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fi
BULLETIN
DE LA
SOCIETE DE GEOGRIPHIE.
QuBtrienie S^rie.
TOME III.
COMMISSION CENTRAL!:.
COMPOSITION DU UURF.AD.
(Eleclioii (111 23 Janvier iS'ii.
President. M. GuioifixtiT.
T^ice-Presideiits. MM. Jomard j-t Daussy.
Secretaire general. M. de i.a RoQLtiiE.
Section de Corre.spondance.
MM. A. d'AbUaJie. MM. Meissas."
Bajol. C. Moreaii.
Callier. Noel-Desvergers.
Coclielet. D'Orhi^'iiy.
D'Avezac. I'oulain de Rossay.
Lafond. Texier.
Lebas.
Section de Publication.
MM. Albert Montemonl. MM. A. Maury.
CorlanibiTt. de Santarem.
de Froberville. Sedillol.
Gay. Tcniaux-Compans.
Itiil)erl des Molleleltes. Walckenaer.
Section de Coniptabilite.
MM. EJ. de Brimont. MM. de Lovenstern.
Isambert, Thoniassy.
Jacobs.
Comite charge de la redaction et de la publication du Bulletin.
MM. de la Rdqiietle, secretaire i^i'iieral MM. Daussy.
de la Conimissiou centrale, re- Sedillol.
dactcur en chef. de rroberville.
Malte-Bnin, sccrelaire aJjoiut. Cortambert.
M. Meignen, iiotaire, tresorier de la Societc, rue Saint-Honore , 870.
M. Noirot, agent general el bibliolliecaire de la Sorietc, rue de TUniver-
fiie, 13.
BULLETIN
DE LA
r r
SOCFETE DE GEOGRAPHIE
M. DE LA ROQUETTE
SECRETAIRE GENERAL DE LA COMMISSION CBNTRALE
RMacteur en cbef
QUATRI^ME SfiRIE. — TOME TROISlfeME
ANNfiE 1852
JANVIER — JUIN.
PARIS,
CHEZ ARTHUS-BERTRANl),
LIBUAIRE DE LA SOCI^T^ DE GEOGRAPHIE,
RU> BAUTEPEniLLE, K" a3.
1852.
HURFAU DE LA SOClfiTf:
(EtEGTIONS DU 11 AVRir. 1851.)
Priiidfnt. M. le coiitre-ainiral Mathiec, directeur general dti depot de
la inai'iDe.
„ , , I MM. CoNSTAWT Pbevost, mcnibre de I'Acadeniic des sciences.
Vice-Presuleiils. ,. „
I r HANcois Delessert.
i MM. JIeissas.
I Isidore Low6^9TERI(.
Scof^ltilff, M. Sinii.i.oT.
Lisle des presidents honnraires de la Societe depiiis son origine.
MM. MM. MM.
De L.\rLACE, J.-B. Eyries. Do Las CAsts.
De Pastoret. l.,'ai)ui'al de Kiomt. Villemaiic.
De Chateaubriand. Dumont d'Urvili.e. Cunin (Iridaine.
Cmabhui. dk Voi.vic. Dhc4j^s. I/amimI Uoussiw.
I'lECQLEY. De MoNTALivET. L'umiral do Mackau.
Ar.EX. Dt HiiMBOLDT. De Barante. Le vice-ainiral Hai.gan.
Chabroi. de Croxjsol.- Le general Pelet. Walckenaer.
CUVIER. GuiZOT. Moi.E.
Hyde de Nkuville. De Salvandt. Jomard.
De DouDEAVvif.i.E. Tupis<er.
Correspondants etrangers dans Vordre de lew nomination.
MM. MM.
H. S. Tanker, a Philadelphie. Le doctenr Kriegk, a Fiamfoit.
\V. WooDBRiDGE, a BosluH. Adolplie Frman, a Berlin.
Le It-col. Edward .Sabine, a t.ondres. Le durtHur \\ atpaus , a Goeltinjue.
Le doeleiir I'.eini;an(jm, a Berlin, Le ooloiibl .Tackson , ,i Londres.
Le ducteur Kicharcson, a I.ondres. Lepi iMccDEGALiTZiN.aSlPetersbourg.
Le prolessiiir Rafn, a Copenliague. Ferdinand de Luca, a Naples.
AiKSWoKTH, a Edimljourg. Le docleiii- Baudffi, a Tni in.
Lc colonel Long, a Lonisville. Ky. Le ponoral Semino, a 1 eheraii.
Lcrapitaine Macorochie, a Sydney. le lient.-rol. Fr. CoEr.Lo, a Madrid.
Lc conseiller de Mackdo, a Lisljonne. Le prcifcSieur Munch, a Cliiisliaiiia.
Le professenr Karl RiTTER, a Berlin. Le gi'ii. .Viln'rl de la MARMr)RA, aTiiiiu.
Le cap. John Washington, a Londres. FnlijiMicr Fresnei., a Mossonl.
P. DE Angelis , a Bnenos-Ayres. Ch. Schefer, a Conslanlinople.
Correspondants perpetuels dans Vordre de leur nomination.
MM. MM.
Le capit. sir J. FRAni(x.i|i, a Londres. Le rapitaiiie G. Race.
Lf capitaine Gra-ah, ,i Copenliagne. Le capit. James Clark Ross, a Londres.
Le capit^iue w Juhn Ross, a Londies. Li- doctiur I eichardt.
PAKIS. - IMPniJltl'.IH lit 1. MilillNET,
rue Mit'lion, 2.
BULLETIN
DE L\
SOCIETE DE GEOGRAPHIE.
JANVIER 1852.
lieiiioireii^
HoUeeis, Doeuiiientii origlnauiL^ etc
DE
LA DISPOSITION GfeOGRAPHIQUE DES LIEUX
SDR
LA SURFACE DU GLOBE,
ET DE
SON mFLllENCE SUR L'HISTOIRE DE L'HUMANITfe,
PAR
CHARLES BITTER.
Dissertation liie a I'Acadeinie des sciences de B^rliil
le i" avril i85o.
EXTRAIT TRADIHT DE l'aLI.EMAMD.
Le litre meme du nouveau travail de M. Charles Riltcr
en indique .sunfisamment I'objcl. L'illuslre geographe
cherche a coiistater le rapport intime existant enlie
les difl'e^rentes parties de notre planfete, qui semblciil
assemblees au hasard. La determination aslronomi(pie
des lieux, la geodesie, rhypsom^lrie, la m6t6orologie,
( 6)
la plijsique, s'uccordeiit pour reveler cette profonde
harmonie; la masse dcs conlinenls qui segroupenl dans
rh^misphere septentrional, el qui conlrastcnt avec la
vaste etendue des mers anlarctiques, n'a-t-elle pas dii
causer la preponderance du nord? L'allongement des
terres en forme de cones tourn^s vers ces mers, comme
I'a remarque M. de Humboldt; les polnles sud des con-
tinents plus articulees que les poinles nord ; I'existence
d'un espace maritime, ou tant d'iles sent dispers6es ,
n'ont-ils pas eu une influence directe sur le plus ou
moins grand d^veloppement d'activit^ de loutes les
forces vitales ?
« Parmi les dispositions exl^rieures des surfaces de
notre plan^te, ajoute M. Charles Ritter, il ne faut pas
seulement remarquer I'immensile du cercle forme par
les mers, mais encore le cercle de feu qui se raanifeste
par des groupes de volcans sujets a des Eruptions p6-
riodiques.
» Un des premiers naluralistes de notre si^cle a d6-
monlre I'existence de ce cercle, qui s'arrondit autour
du bassin de I'ocean Pacifiquc, ne suit qu'en parlie la
vasle ceinture des cotes, d'aboi'd le long de I'Amerique
occidentale, puis dans le nord de I'Asie, tandis que,
vers le sud-est, ce continent ofTrc de longues rangees
d'lles paralleles au rivage, et qui, divergeant lout a
coup, s'enfoncent dans les profondeurs de la mer du
Sud. Le cercle menlionn6 ne repose done qu'k mollis
sur la partie solide de la lerre, et embrasse en outre,
au milieu de I'ocean oriental, ces milliers d'llols, sou-
Iev6s par des forces internes, ces nombreux groupes
d'iles basalliques qui se dressent hors dos eaux, re-
connaissables a la formation analogue de leurs mon-
( ' )
tagnes , mais bleu ctlTaihlis dans leur aclivltu sons-
marine. Siir le bord occidenlal de I'Ameiique , la
chalne des Cordillercs, longue de pres de mllle lieiu s
gdographiques (1), n'est elle-meme qu'une fraction
de cet anneau ; et sur celte grande epine dorsale du
nouveau monde, Alexandre de Humboldt a compte de
cinquante a soixante cral^res en activite, sans faire
mention de tant d'aiitres qui sont encore inexplor^s.
A I'ouest du Grand Ocean, cette ligne de feu se divise
en de nombreux paralleles. ainsi que Leopold de Buck
I'a deraontre, et se contourne , sur de longs groupes
d'iles montagneusos, autour des coles de la Nouvelle-
Hollande et de I'Asie orientale. Ces lies, dont les axes
de longueur paralleles se dirigent dans le sens du
nord-ouest, oifrent invariablement le meme aspect ot
les memes formations; leur ligne volcanique, bifur-
qu6e vers les Moluques, presente dans sa longueur de
mille lieues, et toujours sur ses rives orientalcs, plus
de quatre-vingts gouffres de feu qui font trembler la
terre depuis I'lle jumelle de la Nouvelle-Z<^lande jus-
qu'au nord des Philippines. C'est la que le cercle se
recourbe vers le nord , en suivant les groupes du Ja-
j)on, dos Kouriles , du Kamtscbatka, des lies Aleou-
tiennes el d'Ounalascbka, donl les cinquante volcans
sont en parlie marilimes, comme ceux des lies de
rOcean, en partie alignes sur le continent auiericain.
Enfin , le cercle se ratlache au nord des Cordilleres
par le volcan dc Sainl-Elie et son voisin , le gigan-
lesque Cerro de Buen -Tempo. Ce n'est done pas a
tort que nous donnons a cet immense anneau de plus
^i) C'est la lieue de ao au degre.
(« )
(le (Iciix ceiils volcans sans cesse en action le nolil do
ccrcle de feu.
» .NYanmoins colte couronne de volcans reste ouvcrte
vers lo Slid, landis fine, vers Ic pole, la sdpardlion ded
conlinenls de I'ancien et du nouveau tnonde n'a aiica-
nenienl empeche la ligne de jonclion de se Conlinuef
sous la inei". II est vral que les continents se rappi'6-
client an dotroit de Beliring jusqu'ii la distance de
quelques lieures; el Cela m6nie pourrait nous faire
admetlro uno contemporandite d'origine enlre ccllc
couronne de feit qui jaillit de rablme des inei'S ct los
vastes plaines conlinentalcs qu'elle soul^Ve au dcla.
Ce qui senibierait confirnier cette idee, c'est pl'cicls^'-
uienl Ic phdiiouiene negatil' de cette grande lacune dd
mille lieues geographiques qui s'^lend de la pointe sud
du cap Horn jusqu'a celle de la Tasmanio, oii la cein-
lure de volcans cesse, et avec elle la foruie conlinert'
tale. A partir de ces deux points eXtrftines, commence
un Vaste ocean presque complelement vitlc d'lles et
bien plus gt'and que la iner polyn^sienne comprise
dans le cercle des volcans. La grande tone ^quatoriale
dds lies, pcncliee dans la direction de I'^cliplique,
s'avartcc des Philippines Vers le sud-est h ttavers un
grand nomhre de groUpes serres les uiis conlre les
autres jusqu'h la solitaire ile du Piques j Comme une
nouvelle vuie laclee , elle aniu:e la mer azuree du Sud :
une autre ligne j)aralRle, niais bien plus faible, part
de rarchipel du Japon et s'en va finir au voicail colossal
des lies Sandwich. A toutcs ces richesses dU cercle
volcanique , I'oc^an du sud u'oppose dans sa region
mcritlionale qu'une extreme pauvrete de fori»es insu-
laires bien connues des niarins. Le navigateur antarc-
(9)
lique n'a pu , dans tout rh^inisphfere qui s'elend au
sud de la grande lacune, d^couvrir que de simples
6cueils isol6s, a peine dignes du nom d'iles, tels que
ceux d'Alexandre I" et de Paul I", sauf toutefois la
terre de Victoria et sa crete de volcans reconnus paf
James Ross. Dans I'immense espace de la mer du Sud
que James Weddel travefsa en 1822, aucune terre ne
fut signalee. II en est de meme dans la mer des Indes,
entre la terre de la Nouvelle-HoUande et le sud-est de
rAlViquc; car Kerguelen, Saint-Paul, et Amsterdam ,
sont a peine dignes du nom d'6cueils , et les lies ju-
iilelles de Mauince et de Bourbon sont parfaitement
Isoldes. Dans I'ocean Atlantique, a pai't les r^cifs de la
terre de Sandwich et le groupe du Shetland meri*
dional , on ne voit au midi de I'equateur que des lies
tres-distantes les unes des autres, la Trinite, Sainte-
Hel^ne, TiVscension , qui surgissent des mers les plus
profondes qu'on ait encore mesurees; car le premier
sondagc de Ross donne 14 550 pieds anglais, c'est-a-
dire la hauleur du Mont-Blanc, et le second indique
une profondeur de 27 600 pieds.
» C'est au nord de T^quateur seulement, aux anti-
podes des lies de la mer du Sud, que des groupes plus
nombreux, mais cependant solitaires et volcaniques,
s'elevent au-dessus de la surface maritime : telles sont
les Canaries, les Agores, les Feroer, peut-6tre meme
rislande,qu'il vaut pourtantmieux compter au n ombre
des lies du cercle polaire; de mealc, ainsi que le lait
observer James Ross, au nord. Tile de Jean Mayen; au
sud, le volcan Er6be, haul de 12 000 pieds, rcgagnent
par leur nouvelle activity et par leurs formations in-
( 10)
cessaiiles le leiraln que le vaslo espace des mei's a fait
perdre a la surface des continents.
» La force de soulevenient de la matiere en fusion,
qui en dehors du cercle dc fou ne s'est manifestec que
par de rares, mais d'aulant plus vastcs centres d'erup-
tions dresses au-dessus des profondeurs de I'Ocean, de-
rail autrefois dt^pioyer une puissance bien plus grande
dans le bassin tout enlier de la mer du Sud ; car, outre
les lies qui s'elevent hors des eaux, d'autres lies, res-
ides invisibles, se sont soulevees par milliers sur le
fond gonfle de la mer, et se sont approcliees de la sur-
face sous forme de has fonds, d'ecueils, de recifs, ou
les polypes et les madrepores fondent leurs colonies,
quand I'ondulation des flots le leur permet. Ainsi la
force interne, dislribuee sous tous ces milliers de
points a la fois, semble 6tre bien impuissanle pour
d'lever au-dessus de la surface des mers ce continent
invisible dont une suite de sondagcs n'a pu encore de-
terminer jusqu'a present I'^tendue.
» Celte action, appliquee a de vastos espaces et non
pas seulement a des points isoles, se uiontre partout
en dehors du cercle volcanique dans le soulevenient
de I'ancien et du nouveau raonde ; leurs plus hauts
plateaux continus et leurs chahies les plus allieres
s'entassent autour de I'anneau des volcans, tandis que
du cote oppose, vers I'interieur des terres , s'elendent
les grandes depressions qui, dans les deux mondcs,
sc (lirigent toutes \ers le nord , le nord-oucst , I'ouest,
le nord-est, ainsi que vers I'ocean Atlantique et les
latitudes arctiques de notre plan^te , evidemment
parce que la force interne, en dimiuuant peu a peu
( 11 )
son 6lan, pouvalt d'autant inieux reserver son action
pour soulever du cote de cette region polaire des terras
basses, horizontales, et parfailement unies. G'est ainsi
qu'a ^te cre6 le contrasle entre la formation conli-
nenlale et les formations insulaires , et que le progres
dans I'histoire du pass6 et de I'avenir a 616 rendu pos-
sible.
» A I'ouest de la rang^e des volcans de I'Oc^anie ,
dont aucun ne se reproduit sur le continent qui s'etend
en face, on remarque la vaste depression de la Nou-
velle-HoUande, masse enorme que la force interne, si
active dans le bassin de la mer du Sud, n'a pu soulever
plus haut ; meme le detroit si peu profond et si riche
en coraux, qui separe ce continent de la Nouvelle-
Guinee , n'a pu etre hausse au-dessus de la mer, ou
bien a 6t6 replong^ sous les vagues.
» Celte depression du continent austral se poursuit
aussi vers le nord-ouest entre la Carpentarie et le sud
de Malacca, au moyen de I'isthme de la Sonde, perc6
de si nombreux detroits. Au dela, sur le continent
niSme de I'Asie, s'etendent les basses terres de I'lnde
au dela du Gange , du Tonkin , de la Chine orienlale ,
jusqu'a ce qu'enfin la premiere muraille du grand
plateau central asiatique 6leve, vis-a-vis des volcans du
Japon , sur les cotes escarp^es de Leao-Tong et de la
Cor6e, une barri^re infranchissable.
» Un ph^nomene analogue se montre dans les deux
Am^riques ; la aussi toutes les grandes depressions
commencent immediatement en dega de I'anneau
volcaniqwe des Cordilleres et des plateaux eleves ,
mais etroits et allonges, que cette chaine soul^ve sur
son epine dorsale. Analogic remarquable ; da,ns \'\m-
( 12 )
iiiense espaco des plaines Ho I'Ain^rique orientale
n'npparalt pas un seul volcan , pas pins que sur le
continent de rAuslralie, et la pentc des gt-andes de-
pressions et (111 syst^me des fleuves descend des bords
exl^rieurs du cercle de feu qui , dans celt6 parlie du
monde, se conl'ond enti^rement avec la grande cein-
ture terrestre. Quant aux bords intdrieurs du cercle
volcanique , ils se pr^cipitent vers le bassin de la mer
du Sud , landis que de I'autre c6t& les depressions
continentales, parseinees c^ et Ih de groupes inf(irieurs
de inontagnes, s'abaissent el s'aplalissent de terrasse
en terrasse vers l6 grand oc^an Allantique.
» Quel spectacle plus admirable que celte analogie
des deux nouveaux mondes, de I'Oc^anle el de I'Aine-
rique , dans leiirs soul^vements el leui'd d(§pressionS
par rapport au cercle de feu insulaire et continental ,
qui des profondes fissures de son foyer de chalour
refond et soul^vo les lerres environantes I
» Dans I'ancien continent, on voit se reproduirc la
mt'ine loi g^n^rale dans la constitution analogue des
soul^vemenls, des abaissemonts et des depressions;
mais cette loi est modifiee par la forme articulee dcs
presqu'iles meridionales et par I'j^loignemenl du cercle
volcanique, qui se replie tout a coup vers le sud-6sl
du Grand Ocean ; apres cette separation , la grande
ceinlure des cotes suit les contours de la Chine in^-
ridionale, des deux Indes, de I'Arabie, de lEthiopic,
de I'Alrique, en face d'^ Madagascar, dl va se terminer
au cap de lJonne-Esp(^rance,
)) II sorait instructif d'appliquer A Tensomblc du
continent ce qii'Alexandro de Humboldt a proiive en
ce qui cdncerne le plateau rhomboidal du centre de
( ^3 )
I'Asie , car le ph^nom^ne parliculier dont il parle se
retrouve partout comnio loi invariable : la diagonale
qui traverse ce plateau central du sud-ouest au nord-
QSt, et le divise en deux moilies trjangulaires, le Thibet
et la Mongolie, est en m6me temps I'axe du grand sou-
levenient entre les puissants colosses qui se dressent
au sud-est, et la depression generale du nord-ouest.
Le plus grand renfleraent s'elfeve jusqu'a l/i 000 pieds
dans le haut Thibet, el les somraels de I'Hiiualaya
alteignept jusqu'a la hauteur absolue de 20 000 el de
25 000 pieds. La muraille escarp6e qui domine les
vasles plainea du sud de la Chine et des deux hides,
etendues a ses pieds, parail alleindre a de plus grandes
hauteurs encore et depassor toutes les autres chahies
du globe. Bien que des mesures directes ne le demon-
trent pas encore, cependant rel6vation loujours crois-
sante des souimets vers Test semblerait I'indjquer.
Ainsi dans le Sikkim , le Kintschin-dschinga, auquel
le colonel Waugh et Hooker ont, par leur derniere
Evaluation, donne la hauteqr de 26438 pieds parisiens,
s'eleve encore plus haut que le Dschawahir, le Dhawa-
laghiri et le Tscbamalari, et par^i les monts de I'Hi-
ijialaya toumes vers le sud-egt, ce g^anl pprait avoir
beaucoup de fr^res.
» Au dela de I'axe diagonal du grand plateau central
asialique , la, ou la MongoUe s'abaisse vers le nord-
ouest, I'ancien nionde tout enlier descend de terrasse
en terrasse, par de larges degres, jusqu'a la mer Gla-
ciale, au nord de j'Europe et de la Siberie,
» La lisiere raeridionale du plateau de Gobi, au-
dessus de Peking, est de 8 000 pieds plus elev6e
que la surface de la mer; n^ais, d'apr^s le nivelle-
( 14 )
raent dcs acatlcmiciens russes , la penle descend vers
le nord-ouest par des gradations successives de 5 000,
A 000, 3 400 el 2Z|00 picds, jusqu'au niveau du lac de
Baikal, et plus has encore jusqu'au lac Dsaisang, aux
sources de I'lrtisch, a 1 000 pieds do hauteur absolue.
Puis celte depression , s'elendant sur toute la largeur
de I'ancien continent, s'abaisse peu a peu vers I'ouest
jusqu'aux cavites , mieux connues deja, de la mer
d'Aral et de la mer Caspienne ( — 72 | pieds); a To-
bolsk, elle n'a plus que 100 pieds d'elevation au-dessus
de la mer; un peu plus loin, au milieu de I'h^misph^re
continental, elle se reunit avec les grandes plaines de
I'Europe, entre la mer Noire, la mer' Caspienne et la
mer Baltique, et enfin va rejoindre le cercle polaire,
que forment autour de la zone arclique les terres gla-
cises et parfaitement semblables du nord de I'Europe
et de I'Am^rique.
» La meme loi qui a souleve a pic de colossales mon-
tagnes tout autour de la grande ceinture de cotes, et
d^prime les continents dans la direction opposee vers
I'interieur de I'hemisph^re continental, se repute dans
les formations de plateaux continus ou isoles, et suit
toujours la direction du grand cercle. Elle nous fait
ainsi conclure, de I'analogle des ph^nomenes, a I'ana-
logie des causes actives et productrices. La direction
normale de I'axe de soulevement du plateau central
de I'Asie est absolument la meme que celle de tous
les renflements du globe, et tous les plateaux suivent
la mfeme direction a travers les continents; de facon
que celle diagonale particuli^re du plateau asialique
semble altester la loi universelle des soulevements de
I'^corce terrestre ; mais cette direction g^n^rale des
( ^^)
plateaux n'est point la mOme que celle des chalnes rie
inontagnes, souvent diam^tralement oppos^es, dont le
cours est indique par les dechirures des vallees inter-
m^diaires, et qu'Elie de Beaumont a classics dans leur
oidre geologique et chronologique.
» Dans le plateau persique, la haute muraille du
Bdoutchistan se dresse vers le sud est aux environs de
Kh6lat, jusqu'a la hauteur considerable de 8000 pieds;
raais le sol s'abaisse vers le nord-ouest, et n'a plus a
Ispahan que la moitie de cette elevation; a Teheran,
que 3 700; a Cora, que 2 000 pieds; plus loin, vers la
Bucharie et la mer d'Aral, il descend encore plus
rapidement, et au sud de la mer Caspienne, il se pr6-
cipite tout a coup au-dessous du niveau de I'Ocean.
Le plateau du D6can s'^leve a Utacanund , dans le
Nilgherri, pr^s du cap Comorin, jusqu'a 9 000 pieds;
puis il descend par le Mysore, le Malwa et le Mewar,
jusqu'au Vindhyan et aux plaines du Scinde, et ren-
contre enfin vers le nord labarriferede I'Himalaya. C'est
egalement dans le Netsched (pays ^leve), a Tangle sud-
est de I'Hadramaut, de I'Oman et de I'Y^men, que le
plateau de I'Arabie atteint sa plus grande elevation, les
nionts de I'Encens, a Makalla, s'^levant a 5000 pieds;
le Djebel-Ashdar, dans le pays d'Oman, a 6 000 ; Djebel-
Taas, au-dessus de Taas , a 7 000, d'apres Bolta. Mais
a Sanaa, plus au nord, ce plateau compte tout au plus
h 000 pieds ; aux environs de la Mecque, a Taif, 3 000 ;
et vers Bahrain, sur les cotes du golte Persique, vers
le Schat el-Arab et les plaines de la M6sopotaniie , le
pays tout entier n'est plus qu'une vaste depression. Le
groupe m6me du Sinai suit la loi g^neralc, bien qu'il
s't^l6ve sur nne langue de lene enire deux gollos de la
( 16 )
mer Rouge, el bien que son plateau septeoliional soil
a peine inclique. Lui aussi pr^sente du cot^ de la mev
Rouge sa pente la plus haute et la plus escarpee, de la
meme uianiere que le grand soulevomenl des plateaux
de I'Afrique, dout la crete doniinante est lournee vers
le Grand Ocean Indien : dans les niontagnes Neigeuses,
le plateau uionte a 10 000 pieds pr^s des sources de
rOrange; a (3 000 au moins , a Touest de Mouibaza,
aussi haut que dans les montagnes Neigeuses, ainsi
queRebnianu Fa recemment decouvert; dans la liaute
Abyssinie, a Schoah {C/ioa), pr^s d'Angolalla , le sol
$e renfle, d'apres Harris, jusqu'a 9 i\ 10 000 pieds; a
7 000, d'apres Ruppel , dans I'Abyssinie du nord , a
Gondar; a 13 000 dans le Schamen [Seinen]. Comuie
on le sail, TAfrique s'abaisse au nord vers le desert
de Sahara, et par Tinterra^diaire de la grande vallc^i.'
du Nil, vers la plus vasle depression, que comblc en
partie la Mediterranee , oii debouchent les vasles
plaines de I'Europe orientale el de la mer Noire , de
la lueiue maniere que les plaines de I'Europe cenlrale
debouchent dans la mer Baltique el dans la mer du
Nord.
» Le syst^me des montagnes paralleles au meridien
interronipt seul cet all'aissemenl gdneral du nord-ouest
des continents, et les trois grandes chaines de I'Oural,
dea Alpes Scandinaves et des All»Sghanys , qui appar-
liennent toules trois aux latitudes septentrionales, par-
lagenl les vastes plaines du nord en lerritoires le plus
souvent parsemds de lacs. D'aulres chaines isolces, et
parfailcment dislinctes, qui se dirigenl de Test a I'ouest,
comme le Caucase, les Karpalhes, les Alpes, les Pyr»i-
n^es, se sent d^velopp6es d'une maniere plus ind^-
(17)
pendante de cet organisme compacle, auqnel n'^laienl
soumis que les renflements montagneux du bord des
plateaux ; ces chaines forment a elles seules , surtout
vers I'ouest , si decoupe, de I'ancien continent, des
syslemes particuliers et individuels, qui sont le carac-
I6re distinclif de I'Europe. »
M. Ritter fait ensuile observer que I'opposition ,
devenue bistorique, do I'Orient el de I'Occident, s'ex-
plique par la situation respective des diverses parties
du nionde , mais que la civilisation a du modifier
profondement I'influence de la disposition geogra-
phique des lieux; el il trace un briliant tableau des
decouvertes qui sont venues successivement iniprimer
aux esprits une nouvelle direction; puis il passe en revue
les grandes divisions de I'univers, I'Asie , I'Afrique ,
I'Europe, I'Ara^rique , les iles qui s'y rattachent, et
teroiine ainsi :
« Le nord de I'Asie devait , au commencement des
siecles, demander le principe de sa civilisation au pla-
teau central d'oii coulaient ses grands fleuves, et c'est
ausside luqu'il ai'CQusesbabitants, jusqu'a cequ'enfin
le progr^s de I'Europe orientale, sa voisine , I'ait en-
vahi; car les richesses melalliques du syst^me de I'Oural
font decette cbaine unc medialrice, de barriere qu'elle
(3lait. Les rapports du groupement des trois anciennes
parties du monde autour de laMediterranee, quibaigne
leurs rivages interieurs, ont determine la marche qu'a
suivie le developpement du sud de I'Europe; mais ce
n'^tait la qu'une action temporaire, contre laquelle,
dans les derniers temps, il y a eu reaction.
» Chaque parlie du globe lient originairement de sa
forme el de sa position, sa fonclion parliculiere dans
III. lANviEn. 2. 2
( '18 )
la uitirclie de I'liuinanil^, comme ^l^nient de I'orga-
nisiue terreslre.
» L'Asie a dii choisir ses propres cotes, c'est-a-dire
ses riches articulations du sud et dc I'ost, pour theatre
de son develojipemenl progressif; aussi les Indes sont-
elles restees pendant de longs siecles un centre vivant
d'attraclion,
» La constitution si riche des Irois presqu'iles civi-
lisees de I'Asie du sud, c'est-a-dire des deux Indes el
de I'Arabie, se reproduit sur une plus j)etite echolle
au sud de i'Europe, dans les trois I'orinalions, diffe-
rentes il est vrai, uiais cependant peninsulaires, de
rilalie au milieu , de I'Espagne et de la Grece aux
deux coles : seulement ces presqu'iles ne sont plus
dans la proximite tropicale de I'equateur, mais a 20 de-
gres de latitude plus haut, dans la zone temperee;
voila pourquoi leurs fouctions devaient aboutir a de
lout autres effels dans un autre cercle de pays, de
peuples et d'idees.
» Ces deux groupes])6ninsulaires de I'Asie el de I'Eu-
rope, lous les deux composes de trois presqu'iles large-
ment pourvues de ressources nalurelles el de forces in-
tuiligentcs, oilrent les plus grandes richesscs de la
terre. C'esl par eux, c'est par leurs articulations el
ie facile developpemenl de leur vie interieure et exte-
rieure que I'Asie, dans la zone toi-ride, el I'Europe,
dans la zone temperee , ont pu fonder la civilisation
liumainc ; de mfime, I'Amdirique du nord et la Tasma-
nie, I'une vers la zone arctique, I'autre vers la zone an-
larctique, ont a accomplir dans la suite des temps une
ceuvrequine sera pas longtcmps un mystore, car d(^ja
nous voyons percer les germes dc leur avonir.
(19 )
» Ainsi ties a present nous pouvons pr^voir la pre-
ponderance future du jeune continent de TAm^rique
dent I'expansion est vraiment gigantesque; deja nous
pouvons lire en traits bien marques comment la con-
figuration de la partie m^ridionale, de FAm^riquc du
nord surlout, doit remporter sur celles despresqu'iles
du sud de I'Europe et de I'Asie; mais ce triomphe
n'apparailra avec 6clat que du jour ou le continent
du midi aura, comme son voisin du nord, appi'is a eta-
blir I'equilibre dans les progrfes de la civilisalion et de
la culture. En effet, les p6ninsules de I'Asie s'avancent,
en partie du moins, dans I'ocean Indien, vide d'ilos el
d'hommes ; les presqu'iles de I'Europe n'ont en face
que les contrees, inhospitalieres ou difliciles a con-
qu^rir, de la Liljye, de I'Algerie, de la Mauritanie.
Les regions m^ridionales de i'Auj^rique du nord (Caro-
line, Georgie, Floride , Louisiane, Texas, Mexique,
Caiifornie) s'avancent vers des rives lout aussi beanies
(le la nature , et par dela vers le continent tropical
et sous - tropical ; de meme que, dans les anciens
temps, I'Asie plus civilisee vojait I'Europe a son cou-
cbant grandir de plus en plus, de meme I'Amerique
du nord voit un monde nouveau se lever au midi.
Aussi n'y a-t-il pas a douter qu'a I'avenir, le groupe
mediateur des Antilles ne reunisse bien plus les deux
continents qu'il ne I'a fait jusqu'ici.
» La constitution physique du globe a refuse a I'Ame-
rique le privilege que I'ancien monde a possede, pen-
dant les siecles d'autrefois, de d^velopper, de I'Orient
a rOccident, a travers des contrees et des temperatures
analogues , les phases toujours nouvelles de son deve-
loppement historique ; mais le nouveau continent a
( 20 )
regu en revanclie, dans sa direction principale dii nord
au sud , la facility d'un j)iogr^s plus rapide.
» La suiahondancc do ricliesscs que la ^iluation
g^ograpliique procure a tant de lieux du globe ne peut
etre conimuniquee qu'avec le temps aux pays plus
pauvres ou encore en friclie.
» Dans quelle mesurc le progres de la civilisation
terrestro peut-il ainener cette egalisation des richesses?
Nous Tapprcnons par les conlrastes dc I'liistolre an-
cienne el moderne, el d'une nianiere Lien plus frap-
pante encore, par la contemplation de cette vie nou-
velle que les elements de la civilisation europeenne
ont fait gei'mer, par le moyen de la navigation , sur
les rivages des continents les plus eloignes et sur les
groupes du monde oceanique.
))D'un autre c6t6, la haule perfectibility qui se ma-
nifesle dans la mise en cEuvre de tous les elements de
civilisation, r^pandus sur la surface solide des divers
continents, nous laisse a peine encore un doule sur la
possibilile de transformer la nature ])ar I'induslrie,
pour la rendre apte a de nouvelles fonctions dans
I'histoire du genre humain. »
( 21 )
EXPEDITION DANS L'AFRIQLE CENTRALE,
Tn*DUiT DK l'anolais
PAR M. DE LA ROQUETTE.
sriTB (1).
M. le docteur Barlh a icrit de Kouka, 1" septeinbre
1851, la lettre suivante au docteur Beke :
Mon cher monsieur,
Nous ne somnies pas encore jiarlis , mais il semhlc
maintenant que lout est pret pour noire rldipart, les
Arabes s'etant procur*^ des chevaux et des provisions.
Dans huit jours, s'il plait a Dieu , nous aurons hiisse
derriere nous cette villa, ou la fievre allaque on ce
moment les elrangers, conime les naturels. Je dois dire
que je suis tres-affail)li ; mais, grace au (lie!, je suis
n^anmoins en etat d'agir et de me mouvoir. Apres
avoir mis en ordre raon journal depuis cette place jus-
qu'a Yola, j'ai fait une csquisse de la route, ct essaye
de placer sur une meme feuille tous mes itineraires
traversantia contree, jusqu'ici inconnue, cn\ve\eS/iarf
(Chary) et le Ktvarn (Kouara). J'ai pu corriger, sous
plusicurs rapports, cts routes que j'avais cu le plaisir
de vous communiquer, etj'ai recueilli encore plusieurs
autres r^nseignements sur de nouvelles voies de com-
munication. La position de Yacoha est pour moi un
point de difficulty, et je nc doute pas que cette place
n'ait6te portee beaucoup trop loin au sud; mais je n'ai
(l) Voyez le Bulletin de la Socie'te de geographie, decenibre i85t,
4* sei., t. H, p. .{09-413.
( '^2 )
lien change a eel oL^aid. Si I'houiiDe qui se cliartj;e de
celte lettre retarde son dt^part cl reste ici encore Irois
ou qualre jours de plus, j'ospere envoyer ma carte en
Angleterre par la m6me occasion. Cependant, comme
cela n'est pas tres-siir, parce que je ne suis pas toujours
en elat de travailler, je vous adresse ici les positions
des points les plus imporlants de ma route.
Tola, 8° 2' lat. N., 13" 5' longit. E. de Greenwich (10»
Ab'de Paris).
Le Taepe, ou point de jonction des deux rivieres ,
S* I'i'lat. N., ilx' 37' longil: E. de G. (12^ 17' de P.).
Uba, place frontiere du nord de I'Adamawa, 9° 45'
lat. N., U'-riongit. E. deG. (11" 41' de P.).
Uje-Kasoukkoula, 11" 20' lal. N., 15" 17' longit. E.
deG. (12''57'deP.).
J'ai maintenant lant de points sur le Benoue, qu'on
peul tracer tout le cours de cette riviere presque avec
uno complete certitude. L'opinion de W. Alien a ce
sujot me semble presque incroyablc. II ne coule pas
Ic plus petit ruisseau de Yacoba au Benoue; et quanl
au petit cours d'eau observe par Lander, au nord de
ce qu'il appolle Dungoura, il [>rend une direction lout
a fait oppos^e.
Mais il n'est pas necessaire pour moi d'iusister sur
celte opinion djmise, en opposition a ce qui a ete i^labli,
par un vojageur I'istingue par son esprit Ingenicux et
observaleur. Je Iracerai le cours de cette iinportantc
riviere de TAdamawa, avec ses principaux Iributuires.
Je fais en m6me temps de grands progres dans mes
rechercbes sur la conlree siluee entre le Chary 1 1 le
JNil, et j'ai deja reuni un reseau de routes s'elendanl
presque au sud de I'equateur.
( '^:^ )
Quant a la route que nous sommes au moment de
prendre, nous suivrons celle de Mourzouk jusqu'au
puits de Kachifeiy ; puis nous nous dulgerons au nord-
est, immediatemenl apres avoir {.\\\\\\.k. Ingaegimi, vlUe
situee a I'extremite nord-ouest du lac. Nos stations de
la en avant sont ; Maiijat, Bir Nefasa, Bir She-rifa (Che-
rifa), Bir el-Hosha^ el Hamir, Bir Hadnj, Birel-'Halesh,
Bir ben-Mussebi, Bir Sn/i, Kederi, Dira, Birfo, Agae.,
Tarro-u-Karro, Udanga, Yaio el-Kebir; et, non loin de
la , Yaio el-Svir : un voyage de trois journees dans le
Borgon conduit le voyageur a Lenger, appele par les
Arabes Beled el-Amian. G'est la route moyenne enti'e
la route supt^jrieure de Bir Kachifery el une route basse
j)ar le Kanem, qui conduit par Turra, Balaia, Berri,
Kaskaiva, Talgiii, Fn/i, etc.
J'ai ote tellement occup^ des contr^es du sud , que
j'ai entiferement neglige de vous envoyer mes routes a
Matv des deux cotes du lac. S'il plait a Dleu. nous
serons bionlot en (^tat de faire mieux connaitre le
Kanem, contree qui, dans les anciens temps, avail tanl
d'iraportance, lorsque Enjimie etait la celebre capitale
de ce puissant royaume , dont le Bornou n'est qu'un
rejeton.
Ce dont nous manquons, ce sont des subsides consi-
derables; car en ce moment notre situation financierc
nous cause de Tinquietude et meme les plus grandes
difllcultes (1).
(i) Voyez a la suite, d.uis ce ineme numero du Bulletin, le proces-
vei'bal (111 3 Janvier.
( 2/i )
VOYAGE 1)E DOM IGNACE KNOBLECIIER
SUR LE HALT FLEUVE BLANC (1).
(Article communique par M. Jomard.)
Pendant I'annee 184G, Gregoirc XVI congut le projet
lie porter la foi catholique dans I'Afrique centrale, et
il toiirna les yeux du c6t6 de la region du Nil supe-
rieur : ce n'est que sous le pontifical dc Pie IX que ce
projet rc(;ut un commencement d'ex^cution. Le reve-
rend dom Ignace Knoblecher, de Laybach, fut charg6
de cetle mission, ct il regut, a cotte occasion, le tilre de
missionnaire apostolique, vicaire general de I'Afrique
centrale. II se rendit d'abord en Syrie, et parcourut le
mont Liban et la Palestine. Ensuite il passa en figyptc,
se munit de bons instruments, et partit pour visiter
Phiiae et la Nubie, Ouady el-Kenous, Batn el-Hadjar,
Dar-Sokol, Mabas et Dongola.
Le 26 Janvier 18Zi8, il 6tait a Ambukol. De la il se
rendit a Bayouda et a El-Khartoum, oil il se livra a
des observations suivies pendant assez longtemps.
Enfin , le 13 novembre , il quitta Khartoum, pour
reraonter le fleuve Blanc. II accompagnait une expe-
dition (igyptienne, moiti6 commer^ante et moitie mi-
lilaire. Apres avoir visile les Scliillouks, les Dinkas, les
Kyks, les lleliabs, les Bor, les Zhir et les Bary, il ar-
riva, au milieu de Janvier 1850, au lieu de Logwek,
par la latitude de h" 9' nord : il avail eu roccasion
(l) Voyez les coinniunications failes par M. de la Roquetle a l.i
seance de la Commission centrale (111 - niais i 85 1, et les observations
de M. Ant. d'Abbadie dans ic meme Bulletin dc mars i85i, 4* seric,
t. I, p. 237 ft suiv.
( -^5 )
d'examiner Nierkany, Belenyan, el aulres lieux voi-
sins, en parlie visiles et mentionn^s par notre com-
patriote d'Arnaud.
Dom Knoblecher n'a donne jusqu'ici que peu de
details sur son voyage; mais on est assured qu'il a re-
cueilli d'inl^ressants documents sur les peuplades du
haul Nil Blanc, sur les Zhir, les Bary et les autres na-
tions, comme aussi sur les v^g^taux de ces regions
Iropicales. L'objet principal de sa mission 6tant d'y
r(!!pant]re la foi, il s'est occupe activement des moyens
d'^vang^liser les indigenes, ce qui parail presenter
moins de difficult^ que la ou la langue des Arabes et
la religion mahometane sont etablies. II a en conse-
quence propose de faire de Khartoum le centre de la
mission : d'apres son avis, on a du y etablir des ^colcs.
Cette circonstance me semble expliquer, en partie
du moins, la mesure qu'a prise le vice -roi acluel
d'figyple , el qui a »^tonne tout le monde : I'envoi re-
cent, a Rbarloum, du cheykh Refah-Bey, le directeur
de I'ecole des langues et de traduction, etablie au Gaire
depuis vingt ans. En eflet, Refah-Bey a ete charge
d'ouvrir a Khartoum des (^coles musulmanes.
Je ferai suivre ces courtes lignes sur le voyage de
dom Ignace Knoblecher par le relev^ de dix-huit de ses
observations de latitude et de longitude, failes sur les
bords du Nil superieur en des points principaux : le
nombre tie celles qu'il a I'aites est plus considerable;
on lui doit aussi cent quatrc-vingt-huit observations du
thermomelre et neuf observations de la temperature
du fleuve, execut^es du 13 novembre 1849 au 17 Janvier
1850; le minimum du th(!rmometre a ele observe, le
11 d^cembre a sepl heuros du malin, a savoir + 15", 7;
( 26 )
lo m^me jour, k quatre heures apr^s-inidi , il ^tait
a 57°. Le maximum a eu lieu le 19 novemhre; le Iher-
mom^tre , a quatre heures, marquait 39". Toutes les
observations ont el6 failes k I'Dmhre et au thermo-
mfetre centigrade.
D'apr^s les fragments de carle que j'ai regus de la
part du savant voyageur, j'ai lieu de croire qu'il a dQ
faire des rclev^s dcs Lords du fleuve le long de son
cours, ce qui permetlra de comparer ce relev^ avec
le travail important et tr^s-etcndu qu'a fait M. d'Ar-
naud (1). Ccs fragments sont relatifs aux environs du
mont Logwek, deja reprosentes dans la carte de notre
compatrioto, c'est-a-dire le mont Belenynn, le mont
Kerek, le mont Lu-lury, le mont Nyerkani, le mont
Nyamour (des Dinkas), le mont Rego, le mont Belen-
ghin, les lieux d'^//^«/r, Gondokoro, Goumho, etc.
JoMAUD.
EXTRAIT DKS OBSERVATIONS.
DATES. LIEUX. I.ATIT. LONOIT. EST *.
Lei3nov.i849 Depart de Kliartoum .... i5°33'27" ag".*)!' i"
Le 17 Posit, des Aiabes Hassanicli. i4 4^ 24 29 37 4'
Le 19 Les negres Snhillouks. ... i3 33 29 29 37 5l
Le 23 Bakkara el Diiika 12 21 53 29 4^ 5o
Le28 lledesSchillouks 9 44 36 a8 26 4i
» M' iSyamour, Dlnka (granil). » » « 29 28 «
Le 2 decembre. Malaka ( SL-liillouk ) 9 27 29 27 37 57
Le 5 Les Nouer's 92455 26 4 ^9
Le 1 1 Les Kyks 7184^ 26 37 3o
(1) Les fraf;mentsauraientete publics dans le Bulletin, s'ils n'avaii-iit
pas ete inallieureusement egare's par le graveur.
* II est (JiHicile ile devincr quel est le mi'iidieii a pailir duqucl le pure Kiioble-
clicr a coinpic ses longitudes. Eu efiel, la luiigiliidc connue <le K.liailoum isl de .'iO*
17' 50" a Porienl de Paris. (Cailliaiid, Fcyagc a Me'roe, I. 111.) Ici 011 lioiive 29° 5(V
l"i or, on lie cuunait aucua observatoire place a 0* 26' 29" a Tett du me'iidicn dc
Paria.
( 27 )
UATES. LIEUX. LATIT. LONGIT. EST.
LeaS LesHeliab 6* a 4' 56" q6°38' 5"
Le 28 Les Heliab et Bor 6 6 56 26 4' 53
Le 3o Les Bor 5 54 56 26 43 ii
Le3i Les Bor et Zhir 5 49 6 26 '43 4?
Lei"janv.i85o Les Zhir 5 45 4^ 26 43 Sy
Leg LesBary 5 4 '^ 26 33 23
» Mont Nyerkani 5 » » 26* >• »
Le 14 MontBelenyan 4 36 34 26 24 n
Le 1 7 Mont Logwek 4 9 " 26 * » »
• Le chift'rc rond de 26o, rapporle sans autre indication, annonce assez que I'ob-
servalion n'esl qu'uoe simple eslime; ce nombre n'esl pas porle'sur le tableau et ne
figure que sur le plan ; il diitere d'ailleurs considc'rablement de Teslime de M, d^Ar-
nauil.
OBSEnVATlONS DE M. ANTOINE D'ABBADIfi.
II est tres-possible que cetle diffe'rence de 26' 29" proviennc , soil d'une obser-
vation vicieuse, soil de quelque erreur dans la reduction des distances lunaires, que
nous croyons avoir e'te cmploye'es a determiner ces longitudes. II semble que M. Call-
liaud n'uit pas public ses ubservalions originates, niais seulemeut leurs re'sultats, et
Ic reverend pere Knoblecher parail en avoir agi de meme , ce qui est toujours re-
gretlable; car, en principc , il est difficile d'aftirmer que la longitude de Khartoum
tlounee par M. Cailliaud soil meilleure que celle que lui assigne le savant mission-
naire, Dans tous les cas, celle difference ou erreur de 26' 29" est bien loin de sufTire
puur le'coucilier la parlie haute du (leuve avec celle de M. d'Arnaud; el si les raemcs
noms ne s'y trouvaient, on serail lente de croire que ce dernier voyageur aurait re-
moule' uue liviere differcnte, car ses longitudes soul plus oricutales de trots degre's
que celltfs de M, d'Aruaud, et I'azimut mo; en du flcuve, entre 5 et 9 degre's do lati-
tude , indiquerait anjourd'hui un conrs dirige' vers le nord-e^t , landis que M. d'Ai-
naud dirigeail ces memes eaux vers le nord-ouest. II suffit d'avoir sigoale' ces singu-
lieies differences, et sans insisler sur les directions moyenues donnees par les
relcvemenls fails a la buussole, nous a'^sure-t-on , duranl toulc la navigation. Nous
nous contcnlerons de fairc observer que le cours du haul Nil Blanc, selon doni Rno-
lilechcr, est plus conforme a celui qui fut prcftrd par d'Auville. Le moot Kcuia ,
Iriis eloigne' vers Test, n'aurait alors rien a faire avec les sources de ce fleuve. La
discieiunice remarquable que nous signalons serait eclaircie si dom Kooljlecher et
M. d'Aruaud publialent dans noire Bulletin, ou ailleurs, leurs observations origi-
nates, II est facheux que les fragments de carte donl il est parle' dans la communi-
cation ci-dessus aient ele' egares ; s'ils avaient pu etre publics, on aurait vu si dom
Kniiblecherfaitcouler la riviere versle nord-ouest ou vers le nurd-est, dans In parlie
qui s'elend enUe les 4!- et 9« paralleles de latitude.
( "28 )
SUR LA TOPOGIIAIMIIE
DES
GLACIERS DE LA CHAINE DES ALPES.
COMMl'!<ICATI0N FlITB A LA SOCIETE DE CioGnAPIIIE
PAR M. AD. SCHLAGINTWEIT.
Les glaciers sc trouvent generalemcnt r^unis en
groupes plus on inoins considerables autour des points
culminants de la chalne des Alpes. Depuis M. de Saus-
sure, on les divise en glaciers de premier et de second
ordre, d'apres Icur etendue et leur formation plus ou
moins reguliere. Les glaciers, on le sail, ne consti-
tuent pas un phcnoniene parliculier aux Alpes; ils se
relrouvent dans beaucoup d'aulres cbaines (^lev^es,
coaime en Norvegc, au Spilzberg et aussi dans I'llima-
laya, d'apres les observations reoentes de M. Stracbey.
La temperature, la quanlite des pluies et des nelges, et
la structure des vallees, forment les principes esscn-
tiels de leur existence et de leur developpement. Dans
une valleo des Alpes remplie par un glacier, il faut
disllngucr le glacier proprement dit ( de glace com-
pacte ) et les grands cirques de weVr', formes d'une
neige grenuc. Cepcndaiit la glace ct les neigcs adberent
forlement enlre elles, et la transition de I'une a I'aulre
de ces matiires est presque insensible. L'inclinaison
des glaciers, comparativemenl a celle des pentes envi-
ronnantes, est faible ; on ne I'dvalue en raoyenne, pour
les glaciers les i)lus reguliers de premier ordre, que de
3 a 7 degr^s de leur exlr6miie inferieure a leur exlrd-
luite superieure , aux creles des montagnes , oil ils
( 29 )
prennent leur origine. Les pai'ois des niontagnes en-
vironnantes sontortlinairemenl recoiivertes tie couches
de neigc et de glace, bien moins epaisses, beaucoup
plus inclinees, et neltement separees d'aillcurs du
cirque de net^e du glacier par de profondes et longues
fentes ou crevasses, designees aussi sous le nora de
primayes. Cliaquc glacier se compose ensuite de divers
afiluents, s^pares les uns des aulres par les moraines,
ou depots naturels de pierres roulees et entrainees par
les neiges.
