'espérance  que  la  venue  du 
Fils  de  Dieu  les  fera  disparaître;  et  ce  caractère 
même  leur  assigne  une  date  postérieure  à  la  vérita- 
ble époque  catholique  où  très  certainement  ils  étaient 
conçus  dans  un  autre  esprit  (1). 

D'après  Joseph  d'Ortigues,  la  période  la  plus  sail- 
lante de  ces  compositions  s'étendrait  de  la  première 
moitié  du  xvu°  siècle  à  la  seconde  moitié  du  xviii*. 
C'est  aussi  la  période  des  Noêls  languedociens  de 
Goudelin  et  des  Noëls  bourguignons  de  La  Monnoie. 

Les  chants  populaires  peuvent  s'envisager  sous 
deux  aspects  différents.  On  peut  les  considérer  au 
double  point  de  vue  du  texte  et  de  la  mélodie. 


(1)  Ad.  Michel,  L'Ancienne  Auvergne  et  le  Vel&y,  t.  III,  i 
MoutiDS,  1847. 


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Le  texte  est  sans  doute  intéressant  à  conserver.  II 
ne  constitue  cependant  que  la  paitie  la  plus  discuta- 
ble de  ces  échantillons  de  la  muse  populaire.  Trans- 
mis par  la  tradition  orale,  sans  jamais  avoir  été 
écrits,  ces  couplets,  si  variables  de  fond  et  de  forme, 
ont  naturellement  subi  l'infliience  des  divers  milieux 
qu'ils  ont  traversés.  Chaque  génération,  obéissant  à 
son  insu  aux  modifications  de  la  langue,  en  a  ra- 
jeuni les  tours  et  les  expressions  ;  chaque  siècle  les 
a  remaniés  et  faits,  pour  ainsi  dire,  à  son  usage. 

Ce  n'est  point  toutefois  que  les  lignes  essentielles 
des  airs  populaires  aient  complètement  disparu  dans 
ces  transformations  successives.  Certains  détails  de 
mœurs  locales,  les  exigences  surtout  de  la  rime  ont 
même  laissé  subsister  çà  et  là  quelques  mots  du 
vieil  idiome.  Mais  en  dehors  de  ces  vestiges  curieux 
à  signaler,  il  est  vraisemblable  que  dans  un  grand 
nombre  de  cas  les  textes  qui  se  chantent  aujour- 
d'hui ne  sont  plus  tout  à  fait  ceux  que  chantaient 
nos  pères  des  ivi'  et  xvii'  siècles,  pour  ne  pas  remon- 
ter plus  haut. 

Il  n'en  est  pas  tout  à  fait  de  même  pour  la  mé- 
lodie. Comme  il  est  moins  facile  de  changer  une 
phrase  musicale  qu'une  expression  vieillie  ou  un 
tour  poétique  hors  d'usage,  la  contexture  mélodique 
des  chansons  populaires  s'est  montrée  plus  réfrac- 
taire  à  ces  modifications.  On  peut  donc  supposer 
que  les  airs  recueillis  dans  nos  villes  et  dans  nos 
campagnes  sont  restés,  à  peu  de  chose  près,  ce 
qu'ils  étaient  autrefois  (1). 

(1)  Emmanuel  Soleville,  Chants  populaires  du  Bas-Qucrcy, 
Iiilrod.,  p.  Il  et  III.  Paris,  ISSfl. 


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—  53  — 

En  effet,  plusieurs  airs  de  Noëls  paraissent  être 
bien  conservés;  on  en  trouve  un  certain  nombre 
dans  le  ton  de  la  mÎTieur  ancien,  et  quelques-uns 
appartiennent  peut-être  à  des  systèmes  musicaux 
qui  étaient  usités  il  y  a  bien  des  siècles. 

Il  y  a  cependant  des  exceptions  :  souvent  on  ren- 
contre deux  airs  dilîérents  pour  un  môme  Noël.  D'au- 
tres fois  la  mélodie  diffère  par  endroits.  La  mesure 
varie  aussi  :  3/4  devient  6/8  et  6/8  se  transforme  en  2/4 . 
Les  paroles  de  certains  cantiques  sont  écrites  sur  de 
véritables  airs  de  danse.  Ainsi,  parmi  les  Noëls  que 
nous  donnons,  ceux  qui  ont  pour  titre  :  Un  jeune 
pastre  soumelhava  et  Questa  nueg  es  nat  lou, 
Rei  de  la  terra,  se  chantent  sur  des  airs  de  bour- 
rée montagnarde.  Ils  n'en  ont  du  reste  que  plus  de 
couleur  locale. 

Notre  regretté  ami,  Frédéric  Noulet,  s'était  fait 
un  plaisir  de  noter  les  Noëls  qu'il  avait  entendu 
chanter  lors  d'un  voyage  qu'il  fit  en  Limousin  ;  il 
a  ajouté  à  plusieurs  d'entre  eux  un  accompagne- 
ment pour  le  piano.  Nous  sommes  heureux  de 
pouvoir  donner  le  travail  d'un  homme  dont  la 
compétence  musicale  était  si  connue  et  si  bien 
appréciée. 

M'"  Marguerite  Gênés  a  bien  voulu  se  charger  de 
réviser  pour  l'impression  la  musique  laissée  par 
notre  ami  à  l'état  de  brouillon.  Nous  la  remercions 
avec  d'autant  plus  d'empressement  que  là  ne  s'est 
pas  borné  son  rôle.  Elle  a  rétabli,  dans  la  limite  du 
possible,  bien  des  vers  qu'on  nous  avait  transmis 
d'une  façon  erronée  ;  elle  nous  a  procuré  quelques 
variantes  des  couplets  que  nous  donnons  et  nous  a 

T.  XX.  1-4 


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fourni  la  notation  musicale  de  plusieurs  Noëls.  Ses 
études  approfondies  de  la  langue  limousine  et  ses 
connaissances  en  fait  de  musique  nous  ont  aplani 
bien  des  difCcultés  ;  c'est  justice  de  dire  combien 
son  obligeant  concours  nous  a  été  utile  (1). 

Ernest  Rupin. 


(1)  Le  cliché  de  la  couverture  de  noire  brochure  ëtait  déjà  fait 
quand  nous  avons  réclamé  les  précieux  conseils  de  M'"  M.  Gênés. 
Il  aurut  été  plus  exact  de  dire,  en  annonçant  les  Noéls  que  nous 
publions  :  Notation  muticaU  par  M .  Frédéric  Noulet  et 
M"*  Marguerite  Oenèt. 


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La  Nativité  rahs  une  ijtablb  lixoubine, 

Reproduciion  d'un  Jensln  de  H.  Loui)'  I.Bynia  de  la  Jarrif 


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L'ANNONCIATION 


La  copie  de  ce  Noël  se  trouvait  dans  les  manus- 
crits de  feu  Oscar  Lacombe,  l'érudil  archiviste  de 
Tulle.  M.  Clément-Simon  possède,  selon  toute 
probabilité,  l'original,  car  son  document  porte  des 
corrections  de  style.  Il  l'a  pubiié  dans  le  Bulletin 
de  la  Société  des  lettres,  sciences  et  arts  de  la 
Corrèze,  année  1896,  pages  556  et  557,  en  le  fai- 
sant suivre  des  réflexions  suivantes  : 

«  Je  puis  certifier  l'ancienneté  relative  de  ce  noël, 
attendu  que  j'en  ai  une  copie  manuscrite  du  xvii* 
siècle.  J'ai  dit  ailleurs  que  l'idiome  bas-limousin 
n'a  cessé  d'être  écrit  depuis  l'époque  des  trouba- 
dours. Ces  textes  sont  en  assez  grand  nombre  pour 
chaque  siècle,  mais  comme  ils  se  rapportent,  pour 
la  plupart,  à  la  vie  civile  et  juridique,  ils  ne  sau- 
raient constituer  une  a  littérature».  Us  permettent 
toutefois  de  suivre  à  travers  le  temps  les  modifica- 
tions qui  ont  affecté  la  langue,  spécialement  dans  la 
forme  écrite.  Plus  on  se  rapproche  de  nous  et  plus 
cette  dernière  forme  est  corrompue.  Le  noêl  dont 
nous  transcrivons  avec  une  rigoureuse  fidélité  la 
«  graphie  »  nous  montre  comment  on  écrivait  notre 
patois  vers  1650.  Le  manuscrit  émane  d'un  homme 
lettré  qui  s'est  conformé  à  des  règles,  à  un  usage, 
bon  ou  mauvais.  On  y  voit  un  mélange  intéressant 
de  l'orthographe  primitive  et  de  l'orthographe  dégé- 


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nérée.  Celle  des  xv'  et  xvi'  siècles  est  représentée 
i'  par  le  g  doux  en  place  du  j  moderne,  rougo, 
viergo,  nogas  {se  prononçant  routzo,  viertzo 
noza)  ;  2°  par  Vo  sonnant  ou  dans  certains  cas, 
bonheur,  kontous,  contas,  nommaj  contenta, 
contentomen(bounhur,  hountous,  etc.).  Ce  sont 
là  non  des  caprices  de  scribe  ignorant,  mais  àe& 
traces  de  l'ancienne  orthographe.  Dans  les  siècles 
précédents  on  n'use  pas  encore  du  j  pour  adoucir 
ga,  go,  gu.  0  se  prononçant  ou  est  très  fréquent, 
mais  on  ne  songe  pas  encore  à  distinguer  par  une 
forme  particulière  ces  cas  assez  malaisés  à  fixer  par 
des  règles.  On  écrit  aux  xv'  et  xvi*  siècles,  lo  libre, 
l08  homes  et  on  dit  lou  libre,  tous  homes  ;  con- 
tentament  et  on  prononce  countentomen .  La 
prononciation  à  cette  époque  est  connue  d'une 
manière  générale.  Il  serait  trop  long  et  hors  de  pro- 
pos d'exposer  ici  ces  notions.  —  L'orthographe 
récente,  phonétique,  se  manifeste  au  contraire  :  1" 
par  la  notation  en  o  de  l'a  bref  ou  sourd  à  la  fin  et 
dans  le  corps  de  certains  mots  :  Mario  pour  Maria, 
onet  pour  anet,  etc.  ;  2"  par  la  suppression  de 
certaines  lettres  qui  ne  se  prononcent  pas,  mais 
sont  utiles  comme  marque  d'origine,  cronia  pour 
croniar,  nomma  pour  nommar,  d'ocor  pour 
d'ocord,  lo  mor  pour  lo  mort;  3"  par  l'emploi  des 
accents  et  quelquefois  de  l'apostrophe.  Ces  formes 
et  ces  signes  sont  inconnus  dans  l'orthographe  plus 
ancienne,  sauf  lorsque  le  scribe,  s'oubliant  un  ins- 
tant et  se  laissant  guider  par  la  prononciation  com- 
met a.  une  faute  ».  Ce  sont  du  reste  ces  fautes  qui 
nous  aident  à  retrouver  la  prononciation  ancienne. 


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Félix  eiilpa.  Mais  à  ré[)oqne  de  notre  noël,  il  n'y 
a  pas  trace  de  ces  formes  barbares  soi-disant  phoné- 
tiques qui  n'apparaissent  qu'à  la  fîn  du  zviu'  siècle  : 
tsa,  tse,  tsi,  tso,  tsu,  dza,  dzé,  dzi,  dzo,  dzu, 
a-i,  a-ou,  e-ou,  i-ou,  o-i,  o-ou,  pour  figurer  la 
prononciation  de  ch  CW>  "^e  g  doux  (dzj  devant 
les  voyelles  ou  le  son  composé  des  diphtongues  ai, 
au,  ei,  eu,  iu,  oi,  ou.  Ces  remarques  demande- 
raient à  être  développées  » . 

Noé  isic)  sur  rEsvanglle  selon  saint  Luo 

Missus  est  angetus  Gabriel. 


Mario  onel  del  cial  es  vizitado,  M'"»'»  b.»  "g»]™ 

Lou  rende  vous  s'es  pi-es  o  Nozoï-et,  ^i dJ^Ïn  '''«^ 

Oquey  un  ange  qu'o  fat  l  embossado,  ™''lilriïïi"Mwf°~ 
Oquey  d'oti  que  nostre  bonhur  vet. 

Sur  lour  trotat  nou  troubès  pas  estrangé, 
Un  Diou  en  1  home  vay  essé  d'ocor, 
Escoutat  bien  tous  ce  que  lio  dît  1  ange 
Per  nous  cronia  pus  1  ifer  ny  lo  mor. 

Mario  de  Diou  de  tout  tems  chouzido,  ats  Hwb;^  gnut 

Pleno  de  gracio,  que  Diou  vous  odjut 
Entré  las  fennas  vous  es  beneyzïdo 
0  vous  s  odresso  dey  cial  lou  solut. 

Per  to  discretomen  que  iou  m  énoncé  ConeipiM  et  pirin. 

Vous  vendpès  rougo,  vous  estounorés, 
Mas  ay  mou  ordre,  chai  que  iou  1  ononcë, 
Vous  vendrés  grosso,  vous  enfontorés. 

De  mous  discours  vous  es  toulo  troublado,  mSiHu^'!'  "^Tf^-  ' 
Vostré  vizagé  n'en  poray  hontoux,  ">*"■  *•"'•■ 

Mas  n  ogas  pou,  vous  serés  preservado, 
Uomë  jomay  n  euro  de  par  on  vous. 


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De  Tostre  fil  un  Diou  sero  lou  payré,  f^^'  ÏÏ'S""  "^ 

Vous  gordoi-és  vostro  virginitat, 

Vous  seréa  viergo  omay  aérés  so  mayré  [1) 

E  el  gordoro  so  divinitat. 

Oquel  qu  es  cauao  que  vostro  cousino  «'«  *^}  "'ipat  a 

Se  trobo  encento  en  so  sterilîtat,  ""'o'' 'u 

Pot  bé  per  lo  mesmo  vertu  divino  impoMibik. 
Vous  gorda  viergo  en  lo  feconditat. 

VeS  Oti  lou  sujet  de  mo  vengudo,  VoMbianommeju» 

Contaa  qu  ovés  un  messogié  âdel, 
Kou  manques  pas  quand  aérés  ojogudo 
De  l'a  nomma  leCon  Emanuel. 

De  tout  oquo  Mario  se  contento,  eiw  uiçhi»  do- 

Soun  consentomen  signo  lou  trotat, 
El  dins  1  umilitat  d'uno  sirvento, 
Desja  mestreaao,  di  qu  eytal  sio  fat. 

Marie ,  aujourd'hui,  reçoit  une  visite  du  ciel,  —  le 
rendez-vous  est  fixé  à  Nazurelh,  —  c'est  un  ange  qui  a 
été  le  messager,  —  c'est  de  là  que  vient  notre  bonheur. 

Par  le  traité,  ne  le  trouvez  pas  étrange,  —  un  Dieu 
auec  l'homme  va  être  d'accord.  —  Ecoutez  bien  tout  ce 
que  dit  l'ange,  —  pour  ne  plus  craindre  ni  l'enfer,  ni  la 
mort. 


(1)  Le  përa  capucin  Uartial,  de  Brive,  traduit,  d'une  façon  dîfFé- 
reDte,  U  mime  idée,  dans  le  Parnasse  géraphique,  p.  IM.  Lyon, 
1660: 

Nous  TOUS  le  donnons  à  genoux 

Le  beau  nom  de  Vierge  suprême, 

Ce  nom  si  charmant  et  si  doux 

Nous  vous  k  donnons  à  genoux. 

Le  beau  nom  de  Vierge  est  à  vous, 

Jusque  dans  l'enfantement  même. 

Nous  vous  le  donnons  à  genoux 

Le  beau  nom  de  Vierge  suprême. 


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[T'ousj  qui  de  tous  temps  avait  été  choisie  pour  la  mère 
de  Dieu,  -—  pleine  de  grâce,  que  Dieu  vous  protège.  — 
Entre  toutes  les  femmes  vous  êtes  bénite.  —  C'est  à  vous 
que  du  ciel  s'adresse  le  salut. 

Aussi  discrètement  que  je  m'énonce,  —  nous  rougirez, 
vous  vous  étonnerez,  —  mais  j'en  ai  l'ordre,  il  faut  que  je 
l'annonce,  —  vous  deviendrez  enceinte,  vous  enfanterez. 

De  mon  discours  vous  paraissez  troublée,  —  votre 
visage  en  paraît  tout  honteux.  —  Mais  n'ayez  peur,  vous 
serez  préservée,  —  aucun  homme  jamais  n'aura  de  rap- 
port avec  vous. 

De  votre  (ils  un  Dieu  sera  le  père,  —  rous  garderez 
votre  virginité,  — rous  serez  uierge,  cependant wous  serez 
sa  mère,  —  Et  lui,  conservera  sa  divinité. 

Celui  qui  est  cause  que  votre  cousine,  —  se  (rouue  en- 
ceinte en  sa  stérilité,  —  peul  bien,  par  la  mêm.e  vertu 
diiiine,  — rous  garder  vierge  dans  la  fécondité. 

Voici  ainsi  le  motif  de  mon  arrivée,  —  Soyez  persua- 
dée que  wous  avez  un  messager  fidèle,  —  ne  manquez  pas 
quand  vous  serez  délivrée,  —  de  faire  appeler  l'Enfant  : 
Emmanuel. 

De  tout  ceci,  Marie  est  satisfaite.  —  Son  consentement 
assure  le  traité.  —  Et  dans  l'humilité  d'une  servante,  — 
déjà  souveraine,  elle  dit  :  qu'il  soit  ainsi  fait. 

II 
L'aiLjse  Gabriel 

Ce  cantique  très  répandu  dans  la  Cori-èze,  notam- 
ment à  Lissac  et  à  Meyssac,  nous  a  été  communi- 
qué par  M.  Gaston  de  Lépinay  et  a  été  imprimé  par 
M .  Louis  de  Nussac  dans  les  Dires  Limousins, 
première  série.  Il  parait  avoir  été  populaire  dans 
plusieurs  provinces  et  surtout  dans  le  Quercy. 


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M.  l'abbè  Gary  le  reproduit  dans  son  Recueil 
des  Noëls  et  cantiques,  inséré  dans  le  Bulle- 
tin de  la  Société  des  Etudes  du  Lot,  tome  XV, 
p.  118.  M.  Joseph  Daymard,  dans  les  Vieux  chants 
populaires  du  Quercy,  p.  308,  Cahors,  1889,  et 
M.  Soleville,  à  la  page  173  de  son  ouvrage  intitulé  : 
Chants  populaires  du  Bas-Quercy,  le  donnent 
aussi  mais  avec  de  nombreuses  variantes. 

Des  variantes  existent  aussi  dans  notre  départe- 
ment et  M"*  Marguerite  Genès  nous  a  signalé  celle 
qui  figure  dans  les  Souvenirs  Tullistes  de  M.  Jean- 
Baptiste  Leymarie.  Cet  auteur  en  attribue  même  la 
paternité  à  Anne  Vialle,  le  collaborateur  du  diction- 
naire de  Béronie. 

Cette  cantilène,  dit  M.  Soleville,  exprime  dans 
sa  forme  naïve  les  inquiétudes  de  la  Vierge  Marie, 
s'informant  auprès  de  l'ange  Gabriel  de  la  durée 
de  sa  miraculeuse  gestation  et  de  l'isolement  ré- 
servé à  sa  mystérieuse  maternité.  L'Envoyé  du  Sei- 
gneur la  rassure.  L'Evangile  parle  plus  simplement 
de  la  soumission  de  la  Mère  de  Dieu  : 

L'Anze  Gabriel, 
Vous  saludo  Mario  ! 
—  0  Vierio  sento, 
Voua  veinie  onounça 
Lou  fil  de  Dieou  tous  tchal  pourta  (1). 


(1)  Variante  donnâe  par  H.  Daymard  : 

L'aoUé  Gabriel  bay  aanounça  à  Mario, 
Oin  sa  cambreto,  taleou  lou  bey  béni, 
Soun  paouré  cor  y  fay  frâmi. 

—  ■  L'antsé  Gabriel,  que  né  bénfei  bous  fayré?! 

—  «  Bierts'liouiiourablo.  bous  béui  auiiounça 
'  Lou  fil  de  Dïou  bous  cal  pourta  a. 


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—  63  — 

—  Anze  Gabriel, 

Lou  portorai  ieou  gaire  ? 

—  0  Vierzo  senlo, 
Naous  mes  lou  portorez, 

Mai  toujours  vierzo  vous  sîrez. 

—  Anze  Gabriel, 

Din  qu'ai  ten  deuro  naisse  ?  (1} 

—  0  Vierzo  sento, 
Din  lou  cour  de  l'hiver, 

Dins  un  estable  mal  crubcrt. 

—  Ame  Gabriel, 
Sorai  ieou  touto  soulo  ? 

—  0  Vierzo  sento. 

Sent  Dzoge,  vostre  epous, 
Siro  toujours  aupre  de  vous. 

—  Anze  Gabriel, 

Y  n'aouro  pas  un  aoutre  ? 

—  O  Vierzo  sento, 
Les  anzes  l'y  serount  ; 

Tant  de  Nodals  vous  tchantorount  ! 

—  Anze  Gabriel, 

Le  n'y  aouro  pas  d'aoutre  ? 

—  0  Vierzo  sento, 
Lous  pastres  y  serount, 

Lou  fil  de  Dieou  odouroront. 

—  Anze  Gabriel, 

Le  n'y  aouro  pas  d'aoutre  ? 

—  0  Vierzo  sento. 

Très  grans  reys  y  serount, 
De  bels  presens  vous  portorount. 


I)  Variante  donnée  par  M.  Soleville  : 
Lou  me  cal  pourta  galrc 


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—  64  - 

—  Ame  Gabriel, 

Que  Toules  que  me  porlount  ? 

—  0  Vierzo  sento, 
Portorount  l'or,  l'encens 

Emai  lo  myrrho  perpresens. 

—  Ame  Gabriel, 

N'y  aouro  soulel  ni  luno  ? 

—  0  Vierzo  sento. 
Un  estialo  brilhoro, 

Eraai  toaus  vous  ecleiroi-o. 

—  Anze  Gabriel, 
Qu'ai  foro  lou  botemo  ? 

—  0  Vierzo  sento, 
Sen  Djean  que  l'ei  sirô, 

Lou  bel  efant  botisoro. 

—  Anze  Gabriel, 

Qu'ai  noum  l'y  bailharem  ? 

—  0  Vierzo  sento, 

Lou  nom  de  Jesus-Chris  ; 
Sira  lou  meslre  del  païs. 

L'&niie  Gabriel  votis  salue,  Marie!  —  0  vierge  sainte, 
je  viens  vous  annoncer  que  le  fils  de  Dieu  il  vous  faut 
porter. 

—  Ange  G&briel,  le  porterai~je  longtemps  f  —  0  vierge 
sainte,  neuf  mois  vous  le  porterez,  mais  toujours  vierge 
vous  serez. 

—  Ange  Gabriel,  dans  quel  temps  doit-il  naître  ?  —  0 
vierge  sainte,  dans  le  cœur  de  l'hiver,  dans  une  étable 
mal  couverte. 

—  Ange  Gabriel,  serai-je  toute  seule  f  —  0  vierge  saînle, 
saint  Joseph,  votre  époux,  sera  toujours  auprès  de  vous. 

-—  Ange  Gabriel,  n'y  en  aura-t-il  pas  un  autre  ?  —  0 


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vierge  sainte,  les  anges  y  seront  ;  bien  des  Noëls  ils 
chanteront. 

—  Ange  Gabriel,  n'y  en  aura-(-i(  pas  d'autres  f  —  0 
vierge  sainte,  les  bergers  y  seront  et  le  Fils  de  Dieu  ado- 
reront. 

—  Ange  Gabriel ,  n'y  en  aura-t-il  pas  d'aulres  7  —  0 
vierge  sainte,  trois  grands  rois  y  seront  et  de  beaux  pré- 
sents vous  porteront- 

—  Ange  Gabriel,  que  voulez-vous  qu'ils  me  portent  ? — 
O  vierge  sainte,  tis  porteront  de  l'or,  de  l'encens  et  de  la 
myrrhe  pour  présents. 

—  Ange  Gabriel,  n'y  aura-t-il  ni  soleil,  ni  lune  f  —  0 
vierge  sainte,  une  étoile  brillera  et  même  tous  uous  éclai- 
rera. 

—  ^nge  Gabriel,  qui  fera  le  baptême  f  —  0  uterge 
sainte,  saint  Jean  qui  y  sera,  le  bel  Enfant  baptisera. 

—  Ange  Gabriel,  quel  nom  lui  donnerons-nous  ?  —  0 
vierge  sainte,  te  nom  de  Jésus-Christ  ;  il  sera  te  maître 
du  pays. 

Nous  donnons  maintenant,  en  respectant  l'ortho- 
graphe de  l'auteur,  la  variante  de  ce  noël,  insérée 
par  M.  Leymarie  dans  l'ouvrage  précité  : 

L'ange  Grobiér  vail  soluda  Maria  : 
a  Ah  !  Vierjo  sent',  vous  véne  soluda  ! 
"  ÎjOu  fir  de  Dieu  vous  chart  pourta  ». 

«  Ange  Grobiér,  lou  pourtorai  ioù  gaire  ?  » 
■  Ah  !  Vierjo  sent',  naù  mes  lous  portores, 
«  Amai  vierjo  toujours  sires  n. 

u  Ange  Grobiér,  dins  car  mes  deùrot  naisse  ?  » 
«  Ah  !  Vieije  senl',  en  lai  pei  miéj  d'ivér, 
1  Dins  un  estable  mar  crubért  ». 


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J'ai  un  petit  voyage  6.  taire. 

Ce  cantique  ne  se  chante  que  dans  la  partie  Sud 
de  l'arrondissement  de  Brive.  Il  est  donné  par 
M.  Joseph  Daymard  (1)  comme  très  répandu  dans 
la  commune  de  Sérignac,  arrondissement  de  Cahors 
(Lot).  Mais  sa  version,  qui  offre  quelques  légères 
différences  avec  celle  du  Limousin,  est  incomplète 
des  deux  derniers  couplets,  qui  nous  ont  été  com- 
muniqués par  M"'  Marguerite  Genès,  à  laquelle 
nous  devons  la  notation  de  la  musique  : 


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Kl.    h.—^ 


J.       ^       :      I      ,\ 


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J'ai  un  petit  voyage  à  faire, 

Vive  Jésus  ! 
Je  ne  sais  qui  le  fera, 

Alléluia  ! 
Je  ne  sais  qui  le  fera, 
Je  ne  sais  qui  le  fera. 


(t)  Joseph   Dayra&rd,    Vieux  chani»   populaira   recueiliiê  en 
Quefcy,  p.  307.  Cahors,  1889. 


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-67  - 

L'ange  Gabriel  prit  la  volée, 

Vive  JésuB  ! 
A  Nazareth  il  alla, 

Alléluia  ! 
A  Nazareth  il  alla, 
A  Nazareth  il  alla. 

Il  trouva  la  porte  fermée, 

Vive  Jésus  ! 
Par  la  feuétre  il  entra, 

Alléluia! 
Par  la  fenélre  il  entra, 
Par  la  fenêtre  il  entra. 

Il  trouva  la  Vierge  en  prière, 

Vive  Jésus  ! 
Humblement  la  salua, 

Alléluia  ! 
Humblement  la  salua. 
Humblement  la  salua. 

En  lui  disant  :  «  Vous  serez  mère, 

Vive  Jésus  ! 
D'uu  bel  enfant  qui  naîtra, 

Alléluia  ! 
D'un  bel  enfant  qui  naîtra, 
D'un  bel  enfant  qui  naîtra  »  [I]. 

Ah  !  qu'il  est  beau  de  voir  les  ange 

Vive  Jésus  ! 
Quand  ils  chantent  gloria, 

AUéluia  ! 
Quand  ils  chantent  gloria, 
Quand  ils  chantent  gloria. 


(l)  Voici  lu  variante  de  ce  coupiel  qui  Bgure  dans  l'ouvrage  de 
M.  Daymard.  Dans  ce  couplet,  de  môme  que  dans  les  autres,  la 


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—  68  — 

LA  NATIVITÉ 

IV 
Levez-vous  de  ceste  prairie 

Le  Noël  suivant  est  inséré  dans  l'ouvrage  ayant 
pour  titre  :  Œuvres  spiHttcelles  sur  toutes  les 
Evangiles  des  jours  de  caresme  et  sur  les  Festes 
de  l'année,  de  M"  Lazare  de  Selve,  conseiller 
du  Roy  en  ses  Conseils  d'Etat  et  privé  et  Prési- 
dent pour  sa  Majesté  es  villes  et  pais  de  Metz, 
Tout  et  Verdun.  Paris,  chez  Pierre  Chevalier, 
rue  Saint-Jacques,  à  l'Image  Saint-Pierre,  près 
les  Mathurins,  1620.  (Cantique  52,  en  forme  d'un 
Noël). 

Lazare  de  Selve  était  fils  du  célèbre  Odet  de  Selve 
qui  fut  chargé  de  plusieurs  missions  diplomatiques 
et  de  Renée  de  Montmiiail  ;  en  1534,  il  épousa 
Catherine  Pignard. 

Ce  Noël,  dit  M.  Raymond  Toinet  qui  le  donne 
dans  le  journal  Le  Corrézien,  numéro  du  25  no- 
vembre 1897,  est  tout  fait  de  piété,  de  franchise  et 
de  grâce.  Peut-on  rêver  une  strophe  plus  ailée,  avec 
sa  même  rime  féminine  quatre  fois  répétée,  son 
petit  vers  leste  et  fringant  :  «  Tout  plein  d'amour  » 


disposilion  des  vers  n'est  point  la  mt^me  que  celle  adoptée  dans 
version  limousine.  Le  premier  vers  est  faux  ; 

Je  vous  salue,  6  Marie! 

Aoe,  gratta  plena.  Vive  Jésus  ! 

Ave,  gratis  plena.  Alléluia  î 


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-  69  — 

qui  en  brise  la  monotonie  en  lui  donnant  un  nou- 
vel essor,  et  son  clair  refrain  :  «  Et  venez  tost  car 
il  est  jour  !  » 

Levez-vous  de  ceste  prairie 
Et,  quittant  votre  bergerie. 
Venez  voir  le  fils  de  Marie 

Tout  plein  d'amour  : 
Levez-vous,  pasteurs,  je  vous  prie 
Et  venez  tost  car  il  est  jour. 

Déjà  la  luisante  aurore, 

La  cime  de  ces  monts  redore, 

Et  ce  petit  Dauphin  honore 

Pleine  d'amour. 
Venez,  et  que  chacun  l'adore, 
Et  venez  tost  car  il  est  jour. 

L'ange  en  a  porté  la  nouvelle, 
Ecoutez  comme  il  vous  appelle, 
Il  chante  une  chanson  si  belle 

Toute  d'amour. 
Venez  donc  voir  cette  pucelle 
Kt  son  nis  plus  beau  que  le  jour. 

Venez  voir  celte  saincts  Dame, 

Et  ce  petit  qui  ravit  l'&me, 

Et  son  œil  qui  le  cœur  enflamme 

De  traits  d'amour  ! 
Venez  tous  épriz  de  sa  flamme 
Et  venez  tost  car  il  est  jour. 

Venez  voir  sa  bouche  pourprine, 
Sa  main,  et. sa  façon  poupine  ; 
Venez  voir  sa  face  enfantine 

Pleine  d'amour  ; 
Venez  voir  sa  clarté  divine. 
Et  venez  tost  car  il  est  jour. 
T.  XX.  i  -  j 


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L'aoutre  dzonr  el  pé  d'EststJas 

Ce  Noël,  d'après  François  Bonnélye  qui  le  repro- 
duit dans  sa  traduction  de  l'Histoire  de  l'église 
de  Tulle  (i),  est  attribué  à  Bertrand  de  Latour,  né 
à  Tulle  vers  1570,  qui  a  fait  l'histoire  de  sa  ville 
natale  et  qui  mourut  en  1648.  M  Clément-Simon 
assure,  avec  beaucoup  de  probabilités,  qu'il  n'est 
point  de  cet  auteur.  D'autres  pensent  qu'il  a  été 
composé  par  Anne  Vialle,  mais  il  est  plus  correct 
que  les  œuvres  de  ce  dernier.  Tout  ce  que  l'on  peut 
dire,  avec  certitude,  c'est  qu'il  est  ancien,  d'une 
bonne  facture  et  d'un  tbème  agréable  ;  plein  de 
grâce  et  de  malice,  il  est  empreint  d'une  naïveté 
charmante. 

Des  bergers  gardaient  leurs  troupeaux  tout  en 
contemplant  un  beau  ciel  étoile.  Soudain  apparaît 
un  brillant  éclair.  Ils  sont  d'abord  effrayés.  Arrivent 
des  anges  qui  leur  annoncent  la  grande  nouvelle  et 
les  engagent  à  aller  à  Bethléem. 

Tout  de  suite  ils  se  mettent  en  marche,  prenant, 
l'un  sa  cornemuse,  l'autre  sa  trompette,  un  troi- 
sième son  flageolet.  En  passant  au  village,  ils  ré- 
veillent Janet,  leur  camarade  ;  celui-ci  s'empresse 
de  les  rejoindre  en  sautillant  si  fort  que  sa  mère, 
toute  tremblante,  ne  peut  s'empêcher  de  lui  crier 
de  ne  pas  courir  si  vile. 

Gérald  prend  un  agneau  dans  l'étable  de  sa  mère  ; 


(1)  T/t'af.  de  t'égliae  de  Tuile,  par  Bertrand  de  Latour,  traduite 
par  f.  BoDDélye,  p.  9.  Tutle.  1858. 


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Joseph  s'empare  d'un  oiseau  dans  k  cage  de  son 
père  ;  Jean  avait  deux  petits  coqs,  mais  le  malin 
berger  leur  avait,  coupé  la  crête  pour  faire  croire 
qu'il  portait  des  chapons. 

La  troupe  joyeuse  arrive  à  l'étable,  mais  non  sans 
peine.  Elle  trouve  le  divin  Enfant  auquel  ses  pa- 
rents prodiguaient  les  soins  les  plus  tendres  :  saint 
Joseph  tenait  à  la  main  a  lou  tsolel  »,  cette  petite 
lampe  à  bec  si  répandue  dans  nos  campagnes.  Elle 
offre  ses  présents  et  donne  un  véritable  concert  au 
nouveau- né. 

Enfin,  Toni  «  qui  est  plus  savant  qu'un  marguil- 
lier»  est  chargé  de  porter  la  parole;  il  adresse  ses 
compliments  et  fait  des  vœux  pour  voir  cesser  la 
guerre  et  diminuer  les  impôts  exhorbilants  dont  ils 
sont  accablés. 

L'aoutre  dzour  ei  pé  d'Ëstsalas  (1) 
N'eran  quaouques  postouréous 
Que  countavan  las  estialas, 
En  gordan  nostres  troupëous. 
Quand  tout  d'un  cop  lo  luour 
D'un  grand  et  brillant  esclaire 
Nous  oporegut  dins  l'aire 
Et  nous  romplit  de  froiour. 

Lo  poou  fuguet  be  pu  grando 
Quand  veguen  eitour  de  nous 
D'andzes  d'ei  cial  une  bando 
Que  credav'o  pleno  vous  : 


(t)  Le  Puy-des-Ech.el]cs  est  uue  montagne  située  prés  de  Tulle, 
domioant  au  Sud  le  lieu  appelé  le  BoUMonger,  boit  de»  Monge» 
ou  des  Moine»  ;  c'est  le  point  le  plus  élevé  des  environs. 


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-  72  — 

B  Qu'odzomai  Dionu  sio  loouva 

B  D'ove  fa  Uni  lo  guéro 

■  Que  lou  cial  fosi'o  lo  léro 

I  A  caouso  de  soun  petsa  ». 

a  Odoun  n,  torno  dir'un  andze: 

a  Devolas  vous  n'en  olen 

u  Per  lou  cas  lou  pu  estrandze 

II  Ses"plonta  en  Bélelem. 
a  Sa  maire  léi  o  ciola 

«  Oquel  efon  odourable, 

a  Si  ne  fuss'esta'n  estable 

n  Lou  meroulet  (1)  n'ero  dziola  w 

Odoun  nous  bouten  en  routo 
En  mortsan  de  dous  o  dous, 
Toni  que  n'o  pas  la  gouto 
N'en  pourtavo  lou  blandou  ; 
Dzan,  qu'o  de  lesprit  oous  dels, 
Jugava  de  lo  chabreto  (2), 
Giroulet  de  lo  troumpeto, 
Et  Dzosé  del  fleidzoulet. 


(1)  Le  mot  meroulet,  qui  probablement  veut  dire  pelil  enfant, 
n'eiiate  pas  dans  noirs  patois.  Certaines  versions  portent:  lou 
Nadalel.  Il  y  a  peut-être  une  faute  de  transcription  dans  ce  vers, 
qui  du  reste  a  une  syllabe  de  trop.  Ce  mot  a  dû  prendre  la  place 
d'un  équivalent  plus  court,  tel  que  l'e^anfou,  etc. 

(2)  Cliabreto.  tgobreto,  cornemuse.  La  musette  diffère  de  la  cor- 
nemuse avec  laquelle  on  l'a  souvent  confondue.  La  cornemuse  est 
un  instrument  à  vent  et  à  anclies.  Il  se  compose  d'une  sorte  de 
vessie  ou  bourse  en  peau  de  mouton,  qu'on  gonfle  à  l'aide  d'un 
tuyau  appelé  porle-oent,  et  de  trois  tubes  appelés  grand  bourdon, 
petit  bourdon  et  chalumeau.  Le  grand  bourdon  s  près  d'un  mètre 
de  long.  Le  porte-vent  est  muni,  au-dedana  de  la  peau,  d'une  sou- 
pape qui  permet  au  vent  d'entrer,  mais  non  de  sortir,  tandis  que 
l'exécutant  reprend  baleine.  Le  vent  n'a  d'i.ssue  que  par  les  tubes. 
Ils  ont  chacun,  k  leur  partie  inférieure,  une  anche  prise  dans  une 
boite  sur  kquelle  la  peau  est  appliquée.  Quand  on  joue  de  l'inatru- 
ment,  le  grand  bourdon  est  jeté  par  dessus  l'épaule  gauche  ;  la 
peau  enflée  par  ic  porte- vent  est  pressée  sous  le  bras  gauche  ;  les 


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Dins  l'estable  de  so  maire 
Dziral  preguet  un  oniel  ; 
De  lo  glabio  de  soiin  paire, 
Dzosé  n'en  ponet  l'oousel  ; 
Dzan  ovio  dons  dzoletous, 
Lias  en  lou  fiai  d'uno  blesto, 
Liour  ovioou  coupa  lo  cresto 
Et  possavou  per  tsopous. 

Onerans  dins  lou  viladze 
Réveilla  nostre  Dzonet, 
Voulîo  esse  dei  vouiadze, 
Per  veire  lou  Nodalet. 
Nousseguet  en  saoutiiant, 
So  maire,  que  tremouUvo, 
En  temps  en  temps,  li  credavo  : 
■  Dzonet,  ne  couiias  pas  tant  n. 

0  lo  fl  trouben  l'estable, 
Oprès  lové  prou  tsorsa  ; 
Veguen  l'efon  odourable  ■ 
Que  l'andi'ovio  onounça. 


doigta  sont  sur  les  trous  du  chalumeau  qui  servent  à  modifier  !' 
tonation.  Le  graad  bourdon  sonne  l'octavo  au-desBoua  du  petit,  el 
le  petit  l'octave  au-dessous  du  chalumeau,  quand  tous  les  trou: 
bouchés,  et  la  quinzitme  quand  ils  sont  ouverts.  Ainsi  la  c 
muse  a  trois  octaves  d'étendue.  Le  timbre  est  aigre  et  criard, 
s'allie  bien  au  caractère  des  danses  do  la  campagne. 

La  muselle,  d'une  construction  plus  délicate  et  plus  soignée,  a 
dans  les  sons  plus  de  justesse  et  de  douceur.  L'outre  de  la  musette 
reçoit  le  vent  d'un  soufflet  placé  sous  le  bras  gauche,  tandis  que  la 
cornemuse  est  insufflée  par  la  bouche.  De  plus,  lo  bourdon  de  la 
musette  est  percé  de  plusieurs  Irous,  bouchés  par  des  chevilles  de 
bois  ou  d'ivoire,  appelées  layettes,  on  en  ouvre  un  ou  deux  pour 
avoir  la  tonique  el  la  dominante  du  ton  où  l'on  veut  jouer.  (Bacho- 
let  el  Desobry,  Diction,  de»  Lettres  et  des  Beaux-Arts). 

Lo  Itobreto  est  l'instrument  qu'on  entend  le  plus  dans  nos  fêtes 
villageoises.  Les  jeunes  filles  vantent  beaucoup  une  noce  dont  elles 
peuvent  dire  :  Lo  tsobrelo  léi  éro.  nous  avions  la  cornemuse.  (Bé- 
rouie,  Dtction.  du  pslois  du  Bas-Liinouain,  p.  308). 


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—  74  — 

So  maire  qu'ero  près  d'el, 
D'oquel'oui'O  lou  mudavo  ; 
Loti  boun  Dzosé  l'odjudavo 
Et  li  tenio  lou  Lsolel  (I). 

Odoun  toute  nostro  bando 
Sounet  de  sous  estrumens, 
Et  nous  n'onen  o  l'oufraudo, 
Do  dzonoul  devotomen  ; 
Lo  bouoo  vierdzo  dzosen 
0  tous  lou  nous  presentavo, 
Tsadun  lou  poutounedzavo 
Et  li  fosio  soun  presen. 

Toni  que  dins  so  dzoounesso 
Ero  esta  boun  e&coulié, 
Enquèraa  dins  so  vieliesso 
Sabio  mai  qu'un  meiiilié  (2), 
Li  disset  per  coumplimen  : 
«  Dioou  que  ses  vengu  en  téro, 
n  Se  ne  fuss'esta  la  guéro, 

■  Oourian  pourta  de  lordien. 

«  Fotsas  nous  qu'oqucst'onnado 
u  Puestsian  veire  fa  lo  pa, 
«  Et  vous  foren  uno  ooubado 

■  Miel  que  dzomai  n'odzan  fa. 


(1)  Lou  Uolel,  chalel,  est  une  petite  lampe  à  queue  particulière 
aux  campagnes  du  Midi  et  du  Centre  de  la  France;  elle  n'a  pas 
d'équivalent  dans  la  langue  française.  Cette  lampe,  k  plusieurs 
becs,  est  alimentée  par  de  l'huile  de  noix  ;  auireTois,  on  n'y  brûlait 
d'autre  mèche  que  de  la  moelle  de  jonc;  depuis  quelque  temps,  on 
y  emploie  le  coton. 

(3)  Meirilié,  Marguillier.  Dans  nns  paroisses  trës  pauvres,  le 
marpuiilier  était  comme  une  espèce  de  fac-lolxitn;  c'était  un  per- 
sonnage faisant  l'ufficc  do  sonneur  de  cloches,  de  sacristaiti,  de 
chantre  et,  souvent  même,  de  maître  d'école. 


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—  75  - 

«  Tsossas  nous  Ions  coullectours, 
B  Que  sou  tous  forcis  de  rolle, 
B  Fotsas  qu'en  perdou  lou  molle 
"  Per  udzan  et  per  toudzours  n. 

L'autre  jour  au  Puï-des-Echelles 
L'autre  jour  au  Puy-des-Echelles  —  nous  étions  quel- 
ques bergers  —  qui  comptions  les  ^(oiîes  —  en  regardant 
nos  troupeaux,  —  quand  tout  à  coup  la  lueur  —  d'un 
grand  et  bridant  ^ciair  —  nous  apparut  dans  i'aîr  —  et 
nous  remplit  de  frayeur. 

La  peur  fut  encore  plus  grande,  —  quand  nous  vîmes 
autour  de  nous  —  d'anges  du  ciel  une  bande  —  qui 
criaient  à  pteine  woix  ;  —  «  Qu'à  jamais  Dieu  soit  (ou^, — 
d'avoir  fait  cesser  la  guerre,  —  que  le  ciel  faisait  à  la 
terre  —  à  oause  de  nos  péchés. 

0  Allons*,  se  met  à.  dire  un  ange,  —  n  allez  uous  en 
vite  là  bas; — par  un  fait  des  plus ëtranjeSi-^ii  est  venu 
à  Bethléem  ;  —  sa  mère  l'y  a  caché  —  cet  enfant  adora- 
ble. —  S'il  ne  s'y  était  pas  trouvé  une  étable,  —  le  pauvre 
petit  se  serait  gelé  >>. 

^(ors  nous  noi«  mettons  en  route,  —  en  marchant 
deux  à  deux.  —  Toinou  (Antoine}  qui  n'a  pas  la  goutte, 

—  portait  (a  torche  de  paille  enflammée  (pour  éclairer  la 
marche).  —  Jean,  qui  a  de  l'esprit  jusqu'aux:  doigts,  — 
jouait  de  la  cornemuse  ;  —  Petit-Jean  de  la  trompette  ;— 
et  Joseph  du  flageolet. 

Dans  l'étable  de  sa  mère,  —  Gérald  avait  pris  un  agneau. 

—  Dans  la  cage  de  son  père — Joseph  s'était  emparé  d'un 
oiseau.  —  Jean  auail  deux  petits  coqs,  —  liés  avec  du 
fil(l)d'unécheveau;— il  leur  avait  coupé  la  crête —pour 
faire  croire  que  c'étaient  des  chapons. 

En  passant  dans  te  uiilage,  —  nous  appelâmes  notre 

(1)  Littéralement:  liés  avec  les  fils  d'uu  peloton. 


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—  7G  — 

Ja.net  ;  —  il  routait  être  du  voyage,  —  pour  voir  l'En- 
fant Jésus.  —  Il  suivit  en  sautillant.  —  Sa  mère,  qui 
tremblait  de  peur,  —  de  temps  à  autre  lui  criait  :  — 
"  Janet,  ne  cours  pas  tant  ». 

A  la  fin  nous  découvrîmes  iétable,  —  après  l'avoir 
longtemps  cherchée.  —  Nous  vîmes  l'Enfant  adorable  — 
que  range  ai;ai(  annonce.  —  Sa  mère,  qui  était  près  de 
lui,  —  à  ce  moment  là  le  changeait  de  linges;  —  te  bon 
Josepli  lui  aidait,  —  et  tenait  la  petite  lampe  à  queue. 

Alors,  toute  notre  bande,  —  joua  de  ses  instruments, 
—  et  nous,  nous  fûmes  à  l'offrande,  —  [en  nous  mettant\ 
à  genoux  dévotement.  —  La  6onne  Vierge,  —  à  nous  lous 
le  présentait.  —  Cftacun  [de  nous]  le  couvrit  de  baisers  — 
et  lui  fît  son  offrande. 

Toni  (Antoine)  qui  dans  sa  jeunesse  —  a«ai(  été  un  bon 
écolier,  —  encore  dans  sa  vieitiesse  —  en  savait  plus 
qu'un  marguillier,  —  il  lui  dît  pour  compliment  :  — 
"  Dieu  qui  êtes  venu  sur  terre,  —  si  ce  n'avait  pas  été  la 
guerre,  —  nous  vous  aurions  porté  de  l'argent. 

■  Faites  que  cette  année,  —  nous  puissions  voir  faire 
la  paix;  —  nous  vous  ferons  une  belle  fétc,  —  comme  ja- 
mais nous  n'en  avons  fait.  —  C/iassez-nous  (es  percep- 
teurs, —  qui  sont  tous  farcis  de  rôles.  —  Faites  qu'ils  en 
perdent  le  moule,  —  pour  cette  année  et  pour  toujours  ». 

VI 
Lou  viel  Mirât 
Le  Noël  suivant,  dont  nous  n'avons  pu  retrouver 
malheureusement  qu'un  seul  couplet,  est  attt-iliué 
à  Bertrand  de  Latour.  La  pièce  de  terre  de  Bois- 
Mongier  {Bosc  ou  Bosc-MongierJ,  bois  des  Monyes 
ou  des  Moines  (1),  ainsi  appelée  parce  qu'elle  dé- 

(1)  Joseph  Itoiix.  Grammaire  limousine,  p.  145.  B^îve,  1835. 


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pendait  des  Recollets  de  Tulle,  était  située  près  de 
cette  ville,  sous  le  Puy  des- Echelles. 

M.  l'abbé  Victor  Pourville  a  pris  les  trois  derniers 
vers  de  ce  fragment  et  les  a  insérés,  avec  quelques 
légères  modifications,  dans  un  Noël  qui  commence 
par  ces  mots  ;  «  Efons  de  la  campagne  i  (1)  et  que 
nous  donnerons  à  notre  tour,  mais  ils  sont  bien  de 
Bertrand  de  Latour,  au  dire  de  Béronie  qui  les  re- 
produit ainsi  dans  son  Dictionnaire  patois  (2)  : 

Lou  viel  Mirât  se  permenavo 

Din  soun  Boi-Mindzié,  tout  soulet. 

Un  andzé  dei  cial  li  credavu 

Que  a'ero  na  un  Nodolet  (3), 

De  sas  tendras  menotas, 

Il  0  bresa  las  portas, 

Tant  duras  et  taat  fortas 

Le  vieux  Mirai  se  promenait —  dans  [sa  pièce  de  terre] 
du  Bois-Mongier,  tout  seul.  —  Un  ange  du  ciel  lui  criait, 
—  gu'it  ^tai(  né  un  petit  enf&nt,  —  qui  de  ses  d^iicates 
mains,  —  avait  brisé  let  portes  [de  l'Enfer\,  —  si  dures 
et  si  fortes 

Vil 
Vn  Jeune  Pastre. 

Ce  Noël,  d'une  charmante  simplicité,  est  très 
connu  dans  le  Limousin,  et  surtout  dans  le  départe- 

(1)  Pnurville,  Recueil  de  cantique»  en  patois  du  Limoutin, 
p.  36.  Ussel,  sana  dttte. 

(!)  Béronie,  Diotionn.  du  patoii  du  Bas-Limousin,  pages  158 
et  !T1. 

(3)  Nodatet.  Co  mot  désigne  généralement  la  fête  de  la  Nativité 
de  Notro-Scigncur  ou  les  chants  composés  en  cet  honneur,  mais 
parfois  il  est  employé  aussi  pour  exprimer  l'Eiirant-Jésus  lui-même. 


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-  78  — 

ment  de  la  Corrèze  où  on  le  chante  dans  tous  les 
villages.  Il  parait  avoir  été  très  répandu  dans  d'au- 
tres provinces,  et  notamment  dans  le  Quercy,  le 
Gévaudan,  le  Velay,  le  Forez  et  dans  toute  la  Gas- 
cogne. MM.  Bladé,  Joseph  Daymard,  l'abbé  Gary  et 
Emmanuel  Soleville  le  donnentj  avec  quelques  va- 
riantes, mais  d'une  façon  des  plus  incomplètes, 
dans  leurs  recueils  de  poésies  populaires  (1). 

M.  l'abbé  Pourville  le  reproduit  aussi  dans  son 
ouvrage  (2)  et  le  signe,  ce  qui  veut  dire  sans  doute 
qu'il  y  a  ajouté  quelques  vers.  Nous  nous  bornons  à 
reproduire  la  version  populaire,  ayant  eu  la  bonne 
fortune  de  pouvoir,  croyons-nous,  en  recueillir  tous 
les  couplets. 

C'est  un  Noël  dialogué  où  l'ange^  le  berger,  et 
même,  à  la  fin,  la  Sainte-Yierge,  parlent  tour  à  tour. 
Le  jeune  pâtre,  réveillé  en  sursaut  par  la  voix  de 
l'ange,  résiste  d'abord  à  l'appel  qui  lui  est  fait.  Com- 
ment quitter  sans  danger  le  troupeau  confié  à  sa 
garde  ?  Le  loup  n'en  profitera-t-il  pas  pour  exercer 
ses  ravages?  Puis,  comment  se  présenter  devant  un 
roi  si  puissant?  Il  n'osera  pas.  Que  lui  dire  encore? 
Que  lui  offrir? 

Va  sans  crainte,  répond  l'ange,  Dieu  veille  sur 
tout  dans  cette  nuit  sanctifiée.  Va  devant  la  crèche, 


(1)  Bladé,  Poésies  populaires  de  la  Gascogne,  vol.  I,  p..  1G3;  — 
Joseph  Daymard,  Vieux  chants  populaires  renueittii  en  Quercy, 
p.  310  à  313,  Cahors,  1889;  —  abbé  J.  Gary,  Noëls  el  cantiques 
populaires  en  dialecte  du  Quercy,  dans  le  Bul.  de  la  Soc.  des 
Etudes  du  Lot,  aa.  1890,  p.  176;  —  Em.  Soleville,  Chants  popu- 
laires du  BasQuercy,  dans  le  Bul.  de  la  So::.  archéologique  du 
Tarnel-Garonne,  an.  1885,  p.  !30  à  341. 

(2)  Victor  Pourville,  Recueil  de  cantiques  en  patois  du  Bas- 
liimousin,  p.  29.  Usael,  aans  date. 


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tu  te  mettras  à  genoux  devant  le  nouveau-né  et  tu 
lui  diras  que  tu  n'aimes  que  lui. 

Le  berger  part,  joyeux,  emportant  le  plus  beau 
de  ses  agneaux  ;  il  fait  son  ofîrande  et  la  Sainte- 
Vierge  le  remercie,  lui  souhaitant  de  mourir  dans 
la  grâce  de  Dieu. 

La  notation  musicale,  avec  accompagnement  pour 
le  piano,  est  de  Frédéric  Noulet. 

I 
Un  jeune  pastre  soumeillavo 
Din  cho  tchobano  tout  soulet. 
Lou  tem  que  soumeillavo 
Entend  un  anzelet. 
Quel  anze  lou  sounavo  : 
Reveillo  te  pastour. 


L'iLttze 
Veni  t'onouncha  lo  nouvelln 
De  lo  neichencho  del  Mechi  ! 
Dzomai  festo  pu  bello 
Chei  celebrado  eichi. 
O  qu'ei  El  qui  fopello  ; 
Ve  per  te  beneji  (I}. 

3 
Lou  p&stre 
Eh  !  qu'es  aco  qu'aouvi  din  l'aire  ! 
Lou  chial  ei  tout  illumina  ! 

(I)  Variante: 

O  qu'ei  un  anze  que  te  chono. 
Levo  te,  c^u'ei  prou  durmi. 
Lo  nouvello  ei  vengudo  ; 
Lou  fli  de  Dieou  noscu. 
IjuiUo  oli  to  tchobano, 
Vai  l'en  fa  toun  cholu  ! 


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—  81  - 

N'ai  dzomai  pu,  pecaire, 
Tu  bien  aouvi  tchonta. 
Oh  !  lous  braves  tchontaires  ! 
Oh  !  lo  bravo  clorta  ! 


L'ame 
Qu'ei  lous  anzes  que  font  l'aubado  (t) 
AI  Mechi,  près  de  Bethelem, 
Chount  uno  troupelado 
En  naou  del  Qnnamen. 
Vai  li  fa  l'occoulado. 
Ne  perdia  pas  de  tem. 


Lou  pastre 
Que  forai  ieou,  ieou  misérable  ? 
Qu  me  gordora  lou  troupel  î 
Lou  loup  ei  devourable, 
E  m'aura  cauqu'oniel  ; 
Ieou  soui  lou  respountchable 
De  tout  nostre  troupel. 

6 
L'ame 
Ne  sousques  pas  ;  pren  la  voulado, 
L'anze  de  Nodal  gardo  tout. 

(1)  On  appelle  aubade  le  concert  donné  en  plein  air.  le  plus  aou' 
vent  vers  l'subc  du  jour,  à  la  porte  ou  sous  les  fenêtres  d'une  per- 
sonne pour  l'honorer  ou  pour  !a  réjouir.  A  Drive  il  est  encore 
d'usage,  le  jour  de  la  fôte  des  jardiniers,  d'aller,  accompagné  du 
clairon  et  du  tambour,  faire  l'aubade  devant  la  maison  de  tous  ceux 
qui  se  sont  fait  inscrire  comme  membres  de  la  confrérie.  Le  Fèvre 
dit  qu'en  appelle  ces  concerts  aubaden  :  «Quod  sub  albam,  id  est 
auroram,  edî  soleant  «.  Du  temps  des  troubadours,  ces  concerts 
poriaieni  le  nom  d'albas,  parce  qu'ils  exprimaient  l'impatience  de 
ces  poètes  de  voir  venir  le  jour  pour  contempler  de  nouveau  leur 
maitresse  et  lui  donner  le  salut  du  malin. 


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—  8i  — 

Ei  miedzo-neu  pochado, 
N'azia  pas  paou  del  loup. 
Quoi  la  neu  fourtunado, 
Laicho  oti  tous  moutuus. 

7 
Lou  pastre 
Oun  TOules  gu'anio  d'oquest'houro? 
Pertout  louii  oustals  soun  borats. 
Per  oquello  tempouro 
Tout  lou  moundi  ei  couidza. 
Ma,  doumo,  bien  d'obouro, 
Y  anirai  chan  monqua. 


L'anze 
Lous  pastres  de  toun  veïînadze 
Venounl  de  porti  per  y  ona  ; 
Chaouatent  ma  del  village, 
Poudras  loas  ottropa. 
Adieou,  fai  boun  vouyage  ; 
Me  chai  ona  tchonta. 

9 
Lou  pastre 
Chi  poudias  me  segre  o  l'eslable  ? 
Tout  choul  o'aujî  pas,  cliei  hountous  ; 
Et  me  chintl  incapable 
De  11  dire  dous  moûts. 
Veies  chi  chei  miuable. 
Et  chi  ai  bejoun  de  vous. 

10 
L'anze 
Ei  couidza  dias  unu  credcheto, 
0  cousta  d'un  aje  et  d'un  beou  ; 


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-  83  — 

Ei  olen  din  lo  grotto, 
Oun  te  chara  qaan  pleoii. 
Bicoras  chas  menotas, 
Poslour,  qu'ei  l'Efan  Dieou. 

11 
Lou  pastre 
Ma  del  min,  didzas-nie,  bel  anxe, 
Coumo  choidro  me  prejenta  ? 
Qu'ei  per  ieou  bien  estrange  ; 
Choiiaurai  pas  m'espliqiia. 
Diza-me  lou  louandge, 
Qu'un  pastre  po  douna? 

12 
L'&nze 
Quand  tu  cheras  doran  l'establo, 
Te  boutoras  o  dzonoulious. 
Dii-as  :  Rei  odourable, 
Voli  n'aima  que  vous: 
Diras  :  Dieou  tant  eimable, 
N'ai  d'aoutre  Dieou  que  vous  (1). 

13 
Lou  pastre 
Tout  cho  que  podi  fa,  bel  anze, 
Qu'ei  de  pourta  moun  oniellou. 
Chi  1  ovio,  chan  lou  planze, 
Dounorio'n  troupelou  ! 


(1)  Variante  communiquée  par  U"*  Marguerite  Genës  r 
Gant  auras  fach  ta  reverensa, 
T'agpenoulharas  umblamen 
£n  sa  senta  prezensa  ; 
E  diras  simpUmen  ; 
Moun  Dieu,  ma  providensa, 
Fazetz  de  jeu  un  sent. 


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Perdrio  pas  o  l'eschange, 

Qu*ei  lou  boun  Dieou  qu'o  toul  (2). 

14 
Lou  jeune  pastre,  en  dilitgencho. 
Preii  lou  pu  bel  de  sous  oniels. 
En  grando  jouîssencho 
Lou  porto  ol  rei  nouvel, 
E,  din  chbuEi  innouchenchu, 
Predso  lou  Dieou  del  chial. 

15 
Lou  pastre 
Quel  oaiellou,  qu'ei  moun  oulTi-ando  ; 
S'OTÎo  mai,  vous  dounourio  mai  ; 
Me  n'ai  pas  de  pu  grando. 
Vous  doni  tout  cho  qu'ai. 
HouQ  ccBur  zou  vous  demanda, 
Preney  lo,  chi  vous  plai. 

16 
La  S&into-Vierzo 
TouQ  ententîou,  to  bouno  gracbio 
Cbount  per  ieou  mai  qu'un  troupelou. 
Dieou  te  fachio  lo  gracbio. 
Brave  pastourelou, 
De  mouri  din  la  grachio 
De  soun  cœur  pïetadou. 

Un  Jeune  Patre 

i.  —  Un  jeune  pâtre  sommeiilait  —  dans  sa  cabane 

(oui  seulet.  —  Pendant  qu'il  somnieiilait, —  il  entend  un 

petit  ange.  —  Cet  ange  lui  disait  :  —  réveille-toi,  berger. 

(2)  Variante  de  ce  vers  ; 

Qua  «OUI!  Dieu,  a.  loul. 


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-  85  - 

l/ange 

2.  —  Je  viens  t'annoncer  la  nouvelle  —  de  ia  naissance 
du  Messie  !  —  Jamais  fête  plun  belle  —  [ne]  s'est  célébrée 
ici.  —  C'est  lui-même  qui  t'appelle  ;  —  il  vient  pour  te 
bénir. 

Le  berger 

3.  —  Et  qu'est-ce  que  je  vois  dans  ('air  /  —  Le  ciel  est 
tout  illuminé  /  —  Je  n'ai  jamais  pIiM,  pauvre  que  je  suis, 

—  entendu  aussi  bien  chanter.  —  Oh!  les  bons  chan- 
teurs !  —  Oh!  les  brillantes  clartés  I 

L'ange 

4.  —  Ce  sont  les  anges  qui  font  l'aub&de  —  au  Messie, 
près  de  Bethléem.  —  Ils  sont  tout  une  troupe  —  au  haut 
du  firmament.  —  Va  leur  faire  ta  révérence,  —  ne  perds 
pas  de  temps. 

Le  berger 

5.  —  Que  feraia-je  moi,  pauure  misérable,  —  que  ferais- 
je  de  mon  troupeauf  —  Le  loup  est  dévorant,  —  il  m'aura 
quelqu'agneau ,-  —  moi  je  suis  responsa&ie  —  de  tout 
notre  troupeau. 

L'ange 

6.  —  N'hésite  pas,  prends  la  volée;  —  l'ange  de  Noël 
garde  tout.  —  Minuit  est  passé,  —  n'aie  pas  peur  du  loup. 

—  C'est  la  nuit  fortunée,  —  laisse  là  tes  moutons. 

Le  berger 

7.  —  Où  voulez-vous  que  j'aille  à  cette  fteure  /  —  Par- 
tout (es  maisons  sont  fermées  ;  —  par  ce  temps  rigoureux, 

—  tout  le  monde  est  couché  ;  —  mais  demain,  -de  bonne 
heure,  —  j'irai  sans  manquer. 

L'ange 

8.  —  Les  bergers  de  ton  voisinage  —  viennent  de  par- 
tir pour  y  aller;  —  ils  sortent  à  peine  du  village,  —  tu 
pourras  les  attraper.  —  jldieu,  fais  bon  voyage;  —  il  me 
faut  aller  chanter. 

T.  XX.  1-6 


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_  86  — 

Le  berger 

9.  —  Si  vous  pouviez  mo.  suivre  à  Vétable  ?  —  Tout 
seul,  je  n'ose  pas,  je  suis  honteux  ;  —  et  je  me  sens  inca- 
pable —  de  lui  dire  deux  mots.  —  Voyez  si  je  suis  à 
plaindre,  —  et  si  j'ai  besoin  de  vous. 
L'ange 

iO.  —  Il  est  coucW  dans  une  crèche,  —  à  côté  d'un  âne 
et  d'un  bœuf;  —  il  esl  ià-6as  dans  une  grotte,  —  où  tu  te 
réfugies  quand  il  pleut.  —  Tu  embrasseras  ses  petites 
mains,  —  berger,  c'est  l'Enfant-Dieu. 

Le  berger 
H.  —  Mais  du  moins,  dites-moi,  bel  ange,  —  comment 
faudra-t-il  me  présenter f  ^  C'est  pour  n^oi  bien  étrange; 
—  je  ne  saurai  pas  m'expliquer  ;  —  dites-moi  (es  louan- 
ges —  qu'un  berger  peut  donner. 

L'ange 

i2.  —  Quand  tu  seras  devant  l'étable,  —  tu  te  mettras 
à  genoux.  —  Tu  diras  -.  Roi  adorable,  je  ne  veux  aimer 
gue  vous  ;  —  lu  diras  :  Dieu  si  aimable,  je  n'ai  d'autre 
Dieu  que  vous. 

Le  berger 

13.  —  Tout  ce  que  je  puis  faire,  bel  ange,  —  c'est  de 
porter  inon  petit  agneau.  —  Si  je  i'arais,  sans  le  plain- 
dre, —  je  donnerai  tout  un  troupeau  !  —  Je  ne  perdrai 
pas  à  l'échange.  —  C'est  (e  bon  Dieu  qui  a  tout. 

i4.  —  Le  jeune  p&tre,  en  toute  hâte,  —  prend  le  plus 
beau  de  ses  agneaux.  —  En  grande  réjouissance,  —  il  le 
porte  au  roi  nouveau,  —  et,  dans  son  innocence,  —  il 
prie  le  Dieu  du  ciel. 

Le  berger 

i5.  —  Ce  petit  agneau  est  mon  offrande;  —  si  j'avais 
darantage,  je  vous  donnerai  davantage,  —  mais  je  n'en  ai 
pas  de  plus  grande,  —  je  vous  donne  tout  ce  que  j'ai.  — 
Mon  cœur  vous  le  demande,  — prenez-fa,  si  elle  vous  plaît. 


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-87- 

La  Sainte-Viei^ 

16.  —  Ton  intention,  ta  bonne  grâce  —  sont  pour  moi 

plus  qu'un  troupe&u.  —  Que  Dieu  te  fasse  la  grâce, 

brave  berger,  —  de  mourir  dans  la  grâce,  —  de  son  cœur 

compatissant. 


Can  lou  boiin  Nadalet  vendra 

Cette  cantilène  a  été  recueillie  par  M.  le  chanoine 
Joseph  Roui  et  reproduite  dans  VEcho  de  la  Cor- 
rèze,  n'  du  mois  de  décemhre  1893  ;  elle  ne  parait 
point  complète  en  lisant  les  deux  couplets  qui  la 
composent  si  brusquement  heurtés.  On  remarquera 
l'expression  imagée  al  jal-cant,  au  chant  du  coq, 
pour  dire  de  très  grand  matin. 

Can  lou  boun  Nadalet  vendra 
Pertout  très  massas  se  dira. 
S'en  dira  una  a  mietja-aueg, 
Per  la  naissensa  d'un  nenet  ; 
S'en  dira  un'aultra  al  jal-cant, 
Per  la  naisseasa  d'un  Puissan  ; 
S'en  dira  una  al  petiot  journ, 
Per  la  naissensa  d'un  Senhour. 

Venetz,  venetz,  toutas  las  genï  ; 
Venetz  pel  journ  del  jutjamcn  ! 
Nostre  Senhour  nous  jutjara. 
Terras  e  cials,  tout  tremblara  ! 
Las  estialas  qu'ai  cial  seran, 
Toutas  a  terra  dessendran  ; 
N'en  dessendran  de  dech  a  dech 
Couma  fuelhas  de  la  fourest...... 

Quand  le  bon  jour  de  Noèi  uieiidra,  —  partout  (rois 


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messes  se  diront.  —  On  en  dira  une  à  minuit,  —  pour  la. 
naissance  d'un  petit  enfant  ;  —  on  en  dira  une  autre  au 
chant  du  coq  {de  grand  matin),  —  pour  la  naissance  d'un 
Puissant  ;  —  on  en  dira  une  autre  au  petit  jour,  —  pour 
la  naissance  d'un  Seigneur. 

Venez,  venez,  tout  le  monde  ;  —  venez  pour  le  jour  du 
jugem.ent!  —  JVofre-Seigneur  nous  jugera.  —  Terres  et 
deux,  tout  tremblera  !  —  Les  ^toiies  qui  seront  au  ciel, 
—  toutes  sur  terre  descendront;  —  eiies  descendront  de 
dix  à  dix  —  comjne  ies  feuilles  de  la  forêt , 


IX 

Questa  nneg  es  nat  lou  rel  de  la  terra 

Un  décret  du  13  septembre  1852  avait  chargé  le 
Comité  de  la  langue,  de  l'histoire  et  des  arts  de 
la  France,  établi  par  le  Ministère  de  l'Instruction 
publique,  de  réunir  et  de  publier  les  Poésies  popu- 
laires de  la  France.  11  n'a  pas  été  donné  suite  à  la 
publication,  mais  les  documents  envoyés  à  ce  sujet 
sont  aujourd'hui  déposés  à  la  Bibliothèque  natio- 
nale, département  des  manuscrits,  nouvelles  acqui- 
sitions françaises.  Sous  le  n'  3343,  page  273  du 
sixième  volume,  nous  avons  trouvé  un  Nofil  qui 
avait  été  envoyé  d'Ussel  par  M.  Cligny,  inspecteur 
primaire.  Mais  ce  Noël  a  été  étrangement  déformé  : 
les  vers  et  quelquefois  les  mots  sont  coupés  en 
deux.  Le  second  vers  a  Quoiqu'il  sis  na  au  ciel  et 
iïi  terra  b  n'est  admissible  à  aucun  point  de  vue.  Le 
mot  quoiqu'il  est  français  et  non  patois  ;  celui  qui 
suit:  sis,  n'appartient  à  aucune  langue,  et  la  lin 
du  vers  est  un  non-sens. 


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M"*  Marguerite  Genès  a  recueilli  à  Brive  une  ver- 
sion de  ce  Noël  qui  semble  assez  correcte  ;  elle  a 
bien  voulu  nous  la  communiquer  et  nous  donner 
en  môme  temps  la  notation  musicale. 


oiEtaitHé 


^e'  (Axai-        \a-  iv<X.      jot>.._  iaaïA  . 

Voici  une  variante  qui  concerne  seulement  les 
deux  dernières  mesures  : 


5t-a        iOvL-vtxtnj 

Elle  n'est  peut-être  pas  très  régulière,  mais  pour 
ces  vieux  airs,  c'est  quelquefois  ce  qui  parait  le  plus 
bizarre  qui  est  le  plus  exact,  la  version  primitive 


dbyGoot^lc 


pouvant  appartenir  à  des  systèmes  musicaux  diffé- 
rents du  nôtre. 

Questa  nueg  es  nat  lou  i-ei  de  la  terra  ; 
Malgrat  giie  sia  nat  es  b'al  cial  enquera. 

Nautres  n'avem  re 

Que  li  sia  soumez  (I). 

Lous  anges  del  cial  portou  la  nouvela 
A  très  pastourels.  Un  Dieu  lous  apela, 

Lour  an  dich  d'anar 

Toutz  très  l'adourar. 

■  Aaatz,  pastourels,  anatz  a  l'astable, 

«  Dieu  lei  es  nascut  :  es  tant  adourable  ! 
t  Dieu  lei  es  nascut 
<  Per  vostre  salut  »  (2). 

Se  sou  prez  toutz  très,  chadun  lour  cbandiala  (3) 
Ghadun  lour  mantel,  que  fai  freg,  que  giala. 

TouU  al  Nadalet 

An  rendu  respect. 

«  lloun  Dieu,  dounatz  nous  vostra  senta  estrena, 

■  Dounatz  nous  la  ma,  tiratz  nous  d'en  pena  ; 

a  Seriam  ben  urous 

Œ  D'estre  un  journ  am  vous  ». 

Ceiie  nuit  es(  î\é  le  roi  de  la  terre  ;  —  bien  qu'il  soit  né, 

(1)  Vari&nte  du  premier  couplet  : 

Dieu  es  davalat  del  cial  aus  la  terra 
Per  boutar  U  patz  ount  era  la  guerra 
Per  boutar  la  patz 
Ounte  n'ora  pas. 
Dieu  est  de|cendu  du  ciel  sur  la  terre  —  pour  mettre  la  paii  où 
dtait  U  guerre,  —  pour  mettre  la  paix,  —  où  elle  n'était  pas, 
(!)  Ce  couplet  na  figure  poiut  dans  la  version  de  Grive. 
(3)  Variante  donnée  par  M.  Cligny  ; 

Lou  très  pastourels  Ici  routil  tous  en  roasso. 


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il  est  au  ciel  encore.  —  Nous  n'avons  rien  —  qui  ne  lui 
$oit  soumis.  • 

Les  anges  du  ciel  portent  la  nouvelle  —  à  trois  pâtres. 
Un  Dieu  les  appelle  ;  —  [les  anges]  leur  ont  dit  d'aller  — 
tous  trois  l'adorer. 

«  AlleZ;  bergers,  allez  à  l'étable,  —  Dieu  vient  d'y  naî- 
tre :  il  est  si  aimablel  —  Dieu  vient  d'y  naître  —  pour 
votre  salut  n. 

Ils  ont  pris  tous  trois  chacun  leur  chandelle  ;  —  cha- 
cun leur  manleau,  car  il  fait  froid,  il  gèle.  —  Tous,  à 
l'Enfant' Jésus  —  ont  rendu  hommage. 

B  Mon  Dieu,  donnez-nous  votre  sainle  étrenne,  —  don- 
nez-nous la  main,  tirez-nous  de  peine;  —  nous  serions 
bien  heureux  —  d'être  un  jour  auec  vous  ». 


X 

Dessous  uno  teulado 

Ce  cantique  se  chante  dans  la  partie  de  notre 
département  avoisinant  le  Lot  ;  il  a  été  reproduit 
par  M.  Emmanuel  Soleville  (1),  qui  donne  d'une 
façon  un  peu  différente  le  dernier  vers  du  dernier 
couplet  :  «  El  n'a,  per  se  bestij  sisclato  ni  sali  » 
—  Il  n'a,  pour  se  vêtir,  ni  brocard  ni  satin.  — 
M.  Soleville  fait  remarquer  que  le  mot  sisclato  ferait 
remonter  ce  Noël  à  une  époque  assez  reculée,  car 
ce  mot,  qui  signifie  brocard  d'or,  a,  depuis  long- 
temps, disparu  de  la  langue. 

Ce  Noël,  d'une  tournure  toute  particulière,  relate 
l'état  de  dénûment  dans  lequel  a  voulu  naître  le 
roi  du  monde. 

{1}  Bull,  de  la  Soc.  archéol.  de  Tarn -et- Garonne,  an-  1889,  p.  1. 


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Il     '  j  I  I  I  ^11  lu     I  I  I  I  I  llj.  J  J  I 

Dm  -aou*  una      tuut-ta-do,    towifT-Moûlfittiu-ia-dû,  dw- . 


àûÙA   u-uo      liaju.-ta.-do.  -rtoi  toi*,  'mu-tit     dei  cSùat  ■ 

I  'j>"  -1  J   1  J'  I  J.J  M'  I   I    [    I    H  I     ;   I  J 

ejut.  pcu.-àiû  tJioii^U  Xji  tchum-biû  tb  -fût  -ta.  *Ao         •  a.  ' 

tou.  lu.  (ou. 'mi.-twju-  cUC    fiM  i:it.-clLt    jxat-toux..         J)m- 

Dessous  uno  teulado  (I), 
Tant  e  mal  petossado, 
Dessous  uno  teulado, 
Nai  lou  mestre  del  chial. 

El,  que  poudio  tchausi 
Lo  taambro  tapissado 
E  lou  lie  lou  miliour, 
Del  pu  ritche  pastour. 

Dessous  uno  teulado,  etc. 

El,  n'o,  pei-  che  cnibi, 

Ni  mantel,  ni  fletsado  ; 

El,  n'o,  countro  lou  fred, 

Faicino,  ni  gabel. 

Dessous  uno  teulado,  etc.  ' 

El,  n'o,  péri  durmi, 

Ni  bre,  ni  tsambro  oundrado  ; 
El,  n'o,  per  se  vesti, 
Bourosaou  (2),  ni  soti. 
Dessous  uno  teulado,  etc. 

(1)  Teulado,  toit,  loiture,  vient,  du  moins  ea  langue  limnusino, 
du  mot  leule,  tuile  piste,  opposa  à  corn,  tuile  creuse.  [Laburde, 
Lexique  limouain). 

(2]  Bourostou,  morceau  d'étoffe  dont  on  enveloppe  un  enfant  au 


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—  93  - 

Sous  une  toiture  en  tuiles,  —  mai  ajustées,  —  sous  ujitî 
toiture  en  briques,  —  naît  le  maître  du  ciel. 

Lui,  qui  pouvait  choisir  —  la  chambre  tapissée  —  et  le 
lit  le  meilleur  —  du  plus  riche  berger. 

Il  n'a,  pour  se  couvrir,  —  ni  manleau,  ni  chaude  cou- 
verture; —  il  n'a,  contre  le  froid,  —  ni  fagot,  ni  sar- 
ment. 

Il  n'a,  pour  y  dormir,  —  ni  berceau,  ni  chambre  or- 
née ;  —  il  n'a,  pour  se  vêtir,  —  ni  langes  ordinaires,  ni 
langes  de  satin. 


XI 

Réveillas  tous  pastourel 

Voici  un  des  Noëls  les  plus  connus  dans  le  dépar- 
tement de  la  Corrèze  ;  c'est  un  de  ceux  que  les 
enfants  vont  encore,  de  nos  jourfe,  chanter  de  porte 
en  porte  aux  approches  de  la  fête,  pour  réclamer 
quelqu'aumône.  Ainsi  que  nous  l'avons  déjà  dit 
dans  la  Préface,  si  on  tarde  un  peu  trop  à  la  leur 
donner,  ils  terminent  le  chant  par  le  couplet  sui- 
vant ;  les  notations  musicales  sont  de  Frédéric 
Noulet  : 


maillot  :  'ange.  Il  est  dit  diuis  l'Ëncyclopâdie,  article  Lange,  que 
l'on  comprend  sous  ce  nom  tout  ce  qui  sert  à  envelopper  l'enfant 
au  maillot.  Les  knges  qui  touchent  immédiatement  l'enfant  sont  de 
toile  ;  ceux  de  dessus  et  qui  servent  à  la  parure,  sont  de  satin  ou 
d'autres  étoffes  de  soie;  les  langes  d'entre-dem,  et  qui  servent  & 
tenir  la  chaleur,  sont  de  laine.  (Béronie,  Diclionn.  patoi»  du  Bas- 
Limousin,  p.  23). 

Les  mots  g  bouroMOu,  ni  »oti  •  signifient  donc  que  le  nouveau- 
né  n'avait  aucun  lange  pour  se  vâtir,  ni  les  plus  communs,  ceui  de 
dessous  ;  ni  les  plus  riches  qui  servaient  &  la  parure,  ceux  de 
dessus. 


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ÎM  -  to'        l)OU.-no   fw-  tb     lAt.    No-  doi  ,        e-    uttYv->»D4y«. 


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—  95  — 

Vivo  lou  mestre, 

£  lo  mestrescho 
Ë  l'oimablo  coumpagnio. 
Que  Dieou  vous  faschîo 

BouQO  festo, 
Bouno  festo  de  Nodat  ; 

E  renvoya-nou3 

Laproufeslo{l), 
lia  proufesto,  si  vous  plai  (2J. 

Vtue  le  maître,  —  et  la  maîtresse  —  et  l'aimable  com- 
pagnie. —  Que  Dieu  vous  fasse  —  bonne  fête,  —  bonne 
fête  de  Noél  ;  —  et  donnez-nous  —  la  profeate,  la  profeste, 
s'il  vous  plaît. 

Le  mot  patois  proufesto  n'a  pas  d'équivalent 
dans  la  langue  française  ;  il  dérive  probablement 
des  mots  de  la  basse  latinité  proferta,  proferen- 
tia,  pris  souvent  dans  le  sens  de  prœferentia,  et 
qui  doit  être  traduit  par  ablation,  prémiee,  of- 
frande faite  à  Dieu. 

(1)  ■  Pbofbrta  ut  Pboferbntia.  Minus  accurste  proferentiam, 
provenlum,    redilum    nude    interpretatur  doctiss.  Cangiua;  baud 

obscuram  quippe  eï  allatis  videtur  inter  jura  Curionum  recenseri, 
idem  proinde  esse  quod  supra  prseferentia,  primitiarum  Gcilicet 
jus,  quod  ipsisCurionibusprEeler  décimas  debetur....pB£rBSBHTiA.... 
Ex  consuetudine  potius  Prxferenlice  dabautur,  quam  ex  jure,  nam 
inter  oblationes  annumerantur.  Chartul.  monasl.  S.  Barthol.  de 
Benevento  in  Leniovic.  fol.  114:  Dederunt  in  ipsa  ecclesia  suam 
parlem  de  PmCerentiis,  quœ  alibi  dicanlur  oblationes  de  frumanto  '. 
(Du  Cange,  Glossaire]. 

(2)  Variante  pleine  de  couleur  locale  : 

E  renvoya  nous  de  las  gogaa. 
De  las  gogas,  si  vous  plai. 
El  renvoyez -nau»  des  boudirit,  —  des  boudin»,  s'il  vous  plaîl. 
Ce  couplet  se  chante  indifféremment  à  la  suite  de  tous  les  NoËls 
que  les  cnranis  vont  entonner  à  la  porte  des  maisons  pour  réclamer 
une  offrande- 


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Il  faut  se  dépécher  de  faire  cette  offi-ande  aux 
joyeux  mais  impatients  clianteurs,  ils  ne  manque- 
raient pas  de  vous  régaler  d'une  série  d'impréca- 
tions dont  la  moins  forte  serait  :  «  E  que  lou  diable 
vous  n'emportio  !  »  Que  le  diable  vous  emporte  ! 
Ce  Noël  est  un  véritable  colloque  établi  entre 
l'ange,  les  bergers,  saint  Joseph  et  le  divin  Enfant. 
MM.  Daymard  et  l'abbé  Gary  en  reproduisent 
quelques  couplets  dans  leurs  ouvrages. 

Ce  chant,  fait  observer  Oscar  Lacombe,  remonte 
au  moins  au  xvn'  siècle.  On  peut  remarquer  ici  la 
vérification  très  indépendante  des  anciennes  poé- 
sies patoises.  La  rime  est  absente  dans  des  couples 
de  vers,  ailleurs  une  simple  assonance  la  remplace 
et,  pour  la  produire  à  l'oreille,  la  prononciation  est 
parfois  modifiée.  C'est  le  rythme  surtout  qui  est 
recherché.  Ces  irrégularités,  qui  sont  générales,  ne 
sont  nullement  choquantes  dans  les  poésies  chan- 
tées. 

VAnze 

Reveillas  vous  postourels!  1  ,. 

Quittas  TOStre  iroupel  !        i 

Onires  a  Bethelem 

En  diligenchio  ; 

Oqui  troubares,  posiours, 

Lou  Dieou  d'omour. 

Lou  Postour 
.   Mai  lei  nirions  pas  tous  tchouls  ; 
Anzes,  mena  ley  nous  ! 
De  paoubres  postourg  groussiers, 

Couma  nous  aoutres, 
N'onirians  pas  tcha  lou  grands 
De  but  en  blanc  '. 


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L'Anze 
L'y  poudes  ona  cbegur; 
Sîrei  lous  bienvengus. 
Dieou  n'ei  pas  coumo  lous  Grands, 

Ni  lous  Superbes  ; 
Aimo  mai  lo  bravo  dient, 

Qu'or  e  qu'ordzent. 


Wï     -       ll'rt  1   Ul   M   1 

AEI*9i"itp- 

Rt-weit-ta*  vûM  fuïi-ti)u.-w£*L 

j.'     -                  "    ■    ■   ' 

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A)  j    ;  j 

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Lou  Postour 
Pan  !  pan  !  pan  ! 

Sent  Dzoge 
Qu  tust'olai? 

Lou  Pastre 
Dubres-Dous,  si  tous  plai  ! 

Sent  Dzoge 
Qu'ei  Nostre  Seignour  Jesu, 
Que  ve  de  naisse. 

La  sento  Vierzo 
Si  fugecbio  pas  noscu, 
Chian  tous  perdu. 

Lou  Pastre 
Ela  !  moun  Dleou,  que  che  mal  ! 

Venes  o  uostro  ouslal  ! 
Qualo  zoio  !  Quai  plozer 

De  vous  y  veire  ; 
Dounorian  pto  coips  e  be 

De  vous  ove. 

Moun  Dieou  prenes  mouu  montel, 

Ëmai  siajo  pas  bel. 
Moun  montel  n'ei  pas  de  li,  ei  ma  d'onisso  (1), 
Me  vous  tendre  ben  tchaudet, 

Quand  foro  fret. 


(l)Le  mot  patois  onia  désigne  U  iaine  des  agneaux  qui  n'ont  pas 
élé  tondus,  soit  qu'où  la  coupe  sur  leurs  corps,  soit  qu'on  t'enlâve 
de  leurs  peaux  après  qu'ils  ont  616  tués.  La  laine  des  agneaux 
s'emploie  dans  les  campagues  pour  Taire  des  étoffes  et  surtout  des 
bu. 


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L'Efon-Jesu 
Voua  reraerchî,  postourel, 
Gorda  vostre  montel. 
leou,  me  souvendrai  de  vous, 
De  vostre  houmatge  ; 
Din  l'urouso  eternîtat, 
Chères  pogat. 

Bèveillbz-vous,   jeunes   Behoers 

L'Ange.  —  Réveillez-vous,  jeunes  bergers  I  —  Quittez 

votre  troupeau  !  —  Vous  irez  à  Bethléem  —  en  diligence  ; 

—  (à,  vous  trouverez,  pasteurs,  —  le  Dieu  d'amour. 

Le  Berger.  —  Mais  nous  n'irons  pas  tous  seuls  ;  —  An- 
ges, menez-nous  y  /  —  De  pauures  pastnurs  grossiers,  — 
comme  nous  autres,  —  ne  vont  pas  chez  les  Grands, — 
de  but  en  blanc  I 

L'Ange.  —  Vous  pouvez  y  alier  bien  sûr  ;  —  vous  y 
serez  les  bienvenus.  —  Dieu  n'est  pas  comme  ies  Grands, 

—  ni  les  Superbes  ;  —  il  aime  mieujc  les  braves  gens,  — 
qu'or  et  argent. 

Le  Berger.  —  Pan  /  pan  /  pan  / 

Saint  Joseph.  —  Qui  frappe  là-bas  f 

Le  Berger.  —  Ouvrez-nous  s'il  vous  plaît  I 

Saint  Joseph.  —  C'est  Notre-Seigneur  Jésus,  qui  vient 
de  naître. 

La  Sain  le- Vierge.  —  S'il  n'était  pas  né,  —  nous  serions 
tous  perdus. 

Le  Berger.  —  Hélas,  mon  Dieu,  que  vous  êtes  mai  /  — 
venez  dans  notre  maison  I  —  Quelle  joie  /  quel  plaisir  I — 
de  vous  y  voir  ;  —  nous  donnerions  assurément  corps  et 
bien,  —  poitr  vous  avoir. 

Afon  Dieu,  je  vous  offre  mon  manteau  ;  — je  voudrais 
qu'il  fut  plus  beau;  —  il  n'est  pas  de  Un,  —  il  n'est  que 
de  laine.  —  Afais  ii  vous  tiendra  bien  chaud,  —  quand  il 
fera  froid. 


dbyGoOt^ic 


—  100  - 

L'ËDfant-Jésus.  —  Je  vous  remercie,  jeune  berger,  — 
gardez  votre  manteau;  je  me  souviendrai  de  vous,  ~-  de 
votre  hommitge,  —  et  dans  l'heureuse  éternité,  —  vous 
serez  payé. 


U^,  fUM-tûuA9',  lou.    D'UAC    dJcL.-fVtlMAA. 


Nous  donnons  une  autre  version  de  ce  Noël,  re- 
cueillie, avec  notation  musicale,  dans  l'arrondisse- 
mentde  Brive,  par  M"*  Marguerite  Genès.  Les  paroles 
et  la  musique  de  tous  ces  airs  populaires  ont  subi 
des  altérations  en  passant  de  bouche  en  bouche. 
Dans  certains  endroits,  les  enfants  chantent  la  re- 
prise: Aniretz  a  Betelen,  de  telle  sorte  que  la 
mesure  semble  être  à  2/4  et  non  à  6/8. 


XII 

L'antre  Joum  que  m'en  anavl 

Le  thème  de  ce  Noël  diffère  un  peu  des  précé- 
dents. Le  berger  n'hésite  pas  à  répondre  à  la  voix 
de  l'ange  ;  tout  joyeui  de  ce  qu'il  vient  d'apprendre, 
il  part  tout  aussitôt  et  va  à  Bethléem  offrir  ses  hom- 
mages au  Nouveau-Né.  Ce  cantique,  qui  n'est  pas 
dépourvu  de  grâce,  a  été  recueilli  par  M.  Louis  de 


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Nussac,  dans  le  canton  de  Meyssac,  aux  environs 
de  Turenne. 

L'autre  journ  que  m'en  anavi 
Soulct  gardar  lous  anhels, 
Dinz  lou  chami  que  passavi 
Rencontreri  lous  angels, 
Que  chantavou  toutz  en'massa 
La  gloria  del  rei  del  cel 
E  la  patz  de  rassa  en  rassa 
A  l'ome  doua  e  âdel. 

DiQZ  lou  temps  que  contemplavl 
De  bravas  clartatz  en  Ter, 
E  que  moun  cuer  alandavi 
Per  goustar  tan  de  plaser, 
De  la  troupa  un  se  destaca 
£!  ve  me  dire  :  pastour, 
Un  Dieu  ve  lavar  la  taca 
Qu'a  pourtat  lou  pecadour. 

leu,  sens  cap  de  retenguda, 
Partiguere  prountamen. 
L'amour,  pus  fort  que  la  crenta  (I), 
Me  poussava  a  tout  moumen  ; 
E  moun  cuer,  que  tressautava 
D'esser  lou  prumier  al  lounb, 
Fazia  que  moun  cors  sautava 
Bouissous,  brugas  e  valouns. 

A  Betelem,  un  estable 
L'a  vist  naisser  questa  nueg, 
Tout  Dut  coum'un  misérable  : 
La  gtecha  U  siert  de  liet. 


[l]  Le  mot  crenta  n'est  qu'un  à  peu  prbs.  La  véritable  mot  c 
vr&it  âtre  tout  autre. 

T.  XX.  1-7 


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-  tÛ2  - 

Anem  lî,  sens  pu  atendre, 
Pies  de  seatas  afecius, 
E  d'un  cuer  fldel  e  tendre 
Li  oufrir  nostras  acius. 

L'autre  jour  que  je' m'en  allais  —  (ouï  seul  garder  les 
agneaux,  —  dans  le  chemin  où  je  passais  —  je  rencon- 
trais de  petits  aniies,  —  qui  chantaient  tous  en  masse  — 
la  gloire  du  roi  du  ciel,  —  et  la  paix  de  race  en  race,  — 
à  l'homme  doux  et  fidèle. 

Pendant  que  je  contemplais  —  de  jolies  clartés  dans 
l'air,  —  et  que  mon  cœur  se  dilalatl  —  pour  goûter  tant 
de  plaisir,  —  de  la  troupe  un  [ange]  se  détache  —  et  vient 
me  dire:  pasteur,  —  un  Dieu  vient  laver  la  tache  —  qu'a 
porl^  le  pécheur. 

Moi,  sans  aucune  retentte,  je  parlis  promptement.  — 
L'amour,  plus  fort  que  la  crainte,  —  me  poussait  à.  tout 
moment  ;  —  et  mon  cœur,  qui  bondissait  —  d'être  le 
premier  là-6as,  —  faisait  qu£  mon  corps  saulail,  —  buis- 
sons, liruyères  et  vallons. 

A  Bethléem,  une  étable  —  l'a  vu  naître  cette  nuit,  — 
tout  nu  comme  un  misérable  :  —  la  crèche  lui  sert  de  Ht. 
—  Allons-y,  sans  plus  attendre,  —  pleins  de  saintes 
affections,  —  et  d'un  cœur  fidèle  et  tendre  —  lui  offrir 
nos  actions. 


XIII 

Ghantan  vitorlo  ! 

Jean  Foucaud,  né  à  Limoges  le  5  avril  1747, 
religieux  jacobin  puis  révolutionnaire  des  plus  vio- 
lents, mort  le  14  juillet  1818,  est  l'auteur  d'une  tra- 


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duction  patoise  des  fables  de  La  Fontaine.  U  a 
composé  le  Noël  suivant,  qui  se  chante  aussi  dans 
la  partie  de  notre  département  limitrophe  de  celui 
de  la  Haute-Vienne.  Bien  que  nous  l'ayons  entendu 
avec  quelques  variantes,  qui  tiennent  à  la  différence 
qui  existe  entre  nos  patois  de  la  Corrèze  et  ceux  de 
la  Haute- Vienne,  nous  le  reproduisons  tel  qu'il  se 
trouve  inséré  dans  les  œuvres  de  notre  fabuliste 
limousin  (1).  Ce  Noël  exprime  de  belles  idées,  parfois 
piquantes,  et  de  beaux  sentiments.  Toutefois  il  con- 
vient de  remarquer  que  les  règles  de  la  versification 
ne  sont  point  observées.  Il  y  a  dans  chaque  couplet 
six  vers  masculins  de  suite  ne  rimant  pas,  et  huit 
vers  féminins  à  rimes  diverses. 

Sur  l'air  :  Quand  dans  la  piaine,  etc. 


Chaotan  vitôrio  ! 
Queu  Dl  de  gldrio, 

Taa  vougu, 
0  là  fi  ei  vengu. 
Quelo  bolado 
Erio  ODounçado 

Claromen 
Di  l'ancien  testomen. 
David  vîo  chanta, 
Daniel  vio  counta 
L'ouro,  lou  momen 
Dereveinomen. 


Izorio, 
Jeremîo, 

La  boun'arma, 

Tou-t  en  larma, 
Vian  vu  d'avanço 
Lo  deliôranço 
De  lo  naturo. 
L'anfer  murmuro  : 
0  pôr,  dl  Betléen, 

Touto  so  gloriô  ; 
Ma  l'orne,  plo  counten, 

Chanto  vitôrio. 


(I)  J.  Foucaud,  Poésiet  en  paloii  l 
Buben,  p.  2!0.  Limogea,  I8S6. 


publiées  par  M.  £. 


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Din  quel  eitable, 
Paubre  e  minable, 

Queu  gran  Dl 
Coumenço  so  possl. 
Sur  80  leitieiro, 
Lo  tèro  antieiro 

Recounei 
Lou  meitre  dô  soulei- 
Loà  paubrei  peizan 
Venen  loù  dovan. 
Vizâ  qut  trei  rei 
Segre  loù  dorei  ! 

Toù  l'odoren, 

Toû  l'onoi-en  ; 

Ma  l'ôfrando 

Qu'ô  domaDdo, 

Qu'ei  n'âmo  puro, 

No  fe  seguro, 

Lo  penitenço, 

0  l'inoucenço. 
Ij'Anfan-Jeizu  saveur 

Proume  so  glôrio 
Ma,  sei  lou  doun  dô  cœur, 

Pouea  de  vitôrio  ! 


Vizâ  lou  rire  ! 
0  semblo  dire  : 

«  Venei  loù  ! 
Vole  vôù  randre  ûroù. 
Lou  ten  se  praimo, 
E  queu  que  m'aimo 

Ei  segur 
Que  forai  soun  bounur. 
MouQ  cor  grandiro  ; 
0  voù  Qùriro  ; 
Moun  san  vai  coula, 
Pèr  voù  toù  lova. 

Moun  suplice, 

Moun  colice, 

Soun  n'ofrando 

Qu'ei  plo  grande  ; 

Ma  queu  solâri 

Ei  necessâri. 

L'ome  coupable 

Erio  incopable 
De  poyà  ce  que  fau, 

Pèr  vei  mo  glôrio  ; 
Ma  mo  crou,  moun  berçau, 

Fan  so  vitôrio  ». 


Dedin  so  craicho, 
Jeizu  nou  praicho 

Sei  parU  ; 
Ne  fô  ma  lou  vizâ. 
Venei  doun,  richei, 
Tan  âèr,  tan  chichei  ! 

Qu'ei  pèr  voù 
Qu'ô  vu  manqua  de  tou. 
Venei,  lechodiei  ! 
Lâdrei  eizuriei  ! 


Orgoulioù  soben  l 

Devo  medizen  ! 
Ë  tan  d'autrei, 
Coumo  vautrei, 
Que  l'ôfensen, 
Quan  l'encensen. 
Fenn  doulietâ  ! 
Filiâ  couquetâ  ! 
Vôlrâ  prejeirà 
Soun  meissungerâ, 


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Tan  que  voù  cherchorei 
Lo  vèno  glôrio, 


Jomai  voù  ne  poui-ei 
Chanta  vitôrio. 


Pèr  li  coumplaire, 
Que  deu  doun  faire 

Toù  crezen 
Que  ve  de  Betleen  î 
F6  vei  dl  l'âmo 
Lo  chaste  tlftmo 

Qu'embroze 
Lou  cœur  de  sen  Joze  ; 
Vira  lou-t  en  bé, 
Veliâ  subre  se, 
Surtou  bien  garda 
So  linguo  e  sa  ma  ; 


Ne  pâ  veire, 

Ne  pâcreire 

Lo  moliço 

L'iojustiço  ; 
Jugâ  loû  autre! 
Melîour  que  n'autrei  ; 

Que  lour  denado 

Nod  sic  socrado  ; 
Qu'ei  lou  mouyen  d'ovei 

Par  0  so  glôrio, 
E  lou  dre  de  poudei 

Chanta  vitôrio. 


Chantons   victoire 

t.  —  Chantons  victoire  !  —  ce  Dieu  de  gloire,  —  tattl 
voulu,  —  à  la.  fin  est  venu.  —  Celte  fête  —  était  annoncée 
—  clairement  —  dans  l'Ancien^Testament .  —  David 
avait  chanté,  —  Daniel  avait  compté  —  l'heure,  le  mo- 
ment —  de  l'événement. —  Jsaïe, — Jérémie,  —  les  bonnes 
âmes,  —  (oui  en  larmes,  —  avaient  vu  d'avance  —  la 
délivrance  —  de  la  nature.  —  L'enfer  murmure  ;  —  il 
perd,  dans  Bethléem,  —  toute  sa  gtoire  ;  —  mats  l'homme, 
bien  content,  —  chante  wictoire. 

2,  Dans  cette  étable,  —  paurre  et  minable,  —  ce  grand 
Dieu  —  commence  «a  passion.  —  Sur  sa  tttière,  —  ta 
terre  entière  —  reconnaît  —  le  maître  du  soieii.  —  Les 
pauvres  paysans — viennent  les  premiers. — Voyezces  trois 
rois  —  suivre  les  derniers  .'  —  Tous  t'adorent,  —  tous 
l'honorent;  —  mais  l'offrande  —  qu'il  demande,  —  c'est 
une  âme  pure  —  une  foi  sûre,  —  ta  pénitence  —  ou  l'in- 
nocence. —  L'Enfant  Jésus  sauueur  —  promet  sa  gloire; 
—  mais,  sans  (e  don  du  cœur,  —  point  de  victoire. 

ii.  —  Voyez  le  rire  !  —  Il  semble  dire  :  —  b  Venez  tous  / 


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—  106  — 

[Je]  veux  vous  rendre  heureux.  —  Le  temps  s'approche, 

—  et  celui  qui  m'aime  —  est  sûr  —  que  fje]  ferai  son 
bonheur.  —  Mon  corps  grandira,  —  il  vous  nourrira  ;  — 
mon  sang  va  couler  —  pour  vous  tous  laver.  —  Mon 
supplice,  —  mon  calice,  —  sont  une  offrande  —  qui  est 
bien  grande;  —  mais  ce  salaire  —  est  nécessaire.  — 
L'homme  coupable  —  était  incapable  —  de  payer  ce  qu'il 
faut  —  pour  avoir  ma  gloire  ;  —  mais  ma  croix,  mon 
berceau  —  font  sa  victoire  n. 

4.  Dans  sa  crèche,  —  Jésus  nous  prêche —  saîîs  parler; 

—  {il]  ne  faut  que  le  regarder.  —  Venez  donc,  rtchsa,  — 
tant  fiers,  tant  chiches!  —  C'est  pour  vous  — qu'il  veut 
manquer  de  tout.  —  Venez,  gouTTnets  /  —  ladres  mû- 
riers .'  —  orgueilleux  savants .'  —  dévots  médisants  /  —  et 
(ani  d'autres, — comme  vous,  —  qui  l'offensent,  — quand 
fjis]  l'encensent.  —  Femmes  douillettes  /  —  filles  coquet- 
tes ,'  —  vos  pWères  —  sont  mensongères .  —  Tant  que 
vous  chercherez  —  (a  vaine  gloire,  —  jamais  vous  ne 
pourrez  ^  chanter  victoire. 

5.  Pour  lui  compiaire,  —  que  doit  donc  faire  —  tout 
croyant  —  qui  vient  de  Bethléem  f  —  [Il\  faut  avoir  dans 
l'âme  —  la  chaste  flamme  —  qui  embrasa  —  le  cœur  de 
saint  Joseph  ;  —  tourner  tout  en  bien,  —  veiller  sur  soi, 

—  surtout  bien  garder  (surveiller/  —  sa  langue  et  ses 
mains  ;  —  ne  pas  voir,  —  ne  pas  croire  —  la  maiîce,  — 
l'injustice  ;  —  juger  les  autres  —  meilleurs  que  nous  ;  — 
que  leur  avoir  —  nous  soit  sacré;  —  c'est  le  moyen 
d'avoir  —  part  à  sa  gloire,  —  et  le  droit  de  pouvoir  — 
chanter  victoire. 


XIV 

Quai  taeg  brllha  dlnz  l'aire 

Ce  Noël  est  attribué  à  Libéral -Joseph  Lalande, 
qui  était  curé  de  Chasteaux  avant  la  Révolution. 


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Nous  le  devons  à  l'obligeance  de  M.  Louis  de 
Nussac. 

Quai  fueg  brilha  Aiai  l'aire  ! 
Aquel  astre  es  nouvel  ! 
Bel  founs  d'aquel  esclaire 
Dessen  l'Emmanuel. 
Quitatz  vostra  retreta, 
Vous,  bargiers  d'alentourn, 
Ghantatz  sus  la  museta 
Un  Dieu  rumplit  d'amour. 

Ne  ve  pas  coum'un  prinse, 
Ni  coum'embassadour. 
Soun  estât  es  fort  minse  ; 
Ne  treina  pas  de  court. 
Es  oat  dînz  un  estable, 
Ë  Qoun  Ainz  un  palais. 
Chas  lou  Gran  mepreisable 
Un  Dieu  n'entra  jamais. 

Quel  feu  brille  dans  l'&ir  l  —  cet  astre  est  nouueau  .'  — 
Du  fond  de  cet  éclair  —  Descend  l'Emmanuel.  —  Quittez 
votre  retraite,  —  vous,  bergers  d'alentour,  —  chantez  sur 
vos  musettes  —  un  Dieu  remplit  d'amour. 

Il  ne  vient  pas  comme  un  prince,  —  ni  comme  un 
ambassadeur.  —  Son  état  est  fort  modeste  ;  —  il  ne  traîne 
point  de  cour.  —  Il  est  né  dans  une  êtable  —  et  non  dans 
un  palais.  —  Chez  le  Grand  [qui  est]  méprisable  —  un 
Dieu  n'entre  jamais. 


XV 

Tobnt  tohul  que  l'Efan  deuri 

Le  Noël  suivant  tombe  un  peu  dans  la  trivialité, 
mais  il  offre  cependant  un  caractère  assez  original. 


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L'Enfant  dort!  il  ne  faut  pas  le  réveiller.  Aussi, 
saint  Joseph,  sans  plus  de  façon  et  de  la  manière  la 
plus  expéditive,  vous  met  à  la  porte  un  menuisier, 
un  cordonnier  et  un  régent  qui  venaient  offrir, 
d'une  façon  un  peu  tapageuse,  leurs  services  au 
Nouveau- Né. 

Nous  ne  croyons  pas  ce  Noël  très  ancien.  Le  mot 
nota  (la  note,  la  mesure),  qui  termine  l'avant-der- 
nier  vers  du  dernier  couplet,  ne  se  trouve  pas  dans 
notre  vieux  patois.  Le  mot  pouli  indiquerait  que 
ce  chant  provient  des  environs  de  Beaulieu  ou  de 
Lubersac,  où  il  désigne  encore  les  mots  beau^  joli. 
Dans  les  environs  de  Brive  et  de  Tulle,  on  dirait 
bravé.  Le  mot  culoto  n'est  également  pas  employé 
chez  nous  ;  cette  partie  du  vêtement  est  appelée 
bradzo,  bradza.  L'Italien  dit  bracche  ;  l'Espagnol 
bragas. 

Nous  regrettons  de  ne  pouvoir  donner  le  texte 
musical  de  ce  chant,  les  documents  fournis  à  ce 
sujet  n'ayant  pas  été  suffisants.  Mais  on  a  pu  cons- 
tater que  le  refrain  était  presque,  note  pour  note, 
celui  de  Cadet  Rousselle  et  que  le  reste  du  canti- 
que n'était  pas  non  plus  sans  analogie  avec  l'air  de 
cette  chanson. 

u  Tchu  !  tchu  !  que  l'Efan  deur  ! 
«  Que  l'Efan  deur,  pas  tant  de  bru  !  » 
Un  menuisier  n'est  vengu  espres 
Per  li  fa  un  pouli  bres  ; 
Penden  que  tustavo  l'ermineto, 
Sen  Dioge  l'ottrapo  per  lo  copeto  : 
B  Tchu  !  tchu  !  que  l'Efan  deur  ! 
u  Que  l'Ëfaq  deur,  pas  tant  de  bri)  !  » 


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Un  courdounier  n'est  vengu  espres, 
Per  lî  far  de  bouns  souliers. 
Penden  que  tustavo  lo  semello, 
Sen  Dzoge  l'ottrapo  per  lo  ponello  : 
«  Tchu  !  tchu  !que  l'Efan  deur  ! 
«  QuB  l'Efan  deur,  pas  tant  de  bru  !  « 

Pueis  un  régent  est  vengu  esprès, 

Per  li  chonta  dels  moutets. 

Ma  taleou  que  vol  dire  uno  noto, 

Sen  Dzoge  l'ottrapo  per  lo  culoto  : 

«  Tchu  !  tchu  !  que  l'Efan  deur  ! 

■  Que  l'Efan  deur,  pas  tant  de  bni  !  b 

Chut!  chut!  car  l'Enfant  dort!  —  car  l'Enfant  dort, 
pas  tant  de  bruit  ! 

Un  menuisier  est  venu  exprès  —  pour  lui  faire  un  joli 
berceau.  —  Pendant  qu'il  frappait  [avec]  l'erminette,  — 
saint  Joseph  l'attrape  par  son  manteau  :  —  Chut  I  chut  ! 
car  l'Enfant  dort  '  —  car  ('Enfant  dort,  pas  tant  de  bruit  ! 

Un  cordonnier  est  venu  exprès, — pour  lui  faire  de 
bons  souliers,  —  Pendant  qu'il  frappait  la  semelle,  — 
saint  Joseph  l'attrape  par  le  pan  de  la  redingote  :  — 
Chuti  chut;  etc. 

Puis  un  régent  est  venu  exprès,  —  pour  lui  chanter  des 
motets.  —  Mais  dès  qu'ii  «eut  dire  une  note,  —  saint  Jo- 
seph t'attrape  par  (a  culotte  :  —  Chut  ■'  chut  '  etc. 


XVI 

L'Ange  et  le  Berger 

Ce  dialogue  est  un  colloque  établi  entre  l'Ange  et 
les  Bergers.  Il  est  à  remarquer  que  si  les  Bergers  se 
servent  du  langage  vulgaire^  les  Anges,  comme  es- 
prits supérieurs,  ont  adopté  le  français.  On  le 


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chante  à  Brive  et  à  Beynat.  La  notation  musicale 
est  de  M-  le  lieutenant-colonel  Borie. 


Le  Berger 
Qu  quoi  que  tuchto  oqui  tout  bas? 
Que  n'ei  vengu  nous  eivilla 
De  per  délai  nochtro  tsabano. 
Chi  ches  d'eichi,  rechpoundez  nous  ? 
Mas  chi  ches  d'un  aoustre  viladze, 
Prenez  bien  gardo  a  nochtre  tae. 

L'Ange 
Je  suis  le  messager  des  cieus, 
Qui  suis  descendu  en  ces  lieux, 
Vous  apporter  une  nouvelle  ; 
Car  le  Roi  du  ciel  est  venu 
A  Bethléem  dans  une  étable. 
Allez  y  tous  pour  l'adorer. 

Le  Berger 
Mouchur  chi  ches  vengu  del  chial 
Vous  0  tsargut  faire  un  bel  chaoul 


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—  Ml  — 

Vous  o  Isargut'no  beU'elsalo- 
Mai  quaa  l'y  tournareî  mounta 
Chabi  pas  coumo  pouirei  faire. 
Prenez  gardo  de  pas  toumba, 

L'Ange 
Berger,  tu  es  bien  ignorant, 
Pour  me  faire  ce  compliment. 
Je  suis  descendu  sur  l'étoile. 
Je  vais  plus  vite  que  le  veat, 
Je  suis  plus  prompt  que  le  tonnerre. 
Je  rais  au  ciel  dans  un  instant. 

Le  Berger 
Mouchur,  chi  prenio  moous  gros  chous. 
Lei  cheiro  be  ta  leou  que  vous. 
Ne  fario  qu'un 'echcambalado. 
Per  coure  n'io  pas  moun  parier 
Quand  chegria  tout  nochtre  viladze, 
leou  cheirio  toudzour  lou  prumier. 

L'Ange 
Berger,  puisque  tu  cours  si  bien, 
Va  t'en  bien  vite  à  Bethléem. 
Là-bas  dans  le  fond  d'une  étable 
Tu  trouveras  l'Enfant  nouveau, 
Qui  es  couché  sur  de  la  paille, 
Au  milieu  de  deux  animaux. 

Le  Berger.  —  Qui  es(-ce  qui  frappe  là-bas  ?  —  Et  qui 
est  venu  nous  éveiller,  —  sur  les  derrières  de  notre  ca- 
bane. —  Si  vous  êtes  d'ici  répondez-nous  t  —  Mais  si 
vous  êtes  d'un  autre  village,  —  Prenez  bien  garde  à  notre 
chien. 

L'Ange.  — 

Le  Berger,  —  Monsieur,  si  uous  êtes  venu  du  del  —  il 
vous  a  fallu  faire  un  beau  saut  —  il  vous  a  fallu  une 


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-  112  - 

belle  échelle.  —  Et  quand  vous  y  remonterez  —  Je  ne  sais 
comment  vous  pourrez  faire.  —  Prenez  garde  de  tomber. 

L'Ange.  — 

Le  Berger.  —  Monsieur,  si  je  prenais  mes  gros  sabots, 
—  j'y  serais  aussitôt  que  vous  —  et  je  ne  ferai  qu'une 
enjambée.  —  Pour  courir  je  n'ai  pas  d'éga.1  —  quand 
Dous  suivriez  tout  le  village,  —  je  serais  toujours  te  pre- 
mier, 

L'Ange.  — 


XVII 

L'Ange  et  le  Berger 

Voici  encore  un  autre  Noël  sous  forme  de  dialo- 
gue. Le  français  et  le  patois  sont  simultanément 
employés  par  l'ange  et  par  le  berger.  La  version, 
qui  nous  a  été  donnée  par  M™  Marcel  Gouyon, 
provient  des  environs  de  Juillac  et  de  Liibersac, 
iQais  elle  est  moins  complète  que  celle  qui  figure 
dans  l'ouvrage  déjà  cité  de  M.  l'abbé  Pourville,  curé 
de  Queyssac.  Nous  reproduisons  cette  dernière,  en 
respectant  l'orthographe  de  l'auteur  : 

i-'Andze 
Ob  !  la  bonne  nouvelle 
Que  je  viens  annoncer  ! 
A  vous,  âme  fidèle, 
A  vous,  pauvre  berger. 

Le  Messie  adorable, 
Le  Fils  du  Tout- Puissant, 
Est  né  dans  une  étable 
AUez-y  promptement. 


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-  113  - 

Lou  Birdzieyr 
Nés  ma  miédza  vîglîaila, 
TjOU  dzal  n'o  pas  tsantad, 
Et  la  lun'es  couïdzada, 
Y  veyrio  pas  y  anar. 

L'Andze 
Une  belle  lumière 
Qui  u'avait  plus  brillé, 
Illumine  la  terre 
D'une  grande  clai-té. 

Lou  Bardzieyr 
Ne  setz  vous  pas  un  andze  ? 
Eilas  !  que  soui  lourdaou. 
Lous  bardzieyrs  de  villadzes 
Som  presque  tous  eytaou. 

L'Andze 
Je  TOUS  le  dis  encore  : 
Berger  levezTOus  donc  ; 
N'attendez  pas  l'aurore 
A  Dieu  portez  vos  dons. 

Lou  BArdzieyr 
Souï  grandament  blâmable, 
De  m'esse  pas  lerad  ; 
Hais  soui  bien  escusable, 
Ne  TOUS  counessio  pas. 

Ah  !  moun  Diéou,  s'eri  ritze, 
S'avio  un  pau  d'ardzenl, 
Yéou  ne  serio  pas  tieytze, 
Fario  cauque  présent. 

Mais  n'ai  d'aquest'annada 
Mas  toundud  un  mouton, 
N'y  en  pourtarai  la  lana 
Per  far  un  bourassou, 


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-  114  - 

Y  pourtarai  enquêta 
Un  tant  dzanti  lébrau, 
Qu'acouter'a  l'espéra 
Dins  Qostre  pasturau. 

S'ab'ount'es  la  bécassa, 
Faray  ço  que  poudrai, 
Tendarai  ma  ftalassa, 
Béléou  l'acoutarai. 

L'Andze 
Berger,  Dieu  ne  demande 
Que  l'or  de  votre  cœur 
Et  c'est  l'unique  offrande 
Agréable  au  Seigneur. 

L'Ange.  — 

Le  Berger.  —  On  n'est  qu'à  la  moitié  de  la  veillée,  —  le 
coq  n'a  pas  [encore]  chante,  —  et  la.  lune  est  couchée.  — 
Je  n'y  verrai  pas  pour  m'en  aller. 

L'Ange.  — ~ 

Le  Berger.  —  N'êtea-vous  pas  un  ange  t  —  Hélas  '  que 
je  suis  fourdeau.  —  Les  bergers  des  villages  — sont  pres- 
que tous  ainsi, 

L'Ange.  — 

Le  Berger.  —  Je  suis  grandement  coupable,  —  de  ne 
m'être  pas  levé  ;  —  mais  je  suis  bien  excusable,  —  je  ne 
vous  connaissais  pas. 

Aki  mon  Dieu,  si  j'étais  riche,  —si  j'avais  un  peu 
d'argent,  —  je  ne  serai  pas  avare,  —  je  vous  ferai  quel- 
que présent. 

Mais  je  n'ai  cette  année  —  tondu  qu'un  mouton,  — 
j'en  porterai  la  laine  —  pour  faire  une  couette. 

Je  porterai  encore  —  un  bien  gentil  lièvre,  —  que  j'at- 
traperai au  guet,  —  dans  notre  pâturage. 


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-  115- 

Je  sais  où  se  trouve  une  bécasse,  — je  fer&i  ce  que  je 
pourrai,  —  je  tendrai  mon  filet,  —  peut-être  je  l'attra- 
perai. 

L'Ange.  — 

La  version  de  Juillac  offre  quelques  légères  dif- 
férences que  nous  croyons  inutile  de  reproduire. 
Nons  nous  bornons  à  donner  le  premier  couplet 
avec  sa  notation  musicale  ; 


^^ 


mil''  ni  ^ 


CL       VD(U.ptU|lU.f<- (U--^      à.     U0UA  ruvu-vua  tiUL-jVM,     wvu. 

\nn\i  i  J  i;,ll;lJ.jl|^j,i|jU4ii^+- 

i"."!:j"'rH'i'  I' . 'i",i  '  1'    i" 

A  TOUS,  peuple  fidèle, 
A  voua,  pauvres  bergers, 
Une  heureuse  nouvelle 
Je  viens  vous  annoncer: 
Le  Measie  adorable 
Le  Fila  du  Tout-Puissant 
Est  né  dans  une  étable, 
Allez-y  promptement. 


XVIII 

Quittez  vos  plaJnes  si  chéries 

Ce  Noël,  que  l'on  chante  dans  le  canton  de  Juillac, 
nous  a  été  communiqué  par  M'"  Marcel  Gouyon  : 


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Quittez  vos  plaines  si  chéries 
Bergers  qui  gardez  vos  troupeaux, 
Ua  prodige  des  plus  noUTcaui 
Parait  dans  nos  prairies  (bis). 

L'ange  du  ciel  vient  nous  apprendre 
Qu'il  nous  est  né  uti  Rédempteur 
Qui  doit  faire  notre  bonheur  ; 
Partez  sans  plus  attendre  (bis). 

Quittes  donc  votre  pâturage, 
Bergers  partez,  vite  partez, 
Laissez  vos  moutons  écartés 
Allez  lui  rendre  hommage  (bis). 

Celui  qui  créa  la  lumière 
N'a  qu'une  crèche  pour  berceau 
Et  par  un  miracle  nouveau 
Est  né  dans  la  misère  (Us). 

C'est  pourtant  notre  Divin  maître, 
C'est  pourtant  le  Dieu  Tout-Puissant 
Qui  vient  pour  nous  dans  le  néant, 
C'est  pour  nous  qu'il  veut  naître  (bis). 


XIX 

Cette  nuit  Jésus  est  né 

Ce  Noël,  qui  provient  des  environs  de  Juillac, 
nous  a  été  communiqué  par  M"'  Marcel  Gouyon;  il 


ItzecoïGoOglC 


se  chante  aussi  à  Lubersac.  Les  vers  sont  de  onze 
syllabes  (7  plus  4),  avec  rimes  intérieures.  Ce  rythme 
est  essentiellement  populaire  et  très  ancien.  M.  J. 
Daymard  le  donne  aussi,  avec  quelques  variantes, 
comme  étant  très  répandu  dans  le  Lot,  dans  le 
Velay  et  le  Forez.  Mais  sa  version  nous  i 
moins  correcte  que  celle  du  Limousin. 


Cette  nuit  Jésua  est  né  pour  nous  sauver. 
Une  Vierge  l'a  produit  dans  une  étable, 
Une  Vierge  l'a  produit  vei-s  les  minuit. 

Saint  Joseph  a  fait  un  lit  à  son  petit, 

En  ramassant,  avec  grand  soin,  un  peu  de  paille 

Bn  ramassant,  avec  grand  soin,  un  peu  de  foin. 

Il  a  fait  de  son  chapeau  un  bon  berceau  ; 
II  a  mis  ce  beau  poupon  dans  sa.  casaque  ; 
Il  a  mis  ce  beau  poupon  dans  son  jupon. 

Il  a  dit  :  petit,  voilà  votre  papa  ; 

Mais  pourtant  je  ne  suis  pas  votre  vrai  père, 

Mais  pourtant  je  ne  suis  pas  votre  papa. 

T.  XX.  i  - 


dbyGoOt^lc 


Votre  père  est  dans  les  deux,  tout  radîeus. 

Je  ne  suis  rien  qu'un  tuteur,  puisqu'il  l'ordonne, 

Je  ne  suis  rien  qu'un  tuteur,  un  conducteur. 

Lorsque  vous  aurez  quinze  ans,  il  sera  temps 
De  vous  enseigner  un  métier,  dans  ma  boutique, 
De  vous  enseigner  le  métier  de  charpentier. 

On  vous  donnera  du  bois,  ferez  des  croix. 
Cela  sera  tous  vos  ébats  et  vos  délices, 
Cela  sera  tous  vos  ébats  jusqu'au  trépas. 


XX 
Trois  rois  venus  de  TOrlent 

Le  Noël  suivant,  dont  M.  Gaston  de  Lépinay  n'a 
pu  recueillir  qu'un  fragment,  est  assez  répandu  à 
Lissac  et  dans  les  environs  de  Brive.  M"*  Marguerite 
Genès,  qui  l'a  entendu  chanter,  a  bien  voulu  nous 
en  donner  la  notation  musicale  : 


tiveli   Ui4  i/ciuU    ît-    t^- li  JitI',  ÛL-^f— ifc^  £*'Jl«_ 


il: - e^        û^, |»(n.-ii.  cl<<i.-u«^  i**^  .^.iiui.  l^uif- 


IV iy  Qui'  ♦'i**/- Jt'tàM-'XV-'  ^At|...Vu-t<UCtJ> 


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-  119- 

Trois  rois  venus  de  l'Orient 

Adorer  le  Messie, 
Ont  porté  chacun  leur  présent, 
Tout  garni  d'or  et  de  brillants, 

Au  Dieu,  âls  de  Marie, 
Qui  vient  de  naître  pauvrement 

Pour  nous  sauver  la  vie. 


XXI 
Boho  des  montagnes  de  Bethlôem 

Ce  Noël  figure  dans  un  recueil  édité  par  les  frères 
des  Ecoles  chrétionnes  ^Cantiques  anciens  et 
nouveaux).  La  notation  musicale  est  de  M"'  M. 


Les  Bergers 
Les  anges  dans  nos  campagnes 
Ont  entonné  des  chœurs  joyeux. 
Et  l'écho  de  nos  montagnes 
Redit  ce  chant  venu  des  cieux  : 
„  ,    .       )  Gloria  in  Excelsis  Dec, 
'  Gloria  m  Excelsis  Deo. 

Les  Anges 
Bergers  quittez  vos  retraites  ; 
Unissez-vous  à  nos  concerts  ; 
Répétez  à  vos  musettes 
Cectiant  qui  vibre  dans  les  airs  (Réf.). 

Les  Bergers 
Anges,  quelle  est  cette  fête  ? 
Pour  qui  ces  hymnes  triomphants  ? 


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Quel  vainqueur  ou  quel  prophète 
Exaltent  vos  divins  accents  (Réf.]. 

Les  Anges 
Apprenez  tous  ta  naissance 
D'un  roi  sauveur  en  Israël  ; 
Que  dans  sa  reconnaissance, 
Là  terre  chante  avec  le  ciel  <Ref,). 


gtpfc"'^^^ 


Les  Bergers 

Mais  ce  prince  magnifique 
Qu'en  vos  concerts  on  applaudit, 
Esl-ce  lui  qu'au  temps  antique 
Plus  d'un  prophète  avait  prédit?  (Réf.). 


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—  121  — 

Les  Anges 
Aujourd'hui  la  prophétie 
Se  réalise  sous  vos  loits  ; 
Allez  voir  ce  doux  Messie, 
Promis  aux  peuples  tant  de  fois  (Réf.). 

Les  Bergers 
Dites-nous  à  quelle  marque, 
A  quels  insignes  glorieux 
Reconnaître  ce  monarque 
Qui,  cette  nuit,  descend  des  cieu\?(Ref.}. 

Les  Anges 
Un  enfant  couvert  de  langes 
Dont  une  crèche  est  le  berceau. 
C'est  le  Christ  que  nos  louanges 
Acclament  par  ce  chant  nouveau  (Réf.). 

Les  Bergers 
Hâtons-nous,  que  l'on  s'assemble  : 
A  Bethléem,  allons  le  voir, 
Et  nous  redirons  ensemble 
L'hymne  joyeux  de  notre  espoir  ffîef.;. 

XXII 
Se  dlsset'na  barglelra 

Ce  Noël,  dont  oa  n'a  pu  réunir  que  quelques  frag- 
ments, se  chantait  dans  les  environs  de  Lubersac.  11 
nous  a  été  communiqué  par  M.  Louis  de  Nussac.  Le 
mot  bourassa,  employé  dans  ce  Noël,  désigne  le 
morceau  d'étoffe  ou  de  toile  dont  on  enveloppe 
l'enfant  au  maillot,  ce  que  l'on  appelle  vulgaire- 
ment une  couette. 

La  notalion  de  la  musique  est  de  M"*  Marguerite 


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Genès.  Il  est  probable  que  la  phrase  musicale  finit 
au  huitième  vers,  au  mot  ounour.  Ce  qui  suit  doit 
être  la  fin  d'un  autre  couplet. 


J       IM    M    '  I  i^    Il  Ij    I    Ij  1^.     ,    I    I 


Se  dis&et'na  bargieira, 
Tao  bouna  menagieira  : 

—  Bargieira,  n'auriatz  re  ? 

—  Mon  Deu,  per  lou  plejar, 

Ai  una  bourassa  ; 
A  be  un  pauc  de  ci-assa  ! 

Nostre  Senhour 
Mérita  mais  d'ounour. 

Se  disset  Toni  ; 

—  Per  me,  furnirai  l'oli, 

Per  l'alumar  (1), 
Lou  veirai  malhouaar. 


(I)  Une  variante  de  ces  vers  porle:  per  l'enchaletkar,  lou  ueirai 
milhounar.   Le  mot  enchalelhar  est  ima^é  :  il  ne  peut  se  tra- 


D.g.tizedbyGoOglC 


—  123  — 

Disait  une  bergère,  —  bien  bonne  ménagère  :  —  Ber- 
gère, n'aurais-(u  rienf  —  Mon  Dieu,  pour  le  plier,  — 
j'ai  une  coue((e  ;  —  elle  a  bien  un  peu  de  crasse  !  —  Nô- 
tre-Seigneur, —  mérite  plus  d'honneur.  —  Tony 
disait.-  — pour  moi,  je  fournirai  l'huile,  —  pour  l'éclai- 
rer, le  voir  mailloter. 


XXIII 

Me  semblo  qu'ai  aouvl 

Le  cantique  suivant  est  encore  très  répandu  dans 
différentes  localités  de  la  Corrèze,  notamment  à 
Juillac  et  à  Lissac.  On  le  chante  également  dans  le 
Lot  ;  partout  on  le  trouve  avec  de  nombreuses 
variantes.  Nous  en  devons  la  communication  à 
M.  Gaston  de  Lépinay  : 


Me  semblo  qu'ai  aouvi  1  , . 
Va  anze  que  tchantavo) 
Tchantavo  qu'esto  ne, 
Enviroun  miedzo-ne 

Que  Io  Viei-zo  enfantavo. 

duire  que  par  l'eipression;  pour  Véclairer  anec  (a  petite  lampe 
(appelée  en  patois  chalel).  Nous  avons  donné,  à  la  page  74  ,  l'aï- 
pli  cation  de  ce  mot. 


dbyGoot^lc 


Tchantavo  qu'un  efan  j 
Per  nous  tira  de  peino  t 
Nous  Tai  tout  pardouna, 
E  mai  nous  val  douna 
Paradis  per  estreno. 

N'en  fugui  tout  ravi  1 

E  zou  voiigui  pas  creire.  | 
N'en  quiti  moun  troupel 
De  brebis  et  d'oniel. 
Lou  quiti  ;  z'ou  vaou  veire. 

Lou  tchercaben  pertout,  j 
D'un  lougis  ad  un  aoutre  ;  ' 
Ma  lou  troubaben  pas. 
N'eren  fort  estounats  ; 
Obian  perdu  courage. 

Descend!  un  paoupusbas.j 
Au  canton  d'autr'estable.  ' 
Lou  li  troubi  taous  dons  : 
Lo  maire  e  l'efantou, 
Tout  ol  pe  d'une  grejo. 

N'en  paousi  moun  montell  . . 
Per  n'en  crubi  lo  Sento,  1 
Per  lous  crubi  taous  dous, 
Lo  maire  et  l'efantou, 
Taous  dous  tant  mijerable. 

Penden  que  fosio  co,        i 
Très  reys  entrent  de  rens,  J 
Taous  chargea  de  presens. 
Trouben  lou  Tout- Puissant, 
Et  taous  treis  l'odourerent. 

Un  pourtavo  de  l'or,        ( 
E  l'aoutre  de  lo  miro,       ( 


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—  125  — 

E  l'aoutre  de  l'encens. 
Prenount  coungle  d'aous  sents 
E  pui  s'en  etournerou. 

MounDieouques'esvinguv  , . 
Pernoiisaoutres  sur  terro< } 
Douna  nous  lo  santa 
Per  paudi  bien  traouta. 
Tout  lou  moundi  z'espero. 

Il  me  semble  que  j'&i  entendu  —  un  ange  qui  chtmt&it. 

—  //  chantait  cette  nuit,  —  environ  vers  minuit  —  que 
la  Vierge  enfantait. 

Il  chantait  qu'un  enfant  —  pour  nous  tirer  de  peine  — 
allait  tout  nous  pardonner,  —  e(  même  nous  donner  — 
le  Paradis  pour  étrenne. 

J'en  fus  tout  r&vi  —  et  rnêmeje  ne  voulais  pas  le  croire. 

—  Je  quitte  mon  troupeau,  —  de  brebis  et  d'agneaux.  — 
Je  le  quitte;  je  vais  voir. 

Nous  cherchons  l'enfant  partout,  —  d'un  logis  à  un 
autre  ;  —  mais  nous  ne  le  Irouwons  pas.  —  Nous  étions 
fort  étonnés  ;  —  nous  auions  perdu  courage. 

Je  descends  un  peu  plus  bas,  —  au  coin  d'une  autre 
étable.  —  Je  les  trouve  tous  deux  :  —  la  mère  et  le  petit 
enfant,  —  tout  près  d'une  crèche. 

Je  pose  mon  manteau  —  pour  en  couvrir  la  Sainte,  — 
pour  les  couuj-ir  tous  deux,  —  (a  mère  et  le  petit  enfant, 

—  tous  deux  si  misérables. 

Pendant  que  je  faisais  cela,  —  trois  rois  entrent  de 
rang,  —  tous  chargés  de  présents.  —  Ils  cherchent  le 
Tout-Puissant,  —  et  tous  trois  l'adorèrent. 

Un  portait  de  Cor,  —  et  l'autre  de  la  myrrhe,  —  et 
('autre  de  l'encens.  —  Ils  prennent  congé  des  saints,  — 
et  puis  se  retirèrent. 

Mon  Dieu  qui  êtes  venu, — pour  nous  autres,  sur  terre, 


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—  donnez-nous  la  santé,  —  pour  pouvoir  bien  marcher. 

—  Tout  le  monde  l'espère. 


XXIV 
Efons  de  la  oampagna 

M.  l'abbé  Gorse,  dans  une  remarquable  étude  bio- 
graphique (I),  attribue  ce  Noël  au  cbanoine  Talin, 
né  à  Corrèze  le  1"  mars  1825,  qui  cultivait  avec 
un  charme  tout  particulier  aussi  bien  les  vers  patois 
que  les  vers  français.  Est-ce  un  Noël  populaire? 
Est-ce  une  œuvre  de  Bertrand  de  Latour  ou  de 
l'abbé  Talin?  II  serait  difficile  d'être  affirmatif. 
M.  l'abbé  Pourville  a  découpé  ce  Noël  en  deux  et 
a  joint  à  chaque  tronçon  des  couplets  qu'il  a  com- 
posés. Nous  prenons  la  version  de  M.  l'abbé  Gorse 
qui  nous  parait  plus  homogène,  mais  nous  em- 
pruntons à  M.  l'abbé  Pourville  sa  notation  musi- 
cale: 

Efons  de  la  campagna, 
La  Divinita 

0  pris  per  sa  coumpagoa 
Nostr'humanita, 

Per  rampli  la  proumessa 

Qu'en  un  jour  de  tristessa 

Faguet  dins  sa  détressa 
A  l'ome  exila. 

Refrain 
Nadalou  tant  eymable, 

Avem  recours  à  vous  ; 
Mounstratz  vous  charitable, 

Ajatz  pieta  de  nous. 

(l)  Abbé  Gorse,  Labbc  L.  L.  Talin,  p.  136.  Tulle,  1883. 

D.g.tizedbyGoOglC 


Dieou  boutet  à  la  pena 

Adam  maleyrou  ; 
Lou  liet  d'uaa  chadena 

Que  treynarem  tous. 
Tant  que  sem  sur  la  terra, 
Tout  es  pena,  misera, 
hou  cial  es  en  coulera  : 

Jésus  sauvatz  nous  ! 

Très  reyz  se  rancountreroun 
Din  un  grand  tourment, 

Quand  tout  d'un  co  vegueroun 
Dins  lou  &rmameDt, 

Uu'eBtiala  serena 

Qui  lous  tiret  d'en  pena  ; 

La  segoun,  lous  emmena, 
Dret  en  Bethléem. 


dbyGoOt^lc 


—  128  — 

Trouberoun  dins  l'estable, 

Sur  un  paô  de  fe, 
Ud  efan  tant  aymable, 

Purava,  aria  fre  ; 
Ud  ange  l'acatava, 
Quand  un  beô  l'eBchaurava  ; 
Jésus  lous  agachava, 

Your  fasi»  dey  be. 

Tous  très  s'aganoulieroun 

Bien  dëvotamen  ; 
Et  tous  très  présenteroun 

Chacun  liour  présent  ; 
La  Vierdza  agachava, 
Douchament  escoutava  ; 
Ço  que  disian  gardara 

Din  soun  cœur  countent. 

Bel  efan  tant  eioiable 
Voudrîo  embrassa 

Vostre  bre  misérable, 

Ma  yo  n'aouze  pas  : 
Moun  âma  n'es  tacado, 
Lou  pécha  l'a  tchaouliado  ; 
N'en  sera  netezado 

Quand  l'aura  touca. 

Enfants  de  la  campagne,  —  (a  Dit?intl^,  —  a  pris  pour 
sa  compagne,  —  notre  humanité,  —  pour  remplir  la 
promesse  —  qu'en  un  jour  de  tristesse,  —  Dieu  fît  dans 
sa  détresse,  —  k  l'homme  exilé. 

Refrain.  —  Petit  Noèl  bien  aimable,  —  nous  avons 
recours  à  vous  ;  —  montrez-vous  charitable,  —  ayez  pitié 
de  nous. 

Dieu  plaça  dans  la.  peine  —  ^dam  malheureux  ;  —  il 
le  lia  d'une  chaîne  —  que  nous  (ramons  tous.  —  Tant 


D.g.tizedbyGoOglC 


que  nous  sommes  sur  (erre,  —  tout  est  peine,  misère,  — 
le  ciel  es(  en  colère  :  —  Jésus,  sauvez-nous  i 

Trois  i^is  se  rencontrèrent  —  dans  un  grand  tourment, 

—  quand  tout  d'un  coup  ils  virent  —  dans  le  firmament 

—  une  étoile  sereine,  —  qui  (es  tira  de  peine,  qu'ils  sui- 
vent et  qui  tes  mène  —  droit  à  Bethléem. 

Ils  trouvèrent  dans  l'^tabfe,  —  sur  un  peu  de  foin,  — 
un  enfant  tant  aimable,  —  qui  pleurait  et  avait  froid  ;  — 
un  ange  (e  couvrait,  —  un  bœuf  le  réchauffait;  —  J^ttts 
les  regardait,  —  et  leur  faisait  du  bien. 

Tous  trois  s'agenouillèrent  ~  6ien  d^otement;  —  et 
tous  trois  présentèrent  —  chacun  leur  présent; —  la 
Vierge  regardait,  —  doucement  écoutait;  —  ce  qu'on 
disait  gardait  —  dans  son  cœur  content. 

Bel  enfant  tant  aimable  —  je  voudrais  embrasser  — 
votre  berceau  mis^rabie,  —  mais,  je  n'ose  pas  ;  —  mon 
Ame  est  entachée,  —  le  péché  l'a  souillée;  —  elle  sera  pu- 
rifiée, —  quand  elle  l'aura  touché. 


Lo  terro  ei  &*edzo 

Ce  Noël,  d'une  poésie  si  douce  et  si  tendre,  est 
attribué  au  chanoine  Talin  (1)  par  M.  l'abbé  Gorse  (2). 
Le  manuscrit  a  été  en  effet  trouvé  parmi  les  docu- 
ments laissés  par  cet  éruâit  ;  mais  nous  savons  aussi 
que  le  chanoine  Talin  recueillait  avec  passion  les 
poésies  populaires  de  son  pays.  Faut-il  lui  attribuer 
la  paternité  de  cette  charmante  pièce  de  vers  ?  rien 
ne  le  prouve.  Toujours  est-il  qu'elle  ne  parait  pas 

(1)  Talin  Léonard,  ai  à  Corrèze  le  !■'  mars  1825,  mort  à  Tulle  le 
3  avril  1893. 
(21  Gorse,  Labbé  L.  L.  TûUn,  pp.  1«  à  U5.  Tulle,  1893. 


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très  ancienne.  Le  mot  foouveta  (fauvette),  employé 
de  nos  jours,  se  disait  autrefois  gomada  : 


Lo  terro  ei  fredzo, 
Lou  chiai  nevedzo  : 
Mono  sosou!... 
Oouve  lous  anzes, 
TchoQtoun  louanzes 
DeINodolou(l|. 
Venes  flouretas, 
Rosas,  viouletas, 
Li  Fa  lo  cour. 
Dzomai  lo  terro 
N'o  vit  enquèro 
Pu  tzantio  flour. 
Qu  vous  pintravo, 
Vous  emboumavo, 
Quitto  lou  chial  ; 
Oouves,  fleuretas, 
Rosas,  viouletas, 
D'al  me  d'obrial  ! 


Noun,  noun,  sur  terro, 
N'y  or  e  d'enquèro, 
D'omount,  d'alen, 
De  coumparable 
A  nostr'estable 
De  Bethelem. 
Plnsouns,  looubetas, 
Cardis,  foouvetas, 
Lou  Nudolou, 
Onne  vous  mando, 
R  vous  coumando 
Uno  tsanchou. 
Fose  silence  ? 
Vraiment,  ieou  pense, 
Qu'ove  rojou. 
So  pauto  ei  mudo? 
Noun,  se  remudo, 
Ëchcoutes  lou. 


Jesu,  moun  fraire, 
Moun  petit  fraire, 
Qu'oves  tant  fre! 
Si  n'en  chei  digne, 
Foae  me  chigne, 
Venes  cha  me. 


Oquel  que  douno 
Aux  reys  :  courono, 
Glorio,  palay, 
Dins  un  estable, 
Tant  misérable, 
Oti  se  play. 

Plosera  del  mounde, 

Ah  !  ieou  m'escounde 

Dins  sous  brassons  ; 

Ah  !  m'enchadenou 

E  me  retenou 

Bien  loin  de  vous. 

(1)  Nous  avons  déjà  fait  remarquer  que  lo  mol  A^adafou  (Noël)  ej 
souvent  employé  pour  désigner  rEoTant  Jdsus  lui-même. 


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La  terre  est  froide.  —  le  ciel  neigeux :  — morte  saison! 

—  Entendez  les  anges  ;  —  ils  chantent  les  louanges— du 
Nadalou. 

Venez  fleurettes,  —  roses,  violettes,  —  lui  ^aire  la  cour. 

—  Jamais  (a  terre  —  n'a  vu  encore  —  plus  belle  fleur- 

Celui  qui  vous  peignait,  —  vous  embaumait,  —  quitte 
te  ciel  ;  —  entendez  [le],  fleurettes,  —  T^ses,  violettes,  — 
du  mois  d'avril. 

Celui  qui  donne  — aux  rois:  couronne,  —  gtoire,  pa- 
iais,  —  dans  une  étable  —  bien  misérable,  —  là  se  plait. 

Non,  non,  sur  terre,  —  il  n'y  arien  encore,  —  d'amont, 
d'aval,  —  de  comparable  —  à  notre  ^tabie  —  de  Beth- 
léem. 

Pinsons,  alouettes,  —  c/iardonnerets,  fauiwties,  —  le 
Nadalou,  —  aujourd'hui  vous  mande,  —  et  vous  com- 
mande —  une  chanson. 

Vous  faites  siience?  —  Vraiment,  je  pense,  —  que  vous 
avez  raison  :  —  sa  lèvre  est  muette  T  —  Non,  elle  remue, 

—  écoutons-le. 

Jésus,  mon  frère,  —  mon  petit  frère,  ■—  qui  avez  tant 
froid  !  —  si  j'en  suis  digne,  —  faites-moi  signe,  —  entrez 
chez  moi. 

Ptaisirs  du  monde,  —  ahl  je  m'enfonce —  daTis  ses 
petits  bras;  —  ah!  ils  m'enchaînent  —  et  me  retiennent 

—  bien  loin  de  vous. 


XXVI 

Pastours,  esooutatz  tonst 

Les  deux  Noëls  qui  suivent  figurent  dans  l'ou- 
vrage, déjà  cité,  de  M.  l'abbé  Gorse  et  sont  attribués 
par  lui  au  chanoine  Talin  : 


D.g.tizedbyGoOglc 


—  132  — 

Pastoups,  escoutatz  tous  ! 
Et  rejaou visse tz  vous, 
Leyssatz  lous  agnels  paysse  ! 
N'ajatz  pas  paou  del  loup  ; 
Quel  que  jou  garda  tout 
Ne  fay  re  ma  de  naysse. 

Auvetz  lous  angelous 
Chaatar  a  pleina  voux 
Al  boun  mitan  de  l'ayre  ; 
Lou  Sauvadour  es  na, 
Eifaça  lou  pécha 
De  noslre  proumier  payre. 

Davalatz  tous  alen, 
Aaatz  a  Bethléem  : 
Ati,  dins  un  estable, 
Ti-oubareU  l'efantou 
Couïja  dins  un  creschous, 
Ati,  bien  misérable. 

Lous  petios  renardous, 
Lous  quittes  augèlous, 
Ghadun  au  leur  demora  : 
Jésus  lou  Nadalou, 
Qu'es  lou  Mestre  de  tout, 
Chaousit  sa  part  defora. 

Jésus,  moun  Sauvadour, 

Moun  Dieou,  et  moun  amour. 

Que  ses  vous  misérable  ! 

Mas,  vostra  paubreta, 

Et  vostre  humilita 

Vous  fau  mas  pus  aymable. 

Ah  !  que  vouletz,  moun  Dieou  ? 
Que  damanda  de  yeou 
Quand  venetz  sur  la  terra  ? 
Sey  paoubre,  yeou  n'ai  re, 


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Sei^our,  jou  sabetz  be, 
Couoessetz  ma  misera. 

Ah  !  se  YouleU  moun  cor, 
Prenetz  lou  tout  d'abord, 
Yeou,  lou  TOUS  abandoune  ; 
Ma  santa,  may  moun  be, 
Yo  me  reserve  re, 
Tout  ço  qu'ay  jou  tous  doune. 

Pregem  Dieou  de  boun  cor,  ' 
Qu'ai  moument  de  la  mort, 
Nous  fach'à  tous  la  grachia 
D'anar  eo  paradis, 
Kt  d'esse  réunis 
Dabon  sa  Sento  Facio. 

Pasteurs,  écoutez-tous  I  —  Et  j^ouissez-vous,  —  laissez 
(es  agneaux  paître  /  —  n'ayez  pas  peur  du  loup  ;  —  celui 
qui  garde  tout  —  vient  à  peine  de  ïiafire. 

Entendez  les  petits  &nges  —  chanter  à  pleine  voix  — 
au  bon  milieu  des  airs  :  —  le  Sauveur  nous  est  né,  — 
effaçant  le  péché  —  de  notre  premier  père. 

Descendez  tous  (à-bas,  —  allez  à  Bethléem  :  —  (à,  dans 
une  étable,  —  voua  trouverez  le  petit  enfant  —  couché 
dans  la.  crèche,  —  (à,  bien  misérable. 

Les  petits  rtenarde,  —  jusgu'aujc  petits  oiseaux, —  cha- 
cun a  sa  demeure  ;  —  Jésus  le  Nadalou,  —  lui  le  Maître 
de  tout,  —  choisit  sa  part  dehors. 

Jésus,  6  mon  Sauiseur,  —  mon  Dieu,  et  mon  amour, — 
que  vous  êtes  misérable  I  —  Mais  votre  pauvreté,  —  et 
votre  humilité  —  vous  font  bien  plus  aimable. 

Ahl  que  voulez-vous,  mon  Dieuf—Que  demandez- 
vous  de  moi  —  en  «ejïant  sur  ia  terre  f — Je  suis  pauvre, 
je  n'ai  rien,  —  Seigneur,  vous  le  savez  bien,  —  vous  con- 
naissez ma  misère. 

T,  XX.  1  -  (I 


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-  134  - 

Ahl  si  vous  uoulez  mon  cœur,  —  prenez~lB  tout  d'abord, 

—  moi,  je  vous  i'afcandonne  ;  —  ma  santé  et  mon  bien, — 
je  ne  me  réserve  rien,  —  tout  ce  que  j'ai  je  vous  le  donne. 

Prions  Dieu  de  bon  cœur,  —  qu'au  moment  de  la  mort, 

—  il  nous  fasse  à  tous  la  grâce  —  d'aller  en  paradh,  —  ' 
et  d'être  réunis  —  devant  sa  Sainte-Face. 


Oval,  oval,  dln  lo  boutlquo 

Oval,  oval,  dm  lo  boutiquo 
Dey  charpentier,  queste  moti, 
Yeou  n'auvigueyt  uno  musiquo 
D'un  angëlou  dey  paradis. 

0  bouna,  senta  mayré, 
Délias-nous  l'efaatou  ; 
Es  nostre  petiot  frayre, 
Senta  Vlerdzo,  bayla  le  nous. 

Mono  Dieou.  yo  me  troumpavo  ! 
Qu'era  pas  d'angèlou  : 
Qu'era  la  Vierdzo  que  chantava 
Quand  bressava  lou  Nadalou. 

Disio:  lous  anges  vous  entourou, 
Jésus,  aoû  tous  lous  els  sur  vous  ; 
D'oun  vel  que  vostrés  ilous  purou  ? 
Puro  peaus  homes  maleyroux. 

Per  délia  las  armas  esclavas, 
Avez  vougut  d'aoûs  bouraçous  ; 
Se  lou  pécha  las  estachava, 
Soun  libras  dln  vostrës  brassous. 


Là-bas,  Ik-bas,  dans  la  boutique  —  du  charpentier,  ce 


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-  135  — 

matin,  — j'entendis  une  musique  —  d'un  petit  ange  du 
paradis. 

Chœur.  —  0  fconne,  sainte  mère,  —  déliez-nous  le  pe^ 
tit  enfant  ;  —  il  est  notre  petit  frère,  —  Sainte  Vierge, 
donnez-le  noue. 

Mon  Dieu,  je  me  trompais  /  —  Ce  n'était  pas  un  petit 
ange  :  —  c'était  la  Vierge  qui  chantait  —  tout  en  berçant 
le  Nad&lou. 

Elle  disait  :  les  anges  vous  entourent,  —  Jésus,  tous 
ont  les  yeux  sur  vous  ;  —  d'où  vient  que  vos  petits  yeux 
pleurent  t  —  Ils  pleurent  pour  les  hommes  malheureux. 

Pour  délier  les  âmes  esclaves,  —  tiens  auez  voulu  de 
petits  langes  ;  —  si  le  péché  les  garrottait,  —  elles  sont 
libres  dans  vos  petits  bras. 


O  l'entour  de  l'estable 

  ces  chants  populaires  qui  ont  dû,  pendant 
le  moyen  âge,  être  fort  nombreux,  mais  que  la 
tradition  a  oubliés  en  partie,  se  sont  ajoutés  des 
chants  dictés  par  d'autres  idées,  à  l'époque  des 
différentes  guerres  qui  ont  ensanglanté  le  pays.  Les 
Noëls,  comme  les  chants  satiriques,  abondent  dans 
l'histoire  de  la  vieille  France,  mais  peu  de  ces  chan- 
sons furent  véritablement  populaires.  Leur  popula- 
rité était  à  la  cour  et  dans  les  salons,  plutôt  que  dans 
les  champs  ou  dans  la  rue. 

Le  Noël  suivant  donne  une  idée  de  ce  genre  de 
production.  11  est  de  Joseph-Anne  Vialle  (1)  ;  il  a 

(1)  Joseph-Âune  Vi&Ile,  né  à  Tulle  le  20  mat  1162  ;  ais  de  Jean 
Vialle,  il  embrassa,  comme  son  père,  la  carrière  du  barreau.  Sous 


Dijiiizedb,  Google 


été  publié  d'abord  par  M.  Louis  de  Nussac  (1)  avec 
quelques  variantes  qui  s'éloignent  du  texte  primitif, 
puis  par  M.  Clément-Simon,  qui  l'a  reproduit  avec 
l'orthographe  prise  sur  l'original  (2). 

Cette  pièce  de  vers,  d'un  goût  contestable,  se  fait 
remarquer  par  sa  forme  vive,  son  débit  facile  ;  mais 
la  versification  n'est  pas  précisément  correcte.  L'au- 
teur fait  rimer  les  participes  avec  les  infinitifs,  le 
singulier  avec  le  pluriel,  etc. 

Anne  Vialle  raconte  à  propos  du  mot  gounelo, 
qa'i  figure  au  quatrième  couplet,  dans  quelle  cir- 
constance il  fut  appelé  à  composer  cette  facétie  : 
«  Quand,  en  1814,  LouisXVlII  remonta  sur  le  trône, 
on  nous  disait  que  sa  trop  grande  obésité  ne  lui 
permettait  pas  de  porter  une  culotte  et  qu'il  se  ser- 
vait d'un  jupon.  II  n'en  fallut  pas  davantage,  dans 
un  pays  où  on  donnerait  des  sobriquets  au  bon  Dieu, 
pour  l'appeler  gounelo.  Henri  JV  ne  se  fâchait  pas 
quand  on  l'appelait  le  Béarnais.  Quoiqu'il  en  soit  à  la 
Noël  de  1814,  dans  la  Société  des  buveurs  de  demi- 
quart,  on  proposa  de  manger  un  coq  et  de  faire  un 
noël.  J'égayai  notre  société  par  les  quatre  couplets 
suivants,  sur  l'air  des  anciens  noëls  de  la  cour  »  : 


la  Révolution,  membre  des  clubs,  procureur -général -syndic  du  dé- 
partement, il  se  prêta  aux  excès  de  la  Terreur,  emprisonné  après 
Thermidor,  il  dut  sa  liberté  à  quelques-uns  de  ses  amis  dont  il 
avait  été  le  complice  et  l'instrument,  et  s'adonna  depuis  lors  à 
l'étude  de  l'histoire  et  de  la  littérature  locales.  La  plupart  de  ses 
nombreux  manuscrits  n'ont  pas  éié  malheureusement  conservés, 
et,  en  réalité,  il  n'est  connu  que  par  sa  participation  au  Diction. 
naire  du  paloia  du  fias-Limousin  et  par  quelques  pièces  de  poé- 
sie. Il  mourut  le  IS  novembre  1833. 

(1)  Echo  de  la  Corrèze,  1"  an.,  n*  8,  du  mois  do  décembre  IB9Î. 

(2)  Clément-Simon,  Joseph  Anne  Vialle,  poète  et  lexicographe 
BaaLimoutin,  p.  2i.  Paris,  1893. 


dbyGoOt^lc 


—  137- 

0  l'entour  de  l'estable 
Oun  Jézu  ero  na, 

Li  ovio  n  mounde  de  diable 
Que  l'ei  vouHo  entra. 
José,  dissel  l'Efon,  pren  me  lo  barro  torto, 
Eïci  voulen  ma  doûs  peïsans, 
De  bouns  bourges,  doûs  artisans, 
F.,  lou  reste  à  la  porto. 

Bins  la  foulo  qu'entràvo 
Li  avio  un  ouflcié, 
Un  emigran  poussàvo 
Per  loubuti  darrié. 
Ma  l'Efon,  d'un  el  fl,  lou  triet  din  lo  troupo  : 
Marna,  aquel  n'o  pas  trahi 
Ses  pas  batu  per  l'énémi. 
Douno  II  de  mo  soupo. 

Lou  ligre  de  lo  Corso  (1), 
Qu'o  tant  versa  de  sang, 
Fai  fa  plasso  per  forço 
Per  soun  ami  Bertran. 
L'Efon,  s'en  transit  tout,  creguet  qae  qu'er'Herodo 
Que  doûs  télés  de  las  marnas 
Baradjavo  lous  nouveOs  nas. 
El  n'avio  près  lo  modo. 

Nostre  pàoure  Gounélo  (2) 
S'en  ve  tout  debrolha, 
Fai  peta  so  bretèlo 
Quan  vol  s'agenoulha. 
s  Eh  d'oun,  fai  sauta  oquel  »,  disset  l'Efon  aimable, 
u  Per  sent  Anlonhi,  lous  gognous, 

1  José,  ne  sou  pas  to  brenous. 
«  Torno  lou  dins  l'estable  ». 

(!)  Surnom  donné  à  Napoléon  I". 

(2)  Sobriquet  donné,  ainsi  que  nous  l'avons  déjà  dit,  b.  Louia  XVIIl. 
Le  mot  gounel,  gounèto,  signifie  jupon.  On  appelle  de  ce  nom  un 
homme  Uche,  efTëminé,  pour  indit]uer  qu'il  mériterait  de  porter 
jupon,  ou  qu'il  est  toujours  entre  les  jupons  des  femmes. 


dbyGoot^lc 


A  LA  poute  db  l'étable 
A  (a  porU  de  l'ét&ble  —  où  Jésus  éUit  né,  —  il  y  avait 
une  foule  de  gens  —  qui  voulaient  entrer  ;  —  Joseph,  dit 
l'Enfant,  prends  le  bâton  tordu,  —  ici  nous  ne  vouions 
que  des  paysans,  —  de  bons  bourgeois,  des  artisans,  — 
flani^e  le  reste  à  ta  porte. 

Parmi  la  foule  qui  entrait  —  il  y  avait  un  officier,  — 
un  émigré  poussait  —  pour  te  ptacer  te  dernier. —  Mais 
l'Enfant,  d'un  œil  fin,  le  distingue  dans  la  troupe:  — 
Maman,  celui-là  n'a  point  trahi,  —  il  ne  s'est  pas  battu 
pour  l'ennemi,  —  donne-tui  de  ma  soupe. 

Le  tigre  de  la  Corse  —  qui  a  tant  uers^  de  sang,  —  fait 
faire  une  place  par  force  —  auec  son  ami  Bertrand.  — 
L'Enfant  en  fut  tout  transi  ;  il  crut  que  c'était  Hérode— 
qui  des  seins  de  leurs  mamans  —  arrachait  (es  nouveaux- 
nés.  —  Il  en  avait  l'habitude. 

Notre  pauure  Gounel  —  s'en  vient  tout  débraillé,  —  il 
fait  casser  ses  breteiles  —  quand  il  veut  s'agenouilter.  — 
■  Et  d'où  sort  celui  ci  »,  dit  l'Enfant  aimable,  —  ■  par 
saint  Antoine,  les  pourceaux,  —  Joseph,  ne  sont  pas  aussi 
dégoûtants.  —  Ramène-te  dans  l'éiable  ». 


XXX 

Lou  Velboulet  t 

Nous  ajouterons,  à  la  série  des  Noëls  limousins 
qu'il  nous  a  été  possible  de  recueillir,  deux  des 
compositions  de  ce  genre  de  M.  le  chanoine  Joseph 
Roux.  Bien  que  ces  Noëls  soient  récents,  ils  se  font 
remarquer  par  une  ampleur  de  style  qui  caractérise 
les  œuvres  de  notre  félibre  majorai  ;  l'un  d'eux,  le 
second,  a  remporté  le  prix  au  concours  du  cente- 


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naire  de  Saboly,  à  Apt,  en  1875.  L'orthographe  de 
ces  deux  poésies  est  conforme  aux  règles  adoptées 
dans  la  Grammaire  limousine  (1)  que  l'auteur 
vient  de  publier. 

i 
Giral 
0  Fraires,  fraires,  couchem  nous  ! 
Ralumem  nostres  blandous  ! 
Coissi  fai  nègre,  defora  !.. 
Nadal  ne  torna  souvent; 
Giala  trop,  e  tira  un  vent 
Qui  trancha  coum'una  fora  !  » 
2 
L'Aujol 
a  Planh  te,  Giral,  îas  del  biai  ! 
Un  routai  de  fuec,  alai, 
Segur,  alaî  nous  apela  ; 
Troubarem  gei  e  sujourn. 
Quan  lou  Jhësu.  nueg  e  journ, 
Tremola  dinz  sa  chapela  !  » 

3 
Aîtal  dizia  lou  drouUet, 
L'aujol  aital  razounava.,. 
Ab  tan,  la  soucha  flambava, 
La  soucha  del  Velhoulet  ! 
4 
Guinot 
«  Fraires,  fraires,  teinem  nous  ! 
Quitem  viste  nostres  soucs  ; 
Viste  boutem  nous  a  taula  ! 
Nou  me  senti  boun  efan  : 
Ai  una  set,  una  fam 
Qui  me  copon  la  paraula  !  « 

(1)  Joseph  Roux,  Gi 


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_  140  — 

5 

L'Aujol 
(  Planh  te,  Guinot,  ias  del  biai  ! 
Una  toalha  blancha,  alai, 
Segur,  alai  nous  apela  ; 
Troubarem  gei  e  sujourn, 
Quan  lou  Jhèsu,  nueg  et  joura, 
Ëstauvia  dinz  sa  chapela  !  » 

6 
Ait  al  dizia  lou  drouUet, 
L'aujol  aital  razounava  ; 
Ab  tan,  la  soupa  fumara, 
La  Boupa  del  Velhoulet  ! 

7 
Guilhem 
«  Praires,  fraires,  preissem  nous  ! 
Pausem  vestas  e  vestous  ! 
D'anar  jaire  es  mais  que  l'oura  ; 
Passar  drech  touta  la  nueg  !... 
Serai  pla  troumpat,  s'anueg, 
S'anueg  me  levé  d'aboura  '.  n 

8 
L'Aujol 
a  Planh  te,  Guilhem,  ias  del  biai! 
Una  doubla  coustia,  alai, 
Segur,  alai  nous  apela  ; 
Troubarem  gei  e  sujourn, 
Quan  lou  Jhèsu,  nuegejourn, 
Tregita  dïnz  sa  chapela  !  n 

g 

Aital  diïia  lou  droullet  ; 
L'aujol  aital  razounava... 
Ab  lan,  l'adiu-slatz  sounava, 
L'adiu-siatz  del  Velhoulet  ! 


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Le  Réveillon 

1.  —  «  Gérald.  —  Frères,  frères,  hâtons-nous!  —  rallu- 
mons no»  brandons  / — qu'il  f&it  noir,  dehors!...  —  Noël 
ne  revient  qu'uTie  fois  l'an...  —  Il  gèle  trop  fort,  et  il 
souffle  un  vent  —  qui  perce  comme  un  foret  !  « 

2.  —  L'Aïeul.  —  «  Plains-toi,  GéraXà,  tu  as  bonne 
gr&ce  !  —  t/n  grand  feu  Ik-bas  —  pour  sûr,  là-bas  nous 
appelle.  —  JVous  trouverons  joie  et  soulagement,  —  tan- 
dis que  J^sus  nuit  et  jour — frissonne  dans  sa  chapelle/» 

3. — ^insi  disait  le  garçonnet;  —  l'ateul  raisonnait 
ainsi...  —  Cependant  la  bûche  flambait,  —  la  bûche  du 
Réveillon  l 

4.  —  Guinot.  —  «  Frères,  frères,  dépêchons-noua  !  — 
ôtons  vite  nos  sabots  /  —  vite  mettons-nous  à  table  /  —  Je 
ne  me  sens  pas  bon  enfant...  —  J'ai  UTie  soif,  une  faim 
—  qui  me  coupent  ta  parote  /  » 

5.  —  L'Aïeul.  —  «  Plains-toi,  Guinot,  tu  as  bonne 
grâce  !  —  Une  nappe  blanche  lA-bas  —  pour  sûr  là-bas 
nous  appelle  ;  —  nous  Irou«erons  joie  et  soulagement  — 
lorsque  Jésus  nuit  et  jour  —  manque  dans  sa  chapelle!  » 

6.  —  ^irtsi  disait  te  garçonnet,  —  l'aïeul  raisonnait 
aÎTisi  ;  —  néanmoins  (a  soupe  fumait,  —  (a  soupe  du 
Réveillon/ 

7.  —  Guillaume.  —  «  Frères,  frères,  pressons-nous  t  — 
posons  vestes  et  vestons  '  —  /(  est  plus  que  l'heure  de 
s'aller  coucher  I  —  Passer  toute  la  nuit  debout  i  —  Je 
serai  bien  déçu  si  aujourd'hui,  —  si  aujourd'hui  je  me 
lève  de  bonne  heure  '  > 

8.  —  L'Aïeul.  —  «  Plains-toi,  Guillaume,  tu  as  bonne 
grâce!  ~  Une  double  couette  là-bas,  —  pour  sûr  là-bas 
nous  appelle  ;  —  nous  trouverons  j'oie  et  soulagement,  — 
lorsque  Jésus  nuit  et  jour  —  s'agite  dans  sa  chapelle  '  » 

3.  —  Ainsi  disait  le  garçonnet  ;  —  l'aïeul  raisonnait 


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ainsi  ;   —  cependant  l'Adieu  sonnait. 
Réveillon. 


XXXI 


La  Messa  ohauda  i» 

1 
la  mais  de  mila  ans  anueg 
Drolles,  que  dinz  un  estable, 
Sus  lou  cop  de  mielja-nueg, 
Nasquet  lou  Dieus  adourable. 
la  mais  de  mila  ans  anueg  ! 

2 
Un  bouci  de  petassou, 
Vezaqui,  drolles,  quai  era 
Soun  malhnt,  soun  bourassou: 
L'amassariatz  de  per  terra 
Un  bouci  de  petassou  ? 

3 
Lou  qui  nous  reschaura  touz, 
Avia  freg  a  sas  manotas  ; 
Ges  de  Euec,  ges  de  mitous, 
Per  las  li  tener  chaudotas, 
Lou  qui  nous  reschaura  toui  ! 

4 
Ailas  !  touz  loua  venz  del  cial 
Brudissian  dinz  la  caverna, 

Sens  courtinas,  sens  chapial, 
Per  aparar  qu  gouverna, 
Ailas  !  touz  lous  venz  del  cial  ! 


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—  143  — 

5 
El,  l'autour  de  nostra  fe, 
El,  lou  reis  de  las  estialas, 
Auïet  couija  sus  del  fe, 
Jous  un  plarouns  d'arantialas, 
El,  l'autour  de  nostra  te  ! 


Qu  dons  l'aîgua,  avia  set  ; 
Vezia  re.qu  luma  l'auba  ; 
E  noun  avia  de  chas  se, 
Qu  ciala  la  paur'a  lauba  1 
Qu  dona  l'aigua,  aria  set  1 

7 
L'ofrenda  de  nostre  cor, 
Mais  que  mais  apieda,  enchanta 
Lou  que  l'Ange,  amount,  en  cor, 
Lauva,  beneizis  e  chanta  I 
L'ofrenda  de  nostre  cor  1 

La  Messe  CMAnDE 
J.  —  /(  y  a  plus  de  mille  ans,  aujourd'hui,  —  enfants, 
que  dans  une  étable,  —  sur  le  coup  de  minuit,  —  naquit 
le  Dieu  ador&ble.  —  Il  y  &  plus  de  mille  ans,  aujour- 
d'hui ! 

2.  —  Un  lambeau  de  chiffon,  —  voilk,  enfants,  quels 
étaient  —  son  maillot,  ses  fanges  ;  —  l'amasseriez-vous  à 
(eire,  —  un  lambeau  de  chiffon  f 

3.  —  Celui  qui  nous  réchauffe  tous,  —  a  froid  à  ses  pe- 
tites mains.  —  Poinf  de  feu,  point  de  mitaines,  — pour 
les  tenir  chaudes.  —  Celui  qui  nous  réchauffe  tous  ■' 

fi.  —  Hélas  !  tous  les  vents  du  ciel  —  bruissaient  dans 
la  caverne,  —  sans  courtine,  sans  pignon,  —  pour  ga- 
rantir celui  qui  gouverne.  —  Hélas  !  tous  les  vents  du 
ciel  ! 

5.  —  Lui,  l'auteur  de  notre  foi,  —  lui,  le  roi  des  astres. 


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-  144  - 

—  il  osa  coucher  sur  du  foin,  —  sous  un  plafond  de  toile 
d'araignée,  —  lui,  l'autour  de  noire  foi  ! 

6.  —  Celui  qui  donne  l'eau  avait  soif.  —  71  ne  voyait 
rien  celui  qui  allume  {'aube  ;  —  et  il  n'auait  pas  de  chez 
soi,  —  celui  qui  abrite  la  pauvre  a/oue((e.'  —  Celui  qui 
donne  l'eau  avait  soif-' 

7.  —  L'offrande  de  notre  cœur,  —  plus  que  tout  apaise, 
enchante  —  celui  que  l'Ange  en  chœur,  là-haut,  —  loue, 
bénit  et  chante  !  —  L'offrande  de  notre  cœur. 


xxxu 

La  Bressalra 

NAUALET 

Nous  terminerons  notre  Recueil  des  Noëls  du' 
Biis-Limousin  par  wree  Berceuse  que  l'auteur , 
M'"  Marguerite  Genès,  a  bien  voulu  nous  donner 
l'autorisation  de  reproduire.  La  musique  est  de 
M"*  la  baronne  Le  Clère. 

Nous  ne  ferons  pas  ressortir  tous  les  mérites 
de  cette  pièce  de  vers.  M"*  Marguerite  Gênés  ayant 
apporté  à  notre  travail  un  concours  qui  nous  a  été 
des  plus  précieux,  nos  éloges  pourraient  paraître 
intéressés .  Mais  le  lecteur  saura  vite  apprécier 
toutes  les  qualités  de  cette  ravissante  poésie  : 

A  MiiUm*  Is  barouDB  le  Clere. 
1 

Daus  reis  matges  qui  s'entournaven 

Josep  sarrava  lous  prczens, 

Ë  la  mirra,  l'aur  e  l'essens 

L'ablauvissian  e  l'estounaven. 

Assetada  permet  lou  fe 

La  Vierge  d'aquel  temps  bressava 


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-  145- 

Soun  fllh  e  tout  bas  li  chantava, 

En  lou  sari-an  sus  soun  tele  : 

"  Nai,  nai,  duer,  duer,  divin  meioatge  ; 

■  Per  coumensar  ta  mcssiu  pertneî  nous, 

K  Chai  que  daus  eraos  de  toun  atge 

s  Sias  lou  pus  savi,  lou  pus  douz  a. 

2 
Quala  maire  fiera  e  channada 
Davans  lou  bressou  de  soun  âlh, 
Tout  ensems  n'espéra  per  ilh 
Una  glourîousa  destinada 
E  ne  tremoula  sus  soun  sort  ? 
La  Senta  Vierge  aital  raibava, 
Quar  pus  tendramen  murmurara, 
En  sarran  l'efan  Dieu  pus  fort  : 
1  Nai,  nai,  duer,  duer,  divin  meinatge  ; 
n  Per  coumensar  ta  messiu  permei  nous, 
1  Chai  que  daus  efans  de  toun  atge 
a  Sias  lou  pus  savi,  lou  pus  douz  n. 

3 
Pensiva,  esmouguda  coum'ila, 
'Na  blancba  troupa  d'angelous 
Al  founs  de  l'oustal  miraclous 
Ëra  demourada  inmoubila  ; 
Mas  can,  jous  sous  reguaitz  charmatz, 
Lou  menet,  barran  sa  pelouna. 
Al  soumelh  taleu  s'abandonna,  , 
La  troupa,  a  soun  toum,  dis  tout  bas  : 
«  Nai,  nai,  duert  lou  divin  meinatge  ; 
«  Per  coumensar  sa  messiu  permei  vous, 
<  De  toutz  tous  efans  de  soun  atge 
i  Es  lou  pus  savi,  lou  pus  douz  ». 

La.  Berceuse 

Noël 

A  Maâamt  la  haronnt  U  Clirt, 

i. —  Des  rois  mages,  qui  s'en  reoenaienl,  —  saint 


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-  146- 

Joseph  rangeait  les  présents,  —  et  la  myrrhe,  l'or  et  l'en- 
cens —  ^'éblouissaient  et  l'étonnaient.  —  assise  parmi  le 
foin,  —  la  Vierge  pendant  ce  temps  berçait  —  son  fils  et 
tout  bas  lui  chantait  —  en  le  pressant  sur  son  sein  : 

a  Dors,  dors,  divin  enfant;  —  pour  commencer  ta 
mission  parmi  nous,  —  iu  dois  des  enfants  de  ton  âge  — 
être  le  plus  sage,  le  plus  doux  n. 

2.  —  Quelle  mère  ^ère  et  charmée  —  devant  le  berceau 
de  son  fils,  —  n'espère  tout  à  lu  fois  pour  lui  —  une  glo- 
rieuse destinée  —  et  ne  tremble  sur  son  sortt  —  ^insi 
rêvait  la  sainte  Vierge,  —  car  elle  murmurait  plus  ten- 
drement,  —  en  seTrant  l'enfant  Dieu  plus  fort  : 

«  Dors,  dors,  divin  enfant;  — pour  commencer  ta 
mission  parmi  nous,  —  tu  dois  des  enfants  de  ton  âge  — 
être  le  plus  sage,  le  plus  doux  n. 

3.  —  Emue  et  pensive  comme  elle,  —  une  blanche 
troupe  d'anges,  —  au  fond  de  la  miraculeuse  demeure  — 
s'était  tenue  immobile  ;  —  mais  quand,  sous  ses  regards 
charmés,  —  le  nourrisson  fermant  ses  paupières  — 
s'abandonne  aussitdl  au  sommeil,  —  la  troupe,  à  son 
tour,  dit  tout  bas  : 

a  II  dort,  il  dort,  le  divin  enfant  ;  —  pour  commencer 
sa  mission  parmi  vous,  —  de  tous  (es  enfants  de  son  âge, 
—  il  est  le  plus  sage,  le  plus  doux  o. 

ADDENDA 

Nous  donnons  ici  la  notation  musicale  de  deux 
Noëls,  qui  nous  a  été  envoyée  au  moment  où 
s'achevait  l'impression  de  notre  Recueil. 

La  première  est  due  à  M.  Garrigue,  artiste  de 
l'Opéra;  la  seconde  à  M""  la  baronne  Le  Clère. 
L'une  concerne  le  Noël  numéroté  V  :  L'aoutre 
dzour  ei  pé  d'Estsalas.  Ce  Noël  peut  se  chanter 


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soit  à  un  mouvement  assez  ^if,  soit  plus  lente- 
ment; de  cette  façon  il  a  plus  de  douceur  et 
ressemble  moins  à  une  phrase  de  quadrille.  L'autre 
se  rapporte  au  chant  qui  figure  sous  le  numéro  XII  : 
L'autre  joum  que  m'en  anavi. 


L'aoutre  dzour  ei  pé  d'Estsalas 


Y'a0U.-Dic.  (l^iiuji.  lî.   fù.  d'  E*t  -ta.-\at  tit-ion  quaMi-i^uW  fhjt-tbu.' 

rltotM.  3uaind,tMtt  d'iifvt  corv    ^     tu-'OuK  d.'wn  ^iaiiii.lt  liùl-tafll  u-ftol'U. 

■rtout    ■  0-  |is  -IL  — >ju^  bCùih  toXrU.  ^  «t  «oufl  »wn-pllC   fl^    ^10- un*».. 

XII 
L'autre  Journ  que  m'en  anavi 


m.vni  Vtiit.in    vMi^ia.   JÎa.  ate.ua.  9tt  xn.    Jti-- _    tcL^     *!.  t«-' 


Vïifc   'De,  lOiJa.    Cm.   \(i4.-*i»    oT  [  OMU' ^«il     t     A  —  ° 


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^M4Ùni  timniaviâd'  iM^yln  j  Jla.  noMAui  tf •u^O'^  «ucuuA  tu  l»wt*lf  l  bhiUL/ 


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^un^^AUMV  »t.  ^iiLwu..(Xf  t»««A  W«w  »MU5«ti*«/^UW«^***rt'tw*^'^i*  ^e»»^  »«'• 


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^utn^  j  ti\*.vJc  y       uoÀ.  ^     -WffX  ,       Dwwi-  ,  SiuvC,  STSîctr^iiAtfut . 


.,  V_il,KnilL' 


Note  supplémentaire 


Au  Puy-d'Ussolud  (Uxellodunum) 


J'aime  que  l'on  critique  mes  œuvres.  C'est  mon 
goût. 

Sunt  quos  cumculo  collegisse  juvat 
Pulverem  Olympicum 

Maxime  d'Horace,  que  le  vulgaire  traduit  par 
celle-ci  :  «  Des  goûts  et  des  couleurs  il  ne  faut  pas 
discuter  s. 

J'aime  donc  la  critique  et  j'aime  aussi  à  y  ré- 
pondre. 

Dans  mon  étude  sur  la  fouille  d'un  tumuliis 
gaulois  au  Puy-d'Ussolud  (Uxellodunum),  j'ai  dit, 
d'après  les  Maténaux  pour  sei'vir  à  l'histoire 
de  l'homme,  que  des  vases  recueillis  dans  le  turnu- 
lus  de  la  Rebeyrie,  commune  de  Troche  (Corrèze), 
ont  été  donnés  à  M.  Philibert  Lalande. 

Mon  éminent  confrère  proteste  ;  j'ai  mal  lu,  pa- 
ralt-il.  Gène  sont  pas  des  vases  entiers,  qu'il  fallait 
lire,  pas  même  des  vases  plus  ou  moins  ébrèchés, 
mais  seulement  a  quelques  fragments  de  vases,  ce 

T.  IX.  1-10 


ire.  ., Google 


-  150- 

»  qui  n'est  pas  la  même  chose.  Ces  tessons,  continue 
»  M.  Philibert  Lalande  (1).  se  trouvent  encore  dans 
»  une  de  mes  vitrines,  au  nombre  de  quatre.  En 
s  1869,  c'est-à-dire  trois  ans  après  la  publication  de 
»  la  note  que  vous  avez  citée^  je  me  rendais  à  pied 
»  de  Lnbersac  à  Brive  en  passant  par  Troche.  Je 
»  me  fis  indiquer  remplacement  du  tumulua  et 
»  j'y  recueillis  un  cinquième  tesson  semblable  aux 
»  autres.  Puis,  ayant  appris  qu'un  vase  intact  avait 
j>  été  donné  à  une  personne  du  bourg,  dont  j'ai  ou- 
»  blié  le  nom,  je  me  rendis  chez  cette  personne  et 
»  demandai  à  voir  l'objet,  qui  me  fut  obligeam- 
»  ment  montré. 

»  Ne  sachant  pas  dessiner,  je  n'ai  pu  malheu- 
»  reusement  en  prendre  un  croquis  ;  mais  autant 
»  que  je  puis  me  le  rappeler  {car  ce  que  je  vous  dis 
»  là  est  inédit),  au  lieu  d'être  en  terre  rougeâtre 
»  comme  le  tesson  que  je  venais  de  recueillir  et 
B  ceux  que  je  possédais  déjà,  ce  petit  vase  est  en 
»  terre  noire,  comme  certains  vases  gaulois  et 
»  mérovingiens  provenant  des  fouilles  de  Garanda 
»  et  qui  sont  au  Musée  de  Brive,  grâce  à  la  libéralité 
»  de  M.  Frédéric  Moreaa  père.  On  peut  encore  le 
»  comparer  à  un  petit  vase  donné  au  dit  Musée  par 
»  M.  l'abbé  Pau,  comme  provenant  d'un  tumulus 
»  de  l'arrondissement  d'Ussel,  au  lieu  dit  Comecul 
»  (le  lieu  dit,  tout  au  moins,  est  très  gaulois). 

B  Aux  tumulus  CorrézienSj  que  vous  citez  à 
»  propos   des   tumulus  Alaisiens,  il    y  a   lieu 


(1)  Lettre  de  M.  Philibert  Lalande  à  M.  Bi&l,  en  date  du  7  n 
vembre  1897. 


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-  151  - 

»  d'ajouter  ceux  qui  avoisinent  les  dolmens  du  Pay 
»  de  la  Païen  et  du  Puy  de  la  Chassagne,  sur  les 
j>  Causses  de  la  commune  de  Saint -Sernîn-de- 
»  Larche(l).Tousont  fourni  desossements  humains, 
»  quelques-uns  des  tessons  de  poterie  noirâtre^  Traie 
»  poterie  du  premier  âge  du  fer. 

»  Le  iumulus  voisin  du  dolmen  de  lu  Païen  (ce 
»  tertre  est  plus  étendu  que  les  tumulus  qui  avoisi- 
9  nent  le  dolmen  de  la  Chassagne)  nous  a  fourni 
»  six  anneaux  en  bronze  (2)  passés  par  groupes  de 
»  trois  aux  tibias  de  ce  qui  restait  du  mort  :  en  eftet, 
»  la  partie  supérieure  du  corps  avait  été  incinérée 
»  et  les  cendres  gisaient  avec  les  fragments  d'un 
j>  assez  grand  vase  pansu  auquel  un  autre  petit 
»  vase  en  terre  noire  assez  fme  avait  fait  office 
»  d'opercule.  Vous  savez  que  dans  un  tiers  environ 
.  »  des  tombes  de  Hallstatt  (premier  âge  du  fer),  on 
»  a  constaté  l'incinération  partielle  des  corps. 

B  II  y  aurait  encore  à  citer  : 

9  1'  Un  tumulus  dans  la  commune  d'Alvignac 
»  (Loi),  oi!i  MM.  Ëlie  Massénat  et  Rupin  ont  trouvé 
»  une  belle  épée  en  bronze,  du  premier  âge  du  fer, 
»  comme  les  anneaux  en  bronze  du  Puy  de  la  Païen, 
»  avec  la  bouterolle  du  fourreau,  et  de  la  poterie  ; 

»  3"  Un  tumulus  dans  le  voisinage  de  Souillac 
»  (Lot),  oij  M.  Rupin  a  trouvé  un  curieux  bracelet 
»  en  fer,  du  type  hallstattien  le  plus  pur,  avec  des 
»  ornements  et  (je  crois)  de  la  poterie. 

(1)  Note  de  H.  Philibert  L&lande  dans  les  Matériaux,  etc.,  an- 
Ddes  ISTO-Tl). 

(3)  Fouille  de  HH.  Ëlie  Hassânat  et  Philibert  Lalsnde,  du  18 
février  1B70. 


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—  152  - 

»  L'épée  a  été  vendue.  Mais  le  Musée  de  Brive 
j>  en  posséda  un  moulage  ainsi  que  le  moulage  de 
x>  la  bouteroUe. 

»  Le  bracelet  en  fer  est  déposé  au  Musée  de 
»  Brive  ». 

Voilà  certes  une  rectification  présentant  des  dé- 
tails pleins  d'intérêt.  Félix  culpâ  /  s'écrie  saint 
Augustin  au  sujet  de  la  faute  d'Adam  et  d'Eve  ;  je 
renvoie  au  saint  et  illustre  évêque  d'Hippone  pour 
avoir  l'explication  de  son  étrange  exclamation. 
Je  pousse  aussi  la  même  interjection  :  Felixculpâl 
et  je  dis  pourquoi.  Si  je  n'avais  pas  pris  des  notes 
incomplètes  dans  les  Matériaux  pour  servir  à 
l'kiatoire  de  l'homme,  je  ne  me  serais  pas  attiré 
la  mercuriale  ct-dessus,  et  c'eiU  été  grand  dora- 
mage  pour  les  lecteurs  du  Bulletin  de  la  Société 
archéologique  de  Brive. 

Toulouse,  le  15  décembre  1891. 

Paul  BiAL. 


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Bibliographie  et  Iconographie  Limonsines 


JEAN-HENRI  MELON 

Pai  une  conférence  faite  à  la  Ruche  Corrézienne 
de  Paris,  et  par  deux  mémoires  pleins  d'intérêt, 
M.  Alphonse  Rebière,  examinateur  à  Saint-Cyr,  s'est 
attaché  à  la  mémoire  de  deux  membres  d'une 
célèbre  famille  tulliste,  Jean-François  Melon,  l'éco- 
nomiste, et  Jean-Henri  Melon,  son  fils,  diplomate 
et  colonisateur. 

Jean-Henri  Melon,  dont  nous  reproduisons  le 
portrait,  était  né  en  1731,  avait  débuté  dans  les 
bureaux  de  la  Régie,  puis  étaitentré  dans  la  diploma* 
tie.  Successivement  secrétaire  d'ambassade  à  Rome, 
puis  envoyé  à  Parme,  à  Liège  et  en  Allemagne,  il 
termina  sa  carrière  en  qualité  de  commissaire  du 
roi,  aux  Iles  de  France  et  de  Bourbon,  pour  l'ex- 
tinction du  papier  monnaie. 

A  Bourbon,  il  s'établit  comme  colon,  cultiva  les 
épices,  les  traita  en  heureux  commerçant,  en  éco- 
nomiste éclairé  et  les  étudia  en  observateur  savant. 
On  lui  doit  la  vulgarisation  de  la  gomme  élastique, 
du  riz  et  des  girofles.  Il  préconisa  l'occupation  de 
Madagascar,  déplora  l'abandon  des  Indes  et  signala 
les  richesses  de  l'Abyssinie. 

Rentré  en  France  avec  une  certaine  fortune,  il 


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—  154  - 

mourut  à  Paris  en  17^3.  Gomme  son  père,  ami  des 
philosophes  formés  à  l'école  de  Voltaire,  il  était  un 
'lettré  et  un  écrivain  qui  laissa  plusieurs  écrits  et  une 
assez  importante  correspondance. 

C'est  l'analyse  de  ses  lettres,  avec  quelques  extraits 
assez  curieux,  son  testament  et  quelques  lignes 
sommaires  de  biographie  que  publie  M.  Rebière. 


Selon  la  méthode  de  cet  érudit,  les  faits  sont  pro- 
duits sans  être  fondus  dans  des  phrases,  mais  le 
caractère  fruste  d'un  tel  procédé  est  compensé  par 
une  précision  unie  à  beaucoup  de  sincérité.  Pour  la 


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conférence»  évidemment,  tous  les  détails  ont  dû 
prendre  une  autre  vie  dans  la  bouche  du  narrateur, 
qui  est  un  chaud  Limousin. 

Le  portrait,  qu'il  nous  prête  pour  illustrer  ces 
quelques  lignes,  est  fait  d'après  une  peinture  non 
signée,  conservée  au  château  de  Letz  (Puy-de-Dôme). 
M.  Rebière  le  décrit  ainsi  :  «  Henri  Melon  est  repré- 
senté de  trois  quarts  assis  dans  un  fauteuil,  en 
buste,  sans  les  mains.  —  Justaucorps  rouge  brique 
à  broderies  dorées,  jabot  de  dentelle,  le  cordon  bleu 
de  Saint-Louis  en  sautoir.  —  Front  développé, 
cheveux  poudrés,  teint  coloré,  yeux  gris  bleu,  dou- 
ble menton.  —  Air  calme  et  bon^  dignité  mêlée  de 
bonhomie.  —  11  s'agit  visiblement  d'un  contempo- 
rain de  Louis  XVI  ». 


DOM  JE.\N  BIREL 
Birel  s'ublidet  prou  per  que  degun  Voblide. 

«  Birel  s'oublia  assez  pour  que  personne  ne  l'ou- 
blie. »  Ce  vers  de  Joseph  Roux  est  de  mise  ici,  au 
moment  où  le  groupe  félibréen  du  canton  de  Seilhac, 
—  l'École  Jean  Birel,  —  se  propose  d'ériger  un 
monument  à  Chamboulive  (1),  en  mémoire  du 
trop  modeste  général  de  Chartreuse  qui  refusa  la 
tiare. 

Pour  accompagner  le  profil  chématique  de  ce 

(1)  CheMieu  d'une  commune  imporlaule  de  IVrondissemcnt  de 
Tulle  (Corrèze). 


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-  158  - 

personnage,  il  nous  siifTua  de  donner  une  précise 
chronologie  de  sa  vie,  et  l'on  verra  quels  sont  ses 
titres  a.  l'honneur  qui  lui  sera  enfin  rendu. 

Joannes  Direllus,  ou  Birelius,  Jean  Birel,  est 
sûrement  né  en  Limousin  et  très  probablement  à 
Gbamboulive,  ainsi  qu'il  l'indiquait  par  sa  signa- 
ture :  Joannes  Cambolivensi»  (1).  Avant  son  en- 
trée en  religion,  c'était  un  Maître  célèbre  qui 
enseignait  à  Limoges,  sans  doute  comme  Docteur 
en  décrets  (2). 

En  1338,  ayant  déjà  un  certain  âge,  il  entra  à 
la  Chartreuse  de  Glandier,  et  fut  admis  à  la  pro- 
fession par  le  Chapitra  général  de  l'Ordre,  avant 
la  fin  de  l'année  de  probation,  en  considération 
de  a  sa  vertu  éminente  et  des  preuves  surabon- 
dantes de  sa  vocation  »  (3).  L'année  suivante  on  le 
nomma  vicaire  ou  sous-prieur  de  notre  Chartreuse 
limousine. 

Il  était  en  1344  prieur  de  Glandier,  lorsque  le 
Chapitre  général  l'envoya  comme  prieur  à  Bon- 
nefoy-en-Vivarais,  et  il  n'avait  que  sept  ans  de 
profession  que  l'Oi'dre  l'élisait  pour  son  général. 

Alors  son  influence  fut  souveraine.  Confesseur  et 
ami  d'Amédée  Yl,  comte  de  Savoie,  Dom  Birel  lui 
imposa  de  rudes  pénitences,  et  lui  prédit  même 
contre  tout  espoir  la  naissance  d'un  héritier.  —  Inti- 
mement lié  avec  Humbert  11,  dernier  dauphin  du 


(1)  D'après  un  acte  de  1339,  signalé  p.  S!  de  Lu  Chartreuse  de 
N.-D.  de  Glandier,  par  Dom  Boutrais. 

I2)  C'est  ce  qui  a  porte  un  certain  nombre  d'historiens  à  dire 
qu'il  était  né  k  Limoges. 

(3)  Carte  du  Chapitre  général. 


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Viennois,  il  l'encouragea  à  se  faire  religieux,  lui 
conseilla  la  règle  de  Saint- Demi  nique;  en  renon- 
çant au  monde,  le  prince  céda  ses  biens  à  la 
France;  ainsi  Jean  Birel  eut  sa  part  dans  l'acte 
qui  réunit  le  Dauphiné  à  notre  pays. 


DoH  BiBEL.  ie  CfaamlnuliTe.  —  Pris  dsiiB  ud  thm  lahleau  sur  cuiTr«  et  publié 

dans  U  Char-lrinit  de  Glandttr  par  Dam  Cyprlen  Bouinle.  — Communiiguè 

par  la  i;p.  cariuatenne  N.-D.-d«B-l  rïs,  t  Mooireul1-sur-M«r. 

Ami  et  correspondant  de  Pétrarque,  celui-ci  lui 
dédia  un  Traité  stir  les  avantages  de  la  soli- 
tude, et  le  prieur-général  lui  demanda  un  Traité 
sur  la  dignité  de  l'homme.  —  En  relations  avec 
un  célèbre  légiste  du  temps,  le  docteur  Pontius, 
qui  faisait  sous  sa  direction  des  retraites  à  la  Char- 
treuse, l'ancien  docteur  de  Limoges  fut  cité  par 


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—  158  — 

celui-ci  comme  autorité  juridique,  devant  la  Cour 
romaine  et  le  Souverain- Pontife. 

En  i352,  candidat  choisi  par  la  majorité  des  car- 
dinaux pour  succéder  à  Clément  VI,  son  compa- 
triote, il  refuse  par  humilité  la  tiare  qu'on  lui 
offre  et  fait  dissuader  ses  partisans  par  son  ami, 
le  cardinal  Antoine  de  Taleyrand-Périgord.  Il  re- 
pousse également  la  pourpre  que  lui  propose  un 
autre  Limousin  élu  à  sa  place,  son  admirateur 
Innocent  VI;  mais  en  revanche,  en  1339,  il  écrit 
une  sorte  d'encyclique  sur  le  Tiicénaire  accordé 
exceptionnellement  au  cardinal  de  Taleyrand. 

Enfin,  le  (i  janvier  1361,  il  meurt  en  odeiu'  de 
sainteté  :  deuil  profond  aussi  bien  en  Limousin 
qu'à  la  Chartreuse  ;  ici  et  là  ses  habits  sont  gardés 
comme  des  reliques.  Innocent  VI  s'écrie  qu'il  perd 
a  le  plus  saint  des  religieux  et  le  prêtre  le  plus 
parfait  qui  fut  dans  l'Église  ».  Et  à  sa  propre  mort, 
ce  pape  souhaite  de  mourir  avec  une  âme  aussi 
tranquille  que  celle  de  Jean  Birel. 

Le  vieux  Calendarium  de  Glandier  consacre  sa 
mémoire  par  le  titre  de  bienheureux  a  Beatus 
Birellus  »  ;  le  martyrologe  d'Usuard ,  Dorlandas 
et  de  Sau^say,  historiens  de  l'Ordre,  le  consi- 
dèrent comme  un  saint,  et  même  des  miracles 
lui  sont  attribués  par  Dom  Pierre  Sutor.  {De  Viia 
Cartusiana,  p.  52.)  Des  tableaux  et  des  gravures 
le  représentent  nimbé  d'auréole.  Sa  vie  a  inspiré 
un  des  plus  tteaux  chapitres  à  Dom  Boutrais  dans 
la  Chartreuse  de  Glandier,  qui  nous  a  servi  pour 
cette  notice,  et  son  acte  de  renonciation  à  la  Pa- 
pauté fait  l'objet  d'un  poèmej  superbe  d'envolée, 


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qui  vient  de  paraltie  :  Dom  Biret,  par  Joseph 
Roux  (1).  D'après  celte  dernière  version  poétique, 
c'est  Pétrarque  lui-même,  l'ancien  secrétaire  de 
Clément  VI,  qui  serait  allé,  de  la  part  de  Taleyrand, 
à  la  Grande- Chartreuse  décider  Birel,  et  le  prieur 
aurait  renoncé  au  suprême  pontificat  pour  racheter 
la  faute  d'un  compatriote,  Maurice  Burdin  (2),  qui, 
lui,  par  ambition,  était  devenu  anti-pape.  On  ne 
pouvait  mieux  idéaliser  une  page  glorieuse  de  l'his- 
toire des  Limousins,  et  préparer  par  une  telle  jon- 
chée de  lauriers  la  voie  au  futur  monument  de 
Chamboulive. 

Louis  DE  NUSSAG. 


fi)  Lemouzi  de  décembre  1897. 

(!)  Originaire  de  Viozelange,  commuDS  d'Eïburie,  liniilrophe  de 
Chamboulive.  Des  f&milles  de  ce  village  ont  encore  conservé  le 
nom  de  Burdin,  sous  la  forme  diminutive  de  Burdinel. 


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GOUACHE  DU  XVIP  SIÈCLE 


Tableau  de  profession  de  reuqion  de  i  Marie- 

GuiONNE    DE     GOURDON    DE    VaILLAC  ,     PRIEURE 

d'Espagnac,  en  Quercy,  puis  des  Filles-Dieu 
DE  Rouen  s  m. 

Ce  document  curieux,  de  la  fin  du  xvii*  siècle,  est  inti- 
tulé 0  Anagrame  d.  C'est  une  feuille  de  vélin  portant  ce 
titre ,  accompagné  d'autres  inscriptions  en  lettres  d'or^ 
dues  au  talent  d'un  habile  calligraphe. 

A  l'aide  d'une  ingénieuse  transposition  des  lettres  for- 
mant  les  prénoms  et  nom  de  s  Marie-Guionne  de  Gourdon 
de  Vaillac  »,  on  a  obtenu,  en  substituant  la  lettre  q  au  g 
et  la  lettre  1  à  un  e,  l'anagramme  suivant  : 

Je  (sic)  donné  mon  cœur 
A  Dieu  qui  l'a  gardé. 

Au-dessous  est  peinte  une  gouache  fine  et  délicate,  re- 
présentant un  parterre  de  brodeiie,  au  centre  duquel  se 
trouve  un  bassin  circulaire  avec  jet  d'eau  ;  deux  cygnes  y 
prennent  leurs  ébats  ;  de  chaque  côté  du  parterre  sont 
alignés  trois  orangers  dans  leurs  caisses. 

A  l'horizon,  un  cœur  de  pourpre  occupe  le  centre  de  la 
composition  ;  il  se  détache  sur  un  ciel  d'azur  sillonné  de 
nuées. 

Le  premier  plan  est  occupé  par  deux  groupes  de  per- 
sonnages. Celui  de  gauche  représente  un  gentilhomme  de 

(1)  Communication  de  H.  Alfred  Leroux,  archiviste  de  la  Haute* 


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—  162  - 

profil  à  droite,  un  mouchoir  k  la  main  ;  il  est  vêtu  de 
rouge,  porte  l'épée  et  tient  sous  son  bras  son  chapeau  noir 
garni  de  plumes  blanches  ;  près  de  lui  et  vue  de  face,  une 
dame  lui  adresse  la  parole  ;  deux  autres  dames  complètent 
au  second  plan  ce  groupe  surmonté  de  la  légende  : 

«  /(  fait  charmant  s'en  approcher  », 

inscrite  dans  la  direction  du  cœur. 

Ces  quatre  personnes  me  paraissent  représenter  les  pa- 
rents et  deux  des  sœurs  de  M"*  de  Vaillac. 

Le  groupe  de  droite  ne  se  compose  que  de  trois  person- 
nes. En  avant,  un  gentilhomme,  tourné  vers  ta  gauche, 
vêtu  d'un  habit  bleu  garni  de  passements  d'or,  dans  la 
même  attitude  que  celui  du  groupe  précédent  ;  à  sa  droite 
et  vue  de  face,  sa  femme,  suivie  par  un  jeune  nègre,  coiffé 
d'un  turban,  qui  porte  la  queue  de  sa  robe.  Au-dessus  se 
lit  la  légende  : 

1  Lepltisprès  n'y  scsturoit  toucher  ». 

En  effet,  ils  désignent  tous  les  deux  du  doigt  un  jeune 
seigneur,  leur  Sis  sans  doute,  poursuivant  de  >M"*  de  Vail- 
lac, mais  dont  il  n'aura  pas  réussi  à  Loucher  le  cœur,  puis- 
qu'elle fuit  à  son  approche.  Elle  y  aurait  même  renoncé, 
si  l'on  s'en  rapporte  au  quatrain  ci-dessous,  qui  occupe  le 
bas  de  la  composition  : 

Ce  cœur,  pour  qui  le  monde  est  fait. 
N'est  pas  pour  le  monde  de  même  : 
Dieu  l'a  vu  si  beau,  si  parfait. 
Qu'il  l'a  réservé  pour  lui-même. 

En  effet,  M"*  de  Vaillac  était  l'onzième  et  dernier  enfant 
de  Jean-Paul  Ricard  de  Gourdon  de  Genouillac,  comte  de 
Vaillac,  baron  de  Montferrand,  premier  baron  de  Guyenne, 
chevalier  des  Ordres  en  1661,  et  de  Marie-Félice  de  Voi- 
sins, sa  première  femme. 

D'abord  prieure  à  Ëspagnac  (1),  en  Quercy,  elle  fut 

(1)  Eapagnac,  aujourd'hui  commune  de  Sainte-Bulalie,  cauton  de 


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—  163  - 

pourvue,  le  16  février  1691,  du  prieuré  des  religieuses 
chanoinesses  de  SaÎQt-Augustin,  ou  Pilles-Dieu  de  Rouen, 
vacant  par  le  décès  de  sœur  Angélique  Demoulins.  Elle 
fut  installée  par  le  vicaire-général  Clément,  le  39  octobre 
de  la  même  année  et  mourut  en  1707  ou  1708. 

Elle  portait  pour  armes  :  Ecartelé  aux  1  et  'i,  d'azur  à  3 
étoiles  d'or  en  pal,  qui  est  Genouillac,  aux  2  et  3,  bandé 
d'or  et  de  gueules  de  6  pièces,  qui  est  Ricard  de  Gourdon. 

Son  père,  ami  du  duc  de  Saint-Simon,  père  de  l'auteur 
des  mémoires,  laissa,  au  dire  de  ce  dernier,  »  d'une  Voi- 
sins une  quantité  d'enfants,  tous  mal  établis  ». 

Marie-Guionne,  la  dernière  de  cette  nombreuse  lignée, 
confirme  cette  assertion  en  tant  que  prieure  des  Filles- 
Dieu  de  Rouen,  monastère  de  peu  de  revenu. 

(Bulletin  de  la  Commission  des  Antiquités  de  l& 
Seine-Inférieure.  T.X,  1894-96,  pp.  432-33-34). 


Livernon.  avait  jadis  un  couvent  imporlant  de  chanoinesses  régu- 
lières de  Sainl-Auguïtin,  (ûadé  au  iiu*  siècle,  par  Evmeric  d'Hâ- 
brard  de  SaintSulpice,  évfique  de  Goimbre,  en  Portugal.  Ce 
monastère,  connu  sous  Is  nom  de  Val  de  Paradis  d'Espagnac, 
renfermait,  quelques  années  avant  la  Uéfulutioa  de  1739.  il  reli* 
gieusea  qui  se  livraient  à  l'éducation  des  jeunes  filles  de  la  contrée. 
(Combaricu,  Diction,  des  comm.  du  Lot,  verbo  Saintb-Eulalib). 


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L,ES 


M.  Ernest  Rupin,  qui  a  publié  avec  tant  de  vail- 
lance VŒuvre  de  Limoges,  y  a  reproduit  et  décrit 
un  certain  nombre  de  crucifix,  en  émail  champlevé, 
fabriqués  au  xui'  siècle  dans  la  ville  qui  avait  alors 
cette  spécialité.  L'ouvrage,  unique  en  son  genre, 
est  devenu  vite  classique  et  tous  ceux  qui  traitent 
la  matière  sentent  le  besoin  d'y  recourir  et  de  le 
citer. 

Grâce  au  Bulletin  que  dirige  mon  docte  ami,  on 
peut  faire  mieux  encore  :  c'est  de  l'aider  à  le  com- 
pléter, chaque  fois  que  l'occasion  s'en  présente, 
quand  de  nouveaux  monuments  sont  découverts.  Je 
m'en  suis  fait  un  devoir  depuis  longtemps  et  j'engage 
volontiers  les  collectionneurs  à  agir  de  même.  La 
science  est  le  résultat  d'observations  accumulées. 

L'histoire  du  Crucifix  n'a  été  encore  qu'esquissée 
dans  ses  grandes  lignes.  Pour  l'écrire  définitivement, 
il  faudrait  multiplier  les  études  de  détail.  A  titre 
de  renseignements  d'une  certaine  importance,  sur- 
tout depuis  que  l'un  d'eux  a  été  exhibé  à  Brive,  je  , 
vais  publier  les  deux  beaux  crucifix  émaillés,  qui 
sont  à  Àngoulême  dans  les  collections  de  Boffignac 
et  Biais.  J'en  dois  la  photographie  à  M.  George, 


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qui  les  a  reproduits  <t  un  peu  moins  de  demi'- 
grandeur  naturelle  ». 

I 

Le  premier  crucifix  (N"  1)  a  été  trouvé  en  terre, 
sur  la  propriété  de  M.  d'Auteviile,  au  mois  de  no- 
vembre 1896  ;  il  fait  partie  du  Trésor  de  Cherves, 
ainsi  dénommé  du  lieu  de  l'invention,  dans  le 
département  de  la  Charente  et  appartient  à  M.  le 
comte  de  Roffignac,  à  Angoulême. 

Ses  dimensions  sont  trente-quatre  centimètres 
pour  la  hauteur,  cinq  pour  la  largeur  et  vingt-un 
pour  le  croisillon. 

La  pièce  est  moins  bien  conservée  que  les  autres  ; 
de  fortes  éraillures  ont  attaqué  l'émail  au  corps  et 
au  vêtement  du  Christ.  De  plus,  les  extrémités, 
pièces  de  rapport,  manquent  complètement.  L'ob- 
servation se  fait  immédiatement,  car  la  bordure 
d'émail  est  brusquement  interrompue  et,  au  croi- 
sillon, se  balancent  deux  encensoirs,  sans  les  anges 
qui  devaient  en  faire  usage.  Je  suppose  que  ces 
extrémités  étaient  pattées,  suivant  un  type  commun, 
de  manière  à  donner  place  aujt  esprits  célestes. 

La  plaque  de  cuivre  a  été  étampèe  au  pourtour, 
pour  faciliter  l'affîxionsur  le  bois  au  moyen  de  clous 
qui,  originairement,  furent  en  cuivre;  ultérieure- 
ment, quatre  ont  été  maladroitement  remplacés 
par  du  fer  qui,  en  s'oiydant,  a  notablement  endom* 
mage  la  croix. 

Le  centre  est  renforcé  en  ovale,  ce  qui  forme 
comme  une  auréole  à  la  partie  supérieure  du  corps. 


dbyGoot^lc 


Les  courbes  sont  plus  élégantes  que  le  carré  tradi- 
tionnel et  dénotent  un  progrès  dans  le  goût. 


N-  1 

Crucifix  bm  iiti-ii.  chahplbt^,  du  Tbésoh  db  Chbbves, 
ippirieniDi  1  H.  le  comie  de  Roffiqnac,  ■  Anitaulêmc  (iiil>  siècls) . 


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-  168- 

Le  titre  occupe  le  sommet^  Les  deux  monogram- 
mes IHS  XP-S,  ressortant  en  or  pointillé  sur  deux 
bandes  d'émail  gros  bleu  :  le  sigle  d'abréviation,  au 
lieu  de  surmonter  les  lettres,  est  descendu  à  mi- 
hauteur  ;  pour  le  premier,  au-dessus  de  la  traverse 
de  H,  et  pour  le  second,  enti-e  P  et  S. 

Le  nimbe,  qui  incline  à  droite  avec  la  tête,  est 
de  deux  nuances  :  turquoise  pour  le  fond,  agrémenté 
de  gemmes  en  réserve,  et  bleu  foncé  pour  la  croix 
pattée  qui  le  traverse  (1). 

Le  corps  tout  entier  est  en  émail  blanc  (2),  avec 
réserves  dorées  et  pointillées,  pour  dessiner  les  con- 
tours et  les  formes  anatomiques,  muscles  et  côtes: 
le  torse  surtout  est  ostéologiquement  détaillé. 

La  tète  penche,  car  la  mort  est  arrivée,  ce  qu'in- 
diquent les  yeux  fermés.  La  barbe  courte  et  les  che- 


(1)  Ce  nimbe  ou  diadème,  comme  on  disait  au  moyen  ftge,  aplus 
ordinairement  sa  croix  teinte  en  rouge,  couleur  du  sang  versé. 
'  Une  croix,  d'argent  dore,  en  laquelle  a  un  cruciftlz  et  ou  miliea  a 
une  croix  esmaiillée  de  roge  en  manière  d'un  diadème  e  {Inv.  du 
duc  de  Berry,  1401,  n*  736).  Le  rouge  se  référant  à  l'humanité,  le 
bleu  symboliserait  ta  divinité  du  Sauveur,  suivant  la  belle  exprès* 
sion  de  saint  Thomas  d'Aquin,  dans  l'Adoro  le  :  *  In  cruce  latebat 
solaDeilasu. 

(3)  •  Item,  une  croix  d'or...,  où  il  a  un  crucifl  ou  milieu,  esmaillé 
de  blanc.  Une  croix  d'or,  appellée  la  Croix  d'Orlêani,  en  laquelle  a 
un  crucifllx  esmaillé  de  blanc  »  {/no.  du  duc  de  Berry,  1401,  n"  27, 
657).— «  Une  croix  d'or,  en  laquelle  a  un  crucifix  esmaillé  de  blanc» 
{!bid.,  1413,  n'  1089). 

Le  Bréviaire  de  Saint-Georges  de  Prague,  au  xin*  siècle,  dans 
l'office  de  la  Couronne  d'épines,  au  I"  répons  du  3*  nocturne  {Dre- 
ves,  Anat.  ftymn.pXXIV,  36),  observe  que  le  corps  du  Gruciflé 
ressort  en  blanc  de  neige  sur  une  croix  empourprée  : 

«  Sub  décore  fulget  purpureo 
Corpus,  nilens  candore  niveo  >. 


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veux  longs  sont  rouges  (1),  entremêlés  de  filets  dorés 
qui  en  distinguent  les  mèches. 

Les  bras,  quoique  bien  tendus,  fléchissent  aux 
coudes  sous  le  poids  du  corps. 

Le  jupon  est  d'un  bleu  intense  :  il  descend  en  plis 
gracieux  des  hanches  aux  genoux  et  est  maintenu 
par  un  passement  turquoise,  pointé  de  jaune,  qui  se 
noue  au  côté  gauche. 

Les  pieds,  percés  de  deux  clous  dorés,  comme  aux 
mains,  se  rejoignent  par  les  talons  et,  légèrement 
évasés,  reposent  sur  une  large  tablette^  fixée  aussi 
par  un  clou  d'or  et  dont  le  champ  turquoise  est 
parsemé  de  points  rouges. 

Aux  extrémités  du  croisillon  apparaissent  deux 
encensoirs  ovoïdes  (la  forme  en  boule  commence  à 
s'allonger),  à  pied  rouge,  cassolette  verte  et  janne, 
rebords  bleus  et  rouges,  couvercle  bleu,  avec  deux 
fenêtres  en  réserve  et  trois  chaînes  rouges.  L'encens 
est  un  honneur  rendu  aux  défunts  par  la  liturgie; 
historiquement,  te  corps  du  Sauveur  fut  embaumé. 
L'encensoir,  à  cet  endroit,  signifie  donc  l'hommage 
des  parfums,  offert  par  deux  anges,  c'est-à-dire  les 
créatures  les  plus  parfaites,  à  leur  roi  et  souverain 
maître. 

Le  champ  de  la  croix,  entièrement  doré,  est  garni, 
avec  un  goût  exquis,  d'une  série  de  rinceaux  légers, 


(1)  H.  Hagne,  dans  ['Œuore  de»  peintre 
une  remarque  que  s'est  appropriée  VArchivio  ilorico  delVarte, 
taai,  p.  61  :  «L'armonia  délie  tinte  fu  e  rimase  fino  al  sccolo  XVI 
ia  cura  precipua  dell'artista  ;  poco  si  curava  dei  colori  reali  a  nalu- 
rali....  11  Cristo  di  Poitiers  ha  i  capilli  azzurri  6  i  capilti  azurri 
0  verdi  abbondano  nelle  invitriate  di  Reims  >. 


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-  170- 

dont  la  tige  est  bleue,  avec  un  fleuron  polychrome 
au  bout  de  chaque  enroulement,  fleuron  qui  se 
découpe,  grand  ou  petit,  eji  trèfle  aigu,  presque  la 
fleur  de  Us,  et  qui  se  colore,  en  dégradation,  des 
nuances  ordinaires  ;  rouge,  vert,  jaune  ;  rouge,  la- 
pis^ bleu,  blanc,  ou,  pour  synthétiser,  vert  d'une 
pai-t,  bleu  de  l'autre,  les  teintes  extrêmes,  point  de 
départ  et  bordure,  n'étant  là  que  pour  atténuer  la 
crudité  du  ton  dominant. 

Un  listel,  bleu  clair,  flleté  de  blanc,  contourne 
la  croix,  qui  est  une  œuvre  peu  commune  de  l'art 
limousin,  s'inspirant  probablement  de  la  pratique 
allemande.  En  effet,  les  deux  écoles  sont  bien  tran- 
chées. L'Allemagne  émaille  ses  histoires  et  laisse 
le  champ  à  l'orfèvre,  c'est-à-dire  uni  et  doré  ;  Li- 
moges, au  contraire,  émaille  le  fond  et  y  applique 
les  personnages  en  relief,  que  plus  tard  il  émaille 
également. 

Ici,  l'artiste  limousin  unit  les  deux  systèmes  :  le 
crucifix  est  plat  et  polychrome,  comme  sur  une  œu- 
vre des  bords  du  Rhin  ;  le  fond  reste  bien  d'or;  mais, 
pour  agrémenter  cette  surface  qui  lui  répugne 
ainsi,  il  l'égaie  de  rinceaux  délicats  et  fleuris  qui 
atténuent  la  monotonie  du  fond  ;  par  là  se  trahit 
l'art  limousin,  qui  a  créé  le  type  du  vigneté. 

Je  ne  blâme  pas,  loin  de  là,  cette  riche  végéta- 
tion, car  j'y  vois  l'expression  d'un  symbole.  Le  Christ 
a  dit  :  a  Je  suis  la  vie  »  {I)  ;  or  la  vie  se  traduit  par 
des  lianes  plantureuses.  11  a  dit  aussi:  a  Je  suis  la 

11]  <•  DieJt  ei  Jésus  :  Ego  sum  via,   veritas  et  vita  «  (S.  Joan., 


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vigne  »  (I)  ;  or  le  raisin  foulé  a  produit  le  vin  eucha- 
ristique pour  la  nourriture  de  l'âme,  comme  le 
pressoir  de  la  croix  a  fait  jaillir  le  sang  divin  pour 
la  rédemption  de  l'humanité.  Ces  idées  étaient  fa- 
milières aux  écrivains  ecclésiastiques,  et  il  n'est  pas 
étonnant  que  les  artistes  s'en  soient  emparés  pour 
embellir  le  métal. 

Le  Christ,  honoré  par  les  anges^  nous  a  donc 
rendu  la  vie  par  sa  mort,  noble  pensée  traduite  en 
langage  esthétique. 

Fixée  sur  une  âme  en  bois,  cette  croix  n'eut  peut- 
être  pas  de  revers  :  les  exemplaires  connus  ne  tran- 
chent pas  la  question  (2).  On  peut  donc  !a  supposer 
revêtue  par  derrière  d'une  plaque  unie.  En  effet, 
elle  ne  devait  sans  doute  pas  paraître,  puisque  la 
croix  était  adossée  au  mur. 

Pour  moi,  c'est  une  croix  d'autel,  peut-être  à 
poste  dxe,  comme  en  montrent  quelques  monu- 
ments, dès  le  xni*  siècle,  par  exemple  à  Assise  (3). 


(1)  ■  Ego  sum  vitis  vera,  et  Pater  meus  agricola  est Ëgo  sum 

Titis,  vos  psiroiles  *  (S.  Joan.,  xt,  1.  5). 

Cas  rinceaui  ont  si  bien  ta  prétention  de  représenter  une  vigne, 
que  les  Inventaires  admettent,  pour  les  qualifier,  une  locution  Itis 
expressive,  qui  est  DigneM  :  t  Un  tsppiz  vignetë,  aux  armes  de 
MoDBPigneur  le  Daupbin  ■  [Ino.  de  Valenline  d'Orléans,  NOS, 
n*  696).  —  «  liera,  une  croix  d'or...   vignetée.    Item,  une  autre 

croix...  vignetée auquel  a  ung  cruciBx  figuré  ■(/nu. de  Vabb. 

de  MaubuiMon,  1463,  n*'  3,  S). 

(2)  Si  la  croix  est  d'une  seule  pièce,  saus  àme,  il  y  a  un  levers 
historié  (Rupin,  l'Œuvre  de  Limoge»,  p.  ?T4,  275,  280,  ?8I).  Avec 
r&me  de  bois,  au  contraire,  le  revers  étant  distrait  de  la  lace,  on 
trouve  plus  généralement  celle-ci. 

(3)  Dans  les  fresques  de  Giotto,  k  Assise,  nous  voyons  deux  croit 
en  permanence  :  l'une  est  &  l'autel,  montée  sur  un  pied  ;  saint  Fran- 
çois prie  devant,  en  dehors  de  l'ofAce  [Saint  Françoii  d'AëÊi»*, 


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Une  œutume  nouvelle  s'introduit  alors,  sans  pour 
cela  faire  cesser  l'usage  primitif  et  économique, 
qui  n'admettait  qu'une  seule  croix  pour  la  proces- 
sion et  la  messe.  Chose  curieuse,  une  croix  analogue 
se  voit  à  Ângoulème  dans  la  collection  de  M.  Biais. 
Est-ce  que  le  diocèse  aurait  eu  une  tendance  à  vul- 
gariser cette  innovation  ?  La  croix  de  M.  Branthôme 
témoignerait  pour  le  diocèse  de  Poitiers,  voisin  de 
celui  d'Ângoulème.  Les  autres  similaires  nous  re- 
portent en  Languedoc  et  en  Lombardie. 

A  Trêves,  la  croix  émaillée  surmonte  le  triptyque 
de  saint  André  {I)  ;  mais  ce  raccord  de  deux  pièces 
différentes,  l'une  mosane  et  l'autre  limousine,  n'est 
peut-être  pas  ancien.  En  tout  cas,  il  justifierait  l'af- 
fision,  au  sommet  du  triptyque,  de  notre  croix, 
qui  a  été  trouvée,  en  même  temps  que  lui  et  à  qui 
je  ne  vois  pas  d'autre  destination  dans  le  Trésor 
de  Cherves. 


p.  93).  L'autre  est  placée  à  l'entrée  du  chœur  (p.  201,  418):  cette 
croix  est  potcncée,  et  le  Christ  meurt,  assisté  de  la  Vierge  et  de 
saint  Jean. 

Nous  avons  deux  exemples  analogues  en  France,  dans  des  vi- 
traux du  iiii*  siècle  relatifs  i.  la  légende  de  Théophile,  qui  prie 
devant  un  autel  surmonté  d'une  croii^  :  ainsi,  à  Laon  [Mêlang. 
d'arch.,  des  PP.  Martin  et  Cahier,  III,  32)  et  à  Bcauvais(Barraud, 
Descr.  de»  vilr.  des  cbapel.  de  la  cath.  de  Be&uvais,  p.  30; 
d'Allemagne,  Hial.  du  luminaire,  p.  i31). 

Les  Registres  consulaires  de  la  ville  de  Limoges  signalent,  en 
lâ62,  la  vente  du  cruciHi' placé,  au  grand  autel,  au-dessus  de  ta 
grille  qui  protégeait  l'effigie  de  saint  Martial,  dans  l'égtise  de  ce 
nom  :  t  Aussi  fut  enlevé  ung  crucilix  d'argent,  estant  au  dessus  led. 
trellisii{ButI.  de  la  Soc.  arch.  du  Limouxin.  XLV,  ÏBO). 

(I)  X.  B.  de  M.,  Les  émaux  champlevés  de  Limoges  au  trésor 
de  la  cathédrale  de  Trêves,  Limoges,  1887;  Bull,  de  la  Soc.  arch. 
du  Limousin,  t.  XXXIV,  p.  14;  Rupm,  l'ŒiiBre  de  Limoges, 
p.  263,  flg.  324. 


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La  croix  est  d'un  style  un  peu  plus  avancé  que 
tout  le  reste  du  Trésor,  sans  pour  cela  dépasser  de 
beaucoup  le  règne  de  saint  Louis,  qui  mourut  en 
1270.  Toutefois,  comme  nous  sommes  en  Limousin, 
pays  en  retard  pour  les  œuvres  d'art,  trois  points 
sont  à  noter  pour  constater  ce  regard  en  arrière, 
vers  un  passé  dont  on  a  peine  à  se  détacher. 

Le  titre  est  en  lettres  romanes,  non  en  majuscules 
gothiques,  comme  l'exigerait  l'époque;  les  sigles 
d'abréviation,  qui  devraient  être  naturellement  au- 
dessus  des  monogrammes  pour  indiquer  une  con- 
traction dans  le  mot,  sont  abaissés,  car  en  l'air  ils 
détruiraient  la  symétrie  :  le  résultat  est  aussi  dis- 
gracieux que  bizarre.  En  outre,  la  formule  nouvelle 
aux  quatre  initiales  I  N  R  I   n'est  pas  encore 


Les  bras  sont  bien  tendus,  pour  embrasser  le 
monde  entier  (1),  mais  déjà  ils  commencent  à  s'in- 
fléchir, perdant  l'horizontalité  de  l'époque  romane. 

Le  jupon,  qui  couvre  la  nudité,  a  gardé  l'am- 
pleur que  lui  a  donnée  le  su*  siècle.  Le  xm*  l'a 
rétréci  et  tortillé. 

Enfin,  les  pieds  sont  percés  de  deux  clous,  quoi- 

(1)  A  Bergame,  on  chaiiUit  ainsi,  au  xv*  siècle,  à  la  Hd  d'une 
hymne  (Dreves,  Anal,  hymn.,  XXII,  ii): 
«  lUi  soli  sit  gloria 
Qui  pro  nostris  cridiinibus 
PassuB,  aperta  bracbia 
Exhibet  poenitentibus  ». 
Dans  une  complainte  sur  la  Passion,  du  xvn*  siècle,  il  est  dit 
que  le  Christ  en  croix  âtend  ses  bras  pour  embrasser  le  monde 
(Bull,  de  lu  Comm.  arch.  de  Narbonne,  1879,  p.  359]  : 
■  El  ten  las  mas  per  nous  toutE  embrassa  ■. 


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que,  ailleurs,  la  vogue  fiU  déjà  à  un  seul  ;  aussi  la 
superposition  des  pieds  a-t-elle  amené  la  suppres- 
sion de  la  tablette. 

Ici,  les  deux  clous  sont  très  apparents  ;  un  troi- 
sième n'est  pas  moins  évident,  et  plus  large,  sur  la 
tablette.  Didron  avait  supposé  que,  comme  transi- 
tion, les  deux  clous  ne  perçant  plus  les  pieds,  le 
clou  unique,  au  lieu  de  leur  être  affecté,  ce  qu'on 
n'osait  pas,  aurait  été  relégué  sur  le  support  (1).  Si 
une  des  croii  de  procession  du  Trésor  de  Cherves 
donne  raison  à  cette  théorie,  la  croix  actuelle  la 
dément  formellement,  puisque  les  pieds  ont  leurs 
deux  clous,  comme  à  l'époque  romane  et  que  la 
tablette  n'est  pas  dépourvue  du  sien,  qui  avait  son 
utilité. 

Des  mains  et  du  côté  droit  s'échappent  trois  filets 
de  sang  rouge.  C'est  le  début  de  cette  iconographie 
qui  a  pris  une  si  grande  extension  sur  les  fers  à 
hosties.  Je  me  plais  à  citer  entr'autres  celui  de  Brain- 
sur-AIlonne,  où  les  gouttelettes  se  changent  en 
roses  (3).  Ces  roses  nous  les  constatons,  sans  les 


[I)  •  A  partir  du  un*  aiëcle,  en  eonsâquence  de  discussions  déjà 
ouvertes  auté  rieurs  ment  et  définitives  alors,  les  deux  pieds  furent 
croisés  ou  plutAt  superposés  et  sltschés  par  un  seul  clou.  On  dé- 
cida que  trois  clous  seulement  avaient  été  employés  au  crucifie- 
ment. Mais  la  eroii  de  H.  Labarte  est  de  la  fin  du  m*  si&ele  ou 
des  premières  années  du  xiii*.  On  ne  croyait  déjà  plus  aux  quatre 
clous,  mais  bien  aux  trois.  Cependant  on  n'avait  pas  encore  adopté 
le  parti  de  superposer  les  pieds,  et  il  était  impossible,  aans  ce 
moyen,  d'attacber  les  deux  pieds  par  un  clou  unique.  Pour  sortir 
de  la  difficulté,  ce  fut  à  la  tablette  qui  porte  les  pieds  et  non  aux 
pieds  eux-mômes  que  le  clou  Tut  adapté.  Expédient  iDgénîeux  et 
qui  ne  manque  pas  d'intérât  >  (Annal,  arch.,  111,  361). 

(î)  X.  B.  de  M..  Œuvr.  compL,  VllI,  384. 


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gouttelettes,  sur  les  autres  croix  du  Trésor  et  d'ail- 
leurs ;  naturellement,  l'émaîlleur  limousin,  pour 
rester  dans  le  procédé  d'atelier,  aurait  dû  en  par- 
semer le  champ.  L'influence  du  type  allemand  l'en 
a  empêché  ;  il  s'est  contenté  de  décorer  le  fond  doré 
d'une  ornementation  moins  lourde  et  mieux  appro- 
priée à  la  destination,  la  croix  étant  l'arbre  de  vie, 
suivant  l'expression  de  saint  Bonaventure  et  le 
parement  d'autel  de  la  cathédrale  d'Ànagni,  son 
contemporain,  arbor  vitœ  (1), 

Où  je  constate  un  progrès  réel,  c'est  précisément 
dans  ce  vigneté,  qui  est  très  délicat  (2).  Quant  à 
l'ensemble,  il  est  plus  doux  et  plus  harmonieux  de 
ton  que,  sur  les  deux  autres  croix  limousines,  la 
vivacité  de  l'émail  étant  tempérée  par  l'or  du  fond 
qui  couvre  une  large  surface. 


(0  Annal,  arch.,  XVIII,  !8. 

(^  Une  variété,  raais  poetërieure,  du  vigneté,  eat  celle  c\uo  pré* 
sente  Iti  croix  de  la  comtesse  Dzyalînska  (ancienne  collection  Ger- 
meau}.  L&,  elle  est  tout  à  fait  limousine,  car  les  rinceaux  se  déta- 
chent en  réserve  sur  un  champ  émaillé,  tant  il  est  vrai  qu'on 
revient,  pour  ainsi  dire  malgré  soi,  à  la  pratique  locale,  quand  on 
s'en  est  momentanément  écarte  sous  une  influence  étrangère.  •  Sur 
la  face,  le  champ  est  bleu  gris,  rehaussé  de  rinceaux  métalliques 
épargnés  et  gravés  ;  le  Christ,  qui  repose  directement  sur  une  croix 
intérieure  k  émail  vert,  eat  figuré  en  émail  blanc  on  légèrement 
teinté  en  rose;  sa  barbe,  longue  et  arrondie,  et  ses  cheveux  sont 
bleu  foncé,  presque  noir;  !e  perizonium,  qui  descend  au-dessous 
des  genoux,  est  bleu  gris,  le  êuppedaneutn  bleu  trës  clair,  la 
nimbe  crucifère  rouge,  vert,  bleu  clair  et  blanc*  (Rupin,  p.  273). 
La  gravure  porte  t  fin  du  xti*  siècle  >,  je  crois'plut6t,  xiir  avancé, 
car  cette  croix  suit  évidemment  celles  d'Angouléme. 


dbyGoOt^lc 


Il 

M.  George^  qui  est  non  seulement  archéologue, 
mais  aussi  photographe  distingué,  a  mis  en  regard, 
sur  la  même  planche,  à  ma  demande,  les  deux 
crucifix  émaillés  d'AngouIème.  Je  ne  saurais  trop 
l'en  remercier,  car  d'abord  il  permet  de  confronter 
deux  œuvres  similaires,  puis  il  fait  tomber  le 
propos  malveillant  qui,  à  distance,  les  confondait 
en  une  seule  pièce. 

La  croix  de  M.  Emile  Biais,  conservateur  du  Mu- 
sée archéologique  d'Angouléme  (N°  2),  a  figuré  à 
l'Exposition  rétrospective  de  cette  ville.  C'est  là 
que  je  la  vis  pour  la  première  fois  et  pus  l'étudier  à 
loisir.  Je  pris  alors  les  notes  les  plus  minutieuses 
sur  ce  curieux  objet  d'art,  qui  m'avait  si  vivement 
frappé  que  je  manifestai  aussitôt  le  désir  d'en  faire 
la  publication.  Plus  tard,  quand  je  les  relus  en  face 
du  crucifix  de  Cherves,  je  fus  stupéfait  de  constater 
qu'elles  lui  correspondaient  si  parfaitement  qu'il 
me  semblait  les  avoir  écrites  sur  lui-même.  Les 
variantes  m'ont  immédiatement  saisi  avec  la  pho- 
tographie de  M.  George,  comme  elles  m'auraient 
certainement  impressionné  si  j'avais  eu  les  deux 
originaux  en  même  temps  entre  les  mains. 

A  première  vue,  l'assimilation  parait  complète  ; 
mais,  après  un  examen  attentif,  on  se  rend  compte 
facilement  de  quelques  différences  notables  plutôt 
dans  le  détail  que  dans  l'ensemble,  excepté  pour  la 
hauteur,  qui  est  un  peu  plus  petite  sur  la  croix  de 
M.  Biais.  La  ressemblance  même  est  si  frappante 


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qu'on  est  tenté  de  dire  que  les  deux  crucifix  sortent 
du  même  atelier  et  de  la  même  main  d'artiste. 


N*2 

Crucifix  bn  email  champlevA  (Rn  du  xni'  siëcie], 

■ppiriantal  1  H.  Emile  Bliu,  conserviteur  du  Hus^  d'AngaultiM. 

L'un  procède  de  l'autre,  mais  à  l'avantage  du  der- 

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nier,  qui  est  mieux  dessiné  et  plus  lin  dans  son 
ornementation.  Il  est  évident  qu'ils  ne  sont  pas 
absolument  contemporains  ;  on  peut  présumer 
entr'eux  un  écart  d'au  moins  une  quinzaine  d'an- 
nées. 

Sur  la  croix  de  M.  Biais,  notez  la  rectitude  des 
lignes  et  comme  le  corps,  aussi  «  en  plate  peinture  » , 
se  détache  plus  nettement  du  champ.  La  tète  pen- 
che davantage  à  droite^  et  les  gemmes  du  nimbe 
sont  traitées  autrement,  de  même  que  l'épaisse  che- 
velure, à  mèches  moins  distinctes. 

L'expression  de  la  physionomie  varie  aussi  et 
tend  au  réalisme,  en  montrant  des  ti-aces  de  souf- 
france. Le  jupon,  plus  serré  contre  le  corps,  est 
orné,  sur  la  cuisse  gauche,  d'un  orfroi  à  deux  besans. 
La  tablette  des  pieds  est  plus  petite  et  les  clous  des 
pieds  et  des  mains  plus  nets  et  diminués.  Enfin,  le 
vigneté  amaigrit  ses  enroulements  et  les  fleurettes 
de  ses  volutes. 

D'où  je  conclus  qu'on  approche  du  xiv*  siècle, 
vers  1280  peut-être.  L'artiste  n'est  probablement 
pas  le  même  ;  mais,  en  tout  cas,  au  lieu  de  se  co- 
pier servilement,  il  aura  suivi  le  mouvement  géné- 
ral qui  l'emportait  malgré  lui. 

Le  crucifix  d'Auteville-Roffignac  est  certainement 
l'alné  du  crucifix  Biais. 

X.  Babbier  de  Montault. 


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Pierre  SPARVIER 

Peintre  d'Histoire,  de  Fleurs  et  de  Portraits 

1663-1731 


M.  Ambroise  Tardieu  a  reproduit,  dans  le  Bulletin 
de  la  Société  scientifique,  historique  et  archéo- 
logique de  la  Corrèze  (1),  un  portrait  sans  légende 
et  sans  nom  de  peintre  ni  de  graveur^  qu'il  dit  être 
celui  de  a  Pierre  Esparvier,  dit  de  Sparvier,  né  à 
Ussel  (Corrèze),  le  27  septembre  1663,  peintre  célè- 
bre ».  Il  a  accompagné  ce  portrait  d'une  courte 
notice.  J'avais,  depuis  quelques  années,  réuni  un 
certain  nombre  de  documents  sur  ce  personnage  ; 
maisje  trouvais  mes  renseignements  trop  incomplets 
pour  les  livrer  à  la  publicité  et  j'attendais  qu'une 
beureuse  rencontre  me  permit  de  mettre  en  lumière 
la  vie  très  obscure  de  cet  artiste  limousin.  Depuis 
la  publication  de  M.  Ambroise  Tardieu,  mon  dos- 
sier ne  s'est  guère  augmenté.  On  me  demande 
pourtant  de  le  faire  connaître  ;  je  le  livre  donc  tel 
qu'il  est,  n'ayant  d'autre  prétention  que  de  signaler 
à  l'attention  des  critiques  d'art  ce  peintre  français 
qui  a  jouira  la  fin  xvii*  et  au  commencement  du 
iviii'  siècle,  d'un  renom  mérité  en  Italie. 


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Pierre  Sparvier  est  issu  d'une  ancienne  famille 
bourgeoise,  dont  le  rang  a  été  des  plus  honorables 
dans  la  petite  ville  d'Ussel.  La  forme  primitive  de 
son  nom  parait  être  Esparvier;  sur  des  actes  du 
xvi'  siècle,  il  est  écrit  Sparvier  et  Esparviati. 

En  1408,  Jean-Guillaume  Esparvier,  notaire  royal 
et  apostolique  à  Ussel,  reçoit  une  transaction  entre 
Isabelle  de  Vendat,  comtesse  de  Ventadour»  veuve 
de  Robert  de  Ventadour,  et  les  consuls  d'Ussel. 
Dans  l'acte,  il  s'intitule  :  a  Regiâ  et  imperiali 
auctoritaie  notarius  »  (1).  Le  même  signe,  le  18 
octobre  1417,  l'expédition  de  lettres  patentes  données 
par  le  roi  Charles  VI  (2). 

Le  31  décembre  1431,  Guillaume  Esparvier, 
notaire  royal  et  apostolique,  qui  n'était  autre  pro- 
bablement que  Jean-Guillaume,  recevait  l'acte  de 
prêt  de  quatre-vingts  écus  d'or,  fait  par  Etienne 
Charlat  aux  consuls  d'Ussel,  pour  leur  permettre 
de  solder  une  contribution  de  guerre  à  Rodrigue  de 
Villandrando  (3).  En  1434,  le  même  Guillaume 
Esparvier  se  présentait,  en  qualité  de  consul  d'Us- 
sel, au  château  de  Ventadour,  et  faisait  confirmer 
par  le  comte  une  transaction  relative  aux  droits  de 
lods  et  vente  (4). 

Le  1"  avril  1502,  Guillaume  Esparvier,  consul, 
probablement  le  fils  du  précédent,  fondait,  au  nom 

(1)  Paul  Hnot,  Les  Arckioet  municipales  de  la  ville  d'Usael, 
p.  51. 
(î)        Ibid.,  p,  56. 
(3)        Ibid.,  p.  62. 
(A)        Ibid.,  p.  69. 


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de  dame  Jeanne  d'Ornhac,  veuve  de  Georges  d'Dssel, 
une  messe  du  Saint-Esprit  dans  l'église  paroissiale 
d'Ussel  (1). 


PlERHB   SPARVIER, 

Peintre  d'Histoire,  de  Fleura  et  de  Portraits, 

Né  à  UbuI  iCorriie),  le  37  septembre  1663. 

(1)  Bull,  de  la  Société  de»  Leltres,  Science»  et  Art»  de  Tulle, 
1 89!.  p.  648. 

T.  XX.  a  -  ï 


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Le  19  mai  1503,  Guillaume  ne  figure  plus  sur  la 
liste  des  consuls  ;  mais  il  y  est  remplacé  par  Jehan 
Sparvier  qui  eut,  comme  lui,  à  défendre  les  privilè- 
ges de  la  ville  contre  le  comte  de  Ventadour  (1). 

Le  22  janvier  1545,  Anthoine  Esparvier  et  divers 
autres  «  honnorables  et  saiges  hommes...  depputés 
en  consulat  tant  pour  eulx  que  pour  tous  les  aultres 
habitans  de  ladicte  ville  d'Ussel  »,  transigent  avec 
Gilbert  de  Ventadour  sur  plusieurs  procès  pendants 
devant  le  siège  de  Tulle  et  le  parlement  de  Bor- 
deaux (3). 

En  1548,  le  même  Anthoine  Esparvier  figure,  en 
qualité  de  consul  d'Ussel,  dans  un  acte  relatif  au 
rachat  du  droit  de  gabelles.  Il  y  est  dénommé 
Anthoine  Esparviati  (3). 

Ici,  une  lacune  difficile  à  combler  dans  la  filiation 
des  Sparvier:  de  1548  à  1624,  je  n'ai  pas  trouvé 
leur  nom  mentionné  dans  les  archives  d'Ussel. 
M.  Ambroise  Tardieu  cite,  pendant  cette  période, 
«  Desparvier,  notaire  royal  de  ladite  ville,  qui  rédi- 
gea {1613)  le  registre  des  foi-hommages  de  la  ba- 
ronnie  d'Herment,  au  nom  du  duc  de  Ventadour, 
seigneur  d'Ussel  et  baron  d'Herment;  il  vivait 
encore  en  1625  »  (4). 

Le  13  octobre  1624,  M' François  Esparvier  assiste. 


(I)  Paul  Huot,  Lei  Archive»  municipales  de  la  ville  d'U»»et, 
p.  89. 
(S)        Ibid,  p.  17. 

(3)  Arch.  comrauoaJeB  d'Ussel,  GG,  6.  —  Paul  Huot,  p.  94. 

(4)  Bull,  de  la  Société  icienlifique,  historique  et  archéologique 
de  la  Corrèze,  1894,  p.  23. 


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—  183  — 

comme  parrain,  au  baptême  de  Françoise,  fille  de 
M*  Jacques  Mérigonde  et  de  Françoise  Esparvier  (1). 

Les  registres  de  baptêmes  de  l'église  Saint-Martin 
d'Ussel  contiennent  encore  les  mentions  suivantes  : 

En  1625,  M'  Gaspard  Espanrier,  procureur,  par- 
rain. 

En  1633,  Guinot  Esparvier  reçoit  le  baptême  (2). 

En  1634,  Jean  Esparvier,  curé  de  Grandmian, 
parrain . 

En  1643,  Pierre  Esparvier,  avocat,  parrain  (3). 

Enfin,  en  1690,  décès  de  Pierre  Esparvier,  fils  de 
Gaspard  Esparvier,  bourgeois  (4). 


Ce  Pierre  Esparvier,  avocat,  serait  le  père  du 
peintre.  L'acte  de  baptême  de  ce  dernier,  publié  par 
M.  Ambroise  Tardieu  (5),  noua  apprend,  en  effet, 
qu'il  est  né  à  Ussel  «  de  sieur  Pierre,  avocat  en  la 
cour  de  Parlement,  et  de  demoiselle  Antoinette 
Sartorys  »  et  qu'il  a  été  baptisé  le  27  septembre 
1663. 

Des  circonstances  qui  ont  déterminé  la  vocation 
de  Pierre  Sparvier  et  l'ont  conduit  en  Italie  il  sera 
bien  dinicile  de  jamais  savoir  quelque  cbose.  La  plus 
étendue  des  notices  qui  lui  ont  été  consacrées 
donne  peu  de  renseignements  sur  sa  vie.  Mais  elle 


(1)  Arch.  communales  d'Ussel,  GG,  t. 

[2}  A  cette  marne  date,  M.  Ambroise  Tardieu  mentionne  :  ■  Uartin 
Esparvier,  apothicaire  et  consul  i  Ussel  *  (Bull,  de  la  Sodité 
scientifique  de  la  Corréze,  1894,  p.  22}. 

(3)Arcb.  communales  d'Ussel,  GG,  t. 

(1)  Arch.  communales  d'Ussel,  GG,  7. 

(S)  Bull,  de  la  Société  tcientifique  de  U  Corréze,  1894,  p.  21. 


dbyGoOt^lc 


contient  d'intéressants  détails  sur  son  œuvre  et 
mérite  d'être  reproduite  ici  : 

«  Pierre  de  Sparvier  apprit  à  Bologne  l'art  de 
peindre  sous  César  Gennari  ;  ses  talents  et  sa  répu- 
tation lui  firent  avoir  de  très  grands  travaux,  mais 
il  fut  obligé  de  quitter  Bologne  par  la  crainte  des 
châtiments  que  sa  liberté  de  parole  pouvait  lui  atti- 
rer ;  il  alla  à  Rome  où  il  acquit  une  grande  célébrité 
pour  la  ressemblance,  le  talent  et  la  rapidité  avec 
lesquels  il  peignait  le  portrait.  Après  avoir  demeuré 
longtemps  à  Rome  il  vint  à  Florence  avec  l'inten- 
tion d'aller  en  France,  mais  comme  on  le  reconnut 
pour  un  maître  habile,  les  Médicis  lui  donnèrent  des 
travaux  qui  l'occupèrent  et  le  retinrent  à  Florence,; 
il  peignit  des  fleurs,  des  batailles,  des  caprices, 
l'histoire,  la  mythologie  et  des  portraits.  11  fit  le 
portrait  de  divers  princes  de  la  maison  de  Médicis, 
et,  par  ordre  du  grand-duc  Côme  III,  il  peignit  le 
portrait  de  l'archevêque  délia  Gherardesca  et  du  P. 
Sotomayor,  jésuite.  Il  a  fait  un  très  beau  portrait 
de  femme,  exposé  en  1729  à  Florence,  dans  la  fête 
des  membres  de  l'Académie  du  dessin  ;  —  un  tableau 
d'autel,  placé  dans  une  chapelle  particulière  des 
environs  de  Florence  ;  —  une  adoration  des  Mages  ; 
—  la  naissance  de  Jésus-Christ  ;  —  la  Cène  pascale, 
achetée  par  la  grande-duchesse  de  Toscane,  Vio- 
lante Béatrice  de  Bavière,  qui  envoya  ce  tableau  en 
France  avec  son  propre  portrait,  peint  par  le  même 
peintre.  —  Le  portrait  de  Sparvier  est  placé  dans 
la  collection  des  artistes  célèbres,  à  Florence  »  (1). 

(1)  L.  Dussieui.  Le»  Arlisleê  fr&nçaii  à  l'étranger,  1S56,  p.  380. 


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Au  titre  de  cette  notice,  L.  Dussieux  dit  que 
Sparvier  est  né  en  Italie  vers  1660. 

Mûller  n'a  fait  que  copier  l'article  de  Dussieax. 
«  Sparvier  (Pierre  de),  dit-il,  peintre  né  en  Italie 
vers  1660  de  parents  français,  élève  de  Cesare 
ûennari  à  Bologne;  il  s'établît  à  Florence,  où  il 
peignait  de  jolis  petits  portraits,  des  batailles,  des 
fleurs,  etc.  Il  mourut  en  1731  »  (1). 

Sirel,  dans  le  Dictionnaire  des  peintres,  ne 
donne  pas  plus  de  détails  :  «  Sparvier  (Pierre  de), 
E.  Fr.  1660-1731.  Portraits,  batailles,  fleurs,  etc. 
Elève  de  César  Gennari,  à  Bologne  ;  s'établit  à  Flo* 
rence  et  y  mourut.  —  Manière  agréable  »  (2). 

L'acte  des  archives  d'Ussel,  publié  par  M.  Tardieu 
et  que  nous  avons  cité  plus  haut,  rectifie  l'erreur 
relative  au  lieu  de  naissance  de  Sparvier  et  précise 
la  date  de  son  baptême. 

Pierre  Zani,  dont  le  jugement  fait  autorité  en 
matière  d'art,  le  classe  parmi  les  bons  peintres  et 
nous  apprend  qu'il  est  connu  en  Italie  sous  les 
noms  de  Sparraver,  Sparrewer  et  Sparwer  (3). 

Brulliot  (4)  et  Nagler  (5)  signalent  le  beau  portrait 


Dans  l'âdition  de  1S76,  1&  notice  sur  Sparvier  est  à  la  page  123  et 
ne  coDtient  aucun  renseiKnement  nouveau.  —  Voir  Pazzi,  série  di 
ritr&lli  originati  deccellenli  pillori,  4  vol.  in-fol.  Florence,  1165, 
vol.  l,  partie  2,  chap.  XIII  et  XIV. 

(1)  Mûller.  Die  Kimttler  aller  Zeilen  und  Volker.  Stuttgard, 
1864. 

(3)  Page  879  de  l'édition  de  1866. 

(3)  Pietro  Zani.  Enciclopedi»  melodica  dette  belle  arti.  T.  XVII, 
p.  356. 

(4)  Dictionnaire  des  Monogrammes. 

(5}  Neue»  altgemeines  KûmtttrLexihon,  T.  XVII,  1S47. 


dbyGoOt^lc 


qu'il  fit  de  Henri  de  la  Marche  de  Parnac,  fils  de 
Claude  de  la  Marche  seigneur  de  Parnac  en  Poitou 
et  de  Françoise  de  Chamborand,  prieur  de  Bercéj 
élu  abbé  et  général  de  l'ordre  de  Grandmont  le 
9  septembre  1687,  décédé  le  17  décembre  1715  à  la 
Drouille-Blanche,  prieuré  de  l'ordre,  sur  la  paroisse 
de  Bonnac  en  Limousin. 

Voici,  d'après  M.  Fray-Foumier,  la  description 
de  la  gravure  que  Vermeulen  a  faite  de  ce  portrait  : 

«  A  mi-corps,  vu  presque  de  face,  le  corps  tourné 
à  droite,  dans  un  ovale  encadré,  sur  la  bordure 
duquel  on  lit  :  Henricus  de  la  Marche  de  Parnac 
abbas  Grandimontis  et  totius  ordinis  prœposi- 
tus  generaliSj  1694.  Sparewer  pinxit  C.  Ver- 
meulen sculpsit.  Sur  un  cartouche  placé  au  centre 
du  piédestal  qui  supporte  l'ovale  est  un  écusson 
aux  armes  :  d'argent  au  chef  de  gueules.  Grand 
in-f  »  (1). 

Sparvier  est  mort  à  Florence  le  27  mars  1731. 

M.  Tardieu,  très  versé  en  iconographie,  attribue 
à  Antoine  Pazzi  le  portrait  du  peintre  Sparvier  qu'il 
a  reproduit  en  1894  et  qui  figure  en  tête  de  cet 
article;  il  dit  qu'il  a  été  gravé  d'après  celui  du 
Musée  de  Florence.  J'ai  voulu  savoir  si  cette  gravure 
était  bien  la  reproduction  du  portrait  peint  signalé 
par  Dussieux  ;  toutes  mes  démarches  sont  restées 
infructueuses. 

René  Page. 


0)  tS.  Fray-Fournier.  Catalogua  deportraila  lii 
chois,  tS96,  in-S',  p.  61. 


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NOUVEAU  RECUEIL 

DE 

REGISTRES  DOMESTIQUES 

LIMOUSINS  ET  MARCHOIS 

(de    1384   A  NOS  JOURS) 
FUIllit    PNK 

M.  Louis  GUIBERT 

inc  It  amm  de  II.  llFnd  LEROOI,  J.-B.  CU&IPETAL,  l'ItiU  i.  LECLEH 
it  LéoDud  IDDFLE 

(Suite  —  Voir  tome  XIX,  p.  *78.) 


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XXVI 

Papieb  baptistaire,  Génêalocie  et  Répertoire  des  titres 

de  la  famille  péconnet ,  de  limoges 

(2'  moitié  du  xvii'  siècle) 

On  sait  combien  de  documents  intimes  nous  ont 
déjà  fournis  les  archives  de  cette  famille.  En  voici 
un  nouveau,  d'un  genre  tout  spécial.  — Sous  le  titre 
macaronique  :  Repertorivm  titvlorvm  Peconneto- 
rvm,  Jean  Péconnet,  époux  de  Narde  ou  Léonarde 
Michel,  dont  nous  avons  publié  ailleurs  le  registre 
domestique  (1),  a  réuni,  à  la  suite  de  notes  généalo- 
giques sur  sa  famille,  une  table  des  pièces  qui  lui 
ont  servi  à  établir  son  travail.  L'écriture  de  ce  regis- 
tre, qui  est  cartonné  et  recouvert  d'un  parchemin, 
se  lit  aisément.  Les  noms  et  les  titres  sont  mis  en 
grandes  lettres  imitant  les  caractères  d'imprimerie, 
avec  des  paraphes  et  enjolivements  divers. 

Nous  avons  copié  seulement  la  première  partie  du 
registre,  qui  contient  quelques  notes  généalogiques 
assez  intéressantes.  Ainsi  nous  apprenons  que  les 
Péconnet  de  Limoges  tirent  leur  origine  d'Eymoû- 
tiers  et  ont  pour  auteur  un  juge  de  cette  ville.  Le 
plus  jeune  fils  de  ce  magistrat,  Psaumet,  s'établit 
dans  la  capitale  de  la  province  et  y  exerça  les  fonc- 
tions de  notaire  royal.  C'est  lui  qui  nous  a  laissé  le 
livre  de  raison  publié  sous  le  n'  2  de  notre  premier 
recueil. 


(t)  Livres  de  raiton  Limautini  et  Marchait.  Limoges,  V*  Du- 
courtieui,  et  Paris,  Alph.  Picard,  1888,  in-8',  p.  300. 


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11  est  parlé,  à  notre  manusciit,  de  Jean  Plnchaud, 
maître  de  la  monnaie  et  consul  de  Limoges  en  1 589, 
tué  le  15  octobre,  sur  la  place  Saint-Michel,  en  cher- 
chant, avec  ses  collègues  et  l'Intendant  de  Vie,  à 
apaiser  une  émeute  provoquée  par  les  Ligueurs.  Ce 
courageux  citoyen  était  petit-fils  du  notaire  Psau- 
met  et  né  du  mariage  de  la  fille  aînée  de  ce  dernier, 
Mariette,  avec  autre  Jean  Pinchaud. 

La  seconde  partie  de  ce  registre  est  intitulée  ; 
Répertoire  des  titres  et  contracts  de  nos  affaires 
domestiques  et  des  acquisitions  de  nos  maisons, 
mesterie  et  vigne .  Ces  actes  sont  divisés  en  trois 
catégories:  1°  contrats  de  mariage,  partages,  testa- 
ments, provisions  d'offices,  etc.,  etc.,  cotés  de  A  à 
"W  ;  2°  titres  concernant  la  maison  de  L'Eymagene 
(Porte  Poulaillère),  cotés  de  1  à  85.  On  y  trouve, 
sous  le  n'  83,  une  curieuse  note,  relative  au  cours 
des  eaux,  que  nous  reproduisons.  Elle  peut  donner 
une  idée  des  renseignements  pratiques  et  circons- 
tanciés que  conservent  les  mémoriaux  de  ce  genre. 
3°  Viennent  ensuite  des  contrats  divers,  cotés  A  à  J, 
et  dont  l'un  mentionne,  aux  dates  du  1 5  septembre 
1523  et  18  février  1528,  le  nom  de  Psaumet  Pécon- 
net,  maître  orfèvre  et  émailleur.  Nous  n'avions  pas 
trouvé  jusqu'ici  le  nom  de  cet  artiste  avec  cette  qua- 
lification. Suivent,  cotés  A  à  Q,  les  titres  concer- 
nant une  maison  de  la  rue  de  l'Arbre-Peint,  ceux  de 
la  maison  de  la  rue  du  Consulat,  de  la  vigne  de 
Balezis,  de  celle  du  Puy-du-Pin,  de  la  métairie  du 
Château  et  diverses  rentes.  On  trouve,  dans  cette 
partie  du  livre,  des  annotations  successives  allant 
jusqu'à  1754.  A  la  fin.  Pièces  justificatives  de  la 


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succession  et  effectz  deslaissés  par  deffuticie 
dame  Narde  Gergol,  fille  dévote,  decedée  le 
'3*  Juillet  1672,  en  la  maison  de  dame  Jeane  de 
Verthamond,  sa  tante.  En  ouvrant  le  livre  à  re- 
boursj  on  trouve  quelques  notes  de  1650  relatives  à 
des  pièces  de  procès. 

Le  manuscrit,  que  nous  devons  à  l'obligeance  de 
M.  Adolphe  Péconnet  du  Châtenet,  à  Limoges,  con- 
tient 165  feuillets  papier,  de  278  mill.  sur  188.  Ce 
registre  n'est  autre  que  le  papier  bapiistaire 
souvent  cité  dans  les  livres  de  raison  de  Jean  et 
de  Joseph  Péconnet,  et  que  nous  exprimions  ailleurs 
le  regret  de  n'avoir  pu  découvrir. 

L.  G. 


Repertokiuh  Titulorum  Peconnbtorum 
Sit  nomen  Domini  benedictum 
Ex  hoc  Dunc  et  usque  in  seculum. 

IHS  M*  Joseph  (I). 

Généalogie  des  Peconnetz 

Maistie  Psaumet  Péconnet,  le  plus  jeune  des  fils  de 
M°  Pierre  Péconnet,  licentié  ez  loix  et  juge  de  la  ville 
d'Ësmoutiers  (2),  fui  envoyé  par  son  dit  père  en  cette  ville 
de  Limoges,  en  l'année  1476,  pour  estudier  aux  lettres 

(1)  Sur  une  feuille  de  garde  coUâe  à  la  reliure,  on  a  dessiné  une 
sorte  de  médaillon  pyriforme,  la  pointe  en  haut,  représentant  le 
Crucifix,  la  Vierge  et  saint  Jean,  grossièrement  esquissas.  Au  des- 
sus on  lit  :  Ad  inajorem  Dei  virginiique  Mariœ  gloriam  ;  au 
dessous:  Mémento  vUce  mece,  sto  adhoalium  {sic]  œtemilAtit. 

il)  Eymoutiera,  aujourd'hui  chef-lieu  de  canton  de  l'arrondisBe* 
ment  de  Limoges,  possédait  un  ancien  chapitre. 


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—  191  - 

latines,  auxquelles  avant  vaqué  quelques  années,  se  seroit 
randu  clerc  auprès  de  M*  Estienne  Parrot,  notaire  dudit 
Limoges,  et  despuis  fut  receu  a  l'orflce  de  notaire  royal 
de  ladite  ville  et  l'exerça  pendant  plusieurs  années,  comme 
appert  de  ses  ceddes,  lettres  et  contractz,  escriptes /'sic^  en 
latin,  parluy  passées  et  signées  Peconeti,  qui  sont  dans 
nostre  maison  (1). 

Lequel  Psaumet  Peconnet,  notaire,  ainsin  installé  audit 
Limoges,  en  l'année  1487,  et  le  24*  novembre,  contracta 
mariage  avec  Mathive  Beyney  (2),  fille  de  feu  Jehan  Bey- 
ney,  vivant  bourgeois  et  marchand  de  Limoges,  et  de  Ma- 
thive Saleys,  comme  ce  void  au  contract  susdatté,  receu 
par  M"  Michel  de  Lespine,  notaire,  etc. 

Duquel  mariage  sont  descendus  et  esté  légitimement 
procréés  les  enfans  en  nombre  de  huict,  les  noms  desquels 
s'ensuivent  : 

Mariolte  Peconnet 

Pey  dit  Pierre  Peconnet 

Estienne  Peconnet 

Jammé  (3)  Peconnet 

Anne  Peconnet 

Valérie  Peconnet 

Leonarde  Peconnet 

Psaumet  Peconnet  (4j. 

Tous  lesquels  enfans  furent  haptizés  en  l'esglize  Saint- 
Pierre  du  Queyrois,  comme  il  est  porté  par  le  livre  de  leur 
père,  escript  de  sa  main,  ou  sont  les  dattes  de  leur  nati- 
vité et  les  noms  de  leurs  parrins  et  marrines  :  ledit  livre 
mentionné  au  unzîesme  feuillet,  et  cotté  dessus  par  lettre 
A.  II  n'est  faict  aucune  autre  mention  par  lettres  desdicts 

(1)  Nous  avona  donné  ce  qui  reste  du  livre  domestique  du  nottiire 
Psaumet  Peconnet,  sous  le  n'  2  de  notre  premier  recueil. 

{2)  C'est  la  forme  romane  du  nom  de  Benoist. 

(3J  La  forme  Jeamme,  Jammet  ou  Jacme  pour  Jacques,  est  très 
commune  en  Limousin  aux  XV  et  xvi*  siècles. 

(4)  Le  manuscrit  du  notaire  Psaumet  Peconnet  mentionne  la  nais- 
sance des  premiers  seulement.  Nous  avons  dit  qu'il  est  incomplet. 


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-  192  — 

Pey  dit  Pierre,  Estienne,  Jamme,  Anne  et  Valérie,  enfans 
dudit  Psaumet  Peconnet  cy  dessus  nommés,  ce  qui  faîct 
croire  qu'ih  sont  mortz  jeunes. 

Quant  a  ladite  Mariote,  première  née,'  elle  fut  mariée 
avecq  s'  Jean  Pinchaud,  duquel  mariage  fut  procréé  autre 
Jean  Pinchaud,  leur  tilz,  lequel  fut  consul  de  Limoges  et 
tué  le  15  octobre,  l'an  de  son  consulat  |1). 

Et  laditte  Leooarde  Peconnet,  7*  née,  fut  mariée  avec 
M'*  Antboine  Gamaud,  greffier  criminel  de  Limoges,  le 
pénultième  janvier  1513,  duquel  elle  vefva  (2)  (sic)  sans 
enfans  ;  et  despuis,  convola  en  secondes  nopces  avecq 
8'  Guilhaume  Disnematin ,  bourgeois  et  marchand  de 
laditte  ville,  le  14*  septembre  1554  et  deceda  en  sa  compa- 
gnie, sans  aucuns  enfans,  et  son  hérédité  fut  recueillie  par 
ledict  Psaumet  Peconnet,  son  frère,  8*  né,  et  par  ledit  Jean 
Pinchaud,  son  neveu,  et  Ûlz  de  ladîtte  Marlotte,  1"  née. 

Ledit  Psaumet  Peconnet,  8"  fils  dudit  M"  Psaumel.  no- 
taire, fut  maistre  orpheuvre  et  esmailheur  de  ladite  ville, 
et  se  maria  avecq  Berthe  Grégoire  (3),  fille  de  s'  Martial 
Grégoire,  bourgeois  et  marchand  dudit  Limoges,  et  de 
Jeannette  de  Julie  (4j  comme  appert  du  contract  de  mariage 
du  19  octobre  1530,  signé  Bony  et  Gamaud,  notaires, 
mentionné  au  uniième  feuillet  et  cotté  par  lettre  B. 

Duquel  mariage  sont  estes  procréés  nombre  d'enfans, 
ainsin  que  ledit  Psaumet,  leur  père,  declaire  dans  un 
contract  de  transaction  faict  entre  luy  et  ledict  Grégoire 


(t)  15B9.  Pinchaud,  consul  et  maître  de  la  monnaie,  fut  lue  de 
deux  Urquebusades,  au  moment  oii  il  cbercbait  à  rappeler  au  de- 
voir les  Ligueurs  qui  venaient  de  prendre  les  armes.  Nous  avons 
retracé  ce  dramatique  épisode  de  notre  histoire  municipale  dans 
notre  notice  sur  La  Ligue  à  Limoge».  Limoges,  Ducourlieux, 
1884.  Une  plaça  de  Limogea  porte  le  nom  d'Etienne  (et  non  Jean) 
Pinchaud. 

(2)  Nous  u'avons  pas  trouva  ailleurs  d'exemple  de  l'emploi  de  ce 

(3)  Une  des  plus  anciennes  familles  d'orfèvres  de  Limoges. 

(4)  Nous  avons  déjà  parlé  de  la  haute  situation  qu'occupait  à 
Limogea  cette  vieille  famille  bourgeoise. 


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—  193  — 

père,  sur  la  succession  de  ladite  feue  Berthe,  leur  feinme 
el  fille,  en  datte  du  16  novembre  1544...  Lesquels  enfans 
sont  decedés  jeunes,  n'estant  faict  d'eux  aucune  autre 
mentiva  dans  le  livre  de  leur  père  (i),  qui  a  obmis  a  escrire 
et  leurs  noms  et  la  datte  de  leur  nativité. 

tceluy  Psaumet  Peconnet  se  maria  en  secondes  nopces 
avecq  dame  Marsalle  Benoist,  fille  de  feu  s'  Martial  Be- 
noist,  bourgeois  et  marchand  de  Limoges,  et  de  dame 
Francoize  Dubois,  comme  appert  du  contract  du  dernier 
mars  1543,  signé  fiecfiameif  et  Gamaud  notaires. 

Duquel  mariage  sont  provenus  et  esté  procréés  ses  en- 
fans  naturels  et  légitimes  au  nombi-e  de  cinq,  desquels  les 
noms  ensuivent: 

Marie  Peconnet 

Jehan  Peconnet 

Pierre  Peconnet 

Psaumet  Peconnet 

Marsalle  Peconnet. 

I^aquelle  Marie  Peconnet,  safllleaynée,  il  maria  avecq 
Guilhsume  Mouret,  M"  orpheuvre  de  Limoges  (2),  comme 
ce  void  par  le  contract  du  3  may  1564,  signé  Mouret.  Du- 
quel mariage  sont  descendus  plusieurs  enfans,  et  entre 
autres  Psaumet  et  Martial  Mouretz. 

Et  ledit  Jehan  Peconnet,  deuxiesme  fllz,  fut  malhcureu- 
zement  tué  d'un  coup  de  pistolet  par  Bernard  Douhet, 
lequel  Douhet  tiroit  à  Jehan  Vidaud,  nostre  voizin. 

Ledict  Psaumet  Peconnet,  4*  fllz,  fut  maistre  orpheuvre 
et  se  maria  avec  Jeannette  Cybot,  duquel  maiiage  est 
provenue  Marie  Peconnet,  sa  fille  unique,  a  présent  femme 
de  M"  Jacques  Bougier,  procureur  au  siège  Presidial, 
laquelle  a  heu  et  a  plusieurs  enfans. 

Laditte  Marsalle  Peconnet,  5*  flUe,  fut  mariée  avecq 


(1)  Ainsi  l'orfèvre  Psaumet  Peconnet  a  tenu,  comme  son 
livre  de  famille. 

(2)  Lea  Houret  bodL  orfèvres  à  Limoges  dès  ,1b  fin  du  x 
et  le  commencement  du  ivi*. 


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—  194  — 

M.  Jean  Martin,  du  bourg  de  Compreignat,  comme  appert 
du  contract  de  mariage  du  24'  janvier  1573,  signé  Lavan- 
dier:  duquel  mariage  n'est  provenu  aucun  enfant. 

Et  ledit  Pierre  Peconnet,  3'  fils  dudit  Psauniet,  fut 
maître  orpheuvre,  et  contracta  mariage  avec  dame  Marie 
Mousnier,  ûlle  de  sire  Jean  Mousnier,  bourgeois  de  la 
ville  d'Aixe,  et  de  dame  Marguerite  Descoustures,  suivant 
le  contract  dudict  mariage,  du  4*  juin  1573,  signé  iious- 
saud,  not&ire  royal. 

Duquel  mariage  sont  descendus  et  esté  procréés  leurs 
enfans  et  QUes  en  nombre  de  treize,  desquels  les  noms 
ensuivent  : 

Jehan  Peconnet 

Joseph  Peconnet 

Simonne  Peconnet 

Jehan  Peconnet,  2*  du  nom 

Jehan  dit  Pierre  Peconnet 

Marsalle  Peconnet 

Marie  Peconnet 

Martial  Peconnet 

Jehan  Peconnet,  3°  du  nom 

Marsalle  Peconnet,  2'  du  nom 

Pierre  Peconnet 

Marie  Peconnet,  2*  du  nom 

Jehan  Peconnet,  4*  du  nom  (IJ. 

Tous  lesquels  enfans  et  filles  sont  esté  baptizés  en  l'es- 
glize  parrochialle  Saint-Pierre  du  Queyrois,  comme  est 
porté  par  le  livre  dudit  Pierre  Peconnet,  leur  père,  escript 
de  sa  propre  main,  ou  sont  les  dattes  de  leur  naissance  et 
les  noms  de  leurs  parrins  et  marrioes  (2). 

Lesditz  Jehan  Peconnet  1"  fila,  Joseph  Peconnet  2'  fils, 
Jehan  dit  Pierre  Peconnet  5°  flls,  Martial  Peconnet  8*  flls 


(1)  Lea  noma  de  Jean  I,  Joaepb,  Jean  II,  Martial  et  Pierre,  morta 
en  bas-Age,  boqI  précédés  d'une  m. 

(3}  Encore  un  livre  domestique,  ou  du  moins  un  papier  baplit- 
taire  que  nous  n'avons  pu  retrouver. 


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—  195  - 

et  Pierre  Peconnet  !!•  fils,  sont  decedés  jeunes,  n'estant 
faict  d'eux  d'autre  mention  par  lettres. 

Laditle  Simonne  Peconnet,  3'  née,  fut  mariée  avecq 
Psaumet  Martin  Dessables,  par  contract  du  (1). 

Duquel  mariage  a  esté  procréé  autre  Psaumet  Martin, 
imprimeur  (S),  a  présent  vivant,  et  qui  a  des  enfans. 

Laditte  Marsalle,  6'  née,  fut  mariée  avecq  M'  Claude 
Monneron,  appothicaire,  dont  n'y  a  eu  d'enfans. 

Laditte  Marie  Peconnet,  7"  née,  a  esté  mariée  avecq 
s'  François  Poylevé,  marchand  de  cette  ville,  comme  ap- 
pert du  contract  du  18'  avril  1604,  signé  (3),  Duquel 
mariage  est  provenue  Marguerite  Poylevé,  a  présent  reli- 
gieuze  aux  filles  Urselines  de  la  présent  ville  (4). 

Laditte  Marsalle  Peconnet,  10*  née,  a  esté  mariée  avecq 
s'  Helies  Tourrier,  marchand  dudit  Limoges,  comme  ce 
void  de  leur  contract,  du  dernier  octobre  1614,  signé  Nan- 
tiac  ;  duquel  mariage  est  provenu  Jehan  Tourrier  a  présent 
vivant,  et  a  plusieurs  enfans. 

Et  laditte  Marie  Peconnet,  12*  née,  s'est  vouée  au  service 
de  Dieu,  et  vit  a  présent  dans  ce  sainct  vœu. 

Ledit  Jehan  Peconnet,  9*  né,  fut  marié  avecq  dame 
Thive  Leymarie  ;  duquel  mariage  est  descendu  autre  Jehan 
Peconnet,  a  présent  vivant. 

Ledit  autre  Jehan  Peconnet,  13'  fila  et  dernier  né,  a- esté 
marié  avecq  (5).  Duquel  mariage  sont  provenus 

Jean,  Marsalle  et  Jean  Baptiste  Peconnetz,  a  présent  vi- 
vants. 

Et  ledit  autre  Jehan  Peconnet,  4*  fils  audit  Pierre 
Peconnet,  fut  marié  a  dame  Jehanne  de  Verthamond,  fille 
de  M'  M"  Rolland  de  Verthamond,  Conseiller  du  Roy, 

(1)  La  date  eat  realée  en  blanc. 

(3)  Les  presses  des  Dessables  ont  produit  un  petit  nombre  de 
volumes. 

(3)  Le  nom  en  blanc. 

(4)  Les  religieuses  Ursulines,  qui  établirent  dès  leur  installation 
une  école  de  petites  ftlies,  vinrent  à  Limogea  en  1630. 

(5)  Le  nom  eat  resté  en  blanc. 


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-  196- 

Recepveur  du  Tailhon,  et  de  dame  Jeanmette  Decordes, 
comme  il  appert  de  leur  contract  de  mariage  en  datte  du 
20  septembre  1606,  receu  par  Malîgnaud,  notaire  royal. 

Duquel  mariage  sont  descendus  et  esté  procrées  leurs 
eofans  et  ûlles  en  nombre  de  16,  desquelz  les  noms  ensui- 
vent: 

Marsalle  Peconnel 

Galiane  Peconnet 

Marsalle  Peconnet,  2*  du  nom 

Jehan  Peconnet 

Pierre  Peconnet  (prêtre)  (1) 

Anne  Peconnet 

Jehan  Peconnet,  5'  du  nom 

Marie  Peconnet 

Marie  Peconnet,  2"  du  nom. 

Pierre  dit  Pey  Peconnet  (soldai  en  IGkO)  (2) 

Jchanne  Peconneï 

Deux  gémeaux  Peconnetz 

Je,  Jehan  Peconnet  soubz  nommé  —  (souche)  (3) 

Léonard  Peconnel  (soldat,  Wik)  (4) 

Jehanne  dite  Galiane  Peconnet  (5} 

J.  Peconnet, 

Lesditz  Marsalle  3*  née,  Jehan  4*  né,  autre  Jehan  7'  né, 
Marie  et  autre  Marie  8*  et  9*  nées,  Jehanne  11*  née,  les  2 
bessons  12  et  13  nés,  sont  decedés  jeunes,  n'estant  faict 
d'eux  aucune  mention  dans  nos  lettres. 

Et  laditte  Marsalle  Peconnet,  première  née,  a  esté  ma- 
riée avecq  M'  Jean  Belou,  notaire  royal,  comme  appert  de 
leur  contract  de  mariage,  du  9'  febvrier  1629,  receu  par 
Bougier,  notaire  royal  ;  duquel  mariage  sont  descendus 
plusieurs  enfans.  (Nasquit  le  22  janvier  1608  :  son parrin 


(1,  2,  3,  4)  Les  annotations  entre  parenthèses  sont  d'une  écriture 
postérieure. 

(5)  Un  V  devant  les  noms  de  Marsnlle  I,  Galiane,  Anne  et  Jehanne, 
une  m  devant  Galiane,  Marsalle  II,  Jehan  I,  Jehan  II,  Uarie  I,  Ma- 
rie II,  les  gemeàux. 


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—  107  — 

Jean  Verlhamond,  son  oncle,  et  marrine  M&rs&lle  Benoist, 
son  ayeulle/  (t) 

LadJtte  Galiane  Peconnet  2"  née,  a  esté  mariée  avecq 
s'  Bernard  Bersoire,  comme  ce  void  de  leur  contract  de 
mariage  du  18  janvier  1632,  signé  dudit  Rougier;  duquel 
mariage  sont  provenus  plusieurs  enfans.  (N&squit  le 
20  septembre  i609  :  son  parrin  Jean  Peconnet,  et  marrine 
Galiane  Verthamond,  sa  tante)  (2j. 

Laditte  Anne  Peconnet  6"  née,  a  esté  mariée  avecq 
8'  Pierre  Guyberl,  M'  orpheuvre  (3),  comme  on  void  du 
coQtract  du  il*  mars  1638,  signé  dudit  Rougier:  duquel 
mariage  sont  provenus  plusieurs  eofans.  (Nasquit  le 
22  janvier  1615  :  son  parrin  Jean  Peconnet,  son  oncle; 
sa  marrine  Martialle  Peconnet,  sa  sœur)  (4). 

Et  laditte  Jeanne  Peconnet,  16"  et  dernière  née,  a  esté 
mariée  avec  s'  Jehan  Veziére,  marchand,  comme  ce  void 
de  leur  contract  du  22»  octobre  1647,  signé  dudit  Rougier, 
duquel  mariage  pareillement  sont  descendus  plusieurs 
enfans  (nasquit  le  3  mars  1630  ;  fut  son  parrin  M'  Jean 
Belou  et  sa  rnarrine  Gafiane  Peconnef,  sa  sœur;  [b]. 

Ledit  Pierre  Peconnet,  5«  né,  se  fit  prebstre  de  l'esglise 
et  communauté  de  Sainl-Pierre  du  Queyrois  (6)  ("nasquit  (e 
15*  juin  1613;  son  parrin,  Pierre  Peconîiet,  son  grand 
père  ;  sa  mairine,  Marcelle  Peconnet,  sa  tante)  (7). 

Ledit  Pierre  dit  P  [ey]  Peconaet,  dixieeme  oé,  s'en  est 


.  (1)  Note  rougiotle. 
R)  id. 

(3)  Un  membre  de  la  famille  Peconnet  possède  ua  petit  reliquaire 
d'argent  portant  lea  noms  de  Pierre  Guibert  et  Anne  Pecovnel  et 
fabriqué  par  le  premier. 

(4)  Note  marginale. 

(5)  id. 

(6)  On  constate  dès  le  un*  siècle  que  l'dgliae  de  Saint-Pierre  du 
Queyroix  est  desservie  par  une  comrautjauté  de  prêtres  séculiers. 
Il  en  est  de  mâme,  à  cette  époque,  de  Notre-Dame  des  Arènes 
et  de  Salnl-Michel  des  Lions,  et  probablement  aussi  de  Saint- 
Maurice. 

(7)  Note  marginale. 

T.  XX.  1-3 


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-  198  - 

allé  au  service  du  Roy  en  l'année  1640,  et  despuis  n'est 
revenu  au  païs,  ny  n'a  esté  sceu  de  ses  nouvelles  (msquit 
le  premier  janvier  i623  ;  son  parrin,  Pierre  Peconnel, 
son  frère,  et  sa  marrine,  Anne,  sa  sœur)  {1). 

Ledit  Léonard  Peconnet,  quinzième  et  pénultième  né, 
est  pareillement  allé  au  service  du  Boy,  en  l'année  1644, 
et  despuis  n'est  revenu  au  païs,  ny  n'a  esté  sceu  aucunes 
nouvelles  de  luy  (nasquit  le  jour  de  St  Michel  de  l'an 
i628  ;  son  parrin,  Je&n  Tourier,  et  marine,  dame  Narde 
Verthamond,  femme  de  M'  de  Felis)  (2). 

Et  je,  Jean  Peconnet,  14*  et  antépénultième  né,  ay  con> 
tracté  mariage  avecg  damoyzelle  Narde  Michel,  fille  de 
s' Joseph  Michel,  s'  de  Cessaguet,  et  de  dame  Maureille 
Constant,  comme  appert  du  contrat  du  7*  febvrier  1651 
signé  dudict  Bougier,  et  avons  espouzé  dans  la  chappelle 
de  St  Martial  anpelée  de  La  Courtine  [3),Iejeudy,  27*avril 
duditan  1651. 

—  Je  nasquis,  suyvant  le  rapport  de  mon  père,  escript 
de  aa.  main,  le  iO  mars  1626.  Mon  parrin  s'  Pierre  Pecon- 
net, mon  grand  père,  et  ma  marrine,  Marie  Peconnet, 
ma  tante,  dévoile  (4). 

Et  ma  femme,  Narde  Michel,  est  née  le  t5  febvrier  1634, 
a  Cessaguet,  baptisée  a  Flavïgnat;  son  parrin:  Joseph 
Michel,  son  frère,  et  marrine  Paule  Michel,  aa  sœur  ay- 
née.  Et  fut  appelée  Narde,  suyvant  le  livre  journal  audit 
B'  Michel  frère  (5),  despuis  curé  de  St  Priech  prei  Aize  (6). 

(!)  Note  margÎDftle. 

(î)  id. 

(3)  Petits  chapelle  qui  le  trouvwt  &  peu  de  distance  du  portail 
Sud  de  Ssint-Martial  et  oii  avait  été  créés  une  confrérie  dite  de 
Saint-Hartial  de  La  Courtine.  Cette  chapelle  existait  dis  le  ztr 
siècle. 

(4}  On  appelait  (dévotes  i  ou  i  filles  dévotes  >,  ou  encore  martel- 
lea,  les  filles  qui  ne  se  mariaient  pas  et  qui  s'afHliaient  en  général 
au  tiers  ordre  de  Saint- François. 

(5)  Ainsi  les  praires  eux-mêmes  tenaient  dea  registres  de  famille. 
On  voit  par  là  combien  l'usage  en  était  généra!  autrefois. 

(6)  Saint-Priest-sous-Âixe,  sujourd'hui  cbef-lieu  d'une  commune 
du  canton  d'Aide  (Haute- Vienne).  Flavignac  appartient  &  présent 
au  canton  de  Ch&lus,  arrondissement  de  Saint- Yrieix, 


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-  199- 

Et  de  nostre  mariage  est  descendue  et  esté  proarééo 
nostre  Qlle  aynée  Jeanne  Peconnet,  laquelle  est  née  le 
trentiesme  jour  du  mois  d'aoust,  l'an  mil  six  centz  cin- 
quante deux,  entre  les  unze  a  douze  heures  du  soir,  et  a 
esté  baptizée  en  resglîie  de  St  Pierre  du  Queyrois,  nostre 
parroisse,  par  Messire  Jean  Qadaud,  prebtre,  TÎccaire  de 
laditte,  le  dimanche,  premier  jour  du  mois  de  septembre 
audit  an  1652,  et  a  esté  son  parrin  Joseph  Michel,  sieur 
de  Cessaguet,  mon  beau  père,  et  marrine  dame  Jeanne  de 
Yerthamond,  ma  mère 

Le  !•'  febvrier  1673,  ma  fille  Jeanne  Peconnet  a  esté 
mariée  arecq  s' Jacques  Garnier,  bourgeois  et  marchand. 
Le  s' Gayou,  notaire  royal,  a  receu  le  contract. 

Le  12  juin  1674,  ma  fille  Jeanne  s'e^t  accouchée,  etc. 

Jeao  Peconnet,  mon  fllz,  etc.  —  Joseph  Peconnet,  mou 
filz,  etc.  —  Jean  Peconnet  le  jeune,  mon  filz,  etc.  —  An- 
toine Peconnet,  mon  fllz,  etc.  —  Marie  Peconnet,  ma  fille 
—  Leonarde  Peconnet,  ma  fille,  etc.  —  Leonarde  Peconnet, 
ma  fille,  etc.  —  Pierre  Peconnet,  mon  fllz  —  Martial 
Peconnet,  mon  fllz  —  Marguerite  Peconnet,  ma  fille  — 
Valérie  Peconnet,  ma  fllle,  etc. 

(Le  flls  de  Jean  Peconnet  note  la  mort  de  son  père  au 
30  août  1679,  son  mariage  avec  Catherine  de  Verthamond 
en  1667  et  inscrit  les  enfants  nés  de  ce  mariage  :  Marie- 
Léonarde,  Françoise-Thérèse,  Marie,  Barthélémy.  La 
mort  de  Jean  Peconnet  est  mentionnée  au  16  octobre  1699 
et  celle  de  Catherine  de  Verthamond  au  15  mai  1714). 

Après  ces  mentions  commence  le  répertoire,  dont  nous 
croyons  inutile  de  citer  des  extraits.  Nous  nous  bornerons 
&  ce  seul  passage  : 

Mémoires  rentables  et  certaines  pour  le  cours  ancien  et 
ordinaire  des  eaux  pluviales  et  bassiales  (1]  prouenantz  de 


(1)  Bftux  de  mën«ge,  de  bagne,  aom  douai  communément  fc 
l'éïier. 


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—  200  - 

notre  maison  de  l'Eymagene  (I],  autrement  de  la  Porte 
Poulalière,  suivant  les  anciens  tiltres,  cottes  cy  dessus  et 
ce  que  j'en  ay  curieusement  et  exactement  remarqué  lors 
de  la  réfection  de  la  muraille  tumbée  entre  les  maisons 
des  s"  Declary  et  Renaudin,  la  vefve  de  Desloges  et  de 
Léonard  Personne  dit  Ghiliou,  et  de  la  voûte  du  porche 
dudît  Chiliou,  estant  entre  les  maisons  et  cloaques  desdi- 
tes parties  : 

Premièrement,  nos  eaui  pluviales  et  bassiales  de  notre 
maison  descendant!  tant  dans  la  grand  basse  court  pavée 
de  pierres  de  taille,  qui  est  au  bas  et  milieu  de  notre  mai- 
son, que  celles  pluviales  et  bassiales,  descendant!  dans 
notre  porgy  ou  excide  [2]  aussy  pavé  de  pierres  de  taille, 
qui  est  au  bas  et  au  dernier  de  notre  maison,  se  doibvent 
escouler,  aux  termes  du  tiltre  passé  entre  les  Peconnetz, 
nos  actheurs  fstc^  et  les  Mousniers,  actheurs  de  messieurs 
Declary  et  Renaudin,  le  dernier  septembre  1598,  signé 
Dupin,  par  un  canal  de  pierre  de  taille,  qui  est  enchâssé 
et  engravé  dans  et  au  travers  le  mur  de  la  maison  desdits 
Mousnier,  modo  desdits  s"  Declary  et  Renaudin  ;  lequel 
canal  prend  son  commancement  et  sa  couppe  dans  ledit 
porgy  et  excide  des  Peconnetz  et  en  compose  en  partie  le 
payé  d'iceluy  porgy,  et  a  l'entrée  du  mur  desdits  ss" 
Clary  et  Renaudin,  ledit  canal  est  fermé  d'une  grille  de 
fert  devers  ledit  porgy  des  Peconnetz,  affln  qu'il  n'y  passe 
d'immondices,  empeschantz  le  cour  des  eaux. 

Ledit  canal  est  fait  tout  d'une  seule  pièce,  de  pierre  de 
taille,  de  la  longueur  de  six  a  sept  piedz,  et  de  largeur  de 
plus  d'un  grand  pied,  creuzé  et  profond]  pour  recevoir  et 
renvoyer  l'eau  d'environ  demy  pied  de  large,  et  quatre 
doigtz  de  (?)  hauteur  en  profondité,  couvert  d'une  autre 
grande  pierre  de  taille  de  la  longueur  d'environ  cinq 
piedz  et  creuzee  comme  l'autre,  pour  conserver  ledit  canal 
et  mieux  faciliter  sou  cours. 

(1)  Ce  nom  vient  évidemment  d'imaginia  et  rappelle  une  statue 
de  la  vierge  placée  au-dessus  de  la  porte  Poulaillére. 
(!)  Petite  cour  ou  venelle. 


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—  201  — 

Lequel  canal  rend  ses  eaux  dans  les  cloaques  desdits 
8"  Declary  et  Renaudin  par  sa  gueule  et  eoiboucheure  qui 
fait  sortie  hors  dudit  mur,  dans  lesdits  cloaques,  d'uu  pied 
et  demy. 

Lesquelles  eaux  ainsy  tuDib6es  dans  lesdits  cloaques  com- 
munes deadits  ss"  Declary  et  Renaudin,  ont  accoustumé 
en  descoulaat  d'en  purger  la  matière  et  se  rendre  directe- 
ment dans  un  grand  conduit  qui  est  au  dessoubs  du  porgy 
de  lesdits  fsic;  Personne  dit  Chiliou  entre  les  deux  mu- 
railles et  pans  des  maisons  dudit  Chiliou  et  de  la  vefve 
de  Desloges. 

Dans  ce  mesme  grand  conduit  ont  accoustumé  de  se 
descharger  les  cloaques  communes  desdits  Chiliou  et 
Desloges,  qui  paraissent  fermées  de  brique  dans  ledit 
porgy  de  Chiliou,  du  costé  des  Claveliers  (1). 

Et  le  tout  doibt  prandre  sa  sortie  au  dessouhz  dudit 
porgy,  de  la  profondeur,  puis  iceluy,  d'environ  vingt  cinq 
piedz,  et  a  l'endroit  du  milieu  du  porgy,  dans  la  cave  haute 
dudit  Chiliou. 

Et  cette  sortie,  lorsqu'on  est  dans  la  dite  cave  haute  de 
Chiliou,  est  au  bas  d'une  grande  arcade  fermée  de  pierre 
menue,  qui  fait  front  lorsqu'on  a  achevé  de  descendre  le 
grand  degré,  et  la  faut  ouvrir  comme  dit  est,  ou  a  esté 
réservé  une  ouverture  carrée  en  forme  d'un  grand  armoire 
pour  entrer  un  homme,  par  le  bas,  a  l'endroit  du  grand 
pilier  qui  fait  le  coing,  joignant  a  la  cave  du  s'  Clary,  di- 
visée d'avecq  celle  dudit  Chiliou  par  une  grande  muraille 
de  brique. 

Laquelle  grande  arcade  estant  ainsin  ouverte  pat  le  bas, 
se  trouve  autres  deux  petittes  arcades  de  pierre  de  taille 
ouvertes,  par  lesquelles  on  entre  dans  le  susdit  grand  con- 


(1)  ClouLiars.  Le  nom  de  a  rue  des  Claveliers  »  a  été  doDoé  quel- 
quefois &  la  rue  Raffllhou. 

On  sait  que,  sous  les  vieux  quartiers  de  Limoges,  s'étendent 
d'immenses  souterrains.'  Quelques-unes  de  ces  caves  sont  construi- 
tes en  beaux  matériaux  et  offrent  un  certain  intérêt  au  point  de  vue 
archéologique. 


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duit  estant  au  dessoubz  le  porgy  dudit  Chiliou ,  pour  le 
nettoyer. 

Et  on  trouve  un  conduit  a  travers  la  haute  cave  de  Chi- 
liou, qui  prend  sa  naissance  puis  les  susdites  arcades  et 
ouverture,  et  descend  jusques  dans  une  petitte  cave  que 
ledit  Chiliou  a,  pi'ecizement  soubi  le  grand  degré  de  sa 
cave  haute,  laquelle  petitte  cave  semble  n'estre  destinée 
que  pour  recevoir  et  donner  cours  aux  eaux,  en  forme  de 
grand  canal. 

Ce  conduit,  venant  de  la  haute  cave  dans  la  basse  et 
petitte  de  Chiliou,  est  creuzé  dans  le  tus  l'stc^  de  la  pro< 
fondeur  et  largeur  d'environ  un  pied,  ayant  des  hordz 
taillés  sur  les  deux  costés  dans  le  tus,  expresBement  pour 
estre  couvert  (afin  de  le  conserver)  de  pierre  de  taille  ou 
planches,  et  par  dessus  sa  couverture  on  y  met  de  la  terre, 
afBn  que  le  vin  ne  reçoive  dommage  par  l'humidité  ou 
puanteur  des  eaux  et  matières. 

On  descend  dans  la  ditte  petitte  cave  dez  la  haute,  a 
l'endroit  dudit  gros  pillier  rond  de  pierre  de  taille,  qui  est 
a  l'oppoËite  et  du  mesme  costé  du  grand  degré,  en  descen- 
dant de  la  rue  dans  la  haute  cave. 

Estant  descendu  le  petit  degré  de  la  petitte  cave  basse 
contenant  cinq  ou  six  marches,  on  doibt  trouver  la  sortie, 
gueule  ou  emboucheure  dudit  conduit,  descendant  de  la 
haute  cave  precizement  soubz  le  petit  degré  à  main  gauche, 
lequel  a  une  ouverture  d'environ  un  pied  et  demi  au 
quarré. 

Et  dans  le  bas  de  ladite  petitte  cave  et  a  l'endroit  de  la- 
dite sortie  du  conduit,  sont  creuzée  autres  deux  petits 
conduit!  a  plain  chemin,  dans  le  tus,  qui  passent  ptez  de 
terre,  le  long  et  bas  des  deux  coings  de  ladite  cave  basse 
en  cette  forme. 

(Suit  un  dessin). 

liCsquelz  deux  petiti  conduitz,  creuzés,  comme  dit  est, 
dans  le  tus,  au  bas  et  rez  de  terre  de  .la  petitte  cave  affin 
de  plus  facilement  découler  l'eau  par  ce  partage  (outre  que 
la  petitte  cave  est  haute  de  neuf  a  dix  piedz  et  large  de 


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sept  a  huit  piedi),  s'en  vont  descharger  l'eau  au  bas  de  la- 
dite petitte  cave  (laquelle  on  doibt  plutôt  qualifier  de 
grand  canal  et  conduit,  pour  estre  asseurement  destinée  a 
ce  seul  subject)  dans  un  autre  grand  canal  et  conduit 
creuzé  dans  le  tus,  de  l'hauteur  d'une  demy  pique  et  lar- 
geur qu'un  homme  y  passe  facilement,  qui  vient  de  la  cave 
du  s'  Bachelier  dit  Sabaud,  ferrier  (?),  soubz  la  rue  de 
RaffiUou  (1}  et  Ta  enter  dans  la  cour  de  la  maison  de  chez 
Duclou,  en  croizant  celuy  canal  ou  petitte  cave  basse  de 
Chiltou,  sans  aucune  séparation  entre  deux  ;  et  de  ches 
Duclou,  le  canal  doibt  avoir  sa  suitte  ches  les  subséquents 
voisins 


(1)  lUtAlhou,  Dom  d'uDS  rue  de  Limoges,  appelée  aussi  Gaumer- 
dier  ou  des  Clavelien. 


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CARTULAIRE 

DE 

l'Abbaye  bénédicliae  Saint-Martin  de  Tulle 

EN    LIMOUSIN 
Jean-Baptiste  CHAMPEVAL 


(Suite.  -  Voir  t.  XtX,  p.  6H). 


737.  Item,  ung  instrument  contenant  fondation  de  la 
vicc&Tie  de  La  Borne  près  Veyrac  (I),  fondée  par  feu 
Laurans,  évesqu,e  de  Tulle,  et  ce  sur  les  tenanciers  de  La 
Borne,  dotée  ne  ^b.  liv.  ts.  de  rante,  de  laquelle  la  pré- 
sentation appartient  audit  chappitre,  et  la  collation  appar- 
tient à  Mgr  de  Tulle  ;  retenu  par  M*  Jehan  de  Umio, 
Aniciensis  diocesia  ;  datée  de  l'an  mil  m"  Ixbi  (1366)  indic- 
tione  guarta  pontiScatua  domini  Urbani,  pape  quinti,  anno 
quarto.  —  Plus  ung  instrument  de  recognoissance  faicte 
par  M"  Arnault  Guocensis  [Gauzens  ?J ,  viccaire  de  la 
viccarie  de  S'  Marcial,  allas  de  Latome,  de  la  somme  de 

(1)  Borne,  église  détruite,  sur  le  rivage  droit  de  la  Dordogne  et 
en  la  commune  de  Vayrac  (Lot).  Pour  Laurent  d'Âlbiars,  voy. 
Hiat.  Tut.,  p.  198  à  206. 

T.  XX.  3-4 


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—  206- 

3  liv.  ts.  reçue  par  Jrf»  Anthoine  Ghasseniard,  not.  royal, 
du  xp  janvier  1461,  cottée  par  z. 

738.  Item  unea  (1)  lettres  par  lesquelles  ArnaitU,  évcsque 
de  Tulle,  veult  que  le  chappitre  de  Tulle  aye  ung  seau 
(sceau)  propre  el  particulier  pour  en  uzer  en  tous  contractz, 
et  octroyé  plusieurs  autres  privilèges  audict  chappitre. 
Données  à  Avignon,  vi*  kalendas  februariî  millesimo 
iir°  xbiii",  cothé  parZ. 

739.  (Noua  sommes,  hélas  !  forcé  d'omettre  ici  2  feuillets 
qui  manquent  par  lacération  dans  ce  cahier).  Item  ung 
instrument  contenant  une  fondation  de  la  uiccarye  de 
S'  Marcial,  desservye  en  leglise  de  Curamonte,  par  noble 
homme  François  (2)  des  PÏas,  prieur  de  Meyssac,  reli- 

f;ieulx  de  legUse  cathedralle  de  Tulle,  de  laquelle  viccarye 
a  collation  apartient  au  chappitre  dud.  Tulle,  du  xii' jung 
mil  iiii*' hxtx  (1479);  receu  par  M'  Jehan  Régis,  notaire 
d'Uzerche  ;  cothé  par  Q  [sac  A]. 

740.  Item  des  lettres  données  par  Bertrand,  évesque  de 
Tulle,  contenant  l'unyon  du  prévosté  de  La  Chièze  avec 
le  prieuré  de  S'  Michel  de  Bamèj-es.  receuespar  M»  Jehan 
André,  notaire  du  diocèie  de  Limoges,  du  dernier  novem- 
bre mil  iiii'  VIII  (1408)  ;  cothées  par  R. 

741.  Item  unes  lettrea  de  fundation  d'une  TTiesse  faicte 

Sar  Gilibert  de  Chamborant,  abbé  du  monastère  de  Saint 
lartin  de  Massay,  diocèze  de  Bourges,  receues  par  M«  Ber- 
nard Guillot  et  Jehan  Lavergne,  notaires  de  Tulle,  du 
XII»  novembre  148!  ;  cothées  par  P  [3). 

742.  Item  ung  instrument  touchant  le  sindicat  de  chap- 
pitre de  Tulle,  contenant  plusieurs  faictz,  receu  par 
M"  Eymeric  Loymarye,  notaire  de  Tulle,  du  mecredy 
avantla  feste  S'  Mathieu  ;  xi*  kalendas  martii,  anno  Do- 
mini  millesimo  iii°  xix,  indictione  m*,  pontiâcatus  domni 
nostri  Johannis  pape  XXTI,  anno  iiii"  ;  cothé  par  A.  A. 

743.  Item  ung  instrument  de  sauvegarde  de  nostre  S' 


(1)  Ici  lettrea  en  duplicata.  Ifolre  patois,  i,  (]orrèze,  a  gardé  le 
même  usage  du  pluriel  pour  un  objet  qui  va  par  paires  :  unai 
braxzaa  (unes  culotte),  unaa  miltas,  us  aouc»,  mitaines,  sabots.  — 
Pour  le  sceau,  voy.  Stgillog.  du  Bat-Limousin,  par  MH.  de  Bos* 
redon  et  £.  Rupin. 

(2)  H.  Poulbrière,  mal  renseigné  sans  doute  par  Nadaud,  attribue 
à  Bousquet  de  Plas  la  Tondation  de  cette  s  vicairie,  décrétée  le 
3  janvier  1470  k  l'autel  Saint-Martial  >,  p.  413,  Dictionnaire  de» 
ParoiMea. 

(3)  Voy,  Hisl.  Tul.,  p.  230. 


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-  207  - 

père  le  pape  Innocent,  concédé  à  l'abbé  et  couvent  de 
Tulle  ;  et  aussi  certains  privilèges  quod  tempore  infra 
dicto  generaliter??  ou  convenluatia?clausis  januispossint 
divina  celebrare  ;  receu  par  M^  Guillaume  de  Vey?ma- 
cello,  notaire  du  Périgort,  xnii"  kalendas  augusti;  indic- 
tione  1111*  millesimo  ii°  xlvi";  cothé  par  B.  B.  [En  marge, 
de  même  main  :  Privil.  de  notre  S'  père,  de  dire  l'office 
januis  clausis]. 

744.  Item  ung  instrument  de  publication  faicte  par 
M«  Pierre  Puvfages,  officiât  de  Tulle,  oft  est  incéré  deutz 
bulle  de  indulgence  et  pardons  confirmées  et  données  par 
le  pape  Clément  pour  le  chef  de  S'  C'iair  ;  données  Aignon 
(sic)  111"  idus  mail,  pontiflcatus  nostri  anno  x".  —  Emsen- 
ble  une  permission  à  Jehan  Chanpefcal  fsic^,  pour  fere 
des  images  du  chef  S'  Clair  ;  attachées  ensemble  et  cotnéea 
parce.  [Versl490J. 

745.  Item  certaines  bulles,  ensemble  certaines  confirma- 
tions faictes  par  roys  d'Espanhe,  appellées  fsic]  Alfonse  ; 
ensemble  une  donation  faicte  par  le  royal  infanson,  de  la 
ville  de  Fomilho,  en  Espagne,  en  cinq  (quatre  est  biffé) 
pièces  attachées  ensemble  et  cothèes  par  D.  D,  (i). 

746.  Item  une  buUe  de  confirmation  octroyée  par  le 
pape  Urbanus,  touchant  l'office  d'aumosnerye,  quedore- 
senavant  ledit  aumosnier  prestera  serement  de  l'adminis- 
tration du  revenu  dudicl  office,  tant  à  m'  l'évesque  qu'à 
son  chappitre.  Données  à  Avignon,  iiii°  idus  novembris, 
anno  m"  ;  cothé  par  E.  E. 

747.  Item  une  bulle  appostolique  contenant  la  (rarisia- 
tion  de  l'ab&ye  de  Tulle  en  éoesché,  et  la  division  des 
éveschès  de  Limoges  et  de  Tulle,  et  privilèges  pour  m'  de 
Tulle  et  chappitre,  confirmés  par  le  pape  Jehan  ;  donnés 
à  Avignon,  idus  augusti,  pontiûcatus  nostri  anno  primo  ; 
cellées  (sic)  et  plunbèes  d'ung  seau  de  plumb  ;  cothé  par 
F.  F.  {2). 

748.  Item  ung  arresl  obtenu  par  ledict  chappitre  contre 
le  prévost  Joubert,  par  lequel  leaict  prévost  est  condampné 
(à)  payer  à  icellui  chappitre  le  fromen  des  moys  de  sep- 
tembre, octobre  et  novembre,  et  autres  devoirs  ;  signé  de 
Pontac,  du  viii«  mars  mil  v"  xxix.  [En  marge  :  des  deuoirs 
du  prévost].  Plus  ung  instrument  portant  recognoissance 


(t)  Voy.  mon  n'  605,  et  pour  le  n-  744  mon  Baa- Limousin  aeigneu- 
Viatel  religieux,  ou  Oéogr.  abrégée  de  ta  Corrèie,  T.  I  et  Iten 
un  vol.,  14  fr.,  chez  l'auteur,  au  château  de  Vyers,  par  Corrëze. 

(î)  Hist.  Tut.,  col.  6Î4,  et  Gallia  nova.  t.  II,  col.  210.  En  1317, 
13  août. 


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_  208  — 

faicte  audict  chappitre  par  M'  Martin  Fraissinges,  prévost, 
des  debvoii-s  qu'il  est  tenu  envers  icelluy  chappitre  ;  receue 

Ear  Peschadour  du  xiv»  avril  rail  v"  ilix  ;  attachés  enseni- 
le  et  cottes  par  GG. 

749.  Item  ung  instrument  par  lequel  led.  chappitre 
donne  permission  aux  habitants  de  Tulle  de  pranare  la 
fontaine,  pour  la  conduyre  ou  elle  est  deprésant,  laissant 
ung  tujuau  {sic,  tuyau)  pour  la  fontaine  audict  chappitre 
avec  autres  conventions  ;  receu  par  Peschadour,  du  xiii" 
novembre  1539  ;  cotlè  par  HH. 

750.  Item  deulz  quictances  de  la  pantion  d'Ussac,  de 
Meissac,  deue  audict  chappitre,  annuellement,  servans  de 
tiltre  ;  roceuez  par  Masaelmont  et  Peschadour,  des  mv* 
octobre  1553  et  fS»  janvier  1554  ;  cottées  par  JJ. 

751.  Item  une  investiture  faicte  par  M*  Lenard  (sic)  de 
Douez,  d'une  vigne  par  luy  acquise  de  M"  Noël  Destaing, 
au  territoire  du  Boys  Monger,  avec  vu  sols  vi  deniers  de 
rante  ;  receue  par  Duron,  du  U'aoust  1566  ;  cottéepar  KK. 

752.  Item  ung  instrument  de  fondation,  faicte  par 
M«  Jehan  Frossiuges,  prévost,  receue  par  Myrat,  du  6" 
mars  1576  ;  cothé  par  LL. 

753.  Item  ung  instrument  par  lequel  apert  que  ledict 
chappitre  a  promesse  des  s"  de  S"*  (sic) .  Le  reste  manque  : 
suppléeî  Portunade?  Ferréole?  Extrait  biffé. 

754.  Item  ung  arrest  donne  aux  grandi  jours  à  Limo- 
ges, au  profict  dud.  chappitre,  contre  frère  Annet  Chaba- 
niei,  admi«!s(raire,  par  lequel  est  condampné  payer  i 
chascung  chanoine  de  lad.  église,  un  chascung  jour,  ung 
pain  de  froment  poisant  xxbin  onces.  Signé  de  Pontac,  du 
IB"  septembre  1542;  ensemble  deulx  sentences  données 
par  le  lieutenant  au  siège  de  Tulle,  contre  M»  Jehan  De- 
prez,  administraire,  par  lesquelles  icellui  administraire 
est  condempné  payer  aud.  chappitre,  ledit  pain  ;  signées 
par  Porchier,  des  7'  may  1557,  et  28»  raay  1557;  attachées 
ensemble  et  cothées  MM. 

755.  Item  ung  instrument  par  M»  Estienne  Salesse,  par 
lequel  apert  cornent  Anthoine  Guary,  olier  (1)  de  Tulle, 
s'oblige  luy  payer  16  sols  de  rante  ;  receu  par  J.  Dubois, 


(1)  Fabricant  d'huile  de  noix,  industrie  florissante  à  Tulle  aux 
ivi'  et  itvii'  sièdes;  puis  la  manufacture  de  fusils,  les  gelées,  l'im- 
portation des  huiles  minérales,  découverte  du  gaz,  etc.,  portferent 
ici  un  coup  mortel  jt  ce  commerce  fructueux  jadis  pour  la  bour- 
geoisie tulloise.  Les  demoiselles  du  crû  occupaient  alors  utilement 
leurs  veillées  à  éplucher  les  noix  de  leurs  domaines. 


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du  "22«  janvier  1537,  avec  une  danse  de  lestement  faicte 

far  ledict  Salesse,  par  laquelle  apert  qu'il  lègue  lesdits 
B  sols  audict  chappitre,  pour  ung  obit  ;  receue  par  Balé. 
du  1  !■  feurier  1560  ;  altacnées  ensemble  et  cottées  par  NN. 
—  En  marge  ;  fondation  de  S&iesse. 

756,  Ilem  une  instrument  par  lequel  apert  que  ledict 
chappitre  ven  [a]  à  M«  Légier  Lestrade,  prestre  de  Tulle, 
une  vigne  assize  au  téritoyre  du  Ghamp-Lagarde,  conte- 
nant dix  iournaulï,  pour  le  prix  de  23  liv.  ts.,  o  (revenant 
à:  auec)  la  charge  qu'il  payera  chascung  an  de  rante  au- 
dict chappitre  25  s,  Is.  ;  receu  par  M«  Ramond,  Ccron,  du 
24'  septembre  1522  ;  colhé  par  00.  [En  marge  :  Lestrade  ; 
Beaupi3lz25  s.]  (1). 

757,  Item  ung  instrument  de  recoi/noissance  faicle  au- 
dict chappitre,  par  ledict  s' évesque,  de  payer  ce  qu'il  doibt 
audict  chappitre,  tant  absens  que  présans  ;  receu  par, 
M»  Jehan  Cueilhe?  et  délivré  par  M«  Jehan-Vincens  du 
Piiy  ;  du  4»  novembre  1429  ;  cotné  par  PP. 

758,  Item  ung  instrument  de  recognoissance  de  m  I.  de 
rante  tous  les  ans  audict  chappitre,  par  M"  Anthoine  Bi- 
nel,  prieur  de  (ce?]  qu'il  a  levé?  de  Trémoilles  ;  receu  par 
Peschadour,  du  3  octobre  1542  ;  cothé  par  Q.  Q.  (2). 

75!ï.  Item  ung  instrument  à'investition  faicte  par  le  pré- 
vost  de  ladicte  église  de  la  1/2  du  village  du  Pouget, 
paroisse  de  S'  Maixent  ;  receue  par  Ma  Jehan  Verdier, 
notaire.  [S.  d.J,  cotté  par  R.  R.  (3). 

760.  Item  une  senfance  par  laquelle  ledict  chappitre  est 
réintégré  contre  M' Michel  de  Laissac?,  curé  de  s'  Julien, 
à  raison  de  3  liv.  de  revenu  que  ledict  curé  doibt  annuel- 
lement audict  chappitre,  le  jour  des  rameau Ix  ;  signée 
Porchier,  du  1»' julliet  1563  ;  cottée  par  S,  S.  (4). 

761.  Item  ung  instrument  de  vente  faicte  par  Eblo,  vis- 
conte  de  Vantadour,  de  plusieurs  rantes  asizes  en  plusieurs 
et  divers  villaiges,  à  l'anbé  et  couven  de  Tulle  ;  scellé  v 
idus  junii  1281  ;  colté  par  TT. 

762.  Item  ung  extrait  auquel  est  contenu  ce  qu'est  deu 
audict  chappitre  par  mgr  de  Tulle  et  autres  officiera  et 

(t)  Champ-Lagarde  et  fiois-Hanger,  villages  de  la  commune  de 
Tulie.  Ce  Beaupojl  est  apparemment  le  détenteur  poslërieur,  et 
ainsi  débiteur  de  la  rente. 

(3)  Trémouilles,  village  de  la  commune  de  Chameyrat,  plutôt  que 
celui  des  communes  de  Lagarde  et  Rosiers -d'Egletons. 

(3)  Le  grand  prév6t  de  la  cathédrale,  ~  Le  Pouget,  15  Ijpbitanli, 
commune  de  Saint-Heiant. 

(4)  Saint  Julien,  è.  Tulle. 


dbyGoOt^lc 


—  210  — 

béoéficiei's  de  ladicte  église  ;  sans  aiilcune  date  ;  en  papier, 
contenant  15  feuillets  ;  cothé  par  W. 

T63.  Item  une  donnation,  faicte  par  Jehan  Pabot,  habi- 
tant de  Tulle,  en  faveur  de  M«  Jehan  Lavergne  notaire  de 
Tulle,  fl!z  à  Pierre,  d'une  maison  et  jardrin,  size  à  la  Bar- 
rieyre,  confrontant  avec  la  maison  de  Pastrie  et  d'Userche, 
et  certains  autres  biens,  par  laquelle  lègue  audict  chappi- 
tre  XX  s.  de  rante,  pour  certains  obitz  ;  receue  par  P.  de 
Terrada,  du  25*  aoust  1449  ;  cothée  par  XX. 

764.  Item  uuK  acte  faict  par  devant  le  séneschal,  à 
Tulle,  par  lequel  est  inhibé  a  toute  manière  de  gens  de 
jouer  dans  les  cloistres,  à  poyne  cent  liures  ts,  de  ne  y 
tenir  aulcungs  pourceaulx  à  mesmes  poynes  et  de  prison  ; 
signé  Porchet,  du  8'  mai  1562,  avec  la  publication  d'icelle 
du  9»  desdits  mois  et  an  ;  signé  Fabria  ;  cotté  par  Y  V. 

765.  Item  ung  instrument  d'acquisition  faicte  par  ledict 
chappitre  sur  Bernard  Soleilavolp,  de  3  sols  de  rante  pour 
le  pris  de  3  liv.  sur  tous  ses  biens,  et  expressément  sur  les 
biens  qu'il  tient  au  villaige  de  Soleilavolp  (1)  ;  receu  par 
P.  Lagorce,  et  scellé  du  vi"  kalcndas  augusti  1320;  cothé 
par  ZZ. 

766.  Item  ung  instrument  de  (ransaciton  par  lequel 
apert  que  François  Cendon,  bailli  de  Tulle,  a  déclairè  que 
comme  bailli  de  mgr  de  Tulle  il  a  payé  au  dict  chappitre, 
certain  vin  pour  ung  0  qui  se  chante  (2]  chescung  an  en 
la  dicte  esglise  ;  receue  par  J.  du  Boix,  du  xix"  décembre 
1557.  —  Plus  une  demande  dudit  chappitre  pour  raison 
du  mesme,  faicte  contre  Estienne  Vergonzanes,  bailli,  avec 
la  quitance  de  réintégration  des  7o  janvier  et  9»  février 
1562,  signées  Porchier  ;  attachées  ensemble  et  cottées  par 
ZZ.  [Le  bailhi  de  mgr  pour  l'oj. 

767.  Item  unç  exploict  d'une  saisye,  faicte  à  la  requeste 
du  procureur  hscal  du  s'  évesque  de  Tulle  et  du  sindic 
dudict  chappitre,  d'ung  saulmon  entier,  à messire  Léonard 
Firmy,  prêtre,  et  Lacgier  Canole,  habitans  de  Tulle,  ics- 
quelzih  auroient  mys  en  vante  au  dessoubz  du  clocher, 
sans  l'avoir  présenté  audict  chappitre,  suyvant  les  privi- 
lèges, et  autres  chozes  contenues  audict  exploict  du  13' 
jullet  1527;  faict  par  Pierre  Eyzac,  sergent  ;  colhé  par 
ZZ.  [En  marge  :  Présentation  des  saumons]. 

Au  SAC  nu  B. 

768.  Item  ung   instrument  contenant  ordonnance  et 

(I)  Village  de  100  âmes  en  la  _ 
(2}  Antienne  commençajit  par  I 


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—  ii\  — 

appointement  entre  le  s' évesque  de  Tulle  et  m"  du  chap- 

Sitre.  d'une  part  —  et  les  vrébandiers  de  Rocquem&dour, 
'autre:  touchant  le  nombre  des  prébandiers  dudit  Roc- 
3uemadour  ;  receus  par  M*  Pierre  de  Bourlous,  notaire  (1) 
e  Tulle,  du  pénultiesme  septembre  1416  ;  cothé  par  A. 

769.  Item  ung  instrument  de  révocation,  contenant  :  que 
en  la  chappelle  Nostre  Dame  de  Rocquemadour  n'auroit 
que  douze  prébandiers  et  quatre  clercs;  laquelle  ordon- 
nance et  statut  lesdit  s"  évesque  et  chappitre  ont  révocquée 
et  cassée  ;  receue  par  M"  Pierre  Bourlous  ;  du  25'  septem- 
bre 1416  ;  cothé  par  B. 

770.  Item  ung  instrument  de  ratifficaHon  faicte.  par 
mgr  de  Tulle  et  son  chappitre,  du  28»  septembre  1416  ;  re- 
ceue par  M'  Pierre  Bourlous  ;  cothé  par  G. 

771.  Item  un^f  lestement  de  messiie  Bertrand  Botinal  (2), 
évesque  de  Tulle,  contenant  la  fondation  de  quatre  ohitx, 

Jour  lesquelz  il  a  donné  14  liv.  de  rante  ;  ensemble  les 
ixmes  de  Saint  YUaire  Foissac  ;  avec  plusieurs  pactes 
couchés  audict  lestement  ;  receu  par  M<  Jenan  de  Sourries, 
notaire  de  Tulle,  du  tiers  de  jung  1412  ;  scelle  de  troys 
ceaulx  ;  cothé  par  D.  [En  marge  et  de  même  écriture  : 
Obitz  de  Boutinal]. 

772.  Item  ung  instrument  de  donation  de  cent  livres 
une  fois  payées,  faicte  par  frère  Guy  de  Lissac,  cellarier 
de  Tulle,  audit  chappitre  ;  receu  par  M*  Anthoine  Testo- 
ns, notaire  de  S'Bonet  al  Vergn,  du  Ix*  aoust  1473  ;  coté 
par  E. 

773.  Item  ung  instrument  de  révocation  faicte  par  les 
prébandiers  de  Jîocquemadour,  à  mgr  l'èvesque  et  chap- 
pitre de  "Tulle  ;  receu  par  M*  Pierre  Bourloux,  notaire  de 
Tulle,  du  25»  septembre  1416;  cothé  par  F. 

774.  Item  ung  instrument  d'acquisilion  de  la  justice 
haulte,  moyenne  et  basse  des  villaiges  de  Sarget  et  du 
Calgach,  en  la  parroisse  S"  Ferreolle,  faicte  à  l'aumosnier 
de  l'église  cathédralle  de  Tulle,  par  noble  Guy  de  Mai- 
mont,  conseigneur  de  Malmonl,  du  10»  jullet  1377  ;  receu 
par  M"  Pierre  de  La  Bachelarye,  notaire  ;  cothé  par  G  (3). 

(1)  La  forme  Bourrclous  était  plus  usitée,  témoin  la  plaquette 
trop  rabelaisienne  :  J$ha.n  dea  Horlu,  et  autres  preuves. 

{1}  Al  ayant  fait  au,  donne  la  vraie  forme  encore  usitée  Bouti- 
neau,  dans  la  Haute-Vienne.  Corrigeons  donc  Bofinandus,  de  la 
p.  213  de  Baluze  HUt.  Tut.,  en  BotiriAudua,  et  à  sa  p.  213  Atez 
ri  de  Floytsacensis. 

(3)  Aujourd'hui  Sarget  haut  et  bas,  commune  de  Sainte-Féréole. 
—  Maumont,  château  en  la  commune  de  Bosiers-d'Egletons.  Il  n'y 
a  pas  Malemorf. 


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—  212  — 

775.  Item  ung  instrument  d'une  fondation  faicte  par 
Sébastien  Sapientis,  aliàs  de  La  Ciia^sagne,  curé  de  Bas- 
signac  ;  du  30*  novembre  1511  ;  receu  par  J.  Gostin  ;  cothé 
par  H  (1). 

776.  Item  une  instrument  d'acquisition,  ensemble  la 
recognoissance  de  5  sols  tournois  deuz  audict  chappitre, 
situés  sur  ung  bois  nommé  de  Leymonie  [2)  ;  receu  par 
M«  Anthoine  Chassaignard,  notaire  à  Tulle,  du  28*  sep- 
tembre 1466  ;  coté  par  J. 

777.  Item  autre  instrument  dacquisîlion  faicte  par  le- 
dict  chappitre,  de  10  s.  de  rante,  situés  sur  certaine  botic- 
que  de  Estienne  Peschadour,  size  près  la  Font  S'  Pierre, 
paroisse  S'  Julien  de  Tulle;  receue  par  M'  pierre Terrade, 
notaire  de  Tulle,  du  18'  mars  1455  ;  cothé  par  K. 

778.  Item  autre  instrument  de  uante  faicte  par  damoi- 
selle  Françoise  de  S*  Gyry,  veufve  de  feu  Arnault  de  La 
porte,  à  Marcial  de  Fés,  de  certaine  maison  nommée  del 
Champ,  size  en  la  place  puhlicque  de  Tulle,  à  la  charge 
de  payer  audict  chappitre,  chascungan,  de  rante,  la  somme 
de  six  Uvr-es  ;  receu  par  M*  Jehan  de  Fénis  (3)  et  Bertrand 
Leymarye.  notaires  i-oyaulx,  et  signé  par  Conchard,  col- 
iationnaire,  du  16*  apvril  1548;  cothé  par  L.  [En  marge: 
la  maison  del  Champ,  appellèe  de  Paradis,  vi  liv.]. 

779.  Item  quatre  Instrumentï  et  une  sentence,  touchant 
la  présentation  du  poisson  et  from&igcs,  faictz  entre 
m'  de  Tulle  et  son  chappitre;  receuz  et  signés  par 
M»'  Pierre  Joloti,  prêtre  du  dioceze  de  S'  Flour,  Jehan  de 
Cueilhe,  de  Laguenne  et  Sapientis,  des  années  1398,  1401, 
1402  et  1460  ;  cothéz  par  M. 

780.  Item  ung  testament,  où  est  comprins  ung  léguât 
faict  audict  chappitre,  par  M«  Huguo  Michel,  natif  des 
Glotons,  de  10  s.  de  rante,  assis  sur  une  maison  et  lèze  (4) 
en  la  ville  de  Tulle,  et  au  barrv  del  Prat  ;  receu  par 
M«  Jehan  Souries,  notaire  de  Tulle,  du  10»  apvril  1401  ; 
cothé  par  N. 

781.  Item  ung  instrument  de  3  sols  de  rante  sur  ung 
boys  qui  confronte  avec  le  Boys  Monger,  deuz  par  Jehan 
Cornier,  le  plus  vieulx,  lilz  de  Jehan  Cornier  ;  receu  par 


(1)  PlutAt  Bassignac  haut,  comme  bien  plus  important  que  le  bas. 
M.  Poulbriire  ne  le  cite  pas.  11  semblerait  qu'il  fut  seigneur  de  la 
Chasaaigae,  commune  de  Vitrac. 

(!)  Commune  de  Saint-Hexant  ? 

(3)  A  Tulle. 

(4)  Etroite  bande  de  jardin  en  terrasse. 


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—  213  — 

M»  Pierre  Bourlous,  notaire  de  Tulle,  du  4«  aousl  1413  ; 
cothé  par  0. 

783.  Item  autre  instrument  de  recognoissanee  faicte 
audict  chappitre  par  Pierre  de  Treraoiïhes,  de  Tulle,  de 
10  s.  ts.  de  rante,  situés  sur  ung  ouvroir  (1)  dudict  Tre- 
moilles,  dans  les  murs  dudict  Tulle  ;  receu  et  signé  par 
M'  Pierre  Terrade,  notaire  de  Tulle,  du  28*  may  14Î8; 
cothé  par  P. 

783.  Item  autre  instrument  de  institution  ou  ordon- 
nance faicte  entre  m'  de  Tulle  et  les  prébandiers  de  Roc- 
quemadour,  à  cause  du  cens  et  autres  chozes  contenues 
en  icelle  ;  scellé  de  cire  blauche,  et  signées  par  monsei- 

fneur  Lacgier,   archevesque  de  Bourges  ;  daté  quinta 
alendas  octobris  1513  ;  colé  par  Q. 

784.  Item  dîi  actes  par  lesquelles  apert  que  lorsque 
m' le  séneschal  du  Limosin,  ou  son  lieutenant,  tiendia  le 
sièfte  royal  à  Tulle,  ce  sera  par  la  permission  de  m'  de 
Tulle;  cothèes  par  R.  [En  marge  :  Permission  octroyée 

Îar  mgr  de  Tulle,   à  m'  le  séneschal  tenir  sa  court  à 
ulle  (2). 

785.  Item  autre  instrument  d'acquisition  faicte  par  (sic) 
révérend  père  en  Dieu,  frère  Pierre,  abbé  de  Tulle,  et  au 
monastère  dudict  Tulle,  et  ce  par  nobles  Hèlias  et  Bernard 
de  Tutella,  dupéaigeetdetoutdroitet  debvoir  et  seigneu- 
rye  en  tout  le  chasteau  et  ville  de  Tulle  dans  les  portes 
dudict  Tulle  et  dans  la  tour  et  salle  de  La  Mota  et  en  la 
tour  de  Chanac  ;  sellée  de  cire  blanche  ;  idus  octobris 
1253  ;  coté  par  S  (3). 

786.  Item  ung  instrument  de  vante  faicte  par  noble 
Gérault  de  Maisse  (4),  chevalier  et  dame  Alguy  sa  femme, 
à  r.  p.  en  Dieu,  Pierre  abbé  de  Tulle,  de  la  somme  de  101. 
ts.  de  rante  assizes  sur  tous  ses  biens  ;  sellé  en  syre  blan- 
che, du  (sic)  date  kalendas  octobris  1265  ;  cothé  par  T. 

787.  Item  une  bulle  du  pape  Johannes  vicesimi  secundi, 
touchant  S"  FéreoUe,  qui  est  incorpoi-é  et  uni  en  l'église 
cathédralle  de  Tulle;  scellées  de  syre  blanche,  du  jour 
S'  Mathieu,  apostre  1319  ;  cothé  par  V. 

788.  Ilem  autre  instrument  du  sindicat  des  prébandiers 


(l)AUlier;  boutique -atelier. 

(?)  Probablement  de  la  fin  du  ini>  et  du  début  du  xiv*  sîëcles. 
(3)  Voy.  664. 

(i)  Nom  tiré  du  fief  de  Maysse,  37  habitants,  commune  de  Los- 
tange«.  Cf.  801. 


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—  214  — 

de  Rocquemadour  ;  receu  par  M*  Pierre  Bourlous,  du  25 
septembre  1416  ;  cothé  par  X. 

789.  Item  ung  instrument  de  permutation  faicte  entre 
Eymar  et  Léonard  (Bernard?)  de  Chounac,  frères,  de  leur 
part  de  Chounac  et  autres  terres,  avecques  les  abbé  et 
couvent  de  Tulle,  du  9"  mars  1265  ;  cothé  par  ^- JEn  marge  : 
Permutation  d'une  partie  de  la  seigneurie  de  Tulle]  (1]. 

790.  Item  ung  instrument  de  vante  faicte  par  Pierre, 
dict  Peyrot  Dumas,  autre  Pierre  et  autre  Pierre,  dict 
Peyrichon  Dumas  ses  fllz,  merchans  de  Tulle,  de  certaine 
maison  size  à  La  Roche  Marthun  |2),  pour  la  somme  de 
20  1.  ts  ;  receu  par  G.  du  Peschadour,  du  \>  novembre 
1544  ;  cothé  par  Z.  [Le  gourrier  de  Tulle,  20  l.J. 

791.  Item  unesenfancearbitraire  donnée  par  M' Calmyne 
de  Lagarde,  lieutenant  général  au  siège  de  Tulle,  au  pro- 
fict  dudict  chappitre,  contre  les  curés  et  prestres  des 
communauttès  S'  Pierre  et  S'  Julien  dudict  Tulle,  par 
laquelle  est  ordonné  que  lesdits  prestres  assisteront  au 
processions  générales  avec  ledict  chappitre;  signées  par 
ledit  Lagarde,  du  11»  may  1526  ;  cothé-par  Z  (sic). 

792.  Item  une  transaction  faicte  entre  r.  p.  en  Dieu, 
Pierre,  ^«esqite  de  Tulle,  d'une  part;  —  et  les  manans  et 
habitans  de  la  cité  de  Tulle,  à  cause  du  mouldre,  cuyre  le 

Sain  aux  moulins  et  fours  dudict  s'  évesque  ;  receue  par 
[e  Hugues  Michel,  notaire  de  Tulle,  du  8»  février  1380; 
cothé  par  AA.  [Moulins  et  fours  de  Tulle]. 

793.  Item  certaines  /étires  royaufz  dressantes  au  sénes- 
chal  de  Périgort  d'administrer  justice  touchant  une 
acquisition  faicte  par  l'abbé  et  couven  de  Tulle,  de  cer- 
taine rante  sur  les  mouiins  de  i'Escure,  près  de  Larche, 
devers  l'église  d'Alhac  (3)  ;  cothé  par  BB-  [S.  d.,  vers  le 
XIV'  siècle] . 

794.  Item  une  sentance  donnée  par  M"  Marti  Laborda, 
lieutenant  de  messire  Jehan  Geneste,  juge  de  Tulle,  au 

§  reflet  dudict  chappitre  de  10  s.  ts.  de  rante,  à  rencontre 
e  messire  Jacques  et  Pierre  de  Goûtes,  frères,  et  autres 
nommés  en  icelle;  lesquels  10  s.  sont  situés  sur  ung  pré 
au  thouron  de  La  bisque,  paroisse  S'  Pierre  de  Tulle,  con- 


(1)  Chaunac,  commune  de  Naves. 

(2)  La  Bocbe<Marton,  ù  Tulle. 

(3)  Les  Moulina  des  Escures,  ruinés  comme  ce  port  sur  VéiLère, 
existants  en  1310,  en  la  commune  de  Terrasson.  Alhac,  ici  en  cause, 
reste  k  identifier  en  complétant  le  dictionnaire  de  Gourgues  muet 
sur  ce  point.  Rien  ici  d'Aillac  près  Carlun,  cela  va  sans  dire. 


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—  215  — 

frontéc  en  icelle,  signée  par  M°  Jehan  Fraisse,  greffier, 
du  8»  janvier  1497  ;  cothé  par  CC. 

795.  Item  ung  procès,  ensemble  une  enqueste  faicte  par 
Jean  Geneste,  juge  de  Tulle,  à  la  requeste  dudict  chappi- 
tre,  entre  Ramond  Lagarde,  Guarneir  Alogne,  Michel 
Bodies  (Bodusî),  paroisse  S'  Julien  de  Tulle,  de  la  somme 
de  10  s.  ts  de  ranle  assiz  sur  une  station  [étage]  et  solier 
situés  au  barry  dal  Verge,  conTrontèe  et  limitée  audict 

?rocés  ;  grossoyé  par  M' Jehan  Fraisse,  greffier,  le  4»  mars 
495  ;  cotté  par  DD. 

796.  Item  ung  instrument  de  rétention  d'une  partie  du 
mas  de  La  Serre  à  la  Malaurye  (1),  d'une  combe  appellée 
à  la  Serre  del  Vignal,  située  en  la  paroisse  S'  Julien  de 
Tulle,  saufs  et  réserves  trois  deniers  de  rante  aux  pitan- 
ciers  de  Tulle,  ainsin  comme  appert  par  les  instrumens 
receus  par  M»  Jehan  La  Gorce,  notaire  ;  et  celle  de  syre 
verte  ;  daté  de  janvier  1334  ;  cotté  par  EE. 

797.  Item  ung  instrument  d'acquisition  faicte  par  m"  du 
cbappitre,  sur  Gérault  de  Mongauïer  (2|,  paroisse  de 
Seilnac,  de  la  somme  de  10  s.  ts.  de  rante,  payable  chas- 
cung  an,  à  la  feste  de  l'assomption  Nostre  Dame,  assis  sur 
ung  pré  appelle  de  Magueurs,  situé  en  ladicte  paroisse  de 
Seilhac,  confronté  et  limyté  en  l'instrument  du  lynac  î  — 
Item  plus  3  sols  4  deniers  ts.  argent  par  ledict  Maugauze, 
dud.  lieu  de  Seilhac  do  rante  sur  ung  jardrin  près  dud. 
lieu  de  Seilhac.  —  Plus  3  sols  4  d.  ts.  de  rante  payables  à 
lad.  feste,  assis  sur  un  jai'drin  appelle  de  Las  Cous,  pour 
la  somme  de  vu  1.  et  autrement  assiz  sur  tous  et  chascungs 
ses  biens  ;  scellé  du  seau  de  Tulle  ;  daté  x  kalendas  no- 
TCmbris  1332;  cothé  par  FF. 

798.  Item  ung  instrument  de  donation  faicte  par  .... 
[passage  déchiré]  Faucherii ,  à  l'abbé  et  chappitre  de 
Tulle,  de  toute  la  (partie?)  et  droict  que  pouvoit  avoir  de 

la  tour  du mote ,  chasteau  et  sale  de  Tulle  et 

autres  possessions  dudtct  chasteau  et  de  toute  la  ville, 
dans  les  croix  ou  oratoyres  d'icelle  ville,  aussi  tout  droit 
que  ledict  Faucherii  et  ses  prédécesseurs  avoient  acous- 
tumé  prandre  à  cause  dudict  chasteau  de  Tulle,  et  tout 
droict  de  seigneurye  qa'il  avoit  en  ladite  ville,  ainsin 
comme  apert  plus  amplement  par  ladicte  donation  ;  scellé 
soubz  le  seau  de  la  court  de  Lymoges  ;  donné  14°  kalendas 
decembris  1263  ;  cothé  par  GG.  (3). 

(1)  La  Uakurie,  27  habicanta,  commune  de  Tulle. 
(1)  Nom  pris  du  village  de  Monjauze,  51  habitants,  commune  da 
Naves.  —  Magueurs,  48  liabltants,  commune  de  Seilhac. 
(3)  Voy.  mon  666.  —  Gaigniëres  et  ce  cahier  datent  du  iiv*  jour; 


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-  -216  - 

799.  Item  ung  instrument  de  donation  faicte  par  noble 
Albert  de  Borno,  chevalier,  à  r.  p.  en  Dieu  Mcssiie  Pierre, 
abbé  de  Tulle,  et  aux  prèbandiers  de  Rocquemadour,  de 
certaines  possessions,  argan,  cire  et  chandelles  de  cire  sur 
les  moulins  de  Cabuys,  de  Caulet  et  aparlenances  d'iceulx  ; 
scellé  du  seau  de  Gahors  ;  datée  à  Rocquemadour  1264; 
cothéparHH{l). 

800.  Item  ung  instrument  de  vendition  faicte  par  Gé- 
rault,  Gautier,  Gérault  et  Guilhem  Agri,  et  Jetian  Robert, 
à  M' l'abbé  de  Tulle,  de  22  sestiers  froment  et  32  sestiei-s 
avoyne.  mezurede  Curamonte,  24  sols  et  5  gèlines,  chas- 
cung  an,  de  rante  ;  ont  obligé  leurs  biens  et  pocessions 

3u'ils  tiennent  à  homaige  dudict  abbé  ;  receu  par  M' Pierre 
el  Cheyrou,  scellé  de  syre  verte,  du  seau  de  Lymoges  ; 
viii"  idus  junii  1270  ;  cotné  par  JJ  (2). 

801.  Item  ung  instrument  d'acquisition  faicte  par  noble 
Gerault  de  Maisse  et  dame  Alguy  [3),  de  cent  soiz  de  rante 
à  cause  d'une  permutation  faicte  entre  euli,  d'une  part  et 
r,  p.  en  Dieu  Pierre,  abbé  de  Tulle,  lesquelz  100  s.  sont 
assiz  sur  leurs  biens  et  autres  pocessions,  ainsin  comme 
apert  par  ledict  instrument  sur  ce  [sic]  scellé  le  jour  S' 
André  1266  ;  cothé  au  doz  par  KK. 

802.  Item  ung  instrument  de  (ransaclion  faict  entre 
l'abbé  et  nouven  de  Tulle,  et  (es  manans  et  habitans  de  la 
ville  de  Tulle,  sur  certains  excès  faict^  par  iceulx  habi- 
tans, par  lequel  apert  iiue  la  cognoissance  desdits  excès 
apartient  auaict  abbé  et  couvent  ;  scellé  du  seau  de  Limo- 
ges ;  et  de  Tulle,  du  13*  julhet  1251  ;  cothé  par  LL.  [Com- 
ment la  justice  de  Tulle  apartient  à  l'abbé  et  couvent  dudit 
Tulle]. 

803.  Item  une  recojnoissance  faicte  par  mgr  le  visconle 
de  Ventedour,  à  mgr  l'abbé  de  Tulle,  de  certaines  parois- 
ses contenues  à  la  dite  recognoissance  ;  scellées  du  seau 
de  Lymoges  ;  daté  ix*»  kalendas  apprilis  1302  ;  cotté  par 
MM. 

804.  Ung  instrument  de  donation  faicte  par  Peyronne 
(vefve?)  de  feu  Bernard  Dauriac  (4),  chevalier,  à  rév.  p. 

Baluze,  probablement  par  erreur,  du  xirr.  —  Comblez  la  lacune 
par  le  mot  Guillaume.  Cf.  607. 

(1]  Ce  moulin  de  Gabouys  est  encore  mû  par  l'Ouysse,  en  la 
commune  de  Rocamadour,  vers  Cales.  Nous  identifierons  Caulet 
aux  tables  finales. 

(!)  Cure  monte,  commune  du  canton  de  Uoysaac. 

(3)  et.  786. 

(4}  Commune  de  Neuville  ?  —  fieaulieu'Sur-Menoire. 


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—  217  — 

en  Dieu,  nigr  l'abbé  du  couven  de  Tulle,  assavoir  de  la 
bord  farye]  de  Javazac  et  bordarye  apellée  du  Gros  et  fia] 
bordarye  apellée  du  Juge,  et  la  raoytiè  du  mas  de  la  Bre- 
tole,  avec  tous  leurs  droictz  ;  sellé  du  sceau  de  l'abbé  de 
Beaulieu,  le  samedy  après  l'assantion  nostre  seigneur, 
mil  w  Ixv  ;  cothé  par  NN. 

805.  item  ung  instrument  de  acceptation  pour  r.  p.  nn 
D.  P.  abbé  de  Tulle,  à  cause  des  aflariis  de  Chounac  (1] 
avec  ses  appartenances  ;  donné  la  vigile  5'°  Magdaléne 
1264  ;  cette  par  00. 

806.  Item  ung  instrument  d'acqmsziîon  faicte  par  Huguo 
Conte  ?  Coût'?  Cut?  de  Curamonte,  à  r.  p.  en  Dieu  Pierre 
abbé  de  Tulle,  de  deulx  cesliers  avoyne,  mesure  de  Cura- 
monte,  plus  ung  cestier  froment  àladicte  mesure,  plus 
une  géline,  plus  2  cestiers  avoyne,  deux  par  Ëstienne 
Sepieyre  et  Pierre  Robert,  pour'le  pris  de  9  1.  du  marc 
vieulx  ;  sellé  ;  daté  de  la  feste  S'  Pierre  1270  ;  cothé  par 
PP. 

807.  Item  autre  instrument  d'acquisition  faicte  par  le- 
dict  s'  abbé  de  Tulle,  de  Gérault  Baléna,  clerc,  et  Hugue, 
filz  de  feu  Guilhem  Baléna,  du  Mas  de-Sounieyras,  situé 
à  Sounieyras,  et  tous  ses  droictz  et  devoirs  quelconques  ; 
sellé  desvreblanche,  le  lundy  après  l'invention  S'  Ëstienne 
1274  ;  cothé  par  Q  Q  {2). 

808.  Item  ung  instrument  de  vente  faicte  par  noble 
Hélias  de  Tulle  à  rév.  père  en  Dieu  Pierre  abbé  et  au  cou- 
vent de  Tulle  assavoir  tout  le  droict  en  toute  seigneurye 
qu'il  avoit  et  pouvoit  avoir  en  toute  la  tour  de  La  Mote, 
chasteau  de  Tulle,  et  en  la  sale,  et  en  autres  pocessions 
dudit  chasteau  et  de  toute  la  ville  de  Tulle,  dans  les  croix 
ou  oratoires  d'icelle  ville,  et  aussy  tout  le  droict  que  ledict 
Hélias  et  ses  prédécesseurs  tenoyent  et  avoient  acoustumé 
prandre,  à  cause  de  là  seigneurye  dudict  chasteau,  en 
tout  le  droict  qu'il  pouvoit  avoir  en  toute  la  ville  et  en 
tout  le  chasteau,  pour  le  pris  et  somme  de  six  vingt  et 
cinq  liv.  ;  sellé  souiz  le  sceau  de  Lymoges  ;  faict  à  Albus- 
sac,  z"  kalendas  septembris  )26b  ;  cothé  par  R.R.  [En 
marge  :  Partie  des  acquisitiens  de  la  sgie  de  Tulle]  (3]. 

809.  Item  ung  instrument  de  composition  faicte  entre 
nobles  Hélias  Rouder  et  Hèlis  sa  femme,  d'une  part  —  et 
r.  p.  en  D.  P.  abbé  de  Tulle  et  l'administrateur  de  la  ville 
de  Meyroniie  près  le  chasteau  de  Croisse,  et  pour  le  cou- 


(1)  Commune  de  Naves. 

(2)  Apparemment  Saumieyras  (Chameyrat),  près  Poissac. 

(3)  cr.  G6G;  T9S.  Âlbussac,  commune  du  canton  d'Argentat. 


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vent  de  Tulle,  pour  faire  à  perpétuité,  peschière,  pilier  de 

Sierres  des  moulins  en  la  reviôre  de  Dourdounye,  par 
elà  Meyronne,  en  l'androit  où  il  ptairroit  audit  s'  aÈbé 
et  couvent,  avec  tous  les  droictz  et  dehvoirs  paisiblement, 
excepté  la  tierce  partie  du  dixmc  de  l'église  Nostre  Dame 
de  Rocquem^dour,  et  les  autres  deulx  parties  audici  abbé 
et  monastère  de  Tulle;  scellé  soubz  ie  sceau  de  Cahore, 
sexto  idus  seplerabris  1252  ;  cothé  par  S. S.  (1). 

810.  Item  ung  instrument  de donafionfaicteparRamond 
de  Beauchasteau,  chevalier,  au  moustier  de  Tulle  et  reli- 
gieulz  d'icelle  en  l'église  nostre  dame  de  Rocquemadour, 
et  à  r,  p.  en  D.  dam.  jsic)  Bernard  de  Ventedour,  abbé 
dudit  moustier,  assavoir  le  cliasteau  de  Belchastel  (2)  et 
toutes  ses  apartenances  et  autres  ;  passé  par  M' Estiéne  de 
Furno,  not.  royal,  4"  iduii  julii  1234  ;  cothé  par  T.T. 

811.  Item  ung  instrument  i'honmaige  et  recognois- 
sance  faicte  par  Guillen  de  S'  Jehan,  Ramond  et  Bernard 
de  S'  Jehan,  ses  nepveuz,  à  r.  p.  en  D.  m' l'abbé  de  Tulle, 
assavoir  pretz  (3)  et  autres  chozes  contenues  audict  ins- 
trument; scellé  ;  daté  vi"  kalendas  iunii  1252  ;  cothé  par 
V.V. 

812.  Item  ung  procès  en  enqueste  faictï  sur  la  répara- 
tion du  pont  de  Laguenne  ;  escript  en  parchemin,  en  roUe  ; 
cothé  par  X,X. 

Au   SAC  BE  C. 

813.  Item  ung  instrument  de  permutation  faicte  entre 
r,  p.  en  D.  Ramond,  abbé  de  Tulle  et  couvent  dudict, 
d'une  part  —  et  Gérault  de  Rigault,  dudicl  Tulle,  de  cer- 
taines rantes  contenues  en  l'inslrumen,  sur  ce  scellé  et 
passé  le  vendredi  après  iet&re  Jéi-usalem  1296  ;  cothé 
par  A  (4). 

814.  Item  des  lectres  royaulx  impétrées  par  le  procu- 
reur dudict  abbé  et  couvent,  contre  les  consuls  de  Rocque- 
madour faisant  mantion  comment  la  juridiction  dudict 
lieu  apartient  audict  abbé  ;  scellées  du  sceau  du  roi  Phi- 
lippes,  inpétrées  i  Tholoze,  le  tiers  janvier  1300  ;  cothées 
parB. 


(1)  Moyronne  et  Crcysse,  communes  du  Lot,  contiguës. 

(3)  Belcastel,  commune  de  Lacave  (Lot),  déjà  relaté. 

l3)  Pour  des  prés  nobles,  à  coup  sûr.  ayant  été  le  siège  de  flefa 
rasés.  Voy.  mon  article  sur  quelques  easaieinements  de  fiefs  en 
Poitou,  Bulletin  des  antiquaires  de  l'Oueil,  1897,  4*  trimestre. 

(4)  Probablement  à  corriger  eu  Rajeault. 


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-219  - 

815.  Item  uns  instrament  d'acquisition  faicte  par  ledîct 
rhappître  de  Tulle,  de  certaine  rante  de  nome  Jehan 
Vergier  [En  marge  :  Verdier]  et  Jehan  d'Userche,  pour  la 
somme  de  dix  escutz  d'or  ;  receu  par  messire  Jehan  Cui- 
sin?  Gui-sou?  Cureac?  notaire  de  Tulle,  du  6'  aoust  1488;  ■ 
cothé  par  G  (1). 

816.  Item  ung  autre  instrument  d'acquisition  de  10  s. 
de  rante,  faicte  par  ledict  chappitre,  de  noble  Guy  Juge, 
de  Coulonges,  pour  la  somme  de  10  1.  is.  assis  sur  les  dix- 
mes  des  bledz  et  des  vins  que  ledict  Guy  prenoil  en  ladicte 

farroisse  ;  receu  par  de  Souries,  notaire  de  Tulle,  du 
3'  décembre  1391  ;  cothé  par  D  (2). 

817.  !tem  ung  instrument  auquel  est  incérée  une  bulle 
de  Grégoire  pp.  faisant  mention  de  taxer  et  dimynuer  les 
décimes  du  clergé  de  Tulle;  receu  par  M"  Pierre  Binau- 
deti  et  Gérault  de  Pinu,  notaires  ;  daté  du  !6*  avril  1406  ; 
cothé  par  E. 

818.  Item  ung  instrument  de  transaction  entre  r.  p.  en 
D.  P.  évesque  de  Tulle  et  les  religieulx  dud.  chappitre, 
que  prébandiers  de  Rocquemadour,  faisant  mention  que 
ledit  s'  évesque  doibt  cnascung  an  audict  chappitre ,  au 
lieu  de  pain  et  vin,  pitance,  vestiaire  et  autres  choses 
chascung  mois  de  mars  et  avril,  A  chascung  des  religieulï, 
troys  eymines  froment,  mesure  de  Tulle,  et  autres  choses 
contenues  audict  instrument  ;  receu  par  M.  Jehan  Cueille, 
de  LaguennC:  du  20'  avril  1400  ;  cothé  par  F. 

819.  Item  ung  instrument  de  recognoîssance  faicte  à 
m' l'abbè  et  couvent  de  Tulle,  par  Pierre  de  Grandcharap 
et  Pierre  de  Ramolarye,  de  la  quantité  de  8  sest.  seigle, 
2  sest.  avoyne,  mesure  de  Tulle  et  4  sols  tournois  et  2  gé- 
lines  chascung  an;  scellé  du  sceau  de  Limoges,  tertio 
kalendas  junii  1299  ;  cothé  par  G. 

820.  Item  ung  instrument  de  investiture  faicte  à  [par] 
mgr  l'abbé  de  Tulle,  de  certaine  vente  faicte  par  messyre 
Pierre  de  Chanac,  à  messyre  Estienne  La  chapelle,  de 
cent  solz  de  rante  ;  receu  par  m'  Huguon  La  salle,  notaire 
royal,  du  raercredy  avant  la  feste  S'*  Luce  1302;  cothé 
par  H. 

821.  Item  3  instrumentz  touchant  4  cesliers  fromen, 
mesure  fran^oise,  sur  les  Prez  Vieilz  de  Forzés,  autrement 
appeliéea  (3)  Ësparzelieyras  ;  le  1"  du  25"  janvier  1424, 

(1)  Ces  vendeurs  étaient  do  Tulle  ou  ses  environs  rapprochés. Pro- 
bablement Couaen. 
(3)  Collgngas,  commune. 
(3}  Commune  de  Forgés. 


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-  220  - 

receu  par  M«  Jehan  Cueilha  ;  le  2°  de  l'an  1307,  receu  par 
m*  Pierre  Robert  ;  et  le  3'  du  10  aoust  1414  ;  receu  par 
m'  Bertrand  Melh  ;  attachés  ensemble  ;  cothés  par  J.  ITEn 
marge  :  ladite  rante  a  esté  vandue  au  s' de  S'  Ghamans]. 

82^.  Item  ung  instrument  de  donation  ou  testament  où 
est  contenu  ung  léguât  de  5  s.  ts  de  rante,  faict  au  dict 
chappitre  par  m*  Aatboine  Arnaldi,  notaire  dudict  Tulle  ; 
receu  par  m*  Jehan  Bosquet  (1),  prestre  de  Tulle,  du 
23'  décembre  1474;  cotbé  parK. 

823.  Item  uns  instrument  de  tnuesftture  par  lequel  apert 
que  Seguy  du  Luergue,  de  Tulle  doibt  au  cellarier,  ung 
cestier  froment,  à  cause  d'une  lèze  de  vigne  située  en  la 
parroisse  S"  Pierre  de  Tulle  ;  receue  par  M'  Jehan  de 
Sourries  et  signée  par  M'  Estienne  de  Sourries  du  17'  no- 
vembre 1440  ;  cothé  par  L. 

824.  Item  ung  acte  d'assisaige  commençant:  in  quâ 

Îuidem  assiaya,  et  finissant:  que  fuei-ont  ;  signé  par  de 
ampo  Julie  ;  cotbé  par  M. 

825.  Item  ung  (es(emeTi(  faict  par  boneste  femme  Jehanne 
de  Poiyrat,  femme  de  Jehan  de  Champs,  laquelle  légua 
5  sols  par  icelUiy  au  dict  chappitre  ;  receu  par  m*  Jehan 
Cueilbe  ;  du  25'  avril  1401  ;  cotnè  par  N. 

826.  Item  ung  instrument  d'acquisition  faicte  par  ledict 
'  chappitre,  de  iOs.  de  rante  suf  Jehan  Dupuy,  de  Tulle, 

pour  la  somme  de  dix  réalz  d'or;  receu  par  m*  Jehan  de 
Quercu,  notaire  de  Tuile,  du  21»  décemnre  1446;  cothé 
parO. 

827.  Item  ung  instrument  de  donnation  ou  léguât  faicte 
par  Jehan  Brossas,  merchant  de  Tulle,  de  10  s.  ts.  de 
rante,  siz  sur  tous  ses  biens,  en  faveur  dudit  chappitre  ; 
receu  par  M'  Jehan  Lavergne,  du  16'  may  1456  ;  cothé 
par  P. 

828.  Item  ung  instrument  de  doriaiîon  faicte  parGuîl- 
lon  Valhac,  de  Martel,  de  10  s.  ts.  de  rante  en  faveur 
dudict  chappitre  ;  scellé  et  signé  par  m*  Guilhame  Lam, 
du  mardy  avant  la  feste  l'assantion  noatre  sgr  1319  ;  cothé 
parQ. 

.829-   Item   ung   instrument  de  recognoissance  audict 
chappitre  faicte  par  Johanetde  Laval,  parroisse  S^Maixens, 
de  15  s.  ts.  de  rante  ;  receu  par  m'  Jehan  Gornîer,  du 
11'  avril  1453  ;  cothé  par  R. 
830.  Item  certaines  escriptures,   enqueste,  sentance 

(t]  0  se  proDoii^ant  le  plus  souvent  ou  donne  Bousquet,  détail 
dont  on  s'avise  trop  peu,  mâme  parmi  nos  meilleurs  chercheurs 
régionaux. 


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-221  - 

doDDée  par  messire  GérauU  Ciielha,  juge  de  Tulle,  et 
autre  procédure  faicte  au  proûct  dudit  cnappitre,  entre 
JehaoDe  del  Solier,  tutrisse  des  enfans  de  feu  Pierre  de 
Sadra,  aliàs  de  S'  Bonet  (1),  de  la  moytiôde  demy  muy  de 
vin,  mesure  de  Tulle,  de  rante  ;  receu  et  signé  par  m*  Ber- 
nard Fauria,  notaire,  du  8*  octobre  1449  ;  cothè  par  S.  [En 
marge  :  Sadre,  quarte  partie  d'un  muyj. 

831.  Ung  instruinent  eu  est  contenu  ung  léguai  de  12  3. 
ts.  de  rante  faict  audict  chappitre  par  r,  p.  en  D,  Arnault 
de  S'  Astier  ;  receu  m'  Foncet  de  Vilari,  prestre,  du  10*  may 
1354.  —  Plus  autre  instrument  de  4  liv.  ts.  de  rante,  assis 
sur  les  biens  de  Bernard  de  Sercois,  de  Rocquemadour  ; 
attachés  ensemble  ;  et  cothés  par  T. 

832.  Item  ung  instrument  d'acquisition  faicte  par  ledict 
chappitre,  de  b  s.  de  rante,  pour  v  I,  sur  Jehan  Eitren, 
aliàs  Talpi  et  Jehanne  sa  femme,  assise  sur  une  maison 
el  solar  au  barry  del  Trech  ;  receu  par  m"  Jehan  de  Quercu, 
du  5'  aoust  1464;  cothé  par  V,  [A  la  marge:  Talpy,  de 
Tulle  et  sa  femme  v  s]. 

833.  Item  une  ordonnance  faicte  par  mgr  l'archevesque 
de  Bourges,  par  laquelle  il  déclaire  ce  que  chascung  per- 
sonat  doira  |devra]  fere  en  ladicte  église  de  Tulle,  avec 
autres  constitutions  et  ordonnances  contenues  en  icelle; 
signée  par  Joubert  de  Brunayrie  et  scellé  du  seau  de 
Limoges  ;  septimo  kalendas  martii,  1313  ;  cothé  par  X. 

834.  Item  ung  testement  faicl  par  m»  Ramond  de  I^- 
chapouilhe,  par  lequel  légua  audict  chappitre,  20  s.  chas-  ' 
cung  an  de  rante,  assiz  sur  une  maison  appellée  de  Thauc, 
au  barry  del  Trech  ;  receu  par  m*  Pierre  Gornier,  aliàs 
Verlhac,  de  Tulle;  du  12'  octobre  1481  ;  cothé  par  A.  A. 
[En  marge  ;  Chappoulye,  20  s.  ;  Raillou,  de  Tulle,  bou- 
cher]. 

835.  Item  autre  testement  faict  par  Anne  du  Bessou, 
femme  dudict  Chapouille,  par  lequel  légua  20  s.  ts.  de 
rante,  audict  chappitre,  assiz  sur  tous  ses  biens  ;  receu 
par  m' Jehan  Cueme  ;  du  28' octobre  1410;  cothé  par  B.B. 

836.  Item  ung  instrument  de  inveatizon  faict  par  ledict 
chappitre,  à  Anthoine  et  Jehan  du  Chier,  aliàs  de  L»- 
chiéze  (2),  frères,  d'ung  pré  et  jardrin  situés  au  village 
de  La  Mouneyrie  (3),  el  pour  raison  de  ce  doibvent  de 
rante,  une  eymine  froment,  mesure  de  Tulle  ;  receu  par 
m'  Estienne  Du  Pré  ;  du  29*  janvier  1438  ;  cothé  par  C.  C. 

(1)  Saiot-Bonnet-rEofaotier. 
(3)  CommuDa  de  Tulle. 

(3)         id  id.  —  Lam,  du  n*  S18,  doit  être  erroné  pour  de 

Lacu. 


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—  222  - 

837.  Item  ung  instrument  d'arrantement  faict  par  ledict 
chappître,  à. Pierre  de  Jos,  allas  Penssou,  parroisse  S^  Ju- 
lien de  Tulle,  assavoir  de  la  moytié  du  villaige  de  La 
Mouneyrle  par  indivis,  avec  la  rante  chascung  ao  de  7 
cestiers  seigle,  6  cest.  avoyne,  mesure  pauche,  ungcestier 
froment  et  1  cest.  rebves,  mesure  de  Tulle,  et  7  a.  6  den. 
ts.  Plus,  à  cause  d'ung  pré  et  jardrins,  joignans  ensemble, 
avec  la  rante  d'une  quarte  froment,  à  petite  mesure  de 

'  Tulle,  et  4  deniers  ts  [tournois]  ;  ensemble  autres  cens  et 
rantes  contenuz  audict  instrument  d'arrentement,  receu 
par  m*  Anthoine  Chassaignard,  du  25*  may  1461  ;  cotlié 
par  D,  D. 