Dans les Alpes suisses, le glacier d'Aletsch , situ6
dans le canton de Berne, est celui qui atteint la plus
grande longueur (20 kilometres, y compris les cirques
de neve). La liniite inf^rieure des glaciers correspond
ordinairement a une hauteur de 4 000 a 6 000 pieds
de Paris. Si, pour le Grindelwald, elle descend jusqu'a
2 989 pieds, ce fait remarquable ne peut n^anmoins
elre consider^ que comme une rare exception.
Nos observations personnelles en 18/i7 et 18^8 se
sont particulierement dirigees sur le glacier de la
Pasterze [Pasterzengletscher], qui s'elend au pied du
grand Glockner, en Carinthie, et sur le groupe des
glaciers de I'Octzthal, en Tyrol. Nous sommesdonc en
6lat de donner ici quelques details sur les dimensions
de ces glaciers. La plupart des chiffres qui indiquent
ces mesures ont dte obtenus par des precedes trigo-
nom^triques. lis ont servi de base pour le trac6 des
deux cartes jointes au compte rendu de nos explora-
tions relatives a la structure physique et au mouve-
ment journalier de ces glaciers.
( 30 )
I. Glacier de la Pasterze.
a. Dimensions longitudinales.
Metres.
Longueur du cirque de neve h 032
— du glacier proprement dit, a partir
du cirque de nhe jusqu'a rextrdmil6 inle-
rieure 5 /|10
Longueur du glacier dans loute son 6lendue. . 9 ZiOO
b. Dimensions transversa les.
Maximum de largeur du cirque de neue. ... Zi J 10
Largeur du glacier a sa sorlie du cirque de
«eW (ligne A de la carte) 806
Largeur moyenne du glacier pr^s de la Jolian-
nisLiilte (ligne B de la carte) 201
c. Elevation au-ctvssus du niveau de la mcr.
Hauteur du cirque de neve au passage des ca-
\\\t& 6.i\es cles Morts [Todtenlcecher]. . . . 3 358,9
Exlremite inf^rieure du glacier 1950,5
d. Inclinaison.
En combinant la mesure des longueurs avec cello
des hauteurs au-dessus du niveau de la nier, on arrive
aux r^sultats suivants :
Pegriis.
Inclinaison moyenne du cirque de neve. ... 8" 30'
— du glacier proprement dit du point
ouilsortdu cirque de /(cVt' ju"^qu';i la ligne B,
sur une longueur de 1 853 melres 8" »
Inclinaison, a parlir de la ligne B, jusqu'a la
partie la plus reguli^re du glacier 2° 15'
( 31 )
II. Glaciers de VOetzthal.
Ce groupe de nomlireiix glaciers est situ6 dans le
grand massif de I'Oetzthal, partie la plus importante
de la cliaine cristalline et centrale du Tyrol. Voici
I'indicalion de quelques-unes des dimensions princi-
pales :
Metres.
Grand glacier de Gurgl ; longueur entiere ... 8 820
Glacier du Hintereis; id 8 260
— de Vernagt;id., enl8i7etl8Zi8. ... 5 GIO
Ce glacier est tres-remarquable par les oscillations
d'j sa marclie. Dans le cours des dei'niers siecles, il a,
a plusieurs reprises, considerablement augmenle de
volume et de longueur, pour revenir iteralivement a
ses anciennes proportions. En 18/|7, il avail atteint le
maximum de son developpement, tandis qu'en 1823,
a I'epoque ou les officiei's de I'etat-major aulrichien
firent ie love de leur belle carle, il ne pr^sentait qu'une
longueur de A 000 metres. La largeur du glacier, dans
sa partie la plus reguli^re, 6tait de 996 metres en
18/i7.
SUR LES HOMiMES A QUEUE.
II a et6 plusieurs fois question, dans les seances de
la Commission centrale de la Societe de geographic,
de I'existonce prelendue, en Afrique , d'une race
( 32 )
d'homnies donl la colonne vert^brale so piolongerail
en un appendice carlilagineux ayant fnrnic de queue,
existence que M. du Couret. voyagciir fran^ais dans la
meme partie du monde, annoncait coinme certaine,
sans toutefois jusllfier son assertion. Depuis, M. Rochet
d'Hericouii, autre voyageur Iranijais (en Abyssinie),
declarait le 23 novembre J8/i9, a la Sociefe oricntale,
non pas qu'il eut -vu des individus possesseurs d'un
prolongement caudal , mais qu'il en avail entendu
parler sur les lieux a beaucoup dc personnes.
Bicn avant eux, plusieurs anciens voyageurs avaient
6crit dans le meuic sens, el en 1G77, un HoUandais
nomme Jean Struys, homuie, il est vrai , fori credule
el consid6r6 comme peu veridique, assurait avoir vu
un iudividu ayant « une queue longuc de plus d'un
pied, etc. »
On avail lout a fait oublie ks liommes a queue,
lorsque, dans la seance de la Commission cenlrale du
h juillel 1851, M. Francis de Caslelnau, connu par
d'importanls voyages et une longue residence en Am6-
rique , a remis cette question sur le tapis, en faisant
connaltre qu'il semblait r^suller de ses frc^quentes
conversations avec des noirs d'Haoussa et de I'Ada-
mawa, interroges par lui a Bahia, qu'il existe r^elle-
raent, dans un pays situe au sud-ouest du lac Tchad,
une nation sauvage appel6e Niam-Niam dont lous les
individus seraient pourvus d'une queue nalurelle.
M. de Caslelnau communiqua a ce sujet une note qui
a 6t6 inser6e au Bulletin (1), et qu'il a developp^e en-
suilc dans une brochure pObliee egalement en 1851
(i) Voye/. le Bullitiii tl*- juillet iB.'ii, 4' sr'iic, t. 11, j». 25, 77.
(33 )
sous ce litre : Renseignements sur r Afiiqae cenlrale el
surune nation d'hoinmes a queue quis'f troiwerait, cVapres
les rapports des negres du Soudan, exclaves a Bahia.
Le secretaire general de la Commission centrale a
cru devoir rappeler Ics faits prect^dents, aujourd'iiui
que la memo question se represente devant la Society.
Dans la stance de la Commission cenlrale du 9 Jan-
vier 1852, M. de Paravey a depose sur le bureau deux
caiques tires de I'Encyclopedie chinoise et de I'Ency-
clop^die japonnaise, et qui olTrent des hommes a queue.
« Dans I'un des caiques, dil M. Paravey, les clieveux
semblent crepus et courts; dans I'autre, les clieveux
sont longs. Les queues sont assez longues et velues;
mais dans le Pen-tsao-kang-niou (livre de I'hommeJ
on dit que les peuples de cette nature ont des queues
de tortue, c'est-a-dire non velues.
» Dans le Chan-hay-king, tres-ancien livre chinois ,
mele de fables, ce peuple a queue est aussi indiqu6
et nomme Po-Jin, et ici le nom Po est ecrit sous la
clef du cliien , au lieu d'etre 6crit sous la clef de
I'homme, comrae dans les deux encyclop6dies cities
ci-dessus. Dans ces encyclopedies, lo nom de ces
peuples est Kiao-po^ nom qu'on peut traduire par
esclaves lies, enchaines, sens de Kiao. On les met a
1500 lis, ou 150 lieues, du royaume de Yong-Tchang,
et au sud de ce pays : on dit qu'ils creusent un trou
dans le sable, pour y placer leur queue, quand ils
veulent s'asseoir, et Ton ajoute qu'ils raeurent si on
coupe cette queue.
» Tout ceci semblerait en partie d'accord avec ce que
les negres du Bresil ont affirme a iVI. de Castelnau ; et
si cevoyageur avail eie mieux informe, il eiit pu citer
ni. JANVIER. 3. 3
( Id
horhiiiitiiiii, qui , liien a\ant liii, a cit^ en Afriqiie les
JMaiii-IMatn, on nnilnDpdphfipes ;i queiio, el qui les
met aussi pnlrc I'Abyssinie et Je goll'e de Benin (1).
M. (le Pnravey se reserve do puhlior im mc^moiro plus
devclopp^ sur une race, qui sorait plus qu'a iiioilie
d(^truile, qui scmblerait avoir exisle dans le suil dc
I'Asle, k Foruiosu el a Manille , el qui a donne lieu,
poiit-elrc, a ce que nous cilent les anciens deslles des
Saiyies.
» 11. de Paravey espere pouvnir monlror aussi , a
Tuide des livres consorv(}s on Chine, I'origine indiennc
des Abyssiiis nuliiens a longs clieveux , des Fellahs de
rE^yjUe, des Fellalahs on Filanrs de I'Afrique cenlraio
et du pays d'llaoussa. »
« M. d'Abhadie dit que cetle communicalion lui en
rappelle une qu'il a ro<;ue pcu dp lemps avant son de-
part do Gonilar pour lEurope. Ellc lui .a ^le faile par
Ridana-Maryau) , ulaqa ou cure dune petite t^glise du
Gojjani, sa terre nalale. Cel bomme, fort inslruil
pour un Abyssin, iie paraissait avoir aucun penchant
pour le Mierveilleux , et ne racontait de sfs longs
voyages qu'un seul fait extraordinaire, I'exislence des
homuies ayant une queue, qu'il coniparail a celle de la
chevre. Les boiumes qui en seraient pourvus viennent
(i) M. de Castelnau n'a point manifesle la pretention d'avoir p'te
le premier a parler des hoinmes a queue b^iLitant TAfriqur, et il n'a
pas voiilii lion plus ciler lous les voyajreurs qui en ont fait mcnlion ;
il n'a en ([u'un hnt unique, relui de faire ronnaitre les rapports d'un
{5r.iiid iioMilne d'p>rl;ivps ne{>res (jn'il a mnsnlip.s snr les IN'iam-
Niam.
n I, R,
( 35 )
chaque ann^e a la foire de Berberah, ville situ^e lelle-
ment pres d'Aden, qu'on peul esperer de faire porter
bienlot une invesligalkm soignee sur un fait aussi
anornial; car, si ccs horauies caciieiil soigueuseiiient
leur appentlice, par la uiodcslie nalureile a ions les
lithiopiens, leurs voisins, Jes Comal {S6mn/is), doivent
en savoir quelque cho.e, et il sera lacile, a Aden meme,
de connailre leurs sentiments a cet egard. Quoi qu'il
en soit, nous Iranscrivons toule la cunmiunicalion de
k. Miiryani , afin de faire voir que, saul' en une seuie
assertion, ii n'y a rien d'extravaganl dans son recit.
» SelonralarjaRidana-Maryam: « Je suisalle au Caire
la premiere fois par Aliu-Amba, llarar, iieiberali,
Mokba el la mer Rouge. Nous mimes 26 jours de Aliu-
Amba a Harar, et noire caravane comprenait 7 jabo,
dils cliel's de caravane ici, et ayanl ciiacun 500 mar-
chands armes sous lui. La tele el \d queue de la cara-
vane se composaient de gens amies seulement, lous
les bagages elant au centre. Les Gallas rende.it lorl
dangereuse celte route, qui est prtsque lout enliere en
Quaila (pays bas et elouil'ant de ciiaieur),
» Harar a 2 500 maisons, la plupart en branciiages;
mais il y a aussi quelques maisons en pierro. Le ter-
riloire autom' de la ville n'est pas plus grand que du
Magac, presTadda, jusqu'a Walaka, pres Gondar. Les
ruisseaux abondent dans ce petit terriloire, et vont se
perdre dans les sables, du cote de Test, chez les Haba-
rawal. Tout est planl6 en cal'e el en wars, qui sert a
leindre la peau en jauiie, et est Ires-recberche dans
lout le sud de I'Arabie. J'achetai a Harar du wars pour
50 talaris, et le revendis pour 120 talaris a Mokha,
( 36)
Mfeme les Gallas Yto ciiltivent un pen de caf^. Harar
poss^dc environ cent pid'ces fl'artillerie, toules de tres-
petit calibre, et beaiicoup de fusiliers. Le chef, qui
porte le litre d'amir (6myr), ne commando que dans
la ville, et les cultures suhurbaines sonl abandonnees
chaque soir, de peur des Gallas, qui du reste ne cher-
client que les hommes, et ne detruisent pas les plan-
tations. Ces Gallas font souvent la paix, qu'ils respec-
tent parfois deux ol tiois ans de suite.
» A quinze journ6es au sud du Ilarar est un pays
dont j'ai oubli6 le nom el oil tous les bommes ont une
queue longue d'une palme, couverte de poil, et situee
imni^diatemenl au-dessus do I'aiius. Les femmes de
ce pays sont belles et sans queue. Cetle peuplade a
un teint ou fuligineux ou noir, et possede boaucoup de
vaches et de moutons, raais peu de chameaux. Un de-
sert sans eau la sd'pare de Harar. J'ai vu une quinzaine
de ces gens a Bcrberah, et je suis bien sur que la
queue est naturelle ; mais je ne I'ai pas touchee de mes
mains.
« Je livre cette hisloire avec loule la reserve qui
doit accueillir I'assertion unique d'un Africain. Dans
cette contr6e lenebreuse, un premier dire est une in-
dication; une deuxi^me, si elle est idenlique, est une
confn mation ; une troisi6me du meme genre est une
verification } et il est dangereux de croire en Afrique
le rcnseignement d'un scul temoin. En attendant
qu'on puisse confirmer I'existence des hommes a
queue , je racontcrai une tradition universelle en
fitbiupie, qui place pres de celle conlr^e un pays ou
tous les males sont des cbiens ayant des femmes pour
( ^7 )
conipagnes. En Tigiay, a Gondai- et en Gojjam, on
pla^ait ce pays du cote du sud ; en Kainbal-e et en
Kaffa, on le mettait au nord ; chez les Gallas, on ne m'a
pas indique Ja direction. Ces chiens gardent leurs va-
ches; leurs fenmies tirent le lait et preparenl leurs
aliments. Cost loujours un voyageur (^gare qui a ra-
cont6 ce qu'il a vu de cet etrange pays.
» Une tradition bien elablie repose tonjours sur un
fait plus ou moins defigure par le temps et la distance,
etl'on congoit d'ailleurs qu'on ait compart a des cbiens
des hommes pourvus d'un appendice caudal. Je n'ai
jamais entendu attribuer cette queue a la mysterieuse
tribu des Gnamgnani, dont le vrai site est encore in-
connu, bien qu'on le place toujours a I'ouest du Dar-
four. On les accuse toujours d'etre naturellement an-
thropophages , et un European etabli au Caire m'a
assur^ qu'une jeune esclavo Gnamgnam devora dans
cette ville le nourrisson qu'on lui avail confie , et dit
pour toute excuse que la chair humaine 6tait prefe-
rable a toute autre. La meme assertion m'a ete con-
firmee par Chadiy, chef des gens de Sawakin etablis a
Djiddah, et dont je dois la connaissunce au z^le com-
plaisant de M. Fresnel, aloi's consul de France dans
cette ville celebre. »
( 38 •
ROUTliS I'AU BATliAlJX A VAPELR ,
ETABI, lES, PnOPOSEES liT EN PIIOIETS
DANS L'OCIUN INOIEN (1).
xriADriT UK l'a>clais
PAR M. l)E LA ROQl'ETTE.
UOUTES ^TABLIES.
I. Route (le la malle entre V Angleterre et la Chine.
La plus ancienne ligne de bateaux a vapeur, etablie
pour Ics comnninicalions avec I'oodan Intlien, est cellc
qui porle les malles luensuolles enlre lAiiglelerre et
la Chine, touchant a Pinang et. a Singapore, et qui,
di'puis sa creation en 1845, a ele dans les mains de la
Compagnie orientalc {Peninsular and Oriental steam
navigation Company). Un bateau a vapeur part de
Southampton le 20 de chaque mois, avec des malles
't) Dans un mi'moire He M. Charles de Kerliallet, capitnine de frc-
fjate, que li-s Annates liydrogmpliiques viennent de fairc paraitre sous
le litre de Couiicti'Vations genSrales sur toceun Inclien, cet ofjicier dis-
tingue denit dune inauii'ic concise et (jijncrale les vents, les coiirants
el ia nnvigiitioii de cet ocean. L'une di-s trois cartes qui acccmna-
gnent li; nn'moirc, intimlt'e Carle (les routes Jc I'ocenn Iiidien, forme,
avec le toxle qui le conceriie, le comiilenient de la notice que nous
donnons ici, el qui e.^t extraile du Jounutl of I lie Indian Aicliii/elago.
L'auteiir indique, en effet, dans son mc'uioire et trace sur sa c.irte les
routes a prendie [loiir nttcindre, a paiiir du cap de Bonne-Esperance,
, avec des navires a voiles, les cotes de llmle et de la Chine. Nous y ren-
voyons nos lecli-urs.
M. dt; Ki-rhallet a d( j.'i decril dans lui autre memoire, (pie le iiienie
rccueil a pultiic', les routes a t'aire poui se rendre d'Eiirope au cap de
HonneEsperance. D. I,. I\,
( M) )
pesanles el de petits Lallols pour Alexandrie, en toii-
chant a Gibraltar et a Mulle; on embarqiie a cette
derniere place la malle supplomentaire , qui quilte
Loiidres le 111 du mois, et se rend par la France h
Marseilles, et de la a Malle par baleau a vapeur. Puis,
d'Alexandrie la malic est poiti^e a Iravers Tisllime
jusqu'a Suez, ou un bateau h vapeur de la Compagnie
orienlale attend son arrivee. Ce baleau se dirige sur
Calcutta; mais il louche a Aden et a Coylan, ou les
malles et les voyageurs en destination pour la Chine
et pour Tarchipel Indien passent sur un bateau a va-
peur appartenant aussi a la Compagnie orienlale. Ce
bateau, apres avoir alleint Bombay, se remet en route
assez a temjis pour rencontrer a Pointe de Galles ie
bateau a vapeur des mers exlcrioiu-cs, qui se rend a
Hong-Kong, en touclianl a Pinang et a Singapore. Le
voyage de retour suit les monies directions en sens in-
serse. Quoiqiie les malles en Ire Suez et Ilong-Kong
soient aussi Iransportees par deux lignes distinctes de
bateaux a vapeiu-, telle a 6le n^anmoins la perfection
de lour mise en reuvre, nu'elles peuvent etre consld6-
rees comme une seule gran !e ligne, dont les branches
accessoires, elablies ou proposees, ^e dirigent sur les
possessions hoUandaises et esp.agnoles dans rarchipel,
sur TAustraiie, et enfm sur les ports septenlrionaux de
la Chine.
La portion de cette gratide ligne, qui traverse les
mers de I'archipel Indien, a une longueur d'cnviron
2000 millos(3 220 kilometres) (1). La premiere parlie,
(i) J'ai pense que le mille tlont 1 aiiteiir de I'aitlcle orij'iiial a fait
mention etai( le ilatnte-iiiilc iles Aiu'lais, Pf;al, romnie on le sail ,
a I 6o9"',3i. P. L. R.
( A') )
cnlre Pinang et Singapore, Iraverso le delroit de Ma-
lacca, ou la uavigalion n'est jamais inlenonipue par
des lempetes ; et en r^glant oonvenablomenl le dejiart
des bateaux a vapem- de chaque point de relache, on
peut franchir de jour les parties dangereuses dudetroit.
La route de la malle entre Singapore et Hong-Rong
traverse directement la nier de Chine par Poulo-Sapata,
et comnie les bateaux a vapeur ont a lulter conlre la
mousson, il n'y a que de puissanls navires qui soicnt
employes ])our ce service. Les bateaux a vapeur de
cette ligne marchent comparativement avec lenteur, a
I'exception du Singapore, maintenant a son premier
voyage; mais ils sont construils si solidement, qu'ils
n'ont encore eprouve aucun accident grave.
Les bateaux a vapeur, avec la malic anglaise qui part
le 2/i du mois, arrivcnt a Singapore au commence-
ment du second mois suivant, quelquefois le 12, mais
generalemenl Ic /i ou le 5, et mfeme plus tot, puisque
la malle du 2Zi mai est arrivee, d'Angleterre a Singa-
pore, dans la matinee du 1" juillet, c'est-a-diro en
trente-huit jours. Le bateau a vapeur revenant de
Hong-Kong arriva dans la soiree du meme jour, don-
nant aiiisl les moyens de r^pondre presque inslantane-
ment aux lettres revues d'Europe ; et ce fait se renou-
volle pendant la periodc bisannuelle dans laquello les
bateaux a vapeur (juittent la Chine sept jours plus tot
que le reste de I'annee. A cet 6gard, Singapore jouit
de grands avantages, car il n'est pas possible, meme
avec unc accelt^ratlon noiivelle dans la marche des
bateaux a vajieur, que ses habitants puissent corres-
pondre plus prompleinent avec I'Europe par la malic
de retour.
,
( Al )
Dans le mois de juin de la pr^senle ann^e, la Com-
pagnie orientale a ^tabli, entre Calcutta et Hong-Kong,
une ligne reguli^re de bateaux a vapeur, dent le de-
part doit avoir lieu vers le 12 du mois, et I'arrivee a
Singapore vers le 20. Cette ligne a d;te etablie princi-
palement pour transporter en Chine I'opium vendu
aux ench^res mensuelles de la Compagnie des Indps
orientales. Le r^sultat de la premiere campagne du
mois de juin fut de nature a salist'aire les esp^rances
les plus hardies, le Fret de I'opium seul ayant produit
un gain considerable tous frais payes. Aujourd'hui que
les derniers incendies de navires dans les ports do Cal-
cutta et de Bombay ont decide les assureurs a ne pas
repondre des risques que courent les batiments equi-
pes par les marins du p«ys, les bateaux a vapeur re-
cueilleront tous les profits du transit entre I'lnde et la
Chine, et les communications deviendront hebdoma-
daires et peut-etre plus fr^quentes encode (1).
II. Route de la malle de Singapore a Java et a Macassar.
Bientot apr^s I'elablissement des nialles mensuelles
entre I'Anglelerre et Hong-Kong, le gouvernement des
Indes neerlandaises a otabll un bateau a vapeur qui
transporte la malle et des passagers de Batavia, et
rencontre le bateau a vapeur de Hong-Kong a Singa-
pore ; les nouvelles d'Europe sont distribuees dans
rile de Java au moyen des routes de postes organis6es
d'une extr^mile de Tile a I'aulre. Depuis le mois de
(l) Depuis que ceci a tte ecrit, les ilcux bateaux a vapeur employes
sur cette ligue, iErin et le Pacha, se sunt reiicouties avcc taut ile
violence ilans le tielroit de Malacca, que le dernier a coule bas ini-
inediatetnent, tt que I'Eriii a lailli eprouver le nieme sort.
( A2 )
mai dernier, la malic ijollaiulaise esl tiansporlee pur
un bateau a vapeiir apparleiiant a une associalion,
fondee a Java sous le nom do Coinpagnie dcs bateaux
a vapeiir de I'liule iteerlandaise. Ce iiaviie quilte Singa-
pore vingt-quatre lieurcs apres larrivi^e de la malle
d'Europe, ct se rend a Balavia par les detroits de Illiio
elBanca, en touchanl sur sa route a la residence de
Rliio et a Minto , capilale de Banca. De Batavia, le
bateau a vapeiir se rend a Samarang el a Soural)aya,
capitale oricntale de Java, ou les malles pour Macassar
sonl remises a un bateau du gouvernement, qui les
porte a Celebes. Les bateaux a vapeur de la Com|)a-
gnie N. J. S. altendent I'arrivee du bailment de Ma-
cassar, el conlinuent ensuite leur voyage de relour,
toucliant aux memes lieux , et abordent a Singapore
assez a temps pour profiler des nialles do relour i)ar
les bateaux a vapeur de la Compagnie orientale venant
de Cbine. Ainsi une ligne reguliere mensuelle de com-
munication par bateaux a vapeur est elablie a un |)oinl
^loign(J de moins de 700 milles du continent de I'Au-
stralie, et seulemenlde 2700 milles de la bale Moreton,
sur la cole orientate du conlinenl, ou il existe une
communication leguliere par baleaux a vapeur avec
Sjdney et la lerre de Van-Dieuien.
III. Route de la rnaUe eiitre Hong-Kong et Manille.
Le gouvernemeul espagnol des Pliilippines a olu
dans I'usage de depeclier un petit batiment de guerre
a vapeur partanl de Manille pour rencontrer les malles
de Singapore, loutes les foisqu'une transmission rapido
de d6p6cbes pour la mere patrie a <il6 jugoe neces-
saire; mais comme la communicalion par ce canid est
( ll^ )
qiielquefois interrompue pentlanl deux ou trois tnois
consecutifs , on ne pent pas appeler cela une Ii2;ne
r^"uU6roinent etaMie. Une association a 6l6 derniere-
ment form(!!e a Manille pour cntrelenir une comrnu-
nicalion par la vapeur avec Honu;-Kong au moyen d'un
navire qui avail ^16 envoye a Sydney pour 6lre vendu,
et qui a et6 achet6 a cet effet. Comma la distance
entre les deux places est d'un peu plus de 600 millcs,
ce seul navire sera suflisant pour entretenir une com-
municalion mensuelle et reguli^re.
ROUTES PROPOSfcES.
I. Entre Sydney et Singapore par le detroil de Torres.
Le premier pas pour ouvrir un service de malle
entre I'Angleterre et les colonies auslraliennes , par
la voie de I'lnde, a etc fait en 1843. Le docteur Ni-
cholson , alors membrc pour le port Phillip, et main-
tenant orateur du conseil de la Nouvellc -Galles du
Sud, proposa la formation d'un comile pour examiner
la possibilite d'ouvrir une route par terre jusqu'a
Port-Essinglon, ^tablissement sur la cote nord , cre6
en 1838 el abandonne en 1849. Le comite, apres avoir
pris toules les informations possibles, approuva le
orojet, el le conseil vota les fonds necessaires pour
renvoi d'une expedition exploralrice chargee de tra-
cer Ja route; mais ie gouverneur de la Nouvelle-Galles
ilu Sud 1 efusa de donner sa sanction avant d'en avoir
rdf^re au gouvernemcnt de la m^re [latrie. Neanmoins
les colons, qui avaienl pris feu a ce projel, mecontents
de ce delai, (iront entre eux dcs souscriplions pour
preparer une expedition, laquelle, sous la direction du
( AA )
docleur Leicliluirdt, vo)ageur alleiiuind, alleignit Poil-
Essington, ot reconniil qu'aucunes difficultos ne s'op-
posaienl a I'ouverture immediate d'une route do poste
a la partie extreme scptcnlrionale du continent. Mais
avant le relour de I'expedilion a Sydney en 1846, il
surgit a Londres, sous de favorables auspices, un [)rojet
de communication directe de la malle par la vapeur el
la voie de I'lnde, qui detoui'na I'allenlion des colons
de la voie de terre ; un comite du conseil l^gislatif de
la Nouvelle-Galles du Sud, ayanlM. E. Deas Thomson,
secretaire colonial, pour president, en raison de I'ac-
cord unanime du coniit6, se prononga en favcur de
la route par le detroit de Torres, el le conseil l(^gisla-
tif vola une somme annuellc de 6 000 livres sterling
(150 000 francs environ) pour faciliter le service de
cette route par la vapeur. Cette decision n'etait pas de
nature a etre acceptee par les autres colonies ; I'Au-
stralie mcridionale tavorisait la route par le cap Leewen
ou le cap de Bonne-Esp6rance , qui lui donnerait la
priorite pour la reception des malles, et la Nouvelle-
Z^lande donnait la preference a la route de I'ocean
Pacifique par la voie de Panama. Comme ces deux
colonies avaienl un nombre consid^ralilc dodefenscurs
influents dans la mere pali'ie, la question de la com-
munication par la vapeur avec I'Auslraiie devint une
veritable pomme de discorde entre les colonies rivales
et les compagnies de la navigation par la vapeui\
Comme ces dernieres suivront probablement leurs
vues particulitjres lorsqu'elles auront appris la decou-
verte des mines d'or en Australie, on aura des occa-
sions d'acqu«^rir une experience pratique sur le choix
a faire entre les differentes routes; ainsi, il n'esl point
( l^'^ )
n^cessaire de disculer, quant a present, celte ques-
tion.
Le projet originaire de la communication par la va-
peur avec rAuslralie, pax' la voie du detroit de Torres,
comprenait Batavia et Sourabaya, dans la direction de
la route; mais il n'etait pas alors gdineralement connu
que le gouvernement neerlandais voyait avec un tr^s-
vif deplaisir I'inlrusion d'etrangers, au moyen de la
vapeur, dans I'arcliipe] Indien (1). La route directe, et
qui sera sans doute adoptee, traverse le passage Cari-
mata, vers le nord ; puis se dirige, des lies situees a Test
de Java, vers le delroit de Torres, directement du c6t6
est-sud-est, route qu'on peut suivre sans interruption
(ii Voiti ce que dit a ce sujet Temminck dans son Coup d'ail
general sur les possessions neerlandaises dans I'lnde arcltipelagitjue,
ouvrage compile sur des documents officiels, et recommande publi-
quement pour servir de guide aux personnes occupant un postc dans
les possessions indiennes de la Hollande, oii Ion trouve le passage
significatif suivant :
• II n'est, nous regrettons d'etre oblige de le dire, que irop bien
avere que le commer9ant anglais est rarenient satisfait; notre gou-
vernement, quels que soient les sacrifices qu'il puisse faire aux pre-
tentions du commerce de la Grande-Bretagne dans nos Indes, lie
parviendra point a contenter le desir immodere de I'industrie an-
glaise a etendre de plus en plus les debouches qu'il faut necessai-
rement au produit colossal de ses fabriques; cette ne'cessiti; d'ex-
porter I'excedant e'normement disproportionne aus besoins de la
consommation, et dont le chiffre s'accumule de jour en jour dune
maniere effrayante, pousse le commerce a insister sans cesse aupres
du pouvoir pour que des debouches nouveaux lui soient ouverts.
Ces elameurs incessantes conduisent le gouvernement britannique
a ;ibuser de la suprematie qu'il exerce sur les mers, par I'emploi de
moyens contraires aux droits des nations, seulement dans le but de
SiUisfaire aux exigences du commeice anglais.
» Bienlot ses pre'tenlion.s ne se bornerotit plus a radmission de son
( A*l )
tie mill conime de jour. Si on a besoin d'un d^pdt de
charbon , on peut en rormer un a Larantuka ou dans
quelque aulre des ^lablissemenls porlii;>ais pirs do
Timor, qui so liouveiil sur la route el sont cxaclemenl
a moilie cheuiiii enlre Singapore el Ic delroil de
Torres. Mais conime la distance enlre Singapore ct le
cap }oik est seulement de 2500 niiiles (A 000 kilonie-
tres), et qu'aujourd'liui on ne se sort uniquement pour
la route que de bateaux a vapeur de premiere classe ,
il n'esl pas nticessaire de disculer la question de depots
imniediats de charbon.
Ainsi qu'on la elabii ci-dessus, la route entre Sin-
gapore et I'entree occidenlale du d^troit de Torres
pcul etre suivie avec surete aussi bien pendant la nuil
pavilion clans les ports qui lui soul ouveits tiaiis les iles piincijj.iles
de iios ai<!liij)els, ou ileja il cxeixe hs suprematie, ii fauilra au com-
merce des concessions plus elendues [lOur ^atisfaire son ainbilion
demesuree. 11 insistera sur unc posses^ion britannique au centre dc
nos archipels; peul-iitrc la politiijue aiiylaise eu nounil-elle le desir,
par I'espoir euiis, et donl <icja il a tie l.iit inenlion par la presse pe-
riodique, nolamuient de former une ligne de bateaux a vapeur enlre
Singapore et la parlie septeulrionale de I'Aiistralie; a cetie fin, on
inediie peut-iitre une violation des trailer, semblable a celle de la
prise de Laboan et de relablisseiiient a Singapore. Mais nous nvons
I'espoir que la Hoiiande se tiendra pour avt-i lie par les lecons d'uiie
exiieiience tlierernent achelec; sa muiine dans I'arcliipel sera dore-
navant asscz nonibreuse pour ((ue, par sa presence ei par ses di'inon-
slralions, elle puisse rendre moins facile loule siiolialion quelconque
au ccTitre de nos possessions iuterlropicales, que le premier des de-
voirs du pavilion necrlaiiilais est de garanlir lonire toute alleinte, en
ce qu'il est appele a prolegcr 1 licriiajje le plus preci<ux ct le plus ne-
cessaire an bien-elre de la nation, heritage tiansmis pr.r nos ance-
tres, et dont ceux-ci out ar(|uis la possession par leur perseve-
rance, ainsi qu'au prix de leur rourageux devouement. » (Vol. FlI,
p. 3o.)
( 47 )
que pendaiU le jour; inais, en Jipjirochant du d^troit
de Torres, il est necessaire de prendre de grandes
precaulions. Le leve recent de feu le capitaine Owen-
Slnnley, du navire de la marine brilannique Rattles-
nake, a trace le sondage dans le detroit de VEn-
(leavoitr [i] avec une exacdlude qui permet de doubler
les lies Booby et Red-lValUs, et de passer le detroit
de I'Endeavour, en ^vitant les bancs de sable. La
distance de I'entr^e occidenlale au cap York est de
35 milles (50 kilometres). Le point recommande par
le conseil l<^gislalif de la Nouvelle-Galles du Sud, pour
un 6lablissement et un depot, est Port - Albany , a
5 milles a Test du cap York. La distance de Port-
Albany au phare de Tile Raine, plac6 sur la barre extd-
rieure des r^cifs , est de 1'20 milles (193 kilometres)
par le passage du milieu, et il resle a examitier si uno
route plus directe r^duirait verital)lement la distance a
100 millis; on saura si un navire a vapeur d'une vltesse
moderee, quittant le d^pdt a la chute du jour et allanl
a toule vapeur, peul en sorlir avanl la nuil et entrer en
pleine mer, en evitant les recifs. Le comile de la navi-
gation a vapeur de 18/i(i recommantlait le passage in-
ttWieiir le long de la cote nord-est de I'Australie , en
dedans de la barri^re des r6cifs; niais on ignorait a
celle epoque qu'on emploierait une classe de navires
a vapeur aussi grands que ceux dont on doit se servir.
Lorsque le passage interieur sera indique avec des
(l) Ce nom a etc longtemps donne a tort, snr les cartes onglnises,
au detroit de Torres; on le restreiiit niaiiilenant a un detroit sccon-
daire sitiie rntre la cote la plus voisine, a roiiost du cap York, et mi
ilot an sud des iles Windorave et du Prince de Calles,
U. L. B.
( 48 )
signaiix tl ilos phart-s , il esl liors ilc clonic (jiril de-
viendra le passage pr^tt^re ; niais jusquo-la il sera plus
siir de continuer la route en dehors des rdcifs. Les llots
de corail sont moins dangcreux on jiloino uier que
dans des eaux parfaitement calmes. En plcine mer,
Icur posilion est generalenicnt signaloe par des bri-
sanls, et si un navire louche sur un ile ces r^cils, il est
bientot releve par la mer, et la vie des Equipages est
preserv^e. Cost ainsi que presque lous les navires qui
ont ete jetes sur la barricre exterieure existent encore,
el pourront continuer leur service, jusqu'a ce qu'ils suc-
conibent aux ravages du temps. Mais , dans le passage
interieur, le cas est dilTerent. Lu les recifs se cachent
sous la surface de la mer, sans que rien indique leur
existence, a I'exception d'une l^gere decoloration de
I'eau au-dessus, qui ne pent nieme 6tre apercue (jue
par un temps clair, et dans cerlaines positions a I'^gard
du soleil. Comme les cotes des r6cifs, semblables a des
murailles, s'elevent d'une mani^re abruple dans les
eaux profondes, le plomb de la sonde ne donne aucun
avertissement, et la presence du danger n'est signalee
que lorsque le vaisseau vient se briser sur le rccif, et,
Irois fois sur qualre, il rebondit avec tant de force et
de rapidity, que les passagers ont a peine le temps de
monter sur le pont (1). Knlre le cap York et la baie
Moreton, les vents sontfavorables a la navigation pen-
dant une partle de Tannic ; entre la baie Moreton et
Sydney, ou deux petits bateaux a vapeur font un service
regulier.
(i) Tel ful le cas, pour I'Hrroine, a son passage de Sydney a I'ort-
Essinj'ton en avril i84'). L'autour dc cette notice eul a regielter, dans
ce deplorable evenetnent, la perte de son frere unique.
( A9)
II. Aux colonies de V Australie par la vote du
cap Lee u win.
La route occidentale , proposee par Jes colonies
rndridionales, borde seulement la partie sud-ouest de
I'archipel. La route de Singapore au detroit de la
Sonde est identique avec celle qui suit la ligne des
bateaux a vapeur de Balavia. De la pointe de Java a
Freemantle, port principal de I'Australie occidentale,
la premiere station propos6e, la course est, presque au
sud-sud-est, de 1700 milles (2 700 kilometres). Les
navires a vapeur de la premiere classe pourront Stre
employes sur cette ligne, en raison de la mousson du
sud-est; au mois de decembre , Janvier et fevrier,
lorsque la mousson de I'ouest domine dans le sud de
Java, des ouragans survlennent en mer entre cette ile
et le cap nord-ouest de I'Australie. Les decouvertes r6-
centes, relatives a la loi des tempdtes, metlent les ba-
teaux a vapeur en 6tat, avec des precautions ordinaires,
d'eviter les tourbillons. La saison d'biver, sur la cole
occidentale de I'Australie, correspond a la saison d'6te
d'Europe. Pendant cette periode, les vents de I'ouest
soufflent sur la cote, ce qui rend le passage le long de
cette cote assez desagreable. La seule partie de la route
dans laquelle les puissants navires a vapeur I'encon-
trent des difficultes se trouve pros de la cote, entre le
cap Leeuwin et la pointe d'Eatrecasteaux. Dans ce
voisinage, les vents tournenl soudainement du nord-
ouest au sud-ouest, et causent souvent de grands
malheurs. Je n'ai point le desir d'exagerer les dan-
gers de ce cap; mais ayant reside dans ces parages
III. JANVlEll. li. k
( 50 )
pciulunt line saisoii iriiiver loul eiilieie, et ayanl plus
d'une lois tiprouve des tcrnpetes au large, je pense
qu'il est convcMable d'enregislrer celte opinion pour
ceux qui paricnt avec legerete des pt^rils qu'oflVe ce
cap. Dii detroit du lioi-Georges, I'un des incillours
porls de rAusUalie , a Adcltnde, le passage d'aller et
dc relour peul etre lail sans griiiide dillicull«i on totile
saison . altendu que les navires a \apftur sent en elat
de lutter conlie la force du vent, en se tenant on de-
dans de la grande crique de rAuslralie, ou les vents
(i'ouesl perdent une grande partie de lour violence.
Lorsque les colons du niidi auronl appris quo leurs
veritables inlerels reposent sur le developpenicnt le
plus eleodu des communicalions par terre, une route
de posle pour des malles et des passagers sera ouverte
enlro la bale de Shark el le detroit du Roi-Georges, les
seuls ports aisement abordables de I'Australie occiilen-
tale. Les dangers de la cote inlerinediaire peuvent etre
alors eviies, et la route occidenlale sera preferee des
voyageurs.
ROUTES EN PROJETS.
I. Entre Singapore et Manille.
On a d^ja fait connaJtre dans la premiere partie de
cet essai que le gouvernement espagnol des Philippines
est dans I'usage d'envoyor un bateau A vapeur do Ma-
uillc, pour rencoutrer les malles a Singapore, toules
les lois qu'on a quelquc depeche iniportanto a coni-
inuniquer au aiinislere de la mere palrie, des succ^s
brillants a annuncer contre les pirates, etc. Les malles
espagnoles sont apportees de Gibraltar par les bateaux
{ 51 )
a vapeur de la Gompagnie orientale, sous la garde d'un
agent du bureau de la poste. Pcu de passagers, exceple
de hauls fonclioniiaires, arrivent ou parlent par le ba-
teau a vapeur espagnol. Los autres se rendent de leur
mieux aSingaj)ore, ou en parlent par des navires a
voile; et s'il ne se presente ])as d'occasion, ils pren-
nent la voie d'Hong-Kong. Conime lout cliangement
de iiiinislere en Espagne entraiue le cbangeuient coni-
plet des foucliuunaires , le transit des passagers est
considerable, et deviendrait beaucoup plus conside-
rable encore si une comniunicalion directe etait elablie
entre Singapore el iManille. Lcs bateaux a vapeur em-
ployes sur cette ligne passeraient le long des cotes de
Borneo et de Palawan, ou ils seraient mis a couverl
par les r^cit's qui existent au sein de la mer de Chine,
et des navires d'une puissance moilie moins grande,
que ceux qu'on einploie aiaintenant pour la route
directe jusqu'a Hong-Kong, seraienl sullisanls. C'elait
la route qu'on avail originairement en vue, lorsquoa
proposa d elendre jusqu'en Cliiae la communication
par la vapeur, el lorsque la ligne biinensuelie de Suez
sera elablie, on adoptera ctrtainemenl cette roule. La
distance de Singapore a Labuan est du 7/i0 niilies
(1 190 kilometres); de Labuan a Manilie, 6A0 (103U ki-
lometres); et de Manilie a Hong-Kong, 020 (1000 ki-
lometres) : en tout, 2000 milles (3 220 kilometres).
Coinme la roue directe a la mer de Chine, de Singapore
u Uong-Kong, est de moins de 1 500 milles (2Zi60 kilo-
metres), la question a decider est de savoir si les avan-
tages de I'ouverture dune communication mensuelle
avec Labuan et Manilie sont assez considerables pour
conlre-balancer les iuconvenients dune plus grande
( 52 )
distance ii parcourir. Si les goiiverncments espagnol et
anglais calculaient le nionlant des ddpenses faites pour
envoyer des malles a Manille et a Labuan par dos vais-
seaux du gouverneniont , on trouverait piobablcment
qu'elles depassent grandemeiit le nionlanl de celles
pour lesqueiles la C.oinpagnie orientale, ou toute autre
Compagnie de bateaux a vapeur, enlreprendrait una
ligne uiensuelle el reguli^rc se dirigeant sur la Chine
en passant par ccs ports.
II. Dn (letroit de Torres a Singapore d'un cote, el
a Manille et Hong-Kong de r autre.
La ligne de navires a vapeur a elablir entre Singa-
pore et la Nouvelle-Galles du Sud sora soutenue, a
cause de la necessile d'une communication entre les
colonies et la mere patrie , et pourra en consequence
etre appelee la ligne impdriale ou nalionale. Les co-
lons eux-memes demandent d'autres lignes de cbm-
municalion, et comme ils seront bientot en position
de supporter la d^pense , on les verra s'^tablir. Pour
arriver a quelque cliose de definitif en ce qui concerne
les routes que ces lignes suivront, il est n^cessaire de
passer en revue les relations commerciales de ces co-
lonies avec les aulres pays. Jusqu'a une epoque tres-
r^cente, les seules exportations de la Nouvelle-Galles
du Sud el de la Terre de Van-Diemen , qui fournis-
saient aux colons le moyen de se procurer les articles
proiluits ou manufactures de I'etranger, conslslaient
en laine, suit", peaux, conies, et huile de baleine. La
mere patrie titail le principal et certainemenl presque
le seul marche pour ces productions, el, comme con-
( 53)
sequence naturellc, tous les articles pvodults ou nia-
nufaclures d'Europe demandes par les colons etaient
importes de la Grande-Bretagne. Mais les colons de-
vaient chercher ailleurs les produits tropicaux (qui
leur manquaient), specialeraent les thes et les sucres,
consommes par eux, en qualitesinfinimentsup^rieures
a celles de tout autre peuple du monde, proportion-
nellement au chiffre respectil'des populations. Les th6s
6taient importes direclement de la Chine; les sucres
Etaient tires dans I'origine de Calcutta et de I'Ue Mau-
rice; mais comme les produits de ces deux places
dlaient alors proteges par un droit elev6 sur les sucres
Strangers a I'int^rieur, les colonies etaient compara-
tivement negligees ; et lorsqu'un grand flot d'emigrants
vint en 1837, et pendant les trols annees suivantes,
augmenter la consommation du sucre , ils eurent a
s'adresser au monde entler pour s'approvisionner. Les
producteurs des ^tablissements anglais preferaient le
marche de la mere palrie , ou leurs denrees etaient
protegees; aussi les colons eurent-ils a chercher ce
dont ils avalent besoio dans les possessions etrangeres.
Les marchands de Java et des Philippines, ou la pro-
duction du Sucre avait pris recemment un accroisse-
ment considerable , entrferent avec ardeur dans un
commerce qui etait extremement avantageux; les co-
ions, qui avaient chez eux de nombreuses raffineries
de sucre, demandaient seulement les qualites les plus
communes, (jui ne pouvaient etre transportees en Eu-
rope, a cause du taux eleve du fret. Plusieurs navires
furent construits a Java expressement pour ce com-
merce, les reglements concernant le fisc et les revenus
etablis dans I'ile porlaient prejudice a la navigation
( 5A )
tie transporl par les l)aliments anglais, et tout sem-
blait devoir favorisor ce nouvean commerce , lorsqn'il
fut coupi dans sa racine par la mise en vigueur d'un
ancien ordrc du Conseil , qui declarait illegal tout
Iransport, dans les colonies anglaises, d'autres produits
que ccux de la mere patrie. Le commerce du sucre se
concentra alors dans les Philippines, d'oii les produits
6taient port^s dans la Nouvelle-Galles du Sud par des
navires anglais. Des tenlatives ont 6(6 faites occasion-
nellcnient pour dtablir des relations de commerce avec
Singapore et d'autres places , mais toujours sans
succt;s.
Los marchands de Sydney ont toujours trouv^ a
Manillc plus d'avantages que partout ailleurs par le
monopole qu'ils y ont constamment exerc^ avec leurs
capitaux a la main ; mais lorsque les producteurs des
Pliilijipincs auront cu le temps d'accrollre leurs plan-
tations, les affaires prendronl un autre aspect. Les
Philippines fournissent aux colons tous les aulies pro-
duits tropicaux dont ils ont bosoin , a I'exception du
the ; un jour ellos etendront plus loin leurs rapports
conimorciaux. Quand une seconde ligne ou une ligne
biniensuelle sera d'tablie par le d^troit de Torres, on
peut s'allendre a ce qu'elh^ diiigera son cours a tra-
vers les Moluques, en touchant a Amboine el Ternate
et a Labuan, d'ou des navires a vapeur auxiliaires se
rcndront a Singapore d'un cole, et de I'autre a Ma-
nille el en Chine. La distance a Singapore par cette
route sera allongee dr 400 niilies (640 kilometres);
mais on n'l^pargnera pas moiiis do 800 milles (1 280 ki-
lometres) sur la route jus(|u'a Manille, et environ
] 000 milles (1 600 kilom6lrcs) sur celle pour la Chine.
( ^^ )
II est possible que le goiivernoment liollandals ohjccte
qii'on s'interpose dans ses transactions avec les Molu-
qucs; mais les temps de protection, soil pour les An-
glais, soil pour les strangers, sont passes, et ceux qui
rcstent obstinement stationnaires dans le meine sen-
tier risquent d'etre rudement jet^s de c6t6.
III. Route de Carpentarie.
Le projet originaire d'ouvrir une communication
avec rinde et la mere patrie, au moyen d'une route
de poste de Sydney a I'entree du golfe de Carpentarie,
qui avait 6te suspendu dopuis 18Z|6, a 6le remissurle
tapis par le journal de Singapore [Free press neivspaper)
vers la fin de I'annee derniore , a une 6poque ou les
partisans de la communication par la vapeur, par la
\oie de I'lnde, etaient tomb^s ''ans le plus profond de-
couragement par suite de I'opposilion apparente de la
Compagnie des Indes orienlales, et par la retraite de
la Compagnie orientale en ce qui regarde la route re-
commandee par les colons et sanclionnee par I'ami-
raule; laissant les partisans de la route de Panama
maitres du terrain , les journaux les plus influents de
Calcutta eux-m6mes etaient assez aveugl^s sur les vrais
interets de I'lnde anglaise, au point de vue commercial
et politique, pour se joindre a la reclamation en faveur
de la navigation a la vapeur pour I'Auslralie par la voio
de Panama. Mais les dernieres informations de Sydney
font revivre le projet de route de Carpentarie. Les
colons de I'Australie different par leur situation des
Anglais de I'lnde, dont le principal objet est de se re-
lirer dans la mere patrie avec les richesses qu'ils ont
( 56 )
acciiuiul^es. Les protniers, au coiilraire, placent leurs
ppnrgnes dans los speculations locales, el derniere-
nient les associations, lormees pour I'amelioration des
communications interieures qui ont tant d'effet sur le
devLlopjiement des ressourcesd'une nouvelle conlree,
ont ^te hautement favoris^es par ceux qui ont des ca-
pitaux a placer.
(57 )
JLiial^iscfi, Extraits d'ouTragcs,
lielaiiges, etc.
LE CHILI ET LES ARAUCANS,
PAR
M. EDMOND DE GINOUX.
PKEMIER ARTICLE.
M. de Ginoux a fait inserer dans la Politique nouvelle,
au mois de juillet dernier, sur les sauvages de I'Arau-
canie, une s^rie d'articles qui offrent un vif int^rSt.
Nos lecfeurs nous sauront gr6 de leur faire connaltre
par quelques extraits cette publication, qui revile chez
I'auteur un esprit d'observation remarquable et le
talent d'un ecrivain distingue. M. de Ginoux etait a
Santiago au mois de fevrier 18Zi9; il se joignit, avec
quelques amis, a un jeune cacique de I'Araucanie
soumise (1) , qu'un int^rfit de Iribu avail amene au-
pr^s du g^n^ral Bulnes , president de la r^publique,
et qui se disposalt a regagner son pays ; il s'agissait de
faire quatre cents lieues a cheval et de traverser le
Chili du nord au sud dans loute sa longueur, en I re-
prise bardie qui n'eflVaya point notre voyageur, et
(l) On doniie ce iiom a deux lisieres elioites qui bordent I'Arau-
canie, I'uiie au uord, I'autre au sud, mais qui sont, de fait, indepen-
dantes; ces habitants entretiiinnent seukinent des relations d'atnilie
avec le {jouveinenient du Chili.
(58 )
qui devait 6tre pour lui I'occasion des reinarqiies lea
plus insfructives et do descriptions saisissantes.
Le Chili ne possedant pas uno carle (1) exacte de
son territoire, une description rapide de la configura-
tion physique des contrees comprises enlre la capilale
et Valdivia, les grandes Andes el I'ocean Pacifique, ne
peut manquer d'avoir pour les gdographes I'int^ret
d'une nouveaut^.
La ville de Santiago est assise au fond d'un tr^s-
beau bassin , silu6 enlre la Corilillere des Andes et la
Cordillere de la cole, Ce bassin commence , a vingl-
cinq lieues au nord , au pied de la njonlagiie de Clia-
cabuco , poinl celubre dans les fastes de I'ind^pen-
dance chilienne par une victoire reniport6e en 1817
sur les forces espagnoles. Le volcan d'Aconcagua, au
bas duquol la riviere de Quillola prend sa source,
s'^I^To a peu de distance au nord-esl de Chacabnco.
A parlir de celle derni6re locality, le bassin, qu'on
suit constammenl pour arriver au del^ du pays des
Araucans , coupe du nord au siid la partie meridio-
nale du Chili, sans en excepler I'Araucanie elle-meme.
Creuse entre d'immenses monlagnes, courant paral-
Idlemenl du nord au sud, en abaissant toulefois peu
(i) M. Gay, f]ui a re'siile longtemps au Chili, se propose ile piiblier
incessatnment une carte generale de ce pays; il a cleja fait paraitre
en espngnol dix-huit volumes de son grand ouvrage intitule Historia
fisica y polilica de Chile, scgnn dociimenlos ndquiriffos en esla fcjniblica
durante doce at'ios de rcsideiicia en ella. Paris, l844 et i852. Ci t ou-
vrage sera accompagne d'un Alias de aSo planches in-folio, compre-
iiant un grand noniljre d'objfits d'hisloire nalurelle, des carles de
cliacune dos provinces, d'une carte generale, et enfin de cinquante-
cin(| vues du Chili et de i Araucanie.
( 59)
a peu leurs letes , il est borcl6 a Test par la chalne
des Ancles, a I'ouest par la Cordillere dite de la Cote.
La Coi-diliere de la Cote est forin^e de groiipes
arrondis , pen Aleves en coinparaison des masses de
gauche ou de Test. La cliaine des Andes, aux flancs
escarpes, sillonnds en tout sens de precipices ^pouvan-
tabl^s , aux cretes aigues et hachees , presente a une
certaine hauteur des lignes de s^atification apparte-
nanl a diverses epoques grologiques ; viennent ensuite
les neiges eternelles. Au-dessus des neiges , brillenl,
comme d'enormes phares semes sur un rivage rempli
d'ecueils, les volcans qui couronnent avec majest6
cette merveilleuse charpente de la terre , la reine des
montagnes.
Le hassin interm^diaire est un fond plat , acci-
dente de coUines verdoyantes, de cones basaltiques
aux teintes sombres , et traverse dans loules les direc-
tions par une multitude de cours d'eau qui fertilisent
un sol d'une quality rare. Si les Chiliens savaient cul-
liver conVenablement ces terres , la bande interme-
diaire et plate dont il est question serait, dans une
proportion giganlesque, plus belle, plus riche que
notre Touraine, que la Limagne d'Auvergne et la valine
de Gresivaudan. Aujourd'hui elle ressemble plus aux
pampas de la republique Argentine qu'a la terre
nourriciere d'un peuple qui se pretend avance en ci-
vilisation.
A la latitude de Santiago, la Cordillere de la Cole,
couverte de verdure en autoinne, en hiveret au prln-
temps, nc d^passe pas 1200 metres d'el^valion au-
dessus du niveau de la mer, tandis que les Andes pro-
jellenl leurs tetes charg^es de neige et de volcans a
( ^^0 )
pr^s de 5 000 lu^lres. Lc premier grand torrent a ciler,
depuis Chocabuco , est le Mapoclio , qui conloiirne la
capitale du Cliili. Aprils avoir pris Tune de ses deux
sources dans la monlagne a Test de Chacabuco, I'autre
dans le Cerro de Porlillo, il descend en desordre du
nord-est au sud-ouest, et va se jeter dans le Maypu, a
quelques lieues au sud-ouest de Santiago.
Le Maypu est un joli fleuve qui prend sa source a ia
base du volcan de San-Jose, et dont ies eaux roulent
de Test a I'ouest jusqu'a la mer. Son nom, glorieux
dans Ies annales des guerres de I'independance, ovcille
dans tous Ies coeurs chiliens Ies sentiments du patrio-
tisme le plus profond, Ce fut sur le bord de ce fleuve
que, dans la journee du 5 avrill818, cut lieu la fameuse
balaille engagee par Ics indepcndants coalis^s conlre
Ies Espagnols, et dont le resultat fut le trioinphe defi-
nitif de la cause republicaine.
De ce point, on d^couvre, en amont du Maypu, un
de ces systemes aeriens inventus par le genie des indi-
genes pour le passage des rivieres. Selon loute vrai-
semblance, ces macbines, fort simples au Cbili, com-
pliqu^es au Perou , ont fourni I'idee m^re de nos
ponls suspendus , si perfectionn^s en Europe. Le ma-
nege a^rien organise sur le Maypu est construit a un
itranglement du fleuve, cause par deux rocbes fermes
formant un d6fil6 assez elroil ; il consiste en de fortes
cordes de cuir, solidement arr^tees, tendues d'une rive
k I'autre au-dessus de I'ablme, et portant suspendii un
grand panier de cuir. Le voyageur s'assied dans le
panier, et, au moyen d'un va-et-vient qu'il fait jouer
avec Ies bras, il arrive sur la ri" opposee. Au Cbili,
il en existe de moins exigus, sur lesquuls peuvent pas-
( Gl )
ser les b^tes de somnie. Pkisieurs cables en cuir, roidls
borizontalement, supportent un tablier en planches et
en poau de bceiif, large d'un metre environ ; ce tablier,
bien cousu aux cables de support, est en outre main-
tenu , autant que possible, a I'dtat horizontal, et non
mobile, par des cordes d'elaie d^crivant une courbe
au dessus de lui.
Dans la saison des pluies et a I'^poque de la fonte
des neiges dans les Cordill^res , les gues ^tant impra-
ticables, les voyageurs a cheval sont dans I'obligation
(le se detourner de la route directe pour aller passer
par un de ces derniers ponls; les hommes a pied se
risquent en tout temps a I'exercice acrobatique du
panier de cuir. Sous la domination des Incas, un poste
de gardiens etait inslalle a chaque extremite de ces
voies perilleuses; les gardiens avaient pour fonctions
de veiller a la surete des materiaux, et de preter gra-
tuitement leur assistance aux vieillards, aux femmes,
aux infirmes.
L'hislolre pittoresque des ponls suspendus serait
un travail interessant a ^crire. Les cocoliers, de
soixante a quatre-vingts pieds de longueur, jeles cole
a cote sur les petites rivieres de Tahiti et des autres
lies de rOc6anie , donneraient le point de depart;
les ponls indiens du Chili viendraient ensuite. Le
troisieme tableau presenterait les merveilleux ponls
de roseaux cre^s sur I'Apurimac par les empereurs
p6ruviens. Deux de ces chefs-d'ceuvre de la conception
humaine subsistanl intacts, il est ais6 de les etudier;
enfin, translormant les tressos de roseaux et de joncs
en faisceaux de fils de fer, on obtiendrait nos magni-
fiques ponts suspendus. Le perfectionnement de ces
chemins lagers, enjambanl (le larges coins d'eau, ost
du an genie de noire siecle; uiais il est juste d'accor-
der le luerite de Kur invention aux Indiens de I'Aiue-
lique du Sud, qui en I'aisaient usage pres de mille ans
avant nous.
A la lin du premiei- jour, la petite caravane chei-
chail uu abri dans une pauvre cabane en branchagcs,
dresseeconlre un niaiuelon de la Cordill^re de la Cote;
la, les deux Cordilleres, brusquement rapprochecs,
etranglent le bassin inlennediaiie. Ce lieu est nomin6
Angostura de Payne. Une fois dans I'liolellerie, on nc
pouvait, sans une vive compassion, tourner les regards
sur les quaire coins de cclle deiueure d'une fauiille
condamnee a la plus aUVeuse niisere. Dejeles pnr I'ac-
lion du vent ou par des tremblements de terre , les
arbresnoueux, auxquels s'appuyaient les brancbagcs
foriuant luurailles, avaient considerablement perdu la
perpendiculaire, si jamais ils I'avaient gardee ; la ca-
bane, enlraiuee en enlier par leur mouvement, incli-
nail sur le tlanc gaucbe, el menagait de loaiber. La
toilure, persiilee de trous, donuaillibre issue a la lu-
tniere, a la pluie, au vent, a la poussiero. Le sol 6tait
sans plancber, la porle sans del'eiise. NuUe part on ne
voyait un uieuble, une table, un siege; des peaux de
bceul, etendues sur de I'berbe sfeche, remplagaient les
lils , cbose inconnue a ces malheiireux desberites du
ueccssaire, el a un pelil leu, flambant en liberie au
centre de I'unique piece de I'habilaiion, cuisaient, dans
un vieux pot ebrecbe, quelques regimes de mais, pain
quotidien de la lamille.
L'Angoslura de Payne , oil Ton couche , est une
gorge assez courle , llanquee de monies surbaisses. Ce
( 63 )
passage franclii , on debouclie dans la vaste plaine de
Rancagua. A la sortie de rAngoslura, les Cordilleres
se relirent rapidement , et le l)assin s'evase pour
prendre bienlot line largeiir de 12 a 13 lieues. La
plaine de Rancagua , tristement memorable dans I'his-
toire des guerres du Chili, se lermine, 25 lieues plus
au sud , a une inuraille naturelle qui ferme entiere-
ment le bassin. Rancagua, ville insignifianto , triste ,
morle , arrier^e , mal balie , est assist; a peu pros a
egale distance eutre Pavne et la muraille de Regolemo,
sur le bord du rio Cacliapual, torrent impetueux qui
roule sans frein, de Test a I'ouest, jusqu'a la rencontre
du rio Rapol, auquel il mele ses eaux redoutables.
Le rio Rapel tire sa source du pied du volcan de Tin-
guririca , et se jette dans la mer pr^s du cap de Topo-
cahna, Lorsqu'on parcourt la belle plaine de Ranca-
gua, on ne pent s'empecber de remarquer le contraste
curieux qui exisle entre la vegetation du penchant
occidental des Andes et celle du versant oriental des
montagnes de la cote. Sur les premieres, au-dessous
des neiges perpetuelles, en touchant presqu'a la ligne
ou les v^gelaux expirent , on observe , detachee en
vert sombre , une bande serree d'arbres resineux
essentlellement du domaine des regions australes ;
sur les secondes montagnes, au contraire, se montrent
les palmiers et les cactus, indices caracleristiques du
voisinage des tropiques. Ainsi , a queiques lieues de
distance , sur la meme latitude , on trouve d'un cdt6
le froid des poles, de I'autre les chaleurs des contrees
sans hiver.
La muraille naturelle qui coupe au sud la plaine
de Rancagua a du etre sans nul doute un isthuie qui
( Oi )
unissail les deux chalnes , alois que la mer occupait
le fond du bassin inlerm^diaire. Ce barrage , appelt^
Angostura de Regolemo , est le soul, de Charabuco a
Cliilo6, qui ferine tout a fait riminense vallee que
longe la route. Au nord , il regarde le village de
Rt-ngo, amas de chellves maisonuelles enfoncees dans
un l)ois d'arbres fruitlers ; au sud , il protege San-
Fernando, petite bourgade batie sur le rio Rapel.
Iimn6dialement aprfes I'Angostura do Regolemo , le
bassin se developpe de nouveau, et sa largeur devient
plus considerable qu'auparavant. Sur une etendue
d'en\iron 50 lieues de France, cest-a-dire jusqu'au
rio Maule , le terrain plat que Ton parcourt est cul-
live en partie el d'un aspect riant ; il porte un asscz
grand nomine de fermes ou haciendas, des baineaux ,
des villages dont quclques-uns, entre autres Curico et
Talca , sont decor^s du nom de ville.
Talca est a 100 lieues de Santiago, et nos voyageurs
avaient mis cinq jours pour franchir celte distance; ils
se trouvaient au milieu d'une conlr(!!e fertile, arros6e
par beaucoup de ruisseaux , surtout par lo Maule,
riviere profondc et navigable. Talca parait destin6e a
acquerir plus de prosperite que les autres villes de
I'interieur du Chili ; par le Maule , les forets de la
Cordillere de la Cote peuvenl 6tre exploilees lucra-
tivement, et deja il se fait par cette voie , du dedans
au dehors, un commerce tr^s-suivi de cer^ales , de
fromages, de laines. La riviere, dont les eaux se
perdent dans le Grand Ocean, a Porl-Conslilucion ,
prend naissance sous I'imposant Descabezado , mon-
lagne haute de six mille uietrcs , devant laquelle
celles qui iui font face, a I'ouest, ne sont plus que des
( 65 )
^l^vations sans importance. En revanche, ces derniires
sont riches en /ai>aderos , ou mines d'or.
Au sud du Maule, sur une longueur de 50 lieues,
la plaine, qui va toujours s'elargissant, n'est qu'un
desert , pareil de tout point aux vastes pampas de la
r^publique Argentine. Ici, plus d'arbres, plus de vege-
tation vigoureuse , mais seulement des broussailles
^parses sur un sol mar^cageux. On voit qu'aucun elre
humain n'a jamais pass^ par la. Les villages ont cess6
de se montrer, et si de loin en loin apparaissent quel-
ques ranches, ces demeures respirent la plus affreuse
mis&re. La vilie de Chilian, avec ses modestes vergers,
ses paturages, sa jolie riviere, rompt enfin I'affli-
geante monotonie de la pampa.
Pour enrichir ce desert , il faudrait uniquement le
travail de I'homme. Les pluies, dit-on, sont trop con-
linuelles pour que tous les efforts ne soient pas de-
penses en pure perte. II serait facile de remedier a
cet inconvenient; les pluies sont caust^es surtout par
le voisinago des ^paisses forets qui , a droite et a
gauche, tapissent les monlagnes. Si Ton detruisait ces
forets inutiles, inexploitables pour la plupart, les pluies
diminueraient. Ce n'est pas la qualite du sol qui peut
d^courager; ce n'est pas non plus le froid de cette
zone; car si les arbres entasses sur le flanc des Andes
et sur la Cordillere de I'ouest sont de ceux qui se
plaisent dans les latitudes aux hivers rigoureux , les
palmiers de I'anlique Chilian et les orangers de la
petite valine d'Ytata , attestent suffisamment que la
temperature du fond du bassin est fort douce.
En longeant cette triste pampa, on laisse a sa gauche,
vers le 30« degre de latitude, lo volcan de Chilian. On
III. JANVIER. 5. 5
( 66 )
coupe alors la ligne d'un nouveau volcan , celui d'An-
tuco. de 3 000 metres de hauleur, au bas duqiiel com-
mence a couler la riviere de la Lnja.
La Laja, Niagara du Chili, apres elre sortie d'un
lac ouvert au pied du volcan d'Aniuco, serpen le sur
un lit de laves en s'avan^ant vers I'ouest. Au milieu
du Lasbin , la terre fait dcl'aut subitement, ot la riviere
se precipile en une cascade ^cuineuso dans un abime
proloud. Ce saul de la Laja est lecoiid en souvenirs et
en inspiralions poetiqnes. Temoin de uiaintes courses
hardies de la part des Indiens contre les Espagnols ,
de combats acharn^s, d'exploits laracux, il occupe a
lui seul une des grandes pages de I'hisloire de la con-
quete. Au fond de I'abime, enlre deux rives bordees
de lauriers et (le inyrtcs, la Laja poursuit une mnrche
lente, tranquille , jusqu'a la rencontre du Biobio,
ou elle finit. Avant sa jonction avec le Biobio, elle
recoit le rio Claro, qui descend du nord au sud, en
arrosanl les vigncs de Yuinbel el de San-Cristobal.
A Test de la calaracte, le volcan d'Aniuco, aux
penles blanches de neiges, a la cime noire, lance dans
I'air ses ^ternelles flammes el vomit des torrents de
laves. Du Lord du cralere, on decouvre un ponorama
grandiose, etendu, vari^ ; a Test, la Cordillere de Pi-
chachen, patrie des Indiens Pehuenches; au nord,
les Cordilleres de Chilian et de Talca; a I'ouest, la
Laja, dont les eaux, contrariees d'abord par des amas
de scories, vont fertiliser les jardins d'Aniuco, puis
les tcrres de Tucapel, la Nueva, village adosse a des
fordts vierges, et pres duquel gisent des ruincs aujour-
d'bui sans nom , qui bordent I'enlree du dtiserl. Plus
loin , toujours a I'ouesl, le saut de la Laja. Apr^s quoi.
( 67 )
Tceil se repose sur Vlsla de la Laja, vaste plaine verte,
comprise enlre la Laja, le Biobio el d'autres rivieres.
Au sud, le regard eaibrasse a la I'ois le colossal Cerro-
Belludo, les champs de las Canturas, ceux de ios An-
geles, de Sauta-Barbara, enfin I'Araucanie.
Au pied du volcan d'Antuco, sur la marge meme
du lac, passe le chemin qui permet de communiquer
d'un versant a I'autre de la chalne des Andes. Decou-
verl, il y a quaranle ans environ, par le general Cruz,
dans I'exp^dition de Buenos-Ayres, ce chemin, trac6
par les Pehuenches, donnail carriere a leurs excur-
sions devastatrices entre les villages voisins, dont ils
elaient la lerreur. Le sabot de leurs chevaux a laisse
de forles empreintes sur les nappes de laves qui, bien
que non relVoidies et non solidifi^es, n'arrelaienl pas
leurs courses barbares. Le meme chemin, grace a une
paix consenlie par le^ caciques Pehuenches, est Ire-
quente maintenanl par les Chiliens d'Antuco, de Tu-
capel, de Ios Angeles, qui vont chercher du sel gemme
dans les salines de la pente orientale des Andes.
A peu de distance du Cerro de Pichachen, a Test du
volcan d'Antuco, dans la petite valine du Mancol , on
trouve d'excellentes eaux ihermales, Le rio iviaucol,
grossi du rio Tucuman , se mele au rio de Nanguen,
lequel porte le tribut de ses eaux on ne salt ou, en
Patagonie.
Les salines, les eaux thermales, les vallees des
Andes, apparliennent aux Pehuenches, ludiens no-
mades, pasteurs guerriers, vivant sous des lentes.
Leur existence en temps de paix est simple comme la
nature; ils ne travaillent pas ; la chair des troupeaux
fait leur hourriture; la depouille du mouton, laine et
( (^8 )
cuir, leur sert de vetement et de lit. Deux journ^es
de marche sufllsent a ces sauvages pour fondre sur
Anluco; de la, en une etape, ils peuventvenir ravager
les campagnes de Vlsla de la Laja^ et semer la d«isola-
tion jusqu'aux porles de Chilian et de Nacimiento.
Le pays situ6 a I'ouesl du saut de la Laja n'est pas
moins inlerossant que celui de Test. Derri^re Yumbel,
qui fut jadis une forteresse conslamment d^truite par
les Araucans, constamment relevde par les Espagnols,
aujourd'liui pauvre village sorli des vieilles ruines, les
premieres hauteurs que Ton gravit, nues, rougeatres,
rappellent les mornes ddsoles de Valparaiso ; mais a
mesure qu'on s'avance vers la raer, des vignes, des
bois, des habitations, animent le paysage. Dans cette
parlie de la Cordillere existaient les plus belles mines
d'or, exploitees sous I'administration du conqueranl
Valdivia. La aussi se dressent Rere , autrefois riche
d'une cloche d'or ; Gualqui , Floridas , bourgades
comptees au nombre des futures villes du Chili. Bientot
apres, on arrive a la large embouchure du Biobio. Ce
fleuve coule du sud-est au noi'd-ouest, en se promenant
avec nonchalance a travers le bassin encaiss^ dans les
Cordilleres. Sur le cole nord dc son embouchure, deux
bales, frequenlees par les gros navires, se creusent
dans lesterres; I'une est nomraee bale de San -Vicente;
la seconde, feraiee par le lourd promonloire de Gual-
pen et I'ile de Quiriquina, estle magnifique raouillage
de Talcahuano. La petite ville de Talcahuano, batie au
sud-ouest de la baie, sur une langue rocheuse, regarde
au sud-est les ruines de I'infortunde capitale du nom
de Penco, qui ful I'orgueil des conqu<iraiits. Ln pauvre
fortin, avec son lion de Caslille, vcille encore, mais
( 69 )
piteusement, sux les mines de la fiere cite, et quelques
families de pecheurs , blotties sous les decombi'es,
remplacent a cette heure les riches Espagnols qui
avaient sculple leurs blasons sur de soraptueux hotels.
Maltrait^e a diverses reprises par les Araucans, plu-
sieurs fois renvers^e par des Iremblemenls de terre,
Penco dut a la fin etre compl^tement abandonnee. La
population a transporte ses p6nates a trois lieues de la
mer, et elle a conslruit Concepcion, ville de vingt
mille araes a present, et capitale de province. Quoique
dechir^e, elle aussi, par plusieurs tremblemenls de
terre, notamment le 20 fevrier 1835, cette ville semble
avoir oubli6 ses d^sastres et rever un brillant avenir.
Nos voyageurs avaient fait cent lieues de plus en
neuf jours, sur lesquels il y avait a relrancher vingt-
quatre heures de repos a Talca et quarante-huit au
volcan d'Antuco : c'elait aller bien lentement, au dire
des Chiliens, habitues a devorer trente de leurs lieues
dans chaque course du soleil au-dessus de riiorizon.
Le lendemain, la caravane passait le Biobio, et, saluant
de loin I'Araucanie, defllait devant les maisons de Col-
cura. Les environs de ce village renferment des mines
de houille, exploil^es d'une mani^re deplorable, et ne
rendant encore qu'un combustible maigre, pyrileux,
impropre au chauflFage des chaudieres. Au dela de Col-
cura, le chemin gravit la montagne d'yVndalican, sur
laquelle, en I'annee 1554 on 1555, le fameux cacique
Caupolican tailla en pieces les troupes du general de
Villagran, lorsque ce dernier, a la nouvelle de I'exter-
mination des Espagnols dans la plainc du vieux Tu-
capel , voulut aller venger la mort du heros Valdivia.
De I'Andalican, on descend dans une vallee arros^e
( 70)
par Ic Carampangue; onsuite le cliemin court direc-
tement vers la forteresse d'Arauco, sitii^e au pied de la
rnonlagne de Colocolo.
Aujourd'liui , le Biobio n'cst plus la limite qui s6-
pare les Araucans indt^pendants de la republique du
Ciiili; le petit espace couipris enlre rembouchurc
du (leuve et Araiico est au pouvoir des Chiliens. Les
torres ind^pendanles ont acluellement pour frontieres :
au nord, la ligne determinee par la montagne de Co-
locolo et les maisonnettes grises de Nacimienlo, de los
Angeles, de Sanla-Barbara ; a Test, la ciine des Andes,
jaionneo par les volcans d'Antuco, de Villarica , de
liuenaluie; a louest, la cote de I'Ocean jusqu'aux
miuailles de Valdivia; au sud , la riviere de Valdivia.
Ces terres enibrassent une superficie de 4 degres cartas
ou 2 500 de nos lieues carrees.
Dans un prochain article, nous suivrons M. Edmond
de Ginoux au centre meme de I'Araucanie.
S^DILLOT.
( 7'1 )
DAMAS. SES HABITANTS ET SES ENVIRONS.
EXTRAIT DU VOYAGE EN SYRIE
DE
M. LE COMTE CHARLES DE PARDIEU
PAR
M. DE LA ROQUETTE (1).
Damas, antique capitale de la Syrie (2), presque
aussi ancienne que le monde (3), suivant M. le comle
Ch. de Pardiou, auquol nous emprunlons ces informa-
tions, est aujourd'lmi la ville la plus considerable de la
Turquie d'Asie, le chef-lieu d'lin pachalik, et en outre
la residence du semskier de Syrie. Conquise dans les
premiers temps de I'etablissement de Tislamisme par
le calife Omar, elle devint la ville principale et la resi-
dence des califes Ommiades, ses successeurs, et elle est
consideree depuis comme une ville sainte entre toutes
apr^s la Mecque, ce qui explique I'intolerance des ha-
bitants, qui regardent comme une souillure la presence
des infulMes dans ses murs. Depuis le changement in-
troduit dans les mceurs par Ibrahim-Pacha, et que les
pachas turcs ont cherche a maintenir, lorsque la Tur-
quie est rentree en possession de la Syrie, la crainte
arrele I'dTet du fanalisme et de la mechancete des
(i) La relation du voyage de M. le comle de Pardieu a ete publiee
dans la Revue de I'Onent.
(2) Les Arabes I'appellent encore el-Scham, capitale de Bahr el-
Schain, ou de la Syrie.
(3) Elle est du moini d'une tres- haute antiquite, puisqu'il en est
parte dans la Genese. D. L. R.
{ 72 )
habitants de Domas ; ils n'osent du moins I'exercer
contre les Chretiens d4rangers, centre les Francs, qui
peuvent enlrer dans cette ville comme ils veulent, de
meme que dans toutes les aulres villes de I'Orient,
tandis qu'autrefois un chr^lien n'aurait os6 se ha-
sarder a y penetrer a cheval ; il fallail qu'il uiit pied
a terre.
Toutefois les Damasiens n'uscnt pas de la lu^me to-
lerance pour les rayas, qu'ils insultent toutes les I'ois
que I'occasion s'en prt^sente. Notre voyageur en cite le
fait suivanl : « Les enfants, comme partout, sont les
plus ardents. J'en vis, un jour, plusieurs qui raallrai-
laient un pauvre petit Chretien qui se sauvait en criant.
Je me chargeai de la justice distributive. Je delivrai
mon pauvre petit coreligionnaire, et je tirai les oreilles
aux jeunesmahometans, qui decamperent vite. Jadis,
pour ce simple fait, on se serait attire toule la ville
sur les bras.
»Damasrenrernie environ 1 50 OOU habitants (d'aulres
hii en donnent 200 000), parmi lesquels 15 000 ca-
tholiques, 5 000 schismatiques et 2 000 juifs. Les rues
sont gt^neralement ^Iroiles, sales, tortueuses, mal pa-
yees ou pas pavees du tout, comme dans toute la Tur-
quie. Lorsqu'il a plu, elles sont tellement boueuses,
qu'on ne peul marcher sans enfoncer dans la fange ;
aussi les habitants, dans ce cas, sont obliges de se ser-
vir d'esp^ce d'^chasses, formt^es d'une semelle de bois,
supportee par deux planchetles de plus de 6 pouces
de haut. Ces chaussures scrvcnt aussi, dans I'interieur
de la maison, aux fcnmies qui no veulent pas poser
leurs babouches sur la terre ou sur le marbre froid :
c'est comme les sabots de nos paysannes.
( 73 )
)) II y a cependant quelques belles rues, principale-
ment dans le quartier lure, ou elles sont larges, payees
et assez propres. Quelques-unes, plantees d'ai^bres et
garnies de boutiques, rappellent un peu nos boulevards.
Dans le quartier franc, il y a une belle rue pavee en
dalles , comme nos trottoirs. Ce sonl les franciscains
qui ont fait cet embellissementdevant leur couvent. Le
gouverneur, tout en reconnaissant que c'etait d'un tres-
bon exemple pour la ville , a fait payer aux religieux
une forte amende, pour s'etre arroge un droit qu'ils
n'avaient pas. Une des rues, la rue Droite, traverse la
ville d'un bout a I'autre, depuis la porte Orientale : c'est
la que nous demeurions. Les maisons sont en briques,
ou en bois reconvert de boue, quelquefois cr6pies a la
chaux; elles ont ext^rieurement un aspect assez mise-
rable. II y en a cependant quelques-unes en pierres
peintes avec des raies rouges et blanches : ce sont sur-
tout celles du quartier lure et les edifices publics. On
est etonn6 du luxe qui regne dans I'interieur de ces
maisons d'un aspect si mesquin.
» J'en visitai plusieurs des plus belles, parmi celles
des Chretiens et des juifs; ces derniers, qui ont beau-
coup d'argent, sont Ir^s-bien loges... On entre dans la
maison de raon ami le docteur Amstein, qui voulut
bien nous donner I'hospilalil^, par une petite porte
qui donne sur un couloir obscur, et Ton arrive dans
une belle cour, pav^e en marbrc , au milieu de la-
quelle un jet d'eau alimente une vasque octogone en
marbre blanc. Cette cour 6lait ornee de toutes sortes
d'arbres fruitiers et aulres, et de fleurs. Des plantes
grimpantes raontaient jusque sur la terrasse, et lais-
saient pendre d'enormes grappes de graines. Au fond
(74)
se troiive un vestibule ouvert, garni de niches et d'6ta-
gores, avec des peinlures rouges, jaunes, noires.bleues,
reprt^senlant tant bicn que mal dos arbres, des fleurs,
des luaisons, des inosquees. Un divan regne aulour de
ce vestibule pav6 en marbre, et que Ton occupe dans
VM. De ohaque cold s'ouvrent des porles peinles,
garnies de portieres en lissus brodds d'arabesques, qui
donnent entree aux appartements. Le salon est pave en
marbre, et rafraichi par un jet d'eau qui tombe dans
une vasque en tnarbre blanc. Des divans r^gnenl au-
tour d'une petite eslrade en bois, elev6e de 2 pieds
au-dessus du sol, et couvertc de nattes el de tapis. On
depose ses babouclies ou souliers au pied de I'estrade,
pour ne pas salir les tapis. Les murs sont peinls en
paysages et decoris, comuie lo veslibule , de niches a
formes moresques, d'6lag6res, de boiseries sculptees,
peinles, dorees, et d'arabesques. La maison , n'ayant
qu'un dtage assez elevd , I'appartement monte jus-
qu'en haul, divise vers le milieu de sa liauleur par une
corniche moresque. Le plafond est soutenu par des
poulresde peupliernonequarri; les poutresetles latles
sont peintes et dories.
» La disposition de la maison dont on vient de don-
ner la description est la meme pour loutes celles des
personnes aisles. La difference consiste dans le nom-
bre des cours et des appartements, dans 1 'elegance des
sculptures et des peinlures, dans la richesse des mar-
bres ct des dorures. II y a des arabesques et des orne-
menls dans le slyle des Maures, el d'une grande deli-
catesso. Les divans sont aussi couverts d'etoffes plus
ou moins riches, et les tapis sont plus ou moins pr6-
cieux.
( 75 )
» Les bazars de Damas sont tr^s-beaux, quoique ce-
pendant je les trouve inf^rieurs a ceux de Constanti-
nople. Ce sont de longues rues voulees, entre deux
rangs de boutiques. Ces boutiques sont des tables, sur
lesqnelles le marcliand est accroupi, la pipe a la bou-
che. Les marcliandises sont sur des rayons derriere
lui, ou pendues autour de son ^choppe. Le soir, lors-
qu'il s'en va, il n'a qu'a abaisser sur la boutique un
couvercle, qu'il ferme avoc un cadenas. Les raarchands
arrivent ordlnairement tard, partentde bonne lieure,
el ferment leurs boutiques a la moindre occasion, Ces
bazars sont richement fournis, ct divis^s par esp^ces
de maiThandises, ici les ^toffes, la les selles, plus loin
les raeubles, etc.
)) II faut remarquer que tout ce qui est beau est tir6
d'Europe. Les belles eloffes de soie brocliees d'or vien-
nent dc Lyon; les mousselines, percales, draps, de
Suisse, de France, ou d'Angleterre, etc. II y a encore
des marcliandises apportees par les caravanes de Bag-
dad ou de Bassora, dont Damas n'est plus que I'entre-
pot. L'industrie dans la ville est presque nulle ; on y
fait beaucoup de soieries, mais grossierement travail-
I6es. Quant aux lames do Damas, il y a longtemps
qu'il n'en est plus question.
» Dans le bazar se trouve un des plus beaux kham
d'Orient : c'est une vaste enceinte circulaire, dont la
voute se compose de plusieurs coupoles soulenues par
des colonnes. On voit, en outre, une fontaine et un
bassin en marbre blanc. Les murs sont ornes de mar-
bres et de peintures; les marcliandises sont rangees
dans des magasins au rez-de-chaussee. Dans une ga-
( 76 )
lerie supeiieure, qui fait le tour de I'enceinte, sont Ics
chambres des negociants.
» La grande mosquee , edifice niagnifique qu'on dit
avoir 6t6 autrefois une eglise sous I'invocalion de
saint Jean-Bapliste, est entour^e par les bazars, sur
lesqucls s'ouvrent les portes, de raaniere qu'on peut
la regarder de loin ; quant a I'entree, elle est interdite
aux giaours ou infideles, sous quelque pretexle que ce
soit. Les porles de celle mosquee, situ^e au milieu
d'une cour enlour^e d'un portique corinthien ires-
orne, sont en bronze et decor^es de dessins en relief.
Dans la cour se trouvent de trfes-belles fontaines.
» Prfes d'une des portes de la mosquee , on voit le
caf<^ le plus renommd de Damns, frc^quente par les gens
riches, et qui n'esl cependant qu'une saWe pen propre,
avec son divan, sur lequel s'accroupissenl les consom-
maieurs, a moins qu'ils ne preferent s'asseoir dehors,
devant une gerbe tl'eau qui lombe dans uno asscz jolie
vasque de marbre blanc. Le caf6, le chibouque et le
narguileh y jouent un grand role. On n'y voit rien de
bien feerique.
» Au bout de la rue Droite, a I'ouest, pres du quartier
turc , est une belle place appelcie le March6 aux Che-
vaux, ressemblant k un champ de foire, et renl'ermant
beaucoup de boutiques. Le chateau n'en est pas loin ;
il occupe un grand espace, est entoure de murs flanqiK^s
de quelques lours, le tout en mines: c'etait la citadellc:
il sertde caserne. La ville est divis^e en quartiers, fer-
m6s tous les soirs par de grosses portes : ceux des Turcs
sont les plus beaux et les plus propres ; ceux des juifs
sont d'une salele extreme.
( 77 )
» Outre les couvenls grecs, il y a a Damas plusieurs
ordres latins, des peres franciscains de laTerre Sainte,
des capucins, des lazaristes : cos derniers ne sont que
deux, avec unfrere lai, tous Frangais, et possedant une
assez jolie ^glise attenante a leur maison. Us ont ,
parmi les enfants syriens, de nombreux 6l^ves, aux-
quels ils apprennent specialement la langue frangaise.
» On montre au boul de la rue Droite, pres de laporte
d'Orient ou de Saint-Paul, la maison d'Ananie, dans
laquelle Paul, aveugle, fut conduit, recouvra la vue, et
fut baptise. Plus loin, hors de la ville, est I'endroit oil
il fut frappe de la lumiere celeste, au moment oil il
marchait contre les chr^tiens, avant de se convertir et
de devenir I'apotre des chretiens.
» La partie inferieure des murs de la ville est an-
cienne et construite en enormes pierres ; le reste est
moderne et bati , comme la plupart des maisons, en
terre melee de paille el de pierres, sechee et recou-
verte de chaux. Ces murs, crdineles , tombent deja en
ruine , comme tout ce qui avoisine la porte d'Orient.
» Aux envii'ons de Damas, il y a de ravissanles pro-
menades, au milieu de tous ces jardins, de toutes ces
eaux cristallines, de toutes ces prairies, qui s'etendent
dans un rayon de pr^s de 2 lieues , et qui sont semes
de kiosques , lieux de repos pour les habitants de
la cit6. Toutes ces eaux sont fournies par la Barrada
et par quelques autres rivieres. Elles sont divisees par
des canaux nombreux et conduites a travers tous les
jardins, ainsi que dans toutes les maisons, oii elles
alimenlent ces fonlaines qui rafraichissent les cours
et les appartements. Ces eaux se rejoignent a la sortie
de la ville, et la Barrada va se perdre a quelques lieues
( 78)
de la dans le lac Bahr el-Merdj, auquel on ne connatt
pas d'issuo. De noinbreux villages entourent ces ver-
gers, qui me rappelaieiil la huerta de Murcie , en
Espagne. Lcs habitants riches el les consuls ont, prin-
cipalemenl dans la niontagne, de jolies raaisons de
campagne, dans lesquelles ils se retirent pendant la
saison des chaleurs.
)) Des indivldus de loutes les parlies de I'Asie se rcn-
denl a Dauias, dont les rues sont encombrees par une
I'oule qui se fail reruarquer par une grande varit^le de
costumes. Les hahitanls portent une robe serree par
une ceinturo, el, jnu-dessus, un cafelan garni de four-
rures; le turban est Ires-volumineuA. Les chr6liens el
les juifs sonl encore forcds de porter des couleurs
noires ou foncees, landis que les musulmans adopkMit
les nuances les plus tranchantes... Lcs pretres Chre-
tiens roulenl aulour de Itur tele un luiban bleu fonce,
en anneaux superposes, de manicre a lui donner Ja
forme d'une large roue. Lcs rajas n'ont guere qu'un
fichu uoue aulour d'un turbonsch.
n Les Bedouins du desert sont vetus de Ja chemise
blanche, par-dessus laquelle ils portent une pcau de
mouton ou un abba de laine. Us soul coiff^s d'un Jiou/'-
/ie/i sale, serre par une corde de poil de chameau. Ils
ont en general de njuuvaises figures. A cheval, on porte
un maschlah ou manleau, espece de sac en laine,
I'endu par devanl, ouvcrl aux deux coins pour le pas-
sage des bras, el ornc de broderies en laine, en sole ou
en or. Ce vetement resscmble a une chasuble.
)) Quant aux femmes, loules, meme les chreliennes,
sonl couvertcs de voiles blancs de la tele aux pieds, et
ressemblent ainsi a des fanlomes. Un fichu de mous-
( 79)
seline leur masque enti^reinenl la figure. Aucune
n'oserait sortir sans cela; elle rlsquerait de se faire in-
sulter. II est done difficile de savoir si elles sont jolies.
En rentrant chez elles, elles se ddpouillent lie leurs
voiles blancs et de leurs hotlines jaunes, et restent
dans leur costume d'interieur, qui consiste , couune
dans tout I'Orient, en un large panlalon, sur lequel
elles meltent une robe fenuue sur la poitrine et en
l)as sur les coles, Les manches, ouvertes et pendantes,
sont garnies de pellts boulons, de broderies et de dea-
telles. La poitrine est couverte par un fichu lorsqu'il
fait froid; quant au corset, on sait qu'il est inconnu
dans le Levant. La robe est serree a la taille par un
cachemire, dans lequel les dames passent leurs mains,
comme nous dans nos poches. Par-dessus la robe,
elles portent une veste longue brodee en drap, en ve-
lours ou en sole garnie de fourrures, et sont chaussees
de babouches brodees. Leur coiffure se compose d'un
tarbousch garni d'un fichu, orne quelquei'ois de perles
ou de pierreries. Les cheveux, tresses en potites nalles
fines, descendent par derriere.
» Les I'emmesdeDamas on t la peau blanche, de beaux
yeux, etsont Ires-gracieuses; lesjuives, en particulier,
sont jolies, onl une tres-belle peau et surtout beau-
coup de i'rakheur. Les vetements de celles que j'ai
vues etaienl de riches etofles broch^es d'or, mais mal
ajustees et sans gout, et toutes leurs perles, leurs dia-
mants, leurs pierreries, tout leur ecrin enfin, etaient
accroches au hasard sur leurs tarbouschs, sur leurs
cajetans, sur leurs robes, extreuiement ouvertes; car
elles ne savent pas laisser deviner. Leurs sourcils sont
ras6s de nianiere a ne laisser qu'une ligne noire tres-
( 80 )
mince. Malgr6 leur beaul^, ces juives faisaient , sous
leur brillant costume , I'effet de poup^es peinlos et
doi'ees.
» La monnaie de France, toujours recue a Damas,
change de valeur dans presque loutes Ics villes; la
pi6ce de 20 IVancs, qui vaul au Cuire 82 piastres, en
vaut 85 a Jerusalem, 88 a Bayrouth, el 90 a Damas.
Dans cette derniere ville, la pi^ce de 5 francs vaut
22 piastres , et la piece turque de 20 piastres en
\aul 21.
VOYAGE
DE
LA BAYONNJISE SUR LES COTES DE CHINE
ET
DANS LE GRAND OCEAN,
M. JURIEN DE LA. GRAVl^RE,
CapitaiDe de vaisseau.
ILE urSPARUE DANS LES CAROLINES.
La ReiMie des Deiix-Mondes contient un article de
M. le capitaine de vaisseau Jurien de la Gravi^re sur
son voyage aux cotes de Chine en 18^8, D6ja plusieurs
aulres articles avaienl ete donnas dans los livraisons
du 1" septembrc, 15 octobre et 1" dcccmbre 1851;
ils ni(^ritent tous d'etre lus altenlivcmcnt, conime pre-
senlant les r^suitats d'une campognc des plus iiit^res-
santes. Celui dont nous parlons aujourd'luii est inti-
tule : les Mariannes et les Louchou. II comprend le recit
de la navigation de la Bayonnaise depuis avril IS/iS
( 81 )
jusqu'au mois de Janvier 18Z|9. Dans cet inlervalle, co
batiment visita les iles Mariannes et les Louchou, re-
vint a Manille, de la a Macao, puis, api'^s avoir longe
I'ile Formose, il vint moniller, le 21 Janvier 18h9, a
I'entree de Yang-tze-Riang.
Nous avons remarque dans ce recit un fail qui ne
nous parait pas avoir 6le signale jusqu'a ce jour, et
c'esl pour cela que nous croyons devoir le citcr ici. On
a souvent parie d'iles nouvelles fornixes par le Iravail
des polypiers, sur lequel les sables viennenl s'accu-
muler, et ou quelques cocoliers , en croissant, conso-
lident le sol. Mais ici il s'agit d'une lie disparue.
M. Jurien rencontra dans les Mariannes des insu-
laires des Carolines qui etaient venus se r^fugier a
Guam apres la disparition de I'lle qu'ils habitaient.
Voici comment il rapporte ce fait :
« Les iles dont nos Carolins nous apprirent les noms
sont marquees sur nos cartes du d6p6t de la marine a
peu pr^s dans I'ordre suivant : Ulie, Elat et Satahoual.
C'est au milieu de ce groupe que s'elevait jadis, comme
une coupe de corail, I'ile qu'ils avaient ete contrainls
d'abandonner. « II s'est fait un trou dans notre iie, »
rd!p6taient avec douleur ces Troyens de I'Oc^anie, pen-
dant qu'ils essayaient de satisfaire de leur mieux notre
impitoyable curiosite; « la mer a p^netre par cette
breche, et nous avons du nous refugier au haut de nos
cocotiers. » Cjette ile submergec, cette pleiade perdue,
s'est-elle done afTaissee sur elle-m6me apr^s un de ces
tremblemenls de terra qui ebranlenl si souvent les
archipels de la Polynesie? ou bien , comme le disent
les Carolins, un niorceau de la barriere qui entourait
I'esp^ce de bassin place au-dessous du niveau de la
HI. JANVII'R. i5. t)
(82 )
mcr s'osl-il en efl'oi dcroiile ? C'csl l;'i ce qu'il nous fut
impossible declaiicir ; mais il nst certain que cello lie
line lois envaliie par les flols, ne fiil-ce qu'a la suite
d'un ouragan , la corruption cles sources d'eau douce
dul snffire pour la rcndre inliabilable et pour obligor
les Carolins a chercher vers le nord un sol niieux af
fernai et un asile moins precaire. »
Le recit do Al. Jurien presente a la fois un vif intc^rdt
par la uiani^re donl il raconte los observations qu'il a
pu Faire sur les pays qu'il a visitds, et une grande uti-
lilo pour les marins, qui } trouveront des rensoignc-
menls precieux sur la navigation de ces parages.
D— Y.
SUR
LtMlGRATION DES FERMIEUS HOLLANDAIS
ou
BOERS DE LA COLONIE ANGLAISE
DO
CAP DK BON>'E-ESPERA]SCE.
Nous avons fait connaltre dans les BnUetins de f6-
▼rier 1838 el de fi^vricr ISZiO le fail Ires-romarquable
de I'emigration des fermiers hollandais ou Boers qui ,
blesses de la conduile dcs Anglais envers eux, ab'an-
donneront en 1835 la colonic du Cap, pour aller
former hors de la domination anglaise un Etat indd-
pendant. Nous avons danstes deux numeros donno le
r6cil de leurs premieres tenlatives d'clablisscmcnl au
Port-Natal, el de I'opposition qu'ils avaienl trouvcio de
la |«art dos Anglais. Nous avions toujours clierchi' a
( 83 )
connaltre le r<^sullal de ce fail si rare d'lino emigralion
nationale. Un article (1) fort inl^ressant, que nous
trouvons dans la Revite des Deux -Mondes, 185"2, 2° li-
vraison, nous apprend ce qui s'est passe a ce sujet jus-
qu'en 1851. Sans nous arreler au point de vue t!e I'au-
leur de cet article, qui est de comparer le mode et les
succ^s de notre domination en Algerie avec le systeme
suivi par le gouvernement anglais au cap de Bonne-
Esp^rance, nous nous occuperons seulemenl de ce qui
pent nous instruire sur le sort des Hollandais qui cher-
cliaient a se soustraire a la domination anglaise. Nous
avons vu precedemment que les Boers etaient venus
s'6tablir au Port-Natal, el qu'une expedition anglaise
avail ^te envoyee en 1839 pour s'emparer de ce point ;
cependant cette position ful bientot ahandonnee, et
les Boers crurent pouvoir se declarer independants
sous le tilre de Republique de Port-Natalia ; mais on
congoit facilement que le gouverneur du Cap ne pou-
vait laisser ainsi s'etablir aupres de lui une colonie qui
fCit bientot devenue une rivale dangereuse ; une nou-
velle expedition fut done envoyee en 1842 pour prendre
definilivemenl possession de Port-Natal ct forcer les
Boers a rcconnaltre la suzerainele de I'Angleterre.
Pour leur adoucir autant que possible le joug qu'on
leur imposail, et tout en les regardant comme des su-
jels rebelles, on leur garantissait cependant les pro-
priet^s qu'ils avaient acquises ; on leur assurait pro-
lection conlro leurs ennemis, les Zoulous, et, ce qui
etait bien plus, on leur permettait de conserver les
institutions civiles et Padministralion int^rieure qu'ils
s'elaient dormees.
(i) Get article est intitule : le Cap ioui la domination anulatse, par
M, Xavier Raiipond.
(84)
Toules ces concessions ne purent cependant , aiix
yeux de tous, compenser la perle de leui" independance
qu'ils avaient preleiidii acquerir en quiltanl le terri-
loire anglais; la j)lupart rejet^icnt les iernies d'lin
traits qui avant tout les obligeait a se reconnallre sujels
anglais. Tres-j)eii de ceux qui avant 18ii2 n'avaient jias
encore transporte leurs families el leurs troupeaux a
Port-Nalal s'y sont elablis depuis, el un certain nombrc
de ceux qui I'avaienl d^ju fait ont repassti les monts
Qualtamba, pour renlrer dans le desert el sur la terre
libre; el comme un bill de 1835 avail ^lendu la juri-
diction des tribunaux du Cap jusqu'au 25' degr6 de la-
titude, la plus grande partie dVnlre eux, une dizaine
(le mille ames, coniptant plus de deux mille bommes
en 6tat de porter les arnies , ont rejnis le cbemin de
I'exil el sonl alles s'^tablir enlre Ic 25" el le 22' degr6
de latitude, oil ils errent aujourd'hui avec leurs trou-
peaux, sans qu'on saclie bien pr(5cisement quelle a 6te
leur fortune et leur hisloire dans celle nouvelle migra-
lion. Separes aujourd'bui de la colonic par une bande
de terrain large de plus de 150 lieues, ils ecbappent a
I'allenlion publique, qui, distraite par d'autres 6vene-
ments, s'occupe peu de leur destinee.
Les Boers emigres viennent. cependant de rompre
tout a coup le silence, et d'une maniere qui fait hon-
neur a leur generosity. L'insurrection de la Cafrerie
anglaise a mis en 6moi toute la race noire du sud de
I'Afrique ; I'agilalion s'est propagde jusque cbez les
tribus qui errent dans le voisinage des camps bollan-
dais. Au fond de leur exil, les Boers ont appris que,
parmi les populations qui bordentla frontiere nord do
Natal, il se tramait de sinistres projcls conlre cette co-
lonic laiss^e presque sans defense el composee en
( 85 )
parlie de gens de leur race. A.lors leiir conseil s'est as-
semble, et, en son noin, A. W. PrcEtorius, qui est lou-
jours reste leur chef niilitaire, a fait savoir aux tribus
suspect^es que, si elles commettaient aucun acte
d'lioslilite centre Port-Natal, il irait leur en deinander
satisfaction a la tete d'un delacliement. D — y.
NOTE
StJR UNE VUE COLORIZE, SOUS FORME DE PANORAMA,
DU CANAL PROPOSE
POUR LA JONCTION DE LOGMAN ATLANTIQUE
ET
DE LA MER PACIFIQUE,
PAR M. SQUIER (1).
En presentant a la Societe de g^ographie cetle Vue
de la conlree situ^e enlre le lac Managua et le port de
Realejo, M. Squier fait observer que la vue a etc prise
du somniet d'une pelile coUine , a peu de distance au
sud-ouest de la ville de Leon, siluee au centre d'une
grande plaine portant le m6me nom. « De cette emi-
nence, dit-il , I'ocean Pacifique et le port de Realejo,
dloignds de 27 milles, sont dislinclement visibles; le
lac, eloigne de 16 milles, serait egalement visible sans
]es forets qui existent entre les deux points; mais on
peut parfaiteraent distinguer les iles qu'il contient. »
La contree comprise dans cet essai de panorama a, en
longueur, une etendue de !ib milles; et comme il est
(i) Voyez les articles insere's dansle Bulletin de i85i, 4' serie, t. I,
p. 2495 279 et 4"i) et 1. 11, p. 235, etc.