838.  Item  ung  testament  faict  par  noble  Jebanne  de 
Bossac,  de  Tulle,  femme  à  noble  Guynot  de  Fyaletz,  du 
lieu  de  Gymel,  par  lequel  donna  et  légua  audict  chappitre 
5  s.  ts.  cnascung  an  de  rante  ;  receu  par  m*  Pierre  Des 
Bans,  juré  de  Lymoges,  du  11"  novembre  1438;  cothé 
par  £.  E. 

839.  Item  ung  lestement  faict  par  noble  Guy  de  Gimel, 
s'  dudîct  lieu,  où  est  contenu  un  légiiat  de  10  s.  ts  de 
rante,  faict  audict  chappitre  ;  receu  par  m*  Jehan  Cuethe, 
du  2- avril  1416;  cothè  par  F.  F. 

(A  suivre). 

J.-B.  Ghaupeval. 


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L'AsDË  DE  FËLBTZ 


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L'abbé  de  Feletz 

l'homme  —  LE  CRITIQUE 
1 767-1 8B0 


A  la  date  du  25  février  1850,  le  libre-penseur 
Sainte-Beuve  commençait  en  ces  termes  un  de  ses 
Lundis  : 

«  Le  11  de  ce  mois  est  mort,  à  l'âge  de  quatre- 
vingt-trois  ans  accomplis,  un  vieillard  aimable, 
spirituel,  qui  recouvrait,  sous  les  formes  d'une  poli- 
tesse exquise  et  d'une  parfaite  urbanité  mondaine, 
un  caractère  fenne,  desopinions  nettes etconstantes, 
bien  de  la  philosophie  pratique  ;  un  sage  et  un 
heureux  qui  avait  conservé,  à  travers  les  habitudes 
du  critique  et  avec  un  esprit  volontiers  piquant, 
un  cœur  bienveillant  et  chaud,  une  extrême  délica- 
tesse dans  l'amitié.  M.  de  Feletz  me  représentait  en 
perfection  le  galant  homme  littéraire.  Resté  le 
dernier  survivant  de  la  génération  d'écrivains  à 
laquelle  il  appartenait^  il  lui  faisait  honneur  à  nos 
yeux  ;  il  la  personnifiait  par  les  meilleurs  côtés. 
C'est  en  la  jugeant  par  lui  qu'on  pouvait  s'en  former 
l'idée  la  plus  favorable  »  (1). 

(1)  8aint«-BeuTe,  Lundiê,  tome  I  :  M.  de  Feletz  ot  de  la  criti- 
que littéraire  tous  l'Ernpin,  Eloge  prononça  par  Saiat-Marc* 
Girardin,  directeur  de  l'Académie  fraoçaise,  le  13  février  1850,  ft 
roccasion  de  la  mort  de  Feletz,  ■  l'un  des  esprits  tes  plus  ingé- 
nieux et  les  plus  élevés  de  son  temps,  l'un  des  plus  affectueux  et 
des  plus  aimables  confrëreB). 


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-  -226  - 

C'est  de  cet  abbé  tolérant,  de  cet  écrivain  de 
valeur,  dont  le  plus  grand  défaut  est  peut-être 
d'avoir  été  longtemps  méconnu,  surtout  de  ses 
compatriotes,  que  nous  désirerions  donner  une  idée 
dans  cette  courte  notice,  sortie  d'une  conférence 
faite  à  VÂssocialion  Corrézienne  de  Paris,  en 
attendant  l'étude  plus  complète  qu'il  mérite. 

Si  nous  ajoutons  que  la  longue  existence  de 
Charles-Marie  Feletz  d'Orimont  fut  tout  entière 
consacrée  au  culte  des  lettres  et  à  la  passion  de  la 
vérité,  qu'il  apprit  à  aimer  les  unes  et  à  se  sacrifier 
à  l'autre  dans  un  vieux  Collège  qui  nous  est  cher  à 
plus  d'un  titre,  on  jugera  sans  doute  que  le  plaisir 
de  faire  connaître  un  tel  homme  se  double  ici  d'un 
devoir  de  reconnaissance  et  qu'il  était  bien  temps 
de  rendre  justice  à  ce  gentilhomme  plein  de  bonho- 
mie et  de  loyauté,  à  ce  causeur  ingénieux  et  char- 
mant, critique  et  moraliste  d'un  goût  pur  et  sévère 
autant  que  polémiste  de  haute  verve  et  d'une  savou- 
reuse originalité  dans  l'indépendance  de  sonhumeur 
ï  gaillarde  »  et  la  vive  allure  de  son  esprit  i  bas- 
limousin  ». 


I 

A  quelques  kilomètres  de  Brive,  ce  «  luisant 
portail  du  Midi  »  (1),  sur  la  limite  des  communes  de 
Mansac  et  de  Saint- Fantaléon ,  se  trouve  le  petit 
village  de  Gumont  (2),  formé  de  trois  groupes  d'ha- 

(1)  Jasmin. 

(t)  Vers  10S3,  Archamb&ud,  vicomte  do  Tureiine  et  son  Frère 
consanguin  Boson  donnent  le  mense  d'^gumonf  i.  l'abbaye  située 


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bitations  :  le  premier,  sur  le  bord  de  la  route,  à 
ml-eôte  d'une  colline  couverte  de  cbâtaigniers,  où 
s'accuse  le  vert  tendre  des  «  pelous  »  sur  le  vert  plus 
foncé  du  feuillage;  lo  second,  un  peu  au-dessus, 
dont  le  nom  de  «  Preboustal  »  rappelle  rorigine 
religieuse  (1)  ;  le  dernier,  enfin,  situé  sur  une  émi- 
nence  plus  au  Nord,  et  comprenant  la  maison  natale 
de  Feletz. 

De  la  grande  cour  carrée  qui  précède  le  principal 
corps  de  ce  logis,  l'œil  plonge  d'abord  dans  une 
c  combe  >  profonde  ombragée  d'arbres  touffus,  puis 
ae  dirige  ravi  vers  les  longues  ondulations  des  col- 
lines verdoyantes  et  fertiles  se  brisant  là-bas,  bien 
loin,  au  sombre  rempart  qui  sépare  la  Gorrèze  des 
départements  du  Lot  et  de  ta  Dordogne,  merveil- 
leux panorama  où  se  découpent  dans  l'azur  du  ciel 
les  contours  violets  de  Roche-de-Vic  et  du  Puy-de- 
Pauliac. 

Tout  autour,  c'est  un  horizon  à  souhait  pour  le 
plaisir  du  touriste  ;  une  mer  houleuse  de  feuillages 
mouvants  où,  çàetlà,  la  terre,  mordue  par  le  soc, 
donne  sa  note  plus  sévère.  Rougeâtres,  grasses, 
épaisses  et  lourdes  à  remuer  apparaissent  les  mot- 
tes soulevées,  mais  des  plus  généreuses  à  rendre  au 
centuple  la  semence  qu'on  leur  confie. 

C'est  dans  ce  pays  souriant,  véritable  berceau  de 

dans  la  paroisse  de  Saint- Pan  talé  an  de  Rot,  ou  Roc  [aujourd'hui 
Saint-Pantaléon  de  Larche),  prévCLé  dépendant  de  l'abbaye  ds 
Saint-Hartial  de  Limogea.  Agumoat  (acuJua  monê)  est  devenu 
Gumont. 

(1)  Ceat-A-dire  *  la  PrévOté  i,  aDcienue  maison  religieuse  gouver- 
née par  un  ■  Prdvot  »  et  dépendant  de  l'abbaye  bénédictine  -  Saint- 
Pierre  d'Uzercbe. 


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verdure^  que  s'écoulèrent  insouciantes  les  premières 
années  de  Charles  Feletz  (1).  Issu  d'une  famille 
honorable  et  considérée,  établie  depuis  plusieurs 
années  en  Limousin  et  en  Périgord  (2),  et  qui  pou- 


(1)  Voici  l'extrait  de  naissance  de  l'abbé  de  Feletz  : 
<  Aujourd'hui  troisième  janvier  de  la  présente  année  (1767)  est  né 
Bt  a  été  b^ttaé  measire  Charles  Marie  Fêles  Dorimond  fila  natu- 
rel et  légitime  4  raessire  Etienne  Fêles  Dorimond  et  ft  dame  Ck> 
therine  de  Fars  ;  ont  été  pareia  messire  Charles  Fêles  Dorimond 
ancien  ofHcier  au  régiment  du  roy  grand  pfare  au  baptisé  et  mareioe 
demoiselle  Théreze  Cktnchard  de  Vermeil  au  nom  et  place  de  dame 
Marie  Jouteau  de  Montférant  dame  de  Fars  grand  m6re  au  baptisé. 
Le  parein  et  la  mareine  ont  signé  avec  moy  requis. 
FÉLBTS  :  parein. 

FéLBTS  DE  RUPIH. 

CoHCSABD  DE  Vbhuril.  Mailher  vie  (aire)  ■. 

(Archive»  du  Greffe,  à  Brioe). 

(3)  Les  cartulaires  abbatiaux  noua  Tournissent  des  renseignements 
aussi  bien  aur  les  uriginea  do  Gumont  que  sur  celles  des  Feletz. 

Felett  {de  Fetilziol  était  un  >  repaire  ■  de  la  paroisse  Bas-Limou- 
sine de  Bainte-Trie  {aujourd'hui  Dordogne)  et  avait  un  ReT  homo- 
nyme  en  d'Aubas  (1400},  en  la  ch&telleuie  de  Montignac  (Périgord  — 
Voir  Champeval:  CartuUire  d'Uzercha,  p.  lîO).  —  Feletz  était 
voisin  de  l'sbbaye  cistercienne  de  Dalon  et  du  tënement  de  Born 
(paroisse  de  Sainte-Trie). 

Dans  le  ocartulaire  de  Dalon  >  (ËTtrait  cité  par  H.  A.  Thomas: 
Vie  et  Œuvres  de  B.  de  Born),  on  trouve  un  Aimericus  de  Fe- 
titiio,  témoin  d'une  donation  de  la  borderie  des  Coderc  (paroisse 
de  Sainte-Trie]  et  des  Pbres,  faite  à  Dalon  per  Bertrand  et  Cons- 
tantin de  Born. 

Hais,  depuis  la  plus  haute  antiquité,  les  seigneurs  de  Feletz  se 
rencontrent  dans  les  parages  de  Hansae,  de  la  paroisse  duquel 
était  la  borderie  des  Pères. 

Un  autre,  ou  le  même,  Aimeric  de  Feletz,  vers  lltT-ltSI.  «st. 
aussi  témoin  d'un  contrat  présidé  par  G.  de  Manciaeo  (Cr.  Cham- 
peval :  Cirlulaire  d'Uzerche,  p.  26'/}. 

Au  bourg  de  Hansae,  la  famille  de  Feletz  possédait  m6me  un 
chfttesu  où  habitaient  les  frères  de  l'abbé  de  Feletz. 

Quant  au  uom  d'Orimont,  qui  titre  les  Pelet^  c'était  celui  d'un 
fief,  le  puy  d'Orimont,  butte  située  aur  l'areto  qui  sépare  ta  vallée 
de  la  Vézère  de  celle  de  son  affluent,  la  Loyre  d'Objat, 


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vait  s'enorgueillir  d'avoir  eu  des  chevaliers  aux 
croisades  et  de  compter  des  évèques  et  plusieurs 
officiers  généraux  illustrés  dans  le  service  de  la 
marine,  notre  compatriote  était  le  cadet  de  trois 
garçons,  dont  les  deux  aînés  embrassèrent  la  car- 
rière des  armes. 

Par  sa  naissance,  par  sa  première  éducation  en 
pleines  terres  d'Eglise,  il  semblait  tout  naturel- 
lement destiné  dès  son  jeune  âge  à  l'état  ecclésias* 
tique  ;  et,  par  ses  relations  de  famille  et  de  voi- 
sinage, à  être  toute  sa  vie  un  royaliste  convaincu, 
mais  libéral^  ne  reniant  aucune  des  gloires  de  l'an- 
cienne France,  acceptant  loyalement  les  conquêtes 
de  la  France  nouvelle  (1). 

De  cette  enfance  heureuse  en  bonne  terre  limou- 
sine, en  un  tendre  milieu  patriarcal,  il  faut  signaler 
la  précocité  des  études  et  les  succès  scolaires  dans 


(1)  Gumoat  était  sur  le  duché  de  Noailles,  qui  faisait  d'abord 
partie  de  la  vicomte  de  Turenne,  et  voisin  de  Mansae  où  se  trou- 
vaient les  châteaux  du  Seuil  et  de  Renaudet  (H.  de  Bouehiat).  Tout 
autour  étaient  des  terres  d'église  ;  La  Chapelle,  membre  d'Uzerche  ; 
le  Roc,  prévAtd  de  Saint-Hartial. 

L'un  des  frères  de  l'abbé  de  Feletz  (Antoine' Joseph),  ofRcier  au 
régiment  de  Champagne,  fut  une  des  victimes  de  Quiberon  ;  l'autre 
prit  part  aux  guerres  de  l'émigration  et  fut  fait  chevalier  de  Saint- 
Louis  en  tSU  [CF.  Martial  Delpit). 

Le  père,  Etienne  de  Feletz.  avait  épousé,  vers  1760,  M*^  de  Fars, 
de  famille  përigourdine  et  belle-sœur  de  M"*  de  Fars,  marquise  de 
Fausse -Landry  qui ,  enfermée  à  l'Abbaye  avec  son  oncle  l'abbé 
Cbapl  de  Rastigaac,  échappa  aux  massacres  de  Septembre,  dont 
elle  a  laissé  une  relation  [Collaclion  des  Mémoirea  retalift  à  la 
Résolution  :  Mémoires  »ur  les  jouméei  de  Septembre,  p.  63  à  S3). 
(Cf.  Martial  Delpit,  biographie  de  M.  de  Feletz  dans  le  Chroni- 
queur du  Périgord  et  du  Limovetn,  février  1853). 

(Renseignements  d«B  cinq  dernières  notes  dus  à  H-  Louis  de 
Nussae). 


dbyGoot^lc 


ce  collège  de  Brive  dont  on  ne  saurait  trop  rappeler 
les  glorieuses  traditions  et  que  deui  de  nos  ro- 
inanciei's  du  terroir  ont  si  bien  dépeint  dans  Tante 
Minou  (1). 

Oui  se  décidera  un  jour  à  écrire  l'histoire  de  notre 
vieil  établissement  universitaire  où  se  dévouèrent 
tant  de  modestes  éducateurs,  dominicains,  jésuites 
et  doctrinaires,  sans  oublier  les  bienfaiteurs  et  les 
maîtres  laïques  qui  leur  succédèrent,  et  dont  les 
noms  et  deux  bustes  (2),  élevés  récemment,  perpé- 
tuent seuls  le  souvenir? 

A  l'époque  où  Feletz  y  vint  faire  ses  humanités 
pour  en  sortir  rhétoricien  à  l'âge  de  quatorze  ans, 
—  le  ff  surmenage  »  n'étant  pas  encore  inventé,  — 
le  collège  de  Brive  était  en  pleine  prospérité  !  Cela 
dura  jusqu'à  la  Révolution,  qui  épargna  construc- 
tions et  professeurs,  bien  que  ceux-ci  portassent  la 
robe.  On  n'avait  pas  encore  perdu  le  sentiment  de  la 
reconnaissance  et  on  leur  devait  trop  pour  ne  pas 
les  respecter,  avant  même  que  quelques-uns  de 
leurs  élèves  fussent  devenus  célèbres  sous  les  noms 
de;  Treilhard,  Cabanis^  Latreille,  Brune,  etc., 
etc.  (3). 

Des  Doctrinaires  de  Brive  Feletz  passa  chez  les 
Doctrinaires  de  Périgueux,  où  il  fut  initié  aux  étu- 
des philosophiques  que  Maine  de  Biran,  son  condis- 

(1)  Pierre  Verihac  et  H.  Honjauze,  Tanle  Minou.  Paris,  A.  Le- 
merre,  1B94. 

{1)  Le  bienfaiteur  Louis  Pons,  le  professeur  de  philosophie  abbé 
Broussouze. 

(3)  Autres  élèves  du  collËge  da  Brive  :  l'amirtil  Grîvel  ;  le  juris- 
consulte Salviat;  Sahuguet  d'Bspagnac,  gouverneur  des  Invalides, 
pour  nous  on  tenir  aux  plus  connus. 


Dijiiizedb,  Google 


ciple,  et  Royer-Collavd,  plus  tard  son  ami  et  son 
collègue,  allaient  ramener  au  rationalisme  idéaliste 
et  au  spiritualisme  chrétien.  Puis  il  alla  compléter 
ses  études  à  Paris  par  trois  années  de  théologie  au 
collège  Sainte-Barbe  et  une  seconde  année  de  philo- 
sophie au  collège  du  Plessis,  en  même  temps  qu'il 
professait  à  Sainte-Barbe  en  qualité  de  maître  de 
conférences  théologiques  et  philosophiques. 

Ce  fut  lors  de  ce  premier  séjour  à  Paris  que  le 
jeune  professeur,  se  conciliant  par  son  esprit  enjoué 
et  son  caractère  éminemment  sociable  de  solides 
amitiés,  devint  l'intime  de  Bertin,  de  Dussault,  de 
l'abbé  NicoUe,  etc.  (1).  De  ce  moment,  grâce  à  ses 
relations  de  famille  et  surtout  à  la  distinction  de 
ses  manières,  à  l'agrément  déjà  remarqué  de  sa  con- 
versation, Feletz  put  couronner  d'excellentes  études 
classiques  par  l'usage  du  monde  et  la  fréquentation 
des  salons  où  il  apprit  le  grand  art  de  la  discussion 
mondaine,  fait  surtout  alors  d'à-propos,  de  grâce  et 
de  juste  mesure,  de  ce  mélange  de  plaisanterie 
malicieuse  et  d'idées  sérieuses  qui  est  le  propre  de 
l'esprit  français  greffé  sur  le  fond  celtique  oîi  Rabe- 
lais puisa  sa  verve  et  Molière  son  génie  (2). 

Mais,  de  toutes  parts,  s'annonçait  la  fin  des  années 

(1)  Feletz  eut  aussi  dans  ses  relations  Deshons,  futur  âvêque  de 
Troyesi  Borderies,  depuis  évéque  de  Versailles.  (Msrti&l  Delpit, 
id.,  ibid.). 

(1)  •  Ami  des  hommes  les  plus  élevés  par  le  rang  ou  par  le  gé- 

■  nie,  il  n'était  dans  la  conversation  l'inFérieur  d'aucun.  Il  paraissait 
«  genlilhomme  à  cûtô  des  .ducs  de  Richelieu  et  de  Montmorency, 
>  et  causeur  très  habile  en  Tace  de  M.  de  Bonald  ou  de  M.  de 

■  Chateaubriand  ■.  [Villemain:  Souvenirs  conlemporama  .-  De 
M.  de  Feletz  et  de  quelque*  salon*  de  ton  lempaj. 


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heureuses.  Avec  la  Révolution  allaient  eonimencer 
pour  Feletz  les  plus  dures  épreuves.  Il  y  fit  face 
avec  une  âme  énergique  et  leur  opposa  des  trésors 
de  constance  et  de  fermeté,  que  son  éducation  fami- 
liale et  son  existence  jusque  là  si  mondaine  étaient 
loin  de  faire  soupçonner  (I). 

Le  8  juin  1791 ,  la  communauté  de  Sainte-Barbe 
tout  entière  avait  refusé  le  serment  à  la  constitution 
civile  du  clergé  et  Feletz,  à  l'exemple  de  ses  collè- 
gues, se  retira  dans  sa  province.'  Ce  fut  à  cette  épo- 
que que,  persistant  avec  courage  dans  une  vocation 
où  le  poussaient  s  et  sa  foi  devant  Dieu  et  son 
honneur  devant  les  siens  »,  il  reçut  l'ordination,  en 
secret,  des  mains  d'un  èvéque  insermenté  et  pros- 
crit, alors  que  l'apostolat  ne  lui  promettait  plus  que 
le  péril,  l'outrage  et  la  persécution. 

Cela  ne  tarda  pas  en  effet  :  arrêté  en  1793  et  con- 
damné à  la  déportation  sans  jugement,  il  fut  envoyé 
dans  les  cachots  de  Rochefort  et,  en  mars  1794, 
jeté  avec  plus  de  huit  cents  prêtres  sur  les  pontons 
du  Washington  et  des  Deux-Associés,  où,  onze 
mois  durant,  il  souffrit  le  plus  épouvantable  mar- 
tyre, alors  qu'un  seul  mot  de  reniement  eût  suffi  à 
le  délivrer  (2). 

Au  commencement  de  1795,  sur  huit  cents  dépor- 
tés, 325  seuls  restaient  encore,  la  plupart  défigurés, 


(t)  Il  se  dispoBtût  aussi  à  se  Faire  recevoir  comme  chanoine  comte 
de  LiroD  et  préparait  ses  preuves,  les  mêmes  que  pour  monter 
daus  les  carrosses  du  roi  :  seize  quartiers  de  uoblesse.  (CF.  Martial 
Delpil). 

[!]  Il  Fut  arrdtô  à  Excideuil  et  emprisonné  d'abord  à  Përigueux  ; 
puis  condamné  comme  réFractaire  en  vertu  des  dâcrels  du  36  août 
1793  et  du  21  avril  1793.  (Martial  Oelpit). 


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perdus  de  santé  ou  de  raison.  Violences  continuel- 
les, mauvais  traitements,  privations  de  livres,  dé- 
fense absolue  de  prier  en  commun,  dénonciations 
perfides,  punitions  terribles  pour  la  moindre  infrac- 
tion à  la  plus  barbare  des  consignes,  scorbut,  fiè- 
vres malignes  et  inflammatoires,  ces  martyrs  de  la 
foi  endurèrent  tout  avec  une  sublime  résignation  (1). 

(1)  I  Les  déportés,  ent^Bés  au  nombre  de  plus  de  quatre  cents 
sur  chacun  des  deux  navires,  n'avaient  pour  respirer,  pendant  le 
jour,  qu'une  partie  du  pont  séparée  des  gens  de  l'équipage  par  une 
cloison  &  claire-voie.  Pressés  les  uns  contre  tes  autres  dans  cet 
étroit  espace,  sur  lequel  étaient  pointés  des  canons  chargés  k  mi* 
traille,  il  leur  était  impossible  de  s'asseoir,  même  pour  prendre  la 
détestable  nourriture  qui  leur  était  encore  mesurée  avec  la  plus 

rigoureuse  parcimonie Daos  les  différentes  visites  auxquelles 

on  les  avait  soumis ils  avaient  été  dépouillés  de  presque  tous 

leurs  efTets.  Les  habits  et  le  peu  de  linge  <iu'on  leur  avait  laissés 
furent  bientôt  réduits  en  lambeaux.  C'est  dans  cet  état  de  misère, 
ayant  la  plupart  du  temps  les  pieds  dans  l'eau,  qu'il  leur  fallut  eu- 
durer  toutes  les  intempéries  de  l'air,  et  notamment  tes  froids  ri- 
goureux de  décembre  1794  et  de  janvier  1795 Chaque  soir  on 

faisait  descendre  les  déportés  dans  un  entrepont  de  cinq  pieds  de 
haut,  oii  l'air  et  la  lumière  ne  pénétraient  que  par  l'étroite  ouver- 
ture de  l'écoutille.  Dans  tout  le  pourtour  de  cet  entrepont  se  trou- 
valent,  k  hauteur  d'appui,  des  bancs  de  planches  mal  jointes,  sur 
lesquelles  couchaient  à  nu  le  plus  grand  nombre  d'entre  nous  ■. 

D'autres  couchaient  soua  ces  mâmes  bancs  ;  d'autrea  occupaient 
le  milieu  du  plancher  ;  d'autres  enfin,  plus  âgés  ou  plus  inRrmes, 
reposaient  dans  des  hamacs  tendus  au-dessus  et  qui  s'affaissaient 
presque  jusqu'au  visage  de  ceux  qui  étaient  sur  le  sol. 

Atteints,  dès  les  premiers  jours,  du  scorbut  ou  dévorés  par  la 
vermine,  preaque  tous  ces  malheureux  expirèrent  dans  des  aouf> 
frances  épouvantables.  Quelques-uns,  en  proi«  à  des  Rèvres  mali- 
gnes et  inflammatoires,  devenaient  fous  et  troublaieat  l'ordre  par 
leur  délire.  Impitoyablement  ils  étaient  mis  aux  fers  ou  envoyés 
sur  deux  barques  qui  servaient  d'bOpitaux.  Et  là,  privés  de  tout 
service  médical,  ils  devaient  se  soigner  eux-mêmes  et  se  trouvaient 
plus  mal  encore  par  suite  de  la  violence  du  roulis  qui  provoquait 
des  vomissements  incessants. 

Voir  à  ce  sujet,  Relation  de  ce  qu'ont  souffert,  pour  ta  religion. 
Us  prêlree  français  iniermenlés,  déportés,  en  Î79i,  dan»  la  rade 


dbyGoOt^lc 


Thermidor  vint  enfin  leur  rendre  la  liberté  et^ 
au  mois  de  février,  après  un  assez  long  séjour  dans 
la  prison  de  Saintes,  on  voulut  bien  permettre  aux 
habitants  de  les  recevoir  chez  eux.  Feletz,  recueilli 
chez  M"*  de  Lagarrigue  et  bien  qu'admirablement 
soigné,  mit  près  de  quatre  mois  à  se  rétablir  et  put 
alors  se  retirer  chez  des  parents,  à  Périgueux(i). 

C'est  là  qu'il  écrivit  son  premier  article,  dont  il  a 
raconté  lui-même  la  plaisante  histoire  : 

a.  J'avais  plus  de  trente  ans,  que  je  n'avais  jamais 

songé  à  écrire  une  page  pour  le  public Je  me 

trompe  :  quelques  années  auparavant,  frappé  parti- 
culièrement d'un  décret  injuste  et  tyranniquede  la 
Convention j'écrivis  quelques  pages  pour  dé- 
montrer combien  il  était  oppressif  et  odieux.  Je  les 
adressai  au  rédacteur  d'un  journal  modéré;  je  ne 


de  t'Ue  d'Aix,  prés  Rochefort,  par  Grégoire  de  la  Biche,  de  Limo- 
ges (1796);  râiroprimëe,  en  1S26,  dans  les  Mémoires  de  Barrière, 
relatifs  à  U  Révolution  française.  [Mémoire»  sur  te»  prisons,  l.  II, 
pp.  38Î-481)- 

Voir  ausai  :  Les  M&rlyra  de  la  foi  pendant  U  Révolution,  par 
l'abbé  Guillon,  d'après  divers  mémoires  manuscrits  concernant  les 
déportés  de  Bochofort.  (Feletz  a  consacré  un  article  à  cet  ouvrage  : 
Mélange»,  tome  I). 

Récit  abrégé  de»  souffrance»  de  huit  cents  ecctéstaatiqtiea  fran- 
çai»  condamnés  k  la  déportation  et  détenus  à  bord  du  Washing- 
ton et  des  DeuT-Aasociés  dan»  les  environs  de  Rochefort  (179i- 
1795),  par  un  curé  du  diocèse  de  Paris.  (Bibliothèque  du  Louvre, 
volumes  de  pièces  sur  la  Révolution,  n*  510). 

(1)  Ce  fut  à  un  de  ses  parents  et  compatriotes  que  Feletz  dut 
d'être  recueilli  et  soigné  par  M"  de  Lagarrigue,  l'abbé  du  Pavillon, 
ancien  grand  vicaire  du  diocèse,  qui  avait  vu  son  évêque,  Hgr  de 
la  Rochefoucauld,  massacré  le  2  septembre  179!  dans  l'église  des 
Carmes.  Feletz  a  consacré  un  article  à  H.  du  Pavillon  (V.  Juge- 
ments historiques  el  litliraire»,  1840),  où  il  fait  l'éloge  de  la  con> 
duite  des  habitants  de  Saintes. 


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connaissais  pas  même  de  nom  ce  rédacteur,  que  j'ai 
beaucoup  connu  depuis.  C'était  M.  Fiévée.  J'avais 
peu  espéré  qu'il  fit  l'honneurà  ma  petite  dissertation 
de  l'adopter  et  de  l'insérer  dans  son  journal  ;  il  la 
publia  toutefois.  J'étais  alors  caché  pour  éviter  les 
rigueurs  d'une  seconde  captivité,  car  j'en  avais  déjà 
subi  une  première  très  longue  et  très  dure.  Par  un 
excès  de  précaution  peut-être^  et  dans  la  crainte 
d'appeler  l'attention  sur  moi,  au  lieu  de  dater  ma 
lettre  de  Périgueux,  où  j'avais  trouvé  un  excellent 
asile  chez  d'excellents  parents,  je  la  datai  d'une 
petite  ville  distante  deseptàhuitlieues,d'Excideuil. 
Le  journal  où  mon  article  fut  inséré  parvint  dans 
cette  petite  ville.  A  défaut  de  tout  autre  mérite,  cet 
article,  par  les  principes  de  justice  et  d'équité  qu'il 
développait,  obtint  la  sympathie  des  honnêtes  gens 
d'Excideuil  ;  il  y  fit  quelque  bruit  et  on  en  recher- 
cha l'auteur.  On  l'attribua  d'abord  à  un  médecin, 
homme  d'esprit  et  capable  d'en  faire  de  beaucoup 
de  meilleurs,  et  qui  déclina  franchement  l'honneur 
qu'on  voulait  lui  faire.  Alors  on  soupçonna  un  jeune 
homme  d'esprit  aussi,  mais  qui  eut  la  faiblesse  de 
se  laisser  attribuer  l'article,  et  qui  finit  par  se  l'at* 
tribuer  lui-même.  Le  malheur  de  ce  jeune  homme 
le  conduisit  à  Périgueux.  J'y  étais  alors,  moins  re- 
tiré, plus  libre  et  il  me  rencontra  dans  un  salon.  Ce 
fut  justement  à  moi  qu'il  s'adressa  pour  me  de- 
mander ce  que  je  pensais  de  cet  article.  Pénétrant 
ses  intentions,  je  lui  répondis  que  je  le  trouvais 
excellent.  Alors,  se  penchant  h  mon  oreille,  il  me 
dit,  de  manière  à  être  entendu  de  tout  le  monde  : 
«  Je  l'ai  mis  à  la  poste  à  Excideuil,  le  jour  de  l'As- 


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cension  >.  Ce  n'était  assurément  ni  le  jour,  ni  le  lieu 
du  départ,  mais  je  souris  au  jeune  homme  et  ne 
lui  témoignai  aucun  doute.  Le  vers  d'Horace  :  Raro 
aniecedentem  me  serait  revenu  en  mémoire  si  le 
mot  de  scelestum  ne  m'eût  paru  trop  fort  pour 
une  si  puérile  vanité  »  (1). 

Malgré  le  succès  flatteur  qu'il  obtint  de  ce  pre- 
mier article,  le  malicieux  abbé  en  resta  là  pendant 
quelques  années  pour  se  remettre  à  l'étude  et  à  la 
méditation  des  auteurs  anciens  et  des  classiques  dti 
temps  de  Louis  XIV.  Dans  l'intervalle,  il  faisait  un 
séjour  prolongé  à  Orléans,  chez  M.  de  Vence  (2), 
arrière-petit-fils  de  M"  de  Sèvigné,  dont  le  salon 
avait  retenu  les  traditions  de  la  société  polie  des 
deux  derniers  siècles,  oiî  il  se  perfectionna  dans  l'art 
de  la  conversation  mondaine,  en  ayant  soin  de  se 
tenir  à  l'écart  de  la  politique. 

Ce  qui  ne  l'empêcha  pas,  lors  de  la  persécution 
nouvelle  contre  les  prêtres  insermentés,  après  le 
18  fructidor,  de  re  avoir  un  beau  matin  la  visite 
de  trois  gendarmes  munis  d'un  mandat  d'amener. 
Sautant  à  bas  du  lit,  encore  en  bonnet  de  nuit  et, 
à  la  hâte,  enveloppé  dans  sa  robe  de  chambre,  l'abbé 
leur  fait  courtoise  réception,  les  prie  poliment  de 
l'autoriser  à  passer  dans  son  cabinet  de  toilette  pour 
s'habiller,  et,  pendant  que  ses  visiteurs  dressent  le 
procès-verbal  de  son  arrestation,  s'échappe  par  une 

(1)  préface  des  Jugemenlt  hitloriquet  et  littéraires.  Paria, 
1840. 

(ï)  Feletz  avait  connu  la  famille  de  Vence  grâce  i.  M.  Fsure,  ha- 
bitant de  rOrléajius,  qu'il  avait  reaeootrd  chez  ses  hdtes  de  Sun- 
tei.  (M.  Delpit). 


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porte  de  derrière.  Un  des  trois  gendarmes  fut  forte- 
ment soupçonné  d'avoir  favorisé  cette  évasion  qui 
clôt  d'une  façon  assez  comique  celte  période  de  la 
vie  de  Feletz  si  tragiquement  commencée  (1). 


Il 

Dii-huit  cent  un  !  Avec  le  siècle  qui  commence 
s'ouvre  devant  le  jeune  abbé  la  carrière  littéraire 
qu'il  suivra  pendant  trente  ans,  en  qualité  de  criti- 
que, au  Journal  des  Débals. 

Dés  la  transformation  complète  en  un  vrai  jour- 
nal politique  et  littéraire  de  cette  feuille  d'abord 
purement  officielle,  née  en  1789,  Feletz  en  avait  été 
le  lecteur  assidu.  Il  y  retrouvait  avec  plaisir  l'esprit 
et  le  talent  de  ses  anciens  condisciples  à  Sainte- 
Barbe  :  les  deux  Bertîn,  qui  en  étaient  les  directeurs 
et  les  pères  spirituels  ;  le  correct  et  élégant  Dussault, 
ancien  maître  d'étude  à  Sainte-Barbe  et  au  collège 
Duplessis;  l'âpre  Geoffroy,  «  le  Père  Feuilleton  », 
lequel,  aux  collèges  Montaigne,  de  Navarre  et  Maza- 
rin,  avait  également  tenu  la  férule  (2). 

Ce  fut  dans  cette  vaillante  troupe  que  Feletz 
s'enrôla,  lors  d'un  voyage  à  Paris,  et  son  premier 
article,  suivi  de  quelques  autres  très  goûtés,  le  décida 
à  adopter  un  pseudonyme  fixe,  la  lettre  A,  qu'il 

(1}  H.  £rneal  Rupin  m'a  Tourni  ce  détail  d'après  son  père,  qui  le 
tenait  lui-même  de  l'abbé,  son  parent, 

(S)  V.  Sainte-Beuve:  Lundis,  tome  liM.de  Fetetz  el  de  la  cri- 
tique tous  l'Empire.  —  Feleti  a  consacré  k  ces  journalistes  des 
Débats  des  notices  i,  lire,  dans  ses  Jugement»  hialortque*  et  lit- 
léraires  (t  vol.,  1840):  Geoffroy,  Duuault. 

T.  XX.  a  -  e 


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rendit  bientôt  célèbre  (1).  Des  jugements  nets  et 
précis,  un  style  élégant  et  pur,  une  manière  de  plai- 
santer spirituelle^  fine,  toujours  de  bon  goût  et 
dont  la  malice  n'allait  jamais  jusqu'à  la  méchanceté, 
telles  étaient  déjà  les  qualités  du  jeune  critique,  et 
les  connaisseurs  ne  s'y  trompèrent  point.  Fontanes^ 
le  futur  grand -maître  de  l'Université  impériale, 
écrivit  à  Bertin  l'alné  pour  lui  demander  quel  était 
l'auteur  de  ces  articles  signés  A,,  «  dont  il  était  cbarmé 
et  ravi  »  (2). 

Aux  côtés  des  Bertin,  de  Dussault,  de  Geoffroy,  il 
convient  de  mettre  en  ligue  de  bataille  Fiévée, 
l'helléniste  Boissonadej  Malte-Brun,  Delalot,  Saint- 
Victor,  l'abbé  de  Boulogne,  Royer-Collard,  par  inter- 
valles Chateaubriand,  plus  tard,  vers  1815,  Benjamin 
Constant,  Nodier,  de  Salvandy,  Villemaîn,  Aimé 
Martin,  menant  avec  ardeur  et  courage  la  croisade 
du  goût,  du  bon  sens  et  des  véritables  traditions 
littéraires  contre  les  exagérations  persistantes  du 
jacobinisme  et  de  l'individualisme  révolutionnaire, 
opérant  le  triage  nécessaire  entre  le  bien  et  le  mal 

(1)  Feletz,  qui  ne  pensait  rester  à  Paris  que  quelques  semaines, 
y  resta  six  mois.  Il  dtait  venu  pour  salliciler  la  radiation  du  nom 
d'un  de  ses  frères  sur  la  liste  des  étnigiéB.  Bertin  en  profita  pour 
le  décider  k  entrer  aux  Débat».  Son  premier  article  [27  ventOse,  an 
X,  1S02)  était  consacré  à  l'ouvrage  d'un  débutant,  depuis  fort  connu  : 
Du  tenliment  considéré  dans  se»  rapport!  avec  la  littérature  et 
les  ttrtÊ,  par  Ballanche.  (Cf.  Jugements  bisloriquea  et  liltératres, 
p.  MO)- 

Un  des  premiers  arliclea  sifinés  A.  est  une  critique  assez  vive 
du  roman:  Delphine  [non  recueilli,  à  tort,  dans  les  œuvres  de 
Feletz). 

{i)  Voir  Martial  Delpit.  Selon  lui,  la  réponse  de  Bertin  &  Fouta- 
nes  pourrit  se  retrouver  dans  les  papiers  de  ce  dernier,  où  elle 
avait  été  vue  par  un  H.  Rousselle. 


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mêlés  et  confondus,  entre  ce  qui  était  à  conserver  ou 
à  faire  revivre  et  ce  qui  avait  disparu  à  tout  jamais, 
se  dévouant,  pour  tout  dire,  au  travail  fécond  de  la 
reconstruction  sociale!  (1). 

Combien  ils  ressemblaient  peu  ces  lettrés  éner- 
giques et  convaincus  aux  Journalistes  de  ce  jour  1 

(1)  On  lisait  dans  l'Avenir  du  Puy-de-Dôme  (septembre  1897): 

*  L'intéressant  ouvrage  les  Ephéméridea  d'Autergne  mentionne, 
à  la  date  du  30  août,  un  anniversaire,  que  nos  lecteurs  nous  sau- 
ront gré  de  leur  signaler.  1!  y  a,  en  effet,  aujourd'hui  cent  huit  ani 
que  Tut  Tonde  à  Paria,  en  1789,  le  journal  de»  Débats.  Les  fonda- 
teurs étaient  trois  députés  du  Tiers-Etat  d'Auvergne  aux  Etats- 
Généraux  :  Gaultier  (de  Biozat),  Huguet(de  Billom]  et  Jean -Baptiste 
Grenier  [de  B  ri  ou  de}. 

t  Dans  un  mémoire  présenté  à  l'Académie  de  Clermont  (nouvelle 
série,  tome  VII,  p.  20h),  M.  Francisque  Mëge  nous  dit  quels  Jour- 
nal de»  Débat»  n'eut  pas  tout  d'abord  un  grand  succès  h  Paris, 
mais  il  n'en  fut  pas  de  même  en  Auvergne,  ou  il  fut  goûté  et  re- 
cherché avec  une  avide  curiosité,  d'abord  parce  que  les  habitants 
de  cette  province  recevaient  peu  ou  point  de  journaux,  et  puis 
parce  que  tes  rédacteurs  étaient  Auvergnats,  et  que  tout  ce  qui 
pouvait  intéresser  la  province  était  traité  avec  un  certain  dévelop- 
pement. On  peut  dire  que,  dans  ses  premiers  commencements,  la 
journal  de»  Débata  était  presque  spécialement  rédigé  en  vue  de 
l'Auvergne,  ad  ujum  Aroemorum.  Aussi  son  succès  fut-il  im- 
mense dans  ce  pays.  On  en  faisait  la  lecture  publique  daos  presque 
tç^tes  les  communes  ou  paroisses  de  quelque  importance,  et  cha- 
cun accourait  à  ces  lectures  avec  un  empressement  dont  aujourd'hui 
on  a  peine  à  se  faire  une  idée. 

>  Aujourd'hui  la  situation  s'est  modifiée  :  l'Auvergne  ne  manque 
pas  de  feuilles  périodiques,  mais  le  Journal  de»  Déliais  n'en  a  pas 
moins  conservé  une  grande  influence  dans  notre  province  et  aussi 
dans  les  sphères  gouvernementales.  S'il  n'est  pas  lu  à  haute  voix 
dans  nos  communes,  les  articles  qu'il  publie  sur  nos  fonctionnaires 
radicaux  sont  reproduits,  lus  avec  plaisir  et  commentés  avec  inté- 
rêt >. 

Aux  rédacteurs  des  Débat»  signalés  déjï,  il  convient  de  joindre 
plus  près  de  nous:  Saint- Marc-Girardin,  Sylvestre  de  Sacy,  J.Janin, 
Cuvillier-Fleury  ;  enfin,  Michel  Chevalier,  Pbilarète  Chasies,  Jung, 
John  Lemoine,  AUoury,  Rigault,  Prévost- Paradol,  Tainc,  Descha- 
nel,  Weiss . 


dbyGoOt^lc 


Peu  de  politique  proprement  dite,  pas  de  reportage  : 
ils  ont  le  dédain  de  cette  cuisine  banale,  dont  le 
Premier  Consul  surveille  presque  à  lui  seul  l'élabo- 
ration ;  ils  laissent  au  pouvoir  l'organisation  maté- 
rielle de  l'ordre  et  ne  s'attachent  qu'aux  idées,  s'ef- 
forçant  à  rétablir  la  simplicité  et  la  clarté  dans  le 
style,  les  principes  sociaux  dans  la  vie  publique,  et, 
dans  l'art  et  la  littérature,  l'amour  du  vrai  et  le 
sentiment  du  beau.  Ils  refaisaient,  et  non  sans  be- 
soin, l'éducation  politique,  philosophique  et  litté- 
raire de  la  nation  tout  entière  !  (1). 
Ce  fut  surtout  pour  remonter  le  torrent  du  sen- 


(1)  Villemata,  Sainte-Beuvi  ;  plus  récemment,  H.  Marc  des 
Granges,  dans  sa  thèse  sur  Geoffroy  et  lu  Critique  dramalique 
tous  l'Empire,  et  M.  Louis  Bertrand  dans  son  étude  sur  la  Fin 
du  CUiticitme  et  le  retour  à  l'antique  fHachette  1S97),  ont  rendu 
justice  à  ces  braves  gens.  Voici  la  conclusion  de  l'article  de  Sainte- 
Beuve,  dont  j'ai  cité  le  début  au  commencement  de  cette  étude  : 

f  Ces  critiques  distingués  qui  signalërent  l'ouverture  du  siëcle 
furent  utiles  ;  ils  eurent  leur  originalité  dans  le  bon  sens  net  et 
vigoureux  avec  lequel  ils  résistërent  à  des  admirations  prolongées, 
et  qui  allaient  a'égarant  sur  des  écrivains  de  second  ou  de  troisième 
ordre:  ils  coupèrent  court  à  la  suite  du  xviu'  siëcle.  Les  suites  en 
littérature  ne  valent  jamais  rien.  Sons  doute  ils  montrèrent  en  gé- 
néral plus  de  résistance  que  d'inspiration,  plus  de  vélo  que  d'ini- 
tiative. A  mesure  qu'ils  s'éloignèrent  de  leur  point  de  départ  de 
ISOO,  ils  perdirent  de  leur  utilité  d'action  et  de  leur  netteté  de  vue; 
ils  avaient  eu  besoin  d'une  crise  décisive  qui  les  éelair&t  et  ils  tâ- 
tonnèrent un  peu  quand  survinrent  des  complications  nouvelles. 
Pourtant,  une  juste  reconnaissance  doit  s'attacher  &  leurs  noms. 
Nous  aussi,  nous  sommes  revenus  à  une  de  ces  époques  oii  l'on 
sent  très  bien  que  la  critique,  celle  mSme  qui  se  bornerait  &  résis- 
ter au  faux  et  au  déclamatoire,  aurait  son  prix  >.  {Lundis,  tome  1). 

Voir  aussi  article  de  Feletz  sur  Dussault,  dans;  Jugementt  hii- 
toriques  et  lillérairea  ;  l'auteur  y  montre  le  grand  rfile  de  la  criti- 
que j>  cette  époque,  dans  quel  état  se  trouvaient  la  société  et  aussi 
les  esprits.  Voir  également  Le  monde  et  (e  demf-monde  tous  le 
Consulat  et  l'Empire,  par  Joseph  Turquan. 


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sualisme  et  du  fanatisme  irréligieux  qu'ils  durent 
joindre  à  leurs  connaissances  si  variées  la  plus 
grande  somme  de  courage  et  de  fermeté.  «A  force 
de  raison,  de  verve  et  d'entrain,  il  fallait,  dit  Mar- 
tial Delpit,  amener  les  rieurs  du  côté  que  depuis  plus 
d'un  siècle  ils  étaient  accoutumés  à  bafouer:  il  fal- 
lait leur  faire  brûler  ce  qu'ils  avaient  adoré  et  ado- 
rer ce  qu'ils  avaient  brûlé  ». 

Ils  servaient  admirablement  ainsi  la  politique  du 
Premier  Consul,  la  hardiesse  de  Chateaubriand  et 
préparaient  la  voie  au  Génie  du  Christianisme, 
dont  le  grand  mérite  apologétique  fut  s  de  réintégrer 
dans  ses  droits  le  sentiment  religieux,  en  définis- 
sant le  rôle  de  la  tradition  chrétienne  dans  la  civili- 
sation »  (i). 

■  Parmi  ces  érudits  critiques  du  Journal  des  Dé- 
bats, dont  Villemain  et  Sainte-Beuve  ont  noté 
l'influence  sur  le  mouvement  littéraire  de  leur 
temps  et  la  vogue  auprès  du  public,  l'abbé  de  Feletz 
fut  un  de  ceux  qui  montrèrpnt  le  plus  d'esprit  et  de 
conviction  (2). 

(I)  Voir  appréciation  de  H.  Brunelière  sur  1&  Valeur  apologéli' 
que  du  Génie  du  Chriêlianiame,  dans  son  Jlfanuel  de  l'hialoire 
d€  la  littérature  françaite,  p.  391. 

(!)  Extrait  d'uoe  lettre  de  Chateaubriand  k  l'abbé  de  PeIelz(tS26): 

f  J'ai  reconnu  votre  vieille  amitiâ  et  la  bienveillance  d'un  com- 
pagnon d'armes  ;  compagnon  d'armes,  c'est  le  mot,  car  nous 
combattions  pour  la  religion  et  la  monarchie,  lorsque  celle-ci  ne 
pensait  gutre  k  nous,  et  elle  a  conserva  cette  vieille  habitude  >. 

Sur  l'influence  du  Jouitial  de»  Débat$  on  peut  consulter  Ville- 
main  :  Souvenirs  contemporaim ;  Sainte-Beuve;  Lundi»,  tome  1, 
articles  déjà  indiqués.  -~  Cette  importance  n'a  pas  échappa  au  bio- 
graphe do  Feletï  :  le  Journal  des  Débalt.  en  devenant  g  journal  de 
t'Bmpire  •  et  en  enregistrant  les  victoires  de  Hapoléon,  vit  aug- 
menter H  vogue,  son  inBuence  et  le  nombre  de  ses  lecteurs  ;  il  fit 


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De  cette  longue  carrière  littéraire,  je  ne  rapporte- 
rai qu'un  incident,  sa  lutte  avec  l'Athénée,  où  pro- 
fessaient les  principaux  rédacteurs  de  la  Décade 
philosophique^  littéraire  et  politique,  Ginguenô 
et  ses  amis  les  Idéologues  :  La  Harpe,  Andrieux, 
Amaury  Duval,  J.-B.  Say,  etc.,  etc. 

Dans  son  cours,  fort  suivie  sur  la  littérature  ita- 
lienne, Ginguené,  ancien  élève  des  Jésuites  devenu 
franc-maçon,  continuant  son  procès  contre  Cha- 
teaubriand, soutenait  non  sans  talent  que  la  vérita- 
ble cause  de  la  décadence  des  lettres  jusqu'à  la 
Renaissance  était  le  Christianisme  (1). 

Feletz  protesta  avec  une  telle  énergie  et  d'une 
façon  si  spirituelle  qu'il  eut  bientôt  pour  lui  tout  le 
public.  C'était  son  droit  de  journaliste,  plus  encore 
son  devoir  de  prêtre.  L'Athénée  pensa  se  tirer 
d'affaire  en  lui  interdisant  Taccés  de  ses  salles  de 
conférence.  Voici  ce  que  raconte  à  ce  sujet  le 
critique  lui-même  (2)  ; 

et  défit  les  réputations  littéraires,   fut  un  arbitre  définitif  pour  le 

public.  Ce  fui  un  immense  succès  pour  de  Feletz  et  ses  collabora- 
teurs, qui  I  partagèrent,  avec  les  Bulletins  de  la  Grande  armée, 
l'honneur  d'occuper  la  France  entière  >.  (Martial  DelpitJ. 

(1)  Voir  sur  Ginguené:  Dictionnaire  de  Biographie  universelle 
de  Hichaud.  La  Décade,  refuge  de  l'opposition  républicaine,  fondée 
4(1  1794,  devient,  ea  tG04,  la  ttevue  philoêophique,  littéraire  et  po- 
litique. Le  cours  de  Ginguené  à  l'Athénée  commença  en  1B05  et  se 
continua  en  1806  avec  un  grand  succès.  C'est  de  là  qu'est  sortie 
VHistoire  de  la  littérature  d'Italie  (1811-1819,  9  vol).  — L' Athénée 
(1803)  fut  d'abord  (e  Musée,  puis  (e  Lycée  (1791)  (Voir  Larousse). 

(2)  Feletz  a.  consacré  trois  articles  à  Gingutné  et  à  sa  dispute 
avec  VAthénée.  dans  les  Jugements  hiitoriquet  et  littéraires,  sous 
ces  titres  :  L'Athénée,  cours  de  M.  Ginguené  ;  Singulier  procès  ; 
Profondeur  de  l'Athénée  rfan»  i'ai'i  de  (a  chicane.  Il  faut  signaler 
aussi  une  discussion  entre  Dussault  et  J.-M.  Chénier,  à  propos  du 
cours  de  littérature  professé  à  l'Athénée  par  ce  deruier  (I80S-1S06). 


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-  243  - 

«  Un  samedi  je  me  présente  à  la  porte  de 
VAthénée.  On  m'en  refuse  l'entrée. 

D  J'insiste  vivement  sur  mes  droits  incontestables 
jusqu'alors  reconnus  ;  6n  m'objecte  un  ordre  des 
administrateurs.  Je  demande  à  leur  parler  ;  on  me 
conduit  à  la  salle  de  l'administration  :  là,  je  trouve 
cinq  personnages  qui  se  forment  en  bureau,  qui 
nomment  un  président  et  qui  m'interrogent  avec 
toute  la  gravité  d'un  aréopage.  On  me  demande 
mon  billet  d'abonnement  ;  je  le  présente  :  on  pré- 
tend qu'il  n'est  pas  sous  mon  nom  ;  j'offre  de  prou- 
ver légalement  et  par  un  acte  authentique  qu'on  est 
dans  l'erreur  à  cet  égard. 

—  Ce  n'est  pas  le  nom  que  vous  portez  dans  la 
société. 

—  C'est  le  nom  que  j'ai  le  droit  d'y  porter  et  sous 
lequel  j'ai  le  droit,  par  conséquent,  de  m'abonner. 
Le  nom  que  je  porte  dans  la  société,  où  je  ne  me 
cache  pas,  est  le  mien  ;  celui  que  j'ai  pris  à  VAthé- 
née, où  je  ne  me  suis  jamais  caché,  est  encore  le 
mien. 

—  Vous  y  venez  pour  vilipender  nos  profes- 
seurs. 

—  Je  ne  vilipende  point  vos  professeurs  qui, 
sans  doute,  ne  sont  point  vilipendables  ;  je  fais 
sur  leurs  leçons  des  observations  que  je  crois  justes 
et  raisonnables;  j'en  ai  le  droit,  car: 

C'est  un  droit  qu'à  la  porte  on  scbèCe  en  entraoït. 

L'urticlâ  de  DuBsault  :  Lettre  à  Chénier,  est  un  plaidoyer  bon  et 
adroit  (Voir  de  Peletï  :  ouvr.  cité,  art.  XIV  :  DuMsautl). 

Ginguené  avait  ouvert  le  feu  contre  Chateaubriand  et  le  Cbriatia- 
nisme,  dans  son  Coup  d'ceil  rapide  tur  le  Génie  du  C/ir^Jia- 
niime. 


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»  Aucune  loi,  aucun  rëgiement,  aucun  statut  de 
votre  siècle  ne  le  défendait  et  cette  critique  s'est 
exercée  dans  tous  les  temps  sans  réclamations. 

—  Nous  ne  sommes  point  ici  une  société  publi- 
que mais  une  société  particulière. 

—  C'est  une  société  où  l'on  entre  pour  de  l'argent 
et  que  j'ai  vue  affichée  jusque  sur  le  Pont-Neuf,  à 
côté  des  spectacles. 

— ■  Lorsqu'un  sociétaire  déplaît  à  la  société ,  on 
peut  ne  plus  l'admettre. 

—  Qu'entendez-vous  par  la  société  ?  Les  profes- 
seurs et  les  administrateurs?  J'ai  peut-être  eu  le 
malheur  de  leur  déplaire,  mais  il  ne  m'est  pas 
prouvé  que  j'ai  déplu  aux  abonnés  et  c'est  là  la  vé- 
ritable société. 

■ —  On  vous  rendra  vos  quatre  louis. 

—  Je  ne  les  veux  point,  et  vous  ne  pouvez  pas 
plus  me  forcer  à  les  reprendre  qu'un  abonné  qui 
s'ennuierait  (ce  qui  est  absolument  possible)  ne 
pourrait  vous  forcer  à  les  lui  rendre. 

—  Nous  ne  voulons  pas  vous  recevoir. 

—  Il  ne  s'agit  pas  de  ne  pas  vouloir,  il  faut  en 
avoir  le  droit. 

—  Enfin,  Monsieur,  vous  n'entrerez  pas. 

—  Aujourd'hui,  non;  mais  je  proteste  contre  la 
violence  qui  m'est  faite,  contre  la  violation  de  mes 
droits,  et  j'entrerai  bientôt,  j'espère,  car  il  y  a  des 
tribunaux  et  des  lois  pour  réprimer  les  petites 
tyrannies  des  petites  administrations». 

N'est-ce  pas  là  une  bien  jolie  scène  de  comédie? 

Le  beau  rôle,  en  cette  affaire,  était  évidemment 

avec  le  bon  droit  du  côté  de  Feletz.  Il  en  sut  tirer 


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-245- 

le  meilleur  parti  pour  cribler  d'épigrammes  «  le 
libéralisme  de  ces  prétendus  philosophes  qui  vou- 
laient pouvoir  tout  oser  contre  la  religion,  les  lois, 
le  gouvernement  et  ne  pouvaient  supporter  les  criti- 
ques qui  choquaient  leur  vanité  ou  leur  intérêt». 
Et,  pendant  que  l'Athénée,  a  profonde  en  l'art  de 
la  chicane»,  usait  de  tous  les  moyens  pour  faire 
traîner  l'affaire  en  longueur,  le  malicieux  abbé  se 
désolait  de  «  perdre  des  leçons  »,  se  plaignant 
s  d'être  volé  »  et  rappelait  fort  justement  que  son 
confrère  Dussault  avait  pu  critiquer  le  cours  de  la 
Harpe  au  Lycée ,  parce  que  ce  dernier  a  avait 
trop  de  mérite  réel  pour  ne  pas  être  à  l'épreuve 
d'une  critique  ^.  II  en  concluait  «  que  c'étaient  les 
mauvais  professeurs  qui  faisaient  les  mauvais  pro- 
cès ». 

Cette  amusante  querelle  ne  contribua  pas  peu  à 
la  notoriété  de  l'abbé  de  Feletz  et  au  succès  du 
journal  où  il  écrivait.  Mais  ces  controverses  anti- 
voltairiennes  et  anti  -  révolutionnaires  ,  tout  en 
aidant  à  la  popularité  des  Débats^  n'en  étaient  que 
plus  dangereuses,  car  elles  cachaient  souvent  des 
protestations  anti-despotiques.  Comment  aurait-on 
pu  vanter  les  anciennes  franchises  nationales,  louer 
Delille  ou  Chateaubriand,  ces  adversaires  déclarés  du 
maître  tout- puissant,  sans  risquer  de  dépluire  à 
l'Empereur  ?  Aussi,  le  Journal  des  Débats  devint- 
il  bientôt  le  Journal  de  l'Empire  (1805)  et  se  vit-il 
forcé  de  restreindre  de  jour  en  jour  sa  partie  poli- 
tique pour  donner  plus  d'importance  à  la  partie  lit- 
téraire. Malgré  ces  précautions,  les  Bertin,  proprié- 
taires de  la  feuille  trop  libérale,   plusieurs  fois 


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avertis,  furent  d'abord  évincés  (1807)  et  peu  après 
complètement  dépossédés(18févrierl811).  M.  Etien- 
ne, établi  rédacteur  en  chef  par  ordre  supérieur, 
conserva  les  rédacteurs  littéraires  en  leur  adjoignant 
l'érudit  et  original  Hoffmann  et  quelques  autres, 
moins  antivoltairiens. 

Feletz,  fidèle  à  ses  amis  de  la  première  heure, 
protesta  contre  cet  acte  de  spoliation  en  cessant  un 
temps  sa  collaboration  régulière  au  journal  où  il 
écrivait  depuis  une  dizaine  d'années  et  passa  au 
Mercure  (1809-1810),  plus  littéraire,  mais  plus  fade 
et  moins  surveillé.  Ce  qui  ne  l'empéeha  pas  de 
donner  quelques  pages  intermittentes  au  Journal 
de  l'Empire,  en  attendant  d'y  revenir  définitive- 
ment (1). 

L'Empereur,  malgré  tout,  aurait  voulu  se  l'atta- 
cher et  c'est  à  cette  époque  que,  sans  l'avoir  sollicité, 
l'abbé  de  Feletz  fut  nommé  conservateur  de  la  Biblio- 
thèque Mazarine  et  placé  par  Fontanes,  ministre  de 
l'Instruction  Publique^  dans  la  commission  d'examen 
des  livres  classiques  de  l'Université  (1812)  (2). 

(1)  Au  Journalde  l'Empire,  Feletz  avait  comme  principal  collabora- 
teur, son  ami  Auger  ;  voir  à  l'appendice  la  lettre  qu'il  lui  écrit.  Quant 
au  Marcure,  il  avait  pour  principaux  rédacteurs:  Chateaubriand, 
Fontanes,  la  Harpe,  de  Bonald,  Fiévâe,  Michaud,  Guéneau  de 
Mussy,  l'abbâ  de  Vauxelles.  (Voir  Sainte-Beuve,  article  ciié). 

(2)  De  Peletï  était  un  royaliste  trop  fidèle  pour  ne  pas  Être  en- 
nemi de  Bonaparte.  On  relève  sous  sa  plume  :  n  Dans  les  premières 
années  de  la  tyrannie  de  Bonaparte ...  n  —  a  le  tyran  de  sa  patrie.... 
l'usurpateur  du  trône  de  ses  rois  >.  (Voir  JugemenU  historiqueê  el 
littéraireê,  art.  XIX:  Le  Duc  de  Richelieu). 

Sainte.Beuve  raconte  que,  de  toutes  parts,  on  lui  Taisait  des  of- 
fres flatteuses  ;  on  lui  citait  l'exemple  de  Chateaubriand,  de  Bonald  ; 
serait-il  plus  difficile  qu'eux  t  —  «  Je  voudrais  bien  ne  pas  l'être, 
répondait-il  noblement,  mais  cela  m'est  impossible  ;  j'ai  trop  d'Iiou- 


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—  247- 

Rien  ne  pouvait  triompher  de  cette  haute  indé- 
pendance de  caractère,  de  ce  déaintéressement 
absolu  qui  ne  subit  aucune  éclipse,  alors  même  que 
se  trouva  rétabli  son  gouvernement  de  prédilection. 
La  première  Restauration  eut  pour  lui,  ainsi  que 
pour  le  Journal  de  l'Empire,  rendu  sous  son  ancien 
titre  à  ses  premiers  possesseurs,  les  plus  grands 
égards  {31  mars  1814).  C'est  à  cette  époque  que 
Feletz  y  publia  quelques  articles  politiques  aussi 
remarquables  par  la  fermeté  des  principes  et  des 
doctrines  que  par  la  netteté  de  la  forme  et  la  modé- 
ration des  idées  (1).  Après  les  Cent-Jours,  sous  le 


neur  pour  ètra  acheté;  et  je  n'ai  pas  assez  d'i  m  agi  Dation  et  de 
métaphysique  en  Lâte  pour  être  inaoremroeat  séduit  &  force  de 
gloire  et  de  batailles  gagnées  ». 

(1)  Selon  Martial  Delpit,  sous  les  «  Cent-Jours  »,  Carnot,  lui  at- 
tribuant à  tort  certains  articles,  l'avait  destitué  de  sa  place  de  con- 
servateur de  la  Ribliothëque  Mazarine  ;  et,  &  ce  sujet,  le  biographe 
rapporte  l'anecdote  suivante  : 

*  De  Feletz  rencontre,  quelque  temps  après,  le  ministre.— •  Vous 
m'avez  bien  maltraité  dans  votre  journal,  lui  dit  Carnot.  — Je  ne 
suis  pas  l'auteur  de  ces  articles,  répond  de  Ifeletz,  mais  je  voudrais 
Tâtre,  car  je  pourrais  invoquer  aujourd'hui  votre  générosité».— Ce 
noble  langage  ne  fut  pas  compris.  De  Feletz  ne  recouvra  sa  place 
que  sous  la  seconde  Restauration  ». 

Sainte-Beuve  (article  cité)  écrit  tout  le  contraire  à  ce  sujet: 
<  H.  de  Falloui,  ministre  de  l'instruction  publique, , . .  conservait  à 
la  tète  de  la  division  des  Lettres,  H.  Génin,  l'un  des  rédacteurs  du 
N&liontil,  et  l'écrivain  anti-jésuitique  et  anti-ecciésiastiquc  le  plus 
passionné,  dont  on  redoutait  la  plume;  celui-ci,  homme  d'osprit  et 
d'étude,  mais  aussi  de  prévention  et  d'ftcreté,  haïssait  M.  de  Feletz 
'  et  avait  déjà  essayé  de  le  faire  destituer  sous  le  ministère  de 
H.  Carnot.  On  affectait  de  dire  que  M.  de  Feletz  lui-même  désirait 
se  décharger  de  sa  place  d'administrateur:  c'était  l'obliger  que  de 
la  lui  6ter.  M.  Carnot  le  crut  un  instant;  mais  bientût,  rnieux 
éclairé  sur  les  véritables  intentions  de  M.  de  Feletz,  il  n'avait  pa* 
hésité  à  revenir  sur  une  première  décision.  M.  de  Falloux  a  fait 
contre  M.  de  Feletz  ce  que  M.  Caniot  avait  refusé  de  faire  ». 


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ministère  de  Richelieu,  il  fut  nommé  inspecteur  de 
l'Académie  de  Paris  (1820)  et  exerça  ces  fonctions 
pendant  une  dizaine  d'années  avec  autant  de  dis- 
tinction que  d'impartialité.  Entre  temps  il  refusait 
plusieurs  fois  d'être  conseiller  de  l'Université.  Knfin, 
lors  de  la  chute  de  la  deuxième  Restauration,  il  se 
renferma  dignement  dans  sa  charge  de  conservateur 
de  la  Bibliothèque  Maaarine  et  cessa  son  métier  de 
journaliste  pour  se  livrer  exclusivement  à  la  libre 
culture  des  lettres  et  de  ses  nombreuses  et  amicales 
relations.  Il  était  entré  à  l'Académie  française  le 
17  avril  1827  et  avait  repris  pour  ce  jour*là  l'habit 
ecclésiastique  qu'il  ne  portait  pas  ordinairement. 
Dans  les  dernières  années  de  la  Monarchie,  il  avait 
eu  l'honneur  et  le  courage,  lui,  prêtre  loyal  et  roya- 
liste convaincu,  de  défendre  les  droits  de  l'enseigne- 
ment laïque  contre  les  influences  les  plus  haut 
placées  (1). 

(I)  Voir  Villemain  [ouvrage  cité).  11  s'agit  ici  de  la  part  que  prit 
Peletu  à  l'opposition  du  Jovrnal  des  Débats  contre  le  ministèro 
Villèle,  à  propos  du  collège  de  Sorrëze  dénoncé  à  it.  Frayssinous 
dans  des  rapports  faux  et  calomnieux  qui  l'avaient  fait  fermer. 
Feletz  prit  courageusement  en  main  la  cause  du  directeur,  M.  Fer- 
lus,  et  prouva  son  innocence  dans  quelques  lettres  t  d'une  haute 
raison  et  de  l'effet  le  plus  piquant  g.  (Villemain). 

Anecdote  racontée  à  ce  sujet  par  Martial  Dclpit:  «Au  moment 
où  ces  articles  nur  Sorrëze  se  succédaient  dans  le  Journal  des 
Débats,  le  ministre  de  l'intérieur,  M.  de  Corbières,  rencontrant 
H.  de  Feletz  dans  un  salon,  !e  prit  à  partie  et  se  plaignit  de  la  vi- 
vacité avec  laquelle  le  journal  attaquait  son  collègue  de  l'instruction 
publique.  —  Cela  ne  vaut  rien,  disait  M.  de  Corbières,  et  donne  au 
ministère  l'air  tout  dépenaillé.  —  M.  de  Feletz  se  défendit  d'abord 
en  disant  :  Vous  savez,  Monseigneur,  que  je  n'ai  pas  l'habitude  de 
louer  mes  articles,  et  ceux-là  me  paraissent  aussi  justes  que  bien 
raisonnes.  —  Eh  !  c'est  là  le  mal,  reprit  U.  de  Corbières,  c'est  qu'ils 
sont  excellents  ces  articles.  —  Ah  I  Monseigneur,  vous  en  direz 
tant,  que  ma  vanité  voudra  les  avoir  faits  >. 


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-  249  - 

Ce  fut  peu  après  son  entrée  à  l'Académie  (1)  qu'il 
laissa  publier,  par  deux  de  ses  amis,  un  choii  de 
ses  articles  en  six  volumes,  suivis  plus  tard  d'un 
septième.  L'œuvre  est  touffue,  intéressante  et  variée 
et  sa  principale  valeur  c'est  de  présenter  un  tableau 
fidèle  des  mœurs  et  des  idées  de  son  temps  en  ma- 
tière de  littérature  et  de  philosophie.  C'est  sur  ce 


(1)  C'est  en  1824,  que  Chateaubriand  proposa  &  Feletz  de  ten- 
ter l'Académie.  —  «  Pourquoi  ne  vous  prés  entez -vous  pas?  lui 
aurait-il  demandé.  —  Pour  qu'on  ne  me  fasse  pas  la  question 
contraire  n.  —  Deui  ans  après,  l'abbé  se  présentait  et  remplaçait 
l'abbé  de  Villar,  n  académicien  par  la  gT&ce  de  la  Révolution  ». 
C'était  le  premier  journaliste  qui  entrait  dans  l'illustre  compagnie. 
L'élogede  son  devancier  prêtait  peu.  Feletz  scrabattit  sur  lerôledela 
critique  contemporaine  dans  les  jouruaux,  ses  succès,  ses  services. 
n  Son  discours,  modèle  d'atticisrae  et  de  convenance,  lui  concilia 
tous  les  suffrages.  Il  était  impossible  de  parler  de  soi  avec  plus  de 
grâce  et  d'adresse,  et  de  mieux  se  tirer  d'une  position  difllcile  ;  car, 
comme  tant  d'autres,  il  avait  parfois  médit  de  l'Âcadénlie  et  vive* 
ment  critiqué  bon  nombre  des  confrères  au  milieu  desquels  il  ve- 
nait prendre  place  »  (Martial  Delpit). 

Feletz  fut  reçu  par  M.  Auger,  son  émule  et  son  ami,  qui  carac- 
térisa en  ces  termes  son  genre  de  talent  : 

0  Une  raison  saine  et  une  âme  droite  ont  été  vos  guides,  et  votre 
plume  Hdèle  n'a  pas  plus  trahi  les  inspirations  do  votre  esprit  que 
les  mouvements  de  votre  conscience.  Aussi  vos  articles  furent  de 
tout  temps  remarqués  entre  les  plus  remarquables;  goûtés  des 
gens  de  lettres  par  la  solidité  des  principes,  l'exactitude  des  juge- 
ments et  les  heureuses  qualités  du  style,  ils  ont  paru  de  tous,  peut- 
être,  tes  plus  propres  à  plaire  aux  gens  du  monde  que  charme  ce 
don  d'une  plaisanterie  à  la  fois  naturelle  et  fine,  douce  et  piquante, 
de  bon  Ion  et  de  bon  goût,  qui  égaie  le  savoir  et  assaisonne  la  rai- 
aon;  ce  talent  de  badiner  sans  futilité,  de  raisonner  sans  pesanteur 
et  de  décider  sans  air  de  suffisance;  enfin,  cet  art  si  difficile  de 
rendre  la  louange  agréable  à  ceuit  qui  n'en  sont  pas  l'objet,  sans 
lui  6ter  de  sa  douceur  pour  ceux  qui  la  reçoivent,  en  plaçant  k  cité 
d'un  juste  éloge  la  restriction  non  moins  juste  qui,  si  j'ose  ainsi 
parler,  ajoute  à  son  poids  ce  qu'elle  bte  à  son  étendue  u. 

Feletz  avait  été  nommé  et  reçu  ea  même  temps  que  Fourier, 
dont  il  devait  faire  l'éloge  lors  de  la  réception  de  Cousin  qui  lui 


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caractère  qu'ont  particulièrement  insisté  tous  ceux 
qui  ont  eu  à  la  juger:  Nisard.Villemain.Saiut-Marc- 
Girardin,  Sainte-Beuve,  etc. 

Ce  dernierj  entre  tous,  a  laissé  de  Feletz  cet  inté- 
ressant portrait  : 

«  Homme  du  monde  du  commerce  le  plus  aima- 
ble et  le  plus  sûr,  il  ne  considéra  jamais  la  société 


succéda.  (Cf.  Jugementi  historiques  et  lilliraire»,  art.  1].  —  Le 
28  mai  1828,  Bon  discours  lors  de  la  réception  de  Lebrun,  l'auteur 
da  Marie-SluaTt,  eut  un  grand  succès.  —  Le  5  mai  1831,  il  Tait,  en 
recevant  Cousin,  un  brillant  éloge  de  Fourier  et  félicite  l'inventeur 
de  iécleclîame  de  sa  philosophie  spiritualiste,  ennemie  de  la  philo- 
sophie malërisliate  qui  a  régné  dans  lu  stËcIe  dernier,  généralemcnl 
religieuse,  toujours  morale  et  sociale  d,  —  Plusieurs  fois  encore, 
Feléti  eut  k  prononcer  des  discours  de  réception. 

Son  successeur  à  l'Académie  fut  Niaard  [22  mai  1851),  qui  le  ju- 
geait en  ces  termes  ;  n  De  tous  les  hommes  distingués  qui  travail 
lërent  à  la  restauration  du  sens  moral,  du  gofit  et  de  la  langue, 
aucun  ne  fut  plus  agréable  au  public  que  M.  de  Feleti.  Il  n'étai 
pourtant  ni  le  plus  profoud,  ni  le  plus  savant  ;  mais  plus  mêlé  à  h 
société  de  son  temps,  il  savait  mieux  ce  qu'elle  voulait,  parce  qu'i 
le  savait  de  sa  bouche  :  elle  voûtait  retrouver  ses  traditions,  répa- 
rer son  jugement  et  sa  langue,  refaire  ses  éludes,  pourvu  que  ce 

s  fût  pas  sous  un  pédant La  déclamation  avait  été  la  langi 


k-engeflt  :  M.  de  Feletz  l'y  s 

on  entrée  k  l'Académie  que  Fe- 
i  amis,  consentit  à  laisser  public 
titre  :  Mélanges  de  phUosophit 
I.  MM.  Amar,  enllâgue  de  Feletz 


la  Terreur  ;  elle  voulait  qu' 
&  souhait».  (Voir  Larousse). 

Ce  fut  quelque  temps  après 
letz,  cédant  aux  instances  de  . 
un  choix  de  ses  articles,  sous 
d'histoire  et  de  Utléralure  (18 

la  fiibliothèque  Mazarine,  et  Ducluzeaui,  professeur  de  l'U: 
site,  son  compatriote  et  son  parent,  firent  paraître  six  volumes  en 
adoptant  les  quatre  divisions  suivantes  : 

1*  Religion  et  Philosophie  (1  vol.); 

a*  Liiiéra(ure(2  vol.); 

3'  HUloire  générale,  Mémoires,  Correspondances,  etc.  (2  vol.)  ,- 

i'  Critique  el  analyse  de  romans  et  morceaux  divers  (1  vol.). 

Un  dernier  volume  fut  publié  plus  lard  (1840).  Ces  sept  volumes 
ne  renferment  qu'ucie  partie  de  l'œuvre  ;  publiée  eu  entier,  elle  en 
eût  exigé  le  double.  On  juge  combien  il  serait  intéressant  de  lire 


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t  comme  un  obstacle  à  son  genre  d'esprit  et  de  tra- 
vail :  il  y  aurait  vu  plutôt  une  inspiration.  Quand 
j'ai  dit  travail,  j'ai  employé  un  terme  impropre. 
M.  de  Feletz,  en  écrivant,  ne  faisait  encore  que  cau- 
ser et  converser Il  vivait  dans  le  meilleur 

monde,  qui  le  recherchait  extrêmement.  Les  matins. 


ces  articles  dana  l'ordre  chronologique  pour  avoir  un  tableau  eiact 
et  vivant  de  la  société  et  du  mouvement  littéraire  sous  le  Consulat, 
l'Empire  et  la  Restauration. 

M.  Martial  Delpit,  à  la  biographie  duquel  il  faut  sans  cesse  reve- 
nir, a  raison  d'insister  sur  Id  «flair»  de  notre  critique: 

Un  des  premiers,  Feletz  annonça  II  la  France  un  grand  poàta 
en  Lamartine,  lorsqu'il  rendit  compte  des  MéditAlioni,  publiées 
sous  le  voile  de  l'anonyme; 

A  propos  de  l'Essai  tur  l'Indifférence,  il  prévoyait  n  les  écarts 
futurs  du  philosophe  et  du  chrétien  a  ; 

11  est  un  des  premiers  qui  ait  sainement  apprécié  M"  du  Deffant, 
lors  de  la  première  publication  de  sa  correspondance  avec  Horace 
Walpole  (ISIÎ); 

Dans  les  Nalchez  il  trouva  beaucoup  &  louer,  mais  il  sait  faire 
aussi  des  restrictions  :  f  Pour  me  résumer,  je  dirai  que  les  Natchez 
sont  l'ceuvrc  d'un  génie  fort,  vigoureux,  puissant  et  original.  C'est 
un  ouvrage  qui  n'a  point  de  modèle;  l'illustre  auteur  me  permettra 
d'ajouter  ;  et  qui  ne  doit  pas  en  servir  c. 

Son  appréciation  sur  le  Dernier  des  Abencerraget,  dans  lequel 
il  avait  salué  un  chef-d'œuvre,  lui  valut  cette  lettre  de  Château* 
briand  : 

a  Je  vous  remercie  pour  mon  pauvre  Abencerrage  ;  il  fallait  pour 
le  juger  un  homme  qui,  comme  vous,  joignit  à  un  excellent  goût  de 
critique  le  ton  et  le  langage  de  la  bonne  société.  Voilà  que  je  perds 
en  secret  avec  vous  cette  belle  modestie  publique  dont  vous  me 
faites  un  mérite.  11  faut  bien  que  je  vous  l'avoue,  VAbencerrage 
est  le  seul  de  mes  enfants  pour  lequel  je  me  seule  une  faiblesse 
toute  paternelle;  est-ce  parce  qu'il  est  plus  laid  que  les  autres? 
Cela  pourrait  bien  être,  mais  on  n'est  pas  maître  de  son  affection. 
Je  vous  assure  que  je  me  suis  fait  une  véritable  violence  pour 
laisser  publier  de  mon  vivant  l'Abencerraj^e  ;  je  croyais  sentir  qu'il 
manquait  à  la  littérature  nouvelle  les  mœurs  et  l'éducation  néces- 
sairea  pour  se  plaire  avec  Don  Carlos,  Blanca,  Lautrec  et  Âben- 
Amet  n. 


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il  relisait  ces  auteurs  qu'on  réimprimait  alors  et  qui 
sont  les  maîtres  de  la  vie,  La  Bruyère,  Montesquieu, 
Don  Quichotte,  Hamilton,  l'abbè  Prévost.  Il  écrivait 
d'un  ton  aisé,  sans  parti  pris,  ce  qu'un  esprit  juste 
et  fin  trouve  là-dessus  à  une  première  lecture.  Ses 
connaissances  classiques  lui  permettaient  de  parler 
des  auteurs  latins,  des  traductions  alors  à  la  mode, 
d'une  manière  à  satisfaire  les  gens  instruits,  et  il  y 
mettait  l'amorce  pour  les  gens  du  monde.  Ses  con- 
naissances théologiques  et  philosophiques  le  ren- 
daient capable  aussi  d'aborder,  à  l'occasion,  des 
sujets  sérieux.  Il  touchait  à  tout;  ce  qu'il  n'appro- 
fondissait pas,  il  l'effleurait  non  sans  malice.  Sa 
politesse  extrême,  que  ses  nombreuses  relations 
entouraient  de  mille  liens,  n'empêchait  pas  la 
raillerie,  quand  elle  avait  à  sortir,  de  se  glisser 
dans  ses  articles  je  ne  sais  comment,  dans  le  tour, 
dans  la  réticence  ;  il  faisait  entendre  ce  qu'il  ne 
disait  pas.  Le  grain  de  sel  venait  à  la  fin,  dans  une 
citation,  dans  une  anecdote.  11  avait,  dans  la  ma- 
nière de  finir,  dans  le  jet  de  ta  phrase,  certain  geste 
de  tête  que  nous  lui  avons  bien  connu,  il  avait  de 
l'abbé  Delille  en  prose.  Les  sujets  qui  convenaient 
le  plus  à  ses  habitudes  et  à  ses  goûts  et  dans  les- 
quels il  réussissait  le  mieux,  étaient  ceux  qui  avaient 
trait  à  la  société  du  xvm*  siècle.  Sur  les  lettres  de 
M"*  du  Deffand,  de  M"*  de  Lespinasse,  sur  les  Mé- 
moires de  M"*  d'Epinay  et  la  Correspondance  de 
l'abbé  Galiani,  il  a  écrit  des  pages  justes  qu'on 

relit  avec  plaisir M.  de  Feletz,  à  son  heure, 

conclut  Sainte-Beuve,  était,  à  proprement  parler, 
le  critique  de  la  bonne  société  ». 


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C'est  grâce  à  ses  qualités  d'homme  du  monde, 
également  distingué  par  ses  manières  et  par  son 
esprit  de  finesse  et  de  malice,  qu'il  corrigeait  la 
plupart  du  temps  les  défauts  qu'on  a  reprochés  à  ses 
articles  du  début,  c'est-à-dire  quelque  négligence 
dans  la  forme,  un  excès  de  bienveillance  parfois 
banale  (i).  Mordant,  il  l'était  à  son  heure,  et  Gin- 
guené,  comme  on  l'a  vu,  eut  à  faire  avec  lui  à  forte 
partie.  Mais  ce  qui  dominait,  c'était  la  raillerie  sou- 
riante et  de  bon  ton.  Un  beau  jour,  étant  à  dtner 
chez  M.  de  VitroUes,  il  se  trouve  voisin  de  l'abbé  de 
Pradt  qu'il  avait  fort  critiqué.  Celui-ci  lui  en  fit  de 


(1}  Voir  Vapereau.  —  Autre  jugement  k  rapprocher  du  précé- 
dent : 

a  Ce  n'était  pas  seulement,  en  effet,  un  homme  de  lettres,  nourri 
de  grec  et  de  latin,  qui  ne  sait  des  hommes  que  ce  qu'on  en  apprend 
dans  les  livres  ;  c'était  aussi  un  homme  du  monde,  connaissant  les 
hommes  pour  les  avoir  beaucoup  pratiqués,  sachant  leurs  faiblesses 
et  leurs  passions,  avantage  immense  pour  qui  doit  juger  leurs  œu- 
vres. Vivant  au  milieu  de  la  société  la  plus  élégante  et  la  plus 
choisie,  gentilhomme  sans  aucune  morgue  aristocratique,  homme 
de  lettres  sans  rien  de  l'insupportable  vanité  et  du  pédantisme  qui 
les  caractérisent  trop  souvent,  M.  de  Feletz  fut,  pendant  plus  de 
quarante  ans,  dans  ses  écrits  comme  dans  sa  conversation,  l'un  des 
modèles  les  plus  accomplis  de  l'esprit  français.  Chez  lui,  l'écrivain, 
le  critique  n'étaient  que  la  moitié  de  l'homme,  et  ceux  qui  le  liront 
ne  sauront  qu'une  partie  de  son  mérite.  Pour  en  tracer  un  portrait 
ressemblant,  il  faudrait  le  montrer  au  milieu  de  ces  salons  brillants 
du  commencement  de  ce  siècle  où  se  conservait  encore  dans  toute 
sa  pureté  la  tradition  de  l'esprit  français,  celle  de  la  société  des 
XV11*  et  ivnr  siècles  ;  il  faudrait  le  montrer  au  milieu  des  hommes 
d'Etat  les  plus  distingués,  des  écrivains  les  plus  célèbres,  des  fem. 
mes  les  plus  aimables  et  les  plus  spirituelles  de  notre  temps.  Cau- 
seur toujours  fin  et  ingéniem,  sans  rival  dans  l'art  charmant  de 
soutenir,  de  varier  à  l'inllni  une  conversation  vive  et  étincelante. 
d'jr  apporter  les  réparties  les  plus  promptes  et  les  plus  inattendues, 
les  anecdotes  les  plus  piquantes,  contées  avec  une  grâce  toute  par- 
ticulière  i)(Uartial  Delpil). 

T.  XI.  S  -  7 


dbyGoot^lc 


-254  - 

vifs  reproches.  —  «  Comment,  Monsieur,  répartit 
Feletz,  vous  me  reprochez  de  n'avoir  pas  dit  assez 
de  bien  de  votre  ouviage  !  Mais  vous  me  désolez  ; 
j'en  ai  dit  beaucoup  de  bien^  tout  le  bien  que  j'ai  pu; 
beaucoup  plus  assurément  que  je  n'en  pensais  »  (1). 

Jusque  dans  les  souffrances  de  ses  dernières  an- 
nées il  sut  conserver  une  inaltérable  bonne  humeur. 
Presque  complètement  aveugle,  tourmenté  p&c  la 
goutte,  il  laissait  tomber  de  sa  plume  toujours 
jeune  des  billets  charmants.  En  voici  un  qu'il 
adressait  à  une  dame  de  ses  amies,  pour  la  remercier 
de  l'avoir  invité  eu  soirée; 

a  11  nu  faut  pas  parler,  Madame,  de  soirées,  de 
réunions,  de  romances,  de  poésie,  de  musique,  de 
belles  dames,  de  jolies  demoiselles  à  un  pauvre 
homme  comme  moi,  qui  ne  peut  rien  voir,  ni  robes 

blanches,  ni  robes  roses,  ni  robes  brunes rien 

entendre,  ni  conversation,  ni  concerts,  encore  nioins 
rien  dire  quand  il  y  aurait  tant  à  dire!....  On 
m'oblige  depuis  plus  de  huit  jours  de  garder  la 
chambre,  et  presque  le  Ut!...  Je  ne  suis  plus  de 

ce  monde  et  je  lui  dis  adieu J'aurais  voulu 

pourtant  n'en  prendre  congé  que  mercredi  soir,  en 
sortant  de  chez  vous.  C'eût  été  bien  terminer  ma 
carrière,  mais,  malheureusement,  je  suis  forcé  de 


(I)  Citée  par  H.  Delptt,  qui  ajoute  la  suivante  : 

•  Une  autre  fois  il  rencontre,  dans  le  salon  de  M""  de  Montcalm, 
M"  de  Staël  dont  il  avait,  à  ses  débuts,  vivement  critiqué  le  roman 
de  Delphine  et  k  laquelle  il  fit  une  si  rude  guerre,  aussi  courtoise 
que  possible  cependant.  Â  son  entrée,  l'illustre  Corinne  se  lève 
brusquement,  fait  trois  pas  vers  lui,  lui  décoche  un  coup  d'ceîl  ter- 
rible et  sort  majestueusement.  Et  notre  malin  abbé  avec  un  sou- 
rire :  ■  Je  l'ai  âcbappé  belle  !  u 


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donner  ma  démission  auparavant.  Mon  voisin, 
M.  Villemain,  sera  sans  doute  plus  heureux...  »(1). 

Une  autre  lettre,  écrite  dans  de  meilleurs  jours, 
montrera  le  gourmet  à  côté  de  l'homme  d'esprit  ; 
elle  est  adressée  à  l'abbé  de  Lavarde,  son  voisin  de 
campagne^  à  Saint-Pantaléon  : 

«  11  est  temps,  mon  cher  cousin,  que  je  vous  re* 
mercie  de  vos  dons  et  parfums  gastronomiques,  car 
enfin,  ce  n'est  pas  le  tout  de  manger  de  bonnes 
dindes,  des  truffes  exquises,  et  si  la  première  vertu 
de  l'estomac  est  de  bien  digérer,  la  seconde  est  d'être 
reconnaissant.  Il  n'y  a  pas  longtemps,  du  reste,  que 
je  connais  toute  la  perfection  de  votre  présent.  Ce 
n'est  que  dimanohe  que  je  l'aï  analysé  en  présence 
de  douze  témoins,  qui  ne  se  sont  pas  contentés 
d'être  simples  spectateurs.  Jamais  dinde  ne  fut  plus 
applaudie,  jamais  truffes  ne  furent  trouvées  plus 
belles,  plus  noires,  plus  embaumées.  Le  succès  a 
été  complet  et  je  vous  envoie  le  triomphe  que  tout 
cela  m'a  valu.  Pour  moi,  j'y  reconnais  une  bète  éle- 
vée et  nourrie  dans  la  cour  et  un  peu  dans  le  jardin 
de  Lavarde,  et  des  truffes  recherchées  et  choisies 
avec  le  zèle  et  le  soin  d'un  ami  et  d'un  connais- 
seur »  (2). 

L'abbé  de  Feletz  ne  fut  pas  seulement  un  criti- 
que judicieux  (3),  un  causeur  plein  de  verve  et  d'à- 


(1)  Gîté  par  Hicbaud  {Biographie  Univerielle)  et  Larousse,  et 
adressée  à  M-*  de  Saiot-Surio,  plus  tard  H"  de  Uommerquâ.  (Voir 
Appendice). 

(!)  Communiquée  par  U.  Ernest  Rupin.  (Voir  la  suite  à  VAppert' 
dice). 

(3)  Outre  les  sept  volumes  publias  dont  nous  avons  parlé,  Feletz 


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propos  (1).  Son  cœur  valait  son  esprit  :  d'une  extrême 
obligeance  envers  ses  arnis,  très  affectueui  pour  les 

a  6cr\l  pour  l'éditioti  du  Tétimaque  de  Tilliard  une  notice  sur 
Férieloii  et  des  réBexions  sur  Télémaque, 

Il  a  collaboré  aussi  à  l'Encyclopédie  dei  gens  du  monde,  à 
VEncyclopédic  du  xix*  êiècle,  au  F lularque  français,  au  Mercure 
français,  h.  U  Biographie  universelle  de  Michaud  (Notices  sur  La 
Fontaine,  M"'  de  Scudéry,  Bassoni pierre,  M"  du  Deffant,  Geof- 
froy, Dussault,  comte  de  Choiseul,  Paiissot,  M"  du  Cayla  et  son 
salon,  toute  une  galerie  des  principaux  personnages  du  commence- 
ment  de  ce  siËclc).  La  plupart  de  ces  articles  ont  été  réunis  dans 
un  septième  volume,  à  part  de  l'édition  première,  par  un  de 
ses  amis,  l'abbé  Dassance,  sous  ce  titre  :  Jugement»  hisloriquet 
et  littéraires  sur  quelques  écrivaint  et  quelque»  écrilt  du  temps 
[IS'iOI.  Ils  avaient  été  omis  par  Fcletz  par  égard  pour  quelques- 
unes  de  ses  anciennes  victimes,  devenues  ses  collègues.  A  l'époque 
où  ce  dernier  volume  fut  composé,  l'auteur,  presque  complètement 
aveugle,  s'était  vu  Torcé  de  s'abandonner  en  toute  confiance  au  dis- 
cernement de  son  éditeur,  qui  a  recueilli  certains  articles  assez 
malicieui.  Feletï  s'en  eicuse  dans  une  préface  très  intérea- 
aanle  :  a  J'en  demande  pardon,  écrit-il,  aux  trois  ou  quatre  hommes 
d'esprit  qui  peuvent  y  être  intéressés.....  Que  peuvent  ces  traits 
impuissants  contre  leur  réputation  si  bien  établie  d'écrivains  élé- 
gants, ingénieux,  spirituels?..,.  Seulement,  je  les  prie  d'observer 
que  j'avais  moimâme  brisé  ces  traits,  ou  que  je  les  avais  du  moins 
cachés  et  mis  on  oubli,  et  que  ce  n'est  pas  ma  faible  main  qui 
aujourd'hui  les  a  lancés'. 

(1)  D'allure  politique  et  philosophique,  à  la  Rn  du  xviii*  siècle 
(Voir  Caro;  La  fin  du  Dix-Huitiéme  siècle),  les  salons,  au  cora- 
mencemont  du  iix*,  redeviennent  surtout  littéraires.  Au  sortir  des 
troubles  révolutionnaires,  !a  société  semblait  ressusciter  et,  de 
toutes  parts,  renaissaient  les  conversations  littéraires  et  les  discus- 
sions morales.  On  jugeait  les  ouvrages  nouveaux  et  les  critiques 
n'avaient  plus  qu'à  enregistrer  !ea  arrêts.  On  entendait  les  appré- 
ciations d'écrivains  compétents  aussi  bien  dans  l'art  de  composer 
des  ouvrages  i^ue  dans  celui  de  les  examiner.  Chez  M"  de  Beau- 
mont,  où  trûnait  Chateaubriand,  rue  Neuvc-du-Luxembourg,  on 
rencontrait:  Mv  de  Pastoret  et  M"'  Hocquart,  amies  de  Chénier; 
M"  de  Vintimille,  l'amie  de  Joubert  ;  M"  de  Staél  et  M~  de 
Krûdener  «  à  l'éloquence  de  clair  àe  lune  »;  le  financier  JuUien  ; 
Fontanes,  Joubert,  Mole,  Chénedollé,  de  Bonald,  Bertin.  Chez 
M~*  Récamier,  dont  Chateaubriand,  Benjamin  Constant,  Ampère 
et  Mathieu  de  Montmorency  eurent  les  faveurs,  et  qui  demeurait 


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siens,  il  conserva  toujours  pour  son  petit  village 
de  Guraont,  pour  sa  chère  province  limousine,  les 
sentiments  les  plus  tendres.  C'est  sous  ce  dernier 
jour  qu'il  convient  maintenant  de  le  montrer  (1). 


&  l'Abbaye-aux-Bois,  régna,  surtout  de  11125  ï  1R28,  une  influence 
politique  et  académique.  Là  aussi  dominait  Chateaubriand,  et,  à 
c6té  de  lui:  Ampère,  le  duc  de  Noaiilcs,  Qallanche,  Benjamin 
Constant,  Parsev  al -Grand  mai  son,  Baour-Lormian.  de  Gérando,  le 
peintre  Gérard,  de  Kéralry,  Bertin  l'aîné,  Villcmain,  Augustin 
Thierry,  de  Salvandy,  E.  (Juinet,  Sainte-Beuve,  Mérimée,  Nisard, 
Louis  de  Loméoie,  A.  de  Tocquevillc,  David  d'Angers,  Eugène 
Delacroii,  V.  Hugo,  Lamartine;  n'oublions  pas  plusieurs  étrangers 
de  distinction:  la  maréchale  Horeau,  la  comtesse  de  Boigno, 
M"  Sophie  Gay,  etc.,  etc.  ~  Le  salon  de  M"  Joseph  Bonaparte 
n'était  guère  moins  brillant.  —  On  se  réunissait  aussi  chez  la  prin- 
cesse de  Poil,  M—  d'Houdetot,  M"  Suard.  —  Feletï  fréquenta 
surtout  le  salon  royaliste  et  libéral  de  M"  de  Duras,  rue  de  Va- 
rennes,  où  il  rencontrait  Humboldt,  Cuvier,  Abet  de  Rémusat, 
Delphine  Gay.  de  Talleyrand  ;  le  salon  de  M°"  de  Montcalm,  aceur 
du  duc  de  Richelieu,  également  royaliste,  et  ceux  de  M~*  d'Aubus- 
son,  de  la  princisse  de  Tahnond,  de  M"  du  Cayla,  de  M"  de  t.hoi- 
seul,  de  M"  de  Lévis,  de  M—  de  Vintimille,  etc.,  etc.  Lire  à  ce  su- 
jet: A.  Bardoui,  La  Duchesse  de  Durai;  Clialûaubriand.ps.r  M.  de 
Lescure  ;  L'Esprit  Public  au  Dix-Huitième  siècle,  par  Aubertin  ; 
en  particulier,  Villemain  :  Souvenirs  confemporaixs,  article  déjà 
cité,  et  Feletz:  notices  sur  M~'  du  Deffant,  le  duc  de  Choiseul. 
le  cardinal  de  Baussel,  Madame  de  Montcalm,  dans  Jugements 
historiques  et  liltéraires. 

(t)  On  trouvera  à  l'appendice  plusieurs  lettres  où  l'abbé  de  Feletz 
s'occupe  des  intérêts  les  plus  chers  de  ses  nombreux  amis  :  bour- 
ses universitaires  pour  le  fils  da  H.  de  Beauregard  et  celui  de 
H.  de  Lavarde  ;  questions  d'ordre  plus  général  touchant  soit  l'hô- 
pital de  Brive,  soit  le  canal  de  la  Vézère,  commissions  diverses 
de  toutes  sortes,  etc.,  etc. 

Relevons  quelques  articles  consacrés  par  le  critique  à  ses  compa- 
triotes': 

Sur  Cabania  :  Rapporti  du  physique  au  moral,  charge  assez 
vive  contre  le  matérialisme  ; 

Sur  Hailher  du  Chassât,  de  Biive, au  sujet  de  sa  Traduction  de 
VHiêtotre  de  la  guerre  de  CentAns  [Schiller)  ; 

ïiur  Saint-Aulaire:  Histoire  de  la  Fronde; 


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m 

Parmi  les  innombrables  et  divers  genres  de 
«  snobs  »,  il  en  est  un  d'universellement  connu: 
c'est  le  provincial  a  parisianisant  »,  plus  connu  dans 

Sur  d'Âe:ueaeeau  et  ses  œuvres  complètes  ; 

Sur  H&rmontel  et  ses  Mémoire»,  pour  lesquels  il  n'est  pas  ten- 
dre ; 

Sur  W.  de  Taillefer  et  ses  Antiquités  de  Vétone; 

Sur  le  vicomte  de  Suint-Chamaiis  et  son  Petit-Filt  de  l'Homme 
aux  Qu&ranle  écu»,  puis  son  Anliromantique. 

Et  si  l'on  s'en  rapportait  à  quelques  pages  fort  curieuses  d'une 
étude  aur  une  traduction  des  fables  de  La  Fontaine  ■  en  bertei 
gatcount,  per  un  Bourdeles,  M.  Bergeret,  Ion  nebout  »,  on  pour- 
rait peut-être  montrer  dans  notre  malicieux  abbé  un  précurseur 
des  félibrea  limousins  d'aujourd'hui,  ce  qui  ne  serait  pas  pour  nous 
déplaire.  (Peletz  :  Mélanges,  tome  VI).  —  11  est  curieux  de  rencon- 
trer dans  cette  étude,  qui  nous  est  tombée  sous  les  ;eui  tout 
récemment  et  quelques  mois  après  notre  critique  sur  le  provincial 
•  parisianisant  »,  les  lignes  suivantes  : 

■  Du  limousin du  périgourdin,  du  bordelais  ou  du  gascon,  ce 

qui  te  ressemble  fort Cette  langue  est  parlée,  avec  quelques 

différences  et  quelques  variétés,  par  une  moitié  des  habitants  du 
royaume  ;  pourquoi  donc  ne  les  enlrefiendrtons-nous  jamais  de 
cette  langue  maternelle  qui  fait  leurs  délices,  leur  orgueilKTest 
à  elle  qu'ils  lonl  redeoabtes  de  leur  accent,  cet  accent  auquel  ils 
doivent  une  double  gloire;  fiers  d'abord  de  l'avoir  et  d'attester 
ainsi  leur  origine  ;  ftart  ensuite  de  le  perdre,  ce  dont  ils  ne 
manquent  pat  de  ae  vanter  après  deux  au  trois  mois  de  séjour  à 
Paris;  gasconnade  qui  ne  manque  jamais  de  faire  rire  les  Pari* 
siens  ». 

Le  rapprochement  est  curieux,  on  le  voit  et  il  était  à  signaler, 
ainsi  que  le  passage  suivant  du  même  article  : 

I  Cette  langue  est-elle  d'ailleurs  si  indigne  de  notre  attention  ?  Je 
suis  persuadé  que  plus  d'un  lecteur,  et  peut-être  parmi  ceux  qui  se 
montrent  les  plus  dédaigneux,  a  cru,  en  lisant  les  premières  lignes 
de  ce  nouvel  ouvrage,  qu'il  était  écrit  dans  une  des  langues  sonores 
et  harmonieuses  des  peuples  occidentaux  de  l'Europe,  et  s'est  ima- 
giné que  c'était  un  nouvel  hommage  rendu  par  les  Espagnols  ou 
les  Portugais  k  notre  La  Fontaine.  Le  gascon  a,  en  effet,  beaucoup 
d'affinité  avec  ces  langues,  et  nous  avons  vu  dans  ces  derniers 


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-259  — 

l'histoire  littéraire  sous  le  nom  a  d'escholier  limou- 
sin B  de  rabelaisienne  mémoire.  Est-il  rien  de  plus 

grotesque si  ce  n'est  le  Parisien  «  provinciali- 

sant  »  ? 

Hélas!  en  avons-nous  vu non  pas  mourir  — 

le  ridicule,  môme  en  France,  ne  tue  pas  toujours 
—  mais  revenir,  fiers  comme  baudets  chargés  de 


temps  dei  loldaU  eëpagnoli  tout  à  fait  étrangers  à  la  tangue 
françaîBe,  avec  laquelle  leur  séjour  en  France  n'avait  pu  les  fami- 
liariier,  communiquer  très  facilement  avec  les  paysan»  et  le  peu- 
ple de»  provinces  méridionales,  les  entendre  et  »'en  faire  enten- 
dre au  bout  de  quelques  jours  '. 

Voilà  un  des  arguments  k  l'appui  de  l'utilisation  des  patois  au 
simple  point  de  vue  pratique,  argument  que  nous  avons  indique 
nouR-mSme  dans  un  rapport  paru,  en  novembre  1897,  au  Lemouzi 
{Préconisalion  de  la  méthode  d'enseignement  du  français  par 
l'étude  comp&ratioe  de»  dialecte»  d'Oc). 

Peletz  rappolle  ensuite  l'éloge  que  faisait  Montaigne  d'un  certain 
langage  gascon  ■  qui  se  trouve  singulièrement  beau,  sec,  bref, 
signifiant  et  à  la  vérité....  masle  et  militaire  plus  qu'aucun  autre...  ; 
autant  nerveux  et  puissant,  et  pertinent,  comme  le  français  est 
gracieux,  délicat  et  abondant>. 

Hais,  comme  Montaigne,  il  fait  lui  aussi  ses  réserves  au  sujet 
des  parlers  populaires  qu'il  désigne  sous  le  nom  générique  de 
t  gascon  >  : 

n  II  me  semble  que  c'est  plutôt  par  la  naïveté  que  se  distingue 
et  langage  ;  on  peut  y  remarquer  aussi  quelques  désinences  assez 
harmonieuses  ;  mais  il  est  tout  k  fait  dépourvu  de  noblesse,  comme 
l'était  la  langue  romane,  et  mémo  la  langue  française,  qui  en  est 
dérivée,  jusqu'à  ce  que  de  grands  écrivains  l'aisni  formée  et  l'aient 

pliée  à  tous  les  tons Ces  avantages  ont  manqué  k  la  langue 

gasconne,  parce  que  la  langue  romane  d'Oïl  ayant  prévalu  k  la 
cour  de  nos  rois  et  dans  la  capitale  du  royaume  sur  la  langue  ro- 
mane d'Oc,  les  beaux  esprits  ont  perfectionné  ta  première  et  négligé 
ou  ignoré  la  seconde  ;  mais  celle-ci  a  conservé  la  naïveté  qui  était 
commune  k  toutes  deux  et  qui  s'est  extrêmement  affaiblie  chez  son 
heureuse  rivale ». 

C'est  cette  na'ioelé  qui  est,  selon  Feletz,  *  la  qualité  la  plus  re- 
marquable »  de  nos  langages  populaires.  (Feletz:  Mélanges,  t.  VI. 
pp.  276-271)). 


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reliques,  dans  leur  province  d'origine,  après  six 
mois  de  séjour  dans  «la  Capitale»,  roulant  les  r 
comme  Démosthène  avant  les  cailloux^  vantant  les 
jouissances  artistiques  de  Montmerte  et  les  splen- 
deurs du  bois  de  Boulcugne,  s'extasiant  sur  les 
beaiUtés  de  Vadmimstrâââtion,  les  avantages  du 
télêpkôôône ,  l'organisation  de  la  companie  des 
ouature»,  la  performance  de  tel  ou  tel  chwal  coté 
sur  le  turf,  la  place  de  la  Bastiye  ou  le  Musée  du 
Louve  !  Et  les  malheureux  s'acharnent  sur  ces 
maladies  de  la  prononciation,  sans  oublier  les  mots 
estropiés  ou  les  termes  d'argot  et  de  faubourg  dont 
ils  entrelardent  leurs  discours  béats  pour  se  donner 
un  air  plus  «  boulevardier  »,  saupoudrant  le  tout 
d'A  aspirées,  qui  les  font  haleter  comme  un  soufflet 
de  forge  ou  un  cheval  poussif  de  tramwâf 

A  ce  ridicule  du  langage,  d'autres  joignent  celui 
de  la  mise  ;  de  plus  malins,  celui  de  la  a  blague  »,  et 
le  type  est  complet  du  a  goheur  »  qui  a  se  gobe  a 
lui-même,  tout  en  se  croyant  «gobé»  par  les  au- 
tres. 

Combien  peu  l'abbé  de  Feletz  était  de  ces  gens- 
là  !  Quarante  années  de  Paris  ne  lui  avaient  pas  fait 
oublier  le  Limousin  et  les  bons  voisins  de  là-bas.  De 
l'esprit  et  du  langage  parisiens,  en  homme  avisé  et 
de  bon  goût,  il  avait  su  s'assimiler  les  qualités  pré- 
cieuses, mais  il  s'était  bien  gardé  de  chasser  le  natu- 
rel et  avait  conservé  au  fond  la  saveur  du  terroir. 
Il  n'ignorait  pas  que  si  l'on  cesse  d'être  soi  pour 
imiter  les  autres,  c'est  par  leurs  seuls  défauts  qu'on 
risque  le  plus  souvent  de  leur  ressembler- 

II  resta  donc  d'humeur  «  gaillarde  »  et  de  tempé- 


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rament  bas-limousin,  ainsi  que  l'attesteront  ces 
deux  anecdotes  (1)  ; 

Lors  d'un  séjour  à  Gumont,  l'abbé  de  Feletz  était 
allé  faire  visite  à  l'un  de  ses  parents,  Bertrand 
Rupin,  qui  habitait  le  Périgord  et  se  trouvait  dans 
sa  propriété  de  Goyne,  sur  les  limites  de  la  Corrèzo 
et  de  la  Dordogne.  Il  y  vint  à  cheval  et  par  un  temps 
épouvantable.  «  Quelle  affreuse  pluie  b,  s'écria-t-il 
en  arrivant,  me  voilà  trempé  jusques  zaux  os  !  » 
—  «  Et  quelle  est  cette  nouvelle  manière  de  parler?» 
s'exclama-l-on  de  tous  côtés.  —  «  C'est  celle  de 
l'Académie,  reprit  Feletz  ;  elle  a  décrété  qu'à 
l'avenir  on  mettrait  une  s  à  la  fm  du  mot  -jusque; 
je  dois  me  conformer  à  la  décision  de  mes  collè- 
gues >. 

Un  autre  jour,  il  se  trouvait  dans  le  salon  de 
M"*  du  Deffand  et  il  était  question  d'une  critique 
assez  virulente  d'un  de  ses  articles  des^é^a^s.  Cette 
critique,  dont  il  avait  manifesté  le  désii'  d'avoir 
connaissance,  commençait  par  ces  mots:  «  TibuUe 

adit »  —  «Ah!  Tibulie  a  dit!»,  s'écrie  notre 

abbé,  en  se  jetant  sur  la  feuille  en  question  et  en 
la  chiffonnant,  «  Eh  bien,  moi,  jerf^mews  7'ibulle!  » 

C'est  ainsi  que  toute  sa  vie  il  conserva,  à  son 
grand  honneur  et  à  son  avantage,  ce  «  caractère 
remuant  et  spirituel  »  que  Michelet  reconnaît  aux 
Limousins,  avec  un  grand  fonds  d'honnêteté  et  de 
simplicité,  une  endurance  remarquable  au  travail. 

Dans  les  quelques  lettres  de  lui  qui  nous  ont  été 
communiquées,  il  parle  avec  amour  du  Périgord  et 

(t)  Dues  à  l'obligeance  de  M.  Ernest  Rupin, 


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du  Limousin.  Il  est  heureux  d'aller  chaque  année 
«  assister  à  l'enfantement  des  truffes  »  et  fier  de  se 
montrer  ■  fidèle  à  cette  coutume  tant  qu'il  ne  sera 
pas  trop  vieux  pour  pouvoir  faire  un  aussi  long 
voyage  »  (1). 

Dans  ses  douze  dernières  années,  devenu  presque 
aveugle,  après  avoir  triomphé  d'une  grave  et  dou- 
loureuse attaque  de  goutte  dont  il  avait  éprouvé  les 
premières  atteintes  en  1835,  il  prolongeait  tous 
les  ans,  le  plus  possible,  son  séjour  à  Gumont.  Là, 
ses  grandes  distractions  étaient  dans  la  fréquenta- 
tion des  salons  de  MM"**  de  Lavarde  et  de  Bouchiat, 
les  conversations  traa  lou  chapial  de  la  granja, 
et  les  longues  parties  de  trictrac  avec  une  de  ses 
nièces.  M"*  de  Foueauld,  qui  profitait  de  la  faiblesse 
de  sa  vue  pour  le  tricher  sans  scrupule,  suppléant 
ainsi  à  l'avantage  que  son  oncle  avait  sur  elle  par 
suite  d'une  disposition  toute  naturelle  pour  le  cal- 
cul. Et  c'était,  entre  les  deux  joueurs,  d'aimables 
disputes,  où  la  gaieté  et  la  malice  souriante  du 
vieillard  trouvaient  toujours  le  moyen  de  se  mon- 
trer. 

Depuis  1830,  il  avait  cessé  d'écrire  pour  le  public 
et  réservait  pour  ses  proches  et  ses  amis  les  trésors 
d'un  esprit  toujours  jeune,  riche  d'anecdotes,  de 
souvenirs,  d'agréables  propos,  o  11  ne  se  pouvait 
voir,  dit  Sainte-Beuve,  de  vieillesse  moins  morose 
et  moins  chagrine,  et  qui  fût  plus  de  bonne  compa- 
gnie, dans  le  sens  où  on  le  disait  autrefois.  Il  n'al- 
lait plus  dans  le  monde,  mais  on  venait  à  lui.  Il  était 

(1)  Voir  lettres  à  l'Appendice. 


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aveugle  comme  M°"  du  Defîand,  comme  Delille, 
comme  celui-ci  surtout,  en  se  prêtant  aux  derniers 
agréments  de  la  vie.  Il  fallait  voir  comme  il  jouis- 
sait de  tout,  de  luî-mème  et  des  autres  ;  comme  son 
visage  aussitôt  s'éclairait  d'un  souvenir,  d'un  trait 
heureux,  que  ce  fût  lui  ou  un  autre  qui  l'eût  dit.  Ces 
dehors  aimables  cachaient  une  fermeté,  qui  est  le 
propre  de  cette  race  des  hommes  du  ivm*  siècle. 
Menacé  dans  sa  position  d'administrateur  au  lende- 
main de  la  Révolution  de  Février,  et  finalement 
frappé  par  M.  de  Falloux,  de  qui,  moins  que  de  tout 
autrOj  il  devait  attendre  une  telle  mesure,  il  a  dicté 
à  ce  sujet  plusieurs  lettres  pleines  de  dignité,  de 
vigueur,  de  malice,  qui  n'annonçaient  certes  pas 
une  pensée  défaillante.  II  ne  permit  pas  qu'on 
enveloppât,  sous  des  formes  plus  ou  moins  gra- 
cieuses, un  acte,  au  fond,  inique  »  (1). 

On  conçoit  en  effet  comhien  ce  coup  lui  fut  pé- 
nible, venant  d'un  gouvernement  qu'il  avait  toujours 
sincèrement  aimé  et  loyalement  servi.  Telle  fut  la 
seule  douleur  de  ses  dernières  années,  si  consolées 
d'ailleurs  par  l'affection  et  le  dévouement  de  sa 
nièce  qui  dirigeait  sa  maison  et,  jusqu'au  dernier 
moment,  fut  sa  fidèle  compagne. 

Son  énergie,  inébranlable  devant  les  souffrances 
morales  causées  par  l'ingratitude  monarchique,  ne 
fut  pas  moins  admirable  devant  la  douleur  physi- 
que. Déjàj  lors  de  sa  première  grave  maladie,  il 
avait  mérité,  de  l'archevêque  de  Paris  venu  pour 
le  voir,  cet  éloge  dont  vous  pouvez  comprendre  la 


(1)  Sainte-Beuve,  article  cité  (Lundis,  tome  [). 


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portée  :  a  J 'ai  reconnu  en  lui  le  conresseur  de  la  foi 
sur  les  pontons  de  Rochefort  » . 

L'année  qui  suivit  l'acte  inqualifîable  commis  à 
son  égard  par  M.  de  Falloux,  après  un  mois  entier 
de  cruelles  souffrances  qui  n'avaient  pu  abattre 
cette  âme  sereine,  avec  un  mot  de  douce  amitié  pour 
chacun  des  intimes  qui  l'assistaient,  il  s'endormit, 
à  l'âge  de  quatre-vingt-trois  ans  (1),  du  sommeil 
du  juste  et  du  chrétien  ! 

Raymond  Labordb. 


(t)  Charles-Marie  de  Felelï  est  mort  à  Paris  le  tl  février  1850. 
Par  son  testament  en  date  du  !7  novembre  1847,  déposé  en  Tétude 
de  M*  Pétineaud,  notaire  à  Paris  et  enregistré  le  13  février  ISâO,  il 
institue  H"*  Pauline  de  Fouesuld,  sa  petite-nièce,  son  héritière  gé- 
nérale, et  Tait  différentes  donations  en  faveur  de  ses  autres  petits- 
neveux  et  petites-nièces:  Léon  de  Foucauld,  propriétaire  tDussac, 
canton  de  La  IVouaille  ;  Eather  de  Foucauld,  épouse  de  Beaumont 
de  Touchebœuf,  demeurant  à  Périgueux,  et  Marguerite  de  Fou- 

/ Archives  du  bureau  de  t' Enregistrement  à  Brive). 


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APPENDICE 


Correspondance  de  Feletz 


Les  lettres  suivantes  peuvent  se  classer  en  deux  grou- 
pes: les  lettres  familières  et  celles  qui  portent  plus  parti- 
culièrement sur  des  sujets  littéraires. 

Elles  donnent,  les  unes  et  les  autres,  des  détails  qui 
complètent  la  physionomie  de  l'abbé  de  Feletz,  se  groupent 
autour  de  ses  œuvres  et,  dans  leur  style  généralement  plus 
courant,  nous  font  peut-être  mieui  connattre  la  vivacité 
et  le  naturel  de  son  esprit. 

A.   —  LETTHES  FAMILIÈRES 
Elles  sont  au  nombre  de  six  et  se  suivent  pour  ainsi 
dire  l'une  l'autre  dans  le  même  ordre  d'idées  et  de  rela- 
tions. 

I.  —  AU.  Beaurkoard 
M.  Beaureg&rd,  ancien  juge  de  paix  à  Brive,  Corrkze. 

■  Uonsieur, 
»  Je  n'ai  pas  pu  répondre  plus  vite  i  la  lettre  que  vous 
m'avez  adressée,  la  personne  auprès  de  laquelle  je  devais 
prendre  des  éclaircissements  pour  répondre  à  votre  ques- 
tion étant  absente  de  Paris.  Ce  qu'il  y  a  de  plus  fAcheux, 
c'est  qu'elle  n'est  pas  satisfaisante.  Je  vous  l'envoie  telle 
que  me  l'a  transmise  le  Conseiller  de  l'Université  qui 
agissait  pour  moi  auprès  de  la  Commission  de  l'Instruc- 
tion publique  et  qui  y  mettait  beaucoup  de  zèle  ;  vous  y 
verrez  mieux  l'expression  de  ses  regrets.  Je  me  suis  depuis 
tourné  encore  d'un  autre  côté,  et  il  faut  espérer  que  mes 


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-266- 

démarches' seront  enfin  plus  heureuses.  J'y  mettrai  toute 
l'activitë  possible,  car  je  voudrais  bien  pouvoir  obtenir  les 
bourses  pour  les  deui  jeunes  gens  avant  qu'ils  aient  de  la 
barbe  au  menton.  Je  vous  assure,  Monsieur  et  cher  voisin, 
que  je  suis  bien  mortiflé  de  n'avoir  pas  pu  réussir  jusqu'ici. 
J'ai  été  plus  heureux  dans  d'autres  occasions  et  je  n'ai 
jamais  plus  désiré  de  l'être.  Mais  malheureusement  je 
n'ai  jamais  eu  moins  de  crédit.  Dana  ce  temps-ci  les  bons 
royalistes  n'en  ont  guère  et  il  est  fort  singulier  que  j'en 
eusse  davantage  autrefois. 

B  Veuillez  bien,  je  vous  prie,  offrir  tous  mes  hommages 
à  Madame  Beauregard,  dites  mille  choses  pour  moi  à  notre 
bon  pasteur  et  à  notre  bon  maire  quand  vous  les  verrez  et 
agréez  l'assurance  de  tout  mon  dévouement, 
n  Paris,  23  décembre  1817. 

i   FeLETZ   h. 
(Appartient  à  M.  E.  Rupin). 

Autre  lettre  adressée  au  môme,  toujours  au  sujet  des 
deux  jeunes  gens  dont  il  est  question  dans  la  première  : 
a  Monsieur, 

n  Je  TOUS  assure  que  je  n'ai  point  négligé  les  intérêts 
de  Monsieur  votre  fils.  Malheureusement,  au  moment  où 
je  comptais  le  plus  sur  le  succès  de  mes  démarches,  le 
chef  de  division  du  Ministère  de  l'Intérieur  chargé  de  cette 
partie  a  passé  à  d'autres  fonctions  et  a  été  remplacé  par 
une  personne  que  je  ne  connais  pas.  Cependant  le  premier, 
avant  départir,  avait  mis  votre  QU  sur  son  travail,  mais, 
n'étant  plus  là  pour  suivre  cette  afTaire,  je  n'ai  plus  la 
certitude  que  le  Ministre  de  l'Intérieur  porte  son  chois 
sur  les  deux  personnes  auxquelles  je  m'intéressais:  c'est- 
à-dire  sur  votre  fils  et  le  petit  Lavarde.  Dans  cette  incer- 
titude, je  me  suis  tourné  d'un  autre  côté:  je  me  suis 
adressé  à  la  Commission  de  l'Université  qui  donne  aussi 
des  bourses  ;  c'est  pour  cela  que  je  vous  avais  conseillé  de 
voir  l'inspecteur.  M.  Poinsot,  mais  il  ne  s'est  pas  arrêté  à 
Brive.  Il  y  a  une  grande  difficulté  à  vaincre  auprès  de 
l'Université,  c'est  qu'elle  ne  doit  donner  de  bourses  qu'aux 
départements  qui  ont  alloué  des  fonds  pour  cela,  ce  que 
n'a  pas  fait  le  département  de  la  Corrèze.  Toutefois,  j'ai 
surmonté  cet  obstacle  dans  d'autres  occasions  et  je  compte 
le  surmonter  encore.  Je  ne  négligerai  du  moins  rien  pour 


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-  267  - 

cela  ;  on  me  donne  des  espérances  ;  la  chose  sera  bienl6t 
terminée  au  moins  pour  cette  année  et  dés  qu'elle  le  sera, 
j'en  Ferai  part  à  notre  bon  pasteur  ;  je  retarde  pour  cela  la 
réponse  que  je  lui  dois.  11  peut  compter  pareillement  sur 
des  lunettes  ;  qu'il  tâche  de  voir  un  peu  clair  jusqu'à  ce 
que  je  trouve  une  occasion.  J'ai  manqué  celle  de  M.  La- 
maze,  c'est  un  tort  et  je  le-confesse,  mais  je  n'en  laisserai 
pas  échapper  d'autres. 

B  Veuillez  bien,  mon  cher  Monsieur,  offrir  tous  mes 
hommages  à  Madame  Beauregard  ;  je  me  rappelle,  et  c'est 
un  bien  agréable  souvenir,  son  bon  accueil  et  le  vôtre  ; 
j'espère  bien  aller  vous  en  remercier  moi-même  l'année 
prochaine  ;  ce  sera  un  bien  véritable  plaisir  pour  moi, 
soyez-en  bien  persuadé,  et  agréez  l'assurance  de  mon  sin- 
cère et  inviolable  attachement. 

B  Feletz. 
V  Paris,  9  septembre  1818  •. 

«  M.  l'abbé  de  Cosnac  a  bien  raison  de  vanter  l'Institu- 
tion des  Pères  de  la  Foi  à  Amiens  ;  si  nous  ne  pouvons  pas 
réussir  pour  l'Université,  je  me  concerterai  avec  lui  quand 
il  sera  à  Paris  pour  obtenir  une  bourse  à  Amiens  ». 

S'agil-il  ici  de  Jean-Joseph-Marje-Vicloire  de  Cosnac, 
èvéque  de  Meaus,  puis  archevêque  de  Sens?  (1764-1843). 

Les  démarches  de  l'abbé  de  Feletz  eurent  un  bon  résul- 
tat, si  l'on  en  juge  par  une  lettre  adressée  à  M.  Beauregard 
et  signée  d'une  sœur  de  l'abbé  : 

■  Gumont,  jeudi  soir. 

»  Je  suis  bien  fAchée,  Monsieur,  que  le  mauvais  temps 
et  les  mauvais  chemins  m'aient  privée  du  plaisir  que  j'au- 
rais eu  de  vous  voir  ici  ;  je  savais  par  M.  le  curé  que  vous 
aviez  obtenu  la  bourse  pour  M.  votre  fils.  Je  le  priai  même 
de  vous  témoigner  de  ma  part  combien  je  partageais  toute 
votre  satisfaction  à  cet  égard.  J'ai  reçu  dimanche  une 
lettre  de  mon  frère  que  notre  bon  pasteur  a  eu  la  bonté  de 
me  retirer  de  la  poste.  Elle  est  du  onze;  vous  voyez  qu'elle 
avait  resté  huit  jours  à  Brive.  S'il  y  avait  eu  quelque 
chose  qui  vous  eût  concerné,  je  me  serais  empressé  de 
vous  le  faire  savoir  par  la  voie  de  M,  le  curé.  Ne  vous  sa- 
chant pas  à  Saint-Pantaléon,  mon  frère  me  prie  de  le 


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-268  - 

rappeler  dans  le  souvenir  de  tous  nos  bons  voisins,  et 
certainement  vous  êtes  i)ien  du  nombre,  nommément 
votre  pasteur,  à  qui  vous  voudrez  bien  je  vous  prie  faire 
agréer  tous  ses  compliments.  Et  en  faisant  ceux  du  frère, 
vous  voudrez  bien  ne  pas  oublier  la  sœur,  en  l'assurant  de 
mou  respectueux  attachement,  et  soyez,  je  vous  prie,  bien 
persuadé,  Monsieur,  de  tout  celui  avec  lequel  j'ai  l'hon- 
neur d'être  votre  très  humble  servante, 

s  Fbletz  a. 
(Lettres  commuDiquéea  par  M.  de  flussac). 

II.  —  A  M.  I'Abbé  de  Lavarde 
Autre  fragment  dune  lettre  dont  j'ai  donné  la  première 
partie  (voir  note  p.  255),  et  qui  est  adressée  à  l'abbé  de 
Lavarde,  à  Saint-Pan taléon  : 

«  Quant  à  M.  de  Martignac  (1),  je  n'ai  pas  trouvé 

l'occasion  de  lui  parler  ;  il  m'avait  pourlant  invité  à  un 
magnifique  concert  qu'il  a  donné  vendredi.  Je  lai  revu 
hier,  mais  toujours  au  milieu  de  cinq  ou  six  cents  person- 
nes, occupé  à  recevoir  tout  le  monde,  à  donner  la  main 
aux  dames,  à  accueillir  les  ambassadeurs,  les  princes,  les 
grands  seigneurs.  Comment  glisser  un  mot  dans  une 
oreille  ouverte  à  tant  d'autres  discours?  C'eût  été  sans 
doute  un  mot  perdu.  Aussi  je  ne  lui  ai  pas  plus  parlé  de 
notre  hâpit&l  que  de  notre  canal,  car  il  est  encore  juge 
des  indemnités  que  les  riverains  de  la  Vézère  demandent 
aux  entrepreneurs.  J'attends  pour  vous  et  pour  moi  et 
pour  les  riverains  que  Madame  de  Martignac  reprenne  les 
petits  jours  où  elle  veut  bien  m'admettre  :  alors,  on  voit  le 
ministre  dans  un  cercle  plus  borné ». 

(Cette  lettre,  communiquée  par  U.  Rupin,  appartient  à  H.  de 
Lavarde,  à  Brive]. 

L'abbé  de  Lavarde,  aumônier  d'Anne  d'Autriche,  un 
des  bienfaiteurs  de  l'hApital  de  Brive,  s'était  réservé  le 
droit,  pour  lui  et  pour  ses  parents,  de  pouvoir  faire  entrer 

(1)  Harllgnac  (Jean-Baptiate-Sylvëre  Gaye  de),  flU  de  Clément 
de  Gaye,  sieur  de  Martignac,  avocat  à  Brive,  naquit  à  Bordeaux 
(ITTS),  fut  procureur  général  à  Limoges  en  1818,  député  en  1831, 
ministre  de  l'intérieur  en  IS3T,  et  mourut  le  3  avril  1833. 


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-269- 

à  l'hospice  un  certain  nombre  de  filles  de  famille.  Ce  droit 
était  tombé  en  désuétude  à  l'époque  de  la  Révolution  et 
l'abbé  de  Feletz  avait  été  prié  de  sonder  le  Ministre  pour 
tâcher  de  le  faire  rétablir. 

Il  s'agit  du  projet  de  canal  de  navigation,  depuis  le  con- 
fluent de  la  Vézère  et  de  la  Dordogne  à  Limeuil  jusqu'à  la 
jonction  de  la  Corrèze  et  de  la  Vézère  dans  la  plaine  de 
Brive.  Ce  projet  existait  de  temps  immémorial.  Sous 
Henri  IV,  les  élections  de  Sarlat  et  de  Brive  fournirent 
une  somme  de  150,000  1.,  mais  le  sacrifice  de  cette  somme 
fut  en  pure  perte  pour  le  pays  par  suite  de  la  mort  tragi- 
que du  grand  roi  (t6t0).  Ce  projet  de  canalisation  fut  re- 
pris plusieurs  fois  avec  ardeur,  notamment  en  1683  et  en 
1826,  mais,  comme  la  première  fois,  les  fonds  disponibles 
furent  employés  à  d'autres  besoins  de  l'Etat.  Quelques 
années  après,  à  la  suite  des  démarches  faites  soit  par  l'abbé 
de  Feletz  soit  par  d'autres  personnes  influentes,  cette  ca~ 
nalisation  fut  remise  en  question,  et  cette  fois  avec  l'idée 
nouvelle  de  la  continuer  jusqu'au  chef-lieu  du  départe- 
ment  La  Commission  nommée  à  ce  sujet  ayant  constaté 

que  l'étaïilissement  du  canal  jusqu'à  Tulle  était  impossi- 
ble à  cause  de  la  différence  de  niveau  (101  mètres)  qui 
existe  entre  le  Pont  Cardinal  à  Brive  et  le  pont  de  la  Bar- 
rière à  Tulle,  il  fut  décidé  que  du  moment  que  le  canal 
ne  pouvait  pas  monter  jusqu'à  Tulle  il  n'irait  même  pas 
jusqu'à  Brive,  et  c'est  ainsi  que,  par  suite  d'une  jalousie 
mesquine,  nos  contrées  centrales  ont  été  privées  d'avanta- 
ges commerciaux  indiscutables. 
(BenseignemeDts  fournis  par  H.  Rupin). 

III.  —  A  M.  DB  Lavabdb 

(Cette  lettre  se  recommande  par  la  bonne  humeur  et  le 
goût  du  terroir  dont  elle  fait  preuve)  : 

«  Il  faut  avouer,  mon  cher  cousin,  que  vous  avez  eu 

une  bien  bonne  et  heureuse  idée  de  fourrer  une  lettre 

entre  les  truffes  et  les  volailles  du  curé  et  de  lui  donner 

ainsi  de  vos  nouvelles.  Je  vous  assure  que  sans  faire  du 

T.  XX.  s  -  M 


dbyGoOt^lc 


-270- 

tort  au  reste,  ni  vouloir  le  déprécier,  ce  n'est  pas  ce  qui 
m'a  le  moins  charmé  dans  le  panier  si  bien  garni  et  si  bien 
parfumé  de  notre  bon  pasteur.  J'imagine  qu'actuellement 
d'autres  parfuais  vous  embaument  ;  ce  ne  sont  plus  les 
truffes,  ce  sonl  les  violettes  que  la  belle  saison  et  le  beau 
soleil  doivent  faire  éclore  dans  vos  heureux  climats.  Qu'il 
doit  faire  bon  sur  la  terrasse  de  Lavarde  !  et  que  je  vou- 
drais y  ûtre  !  Vous  voilà  bien  dédommagés  des  dix-neuf 
degrés  de  votre  thermomètre  dont  vous  vous  vantez.  Quant 
à  nous,  nous  n'avons  eu  effectivement  que  treize  degrés  et 
demi,  et  encore  un  seul  jour,  mais  il  ne  faut  pas  croire 
que  nous  mourions  de  chaud  pour  cela.  J'espère  que  ces 
beaux  jours  auront  guéri  votre  rhume,  ils  ne  sont  pas 
encore  parvenus  à  guérir  radicalement  un  accès  de  goutte 
qui  m'est  survenu  pour  mon  carnaval.  Je  vais  mieux 
cependant  et  suis  déjà  sorti,  mais  peu,  et  plus  en  voiture 
qu'à  pied.  Je  ne  pus  même  aller  hier,  comme  je  l'avais 
projeté,  chez  le  Ministre  de  l'Intérieur,  J'irai  le  plus  tôt 
que  je  pourrai  et  m'occuperai  de  votre  affaire.  Si  vous 
voyez  M.  de  Vialar,  veuillez  bien  lui  dire  de  prendre  aussi 
un  peu  de  patience  ;  dès  que  je  le  pourrai  j'irai  à  la  direc- 
tion des  Ponts  et  Chaussées  pour  arranger  son  affaire, 
mais  il  faut  que  j'y  aille,  écrire  ne  suffirait  pas,  et  je  suis 
dans  un  tel  arriéré  d'affaires  qu'il  me  faut  un  peu  de  temps 
pour  me  mettre  au  courant. 

■  Je  croyais,  mon  cher  cousin,  que  vous  étiez  instruit 
du  sort  des  entrepôts  de  tabac  ;  il  y  a  trois  mois  qu'une 
ordonnance  a  supprimé  ces  entrepôts,  c'est-à-dire  que  ceux 
qui  en  sont  actuellement  pourvus  continueront  à  les  pos- 
séder et  à  les  régir,  mais  à  leur  mort  ou  démission  on  ne 
leur  nommera  point  de  successeur,  et  la  place  sera  réunie 
à  celle  de  receveur  principal  des  contributions  indirectes. 
Je  ne  doutais  pas  que  vous  ne  connussiez  cette  ordon- 
nance et  j'expliquais  par  là  votre  silence  sur  l'entrepôt  de 
Brive. 

0  Ne  doutez  pas,  mon  cher  cousin,  que  je  ne  saisisse 
avec  beaucoup  d'empressement  toute  occasion  de  voua 
être  utile  à  vous  et  aux  vôtres  et  tout  succès  de  ce  genre 
serait  un  vrai  bonheur  pour  moi.  Faites  agréer,  je  Voua 
prie,  tous  mes  hommages  à  vos  dames  sans  oublier  la 
petite  demoiselle  nouvellement  venue,  quand  elle  aura 
bien  tété  et  qu'elle  sera  de  bonne  humeur,  et  agréez  pour 


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-271  - 

vous  même,  mon  cher  cousin,  la  nouvelle  assurance  de 
mon  vieil  attachement. 
B  Paris,  5  mars  1830. 

j)  Feletz  ». 
(Appartient  à  M.  Rupiu). 


A  Monsieur  Lavarde,  maire  de  la.  c 

S&int-Pantaléon,  Brive  (Corrèze). 

«  Je  croyais,  Monsieur  et  cher  cousin,  que  mon  frère 
étant  allé  à  Gumont  vous  auriez  convenu  avec  lui  de  tout 
ce  qu'il  y  avait  à  /aire  pour  la  bénédiction  de  la  nouvelle 
cloche  de  Saint- Pan Laléon  et  pour  le  rûle  qu'il  avait  à 
remplir  afin  de  me  remplacer  dans  les  honneurs  que  vous 
voulez  bien  m'accorder  dans  cette  occasion.  Mais  enfin, 
mon  cher  cousin,  puisque  vous  n'avez  pris  aucun  arrange- 
ment avec  lui  et  que  les  choses  ont  été  différées  jusqu'à  ce 
moment,  je  n'aurai  point  de  représentant  et  je  me  repré- 
senterai moi-même.  Je  compte,  en  efTet,  aller  incessam- 
ment revoir  le  clocher  de  ma  paroisse  et  par  conséquent 
être  à  portée  d'y  voir  placer  une  cloche.  Je  serai  à  Gu- 
mont, je  l'espère  du  moins,  vers  le  milieu  du  mois  pro- 
chain, et  alors  nous  bénirons,  placerons  et  ferons  sonner 
les  cloches  tant  que  vous  voudrez.  Soyez  persuadé  que 
parmi  les  personnes  que  je  serai  enchanté  de  revoir,  vous 
êtes  au  premier  rang,  ainsi  que  votre  famille  et  notre 
ancien  camarade,  le  pasteur  actuel.  Dites-lui  bien  des 
choses  de  ma  part.  Je  vous  prie  de  compter  toujours, 
Monsieur  et  cher  cousin,  sur  mon  sincère  et  invincible 
attachement. 

D  Fblbtz. 
.  Paris,  26  juillet  «. 

(Appartient  4  H.  Rupin). 

IV.    —   A   M.    LB   BARON    MOUNtER 

M.  le  fcaron  Mounier  (1) 
0  Monsieur, 
»  J'ai  l'honneur  de  vous  adresser  le  nouveau  certificat 
qui  m'a  été  envoyé  par  cette  pauvre  dame  de  la  Filolie  que 


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—  272  — 

vous  avez  bien  voulu  prendre  sous  voire  protection.  Veuil- 
lez bien  la  lui  continuer,  et  en  hlter  les  effets,  car  son 
âge  et  ses  besoins  demandent  qu'on  se  presse.  Vous  voyez, 
Monsieur,  a  vec  quelle  confiance  je  vous  le  demande.  J'au- 
rais eu  l'honneur  de  vous  apporter  moi-môme  cette  pièce, 
mais  une  attaque  de  goutte  quoiqu'aasez  légère  me  retient 
chez  moi. 

»  Agréez,  je  vous  prie,  la  nouvelle  assurance  de  la  con- 
sidération très  distinguée  avec  laquelle  j'ai  l'honneur 
d'être,  Monsieur,  votre  très  humble  et  très  obéissant  ser- 
viteur, 

B  Feletz. 
»  15  juillet  1837. 

»  P.-S-  -^  Je  ne  sais  quelle  est  la  voie  la  plus  courte 

four  lui  faire  toucher  le  secours  que  vous  voudrez  bien 
ui  faire  accorder.  Madame  de  la  Hlolie  demeure  dans  la 
commune  de  Cublae,  sous-préfecture  de  Brive  (Gorréze) 
et  c'est  ordinairement  le  percepteur  de  Cublae  qui  lui 
remet  le  secours  ». 
(Cette  lettre  appartient  à  M.  Charavay). 

B.  —  LETTRES  LITTÉRAIRES 

V.  —  A  M,  AuoEK 
Louis-Simon  Auger  (1772-1829),  critique  et  littérateur 
distingué,  successeur  de  Raynouard,  démissionnaire  , au 
secrétariat  perpétuel  de  l'Académie.  Dans  la  Biographie 
universelle  de  Michaud,  Durozois,  le  comparant  à  ses 
confrères  les  critiques,  dit  que  ses  articles  n'ont  pas  «  cette 
légère  ironie,  ce  ton  d'homme  du  monde  qui  caractérise 
ceux  de  Feletz»  (I).  Cette  appréciation  peut  porter  sur  U 
correspondance  que  nous  publions  et  en  particulier  sur  la 
lettre  suivante  : 

A  Monsieur  Auger,  secrél&ire  perpétuel  de  l'Aca.démie 
française,  au  Paiais  de  l'Industrie 

1  10  octobre  1827. 
B  II  est  bien  temps  de  répondre  à  une  aimable  lettre 

(I)  M,  de  Felelz  a  fait  un  éloge  très  vif  de  l'édition  de  Molière 
par  M.  Auger. 


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—  273  — 

que  vous  m'avez  écrite  immédiatement  après  la  Saint- 
Louis,  cher  ami,  cher  confrère  et  cher  voisin,  car  j'espère 
reconquérir  le  mois  prochain  celte  dernière  relation  avec 
vous,  et  je  tiens  infiniment  à  toutes,  quoique  vous  soyez 
en  droit  de  trouver  que  je  les  cultive  fort  négligemment. 
Vous  vous  rappellerez  toutefois  que  vous  m'écriviez  au 
moment  de  votre  départ,  et  vous  ne  me  disiez  ni  où  vous 
alliez,  ni  combien  de  temps  vous  seriez  absent.  Si  j'ai 
bonne  mémoire  vous  deviez  aller  en  Picardie  avec  Ma- 
dame Auger,  mais  ce  souvenir  était  un  peu  vague,  ainsi 
que  cette  adresse  pour  vous  y  envoyer  une  lettre.  A  la 
vérité  je  soupçonne  qu'il  y  a  bien  déjà  quelque  temps  que 
j'aurais  pu  vous  écrire  à  Paris,  et  vous  n'auriez  sûrement 
pas  permis  que  l'Académie  fût  si  longtemps  privée  de  son 
secrétaire  perpétuel-  Mais  je  n'ai,  mon  cher  ami,  qu'une 
trop  bonne  excuse  pour  ne  vous  avoir  pas  écrit  ces  trois 
demièi-es  semaines,  et  vous  voudriez  sûrement  avec  moi 
que  je  fusse  sur  ce  point  plus  coupable  à  votre  égard.  De 
tristes  jours,  suivis  de  plus  tristes  événements,  ont  entiè- 
rement absorbé  mon  esprit  et  occupé  tous  mes  moments. 
J'avais  resté  peu  de  joui-s  à  Bordeaux  et  seulement  une 
semaine  à  Périgueux,  empressé  que  j'étais  de  venir  auprès 
de  mon  père.  Je  le  trouvai  très  bien  portant,  ou  plutôt  je 
ne  le  trouvai  point,  car  il  était  monté  à  cheval  et  était  allé 
dans  le  voisinage.  Il  fit  encore  dans  la  semaine  d'après 
deux  petits  voyages,  toujours  à  cheval,  et  se  proposait  d'en 
faire  un  plus  long,  lorsqu'il  fut  saisi  d'une  fièvre  violente, 
qui  se  déclara  d'abord  intermittente,  et  puis  devint  conti- 
nue avec  des  redoublements.  Il  lutta  longtemps  avec  toute 
la  vigueur  de  son  tempérament,  mais  enftn  il  a  succombé 
à  l'âge  de  quatre-vingt-cinq  ans.  Sa  santé  presque  inébran- 
lable nous  promettait  de  plus  longues  années  encore  et  je 
suis  pereuadé  qu'il  eût  fourni  une  plus  longue  carrière  s'il 
lui  eût  été  possible  de  prendre  quelques  précautions, 
d'avoir  quelques  ménagements  que  l'âge  rendait  nécessai- 
res. Mais  il  était  ennemi  de  tout  régime,  rebelle  surtout  à 
la  médecine,  même  dans  la  maladie  et  jusqu'au  dernier 
moment.  Jusqu'à  ce  dernier  moment  il  a  conservé  sa  tète, 
toutes  ses  facultés  et  même,  dans  quelques  instants  de 
calme  et  de  relflche,  la  gaieté-  C'était  un  de  ces  rares  vieil- 
lards qui  n'ont  aucun  des  inconvénients  de  la  vieillesse 
et  qui  surtout  ne  veulent  point  être  incommode  aux  au- 


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-274  — 

très.  H  est  mort  entouré  de  sa  famille  et  vivement  regretté 
par  elle  :  nous  avons  eu  si  longtemps  un  père  que  c'est 
pour  nous  un  sentiment  bien  pénible  de  ne  plus  en  avoir. 

0  Quoique  tous  parfaitement  d'accord,  ce  malheureux 
événement  nous  donne  quelques  alfaires  à  régler  qui 
m'ont  retenu  et  me  retiendront  encore  quelques  jours  dans 
les  environs  de  Brive.  Je  compte  en  partir  vers  le  15,  et 
m'arrêterai  par  ci  par  là,  arriverai  le  25  à  Périgueux  où  je 
resterai  jusque  vers  le  20  novembre  que  je  partirai  pour 
Paris.  Ce  sera  du  moins  mon  quartier  général 

»  Si  je  vous  avais  répondu  plus  tôt,  je  vous  aurais  dit 
beaucoup  de  choses  sur  ce  que  vous  me  mandez  de  la 
séance  publique  de  l'Académie  française,  le  jour  de  Saint- 
Louis.  Le  Journal  des  Débats  a  rapporté  des  fragments 
charmants  de  votre  discours,  que  je  lirai  tout  entier  avec 
bien  de  l'empressement  à  Paris.  Il  y  a  peut-être  là-dessous 
un  petit  reproche  de  ne  m'avoir  pas  procuré  ce  plaisir  plus 
tôt  en  m'envoyant  directement  ce  rapport  en  Périgord  ou 
en  Limousin,  où,  quoique  vous  en  pensiez,  on  goûte  les 
bonnes  choses  et  où  l'on  n'est  pas  étranger  aux  matières 
académiques.  Je  vous  assure  que  ma  belle-sœur  vous  en 
eût  su  autant  de  gré  que  moi.  Elle  a  été  charmée  du  petit 
fragment  où  vous  parlez  de  l'intérêt  que  les  femmes  ont 
pris  à  la  Cité  des  Grecs,  et  le  petit  morceau  particulier 
que  vous  lui  adressez  dans  la  lettre  que  vous  m'avez 
écrite,  quoique  moins  oratoire  et  moins  galant,  ne  l'a  pas 
moins  enchantée  ;  elle  me  charge  de  vous  en  remercier  ; 
elle  regrette  infiniment  d'avoir  fait  deux  voyages  de  Paris 
sans  avoir  profité  de  cette  double  occasion  pour  faire 
connaissance  avec  Madame  Auger  et  avec  vous.  Mais  c'est 
moi  qui  ai  eu  tort  et  certainement  si  l'occasion  revenait 
je  n'aurais  plus  ce  tort  là. 

•  Adieu,  cher  voisin;  offrez,  je  vous  piie,  tous  mes 
hommages  à  Madame  Auger.  J'espère  qu'elle  sera,  ainsi 
que  vous,  les  deux  premières  personnes  que  je  verrai  à 
Paris.  Elle  voudra  permettre  que  ce  soit  chez  elle  que  je 
fasse  mon  premier  dîner  à  mon  retour. 

E  Agréez,  mon  cher  ami,  l'assurance  de  mon  inviolable 
attachement  et  de  mon  sincère  dévouement. 

B  Feletz  ». 
(Appartient  à  M.  Ernest  Bupin). 


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La  lettre  précédente  et  la  suivante  ont  trait,  en  termes 
presque  identiques,  à  la  mort  du  père  de  Feleti  : 

a  Je  n'ai  malheureusement,  Madame,  qu'une  trop 
bonne  excuse  à  vous  donner  d'avoir  autant  tardé  à  répon- 
dre à  la  bonne  et  aimable  lettre  que  vous  m'avez  fait 
l'honneur  de  m'adresser  il  y  a  environ  un  mois,  et  vous 
voudriez,  avec  moi,  que  je  fusse  plus  coupable.  Vous  vous 
rappelez  qu'une  de  mes  principales  raisons  de  quitter 
promptement  Bordeaux,  malgré  tout  l'attrait  que  vous 
m'aviez  donné.  Madame,  ainsi  que  toute  votre  famille, 
pour  y  prolonger  mon  séjour,  était  le  juste  désir  de  ne  pas 
rester  trop  longtemps,  après  mon  départ  de  Paris,  sans  me 
rendre  auprès  de  mon  vieux  et  respectable  père  dont  on 
m'avait  mandé  que  la  santé  faiblissaii  beaucoup.  Je  fus 
cependant  bien  rassuré  en  le  voyant.  A  mon  arrivée,  dont 
ilneconnaissait  pas  le  moment,  je  ne  le  trouvai  pas  chez  lui; 
il  était  monté  à  cheval  et  était  allé  dans  le  voisinage.  Deux 
fois,  depuis  mon  arrivée,  il  donna  les  mômes  preuves  de 
santé  et  de  vigueur,  mais  au  bout  d'une  dizaine  dé  jours,  il 
fut  saisi  d'une  fièvre  violente  qui  se  déclara  d'abord  inter- 
mittente et  devint  ensuite  continue.  Il  a  lutté  toujours,  avec 
toute  la  force  de  son  tempérament,  contre  la  violence  du 
mal  ;  nous  espérâmes  quelquefois,  mais  enfin  il  a  succombé 
le  dix-septième  jour. 

»  Il  a  conservé  sa  tôte  et  toute  sa  présence  d'esprit  jus- 
qu'au dernier  moment,  et  a  reçu  nos  soins  avec  pleine 
connaissance  et  une  touchante  sensibilité.  Sa  fin  a  été 
calme,  résignée,  religieuse.  Ce  sont  des  consolations  sans 
doute,  mais  si  elles  adoucissent  les  regrets,  elles  les  lais- 
sent bien  vifs  encore.  Quoique  mon  père  eut  quatre-vingt- 
cinq  ans,  il  avait  une  santé  si  ferme  et  si  robuste  qu'il  nous 
avait  accoutumés  à  compter  sur  un  plus  grand  nombre  d'an- 
nées. C'était  un  de  ces  rares  vieillards  qui  n'ont  aucune  des 
incommodités  d'un  grand  âge.  Sa  perte  est  vivement  sen- 
tie dans  la  famille,  et  il  y  avait  si  longtems  que  nous 
avions  tous  un  père  que  nous  nous  sentons  plus  malheu- 
reux de  ne  plus  l'avoir. 

B  Dans  cette  disposition  d'esprit  et  de  cœur,  je  répon- 
drai mal.  Madame,  à  quelques  articles  de  votre  lettre.  J'ai 
su  dans  le  tems  quel  était  l'auteur  des  vers  qui  servent 


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—  276  — 

d'épigraphe  aux  divers  chapitres  du  roman  à'Yseult,  mais 
j'ai  eu  le  tort  de  l'oublier  et  j'ai  cherché  inutilement  à 
me  le  rappeler.  Peut-être  avais-je  mis  moins  de  prix  à  le 
retenir,  parce  que  je  ne  connais  point  ces  vers.  Je  les  avais 
à  la  vérité  entendu  louer,  mais  ces  éloges  ne  m'avaient 
pas  fait  l'impression  de  celui  que  vous  m'en  faites,  et 
actuellement  si  on  me  disait  le  nom  de  l'auteur,  je  suis 
bien  sûr  que  je  ne  l'oublierai  point. 

»  J'aimerais  à  vous  parler,  Madame,  avec  plus  de  plai- 
sir et  de  détail,  des  vers  qui  vous  ont  été  adressés  par  une 
aimable  muse,  dont  les  gr&ces  et  les  talents  se  sont  déve- 
loppés sous  vos  yeux  et  par  vos  soins.  Je  n'ai  pu  me 
méprendre  sur  l'auteur  de  ces  vers  pleins  de  délicatesse, 
d'esprit  et  de  sentiment.  Le  ton  de  mélancolie  qui  y  règne 
est  tout  à  fait  aimable,  naturel  et  touchant.  J'avais  bien 
déniché  à  travers  cette  mélancolie  qui  est  une  grâce  de 
plus  sur  le  visage  de  Madame  votre  fille,  l'agrément  de 
l'esprit  que  suppose  cette  jolie  et  douce  composition. 
Veuillei  bien  offrir  tous  mes  louanges  à  l'aimable  auteur, 
ainsi  qu'à  Madame  Chauvet,  dont  j'accepte  avec  empres- 
sement et  reconnaissance  l'invitation  à  mon  premier 
voyage  à  Bordeaux.  Veuillez  aussi,  Madame,  dire  à  Mon- 
sieur de  Ceré  (?)  combien  j'ai  été  touché  de  son  bon  et 
gracieux  accueil.  Je  voudrais  trouver  l'occasion  de  lui 
prouver  toute  ma  reconnaissance  et  mes  sentimens  pour 
lui.  J'espère  que  la  santé  de  M.  votre  fils  aine  est  tout  à 
fait  rétablie.  Je  ne  saurais  assez  remercier  de  sa  complai- 
sance notre  jeune  cicérone  si  prodigue  d'huiires  à  mon 
égard.  Dans  cette  nomenclature  de  personnes  bonnes  et 
aimables,  je  ne  puis  oublier  Madame  Blondel  que  j'ai  été 
heureux  de  trouver  à  Bardeaux  et  malheureux  de  voir  si 
peu.  Veuillez  bien  lui  offrir  tous  mes  hommages  ;  veuillez 
aussi  les  agréer  pour  vous,  Madame,  et  croire  que  je  n'ou- 
blierai jamais  toutes  vos  bontés  pour  moi. 

»  Felbtz. 
»  4  octobre. 

»  P.-S.  —  Quelques  affaires  de  famille  me  retiendront 
encore  une  quinzaine  de  jours  dans  les  environs  de  Brive. 
J'irai  chez  mon  frère  et  ma  belle-sœur  à  Pèrigueux  vers 
le  20  octobre,  y  resterai  environ  un  mois  et  je  partirai 
pour  Paris  vers  le  20  novembre  ». 


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-277- 

VII.  —  A  M.  l'Abbè  Hcbeht 
Les  deux  lettres  suivantes  font  partie  d'une  collection 
d'autographes  que  M"»  Robert  de  Soubeyran  tient  de  son 
père,  M.  Odon  de  Froidefond  de  Boulazac  ;  elles  ont  été 
publiées  dans  le  Bulletin  de  la  Société  historique  et 
archéologique  du  Pêrigord  |T.  XIII,  année  1886,  p.  24?)  : 

A  Monsieur  l'abbé  Hubert,  chanoine  et  bibliothécaire 
de  Troyes 
a  Monsieur  et  cher  confrère, 

u  M.  Breton,  que  j'aurais  été  bien  aise  de  voir,  et  pour 
lui-même,  et  parce  qu'il  venait  de  votre  part,  qu'il  m'au- 
rait parlé  de  vous  et  donné  de  vos  nouvelles,  a  dû  vous 
dire  à  son  retour  de  Troyes  qu'il  ne  m'avait  pas  trouvé  à 
Paris.  J'étais  allé  selon  mon  usage  assister  en  Pêrigord  à 
l'enfantement  des  truffes  et  connaître  d'avance  si  nous 
pourrions  nous  flatter  d'en  manger  beaucoup  cet  hiver  à 
Paris. 

0  Loi-sque  mon  mauvais  destin  m'amena  à  prononcer 
un  mauvais  discours  à  la  réception  de  M.  Cousin,  ma  pre- 
mière pensée  fut  bien  de  vous  en  faire  un  pauvre  présent 
et  de  vous  l'envoyer.  Je  ne  sais  comment  il  se  fit  que  je 
n'exécutai  pas  ce  dessein.  Bref  tous  les  discours  que  j'avais 
en  ma  possession  ont  disparu,  comme  s'ils  avaient  valu  la 
peine  d'être  demandés.  Je  ne  m'en  trouvai  pas  un  quoique 
l'imprimeur  Didot  m'en  eût  demandé  en  assez  grand  nom- 
bre du  mien  seul  et  imprimé  à  part.  Je  n'ai  pas  voulu 
cependant  ne  pas  répondre  à  votre  choix  obligeant  et  à 
votre  aimable  demande,  et  j'en  ai  acheté  un  exemplaire 
chez  Didot,  afin  de  vous  envoyer  quelque  chose  qui  en 
valût  un  peu  la  peine  ;  j'ai  pris  un  des  exemplaires  où  le 
discours  de  M.  Cousin  est  réuni  au  mien.  Vous  avez  pu 
déjà  lire  ce  dernier  dans  le  Moniteur  où  on  s'empressa  de 
l'insérer,  honneur  que,  contre  l'usage,  on  ne  fit  pas  au 
mien,  sans  doute  à  cause  de  la  fin. 

»  Comme  vous  croyez,  je  m'en  inquiétais  peu,  seulement 
je  trouvais  cela  misérable.  Quant  à  celui  de  Parseval, 
qu'on  n'inséra  pas  non  plus,  afin  de  dissimuler  la  cause 
qui  faisait  pi-oscrire  le  mien,  je  ue  puis  dans  ce  moment 
vous  l'envoyer,  U  faudra  que  vous  veniez  le  lire  ici.  Je 


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—  278  — 

promets  alors  de  vous  le  procurer.  Vous  savez  combien  je 
serai  enchanté  de  vous  y  voir. 

»  Je  vous  écris  pour  ainsi  dire  en  arrivant  après  une 
longue  absence.  Vous  sentez  combien  d'affaires  et  de  cor- 
respondances arriérées,  combien  de  commissions  données 
absorbent  mon  temps  ;  vous  pardonnerez  donc  si  j'abrège 
cette  lettre,  vous  pardonnerez  aussi  ce  chiiFon  de  papier. 
J'écris  à  la  bibliothèque  où  je  n'en  ai  pas  d'autre  ;  vous  me 
donnerez  de  vos  nouvelles  et  croirez  à  mon  sincère  et 
inviolable  attachement. 

s  Feletz. 
>  Paris,  3  décembre  1831. 

»  P.-S.  —  Bien  entendu  qu'il  ne  faut  pas  me  renvoyer 
les  discours.  Afin  de  vous  donner  mon  œuvre  tout  entière, 
je  rétablis,  page  37,  un  petit  passage  que  l'extrême  suscep- 
tibilité du  récipiendaire  m'engage  à  retrancher.  Mais  il 
me  semble  que  ce  morceau  ne  vous  déplaira  pas  et  qu'il 
entre  dans  vos  idées  et  votre  manière  de  penser  >. 

Au  même 

B  Je  suis,  monsieur  et  cher  confrère,  toujours  heureux 
de  votre  souvenir,  toujours  sensible  aux  marques  et  témoi- 
gnages de  votre  amitié.  Je  vous  remercie  particulièrement 
des  vœux  que  vous  voulez  bien  m'exprimer  de  la  manière 
la  plus  aimable  au  commencement  de  la  nouvelle  année. 
Je  vous  prie  de  recevoir  les  miens,  qui  sont  bien  sincères, 
je  yous  assure.  Parmi  tous  ces  vœux  vous  me  permettrez 
d'en  faire  un  pour  moi  ;  c'est  que  rien  ne  s'oppose  cette 
année  au  projet  que  vous  avez  de  venir  à  Paris.  C'est  avec 
grand  plaisir  que  je  vous  y  verrai,  mais  il  faut  pour  cela 
que  vous  n'y  veniez  pas  l'automne  que  je  passe  tous  les 
ans  dans  ma  province,  coutume  à  laquelle  je  serai  tldèle, 
tant  que  je  ne  serai  pas  trop  vieux  pour  pouvoir  faire  un 
assez  long  voyage.  Je  ne  m'en  suis  pas  mal  trouvé  encore 
cette  année. 

»  Adieu,  mou  très  cher  et  aimable  confrère,  comptez 
toujours  sur  mon  vieux  attachement  et  agréez-en  la  nou- 
velle assurance. 

»  Feletz, 
»  Paris,  4  janvier  183-5  ». 


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VIII.   —  A   M.   MlCHADD 

Monsieur  Michaud,  libraire,  rue  Richelieu,  Paris 

■  Je  prie  Monsieur  Michaud  de  m'envoyer  entier  le 
60""  volume  de  la  Biographie  universelle. 

»  bi  l'article  Choiseul  doit  paraître  dans  le  61°'  vol.,  ce 
qui  n'est  pas  sûr,  je  supplie  qu'on  ne  l'imprime  pas  sans 
m'en  avoir  encore  envoyé  les  épreuves,  sans  quoi  il  sera 
plein  de  sottises  que  je  corrigerai,  sans  compter  celles  que 
je  laisserai. 

»  Si  ce  pauvre  Mecy  Taurin  (?)  vivait,  je  lui  conseillerais 
plus  que  jamais  de  ne  pas  se  presser  de  faire  l'article  Ma- 
rivaux. 

B  Mille  compliments  et  assurances  de  dévouements. 

B  Mercredi,  24  février  1836  ». 

L.-G.  Michaud,  directeur  de  la  célèbre  Biographie 
universelle,  avait  Feletz  comme  collaborateur  depuis  le 
3"  volume  de  la  1"  édition  qui,  avec  le  supplément,  en 
compta  90  au  moins  (1833-1850}  (?).  Le  60"  en  question  ne 
contient  pas  d'article  de  notre  écrivain  ;  par  contre  le  61«, 
publié  en  1836,  renferme  celui  sur  lequel  il  ne  comptait 
pas:  il  s'agit  du  comte  de  Choiseul-Gouffler  (1752-1817), 
l'académicien  et  le  ministre  de  la  Restauration,  célèbre 
par  ses  voyages  en  Orient  et  ses  études  archéologiques  sur 
la  Grèce.  Cet  article  est  reproduit  dans  les  Jugements. 

Quant  à  l'auteur  de  Marivaux,  dont  le  nom  est  incer- 
tain dans  la  lettre  ci-dessus,  nous  voyons  dans  la  Biogra- 
phie qu'il  ne  peut  être  Fabien  Pillet,  qui  avait  déjà  donné 
cet  article  dans  le  Tome  XXVII,  en  1833. 

Feletz  a,  dans  ses  Mélanges,  tome  V,  trois  articles  sur 
la  Biographie  universelle. 

IX.  —  A  M,   A.1MÉ  Martin 

Louis-Aimé  Martin,  littérateur  (né  à  Lyon  en  1782,  mort 

en  1847),  fut  un  collègue  de  Feletz  dans  la  rédaction  des 

Defeais.  Disciple  de  Bernardin  de  Saint-Pierre,  il  publia 

un  Essai  sur  la  vie  et  les  ouvrages  de  cet  écrivain,  que 


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notre  critique  loua  beaucoup  dans  un  important  article. 
C'est  peut-être  de  cet  ouvrage  qu'il  s'agit  dans  les  deux 
billets  suivants  : 

Monsieur  L.-Aimé  Martin,  Palais  Bourbon,  Paris 
B  Je  remercie  Monsieur  Aimé  Martin  des  jolis  livres 
qu'il  m'envoie,  parmi  lesquels  je  distingue  et  apprécie 
beaucoup  celui  qui  est  de  sa  composition.  Je  suis  charmé 
de  l'avoir  de  sa  maia  et  de  l'avoir  tout  entier.  II  me  sem- 
ble qu'il  a  eu  hier,  ou  avant-hier,  un  succès,  doat  je  le 
félicite,  contre  son  adversaire. 

■  Je  ne  dois  plus  véritablement  être  regardé  comme  un 
rédacteur  du  Journal  des  Débats,  tant  j'ai  peu  de  moments 
à  lui  consacrer,  mais  je  voudrais  bien  pouvoir  ne  pas 
renoncer  tout  à  fait  à  y  parler  de  M.  Aimé  Martin,  de  son 
libraire,  prendre  encore  le  change  et  croire  que  c'est  à  lui 
surtout  que  je  pense. 

>  Mille  compliments,  remerciements  et  assurances  de 
dévouement. 

»  Feletz. 
i  Dimanche  29  ». 

Monsieur  Aimé  Martin,  Paris 
«  Je  vous  remercie,  mon  cher  Monsieur  (permettez-moi 
cette  familiarité  qui  exprime  un  sentiment  vrai),  de  votre 
présent  que  j'apprécie  d'autant  plus  que  je  le  connais  déjà 
en  grande  partie.  Je  suis  persuadé  que  ce  qui  me  reste  à 
lire  et  à  connaître  me  confirmera  dans  la  très  bonne  opi- 
nion que  j'ai  déjà  conçue. 

B  J'avais  déjà  bien  résolu  de  placer  ce  livre  dans  ma 
bibliothèque  où  il  y  en  a  tant  qui  ne  le  valent  pas,  quoi- 
qu'ils soient  en  général  bien  choisis,  mais  j'aime  à  le  tenir 
de  son  auteur. 

»  Agréez,  mon  cher  Monsieur,  l'assurance  de  mon  sin- 
cère dévouement. 

11  Felete  ». 

Monsieur  Aimé  Martin,  rue  des  Petits  Augustins,  Paris 
«  Je  vous  envoie,  mon  très  cher  Monsieur,  on  vous  fai- 
sant mille  remei-ciements,  le  nouveau  poème  de  M.  de 
Lamartine.  Vous  m'accuserez  sans  doute,  comme  vous 


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accusiez  ceux  à  qui  vou3  l'aviez  prêté  avant  moi,  de  l'avoir 
gardé  trop  longtemps.  J'en  demande  bien  pardon  à  ceux 
que  j'ai  fait  attendre,  mais  je  ne  peux  pas  lire  plus  de 
deux  mille  vers  par  jour. 

V  Je  suis  certainement  un  Topinambou,  »n  Hottentot, 
mais  jevoudrais  retrancher  de  cepoêtne  cinq  cents  vers  qui 
me  paraissent  détestables  comme  vers,  et  mille  ou  douze 
cents  qui  sont  très  bons,  mais  qui  allongent,  ralentissent  et 
refroidissent  l'ouvrage,  car  l'auteur  me  semble  trop  long, 
même  quand  il  est  très  bon.  Et  jamais  on  n'a  plus  abusé 
des  vers,  de  la  poésie,  des  images,  des  descriptions,  des 
énumérations,  des  mots,  des  substantifs,  des  adjectifs,  des 
verbes  et  des  adverbes. 

1  Après  ces  retranchements,  il  resterait  quatre  à  cinq 
mille  vei's  très  beaux,  magnifiques,  admirables (1). 

»  Creusez  un  trou  bien  profond  dans  la  terre,  et  enfouis- 
sez-y  ce  billet  avec  cette  inscription  : 

Midas,  /e  roi  Midas  &  des  oreilles  d'âne. 

»  Mille  compliments  et  assurance  de  dévouements. 
■  Fbletz. 


X.    —   A    MONSIBUR   LE   DlRBCTEUR   DBS    «  AnNALES  n 

Les  Annales  politiques  et  littéraire»,  feuille  révolution- 
naire fondée  en  1789  par  Mercier  et  Carra,  s'était  naturel- 
lement attaquée  à  Feletz,  qui  réplique  ainsi  : 

Monsieur  le  Directeur  des  Annales,  etc.,  Paris 
1  7  décembre  1818. 
B  Monsieur, 
»  Votre  journal  d'aujourd'hui  est  trop  bien  rempli  pour 
que  je  puisse  me  plaindre  de  ne  pas  y  voir  la  lettre  que 
■  j'ai  eu  l'honneur  de  vous  adresser  hier,  mais  si  vous  ne 
voulez  pas  l'insérer  dans  celui  de  demain,  je  vous  prie  de 


(1)  Feletz  fit  UD  article  de  critique  enthousiaste  sur  les  Médi' 
talion»  de  Lamartine;  quant  k  Aimé  Martin,  c'était  un  ami  du 
pofete  qui  l'a  rortemenl  loué  de  ses  rapports  filiaux  avec  Bernardin 
de  Saint-Pierre. 


D,g,t,zedbyGT:)OglC 


me  la  renvoyer.  Si  au  contraire  vous  avez  la  bonté  de  la 
faire  imprimer,  je  vous  prie  d'y  joindre  la  petite  additioQ 
suivante  à  lacpielle  je  tiens  assez  pour  vouloir  que  la  lettre 
ne  soit  point  imprimée  sans  cette  addition. 

B  Après  le  mot  homme  d'honneur  qui  la  termine,  je 
désire  donc  que  vous  ajoutiez  : 

»  La  plus  grande  injure  qu'il  ait  trouvé  à  me  dire,  c'est 
que  je  suis  gentilhomme  et  ecclésiastique,  et  il  me  dé- 
nonce si  souvent  comme  tel,  qu'on  croirait  qu'il  parle  aux 
frères  et  amis  et  qu'il  espère  me  faire  proscrire  par  eux. 
C'est  du  reste  de  ('ardeur  que,  pour  me  servir  de  ses 
espressionSpilamonlr^eàNancy;  ilestauieitrd'Azaïs!(l). 

»  Veuillez  bien  agréer,  Monsieur,  l'assurance  de  ma 
parfaite  considération. 

B  Feletz  ». 

XL  —  A  Monsieur  Feroy 

Monsieur  Feroy,  rue  Rameau  n»  6,  Paris 

«  Monsieur, 

n  J'ai  un  peu  retardé  la  réponse  et  les  remerciements 

que  je  vous  dois.  Le  plus  souvent,  je  réponds  aux  auteurs 

avant  d'avoir  lu  Jeurs  ouvrages.  Mais  c'est  une  prudence 

dont  je  savais  que  je  n'avais  pas  besoin  à  votre  égard  et 

j'ai  voulu  vous  remercier  avec  une  pleine  connaissance 

de  cause,  bien  persuadé  que  ma  reconnaissance  en  serait 

augmentée.  Je  puis  donc  vous  dire  avec  vérité,  Monsieur, 

que  je  vous  ai  lu  avec  plaisir  et  que  j'ai  applaudi  à  vos 

nobles  sentiments  et  à  vos  beaux  vere. 

■  Agrée:!,  Monsieur,  l'assurance  de  ma  considération  la 
plus  distinguée. 

»  Feletz. 
»  Dimanche,  9  >■ 

Xn.  —  A  Monsieur  Leuontet,  censeur  impérial 

Littérateur  et  auteur  dramatique,  publiciste  et  historien, 
Pierre-Edouard  Lemontey  (né  à  Lyon  en  1762,  mort  en 

(1)  Les  Tomea  I  et  V  des  Mélanges  de  Feletz  contiennent  des 
polémiques  sur  les  ouvrages  et  les  théories  de  M.  Azals,  l'auteur 
des  Compentttlions  dans  les  dettiniet  humaines  et  du  Jugement 
philosophique  sur  J.-J.  Rousseau  et  sur  Voltaire. 


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—  283  — 

1826)  fut,  30UB  l'Empire,  le  censeur  idéal  comme  sévérité, 
corrigeant  même  les  classiques  des  moindres  mots  à  ten- 
dance républicaine  ;  homme  du  monde  très  répandu,  il 
était  cependant  d'une  très  grande  bonhomie  et  conciliation 
dans  les  relations  habituelles  de  la  vie,  ce  qui  explique 
son  commerce  avec  Feletz  : 

Monsieur  Lemontey,  censeur  impérial  à  (a  direciion 
de  la  librairie,  rue  S&inte-Catherine,  Parts 

«  On  a  supposé  que  ma  recommandation  était  de  quel- 
que poids  auprès  de  M.  Lemontey,  et  je  ne  me  suis  pas 
défendu.  II  m'a  été  beaucoup  plus  agréable  de  le  laisser 
croire  et  pour  soutenir  mon  rôle  j'ai  promis  de  recomman- 
der. Il  s'agit  d'un  roman  dont  on  lui  remettra  le  manus- 
crit avec  mon  billet.  On  est  un  peu  pressé  d'être  imprimé 
et  de  paraître  ;  on  désire  par  conséquent  que  Monsieur 
Lemontey  examine  vite,  approuve  vite.  La  dame  intéressée 
à  tout  cela  m'a  bien  assuré  qu'il  n'y  avait  rien  contré  les 
mœurs,  et  je  le  crois.  Je  suis  bien  persuadé  aussi  qu'il 
n'y  a  pas  un  mot  de  politique  ni  de  ces  hautes  questions 
qui  peuvent  attirer  l'attention  du  Gouvernement.  Je  crois 
donc  que  Monsieur  Lemontey  peut  examiner  la  chose  légè- 
rement et  promptemeni,  et  je  prends  la  liberté  de  l'en 
prier.  Je  le  prie  aussi  d'agréer  l'assurance  de  ma  considé- 
ration et  de  tous  mes  sentiments  pour  lui. 

»  Fbletz. 
»  Paris,  It  mars  1813  ». 


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DE  l'Abbâ  de  Fblbtz 


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L'ABBÉ  DE  FELETZ 

PO»TRAIT    INTELLECTUEL    ET  MORAL    D'aPRÊS   LES    St&NES 
ORAPHtQUES 


A  première  vue,  ce  simple  billet  nous  montre  l'homme 
défiant  :  très  économe,  l'abbé  de  Felelz  connaît  le  prix  de 
l'encre  et  du  papier,  il  veut  en  dépenser  le  moins  possible  ; 
aussi  il  a  peu  de  marge,  serre  ses  mots,  écourte  ses  déliés. 
^iis  s'il  reste  un  blanc  à  la  fin  de  sa  ligne,  il  ne  craint 
plus  d'user  son  encre,  il  remplit  ce  blanc  par  un  grand 
délié  ou  par  un  point  d'une  longueur  démesurée  :  il  craint 
qu'on  n'ajoute  quelque  chose  â  ce  qu'il  a  écrit  et  qu'on  ne 
travestisse  ainsi  sa  pensée. 

Sa  ponctuation  est  irréprochable,  les  points  sont  sur 
les  i,  son  écriture  est  calme.  Journaliste,  il  ne  devait  pas 
être  le  polémiste  ardent,  le  batailleur  hardi  dont  les  arti- 
cles violents  ou  sensationnels  provoquent  le  bruit  et  font 
scandale  ;  c'était  plutôt  un  prudent,  un  réservé  :  ses 
nouvelles  devaient  être  sévèrement  contrôlées  avant 
d'être  lancées  dans  le  public,  sa  polémique  calme  et  rai- 
sonnée  ;  il  savait  temporiser  et  attendre  l'occasion  favora- 
ble (car  il  a  la  ligne  sinueuse  des  diplomates),  se  prêter 
aux  circonstances  plutôt  que  diriger  les  événements  et 
forcer  l'opinion  :  il  a  les  courbes  des  doux  et  très  rare- 
ment les  traits  durs  et  les  massues  indiquant  les  résolu- 
tions fortes,  les  volontés  qui  savent  s'imposer.  Mais  pour 
n'être  ni  un  autoritaire  ni  un  entêté  (1),  l'abbé  de  Feletz 
n'en  avait  pas  moins  une  grande  force  de  volonté  appuyée 
sur  la  ténacité  avec  laquelle  il  poursuivait  ses  plans  (31, 

(1)  11  y  a  peu  de  mueues  aux  déliai,  peu  d'angles  à  U  base  des 
lettres  qui  est  généralement  arrondie. 

(!)  Quelques  crochets  terminent  les  déliés:  Laporte  de  la  pre- 
mière ligne. 

T.  XX.  S  -  » 


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-  286  — 

sur  son  obstination  à  maintenir  ses  idées  (I)  et  surtout 
sur  cette  aptitude  diplomatique  qui  venait,  toujours  à 
propos,  tourner  les  obstacles  que  sa  douceur  (2)  ne  lui 
permettait  pas  de  renverser  brusquement. 

L'abbé  de  Feletz  fut  un  homme  positif  et  pratique,  dé- 
ductif  et  logicien,  avec  un  peu  d'idéalisme  cependant  (3). 
Il  ne  manquait  point  d'idées  personnelles,  mais  excellait 
surtout  à  utiliser  celles  des  autres,  à  entrer  dans...  l'air 
ambiant,  le  courant  établi. 

L'abbé  de  Feletz  a  laissé  cinq  volumes  de  Mélanges  sur 
la  philosophie,  l'histoire  et  la  littérature,  trois  genres  de 
travaux  qui  ne  se  rencontrent  guère  ensemble  chei  les 
natures  exclusivement  intuitives  ou  déductives  :  la  litté- 
rature exigeant  de  l'imaginalion  et  des  actions  que  ré- 
prouvent la  philosophie  et  l'histoire,  mais  que  peuvent 
aborder  simultanément  les  cerveaux  équilibrés.  Je  serais 
cependant  porté  à  croire  que  les  travaux  historiques  et 
philosophiques  de  l'abbé  de  Feletz  sont  bien  supérieurs  à 
ses  compositions  littéraires. 

Nature  simple,  il  n'abuse  pas  des  majuscules,  c'est  4 
peine  s'il  en  use  :  son  billet  commence  par  une  minuscule, 
son  nom  également.  Nous  avons  donc  l'homme  sans  pré- 
tention, sans  recherche  ;  mais  s'il  n'est  pas  gonflé  d'orgueil, 
s'il  n'a  pas  l'excentricité  des  vaniteux  ni  la  suffisance  des 
présomptueux,  il  s'admire  cependant  un  peu  et,  se  compa- 
rant aux  autres,  constate  volontiers  sa  supériorité  (4)  ;  il 
connaît  sa  valeur  et  ne  voudrait  pas  passer  inaperçu,  aussi 
souligne-t-il  son  nom .-  —  a  Faites  bien  attention,  je  suis 
Feletz  ;  il  faudra  compter  avec  moi  >. 


(1)  Ses  f  sont  barrés  en  retour,  voyez  surtout  celui  de  son  nom. 
(!)  Courbes  à  la  base  des  lettres,  m  et  n  comme  des  u. 

(3)  Ses  lettres  sont  généralement  liées  ;  il  y  •  cependant  un  cer- 
tain nombre  de  sâparatioQS. 

(4)  Presque  toutes  ses  lettres  à  plusieurs  jambages,  m,  n,  u,  ont 
le  premier  plus  grand  que  les  autres;  c'est  celui  qui  figure  le 
scripteur.  L  majuscule  de  Laporle  offre  Ji  gauche  une  éminence 
sur  laquelle  il  doit  naturellement  se  placer. 


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,  —  287  — 

Le  sentiment  affectif  est  peu  développé,  et  l'abbé  craint 
encore  qu'il  n'aille  trop  loin,  aussi  l'arréte-t-il  de  temps 
en  temps  (1)  pour  en  prévenir  les  écarts. 