( 86 )
fail d'apris nature, et que les lieux sont peints avec une
extr^iue exactitude, M. Squler pense qn'il n'a auciiiie
exj)lication a donner a ce sujel. La contrive offie aux
yeux I'apparence d'une plaine vaste el tres-fertile , et
on a reconnu que la plus grande ^Uvation au-dessus du
niveau du lac, sur la ligne du canal propose, ne depasse
pas f)/l pleds, Icsquels ajoules a 156 pieds, hauteur de-
terminee du lac, donnent 21 0 pieds pour la plus grande
elevation au-dessus du niveau de la mer. Ce point, Ic
plus 6iev6, est a environ 2 niilles du lae, et de la la des-
cente est graduelle et imperceptihle jusqu'a la mer.
« Les personnes accoutumees a ratmosjjh^re bru-
meuse de I'Angleterre et de la majeure parlie du con-
tinent, ajoute M. Squier, comprcodront dKficilemenl
(ju'on puissc voir distinclement toutes les parties de
celle vaste plaine, telles qu'eiles sont ici representees.
Tout ce qu'on peut dire, c'esl que sous ce rapport,
ainsi que sous lous les aulres , on a imite exactement
la nature.
» Les volcans represent^s dans le dessin , quoique
paraissant oJTrir une chaine continue s'^tendant du lac
au golfe de Fonseca , sont en reality deux cones d^ta-
ch^s, formes de leurs propres depots. Entre leurs
bases, la plaine n'est point interrompue, et au dela
se trouve uno autre plaine appel^e Llano del Conejo
(plaine du lapin), qui s'etend, en largeur, depuis les
volcans jusqu'aux plateaux 6lev6s de Mata, Polpa, et
on longueur, depuis le lac jusqu'au golfe de Fonseca,
Cette plaine correspond g6n6ralement avec celle de
L^on , except^ que scs sommels, dans les parties les
plus elevees, ont seulcment Zi5 pieds au-dessus du
niveau du lac. Dans plus de la uioitie d^ sa longueur,
( 87 )
elle esl travorsee par VEstero-Real, cours d'eau remonle
par la inar^e et d'une grande profondeur, qui s'etend
depuis le golfe de Fonseca, dans la direction du lac.
C'est dans celte plaine , au raoyen de cet Estero, que
le canal propose pour des navires doit 6tre construit ,
non que la ligne au port de Reaiejo, sur laquelle il a
el6 tant ^crit, soit impralicable, mais parce qu'elle est
plus courte et est termin^e par le port, sans contredit
le plus vaste ot le plus beau de la cote d'Amerique, sur
la mer Pacifique, celui de San-Francisco seul excepte.
)) Et maintenant, qu'il me soit perinis de corriger
une erreur qui exlste sur toutes les cartes de Nicaragua,
que j'ai vues , ceile d'un large cours d'eau ou riviere,
appele Rio Tosta, a partir du port de Reaiejo. II n'exisle
pas de riviere portanl ce nom, et il n'y a pas de cours
d'eau considerable coulant dans le port de Reaiejo. Le
plus grand est un petit cours d'eau insuffisant pour faire
flotler un canot, except^ pendant une courte distance,
au moment de la maree. II est appele Rio Telica ou
Quesalgaqite. Leon est aussi g6neralemenl, sinon lou-
jours, repr^senle comme place sur une elevation ou
Diontagne; e'est une erreur provenant probablcment
d'une mauvaise traduction du mot espagnoi munte, qui
signifie champs, ou champs eleves, avec des halliers,
mais non monlagnes ou collines.
» Le lac de Managua a, sur toutes les cartes que j'ai
vues, une 6tendue trop petite. Sa plus grande longueur
lie peut elre beaucoup moins de 50 milles, et sa lar-
geur, de 30 a 35. Je pense que la superficie de ce lac,
comparee a celle du lac Nicaragua, est exaclement
donnee dans la carte que j'ai eu I'honneur de mettre
oe soir sous les yeux de la Societe, et qui contienl
( 88 )
(outes les infornialions qu'il m'a ele possible de re-
ciieillir, pendant inon sejour dans ce pays, sur les
Iraits caracl^risliques de cct islhme si interessant, spe-
cialement en ce qui concerne le canal propose enlre
les deux oceans. »
COMPTE RENDU,
PAR
LE PRESIDENT DE LA COMMISSION CENTRA LE,
SCR
L'ENVOI DES GRAINES DE LA CHINE.
Messieurs,
Le consul de France a Shanghai et a Ning-po,
menibre de la Socield de geographic, lui a adresse,
pour 6tre cxpi^rimentees a diverses latitudes , en
France el en Algerie, un certain nombre de graines
de la Chine. Plusieurs de cos veg^laux, s'ils venaient
a s'acclimaler sur noire territoire, seraienl une pr6-
cieuse acquisition pour I'industrie, pour Tagricullure,
pour riiorticulture , pour I'economie domeslique, et
la Sociele acquerrait par la unnouveau litre a Teslime
generale. Ce serait accomplir un de ses voeux les plus
chers, puisqu'elle a offert un prix aux voyageurs pour
rimportation des substances utiles a I'economie, aux
arts, a I'agricullure. Pen<!(tre dc I'imporlance de eel
objet, voire president n'a neglige aucun soin, aucune
peine pour rempiir la mission donlvous I'aviez charge.
II a commence par s'eiiquerir aupres des ministircs
de I'instruction publique, du commerce et dc la guerre,
des Socieles, des jardins, et dc tous les etablisseraimts
( 89 )
constitu6s, en France et en Alg^rie , pour I'accU-
malation des plantes exotiques. Una liste d'environ
quarante elablissements choisis a ^t6 forniee ; qualre
soci^tes agricoles de I'Algerie etablies a Alger, Bone,
Phillppeville et Oran en faisaient partie; M. le mi-
nistre de la guerre a bien voulu comprendre dans
renvoi le jardin d'acclimatation de Biscara, province
de Constantine.la pepini^re centraledugouvernement
a Alger, et les p^pinieres secondalres. Environ qua-
rante lettres ont 616 6crites, en consequence de la liste
de distribution, aux Elablissements, aux Societ^s et k
plusieurs prefets.
Le ministre du commerce a seconde aussi la Soci^te
en faisant passer sans frais les graines a leur desti-
nation dans un grand norabre de localites; les autres
Soci^tes ont fait pi'endre ici les graines qui leur Etaient
destinees. Toutes a peu pres ont accuse recej)tion ;
elles ont lemoigne a la Societe de geographic une vive
reconnaissance pour ces envois , et ont ecrit dans des
lermes qui garantissent, de leur part, une attention
toute parliculiere et les soins les plus empresses pour
rensemencement et la culture des plantes de la Chine.
Elles s'engagent a faire connaitre les rcsultats qu'elJes
auront oblenus, et on a lieu d'esperer quelques succes,
sur un point ou sur I'aulre de I'echelle climaterique
de la France, puisque M. Itier, le voyageur en Chine,
celui a qui vous avez accorde une m^daille juslement
nieritee, a fait reussir chez nous quatre v6getaux de la
Chine : le lo-md (Cannabis gigantea), le tsing-ma [Cor-
chorus textilis), le cho-nia, sjero des Japonais (Urtica
nivea), en fin le lin de la Chine.
Toutes ces planles ont reussi ; deja menic elles ont
fourni des recoltes asscz impovt^ntes : on peut les re-
( f>o )
garder coujiiie naturalisees; files ont flemi, fruclifie
el rapporte des graines qui ont parfailemeiit inari. Le
tsiug-ind, I'uije d'elles, promet de fournir ce fil d'une
extreme it^miiie, doiil se compose la batiste de Canton,
supericiire en finesse a tuulcs les planles textiles cuHi-
vees en Europe. Ces experiences ont ete faites eu i8A9
et 1850, et ont ete conlinuees. Le lo-tnd a atleint jus-
qu'a 5 ai<-!lres el demi a Marseille ot a Perpigaun , et
5 metres a llonlpellier, avec 4 a 0 centimetres de cir-
conf^rence; a Marseille, la circonference a alteiut
26 centimetres. Cinquante cenliarcs ont rapportd \h ki-
logrammes de graines, etc.; mais je reviens aux graines
procurees par M. de Montigny.
II serait infiniment trop long de citer le contenu des
leltres ecriles par les etablissements en reponse a
celles de la Societe. Je me bornerai a quolques exem-
ples : le tableau ci-joint suppleera au reste.
M. Jurie, conseiller a la cour d'appel de Lyon, pre-
sident de la Society d'horticulture du Rhojie, ecrit:
« Les progresque I'horticullure a fails depuis quelques
» annees dans notre departenient ; le succ^s qu'a ob-
» tenu I'ecole pratique que notre conseil general a
» institute; I'habilete, le z6le el Tintelligenceque mon-
» treat nos liorticulteurs, amateurs ou praticiens, me
» donnent la coiifiance que les essais qu'ils vont tenter
» avec les elements nouveaux (jue vous leur procurez,
» repoadront aux esperances de ceux qui s'ellorceat
» d'introduire de nouvelles richesses surle solde notre
» palrie. »
Le comice agricole de Toulon se felicite de voir, au
nombre des graines, utie belle esp6ce de conil'ere,
le Ciyptomerin japonica ; il ajoule : « Le comice recevra
» loujours avec bonlieur des missions semblables a
{ i>l )
» cellesqut! vous voulez bien lui confier. Inleresse aux
» progres de la science agricolc, il mcttra tous ses
» soins a vous seconder, dans son liunible sphere,
)) dans vos efforts genereux pour doter le pays de nou-
» velles rlchesses veg^tales. »
Le directeur de la pepini^re d'Angers : « J'airegu
» cette Douvelle avee joie, persuade que les richesses
» qu'on vous envoie auront le plus lieureux vesultat
» pournotre l)elie France, attendu le rapjjort quiexiste
)) entre le nord de la Chine el noire pays pour le climat
» tempere. II serait a desirer qu'on eut ailleurs la
» pensee gen^reuse que vous avez. J'ai maintes t'ois
» soUicit^ qu'on 6lobllt sur cinq ou six points de .1^
» France une succursale d'essais d'acclimatation poor
» Ics vegelaux, qui sont muUiplies et abondanls su
» Jardin des Plantes. J'ai pense que, par ce moyen, il
)) se revelerait peut-etre des produits utiles qui restent
» ignores. Le climat de Paris n'etant pas favorable a la
» vegetation des arbres a feuilles persistanles, il est
» done urgent de tenter des essais en diverses regions
» climaleriques du pays. »
Le doyen de la faculty des sciences de Montpellier,
professeur di,' botanique, a deja fait seuier une parlie
des graines; il suivra , dans leuv d^veloppenaent , les
plantes qui en proviendront, et nous fera part du r^-
sultat de ses observations. Tout le inonde connait la
reputation du jardin de Montpellier sous cc rapport ^t
les beaux succes qu'y A obten.u3 le professeur Delile,
menibre de I'lnstitutd'I^lgypte (lecemment enlcve aux
sciences et a ses aujis), pour raccljinatation des \§g^-
laux cle rOrient.
Enfui, le secretaire de la Sociele d'horliculture de
Paris nous ecrit eji ces ternies : (j Jie yieps, ay jiom jie
(92)
)) la Sociele d'horticiilture vous offrir de sinceres reuier-
» cimcnls pour la precieuse collection de graines de
» Chine que vous avez bien voulu lui faire remellre de
» la part de votre savante compagnie. Nous vous prions
» en meme temps d'exprimer nos sentiments de grali-
» tude au donateur, M. de Montigny, voire honorable
» collegue, qui, au milieu des graves inl6rels confies a
» ses soins, sait leur d^rober quelques instants pour
» les consaci-er a I'^tude des sciences, et dote son pays
» des richesses veg^tales de la contree loinlaine ou I'ont
» appel6 les devoirs de sa haute mission. »
Vingt autres lettres semblables t^moignent de la re-
connaissance des ^tablissements que nous venons do
doter et de Tempresseraent qu'ils meltront a nous
faire part des resultats de leurs soins.
Selon le vcbu de M. de Montigny, les graines se trou-
venl distribuees dans vingt -sept d^partemonts, siir
presque toute I'^chelle climalerique de la France, et
dans huit a dix localil^s de TAlgerie.
II est difficile do douter que toutes les experiences,
faites simultanement en Algerie et en France, ne con-
duisent promptement a de bons resultats, a la pro-
duction de vegetaux utiles : la Societe aura alors a so
f^liciter de n'y etre pas reslee ^trangere. Aprfes tout,
messieurs, notre science n'a pas seulement pour objel
de decrire le globe; elle a aussi pour mission de le faire
connallre dans la vue d'augmenler la richesse nationale.
Je rappellerai mainlenant que les vingt-lrois especes
de graines cnvoy(!tes parM. de Montigny comprennenl
des v^g^taux d'une utilite (ividenle. Parmi les planles
textiles, je cilerai trois cspe( es de clianvre du Leao-long
(Mandchourie) et du Chan-tong (Haimen), le coton de
Kiang-nan ; parmi les planles tinctoriales, trois especes
( 93 )
d'lndigo du Kiang-si, du Chan-tong et du Kiangnan ;
parmi les cereales, deux esp^ces de riz du Hai-men;
parnii les plantcs potageres, deux especes de chou, dont
I'un atteint le poidsd'environ liO livres; deux pasteques
du Kiang-nan, une grande aubergine de Tche-fou-pan,
deux especes de melon et de potiron, et aussi le saye,
grand lubercule du Kiang-nan, du gout de la pouime
de lerre ; parmi les fruits, la peche du Shang-liai et une
espece de pamplemousse, de grosseur extraordinaire;
parmi les grands v^gelaux, un arbre du Tch^-kiang, a
larges fcuilles, et le Ctjptomeria du Japon.
On a eu ^gard dans la distribution, autant que pos-
sible, a la situation de chacune des provinces de la
Chine, soil quant a la latitude, soit quant a la position
maritime ou medilcrranee.
On aurait desire pouvoir adresser, en meme temps
que les graines, des instructions oudes conseils surles
semis et sur la culture. M. de Montigny n'en a point
fourni et Ton n'a pu que recommander les methodes
suivies par M.Itier, puisqu'elles ont eu de bons r^sultats.
Tel est le compte succinct que j'avais a vous rendre,
messieurs, des d-marches n^cessitees par I'agreable
mission que vous avez regue de notre collegue, le con-
sul de France a Shang-hai et a Ning-po.
Les pieces de la correspondance sont d^posees sur
le bureau. Jomard.
Le 2 Janvier 1862.
N. B. Un petit nombre d'^tablissements n'ont pas
fait prendre les graines qui leur sont destinies; les
paquets sont prets a remettre ou a expedier, selon la
demande des interess6s.
( yi )
fiouvelles geo;8;rai»hic|iie<s.
EDROPK.
SOPERFICIE ET POPULATION DE LA NORV^GE, o'APRiS LE DERNIER
RECENSEMENT, AU 31 DECEMBRE 18/45.
Ak(!rshtiu5 .
Smaalebiieiie
Hedemark .
Chri>«Bniii< c,„is,i,ns .
STIFTS
ml
CRAKDES
PaEFEC-
TURES.
AMTS
ou
PBEFECTORES.
Buskerud.
Jarlsl)erg et
Laui vi° . .
Bralsberg.
' Nedenas el
Cbrislinn- 1 Robygdelogel .
sand. .
BCrgeii .
Trondbjcm
FOGnERIES
DISTRICTS RL'BAUX.
'Aker el Foiloiig
Nedre Romci ike
Uvie Runicnke
Mossc
Idde el Mjrker
Rukkeatiid
SulOei el OJ.,1
lisieidal ,
ilt'deilliilk
Tolhen
Giidbiaiidailul
Vulder.Laiid cl Hi'idthind
Ringeiige el Hallingilal.
) Nuniniedal el Sandsver .
I Buskerud
/ Jul I bei g
} Lii.iivig
Hanilde
Nedre-Telh-mnik . . . !
OvrcTellcmaik
Nedeliws
Rolijgdelagel
U C i_ Hi
4 S20
I idi
7 792
7 85C
4 o52
672
4 064
5 488
^ Lister et Mandal
Vstavanger, . . .
' SOndre-Bergenhaus
(NordreBergenbaus
Romsdal
fSOndrc-Trondbjem
ITordre-TrondFijein
Noi'dlaod
Mandal
j l.isler
J Jiedereii el Dalerne ,
J Kjljike .......
^OudliiJidlandelHardan
Finmnik ,
I
( Finmaii
/ .^uiiuiioiaiuiineiiiaruan
j Nurdbordtund et Bossc
.- Ytli e el I lull e Sogii. .
j Noid el SandiTjuid .
^ &OiidniOie
1 K'iiiisdul
} Noi diiiore
/Orke el Guldal . . ]
1 Slriiidc el Sselbo . '.
I Fos
) Stoi- el Vcrdal. . . '.
) Indero
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I Jiall.ii
I Lofoten el Veslciaal
) Seiijen ct TionisO . .
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( Hiimmcifest
I Osl-Fiiimark
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92 7U5
109 432
75 422
87 IIS
J 02 730
83 918
63 070
72 891
55 932
61918
78 210
M6 989
77978
81 314
89 329
68 570
05 til 2
43938
1328 471
( 95j
VILLES »E NORVEGE RANGEES SUIVANT L'iMI>ORTANCE BE LECR POPULATION.
I'opul.
Chiisliaiiia .... 51 703
Bergen 23 5i!t
Tiondhiem .... U 778
Slnviiiiger 8 646
Dranimen 8 ri76
Chnstiansanii. . . S 349
Freder.ksh;iia . . 5 790
Koiigsberg .... i i^G
Moss 4 0-2o
Limivik 4 012
Skien S 677
Arcudal 3 56-2
Popul.
Christiaiisiind. . , 5 i6r>
KrageiOe 2 740
Fredeiikstad ... 2716
Maiidal -ioO/i
ToiislJL-ig 2 245
l^orsgruiid. . .
TiomsO. . . .
Osleri iesOer .
nOiaa'!
liolmebti and .
Flekkef|oid. .
Pievig ....
2 214
2011
2 008
1 856
1 708
1 610
1 455
Popul.
Drobak i 550
Sarpsborg 1 525
Ekersiind .
Svelvik ....
Molde
Aalesund . , .
Faisiiiul. . , ,
Hammerfest. .
Lillehamnier.
Vad.sO
Bcdo
Vardo
1 251
1 201
1 185
I 157
1 095
927
695
588
258
193
OBSERVATIONS.
Nous avons pnblie pn 1 843, dans le Bulletin de la Soci^te de g^ogra-
pkie (i), le tableau de la superJicie et de ia population du royaume de
Norvige, et celui de la population de scs principales villes, d'apres le re-
censeriu'nt de I'annee i835. Nous donnons aujourd'hui ces memes iiifor-
mations, puisees dans le dernier recensement olticiel de I'annee 1 845 (?.j,
en faisant reniarqner que la population totale, qui n'etait en 1 835 que de
I 194827 habitants, s'est elevee en 18 15 a I 328 47 1) e' a ainsi augmente,
en dix ans, de 11,18 pour 100.
La population de toutes les villes a augmente dans des proportions
tres-diFfeienles, a I'exception d'une seule, Porsgrund, qui avail en 1 835
2218 habitants, et en i845 2 2i4; difference insignifiante. Celles dont
I'augnientation relative a ete la plus considerable sont :
Lille-Hammer, qui a augmente de 175,62 pour 100.
Aalesund 140,04
HainnieifesI 137,08
Nous avons cru devoir citer toutes les villrs du NordlanJ el du Fininark,
parte qu'elles y sont rares, quoiqu'il en exlste dans d'aulres provinces qui
n'ont point ete mentionnees, bien que leur population lul plus elevee.
Le nombre des habitants des trois villes les plus peuplees de la Norvejje,
Christiania, Bergen et Troudhjem (Drontheim), a augmente, savuir :
Dans la premiere, de 37,12 pour 100.
— seconde 3,02
*— Iroisieme 19,38
D. L. R.
(1) 2e Serie, I. XX, p. 5 et suiv.
(2) Les recensemeuls sont fails eu Nurvcgc luus les dix luis.
(96 )
AFHIQrE.
Kgyi'te. — Monuments DicouviiRTs pau M. Mariutte.
EXTRAIT DUNK MCTTRE DE M. REMN, CHANCIiLIEU DU
COKSULAT DE FRANCli \V CaIRE, ECRITE A M. JoMARD I.E
4 JANVIER 1851. — 11 y a quelqucs jours seulement que
mes occupations in'ont permis de laire une excursion
a Abousyr, pour voir M. Marielte; il s'cst etabli tout u
fait la dans le desert, et il y a elev6 une niaison en bri-
ques crues, afin de se j>r^server des intemp6ries de la
saison et de surveiller ainsi de plus pr^s ses travaux,
suspendus pour ce moment par ordro du vice-roi,
mais dont les resultals, sans colle precaution, auraient
pu, comme vous le savez bien , etre I'objet de vols et
de d^tournements de la pari des A raises. Une grande
parlie des monuments les plus importanls sont encore
sous le sable , mais au moins personne nc peut les
enlever, et il Taut esp^rer que le r^sultal des negocia-
tions pendanles am^nera le vice-roi i\ faire don de la
plus grande partie des objets a la France.
Vous aurez probablemenl appris la dccouverte des
souterrains pharaoniques, ou se trouvaient vingt-huit
immenses sarcopliages, sepultures desdiffi^rents boeufs
sacres (1). Ces souterrains magnifiquos, quo j'ai par-
couruSj auraient, dit-on, etc viol(is par Cambjse, et,
depuis lors, personne ne les aurait plus visites. II en
reste encore d'aulres, que M. Mariette connait; il en
a vu I'enlree : ce sont les souterrains ptolemaiques; il
n'attend que i'aulorisation du vice-roi et des fonds de
France pour recommencer les travaux, etc.
(i) On rapporte que la plus grande parlie des sarcopliages sont
depouivus d'hieroglyphes. J — d.
( 97 )
AMtolQUE.
Chili. — Ses divisions administratives et sa popu-
lation. — Le Chili ( Chile), dont le nora vient, suivant
Lastarria (1), du mot tchili, qui, dans la langue an-
cienne des Peruviens, signifie iieige, et dout les Incas
du P^rou avaient fait une province de leur empire, fut
envahi pour la premiere fois en 1535 par les Espagnols
sous les ordres d'Almagro. Ce pays, devenu une r6-
publique independanle depuis la victoire decisive de
Maypu , que ses habitants, soutenus par quelques
Buenos-Ayriens, remporterent sur les troupes royales,
le 5 avril 1818, est encore assez peu connu, m6me en
Ainerique. II n'en sera pas longtemps ainsi , il faut
I'esp^rer, apr^s la conclusion du grand ouvrage , en
langue espagnole , que M. Claude Gay public sous les
auspices du gouvernement du Chili, conlr6e dans la-
quelle il a tail un sejour de douze ann6es, et dont il a
explore loutes les parties en geographe, en g^ologue
el en naturaliste (2). C'est dans les informations qu'il
a bien voulu nous fournir que nous avons puise les faits
exposes clans le tableau ci-apres.
On sait que la Cordillere des Andes, cette immense
chalne de pyramides elevees par la nature comme une
barriere contre les vents et la mer, et le signe caracte-
ristique le plus saillant du nouveau raonde, s'etend sur
toute la longueur de I'Amerique, dans la partie occi-
dentale. Vers le tropique du Capricorne , elle est ac-
compagn6e a I'ouest d'une autre chaine de montagnes
(i) Voyez Lastarria, Geogmfia, article Chile.
(2) Voyez ci-dessu3 I'article do M. de Ginoux sur le Chili, p. 5".
III. JANTIP.R. 7. 7
(98 )
Leaiicoup moins 6lev6es, d'une formation gt^ologique
toule differenle, el qui, la suivant parallelemenl clans
une elendue de 20 degres, donne lieu a une li-6s-
longue vallee interrompue, vers le nord, par de nom-
breux rameaux lateraux , qui la rendenl presquo
uieconnaissable , niais prolongee cnsuile sans inlcr-
ruplion depuis Chacabuco (33°) jusqu'a Cliiloe (42°).
Cette valine de six a huit lieues de largeur, el aiianl
loiijours en diminuanl de bauteur depuis son origine,
ou elle alleinl 2300 pieds, jusqu'a Reloncavi , oil elle
va finir sur le rivage, est la portion la plus imporlante
du terriloire de la republique du Cbili ; c'ost hi , en
effel, que Ton Irouve concentree presque toule la po-
pulation et que sont situees les principales villes et
les grandes lermes qui font la ricbcssc du pays. C'esl
aussi dans cette vallee et sur les terres lateralcs com-
prises enlre le 37* el le 40' degr6 de laliUide que se
trouve I'Araucanie , dont la pbysionomie est absolu-
menl la meme que celle des pays voisins babites par
les Cbiliens.
((Line cole, deux cbalnes de monlagnes, donx de
Cordill^res, el unepampa inlerm^diaire, lelle est, » dit
Doineiko dans son Arnucania, imprimec a Santiago en
J8A5, ft la configuration exl^rieure du terriloire jn-
dien. »
Les limiles du Chill sont : au nord, la republique de
Bolivia, dont le grand desert d'Atacama la separe; a
I'esl, la rdpublique Argentine ou de la Plata, donl elle
esl separee par les baules Cordill^res dos Andes; et
enlin au sud el a I'ouest, par roc(ian Pacilique.
PROVINCES.
La Seiena,
IMupel. . .
Conuimbo. . { Comh-^vhu
^ Ovallc. . .
Elqui . . ,
Gopiapo. • .
DEPARTEM.
Copiapo,
Vallenar.
Freirina.
Aconcagua,.
r Sou-Felipe
Los AnJes.
Putaendo .
I.igua. , .
Petorca. .
•Val
Valpara
Santiago.
Colchagua.
^Talca .
Muule.
/"Valparaiso
iso.. I Qi'illola. .
/Sanliiigo, .
\ Mrllipilla.
Concepcion.
Valdivia.
Chiloe.
Rai
La VicLori
' San-Fcrnando
' Caiipolican
Ciirico. . .
;Talca . . .
! Molina . .
^ Cauqnenes
Linares .
Parval. .
, Sau-Cai lo
' Quiiiiiue
^Bilbao, .
^Concepcion
Talcahnano
Laul jrn. ,
Laja. . . .
I^Pi c. . . .
Chilian . ,
Puchacay ,
/Valdivia. .
j La Union .
r San-Carlos
Carelmapu
Chacao .
1 C;iIhnco.
Oalcaliue
Qiienac .
I Qiiinchao
Caslru. .
Le Mny .
^Chonchy.
(99 )
POPULATION DES
de'iiail. prov.
H o43)
10 846 ! 27 783
5 594J
13 199
14 746
10 231
26 977
8 50G
73 669
VILLES PBINCIPALES.
Francisco de la Selva
Vallciiar
Freirina
20 695 \
28 246 /
12 477 I 92 83!
81
42;
8 48
23 04!
50 OOO )
44 200 !l06 134
11 954)
97 786
97 786 \
30 493 L,7
72 3W ( -"
637
17 010
51 793 -J
50 672 167 418
64 931 j
40 305 \
20 405 I
54 633 \
23 101 j
14 791 f
i6i I
W7\
541 y
28 86i
18 83
9 34
60 710
129 626
La Serena .
Illapel. . . .
Conibarbala.
Ovalle. . .
Elqui ....
San-Felipe .
Sitnta-ilosa. .
Putaendo , .
SanAniouio.
Petorca . . .
8 000
5 000
3 000
9 OOo'
2 OdO
1 000
1 (100
1 000
8 000
2 000
:iOO
I 000
J 500
Valparaiso 50 000
Quillola I 8 000
Casablanca I 2 000
i
SANTIAGO I 80 000;
Mellipilla j 1 5U0
R;incagna i 3 OllO
San-Bernardo 50U,
San-Fernando
Rengo .....
Gurico
Talc a.
Molina.
6 958
2 22fl
7 850
7 939
15 386
44 484
20 163
8 860
104 989
8 860
43 832
1 023 487 1023 487
Cauquenes
Linares . . .
Parral. , . ,
San-Carlos. .
Qiiirihue . .
Bilbao. . . .
Concepcion. . . .
Talcahnano ....
Sanla Jiian'a. ...
Los Angeles
San-I.uis Gonza»a
Chilian
La Florida ...
Valdivia .
La Union .
Oiorno. , ,
San-Carlos.
3 000
1 800
3 000
oOOO
800
5 000
8ilO
50IJ
1 500'
800
2 im
I
8 000
2 000
800
1 500
50O
4 000
1 200
2 000
300'
1 000
3 500
( 100 )
OBSERVATIONS.
II n'est pas inutile de faire observer que le Chili s'etend, au nord,
jusqu'au Paposo, ferme situee presque au milieu du desert, par 24°
3o' ou 2f)° de latitude; qu'au sud de Cliiloe le terrain, jusqu'au cap
Horn, n'est habite f|ue par des Indiens; qu'au detroit de Magellan,
pres le port Famine, il existe une petite colonie cliilienne d'une tren-
taine de families, fondee en i843, ayant pour chef un gouverneur,
et portanl le nom de Colonie de Maqellan ; et enfin, que la republique
de la Plata proteste eontre I'occupalion de cette colonie par les Chi-
lens, attendu qu'elle est situee a lest des Cordilleras.
Le recensement d'apres lequel Ics populations soiit donnees, dans
le tableau d'autre part, a eie fait en i832, mais d'une maniere tres-
imparfaile, vu la graude dispersion des habitants el IVsprit de de-
fiance qui les anime; aussi, sauf Santiago, capitate de la province de
ce nom et de tout le Chili, oii les recherches ont ete plus faciles, on
peut hardiment augmenter ces chiffres d'un quart , peut-etre meme
d'un tiers. En outre, depuis i832, la population s'cst considerable-
ment augmentee. Dans cette population ne sont point compris les
Araucans et quelques autres tribus iridiennes independantes, qui peu-
vent s'elever en totalite de 60 a 1 00 000 environ.
Presque tous les geographcs, meme les plus modernes, divisent le
Chili en huit provinces seulement, savoir : Cotfiiimbo, Aconcagua,
Santiayo, Colchagua, Maule, Concepcion, yaldivia et Chiloe, a I'ex-
c.eption de M. Eugene BaIbi, qui, dans ses Nuovi elementi di Geo-
tjrafia, Turin, i852, lui en accorde neut. Tous flxcn^ arbitrairement
sa superficie : les uns, a 170000; les autres, a 175000 milles carres
anglais ; d'autres, enfin, a 44° 000 kilometres carres, ou bien a 337 000,
y compris I'Araucanie, et a 325 000 sans I'Araueanie. Les differences
)ie sont pas moins considerables cu ce qui conccrne la population.
La premiere ville de la colonne des villes est la capitale de la pro-
vince. Quant a la population des villes, je dois faire observer qu'elle
est loin d'etre exa(;te, et c'est par ce motif que nous I'avons appele'e
population approximative ; les chiffres donnes n'ont d'autre but que
celui de faire apprecier I'importance relative de chacune de ces villes.
La province de Chiloe n'a guerc que des habitations isolees.
( 101 )
Actes tic la Soeiete.
Proces-verbaux iBes seances, Oiivrases
offerls, etc.
PRiSIDENCE DE M. JOMARD.
Proces-7>erbal de la seance chi 9 jnni'ier 1852.
Le proems -vei'bal de la derniere seance est lu et
adopts.
Le ministre de I'instruclion publique r^pond, le
30 decembre, a la lettre que le president de la Com-
mission centrale lui avail ^crite le 30 du mois prece-
dent. II est favorablement dispose pour la Societe de
geogi-apbie, et feia tout ce qui depend ra de lui pour
encourager ses travaux.
Le president annonce , a celte occasion, qu'il a fait
auprfes des niinislres de la marine, de la guerre, ties
affaires ^Irangeres , et du commerce , des demarcbes
semblables, et il a lieu d'esperer qu'elles seronl bien
accueillies.
M. le general Morin rappelle au secretaire genera]
de la Commission cenlrale, par sa lettre du 20 de-
cembre, celle qu'il lui avail ^crite le 8 fcvrier prece-
dent, pour lui transmettre les 13" cl 14* livraisons de
la Nouvelle Carte de France, et le prie d'on signer un
r^c^piss6, pour 6lre joint aux pieces de comptabilite.
En Iransmettant , le 28 decembre, a M. le g^n^ra!
Morin, le rdc^pisse qu'il a demand^, le secretaire ge-
( 102 )
neral a cru devoir lul faire observer que, le 8 f^vrier,
il avait accuse reception des doiix livraisons ci-dessus
m3nlionn(5es, et offert a M. le dirccteiir du d^pot de la
guerre les remerciments dc la Soci^te de geographie.
M. le president de la Commission centrale donne
connaissance d'une leltre ocrite de Londres par
M. Ahsbel -Smith , ancien charge d'affaires du Texas
a Paris et a Londres, et menibre de la Soci^t^ , au
sujet du meat biscuit, ou biscuit de viande, et de la
medaille qui a 6le d^cern^e, lors de V Exposition iini-
i'erselle, a I'inventeur de celte substance alimcnlairo
propre a etre port^e facilemont en voyage.
Par une lettre dalce de Saint -Petersbourg , 18 =
30 octobre 1851, M. Longuinod'annonce au secretaire
general qu'une absence dc plus de six mois I'a etn-
peche de repondre aux demandes que celui-ci lui avait
faites les 14 mars et 23 juin. II regrette de ne pouvoir
lui envoyer en cc moment la traduction des articles
liiihlies en languc russe par M. Blaremberg; mais il
aura soin de le tenir au courant des travaux du conseil
de la Soci^tc imperiale russe dc geographie.
Le secretaire gc^neral communique la liste des ou-
vrages offerts a la Societe, en ialsant observer que les
editeurs du Litermy World, de New- York, ont omis de
faire parvenir le n" 249 de ce journal; il sera r(?!clam6.
M. le chevalier de Paravey, pr«^senl a la seance, de-
pose sur le bureau deux caiques tires de \ Encyclopedic
chinoise et de V Encyclopedic japonaise, et repri^sentant
des hommes a queue, Apres avoir rappele ce qui a ete
ecrit a ce sujet par M. de Castelnau, et avant lui par
d'autres voyageurs, M. de Paravey soumet a la Com-
mission quelques observations sur cette singuliere race
( 103 )
d'homines, donl ii seinble aclmetti'c I'existence, en
clonnant cles informations siir les differentes contrees
ou die a die et est encore otablie. A catte occasion ,
M. Anloine d'Abbadie soumet a la Commission quel-
ques observations, et fait connaltre I'opinion repandue
en Abyssinie sur les hommes a queue et surquoielle
se fonde. MM. de Paravey et d'Abbadie sont invites a
r^diger leurs observations par ^crit et a les transmettre
au comile du Bulletin.
Le secretaire general, redacteur en cbef du Bulletin^
annonce a la Commission que I'^tat de la sant6 de
M. Alfred Maury, secretaire -adjoint, et membre du
comile du journal de la Sociele, ne lul permet pas de
se livrer a des travaux continus; il propose en conse-
quence, et d'accord avec M. A. Maury, de nommer a sa
place M.V. A. Malte-Brun,deja avantageusemenl connu
de la Societe, et dont il croit inutile, par consequent,
de faire connaitre les litres : il I'a deja cboisi pour un
des collaboiatcurs dans la redaction du Bulletin, d'ac-
cord avec MM. Daussy et Sedillot. Celte proposition est
mise aux voix et adoptee.
Le meme communique a la Commission les nou-
velles officielles recues en Anglotcrro sur I'expedilion
dans I'Afiique centrale. La dorniere du docteur Bartb,
qui les contient, est dat^e de Kouka, 21 aout, et est
post^rieure, par consequent, de dix jours aux com-
munications dont il a ete donne connaissance a la
Commission dans sa seance du 21 novembre dernier.
A cette (ipoque, le savant voyageur faisait des prepa-
ralifs pour se rendre dans Ic Borgmi (1).
(i) Voyez l« /?u//e(i;i lie (lecetnbre i85i, 4" sihie, t. 11, p. 4<J9-
( 10/1 )
Apres celle lecture, M. Jomard prend la parole el
explique le motif qui a fail donner par Burckhardt ce
noni de Borgou au Ouaday. Le Borgou est un pays
dislinct , au iiord du Ouaday, et dont la tribu des Te-
bous (Tibboo ou Touboii), la plus voisine, lire son nom:
on les appelle Toubon-Borgou pour les dislinguer des
Toubou-Towkman et des T ouboii- Rechdd . Ces tri])us,
qui occupent le desert entre le Ouaday et Audjelah,
sont le plus souvent en guerre ; elles arretent les voya-
geurs jusqu'a intercepter les caravanes qui se rendeni
a Benghazy, ou bien elles les ranconnent en leur ca-
chant les puits. Si M. Barth revenait a la Mediterran6e
par cette voie, il nous ferait connailrc un pays presque
enti^rement ignore, et sur lequel on n'a d'autres no-
tions que ce qu'en a dit le clieykh Mohammed el -Tounsy
dans le Voyage au Ouaday, recomment public (1).
La Commission centrale, ayant arrele que le renou-
vellement des membres de son bureau aurait lieu dans
sa prochaine seance du 29 Janvier, M. Noirot , agent
de la Society, est invite a informer de cette decision les
differents membres de la Commission.
PB^SIDENCE DE MM. JOMARD ET CUIGNIAUT.
Proces- verbal de la seance du 23 jatwier 1852.
Lc proems -verbal de la derni^re stance est lu et
adopts.
M. Poulain de Bossay, membrc de la Commission
(i) Vojez le Bulletin de tle'ctinliic i85i, 4' si-rie, I, II, p. 4oq ct
suiv.
( 105 )
centrale, annonce, par sa lettre du 23 Janvier, que son
^tat de nialadie rerapfechera de prendre part aux tra-
vaux de la Commission ; il en temoigne lous ses re-
grets.
M. Araed^e Moure , medecin fran^ais en ce mo-
ment, demande, par sa lettre du 2 octobre, 6crite de
Cuyaba, capitale de la province de Mato-Grosso, dans
le Br^sil , que le litre de correspondant de la Soci^l^
soil accords a M. Auguste Leverger, president de la
province, represente par lui comme un savant aussi
modeste qu'erudit; etil ofTrederesoudre les questions
qui pourraient lui etre adresst^es sur le pays qu'il ha-
bile. En rdpondant a M. A. Moure, on lui fera con-
nailre les dispositions du reglement de la Society, et
on I'invitera a nous communiquer officieusement les
informations qu'il a pu ou pourra recueillir sur la pro-
vince du Br^sil qu'il habile, etc.
M. E. G. Squior, savant americain , ancien charg6
d'affaires des Elats-Unis dans le Nicaragua, offre a la
Societe plusieurs cartes descriplives de cet Etat, accom-
pagnees d'un extrail de ses observations a son sujet. II
annonce, par sa lettre datee de Paris le 20 Janvier cou-
rant, qu'il serait charm^ d'apprendre que la Societe a
juge convenable de faire usage de ces documents.
M. Jomard fait connaitre que , s'6tant adrc sse au
R. Ignace Knoblecher, pour avoir quelques details sur
son voyage au Nil Blanc superieur, par I'interm^diaire
d'un de ses compatrioles, il en a re^u quelques docu-
ments dont il donne communication. II en a ri'dige un
extrait dont 11 donne lecture, et il met ensuile sous les
yeux de la Commission des fragments de cartes rela-
tives aux environs du mont Logwek. Sur la demande
( 106 )
de M. d'Abbadie exprimant le desir qu'on public oes
dcssins, M. Joinard annonce qu'il reinollra en inSnie
lemps les details dossincs par noire compalriote
M. d'Arnaud velatifs aux localiles voisinos.
Le secretaire general donno lecture de la lisle des
ouvrages oflorts.
M. Jomard , prtltsident de la Commission ccntralc ,
donne lecture d'un compte rendu relatif i\ la distribu-
tion des graines envoy^es de Chine par M. do Montigny,
consul de France h Shang-Hai, et depose sur le bureau
toute la correspondance qui a iile tenue a cette occa-
sion , ainsi i]ue les rec(^pisses des presidents des So-
ci6tes d'horliculture, des directeurs des pt^pinicres,
ferines-mod^ies et jardin d'acclimatalion. — Renvoi
au comite du Bulletin.
M. Jomard communique une lellro de M. Belin ,
chancelier du consulat du Caire, en dale du h Janvier
conrant, annoncant la decouverl(>, par M. Mariette ,
aupr^s du S(^rapeum, a Memphis, do souterrains pha-
raoniques, ou Ton a irouve vingt-huit sarcophages gi-
gantesques destines a recevoir les boeufs sacr^s.
M. le secretaire g^n^ral annonce la perte que la So-
ci6l6 vient de faire dans la personne de M. le colonel
Poinsett, qui vient de mourir aux fitats-Unis. C'etail
un des correspondants les plus inslruils, les plus z(M6s
et los plus gen^reux, el la Sociele iui doit, entre autros
hoinmagcs, celui du bel ouvrage du lieutenant Wilkes,
olTert derni6rement par Iui. M. do la Roquolte, so pro-
posant de consacrer une notice a la niemoire de ce
correspondant distingu^ , reunit des inat(^riaux a cet
on'ot.
On precede au scrutin pour le renouvellomenl du
( 107 )
bureau de la Commission rentrale; les membres dont
les noms suivent ont et6 elus pour I'annee 1852 :
President : M. Guigniaut.
Vice-presidents : MM. Jomard et Daussy.
Secretaire general : M. de la Uoquette.
M. Guigniaut, nouveau president de la Commission
centrale, adresse ses remerclments a I'assembldie; il
fera tout ce qui dependra de lui pour activer les tra-
vaux de la Soci^te, auxquels il contribuera personnel-
lement. M. Guigniaut olFre ensuile a M. Jomard , son
pr^decesseur, les lemoignages dc reconnaissance de la
Socicile, pour le zele qu'il a montr6 pendant I'annee
qui vient de s'^couler.
Sur la proposition du secretaire general de nommer
les membres de la Commission centrale cbarges de
prononcer sur le prix annuel, il est decide que cette
nomination sera faite dans la prochaine seance.
Sur la proposition du secretaire g^n^ral, M. V. -A.
Malte-Brun , deja nomme secretaire adjoint, est ^lu
membre adjoint de la Commission centrale ; et
MM. Pierre-Elienne Daussy, employe au depot de la
marine, et Louis -Hyacinlbe Hecquard, oRicier de
spahis, sont nonim'^s membres de la Soci^le sur la
presentation, le premier de l\M. Daussy et Jomard,
et le second, de MM. Gamier et Antoine d'Abbadie.
M. E.-G. Squier, ancien represenlant des l5ltats-Unis
d'Ameriquc dans le Nicaragua , auteur de plusieurs
ouvrages estinies, et enlre autrcs du Serpent-Symbol,
des /Intiqnites du Mississipi, de deux volumes sur le Ni-
caragua, etc., dont il a fait bommage a la Societe, est
prt^sent a la seance. II met sous les yeux de la Com-
( 108 )
mission cenlrale, sur la Jomande qui lui est faite par
le president, iine Vue colorize, sous forme de pano-
rama, de la contree situce enlre Ic lac Managua et Ic
port de Realejo, sur la ligne du canal interoct'-anique
proposee pour la jonction de I'oc^an Allantique el du
Grand Oc^an (oc6an Pacifique). En pr^sentant cc pa-
norama , M. Squier donne des explications pleines
d'interet sur le mode suivi pour sa construction ct sur
les conlrdes qu'il represenle. II est pri6 de vouloir bien
remettre a ce sujet une note pour le comite du Buf-
letin. ( \ oyez plus haut aux Extraits d'ouvrages, Me-
langes, etc.)
M. de la Roquette communique de nouvcaux rensei-
gnements sur les progres de I'exploralion de I'Afrique
centralo. Us seront inseres dans le Bulletin.
M. Antoine d'Abliadie enlretient la Commission
centrale des voyages eflectu^s dans I'Afiique occiden-
tale par M. Hecquard ; et cet officicr, present a la
seance, complete ces informations par les details in-
teressants dans lesquels il entre lui-meme. II est prie
de vouloir bien r^diger une note pour le comite du
Bullelin.
Le secretaire general, redacteur en chef du bulletin,
annonce a la Commission centrale qu'il vient de s'ad-
joindre un nouvcau coUaborateur, M. Coitambert,
dont la Commission connalt le zele el le lalent;
M. le president le f^licite de cette acquisition.
( 109 )
OUVRAGES OFFERTS
DANS LES STANCES DES 9 ET 23 JANVIER 1852.
TITRES.
DONATEUBS.
EUROPE.
ouvnACEs.
Atlanie annesso... (Atlas annexe au Journal tie
statistique). l" et second tiiniestre. i B3g. Com-
merce exterieur de la Sicile en 1 887 et i838.
N°' 10 et I I. 2 caliiers oLloi)g<, broches.
Giornale di Statistica... (Journal de statistique,
compile par les employes de la direction cen
trale de statistique de la Sicile. N°' 17 et 18.
Palerme, 1 844-1 846). 2 broch. in-8".
Tavola de' niovimenti... (Tableau des mouve-
ments de la population sicilienne pendant
I'annee i84i)- Bioch. in-8°.
Tavola de' Circondarj... (Table des arrondisse-
ments existants au 1" Janvier i85o). Br. in-8'
Genni statistic! suUa popolazione Palermilana...
(Indications statistiques sur la jjopulation de
la viile de Palerme, publiees par Frederico
Cacioppo. Palerme, l832 ). I vol. in -I a,
broche.
Tavola statistica... (Tables statistiques de la po-
pulation de Palerme pour les annees iSSy,
1 838, 1841, 184a). 3 feuilles in-fol.
AMfeRIQUE.
OBVnAGES.
Inleroceanic canal... (Le canal interoceanique,
Broch. in-8° de 33 pages, extraite d'un ouvrage
en 2 volumes in -8° intitule : Nicaragua; its
people, scenery, tnonuments and proposed inter-
oceanic canal, par M. E.-G. Squier, ancien
charge d'affaires des Etats-Unis pres des r^-
publiques de I'Amerique centrale). New-York
et Londres, 1 85 1.
MM.
Baron Cacio
ppo.
Idem,
Idem.
Idem .
Idem.
Idem.
Squie
( 110 )
m
TITBES.
CARTES.
Map of Nicaragua... (Carle tie Nicaragua, iiidi-
quant ses divisions ilepartementales et les routes
de coiiiniunitaiion projelee.s entre les deux
oce'ans). i85l. I fcuille.
Map of tlie river... (Carte de la riviere de Saint-
Jean de Nicaragua). i85i. I feuiile.
Map and sections... (Carte et sections dn canal
lie Tipiiapa, contenant les Inus Managua et
Nicaragu.T ; et la I'laine de Leon, ou section de
Nicaragua, entre le lao Managua et le golfe
de Fonseca). i849- ' ft'uille.
MELANGES.
Considerazioni intorno... (Conside'ralions sur le
moyen <ie determiner la deviation locale du
fil a ploinl) et I'erreur quelle iiUroduit dans le
mercure de la l.ititude astrononiir|ue et de
I'azimul, par C.isiniir Schiavoni, ingcnieur du
Bureau royal lopographiquc). Naples, l8,5i.
Du pays priniilif des vers a soie, et du lieu du
retablissement de la civilisation apres Ic de-
lu{{e, par le chevalier de Paravey. TJroeh. de
7 pages in-8°.
Des ossements liumains et des ouviages de main
d'liomine enfiiuis dans les roclies et les cou-
ches de la terre, pour servlr a r'clairer les i ap-
ports de {'arclieolcgie et de la gcologie; par
M. Alfred Maury. Paris, i852. Broch. in-8".
M^MOIRES DES S0CIETE5 SAVANTES ET JOUnNAUX.
Fraitfais.
Annates du commerce exterieur. Octobre i85t.
Nouvelles annates des voyages. Octobre -no -
vembre i 85 I .
Bevue coloniale. Novembre et decembre i85i.
Journal des missions evangeliqnes. Dee. iS.ll.
Annalcs de la propagation d(^ la foi. Janvier i fiFil.
Bulletin de la Sociele centrale d'agiiculture du
departeuient de la Seine-lnferieure, t. IV,
a' cah. Rouen, i85l. bi-8*. I
Bevue de I'Orient. Octobre i85l. I
Journal d'education populaire. Novembre i85i.
DONATEURS.
MM.
Squier.
Idem.
Idem.
FreJ. Schiavoni.
Chev. de Paravev.
Alfred Maury.
Ministre du comm.
Les editeurs.
Minist^re dela mar.
Les editeurs.
Idem.
Soc. ccntr. d'agric.
de la
Seine-Inferieuie.
Les editeurs.
Idem.
( 111 )
TITRES.
DONATEURS.
Anglais.
The churcli missionary intelligencer. N"' d'oc-
tobre, novembre, decembre i85l, et Janvier
1 852. In-P)0. Londres.
Busses.
Memoires de TAcademie des sciences de Saint-
I'etersbourf;, sciences malhematiques et phy-
siques, t. IV, 3' et 4° livr. Saint-Petersbonrfj,
1849 et l85o. -i vol. in-4°.
Memoires presentes a I'Acndeniie imperiale des
sciences de Sainl-Petersbourf; par divers sa-
vants et lus dans ses assemblees, t. VI, 4*^, 5*
et 6' livr. Saint-Petersbourg, 1849 et i85i.
2 vol. in-4°.
lleciieil des actes des se'ances publiqncs de I'Aca-
deinie imperiale des sciences de Saint-Peters-
boiirjj, tenner le 28 decembre 1847 ^' ^9 ^^'
ceinbre 1 848. Saint-Petersbodrg. 1849 i vol.
in-4".
Bulletin de la classe historico-pbilologique de
I'Academie imperiale des sciences de S;iint-
Petersboutg, t. VI, 1849; t- VII, i85o;t. VIII,
1 85 1. Saint-Pe'tersbourg. 3 vol. in-4°.
Allemaiids.
Monatsberichl... (Journal mensucl des actes de
la Societe pour la cnnnaissance du globe de
Berlin, re'dige par le doclcur T. E. Gumpieclu.
Nouvelle serie. VIII' volume. Mai i85o-i85l,
avec 5 planches lithographiees, i vol. in-8° de
xxii-320 pages. Berlin, i85i.
Ame'iicains.
The literary World. N°' 25o, aSi. i5 et 22 no-
vembre i85i. (Manque le n° 2^g.) New-York.
ln-4°.