Ni  sa  diplomatie,  ni  sa  réserve,  apprise  au  contact  du 
monde,  n'avaient  diminué  sa  grande  franchise  native  ;  il 
savait  cacher  sa  pensée  mais  non  la  dissimuler  ou  la  dé- 
guiser (2). 

Enân,  il  est  agréable  de  le  constater  car  c'est  une  chose 
assez  rare,  l'abbé  de  Feleti  avait  une  bonne  nature  rayon- 
nante (3),  s'oubliant  volontiers  pour  penser  aux  autres  et 
leur  être  agréable  ou  utile.  Cet  oubli  de  lui-môme  joint  à 
sa  douceur  naturelle  l'inclinait  facilement  à  la  clémence, 
au  pardon  des  injures,  ce  qui  doit  être  infiniment  utile  à 
un  journaliste  exposé.....  par  profession,  à  en  recevoir  si 
souvent. 

Et.  Girou. 


(I)  L'écriture  eat  pou  inclinée,  et  plusieurs  lettres  finales  se  r 
dressent  encore. 

(3)  Quelques  mots  en  pointe  diaenl  U  finesse  ;  mais  les  a,  o,  < 
largement  ouverts,  montrent  bien  l'horreur  du  mensonge. 

(3)  Pas  de  crochet  concentrique,  M  unis  à  la  lettre  suivante. 


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Vicier  HVGO  et  le  Maréchal  BRUNE' 


Le  deuxième  volume  de  la  Correspondance  de 
Victor  Hugo,  qui  vient  de  paraître  chez  Calmann- 
Lévy,  contient  une  lettre  très  intéressante  relative 
au  Maréchal  Brune. 

M.  Firmin  Marbeau  avait  été  lié  avec  Majour,  le 
beau-frère  du  Maréchal  Brune,  et  il  avait  été  mem- 
bre de  la  Commission  chargée  par  la  ville  de  Brive 
d'élever  un  monument  au  Maréchal.  Il  avait,  avec 
toute  l'ardeur  de  son  caractère  et  de  son  amour  pour 
sa  ville  natale,  pria  à  cœur  la  réhabilitation  de  la 
mémoire  de  son  illustre  et  malheureux  compatriote. 
Ayant  appris  que  Victor  Hugo,  dans  sa  jeunesse, 
avait  imprimé  un  vers  cruel  et  injuste  où  il  s'était 
fait  l'écho  des  calomnies  tant  de  fois  démenties 
depuis,  il  écrivit  au  poète  pour  lui  signaler  son 
erreur. 

La  réponse  de  Victor  Hugo  est  une  rétractation 
conçue  dans  les  termes  les  plus  élevés  et  les  plus 
généreux.  Elle  fait  honneur  à  celui  qui  l'a  écrite 
autant  qu'au  héros  à  qui  elle  rend  un  juste  hom- 
mage. Elle  était  destinée  à  être  publiée.  M.  Firmin 
Marbeau  s'empressa  de  la  communiquer  au  Maire 


(t)  Comrounication  de  M.  Eagène  Harbeau,  ancien  Conseiller 
d'Elat, 


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—  290  — 

de  Brive,  qui  le  remercia  de  l'avoir  provoquée  et 
obtenue,  et  qui  en  fit  placer  une  copie  dans  les 
archives  de  la  ville.  Peut-être  le  Maire  et  M.  Mar- 
beau  ont-ils  cru,  chacun  de  son  côté,  devoir  laisser 
à  l'autre  le  soin  de  décider  à  quel  moment  et  dans 
quelle  forme  la  lettre  serait  placée  sous  les  yeux 
du  public.  Toujours  est-il  que,  nous  ne  savons  par 
quelle  cause,  la  lettre  n'a  pas  alors  été  publiée. 
Dès  que  M.  Paul  Meurice,  exécuteur  testamentaire 
de  Victor  Hugo,  en  eut  connaissance^  il  promit  de 
lui  donner  une  place  dans  la  publication  qu'il  pré- 
parait et  où  elle  ilgure,  page  60  : 

LETTRE  DE  VICTOR  HUGO  RELATIVE  AU 
MARÉCHAL  BRUNE 

B  Excueez-moi ,  Monsieur,  d'avoir  tant  tardé  à  vous 
répondre  ;  j'avais  les  yeux  fort  malades  au  moment  oii 
votre  lettre  m'est  parvenue,  et  je  tenais  à  vous  répondre 
de  ma  main. 

s  Maintenant,  ma  réponse,  la  voici  : 

B  J'avais  quatorze  ans  et  j'étais  un  pauvre  petit  écolier 
imprégné  de  je  ne  sais  quel  triste  esprit  de  parti  quand 
j'ai  fait  l'absurde  et  cruel  vers  dunt  vous  vous  plaignez  si 
légitimement.  Ce  vers,  je  l'ai  jugé  comme  vous  ;  plus  sévè- 
rement encore  que  vous. 

D  U  n'a  jamais  été  imprimé  dans  aucune  édition  de 
mes  ouvrages.  II  est  resté  dans  la  petite  brochure  violente 
et  oubliée  d'où  je  regrette  qu'une  mémoire  malheureuse 
l'ait  momentanément  même  tiré. 

n  Vous  pouvez  faire,  Monsieur,  de  ma  réponse  ce  qu'il 
vous  plaira.  Plus  que  personne  je  plains  et  j'honore  l'illus- 
tre Maréchal  Bnme.  Depuis  près  de  vingt  ans  toute  haine 
patriotique,  tout  préjugé  de  faction  a  disparu  de  mon 
esprit.  Quand  j'étais  enfant,  j'appartenais  aux  partis. 
Depuis  que  je  suis  homme,  j'appartiens  à  la  France. 


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—  291  — 

»  Je  vous  reraereie,  Monsienr,  d"avoir  provoqué  cette 
explication  ;  je  vous  la  donne  avec  joie  et  empressement. 

»  Agréez,  je  vous  prie,  l'assurance  de  ma  considération 
très  distinguée. 

»  Victor  HUGO. 


»  Monsieur  F.  Marbeau,  adjoint  au  maire  du  I 
dissement,  47,  rue  Joubert  b. 


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BIBLIOGRAPHIE 


I 

Notic«  historique  sur  la  maiion  d«  Saint-Hartiii  de  Bagnao  (1), 

par  J.-B.  CHAtiPEVAL  DE  VvERS.  In-8*  de  308  pages  ;  0  gravures. 

Limoges,  Ducoui-ticui  impr.,  1897. 

Il  y  a  déjà  quelque  vingt  ans  que,  chez  nous,  les  hom- 
mes amis  de  leur  pays  se  livrent  avec  ardeur  aux  études 
généalogiques  et  à  celle  de  la  statistique,  comme  k  une 
(Buvre  d'utilité  locale  et  de  gloire  nationale.  En  tête,  il 
convient  de  placer  M,  J.-B.  Champeval,  qui,  depuis  fort 
longtemps  et  avec  un  acharnement  dont  on  ne  peut  se 
faire  une  idée,  dépouille  toutes  nos  archives  publiques  et 
parcourt  toutes  les  maisons,  tous  les  greniers  du  Limou- 
sin, à  la  recherche  de  vieux  documents  appelés  d'un  mo- 
ment à  l'autre  k  disparaître.  Personne,  mieux  que  lui,  ne 
peut  fournir  des  renseignements  plus  certains  sur  mille 
détails  de  l'histoire  de  notre  région,  , 

Le  dernier  livre  qu'il  vient  de  faire  paraître  est  l'his- 
toire d'une  famille  qui  a  le  privilège  de  rappeler  l'histoire 
d'un  pays.  C'est  celle  des  Saint-Martin  de  Bagnac  qui,  du 
XIV"  au  xvn*  siècle,  a  fourni  des  notabilités  à  l'année  et  à 
l'église.  C'est  papticulièrement  par  son  influence  sur  la 
Ligue  et  le  parti  catholique  qu'elle  a  acquis  de  l'illustra- 
tion et  de  l'importance. 

Nous  nous  bornerons  à  citer  le  cardinal  Pierre  de 
Bagnac,  né  à  Bagnac  vers  1330  et  mort  en  1369  ;  Jacques 
de  Saint-Martin,  le  fier  héros  de  1370,  le  vainqueur  de 


(t)  Bagnac,  aujourd'hui  château  de  la  commune  de  Saint- Bon  net, 
Cinton  de  Bellac  (Haute-Vienne). 


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I 


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_  295  - 

Jean  Chandos,  contre  lequel  il  lutta  longtemps  corps  A 
corps  ;  et  Gabriel  de  Saint-Martin,  gouverneur  de  la  Basse- 
Marche  qui,  en  1375,  levait  à  ses  frais,  pour  la  défense  du 
pays,  une  compagnie  de  50  arquebusiers  à  cheval.  Signa- 
lons encore  deux  autres  sénéchaux  d'épée  de  la  même 
comté. 

Les  Saint-Martin  sont  entras,  en  1490,  dans  la  posses- 
sion de  la  seigneurie  de  Bagnac,  par  suite  du  mariage  de 
Françoise  de  La  Touche,  dame  de  Bagnac,  avec  Gratien 
de  Saint-Martin. 

Le  château  de  Bagnac,  dont  nous  donnons  deux  dessins, 
a  été  presqu'entièrement  leconstruiL  dans  le  goût  du  xv* 
siècle,  de  1875  à  1886,  par  son  dernier  propriétaire,  le 
regretté  Antony  de  Saint-Martin  de  Bagnac.  C'est  un 
spécimen  achevé  de  l'architecture  féodale.  Il  se  compose 
de  deux  vastes  bAliments,  de  forme  rectangulaire,  réunis 
à  angle  droit,  flanqués  d'un  donjon  carré,  de  trois  fortes 
toui-s  rondes  et  de  neuf  tourelles,  le  tout  à  toitures  coni- 
ijues  et  couronné  de  créneaux  et  de  mâchicoulis.  «  Ti>ul 
cela  monte  gracieusement  vers  le  ciel  avec  des  allures  de 
forêt  vivante  et  drue,  à  mi-coteau  de  ce  fertile  et  riant 
bassin  de  la  Gartempe,  qui  laisse  traîner  nonchalamment 
sa  robe  moirée  le  long  des  plus  verdoyantes  prairies  de 
son  cours.  Elle  limite  au  levant,  du  côté  de  la  Croix,  la 
terre  de  Bagnac  boi-dée  de  futaies  séculaires  où  se  cache 
l'oratoire  rustique  de  Notre-Dame-des-Bois,  un  peu  en 
amont  du  fief  et  moulin  du  Breuil-Ferrand  et  du  beau 
parc  ou  dépendances  du  château  du  Montagrier  n. 

Le  nouveau  livre  de  M.  Champeval  est  une  réunion  de 
documents  assemblés  avec  intelligence  et  puisés  aux 
sources  les  plus  certaines.  C'est  là  une  bien  grande  qua- 
lité. Les  érudits,  dans  leur  sagesse,  s'amusent  des  écri- 
vains frivoles  et  ne  pèsent  dans  leurs  balances  que  des 
écrivains  sérieux. 

Nous  regrettons  seulement  que  M,  Gliampeval  se  serve 
souvent,  même  pour  des  noms  propres,  de  trop  nombreu- 
ses abréviations.  Pourquoi  écrire  Bagnac,  Bagn'  ;  Dordo- 


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*^'îK^.«43P,iW 


SAïai-MAfiTiN  DE  Baumai; 


O^ 


Armoiiiies  itE  i-K  KAuiLLE  Saint-Mabtin  de  Baunag 


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—  -297  — 

gne,  Dord,  ;  Saint-M&rtin,  S.  M.  ;  pourquoi  mettre  m'" 
pour  moulin,  mél'°  pour  métairie,  etc.  ?  Qu'il  nous  par- 
donne celte  critique  qui  ne  détruit  en  rien  tout  le  mérite 
de  son  ouvrage  quant  au  fond,  mais  sa  manière  de  procé- 
der ne  flatte  point  le  coup  d'oE-il  et  a  le  grave  inconvénient 
de  laisser  parfois  le  lecteur  un  peu  hésitant. 

Ernest  Btpin. 


D.g.tizedbyGoOglC  | 


Mgr  BERTEAUD,  ÉVÉQUE  DE  TULLE. 

roliuciion    il'un   dessin    ris    LoDTs    l.evitiA    de    i-a    jABiiOE. 


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Un  ÉTéqna  d'ftutrafoii.  Mgr  BERTKAtm,  éT«qne  de  Tull«, 

par  G,  Ureton,  In-8*  de  406  p..  portrait.  Paris,  Bloud  et  Barrai, 

1807  fî  éditions). 

Voici  lin  de  ces  événemenls  qui  paraissent  concertés  et 
qui  sont  l'elfet  d'un  pur  hasard.  Tandis  qu'un  auteur 
anonyme  faisait  paraître  un  pamphlet  intitulé  :  Un  Évêqite 
fin  de  siècle,  un  ministre  de  l'évangile  faisait  iroprimer 
un  remarquable  ouvrage  ayant  pour  titre  :  Un  Èvéque 
d'autrefois. 

Cet  évêque  d'autrefois  est  un  évéque  limousin  qui  passe 
à  la  légende.  Et  la  légende,  cette  reine  capricieuse,  choisit 
ses  héros  parmi  les  êtres  dont  l'originalité,  mise  en  relief, 
frappe  l'imagination  du  peuple  et  saisit  les  esprits.  Dans 
leur  passage  sur  terre,  ces  prédestinés  provoquent  surtout 
l'étonnement,  puis,  après  eux,  leur  place  est  reprise  par 
la  vague  monotonie  des  hommes  vulgaires.  A  ce  contraste 
posthume,  leur  mémoire  y  gagne,  et,  au  lieu  d'être  étouf- 
fée par  la  mortelle  buée  qui  se  dégage  du  nivellement 
banal,  elle  s'élève  comme  un  allier  météore  sur  l'horizon 
flottant  du  souvenir.  Epurée  de  maintes  scories  blessantes, 
ne  gardant  des  traits  de  son  personnage  que  ceux  qui 
l'idéalisaient,  elle  reste  plus  vraie  que  l'existence  réelle  à 
laquelle  elle  survit  —  et  elle  brille  de  tout  le  rayonnement 
de  la  fiction. 

Si  à  ce  moment  là  se  trouve  un  providentiel  aéde,  barde 
ou  trouvère,  le  merveilleux  prend  corps  sous  la  forme 
d'un  chant,  d'un  poème,  d'une  œuvre  littéraire,  second 
organisme  vital  plus  désirable  que  l'autre.  Un  enfant  du 
Limousin  a  le  bonheur,  ces  temps-ci,  de  revivre  en  cette 
façon,  grâce  à  la  plume  d'un  compatriote.  Ainsi,  àun dou- 
ble titre,  nous  devions  saluer,  avec  l'avènement  de  la 
légende,  le  livre  qui  la  fixe  et  la  consacre. 

Ce  nouveau  Limousin  légendaire,  né  à  Limoges  le  30 
novembre  1798,  dans  sa  bien  aimée  rue  du  Collège,  a  été 


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—  300  - 

un  évéque,  a  été  un  orateur  sacré,  a  été  un  Père  de  l'Eglise 
hautement  admiré  du  monde  catholique,  même  de  ceux 
qui  n'en  étaient  pas,  les  Michelet,  les  Michel  Chevalier, 
etc.,  car  le  génie  ne  cantonne  point  son  ascendant  dans  un 
parti  quel  qu'il  soit. 

Cependant  te  prélat  n'a  pas  eu  dans  son  cœur  d'autre 
rêve  que  de  marier  toute  sa  vie,  —  pendant  trente-six 
années  épiscopales  (i),  —  sa  robe  violette  aux  fleurs 
pareilles  des  bruyères  enluminant  les  montagnes  de  son 
cher  petit  diocèse,  qui  en  somme  faisait  partie  de  sa  pro- 
vince natale  et  continuait  son  berceau. 

Bref,  c'étaitMgrJ,-B. -Pierre-Léonard  Berteaud, évëque 
de  Tulle. 

Le  voici  qui  sort  de  son  modeste  palais  tullois  :  il  quitte 
sa  bibliothèque  où  il  s'enfermait,  des  jours,  parmi  ses 
théologiques  bouquins  poudreux  et  ses  livres  limousins, 
son  amour,  son  orgueil.  Un  cortège  de  pauvres  l'attend 
dans  la  cour  pour  l'escorter.  Sa  main,  toujours  ouverte 
pour  chacun,  ruisselle  d'or  comme  de  bénédictions.  Et  ses 
paroles  aimantes,  rayonnantes,  fleuries,  courent  parmi 
cet  étrange  déploiement  de  loques  et  de  misères,  de  vieux, 
d'enfants,  de  femmes  et  d'infirmes.  Cette  cohue  traverse 
la  ville,  mais  la  campagne  est  proche  :  Monseigneur  part  en 
tournée  épiscopale. 

Quand  arrivera-t-il  au  presbytère  où  une  couronne  de 
prêtres  va  l'environner,  va  se  suspendre  à  ses  lèvres  char- 
meresses  ?  —  Les  soleils  couchants  marquent  ses  petites 
et  lentes  étapes.  Suivant  sa  vieille  berline  et  ses  légendai- 
res chevaux  blancs,  il  chemine  à  pied,  admire  le  paysage, 
parle  familièrement  au  laboureur  rencontré,  tape  sur  la 
joue  de  tout  le  monde,  bénit  le  bambin,  et  ses  deux  mains 
toujours  pleines  sèment  encore  la  charité  sur  les  deux 
bords  de  la  route 

Le  site  admiré,  il  en  remplit  ses  discours  et  notre 
agreste  contrée  n'a  pas  de  plus  enthousiaste  descriptif.  Il 

(t)  Mgr  Berteaud  est  mort  à  la  Morguie,  pria  de  Tulle,  le  2  mai 


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—  301  — 

remercie  toujours  le  Ciel  de  le  conserver  dans  les  bras 
d'une  aussi  captivante  fiancée.  La  causerie  familière,  il  la 
développera  en  pâlots  tant  bien  que  mal,  mais  il  n'en 
proclamera  pas  moins  la  langue  limousine  la  plus  belle 
des  langues,  celle  où  rutile  le  Verbe.  Malheur  au  curé  de 
village  qu'il  apprend  ne  pas  employer  o  ce  langage  de 
Dieu  »,  qui  seul  fait  résonner  l'âme  du  peuple. 

Ce  que  l'orateur  sacré  porte  en  chaire,  c'est  la  même 
aisance,  le  même  naturel,  le  même  éclat,  les  mêmes  flots 
d'éloquence  spontanée,  débridée,  tout  aussi  bien  sous  le 
chaume  de  Saint-Bonnet-Avalouze  que  sous  la  nef  de 
Saint>Ëtienne  de  Limoges,  dans  la  cathédrale  Saint-Martin 
de  Tours  qu'à  Saint-Eustache  de  Paris,  ou  que  dans  l'en- 
ceinte du  Colysée,  Tout  un  bagage  théologique  s'utilisera 
A  chanter  le  Verbe,  à  célébrer  les  bienfaits  divins,  à  exalter 
la  création,  l'enfant, «Dieu  en  fleurs  ii,le  pauvre,*  cet  émule 
de  Jésus-Christ  n. 

Se  faisant  un  vocabulaire  et  une  srntase  à  lui,  renouve- 
lant le  sens  des  mots,  son  extraordinaire  parler  n'en  pénè- 
tre pas  moins  le  plus  simple  comme  le  plus  meublé  des 
cerveaux.  Et  avec  cela,  moderne  Père  de  l'Eglise,  il  définit 
les  dogmes,  proclame  au  Concile  l'infaillibilité  du  Souve- 
rain-Pontife, Pie  IX  l'appelle  le  prédicateur  du  Pape.  Par 
ses  quelques  allocutions  prononcées  sur  un  grand  théâtre, 
par  les  trop  rares  mandements  qu'il  publie,  il  fait  époque  : 
son  allure  oratoire  le  place  entre  un  évangélîque  pasteur 
de  peuple  tel  qu'on  s'en  représente  dans  les  primitives 
chrétiennetés,  et  le  séraphique  saint  Antoine  de  Brive, 
récemment  évoqué  par  M.  Emile  Gebhard.  Mais  son  genre 
échappe  à  tout  classement  et  domine  toute  critique. 

A  la  vision  d'un  aussi  singulier  héraut  d'armes  aposto- 
liques, le  paysan  disait  :  c'est  le  saint  ;  le  penseur  se 
répondait  :  quel  magique  artiste  de  la  parole  et  de  l'action. 
L'un  et  l'autre,  éblouis,  le  revoient  aujourd'hiii  durable- 
ment sui^ir  d'entre  les  feuillets  du  livre  que  nous  annon- 
cions et  que  son  auteur,  M.  l'abbé  Breton,  a  si  heureuse- 
ment intitulé  :  Un  Éoêqxte  d'autrefois. 

T.  XX.  t--  10 


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—  302  — 

Pour  ceux  même  qui  l'ont  connu  d'hier,  qui  s'écrient  à 
la  lecture  :  C'est  bien  ça  !  —  Mgr  Berteaud  apparaît  comme 
une  âgure  fort  lointaine  déjà  dans  le  cours  des  Âges  et  fort 
surnaturalisée .  Et  pourtant  la  nouvelle  forme  que  lui 
donne  son  modeleur ,  son  habile  metteur  en  scène ,  est 
largement  faite  avec  des  extraits  des  propres  écrits  de 
l'éréque,  où  avec  les  récits  épars  de  son  aïni  et  chroni- 
queur Louis  Veuillot. 

M.  Breton,  il  faut  le  dire,  dessine  .puissamment,  lais- 
sant le  fond  même  de  son  sujet  paraître  avec  ses  tons  si 
fortement  chargés  en  couleur.  C'est  un  esprit  classique 
qui  manie  un  choix  de  matériaux  tout  romantiques.  Il  en 
résulte  une  création 'd'une  vérité  intense,  plus  peut-être 
que  la  réalité.  Sans  la  moindre  fadeur,  avec  un  intérêt 
constamment  soutenu  par  une  profonde  analyse  et  une 
touche  bien  variée,  l'art  prend  ce  qu'il  y  avait  d'idéal  sur 
le  modèle,  il  s'identi&e  avec  lui,  et,  avec  une  égale  sincé- 
rité d'écrivain,  érige  une  statue  vivante  dont  chaque 
.geste  voulu  est  aussi  vëridique  que  beau  :  un  rêve,  quoi  ! 
un  rêve  esthétique  et  moral  qui  a  rencontré  un  corps. 

Du  reste,  dés  les  premiers  mots  nous  sommes  prévenus  ; 
quelques  lignes  de  préface  cic^ronent  mieux  que  tout 
compte-rendu  pour  ce  livre  si  délibérément  apologétique. 
£t  la  suite  prouve  combien  M.  Breton  a  été  bien  inspiré 
d'avoir  ou,  d'avoir  écrit  ainsi. 

Les  faiblesses,  sciemment  passées  sous  silence,  de  son 
héros  de  légende  dorée,  étaient  ce  qu'est  tout  envers  de 
grands  hommes.  La  parfaite  insouciance  de  l'évéque  pour 
le  temporel,  sa  charité  prodigue,  aveugle,  ne  pouvaient 
être  sans  périls.  Les  sublimes  hardiesses  du  pasteur,  sa 
débonnaireté  envers  ses  curés,  «  ses  petits  >,  l'encense- 
ment dont  on  le  grisait  en  retour  l'exposaient,  l'âge  aidant, 
à  de  cruels  mécomptes,  sans  parler  des  inévitables  reprises 
de  l'homme  sur  l'ange. 

Mais  toute  observation  est  désarmée,  devient  blasphé- 
matoire devant  une  de  ces  touchantes  anecdotes  qui  foi- 
sonnent dans  la  vie  de  Mgr  Berteaud.  Leur  fidèle,  leur 


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—  303  — 

biblique  narration  occupe  une  part  et  non  la  moindre, 
dans  l'ouvrage  de  M.  Breton.  L'engemble  de  ces  consolantes 
histoires  fait  même  que  ce  beau  livre  éclipsera  heureuse- 
ment tout  ce  que  la  chronique  morose  pourrait  réunir  en 
battant  les  buissons  du  Limousin,  —  Désormais  il  est 
donné  au  grand  évéque  de  Tulle  une  attitude  hiératique 
devant  l'avenir,  que  sa  gloire  illumine  d'une  pure  auréole 
de  légende. 

L'ouvrage  de  M.  le  chanoine  Germain  Breton  est  orné 
d'un  portrait  de  Mgr  Berteaud.  .Mais  ce  portrait,  d'une 
facture  un  peu  sèche,  ne  reproduit  pas  d'une  façon  absolu- 
ment satisfaisante  les  traits  de  l'évêque  de  Tulle.  Nous 
l'avons  remplacé  par  le  fac-similé  d'un  dessin  d'un 
artiste  bien  connu  et  de  haut  talent  :  Louis  Leynia  de  la 
Jarrige. 

JOAMNÈS   PlaMTADIS. 


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LES  COPENTIONNELS 


Liste  des  Députés  et  des  suppléants  a  la 

Convention  nationale 

pour  la  province  du  limousin 


Les  listes  des  députés  à  la  Convention  sont  nom- 
breuses, mais  elles  diffèrent  beaucoup  entre  elles  et 
cette  diversité  provient  de  plusieurs  causes  dont 
■  l'une  doit  être  imputable  à  la  négligence  des  auteurs. 

Toutd'abord  personne  n'ignoreque  la  Convention, 
qui  tint  sa  première  séance  le  30  septembre  1792 
pour  se  séparer  le  4  brumaire  an  IV  (26  octobre  1795), 
fut  profondément  modifiée  dans  sa  composition 
pendant  la  durée  de  son  existence  par  suite  de  ses 
dissensions  intestines,  des  proscriptions,  des  décès 
et  des  démissions.  La  liste  des  députés  au  1"  janvier 
1793  diffère  donc  sensiblement  de  celle  du  1"  jan- 
vier 1794  et  encore  davantage  de  celle  du  26  octobre 
1795.  C'est  ce  qui  justifie,  en  partie  du  moins,  les 
divergences  que  présentent  les  alœanachs  nationaux 
contemporains  de  la  Révolution. 

De  plus,  le  mode  de  remplacement  des  députés 
n'était  pas  le  même  à  cette  époque  qu'aujourd'hui. 
Lorsqu'une  vacance  venait  à  se  produire  il  n'était 
pas  besoin,  pour  la  combler,  de  recourir  à  des 
élections  partielles^    puisque,   lors  des  élections 


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générales,  le  corps  électoral  non  seulement  avait 
pourra  à  la  nomination  des  députés  titulaires,  mais 
avait  en  même  temps  désigné  des  suppléants  des- 
tinés à  prendre  la  place  de  ceux  qui  viendraient  à 
disparaître.  La  règle  ordinaire,  qui  subit  d'ailleurs 
plusieurs  exceptions,  était  de  nommer  un  suppléant 
pour  trois  députés,  ou  une  fraction  inférieure  à 
trois. 

Toutes  ces  considérations  sont  relatées  dans  un 
ouvrage  que  M.  Jules  GuiSrey  a  fait  paraître  à  Paris 
en  1889  et  qui  a  pour  titre  :  Les  ConventionneU, 
listes  par  départements  des  députés  et  des  sup- 
pléants à  la  Convention  nationale.  Pour  dresser 
ces  listes,  M.  Jules  Guiffrey  a  consulté  un  gi'and 
nombre  de  documents  originaux  conservés  aux 
Archives  nationales.  Nous  allons  reproduire  celles 
qui  concernent  les  trois  départements  constituant 
l'ancienne  province  du  Limousin  :  la  Corrëze,  la 
Creuse  et  la  Haute- Vienne  et  nous  les  compléterons, 
en  ce  qui  concerne  le  département  de  la  Gorrèze,  par 
quelques  détails  biographiques  sur  chaque  député  : 

CORRÈZE 
Sept  députés 
Brival  Jacques,  né  à  Tulle  le  14  février  1751, 
procureur  général  syndic  du  département  de  la  Cor- 
réze  (1790),  député  de  ce  département  à  l'Assemblée 
législative  (31  août  1791),  son  représentant  à  la 
Convention  dont  il  fut  nommé  secrétaire  {4  septem- 
bre 1792),  entra  au  Conseil  des  Anciens  (23  vendé- 
miaire an  IV),  puis  au  Conseil  des  Cinq-Cents  (23 
germinal  an  VI). 


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—  307  — 

Voici  son  vole  à  la  séance  du  19  janvier  :  Louis 
est-il  coupable?  Oui.  — Y  aura-t-il  appel  au  peuple? 
Non.  —  Quelle  peine  sera  infligée?  La  mort  dans  le 
plus  bref  délai.  —  Y  aura-t-il  sursis?  Non. 

Juge  au  tribunal  d'appel  de  Limoges  (1 0  mat  1 800), 
conseiller  k  la  cour  impériale  et  royale  de  la  même 
ville  (1811-1816).  mort  en  exil,  à  Constance  (Suisse), 
avant  1830. 

BoRiB  Jean,  désigné  aussi  sous  le  nom  de  Borie- 
Cambort,  avocat  à  Tulle,  administrateur  du  Direc- 
toire du  département.  Voici  son  vote  à  la  séance 
du  19  janvier;  Louis  est-il  coupable?  Oui.  —Y 
aura-t-il  appel  au  peuple  ?  Non .  —  Quelle  peine  sera 
infligée  ?  La  mort.  —  Y  aura-t-il  sursis  ?  Non. 

Sous  l'Empire,  il  fut  juge  à  Cognac  et  à  Sarlat. 
Proscrit  sous  la  Restauration,  il  est  mort  en  exil 
en  1819. 

Germignac  Jacques-François,  mort  le  19  dé- 
cembre 1792. 

Chambon  AuBiN-BiGORiE,  fut  l'ami  des  Girondins. 
11  dénonça  Pacbe  et  eut  un  duel  avec  Bourbon  (de 
l'Oise),  pour  avoir  traité  Robespierre  de  scélérat. 
Son  vote  à  la  séance  du  19  janvier  se  résume  ainsi  : 
Louis  est-il  coupable?  Oui.  —  Y  aura-t-il  appel  au 
peuple?  Oui. — Quelle  peine  sera  infligée?  La  mort. 
11  demande  que  l'Assemblée  délibère  promptement 
sur  le  sort  des  Bourbon.  —  Y  aura-t-ii  sursis?  Ne 
vote  pas. 

Comme  les  Girondins,  il  fut  proscrit  le  31  mai 
1793  et  se  retira  à  Lubersac  où  on  le  massacra  dans 


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unegrange  le  30  brumaire  an  11(30  novembre  1793). 
Il  avait  été  remplacé  par  Pierre  Rivière  dès  le 
8  août  1793. 

LiDON  Bernard-François,  né  à  Brive,  négociant 
et  avocat,  fut  nommé  en  1789  commandant  de  la 
garde  nationale  et  devint  bientôt  après  président  du 
Club  des  Amis  de  la  Constitution.  En  1792,  il  fut 
nommé  député  de  la  Convention.  Son  vote  à  la 
séance  du  19  janvier  est  ainsi  conçu  :  Louis  est-il 
coupable?  Oui.  —  Y  aura-t-il  appel  au  peuple? 
Oui.  —  Quelle  peine  sera  infligée?  La  mort.  —  Y 
aura-t-il  sursis?  Non. 

Démissionnaire  le  15  juillet  1793,  il  fut  remplacé 
par  Plazanet  le  8  août.  Lidon  fut  enveloppé  dans 
la  proscription  qui  atteignit  les  Girondins  et,  comme 
eux,  poursuivi.  Il  fut  victime  de  la  Révolution  et  se 
suicida  à  la  Géronie,  près  Cublac,  sur  les  limites  des 
départements  de  la  Dordogne  et  de  la  Corrèze,  où  il 
se  cachait,  le  24  brumaire  an  II  (14  novembre  1793). 

Lanot  Antoine -Joseph,  accusateur  public  à  Tulle, 
député  de  la  Corrèze  à  la  Convention  nationale,  vota 
de  la  manière  suivante  à  la  séance  du  19  janvier: 
Louis  est-il  coupable?  Oui.  —  Y  aura-t-il  appel  au 
peuple  ?  Non.  —  Quelle  peine  sera  infligée  ?  La 
mort  dans  les  délais  de  la  loi.  —  Y  aura-t-il  sursis? 
Non. 

PÉNiÈRES  Jean-Augcstin-Delzors,  né  à  Saint- 
Julien-aux-Bois,  commune  de  Sainl-Privat,  le 
14  octobre  1767,  fils  de  Jean  Pénières  Delzors, 
avocat  au  Parlement  et  juge  de  paix  de  Servières. 


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.Administrateur  du  département,  il  fut  nommé 
député  à  la  Convention  nationale.  11  partagea 
l'opinion  des  Girondins.  Entraîné  par  la  tourmente 
révolutionnaire,  il  vota  la  mort  de  Louis  XYI  et 
demanda  en  même  temps  l'abolition  de  la  peine 
de  mort  pour  l'avenir.  Quoiqu'il  fut  l'atné  de  sa 
famille,  il  fut  le  premier  à  proposer  l'abolition  du 
droit  d'aînesse.  Mis  bors  la  loi  avec  les  Girondins 
modérés,  Pénières  fut  obligé  de  se  cacher  jusqu'au 
9  thermidor.  Son  collègue  Brival,  de  Tulle,  monta- 
gnard et  secrétaire  de  la  Convention,  le  porta  mort 
avec  les  Girondins  exécutés  le  31  mai.  Envoyé  par 
la  Convention  pour  calmer  l'émeute  dans  les  rues 
de  Paris,  il  courut  les  plus  grands  dangers,  mais 
réussit  si  bien  qu'à  sa  rentrée  la  Convention  lui  vola 
des  remerciement?  et  lui  donna  des  armes  d'hon- 
neur. 

Successivement  on  le  vit  ensuite  au  Conseil  des 
Cinq-Cents,  au  Tribanat,  au  Corps  législatif  et  enfin 
à  la  Chambre  des  députés  en  1815.  Proscrit  en 
1816j  il  se  réfugia  aux  Etats-Unis  ou  il  est  mort  le 
2i  août  18?1. 

Trois  suppléants 
Lafon  Pierrg-RaymonDj  né  à  Bcaulieu,  adminis- 
trateur du  département,  remplaça,  le  9  janvier  1793, 
Germignac,  mort  avant  le  19  décembre  1792.  11  a 
laissé  la  réputation  d'un  homme  probe  et  modéré. 
Il  vota,  avec  toute  la  députation  de  la  Corrèze,  la 
mort  de  l'atroce  Carrier,  proconsul  de  Nantes,  et 
eut  le  courage  de  ne  point  proclamer  la  culpabilité 
de  Louis  XVI. 


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—  310  — 

RiviÈHG  PiERBE^  né  à  Ghamboulive,  comman- 
dant du  bataillon  du  canton  de  Ghamboulive,  rem- 
plaça Cbambon  le  8  août  1793. 

Plazanbt  Antoine,  né  à  Peyrelevade,  juge  de 
paix  à  Sornac,  remplaça,  le  8  août  1793,  Lidon, 
démissionnaire. 

CREUSE 

Sept  députés 

HuGUET  Marc-Antoine,  évêque  du  département. 
-Lég. 

Debouroes  Jean,  juge  au  tribunal  de  district, 
président  du  département,  né  en  1746. 

CouTissoN- Dumas  Jean -Baptiste,  cultivateur, 
administrateur  du  département,  né  en  1747. 

GuYÈs  Jean-François,  homme  de  loi  à  Aubusson. 
—  Lég.,  mort  le  3  frimaire  an  II;  remplacé  par 
Faure  Amable. 

JovRAND  Louis,  notaire,  administrateur  du  dé- 
partement, né  en  1756. 

Baraillon  Jean-Fbançois,  médecin,  antiquaire, 
ancien  juge  de  paix,  né  en  1752  à  Viersat,  mort  au 
Chambon  en  1816. 

Texier  Léonard-Micbel,  juge  de  paix  à  Dun, 
né  en  1749. 

Trois  suppléants 
Faure  Ahable,  administrateur  du  département, 


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né  en  1755,  démissionnaire  le  8  ventôse  an  V. 
Remplace,  le  35  frimaire  an  II,  Guyès,  mort  le  3. 

Behgier  Jean-Baptiste,  procureur  de  la  commune 
de  tiuéret.  N'a  pas  siégé. 

LeclerMariek.  N'a  pas  siéf^é.  Il  est  qualifié,  en 
floréal  an  II,  ancien  commissaire  national  auprès 
du  tribunal  criminel  du  département,  membre  du 
directoire  du  district  d'Ëvaux. 


HAUTE-VIENNE 
Sept  députés 
Lacroix  Jean-Michel,  procureur  syndic  du  dis- 
trict de  Bellac,  né  en  1751  ;  un  des  73,  rappelé  le 
18  frimaire  an  III. 

Lesterpt  Beauvais-Benoit,  receveur  du  district 
du  Dorat.  —  Const.j  condamné  à  mort  le  9  brumaire 
an  11. 

BoRnAs  ParoouIj  président  du  tribunal  du  district 
de  Saint- Yrieix.  —  Lég.,  né  le  14  octobre  1748. 

Gay-Yernon  Léonard,  évéque  du  département. — 
Lég.,  né  le  6  novembre  1748  à  Saint- Léonard,  mort 
à  sa  terre  de  Vernon  en  1822. 

Paye  Gabriel,  administrateur  du  département. 
—  Lég.,  né  à  Nexon  en  1743;  un  des  73,  rappelé 
le  18  brumaire  an  III. 

RiTAUD  François,  lieutenant  de  la  gendarmerie 
du  Dorat,  né  le  6  août  1754  à  Bellac;  un  des  73^ 
rappelé  le  18  brumaire  an  III. 


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—  312  — 

SouLiGNAC  Jean-Baptiste,  procureur  syndic  du 
district  de  Limoges,  né  en  1758  ;  un  des  73,  rappelé 
le  18  brumaire  an  [II. 

Trois  suppléants 
Lestbrpt  (aine)  Jacques,  président  du  tribunal 
du  Dorât.  —  Const.,  né  en  1745,  admis  à  siéger  le 
9  ventôse  an  III. 

Dumas  Pierhe,  président  du  tribunal  criminel, 
mis  en  état  d'accusation  et  traduit  au  Comité  de 
Sûreté  générale,  donna  sa  démission.  N'a  pas  siégé. 

Genty  François-Xavier,  juge  à  Bellac.  Suspendu 
de  ses  fonctions  judiciaires.  N'a  pas  siégé. 


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COMPLAINTE  SUR  LA  PASSION 


Nous  avons  publié  dans  le  dernier  Bulletin,  à 
propos  de  notre  étude  sur  les  Noëls  du  Bas-Limou- 
sin, une  complainte,  sur  la  Passion,  qui  se  chante 
dans  le  Périgord.  Nous  l'avions  copiée  dans  le 
journal  la  France  illustrée,  mais  nous  faisions 
remarquer,  dans  une  note,  que  cette  copie  nous 
paraissait  remplie  de  fautes  et  donnait  des  mots 
dont  les  uns  élaient  incompréhensibles  et  les  autres 
n'oilraient  aucune  analogie  avec  le  patois. 

M.  A.  de  Rouméjoux  a  bien  voulu  nous  envoyer 
une  version,  qui  est  beaucoup  plus  correcte  et  plus 
complète  que  celle  que  nous  avons  donnée. 

Tout  en  le  remerciant  de  son  amabilité,  nous  nous 
empressons  de  la  reproduire  en  conservant  scrupu- 
leusement l'orthographe  de  l'auteur. 

Ernest  Rupin. 

Hier  qu'ero  vendredi 
Et  lou  sen  vendredi. 
Apourtas  nous  l'eitreno, 
Aou  nom  de  Jesus-Cbrist. 

La  Sainto  Yierzo  puro 
Qu'o  escartat  soun  flls. 
Apourtas  nous  l'eitreno, 
Aou  nom  de  Jesus-Christ. 

Lou  chercho,  lou  rechercho 
Lou  loun  d'un  gran  chomi. 
Apourtas  nous  l'eitreno, 
Aou  nom  de  Jesus-Cbrist. 


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-314  - 

Lou  prumier  que  rencountro 
Quei  sen  Jan,  soun  cousi. 
Apourtas  nous  l'eitreno, 
Aou  Qom  de  Jesus-Christ. 

Dizo,  sen  Jan-Baptisto, 
Aourias-tu  vis  moun  lits  ? 
Apourtas  nous  l'eiti-eno, 
Aou  nom  de  Jesus-Christ. 

Nenni  ma  sento  Vierzo 
Pas  dempei  hier  rnoli. 
Apuurtas  nous  l'eitreno, 
Aou  nom  de  Jesus-Christ. 

A  lo  crou  de  Pilato 
Lous  Pborîsiens  l'ount  mis. 
Apourtas  nous  l'eitreno, 
Aou  nom  de  Jesus-Christ. 

—  T'en  preze,  Jan-Baptisto, 
T'en  preze,  meno  m'y  ! 
Apourtas  nous  l'eitreno, 
Aou  nom  de  Jesus-Christ. 

Lo  pren  per  so  mo  blancho, 
Lo  meno  coumo  si. 
Apourtas  nous  l'eitreno, 
Aou  nom  de  Jesus-Christ. 

Aussitôt  que  lo  vido, 
Doun  tero  a'ey  plami. 
Apourtas  nous  l'eitreno, 
Aou  nom  de  Jesus-Christ. 

—  T'en  proze,  Jan-Baptisto, 
Tiro  mo  may  d'oqui. 
Apourtas  nous  l'eitreno, 
Aou  nom  de  Jesus-Christ. 


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-315- 

Lo  pren  per  so  mo  blancho, 
Lo  meno  en  Paradis. 
Apourtas  nous  l'eitreno, 
Aou  nom  de  Jesus-Christ. 

Diou  nous  facho  la  graci 
D'y  tous  nas  coumo  si. 
Apourtas  BOUS  l'eitreno, 
Aou  nom  de  Jesus-Christ. 


Hier  c'était  vendredi —  Et  le  saint  vendredi. —  Appor- 
tez-nous l'étrenne,  —  ^u  nom  de  Jéaua-Chriat. 

Lit  sainte  Vierge  pleure,  —  On  a  éloigné  son  fils.  — 
Apportez-nou$.... 

Elle  le  cherche,  le  recherche  —  Le  long  d'un  gmnd 
chemin.  — i4pportez-noris.... 

Le  premier  qu'elfe  rencontre  —  Est  saint  Je&n,  son 
cousin.  —  Apporte-nous.... 

Dis-moi  saint  Jean -Baptiste,  —  aurais-tu  vu  mon 
fils  t  —  j4pporte2-nous.... 

Non,  sainte  Vierge,  —  Non  depuis  hier  matin.  — 
.Apportez-nous.... 

A  la  croix  de  Pttate  —  Les  Pharisiens  l'ont  mie.  — 
apportez-nous. ... 

—  Je  t'enprie,  Jean-Baptiste,— Je  t'en  prie,  mène  m'y. 

—  apportez-nous.... 

Il  ta  prend  par  sa  main  blanche,  —  Il  la  mène  avec 
lui.  —  Apportez-nou^.... 

Aussitôt  qu'elle  le  voit,  —  Sur  fa  terre  elle  s'affaisse. 

—  i4pportez-nou8.... 

—  Je  t'en  prie,  Jean-Baptinte,  —  Eloigne  ntoi  d'ici.  — 
Apporfez-noits.... 


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H  l&  prend  par  sa  m&in  blanche,  —  La  conduit  en 
Paradis.  —  apportez-nous.... 

Dieu  nous  fasse  la  grâce  —  De  tous  y  aller  auec  lui.  — 
Xpportez-nous  Vétrenne,  —  Au  nom  de  Jésits-Christ. 


Au  sujet  du  Nofil  :  Un  jeune  Pastre,  inséré  à  la 
pigell  dnBuUetiiij  nous  avons  dit  que  v  M.  l'abbé 
Pourville,  curé  de  Queyssac,  avait  reproduit  ce  Noël 
dans  son  ouvrage  (qui  a  été  imprimé  en  1891)  et 
l'avait  signé,  ce  qui  voulait  dire  sans  doute  qu'il 
y  avait  ajouté  quelques  vers  ». 

Ce  Noël  est  en  effet  ancien  el  est  donné  comme 
fort  répandu  dans  le  Quercy,  le  Gévaudan,  le  Velay 
et  le  Forez,  par  MM.  Soleville  et  Joseph  Daymard, 
dans  leurs  recueils  imprimés  en  1885  et  1889.  Dans 
les  différentes  versions  qui  nous  sont  parvenues  de 
plusieurs  endroits  de  la  Corrèze,  il  n'était  pas  possi- 
ble de  faire  connaître  ce  qui  pouvait  être  la  pro- 
priété de  M.  l'abbé  Pourville,  puisqu'il  avait  omis 
lui-même  d'établir  cette  distinction. 

M.  l'abbé  Pourville  nous  écrit  aujourd'hui  que  les 
couplets  2,  3,  4,  6,  7,  8,  9,  10,  11,  13,  15.  16, 
ainsi  que  la  variante  du  couplet  12,  tels  que  nous 
les  avons  donnés  (avec  une  orthographe  différente), 
sont  de  lui.  Nous  nous  empressons  de  faire  droit  à 
sa  réclamation,  en  la  portant  à  la  connaissance  des 
lecteurs  du  Bulletin. 

E.  R. 


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Une  Plaque  en  émail  champlevé 


DU    Xlir    SIECLE 


Cette  plaque  n'a  pas  figuré  aux  expositions 
rétrospectives  de  Limoges  et  de  Tulle,  où  l'émail- 
lerie  Limousine  était  si  noblement  et  abondamment 
représentée.  11  y  avait  là  une  lacune  fort  regrettable, 
accompagnée  de  quelques  autres  du  même  genre 
et  dont  nous  avons  droit  de  nous  plaindre,  car  les 
archéologues,  qui  se  déplacent  volontiers  en  pareil 
cas,  méritent  d'être  récompensés  de  leur  peine  par 
l'exhibition  la  plus  complète,  sans  qu'il  soit  néces- 
saire d'aller  sur  place  étudier  les  absents,  ainsi  que 
j'ai  été  obligé  de  le  faire,  plusieurs  fois,  avec  Léon 
Palustre  :  sa  mort  nous  a  seule  empêchés  de  pousser 
jusqu'à  certaines  églises,  dont  la  visite  était  dans 
nos  projets  d'une  quatrième  excursion  en  Limousin. 

Mes  regrets  sont  tempérés  par  un  dessin  colorié, 
de  la  grandeur  de  l'original  ;  malheureusement  il 
ne  porte  aucune  indication,  en  sorte  qu'il  devient 
matériellement  impossible  d'identifier  l'objet.  Je 
n'ai  rien  trouvé  de  pareil  ni  dans  le  grand  ouvrage 
de  M.  Rupin,  ni  dans  mes  notes  et  celles  de  Léon 
Palustre.  Ce  n'est  pas  une  raison  pour  rester  muet 
à  son  endroit,  car  la  pièce  a  de  l'importance  au 

T.  XX.  3  ~  ( 


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-  319  - 

point  de  vue  iconographique  et  môme  constitue  une 
rareté  que  je  me  plais  à  mettre  en  lumière. 

Pendant  que  Palustre  dirigeait  le  Bulletin  Monu- 
mental, il  fut  en  correspondance  suivie  avec  un 
curé  du  diocèse  de  Tulle,  qui  s'était  donné  la  mission 
de  faire  connaître  l'émaillerie  limousine  de  la 
contrée.  Plusieurs  de  ses  dessins  ont  été  publiés  ; 
d'autres  sont  demeurés,  pour  des  temps  meilleurs, 
dans  les  cartons  de  mon  ami,  où  j'en  prends  actuel- 
lement possession  au  profit  de  la  science. 

Ces  dessins  sont  de  trois  sortes  :  au  crayon,  à  la 
plume,  à  l'aquarelle.  On  suit  les  trois  étapes  depuis 
l'esquisse,  que  l'encre  rend  plus  nette,  jusqu'à 
l'achèvement  complet,  qui  a  l'avantage  de  mieux 
faire  valoir  l'objet. 

I 

L'aquarelle  de  la  plaque  est  pins  soignée  que 
d'habitude,  ce  qui  permettra  de  l'étudier  aussi 
minutieusement  que  possible. 

Ses  dimensions  sont  de  quatorze  centimètres  pour 
la  largeur  et  de  cinq  et  demi  pour  la  hauteur.  Ce 
rectangle  étroit  devait  orner  le  devant  d'un  coffret 
(auge  ou  toit)  et  se  compléter  peut-être  par  une 
ornementation  similaire. 

La  bordure  d'encadrement  est  triple  et  de  trois 
largeurs.  Le  filet  extérieur  montre  le  métal  réservé, 
sur  lequel  court  une  série  de  dents  de  scie  qui  amor- 
tissent le  brillant  de  la  dorure  ;  puis  vient  un  ban- 
deau d'émail  bleu  lapis  et  enfin  un  simple  trait  de 
métal,  où  en  huit  endroits  ont  été  ménagés  des 
points  qui,  percés,  recevaient  les  clous  d'affivion, 


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car  la  plaque  fut,  dès  le  principe,  fixée  sur  une 
âme  en  bois  (1). 

Le  champ  tout  entier  est  glacé  d'un  émail  gros 
bleu,  d'un  ton  intense  comme  Tindigo.  C'est  la  cou- 
leur célestiale,  qui  fait  songer  au  firmament  bleu, 
séjour  de  Dieu  et  de  sa  cour  (2). 

Pour  éviter  une  surface  trop  développée,  i'émail- 
leur  y  a  réservé^  mais  disposés  très  irrégulièrement, 
des  billettes  et  des  disques.  Les  disques  seuls  sont 
émaillés  et  représentent  des  roses,  tantôt  vertes, 
d'une  seule  nuance,  tantôt  de  deux  teintes,  bleu  et 
blanc,  rouge  et  vert  ;  comme  d'habitude,  le  rouge 
est  un  point  minuscule. 

Sur  ce  fond  sont  appliqués  trois  anges,  en  buste, 
pièces  fondues  et  de  rapport,  dont  les  deux  clous 
d'attache,  au  nimbe  et  au  nuage,  n'ont  pas  été  dissi- 
mulés. Le  nimbe  circulaire,  à  fond  strié,  est  éga- 
lement réservé  dans  le  métal,  qui  met  la  tète  en 
saillie  ;  la  physionomie  est  juvénile,  par  conséquent 
sans  barbe,  et  les  cheveux  courts  sont  divisés  par 
mèches.  L'ange  se  présente  de  face  et  est  vêtu  d'une 
tunique  à  orfroi  perlé  au  col  et  d'un  manteau,  qui 
ne  laisse  pas  paraître  les  bras.  Le  buste  émerge 
d'un  nuage  en  métal,  arrondi  en  croissant  par  des- 
sous et  dentelé  à  la  partie  supérieure.  Ce  nuage  est 
souligné  d'une  tigette  dont  les  extrémités  sont  épa- 
nouies en  feuille  lancéolée.  Des  épaules  sortent 


(1)  «  Item,  une  aultre  croix  d'argent,  garoie  d'un  crucifix 

fourrée  par  derrière  de  boys  et  de  bande  de  fen  (fnu.  de  l'Hôtel- 
Dieu  de  Beaune.  IMl). 

(?)  ■  Chanip  célestial,  signe  de  saulvement. . . .  en  paradis  >  (Acte 
du  ivi'  it'écle,  dana  le  Polit  cartulaire  de  l'Hôtel-Dieu  de  Beaune, 
p.»). 


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deux  ailes  maigres,  en  métal  gravé,  pour  simuler 
les  plumes  ;  le  haut  de  l'aileron  est  égayé  d'émail, 
qui  se  dégrade  ainsi  :  rouge,  bleu  noir,  bien  lapis  et 
bleu  rlair.  Les  ailes  sont  abaissées,  pour  indiquer 
le  repos  :  ces  anges  sont  plutôt  destinés  à  la  con- 
templation qu'à  l'action  et  peut-être  appartiennent- 
ils  à  la  cat^orie  de  ceux  qu'a  vus  saint  Jean  et  qui 
cbanlent  sans  cesse  au  ciel  :  Saint,  sainte  saint  est 
le  Seigneur  CÀpocalyps.,  xvi,  5). 

L'ange  qui  occupe  le  milieu  de  la  plaque  se  dis- 
tingue par  ce  double  caractère  :  il  est  enveloppé 
comme  d'une  auréole  bleu  lapis,  qui  lui  donne  plus 
d'importance  et  ses  ailes  sont  dressées  en  l'air, 
avivées  d'émail  rouge,  vert,  jaune.  Le  champ  du 
médaillon  est  circonscrit  par  un  filet  métallique  en 
réserve  :  le  disque,  scutum,  dénote  une  supériorité 
dans  l'ange,  que  je  n'hésite  pas  à  proclamer  le  chef 
de  la  milice  céleste,  toujours  prêt  à  l'action. 

II 

Les  trois  anges  sont  égaux,  comme  taille  et  aussi 
comme  hiérarchie,  puisqu'ils  sont  placés  sur  le 
même  rang  et  encore  comme  fonction,  car  ils  ont  la 
même  figure,  les  mômes  moyens  de  locomotion  et 
le  même  séjour  au-dessus  des  nuages.  Cependant, 
celui  qui  est  à  la  place  d'honneur,  au  centre  de  la 
composition,  doit  jouir  de  quelque  prééminence.  Il 
est  facile,  après  cette  constatation,  de  les  nommer 
les  archanges  Michel,  Gabriel  et  Raphaël,  et  d'at- 
tribuer à  saint  Michel  une  supériorité  hiérarchi- 
que(l). 

(I)  X.  H.  de  M.,  lEuoi:  compl.,  t.  XI,  p.  201. 


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L'émaillerie  limousine  a  un  faible  pour  les  anges, 
elle  les  multiplie  à  l'infini  et  les  place  partout,  à  tort 
et  à  raison,  par  groupes  de  deux,  trois,  quatre  et 
davantage,  avec  ou  sans  intention  saisissable  à 
l'esprit.  Quand  elle  les  limite  à  trois,  comme  sur 
les  plaques  de  Banise  (Creuse)  et  d'Âlly  (Cantal), 
figurées  dans  VŒuvre  de  Limoges,  p.  396,  416, 
l'idée  est  manifeste  :  il  s'agit  d'exalter  les  trois  prin- 
cipaux archanges  dont  la  Bible  a  révélé  l'existence 
et  les  noms. 

Mais  ces  anges  peuvent  aussi  devenir  un  symbole. 
En  effet,  la  liturgie^  s'appuyant  sur  l'Ecriture 
Sainte  (1),  voit  en  eux  les  trois  personnes  divines 


(1)  ■  ApparuU  ei  Domiaus  in  convalle  Mambre,  aedenti  in  oslio 
tabernaculi  siii,  in  ipso  fervare  diei.  Clinique  eievasset  oculos, 
apparueruut  ei  très  viri  staiitcs  prope  eum;  quoB  cum  vidisset, 
cucurrit  in  oecursuni  earum  de  ostio  tabernacuH  et  adoravit  in  ter- 
ram.  £t  diiit  :  Domine  d  (Genêt.,  XVill,  1-3].  Le  passage  de  la 
Genèse  est  moins  précis  que  le  texte  liturgique.  £n  effet,  l'appa- 
rition des  trois  hommes  coïncide  avec  celle  du  Seigneur,  et  l'ado- 
Tàtion  parait  être  commune  à  tous  indistinctement.  Didron  écrit  à 
ce  sujet  :  u  Abraham  avait  vu  trois  anges;  mais,  comme  il  ne 
s'était  adressé  qu'à  l'un  d'eux,  pour  parler  ensuite  à  tous  les  trois 
ensemble,  les  commentateurs  en  ont  conclu  l'apparition  de  la  Tri- 
nité au  père  des  patriarcbes.  Cette  interprétation  d'un  leite  vague 
est  plus  ingénieuse  qu'irréfragable.  Touterois  l'art  s'est  rangé  as- 
sez souvent  du  parti  des  commentateurs  ;  il  a  figuré  les  trois  per- 
sonnes réunies  et  au  pied  de  l'une  desquelles  Abrabam  se  prosterne. 
Sous  ce  tableau  on  voit  quelquefois  en  légende;  Très  oidit,  wnum 
Bdoraoil.  Dans  un  manuscrit  latin  do  Prudence  (Bibl.  royale,  SOSâ], 
les  trois  anges,  symbole  de  la  Trinité,  dit  Prudence,  apparaissent 
à  Abrabam.  Un  cercle,  en  guise  de  nimbe,  entoure  la  tête  d'un 
seul  ;  les  deui  autres  ne  sont  pas  nimbés.  Voyez  k  Saint-Etienne- 
du-Mont  un  vitrail  du  xvi*  siècle,  d&ns  le  collatéral  Sud,  oii  sont 
représentés  le  fait  et  la  légende  qui  l'explique.  A  la  bibliotlièquc 
de  l'Arsenal,  le  m'  Missale  Paritiense,  tliéol.  lat.  ISS,  offre  trois 
anges,  entitremeiit  semblables,  adorés  par  Abrabam.  En  Grèce.... 
les  anges  sont  cntiërcmenl  égaux,  comme  dans  Mlorltia  deficia- 


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—  S23  - 

que  reconnut  Abraham  et  qu'il  adora,  puis  servit. 
Le  texte  est  très  significatif;  «  Dum  staret  Abraham 
ad  ilieem  Mambre,  vidit  très  viros  aseendentes 
per  viam.  Très  vidit  et  unuin  adoravit  ».  Tel 
est  le  second  répons  du  premier  nocturne  aui  mati- 
nes du  dimanche  de  la  Quinquagésime. 

L'iconographie  n'est  pas  restée  en  arrière  :  «  Les 
commentateurs  ayant  déclaré  que  ces  trois  person- 
nes représentaient  la  Trinité  sous  la  forme  de 
l'ange,  les  artistes  suivirent  les  prescriptions  des 
théologiens  et  croisèrent  le  nimbe  à  cet  ange  divin 
qu'adorait  Abraham.  La  Bible  n'  6  de  la  Bibliothè- 
que royale  a  même  ôté  les  ailes  et  donné  une  barbe 
à  ce  personnage  devant  lequel  Abraham  se  pros- 
terne, afin  d'en  faire  plus  positivement  un  Dieu  » 
(Didron,  Hist.  de  Dieu,  p.  54-55). 

Ce  n'est  pas  Dieu  qu'il  faut  écrire,  mais  Fils  de 
Dieu,  car,  suivant  les  Pères,  le  Fils,  dans  l'Ancien 
Testament,  s'essaya  plusieurs  fois  à  l'incarnation, 
entr'autres  lorsqu'il  apparut  à  Abraham,  qui  salua, 
en  l'un  des  trois  anges,  celui  qui,  sous  le  nom  de 
Christ,  devait  plus  tard  racheter  sa  race. 

Or,  sur  la  plaque  émaillée  de  la  Corrèze,  l'archange 
principal,  qui  est  saint  Michel,  symbolise  le  Sauveur 
du  monde.  Aussi  le  moyen  âge  l'a-t-il  placé  au 
sommet  de  la  croix,  où  il  recueille  l'âme  de  la 


rum;  loua  trois  fwrtent  le  nimbe  identique,  timbré  de  la  croix 
divine  1  {Hist.  de  Dieu,  p.  5S'JI.  Ce  mâme  ouvrage  établit,  p.  555, 
les  rapports  historiques  do  la  Trinité  et  des  trois  anges  dans  les 
constructions  monastiques  du  ix*  siècle.  Les  Heures  de  »itinl  Louis 
consacrent  deux  miniatures  ï  l'apparition  des  trois  anges  :  u  Si 
corne  Abraham  vit  trois  angelcs  et  un  en  aora.  Si  come  il  leur 
dona  h  mangier  1. 


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victime  expirante  (1)  et,  ressuscité  et  régnant  au 
ciel,  le  Fils  de  Dieu  en  fait  l'introducteur  des  âmes 
au  séjour  céleste  (2)  et  lui  donne  sa  croix  pour  com- 
battre le  démon  (3). 

Par  ce  côté  spécial  la  plaque  innommée,  qui  ap- 
partient au  premier  tiers  du  xin'  siècle,  a  donc  une 
saveur  particulière,  qu'on  ne  rencontre  pas  toujours 
dans  les  produits  de  l'industrie  limousine. 

X.  Barbier  de  Montault. 


(I)  Œuvr.  compl.,  t.  XI,  p.  Î02. 
(?)     id.  id.  td.       121. 

(3)     id.  id-  id.      249, 


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Les  Noms  Révolutionnaires 

DES 

COMMUNES  DU  LIMOUSIN 

Et   DBS 

DÉPARTEMENTS  LIMITROPHES 


Après  le  21  septembre  1792,  c'est-à-dire  après 
l'abolition  de  la  royauté  et  la  proclamation  de  la 
République,  une  rage  folle  de  changer  tout  ce  qui 
pouvait  rappeler  l'ancien  régime  ou  qui  touchait 
aux  choses  de  la  religion,  s'empara  des  esprits.  De 
nombreux  arrêtés  d  u  Conseil  général  de  la  commune 
de  Paris  débaptisèrent  les  noms  des  sections  et  des 
voies  publiques,  les  laïcisèrent,  les  mirent  au  goût 
du  jour. 

L'exemple  ne  tarda  pas  à  gagner  la  province  et 
nous  trouvons,  pat-  exemple,  à  Tulle,  pendant  la 
Terreur,  la  rue  des  Sans-Culottes,  la  place  de  la 
Liberté,  la  section  de  la  Montagne  et  celles  de 
VUnitê  et  de  la  Fraternité,  tout  comme  dans  la 
capitale. 

Au  changement  des  noms  de  sections  (quartiers) 
et  des  rues,  on  ajouta  bientôt  celui  des  villages, 
des  bourgs^  des  communes. 

Dans  sa  séance  du  10  brumaire  an  II  (31  octobre 
1793),  la  Convention  nationale  décida,  tout  d'abord, 


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que  la  dénomination  de  ville,  bourg  et  village 
serait  supprimée  et  qu'elle  serait  remplacée  uni- 
formément par  celle  de  commune.  Cette  façon 
de  procéder  était  bien  une  sorte  de  retour  en  arrière, 
aux  appellations  d'agglomérations  affranchies  du 
moyen  âge  ;  mais  les  Jacobins  n'y  prirent  pas  garde. 

Un  an  avant  le  décret  précité,  le  25  octobre  1792, 
la  Convention  avait  chargé  son  Comité  de  législation 
de  substituer  aux  anciens  noms  de  villes  a  ou  autres 
lieux  publics»,  qui  rappelaient  la  monarchie  et  la 
religion,  des  dénominations  civiques.  Le  Moniteur 
du  3  juin  1793  publia  les  nouvelles  appellations  de 
certaines  communes  des  Pyrénées-Orientales,  de 
la  Haute-Marne,  de  l'Ariége,  du  Loiret,  etc. 

Dés  le  lendemain  de  la  publication  du  décret, 
qui  coïncidait  avec  le  triomphe  de  la  Montagne  sur 
les  Girondins,  le  nom  de  Montagne  fut  ajouté  à 
celui  d'un  très  grand  nombre  de  villes.  Après  l'as- 
sassinat de  Marat,  un  fort  contingent  de  communes 
se  crut  obligé  de  porter  le  nom  de  l'Ami  du  peuple. 
Parmi  elles  se  trouva  Le  Havre,  qui  s'appela  Le 
Havre-Marat. 

A  partir  du  milieu  de  l'année  1793,  c'est-à-dire 
au  commencement  de  la  Terreur,  presque  toutes 
les  communes  de  France  demandèrent  à  changer  de 
nom.  Ce  fut  de  l'enthousiasme,  de  la  frénésie.  Les 
substitutions  furent  si  nombreuses  que  la  Conven- 
tion elle-même  finit  par  ne  plus  s'y  reconnaître  (1). 

Le  Moniteur  du  10  Messidor  an  II  (28  juin  1794), 


(1)  Edmond  Biré  :  Journal  d'un  Bourijeoit  de  Parti  pendant  la 
Terreur,  lorao  V. 


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publia  l'arrêté  suivant  du  Comité  de  Salut  Public, 
qui  avait  pour  objet  d'obvier  aux  inconvénients 
qui  résultaient  de  la  trop  grande  quantité  de  com- 
munesqui  échangeaient  leursanciennesappellations 
contre  de  nouvelles  : 

a  Plusieurs  communes,  disait  le  rapporteur  du  cé- 
lèbre Comité,  ayant  changé  de  noms  et  ne  se  trouvant 
pas,  sous  ces  nouvelles  dénominations,  dans  les 
dictionnaires  géographiques  ni  sur  les  cartes,  et 
d'autres  communes  portant  des  noms  semblables,  il 
arrive  quelquefois  que  le  Comité  ne  sait  ni  d'où 
on  lui  écrit  ni  à  gui  il  doit  répondre,  d'où  il 
résulte  des  entraves  préjudiciables  dans  le  gouver- 
nement. Pour  faire  cesser  ces  inconvénients,  le 
Comité  de  Salut  Public  invite  toutes  les  adminis- 
trations, les  Sociétés  populaires,  les  fonctionnaires 
publics,  et,  en  général,  tous  les  citoyens  qui  lui 
écriront,  à  ajouter  au  nom  actuel  de  leur  com- 
mune celui  qu'elle  portait  précédemment,  et,  en 
outre,  le  nom  du  district  et  du  département  où 
elle  se  trouve  ». 

On  voit  que  dans  leur  rage  de  ne  rien  laisser  sub- 
sister du  passé,  les  conventionnels  se  trouvaient 
pris  à  leur  propre  piège  ! 

Les  communes  qui  portaient  dans  leurs  anciens 
noms  les  vocables  de  château,  saint  ou  sainte, 
église,  le  roij  la  7'eine,  le  com,te,  Vévêque,  Louis, 
etc.,  les  supprimèrent.  Les  épithètes  de  montagne, 
unité,  liberté,  égalité,  fraternité,  patriote, 
sans- culottes,  Marat,  etc.,  leur  furent  substituées. 
D'aucunes  se  titrèrent  du  nom  de  quelques  héros 
ou  dieux  antiques  :  Binitus,  Bellone,  Héraclée, 


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Hercule,  etc.  ;  de  quelques  philosophes,  précuiseiirs 
du  mouvement  révolutionnaire  :  Voltaire,  Jean- 
Jaeques-Bousaeau,  etc. 

Jusqu'au  Neuf  Thermidor,  il  ne  se  passait  pres- 
que pas  de  jours  sans  que  la  Convention  fût  appelée 
à  ratifier  le  changement  du  nom  d'ane  ville,  d'an 
port,  d'un  bourg  rural,  etc. 

Si^  en  général,  les  communes  changeaient  leur 
nom  librement,  obéissant  ainsi  à  une  sorte  de 
ff  snobisme  révolutionnaire  »,  il  n'en  fut  pas  de 
même  de  certaines  d'entre  elles,  comme  Lyon, 
Marseille,  etc.,  qui  étaient  entrées  en  lutte  contre 
la  Convention  et  l'état  de  choses  qu'elle  avait  éta- 
bli. Pour  les  punir  de  leur  rébellion,  la  terrible 
assemblée  décréta  qu'elles  perdraient  leur  nom  : 
Lyon,  s'appela  Commune  affranchie;  Marseille, 
SanS'Nom;  Toulon,  Ville- Plate,  puis  Port-la- 
Montagne,  etc. 

Après  la  chute  de  Robespierre,  qui  mit  fin  au 
régime  de  la  Terreur,  l'usage  reprit  ses  droits.  Non 
seulement  le  mouvement  qui  portait  les  communes 
à  se  dénommer  révolutionnai  rement  s'arrêta,  mais 
les  vieilles  appellations  revinrent  sur  toutes  les 
lèvres,  sur  tous  les  écrits. 

Nous  avons  consigné  ici,  pour  les  départements 
du  Limousin  (Haute-Vienne,  Creuse  et  Corréze), 
ainsi  que  pour  ceux  du  Lot  et  de  la  Dordogne,  qui 
les  avoisinent,  les  noms  des  communes  qui  se 
transformèrent  pendant  la  Révolution.  Cette  liste 
offre  encore  des  lacunes;  mais  elle  comprend,  avec 
quelques  désignations  nouvelles,  toutes  celles 
que    relevèrent,    en    leurs    savantes    recherches. 


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MM.  J.-B.  Champeval  (1),  Lhermitte  (2)  et  Figuè- 
res  (3). 

Ce  travail  n'a,  d'ailleurs,  d'autre  prétention  que 
de  mettre  au  point  et  à  jour  cette  très  curieuse  et 
intéressante  contribution  à  l'histoire  de  la  Révolu- 
tion en  Limousin. 


CORRÈZE 

bw  mMi  1h  mubm  IhM  1  rip«fM  b  b  Unliiin 

Arnac-Pompadodr,  cant.  de 
Lubersac Am&c-la,-Pr&irie  (4). 

Chapelie-aui- Saints  (La),  (  ^^^  p^^ 

aujour.  cant.  de  Beaulieu,    ^^  chapeIIe-a«ï-Pr^s  (7). 

autr.  de  Curemoote  . .  .  .  ( 
Chapelle  -  Spinasse  [La), 

cant.  d'Egletons Le  Doustre. 

Chasteauz,  auj.  canton  de 

Larche,  autr.  de  Brîve  .  .    La  Fraiemiié. 
Mevbignac-l'Eolise,  cant. 

de  Corrèze Meyrignac-Ia-Afontagne  {8). 

(t)  Bullelin  de  U  Société  acientiflque,  historique  et  archéolo- 
giqve  de  U  Corrèze  (siège  à  Drive),  année  tS86. 

(î)  J I  ma  nac  h -annuaire  limoutin  pour  ia  Corrèze  (Ducourlieui), 
année  189S. 

(3)  Index  des  noms  révotutionnairei  dei  communes  de  France, 
in>B,  Poitiers,  I89B. 

(4)  Arnsc-Pompadour  est  entouré  de  prairies. 

(5)  Les  divisions  administratives  des  départemenls  ne  sont  plus 
aujourd'hui  les  mêmes  que  celles  qui  eiistsient  i  la  Révolution; 
celles  do  celte  époque  furent  établies,  p^ur  le  déparlement  de  la 
Corrèze,  par  un  décret  de  l'Assemblée  nationale,  en  date  du  23  jan- 
vier nw. 

(G)  Le  Doustre  est  un  ruisseau  qui  se  jette  dans  la  Dordogne. 

(7)  La  Ch«pelle-aui-B«nts  est  entourée  de  prairies. 

(8)  Heyrignac- l'Eglise  est  situé  sur  un  plateau  élevé. 


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—  330  — 

haâ  tOMib  iH  CMRUH  M«  1  l'JftfM  4a  11  UnliliM 

Moustier-Ventadouh,  cant. 

d'Egletons Moustier-la-Luzège  (1). 

Saint-Angel,  cant.  d'Ussel.    Angel  (2). 
Saint-Auûustin,  canton  de 

Corrèie Angustin-la-Monédière  (3). 

Sa)nt-Aclaire,c.  d'Ayen..     L'Unité. 
Saint-Basile  -DE  -  Ueyssac, 

canton  de  Meyssac Côte-Montagnarde  (i). 

Saint  -  Bonnet  -  Avalouzk  , 

cant.  de  Tulle-Sud  Bonnet-Avalouze. 

Saint-Bonnet-Elvert,  auj. 

cant.  d'Argentat,  autref. 

cant.  de  Saint-Chamanl .     Liberté-Bonnet-Rouge. 
Saint-Bonnet-la-Rivièhe  , 

canton  de  Juillac Bonnet-Rouge. 

Saint-Bonnet-phès-Bort, 

auj.  cant.  de  Bort,  autr. 

canton  d'Ussel Bonnet-près-Bort. 

Saint- Gernin-de-Larche, 

canton  de  Larche L'Union. 

Saint-Chauant,  auj.  canton 

d'Argenlat,  autr.chef-lieu 

de  canton La  Fraternité. 

Saint-Cirgues,  auj.  canton 

de  Saint-Privat,  autrefois 

canton  de  Servières Cirgue-d'Eyge  (5). 

Saint-Cïprien,  c.  d'Ayen..     Petit-Bourg. 
Saint-Cyr- LA -Roche,  auj. 

eant.  de  Juillac,  autrefois 

canton  d'Allassac Aubep&rt. 

(1)  La  Luzëge  esl  une  rivière  qui  se  jette  dans  la  Dordognc. 

(2)  Presque  toujours  on  supprime  le  mot  Sain!  qui  prâcËde  le 


(3)  Saint* Augustin  est  situé  au  pied  des  montagnes  appelées  Lei 
Monédiérei. 

(4)  SaiDt-Basile  est  situé  le  long  d'une  cûte  qui   s'étend  depuis 
Heysaac  jusqu'au  Puy-d'Arnac. 

(5)  La  Diège,  qui  a  sa  source  dans  le  département  de  la  Creuse, 
•e  jatte  dans  la  Dordognc. 


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—  331  — 

nmt  •rlHli  iit  tiniMi  lUw  1  Vifun  it  li  UrthliM 

SiiNTE-FÉRÉotE,  canton  de  i  Montfrimaire. 

Donzenac {  Montagne-Frimaire  (1). 

Sainte-Fortunaoe.  auj  .can. 

de,  Tulle-Sud,  aulr.  chef- 
lieu  de  canton Fortunade. 

Saint- Fhéjoux,  c.  d'Ussel..     Fréjoux. 
Saint  GÉNiEz-6-MEHLE,auj. 

c.  de  Saint-Privat,  autr. 

cant.  d'Argentat Geniè8-las~Costas  (2). 

St  -  Germain-  LE3  -  Vebgnes, 

canton  de  Tulle-Nord  . . .    Bruyères-les-Vergnes. 
Saint-Hilaire-Foissac,  c. 

de  Lapleau Foissac-la-Luzège. 

Saint  -  Hilaire  -  Peyboux  , 

auj.  cant-  de  Tulle-No^, 

autr.  c,  de  Chameyrat. . .    Le  Peyrou-Marat. 
Saint-Jal,  auj.  canton  de 

Seilhac,  autr.  canton  de 

Chamboulive Coq-Hardy  (3). 

Saint  -  Julien  -  aux  -  Bois, 

auj,   cant,   de  Mercœur, 

autr.  cant.  de  Servières  .     Juiien-Quinsaf. 
SA,NT.Ji,i.iEN-L.-P6iE»m,  (  j^^  Bruyin. 

auj    c.  ■!»  Saw'-Pnv",    j„,jj„.|^.g         jj„  „| 

autr.  cant.  de  Mercœur. .  (  j  •■ 

Saint- Julien-  phés  -Boht, 

canton  de  Bort Julien-prhs-BoH. 

Saint-Martial-Entbavgues 

canton  d'Argentat Eniraygues-sans-Culoltes. 

Saint -Martin-la-Méanne,  (  LesJacobins-la-Méanne. 

c.  de  Laroche-Canillac  . .  \  Martin-sans-Cv.loties. 

SAINT-MARTIN-SEPEBTjCant. 

de  Lubersac Martin-Sepert. 


(1]  Sainte- Féréole  est  situé  sur  un  plateau  éleva.    . 
{2}  Pour  arriver  h,  Saint-Géniei,  il  faut  gravir  une  côte  très  raide 
qui  s'él6ve  des  borda  de  la  Maro»ne  jusqu'à  Saint-Privat. 
(31  Saint-Jal.  Le  mot  >al,  en  patois  veut  dire  coq. 
14]  Saint-Julien  est  entouré  de  bruyères. 


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<lMi  tdMA  fa  (UMM  !I«H  1  rif^  i,  h  UnWJN 

Saint  -  Mehd  -  de  -  Lapleau, 

cant.  de  Lapleau Gimel-Dordogne. 

Saint-Mexant,  auj.  canton 

de  Tulle-Nord,  autrefois 

canton  de  Chameyrat . . .    Mexant. 
St-Pantaléok-db-Larche, 

canton  de  ]l.arche La  Fraternité. 

Saint  -  Pardouz  -  Corbibr  , 

canton  de  Lubersac Pardoux  et  Corbier. 

St-Pardoui-la-Choisille, 

c.  de  Laroche-Canillac  . .     Bellone. 
Saint-Priest-db-Gimel,  c. 

de  Tulle-Sud La  MonUne  (1). 

Saint-Privat,   aujourd'hui  f  Privât, 

chef-lieu  de  canton,  autr.  <  Privat-U~Centrp. 

canton  de  Servièrès (  P?ival-Haute-Montagne. 

Saint-Robert,  auj.  canton  (  r  i   *  ■ 

d'Ayen,  autref.  chef-lieu  îf/*"7*^-,  .    ... 

de  canton j  Mont-Befair  (2). 

8aint-Sïlvain,  auj.  canton  (  ... 

d'Argenlat,  aulr.  cant.  de  !  ,  .S'"".;',,   . 

Sainî-Chamant ('■  Eg^"ti-Vn>on. 

Saint-Salvadoub,  cantonde 

Seilhac Salvador. 

Saint- SoLvE,    canton   de  i  Xir  Salutaire. 

Juillac (  Ère  Salutaire. 

Saint- SoRNiN-LAvoLPSiCant. 

de  Lubersac Sornin-Lavaux. 

Saint-Viance,  auj.  cant.  de  i  Avelque-Courte  (3). 

Donzenac,  a.  d'Allassac.  '{Belle-Rive. 
Saint- Ybard,  c.  d'Uzerche.     L'Union  sur  Vézère  (4), 

(t)  La  Montana  est  une  rivière  qui  passe  à  Saiut-Priest-de-Gimel 
et  se  Jette  dans  la  Corrëze  près  de  Tulle. 

(3)  Saint-Rohsrt  est  situé  sur  ua  mamelon  calcaire  élevé  entouré 
de  tous  cfitéB  par  des  vallées. 

(3)  Saint-Viance,  situé  sur  les  bords  d'une  rivière  ombragée,  est 
désigné,  dans  les  vieux  actes,  sous  le  nom  i'Aoelque-Courle, 

(4)  La  Vézère  est  le  nom  d'une  rivière  qui  passe  i  Uzercba  et  à 
Saint-Ybard. 


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Rmi  iiMt  In  cMBiM  Nmi  1  Tifi^H  J<  U  IfnMiH 

Treignac.  c.  deTreignac.  Treignâc-la~Montagne. 

SounsAC,  cant.  de  Lapleau .  Soursac-Moustier. 
TuRENNB,  auj.c.deMeyssac, 

autr.  chef-lieu  de  canton.  Mont-Franc  (1). 

UZERCHE    (SaINTE-KuLALIE), 

canton  d'Uzerche Faubourg  l'Egalité  (2) . 


HAUTE-VIENNE 

AzAT-LE-Riï,  C.  du  Dorât . .    Azat-l'Unité. 
BussiÈRE-PoiTEviNE,  canton 

de  Méàères Bussière-l'ÉgalUé. 

Ghateauneuf  et  S"-Marie, 

chef-lieu  de  canton Mont-Combade. 

Chatbau-Chehvii,  cant.  de 

St-Gerraain-les-Belles  . .     Cheroix-la-Chaumière. 
CHATBAU-PonaAC,  chef-Iteu 

de  canton Pons&c-la-Mont&gne. 

CouasAC-BoNNEVAL,  cant.de 

Saint- Yrieix Cousaac-aans-Culottes. 

Lus3ac-lbs-Éblise8,  cantOD  C  La  Patrie, 

de  St-Sulpice-les- Feuilles  {  Lussac-is-Pa(rie. 
Magnac-I^val,  chef-lieu  de 

canton Magnacla-Montagne. 

Ohadour-Saint-Genest,  c, 

du  Dorât Oradour-aur-Brame. 

Peïrat-de-Bellac  ,  canton 

de  Bellac Peyrat-ia-Montagne. 

RiLKAC- LES -Tours,  canton 

de  Nexon Rilhac-Chaumière. 

BocHECHouART ,    chef  -  lieu 

d'arrondissement Roche-sur-GTaine. 

RoziEn-SAiNT-GEORGBS,cant. 

de  Châteauneuf Rozier-Combade. 


(1)  C'est-à-dire  ville  affranchie. 
(3)  Sainte-Eulalie  est  un  faubourg  d'Uzerche. 
T.  XX. 


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-  334  - 

H,m  Ktwli  lu  amma  Rw  1  l'^H^e  il  11  IfnlaU» 

Baint-Amand-Magnazeix,  c. 

de  Chateau-Ponsac Amand-leS'Montagnes. 

SaintGenest,  c.  de  Fierre- 

Buffière Satis-Préjugé. 

Saint-Geruain-les-Belles  , 

chef-lieu  de  canlon Mont-les-Belles. 

Saint- Gilles -LES -Forêts, 

cant,  de  Châteauneuf La  Forêt-Bayée. 

Saist-Junien-,  chef-lieu  de 

canton Junien-la-Montagne. 

Saint-Légëh-Magnazeix,  c. 

de  Magnac- Laval' Léger-le-Peuple. 

Saint-Léonard- DE-NoBLAT,  (  Léon&rd-sur-Vienne. 

chef-lieu  de  canton ',  T&Tn-Vienne. 

Saint-Martin-le-Mai)lt,  c. 

de  St-Sulpice-les-Feuilles    M&rtin-sur-Benaise, 
Saint-Sohnin-Lel'lac,  cant. 

de  Château-Ponsac Somin-le-Pont. 

SAiNT-gyMPHORiEN,  cant.  de 

Nantiat Marat. 

Saint  -  Yrieix  -  la  -  Perche, 

ch.-lieu  d'arrondissement    Yrieix-la-Montagne. 

CBEUSE 

BoussAC,  chef-lieu  d'arron- 
dissement     Boussac-la-Moniagne. 

Boussac-les-Eglises,  cant. 
de  Boussac Boussac-le-Bourg . 

BussiBRE  -  Saint  -  Georges  , 
canton  de  Boussac Bussière-Nouvelle. 

Forêt-du-Temple  (La),  com- 
mune de  Mortroux La  Forêt-la-Nation. 

LouRDouEix- Saint-Michel, 
canton  d'Aygurande Lourdoueix-Marat. 

MOUTIER-ROSEILLE   (Le),   c. 

de  Felletin La  Raison. 

Peyhat-la-Noniére,  canton 
de  Chènéraille Peyrat-la-Monlagne. 


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XiBi  •dHli  iH  «anui  Rw  1  rtftpt  U  11  UnMi« 

St-Aignant-db-Vebsillat, 

caot.  de  la  Souterraine . .     Versillat'le'Mara.t. 
Saint-Dizier,  cant.  de  Châ- 

telus-Malvaleii Dizier-les-Domainea. 

Saint-Fetre,  cant.  de  Fel- 

letin Feyre-la-Montagne. 

Saint-Geruain-Bbaupré,  c. 

de  la  Souterraine Germain-sur-Sédelle. 

SAiNT-HiLAiRE.commuae  du 

Moutier-Roseille Roseille-lit-Montagne. 

Saint-Mabien,   canton  de 

Boussac Marat. 

Saint-Pierre-le-Bost,  c. 

de  Boussac Les  Dois. 

Saint-Silvain-Bas-le-Roc  , 

cant.  de  Boussac Bas-le-Roc, 

Saint-Silvain-9ous-Toulx, 

cant.  de  Boussac Sous-Toulx. 

TERCILLAT-SAlNT-PAl)L,C.de 

Châtelus-Malvaleix Tercillat-Pelletier  (t). 

DORDOGNE 

Allas -de-Berbi6Uières,  c. 

de  Saint-Cyprien Allas-l'Égalité. 

Allas-l'Évèque,  caaton  de 

Sarlat Allas-la-Liberté. 

BiBOH,  canton  de  Montpa- 

zier Mont-Rouge. 

Chapelle-Saint-Jean  (La), 

canton  d'Hautefort La  Montagne. 

Gleruont  ,  canton  d'Exci- 

deuil Montclair. 

Ladouzb,  cant.  de  St-Pierre- 

de-Chigniac Montagne-Ladouze. 

MouLEYOïEH,  cant.  de  Ber- 
gerac       Cybard-de-Mouleydier, 

(1)  Sans  doute  du  nom  du  convenlionnel  Pelletier  Saint-Fargeau , 


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—  336  — 

Saint-Aonan,   com.  d'Hau- 

tefort Aign&n-H&ute-Vue. 

Saint-Amand-db-Colv,  oan. 

de  Montignac Amand-le-V&llon. 

Saint-Apre,  commune  de 

Tocane-Saint-Apre Barra- sur- Dronne  (1). 

Saint-Astieb,  chef-lieu  de 

canton Astier-sur-VIsle. 

Saint-Aubin-d'Eïmet,  cant. 

d'Eymet Aubin-de-Ca.huzae. 

Saint-Bahthéleuy,  cant.  de 

Bussière-Badil Monlagne-sur-le-Trietix. 

Saint  -  Crépin  ,  canton  de 

Mareuil Colles-sur-Boulou- 

Sainte  -  Croix,  canton  de 

Mareuil L'Union-sur-BeUe. 

Saint-Ctphien,  chef-lieu  de 

canton Cyprien-sur-Dordogne. 

Saint-FAlix-^'-Boubdeille, 

cant.  de  Mareuil Dujalieux. 

Saint-Gbruain,  cant.d'Ësci- 

deuil Germain-Ferrugineux. 

Saint-Getrac,  cant.  de  St- 

Pierre-de-Chignac Union. 

Saint- JoRY- DE -Chalais,  c. 

de  Jumilhac Chalaix-la-Montagne. 

Saint-Louis,  cant.  de  Mus-  (  Montagne-Libre- sur-l'Isle 

sidan [et  Be&uronne. 

Sa  int-Martial-de- Valette, 

canton  de  Nontron Valette-les-Eaux. 

Saint-Mabtin-le-Pin,  cant. 

de  Nontron Le  Chêne-Vert. 

Saint-Mavhe-de-Peretrol  , 

canton  de  Vergt Pereyrol-la-Montagne. 

Saint-Mëdard-d'ëxcidedil  , 

canton  d'Excideuil Médard- sur- (a-Loup. 


(i)  Du  noiQ  de  Bar»,  le  lëgsodaire  petit  tambour. 


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iMt  Mtnk  te  OHHM  NMt  1  Vif^  h  h  brrirtiM 

Saint-Méhin,  canton  d'Ex- 

cideuil Mont-Mémin. 

Saint-Orse,  c.  deThenon  .     Orse-le-Pierreux. 
Saint-Pahdoux  ,  canton  de 

Mareuil Commune-sur-Rocher. 

Saint-Pantalv-d'Ans,  cant. 

de  Savignac-les-Eglises. .     P&ntaléon-le~Bon-Vin. 
Saint-Pantaly-d'Exgideuil, 

cant.  d'Eicideuil. Pantaly-Alb&rède. 

Saint-Raphabl,  cant.  d'Ex- 

cideuil Monchemin. 

SAmT-SAT)D-LA-C0U88lÈRE,C. 

deSt-Pai-doux-la-Rivière.    La.  Coussièresur-Dronne. 
Saint-Sulpice-d'Excideuil  , 

cant.  de  Lanouaille Sulpice-le-Culvaire. 

Sainte-Trie,  canton  d'Exci- 

deuil Trie- Argileux. 

Saint- ViNCENT-DE-CossE,  c. 

de  Saint-Cyprien Montagne-i 


LOT 

Bagnac,  cant.  de  Figeac . . .     Lac&peUe-Bagna.c. 
Baladod,  cant.  de  Martel. .     Creysse  (1)  et  Baladou, 

GaSTELNAD'DB-MoNTRATIER, 

cheMieu  de  canton Castelnau-la.-Monta.gne. 

Souillac,  chef-lieu  de  can- 
ton       Trente-un-Mai  (2). 

Saint  '  Caphais  ,  canton  de 
Gazais Bruyère. 

BainT'Céré,  chef-lieu  àe  i  Franc-Céré. 
canton (  Seu-Céré. 

Saint-Ckaharand  ,  cant.  de 
Saint-Germain Beauchamp. 


(1)  Creyaae  eat  le  nom  d'une  commune  du  canton  de  MarLel  située 
non  loin  de  celle  de  Baladou. 
[21  Date  du  la  coudamnation  des  Girondins  devant  la  Convention. 


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—  338  — 

IbM  idicli  iti  umaua  Smi  i  VifUH  h  b  lAi 

Saint-Clair,  cant.  de  Gour- 

don Belle-Rivière. 

Saint  -  Dau  ,   commune   de 

Figeac Ceint-d'E&u. 

Saint-Denis-près- Martel, 

cant.  de  Martel Seu-Denis. 

Saint-Félix- de-Bannières  , 

comm.  de  St-Michel-de- 

Bannières Puy-duTour  (1). 

Saint-Germain -du-Bel-Aih,  j  BeHe-P/aiTie. 

chef-lieu  de  canton {  Seu-Libre. 

Saint-Lauhent- LES- Tours, 

canton  de  Saint-Céré ....    Seu- Laurent. 
St-Michel- de-Bannières,  c. 

de  Vayrac Seu-Michel. 

Saint  -  Projet  ,    canton   de 

Gourdon Mont-Libre. 

Saint-8auveur-la -Vallée  , 

cant.  de  la  Bastide-Murat    Puyv&lon. 


JOANNÈS   PlANTADIS. 


(!)  Le  Puy-du-Tour  est  un  [iiaineloii  qui  domine  la  commune  de 
Saint-Michel -de- Ban  11  ièrcs, 


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ALIÉNATIONS 


TEMPOREL  DE  L'ÉVÈCHÉ  DE  TULLE 
EN  1609 


Bien  que  l'aHénation  des  biens  de  l'Eglise  soit  défenduB 
ea  principe,  et  même  sous  peine  d'excommunication  (1), 
les  supérieurs  ecclésiastiques  n'ont  pas  hésité  maintes  fois 
à  vendre  ou  à  donner  les  calices  d'or,  les  meubles  prôcieus, 
soit  pour  apaiser  la  faim  des  malheureux,  soit  pour  sau- 
vegarder la  vie  des  vaincus  et  l'honneur  des  femmes.  Ces 
aliénations  se  produisirent  sous  une  autre  forme  au 
XVI'  siècle  :  les  troubles  religieux  de  cette  époque,  en  taris- 
sant les  ressources  de  la  prospérité  publique,  avaient  mis 
à  sec  les  trésors  de  nos  rois.  Ces  derniers,  obligés  de  lever 
des  troupes  pour  réprimer  les  désoiiires  causés  par  les 
religionnaires,  eurent  d'aboi-d  recoui-s  aux  subsides  du 
clergé  ;  mais  les  dîmes  et  autres  revenus  ecclésiastiques 
étaient  bien  diminués  par  la  guerre,  le  pillage,  les  meur- 
tres et  les  incendies.  Il  fallut  donc  recourir  aux  grands 
moyens  ;  les  princes  s'adressèrent  aux  papes  et  obtinrent 
l'aliénation  d'une  partie  du  temporel  ecclésiastique.  En 
1568  le  pape,  à  la  demande  de  Charles  IX,  autorisa  une 
vente  se  montant  à  50,000  écus  ;  pareille  aliénation  fut 
permise  par  Grégoire  XIII,  en  1576;  enfin,  en  1586,  Sixte 
Quint  autorisa  une  vente  s' élevant  à  la  valeur  de  100,000 
écus  (2).  Il  se  peut  que,  durant  ces  troubles,  ii  y  ait  eu 
encore  d'autres  aliénations. 

(1)  Can.  Ntilli  liceat,  5,  do  Rébus  eccl.  non  alien. 

(!)  Bibtioth.  ou  Trésor  du  droit  francois,  par  Laurent  Bouchel. 
Paris.  MDCix.  On  y  lit  tout  au  long  !a  bullo  et  les  rem  outrances  que 
[es  prélats  lireiit  au  roi,  verbo  Aliénation. 


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—  340  —  . 

Quoiqu'il  en  soit,  en  vertu  des  lettres  patentes  du  roi, 
à  la  date  du  13  octobre  1568,  pour  xubvenir  aux  grands 
fraiz  qu'il  convient  faire  pour  la  guerre  qu'il  a  en  son 
royaume  pour  la  deffance  de  l&  foy  catholique....  contre 
ceux  de  la  novelle  religion,  le  diocèse  de  Tulle  fut  tasé  à 
2,869  livres.  Sur  cette  somme,  la  part  de  l'ëvéché  fut  de 
1,000  livres.  L'èvéque,  Louis  de  Ginolhac,  ne  disposant 
pas  de  ressources  suffisantes,  résolut  de  vendre  une  partie 
de  son  temporel.  C'est  pourquoi,  le  6  avril  1569,  parce 
qu'il  n'a  autre  temporel  que  le  village  du  Verdier,  pa- 
roisse Sainct-Meysans  (11,  plus  incomode,  il  vendit  sou 
pacte  de  rachat  à  Bertrand  Fagerdié,  marchand  de  Tulle, 
les  rentes  suivantes,  scavoîr  est,  froment  deux  sestiers, 
estimés  20  livres,  seigle  neuf  cestiers,  valant  75  livres, 
plus  seigle  deux  cestiers  à  bonne  mesure  la  somme  de 
20  livres,  avoine  vingt-quatre  cesliers  à  bonne  mesure  la 
somme  de  neuf  vingt  douze  livres,  argent  cinquante  sofz 
vallant  cinquante  livres,  gellines  deux  cinq  livres,  foin 
deux  trousses  la  somme  de  trante  livres,  cline  (sic)  (2)  deux 
trousses  la  somme  de  vingt  livres  ,  œufs  de  golline  cent 
la  somme  de  cinq  livres,  qu'est  en  toute  somme  quatre  cens 
dix-sept  livres...,  le  tout  de  rante  censive  et  fontière  avec 
tout  droit  de  justice  haulte,  moienne  et  basse,  droitz  de 
fondante  et  directité,  lequel  village  par  entier  se  con- 
fronte avec  les  villages  de  Laval,  de  la  Besse,  del  Pouget 
et  de  Chassagnère,  au  prix  de  417  l.  t.  L'acte  fut  passé  à 
Tulle  en  présence  de  Pierre  de  Bort,  sieur  du  lieu,  de  la 
paroisse  de  Ginolhac,  en  Périgord. 

Le  4  mai  de  la  même  année,  le  prélat  vendit  à  messire 
François  de  Sainct-Chamenc,  chevalier,  seigneur  et  baron 
du  dit  lieu,  comte  d'Escourailhe  en  Limosin  et  Auvergne, 
la  quantité  de  5  setiers  de  froment,  24  de  seigle,  1  d'avoine, 
25  sols  9  deniei'S  d'ai-gent,  1  geline  de  rente  assise 
sur  certains  faîctz  et  tenemens  nommés  del  Couderc 
dit  village  del  Mur,  del  Roue,  Blandine,  Grand  Rieu, 

e  Tulle. 


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-  341  — 

Chieses  et  Teyssendier  et  de  Soulhes  assis  en  [a 
paroisse  de  Sainct-Bonnet  al  Verg{i]  et  Sainct-Perdoux- 
lez-Sainct-Chement  (2),  au  diocèze  de  Tulle,  confronte 
auec  le  faict  de  Latrelhe,  avec  la  terre  del  Breuilh  et  auec 
(e  faict  des  Montys,  avec  le  faict  de  la  Parassie  et  avec 
la  vigne  grande  del  Teyssendier.  Plus  sur  ung  bois  appelé 
del  Teyssendier,  confronte  avec  le  champ  de  feu  Jehan 
de  Soulhes  et  au  bois  de  feu  Jean  de  Soulhes,  ung  ruys- 
seau  en(j"e  deux,  avec  les  terres  du.  faict  de  la  Guilhelmye, 
ung  ruysseau  entre  deux,  et  avec  le  bois  de  Secourieu  : 
neantmoingts  sur  une  terre  située  au  village  de  Soulhes, 
confronte  avec  le  bois  du  faict  de  Pargessac  et  auec  la 
combe  et  terre  del  Teyssendier,  et  avec  ung  brossier  de 
Perassac  et  avec  le  chemin  public  que  l'on  va  d'Esparzi- 
Hères  à  Berautye  ;  et  en  outre  sur  une  vigne  et  vignial 
situé  au  dit  village  de  Soulhes  et  devers  le  costé  de  Sainct- 
Bonnet,  confronte  avec  le  chemin  susdit  et  auec  la  vigne 
et  vignial  appelé  del  Roussel,  et  avec  le  chemin  public 
allant  de  Secourieu  à  la  croix  del  Solier  par  dessoubz  ;  et 
devantage  sur  ung  faict  et  tenement  nommé  de  Fourche 
de  Serre  en  la  d.  paroisse  Sainct-Bonnet  el  Verg,  et  en  la 
terre  sivé  Combe  nommée  de  Manissanes  en  la  paroisse 
Sainct-Perdoux-lez-Sainct-Chemenc  joignant  ensemble, 
et  confronte  au  village  de  Fourche  de  Serre,  et  au  faict 
del  Soustic,  au  faict  appelé  des  Ortz  hautz  et  avec  leurs 
autres  confrontations,  ...  auee  toutdroitde  /'ouda/i(ë(sicl, 
directité,  droict  d'investir  et  divestir,  lauzime,  incnaon 
et  advantage,  el  desquelz  faictz  la  justice  haulle,  moienne 
et  basse,  mère  et  mixte  impere  et  le  toutal  exercisse  d'icelle 
en  appartenoit  au  d.  sieur  baron  de  Sainct-Chemenc. 

La  dite  vente  fut  consentie  au  prix  de  380  livres.  Les 
202  1.  restantes  furent-elles  payées  sur  les  l'evenus  dispo- 


(t]  Aujourd'hui  Saint-Bonnet-Elvert,  commune  du  canton  d'Ar- 
gentat,  arrondissement  de  Tulle. 

il)  Aujourd'hui  commune  de  Saint- Cb amant,  canton  d'Ar^ntat, 
arrondissement  de  TuUe. 


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—  342  — 

nibles  de  l'évêque,  ou  bien  d'autres  leires  furent-elles 
aliénées?  Les  archives  du  château  de  Larra  (Haute-Garon- 
ne), qui  renferment  les  deux  documents  analysés  ci-dessus, 
ne  nous  le  disent  pas. 


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LES  TRODBLBS  BN  BAS-LIHODSIN 


La  pièce  dont  nous  donnons  la  transcription  est 
relative  à  la  prévôté  de  Vayrac.  Nous  croyons  devoir 
entrePj  à  ce  sujet,  dans  quelques  explications  : 

Un  certain  nombre  de  biens,  situés  non  loin  de 
Vayrac,  avaient  été  donnés  à  l'abbaye  de  Tulle,  vers 
937,  par  Adhémar,  vicomte  des  Echelles.  Quelques 
années  après,  en  968,  Frotaire,  èvèque  de  Cahors, 
faisant  la  visite  de  son  diocèse,  se  rendit  à  Vayrac 
où  il  consacra  l'église  qui  venait  d'être  élevée  par 
les  soins  de  Bernard,  abbé  de  Tulle.  Il  y  établit  un 
monastère,  où  il  introduisit  des  moines  de  son 
abbaye,  auquel  il  donna  le  titre  de  prévôté  et  qui 
fut  réuni  dans  la  suite  à  la  mense  épiscopale. 

Lorsqu'en  1317  l'abbaye  de  Tulle  fut  érigée  en 
évèché,  le  dernier  abbé  de  Tulle,  Arnaud  de  Saint- 
Astier,  en  fut  le  premier  èvèque.  Pour  établir  les 
revenus  de  son  siège^  il  garda  dans  le  Quercy  un 
certain  nombre  de  dépendances,  notamment  les 
églises  et  la  seigneurie  de  Rocamadour  avec  Mey- 
ronne  et  la  prévôté  de  Vayrac.  C'est  de  la  réunion 
de  ces  trois  bénéfices  que  s'est  formée  l'abbaye  de 
Rocamadour,  dont  le  titre  fut  affecté  à  l'évêcbé  de 
Tulle  jusqu'en  18U9,  époque  à  laquelle  les  diocèses 


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-  344  - 

furent  de  nouveau  établis,  mais  sur  des  bases  dif- 
férentes. 

Vayrac  est  aujourd'hui  un  canton  de  l'arrondiase- 
ment  de  Gourdon,  dans  le  Lot. 

E.  Rupin. 


Le  30  avril  1584,  Antoine  Caria,  bourgeois  de  Mai-tel(l), 
cofermier  de  la  prévôté  de  Veyrac,  se  plaignit  à  l'évéque 
de  Tulle,  Louis  de  Ginolhac,  que  en  plusieurs  endroictz 
de  ce  pays  certains  personn&iges,  rebelles,  mal  affection- 
nés au  bien  et  repos  de  la  paix  et  perturbateurs  du  pu- 
blic, puys  nyagueres  se  sont  efforcés  et  c'efforcent  jour- 
nellement de  surprendre  certaines  places,  ch&ste&ux  fortz 
et  villes,  et  mesmes  les  villes  de  Beaulieu  (3]  et  Brete- 
noux  (3),  eslans  desja  saysis  du  chasteau  et  fort  de  Comi- 
nhac  (4)  est&ns  à  troys  lieues  du  d.  Vayrac  où  les  d. 
rebelles  tiennent  les  champs,  prennent  prisonniers, 
mectent  toutes  contributions,  bruslent,  viollent,  saccat- 
gent  et  commectent  toutz  actes  d'hostellité  de  guerre 
ouverte,  comme  il  est  par  trop  nolhoire  au  d.  pays  ;  et 
parce  que  la  maison  et  tour  du  d.  sieur  prevost  pourroict 
estre  surprise  par  les  dictz  rebelles,'  comme  ils  en  ont 
heu  plusieurs  aduertissemens  certains  venans  de  bonne 
part,  somment  le  d.  seigneur  evesque  y  pourvoir  promp- 
tement,  ce  faysant  y  commectre  de  sould&tz  à  luy  affîdés 


(1)  Uartel,  aujourd'hui  cheMieu  de  canton  de  l'arrondissement  de 
Gourdon  (Lot). 

(!)  Beaulieu,  aujourd'hui  cheMieu  de  canton  de  l'arrondi sseinent 
do  Brive. 

(3)  Bretenoui,  aujourd'hui  chef-lieu  de  canton  de  l'arrondissement 
de  Figeac  (Lot). 

(41  Comiac,  aujourd'hui  commune  du  canton  de  Bretenoux,  arron* 
dissament  de  Fi^eac  (Lot). 


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-345  - 

pour  y  faire  la  guarde  de  jour  et  de  nuict,  attendu  que  (es 
d.  fermiers,  parles  pactes  contenus  en  l'afferme,  sont  tenus 
advertir  le  d.  sieur  de  faire  guarder  sa  maison  et  tour, 
advenans  (roubles  et  bruict  de  guerre,  comme  il  v  a  da  ■ 
fjresant.Malgré  la  menacede  domiuages  et  intérêts,  l'évëque 
ne  s'émut  point  et  fit  regponce  que  tout  ce  dessus  est  faux, 
et  qu'il  pourvoirait  à  la  défense  en  cas  de  besoin. 

Néanmoins  nous  avons  cm  devoir  consigner  ici  un 
exposé  si  pi-écis  (1). 


(l)Arch.  du  château  de  Larra  (Haute-Garonne);  fonds  Gour- 
don-Vaillac  ou  D'Antin  de  Vaillac;  pièce  en  papier,  communiquée 
par  M.  l'abbâ  Galabert. 


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POMMEAUX 

DE 

Bâtons  de  Confrérie 


Le  Musée  de  Brive  possède  quatre  pommeaux  de 
bâtons  de  confrérie,  en  bois,  recouverts  de  dorure, 
mesurant  94  centimètres  de  largeur  sur  33  de  hau- 
teur, non  compris  la  crois  qui  devait  les  surmonter 
et  qui  aujourd'hui  a  disparu.  Une  statuette  de  saint 
Jean-Baptiste  est  placée  sous  une  espèce  de  pinacle, 
entourée  de  feuillages,  dans  les  volutes  dorées  de 
cet  objet  religieux.  Le  saintestreprésentéàmi-corps; 
de  la  main  gauche  il  tient  un  livre,  sur  lequel 
repose  l'Agneau  divin.  La  figure,  grossièrement 
sculptée,  est  peinte  ;  l'ensemble  n'offre  aucun  ca- 
ractère artistique.  Les  pommeaux  se  terminent  par 
une  douille  qui  s'emmanchait  sur  un  bâton. 

Ces  têtes  de  bâtons  de  confrérie  proviennent  de 
Turenne,  qui  possédait  une  compagnie  de  Pénitents 
blancs,  établie  en  1711. 

Les  différentes  confréries  tiraient  leur  nom  de  la 
couleur  du  costume  qui  était  imposé  à  leurs  mem- 
bres pendant  les  offices. 

Les  Pénitents  blancs  portaient  une  longue  robe 
blanche  avec  capuche  de  même  couleur  qui  recou- 


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vrait  leur  tête  et  leur  visage  en  retombant  sur  leur 
poitrine.  Deux  ouvertures  rondes  étaient  pratiquées 


en  face  des  yeux,  et  le  corps  était  ceint  d'une  cor- 
delière en  laine.  Ils  avaient  une  place  marquée  dans 


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les  cérémonies  religieuses;  leur  croix  était  portée 
dans  toutes  les  processions^  et  leur  chant  monotone 
et  voilé,  l'étrangeté  de  leur  costume  imprimaient 
aux  solennités  où  ils  Oguraient  un  caractère  étrange 
et  mystérieux  de  nature  à  impressionner  vivement. 

La  confrérie  des  Pénitents  blancs  de  Turenne 
était  mise,  comme  toutes  ses  semblables,  sous  le 
patronage  du  Précurseur. 

Bien  que  nous  ayons  vu  plusieurs  autres  pom- 
meaux de  bâtons  de  ce  genre  en  Limousin,  à 
AUassac,  à  Saint-Viance,  etc.,  etc.,  on  en  retrouve 
fort  rarement;  ils  ont  disparu  presque  tous;  mais 
on  en  voit  figurer  dans  des  miniatures  de  livres 
pieux  et  dans  des  tableaux  anciens.  On  remarque 
souvent  des  pierres  précieuses  enchâssées  au  milieu 
des  moulures,  des  découpures  ou  des  feuilles  d'or- 
nementation. Quelques-uns  sont  une  petite  niche 
de  forme  carrée  ou  triangulaire  dont  la  coupole  est 
appuyée  sur  trois  ou  quatre  colonnes  unies  ou  torse, 
souvent  avec  de  petits  chapiteaux  sculptés.  Cepen- 
dant, ici  et  là,  le  travail  ne  présente  pas  plus 
d'intérêt  [TOur  l'art.  Les  bâtons  modernes  des  chan- 
tres, dans  certaines  églises^  sont  les  diminutifs  de 
ceux  des  confréries,  pour  la  forme  du  moins. 

Dans  les  cérémonies  religieuses  de  la  paroisse, 
dans  les  processions  surtout  oît  les  confrères  assis- 
taient, figuraient  les  bâtons  de  la  confrérie  portés 
avec  honneur  comme  des  insignes.  A  Amiens,  les 
pèlerins  de  saint  Jacques  se  faisaient  même  précéder 
d'un  bâton  principal  —  comme  l'enseigne  d'une 
légion,  —  dont  le  pommeau  représentait  un  saint 
Jacques  assis  sur  une  chaire. 

T.  XX.  3-3 


,y  Google 


C'est  surtout  dans  les  cérémonies  du  reinage» 
appelée  le  Deposuii,  que  les  bâtons  de  confrérie 
jouent  un  rôle  important.  Nous  avons  déjà  signalé 
cescérémonies  dans  notreélude  Quelques  Reinages 
en  Limousin  (1).  Mais  cet  usage  semble  général 
pour  toutes  les  confréries  et  à  toutes  les  provinces. 

Voici,  plus  en  détail,  en  quoi  il  consiste  ;  le  jour 
de  la  fête  venu,  les  confrères  se  réunissent  dans 
l'église  de  la  paroisse  ou  dans  la  chapelle  spéciale 
affectée  à  la  confrérie,  pour  assister  ensemble  aux 
saints  offices.  Le  Magnificat  des  vêpres  étant  com- 
mencé, à  l'approche  du  verset  Deposuit  patentes 
de  sede,  les  confrères  qui  portent  les  bâtons  soit 
comme  roi,  reine,  soit  comme  porte-enseigne^ 
gardes,  etc.,  les  déposent  et  leurs  successeurs,  qui 
avaient,  te  matin,  obtenu  les  dignités  aux  enchères, 
s'emparent  de  ces  insignes  pendant  qu'on  entonne 
Et  exaltavit  humiles. 

11  y  avait  bien,  autrefois,  quelques  variétés  là- 
dessus,  selon  les  différents  pays;  mais,  presque 
dans  toute  la  France,  on  avait  pensé  que  ce  verset 
du  Magnificat  exprimerait  fort  bieh  l'idée  de  la 
cérémonie  :  l'un  descendait  en  sortant  de  charge, 
l'autre  montait  en  y  entrant,  et  ils  se  passaient  le 
bâton  avec  les  insignes.  C'est  ce  qu'on  appelait  faire 
le  Deposuit,  comme  on  disait /îïiVe  le  pain  bénit  (2). 


(I)  Bulletin  de  la  Société  higtarique  et  archéologique  de  la 
Corréie.  T.  XIII.  p.  463. 

[!)D3ns  les  slaluta  de  la  Confrérie  de  Saint-Jacquea,  de  t'UOpiul 
de  Paris,  début  du  xvj*  siècle,  on  lit  :  *  Et  après  le  diner  on  porte 
te  b&ton  au  chœur  et  là  est  le  trésorier  qui  chante  et  fait  le  Depo- 
auil  '. 


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-  351  — 

Nous  en  trouvons  la  mention  dans  des  statuts  de 
confréries  limousines  dès  le  sv"  siècle. 

La  coutume  s'introduisit  de  finir  ces  jours  de  fête 
les  vêpres  ex-abrupto  avec  verset  sacramentel  et 
d'entonner  immédiatement  le  Te  Deum.  Ce  qui 
nous  est  montré  par  les  termes  d'un  des  statuts 
synodaux  du  diocèse  d'Auxerre  du  6  mars  1642,  où. 
cet  usage  est  condamné  (t). 

En  somme,  pour  revenir  aux  pommeaux  des 
bâtons,  on  y  a  vu  la  réduction  ou  l'imitation  de  la 
statue  que  les  confrères  portaient  en  procession. 
Pour  ne  point  déranger  l'exposition  de  cette  statue, 
faite  avec  pompe  dans  le  chœur  ou  le  vestibule  de 
l'église,  le  jour  de  fête,  ils  en  firent  une  autre  et 
la  fixèrent  plus  commodément  au  bout  d'un  bâton. 
Cette  image  y  serait  restée  et  se  serait  multipliée  sur 
les  pommeaux  des  bâtons  des  dignitaires  de  la 
Compagnie.  On  les  orna  dans  la  suite,  pour  les  céré- 
monies de  corps,  avec  des  fleurs  et  des  rubans. 

Louis  de  Nussac. 


(l)  Bulletin  Monumental.  T.  X,  1814,  p.  447. 


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ALLASSAC 


CHAPITRE  PREMIER 

LA  PAROISSE 

Qui  peut  mieux  faire  l'histoire  d'une  paroisse  qu'un 
prêtre,  le  constant  admirateur  des  œuvres  de  Dieu,  surtout 
si  ce  prêtre  est  honoré  de  la  charge  pastorale  qui  lui  met 
soudain  au  cœur  un  zèle  ardent  pour  toutes  les  âmes  si 
chèrement  rachetées. 

Qu'il  ait  une  paroisse  déshéritée  du  ciel,  située  au  milieu 
des  rochers,  des  bruyères  et  des  marais  :  pour  peu  qu'il  y 
ait  çà  et  là  quelques  violettes  et  de  légers  parrums  de 
vertu,  soyei  sûrs  qu'il  fera  d'elle  une  brillante  peinture. 

Qu'il  en  ait  une  autre  plus  belle  en  apparence,  assise 
dans  un  gracieux  vallon,  traversée  par  un  fleuve  paisible 
et  fertilisant,  abritée  derrière  de  hautes  et  verdoyantes 
collines,  mais  dont  la  population  est  toute  rongée  par 
des  mœurs  détestables,  par  des  luttes  intestines  et  des 
tiraillements  de  tout  genre  :  quel  autre  que  lui  en  prendra 
la  défense,  lui  l'ami  de  ces  pauvres  égarés  qu'il  espère 
ramener  au  bercail  ? 

Celle  d'AUassac,  reposant  tranquillement  au  sud  du 
plateau  élevé  qui  domine  les  gorges  de  la  Vèzère  et  qui 
sépare  brusquement  la  région  froide  et  stérile  du  diocèse 
de  Tulle  de  sa  région  méridionale  fertilisée  par  les  rayons 
d'unsoleilardent,  occupe  un  des  plus  beauxpostesd'honneur 
dans  le  Bas-Limousin .  Elle  est  au  bord  d'une  riche  et 
interminable  vallée  qui  va  se  confondre  avec  celles  de 


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—  354  - 

Varetz  et  de  Lai-che  pour  se  continuer  jusqu'au  Midi  de 
la  France.  C'est  là  que  vous  U  trouverez  cette  belle 
paroisse-mère,  délicieusement  penchée  sur  un  plan  incliné 
recouvert  d'un  tapis  de  verdure  aux  mille  reflets.  On  dirait 
une  superbe  reine  debout  sur  un  piédestal  émaillé  de 
fleurs  et  de  fruits,  d'où  elle  contemple  orgueilleusement 
le  triple  rideau  de  collines  échelonnées  devant  elle  et  au 
premier  rang  desquelles  apparaissent  les  cinq  perles  de 
son  diadème,  ses  cinq  ÛUes  chrétiennes,  les  annexes  de 
Saint- Laurent ,  de  Sainte-Marguerite,  de  Brochât,  de 
Gauch  et  de  La  Chartroule. 

Mais  AUassac  ne  saurait  être  une  belle  paroisse  si  elle 
ne  se  recommandait  par  un  passé  chrétien  ;  et,  pour  cela, 
il  faut  que  ses  titres  glorieux  soient  gravés  en  caractères 
inefi'açables  dans  ses  institutions  anciennes,  dans  ses 
monuments  antiques,  dans  ses  vieilles  coutumes  et  jusque 
dans  son  langage  et  dans  ses  mœurs.  En  faisant  le  récit  de 
ces  temps  de  foi  où  se  déroulèrent  tant  d'événements 
imprégnés  du  souffle  religieux,  nous  aurons  légué  à  la 
postérité  des  souvenirs  qui  doivent  rester  inoubliables, 
transmis  aux  enfants  les  leçons  des  pères,  et  consolidé  les 
murs  de  cet  édifice  social  de  premier  ordre  que  l'on  appelle 
la  famille.  Aussi  nous  ne  nous  contenterons  pas  de  définir 
son  chef-lieu:  une  ville  murée  et  noire,  aux  rues  tortueuses 
et  étroites,  aux  six  portes  reliées  par  des  souterrains  au 
donjon  du  suzerain,  lévéque  de  Limoges,  avec  une 
population  de  4,300  Âmes,  éparses  dans  une  étendue  de 
3,799  hectares  de  terrain.  Ce  serait  trop  prosaïque. 

0  Non  loin  de  la  rive  gauche  de  la  Vézére,  dit  M.  J.-B. 
Champeval  dans  sa  Géographie  historique  de  ia  Corrèze, 
celte  petite  ville,  aux  mœurs  tranquilles  et  hospitalières, 
se  montre,-  à  tout  venant,  immuablement  assise  entre 
collines  et  vallons.  Elle  compense,  par  le  verdoyant  aspect 
de  ses  plantureux  alentours,  la  vétusté  de  ses  maisons  en 
chétive  pierre  maussade,  coifTée,  il  est  vrai,  de  brillantes 
toitures  d'ardoise.  Quelles  agréables  demeures,  cependant, 
d'ardents  vigne  rons- ma  rai  cher.i,  ne  gagnant  qu'à  regret, 


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—  355  — 

chaque  soir  et  pourquelques  heures,  ces  retraites  mordorées 
discrètement  par  les  feux  du  jour,  enchâssées  qu'elles 
sont  dans  l'écrin  diapré  de  nombreux  vergers.  Par 
delà,  le  regard  s'épanouit  sur  de  vastes  champs  au  flanc 
nourricier,  sans  cesse  ouvert  ducilement  sous  la  main  du 
semeur  qui  les  féconde  ». 

0  AUassac,  nous  dit  à  son  tour  M.  Poulbriére  dans  son 
Dictionnaire  des  paroisses,  la  paroisse  aux  sept  églises,  a 
pour  centre  une  petite  ville  dominée  par  une  grosse  tour 
et  bâtie  sur  le  penchant  d'une  colline  dans  un  site 
enchanteur.  Partout  autour  d'elle  pays  bien  cultivé,  fertile 
en  beaux  aspects,  riche  en  bons  vins,  en  bons  fruits.  Dans 
ce  bassin  magnifique,  le  soleil  est  généreux  et  la  terre 
rend  au  centuple  aux  laborieux  habitants  le  grain  qu'ils 
lui  ont  confié.  Des  hauteurs  d' AUassac  on  découvre  le 
panorama  merveilleux  qui  s'éleaddelaplainede  St-Vïance 
et  des  gorges  du  Saillant  jusqu'à  Drive  >>. 

Impossible,  en  eiFet,  de  n'être  pas  saisi  de  la  beauté  de 
ce  paysage,  nous  dit  le  célèbre  touriste  Arthur  Young.  On 
dirait  un  joli  petit  nid  encadré  dans  une  corbeille  de 
verdure,  du  sein  de  laquelle  s'élèvent  majestueusement 
dans  les  airs  la  tour  féodale  et  le  clocher  qui  lui  servent 
de  défense  et  d'abri.  Elle  ne  manque  pas  d'ailleurs  de 
coquetterie  avec  ses  vieilles  habitations  flanquées  de 
rondes  tourelles  aux  toits  en  poivrière,  avec  ses  avenues 
sinueuses  qui  semblent  toutes  se  réunir  aux  portes  de 
l'église,  à  genoux  et  suppliantes. 

AUassac,  nous  dît  Mgr  d'Argentré  dans  son  Pouillé  en 
date  de  1773,  <  était  une  ville  du  diocèse  de  Limoges, 
comprise  comme  chef-lieu  de  paroisse  au  nombre  des 
bénéfices-cure  relevant  de  l'Etat  et  rangée  parmi  les  cures 
sécuUères.  Elle  avait  pour  vocable  la  Décollation  de  saint 
Jean-Baptiste  ;  —  était  placée  sous  le  patronage  des 
évéques  de  Limoges  ;  —  était  une  des  323  cures  auxquelles 
nommait  ledit  évoque  ;  —  était  de  l'archiprétré  de  Vigeois 
qui  comprenait  trente-huit  paroisses  ;  —  dépendait  de 
l'ofiîcialité  de  Brive  qui  englobait  138  paroisses  ;  —  était 


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—  356  — 

d'une  étendue  d'une  lieue  et  demie  ;  —  comptait  deux 
mille  trois  cents  communiants  ;  —  relevait  de  la 
sénéchaussée  d'Uzerche  ;  —  ressortissait  du  parlement 
de  Bordeaux  comme  toutes  les  paroisses  de  l'offlcialité 
de  Brive  ;  —  était  des  cinq  cent  trente-deux  cures  qui 
appartenaient  à  la  généralité  de  Limoges  ;  —  pavait  trente 
livres  de  décimes,  ce  qui  était  estimé  valoir  cinq  cents 
livres,  et  pouvait  être  classée  au  seiiîème  rang  de  la 
7"  classe  ;  —  avait  pour  curé  Michel  de  La  Chassagne, 
pour  visiteur  l'abbé  Serre  ofBcial  de  Brive,  et  pour 
promoteur  l'abbé  Laval. 

De  plus  nous  lui  attribuerons  dès  aujourd'hui,  à  titre 
de  simple  mention  historique,  en  nous  réservant  d'y 
revenir  plus  longuement  :  des  origines  chrétiennes;... 
d'anciennes  et  charitables  institutions;...  de  grandes 
familles  seigneuriales;...  des  pratiques  religieuses  et 
sociales;...  de  vieux  monuments  ;...  des  sanctuaires  véné- 
rés;...de  précieux  privilèges;. ..des  coutumes  locales;. ..des 
fondations  pieuses;...  des  illustrations  glorieuses;..,  des 
fonctionnements  de  seiTices  publics;. ..des luttes  féodales; 
...  des  querelles  religieuses  et  politiques;. ..des  travaux  de 
défense  militaire;...  des  invasions  de  pillards;...  desdésas- 
tres, enfin,  causés  par  la  grande  Révolution,  et  les  restau- 
rations des  temps  modernes. 

Quant  à  l'origine  d'AUassac,  elle  est  naturellement 
obscure,  comme  à  peu  près  celles  des  autres  localités 
quand  on  veut  les  faire  remonter  à  une  date  trop  ancienne. 
Il  est  pourtant  si  glorieux,  pour  une  localité  et  pour  une 
famille,  de  pouvoir  descendre  des  temps  les  plus  reculés 
du  christianisme. 

Or,  sans  entrer  dans  les  discussions  des  archéologues 
modernes  concernant  le  temps  où  vécut  saint  Martial, 
évêque  de  Limoges,  il  est  certain  que  cet  apôtre  de 
l'Aquitaine  rendit  visite  à  la  famille  de  Boflignac  qui 
habitait  Allassac,  en  lui  demandant  l'hospitalité  pour  lui 
et  pour  les  reliques  des  saints  Innocents.  Cette  famille 
obtint,  à  cette  occasion,  la  bénédiction  du  saint  pour  elle 


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et  pour  sa  postérité,  et  enfin  la  gi-àce  de  la  conversion  à 
la  foi,  comme  le  disent  ses  descendants  eux-mêmes,  qui 
s'intitulaient  «.  les  premiers  chrétiens  du  Limousin  s, 

Voici  en  effet  ce  que  dit,  au  sujet  de  cette  conversion, 
le  bréviaire  de  Limoges,  imprimé  sous  les  ordres  de  César 
de  Borgognonibus,  78*  évêque  de  Limoges,  vers  1547,  en 
parlant  des  voyages  de  saint  Martial  qui  prêchait  l'Evangile 
entre  Tulle  et  Brive  :  «  Saint  Martial,  répandant  partout 
la  lumière  du  Christ,  passa  par  le  château  de  Rofflgnac  et 
fut  reçu  avec  toute  sorte  d'humanité  et  de  courtoisie  du 
seigneur  du  lieu.  Le  saint  lui  rendit  son  change,  l'instruisit 
en  la  foi  avec  ses  domestiques,  et  les  ayant  suffisamment 
catéchisés  les  baptisa  et  aggrégea  à  l'Église,  ce  qui 
redonda  au  profit  d'icelle  ». 

Des  lettres  anciennes  qui  rendaient  témoignage  de  ce 
fait,  nous  dit  Bonaventure  de  Saint- Amable,  furent 
conservées  jusqu'à  nos  jours  dans  la  maison  illustre  de 
Roffignac,  laquelle  a  toujours  tenu  bon  pour  la  foi  et  a 
donné  à  l'Église  beaucoup  de  grands  hommes,  tant  pour 
l'état  ecclésiastique  que  pour  le  séculier,  ou  pour  garder 
les  rangs  de  la  milice  chrétienne.  Le  même  historien 
ajoute  que  saint  Martial,  en  baptisant  le  chef  des  Rofflgnac, 
lui  aurait  prédit  que  sa  famille  ne  s'éteindrait  pas  et  que 
le  premier  né,  à  perpétuité,  serait  toujours  un  garçon. 
Cette  prédiction  s'est  réalisée  jusqu'à  nos  jours  ;  et  malgré 
mille  revers  et  vicissitudes,  malgré  sa  dispersion  dans 
toutes  les  parties  du  monde,  cette  famille  a  toujours  été 
illustre,  prenant  partout  le  titre  glorieux  de  Premiers 
Chrétiens  du  Limousin,  qui  est  sa  devise  et  que  l'on  vit 
depuis  toujours  inscrite  sur  l'étendard  de  la  paroisse. 

On  ne  peut  donc  plus  douter  de  l'ancienneté  d'Allassac, 
qui  était  paroisse  Alaciacus  parochia  dés  L'an  948,  nous 
dit  M.  Champeval,  et  qui  était  connue,  sinon  comme  ville, 
du  moins  comme  lieu  en  572.  Plus  tard  nous  la  voyons, 
avec  le  titre  de  cure  primitive  en  l'archiprétré  de  Vigeoîs, 
à  la  pleine  disposition  de  l'évêque  de  Limoges,  en  1300, 
en  1471,  en  1641  et  en  1785. 


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Le  curé,  qui  s'appelait  d'aboi-d  Capellanus  de  All&ssaco 
episcop&lis,  s'intitulait  ensuite,  en  1267,  Bajulo  episcopa.lis 
Lemovicensis  ;  en  1286,  il  se  disait  congruiste  ;  en  1296, 
il  se  qualifiait  de  prévôt,  et  en  1641,  de  titulaire  du 
prieuré-cure. 

En  1367,  la  cure  d'AlIassac  est  dite  placée  en  ville  murée 
sous  le  vocable  de  saint  Jean-Baptiste  décollé. 

En  1372,  nous  voyons  un  Hugues  de  Châtras  s'engager 
à  protéger  le  curé  d'Atlassac,  qui  était  Pierre  Chatonha, 
et  à  garantir  son  église  contre  tout  dommage.  En  1481, 
nous  voyons  la  cure  annexée  à  la  mense  épiscopale,  à 
laquelle  les  dîmes  générales  de  la  paroisse  rapportaient 
un  revenu  annuel  de  quinze  cents  livres  tournois. 

L'évêque  de  Limoges  était  donc  le  principal  seigneur 
décimateur  de  la  paroisse  en  qualité  de  prévôt  ecclésiastique 
d'AlIassac,  mais  il  n'était  pas  le  seul,  A  titre  de  donations, 
de  fondations  ou  de  services  rendus,  bien  d'autres 
congrégations  y  avaient  acquis  des  droits  seigneuriaux, 
des  possessions  ou  des  rentes.  Contentons-nous,  pour  le 
moment,  de  citer  les  abbayes  de  Saint-Martial  de  Limoges, 
de  Saint-Martin  de  Tulle,  de  Vigeois.du  Palais,  d'Obazine, 
de  Beaulieu,  de  la  Règle,  d'Eymoutiers  et  de  Brantôme  ; 
les  commanderies  du  temple  de  Mons  et  de  Lavinadiére  ; 
les  Feuillants,  les  Cordeliers,  les  Augustins,  les  Chartreux  ; 
les  prévôts  de  Rosiers,  de  Maziôre  et  d'Agudour  ;  les 
chapelains  de  Saint-Georges,  le  prieur  de  Perpezacle-Noir, 
te  séminaire  de  Limoges,  le  recteur  de  Saint-Julien  de 
Tulle. 

Parmi  tous  ces  codécimateurs,  quelques-uns  remontent 
à  une  haute  antiquité,  notamment  les  abbés  de  Beaulieu, 
de  Saint-Martin  de  Tulle  et  de  Saint-Martial  de  Limoges. 
M.  Deloche  nous  apprend  que  les  première  reçurent,  en 
876,dcla[ibèralité  de  Charles  le-Chauve,parrintermédiaire 
de  Frottaire,  archevêque  de  Bourges,  le  village  de 
Saillant-Vieux,  qui  s'appelait  Orbaciacus,  et  qui  dépendait 
du  domaine  royal.  —  M.  Champeval  nous  dit  des  seconds 
qu'ils  possédaient  déjà  des  rentes  sur  le  village  de  Vinzélas, 


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puisque,  en  947,  ils  faisaient  concession  au  vicomte  de 
Sëgur  d'une  vigne  qu'ils  y  possédaient. —  Quant  aui  abbés 
de  Saint-Martial  de  Limoges,  tout  indique  qu'ils  furent 
les  premiers  et  les  plus  puissants  seigneurs  ecclésiastiques 
d'AUassac,  la  famille  de  Roffîgnac  ne  pouvant  assez  se 
rappeler  ni  payer  trop  cher  le  bienfait  de  sa  conversion. 
Aussi  le  vieux  plan  de  la  ville  lui  assigne-t-il  le  premier 
rang  dans  son  enceinte  fortifiée  en  donnant  la  place  la 
plus  rapprochée  de  l'église  au  château,  à  la  porte  et  à  la 
rue  de  Saint-Mai'tial.  Nous  savons  d'après  cela  que  ses 
abbés  y  possédaient  une  ancienne  chàtellenie .  Et  si  les 
évéques  de  Limoges  y  avaient  la  haute  et  double  suzeraineté, 
nous  ne  serions  pas  éloigné  de  croire  qu'elle  leur  avait  été 
transmise  par  ces  abbés.  Nous  n'en  voulons  pour  preuve 
que  les  deux  hommages  rendus,  l'un  en  1538  par  noble 
Marguerite  de  Lossa,  dame  de  Ghabirand  (1),  l'auti-e  en 
1542  par  noble  Gilbert  de  Roffignac  [3)  pour  une  terre  et 
une  part  de  justice  provenant  de  l'abbé  de  Saint- Martial. 

Ce  sont  là,  on  le  comprend,  comme  des  pierres  de  granit 
appliquées  au  fondement  et  au  corps  de  l'édifice  dix-neuf 
fois  séculaire  de  la  foi,  et  qui  lui  communiquent  d'autant 
plus  de  solidité  qu'elles  ont  été  durcies  par  le  temps, 
défiant  la  moisissure  et  la  dent  des  corrosifs.  Faut-il 
s'étonner  maintenant  que  chaque  groupe  important  de 
fidèles  de  la  paroisse  ait  voulu  son  oratoire,  ses  prêtres, 
ses  saints  patrons,  ses  fêtes  religieuses,  ses  reliques,  ses 
confréries,  ses  processions  et  ses  bannières,  laissant  au 
chef-lieu  le  soin  d'élever  des  maisons  hospitalières  et 
scolaires  pour  le  double  exercice  de  la  charité  fraternelle 
envers  les  infirmes  et  envers  les  enfants.  De  là  l'origine 
de  fondations  de  bénéfices,  de  legs,  de  vicairies  et  de 
rentes  pour  assurer  le  traitement  des  prêtres  ou  des 
instituteurs,  pour  entretenir  spécialement  les  choses 
nécessaires  au  service  des  autels  ou  des  chapelles.  L'exemple 

(1)  Arck.  dép.  de  Limogea,  Fonds  de  l'ËvËchâ. 

(2)  ArcA.  de  Lamaze. 


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de  ces  fondations  fut  donné  premièrement  par  tes  ministres 
du  culte  ;  mais  il  fut  suivi  ensuite  par  les  maisons 
seigneuriales  de  l'endroit.  C'était  à  qui  occuperait  une 
place  spéciale  dans  l'église  d'Allassac  et  la  comblerait  de 
plus  de  libéralités.  C'était  à  qui  serait  la  plus  empressée 
pour  se  choisir  un  âlleul  adoptif  parmi  les  prêtres 
originaires  de  la  paroisse.  C'était  enfin  à  qui  se  disputerait 
l'honneur  de  garantir  l'instruction  chrétienne  des  enfants 
du  peuple. 

Nous  Toyons  un  clerc,  Jean  Lacoste,  faire  don,  en  1273, 
d'une  livre  de  cire  pour  la  chapelle  de  Notre-Dame,  et 
autant  pour  la  chapelle  de  Saint-Georges.  —  En  1339, 
quatre  vicairies  furent  fondées  par  le  patriarche,  Guillaume 
de  Chanac,  en  sa  chapelle.  —  Kn  1343,  une  vicairie  fut 
fondée  au  grand  autel  par  Guion  de  Laporte,  et,  en  1500, 
elle  avait  pour  patrons  laïques  les  seigneurs  des  Cars.  — 
En  1344,  Pierre  de  Chanac  fondait  une  cinquième  vicairie 
en  la  chapelle  de  la  famille.  —  En  1372,  à  l'autel  de 
Saint-Martial  et  de  Sainte-Valérie,  était  fondée  une 
vicairie  par  la  famille  de  Lasteyrie.  —  En  1384,  le  cardinal 
de  Mende,  Guillaume  de  Chanac,  faisait  des  legs  au  curé, 
au  vicaire  et  aux  quatre  chapelains  de  Saint-Georges 
d'AUassac  où  était  la  sépulture  de  ses  ancêtres.  —  Nous 
entrerons  dans  de  plus  longs  détails  sur  ce  sujet  dans  un 
chapitre  spécial.  Il  suffira  de  savoir  que  les  autres  grandes 
familles,  les  de  Couzagues,  les  Dumirat  de  La  Tour,  les 
de  Rofflgnac  s'étaient  constamment  inscrites  au  nombre 
des  bienfaitrices  de  l'église  d'AUassac.  Ce  qui  le  conûrme, 
c'est  que  leurs  derniers  descendants,  les  du  Saillant,  les 
Pradel  de  Lamaze  de  Roffîgnac,  les  de  Lansade  de  Chanat, 
les  de  Chiniac,  les  Dumas  de  Payzac,  y  jouissaient  encore, 
en  1773,  du  droit  de  chapelles  privées  (I). 

Mais  après  toutes  ces  maisons  ecclésiastiques  qui 
entouraient  d'un  si  grand  éclat  le  palais  seigneurial  de 
i'évêque  de  Jjimoges,  à  Allassac,  complétant,  par  leurs 

II)  Dictionnaire  géographique  de  M.  Champeval. 


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services  éminents,  ses  droits  et  ses  titres  à  ia  suzeraineté, 
venaient  prendre  place  les  puissaDtes  familles  de  l'endroit, 
escortées  de  bien  d'autres  du  Haut  et  du  Bas-Limousia. 
C'était  le  temps  de  la  féodalité,  régime  disparu  emportant 
avec  lui  le  principe  de  l'autorité  divine  d'où  découlaient 
toutes  les  autres.  On  s'étonne  aujourd'hui  de  cette 
organisation  sociale  du  Hoyen-&ge  ;  et  pourtant  il  était 
bien  beau  de  voir  de  grands  seigneurs  s'incliner  respec- 
tueusement devant  de  modestes  supérieurs  spirituels.  On 
pouvait  assister  alors  à  ce  spectacle  consolant  de  pieux  et 
jeunes  chevaliers  chevauchant  de  clocher  à  clocher,  à  côté 
de  leurs  dames,  suivis  de  leurs  pages,  et  s'arrétant  au 
vestibule  des  églises  pour  saluer  celui  qu'ils  regardaient 
comme  le  roi  des  rois. 

Animés  de  cet  esprit,  il  leur  en  coûtait  peu  de  se  ranger 
sous  l'étendard  de  leur  évéque,  heureux  de  partager  avec 
lui  ou  de  recevoir  de  lui,  non  seulement  la  seigneurie  des 
difTérents  Uefs  de  la  paroisse,  mais  le  titre  d'ouvriers 
auxiliaires  pour  l'œuvre  admirable  du  triomphe  de  l'Église 
et  de  la  moralisation  du  peuple.  La  liste  de  ceux  qui  se 
succédèrent  jusqu'au  dernier  siècle  dans  cette  terre 
chrétienne  est  vraiment  honorable  et  imposante.  Il  nous 
suffira  de  nommer,  parmi  les  plus  marquants,  ceux 
des  familles  de  RoSignac,  de  Comborn,  de  Malbernard, 
de  Chanac,  de  Monceaux,  du  Saillant,  de  Lasteyrie,  de  La 
Tour,  de  La  Porte,  de  La  Bastide,  de  Peyrusse  des  Cars, 
de  Corbier,  de  Cote-Bernard,  de  Dumas  de  Peyiac,  de 
Gouzages,  de  La  Renaudie,  de  Pompadour,  de  La  Marche, 
de  Pradel  de  Lamaze ,  de  Hugon  de  Saint-Martial ,  de 
Saint-Angel,  de  Saint- Victour,  de  Brueil,  de  Rivière  des 
Borderies,  de  Lachassagne,  de  Chiniac,  de  Vaublan,  de 
La  Gorsse  de  Maslaurent,  de  La  Motte,  de  Merlhac,  de 
Charriére.deVerdier,  d'Eyzat,  de  Pourcher.d'Alby,  Dubois 
de  Bruchard,  de  Vay  ne,  de  Foucher,  de  Nayne,  de  St-Hllaire, 
d'Armand  de  Mugus,  de  Bousquet  de  Saint-Pardoux, 
d'Escoraitle,  de  La  Guyonie,  de  Lansade,  de  Raynald,  de 
Guilhon,  de  Cbabirand,  d'Aguiret,  du  Pouget,  de  Mazoyet, 


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de  Foucaud,  de  Bai-dicon,  de  I^  Morëlie,  de  Chati-as,  de 
Saint-Urcisse,  de  Lavât,  de  Ciorat,  d'Hautefort,  de  La 
Jugie,  de  Bouchiat,  etc.,  etc. 

Ce  serait  le  cas  mainteDant,  pour  donner  une  idée  exacte 
de  l'importance  et  de  l'étendue  de  la  seigneurie  des  ëvéques 
de  Limoges,  4  Allassac,  de  relever  le  nombre  des  châteaux 
qui  en  dépendaient  au  xv*  siècle.  Cette  liste,  qiie  nous 
avons  puisée  dans  le  Fonds  de  l'évêché  de  Limoges, 
n"  1444,  est  beaucoup  trop  longue  pour  être  placée  ici, 
puisque  sa  troisième  partie,  composée  de  âefs  qui  sont 
englobés  dans  le  diocèse  de  Tulle  seul,  en  comprend  au 
moins  deux  cent  cinquante,  au  milieu  desquelles  se 
dressaient  des  maisons  châtelaines. 

Mais  ce  qui  doit  pour  le  moment  fixer  notre  attention 
dans  ce  long  défilé  de  seigneurs  subalternes,  rangés 
docilement  sous  le  sceptre  de  leur  grand  suzerain  temporel 
et  spirituel,  à  Allassac,  c'est  la  part  importante  et  fonda- 
mentale que  prirent,  à  l'origine,  deux  d'entr'eui  pour 
former  et  faire  resplendir  dans  la  paroisse  cette  majes- 
tueuse et  souveraine  autorité .  De  même  que  les  de 
Roffignac  avaient  comblé  de  leurs  faveurs,  enrichi  de 
leurs  trésors  et  couvert  de  leur  protection  les  abbés  de 
Saint-Martial  de  Limoges,  les  de  Comborn  s'étaient 
appliqués  à  prodiguer  à  leurs  évêques  les  plus  respectueux 
égards  et  les  devoirs  les  plus  filiaux. 

Les  évéques,  comme  on  s'en  doute  bien,  ne  pouvaient 
accepter  ces  déférences  d'un  air  froid  et  indifférent.  En 
accepiantlepalronage  temporel  desfiers  vicomtes,  ils  étaient 
heureux  de  leur  accorder  en  retour  leur  patronage  spirituel. 
De  sorte  qu'il  y  avait  entre  eux  comme  un  échange 
continuel  de  bons  procédés.  Ne  serait-ce  pas  à  ces  bons 
rapports  qu'il  faudrait  attribuer  la  cause  de  la  donation 
très  ancienne,  faite  par  les  seigneurs  de  Comborn  aux  dits 
évêques,  de  la  terre  d'Allassac,  avec  le  droit  de  régale 
qu'ils  avaient  exercé  sur  elle  pendant  les  vacances  du 
siège  épiscopal  de  Limoges?  Ce  droit  régalien,  qui  était 
considéré  comme  inhérent  à  la  royauté,  leur  donnait,  on 


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sail,  au  point  de  vue  temporel,  le  droit  de  percevoir  les 
revenus  de  l'évêché,  et,  au  point  de  vue  de  la  juridiction 
ecclésiastique,  le  droit  de  nommer  aux  chapelles,  aux 
prébendes  et  à  tous  les  bénéfices  simples  qui  étaient  à  la 
collation  de  l'évêque  et  qui  venaient  à  vaquer  avant  la 
prise  de  possession  des  nouveaux  prélats.  A  vrai  dire,  cette 
donation,  que  M.  Henri  de  Montégut  semble  rapporter  aux 
temps  les  plus  reculés,  nous  parait  un  peu  étrange, 
puisque  l'Église  n'avait  cessé,  avant  le  xi'  siècle,  de 
recommander  au  clergé  et  au  peuple  des  divers  diocèses 
de  veiller  à  ce  que,  selon  les  lois  divines  et  humaines,  les 
biens  meubles  et  immeubles  des  évoques  défunts  fussent 
réservés  à.  leur  successeur  seulement,  futuro  reserventur 
episcopo.  M.  E.  Fage  vient  nous  en  donner  une  explication 
dans  son  Mémoire  relatif  au  rachat  de  la  vicomte  de 
Combom,  en  nous  disant  que  les  évêques  de  Limoges,  à 
leur  tour,  wice  versa,  tenaient  la  vicomte  de  Gomborn, 
lorsqu'elle  tombait  en  commise  (si  sit  commissa  de 
vicecomilatu)  jusqu'à  ce  que  la  commise  fût  levée  (sospiia;. 
Et  lorsque  plus  lard,  vers  1374,  un  évêque  de  Limoges, 
Aymeric  Chati  de  La  Goulhat,  eut  acheté  la  vicomte  du 
seigneur  de  Brur^c,  beau-frère  d'Archambaud  X,  en 
commun  avec  son  neveu  du  même  nom,  époux  de  Margue- 
rite Flamenc  de  Gomborn,  seule  héritière,  ses  prérogatives 
et  celles  de  ses  successeurs  s'y  accrurent  considérablement. 
Ils  y  eurent  alors  droit  de  péage,  de  leyde  et  de  comport. 
Ils  y  possédèrent  des  domaines,  des  redevances  et  une 
foule 'd'avantages  qu'il  serait  trop  long  d'énumérer,  parmi 
lesquels  les  hommages  des  grands  vassaux  (t). 

Il  va  sans  dire  que  les  seigneurs  du  Saillant  de  Lasteyrie, 
après  avoir  acheté,  en  1649,  le  droit  en  partie  qu'avait 
Henri  de  Pienebuffière  sur  la  vicomte  de  Gomborn, 
voulurent  rentrer  en  possession  complète  de  ce  vaste 
domaine.  Ils  se  rései'vèrent  surtout  le  droit  de  régale 
comme  un  des  plus  importants.  Aussi  prétendaient-ils 

(1)  Bulletin,  Société  de  la  Corrèie,  octobre  1886. 


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-364- 

faire  exercer  la  justice  en  leur  nom  dans  1&  terre  d'AUassac, 
lors  de  la  vacance  du  siège  épiscopal  de  Limoges.  Nalurel- 
tement  ce  droit  leur  fut  énergiquement  contesté  par  les 
dits  évéques,  mais  maintenu,  malgré  cette  opposition, 
jusqu'en  1789,  par  divers  arrêts  du  parlement  de  Paris. 

En  somme,  la  seigneurie  ecclésiastique  d'Allassac, 
quoiqu'elle  ne  fût  pas  d'un  seul  tenant  et  que  ses  fiefs 
fussent  disséminés  un  peu  partout,  était  une  des  plus 
richement  possessionnée  et  le  disputait  même  à  celle  des 
vicomtes  de  Limoges.  C'est  grâce  à.  elle  que  le  Limousin  a 
fourni  à  l'Église  de  France  un  grand  nombre  d'évéques. 
On  en  compte  une  quarantaine  au  xiv*  siècle  et  environ 
vingt-cinq  au  xv*  siècle ,  qui  appartenaient  presque  tous 
aux  familles  de  Rochechouard,  de  Gros,  de  Pompadour, 
d'Aubusson,  de  Ghanac  et  de  Comborn  (1). 

C'est  le  cas  maintenant  de  parler  des  illustrations  de 
cette  paroisse,  car  ses  principales  maisons  voulurent  être 
grandes  non  seulement  par  l'élévation  de  leurs  donjons 
mais  encore  par  la  distinction  de  leurs  membres. 

i^a  première  d'entr'elles,  qui  aurait  pu  se  contenter  de 
la  noblesse  de  son  origine  et  de  la  gloire  acquise  par  les 
rameaux  d'or  détachés  de  sa  tige,  voulut  orner  son  disque 
de  ses  propres  rayons.  On  vit  donc,  en  1008,  un  Bernard 
de  Rofilgnac  devenir  prieur  claustral  de  l'église  de  Tulle  ; 
—  un  autre,  du  même  nom,  y  remplir  les  mêmes  fonctions 
en  1092(2)  ;  —  un  Raynald  élu  à  l'unanimité,  en  1114, 
abbé  d'Uzerche,  par  les  moines  de  cette  abbaye  (3)  ;  —  un 
autre  Raynald,  chevalier,  nommé  chambellan  du  rcii,  en 
1400  (4)  ;  —  un  Hugues,  évèque  de  Limoges  en  1418,  mort 
en  odeur  de  sainteté,  le  25  janvier  1470,  et  rangé  par  Le 
Gros  au  nombre  des  saints  du  Limousin  ;  —  un  autre 
Hugues,  nommé  évoque  de  Reims,  au  dire  de  l'abbé 

(t)  Géographie  du  Bat  Limoutin,  d'Alfred  Leroux. 
(3)  Bulletin  archéologigue  de  Brioe,  1894,  pp.  266-67. 

(3)  Chronique  de  Geoffroy  de  Vigeois,  p.  57. 

(4)  Aroliivcs  de  la  ramille  de  Lamaze. 


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—  365  — 

Poulbrière,  en  1427  ;  —  »n  Jean,  chevalier,  commis  par 
les  Etats  du  Bas-Limousin  pour  faire  la  répartition  de 
l'impôt  en  compagnie  des  commissaires  nommés  par  le 
roi  en  1438  (!)  ;  —  le  même  Jean,  choisi  comme  témoin  à 
un  hommage  rendu  au  couvent  de  Saint-Martial  de 
Limoges  par  Pierre  de  Beaufort  comte  de  Turenne,  pour 
le  château  de  Turenne  et  toute  la  vicomte  (2)  ;  —  un 
Bertrand,  prévôt  de  la  cathédrale  de  Rieui,  en  1455,  et 
évéque  de  Barlat  en  I46I  (3)  ;  — un  autre  Bertrand,  abbé 
de  Terrasson,  qui  présidait  une  assemblée  conventuelle 
dans  son  église  abbatiale,  en  1494,  et  avait  Tait  reconstruire 
le  monastère,  l'église  et  le  château  abbatial  de  cette  ville 
détruits  dans  les  guerres  des  Anglais  (4)  ;  —  un  Hugues, 
abbé  de  Terrasson  en  1514  et  protonotaire  apostolique, 
qui  avait  développé  le  commerce,  richesse  aujourd'hui  de 
cette  localité,  en  obtenant  de  François  1"  la  tenue  d'un 
marché  par  semaine  et  de  quatre  nouvelles  foires,  faisant 
valoir  dans  sa  requête  que  l'abbaye  était  fort  importante, 
de  fondation  royale  et  assise  en  un  lieu  très  fertile  (5)  ;  — 
un  Raynald,  abbé  de  Vigeois  en  1514,  et  Bernard,  prieur 
du  monastère  de  TuLle  (6)  ;  —  un  Christophe,  président 
du  parlement  de  Bordeaux  en  1574,  qui  avait  marié  sa  fille 
Madeleine  avec  Gabriel  de  Veilhan,  l'un  des  capitaines  de 
l'époque  (7)  ;  —  un  EUie,  écrivain,  qui  laissa  un  livre  de 
raison  en  1578,  où  il  parlait  beaucoup  des  élections  pour 
les  Etats  généraux  du  Bas-Limousin,  et  des  efforts  tentés 
par  plusieurs  gentilshommes  de  la  conti'ée  afin  d'épargner 
à  notre  pays  les  hon-eurs  d'une  guerre  civile,  et,  enfm, 
recevait  commission,  en  1588,  pour  la  construction  de 
fortifications,  à  AUassac,  dans  le  but  de  défendre  les 

(t)  Elali  provûiciaux,  Antoine  Thomas,  p.  ^^S. 

(2)  BuUelin  arc/i.  de  Brice.  1885,  avril,  p.  349. 

(3)  Gallia  Chriêtiann. 

(4)  Vie  de  iainl  Sour,  Pergot,  p.  332. 

(5)  Jdem. 

(6)  Baluîe,  BuUelin  arcA.  de  Brioe,  1889.  p.  485. 
{l)BuU.  arch.  de  Brioe.  1801,  p.  254. 

T.  XX.  2  -   , 


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-366- 

Catholiques  contre  les  ProtedUnts(l)  ;  —  un  abbé  Henri, 
docteur  en  théologie  et  en  droit-oanon  de  l'Université  de 
Paria,  excellent  orateur,  qui  condamna  d'erreur  et  de 
fausseté,  en  1663,  les  prétendus  rërormés  du  Bas-Limou- 
sin {2). 

La  famille  de  Ghanac,  une  des  plus  anciennes  et  des 
plus  considérables  d'Allassac,  revendiqua  sa  part  de  gloire 
et  de  splendeur,  comme  on  pourra  s'en  convaincre  par  la 
liste  de  ses  membres  illustres.  En  télé,  nous  voyons  un 
Guillaume  assister,  en  1 193,  à  une  déclaration  par  laquelle 
l'abbé  de  Marcillac,  en  vertu  d'un  mandement  du  pape 
Célestin,  renonçait  avec  tous  ses  religieux,  en  faveur  du 
monastère  de  Tulle,  à  tous  les  droits  qu'ils  pouvaient  avoir 
sur  l'église  de  Rocamadour  (3)  ;  —  Pierre,  élevé  dans 
l'abbaye  de  Saint-Martial  de  Limoges,  en  devenir  chanoine, 
puis  grand  of&cial  de  l'église  de  Saint-Etienne,  passer 
avec  la  même  dignité  au  chapitre  de  Notre-Dame  de  Paris 
et  enfin  être  nommé  abbé  de  Tulle  oii  il  mourut  en  1326  {4}  ; 
—  autre  Guillaume,  qui  fut  successivement  archidiacre 
de  Paris  en  1329  et  évéque  en  1332,  puis  patriarche 
d'Alesandrie.  Joignant  le  patriotisme  au  zèle  pastoral,  il 
fonda  dans  sa  maison  de  la  rue  de  Bièvre,  à  Paris,  un 
grand  collège  pour  l'instruction  des  étudiants  de  son 
diocèse  et  du  Limousin,  réservant  des  bourses  spéciales 
pour  ces  derniers  (5)  ;  —  Pierre,  frère  du  précédent  et  père 
de  huit  enfants,  dont  quatre  furent  consacrés  à  l'Église: 
Bertrand,  moine  de  Saint-Martial  de  Limoges  ;  Gilbert, 
moine  d'Uzerche  ;  Bernard,  moine  de  Tulle,  et  Foulques, 
qui  suit,  évéque  de  Paris  (6)  ;  —  Foulques,  qui  fut  doyen 
de  Beauvais  et  évéque  de  Paris,  où  il  mourut  en  1349  (7)  ; 

(I)  BuUelin  arch.  de  Drive,  1893.  p.  343. 
(ï)  Géographie  du  Limouiin,  Leroux,  p.  131. 
(3)  Bulletin  arch.  de  Brioe,  1895,  p.  314. 
M)  Idem,  année  tSfKI. 

(5)  Arbellot,  Biot/raphie  de»  homme»  illustre*. 

(6)  Archive»  de  Pompadour,  de  Nussac, 

Oi  Roy  de  Pierrelille,  Nobiliaire  du  lÀmoutin. 


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—  367  - 

—  aulre  Guillaume,  élevé  dans  l'abbaye  de  Raïnt-Martial 
de  Limoges,  oit  il  devint  docteur  en  dioit-canon,  puis 
chefciep.  Il  fui  ensuite  piieur  de  Longpont  et  de  Vézelais, 
abbé  de  Saint-Florent  de  Saumur,  évéque  de  Chartres  en 
1368,  transféré  à  l'ëvéché  de  Mende  en  1371,  et,  la  même 
année,  fait  cardinal  par  le  pape  Grégoire  XI  (1)  ; — Bertrand, 
qui  fut  rlerc  de  la  chambre  du  pape  Clément  VI  en  1344, 
archidiacre  d'Ayde  en  1350,  archevêque  de  Bourges  en 
1374,  patriarche  de  Jérusalem  en  1382,  administrateur  de 
l'évèché  du  Puy  en  1383,  fait  cardinal,  en  "l385,  par 
Clément  VII  (2)  ;  —  Guy,  qui  fut  évêque  d'Autun  en  1345(3) 

—  Souveraine,  qui  fut  abbesse  de  la  Trinité  de  Poitiers 
en  1384  (4)  ;  —  Gerald,  qui  fut  abbé  de  Saint-Martial  de 
Limoges  vere  1380,  et  André,  son  frère,  qui  fut  abbé  de 
La  Chaise-Dieu  (âî  ;  —  autre  Foulques,  qui  fut  évéque 
d'Orléans  où  il  mouiut  en  1394  (6)  ;  —  enlin,  Lambert, 
dont  nous  parle  Esliennot,  dans  ses  Fragments  d'histoire 
d'Aquitaine,  qui  fut  professeur  en  l'un  et  l'autre  droit,  et 
d'illustre  mémoire. 

La  famille  de  La  Porte,  qu'on  Ûxe  en  maints  autres 
endroits  qu'A  Allassac,  quoiqu'elle  s'y  soit  greffée  depuis 
de  longs  siècles  sur  la  noble  tige  des  RofUgnac,  s'y  est 
distinguée  par  la  vertu  et  le  mérite,  comme  l'attestent  les 
dignités  ecclésiastiques  dont  furent  honorés  ses  représen- 
tants. Geoffroy,  fils  de  Pierre,  qui  portait  de  gueules  à  la 
croix  d'or,  et  de  Marguerite  de  Rofiignac,  fut  d'abord 
chanoine  de  Saint-Etienne  de  Limoges  et  ensuite  pourvu, 
par  lepape  Alexandre  IV, du  riche  bénélice  de  l'archiprétré 
de  Lubersac  où  il  fut  installé,  en  1261,  par  Mgr  Aimeric 
de  Serre  de  Malemort(7).Sonneveu,  Hegnaud,  fut  d'abord 

(1)  Dictionnaire  des  grands  hommes,  Roy  de  Pierrefitte. 

(2)  Idem. 

(3)  De  Nussac,  Archioe»  de  Pompadour. 

(4)  PoulbriËre,  Dictionnaire  des  Paroitie». 
(t)  Fouillé  de  Nadaud. 

(6)  Roy  de  PierreBtte,  Nobiliaire  limousin,  p.  435 

(7)  Cartitlaire  de  fëi-écW  de  lÀmogea. 


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chanoine  de  Limoges,  puis  archidiacre  de  Combraille, 
chanoine  de  Puy-en-Velay  et  vicaire  général  de  ce  diocèse. 
Le  15  novembre  1294,  les  suiTrages  du  clergé  et  du  peuple 
l'appelèrent  au  siège  èpiscopal  de  Limoges.  Benoit  XI  le 
nomma  conservateur  des  privilèges  de  l'ordre  de  Saint- 
Dominique,  dont  il  établit  un  couvent  à  Saint-Junien.  Le 
dernier  jour  de  décembre  1316,  il  fut  transféré  à  l'ai-che- 
vèché  de  Bourges  :  en  I3S0,  il  fut  fait  cardinal  du  titre 
des  saints  Nèrëe  et  Achillée,  et  l'année  suivante  évéque 
d'Ostie.  En  1335,  il  mourut  à  Avignon,  et  son  corps,  porté 
A  Limoges,  fut  inhumé  dans  la  cathédrale  au  côté  droit 
du  grand  autel.  On  ne  pouvait  lui  rendre  un  honneur  plus 
mérité,  car  non  seulement  ce  magnifique  édifice  avait  été 
l'objet  de  tous  ses  soins  pendant  son  épiscopat,  mais  on 
sait  qu'il  n'avait  cessé  d'inspirer  au  clergé  limousin 
l'amour  des  sciences  et  des  lettres  (1),  Nous  le  voyons 
encore  figurer  dans  une  liste  chronologique  des  abbés  de 
Meymac  avec  une  recommandation  spéciale  pour  son 
anniversaire  :  c  R&yn^l  La  Porta,  cardinal  de  Ostid, 
layset  XX  sols  k  far  son  Anoal,  etc.  ».  Ce  fut  le  temps, 
d'ailleurs,  le  plus  glorieux  et  le  plus  prospère  pour  sa 
famille  et  pour  lui  à  Allassac  ;  car,  tandis  que  ses  frères 
en  étaient  les  grands  seigneurs,  ils  lui  rendaient  hommage 
pour  sa  part  des  seigneuries  de  La  Motte,  de  Villeneuve, 
de  Verdier,  de  la  Geneste  et  de  Pradelt2).  —  Son  père, 
Guy,  en  1295,  tenait  l'arahiprétré  de  Lubersac  à  titre  de 
commende.  U  possédait,  au  même  titre,  l'abbaye  de  Vigeois 
en  1S98,  et  celle  de  Saint-Martial  de  Limoges  en  1301,  par 
la  protection  de  haut  et  puissant  duc  Arthur  de  Bretagne, 
vicomte  de  Ségur  et  de  Limoges.  Ce  fut  sous  lui  qu'en 
1317  Philippe-le-Bel  céda  à  Henri  de  Sully,  grand  Bou- 
teiller  de  France,  la  baronnie  de  Bré,  pour  laquelle  le 
comte  Etienne  de  Lubersac,  par  le  plus  humiliant  vasselage, 
prêta  serment  de  foi  et  d'hommage  au  nouveau  baron  (3). 

(1)  M.  Aussoleil,  Archities  d'Uierche. 

(2)  Notice  par  A.  de  \a.  Porte,  et  Carlul.  de  Véoéché  de  Limoget. 

(3)  BuUeUn  arch.  de  Brioe,  1688,  p.  579. 


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La  famille  de  Lasteyrie,  qui  a  pu  résider  à  certaines 
époques  à  Comborn  et  au  Saillant  par  suite  de  l'acquisition 
de  ces  seigneuries,  est  originaire  de  la  paroisse  d'AUassaC) 
où  s'est  définitivement  établie  la  branche  cadette  après  la 
dispersion  des  membres  de  la  branche  aînée.  D'une  race 
d'ancienne  chevalerie,  cette  famille  rendit  des  services 
distingués  à  son  pays  et  elle  en  fut  grandement  honorée. 
Pierre,  son  premier  i-eprésentant  connu,  fut  pourvu  de 
l'ordre  de  chevalerie  en  1250,  sous  saint  Louis,  qu'il 
suivit,  dit-on,  en  Terre-Sainte  (2).  —  Son  fils  Géraud, 
chevalier  comme  lui  en  1330,  fut  bachelier  en  droit  et 
sénéchal  de  l'église  de  Saint-Julien  et  même  de  Limoges  (3J. 
—  Gui,  son  fils,  chevalier  aussi,  fut  docteur  ès-lois  en 
1365,  puis  maître  des  requêtes  du  duc  d'Anjou,  sénéchal 
de  l'évéque  de  Limoges,  capitaine  du  Rouergue  et  conseiller 
du  roi  Charles  V.  Député  par  lui,  en  1379,  à  la  vilte  de 
Montpellier  pour  la  levée  d'un  nouveau  subside,  il  y  fut 
assassiné.  Auparavant,  il  avait  acheté  le  repaire  du 
Saillant,  de  la  maison  de  Comborn,  en  1371,  y  avait  fait 
bâtir,  croît-on,  le  château  qui  subsiste  encore  tout 
démantelé,  et  s'était  intitulé  fièrement  marquis  du  Saillant 
avec  des  armes  chrétiennes,  portant  l'écu  droit  écartelé 
aux  I  et  4  A  l'aigle  d'or  des  Lasteyrie,  aux  2  et  3  emmanché 
en  pal  de  trois  pointes,  le  tout  inscrit  dans  un  trilobé  dont 
l'image  de  la  Vierge  avec  l'Enfant  Jésus  occupait  le 
supérieur,  tandisquedeuxangessupportantl'écu  occupaient 
les  deux  latéraux  (4),  —  Son  frère,  Raynaud,  était  écuyer 
du  roi  Charles  VI  en  1380.  Comme  il  tenait  le  parti  du  roi 
avec  les  Anglais  et  le  vicomte  de  Comborn  contre  les 
Bretons,  ceux-ci  firent  le  siège  ,de  la  forteresse  de  Comborn, 
l'escaladèrent  et  se  saisirent  de  son  défenseur,  Archam- 
baud  X.  Raynaud  l'ayant  reprise  de  nouveau  sur  les 
Bretons,  demanda  à  l'évéque  de  Limoges,  dont  il  était  le 

(1)  Bulletin  arch.  de  Brive,  1363,  p.  ST9. 

(2)  Nadaud,  Nobiliaire  du  LiTn»usin. 

(3)  Idem. 

{i)  Bibliothèque  nationale,  mss.  Pièces  originale»,  l^aleyrie. 


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capitaine  et  de  qui  le  cltûteau  était  tenu,  à  ce  qu'il  lui  fut 
rendu  au  prix  de  quinze  cents  livres  t}.  —  Bertrand  est 
qualifié  de  noble  et  puissant  homme,  créé  du  nombre  des 
TÎngt-cinq  chevaliers  de  l'ordre  du  Camail  par  Charles, 
duc  d'Orléans,  frère  de  Louis  \II,  en  1445.  Il  reconnaît 
que  l'évéque  de  Limoges,  comme  ses  prédécesseurs,  a  les 
clefs  duchâteau  d'AlIassac  et  de  la  porte  Saint-Martial,  et 
qu'il  eo  Domme  les  capitaines  (2, .  —  Geoffroy,  genlilfaomme 
ordinaire  de  la  chambre  du  roi  Henri  IV,  ser\'it  sous 
Henri  II,  Charles  IX  et  Henri  III,  lut  chevalier  de 
l'ordre  du  roi  en  1570,  et  mourut,  en  1596,  après  70  ans 
de  services  ^3,.  —  Jean,  gentilhomme  ordinaire  de  la 
chambre  du  roi  Henri  IV  en  1596  '4,.  —  Antoine,  marquis 
du  Saillant,  vicomte  de  Comborn,  baron  de  Vergi-  et 
d'Ussac,  coseigneur  d'AUassac,  capitaine  d'une  compagnie 
de  chevaux-légers  en  1667,  et  grand  sénéchal  du  Haut  et 
Bas-Limousin  '5).  —  Jean-Baptiste-Claude,  comte  du 
gaillaot,  marquis  de  Saint-Viance,  vicomte  de  Comborn, 
coseigneur  d'AUassac  et  de  Voutezac,  grand  sénéchal  du 
Haut  et  Bas- Limousin,  capitaine  de  cavalerie  au  régiment 
royal-étranger  en  I6î)8  el  chevalier  de  Saint-Louis  (6).  — 
Charles-NoSl,  mousquetaire  du  roi  en  1696  et  grand 
sénéchal  du  Haut  et  Bas-Limousin  en  1729  {7).  —  Jean- 
Claude,  capitaine  de  dragons  au  régiment  de  Noailles  en 
1750;  grand  sénéchal  du  Haut  et  Bas-Limousin,  demande 
l'honneur  de  monter  dans  les  carossps  du  roi  (8).  —  Jean- 
Charles-Louis-Gaspard,  grand  sénéchal  du  Haut  et  Bas- 
Limousin,  fut  maintenu  par  arrêt  du  parlement  de  Paris, 
1768,  dans  la  jouissance  des  revenus  des  terres  d'AUassac 

(I)  Bulletin  arch.  de  Tulle,  IKSf.,  p.  WD. 
(!)  Nadaud,  Fond»  de  l'éi;èché  de  Limoge». 
(3]  Nadaud.  yobiliaire  du  Liuioutin. 

(4)  Idem. 

(5)  Idem. 

(6)  Idtm. 

(7)  Idem. 

(8)  Idem. 


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—  371  — 

et  de  Vouteiac,  et  leur  justice  durant  la  vacance  du  siège 
épiscopal  de  Limoges.  Il  avait  épousé,  en  1763,  la  sœur  du 
grand  orateur  de  Mirabeau  (I).  —  Jules,  petit-fils  du 
précédent,  était  membre  de  l'Assemblée  nationale  en 
1775  et  sénateur  inamovible  en  1776.  Il  avait  quitté  le 
Saillant  et  cédé  à  la  branche  cadette  l'honneur  de  continuer 
dans  le  pays  les  nobles  traditions  de  la  famille. — Charles- 
Philibert,  comte  du  Saillant,  né  en  1759  et  marié  en  1"96 
avec  sa  cousine  Marie-Geneviève,  flUe  de  Gharles-Louis- 
Gaspard  et  d'Elisabeth -Charlotte  de  Mirabeau,  fut  un  des 
hommes  les  plus  célèbres  et  les  plus  importants  de  la 
première  moitié  de  ce  siècle.  Philanthrope,  penseur, 
agronome,  littérateur,  artiste,  industriel,  propagateur  de 
l'instruction,  philosophe  chrétien  et  libéral,  il  s'employait 
avec  une  activité  dévorante  à  tout  ce  qui  pouvait  faire 
fleurir  les  sciences,  les  arts,  l'industrie  et  le  commerce, 
tout  en  moralisant  et  civilisant  le  peuple.  Les  cent  et 
quelques  publications  qu'il  a  laissées,  et  qui  répondent  à 
toutes  ces  aspirations,  montrent  assez  quelles  étaient  les 
ressources  de  cet  esprit  d'élite.  —  Son  fils,  le  comte 
Ferdinand-Charles- Léon  de  Lasteyrie,  archéologue  et 
homme  politique;  esprit  libéral  éminemment  distingué, 
fut  le  collaborateur  de  son  père  dans  ses  œuvres  si  utiles 
et  a  laissé  un  nom  estimé  dans  l'histoire  politique  et 
artistique  de  la  France.  Il  servit  d'aide-de-camp  au  général- 
de  Lafayette  en  1830;  fut  député  de  la  Seine  en  1842  et 
membre  de  l'Académie  en  1860.  —  Robert,  engagé  volon- 
taire aux  Mobiles  de  la  Corrèze,  fut  grièvement  blessé  au 
combat  de  Thorigné  en  1871,  nommé  capitaine  et  décoré 
de  la  Légion  d'honneur.  Il  fut  ensuite  attaché  à  la  direc- 
tion des  Beaux-Arts,  aux  Archives  nationales,  à  la  chaire 
d'archéologie  de  l'École  des  Chartes;  devint  ensuite  membre 
de  la  Société  des  Antiquaires  de  France,  du  Comité  des 
travaux  historiques,  de  la  Commission  supérieure  des 
Monuments   historiques,    membre    de    l'Académie   des 

(t)  Nadaud,  Nobiliaire  d^  l^imoutin. 


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-  37y  - 

I  nscripliong  et  Belles- Lettres.  Il  entra  dans  la  vie  politique, 
en  1880,  comme  conseiller  général  de  la  Corrèze,  comme 
conseiller  municipal  el  maire  d'Allassac,  et  fut  élu  député 
de  la  Corrèze  en  1893. 

Nous  voudrions  pouvoir  assigner  dans  la  paroisse  une 
place  distinguée  aux  Dumirat  de  La  Tour,  que  nous  voyons, 
dés  le  iiii'  siècle,  rendre  hommage  aux  évéques  de  Limo- 
ges en  qualité  de  coseigneurs  d'Allassac  ;  mais  il  y  acqui- 
rent peu  de  célébrité.  C'est  à  peine  si  noua  en  voyons 
deux  occuper  des  emplois  relevés.  Un  Bertrand  fut  bien 
doyen  du  chapitre  de  Tulle  et  officiai  du  diocèse  en  1628; 
un  autre,  Dominique,  fut  choisi  par  le  roi  pour  gouver- 
neur de  la  ville  de  Tulle  en  1696  (1)  ;  mais  ce  fut  là  tout. 
Nous  savons  seulement  qu'ils  étaient  très  nobles  et  très 
chrétiens,  possédant  chapelle  en  l'église  où  ils  avaient 
litre,  droits  seigneuriaux  et  tombe  ;  et,  de  plus,  qu'ils 
étaient  pourvus  de  rentes  sur  le  fief  de  La  Tour,  portant 
fièrement  dans  leur  blason  :  écartelé  aux  1  et  4  d'argent, 
à  un  arbre  Rrraché  de  sinople,  fûté  de  sable,  fruité  de 
gueules  et  accompagné  en  chef  de  trois  étoiles  de  même; 
aux  2  et  3  d'azur,  à  la  tour  d'argent,  maçonnée,  crénelée 
et  ajourée  de  sable  (2). 

Nous  devons  quelques  mots  élogieux  à  la  famille  de 
Malbernard,  une  des  plus  anciennes  de  la  paroisse  et  dont 
les  représentants  commencèrent  A  se  distinguer  dés  le 
XIII*  siècle.  L'un  d'eux,  en  effet,  fondait,  en  1230,  le  couvent 
des  Cordelière  de  Donz-enac  avec  six  prêtres  et  deux  con- 
vers  (3). — Un  autre,  Reynald,  réglait,  en  1279,  un  différend 
entre  l'abbé  de  Tulle  et  celui  d'Obazine  (4).  —  Pierre, 
professeur  ès-lois  et  coseigneur  d'Allassac,  plaidait  dans 
un  procès  soulevé  entre  l'évéque  de  Limoges,  Gilbert  de 
Malemort,  et  les  autres  coseigneurs  d'Allassac,  sur  la 

(Ij  Papiers  de  la  famitl«  Lespinassc  de  Saint-Laurent. 
(3)  Abbé  PoulbriÈre,  Dictionnaire  des  Paroisses. 
(3)  Bull,  arckéol.  de  Brioe,  IB03,  p.  227. 
(A)  Champeval,  Cariulaire  de  l'abbaye  de  Tulle. 


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-  373  — 

question  de  la  connaissance  des  chevaliers  et  damoiseaux 
de  la  paroisse  que  ledit  évéque  disait  lui  appartenir  [I). — 
Bigal,  qui  fut  évéque  d'Eduensi  en  1359  ;  —  Jean  et  autre 
Jean,  qui  étaient  désignés  sous  le  titre  de  chevaliers,  l'un 
en  1328,  et  l'autre  en  1374  (2)  ;  —  Enfin,  Philippe  et  Guil- 
laume, deux  frères,  qui  furent  baillis  des  évéques  de 
Limoges  à  Allassac,  où  ils  possédaient  la  tour  de  la  Mal- 
bernardie  qu'ils  avaient  fait  bâtir.  L'ayant  vendue,  en 
1394,  à  Raynal  de  RofUgnac  avec  le  château  et  les  fossés, 
elle  ne  s'appela  plus  que  la  tour  de  La  Motte-Roff)gnac[3]. 

En  procédant  par  oi-dre  chronologique,  nous  sommes 
amené  à  parler  des  Pradel  de  Lamaze  qui  s'allièrent  par 
un  cadet  aux  Rofflgnac  d' Allassac,  en  1634,  et  héritèrent 
tout  d'abord  de  leur  noblesse  et  de  leur  distinction. 

Le  premier,  Daniel,  était  conseiller  du  roi  en  l'élection 
de  Brive.  —  Jacques,  était  lieutenant  général  au  présidial 
de  Brive,  puis  lieutenant  général  à  la  sénéchaussée 
d'Uzerche,  où  il  mourut,  en  1723,  étant  maire  de  la  com- 
mune [4).  —  Jean-Louis,  qui  était  lieutenant  général  en  la 
sénéchaussée  d'Uierche  et  délégué  du  procureur  du  roi 
en  1743,  faisait  défense,  aux  marchands  forains,  de  vendre 
les  jours  de  dimanche  et  de  fête  sur  les  places  publiques 
d'Allassac,  de  Juillac  et  d'Objat  (5).  —  Charles,  l'époux  de 
Suzanne  de  Maumont,  de  la  famille  des  papes  limousins, 
fut  tour  à  tour  écuyer,  conseiller  et  secrétaire  du  roi,  puis' 
lieutenant  général  en  la  sénéchaussée  d'Uierche,  et  enfin 
conseiller  à  la  Cour  des  Aides  de  Montauban,  où  il  mourut 
laissant  dix-sept  enfants,  dont  un  fut  officier  de  marine 
et  gouverneur  de  la  Louisiane,  un  autre,  garde  du  corps, 
et  trois  prêtres,  dont  l'un  devint  abbé  de  Magoutières.  Son 
fils  aîné,  Jean-Antoine,  fut  cornette  au  régiment  de  cava- 


(1)  Bull.  arch.  de  Brive,  1893,  p.  595. 