Bresiliens.
Revisla trimensal... (Revue trimestrielle d'histoire
et de geographle. 2'' serie, n°' 1 a 17 (1846-
i85o), plus i3 numeros complementaires des
annees anterieures. Rio-Janeiro.
MM.
Les editeurs.
Acad, des sciences
de
Saint - Petersbourg.
Idem.
Id€
Soc. ge'ographique
de Berlin.
Les editeurs.
Idem.
I
I
• trtf/ViS
*'"'SeHeJiu//flm dL-Janvicr]8.i2
Dil.th7brrvs L^ r 'Vv
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I.Kim, ftitr^Mjift^s
I.<if fan '--f
JMh.deFmwifUPmin r.ifuron fi
BULLETIN
DE t\
SOCIETE DE GEOGRAPHIE.
FfiVRIER 1852.
lleiiioireis,
Moticeis, Documents originaiix, etc.
DE
L'EXPLORATION DU MISSISSIPI,
ET EN PARTICULIER
DE LA
DECOUVERTE DES SOURCES DE CE FLEUVE,
DAI'IIKS M. II. Sr.llOOLCnAFr,
PAR M. DE LA ROQUETTE.
n paralt resulter, do.s documenls archeologiquos pu-
blies par M. Ternaiix-Compans, que Pamphile Narvaez,
contemporain et rival do Cortis, clicrcliant a former
un (itablissement siir la cole occidentale de laFJorlde,
ful le premier Europeen qui apercut le Mississipi, et on
d^couvril rernboucliure au mois de novembro 1527.
D'aulres, cependant, altribuent cette decouverte a Fer-
nan 1 de Soto, qui aurail alteint en 15i i Ics rives de ce
grand fleuve, auquel les Espagnols donnerenl le nom
de Sniiit-Esprit, que les Indiens appelaient Chncagua,
el qui coulait, suivant eux, non loin de la ville de
in. FivRIER. 1. 8
( 114 )
Chiscn (Qufzqii/z, suivant Viedma), pros do la(]iiolle il
avail une largeur d'unc lleiie ol iine profondeiir de
vingt ])rasses.
Fernand de Solo tlescendit plus lard lo Mississipi
jusqu'a son confluent avcc la riviere Rouge. Apr6s sa
mort, arrivee en 1552, ses compagnons, poursuivis
par les Indicns, arnv6rent, en suivant le cours do ce
fleuve, a son embouchure, dans le golfe du Mcxique.
Plus d'un siecle s'ecoula sans qu'on puisse citer de
nouvelles explorations du Mississipi. Les Francais du
Canada avaient bien appris des indigenes tju'au voisi-
noge des grands lacs 6taicnt les sources d'un grand
fleuve qui coulait vers le sud a travers de superbcs
forets; mais ce ne fut qu'en 1673 que deux mission-
naires de cette nation, Jolyel ct Marquette, partis de
Quebec, le descendirent jusqu'au confluent de I'Ar-
kansas. Plus tard (1(582), un autre Francais, La Salle,
qu'accompagnait le missionnuire recollet Louis Hen-
nepin, le parcourut presque tout entier, et iuiposa au
pays qu'il avail visile le noni do Louisiaiie : le fleuve a
longlemps porle celui do Saint-Louis. Presque a la
nieme epoque, le ])aron de la Hontan, donl Schoolcraft
altribue par erreur les ti'avaux au moine delVoque
Gueudcvillc, qui n'a pas visitd; I'Anu^rique, vit Ic
Michillimackinac, gagna le Mississipi par le Wisconsin,
ct le descendit ensuite jusqu'a I'Oliio (i).
(i) Charlevoix considcre comme une ficiion unc partie au moins
tics voyages ile la Hontan, dont Eyries, bon juge rn ccUe maticre,
defend les travaus. C'est a partir seulement de ce qui concerne le
missionuaire francais, que nous avons traduit, en I'abregoant quel-
quefois, une notice de Selioolcraft, insi'ice dans un ouviage du plus
haut interet, dont le savant americain a reuni et prepare les mate'-
( 115 )
Lc jesuite Charlevoix, qui parcourut la contr^e dans
une visite g^nerale des missions IVancaises , passa en
1720, par la route de rillinois, des lacs au Mississipi,
qu'il dcsccndit a son tour jusqu'a son cmboucliure. II
fit des observations judicieuses et utiles surles scenes
ct Ics sujets qui s'oflVaient a sa vue, et temoigna, rela-
tivement a la fameuse operation des mines du Mis-
souri, des doutes qui malheureusement ne se realise-
renl que trop vite.
Lorsque , par le traite de 1763, le Canada eut ete
abandonne a I'Angleterre , plusieurs avenluriers do
cette nation entrerent dans le vaste champ d'explora-
lions vers les regions de I'ouest. Carver fut le seul, dans
le noniljre de ceux qui nous sont connus par leurs pu-
blications, qui poussa ses voyages jusqu'au Mississipi
superieur. Les travaux de ce voyageur n'ont peut-elro
pas etc apprecies a leur juste valeur. II avail forme
Taudacieux dessein de traverser le continent jusqu'aux
rivagtis de I'ocean Pacifique, ce qu'il croyait pouvoir
executer en suivant les chahies qui dominent le Missis-
sipi. II alleignit le Michiliimackinac dans I'et^ de 1766,
et, poursuivant son chemin, arriva le 3 septembre a la
haic Verte (Green-Bay), et, par I'ancienne route fran-
gaise, des vallees du Fox et du Wisconsin, a Prairie
du Chien. A cet endroit, les h'afiquants avec lesquels
riaux, sous la direction du Bureau des affaires indiennes, et qui a ete
publie sous ce lilie : Historical and statistical iitfonnalion respecliiiti
the hiitory, condition and prospects of the Indian tribes of the United-
States. Pliiladelpliio, 1 85 1 La Societe de geographre doit I'exeniplaire
qui ni'a servi a la bienveillance de M. L. Lea, commissaire pnur les
affaires indiennes; il en sera rendu prochainement un compte detaille
dans le Bulletin. D. L. B.
( 116 )
il avail voyag6 prircnt lours postcs d'hiver. II achela
alors un canot , et , avec deux iiommes , un Cana-
dien ct un M(mawk, rcmonla la rivit're, alteignil Ics
chules du Sainl-Aiiloinc le 17 novembre, ct s'cileva au-
dessus dc ce point jusqu'a la riviere Saint-Francois,
point qu'Hennepin avail alleint du temps de La Salle.
Ce ful le torme de son voyage. II n'etendit done point
ie chainp des decouvertes vers le nord, dans celte direc-
tion , quoique son exploration post(5rieure du Saint-
Pierre el des rives seplculrionales du lac Supdrieur
place son nom parmi ceux qui ont recule les frontiferes
de lageographie de I'Amerique (1).
Carver avail mal juge les difficultds d'unc entreprise
aussi serieuse que celle d'un voyage parterre a Iravers
le continent, ou les moyens dont il pouvait disposer
pour son accompllssement, probablement les deux
objets; car nous le trouvons, au mois de juillet de
I'annee suivante, naviguant sur le lac Superieur. II se
rendil peu apr^s a Londres pour soumeltre son plan
au gouvernement; niais il ne put le faire adopter. Les
libraires n'accueillirenl pas sa relation avec plus dc
faveur : on I'accusait en ellet, avec quelque raison,
de s'etre monlre souvent peu judicieux , et d'avoir
copie ce qu'il disail des nicciirs et des coutumos des
Indiens dans les ouvrages de Cbarlevoix, d'Adair, de
la Uonlan, etc., sans i'aire connaitre les sources dc ses
eniprunts. Carver, d^sesp6r6, mourut a Londres dans
la dernicre niisere. II est le seul voyageur venant des
colonies anglaises qui se soil aventurd' dans la region
(l) II p.'iiaitrait ce[)endant qu'il ii'a pas remoiitc le Mississipi plm
haut que Ic Pere Hennepin, et que peut-etrc il n'est pas allc a I'ouest
plus loin que la Hontan. D. L. R.
( 117 )
du haul Mississipi , ct le noin (.{'Oregon, dont I'origine
est incertaine , parait pour la premiere fois dans la
relation de ses voyages. G'est aussi probablement a lui
qu'il faut remonter pour le noni, sans doute mal inler-
pr6te , de riviere de Rum, important cours d'eau pre-
nant sa source dans un grand lac appele Mille-Lac
par les Frangais, situe a I'oLiest do I'extr^mite du lac
Superieur. Ce cours d'eau entre sur lo cote gauclie ou
oriental du Mississipi, au-dessus des chutes du Saint-
Antoine.
L'expedilion de Pike vient ensuite dans I'ordre des
decouverles. L'acquisition de la Louisiane, faite en
1803, avait rendu ce pays un objet d'un juste int^rdt
pour le gouvernement des Etats-Unis pour la fixation
de son extreme limite. Lcs instructions necessaires
pour explorer la grande riviere de I'ouest, appelc^e
maintenant Columbia, s'etendant jusqu'a I'ocean Paci-
fique, furenl confiees au general Wilkinson et execu-
t^es par Lewis et Clark. Le lieutenant Pike , dont on
avait fait choix pour remonter el decrire le Mississipi
jusqu'a sa source, quitta Saint-Louis le 9 aout 1805,
deux mois beaucoup trop tard pour pouvoir atteindre
la source du fleuve avant la saison du froid le plus
intense. Aux cliutes du Saint- Antoine, qu'il vit le
26 septembre, il reconnut que, dans un inlervalle de
260 poles [1300 metres (I)], Ic niveau de la riviere
s'abaissait de 58 pieds; une chute prt^sentait une dif-
ference perpendiculaire de 16 pieds et demi. Passant
le Saint-Francois, point le plus extreme atteint par ses
pr^dccesseurs en decouverte, Pike poussa avec la phis
(i) Le/)o/e = 5™,3.
( 118 )
grancle clifficult6 ses bateaux par-dcssus de nombreux
rapides en franchissant les chutes du Painted-Rock,
distance de 233 milles et demi au-dessus des chutes
du Saint-Antoine, et 600 au-dessus de la jonction du
Wisconsin, d'a|)r6s ses estimations personncllcs faites
jour par jour (1): ce hit le 16 oclobrc qu'il atleignit ce
point. A ce moment, le temps vint a changer; il lomba
bcaucoup de ncige , les rivieres lurent prises par les
glaces, ct la temperature de I'cau baissa tellement,
qu'il devinl beaucoup trop pi^nible de continuer a
trainer les bateaux par dessus des rapides. Pike se de-
termina alors a conslruire dans cet endroit un petit
campement pour y laisser les bagages les plus pesanls
et une partie de ses compagnons, sous la direction
d'un ofTicier, et a poursuivre sa route a pied.
Le 10 decembre, muni de provisions, produits de la
chasse, et de tralneaux transportables a bras, il prit
avec lui une partie de ses horames, et marcha en
avant. II atteignit le lac Snndy le 8 Janvier 1806, et le
lac Leech le 1" f^vrier suivant. Les cours d'eau , les
lacs et les savanes sc trouv6rent forlcment pris par
les glaces, ce qui fut tr^s-avantageux pour les progres
de son cxpddilion, en lui permettant de s'avancer
dans le pays par une route directe. La neige , qui
avail commence a tonibcr vers le milieu d'octobro ,
paralt s'filrc 6lendue egalement sur la surface de la
contree, et Ton n'cut point a sc plaindro de son epais-
seur, parce qu'elle permellait de pousser les trai-
ncaux. Pike trouva les factcurs de la Compagnie du
Nord-Ouest en possession de tout le pavs. lis avaicnl
(i) Pike's, exped.. Append., part, i, p. 2G.
( 119 )
forme des etablisscmenls pros clu lac Sandy et du lac
Leech, el faisaient un commerce considerable au moyen
de cent neuf commis, interpretcs et canotiers, outre
leurs families. Par leur intermediaire, deux cent ti-ente-
trois balles de fourrures et de pellelories etalent expor-
tdes annuellement, et les droits sur les mai'chandises
apportees de ce cote dans les btats-Unis s'dlevaient
annuellement a une somme assez considerable. Pike
fut traite avec les plus grands egards par les agents
etablis au lac Sandy et au lac Leech. Le 12 fevrier, les
facteurs de ce dernier poste se rendirent avec lui ,
dans des traineaux tires par des chiens, au lac Upper-
Red- Cedar, distance estimee a 30 milles. II y passa
la nuit, et, le jour snivant, il retourna au lac Leech,
ou il arriva le 14. Ce fut le terme de son explora-
tion.
L'exp^dition de Pike nous a donne les premieres no-
tions Kur cette portion reculee de ce qu'on appelait
alors liaute Louisiane, sur sa topographic generale et
sur ses ressources. A son retour, il ecrivit au general
Wilkinson : qu'll avait voyage a pied I'espace de sept
cent milles; que six mois sur neuf, landis qu'il se trou-
vait dans la contr^e au-dessus des chutes du Saint-
Antoine, la neige couvrait le terrain, ce qui aurait
empeche de faire des observations minutieuses sur
I'histoire nalurelle, s'il eut ete competent dans cette
branche des connaissances humaines, et que le froid
<^lait souvent si rigoureux, que I'encre gelait dans sa
plume, landis qu'il prenait des notes. Pike a fait des
observations de latitude a I'embouchurc de la riviere
Turtle, sur le lac Upper-Red- Cedar, qu'il place au hi"
42' 40", quoiqu'il ne soil reellement qu'au hi" 25' 23",
{ 120 )
ainsi que M. Nicolet I'a calcul(^ plus lard, un I8/16. 11
parle do ce lac « comme de la source superieuic (upptii
source] du Mississipi, » et rcmarque, au sujcl du lac
/.eec/i, que «celul-ci csl coiisidere conuiie la source
principale, quoique ia branche winnipeque soil navi-
gable a uiie j)lus t;ran(le distance (1).
Des geograpbes consid^rent comme la source d'unc
riviere la branche qui the ses eaux du point le plus
^loigne de son embouchure. Sous ce rapport, ni le
lac Leech, qui est neanmoins la masse d'eau la plus
considerable de ce plateau; ni le lac Lppcr -Red-
Cedar, qui n'est qu'une simple expansion du Mis-
sissipi, ne peuvcnt en aucune facon , d'apres nos in-
formations acluelles, etre rcgardes comme la source
de ce culebre cours d'eau (2). Mais Ics employes de la
Compagnie du Nord -Quest, (jui se inonlraicnt fort
empresses envers le lieutenant Pike, et facilitaicnl ses
moindrcs recherches d'exploralion du lac Sandy aw lac
Leech et au lac Upper-Red- Cedar, so born^renl a hii
fournir toules les informations qu'il dumandail (sans
aller au-devant de ses questions) ct sans essayer
d'agrandir volontairement le ccrcle de ses connais-
sanccs sur les trails generaux, topograpbiqucs el sla-
tistiques du jiays. Que ce soil la politique ou tout autre
motif qui leur dictat cette conduitc reservee, il est cer-
tain que ces agents d'unc puissance (itrangere ne mi-
(1) Exped. de Pike, Append., port. 1, ji. 5G. I'liiladclpliic, t'-Ait.
(le 1810.
{7.) II ii'eit pas t(nij(nns f.K.ilt' di; d('(eriiiiii( r i|uellr I'sl l.i hiiinclic
d'uiit; riviere qu'on duit a(ipeler sa source : f'esi line qucslinn ((un-
plexe pour la sululioii de lafjuelle il n'exisle p is de rej;|i." bien pre-
cise. U. L. H.
( 121 )
rent point sous ses yeux ce que des hommes intelli-
gents conime ils I'^taient devaient cei'tainement avoir
connu, c'est-a-dire le point ou les points d'ou cette
riviere tirait ses premieres eaux. lis lui indiquerent
comnie d;lant la source la plus reculee le Portage Turtle
(Turtle-Portage), plateau excedant peu ZiO railles, au
nord des rivages nord-est du lac Upper-Red-Cedar . En
meuic temps, ils partageaienl I'opinion de M. Thomp-
son , astronome employe autrefois par la Compagnic
du Nord-Ouest, que la limite nalionalc, tracdse a I'oucst
du lac des Bois, couperait le Mississipi; ancienne idee,
fondee sur les esquisses de la carte de Mitchell, dont
il parait qu'on faisait usage a I'epoque du traite defi-
nitif de 1783; mais le lieutenant Pike n'^lait pas dis-
pose a adopter cette opinion , bien qu'il ignorat que
les eaux du Mississipi propre s'epanchent dans le lac
Upper-Red- Cedar, a son extremite ouest , en partant
d'une hauteur qu'on sail etre maintenant a un degre
entler au sud de ce point, et par un chenal donl la
longueur n'est gu^i^e au-dessous de 200 milles.
Le 18 fevrier 1806, Pike quilla le lac Leech, pour
cfFectuer son i-etour; et le 5 mars suivant, il rejoignil
ses compagnons dans le camp fortifi^ de Pine-Creek,
au-dessous de la riviere E//c, sur les rives occidentales
du Mississipi. La riviere, commengant a devenir navi-
gable le h avril, le 7 du meme niois il put mettre a la
voile, en descendant le coui's d'eau dans sa plus grande
pirogue; il fut pousse en avant par le courant avec
une velocite extraordinaire, attcignit Prairie du Chien
le 18 avril, et relourna Jinalement a Sainl-Louis le 30,
apr^s une absence de huit inois et vingt-deux jours,
( 122 )
dont il avail passe la plus grande parlic au-dessus dcs
chutes du Saint-Anloine.
A parlir de cetto excursion , I'esprit de decouvcrlo
sc ralenllt ])cndant douze annics. Dans Ics coiDmeii-
cemcnls de 1820, le-gcneral Lewis Cass, cliel" du pou-
voii" ex^culif du terriloirc de Michigan, adressa au gou-
vcrnement un in6raoire pour jiroposer de continuer
les d^couvertes a parlir du point oil on ies avail lais-
s6es. line expedition ful, en consequence, organisce
dans le printemps de cetle annoe ; clle devait 6tcndrc
ses investigations sur I'liisloire naturelle etsur les res-
sources du pays, aussi hien que sur la topographic et
sur I'etat de la population indiennc. EUe traversa la
s^rie des lacs superieurs, en suivit les rivages, et con-
sacra une allcnlion sp^ciale aux mines de cuivre cxis-
tant sur les hords du lac Supericur. Quittant ce lac a
son extr^inite occidentale, cllc rcmonla la rivi6re Saint-
Louis jusqu'au point ou elle cesse d'fitre navigahle, fit
une excursion par lerre en traversant le plateau qui
s6pare celte riviere de la vallee du Mississipi, et attei-
gnit les eaux de ce fleuve au lac Sandy. La on trouva
le fort de la Compagnie du Nord-Ouest, mentionne
par le lieutenant Pike; mais, dans Tinlervallc, ce fort
etail sorti depuis qua Ire ans des mains de cetle Com-
j)agnie , ayant ele achet6 en 1816, ainsi que tons los
aulres posies de celte contrce, par M. Jcan-Jacoh Astor.
Cehii-ci voulait former une nouvollc sociele en parti-
cipation, sous le nom de Comj)agnie ani(^ricainc de
fourrures; mais une loi du Congr^s dc la meine anneo
ayant intcrdit toute affaire de celte nature aux com-
merganls (Strangers, Astor fit des d6n)arches pour ob-
( 128 )
tenir que des citoyons americains coiivrissent I'entre-
prise de leurs noms : elles reslerent sans succfes pendanl
plusieiirs annees. En faisant flotter pour la seconde
fois son pavilion national dans ces I'egions reculees, et
en cliercliant a etablir une paix permanente cntre les
tribus indiennes des Sioux et des Chippewas, le gou-
vernement americain acquit un grand credit aupres
des aborigenes. C'est de ce moment que sa suprematie
sur eux fut incontestee.
Le gouverneur Cass, qui conduisait cette expedition,
se determina a faire du posle du lac Sandy le depot de
ses provisions encombrantes , a y laisser son escorle
militaire, avec une parlie de ses canotiers frangais, et'
a s'avanccr, avec de legers canots et une troupe choisie,
pour remonter la riviere. Considerant le lac Sandy
comrae son point de depart, il etait maintenant a une
distance estimee d'environ 200 milles au-dessus de
I'endroit ou Pike avait passe I'hiver do 1805-1806. On
etait au mois de juiilet; le pays offrait I'aspect de la
saison d'et^, avec ses lacs innombrables , ses savanes,
et ses terres a riz; et Ton devait esp^rer que les eaux
des plateaux seraient suffisanles pour permettre de na-
viguer jusqu'a leur source la plus reculee.
La troupe d'^lite choisie pour remonter les cours
d'eau s'embarqua, le 17 juiilet, au lac Sandy, dans des
canots d'uno capacity convenable. Apres deux jours
d'une heureuse navigation , on atteignil les chutes de
Pitc/wgania, ainsi appelees par les Chippewas, a cause
du portage qu'il est necossaire do faire a un coudc de
lerrc forme par le passage de la riviere a Iravers une
formation de roc quartzeux sablonneux. A cet endroil,
la riviere est tres-resserr^e ; elle se conlourne graduel-
( 12/1 )
lement dans son chenal, et s'^lanco avec rapidite eten
6curaant, sans chute loulefois, mais en formanl nean-
raoins une barre qui interrompt la navigation. C'est
au-dessus de cc point que se trouvc le niveau du lac
Leech, dont Ic plateau cmnprend de vastes savanes,
des champs de riz, et dcs lacs, sur lesquels on pout na"
\ip;ucr en canot la plus grando parlie dc la saison. On
passa la fourche du lac Leech Ic troisiuinc jour, apres
avoir quitt(^ le lac Sandy . Le jour suivant , on entra
dans le petit lac ^^'innipcc, et ensuilo dans la riviferc,
qu'on suivit jusqu'au lac Upper- Red- Cedar, ou I'expti-
dition penetra Ic 21 aoAt. On cainpa sur le c6l6 occi-
dental de I'enibouchure de la riviere Turtle : ce fut la
le terme de leur voyage. A leur retour, nos voyageurs
desccndirentle Mississipi, dans la direction des chutes
du Saint-Antoine jusqu'a rcmbouchure du Wisconsin,
et suivircnt cnsuile Ics valines dc celte riviere ol du
Fox, jusqu'a la bale Vcrte, a Chicago ol aux lacs, dont
les rives furcnt lopographiqucnionl lov6es.
Dans cetto secondc expedition , faile par ordre du
gouvernoinent pour determiner les sources du Missis-
sipi , le chenal ful d'abord reconnu a partir du cam-
pement de Pike, aux chutes du Painted-Rock, jusqu'au
lac Upper-Bed-Cedar, ou lac Cass, qu'il no faut pas
confondre avec un autre lac Bed- Cedar, situo au-
dessous du lac Sandy. Les bords dcs lacs Huron ,
Michigan et Sup^ricur, furcnt topographiqucmonl rc-
lcv(5s par le capitainc Douglas, ollicicr-iugonieur dc
TAcadouiic de IFcst- Point, ainsi quo los valleos des
rivi6res Saint-Louis et Savannah, qui formcnt le lieu
de communication ontre le lac Supericur el le lac
Sandy, du haul Mississipi. Cette excursion servil a
( 125 )
faire reconnailre la slruclure geologique et min^rale
du bassin clii lac Siipcricur, et desvastes plaines dilii-
viales reposant sur la roche pi^iinilive ou volcanique,
vers la source du Mississipi, ainsi que les larges aretes
au nord des grands calcaires carboniferes et magn«^-
siens du bassin de ce fleuve.
Les geographes continuaient de croire que la source
du Mississipi n'etait pas encore bien fix6e. Les bandes
de Cbippewas des bords du lac Cass representaient
cetle riviere comme se rendant dans le lac vers son
exlremite sud-ouest, et y versant un volume d'eau peu
inferieur en largeur a sa sortie de ce meme lac ; ils la
decrivaient comme s'epaiichant successivement dans
de nombreux lacs, et ofl'rant beaucoup de chutes et
plusieurs rapides ; ils affirmaient enfm que son origine
actuelle 6tait une nappe d'eau appelee par les Fran-
gais lac la Biche, ou Elk-Lake, situe au milieu d'une
cliaine de coUines qui separent ses eaux de celles qui
coulent au nord dans le gi-and bassin du lac Winnipec
de la baie d'Hndson.
En 1823, les Etats-lJnis r^solurent de terminer
cette exploration de lours domaines septentrionaux.
Le major S. H, Long, de I'armee americaine, enlra en
consequence dans la riviere Saint-Pierre, qu'il re-
monta ; puis dans la riviere P«.ouge du Nord [Red-Rii>er
of the North), qu'il descendit jusqu'a son embouchure
dans le grand lac Winnipec j il cotoya ensuite les rives
m6ridionales de ce lac jusqu'au lac des Bois, ct de la
il se rcndit au Sault Sainte-Marie par le lac liain/, ou
de la Pluic, et atteignit le fort "William, sur les rives
scptenlrionales du lac Superieur. line longue ligne de
( 126 )
Tcxlrfime fronti^re nord de I'tinion dlait done ainsi
ouvertc el d^crite.
Ln ^]. Beltrami, qui s'^tait attache a I'expedition dii
major Lonp:, la quitta a l'eta])lissemcnt ^cossais de
lord Selkirk, vers Forl-Douglas, on Kildunnan, sur la
riviere Rouge, et se rendit ensuite dans le lac de ce
nom , et do la, par la route ordinaire dcs trafiquanls,
a travers le plateau du portage Turtle, k la riviere du
raeme nom; puis il descendit ce cours d'eau , et p6-
netra dans le lac Cass a I'endroit memo ou I'expe-
dilion de 1820 avail termine ses explorations. M. Bel-
trami , dont I'ouvrage est sans aucune valeur sous
beaucoup do rapports, et rempli de descriptions aux-
quelles on no pent guere ajoulor I'oi , doit etro nean-
moins considere comme le premier ecrivain qui ait
decrit la route do la riviere Turlle. II nomme Julia
un lac a la lete de cetie riviere, apparemmenl j)our
pouvoir ap[)eler celle-ci la source Julienne du Missis-
sipi.
Pendant les huit annees suivantes, les affaires sur
cctte fronii^re tiprouv^rent des complications. En 1831 ,
le gouvernernenl chargea M. Schoolcraft de visitor les
tribus des Chippewas et des Sioux, occupant le bassin
de la vallee du haul Mississipi, alin de mettro un teriiie
a leurs querelles conlinuelles, qui venaient de se rc-
nouveler rdcemment , ct do rolablir la paix sur les
frontieres. On lui donna une escorto mililaire, com-
mand(ie par le lieutenant R. Clary. « Je quiltai, dil
Sclioolcraft, le bassin du lac Sup6rienr a Chegoiniegon,
ou In Pointe, et remontai la riviere appel^e Mushkego
par les indigenes et Mmwais par les Francais, jus-
( 127 )
qu'au point oil clle est separee des eaux coulant clans
la riviere Mississipi. La nionloe elait dilFicile et les
eaux basses. Par unc s6rie de portages et de lacs qui se
succedent alternalivenient, je Iransportai mes bagages
et les canots au JSamakdgon, brancbe du Sainte-Croix,
et descendis cc dernier cours d'eau jusqu'a la riviere
Jaune [Yellow -lU^er). L'etat de guerre qui existail
entre les Chippewas et les Sioux ine forga de re-
monter le Sainte-Croix el le Namakagon ; et, en quit-
lant les bords de cette derni^re riviere , de traverser
le portage jusqn'au lac Ottowa, I'une des sources de
la riviere Chippewa. Je descendis ensuite le passage
de cc lac au lac Chetcic , source du Red-Cedar^ ou
Folle-Ai>oine, branche de la Chippewa, et suivis cetle
brancbe jusqu'a la Chippewa elle-meme et au Mis-
sissipi. Je remonlai ensuite ce dernier jusqu'a I'em-
bouchure du Wisconsin, puis je retournai par les
vallees du Wisconsin et du Fox a la baie Verte, a Mi-
chilliniackinac et a Sainte -Marie. » On explora dans
le cours de celte expedition les vallees du Maskigo, le
Namakdgon, le Sainte-Croijc superieur, le Chippewa et
le Folle-Ai'oine.
L'aiineo suivaiite, les Sauks el los Foxes (Renards)
commencerent, sous la conduite de Black-Hawk (Fau-
con-Noir), des hoslilit^s coiilre Jes Ltals-Unis par le
meurlre de M. Saint -Vrain, leur agent, et en tombant
a I'improviste sur les Am^ricains. Celte rupture, in-
connue au commencement de I'annee , mais sur la-
quelle le gouvernement avail seuloment concu des
soupcons , fournit de nouveaux molifs pour continuer
les efforts commences I'annee prec^denle, afin de con-
server la paix entre les tribus septentrionales. Un me-
( 128 )
decin-naturaliste (feu le doctciir Douglas Houghton ),
faisait partie de rexpt'dition , oscortde par un pclil
delachemcnt d'iiifanlcrie sous le commandemenl du
lieutenant James Allen, qui fut charge de la topogra-
phie; et Ton fournit un nonihre convenable do guides,
d'inlerpri'tes et de canoliers canadiens necessaire pour
de semblables operations. D'apres les instructions don-
nees en vertu d'un acta recent du Congres, les meui-
bres de I'expedition devaient fairc connailre leur opi-
nion sur les amendements a introduirc dans les lois
r^gularisatiices du commerce et des communications
internationales sur les fronti^res, ainsi que sur I'^tal
actuel et I'avenir des tribus, sur leur nombre et leur
situation , enfm sur la statisUque du pays en general.
Se dirigeanl au nord, vers les sources du Mississipi,
par le bassin du lac Superieur et de la riviere Saint-
Louis, I'expedition atteignit, le 9 juilletl832, le point
extreme des decouvertes anl^rieures du lieutenant Pike
et du general Cass, c'esl-a-dirc lo lac Upper- Red- Cedar,
ou lac Cass, ayant parcouru en cinq jours toute la dis-
tance depuis Ic poste de commerce du lac Sandy. On
trouva que le Mississipi avail a Tissue de ce lac, d'apres
les mesures qui I'urent prises, 172 pieds do large ct
une prolondeur evaluee a 8 pieds. On a fait observer
precedemment que cette largeur etait de 318 pieds au
confluent du lac Sandy.
On ne peut donner qu'approximativement par de
simples estimations le volume coraparatif des caux
d'une rivifere , si Ton ne mesure pas avec une grande
precision les diffdrenles profondeurs de son chenal;
mais, quelles qu'elles soient, do semblables approxi-
mations augmentent, du moins, nos connaissances sur
( 129 )
le volume relalif des conrs d'eaii eloignes et mal ex-
plores. Si les informations dont nons venons de parler
sonl eonsiderees sous cc poinl dc vuc, dies anaihliront
I'opinion eaiise par lo lieulenanl Pike, quo c'est la
branche du lac Leech qui iournit la plus grande masse
d'eau, quoique le lac Itasca, appele par lui la branche
IVinnipique, amene ses eaux du point le plus eloigne.
11 est deraontre que le lac Leech, avec le volume entier
de I'eau que lui apportent onzc Iributaires, entre son
embouchure et le lac Sandy, n'a point double celui
qui est determine par la largour.
« Je fis camper ma troupe et 6tablis mon depot sur
une grande lie situee au centre du lac, oil les Indiens
ont des jardins et cullivent du mais depuis la periode
connue la plus reculee. Ayant trouve ici le dernier
village des Chippewas, en remontant le Mississipi, ou
entre ce fleuve et le lac Rouge [Red-Lake], au nord de
scs sources, et termine nies Iravaux olTiciels, je resolus
de suivre la riviere, en cherchanl a alleindre sa source.
II ful reconnu qu'il y avail suffisamment d'eau pour
naviguer; mais les rapides m'ayant ^te represenl6s
commc Ires-nombreux et comme tout a fait impra-
licables pour les canots d'une grande dimension ,
dont je faisais usage , je m'en procurai quelques-uns
plus pelils, lels que ceux dont les Indiens so servent
pour la chasse. Je m'inslallai dans un de ces bateaux,
et chacune des qualre personnes qui m'accompa-
gnaient en ayant pris un autre, nous nous disposames
le matin suivant a remonter, munis de carles indiennes
d'ecorce [with Indian maps oj bark) et des guides in-
diens. Ayant precedemment decrit cetle excursion en
detail dans un ouvrage public en 183/i, et accompagnii
in. FivRiEn. 2. 9
( »30 )
de cnrtes (1), il sufllra de dire scnlement ici que nos
efTorls furent couronnos par Ic siicces. Nous croyons
cepcndant devoir joindre line csqiiise a noire nar-
ration , afin qu'on puisse la siiivro avec facilile (2).
» Jc quittai le caiupeiuent de I'lle a quatre heures
du matin, le 10 juillet, dans cinq pelils canots de
chasse, ayant cliacun un Indien et un Canadien a son
avant et a son arriere; le tout dirig^ par le chef du vil-
lage, Ozawimdib, ou la Tete-Jaune. Je pris ce chef dans
mon canot. Le lieutenant Allen avait dans le sien la
boussole et les autres instruments qui nous avaient 616
confi^s par le d^parlement lopographique. Le docteur
Houghton mit sa pressc a plantes derri^re lui; M. John-
ston, mon interprete, el Ic reverend M. Boutwell, mis-
sionnaire, occupaient chacun dcs canots dislincls. 11
fallaitcertaincnicnlderadrcsso, mcme pour un honnnc
pratique, pour s'asseoir dans un b&liuient si diflicile a
gouverner et dans un espace aussi exigu. Nous niar-
chames en avant avec rapidity loules les fois que I'eau
nous le permit. Une heure de travail a la rame nous
amena pr6s de i'extr^mile du lac, oii , pour eviter le
cours tres-sinueux de l^riviere, nous fhnes un portage
de 50 yards(3) depuis les Lords du lac jusqu'a la rivi6re
au-dessus. Nous pussames, dans une courte distance,
(i) Narrative of an expedition throiigli ihc ujijitr Misiissipi to Itdsca
Lake. New -York, Harpers, i 83.}.
Un an avant la publication Je cetfe relation, noire excellent et si
regrettable confrere, le savant el hiborieux Warden, avait annonce
I'exiiloralion de Schoolcraft dans le Bulletin de i833, I. XIX, ]>. 45.
D. L. 15.
(a) Voyez la petite carte a la fin dti Bulletin. D. L. R.
(3)Leyard = o'«,9i438 D. L. M.
( 131 )
deux petits lacs, qui sont des expansions de la riviere,
et renconlrames do nombreux et difficiles rapides, au-
dessus du quelques-uns desquels les hommes trainferent
nos canots. En paiiie de cellc mani^re, et en parlie a
force de rames, nous avancaines petit a petit, et at-
ieignimes enfm le plateau du Peinidjiguinaitg, ou lac
Cioss- Water, a une distance evalu6e a A5 milles au-
dessus du lac Cass, Ceci fut le premier essai.
» Le lac Cross -Water, appele par les Francais Tra-
verse^ est, sous toua les aspects, une charmante nappe
d'eau limpide de 10 a 12 milles de long; il est situe
sur le nieme plateau que le lac Turtle, si longtemps
et si impropremont consider^ comme la source du
Mississipi. L'elevation du Cross -Water, ou Pennidji-
gumaiig, a et6 d^terminee , par les observations baro-
nietriques de Nicolet, a 52 pieds au-dessus du lac
Cass. C'est un point qui doit etre note dans la lopo-
grapbie de ce courant d'eau, comme sa plus extreme
extension de latitude nord; loutes ses eaux au-dessus
de ce lac provenant de sources au sud et au sud-ouest
de ce paraliele. Son point le plus meridional est place,
dans les tables de M. Nicolai, au 1x1" 28' h<o" de lati-
tude.
» A un demi-mille au-dessus, nous entrames dans
un lac auquel le nom de Washington-Irving fut donne.
Ce lac pourrait etre consid^r^ comme une reexpansion
du CrossJFater, s'il n'en elait pas separepar un chenal
ou detroit de peu de largeur, ayant un courant per-
ceptible. A environ h milles plus haut, le Mississipi est
marque par la jonction de ses premieres branches,
deux desquelles prennent leur source sur les plateaux
elevt^s de la ligne du partage des eaux [des hauteurs des
( 132 )
terres (4)]. La branche da c6l6 droit, ou la plus consi-
derable, sort (111 lac Itasca. Je pris I'aulre branche, ou
la source Planlagenel, paroe qu'elle a moins de rapides
el de plus pelilcs chutes a sunuonter. On reconnut
bienlot qu'elle se versait dans un petit lac appele ]\Iar-
(juette, et, un peu phis haul, dans un autre lac nomm6
la Salle. Quelques milles au-dcssus du dernier, nous
entramc'S dans I'expansion la plus considerable du
Kuhbekaning^ a la tete duquel nous campanies , a unc
heure assez avaucee , par une petite pluio , au milieu
d'une foret de sapins et de Larix, auxquels des mousses
epaisses suspendues a toutes les branches donnaient
un aspect sopulcral.
J) Lc lendemain matin , de bonne heure , nous quit-
liimes ce trisle campement, lorsque le brouillard se
lul dissipc, et suivimes un chenal ires-tortueux, dans
lequel le cours d'eau continue sa route, a Iravers des
savanes, avec un couranl a peine perceptible. Ces ter-
rains, remplis de fondrieres, etaient Strolls el hordes
d'une foret de pins gris rabougris et de tamaracks I'es-
tonnes de mousses. Des pieces infoi'mes d'aunes et de
saules couvraienl les rives. La vegi^lation avail un ca-
ract6re alpeslrc Nous troublions frequemment le
repos des oiseaux aqualiques j)endant noire passage,
el obscrvions des daims sur le rivage; I'un de ces der-
niers Tut tire par Ozawnndib. Le cours d'eau semblait
travcx'ser un pays desole. Vers le soir, nous passames
le Aaisva, ou la Riviere du Serpent i\ tete cuivrde
[ Copper- headed' snake liiver)^ Iribulaire qui s'y jelte,
(i) Ces mots hauteurs des terres soiit n'pc-tes plusieurs fois en fran-
rais et en italu|Ur (l.uis I'orijjiiial. D. L. l\.
( 133 )
sur la rive gauche ; bientot api'os, nous renconlrames
des rapides et quelques chutes moins considerables.
Le guide s'arrfita au pied d'une haule colHne de cail-
loux roules et de sable, au haut de larjuelle nous grim-
pames; les canols et les bagagcs nous suivirenl. Nous
fimes ux\ portage a iravers une peninsule, et glissames
de nouveau sur le cours d'eau au-dessus des chutes,
oil nous campames, fatigues par les petits incidents
d'une longue journee.
» Le troisienie jour de noire voyage, nous arrivames
de bonne heure au lac Assowa (1), que nous passamcs
a la rame en vingt minutes. En atteignant sa tele ,
Ozawimdih poussa mon canot dans une entree mare-
cageuse, couverte de lis d'elang et d'autres pi antes
aqualiques. II le fit avancer aussi loin que possible vers
le terrain sec, et s'arreta. Nous avions atteint le point
extreme de cette branche ; nous ^tions dans un veri-
table marais. La commence \q portage du lac Itasca,
a travers la hauteur des terres. Aucun endroit dans toute
notre route ne nous causa un travail aussi penible ;
nous avions continuellement a gravir des collines ou a
plonger dans des ravins. G^ologiquement parlant, cette
elevation consiste en collines du groupe diluvial ou de
blocs erraliques, disposes en cretes uiamelonnees, au-
dessus desquelles des pins d'especes diffcrentes etaienl
disperses. Les dt^pressions ou les profondeurs enlre
ceux-ci ont servi de lieu de d^pot pour les matieres
v6g(^talcs accumul^es. Le fond de ces ravins est quel-
quefois mai'ecagcux; plus souvent, il est coupe par de
petits lacs ou etangs. Les pins sont couverts de moussi;
(i) II })orle sur la carte le noin d'Assawa. D. L. I!.
( 13A )
griso parasite ; nous vimes des pigeons de passage ot
uno ou deux especes de la famille du faucon : c'eluit
une journ^G chaude de juiliet; nos intrepides cano-
liers interrompirent plusieurs fois leur t5cUe pendant
la route, que nous fimes en Ireize repos ou (jpugUl-
jhvunun, coninie Ics Chippewas Ics appcllont, ce qui,
en cstiraant la distance actucllo , donne a cetle ^Ic^va-
lion une largeur d'environ 6 milles. Nous Irouvtinies la
fraise mure; de frequentes traces de daims rouges, ou
daims communs de Virginie, furent apercues, ct nous
reconnuuies des preuves 6videntes de Taction de I'Occan
dans les pierres usies par le frollenient ct dans les
cailloux des deux especes de rocs primaires ct s^dimen-
taires. II semblerait que les oceans soplentrionaux ont
du couvrir autrefois cette region. Nous passions evideui-
nicnt sur un terrain forme de couches siiccessives de
detritus vegetaux, et (juoiqu'une espece do sable marin
couvrlt les hauteurs, il etait Evident, d'apres les petits
lacs ct les nombreuses sources, qu'il existail au-des-
sous, a une profondeur peu considera])le , une base
alumineuse. J'nttachais beaucoup Irop d'inl6ret a voir
la source d'une riviere si cel6bre pour m'arreter, et
comme les bagages que j'avais avec raoi ne so compo-
saient guere que d'une lunette [spy-glass] et d'un porte-
feuille, je pus avancer rapidement, et, le 13 juillct,
j'arrivai heureuscment an terme de ma course. Le
temps etait clair ct calme, et le lac s'^tendait comme
un miroir aussi loin (|ue la vue pouvait se porter, en*-
fcrme dans un bassin couronne de collines pittores-
ques; I'aspcct en 6tait tout a fait agresto , quelques
ormes et d'autrcs arbrcs bordaient le rivage. Aussilot
que les bagages et les canols furent arrives, nous nous
( 135 )
cmbarquames, et , apr^s avoir navigiie (juelqucs in-
stants sur le lac, nous allames camper clans une lie
situee presque an centre, ou se reunissaient las deux
bras dont il se compose.
» Le lac Itasca doit entierement son origine a des
sources ol a de petits ruisseaux d'une eau liuipide,
vcnant des (il^vations sablonneuses qui I'environnent.
D'apres deux estimations de distances, qui ont ete pu-
bli^es , ce lac peut etre plac6 a 3 025 milles du golfe
du Mexique ; son eltivation au-dessus de I'ocean Atlan-
tique fut evaluee dans le temps a 1 A90 pieds, en pre-
nant pour base ma precedentc estimation de la bauteur
du lac Cass, faite pendant I'expedition de 1820, et
fixee a 1 330 pieds, et I'^levation du lac Itasca au-dessus
du lac Cass cstim(!ie a 160 pieds.
» yVyant termine les observations necessaires relati-
vement au lac Itasca , recueilli des specimens de tout
ce qui ]iouvait interesser I'bistoire naturelle, je m'em-
barquai, en effectuant mon retour par I'une des bran-
ches de ce lac, et, on pen de jours, sans s^rieux acci-
dent, je rejoignis mon campement au lac Cass. Le
lieutenant J. Allen, qui a fourni les elements de la
carte jointe a cette notice, evalue la distance a 290 mil-
les, dont 125 en remontant le Plantagenet, et 165 en
descendant la branche de I'ltasca (1).
B Tout ce qui concerne I'bistoire naturelle de ce lac
fut iaisse dans les mains du docteur Hougbton, dont
la mort recente, en faisant I'examen geologiquc du lac
(i) La route suivie par M. Schoolcraft est indiqaee sur In pciiie
carte ilressee pnr M S. Eastman, officier tic rarinte des Elats-Unis ,
d'apres les doniiees de M. Alien; nous la joignons a ce numero.
D. L. R.
( 136 )
Sup^ricur, a, nous le craiqnons, prive lo puhlic do
hcaucoup d'observations preciouses. II a signale, on Ire
autres plantcs de I'ilc, dcs Microstylis ophiog, lossoides,
Physalis ianceo/ala, et ties Silciie niitinhinn ; on trouva
aussi rormc, le pin, I'cpinelte rouge [Lnt-i.c aniericana) ,
ainsi que le cerisier sauvagc; je vainassai du rivage le
pelit Planorbis canipamilatus. Nous rcncontraines quel-
ques debris, restes d'un fcstin fait anciennement dans
un canipenicnt indien abandonne : ce furent les seuls
indices qui nous apprirenl que le lac etait poissonneux ;
il y avail aussi des ecailles d'une esp^ce de grandc
tortue. Nous vimes une jolic bfite fauve se d^salteranl
sur les bords du lac, dont I'cau pure, profondo el
froide, laissait apercevoir, a la profondeur de plusieurs
nieds, un fond clair, plein de cailloux et sabloniicux.
D'aprfes les observations lopograpbiques du lieutenant
Allen, sa plus grande longueur est de 7 miiles. »
Qualrc anneos plus lard, savoir en 1836, M. J. J. Ni-
colet \isita ce lac d'apres les instructions du Bureau
lopograpbique des Ltals-Unis, a la lete duquel est
place le colonel J. J. Abert. II ratteignil le 29 aout,
el nous lui devons plusieurs renseignements scicnti-
fiques imporlants, parmi lesquels nous citerons la lati-
tude de rile, qu'il place au hi' 13' 35", ot la bauleur
du point le plus eleve de Hauteur des terres qui ail ele
mesur6, et qu'il evalue a 130 picds au-dessus du lac.
Son rapport, comniuniqu6 apres sa mort au Congr^s
par le colonel Abert, est un document d'une grande
importance. Suivanl dcs observations barotnetriques
faites par lui, I'altilude extreme du lac Itasca, au-
dessus du golfe du Mexique.ostdc \ bib pieds. Le m6me
observateur a Irouvc que le point le plus cleve de la
( 137 )
Hauteur des terres est de 1 680 pieds au-dessus du golfe,
altitude tres-peu considerable , si nous la consid^rons
comme I'^levation continentale entre les Indes occiden-
lales et les mers septenlrionales.
VOYAGES
DES DOCTEURS RRAPF ET REBMANN
DANS
L'AFRIQUE ORIENTALE.
Dans le Bulletin du mois de septcmbre 1850, 3° sei'ie,
t. XIV, p. 2/iO, j'ai consacr6 quelques lignes aux tra-
vaux d'exploration de I'Afrique orienlale, dus au doc-
teur Rebmann, I'un des missionnaires les plus zeles el
les plus intruils, qui pen6tra, au niois d'avril 1848,
dans lo Rilema, et decouvrit la montagne de Kiliman-
jaro, couverte de neige perpdtuelle, par environ 3 de-
gr^s et quelques minutes de latitude sud et 30° 25' de
longitude est de Greenwich (28° 5' E. de Paris), u
75 lieues a I'ouest de Rabbai-M'pia , station des mis-
sionnaires, sur la cote orienlale d'Afrique. J'annongai
en meme temps que le reverend docteur Krapf, non
moins zel6 que le docteur Reljmann (1), apr^s avoir
visits rUsambara, situ6 au sud-ouest de la station, avail
(i) Le docteur Krapf avait fjuitte Aden, venanl d'Abyssinic, le
1 1 novembre l843, pour s'etahlir sur la cote orientale d'Afrique. Au
mois de juin 1846, le docteur Rebmann vint le rejoin Jre a la station
de M'pia, pres de Montbaz. Ce fut peu apres qu'ils commencerenl
leurs explorations les plus importantes.
{ 138 )
accompli, ilans les niois de novcmbro et deccnabrc
18/(9, un voyage p^rillciix dans I'lJcamba {Oukamhn),
a 100 millcs au nord-ouest dc Rabbai-M'pia ; qu'il
paraissait avoir fait des dc^scouverles tres-iraporlantcs el
confirm^ celles de M. Rebmann, dout jc me proposais
de rendre corapte dans un procbain Bulletin, alnsi que
de la carte dressee pour rintelligcncc de ces dccou-
vcrtes. Lorsque je falsais cettc promesse, la relation do
I'cxploralion du doclciir Krapf n'cHait pas encore on-
ti^rement publiee. Quoiqu'clle ne le soil pas encore
compl^lement , pour ne jioint laisser exister unc trop
longue lacune , nous donnerons procbainement an
moins une analyse de ce qui aura paru sur le voyage
de ce missionnaire depuis les premiers jours de no-
vembre 1849 jusqu'en 1851, qu'il a continue le cours
de ses explorations ct de ses decouvertes.
Voici, en attendant, quelques informations nouvcllcs
communiqu^es par M. Anloine d'Abbadic.
De la. Roquette.
Le Church Missionary Intelligencer, pour le mois dc
fevrier 1852, vient de nous apporter des nouvellcs in-
l(^ressantes du reverend docteur Krapf, I'un des plus
bardis pionniers dans les decouvertes africaines. Sa
lottre, qui est du 7 octobre 1851, a die dctruite en
grande partie par une fatality singulifere, le feu I'ayant
accidentellcmenl consumde en partie dans Aden.
M. Rebmann n'a pu eteindre I'inccntlie a lemps, el il
a du envoycr celle precicuse Icttre dans un miserable
6tat de mutilalion qui cxplique , jusqu'a un certain
point, les quelques incertitudes qu'eprouvcront les
gdograpbes apres avoir parcouru le r6cit suivant.
( 139 )
Parti de la mission anylicanc elablio a Rabbai-
M'pia, M. Krapf, apr^s avoir franchi la mont(ie tie
200 pieds qui conduit au plateau de Teita, parvint au
torrent Woi, qui se jelte dans le Tzavo. Cette derniore
riviere parait avoir sa source dans la montagne nei-
geuse dite Kiliraandjai-o, el so joint un peu plus bas a
la riviere Adi, qui s'appelle Sabaki dans le bas de son
cours, el se joint a I'ocean Indien dans la baie de Me-
linde. La petite caravane ne tarda pas a elre attaquee
par les Aendi, peuplade qui habile la contree basse de
Bura. Apres avoir traverse I'Adi , les voyageurs attei-
gnirenl la plaine de Yata , elev^e de 1 800 pieds,
M. Krapf, etant alorsdans le paysd'Oukamba, s'avan^a^
en trois journees de route, jusqu'a Kitui, afin d'y voir
le chefKivoi, et d'aller avec lui visiter la riviere Dana,
qui est encore a Irois journees au nord de Kitui. Le
Dana a sa source dans le mont Kenia, deja signale
dans nos cartes comme une haute montagne, et sur
lequel M. Krapf nous a appris que la neige sejourne
cternellement. Apres un mois de ces delais toujours
inevitables dans I'interieur de I'Afrique, M. Krapf che-
raina vers le Dana, qui se jelte dans I'ocean Indien,
entre le 2" et 3' degre de latitude sud , sous le nom
d'Ozi(l). Notre hardi missionnaire etait accompagne de
Kivoi, qui, par maliieur, n'avail avec lui qu'une petite
escorte de cinquante personnes. Les voyageurs furent
attaqu^s par des brigands dans un endroit boise et
dangereux. Kivoi fut lue, avec plusieurs des siens, et
(i) Celte riviere est identii|ue, scion M. Krapf, avec le Quiliinaiicy,
mot qui sifjniHe cau ile mrjnlarjHe. {Voyez f^ocabulaiiv de six lanrjues
de I'Aj'rifjue orieiilaic^ par J. L. Krapf. Tubiii{»up, i860.) A. A.