(5)  Archives  de  la  famille  de  Lamaie. 

(3)  Note  de  Henri  ds  Montégut. 

(t)  Nadaiid,  Nobiliaire  du  Limousin. 

(5)  Archives  départementales  do  la  Corrëze. 


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-  374  — 

lerie  de  Saint-Jal,  à  dix-neuf  ans;  passa  capitaine,  au 
régiment  d'infanterie  de  Nice,  à  vingt-deux  ans;  fit  la 
campagne  d'Italie  sous  le  maréchal  de  Maillebois  ;  à  l'as- 
saut de  Casai,  il  fut  précipité  des  remparts  dans  les  fossés 
par  un  coup  de  baïonnette  qui  le  transperça  d'outre  en 
outre  ;  réformé  avec  la  croix  de  Saint-Louis,  il  rentra 
dans  la  vie  civile  et  hérita,  en  1755,  de  la  terre,  des  titres, 
des  noms  et  des  droits  de  la  noble  famille  des  Roflignac, 
en  exécution  du  testament  de  sa  cousine,  Henriette  de 
Roffignac,  dernière  représentante  de  la  branche  aînée; 
puis  nommé  lieutenant  général  à  la  sénéchaussée  d'Uzer- 
che  et  gouverneur  militaire  de  la  ville,  en  1765,  il  se  démit 
de  ces  charges  en  1775  pour  vivre  paisiblement  à  Roffi- 
gnac-A  llassac.  Attaqué  dans  son  château,  le  29  janvier 
1790,  par  quatre  mille  émeutiers  suscités  contre  lui  par 
Mirabeau  avec  lequel  il  avait  eu  querelle,  il  leur  tint  tête 
pendant  cinq  jours  avec  une  quarantaine  de  ses  amis  et 
put  se  retirer  sans  pertes  d'hommes  (1).  Cette  famille  ayant 
ensuite  quitté  Allassac,  nous  laisserons  à  d'auti-es  le  droit 
de  s'approprier  les  mérites  récents  de  ses  derniers  mem- 
bres. 

Passons  k  la  famille  de  Chiniac,  qui  vivait  de  pair  avec 
la  noblesse  d'AUassac,  nous  dit  M.  Clément-Simon,  et  en 
avait  presque  tous  les  privilèges.  Nous  voyons,  en  effet, 
ses  fils  s'intituler  parfois  coseigneurs  d'AUassac,  ordinai- 
rement seigneurs  du  Claux  et  de  la  Bastide,  fief  de  haubert 
qui  s'était  émietté  entre  les  anciens  tenanciers  des  puis- 
sants seigneurs  de  Comborn,  et  enfin  aspirer  ;\  leur  tour 
aux  distinctions  de  ce  monde. 

Ce  fut  un  prêtre  remarquable,  docteur  en  théologie,  en 
1649,  qui  sembla  le  premier  ouvrir  à  ses  neveux  le  temple 
de  la  gloire  (3).  —  Un  autre,  François,  fut  avocat  en 
parlement  en  1666  et  juge  de  la  ville  d'Uierche  (3).  —  Un 

(1)  Récit  de  U.  Paul  de  Lamaze,  écrivain. 

(2)  Registre  de  l'Ëtat  ecclésiastique.  Mairie  d'Allassac. 
(3)/rfem. 


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-  375  — 

ti-oisième,  François,  fut  avocat  en  la  cour  en  1693  et  juge 
de  la  ville  d'AUassac  (1).  —  Pierre,  fut  conseiller  du  roi 
vers  l'an  1740,  rapporteur  du  point  d'honneur  en  Bas- 
Limousin  et  membre  honoraire  de  l'académie  des  Belles- 
Lettres  de  Montauban  (2).  II  eut  quatre  fils,  qui  furent 
tous  doués  d'une  intelligence  supérieure. 

Matbieu,  l'ainé,  fut  avocat  au  parlement  de  Pans, 
membre  titulaire  de  l'académie  de  Montauban,  membre 
de  la  commune  de  Paris  en  1790,  juge  au  tribunal  criminel 
de  la  Seine  en  1796,  substitut  prés  le  même  tribunal  après 
le  18  Brumaire,  et,  enfin,  magistrat  de  sûreté  du  cinquième 
arrondissement.  Il  est  auteur,  entre  autres  ouvrages,  d'une 
curieuse  Dissertation  sur  les  Basgues  (3). 

Son  frère,  Pierre,  fut  dirigé  vers  l'état  ecclésiastique 
et,  en  nô"»,  il  portait  le  petit  collet  et  se  faisait  nommer 
l'abbé  de  Chiniac  de  la  Bastide.  En  même  temps  qu'il 
suivait  ses  cours  de  théologie,  il  prenait  ses  diplômes  de 
droit,  et  dans  l'une  et  l'autre  matière  acquérait  de  solides 
connaissances  dont  il  devait  faire  montre  de  bonne  heure. 
Tout  jeune,  en  effet,  il  se  mêla  aux  disputes  qui  passion- 
naient le  clergé  français.  Il  publia  clandestinement,  en 
1766,  un  Discours  sur  les  libertés  de  l'Eglise  gallicane 
par  l'abbé  Fleury,  avec  un  Cominentaire,  où  les  di-oits 
gallicans  étaient  défendus  conti-e  l'ultramontanisme.  La 
même  année,  il  publia  une  Dissertation  sur  la  préémi- 
nence de  Vépiscopat  sur  la  prêtrise,  disant  que  les  trois 
ordres  des  papes,  des  évêques  et  des  curés  étaient  de  droit 
divin.  En  1767,  ayant  abandonné  la  cléricature,  il  faisait 
reparaître,  retapés,  le  Commentaire  et  les  Réflexions  sur 
le  discours  de  M.  l'abbé  Fleury,  signés  de  Pierre  de 
Chiniac,  avocat  en  Parlement  à  Paris.  Cette  publication 
lui  ayant  attiré  une  verte  réplique  de  Voltaire  qu'il  avait 
osé  attaquer,  il  n'en  continua  pas  moins  de  le  poursuivre 

(I]  Begistre  de  l'Etat  ecclésiastique.  Mairie  d'Allass^c. 

(2)  Idem. 

(3)  Biographie  de  Pierre  Chiniac,  par  Clëment-ïiimoii. 


dbyGoot^lc 


—  376  - 

de  ses  mépris  dans  un  Discours  sur  la  nature  et  (es  dog- 
mes de  la  religion  gauloise  et  une  histoire  de  l'Eglise 
gallic&ne,  qu'il  publia  en  1769.  En  1770,  il  donna  une 
édition  commentée,  en  14  volumes,  de  l'Hisioire  des 
CeKes,  de  Pelloutier,  et  augmentée  d'importantes  disser- 
tations. II  s'y  intitulait  membre  de  l'académie  royale  des 
Belles -Lettres  de  Montauban.  Il  avait  déjà  écrit  une 
manière  de  roman  ;  Liéhrose  ou  l'^reuue  de  la  vertu. 
En  1776,  nommé  lieutenant  général  de  la  sénéchaussée 
d'Uzerche,  il  y  publia  des  œuvres  considérables:  d'abord 
le  Supplément  des  capitulaires  des  rois  de  France,  de 
Baluze  ;  puis  Les  Recueils  des  chartes  relatifs  au  droit 
public  Gallican  et  Germain  :  enfin,  un  Traité  sur  l'auto- 
rité  du  Pape,  en  5  volumes  in-S".  En  1789,  quand  éclata 
la  Révolution,  il  se  mit  à  la  tête  du  mouvement  dans  sa 
circonscription ,  se  chargeant  d'en  faire  connaître  les 
bienfaits  par  sa  Lettre  d'un  Magistrat  à  MM.  les  curés  de 
son  ressort  ;  ce  qui  Lui  valut  d'être  nommé,  le  16  mars  de 
la  même  année,  député  à  l'assemblée  générale  de  Tulle. 
Mais  devenu  bientôt  suspect  au  peuple  qu'il  voulait  modé- 
rer, et  obligé  de  fuir  la  colère  des  membres  du  comité  de 
Brive  qu'il  avait  qualifiés  d'incendiaires,  il  dut  se  retirer 
à  Agen  où  il  publia,  en  1793,  ses  Pensées  phi/osophiques 
d'un  bon  républicain.  Il  n'en  fallait  pas  davanlage  pour 
irriter  les  fougueux  conventionnels,  qui  se  hâtèrent  de  le 
livrer  au  comité  de  Brive,  où  l'attendaient  les  avanies  les 
plus  dégoûtantes.  Remis  en  liberté  après  la  chute  de 
Robespierre  et  dégoûté  du  régime  de  la  tyrannie  sangui- 
naire, il  salua  l'immortel  Bonaparte  qui  en  délivrait  la 
France,  et  fut  nommé  juge  au  tribunal  d'Agen  le  12  mai 
1802  (1). 

Jean-Baptiste,  le  troisième  des  garçons,  fut  plus  modeste 
et  moins  ardent.  Mais  il  n'était  pas  moins  intelligent.  II 
moumt  à  vingt-sis  ans,  laissant  un  ouvrage  sérieux  et 
hardi,  intitulé  :  Le  Miroir  fidèle  ou  Entretien  d'Ariste  et 

(I)  Clémem-ijimon;  Monographie  de  Pierre  de  Chiniac. 


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-377  - 

de  Philindre,  avec  la  Critiqiie  du  Plan  d'éducation  de 
J.-J.  Rousseau  (1). 

Jérôme,  le  quatrième,  fut  conseiller  au  présidial  de 
Brive  en  1789.  Délégué  et  vice-président  du  comité  répu- 
blicain de  Brive,  il  s'intitulait  des  Ailleux  (21-  H  devint 
procureur  de  La  commune  de  Brive,  président  de  la  Société 
des  Amis  de  la  Constitution,  et,  enfin,  juge  du  district.  Ces 
diverses  fonctions  durent  le  rendre  odieui.  Or,  le  10  no- 
vembre 1790,  à  la  sortie  d'un  club,  il  ne  rentra  pas  chez 
lui  où  l'attendaient  des  invités,  et  quelques  jours  après 
on  retrouva  son  corps  dans  la  rivière  de  Corrèie. 

Terminons  cette  intéressante  liste  des  membres  illustres 
de  la  famille  de  Chiniac  par  un  Jean-Guillaume,  qui  avait 
été  prévôt  de  maréchaussée  au  fort  Dauphin,  en  Améri- 
que, en  1784  (3). 

Les  d'Alby  honorèrent  assez  la  paroisse  d'AUassac,  pour 
être  dignes  d'une  mention  dans  son  histoire.  Le  premier 
que  nous  rencontrons  dans  nos  registres  paroissiaux  est 
un  Dominique,  qui,  en  1644,  était  lieutenant  des  juridic- 
tions de  Sadroc  et  de  Chanac,  procureur  d'office  de  la  ville 
et  parriage  d'Allassac,  et  greffier  de  la  justice  de  Rofflgnac. 

—  Pierre,  qui,  en  1647,  était  juge  des  juridictions  de  la 
Bastide,  de  Chanac  et  de  Sadroc  (4).  —  Jean,  qui  était 
avocat  en  1655  et  juge  de  Saint- Viance  et  de  la  Bastide  (5). 

—  Autre  Jean,  qui  était  avocat  de  la  ville  d'Allassac  en 
1662,  avocat  en  la  cour  en  1663,  conseiller  du  roi  en  1664 
et  son  assesseur  aux  sièges  royaux  de  Brive,  et  lieutenant 
particulier  criminel  au  présidial  de  Brive  (6).  —  Jacques, 
qui  était  conseiller  du  roi  en  173S,  et  lieutenant  assesseur 
au  présidial  de  Brive  (7).  — Jean-Léonard,  qui  s'intitulait 

(1)  Clément -Simon  :  Monographie  de  Pierre  de  Chiniac. 
(î)  Propriété  comprise  autour  do  village  de  Lasteyrie. 

(3)  Registres  paroiasiauK,  à  la  Mairie  d'Allassac. 

(4)  Idem. 
(5ï/dem. 

(6)  Jdem. 

(7)  Idem. 


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-  378  - 

d'Alby,  de  Genoiiillar  en  1776,  et  ancien  capitaine  d'in- 
fanterie au  régiment  d'Orléans  (i).  —  Jean-Baptiste,  qui 
était  syndic  général  de  la  marine  en  1792,  et  administra- 
teur de  l'hospice  d'Allassac  en  1799  (2). 

Nous  ne  pouvons  clore  cette  liste  sans  rendre  hommage 
au  talent  et  au  zèle  d'un  abbé  d'Alby,  qui  sollicita  et 
obtint,  en  1747,  de  l'abbé  Dubois,  neveu  du  cardinal,  et 
chanoine  de  l'église  Saint-Honoré,  de  Paris,  une  fonda-- 
tion  importante  en  faveur  d'un  maître  et  d'une  maltresse 
d'école  à  Allassac,  avec  le  privilège  aux  fidèles  de  la  pa- 
roisse de  les  nommer  ou  de  les  maintenir  eux-mêmes  (31. 

Quiint  au  cardinal  Dubois,  que  la  ville  de  Brive  s'attribue 
malgrélesprotestationsénergiquesde  sa  famille  qui  subsiste 
encoreelqui  nousmontretrésaflirmativementle  lieuetl'ap- 
partementoii  il  reçut  le  jour,  nous  croyons,  en  effet,  qu'il  y  a 
eu  une  erreur  historique  commise  au  préjudice  d'Allassac. 
Après  renseignements  pris,  sans  pouvoir  trop  pénétrer  les 
causes  mystérieuses,  quoique  un  peu  explicables,  de  cette 
méprise,  Guillaume  Dubois,  qui  vécut,  de  1656  à  1723,  au 
milieu  des  plus  grandes  agitations  politiques  et  parmi 
d'implacables  ennemis,  nous  semble  réellement  appartenir 
à  notre  paroisse. 

Issu  d'une  famille  bourgeoise,  dont  la  maison  se  voit 
encore  au  fond  de  la  rue  fort  ancienne  de  la  Porte-Lauzane 
et  qui  se  distingue  par  un  toit  en  mansarde  flanquée  de 
deux  tourelles  carrées,  il  fut  le  flls  d'un  apothicaire  qui 
ne  négligea  rien  pour  son  éducation.  Parti  pour  Paris,  il 
devint  précepteur  du  duc  de  Chartres,  depuis  duc  d'Or- 
léans, et  régent  sous  Louis  XV  sur  lequel  il  prit  un  grand 
ascendant.  Nommé  ambassadeur  en  Angleterre,  cardinal  , 
et  archevêque  de  Cambrai,  il  fut  désigné  pour  être  pre- 
mier ministre  pour  avoir  déjoué  la  conspiration  de  Cella- 
mare.  Persuadé  que  l'histoire  fut  injuste  envers  celui  qui 

(1)  Registres  paroissiaux,  à  la  Mairie  d'Allassac. 

(2)  /dam. 

(3)  Bull.  aiTh.  de  Brioe,  IRfltjiiilkt. 


dbyGoOt^lc 


-  379  - 

sût  mériter  la  confiance  de  Louis  XIV,  l'amitié  et  l'estime 
de  Fénelon,  nous  pensons,  avec  M.  l'abbé  Emery,  que 
l'avenir  lui  sera  plus  clément  que  le  passé. 

Nous  ne  saurions  omettre  les  de  Bruchard  de  Chalard, 
qui  s'implantèrent  à  AUassac,  en  16*29,  par  te  mariage 
d'un  Charles  avec  Catherine  du  Saillant. 

C'est  d'un  rejeton  de  cette  branche,  Charles-Matliieu, 
épou.^  de  Claudine  Fore&t  de  Faye,  que  surgirent,  de  1811 
A  1817,  quatre  vaillants  officiers  dont  les  hauts  grades 
furent  conquis  sur  les  champs  de  bataille  par  les  épées 
teintes  de  leur  sang. 

Jean-Louis,  l'aîné  des  quatre,  entré  au  service  en  1829 
dans  le  3*  chasseurs  d'Afrique,  y  fut  sous-lieutenant  en 
1837  et  lieutenant  en  1843.  Admis  au  3°  spahis,  en  1845, 
comme  capitaine,  au  2"  chasseurs,  en  1851,  en  qualité  de 
chef  d'escadron,  il  devint  lieutenant-colonel  du  5*  cuiras- 
siers en  1855,  et  colonel  du  3»  cuirassiers  en  1859. 11  avait 
fait  les  campagnes  d'Afrique,  de  1835  à  1849,  et  y  avait 
reçu  deux  blessures,  qui  lui  valurent  d'être  nommé  che- 
valier de  la  Légion  d'honneur  en  t8iO,  officier  en  1854  et 
commandeur  en  1861. 

Jean-Baptiste,  entré  au  service  en  1832,  fut  sous-lieute- 
nant au  2*  chasseurs  d'Afrique  en  1841,  lieutenant  aux 
guides  en  1848,  capitaine  au  3*  chasseurs  d'Afrique  en 
1851,  chef  d'escadron  de  gendarmerie  en  1859.  Blessé  deux 
fois  en  Afrique,  en  1843,  après  avoir  eu  plusieurs  chevaux 
tués  sous  lui,  il  mérita  d'être  cité  à  l'ordre  du  jour  de 
l'armée  et  d'être  fait  chevalier  de  la  Légion  d'honneur. 

Jean-Hugues-Ëdouard,  entré  au  service  en  1833,  fut 
sous-lieutenant  au  3*  chasseurs  d'Afrique  en  1840,  lieute- 
nant en  1845,  capitaine  en  1848,  chef  d'escadron  au  12' 
régiment  de  dragons  en  1854,  chef  d'escadron  aux  cuiras- 
siers de  la  garde  en  1856,  lieutenant-colonel  au  2'  chas- 
seurs en  1860.  Blessé  en  Afrique  en  1842,  il  fut,  la  même 
année,  nommé  chevalier  de  la  Légion  d'honneur. 

Charles- Martial,  entré  au  service  en  1835,  fut  sous- 
lieutenant  an  3'  chasseurs  d'Afrique  en  1843,  lieutenant 


D.g.tizedbyGoOglC 


en  1849,  capitaine  en  1851,  capitaine  aux  chasseurs  de  la 
garde  impériale  en  1856,  chef  d'escadron  au  5'  cuirassiers 
en  1858.  Après  les  campagnes  d'Afrique  où  il  avait  été 
blessé  et  celle  de  Grimée  où  il  s'était  conduit  en  brave,  il 
avait  été  fait  chevalier  de  la  Légion  d'honneur,  décoré  du 
Medjidié  de  5*  classe  et  enfin  de  la  médaille  de  Crimée  (1). 

Viennent  en0n  les  de  Foucanld  qui,  pour  être  récem- 
ment arrivés  dans  notre  localité,  ne  l'ont  pas  moins  illus- 
trée. Issus  d'une  famille  d'ancienne  chevalerie,  qui  du 
Périgord  s'était  répandue  dans  la  Guienne,  le  Berry,  la 
Bretagne,  l'Anjou  et  le  Limousin,  ils  s'installèrent  à  Al- 
lassac,  le  30  juillet  182!,  par  le  mariage  de  Charles- 
Martial  de  Foucauld,  de  Lubersac,  avec  Françoise-Louise 
Laubellias  d'Eyparsat,  et  tout  nous  fait  espérer  qu'ils  y 
pousseront  de  profondes  racines. 

Le  chef  de  cette  nouvelle  branche,  sorti  de  l'école  mili- 
taire de  Fontainebleau,  fut  sous-lieutenant  en  1805.  Fait 
prisonnier  par  les  anglais  sur  une  frégate,  en  1806,  il  ne 
fut  rendu  à  la  France  qu'à  la  restauration  des  Bourbons 
en  1814.  Nommé  capitaine  au  3'  régiment  d'infanterie  de 
la  garde  royale  en  1816.  il  fit  la  campagne  d'Espagne  en 
1823  et  se  trouva  à  la  prise  du  Xrocadéro.  Soldat  avant 
tout,  il  mérita  de  porter  les  croix  de  l'ordre  royal  et  mili- 
taire de  Saint-Louis,  de  la  Légion  d'honneur  et  de  Saint- 
Ferdinand  d'Espagne  [2]. 

Son  second  âls,  Jacques-Hippolite-Kymard,  opta,  comme 
lui,  pour  la  carrière  des  armes  et  fut,  à  trente-neuf  ans, 
un  des  héi-os  de  l'armée  française.  Reçu  à  l'école  spéciale 
militaire  le  il  novembre  1843,  il  était  rangé  parmi  les 
élèves  d'élite  le  29  août  1844.  Sous-lieutenant  au S'hussards 
le  1"  octobre  1845,  lieutenant  au  6°  le  9  octobre  1849,  lieu- 
tenant-instructeur à  l'Ecole  de  Saumur  Le  I"  janvier  1851, 
capitaine  le  29  mai  1853,  il  passa  au  2*  chasseurs  d'Afrique 
le  20  novembre  1857  et  fut  nommé  chef  d'escadron  au 


(1)  Nobiliaire  de  Roy  de  Pierrelîtte. 
(1)  Gëndalogia  de  la  famille. 


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-  381  - 

)•'  rhasseiirs  (î'Afiifjiie  le  14  mai-s  1803.  Parti  pour  le 
Mesique  avec  l'armée  française,  il  se  distingua  parlioiilif'- 
rement,  le  18  ff^vrier  1863,  au  combat  de  San-,Tose,où|avoc 
■i8  hommes,  il  mit  en  déroute  50O  cavnliers  mexicains  et 
mérita  d'être  cilé  dans  un  ordre  général  du  corps  expédi- 
tionnaire ayec  cette  mention  :  «  Dans  ce  combat,  qui  fait 
B  le  plus  grand  honneur  au  capitaine  de  Foucauld  pour 
»  la  Tésotution  avec  laquelle  il  a  aborde  un  ennemi  gui 
»  éiait  dix  fois  plus  nombreux  n.  Mais  il  était  trop  brave 
pour  échapper  à  la  colère  des  ennemis.  Le  5  mai  1863,  il 
fut  tué  par  eus  à  San-Pable-del-Monte  et  mérita  une 
seconde  citation,  avec  celte  autre  mention  des  plus  élo- 
gieuses  :  «  Le  commandant  de  Foucauld  a  trouvé  une 
»  mort  glorieuse  sur  le  champ  de  bataille,  celle  de  laquelle 
»  il  était  difficile  qu'il  échappât  par  suite  de  valeur  che- 
»  uaieresque  n. 

En  tous  cas  il  put  arrêter,  par  son  héroïque  résistance, 
un  convoi  que  les  Mexicains  cherchaient  à  jeter  dans 
Puebla  assiégée  et  déterminer,  quelques  jours  après,  la 
reddition  de  la  place. 

Cet  intrépide  officier  avait  fait  plusieurs  campagnes 
en  Afrique,  auxquelles  il  faut  ajouter  celles  dltalie  et  du 
Mexique,  et  il  pouvait  placer  fièrement  sur  sa  poitrine, 
avec  les  médailles  de  ces  divers  pays,  lii  croix  de  la  Légion 
d'honneur  (1). 

De  si  anciennes  illustrations  ne  sauraient  surgir  qu'au 
milieu  d'une  population  importante,  munie  de  vieilles 
franchises  et  d'une  puissante  organisation.  Nous  savons, 
en  effet,  que  la  ville  d'Allassac  venait  au  quatrième  rang 
parmi  celles  du  Bas-Limousin,  et  c'est  ainsi  qu'elle  fut 
représentée,  en  1580,  à  l'assemblée  de  Brive,  afin  d'éviter 
le  subside  de  dix  mille  écus  imposé  par  le  roi  sur  les  villes 
closes  du  Haut  et  du  Bas-Limousin  (S]. 


(1)  Archives    du    Ministère    de    la    Guerre    co 
M.  Charités  da  Foucauld. 
(1)  Bull,  archéol.  de  BHve,  avril  l8Ri,  p.  208. 

T.  XX. 


D.gtzedoyGoOglC 


On  sait  d'ailleurs  que  la  justice,  sans  laquelle  toute 
société  est  impossible,  y  était  exercée  de  très  bonne  heure 
par  des  officiers  préposés  à  la  surveillance  des  mœui's  et 
au  respect  des  droits  des  citoyens.  Au  Moyen-âge,  on  y 
comptait  quatre  juridictions  relevant  de  la  sénéchaussée 
d'Uzerche  :  celle  des  évéques  de  Limoges,  celle  des  Roffî- 
gnac,  celle  des  Saillant  et  celle  des  La  Morélie. 

La  principale,  naturellement,  était  celle  des  évoques  de 
Limoges  qui  étaient  les  grands  Prévôts  d'AIlassac  avec  des 
(^'légués  subalternes.  Dès  l'an  1280,  ce  pouvoir  du  juge 
ecclésiastique  était  exercé  dans  une  transaction  passée 
entre  Gilbert  de  Maleniort  et  Guicliai-d  de  Comborn,  où  le 
prélat  revendiquait  seul  ici  la  connaissance  des  chevaliers 
et  damoiseaux.  En  t.535,  Mgr  Jean  de  Langeac,  à  la  de- 
mande des  co-seigneui-s  de  la  paroisse,  y  nommait  un 
prévôt  spécial  chargé  d'empécber  les  excès  des  habitants  et 
de  percevoir  les  amendes  (I).  Et  tout  indique  que  la  jus- 
tice y  était  fidèlement  remplie,  puisqu'on  y  voyait  encore, 
en  1708,  une  maison  dite  (a  Pofence,  située  dans  la  rue 
de  (a  Pissole,  à  AUassac  (2). 

De  plus,  comme  stimulant  au  bien,  les  évéques  de  Li- 
moges d'abord,  et  ceux  de  Tulle  ensuite,  ne  négligèrent 
rien  pour  doter  cette  paroisse  de  précieuses  institutions. 
Sans  parler  de  la  société  des  prêtres  filleuls,  établis  dans 
l'église  pour  un  service  spécial,  nous  voyons  à  différentes 
époques,  dispersés  çà  et  là,  les  intrépides  ouvriers  de 
l'Evangile:  les  Coi-deliers,  les  Feuillants,  les  Augustins, 
les  Bénédictins,  les  moines  d'Eymoutiers,  les  Templiers, 
les  Maltais,  et,  plus  récemment,  les  Sœurs  de  la  Provi- 
dence de  Portieu.x,  les  Frères  des  Ecoles  chrétiennes  de 
La  Salle,  et,  enfin,  les  Petits-Frères  de  Marie.  Noua 
regrettons  que  la  perte  de  documents  nous  ait  privé  du 
nom  des  religieuses  dévouées  au  service  des  pauvres,  et  de 
l'acte  de  fondation  d'un  vieil  hôpital  qui  remontait  aux 


(I)  Fonds  de  VévùcM.  de  Limoges,  aux  areli.  dépaHementaies. 
(2]  Archives  de  la  Mairie  d'AIlassac. 


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—  383  — 

temps  Ifis  plus  reculés,  comme  l'otteslent  los  Lfjttrps 
patentes  de  Louis  XVI,  confiimatives  de  rétablissement 
du  siècle  dernier. 

Avec  de  tels  éléments  de  morale  et  d'instruction  reli- 
gieuses, on  n'est  pas  surpris  que  l'esprit  thrétîen  s'y  soit 
maintenu  jusqu'à  nos  jours,  surtout  quand  on  songe  aux 
moyens  sages  et  salutaires  employés  ici,  par  l'Eglise, 
pour  la  conservation  de  la  foi.  Vimlail-on  rappeler  aux 
fidèles  les  devoii-s  à  remplir  h  l'occasion  de  certaines  fêtes, 
comme  celles  du  Saint-Sacrement  et  de  saint  Jean-Bap- 
tiste "i*  on  les  avertissait  pendant  neuf  joure  par  de  joyeux' 
carillons  semblables  à  ceux  de  l'avènement  du  Messie.  — 
Les  assignations  à  paraître  devant  le  juge  de  Rolîignac  se 
rencontraient-elles  le  jour  de  la  fôte  de  saint  Louis?  elles 
étaient  remises  à  un  autre  jour,  —  Un  criminel  était-il 
poursuivi  le  jour  de  la  fêle  de  sainte  Catherine  ?  il  devait 
trouver  asile  toute  la  journée  dans  sa  maison  afin  de  ne 
pas  troubler  la  fête  des  habitants  (I).  —  Pour  former  le 
peuple  au  respect  envei-a  les  autorités  respectives,  on  se 
servait  de  la  distribution  du  pain  bénit,  à  la  messe,  en  le 
faisant  offrir  au  curé,  d'abord,  et  puis  au  seigneur 
temporel  de  l'endroit  \i). 

Mais  avant  tout,  on  exigeait  des  prêtres  l'exactitude  et 
le  lèle  dans  l'accomplissement  de  leurs  fonctions  sacerdo- 
tales. Nous  voyons  par  un  règlement  de  vie,  imposé  en 
1339  par  Mgr  Guillaume  de  Chanac,  comment  il  entendait 
que  les  chapelains,  désignés  et  rétribués  par  lui,  s'acquit- 
tassent du  service  religieux  dans  sa  chapelle  d'AUassac. 

L'observance  ou  l'inobservance  des  préceptes  de  l'Eglise 
étant  pour  les  chrétiens  une  occasion  fréquente  de  mérites 
ou  de  fautes,  il  fallait  qu'ils  ne  pussent  s'en  dispenser  eux- 
mêmes  sans  de  graves  raisons.  Voilà  pourquoi  nous  avons 
pu  retrouver,  dans  des  parchemins  de  famille,  un  certificat 
de  médecin,  approuvé  par  l'official  de  Brive,  et  autorisant 

(I)  Arch.  département,  dn  iÂinogcs,  fonds  de  l'évéclié. 
n  Idem. 


dbyGoot^lc 


-384  - 

l'usage  des  œufs  et  de  la  viande  à  ceux  qui  ne  pouvaient 
supporter  les  pratiques  austères  du  carême. 

La  gravité  des  injures  devant  être  proportionnée  à  la 
dignité  de  la  personne  offensée  et  à  la  sainteté  du  lieu, 
nous  apprenons;  par  M.  Champeval,  qu'on  infligeait  des 
peines  plus  sévères  et  publiques  à  ceux  qui  les  auraient 
adressées  à  une  dame  respectabledansl'intéiieurde  l'église. 

L'union  dans  la  prière,  qui  fut  toujours  considérée 
comme  un  moyen  d'encouragement  et  d'émulation,  fit  naître 
l'idée  de  grouper  les  fidèles  dans  des  associations  pieuses  et 
des  confréries,  où  leur  étaient  prescrits  des  règlements  de 
vie  chrétienne  avec  des  distinctions  extérieures  spéciales. 
Nous  n'avons  pas  été  peu  surpris  de  trouver,  dans  nos 
registres  de  sacristie,  qu'on  distribuait  encore  en  1808, 
cent  vingt  cierges  blancs  aux  confrères  du  Saint  Sacre- 
ment, et  deux  cent  quarante  jaunes  aux  conTrères  de 
Saint- Jean-Baptiste. 

Pour  conserver  ces  précieuses  traditions  il  fallait,  on  le 
comprend,  indépendamment  des  prescriptions  liturgiques, 
des  règlements  uniformes  et  invariables,  afin  de  fixer  les 
devoirs  des  pasteui's  et  de  modérer  les  exigences  des  sei- 
gneurs. Aussi  voyons- nous,  par  un  accord  tait  avec  Geof- 
froy de  Pompadour  et  l'évéque  de  Limoges,  en  1543,  avec 
quels  soins  minutieux  furent,  réglés  les  droits  de  sépul- 
ture, de  litre,  de  pati-onage  et  de  présentation  dans  une 
chapelle  particulière  (1). 

Afin  de  continuer  le  bien  qui  se  faisait  dans  cette 
paroisse  et  mériter  la  conQancc  entière  des  fidèles,  les 
évoques  de  Limoges  n'avaient  qu'à  prendre  en  main  leurs 
intérêts  et  les  couvrir  de  leur  protection.  C'était,  en  effet, 
ce  qu'ils  faisaient,  comme  nous  pouvons  nous  en  convain- 
cre par  une  sommation  adressée,  en  Ibôl ,  par  Mgr  François 
de  La  Fayette  au  procureur  d'office,  d'avoir  à  garantir  les 
habitants  d'AUassac  contre  une  vingtaine  de  bandits,  qui 
mettaient  à  profit  les  bruits  de  guerre  pour  les  rançonner  (2). 

lA  auiorel.  A.  Marche. 

[n  Bull,  archéol.  de  finoe,  juillet  IS90,  p.  471. 
(î)  Abhé  Podlbrière  :  DiWiojiiiatre  des  paroisses. 


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DICTIONNAIRE 

GËOGRArtlIQUE,  A  DM  INI  STB  ATI  Fj  STATISTIQUE, 
HISTORIQUE,  ARCHÉOLOGIQUE,  ETC. 

DU  DiPARTENEPIT  DE  LA  CORRËZE 

{.Suile.  —  Voir  p.  117} 


Parlons  maintenant  des  seluneurles  particulières  de  la  paroisse  : 
La  Bastide,  de  la  commune  de  Salnt-Vlance,  qui  fut,  celle-là, 
bonne  seigneurie  :  aux  de  Peyrusse,  14d9,  15&E  ;  —  â  Louis  du  Bos, 
sieur  de  Bosrranc,  commune  de  Ladignae  (Haute-Vienne),  peu 
uvual  1583,  comme  époux  de  Gabrlelle  de  Tureniie,  dame  de  1^ 
liastlde,  de  La  Porte-Guyonnle  et  eu  partie  d'Allassac  (1);  — enllii, 
au  séni5cbal  du  Limousin,  Charles-Louis  de  Lasleyrle,  vers  1776; 
1^  Bastide  de  Salnt-Vlance,  disons-nous,  a  dû,  par  extension 
primitivement,  donner  naissance  à  une  seconde  sleurle  de  La 
Battide,  qui  (ut  celle-ci  de  Jean  de  Peyrusse,  1*75;  des  Verdiei-, 
puis  aux  Clilnlac. 

En  etlet,  par  u  contrai  de  cautlonnage  u  de  34,050  Uv.,  du  17  mars 
1604,  Léonard  des  Cars,  chevalier,  seigneur  de  Salnl-Bonnei  et 
Salnt-Ybard,  acquéreur  de  Masseré,  est  cautionné  par  M'  Pierre 
Pourcher,  bourgeois  d'Alassac^  procureur  de  M'  M'  Jean  du  Ver- 
dler  (Z|,  conseiller  du  roy  el  son  trésorier  général  en  la  généralllé  ■ 
de  Limoges,  s'  d'Arleullle  et  de  La  Bastide  d'Allassac,  demeurant 
à  Saint-Léonard  IHaute-Vlenno],  el  par  honorable  M'  Jean  de 
Joyet,  Ueulennnt  de  ]uge  de  Julllae  y  habitant,  el  M'  Guillaume 
Joyet,  lieutenant  criminel  de  la  ville  d'Uzerclie,  y  demeurant,  et 
M'  Jacques  Sahuguel,  esleu  pour  le  roy  à  Brlvc,  babltant  de 
Julbac.  D'autre  part  est  expliqué  que  la  vigne  dite  de  Lii  Bas- 
tide, située  es  dépendances  d'Allassac,  c'est-ù-dlre  en  sa  banlieue, 
cnnlenant  38  Journaux,  près  le  chemin  d'Alassac  à  Donzenac,  tut 
vendue  le  2î  avril  1781  à  Jean  Pradel  de  Li  Maze,  coseigueur 

(tj  Nn.lnii,l. 
chsnrler  île  l»  RoiiB«lPre,  h,  R5. 


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—  386  — 

d'AUussai.-,  par  s'  Pieii-e  de  Chlnlac,  s.'iKticiir  du  Cliiux,  [ji  llas- 
llde,  coselgneur  d'Allassac,  lleiitennnt  général  d'L'iierclie,  y  dcmc^U' 
lanl,  paroisse  Notre-Dame,  moyennani  3,600  livres.  Celte  vigne 
est  déclarée  vendue  tranche  et  exempte  de  dîme  et  renie  el  relevant 
de  l'évèehé.  Monseigneur  de  Limoges  proteste  contre  cette  dèclara- 
tton  (de  noblUté),  en  acceptant  Icr  lods  (comme  suzerain)  26  avril 
1781  (1).  Dos  1704  nous  trouvons  parmi  les  hablUinls  d'Allassac, 
François  Chlnlac,  sieur  liu  Mas.  Cette  (amllte  d'écrivains  dislln- 
giiés,  n'arriva  pus,  sans  les  lAtonnemcnts  habituels  au.x  gens  en 
vole  de  monter,  à  son  blason  définitif.  A  la  Salamandre  Impérissa- 
ble de  l'énidlt  plillosoplie  gallican  (17891,  qui  allait  bientôt  servir  la 
Kévolullon  (1796),  à  rencontre  de  sa  devise  monarchique  (2),  oppo- 


sons l'rj;  tibrin  de  1760,  rai-iiinte  non  moins  enipliallque.  M.  Louis 
Grell,  eoIIecUoniieur  de  Cahovs,  aussi  Judicieux  que  secourable  aux 
cherchenrs,  possède  en  sa  bibliothèque  Quercy no- Limousine  un 
manuscrit  latin,  lu-8*,  Inlltulé  ;  Metaphïsica  ail  u.viiii  srhola- 
acconiodnta  :  anthureJucobo  Mandoncich,  iirofesscnren  Sorboune, 
neO.Schpsit  Pctrus  'le  Chiniac  dit  Clos  d<-  la  ISustidi;  clfi-ivus  Leiiia- 
ciceiiais,  oppiilo  ciilgo  il' A  lUissuc,  ilii-  7'  niartii  anno  Doniini  IT60. 
Sur  le  plat  Jaspi^  à  l'intérieur  du  livre  est  collé  un  carré  de  papier 
de  07  sur  07,  contenant  sur  un  carluuchc  un  écu  ovale,  bombé, 
ècartelè  aux  1  et  4:  d'anjenl  à  une  cueniixe  (parlante)  rt-pliOe 
xui-  ellc-nirmc  ;  aux  2  et  3  <ra^ur  ii  un  soleil  sannonlé  de  :i  èli'i- 
les  ;  supports  :  2  chiens  (parlants].  Coumnne  de  conile  surmonlée 
d'une  banderole  où  se  lit  :  Unus  Deus.  L'sus  Imi'EKatoh.  au  Ikis 
de  reçu,  ces  mots  imprimé.-;  servent  de  .slgniiUUf  et  d'êcliilfuile 

(Il  .ItA.  di  In  llanli-yhnnc,  -f    17, 


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—  387  — 

revendk-allon  :  Ex  libris  Petbi  Ciiiniac  de  Lnbasiiilv.  Il  s'agU  là 
fie  Pierre  de  Chlulac,  lieutenant  «"înt^rol  en  la  si^néebaussëe 
(l'Uzerthe,  maire  dudll  en  1790,  grand  proprlélalre  kl,  avec  banc 
el  cliapelle  en  l'église,  1790,  Jrère  de  M.  ClUniac  des  AlUleux, 
vlM-prësldent  du  comllé  de  Brlve,  ta  dlle  ann^  (1).  En  1706, 
s'  Deiils  Ctilniac,  coselgneur  d'Allassae,  était  ctiuafîlllcr  du  ruy  et 
rapporteur  dn  point  d'tionneur  (2). 

Chanac.  Cette  seigneurie  tira  son  nom  de  ce  que  le  groupe  des 
biens  et  rentes  possédé  Ici  par  la  maison  de  Cbanac,  commune 
dudlt,  prés  Tulle,  (ut  longtemps  auï  matns  de  ces  Chaaac.  Almar 
de  Cozanges  (Cousages),  donna  une  teire  (pkce  de  terrain)  en  la 
rivière  d'Allassac  au  ehcTaller  Gui  de  Chanac  1260,  Pierre  de 
Chanac,  damoiseau,  acquit  1273  des  rentes  à  Alassac,  et  testa  en 
1279.  Noble  Pierre  de  Cbanuc  ;3),  en  1283,  est  reconnu  pour  des 
rentes  à  Alassac.  11  était  en  outre  donataire  d'Adélaïde  de  Cnanac, 
sa  sii^ui',  comme  11  le  lui,  1284,  de  dame  Alniodle,  sa  sœur,  (emmu 
au  donzel  Pierre  de  Raynald,  duquel  Reynald  11  se  Misait  rendre, 
1!92,  par  acte  scellé  de  l'offlclal  de  Limoges,  le  droit  et  dei'olr 
(rentes  foncières)  qu'il  lui  avait  vendu  sur  le  mas  d'al  Monte!, 
parrolsse  d'Alassac. 

Pierre  H  de  Cbanac,  Irére  d'Almodle  et  d'Adélaïde  de  Clianac, 
maria  sa  tille  AlUarde  (plus  rainnés,  nous  dirions  auJourd'htU 
llélletle,  —  s'il  ne  s'agit  d'Ildéarde?]  avec  noble  Pierre  de  Lu 
Tour,  damoiseau,  et  lui  fit  une  rente  viagère  de  100  sols,  plus 
1000  écus  d'or,  comptant,  d'après  une  quittance  de  1285  passée  de- 
vant Guillaume  de  Manelrols,  Guillaume  Escharpat  et  de  Bernant 
Laporle,  donzel.  Ce  nigaud  de  Bonnolle  voulait  dire  en  présence 
du  témoin  Escharplt,  etc.,  le  parderanl  étant  réservé  au  notaire, 
auquel  on  recourt  en  eUel  comme  6  un  magistrat  de  Juridiction 
gracieuse,  délégué  per|>éluel  du  souverain.  Pierre  do  Chanac, 
damoiseau  d'Alassac,  par  ses  dispositions  (untbres  du  3  mal  1296, 
prescrit  une  aumône  h  taire  aux  prêtres  (à  la  communauté  des 
prC'tres)des  églises  de  ChBmpagnac(-la-Noallle|,  Gumoul,  Ladlntuic, 
Laguëne  et  l^rchc.  Il  énumère  pour  enfants  ;  les  religieuses 
Alaydeet  Gnllène,  le  moine  Guillaume,  et  Gui?  Il  désigne  pour 
exécuter  ses  volontés  :  Hugon  de  Foschler  (Foueber),  cbambrier  de 
Tulle,  Irère  Améllus  de  Charrléres,  de  l'ordre  des  mineurs.  Gui- 
bert?  d'Omhac,  chevalier  (4),  et  Fouchler  de  Chanac,  son  (H>re, 
avec  Pierre  de  Raynald,  susdit  et  le  donzel  Gérald  Fouchler.  I^ 

(3)  Iji  [)iiui>«c>ATi>:  4Alla<XB>;  lirncliiirc  iin|>rl>nr''r>.  n'v.'iani  -«'Ion  «m  iiiri- 


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—  388  — 

teulateur,  ou  Un  iiiuIjis  un  Pierre  de  ClK^nat,  deiuulseau,  vivait 
encore  en  1299,  date  de  sou  achat  de  cens  sur  un  Jardin  d'Alaasac. 
Fetras  Chauat,  ilomicellua,  rendit  hommage  lige  1295  b.  l'évoque, 
ponr  sa  part  domina  de  Alasaaco  et  de  La  Moia  (tenue  vers  1450 
par  le  seigneur  de  Pompadour;  (1|. 

Le  mardi  après  la  Nativité  de  Notre-Dame,  1327,  Gui  de  Chanac, 
chevalier,  seigneur  en  partie  d'Alassac,  exhibe  le  lestaoïent  sui- 
vant de  son  p6ro  (de  1300):  ninl,  Pierre  de  Chanac,  chevalier, 
d'Alassac,  teste  ;  J'élis  sépulture  au  cimetière  d'Atassac  en  la  tomlie 
de  ma  mCre  ;  i/cm  sepultiiram  meam  et  furnimentum  mcuin  (lour- 
iillures  en  iiolr,  deuil,  etc.),  et  esnquias  meas  et  c:ei>caaas  Junera- 
riasjiibeo  et  eolo  flcci  de  bonis  oteis.  Il  fonde  une  vlcatrle  d'un 
service  par  Jour  en  l'église  d'Alassac.  11  prescrit  que  parmi  ses 
enfants  :  Gérald,  Oerlrand  el  l-'ouchler  prennent  l'habit  religieux  ; 
nomme  Douice,  sa  flUe;  Institue  Gui  son  héritier  universel  (2),  lè- 
gue 60  sous  il  Alayde  déjà  sous  le  voile  ;  mentionne  Glrbort,  moine 
sou  llls  aussi,  enlln  se  dit  époux  de  vivante  Dauphlne  X...  cl 
parle  de  sa  fortune  des  paroisses  de  Malemort.  Larchc,  Cosnac, 
Champagnac,  Guniont,  Ladlgnac  el  Uigutne.  Une  maison  du 
harrl  de  Ganch  d'Alassac  était  de  la  fondalJté  de  noble  Hélie  de 
Chanac  {flls  de  Gul|,  d'après  une  pièce  du  vendredi  avant  la  [Ëte 
des  saints  Simon  et  Jude,  ai>ûlres,  1368  (31,  seigneur  de  l'hôLel  de 
Chanac  dès  1349.  En  1434,  volel  Odot  de  La  Rlvlôre.  seigneur  de 
Chanac  IChanac)  (cl  probablement  du  Cbanac  d'Allassac),  du 
Boui^-Archanihaud  cl  Château  lare  hep  (Vienne),  de  Châteaufort, 
près  Tulle,  coseigneur  d'Alassac  et  Sellhac,  comme  mari  de 
Blanche  de  Clianac,  héritière  de  sa  maison.  M,  de  Pompadour  lit 
hommage,  1459,  â  l'évoque  de  Limoges  pour  Chanac  el  sa  part 
d'Alassac.  En  1497,  la  seigneurie  de  Chanac  (d'Alassac,  api>areni- 
ment,  quoique  malaisée  â  démêler  de  Chanac  de  Chanac  et  de 
l'hôlel  noble  Scllhawls  de  Chanac),  par  retrait  llgnager,  est  ra- 
chetée (par  Pompadour  évidemment]  3,800  livres,  de  noble  Antoine 
de  Salanhac  et  de  Jeanne  de  Lévl,  veuve  de  noble  Jean  de  Pa- 
russe (4).  Antoine  de  Pompadour  seigneur  dudll,  Soilhac,  Chanac 
(d'Alassac  et  de  Sellhac),  coseigneur  d'Alassac  1511.  Monseigneur 
de  Pompadour,  en  1542,  est  signalé  comme  vassal  de  l'évéque  de 
Limoges  pour  Laurière  (Haute- Vienne),  Alassao  et  sa  maison  de 
Clianac  (5).  Au  30  mars  1343,  le  s'  de  l'ompiidour  consenlit  bail 
perpétuel  au  sieur  Uernard,  ailleurs  Léonard,  Buisson,  sieur  rto 

(Il  .4rcb.  ds  la  Ilame-Vimni;.  reg.  O  Domina' 
ra  Arch.  de  la  Haute-Vienne,  P..  3887. 
(3|  Archives  de  la  11  au  le- Vienne,  ij.  il. 


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—  38a  — 

Sainl-Cyr-lea-CUampBKnes  (Dordogoe),  Juge  d'uppeaux  rie  la  vl- 
i-om(é  de  Umuges  (à  Sëgur;  de  la  maison  de  Cbanac,  sise  dans 
Alassac,  et  de  son  droit  &  la  chapelle  et  vlcalrle  Salnt-Geoi-geit  (de 
ChanacJ,  en  l'église  d'Alassac,  avec  litre  et  préaentailon  du  titu- 
laire. M.  de  pompadour,  en  1561,  doit  vasselage  audit  évéque  pour 
la  maison  de  Ctianac  et  ce  qu'il  tient  à  Alassac.  Il  lallatt  mettre 
ce  fait  hors  de  contestation  avec  d'autant  plus  de  soin  que  M.  Poul- 
brIÈre  lui-même  a  omis  les  Pompadour  pour  ce  fief  de  Cbanae. 
M.  de  Beauregard  est  trouvé  coselgneur  de  ce  Chanac  en  1580.  A 
24  ans  de  là,  un  notaire  débute  alDsl:  o  A  Lassac,  maison  de 
M.  GauUiler  du  Verdier,  irC'sorler  général  de  Limoges,  s' de  Chanac, 
(seigneurie  assortie  de  son  ordinaire,  juridiction  régulièrement 
exereéel  el  coselgneur  de  Lassac  n.  En  1624,  noble  Pierre  Duverdier, 
seigneur  de  Chanac,  coselgneur  d'Alassac,  avoue  à  l'évêque  (1)  la 
terre  et  seigneurie  de  Chanac,  et  èlre  comme  tel,  «coselgneur 
■l'Alassac,  en  toute  Justice,  consistant  en  une  maison  en  Alassac, 
dite  de  Chanac,  au  barry  de  Las  Peyrieyras  (c'est-ft-dlre  allant 
vers  les  carrières)  et  en  fondante  et  rentes  sur  plusieurs  maisons 
confrontant  à  la  grande  rue  menant  de  la  grande  église  ô  la  ijorle 
hasse,  el  maison  dudlt  seigneur  de  Chanac  dite  d'Eyburle  ;  en 
diverses  vignes,  el  redevances  sur  plusieurs  biens,  notamment  sur 
la  maison  dite  Maison  Neuve  au  barry  de  las  Peyrléras  autrement 
de  Cbanac,  etc.  n.  L'an  d'après,  ledit  Pierre  reçoit  même  quallllca- 
tlons,  outre  celle  de  conseiller  au  parlement  de  Bordeaux  (2|  ; 
charge  qu'il  avait  encore  avec  les  dites  terres,  1643  (3|.  F.n  1686, 
celle  seigneurie  de  Chanac  s'étendait  en  pleine  Justice,  directllé, 
elc,  sur  divers  villages  d'AIlaasac,  Salnt-Bonnet-rEnfantler,Sadi'oc. 
M.  de  La  Reynle  aurait  eu  ensuite  notre  Chanac  dont  nous  voyons 
sûrement  seigneur  M.  d'Alby,  vers  1730.  C'était  vers  1734  Jacques 
de  Lansade  ;  plus  lard,  1788,  M.  du  Saillant  du  Luc  (Mansac),  no- 
tamment François  du  Saillant,  1785  (4|.  Ce  lut  une  conséquence  du 
contrat  de  mariage,  7  Juillet  1713,  de  Marie  de  Lansade  de  Saint- 
Bonet,  lllle  à  feu  Jacques  Lansade,  seigneur  de  Chanac  et  cosel- 
gneur d'Alassac  et  de  Marie  d'Alhy,  avec  Jean,  vicomte  du  Saillant, 
seigneur  du  Luc  (5|.  N'adaud  cite  François  de  Lansade,  écuyer, 
1778,  seigneur  de  Salnl-Bonel,  Cliannc,  coselgneur  d'Alassac  ;  et  le 
i-ole  des  privilégiés,  vers  1783,  donne  :  le  s'  I.ansade,  écuyer,  che- 
valier de  Saint-Louis,  proprlëlalro  de  rentes  et  cens  en  la  paroisse 
d'AUas-sac  acquis  du  s'  de  Salnt-Angel,  de  deux  domaines  autour 
du  même  clocher,  et  d'une  maison  A  Brlve. 

{l|  Arcli.  dp  la  llauie-Virnne.  G.  742IÎ. 


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—  3WI  — 

La  Chasldie,  nef,  I3fi8-1374,donl  le  siège  [ut  sans  <tniileen  ville, 
car  tl  y  eul  droits  seigneuriaux  au  Barry  de  la  PIsliota,  et  sur 
quelques  parcelles  de  la  banlieue. 

CouzAGES  ifi3  AUaisac.  Nom  donné  au  noyau  des  biens  d'un 
Couzaices  Issu  de  CouzaKi^s,  ancienne  paroisse  en  la  commune  de 
ChasleauK  ;  en  effet,  Eblo  de  Couzages  arrente  un  tiort  dans  Alas- 
sac,  1292(1).  Eblo  de  Cosacgio  de  luème  en  l367-l376.Aus3i  l'hôtelde 
Cousages,  signalé  Ici  vers  1400  (IjïuIs  de  Couzages  faisait,  1419,  un 
arrenlenjenl  au  Temple  d'Aiassae),  esl  dH,  en  1429,  toucher  *  la 
maison  dite  de  Bardon,  Jadlsappellée  de  La  Clause  (dans  Alassac|(2). 
Nous  avons  ensulle  affaire  pour  D>uzagcs  aux  Laval.  Noble  et  dis- 
cret Joltannos  île  Vallée,  dominus  de  Conugiis  acliela  le  2  Juin  1444 
de  noble  Gui  Philip,  selgneurdeSalnt-Cljamans.cerlainos  rentes  |3), 
Le  même,  30  décembre  1444,  fait  sa  nommée  a  l'évèque,  qui  le 
2j  septembre  1427  ai'ait  InvesU  le  s'  de  Laval  jwur  le  repaire  de 
CousaiRi-s  :  acte  signé  Flgulls.  L'hommage  en  1377  par  Hélle? 
(Rhie  ?)  de  Cousalge  à  l'évèque,  avait  eu  sans  doute  mi^nie  objet  {4). 
Jean  de  iJival  avait  encore  Cousages  1457.  Mais  en  1467  honélc  et 
discret  Martin  de  Laval,  seigneur  de  Cousages  et  Bertrand,  son 
frère,  habitent  Alassac  ;  le  premier  est  lou]ours  discret,  seluneur 
de  Couzages  1483  (â|.  Il  est  bon  d'Indiquer  loi  de  par  Baluze  (Vir 
des  papes  il'Arignon]  que  vers  147S,  Bei'lrand  Gullller  ou  GuJIIon, 
seigneur  du  Tell,  du  Pouget  et  de  Laval,  épousa  Cbarlotle  de 
Cousages. 

En  1507,  Antoine  de  Brun,  licencié  ez  lolx,  comme  mari  de 
Catherine  de  Laval,  d'Allassac,  hérlllère  d'Adémar  de  Rolls,  clerc, 
son  flls,  el  de  feu  Antoine  de  Rotls,  licencié  en  décrets,  héritiers 
de  Bertrand  de  Laval,  aussi  llenclé  en  décrets,  prieur  eommenda- 
talre  de  Cablsou  (Coublsou),  ordre  Salnt-Benoll,  dlooèsc  de  Hodcz, 
rend  hommage  lige  k  l'évèque  de  Limoges  :  1'  du  repaire  de  Cosa- 
ges,  allas  de  La  Pcyrierc,  au  faubourg  d'Allassac,,  et  de  tout  ce 
qu'il  lient  6s  paroisses  dudil,  et  de  Voulezae,  Sadran  (Sadroci, 
l'évi^que  se  retient  une  charge  de  vin  (salmatai  renduelle  «u  prollt 
de  sa  maison  éplscopale,  sur  le  repaire  de  Cosases,  à  cause  (en 
compensation  antérieurement  stipulée)  de  certaines  dîmes  que 
Brun  leve  dans  le  dit  repaire  dont  l'Ovéque  est  plein  Justicier  el 
iùve  sur  certaines  vignes;  2*  pour  son  lioapiciwn  (maison  noble)  de 
ijival,  où  le  dit  Brun  demeure,  sis  dans  le  castrum  (le  fort) 
d'Alossac,  et  pour  tout  ce  qu'il  tient  à  cause  dudlt  hospice  dans 

m  l'gili.TS  .le.  I-RIIKHC. 

(î\  Chinrier  do  Lu  Suririp. 

(3i  Ms»  Pmaillop,  apud  me/  ei  iiiss  GHitîiiii-TPa,  3J.4ÎI  Imln, 

i4l  NnU>i  do  M.  l'uliliè  BuurntiiE. 

i:ii  Arcb.  Ile  II  Uiuie-Vifim^  fuiidâ  Ait  CHm.  V.. 


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-  391  — 

les  paiDlsses  d'Alassat,  Donzenac  et  Voutoi!ac(l).Ce  Bertrand,  s'  de 
Corbisou,  en  Rouergue,  élall  leuancier  Ici  en  1502.  M'  Jean  Brun 
(te  Laval,  bachelier  èz  droits,  seigneur  de  Couzages,  lioiuagea  le 
20  Juillet  1542,  au  cardinal  du  Bellay  :  a,  sa  maison  (/orte)  de  Laval 
el  autre  aa  de  La  Place,  dans  Alassac;^,  le  repaire  de  Cuusagcsct 
claux  lenelos)  y  joignant,  de  60  Journaux  de  vigne,  en  directe  ;  c, 
la  vigne  (2)  du  Pradel  de  12  Journaux  ;  <l.  le  petit  Claux  (3)  d'une 
supertlcle  de  18  Journaux,  elc.  Pour  1540,  1552,  et  7  novembre  1565, 
êlall  seigneur  de  Cousages,  noble  François  de  Rofllgnac,  Sgé  de 
60  ans  il  la  dernière  date  {4|.  Uni  de  Rouflgnac  prend  niAtiie  qua- 
lité à  i'arrlÈre-ban  du  Périgord  et  Limousin,  xvi'  siècle  [Aiv/iicM 
lins  Bfisuca-Pi/n^nées],  et  Christophe  de  Roflnlnc,  seigiieur  aussi  de 
Coulages,  pnîsldenl  au  parlement  de  Bordeaux,  écrivit  eu  1571  une 
façon  d'histoire  universelle  laline  pn^cédant  celte  de  Bossuel,  sous 
le  titi'e  :  Convncnlarii  omnium,  l'i  crcalo  orbe,  hisioriarum. 

Force  nous  est  d'alllnner  un  démembrement  delà  terre  dece  Cou- 
sages  Jadis  acquise  par  Jean  Laval,  puisque  nous  voyons  des  Mill' 
tis  s'en  titrer,  côle  ft  eâte  des  Roflgnae.  1574,  JeandeHéneett-reet  sa 
Ii'innie  (fille  de  François  de  Rofignac),so/t(  s' et damedeCouzages  ; 
tandis  que  le  6  avril  1569  des  lettres  de  provision  de  l'état  d'éraulrt 
(héraut)  d'armes  du  roy,  ayant  été  accordées  par  Mgr  le  duc  d'An- 
jou, fi  Antoine  Militls;  signées  par  Mgr  Ruzé;  ledit  .Mllilis,  sei- 
gneur de  Couzagcs,  eut  provisions  contenant  otllce  de  coniuiiesali'e 
ordinaire  des  guerres  accordées  par  le  \-o\  Charles  du  13  novembre 
1570,  et  de  valet  de  chambre  de  m',  frire  du  roi,  duc  de  Brabau  ; 
Guoldres,  Anjou,  en  dale  du  15  avril  1583  ;  en  sorte  que  ledit  noble 
Antoine  Militis,  commissaire,  etc.,  valet  de  chambre,  seigneur  de 
Laval  et  de  Couzalges,  le  21  novembre  1574  reçut  reconnaissances 
des  renies  de  Cousages  avec  sa  mCre,  D'"  Marguerite  de  Laval  (5). 
Il  lesta,  écuyer,  seigneur  de  Cousalgos,  occupant  mêmes  charges,  au 
8  mars  1594,  par  acle  reçu  Rousselln,  notaire  et  vivait  encore  en 
1600,  époux  de  Marguerite  de  Laval,  possesseur  de  biens  non  loin 
du  I^nzac  (6|.  Dès  1621,  même  1615,  surgit  noble  Pierre  d'Escou- 
railles,  s'  de  La  Salle,  (ils  de  feu  noble  Martial  d'Escou rallies,  s' 
de  Laval  et  de  Jeanne  de  Laval  dame  de  Couzages,  laquelle  vivait 

(1)  Arch.  ilépin.  n  Lima^ps,  fuu<l»  de  rKïèehi-,  liasse  I3JD> 

d)  M.,  minie  tondis,  d-  prixlsoire  mi. 

Wl  L'Bnnnriiil  ie-arn\  de  d'HuikT,  iiiil  sue  U  fiscsliié  i  iravera  lik  plus  ([r,iii'ai|u« 
niiUl'HreilR  M  dlHtrlbuiion  ie  hUsnns  i  tout  hiunni,  <]iii  su  pulsso  voir,  Jolnle  i  une 
tnrorrGcllon  InniiiG  do  SCI  ^rltur».  iiiriliuo  su  s'  Perche  Diirlsui  (ifc).  Hmnit  ■ 

fatxr  componnit  itar  cl  de  gaenicr  ;  en  1701. 
(1.  Papiurs  Urimui  ti  Nudnu.l,  ou  éiudu  du  TiÛIlti. 
ù)  Papicra  ilndii  M.  Hnitriieii.  :;ur.'  A-  Noiinrds, 


,y  Google 


—  392  — 

touj'inrs  veuve  dadlten  1633(1).  («susdit  l'Ieri'eliabltnitDonzenac 
1636  |2),  —  qualifié  écuynT,  seigneur  de  Laval,  Couzalges,  el  La 
-Salle  1642-52. 

Pour  16B1,  c'était  Antoine  de  Fontanges,  cbevaller seigneur  mar- 
quis de  MaumonL  Lachapel le- Espl nasse,  Saint-Ypoiy,  ta  salle, 
Couzalgeg,  demeurant  à  Maumont  (Rosiers  d'EgletonR)  (3).  Kn  1693 
noble  dante  Renée  d'EscouralUes,  veuve  du  feu  seigneur  de  La- 
vaux  est  dame  de  Laval,  La  Salle,  Couzages,  etc.  [i].  II  s'agit,  selou 
[.a  Cliesnaye  des  Bols,  qui  à  lort  le  donne  pour  vivant  en  1695,  de 
noble  Hector  t'éllnes  de  La  Benaodle,  seigneur  de  Lavau  el  de 
Couïages. 

I^  succession  de  noble  Pierre  d'Escorallles,  sieur  de  Laval  el  de 
Lasalle,  comprenait,  en  I6S3,  pour  Allassac  :  la  maison  noble  de 
Couzages  avec  sa  chapelle  en  l'église,  pressoir,  lerres,  vignes  el 
rentes  d'Alassac,  les  domaines  de  La  Salle-Coutigeade,  de  Poucli 
et  de  Laval  ;  plus  en  la  paroisse  de  Donzenac  ceux  de  Mandarous 
et  La  Bounle,  maison  en  ville  avec  rentes;  outre  celles  de  Ui 
Vainde  et  Meyvialle,  paroisse  de  Vlgeols  ;  de  I^  Borderie  (Voute- 
ZHC),  de  la  Gultardle  (Sadroc],  de  TelUet,  de  La  Corse  et  du  Lac 
(Orgnac),  avec  la  métairie,  moulin,  étang  de  La  Courtine,  autre- 
ment Graterogne,  ainsi  nommé  de  ce  que  ce  lieu  fui  un  asile  A 
lépreux.  Jolgnons-y  une  rente  quérablc  sur  Feugeas  (Lonzac)  el  te 
domaine  de  l'Aubeyrle  (Salnte-Féréole). 

Puis  le  llef  de  Couzages -les- A  lassai,  1762,  fut  des  Dumas  de 
Peyzac,  comme  en  témoigne  ce  protocole  vers  1765  :  François  Du- 
mas, marquis  de  Peyzac  (Dordogne,  prts  Ségur),  seigneur  de  La 
^erre,  du  Mas,  Cousnf/cs,  Laeal,  etc.,  meslre  de  camp  d'Infanterie 
et  Marle-Paule-Ttiérèse  de  Boisse,  son  épouse,  dame  de  Cousages 
el  de  I^val,  Habitants  de  Peyzac  15). 

I.A  GuïONsiB.  Connue  en  1379  suivant  un  n  acte  par  lequel  no- 
ble Marie  de  Peyruce  (6),  (llle  de  Rampnulphe  de  Peyruce,  thevu- 
Mer,  seigneur  des  Cars,  Julllac,  el  de  dame  Souveraine  de  Ponuw- 
dour,  qui  resta  veuve  dudlt  Raninulphe,  laquelle  Marie  aluni  eslè 
mariée  avec  noble  Raoul  de  La  Rlvlfre  (Beyssac)  et  en  estant  de- 
venue veuve,  son  dit  mari  qui  mourut  snns  enfans,  lui  alant 
donné  pour  dot  les  seigneuries  de  la  Guionle  el  de  La  Porte, 
paroisses  d'Alassac  el  de  Larclio  (plus  la  terre)  de  Cliambon,  avec 
tout  droit  de  seigneurie,  sans  aucune  réserve,  celte  dame,  maigre 

iD  TiirM  du  gronler  de  feu  le  !>■  Je  Ilei.niiir,  à  ni.iiT^-iiuc. 

r.'l  ReKiKtre  ii  II  iriiria  dv  llnnin^ar. 

(31  ArpbiraB  du  châicaii  du  Lii'iiicrti. 

(tt  Hmuii?a  du  LV-tudu  de  H*  Juice.  h  Donitiiii.-. 

ir>l  \rch.  dr[iHrlCDicnMles  'lu  lu  (^orrinv. 


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—  393  — 

son  deuxième  mariage  avec  Jpan  de  Royfre,  gentlihoinnie  d'iion 
neurdupape,  est  aulorlsée  in  se  malDtenlr  en  la  Jouissance  de» 
dites  seigneuries,  de  l'agrément  de  sa  dite  mère  cl  de  noble  Audoin 
de  Peyruce,  son  (i*re  ;  slgué  Du  Prat,  notaire  rolal  «.  L'hôtel  de 
La  Guyonie  silof  dans  Allassac,  appartenait  vers  1469  6  Hélène 
de  Roqueleull,  veuve  d'Audoyn  de  Peyrusse,  seigneur  de  Salnt- 
Ybard,  Salnt-Bonnet-la-RtvlÈre,  coseigneur  d'Alassac,  usufruitière 
de  la  dite  Juridiction  d'Alassac,  La  Baallde  et  liiHel  de  la  Guyo- 
nie 11).  Ce  dernier  avait  pour  maUre,  1507,  Gabriel  de  Peyrusse  (2)  ; 
[oui  comme  en  1552,  Jeanne  des  Cars,  dame  de  La  Basllde  (Salnl- 
Vlanee),  se  taisait  reconnaître  pour  des  renies  tonitres,  etc.,  sur  la 
Chlèze  d'Alassac,  près  le  village  disparu  de  Brons  d'où  fut  proba- 
blement originaire  la.  famille  de  Brons  {3),  postérlcurleurement 
Inscrite  parmi  la  noblesse  Sarladalse.  Jeanne  lirait  aussi  des 
reOevances  du  Vordier-Bas,  etc.,  portables  au  ch.lteau  susdit  de 
I.a  Bastide  ou  à  celui  de  l^  Guyonie  (4|.  Selon  un  plan  de  ville, 
1735,  dés  archives  du  Saillant,  La  Gulonle,  alors  possédée  par  la 
dame  du  Saillant,  et  anciennement  par  le  s'  de  La  Basllde,  au 
dire  de  celte  pièce,  était  en  deliors  mais  au  pied  des  murs  du  lorl, 
enire  la  porle  de  Cùablrand  et  la  gare  actuelle.  Cette  maison  forte 
avait  dû  son  nom  Jadis  à  quelque  constructeur- propriétaire  du 
nom  de  Guyon  ;  bien  aulre  évidemment  que  ces  Guillon,  parfois 
Guyon,  notaires  à  Douzenae,  qui  avalent  si  bien  altéré  en  beau 
leur  origine  (5),  qu'Us  nous  ont  rendu  très  défiant  même  à  l'endroit 
du  lamlieau  de  illlallon  ci-après,  quoique  emprunté  à  dom  Fonle- 
neau  (6);  François  de  GulUon,  écuyer,  seigneur  du  Pouget  et  de 
Laval,  épousa  en  146  .  Marie  de  Monteruc,  dont  Bertrand  de 
GulUon,  écuyer,  seigneur  du  Tell,  Laval,  marié  en  14G0  à  noble 
Marie  de  Cousages,  lesquels  curent  pour  fils:  Denis  de  GulUon, 
seigneur  du  Pougel,  I,Bval,  auquel  s'unit,  en  lôOl,  Marie  de  Les- 
taiig,  A  charge  de  lui  faire  porter  son  nom  de  Lestang, 

La  .Malber.nardis,  puis  dite  La  Mothk.  Il  est  probable  que  sous 
ee  double  nom,  dont  le  premier  cesse  au  xv  siècle,  se  cache  une 
dualité  de  fiefs  cimtigus,  dont  le  premier  par  suite  de  destruction 
se  laissa  englober  puis  éteindre  dans  celui  de  La  Motte.  Toujours 


ID)  Vdvci  sur  ces  Ak  BroDu  •\p  1»  Ru<niKui^<'e.  doni 

(uoMj,  11.  37  de   H   pl»qu. 

■t.e:    U  prâid^nt  de    V!c 

ifnrd,  pLTi((ueuI,  DuponI 

.  180!,  In^'. 

|i)  Tiires  de  Lsniue. 

(6)  M-  toi.  âJ.  in-f,  à  1. 

EiUe  Ae  iraTuil,  aui  m». 

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^  30i  - 

esl-lll  qn'H  tllre  <ie  selutieui»  de  Ia>  MDttf,  les  Miillwiiiiird,  suivis 
fies  Rotflgnae,  furent  les  ileuxli'.'nies  cosclgneurs  d'AUassac,  avcr 
six  aatrcs,  et  avec  l'évèque  de  Limoges  pour  premier  coselgneur  |lj. 
Noble  Kaynaiid  Malbernartl  (famille  de  chevalerie  bien  aiilé- 
rleure),  aclifite  le  diniatiche  api^s  l'Oclave  de  rAssomplIon  Xotre- 
Oaiiie,  1271,  de  Bernard  I.n  MolJie,  habitant  d'Alassac,  le  quail 
d'un  repaire,  «ire  affasion,  dit  de  La  Mole,  sis  dans  Alassae, 
moyennant  50  llv.  Is.  (î).  Pierre,  abbé  de  Saint-Martial  de  Limoges, 
norillalt,  128i,  que  Hëlle  Malbcrnnrd,  chevalier,  iivall  rendu  sa  fol 
a  sim  abbaye  pour  la  moillé  dudlt  repaire  de  La  Mothe.  Un  acie 
hirté  (apparemment  à  cause  U'nn  report  en  autre  reglslrej  relaie, 
127i,  Jean  Malbernard,  et  Yhospiciuni,  fortalitiuin  île  la  MalOer- 
nardia  (3).  Mais  II  est  certain  que  le  efoinicellus  RaynaUlua 
Malbcrnardi  fit  lioniniaRe  lige,  en  1296,  à  l'évique.  pour  sa  pari 
rie  coseigneurle  d'Alassac  et  les  mas  del  Montet  et  de  Fn'gemouche. 
Ce  gentilhomme  avait  i\i  émanclp<!  eu  1285  par  son  p*re,  le  che- 
valier Hélle  de  Malbernard  (41.  Vers  la  nifime  année,  survint  un 
accord  entre  ledit  évoque  et  Réginald  Malbernard,  professeur  en 
lois,  héritier  de  Gllwrt  et  d'Ymbert  Laporte,  damoiseaux  défunls, 
nu  sujet  de  la  Juridiction  d'Alassac,  prétendue  par  ledit  successeur, 
el  à  propos  des  bols  communaux  d'Alassac  s'élendanl  entre  ladite 
ville  et  le  bourg  de  Brabcliar  (Brochas).  Il  y  lut  stipulé  el  réservé 
que  si  Guichard  de  Comborn  n'agréait  pas  l'accord,  rien  ne  serait 
fait  (3).  GulUem  Escharplt  (cvldemnieol  de  celte  trfts  noble  race} 
acheta  en  1309,  au  nom  de  Rcynald  de  Malbernard,  et  cela  de 
Pierre  Faurès,  demeurant  à  Alassac,  une  maison  audit  lieu,  près 
celle  mouvant  en  flet  do  Berlrand  Laporle{6).  Du  samedi  aprCs 
saint  Luc,  évangélisle,  1354,  Pierre  Malbernard  (le  m^'me  que 
Peyronnel,  ailleurs  Pierre  de  Malbernard,  damoiseau,  coselgneur 
d'Allassac  dÈs  133i,  aux  ides  d'avril),  seigneur  en  partie  de  la 
rafime  ville,  el  chevalier,  vendit  au  vicomte  Archambaud  de 
Comborn  des  rentes  sur  la  Taictu  et  la  Méganie  (Perpezac),  sur  le 
village  aussi  de  Laval  [Saint- Bon  net)  et  celui  du  Mas  du  Montet 
(Allassac),  pour  50  deniers  d'or  (7).  5  ]  nln  1359,  le  donzel  Pierre  de 
Vlgler,  flis  héritier  à  défunt  Gui  de  VIgler,  aliéna  des  biens  (ou 
renies)  sis  à  Alassac,  à  Rigaldo  Malbernardi  epi.icopo  EiUicim  \%). 


(t)  TiireB  Lanime. 
Ij)  Areh.  de  la  Uiuu 
(6)  Papiers  Lamue. 


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—  nos  - 

signalons  aussi  KaynauU  Ue  Maubernarct,  t'vAque  (1)  de  Llshmine 
en  1363;  le  varlet  Oallliei' Malbemard,  1334-40:  Jean  Maubernard, 
chevalier,  1374;  et  1376,  selKoeur  de  ta  Malbernardie;  eiiflD,  au 
28  décembre  1364,  la  vente  {'2)  par  Philippe  et  Guillaume  Malber- 
uard  libres,  à  Reynal  de  Ro[fli;"«<^i  chbvaller,  seigneur  de  Satnl- 
UcMiialn  (-les-Vci'gncs)  et  de  Mosse  (Meaulce,  dlocËsc  ite  Nevers). 
Cette  allénallon  di.'flnltive  comprenait  :  1*  le  château  et  tour  de  La 
Motte  d'AIafisae  autrement  dite  tie  La  Malbernardie,  avec  les 
fossés,  iwurprls;  2-  le  t'ifis  de  La  Molhe,  nn/rantaiit  i3)  audtt 
château  ef  à  cliemin  d'AIassni;  ti  Don/ennc,  b,  autre  chemin 
d'Alassac  il  La  Coste,  et  au  chemin  d'Alassac  à  la  lonlaine  Saint- 
Martin  ;  3'  les  quarts  (de  produits  vlnnlres  et  autres,  pour  la  dlme) 
de  Monredon  et  des  Farges;  4"  les  quarts  et  (|ulnls  de  Favois 
(Allassaci,  confrontant -aus  vignes  de  l'abbé  de  Vlgeots;  5*  elc,  et 
généralement  toutes  rentes  et  (trolls  (féixlaux)  do  la  seigneurie  et 
châleau  de  Ui  Motte  d'Allassac,  autrement  de  la  Malbernardie; 
fi*  sur  divers  villages  de  Sain t-Germaln-lcs- Vergues,  de  la  Vallade  . 
;Perpezac-Ie-NoIr]  ;  de  Laval  et  Laborde  (Saint- Bon  net-l'Enfantler)  ; 
du  Fraysse- Vieux  (Voutezac),  dimw,  pleine  Justice,  garennes,  bols, 
moulins,  étangs;  plus  deux  villages  d'Orgnac.  11  y  avait  dé]à  des 
rapports  plus  étroits  entre  les  deux  maisons,  puisqu'en  1327,  8  no- 
vembre, noble  dame  Kygentrells  ?  de  RoUlgnac,  veuve  de  feu 
Raymond  Malbernard,  chevalier,  administratrice  de  leurs  entants, 
échangea  le  Monlet  et  ta  lx>rderle  de  La  Jugle,  près  Montredoii  et 
Ijt  Sudrlc  (4|.  Il  y  avait  eu,  sans  date,  échange  de  malsons  d'Al- 
lassac,  consenti  par  Pierre  Malbernard,  gentilhomme,  agissant  de 
la  licence  et  autorltû  du  chevalier  Hugues  Carrières  [Chari'eiras, 
d'ObJat],  la  dite  maison  contigue  à  celle  de  Doson  Vlgter,  cheva- 
lier (des  Vlgler  d'entre  Masseret  et  Limoges,  probablement).  Noble 
Pierre  Vigor  vendait,  1359,  à  Guillaume  de  Rotllgnac,  évoque  de 
Dun...,un  hôtel,  pré  et  vigne,  dans  les  dépendances  do  notre 
ville  (5). 

Revenons  aux  Rofllgnac.  Noble  et  puissant  Jean  de  RoIIInhae, 
chevalier,  seigneur  de  Meaulee,  Salnt-Uermaln,  La  Mote,  Riche- 
mont,  coselgneur  d'Allassac,  mandataire  en  1378  de  noble  dame 
Louise  de  Monlerne,  fit  un  échange  avec  l'abbé  de  Saint-Martial 


i  mauvais  que  noua  dislnne  :  rnn- 
fmitaal,  t\\mfa\oa  (oaMcrfe  pur  louB  nos  litre*  limouBii».  Pour  être  <lu  bel  air. 
il  laudroii  dire  arec  rea  MesEieura  :  G«iie  icrre,  coraprl»  dani  M)  fnagt,  conlins  i 


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-  390  - 

(le  Limoges  (i;.  Ji>an  (le  K'iuIlKiiaf,  clievaller,  s'  de  RIcheraont  (2;, 
lioMitaage  so»  re|wil>i'  de  Lo  Motte,  ft  l'évi-ijne,  ses  quarts  el  quiuls 
(lûiialilcs,  1438.  De  niCine  |iar  (autre?]  Jean  de  KoullRiiac,  Ii8tl;  cl 
auparavant  par  Uuiot  de  Rollgnac  seigneur  de  La  Mote.eoselgneur 
(l'Alassac,  pour  ce  qu'il  teiiull  de  la  dlle  crosse,  NésllReant  le 
-\vi'  siècle  durant  lequel  les  Rolllgnao  sont  toujours  là,  t>ieti 
entendu,  bornons-nous  aux  d<^talls  saillants  de  la  nommc-c  de 
162i  pour  Louis  de  RoniKnae  *  Mgr  de  Limoges,  quant  à  la  tour 
el  chflleau  de  La  Molhe  d'Allassac,  avec  ses  fossés,  préclôtnres, 
pleine  Justice,  droil  d'avoir  les  (rens  du  clos  de  La  MotUe  pour 
Kuettables,  mounables,  et  astrelgnables  aux  four  et  pressoir.  11 
dénombre  encore  ses  diniefi  du  même  clos  et  d'autres  ténements  et 
l^.ve  k  l'éffliae  d'Alassac  sur  les  pains,  sire  tourtes,  qu'on  batUe  à 
l'oUrande  lorsque  les  préti'es  cliantent  leur  premiiTe  messe,  des- 
quels ledit  sieur  recteur  prend  le  preniliT  pain  et  le  seigneur  de 
Rollgnac  le  deu\li-mc  [probablement  comme  co- fondateur  de 
l'écllse  et  eollfge  desdits  pn'itres).  Il  perçoit  pelage  et  compoJt  hors 
la  ville  et  pan'-rt(te  d'Alassac,  énumftrc  foi^ce  rentes  autour  de  ce 
clocher  et  de  ceux  do  Salnt.-Pnrdoux  l'OrllBler,  Salnt-Bonnel- 
l'Entantler,  Orgnac,  Perpezac-le-Notr,  Estivaux,  Voutezac;  et  Salnl- 
normaln-les-Vergnes,  au  pied  duquel  li  a  ohAteau  de  Roufflgnac 
en  toute  Justice,  péage  et  comi«U  ;  el  censlves  el  Juridiction 
entière  au  bourg  de  Vllllerus,  tout  voisin.  Sans  parler  des  rentes 
aliénées  par  les  ftoâgnac  sur  Le  Saillant  de  Voulezac  et  sur  Char- 
liât  (Vlgeols)  dont  l'évéque  reçut  hommage  en  1624  de  la  part  de 
M"  Léonard  Guyon,  conseiller  d'élecllon  de  Brlve,  y  habitant.  Ce 
Guyon  CD  avoue  aussi  sur  te  t(-ncment  dit  de  La  Mothe,  sllué  dans 
Lesplnas  (Allassae),  confrontaut  au  guc  de  La  Motliesurta  Vézére. 
Mgr  se  réserve  de  lui  en  réclamer  l'hommage  s'il  est  dii,  sur  le 
Puy  l'Esplnas,  d'Allassac,  pour  la  renie  de  13  setters  en  grains,  et 
19  gerles  de  vin,  en  dlrcetllé  dont  Guyon  s'est  désisté  au  prolll 
du  prieuré  d'Aurell  (Haute-Vlennc),  c'est-à-dire  des  Jésuites  de 
Limoges  {3;.  Le  16  mal  1618,  GeorRCS  de  La  Personne,  écuyer,  sei- 
gneur du  Temple  et  du  Puy,  comme  héritier  de  teu  Pierre  de  La 
Personne,  son  père,  el  bérltler  contractuel  de  sa  nif^re,  leu  Hélalne 

de avait  vendu  pour  2,320  livres,  des  vignes  d'Alassac,  A  Louis 

de  Roflgnac,  seigneur  dudlt  et  Henri  de  RoUgnac,  seigneur  de  La 
Motbe,  qui  le  2  août  suivant  céda  sa  part  audit  Louis.  La  llève  de 
M.  de  Rollgnac,  sans  date,  vers  le  milieu  du  xvif  siècle,  lui 
attribue  entre  autres  biens,  outre  La  Molhe  :  les  maisons  en  ville  ; 
1*  de  Contou,  près  la  porto  de  Garavet  ;  2°  dites  de  Dulan  et  de 

II)  GalgnicreK,  in>  17118. 

|2I  AbMg  Ro<r  de  Pierrclîite  el  Lrcltr.  pi  pupicri  Limiic. 

13)  Arch.  de  la  lliuie- Vienne,  fonde  éïèclw.  G.  7428,  el  lomc  XX-  mv 


dbyGoot^lc 


-  397- 

Glrallou,  près  de  la  rue  allant  de  l'église  ô  Gauch  ;  3*  appelée  de 
Saint'Urclsse,  eontlgue  à  celle  de  Poude  ;  plus  une  grande  tour 
ronde  confrontant  (1)  à  la  rue  tendant  de  la  porte  de  Bon  à  celle 
de  Bardicon  et  du  Midi  au  portail  nommé  la  porte  Guyonnle.  Il 
possédait  en  outre  «  la  chapelle  jointe  fi  la  grande  église  d'Alassac, 
du  côté  du  soleil  couchant,  avec  tombeaux,  et  litre  et  ceinture  a  et 
encore  une  chapelle  dite  de  Monlemc,  en  l'église  paroisslalte  de 
Donzenac,  avec  droits  honorifiques  ;  et  les  seigneuries  de  Monterac 
(&  Etouzenac)  et  de  la  (.hartroule,  cette  dernière  composée  de 
maisons  ainsi  que  de  faibles  preslalions,  Justice  entière  et  d'Hon- 
neurs en  la  chapelle  de  La  Cliartroule.  La  saisie  des  biens  de  Rotl- 
gnae,  pratiquée  le  27  janvier  1698  par  Jeanne  de  Boisse,  sœur  de 
}^  a  lut- Benoit,  «  abcsse  »  des  Clarisse»  de  Brive,  spéciUe  même 
situation  terrienne  à  peu  prés,  et  les  maisons  d'Alassac  acquises 
par  feu  Jacques  de  Rollgnac  du  s'  de  Salnt-Urclsse  ;  ce  qui  dénoie 
un  flet  de  Saint-L'rclsseiest-ce  Sainte-Orse?  Saint-Ours?  en  notre 
vUlelte,  dont  les  flancs  dégonflés,  comme  le  trompeur  cheval  de 
Troie,  recèlent,  on  le  volt,  bien  des  choses,  si  on  veut  se  montrer 
vraiment  regardant,  loin  de  se  contenter  d'un  coup  d'œll  à  (leur 
de  peau.  Telle  l'aïeule  vénérable  garde  la  trace,  au  fond  de  ses 
rides,  des  mille  soucis,  Iracas,  travaux,  brisements  de  cœur,  de 
sa  longue  vie  plus  que  dévouée,  totalement  sacrifiée  Jour  par  Jour 
et  goutte  h  goutte). 

Le  S'  de  Rofllgnac  avait  à  Alassac,  vers  1740,  un  château  à  deux 
corps  de  logis,  à  deux  tours,  fossé,  salle,  sallon,  allée  d'ormeaux, 
garenne  de  chênes.  Jardin  fruitier,  dit  Le  Clos,  deux  prés  appelés  : 
La  Combome  (Jadis  aux  Comborn,  évidemment)  et  pré  des  Demoi- 
selles dans  le  domaine  de  Caucaud,  et  le  grand  pré,  touchant  an 
deuxième  et  n  aux  carrières  d'ardoise)  à  chemin  de  BrIve  au 
Saillant  ;  la  métaierle  du  bols  du  Puy  (Alassac)  ;  et  â  La  Chartroule 
un  borderage  contenant  les  prés  de  Sainl-Ferréol,  la  grande  vigne 
17  sétérées,  etc.  Bref,  en  1715,  Jean  de  Rofflnfaac,  s'  de  Lamothe, 
demeurait  à  Allassac.  Mais  en  1760,  J.-B.  Ciioivy,  écuyer,  seigneur 
du  Pouget,  Homgnac  et  en  grande  partie  d'Ala.^ac,  habltaU  son 
château  de  Lamotte-RofSgnac  prés  Alassac,  en  qualité  de  l'un  des 
200  gens  d'armes  de  la  garde  du  roi,  relégué  (2),  Après  lui  ce  fut, 
16  novembre  1772-79,  Jean  Pradel  de  La  Mase,  écuyer,  seigneur  de 
La  Mase,  Charllac,  La  CharlrouIIe,  Monteruc,  I^motte,  RoUlgnac, 
eoselgneur  en  grande  partie  de  la  ville  et  paréage  d'Allassac, 
lieutenant  général  de  la  sénéchaussée  d'Uzerehe  (3). 

fA  suivre).  J.-B.   Champeval, 

(Il  Papiers  Limai:.  —  Oblilion  Bimbollque  de  to 

(!)  Miauuu  de  l'^iude  LaviaUe,  i  Allob; 
(3)  ArcblvSB  àe  la  Uocrèie.  B.  2j1. 
T.  XX. 


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Michelet  et  le  Limousin 


Michelet  revient  à  la  mode.  On  ne  compte  plus 
les  articles  de  journaux,  les  chroniques,  les  études 
parues,  ces  derniers  jours,  touchant  le  grand  his- 
torien romantique.  On  l'invoque  au  Père  Lachaise, 
on  le  glorifie  au  Panthéon,  on  le  célèbre  dans  des 
conférences  et  il  semble,  après  le  discours  de  M.  le 
Ministre  de  l'Instruction  publique,  qu'il  n'y  ait  plus 
grand'chose  à  dire  sur  celui  qui  aima  de  toutes  ses 
forces  la  France  et  le  peuple,  répondant  d'avance,  et 
sans  réplique,  à  certains  détracleurs  d'aujourd'hui, 
qu'ils  soient  de  chez  nous  ou  d'ailleurs,  lesquels, 
hypnotisés  parraméricanismeouranglo-saxonisme, 
ne  veulent  voir  chez  les  races  latines  qu'affaissement 
moral  et  décadence  intellectuelle. 

En  montrant  la  France  soldat  de  Dieu,  de  la  jus- 
tice et  du  droit,  apôtre  de  la  philosophie  idéaliste  et 
de  la  littérature  sociale,  héraut  d'armes  de  l'huma- 
nité et  de  la  tolérance,  Michelet  a  écrit,  avec  son 
cœur  et  sa  passion  —  ce  qui  fait  sa  grandeur,  mais 
aussi  parfois  ses  faiblesses  —  un  des  plus  éloquents 
plaidoyer  en  faveur  de  la  race  française,  et  la  jeu- 
nesse qui  viendra  s'abreuver  à  cette  source  vive, 
fraîche  et  réconfortante,  ne  désespérera  pas  de 
l'avenir. 

Mais  il  ne  s'agit  pas  ici  de  juger  l'fiistorien  et 


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d'apprécier  l'écrivain-poèle.  Noua  voudrions  sim- 
plement montrer  dans  Michelet  l'évocateur  de  la 
vieille  France  provinciale,  le  peintre  qui  ressuscita 
dans  leur  cadre  pittoresque  et  avec  leurs  coutumes 
traditionnelles  les  cités  du  Moyen  âge,  rappeler  son 
appréciation  sur  les  Limousins,  et  les  rapports 
qu'il  eut  avec  l'un  d'entre  eux,  Mgr  Berteaud,  évè- 
que  de  Tulle. 


On  n'ignore  pas  quel  admirateur  enthousiaste  de 
l'unité  française  fut  le  poète  épique  de  la  Révolution. 
Mais  il  était  de  tempérament  trop  indépendant  et 
d'esprit  trop  éclairé  pour  confondre  unité  et  uni- 
formité, indépendance  avec  anarchie.  Relisez  ce 
court  et  substantiel  volume  qui  a  pour  titre  :  Notre 
France,  sa  géographie,  son  histoire,  vous  y 
découvrirez,  sans  grande  peine,  les  grandes  lignes 
de  l'Evangile  des  décentralisateurs  de  ce  jour. 

Cette  a  œuvre  de  science  et  d'art,  absolument 
originale  »,  n'est  autre  chose  que  le  Tableau  de  la 
France  placé  en  tête  de  l'histoire  du  Moyen  âge, 
repria  et  complété  par  les  notes  que  prit  Michelet 
lors  du  voyage  dont  il  fut  chargé  par  l'Etat,  en  1835, 
à  l'effet  de  fouiller  les  archives  laïques  et  ecclésias- 
ques  de  province.  Notre  Finance  a  été  publiée  par 
M"' Michelet  en  1886;  c'est,  a  écrit  M.  Emile  Page 
dans  une  étude  sur  laquelle  nous  reviendrons  :  «  Une 
»  géographie  sans  pareille,  pittoresque,  animée,  en 
»  relief  et  en  action,  faisant  la  part  de  toutes  les 
»  énergies  locales,  laissant  voir  à  l'œuvre  tant  de 


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B  foyers  épars,  les  individualités  provinciales,  com* 
»  posées  des  forces  et  des  beautés  les  plus  diverses, 
»  et  les  ramenant,  les  rattachant  toutes,  par  un  lien 
»  indissoluble,  à  la  mère  patrie  B.  Quelle  différence 
avec  cette  France  unitaire  et  uniformisée  à  l'e-rcès 
qu'ont  tenté  de  nous  façonner  la  royauté  absolue, 
le  jacobinisme  et  le  césarisme,  que  cette  France  si 
diversement  variée,  a  s'exprimant,  au  contraire, 
par  la  forte  personnalité  de  chaque  province  séparée 
encore  du  centre  monarchique  et  vivant  de  sa  vie 
indépendante  »  (1). 

Déjà,  dès  le  milieu  du  x'  siècle,  à  la  chute  de  la 
dynastie  carlovingienne,  des  diverses  parties  du  sol 
gaulois  se  dégagent  des  aspirations  fédéralistes  et 
chacune  d'elles  s'exprime  en  une  dynastie  féodale, 
ce  qui,  malgré  quelques  historiens  journalistes  ou 
politiciens,  n'exclut  pas  une  harmonie  forte  et 
réelle  et  la  conscience  à.'une  obscure  et  vagve 
unité.  Tels  sont  les  termes  mêmes  de  Michelet,  et 
il  développe  ainsi  sa  pensée  : 

s  La  variété  infinie  du  monde  féodal,  la  multi- 
»  plicité  d'objets  par  laquelle  il  fatigue  d'abord  la 
»  vue  et  l'attention,  n'en  est  pasmoins  la  révélation 
»  de  la  France.  Loin  qu'il  y  ait,  comme  on  l'a  dit, 
»  confusion  et  chaos,  c'est  un  ordre,  une  régularité 
B  inévitable  et  fatale.  Chose  bizarre  !  nos  quatre- . 
B  vingt-six  départements  répondent,  à  peu  de 
B  chose  prés,  aux  quatre-vingt-six  districts  des 
»  capitulaires  d'où  sont  sorties  la  plupart  des  sou- 
»  verainetés  féodales,  et  la  Révolution,  qui  venait 
»  donner  le  dernier  coup  à  la  féodalité,  l'a  imitée 
B  malgré  elle  ». 


dbyGoot^lc 


Vous  voyez  qu'on  pourrait  de  là  conclure  presque 
que  l'esprit  d'indépendance  en  matière  politique, 
administrative  et  intellectuelle, —  c'est-à-dire,  pour 
parler  comme  aujourd'hui,  décentralisateur,  —  est 
aussi  vieux  en  France  que  la  tendance  à  l'unité  et 
aussi  ancien  que  la  France  elle-même,  puisque  l'un 
et  l'autre  suffisent  à  expliquer  et  à  réduire  en  for- 
mule l'histoire  de  notre  race,  sortie  de  la  combinai- 
son souple  et  harmonieuse  de  l'élément  celtique, 
avant  tout  sociable  et  égalitaire,  et  de  l'élément  ger- 
manique, essentiellement  individualiste,  disciplinés 
tous  les  deux  par  l'esprit  romain,  méthodique,  orga- 
nisateur, centralisateur  (2). 

Esprit  d'indépendance  ou  individualisme,  ten- 
dance à  l'unité,  à  l'ordre,  ou  caractère  éminemment 
social,  tels  sont  en  effet  les  deux  qualités  principales 
et  diverses  —  mais  non  contraires  —  de  l'esprit 
fiançais  fait  par-dessus  tout  de  clarté,  de  méthode 
et  de  sociabilité,  laquelle  doit  consister  à  «  diminuer, 
0  sans  la  détruire,  la  vie  locale,  particulière,  au 
»  profit  de  la  vie  générale  et  commune  »  (3). 

Aussi  Michelet  s'intéresse -t- il  beaucoup  à  la  vie 
provinciale.  Il  n'a  pas,  à  notre  égard,  les  paroles 
dédaigneuses,  le  mépris  maladroit  de  certains  «  bou- 
levardiers  »,  auxquels  trop  souvent  applaudissent 
■  quelques  provinciaux  t  intellectuels  »  et  désabusés. 
11  sait  bien  ce  que  nous  devons  tous  à  Paris  et  à  l'He 
de  France,  qui  sont  le  a  résumé  du  pays  »,  qui  a.  ont 
reçu  et  donné  l'esprit  national  »,  mais  il  sait  aussi 
ce  que  la  Capitale  doit  à  la  Province. 

Et  d'abord,  pour  lui,  c'est  l'histoire  de  celle-ci 
qui  peut  seule  expliquer  «  comment  s'est  formé  en 


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une  ville  ce  grand  et  complet  symbole  du  pays».  Ne 
dédaignons  donc  pas  nos  érudits,  nos  chercheurs  et 
nos  archéologues  de  province  qui  sont  en  train  de 
refaire,  dans  tous  ses  détails,  l'histoire  complète  et 
définitive  de  la  France,  a  dont  la  description  de 
Paris  sera  le  dernier  chapitre  a . 

Les  écrivains  eux-mêmes,  si  nombreux,  qui  sont 
nés  à  Paris,  a  doivent  beaucoup  aux  provinces  dont 
leurs  parents  sont  sortis  »,  ce  qui  ne  !es  empêche 
pas  d'appartenir  aussi  a  à  l'esprit  universel  de  la 
France  qui  rayonna  en  eux  »  (4). 

Que  dirons-nous  alors  des  génies  puissants  que 
vit  éclore  la  province  elle-même  :  les  Pascal,  les 
Bossuet,  les  La  Fontaine  et  tant  d'autres?  De  ceux- 
là,  comme  des  auteurs  contemporains  dont  le  talent 
est  venu  s'épanouir  dans  la  capitale,  Michelet  n'eut 
pas  été  loin  de  penser  ce  qu'exprimait  spirituelle- 
ment, dans  une  des  dernières  réceptions  académi- 
ques, un  de  nos  penseurs  les  plus  distingués  ;  «  que 
»  les  plus  robustes  fils  de  la  province  viennent 
»  s'établir  à  Paris  pour  le  bon  motif,  pour  y  prêcher 
»  de  plus  haut  la  décentralisation  !  »  (5). 


II 

Pour  bien  comprendre  l'époque  féodale  ou  pro- 
vinciale, —  car,  selon  Michelet,  ce  dernier  nom 
la  désigne  aussi  bien^  —  il  faut  étudier  le  caractère 
de  chaque  province,  non  seulement  dans  sa  géogra- 
phie, ou  sous  le  rapport  du  sol  et  du  climat,  mais 
aussij  et  surtout,  dans  son  histoire,  c'est-à-dire  sous 


dbyGoot^lc 


le  rapport  de  l'action  politique  et  sociale,  sous  le 
point  de  vue  des  hommes  et  des  événements. 

Grâce  à  cette  méthode,  autrement  compréhensive 
et  philosophique  que  celle  de  Taine  et  de  M.  Demo- 
lins  dans  les  Français  d'aujourd'hui,  on  verra 
comment  l'histoire  a  a  effacé  »,  «  violé  o  la  géogra- 
phie, comment,  du  Nord  au  Midi,  de  l'Est  à  l'Ouest, 
s'est  constituée  peu  à  peu  l'unité  morale  de  la 
France,  somme  et  combinaison  de  toutes  les  indi- 
vidualités provinciales  dégagées  de  plus  en  plus  des 
fatalités  du  milieu,  de  la  tyrannie  des  circonstances 
matérielles  de  race  ou  de  climat. 

Michelet  passe  donc  en  revue  nos  différentes  pro- 
vinces et,  après  les  avoir  caractérisées,  il  remarque 
que  quelques-unes  alternent  de  caractère  et  s'ai- 
mantent, pour  former  des  régions,  des  «  zones  » 
de  tempéraments  divers,  parfois  opposés.  C'est  de  la 
fusion  harmonieuse  de  ces  contrastes  qu'est  sortie 
la  personnalité  de  la  France,  que  s'est  formée  «  l'âme 
française  ». 

Ainsi  en  est-il,  par  exemple,  de  la  zone  de  l'Ouest, 
où  l'on  passe  : 

a  De  l'universalité  parisienne  à  la  sévérité  de 
»  Chartres  et  d'Orléans  ; 

»  De  la  noblesse  de  la  Touraine  à  la  fermeté 
»  intelligente  de  Saumur  et  d'Angers  ; 

»  De  Vamabilité  poitevine  à  la  sauvagerie  ven- 
0  àéenne,&\d. sécheresse  industrielle  etpolitique 
»  de  la  Rochelle  ; 

»  De  la  grave  Saintonge  à  la  riche  et  aimable 
»  Angoulèrae  ; 


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»  De  l'honnêteté  de  Limoges  à  Vâpreté  spiri- 
»  tuelle  de  Brive  »,  etc.,  etc.  (7). 

Mais  laissons  de  côté  la  théorie,  dont  on  pourra 
lire  l'ingénieux  développement  dans  ce  merveilleux 
Tableau  de  la  France  qui,  de  l'avis  de  M.  Faguet, 
peut  servir  de  modèle  à  tous  les  historiens  et  à  tous 
les  géographes,  et  tenons-nous  en  à  ce  que  Miehelet 
pense  du  Limousin  et  de  ses  habitants. 

Voici  d'ahord  le  Haut-Limousin  :  «  Pays  froid, 

pluvieux,  qui  verse  tant  de  fleuves ses  collines 

granitiques,  arrondies  en  demi-cercles,  ses  vastes 
.forêts  de  châtaigniers  nourrissent  une  population 
honnête,  mais  lourde,  timide  et  gauche  par  indéci- 
sion. Pays  souffrant,  disputé  si  longtemps  entre 
l'Angleterre  et  la  France.  L'adieu  de  l'ennemi,  quand 
il  sentit  le  pays  lui  échapper,  fut  l'extermination 
de  Limoges  ». 

Cette  psychologie  vaut  bien  celle  de  l'auteur  des 
Français  d'aujourd'hui  qui  voit,  dans  le  «  châ- 
taignier», l'ennemi  mortel  des  Limousins.  Ajoute- 
rons-nous que  cette  timidité  et  cette  indécision  de 
l'hahitant  des  plateaux,  due  aussi  à  l'infertilité 
du  sol  et  aux  brusques  variations  de  la  température, 
ne  va  pas^  comme  on  l'a  déjà  constaté,  sans  de 
notables  exceptions,  en  particulier  dans  les  classes 
moyennes  où  le  souci  de  l'existence  quotidienne  et 
la  préoccupation  de  la  vie  matérielle  jouent  un  rôle 
bien  moins  important  que  chez  le  paysan. 

C'est  cette  infertilité  du  sol,  cause  de  notre  pau- 
vreté, qui  nous  a  protégés  contre  les  envahisseurs: 
Romains,  Burgondes,  Goths  et  Wisigoths,  établis 


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-  406- 

dans  des  régions  plus  clémentes  et  plus  fécondes; 
c'est  à  cette  pauvreté  que  nous  devons  d'avoir  con- 
servé presque  intacte  notre  personnalité  celtique  et 
c'est  d'elle  que  nous  tenons  un  ensemble  de  quali- 
tés qui  rachètent  amplement  nos  imperfe(:tions{8). 

C'est  surtout  quand  nous  passons  de  la  région  des 
plateattx  à  celle  des  plaines  que  ces  qualités  se 
manifestent  et  elles  n'ont  pas  échappé  à  l'histo- 
rien : 

«  Le  Bas-Limousin,  le  pays  guerrier  des  Marches, 
n  qui  ne  voulut  relever  que  du  roi,  c'est-à-dire  de 
»  personne,. est  autre  chose;  le  caractère  remuant 

»  etspirituel  des  méridionaux  y  estdéjàfrappant ■ 

»  La  Corrèze,  c'est  l'énergie  auvergnate  méridiona- 

»  lisée Entre  Tulle,  vieille  ville  épiscopale,  et 

»  Brive-la-Gaillarde,  bien  bâtie  en  dures  (?)  pierres 
»  grises  à  angles  aigus  comme  l'âpre  vivacité  de  ses 
»  habitants,  vous  rencontrez  de  petites  habitations 
»  groupées  par  deux,  par  trois,  au  milieu  des  prai- 
»  ries,  sous  les  châtaigniers.  Charmant  et  pauvre 
j>  pays  dans  lequel  on  tourne  par  des  rampes  déli- 
»  cieuses,  entre  des  roches  pendantes,  mousseuses, 
»  brunes,  richement  ombrées  et  délicatement  fes- 
»  tonnées  de  verdure.  Petites  cascades  pour  un  fétu 
»  —  (ne  pas  oublier  les  grandes)  — ,  rivière  qui  fuit, 
»  vive  comme  une  couleuvre  ;  au-dessus,  des  peu- 
»  pliers.  Un  peu  de  sarrazin  pour  vous  rappeler 
j>  que  vous  êtes  au  pays  de  la  pauvreté,  que  toute 
»  cette  beauté  est  désintéressée.  La  Bretagne  est 
B  laide  et  pauvre.  Le  Limousin,  beau  et  pauvre  ». 

Après  le  pays,  voici  les  hommes  : 

«  Ce  pays  a  donné  des  hommes  à  l'Église,  à  la 


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»  Monarchie.  Les  noms  des  Ségur,  desSaint-Aulaire, 
a  des  Noailles,  des  Ventadour,  des  Pompadour  et 
»  surtout  des  Turenne,  indiquent  assez  combien 
.  »  les  hommes  de  ces  pays  se  sont  rattachés  au  pou- 
»  voii'  central  et  combien  ils  y  ont  gagné.  Ce 
»  drôle  (?)  de  cai-dinal  Dubois  était  de  Brive-Ia- 
9  Gaillarde. 

»  Deux  de  nos  derniers  papes  français,  d'Avignon, 
»  étaientaussi Limousins{ClémentVI, GrégoireXI). 
>  Ils  avaient  fait  plusieurs  cardinaux  de  leur  pro- 
»  vince.  Ces  Limousins,  à  la  mort  de  Grégoire  XI, 
»  se  voyant  exclus  de  la  papauté  par  le  conclave, 
»  firent  nommer  un  pape  italien.  Les  autres  cardi- 
»  naux,  comme  on  le  sait,  firent  bientôt  un  second 
a  pape,  un  genevois,  qui  vint  régner  à  Avignon. 
»  De  là,  le  grand  schisme  d'Occident  »  (9). 

Ce  jugement,  dans  son  ensemble,  est  fort  juste, 
beaucoup  plus  juste  que  celui  de  M.  Demolins, 
d'après  lequel  le  Limousin,  hors  de  chez  lui,  «  est 
réduit  soit  à  la  mendicité,  soit  aux  fonctions  mili- 
taires ou  administratives  ». 

Si  Michelet  exécute  un  peu  bien  lestement  Dubois 
—  dont  le  procès  se  révise  tous  les  jours,  —  s'il 
oublie  le  pape  Innocent  VI,  s'il  ne  parle  pas,  et  pour 
cause,  de  la  brillante  cohorte  des  explorateurs  de 
nos  jours,  il  a  fort  bien  compris  le  grand  rôle  joué 
par  nos  hommes  de  guerre  et  surtout  par  nos  hom- 
mes d'église. 

11  savait  que  le  Limousin  fut  la  terre  privilégiée 
des  saints  et  des  monastères  en  ce  Moyen  âge 
(t  énorme  et  délicat  »  où  «  les  villes,  n'étaient  rien,  à 
moins  qu'elles  ne  fussent  cités  épiscopales  »,  où 


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Il  les  abbayes  étaient  des  centres  d'attraction,  autour 
desquelles  s'étendaient  des  villes  et  des  bourga- 
des »  (10),  où  l'Église  «  offrait  aux  intelligences  une 
littérature,  une  histoire,  une  dialectique,  la  philo- 
sophie de  son  dogme  et  ses  paroles  de  vie  éter- 
nelle »  (11). 

Tout  homme  a  deux  pays  :  le  sien  et  puis  la  France  ! 

Ce  vers  de  Bornier  qui  résume  admirablement, 
dans  la  bouche  de  Charlemagne,  le  rôle  de  la  France 
chrétiennej  gesta  Dei nous  fait  regretter  l'ab- 
sence d'une  étude  d'ensemble  sur  le  Limousin  reli- 
gieux, où  nous  verrions,  une  fois  de  plus,  l'impor- 
tance des  services  rendus  par  notre  province  à  la 
civilisation  française  et  européenne  I 

Rappellerai-je  ici  quelques  noms,  parmi  les  plus 
connus  :  saint  Martial,  saint  Waast,  saint  Ëloi,  saint 
Libéralj  saint  Dumine  et  saint  Vincentian  ;  sainte 
Ferréole,  sainte  Fortunade,  saint  Yrieix  et  saint 
Sadroc,  dont  certains  endroits  tirent  leur  dénomi- 
nation ?  Obasine  a  saint  Etienne  ;  Beaulieu,  Rodul- 
phe,  <t  le  père  de  la  patrie  »,  fondateur  de  son  abbaye 
bénédictine  ;  Tulle,  dont  la  plupart  des  évèques 
sortent  des  grandes  familles  limousines,  peut  citer 
saint  Calmine  et  Adémar  des  Echelles,  son  bienfai- 
teur ;  Drive  a  saint  Martin,  disciple  de  saint  Martin 
de  Tours;  Uzerche,  saint  Léonat  et  saint  Coronat, 
chantés  par  Denys  Pyramus,  et  surtout  Rodulphe  de 
Mira,  qui  releva  son  abbaye  ravagée  par  les  Nor- 
mands et  fît  de  ses  abbés  les  égaux  des  vicomtes 
de  Turenne,  de  Comborn  et  de  Limoges.  Quant  à 
nos  trois  papes,  n'oublions  pas  qu'ils  portèrent  chez 


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nos  amis  de  Provence,  qui  paraissent  parfois  ne 
pas  s'en  souvenir,  la  civilisation  et  les  noms  même 
des  grandes  familles  limousines,  faisant  d'Avignon 
le  véritable  foyer  intellectuel  du  monde  catholique. 
Ce  serait  même,  a-t-on  prétendu,  le  sentiment  de 
jalousie  provoqué  par  cette  suprématie  artistique 
d'un  pays  jusque  là  obscur  qui  serait  la  véritable 
cause  des  brocards  dont  on  a  si  longtemps  accablé 
nos  populations  limousines  et  auxquels  M.  Demolins 
a  voulu  donner  une  allure  s  scientifique  »  (12). 

Qui  a  raison  ici,  du  sociologue  ou  de  l'historien? 
Est-ce  M.  Demolins  avec  son  o  influence  déprimante 
du  châtaignier  B,  ou  bien  Michelet  avec  son  éloge 
de  nos  guerriers  et  de  nos  apôtres  ?  L'histoire, 
comme  Ta  compi'ise  ce  dernier,  est  surtout  un  art 
puisqu'elle  évoque  et  ressuscite,  et  la  sociologie  est 
une  science  à  la  mode,  et  nous  vivons  dans  un  siècle 
a  scientifique  ». 

Tant  pis  I  Résignons-nous  à  n'être  pas  savants 

de  cette  manière  et continuons  à  manger  des 

châtaignes  t 


fH 

M .  Emile  Fage  a  consacré  une  étude  des  plus 
intéressantes  aux  relations  intimes  qui  existèrent 
entre  l'historien  romantique  et  Mgr  Berteaud  (13). 
Dans  son  remarquable  ouvrage  :  Un  Évèque  d'au- 
trefois, M.  Germain  Breton  (14)  est  revenu  sur  ce 
sujet,  où  te  côté  dramatique  ne  fait  point  défaut, 
puisque  c'est  la  mise  en  scène  éminemment  tragi- 
que, de  plus  en  plus  d'actualité,  de  ces  grandes 


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-  4tO- 

anlinomies;  la  raison  et  la  foi,  la  science  et  la 
religion,  le  réel  et  l'idéal  ! 

Nous  permeltra-t-on  de  revenir  sur  un  aussi 
important  débat,  tranché,  semble-t-il,  par  ce  génie 
qui  eût  nom  Pascal  et  qui  fut  à  la  fois  un  grand 
savant,  un  profond  penseur  et  un  chrétien  sublime? 

«L'homme  n'est  ni  ange  ni  bête »  Voilà  ce 

que  nous  oublions  trop,  voilà  une  constatation 
éminemment  humaine  qui  pourrait  mettre  d'accord 
les  esprits  les  plus  opposés,  concilier  les  plus  irré- 
ductibles. Michelet,  dans  la  seconde  partie  de  sa 
vie,  dans  la  seconde  partie  de  son  histoire,  —  oii  il  se 
montre  en  proie  à  ses  préjugés  de  politicien  contre 
les  rois,  les  prêtres,  les  jésuites,  le  catholicisme,  — 
Michelet  perdit  de  vue  cette  grande  vérité.  De  plus 
en  plus,  alors,  sa  sensibilité  excessive,  son  imagina- 
tion puissante  l'emportèrent  sur  son  jugement; 
il  fut,  de  plus  en  plus,  un  poète,  un  transforma- 
teur; il  devint,  selon  le  mot  de  M.  E.  Faguet,  un 
((historien  contestable  et  décevant»  et  la  vérité  ne 
fut  plus,  hélas!  son  unique  idole. 

Ainsi  devaient  forcément  se  rompre  les  liens  de 
"l'amitié  vive  et  durable  qui  l'unissaient  à  l'évêque 
de  Tulle,  théologien  du  Verbe,  philosophe  de  l'In- 
faillibilité, Romain  d'esprit  et  de  cœur.  L'apôtre 
n'admettait  que  la  foi,  la  tradition.  Pour  lui,  comme 
pour  tout  catholique,  le  Verbe  était  tout  ensemble 
la  base  et  le  couronnement  de  la  science  des  hom- 
mes. Pour  Michelet,  au  contraire,  la  raison,  réchauf- 
fée et  élargie  par  l'amour,  était  le  chef  de  voûte  de 
toutes  les  connaissances. 

Mais,  malgré  ce  divorce  de  deux  esprits  éminenls, 


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il  resta  toujours  entre  eux  un  souvenir  touchant  de 
la  liaison  passée,  une  estime  réciproque  et  profon- 
dément sincère.  Au  fond,  l'èvêque  sentait  l'histo- 
rien plus  près  de  la  vérité  que  beaucoup  d'autres 
écrivains  libres- penseurs.  Il  savait  combien  était 
vive  la  foi  spiritualisle  de  Michelet,  combien  il 
vivait  d'espérance  chrétienne  en  Dieu  et  en  l'Immor- 
talité, conditions  nécessaires  de  toute  liberté  et  de 
toute  justice  : 

a  Oh  I  Michelet,  s'écriait-il  un  jour,  quel  malheur 
s  qu'il  ne  soit  pas  mort  réconcilié,  dans  le  sein  de 
»  l'Église  !  Il  méritait  un  meilleur  sort  que  celui 
»  auquel  il  s'est  laissé  entrainer.  C'était  une  noble 
»  nature,  un  cœur  excellent,  une  âme  d'élite.  Si 
»  j'avais  été  là,  les  choses  ne  se  seraient  pas  passées 
»  ainsi  ;  j'aurais  fait  appel  au  spiritualiste,  à  Thon- 
s  nète  homme,  aux  facultés  supérieures  de  son 
»  être  aimant  et  pensant.  Il  m'aurait  écouté,  suivi  ; 
»  il  serait  mort  en  chrétien  ». 

L'opinion  de  l'historien  sur  l'èvêque,  qu'il  avait 
entendu,  alors  simple  abbé  àSaint-Etienne-du-Mont, 
n'était  pas  moins  élogieuse  : 

«  Un  grand  charme,  disait  Michelet,  s'échappait 
»  de  toute  sa  personne  ;  son  talent  me  plaisait 

»  beaucoup C'était  un  esprit  rare  et  des  plus 

»  vifs,  une  imagination  étendue  et  ornée Un 

»  prêtre  intelligent  et  vertueux  » . 

On  aime  à  se  représenter  ces  deux  hommes  croi- 
sant amicalement  bien  des  lances,  échangeant  des 
confidences  mutuelles,  unissant  leurs  belles  intel- 
ligences dans  la  recherche  de  la  vérité  et  la  passion 
de  la  justice  sociale,  et  l'on  est  porté  à  croire  qu'il 


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-412- 

devaît,  de  temps  en  temps,  surgir  entre  eux  de  poé- 
tiques souvenirs  de  la  terre  limousine  que  l'un 
avait  si  bien  comprise  et  que  l'autre  portait  dans  son 
cœur. 

C'était  entre  eux  un  lien  de  plus,  avec  l'amour 
et  le  respect  qu'ils  professaient  tous  deux  pour  le 
tt  Paysan  »,  pour  le  «  Soldat  ». 

En  effet,  à  côté  des  plus  belles  pages  de  Michelet 
sur  Jacques  Bonhomme,  à  côté  de  celles  qu'il 
écrivit,  brûlantes  de  passion,  snr  Jehanne-la-Pucelle 
et  sur  nos  plus  pures  gloires  militaires,  on  peut 
mettre,  croyons-nous,  ces  éloquentes  paroles  de 
Mgr  Berteaud  parlant  à  ses  paysans  limousins  : 

<(  Vous  êtes  nobles  et  beaux,  vous  êtes  au  milieu 
»  de  vos  champs  comme  des  dieux  ;  les  anges  vous 
»  contemplent  avec  admiration,  car  vous  êtes  les 
»  soutiens  du  monde.  Quand  votre  bras  se  balance 
»  au-dessus  des  sillons  pour  y  jeter  le  blé,  quand 
»  vous  ensevelissez,  avec  la  charrue,  ce  blé  qui  doit 
»  mourir  pour  renaître,  Dieu  vous  regarde  avec 
»  amour  et  vous  prépare  ses  bénédictions.  C'est  vous 
»  qui  donnez  aux  homme.<  le  pain  de  chaque  jour; 
»  c'est  vous  qui  donnez  à  Dieu  le  pain  et  le  vin  dont 
B  il  fait  son  corps  et  son  sang »  (15). 

La  tirade  est  superbe  d'envolée,  à  lire  tout  entière, 
à  apprendre  par  cœur.  Moins  longue  mais  non 
moins  belle  la  suivante,  que  nous  pouvons  et 
devons  donner  presque  tout  entière: 

a  Le  soldat  défend  la  patrie,  il  défend  ses  droits 
»  foulés,  il  punit  les  ambitions  sauvages.  La  patrie, 
»  c'est  nous-mêmes  qui  vivions  avant  d'être  nés; 
»  nous  étions  dans  les  ancêtres,  nous  faisions  leurs 


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»  œuvres,  ils  sont  en  nous,  par  nous,  ils  les  conti- 
»  nuent.  Le  soldat  milite  pour  cette  personnalité 
s  brillante  et  séculaire,  formée  des  aïeux,  et  de 
»  ceux  qui  vivent  et  de  ceux  qui  viendront;  il 
»  sauve  une  grande  âme  prolongée  à  travers  les 
»  âges.  Ce  travail  est  beau ». 

Puis  l'évêque  rappelle  le  rôle  civilisateur  de 
l'Eglise  catholique  qui  aime  les  Francs,  parce  qu'ils 
furent  de  tout  temps  ses  plus  vaillants  guerriers^ 
ses  coopérateurs  au  plan  divin.  C'est  un  admirable 
résumé  de  toute  la  philosophie  des  Pères  condensée 
dans  Bossuet  ; 

«  Jadis,  quand  on  bénissait  le  soldat  catho- 

»  lique,  il  était  averti  qu'il  aurait  à  offrir  audacieu- 
B  sèment  sa  poitrine  pour  la  défense  de  la  Foi.  Il 
»  recevait  dans  sa  main  le  glaive  éminent  d'où 
B  allaient  jaillir  les  éclats  et  les  foudres  vengeurs. 
B  On  lui  souhaitait  la  magnificence,  le  courage,  les 
>  nobles  mœurs  propves  à  sa  grande  fonction,  on 
]>  appelait  sur  lui  les  augmentations  de  la  Foi^  de 
B  l'Espérance,  de  la  Charité.  Si  aujourd'hui,  avant 
»  de  revêtir  son  armure,  il  ne  passe  plus  par  de 
»  semblables  consécrations,  il  n'en  reste  pas  moins 
»  destiné  à  une  mission  divine.  Force  animée  et 
»  vaillante  des  peu^iles  qui  adorent  Jésus-Christ,  il 
B  conserve  un  fonds  d'attitudes  glorieuses.  Le  soldat 
»  de  la  France,  nonobstant  des  interruptions,  résul- 
n  tat  de  rapides  aiéprises,  ne  l'a  jamais  perdu.  Le 
B  génie  de  sa  nation,  profondément  catholique^  le 
»  ramène  sans  cesse  aux  champs  de  guerre  où  sont 
»  engagés  les  intérêts  de  l'Église.  Nos  armées  por- 
»  tent  un  fer  trempé  pour  la  gloire  du  Christ  ;  elles 

T.  XX.  3-7 


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»  sont  là  pour  faire  taire  les  projets  hostiles  à 
»  Dieu  ;  elles  décident  des  controverses  impies  avec 
»  leur  éminente  épée  ». 

IV 

Nous  voilà,  pensera-t-on,  bien  loin  de  Michelet 
avec  cette  philosophie  tirée  du  Discours  sur  V His- 
toire universelle,  avec  cette  politique  extraite  de 
VÉcriture  Sainte. 

De  Michelet  dernière  manière,  certes,  mais  non 
pas  de  Michelet  historien  du  Moyen  âge  et  chantre 
lyrique  de  nos  cathédrales  ;  encore  moins  de  Miche- 
let faisant  ses  débuts  au  Collège  de  Sainte-Barbe  en 
qualité  de  professeur  d'histoire. 

Sous  ce  titre:  Une  page  oubliée  de  Michelet, 
un  grand  journal  parisien  a  publié  une  véritable 
curiosité  littéraire,  à  peu  près  inédite. 

C'est  un  discours  de  distribution  de  prix,  prononcé 
le  17  août  1825,  sous  la  présidence  d'un  compatriote 
dont  nous  esquissions  dernièrement,  ici-même,  la 
biographie:  l'abbé  Feletz,  alors  inspecteur  d'acadé- 
mie, ancien  directeur  d'études  à  Sainte-Barbe  i  et 
critique  pointa  »  (17). 

Autre  coïncidence  curieuse  :  dans  le  palmarès  où 
figure  ce  discours,  l'élève  Désiré  Nisard,  qui  devait 
plus  tard  succéder  à  Feletz  comme  académicien  et 
prononcer  son  éloge,  est  mentionné  pour  avoir 
obtenu  le  premier  prix  de  dissertation  latine. 

Mais  revenons  à  Michelet.  Dans  le  document  dont 
nous  parlons,  l'orateur  examine  deux  questions  qui 
se  posent  encore  :  l'unité  de  la  science,  l'utilité  des 


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études  classiques,  et  il  base  sa  démonstration  sur 
cette  pensée  où  Pascal  compare  l'humanité  à  un 
seul  homme  «  qui  subsiste  toujours  et  apprend 
continuellement  d.  De  là,  la  nécessité  pour  l'éduca- 
teur de  transmettre  aux  jeunes  le  patrimoine  des 
ancêtres  qu'ils  devront  accroître  et  transmettre  à 
leur  tour  à  leurs  successeurs  ;  de  là,  la  grande  vertu 
éducative  de  l'étude  des  langues  anciennes  et  de 
l'histoire  : 

a  Fils  du  monde  antique,  s'écrie  le  jeune  pro- 
»  fesseur,  nous  repousserions  en  nous  l'héritage 
»  de  nos  pères  ;  leurs  innombrables  souvenirs  sont 
»  trop  mêlés  à  notre  existence  ;  ils  nous  entourent, 
»  ils  nous  pénètrent,  pour  ainsi  dire  ;  nous  les 
»  recevons  de  toutes  parts.  Vouloir  s'isoler  de  ces 
»  éléments  qui  se  sont  incorporés  à  nous-mêmes, 
»  c'est  une  entreprise  chimérique,  et  si  nous  avions 
»  le  malheur  d'y  parvenir,  nous  n'aurions  réussi 
D  qu'à  nous  faire  une  énigme  incompréhensible 
»  du  monde  moderne  que  l'ancien  peut  seul 
»  expliquer  ». 

Cet  appel  à  la  tradition  pour  justifier  l'enseigne- 
ment classique  ne  pouvait  déplaire  à  l'abbé  Feletz 
grand  admirateur  des  anciens.  Mgr  Berteaud,  lui, 
aurait  préféré  que  l'appel  s'adressât  uniquement  à 
l'héritage  chrétien  qu'il  mettait  bien  au-dessus  de 
l'autre,  quand  il  n'écartait  pas  dédaigneusement  ce 
dernier.  Quoi  qu'il  en  soit,  il  est  intéressant  de 
remarquer  ce  modelage  de  l'éducation  a  sur  le  plan 
historique  fixé  par  la  Providence  »  et  de  voir  légi- 
timer les  études  classiques  par  le  n  droit  divin  ». 

Michelet  se  rapproche  donc  ici  beaucoup  de 


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-  416- 

Bossuet,  ce  Père  de  l'Église  moderne,  nourri 
jusqu'aux  moelles  de  la  substance  du  Verbe.  Il  s'en 
rapproche  encore  bien  plus  lorsque,  après  avoir 
montré  l'utilité  des  lettres  anciennes  qui  forment 
le  style  et  l'homme  même,  de  l'histoire  «  qui  com- 
munique aux  paroles  la  réalité  et  la  vie  »,  il  arrive 
à  la  philosophie,  ce  couronnement  de  l'enseigne- 
ment classique  : 

a  La  philosophie  cultive  dans  l'élève  cette  noble 
»  puissance  de  généraliser,  qui  lui  permet  de  réunir 
»  mille  objets  sous  une  expression  simple,  de  s'éle- 
»  ver  des  conséquences  aux  principes,  des  effets 
B  aux  causes,  enfin  d'embrasser  un  système  ;  elle 
»  rattache  toutes  les  études  à  celle  de  l'homme, 
B  dont  elle  analyse  les  facultés  ;  elle  nous  montre 
»  dans  ce  centre  où  ils  aboutissent  tous  les  rayons 
9  de  la  science  et  nous  rassemble  l'infini  dans  un 
»  point  ». 

Croyez-vous  que  l'évêque,  philosophe  et  théolo- 
gien—  ce  qui,  souvent  {du  moins  jadis),  fut  même 
chose,  —  aurait  hésité  à  applaudir  des  deux  mains 
à  cette  constatation  que  de  la  connaissance  de  lui- 
même  l'homme  s'élève  à  la  contemplation  de  la 
nature,  de  la  contemplation  de  la  nature  à  l'adora- 
tion de  Celui  «  dont  la  volonté  gouverne  tous  les 
rapports  des  êtres  »  ?  Croyez-vous  qu'il  n'aurait  pas 
serré  dans  ses  bras  son  «  ami  Michelet  »  saluant 
l'Univers  du  mot  de  Marc-Aurèle  :  Auguste  Cité  de 
la  Providence  ? 

Ecoutez.  Est-ce  un  prêtre,  est-ce  un  historien  qui 
parle  ? 

«  Désormais,  il  n'y  a  plus  à  chercher  le  principe 


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—  417  - 

»  qui  doit  lier  toutes  les  connaissances  ;.  dans 
•a  Vunité  de  l'intention  divine,  V homme  a  trouvé 
»  Vunité  de  la  science  comme  celle  du  monde. 
»  Qu'il  observe  les  lois  invariables  de  la  physique 
»  ou  les  lois  non  moins  régulières  auxquelles  sont 
Si  assujetties  les  affaires  humaines  dans  leur  muta- 
»  bilité  apparente,  il  reconnaît  une  même  con- 

»  ception,  une  même  volonté Vous 

»  n'oublierez  pas  que  la  connaissance  des  faits 
D  isolés  est  stérile  et  souvent  funeste,  que  celle  des 
»  faits  liés  selon  leurs  véritables  rapports  est 
»  toute  lumière,  toute  morale,  toute  religion. 
»  Pour  nous,  puissions-nous  voir,  fidèles  à  ces  ins- 
»  tructions,  courir  dans  celte  carrière  où  nous 
»  marchons  si  lentement  encore,  enrichir  par  nos 
»  travaux  le  patrimoine  de  notre  espèce,  et,  àcha- 
»  que  découverte,  appuyer  d'une  preuve  nouvelle 
»  les  vérités  qui  font  la  dignité  de  l'homme  et 
»  sa  consolation  sur  la  ferre.  Alors  nous  ren- 
u  drons  grâces  à  Celui  qui  conduit  cette  marche 
»  admirable  de  l'humanité,  et  nous  le  remercie- 
»  rons  de  noua  avoir  donné,  pour  nous  remplacer, 
»  des  hommes  qui  valent  mieux  que  nous  ». 

Ces  deux  hommes  semblaient  donc  faits  pour  s'en- 
tendre. Il  y  avait  entre  eux  de  nombreux  points  de 
rencontre  et  d'attache.  Mais  l'un  regardait  trop  haut 
vers  le  ciel  et  poussait  jusqu'au  bout  sa  logique  de 
chrétien  et  de  catholique,  l'autre  hésitait  entre  les 
préjugés  de  son  esprit  et  les  élans  de  son  cœur. 
Partis  du  même  point,  ils  allaient  chacun  dans  une 
direction  diamétralement  opposée.  La  séparation 
devait  se  faire,  cruellement,  mais  sans  liel.  On  l'a 


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vuj  de  la  part  du  prêtre.  Quant  à  Michelet,  il  a 
raconté  lui-même  ce  drame  à  M.  Emile  Fage.  La 
scène  est  grande  et  belle,  bien  digne  de  ces  deux 
nobles  âmes  : 

a  C'est  ici,  dans  ce  petit  jardin^  que  j'ai  rompu 
»  avec  l'abbé  Berteaud  ;  j 'étais  excédé  de  la  tournure 
»  personnelle  que  prenaient  ses  entretiens  et  de  la 
»  forme  impérieuse  qu'affectait  son  langage.  Je  lui 
j>  fis  sentir,  avec  énergie,  que  la  discussion  sortait 
»  des  bornes  permises  ;  que  je  n'étais  pas  un  homme 
»  à  prendre  ni  à  surprendre  et  qu'il  se  trompait 
s  étrangement  sur  la  forme  de  résistance  de  mon 
»  caractère  et  de  mes  convictions.  Les  dernières 
r>  paroles  que  nous  échangeâmes  furent  celles-ci  : 

»  —  Vous  connaissez  la  Suisse,  Monsieur  le  cha- 
»  noine,  et  ses  glaciers  éternels? 

»  —  Certainement! 

JD  — ■  Us  sont,  vous  le  savez,  déchirés  par  des 
»  crevasses  profondes,  coupés  par  des  précipices 
»  insondables.  Les  voyageurs,  cependant,  peuvent 
»  se  donner  la  main  d'un  bord  à  l'autre.  Ils  n'en 
i>  sont  pas  moins  séparés  par  un  abîme  qui  va 
»  rejoindre  les  entrailles  de  la  terre. 

»  Sur  ces  mots,  nous  primes  congé  l'un  de  l'au- 
B  tre,  nous  ne  nous  sommes  pas  revus.  La  rupture 
»  se  fit  sans  retour  possible,  mais  sans  amertume. 
»  Le  souvenir  du  prêtre  intelligent  et  vertueux  qui 
»  venait  me  visiter  rue  des  Postes  m'est  toujours 
»  resté  présent.  Si  vous  le  voyez,  parlez-lui  de 
»  moi  ». 

Raymond  Laborde. 


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NOTES 


(I)  Hichelet:  Noln  France,  préface,  p.  VII. 

(î)  Janet  :  Dégénéretcence,  dans  ta  Revue  dei  Deux-Monde», 
15  octobre  I8M. 
(3-4)  Michelet  :  Notre  France,  pp.  294,  285,  287. 

(5)  Réception  de  M.  Hanotaui.  Réponse  deH.  MelchiordeVogue. 

(6)  Nous  sommes  heureux  et  flalté  dn  nous  rencontrer  sur  ce 
terrain  avec  M.  Emile  Page,  d'abord,  et  avec  H.  Fourel.  professeur 
de  rliétorique  au  Lycée  de  Tulle,  ensuite: 

a  Ceux  qui  ont  le  mieux  compris  et  aimé  le  génie  de  la  France 
t  ont  été  les  premiers  i  mettre  en  lumière  l'importance  de  l'activité 

■  provinciale  pour  la  prospérité  de  la  patrie.  Augustin  Thierry 
•  avait  àéjk  démontré  la  nécessité  d'étudier,  pour  comprendre  l'Iiis- 

■  loire  de  France,  les  traditions  provinciales,  et  lorsque  Michelet  a 
B  voulu  peindre  l'àme  franijniae,  retrouver  dans  l'unité  vivante  dé 
«  la  nation  les  éléments  naturels  qui  l'ont  constituée,  c'est  par 
>  l'étude  du  génie  particulier  de  chaque  province  qu'llad&com- 

■  mencer.  Il  a  bien  vu  que  ce  grand  corps  ne  livrerait  le  secret  de 
V  son  admirable  vitalité  que  si  on  savait  découvrir  la  part  prise  par 
H  chaque  organe  à  l'activité  de  l'ensemble  •. 

(Discours  prononcé  à  la  distrlbiiliou  des  prix  du  Lycée  de  Tulle). 

(7)  Michelet  :  Notre  France,  p.  38. 

{B)  Comptes  rend  us  de  la  LVII*  session  du  Congrès  archéologi(i»a 
de  France,  tenue  à  Brive  en  1890:  études  de  MM.  Léon  Vacher,  de 
Lépinay,  René  Fage,  etc. 

(9-10}  Michelet  :  Notre  France,  pp.  76, 18,  *. 

(II)  Lavisse:  Vue  générale  de  l'histoire  politique  de  l'Europe, 
p.  n. 

(12)  Demolins  :  Le»  Fnnçai»  d'aujourd'hui. 

(13)  Bulletin  de  ta  Société  des  Lettre»,  Sdencet  et  Arts  do  la 
Corrèie  (janvier-septembre  1895). 

(Id)  Monseigneur  Berteaud,  éoique  de  Tulle,  pp.  44-47. 

(15)  id-,  p.  93. 

(16)  Id.,  pp.  402-403. 

(17)  U  Temp»,  14  juillet  1898. 


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Livre  de  Raison 


Jean  de  MALLIARD 


(PAGES    INÉDITES) 


A  M.  K.  Rupin,  Président  de  la  Société  archéo- 
logique, historique  et  scientiflqtie  de  la 
Corrèze,  à  Brive. 

Gheb  Monsieub, 

Permettez-moi  de  vous  signaler  une  inexactitude 
qui  s'est  glissée,  à  votre  insu,  dans  un  article  publié 
à  la  page  343  du  tonae  XIX  de  notre  Bulletin. 
Je  n'ai  pu  le  faire  plus  tôt,  n'ayant  pas  sous  la 
main  les  documents  nécessaires.  Je  les  ai  mainte- 
nant et  vous  adresse  les  preuves  de  l'erreur  com- 
mise. 

Le  vieux  manuscrit  de  Brive,  dont  vous  avez  donné 
des  extraits  relatifs  aux  pestes  de  1507  et  1508,  et  à 
l'épidémie  de  1529,  n'est  pas,  comme  vous  l'avez 
cru,  le  Livre  de  Raison  de  la  famille  de  Cublac, 
c'est  le  Livre  de  Raison  de  Jean  de  Malliard. 

Reportez-vous  à  la  page  304  du  tome  II  de  notre 
Bulletin  :  il  y  est  fait  mention  de  son  frère, 
Franrois,  curé  de  Montjoie  et  de  Sanbusse,  mort  à 


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Brive,  en  i529,  de  «  la  maute  ».  A  la  page  79?  du 
même  tome,  vous  trouverez  un  passage  qui  relate 
les  pestes  de  1507-1508,  celles  de  1523,  1524, 1526  ; 
et,  à  la  suite,  une  note  où  Jean  cite  précisément 
parmi  les  personnes  décédées,  en  1515,  à  Brive,  «  où 
fut  grand  morire  de  grant  jans  de  be  »  son  «  honcle 
monsieur  de  Cublac  de  seinct  Ylh  (?)  ».  Ce  dernier 
ne  serait-il  pas  un  ascendant  (le  défaut  de  date  au 
manuscrit  que  vous  a  communiqué  M.  Penet  ne 
permet  pas  de  préciser  davantage)  de  cet  autre 
Cublac  qui  dit  avoir  extrait  —  le  mot  n'est-il  pas 
caractéristique?  —  sa  notice....  d'où?  Evidemment 
du  Livre  de  Raison  de  son  parent,  sur  lequel  livre  il 
a  laissé,  en  marge,  des  traits  indicatifs,  pour  les 
emprunts  qu'il  voulait  faire. 

Ces  emprunts,  d'ailleurs,  ne  sont  pas  pour  me 
déplaire,  car  ils  prouvent  que  les  vieux  brivistes 
connaissaient  le  Livre  de  Haison  de  mon  aïeul  et 
l'appréciaient  pour  son  exactitude,  puisqu'ils  y  pui- 
saient déjà  des  renseignements. 

Et  de  ces  emprunts  la  raison  est  facile  à  donner. 
Les  traits  tracés  en  marge  de  quelques  notes  de 
J.  deMalliard,  par  M.  de  Cublac  et  par  d'autres,  visent 
surtout  les  épidémies,  le  cours  des  denrées,  les 
travaux  agricoles,  la  valeur  et  l'emploi  des  bijoux, 
les  faits  historiques  comme  la  tenue  des  Etats.  Au 
commencement  du  xvi'  siècle,  il  n'y  avait  ni  jour- 
naux, ni  imprimés  contenant  des  statistiques  ou 
des  mercuriales.  Seuls  les  papiers  domestiques 
pouvaient  fournir  des  renseignements  à  cet  égard,  et 
du  reste  n'était-ce  pas  un  peu  pour  cela  qu'ils  étaient 
tenus?  Autrefois,  plus  large  et  plus  prévoyant  était 


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—  423  — 

l'esprit  familial  ;  on  regardait  plus  souvent  au-delà 
de  soi.  Le  Livre  de  Raison,  c'était  la  tradition  écrite 
substituée  à  la  tradition  orale.  Aussi  ces  vieux 
documents,  malheureusement  devenus  rares,  sont- 
ils  une  source  vive  pour  l'histoire.  Et  qui  sait?  Avec 
son  espMt  cultivé  et  curieux,  sa  plume  facile,  son 
besoin  d'expansion  et  de  confidences,  s'il  ne  fût  pas 
mort  à  la  fleur  de  l'âge,  Jean  nous  eût  peut-être 
laissé  comme  des  mémoires  et  d'autant  plus  pré- 
cieux qu'il  écrivait  au  jour  le  jour,  sans  prétentions, 
dans  le  seul  but  de  léguer  à  ses  descendants  le 
fruit  de  sa  propre  expérience,  et  de  revivre  à  la  bonne 
place  dans  leur  souvenir. 

Tel  qu'il  est,  de  tout  temps,  son  manuscrit  a 
éveillé  la  curiosité.  Personnellement  j'ai  pu  le 
constater  dans  mes  recherches  à  la  Bibliothèque 
nationale,  où  j'ai  trouvé  mentionnées  des  notes  de 
Jean,  de  son  fils  Rigal,  et  de  son  petit-fils  Jean- 
Zacharie,  le  courageux  consul  des  dernières  guerres 
de  religion,  lesquels,  après  lui ,  mais  plus  briève- 
ment, ont  tenu  la  plume. 

Au  siècle  dernier,  un  savant  anonyme  en  avait 
extrait  la  relation  de  la  fête  donnée  au  château  de 
Turenne  le  l"mai  1529  (voir  t.  II  de  notre  Bulle- 
tin, p.  782),  relation  dont  M.  Philippe  de  Bosredon 
a  retrouvé  une  copie  aux  manuscrits  de  la  Bibliothè- 
que nationale,  sous  cette  rubrique  ;  Faits  histori- 
ques concernant  le  Périgord  et  le  Limousin.  De 
nos  jours,  le  regretté  M.  Louis  de  Veyrières  l'avait 
fait  connaître,  dés  1857,  aux  lecteurs  du  Concilia- 
teur de  la  Corrèze  ;  et  dans  son  remarquable  travail 
sur  les  Livres  de  Raison  de  la  région,  M.  L.  Guibert 


dbyGoot^lc 


—  424  — 

a  signalé  l'importance  de  «  ce  curieux  et  intéressant 
manuscrit».  Enfin,  M.  Hanotaux  lui  a  fait  le  grand 
honneur  de  le  citer  dans  son  premier  volume  sur 
Richelieu. 

Tout  cela  n'est-il  pas  pour  me  fortifier  dans  moh 
projet  de  donner  de  ce  document  une  édition  plus 
complète  ? 

En  1879,  quand  j'en  fis  l'étrenne  à  notre  Société, 
toute  jeune  alors,  je  craignais  d'abuser  d'une  hos- 
pitalité gracieusement  offerte,,  et  puis,  par  un 
sentiment  qui  se  comprend,  il  me  répugnait 
d'étendre  trop  longuement  des  communications 
forcément  marquées  au  coin  familial.  Je  me  bornai 
donc,  au  début  du  moins,  aux  citations  tes  plus 
importantes,  et  c'est  pourquoi  j'avais  négligé  de 
transcrive  certains  passages,  notammentceux  publiés 
ci-dessous  à  l'appui  de  ma  revendication. 

Plus  tard,  les  encouragements  que  je  reçus 
levèrent  mes  scrupules  et  j'élargis  mon  cadre, 
mais  de  là  justement,  dans  le  travail,  un  défaut  de 
proportions  qu'il  est  bon  de  faire  disparaître.  Et 
depuis,  des  points  ont  été  éulaircis,  des  lacunes 
comblées  ;  plus  nettes  sont  les  échappées  ou- 
vertes sur  ce  xvi'  siècle  si  curieux,  si  intéressant  : 
a.  Notre  antiquité  moderne  »,  comme  a  dit  Michè- 
le!. De  nouvelles  recherches  me  permettront, 
je  crois,  de  faire  plus  grande  la  lumière  autour  de 
ce  Livre  de  Raison,  unique  peut-être  dans  son 
genre,  et,  en  tout  cas,  précieux  pour  notre  pays, 
puisqu'il  ressuscite  et  remet  sous  les  yeux  tout  le 
vieux  Brive  de  cette  époque. 

J'extrais  de  la  nouvelle  édition  projetée  les  frag- 


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-  425- 

ments  ci-joints  inédits.  Plusieurs  rectifieront  ce  qra^ 
vous  avez  écrit  et  tous  aideront  à  compléter  une 
publication  que  je  regrette  d'avoir  écourtée. 
Agréez,  etc. 

Fernand  de  Malliard. 


t 

Ed  non  de  dieu  le  père  et  le  fis  et  le  seinct  esperil 
monsegnieur  seinct  Johenp  et  monsieur  seinct  Martial  (1} 

et  de  tous  les  seincLz  et  seinctes  et  court  celestiale  du 
paradis.  Mon  frère  François  cure  de  Chasteulï  (2)  et  de 
nostre  dame  de  Melhias  (3)  chanta  sa  première  messe  a  la 
cure  dudii  Chasteulï  le  xxvii  de  desanbre(4j  que  estoit 
en  Testes  de  N'ouël  le  jour  seinct  Jehan  et  ne  fust  convie 
que  Chabiran  (5)  et  Sapientis  et  monsieur  de  Laporte  (6)  et 
sa  famé  les  prestres  de  la  peyroyse  et  seuditz  et  leslu  ne 
volsit  point  venir  et  chanta  en  uant  très  bien. 

Malliard. 

[t)Daiis:es  pieuses  formules  qui  oruentpresqueloujoursledébut  des 
noies  de  Jean,  les  saints  spécialement  invoqués  varient  suivant 
le  fait  relaté.  Ici,  l'intercession  de  saint  Jean  s'explique  parce  que 
le  27  décembre  est  le  jour  de  la  fête  de  l'apAtre  de  ce  nom,  et  celle 
de  >aint  Martial  parce  que  ce  saint,  évéque  de  Limoges,  est  le 
patron  du  diocèse  dont  Btive  dépendait  alors. 

(2)  Chasteaux,  commune  du  canton  de  Larche. 

[3]  Aliag  Halhias.  Je  ne  sais  où  cette  paroisse  ou  chapcllenle 
était  située. 

{i)  L'année  n'est  pas  indiquée,  mais,  dans  le  manuscrit,  cette 
note  suit  celle  oii  Jean  relate  le  bout  de  l'an  de  sa  première 
femme  en  15'i3. 

(5)  Voir  Bulletin  de  la  Société  archéologique  de  Brive,  t.  III, 
p.  597.  Notes.  —  Sur  la  plupart  des  familles  mentionnées  dans 
le  Livre  de  Raison,  j'ai  pu  réunir  de  nouveaux  renseignements 
qui  prendront  place  dans  l'édition  projetée. 

(6)  Il  s'agit  évidemment  d'un  membre  d'une  famille  bien  connue, 
les  Laporte  de  Lissac.  La  ch&tellenie  de  Lissac  se  trouvait  dans 
la  paroisse  de  Chasteau;. 


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-  426  - 

t 

En  nom  de  dieu  et  de  toute  la  court  selestielle  du  para- 

dia  soit  amen.  Mourust  en  la  ville  de  Brive  et  meson  de 

Quigniard  Jehane  de  Donareulx  (1)  damoysele  (2)  famé  de 

feu  Hugues  Quigniard  (3)  seigneur  du  dit  lieu  et  mère 

(1)  Donareulx  pour  Donnareaui  {en  limousin  limousinant,  Jean 
dit  toujours  eu  pour  au).  Ancienne  famille  de  Briva  dont  j'«i  re> 
levé  :  N.  Donarel,  abbé  laTc  de  Tulle,  au  x'  siècle,  qui  succéda  4 
Bernard  vicomte  de  Turenne  (Hinl.  du  diocéfe  de  Tulle.  Abbé 
J.-B.  Poulbrière,  p.  74);  —  Pierre  Donarel.  damoiseau,  qui  signe 
l'accord  de  mariage  entre  noble  et  puissant  seigneur  Jean  de  Pom- 
padour  et  noble  damoiaelle  Hélias  do  Cosuao,  en  1394  {Mémoires 
de  Daniel  de  Cornac.  Société  de  l'Histoire  de  France.  Preuves, 
t.  II,  p.  462);  —  Bertrand  de  Donnareaux,  seigneur  de  Vernouiilac, 
marié  à  Catherine  de  Har.  fille  de  noble  N.  de  Bar,  seigneur  de 
Puimarest  (diocèse  de  Limoges)  et  coaeigneur  de  Bar  (diocèse  de 
Tulle},  et  de  noble  Marie  de  La  Chapoulie,  dame  de  Halemort  et 
de  Cornil;  —  autre  Bertrand  de  Donnareaux,  marié  à  autre  Cathe- 
rine de  Bar,  sœur  de  !a  précédente,  tous  les  deux  mentionnés 
dans  le  testament  de  leur  beau-père  è  la  date  du  4  juillet  150T 
(B.  N.  Mss.  Fonds  Duchesne,  t.  47,  p.  448).  —M,  Clémont-Simon 
{!.&  Vicomte  de  Limoget,  p.  13t)  cite  Pierre  Donnarelli,  damoi- 
seau, tenant  dans  la  paroisse  de  la  Porcherie,  chfttellenie  de  Has* 
seré,  sa  maison  noble  des  Donnareaux.  Cette  famille  existait 
encore  en  t6S4;  Baluze  dans  une  lettre  à  son  neveu,  M.  Helon  de 
Pradou  {Bulletin  de  la  Société  des  lettre»,  tciences  et  arts  de  ta 
Corréze.  Tulle,  mars  1S83.  p.  166),  parle  d'un  M.  de  Donnareaui. 

(!)  QualiRcalion  nobiliaire  qui  correspondait,  pour  les  femmes, 
à  celle  de  damoiseau  et  plus  tard  d'écu;er,  pour  les  hommes. 

(3)  11  a  laissé  aussi  un  Livre  de  Raison  inscrit  aux  Mss  de  la 
Bibliothèque  nationale  sous  le  n-  1008  des  fonds  latins.  M.  Guibert 
l'a  publié  {Buttelin  de  notre  Société  archéologique.  Brive,  1890, 
p.  28  et  a,].  Ce  manuscrit,  sur  lequel  M.  Bruel  avait  déjà  donné 
une  notice  {eod.  loco,  t.  X,  tSSâ,  p.  261  à  265),  avait  passé  par 
I  dans  les  mains  de  Jean  de  Malliard  dont  l'écrilure 
aissable  en  des  annotations,  puis  dans  celles  de  son  fîis, 
Rigal,  qui  y  a  laissé  sa  signature,  sous  la  date  de  I55i.  —  La 
famille  de  Quinhard,  connue  dès  le  un'  siècle,  a  fourni  à  Brive 
plusieurs  consuls.  (Voir  sur  elle,  outre  les  renseignements  publiés 
par  M.  Guibert  r  Nadaud,  Nobiliaire  du  Limouiin,  t.  II,  p.  397; 
fiouillet,  Archives  de  la  Noblesse,  t.  U,  p.  244;  Lachesnaye  des 
Bois,  Dict.  de  la  Nobteaae;  Courceiles,  t.  IV,  p.  334.) 


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-  427- 
4ie  feu  Jehane  de  Quigniard  ma  famé  (<}  le  samedi  xviii'°' 

(1)  Le  mariage  se  célébra  à  Brive,  le  26  mai  1530,  ainsi  que  le 
constate,  eu  notre  Livre  de  Raison,  la  note  suivante  de  Jean,  men- 
tionnée à  la  page  Ï95  du  tome  II  du  Bulletin  de  notre  Société, 
mata  non  intégralement  reproduite  : 

n  A  tous  ceulx  qui  ces  presantes  varont  et  liront  sachet  que  lan 
de  grasse  mil  V<:  XX  et  le  zxvi"  de  may  questoit  dimencbe  le  jour 
de  la  trinité  que  est  toutjours  louetave  de  la  pendegouste  je  fis 
nopces  aveques  Jehann  do  Quigniard  damoïsselle  ftthie  de  feu 
noble  Hugues  Quigniard  escuier  du  roy  noslre  sire  de  la  ville  de 
Brive  et  fust  Fet  gran  feste  et  y  etoit  monseigneur  de  Vigouaa 
(Vigeois)  et  son  neveu  le  jeusne  protbonotere  de  Turenne  et  beu- 
coup  de  janCils  tiomes  et  dautres  de  la  ville  de  Brive.  Halliard.  > 

Jean  a  laissé  sur  la  mort  de  sa  femme,  une  note  détaillée  et 
pieusement  émue.  [V.  Bulletin,  t.  II,  p.  293).  Jeanne  de  Quignard 
était  née  le  jour  de  Pâques  15  avril  H98,  <  et  fut  parin  noble  home 
Beroart  Malefayde  segner  de  Damnhac.  et  marine  noble  Jeliane 
de  Rilz,  damoyselle  des  Donnareanlx,  et  y  fust  grant  cbiere.  Je  prie 
a  Dieu  et  a  nostre  dame  que  luy  deynt  bone  vye  et  longue  et  que 
la  fasse  Came  de  bien  par  sa  sainte  grasse,  t 
■  Jehane  de  Quinhart 
Dieuli  y  beye  parti  b 

Telle  est  la  note  charmante  par  laquelle  Hugues  de  Quigniard, 
dans  son  Livre  de  Raison,  mentionne  la  naissance  de  sa  Hlle.  — 
Le  parrain  appartenait  à  une  famille  aujourd'hui  éteinte  et  qui 
■  constituait  autrefois  une  des  maisons  de  chevalerie  les  plus  con- 
sidérées du  Limousin,  o  M.  l'abhé  J,-B.  Poulbrièrti,  auquel  j'em- 
prunte cette  indication,  a  publia  une  longue  note  sur  les  Malefayde 
[Bultelin  de  la  Société  de  Tulle,  188!,  p.  74  et  s.).  Le  Pfere  Bona- 
venlure  de  Salnt-Amable  mentionne  un  Géraud  de  Malafayde  entre 
les  années  1031  et  1035;  Nadaud  [Nobiliaire  du  Limousin  t.  III, 
p,  281)  cite  un  Géraud  Malafayde  de  Noalas,  entre  1096  et  1108. 
Aymeric  de  Malafayde,  patriarche  d'Antioche,  légat  du  Saint-Siège, 
fondateur  ou  restaurateur  de  l'ordre  du  Uarmel,  vivait  en  1U2.  Son 
frère  ou  son  cousin,  saint  Berlhold  de  Malafayde,  dont  la  fête  se 
célèbre  le  29  mars,  fut  te  premier  général  de  l'ordre  du  Carmel.  Ce 
sont  les  deux  illustrations  de  la  famille.  On  trouve  aussi  de  ce 
nom  des  abbés  de  Beaulieu,  uu  prieur  de  Brive  en  1235;  Hugues, 
aliai  Gouy  de  Malafayde,  damoiseau,  habitant  de  Brive  en  1396,  et 
flélias  de  Malafayde,  qualifié  damoiseau  de  Brive,  qui  sert  de 
témoin  avec  Jean  Reynal  dans  un  acte  de  1407.  Quelques  érudiis 
[ont  des  Malafayde  et  des  Noailles  deux   branches  de  la  même 


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—  128  — 

de  nonembre  1525  {11  entre  vii  et  viii  heures  devers  le 
soir  et  hiist  tous  ces  ordres  corne  ugne  bone  chrestiene 
et  fis  soner  ce  soir  mêmes  ugn  relais  (2)  et  landemein 
que  fusl  dîmenche  fust  ensevelie  aveques  feu  son  mari  (3) 
que  Dieu  pardonit  et  y  hus  l  prestres  et  tous  les  autres 
que  huret  m  deniers  et  les  dits  l  huret  xx  deniei's  (4) 
et  les  chanoynes  ti  sols  et  pour  les  m  messes  grandes  ou 
petites  les  diacles  et  sudiacles  (5)  me  costa  x  sols  (6)  et 
y  fis  Tiii  torches  et  xiii  petites  chaudeles  (7)  et  heu  este- 

(1)  II  est  à  remarquer  que  Jean,  qui  se  sert  des  chiffres  arabes 
pour  les  millésimea,  ne  les  emploie  pas  pour  ses  comptes,  I>eur 
usage  ne  s'était  pas  encore  généralisé,  ainsi  que  le  constate  Hiehe- 
let  dans  son  Histoire  de  France. 

(3)  Coups  de  cloche  qui  se  donnaient  pour  le  mort,  ï  U  tombée 
de  la  nuit.  Expression  pleine  de  sentiment,  car  en  patois  bas- 
limousin  I  reiai  ii  veut  proprement  dire  «  vessenllment,  retour  d'un 
mal  qu'on  a  eu.  »  (Honorât,  Dictionnaire  de  la  Langue  romane.) 
Ceux  qui  ont  passé  par  là  savent  en  efTet  combien  ces  glas  Tuné- 
bres  ravivent  la  douleur,  quels  nouveaux  déchirements  ils  produi- 
sent; il  semble,  en  les  entendant,  qu'on  reperde  i'étre  aimé,  qu'il 
vous  n  relaisse  a. 

(3)  Ce  dernier  avait  été  enterré  au  Verdier,  cimetière  ainsi  nommé 
à  cause  des  arbres  qui  l'o m b rageaient,  et  qui  était  situé  à  eùlé  de 
l'église  Saint-Martin.  Jean-Zacbarie,  le  petjt'flls  de  Jean,  parle 
quelque  part  du  tombeau  ■  qui  estoit  de  chez  Quinhard  ■. 

(4)  Vingt  deniers  font  2  francs  de  notre  monnaie. 

(s)  Jadis  la  permutation  des  deux  liquides  t  et  r  était  continuelle. 
Ainsi,  sous  Louis  XIV  encore,  on  disait  d  sable  »  pour  <  sabre  », 
■  cristère  a  pour  a  clyslëre  >. 
.  (6)  Dix  sois  font  12  fr.  70  de  notre  monnaie. 

(7)  Au  XVI*  siècle,  on  appliquait  indifTéremment  le  mot  chandelle 
au  suif  et  à  la  cire.  Olivier  de  Serres  parle  de  «  la  chandelle  de 
cire  a.  Les  fabricants  de  cierges  d'église  s'appelaient  i  ctiandc- 
liers  1.  Los  paysans  des  Vosges  donnent  encore  le  nom  de  chan- 
delle à  tout  ce  qui  leur  procure  de  la  lumière,  même  à  la  lanterne 
des  écuries;  c'est  rester  dans  l'étymologie  du  mot  :  candere,  être 
ardent.  —  Pourquoi  13  chandelles?  Evidemment  en  l'honneur  de 
Jésus-Christ  et  des  douze  apûtres.  On  mettait  une  chandelle  devant 
le  corps  et  six  de  chaque  cûté.  On  lit  dans  le  rituel  de  Périgueux 
de  (536  (ch.  v,  page  367)  ;  alii  sciticel  parentes  neu  custodes  can- 
delat  tredecim  préparant  quse  ardent  per  talurn  officium.ÇVo'ir 
J.-B.  Ttiiers,  docteur  en  théologie  et  cuië  de  Vibraye.  Traité  des 


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~-  429  - 

dal  et  y  ust  beucoup  de  jans  de  bien  et  y  vindret  tout 
plein  de  jans  digner  que  me  costa  beucoup  et  fis  lan- 
demein  matin  dire  sa  niese  et  y  heus  les  chanoynes  et 
des  prestres  et  des  jacopins  et  des  cordeliera.  Dieu  soit 
loué  de  tout. 

Malliard. 

f 

Le  mardi  xxi'  du  dit  mois  et  an  susdits  fis  la  setene  (1) 
de  feu  madamoyselle  desus  dit  et  y  heus  autant  de  pi'es- 
tres  L  et  chanoynes  et  des  jacopins  et  cordelière  et  y  fis 
autant  de  torches  v[ii  et  y  vint  beucoup  de  jans  au  disnei- 
la  on  fis  IX  plas  et  furet  bien  servis  que  me  costa  beucoup 
et  je  ne  y  etois  pas  tenu  car  elle  ne  ce  voloit  gouverner 
par  rayson  et  me  vandit  tout  plein  de  guayges  (2)  de  la 
meson  et  dona  et  en  guayga  et  des  abiliemans  de  feu  ma 
famé  que  dieu  aseulie  et  —  dit-on  —  que  fit  quelquez 
testemans  ne  say  que  set  car  ne  my  apela  pas  ne  persone 
des  miens  mes  me  fasoit  au  pire.  Dieu  le  luy  paMonit 
et  nous  pardone  tous  et  me  donit  le  pouvoir  et  grâce  de 
lui  fere  son  bout  de  lan  et  autre  bien.  Amen. 

Malliard. 


Le  vin'  du  mois  de  hoctobre  1526  fis  dire  vigilles  et  1« 
landemein  fut  fet  le  bout  de  lan  de  madamoysselle  Je- 
hane  de  Donareulx  famé  de  feu  Hugues  Quigniard  et 
mère  3e  feu  ma  famé  et  y  us  l  (3)  prestres  cordelière 

tupentilions  qui  regardent  lei  sacrements.  Paris,  1704,  t.  IV, 
p.  367.) 

(1)  Office  des  morta,  qui  d'ordinaire  se  disait  sept  jours  après 
l'eutorrement. 

(S)  Gages  ;  objets  autres  que  les  tissus;  aussi  Jean  ajoute-t-il  le 
mot  •  habillements  °.  L'intérêt  étant  prohibé  par  l'ËglIse  el  par 
l'Étal,  les  pTéia  d'argent  se  faisaient  sur  gages,  le  plus  souvent 
prisés  au-dessous  de  leur  valeur. 

(3)  Cinquanle  :  tel  est  le  nombre  de  prêtres  signalé  aux  enterre- 
ments, selenes,  bouts  de  l'an,  etc.  Les  prêtres  à  cette  époque,  et  en 
T.  XX.  3  -  S 


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-430- 

jacopins  ou  chanoynes  chescun  des  prestres[eut]  ss  deniers 
etcordeliers  et  jacopins  autant  et  les  chanoynes  ii  sols  et 
les  trois  qui  diret  les  trois  messes  ii  sols  vi  deniers  viii 
torclies  et  chandelles  a  tout  leur  de  noir  (1)  et  y  as  ugn 
beu  disner  (2)  et  beucoup  de  jans  y  vindrent  tout  plein 
que  me  costa  environ  x  ou  xii  livres  (3)  tout  conté.  Dieu 
en  soit  loué  de  tout.  Amèn. 

Malliahd. 

t 

Au  non  de  dieu  le  père  âlz  et  sainct  esperit  de  toute 
la  court  selestielle  de  parhadis  et  monsieur  sainct 
Josept  et  de  madame  sancte  Clere  du  covant  de  Brive. 
Morust  ma  seur  Jehane  religieuse  audit  covant  de  Saincle 
Clere  le  23""  du  mois  douctobre  1526  a  laube  du  jour 
pandant  que  nous  estions  audit  village  de  Puyfaure  (4) 
pour  la  peste  du  dit  an  et  estoit  ugn  bon  jour  des  xt  mille 

LimousiD  surtout,  étaient  très  nombreux.  Ils  vivaient  des  cérémo- 
nies religieuses  si  fréquentes  alors.  Un  synode  de  1529  leur  re- 
proche de  suivre  les  enterrements  dans  le  but  de  «  boustifailler  ■. 

(1)  Il  faul  lire  •  couleur  de  noir  i.  On  peignait  les  cierges  d'église. 
(De  Laborde,  Èrnaux  du  Louare.  Glossaire,  v*  chandelle.) 

(?)  Celait  la  coutume  de  iloiiner  à  dioer  à  tous  les  gens  qui 
assistaient  aux  cérémonies  funèbres.  En  nous  rRcanta;:t  les  funé- 
railles de  sa  première  femme,  Jean  nous  dit  :  ■  Je  fis  bien  mon 
devoir  et  furet  les  jans  fort  bien  servis,  il  y  eut  bien  yv  plats.  • 
A  la  setene  de  H"  de  Quignard,  il  y  en  eut  ix,  ainsi  qu'on  vient 
de  le  voir.  —  Nos  pères  du  xvi*  sifecle  étaient  de  gros  mangeurs. 
Avec  les  personnages  de  Gargantua  et  de  Pantagruel,  Rabelais 
a  voulu  faire  la  satire  des  mœurs  de  son  temps.  Comme  l'hôte  de 
Roui  Use,  cette  génération  nous  apparaît  continuellement  dînant.  Fian- 
gailles,  épousailles,  baptêmes,  rclevailles,  fêles  et  anniversaires, 
élections  municipales,  installation  de  magistrats,  fermes  des  taxes 
et  octrois,  semailles,  moissons,  tondailles,  vendanges,  commence- 
ment et  fin  de  travaux  de  toutes  sortes,  funérailles,  exécutions  capi- 
tales elles-mêmes,  tout  était  occasion  de  ripailles,  et  Dieu  sait 
lesquelles  '. 

(3)  354  ou  304  francs  de  notre  monnaie. 

(i)  Village  de  la  commune  de  Saint-Pan  la  léon,  canton  de  Larche 
(CorrËze). 


D.g.tizedbyGoOglC 


-  431  - 

vierges  (1).  Et  la  hus  tous  les  cordeliers  et  quelques 
prestres  car  ne  nous  ausions  gueres  Trequanter  aux  jans 
a  cause  de  la  dite  peste.  Et  y  flsmes  le  raieulx  que  pusmes 
non  pas  ce  que  devions  ne  ce  que  luy  apartenet  car  cestoit 
ugne  fort  bone  filliie  et  de  bone  vie  et  surtout  elle  et  moy 
nousaymioDsfort.Dieuveulbieguetoutjoursmaymeetque 
je  luy  puisse  fere  dire  du  bien  come  luy  apartient.  Tous  les 
jours  de  la  setene  mon  frère  et  moy  y  fusmes  et  je  y 
fus  toutjours.  Mondit  frère  y  dit  messe  quant  il  y  pouvoit 
aler  et  les  autres  jours  je  y  fis  dire  des  messes  par  des 
religieuls  des  cordeliers.  Et  le  30*"  du  dit  mois  et  en 
susdit  fis  fere  sa  setene  come  le  jour  de  la  mort  et  ce 
jour  mesme  fis  fere  religieuse  vestir  labit  a  Margarite  de 
Brandia  ma  niepse  ûthie  de  ma  sear  Margarite  et  je  y 
us  prou  a  fere  mes  fis  de  tout  ugn  du  dit  jour  de  prinse 
dabit  et  de  la  setene  do  ma  seur  et  fut  fet  come  desus. 
Ce  jour  mon  cosin  de  Seiva  (2)  et  Girardon  me  vindrent 

(1)  Les  onze  mille  vierges  de  Cologne  massacrées,  dit  la  légende, 
avec  sainte  Ursule,  par  les  Huiis,  —  Les  lignes  qui  suivent  ont 
été  déjà  publiées,  en  partie  du  moins  (Voir  Bulletin  de  notre 
Société/  t.  II,  p.  79S);  nous  avons  cru  devoir  les  reproduire  à  leur 
vrnie  place,  en  entier  et  dans  leur  suite,  pour  oiTrir  un  tableau 
complet  d'une  journée  en  15S6. 

(3)  François  de  Se!ve  qualité  ainsi  dans  un  titre  de  la  B.  N.(Msa. 
Titres,  v*  Belve]  ;  oenerabilU  vir  mai/ialer  Franciscue  de  Selva 
in  juribu»  baccafaureus  ville  Brive  maritus  Johanne  Rambertt 
ejut  uxorig  ptiœ et  heredië  universalis  quondam  Jacobi  Ramberli. 
C'était  le  neveu  de  Jean  de  Selve,  1"  président  du  Parlement  de 
Paris,  une  des  grandes  figures  du  règne  de  François  I*'.  Sa  fille 
Jeanne  de  Selve  épousa  Sébastien  de  Juyé.  seitrneur  d'Enval  et 
de  la  Marque,  ambassadeur  en  Espagne  et  valet  de  chambre  ordi- 
naire du  roi.  C'est  donc  à  tort  que  M.  le  comte  de  Cosnac  a  fait 
cette  Jeanne  de  Selve,  fille  du  I"  président  du  Parlement  de  Paris. 
{Mémoires  de  Daniel  de  Cosnac.  Preuvet,  t.  II,  p.  46!.]  Du  reste 
la  Gazelle  du  8  février  1694  avait  déjà  commis  la  même  erreur  dans 
une  généalogie  do  la  maison  de  Cosnac.  ~  De  nouveaux  rensei- 
gnements recueillis  seront  ajoutés  à  ceux  déjà  fourniB  sur  la  famille 
de  Selve,  à  l'occasion  du  mariage  du  fils  de  Jean  de  Malliard  avec 
Françoise  de  Sudrie,  dont  la  mère,  Françoise  de  Selve,  était  la 
propre  nièce  du  négociateur  du  traité  de  Madrid.  (Voir  Bulletin  de 
notre  Société,  1881,  p.  5S0  et  a.) 


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-  432- 

qiierir  pour  aleravequea  heulx  au  pre  de  Sainct  Panta- 
leon  (1)  que  estoit  de  feu  Ranbei-t  que  monsieur  du 
SaliEin  (2)  luy  fasoit  débat  audit  de  Selva  et  de  la  nous 
en  vismes  a  Ënval  (3)  ou  se  tene  tous  ces  jans  et  le 
lendetuein  fismes  bone  chiere  le  jour  de  la  tous  seins 
et  le  jour  des  mortz  a  laube  du  jour  vint  quelque  nonbre 
de  laquais  ugns  et  autres  audit  Enval  prandre  tout  le 
bestial  du  dit  de  Selva  et  mon  cbeval  et  je  les  poursuis 
bien  jusques  a  Brive  mes  ilz  huret  passe  mes  a  la  fin 
dans  XV  jours  je  recouvre  mon  cheval  mes  non  rien  du 
demurant  que  costa  beucoup. 

J,  DB  Malliahd. 
Et  Tust  ensevelie  ma  dite  seur  auprès  du  gran  autiel 
la  ou  jeapoyre  fere  porter  ugn  teunbeu  dardoyse  [4)  dieu 
me  donit  le  lems  la  force  et  le  pouvoir.  Amen. 

+ 

Le  23  du  mois  douctobre  1527  après  ensuyvant  fis  fere 
le  bout  de  lan  de  ma  dite  seur  Jane  de  qui  dieu  ayt 
lame  questoit  ugn  mei'credi  lendemein  des  xi  mille  vierges 
fis  dire  vigilles  et  us  le  gardien  mon  cosin  Rufl  (5)  et 
Langlade  (6)  et  des  chanoynes  et  des  prestres  et  fis  le 

(1)  Commune  du  canton  de  Lvtche. 

(2)  Guillaume  do  Lasteyrie,  seigneur  du  Saillant.  —  Voir  sur  ce 
nom  et  sur  d'autres  noms  cités  dans  cette  page,  DuUetin  de  notre 
Société,  IS80,  p.  167. 

(3)  Eod.  toco. 

(4)  Je  n'ai  trouvé  montionDés  nulle  part  les  tombeaux  d'ardoise. 
C'était  un  produit  du  terroir. 

(5)  Od  trouve  à  Brive  une  ramille  KufB  dès  le  iiii*  siëcle.  Dans 
un  titre  de  1!69  (Accord  de  Souveraine,  veuve  de  Hélie  de  Corn- 
born,  damoiseau,  avec  les  consuls  et  habitants  de  Brive  pour  les 
décimes  des  vignes  du  territoire.  B.  N,,  Uss.  GaigniËres,  613)  lîgure 
un  P.  RuRl.  [Voit  aussi  Butlelin  de  notre  Société,  t.  I,  p.  7M.] 

(6)  De  ce  nom  il  existait  à  Hrive  une  famille  qui  a  Fourni  Petrus 
Langladi,  consul  en  1406.  N'adaud  {Nobiliaire  du  Limotttin,  t.  III, 
p.  34)  en  mentionne  une  dans  les  environs  de  Bort.  En  Périgord, 
au  ivi*  siècle,  on  trouve  aussi  les  Girard  de  Langlade.  (B.  N.,  Hss. 
Périgord,  58,  p.  334.) 


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■^  433  — 

mieulx  que  je  pus  car  avois  resu  en  ce  mesme  jour  des 
novelles  de  mon  frère  que  avoit  belle  peur  de  perdre  son 
bénéfice  de  Malhîas.  Dieu  par  sa  grâce  luy  en  done  bone 
espedision  a  son  profit  si  nececere  chose  est  et  en  prie 
ma  dite  seur  si  elle  a  puyssance  envers  dieu.  Amen. 

J.    DE   MILLIARD. 

t 

Au  non  de  J.  H.  S.  et  de  la  vierge  Marie  et  de  madame 
seincte  Clare  soit  amen.  Fis  fere  religieusse  Margarite 
de  Brandia  ma  niespse  au  covent  de  Brive  et  la  fist  reli- 
gieuse F.  Frances  Rous  père  gai-dien  de  cest  an  questoit  le 
23'jour  de  nonenbre  1528  et  estoit  mardi.  Dieu  et  nostre 
dame  et  madame  seincte  Glere  la  facetfame  de  bien  et  bone 
religieuse  en  son  ordre  etreligion.  Et  le  samediapresquestoit 
le  28"°  du  dit  mois  et  en  susdit  fust  espousée  Hugote  de 
Malbiard(l)  Slhie  de  feu  mestre  Jehan  de  Brandia  (2] 
bon  licencie  et  home  de  bien  et  de  Margarite  de  Malbiard 
ma  seur  la  quelle  espousa  le  dit  jour  et  an  que  dessus 
mestre  Frances  Régis  (3)  de  ceinct  Bonet  (4)  que  esloit  le 


(1)  11  doit  y  avoir  là  ud  lapaua  calami;  Jean  a  dû  vouloir  diro  : 
Hugoie  de  Brandia. 

(S)  Nadaud  {Nobiliaire  du  Limomin,  t.  I.  p.  2561  mentionne  au 
xiii*  et  au  XIV*  sifecte  plusieurs  chevaliers  de  ce  nom,  seigneurs  en 
partie  de  Montbrun  et  de  Chalua-Ctiahrol.  Hélie  de  Branda  est  cité 
dans  le  cartulaire  de  Chancekde  en  1150.  Ne  serait-ce  point  une 
branche  de  cette  famille  qui,  installée  à  Brive,  aurait  donné  son 
nom  à  une  porte  de  la  ville  :  ■  le  portai  de  Brandia  ■  qui  existait 
encore  en  13497 

(3)  J'ai  relevé  de  ce  nom  :  Petrua  Régis,  habitant  de  Brive,  en 
ISU;  —  Pelrus  Begis,  bachelier  es  droitz,  chargé  en  1433,  avec 
Pierre  Bernai,  le  jeune,  notaire,  d'accorder  le  différend  existant 
entre  les  habitants  de  Brive  et  le  maréchal  de  Boucicaut,  mari 
d'Anthoinette.  vicomtesse  de  Turenne;  — Petrus  Begis,  notaire  en 
1474;  —  Honorable  Jean  de  Régis,  licencié  en  droit,  lieutenant  et 
assesseur  de  M.  le  sénéchal  du  Limousin  à  Uzerche,  en  1537  et 
1540.  (Combet,  Hiit.  d'Uzerche,  p.  155)  ;  —  François  Regîa,  2~  con- 
sul de  Brive  en  1552;  —  François  Begis,  avocat  au  Prësidial  (1558- 
157!)  ;  — Catherine  Begis,  mariée  par  contrat  du   pénultième  de 


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propre  joui-  que  je  espousc  ausî  a  Pelevoysîn.  Dieu  par 
sa  grâce  leur  donit  a  fere  leur  prou  (I)  et  aux  autres 
ausi.  J.  DE  Malliard. 

+ 

Au  non  de  dieu  de  nostre  dame  de  monsieur  seinct 
Jozept  et  seinct  Fi-ances.  Morust  mon  frère  Frances  cure 
de  Monjoy  et  de  Sanbusse  (2)  en  la  ville  de  Brive  et  en 
nostre  messon  (3)  devant  le  sementîere  de  Lespillori  et 
fust  ugn  vandredi  14"'  de  may  1529  et  10  heures  devers 
le  matin  et  morust  de  la  maute{4)  come  feu  nostre  père  (5) 
que  dieu  aseullie  par  sa  grâce  et  fust  perdu  ces  béné- 
fices (6)  car  le  médecin  ne  me  dit  james  quil  dut  morir 
6t  dautre  coste  que  sa  mort  metet  tant  dure  que  je  ne 

janvier  15S5  à  Jacques  de  Sahuguet,  sieur  de  la  Rouge,  fils  de 
Denis  et  de  HargueriCe  de  Jofet,  etc. 

(4)  Saiat-Bonnel,  en  Limousin,  faisait  partie  de  la  vicomte  de 
Comboro.  Il  y  a  aussi  uq  Saint-Bonnet  en  Périgord. 

{!)  Sumsance. 

(5)  Montjoie,  bourg  du  Tarn -et -Garonne  (A  gênai  s).  —  Sanbusse, 
petite  ville  des  Landes  (Gascogne),  à  1E>  kilomètres  de  Dax. 

(3)  C'était  la  maison  patrimoniale,  je  ne  puis  préciser  oii  elle 
était  placée.  Celle  que  J.  de  Halliard  habitait  alors,  et  dont  il  sera 
parlé  plus  loin,  lui  venait  de  Jeanne  do  Guignard. 

(t)  En  vieux  français,  maufe  voulant  dire  mativaite,  on  peu  sup- 
poser que  l'habitude  s'était  prise  de  désigner  ainsi  une  mauvaise 
fièvre,  de  la  même  façon  que  nous  pourrions  dire  aujourd'hui  (a 
maligne  pour  la  lièvre  maligne. 

(5)  11  s'appelait  Jean,  comme  le  rédacteur  du  Livre  de  Raison. 
Par  son  testament  du  17  avril  1497,  il  institue  pour  son  héritier 
universel  son  fils  François  {évidemment  le  futur  curé  de  Montjoie) 
et  entre  autres  légats,  il  donne  à  la  quête  des  âmes  du  Purgatoire, 
qui  se  fait  dans  l'église  Saint- Martin  de  Brive,  deux  sols  tournois 
de  rente  annuelle  payables  à  chaque  fête  de  la  commémoration  des 
trépassés  au  lendemain  du  dit  jour,  assignés  sur  un  bois  situé  aux 
appartenances  de  Brive  et  au  territoire  dos  Treize- Vents.  (Arch, 
personnelles.) 

(6)  L'usage  s'était  établi,  dès  le  iv*  siècle,  de  résigner  les  béné- 
fices, ce  qui  les  rendait  en  quelque  sorte  héréditaires.  Mais  quand 
le  bénéficier  mourait  sans  disposition  &  cet  égard,  ils  étaient  per- 
dus pour  la  famille. 


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—  435  — 

pançâis  a  rien  qiia  le  fere  guérir  et  ne  fust  malade  que 
depuis  le  dimenche  jusqties  audit  vandredi  quil  monist 
come  bon  crestien  et  je  y  Qs  merevilieussemaot  grand 
perte.  Souvant  me  dit  eu  sa  maladie  que  je  paoçace  en 
son  bien  sil  y  avoit  de  dangiers  en  luy  mes  come  dit  est 
le  medesin  ne  le  me  dit  james.  Il  navoit  point  dargan 
mes  luy  en  estoit  deu(l)  audit  Monjoy  et  a  Sanbusse. 
Jenproutis  de  largan  et  le  Qs  garder  jusques  au  semedi 
15"'  du  dit  n;iois  de  may  et  an  sus  dit  et  le  dit  jour  le 
lis  ensevelir  a  nostre  lunbeu  devant  le  portai  de  la  gi-aod 
église  (2)  et  au  plus  aut  dudit  tunbeu  et  jus  tous  jans 
desglise  come  les  chanoynes  et  prestres  jacopîns  et  cor- 
deliers  et  donis  bêle  oumone  dieu  la  pregnio  en  gre. 
Le  soir  fis  dire  vigiles  a  la  messoo  et  donis  a  dîsner  a 
ceulx  qui  vindret  que  me  costa  beucoup  car  lerineye 
estoit  la  plus  tarible  que  onc  ons  vit  james  (3).  Dieu  y 
veulhie  pourvoir  en  tout  et  me  garde  le  surplus  par  sa 
grâce  0).  J.  DE  Malliard. 

(I]  Les  énoDcÎBtions  Faites  par  un  mourant,  de  vive  voix  ou  dans 
un  testament,  des  sommes  qui  lui  étaient  dues,  constiiuaient  une 
preuve  admise  devant  les  tribunaux.  Dans  cette  société  proFondë' 
ment  religieuse,  on  ne  supposait  pas  que,  sur  le  point  de  paraître 
devant  le  souverain  juge,  un  chrétien  eût  osé  réclamer  ce  qui  ne 
lui  étwt  pas  dû.  Ces  énonciations  in  extremis  équivalaient  au 
ment  qui  était  la  preuve  courante  du  temps. 

(2)  C'était  le  tombeau  de  Tanlille.  Riga),  le  dis  de  Jean  de  Mai- 
llard, dit  aussi  quelque  part  :  •  Uon  ^la  Gabriel  fut  ensevely  ei: 
nostre  vase  devant  le  moustier  de  Brive,  s  II  était  placé  à  droite  er 
entrant  du  grand  portail  de  Saint-Martin.  Dans  l'église,  y  étail 
adossée  une  chapelle  entretenue  par  la  tamille. 

(3)  Ceci  vient  coniirmer  ce  que  dit  Marvaud  (Hisloire  du  Das- 
Limousin,  t.  H,  p.  307)  :  n  En  1S^9  une  horrible  famine  désola  le 
pays.  Pendant  toute  l'annâe  on  vit  plusieurs  personnes  vendre  à  vil 
prix  de  vastes  propriétés  et  des  meubles  précieux  pour  se  procurer 
du  pain.  ■  Les  mauvaises  années  se  succédaient;  l'année  1â2T 
été  aussi  une  année  de  disette,  comme  nous  l'apprend  Jean,  et  la 
peste  sévissait.  La  peste  et  la  famine,  ce  sont  les  deux  points  noirs 
dans  ce  premier  tiers  du  ivi'  siècle,  qui  ne  connut  ni  les  horreurs 
de  la  guerre  ni  les  dissensions  civiles. 

(4)  Tous  ces  récits  d'obsèques  sont,  sous  la  plume  do  Jean,  d'une 


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—  436  - 

f 
Au  non  de  la  seincte  Trinité  soit  amen.  Le  mardi  18"' 
de  may  152D  fis  dire  vigiles  questoit  la  velhie  de  seinct 
Yves  bien  et  onestement  car  je  heus  tout  jours  le  mestre 
du  chan  que  oficiet.  Et  le  mercredi  19'"  du  dit  mois  et  an 
susdit  fust  fête  la  setene  de  mon  dit  frère  que  Dieu  aseulie 
la  ou  parheliemeD  us  tous  jans  deglisse  et  luy  fls  fere 
belles  oneurs  et  aumosne  (1).  Dieu  par  sa  grâce  prenne  le 
tout  en  gre  et  done  bon  repous  (3)  aux  morts. 

J.  DE  Malluhd. 

naïveté  charmante;  s'il  écrit  comme  il  parle  (ainsi  qu'il  est  dit 
plus  lias},  il  parle  comme  il  pense,  sans  jamais  rien  celer  de  sa 
pensée .  On  saisit  l'homme  du  coup ,  et  par  l'homme  l'épo- 
que. Ce  je  ne  sais  quoi  de  simple,  d'enrantin,  si  je  puis  dire, 
c'est  le  trait  du  temps,  el  cette  note  dominante  du  cOté  matériel 
des  choses,  peut  &tre  un  peu  le  trait  de  la  race.  Nos  paysans  ne 
sont-ils  pas  encore  de  même,  mêlant  dans  leurs  propos  le  grand  et 
le  mesquin,  surtout  ne  perdant  jamais  de  vue  leurs  petits  intérêts? 
Entre  deuï  larmes,  ils  content  à  tout  venant  les  dépenses  qu'a  occa- 
sionnées le  cher  défunt,  les  honneurs  qu'on  lui  a  rendus;  et  de  ces 
honneurs,  comme  autrefois,  le  diner  n'est  pas  de  moindre  impor- 
tance; on  s'attable  toujours  volontiers,  dans  nos  campagnes,  au 
sortir  du  cimetière.  Mais  avant  la  Réforme,  il  y  avait  pour  tous 
une  raison  à  cette  facilité  de  préoccupations  secondaires,  en  face  de 
la  mort.  On  envisageait  celli^ci  d'un  œil  plus  ferme.  Pour  ces 
chrétiens  convaincus,  elle  n'était  qu'une  séparation  plus  ou  moins 
longue.  Aussi  le  père  de  famille  taisait  son  testament  tanut  et 
htfaris,  dispos  et  de  bonne  humeur,  et  celui  qui  venait  de  perdre 
un  èlre  chéri  s'occupait  des  apprêts  du  grand  voyage,  le  cceur 
moins  troublé  et  l'esprit  plus  libre.  Les  vieux  Livres  de  Raison 
sont  pleins  de  niinutieui  détails  sur  les  derniers  moments  des 
proches  parents  et,  comme  ici,  la  douleur  s'y  montre  résignée, 
observatrice  des  plus  petits  usages.  On  y  sent  le  baume  de  la  douce 
e8pérancechrétienne.(V.Guibcrt:I.fiFflmi((eiimoMïined'au(re/'ois). 

(1)  A  toutes  les  cérémonies  funèbres,  le  concours  des  pauvres 
était  très  grand.  Jacques  de  Sahuguet  d'Amarzit  en  relève  le  nom- 
bre de  1,000  ji  la  quarantaine  de  son  père,  le  5  aoQt  tG29,  et  chacun 
d'eux  reçut  un  sol  [Bulleiin  de  la  Société,  Brive  18ST,  p.  33?). 

(!)  C'est  la  prononciation  italienne.  Le  langage  de  J.  de  Malliard 
en  fournit  de  nombreux  exemples.  Après  les  guerres  d*ltalte,  il  fut 
de  bon  ton  de  parler  ainsi.  Tout  s'italianisa  dans  la  bonne  société, 


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Les  extraits  ci-dessus  vont  de  la  page  120  à  la 
page  134,  dans  la  partie  du  Livre  de  Raison  où  Jean 
enregistre  les  événements  familiaux.  Ailleurs,  il 
parle  encore  souvent  de  son  frère  François,  notam- 
ment dans  le  passage  suivant  qui  a  été  incomplète- 
ment reproduit: 


Memoyre  que  cest  an  après  1527  fust  grand  eslerillité 
de  vins  et  ausi  de  blés  mes  surtout  ne  fus  point  de  vins  et 
ne  sen  trovoit  pas  de  noveu  a  vendre  que  bien  peu  et  ne 
fust  pas  de  fructage  nul  sinon  de  chastaines  et  je  heus 
beucop  daferes  et  mon  frere  ausi  car  Sanbusse  poursmvel 
son  bénéfice  de  Malhias  que  estant  aveques  nous  il  avoit 
inpetre  par  trayson  mes  durant  la  vie  de  feu  monsieur 
ProIliac,(1)  nostre  cosin  il  nousa  guère  le  poursuyvre  mes 

la  langue  comme  le  costume.  Le  roi  François  I"  en  donnait  l'exem- 
ple et  sa  sœur,  la  reine  Marguerite,  écrit  comme  elle  prononce  ; 
chauêe  pour  chose,  j'oiiêe  pour  j'ose,  out  pour  os  {Voir  Michelet  : 
Hiitoire  de  France,  édition  Marpon  el  Flammarion,  1ST9,  t.  X, 
p.  349).  C'est  cette  mode  nouvelle  que  Henri  Ëslienne  voulut  criti- 
quer dans  ses  Deux  Dialogues  du  nouveau  langage  françois, 
ilatianizé  et  autrement  déguisé. 

Au  sujet  de  l'orthographe,  nous  rappellerons  qu'il  n'y  a  pas  it 
s'étonner  de  sa  variation  sous  la  plume  de.J.  de  Malliard.  De  son 
temps,  notre  langue  était  encore  en  formation.  En  instituant  l'Aca^ 
demie  française,  le  génie  centralisateur  de  Bichelieu  voulut  mettre 
le  sceau  &  l'unité  nationale.  Au  commencement  du  xvr  siècle,  il  n'y 
avait  pas  de  règles  fixes  pour  écrire  le  français.  Dans  l'inventaire  de 
sahibliothëque,  Jean  ne  mentiotme  qu'un  dictionnaire  laLin-frani^iiiset 
une  grammaire  latine.  On  écrivait  comme  on  parlait,  à  l'aventure 
et  à  la  fantaisie  du  pays.  A  cet  égard,  les  notes  un  peu  prolixes  du 
premier  rédacteur  de  notre  Livre  de  Baison  ont  ce  mérite  qu'elles 
reHétcnt  le  langage  de  la  bonne  société  dans  notre  Limousin,  habité 
alors  par  la  plus  haute  noblesse  de  France  avec  laquelle  il  frayait. 

(I)  Antoine  Prolliac  (aJJa«  Prolhac,  Prouillac),  sieur  de  la  Tour. 
reçu  conseiller  à  la  cour  criminelle  du  Parlement  de  Bordeaux  le 
29  août  151!).  De  son  mariage  avec  Jeanne  de  Belcler  (qui,  avec  le 
vicomte  de  Turenne,  François,  tiut  sur  les  fonts  baptismaux  le 


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-  438  - 

tost  après  sa  mort  qui  fust  le  mercredi  premier  jour  de 
caresme  15ï6  a  Bordeuix  il  nous  poursuivit  Dieu  aous  eu 
donit  bone  yssue  et  nous  guarde  nostre  boa  droit.  Mon 
frère  y  ala  a  Vasas  {?)  au  mois  de  ouciobre  1527  et  men 
escrivit  et  au  fis  de  mon  dit  sieur  de  ProUiac  dases  mau- 
veses  novelles  quil  avoit  belle  peur  et  ce  soir  je  fis  asanbler 
le  dit  de  ProUiac  le  juge  La  Trelhie(1jdeSelvaetlavoquat 
du  roy  de  Tulle  Marison  qui  me  dirent  quîl  avoit  bon 
droit  et  que  apoyne  le  perdret-il.  Dieu  le  veulhie  par  sa 
seincte  grâce.  Amen, 

A  l'occasion  de  son  mariage  avec  Elisabeth  de 
Solminiac  (2).  Jean  étale  devant  nos  yeux  —  on  se 

premier  enfant  mâle  de  J.  de  MaDiard)  provint  Bertrande,  mariée 
le  t5  avril  t5?8  b  Dauphin  Faure,  habitant  de  Nontron.  élu  de  Pé- 
rigueux,  dont  l'arrifere-petit-flls,  François  du  Faure  de  la  Roderie, 
sgr  de  la  Curée,  chevalier,  gentilhomme  ordinaire  de  la  chambre 
du  roi  et  capitaine  de  ses  gardes,  épousa  Anne  de  Gyves,  laquelle, 
veuve  en  1631,  se  maria,  eu  1S31.  à  Antoine  Daguesseau,  premier 
gentilhomme  du  Parlement  de  Bordeaux,  et  fut  la  mère  du  grand 
chancelier  (voir  Nadaud,  Nobil.  du  Limousin,  t.  II,  p.  111  et  tlj). 
Cette  Tamille  de  Prolhac  n'était-elte  pas  originaire  de  Brivo?  Un 
consul  de  ce  nom  y  reçut  Louis,  XI  en  1163.  Jean  Prolhac  y  était 
notaire  en  M72.  La  concoi-dance  de  nom  et  la  parenté  signalée  avec 
J.  de  Halliard  forment  plus  qu'une  présomption. 

(1)  Voir  sur  cette  famille  :  BuUelin  de  notre  Société,  t.  Il,  p.  775. 
note  3.  —  Léonard  de  la  Treille  de  Lavarde,  conseiller  au  Présidial 
de  Brive,  épousa  Marie  de  Gaye  de  Martignac,  et  leur  ilis,  J. .Bap- 
tiste, avocat  au  Parlement  de  Bordeaux,  se  maria,  le  ÎO  août  1777. 
à  Catherine  de  Maleden,  tille  de  Joseph,  écuyer,  sgr  d'Etival,  et  de 
Madeleine  de  Halliard,  de  laquelle  il  sera  fait  mention  plus  loin. 

Le  nom  de  Gaye,  ci-dessus  cité,  rappelle  une  illustration  fran- 
çaise, J,-B.  Sylvire  de  Gaye.  vicomte  de  Martignac,  premier  mi- 
nistre de  Charles  X.  Nous  possédons  les  vieui  papiers  de  celte 
famille  brivjste,  lesquels  nous  fourniront  sur  elle  de  u 
seignements  qui  seront  publiés,  dans  l'édition  projetée, 
du  mariage  d'Estienne  de  Malliard,  un  descendant  de  Jean,  avec 
Anihoinette  Bartholomie  de  Gaye.  (Voir  déjà  BuUelin  de  notre 
Société,  t.  V,  p.  732,  note  1). 

(2)  Pille  de  Hugues  de  Solminiac,  sgr  du  Peyruset,  et  de  Marthe 
de  Carbonniferes.  Aux  renseignements  déjà  fournis  sur  ces  deux 


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rappelle  avec  quelle  complaisance  !  —  la  brillante 
corbeille  de  mariage  qu'il  a  offerte  à  sa  fiancée.  11 
énumère  aussi  les  cadeaux  qu'il  a  faits  au:>c  parents 
des  deux  côtés.  M.  Poncet  de  Carbonnières,  qui  a 
voulu  que  le  mariage  de  sa  nièce  se  célébrât  dans 
la  chapelle  de  son  château  de  Pelevoysin  (1),  près 

familles,  d'autres  s'ajouteront  dans  la  nouvelle  édition.  Par  ce  ma- 
riage, Jean  se  trouvait  allié  aux  plus  grands  noms  de  cette  partie 
de  la  France.  François  H  de  Tureiine  était  devenu  son  cousin, 
puisque  le  vicomte  et  Elisabeth  de  Solminiac  descendaient  tous 
deux  de  Pierre  de  Galard.  grand  maitre  des  Arbalétriers  de  France 
(B.  N.,  Msa  Périgord,  16,  folios  2M  et  Î85).  Serait-ce  k  ce  litre 
que  Jean  assiste  à  la  (éle  donnée  au  ch&teau  de  Turenne,  le 
1'  mai  1539,  six  mois  après  son  mariage,  fête  oii  il  énumëre  tous 
les  invités»  (Voir  Bulletin  de  notre  Société,  t.  II,  p.  782).  —  Voir 
sur  le  biei,heureux  Alain  de  Solminiac,  abbé  de  Chancelade,  évêque, 
baron  et  comte  de  Gahors,  né,  le  25  mai  1593,  de  Jean  de  Solminiac, 
sgr  de  Bellet,  et  de  Marguerite  de  Harquessac,  \mort  en  odeur  de 
sainteté  le  31  décembre  1659  ;  Sa  nie  et  ses  miracles,  par  le  K.  P. 
Léonard  Chastenet,  prieur  des  chanoines  de  Uahors  (in-S*,  Cahors, 
J.  Bonnet,  imprimeur,  1663).  Au  bas  d'un  portrait  en  taille  douce, 

'  Le  graveur  (]ui  d'Alain  a  tiré  le  visage 
»  A  fait  en  ce  travail  un  chef-d'œuvre  parfait, 
n  Car  il  a  renfermé  dans  uoe  seule  image 
n  De  toutes  les  vertus  un  ravissant  portrait  v. 
(1)  A  la  date  du  !S  novembre  I53S.  Les  Rançailles  avaient  eu  lieu, 
le  5  mai  précédent,   chez  H.  Raymond  de  Prohet,  lieutenant  du 
sénéchal  à  Sarlat,  cousin  de  Jean  de  Malliard  (voir  Bulletin  de  la 
Société,  t.  IL  p.  301).  Nous  avons  pu  préciser  quels  sont  ■  les 
jantilshomes  et  damoyaelles  »    qui  assistaient  à  la  fête:  M"*  du 
Repaire  est  Lisonne  de  Carbonnières,  soeur  de  la  mère  de  la  fian- 
cée, et  mariée  à  Jean  du  Pouget,  sgr  du  Repaire;  M.  de  Beysaac 
est  un  cousin  ;  son  père,  Pierre  de  Comarque,  sgr  de  Bcyssac.  de 
Lomel,  etc.,  avait  épousé  la  tîlle  de  Jean  111  de  Carbonnières,  gou- 
verneur de  DAme  et  de  Larche,  et  de  Catherine  de  Guerre.  Jean  111 
de    Carbonnières    était    le   frère   consanguin    d'Antoine,    marié   à 
Jeanne  d'Abzac  de  la  Douze;  ces  derniers,  grands  parents  d'Klisabetb 
de  Solminiac.  —  D'après  une  note  qu'il  nous  a  fournie,  M.  J.-fi. 
Champeval  a  trouvé,  dans  les  papiers  de  la  famille  de  Beyssac,  la 
mention  de  la  présence  de  H.  de  Beyssac  aux  noces  de  Jean  de 
Malliard. 


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—  440  - 

Sarlat,  a  reru  «  un  beu  bonet  bien  gamin  »  ;  M"  de 
Carbonnières,  a  ungs  mancbons(l)de  satin  vioulets; 
leur  belle-fîlle.  M"*"  de  Faulx,  «  ungs  de  velous 
orange  »,  etc.,  etc.  Une  alliée,  une  intime  de  la 
famille,  M""  de  La  Roche  ($),  qui  avait  été  oubliée, 
s'est  servie  elle-même,  en  prenant  dans  l'écrin 
«  ugne  petite  foy  d'or  »  (3).  Mais  Jean  n'a  eu  garde 

(1)  Pluriel  employé  pour  indiquer  la  paire.  Ces  manchoDS  ou 
fausses  manches  étaient  la  mode  nouvelle. 

(2)  Jeanue  de  Salignac,  lîlle  d'uo  puîné  de  la  mMSon  de  Fénelon 
et  de  Louise  da  Pierrehuffière,  mariée  par  contrat  du  3  août  U9!l  à 
Antoine  de  La  Roche,  sgr  de  Saint-Maixent,  du  Vau  et  du  Breuil, 
parente  de  la  famille  de  Carbonnières  par  autre  Jeanne  do  Salignac, 
dame  de  Pelevezy,  sœur  de  Jean  et  de  Raymond  de  Salignac.  séné' 
chaux  et  gouverneurs  de  Périgord  et  d'Angoumois,  veuve  de  Bosc 
de  Beyssac-Navailles,  mariée  en  secondes  noces  à  Jean  II  de  Car- 
bonnières, l'arrière  -grand  -  père  d'Elisabeth  de  Solminiac  (voir 
LachesnayedesRois  et  Lainé\  Laine  mentionne  Françoise  de  Sali- 
gnac, dlle  de  Bertrand  et  d'Isabeau  de  Talleyraud  du  Chalais,  mariée 
Ie6  novembre  15*25  à  François  Deydie(d'Aydic),  vicomte  de  Ribérac 
Ceci  pourrait  expliquer  pourquoi  Hagdelcine  Deydie,  abbesse  des 
Pieux,  tint  sur  les  fonts  baptismaux,  avec  le  protonotaire  de  Tu- 
renne,  Bigal  de  la  Tour,  le  fils  de  J.  de  Malliard  et  'd'Elisabeth  de 
Solminiac.  —  De  la  famille  de  la  Boche,  nous  ne  mentionnerons 
que  Hugues  de  la  Roche,  beau-frère  du  pape  limousin  Grégoire  XI, 
qui  défendit  Limoges  contre  le  Prince  Noir  en  WO  et  fut  fait  pri- 
sonnier par  lui  (voir  Clémeni-Simon  :  La  rupture  du  Traité  de 
Oretigny  et  «es  con*éiïuence«en  Limousin;  Bulletin  de  la  Société 
de  Tulle.  1898.  p.  Il,  n-  I). 

(3)  Foi.  en  blason,  s'entend  de  deux  mains  jointes.  Hais  j'incline- 
rais à  croire,  en  raison  du  groupe  de  pieux  bijoux  dont  celui'CÎ 
faisail  parti?,  qu'ici  il  s'agissait  plutôt  d'une  colombe  représentant 
le  Saint-Esprit.  En  effet,  avec  i  ugn  amistie  ■  (un  cœur)  et  a  ugn 
espère  »  (un  ancre),  ce  bijou  complétait  le  trio  des  vertus 
théologales  ;  la  foi,  l'espérance  et  la  charité  (  voir  Bulletin 
de  notre  Société,  tome  II,  page  317].  —  Dans  la  corbeille  de  ma- 
riage offerte  par  J.  de  Malliard,  l'écrin  est  peut-être  ce  qu'il  y  a 
de  plus  intéressant,  ainsi  que  le  constate  M.  Cbabouillet,  conser- 
vateur des  médailles  et  antiques  &  la  Bibliothèque  nationale,  dans 
l'extrait  suivant  de  son  rapport  :  ■  Jean  de  Malliard,  riche,  bien 
apparenté,  frayant  avec  la  noblesse,  en  excellenis  termes  avec  le 


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-  441  - 

d'oublier  son  frère,  il  lui  a  donné  un  «  beu  bonet 
rond  de  drap»,  ce  qui  convient  à  un  membre  du 
clergé. 

Plus  tard,  quand  il  inventorie  les  meubles  de  sa 
maison  de  Bi-ive,  Jean  signale  dans  sa  bibliothèque 
des  livres  qui  lui  viennent  de  «  son  feu  frère  ».  Ce 
sont  surtout  des  livres  religieux:  bible,  «  livret 
contre  Luther  et  ses  fetz  »,  etc.  U  y  a  aussi  des 

vicomta  de  Tureona,  le  grand  baron  féodal  de  la  contrée,  qui  Tut  le 
parrain  de  run  de  ses  enfatils,  était  en  bonne  situation  pour  noua 
présenter  un  tableau  nalT  et  sincère  de  la  vie  d'une  famille  qui, 
dès  le  £V['  siècle,  était  placée  au  premier  rang  dans  sa  ville.  On  a 
eniendu  avec  intérêt  les  récits  de  bnpiémes,  de  mariages,  d'obsè- 
quea,  otl  l'on  a  surtout  remarqué  des  descriptions  de  joyaux  qui  lit 
sont  peut-être  encore  plus  instructives,  en  tout  cas  plus  vivantes 
que  dans  les  inventaires,  comme  la  fîeuue  des  Socielés  Savantes 
en  a  publiés  si  souvent,  attendu  que  tes  objets  nous  apparaissent 
avec  des  détails  qui  en  expliquent  l'emploi  et  l'usage  >  IRevue  des 
Sociétés  Saoanlea  det  départements,  "ï"  série,  l.  1,  18S0.  p.  166J.— 
Dans  la  vie  du  xvi*  siècle,  les  joyaux  jouaient  un  râle  qu'ils  ont 
perdu  depuis.  Il  n'y  avait  pas  alors  d'emploi  lucratif  de  l'argent; 
l'Eglise  et  l'Etat  s'entendaient  pour  proscrire  le  prêt  à  intérêt.  Au 
moins,  les  objets  précieux,  métaux  et  pierreries,  donnaient-ils  ce 
que  ne  donnait  pas  l'argent  dans  le  coffre,  le  plaisir  de  s'en  parer 
à  l'occasion  et  de  les  étaler  aux  yeux  émerveillés  des  visiteui-s, 
certains  jours,  •  à  la  fenestre  des  bijoux  >.  Ceux-ci  constituaient, 
plus  que  les  écus,  souvent  de  mauvais  aloî,  ce  qu'on  appelait  a  le 
trésor».  Chacun  avait  le  sien,  le  roi,  les  grands  seigneurs,  les 
églises,  les  monastères  et  aussi  les  ricties  particuliers,  toutes  pro- 
portions gardées.  Et,  4  ebté  du  râle  tout  de  vanité  dont  nous  venons 
de  parler,  <  le  trésor  u  avait  nne  fonction  très  sérieuse  ;  c'était  ta 
réserve  des  jours  difficiles.  Le  manque  de  Sxité  dans  les  revenus 
laissait  planer  sur  la  vie  un  dangereux  imprévu.  Nul  n'étail;  à  l'abri 
du  besoin.  Les  plus  grands  seigneurs  étaient  quelquefois  contraints 
de  vendre  ou  d'engager  leurs  bijoux.  Sur  le  couvercle  d'un  gobelet 
de  vermeil  à  coupe  de  jaspe,  appartenant  au  Dauphin  HumbertllJ, 
on  lisait  cette  inscription,  qui  résume  bien  le  double  r61e  des  objets 
précieux  au  moyen  6go  et  dans  les  temps  qui  s'en  rapprochent  : 
Dbcui  aulce,  pignus  egenti  (.voir  Monteil:  Hisl.  des  Français  des 
diverê  États,  édit.  1853,  t.  I,  p.  310,  et  aux  notes,  p.  70.  —  Voir 
aussi  L.  Guibert,  Bulletin  de  notre  Société,  fSSâ,  p.  301), 


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-  442  - 

manuscrits  de  la  main  du  défunt,  notamment  a  ugu 
livret  de  dis  »  (menus  propos),  qu'il  nous  serait  une 
bonne  fortune  de  retrouver. 

Le  doute  n'est  donc  pas  possible.  Le  curé  de 
Montjoie  et  de  Sanbuse  était  bien  le  frère  de  J. 
de  Malliard. 

Au  sujet  de  la  peste,  cette  terreur  périodique  de 
nos  pères,  laquelle  a  motivé  aussi  quelque  emprunt 
de  la  part  de  M.  de  Cublac,  nous  avons  peu  de 
chose  à  ajouter  aux  détails  déjà  fourpis  {v.  Bulletin 
de  la  Société,  tome  1,  p.  790).  D'après  Leymonerie 
CHistoire  de  Brive,  page  94,  réédition  Roche),  elle 
sévit  à  Brive  de  1523  à  1530.  Tout  porte  à  croire 
que  Jean  de  Malliard  en  fut  une  des  victimes.  Les 
dernières  lignes  tracées  .par  lui  sont  du  22  novem- 
bre 1529.  Un  consciencieux  érudit,  chercheur  infa- 
tigable, M.  J.-B.  Champeval,  avocat  à  Figeac,  a  en 
la  gracieuseté  de  nous  faire  remettre,  sans  que  nous 
ayons  l'honneur  de  le  connaître,  une  note,  dont 
nous  sommes  heureux  de  le  remercier  ici,  et  qui 
vient  appuyer  cette  supposition. 

Yoici  cette  note,  relevée  par  lui  au  chartrier  du 
château  de  Cosnac  : 

A  Brive  18  février  1538.  Ainsi  soit  que  feu  noble  Jehan  (1) 


(1)  Comme  on  le  voit,  nous  avons  eu  raison  de  traduire  par  Jean 
l'iniliale  qui,  aux  signatures,  sert  à  indiquer  k  prénom  du  premier 
rédacteur  du  Livre  de  Raison.  Quant  à  son  nom  patronymique,  Jean 
l'écrit  invariablement  Malliard,  et  ses  contemporains  l'écrivaient 
de  même,  paralt-il.  Cette  orthojtraphe,  que  quelques-uns  de  ses 
descendants  ont  abandonnée,  est  conforme  &  l'étymologie  qu'il  a 
voulu  donner  de  son  nom  de  fsmiDe  en  traçant,  au  coin  d'une  page, 


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-  443- 

Malliard  de  Brive  au  temps  qu'il  vivoit  eust  recogneii 
avoir  heu  et  receu  de  noble  Heliiabeth  (de  Solminiac)  sa 
famé  la  some  de  3000  livres  tournois  de  son  douaire  (1)  et 
qu'il  soit  allé  de  vie  a  trépas  délaissant  noble  Rigal  Màl- 
liard  sou  ills,  etc. 

Deux  autres  notes  de  M.  Champeval  offrent  aussi 
leur  intérêt,  à  un  autre  point  de  vue  ; 

Noble  Jehan  Malliard,  seigneur  deQuinhard,,  de  Brive, 
acense  en  1527  a  Libérale  Aldebal  diverses  possessions 
qu'il  tenait  de  noble  François  de  Cosnac,  seigneur  des 
Bordes  et  d'EIjayle 

Le  23  décembre  156t"  noble  Rigal  Malliard,  escuyer, 
seigneur  de  Quinhard,  habitant  de  Brive  figure  dans  un 


un  maillet  entouré  de  flammes  :  <  Malteus  ardent  nfmaillet  ardent). 
Qu'on  nous  permette  à  ce  sujet  un  rapprochement.  On  disait  au 
moyen  ftge  :  Maltiare  monelam  ;  la  monnaie,  comme  on  le  sait,  se 
trappant  avec  le  marteau  (voir  Ducange  v*].  Or  Jean  nous  apprend 
qu'en  I52T  ii  fit  mar<4ucr  sa  vaisselle  d'élain  «  du  coîi^n  et  armes  ds 
feu  Rollet  Malhiard  «  et  on  trouve,  en  1387,  un  général  des  monnaies 
de  ce  nom,  lequel  appartenait,  d'après  Duchesne,  à  une  famille 
où  le  nom  de  Eollet  semble  avoir  été  fréquent  (voir  B.  N  ,  Msa. 
Fonds  Duchesne.  t.  59,  p.  t62'l&G]  et  d'oii  sortit  le  célèbre  quarte- 
nier  qui  lua  Etienne  Marcel  à  la  porte  Saint-Antoine  (B.  N.,  Msa, 
cabinet  des  titres,  v*  Maillard).  On  sait  avec  quelle  persistance  sa 
perpétuaient  autrefois  les  traditions  et  les  souvenirs  de  famille;  na 
serait-ce  point  pour  cela  que  notre  Livre  de  Raison  contient  sur 
les  monnaies  des  renseignements  qu'on  aurait  peine  à  trouver 
aussi  complets  dans  d'autres  documents  de  ce  senre.  Le  nom  de 
la  famille  ne  viendrait-il  pas  de  celte  profession  de  monnayeur 
eiercée  par  l'ancêtre  commun,  à  l'époque  oii  les  noms  patronymi- 
ques devinrent  héréditaires? 

(1)  Environ  54,000  fr.  de  notre  monnaie.  —  Au  ivi-  siècle,  dans  le 
Midi  du  moins,  on  disait  encore  «  douaire  d  pour  dot.  Au  début, 
comme  on  le  sait,  c'était  tout  un,  le  mari  constituant  la  dot  (voir 
Charles  de  Ribbes:  La  famille  en  France  avant  la  Réoolution, 
p.  41.  —  Littré,  Diet. ,  v  douaire.  —  Louis  Ouibert,  Bulletin  dg 
:-:otre  Société,  1S85.  p.  5i4). 


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acte  pour  lui  et  damoyselle  Fi-ancoiae  de  Sudrie  (1),  sa 
femme. 

Quelle  est  cette  seigneurie  deQuigaard,  dont  Jean 
et  son  fils  sont  dits  possesseurs?  A  notre  connais- 
sance, aucun  territoire  du  pays  ne  porte  ce  nom.  Ne 
s'agirait-il  point  de  cette  grande  maison  de  Brive, 
aujourd'hui  en  partie  détruite,  et  que  nous  avons 
taché  de  réédifier,  à  sa  place,  en  sa  fornae,  en  son 
aménagement  intérieur?  C'est  là  où  se  trouvaient 
ces  meubles,  ces  ustensiles  de  ménage,  cette  belle 
vaisselle  armoriée,  ces  précieux  et  nombreux  bijoux, 
ces  vêlements  d'homme  et  de  femme  si  riches  et  si 
variés,  et  cette  «  librairie  »  ou  bibliothèque  qui  sur- 
prend par  le  nombre  de  ses  livres  français,  latins, 
grecs,  italiens  et  hébreux.  C'est  là  où  se  coulait  cette 
vie  facile,  heureuse  et  élégante  du  temps  de  Fran- 
çois I",  et  que  J.  de  Malliard  nous  fait  revivre  avec 
lui. 

Cette  maison  provenait  à  Jean  de  sa  première 
femme,  Jeanne  de  Quignard,  décédée  le  3  mars 
1522,  lui  laissant  une  fille  nommée  Gillette.  En 
parlant  de  cette  enfant  :  «  Dieu  me  la  veulie 
prester  »  avait  dit  Jean,  en  un  langage  de  poésie 
toute  chrétienne.  Et  en  effet,  lui  mort.  Dieu  l'avait 


(1)  Sur  la  famille  Sudre  ou  Sudrie,  d'où  est  sorti  Guillaume  Su- 
dre,  prieur  de  Brive  en  1351,  plus  tard  évèque  de  Marseille  puis 
d'Ostie  et  cardinal  aux  titres  des  saints  Pierre  et  Paul,  voir  les 
renseigiiementa  publies  dans  le  Bulletin  de  notre  Société,  t.  II, 
p.  635  :  Le  cardinal  Sudre,  par  M.  René  Page;  et  t.  ill,  p.  409  et 
suivantes,  voir  une  note  de  M.  L.  Greil  ou  on  lit,  d'après  le  texte 
de  l'abbé  Salvat,  que  ■  Guillaume  de  la  Sudrie  ou  Sudre  reçut  le 
jour  à  Brive-la-Gaillarde,  d'une  ancienne  et  illustre  maison  du 
pays  ». 


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-  U5- 

reprise,  puisque  le  frère  consanguin  de  Gillette, 
Rigal,  fils  d'Elisabeth  de  Solminiac,  est  dit,  en 
1538,  seigneur  de  Quignard. 

Au  siècle  dernier,  elle  appartenait  an  chef  de  la 
branche  aînée  de  la  famille, à  J.-B.  de  Malliard,  con- 
seiller doyen  honoraire  du  Présidial,  qui  y  mourut  le 
4  octobre  1789,  laissant  pour  héritiers  les  enfants 
de  sa  sœur,  Catherine,  mariée  en  1734  à  Pierre  de 
Damai,  écuyer,  seigneur  de  Négelles,  dont  la  fille, 
Françoise,  avait  épousé  en  1768  Joseph,  chevalier, 
vicomte  de  Cosnac;  et  une  autre  sœur  plus  jeune, 
Marie-Magdeleine,  mariée  en  1749,  à  Joseph  de 
Maleden,  écuyer,  seigneur  d'Enval.  C'est  cette  der- 
nière qui  hérita  de  la  maison  de  Quignard,  laquelle 
en  effet  est  inscrite  au  plan  de  Brive  de  1821,  au 
nom  d'Enval. 

En  1529,  cette  demeure  était  l'une  des  plus  spa- 
cieuses de  Brive,  puisque  les  Etats  du  Bas- Limousin 
{église,  noblesse  et  communauté  des  villes)  la 
choisirent  pour  y  tenir  leur  séance,  le  92  novembre  (1  ) . 
Elle  s'élevait  au  coin  de  la  rue  de  Puyblanc  et  de 
la  petite  place  de  l'église.  Sur  cette  place,  une  tour 
à  pans,  très  en  saillie  (2),  la  divisait  en  deux  parts; 
une  autre  tour  plus  étroite  donnait  sur  une  petite 
cour  aboutissant  à  la  rue  dite  aujourd'hui  de  Car- 


(1)  V.  BuUelin  de  notre  Société,  t.  II,  p.  788.  Les  États -Gêné  raui 
de  IS29  se  réunirent  pour  voter  les  fonds  nécessaires  à  U  rançon 
des  fils  de  François  1",  qui  avaient  remplacé  leur  père  comme 
otages,  à  Madrid,  à  la  suite  de  la  déTaite  de  Pavie. 

{2)  Celte  configuration  est  donnée  par  un  plan  de  Brive  com- 
mencé par  Toulane  en  t7i4  et  fini  en  1750  par  Massénat,  notaire 
et  arpenteur.  La  dite  maison  y  est  inscrite  au  n'  187.  C'était  la 
grande  maison  de  la  Petite-Place  dont  elle  complétait  le  coup  d'œil, 
T.  XX.  Z-S 


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^446- 

bonnièiea.  Avait-elle  élé  construite  par  le  beail- 
père  de  Jean  de  Malliard,  par  Hugues  Quignard, 
«  escuyer,  seigneur  du.  dit  Heu  et  de  Canal?  (1)  » 
Située  en  terre  franche,  cette  maison  était-elle 
considérée  comme  franc-alleu,  comme  fief  noble? 
Ce  point  n'a-t-il  pas  son  importance  pour  l'his- 
toire de  notre  ville? 


Certes  pas  n'était  besoin  de  tous  ces  textes  et 
de  leurs  commentaires  pour  prouver  les  emprunts 
faits  au  Livre  de  Baison  de  Jean  de  Malliard.  Nous 
avons  voulu  profiter  de  l'occasion  offerte  pour  com- 
bler, dans  le  Bulletin  de  notre  Société,  de  regret- 
tables lacunes.  Sans  doute,  des  extraits  ci-dessus 
reproduits  quelques-uns  offrent  un  intérêt  mé- 
diocre comparé  surtout  à  la  curiosité  qu'éveillent 
ceux  précédemment  publiés,  et  c'est  ce  motif  qui, 
ajouté  à  un  sentiment  de  réserve  bien  naturel, 
avait  été  la  cause  de  leur  omission.  Mais  dans  un 
document  vieux  de  quatre  siècles,  rien  ne  doit  être 
omis,  car  tout  peut  contribuer  à  la  reconstitution  ■ 
de  cette  chose  complexe,  la  vie  d'une  époque.  Un 
détail  met  un  trait  de  plus  au  tableau  des  mœurs, 
une  date  précise  un  fait,  un  simple  mot  aide  à 
rendre  le  langage,  ce  miroir  des  idées. 

Aussi  avons-nous  l'intention  de  publier  in  ex- 
tenso notre  précieux  Livre  de  Raison.  Il  est  encore 
d'autres  passages  laissés  de  côté  qui  prendront  place 


(1)  Dans  son  Livre  de  Raison,  Hugues  Quignard  note,  le  t2 
février  1502,  un  arrentement  d'airages  placés  devant  la  maison  de 
Quignard.  (Voir  Dutlelin  de  notre  Société,  t.  XII,  p.  50). 


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dans  l'édition  projetée,  et  des  notes  nouvelles  éclai- 
reront d'un  jour  plus  vif  ceux  déjà  connus.  Nous 
voudrions  faire  revivre  tout  le  Brive  du  xvi'  siècle, 
l'aspect  de  la  ville,  les  événements  qui  s'y  dérou- 
lent, les  institutions,  les  mœurs,  les  idées,  les 
hommes  et  les  choses.  Plusieurs  membres  de  notre 
Société  nous  y  ont  déjà  aidé.  Y  aurait-il  de  l'in- 
discrétion à  solliciter  le  concours  d'autres  cher- 
cheurs de  la  région  qui  ont  au  cœur  l'amour  de 
notre  cher  pays? 

L'histoire  d'un  pays  n'est  que  l'histoire  des 
familles  qui  l'ont  habité,  et  pour  rendre  l'image 
d'un  pays,  à  une  époque,  une  seule  famille  suffit  : 
Una  dormis  sufficit,  a  dit  Juvenal. 

Or,  trois  générations  de  Brivistes  du  ivi'  siècle 
nous  parlent  encore  dans  un  vieux  manuscrit,  sorte 
de  mémorial  domestique.  Pour  les  bien  connaître 
et  par  eux  connaître  leur  pays  et  leur  temps, 
n'est-ce  pas  faire  œuvre  patriotique  que  d'éclairer 
et  de  compléter  leur  bonne  parole? 

Et  à  cela  la  jouissance  est  grande.  Toute  une 
époque,  prenant  corps  dans  une  famille,  revit, 
pense,  parle,  souffre  et  s'agite  en  raccourci  sous 
les  yeux.  C'est  revivre  l'histoire  dans  la  personne 
de  ses  devanciers^  la  petite  et  la  grande,  l'histoire 
des  mœurs  locales  et  celle  des  événements  qui 
se  détachent,  au  loin,  dans  le  recul  des  siècles. 
Le  grand  fait  historique  se  proportionne  à  notre 
taille.  11  prend  je  ne  sais  quoi  de  plus  vrai  et  de 
plus  impressionnant,  en  le  trouvant  mêlé  à  la  vie 
ordinaire,  à  cette  vie  qui  eût  été  la  nôti'S  si  Dieu 
nous  eût  fait  naître,  il  y  a  quatre  cents  ans,  dans 


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-448- 

cette  bonne  vieille  petite  ville  de  Brîve-Ia- Gaillarde. 
On  devient  le  contempoiain  de  ses  pères,  ou  plutôt 
il  semble  que,  derrière  soi,  la  vie  s'allonge  de  la 
leur,  et  on  sent  que  l'on  tient  au  pays  par  de  plus 
profondes  racines. 

Nous  serons  reconnaissant  des  plus  petits  ren- 
seignements qui  pourraient  nous  être  fournis  sur 
l'un  des  trois  personnages  qui  servent  de  type  aux 
trois  générations  qui  se  sont  succédé^  dans  le  Brive 
du  ivi*  siècle. 


Fernand  de  Mâlliard. 


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CARTULAIRE 
l'Abbaye  bénédictine  Saint-Martin  de  Talie 

EN   LIMOUSIN 

PUBMÉ    PAR 

Jean-Baptiste  CHAMPEVAL 


(Suite.  —  Voir  i.  XX.  p.  a07), 


840.  Item  ung  instlminent  d'acquisition  Taicte  par  r.  p. 
en  Dieu,  messyre  Bertrand  Botinal,  èvesque  de  Tulle,  de 
10  livres  de  renie  vendue  par  noble  Ramond  de  La  Cha- 
polye,  docteur  es  droicti,  en  la  paroisse  S"  Fériolle,  receu 
par  m'  Jehan  Arnault,  du  to*  septembre  1409  ;  cothô 
par  G.  G. 

841 .  Item  ung  instrument  d'acquisition  faicte  par  le  dict 
chappitre,  de  noble  Pierre  de  Peyrat,  de  la  quarte  partie 
du  aixme  des  bledz,  fruictz,  droictz,  et  esmolumentï  des 
villaiges  du  Mond,  del  M&s  Aux.  del  Bosquet,  doulz  Chu- 
jatz  et  de  la  Rebieyre,  de  la  Couneyrie,  de  Vaur,  de  la 
Rebesie,  de  la  Borde-de-Vaur,  de  Drolholas,  del  Peueh 
et  de  la  Vallete,  et  del  Mas  ds  Danhac,  et  de  Lachaul,  et 
autre  affar  en  la  paroisse  S"  Forhmade,  pour  le  pris  et 
somme  de  80  escutz  d'or,  chascung  escu  du  poys  de  deniers 
moins  6  grains  ;  receu  par  Pierre  Roche  du  13'aoust  1457; 
cothé  par  H.  H.  (Sic). 

842.  Item  une  IransacHon  en  laquelle  est  contenu  ung 
homaige  faict  par  Guiscard  de  Conbort,  seigneur  de  Trey- 
niac,  à  la  personne  de  messire  Ramond  de  Beauchasteau 
(Belcastel)  prévost  de  Naves,  et  administrateur  de  l'église 
cathedralle  de  Tulle,  et  au  nom  d'icelle,  à  cause  de  cer- 
tains villaiges  contenuz  audict  instrument  ;  et  receu  par 
m"  Guillaume  de  Fonte  et  Guillen  de  Grand  Saignes,  du 
9*  novembre  1285  ;  cothé  par  J.  J. 


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-  450  — 

843.  Item  ung  instrument  où  est  contenu  ung  léguât 
faict  par  Peyronnelle  de  la  Arnaudye,  femme  de  Pierre 
de  Sourries,  merctant  de  Tullei  de  10  sols  de  rante,  pour 
ung  obit,  assis  sur  ung  ouvroir  (boiitique-a(e(iery  près  le 
portai  Nostre  Dame  de  la  dicte  église  rathédralle  ;  receu 
par  Jetian  de  Sourries,  prestre,  du  t2*  des  calendes  de 
septembre  14-22  ;  cothé  par  K.  K. 

844.  Item  ung  instrument  contenant  ung  légua,t  faict  au 
dict  chappitre,  par  Duian  Arnault,  de  5  sols  tournois, 

Îour  ung  obit  ;  receu  par  m'  Jehan  Laborde,  du  4"  janvier 
425;  cothèparL.  L. 

845.  Item  certain  mandement  du  roy  Chartes,  et  pro- 
cédure faicte  par  devant  le  senescha!  de  Lymoges,  Taisant 
mantion  commant  l'èvesque  de  Tulle  est  tenu  envers  le 
dict  chappitre,  annuellement  en  certaines  rantes  en  bled, 
vin  et  argent  et  autres  choses,  du  16"  janvier  1399  ;  cothé 
par  M.  M. 

846.  Item  ung  instrument  où  est  contenu  ung  léguât 
faict  au  dict  chappitre,  de  4  sols  de  rante,  par  Jehan  de 
Campo  Jufio,  des  Glotons,  receu  par  m"  Pierre  Bourlus 
(entendez  Bourelous  ;  et  Champ-Julhe,  un  notaire  impor- 
tant des  Ventadour,  tirant  son  nom,  croyons-nous,  des 
environs  de  Darazac),  du  2t  aoust  1418  ;  cothé  par  N.  N. 

847.  Item  ung  instniment  à'acquisilion  faicte  par  le 
dit  chappitre,  de  Jehan  et  Estienne  de  S'  Salvadour,  père 
et  ûlz,  de  10  sols  de  rante,  assiz  sur  une  vigne,  située  au 
tôritoyre  d'Aga,ssac,  paroisse  S'  Julien  [de  Tulle),  receu 
par  m*  Gérault  de  Gueilhe,  du  2'  octobre  1423,  cothé 
par  0.  0. 

848.  Item  ung  inslriiment  d'arbitraige,  faicte  entre  le 
procureur  du  dict  chappitre,  et  noble  Guillaume  de  Favars, 
ensemble  la  recognoissance  faicte  par  ledict  de  Favars  à 
icelluy  chappitre,  de  20  sols  tournois  de  rante,  assiz  sur  la 
bouidarye,  appelé  /sic)  Rougieyreige,  située  en  la  paroisse 
S' Maixen,  prés  le  mas  de  Fressingcs  ;  receu  par  m'  My- 
ric  [pour  Aymeric)  Leymerigie,  du  l"juillet  1328  ;  cothé 
par  P.  P. 

849.  Item  autre  instrument  d'acquisition,  faicte  par  le 
dict  chappitre,  de  Estienne  de  Materre,  merchan  de  Tulle, 
de  5  sols  de  rante,  assiz  sur  un  boys  appelle  de  Afatera, 
au  territoyre  du  Mas  de  Leymonnijc,  paroisse  S'  Maixen, 
pour  5  livres  tournois,  ensemble  la  recognoissance  faicte 
par  les  dicts  tenanciers  du  villaige  du  Leymonnye  ;  receu 
par  m'  Anthoinc  Ghassaignard,  le  26°  jtiUet  1466  ;  cothé 
par  Q.  Q, 

850.  Item  ung  instrument  à'arbitraige  faict  entre  le 


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-  451  - 

dict  chappilre  de  Tulle,  et  Gérault  de  Chastres,  ensemble 
la  recognoissance  faicte  par  le  dicl  Gérault,  de  5  sols  de 
rante,  a  cause  du  dict  vitlaige  de  Fressinges  ;  receu  par 
m'  Raimoad  Laborde,  du  3'  apvril  1438  ;  cothé  par  R.  R. 

851.  Item  uni;  instrument  d'acquisition  faicte  par  mes- 
syre  Bertrand  Boutinal,  évesque  de  Tulle,  de  noble  Pierre 
Fauchier,  conseignieur  de  S"  Forlunade,  des  dixmes 
ap^artenans  audict  Fauchier  en  la  paroisse  S'  Yllaira 
Foissac,  pour  la  somme  de  40  livres  tournois  ;  receu  par 
messyre  Jehan  de  Sourries,  prebstre,  notaire  de  Tulle,  du 
26'jullet  1410;  cothè  par  S.  S. 

852.  [tem  ung  instrument  de  recognoissance  faicte  par 
m"  Guy  de  Favars,  au  procureur  dudict  chappitre,  de  20 
sols  de  rante  à  cause  du  villaige  de  Vertaugy  (disparu), 
en  la  paroisse  de  S'  Maixent  ;  receu  et  sïgnë  par  Joubert 
de  Bounaige,  notaire,  de  l'an  mil  ni*  xbij  M3I7);  cothé 
par  T.  T. 

853.  [Nous  allons  supprimer  quelques  mots  de  superfé- 
tation,  tels  que:  ilem,  d'instrument,  ledict,  etcj.  fieco- 
gnoissance  faicte  au  chappitre  par  m"  Jehan  de  Sourries, 
recteup  de  S""  Fortunade,  de  50  sols  tournois  de  rante,  à 
cause  de  l'église  de  ladite  paroisse  ;  receu  Gérault  Cuelhe, 
du  7°  aoust  1428  ;  plus  senlance  de  condençnation  à  cause 
des  arréraiges  de  ladite  rante,  contre  m*  Pierre  Charrière, 
recteur  dudict  lieu,  du  3"  janvier  1480;  attachées  ensem- 
ble. V.  V. 

854.  Léguât  par  Estienne  Lacgié,  rehgieuls,  en  faveur 
dudict  chappitre,  de  2  muiclz  de  vin,  de  rante,  ciur  une 
vigne  de  Estienne   dour   Tortz,    cordonnier  et  sa  famé, 

Saroisse  S' Pierre  de  Tulle;  ensemble  la  recognoissance 
udict  Estienne  et  ratiffication  par  sa  dite  feme  ;  reçu 
Biaise  Cueilhe,  du  5"  janvier  1465  ;  ensemble  la  vente  par 
m'  Sousés  dudict  vin  audict  frère  Estienne  Lacgier,  pour 
8  escuts  d'or  ;  reçu  Jean  de  Quercu,  prebstre,  notaire  de 
Tulle,  29*  décembre  1466  ;  attaché  ensemble  ;  cothés  par 
X.X, 

Au   SAC    DE   D. 

855.  Testemment  par  noble  homme  messyre  Marcial 
Saige,  lequel  par  icelluy  légua  audict  chappitre,  10  sols 
tournois  de  rante  scituée  sur  un  eyrial  et  lèze  (bande 
étroite  de  terrain)  par  dernier  (apparemment  en  la  ville 
de  Tulle  où  ce  mode  de  culture  par  terrasses  appendues  à 
chaque  colline  était  surtout  en  usage  et  de  rigueur)  ;  receu 
Estienne  Joubert,    notaire    royal,    12*  déèembrc  1464; 


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_  452  — 

856.  Testemment  par  à"'  Marguerite  de  Chalon,  par 
lequel  elle  légua  auaict  chappitre  5  sols  de  rante  ;  reçu 
par  messyre  Jehan  Cousin,  prestre,  2  février  U93  ;  B. 

857.  Acquisition  par  Jehan  Cheyron,  paroisse  de  Naves, 
de  Ténéracile  personne  messyre  Bertrand  de  Vaissa,  prieur 
nosLre  dame  de  Lespinasse  (aujourd'hui  Lachapelle- 
Spinasse),  d'ung  cestier  froment  de  rante,  mesure  de 
Tulle,  pour  le  pris  de  40  sols  tournois,  assiz  sur  ung  pré 
etboysjoignans  ensanble,  appeliez  Aux  Pr&deulz;  receu 
Guilten  de  S*  Chemans,  notaire  royal  ;  du  mardy  15*  jour 
api-ès  pasques  1323  ;  C. 

858.  Acquisition  par  ledict  chappitre,  de  Ëstienne  Mar- 
tin de  Platea,  bourgeois  de  Tulle,  de  5  sols  tournois  de 
rante  ;  i^eceu  par  m'  Jehan  Lagorse  ;  tertio  idus  januarii 
1321  : D. 

859.  Recognoissance  audict  chappitre  par  messyre 
Amelvi  de  Bassagnac,  prieur  d'Ussac  (à  rendre  probable- 
ment par  Vassignac  en  français  moderne!  de  la  quantité 
de  10  muictz  (muids)  de  vin,  pur  et  sain,  mezure  de  Tulle, 
et  ce  pour  les  moys  avril  et  may  chascung  an  de  rante, 
reçu  m'  Jean  Régis,  notaire  (de  Brive,  très  probablement), 
du  15»  kalendes  de  décembre  1378, 

Ensemble  une  sentance  donnée  par  Ponpignac,  sur 
hussier  sur  l'exécution  d'ung  arrest  donné  par  la  court  de 
parlement  de  Bourdeaulx,  contre  le  prieur  d  Ussac,  datée  à 
Tulle  le  17«  octobre  1530;  signé  Ponpignac;  le  tout  atta- 
ché ensenble  ;  E. 

860.  Instrument  par  lequel  Estienne  Rinel,  mazelier  de 
Tulle,  légua,  audict  chappitre  V  sols  chascung  an  de  rante  ; 
reçu  Estienne  de  Champo  Julia,  du  15'  novembre  H08  ;  F. 

861.  EsMOLUMENTit  DU  SÉPULCRE  :  (ransacfion  entre  lodicl 
chappitre  et  frère  Estienne  Roger,  secrestain,  par  lequel 
fust  appoincté  que  ledict  secrestain  prandra  le  proflct  et 
esmolumen  du  sépulcre  ;  moyenant  ce  ledict  secrestain 
sera  tenu  bailler  à  chascung  des  religieulz  20  deniers 
tournois  et  une  pinte  de  vin,  mesure  de  Tulle  ;  receu  par 
m*  Eymar  de  Peschadour,  notaire,  du  2'  jung  1488  ;  cothé 
G.  [Evidemment  il  s'agit  des  offrandes  des  fidèles  qui  de- 
vant celte  mise  au  tombeau,  alors  sans  doute  récemment 
sculptée,  venaient  méditer  la  passion  du  Christ,  et  se 
compenser  du  pèlerinage  de  Jérusalem  trouvé  désormais 
trop  lointain]. 

862.  Instrument  de  publication,  ensemble  la  bulte  ince- 
rée  de  Clément,  pape  VIT,  faisan  mention  de  monstrer 
(ostension)  le  chef  S'  Clair,  évesque  et  martir,  de  7  en 
7  ans  ;  ensemble  certains  pardons  donnés  par  ledict  pape  ;  ' 
ladîcte  publication  i-eceue  par  m'  Gérault  Fougeyron, 


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—  453  — 

prebslre,  notaire  de  Tulle,  du  vu"  auril  mil  nu  un"  ix 
(1389);  cothé  H. 

863.  Autre  instrument  de  ordonnance  de  l&  feste  S' 
Clair  ;  reçue  Gérault  de  Cueille,  notaire  royal,  13*  novem- 
bre l'i86;  J. 

864.  Transaction  entre  m'  de  Tuile  et  son  cliappitre  à 
cause  de  la  pantion  deue  chascung  an  à  icelluy  cnappitre 
de  la  somme  de  200  livres,  ensanlile  la  quictance  des  arë- 
raiges  d'icelle  faicte  par  ledict  cliappitre;  receu  Bernard 
Guilloti,  notaire  de  Tulle,  du  -li'  may  1492  ;  K. 

865.  Testament  par  Catherine  Chaulai-de.  femme  de 
Pierre  Leymigre,  contenant  ung  léguât  audict  chappitrc 
de  10  sols  de  rante,  situez  sur  ung  soustre  (sous-solj  de  la 
maison  de  ladicte  Catherine;  receu  Pierre  Serre,  nolaire, 
26  may  1386;  L. 

866.  Procèz  contenu  en  ung  acte  en  parchemin,  dudict 
chappitre,  contre  Estienne  de  S'  Salvadour  et  Philipes  de 
Cueife,  prebstres  de  Tulle,  contenant  demande  d'ung  ces- 
tier  froment  de  rante,  et  7  soûls,  situés  sur  une  maison  à 
la  rue  de  la  Redole  Père,  faicte  pardevant  m*  Ramond  de 
Cosnac,  lieutenant  général  de  Limosin,  et  signée  par 
m"  Pierre  Ulmet,  greffier,  du  11'  avril  1497;  cothé  par  M. 

867.  Enqueste  par  m'  Marcial  Lagarde,  à  la  requeste 
dudict  chappitre,  à'  rencontre  de  m'  Anthoine  Lavergne, 
prebstre  et  autres  ;  signée  par  m*  Estienne  Solvyta,  du 
5'jullet  1499;  N. 

868.  Mandement  de  pignoribus,  esmané  du  séneschal 
de  Limosin,  à  la  requeste  audict  sindic  ;  signé  par  m' Jehan 
Lavergne,  du  17*  aoust  1457  ;  O. 

869.  Escriptures  faictes  à  la  requeste  de  m'  de  Tulle,  et 
son  chappitre,  contre  les  habitans  des  fauxbourgs  dudict 
Tulle,  escriptes  en  parchemin,  signées  par  de  Lavergne; 
raisons  de  aroit  et  instrument  appellatoire  desdicts  habi- 
tans ;  reçu  Jehan  Cuelhe  ;  le  tout  ensemble  ;  cothé  P. 

870.  Information  sur  l'u^aige  et  exploict  des  foui-s  et 
moulins  de  Tulle,  A  la  requeste  du  procureur  de  m'  de 
Tulle,  à  rencontre  des  manans  et  habitans  dudict  Tulle; 
cothé  par  Q. 

871.  Investiture  par  messire  Pierre  La  Guillaumye, 
prestre,  et  Gérault  La  Guillaumye,  frères,  k  messvre 
Martin  Philippes,  prévost  de  Tulle,  et  prieur  de  La  Cha- 
pelle Espinasse,  et  de  Grand  Saignes,  à  cause  de  certaines 
terres  et  pocessions  ;  reçu  par  m'  Ramond  Burgueti,  du 
9*  janvier  1399;  ensemble  des  inslrumentz  y  attachés;  R. 

872.  Instrument  entre  Ramund  de  Beauchasteau  (Bel- 


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-  454  - 

castel,  Loi),  prévost  de  Naves,  administrateur  de  ladicte 
église,  au  nom  de  ladicte  église  d'une  part,  et  noble  Guy- 
tart  de  Combort,  s'  de  Treiniac,  d'autre  (part),  faisant 
mantion  comment  ledict  s' de  Treyniac  recognoc  et  confessa 
le  villaige  de  Vignanas  estre  de  toute  justice  et  fondalité 
du  seigneur  abbé  du  couven  de  Tulle,  siz  en  la  paroisse 
d'Alonzac  ;  receu  Guillen  de  Fonte,  1280  ;  S. 

87a.  Ordermnce  entre  m'  l'abbé  et  (son)  couven.  (En 
marge  :  conventions  enti-e  m'  et  son  chapitre)  ;  daté  de 
l'an  1296;  T. 

874.  Instrument  faict  entre  le  s'  évesque  et  chappitre, 
d'une  part,  et  Bertier  Teyssard,  piatier,  de  Tulle,  d  autre, 
à  cauae  de  conduyre  l'eau  à  la  concfie  (fontaine  jaillis- 
sante, en  patois  focal)  des  cloestres,  et  certains  autres 
pactes;  receu  Pierre  Roche,  notaire,  du  pénultiesme 
feurier  1433;  cothé  par  V  |U  et  V  ne  faisant  qu'un). 

875.  Instrument  appeltatoire  pour  ledict  chappitre  con- 
tre m'  Jehan  Nyerlas,  conseiller  dii  roy,  et  Jehan  Estienne 
Guisf re  ?  touchant  les  empruns  (en  marge,  enprunptzl  ; 
receu  par  m"  Jehan  du  Montel,  notaire,  22"  janvier  1443 
cothé  X. 

876.  Donation  par  Bernard  Fabri,  bourgeois  de  Tulle, 
audict  chappitre,  de  15  sols  tournois  chascung  an  de  ranle, 
payable  à  la  S'  Martin  d'ivern,  assiz  sur  le  bien  de  Jehan 
et  Pierre  del  Mond,  paroisse  de  S'  Germain  les  Vergnes 
receu  Bernard  La  Lande  ;  daté  1316  ;  Y. 

877.  Vidimus  de  donation  par  noble  Arcambaull, 
conte  de  Combort,  à  l'abbé  et  chappitre  de  Tulle,  de  tout 
le  droit  et  debvoir,  action,  pocession,  propriété,  services, 
explietz,  haulte  et  basse  justice  et  toute  jurisdiclion  quel- 
conque qu'il  avoit  en  toute  la  prévoslé  de  La  Vallete  et  ses 
appartenances  et  aux  villages  de  Allomac,  de  Madranges 
et  auux  ïillacges,  lieulz  et  hommes  d'icelle  prévoslé,  sauf 
et  réservé  par  ledit  seigneur  de  Treyniac  et  son  succes- 
seur, en  la  dicte  prévosté,  20  sols  tournois  chascung  an 
de  rante  ;  receu  m"  Guillaume  Ghari;  daté  1319;  cothé 
par  A.  A.  [Gharain]. 

878.  Ordonanees  entre  l'abbé  et  chapitre  ;  receu  Pierre 
de  Banas,  notaire,  du  2*  janvier  1342  ;  B.  B. 

879.  Vente  par  m""  Huguo,  femme  de  feu  Gérault  de 
Charens,  chevalier,  comme  tutrisse  de  ses  enfans,  à  m"" 
(l'évèquel  de  Tulle,  assavoir  de  15  sestiers  seigle,  froment 
et  avoyne.  chascung  an  de  rante,  mesure  de  Martel,  de 
14  sols  2  deniers  tournois  et  .5  gélines,  assiz  sur  le  prieuré 
de  Meyronne  et  sur  certains  biiîns  sur  la  reviere  (les 
terrains  bordant  la  rive  gauche  de  la  Dordogne,  nommés 


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—  455  — 

Il  la  Rivière  de  M.  »)  de  Meyronne  ;  scellée  du  sceau  de 
feu  Ramond,  visconte  de  Turène  ;  daté  idus  maii  1228; 
colhé  par  G.  G.  [Un  Glaiens,  de  Glérans??] 

8J50.  Donation  ou  léguât  par  Jehan  Glianboureau  près 
La  Rochelle,  audictchappitre,  de  '20  sols  tournois  cliascunjt 
an,  rante,  assavoir:  au  prieur  de  Lileu,  frère  Bertrand 
La  Gardelle,  diocèzeS'Ouyn/'sicS"V.iissavoir 5solsaudict 
prieuré  de  Liieu  [Lilleau,  au  Sud  de  La  Rochelle  (Gha- 
rente-Inférieure)],  et  15  sols  audict  chappitre  pour  ung 
obit  ;  reçu  par  Véchain  ;  du  15'  décembre  l384;cothèD.  D. 

881.  Donadon  ou  léguât  par  Amault  Fouchier  et 
Abierne  Bardine,  sa  femme,  demeurans  à  Lileu,  ii  frère 
Bertrand  La  Gardele,  prieur  de  Lileu,  de  30  sols  tournois 
chascung  an  de  rante,  payable  15  sols  àpasques,  et  15  sols 
à  toussanctz,  scellé  et  signé  Marchant  ;  du  15'  décembre 
1384  ;  E.  E. 

882.  Donation  ou  léguât  par  Guillen  de  La  Rebieyra  et 
Guillamete,  sa  feme,  demeurans  à  Lileu,  à  m' le  prieur  de 
Lileu,  et  audict  chapitre,  assis  sur  tous  ses  biens  et 
eipressément  sur  une  maison  et  terre  confrontées  en  la- 
dicte  donation;  scellée  et  signée  par  Merchant,  du  15* 
décembre  1384  ;  F.  F. 

883.  Certaines  coppies  de  exécutions  faictes  par,  m*  Es- 
tienne  Poha,  lieutenant  de  paréaigc  en  Limosin,  à  la 
requesle  dudict  chappitre,  contre  m'  l'évesque  de  Tulle,  à 
cause  des  pantions  deues  audict  chappitre;  cothé  au  doz 
par  G.  G. 

884.  Recognoissance  de  rente  par  feu  Gilibert  évesque 
de  Limoges,  et  Ebole,  visconte  de  Ventadour,  du  mas  de 
Grand  Cha.mp,  en  la  paroisse  de  Forjès,  de  /^a  Bordarye 
et  de  Viallete.  en  ladicte  parroisse,  du  mas  de  Bédènes 
d'Albussac  et  autres  villaiges  contenus  au  dirt  instru- 
ment ;  sellé  du  sceau  de  Lymoges  ;  daté  1280  ;  IL  H. 

885.  Léguai  par  Jehan,  aliàs  Janissa  La  Ghiène,  maze- 
lier,  de  Tulle,  de  4  livres  de  rente,  pour  fère  ung  obit, 
assises  sur  une  maison  de  m"  Anthoine  Montriguat ,  au 
harry  de  La  Barrière;  receu  par  m*  Antoine  Brach,  du 
9*  janvier  1480;  J.  J.  (En  marge:  La  dicte  maison  est  à 
présant  possédée  par  Ëstienne  Lachièze,  et  ne  paye  que 
■50  sols}. 

886.  ^ppoinc(enien(  faict  entre  ledict  chappitre  et 
m*  Martin  La  Borde,  à  cause  de  10  sols  de  rente;  ensenble 
la  recognoissance  par  ledict  La  Borde,  de  ladicte  somme  ; 
receu  Bertelemy  Solerii,  tlu  8'  aoust  I  i80  ;  K.  K, 

887.  Instrument  portant  l'unyon  du  prieuré  S'  Michel 
prés  Vei/rac;  interposition  de  décret;  uny  à  labaye  et 


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couven  de  TuUe  ;  scellé  du  ceau  de  Lymoges  ;  du  14*  jan- 
vier 1316;  L.  L. 

888.  Recognoissartce  à  m"  Arnal,  évesque  de  Tulle,  par 
Pierre  Malras,  Pierre,  Geraull  et  Jehan  de  Vignaoas, 
parroisse  d'Olonzac,  du  mas  de  Vignanas  ;  receu  par 
m"  Jacques  La  Ghassaigne,  1333  ;  M.  M. 

889.  Ordonna.nce,  ou  estatut  faicte  entre  l'abbé  et  chap- 
pitre  de  Tulle,  faisant  mantion  :  quel  nombre  de  religieulx 
doibt  avoir  audict  chappitre  et  autres  choses  eontenues  en 
icelle  ;  receu  Eymeric  La  Myrigie,  dernier  may  1320; 
cothé  parN.  N. 

890.  Sauvegarde  du  roy  inpétrée,  par  ledict  chapitre; 
signée  par  m'  Michel  Vergonzanes,  notaire  royal,  de  1338  ; 
ensanble  une  recognoissance  par  Pierre  Malros,  sur 
l'omaige  qu'il  est  tenu  faire  à  ladicte  église,  du  villaîge  de 
Vignana^.  0.  0. 

891.  Instrument,  ensanble  coppie  d'une  bulle  incérée  à 
icelle,  concédée  par  Symon,  archevesque  de  Bourges, 
contenant  certains  statuts  dudit  chapitre  ;  receu  Jenan 
Guelhe;  18'  décembre  1404;  P.  P. 

892.  Instrument  entre  ledict  chapitre  et  frère  Guy  de 
Lissac,  cellarier,  faisant  mantion  comment  ledict  chapitre 
bailla  audict  cellarier,  le  cuysain  (coussin  de  bois,  som- 
mier) pour  fere  le  pressoir  que  ledict  cellarier  tient  à 
présant;  receu  Pierre  Roche;  12*  janvier  1445;  cothé 
par  Q.  Q.  (En  marge  :  arraniemen  du  piessoir  de  la  cellé- 
rarye). 

893.  Obliguation  par  Huguo  de  Man&o,  parroisse  de 
Dannyac  (Dampniatj,  de  10  sestiers  de  rante,  aud.  chapi., 
pour  l'obit  fondé  par  Gèrault  de  Malemort  ;  receu  Gérault 
d'Augier  (Daunierj.  1334  ;  R.  R.  [En  marge,  la  môme  main, 
fort  peu  après,  a  écrit  par  méprise  ;  Damgnac]. 

894.  Arbitraige  par  noble  Jordain  de  Blanchefort  et 
frère  Bertrand  La  Vaisse,  prieur  de  Lachapelle  Espinasse, 
procureur  de  m'  de  Tulle  et  du  prieur  de  S'  Clément,  à 
cause  de  la  justice  haulte,  moyenne  et  basse  de  ville  [au 
sens  de  villa  évidemment]  ae  S'  Clément,  et  autres 
pactes  et  ordonnances  en  iceluy  contenus  ;  receu  par 
m"  Pierre  Aliénac  et  Bernard  La  Lande,  notaires,  13S2  ; 
cothé  par  8.  S. 

895.  RecOjjnoissaïice  par  r.  p.  en  Dieu  Denys  de  Bar,  et 
Jehan  Grand,  du  Brossard,  audict  chapitre,  à  cause  des 
devoirs  et  autres  choses  qu'ik  sont  tenus  à  icelluy  chapi.  ; 
receu  Martin  La  Borde  ;  12'  septembre  1480;  T.  T. 

896.  ^trranfemenl  par  m'  de  Tulle  à  m'  Jehan  Vau- 
rilhon,  procureur  du  roy  en  l'élection  du  Bas  Limosin, 


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portant  recognoissance  de  50  sols  de  rante  annuelle  à 
cause  de  la  Tour  Vieilhe  du  chasieau  de  Tulle  ;  receu  par 
m'  Sébastien  Brach,  du  28"  novembre  1506  ;  V.  V. 

897.  Arrantement  par  ledict  chappitre  à  Estienne, 
Pierre,  Jehan  et  autre  Jehan  Verdier,  frères,  paroisse  de 
Yssandon,  d'un  moulin  appelle  de  Las  Escuras,  en  la 
parroisse  de  Terrassoii,  avec  certaine  rante  contenue  aud, 
instrument;  receu  Estienne  Du  Pré,  1"  octobre  1444; 
cothé  parX.  X. 

898.  Recognoissance  à  m'  de  Tulle,  par  noble  Gérault, 
8'  de  Donzenac,  de  100  livres  tournois,  à  cause  de  prest  ; 
receu  Jehan  Lacase,  1328;  Y.  Y. 

899.  Arbitraige  entre  le  s"'  de  Tulle,  d'une  part,  et  led. 
chapitre  d'autre,  à  cause  de  la  (iesf)ouiiIe  des  religieuh  de 
Tulle  ;  receu  Jehan  Sourries,  notaire,  29'  décembre  1399  ; 
cothé  par  Z.  Z. 

900.  Appoinctemp-nt  entre  ledit  chapitre  et  le  chambrier 
de  ladicle  église,  à  cause  des  frotqs  (en  marge  frotz,  signi- 
fiant frocs)  et  cucules  ;  receu  Jehan  Guelhe  ;  19*  janvier 
1407  ;  Z.  Z.  fsic;. 

AC   SAC  DE  E. 

901.  Instrument  par  lequel  apert  que  noble  Gérault  de 
Cardaillac,  fllz  de  feu  messyre  Bezangier  (pour  Bérenger), 
a'  dudict  lieu  (de  Cardaillacl ,  tient  à  homaige  en  fief  de 
Pierre,  évesque  de  Tulle,  tout  ce  que  ledit  s'  Cardaillac 
possède  pour  raison  de  la  seigneurye  de  Beîcastel,  et  le 
pontonaige  de  Baljoyro  [pour  Bougueyrou?J  et  la  tierce 
partie  de  l'estanc,  les  poyssiéres  et  autres  villaiges  qu'il  a 
en  la  parroisse  de  Bougueyrou,  Pinssac,  de  Lanzac,  Lou- 

?iac,  S'  Yliaire  et  de  Ffoyrac;  sellé  du  seau  de  Tulle, 
278  ;  A. 

902.  Insti^ment  ou  vidirné  contenant  certaine  donation 

Ear  Gaultier  de  Charana  à  Bertrand  Fédel,  de  certains 
iens  estans  du  chasteau  de  Croisse,  Montval&nt  et  en  la 
ville  de  Martel  ;  scellé  1264  ;  B. 

903.  Acquisition  par  ledict  chapitre  de  Estienne  Ghava- 
Hon  (en  marge,  Chavaillon),  de  5  sols  tournois  de  rante 
assiz  sur  une  maison  dudict  Ghavailhon,  au  barri/  dAl- 
verge;  receu  Jehan  Bourlous,  du  7*  aoust  1461  ;  G. 

904.  Tes^ement  par  Jehan  Jugtar,  costurier,  portant 
léguât  de  10  sols  de  rante,  pour  fere  (fonder)  ung  obit; 
receu  m'  Pierre  Serre,  du  9'  décembre  1417  ;  D. 

905.  Vente  par  noble  Pierre  de  Donnareaulx,  à  Ramond 
Arnal,  de  la  somme  de  (en  blanc),  laquelle  somme  Pierre 


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*  468- 

Le  Bloy  devoit  au  dict  Donnareaulz,  à  cause  d'une  borda- 
rye  appel/é  de  Pandrinye  ;  receu  Jehan  Soui'ries,  notaire 
de  Tulle  ;  7'  aoust  1398  ;  E. 

906.  Testement  par  m'  Jehan  Bessou,  par  lequel  il 
légua  audict  chapitre  5  sols  tournois  de  i-ante  ;  receu 
Bernard  La  Planche,  2' jung  1482  ;  F. 

907.  Vanfe  par  Mathieu  de  Trapas,  à  Martin  La  Borda- 
rye,  merchantde  Tulle,  de  5  sols  tournois  de  rante,  assiz 
sur  une  maison  de  Anthoiiie  La  Bellardye,  en  la  rue 
d'Alverge  ;  sortant  recognoissance  par  ledict  Trapas.; 
ensenble  le  léguât  par  Jehanne   I..a  Bordarye,   desdicts 

5  sols,  receu  Jehan  Bourïous  ;  12' janvier  1480  ;  G. 

908.  Autre  tesiement  par  Marti  La  Bourdarye,  auquel 
est  contenu  un  léguât  de  7  sols  6  deniers  tournois  et  un 
cestier  froment,  faict  audict  chapitre  à  luy  deuz  par  Jehan 
Bourïous,  prestre,  assiz  sur  une  maison  audict  Bourïous, 
à  la  Redolepére  là  Tulle]  ;  receu  Anthoine  Bourïous, 
12' octobre  1480;  H. 

909.  Testement  par  messyre  Jehan  Brassard,  par  lequel 
légua  10  sols  de  rante  audict  chapitre  assiz  sur  tous  les 
biens  des  Brossardz  ;  receu  Anthoine  Chassaignard,  23* 
may  1482  ;  J. 

910.  Assignation  par  messyre  Pierre  Cornier,  aliàs 
(autrement  dit)  de  Vaihac,  et  Ramond  Bonet,  frères,  de 
3  livres  tournois  chascung  an  de  rante,  audict  chapitre 
payables  30  sols  sur  une  maison  possédée  par  Jehan  Gou- 
guarye,  située  au  barry  del  Guischet  (en  marge,  maison  de 
Fondion],  et  les  autres  30  sols  sur  une  maison  que  tient 
Denys  del  Boys,  à  la  Barussie  ;  receu  Anthoine  Guer- 
gori  (Grégoire),  31  janvier  1458  ;  K. 

911.  Instrument  contenant  léguât  par  Marguerite,  de 
S*  Salvadour,  veufve  de  feu  Lacgier  Arnault,  de  2  sols 

6  deniers  tournois  de  rante,  audict  chapitre,  receu 
m' Jehan  Serre,  (7"  roay  1482  ;  L. 

912.  Arrantement  par  m"  du  chapitre  à  Pierre  du  Chier, 
aliàs  Pcrrical  (déformation  un  peu  péjorative,  équivalent 
à  0  trop  grand  Pierre  "  ),  paroisse  S'  Julien  de  Tulle,  du 
villaige  appelle  de  La  Rochette,  paroisse  de  Chanac,  et  ce 
moyennant  ung  cestier  froment,  ung  cestier  avoyne, 
mezure  de  Tulle,  1.S  sols  tournois,  2  gélines  ;  receu  Jehan 
Arnault,  27"  mars  1403  ;  M. 

913.  Donation  par  Jacme  fjacquette]  Arnaudye,  veufve 
de  feu  (feu  ou  décédé  depuis  peu,  —  défunt  signifiant 
veuvage  ancien)  Pierre  Trèmoilnes,  de  5  sols  tournois  de 
rante,  audict  chappitre  sur  les  biens  dudict  Trémoilhes; 
receu  Biaise  de  Guelhe,  31  mars  1452.  N. 


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914.  Teslement  par  lequel  Guillaume  fpourGuillemetleJ 
de  Brousses,  veufvc  de  feu  Jehan  Brosses,  légua  audicl 
chappitre  5  sois  tournois  de  rante,  sur  une  maison  au 
barry  del  Prat  |à  Tulle)  ;  receu  Jehan  de  Quercu,  8'  jan- 
vier 1458  ;  0. 

915.  Testement  par  noble  Pierre  de  Peyrac,  s'  de  Boni- 
faci  [Brive  eut  un  hôLel  de  la  Bonifassie,  mais  probable- 
ment hors  de  cause],  où  est  contenu  ung  léguât  par  ledict 
Pevrac,  de  10  sols  de  rante;  receu  Sébastien  Brach,  12* 
octobre  1495;  P. 

916.  Ari-antement  par  ledict  chappitre  à  messyre  Jehan 
La  Fabrie,  d'une  maison  que  fust  de  Jehan  Reynault, 
située  à  (a  Barrière,  soubz  la  rante  de  20  sols  tournois, 

Eortant  recognoissance  par  ledict  Fabrie  ;  receu  Jehan 
.a  Boi-de,  du  10*  décembre  1412  ;  Q. 

917.  Léguât  par  Jehanne  Mabit,  de  10  sols  de  rante, 
audict  chappitre,  receu  Bernard  Guilloti,  19°  décembre 
1457  ;  R. 

91H.  Acquisition  par  ledict  chap.  de  5  sols  et  I  cestier 
fromeut,  mezure  de  Tulle,  de  rante,  sur  une  maison  au 
6arry  d'Alverge,  reçue  Guary  (Guérin)  de  Trémoilles, 
2"2"  febvrier  1415;  S.  Ensemble  une  sentence  et  acte  y 
attachés. 

919.  Item  ung  acte  de  condeîipnatioTï,  par  le  juge  de 
Tulle,  par  laquelle  Estienne  Maruc,  plus  jeune,  est  eon- 
denpné  payer  6  sols  de  rante  aud,  chap.  sur  un  soubstre 
et  jardnn  joignans  ensemble  au  barry  de  la  Bai^ère  ; 
receu  par  Anthoine  Arnault,  grefler,  du  20'  febvrier 
i486  :  T. 

920.  Condenpnation  par  l'official  de  Tulle,  à  l'encontre 
de  Jehan  Lamy,  aliàs  Colv,  de  4  sols  tournois  de  rante, 
du  10»  février  1418;  V. 

92!.  Acquisition  par  led.  chap.  [itre]  de  5  sols  de  rante, 
sur  Pierre  Cofolen  (en  marge,  Cofoulen,  et  cela  allait  de 
soi},  sizsurune  maison  au  barry  d'Alverge  ;  receu  Gérault 
Cueilhe,  20'  may  1425;  A.  A. 

922.  Testement  par  Estienne  Maton  portant  léguât  aud. 
chap.  de  t  cestier  froment  ;  receu  m'  Jehan  de  Sourries, 
20'aoust  1403;  B.  B. 

923.  Testement  par  Jehanne  d'Albignac,  veufve  de  feu 
Pernical  Csic,  pour  BeT^icaf,  forme  encore  donnée  à  Ber- 
nard vers  Lanteuil)  de  Confoulen,  de  5  sols  de  rante  aud. 
chap,,  receu  Pierre  Roche,  26'  septembre  li51  ;  C.  G. 

924.  Arrantement  par  m'  de  Tulle,  à  Bertrand  de  Cou- 
zaiges,  de  Veyrac,  du  moulin  de  La.  Rebeyrote,  assiz  sur 


dbyGoOt^lc 


-460- 

l'eau  de  Sourdoyre,  moyenant  la  rante  de  2  sestiers  fro- 
ment, mesure  de  Veyrac  (comme  dépendant  de  celte  pré- 
vôté dudit  évéque),  oultre  la  rante  aotienoe;  receu 
Sébastien  Brach,  21'  septembre  1507  ;  D.  D. 

925.  Arrantement  par  frère  Guillaume  de  Fumel.prévost 
de  Tulle,  et  du  consentement  de  m'  de  Tulle  en  son  chap- 
pitre,  aux  tenanciers  du  villacge  de  Foncières,  moyenant 
certaine  rante  contenue  and.  instrument  portant  la  reco- 
gnoissance  par  lesd.  tenanciers  ;  receu  Jehan  Cuelle, 
dernier  mars  1434  ;  E.  E. 

926.  Arrantemcnt  par  [même  prévôt  de  cathédralle  Tulle 
et  ses  mêmes  co-rentiersj,  aux  tenanciers  du  villaige  de 
Baisse  (même) ,  paroisse  de  Naves  favec  reconnaissance 
comme  dessus,  devant]  Jehan  Cuelle,  18*  janvier  1434; 
cothé  par  F.  F. 

928.  Testement  par  Pierre  Mercueil,  [faisant]  léguât 
aud.  chap.  de  5  sols  de  rante  :  receu  Guary  de  Trémoilles, 
26' juillet  1433  ;  G.  G. 

928.  Arr^ntement  par  le  chapitre  à  messyre  Anlhoine, 

frestre,  et  (à)  Jehan  (tout  court)  Je  Trapas,  frères,  de 
éritaige  que  fust  de  feu  Guillaume  Pradel  et  Guillem 
Vergne,  scitué  en  la  paroisse  S'  Julien  de  Tulle,  moyen- 
nant 10  sols  de  rante  ;  ensemble  la  recognoissance  par 
lesdicts  Trapas  ;  receu  Gérault  Cueilhe,  28*  janvier  1432  ; 
cothé  par  H.  H. 

929.  Donation  par  Baymond  de  S'  Salva.dour,  habitant 
de  Tulle  [comme  les  villes,  éternel  ramassis  de  vagabonds, 
de  chercheurs  d'or,  de  trompeurs  et  menteure  pour  mieux 
vendre,  usent  vite  leur  population,  par  cette  vie  de  sur- 
menage sans  hygiène,  ni  bon  air,  ni  bonnes  mœurs,  il  a 
bien  falhi  que  de  tout  temps  ces  villes  renouvelassent  leurs 
habitants  parmi  les  gens   dégourdis,   intelligents,  mais 

§énéralement  tarés  de  leur  banlieue  rurale  ;  les  trois  quarts 
es  enseignes  rappellent  encore  à  Brive,  Tulle,  les  noms 
de  nos  villages  qui  y  sont  représentés,  Dieu  sait  comme  ! 
par  nos  braves  campagnards,  ces  rustiques  partialement 
décriés  par  M.  le  chanoine  Joseph  Roux].  Don  par  R.  de 
S' Salvadour  aud.  chapi.  de  12  sols  de  rante,  assiz  sur  une 
terre  et  bois  situez  en  la  paroisse  S"  J-'ortunade  :  receu 
m°  Pierre  Ten-ade,  3t  jullet  1450;  J.  J.  [Que  si  on  nous 
objecte  ces  urbains  bienfaileiirs  d'église,  nous  répondrons  : 
1»  qu'il  se  cache  souvent  des  restitutions  anonymes  in 
extremis  derrière  ces  belles  pieuses  libéralités  ;  2"  que 
nos  villes  eurent  et  ont  d'honorables  exceptions,  parmi 
lesquelles  nos  lecteurs  voudront  bien  s'inscrire  à  leur  gré, 
in  petto] . 

930.  Testement  par  Jehan  La  Fagerdye,  merchanl  de 


dbyGoOt^lc 


—  461  - 

Tulle,  contenant  léguât  au  chapi,  de  10  sols  de  rante  sur 
un  ouvroir  de  Berhai-d  del  Sartre,  aliàs  Galays  (Jalays), 
situé  au  pied  du  cluchier  de  Tulle  ;  receu  Pierre  Bourlous, 
23'jullet  1418;K.  K. 

931.  Acquisition  par  le  chapi.  de  15  sols  tournois  de 
rante,  de  Jean  Fressinges,  aliàs  Limosin,  sur  une  maison 
aux  faulz  bourgs  de  Tulle  ;  receu  Jehan  de  Quercu,  24* 
juUet  1148;  L.  L. 

932.  Acquisition  par  le  chap.  d'Sstîenne  La  Borde,  d'ung 
cestier  froment  de  rante,  sur  un  jardrin,  au  territoyre  de 
Bourious  ;  receu  Jehan  de  Peyral,  1347  ;  M.  M. 

933.  Testement  çAe  noble  Pierre  Donnarel,  plus  vieulz, 
par  lequel  est  légué  5  sols  de  rante  au  chap.  ;  receu  Jehan 
Sourries,  8-  jullet  1430  ;  N.  N. 

934.  Recognoiss&nce  au  chapi.  par  noble  Pierre  de 
Donnareaulz,  scavoir  de  15  sols  tournois  et  200  oeufz  de 
gélioe,  de  rante  ;  receu  Jehan  Cuelle  ;  pénultiesme  décem- 
bre 1400;  0.0. 

935.  Testeuient  d'Almodye  del  Revdour,  veufve  de  feu 
m*  Bernard  de  Tremoilles,  par  lequel  est  légué  au  chapi. 
10  sols  tournois  de  rante  sur  1  ouvroir  que  tient  Jehan 
Juglar  ;  receu  Jehan  Sourries,  15"  avril  1414  ;  P.  P. 

936.  TeslemenI  d'Agnète,  fille  de  feu  Guillem  Vaire,  par 
lequel  est  légué  10  sols  de  rante  au  chapi.  sur  le  villacge 
et  tënement  de  La,  Chassaigne,  parroisse  de  S'  Perdoux- 
L&'Crousilhe  ;  receu  Guillem  Clari,  1322  ;  Q.  Q. 

937.  Acqtiisition  par  led.  chap.  de  noble  homme,  Pierre 
Donnarel,  plus  jeune,  du  lieu  de  Lanteuilh,  de  vu  sols  ts 
(tournois)  de  rante  (assiï)  sur  t  pré  dud.  Donnarel,  au 
territoire  del  Boisson,  paroisse  S'  Pierre  de  Tulle;  receu 
Jehan  Sourries,  du  12"  îtalendas  augusti  1430  ;  R.  R. 

938.  Testement  par  messyre  Hélias  de  Boussac,  par 
lequel  il  légua  aud.  chap.  5  sols  de  rante  sur  tes  biens  de 
Estienne  de  S'  Salvadour  ;  receu  par  m*  Ramond  La  Borde, 
du  pénultiesme  avril  1430  ;  S.  S. 

939.  Léguai  au  chap.  par  testement  de  m'  Jehan  Laver- 
gne,  aliàs  Seguv,  de  5  sols  de  rante  ;  receu  Berihelemy 
Solier,  22'may"l479;  T.  T. 

940.  [On  a  biffé  :  recoTinaissance]  par  Jehanne  de  Mey- 
rignac,  mareschal,  paroisse  de  Bar,  au  chap.  de  25  sols  de 
rante,  à  cause  du  villaîge  de  Meyrignac. 

941.  Testement  portant  léguai  de  Jehan  Leyge,  mar- 
chant de  Tulle,  de  5  sols  de  rante,  au  chap.  ;  receu  Jehan 
Cosin  (Couzen),  5«jung  1482;  V.  V. 

942.  Acquisition  par  le  chap.  sur  feu  noble  Jehan  de 
T.  XX.  i-to 


D.gtzedoyGoOglC 


—  462  — 

de  Souiries,  plusvieuli,  héretier  de  feuz  nobles  Martinet 
messyre  Jehan,  prestre,  de  Soiirries,  de  22  sols  de  ranle, 
assiz  sur  Jehan  Lauvergnas  et  Guillaume  La  Croze  ;  en- 
semble le  Tcstement  laict  par  led.  noble  Jehan  de  Sour- 
ries,  léguant  au  chap.  5  sols  ranle  ;  attachés  ensemble  ; 
receus  Jehan  de  Quercn  et  Jacme  Chaptaur,  parroisse  S' 
Pol,  notaires,  29  novembre  1492  ;  X.  X. 

Au   SAC   DE   LETTRE    F, 

943.  Teslement  portant  léguât  au  chap.  par  Jehan  Guei^ 
guoyre,  merohant  de  Tulle,  de  5  sols  tournois  de  rante, 
sur  une  maison  d'Estienne  Peschadour  ;  receu  Jehan 
Guelhe,  14*  janvier  1441  ;  A. 

944.  Léguât  par  testement  d'Estienne  Choutard,  bour- 
geois de  Laguenne,  de  10  sols  tournois  de  rante  au  chapi. 
pour  ung  obit,  assiz  sur  ses  biens  ;  receu  Jehan  La  Borde, 
notaire  de  Tulle,  27'  avril  1424;  B. 

945.  Vante  au  chap.  par  Bernard  du  Mons,  leplus  vieulx, 
filz  de  feu  Berny,  paroisse  S'  Pierre  de  Tulle,  de  la  somme 
de  xxiiu  sols  tournois  chascung  an  de  rante,  sur  tous  ses 
biens,  expressément  sur  ung  pré  appelle  :  del  Lymoudès, 
avec  la  recogiioissance  d'jcelle  ;  receu  Jehan  Del  Cosin, 
dux*févrierl487;C. 

946.  Acquuition  par  messyre  Hélies  Botéry,  prieur  des 
Angles,  de  Mathieu  et  Jehan  del  Ros,  clerc,  oncle  et 
nepveu,  de  la  somme  de  14  sots  tournois  de  rante,  pour  la 
somme  de  12  livres  tournois  assize  sur  le  village  dMugtère, 
paroisse  de  Rouziers  [-d'EgletonsJ  ;  scellé  de  Sceaulz,  1308; 
cothé  par  D, 

947.  fiecopiioissance  par  Nadal  Roffy,  cordonnier  de 
Tulle,  au  chapi.  de  10  sols  tournois  rante  sur  sa  maison 
au  barry  de  La  Barrière  ;  receu  Pierre  Geneste,  notaire 
de  Tulle,  25' avril  1454;  E. 

948.  Vante  et  recognoissance  par  Gabriel  Maturier,  du 
lieu  de  Laguenne,  de  4  cestiers,  eyniine  de  vin,  sur  une 
maison  de  Pierre  Joucen,  dud.  lieu  ;  receu  Jehan  Jucge, 
17' février  1438;  ensemble  certains  actes  concernans  led, 
faict  ;  F. 

949.  Permutation  entre  Jacques  Germain,  merchant  de 
Tulle  et  Taumosnier  de  lad.  église,  par  lequel  led.  Germain 
baille  aud.  aumosnier,  30  sols  tournois  et  2  sestiers  seigle 
de  rante  et  20  sols  sur  la  nougarède  que  tient  à  présant 
Tabailhe  et  Loys  d'Userehe  [en  marge  :  Pierre  Gaultier, 
Tabaillou]  ;  recèu  Jehan  Gosen,  12'  décembre  1487  ;  G. 

949  (bis).  Recognoissance  (raturée)  par  André  Fabrie, 
chapellier,  au  chapitre. 


D.g.tizedbyGdOglC 


—  463  — 

950.  Recoi7noissaTice  par  m"  Guy  do  La  Chappoullie, 
bourgeois  iJe  Tulle,  de  20  sols  tournois  de  ranle,  légués 
par  feu  m"  Goubert  (Jauberl)  de  Confolen,  archipresti'e  de 
8'  Supéry,  assise  sur  les  moulins  dei  Trech,  parroisse  de 
Chanac;  receu  Guillaume  Teyria,  du  ix'  octobre  1437;  H. 

951.  Testement  où  Jehanne  de  Peyrat  a  légué  au  chap, 
5  sols  tournois  de  rante  ;  receu  Pierre  Roche,  21"  aouat 
1455;  J. 

952.  Recognoisss.nce  par  Jehan  Maure,  sergent  rayai  de 
Tulle,  au  chap.  de  5  sols  tournois  rante,  à  cause  de  la 
moitié  d'un  terranyer  [mauvais  terrain  ù  tuff]  par  led. 
Maure  acquis  de  Agnète  de  Berthoulmerye,  femme  de 
Jehan  Dancye  ;  receu  Berthelemy  Solier,  8'  jullet  1485  ; 
cothé  par  K. 

953.  RecognoissBjice  par  Laurans  du  Chastanyer,  pa- 
roisse de  Laguenne,  au  chapi.  de  13  deniers  tournois  il 
cause  d'ung  Boys,  au  territoire  appelle  del  Peuch  Négrier  ; 
receu  Ramond  La  Borde,  3*  avriI142l  ;  L. 

95'(.  Recognoissance  au  chap.  par  Ramond  de  La  Chiip- 
polye.  comme  rollîer  de  lad.  église,  de  20  sols  d'ung  costé 
et  6  sols  8  deniers  d'autre,  de  renie,  à  cause  de  la  tierce 
partie  des  biens  de  Durant  de  Lcspicier  ;  ensanble  30  sols 
de  rante  léguez  au  chap.  par  feu  messyre  Goubert  de  Con- 
folen ;  receu  Pierre  Terrade,  10'  février  1450  ;  M. 

955.  TesfejTieTïI  portant  léguai  au  chap,  par  Jehan  Bros- 
sard,  bourgeois  de  Tulle,  de  5  sols  tournois  de  rante  ; 
ensemble  de  3  acies,  pour  raison  de  ce  "dessus;  receu 
Jehan  Lavergne,  ali;ïs  Seguy  ;  18'jung  1482;  N. 

956.  Codicille  par  m'  Joubert  de  Confolen,  archiprestre 
de  S'  Supéry ,  de  20  sols  de  rante,  an  chap.  ;  receu  Eymeric 
Leymerigye,  1316  ;  0. 

857.  Acquisition  par  le  chapitre,  de  Guillaume  S' Priech, 
de  5  sols  de  ranle,  sur  sa  vigne  au  terriloyre  appelle  de 
Lamigoulance  ;  ensanble  l'investiture  par  m'  de  Tulle  au 
prieur  des  Angles;  signés  et  scellés  par  m"  Jehan  del 
Monleil,  alias  ie  La  Maictz,  13*  may  1443  ;  P. 

958.  Arranlement  par  religieuse  personne  Jehan  Ar- 
nault,  prèvosl  de  La  Vallète,  à  Pierre  Feuges  [Feugeas), 
du  lieu  de  Madranges,  du  lènement  appelle  doux  Gailîarlz, 
avec  la  rante  de  6  sestiers  seigle,  mesure  de  Tulle,  20  sols 
tournois  et  une  g<^line  ;  ensemble  la  recogTïoissance  de 
lad.  rante;  plus  un  arpantement  y  attaché,  contenant 
recopnoissance  par  Jacme  de  Feuges,  aliàs  del  Teiih  [Teil, 
partition  de  l'ex-bourg  de  Madranges] ,  tant  en  son  nom 
que  pour  et  au  nom  de  Gérauld,  Jehan  Pierre  et  Este- 
vène?del  Teilh,  frères  et  sœur,  du  ténement  doux  Gail- 


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-  464  — 

lars,  situé  à  Madranges,  tnoyenant  [même  rente  que  des- 
sus] au  chap.  pour  ung  obil  ;"et  léguât  au  chap.  par  ied. 
prévost  ;  signés  :  l'urig  par  Jehan  Cueihe  ;  l'autre  par 
Pierre  Bourlous,  des  26'  aoust  1416  et  14'  septembre  1435; 
colhé  par  Q. 

959.  Teslement  où  Guillaume  Guipe,  déclaîre  qu'il  doibt 
au  chap.  12  sols  rante,  et  lui  lègue  18  sols  de  rante  ;  receu 
Eymenc  Leymerigye,  1318  ;  R. 

960.  Acquisition  par  frère  Martin  Lauthonnye,  prévost 
de  Seillac,  de  noble  Pierre  Chalon,  de  tout  le  droit  et 
debvoir  qu'il  pouvoit  avoir  en  1  cestier  froment,  1  d'avoyne, 
mesure  ae  Tulle,  13  sols  tournois  et  I  géline  de  rante, 
avec  droit  de  fondalité  ;  ensanble,  1  eyrial  situé  aud.  lieu 
de  Seilhac,  avec  toute  fondalité,  pour  le  prix  de  xxi.  v. 
d'or  [v  en  triangle,  ou  bouclier,  écu  ;  21  écusj  receu 
m*  Anthoine  Chassaignard,  22'  febvrier  1465  ;  S. 

961.  Acq«isi(ioiï  parle  chap.  de  Jehan,  Pierre  et  Estienne 
mareschiiulz  de  Vieillemar,  paroisse  de  S'  Marcial  près 
Gymel,  de  5  sestiers  seigle  ;  receu  Jehan  Botery  ;  vendredy 
après  la  feste  S'  Clair,  1345  ;  A.  A. 

962.  .^cquistiion  par  Pierre  Dupuy,  de  Tulle,  de  Jehan 
Reynault,  de  3  émynes  de  froment  de  rante,  mesure  de 
Tulle,  pour  10  livres  iO  sols  assiz  sur  une  maison  dudict 
Reynault,  au  bary  de  La  Barrière;  receu  m"  Huguo 
Michel,  30'  avril  1375  ;  B.  B. 

963.  Testement  par  Reynault  Guipe,  filz  à  feu  Jehan, 
contenant  qu'il  a  légué  aud.  chap.  10  sols  rante,  sur  le 
villaige  de  La  Chs.ulm,  par"  d'Eyren  ■  receu  m*  Estienne 
d'Ublanges,  du  jeudy  avant  la  feste  de  S'  Rauph,  1314  ; 
cothé  par  C.  C. 

964.  Testement  par  m*  Jacques  Gentilot,  par  lequel  il  a 
donné  au  chap.  v  sols  rante  ;  receu  Jehan  Serre,  15'  no- 
vembre 1490  ;  D.  D. 

965.  Vanle  à  m'  et  chapitre  par  Jehan  Lou  Dous,  de 
5  sols  de  rante,  pour  le  pris  de  6  livres  sur  une  maison  à 
la  rue  de  la  Barrière,  et  sur  1  boys  au  territoyre  de  Ley- 
monye  ;  receu  Gèrault  Bos,  31*  mars  1425  ;  E.  E. 

966.  Fidéjussion  contenant  commant  noble  Gérault, 
8'  de  La  Roche  [-Canillac],  se  soubamit  à  certaines  poynes 
pour  aulcungs  lorfaictz  perpétrés  envers  r.  p.  en  Dieu 
Arnault,  abbé  de  Tulle;  et  nobles  Pierre  de  Maumont  et 
Bertrand  de  S»  Ghemans,  furent  cautions  pour  ledict  de 
La  Roche  ;  receu  m'  Guillaume  Clary,  de  1312  ;  F.  F, 

(A  suivre). 

J.-B.  Champeval. 


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NOUVEAU  RECUEIL 

DE 

REGISTRES  DOMESTIQUES 

LIMOUSINS  ET  MARCHOIS 

(dB    1384  A   NOS  JOURS) 

roaLiii  rait 

M.  Louis  GUIBERT 

AïK  1(  coDctHin  d«  II.  iUnd  liROQI,  J.-B.  CUilPEViL,  l'IbU  L  IKCLKR 
it  Léourd  lODFLE 

(Suite  —  Voir  tome  XX,  p.  188.) 


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REOISTRE  DE  NOTES  DOMESTIQUES   ET  MEUENTO  PROFESSIONNEL 
DE  JACQUES  SAZEHAC,  CHIRURGIEN  ET  APOTHICAIRE  A  NEXON 

(6  août  1675—  22  août  1700 
avec  quelques  notes  de  1700  à  1718) 

Mous  avons  signalé  un  certain  nombre  de  registres 
domestiques  tenus  par  des  avocats  ou  des  magis- 
trats ;  il  ne  nous  avait  pas  été  donné  encore  de 
feuilleter  le  livre  de  raison  d'un  médecin  ou  d'un 
chirurgien.  Un  manuscrit  provenant,  comme  tant 
d'autres,  des  archives  du  château  de  Nexon,  et 
récemment  communiqué,  avec  la  plus  bienveillante 
obligeance,  à  notre  ami  et  collaborateur  J.-B.  Cham- 
peval,  répond  à  ce  desideratum:  c'est  celui  dont 
on  trouvera  ci-après  quelques  extraits. 

L'auteur  du  manuscrit  en  question  est  un  chi- 
rurgien-apothicaire, dont  une  note  écrite  sur  une 
des  feuilles  de  garde  de  son  manuscrit  nous  fait 
connaître  le  nom  et  la  résidence  :  «  Le  presant 
livre  apartien  a  Mons'  Jaque  Saserac,  appoti- 
guere  a  Nexon  » . 

II  a  confié  à  son  papier  domestique  la  note  des 
visites  ou  opérations  faites  par  lui  et  des  médica- 
ments fournis  à  ses  clients,  pêle-mèle  avec  le 
mémento  des  événements  sui-venus  à  son  foyer^  et 
des  menus  détails  de  la  gestion  de  son  petit  do- 
maine. 

Les  indications  relatives  aux  visites,  aux  maladies 
ou  blessures,  aux  médicaments  administrés,  sont 
peu  explicites  et  peu  variées,  quoique  nombreuses. 


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Des  pleurésies,  des  fièvres,  des  fractures  ou  des  con- 
tusions ;  quelques  têtes  assez  sérieusement  cassées  ; 
voilà,  avec  deux  accouchements  et  quelques  dents 
arrachées,  le  bilan  de  notre  chirurgien.  Nous  ne 
sortons  pas  de  l'arsenal  le  plus  élémentaire  de  la 
vieille  médication  :  la  saignée  et  le  «  lavement  laxatif» 
en  sont  les  agents  les  plus  communs  ;  Sazerac  y 
ajoute  volontiers  les  ventouses,  les  emplâtres,  le 
«  julep  cordial  »,  la  «  potion  émulsive  »,  etc.  Il  a 
recours,  sans  beaucoup  d'émotion,  au  trépan  et  aux 
plus  énergiques  procédés  de  la  chirurgie  du  temps. 

Dans  les  cas  graves,  il  n'opère  qu'en  présence  d'un 
ecclésiastique  et  de  témoins  qu'il  a  bien  soin  de 
nommer  à  son  livre.  Souvent,  il  ne  fait  qu'assister 
le  médecin  et  exécuter  ses  prescriptions  :  nous  de- 
vons à  ce  concours  la  mention  du  nom  de  plusieurs 
médecins  de  la  fin  du  xvu"'  siècle,  entr'autres  de 
MM.  Gondinet,  de  Saint-Yrieïx  ;  Borie,  de  Limoges; 
de  Malevergne,  de  La  Meyze;  Chambon,  qui  pourrait 
bien  être  en  résidence  à  Nexon  même,  mais  dont 
notre  manuscrit  n'énonce  pas  le  domicile. 

Aucune  note  historique  ;  peu  de  détails  autobio- 
graphiques :  Sazerac  nous  apprend  néanmoins  que, 
marié  le  6  août  1675  à  Marguerite  Desmoulins  de 
Janailhac,  il  a,  vingt-un  jours  après  ses  noces,  con- 
duit sa  femme  dans  sa  maison  de  Nexon. 

Le  jeune  chirurgien  avait,  sans  doute,  fait  déjà 
son  apprentissage,  mais  il  n'était  pas  encore  pourvu 
de  ses  brevets  et  licences;  car  on  le  voit  partir 
pour  Toulouse  au  mois  d'avril  suivant,  entrer  «  en 
boutique  » ,  c'est  -  à  -  dire  comme  garçon ,  chez 
M.  Maynier,  apothicaire,  Grand'Rue.  Il  revient  chez 


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lui  quatorze  mois  après  et  s'installe  probablement 
alors  d'une  façon  définitive.  En  1691  il  perd  sa 
femme,  qui  lui  laisse  un  fils  et  une  fille  ;  cette  der- 
nière suit  de  près  sa  mère.  Un  an  s'est  à  peine  écoulé 
sur  le  veuvage  du  chirurgien,  qu'il  se  remarie  avec 
Catherine  Devantière  ;  il  en  a  au  moins  un  fils. 

Sazerac  vit  encore  en  1710;  il  semble  môme  qu'on 
doive  lui  attribuer  deux  notes  postérieures,  dont  la 
plus  récente  porte  la  date  du  17  décembre  1718; 
mais  la  suite  régulière  des  notes  s'arrête  en  1700 
et  la  dernière  que  nous  ayons  relevée  de  cette  an- 
née est  du  22  août.  Bien  qu'on  trouve  à  ce  registre 
quelques  mentions  de  faits  d'une  date  plus  an- 
cienne, il  a  été  certainement  commencé  à  l'époque 
du  mariage  de  Sazerac,  6  août  1675. 

Le  manuscrit  du  chirurgien  de  Nexon  est  un  petit 
in-4''  carré  {190  milt.  sur  138),  en  papier,  de  96  pa- 
ges, défendues  par  un  parchemin  doublé  de  carton. 
Sur  une  des  feuilles  de  garde  on  lit  trois  couplets, 
fort  effacés,  d'une  chanson  sans  intérêt  d'ailleurs, 
où  la  versification  et  l'orthographe  sont  également 
maltraitées.  —  Quelques  feuillets  ont  été  déchirés. 
Inutile  d'ajouter  que  le  registre  a  été  commencé 
par  les  deux  bouts. 

L.  G. 


Le  sixsiesme  août  1675,  j'ay  espouzé  a  Janeliac  ma 
famine,  Marguerite  Desmoulîns,  fillie  de  Jan  Desmoulina 
et  JuUie  de  Gombrouzn,  du  lieu  des  Pras,  susdite  paroisse. 
M'  de  Combrouze,  curé,  nous  a  espouzé.  Nota  que  nostre 
contra  de  mariage  a  esté  Tait  et  passé  par  M"  JanGIandus, 


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notaire  royal,  Jage  de  Janeliac  (1|,  le  18"  juliet  1675.  La- 
dite Jullie  de  Combrouze  me  doit  rendre  la  moytiet  des 
fres  que  je  faire  pour  la  despaasse  de  nostre  mariage, 
qu'elle  m'a  promis  verballement. 

Pour  noBtre  faille  (sic),  j'ay  achepté  un  charge  de  vin  : 
9".  ;  —  plus,  de  viande  de  velle  :  38"  à  2*.  :  3  ".  16*.  ;  — 
douze  livres  de  porc  (?)  a  2*.  :  1'.  4'.  ;  —  deux  quartiers  de 
mouton  :  18'.  ;  —  quatre  douzenes  de  pain:  4".  16".  ;  — 
plus,  de  sel,  pour  5*.  6''. 

Le  6*  août  1675,  Jan  Bariere,  du  Pouret,  a  thué  une 
porche  dans  son  blet.  Je  suis  esté  a  S'  Priet  (2),  faire 
informel-  a  la  requette  de  ma  belle  mère,  et  ay  fourni  pour 
les  fres  de  la  procédure,  9". 

Plus  me  doit  ma  belle  mère  un  seller  de  segle  du  9 
aoûts  1675,  que  j'ay  prins  a  Rongeras,  a  2".  10'.  ;  plus,  de 
viande  de  boucher  de  Nexon,  le  10'  susdit  jour  ^sic;  et  an, 
pour  le  commun  de  la  maison,  pour  17*. 

Ay  fourny,  pour  les  journées  et  nouritures  de  trois  fo- 
cheur  de  Valette,  pour  Jullie  de  Combrouze,  tS',  et  12'  de 
vin,  au  23  de  julliet  1675.... 

Aujourdhuy,  27'  août  1675,  ma  famme  et  moy  nous 
sommes  retirés  a  Nexon,  ches  moy... 

Le  14  janvier  1676,  j'ay  payé  au  boulanger  deux  tourtes 
pour  ma  belle  mère  :  12  sols. 

Le  dix  sept  apyril  1676,  je  suis  partit  de  Nexon  pour 
aler  avec  Père  ^sic;  Bellet,  marchant  voyturier,  a  Thou- 
louse,  et  y  sont  arivé  le  26.  —  Le  29  apvril  1676,  je  suis 
entré  en  bouplique  a  Toulousse,  ché  M' Maynier,  m'app", 
a  la  Grand'Rue. 

Le  23*  juin  1677,  je  suis  arivé  de  mon  voyage  de  Lan- 
guedoc a  Jeneliac.  Le  26  susdit,  ma  famme  s'en  est 
retournée  a  Nexon,  avec  mon  beu  frère  et  ma  seur. 

La  presanle  année,  j'ay  fait  focber  le  prêt  de  ma  belle 
mère...  pour  les  journées  ou  nourriture  des  maneuvres  : 
5".  10*. 

(1)  Jaiiailhac,  aujourd'hui  commune  du  canton  de  Nexon. 

(2)  Sainl-Pfiest-Ligoure,  aujourd'hui  commune  du  même  canton. 


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—  470  — 

Le  29  juliet  1686,  j'ay  mis  ma  petite  a  nourise  ches 
Pierre  Poiize...  Je  luy  dois  payer  35  sol  tous  les  moys. 

1-e  19  T"'  1690,  je  suis  esté  appelé  parle  valletde  Barlet 
de  Sazerac[l]et  Martialle  Deguilliat.  pour  aler  a  Sazei'ac 
panser  sod  beu  frère  François  Sazeiac,  m"  talieur  d'abis, 
ou  je  i'ay  trouvé  alité  avec  fiebvre,  esmoragie  de  sang, 
cauzée  par  deux  graodes  playes  a  la  teste  :  une  de  la  lon- 
gueur d'un  grand  demy  pied,  et  l'autre  de  cinq  grand 
travers  de  doit,  profondant  jusques  a  l'os  coronal  et  parié- 
tal avec  trois  grandes  fractures  et  embarures  des  os  (2). 

1690.  —  M'  de  la  Jaye  me  doit,  pour  Jolet,  5  saigniées 
a  bras  et  une  au  pied,  des  moys  de  9''™  et  X""*  :  1  '.  5*.  ;  plus, 
pour  luy,  une  saignîée  au  bras  :  5'.  ;  pour  onguent  :  12'. 

PreTillie,  de  Pleuvier[3),  m''clotier,  me  doit,  du  12  mars 
1691,  pour  avoir  esté  voir  sa  Qllie,  ma  journée  :  1'  ;  plus  a 
luy  ay  faicl  prandre  une  prinze  de  confaiction...  avec 
l'oppiate  Solomonis  [4)  :  6'.  Plus  luy  ay  laissé  pour  luy 
faire  prendre  autres  trois  prinze  desdits  cardiaques  pour 
trois  matin  consécutifs:  18".  Plus  un  emplâtre  de  gom- 
mes (5)  préparé  pour  luy  faire  distiler  les  eaux  et  fluction 
de  ses  jambes:  5*.  Plus,  du  23  mars,  une  autre  journée: 
1'.  Plus  I'ay  pansée  d'une  fistulle,  elc 

Le  4  may  1691,  ma  famme  Marguerite  des  Moulins  a 
fait  son  testemant;  et  donne  vingt  livres  de  messes,  paya- 

(I)  Sazerat,  aujourd'hui  village  do  la  commune  de  Nexon. 

{ïj  On  remarquera  la  râserve  de  l'auteur  du  registre  sur  les  cau- 
ses de  l'accident. 

(ï)  Pluviers,  aujourd'hui  village  delà  commune  de  PiéguI,  canton 
de  Bussière'Badil,  arrondissement  de  Nontron  (Dordogue). 

(4)  Le  Sigillum  Sahmonis,  vulg,  Sceau  de  Salomon  (Polygona- 
tum  vulgare),  est  une  plante  de  la  famille  des  Smilacées.  »  Sa  ra- 
cine est  deiersive  et  astringente  ;  on  s'en  sert  pour  les  fleurs 
blanches  des  femmes,  pour  purifier  le  sang  étant  prise  en  décoc- 
tion   On  attribue  à  ses  bayes  la  vertu  de  purger  par  haut  et  par 

bas  >.  Nicolas  l.emcry,   Traité  universel  de*  drogues  simples, 
Paris.  1714. 

(5)  Il  est  probable  qu'il  s'agit  ici  d'un  emplâtre  de  gommegutte. 
La  gomme*gutte,  gummigulta,  était  employée  dans  l'ancienne 
médecine  n  pour  purger  violemment  par  haut  et  par  bas  les  hu- 
meurs séreuses  et  bilieuses  •  ;  on  s'en  servait  pour  ■  l'ydropisie,  pour 
la  galle,  pour  la  grosse  vérole».  Nicolas  l.emery,  (oc.  cil. 


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bles  dans  deux  ans  appres  son  deces,  au  Cordelier  ;  5"  a  la 
servante  ;  son  prêt  a  son  fils  et  le  boys  de  La  Vayse  a  sa 
flUie,  en  par  sa  flUie  donner  90"  a  Jan  son  frère,  loi^squ'elle 
entrerat  en  posesion  dudit  boys,  les  substituant  a  moy  ;  et 
me  leigue  les  droits  maternels:  ledit  testament  récent  par 
M"  Léonard  Jourde,  notaire...  Elle  est  decedée  le  samedi 
au  soir,  a  unze  heures,  13"  may.  Le  14"  dudit  a  esté  intimé 
son  corps  dans  mes  lombes,  proche  le  gran  tombeu,  ou 
j'ay  faict  a  M'  Jobert.  viquere,  une  nouvelle  fondation  de 
5"  une  foy  payé,  et  une  messe  anuelle  et  perpétuelle,  le 
jour  de  S"  Margueritte. 

Le  nebou  de  la  Plasa  me  doit,  pour  luy,  du  20  7''"',  une  , 
médecine  purgative  :  I'.  10". 

Aujourdhuy,  segond  novembre  1691,  est  decedée  ma  fil- 
lie,  Marie  Sazerac,  et  de  defuncle  ma  famme,  Marie  Des- 
molins,  et  esté  inhumée  dens  mes  tumbeaux  dans  la  grant 
esglize  de  Nexon,  le  mesme  soir  et  an,  par  M'  Jobert, 
viquere  dudit  Nexon. 

Le  20  9''"  1691,  j'ay  donné  a  sécher  nos  chatagnies  a 
Pierre  ches  Calounaud  du  Plantadis  (1),  en  nombre  de  41 
eminals. 

Memoyre  du  10'  juin  1692,  par  lequel  j'ay  passé  con- 
tract  de  mariage  avec  damoyzellc  Chalerine  de  Vantiei-e, 
ma  famé,  au  Carts  (2).  Reseut  par  Vergniolle,  notaire 
royal  de  Nexon. 

...  Monsieur  de  la  Seyline  doit,  pour  luy,  du  4*  juin 
1693,  a  la  Seyline,  une  saigniée,  outre  les  trois  dernières 
que  je  fil  ches  luy,  pour  luy,  son  frère  et  sa  seur,  don  je 
reseut  deux  coupes  de  blet  noir:  15'.  Plus,  du  5',  un  lave- 
ment purgatif  et  compozé  :  15'  ;  plus  le  voyage,  plus  mic 
boutelle  emulsion  :  15'  ;  du  6",  pour  luy,  en  compagnie  de 
M'  Borie,  médecin,  une  saigniée  et  le  voyage:  15';  du 
mesme  soir,  par  ordre  du  médecin,  un  lavement  purgatif 

(1}  Hameau,  aujourd'hui  commune  de  Nexon. 

(3)  liCS  Cars,  aujourd'hui  cheMicu  d'une  commune  du  canton  de 
Cliàlus,  arrondissement  de  SainE-Yrteix  [Haute-Vienne^.  On  n'y 
voit  que  des  ruines  du  château  dont  une  illustre  famille  porte  encore 


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—  472  — 

et  le  voyage  :  i"  ;  plus,  du  8,  un  lavement  réitéré  qu'il  n'a 
volut  prendre  :  15*.  —  Reseut  troys  livres  quatre  soi. 

La  scur  de  Jan  de  la  Leyre  doit,  au  6'  jun  1693,  une 
saigaiée  que  j'ay  faict  ches  le  couzint  Laurant  :  5'.  —  Elle 
m'a  assi[fi]tè  a  fener,  et  l'ay  croizée  (1). 

Le  3*  aout-1693,  au  raport  de  Jan  (ï),  vallet  de  La  Mar- 
got, elle  a  recolligé  dens  la  terre  de  La  Vignie  soixante 
treize  gerbes;  plus  du  4,  dans  la  terre  des  Couders, 
soixante  et  dix  huy.  Ledit  jour,  j'ay  faict  hatre  la  poiocte 
de  ving  gerbes,  et  avet  les  engrains,  j'ay  faict  vaner  cuinq 
quartes  de  blet  seigle,  que  j'ay  reseut  et  ay  resté  compte 
avec  la  charget  (?)  de  ma  despansse,  depuis  dimanche  au 
soir,  a  31  sols. 

Le  Grand  Peti  doit,  du  3*  de  1^'^  1693,  une  visite  pour 
sa  nore  (2),  avec  le  s'  de  Malevergnie,  médecin,  10"  ;  du  5 
dudlt,  pour  ladite  nore,  par  ordre  du  s'  médecin,  une 
médecine  laxative  compozée  et  le  voyage  ;  2'. 

Le  10*8''"  1693,  j'ay  vandu  les  chatagnies  de  Bomareche 
12"  a  Jan  De  Paye  l'esné,  et  trente  sol  de  vin  qu'il  doit 
payer. 

Le  13  octobre  1693,  j'ay  vandu  les  chatagnies  de  Somier 
a  Jan  Fayette,  dit  le  Renard,  1'  10". 

Le  14  susdit,  j'ay  vandut  les  chatagnies  de  mon  boys  de 
Lavaysex  a  Jan  Maziera,  mersier,  pour  12"  la  moytié: 
il  me  doit  amaser  ma  part,  et  moy  luy  payer  un  sol  tous 
les  jours  pendant  qu'il  y  seront  deux,  et  5  sous  de  paint 
toutes  les  sepmenes,  réservé  les  jour  de  festes  et  diman- 
ches. 

Le  20*  S""*,  a  esté  inumée  dens  l'esglise  de  Nexon,  s' 
Simon  Lymousy,  s'  de  la  Brugere,  qui  avoit  decedé  le 
jour  de  devant  au  lieu  des  Moulins,  en  qualité  de  fer- 
mier (3|. 


(1)  C'est-à-dire  biffée,  rayée  de  la  liste  de  ses  débiteurs. 

(!)  Nôro  «n  palois  limousin,  bru. 

(3]  Jacques  Sazerac  nonme,  dans  celle  partie  de  son  registre, 
plusieurs  de  ses  confrères  ;  M.  Gondinel.  médecin  de  Saint- Yrieix  ; 
MM.  de  Malevergue,  Borie,  Cliambon,  et  d'autres. 


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—  473  — 

...  Léonard,  dit  Rebiere,  a  La  Brugiere,  le  27  janvier 
1694.  Plus,  j'ay  esté  ches  luy  le  panser  le  28,  et  aporté  un 
pot  onguent  :  plus  du  30,  un  voyage  ;  des  2  et  13,  deux 
voyages,  ou  je  luy  ay  sorti  quatre  pîeses  d'os  de  sa  teste, 
de  notable  grandeur. 

Peyrot,  du  Plantadis,  pour  avoir  araché  une  dant  a,  sa 
filie,  du  f2feTriep94:  5". 

Le  s'  de  La  Juinchere  (sic)  me  doit,  pour  Glandus  son 
nepveu,  du  21  apvril  1694,  pour  le  treter  d'une  pleuiisie, 
un  lavement  purgatif  compozé  :  15". 

Plus  une  saigniée  :  5*. 

Du  mesme  jour,  la  saigniée  réitérée  et  journée  :  I'  5*. 

Plus,  du  22,  l'appliquation  des  vantouses  sur  son  coté 
et  ma  journée  :  I'  10'. 

Plus,  du  23,  une  médecine  purgative  par  ordre  du  s* 
Malevergnie,  médecin  de  La  Meyze,  et  ma  journée  :  2". 

Plus,  pour  8  sol  de  confection  hiasaincte  (1)  pour  l'usage 
de  ses  boulions  :  8'. 

Plus,  .pour  l'esprit  de  vitriol  (2)  et  poudre  (?)  dans  ses 
boulîon,  et  pour  le  sudoriâque  animal  du  24*  :  15'. 

Plus,  pour  ma  journée:  1'. 

Plus,  du  30*,  une  médecine  purgative  et  ma  journée  : 
1'  10*. 

Je  luy  ay  aporté  pour  quinze  sol  de  sucre  fin,  d'une 
piesse  de  trente  deux  sol  6*.... 

Le  26*  juUiet  1693,  j'ay  été  appelle  par  Marie,  famé  de 
Martial  Peret,  tiserant  au  vilage  d'Excepté,  paroysse  de 
Nexon,  pour  panser  son  mary,  dont  elle  m'a  repondut  de 


(1)  •  La  racine  de  la  jacinthe  est  détersive,  astringente,  agluti- 
nante.  Sa  semence  est  apâritive,  étant  prise  en  poudre  au  poids  de 
demi  dragme  ou  d'une  dragme  '■  Nicolas  Lemery,  loc.  cit. 

(2)  i  Le  vitriol...  est  purgatif,  il  évacue  par  liaut  et  par  bas,  si 
l'on  en  prend  par  la  bouche  depuis  douze  grains  jusqu'à  deux  scru- 
pules 1  il  est  apéritif  et  il  excite  les  urines,  si  l'on  en  prend  douze 
grains  dissous  dans  quatre  livres  d'eau  commune,  comme  on  prend 
une  eau  minérale  ;  on  s'en  sert  aussi  extérieurement  en  cotyre 
pour  les  maladies  des  yeux  •.  Nicolas  Lemery,  loc.  cil. 


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—  474  - 

me  payer.  Et  j'ay  faict  insizion  crusialle  a  la  lete,  en  pre- 
sances  de  M.  Boulé,  viqiiere  de  Nexon  et  m"  Pierre  (I).... 
m"  talîeur  et  autres  ;  ou  j'ay  trouvé  une  grande  frature  de 
la  longeur  de  derny  piet,  occupant  les  os  paiietal  et  coro- 
nal,  avec  enfonsure  du  test,  ou  j'ay  apliqué  le  trepaot  le 
27  dudit,  en  presance  du  s'  Bonté  et  autres  ;  ou  j'ay  eulevé 
trois  esquilles  de  desus  la  dure  mère,  qui  estoy  enfonsés. 
—  Continué  de  le  panser  tous  les  joura.- 

Le  vingt  quatriesme  septembre  mil  six  centz  nonante 
quatre,  ma  famc,  Chaterine  Devantiere  c'et  acouchée  d'un 
fils  malle,  jour  de  vandredy,  a  dii  heures  de  soir.  Et  a 
esté  baptizé  en  l'eglize  de  Nexon,  le  dimanche,  26  dudit, 
par  M'  Morin,  viquere  de  Nexon.  A  esté  son  parin  M"  Jan 
de  Verneilh,  pratisien,  et  marene,  ma  seur,  Chaterine 
Sazera.  —  Dieu  le  fase  sainct  ! 

Sazebac,  peire. 

Aujourdhuy,  20  mai-s  1695,  je  suis  esté  avec  ma  belle 
seur  au  Tuvlren,  ches  M' du  Gravier. 

Le  2*  apvril  1695,  ma  belle  seur  estant  alictée  et  attainte 
d'une  douleur  de  cotlé  avec  fièvre  continue,  a  faict  donna- 
tion  entre  vif  et  irevocable  a  Chaterine  de  Vantiere,  ma 
famé,  reseue  par  Vergniolle,  notaire  royal  de  Nexon. 

Elle  est  decedée  le  3"  apvril  1695,  a  unze  heures  du  soir, 
et  a  esté  ensevelie  le  lundy  au  soir. 

Pour  l'année  1697,  je  suis  talié  (2)  de  grande  talie:'2"9'; 
pour  i'ustansille :  l'a';  2"  pour  la  capitation.  J'ay  payé 
a  Jan  Bonnet,  talieur  de  Nexon,  qui  fait  la  levée,  4'  et  8  sol 
de  despans.  Apres,  son  fils  m'a  faict  exsecuter  pour  le 
reste  ;  et  a  pris  deux  grand  plat  et  deux  escuelles  d'estain. 

Aujourdhuy  22""  aoûts  1700,  j'ay  achepté  de  Monsieur 
de  Nexon  son  cheval  d'Aras,  ie  boyteux,  la  somme  de 
soixante  livres,  que  a  luy  doit  payer  dens  un  ant. 

Sazerac. 


(t)  Le  nom  est  realé  en  blanc, 
(î)  Porté  au  rûle  de  la  taille. 


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istote: 

NOËLS  DU  BAS-LIMOUSIN 


M.  Eugène  Marbeau,  ancien  conseiller  d'Etat, 
envoie  la  note  suivante  au  sujet  de  la  musique  du 
Noël  Efons  de  la  campagiia  qui  a  été  reproduite 
à  la  page  107  du  Bulletin  de  cette  année  : 

«  J'ai  reconnuj  dans  la  musique  de  M.  l'abbé 
Pourville,  la  mélodie  d'une  romance  qui  était  célè- 
bre quand  j'étais  jeune  et  qu'alors  on  disait  rap- 
portée d'Arabie.  Le  Noël  Efons  de  la  campagna, 
après  une  première  partie  insignifiante  et  peu  en 
harmonie  avec  le  texte,  prend,  en  les  intervertis- 
sant, les  deux  pbrases  de  Radoudja.  Qui  a  fait  le 
plagiat?  Est-ce  le  Noël?  Est-ce  l'importateur  de  la 
chanson  arabe  ?  Je  ne  me  charge  pas  de  trancher 
la  question.  Mais  la  coïncidence  est  curieuse  et 
peut  offrir  de  l'intérêt  pour  les  lecteurs  du  Bulle- 
tin ». 


WJ||J  JJ|  JJ  J  '1^  '"[T,  ;  J:|j,JJ||J  >^\ 


ia"-»t(»'L«H«plt;«its«-pl,.«,^«.jt«„^Ufc«,-»t<lttu~.-a*Jit.»ri 

M.  Eugène  Marbeau  a  ajouté  à  sa  note  la  phrase 
musicale  de  la  romance  de  Radoudja,  à  laquelle  il 
fait  allusion  ;  nous  la  reproduisons. 


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MIRABEAU  LIMOUSIN 


Le  marquis  de  Mirabeau,  l'Ami  de*  Homme».  —  Son  mariage  avec 
Geneviève  de  Vassan.  —  Leurs  «iifaiits.  — Charlotte  de  Mirabeau 
et  Gaspard   de   Lasleyrie  du    Saillant.  —   Premières   querelles 


Un  jour  que  M.  Emile  Fage  visitait  Michelet, 
celui-ci  lui  dit  :  «  Mirabeau  tient  au  Bas-Limousin 
par  de  fortes  attaches  ».  En  effet,  par  tout  un  côté 
de  sa  famille  et  par  diverses  phases  de  sa  vie,  le 
célèbre  orateur  nous  appartient.  C'est  à  ce  point 
de  vue  particulier  que  nous  nous  proposons  d'étu- 
dier Mirabeau,  ou,  ce  qui  serait  plus  exact,  les 
Mirabeau. 

Le  noni  de  Mirabeau  est  celui  d'une  terre  de  Pro- 
vencequi  était  possédée,  vers  le  milieu  du  xvni'  siè- 
cle, par  le  marquis  Hiquetti  de  Mirabeau,  surnommé 
l'Ami  des  Hommes,  du  nom  d'un  de  ?es  ouvrages 
les  plus  connus,  où  il  exposait  ses  idées  politiques 
et  sociales. 

Homme  dur,  violent,  très  entiché  de  ses  origines 
aristocratiques,  très  jaloux  de  son  autorité,  esprit 
orné  et  étendu,  le  marquis  appartenait  à  ce  groupe 
de  philosophes  et  de  sociologues  qu'on  appelait  les 

T.  XX.  t  —  i 


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-478- 

pfiysiocrates  et  qui  reconnaissaient  Quesnay  pour 
chef.  M°*  de  Pompadour  s'intéressa  à  leurs  travaux 
et  les  encouragea. 

Ayant  perdu  sa  première  femme,  le  marquis  de 
Mirabeau  songeait  à  contracter  une  nouvelle  union 
qui  devait  lui  apporter,  avec  la  fortune,  le  prestige 
et  le  lustre  d'une  noblesse  ancienne.  On  le  mit  en 
relation  avec  le  marquis  de  Vassan,  baron  de  Pierre- 
buflBère,  dont  une  des  filles  devait  assez  bien  répon- 
dre i.\ix  conditions  que  recherchait  l'Ami  des 
Hommes. 

La  baronnie  de  Pierrebuffîère,  —  qui  s'étendait  à 
la  fois  sur  le  Haut  et  le  Bas-Limousin,  —  était 
tombée  dans  la  maison,  mi-périgourdine  et  mi- 
limousine,  des  Ferrière  de  Sauvebœuf,  et  de  cette 
communauté  dans  celle  des  Vassan,  héritière,  par 
alliance,  des  Sauvebœuf,  au  commencement  du 
xvn*  siècle. 

Agée  de  douze  ans  seulement,  Marie-Geneviève 
de  Vassan  épousa,  en  1737,  son  cousin -germain,  le 
fils  de  M.  de  Perrière  de  Sauvebœufj  dePuy-d'Arnac. 
Mais  elle  devint  veuve  peu  après  cette  union.  La 
fille  du  marquis  de  Vassan  continua  de  résider  en 
Limousin,  où  elle  était  née,  après  son  précoce 
veuvage.  Elevée  dans  les  idées  du  temps,  par  son 
père,  elle  fut  imprégnée  de  la  philosophie  de  Vol- 
taire et  de  Jean-Jacques  Rousseau .  C'est  en  1743 
qu'elle  épousa  M.  de  Mirabeau. 

La  nouvelle  marquise  n'était  pas  belle  :  ses  traits 
étaient  durs,  la  lèvre  inférieure  épaisse;  mais  l'en- 
semble de  sa  figure  était  loin  d'avoir  cet  air  repous- 
sant que  lui  prêtait  la  famille  de  son  mari.  Son 


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-  479- 

caractère  était  altier,  impérieux;  elle  avait  des 
manières  gauches  et  conserva  toujours  l'accent 
limousin.  Recherchée  beaucoup  plus  pour  sa  for- 
tune et  son  nom  que  pour  ses  charmes  physiques  et 
ses  qualités  morales,  la  jeune  marquise  de  Mirabeau 
ne  devait  pas  tarder  à  subir  les  conséquences  de  cette 
situation. 

Pendant  les  dix  premières  années  de  leur  com- 
mune existence,  le  marquis  et  sa  femme  vécurent 
en  assez  bonne  intelligence.  Ils  eurent  onze  enfants, 
dont  les  plus  connus  furent:  Caroline-Elisabeth- 
Charlotte  (marquise  du  Saillant),  née  en  1747; 
Honoré-Gabriel  (l'orateur  célèbre),  l'alné  des  garçons, 
né  en  1749;  Marie-Catherine-Louise  (marquise  de 
Cabris),  et  And  ré- Boni  face  (Mirabeau-Tonneau),  né 
en  1754. 

«  En  1749,  dit  M.  Alfred  Mé2ières(I),  au  moment 
où  naquit  Mirabeau  (Gabriel-Honoré),  le  ménage 
n'était  pas  encore  désuni.  Onze  enfants  se  succé- 
daient même,  comme  pour  témoigner^  disait  le 
marquis,  «  de  la  sorte  d'attachement  turbulent  dont 
sa  femme  le  faisait  enrager  ».  Mais  le  caractère  de 
M'"  de  Vassan,  son  inégalité  d'humeur,  ses  empor- 
tements, ses  violences,  le  désordre  de  sa  tenue  et 
de  sa  toilette,  détruisent  peu  à  peu  la  paix  du  foyer 
domestique.  Avec  une  femme  pareille,  le  rêve  du 
marquis,  celui  de  consolider  et  d'agrandir  sa  mai- 
son, ne  se  réalisera  jamais.  La  marquise  ne  sait  se 
soumettre  à  aucune  contrainte,  obéir  à  aucun 
devoir,  pas  même  s'assujettir  à  des  heures  de  repas 

<l)  Vie  de  Mirabeau. 


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régulières.  La  présence  de  convives  invités  à  sa  table 
ne  l'empêche  pas  de  suivre  sa  fantaisie.  Aucun  souci 
des  convenances,  aucun  respect  de  soi-même,  le 
règne  perpétuel  du  caprice  et  des  orages,  voilà  le 
plus  clair  de  la  dot  que  M'"  de  Vassan  apporte  à 
son  mari  ». 

En  1763,  au  moment  même  où  les  relations  des 
deux  époux  commençaient  à  s'aigrir,  la  seconde  de 
leur  fille,  Caroline-Elisabeth-Charlotte  se  maria 
avec  Charles -Louis- Gaspard  de  Lasteyrie,  marquis 
du  Saillant,  colonel  d'un  régiment  de  dragons,  qui 
appartenait  à  une  des  familles  les  plus  nobles  et  les 
plus  anciennes  du  Bas-Limousin,  dont  le  domaine 
était  situé  sur  les  bords  de  la  Vézére,  sur  la  limite 
des  paroisses  d'Allassac  et  de  Voutezac. 

Charlotte  était  l'enfant  préférée  de  son  père,  parce 
que,  disait  sa  mère,  elle  était  fort  belle  et  qu'il 
aimait  les  jolies  figures.  Il  voulut  lui  constituer  une 
forte  dot  et,  à  cet  effet,  s'entendit  avec  sa  femme  et 
sa  belle-mére.  M.  du  Saillant  n'était  pas  riche;  ce 
qui  explique  sans  doute,  s'il  faut  en  croire  l'abbé 
Granet,  auteur  d'une  étude  sur  Madame  de  Mira- 
beau, son  courage  à  entrer  dans  une  famille  aussi 
divisée,  partant  menacée  d'une  ruine  prochaine.  La 
dotation  de  Charlotte  s'éleva  pourtant  jusqu'à  cent 
cinquante  mille  livres. 

Pendant  que  le  marquis  de  Mirabeau  menait  une 
existence  brillante  à  Paris,  sa  femme  se  rendait 
souvent  en  Limousin,  auprès  de  sa  mère,  M""  de 
Vassan.  Mais  celle-ci,  très  âgée,  subissait  avec  peine 
le  caractère  emporté  de  sa  fille  et  ses  frasques  de 
jeu,  car  elle  s'adonnait  volontiers  à  cette  passion. 


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—  481  — 

Elle  prit  le  parti  de  se  retirer  chez  ses  petits-enfanls, 
au  château  du  Saillant.  «  Quoique  la  marquise  de 
Mirabeau  eût  elle-même  choisi  son  gendre,  elle 
s'était  brouillée  avec  lui  et,  par  suite,  avec  sa  fille. 
Le  séjour  choisi  par  M"'  de  Vassan  inquiétait  donc 
et  irritait  la  marquise  de  Mirabeau,  qui  s'était  ins- 
tallée comme  pensionnaire  Ubie  dans  un  cbuvent 
de  Limoges,  mais  qui  prétendait  forcer  son  gendre 
à  la  recevoir  malgré  lui  dans  son  château,  tandis 
que  le  marquis  de  Mirabeau  lui  enjoignait,  de  Pa- 
ris, de  s'y  refuser  »  {1}. 

Les  relations  du  marquis  et  de  la  marquise  de 
Mirabeau  devenaient  de  plus  en  plus  difficiles.  L'i- 
rascibilité de  leur  caractèie,  la  nature  emportée  de 
l'un,  les  prodigalités  de  l'antre,  déterminaient  une 
incompatibilité  d'humeur  qui  ne  devait  pas  tarder 
à  se  traduire  par  des  mesuies  violentes. 

Pendant  que  M"'  de  Mirabeau  séjournait  à  Limo- 
ges ou  dans  les  environs,  les  dettes  de  jeu  qu'elle 
contractait  étaienlréclaméesà  son  mari,  il  les  payait 
sur  la  pension  mensuelle  qu'il  servait  à  sa  femme; 
cela  diminuait  d'autant  cette  pension  et  provoquait 
sans  cesse  les  vives  réclamations  de  la  marquise. 

M"'  de  Mirabeau  ne  pouvait  se  faire  à  l'idée  que 
sa  mère  était  allée  chercher  un  refuge  au  Saillant. 
Elle  accusait  tout  le  monde  de  répandre  la  calom- 
nie sur  son  compte  et  d'user  de  perfidie  envers 
elle.  Délaissée  par  son  mari  et  par  sa  méie,  elle  erra 
sur  ses  terres  du  Limousin  et  du  Périgordj  se  fixant 
tantôt  à  Âigueperse  ou  à  Piercebuffière,  tantôt  au 

[1)  L.  de  Loménie,  Les  Mirabeau. 


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Treuil  ou  à  Ghéronnac.  Mais  rien  ne  fut  capable 
d'apaiser  ses  rancœurs.  Elle  exigea  alors  de  M.  du 
Saillant,  son  gendre,  qu'elle  le  reçût  auprès  de  lui. 
Mais  celui-ci  vivait  en  bonne  intelligence  avec  son 
beau-père;  il  nese  souciait  nullement  de  lui  déplaire. 
Il  refusa  de  la  recevoir.  M"'  de  Mirabeau  voyait 
dans  le  séjour  de  sa  mère  chez  son  petit-gendre  un 
péril  pour  sa  fortune.  Elle  craignait  que  ses  enfants 
n'abusassent  du  grand  âge  de  M"*  de  Vassan  pour 
capter  son  héritage  à  son  détriment.  Elle  résolut 
alors  d'ouvrir  les  hostilités  contre  son  mari  qu'elle 
accusait  de  toutes  ces  machinations  (1). 

«  Dans  cette  lutte  qui,  tout  à  l'heure,  va  dégéné- 
rer en  un  vrai  scandale,  dit  l'abbé  Granet,  M.  de 
Mirabeau  aura  sur  sa  femme  un  grand  avantage, 
dont  il  essayera  de  tirer  parti  au  mieux  de  ses  inté- 
rêts, pour  gagner  le  plus  de  monde  possible  à  sa 
cause:  il  sera  calme  et  gardera  autant  de  sang- froid 
que  M™'  de  Mirabeau  mettra  do  fougue  dans  ses 
attaques.  Et  comme  dans  ces  sortes  de  combats,  le 
droit  apparent  reste  toujours  à  celui  qui  se  cache  le 
mieux,  tout  le  monde,  même  M"'  de  Vassan,  sera 
contre  elle  :  «  Toutes  me  donnaient  tort,  écrivait-elle 
à  M.  de  MagardeaUj  ami  de  la  famille,  parce  que  je 
mettais  plus  d'ardeur  que  mon  tyran  à  me  défen- 
dre ;  mais  lui  mettait  plus  de  perfidie  et  profttait 
de  l'exaspération  où  me  jetèrent  tant  d'injustices 
et  de  calomnies,  et  comme  je  ne  parlais  que  de  mon 
malheur,  que  personne  ne  voulait  comprendre,  je 


(I)  Ablié  Granet.  Madame  tie  Mirabeau  (Bulletin  de  la  Société 
historique  cl  archéologique  du  Limousin,  Limoges.  M.i',  18'J8). 


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fatiguais  ma  mère  qui,  elle  aussi,  m'abandonna 
pour  aller  vivre  avec  ma  fille  et  son  mari  ». 

Excédé  des  exigences  de  sa  femme,  scandalisé  par 
des  rapports  qui  représentaient  M""  de  Mirabeau 
comme  s'étant  compromise  à  Limoges  avec  un  garde 
du  corps,  le  marquis  obtint  contre  elle  une  lettre 
de  cachet  du  ministre  Berlin,  son  parent,  la  main- 
tenant prisonnière  dans  un  couvent  de  Limoges, 
dit  l'abbaye  des  Alloix,  où  elle  avait  toujours  vécu 
librement. 

Cette  mesure  eut  pour  résultat  d'irriter  profondé- 
ment la  marquise  et  de  l'aigrir  davantage  contre 
son  mari.  Les  religieuses,  avec  qui  elle  vivait,  eu- 
rent fort  à  se  plaindre  de  ses  turbulences  et  des 
dégâts  qu'elle  commettait  journellement  dans  leur 
maison. 

,  A  la  suite  d'un  compromis,  la  lettre  de  cachet  fut 
supprimée.  Elle  put,  dès  lors,  vivre  à  sa  guise  dans 
un  couvent  quelconque  de  Limoges.  Elle  préféra, 
cependant,  se  rendre  à  Saint-Junien  où  elle  médita 
sa  vengeance. 

Le  4  novembre  1770,  la  vieille  marquise  de  Vassan 
mourut  au  Saillant  (1).  L'ouverture  de  sa  succession 
donna  lieu  à  des  discussions  d'intérêt,  peu  faites 
pour  ramener  le  calme  dans  les  esprits  surexcités  de 
la  famille.  Ce  fut  le  prétexte,  pour  M""  de  Mirabeau, 
de  reprendre  contre  son  mari  les  hostilités. 

Avec  les  ressources  que  sa  fille,  ia  marquise  de 
Cabris,  mettait  à  sa  disposition,  elle  rompit  le  pacte 


(1)  SuivaDt  M.  de  Loméniei  mais  l'abbé  Granet  la  fait  décéder 
au  château  d'Aiguepcrsc  (Haute- Vjcuiiej. 


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—  m  - 

de  1766  qui  l'obligeait  à  résider  en  Limousin,  et 
vint  à  Paris  à  la  grande  fureur  de  son  mari.  Les 
enfants  subissaient  évidemment  le  contrecoup  de 
tous  ces  conflits,  car  chacun  ne  pouvait  être  en  bons 
termes  avec  le  père  qu'à  la  condition  de  se  pronon- 
cer contre  la  mère  et  réciproquement. 

M""  de  Mirabeau  actionna  donc  le  marquis  en 
délivrance  du  legs  d'une  terre  et  le  paiement  d'une 
pension  de  dix  mille  livres.  Elle  obtint  gain  de 
cause  pour  ce  qui  étaitde  la  cession  de  la  terre,  mais, 
pour  le  surpluSj  un  compromis  intervint  aux  termes 
duquel  M""  de  Mirabeau  s'engageait  à  revenir  en 
Limousin,  à  y  vivre,  en  jouissant  du  revenu  de  la 
terre  de  Brie  et  en  recevant,  avec  des  meubles,  une 
pension  de  dix  mille  livres. 

Cet  arrangement  ne  fut  qu'un  armistice.  La  lutte 
devait  reprendre  bientôt,  plus  âpre,  plus  violente 
que  jamais,  entre  le  mari,  la  femme  et  les  enfants. 

Le  marquis  de  Vassan,  prère  de  M"'  de  Mirabeau, 
se  faisait  gloire  d'avoir  engagé  plus  de  cinquante 
procès  dans  une  période  de  dix  ans.  11  en  perdit 
quarante.  Ses  démêlés  avec  sa  belle-mére  et  son 
beau-frére  ressemblèrent,  par  plus  d'un  côté,  à  la 
procédure  que  M'""  de  Mirabeau  allait  engager  contre 
son  mari.  Quoi  d'étonnant,  dès  lors,  que  cette  der- 
nière ait  apporté  à  VAmi  des  Hommes,  avec  sa 
dotj  ces  tendances  processives  qui  étaient  de  tradi- 
tion dans  sa  famille? 


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La  jeunesse  de  Mirabeau  l'alné.  —  Son  rOle  en  Limousin.  —  Conti- 
nuation des  querelles  intimes.  —  L'enlèvement  de  M"*  de  Monnier. 
—  Le  frÈre  et  la  sœur.  —  La  séparation. 

Afin  de  se  ménager  une  résidence  agréable,  proche 
de  Paris,  le  marquis  de  Mirabeau  fît  l'acquisition, 
dans  l'Orléanais,  du  château  et  de  la  terre  de  Bignon, 
près  Nemours.  C'estlà  que  naquit,  en  1749,  Gabriel- 
Honoré-Riquetti  de  Mirabeau,  qui,  quelques  années 
plus  tard,  devait  illustrer  la  tribune  française  d'une 
si  remarquable  façon. 

Il  «  vint  au  monde  avec  une  tête  dont  la  dimen- 
sion monstrueuse  mit  sa  mère  dans  le  plus  grand 
danger,  des  dents  molaires  déjà  formées,  mais  un 
peu  tordues.  A  l'âge  de  trois  ans,  il  eut  une  petite 
vérole  qui  laissa  sur  son  visage  des  traces  si  profon- 
des que  le  marquis  de  Mirabeau  écrivait  à  son  frère: 
«Ton  neveu  est  laid  comme  celui  de  Satan  ».  Cette 
laideur  exceptionnelle  parmi  ses  enfants,  beaux 
comme  lui-même,  paraît  avoir  contribué  à  exciter 
l'espèced'aversionquecelui-ciUiicausa  toujours»  (1). 

Dans  l'esprit  de  son  père,  Mirabeau  ressemblait  à 
sa  mère  et  cette  opinion  était  partagée  par  toute  sa 
famille.  «  ...  Il  trouve  dans  son  flls,  nous  dit 
M.  Alfred  Mézières  dans  sa  Vie  de  Mirabeau,  des 
traits  de  ressemblance  frappante  avec  la  famille  de 
sa  femme  qu'il  détecte  :  a  Cet  enfant,  dit-il  avec 


il)  Jules  Barni  r  Mirabeau  (Le.  Ràootution  françai»\ 
1881). 


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amertume,  a  la  pourtraicture  achevée  de  son  odieux 
grand-père,  M.  de  Vassan  ».  Ces  appréhensions  ne 
sont  que  trop  justifiées.  Mirabeau  ne  ressemblera 
pas  seulement  à  sa  mère  au  physique^  il  lui  ressem- 
blera aussi  beaucoup  trop  au  moral  b. 

Dans  des  conversations  intimes,  VAmi  des  Hom- 
mes parlait  souvent  du  «  coup  de  marteau  des  de 
Vassan  o  que  les  enfants,  afftrmait-ilj  tenaient  de 
leur  mère.  D'ailleurs,  et  comme  pour  confirmer 
cette  ressemblance,  Mirabeau  eut  toujours  pour  sa 
mère  la  plus  vive  affection.  Ce  n'est  que  vers  la  fin 
de  sa  vie  que  sa  tendresse  s'émoussa.  Il  la  préférait 
à  son  père  et,  dans  le  conflit  douloureux  qui  sépara 
ses  parents,  il  prit  le  parti  de  sa  mère  plus  par 
conviction  et  tendresse  que  par  calcul  et  intérêt;  ce 
ne  fut  pas  le  cas,  cependant,  quand  il  crut  devoir  se 
ranger  du  côté  de  son  père. 

Au  milieu  des  dissensions  intestines  de  sa  famille, 
Mirabeau  grandit.  Doué  d'une  remarquable  intelli- 
gence, il  fît  preuve,  dès  son  jeune  âge,  d'une 
étonnante  précocité  d'esprit  et  acquit  rapidement 
une  vaste  et  solide  instruction.  Exposé  aux  sévérités 
de  son  père,  le  futur  tribun  s'épanchait  dans  le  sein 
de  sa  mère.  Mais  le  marquis  interdit  toute  corres- 
pondance de  sa  femme  avec  son  fîls.  Comme  elle 
lui  faisait  passer  quelque  argent,  VAmi  des  Hom- 
mes l'accusa  de  débaucher  ce  qu'il  appelait  «  la 
pai'tie  véreuse  de  sa  famille  ». 

Tant  pour  fuir  l'aversion  que  son  père  lui  portait 
que  pour  se  créer  une  position  qui  lût  en  rapport 
avec  son  âge  et  sa  condition  sociale,  Mirabeau  prit 
du  service,  comme  volontaire,  dans  le  régiment  de 


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Béni- Cavalerie,  sous  le  nom  de  .M.  de  Pierrebuf- 
fière.  Ce  nom  était,  comme  on  sait,  dans  les  titres 
nobiliaires  de  sa  famille  maternelle. 

Dans  son  drame,  Les  Mirabeau  (1),  notre  com- 
patriote, M.  Jules  Clarelie,  fait  ainsi  expliquer,  par 
Mirabeau  lui-même,  cette  substitution  d'un  nom 
d'emprunt  à  son  nom  véritable  ; 

a  Chut  !  de  Pierre-Buffière,  puisque  c'est  sous  ce 
masque  que  je  vis  !  Mon  père  m'avait  jadis  affublé 
de  ce  nom  de  terre  limousine^  parce  qu'il  redoutait 
de  ne  me  voir  point  porter  assez  haut  son  vieux 
nom  de  Mirabeau  I  Eh  bien,  je  l'ai  repris  et  je  l'aime, 
ce  nom  d'exil  et  d'épreuves,  et  Pierre-Buffière  ou 
Mirabeau,  je  voudrais  le  faire  retentir  assez  haut 
pour  qu'on  l'écoutât  ». 

En  1770,  au  moment  oiisagrand'mèredeVassan, 
atteinte  d'une  grave  maladie,  était  en  danger  de 
mort,  il  accompagna  sa  mère  au  Saillant.  A  cette 
occasion,  son  père  écrivit  à  son  frère,  le  bailli: 
«  Ton  neveu  a  fait  et  fait  encore  un  bon  début  des 
épines  de  la  vie  domestique.  Dans  la  première 
journée  on  il  vit  sa  mère,  il  en  revint  malade  de 
toutes  les  violences  qu'il  s'était  faites.  Juge  ce  que 
c'a  été  quand  il  a  fallu  la  recevoir  et  l'amener  au 
Saillant,  et  y  devenir  témoin  de  ses  fureurs  et  con- 
fident de  ses  extravagances.  II  s'est  toutefois  très 
bien  conduit,  et  il  a  conçu  estime  et  vénération  pour 
sa  sœur  et  une  amitié  si  confiante  et  si  pleine  d'es- 
time pour  son  beau-frère,  qu'il  dit  ne  pouvoir  expier 
le  tort  qu'il  leur  faisait  dans  sa  tête  » . 

i  à  Paris,  au  Théâtre  des 


D.gtzedoyGoOglC 


L'estime  et  la  yénération  que  Mirabeau  portait 
aux  du  Saillant  n'étaient  cependant  que  fort  rela- 
tives. U  devait  en  donner  des  preuves  dans  la  suite. 

On  raconte  que  la  mère  de  Mirabeau,  outrée 
du  langage  c/anciliant  que  lui  tenait  son  fils,  lors 
de  la  mort  de  M""  de  Vassan,  déchargea  sur  lui  un 
coup  de  pistolet  dans  un  moment  de  fureur. 

Quelque  temps  après  ces  événements,  Mirabeau 
devint  l'auxiliaire  précieux  de  son  père  quand 
celui-ci  expérimenta,  en  Limousin,  quelques-uns 
de  ses  projets  politiques  et  sociaux,  entre  autres 
celui  qui  avait  trait  à  l'institution  d'un  Tribunal 
de  Conciliation,  organe  de  judicature  tenant  à  la 
fois  de  nos  modernes  justices  de  paix  et  de  nos 
conseils  de  prudhommes.  C'est  en  1771  que  l'ins- 
tallation de  ce  Tribunal  eut  lieu  solennellement  dans 
le  château  d'Aigueperse,  repaire  seigneurial  de  la 
maison  de  Pierrebuffière.  Huit  juges  arbitres  étaient 
élus  dans  les  huit  paroisses  de  la  baronnie  et  devaient 
concilier  les  intérêts  privés  et  professionnels.  Mira- 
beau, au  nom  de  son  père,  présida  la  cérémonie. 
h'Âmi  des  Hommes  fut  ravi  de  la  façon  dont  son 
fils  s'acquitta  de  sa  tâche  dans  cette  circonstance  et 
lui  en  fit  compliment.  Cet  événement  ne  contribua 
pas  peu  à  faire  fléchir  l'extrême  rigueur  dont  le 
marquis  faisait  montre  à  l'égard  du  jeune  M.  de 
Pierrebuffière. 

Pendant  sa  séparation  volontaire  avec  sa  femme, 
le  marquis  de  Mirabeau  s'était  lié  avec  une  personne 
pleine  de  séduction  et  de  distinction,  M""  de  Pailly, 
qu'il  avait  quasiment  installée  au  foyer  conjugal. 
Après  la  mort  de  M°"  de  Vassan,  le  marquis  et  la 


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1 


marquise  du  Saillant  avaient  quitté  le  Bas-Limou- 
sin pour  aller  demeurer  à  Paris  chez  leur  père,  le 
marquis  de  Mirabeau.  Charlotte,  subissant  le  charme 
de  M""  de  Pailly,  s'était  même  très  amicalement  liée 
avec  elle. 

A  son  retour  de  Corse,  où  il  servait  dans  la  Légion- 
Lorraine,  Mirabeau  l'aine,  réconcilié  avec  son  père, 
avait  fait  la  connaissance  de  M""  de  Pailly  en  qui 
il  avait  trouvé,  disait-il,  l'esprit  de  cinq  cent  mille 
démons  ou  anges.  A  ce  moment,  le  jeune  Mirabeau 
épousa,  en  Provence,  M'"  de  Couet,  fille  du  marquis 
de  Marignane. 

Cependant  la  marquise  de  Mirabeau,  tant  pour 
obéir  à  ses  instincts  de  chicane  que  pour  se  venger 
de  la  liaison  de  son  mari  avec  M""  de  PaillVj  rouvrit 
les  hostilités  contre  le  marquis.  En  1775,  elle  revint 
à  Paris  et  introduisit  contre  son  époux  une  action 
en  séparation.  Le  marquis  ne  se  souciait  que  mé- 
diocrement de  voir  sa  femme  gagner  son  procès. 
S'il  entendait  vivre  loin  d'elle,  il  ne  lui  plaisait 
guère  d'en  être  séparé  judiciairement,  car  la  consé- 
quence du  jugement  aurait  été  la  reprise  de  la 
fortune  des  de  Vassan  par  leur  héritière  naturelle 
et  la  ruine  complète  du  marquis.  Le  Châtelet  accorda 
à  M™"  de  Mirabeau  la  séparation  de  corps. 

C'est  alors  que  cette  famille  donna  un  bien  triste 
et  affligeant  spectacle  de  désunion.  Les  enfants  pri- 
rent publiquement  position  dans  le  conflit,  ce  qui 
faisait  dire  à  Mirabeau  le  jeune  (André-Boniface): 
«Nous  sommes  de  la  race  d'Atrée  et  de  Thyestès  ». 

Pendant  que  le  marquis  interjetait  appel  de  la 
décision  du  Châtelet  devant  le  Parlement  de  Paris, 


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des  libelles  et  des  pamphlets  firent  rage  contre  l'Ami 
des  Hommes.  Mirabeau  l'ainé  menait  lui-même 
la  campagne  contre  son  père,  qui  devint  l'objet  de 
la  risée  publique.  Il  injuria  sa  sœur,  M""  du  Sail- 
lant et  son  mari,  les  accusant  de  faire  la  cour  à 
.  M™  de  PaiUy  et  de  vivre  de  sa  protection. 

Sur  ces  entrefaites,  Gabriel-Honoré  enleva  à 
Pontarlier  une  jeune  femme,  mariée  à  un  vieil 
homme.  M"'  de  Monnier,  pour  laquelle  il  s'était 
pris  d'une  belle  et  folle  passion.  Les  deux  amants 
se  réfugièrent  en  Hollande.  Mais  la  police,  à  la 
double  instigation  du  marquis  de  Mirabeau  et  de 
M.  de  Monnier,  poursuivit  les  fugitifs  et  ne  tarda 
pas  à  les  rejoindre  et  à  les  arrêter.  Pendant  que 
M™*  de  Monnier  était  condamnée  à  être  enfermée 
dans  une  maison  de  refuge,  la  tète  rasée,  Mirabeau 
se  vit  rendre  contre  lui  une  sentence  capitale  pour 
rapt  et  séduction.  Il  échappa  au  bourreau,  mais 
une  lettré  de  cachet  l'enferma  au  donjon  de  Vin- 
cennes. 

o  Je  verrais  sans  remords,  écrivait  VAmi  des 
Hommes  à  son  frère,  le  bailli  de  Mirabeau,  la  mère 
sur  les  tréteaux  et  le  fils  à  la  Grève  et  m'en  irais 
pas  moins  la  tète  haute  ». 

Au  moment  oii  Mirabeau  l'ainé  cachait,  en  Hol- 
lande, son  bonheur  et  ses  craintes,  en  compagnie 
de  M°*  de  Monnier  (1777),  le  Parlement  de  Paris 
débouta  la  marquise  de  sa  demande  et  la  condamna 
à  réintégrer  le  domicile  conjugal.  Cette  décision  ne 
satisfit  ni  l'un  ni  l'autre  des  deux  époux.  En  les 
réunissant  sous  le  même  toit,  le  Parlement  ne  faisait 
que  rendre  plus  aigus  les  rapports  de  ces  deux  enne- 


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-  491  - 

mis  inéconciliables,  dans  l'âme  desquels  tant  de 
fiel  était  entré. 

Cinq  jours  après  le  prononcé  du  jugement,  M"'  de 
Mirabeau  fit  mine  de  s'installer  dans  le  domicile  de 
son  mari,  afin  de  se  conformer  à  la  sentence.  Mais 
lemarquisn'avaitcure  de  se  retrouveravec  sa  femme 
et  se  garda  bien  de  rentrer  chez  lui.  L'épouse  fit 
constater  légalement  l'absence  de  l'époux.  Des  scè- 
nes, que  provoqua  la  marquise  et  qui  égayaient  fort 
le  voisinage  et  les  passants,  déterminèrent  le  mar- 
quis de  Mirabeau  à  agir  vigoureusement.  Il  obtint 
une  lettre  de  cacbet  contre  sa  femme  et  la  fit  en- 
fermer au  couvent  des  religieuses  de  Saint-Michel. 
Pareille  mesure  fut  prise  contre  la  marquise  de 
Cabrisj  sa  fîlte,  alors  que  son  fils  ainéj  extradé  de 
Hollande,  allait  expier,  au  donjon  de  Vincennes, 
l'enlèvement  de  M"'  de  Monnier. 

A  quelques  jours  de  ces  événements,  le  marquis 
rencontra  un  sien  ami,  Montpezat,  qui  lui  dit  ; 

—  Votre  procès  avec  la  marquise  est  fini? 

—  Je  l'ai  gagné. 

—  Et  oîi  est-elle? 

—  Au  couvent  ! 

—  Et  M.  votre  fils,  où  est-il? 
■ —  Au  couvent  ! 

—  Et  M""  votre  fille  de  Provence  (M"'  de  Cabris}? 

—  Au  couvent  ! 

—  Vous  avez  donc  entrepris  de  peupler  les  cou- 
vents? 

—  Oui,  Monsieur,  et  si  vous  étiez  mon  fils,  il  y 
a  longtemps  que  vous  y  seriez  ! . . . 

Ce  terrible  homme  méritait  bien  que  son  fils  lui 


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-  492  - 

écrivît;  a  Vous  avez  mené  tous  vos  enfants^  excepté 
un  seul ,  par  la  terreur ,  comme  si  c'était  du  sang 
d'esclave  qui  coulât  dans  leurs  veines»  {!). 

Pendant  sa  détention  au  donjon  de  Vincennes, 
une  correspondance  assidue  fut  échangée  entre 
Gabriel-Honoré  de  Mirabeau  et  son  père.  Ce  der- 
nier avait  le  plus  grand  désir  de  ramener  son  fils  à 
une  conduite  plus  sage  et  aussi  à  le  mettre  dans  son 
jeu,  car  la  marquise,  sa  femme,  venait  de  recom- 
mencer la  procédure  dans  le  but  d'obtenir  une  sépa- 
ration judiciaire. 

La,  marquise  du  Saillant  correspondit  aussi  avec 
le  prisonnier.  Mais  c'est  le  père  qui  lui  tenait  la 
main.  Mirabeau  fut  d'abord  hostile  à  ces  rapports 
épistolaires  ;  le  marquis  exigea  qu'il  fût  prévenant 
pour  sa  sœur,  qu'il  avait  gravement  offensée.  De 
l'échange  de  lettres,  une  réconciliation  intervint 
entre  le  frère  et  la  sœur:  «  Dans  la  multitude  de 
mes  torts,  écrivait  Gabriel-Honoré,  du  moins  vous 
ai-je  toujours  rendu  justice  ;  je  vous  ai  toujours  ten- 
drement aimée.  On  m'avait  aigri  contre  votre  mari, 
et  j'ai  eu  le  malheur  de  me  livrer.avec  l'impétuosité 
que  j'avais  alors,  aux  préventions  que  l'on  m'avait 
données  contre  lui.  J'en  suis  très  affligé,  mais  je  le 
crois  assez  noble  pour  ne  pas  conserver  de  res- 
sentiment contre  un  frère  malheureux,  trompé, 
au  désespoir  de  l'avoir  été,  revenu,  corrigé,  repen- 
tant» (2). 


(I)  Tous  ces  renseignements  otil  été  puisés  dans  la,  remarquable 
étude  de  l'abbé  Gratiet  sur  Madame  de  Mirabeau,  et  dans  celle  de 
Jules  Barni  sur  Mirabeau, 

(ï)  L.  do  Loménie,  op.  cit. 


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-  493  - 

A  sa  sortie  de  Vincennes  (1780),  Mirabeau  fit 
rapporter  la  sentence  de  mort  qui  avait  été  rendue 
contre  lui  et  obtint  un  adoucissement  de  peine  en 
faveur  de  M™  de  Monnier.  11  ne  rentra  pas  en  grâce 
de  suite  auprès  de  son  père.  Aussi  se  coalisa-t-il 
avec  les  du  Saillant  pour  arracber  le  marquis  à  la 
domination  de  M""  du  Pailly.  Celte-ci,  d'ailleurs, 
insistait  beaucoup  auprès  de  l'Ami  des  Hommes 
pour  qu'il  se  débarrassât  des  du  Saillant,  qui  avaient 
cessé  de  lui  plaire,  et  pour  qu'il  les  fit  retourner 
dans  leurs  terres  limousines.  Le  bailli  de  Mirabeau 
unit  ses  efforts  à  ceux  de  ses  neveux  pour  précipiter 
la  rupture. 

Quoique  enfermée,  M""  de  Mirabeau  ne  songeait 
pas  moins  à  se  venger  de  son  s  tyran  »  de  mari, 
comme  elle  disait.  De  sa  prison,  elle  communiqua 
avec  l'extérieur  et  se  mit  à  même  de  recommencer 
le  procès.  Le  marquis,  de  son  côté,  prenait  les  me- 
sures nécessaires  dans  le  but  de  mettre  sa  femme 
hors  d'état  de  lui  nuire.  Le  couvent  de  Saint-Michel 
ne  présentant  pas  toutes  les  garanties  de  sécurité 
pour  l'Ami  des  Hommes,  celui-ci  obtint  une  nou- 
velle lettre  de  cachet  par  laquelle  sa  femme  devait 
être  transférée  au  couvent  de  Valdone,  à  Charenton. 
Mais  la  marquise  refusa  de  s'y  rendre  et  opposa  une 
rare  force  de  résistance  aux  exempts  qui  étaient 
chargés  de  la  conduire  dans  sa  nouvelle  «  demeure  » . 
«  Vous  ne  m'aurez  que  par  lambeaux  »,  avait-elle 
déclaré.  Elle  fit  si  bien,  qu'on  décida  de  la  laisser 
tranquille. 

Le  ministre  Maurepas,  jusqu'alors,  avait  étendu 
sa  protection  sur  le  marquis  de  Mirabeau  ;  fatigué 


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-«4  - 

des  conflits  incessants  qui  éclataient  entre  le  mari 
et  la  femme,  lassé  de  tant  de  scandales,  il  finit  par 
se  rendre  compte  que  si  M™'  de  Mirabeau  avait  des 
torts,  le  marquis,  de  son  côté,  pouvait  bien  en 
avoir.  D'autre  part^  l'opinion  publique,  mise  au 
courant  de  ces  querelles,  se  prononçait  contre  le 
marquis  qui  devenait  de  plus  en  plus  impopulaire, 
tant  à  cause  de  ses  opinions  politiques  que  par  la 
façon  dont  il  se  conduisait  envers  les  siens. 

Devenue  libre.  M"*  de  Mirabeau  forma  une  nou- 
velle demande  en  séparation  de  corps  et  de  biens 
contre  son  mari,  devant  le  Parlement  de  Paris. 
Gabriei-Honoré,  cette  fois,  prit  le  parti  de  son  père^ 
auprès  duquel  il  était  enfin  rentré  en  grâce,  pour 
se  le  ménager  et  le  faire  servir,  le  cas  échéant,  à  ses 
desseins. 

La  sentence  fut  rendue  par  le  Parlement,  après 
de  vifs  débats  qui  passionnèrent  le  public,  le  18  mai 
1781.  Elle  portait  que  les  deux  époux  seraient  sépa- 
rés de  corps  et  de  biens,  que  le  mari  payerait  tous 
les  frais  du  procès  et  qu'il  restituerait  à  sa  femme 
les  revenus  perçus  dont  il  n'aurait  pas  justifié  l'em- 
ploi. Ce  jugement,  tant  redouté  par  le  marquis, 
était  pour  lui  la  ruine  complète.  Mais  la  fortune  de 
M™'  de  Mirabeau  ne  devait  pas  tarder  à  sombrer,  à 
son  tour,  dans  le  naufrage  matériel  et  moral  de  ce 
ménage  si  mal  assorti. 

La  marquise  triompha  bruyamment  de  l'issue  du 
procès.  Elle  revint  en  Limousin  prendre  possession 
de  ses  terres  avec  éclat.  La  Feuille  hebdomadaire 
de  la  généralité  de  Limoges  en  fit  un  rapport 
pompeui  : 


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-  «5.- 

«  M"*  la  marquise  de  Mirabeau,  issue  de  la  très 
ancienne  maison  des  Pierrebuffière,  premiers  barons 
du-Llmousin,  éloignée  depuis  plusieurs  années  de 
cette  province  et  de  ses  terres  par  des  discussions  de 
famille,  vient  d'obtenir,  par  arrêt  du  t8  mai,  la 
jouissance  de  tous  les  biens  lui  appartenant  et  pou- 
vant lui  appartenir  dans  la  suite  :  en  conséquence, 
elle  a  été,  le  9  de  ce  mois,  prendre  possession  de 
ses  terres  de  Pierrebuffière. 

B  Les  habitants  des  difTérentes  paroisses  qui  en 
dépendent  se  sont  empressés  de  lui  témoigner  la 
joie  et  la  satisfaction  qu'ils  ressentent  de  son  retour 
et. la  reconnaissance  de  tous  les  bienfaits  dont  les 
ancêtres  de  cette  dame  les  ont  comblés. 

»  Les  officiers  de  la  justice  avec  les  principaux 
habitants  de  Pierrebuffière  ont  été  à  cheval  l'atten- 
dre sur  la  route  de  Toulouse  jusqu'aux  dernières 
limites  de  sa  justice.  Ceux  de  Saint- Hilaire-Bonne- 
val,  une  des  paroisses  qui  en  dépendent,  ont  été 
également  en  grand  nombre,  sous  les  armes,  au  son 
des  instruments,  saluer  cette  dame,  sur  la  grand'- 
route;  ils  avaient  leurs  drapeaux,  conduits  par 
plusieurs  officiers  à  cheval,  à  la  tète  desquels  était 
M.  Landry  du  Masgaràeau  qui,  après  une  salve,  lui 
adressa  les  vers  suivants  » . 

(Suivent^  en  effet,  dans  la  relation  de  la  Feuille 
hebdomadaire,  quelques  vers  plats  et  laudatifs  à 
l'adresse  de  la  marquise). 

4  À  quelque  distance  du  pont  de  Pierrebuffière 
était  postée  une  troupe  d'infanterie  qui  s'est  jointe 
au  cortège  :  le  clergé  et  les  dames  attendaient  de 


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l^autre  côté  du  poat.  M.  Dumont,  juge  de  cette 
juridiction,  l'a  haranguée  avec  cette  éloquence  qui 
excitait  dans  son  père  l'admiration  de  tous  les  citoyens 
et  de  toutes  les  personnes  auxquelles  il  adressait  la 
parole.  La  joie  de  tous  les  assistants  de  revoir  leur 
dame,  le  regret  des  malheurs  qu'elle  a  éprouvés  se 
sont  encore  plus  manifestés  par  leur  sensibilité  tou- 
chante que  par  des  sentiments  feints  par  leurs 
paroles.  M""  la  marquise  a  montré,  par  une  amé- 
nité dont  elle  leur  avait  donné  autrefois  des  preuves 
multipliées,  que  ses  qualités  personnelles  inspiraient 
encore  plus  que  sa  place  ces  transports  de  senti- 
ments. 

»  Le  soir,  il  y  a  eu  des  feux  de  joie  et  une  illumi- 
nation volontaire  dans  toute  la  ville.  Le  lendemain 
elle  s'est  rendue  dans  son  château  d'Aigueperse. 
Elle  a  été  reçue  au  son  des  cloches  dans  tous  les 
bourgs  qu'elle  a  traversés. 