( lao )
Rl. Krapf, se Irouvant tout soul dans ce pays inconnu,
parvint noanmoins a altcindrc le Lord dc la large ri-
viere pres de I'endroil oii de grands rochcrs elevi^s do
6 a 10 picds facilitcraienl dans Tavonir la construction
d'un pont. C'est en ce point que s'dlove une haute
colline, dans la contr6c de Mbe, apparemment sur In
rive gauche du Dana. Forc6 de s'en rctourner a Iravers
un pays desert, sans nourrilurc aucune, ct sans autre
provision d'eau que celle qu'il avait rccueillie dans le
canon de son fusil ct dans I'etui de sa lunette, M. Krapf
cut le honheur de parvenir, a la nuit tombante, au
pied du uiont Kcnso. La, il coupa de I'hcrhe seche ,
pourse garantir contre les vents froids, et dorniit une
heure ou deux sous un arbrc. A son r^veil, une colline
voisine etant entouree de feu , le courageux voyagcur
put s'orientcr : il evita autant qu'il ^tait en lui la plaine
nue de Kcnse , et, vers le milieu du jour, il quitla la
montagne, pour atteindro le lit sabloiuicux ct desseclie
d'une riviere ou les cris des singes le guidcrent a un
trou contenant de I'eau cxccllente. Dieu ne I'avait pas
abandonnc sur cette tcrre , car il ne tarda pas a ren-
contrer deux mcmbros do sa caravanc dispersce, un
homme et une femrae. Celle-ci (les femines sont tou-
jours charitables ! ) donna au voyageur de la chair d'une
vache sauvage, et il cut un peu de force pour continuer
sa route. Au point du jour, les trois aventuiners s'aper-
covant qu'ils alhiicnt Irop vers Test, quitlcrcnt cetle
direction pour le sud-esl, et, a huil lieures du matin,
ils rencontr6rcnt cnlin deux indigenes qui aliaient a
Liu, dans le pays d'Uukambani. Les malheurs de I'in-
fortunc missionnaire n'elaient pas fmis quand il eul
( IH )
alleini le premier hameau Kikamba(l), car les parents
de Kivoi voulalenl venger sa mort dans le sang de
I'Europ^en. M. Krapf crut devoir s'enfuir nuitamment
des mains d'un parent de Kivoi qui le tenait prison-
nier. Apr^s avoir erre deux jours ot deux nuils parmi
les broussailles du desert, il parvint a Yata. De la il
descendit a Kikumbuliu ; puis, apres avoir fait un de-
tour pour eviter les brigands de la tribu Aendi, il
reussit a alleindre heureusement la station de Rabbai-
M'pia. II avail fait a pied une route qui, vu les detours,
ne saurail etre raoindre de 360 milles geographiques.
(i) On aura remarque dans le recit du docteur Krapf que le mot
Kikainba est employe presque conime synonyme du mot Ukambani
qui le precede. II est bon de donner aux lecteuis une explication a
cet e'gard. Dans les langues euiope'ennes, le nom adjectif qui designe
le peuple ou la langue se forme du mot substantif indiquant le pays,
avec une terminaison ou syllabe auxiliaire mise a la fin du mot. C'est
ainsi que du nom France on forme I'adjectif Francah. Dans les lan-
(jues d'alllteration, qui paraissent etre parlees dans toute I'Afrique
australe, on emploie bien quelquefois une syllabe suflixe, comme ui
dans Ukambani, mais on use aussi et surtout d'une syllabe pretixe; et
un voyageur comme M Krapf, qui park' la langue du pays, se sent
porle a faire prevaloir cette regie afiicaine quand il a besoin de citer
un mot indigene, meme en ecrivant en anglais. Dans le mot qui nous
oecupe, A'rt»i6aseraitdoncla racine; Ouliamba ou Oukainbani, lenom
du pays; K'thamba, celui de la langue; et Wakamba, celuidu peuple.
II est d'ailleurs a remarquer que ce nom de Kamba de'signe aussi un
pays a I'est des Yamma, par environ 7° de latitude nord ct 36" de
longitude orii-ntaie. Celte contree est ye'neialement appelee Kambate,
d'apres les Abyssins, qui ne savaient pas que le ta final de Katnbata
est employe comme artiile par les indigenes de ce pays. En disant
Kambata, ccux-ci expriment la meme idee qu'un Francais rendrait
par le Kamba, absolument conune dans les expressions illalie, la
France.
Antoike d'Abbadie.
( 1A2 )
Au milieu des lacunes de la leltre de M. Krapf, on
a reussi a saisir le passage suivant :
« D'abord la riviere Dana, qui tournc aulour de la
contiee Kikuyu, et va a la grandc nier. La seconde
grande riviere , parlant du Ndurkenia ( montagne
blanche), est le Tunibiri, qui coule a Iravcrs le pays
Wakuafi, et atteinl aussi la grande n^er (ocean In-
dien). »
Malgre les lacunes, il reste assez de toxte pour coni-
prendro la conviclion de M. Krapf, que la riviere im-
mense qui se diverse vers le nord-est d'un lac situiL' au
pied du Kenia est idenlique avcc le Bahr cl-Abiad ,
fleuve Blanc, ou vrai Nil.
Dans une autre leltre dc M. Krapf, communiquee
par le r^v^rend M. Barlh, on remarque aussi les pas-
sages suivants : « La riviere Dana est a 180 heures de
route de Rabbai , savoir : 90 bcuros de Uabbai a Ki-
kumbuliu, 110 a Yata, 140 a Kivoi, et 34 au dela. Lin
marchand de Lembu , conlree situee a deux journees
de route au nord-est du Dana, apprit a M. Krapf qu'au
pied de la montagne neigeiise Ndurkenia, ou Keretila,
etait un lac qui donne naissance au Dana, au Tumbiri
et au Nsaraddi ; que Ic Dana et le Tumbiri se d^versent
dans I'ocean Indien , mais que le Nsaraddi dirigc son
coui's vers un lac encore plus grand, appelc Baringo,
donl on ne pourrait attoindre I'exlr^mite qu'apres un
voyage de bien des journees; qu'il y a cinq journees do
route de Uemba a Kirenia, et de la ncuf journ<!;cs jus-
qu'a Baringo, mot qui signifie grande mer. Maintc-
nant, dit M. Krapf, nous avons presque la certitutio
qu'il faut cUercher les sources du Nil dans le lac Ndur-
( m )
kenia, duquel s'^coule le Nsaraddi, ce dernier coulant
a Iravers Bariiigo.
En retournant vers la cole, M. Krapf eut a souffrir
bien des miseres : il eut les mains et les pieds remplis
d'epines ; il voyagea pendant deux jours et deux nuifs
de suite, et ne dut son salut qu'a la charite des parents
de Kivoi, ceux-ci paraissant ne lui en avoir pas voulu
de sa fuite nocturne. De Kikunibuliu a Rabbai-M'pia,
il fit neuf journ^es de marcbe forc^e, en evitant la
route battue et en se frayant un cliemin a travers un
desert des plus bois^s, le long du pays des Gallas, afin
d'^chapper aux brigands de Bura. On n'aura pas de
peine a le croire, quand il affinne qu'a son relour a
Rabbai, il pouvait a peine se lenir sur ses jambes.
Je me permellrai de faire deux remarques sur le
r<^cit interessant qu'on vient de lire. M. Krapf estime a
550 milles la distance de Rabbai an point du Dana
qu'il a visite. D'aulre part, il dit expressement que
le parcours total est de 180 beures de marche. Ce
serait done 3,05 milles geographiques par lieure, ce
qui me semble exag^re. En attendant qu'on ait etabli
par la comparaison soignee de nombreux itinc^raires
quelle est la marcbe moyenne d'un voyageur pitjslon
dans un pays accidente, jc me bornerai a citer le
r^sultat obtcnu par M. Dusgale sur la marcbe des
cbameaux en Ai'rique. Le capitaine Lyons a parcouru
1085 milles en 523 beures, ou 2,075 milles par heure;
M. Cailliaud a francbi 887 milles en ASO beures, ou
2,06 par beure , tous deux sur des cbemins peu acci-
dentes, ou les sinuosites augmenlent la distance par-
courue de l/i. Dans les pays montagneux, on estime
gendsralement cet accroissement comme egal a 1//|.
( lU )
Je n'ai pas encore realise mon intention de deduire
(Ic la somme de foiis mes ilineraires en I^llhiopie la
valeur moyenne d'unc hcure de marche ; niais des
resultats partiels ni'ont fait voir qu'un parcours de
plus de 2 milles a I'heure est an moins douteux,
lorsqu'on cherclie le residtat d'une ligne droite on
l^gerement brisee, et lorsqu'on chcniine avec vingt-
cinq ou trente personnes. Plus la caravane est nom-
breuse, plus la marche se ralentit. M. Krajji'n'a voyage
seul que la ou il dit expressdraent qu'il faisait des de-
tours ; il semble d'ailleurs avoir toujours voyage a pied.
D'apres toules ces considerations, il paraitrait dilllcile
d'adnieltre qu'il ait fait plus de 2 milles a I'lieure, et si
Ton retranchc des 360 milles ainsi obtenus un quart
pour les sinuositt!;s, on trouvera que le point extreme
de sa belle reconnaissance n'cst qu'a 270 milles de
I'ocean Indicn. C'esl d'ailleurs la distance admise dans
I'esquisse insercc au Church Missionaif Intelligencer
(vol. I, p. 38i).
II est loujours raalais6 de juger un voyageur sur ses
Icttres, qui sont prosque toujours ecrites pour annoncer
les fails saillants, et qui taisent nalurellement celle
foule d'accessoires sans lesquels un g^ographe a le
droit de meltre en doute tout fait qui est en contra-
diction manifosle avec ce que Ton connalt de la clima-
lologic. Je me garderai bien de dire que M. Krapf a
fonde sa com'iction, quant aux lieux des sources du Nil,
sur le temoignage isole du marcband de liembu ; le
z6l6 voyageur alleraand doit avoir eu sans doute un de-
tail de distances, de noms de lieux, ct surtout de tti-
moignages ind^pendants, avant de s'etre permis autre
chose qu'une simjile opinion a eel egard. 11 n'y a pas
( l/i5 )
d'impossll)illte physique a ce qu'un coins treau, parli
de la tr6s-haule inontagne de Renla , aille sc joindre
ii la riviere qui coule par ]e niont f.ogwek , choz les
Barri,et qu'on lient communt'incnt pour liiffluenl
principal du Nil; mais I'opinion opposee s'etayc do
plus d'un argument. L'incerlitude qui regne encore sur
la longitude du mont Kenia ne permet neanmoins pas
de placer celte sonimile beaucoup a Fouest du 33* de-
gre de longitude, c'cst-a-dire a environ sept degres a
Test du mont Logwek , ce qui impliqne une distance
considerable. La latitude du mont Kcnia est par en-
viron un degre au sud de I'equateur. Done, la riviere
qui aurait sa source au mont Kenia devrait, avant
d'alteindre le mont Logwek, couler vers le nord-ouest,
ct dom Knoblecher nous apprend expressement qu'elle
vient du sud-ouest, ce qui est iino contradiction evi-
dente. On sait d'ailleurs que ce dernier voyageur parle
d'une direction quil a vue, landis que iM. Krapf en
indique une autre d'aprfes des oui-dire. De plus, la
comparaison des sources du Balagaz , du Takaze et de
I'Abbay en Aliyssinie, montre que les sources les plus
^lev^es sont loin de fournir les rivieres les plus consi-
dtirables. Dans I'Afrique oricnlale, il n'osl done nulle-
ment imperieux de s'adresser a une monlagne trfes-
haulc pour y cheicher les sources d'un grand fleuve.
Enfin , cc qui domine puissamment toutes ces conside-
rations, c'est Tobjeclion mise en avant par d'Anville,
rcproduitc par M. Ayrton dans le Journal de la Societe
de geographic de Loiidres, et qui n'a pas encore etc
mfeme efileuree par les admiraleurs les plus passionnes
de I'origine auslrale du Nil, Cette objection porte que
les crues de ce fleuve, ayant lieu pendant I'^td boreal ,
III. FivniF.R. 3. 10
( 146 )
doivenl fitre aliment(^es par dcs piciios qui loinljcnl
clans la paiiie seplenliionale dc la zone torride alVi-
caine. Si, conlrc Ics probabililes acluclles, un gros al-
fluent du Nil avail sa source au sud de I'equateur, ce
Iributaire ne saiirait s'arroger Ic droit d'fitre regarde
comme I'afllueiit jirincipal , a moins loulefois que des
observations nouvelleset precises ne viennenl plus tard
nous apprendre, qu'en d^pit de toutes celles qui nous
sont connues, les grandes pluies de I'liemisphore au-
stral, pres de I'equateur, coincident exactement, quant
a leur 6poque , avec celles qui lonibent par 7 et 8* de
latitude septentrionale.
Antoine d'Abbadie.
Paris, 22 feviier i852.
EXPEDITION DANS L'AFRIQLE CENTRALE,
TRADUIT DE l'aNCI.AIS
PAR M. DE LA llOQUETTE.
SUITE (1).
M. Augustus Pelermann, auquel on doit tant de ren-
seignemenls sur cette expedition, nous ap])rend , par
une lellre portant la dale du 20 Janvier dernier, in-
s^r^e dans \! Athenceum, que des subsides viennent
d'etre envoy^s aux docteurs Barlh et Ovcrvvog pour les
inetlre en <^tat d'enlrepremlre la parti e imporlanto de
leur excursion de Bornou aux rivages de I'oc^an
Indien.
(i) Voyezle Bulletin (lej.iiivier iSAl, 4* se'rie, t HI, p. si-ali.
( 1A7 )
Presque imuiediatement apres avoir recu les inlti-
ressantes relalions du voyage clii docleiir Barth dans
I'Adainawa, et de I'exploraiion du iac Tcliad et des iles
Bidduma par le docleur Oveiweg, lord Palinerston a
accorde liberalemenl a la mission nne nouvelle somme
de 800 livres sterling ( un pen plus de 20 000 francs).
Des instructions ont ete adressees en meme temps par
le Foreign- Office au capitaine Homerton, agent anglais
a Zanzibar, pour qu'il ait a lournir tout ce dont les
voyageurs pourraient avoir besoin aussitot qu'ils feront
leur apparition sur la cole. En outre, la demande faite
par le docteur Overweg de certaines marchandises an-
glaises a ele accueillie, et une somme de 65 livres ster-
ling (1650 francs) a ete alloueo a cet offet. Les mar-
chandises ont d6ja ete choisies avec soin et achetees
apr^s la note specifique envoyee par le docteur Over-
weg, et elles sont maintenant en route pour I'Afrique.
Les voyageurs verront ainsi leurs voeux realises de la
maniere la plus encourageante, et ils poursuivront avec
une nouvelle vigueur leur perilleuse entreprise, qui
promet les plus importanls resultats.
II ne sera peut-etre pas sans int^ret de faire bri^ve-
menl mention des articles de commerce demandes
principalement par les nations de I'int^rieur de I'Afri-
que. Les voyageurs, a leur depart d'Europc, avaient
emporte avec eux quelques marchandises anglaises
bien choisies; mais, arrives a Tripoli, ils furent obliges
d'y ajouter une quantite considerable de marchandises
de quaiite inferieure de Nuremberg, de Trieste, et
meme de Tripoli; et ils employerent de la meme ma-
niere les subsides qui leur furent subsequemment
envoyes. II en resulla un grand desavantage, car les
( 1A8)
voyageiirs rcconnurcnl que Ics divorses Iribus qu'ils
eiirent occasion de visiter connaissaicnt parfaitemenl
Ics dilTcrcnles cspi^ces de marchandises d'Europo , et
qu^/es pre/eraient immriahleinenl les marchandises an-
glaises a tonics Ics tint res. De plus, ellcs s'attendaicnt a
recevoir des marchandises anglaiscs de vojageurs re-
pr^sentants dii gouveruement anglais.
La nolc du docleur Overweg indique diffiircnles es-
peces de quincaillerie et de coutelleric, plusiours dou-
zaines de rasoirs, plusieurs milliers d'aiguilles (cent
mille aiguilles emporlees par les voyageurs avaient et6
plac(!!es), des ciseaux, des canifs , des pistolcts, des
haches, des compas et des thermom6lres, des boltes a
niusique, des soieries, un grand nombre de petits nii-
roirs dans de fortes caisses d'etain, des bagues en ar-
gent, et autres menus articles.
Plus los marchandises sent fortes et solides, plus
ellcs sonl eslimecs par les naturcls, qui preferent aussi
a I'or les bagues ou autres articles fails en quelquc cs-
pfece que ce soit de melal blanc.
On espere quo les marchandises choisies soigneuse-
menl el envoyecs seronl d'unc grande ulilite pour les
voyageurs dans leur exploration des contrees situecs
enlre le bassin du lac Tchad el la cole de Zanz.ibar,
ou I'argent monnayc scrail dc peu ou point d'usage.
C'est probablement la derniilsre communication que
nous recevrons dc nos amis en Europe pr^alablemcnl
a ce qu'ils s'cnfonccnt dans les d^scrls tout a fail in-
connus de rinlerieur de I'Afrique.
( U9 )
iliia];fi§eis, GiLtraitts d'oii^rages,
Alelaiiges , etc.
LE CHILI ET LES ARAUCANS.
PAR
M. EDMOiND DE GINOUX.
DEUXliiME ARTICLE (1).
La configuration de I'Araucanie , cette contree si
pen connue, et dont le noni apparalt a peine sur nos
cartes geographiques, presente les memos reliefs que
le Chili; le bassin inlermediaire, tres-vaste mainte-
nanl et d'une pente fort douce, poursuit sa marche du
nord au sud, en longeant, a Test, les grandes Andes,
et a I'ouest, la Cordill6re de la cote. Une quantitc de
jolies rivitires sillonnent les plaines de I'Araucanie; les
principales sont : le Carampangue , I'Araquete , le
Llembu, le Paycavi, le Llcrillen, le Tirua ou Cauten,
le Budi, le Tolten, et le Queulc, D'autres cours d'cau
d'une moindre importance descendent aussi des mon-
tagnes et se promenent dans le bassin ; niais leurs
nortis sont ignores : on sait seuloment que la plupart
de ces grands ruisseaux se ri^unissent au Biobio, au
Cauten , et au Tollen. Ces Irois rivieres sont navi-
gables.
Les parlies basses du pays, liabiteespar dessauvages
(i) Voycz Ic Bulletin tic janvicr iSSa, 4° scrie, t. Ilf, p. Sy.
( 150 )
farouches, soiit crime ricliesse cxlraordiiiairo , cl los
soins que les Araucans prodiguent a I'agriciilture font
honte a Icurs voisins du Cliili. Siir les deux ligiics de
montagnes, la vegetalion est incroyablement belle,
\igoLireuse, \ariec. L'arbre le plus commun (il efface
presquc tous les autres ) est un helre colossal , Ic
Feigns Dombeyi de Mirbel, Fagiis aiistralis de Pocppig.
Get arbre, dans les Andes, alteint au dela de 80 pieds
de hauteur; son tronc , raboleux, ujais reuiarquablo-
menl droit, est sans branches jusqu'a la moitie de son
elevation : au dire do Poeppig , il egale en qualile les
meillcurs bois de rAuitiriquc du Nord, A cole do ce
ch6ne , il faut ranger immediatement le Rauli des In-
dians, Fagus procera de Poeppig; et , aussitot apr^s,
un laurier aux rameaux d'un vert fonco , fort elegant
dans sa coupe, nomme Laurelia ammatic/i par Jus.,
Laurelia denlala par Bert. Les Indiens lirent de cet
arbre une r^sine qui, brulee, repand une odeur plus
delicate que celle de I'encens. Viennent ensuite : le
pittoresque lingue, aux branches ^lastiques, Laiiriis
lirigue de Hook ; le gracieux Peunio, coquetleuienl
charge de baies rouges; puis une multitude d'especes
de myrles, diversifiees par Jeurs formes, leurs dimen-
sions, I'arrangemont des feuilles el des fleurs ; la
Luma, Escalloiiia Thirsoidea, dont la fleur blanche et
rdcoi-ce rosee conlrastent avec le veil pur de ses pelites
feuilles, tapisse a profusion les rives de tous les cours
d'eau.
Au pied, conime al'aljri de la vegdlatlon puissanlc,
croissent humblemont des myriacles d'arbusles et de
planles fragiles qui seinblent avoir bcsoin de so senlir
prot(iges. La abonde un coudricr dont la feuille ,
( 151 )
niiancee de plusieurs teintes, iippellc ratteulion; pres
de liii foisonne un cannelier, Ic Driinis chilensis, re-
marquable par la disposition syinetrique de ses ra-
raeaux tendus horizonlalement , surtout par le jet si
fin, si elance de sa tige flexible. Partout, dans ces v6-
getaux, la copigue, la plus adorable des plantes grim-
pantcs, agite ses clochettes d'un angeJslique incainat,
landis qu'a la base, au plus fourre de ces masses de
verdure, vierges de reptiles et d'insectes venimeux, les
pales fougeres , et une infinite d'autres plantes, trou-
vent encore a disputer leur part d'air et de lumiere.
Pour completer cette trop rapide esquisse de la
richesse des Cordillferes , priiicipalement do celle
d'Ai'auco, il soffit d'ajouter que, n'iuiporte par quel
point on essaye de pen^trer dans ces forets ou arbres,
arbustes , plantes, berbes, lianes , se trouvent con-
fondus, entrelaces de mille mani^res, cette surabon-
dance de vegetation n'olTre qu'un chaos inextricable.
Si toul ce qui est tendre, faible, rampe sur le sol,
s'etouffe entre les grosses racines, envahit les [rones
solides ou s'accroche au moindre appui, les grandes
lianes, a leur tour, s'elancent orgueilleusemenl jusqu'a
la cime des arbres, et, des pointes les plus elev^es, elles
retorabent a regret vers la terre. Ici ce sont les souplcs
Boques, que Ton prendrait pour les cables d'un na-
vire; la, n)ultipliees a I'exces, se niontrent les C4oli-
gues, qui font ressembler les forets a d'inimaginables
chevelures cmbrouillees par le vent. Les nalurels de
I'Araucanie taillentleurs lances redoutables clans celle
graminee.
Derri^re les forets priniilives, au couronnement des
raontagnes de la cote et a la region supcrieurc de la
( 152 )
zone subondine, on voit s'^tagor, comme dernier mot
des prodigalilcs do la nature, de jnassives guirlandcs
de ces sapins gigantcsqiies et celubrcs connus sous lo
nom d' Araiicaria. Get arbro, cher aux Intlicns, t'deve
a cent pieds dans I'air son tronc robuste, toujours aussi
droit, aussi uni que le grand mat d'un vaisscau. Sa
tele, en forme d'hemisphcre, perpclucllomenl secouee
par la brise , rend un biull luguln-e, semblable a la
voix prelee aux fantomes; mais, si des csprils resident
dans ces arbres, il faut convenir qu'ils sont bienfai-
sanls, car Ics longues branches fourchues de ces sa-
pins, pareillos a d'iinmonses bras termines chacun par
une main ouverte, portent enlre leurs dernieres rami-
fications un I'ruit nutrilif, pain ordinaire des Arau-
cans.
Telle est la magnificence du manleau de verdure
deploye sur les montagnos qui encadrent longitudina-
lement I'Araucanic depuis lo Biobio jusqu'a Valdivia.
II y a plus encore que cctle superbe beauts a conteni-
pler : la providence parait avoir voulu mettre ces terros
a I'abri de loule conquete. Du cold de la mcr, deux
ceinlurcs continues dc forels font comme des rem-
parts inaltaquables; au nord et au sud , le bassin est
defendu par des rivieres; a I'oucsl, los Andes en in-
terdisent rapprocbe : le voyageur, cependant, peul
parcourir les diverscs parlies dc I'Araucanic sinon
commodemenl , du moins avec securild. Les deux
principales voies de communicalion, raaigres senliers
traces par le pied des chevaux, bordent laleralemoul
le territoire; elies sont appeldes, I'une Cliemin de la
Cole, I'aulre Cliemin de la Pampa.
La plus curieuse de ces voies sauvages conduit a
( 153 )
Arauco, nom bien trompeur, et qui rappelle une
grave inexactitude commise par les g^ograplies d'Eu-
rope. Balbi pretend que, de toutes les villas fondees
par les Espagnols en Araucanie, une seule , Arauco,
est demeur^e en la possession des Indlens. Or, c'est
diam^tralement le contraire. Les sept villes creees par
les Espagnols sur ces terrcs ont et6 rashes presque
aussitot apres leur naissance , et les lieux ou elles
existaient ne sauraient etre disputes aux indigenes.
Arauco est le seul des petits centres de population
organises jadis au sud du Biobio qui soit reste au gou-
vernement chilien.
Cetle ancienne forteresse, tour a tour occupee par
les Espagnols et paries Araucans, protege une ville en
esp6rance, assise au fond d'une jolie baie. Arauco,
theatre de tant de combats furieux, restera a jamais
c^lebre par le souvenir des exploits guerriers do Cau-
polican, de Lautare et de I'intrepide Colocolo. Dans
un coin obscur de la citadelle, on montre un gros lion
dc Castille, taille dans un bloc de pierre. II y a deux
si^cles el demi, lorsque les Espagnols le hiss6rent sur
la grande porte d'entree, ce lion inspira aux Araucans
la terreur et le respect.
La contree que Ton traverse, apres avoir quitte
Arauco, est richement accidentee de haules collines
vertes, de vallees riantes, de cours d'cau frais et lim-
pides, le tout distribue avec une admirable harmonic
a la base de la Cordillfere de la Cote. De distance en
distance, derriere une buttc, ou bleu au fond d'un
ravin, parfois aussi au milieu d'un bouquet d'arbres
isole dans les plaines de gauche , une petite colonne
{ 1B4 )
defumee, loulantcnlourde spirale, (rahit uncdctueure
iiulienne.
Les Araucans n'ont jamais v^cu en families grou-
pies, en foyers reunis, en soci«^le enfin ; jamais ils
n'ont eu une ville , un village , un hameau. Tous ics
centres de population Aleves jadis sur leur lerriloire
elaient oxclusivemonl du fait des Espagnols. Tantot
vainqueurs, lantol battus, mais jamais clecourages, les
Espagnols, dans leurs jours de triomphc , se halaieiil
de balir un fort sur chaque portion de terre passag(^-
rement conquise. A I'interieur, ou sous les niurs de ce
fort, ils petrissaient quelques maisons de terre, et ils
d^coraient le tout du nom de ville et de chef-lieu d'une
province. De cette fagon, ils etaient parvenus a cou-
struire, dans I'Araucanic, sept villcs, parmi lesquelles
les plus notables etaient I'luiperial et Villarica. L'lm-
perial 6tait appelee a devenir la capitale du gouverne-
ment du Chili : or, les sept villes ont ete detruites par
les Araucans, et quelques-unes, qui ont ele roedifiecs
deux ou trois fois, ont aussi ete deux ou trois fois rcn-
versees par les Indiens. II ne reste pas une seule de
celles qui furnnt assises sur une portion du territoire
nomme aujourd'hui Araucanie independanle.
CiCS Indiens nc con^oivent pas que Ion puisse vivre
cote a cote, d'une vie presque commune. Ils ne sup-
porteraient pas plus deux habitations attcnanlesqu'ils
ne consentiraient a se grouper plusieurs ensemble sur
un lieu decouvert; la sociabilite n'est ])oint dans
leur caracterc. Le pays est divise en tribus distincti-s,
inviolables , cl chaquo Iribu est coupee en aulant do
pelils liefs qu'elle comple do families. Le soin de tout
( 156 )
individu a se tenir isole recllement chez soi , comple-
lement a I'abri de tout regard etranger, est pousse si
loin, que du seuil d'une habitation on doit n'en pas
apercevoir une seconde , fut-ce celle d'un fr^re, d'un
oncle, d'un fils. Ces demeures sont cacUees les unes
aux aulres par dns bois, ou encore par des accidents
de terrain scrupuleusenient etiidies. Lne armee d'in-
vasion a repousser, une junto, une orgie an sujet de
quelque grand evenement, sont les seulescirconstances
capables de faire sorlir ces bommes de leurs sombres
retrailes et de les rassembler momenlan^ment.
Jadis, comnie aujourd'liui , I'Araucanie etait parta-
gee en un grand nombre de tribus. Chaque tribu etait
gouvern^e, coiTime aujourd'hui encore, parun cacique
ou chef de famille noble, dont I'autorite se transmet-
tait par droit naturel et en ligne directe a ses enfants
males. Mais, au-dessus des caciques, venaient les to~
quis et les ulmenes , sortes de souverains politiques et
religieux, elus par les assemblees des nobles. Les to-
quis et les ulmenes veillaient aux interets generaux et
commandaient les armees ; grace a eux, la nation
n'avait qu'une volonte et njarchait avec un ensemble
admirable. Un danger exterieur menacait-il le terri-
toire, des coureurs, envoyes dans chaque direction,
pour informer les caciques du peril commun, leur
faisaient connaitre les ordres du gouvernement su-
preme, et aiissitotles chel's de tribu meltaientsur pied
leur contingent de guerriers , et , guides par des feux
allumes la nuit aux cimes des montagnes, ils savaient a
quel pohit ils devaienl se reunir, de quel cote venait
I'cnnemi ; s'il fallait marcher en avant, a droite ou 4
gauche. Maintenant les dignites de toqui et d'ulm^ne
( 156 )
n'exislent plus; il ne reste plus que ies caciques ordi-
naires, et cet 6lat de clioses est la cause premiere dc
raffaiblissement de la nation. Tout cacique est maltre
absolu dans son district; nul ne relive d'un autre. Le
pays, en consequence , est morcele en une multitude
de pelilcs principautes indopcndantes, ct, par suite
des jalousies, des disaccords personnels entrc Ies divers
chefs, Ies interets de la nation sont abandonnes au
caprice des ivinements.
Nos voyageui'S devaient I'cclamer I'hospitalite d'un
cacique de Tucapel, aucjuel ils itaient recomraandis ;
mais que de precautions a prendre ! Les habitations,
en Araucanie, doivent eli*e sacrees pour quiconque n'a
pas, par droit de naissance, le privilege d'y pcnetrer. La
moindre violation d'un senil peut attirer la mort sur
la personne du coupable; u table, on est servi par les
fcmmes du cacique ; leur parlcr, les regarder meme
est une ofiense grave faito au proprietaire du logis.
Les cases des Araucans n'ofl'rent qu'une seule piece
de rez-de-chaussee , dont une partie est consacrie au
foyer, aux soins et aux Iravaux du manage; I'aulre
sert de dortoir commun. Lorsque des etrangers sont
admis a passer la nuit dans ces tristes demeures, les
femmes veillent etfilent de la laine, immobiles et silen-
cieuses comrae des statues. Leur esclavage est le plus
barbare que I'homme ait jamais invente. La cuenca ,
c'est-a-dire I'enclos de I'habilation, est leur univcrs;
rien du dehors ne doit les intercsser; aucune relation
de voisinage ne leur est permise. A I'inlorieur, une loi
inllexiblc les fait rampcr devant leur maltre et dicle
leurs actions, leurs gestes, leurs paroles.
M. de Ginoux quitle bientot le cacique du Tucapel
(157 )
pour aller assisler aux fun^railles d'un chef voisin ; il
so diiige vers le rio Cudico, en traversanl des plaines
riantcs. Du rio Cudico au rio Tiiua, le chemin esca-
lade, puis redescendun bras de la Cordillere, a iravers
des terres profondement boueuses ; puis, au sortir
d'une epaisse foret, se dt^veloppe la vallee de Tirua.
(( Si nous n'avions pas 6t6 prevenus, dit notre voya-
geur, du sjjectacle qui nous y attendait, nous aurions
hesite a nous approcher, pendant la nuit, de la sc6ne
fantasliquc que nous dominions du pied de la Cordil-
lere. A peu de distance , sur notre gauche , la valine ,
illuminee dc torches, semblait Stre envahie par un
debordement de legions infernales. Dans un cercle
immense, formed par des lignes de feux fixes, on voyait
passer, repasser, courir, se croiser en toos sens , des
ombres noires perchees sur des chevaux noirs, et lais-
sant apres chacune d'elles uue large Irahiee de flamme ;
du sein de cette arm^e dialiolique, des cris, qui n'ont
point de nom dans notre langue, faisaient freniir les
^chos des montagnes, et, pareilles a des spectres gigan-
tesques, les silhouettes des grands arbres, animeespar
les mouvements des flammes, avaient I'air d'applaudir
a ces jeux infernaux.
» On preludail aux funerailles d'un cacique, qui
exigent toujours un temps fort long ; tandis qu'on s'en
occupe, le corps du defunt repose sur un lit de parade
construit en fortes lianes dans I'interieur de sa case,
et, a partir du jour du deces, les femmes se meltent a
tisserdes velementsde luxe pour en habillcr le cadavre.
Les proches parents s'empressent de rassembler ou de
fabriquer assez de chicha , liqueur qu'ils pr^ferent ,
pour en offrir en abondancc aux Irois ou quatre cents
( 15« )
convies reconnus digncs, par leur rang, dc prondro
part a la lete des funeraillcs; ils amasscnt du hlo, clii
rnais , des farincs, des IVuils, lout ce (|ui , dans une
telle ciiconstance , uierile d'etre dislrihue a plusieurs
centaines de voisins , el, prcnant dc cliacune de ces
choses une iaible [portion, ils en eniplissent un ccr-
cueil en forme de pirogue, taiile dans un Ironcd'arbre.
Ce cercueil doit suivre dans la fosse celui destine a
rccevoir le corps du noble, afin que I'esprit de ce chef
ne manque pas de nourriture dans I'aulre monde.
)) II n'esl pas rare, avant de proceder aux cere-
monies de rinbumation, que Ton allende pendant
deux ou trois mois la bonne saison de la cbiclia, prin-
cipal encens des funerailles, egalenicnt agreable aux
dieux et aux liommes, devanl servir a faire les liba-
tions exig^es. Durant ce long espace de temps, !e ca-
davre se decompose en paix sur son lit de parade, et
la faraille est lenue de vivre dans ce milieu empoi-
sonn6.
» Un peu a droile, sous nos pieds, la case du cbel',
adoss6e a une colline verle, poinlant dans la vallee, re-
gardait un vaste terrain plat , champ et jn-airie du richo
doniaine, d^l'endu par une ceinture de bois; tout ce
terrain etait entoure de feux que des Indiens alimen-
laieiit, etl 'espace libre, eclaire encore par des hommos
atheval, porlanldes torches, n'^tait plus qu'une arenc
ou se deroulait un spectacle etrange. La, trois ou qualrc
cents nobles cavaliers, nus, ivres, el la lance au poing,
s'abondonnaient presque enfurieux aux extravagances
les plusdangereuses; ccux-ci se priicipilaienl au grand
galop dans des courses perilleuses , ceux-la lutlaienl
de force et d'adresse, d'autres s'acharnaient a des si-
( 159 )
mulacres de combals assoz souvent fnnestes a quel-
ques-uns des cliampions. Paifois aussl cette arniee dc
sauvages se massait a une oxtr^mile du terrain, puis,
au bruit des tronipelfes de guerre, au hennissement
des chevaux, ils partaient venire a lerre, et , en defilant
devant la case du inort, ils faisaient retentir les mon-
tagnes de cris affreux, qui glacaient le sang dans nos
veines. Ges Indiens ne resseniblaient plus a des honi-
nies, mais a de veritables diiaions : exaltes par I'ivresse,
surexcites en menie temps par Tainbition de mettre
en evidence leur adresse a manier un cheval ou les
arnies de guerre, ils se ruaient , tete baissee, dans ces
exercices effrayants, leur gloirc durant la paix , parce
qu'ils retracent leurs prouesses dans les balailles
r^elles.
» La fete avait commence la veille, elledevait finir le
lendemain par I'enterrement du cacique dont on ce-
lebrait la puissance cl la bravoure. Les deux journ^es
^coulees avaient ete remplies exclusivement par des
banquets ou I'ivresse elait de rigueur, et par des dis-
cours a la louange du chef Irepasse. Les deux nuits
avaient et6 consacrees aux courses, aux lultes guer-
rieres et au culle des chichas enivranls. L'esprit du
cacique devait cerlainement etre salisfait; car si le
nonibre des nobles Araucans accourus a la celebration
des funerailies elait considerable, si le gaspillage dc la
prodigieuse quantite de vivres el de cbicha mise a la
disposition des convi^s atteslait qu'il avait ete largement
fait honneur a la munificence de la famille, ii etail
impossible aussi de glorifier avcc plus de frenesie
qu'on n'en avait d6ploye pendant deux nuits les males
verlus d'un beros. Le lendemain , les nobles Araucans,
( 1(J0 )
reveilles par I'^clal des liompellcs, avaient tanl l)ion
que mal repris leur aplomb, el deja ils se jetaient
comnie des alTaines sur des ni(tnccaux de vivros et
d'outres pleinesdc cliiclia, que des Indiens aclievalent
de d^poser a unc petite distance de la case. L'orgie
recommengait , et jamais chez les sauvages des aulres
parlies de I'Amerique, ni cliez ceux de 1 'Oceanic, on
nc vit I'exemple d'une pareille gloutonnerie. Entre
neuf et dix heures, des orateurs, jjarents du cacique
defunt, parcoururent la I'oule. L'ignoble festin fut
suspendu, et tous les nobles convives se porterent pre-
cipilamnient devant la case, ou ils se pelotonnerent a
droite et a gauche de la porte, en laissant un passage
libre. Bienlot parul le corps du cacique, porl6 triom-
plialcmcnt par des chefs a I'air supcrbe , fiers sans
doute d'avoir ele choisis pour cette haute fondion. Le
cadavre, revetu des riches vetements que lui avaiont
fabriques les femmes, 6tait couche dans la latale pi-
rogue, creusee expr^s pour lui servlr de cercueil. 11
aurait ele difficile d'appliquer un age quelconque au
xnasque decompose dc ce chef : les cheveux , noirs et
abondanls, temoignaient seuls que le cacique avail
elu moissonne avanl I'epoque de la vieillcsse. Lne cer-
lainc pompe presidait a sa sortie du foyer domestique,
salute })ar le retenlissemenl des Irompetlos ct par des
cris barbares. Le cortege marchail lenlement, et tan-
dis qu'il s'acheniinait vers la tombe ouverle , les en-
fants du niort, second^s par des personnages qui me
semblaient devoir elre les pretres du fc^tichisme des
Araucans, se demenaicnt a acconiplir des pratiques
superstitieuses, dent le but dlait d'cmpeclicr I'ame ou
I'esprit du defunt de s'en retourner a la case.
( 161 )
)) Sur les Lords de la fosse, Jes jonglories des pretres,
imitees par les fils du cacique, redoublercnt de vio-
lence ; a leur tour, les autres parents repandirenl de
la chicha dans la tombe. On descendit ensiiite la pi-
rogue du mort, puis celle conlenant les niets prt^par^s,
les grains, les fruits, les semences qui devaient nourrir
le noble chef dans I'autre monde et le mettre a meme
de mener la-bas une vie dc delices ; enfin , on d^posa
a cote des pirogues, avec tous les objets chers au ca-
cique, sa chueca, espece de jeu de crosse fort en usage
en Araucanie ; sa lance , ses laqiu's, autres amies de
guerre; son manteau de fourrure, ses eperons; en un
mot, tout ce que Ton supposait avoir ele pr^cieux k
un homme de son rang et de son caractere. Apres ces
diverses cert^monies, la masse des assistants salua une
derni^re fois le mort de cris terribles, de discours af-
freux a entendre, et des folies les plus exlravaganles
que puissent inspirer a des centaines d'individus de
cetle Irempe un fanatisme grossier uni au delire de
I'ivresse. Des pellet^es de terre tombferent dans la fosse,
Ic trou se combla; la fete des funerailles (!;tait ter-
nain^e. »
Les juntes politiquos , les assomblees g^norales ,
n'importe le motif qui les provoque , reproduisent les
scenes deplorables que nous venons de ^'crire. Le
sujet de la deliberation se discule invariablement au
milieu d'une ai)ominable orgie, a laquelle loutefois
ne sont admis que les hommes, les femmes elant
rigoureusement exclues de toutes les reunions , de
toutes les fetes , de tous les jeux. D'ordinaire , les
assemblies ont lieu dans une plaine, et loujours elles
atlirent un concours consid6ral>le d'Indiens, nobles
in. F/:vniF.R. h. 11
( 102 )
ou non. Sur lo priiicip;il cniplacomcnt , on construit
a Ja hale cles liultes do brancliages, destinies a reccvoir
les provisions, a abriter Ics caciques et les meinljrcs
des families ])rivilL^giees ; le peiiple dort a la belle
utoile, il sell les chefs, il ecoute , il joiie , il mange,
il boit a loisir, niais il n'a pas voix di'diberalive. Le
banquet, app&l le plus ri^el de ces assemblees , com-
mence d^s le debut de la reunion , et ne cesse que
lorsqu'elle est dissoutc, c'est-a-dire le troisieme ou le
qualrieme jour. Les heures non employees a discourir
ou a manger sont remplies par des exercices a cheval,
par des jeux de diverses sortes particuliers A I'Arau-
canie, et enfin par des danses pitoyables, indignes do
ce peuplo lier et belliqueux.
Les Araucans, encore livr(^s aux suporstilions paicn-
nes, personnilient, dans Apo ot Pillan, les deux prin-
cipes du bien et du mal. Apo, ne jjouvant jiroduire que
le bien, ils jugenl inutile de I'adorcr, et ils ne lui ren-
dent aucune espoce de culte ; au conlraire d'Apo el de
toule la serie bienfaisante , le dieu Pillan , el les aulres
genies du mal, ne cessant pas d'engendror des calami-
les communes ou particuliercs, physiques ou morales,
ils ont un culte , des hommages, des sacrllicos ofl'orls
dans le but de d^sarnier lour colore, de dtilournor
leurs cou[^ A I't^poquc des gucrres avcc lesEspagnols,
la veille des grandes balaillcs surloul, on immolait
des prisonniers a la Mori et a la Vengeance, princi-
pales diviniles implor6es dans ces moments criliqucs.
Grace a la paix avec la republique chiliennc , cos pra-
tiques barbares ne se renouvollcnt plus. L'Araucan
est cruel dans I'occasion , uiais il nest pas leroce par
goul, el si di^moralise qu'il soil devant la puissance
( 163 )
(le Pillan , les orgies constiluenl presquo en enliei" lo
cultc qu'il liii offre aujoud'hui.
Les pretres do ce feticliisme sont des augurcs qui ,
dans I'esprit du people, ontle don d'interprcter les
tremblements de lerre , les fortes eru]-)hons volca-
niques, les vents furieux , les orages, les trombes, les
eclipses, et aussi I'apparition de certains animaux.
Ces pretendus devins , inslrunients non avoues des
caciques , cxerccnl un pouvoir incroyable sur les
masses , el secondent puissamment les projets des
cbefs politlqiies. Par leurs jongleries, les Indiens,
habitues a trembler au seul nom de Pillan , sont en-
tretenus dans une superstition telle que , eux si intre-
pides au combat, ils freraissent lorsqu'ils rencontrent
un lizard , un bibou, une cbouette, annonce de mau-
vais presages.
En temps de paix, I'fndien de ce pays-ci est afl'able,
hospitaller, fidele a ses engagements, attache au point
d'honneur; il sail discerner le bien d'avec le mal , le
juste d'avec I'injusti;, la probite d'avec la fourberie ,
la gen^rosite d'avec la bassesse. Ses manieres et son
humeur sont douces , presque cultivees, quant aux
dehors du nioins. Soumis a ses chel's , grave , serieux,
penseur, il est aussi , par une singuliere contradiction,
nonchalant, goulu , ivrogne, joueur. Chez lui, tout
est pousse a I'extreme; d'un sentiment ou d'un etat
quelconque , il passe au sentiment ou a I'^lat diame-
Iralement contraire avec une promptitude incroyable.
Pour peu qu'un mobile I'eicite, du calme le plus
prol'ond, de i'impassibilile la plus reelle, il arrive sou-
daineuient au comble de la i'ureur.
En temps de guerre, I'Araucan n'est plus le meme
( 16/1 )
indlviflu. Tonics sos niauvaiscs passions sont dechai-
nees alors , ct il n'c'coute que les j^ires instincts. La
liaine , la ciuaute, la vengeance, sont les sentiments
que son cceur nourrit avec predilection ; il devient
sans pilic poui' les etres faibles ou desarin^s, inca-
pable d'un clan de g^nerositii pour les vaincus , les
malheureux prisonniers, les femmes, les cnfants. Mais
si , taut que durenl les guerres , il se montre I'urieux,
implacable , sanguinaire , il faut reconnaitrc qu'il
retournc avec joie aux babitudes de sa vie ])aisible d^s
que riieiue du repos a sonn6. Plus encore que les
combats ou brille sa valeur, il aime sa tranquille re-
Iraite , son harem , les juntes, les sorcicrs , le jou. Pen
enclin a cntretenir un proci^s , a prolonger un diffe-
rcnd, il d(^daigne les longs discours, ainsi que le ju-
gcment des bommes , et lout de suite il en appelle a
la decision du sort. La chueca (crosse avec laquelle
on cbasse une boule vers un but donnd) constllue
en Araucanie le syslemc judiciaire, ct decide souvo-
raincment de toute contestation.
Pour sortir du pays, deux routes s'ofl'renl au voya-
geur. L'unc court sur la lignc de Test au pied des
grandcs Andes : c'cst le mellleur, le plus facile; on le
nomme cbemin de la Pampa. L'aulre,celui de I'ouest,
que dcvait prendre M. de Ginoux , lo plus direct el le
plus piltoresque , est le cbemin de la Cote. Du rio
Tirua au fleuve Cautcn , Ic Rio -Imperial des Espa-
gnols, le cbemin est ditcstable; il se prolonge sur une
i'tendue de 60 kilometres environ , mesure prise A vol
d'oiscau ; le senlier, espece d'ecbelle faile par en tallies
sur Ic dos de la Cordillc^re de la Cote, monle, descend,
remonle ct redescend toujours avec une roidcur telle.
( 165 )
que les chevaux araucans seuls peuvent s*y engager :
en France , nous prendrions les chamois pour ternie
de comparaison. Ce sentier poursuit ses penibles
zigzags en se trainant sur une roche gllssante et au
bord de precipices affreux. En bien des endroits, cet
epouvantable cscalier laisse juste au cheval la largeur
de son sabot; la bete alors est dans I'obligation de
marcher en croisant les jambes, et son instinct la
pousse a incliner le corps du cote opposed au precipice,
comme si le vide immense ouvert sous elle I'attirait
vers I'abime.
Quand on est arrive au sommet de la Cordillere, on
n'a encore derriere soi que la moitie de ce trajet dan-
gereux, qui exige deux journ^es de marche. Un nouvel
obstacle arreta un instant nos voyageurs. Sur le che-
min gisait la carcasse d'un cheval abandonn^, sans
doute la veille, par un acteur de la Irisle fete de Tirua,
et en I'air, au-dessus des gigantesques araucarias ,
planaient, en tourbillonnant , des troupes de magni-
fiques condors. Le vol majestueux de ces redoutables
oiseaux, leurs cris de rage, les menaces que lancaient
ieurs yeux de sang , et la marche lente , p6nible de la
colonne a travers la foret suspend ue au front du pre-
cipice, tout cela composait un tableau qui aurait fait
deborder en inspirations sublimes Tamo d'un poete.
Brise par les rudcs travaux des deux journees que
necessite I'escalade de la Cordillere, Ton repose agrea-
blemcnt sa pensee lorsqu'on descend vers les riches
campagnes que fertilise le beau fleuve de I'lmperial.
Non loin de I'embouchurc de ce fleuve, dans un site
charmant, dorment depuis trois siecles les mines de
la ville de ce nom. La puissance de I'empereur
Charles-Qiiinl , patron de cettc cite , no I'a pas di-
fenrlue contre la fureur dcs Araucons ; I'linpc'iial
clevait etre la capilale dii gouvernemcnt du Chili , ol
elle n'a vecu que peu de jours. Au sud dcs Irihus de
Caulcn , les plainos de Budi on de Golem, ct celles do
Token , prescntenl la infime richcssc (jue Ics cam-
pagnes de I'laiperiai. Dela on aperroil Ic volcan ile Vil-
larica , que les Indiens supposent elre la dcmeurc de
Pillan , et I'on altcint hientot le rio Quoule , a un
point ou commence un nouvcau casse-cou , moins
perilleux cependant que celui do Tirua. II faul alors
reprendrc la file un a un , et guider ses monlures. Le
mauvais passage se continue sur un cspacc de dix a
douze lieues, a iravers une haute montagne coupc^e de
ravins dont le fond est tellement houeux , que parfois
les chevaux s'y enloncent jusqu'au poilrail. Cette Cor-
dill^re I'ranchio , le rio duces apparait, et dorrierc
lui on apercoit la ville de Valdivia , lerme du voyage.
Lorsqu'on prend le cherain de la Parapa, on passe
dans lo voisinage des ruines d'Angol el de Purcn; a la
sortie de I'lsla de La Laja, sur la rive droite du Biobio,
on entre dans les plaincs oii les Espagnols biitirent ces
deux villes. Puren est aujourd'luii la ri^sidence d'un
des plus audacieux caciques. Ce chef doit ses litres de
noblesse, non a sa naissance, mais a sa bravoure el a
ses vieilles cruautes. Pvbs de lui vivent des tribus bar-
bares et vaillantes, parmi Icsqueiles, au dire de la re-
nomuK^e, il est un cacique, Payiunial, descendant des
plus ancicns chefs, qui conimande a sept cents guer-
riers, et qui posst'dc dc tres-grandes richcsses. A ces
Iriinis indomjitablos, touchent celles de Cholchol ,
inquieles el turbulenles; puis celles dc Boroa. Les In-
( 167 )
clieus de Boroa sont vantes on Araucanie pour la beautu
de leur visage. En continuant vers le sud, on visile les
Araiicans de Maquegiia , ensuite ceux de Viilarico.