>  Les  paroissiens  de  Saint- Bonnet  ont  été,  sous 
les  armes,  à  plus  d'une  lieue  à  son  avance.  C'est  aux 
démonstrations  et  aux  larmes  de  ses  vassaux,  dont 
l'habitation  la  plus  rapprochée  du  château  les  avait 
mis  à  portée  de  connaître  plus  particulièrement  le 
cœur  bienfaisant  et  sensible  de  leur  dame,  qu'on  a 
encore  plus  reconnu  l'attendrissement,  la  joie  et  la 
satisfaction  générale  que  son  retour  a  causés  dans 
tout  le  pays.  Ils  ont  eu  le  plaisir  de  voir  accueillir 
leur  empressement  par  cette  affabilité  de  cœur  et 
cette  délicatesse  d'esprit  que  M""  de  Mirabeau  pos- 
sède au  suprême  degré.  Elle  leur  a,  à  tous,  distribué 
des  caresses  et  des  attentions  particulières,  en  leur 
adressanf  des  choses  obligeantes  et  en  cherchant  à 


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faire  valoir  le  zèle  qu'ils  avaient  pu  montrer  pour 
èti'e  utiles  à  sa  maison  et  le  tendre  intérêt  qu'elle  en 
conservait.  Malgré  toutes  ses  recommandations  et 
ses  efforts  pour  empêcher  qu'ils  se  fatiguassent  à 
suivre  sa  voiture,  ils  l'ont  suppliée  de  reconnaître 
l'attachement  qu'ils  lui  témoignaient,  en  leur  per- 
mettant de  l'accompagner  jusqu'à  son  château,  à 
la  porte  duquel  on  lui  a  présenté  les  clefs.  La  géné- 
rosité de  cette  dame  n'a  point  resté  en  demeure: 
la  bienfaisance  de  son  cœur  assure  que  les  pauvres 
ne  perdront  rien  pour  son  habitation  dans  ce 
pays  »  (1). 

Pendant  que  M"  de  Mirabeau  faisait  son  entrée 
triomphale  dans  ses  terres,  son  fils  aîné,  Gabriel- 
Honoréj  scellait  sa  paix  complète  avec  son  père. 
Son  aventure  avec  M°*  de  Monnier,  sa  captivité, 
la  mort  de  son  unique  enfant,  les  querelles  intes- 
tines de  sa  famille,  avaient  quelque  peu  ébranlé  son 
physique  et  son  moral.  11  fut  décidé  qu'il  irait  se 
reposer  en  BaS'Limousin,  au  château  du  Saillant» 
chez  sa  sœur,  la  marquise  de  Lasteyrie. 


(t)  Le  ch&teau  d'Aigueperse  est  situé  dans  le  départemenl  de  la 
Haute-Vionne,  commune  de  Saint-Bonnet-la-BiTière,  canton  da 
l'ierrebulHère,  arrondissement  de  Limoges,  il  appartient  aujour- 
d'hui i.  HM.  Dubreuil. 


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Dijilizedb,  Google 


Mirabeau  en  Baa-I,imousin.  —  Le  Saillant.  —  Ud  voleur  de  grands 
chemins.  —  La  terreur  à  la  Combe-des -Morts  et  à  Garavet.  — 
Au  Parlement  d'Aix.  —  Traditions  et  légendes. 

Le  Saillant,  qui  allait  devenir,  pendant  quelque 
temps,  le  séjour  de  Mirabeau,  est  un  gros  village  de 
la  commune  de  Voutezac  (canton  de  Juillac^  arron- 
dissement de  Brive,  Gorrèze),  qui  s'allonge^  au  soleil, 
sur  la  rive  droite  de  la  Vézère.  Il  se  compose  d'une 
centaine  de  feux  environ,  qu'une  population  d'hon- 
nêtes et  laborieux  cultivateurs  habitent.  11  formait, 
autrefois,  le  centre  d'une  seigneurie  qui  était  l'apa- 
nage de  la  maison  Lasleyrie  du  Saillant  et  portait, 
dans  les  vieux  cartulaires,  le  nom  de  Orbaciacus 
et  de  Sailhens  (1). 

Au  Nord-Est  du  village  s'ouvre  la  gorge  du  Sail- 
lant-Vieux, à  proximité  du  hameau  de  ce  nom.  La 
Vézère,  après  avoir  roulé,  avec  fracas,  ses  eaux  clai- 
res et  froides  à  travers  un  prodigieux  éboulis  de 
rochers^  se  jette  dans  la  plaine  qui^  de  cet  endroit, 
s'étend  jusque  dans  les  environs  de  Brive,  en  cou- 
lant désormais  librement  sous  le  bleu  du  ciel.  Mais 
avant  de  se  dégager  de  l'étreinte  des  montagnes, 
elle  va  se  heurter,  grondante  et  frangée  d'écume, 
sur  un  entassement  de  blocs  rocheux,  projetés  dans 
son  lit  par  la  mine  ou  roulés  naturellement  par  les 


(1)  Un  autre  village  d'une  vingtaine  de  feux,  situé  sur  la  rive 
gauche  de  la  Vézère,  presque  en  face  du  Saillant,  raais  qui  dépend 

actuellement  de   la  commune   d'Atlassac  (canton   de    Donzenac), 
porte  le  nom  de  SatiJaiit- Vieux. 


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eaux.  Elle  le  franchit  en  formant  une  cascade  con- 
nue sous  le  nom  de  Saut  du  Saumon  (1). 

La  Vézère  se  répand  alors  dans  la  plaine,  en  pas- 
sant au  pied  d'un  grand  pan  de  niontagne,  —  dont 
les  revers  étaient  autrefois  couverts  de  vignobles 
produisant  un  crû  estimé  dans  la  contrée,  —  que 
couronne  le  village  de  Vertougi.  Puis  elle  contourne 
tout  ifn  ensemble  d'Iles  riantes  et  boisées,  reliées 
entre  elles  par  des  ponts  en  bois  du  plus  rustique 
effet. 

Le  paysage  offre  alors  un  contraste  frappant  avec 
les  aspects  sombres^  âpres  et  pleins  de  grandeur 
sauvage,  de  la  gorge.  Entre  deux  rangées  d'arbres, 
aux  frondaisons  épaisses,  la  Vézère  coule  large, 
paisible,  baignant  la  ceinture  de  prés,  aux  couleurs 
vives  de  l'émeraude,  qui  lui  fait  un  parement  de 
plus.  Elle  semble  ainsi  se  reposer  de  la  course  folle 
qu'elle  vient  de  faire  et  goûter  le  charme  d'une 
quiétude  recherchée  et  attendue.  Le  damier  des  cul- 
tures pique,  çà  et  là,  les  pentes  douces  des  puys 
rouges  dominant  le  cours  de  l'eau.  Les  villages  du 
Saillant^  de  la  Beaudelie  et  de  La  Jugie  élèvent, 
derrière  le  rideau  vert  des  arbres,  les  toits  couverts 


(1)  Dans  sa  forme  primitive,  cette  caac&de  n'existe  plus.  Elle  a 
éU  détruite  par  les  travaux  du  chemin  de  Ter  d'Uzerche  à  Urive. 
Mais  CD  se  fray&nt  une  route  à  travers  les  éboulements  des  rocs  et 
les  derniers  contreforts  de  la  ({orge,  la  Véiëre  a  reformé  la  chute. 

Il  résulte,  d'ailleurs,  d'actes  déposés  dans  les  archives  de  M'fiou- 
nui,  notaire  à  Allasaac,  que  la  cascade  du  Sauf  du  Saumon  fut 
toujours  quelque  peu  artificielle.  Ces  actes  portent,  en  effet,  que  les 
seigneurs  du  Saillant  firent,  à  plusieurs  reprises,  poser  des  cro- 
chets en  fer  aux  blocs  de  pierre  qui  barrent,  k  la  sortie  da  la  gorge, 
le  lit  de  la  Vézère,  dans  le  but  de  les  retenir  et  d'obliger  les  eaux 
&  former  la  cascade. 


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d'ardoises  de  leurs  chaumières,  serrées  les  unes 
contre  les  autres  et  ajoutent  ainsi  à  la  beauté  char- 
mante du  site. 

Sur  une  des  lies  du  petit  archipel  du  Saillant, 
qu'arrose  un  bras  de  la  Vézère,  s'élève  le  vieux  ma- 
noir des  Lasteyrie  du  Saillant,  appartenant  aujour- 
d'hui à  la  famille  de  M.  Télèphe  Bardon,  ancien  juge 
de  paix.  Le  château  ne  remonte  pas  au-delà  du 
XVI'  siècle  ;  11  est  privé  de  ses  grosses  tours  d'angles. 
On  y  accède,  de  la  route,  par  une  large  avenue, 
plantée  de  pins,  se  terminant  par  un  pont  placé 
sur  un  fossé  qui  devait  être  l'ancien  pont-levis.  A 
proximité  du  château,  dont  elle  était  une  dépen- 
dance, est  située  la  vieille  chapelle,  d'un  style  sim- 
ple et  curieux,  et  l'antique  pont  à  péage^  à  l'inter- 
cession de  la  route  d'Allassac  à  Voutezac  et  de  la 
Vézère.  11  est  bâti  sur  six  arches  ogivales,  munies, 
en  avant,  d'éperons  aigus  triangulaires  qui  s'élèvent 
jusqu'au  tablier. 

C'est  dans  ce  coin  charmant  du  Limousin,  au 
château  de  son  beau-frère  et  de  sa  sœur,  que  Mira- 
beau vint  56  reposer  en  178i. 

Les  du  Saillant,  en  dépit  des  discordes  de  leur 
famille,  portèrent  à  leur  frère  atnô  ïe  plus  grand 
intérêt.  Au  cours  de  toutes  les  frasques  dont  Mira- 
beau se  rendit  coupable,  en  Saintonge,  en  Franche- 
Comtèj  en  Provence,  M.  du  Saillant,  mandataire 
de  son  beau-père,  s'entremit  pour  réparer  le  mal. 
Aussi,  depuis  sa  sortie  de  prison,  le  futur  tribun 
n'avait  cessé  de  témoigner  à  sa  sœur  et  à  son  beau- 
frère  le  plus  sincère  et  le  plus  tendre  attachement. 
La  mort  seule  devait  y  mettre  un  terme. 


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L'arrivée  de  Mirabeau  dans  le  pays  prit  les  pro- 
portions d'un  grand  événement.  Les  gentilshommes 
du  voisinage  accoururent  en  foule  au  Saillant  pour 
saluer  le  fils  de  VAmi  des  Hommes  et  lier  connais- 
sance avec  lui.  La  notoriété  du  futur  orateur,  son 
esprit  fin  et  orné,  ses  écrits,  le  bruit  fait  autour  de 
sa  personnalité,  aussi  bien  dans  les  démêlés  de  son 
père  et  de  sa  mère  que  dans  ses  aventures  person- 
nelles, étaient  connus  de  tous  les  gens  de  marque 
vivant  dans  cette  partie  de  la  province. 

Le  calme  auguste  et  paisible  qui  régnait  au  Sail- 
lant, le  charme  et  la  beauté  agreste  des  paysages, 
ne  pouvaient  qu'inciter  Mirabeau  aux  longues  rêve- 
ries, aux  fortes  méditations.  Il  portait  volontiers 
ses  pas  du  côté  de  la  gorge  et  là,  dit-on,  debout  sur 
une  éminence  qui  dominait  la  cascade  du  Saut  du 
Saumon^  il  répandait  les  flots  tumultueux  de  son 
éloquence ,  prodiguait  les  éclats  de  sa  retentissante 
voix  (I).  Parfois,  il  suivait  aussi  le  cours  tranquille 
de  la  Vézère,  s'en  allait  vers  la  riante  solitude  de 
Garavet,  sur  la  route  d'Àllassac  à  Objat,  que  le  tic-tac 
du  moulin,  unique  habitation  de  ces  lieux,  animait 
seul  pendant  quelques  heures  de  la  journée. 

La  pèche  et  la  chasse,  les  lectures,  les  conversa- 
tions où  brillaient  les  saillies  spirituelles,  les  dis- 
cours pleins  de  fougue  et  d'entrain,  les  théories 
paradoxales  de  Mirabeau,  les  jeux  de  société,  com- 
plétaient le  passe-temps  de  l'hôte  du  Saillant  et  de 
ses  invités. 

Mais  toutes  ces  occupations  de  gentilshommes  de 

(1)  Saint-Uhartea  :  Mirabeau  inconnu. 


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province  ne  répondaient  guère  au  tempérament 
actif,  dévorant  de  Mirabeau.  11  y  avait  de  l'athlète 
dans  cette  nature  tourmentée,  pleine  de  jeunesse,  de 
force  et  de  vie,  et  le  besoin  de  se  dépenser,  de  donner 
un  libre  et  violent  essor  à  ses  instincts  impétueux, 
le  poussait  à  rechercher,  non  pas  les  plaisirs  où  le 
cœur  de  l'homme  s'abandonne  et  s'amollit,  mais 
bien  les  épreuves  où  son  âme  se  fortifie  avec  son 
courage  en  lui  donnant  la  mesure  et  le  degré  de  sa 
puissance  en  lutte  contre  d'autres  puissances. 

Cependant  le  séjour  de  Mirabeau  au  Saillant  se 
prolongeait  et  voilà  que,  soudain,  des  bruits  sinistres 
se  répandent.  Une  bande  de  voleurs  tient  la  campa- 
gne, arrête  les  gens  sur  les  routes,  leur  demande, 
le  pistolet  sur  la  gorge,  la  bourse  ou  la  vie.  Une 
façon  de  géant,  à  la  voix  rude  et  forte,  est  à  leur 
tète.  Des  gentilshommes,  des  bourgeois,  des  paysans 
sont  dévalisés  tous  les  jours.  La  terreur  règne  dans 
le  pays.  C'est  à  qui  ne  s'aventurera  pas,  la  nuit,  à 
tiaravet  ou  à  la  Gombe-des-Morls,  passage  désert,  à 
travers  le  roc,  qui  domine  le  village  du  Saillant- 
Vieux,  où  opèrent  de  préférence  les  brigands.  On 
parlait  de  faire  des  battues  pour  les  capturer,  mais 
personne  n'osait  fournir  de  renseignements  par 
crainte  de  représailles. 

Un  jour,  une  personne  de  l'entourage  de  M.  du 
Saillant  gagnait  le  château,  à  la  nuit  tombante,  par 
la  Combe-des- Morts,  suivant  les  uns,  par  le  bac  de 
Garavet,  suivant  les  autres.  Le  temps  était  orageux 
et  le  ciel  roulait  de  gros  nuages  sombres  qui  ren- 
daient encore  les  chemins  plus  obscurs.  Tout  à  coup, 
de  derrière  un  arbre,  un  homme  suigit,  armé  d'un 


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—  504  — 

fusil.  Mettant  en  joue  le  voyageur,  il  lui  ordonne 
de  jeter  «a  bourse  sous  peine  de  passer  de  vie  à 
trépas.  Il  allait  exécuter  l'ordre  qu'il  venait  de 
recevoir ,  quand  un  éclair  déchire  la  nue  et ,  à  sa 
lueur,  le  volé  reconnaît  le  voleu.'.  Il  n'en  peut 
croire  ses  yeux.  Un  second  éclair  lui  permet  de 
s'assurer  qu'il  ne  s'est  point  trompé,  a  Passez  votre 
chemin,  dit  le  brigand,  où  voua  êtes  mort».  Epou- 
vanté, le  voyageur  jette  sa  bourse  et  s'enfuit. 

Il  arrive  au  château,  mouillé  et  terrifié,  oar  la 
tempête  fait  rage  dehors. 

—  Vous  avez  l'air  tout  défait,  lui  dit  le  marquis, 
que  vous  est-jl  arrivé? 

—  On  vient  de  m'arrêter  ! 

—  Encore.  On  n'entend  plus  parler  que  de  cela  ! 

—  Mais,  à  la  lueur  d'un  éclair,  j'ai  reconnu  mon 
voleur. 

—  Vraiment  !  Alors... 

La  gène  du  volé  était- visible  ;  il  sentait  qu'il  ne 
pourrait  pas  aller  plus  loin  dans  la  voie  des  révéla-  ■ 
tions.  M.  du  Saillant  insista. 

—  Eh!  bien,  j'ai  cru  reconnaître  votre  beau- 
frère! 

—  Mirabeau?  c'est  impossible  ! 

—  Je  vous  assure,  cependant,  que,  par  deux  fois, 
je  l'ai  bien  reconnu. 

On  juge  de  l'ètonnement  du  marquis  devant  une 
aussi  formelle  déclaration. 

M.  du  Saillant  fît  appeler  son  beau-frère  ;  mais  on 
lui  répondit  qu'il  n'était  pas  encore  rentré  et  que 
l'orage  pouvait  bien  être  cause  de  son  retard. 

Un  moment  après,  Mirabeau  gagnait  sa  cbam- 


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bre(l)et  faisait  dire  à  M.  du  Saillant  de  l'excuser, 
qu'étant  fatigué  il  ne  paraîtrait  pas  de  la  soirée. 

Le  lendemain,  le  marquis  entrait  chez  Mirabeau, 
s  11  court  sur  votre  compte  d'étranges  histoires  I 
Inutile  de  nier,  on  vous  a  reconnu  !  »  Pour  toute 
réponse,  Mirabeau  se  prit  à  rire  et,  ouvrant  le  tiroir 
d'un  secrétaire  dans  lequel  se  trouvaient  neuf  bour- 
ses, pleines  d'argent,  sur  lesquelles  une  étiquette, 
portant  le  nom  de  leur  propriétaire,  ainsi  que  le 
chiffre  de  la  somme  qu'elles  contenaient,  était 
placée  : 

«  Voilà  le  produit  de  mes  vols,  dit  Mirabeau, 
vous  aurez  l'obligeance  de  rendre  ces  bourses  à  leur 
propriétaire  en  leur  présentant  toutes  mes  excuses». 

L'ironie  que  mettait  Mirabeau  dans  les  paroles 
qu'il  adressait  à  son  beau-frère  ne  plût  qu'à  demi 
au  marquis  : 

—  Mais  dans  quel  but  faisiez-vous  pareille  beso* 
gne? 

~  Ce  n'était  vraiment  pas  pour  me  saisir  de  cet 
argent  et  le  garder  que  j'ai  volé  tous  ces  braves 
gens.  Mais  j'ai  voulu  me  rendre  compte  du  degré  de 
résolution  qui  était  nécessaire  pour  se  mettre  en 
contravention  formelle  avec  les  lois  les  plus  sacrées 
de  la  société.  L'épreuve  était  dangereuse.  Je  l'ai 
tentée  plusieurs  fois  et  voyez,  j'ai  pu  la  subir  sans 
trop  de  dommages.  Vous  avouerez  qu'il  ne  faut  pas 
être  timide  pour  arrêter  sur  les  grands  chemins. 

(1)  La  chHmbre  que  Mirabeau  occupait  au  cbâteau  du  Saillant 
Bxiste  encore.  Elle  sert  aujourd'hui  de  salle  à  mander.  Elle  est 
carrée  et  le  plafond  est  formé  de  poutrelles  taillées  en  losanges. 
Elles  étaient  réunies  tea  unes  aux  autres  par  une  boule  dorée. 


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-  506  - 

Après  cette  équipée,  la  préseoce  de  Mirabeau 
n'était  plus  possible  au  Saillant.  Il  boucla  ses  malles 
et  partit. 

Les  aventures  de  Mirabeau,  au  Saillant,  ont  fait 
l'objet  d'un  certain  nombre  de  récits  qui,  s'ils  ont 
même  fond,  varient  dans  la  forme  et  dans  les  détails 
suivant  les  auteurs  (1). 

Les  uns  prétendent  que  celui  des  volés  qui  recon- 
nut Mirabeau  était  le  docteur  Gyoux,d'Objat,  méde- 
cin du  cbâteau,  et,  dans  ce  cas,  l'arrestation  eût 
été  faite  à  Garavet  ;  les  autres  afSrment  que  celui-là 
était  un  gentilhomme  des  environs  de  Lagraulière, 
M.  de  Boucbiat  du  Bigeardel,  ami  de  M.  du  Saillant, 
dans  lequel  cas  la  scène  que  nous  avons  contée  se 
serait  déroulée  dans  le  ravin  de  la  Combe-des- 
Morts. 

D'après  M.  de  Nussac^  qui  s'est  fait  l'écho  d'une 
tradition  locale,  M.  de  Boucbiat  ï^urait  d'abord  été 
arrêté  par  Mirabeau  une  première  fois,  à  la  suite  de 
laquelle  arrestation  il  reconnut  son  agresseur.  Puis 
s' étant  concerté  avec  M.  du  Saillant,  dans  le  but  de 
bien  s'assurer  que  le  voleur  était  son  beau-frère,  il 
se  fit  arrêter  une  seconde  fois.  Cette  expérience 
confirma  les  faits  précédents. 

Une  autre  tradition  locale  nous  apprend  qu'un 
paysan,  ayant  été  arrêté,  ne  voulut  pas  obtempérer 
aux  ordres  de  Mirabeau  et  se  prit  à  défendre  son 


(Ij  Un  épiaode  de  la  vie  de  Mirabeau  (Motaïque  du  Midi,  tome 
IV,  18W),  par  M.  d'Aldéguier  ;  Mirabeau  au  SaillantlLe  XIX' 
Siècle  litléraire  el  le  Conciliateur  de  la  Corràze,  1889),  par  M.  L. 
de  NuBsac  ;  Mirabeau  inconnu  çLa  France  Ulualrée,  1894),  par 
U.  Saiut-Charlea. 


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-  507- 

bien.  Il  était  fort  et  vigoureux  et  fut  assez  heureux, 
après  une  lutte  acharnée  corps  à  corps,  de  venir  à 
bout  du  détrousseur  et  de  lui  infliger  une  bonne 
correction  (1). 

En  quittant  le  Saillant^  Mirabeau  eut  à  s'occuper 
d'une  instance  en  séparation  de  biens  et  de  corps 
que  sa  femme,  fîlle  du  marquis  de  Marignane, 
introduisit  contre  lui  devant  le  Parlement  d'Aix. 
Dans  cette  affaire,  il  eut  son  père  contre  lui.  Gabriel- 
Honoré  défendit  lui-même  sa  cause  et  plaida  contre 
Portails,  avocat  de  sa  femme.  A  cette  occasion,  il 
prononça  une  longue  et  éloquente  harangue  qui  flt 
grand  bruit.  Mais  M.  de  Galitzane,  qui  occupait  le 
siège  du  ministère  public  en  qualité  d'avocat  géné- 
ral, prit  fait  et  cause  pour  M""  de  Mirabeau  et  traita 
son  mari  de  voleur  de  grands  chemins,  faisant  ainsi 
allusion  aux  arrestations  dont  Mirabeau  s'était 
rendu  coupable  au  Saillant. 

C'est  à  M.  d'Aldéguier  que,  sous  la  Restauration, 
M,  de  Galitzane  raconta,  pour  la  première  fois,  les  . 
exploits  du  beau-frère  de  M.  du  Saillant  en  Bas- 
Limousin.  II  tenait  évidemment  le  renseignement 
de  la  famille. 

Mirabeau  perdit  son  procès  et  la  séparation  fut 
prononcée. 

Dans  sa  très  remarquable  étude  sur  Madame  de 
Mirabeau,  l'abbé  Granet  commet  une  erreur  en 
attribuant  à  André-Boniface,  plus  connu  sous  le 
nom  de  Mirabeau-Tonneau  et  dont  nous  parlerons 
plus  longuement  en  temps  et  Heu,  les  méfaits  de 

(I)  Saiat-Uharlss  :  Mirabeau  inconnu. 


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-508  - 

son  frère  aîné  au  Saillant.  Dans  une  lettre  de 
Gabiiel-Honoré,  où  il  fait  un  piquant  tableau  de 
sa  famille,  —  lettre  que  reproduit  l'abbé  Granet,  — 
le  futur  tribun  s'exprime  ainsi  sur  le  compte  de 
son  jeune  frère:  «  Mon  frère,  né- avec  beaucoup 
d'esprit  et  de  gentillesse,  était  fait  pour  prendre  à  la 
cour,  si  une  éducation  détestable,  une  longue  perte 
de  temps  et  l'inconcevable  sottise  d'enterrer  au 
Saillant  son  adolescence,  ne  l'avaient  rendu  crapu- 
leux (1).  Son  cœur  était  bon,  sa  tète  peu  forte,  mais 
qui  sait  ce  qu'elle  eût  été  ».  Ailleurs,  il  dit  :  x  Mon 
frère,  perdu  de  débauches  et  de  crapule,  deux  fois 
gros  comme  moi,  avec  cinq  pouces  de  moins,  est 
incapable  de  tout  retour  sur  lui-même  et  aussi 
vieux,  à  vingt-cinq  ans  que  l'est  le  commun  des 
hommes  à  soixante  ». 

L'abbé  Granet  ajoute  en  note:  v  Ce  que  dit  ici 
Gabriel  Mirabeau  est  confirmé  par  une  légende  que 
nous  avons  souvent  oui  raconter  et  qui  a  cours 
dans  tout  le  pays  de  Limosin.  Il  est  dit  qu'à  bout 
de  ressources  et  ne  pouvant  se  procurer  d'argent,  il 
allait,  accompagné  de  quelques  domestiques,  dé- 
trousser les  voyageurs  sur  les  grands  chemins  et 
poussait  l'audace  jusqu'à  se  nommer  ;  «  Je  suis 
Mirabeau.  Inutile  de  vous  défendre.  Donnez-moi 
votre  argent  et  continuez  votre  route  ». 

Nou3  ignorons  en  quoi  le  séjour  du  Saillant  a  pu 
rendre  Mirabeau-Tonneau  crapuleux,  mais  il  est 
bien  évident  que  la  responsabilité  des  arrestations 


(t)  Le  grand  défaut  de  Mirabeau  le  jeune  était  un  peuchaut  trËa 
proQoacé  pour  la  dive  bouteille. 


dbyGoOt^lc 


—  509  — 

doit  remonter  à  Gabriel-Honoré  et  non  à  André- 
Boniface,  comme  l'insinue  l'abbé  Granet,  Les  tra- 
ditions locales  auraient  pu  sans  doute  confondre  les 
deux  frères  sous  le  même  nom  de  Mirabeau,  mais 
l'accusation  portée  par  M.  de  Galitzane  en  pleine 
audience  du  Parlement  d'Àix  et  les  confidences 
qu'il  fit  plus  tard  b.  M.  d'Aldéguier,  permettent  de 
remettre  les  choses  en  place  et  de  rendre  à  Gabriel- 
Honoré  ce  qui  lui  appartient. 

Le  séjour  de  Mirabeau  au  Saillant  a  laissé  dans 
la  tradition  locale  deux  autres  faits  qu'il  est  bon 
de  signaler  :  le  premier,  c'est  qu'il  donna  son  nom 
à  une  variété  de  pomme  limousine  dont  il  prisait 
fort  le  goût  (1)  ;  le  second,  est  une  lettre  qu'il  aurait 
écrite  du  Saillant  à  plusieurs  maires  de  la  province  : 
les  priant  de  transmettre  la  nouvelle  qu'elle  conte- 
nait à  leurs  collègues  du  voisinage.  De  sorte  que, 
de  proche  en  proche,  tous  les  maires  de  France 
furent  avertis,  par  Mirabeau,  que  des  bandes  armées 
allaient  se  répandre  dans  le  pays  pour  y  commettre 
toutes  sortes  de  méfaits  et  qu'il  était  bon,  dans  ce 
cas,  que  chacun  prit  les  mesures  nécessaires  pour 
résister  aux  envahisseurs  (9). 

Les  événements  auxquels  cette  prétendue  lettre 
de  Mirabeau  faisait  allusion  se  produisirenten  1789, 
huit  ans  après  la  venue  de  Mirabeau  au  Saillant. 
Celte  année  fut,  pour  cela,  désignée  sous  le  nom 
à'Année  de  la  Peur. 

«  Grande  fut  l'émotion  causée  par  la  prise  de  la 

(1)  Serait-ce  la  pomme  dite  Sainte-Germaine? 
(3}  Ces  renseiguementa  ont  été  fournis,  \'aa  par  M.  Firmin'Ohou- 
zeuoux,  d'Objat,  l'autre  par  M.  Touroet  père,  forgeron  au  Saillant. 
T.  XX.  4-3 


;     yCoOt^lC 


-510  — 

Bastille  !  dit  M.  Victor  de  Seilhac  dans  son  livre  : 
Scènes  et  portraits  de  la  Révolution  en  Bas- 
Limousin. 

«  Tout  à  coup,  dans  la  France  entière,  le  même 
jour,  dans  les  villes,  dans  les  villages,  au  fond  du 
plus  pauvre  hameau,  la  peur,  comme  une  tempête, 
envahit  les  cœurs  et  ouvre  ses  abîmes....  » 

«  Dans  notre  pays,  on  parle  encore  en  tremblant 
de  cette  terrible  peur...  On  fuyait  dans  les  bois,  on 
emportait  les  vieillards,  les  enfants,  les  reliques  du 
foyer,  les  trésors  de  la  famille  ;  on  s'armait  comme 
à  l'approche  de  l'ennemi . . .  Les  femmes  se  réfugiaient 
dans  les  églises,  et,  au  glas  du  toscin,  priaient  Dieu 
d'écarter  le  danger  ». 

Au  Saillant,  les  gens  se  réfugièrent  dans  la  gorge 
avec  leurs  meubles,  tandis  que,  dans  les  villes,  les 
citoyens  s'armaient  et  allaient  à  la  rencontre  de  cet 
inconnu  qui,  jamais,  ne  parut. 

Il  est  assez  singulier  que  la  tradition  recueillie  au 
Saillant  fasse  remonter  à  Mirabeau  et  à  l'époque  où 
il  séjournait  en  Bas-Limousin  l'origine  de  ces  «jour- 
nées de  brigands»,  ainsi  qu'elles  sont  désignées 
dans  le  pays.  Ce  danger  imaginaire  fut  sans  doute 
déterminé  par  l'exaltation  des  esprits  et  par  les 
bruits,  mal  interprétés  et  exagérés,  qui  se  répandi- 
rent en  province  après  les  événements  du  14  juil- 
let 1789. 


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■  de  Mirabeau  après  la  séparation.  —  L'abandon.  ■-  Mirabeau 
et  la  Révolution.  —  Cabanis.  —  Mort  de  Mirabeau. 


Quoique  séparés  judiciairement,  le  marquis  de 
Mirabeau  et  sa  femme  n'en  continuèrent  pas  moins 
à  se  f^ire  la  guerre.  Dès  qu'elle  fut  installée  à 
Aigueperse,  M°"  de  Mirabeau  organisa  sa  maison  et 
appela  à  son  service  tout  un  contingent  de  régisseurs 
etd'avocatsqui  ne  firent  que  l'exploiter  odieusement. 

Très  fière  de  sa  noblesse,  forte  de  ses  droits  sei- 
gneuriaux, elle  entendit  défendre  ses  immunités  et 
prérogatives  contre  les  prétentions  des  bourgeois 
de  sa  baronnie.  Puis  elle  se  rendit  dans  sa  terre  de 
Brie  dont  elle  avait  cbassé  sa  fille,  la  marquise  du 
Saillant,  quelque  temps  auparavant. 

Se  retournant  ensuite  contre  son  mari,  elle  exigea 
que  le  règlement  des  comptes  qu'ils  avaient  ensem- 
ble fût  rapidement  liquidé.  Le  marquis,  à  ce  mo- 
ment, était  dans  une  situation  très  précaire.  Le 
jugement  rendu  contre  lui  ne  lui  permettait  plus 
désormais  de  jouir  de  la  fortune  de  sa  femme  et 
M""  de  Pailly  lui  réclamait  plusieurs  milliers  de 
francs  qu'elle  lui  avait  prêtés  jadis.  11  avait  aussi 
aliéné  ses  forges  du  Limousin  pour  pouvoir  donner 
de  l'extension  aux  mines  de  Glanges,  près  de  Pier- 
rebuffière,  en  affectant  à  cette  exploitation  le  produit 
de  la  vente  des  forges  ;  mais  il  n'avait  pu  faire 
admettre  que  cette  opération  avait  été  consentie  par 


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-  512- 

sa  femme.  Ce  qui  Tobligea  à  rembourser  à  celte 
dernière  l'argent  provenant  de  cette  mutation.  Par 
surcroît,  la  santé  du  marquis,  ébranlée  par  tant  de 
vicissitudes  et  de  déboires  ajoutés  au  poids  des  ans, 
ne  laissait  pas  que  d'inspirer  de  sérieuses  inquié- 
tudes. La  liquidation  fut  donc  longue  et  difficile. 
Quand  elle  fut  terminée,  les  deux  époux  s'aperçu- 
rent qu'ils  étaient,  l'un  comme  l'autre,  ruinés.  La 
passion  du  jeu,  le  désordre  de  sa  maison,  les  procès, 
la  nuée  d'agents  qui  vivaient  aux  dépens  de  ses 
caprices,  de  ses  fantaisies  et  de  ses  prodigalités, 
devaient  avoir  bien  vite  raison  de  l'immense  fortune 
do  la  marquise. 

La  venue  de  M'""  de  Mirabeau  dans  ses  terres 
limousines  avait,  comme  on  l'a  vu,  rempli  de  joie 
ses  vassaux,  qui  croyaient  devoir  compter  sur  sa 
générosité  et  sa  bonté  d'âme.  Us  ne  tardèrent  pas 
à  s'apercevoir  que  leur  confiance  avait  été  mal  pla- 
cée. Les  longues  querelles  qu'elle  avait  eues  avec 
son  mari,  les  graves  dissentiments  qui  avaient  éclaté 
entre  elle  et  ses  enfants,  ses  séquestrations,  le  tout 
joint  à.ses  insticts  turbulents  et  cbicaniers,  avaient 
aigri  le  caractère  de  la  fille  du  baron  de  Pierrebuf- 
fière.  Elle  conserva  d'assez  bonnes  relations  avec  la 
haute  société  limousine,  mais  elle  s'aliéna  par  des 
tracasseries  inopportunes,  par  des  exigences  souvent 
dures,  toute  la  classe  des  bourgeois,  des  artisans  et 
des  paysans,  u  Ils  furent  sans  pitié  à  son  égard,  dit 
l'abbé  Granet.  Tous  ses  malheurs  les  laissèrent 
froids.  Cependant,  si  les  habitants  de  Pierrebuffière 
avaient  voulu  réfléchir  un  moment,  ils  lui  auraient 
trouvé  une  excuse  ;  elle  fut  si  malheureuse,  si  sou- 


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vent  victime  ;  victime  de  ses  parents  qui  rélevèrent 
mal,  victime  de  son  mari,  des  hommes  d'affaires 
qui  se  coalisèrent  pour  la  tromper  et  la  voler,  enfin, 
victime  de  son  propre  caractère  dont  les  emporte- 
ments lui  firent  tant  d'ennemis.  Mais  les  masses 
n'ont  guère  de  commisération  pour  un  adversaire, 
et  M™*  de  Mirabeau  en  fut  un  pour  les  bourgeois  de 
Pierrebuffière.  Son  langage  trouve  encore  son  par- 
don dans  l'état  de  détresse  où  la  marquise  était 
alors  ». 

«  Elle  se  trouvait  des  droits  là  où  elle  n'en  pos- 
séda jamais;  elle  s'était  fait  une  conscience  de 
propriétaire  noyé  et  si,  comme  nous  le  dit  Bossuet, 
l'homme  qui  est  dans  le  besoin  perd  la  moitié  de 
son  esprit,  jl  n'en  restait  plus  guère  à  la  marquise. 
Il  fallait  se  défendre  contre  ses  prétentions,  mais  il 
fallait  aussi  l'excuser.  Ignorante  des  affaires,  elle 
était  entourée  de  gens  avides,  dont  quelques-uns 
s'enrichirent  de  ses  dépouilles,  qui  lui  donnèrent 
les  plus  mauvais  conseils,  lui  firent  entreprendre 
des  procès  absurdes  qu'elle  perdit  nécessairement. 
Assez  peu  intelligente  pour  le  comprendre,  elle  les 
supporta  jusqu'à  la  fin  et  ce  n'est  que  quand  ils 
eurent  achevé  sa  ruine  qu'elle  les  congédia  les  uns 
après  les  autres». 

La  marquise  tombait  de  plus  en  plus  dans  un  état 
de  dénùment  complet.  Après  avoir  diminué  son 
train  de  maison,  congédié  ses  domestiques  les  plus 
fidèles,  elle  emprunta  de  l'argent  à  de  forts  intérêts 
et  continua  ainsi  à  se  faire  exploiter.  Elle  en  était 
réduite,  nous  apprend  l'auteur  de  Madame  de 


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MirabeaUf  à  demander  à  son  homme  d'aftaires  du 
fil  blanc  pour  se  faire  des  bas  de  dessus^  du  linge  et 
de  la  toile  à  chemise.  Par  sa  façon  de  faire,  elle 
justifia  cette  opinion  du  bailli  de  Mirabeau,  qui 
écrivait  à  son  frère  :  «  Rends-lui  sa  liberté  et  ses 
biens,  elle  se  chargera  elle-même  de  te  venger  et 
de  te  justifier  ». 

Elle  vint  à  Paris  dans  le  but  de  se  procurer  de 
l'argent,  mais  elle  ne  put  trouver  personne  qui  con- 
sentit à  lui  rendre  service.  Son  fils  aîné,  réconcilié 
avec  elle,  avec  des  alternatives  de  hauts  et  de  bas, 
lui  négocia  un  emprunt  qui  réussit.  Mais  il  était 
msuffisant  pour  la  remettre  à  flot.  Sans  doute, 
toute  la  fortune  des  Yassan  n'avait  pas  sombré  ; 
il  en  restait  encore  de  beaux  morceaux,  mais  l'ar- 
gent ne  passait  entre  ses  mains  que  pour  aller 
emplir  les  poches  de  la  meute  des  créanciers  qu'elle 
avait  à  ses  trousses. 

Bientôt  M"*  de  Mirabeau  connut  la  noire  misère. 
Elle  ne  buvait  plus  de  vin  et  n'avait  souvent  pas  de 
quoi  payer  les  envois  de  victuailles  que  M.  de 
Magardeau  lui  adressait  du  Limousin .  Chassée,  pour 
faute  de  paiement,  des  appartements  qu'elle  occupa 
successivement  à  Paris,  elle  s'en  fut  dans  un  taudis 
de  la  rue  Saint-Dominique.  Le  vide  se  fît  peu  à  peu 
autour  d'elle.  Son  fils  aîné,  qu'elle  accusait  de 
l'avoir  trompée  dans  l'emprunt  qu'il  lui  négocia, 
l'avait  abandonnée  ;  son  autre  fils^  André- Bon iface, 
dut  rompre  aussi  avec  elle  parce,  qu'il  avait  refusé 
de  lui  présenter  sa  femme,  le  lendemain  de  son 
mariage,  afin  d'épargner  à  son  épouse  le  spectacle 
attristant  de  tant  de  détresse  ;  sa  fille,  la  marquise 


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de  Cabris,  ne  la  voyait  plus.  Quant  à  M"*  du  Saillant, 
il  y  avait  longtemps  qu'elle  était  brouillée  avec  elle. 

«  Les  douleurs  me  dévorent,  mon  cher  Magar- 
deau,  écrivait  M°"  de  Mirabeau,  mais  les  peines  me 
torturent  bien  davantage.  Je  suis  seule  maintenant, 
je  n'ai  plus  d'enfants,  je  n'ai  que  des  ennemis.  Ils 
ont  pris  à  lâche  sans  doute  de  continuer  l'œuvre 
de  persécution  de  leur  père  qui  se  meurt.  Mais  si 
les  forces  diminuent  chez  moi,  le  courage  ne  s'af- 
faiblit pas  et  la  volonté  est  encore  énergique.  Je 
voudrais  quitter  la  capitale  et  retourner  en  Limou- 
sin. Mais  bien  des  choses  me  manquent  :  tout  d'abord 
les  moyens  de  faire  le  voyage  ;  je  n'ai  pas  d'argent... 
Si  Monsieur  meurt  (on  dit  qu'il  est  si  malade),  je 
veux  punir  les  ingrats  et  disposer  de  mon  bien 
suivant  mon  cœur,  et  mes  enfants  reconnaîtront, 
mais  trop  tard,  que  si  la  nature  réclame  ses  droits, 
la  justice  a  aussi  les  siens.. .  b 

Cependant  de  graves  événements  se  préparaient. 
Le  roi,  justement  ému  de  la  situation  malheureuse 
dans  laquelle  se  trouvait  la  France,  venait  de  déci- 
der la  convocation  des  Etats-Généraux  du  royaume. 
Pendant  que  Mirabeau  lejeune,  André- Boniface,  se 
présentait  avec  succès  aux  suffrages  de  la  noblesse 
du  Haut- Limousin,  son  frère  aîné,  Gabriel -Honoré, 
dédaigné  des  nobles  qui  ne  pouvaient  lui  pardonner 
ses  frasques  de  jeunesse,  sa  séparation  avec  la  fille 
du  marquis  de  Marignane,  se  faisait  élire  par  le 
Tiers-Etat  de  Provence,  à  Marseille  et  à  Aix. 

Il  n'entre  pas  dans  le  cadre  de  cette  étude  de  par- 
ler du  l'Ole  politique  de  Mirabeau  l'alné  à  l'Assem- 
blée Constituante.  On  sait  quelle  énorme  influence 


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il  exerça  sur  la  marche  des  idées  réformistes  de 
1789  et  avec  quelle  maîtrise  il  s'affirma  comme 
orateur  et  comme  homme  d'Etat. 

«  Et  cependant,  malgré  ses  dons  incomparables 
d'éloquence,  nous  dit  M.  Auguste  Dide,  malgré 
son  art  de  grand  séducteur,  Mirabeau  fut  mal  ac- 
cueilli à  Versailles,  et  arriva  à  la  gloire  sans  par- 
venir à  la  considération.  On  ne  lui  parlait  pas;  on 
considérait,  même  à  gauche,  sa  présence  comme  un 
scandale.  Outre  que  ce  transfuge  de  la  noblesse 
n'inspirât  nulle  confiance,  une  légende  déshono- 
rante s'attachait  à  son  nom.  Les  calomnies  de  son 
père  avaient  fait  leur  chemin,  et  tous  les  vices  sem- 
blaient marqués  hideusement  sur  cette  figure  rava- 
gée. UAmi  des  Hommes,  qui  avait  obtenu  contre 
son  fllsjusqu'à  dix-sept  lettres  de  cachet,  avait  laissé 
publier,  lors  du  procès  d'Aix,  un  recueil  de  ses 
lettres  intimes  où  il  disait  de  Mirabeau  tout  ce  que 
pouvaient  lui  inspirer  la  colère  et  la  haine.  Dénoncé 
comme  un  mauvais  fils,  un  mauvais  époux,  un 
mauvais  père,  signalé  comme  un  écrivain  vénal  et 
sans  honneur,  accusé  de  toutes  les  bassesses  et 
presque  de  tous  les  crimes,  comment  Mirabeau 
aurait-il  pu  être  tenu  pour  un  bon  citoyen  ?  Déboires, 
affronts,  mépris  les  moins  déguisés,  il  subit  tout  et 
accepta  tout.  «  Dans  certains  moments,  écrit  Etienne 
Dûment  (son  secrétaire),  il  aurait  consenti  à  passer 
à  travers  les  flammes  pour  purifier  le  nom  de 
Mirabeau.  Je  l'ai  vu  pleurer,  à  demi  suffoqué  de 
douleur,  en  disant  avec  amertume  :  «  J^expie  bien 
cruellement  les  erreurs  de  ma  jeunesse  » .  Le 
'^8  avril  1790,  il  écrivait  à  La  Favette  :  «  Je  suis  sans 


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cesse  dévoré  par  ces  vers  rongeurs  qui  répandent  un 
si  cruel  poison  sur  ma  vie,  qui  me  rendent  le  moin- 
dre succès,  la  moindre  faveur  populaire,  mille  fois 
plus  difficile  à  obtenir  qu'à  tout  autre  »  (i). 

D'autre  part,  notre  distingué  compatriote,  M.  J. 
Roux ,  a  tracé  de  Mirabeau  le  portrait  suivant  dans 
les  Nouvelles  Pensées  : 

«  Mirabeau,  trop  élevé  par  les  uns,  trop  rabaissé 
par  les  autres,  apparaît  colossal  dans  sa  taille  vraie. 

»  L'homme  fut  ce  que  Ton  sait  ;  le  citoyen  n'est 
pas  sans  reproche  ;  l'orateur  est  admirable. 

»  Démosthène,  O'Connell,  voilà  les  deux  bouches, 
surtout  les  deux  cœurs  qu'il  n'égala  point;  le  reste 
vient  après  lui. 

«  Timon-Cormenin  raconte  que  Mirabeau,  hideux 
à  voir  de  près,  se  détachait  à  distance  majestueux 
et  splendide.  Tel  est  son  verbe,  rugueux  et  âpre  à 
lire,  sans  doute  large,  et  retentissant,  et  superbe  à 
entendre. 

»  Qu'il  est  incorrect,  désordonné,  inégal.  Sur 
quels  cahots  sa  [lensée  roule,  sa  parole  rebondit  ! 

s  Mais  aussi  quel  souffle  robuste  !  quelle  langue 
subjuguante!  quelle  vue  prophétique! 

»  C'est  une  fournaise  chauffée  sept  fois,  où  tout 
s'abîme,  se  fond  et  se  transforme. 

»  Son  verdict,  quel  qu'il  soit,  est  sans  appel  ;  il  a 
droit  de  vie  et  de  mort. 

»  Trop  philosophe,  il  confondit  ce  qui  passe  et 
ce  qui  demeure,  le  règne  de  l'homme  et  le  règne 


(1)  Auguste  Dide.  Lef  ornleurs   de   l'Af»cmbléc  Continua 
[La  Héootulion  françatie,  revue,  iS&l). 


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_  518  — 

de  Dieu.  Nos  ancêtres  disaient  :  «  Le  Christ  aime  les 
Francs  »,  Chriatus  amat  Francos.  L'amant  de 
Sophie  ne  voulut  pas  de  cet  amour  des  Francs  et 
du  Christ  ;  n'osa-t-il  pas  s'écrier  :  «  Je  décatholici- 
serai  la  France  !  »   Toujours  ce  rêve  des  âmes 


ï  Barnave,  Maury,  Cazalès  sont  orateurs  de  ta- 
lent ;  par  malheur,  la  passion  leur  manqua,  cette 
mystérieuse  passion  qui  fmit  le  plus  souvent  par 
obtenir  gain  de  cause. 

B  Regardez  Mirabeau,  regardez-le!  Il  se  lève,  se 
dresse,  se  dilate,  se  hausse  à  l'inûni  ;  et  puis,  tom- 
bant profond  et  vaste  sur  l'adversaire,  il  l'écrase. 

s  Le  Galiléen  »  lui-même,  trahi  par  beaucoup 
des  siens,  parut  quelque  temps  reculer  devant  lui, 
mais  pour  revenir  victorieux  et  clément,  nonobstant 
les  ruines  amoncelées. 

i>  Puissant  pour  détruire,  il  lui  fut  refusé  de  sau- 
ver la  monarchie.  Son  cadavre  précéda  de  peu  le 
corps  décapité  du  roi. 

a  La  Roche  Tarpéienne  est  prés  du  Capitole!  » 
Cette  menace  païenne  hantait  ses  lèvres.  A  la  vérité, 
il  devait  avoir  moins  que  la  Roche  Tarpéienne, 
moins  que  les  Gémonies,  l'égout  ! 

i>  Ce  génie  sinistre  plongea,  en  s'éteignant,  la 
France  dans  la  consternation,  pareil  à  ces  météores 
dont  l'apparition  effraye  et  ravit,  et  qui  laissent 
après  eux  des  ténèbres  sans  lueur,  des  terreurs  sans 
espérance...  i>. 

Au  moment  même  où  le  peuple  de  Paris  se  dis- 
posait à  prendre  la  Bastille,  le  marquis  de  Mirabeau 
mourut  subitement,  le  13  juillet  1789,  à  Argenteuil, 


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où  il  s'était  retiré,  en  écoutant  ta  lecture  d'une 
lettre  que  lui  faisait  sa  petite-fille  du  Saillant,  la 
marqt^ise  d'Aragon.  Il  s'éteignit  en  présence  de 
M""  du  Pailly,  qui  lui  était  restée  fidèle  dans  tous 
ses  revers,  de  M"*  du  Saillant  et  de  ses  enfants,  de 
M""  la  vicomtesse  de  Minibeau,  sa  belle-fille,  et  de 
son  fils  Victor,  mais  loin  de  ses  deux  fils,  Gabriel- 
Honoré  et  André -Boniface,  retenus  à  Paris  et  à 
Versailles  par  les  graves  événements  politiques  qui 
se  déroulaient. 

Mirabeau  l'alné  fut  très  chagrin  de  la  mort  de  son 
père,  dont  il  oublia,  à  cette  heure  suprême^  tous 
les  torts  :  «  La  perte  de  mon  père,  écrivit-il,  met  en 
deuil  les  vrais  citoyens  du  monde  s.  Il  faut  dire,  à  la 
décharge  de  l'Ami  des  Hommes,  que  le  triomphe 
de  Gabriel-Honoré  à  l'Assemblée  Nationale  avait 
fortement  flatté  son  amour-propre  et  provoqué,  de 
sa  part,  des  approbations  et  des  encouragements. 

Deux  jours  après  la  mort  de  son  père,  dans  l'en- 
ceinte même  de  l'Assemblée,  à  Versailles,  Mirabeau 
faisait  la  connaissance  de  notre  compatriote,  Caba- 
nis (1).  n  lui  fut  présenté  par  Garât  le  jeune  et 
Volney.  De  ce  moment,  datent  les  relations  cordiales 
que  le  chef  des  Idéologues  eut  avec  le  puissant 
orateur. 

La  santé  de  Mirabeau  n'était  pas  des  plus  bril* 
lantes.  Sa  vie  agitée,  ses  diverses  captivités,  le  sur- 
menage qui  résultait  de  la  part  qu'il  prenait  aux 
affaires  publiques,  avaient  quelque  peu  détraqué 
son  estomac.  11  pria  Cabanis  de  lui  donner  ses  soins. 

(1)  Ne  à  Cosnnc,  près  Brive. 


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Mais  l'insouciance  qu'il  mettait  le  plus  souvent  à 
ne  pas  suivre  les  ordres  de  son  docteur,  affectait 
beaucoup  ce  dernier  :  «  Ce  pauvre  Cabanis,. disait- 
il,  quelle  journée  cruelle  je  lui  fais  passer.  Combien 
il  doit  être  en  peine  !  que  d'inquiétude  je  lui 
donne!  » 

Cependant  le  mal  faisait  de  grands  progrès.  Mira- 
beau dut  s'aliter.  Il  ne  devait  plus  se  relever.  A  part 
quelques  intimes  amis  et  Cabanis  qui  le  soignait, 
personne nefutadmisàvoir  le  malade.  «Sa  famille, 
dit  Cabanis  dans  son  Journal  de  la  maladie  et 
de  la  mort  de  Mirabeau,  n'était  pas  exceptée  des 
ordres  qu'il  avait  donnés  à  sa  porte.  On  sait  qu'il 
avait  peu  de  relations  avec  le  plus  grand  nombre  des 
individus  qui  la  composent.  Leur  opinion  relative- 
ment aux  affaires  publiques,  et  leur  conduite  parti- 
culière, relativement  à  lui,  le  mettaient  en  droit 
d'écarter  des  caresses  feintes.  Mais  il  avait  toujours 
aimé  tendrement  M""  du  Saillant,  sa  sœur,  femme 
respectable,  si  digne  de  son  affection  par  la  noblesse 
de  son  caractère,  et  par  cette  bonté  touchante  qui 
la  rend  vénérable  et  chère  à  tout  ce  qui  l'approche. 
Il  la  fit  prier  de  venir  chez  lui  avec  M"'  d'Aragon,  sa 
fille,  etavecses  autres  enfants,  qu'il  regardait  comme 
les  siens  propres  ;  et,  dans  un  moment  de  calme,  il 
voulut  la  voir,  pour  la  rassurer  et  lui  donner  les 
dernières  marques  de  ses  sentiments  plus  que  fra- 
ternels ». 

Depuis  que  Mirabeau  s'était  jeté  dans  le  mouve- 
ment révolutionnaire,  M""  du  Saillant  avait  ouvert 
son  salon  aux  amis  politiques  de  son  frère  et  même 
à  ses  adversaires  de  la  droite,  qui  ne  dédaignaient 


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pas  d'entamer  de  vives  mais  courtoises  discussions 
avec  le  chef  de  la  gauche.  M°"  du  Saillant  ne  cessait, 
d'ailleurs^  de  recevoir  de  Mirabeau,  soit  par  lettre 
soit  oralement,  des  avis  sur  la  conduite  des  affaires 
publiques.  Maintes  fois,  il  alla  jusqu'à  demander  à 
sa  sœur  des  conseils  et  des  indications.  11  n'est  donc 
pas  étonnant,  comme  le  dit  Cabanis,  que  Mirabeau, 
pendant  sa  maladie,  ait  sollicité  la  venue  de  M™  du 
Saillant  à  son  chevet. 

Il  en  fut  autrement  de  sa  mère.  La  pauvre  femme, 
errante,  misérable,  délaissée  de  tous,  était  venue 
chez  son  fils  pour  le  voir  :  les  portes  lui  furent 
impitoyablement  fermées.  Une  lettre,  publiée  dans 
le  Jownal  de  la  Cour  et  de  la  Ville  {l),  portant 
la  signature  de  M""  de  Mirabeau,  nous  apprend  que 
celle-ci  accusait  nettement  M""  du  Saillant  de  l'avoir 
empêchée  de  recevoir  le  dernier  soupir  de  son  fils; 
a  Elle  prétend,  dit  M.  de  Loménie,  que  la  veille  de 
la  mort  du  tribun,  elle  est  restée  six  heures  et 
demie  dans  sa  cour,  sous  un  hangar,  sans  pouvoir 
obtenir  qu'on  lui  permit  de  le  voir  ;  mais  comme 
elle  avoue  naïvement  que  rien  ne  l'aurait  empêchée 
de  monter  «  si  je  n'avais  pas  craint,  dit-elle,  une 
révolution  et  qu'on  ne  m'accusât  de  l'avoir  fait 
mourir»,  elle  justifia  elle-même  sa  fille  qui,  cer- 
tainement, n'aurait  pas  pris  sur  elle  d'empêcher 
cette  dernière  entrevue  entre  la  mère  et  le  fils,  si 
le  mourant,  qui,  d'ailleurs,  avait  toute  sa  tête,  ne 
s'y  était  absolument  opposé.  La  protestation  se 
termine  brusquement  par  cette  phrase  curieuse  où 


(1)  Journal  fondé  par  le  Tutur  marécbal  Hruae. 


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l'on  voit,  sous  le  masque  de  la  nière  désolée,  percer 
le  sentiment  qui  chez  elle  domine  tous  les  autres  : 
«  J'avais  et  j'aurais  tout  fait  pour  sauver  ce  fils, 
pour  lequel  je  m'étais  engagée  dans  des  temps 
malheureux  et  je  n'en  suis  pas  encore  libérée  ». 

Cabanis  avait  ordonné,  pendant  les  dernières  cri- 
ses, du  quinquina,  dans  le  but  de  faire  tomber  la 
fièvre.  Le  médicament  eut  peu  de  succès:  «Tu  es 
un  grand  médecin,  dit  Mirabeau  à  Cabanis,  mais  il 
est  un  plus  grand  médecin  que  toi,  l'auteur  du  vent 
qui  renverse  tout,  de  l'eau  qui  pénétre  et  féconde 
tout,  du  feu  qui  vivifie  ou  décompose  tout  ». 

Le  vendredi,  quatrième  jour  de  sa  maladie, 
M"'  de  Mirabeau  envoya  son  curé  à  son  fils.  Le  prê- 
tre resta  trois  heures  dans  l'antichambre  sans  par- 
venir à  être  introduit  auprès  du  moribond. 

Le  matin  du  jour  où  il  devait  mourir,  Mirabeau 
fit  ouvrir  les  fenêtres  de  sa  chambre  et  dit  à  Cabanis  : 
«  Mon  ami,  je  mourrai  aujourd'hui.  Quand  on  en 
est  là,  il  ne  reste  plus  qu'une  chose  à  faire:  c'est 
de  se  parfumer,  de  se  couronner  de  fleurs,  et  de 
s'environner  de  musique,  afin  d'entrer  agréable- 
ment dans  ce  sommeil  dont  on  ne  se  réveille  plus  ». 
Il  lui  dit  encore  ;  «  Approchez  donc,  Monsieur  l'ama- 
teur des  belles  morts,  vous  verrez  la  mienne  ». 

a  Les  douleurs  devenaient  atroces,  dit  Cabanis 
dans  son  journal  publié  en  l'an  XL  On  me  trompe, 
dit  à  La  Marck,  le  malheureux  agonisant.  —  Non, 
l'on  ne  vous  trompe  pas  :  le  remède  arrive  ;  nous 
l'avons  vu  ordonner.  —  Oh  !  les  médecins,  reprit-il. 
Et  se  tournant  vers  moi,  avec  un  air  mêlé  de  colère 
et  de  tendresse  :  a  N'étiez-vous  pas  mon  médecin 


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et  mon  ami  ?  Ne  m'aviez-vous  pas  promis  de  m'épar* 
gnerles  douleurs  d'une  pareille  mort  ?  Voulez-vous 
que  j'emporte  le  regret  de  vous  avoir  donné  ma 
confiance?  ^  Ces  paroles,  les  dernières  qu'il  ait 
prononcées,  retentissent  sans  cesse  à  mon  oreille. 
11  se  tourna  sur  le  côté  droit  dans  un  mouvement 
convulsif,  et  ses  yeux  s'étant  élevés  vers  le  ciel,  il 
expira  dans  nos  bras  vers  les  huit  heures  et  demie. 
C'est  à  peu  près  à  la  même  heure  que,  la  veille, 
entendant  tirer  des  coups  de  canon,  il  s'était  écrié 
comme  en  sursaut  :  «  N'est-ce  pas  là  le  commence- 
ment des  funérailles  d'Achille  ?. . .  »  M .  Petit,  debout 
et  pensif  au  pied  de  son  lit,  nous  dit:  il  ne  souffre 
plus». 

Avant  de  mourir,  Mirabeau  prit  ses  dernières  dis- 
positions testamentaires.  Il  désigna  son  neveu,  le 
comte  du  Saillant,  fils  aîné  de  sa  sœur,  pour  héritier 
et  légataire  universel.  Il  laissa  aussi  des  rentes  via- 
gères à  ses  nièces,  à  Cabanis  et  à  diverses  autres 
personnes,  et  demanda  à  être  enterré  avec  son  père, 
à  Argenteuil. 

La  mort  de  Mirabeau  fut  considérée  comme  une 
calamité  publique  et  plongea  Paris  dans  une  morne 
et  profonde  tristesse.  On  fit  au  célèbre  tribun  des 
funérailles  magnifiques  et  son  corps,  contrairement 
à  sa  volonté,  fut  porté  au  Panthéon,  ouvert  depuis 
peu  aux  mânes  des  grands  hommes  !  (1). 


(1)  plus  tard,  quand  la  passion  politique  s'acharna  sur  la  mémoire 
de  Mirabeau,  que  l'opiniou  accusait  de  trahison  et  de  vénalité,  son 
corps  fut  retiré  du  Panthéon.  Îa  popularité  est  la  grande  impudi- 
que !  Aujourd'hui  elle  adule,  demain  elle  ch&tje  cruellement  se^ 
idoles  de  la  veille I... 


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Les  dernières  années  de  M"  de  Mirabeau.  —  La  vie  d'André- 
Boniface  dit  Mirabeau- Tonneau.  —  Le  champioa  de  l'eitréme- 
droite.  —  A  l'année  de  Condé  :  Les  Minbeaux.  —  La  descendance 
limousine  des  Mirabeau. 

L'état  de  détresse,  dans  lequel  M"'  de  Mirabeau 
était  tombée  en  1791,  n'avait  pas  mis  un  terme 
aux  débordements  de  son  humeui-  processive.  Fu- 
rieuse de  voir  que  le  testament  de  son  fils  aîné 
était  muet  à  son  égard  et  qu'il  favorisait  les  enfants 
du  Saillant,  elle  résolut  de  l'attaquer  et,  à  cetefFet, 
ouvrit  la  procédure. 

Seule,  abandonnée  de  tous  les  siens,  sans  argent, 
couverte  de  dettes,  elle  chercha  à  entrer  en  grâce 
auprès  de  son  second  fils,  le  vicomte  André-Boniface 
et  parvint  à  se  réconcilier  avec  lui .  «  Je  t'ai  toujours 
regardé,  lui  écrivait-elle,  mon  cher  fils,  comme  ma 
consolation  ;  j'en  ai  besoin,  la  nature  ne  perd  jamais 
ses  droits  ;  au  moment  où  j'ai  appris  la  maladie  de 
ton  frère,  j'ai  resté  six  heures  et  demie  sous  un 
hangar,  dans  sa  cour,  sans  lui  faire  dire,  de  peur  de 
lui  causer  une  révolution.  Les  autres  jours,  j'étais  à 
sa  porte  pour  en  savoir  à  chaque  minute  des  nou- 
velles, les  cinq  jours  de  sa  maladie  étant  chez  une 
amie.  Cette  M"'  du  Saillant  s'est  emparée  de  lui 
ainsi  que  son  fils  ;  ils  avaient  leur  raison,  ainsi  que 
ses  filles  ;  ils  avaient  gagné  les  mauvais  sujets  qui 
entouraient  mon  fils  ».  Elle  ajoute  qu'elle  va  atta- 
quer le  testament,  se  basant  sur  l'interdiction  civile 

T.  XX.  *  -    4 


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qui  frappait  Mirabeau  l'atné  depuis  1774  et  lui 
enlevait  la  liberté  de  tester. 

Au  moment  où  Mirabeau  était  en  pleine  popula- 
rité, sa  mère  s'était  souvent  présentée  chez  lui  à 
a  l'état  de  créancière  exigeante  et  irritée  n,  il  avait 
fini  par  lui  condamner  sa  porte,  ce  qui  explique  sa 
sévérité  à  l'égard  des  amis  de  son  fils  qui  recueilli- 
rent son  dernier  soupir. 

Les  années  suivantes  n'apportèrent  aucun  chan- 
gement à  la  situation  matérielle  de  M""  de  Mirabeau. 
Le  vide  s'était  fait  de  plus  en  plus  autour  d'elle. 
«  11  est  cruel  pour  moi,  disait-elle,  d'être  séparée  de 
toute  ma  famille,  en  butte  à  toutes  les  horreurs,  ne 
respirer  que  des  regrets  et  n'exister  que  par  la 
douleur  ». 

La  marquise  continua  donc  à  vivre  d'expédients, 
loin  des  siens,  dans  un  état  de  gène  permanent.  Elle 
tira  de  son  notaire  autant  d'argent  qu'elle  put,  en 
dépit  de  ses  résistances  ;  mais  un  abbé,  qui  lui  ser- 
vait de  soutien  et  de  consolation  suivant  ses  propres 
expressions,  acheva  de  la  gruger. 

Cependant  les  événements  politiques  prenaient 
une  tournure  peu  favorable  aux  personnes  d'origine 
noble.  Après  la  chute  des  Girondins,  tout  ce  qui  était 
réputé,  soit  par  le  nom,  les  attaches  de  famille, 
soit  par  le  regret  que  pouvait  causer  la  disparition 
de  l'ancien  ordre  de  choses,  entaché  d'aristocra- 
tisme,  fut  déclaré  suspect.  M""  de  Mirabeau,  par 
son  passé,  son  rang,  le  nom  qu'elle  portait,  ne 
pouvait  échapper  aux  suspicions  des  «  patriotes  ». 
Elle  fut-arrètée  vers  le  milieu  de  l'année  1793  et 
emprisonnée. 


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-  527  — 

Peadant  sa  captivité,  elle  fit  montre  du  plus 
ardent  «  civisme  » .  Tout  porte  à  croire  que  ses  opi- 
nions républicaines  qu'elle  affirmait  hautement, 
jointes  à  l'état  de  détresse  dans  lequel  elle  se  trou- 
vait au  moment  de  son  incarcération,  sauvèrent  de 
l'échafaud  la  veuve  de  VAmi  des  Hommes,  mère 
de  Mirabeau  l'ainé  et  de  Mirabeau -Tonneau,  —  émi- 
gré, ayant  porté  les  armes  contre  son  pays,  —  et  deux 
fois  noble  par  le  sang  et  par  son  alliance  avec  le 
marquis  de  Mirabeau. 

Cependant,  le  Neuf-Thermidor  ne  lui  ouvrit  pas 
de  suite  les  portes  de  sa  prison.  Ce  n'est  qu'en  sep- 
tembre 1794  que  la  s  citoyenne  Mirabeau  »  fut  re- 
laxée. Elle  ne  devait  pas  jouir  longtemps  de  la  vie  et 
de  la  liberté,  car,  deux  mois  après  sa  libération,  elle 
mourut,  en  novembre  1794,  à  l'âge  de  69  ans,  en 
laissant  plus  de  quatre  cent  mille  livres  de  det- 
tes!... (1). 

Il  nous  faut,  k  présent,  fixer  notre  attention  sur 
le  second  fils  du  marquis  et  de  la  marquise,  le 
vicomte  André-Boniface-Louis.  Pour  être  moins 
connu  et  moins  célèbre  que  son  aîné,  il  n'en  est 
pas  moins  intéressant  à  étudier  dans  son  existence 
tourmentée  et  aventureuse  de  gentilhomme  soldat 
et  d'homme  politique. 

Il  naquit  au  Bignon  le  30  novembre  1754  ;  fait 
chevalier  de  Malte  à  son  berceau,  il  fut  tout  d'abord 
élevé  dans  sa  famille,  puis  chez  les  Barnabites  de 
Montargis. 


(1}  Voir  à  ce  sujet  les  tomes  IV  et  V  de  l'ouvrage  de  Loménie, 
Les  Miraiteau. 


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—  528  — 

Son  père  eut  une  affection  toute  particulière  pour 
lui,  parce  que,  disait-il,  ce  iils  lui  rappelait  tous  les 
caractères  de  sa  lamille,  et  il  le  désignait  sous  le 
nom  a  d'enfant  chéri  ».  Sa  grand'-mère  de  Vassan, 
frappée  de  sa  gentillesse,  de  ses  espiègleries,  avait 
pour  lui  des  trésors  de  tendresses.  Aussi,  quand  elle 
crut  devoir  se  séparer  de  sa  fille  et  qu'elle  s'en  fut 
vivre  en  Bas- Limousin,  elle  amena  son  petit-fils 
bien-aiméj  encore  adolescent,  au  Saillant,  où  il 
passa  plusieurs  années. 

Nous  avons  vu,  par  une  lettre  de  Mirabeau  l'aîné, 
que  le  séjour  du  Saillant  avait  rendu  crapuleux, 
suivant  ses  propres  termes,  son  cadet  André-Boni- 
face. 

A  quoi  a-t-il  voulu  faire  allusion?  Arrétait-il  les 
gens  sur  les  routes,  comme  le  fît,  plus  tard,  Gabriel- 
Honoré  et  comme  l'abbé  Granet  semble  le  croire? 
Nous  avons  démontré  l'inanité  de  cette  accusation 
et  nos  observations  à  ce  sujet  fussent-elles  insuffi- 
santes, que  le  jeune  âge  du  vicomte  devrait  faire 
écarter  cette  hypotbèse.  Prit-il,  sur  les  coteaux  de 
Vertougis  et  du  Saillant,  au  moment  de  la  vendange, 
ces  habitudes  d'intempérance  qui  le  firent  désigner 
plus  tard,  par  les  parisiens,  sous  le  sobriquet  de 
Mirabeau -Tonneau?  C'est  possible,  mais  non 
démontré.  Peut-être  Gabriel •  Honoré  a-t-il  voulu 
simplement  qualifier  de  crapuleux  la  liberté  que 
prenait  André-Boniface  de  se  mêler  aux  jeux  des 
enfants  de  son  âge,  fils  des  vassaux  et  manants  de 
son  beau-frère  du  Saillant,  et  d'être  le  héros  de  mille 
bons  tours  auxquels  le  portaient  naturellement  son 
humeur  joviale,  son  tempérament  vif  et  emporté. 


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En  1772,  deux  ans  après  la  mort  de  sa  grand'- 
mèi-e  de  Vassan,  qui,  dans  son  testament,  lui  con- 
sacra une  clause  spéciale,  Mirabeau  le  jeune,  à 
peine  âgé  de  18  ans,  entra  au  régiment  de  Berri- 
Cavalerie,  où  servait  son  aîné.  11  s'y  lit  remarquer 
par  une  conduite  exemplaire  et  des  aptitudes  mili- 
taires de  premier  ordre. 

Absorbé  par  la  carrière  qu'il  avait  embrassée, 
André- Boni  face  ne  semble  pas  avoir  pris  parti, 
ostensiblement  du  moins,  dans  les  conflits  de  sa 
famille.  D'ailleurs,  l'affection  de  son  père  et  des 
du  Saillant  pour  lui  ne  pouvaient  que  le  ranger  de 
leur  côté. 

A  deux  reprises  différentes,  il  fit  la  guerre  de  l'in- 
dépendance des  Etals-Unis  d'Amérique,  s'y  signala 
par  des  prodiges  de  valeur  et  fut  blessé  quatre  fois. 
Mais  il  ne  rapporta  pas  de  son  exode  au-delà  des 
mers  cet  amour  de  la  liberté  qui  enflamma  les  La 
Fayette  et  les  Rochambeau.  Nommé  colonel  du 
régiment  de  Touraine,  le  vicomte  de  Mirabeau 
épousa,  en  1788,  M'"  de  Robien,  d'une  noblesse 
bretonne. 

En  1789,  lorsque  le  roi  convoqua  les  Etats-Géné- 
raux, André-Boniface,  qui  avait  relevé  le  titre  de 
baron  de  Pierrebufïière ,  tombé  dans  sa  famille, 
revint  en  Limousin,  comme  représentant  de  sa 
mère.  En  cette  qualité,  il  fut  porté  sur  la  liste  des 
gentilshommes  qui  devaient  prendre  part  aux  élec- 
tions des  députés  de  la  province.  La  noblesse  du 
Haut-Limousin  le  cboisit  comme  secrétaire  de  ses 
réunions  et  ce  fut  en  cette  qualité  qu'il  participa  à 
la  rédaction  des  cahiers  de  son  ordre. 


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Lors  de  l'agitation  qui  précéda  la  nomination  des 
députés  en  Limousin,  le  vicomte  de  Mirabeau  publia 
les  Réflexions  d'un  gentilhomme  du  Haut- Li- 
mousin .présentées  à  l'Assemblée  de  V ordre  de 
la  noblesse  de  cette  province,  opuscule  qui  con- 
tenait des  vues  patriotiques  très  élevées  et  qui  fît 
une  grande  impression  dans  le  pays. 

Au  moment  des  élections,  il  posa  sa  candidature 
et  fut  élu  député,  après  trois  tours  de  scrutin,  con- 
tre le  comta  de  Jumilhac,  le  22  mars  1789(1). 

A  l'Assemblée  nationale,  le  vicomte  de  Mirabeau 
se  fît  remarquer  par  sa  verve  caustique,  ses  saillies 
brillantes,  sa  bonne  humeur,  l'eicentricité  de  son 
caractère,  l'impétuosité  de  son  tempérament.  Il 
s'affirma  comme  un  cbaud  et  virulent  défenseur  de 
l'ancien  régime,  comme  un  adversaire  violent  et 
résolu  des  réformes.  Il  se  trouva  ainsi  contraster 
singulièrement  d'opinion  et  d'attitude  avec  son 
frère  aîné,  un  des  chefs  les  plus  redoutables  de  la 
gauche.  L'extrérae-droite,  dont  le  vicomte  était 
souvent  le  champion,  trouvait  piquant,  comme  le 
dit  M.  Aulard,  que  a  lorsque  un  Mirabeau  avait 
parlé  en  faveur  de  la  Révolution,  qu'un  autre  Mira- 
beau plaidât  aussitôt  la  thèse  contraire  ». 

«  Si  l'on  veut  avoir  une  vision  complète  de  Mi- 
rabeau (l'alné)  à  la  tribune,  il  faut  se  le  représenter 
harcelé  d'injures  ou  de  plaisanteries  par  son  gro- 
tesque cadet,  pauvre  diable  vaniteui,  spirituel  et 
né  pour  d'autres  temps,  qui  eût  été  peut-être  à  sa 

(t)  A.  Fray-Fournier:  Cahiert  de»  doléances  suivis  de  docu- 
ments el  notices  sur  les  députés  de  la  /fa w(e- Vienne  il  l'Avem- 
blée  Constiluanle  de  1189  {Société  des  archives  historiques  du 
Limousin,  Limoges,  1S'J3). 


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—  531  — 

place  dans  ce  xvi*  siècle,  où  chaque  jour  on  pouvait 
lancer  un  coup  d'épée  et  un  bon  mot,  mais  dépaysé 
et  mal  à  son  aise  au  milieu  d'une  révolution  popu- 
laire »  {1).  Son  frère  fut  néanmoins  toujours  bon  et 
indulgent  pour  lui. 

L'éloquence  du  vicomte  était  facétieuse,  acerbe  et 
mordante.  Souvent,  l'invective  remplaçait,  dans 
ses  discours,  l'argument,  et  maints  incidents,  pro- 
voqués par  ses  sarcasmes,  jetèrent  le  trouble  dans 
l'enceinte  législative.  «  Parfois,  cependant,  ajoute 
M.  Aulard,  Mirabeau-Tonneau  arriva  au  véritable 
esprit,  à  l'esprit  naturel  et  gai  des  grands  seigneurs 
lettrés  du  xvm'  siècle  ». 

Lors  de  la  fusion  des  Trois  Ordres,  le  vicomte 
de  Mirabeau  s'opposa  de  toutes  ses  forces  à  cette 
mesure.  Il  alla  jusqu'à  faire  juge  de  sa  conduite  ses 
électeurs,  en  les  priant  de  vouloir  bien  lui  désigner 
un  suppléant  au  cas  où  il  ne  croirait  pas  devoir 
reprendre  sa  place  dans  l'enceinte  législative  si  l'As- 
semblée se  prononçait  pour  le  vote  par  tête. 

Le  26  juillet  1789,  les  gentilshommes  des  séné- 
chaussées de  Limoges  et  de  Saint- Yrieix,  se  réuni- 
rent et  élirent  le  baron  des  Renaudies  pour  remplacer 
Mirabeau  aux  Etats-Généraux  s'il  persistait  dans  sa 
résolution.  Par  résignation  ou  calcul  politique,  il 
continua  de  siéger. 

Pendant  les  premiers  mois  qui  suivirent  la  réu- 
nion dès  Etals-Généraux,  le  vicomte  de  Mirabeau 
était  souvent  désigné,  dans  le  public  et  les  gazettes, 
sous  le  nom  de  Mirabeau  le  Limousin,  tant  pour 

(1)  Aulard  :  Le»  orntevrt  de  l'Assemblie  ConsUtuante. 


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ie  distinguer  de  son  frère  que  pour  lui  reconnaître 
la  qualité  de  représentant  de  la  noblesse  de  la  séné- 
chaussée de  Limoges.  Mais  cette  appellation  dût 
céder  bientôt  la  place  à  celle  de  Mirabeau-Ton- 
neau. Les  habitudes  d'ivrognerie  auxquelles  il 
s'adonnait,  les  dîners  fins  qu'il  prenait,  lui  valurent 
ce  sobriquet  qu'il  a  gardé  devant  l'histoire.  Ses  dif- 
formités physiques,  —  un  gros  ventre  portant  sur 
de  petites  jambes  grêles,  —  n'étaient  pas  aussi  sans 
justifier  cette  épithète,  dont  les  caricaturistes  s'em- 
parèrent avec  joie.  Ils  le  représentaient  tenant  d'une 
main  un  verre,  de  l'autre  une  bouteille  ;  ses  bras 
étaient  des  cruches^  son  corps  un  tonneau,  ses 
cuisses  des  barils,  et  ses  jambes  des  bouteilles  ren- 
versées. 

Il  fut  à  la  fois  populaire  et  impopulaire  dans  les 
milieux  parisiens. 

Si  le  public  le  détestait  pour  ses  opinions  contre- 
révolutionnaires,  il  le  prisait  fort  aussi  pour  son 
esprit,  ses  sarcasmes,  ses  tours  pleins  de  malice  et 
sa  façon  chevaleresque  de  mettre  à  tout  propos  flam- 
berge  au  vent.  Ses  duels  eurent  un  grand  retentis- 
sement et  ses  équipées,  de  mauvais  goût  le  plus 
souvent,  finirent  toujours  par  placer  les  rieurs  de 
son  côté,  a  Dans  une  famille,  disait-il,  je  passerais 
pour  un  mauvais  sujet  et  un  homme  d'esprit; 
dans  la  mienne,  je  suis  un  sot  et  un  honnête 
homme  ». 

Un  jour  qu'il  était  poursuivi,  dans  les  Tuileries, 
par  une  bande  d'énergumènes  qui  criaient  :  A  la 
lanterne  !  Mirabeau  se  retourna  gracieusement 
vers  ses  agresseurs,  leur  tira  son  chapeau,  une  ré- 


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vérence  et,  demi-sourianf,  demï-séi-ieux,  se  mit  à 
chanter  l'air  d'iphigéjiie,  de  Glûck  : 

Que  j'aime  à  voir  les  hommages  flatteurs 
Qu'ici  l'on  s'empresse  à  me  rendre  ! 

Et  tout  le  monde  de  rire  et  d'applaudir  le  facé- 
tieux vicomte. 

Un  autre  jour  qu'il  dinait  au  restaurant  Beauvil- 
liers,  au  Palais-Royal,  il  se  prit  à  insulter,  du  balcon, 
les  passants.  Ceux-ci,  furieux,  s'ameutèrent  pour 
faire  un  mauvais  parti  à  Mirabeau -Tonneau,  ivre, 
suivant  son  habitude.  Devant  le  danger,  il  tire  son 
épée,  s'adosse  à  un  mur  et  tient  tète  aux  assaillants. 
Une  patrouille  vint  le  délivrer.  A  son  frère,  qui 
était  accouru  au  bruit  et  qui  lui  reprochait  son  in- 
tempérance et  son  humeur  mutine,  il  dit:  a  De 
quoi  vous  plaignez- vous,  monsieur  mon  frère?  De 
tous  les  vices  de  la  famille  vous  ne  m'avez  laissé 
que  celui-là  ». 

Vers  la  fin  de  l'année  1789  et  le  commencement 
de  1790,  des  troubles  graves  éclatèrent  dans  le 
Quercy  et  le  Bas-Limousin,  en  particulier  à  Favart, 
près  Tulle,  à  Saint-Julien-Maumont,  à  Lissac  et  à 
Allassac,  près  Brive.  La  maréchaussée,  la  garde 
nationale,  les  autorités  furent  à  peu  prés  impuis- 
santes à  rétablir  l'ordre.  Les  paysans,  surexcités, 
brûlèrent  et  pillèrent  ;  le  sang  coula.  Le  vicomte 
de  Mirabeau  dénonça  ces  excès  à  ta  tribune  de 
l'Assemblée  et  demanda  le  châtiment  des  fauteurs 
de  désordre. 

Si  nous  en  croyons  M.  l'abbè  Marche  (1),  qui 

(t)  Allastac  et  ses  annexes  (Bullelin  de  la  Société  scienlf/ique' 


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tient  le  renseignement  de  M.  Paul  de  Lamaze,  le 
château  de  Roffignac-lès-Allassac  aurait  été  attaqué, 
.  le  99  janvier  1790,  par  quatre  mille  émeutiers,  à 
l'instigation  de  Mirabeau  avec  lequel  Jean-Antoine 
Pradel  de  Lamaze,  ancien  lieutenant-général  de  la 
sénéchaussée  d'Uzerche,  avait  eu  querelle.  Nous 
nous  trouvons  en  présence,  ici,  d'une  tradition  de 
famille  que  ne  corrobore  aucun  document  et  qui 
nous  semble  assez  peu  vraisemblable.  Est-ce  de 
Mirabeau  l'ainé  dont  il  s'agit  ou  de  Mirabeau  le 
jeune?  Nous  ne  savons.  Selon  toute  apparence,  c'est 
l'orateur  qui  serait  visé,  car  il  dût  connaître  les  de 
Lamaze  de  Roffignac  lors  de  son  séjour  au  Saillant, 
en  1781  (1). 

André-Boniface  défendit  ardemment  les  intérêts 
de  sa  province  toutes  les  fois  qu'il  en  eût  l'occasion. 
Lorsque  le  gouvernement  fît  relever  les  murs  de 
clôture  de  Paris,  il  insista  pour  que  les  maçons  li- 
mousins, qui  avaient  travaillé  dans  ce  but,  fussent 
promptement  payés.  Il  fit  aussi  accorder  à  la  mu- 
nicipalité de  Limoges  des  secours,  à  raison  de  la 
disette,  pour  venir  en  aide  aux  journaliers  et  pour  . 
faire  ouvrir  des  ateliers  de  charité  (2). 

En  dehors  de  l'Assemblée  Constituante,  Mirabeau- 
Tonneau  combattit,  en  faveur  de  l'ancien  régime, 
dans  les  Actes  des  Apôtres,  gazette  royaliste,  dans 
la  Lanterne  magique,  où  ses  burlesques  et  mor- 


hittorique  et  archéologique  de  la  Corréze,  de  Brive,  tome  XX 
paite  374). 

(1)  Ce  village  est  situé  à  une  demi-lieue  d'Alfassac. 

(2)  A.  Fray-Fournier,  op.  cit. 


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—  535  — 

dantes  saillies  firent  rage,  et  dans  un  recueil  de 
contes. 

En  juin  1790^  le  vicomte  ayant  eu  connaissance 
que  deux  officiers  de  son  régiment  de  Touraine,  en 
garnison  à  Perpignan,  avaient  été  cassés  et  rempla- 
cés sans  son  assentiment,  il  partit  pour  le  Roussil- 
lon.  A  son  arrivée,  une  députation  de  ses  officiers 
vint  le  trouver  pour  lui  exposer  les  faitsqui  s'étaient 
passés  et  les  justifier.  Il  refusa  de  l'écouter  et,  tirant 
son  épée,  fonça  sur  elle  et  blessa  trois  officiers, 
pendant  que  les  autres  prenaient  la  fuite.  Puis,  il 
se  saisit  des cravatesdes  drapeaux,  clandestinement, 
et  partit  pour  Castelnaudary  où  il  fut  arrêté. 

De  ce  temps,  les  soldats  du  régiment  de  Touraine, 
rendus  furieux  par  la  disparition  des  cravates,  firent 
peser  sur  le  maire  de  Perpignan  la  responsabilité 
de  ce  rapt  et  le  mirent  en  prison.  Cet  incident  fit 
grand  bruit  et  fut  porté  à  la  tribune  de  l'Assemblée 
Nationale .  Ordre  fut  donné  de  relaxer  Mirabeau- 
Tonneau;  couvert  par  l'inviolabilité  parlementaire. 

Il  quitta  Castelnaudary  et  gagna  Paris  par  Tou- 
louse, Montauban  et  Limoges,  après  avoir  passé  par 
Brive:  «J'arrivai  à  Brive,  dit-il,  à  la  pointe  du 
jour;  je  ne  sus  que  depuis  que  cette  bonne  ville 
avait  brigué  l'honneur  de  me  pendre  et  qu'on  y 
faisait  journellement,  en  m'attendant,  des  motions 
tendant  à  l'accomplissement  de  ce  devoir  patrioti- 
que ;  heureusement  pour  moi,  le  civisme  sommeil- 
lait, et  je  passai  sans  être  reconnu  (1).  Ne  connais- 
sant pas  les  dispositions  de  mes  chers  commettants 


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à  mon  égard,  je  résolus  de  fermer  les  jalousies  de 
ma  voiture  et  de  traverser  rapidement  la  province 
(le  Limousin),  qui  m'a  fait  assurément  beaucoup 
d'honneur  en  me  députant  aux  Etats-Généraux, 
mais  qui  eût  pu  beaucoup  mieux  choisir  pour  mon 
repos  »  (1). 

De  retour  à  Paris,  il  plaida  sa  cause,  devant  l'As- 
semblée, en  termes  plaisants  et  mesurés.  On  passa 
à  l'ordre  du  jour,  mais  les  parisiens  lui  décochèrent 
un  nouveau  sobriquet,  celui  de  Mirabeau-Cravate. 

Lorsque  les  frères  du  roi  et  les  grands  seigneurs 
quittèrent  la  France,  Mirabeau -Tonneau  fut  un  des 
premiers  à  émigrer. 

D'Aix-la-Chapelte,  il  écrivit  au  président  de  l'As- 
semblée Nationale  lui  déclarant  qu'ayant  quitté  la 
France,  il  ne  se  considérait  plus  comme  député  et 
qu'il  était  toujours  prêt  à  défendre  le  roi  et  ses  pré- 
rogatives. Plus  tard,  l'Assemblée  législative,  sur  la 
proposition  de  Carnot,  décida  de  diriger  des  pour- 
suites contre  Mirabeau  et  plusieurs  autres  chefs 
émigrés. 

Le  vicomte  de  Mirabeau  s'était  rendu  en  Savoie, 
près  de  Chambéry,  où  il  se  mit  en  relation  avec  les 
princes  émigrés,  alors  dans  le  Piémont.  «  Il  recru- 
tait d'anciens  soldats,  les  réunissait  à  des  hommes 
de  son  ancien  régiment  (de  Touraine),  et  formait 
un  corps  de  troupes  auquel  il  donnait  le  nom  de 
Légion  de  Mirabeau.  Alors  l'aventureux  colonel 
parle  hautement  de  former  le  noyau  d'une  armée 
royaliste,  qui  combattra  pour  le  trône  et  l'autel. 

(1)  Voyage  national  de  Mirabeau  cadet,  1790,  par  (ut-mème. 


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-  537  — 

»  Ces  bruyants  propos  et  les  projets  belliqueux 
qu'ils  annonœnt  agitent  la  province.  Des  représen- 
tations sont  faites  à  M.  de  Mirabeau  par  les  magis- 
trats savoisiens.  Il  se  résout  à  se  retirer  en  Allema- 
gne, dans  l'électorat  de  Trêves,  où  le  comte  d'Artois 
vient  d'arriver.  Le  prince  de  Condé,  les  ducs  de 
Bourbon  et  d'Engbien  so  sont  fixés  à  Stuttgard. 

»  La  Légion  de  Mirabeau,  dont  l'effectif  ne 
dépasse  pas  quatre  cents  bommes,  parmi  lesquels 
cent  officierSj  se  dirige  sur  la  Suisse.  Elle  évite 
Genève  où  domine  l'élément  révolutionnaire,  longe 
la  partie  occidentale  du  lac  Léman ,  traverse  le 
canton  de  Vaud,  atteint  les  rives  de  Neufchâtel, 
séjourne  dans  cette  ville,  pour  remonter  au  Nord 
gagner  Bàle  et  suivre  la  rive  droite  du  Rbin  Jusqu'à 
Ettenheim,  où  le  cardinal  de  Roban,  souverain  de 
cette  minuscule  principauté,  lui  offre  un  asile. 

»  Cette  marcbe  ne  s'était  pas  faite  sans  de  réelles 
difficultés.  L'argent  avait  souvent  manqué  et  on 
avait  parfois  agi  comme  en  pays  conquis,  réquisi- 
tionnant les  vivres  et  le  logement.  Des  désertions 
s'étaient  produites  dans  les  rangs  de  la  petite 
colonne,  mais  quand  elle  arriva  à  Ettenbeim,  de 
nouvelles  recrues  les  réparèrent  »  (1). 

Les  émigrés  et  leurs  troupes  avaient  indiqué 
Worms  et  Coblentz  comme  points  de  rassemble- 
ment. D'Ettenheim,  Mirabeau  et  sa  légion  se  rendi- 
rent dans  la  première  de  ces  deux  villes,  où  le  prince 
de  Condé  s'était  fixé. 

La  colonne  de  Condé  se  composait  d'un  effectif 

(I)  Histoire  de  l'armée  de  Condé  pendant  ta  Réooivlion  fran- 
çaise (1791-1802),  par  René  Bittard  des  Portes  (Paris,  Dentu,  1896). 


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—  538  — 

de  9.500  hommes  environ.  La  légion  de  Mirabeau, 
comprenant  à  la  fois  des  troupes  d'infanterie,  un 
corps  de  cavalerie  et  une  section  d'artillerie,  en 
tout  1.300  hommes,  en  faisait  partie,  et  marchait 
sous  le  commandement  de  son  chef,  le  fougueux 
vicomte. 

La  France  ayant  déclaré  la  guerre  à  l'Autriche, 
après  une  virulente  harangue  de  Vergniaud,  le 
20  avril  1792,  et  puis  à  la  Prusse  et  au  Piémont, 
l'armée  des  Princes  entra  peu  après  en  campagne  et 
appuya  les  mouvements  des  armées  étrangères  en 
vue  de  marcher  sur  Paris,  tout  en  gardant  une 
organisation  autonome. 

Cependant  les  succès  des  armées  républicaines 
avaient  obligé  l'ennemi  et  les  émigrés  à  évacuer  la 
France.  La  retraite  fut  difficile  et  pleine  de  périls. 
Dans  toutes  les  opérations  auxquelles  la  légion  de 
Mirabeau  et  son  chef  prirent  part,  ils  se  firent  re- 
marquer par  une  rare  vaillance  et  une  endurance  à 
toute  épreuve.  Voici  qui  peut  en  témoigner  : 

1  Mirabeau,  dit  le  prince  de  Condé  dans  sa 
Correspondance  recueillie  par  le  comte  de  La 
Bouletière,  m'a  fait  une  équipée  pour  laquelle  je 
l'ai  destitué  du  commandement  de  son  poste  et  mis 
aux  arrêts  d'où  je  ne  l'ai  fait  sortir  qu'aujourd'hui. 
Imaginez-vous  que,  contre  mes  ordres,  il  a  passé  le 
Rhin  une  nuit  avec  cinquante  hommes,  tué  deux 
sentinelles  et  ramassé  sept  prisonniers,  sans  avoir 
essuyé  un  coup  de  fusil.  On  ne  peut  pas  s'empêcher 
de  dire  que  cela  est  vigoureux  et  que  cela  prouve 
comme  ces  gens-là  se  gardent;  mais  je  l'en  ai  pas 
moins  puni,  comme  je  le  devais,  pour  le  manque 


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de  subordination.  C'est  un  brave  homme,  mais  une 
tète  bien  dangereuse  ». 

Le  prince  de  Condé,dans  cette  lettre,  fait  allusion 
à  l'échauITourée  de  Neuhœusel  qui  mit  fort  en  colère 
rétat-major  autrichien  dont  les  ordres  avaient  été 
transgressés  par  Mirabeau -Tonneau. 

Les  parisiens  n'avaient  pas  oublié  le  vicomte. 
Leurs  satires  étaient  allées  le  chercher  jusque  dans 
les  rangs  des  émigrés.  Ne  prétendaient-elles  pas 
que  le  commandant  de  la  légion  ne  saurait  passer 
la  frontière  : 

L'horreur  de  l'eau,  l'amour  du  vin. 
Le  retiendront  aux  bords  du  Rhin. 

chantait-on.  Mirabeau  voulut  infliger  un  démenti  à 
ses  détracteurs  et  en  fut  puni.  11  ne  survécut  pas 
longtemps  à  sa  disgrâce. 

Miné  par  ses  vices,  épuisé  par  une  campagne  à 
laquelle  il  se  donna  tout  entier,  Mirabeau-Tonneau 
mourut  le  15  septembre  1792,  à  l'âge  de  38  ans,  à 
Fribourg-en-Br  i  seau . 

a  Le  soldat  aventureux,  à  l'esprit  si  caustique  et 
à  l'incorruptible  fidélité,  succombait,  le  15,  à  une 
attaque  d'apoplexie,  qu'avait  amenée  un  véritable 
surmenage  de  fatigues  physiques.  Sa  légion  est 
dans  le  délire  de  la  douleur  et  de  l'abattement,  disait 
le  prince  (de  Condé)  »  (1). 

Mirabeau-Tonneau  est-il  vraiment  moit  d'une 
attaque  d'apoplexie,  comme  le  porte  l'acte  officiel  de 
son  décès?  Rien  n'est  moins  certain.  Les  uns  pré- 
tendent que  c'est  après  une  orgie  qu'il  expira  ;  les 
autres  des  suites  d'un  duel.  Lucas-Montigny  a  ra- 

(l}Reué  Bittard  des  Portes,  op.  cit. 


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conté,  d'après  M""  du  Saillant,  «  que  M.  le  vicomte 
s'était  enferré  lui-même  dans  l'épée  d'un  de  ses 
officiers  sur  lequel  il  s'élançait  pour  lui  refuser  sa 
porte  B . 

L'action  de  Mirabeau -Tonneau  à  l'armée  de 
Condé,  qui  fut  celle  d'un  véritable  condottiere,  ne 
donna  pas  les  résultats  qu'elle  aurait  pu  donner. 
Son  humeur  fantasque  et  Indisciplinée,  la  jalousie 
des  autres  émigrés,  le  mauvais  vouloir  des  princes 
et  de  leurs  alliés,  dit  M.  Aulard,  semblent  avoir 
contrarié  ses  desseins.  Les  Autrichiens  et  les  Con- 
déens  lui  rendirent  néanmoins  les  suprêmes  hon- 
neurs et  son  corps  fut  inhumé  dans  le  cimetière 
de  Frihourg  (1). 

La  présence  de  Mirabeau  en  Allemagne  provoqua, 
de  la  part  des  populations  alsaciennes  et  du  Cour- 
rier de  Strasbourg  surtout,  des  sarcasmes  et  des 
saillies  mordantes.  Comme  à  Paris,  en  1789,  le 
vicomte  se  vit  chansonné  et  caricaturé.  On  le  re- 
présenta à  cheval  sur  un  tonneau  traîné  par  des 
lièvres,  une  saucisse  en  main  en  manière  de  bâton 
de  commandement,  excitant  sa  légion  au  combat. 
A  l'annonce  de  son  décès,  le  CouTTÎer  de  Stras- 
bourg s'écria  :  a  Quelle  perte  pour  les  marchands 
de  vin  !  d 

Après  la  mort  de  son  chef,  la  légion  de  Mirabeau, 
—  qu'on  appelait  aussi  les  Hussards  de  la  Mort, 
parce  qu'elle  portait  un  uniforme  noir,  parements 
et  collet  bleu  de  ciel,  décoré  de  têtes  de  morts,  — 
prit  le  deuil  et  fut  commandée  par  son  lieutenant- 

(1)  Un  condottiere  au  xvin*  siècle:  Mirabeau-Tonneau,  par  le 
docteur  Joseph  Sarrazin.  Leipzig,  1S93. 


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-541  - 

colonel,  M.  le  marquis  de  la  Féronnière.  Elle  se 
distingua  tout  particulièrement  dans  les  opérations 
que  Wurmaer  dirigea  en  Alsace  contre  Gustine,  en 
1793,  sur  différents  points  des  rives  de  la  Lauter, 
surtout  à  Kulsheim  et  à  Berstheim. 

On  raconte  que  pendant  cette  dure  campagne, 
l'ordre  avait  été  donné  par  les  chefs  étrangers  de  ne 
point  faire  de  prisonniers  à  l'armée  républicaine  et 
d'exterminer  tout  ce  qui  tomberait  au  pouvoir  des 
Condéens.  Il  répugnait  à  des  Français  de  se  conduire 
aussi  inhumainement  envers  d'autres  Français,  com- 
battant sous  un  autre  drapeau.  Deux  cents  républi- 
cains avaient  été  capturés  par  les  émigrés.  «  La 
légion  de  Mirabeau,  pour  obéir  à  l'ordre,  mais  ne 
voulant  pas  les  massacrer  de  sang-froid,  leur  dit  de 
reprendre  leurs  fusils.  Ces  gens  se  battirent  en  dé- 
sespérés et  tuèrent  assez  de  monde.  Avec  un  peu 
d'adresse,  en  les  recevant  comme  déserteurs  et 
non  prisonniers,  on  aurait  épargné  la  vie  à  plusieurs 
braves  officiers  qui  furent  tués  dans  cette  qcca- 
sion  »  (1). 

Vers  1795,  la  légion  de  Mirabeau  fut  acquise  de 
la  veuve  d 'André- Boniface  et  de  son  fils  Victor,  par 
le  comte  Roger  de  Damas.  Sous  ia  direction  de  ce 
nouveau  chef,  les  «  Mirabeaux  » ,  —  ainsi  qu'on 
désignait  les  légionnaires ,  —  se  signalèrent  cons- 
tamment par  des  actes  d'héroïsme  et  des  coups 
d'audace  qui  faisaient  l'admiration  des  soldats  de 
l'armée  Condéenne.  La  tradition  de  chevaleresque 


(1)  Léonce  Pingaud  ;  Campagne  du  comte  Wurmaer  m 
T.  XX. 


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-  542  — 

héroïsme,  léguée  aux  Mirabeaux  par  son  fondateur, 
ne  se  démentit,  d'ailleurs,  pas  un  seul  instant. 

Pendant  la  fameuse  retraite  de  Moreau  à  travers 
la  forêt  Noire,  les  Condéens  et  l'ancienne  légion  de 
Mirabeau  inquiétèrent  foi-t  le  commandant  en  chef 
des  armées  du  Directoire.  «  Sans  cette  poignée 
d'émigré9,a-t-ildit,rarméeautrichîenneétaitàmoii'. 

Lorsque  l'armée  du  Rhin  prit  la  route  de  Neu- 
bourg  à  Augsbourg,  les  .Condéens,  commandés  par 
le  duc  d'Enghien,  essayèrent  de  lui  barrer  le  pas- 
sage. Unengagementtrèsvif  eut  lieu,  près  d'Aichach 
et  de  Pœttmess,  entre  les  républicains  et  les  émi- 
grés. A  un  moment  donné,  le  feu  de  l'infanterie 
française,  qui  faisait  l'admiration  du  comte  Roger 
de  Damas,  commandant  la  légion  de  Mirabeau, 
cessa  brusquement.  De  leur  côté,  les  condéens  arrê- 
tèrent leur  attaque. 

—  «  Que  se  passe-t-îl  donc?»  fit  Damas. 

B  Chastellux,  allez  voir  !  ajouta-t-il  en  se  tour- 
nant vers  un  émigré  porteur  du  brassard  bleu  aus 
trois  fleurs  de  lys  d'or  des  officiers  de  son  ordonnance. 

»  Chastellux  partit  au  galop  ;  il  revenait  cinq 
minutes  après,  disant: 

»  — Les  républicains  n'ont  plus  de  cartouches. 
Ils  en  ont  mandé  de  leur  réserve  et  cessent  momen- 
tanément l'attaque.  Je  tiens  le  propos  de  leur  géné- 
ral, près  duquel  je  me  suis  avancé  en  parlementaire. 
Mirabeau  a  cessé  le  feu  pour  ne  pas  tirer  sur  un 
ennemi  désarmé. 

»  —  C'est  au  mieux  du  monde,  dit  fièrement 
Damas.  J'eus  été  outré  d'une  conduite  contraire!  .. 
Suivez-moi,  messieurs. 


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Il  Le  colonel  et  son  escoi-te  piquaient  déjà  sur  le 
groupe  de  Tétat-major  républicain,  visible  au  coin 
d'un  bois,  à  quelque  cent  toises  de  là.  À  cinquante 
mètres  de  là  on  s'arrêtait,  déployant  les  mouchoirs. 
La  même  politesse  de  mouchoirs  blancs  leur  ré- 
pondit. On  continua  d'avancer  au  pas,  chapeaux 
baissés;  les  républicains  saluaient  du  sabre. 

»  —  Est-ce  au  général  Dumont  que  le  comte  de 
Damas,  propriétaire  de  la  légion  de  Mirabeau,  a  le 
grand  honneur  de  parler? 

»  —  A  lui  même,  Monsieur,  il  est  son  serviteur. 

»  Mutuellement,  cérémonieusement,  les  deux 
chefs  se  nommaient  les  oniciers  de  leurs  suites. 
Chaque  émigré  sortait  du  rang  à  son  tour,  s'inclinait 
sur  sa  selle,  puis  rentrait  à  sa  place  en  faisant  recu- 
ler son  cheval.  Les  républicains  avaient  imité  ce 
mouvement. 

»  —  Nous  cessons  le  feu,  général,  jusqu'à  ce  que 
vous  ayez  reçu  vos  cartouches,  dit  Damas  ;  nous  ne 
voudrions  pour  rien  au  monde  gâter  une  attaque 
aussi  remarquable  que  la  vôtre. 

ï  —  Je  ne  me  permettrai  pas,  Monsieur  le  comte, 
une  délicatesse  aussi  accomplie  ;  elle  nuirait  sans 
doute  à  vos  intérêts  militaires.  Je  préférerais  même, 
devant  si  galante  insistance,  que  vous  m'octroyiez 
permission  de  vous  servir  à  la  baïonnette.  J'ai 
l'ordre,  d'ailleurs,  de  coucher  ce  soir  à  Aichach. 

»  —  Nous  serions  fort  honorés  de  votre  choc  ! 
Mais  qu'à  cela  ne  tienne,  répondit  Damas,  je  dois 
aller  occuper  pour  demain  Unter-Wittelsbach  en 
avant  de  votre  poste.  Je  ne  menais  ce  combat  traî- 
nant que  pour  intéresser  ces  messieurs  de  ma  légion . 


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—  544  — 

Je  puis  donc  vous  offrir  toute  licence  de  gagner 
Aichach  en  vous  laissant  la  route.  Veuillez  bien 
nous  permettre  seulement  de  saluer  votre  défilé. 

»  Des  deux  côtés,  le  ralliement  avait  sonné.  Les 
Condéens,  formés  en  bataille  à  vingt-cinq  mètres 
sur  le  flanc  gauche  de  la  route,  laissaient  libre  le 
passage,  Tarme  au  pied,  feuilles  de  chêne  au  cha- 
peau sur  les  cocardes  blanches,  ils  attendaient  le 
défilé  de  l'avant-garde  républicaine,  dont  les  mu- 
siques, massées  en  tête  de  colonne,  entamaient,  par 
une  délicatesse  de  Dumont,  l'air  savoyard  des  Alio- 
broges  au  lieu  de  la  Marseillaise,  qui  sonnait  trop 
l'échafaud  ;  tout  s'ébranla. 

B  Lorsque  les  magnifiques  soldats  du  Rhin,  dans 
leurs  défroques  de  gloire,  passèrent  de  ce  pas  élasti- 
que que  leur  avaient  donné  vingt  campagnes,  on  eût 
dit  que  l'âme  de  nos  Fastes  vibrait  dans  leurs  plu- 
mets de  crin,  rayonnait  au  bronze  de  leurs  poitri- 
neSj  chantait  dans  le  feu  de  leurs  yeux. 

»  Et  quand,  d'une  vois  étranglée  de  souvenirs,  le 
comte  Roger  de  Damas  (1),  le  héros  d'ismaïlow, 
d'Otchakow,  commanda  :  «  Présentez  les  armes!  » 
un  hoquet  de  sanglots,  mal  contenus,  courut  dans 
les  rangs  des  Condéens,  et,  pour  la  première  fois, 
dans  ces  guerres  fratricides,  le  drapeau  blanc  de  la 
légion  de  Mirabeau,  comme  courbé  d'un  soufflet  de 
gloire,  s'inclina  très  bas  devant  les  trois  couleurs 


(t)  Les  comtes  de  Damas  apparteasient  à  une  famille  devenue 

à  ta  fois  limousine  et  périgourdine,  qui  fut  en  possession  d'Hau- 
teforC  jusqu'en  ces  dernières  années. 


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—  545  — 

qui,  claquant  fières  sur  les  hampes  immobiles,  s'en 
allaient  dans  le  soleil  d'automne!  »  (1). 

Au  moment  où  l'armée  de  [Coudé  fut  prise  à  la 
solde  de  la  Russie,  la  légion  de  Mirabeau- Damas 
disparut  en  tant  que  corps  autonome.  Les  cavaliers 
furent  versés  dans  le  régiment  des  dragons  d'En- 
gbien,  les  fantassins  dans  le  régiment  des  grenadiers 
de  Bourbon.  Qaant  au  comte  Roger  de  Damas^  il 
se  sépara,  bien  à  regret^  de  ses  vaillants  soldats,  et 
s'en  fut  guerroyer  en  Italie. 


Pour  compléter  et  terminer  cette  étude^  il  ne 
nous  reste  plus  qu'à  faire  connaître  les  descendants 
des  Miralseau  en  Limousin. 

Charlotte  de  Mirabeau  donna  au  marquis  Gaspard 
de  Lasteyrie  du  Saillant  sept  enfants,  nés  au  hasard 
des  résidences  de  leur:*  parents  : 

1*  Le  comte  Jean -Charles-Annet- Victoria  de 
Lasteyrie  du  Saillant,  héritier  de  Mirabeau  l'orateur, 
dont  le  rejeton  actuel  est  M.  Horace  de  Lasteyrie 
du  Saillant,  ancien  sous-préfet; 

2"  Jeanne -Charlotte,  qui  épousa  le  marquis 
Xîménés  d'Aragon  ; 

3'  Victoire- Jeanne,  chanoinesse  de  Maubeuge; 

4°  Marie-Geneviève,  qui  épousa  son  cousin  de  la 

(I)  Nous  n'avons  pu  réaister  au  plaisir  de  reproduire  cette  su- 
perbe page  qui  fait  autant  d'honneur  aut  Mirabeaux  et  i  son  va-' 
leureux  chef  qu'aux  soldats  républicains  et  au  général  Duroont. 
Elle  a  pour  auteur  M.  Ogier  d'Ivry,  et  parut  dans  le  Gaulois  du 
9  septembre  1895  sous  ce  titre  :  Une  page  d'hiêtoire  inconnue  : 
Comme  à  Fonlenoy  (Retraite  de  Horeou,  septembre  1796). 


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—  546  - 

branche  cadette,  Charles- Philibert  de  Lasteyrie  du 
Saillant  ; 

5°  Caroline- Annette,  qui  épousa  le  baron  de  Vieil- 
Castel,  d'une  famille  originaire  d'Ayen  (Corrèze)  ; 

6*  Gabrielle-Désirée,  mariée  au  comte  de  Molde  ; 

7°  Enfin,  Joséphine,  qui  devint  l'épouse  de  Jean- 
Baptiste  Sirey  (de  Sarlat),  le  célèbre  jurisconsulte(l). 

La  tourmente  révolutionnaire  passée,  le  marquis 
du  Saillant  chercha  à  reconstituer  sa  fortune  et  ses 
bienSj  quelque  peu  endommagés  par  les  événe- 
ments. A  ce  moment,  Sirey  occupait  au  Ministère 
de  la  Justice  l'emploi  de  directeur-adjoint  de  la 
division  criminelle  et  dépouillait,  avec  bienveil- 
lance, les  dossiers  des  nobles  qui  n'avaient  pas 
émigré  et  des  émigrés  qui  n'avaient  pas  porté  les 
armes  contre  leur  pays  afin  de  les  faire  rentrer,  le 
cas  échéant,  dans  leurs  droits.  Joséphine  du  Sail- 
lant plaida  éloquemment  la  cause  de  sa  famille 
auprès  de  Sirey  et  invoqua  les  services  rendus  par 
Mirabeau  l'alné,  son  oncle,  à  la  Révolution.  Belle, 
spirituelle,  distinguée,  Joséphine  du  Saillant  avait 
produit  sur  l'esprit  du  futur  arrêtiste  une  très  vive 
impression.  Elle  l'épousa  autant  par  reconnaissance 
que  par  affection. 

M"*  Sirey  est  connue  dans  les  lettres  par  la  pu- 
blication de  romans  moraux  :  Marie  de  Courtenay, 
Louise  et  Cécile,  par  un  Petit  Manuel  d'éduca- 
tion, et  par  sa  collaboration  assidue  à  une  revue 
qu'elle  fonda,  La  Mère  de  Famille  et  le  Journal 
des  Femmes.  Elle  mourut  en  1843,  —  sa  mère 

(1)  Une  pelile  nièce  de  Mirabeau,  par  Houltet,  Aii-ed-Provence. 


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était  décédée  depuis  1821,  —  après  avoir  éprouvé 
de  bien  tristes  chagrins  intimes. 

De  nos  jours,  la  descendance  des  Mirabeau  en 
Limousin,  par  la  famille  du  Saillantj  se  retrouve  : 

1'  Dans  M.  Robert  de  Lasteyrie,  membre  de 
l'Institut,  professeur  à  l'école  des  Chartes,  ancien 
député,  propriétaire  du  château  du  Saillant-Vieux 
(Corrèze),  fils  de  Ferdinand  de  Lasteyrie  qui,  lui- 
même,  était  issu  du  mariage  de  Marie-Geneviève  du 
Saillant  avec  son  cousin  Charles-Philibert  de 
Lasteyrie;  , 

2'  Dans  M.  Sirey,  avocat  à  la  Cour  d'appel  de 
Paris,  continuateur  du  recueil  des  arrêts  de  son 
grand-père,  propriétaire  à  Objat  (Corrèze),  et  dans 
M'"  Jeanron,  propriétaire  à  Comborn,  près  Estivaux 
(Corrèze),  issue  du  mariage  du  peintre  Jeanron 
avec  M"'  Sirey,  fille  de  J.- Baptiste  Sirey  et  de  José- 
phine du  Saillant. 

Quant  à  la  descendance  de  Mirabeau -Tonneau, 
dont  le  fils,  Victor,  essaima  en  Bretagne,  pays  de  sa 
mère,  nous  la  retrouvons  aujourd'hui  dans  M™  la 
comtesse  de  Martel,  plus  connue,  en  littérature, 
sous  le  pimpant  pseudonyme  de  Gyp. 

JOANNÈS  PlaNTADIS. 


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Une  Patène  Ministérielle 

(ABBATE   DE    Slt^S) 


L'abbaye  castillane  de  Silos  (1)  est  justement  flère  de 
posséder,  dans  son  trésor,  deux  vases  sacrés  du  plus 
haut  intérêt  :  une  patène  et  un  calice  ministériels.  Des 
ci  l'eu  n  s  tan  ces  indépendantes  de  notre  volonté  ne  nous 
ont  pas  permis  d'étudier  ensemble  ces  deux  instruments 
du  saint  Sacrifice  qui,  d'ailleurs,  ne  sont  pas  unis  dans 
l'histoire  et  qui,  au  point  de  vue  de  l'ait,  sont  deux 
pièces  absolument  distinctes.  Nous  avons  fait  connaître 
le  calice  dans  la  Revue  de  l'Art  chrétien,  1898,  p.  358  et  s. 
Le  dessin  très  exact  qui  en  a  été  donné  a  montré  suffi- 
samment que  ce  vase  sacré  appartient  à  un  art  grossier, 
mais  bien  curieux.  La  patène,  au  contraire,  révèle  un 
savoir-raire  exquis,  un  goût  parfait,  un  art  consommé; 
elle  mérite  une  place  au  premier  mng  des  œuvres  d'or- 
fèvrerie, ornées  de  filigranes,  que  nous  a  léguées  le 
moyen-àge. 

La  plus  ancienne  liste  des  objets  liturgiques  de  Silos 
qui  nous  soit  parvenue  se  trouve  d;ins  un  inventaire 
des  principales  reliques  de  l'abbaye,  daté  du  25  juin  1440. 
On  y  trouve  mentionné  "  le  calice  avec  lequel  le  bien- 
heureux saint  Dominique  disait  la  messe  (2).  »  Mais,  la 

(Il  Le  monastère  bénédictin  de  Sanlo-Dominjjfa  de.  Silos  est  situé 
dans  les  montagnes  de  la  Vieille -Cnstille,  à  une  quinzaine  de 
lieues  de  la  célèbre  cité  de  Burgos.  Il  porte  le  nom  de  son  plus 
grand  abbé,  saint  Dominique,  qui  fut  le  patron  de  saint  Dominique 
de  Guzman,  fondateur  des  FrÈres-Precheurs. 

(2)  ■  B  otrosi  la  vestimenla  c  caliz  cou  que  el  bienaventurado 
santo  Domingo  dczia  mi^a.  ■  D.  Férotin  :  Itecueil  des  Charles  de 
l'abbaye  de  Silos,  p.  483.  Voyei  sur  la  question  de  l'usage  litur- 
gique do  co  calice  :  Reeue  de  l'Art  chrétien,  toc.  cit. 

T.  XX.  4—6 


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— -  ààO  — 

patène  n'est  pas  nommée,  sans  doute  parce  que  l'auteur 
de  l'inventaire  a  considéré  la  mention  de  l'un  comme 
impliquant  celle  de  l'autre,  —  la 'patène  étant  presque 
toujours  le  complément  nécessaire  du  calice,  dans  l'usage 
que  la  liturgie  catholique  a  fait  de  ces  deux  vases  sacrés. 

Les  P.P.  Ruîz  et  Castro,  deux  bénédictins  de  Silos 
(xvti*  siècle),  n'ont  dit  qu'un  mot  de  la  patène-  «  Il  existe 
au  monastère,  dit  le  P.  Juan  de  Castro,  un  calice  d'ar- 
gent avec  sa  patène  ornée  de  différentes  pierres  dont 
quelques-unes  d'une  grande  valeur,  —  le  tout  fait  par 
saint  Dominique  en  l'honneur  de  son  glorieux  patron 
saint  Sébastien  (I).  i  De  nos  jours,  les  auteurs  qui  ont 
eu  connaissance  du  calice  n'ont  pas  signalé  la  patène, 
excepté  cependant  M.  RohauU  de  Fleury  (2)  et  dom  Féro- 
tin  (3j  qui  l'ont  fait  remonter,  eux  aussi,  à  saint  Domi- 
nique de  Silos.  Enfin,  elle  a  été  reproduite  deux  fois, 
1"  dans  le  magnifique  ouvrage  ;  Monumentos  Arquitec- 
tonicos  de  Espana,  t.  I,  où  la  chromolithographie  est 
malheureusement  défectueuse  au  point  de  vue  de  la  fidé- 
lité; 2°  àinsl'Hisioire  de  l'abbaye  de  Silos  par  dom  Marius 
Pérotin  ;  la  planche  V  qui  la  reproduit  est  une  petite 
glyptograpfaie. 

La  patène  de  Silos  mesure  0"  31  de  diamètre.  Elle 
est  en  argent,  mais  entièrement  dorée  à  l'intérieur. 
Elle  porte  au  centre  un  gros  cristal  de  roche  demi- 
sphèrique  de  0™  057  1/2  de  diamètre,  enchâssé  dans 
une  bâte  cerclée  d'un  âl  granulé.  Huit  lobes  saillants, 
avec  écoinçons  ornés  de  rinceaux  gravés,  presque  tous 


(1)  •  Ilem  ay  un  caliz  de  pUta,  eon  su  patena  adornada  de  dîFe* 
rentes  piedras,  ;  algunas  de  mucho  valor,  todo  lo  cual  hiio  tambien 
nuestro  Padre  santo  Domingo  a  honra  de  su  glorioso  patron  san 
Sébastian...  •  [El  glorioso  thaumalurgo  espanbl,  redentor  de 
caulivoi,  sanlo  Domingo  de  Silos.  Su  oida,  virludet  y  milagro», 
noIiciSL  det  resl  monasierio  de  Silot  y  sus  priorato».)  Madrid, 
1638,  lib.  HI,  cap.  111. 

(!)  La  Mem,  t.  IV,  p.  116. 

(3)  Histoire  de  l'abbaye  de  Silos,  p.  40,  note  3,  et  p.  4S,  note  3. 


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—  551  - 

différents,  rayonnent  autour  de  ce  cristal  de  roche. 
Un  bandeau  cii-culaii-e  réunit  ensuite  les  écoinçons  au 
bord  supérieur.  La  décoration  de  ce  rebord  forme  presque 
toute  la  parure  de  la  patène,  —  et  quelle  parure  vrai- 
ment délicieuse  !  Les  contours  sont  omës,  vers  les  lobes, 
d'une  bande  rapportée  et  soudée  qui  porte  un  -rang  de 
perles  en  métal  entre  deux  lignes  de  grënetis  d'une 
ânesse  extrême.  De  l'autre  côté,  tout  à  l'extérieur,  une 
succession  de  petits  motifs  en  creux  forme  la  bordure. 
Entre  ces  deux  bandes  s'étend  une  ravissante  décoration 
de  cloisons  multiples  qui  s'enroulent  en  spirales,  s'oppo- 
sent ou  se  recourbent  les  unes  vers  les  autres.  Un  autre 
motif  s'adjoint  aussi  maintes  fois  aux  volutes;  il  a  la 
forme  d'une  larme  et  est  dessiné  par  une  toute  courte 
bandelette  simplement  recourbée  et  réunie  à  ses  deux 
extrémités.  Tous  ces  ûls  de  métal  sont  simples,  granulés 
sur  la  tranche  supérieure  et  soudés  en  plein  sur  le  fond; 
ils  ne  présentent  aucune  adjonction  de  vrilles,  de  roses 
ou  d'autres  détails.  La  conservation  de  ce  travail  est 
excellente,  sauf  en  quelques  endroits  où  la  soudure  étant 
trop  légère,  les  tiges  métalliques  ont  quitté  la  place 
qui  leur  était  assignée.  L'œil  peut  suivre,  sur  l'hélio- 
gravure, ces  cloisons  délicates  qu'on  a  placées  à  la  pince 
et  soudées  sur  la  plaque  d'excipient,  ces  dessins  d'une 
correction  de  style,  d'une  régularité,  d'une  pureté  de 
contours  absolument  parfaites.  On  est  charmé  de  l'ensem- 
ble et  des  détails,  et  on  se  demande  comment  l'orfèvre  a  pu 
exécuter  avec  tant  d'art  ce  merveilleux  réseau  qui  doit  être 
un  des  travaux  les  plus  achevés  en  ce  genre,  nous  l'avan- 
çons hardiment,  après  examen  d'un  bon  nombre  de  pièces 
iiligranées. 

Il  a  été  fait  allusion  aux  gemmes  qui  viennent  prêter 
leur  éclat  harmonieux  à  cette  décoration.  Vingt-deux  sont 
encore  conservées  ;  treiiie  autres  on  t  disparu .  Notons  d'abord 
deux  cristaux  de  roche  et  deux  sardonyx  gravées  dis- 
posées en  forme  de  croix,  avec  le  cristal  de  roche  plus  haut 
mentionné  comme  centre.  Les  autres  gemmes  sont  des 


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—  552  — 

topazes,  des  cornalines,  des  opales,  des  agates,  etc.  Pres- 
que toutes  sont  en  cabochon  ;  quelques-unes  cependant 
sont  en  table ,  avec  chanfrein .  La  disposition  de  ces 
pierres  est  celle  que  l'on  retrouve  sur  bon  nombre  de 
pièces  d'orfèvrerie  :  les  plus  gitisses  sont  placées  au  mi- 
lieu du  bandeau,  entre  quatre  petites  qui  les  cantonnent. 
La  monture  est  la  même  pour  toutes  :  une  bftte  sans 
griffes,  circonscrite  par  un  fil  granulé. 

Parmi  les  pierres  antiques  qui  décorent  le  large  ban- 
deau, se  trouve  un  camée  gravé  sur  sardonyx  et  figurant 
un  buste  de  femme.  Aucune  inscription,  aucune  carac- 
téristique ne  permettent  de  savoir  quelle  est  la  personna- 
lité représentée.  C'est  un  travail  médiocre  de  l'époque 
impériale  romaine.  —  Nous  avons  aussi  trois  intailles. 
Celle  qui  figure  un  homme  debout  est  une  œuvre  infé- 
rieure, La  seconde  est  meilleure;  elle  représente  un  pâtre 
écorchant  ou  vidant  un  animal  suspendu  par  les  pieds. 
Il  existe  au  Louvre  un  groupe  en  marbre  penlélique  qui 
offre  le  même  sujet;  on  le  désigne  sous  le  nom  d'Écor- 
cheur  rustique  (i)  (salle  du  Gladiateur,  N»  517). 

Enfin,  sur  l'intaille  qui  fait  face  au  camée,  on  voit 
une  inscription  latine,  en  caractères  grecs,  inscrite  dans 
un  cartouche  dont  le  pauvre  style  indique  de  suite  une 
époque  de  décadence. 

CAABÛ  KOM 
MOiÛ  *HAIZ 
*AYCTEINA 

Hubner  {Inscriptionum  Hispaniœ  latinarum  supple- 
mcntuin,  1892,  p.  1025)  a  donné  cette  inscription  sans 
commentaire,  d'après  la  chromolithographie  qui  repro- 
duit la  patène,  dans  les  Monumentos  Arquitectonicos  de 
Espana  (livraison  26),  mais  en  copiant  aussi  les  trois 
erreurs  qui  ont  échappé  au  dessinateur  D.  Francisco 
Aznar  y  Garcia,  D.  Férotin  a  publié  également  l'inscrip- 
tion et  en  a  donné  un  petit  dessin  (Histoire  de  l'abbaye 
de  Silos,  p.  291  et  pi.  1X|. 

(1)  Ce  groupe  a  été  publié  datis  le  Muêée  de  gculplure  antique 
et  moderne,  par  CUrac,  Atlaa  3"*,  pi,  2ST,  6g.  1785. 


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—  553  — 

Cette  formule  dëdicatoire  se  rapporte  à  une  peste  qui» 
dans  la  seconde  moitié  du  ii*  siècle,  décima  l'Italie,  et 
dont  les  auteui-s  anciens  nous  ont  tracé  en  quelques 
mots  les  ravages  effrayants  (Ij.  Ce  fléau  fit  une  large  brè- 
che à  la  famille  de  Marc-Aurèle.  Le  jeune  Commode 
échappa  cependant  à  la  contagion,  et  c'est  en  mémoire  de 
cette  préservation  (CAABû  KOMMOiQ,  Salvo  Commodo), 
«lue  Faustine,  sa  mère  (*HAIZ  *ATCTEINA,  felix  Faustina), 
Ht  graver  l'inscription  ci-dessus  (2). 

L'intérieur  de  la  patène  est  peut-être  suffisamment 
connu  maintenant.  L'extérieur  n'offre  aucune  décoration, 
sinon  un  bandeau  à  ruban  brisé  et  grave,  qui  contourne 
le  boi-d  extérieur.  C'est  la  seule  partie  qui  soit  dorée  ;  tout 
le  reste  a  conservé  la  couleur  de  l'argent. 


Bakdbau  du  rbvebs  de  la  Patsnb 

Ce  revers  de  la  patène  présente  en  saillie  une  petite 
soucoupe  qui  ne  fait  qu'un  avec  elle  et  que  rien  n'in- 
dique à  l'intérieur,  parce  qu'elle  correspond  exactement 
au  cristal  de  roche  qui  occupe  le  centre.  Jusqu'en  ces 
dernières  années,  ce  cristal  était  serré  de  près  par  la 
bâte  qui  l'entourait.  D'autre  part,  la  légère  saillie  de 
dessous  était  peut-être  regardée  comme  la  partie  infé- 
rieure de  cette  b&te.  Personne,  en  tous  cas,  n'avait  songé 
à  soulever  la  pierre.  Après  avoir  examiné  la  précieuse 
patène,  l'idée  nous  vint,  un  jour,  que  ta  petite  boite 
d'argent  renfermait  peut-être  quelque  trésor.  Écarter  soi- 
gneusement et  tout  antour  la  feuille  de  métal  qui  sertit 
la  gemme,  enlever  ce  cristal  et  plonger  un  regard  avide 
au  fond  de  l'alvéole,  fut  l'affaire  de  quelques  instants. 

(1)  Jul.  Capitol.  1  M.  Anl.  Phitoaophua,  XVH.  ~  Butropii  Bre- 
vifirium.  I,  VIII,  c.  12.  —  Pauli  Orosii  Historiarum,  I.  VIII,  15, 

(2)  Vo;.  D.  Fdrotia  :  Iliatoire  de  fabbayt  de  Silo»,  p.  191,  292. 


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—  5ùi  - 

Nous  ne  vîmes  d'abord  qu'une  couche  de  fine  poussière 
qui,  depuis  longtemps,  à  coup  sûr,  s'était  introduite 
entre  la  bâte  et  le  cristal  de  roche.  Puis,  sous  la  pous- 
sière, une  croix  d'or  reposant  elle-même,  à  côté  de  petits 
morceaux  de  linge,  sur  une  autre  croix  en  bois,  de 
même  forme,  épaisse  d'un  millimétré  environ.  Grandes 
furent  notre  joie  et  notre  reconnaissance  envers  le  Sei- 
gneur qui  nous  permettait  de  faire  connaître  à  nouveau 
un  précieux  objet  de  dévotion  et  des  reliques  plus  pré- 
cieuses encore,  —  le  tout  oublié  depuis  de  longs  siècles 
au  fond  d'une  petite  botte. 


iFace)  //leoers) 

Cboii  bn  ob  teouvêb  au  ubhtbe  de  la  Patéhb 

La  croix  en  or  est  formée  d'une  feuille  de  métal  battu. 
Sur  la  face  antérieure,  elle  est  bordée  de  Unes  lamelles 
rattachées  aux  branches  au  moyen  d'une  soudure.  Un 
cristal  de  roche  en  cabochon  décore  le  centre.  Au  revei-s, 
mêmes  lamelles  pour  border  la  croix,  sauf  aux  extrémités 
de  trois  branches  où  elles  sont  remplacées  par  des  fili- 
granes tordus.  Des  tiges  filigranées,  absolument  sem- 
blables, forment  un  cercle  et  une  croix  sur  le  médaillon 
central.  Enfin,  au  sommet  d'une  des  branches.  les  petites 
lamelles  qui  contournent  la  croix  ont  été  interrompues, 
et  on  distingue  encore  à  cet  endroit  la  trace  d'une  sou- 
dure. C'est  l'indice  bien  évident  que  notre  croix  avait 
là  soit  un  anneau,  soit  un  autre  système  de  suspension. 

Celte  croix  était-elle  un  eJico/piitm  et  destinée,  par 
conséquent,  à  recevoir  une  relique?  Nous- poursuivîmes 


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—  555  — 

nos  recherches  et  enlevAmes  le  petit  cristal  de  roche 
enchâssé  4  l'intersectioD  des  bras.  Mais,  l'alvéole  ne  con- 
tenait qu'une  pâte  destinée  à  fixer  la  gemme  plus  soli- 
dement. Cette  croix  était  donc  simplement  un  de  ces 
objets  de  dévotion  que  les  fidèles  suspendaient  à  leur 
cou.  —  La  petite  soucoupe  ne  contenait  aucune  inscrip- 
tion indiquant  la  nature  des  reliques;  mais,  la  petite 
croix  en  bois  est  bien  probablement  un  fragment  de  la 
vraie  Croix. 

Nous  avons  vu,  au  commencement  de  l'article,  que  de 
graves  érudita  faisaient  remonter  la  patène  à  saint  Domi- 
nique de  Silos,  qui  fut  abbé  du  monastère  de  1041  à 
1073.  Au  grand  thaumaturge  revient  assurément  le  calice; 
l'inscription  en  fait  foi.  Mais,  il  en  va  tout  autrement 
de  la  patène.  La  forme  ronde  ne  peut  être  alléguée  pour 
fixer  son  âge.  Les  huit  lobes  qui  garnissent  le  fond  ne 
sont  pas  non  plus  des  éléments  déterminants  dans  la 
question,  car  ils  se  rencontrent  aux  xi',  m'  et  xiii*  siècles. 
Restent  les  ornements  des  écoinçons  et  le  travail  qui 
décore  la  grande  zone  flligranée.  Or,  les  premiers  n'exis- 
tent que  sur  des  pièces  d'orfèvrerie  datant  du  xiii*  siècle 
ou  de  la  fin  du  xii*.  Nous  en  mentionnerons  des  exemples 
dans  im  instant.  —  Quant  aux  filigranes,  ils  sont  ouvrés 
avec  tant  de  délicatesse  et  les  dessins  qu'ils  composent 
olTrent  une  telle  combinaison,  une  telle  régularité,  une 
si  parfaite  harmonie,  que  nous  croyons  devoir  attribuer 
la  patène  de  Silos  à  la  fin  du  xii*  siècle,  ou  au  premier 
quart  du  xiii*.  A  notre  avis,  elle  ne  peut  remonter  plus 
haut. 

La  petite  croix  est  à  peu  près  contemporaine.  La  forme 
générale  et  la  courbure  des  bras  indiquent  celte  époque. 
Une  comparaison  d'ailleurs  peut  fortifier  cette  opinion. 
Un  mur  du  cloître  de  l'abbaye  de  Silos,  côté  Sud  (1), 
porte  une  inscription  lapidaire  de  la  première  moitié  du 


(1)  Celte  iascription  est  sur  le  niiir  opposé  à  l'arcature  et  presque 
en  face  du  bas-relief  qui  Rgurc  l'arbre  de  Jeesé. 


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—  556  — 

XIII"  siècle  et,  ea  tète  des  caractères,  se  voit  une  croix 
qui  rappelle  exactement  celle  de  la  patène  ;  la  forme  est 
identique  dans  les  deux  cas.  —  Un  auteur  apprécié  a 
bien  voulu  nous  dire  que  la  croix  de  sainte  Radegonde  et 
celle  des  Anges,  d'Oviédo,  ressemblaient  beaucoup  à  notre 
croix  d'or.  Mais  un  examen  attentif  convaincra  un  ar- 
chéologue que  l'opinion  n'est  pas,  soutenable.  Les  deux 
croix  mentionnées  dilTèrent  essentiellement  de  la  croix 
de  Silos  et  pour  l'époque  et  pour  l'exécution. 

La  question  d'origine  de  la  patène  n'est  pas  sans  diffi- 
culté- Un  érudit  auquel  nous  avons  communiqué  des 
reproductions  et  du  calice  et  de  la  patène  nous  éci-it 
que  ces  deux  pièces  sont  certainement  espagnoles.  Nous 
ne  pouvons  partager  cet  avis.  Presque  toujours,  en  effet, 
les  œuvres  d'art  espagnol  ont  quelque  chose  d'insolite, 
soit  dans  la  forme,  soit  dans  la  décoration;  on  les  recon- 
naît assez  facilement  à  leur  caractère  original,  souvent 
puissant,  parfois  exagéré.  Le  calice  présente  bien  ces 
qualités  de  franche  originalité;  l'œuvre  appartient  sûre- 
ment à  la  péninsule.  La  patène,  au  contraire,  si  natu- 
rellement conçue  au  point  de  vue  de  la  décoration,  si 
harmonieuse  avec  ses  surfaces  tranquilles,  avec  son  bril- 
lant diadème  de  filigranes  et  de  pieri-es  aux  riches  cou- 
leurs, ne  pourrait-elle  pas  être  une  œuvre  française,  une 
œuvre  de  notre  école  d'art  limousin  ? 

Plus  d'un  lecteur  formulera  sans  doute  de  prime  abord 
l'objection  que  nous  nous  sommes  faite  à  nous-mème  : 
«  Parmi  les  œuvres  de  Limoges  qui  nous  ont  été  con- 
servées, il  n'en  est  aucune  qui  ait  le  caractère  général, 
la  délicatesse  et  la  perfection  de  notre  patène.  »  Mais, 
si  les  petits  monuments  d'un  travail  aussi  achevé  ne  se 
rencontrent  pas,  c'est  bien,  croyons-nous,  parce  que  les 
guerres,  les  besoins  des  temps  et  le  vandalisme  de  la 
Révolution  ont  fait  disparaître  presque  tous  les  objets 
anciens,  en  métal  précieux.  Aucun  calice,  aucune  patène 
en  or  ou  en  argent,  appartenant  à  l'art  de  Limoges,  n'a 
échappé,  en  France,  à  Ui  destruction.  Or,  ce  sont  pré- 


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—  557  — 

cisément  ces  vases  eucharistiques  qui  durent  être  le  plus 
soigneusemeot,  le  plus  délicatement  travaillés;  ce  sont 
eux  qui  durent  recevoir  la  plus  parfaite  décoration.  L'ab- 
sence complète  de  ces  vases  sacrés  empêche  par  consé- 
quent d'établir  des  points  de  comparaison  qui  pourraient 
ofTrir  des  analogies  frappantes.  Mais ,  parce  que  les 
similaires  font  défaut,  il  ne  s'ensuit  pas  qu'il  soit  juste, 
qu'il  soit  rationnel  d'exclure  la  patène  des  œuvres  d'art 
de  la  grande  école  limousine. 

D'ailleurs,  si  le  petit  chef-d'tBuvre ,  par  son  aspect 
général,  semble  assez  peu  rappeler  les  ouvrages  d'orfè- 
vrerie limousine,  il  n'en  est  pas  de  même  de  certains 
éléments  considérés  à  part,  nous  voulons  dire  les  fili- 
granes et  les  rinceaux  des  écoinçons.  Sans  doute,  les 
fils  métalliques  qui  ornent  les  pièces  de  Limoges  sont 
presque  tous  ou  bien  de  simples  bandelettes  sans  gré- 
netis,  ou  bien  des  81s  granulés,  tantôt  partant  d'une 
branche  commune  et  terminés  par  de  petites  boules, 
tantôt  juxtaposés,  fixés  à  la  plaque  par  des  clous  à  télés 
sphériques,  puis  ornés  de  roses,  de  grappes  et  de  vrilles. 
Cependant,  il  existe  des  filigranes  limousins  qui  pré- 
sentent de  grandes  analogies  avec  ceux  de  notre  patène  ; 
on  les  remarque  sur  un  autel  portatif  de  Conques  qui 
a  été  fabriqué  pendant  l'abbatiat  de  Bégon  IIL  Cet  autel 
est  plus  ancien  que  la  patène;  ses  filigranes  sont  moins 
parfaits,  et  les  dessins  moins  serrés,  moins  compliqués; 
mais,  de  part  et  d'autre,  ce  sont  bien  de  petites  cloisons 
simples,  granulées  sur  la  tranche  supérieure  et  soudées 
en  plein  sur  la  plaque  d'excipient. 

Quant  aux  rinceaux  gravés  qui  décorent  les  écoinçons 
de  la  patène,  ils  sont  des  plus  importants  pour  déterminer 
son  origine;  à  notre  avis,  ils  sont  même  caractéristiques 
de  l'orfèvrerie  limousine.  M.  Ernest  Rupin,  qui  est  un 
maître  dans  la  question  des  œuvres  de  Limoges,  nous 
écrit  au  sujet  de  ces  petits  dessins  gravés  ;  «  On  les 
trouve  à  profusion  et  tout  à  fait  identiques  sur  un  grand 
nombi-c  de  crucifix  et  de  chAsses  d'origine  incontestable- 


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—  558  — 

ment  limousiae.  »  Et  le  docte  aKhéologue  nous  cite 
plusieurs  moauments  ornés  de  ces  rinceaux  :  le  crucifix 
de  M.  Bonnay  (donné  à  dora  Mellet),  les  châsses  de  Zell, 
de  la  cathédrale  de  Moutlei-s,  de  l'église  de  Nantouillet,  de 
Gimel,  etc.  (1).  Nous  ajoutons,  pour  notre  part,  le  célèbre 
frontal  du  musée  de  Burgos.  Comme  la  patène  ministérielle, 
ce  magnifique  monument  est  une  pièce  de  l'abbaye  de  Pilos  ; 
comme  elle,  aussi,  il  est  orné  des  mêmes  rinceaux  gravés, 
mais  ici  arec  une  abondance  extraordinaire  (2);  comme 
elle,  enân,  il  est  une  pièce  <•  tout  à  fait  hors  ligne  », 
et  tt  les  Limousins  n'ont  rien  produit  de  plus  parfait  >>  [3) 
que  différents  ornements  de  ce  frontal.  Les  Limousins, 
nous  le  répétons  à  la  suite  de  M.  Rupin,  sont  bien  les 
auteurs  de  ce  devant-d'autel.  Personne  ne  s'avisera  de 
contester  son  origine  parce  qu'il  est  une  œuvre  absolu- 
ment à  part,  patce  qu'il  n'existe  aucun  autre  frontal  de 
l'école  de  Limoges  avec  lequel  on  puisse  le  comparer. 
Pourquoi  n'en  serait-il  pas  de  même  pour  la  patène,  alors 
qu'il  existe  entre  elle  et  ce  devant-d'autel  des  relations 
vraiment  frappantes  ? 

Un  nombre  important  de  pièces  d'orfèvrerie  et  d'émail- 
lerie  limousines  ont  été  réunies  à  Silos,  peut-être  même 
fabriquées  par  des  artistes  de  Limoges  dans  l'abbâye 
castillane,  —  et  cela,  à  partir  de  la  seconde  moitié  du 
XII*  siècle  jusqu'au  commencement  du  xiii',  c'est-à-dire 
i  l'époque  où  le  monastère  «  semble  avoir  atteint  au 
spirituel  comme  au  temporel  son  plus  haut  degré  de  pros- 

(t)  Voici  ce  que  dit  M.  Rupin,  dans  l'Œuvre  de  Limoges,  à  pro- 
pos de  ces  dessina  gravés  :  <  A  Limoges,  le  champ  métallique  des 
ch&sses  est  parfois  décoré,  au  burin,  de  rinceaux  aux  Teuillcs  fili- 
formes, imitant  à  distance  un  dessin  vermiculé  et  caractéristique, 

reproduit  toujours  de  la  même  fa^n Souvent  ces  rinceaux  tlli- 

formes  décorent  aussi  les  parties  unies  de  différents  objets  sur 
lesquels  il  n'y  a  aucune  trace  d'émail  >  (p.  154,  l&î). 

(2)  Derrière  le  Christ  en  majesté,  derrière  cliacun  des  douze 
apûtres  se  trouvent  de  grands  bandeaux  entièrement  gravés  de 
motifs  identiques. 

(3)  L'Œuvre  de  Limogeê,  p.  198. 


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-  559  — 

périté  b{1).  Rien  de  plus  naturel  de  croire  que  l'abbaye, 
avec  la  commande  de  plusieurs  châsses  (2),  d'un  frontal 
magnifique,  d'uu  rétable  non  moins  intéressant  (3),  ait 
également  fait  fabriquer  une  patène  qui  devait  être  le 
complément  du  précieux  calice  ministériel 

Pour  nous,  l'abbaye  de  Silos  a  donc  possédé  deux 
pièces  B  tout  à  fait  hors  ligne  »  :  le  frontal  et  la  patène 
qui  doivent  compter  parmi  les  plus  beaux  fleurons  de  la 
couronne  artistique  du  Liniousin. 

Dom  E.  RouLiN 

Béaédiclin. 


(1)  D.  l'éroiin  :  IlUtoire  de  l'abbaye  de  Silos,  p.  9!. 

("3)  L'une  d'elle  esl  encore  conserviie  è,  Silos  (voy,  la  notice 
siiivanlo);  l'autre  est  au  musée  de  Durgos. 

(3)  Le  nUable  cxisie  encore  à  l'abbaye;  on  le  conserve  dans  la 
salle  des  arcbivcs. 


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Une  Châsse 

EN  CUIVRE  DORÉ  &  ÉMAILLÈ 

lABBATE   DE   SIU)S> 


La  châsse  qui  va  nous  occuper  est  conseirée  à  l'abbaye 
de  Silos.  Il  nous  semble  qu'elle  mérite  une  courte  des- 
cription, parce  qu'elle  appartient  à  une  série  de  petits 
monuments  soigneusement  exécutés,  et  parce  qu'elle  n'a 
jamais  été  publiée  que  dans  une  superbe  collection  espa- 
gnole qu'il  est  rare  de  rencontrer  dans  nos  bibliothèques 
de  France  (I). 

L'inventaire  des  reliques  de  l'abbaye,  daté  de  1440, 
mentionne  deux  arcas  esmaltadas  (2)  qui  sont  évidem- 
ment et  la  chAsse  conservée  à  Silos,  et  celle  qui  fut 
enlevée  au  monastère  lors  de  la  Révolution  de  1868, 
pour  être  placée  au  musée  provincial  de  Burgos.  Les 
Monumentos  Arquitectonicoê  de  f^spana  n'ont  point  dé- 
crit ces  deux  châsses.  Dom  Fërotin,  dans  son  Jitstoire 
de  l'nbbaye  de  Silos,  a  simplement  signalé  la  première 
dans  les  termes  suivants  :  «  ....le  trésor  de  Silos  conserve 
encore  un  ti-ës  beau  cofTret  émaillé  du  xii*  siècle,  qui 
semble  provenir  des  célèbres  ateliers  de  Limoges  >  (p.  334). 

Ce  colTret  ou  plus  exactement  cette  châsse,  est  assu- 
rément une  œuvre  d'orfèvrerie  et  d'émaillerie  limou- 
sines.  Elle  a  la  forme  ordinaire  d'une  petite  maison 

(1)  Mnnumenlot  Arquileclonico»  de  Eapana.  Madrid,  1S60-70. 

(3)  0  E  otrosi,  esta  en  una  area  ezmaltada  del  pan  que  comio 
Nuestro  S«nor  Jhesu  Christo  el  jueves  de  la  Cena  con  sus  dise!- 
puloa.  —  Ë  es  otra  esniallada  en  que  son  reliquias  de  sant  George 
e  de  otros  muehos  santos.  ■  (D.  Fërotin  :  Recueil  det  chartes  de 
fubbaye  de  SUaa,  p.  483.; 


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—  563  - 

[domuncula]  exhaussée  sur  quatre  pieds  carrés,  surmon- 
tée d'un  couvercle  à  deui  vei-sants  et  couronnée  d'une 
galerie  à  jour.  Sa  hauteur  est  de  O^SÔ  centimètres,  sa 
longueur  de  O^SO,  et  sa  largeur  de  O"!!, 

La  face  antérieure  et  la  pente  du  toit  qui  lui  corres- 
pond portent  chacune  tmis  panneaux  décorés  d'émaux 
champlevës.  En  bas,  le  panneau  du  milieu  représente 
la  Crucifixion,  selon  les  traditions  iconographiques  du 
moyen-âge;  les  Limousins  n'ont  guère  varié  celte  grande 
scène  que  dans  la  partie  supérieure,  où  ils  ont  souvent 
placé  des  anges,  au  lieu  des  deux  astres,  témoins  de  la 
mort  du  Sauveur.  —  Au-dessus  de  la  Crucîflxion,  nous 
avons  la  MajestRS  Domini;  le  Christ  est  accosté  de  l'A 
et  de  l'Q;  il  bénit  de  la  main  droite  et,  de  la  gauche, 
porte  un  livre  ouvert.  Il  siège  sur  un  coussin  do- 
minant un  arc-en-ciel  ;  ses  pieds  sont  posés  sur  un 
scabellum.  Ici  encore  tout  est  connu;  c'est  un  des  thèmes 
les  plus  chers  aux  artistes  du  moyen-âge .  L'auréole  qui 
entoure  le  Christ  est  supportée  par  deux  anges-  A  droite 
et  à  gauche  de  ces  deux  panneaux,  sont  figurés  les  apô- 
tres sous  des  arcatures  en  plein-cintre  surmontées  de 
toitures  imbriquées.  Sur  le  toit,  quatre  apôtres  [peut-Ctre 
les  quatre  évangélistes}  ont  à  la  main  droite  une  croix 
pattée  munie  d'une  longue  hampe.  C'est  une  manière  fort 
peu  commune  de  représenter  les  apôtres  (1). 

L'un  des  côtés  de  la  fleite  porte  un  apôtre  également 
debout,  la  main  droite  levée,  dans  un  geste  d'allocution 
ou  de  sentence,'  et  tenant  un  livre  de  la  main  gauche. 
Cet  apôtre  n'a,  lui  non  plus,  aucune  caractéristique  spé- 
ciale. A  l'autre  flanc,  le  panneau  qui  devait  avoir  aussi 
un  apôtre  a  disparu. 

Tous  les  personnages  sont  en  cuivre  doré  ;  comme  les 
œuvres  les  plus  soignées  de  Limoges,  ils  ne  sont  pas 
seulement  gravés,  mais  encore  ciselés,  de  façon  à  pro- 

(I]  Celle  particularité  se  retrouve  sur  la  belle  châsse  de  l'égliae 
de  Gimel  dans  la  Corrèze  r  saint  Philippe  est  deux  fois  représenté 
tenant  dans  la  main  la  longue  hampe  d'une  croix  pattée. 


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—  565  — 

duire  un  commencemenl  de  modelé.  L'architecture  est 
également  réservée  et  un  peu  Bâillante.  Les  têtes  sont 
rapportées  et  fortement  en  relief.  Nous  attirons  l'attention 
sur  les  deux  anges  qui  sont  figurés  sur  le  toit,  prés  du 
Christ  en  majesté.  Ils  sont  représentés  volants,  adossés 
à  l'auréole  vers  laquelle  leurs  tôtes  se  tournent  bien  natu- 
rellement, et  de  leurs  bras  vigoureux  qu'ils  allongent  en 
haut  et  en  bas,  ils  la  soutiennent.  C'est  une  pose  vraie 
et  pleine  de  hardiesse,  qui  indique  un  véritable  artiste. 
Nos  modernes  qui  auraient  à  ûgurer  une  scène  équiva- 
lente, n'auraient  qu'à  s'inspirer  de  ces  deux  anges  dont 
ils  admireraient  sans  doute  la  forme  du  corps  qui  se 
laisse  parfaitement  deviner  sous  les  vêtements. 

Les  fonds  sur  lesquels  se  détachent  les  personnages 
sont  émaillés  de  bleu;  le  décor  se  compose  de  rinceaux 
réservés  et  ornés  de'  beaux  fleurons  bleus  et  verts.  La 
croix  est  également  émaillée,  avec  tUulus  et  enroule- 
ments réservés. 

Les  bordures  des  panneaux  sont  composées  les  unes 
de  quatre-feuilles  verts  pris  sur  des  disques  de  métal 
qui  sont  inscrits  dans  des -losanges  bleus;  —  les  autres, 
de  bandes  ondulées  mi-partie  en  métal,  mi-partie  en 
émail.  La  crête  du  sommet  avait  trois  cabochons  de  forme 
ovale  qui  ont  disparu.  Elle  conserve  encore  deux  petites 
saillies  rectangulaires  ornées  de  rosaces  bleues  et  vertes 
éclairées  de  blanc  et  de  jaune. 

La  face  postérieure  de  la  châsse  est  garnie  d'un  tapis 
losange  largement  composé  et  richement  polychrome  de 
rosaces  bleu-clair  et  vert-foncé  sur  champ  émaillé  de 
bleu-ciel. 

Telle  est  la  châsse  de  Silos  soigneusement  conservée 
dans  le  trésor  des  reliques.  C'est  une  bonne  pièce  du 
XIII*  siècle  seulement,  bien  qu'à  son  apparence  générale 
et  à  son  architecture  principalement,  on  puisse  être  tenté 
de  la  faire  remonter  jusqu'au  xii'  siècle. 

Dom  E.  RouLiN. 


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NOTES 

LA  FAMILLE  "de  PRODHET 


La  famille  de  Proubet  est  souvent  citée  dans  le 
très  curieux  a  Livre  de  raison  »  publié  par  M.  Fer- 
nand  de  Malliard  (1). 

Elle  a  occupé  au  xvi'  siècle  une  situation  impor- 
tante en  Bas-Limousin,  et  on  peut  dire  que  son 
bistoire  s'est  trouvée  alors  intimement  liée  à 
l'bistoire  locale. 

À  ce  titre,  il  a  paru  intéressant  dô  publier  le 
document  ci-après  transcrit. 

Au  ivu'  siècle,  nous  ne  retrouvons  plus  les 
Proubet.  D'après  une  pièce  des  arcbives  de  l'hos- 
pice de  Brive,  la  dame  de  Saint-Clément  (sei- 
gneurie (2)  dont  se  titrait  la  famille  de  Prouhet) 
avait  épousé,  par  contrat  du  5  août  1638,  le  s*"  de 
Geneste,  conseiller  au  parlement  de  Bordeaux. 
Recherche  de  la  noblesse  faite  par  les  couyissAiRES 

DU    ROY    AU     BbGLEUENT    DES    TAILLES,    DE    1598    A    1599, 
EN    LIMOUSIN. 

(Bibl.  Nationale.  Manuscrits.  Fonds  Français,  N"  5448). 
«  Du  10  février  1599, 
Extrait  des  titres  à  nous  représentés  par  Jean  de  Prouhet, 
8'  de  S»  Clément,  pour  la  vérification  de  sa  noblesse  : 

(1)  Voir  Bulletin  de  i&  Société  historique  et  archéologique  de 
la  Corréze  (siège  à  Brive],  années  1880  et  suivantes. 

{î)  Aujourd'hui  commune  du  canton  de  Seilhac,  arrondissement 
de  Tulle  (Gorrèze). 


dbyGoOt^lc 


—  568  ~ 

Un  papier  de  reconnaissance  contenant  42  feuillets, 
signé  h  la  fin  Guillot,  commençant  reconnaissances  de 
la  terre  et  seigneurie  de  S'  Clément  laictes  par  haut  et 
puissant  sgr  messire  Salviot  de  Prouhet,  licencié  en  cha- 
cun droit,  en  date  de  38  décembre  1518, 

Un  vidimus  signé  par  collation  bordes  et  dubois,  no- 
taires royaux  à  S'  Clèmant,  d'un  hommage  fait  par  noble 
Jean  de  Molins,  sgr  de  Rochefort,  notaire,  secrétaire  du 
roy  et  greffier  du  grand  Conseil,  au  nom  et  comme  pro- 
cureur de  noble  et  honorable  personne  M'  M'"  Salviot 
de  Prouhet,  licencié  es  droits,  s'  de  S'  Clément  et  d'Ar- 
daines,  à  M^  l'évéque  de  lymoges  à  cause  de  la  seigneurie 
de  S'  Clémant,  le  dit  hommage  fait  à  blois  au  diocèse 
de  Chartres  le  7  décembre  1519,  signé  Julan  notaire. 

Autre  vidimus  dhomage  signé  par  collation  bordes  et 
dubois,  notaires  royaux  à  S'  Clémant,  faict  à  Mgr  le 
révéreodissime  cardinal  de  Belloî,  evesque  de  lymoges, 
de  la  terre  de  S'  Clémant,  ce  dernier  de  may  1543,  par 
noble  Jean  de  Prouhet,  escuyer,  s' de  S'  Clémant  [2), 

Un  hommage  fait  par  noble  Jean  de  Prouhet,  esleu  au 
bas  pals  de  limozin,  à  cause  du  repaire  de  Surrèque  en 
Périgord,  à  haut  et  puissant  sgr  messire  François  de  la 
Tour,  vicomte  de  Turene,  du  26  janvier  1531,  signé 
textoris, 

Un  comte  rendu  par  noble  Jean  de  Pi'ouhet,  esleu  au 
bas-liraoïin  le  20  juin  1524  par  devant  le  s'  de  roffiac, 
mestre  des  requêtes  ordinaire  de  la  mère  du  roy,  de  la 
somme  de  2,272  escus  des  deniers  employés  en  l'armée 
du  roy  à  Fontarabie,  signé  jean  vigier,  et  plus  bas  ber- 
nard,  commis  de  greffier, 

Une  cession  et  transport  de  la  somme  de  3,000'  faite 
par  noble  jean  de  Prouhet,  escuyer,  s'  de  S'  Clémant, 
i\  messii-e  François  des  Cars,  s'  de  la  Veauguion,  à  luy 


(1)  On  lit  en  marge  :  C'est  un  ecclésiastique,  onde  du  subsé- 
q  11  CD  t. 
(3)  On  lit  eu  marge  :  C'est  l'aïeul  du  s'  de  Sdnt-Ciémaat. 


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—  569  — 

deue  par  Raymond  de  Gontaud,  s'  des  bannes  en  Péri- 
gord,  en  date  du  2  septembre  1539,  signé  Gartaud, 

Une  procuration  de  haut  et  puissant  seigneur  Français 
des  Gara,  sgr  de  la  Vauguion,  tuteur  honoraire  du  a''  vi- 
comte de  Turène  en  la  compagnie  de  jean  de  Prouhei, 
escuyer,  s'  de  S'  Clémant,  passée  à  S'  Germain  le  a  juin 
1541,  signée  gigaud  et  pressac. 

Des  lettres  patentes  de  feu  roy  Françoys  données  à 
moulins  le  1"  d'aoust  1541,  signées  par  le  roy  et  adres- 
sées au  sénéchal  de  lymozin  au  siège  de  Brive,  pour 
pourvoir  de  curateur  François  de  la  tour,  vicomte  de 
Tui-ene,  et  d'auditeurs  des  comptée  que  prétendoient  ren- 
dre François  des  Cars,  s'  de  la  Vauguion,  et  Jean  de 
Prouhet,  escuyer,  s'  de  S'  Clémant,  tuteurs  honoraires 
du  dit  8'  vicomte, 

Les  comptes  rendus  de  la  dicte  tutelle  par  devant  le 
dit  sénéchal  par  noble  jean  de  prouhet,  s' de  S'  Clément, 
et  ce  pour  l'année  1539  seulement,  signé  de  Cosnac,  lieu- 
tenant général,  et  autres  en  nombre  de  dix  ou  douze,  le 
4  juillet  1541, 

Une  procuration  de  François  de  la  tour,  vicomte  de 
Turene,  à  noble  homme  Jean  de  Prouhet,  esleu  au  bas 
païs  de  limozin,  pour  recevoir  sur  les  devoirs  deus  au 
dit  s'  vicomte  en  son  viconté  de  Turène  en  date  du 
25  avril  1532,  signé  de  la  tour,  et  plus  bas  prouhet, 

Une  procuration  de  François  de  la  tour,  vicomte  de 
Turène,  à  Jean  de  Prouhet,  escuyer,  s'  de  S'  Clémant, 
pour  affermer  la  vicomte  de  Turène,  passée  à  Amiens  le 
10  may  1543,  signée  auroy  et  démons, 

Autre  pi-ocuration  du  dit  François  de  la  Tour,  vicomte 
de  Turene,  à  noble  homme  Jean  de  Prouhet,  s' de  S'  Clé- 
mant, pour  recepvoir  les  sommes  qui  luy  peuvent  être 
dues  à  cause  de  sa  dite  vicomte,  passée  à  reims  le  3  sep- 
tembre 1543,  signé  jugat  et  delur. 

Testament  du  dit  noble  Jean  de  Prouhet,  escuyer,  s'  de 
Surrègues  et  de  &■  Clémant,  du  16  mars  1542,  par  lequel 
il  institue  son  héritier  universel  noble  Jean  de  Prouhet, 


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—  570  — 

son  fils,  esleu  eo  bas  pals  de  lîmozin,  signé  de  la  farge, 
notaire  à  brive  (t), 

Un  acte  accordé  par  le  lieutenant  général  de  brive  le 
25  septembre  1565,  signé  de  lestan,  lieutenant  général, 
de  guarrigou,  procureur  du  roy,  et  fontenels,  greffier, 
du  dénombrement  fourni  suivant  l'édit  de  sa  majesté  par 
Jean  de  prouhet,  escuyer,  s' de  S'  Clémant, 

Contrat  de  mariage  de  jean  de  prouhet,  escuyer,  s'  de 
S'  Clémant,  habitant  de  la  ville  de  brive,  avec  Gabrielle 
de  la  bastide,  demoiselle,  fllle  du  s'  de  Cognac,  du  35  juin 
1548,  signé  de  laleu  et  rozier, 

Une  commission  de  la  noblesse  du  bas-Iymozin  du  32  fé- 
vrier 1553,  signé  Sarrazin  à  ce  commis,  par  laquelle  le  sgr 
de  S'  Clémant,  pour  sa  cotte  de  l'abolition  du  car  et  demi 
du  sel,  est  taxé  136',  qu'il  luy  est  mandé  mettre  es  mains 
de  noble  pierre  de  gimel,  escuyer,  sgr  et  baron  du  dit  lieu. 

Un  certificat  du  seneschal  de  lymozin,  signé  ponbrian, 
du  3  may  1552,  par  lequel  le  s'  de  S'  Clémant,  appelle 
à  l'arriére-ban,  est  excusé  à  cause  qu'il  est  de  la  com- 
pagnie du  s'  de  la  Veauguion, 

Testament  du  dit  jean  de  prouhet,  escuyer,  s'  de 
S'  Clémant,  par  lequel  il  institue  jean  de  prouhet  l'atné, 
son  âls,  son  héritier,  en  datte  du  pénultème  mars  1572, 
signé  André,  notaire  royal  (2), 

Un  département  fait  par  le  lieutenant  général  de  Brive 
sur  toute  la  noblesse  de  lymozin,  de  la  somme  de  754' 
dheue  à  messire  Anthoine  de  Neuville,  s'  de  Magnac, 
pour  son  remboursement,  d'avoir  esté  député  de  la  no- 
blesse aux  estats  réunis  à  blois  en  1576,  auquel  dépar- 
tement le  s'  de  S'  Clémant  est  cotisé  de  5  escus,  en  date 
du  15  octobre  1579,  signé  de  lestan  et  dubois.  n 

On  peut  ajouter  que  : 

1'  Le  19  septembre  1520,  Jehan  de  Prouhet, 

(1)  On  lit  en  marge  :  C'est  le  père  du  s'  de  Saint -Clémant. 

(2)  On  lit  en  marge  :  C'est  le  b'  de  Saint- Clémant,  qui  est  au- 
jourd'buy 


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lieutenant  général  et  commissaire  ordonné  par  le 
roi,  dressait  procès-verbal  sur  le  fait  des  francs- 
fiefs  ds  la  vicomte  de  Tarenne  (Archives  Nationales. 
RM91); 

2'  Le  19  juillet  1536,  Antoine  de  Noailles  don- 
nait pouvoir  au  s'  Jean  de  Prouhet,  de  Saint-Clé- 
nient,  baron  d'Ardenne,  pour  affermer  la  capitai- 
nerie de  Saint-Céré  pendant  un  an  (Arch.  Nationales. 
R*  477); 

3°  Le  15  juillet  1575,  Jean  de  Prouhet  rendait 
hommage  au  roi  à  cause  du  duché  de  Guienne, 
pour  raison  du  château  du  Peyroux,  près  Brive. 
(Archives  Nationales.  T.  193). 

Enfin,  on  trouve  aux  archives  du  département 
de  la  Vienne  (années  1575  et  suivantes)  un  hom- 
mage rendu  au  roi  pour  son  château  de  Melle,  par 
Jean  de  Prouhet,  écuyer,  pour  la  châtellenie  d'Ar- 
denne, paroisse  de  Charzay,  près  Fontenay-le- 
Comte. 

J.  uE  Saint-Germain. 


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Un  Crucifix  habillé 

DU    XIII-  SIÈCLE 

Les  expositions  rétrospectives  offrent  l'incompa- 
rable avantage  de  révéler  ce  qui  est  caché  ;  par  là, 
elles  profitent  singulièrement  à  la  science,  qui  vit 
d'obsei-vations  et  recherche  avidement  l'inédit. 
L'exposition  de  Tours  a  mis  en  évidence,  il  y  a  quel- 
ques années,  un  Crucifix,  en  émail  champlevé  de 
Limoges,  qui  mérite  qu'on  s'y  arrête,  car  il  forme 
un  type  à  part,  qui  est  le  Christ  habillé  et  vivant  (1), 
beaucoup  moins  commun  que  le  Christ  nu  et 
mourant.  Aussi  bien  est-ce  la  meilleure  manière 
d'utiliser  une  bonne  photographie,  faite  par  Léon 
Palustre,  qui  avait  organisé  cette  splendide  exposi- 
tion dans  l'ancienne  église  de  Saint-François. 

1 

Je  trouve,  dans  les  notes  de  mon  savant  ami,  la 
description  de  cette  croix,  qui  est  la  propriété  de 
M.  de  la  Villarmois,  à  Angers.  Je  copie  textuelle- 
ment ; 

«  Croix  de  M.  de  la  Villarmois,  achetée  à  M.  Mége, 
antiquaire  toulousain  :  une  semblable  est  à  Amiens. 
Hauteur,  0,29  c.  ;  largeur,  0,05;  croisillon,  0,17. 

(l)  M.  Rupin,  dans  l'Œuvre  de  Limogea,  u'en  reproduit,  page 
256,  que  deux  spécimens,  qui  ne  sont  pas  antérieurs  au  iiii*  siècle 
et  que  caractérisent  la  couronne  royale,  Textension  des  bras,  la  vie 
de  la  face,  la  raideur  du  corps,  la  richesse  de  la  robe  ot  l'éclat  de 
la  ceinture. 


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—  574  — 

Croix  dorée,  en  réserve,  gravée  en  quadrillé.  En 
bordure,  émail  lapis,  semé  de  pierres  imitées  ou 
plutôt  d'ornements  en  émail,  nues  rouge,  vert, 
jaune  ;  rouge,  bleu  cendré,  blanc  ;  le  rouge  forme 
point  au  centre.  Ces  ornements  alternent  en  fleuret- 
tes et  en  losanges.  En  haut,  main  bénissante,  émail- 
lée  de  blanc,  avec  manche  turquoise,  issant  d'un 
nuage,  bleu  foncé,  blanc,  bleu  clair  et  rouge.  Titre 
de  la  croix,  bleu  clair,  avec  lettres  en  réserve,  IHS. 
Nimbe  crucifère,  à  croix  rouge  et  jaune  ;  le  reste 
nué  rouge,  bleu  cendré,  blanCj  bleu  turquoise.  Christ 
en  relief,  couronné  et  babillé,  pieds  nus  ;  cheveux 
très  fins,  tombant  de  chaque  côté  sur  les  bras.  A  la 
couronne,  gravée  d'ornements,  goutelettes  d'émail 
turquoise  et  grenat.  Vêtement  bleu  lapis,  avec 
cabochon  turquoise  à  la  ceinture  ;  bas  de  la  robe 
vert,  pointillé  de  rouge  ». 

Les  dimensions  sont  un  peu  moindres  comme 
longueur  et  extension  du  croisillon,  mais  la  largeur 
est  la  même  qu'à  Cherves,  avec  renfort  ovale  au 
centre.  La  suppression  d'un  monogramme  permet 
de  placer  la  main  divine,  que  n'oublient  guère  les 
Limousins.  L'ornementation  du  champ,  à  la  mode 
limousine,  alterne  un  semis  de  gemmes  et  de  roses. 
Mais  une  différence  notable  est  constituée  par  le 
Christ  en  relief,  couronne  en  tête  et  entièrement 
babillé,  soit  par  habitude  chez  les  émailleurs  d'an- 
cienne date,  soit  par  allusion  aux  images  les  plus 
vénérées,  qui  sont  celles  d'Umana  près  Ancône  et 
de  Lucqùes  (1). 

(t)  V.  sur  le  Saint-Voult  de  Lucques  le  Guide  de  l'arl  chrétien, 
pu  le  comte  de  Sainl-Laureot,  IV,  385. 


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II 

Reprenons  chaque  partie  en  détail  pour  en  déter- 
miner rigoureusement  la  signification. 

Cette  croix  est  une  pièce  d'applique.  Tout  autour 
apparaissent  les  trous,  destinés  aux  clous  qui  l'atta- 
chaient à  une  âme  en  bois.  Etait-ce  pour  en  faire 
une  croix  d'autel  ou  de  procession  ?  C'est  possible  à 
la  rigueur  ;  il  manquerait  alors  les  potences  termi- 
nales. J'inclinerais  plutùt  à  y  voir  le  décor  d'une 
grande  châsse,  constaté  aussi  sur  les  petites,  d'après 
ce  texte  d'un  inventaire  de  l'église  de  Douay  en 
1493  ;  «  Deux  petites  fiertés,  de  cuivre  de  Limoges, 
esmailliés,  avec  deux  ymages  de  Crucifix  »  (Bull, 
de  la  Soc.  arch.  du  Limousin,  XXXV,  248).  Si  le 
relief  était  un  peu  moins  fort,  la  croix  aurait  pu 
orner  la  couverture  d'un  évangéliaire,  qui  compor- 
tait des  appliques  d'émail  limousin,  témoin  cet 
article  de  l'inventaire  de  la  cathédrale  de  Châlons, 
en  1410:  «  Item,  alia  similis  tabula....,  circumdata 
cupro  de  opère  Lemovicino  »  (Ibid.J.  Souvent,  le 
même  objet,  suivant  l'occurrence,  variait  de  desti- 
nation :  il  était  fait,  en  conséquence,  tant  pour  la 
forme  que  pour  l'ornementation,  sans  aucun  carac- 
tère trop  spécial,  le  crucifix  convenant  également 
à  plusieurs  ustensiles  liturgiques  ;  en  sorte  que, 
lorsque  la  pièce  est  isolée  et  détachée,  il  devient  dif- 
ficile de  préciser  sa  provenance  et  son  usage  premier. 

Toutefois,  l'apposition  du  Christ,  trop  grand  pour 
la  croix  sur  laquelle  il  déborde,  témoigne  que  la 
pièce  est  mutilée  et  que,  pour  la  compléter,  il  lui 
manqueses  terminaisons  ordinaires,  petits  morceaux 


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de  rapport,  qui  ajciutent  à  l'iconographie  son  déve- 
loppement normal  (1). 

La  croix,  au  centre,  est  renforcée  par  un  ovale  (2) 
qui,  embrassant  la  tète  et  le  haut  du  corps,  c'est- 
à-dire  la  partie  la  plus  noble,  forme  comme  une 
auréole.  Au  haut  moyen  âge,  parfois  cette  auréole 
était  double  (3)  ;  on  n'a  gardé  ici  que  celle  qui  était 
strictement  indispensable  pour  exprimer  l'idée  de 
glorification.  Dans  un  contrat  de  l'an  1451,  pour 
une  croix  de  pierre  à  exécuter  à  Avignon,  ce  cer- 
cle (4)  est  spécifié  afin  que  le  sculpteur  ne  soit  pas 

tenté  de  l'omettre;  «  Johannes sculpter  sive 

inciser  ymaginum p^omisit..^..  se  facturum  et 

scissurum  unam  crucem  lapideara ,  floretatam 

in  quatuor  extremilatibus  foliis  bene  ordinatis  et 
consonantibus  secundum  artem  (5),  habentem  unum 
circulum  cum  octo  angulis,  scilicet  folhetatis  per 
modum  revestimenti,  bene,  subtiliter  et  artificiose  ; 
ac  sculpere  unum  crucifixum  bene  decenter  secun- 
dum ipsam  crucem  ah  uno  latere  »  (Bull,  arck., 
1892,  p.  441). 

En  peinture,  au  xni*  siècle,  la  main  posait  sur 

(0  L'CEuvi-e  de  Limogei,  pp.  258.  267,  274,  275. 

(2)  Rupin,  p.  250,  260  et  ailleurs.  —  "  Les  croiï  Auréolée»,  c'est-à- 
dire  celles  où  l'on  voit  à  la  jonction  des  croisillons  une  partie  cir- 
culaire, aux  terminaisons  en  potence  et  à  cavets,  paraissent  être 
l'une  des  caractéristiques  de  l'orfèvrerie  limousine,  une  marque  de 
fabrique  en  quelque  sorte  a  [Congr.  arch.  de  Bnve,  p.  316). 

(3)  Didron,  HUi.  de  Dieu,  p.  125. 

(4)  Plus  loin,  il  est  appela  circvmferenti&. 

(5)  Ce  fleuretaffe  des  extrémités  est  fréquent  sur  les  croii  du 
xiu*  siècle;  je  citerai  entr'autres  la  belle  croix  à  main,  en  cuivre 
gravé,  de  la  collection  Rullier,  à  Saintes.  Ces  feuilles  traduisent 
aux  yeux  le  symbolisme  de  ïarbor  vitx,  qui  eut  grande  vogue  à 
cette  dpoque. 


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un  nimbe  crucifère.  Les  Limousins  n'ont  pas 
adopté  cette  pratique  et  la  divinité  a  été  attestée 
seulement  par  le  geste  de  la  bénédiction  à  trois 
doigts,  au  nom  de  la  Sainte  Trinité  et  par  la  sphère 
céleste  d'où  sort  le  bras  emmanché  (1),  car  la  Majesté 
de  Dieu  est  toujours  vêtue,  à  rencontre  des  dieux  de 
l'antiquité  qui  trônaient  habituellement  dans  un 
état  de  nudité  absolue.  La  main  bénissante  exprime 
ici  l'assistance  du  Père  céleste  au  moment  de  l'ago- 
nie de  son' Fils,  qui  l'appelle  à  son  secours  par  un 
cri  déchirant. 

Le  titre,  chez  les  Limousins,  est  tout  de  conven- 
tion ,  puisqu'il  ne  reproduit  pas  celui  qu'atteste 
l'Evangile.  Il  y  emploie  les  deux  monogrammes  de 
Jésus  et  de  Christ,  qu'ici  il  réduit  exceptionnelle- 
ment au  premier,  contracté  sous  la  forme  tradi- 
tionnelle IHS  (2),  qui  dérive  du  grec  et  doit  se  lire 
IHesuS,  Vêta  grec  s'interprétant  en  latin  par  la  syl- 
labe he,  en  attendant  que  l'aspiration  disparaisse 
pour  ne  laisser  subsister  que  la  voyelle. 

La  croix  est  double  (3),  une  pour  le  crucifié  (c'est 
la  croix  hii^torique),  l'autre  pour  le  bois  du  supplice 
{c'est  la  croix  symbolique)j  toutes  deux  combinées 
pour  l'effet,  car  l'excipient,  dessinant  une  bordure, 
encadre  gracieusement  l'arbre  sacré  qu'elle  entend 
honorer,  parce  qu'il  a  servi  à  la  rédemption  du  genre 
humain.  Or  l'honneur  que  prodiguent  les  artistes 
pour  l'exaltation  de  la  Sainte  Croix,  ce  sont  à  la  fois 


(I)  Rupin,  p.  251,  254,  260,  262, 

(S)  Rupin,  p.  S50,  258,  260;  le  Congrès  archéologique  de  Brioe 
ne  mentionae  pas  cette  singularité. 
(3)  RupiD,  p.  253,  254,  260. 


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-  579  — 

les  fleurs  odorantes  et  les  pierres  précieuses,  tribut 
fourni  par  la  nature  elle-même  qui  prodigue  ce 
qu'elle  a  de  plus  éclatant  (1). 

Le  nimbe  fait  corps  avec  la  croix  (2)  :  il  est  cruci- 
fère, conformément  à  la  règle,  car  la  crois  est  un  des 
symboles  expressifs  de  la  Trinité,  puisqu'elle  se 
compose  de  trois  parties  :  la  tête,  pour  le  Père  ;  la 
tige,  pour  le  Fils,  et  la  traverse,  pour  le  SaintEsprit. 
U  proclame  donc,  à  première  vue,  la  divinité  du 
supplicié.  Cn  des  plus  anciens  exemples  de  ce 
nimbe  spécial  figure  sur  une  boucle  du  vi'  siècle, 
découverte  dans  les  Ardennes,  et,  pour  qu'il  n'y  ait 
pas  de  doute  sur  l'identité,  on  a  inscrit  entre  les 
branches  un  des  noms  divins  1MMA.NVEL  0ull. 
mon.,  1893,  p.  183). 

Le  Cbrist  est  une  pièce  de  rapport,  parce  qu'il  est 
en  relief  :  les  clous  de  la  crucifixion  le  maintenaient 
naturellement  sur  la  croix.  Sa  place  a  été  détermi- 
née par  un  contour  au  trait,  qui  arrêtait  les  hachures 
de  la  croix  :  le  même  procédé  se  constate  sur  une 
croix  du  Trésor  de  Cherves,  en  Angoumois  (3), 

Mais  ce  qui  me  frappe  le  plus  ici,  c'est  l'attitude 
et  le  costume  du  Christ.  11  a  au  front  la  couronne 
royale,  constellée  de  gemmes  :  sa  tête  est  droite, 
comme  son  corps  qui  ne  fléchit  pas  sous  la  dou- 
leur ;  l'œil  est  vif,  sans  la  moindre  idée  de  mort  ;  les 
bras  sont  horizontalement  étendus  et  les  mains 
ouvertes  ;  la  nudité,  qui  ne  se  manifeste  qu'aux 


(1)  Rupin,  p.  250,  253,  254,  260,  262. 

(2)  Rupin,  p.  253,  25t,  267  ;  ailleurs,  il  suit  le  mouvement  de 
tête. 

(3)  RupiD,  p.  253,  254. 


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pieds,  dispai'alt  sous  une  riche  tunique,  à  orfrois 
gemmés,  dont  la  ceinture  perlée  est  fixée  à  la  taille 
par  un  fermail  en  rose,  tandis  que  les  deux  bouts 
pendent  en  avant,  terminés  par  des  houppes;  cette 
tunique  à  plis  nombreux  est  bleue,  couleur  cé- 
leste. 

De  Bastard  avait  déjà  affirmé  que  :  «  Le  Christ 
habillé  est  sans  prix,  à  cause  de  sa  rareté  »  (1). 
Barété  est  peut-être  trop  restreindre  cette  pratique, 
qui  s'inspire  évidemment  de  l'Apocalypse  (2). 
M.  Brutails,  dans  ses  Notes  sur  l'art  religieux  du 
Roussillon,  s'exprime  en  ces  termes  (3)  :  «  Les 
Christs  qui  sont  vêtus,  suivant  l'usage  byzantin, 
sont  appelés  dans  le  pays  des  Saintes  Majestés.  Les 
Sautas  Magestats  d'Angoustrine,  de  la  Llagone 
et  de  Belpuig  remontent  au  xii'  siècle  ;  la  Santa 
Magestat  du  Coral  est  moderne,  peut-être  du  xvn' 
siècle.  Les  deux  premiers  de  ces  Christs  sont  raides, 

la  tête  haute,  l'œil  ouvert Le  Christ  de  Belpuig 

a  la  tête  un  peu  inclinée  et  l'œil  mi-clos.  Dans  les 
trois,  la  robe  tombe  sans  pli  ;  la  ceinture  est  nouée 
par  devant,  les  bouts  pendants.  Le  Christ  du  Coral 
est  couronné  ». 

Le  terme  de  Majesté,  donné  aux  crucifix  habillés^ 
est  à  retenir  et  il  doit  entrer  désormais  dans  la 
terminologie  ecclésiologique .  Il  y  a  même  lieu  de 


(1)  Bullel.  du  Comité...  des  aria  de  ta  France,  t.  IV,  p.  750. 

(!)  «Et  conversus  vîdi simileni  Rlio  hominis,  vestitum  podere 

et  prœcinctum  ad  mamillas    zona  aurea oculi  ejus  tamqaam 

fiamma  ignîs.  Et  pedes  ejus  similes  aurichalco,  sieul  in  camino 
ardenti  •  {Apocalups.,  I,  12-15). 

(3)  Butlet.  arch.,  1S93,  p.  365. 


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corriger  sur  ce  point  le  langage  usuel,  qui  particu- 
larise trop.  En  effet,  Majesté,  en  archéologie,  se  dit 
exclusivement  du  souverain,  assis  sur  son  trône  (1), 
tandis  qu'étymologiquement,  on  peut  l'entendre 
aussi  du  souverain  debout.  Le  mot  latin  se  com- 
'  pose  de  deux  termes,  major  et  sto.  Major  indique, 
de  la  part  de  l'artiste,  l'idée  de  faire  grand,  plus 
grand  que  nature  et  que  l'entourage,  pour  témoi- 
gner d'une  supériorité  de  dignité  et  de  hiérarchie  ; 
les  proportions  habituelles  du  corps  humain  sont 
donc  exagérées  intentionnellement,  dans  le  but  de 
figurer  la  grandeur  morale  par  la  grandeur  physi- 
que. Quant  au  verbe  sto,  qui  dénote  la  stabilité,  il 
veut  dire  principalement  se  tenir  debout  (2). 

Comme  conséquence  de  cet  exposé  de  principes, 
je  conclus  que  le  Christ  peut  être  qualifié  en  ma- 
jesté dans  une  quadruple  circonstance,  suivant 
qu'on  examine  plus  particulièrement  en  lui  le 
Sauveur,  le  Juge,  le  Rémunérateur  et  le  Vain- 
queur. 

Sur  la  croix  de  M.  de  la  Villarmois,  n'a-t-il  pas  les 
deux  caractéristiques  du  souverain,  la  couronne  et 
le  vêtement  somptueux?  Donc,  à  l'instar  des  cru- 
cifix du  Roussillouj  il  a  droit  au  qualificatif  de 
Majesté  et  son  nimbe  permet  d'ajouter  Majesté 
sainte.  Saint,  saint,  est  te  Seigneur,  répète  l'Eglise 

(1)  Les  lexicographes  génëralisent  avec  raison  ;  o  Majesté,  carac- 
tère de  grandeur  et  de  supâriorité,  qui  fait  révérer  les  puissances 
souveraines  •  (Furetière).  Quicherat  traduit  Majealat,  qu'il  fait 
dériver  de  major,  «  majesté,  grandeur  divine,  puissance,  pouvoir, 
autorité,  dignité,  aspect  imposant  >. 

(ï)  s  Sto.  Se  tenir  debout,  être  prêt  à  servir,  avoir  une  statue  en 
pied,  être  droit  ou  vertical  a  (Quicherat). 

T.  XX.  4  -  M 


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au  Sanctus  de  la  messe.  Mais  là  il  est  surtout  consi- 
déré en  tant  que  Sauveur  et  Rédempteur,  car  il 
s'installe  sur  l'instrument  de  son  supplice  comme 
sur  un  trône  :  «  Regnavit  a  ligno  Deus  »,  chante 
saint  Fortunat  dans  le  FeaîtWare^ts,  qui  est  l'hymne 
glorieux  de  sa  passion.  Il  tend  les  bras  pour  accueil-  ' 
lir  le  pécheur  (1)  et  lui  redonner  la  vie  qu'il  a  perdue 
par  le  péché,  car  il  se  proclame  à  la  fois  résurrec- 
tion et  vie  (2). 

La  seconde  Majesté  est  celle  du  Christ,  assis,  pour 
juger  les  hommes  :  tel  on  le  voit,  au  xn*  siècle,  au 
portail  de  la  cathédrale  d'Angers  ;  au  xni%  à  celui  de 
Notre-Dame  de  Paris  ;  au  iiv',  au  tympan  de  la  porte 
principale  de  la  cathédrale  de  Poitiers.  À  la  façade 
de  la  cathédrale  d'Angoulême,  sculptée  au  xri'  siè- 
cle, le  Christ  debout  descend  du  ciel  pour  présider 
le  jugement  fînal. 

La  troisième  Majesté  le  représente  debout,  dans 
son  rôle  de  Rémunérateur,  c'est-à-dire  bénissant 
et  récompensant  ses  serviteurs  fidèles  (3). 

Enfin,  le  Christ  Vainqueur,  encore  debout,  foule 
aux  pieds  le  lion  et  le  dragon  (4),  emblèmes  de  Satan 
qu'il  a  défait  et  rendu  impuissant;  puis,  d'après 
la  vision  Apocalyptique,  il  monte  sur  un  cheval 
blanc,  à  la  façon  des  anciens  triomphateurs  (5). 


(1)  «  Venite,  benedicti  Patria  mei  >  (S.  Hatth.,  XXV,  34). 
(3)  t  Ëgo  aum  resurrectio  et  vita  n  {Aiit.  du  Benedictus,  &  l'Office 
de»  Mort»). 

(3)  Annal,  urck.,  XVIII,  197,  ivoire  du  xi*  siècle,  i  la  Biblio- 
thèque Nationale. 

(4)  Hiël.  de  Dieu,  p.  304,  ivoire  du  zii*  siècle,  au  Vatican. 

(5)  Hiit.  de  Dieu,  p.  315,  fresque  du  xti*  siècle,  à  la  cathédrale 
d'Auxerre. 


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Il  importait  de  bien  déterminer  la  marche  ascen- 
dante de  l'idée  de  majesté,  qui  a  été  exprimée,  au 
moyen  âge,  de  quatre  manières,  dilTérentes  par  le 
détail,  mais  concordantes  par  le  but  qui  est  d'exal- 
ter le  souverain,  Roi  des  rois,  autrement  dit  le 
Seigneur  par  excellence. 

Le  Crucifix  limousin,  exécuté  au  premier  tiers 
du  xm'  siècle,  présentera  donc  désormais  aux 
amateurs  un  double  intérêt:  d'abord,  en  raison  de  ' 
sa  rareté,  les  émailleurs  ayant  peu  cultivé  ce  genre  ; 
puis^  à  cause  de  son  type,  parfaitement  accusé, 
qui  le  classe  au  premier  rang  des  Saintes  Majestés 
en  croix. 

X.  Barbier  de  Montault. 


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L'Abbé  de  Feletz 


Notre  étude  sur  Feletz  nous  a  valu  quelques  observa- 
tions que  nous  euregistrons  avec  plaisir,  car  elles  prou- 
vent l'intérôt  qui  s'attache  à  cette  Qgure,  trop  longtemps 
restée  dans  l'ombre,  et  nous  donnent  l'occasion  de  mettre 
  profit  quelques  communications  complémentaires  qui 
nous  ont  été  faites  depuis  notre  publication. 

a,  Eugène  Marbeau,  dont  l'opinion  est  d'autant  plus 
précieuse  qu'il  a  connu  notre  spirituel  académicien  lors- 
qu'il vint  se  fixer  à  Paris,  nous  a  signalé  les  «  petites 
inexactitudes  »  ci-dessous  : 

P.  238,  note  2  :  Une  lettre  de  Bertin  à  Fontanes  aurait 
été  lue  «  par  un  M.  Rousselle  >.  —  s  La  formule  est  un 
peu  cavalière  pour  un  personnage  qui  eut  une  certaine 
importance.  M.  Rousselle,  secrétaire  et  ami  de  Fontanes, 
grand  maître  de  l'Université,  fut  pendant  de  longues  an- 
nées vice-recteur  de  l'Académie  de  Paris  ». 

Nous  avouons  ici  que  nous  ignorions  absolument  les 
titres  et  qualités  de  ce  prédécesseur  de  M.  0.  Gréai-d,  qui 
n'eut  probablement  ni  la  notoriété  ni  le  talent  de  ce  der- 
nier. Nous  avons  parcouru,  pour  être  mieux  informé, 
plusieurs  ouvrages  où.  se  trouvent  les  renseignements 
biographiques  sur  les  grandes  figures  modernes.  Nous 
n'avons  rien  relevé  au  sujet  de  M,  Rousselle.  —  Nous  ne 
pouvons  que  remercier  M.  Marbeau  des  détails  précieux 
qu'il  a  bien  voulu  nous  donner  à  cet  égard. 

P.  247  et  note  1  de  la  même  page,  mal  rédigée:  n  Est-ce 
que  Feletz  a  été  deux  fois,  en  1815  et  en  1848,  tourmenté 
par  deux  ministres  du  nom  de  Carnot  ?  Ne  s'agit-il  pas  du 
même  fait  inscrit  à  deux  époques  différentes,  à  cause  de 
la  ressemblance  du  nom?  Le  fait  de  1848  est  plus  proba- 


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~  536  — 

ble  ;  il  n'y  a  rien  d'étonnant  à  ce  que,  après  une  révolu- 
lion,  un  nouveau  ministre  ait  songé  à  donner  un  succes- 
seur à  un  bibliothécaire  octogénaire  et  aveugle,  qui, 
certainement,  ne  remplissait  plus  ses  fonctions  d. 

Cela  est  fort  juste  et  nous  y  souscrivons  pleinement, 
tout  en  nous  excusant  de  notre  inattention  inexplicable. 

P.  261.  1  II  est  question  d'une  anecdote  se  passant  dans 
le  salon  de  M"  de  Deffand.  M""  de  Deffand  était  morte 
plusieurs  années  avant  la  Révolution.  La  petite  scène 
racontée  se  passe  sans  doute  à  l'occasion  de  M"'  de  Def- 
fand, mais  non  dans  son  salon  ■, 

M"'  de  Vichy-Chami-ond,  marquise  du  Deffand  (c'est  le 
nom  donné  par  le  manuel  Lanson),  est  morte  en  effet  en 
1780;  elle  était  née  en  1697,  FeletE  en  1767.  Son  premier 
article  dans  les  Débuts  est  de  1802.  L'anecdote  que  je  dois 
à  M.  Rupin  est  donc  inexacte,  au  moins  dans  le  détail. 
FeletE  n'a  pu  ni  connaître  M"'  du  Deffand,  ni  fréquenter 
son  salon,  puisqu'il  avait  treize  ans  au  moment  de  la  mort 
de  celle-ci.  —  Encore  une  inattention  regrettable.  —  Rap- 
pelons en  passant  que  la  Correspondance  inédite  de 
M"  du  Deffand  a  été  publiée  par  le  marquis  de  Saint- 
Aulaire  (Paris,  1859,  2  vol.  in-8). 

P.  267.  I  L'auteur  se  demande  qui  était  l'abbè  de  Cos- 
nac  dont  parlait  Feleti,  en  1818.  N'est-ce  pas  celui  qui, 
avant  de  devenir  évèque,  avait  été  curé  de  Brive  î  II  avait 
été  le  confesseur  de  ma  grand'mère,  et  mon  père,  qui 
était  très  lié  avec  l'abbé  de  FeletE,  me  parlait  quelquefois 
de  lui  ». 

Pour  la  i  bibliographie  n,  j'ai  à  signaler  deux  articles 
sur  l'Abbé  de.  Feletz,  parus  dans  le  Bas-Limousin  (n"*  3-4 
année  1869)  sous  la  signature  :  Stéphen  (M.  Lajoinie,  alors 
professeur  de  seconde  au  Collège  de  Brive)  ;  plus,  quel- 
ques ouvi-ages  concernant  l'histoire  du  clergé  pendant  la 
Révolution,  récemment  parus  : 

Mémoii-es  inédits  de  l'Internonce  à  Paris  pendant  la. 
Révolution  filOO-iSOi),  par  l'abbé  Bridier  (Pion). 


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—  587  - 

Correspondance  secrète  de  l'abbé  de  Salamon,  chargé 
des  affaires  du  Saint-Siège  pendant  la  Révolution,  avec 
le  cardinal  de  Zélada  (1791-1192),  publiée  par  le  vicomte 
de  RichemuQt  (Pion). 

Police  sur  le  clergé  de  Cahors  pendant  la  Révolution, 
par  l'abbé  Justin  Gary  (Delsand,  Cahors). 

On  peut  y  joindre  les  ouvrages  de  H.  Vallon:  Le  Tri- 
bunal révolutionnaire  de  Paris  [T.  IV,  p.  288-501 }. 

V.  Pierre:  La  Terreur  sous  le  Directoire,  d'après  des 
documents  inédita  {Rettaux-Bray,  Paris  1887). 

Un  critique  aussi  mordant  que  Feletz  et  aussi  connu  par 
sa  situation  au  Journal  des  Débats  et  sa  lutte  avec  «  l'Athé- 
née »,  était  destiné  à  s'attirer  les  railleries  de  ceux  qui  ne 
partageaient  point  sa  manière  de  voir. 

M.  Louis  Greil,  de  Cahors,  nous  a  communiqué,  k  son 
sujet,  quelques  épigramraes  qui  furent  insérées,  en  1808, 
dans  le  Journal  du  Lot.  Nous  ne  saurions  trop  remercier 
notre  érudit  correspondant  de  sa  gracieuse  contribution  à 
notre  monographie. 


I 

Comment  ae  nomme-t-ii  ce  singe  satirique 
Qui,  signant  par  un  F  son  amère  critique, 
S'est  contre  tout  bon  sens  tant  de  fois  signala  ! 
Est  ce  l'abbé  Fetetz  ?...  Non,  c'est  l'abbâ  Fêlé  '.... 

{Par  un  Aidtai-  m  midielat.  mtmbrt  it  t'Acttiimle  4t  MantoahaH). 


II 

Pourquoi  cet  amer  détracteur 

Et  de  Mérope  et  de  Zaïre, 
Zolle  audacieux,  a-t-il  pris  tant  d'humeur 
Contre  un  corps  éclairé  que  te  bon  (;oiit  inspire  T 
Voua  voulez  le  savoir?...  En  voici  la  raison: 
Le  corps  dont  vous  parlez  proscrit  l'art  de  médire. 
Et  le  singe  impuissant  du  célèbre  Fréron 

Vit  des  produits  de  la  satire. 


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m 

Pour  se  rengar  d'une  Athénâe 
(Jui  ie  mit  naguère  à  son  ban, 
Feletz,  émule  de  Satan, 
Lance  une  flèche  ampoiaonnée 
Sur  la  cité  de  Montauban. 
Ingrat!...  Ta  rage  s'est  tournée 
Sur  le  tombeau  de  Pompjgnan  (I). 

(Par  un  aiutca  chaneùu  de  la  eatkiirale  dt  MviUauban). 
umat  ia  Loi,!  luiiier  IB08). 

IV 

Peletz,  de  Brive-la-Gaillarde, 

Est  la  gloire  du  Limousin; 

Bufflëre  l'a  nommé  son  barde, 

Aussi  voyez  s'il  est  malin. 

D'esprit  sa  critique  pétille. 

D'esprit  qui  lui  vient  de  famille  ; 

Deachalvmeaux  est  son  cousin  ; 

Et  l'on  dit  encor'  du  bon  drille 

Que  PourceflUffnac  est  sou  parrin  fsicj. 

nalatix  feiidUII  4e  Monlautan), 


mal  du  Lot,  10  juiTlsr  180)1). 


Raymond  Labordb. 


(t)  LBfrmc  de  PomplKiiin,  TonHateur  de  l'Acattéuile  d«  Hoatauhia. 


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LETTRE  DE  M.  BONNEVAL 

CURÉ  DE  TAURIAC  m 
A  Monseigneur  Henri,  évêque  de  Cahors 

AU  SUJET  DE  L'USURE 


Avant  d'entreprendre  l'historique  et  la  généalo- 
gie, s'il  est  possible,  d'une  ancienne  famille  ayant 
habité  la  commune  de  Bétaille,  en  Quercy,  sur  les 
confins  du  Limousin,  famille  essentiellement  bour- 
geoise, vivant  même  noblement,  et  dont  le  dernier 
descendant  direct  est  aujourd'hui  président  de  la 
Chambre  des  Notaires  de  l'arrondissement  de  Brive, 
nous  allons  donner  la  copie  d'un  document  trouvé 
dans  ses  archives  et  dont  l'auteur,  prêtre  plein  de 
fol  et  de  scrupule,  était  de  son  vivant  curédeTau- 
riac.  Du  reste,  plusieurs  membres  de  la  famille 
Bonneval,  qualifiée  parfois  de  Bonneval,  sont  en- 
trés dans  te  sacerdoce  et  ont  exercé  leur  ministère 
à  Cuzance,  à  Tauriac,  à  Bonneviole,  à  Cahors,  et 
des  documents  intéressants  pourront  être  publiés  à 
ce  sujet.  En  attendant,  la  lettre  suivante,  adressée  à 
Mgr  l'évêque  de  Cahors,  Henri  de  Briquevitle  de  la 
Luzerne,  nous  montrera  l'esprit  de  profonde  jus- 


(1)  Paroisse  du  canton  de  firetenoiix,  arrondissement  de  Figeac 
(Lot).  —  Commune  de  Prudhomat.  Grande  foire  annuelle,  le  20 
juillet,  dite  de  Bonneviole. 


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—  590  — 

tice  et  de  saine  tradition  qui  animait  le  clergé  de 
l'époque.  Elle  est  relative  au  prêt  à  intérêt. 

Il  convient  de  remarquer  que,  dans  notre  langage 
ordinaire,  le  mot  usure  se  prend  ordinairement 
en  mauvaise  part;  mais  parmi  les  jurisconsultes, 
les  théologiens,  les  canonistes  et  les  gens  d'affaires, 
l'usure  peut  se  prendre  également  pour  un  intérêt 
légitime  ou  pour  un  intérêt  illicite. 

Les  stipulations  des  intérêts,  successivement 
prohibées  et  autorisées  par  la  législation  romaine, 
furent  définitivement  réglées  par  les  empereurs 
Constantin  et  Justinien.  En  France,  elles  furent 
constamment  défenduesdans  les  prêts.  Elles  étaient 
formellement  interdites  par  les  lois  canoniques  et 
cette  prohibition  fut  confirmée  par  les  ordonnances 
de  nos  rois. 

L'un  des  principaux  actes  de  l'Assemblée  consti- 
tuante fut  d'autoriser  le  prêt  à  intérêt  (déc.  3-12 
octobre  1789)  et  l'article  1905  du  Gode  civil,  ainsi 
que  la  loi  du  3  septembre  1807  ont  définitivement 
consacré  cette  disposition. 

Voici  la  copie  de  la  lettre  adressée  à  l'évéque  de  ' 
Cahors  : 

Monseigneur, 

Votre  Grandeur  est  l'oracle  que  nous  devons  consulter 
nos  douttes,  et  à  qui  nous  devons  obéir  pour  être  en  su- 
rette devant  Dieu.  Dans  cet  esprit,  j'ay  recours  à  vos  infi- 
nies lumières.  Monseigneur,  pour  être  éclairé  sur  un  point 
de  morale  qui  fait  schisme  danB  ce  pays.  La  question  est 

telle La  sentence  du  juge  est-elle  un  titre  pour  pouvoir 

en  conscience  prendre  le  revenu  d'une  simple  obligation  ? 

J'ay  été  consulté  dans  la  qualité  dont  votre  Grandeur 


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-  591  — 

m'a  honoré,  et  j'ay  répondu  que  la  sentence  n'était  pas  un 
titre  lorsque  le  créancier  n'était  pas  en  soufraoce  ou  que 
le  débiteur  n'était  pas  dans  un  coupable  retardement.  Ma 
raison  a  été  que  le  juge  présume  toujours  l'un  ou  l'autre. 
J'ay  prouvé  cette  présomption  ; 

1"  Parce  que  la  justice  ne  condamne  le  débiteur  à  payer 
le  revenu  que  depuis  la  réquisition  juridique,  quoyqu'il 
fut  débiteur  longtemps  avant  l'ajournement  ;  elle  présume 
donc  que  le  créancier  qui  requiert  payement,  est  pour  loi-s 
en  soufrance  et  ne  l'a  pas  été  plutôt. 

2'  Parce  que  l'ordonnance  du  Roy  adjuge  un  plus  grand 
revenu  aus  marchands  qu'aux  autres,  parce  que  les  mar- 
chands soufrent  communément  plus  de  dommage  par  le 
retardement  du  payement. 

30  Le  Parlement  de  Paris,  légitime  interprète  des  or- 
donnances, fut  consulté  en  1679  au  rapport  des  conférences 
de  Luçon,  sur  le  traité  de  l'usure.  Sa  réponse  fut  que  la 
maiime  du  Parlement  était  que  les  intérêts  sur  un  pur 
prêt  sont  usuraires  ;  ainsi,  quand  la  justice  condamne  les 
débiteurs  à  payer  les  intérêts  d'une  simple  obligation,  elle 
présume  nécessairement,  ou  que  le  créancier  est  en  souf- 
france, ou  que  le  débiteur  est  dans  un  coupable  retarde- 
ment. Cette  réponse  du  parlement  est  signée  des  huit  plus 
habiles  personnes  de  ladite  cour. 

4»  J'ay  prouvé  la  présomption  par  cet  exemple:  Pierre 
a  joui  trant'ans  avec  mauvaise  foi  le  bien  de  Jean  :  celuy- 
cy  venant  à  le  découvrir  met  Pierre  en  instance.  Le  juge 
qui  présume  la  bonne  foy  dans  Pierre  prononce  en  sa  fa- 
veur. Si  cependant  Pierre  déclarait  devant  le  juge  qu'il  a 
joui  ce  bien  en  mauvaise  foy  et  qu'il  a  toujours  (sceu)  su 
que  ce  bien  appartenait  à  Jean,  le  juge  condamnerait  ledit 
Pierre  i  restitution,  malgré  sa  prétendue  prescription. 

De  même  si  le  créancier  avouait  devant  le  juge,  que 
pour  avoir  prêté,  il  n'a  été,  ny  n'est  en  souffrance;  que, 
de  plus,  il  a  raison  de  croire  que  son  débiteur  n'a  été,  ny 
n'est  en  coupable  retardement,  le  juge  ne  condamnerait 
pas  le  débiteur  à  payer  le  revenu;  autrement,  ce  serait 


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—  592  — 

ouvrir  la  porte  à  l'usure.  Donc,  quand  le  juge  condamne 
au  revenu,  il  présume  toujours  que  l'un  est  en  souffrance, 
ou  l'autre  contumace.  On  m'a  objecté  qu'on  doit  regarder 
comme  une  peine  la  sentence  du  juge. 

J'ay  répondu  que  la  sentence  ne  doit  jamais  être  regar- 
dée comme  une  peine,  que  dans  le  cas  où  le  débiteur  est 
dans  un  coupable  retardement,  par  cette  règle  du  droit: 
Sine  culpa  nisi  subsit  causa,  non  est  aiiquis  puniendus  : 
reg-  33.  II  ne  parait  pas  dans  le  cas  présent  de  cause  rai- 
sonnable pour  punir  un  débiteur  qui  n'est  nullement  cou- 
pable. 

On  m'a  répliqué  que  le  bien  public  était  une  règle  et 
une  juste  cause  pour  ordonner  (insin)  le  revenu,  J'ay  ré- 
pondu qu'il  n'était  pas  de  règle  sans  exception,  et  que  le 
cas  dont  il  s'agit  devait  être  excepté,  parce  qu'il  était  du 
bien  public,  qu'il  n'y  eut  point  d'usure,  et  que  dans  le  cas 
présent,  il  y  aurait  usure  manifeste. 

On  m'a  objecté  de  plus  que  de  graves  auteura  étaient  de 
l'opinion  contraire.  J'ay  répondu  : 

1"  Que  l'opinion  contraire  était  nouvelle,  inconnue  à  la 
vénérable  antiquité,  aux  sacrés  canons  et  aux  saints  doc- 
teurs. On  a  voulu  me  dire  que  l'ordonnance  de  Charles  9 
en  1560  avait  donné  occasion  à  cette  opinion....  J'ay  ré- 
pondu que  les  payens  mêmes,  que  de  tout  temps,  les  prin- 
ces souverains  avaient  sans  doutte  fait  de  semblables  loix 
contre  l'insatiable  cupidité  des  avares,  sans  qu'on  se  soit 
jamais  avisé  de  cette  subtiliié  frauduleuse,  que  depuis  la 
naissance  des  opinions  probables,  que  l'ennemi  est  venu 
répandre  dans  le  champ  du  père  de  famille  pour  étouffer 
le  bon  grain  de  la  saine  morale. 

2°  Que  de  plus  graves  auteurs,  des  prélats,  Grenoble, 
Luçon,  etc.,  prélats,  dis-je,  qui  ont  seuls  droit  de  régler  la 
foy  et  la  morale,  sont  pour  l'opinion  que  je  défends. 

3"  Que,  quand  même  ces  deux  opinions  seraient  égale- 
ment fondées,  il  est  de  règle  qu'on  doit  dans  les  douttes 
suivre  le  parti  le  plus  conforme  A  la  loi  de  Dieu  et  fuir 
celuy  qui  favorise  l'aveugle  cupidité. 


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Mais,  a-t-OD  enfin  ajouté,  si  le  créancier  dit  qu'il  était 
en  souffrance,  la  sentence  lui  sera-l-elle  un  titre  légitime 
pour  prendre  le  revenu? 

J'ay  répondu  qu'il  ne  sufRsait  pas  que  le  créancier  fut 
dans  le  cas  du  profit  cessant  et  du  dommage  naissant,  à 
moins  que  çâ  ne  soit  vray  :  on  [scait  asaais)  combien  les 
usuriers  sont  ingénieux  à  trouver  de  faux  prétextes  pour 
couvrir  l'infamie  de  leurs  usures.  Le  créancier  devait 
avoir  averti  le  débiteur  qui  aurait  trouvé  quelqu'honnète 
homme  qui  lui  aurait  prêté  sans  revenu.  Le  christianisme 
aura  toujours  des  âmes  charitables  et  généreuses. 

Si  cette  question  n'était  pas  décidée  clairement  et  sans 
ambiguïté,  elle  donnerait  occasion  à  quasi  tous  les  créan- 
ciers, sans  distinction,  d'obtenir  sentence  pour  percevoir 
des  revenus,  que  deviendrait  la  religion  ? 

VoyU,  Monseigneur,  quelle  a  été  ma  réponse,  que  je 
soumets  avec  respect  au  jugement  de  Votre  Grandeur.  Je 
la  supplie  très  humblement  de  me  faire  scavoir  au  bas  de 
cette  consulte,  le  sentiment  qu'oa  doit  nécessairement 
suivre  pour  assurer  le  salut;  en  un  mot,  si  j'ay  bien  ou 
mal  décidé. 

J'ay  l'honneur  d'être  avec  un  très  profond  respect,  Mon- 
seigneur, votre  très  humble  et  très  obéissant  serviteur. 

BoNMEVAL,  curé  de  Tauriac. 
13  septembre  1733. 

Voici  la  réponse  de  Monseigneur,  au  bas  de  la 
consulte  : 

Vostre  décision.  Monsieur,  me  parait  la  plus  sûre  et  la 
plus  probable. 

A  Caors,  ce  21""  septembre  1733. 

Henbv,  évêque  de  Caors. 

Je  ne  sais  si  cette  réponse  a  calmé  entièrement 
les  préoccupations  de  ce  digne  prêtre  ;  mais,  dans 


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tous  les  cas,  on  peut  dire  qu'elle  est  assez  brève  et 
que  l'usure  pratiquée  par  des  Lombards  qui  s'établi- 
rent à  Cahors  en  plein  moyen  âge  y  était  peut-être 
devenue  tellement  commune  que  le  prélat,  malgré 
la  ruine  d'an  de  ses  prédécesseurs,  par  ces  Caor- 
ciens,  hésitait  peut-être  à  lancer  le  même  anathéme 
que  son  scrupuleux  subordonné. 

P.  Delmond, 

Directeur  d'école  à  AUusac. 


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ALLASSAC 

[Suite.) 


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—  596  — 

Pour  cette  population  rien  n'était  sacré  comme  les 
vieux  usages  de  son  église.  Essayer  de  les  supprimer  c'était 
s'exposer  à  sa  colère,  alors  même  que  l'autorité  ecclésias- 
tique s'en  serait  mêlée.  Nous  en  avons  pour  preuve  la 
protestation  énergique  qui  eut  lieu,  en  1699,  à  l'occasion 
de  la  grande  fête  paroissiale  du  29  août.  Il  parait  qu'au- 
trefois le  Saint-Sacrement  y  était  exposé  toute  la  journée 
sur  le  maître-autel.  Or,  en  cette  année-là,  la  dédicace  de 
cette  église  se  faisant  le  jour  même  de  la  décollation  de 
saint  Jean,  le  curé  dût  faire  son  exposition  dans  une  des 
chapelles  latérales  pendant  les  cérémonies  de  la  consé- 
cration. Mais  mal  lui  en  prit,  car  aussitôt  il  reçut,  de 
François  de  RofBgnac,  une  assignation  en  forme,  par  acte 
signifié  et  enregistré,  où  il  lui  était  enjoint  de  replacer 
immédiatement  l'ostensoir  sur  le  maitre-autel,  sous  pré- 
texte que  cette  innovation,  entièrement  contraire  aux 
usages  anciens,  pourrait  être  préjudiciable  aux  fidèles 
a  et  aux  coaeigneurs  dont  il  était,  ayant  prérogatives  et 
B  patronage  de  l'église  (1).  » 

Nous  supposons  que  cet  attachement  exagéré  de  leur 
seigneur  pour  les  pieuses  traditions  était  partagé  par  les 
paroissiens.  Nous  savons  d'ailleurs  que  le  respect  qu'ils 
avaient  pour  le  prêtre  était  à  l'égal  de  la  confiance  qu'ils 
lui  donnaient,  comme  ils  le  prouvaient  journellement 
par  leur  extrême  docilité.  Le  caractère  sacerdotal,  envi- 
sagé au  point  de  vue  de  l'ordre  social  ou  religieux,  pri- 
mait tout  dans  leur  esprit;  et,  leur 'grand  bonheur  à 
l'époque  des  ordinations,  était  de  pouvoir  contracter  une 
sorte  de  parenté  adoptive  avec  un  des  nouveaux  lévites 
de  la  paroisse,  voulant  partager  avec  la  famille  l'honneur 
qui  lui  revenait.  C'est  ce  que  nous  apprend,  en  1589,  un 
certain  Bertrand  de  La  Bergière  qui,  se  voyant  initié 
aux  divins  mystères  par  le  sacerdoce,  comme  le  baptême 
l'avait  initié  à  la  vie  chrétienne,  crut  devoir  se  donner, 
en  outre  d'un  parrain  et  d'une  marraine,  d'autres  parents 

flJ  Arcbivea  de  M.  de  Selve,  de  Lagane. 


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-  597  ~ 

parmi  les  plus  grands  de  la  contrée.  Il  se  choisit  donc 
Elle  de  Roffignac  pour  nouveau  père,  et  M'"  de  La  Bas- 
tide pour  nouvelle  mère  ;  honneur  qui  fut  tellement 
apprécié  du  dit  seigneur  qu'il  en  reçut  une  créance  de 
seiie  livres,  o  Messire  Bertrand  de  La  Bergière,  de  Las- 
■  sac,  a  chanté  sa  première  messe,  le  9  mars  1589,  et 
»  m'a  faict  son  père,  et  Mademoiselle  de  La  Bastide,  sa 
»  mère.  Je  luy  ay  donné  ung  debte  de  xvi  LL  que  la 
n  Jouanou  de  Forchier  me  devoit  par  obligé  (1)-  • 

Si  ces  seigneurs  faisaient  tant  de  cas  du  sacerdoce,  c'était 
pour  arriver  à  graver  plus  profondément  l'emhlème  de  la 
paix  aux  frontispices  de  la  conscience,  de  la  famille  et 
de  la  société.  Et  si,  parfois,  les  bruits  de  guerre  les  for- 
Ç.aient  à  reprendre  leur  armure  de  chevalier,  ils  allaient 
au  combat  pour  en  préserver  leurs  vassaux.  Aussi  lorsque, 
le  30  septembre  1588,  le  secrétaire  de  l'évèque  de  Limoges, 
M.  Buelly,  enrôlait  les  habitants  d'Allassac  pour  la  garde 
du  fort,  Elle  de  Roffignac  lui  permettait  de  placer  une 
guérite  au  portail  de  la  maison  de  Saint-Hartial  et  de 
celle  de  Carronnietle  qui  était  en  sa  fondalité,  mais  à 
la  condition  formelle  de  pouvoir  la  démolir  aussitôt  après 
la  guerre  aQn  de  mieux  maintenir  la  paix  (2] . 

Ces  sentiments  sont  à  l'unisson  de  ceux  du  peuple.  Si 
voud  voulez  vous  en  convaincre  vous  n'avez  qu'à  prêter 
l'oreille  à  son  langage  où  se  trouvent  mêlés  tour  à  tour 
les  accents  chrétiens  de  la  douleur  ou  de  la  joie.  Combien 
de  fois  n'avons-nous  pas  été  frappé  dune  singulière 
expression  toute  locale  et  quasi  toute  divine,  qu'on  ne 
trouve  nulle  part  ailleurs  et  qui  pénètre  l'âme  de  com- 
passion :  0  Eloy  de  Dio/  »,  qui  doit  répondre  évidemment 
à  celle  de  notre  Sauveur  sur  la  croix  :  «  Mon  Dieu,  pour- 
quoi m'aveZ'Vous  abandonné  !  ■ 

Si  nous  examinons  ses  actes,  surtout  ceux  qu'il  remplit 
dans  la  Semaine  sainte,  nous  les  verrons  tous  empreints  du 

(t)  Journal  domestique  d'Élie  de  Roffîgnac. 
(^j  Journal  domestique  d'I^lie  de  Roffignac. 

f .  XX.  i-  9 


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-5Ô8  - 

plus  pur  christianisme.  Il  lui  semble  que  la  rédemption 
doive  répandre  ses  fruits  jusque  dans  les  entrailles  de 
cette  terre  qui  a  été  inondée  de  son  sang,  et  qu'il  suffise 
de  la  fouiller  en  ces  jours  de  larmes  pour  qu'elle  soit 
fécondée.  Voilà  pourquoi  il  réserve  spécialement,  pour  le 
Jeudi  saint  et  le  Vendredi  saint,  la  semence  des  légumes 
et  la  taille  de  la  vigne,  tandis  qu'il  renvoie  à  plus  tard 
les  lessives  et  les  autres  travaux  intérieurs  de  la  maison. 

La  piété  envers  les  morts  ne  se  fait  pas  moins  re- 
marquer à  AUassac,  où  les  plus  irréligieux  comme  les 
moins  prodigues,  se  font  un  devoir  de  rendre,  tous 
suivant  leur  condition,  les  honneurs  de  la  sépulture  ^ 
leurs  parents  défunts.  Pour  détruire  cet  usage  l'impiété 
contemporaine  devrait  détruire  la  mort,  et  elle  n'y  parvien- 
dra pas.  Que  faire  aloredeces  pauvres  trépassés?  Jadis  ici 
des  caveaux  spéciaux  étaient  réservés  dans  l'église  pour 
les  membres  des  grandes  familles  et  pour  leurs  amis. 
Le  30  mars  1543,  nous  voyons  Geoffroy  de  Pompadour 
accoi-der  à  Bernard  Buisson,  juge  des  appeaux  de  la  vi- 
comte de  Limoges,  à  titre  de  récompense  pour  les  services 
qu'il  lui  avait  rendus,  le  droit  de  sépulture  dans  la  cha- 
pelle de  Saint-Georges,  de  la  maison  de  Chanac  (1). 

On  regarde  encore  comme  inséparable  des  devoirs  de 
la  sépulture  l'acquittement  des  services  et  anniversaires, 
auxquels  on  ajoute  souvent  des  distributions  de  pain  aux 
pauvres  afin  d'obtenir  le  concours  de  leurs  prières  en  faveur 
des  pauvres  défunts,  et  souvent  du  reste  pour  se  conformer 
à  leur  expresse  recommandation.  En  1280,  la  veuve  de 
Pierre  de  Chanac  élit  par  testament  sa  sépulture  au  cime- 
tière paroissial  d'Allassac,  moyennant  quarante  sous, 
léguant  sept  deniers  à  tous  prêtres  et  clercs  assistants, 
■  et  deux  deniers  à  tous  les  pauvres  présents  (2),  » 

Après  le  culte  des  morts  nous  devons  placer  celui  des 
Saints,  surtout  pour  nos  cultivateurs  et  vignerons,  car 
rien  de  ce  qui  touche  à  la  protection  du  ciel  ne  saurait 

(1)  Bulletin  archéologique  de  Brive,  juillet  1890,  p.  471. 
{2)  Collection  Fortunnde. 


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étre  indilîérent  à   ceux   qui   ont  tout  Â  attendie  de  la 

providence  divine.  Aussi  n'est-on  pas  surpris  de  les  voir 
aller  en  procession  ou  en  pèlerinage auxdivers  sanctuaires 
qui  leur  paraissent  destinés  à  conjurer  de  leurs  récoltes 
les  maléfices  ou  les  orages,  et  à  obtenir  la  cessation 
de  la  pluie  oU  de  la  sécheresse.  C'est  poui-quoi  on  les 
surprend,  tantôt  à  asperger  eux-mêmes  leurs  terres  de 
notre  sainte  eau  lustrale,  tantôt  à  se  rendre  en  prière 
aux  fontaines  miraculeuses  de  Saint-Hobert,  de  Malemort 
et  d'ailleurs  afin  de  procurer  à  leurs  enfants  la  guérison 
des  maladies  ennuyeuses  (ies  nandzes]. 

Les  testaments  font  aussi  apparaître  leurs  sentiments 
de  piété;  et  il  n'est  pas  rare  de  les  trouver,  en  ces  cir- 
constances, entièrement  absorbés  par  la  pensée  de  remplir 
les  droits  de  la  justice  et  de  la  conscience,  se  conformant 
toujours  en  cela  aux  habitudes  des  chrétiens  d'autrefois. 
Le  12  aoùE  1348,  on  voyait  en  effet  un  chevalier,  Guy  de 
Ghanac,  instituer  tout  d'abord  -Hélie,  son  fils  atnë,  pour 
son  héritier  universel;  et  puis  léguer  le  manoir  de  La 
Roche  Jarron  à  Robert,  chanoine  de  Paris;  plus  soixante 
sols  tournois  à  Guillaume,  moine  de  Saiut-Martial  ;  plus 
cinq  sols  à  Foulques,  religieux  de  la  même  abbaye  ;  plus 
dix  livres  tournois  à  Bernard,  chanoine  de  Paris;  plus 
dix  livres  à  Bertrand,  chanoine  de  Limoges  ;  plus  soixante 
30US  à  Denise,  religieuse  de  Saint-Pardoux  en  Périgord; 
autant  à  Delphine,  du  même  couvent;  autant  à  Doulce, 
bénédictine  de  La  Règle,  de  Limoges;  plus,  enfin, 
dix  blancs  tournois  à  Comptorie,  femme  du  sei- 
gneur de  Milleria.  On  le  voyait  également,  tout  pénétré 
de  zèle  pour  la  maison  de  Dieu,  léguer  certaines  rentes 
pour  l'entretien  d'une  lampe  et  de  cierges  devant  la 
chapelle  de  Saint-Georges,  prescrire  une  torche  de  cire 
pour  brûler  à  l'élévation  de  la  messe  et  pour  accom- 
pagner le  saint  viatique  aux  malades.  Il  recommandait 
surtout,  en  terminant,  aux  exécuteurs  testamentaires  de 
payer  toutes  ses  dettes  (I}. 

(1)  Champeval,  Diclionnaire  de  la  Corrète,  p.  2)1. 


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Mais  pour  juger  plus  parfaitement  des  dispositions  des 
Qdëles  d'Allassac,  on  n'a  qu'à  voir  le  respect  qu'ils  ont 
conservé  pour  le  dimanche.  Jadis  ce  jour  était  vraiment 
celui  du  Seigneur,  jour  de  repos  absolu  et  de  sancti- 
fication. Aujourd'hui  encore,  malgré  les  coups  portés  à 
la  religion,  l'église  y  est  très  fréquentée.  On  s'y  rend 
aux  quatre  messes  dominicales;  on  y  écoute  avec  bonheur 
la  parole  de  Dieu  ;  et  nous  ne  craignons  pas  d'affirmer 
que  ce  précepte  serait  généralement  observé  si,  dans  la 
matinée,  le  ti-avail  était  suspendu  aux  carrières  d'ar- 
doises. Ah!  sites  patrons  et  les  chefs  de  chantier  avaient 
un  peu  consulté  les  registres  de  la  mairie,  ils  pourraient 
se  rendre  compte  par  eux-mêmes  du  cas  qu'on  faisait 
de  cette  loi  ecclésiastique  et  divine.  Ils  verraient  quelles 
prescriptions  minutieuses  prenaient  jadis  les  municipalités 
pour  faciliteraux  fidèles  les  abords  de  l'église  les  jours  de 
dimanche  et  pour  en  interdire  le  travail.  Presque  à  chaque 
page  ils  trouveraient,  même  au  commencement  de  ce 
siècle,  des  règlements  de  police  concernant  le  recueille- 
ment et  la  bonne  tenue  des  assistants  aux  ofiices  divins, 
la  liberté  religieuse  de  chacun,  le  respect  envers  les  prê- 
tres officiants,  la  propreté  intérieure  et  extérieure  de 
l'église,  ainsi  que  celle  des  rues  sur  le  parcours  des  pro- 
cessions, et  l'invitation  aux  fonctionnaires  de  l'État  d'as- 
sister aux  processions,  surtout  à  celles  du  St-Sacrement, 
avec  un  cierge  à  la  main, 

Faudrait-il  s'étonner  ensuite  de  rencontrer  encore  çà 
et  là  des  usages  remontant  aux  vieux  temps  de  la  foi? 
Oui,  de  nos  jours,  nous  assistons  à  ce  spectacle  édifiant 
de  jeunes  flUes,  de  jeunes  gens  et  de  vieillards  qui  se 
disputent  et  achètent  chèrement  l'honneur  de  porter  les 
croix,  les  bannières,  les  statues  de  leurs  Saints,  le  sceptre 
royal  et  jusqu'à  la  crosse  et  à  la  rnitre  épiscopales. 

On  ne  devra  pas  s'étonner  davantage  qu'il  n'y  ait,  pour 
nos  chrétiens  même  modernes,  jamais  trop  de  fêtes  ni 
assez  de  pratiques  religieuses.  C'est  à  peine  si  les  saiuts 
protecteurs  de  leurs  églises  suffisent  à  leur  dévotion,  car 


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-  601  — 

i\s  vont  jusqu'à  s'abriter  sous  la  tutelle  des  titulaires  des 
autres  paroisses  et  à  marcher  sous  leurs  étendards.  Nous 
voyous,  en  effet,  nos  paroissiens  d'Eyzac  et  des  villages 
avoisinants,  célébrer  la  fête  de  Sainl-Eonnet-rEnfantier; 
ceux  de  la  Pialporchie,  de  Bouchalioux  et  autres  du  voi- 
sinage, célébrer  la  Sainte- Madeleine  du  Saillant;  ceux 
enfin  de  Lasteyrie,  de  Gorsat,  de  Borderie  et  de  Mon- 
taural  célébrer  l'Assomption  et  la  Saint-Roch  de  Saint- 
Viance,  tout  en  restant  fidèlement  attachés  à  leurs  véri> 
tables  patrons. 

On  comprend  maintenant  que  les  évéques  de  Limoges 
aient  comblé  de  privilèges  des  vassaux  si  vertueux.  Entre 
tous  ceux  qu'ils  leur  avaient  octroyés,  nous  mention- 
nerons, à  la  date  de  l'250,  la  liberté  de  bâtir  des  fours 
banaux  pour  la  libre  cuisson  de  leur  pain  (I);  et,  en  1VI3, 
la  plantation,  autour  de  la  ville  et  des  propriétés  épis- 
copales,  de  croix  protectrices  qui  devaient  les  faire  jouir 
d'une  complète  immunité,  et  les  préserver  en  même  temps 
des  injures,  des  rapines  et  des  mauvais  traitements  des 
ennemis  et  des  vagabonds  |2). 

Après  tout  ce  que  nous  venons  de  dire  sur  les  dispo- 
sitions et  les  sentiments  de  ces  habitants  d'AUassac,  il 
serait  inutile,  croyons-nous,  de  demander  quel  était  et 
quel  est  encore  leur  esprit  politique.  Évidemment  il  a  dû 
toujours  aller  de  pair  avec  l'esprit  religieux,  car  l'un  ne 
saurait  marcher  sans  l'autre,  surtout  quand  on  les  fait  re- 
monter à  ces  principes  anciens  d'orthodoxie  et  de  légitime 
hérédité  qui  étaient  admis  de  tous,  autrefois,  comme  les 
droits  sacrés  du  fils  sur  l'héritage  du  père. 

Mais  ce  ne  sont  pas  là  toutes  leurs  qualités.  —  Vrais 
types  méridionaux,  ils  sont  vifs  et  ardents  au  travail, 
duquel  ils  attendent  l'aisance  et  la  tranquillité.  —  Imbus 
de  l'esprit  de  famille,  ils  n'aiment  rien  tant  que  le  foyer 
paternel,  et  quand  ils  ne  peuvent  s'y  asseoir  ils  s'ins- 
tallent tout  à  côté;  d'où  l'origine  de  ces  gros  villages  oii 

(I;  OartuJaire  des  évéques  de  Limoj^es. 
(2)  Cartulaire  des  «vaques  de  Limoges. 


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—  60-2  - 

l'on  vit  en  paix  et  en  bons  voisins,  se  rendant  chaque  jour 
de  mutuels  services.  —  Doués  d'une  constitution  robuste 
qu'ils  tiennent  à  entretenir,  ils  usent  d'une  alimentation 
saine  qui  aide  au  développement  des  membres  de  leur 
corps,  et  qui  a  dû  contribuer  à  établir  dans  le  pays  cette 
belle  race  d'hommes  grands  et  solides,  dont  la  haute 
taille  relevée  par  de  larges  épaules  et  une  poitrine  déve- 
loppée, leur  assigne  une  place  dans  les  régiments  de 
cuirassiers  et  continue  à  leur  mériter  la  dénomination 
de  beauï  garçons  :  Allassacs  tous  beaux  gorçoux. 

Naturellement  la  propriété  doit  se  ressentir  du  travail 
de  ces  forts  gaillards,  qui  autrefois  ne  connaissaient 
guère,  à  proprement  parler,  qu'une  seule  culture  :  celle 
de  la  vigne.  Mais  Dieu!  quelle  culture!....  Le  vignoble 
d'Allassac  !....  Oh  !  il  semble  que  c'est  un  rêve!  A  droite 
et  k  gauche  de  tous  les  sentiers  qui  conduisaient  aux 
coteaux  et  aux  vallons,  ce  n'étaient  que  pampres  et  rai- 
sins qui  pendaient  à  la  branche,  et  dont  la  vue  suffisait 
à.  faire  épanouir  les  sourires  sur  les  lèvres  et  à  faire 
retentir  les  échos  des  airs  joyeux  des  vignerons.  Ah! 
c'est  qu'il  était  bon  et  enivrant  le  jus  de  ces  raisins. 
Ëcoutez  ce  qu'en  disait  le  Calendrier  Limousin  de  1762  : 
1  AUassat,  peuplé  de  612  feus,  produit  le  meilleur  vin 
B  du  Bas-Limousin,  capiteux  et  chaud  sur  l'estaumac. 
B  Ce  vin  allait  jusques  à  Bourganeuf,  Guèi-et,  Treignac  et 
B  Eymouliers,  et  on  le  portait  à  dos  de  mulets  en  des 
B  hottes  de  cuir  dont  2  faisaient  la  charge,  laquelle  valait 
>  90  bouteilles,  de  la  mesure  de  Limoges,  b 

Mais  pourquoi  faut-il  que  soudain  les  bénédictions 
célestes  soient  restées  suspendues  au-dessus  de  ce  riche 
vignoble,  et  que  le  plus  imperceptible  des  insectes  ait 
pu  dévorer  toutes  les  racines  capillaires  et  sucrées  de 
cette  plante  merveilleuse?  — Mystère!...  Mystère!...  Quoi 
qu'il  en  soit  il  a  fallu  se  livrer  à  un  autre  genre  de 
culture,  et  demander  à  d'autres  plantes  le  moyen  de  pour- 
voir à  la  subsistance  des  familles.  On  s'est  retourné  vers 
le  jardinage,  que  le  terrain  et  le  climat  semblaient  devoir 


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favoriser,  et,  aussitôt,  de  nouveam  produits  sont  venus 
offrir  de  nouveaux  bénéfices  à  ces  pauvres  cultivateurs 
que  la  pei-te  momentanée  de  leurs  vignes  rendait  incon- 
solables. Sur  ces  entrefaites  une  station  importante  d'une 
grande  ligne  de  chemin  de  fer  ayant  été  placée  presque 
dans  l'enceinte  de  leur  ville,  ils  en  ont  profité  pour  fonder 
des  marchés  quotidiens  et  expédier  leurs  eicellentes  pri- 
meurs. Le  petit  pois,  te  haricot,  l'artichaut,  la  cerise, 
la  prune,  la  poire,  la  pêche,  la  figue,  le  melon,  la  noix, 
la  châtaigne  et  la  pomme,  sont  autant  de  denrées  qui, 
jadis  négligées,  font  aujourd'hui  «ne  grande  partie  de 
leurs  revenus.  Us  peuvent  d'ailleurs  en  être  fiers  puisque, 
servies  aux  tables  princiéres  de  la  capitale,  elles  ont 
obtenu  le  prix  sur  toutes  celles  du  midi  de  la  France  (1), 

Mais  là  ne  se  borne  pas  tout  le  commerce  d'AUassac, 
et  nous  manquerions  à  notre  i-ôle  d'historien  comme  au 
devoir  envers  la  divine  Providence  si  nous  ne  parlions 
pas  de  l'industrie  des  ardoises  qui  est  venue  subitement 
augmenter  le  bien-être  d'un  grand  nombre  de  familles. 
L'exploitation  privée  et  restreinte  des  carrières  ne  per- 
mettant pas  aux  ouvriers,  autrefois,  de  descendre  jus- 
qu'aux couches  où  gisaient  les  qualités  supérieures,  on 
ne  pouvait  obtenir  guère  que  des  ardoises  de  surface. 
De  là  des  critiques  malignes  et  intéressées  basées  sim- 
plement sur  les  difficultés  inavouées  de  l'extraction.  Mais 
aujourd'hui  qu'une  force  motrice  électrique  permet  d'aller 
à  d'immenses  profondeurs,  les  conditions  sont  absolument 
changées,  comme  nçus  l'apprennent  les  experts  en  la 
matière. 

Le  premier  témoignage  recueilli  par  nous,  de  la  bouche 
même  de  l'inspecteur  général  des  mines,  M.  Laur,  nous 
apprenait  naguère  que  les  carrières  d'Allassac  étaient  le 
■plus  beau  des  gisements  ardoisiers  de  France.  Vient  en- 
suite le  compte  rendu  détaillé  des  analyses  et  essais  opérés 


(t)  Appréciation  donnâe  devant  M.  Gibert  et  u 
breuse. 


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—  6UÎ  — 

à  l'École  nationale  des  ponts  et  chaussées  (service  anneie 
des  Laboratoires]  : 

1"  Analyse  de  l'échantillon  portant  le  numéro  6  : 

Silice 87.30 

Alumine 3.30 

Peroxyde  de  fer 4.80 

Chaux 0.80 

Magnésie 1 .  15 

Perle  su  feu 3,50 

iSléments  non  dosés  et  pertes 0.35 

Total 100.00 

3*  Bëtaû  sur  iéchanlilton  portant  le  numéro  8,  découpé 
en  plaquettes  de  0.33  de  longueur,  0.05  de  largeur 
et  0.0015  d'épaisseur  : 
Densité  moyenne  t  l'état  desséché,  2.776. 
Densité  des  3  plaquettes  aprëa  imbibition  d'eau,  3.777. 
Proportion  psur  cent  en  volume  d'eau  absorbée  ou  porosité,  0.3 
pour  cent. 

Charges  appliquées  pour  la  détermination  du  coefficient  d'élas- 
ticité {l'écartement  des  3  points  d'appui  était  de  0.30).  9  k.  600 
et  S  k.  100. 
Flèches  mesurées  sur  les  charges  ci-dessus  :  0.000390  et  0.000334. 
Charge  totale  qui  a  produit  la  rupture.  40  k.  5  et  34  k.  h. 
Coefficient  d'élasticité  ;  Plaquettes  desséchées  10.30  X  10  9;  Pla- 
quettes imbibées  lO.ÔU  X  10  S. 

Coefficient  de  résistance  par  millimètre,  3  :  Plaquettes  desséchées 
9.65.  Plaquettes  Imbibées  8.53. 

Ce  compte-rendu  assignant  le  premier  rang  à  nos  ar- 
doises, il  ne  restait  plus  qu'à  produire  des  médailles  afin 
de  gagner  la  confiance  du  public.  Or  ces  récompenses 
n'ont  pas  été  épargnées  aux  premiers,  d'abord,  MM.  Bourdu 
et  Coudère,  qui  osèrent  reprendre  l'exploitation  des  an- 
ciennes carrières,  et  enfin  tout  récemment  aux  frères 
Boucharel,  qui  ont  obtenu  des  médailles  d'or  de  grand 
module  aux  diverses  expositions  de  Paris,  de  Londres  et 
de  Bruxelles,  et  en  particulier  le  diplôme  d'honneur  hors 
concours. 

Après  de  telles  récompenses  insignes  et  de  premier 
ordre,  tout  commentaire  serait  superflu.  Le  bon  droit 
ayant  été  solennellement  reconnu  par  trois  jurys  com- 


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_  605  - 

pétents,  la  valeur  de  nos  ardoises  ne  peut  plus  être  con- 
testée. C'est  le  cas  maintenant  de  parler  de  la  force 
motrice  électrique  qui  leur  a  valu  cette  supériorité  mar- 
quée, et  qui  semble  devoir  promettre  de  nouveaux  avan- 
tages à  la  population  ouvrière. 

C'est  en  1896  que  l'électricité,  cette  belle  découverte 
des  temps  modernes,  a  pu  fonctionner  Â  l'usine  du 
Snillant- Vieux,  sous  l'habile  direction  de  M.  Chaux  et 
le  haut  patronage  de  notre  député,  M.  le  comte  de  Las- 
teyrie.  Nous  ne  pouvons  en  donner  une  idée  plus  exacte 
qu'en  relatant  ici  l'article  que  nous  fîmes  insérer  à  ce 
sujet  dans  la  Croix  de  la  Corrèze  : 

■  1/éclairage  électrique  de  notre  ville  a  été  inauguré 
le  19  juillet  dernier.  —  L'installation,  qui  fait  le  plus 
grand  honneur  à  l'entrepreneur  M.  Chaux,  mérite  plus 
qu'une  description  sommaire.  —  En  effet,  si  nos  souve- 
nirs sont  exacts,  c'est  la  seconde  installation  de  ce  genre 
qui  fonctionne  en  France. 

B  Voici  en  quoi  elle  consiste  :  L'usine  génératrice  du 
courant  est  située  à  trois  kilomètres  environ  d'AUassac, 
au  village  de  Saillant-Vieux,  dans  le  fond  d'une  vallée 
splendide  et  au  milieu  d'un  bouquet  d'arbres  séculaires, 
où  se  trouve  un  moulin  appartenant  à  M.  le  comte  de 
Lasteyrie,  député  ii  l'Assemblée  nationale.  —  C'est  ce 
moulin  que  M.  Chaux  a  choisi  comme  centre  de  produc- 
tion du  courant  électrique.  A  cet  effet  il  a  fallu  installer, 
à  la  place  de  la  vieille  roue  à  augets  qui  actionnait  autre- 
fois le  moulin,  une  turbine  système  Hercule  de  115  che- 
vaux. A  cette  turbine  est  attelée  directement  par  un  joint 
RafTard  une  dynamo-auto-excitatrice  à  courant  alternatif 
de  75  kilowats,  pouvant  débiter  trois  mille  volts  sous 
25  ampères.  —  Cet  alternateur,  monté  en  triangle,  fournit 
des  courants  tréphasés  qui  sont  conduits  à  Allassac  par 
une  ligne  à  trois  fils  en  bronze  siliceux,  de  35  dixièmes 
de  millimètre. 

«  Cette  ligne  aboutit  à  la  halle  de  la  ville,  dans  le  gre- 
nier de  laquelle  un  transformateur  de  10  kilowats  pi-oduit 


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—  606  — 

des  courants  à  basse  tension  [120  volts).  Ces  courants  sont 
alors  distribués  aux  appareils  de  consommation  par  un 
réseau  à  trois  fils  qui  dessert  toutes  les  rues  de  la  ville 
et  aliinenie  actuellement  des  centaines  de  lampes  répar- 
ties chez  de  nombreux  habitants. 

»  Les  courants  conduits  chez  les  abonnés  étant  à  basse 
tension  (120  volts),  ne  sont  aucunement  dangereux.  Aussi 
les  abonnés  affluent-ils  déjà,  et  beaucoup  qui  attendaient 
d'avoir  vu  sont  aujourd'hui  convertis  et  ne  demandent 
qu'à  Ctre  éclairés.  Le  conseil  municipal  seul  se  fait  encore 
tirer  l'oreille;  mais  s'il  faut  en  croire  certains  échos,  il 
ne  tarderait  pas  à  répandre  celte  belle  lumière  dans  les 
divers  quartiers  de  la  ville  (1). 

I  Tout  le  matériel  électrique  a  été  construit  par  la 
Société  Alsacienne  de  construction  mécanique  de  Belfort; 
et  le  matériel  mécanique  et  hydraulique  par  la  maison 
Bonnet,  de  Toulouse,  maisons  dont  l'éloge  n'est  plus  à 
faire. 

n  Après  de  tels  bienfaits  le  bien  moral  marchera-t-il 
de  front  avec  le  bien-être  matériel?  Nous  aimons  à  le 
croire,  car  la  reconnaissance  suscite  le  dévouement  et 
la  vertu.  —  En  tout  cas  on  ne  dira  plus  d'Allassac  qu'elle 
soit  la  ville  noire  puisqu'elle  est  si  brillamment  éclairée.  » 

En  somme  tout  semble  contribuer  à  la  prospérité  de 
cette  paroisse,  comme  l'indique  le  confortable  des  habi- 
tations, qui  nous  font  regretter  la  noble  simplicité  des 
anciennes  demeures  féodales.  Assurément  nous  n'aurions 
rien  à  envier  aux  autres  localités  secondaires  du  diocèse 
si  un  clocher  architectural  se  dressait  hardiment  au- 
dessus  de  ces  toits  modestes  ou  gothiques,  à  la  place 
de  la  lourde  et  maussade  tour  de  défense  dont  les  meur- 
trières, les  mâchicoulis  et  l'observatoire  n'ont  plus  rien 
à  voir. 

II  est  vrai  que  si  l'élégance  et  la  pureté  du  style  man- 
quent extérieurement  à  celte  église,  il  n'en  est  pas  de 

(1)  C'eSL  ce  qui  a  eu  lien  presque  aussitôt  après  par  le  moyen 
d'une  souscription  volontaire. 


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—  607  — 

même  dans  l'intérieur;  car,  sans  être  d'une  correction 
irréprochable,  elle  y  est  d'une  coquetterie  sana  égale,  au 
grand  étonnement  des  visiteurs  de  bon  goût.  Trois  tri- 
bunes, dissimulées  sous  de  gracieuses  arcades,  n'y  parais- 
sent ni  écrasantes  ni  encombrantes.  Trois  belles  chapelles 
latérales  aux  voûtes  étoiiées  et  fleurdelysées,  et,  appli- 
quées aux  parois  symboliques  des  murs,  six  belles  statues 
répondant  aux  dévotions  du  jour,  loin  d'y  effacer  la  vue 
majestueuse  du  maître  autel,  ne  font  que  lui  donner  un 
nouvel  éclat  en  rehaussant  les  riches  colonnes  torses 
et  les  autres  grands  sujets  sculptés  de  son  splendide 
retable. 

Et  non-seulement  elle  est  pourvue  au  dedans  de  ce  qui 
nourrit  la  piété  des  fidèles,  mais  même  de  ce  qui  cons- 
titue le  trésor  des  églises.  Elle  possède,  en  effet,  de  nom- 
breuses et  précieuses  reliques,  dont  les  pasteurs  s'empressè- 
rent de  faire  l'acquisition  après  les  désastres  de  la  Révolu- 
lion.  Les  unes  furent  données,  en  1819,  à  M.  Hervy,  curé 
d'AUassac,  par  Mgr  du  Bourg,  évéque  de  Limoges. 
C'étaient  des  parcelles  d'ossements  des  glorieux  martyrs 
Cérice,  Généreux,  Illuminate,  Célestin,  Théodore,  et  des 
saints  Lucide,  Réparât,  Donat,  Désiré,  Fortunade,  Séve- 
rine, Boniface,  Célestine,  etc.  —  Longtemps  oubliées  au 
fond  d'une  armoire  de  la  sacristie,  après  le  départ  de 
M.  Hervy,  elles  furent  retrouvées  par  nous,  en  l'année 
1888;  et  présentées  k  Mgr  Denéchau  pour  être  réauthen- 
tiquêes.  —  D'autres  furent  adressées  de  Paris,  à  M.  le 
curé  Bosredon,  par  la  prieure  des  Carmélites,  sœur  Thé- 
rèse de  Jésus,  et  suivies,  en  1824,  d'une  attestation  de 
Mgr  de  Sagey,  où  étaient  désignés  les  bienheureux  mar- 
tyrs Félix,  Crescente,  Zenon,  Désiré,  Abondan,  Euphémie  ; 
les  saints  Autade  évèque,  Pressentiane  et  Constance  vier- 
ges, et  six  autres  restes  légers  et  sans  nom,  —  Ajoutons  à 
cette  liste  une  parcelle  de  la  vraie  Croix,  enfermée  dans 
une  petite  boite  d'argent  et  fixée  à  l'intersection  des  bras 
d'une  croix  d'ébéne  ;  puis  deux  fragments  des  corps  de 
saint  Patrice  et  de  saint  Joseph,  et  un  peu  de  tissu  blanc 


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—  608  — 

du  voile  de  l'auguste  vierge  Mario,  comme  l'indique  l'ins- 
cription :  Ex  f&sciâ  B.  M.  V. 

Nous  voudrions  maintenant  pouvoir  mentionner  ici 
quelques  objets  artistiques.  Mais,  à  notre  grand  regret, 
nous  avons  dû  détacher  nos  regards  des  voûtes,  des  co- 
lonnes, des  fenêtres  et  des  portes  de  l'église  sans  y  avoir 
retrouvé  rien  de  bien  caractéristique  qu'un  pâle  souvenir 
du  rayonnant  xiv'  siècle,  mélangé  de  renttissance  et  de 
roman.  Seule  l.i  chapelle  des  Pénitents,  sanctuaire  autre- 
fois de  Notre-Dame  de  l'Oratoire  hors  murs,  présenterait 
dans  son  ensemble  un  gothique  plus  pur  et  d'une  époque' 
un  peu  antérieure,  si  elle  n'était  pas  horriblement  mu- 
tilée. Certainement  elle  dût  être  riche  et  gracieuse  dans 
son  temps  pour  mériter  l'honneur  d'un  bref  pontifical. 

Quant  aux  églises  des  annexes  elles  n'offrent  rien  de 
monumental.  Celle  de  La  Chapelle,  pourtant,  présente 
une  certaine  particularité,  à  l'aide  de  laquelle  nous  avons 
pu  pénétrer  le  mystère  qui  l'enveloppait,  étant  désignée 
tantôt  sous  le  titre  de  Sainte-Catherine  et  tantôt  sous 
celui  de  Sainte-Croix.  Après  examen  des  lieux  nous  avons 
remarqué,  en  effet,  qu'elle  était  double,  l'une  superposée 
à  l'autre.  Nous  avons  dû  conjecturer  alors  que  la  pre- 
mière, qui  est  et  qui  devait  être  paroissiale,  était  réservée 
au  clergé  d'Allassac  pour  y  honorer  le  martyre  de  la 
sainte;  tandis  que  l'autre  qui  était  entourée  jadis  des 
bâtiments  des  moines  d'Eymoutiers,  devait  être  monacale 
et,  partant,  spécialement  réservée  à  ces  religieux  pour 
y  célébrer  les  mystères  douloureux  de  la  passion  du  divin 
Rédempteur. 

Celle  de  Brochât,  qui  étalait  superbement  à  ses  murs 
extérieurs  la  litre  de  ses  protecteurs,  les  comtes  du  Sail- 
lant, en  guise  de  ceinture  d'honneur,  garde  encore  pré- 
cieusement une  vieille  statue  de  la  Vierge,  une  Mater 
dotoross  tenant  son  divin  Crucifié  sur  ses  genoux. 

De  leur  côté,  les  fidèles  de  l'annexe  de  La  Chartroule 
conservent  fidèlement  les  insignes  épiscopaux  du  patron 
de  leur  église,  heureux  de  les  poser  chaque  année,  le 


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—  609  ~ 

jour  de  sa  fête,  au  front  et  à  la  main  du  plus  respecta- 
ble de  l'endroit.  Us  y  possèdent  de  plus,  dans  le  creux  d'un 
TOcIier  attenant,  une  eau  miraculeuse  qui,  tombant  du  ciel 
et  s'y  renouvelant  sans  cesse  par  la  rosée  céleste,  a  le 
privilège  de  guérir  les  enfants  recouverts  de  croûtes  lai- 
teuses. 

La  chapelle  de  Saint-Boch  de  Gauch,  qui  s'élève  ma 
jestueusemcnt  à  la  cime  d'une  haute  colline  verdoyante, 
d'où  le  regard  s'étend  tout  autour  sur  plusieurs  départe- 
ments à  travers  des  horizons  riches  et  variés,  est  fré- 
quemment visitée  pour  la  guérison  des  bestiaui  et  pour 
la  cessation  des  pluies  qui  peuvent  leur  être  funestes. 
On  voit  encore  sur  le  chemin  qui  y  conduit,  en  deçà  de 
la  Méranie,  et  par  où  défilaient  les  processions  des  pèle- 
rins, un  tronçon  de  piene  gothique  sculptée,  ayant 
appartenu  à  une  croix  assurément  artistique  et  monu- 
mentale qui  n'a  pu  être  brisée  que  par  les  vandales  de 
la  Révolution. 

Enfin  la  chapelle  de  Saint- Laurent,  qui  pour  être  la 
plus  modeste  ne  manque  pas  d'un  certain  cachet.  Élevée 
sur  la  crête  d'une  jolie  colline  qui  côtoie  le  petit  ruisseau 
échappé  des  artèi-es  de  Saint-Aulaire,  on  dirait  qu'elle 
a  fui,  comme  l'aiglon,  les  obscurs  passages  d'une  vallée 
fermée  pour  prendre  son  essor  jusqu'au  point  où  elle 
pourrait  découvrir  le  nid  caché  autour  duquel  ses  frères 
déploient  largement  leurs  ailes.  En  tout  cas  elle  sut  ren- 
dre son  site  enchanteur  et  grouper  autour  d'elle  le  cul- 
tivateur et  le  moine,  le  noble  châtelain  et  le  prévôt 
ecclésiastique. 

Mais  tous  ces  avantages  que  nous  trouvons  épai-s  çà 
et  là  ne  sauraient  être  qu'un  pâle  reflet  de  ceux  que 
pouvait  offrir  le  séjour  d'Allassac  au  moyen-âge,  et  qui 
étaient  bien  capables  d'exciter  l'envie  des  plus  fortunés 
de  ce  monde,  toujours  à  la  recherche  des  agréments  de 
la  vie.  Que  l'on  retrouve  encore  à  chaque  pas  des  maisons 
flanquées  de  tours  rondes  et  de  vieux  restes  d'habitations 
seigneuriales,  quoi  d'élonnanl?  Ne  savons-nous  pas  que 


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—  610- 

les  princes  du  sang  eux-mêmes  s'étaient  laissés  tenter  par 
la  beauté  de  son  site,  par  la  richesse  de  son  sol  et  par 
l'eicellence  de  ses  fruits?  Au  siècle  dernier  cette  terre 
fut  donnée  en  apanage  par  le  roi  au  comte  d'Artois,  est-il 
dit  dans  un  inventaire  dressé  par  les  commissaires  de  la 
chambre  des  comptes,  en  1774,  avec  l'évaluation  des  objets 
donnés  et  des  réparations  à  faire  :  <i  Les  dits  commis- 
n  saires  nous  ont  commis,  nous  mesme  François  de  Che- 
»  véru,  intendant  des  domaines  et  finances  du  comte 
a  d'Artois,  pour  visiter,  décrire  les  maisons,  châteaus, 
»  bâtiments,  fermes,  moulins,  fours,  pressoirs,  ports, 
B  ponts,  bacs,  halles,  etc.,  étangs,  forêts,  péages,  foires, 
n  marchés  ;  dresser  devis  des  réparations  à  y  faire  (l),  » 

Et  encore  ce  n'était  pas  le  plus  beau  temps  d'AUassac,  à 
en  juger  par  l'état  des  lieux,  puisque  les  portes  de  la  ville 
ne  tenaient  même  pas  debout  ;  que  ses  murailles  surplom- 
baient ;  que  de  larges  brèches  étaient  pratiquées  à  chaque 
pas  ;  que  les  tours,  gardiennes  des  avenues;  étaient  pres- 
que complètement  détruites  ;  que  le  montant  des  dépenses 
à  faire  pour  les  réparations  avait  été  flsé  à  vingt  mille 
deux  cent  dix-neuf  francs  pour  Allassac,  et  à  treize  mille 
cent  onze  pour  Tretgnac,  comme  nous  le  fait  remarquer  le 
procès-verbal  des  dits  commissaires  :  «  Ayant  procédé  sur 
»  le  champ  à  la  vizile  des  murs  et  portes,  en  commençant 
»  par  la  Porte-Basse,  les  pieds  droits  en  sont  si  décharnés 
n  et  le  reste  de  la  massonerie  si  dégradé,  qu'elle  menace 
B  d'un  écroulement  prochain.  Le  mur  de  ville  qui  reigne 
«  entre  cette  porte  et  celle  de  Lauzane  nous  a  paru  lé- 
u  zardé  et  supelombé  ;  la  Porte  Lauzane  est  totalement 
n  détruite  et  n'a  qu'une  brèche  de  B  pieds.  —  D'icelle 
»  porte  ti  celle  de  Porcher,  le  mur  est  très  lézardé  et 
n  suplombé,  y  ayant  des  brèches  en  différentes  parties. 
»  La  tour  qui  est  entre  ces  2  portes,  et  qui  a  15  pieds  de 
»  diamètre  environ  sur  20  pieds  de  hauteur,  est  dans  le 
n  plus  mauvais  état.  La  Porte  de  Porcher  et  la  fermeture 

(1)  Champeval,  Dictionnaire  de  la  Corrète 


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-6!l  - 

■  sont  de  réparation  impossible .  La  porte  de  Guaravet 
M  flanquée  de  deux  tours  quarrées  est  très  dégradée  et  a 
ï  besoin  d'une  entière  reconstruction  ». 

II  est  vrai  que  tout  Allassac  ne  se  bornait  pas  à  ce  Câs- 
trum  féodal,  appelé  chûleau  de  Saint-Martial,  d'après  une 
transaction  passée,  en  1318,  entre  Eble  de  Malemort  et 
Archambaud  de  Comborn,  et  dont  la  tour  ronde  était  le 
donjon  le  plus  important  des  forteresses  de  la  contrée.  Si 
son  premier  circuit  pouvait  suffire  au  siège  de  la  châtel- 
lenie  que  l'abbaye  de  Limoges  possédait  en  ce  Heu,  il  ne 
pouvait  contenir  assurément  tous  les  norabreuï  habitants 
qui  étaient  venus  lui  demander  droit  de  cité.  Force  fut 
donc  de  construire  de  nouvelles  murailles  autour  de  cette 
ville  agrandie,  en  y  comprenant  le  repaire  de  Las  Rey- 
naudias,  afin  d'y  mettre  en  sûreté  maîtres  et  serviteurs, 
serfs  et  seigneurs.  C'est  ce  que  nous  apprend  le  chartrier 
de  la  maison  de  La  Maze,  dans  un  titre  de  1585  : 

■  Jadis  la  ville  de  Lassac  n'avait  d'autre  circuit  que  ce 
n  qu'on  nomme  à  présent  le  fort  et  château  de  Lassât,  et 
»  que  depuis  les  habitants  ont  multiplié  les  bâtiments 
»  autour  de  l'ancienne  ville.  Désirant  donc  mettre  en 
»  sûreté,  croître  la  ville  et  enceindre  de  muraille  de  ville 
n  les  nouveaux  bâtiments  ;  —  et  d'autant  que  le  seigneur 
n  de  RofÛgnac  a  son  château  de  la  Motte  et  ancien  repaire 
1  noble  dit  de  Las  Reynaudias,  le  ditRoffignac  y  consent, 
»  tout  en  gardant  ses  droits  de  justice,  etc.,  moyennant 
»  deux  portes  à  faire  sur  ses  rues  et  chemins  à  lui  et  lui 
»  baillant  une  clef  de  la  porte  de  Fourcher  ». 

Entourée  d'une  double  muraille  avec  une  forteresse  au 
milieu,  Allassac  pouvait  dès  lors  être  considérée  comme 
une  ville  importante  qui  avait  ses  places,  ses  rues,  ses 
portes  et  ses  nombreux  quartiers,  comme  nous  l'indique 
le  dictionnaire  de  M.  Champeval,  avec  des  dates  différen- 
tes allant  du  xiv'  au  xviii'  siècles.  Nous  y  relevons  les 
places  de  las  Peyrieras,  de  l'Hôpital  et  la  place  publique  ; 
—  les  rues  de  laCarreriadalChadafauc(de  l'échafaudage), 
de  la  Pissota  (petite  fontaine),  de  la  Almornaria,  de  la 


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porte  de  Lauzane  ;  —  les  portes  de  Saint-Martial,  de 
Couzages,  de  Pouch,  de  Treignac,  de  Porcher  et  de  Cha- 
biran  ;  —  les  barrys  [ou  quartiers)  de  Las  Peyrieras  où 
étaient  le  château  de  Chanac  et  l'hôtel  de  Magoinie,  de  la 
Mothe,  de  la  Grande  Fontaine,  de  la  Font  Saint-Martin, 
du  Cimetière  Saint-Jean,  de  Cheyral,  de  Gouchs,  de  Gua- 
ravet,  ou  de  Las  Renaudias,  de  la  porte  de  Treignac,  de  la 
Bessolhia,  de  Douch,  de  X.auzane,  de  Pourtanel,  de  La 
Charriera,  de  Porcher,  de  Las  Aumonieyras,  etc. 

On  ne  sera  plus  surpris  qu'à  l'assemblée  des  villes  closes 
du  Bas-Limousin,  réunies  à  Brive  pour  voter  le  subside 
de  dix  mille  écus  qui  leur  avait  été  imposé  par  le  roi,  on 
ait  déclaré  au  procès-verhal  que  la  ville  d'Allassac  était  la 
quatrième  de  la  région  (I).  Quoi  d'étonnant  aussi  qu'elle 
ait  eu  de  très  bonne  heure  ses  franchises  municipales  et 
qu'elle  fût  en  co-seigneurle  continue,  ce  qui  était  cause 
incessante  de  neutralisation  réciproque  des  forces  entre 
les  petites  dominations  locales  (2).  Ce  qui  n'empêchait  pas 
que  les  seigneurs  aient  conservé  le  drait  de  prélation,  qui 
était  comme  une  façon  de  protéger  l'acheteur  et  la  pro- 
priété contre  l'accaparement  par  les  parents  ou  gens  de  la 
famille,  et  d'empêcher  le  morcellement  des  terres.  C'est 
ce  qui  nous  est  démontré  par  un  du  Pouget  coseigneur 
d'Allassac  aux  appartenances  de  Vinzélas,  qui  donnait  à 
Guillaume  Martinie,  pour  le  territoire  del  Champ  acheté 
par  lui  en  1742,  le  droit  de  prélation  et  l'investiture  sans 
préjudice  d'arrérages  de  vente  et  d'autres  droits  et  devoirs 
seigneuriaux  dus  à  RoSignac.  Autre  vente  faite,  en  1744, 
par  Jean  Plaisant  de  Boucbiat ,  curé  de  Saint-Nicolas 
d'Uierche,  à  Guillaume  Martinie,  d'une  maison  sise  au 
barry  de  Pourtanel,  avec  l'investiture  et  le  droit  de  préla- 
tion du  seigneur  de  Roffignac  (3|. 

Pour  donner  une  idée  plus  complète  d'Allassac,  il  noua 


(1)  BuUetin  arch.  de  Brioe.  avril  1881,  p.  208. 

(2)  BvUelin  arch.  de  Brioe,  I88G,  p.  099. 

(3}  Archives  de  la  famille  Deyz&c,  d'Allassac. 


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-     —  G13  — 

n'slr'i'ail  ;V  p;irli;i-  de  s;i  licllo  siicii'ltr.  Pour  i.'fla  nous 
ii'aiivions  i\u'ii  faire  d('riloi-  le-  jH'fit  i)atailloii  des  rusei- 
fiiifui'w  chai'grs  (It- sa  di'fensi'  uiiUlaii'iî  l'I  m>  ii;n(iuv(.danl 
au  uoiirs  df!î  siéi-li;s,  siuis  liiMcl  fixe,  <■[  île  mile  'iiianlilé  de 
[lortmirs  (réjiée  paradant  ii'i  à  cheval  sur  de  frîngaiHs 
coursiers,  iKirdi''s  de  fer  ou  velus  ilc  )*nie,  imijaurs  cour- 
toisi,  "■ais  convives  et  vrais  ^'enlils hommes. 

Nous  naviDis  ptuw  enfin,  itoue  nous  lixcr  exaelcnn'Ul, 
([u'à  consuUer  h'S  slal.îstiiiues  ijui  furent  faites  à  dillcreii- 
tes  époques  SU!'  le  cliilfre  de  la  |)i..[iuiatiiin  urhaînc  d"Al- 
lassac.  Or,  en  l'i77,  <-lle  sr  composait  de  mmf  cents  ànies 
ejifiîrinéi's  dans  ses  innrs  i'vUIil  dr  AHhrhhcc i  an  sens 
aciuel  du  mol.  —En  l(î98,  d'après  le  rnppoitdc  Heriiageif, 
elle  en  comptai!  (|uatorî;e  cczits.  —  S'il  faut  l'it  ci-oire 
il'anlres  rappoi'ls,  elle  im  avait  qniuïi'  eonls  en  1771  et 
pouvait  rfunir,  en  17^1),  une  forte  aggloméra  (ion  de  sept 
cents  feux.  —  Les  derniers  annuaires,  qui  pn-cédèrent  le 
jiassape  du  chemin  de  fer  et  l'iiislaUalion  d'une  gare  dans  , 
sa  ville,  lui  assignaient  seulemenl  une  populalion  de 
(juatocKi'  eeiil  virii;!  .-'unes,  (jiû  s'est  viir  accrue,  ej'oyons- 
riou^,  de  (jueiqiLcs  centaines  d'ouvriers  par  snile  de  l'exlen- 
sifm  des  carrières  d'anloises, 

.Vprès  ce  coup  d'ieil  rapide  sur  AUassae,  cm  devine  que 
ses  aniiTits  di'l'iTiseurs  fnreni  souvent  aux  prises  avec  des 
ennemis  lie  iou(  genre.  Les  ti'ans  forma  lions  soudaines  et 
intporlaiilesipii  s'opérèreni  dans  celle  loealilé  à  travers  les 
sièeles,  nous  indiiim'nl  nssei!  qu'elle  dni  éprouver  de  vio- 
lenies  secousses  un  poliiiques  ou  retia:ieuses.  On  ne  sau- 
rait adineitri',  d'ailleurs,  qu'i-lh'  ait  été  exempte  de  ces 
luUi'>  sanglâmes  iini  ilésolérent  le  rnoyi'o-àge,  étant  cau- 
séi's  à  clKKjne  inslant  jtar  les  rivalilés  de  seigneurs  et 
jiai'  les  fjui'relles  de  clochers,  suilmil  quand  on  songe 
qu'elle  i-lail  presque  l'ntii'i'enn'ut  au  pouvoir  des  vicomtes 
de  ('.omhorti,  ees  fameux  et  redoulahles  guerriers  de  notre 
conlréi'  limousine,  lies  historiens  hasardent  bien  timide- 
menl  quelques  conjiTlures  à  <■<•  sujet,  ni:iis  nous  iea  vou- 
drions plus  concluanles.  Nous  savons  <'e[iendanL  que  dans 

T.  .VX.  i~  tV 


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—  eu  - 

une  guerre  opiniâtre,  soutenue  par  le  duc  d'Aquitaine 
contre  Pépin  le  Bref,  vers  l'an  750,  celui-ci  ravagea  AUas- 

sac  et  quelques  villes  voisines  pour  déposséder  son  ennemi 
du  fief  du  Bas- Limousin.  Le  duc  d'Anjou  a  pu  s'arrêter  ici 
avec  ses  troupes  en  1569,  mais  rien  n'indique  que  son 
passage  ait  été  désastreux  pour  le  pays. 

Oh  I  bien  différentes  seraient  les  invasions  cruelles  et 
successives  des  Brabançons,  des  Routiers,  sortes  de  pil- 
lards qui  s'installaient  sur  les  cimes  inabordables  et  ca- 
verneuses d'Yssandon,  pour,  de  là,  faire  irruption  dans 
les  riches  vallées  environnantes  !  Le  xiv  siècle,  en  parti- 
culier, dût  être  l'époque  la  plus  tourmentée  par  ces  bri- 
gands-maraildeurs,  à  en  juger  par  les  immenses  transfor- 
mations et  reconstructions  qui  portent  cette  date.  C'est  en 
ce  temps  là,  en  effet,  qu'il  faut  rapporter  la  grosse  tour  de 
défense  des  évéques  de  Limoges,  ce  bleuâtre  et  invulnéra- 
ble donjon,  d'où  pai-taicnt  de  nombreux  souterrains  abou- 
,  tissant  aui  nombreuses  portes  de  la  ville,  afin  de  proléger 
ses  avenues  contre  les  attaques  de  ses  ennemis. 

Nous  devons  reconnaître  enfin  que,  bien  longtemps 
avant  cette  époque,  Aliassac  était  une  place  forte  considé- 
rable ;  et,  sans  pouvoir  absolument  désigner  les  combats 
qui  se  livrèrent  autour  d'elle,  on  peut  supposer  qu'elle 
résista  en  particulier,  avec  avantage,  aux  invasions  des 
Normands  au  ix'  siècle.  Les  reliques  des  saints  Innocents 
qu'elle  recueillit  dans  son  sein  nous  l'indiquent  assez. 
Elle  aurait  aussi  repoussé  les  Anglais  qui  avaient  déjà 
occupé  le  château  de  Comborn,  puisque  l'évèque  de  Limo- 
ges, vers  1352,  fit  de  grandes  dépenses  pour  la  fortifier  et 
en  éloigner  ces  ennemis. 

Ce  que  nous  pouvons  affirmer  avec  plus  d'autorité,  c'est 
qu'elle  servit  de  rempart  aux  catholiques  sous  les  guerres 
religieuses  pour  empêcher  les  empiétements  des  armées 
calvinistes.  C'est  après  leur  défaite  à  Jarnac,  en  effet,  que 
le  vainqueur,  le  duc  d'Anjou,  songea  à  se  réfugier  à  Al- 
iassac pour  les  y  attendre  de  pied  ferme.  «  Le  gitan  de 
France  étoit  à  Lassac  poussé,  et  Monsieur  Henri  III,  duc 


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-  eif)  - 

d'Anjou,  était  lougê  chez  ung  habitant  maisire  Guy 
Laslet/rie  s  {1). 

Il  est  vrai  que  cette  place  eût  peu  à  se  défendre  contre 
les  protestants,  protégée  qu'elle  était,  à  la  fois,  contre  les 
ennemis  de  l'Etat  et  contre  les  ennemis  de  l'Eglise,  comme 
semblerait  l'indiquer  l'inscription  de  sa  belle  cloche,  qui 
avait  reçu  le  baptême  en  158!  :  Christas  vincU,  Christus 
regnst,  Christus  imperat.  Oui,  c'est  bien  plus  à  la  puis- 
sance de  l'idée  chrétienne  qu'à  la  force  des  armes  que 
nous  devons  la  préservation  de  l'hérésie  dans  cette  pa- 
roisse, comme  on  peut  s'en  apercevoir  par  la  direction  des 
rues  anciennes  de  la  ville^  allant  toutes  vers  les  portes  de 
l'église  plutôt  que  vers  celles  de  sa  grande  tour.  Ah  I  c'est 
que,  ici  comme  dans  les  contrées  méridionales,  le  tempé- 
rament s'enflamme  davantage  au  rayonnement  des  lumiè- 
res étincelantes  de  la  vérité  divine  qu'au  déploiement 
des  forces  militaires  1 

Il  est  néanmoins  probable  qu'il  s'était  accompli  des 
faits  d'armes  importants  sous  ses  mui's,  quoique  l'histoire 
n'en  mentionne  aucun  positivement.  Ce  qui  le  prouverait,  ce 
seraient  ces  postes  avancés,  placés  à  toutes  les  entrées  de 
la  ville  et  qui  étaient,  au  xiv*  siècle,  autant  de  maisons 
fortifiées  entourant  le  camp  et  témoignant  de  la  ferme 
résolution  des  habitants  de  tenir  tête  à  tout  ennemi  qui  se 
présenterait.  Nous  en  sommes,  d'ailleurs,  suffisamment 
avertis  plus  tard  par  les  graves  mesures  de  défense  qui 
furent  prises  pour  fortifier  la  place  avant  l'arrivée  des 
calvinistes.  Que  de  précautions  ne  fallut-il  pas  prendre 
encore  pour  se  préserver  des  Reîtres,  ces  cavaliera  alle- 
mands qui,  venant  de  Bi-ive  où  ils  avaient  fait  trembler 
le  pont  à  treize  arches  en  le  traversant  et,  passant  par 
Saint-Pantaléon,  Mansac,  Varetz  et  yaint-Viance,  étaient 
entrés  à  AUassac,  le  27  juillet  1569,  avec  deux  mille  cha- 
riots d'artillerie  ?  Pendant  les  deux  années  qu'ils  y  restè- 
rent, ils  pillèrent  si  fort  le  pays  et  surtout  les  riches 

(1)  Buttetin  de  Brive.  avril  1882,  p.  305. 


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—  G16  — 

maiMiiis  ilii  RofIi;ïnnc-  f.l  iln  Siiiilanl,  que  les  cultivât  ours 
n'urentpas  d'>  *;u<ii/  pour  semimc.er  hn  lurrcs.  La  terreur 
iiK^ino  qu'ils  lï'iianclirent  flans  le  llaiil-Limousin  fut  si 
,er;ind(i,  que.  l'armée  calviiiisle  elle-niême  touIiiL  s'y 
oaiituiLiiei',  n'osant  pas  liesi'iMuln;  aux  L-nviitius  il'Allassac 
dans  !a  i'imliU'^  d''  les  rfiiii'untnT. 

Le  due  (('Anjou  si:ul  aurait  pu  saiis  dnule  inliiniih^r  et 
arri''ler  ci'S  t'inuTnis  s'il  avait  iHaliH  ici  lii'-liniliveuii'ut  son 
faniji.  Mii!lieiirensenienl,  n'y  trouvant  pas  assez  th-  vivi'c-s 
pntir  ap]irovisionn('r  son  arinre,  il  avait  dû  un  repartir  au 
Imiit  de  liuil  jfmrs.  CepiTidant,  les  Rcforni-js  n'oseront 
jamais  lenli'rde  pén<'lrerdans  la  place,  alors  qu'ils  rayim- 
uaient  tout  nnlour,  jelaiit  l'elfroi  et  la  ronslcrnalion  par- 
tout, iiciamnieiil  à  Voutezae,  où  Irs  cadavres  de  leui's 
prisonniers  pendaient  aux  crOneaux  des  lourd  dr"  la  for- 
leresï-''.  Il  n'es!  dmie  pas  étonnani  que  noire  pros  honrdon 
ait  été  ]iosi'  eii  ce  temiis  de  guerre  rdiftiense,  eomnie  un 
défi  jeir  il  tii  Taei-  de  l'ennemi  h('>réiiqiie  par  nob  vaillanis 
l'hfi'lieiis,  résolus  à  se  levei' au  premier  sif,'nal  pour  défen- 
dre leurs  foilset  li'ur  loi. 

Mais  au  cura^'c  i!  fallait  joiodre  la  prudence  cl  songer 
sans  retard  à  s'aliriler  derrière,  du  fi>rls  rcmpajls.  Vnilà 
poiu'iiuoi,  à  la  première  nnnvellu  de  l'occupation  de  la 
maison  des  ani'ieiis  Teiripliecs  de  lielle-Cliiissapne  par  les 
calvinistes.  Klie  de  [îonipiiac,  s'empressa  l-il  déoriro  au 
pinvecnenr  du  Linicnisin,  le  2«  février  l.'iRH,  pi>ur  lui  faire 
pari  du  dajij^iM'  qu'allaient  courir  les  catlioîiijnos  du  la 

la  villu.  11  fut  l'Oinjnis  ilu  f:nuverneu!',  qui  le  cliar;;ca  aus- 
sili'il  d'anfinienler  les  furlilications  {:t  d'aiipeîer  des  trnu- 
pes.  Klie  s'acquina  lidél.imeni  ile  sa  cljjirjie  en  faisriiit 
aciiver  les  li'avaux  avec  vi;;ueur,  el,  le  13  juillet  suivant, 
il  pouvait,  loul  eu  rendant  ses  devoirs  au  ,':ouverni>ur  ù 
itrive,  l'ciLli'elenir  du  néle  déployé  à  cet  etVe)  jKtr  l'ardent 
ii^u-ur,Ver.ïier,  trésorier  général  (11. 


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—  f.l7  — 

[)<j;i,  d.-sli!  1  innrs  il.;  l,i  iiiriiie  niiin>'\  Eli.;  s'.-lait  dmi- 
cinitir  jï  TiiUo  avi'c  Moiiseigniuinlo  l.a  Martlitmir,  chef  il*' 
la  LigiH'  ;i  Uinc]g('f=,  (!t  (levant  lui  Mvait  rfiulu' iiu  nmiiili! 
■  siilisfaisadt  ilt-  sou  liiaiiflat  :i  rassfuiljli'i'  ili;s  uffii^icrs  i!'; 
!a  jiistirii  myalc  )it>  'l'ultr  i?t  de  iîriv.  —  Lt'  6  ilii  iiièiiin 
iiKiis,  il  ruulr.nit  r.hi-z  lui  avoi,'  le,  |ii't';laL  iiui  vmiliiit  (''f-re 
parniiti  tle  suii  seciuiil  fils,  ilisaiL-ii  diins  son  jonnial.  Il 
faisuil  rfialeiiii'iit  mention  rie  la  peslci  ijni  avait  sévi,  an 
nidis  île  mai,  avee  nin'  inlF-nsîl.-  l(iiiLi>  j.ai'tieitliri'e  aillnur 
li  "A  Ha  s  sac,  Rii  "Ijservanl  [nntofuis  i|u"eUe  y  iv-nail  d.-[itiis 
ir)83.  Qnant  an  r.ii't,  il  raeunlait  qn.'  l'aLlM-  linelly,  se.-ré- 
taire  (11'  Monsei^'iieiir  (ie  La  Martliunii',  s'dail  rendu  ici 
le  i  annl  (icur  [lasser  avee  l^s  lialiif.îiits  nn  aele  le  cmicer- 
nan(.  I!  était  dit  anpsi  ([uo,  I.!  m'sr'iid'iiilire,  l'i.-iiv  V.-nliei' 
et  les  iirineipanx  do  la  ville  avaieni  demande  à  I-Uie  de, 
Hoflipnae  ta  pcrmissifin  de  piaci-  une  ^MU'nii^  >ni'  le  j.nr- 
lail  de  ia  niais.jn  d->  Sainl-Marl.iat  e|  df  cclir  île  di-fnn(e 
Carronnietle  ipii  se  irnnvait  dans  sa  iVindalitc  :  ce  tjn'il 
lenravait  aeeordé  vnli.inliers^  me>ennanl.  acte  di'  ci'tte  an- 
loi-isaliim  avec  la  lacnHc  lU.  («nivoir  la  dem.ilir  en  tenti'S 
de  |iaix,  enainii'  il  a  éie  dit  ailleurs. 

A  [jn>i)(isde  la  jicstf?  lii.ml  ni.ms  a  (lai'li-  VAif.  ilo  Rofli^mae, 
il  jiai-alt  liien  iiu'(dle  y  s'^vit  p'-ndant  lonj-'ldrips,  jînis(|ue 
.!iH;inr,  en  ICÎtd,  elle  y  ex.nvaH  d'adVeiix  rava<;es.  C'claii 
à  lel  |i',iut,  dit  l'aldir  Vachi-rie,  de  Sainte- I-Y'^'ole,  que  le, 
lirèsidial  ile  Hriv  fnl  fermé  à  eelti'  nceasion  :  "  Ce  jmii- 
d'huy.  17  aoùl  lti;tl),  j'ay  appris  ([lie  le  pn-sidial  de  Itrivc 
est  ferme  c'rai^naiil  la  contafiinn  ijui  ravage  Allassac,  Ajac 

On  ciMÎndrail  à  nmins  une  maladie  si  enrUapiense,  et 
(m  ne  saïu'ait  ])rendre  cimlre  elle  assez  de  invcanliniis. 
C'est  l'c'xeinple  qui;  nnns  dinme  ce  nn^nie  aldie,  qni  êlail 
ainui'inier  des  l'esnlines  do.  Lim'ijres  m  ce  lenijis  là.  Il 
raennie  que  laijesto  ayant  cesse  dans  nuire  pamisse  et,  de 
là,  passédanii  la  capitale  du  Liiitonsin,  il  avait  fail  partir  pour 

(I)  flHlIctin  .irc-li.  'le  nrivv.  janvi.-r  18-î:,  p.  -m. 


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le  village  de  Brochât,  le  26  avril  1631,  vingt-six  religieuses 
(le  soQ  couvent,  afin  de  les  préserver  du  fléau  qui  rava- 
geait le  pays.  «  Estant  retourné  de  Sainte  Ferréole  à  Li- 
moges le  26  avril  1631,  je  trouvay  toute  la  ville  en  aUarme 
à  cause  de  la  peste,  et,  le  29,  je  fis  retirer  26  religieuses  à 
Brochât  (1). 

Tout  pouvait  plaire  à  ces  saintes  recluses  en  ce  village, 
et  le  beau  site  et  l'air  pur.  Aussi  leur  avait-il  suffi  de 
quelques  jours  pour  s'y  acclimater,  et  volontiers  elles  y 
auraient  établi  leurs  cellules.  Comme  on  le  devine,  ce  ne 
fut  pas  sans  peine  qu'elles  le  quittèrent,  le  15  du  mois 
suivant,  pour  se  retirer  à  Eymoutiers  :  a  Et  de  là  avec 
grand  peine,  nous  dit  l'abbé  Vacherie,  nous  nous  sommes 
retirés  à  Esmoutiers,  le  1 5  may  ». 

Ce  court  séjour  avait-il  pu  les  débarrasser  de  tout 
danger?  Nous  ne  savons.  En  tous  cas,  il  sera  curieux 
d'apprendre  les  précautions  de  salubrité  qui  furent  prises 
pour  écarter  les  émanations  morbifiques.  C'est  encore  EUe 
de  Roffignac  qui  nous  le  dit  dans  son  journal.  11  eut  re- 
cours, non  point  à  un  médecin,  mais  à  un  parfumeur  de 
Tulle  avec  lequel  il  fit  prix  de  cinquante  écus  pour  parfu- 
mer et  désinfecter  le  pays.  «  Au  mois  de  février  de  l'année 
1588,  je  fis  prix  de  cinquante  écus  avec  le  parfumeur  de 
Tulle  pour  parfumer  et  desinfecter  le  pays  n. 

Il  serait  vraiment  curieux,  aujourd'hui,  de  connaître 
les  désinfectants  employés  alors  par  les  parfumeurs  de 
Tulle  pour  empoisonner  les  microbes  pestilentiels?  Il  est 
vrai  que  la  crédulité  populaire,  à  cette  époque,  était  telle- 
ment empreinte  de  religiosité  et  de  respect  pieux  pour 
l'autorité  paternelle,  que  les  pronostics  des  anciens,  basés 
sur  de  vieilles  expériences  et  sur  des  coïncidences  de  fêtes 
de  l'Eglise,  étaient  tous  considérés  comme  des  augures 
Inraillibtes.  A  l'apparition  de  quelques  signes  particuliers, 
on  présageait  l'avenir  pour  engager  à  entreprendre  ou  à 
retarder  certaines  affaires.  Voulait-on  savoir  s'il  y  aurait, 

(I)  Bultelin  si-cft.  de  Bvive.  janvier  1887,  p.  55. 


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dans  l'année,  abondance  de  blé  noir,  on  disait  aux  culti- 
vateurs de  regarder  n  s'il  pleuv&it  le  jour  de  Camav&l  ». 
—  Si  on  voyait  l'épi  à  la  lige  d'orge  à  la  fêle  de  Saint- 
Georges,  on  disait  que  o  son  pain  serait  au  four  dans 
quarante  jours  ».  —  Pour  prédire  une  bonne  moisson  de 
froment,  on  devait  se  fixer  sur  la  pluie  qui  tomberait  sur 
la  fleur,  car  «  qtian  lou  froumen  eis  en  flour,  tchal  (o 
goutto  el  tioul  ■>,  —  Le  vin  était  à  peine  fait  et  soutiré, 
qu'on  se  demandait  avec  impatience  ce  que  serait  la  ven- 
dange suivante.  Or  elle  dépendait,  pour  nos  vignerons,  du 
temps  qu'il  ferait  à  NoSl,  ou  sec  ou  pluvieux  :  «  Quart 
Nadal  fait  cri-cri,  qu'eis  signe  de  vi  >>,  —  Bedoutait-on 
les  gelées  tardives  pour  les  primeurs  et  les  fruits?  On 
consultait  le  thermomètre  du  jour  qui  précédait  le  Carême: 
«  Quan  diale  perCamientran,  di&le  tout  l'an  « .  —  Pour  faire 
réaliser  les  souhaits  et  les  bénédictions  du  mariage,  on  y 
portait  la  poule  noire,  dite  la  pondeuse  des  louis  d'or  d'un 
certain  Dufaure  :  «  Aver  lo  poule  neigre,  coume  moussu 
Dufaure  ».  —  Autant  on  aime  le  ciel  pur  de  Notre-Dame 
de  la  Chandeleure,  autant  on  i-edoute  son  ciel  nuageux 
entrecoupé  de  rares  rayons  de  soleil  :  «  Quan  Notre-Dame 
luceme,  per  quarante  djours  hyverne  ».  —  Mais  rien  ne 
saurait  attirer  l'attention  de  nos  bons  paroissiens  comme 
le  vent  qui  souffle  pendant  la  procession  des  Rameaux, 
parce  que  <•  lou  ven  que  buffe  per  Rams,  buffe  tout  l'an  s. 
Comme  on  le  voit,  les  bonnes  dispositions  de  nos  habi- 
tants leur  faisaient  accepter  les  présages  du  Ciel  comme 
des  signes  de  la  volonté  divine.  Ils  n'étaient  pas  moins 
respectueux  pour  celle  de  l'Eglise.  Déjà  nous  avons  vu  avec 
quelle  fidélité  ils  lui  payaient  leurs  devoirs  et  leurs  tributs, 
soit  pour  contribuer  ù  la  décoration  de  ses  autels,  soit  pour 
lui  permettre  de  continuer  dans  le  monde  son  œuvre  de 
moralisation .  Nous  devons  ajouter  qu'ils  n'étaient  pas 
moins  empressés  à  remplir  leurs  devoirs  envers  l'Etat,  qu'ils 
croyaient  chargé  d'une  mission  sacrée  pour  le  gouverne- 
ment du  pmiple.  A  ce  titre,  ils  croyaient  ne  pouvoir  être 
dispensés  envers  lui  des  droits  divers  qui  lui  permettaient 


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—  fi2n  — 

tl'eiitretonir  son  ;u-iium>  cl  de  payor  l(^s  fiiin'liniiuaii''-a  ilfs 
diverses  adiuinistrali'JiiS. 

En  1423,  la  iir.'cci'[iU(.in  dans  tiolri!  |iays  se  faisait  par  des 
commissaires,  il-'ir-fiui-s  siM-ciattinn'iil  ]iai-  le  roi,  iiuiii' 
demander  aux  Ktals  du  liaTi-Liiiiimsifi  l'ochoi  di's  siilisi- 
des.  Ces  enijiloyrs  riaii'iit  cliar^'s  •{'.■  réparlir  les  soiuiiics 
votées  entre  li's  paniissfri.  Us  avaient  ^mû^  le  dj'oil  <!fî 
signer  l'usiiiietLi:  ;  mais  ils  <>lai>Mit  siminis  h  un  criTihvlc 
devant  d'antres  di-li^fiin's  nmmin'S  pai'  k's  Kials  et  riuiisis 
parmi  les  ■^n\<.  des  ti'Dis  Elals  du  pays.  Ors  d-di'purs  vci- 
vaient  nui'  iriil''uuiili'  plus  ou  moins  cunsidrrajiln  suivant 
leur  coiLditiiiu,  et  Ci-tte  indi;nniilé  ligurait  parmi  les  frais 
outre  lo  prinfipai.  Kn  liSS  nous  trouvons,  parmi  les  dcl''- 
gués,  l'aliln;  d'('KerrlK:.  r[Ui  rr-uevait  eifupiaut':  livres 
d'indi-iiuiit.',  i-I  inessircli-aii  de  Iloflignaf,  pour  quaraiile- 
trois  livres  l\'-, 

MJiiseonune  rinipùl  se  payait  en  nainre  i-i  ,(u'il  êlaif 

souvent   sujet,  ;i    de-:  v:irtal  ÎD'i-i    ri''"v'iUt   ili?S    pei-l"-i  (JU  !'■- 

vei's  e[i!iiuves  pue  les  (lén  rual'u  ri,  il  arrivaU  i(n  ainrs  il 
éiail  fort  Tual  \)--<y"  et  i-es  pen'rpleiirs  eiK'ore-  ]dns  mal 
rveus:  1-0  ipii  faisait  remplacer  ces  fermiers  trop  traital)l(:s 
par  dr's  sous-reriniei'siiitrailajjles.  Ainsi  nous  voyons,  le  li 
juin  I.'tSS,  h;  seeréLaire  de  l'évOci.é  de  I.imoj;es  affermer  Ini- 
inèm-:  les-diMnes  d'Allassac,  taLLdis  (|ur;  ti'ois  jours  avant, 
le  ;)  juin  précèdent,  le  vicaire-^ém'-ral ,  M,  Uosc,  avait 
ti'aité  avec  l'iern;  ^'ecdier  pour  la.  l'emie,  es|-il  dii,  ,]f  lii 
eliùtelleuie  irAllassac  {-^i.  Mais  si,  à  i-etle  r-p-xpie,  ces 
recouvreiue[its  se  faisaient  avec  tant  de  |)iMnes  et  taul  di; 
perle-i.  jufiez  de  ce  ([n'îl  dmait  en  èti'e  deux  cents  aus  plus 
tard.  Aussi  c'était  Ineji  iunlilemeiit  ipi'ou  recourrait  alors 
à  (les  e\pérlieuts  pour  coriserverce  sy^|r■[ne  île  pi-rceptiou. 
Ot  iiuiiôl  en  nature  avait  fait  xui  jeiiips  et  un  Ti'en  vnu- 
lail  filus. 
Hélas  !leh  n^calcilraiiIsfureidtroLiipésrlansleuraltenlo! 


(1)  Thomas,  T.  I,  |i.  99.  Elals  |iruviiiciaii 
'Ti  Journal  domestique  d'Klic  de  ItoriiL;iin 


Dijiiizedb,  Google 


—  631  - 

Au  îji^u  (l'en  finie  ^wr  hi  dimi',  ils  lu-  liii-iit  i{iii.-  ta  lein- 
]ilacor  par  un  Iriliul  en  arpetit  nnii  Tiiuins  uiliciix  cl  ]iU'\i 
plus  dur.  Pour  faire  (.■«uiiniln;  lt;s  ;iv:inlat:oB  (iii  U-a  irn'on^ 
vi'iiienl-s  Je  l'aucif^ii  cl  du  uuiivuau  iv^iiiuf,  il  suflii-aiL 
li'espOSPi-  l'i-tat  rlfs  (l<!i nuit-os  cl  des  rcccltca  viuTCrtiKiiul-liLL 
à  cliaiiiic  ('jiDijue.  Or,  en  1800,  le  Irjlal  des  dcpiuiscs  uiuui- 
oi[ialcs  s'clrvaif  à  1,41.">  fraurs  ol  celui  des  n^iyitcs  à  1,449 
fi'anrs,  il'in'i  un  excédant  de  reci.-tles  do  H'i  fra!n-s(tj,  e.xri;- 
(iaiit  ijui  paraîtra  outiêrenicut  liîlif  quand  il  aiir;i  élé 
dfiiHU:  de  connatln-  (a  pari  des  diverses  euiilriliulinus  uou- 
veUt's  payi'cs  dans  la  parnisse. 

On  pourra  en  juger  par  le  simple  exposé  suivant  :  lanilis 
ijue  le  principal  de  la  eoiilrihution  îoiiciére  élait  de  dix- 
sept  [iitUo  ijualrc  cent  l'inq  fram's,  il  y  avait  en  plus 
un  l'i.uids  de  unze  ecutiuics  pai  francs  punr  lus  Irailc- 
uients  des  Iriiuiuaus,  de.  radiiiinistralion  et  de  l'instrue- 
'imi  puliUque,  ipii  s'élevait  à  l,90i  francs  et  ,'i.")  ceidiuu's. 
r-:n  outre,  il  y  avait  les  di-pens<>s  véritables  du  dépiirle- 
mrnl  ol  de  l'arrundisseincnt.  ipii,  se  si>îdaiit  à  raisnri  de 
cini]  l'eiuinies  par  franc,  sélevaiiMit  au  eliilfri-  de  87U  fr. 
et  2.")  centimes.  Ce  qui  duiinail  un  total  di'  viufrt  mille 
cent  (jnati-e-viiigt-ncuf  francs  et  quatre-vintit  i-entiines, 

.\jiiulons-y  les  eûtes  nudnliéres  et  personnelles  dont  le 
principal  étail  de  838  fr.  :  plus  h;  fonds  de  oiue  ceiiliines 
par  franequi  s'élevait  à  'J2  francs  Iftccnliunis:  et  enfin  les 
dépenses  véritaliles  du  départemcnl.  et  de  rai'nnidissemi'nl 
r[ui  étaient  île  'il  francs  90  cenlinies.  (le  qui  rlmniait  nu 
total  de  neuf  cent  soi.\anle-ilnuze  francs  et  liuit  ci'nlîn:cs. 

Si  inainleuant  nous  ajoiUons  le  cont!n};enl  de  l'enclave 
de  Saint-I,anreiil  pour  les  conlriliulinns  ftineiéri-,  person- 
nelle et  nioliiliérc,  qui  s'i''levaiciU  à  !a  sunnne  de.  Iniil 
mille  huit  cent  soixante-qnalre  frain-s  et  soixanti'-trois 
ci-ntinii'S,  nous  aunms  un  Inlal  général  de  irerile  mille 
vingt-si.v  francs  et  cinqu.inte-uu  centimes,  qui  laissait 
Ijïen  loin  derrière  lui  le  produit  de  la  perception  par  les 


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dimes.  Et  encore  ce  n'était  là  que  le  commencement  d'un 
nouveau  système  d'impôt  oppresseur  et  ruineux.  C'est  ce 
qui  fll  que  la  perception  en  argent  devînt  non  moins 
impopulaire  que  celle  en  natme,  à  ce  point  que  le  percep- 
teur était  obligé,  pour  faire  ses  recouvrements,  de  se  faire 
escorter  de  garnissaires  et  de  porteurs  de  contraintes.  Il 
est  bien  vrai  que  les  percepteurs,  en  ce  temps  là,  inspi- 
raient peu  de  sympathie  et  de  confiance,  étant  par  trop 
indélicats  et  ne  se  faisant  pas  scrupule  de  retenir  les 
fonds  des  contribuables  (1). 

On  sent  que  l'on  touche  à  une  époque  néfaste,  où  vont 
éclater  les  colères  des  mécontents , et  des  opprimés.  Déjà 
le  souffle  révolutionnaire,  éclos  de  la  philosophie  Voltai- 
rienne,  qui  ne  cessait  d'exciter  le  peuple  et  la  bourgeoisie 
contre  la  noblesse  chrétieone,  avait  chargé  l'atmosphère 
d'Allassac.  La  religion  de  ses  habitants  et  la  puissance 
seigneuriale  de  ses  grandes  familles  avaient  attiré  sur 
elle  des  orages  et  des  tempêtes,  bien  plus  que  les  récrimi- 
nations indignées  des  faibles.  Aussi  la  théorie  des  droits 
de  l'homme  y  fut  bien  vite  proclamée,  et  bientôt  après 
arboré  le  drapeau  de  son  émancipation.  AIoi's  on  vit  se 
produire  ici  des  actes  de  barbarie  et  de  scélératesse  de 
la  part  des  affranchis  et  des  nouveaux  usurpateurs  du 
pouvoir. 

Ce  fut  d'abord  un  comité  qui  se  forma,  le  1"  juin  1791, 
sous  le  nom  de  société  des  Amis  de  ta.  Constitution,  à 
l'instar  de  celle  des  Jacobins  de  Paris,  faisant  serment  de 
maintenir  à  tous  prix  la  constitution  de  la  République  et 
de  dénoncer  tous  ceux  qui  se  permettraient  d'attenter  à 
ses  décrets.  —  Puis  ce  fut  une  délégation  de  quatre  mem- 
bres pris  dans  le  sein  de  la  municipalité,  qui  s'étaient 
chargés  de  défendre  les  intérêts  de  la  commune  tout  en 
respectant  la  liberté  individuelle  de  chacun.  —  Survînt 
ensuite  un  triumvirat,  composé  de  trois  hommes  inhu- 
mains—  disons  trois  tyrans  ^  qui,  sous  le  titre  de  Comité 


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—  623  — 

de  Saiut  public,  ne  songeaient  qu'à  assouvir  leurs  haines 
personnelles  plutôt  qu'à  s'inspirer  de  l'amour  du  bien 
public  (1). 

Pour  donner  une  idée  succincte  des  désordres  qui  se  com- 
mirent ici,  nous  n'avons  qu'à  citer  le  rapport  qu'en  firent 
les  députés  de  Tulle  à  l'Assemblée  nationale  (2)  :  a  II  est 
»  prouvé,  disent-ils,  qu'à  Alleissac,  le  24  janvier  (790,  jour 
B  auquel  avaient  été  publiés  au  prône  les  décrets  de  l'As- 
n  semblée  nationale  sur  l'organisation  des  municipalités, 
»  un  attroupement  se  forma,  qui  alla  briser  la  balustrade 
X  de  l'église  paroissiale,  enleva  les  bancs  des  officiers  de 
s  justice  et  ceux  de  différents  particuliers  de  la  ville,  et 
»  les  brûla  sur  la  place  publique.  —  Que  ies  officiers  mu- 
1  nicipaux  s'ètant  transportés  sur  les  lieux,  et  ayant 
»  exhorté  les  mutins  à  se  séparer,  ils  furent  menacés 
»  d'être  jetés  dans  les  ilammes.  — Que  la  municipalité  et 
B  les  notables  rassemblés,  s'ètant  déterminés,  d'après  une 
B  délibération,  à  publier  la  loi  martiale,  et  ayant  exécuté 
B  cette  publication,  et  sommé  les  gens  attroupés  de  se 
»  retirer,  furent  assaillis  à  coups  de  pierres,  et  forcés  de 
»  se  réfugier  dans  une  maison  voisine.  —  Que  le  même 
»  soir,  les  maisons  des  sieurs  de  Bruchai-d,  d'Eysat,  Las- 
B  teyrie.  Châtras,  Clédat,  Bonnélie.  Treuil,  et  de  quelques 
»  autres  bourgeois  et  habitants  furent  pillées,  leurs  portes 
»  et  fenêtres  brisées,  les  armoires  enfoncées,  les  meubles 
B  et  le  linge  emportés,  les  vins  bus  ;  et  que,  de  plusieurs 
n  d'entre  eux,  on  exigea  des  quittances,  des  reconnais- 
n  sances  et  de  l'argent  comptant.  —  Que  le  même  jour, 
»  après  le  pillage  des  maisons  bourgeoises,  l'attroupement 
»  se  porta  sur  le  château  de  Rofflgoac,  appartenant  à 
B  M.  de  Lamaze,  dont  on  commenta  à  briser  les  toits  et 
B  les  croisées  à  coups  de  pierres  ;  qu'après  plusieurs  pour- 
n  parlers  et  représentations  des  assiégés,  les  assiégeants 
s  continuant  leurs  violences,  les  gens  du  château  tirèrent 


(1)  Archives  de  la  Mairie. 

(ï)  Mémoire  imprima  des  députés  de  Tulle. 


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i 


—  624  — 

I'  sur  eux,  1-1  i[u'il  y  i-nt  deux  [lorsunims  tiit;es  ;  siu'  r|iiw 
■'  il  est  iiiiportiiiil  iriibservpf  quo  leur  attaiiLi'!  se  fiiisaiL 
>i  ilajiî:  lîi  nuit,  iiuisqu'pîlfi  avait  cf>iuuu:nc<'  vers  les  liuit. 
j>  heures  du  soir,  cl  ([u'ellc  dura  jusqu'i't  oom.  —  Que  le 
-  I''ud''m;itii,  2"),  les  rl'^siu'dres  recouiruciu-èreul  ainsi  i|(ie 
"  le  pilhiL'e  des  maisous  [larlieuHères.  I"ue  ti'uupc  dV'iraii- 
a  gers  r{nnuuiridée  par  le  sieur  Durieux  se  ju'érijdla  siu'- 
■■  luul  sur  le  cliJiteati  de  Rotlifruaf,  aliaiidonin';  ce  jyiir  là 
'1  uièiue  |iar  le  sinu'  de  Lama/o  sur  la  proniftssc  ijue  la 
«  luiliei)  de  Ilrive  lut  avoil  faite  perfideumniiit  île  !c  di- 
'I  feudre.  Le  saceageinenl  fut  ei)iii|del  :  Mus  les  i.-ai'reau.v 
!•  des  IViir'ires  fureiii  cassés;  les  portes  inli'ncures  fraïas- 
B  sées:  les  vulels  et  Seni-s  ferrures  enlevées;  li's  glaees 
^  lirisées;  les  iiieirliles  et  armoires  eufcmeées  ;  les  véii-- 
■I  inents  et  les  linfies  eulevé;s  ;  les  papier^  et  l'ai-fieiLl 
"  pillées.  —  iviifin  quoiqu'on  ail  avancé  qu'un  avait  lire 
..  MLr  un  peuple  désanAé,  (uns  les  proeès-verhaux  l'onslii- 
■I  lent  que  les  pillards  étiiicnf  annùs,  mm  seulement  de 
■j  Ijàluns,  de  piques,  de  ferreuieiis,  niaiseneori'  d.:  fusils  > . 
Oii  ne  saurai!  reenu naître  les  freus  d'Allassac  ;'i  eellf 
fureur  du  désordre  el  du  piîlape.  Tant  il  est  vrai  que  lu 
eu'ur  de  fhtnnnie.  smis  l'empire  iK's  paHsiinis  violentes, 
pnsse  vile  des  sentiineuts  d'iionnételé  à  ries  instinets  de  la 
hriite,  sans  rnspe<ter  nié  rue  le  devnii'dc  la  reennnaissaiLce. 
KtL  ce  temps  là  mi  vil  nu  ancieLi  fermier  dr-s  lii-'us  di>  la 
laniille  de  lî,.nigLiac,  Jean  Heyjai,  eomhiire  lui-niê[n.-  à 
Tulle,  enchaînés,  huit  siisp-ets  île  la  eonuaiine  d'AUassac 
rt  les  ilési^nier  à  la  .-rdére  des  llidiesiderristes  d.'  la  ville, 
en  eriant  de  toute  la  forée  de  ses  ponmons:  '■  Peu^ili-  de 
Tulle,  voilà  les  aristocrates  d'Allassac,  ijne  j.'  vous  anieJie  ... 
C'était  les  vouer,  sans  attendre  l'écliafaud,  à  luie  uior! 
ccrlaiin^  et  soudaine.  Xid  doute  ipie  la  populace  annéi'  ne 
les  eut  massacrés  dans  la  première  firervesn.'nce  sans  la 
prudence  df  quelques  memlires  du  Cojuité  de  Tulle  qui 
les  lircut  reconduire  à  la  maison  d'arrêt  de  Ilrive.  Hâtons- 
nous  de  dire  que  cette  ignoble  conduite  était  si  peu  du 
Kiiùt  de  la  population,  que  la  raunicipalitécrdt  devoir  faire 


,y  Google 


julri^ssfr  par  ]<.•  maire  uni',  f>iiprt:iiiue  [irolcsiaiiini  ;"i  Ions 
IfS  administriis  (1). 

Xoii,  le  peuple  ne  s'awomiiiudi' guère Oo.cc  f^enretle  per- 
srcutiou  ;  ol  [es  frouvcnieuicDls  auriml  à  complt^r  avec  lui 
cliaipie  fois  qu'ils  tolércronl  de  paruilles  alrorités;  car  il 
aime  les  liljerlés  seules  qui  oirronl  dos  garauties  ronlre  le 
il<'spotisnic  el  la  tyrannie.  Oîi  ne  sera  (loue  pas  surpris 
qu'U!»'  finie  oppusiliou  se  suit  inanifesti-e  iri  coutre  re 
n'-giiiie  oppresseur,  ni  qu'il  ait  fallu  reeiiurir  à  la  force 
armée  pour  y  maintenir  la  paix  et  y  exiger  le  respeet  ;'t  la 
loi.  L'enrùlemeul.  e|,  lo  dr-parl  des  convertis,  surtout,  se 
faisait  avec  la  plus  grande  diflirulti:',  et  on  n'y  parvenait 
qu'en  les  forçant  à  payer  de  leurs  jii-oprcs  deniers  l'entre- 
tien des  soldats  chai'gés  de  les-  conduire  au  df^pôl  mili- 
laire(2). 

D'autre  pari  les  linances  claîent  en  tel  di''sariiii  qne  son 
administration  ne  pouvait  l'-tre  que  suspecte  et  odieuse 
aux  habitants  d'AlIassae,  frappes  cutistainmeul  de  nouvel- 
les taxes  cl  obligés  eux-mêmes  d'acheter  les  chevaux  pour 
rarmêe.  Leur  caisse  municipale  était  tellement  ohi-rée, 
que  les  conseillei-s  y  regardai  eut  à  deux  fois  avant  de  vnlt:r 
de  nouvelles  dépensi'S.  On  ne  sait  pas  d'ailleurs  conuiieut 
lescontrihualilesaiirnient  ])U  y  fainf  fai'e,  pnîsiju'ils  élaii'iii 
ii-dtLits  à  la  plus  extrènu'_  misère.  Dans  rimpossibililé 
Miéiiie  di;  payei-  leurs  pro]ires  corilrihulions,  ils  iiceeptaient 
loules  les  avanies  de  la  part  des  juTcepteurs,  el  la  vente 
d.>  leurs  hienseï  la  prison  (3). 

Kt  ee  qui  se  passail  ici,  se  passait  ailleurs.  (Vélail  le 
svii"  siècle  ijui  s'cU'ondrail  dans  le  sang  el  rinipièié.  — 
C.'éiail  le  siècle  d'aiinslasie  [diilosoidiiiine  qui  faisait  ]d;icr' 
au   siècle-  daposlasie  jioliliijne.   —  C'était    !e    di'oil   de 


(2)  R..-u'istro  do  In  Miiirji 
C)  Royistvf  du  la  M.-iirii 


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l'homme  qui  se  substituait  au  droit  de  Dieu  ;  —  la  déndo- 
cratie  à  la  monarchie.  Toutes  les  bases  de  l'édifice  social 
ayant  été  sapées  en  cette  fin  de  siècle,  il  était  donné  au 
iviii'  de  les  relever.  Heureusement  que  les  rênes  du  gou- 
vernement, placées  en  des  mains  solides,  purent  aider  au 
relèvement  général.  Il  se  trouva  aussi,  sous  chaque  clo- 
cher, des  hommes  sérieux  dont  le  concourB  put  servir  à 
cetteœuvrederestauration.  Nous  IrouvOnsdans  les  registres 
de  la  municipalité  d'Allassac  une  foule  d'arrêtés  conçus 
dans  un  esprit  chrétien.  C'est  ainsi  qu'on  prescrivait  le 
balayage  des  rues  tous  les  samedis,  afin  qu'elles  fussent 
propres  pour  les  dimanches  ;  —  l'enlèvement  des  boues  et 
des  fumiers  la  veille  de  la  Fête-Dieu,  pour  pouvoir  cou- 
vrir de  fleurs  les  chemins  placés  sur  le  parcours  de  la 
procession  ;  —  l'assistance  des  fonctionnaires  et  conseil- 
lers municipaux  à  ces  solennités,  pour  faire  cortège,  un 
cierge  à  ta  main,  au  Dieu  de  l'Eucharistie. 

Ces  mômes  registres  nous  montrent  encore  des  mesures 
répressives  et  louables,  ordonnées  en  vue  du  respect  à 
rendre  à  l'autorité  ecclésiastique.  Ici  c'était  un  procès- 
verbal  dressé  par  le  maire  contre  certains  habitants  de 
Saint- l,aurent  et  de  la  Chapelle-SainteMarguerite,  cou- 
pables d'insubordination  aux  lois  relatives  aux  clochers 
de  leurs  églises  ;  —  là  c'était  une  entente  commune  entre 
le  maire  et  le  curé  pour  réttihlir  les  droits  se  rattachant  à 
la  sonnerie,  à  la  tenue  dans  les  églises,  à  l'assistance  aux 
offices  divins  et  à  la  sanctification  du  dimanche. 

Disons  enfin  que  rien  ne  fut  oublié  ni  négligé  pour  les 
soins  à  donner  aux  pauvres  comme  aux  riches.  Sous  le 
.  souffle  chrétien,  on  vit  surgir  un  hospice  et  un  bureau  de 
bienfaisance  ;  des  écoles  de  garçons  et  de  filles  dirigées 
par  des  Frères  et  des  Sœurs;  des  congrégations  de  fem- 
mes, de  jeunes  filles  cl  d'hommes:  toutes  institutions  qui 
s'abritent  à  l'ombre  bienfaisante  de  l'église  paroissiale,  et 
sur  lesquels  nous  reviendrons  plus  longuement  dans  un 
article  spécial. 

Mais  nous  serions  incomplet,  au  point  de  vue  historique, 


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-  627  — 

si  nous  terminions  ce  chapitre  sans  dire  un  mot  du  trans- 
fert du  chef-lieu  cantonal  à  Donzenac.  En  admettant  la 
nécessité  de  simplifier  les  subdivisions  cantonales  et  de 
réduire  le  nombre  des  thefs-lieux  pour  réduire  ensuite 
les  dépenses  de  l'Etat,  Allassac  était  tout  indiquée  pour 
occuper  ce  rang,  soit  par  le  chiffre  de  sa  population  et  son 
importance  commerciale,  soit  par  ses  vieilles  origines  et 
par  la  distinction  de  ses  anciennes  familles. 

Ainsi  en  avait  jugé  le  Conseil  général,  appuyant  sa  dé- 
cision sur  dix  considérants  irréfutables  (I),  quand  tout 
fut  déjoué  par  un  abus  de  pouvoir  inexplicable.  Le  Préfet 
de  la  Corréze,  le  général  Mille t-Mureau,  subissant  l'in- 
fluence de  M.  Bédoch,  qui  subissait  lui  aussi  celle  de 
M.  Henri  Fontaine  de  Donzenac,  trancha  la  question  de  , 
sa  propre  autorité  en  faisant  nommer  ce  dernier  juge  de 
paix  avec  résidence  dans  sa  ville  nalalC;  comme  il  aimait 
souvent  lui-même  à  le  raconter. 

Le  tour  était  joué,  et  il  n'y  avait  plus  personne  à  Al- 
lassac pour  y  remédier,  attendu  que  tous  ses  anciens  et 
puissants  défenseurs,  ruinés  par  la  confiscation  de  leurs 
riches  domaines,  étaient  tombés  en  défaveur.  Nous  avons 
pu  relever,  en  effet,  dans  le  registre  des  ventes  de  biens 
nationaux,  en  1793,  ceux  des  familles  de  Brucliard,  de 
Deyzac,  de  Lachassagne,  de  Lagorsse  de  Malaurent,  d'Ar- 
mand de  Magus,  de  Prajlel  de  Lamaze,  de  Saint-Angel,  de 
Saint- Victour,  de  Dumas  de  Peyzac,  de  Hugon  de  Saint- 
Martial,  de  Touizac,  de  Saillant  de  Grèze,  de  Merlhac,  de 
Boisse,  de  Bousquet  de  Saint-Pardoux,  de  Lasteyrie  du 
Saillant,  de  Lamothe  de  Saint-Uilaire-les-Courbes,  de 
Vialle  de  Chamboulive  {2). 

Nous  rappellerons,  en  finissant  ce  chapitre,  l'accident 
de  cloche,  survenu  en  décembre  1897,  qui  faillit  plonger 
toute  la  paroisse  dans  un  deuil  inconsolable,  et  qui  eût 
cependant  un  heureux  dénouement,  comme  on  le  verra 


(1)  Archives  municipales  d'Allaasac. 

(2)  Arctijves  départementales  de  Tulle. 


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—  628  — 

]iar  lii  lylal-jon  (\\ic-  noiisi-n  finn'Siîaiis  le  journal  La  Croix 
(U  la  Cnrrèze,  un  an  apW's  : 

«  Le  S  (Irct'ji il )[■!■.  la  iiaroissc  d'Allassar  assii^tail  à  la 
i-vsiii'riHlion  tli;  sa  î^plçudidi'  cUicIks  qu'iiiK.'  t'iitirnie  fr-lurc, 
di'  80  c>"'n[iniétrf!K  di:  long,  avait  n'itdu  iiniottc  ;'i  la  suite 
de  Kimni-rics  d('Sor(l(»nn''ii!S. 

■■  Malgrr  mitre  ronsl^riiaiite  diiul'Hir  nous  ne  in-'uvions 
cniire  cependant  i[u'<,dle  fut  niorl''  ]n)ur  loujmirfl,  celle 
reiiio  Tnajcstiieiise  das  alfs.  la  rclesti'  nii's.-'aj.'i've,  elle  qui 
n'avait  janijiis  voulu  |iii!)Iii'r  autre  chose  ([m;  les  [ouanjres 
du  Ciirisl  roi,  et  qui  n'avail  voulu  accepter  d'auln-  [latro- 
nape  que  le  Kieii,  ;'i  l'époqui'  nnhiic  ^i  désolée  des  j;uciTes 
religieuses,  en  lô81,  juste  au  moiucnt  où  tous  les  échos 
■  limousins  rcleiilissaieni  di-s  scandales  des  trop  nombreu- 
ses et  déplorables  ajioslasies  calvinistes. 

»  Mais  rwimneni  la  rendre  à  la  vie?  tlne  refonte  lui 
aurait  ravi  sûrement  lr;s  lielles  harnioiiîes  de  sa  voix  mâle 
et  arsentine,  cl  ['aurail  (h'-pouillée  jKinr  tonjnurs  de  sa 
royale  él  divine  parenté  avec  le  souverain  triumphateur. 
Seule  une  guérison.  contre  tnnlcatletite  humaine,  pouvait 
lui  runserver  lentes  si?s  belles  |uér(i;;alivc^.  Mais  qui  aurait 
osé  lespêrei',  quand  de  hiuseotés  on  nous  répondait  (]Ue, 
les  cloches  fi'>lei.-s  é-laient  irréparabli'S  (1),  —  lanl  il  est  vrai 
que  le  iiml  iiiipnMiljln  devrait  être,  aujourd'Inii  plus  que 
jamais,  haniii  du  vocabulaire  français. 

«  Ru  ell'i't,  .jprés  maintes  rcchereiies  infructueuses, 
nous  arrivâmes  au  Imui'p  de  Chàlellc,  prés  Munlarj;is 
;i,oin>l),  011  un  charmant  ouvrier,  M.  Chambmi-Dnrariil, 
nnus  rassiu'a  ausi-itnt  en  n"us  pnnneiiaiil  de  rendri'  à  no- 
Ire  pauvre  et  ehérc  délunle.  avec  l'éelalanle  sonorité  île 
son  airaifL  sacré,  Inus  les  tjrnomeuts  et  priviléircs  de  son 
bapléme. 

].  Il  a  tenu  parole.  Xmri'  clrK'he  esl  bii^n  vivante;  et. 
tous   les  lUiéles  sans  execpUon,  après  amir  reconnu   le 


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—  629- 

timbre  de  sa  voix,  ont  salué  son  rclour  avec  des  transports 
de  joie  ineiprimables.  Avec  eile,  et  en  nous  servant 
de  son  langage,  publions  tous  ensemble  et  la  gloire  de 
Dieu  et  le  triomphe  de  son  Eglise  à  Allassac  :  Te  Deum 
Isiudamus,  te  per  orbcm  terrarum  sancta  confîtctur 
ecclesia  ■. 


B.-A.  Marche. 


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CARTULAIRE 

DE 

l'Abbaye  bénédictine  Sainl-lartin  de  Tuile 

•  EN   LIMOUSIN 
JeaS-Baptiste  CHAMPEVAL 


{Suite.  —  Voir  t.  XX,  p.  449). 


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067.  5  instruments,  tant  de  l'arranfemeniquc  investitu- 
res du  vilîaige  de  La  Mourijuye,  iiliàs  Quintane,  panoisse 
S"  Fortunade.  G.G. 

9C8.  i4cquisi/ion  par  Rertiand  de  Bcaumont,  prieur  àe. 
Cuzanre,  uc  Symon  de  Briva^uc  et  Astrujiiic.  s;i  femme, 
de  6  sols  de  rantc,  pour  le  priz  de  'i  livres  10  sols  îissii  sur 
les  jardrins  qui  soiiloyent  aparlenir  à  la  ville  de  Tulle, 
en  lapai-oisse ti'  Julien;  ensenble  l'investiture  par  le  pré- 
vost  de  la  dite  église,  s' foncier  des  dits  jardrins  ;  scellé  de 

2  sceaulz  ;  de  Tan  121)9  ;  H. H. 

960.  Vanfe  par  Pierre  et  Jean  Reynault,  père  et  filz,  au 
chapitre,  de  h  sols  rante,  pour  la  somme  de  4  deniers  d'or, 
assiz  sur  I  pré  et  terre,  joignans  ensenble,  à  La.  Roche 
Baillot  ;  reçeu  Jean  de  Jalays,  1348  ;  J.  J. 

970.  Vente  au  chapitre  par  Jean  Arcambault  et  Jeanne, 
sa  femme,  d'I  cestier  froment  de  rante,  pour  le  pris  de 

3  livres  tournois  sur  f  boys  au  territoire  de  La  Charpe- 
Tiède  (banlieue  de  Tulle);  receu  Jean  de  Jalays,  1347; 
K.K. 

971.  TîccogTioissaTiceau  chapitre,  de9soh  solz/'sicj  tour- 
nois et  I  Réline  de  rante,  par  Anthoined^  Majour,  du  mas 
del  Pourchet,  paroisse  S'  Pierre  de  Tulle,  pour  raison  d'I 
pré  et  terre  joignans  ensenble,  un  grand  ruysseau  mares 
[ruisseau  stagnant)  entre  2  ;  reçeu  Ramond  La  Boi-de, 
23*jungl43!;L.L.    , 

972.  Léguât  an  chapitre  de  10  sols  tournois  de  rante  par 
frère  Géraull  de  Bar,  prieur  d'Auriol,  assiz  sur  certains 
cens  et  rantes  acquises  par  le  dit  prieur  au  dit  prieuré 
d'Auriol;  scetl<i  de  1321  ;  M. M. 

973.  Léguât  de  20  sols  tournois  au  cbapitro,  par  messvre 
Gérault  de  Malemon  [Malemort  ?J  ;  avec  quictance  des  dits 
20  sols  ;  reçeu  Jean  La  Gorce  et  scellé,  1333  ;  N.N. 

974.  acquisition  par  le  chapitre,  de  Pierre  Iscure  ? 
(Champ?),  mazcUcr  [boucher),  de  Tulle,  et  Huguon  Mas- 
mazel.  cothurier,  de  10  sols  de  rante,  pour  19  livres  10  sois 
assiz  sur  ung  mège  (entre-sol  ;  et  sous-sol)  et  soustre,  joi- 
gnans ensenble  en  la  maison  de  la  Picoulye;  scellé  le 
23'febvrierl37i;0.0. 

97.5.  Léguât  au  chapitre  de  40  sols  de  rante,  par  frère 
Guillaume  de  Chasteauneuf,  prévost  de  Clergous,  assiz 
sur  le  moulin  et  estang  de  Clergous  nouvellement  édifié 
par  ledit  prévost  (aujourd'hui  dits  moulin  et  étang  du 
Prévôt)  ;  scellé  du  saroedy  après  la  feste  de  S'  Mathieu, 
l'apostre,  1300  ;  P.P. 

976.  Acquisition  par  le  chapitre  de  3  eymines  froment, 


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_  633  — 

meiture  de  Tulle,  de  Pierre  La  Huguye,  de  Tulle,  pour  la 
somme  de  4  livres  II)  sols  tournois,  assizsur  ung  territoyre 
du  mas  de  Champagnac  (lez  Tulle)  ;  leçeu  Jean  de  Jalays  ; 
daté  1347  ;Q,Q. 

977.  Assii}nation  de  ranle  faicte  au  chapitre  par  noble 
Hèblo,  visconte  de  Vaniadour,  de  40  sols  tournois  de  rante, 
sur  certains  villacges  contenuz  audit  instrument;  scellé 
de  m' de  Tulle,  landemain  de  S'  Mathieu,  apostre,  1270; 
R.R. 

978.  Acquisition  par  m"  Bertrand  La  Vaisse,  prieur  de 
La  Chapelle  Espinassc,  de  Pierre  Goulia,  paroisse  de  Na- 
ves,  d'I  ceslier  froment  pour  40  sols  tournois  assiz  sur  I 
pré  appelle  :  Au  FonfrfsJ  dei  rooi  ;  reçeu  Guy  La  Vaur  ; 
mardy  15'  jour  après  Pasques,  1323  ;  S.S. 

979.  Liiçtiiat  au  chapitre  par  messyre  Guillaume  Bon 
Vy,  prestre,  de  Tulle,  de  10  sols  de  rante  ;  reçeu  Eymeric 
Leymirigye,  du  mil  iij'xbiij  (1318)  ;  T. T. 

930,  /Icqiiisilion  par  le  chapitre,  de  Jean  Gentilot,  cos- 
turier,  et  Hupuo  (Huguctte)  de  Coulaii,  sa  femme,  de  5  8. 
rante,  pour  5  livres  tournois  sur  I  maison  au  barry  d'Al- 
verge  ;  reçeu  Jean  Sapientis  ;  17°  novembre  146S  ;  V.V. 

981.  Aryantement -par  le  chapitre  à  Pierre  Bourlous, 
notaire,  de  la  borie  ou  fazion,  appellée  de  Bourlous  de 
Las  Combas,  en  la  paroisse  de  S'  Pierre  (de  Tullel,  moyen- 
nant 3  cestiers  eymine  froment  de  ranle  au  cellarier,  à 
perpétuité,  mesure  de  Tulle,  et  b  cestiers  eymine  avoyne, 
a  ladite  mesure,  et  2  sols  6  denlei's  tournois  audit  chap.  ; 
ensenble  la  recoqnoissance  par  ledit  Bourlous  aus  dits 
chapitre  et  ccUaiicr  ;  reçeu  Jean  Cuelhc  ;  2  iung  1414; 
X.X. 

982.  Acquisition  par  le  chapitre,  de  Gèrault,  Jean  et 
Durant  de  Mongauze,  pai-oisse  de  Seilhac,  de  10  sols  de 
rante,  pour  vu  livres  sur  1  pré  de  Magueurs  et  sur  1  ort 
del  ThcH  et  sur  1  ort  de  Las  Goût/.  ;  reçeu  Pierre  Lachau/p  ; 
mecredy  après  invocavit,  1299  ;  Y.Y. 

933.  Acte  faict  awjc  assizes  pardevant  le  séneschal  de 
Limosin,  ou  son  lieutenant,  à  la  requeste  du  procureur  du 
roy  et  fde|  Jean  Bessou,  de  Tulle,  contre  m'  Bernard 
Mercier,  Jean  de  Lon,  Jean  Lou  Cousin,  Jean  ArchaTi- 
bauU  et  Jean  Mercier,  disans  et  proposans  que  le  rnasde 
Malcyre  leur  aparlient  avec  tout  droict  de  justice  ;  faict  à 
lirive,  131)7;  Z.Z.  [Maleyre,  commune  de  Saint-Marlial- 
de-Gimel]. 

98i.  Acquisition  par  Bertrand  Vaisse,  prieur  de  La 
Chapelle  Espinnsse,  de  Pierre  Del  Cheyrou,  paroisse  de 
Naves,  d'[  ceslier  froment  mczure  do  Tulle,  et  12  déniera 


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tournois  de  rante  pour  la  somme  de  55  sols;  reçeu  Guil- 
laume de  S'  Chemans,  1320  ;  P.P. 

Au  SAC  DE  (la)  lettbe  G. 

985.  ObligauHon  par  noble  Ramond  de  Guramonte,  cel- 
larier,  à  l'abbé  de  Tulle,  de  20  livres  à  cause  de  prest,  de 
laquelle  ledit  de  Curamonte  obligea  audit  s'  abbé,  certai- 
nes maisons  situeez  à  Branseilles,  et  les  confessa  tenir  à 
foy  et  homaige  dudit  abbé  ;  scellé  le  jeudy,  15'  après  pen- 
tecouste  1269  ;  A. 

986.  Acquisition  par  le  chapitre,  de  Anthoine  Ortaulz, 
teyssier  [tisserand],  de  Tulle,  de  la  somme  de 30  sols  tour- 
nois de  rante,  pour  la  somme  de  10  Ijvres  tournois  assiz 
sur  une  vigne  sienne,  au  téritoyre  à'Agassac,  paroisse 
S^  Julien  de  Tulle ireçen  Jean  Cosin,  26' avril  1488;  B. 

987.  Procez,  fuimysé,  auquel  est  incéré  certaines  bulles 
concédées  par  le  pape  Innocent  VI'  ;  pardevant  m' l'official 
de  Tulle  ;  receupar  m'  Pierre  de  Barro  [Bar],  du  17'aoust 
1353;  G. 

988.  Acquisition  par  Le  chapitre,  de  Durant  Malaure, 
habitant  de  Tulle,  d'i  cestier  froment  rante,  mesure  Tulle, 
moyennant  2  deniers  d'or,  sur  1  boys  appelle  :  La  cos(a  ut 
Sirieys,  en  la  paroisse  S'  Julien  de  Tulle,  et  sur  1  autre 
boys  appelle  Del  Suc  ;  reçeu  Jean  Jalays  13'f8  ;  D. 

989.  Acquisition  par  le  chapitre  sur  Mathieu  de  Lespi- 
cier,  de  Pierre  de  Chounac,  prestre,  habitant  de  Tulle,  de 
10  sols  tournois  rante,  moyennant  10  livres  tournois  assize 
sur  1  maison  dudit  Pierre  en  (a  charrière  (mauvaise 
ruelle)  appellèe  du  Prat  ;  reçeu  Jacmaton  (revenant  à 
Jacquetton)  Chastanyer  ;  14'  février  1330  ;  E. 

990.  .4cquisiiioiï  par  le  chapitre,  de  Pierre  Lacombe, 
paroisse  ft"  Fortunade,  et  Eslienne  (sic,  pour  Etiennette) 
de  La  Chiëze,  sa  femme,  d'I  cestier  froment  rante,  mezure 
Tulle,  au  pris  de  3  livres,  assiz  sur  1  pré  appelle  :  A  La 
Combe  à  La  Chièze,  paroiese  de  Chameyrac,  et  sur  1 
soustre  ;  reçeu  Jean  Jalays  ;  1347  ;  F. 

991.  Léguât  au  chap.  par  Ramond  de  Roufillac,  prieur 
du  Bosquet  (en  marge,  Le  Bousquet,  deppandant  de  la 
cellérarye,  10  sols  ;  —  les  pages  sont  aussi  numérotées  par 
lettres  alphabétiques),  de  10  sols  de  rante.  pour  J-obit,  as- 
siz çur  ledit  prieuré  et  sur  ses  successeurs  prieurs  ;  scellé 
de  2  sceaulz  ;  mai-dy  après  S'  Martin  d'ivern,  13'i2  ;  G. 

992.  Testement  par  Pierre  de  Nouaillac,  le  plus  vieuh, 
teyssier,  de  Tulle,  contenant  léguai  de  5  sols  par  lui  au 
fhapitrepour  1  obit,  sur  I  maison  acquise  de  Pierre  Ar- 
nault,  de  Tulle,  en  la  rue  de  la  Rcdolie  père,  prés  la  mai- 


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—  635  — 

son  de  feu  Jean  Boui-Ious  ;  reçeu  Jeao  Sourries,  en  l'année 
1415;  H. 

993.  Vante  par  nohles  Pierre  et  Perny  de  Chanac,  frè- 
res, à  Pierre  abbé  de  Tulle,  et  à  son  chapitre,  de  toute 
leur  part  en  la  Tour  Longue  appellée  de  Chanac,  avccques 
la  Tour  de  la  MoUp,  situées  en  le  chasteau  de  Tulle,  et 
tout  le  péaige  qu'ilz  ont  et  leurs  prédécesseurs  en  quelque 
part  qu  ils  s'oyent,  à  cause  de  la  seigneurye  du  chasteau 
de  Tulle,  et  aussy  toute  la  seigneurye  qu'ils  ont  et  pour- 
royent  avoir  en  tout  ledit  chasteau  et  en  toute  la  ville  de 
Tulle  dans  les  croix  et  oratoyres  de  Champagnae  et  de  la 
Maison  des  malades  de  La  Bachefarye  et  de  Chambon, 
lesquelles  choses  lesdits  vendeurs  ont  recognu  tenir  en 
foy  et  hommage  desdits  abbé  et  conven,  moyennant  100 
livres  tournois  de  laquelle  somme  lesdits  Chanac  estoient 
obligés  aus  dits  abbé  et  couven  ;  ledit  instrument  scellé  et 
daté  de  1256  ;  J. 

994.  Donation  à  l'église  de  Rocquemadour  et  l'abbé  de 
Tulle,  par  Bels  Hom,  fils  de  Albert  de  Barmode,  de  tout 
le  droit  qu'il  avoit  àLasCoslasdeS.  fS'J  Guillem,  jusques 
à  Rocquemadour,  réservé  3  sols  tournois  ;  scellé  1251  ;  K. 

995.  Vaille  par  noble  Huguo  Bonos  et  frère  Huguo  La 
Porcharye,  prévost  de  Clergous,  de  tO  sestiers  seigle  et 
1  cestier  avoyne,  à  petite  mesure,  et  5  sols  de  rante,  sur 
le  villaige  de  Cervesangle,  en  la  paroisse  de  Champagnae 
[-la-Noaille],  et  tout  le  droit  de  seigneurye  que  le  dit  Hu- 
guo avoit  audit  villaige,  pour  17  livres  tournois,  marchio- 
num  veterum  ;  scellé  et  daté  1265  ;  L. 

996.  Acquisition  par  r.  p.  Pierre,  abbé  de  Tulle  et  le 
fouven  d'icelluy,  de  noble  Hélias  de  Tulle,  filz  de  feu  Re- 
lias de  Tulle,  chevalier,  de  toute  la  part  que  ledit  Hélias 
avoit  en  la  tour  de  la  Mothe,  chasteau  de  Tulle,  en  la. 
salle,  et  autres  pocessions  et  rantea  dudit  chasteau  et  en 
toute  là  dite  ville  de  Tulle,  dans  les  croix  et  oratoires 
d'icelle  ville  et  aussy  tout  le  di'oit  que  le  dit  vandeur  avoit 
ou  son  prédécesseur,  en  quelque  part  qu'ils  fussent  assiz, 
à  cause  de  la  dicte  seigneurye  dudit  chasteau  et  toute  la 
seigneurye  de  la  dicte  ville  dans  les  dictes  croix,  moyen- 
nant 125  livres  tournois,  marchionum  veterum  ;  scellé  et 
daté,  decimo  calendas  septembris  1255;  M.  [En  marge: 
Partie  de  l'acquisition  de  la  justice  de  Tulle] . 

997.  Arbitraige,  entre  Bertrand  de  Curamonte,  d'une 
part  —  et  Gérault  Gaultier,  d'autre,  par  lequel  arbitraige 
fust  appoincté  que  ledit  Gérault  jouyroit  et  possédei-oit  les 
terres  apnellées  del  Aperiery,  et  sur  ce  fust  imposé  sii- 
lance  audit  Curamonte  de  empescher  ledit  Gaultier,  à 
poyne  15  livres  ;  scellé  de  2  sceauU,  on  date  12.58  ;  N. 


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998.  Donation  ou  lénuat  par  Eblo,  Tiscomte  de  Vanta- 
dour,  à  l'abbé  et  couven  de  Tulle,  de  tout  le  droit  qu'il 
avoit  et  pouvoit  avoir  en  3  villaiges  que  les  dits  abbé  et 
couven  avoyent  vers  Montusclat:  scellé  de  4  sceaulz  ; 
1214  ;  O. 

999.  Acquisition  par  Jehane  Arnalde,  alîàs  de  La  Mar- 

3ua,  veufve  de  feu  Jean  La  Fagerdye,  merchant  de  Tulle, 
e  Guillaume  Cbappol,  cordonnier  de  Tulle,  de  5  sols 
tournois  de  rante  sur  une  maison  au  ôarry  del  Prat.  pa- 
roisse S*  Pierre  de  Tulle  ;  ensanble  la  recognoissance  par 
ledit  Cbappol  ;  reçeu  Pierre  Roche,  14'  mars  1438  ;  P. 

1000.  Instrument  portant  léguât  au  chapitre  par  noble 
Guillaume  de  Lyssac,  de  Tulle  (probablement  Lissac,  de 
Naves',  de  5  sols  tournoisde  rante  sur  tous  les  biens  dudit 
Guillen  ;  avec  certains  pactes  y  contenuz;  reçeu  par 
m"  Jean  Jurgre,  commissaire  de  Tulle,  1452  ;  Q. 

10001.  Jjiuesfifure,  avec  recognoissance  faicte  au  chap, 
par  Thomas  et  Anlhoine  Lavergne,  paroisse  S"  Julien  de 
f  uUe,  de  1/2  du  mas  de  La  Mouneyrle,  de  ladite  paroisse, 
assavoir  de  7  sestiers  seigle,  1  sestier  avoyne  et  1  de  feb- 
ves  et  I  froment,  petite  mesure,  et  15  sols  tournois  de 
rante,  en  toute  justice  et  fondalité  ;  receu  Anthoine  Bus- 
siëres  et  signé  par  Estienne  Joubert,  notaires,  4*  may 
1453  ;  R. 

1002.  ^cqiiisi(ion  par  Thomas  Dioudelle,  merchant  de 
Tulle,  de  noble  Guy  de  Féletz,  du  lieu  de  Gimel,  de  3  sols 
tournois  de  rante,  pour  la  somme  de  3  escutE  d'or,  assis 
sur  Jean  Chanbon.  mazelier  de  Tulle:  receu  Jean  La 
Borde,  16*  avril  1410;  S. 

1003.  Downafion  de  5  sols  tournois  de  rante  parmessire 
Jean  Lafagerdye,  recteur  de  Salon,  audit  chapitre  pour 
1  obit  ;  reçeu  Anthoine  Brach  ;  30  may  1482  ;  T. 

1004.  Léguât  au  chapitre  par  Jean  Gréguoyre,  plus 
jeune,  aliàs  Gibiac,  merchant  de  Tulle,  de  5  sols  tournois 
de  rante  pour  1  obit  ;  reçeu  Anthoine  Brach,  20'  décem- 
bre 1414; V. 

1005.  j4cquisi(io7i  par  Jean  Lavergne,  notaire  de  Tulle, 
de  Eymar  Dossac,  de  6  sols  tournois  de  rante,  moyennant 
6  livres  tournois  assiz  sur  1  eoustre  et  ort  joîgnans.  et  au 
barry  d«  la  Barrière  de  Tuile  ;  avec  investiture  faicte  au 
cellarierde  ladite  église;  receu  Pierre  Laroche,  4' jullet 
1446; X. 

1006.  Instrument  contenant  léguât  au  chapitre  par  ledit 
Jean  Lavergne,  notaire,  de  6  sols  rante,  pour  I  obit  sur 
lesdils  souslre  et  oi'l,  cum  pacto  rcdiviendi  dictum  le' 


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—  637  — 

î/uals,  tradendo 6  livres;  reçeu  Pierre  Roclie,  13' novem- 
bre 1457;  Y. 

1007.  Léguât  au  chapitre  par  noble  Jean  Serre,  aliàs 
SeiTou/  Lance  [en  marge.  Serre  dict  SeiTUt  Lance  5  sols  — 
erreur  selon  moi  pour  Secout- Lance]  notaire  royal  de 
Tulle,  de  5  sols  tournois  de  rante  pour  1  obit,  situés  sur 
le  mas  ou  borde,  appelles  de  La  Malynye,  paroisse  S' 
Augustin,  confrontés  audit  instrument;  reçeu  Pierre 
Gaiorsy,  notaire  de  Tulle,  9"  novembre  1465  ;  ensanble  un 
acte  de  condenpnation  faict  pardevant  messyre  Jean  Vi- 

fnal,  lieuctenant  du  Limosin,  au  prolict  du  chapitre,  à 
encontre  de  ilean  Ramiiîlhac  [coriigez  Roumailhac]  pa- 
roisse S'  Augustin,  de  payer  les  5  sols  tournois  rante  au 
chapitre  avec  despans  ;  faict  aux  assizes,  le  iundy  qu'on 
chante  en  l'église  M isericordi&  Domini,  en  la  ville  de 
Brive;  signé  A.  de  Qucye,  attachées  enscnble,  cothécsZ. 

1008.  Léguât  au  chapitre  par  Pierre  Pbilipes,  de  La- 
giienne,  de  10  sols  tournois  de  rante,  pour  I  obit,  sure  une 
vigne  acquise  et  arrantée  de  m'  l'abbé  de  Tulle  ;  scellé 
de  plusieurs  sceaulx  ;  1309  ;  cothé  par  P  barré. 

1009.  Acquisition  par  le  chapitre,  de  Huguo  de  Cendo, 
hoste  de  Tulle,  de  60  sols  tournois  de  rante,  assiz  sur  la 
maison  dudit  Cendo,  située  aux  faulz  bourgs  de  Tulle  ;  el 
recogTioissance  par  lui  au  chapitre  ;  reçeii  Anthoine  Guil- 
loty,  notaire,  7'  octobre  1457  ;  cothé  par  P  avec  un  eni-ou- 
leroent  en  guise  de  cep. 

1010.  JîecofîTioisaance  de  certain  I^^uat  faict  au  chapitre, 

far  noble  Guillen  de  Born,  paroisse  de  S'  Sa/uadour,  de 
0  sols  tournois  de  rante  pour  un  obit  légué  par  feu  Perri- 
cault  de  Born,  assiz  sur  le  villaige  du  Roc  le  sotre,  en  lad. 
paroisse;  reçeu  Hugues  La  Salo,  notaire,  du  date  1306; 
cothé  Y. 

lOM.  Instrument  d'inventaire  faict  par  le  chapitre,  des 
joiaulz  et  ornementz  de  la  dite  église,  baillés  en  garde  et 
inventorizez  à  frère  Jean  du  Peschadour,  secrestain  pour 
lors  de  la  dite  église,  comme  est  contenu  audit  inventaire, 
reçeu  Anthoine  Greguayre,  12*  janvier  1458;  ensanble 
autre  inventaire,  reçeu  Jean  de  Sourries,  I37S  ;  attachés 
eusenble  et  cothés  Z. 

1012.  Donation  ou  léguât  par  Jean  Pabot,  hoste  de  Tulle, 
au  chapitre,  de  15  sols  tournois  de  rante,  pour  I  obit,  avec 
pac(e  de  rachapt  ;  reçeu  Pierre  Terrade,  et  signé  Jean 
Térade,  25*  aoust  1449  ;  A. A. 

1013.  Testement  portant  léguât  au  chapitre  par  Pierre 
de  Jos,  merchant  de  Tulle,  paroisse  S'  Pierre,  de  6  sols 
tournois  de  rante  assiz  sur  ung  eyrial  de  Jean  Chazes, 


dbyGoOglc 


mercier  de  la  dite  paroisse,  situé  au  barry  de  La  Roche 
Jlfarluu  ;  leçeu  m"  Pierre  d'Ëublaco,  notaire  de  Chamba- 
ret,  6' avril  1462;  B.B. 

1014.  Acquisition  par  le  chapitre,  de  AnthoinedeBelot, 

Saroisse  S'  Pierre  de  Tulle,  de  5  sols  de  rante  pour  le  pris 
e  5  livres  tournois  sur  1  boys  appelle  de  Mndasses  (Ma- 
dasses  ?)  au  téritoyre  de  Chanbous,  et  sur  une  vigne  située 
au  Puy  Chessales  ITulle)  ;  reçeu  Jean  Bourlous,  5"  avril 
1463  ;  ce. 

1015.  Acquisition  par  Pierre  Roineyra,  de  Jean  de 
Treyniac,  de  la  dite  ville,  d'I  cestier  froment  de  rante, 
moyennant  50  sols  tournois  ;  scellé  du  date  1309  ;  D.D. 

1016.  Instrument  contenant  inventaire  faict  par  le  pré- 
vost  et  autres  religieulz  de  la  dite  église,  des  biens  et 
ornementz  de  l'église  Noslre  Dame  de  Rocquemudour, 
reçeu  par  m'  Jean  La  Coste,  1339  ;  E.E. 

1017.  Recognoissanco  par  m"  Loys  de  Ventegol,  paroisse 
de  Seillac,  an  chapitre,  de  40  sols  tournois  de  l'ante,  à 
cause  du  villaige  de  Teyssunières.  en  la  dite  paroisse,  en 
toute  justice  et  fondalit'é  haulte,  moienne  et  basse  ;  reçeu 
Géraull  Cuella  ;  12'  octobre  1425;  F.F.  [En  marge,  a  esté 
vandu  au  temporel], 

1018.  Procès  appellatoire  pardevant  le  sôneschal  du  Li- 
mosin,  A  la  requeste  de  Ramond  Martinia,  habiiant  de 
Tulle,  et  le  procureur  général  du  roy.  appellans,  contre 
messyre  Arnault  Percrucari  (sic),  vicaire  général  de  m' 
de  Tulle  et  m"  Gérault  des  Plas,  procureur  dudit  seigneur  ; 
en  frome  (forme)  de  rolle  en  parchemin  ;  G. G. 

1019.  Donation  d'un  léguât  (sic)  faict  au  chapitre  par 
Jacmes  de  Cuelhe,  alîàs  de  Boyt,  lils  de  feu  Gérault  de 
Cuelhe,  de  5  sols  de  rante  ;  plus  à  l'autel  S'  Jehan  de  la 
dite  église  15  sols  tournois  une  fois  payés  ;  reçeu  m'  Pierre 
Chacgier,  1"  février  1472  ;  H.H. 

1020.  [Ce  paragraphe  est  bâtonnél.  Rolle  en  parchemin, 
contenant  procédure  pardevant  le  lieutenant  et  commis- 
saii-es  en  la  dite  église,  et  en  sa  cause  d'appel  entre  le  dit 
chapitre  d'une  part  —  et  noble  Pierriscart  [Perniscart? 
(sic)]  de  Comborn,  s'  de  Treyniac,  et  Hélies  de  Bernard, 

Erévost  de  Treyniac,  messyre  Pierre  d'Arranach,  Gérault 
a  Guyonnya,  Jean  La  Boria,  à  cause  de  l'onmaigo  du 
villaige  de  Vinhanes,  sîz  en  la  parroisse  d'Alonzae,  auquel 
tant  fusl  procédé  que  toutes  les  parties  baillarent  escrip- 
tures;  J.J.  [Retranscrit  et  reporté  sous  cote  0.0,  valable], 

1021.  Donnation  ou  léguât  au  chapitre  par  Thomas 
Diodèle,  merchant  de  Tulle,  de  M  sois  tournois  de  rante 
pour  1  obit,  assiz,  assavoir  8  sols  forte  monnoye  sur  1  pré 


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appelle  de  La  Goûte  el  les  autres  3  sols  de  la  dite  monnoye 
sur  une  terre  que  tiennent  les  hoirs  de  feu  Julien  Cliaa- 
bon  ;  reçeu  Jean  Cueille,  29'  aoust  1430  ;  J.J. 

1022.  Acquisilion  par  le  chapitre,  de  Bernard  et  Clare 
del  Breuil,  d'I  ceslier  froment,  mesure  Tulle  de  ranle  sur 
un  jardrin  sien  et  une  lèze  de  Symon  de  Bouyîa(Bougia?), 
i-eçeu  Jean  Jalais  ;  1347  ;  K.K. 

1023.  Léguât  au  chapitre  par  Jean  Bourlous,  notaire  de 
Tulle,  de  5  sols  tournois  de  rante,  sur  une  maison  et  jar- 
drin de  Pierre  del  Lac,  aliàs  Marisson  ;  reçeu  Jean  Bocal 
(Béral??),  22-jung  1*80;  L.L. 

1024.  Acquisition  par  le  chapitre,  de  Pierre  Leymirigye, 
et  Guillaume,  sa  femme,  de  Tulle,  d'I  cestier  froment 
mesure  Tulle,  moyennant  60'  sols  tournois  sur  1  jardrin 
au  Puy  S'  C/air;  reçeu  Jean  Jalays,    1347;   M.M.    [En 

•  marge,  à  ta.  Barussie], 

1025.  Ordonnance  passée  entre  le  chapitre  pour  les 
anniversaires  des  trespassés  qui  se  dévoient  (deuront  ?) 
fere  le  jour  de  la  dominique  de  la  passion  ;  en  1336  ;  N-N. 

1026.  Voyez  1020. 

1027.  L^^uaf  au  chapitre  par  Jean  La  Borda,  notaire  de 
Tulle,  de  5  sols  rante,  pour  1  obit;  reçeu  Pierre  Serre; 
9' janvier  1430;  P.P. 

1028.  Donafion  par  G.  évesque  de  Lymoges,  à  l'abbé  el 
monastaire  de  TuUe  et  à  lurs  successeurs,  de  l'église  de 
S'  Clément,  avec  toutes  ses  apartenances,  sauf  le  di'oit  de 
seigneurye  et  droit  épiscopal  ;  les  dites  lettres  scellées  ; 

Q-Q- 

1029.  Acquisition  par  Jean  Reynal,  de  Tulle,  de  Pierre 
Day,  de  Tulle,  de  3  quartons  froment,  moyennant  5  livres 
5  sols  tournois  sur  une  maison  de  La  Reynaudia.  ;  de  la- 
quelle acquisilion  apartient  l'investiture  à  m' le  cellarier; 
scellé  30  avril  1375;  R.R. 

1030.  Testement  portant  léguât  par  Jean  Cueille,  no- 
taire de  TuUe,  au  chapitre,  de  10  sols  tournois  rante,  com- 

Srinz  6  sols  tournois  donnés  par  feu  m'  Jean  Cuetla,  père 
udit  testateur  ;  reçeu  Pierre  Cueilla,  15°  may  1450  ;  S.S. 

1031.  LéguRt  au  chapitre  par  Pierre  Labarrieyia,  de 
Tulle,  de  2  cestiers  froment,  pour  1  obit,  sur  une  lerrc 
qui  fust  de  Jean  Treyniac  et  I  jardrin  dudit  Treyniac  au 
Puy  de  Vedrènes  (banlieue  de  Tulle)  ;  reçeu  Évmeryc 
Leymarie,  1320;  T,T. 

1032.  L^^uat  RU  chapitre  par  Pierre  La  Barrieyra,  filz 
de  feu  Pierre,  de  Tulle,  d'I  cestier  froment  rente  sur  une 


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—  640  — 

terre  qui  fust  de  feu  Jean  Revniac  ;  reçeu  Jean  Gorça, 
aliàs  I.ai-nei-,  i309;V.V.J 

1033.  Acquisition  de  2  cesLiers  froment  et  une  géline 
sur  le  mas  de  La  Serre,  paroisse  S^  Julien  de  Tulle  ;  reçeu 
Jean  Jalays,  1347  et  le  jour  de  lu  dominimie  avant  la  Teste 
S"  Liice  ;  X.X.  [Acte  raturé  sous  cote  V.V.  et  remis  à  la 
cote  X.X. 

1034,  Assignation  de  40  sols  tournois  par  r.  p.  en  Dieu 
Giliberl,  évesque  de  Limoges,  au  chapitre,  pour  1  obit  as- 
siz  sur  les  villaiges  du  Mont  de  Faige  (sic)  en  la  paroisse 
S"  Fériolle;  scellé  1303  ;  Y.Y. 

103J.  Consentement  preste  par  les  consuls  do  la  cité  de 
Limoffes,  A  r.  p.  en  Dieu  Pierre  abbé  de  Tulle  et  à  ses 
successeurs,  qu'il  possède  à  tousiourstles  maisons  qd'il  a 
achaptées  de  noble  Eymiric  Gahanh  (Gain)  de  la  dite  rite 
de  Limoges,  franches  et  q^uictes  de  toutes  tailles  et  collec- 
tes et  de  touts  autres  servitutz  ;  scellé  1279  ;  Z.Z. 

103C.  Réquisition  de  payer  les  pantions  aux  religieulx 
de  Tulle,  auquel  instrument  est  incèré  iing  défault  contre 
r.  p.  en  Dieu  Denys  de  Bar,  pour  ne  payer  les  pantions  ; 
iceluy  défault  concédé  pour  frère  Jean  de  Pcyi'ac,  prieur 
claustral  ;  reçu  Martin  La  Borde,  1"  septembre  H80.  Coté 
par  double  P  enguirlandé. 

(A  suivre). 

J.-B.  Chaupeval. 


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TABLE  GÉNÉRALE  DES  MATIÈRES 


Pig» 

Liste  des  Membres  de  la  Société 5 

Noms  des  Sociétés  correspondantes 15 

Article  nécrologique SO 


HISTOIRE 
Noëls  du  Bas- Limousin,  recueillis  par  M.  E.  Rupix SI 

Uibliograpliie  et  iconographie  limousines:  Jean-Ueiiri  Melon 

et  dont  Jean  Birel,  par  M.  Loues  de  Nuesac 153 

Notice  sur  le  peintre  Pierre  Sparvier,  par  M.  RB^É  Page 179 

Papier  baptistaire  de  la  faniiNe  Péconnct  de  Limoges,    par 

M.  Louis  Gt;iBEHT 167 

Cartulaire  de  l'abbaye  Saint-Marlin  de  Tulle,  publié  par  M.  J.- 

D.  Champeval 505,  449,031 

Notice  sur  Tabbé  de  Feletz,  par  M.  Raïuond  Labobde....  SÎ5,  585 
Portrait  graphologique  de  l'abbé    de   Feleti,  par  M.  l'abbô 

GraoL- 2S5 

Lettre  de  Victor  Hugo  sur  le  maréchal  Brune,  communiquée 

par  M.  E.  Mabdeau •■ij'j 

La  Maison  do  Saint-Martin  de  Ëagnac,  compte-rendu  par  H.  E. 

RupiH 3D3 

Un  évéque  d'autrefois,  Mgr  Berteaud,  compte-rendu  par  M.  J. 

pLAIiTADrS S99 

Liste  des  Conventionnels  de  la  province  du  Limousin 305 

Complainte  sur  la  Passion,  communication  de  M.  E.  Bupin  ...  313 
Les  noms  révolutionnaires  des  communes  du  Limousin,  par 

M.  JOAMNÈSPLANTADIS 325 

Aliénation  du  temporel  de  l'ëvéché  de  Tulle  en  1569,  et  les 

troubles  en  Bas-Limousin  en   15S4,  communication  de  M. 

l'abbé  Galabert 339 

AUassac  et  ses  annexes,  par  M.  l'abbé  Marche 353,  596 

Dictionnaire  géographique  du  département  de  la  CorrÈie,  par 

M.  J.-B.  Chaïpeval 3S5 


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Michelet  et  te  Limousin,  par  M.  Raymond  Laborde 

Livre  de  raison  de  Jean  de  Halliard,  par  M.  Fernand  de  Mal- 

Noles  domestiques  de  Jacques  Sazerar,  apothicaire  à  Nexon.. 
Note  au  sujet  des  No&ls  du  Bas- Limousin,  par  M.  E.  Uarbeau 

Mirabeau  limousin,  par  Joannës  Plantadis 

Notes  sur  la  famille  de  Prouhet,  par  M.  J.  de  Saint-Gehmais. 

Lettre  de  M.  Bonneval,  curé  de  Tauriac,  à  l'évéque  de  Cahors, 

par  M.  P.  DBbxonD 


ARCHÉOLOGIE 

Note  sur  la  fouille  d'un  lumutua  gaulois,  par  M.  Paul  Bial.  . .  149 
Gouactie  du  xvii*  siècle,  communication  de  M.  Alfred  Leroux  161 
Les  Crucifix  émaillés  d'Angouldme,  par  Hgr  Barbier  de  Hon- 

TAULT 165 

Une  plaque  émsillée  du  xnt*  siècle,  par  Mgr  Babbibr  de  Mo«- 

tault 317 

Pommeaui  de  bitons  de  confrérie,  par  H.  Louis  de  Kussac...  347 
Une  patène  ministérielle  à  l'abbaye  de  Silos,  par  le  P.  dom 

RouLiN 549 

Une  châsse  aoree  et  emaillée  à  l'abbaye  de  Silos,  par  le  P. 

dom  Boulin 561 

Un  cruciHx  habillé  du  xiu*  siècle,  par  Mgr  Barbier  de  Mon- 

tault 57Î 


TABLE  DES  GRAVURES 

1.  Frontispice  des  NoSIs  du  Bas-Limousin,  par  M.  E.  Kupin.  31 
1.  La  Nativité  dans  une  étable  limousine,  par  M.  L.  Levnia 

DE  LA  Jarrige 55 

3  à  30.  Musique  dos  Nocis  du  Bas-Limousin 66  à  149 

21.  Portrait  de  Jean-Henri  Melon 154 

22.  Portrait  de  dom  Birel 157 

23.  Crucifix  du  Trésor  de  Cherves,  par  M.  E.  Rupim 167 

24.  Crucifix  de  M.  Emile  Riais,  d'Ângoulfme,  par  M,  E.  Rdpin  177 


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Sa.  Portrait  du  paintfe  Pierre  Sparvier 181 

26.  Portrait  de  l'abbë  de  Feleti 3Î4 

ST.  Fac-simite  de  l'écriture  de  l'abbé  de  Feletz !84 

28.  Vue  du  château  de  Bagnac,  par  M.  E.  Rupin S92 

S9.  Vue  du  ch&teau  de  Bagnac,  par  M.  de  Mavnard S94 

30  à  36.  Armoiries  delà  famille  de  Bagnac S96 

37.  Portrait  de  Mgr  Berteaud,  par  M.  Leynia  de  la  Jabhioe.  .  S98 

38.  Plaque  émaillde,  par  M.  l'abbé  Fadhie 318 

39.  Pommeau  de  bâton  de  confrérie,  par  M.  Ë.  ttupiH 348 

40-  Armoiries  des  Chiniac 386 

41.  Musique  des  Noél9 ' 475 

42.  Patène  ministérielle  à  l'abbaye  de  Silos  (héliogravure).. ••  549 
43  et  44.  Détails  de  cet  objet 553  554 

45.  ChAsse  émailléc  à  Silos,  par  M.  Saint-Ei.xe 562 

46.  Chasse  émaillée  à  SiloSj  par  M.  Saint-Elue 563 

47.  Crucifix  habillé  du  xm*  siècle-. 575 


TABLE  ALPHABÉTIQUE 

PAn  NOMS  d'auteurs 


BAHBitH  DE  MuNTAULT  (Mgr  X.).  Lcs  Crucifix  émaillés  d'Aiigou- 
lêm^',  IG5.  —  Une  plaque  émaiUéo  du  xiii-  siècle,  327.  —  Un 
Cru'iiHx  habillé  du  xiii'  siècle,  573. 

BiAL  (Paul).  Note  sur  la  touille  d'un  tumulus  gaulois,  149. 

Chaui'eval  (Jean -Baptiste).  Cartulaire  de  l'abbaye  Saint-Martiu  de 
Tulle,  205,  440,  631.  —  Dictionnaire  géographique  de  la  Corrëze, 
385. 

Delxund  (P.)  Lettre  de  M.  Bonneval,  curé  do  Tauriac,  à  l'évéqua 
de  Cahors,  sur  l'usure,  589. 

Page  (René).  Le  peintre  Pierre  Sparvier,  179, 

Galabert  (abbé).  Alidnation  du  tiîmporcl  de  l'évéché  de  Tuile,  en 
1560,  339,  —  Les  troubles  en  Bas-Limousin,  on  1584,  343. 

GiBOU  (abbé).  Porlrait  graphologique  de  l'abbé  de  Feleti,  285. 

GuiSEiiT  (Louis).  Papier  baptiataire  de  la  famille  Peconnet  à  Limo- 
ges, 187.  —  Notes  domestiques  de  Jacques  Sazerac,  apothicaire 
à  Nexoa,  466. 


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