L'hisloire rapporte qu'a rapproche de I'armee espa-
gnole, leslndiensde Villarica cacherent soigneusement
Tor qu'ils avaient amasse ; mais cette precaulion ne fit
qu'attirer sur eux de plus gi^andes atrocites. Le rio
Tolten sortd'un lac ouvert sur leur lerritoire, a la base
du volcan de Pillan. A|)res ces tribus, viennent celles
de Peiecauchin et de Petufquen.
Au dela de Valdivia , vlllc chilienne, adossee aux
tcrres independantes, resident les Cuncos et les Iluil-
liches, peuplades aux mceurs douccs, qui se refusent
a avoir des relations avec les Araucans , qu'ils ont
toujours considert^s comme leurs ennemis naturels. A
r^poqiie des guerros de la conquete, les Cuncos et les
HuilJiclics consentirent a oublier momentanement
leur ininiiti(^ pour leurs voisins, et, a I'appel do ceux-ci,
ils march^rent contre les troupes castillanes. Cespetits
pcuples prirent une part tr^s active a la destruction
des sept vlUes.
II n'est pas sans importance pour la gcographie de
faire observer que la distribution du terrain en deux
cbaines de niontagnes et en un bassin intermediaire
se poursuit, vers le sud, assez loin dans la mer. Depuls
Chacabuco, la Gordillere de la Cote, les Grandcs Andes
et le fond du bassin Intermediaire ont graduellement
abaisse , les unes leurs tetes, I'aulre son niveau, sans
toutefois cbangerleur direction nord et sud. vVrrives a
la haulcur du Zi2°degre de latitude, un peu au-dessous
du parallele qui passerait par le volcan de Calbuco ou
d'Osorno, la Gordillere de la CiOteet le bassin plongent
( 1«8 )
tout a coup sous la mer, landis que , prolongeani sa
marche, la chainedes Andes, ties-amoiruhie, va senier
encore les volcans de Chaypira, du Corcovado, do Yan-
teles, regions riches en mines d'or, pour aller mourir
a son tour dans le detroit de Magellan, a la prosqu'llc
de Port-Famine. Mais, en cxaminant los lieux avec
attention , on est force de reconnaltre que les iles de
Chiloe, les archipels de los Chonos, etc., no sont que
les cimes du prolongement dcs montagnes de la cote
qui remontent a Cliacabuco, et que le bassin compris
entrc cos Cordilleres et les Grandos Andes so continue,
sous la mer, dans lo golfe de Reloncavi, Ic canal d'Au-
cud, les detroits du Corcovado, do los (Ihonos , etc.
Ces portions de I'ancien continent ont dil elre submer-
gdes lors du dernier surgissement de la chaine des
Andes, a I'epoque goologique a laqucUe il convient de
rapporlor le deluge de la Gen^se.
Parti de Santiago le 16 fovrier 18/17, M. de Ginoux
entrait a Valdivia le 13 mars, apros vingl-cinq jours do
voyage; cinq jours apr^s, il s'embarquait pour Valpa-
raiso, et le recit de celle excursion, dont nous n'avons
fait ressortir que les traits principaux, sera, nous n'en
doutons pas, accueilli du public avec faveur.
SliDM.LOT.
( 169 )
VOYAGE DANS LE SUD DE LA BOLIVIE,
PAR
M. H.-A. \VEDF3ELL,
Ancien Voyugeur-Natiiraliste dii Museum J'hisluire iialuiclle,
clc, elc, elc. (I).
Nous avons d^ja fail connaiti'e aux lecteurs du Bul-
letin le voyage de M. Weddcil par Textrait, public dans
ce journal, d'un inleressant chapitre que le savant ct
consciencieux voyageur a consacre a la descriplion du
Gi-and- Chaco (2). En citant quelques autres passages,
nous avons cherch6 a fixer raltention sur un ouvrage
qui, dans un mince volume, renferme sur des pays
mal connus des informations exactes et precises qu'on
ne trouve pas souvent dans de gros in -quartos. Aujour-
d'hui que M. Wcddcll est de retour d'une contr^e qu'il
vienl d'oxplorer pour la seconde fois, et qu'il va pu-
blier la relation de son nouveau voyage, nous croyons
utile d'indiqucr au moins les traits principaux de sa
premiere excursion dans la Bolivie.
Parti de France en avril 18A3, M. Weddell , attache
comme medecin a I'expedition scientifique de M. de
Castelnau dans I'Amerique tlu Sud, accompagna pen-
dant plus de deux ans ce voyageur dans ses longues
courses a travers les forets et les deserts et sur les
fleuves de I'empire hr^silien. Se Irouvant le 2/i mai
(l) La relation de ce voyage, lire'e a part a un petit nombre d'excni-
plaires, a ete jointe a V Expedition dans les parties centrales de I'Ame'-
rique du Sud, de M. Francis de Castelnau, dont eiie forme le 6* vo-
lume.
(a) Bulletin de fe'vricr i85i, 4* seiie, 1. 1, p. 122.
( 170 )
18/15 clans iin petit village de la province brdsilieniio
(le Matto-Grosso, siluee sur le Rio-Paraguay, a une
distance a pen pres dgale des deux oceans, M. Wcddell,
([ui ne perdait point de vue la mission particuli6rc
qii'il avail recue de notre Museum d'liisloire naturelle,
et curieux de visiter des regions oil aucun naturalislc
n'avait encore penelre , se separa de M. de Caslelnau.
Apres avoir visits Ics forels a Ipt^scacuanha, qui con-
stituent une des principalcs richesses de cette partio dc
I'empire du Bresil, M. AVoddeJl so dirigea vers la fron-
tifere de la r^publiquc de Bolivic, qu'il passa le 29 aoiil
de la nieme annee. 11 ne voit, pour aiiisi dire, qu'cn
passant la province de Chiquitos, si bion etudiee juir
M. Alcide d'Orbigny. II dticrit en pen do mots, quoique
avec exactitude, le Curuciici, coleopttiie du genre Py-
rop/iorus, vrai joyau vivant, que la coquettcrie des
jeunes fiUes de Santa-Caaiz de la Sierra a mis a profit
pour se or^er des parures charmantes, et dont ellcs
lornient des guirlandes luniineuscs. Lc 13 octobre, il
traverse le Rio-Grande, qui di^crit, comme Ion sail,
un vaste coudo avant d'enlrer dans la jnovince de Cbi-
quitos et de se reunir, vers le nord, au Rio-Beni. Le Ih,
il enire a Santa-Cruz de la Sierra, qu'il ne tarde pas a
quitter. Traversant ensuite quelques bourgades peu-.
pl^es par les Indians Chiriguanos, il arrive h Gutierrez
(2 decembre), r<icemment <^rigee en capitale de la
province bolivienne de la Cordillera, et silu(^e dans
une prairie marecageuse. Le mais, le manioc et le riz,
constituent le fond de la nourriture v(^g6tale des habi-
tants de cette province, ou Ton cultive ^galemont la
patate, le mani , le bananier et la canne a sucre. Elle
est divis<!!e en deux cantons : celui de Piray, au nord,
( 171 )
etcelul do Gutierrez, au siul, cliacun d'eux renfcrmatit
un grand nombre de hauieaiix, dans lesquols sont dis-
simines Ics habitants. Aiix environs de Gutierrez, se
trouve le lac Opahusti, lequel, au dire des nalurels,
occupe la plai e d'un village consiilerable, qui, un
jour, s'enfonca subitenient (1). Comme on prelendait
aussi que des iles enchantees [Ceri-itos), que le pied
d'aucun etre humain n'avail foulees, se trouvaient au
centre du lac, M. Weddel! , dans son desir de tout
connailre et de rompre le charnic, se rcndit sur les
lieux , accorapagne d'un grand nombre d'liabitanls
de la vallee de Limonzito, qui se grossit d'un corps de
fenrimes de tout age, d^sireuses , disaient-elles, d'as-
sisler au moins de leurs prieres au succes de I'ev^ne-
rnenl; mais a peine fut-il question de retirer \es pon-
chos, les bottes, et aulres vfetements, que les bons
[Jmotizi!c7ws se relirerent un a un jusqu'au dernier,
laissanl M. Weddell seul pour aflVonter les esprits des
cerritos. II traversa le lac partie a la nage et partie erl
iTiarchant sur un linion noir comme de I'cncre, parti-
culi^rement doux au toucher, ayant de la boue jusqu'a
mi-corps. Lorsqu'il mitpied a terre, il s'apercut qu'au
lieu de Irois iles dont on supposait que cet archipel
olait compose, il y en avail quatre. II avait done, sans
s'en douler, d^couvcrt une terre inconnue a laquelle
il pouvail donner son nom, si la fantaisie lui en avait
pris. La plus grandc de cos iles elait couverte de vege-
tation; mais il n'y vit aucun arbre en fleur. Sur le bord
meme de I'eau , charg<ie de 7 pour 100 de parties sa-
(i) C'csl a cause de cclic circonstance, preteiid-on, que le lac recut
If! nom iVOpiihusu, '|ui si;;iiifi(;rait, en lannue giiarani, tout dhparut.
(172)
lines, il rcinarqua que les pierres ctaienl couvertes
d'une iTiali^re violaceo qui lui parul 6trc de nalurc
vogetale ; il en emporla phisieurs pour sa colleclion.
Le 12 decembrc, M. WeildcU pril congd- de Gulierrcz
el de ses i)ales iiabitanls, pour se dirigcr vers la pro-
vince d'Azero. Sauces, sa capilaio, tire son nom du
grand nombre de saulcs [soaces, en espagnol ), qui sc
renconlrcnt aux environs; ellc a des maisons assez
bien construites et couvorles en tuilcs. La Cordill6re
de Illinchnpa, situee a trois lieues au nord-cst de cette
villc , presentc un intdret parliculier, en ce qu'olle
forme la lignc du partage des eaux du Rio-Grande cl
de celles du Parabiti. A Sauces, M. Wcddoll vit pour la
premiere fois la coca, feuille dessdcliee d'un arbrisseau
que les Indiens macbent, el dont on se sert pour faire
une espi^cc de the. II y resta quelqucs jours, pour at-
tendre une escorte, et se reiulit ensuito a Pomnbaniba.
Cette capitate de la province de Toraina a des maisons
assez bien alignees , dont los toils sonl couvorls en
tuiles comme ceux de Sauces, el, de plus que celle-ci,
plusieurs de ses rues sonl pav^es. Elevee d'environ
2 600 metres au-dessus du niveau de la mer, Poma-
bamba passe pour avoir une population de 700 ames;
la temperature moycnne de I'annee est, a peu do cliose
pr6s, de 14 degr^s cenligrades, et Ton y parle le qid-
chua, bien plutot que Tespagnol. La cliarrue dont on
se sert dans cette conlrcic, et presque universellomenl
dans les ci-devant colonies espagnoles de TAmericjuc,
consiste en un grand crochet de bois, garni d'une
pointe de fer, et I'ien de plus; ce sont des bceufs que
Ton y allele.
De Pomabamba, M. Weddcll, api'es avoir pass6 a gue
( 173 )
le Pilcomayo a environ hO ou 50 lieues de sa source,
se dirigea vers Cenli , jolie vlllc, capitale de la pro-
vince du meine noni , dent la population est 6valuee a
1 100 auies; on donne a la province un pen moins de
40 000 habitants, dont 6 000 Indiens. C'est dans les
environs qu'un Iroupeau de Llamas, dont la patrie
venerable est la Puna, frappa pour la premiere fois son
attention.
Chaque habitation de Tarija , placee au fond d'une
vallee que M. Weddell vit apres avoir quitte Centi ,
seniblc sortir d'un petit massif de verdure. De son
centre s'el6vent les tours de briques de deux eglises ;
les toils des maisons sont presque plats et compl^te-
mcnt reconverts de terre. Quelques-uns seulement sont
orn^s sur leurs bords d'un mince lisere de tuiles. Les
rues sont bien alignees et assez bien pav^es, et des
ri^verberes sont suspendus a des distances r^guliferes.
Tarija, dont la population ne depasse pas 4000 times,
est du petit nombre des villes boliviennes dans les-
quelles I'elemcnt indien est en grande minorite.
Fondee en 1574 par les jesuites, ils en avaient fait le
chef-lieu general de leurs missions, qui etaient, a la fin
du xviii* siecle , au nombre de vingl et une, et comp-
taient 16 571 habitants. Celte ville, placee sur les con-
fins de la Republique Argentine, dont elle a longtemps
dependu, pent etre consideree, sous le rapport de ses
mceurs et de ses coutumes, comme faisant encore
partie de ce pays. C'est en 1826 qu'elle en fut violem-
ment s^paree, pour etre unic a la Bolivie; elle est au-
jourd'hui la capitale de la province du raemc nom. Un
usage, que M. Weddell considere comme propre a Ta-
rija, ou du moins qu'il n'avait encore remarqu6 dans
( 17/i )
aiicune autre ville do rAmcriquc , est celui qu'onl Ics
fomtiios de se farder; il vout I'aire allusion a colles dcs
classes eleveos, car prcsque partoul lo lard est em-
ploye dans certains rangs du has pi.uple. Cclle coii-
tume est porlee si loin dans (juckjucs families, que
Ton pourrait dire qu'il s'y troiivc dos femmes dont
on n'a jamais vu la couleur naturellc. II y a a Tarlja
une congregation de peres franciscains qui , par la
pureld de leurs mceurs el par les services qu'ils ont
rendus a la \illc, out su s'attlrcr le respect de toutes
les classes de la society ; leur bibliotlieque ne renfcrmc
pas moins de ({uatre mille volumes, la plupart traitanl
de sujets religieux ; il y en a cependanl un certain
nombre sur la geographic, I'histoiro, etc.
De Tarija, M. Weddell sc rendil par San -Luis el Vil-
larodrigo a la fronti^re meridionale de la Bolivie, d'oii
il s'aventura dans le Grand- CJiaco. Apres cclle excur-
sion, notre voyageur revint a Tarija, a Cenli, et, de
la, gagna Chuquisaca, lermo do son exploration dans
lo sud (le la Bolivie. II y arriva le 19 aoAl 1841.
Nous ajouterons que M. Weddell a consacre un cha-
pitrc fori intdressant do sa relation a I'histoirc cles
Missions, creees par les religieux de Tarija , dont il a
puis6 la plupart des elements dans un recueil de do-
cuments publics en 1836 par don Pedro dc Angelis,
I'un de nos corrcspondants elrangers, dout nous rc-
grellons tous que le silence se jirolonge un pcu Irop.
Si ces lignes tombent sous ses ycux , nous esperons
qui! essay era de se juslifier sans doute. Mais nous
devons lui declarer que nous n'acceptons sa juslifu a-
lion qu'accompagn(ie d'un bon article pour le Bulletin.
De la RoQUjiTTj:.
( 175 )
NOTICE
SUR LES NOIRS DE LA COTE DE KROO
(AFf.IQUE OCCIDENTALE) (1),
PAR
M. CONNELLY (2).
II y a deux cents ou deux cent cinquante ans,
quelques tribus de Bushmen, du nom de Claho ,
etablis a 2 ou 300 milles dans rinterieui", vinrent ,
en descendant Ja riviere Pauvie [Poor river), se fixer
pres de la baie , ou ils apprirent a connailre le sel.
D'aulres tribus de I'interieur vinrent avec leurs chefs
respectlfs se reunir aux premiers et se fondre en un
seul gouvernemcnt, comprenant cinq villes, sous les
noms de Liltle-Kroo, Settra-Kroo, Kroo-Bar, Nana-
Kroo et Kbig-jyUV s-Towii. Du temps de la Iraile, ccs
tribus aidaienl les n^griers portugais. Ils pretendent
que, par suite d'un comprorais enlre eux et les negriers
portugais ou aulres, ils devaienl elre exempts de I'cs-
(1) C'est une depemlance de la rote Jcs Graines, ou de Mal;){»uelte,
pies la republique dc Liberia. Le pays de Kroo, ou Ivrou, s'elend jus-
qu'aiipres de la rivirie Saiicjuiuy au nonl (5" 12' laiit.^, et jusr|u";i
Badoti, au sud. u Les hoinmes du Kiou, dit M. le capilaiiie de Kei-
li.illet [Manuel dc la navi<j(ilion u la cote occideiitale d'AfrijUc^^ soiit
inlelligpiit-i, d'un uatuie! Joiix, obeissants, et Ues-piopres , par leui-
liabiuuJe du travail des embarcations, lenr connaissance de la cote,
leur Iiabilete a franchir les bar.res et L s brisant.<, aux loiainunications
si difficiles a e'tablir sur celte eote , qui en est yaniie dans toute son
eteiidue. Ce sout les meilleur;; travailleiirs de toute la cote d'Afrique,
sans en excepler les Yoloffs du Seii('(ia!. >i D. L. U.
(2) Cette interessante notice, dont I'auteur est -NL Connelly, ttiis-
sionnaire americain, a ele inseree dai1s YAtiti- Slavery reporter^ et tra-
duite dans la Rcvi'.c rolo)iiale, d'oii nous I'avons extraite. D. L. It.
( 176)
clavagc , et portaient comme signe de reconnaissance
line marque noire sur le front et le ncz. Cette coulume
exisle encore cliez eux. II est egaleincnt exact qu'ils ne
se vendent pas comme esclaves. Quant a leur nom do
Kroomen , il jiasse pour n'etre qu'une corruption de
Crewmen ( homrae d'equipage), nom qu'ils auraient
regu a cause de leur frequent emploi a bord des navires
qui visitenl la cote d'Afrique. La polygamic est tros-
repandue parmi eux, et I'esclavage y est en vigueur :
loutefois leurs esclaves appartiennent tous a d'autres
peuplades et ne sont jamais vendus aux Strangers ni
meme en dehors de la triliu. Leurs habitations sent
de forme carree, conslruiles en picux revelus de bam-
bous tresses, avec un toit'couvert de feuilles. Le plan-
cher est form6 de bambou Ircsse, 6lev6 sur des pieux
de 18 pouces; la portc et le plafond qui supportc leur
grenicr ont si pen do hauteur, qu'un adulte nc peul
y entrer debout. II y a d'ordinaire, dans chaquc case,
trois clxambres separees par des cloisons de bambou
trcssd. Le foyer est construit en terre glaise , dans un
coin de la chambre, ou se Irouve I'unique fenelre qui
laisso penetrcr le jour et sorlir la fumee. La fumee, du
reste, en penetrant dans le grenier par les inlerslices
du bambou, preserve Ic riz des atlaqucs des insectes,
qui autremeut Ic devoi'eraient.
Leur ameublement consislc presque uniquement en
quelques ustcnsllos de cuisine. Le parquet leur lient
lieu do lit, de tabic et de chaises; ils ont pour oreiller
un moiccau de bois rond. Une piece d'etollc roul6e
aulour des reins forme leur vctement. Leur culle con-
sislc dans une contemplation superslilieuse de la nou-
vclle lune; une fcle est cdiebrc^c le premier jour de la
( 177 )
lune par les chefs, qui font une promenade de devo-
tion dans un fourr^ appel(i le Bois dn Diable. lis met-
tent leur con fiance dans la protection des amulettes et
des gris-gris. Ce peuple altribue la mort et la maladie
a des sortileges, et ils s'adi-essent a leurs docteurs pour
savoir quelle est la personne qui par sortilege est cause
de ces maux. Les reponses de ces docteurs sont accueil-
lies comme infaillibles. La personne designee par eiix
comma coupable de sorcellerie est arret^e par le
guerrier-roi, et condamnee a I'epreuve du sassy-ivood.
L'^corce de ce bois est un narcotique puissant dont
l'accus6 est contraint de boire une forte decoction.
Apres avoir bu, il se promfene de long en large, en
s'ecriant : « Suis-je un sorcier? suis-je un sorcier ? »
pendant qu'un des executeurs le suit , en disant :
« Vous etes un sorcier, vous etes un sorcier. » Cette
c^remonie dure jusqu'a ce qii'il ait rejete le poison
et alors son innocence est prochunee ; mais si la dose
agil comme purgatif , on declare le malheureux cou-
pable, et on le contraint de boii^e de nouvelles doses de
la decoction et de subir d'autres mauvais traitemenls
qui entrainent bientot la mort. Quand I'innocence est
proclamee, c'est une grande joie et un grand trioinphe
parmi les amis de I'accus^, qui pai'courent la ville en
chanlant, en dansant, en lirant des coups de fusil : le
raagicien rend a ceux qui ont eu recours a lui I'argent
qu'il a regu. Nous eslimons que cette malheureuse su-
perstition du sassy-ivood cause chaque annee la mort
de milliers d'Africains.
Dans les tribus qui se sonl r^unies pour former la
nation des Kroomen , il est probable que, dans I'ori-
gine, le gouvcrnement <Hait })alriarcal ; aujourd'hui,
III. Fi;VRlER. 5. 12
( ^78 )
^'est line olij. archie qui so perpelue d'elleraSme, bien
qu'un des chelsait le litre do roi et un autre celui de
gouverneur. Les chefs sont au noaibre de douze a
quinze ; ils portent comme signe d'autorite un anneau
de I'er a la juuibe. La dignile de roi est huriidilaire;
i'office de gouverneur est donne a une faniille pour des
services anciens rendus par ies ancelres dans la con-
quete du pays. Le guerrier-roi est elu pour un lenaps
indefini par les chefs; il est general des troupes, qu'il
commande en teuips de guerre , ct charge de faire
arreter et executer ceux qui sonl condamnes a boire le
sass/-i\'ood. Celte charge est fort rccherchee, car celui
qui en est I'evetu a droit a une retribution assez large
pour chaque arresLation. Outre ces hauls dignilairos et
leurs assistants , il y a encore six ou huit chefs qu'on
appelle les hornmes du palabre ; ceux-ci , reunis aux
autres rois et gouverneurs, fonnent lo couseil de la
nation. Chacune des trihus, dout la reunion lonne le
people des Rroomen , a son roi, et le roi supreme est
pris a tour de role dans chacune des families royales.
Les lois de ce people sonl un corps de coulunies Irans-
mises par la tradition , Inlerprelees el appliquees par
le conseil general , qui rend a I'occasion des lois sp6-
ciales, le plus souvent sugg6r»!!es ou diclees par le doc-
teur ou magicien. Ces lois sonl imparfailcs , incoh6-
rentes et injustes. Si queique objct se perd, et qu'un
Kroonian soil accuse de I'avoir derobe, I'accus^ est
contraint a boire le sassy-wood pour prouver son inno-
cence.
Les motifs dirigeants chez. les Kroomen sont la sen-
suality et la vanil6. Les hommos employes a la naviga-
tion sur la cote, ou romme facleurs .i terro, sont indus-
( 179 )
trieux et actifs; dans leurs villages et sur les plantations,
lis demeurent oisifs, les femnies seules s'occupent des
travaux. Les lioiiimos consti'iiisenl les cases et defri-
chenl les tei'ies ; les lemmes font les semailles, surveil-
lent, cultivent, uioissonnent et battent le riz; elles
coupent et apportent le bois et font tout le Iravail a
i'int^rienr. II est rare qu'elles mangent avec les
hommes ; la favorite, on premiere femme, est senle
exempte de cette exclusion : c'est elle qui surveille la
caisson des aliments et en goute la premiere avant que
le mari y touciie. La polygamie est une cause constante
de jalousies et de querelles entre les femmes. Toutes
les femmes legitimes sont achetees pendant qu'elles
sonl enfanls, et remises a leurs maris quand elles ont
alteint I'age nubile.
Les femmes agees et incapables d'autre travail s'oc-
cupent avec assiduite a faire du sel par Tebullition de
I'eau de mer. C'est uii de leurs principaux articles de
traite avec les tribus de I'int^rieur. Les chefs des fa-
milies influentes ont sous leur direction des jeunes
gens (parmi lesquels on comptc souvent des hommes
de trente uu quarante ans), et ils agissent avec eux
comme des luteurs avec des pupilies. Ces jeunes gens
se rc^pandent sur differents points de la cote de Sierra-
Leone au cap Coast, et meme a Fernando -Po, par
groupesdedix ou douze, qui choisissent un d'entre eux
comme chef : c'est lui qui fait les engagements pour
tous. Apr^s avoir amasse le plus d'argent qu'ils peu-
venl par leur travail dans une periode de temps de six
raois a deux ou irois ans, ils reviennenl dans leur pays.
Leurs Economies sont alors disLiibuees a leurs families
par leurs tuteurs. qui doivent aussi acheter des femmes
( 180)
pour chacun de cos jeunes gens dus que, par son lra«
vail, il en a nic^rit^ une. On juge chez les Kroomen de
I'importaiice d'un homme d'apr^s le noinbre de ses
femmes et la rlchesse de ses troupeaux de bcEufs : c'est
en bestiaux, en effel, que consisle la principale richesse
de cette nation.
La mission presbyt^rienne clicz les Kroomen a deja
hull annees d'existence. Celle mission a loujours eu
comme annexe une 6cole oii les enfanls sonl nourris,
vetus el inslruils gratuilement. Pendant trois ans ,
I'dcole a compte , en moyenne , environ 60 dcoliers ;
mais, depuis cinq ans, elle est en decadence, et n'en
a plus que 25. Trois cents enfants environ ont appris,
grace a ces lemons, a lire intelligiblement , plusieui's a
^crlre , et tous ont ^te instruits des doctrines de la re-
ligion cbriHienne. Un petit noinbre s'est livre a I'etude
de quelques sciences; un nombre bien plus grand n'a
pu rien apprendre, qu'a 6peler ou ua6me a connaltre
I'alphabet.
NOTE SUR LE MAROC.
11 est pen de pays sur lesquels on ait 6crit plus de
volumes que sur le Maroc, et, il faut bien Ic dire, il
en est pcu sur lesquels nous soyons moins ^clair(5s.
Independammenl de ce que nous ont laiss6 Polybe,
Strabon , Mila, Pline, Plolomee, etc., etc., sur cette
contree mysl6rieuse, nous possedons vingt-neuf ou-
vrages d'auleurs arabes, deux cent cinquante-buit
d'aulcurs europeens, des cartes, des plans, des vues
( 181 )
par milliers. Nous possi^clons en outre I'excollent tra-
vail de M. Renou, travail qui fait partie des Etudes de
la commission scientifique d'Alger ; mais la lumiere
est loin d'etre complete.
Cast surtout par voie d'analogie avec ce que nous
savons de nos possessions algeriennes, et nous sommes
loin encore de connaitre compl^teraent ce magnifique
pays, que nous pouvons soupgonner ce qu'est en r6a-
lil6 le Maroc. On sait, par exeniple, que ce vaste em-
pire a une superficie de 5 775 myriametres carres,
ce qui fait un pays plus grand que la France, dont la
superficie n'est que de 5 300 myriametres. Mais quel
est le chiCfre de la population qui couvre cette immense
etendue ? Ici nous retombons dans les evaluations. Le
voyageur Jackson estimait ce chiffre a 15 millions ;
mais c'est la une exageration puerile, et en tenant
compte de ce que nous voyons en Algerie, il n'est pas
permis d'evaluer la population du Maroc a plus de
6 millions d'habitants.
Cette population se divise, comme dans le pays du
nord de I'Afrique, en Berb^res, Arabes, Maures, juifs
et negres, et dans des proportions a peu pres iden-
tiques. Les Berberes, anciens maltres du sol, dont ils
furent deposs^des par les Arabes, occupent presque
exclusivement la zone montagneuse qui traverse le
Maroc du sud-ouest au nord-est.
Les montagnes du Rif, plus rapprochdes de la cole,
et qui sont un contre-fort de la grande chaine centrale,
sont babit^es par des tribus indomptees, dont nous
connaissons a peine les noras, et encore ne les avons-
nous appris que par les recits de Jean L6on I'Ai'ricain,
qui datent de trois siecles.
{ 182 )
Cc que nous connaissons le iiiieux, ce sont les
grandes plaines qui fornient la seconde zone, oil se
trouvent les principales villes marocaines, telles que
Ouchda, Taza, Ouezzan , Mekn^s, Fez, Maroc , et les
villes du littoral de I'Ocean.
Tout a fait au sud , se trouve la contr^e monta-
gneuse de Gazoula, oil se tiennent les grands marches
d'^change pour les tribus du sud. Tout cc que nous
savnns de ce inysl^rieux pays, c'esl qu'il possfede des
vallees ot des plaines fertiles, de grands lacs navigables,
des forels magnifiques, des cours d'eau poissonneux.
Mais cette contr^e, comme la plupart de celles qui
formenl I'empire du Maroc, n'est soumise que nomi-
nalement. Et en voici la preuve : la superficie de I'em-
pire, avons-nous dit , est de 5 775 myriamdtres carr^s, |||
2 500 a peine consenlent a payer I'impot, et encore
on cnmprend dans ce cbifTre le Rif et plusieurs tribus,
comme les Chaonia, qui ne payent les taxes que lors-
qu'elles y sont conti^aintes par la voi^ des armes et
des razzias ; le reste 6chappe a toute colonisation.
Le Maroc se divise, comme notre Alg^rie, en Tell el
en Sahara. Le Tell marocain a une longueur d'environ
75 myriametres; il en a 30 ci hO de largeur, et sa su-
perficie est de 3 225 myriametres carr^s, ce qui fait
une ^tendue double, ou peu s'en faut , de celle de notre
Tell algerien. Le Sahara marocain est d'une ^tenduc
h peu pr^s ^gale a celle du Sahara algerien. Ce puis-
sant element do richesse agricole est a peine exploits.
On cultive autour des villes seulement quclques le-
gumes et quelques fruits. La canne h sucre a 4t^ cul-
tiv^e autrefois dans les provinces de I'ouosl, et cette
culture avail couipletemenl rt^ussi. Les forels sont g^-
( 183 )
n^ralement pourviies d'essences variees qui acqui^rent
de magnifiques d^veloppements.
Ce pays doit a la hauteur de ses montagnes et a I'uni-
formite de la pente gen^rale les cours d'eau les plus
considerables que possfede le nord de I'Afrique. Nous
cjterons le Miouia, le Loukkos , I'Ouarra , le Sbou ,
]'Omm-er-R'hia , le Bouragraz, qui arrosent les pro-
vinces septentrionales, et le Guir, le Ziz et I'Ouad-
Draa, qui pourraient, si Ton savait utiliserleur cours,
f^conder les provinces m^ridionales. Les ricliesses mi-
n^rales sent peu connues ^ mais faut-il s'en etonner
quand , apres vingt-deux ans d'occupation , nous ne
connaissons pas encore toutes celles que renfenne le
sol algerien, soumis a notre domination? Quelques
mines decuivre sontgrossierementexploil^es, dememe
que les montagnards du Rif exploitent du minerai
de fer, pres de la riviere Miouia; mais ces industries
rudimentaires sufTisent a indiquer quels tresors la
science moderne saurait tirer des flancs de ces mon-
tagnes inexplor^es.
Quant aux villes principales, Tanger, Fez, Maroc,
Tetouan , etc. , etc. , elles peuvenl etre I'objet de mono-
grapliies interessantes, et elles ont 6te plus d'une fois
decrites avec soin par les vovageiirs du siecle dernier
et par les consuls qui y resident : c'est a ces seules
villes que s'est longtemps bornee la connaissance geo-
graphique que nous avons cue do I'empire du Maroc.
{Extrait (Viin article dc la Revue orientale d6 1852, par
M. Louis Jonrdan.)
( m )
rVonvelle^ geo$r»{ilii(|iies.
ASIE.
Le PuNJAun (Pundjab), or pays des Sihks (Sikhs). —
Le Punjaub, plus connu en Europe sous le (ilre de
royaumc dc Lahore, el tout r^cemment annexe aux
possessions anglaises de I'lndo, tire son nom des cinq
fleuves qui le sillonnent ou limitent dans leurs par-
cours : ces fleuves principaux di\isent le Penjaub en
cinq zones, de la forme d'un secteur, connu sous le
nom de Doabs. Born6 au nord-ouest par I'lndus el au
sud-est par le Sutleje, le Punjaub proprement dit
figure assez exactement un ti'iangle dont le sommet est
plac6 a Milhencote, a la jonction de ces deux fleuves,
la base etant form^e au nord-est par les chaines de
vastes montagnes appartenant a I'llimalaya, ou Cau-
casc hindou. Pechawcr et la D^jarat, conquis sur les
AfTgbans, sont les seules provinces qui appartiennent
aux Sihks, au dcla de I'lndus, en dehors du triangle
dont on vient de parler.
Le climat, la nature du sol, et le caractere du pays,
varient infiniment dans celle vaste contree, qui s'etend
dcpuis les dd'serls bridants du Scinde jusqu'aux mon-
tagnes neigcuscs dc I'Aflghanistan et du Cachemire.
Le Punjaub contient unc j)opulatlon dc cinq millions
d'habilants, qui rendent un revenu annuel d'environ
trente-cinq millions de notre monnaie ; les fleuves qui
le travcrsent sont, pour la plupail, navigables a qucl-
ques centaines de milles au-dessus dc Icur point de
jonction, ct relenduc do la navigalion inl(5rieurc atteint
environ 670 licues.
( 185 )
La secle des Sihks fut fonclee par un gooroo, ou pro-
ph^le , du nom de Nanae , qui florissait vers la fin du
xv° siecle de notre bve. La religion de ce peuple consis-
tait, a I'origine, dans un pur deisme : les Sihks croyaient
a la transmigration des ames, et consideraient la vache
comme un animal sacr6 ; aujourd'hui encore ils font
usage de tousles aliments solides ou liquides, sauf la
chair de boeuf. La liberie de renoncer a leur caste ,
I'admission des proselyles, et le devoir religieux de se
consacrer au metier des armes, distinguent suffisam-
ment ce peuple des autres Hindous. Les Sihks se per-
mettent a I'occasion les plus grossi^res debauches, et
professent pour les mahomctans la haine la plus inv6-
teree ; leur livre sacre porte le nom de Griinht; leur cri
de guerre est : Victoire au gooroo!!!
Vers la fm du xviii* siecle , le Punjaub fut ravage a
plusieurs reprises par les incursions des montagnards
alDFghans , jusqu'au moment oil une confederation des
principaux chefs des tribus sihkes mit un terme pas-
sager aux soudaines agressions de leurs farouches voi-
sins. Neanmoins le pays des cinq fleuves ne commenga
a figurer dans les annales de I'lndoustan que sous son
dernier souverain , le fameux Runjet-Singh , fils d'un
chef d'un rang 6lev(^.
Runjet-Singh laissa a sa mort, arrivee en juillet 1839,
au debut de la premiere campagne d'Affghanislan, une
grande renomm^e de talents, de bonheur et d'immo-
ralit(!!. C'^tait ce prince qui avail extorque au shah
Soojah, alors sous sa protection, le fameux fvooh-I-
Moor, ou montagne de lumiore, le plus beau et le plus
c^l^bx-e diamant du monde entier, lombe depuis au
pouvoir des Anglais.
( 186 )
All comuienceiiient de 1848, la r^volte d'un des
principaux chefs sihks, alors gouverneur de Mooltan ,
amena line insurrection gon^rale centre les Anglais.
Apres une liitte sanglante, signal<^e par les batalllos de
Chillianwallah el de Goojrat, el la prise de Mooltan,
les Sihks diirent ceder sur tous les points aux forces
imposantes que la Compagnie avail mises en cam-
pagne. Une proclamation du mois de mars 18Z|9 a
annonc6 aux peuples de I'lnde la conqufile definitive
du Punjaul) et son annexion aux possessions britan-
niques.
[Extrait d'unc notice de M. Richild Gfwel, enseigiie de
vaissenii, inseree dans la Revue de I'Orient, de I'Al-
gerie, et des colonies.)
AFRIQUE. :|j
Abyssinie. — INouvELLES DE M. Theophile Lefebvre ,
LIEUTENANT DE VAissEAU, — Unc lellrc de M. Plowden ,
consul anglais a Gondar, arrivee a Paris le 20 ou 27 aout
1851, el qui paralt avoir 616 6crite au mois d'avril pre-
cedent, fait connaitre que M. Th. Lefebvre , dont la
famille n'a pas re^u de nouvelles depuis trois ans, se
trouvail a celle 6poque en Abyssinie. M. Antoine d'Ab-
badie avail vu aMugawa, en septembre ou oclobre 1848,
ce voyageur dislingu6, auquol la Sociele g^ographique
a accorde une mddaille d'or en 18Zi7,
{ 187 )
AM^RIQUE.
Etats-Ums. — Tehritoire u'Utah (1). — Divisions
ADMINISTRATIVES ET POPULATION d'aPrLS I,E DERMER RE-
CENSEMENT DE 1850 (2).
Comtes. Population.
Davis I 1 34
Great-Salt-Lake 6 i5[;
Iron 36o
San-Peter 365
Toorle , i52
Utah 2 000
Weber i 186
Total , , 354
On pense que, depuis le dernier recensement , la
population a augment^ de 3 a 4 000 individus.
D'apres le meine recensement, le nombre des
Maisons d'liabitation etait de , 2822
Families . 2 83o
Ferines cultivees 026
Manufactures, doni leproduit est evaiue a 5oo dol-
lars 16
(1) Voyez le Bulletin d'octobre-novembre, 4' serie, t. II, p. ayS.
(a) Communique par M. Squier.
( 188 )
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( 192 )
itctes cle la Society.
Proces-verliaiix tlvs seances, Oiivrnges
oiTeets, etc.
PRiSIDENCE DE M. GuiCNIAUT.
P races •'iierbal de la seance, clu 6 fevrier 1852.
Le jiroc^s- verbal cle la derni^rc seance est lu et
adoptti.
M. le ministre de la marine annonce au prdsident de
la Commission centrale, par sa lettre du 2/i Janvier
courant, que, dans le but de favoriser aulant qu'il
depend de lui un ^tablissement utile a la science geo-
grapbique et bydrograpbique tout a la fois, il a d6cid6
que la marine souscrirait a soixante nouveaux abonne-
mcnls du Bulletin de la Societe de geograpJde.
M. le ministre de I'inl^rieur, de I'agriculture et du
commerce, tout en rendant pleine justice aux efforts
de la Society de g^ograpbie pour venir en aide au d^-
veloppement des ^cbanges de la France avec les pays
Strangers, et a ses litres a la bienvcillance du gouver-
nemenl, temoigne, par sa lettre du 2 fevrier, au pre-
sident de la Commission centrale , scs regrets que la
situation de son budget ne permelte pas d'accorder
actuellement de subvention. II ne pcrdra pas de vue la
demande qui lui a etc faite, et sera beureux de Tac-
cueillir ulterieurement, etc.
M. le ministre do la guerre Iransmct, avec sa lettre
du k fevrier, au president de la Commission centrale,
des renseignemenls sur les grainesdc Cbine cnvoy^es
par M. de Monligny, consul de France k Sbang-Hay,
pour 6lre semees en Alg(irie. II fera connailre succes-
( 193 )
pour 6tre semees en Alg^rie. II fei'a connailre succes-
sivenient les observations auxquelles pourronl donner
lieu les cultures entreprises ; el, en adressant des re-
mercimenls a la Societe, il la prie de vouloir bien con-
linuer son concours a son departemenl.
M. Ricbard, mem])re de I'lnslitut, directeur du jar-
din botanique de la FucuHe de medecine, accuse re-
ception, par sa lellre du 27 Janvier, du paquel de
graines de la Cbine , adress^es par le president de la
Commission centrale , pour I'etablissement de la Fa-
culte. II espere que plusieurs des plantes y r^ussiront.
M. Hecquart, officier de spabis, elu recemment
raembre de la Soci^le , transmet au president de la
Commission centrale, avec sa lettre datee de Paris, le
6 fevrier courant, une analyse sommaire du voyage qu'il
vient de faire dans I'inlerieur de I'Afrique. Si la Societe
le desire , il compl^lera ce travail, en comrauniquant
plus lard ses notes au fur et a mesure qu'elles auront
et6 mises en ordre , et y joindra une esquisse de carte.
Celle proposition est accept^e avec reconnaissance.
M. Tougard, pr<^sident de la Societe centrale d'agri-
culture du departeftient de la Seine-Inferieure, re-
mercie la Societe, par sa lettre du 29 Janvier, pour
I'envoi qui lui a el6 fait de graines provenant de la
Chine, adressees par M. de Monligny. II tiendra au
courant des essais qui vont etre tentcs.
Le secretaire du cornice agricole de Toulon ecrit,
sous la dale du 22 Janvier, une lettre seniblable a la
precedente, et I'accompagne de quelques observations
faites sur un certain nombre de graines par M. Robert,
chef des cultures d'essai. II ajoule qu'il croit devoir
formuler le vceu que la Societe de geographic, qui a des
m. FivRiER. 6. 13
( m )
repr^senlanls sur lous les |)oinls clu globe, veuille bien
appeler rattcnlion de ses corrospondanls sur I'envoi
dc gralnes d'aibrcs, surtoiit de la grandc famille des
conijeres, donl on n'a pu encore multiplier sufllsam-
ment les belles especes am^ricaines. La Societe rt^pon-
<]rait ainsi a un besoin du pays, ou s'agile inuUleraent
depuis de si longues ann^es I'importanle question du
reboisement dos montagnes, el ni( Itrait |)roi)ablemenl
6 in§ine dc la resoudre prntiquemcnl.
M. le docteur A. Bacbe, surinlendant du Coasts
Survey, 6crit de Washington, le 13 Janvier 1851 , pour
accuser i'^ceplion des leltres que le secreilaire general
de la Commission centrale lui a ^crites les 25 octobre
el 3 decembre, ainsi que des IhiUetins qui les accompa-
gnaienl. 11 annoncele prochain envoi de quelques docu-
ments qu'il olFre a la Soci^t^, el de son rapport annuel.
M. de la Roquelte donne communication d'un docu-
ment que vienl dc lui iransmcllre M. Squier sur les
divisions adminislralives el la jjopulalion du territoire
d'Utah.
Le secretaire g^n(!;ral lit la lisle des onvragcs olTeris
i\ la Soci6l<i.
La proposition de nommer M. Frank libraire de la
Societe, concurremmcnt avcc Al. Arthus-Berlrand, €st
wnvoy^e a la section decomplabililo, qui devra se r<iu-
nir, ct presenter son rapport dans la prochaine sdance.
La Commission centrale proc6de a I'^lection des
membres de la Commission sp6ciale du concours au
prix annuel pour la ddcouverlc la |)lus importaute en
gd'Ographic faite dans Tannine 1840. MM. Daussy, Jo-
niard, d'Avezac, Antoine d'Abbadie ot Guigniaut, sont
nomm^s, el devront se r6unir le plus tot possible pour
choisir un rapporteur.
( 195 )
M. rle laRoquelte fail uno communication sur l*ex-
pedition nnglaisc qui explore en ce moment I'Afrique
centrale.
MM. L. A. Richy et le major Giordano, de Naples,
sent elus membres de la Socidste de g^ograpliie, sur la
presentation, savoir : lo premier, de MM. Jomard et
Garnier; etle second, deMM. de Froberville et Jomard.
Proves- verbal de la seance dn 20 fevrier 1852.
Lc proces-verbal de laderniere seance est lu et adoplc.
Le ministre de la guerre annoncc , par sa lellre du
9 f^vrier, que, par une decision de ce jour, il a arrfite
qu'il serait pris pour le compte de la direction des
affaires d'Algerie quatre abonnements au Bulletin
mensuel de la Societe de geograpliie. 11 regrette que
I'absence au budget d(! la guerre de tout credit special
pour souscriptions , et I'extrfeme limite dcs fonds dont
il peut disposer pour cet objet ue lui permettent pas
de prendre aux publications de la Societe, dont il ap-
precie toute Fimportance , un aussi grand nombre
d'abonnements qu'il I'eut desired.
M. le ministre des alTaires etrangeres ecrit au pre-
sident de la Commission centrale, sous la date du 9 fe-
vrier, pour lui l6moigner ses regrets de I'impossibilite
oil il se Irouve de donner a la Societe de geographic
une preuve de I'interet qu'il prend au succ^s de ses
travaux ; mais les lois des finances , en reduisant les cre-
dits accordes a son deparlemenl, au-dessous desbesoins
rigoureux de son service special, lui ont ote les moyens
d'accorder a cetle Societe une allocation p^cuniaire ou
de prendre des souscriptions au journal qu'elle jjuhlie.
M. le ministre de I'instruction publique inlorme le
president de la Commission centrale, par sa lettre du
( 196 )
16 f^vrier, qu'afin de Idmoigner a la Sociele de geo-
grapliie sa toule sympalhie pour ses ulilos Iravaux, il a
donne dcs ordres jioiir que son dc^parteinenl continue
pendant I'annee ISoS la souscription aux cinquantc
exemplaires du journal de la Societe qui avait ele phs
I'annee derniere. II regrelle de ne pouvoir accordei'
en ce moment une subvention plus considi^rable.
M. Bajot fait connaltre au president de la Commis-
sion centrale (9 fevrierj tous les regrets qu'il eprouve
de ce que son 6loignement de Paris I'oblige a cesser de
faire partie de la Commission cenlrale de la Societe de
g^ograpliie, dont il a et^ un dcs membrcs fondateurs.
M. Dussicux ccrit de Versailles, sous la dale du 17 i6-
vrier, pour annoncer que ses occuj)alions mullipliees
comme professeur d'histoire a Saint-Cyr, et I'impossi-
bilite oil il se trouve de venir prendre part aux travaux
de la Society, le forcent, a son grand regret, de don-
ner sa demission de membre de la Commission cen-
trale et de la Societe de geographic.
Par une letlre dative de iMont-de-Marsan , 9 fdvrier
1852, M. le prt-fet des Landes accuse reception des
Ictlresque le president de la Commission centrale lui
a (jcrites pour lui annoncer un envoi de graines de
Clune,destineesa la Societe d'agricullure de son depar-
tement. Ces graines ne lui sonl pas encore parvenues.
M. Juric, president do la Sociele d'horticulture de
Lyon, anuonce (7 f^vrier ) qu'il a charge M. A. Ma-
theron, n^gociant, de reliier K; paqucl de graines de la
Chine, deslinees a celtc Societe, et d'en donner un re<;u.
M. J. Lefebvre, capilaine de frtigate, ccrit de Brest,
sous la date du 11 fevrier, au secretaire g(^neral de la
Commission centrale , pour annoncer que Ic lieutenant
dc vaisseau TheophUc Lefebvre, son Irere, aiiquel la
( 107 )
Socielt!! de g^ogiaphie a decern^ une m^daille d'or en
18/17, a cesse depuis trois ans de donner dcs nouvelles
a sa famille, el loules les d-marches qui ont ete failes
pour oblenir des renseignements sur son sort ont jus-
qu'ici ete vaines. II prie le secretaire general de lui
dire si la Sociele de geograpliie a et6 plus lieureuse.
M. de la Roquette a fail connaitre a M. le capitaine
J. Lefehvre les demarches failes par lui et leur resullal.
( Voir aux Nouvelles geographiques.)
M. Joseph de Barbosa-Canaes transmet au secre-
taire general de la Commission centrale, avec sa letlre
dalee de Lisbonne, le 2 decembre 1851, un m^moire
sur la ville de Soure, et quelques autres documents en
langue porlugaise. Ces documents seront examines,
M. Bache, surintendanl du Coast-Survey, des Etals-
Unis, envoie a la Sociele quelques documents geogra-
phiques. ( Voir aux Ouvrnges offerts. ]
M. Jomard communique, do la part de M. le capi-
taine Laliier, uiie carle du Golfo-Dulce (Costa-Rica).
M. Uaussy est prie d'en rendre compte.
Le secretaire general lit la lisle des ouvrages ofTerts ,
jiarmi lesquels on remarque la premiere livraison de
I'Atlas du Voyage de M. Francis de Castelnau ; les deux
premiferes livraisons de I'Atlas du f^oyage de M. Tre-
maux, et une nouvelle t^idition des Elements de geogra-
pliie, publics recemment a Turin par M. Eugene Balbi,
dont M. Guigniaut se propose de rendre compte.
M. A. d'Abbadie lit une notice sur Ic Voyage du doc-
tcnr Ji rap f dans U Jfrique orientale.
M. Jomard communique, de la part de M. de La
Pylaie, mcmbre de la Sociele, une note relative a la
situation du Pagus-Nauerus, maison de campagno du
poele Ausone a Bordeaux.
( 198 )
OUVRAGES OFFERTS
DANS LliS STANCES DES 6 ET 20 piVRIER 1852.
TITHES.
BONATEDRS.
AFRIQUE.
PLANCHES.
Voyage au Soudan oriental et dans rAfiujue scp-
tenlrionale pendant les annees i847 et 1848,
par M. I'ierre Tieiiiaux. i" el 2' liviaison.
Iii-fol. Paris, 1802.
AMtolQUE.
OtVrAGES.
The Coast-Survey of the United-States. Wash-
ington, i85 I.
Notices of the Western-Coast of the United-
States, United-Stales Coasl-Survey, A. D.Bache,
surin ten dent. Revised edition. Washington. De-
cembre i85i.
Extracts from ihe report of the superintendent of
the Coast-Survey, in relation to Liglit-Ilouses,
Beacons, Buoys, etc., in execution of the acts
of congress, approved sept. 28 i85o, and
march. 3, i85i. Washington, i85i.
FLANCIIES.
Expedition dans les parties centrales de I'Ame-
rique du Sud , de Rio-Janeiro a Lima, et de
Lima au I'ara, par Francis de Castehiau.
1" hvr. Paris,
852.
MELANGES.
M^MOlnES IlES SOCIETIES SAVANTICS ET JOl'IlNAUX.
Franfais.
Precis analytlque des travaux de r.\cadi'mie des
sciences, helles-Ieltres et arts de Rouen, pen-
dant I'annec i85o. l vol. in-8". Rouen, i85o.
MM.
Treinatix.
Le professeur
A. Bache.
Idem.
iJem.
Dc Castclnau.
i
Acad, des sciences,
helles-letlres et arts
de Roucti.
( 199 )
TITRES.
DONATEURS,
Extrait des travaux de la Societe centrale d'agri-
culture du departement de la Seine-Iiiferieure.
4° trimestre de I'annee i85i.
Bulletin de la Sociele centrale d'horticulture du
departement de la Seine-Inferieure, t. IV, 3' et
4* cahiers.
Revue coloniale, 2' serie. Janvier. Paris, iSSa.
Revue de rOrient. Noveiubre et decembre i85i;
Janvier i852. Paris.
Nouvelles annales des voyages, etc. Decembre
I 85 1. Paris.
Journal des missions evangeliques. Janvier i852.
Palis.
Bulletin de la Socie'te geologique de France
(feuilles 1 a '}). 3 novembre i85t.
Journal asiatique, 4'' serie, t. XVIII. Juillet a de-
cembre i85i. Paris.
Letires retrospectives sur la marine, par M. Bajot.
N" 5. Paris, 1 852.
Journal d'eduealion populaire. Decembre i85i.
Puis.
L'lnvcsligateur, journal de I'lnstitut historique.
Octobre, novembre et decembre i85i. Paris.
Anglais.
Original papers read before the Syro-Egyplian
Society of London. Vol. I, part. 1 et 11. Lon-
dres, 1845 el i85o.
The journal of tbe Indian Archipelago... (Jour-
nal de rarcliipel indien et de I'Asie orien-
tale). Js"" de mai 1848, mars, avril et octobre
i85i.
The Church missionary intelligencer, a monthly
journal on missionary inforaiation... N° 2,
vol. 111. Fevrier i853.
Allemands.
Zeitschrift der Deutschen morgenlandischen Ge-
sellschaft... (Journal de la Societe orientate
d'Allemagne), 6* vol., i" cab. Leipzig, i852.
MM.
Soc. d'agriculture
de la
Seine-Inferieure.
Soc. d'horticulture
de la
Seine-Inferieure.
Ministre
de la marine.
Les editeurs.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
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Idem.
Idem.
Ide
•200 j
■htues.
Ameiicaiiis.
'Ilio Literary world. A journal of American and
foreign literature, science, and ait. rs"' ^49,
252, 253, 254 (8 et 29 novemlirc, 6 et i3 dc-
ceiiibre 1 85i).
DIVERS.
Kuovi clenientl di geogralia sa;>,f;io d'una descri-
zjone {>cner:de della terra di Adriano Balbi ed
Eugenio I'allii, seconda ediziono sola appro-
vata degli antori. 1 vol. in-12. Torino, l852.
Moise, poeme en vin{;t-(|ualrc chants, par Ana-
tole de Monlesquiou, t. I et II. Paris, i85o.
2 vol. in-8°.
Notice sur les cartes {>e'ogiapl)iques, extraite de
I'Rncyclopedie du dix-neuvieme sieclc. Rrocli.
DON.\TliURS.
MM.
Les editenrs.
.\diien Balbi.
A. de M
ontesquiou.
Joinard.
Lti Hgne ponehice it ^iipie In rmili'
.nripfi- par J/'.' Srhi^ou-r-n/y
i.^j. lii^ {■roifmphif
i-""Si-i-i.- /in //,.,,„ ,/,. Av.„.v ,.^•.
Ltih'ifnP poncfiict' iiiiii^ie ta ronf,'
1 .rifh'h' p(tf Mi' iSchifPi 'era/).
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Unqilude Otrnh-r !.,/.■ du Mvfiiei> ,h- /:„■/.
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BULLETIN
DE LA
SOCIETE DE GEOGRAPHIE.
MARS 1852.
lleiuoircjs,
Motice^, Docuuieiitii originanx, etc.
APERCU
D'UiN VOYAGE DANS LE NORD DE LA BOLIVIE
ET
DANS LES PARTIES VOISINES DU PEROU,
PAR M. WEDDELL (1).
Partis de Southampton le 17 f^vrier (1851), sur le
lialeau a vapeur des Indes occidentales, nous longions,
le 15 mars, la cote de la Nouvelle-Grenade, en vue de
la Cordillere , encore si peu connue, de Santa-Maria.
11 est difficile d'imaginer quelque chose de plus admi-
ral)le que le profil de cetle chalne neigeuse, qui serable
s'dilancer de I'Ocean, et dont I'ceil embrasse, par con-
sequent, toute la grandeur. Les villes de Santa- Marta
et de Carthagene ne nous arret^rent que quelques
(i) M. Weddell a fait ce voyage en compafjnie de M, Ch. Borniche,
avocat a la cour d'appel de Paris, et de M, Martial de Heirypon,
ingenieur civil.
HI. MARS. 1. 14
( 202 )
licurcs. Enfin, le IS mars, on nous doljarqua au sale
village de Chagros , a renli^e de la pelile riviere que
nous allions remonler, pour gagner le cold oppose de
I'islhme de Panama.
Le chemin de for, qu'une Compagnie americaine
construit en ce moment pour relier les deux oceans,
elait bien peu avanc6 ; les maladies, des desertions sans
nombre, augmentaient encore les difllcultes naturelles
de celle enlreprise. On critiquait beaucoup la Com-
pagnie pour ne pas avoir commence les Iravaux j)ar
I'extremite Paci/ique du chemin oil le sol esl moins
niarecageux, el, par consequent, moins malsain.
On sait que, pendant la saison scche, le Rio-Cba-
gres n'est navigable que jusqu'a Gorgona, c'esl-a-dire
pendant I'espace de vingt lieues environ; le reste du
Irajet se fail a dos de mulet, et il est de beaucoup le
plus penible durant les pluies; aussi eut-il ete a de-
sirer que Ion subslituut tout d'abord u cetlo parlie du
chemin une voie lacilement pralicable en tout temps.
La roule qui traverse Fislbme a San-Juan de Nica-
ragua, ou Grey -Town, fait aujourd'hui une rude con-
currence a cello de Chagres. Je crois qu'elle finirail
par lui etre prelerde, si les choses reslaient dans leur
etat actuel, surlout si, comme on so le propose, on
venait a faire un chemin de planches entre le lac de
Nicaragua et Virgin-Bay,
A I'epoque de noire passage, on avail repris en
consideration le jjrojet cle faire communiqucr los deux
raers au luoyen d'un canal (1) qui relierait le llio-
(i)Quel<|ues cartes iiuliqucnt coinuie exislant deja un canal dtr
cette iiatuie; inais il n'l-ii est rien, aiiiiji que dcpuis longlenips I'a dit
M. de HiiiiilioMt.
( 203 )
Alrato a quelqu'un des affluents de I'oc^an Paclfique.
Deux plans fixent en ce moment ratlention.
Dans le premier, la communication aurait lieu par
Ics rivieres suivantes :
1° Rio-Atralo (il se jette dans le golfe de Darien);
2" Rio-Quibdo (affluent du Rio-Atrato);
3° Rio-San-Pablo (affluent du precedent);
4° Rio de San-Juan ( il tombe dans I'oc^an Paci-
fique);
5" Un canal qui relierait le San-Pablo au San-Juan.
Dans le deuxieme projet, on aurait en vue de joindre,
par un canal qui n'aurait que six lieues de longueur,
la Laie de Cupica, dans I'ocean Pacifique, au Rio-
Napipi, affluent de I'Atralo. Cette derniere voie semble
6tre, sous beaucoup de rapporls, supcrieure a I'aulre,
lant pour sa grande brievet^ qu'a cause de la diQi-
cul_t(^ qu'on eprouverait, dansl'autre, a aborder le Rio-
San-Juan , par suite des bancs de sable qui en mas-
quent I'embouchure. La baie de Cupica est ti 135 niilles
de Panama, et lormerail un port excellent.
Nous quitlames Panama, pour le Perou, ie 23 mars.
Dans I'apres-midi du jour suivant, nous elions ^i
I'ancre devant San-Buenaventura, port franc de la
Nouvelle-Grenade, oil s'embarquenl tout Tor el le pla-
line qui se recueillent dans les alluvions de la province
de Ghoco.
On va de San-Buenaventura a Santa-Fe de Bogota
en vingt et un jours, dont les trois premiers se passont
sur le Rio-Dagua, que Ton remonte jusqu'a un eadroit
appclt^ las Juntas. Du ])ort (|ue Ton a etabli sur cette
riviere, un cliemin passable mene, en deux jours, a
Cali ; puis un autre, un peu moins bon , conduit en
( 20/i )
qualrc jours h Carlago. Pour passer de la a Ibague ,
il faut Iravcrser los monlagnes el les forcls (]c Quindiu,
oil la circulation est loin d'^lic facile. Enfin , apres
cinq autres jours de marche sur une route conipara-
tivement bonne , a travers la vallee de la Magdalena ,
on est rendu a sa destination.
Apr^s San-Buenaventura, nous vimes successivcment
Guayaquil, Payla, Lambayeque, Huanchaco (port du
Truxillo), et Casma.
Le h avril, nous jelames I'ancre dans la rade de
Callao. Un excellent chemin de fer fail communiquer
ce port florissant avec Lima, capitale de la r<ipublique
du Perou. On parcourt en une demi-heure la distance
qui separe les deux endroils. Notre station a Lima fut
un pcu plus longue que dans les autros points de I'os-
cale ; nous en primes conge, le 10 avril, et nous abor-
dames, le Ih, a Arica, apres avoir visile en passant les
pelits ports de Pisco et d'Yslay. A partir de ce point,
noire voyage allait se conlinuer par lerre jusqu'A la
ville de La Paz, en Bolivie.
Arica est a J/i lieues de Tacna. Un desert de sable
en pente douce separe les deux points; loule cclte
ri^gion est presque complelcment depourvue de vege-
tation spontanee, cl il ne sera possi])le d'y etablir des
cultures qua la condition d'y amoner de I'eau. A cet
eflet, on s'occupe a Arica, depuis plusieurs annees,
du creusement dun puits artt^sien ; mais jiisqu'ici rien
n'a indique que Ton approchat du but desire.
Tacna, niieux parlag6 que son port, est enlour^ d'un
cadre de verdure. L'eau qui sert a I'arrosemcnt de cette
charmantc oasis vient d'unc pclile riviire qui descend
de la Cordill^ro do Tacora, dont on voit, au loin.
( 205 )
s'elevor les grands pics blatKs. Pas line goullc clii
ruisseau pricicux n'esl perdue. Lo climal Icmpero de
celle partie du Perou y permet la prodiiclion <le la
plupart dcs fruits do la France. Dans les fermes qui
s'y renconlrent, on cultive surlout des legumes et des
fruits; rnais une grande partie de chacune d'elles est
semee de luzerne qui sert, avec la paille de mais, a la
nourriture des nouibrcuses troupes dc mules qui arri-
venl journelleinent de I'int^rieur.
II y a frc^quenunent des trerablemenls de terrc a
Tacna; aussi la plupart de ses maisons sont-elles de
bois ou de terre ; leurs toils sent de planches recou-
vertes d'une couche de boue.
Le 23 avril, nous parlimes pour La Paz.
Notre route devait passer au milieu des pics neigeux
donl j'ai deja parle. Tout le sol, jusqu'au pied des
montognes, etait couvert de pierres I'oulees : on pou-
vait croire que quelque courant nionstrueux vcnait
de ravager ce pays. Ca et la apparaissaient une plante
grasse et quelques arbrisseaux appartcnant a la tribu
des Eupatoires. Nous ne tardames pas a nous trouver
au pied de la chaine qui est connue sous le noni dc
Cordillere lillorale; nous suivimes, en la gravisssanf,
le ravin au fond duqucl coule la riviere dc Tacna.
Le petit village de Paica est situe au milieu de ces
montagnes, a une hauteur de 2 950 metres au-dessus
du niveau dc la mer. Nous y ressenlimcs un assez fort
trcmblement de terre. La vegetation y est encore assez
vigoureuse. Les Solanees frulescentcs y abondcnl; mais
on n'y rencontre aucun arbre.
Accoutum6s a I'alr plus dense des plaines , nous
coramen^auies a ^prouver, en respirant, celte angoisse
( 206 )
parliculiere a laquelle les habitants du pays donnent
le nom de soroche. Nos mules, quoique plus habituecs
que nous, etaient au moins aussi uial ;'i leur aise. A
une (Jl^vation considerable au-dessiis de Paica, nous
rcncontrSines, sur une crcte dc lamontagnc, un de
CCS monticules de pierres que les Indicns y amassent,
et qui sonl si communs au Perou ; nous crilmcs que
nous (^tions arrives a la passe principale de la Cordil-
l^re , mais il s'en fallait beaucoup. Plus loin, tous les
ruisseaux se montr^rent couverts d'une couche dc
glace; trois ou quatre plantes : un Baccharis, un Se-
negon, un Bolax, consliluaient a peu pres toute la
vegetation.
Bientol un nouveau monticule de pierres nous avcrtil
que nous 6tions arrives a I'un des points culminants de
notre route : a la passe de Gualillos. De vastes plaines
presquc nues se montr6renl a nos regards, plaines
glacees qui portent Ic nom dc Punas, et que les vigo-
gnes seules babilent. Plusieurs Gramin^os, parmi les-
quelles se faisaient remarquor les toufTcs grisatrcs du
Deyeuxia i-igidn, y croissent en compagnie d'un Bnc-
charis resineux appele Tola. Get arbrisseau, vrai type
de plantes sociales, est aussi abondant dans cette r<i-
gion que le sont les bruyeros dans nos landes. Les
mules et les baudels mangent avec [)laisir le Deyeuxia,
ou pasto-brabo, comme on TappcUe dans le pays; mais
les vigognes prdlerent los herbes plus bassos, qui Tor-
ment le gazon le jilus fin de la Puna, on pastito.
II y avait autrefois, le croirait-on? un village sur ces
hauteurs : le village de Tacora, Ses habitants furent
obliges dc I'abandonner. Nous passames une nuit sur
ses ruines. La nuit qui suivit celle-lji, nous lumes
( 207 )
obliges dc couchci' en plein air a un niveau a peu pres
semblable, et nous fumes cnterres clans la neige qui
etait tombee sur nous pendant noire sommeil. Le
point ou nous fumes ainsi traitcs porte le noin de
Hospicio ; pres de la, coule, entrc deux montagnes de
roche, le Rio-Maure, qui marque la limite entre le
Pdrou etla Bolivie. Le terrain s'eleve doucement de la
rive opposee jusqu'au point culminant de la route,
connue sous le nom de Apacheta de Chulunquaiani.
La passe est a li 600 metres au-dessus du niveau de
la mer.
En laissant derriere nous ce point eleve, nous allions
gagner (sans cependant quitter les Punas) des regions
moins inbospilalieres. Quelques estancias (fermes a
bestiaux) se monlrerent, et nous vimes des troupeaux
de moutons et d'alpacas sur les gazons veloutes qui
tapissaient le fond des ravins; puis nous arrivames au
petit village de Santiago, et, un peu plus loin, a celui
de San-Andres : villages d'Indiens Aymaras, aux buttes
de boue, couvertes d'un cbaumc noirci. A peu de dis-
tance de la derniere de ces localites, notre route coupa
la direction du curieux canal naturel qui fait commu-
niquer le lac deTiticaca avec celui de Aullagas, et qui
porte le nom de Desaguadero.
Nous apercumes I'lllimani, lorsquc nous eumes
alteint I'entree de la grande plaine appelee Pampa de
Biacha, ou se Irouve un assez gros bourg du meme
nom.
A I'extremitd de cette plaine, on aperooit, comme
par encbanlemcnt, la villc de La Paz. Elle est au fond
d'une vaste cavite, qui est un (ilargissement du ravin
ou coule la riviere qui I'alimentc. L'lUimani s'eleve, a
( 20S )
droito, au-clossus de toiites les autres nionlagno.s de la
Cordill6re; il scmble 6lre Ic genie de I'imniense chaos
qui est venu si subitement s'offrir aux yeux du voya-
geui\ On parvient au pied de la descente par un che-
min taille de tonics pieces dans une berge qui n'a pas
moins de ZiOO metres de hauteur, et qui est lout a fail
perpendiculaire dans beaucoup de poinls. Elle est en-
li^rement formee de depots alluviaux.
La villa de La Paz est trop connue aujourd'hui du
monde savant pour que je croie necessaire d'entrer
ici dans des details a son sujet. Le sejour que nous y
flmcs fut employ^, en partie, a Texploralion des allu-
vions de la partie superieure de la riviere de Chuquia-
guillo, sur le compte desquelles il courail les hisloires
les plus merveilleuses; nous preparamcs ensuite le
voyage que nous comptions faire au districl aurif^re
de Tipuani. C'elait la le but principal de noire expe-
dition. Je rappellerai en passant que ce fut dans la
riviere de Chuquiaguillo que Ton decouvrit la fauieuse
pepite qui se trouve au mus^e de Madrid. L'or que Ton
rencontre dans ceite riviere est d'un jaune trcs-pale,
etant allie a une quantity considerable d'argcnt; aussi
se vend-il a un bon tiers de moins cjue cclui qui est
apporle de Tipuani.
Vers le milieu du mois d'aoiit, nous nous mimes en
roule pour Sorata, petite viilc situee k 30 lioucs de La
Paz, el a moitie chemiu environ enlrc cclle ville ct les
mines vers Icsquelles nous nous dirigions. Di's quo
nous fumes sortis du ravin, nous chemiiiames, dans
une Puna presquc unic, vers le grand pic neigeux de
Ancohuma, auUemenl tht lilampo, siluc au nordnord-
ouest de la ville que nous venions do laisser en arri^re.
[ 209 )
Le bourg de Penas, ainsi nomme a cause des rochers
a pic qui I'avoisinent, est a 13 lieues de La Paz; nous
le passames sans y entrer. La position d'Achacache ,
capitale de la province d'Omasuyos, 6tait marquee par
la presence d'un immense cone de grfes rouge qui ap-
paraissait dans le loinlain.
La monotonie du pays que nous traversions n'etait
rompue que jar quclques fermes indiennes , clair-
semees sur sa surface. Pas un arbre nc se presentait
pour egayer la scene. Des touffes d'une herbe roide, et
jaunie par la gelee, donnait a I'immense ^tendue qu'elle
couvrait une teinte uniforme. Voila la vegetation de
ces tristes campagnes. Le troisieme jour, nous pumes
apercevoir, du sommetdes premiers echelons que nous
eumes a gravir pour nous rapprocher de la Cordillere,
une partie du contour de la Mediterranee peruvienne^
avec ses grands ilots noii's. ficlair^es par le soleil, ses
eaux etaient bleues comnie celles d'une mer tropicale.
Quelques points cultives continuaicnt a se montrer
dans les plaines abritees; mais a mesure que, de pla-
teau en plateau, nous arrivions a des climats moins
temperes, et que nous approchions du sommet de la
chaine qui separe la plaine d'Achacache de I'entree
de la vallec d'liilubaya, les I'crmes devinrent de plus
en plus rares. La table terminale ne nous presenla
plus qu'une grande surface deserlo , balayee par un
souffle glacial.
Bienlot noire vue put plonger du cote de la valleo;
mais les nuagcs en reinplissaient toules les profon-
dcurs.
Notre senlier paraissait colic, couinic uu long fil, a
une de berges de rimmense ravin qui elail sous nos
( 210 )
pieds, ct donl le fond 6tait occujxi par le Rio-Hilabaya,
petit affluent du Rio de Sorata. Nous descendimes ra-
pidenicnt, le froiJ devenanl moins aigu a chaque nou-
veau pas que nous faisions.
Bienlot les cultures reparurent, les arbrisseaux, les
arbustes , et enfin uieme quelques arbres. Nous ne
lardamcs pas a arriver au village de Ililabaya, habile
presque entierement par des Indiens Ayinaras.
Apr^s avoir double une petite Crete de la niontagne,
nous nous trouvaraes dans la vallee de Sorala. Le grand
pic d'lUanipo etait en face de nous, et nous aperctiraes
a notre gauche, sur une sorte de terrasse, a peu de
distance au-dessus du torrent, la ville de Soi'ata elle-
meme , avec ses maisons blanches et ses toits de tuile.
EUe est comme perdue au milieu du vaste reseau de
raontagnes qui I'entoure de toutes parts.
Le chemin de La Paz a Sorala est Ircs-bon. II s'en
faut beaucoup qu'il en soil de nieuie des /lO lieues qu'il
restail a parcourir pour arriver k Tipuani. Je n'hesile
pas a affirmcr que cetle route est une des plus abonii-
nables du raonde. Les mulcts qui font le trajet ne
peuvent porter qu'un poids de 60 a 70 kilogrammes,
encore esl-il quelques points oil il est necessaire de les
decharger, pour qu'ils puissent avancer. En general, il
est preferable de se servir d'horames pour le transport
des bagagcs. Un Indien porte assez facilement une
charge de 30 a 35 kilogrammes.
Les voyageurs emm^nent, lorsqu'ils le peuvent, des
animaux de selle ( il en est de specialemenl dresses a
faire ce trajet); mais ils ont soin de descendre de leur
monture dans les mauvais endroits {fos malos pnsos).
La ville de Sorata est a environ 2 700 metres au-
( 211 )
dessus dii niveau de la mer; son climat est agreable-
ment tempere, et il est repute tres-sain. Sa popula-
tion est d'environ i 200 ames ; celle du canton est de
3 000 ames; et celle do la ])rovince de Larecaja, dont
Sorata est la capitale, est estimee a 35 ou hO milles. Les
autres cantons de Laracaja sont : Sorata , Hilabaya ,
Timusi 5 Combaya , Cliuchulaya , Conzata , Mapiri ,
Chinijo, Yani, Ananea, Tacacoma, Linata, Challana,
Songo, Tipuani, Guanay et Quiabaya.
La montee de Sorata a la Crete de la Cordillfere
est d'abord facile; le sol y est presque nu; quelques
arbusles en composent toute la vegetation. Plus haul,
nous traversaraes des laillis assez epais , qui rest^rent
en arri^re , a leur tour, pour faire place a une vege-
tation de plus en plus basse.
Nous atleignimes, enfin, la region des Graminees.
Surpris par un brouillard epais et par la nuit, dans
cotle phase de noire marche , nous faillimes nous
perdre, et ce fut par miracle que nous reusshnes u
gagner les ruines d'une petite ferme indienne nommee
Lacatia, ou nous devions couclier.
Toutes les montagnes au-dessus de notre gite etaient
couverles de neige. Une piante ligneuse, a feuilles glu-
tineuses, fetides, le Senecio adenotrichius, se voyait en-
core dans ces regions; elle nous accompagna jusqu'au
point le plus 6leve de la route, c'est-a-dire a une plus
grande elevation, peul-etre, que ne Test le plus liaut
point du chemin de Tacna.
La Crete passee, une descente roide, mais facile,
nous conduisit sur les bords d'un ruisseau qui descen-
dait des neiges voisines : c'etait le Rio -Tipuani. A
partir de ce point, nous ne devions le quitter qu'en
( 21-2 )
arrivant a son cn)boiicluire. Toulos Ics j)artios dc la
niontagnc que nous avons vues ei decouveit pendant
cc trajet sont foiui^cs de scliistes pliylladiques.
Notre scconde journee de marche nous mcna a un
petit hanieau appele Tusuaya, ramassis de hulles aux
murs de scliistes noircis par I'liuniidil^ el aux toils de
chauinc plus noirs encore. Les eaux du Tipuani , qui
avaient grossi par I'addition do plusieurs affluents ,
avaient pris une teinte laiteuse. Les torrents ne sc co-
lorent, en general, que lorsqu'ils sont en crue. Dans
ces circonslances, ilscharrient loujours quelques par-
licules du sol qu'ils traversent, el en prennent la
nuance. On dil alors qu'il y a cxjwnjada. Quaiid la
crue est Ires-consid^rable , elle porte Ic nom de ai>e-
iiida.
En nous eloignant de Tusuaya, dont la hauteur au-
dessus de la incr est a peu pr6s la naeme que ccUe de
La Paz, nous gagnions graduellcmenl un climat plus
duux. Aux Buddleia vinrent bienlot se joindrc dcs
Bamlious, des Polygalees arboresccntes, el quelques
Gaultherias. Les taillis devenaient plus epais, et les
branches des arbustcs se chargeaient de Tillandsias,
d'Orchidees, el d'autres plantes epiphytes. Enfin, pa-
rurent les grandes forels. Lc clicmin, qui s'etait niontre
passable jusque-la, commenc^a alors a prendre quel-
qucs-uns de ces caracteres qui lui out donne en Bo-
livie un renom piesque proverbial. Les plus mauvais
morceaux de la route consistent en escaliers irregu-
liers, formes de pierrcs talqueuses et glissantes. Les
dogrcs on sont souvent si eleves, que si, en les descen-
dant, les animaux ne sont pas bien rctenus, ils courent
lc risque de passer par-dessus le bord d'un precipice
( 213 )
et de roulcr an fond du ravin. Un des points qui inspi-
rent le plus de craintes aux voyageurs qui sc confient
a ce sentier, est celui qui porte le nom de Qiiilapituni.
La niontagney esttaillee apicjusqu'a su base, et c'est
sur la face verlicaie du roc, ou il decril une diagonale,
que le chemin est sculple. Au has de ce roclier, passe
le principal affluent du Tipuani, le Rio-Quilapituni ,
sur lequel on a jete un pont tres-pilloresque. Parmi
les autrcs affluents, les seuls qui meritent une mention
speciale sont : le Rio de Tora, ou il y a un bureau de
peage, et le Rio de Yabia,
A six lieues du village de Tipuani se trouve Sexploi-
tation de Romanplaya, que nous visitames en passant.
La couche de sable aurifere, ou venero, se rencontre,
la, a pres de 20 metres au-dessous dc la surface de la
plage de la riviere. Pour y arriver, on a creuse un
large puits jnsqu'au plan de roc sur lequel repose le
'venero, et, du fond de ce puits, on a creuse une serie
de galcries horizontales, ou frontones, dans I'opaisseur
du sable aurifere. La lerre retiree dans cette operation
est celle qu'on lave pour en extralre le md'lal. On
donne au genre de travail que jc viens de decrire le
nom de labor de banqueria, a cause des grands blocs
de rocher, ou bnncos, qui se rencontrent au-dessus du
plan, dans la parlie de la riviere ou les Iravaux en
question s'executenl.
En nous rapprochanl de Tipuani, les forets dispa-
rurent presque compi^tement , dans certains points,
pour faire place a de verts gazons semes d'aibusles
en fleurs ou de quelques arbres isoles. On aj)pelle les
lieux ainsi caracterises des pajonales. lis rappeilent
assez exactement les Campos-gemis du Bresil, a cela
( 21Zi )
prt's quo le terrain y est bicn pliisin^gal qu'il ne Test
dans ces dcrniers.
Un solcil brulant dardait sur nous ses rayons pen-
dant que nous Iraversions ces endroils decouverts, et
nous faisait apprccier davantage los bosquets qui so
presenlaient encore de loin en loin. Ce sont les ana-
logues des capoes des Bresiliens.
Le village de Tipuani se montra enfin. II occupo la
rive droile de la rivi6i'e, dans un point ou le ravin se
dilate, de maniere i\ former une espece d'ampoule.
Au-dessus et au-dessous de reiargissement de la vallee,
la riviere se Irouve resserree dans des gorges trfes-
etroitos, appelees encanadas. C'etail la seconde visile
que je faisais a cc lieu remarquable. Je trouvai, cette
fois, le village un peu plus grand, luais aussi sale et
aussi malsain qu'au])aravant. De grandes (laques d'eau
couvertes d'une ccunie verle, accumulee a la place
d'anciens diggings, en occupent I'entree : foyers con-
tinuels des fievres qui d^solent cette conlree.
Les maisons de Tipuani, au nonibre de cinquanle
a soixanle, sont en troncs de paliniers places dubout
et cote a cote ; leurs toits sont fails avec les feuilles des
rafemes arbres. Des orangers, des cafeyers, et quelques
cacaoyers , forniaient autour des babitations des ver-
gers dont on aurait pu envicr la possession, si la boue
qui couvrait le sol n'en eut presque defendu la jouis-
sance a d'autres qu'aux pores, qui se vaulraient a leur
ombre.
Tipuani doit son existence aux Ir^sors qui enrichis-
sent son sol. Que ceux-ci s'epuisent, et il rentrera dans
le n6ant. La d^couverle, par les Espagnols, du sile qu'il
occupe parail renionler a I'annee 1535, A celle ^poque,
( 215 )
le corregltlor fie Sorata Iraversa Ja Cordillere, et pe-
nelra jusque-la. Pr^s cio Irois miile Indiens etaient
occupes au lavage des sables.
line Cojnpagnie portugaise exploitait les plages de
Tipuani a I'epoque de la grande insurrection indienne
de 1780, et avail ainass6, dit-on, un capital immense,
qui pdrit avec elle.
Les etudes que nous avons faites dans cette region
nous ont permis d'aflirmer que , toute proportion
gardee, elle est plus riche que les districts auriferes
les plus vantes de la Galifornie ou de I'Australie. L'or
que Ton y rencontre est, ainsi que je I'ai d^ja dit, de
la plus grande puret6 ; il est sous forme de petites p6-
pites aplaties, plus ou moins ellipliques ou ovalaires,
t du poids de 5 a 15 centigrammes chacune.
J'ai dejii parle de I'un des modes d'exploitation en
usage dans cettc vallee : de celui qui porte le nom de
banqueria. II en est encore deux principaux, qui sont :
1" le trabajo dejalda (travail de montagne); 2" le tra^
bajo de plaja (travail de plage).
Le travail de montagne, ou dQfalda, a pour but de
retirer l'or qui se rencontre diss6mine dans les sedi-
ments des berges [Jaldas) de la vallee. Pour y arriver,
on amene subitement, sur les monceaux de terre que
Ton a prealablement remues avec la pioclie ou la pince,
une masse considerable d'eau qui entraiue, en un clin
d'ceil, toutes les parties legeres du sol, sous forme de
boue, et qui fait meme rouler les plus grosses pierres
a une distance considerai)le, tandis que l'or reste ,
pour ainsi dire , sur place. Cetle operation porte le
nom de cocheo. II est Evident qu'elle ne pent elre pra-
tiquee que sur un sol situe en dessus du niveau de la
( ^16 )
riviere, puisque c'est vers ellc quo doivent se pr6ci-
piter toules les raalieres suspendues par la cocha.
Le travail de playa diCFere de celui de bcmqueria par
sa plus grande siiuplicile. II est en usage dans les
plages ou la strata aurif6re, ou venero, est a une faible
profondeur (6 a 8 metres). II consiste a decouvrir
celle-ci par un terrassement a ciel ouvert, et i\ en laver
le sable par les moyens ordinaires.
Nous avions trouve si detestable le cliemin qui nous
avait conduit a Tipuani, que nous resolumes d'en clier-
cher un autre pour etlectuer noire relour. Diverses rai-
sons nous engagerent a fixer notre clioix sur la voie du
Rio de Coroico. Quelques mots sur la distribution g^-
n^rale des rivieres de cette parlie de la Bolivie peuvent
trouver place ici.
Le Rio de Sorala, apr^s avoir recu celui do Ililabaya,
se dirige vers le nord-ouest , en longeant le c6t6 occi-
dental de la Cordillere. Apres quelques lieues de cours,
il regoit un affluent qui vient du nord, du cote de Mo-
comoco, et se coutle aussitot a Test j)our traverser la
chalne des Andes. II prcnd d(^s lors le nom dc Rio-Ma-
piri. C'est dans cette riviere que se jetle le Rio -Tipuani,
a huit lieues environ au-dessus du village que j'ai d6-
crit. Dans Tangle que torment les deux cours en se
reunissant, se trouve siluee la Mission de Guanay. Au-
dcssous de ce point, Ic Mapiri porte le nom de Rio de
Guanay. 11 rcQoil a droite, a uno centaine de metres
au-dessous de la Mission, le Rio de Cliallana, qui vient
du sud-ouest; et, a une demi-lieue au dela, le Rio de
Coroico, qui vient de la province de Yungas. Le Rio-
Beni, formci par la jonclion du Rio de La Paz et de
I'Ayopaya, se reunit au Mapiii a deux journ«ies de na-
( 217 )
vigatlon, au-dessous du confluent du Coroico. Le tronc
commun conserve ensuite le nom de Beni jusqu'a sa
reunion avec le Rio de Madeira.
Tous ces cours d'eau sont navigables, jusqu'a une
certaine hauteur, pour les embarcations connues sous
le nom de balsas. Ce sont des radeaux termines en
pointe relevee en avant, faits avec les troncs juxtapos(^s,
et cloues ensemble, de sept arbres a bois tres-l6ger,
appartenant a la famille dcs Bombac^es. On appelle
respece Palo de balsa.
Ce fut sur un de ces vehicules que nous descendimes
le torrent de Tipuani, jusqu'a la Mission de Guanay
dont il a 616 question plus haut.
La navigation n'est pas sans danger, et, quoiqu'elle
ne dure, en moyenne, que quatre a cinq heures, on a
le temps" d'y eprouver bien des emotions. Mais que
de compensations au fr^missement involontaire occa-
sionne par le passage des vial pasos, dans le spectacle
des admirables points de vue qui se presenlent a tout
moment! Lanc6e avec la rapidity de I'eclair au sein
des rapides, la balsa semble devoir se briser inevita-
blement, ou, pour le moins, se renverser sur les
rochers qui so monlrent a tout instant sur son pas-
sage; mais, au moment critique, les iongues perches
de barabou des balseros la font ddvior de sa course
perilleuse. Elle s'elance alors de plus belle dans celte
voie de naufragcs, loujours imminenls, mais touiours
evites.
Pres de Guanay, la riviere s'dlargit, et elle y deCrifc
un coude assez brusque, pour aller se rdunir au Ma-
piri. La Mission s'eleve sur une jolic esplanade, dans
I'espoce de p^ninsule qui exisle a la jonclion des deux
III. MAi\s. 2. 45
( 218)
rivieres. Scs inaisons, qui eiitoiircnt pour la plupart
une grandc place, a unc des exlr^mites de laquelle se
trouvent I'liabitatiou du curt!; el Toglise, sont loutes
construites en bambous el recouvertes , connne cellcs
dc Tipuani, d'un chaume de feuilles de palmier.
La populalion de Guanay est d'cnviron 300 aines.
Elle consisle presque uniquement en Indiens Lecos,
nation qui occupail autrefois, a ce qu'il paralt, une
des plages de Tipuani et les rives de Mapiri. Ses meni-
bres I'urenl catechises, en ISOZi , par un religieux du
couvenl de Nuestra-Seuora de Ocopo, qui les dislribua
dans les Missions de Guanay el de Mapiri, fondees a
leur intention. Pius lard, la nation emigre ful reunie
dans le premier de ces villages. Pendant noire s6jour
dans cette localile, nous vimes arriver une balsa de la
partie inferieure de la riviere; elle etait charg<ie d'ln-
diens de la nation des Mozetenes. Celle-ci occupe trois
Missions, silu^es sur le Piio-B^ni , au-dessus du con-
fluent du Pvio de Guanay ou Mapiri. La premiere,
appel^e Muchanes, fondee en 1725, est a 4 lieues au-
dessus de lenibouchure de la riviere. Santa-Ana , la
seconde , est a cinq journoes de navigation au-dessus
du Muchanes. Magdalcnas, enfin , j>e tiouve a 5 lieues
plus haul que la Mission precedente, a IVMubouchure
du Piio-Ayopaya, qui descend des parties elevees du
departeinent de Cochabaniba. La population des trois
Missions est d'environ 1 350 habitants.
Oulre les Indiens dont je vicns de parler, nous en
vlmes encore a Guanay, qui venaienl des villages dc
Tumopasa ct d'YsianKis, dans la province de Caupo-
lican. Us appartenaienl a la nation Tacana.
T oules ces peuplades parlent des langues particu-
( 219 )
litres, bicn clisVinclos de celles qui sonl en usage dans
la province de Moxos. Elles n'ont meme tie commun,
entre elles, qu'un point que je signalerai en passant :
c'est I'usage qui y esl fait d'une numeration quinaire.
Cette numeralion date-t-elie de Tepoque de la forma-
tion de leur langue , ou y a-t-elle ete introduite par
les missionnaires? C'est ce que je n'ai pu constaler;
mais la derniere supposition me parait elre la plus
vraiseniblable.
La physionomie des Locos est bien dilferente de
celle des Indiens Aymaras et Quichuas, des liautes
terres de la Bolivie. Us ont le teint plus clair, le front
plus eleve, le nez moins 6pate; leur boucbe, quoique
grande , est bicn faite et sourlante. La plupart d'entre
eux portent, aujourd'liui, les cheveux courts et partag6s
sur le cole. La taille des hommes est en general assez
^lev6e ; ils sont d'une force et d'une agilite pcu com-
munes. Le costume des deux sexes consiste en une
grande cliemisc sans manches, appelee talle, en tout
semblable au (ijjoi des Missions de Mojos et de CUi-
quitos. L'arc est encore d'un usage frequent chez eux;
mais ce n'est guere que pour la peche; ils le rempla-
cent par le fusil dans toules les aulres circonstances
oil des amies leur sont n^cessaires.
Ce ne fut pas sans peine que nous nous procurames
les ladeaux et les Indiens dont nous avions besoin pour
remonler le Coroico. Cependant tout ful pret le 18 sep-
lembre, et nous fimes nos adieux a la Mission.
En arrivant a I'embouchure du Coroico, nous nous
aper^umes qu'une des quatre balsas que nous avions
cmmenecs manquait de stabilite, et nous fumes obliges
d'y faire ajouler des troncs suppU'^mentairos. Ln lar-
( 220 )
geiir du Coroko a son embouchure n'(5lail gu^re que
le tiers de celle du Mapiii. Les plages dcs deux rivieres
^taient couvertes d'une grandc nappe de ccs grami-
nees geanles, qui portent le noni do Gynerium sngil-
ta/e. Les tiges de ces vegetaux Elegants entrent dans la
construction de toutcs les habitations du pays; j'cn ai
parl6 sous le nom de Bambous.
Nos reparations elant termini^es, nous nous rcmimes
en route. On avait fixe solidcinent au bee de chacune
de nos balsas deux cordes-lianes tres-resistantes. Ellcs
avaicnt 8 a 10 metres de longueur. Deux Indiens y
claient alleles et tralnaicnt la hnha le long de la berge
de la riviere; pendant qu'un troisi(!;nie , resle a bord ,
renipt'chait d'accoster, en se servant d'une longue
perche. Quand la nature du rivage ne permeltait pas
I'usage des cordes , c'otaient les perches seules qui
fonctionnaienl.
Les premiers jours de notre navigation furent com-
parativement faciles; les rapides , quoique tr^s-fre-
quents, n'avaicnt rien d'clTrayant. Les rives dlaient
couvertes de rochers noirs ct arrondis, polls par I'ac-
lion de I'eau; une foret impenetrable les encadrait de
sa sombre verdure. Le qualrieme jour, nous passames
I'embouchure dune petite riviere appcl(5e Caranavi. A
parlir de cc point, les obstacles auginenlerenl. Les
rapides etaient si nombreux, qu'il ne se passait guure
cinq minutes sans que nous en rcncoutrassions au
moins un. Dans quelqucs-uns d'entre eux, la rivi6re
faisait une chute tolalo de 2 ou 3 metres.
Pour fairc passer nos balsas par-dessus les rochers
qui Torment cos calaracles, il fallut plusieurs fois les
soolcvcr a force de bras. Nos ombarcalions so pen-
( 221 )
chaient lellenient paifois, que c'eluil miracle qu'elles
ne se renvcrsassent pas plus souvcnt. Cet accidenl nous
arriva Irois fois; mais la dexterile de nos Indiens etaiL
telle, que nous n'eumes, en aucun cas, a ddplorcr de
partes serieuses.
Depuis que nous elions enlres dans la region des
grands rapides, les monlagnes presenlaient a I'ceil un
aspect, different de celui qu'elles avaient plus bas ;
beaucoup d'entre elles etaient laillces a pic et encais-
saient dtroitenient la riviere. Lcurs flancs etaient cou-
verts de grands Tillandsiasetd'autres v^gotaux a forme
pittoresque , ou feslonnes de lianes, sur lesquelles
jouaient des bandes d'^cureuils. Puis , dans leurs re-
coins les plus sombres, etaient perches des coqs de
I'oclie qui s'envolaicnl a notre approche, en sillonnant
I'air comnie des traits de fou.
Neuf jours apres notre depart dc Guanay, nous
abordames au pied de la montagne sur laquellc est
batie la ville de Goroico, chef-lieu de la riche province
de Yungas. Nous y entranies le 27 septembrc , et en
reparlimes le 1" octobre.
Le cliemin que nous allions prendre pour repasser
la Gordillere est aussi bon que celui que nous avions
parcouru jusque-lu est mauvais. II suit, a pcu pres
partout, la direction du Rio de Goroico, et a coute,
dit-on, au gouverncment boli\ion, unc somme de
300 000 piastres. Plusieurs mules ciiargees peuvent y
marcher de front dans les endroils les plus diilicilos.
Le voyageur s'y croisc a tout moment avec des cara-
\'anes qui portent au dehors les produits des fortilcs
vallees de Yungas.
J'ajoutcrai que je ne connais aucunc passe des
( 222 )
Andes ou le pavsage ait un aussi reniarq liable cachet
de grandeur.
Aprcs une course sinucusc au milieu de raille mer-
veilles nalurelles , nous arrivauies a un petit village
nouiuie Chaiila-Pampa, ramassis de cabanes et de ban-
gars ou st'journent, au nioins une nuit, les troupes
d'anes et de mulcts qui sortent des Yungas ou qui s'y
dirigent. La grande vt^getation y cesse j celle des ar-
busles y commence; plus haut encore, ceux-ci dispa-
raissent , el Ion ne voit plus qu'un sol nu , seine de
blocs de granit.
Dans ces lieux desoles, on trouvc cependant quel-
ques habitations , parmi Icsquelles est une csp^ce
d'hotel, ou tnmbo, appel6 Cluicura, oil se vendent, a
prix d'or, les objets do premiere nocessitc^. Bicn plus
haut encore, non loin au-dessous du niveau des neiges
perp6tuelles , se trouve un autre tambo, que Ton dis-
tingue par le nom de Cbucura-chica. Nous y passames
la nuit du 3 octobre, et nous rentrames, le lendemain,
a La Paz.
Notre mission elanl terminee, nous ne pensamcs
plus qu'a regagner I'Europe. Je mis au plus vile en
ordre les collections d'histoire naturelle que j'avais
formees depuis mon arriv6e en Bolivie, el je partis
pour la cole par le chcmin de Puno ct d'Arequipa. 11 y
a sur cetle route une ligne de posies, dont je prolilai.
filablie par les Kspagnols pour raciiiter les commu-
nications enlre les cliefs-licux de leurs vices-royautes,
on a continue, lant l)ien que mal, a I'eutrelenir; mais
il s'en faut beaucoup qu'elle soil parfaite.
Les inaisons de poste sont dislantes I'une de I'autre
de 3 h 6 lieues environ , et les mules ou les chcvaux
( 223 )
que I'on y loue se payent a raison d'uii real (60 cen-
times) par lieue. Un Indien , decore du tilre de pos-
tilion, auqucl on paye un medio (30 centimes) par
lieue, accompagne les animaux loui^s d'une maison
de poste a une autre , et prend soin de ceux qui sont
charges. Ces hommes ont une telle habitude du me-
tier qu'ils font que, quel que soit le train que Ton
aille, ils ne re?tent jamais en arriere; et, ce qu'il y a
de plus singulier, c'est qu'ils ne paraissent jamais
s'essouffler, tandis que, dans ce meme pays, un Euro-
p6en peut a peine courir dix pas sans 6tre oblige de
s'arrSler.
En sortant du ravin de La Paz, je me dirigeai dans
la direction du grand lac de Titicaca , a travers une
puna pierreuse el nue. Quelques cbamps cultivi^s y
apparaissaient ga et la , mais sans verdure. D'innom-
brables tas de pierres , disperses de tous cotes , tdmoi-
gnaient des peines que s'dtaient donnees les Indiens
pour chercher h tirer quelque chose de leur terre in-
grale.
Apres que j'eus passe le petit village de Laja, les
pierres cesserent de se montrer ; elles etaient cacht^es,
sans doute, par un d^pot plus recent. Quelques col-
lines s'^levaient abruplement du plan uni de la
Pajiipa.
II n'est pas possible de douter que cette plaine n'ait
forme, a une epoque assez peu recul^e, le bassin d'un
lac qui se conlinuail avec celui qui existe actuellement
un peu plus au nord.
Une chaine dc coUines, cssenliellement composees
de gr^s d'un rouge pale, separe la Pampa de Laja
d'une autre plaine tout a fait semblable, a une des
( 22/1 )
exlr^mil^s do laquellc se Irouvent Ics cel^bres riiines
dcTiaguanaco. Celles-ci sont siluecs sur une eminence
tr^s-niarquee. En y arrelant mon allenlion, j'ai pense
que ce lieu devait foi-nicr, durant une ccrtaine periodo,
une petite ile ; s'il en ctait ainsi a I'epoque ou les edi-
fices dont on voit les ruines out ele dlcvos, on s'expli-
querait peut-etre plus facilcmcnt comment les pierres
colossales qui les constituent y furent transportees.
Plusieurs autres eminences do la plains dc Tiagua-
naco portent a leur base des traces non equivoques
de Taction d'une nappe d'eau qui les aurail battues
pendant longtcmps.
Qualre lieues separcnt Tiaguanaco des rives du lac
actuel dc Titicaca, ou il y a un village nppcle Guaqui.
Enlre ces deux points, le sol est convert, sur une
grande ^tendue, d'une couche de gravier, et porte les
marques les plus ^videntes d'avoir etc occupe par les
eaux a une epoquc comparalivement tros-peu reculee.
En quittant Guaqui, jc suivis les bords du lac qui
decrit, de ce cote, un grand angle, et j'arrivai, apr^s
une marche de quatre lieues, au canal du Desaguadero,
qui, comme on le sait, forme, en ce point, la limite dc
la Bolivie. Un pont do bateaux, a cliaque extremito
duquol il y a une douane el un bureau de peage , fait
communiquer los deux rives. Jo pris conge, en le Ira-
versanl, de la Ropublique Bolivioniie, ct j'abordai celle
du Perou.
Les monlagncs au milieu dcsquelles jo dirigcai ma
course, apres avoir passe le petit village dc Zepita ,
sont d'origine volcaniquo. Elles forment un groupc
remarquablc, qui m'a scmJjlo clrc un dos centres prin-
cipaux du grand soulevement qui a du s'operor dans
( 225 )
celte parlie de rAmdrique post^rieuremenl a la fur-
mation des Andes; ce soul^vement parait avoir combl(^
une immense vallee qui separait, avant celte epoquc,
la GordillSre interieure de la cliaine littorale.
Le district que je traversais forme partie du d6par-
teraent de Puno. II etait autrefois un des plus floris-
sants du Perou ; sa decadence a suivi I'expulsion des
jesuites, auxquels on en doit surtoul la civilisation. II
suffit de Jeter les yeux sur les nonibrcuscs eglises ou
ruines qui s'el^vent encore comrae des colosses au-
dessus des chaumes enfumes des villages d'a present,
pour avoir une idee des cliangements survenus dans la
constitution de ce pays. Juli etait anciennement la ca-
pitale du departement, et Test encore de la province
la plus peuplee, qui est celle de Cliucuito. De la plu-
part de ses maisons, il ne reste que les murs; il en est
de m§me de cellcs du village de Pomata, que je tra-
versai le mfime jour, de Hilabc, de Acora, et nieme de
Chucuito, qui n'est ^loigne c[ue de quatre lieues de
Puno, capitale actuelle du departement du memc
nom.
Entre le Desaguadero et Pomata , la route traverse
la base de la p^ninsule de Copa-Cabana. Elle se rap-
proclie ensuite des rives du lac, et continue de les
suivre jusqu'a Puno. Le sol d'une grande partie des
plaines que j'y parcoiiriis consisle en une terrc allu-
vialc d'unc extreme ferlilite. On y cultlvc la pomme de
terrc. Forge, I'lJlkico, les fevcs de marais, et I'Oca ou
Oxalis tubcrosa. Eos seuls fruits que Ton ait r^ussi a
y faire murir dans quelqucs endroits abrites sont la
cerise ct la IVaise. Un fait curieux a signaler, c'est que
le mais, qui ne miirit son grain dans aucun des points
( 226 )
quo je viens de nommer, donne uu produil lr6s-estiine
dans plusieurs des iles du Jac qui sont au infinie ni-
veau.
Au dela de Chucuito, la route contourne une grande
bale, au pied de montagnes de gres ou de roches vol-
caniques auxquelles I'action de I'eau a donn^ les
formes les plus bizarrcs, et elle aboutit enfin a Puno.
Presse par le temps, je me vis dans I'obligalion
d'abandonner le projet que j'avais form6 de passer
quelques jours dans cette ville intc^ressuiite sous tant
de rapports; je me lialai de partir pour Arequipa,
ou j'arrivai le 2/i octobre, et, le 2 novembre, je m'era-
barquai pour I'Europe.
LES OASIS DU SAHARA ALGKRIEN.
Lorsqu'cn 1830 la France planta son drapeau sur
les murs d'iVlger, et dclivra I'Europe cbretienne du
joug hontcux que quelques forbans faisaient poser sur
le commerce de la Mediterranoe , nos connaissances
g^ographiques sur I'Algerie n'^taient guere plus 6tcn-
dues que celles que nous avons aujourd'hui sur le Ma-
roc. On connaissait assez mal les cdtes redoulees des
Elats barbaresques ; on avait par les consuls cl les rela-
tions assez rares d'inlr6pidcs touristes quelques d(itails
sur les grandes villes maritimes d'AIgcr, d'Oran, dc
Bone; on savail que dans I'interieur, par dela les pre-
uiiorcs cbaines jusqu'alors infranchissables dc I'Atlas,
il exislait quelques cites importantcs : Constantino,
I'ancienne capitale de Jugurlha; Titteri, oil r^sidait un
( 227 )
bey; TIemcen, ville mllitaire. Lc Suedois Restelius, lo
Danois Scliavv, I'Anglais Bruce et le Frangais Desfon-
taines, disaient dans leurs relations tout ce que Ton
savait de I'Algerie,
Gependant les Romains avaient parfaitement connu
ce pays; ils I'avaient couvert d'un reseau de grandes
routes, reliant enlre elles les colonies qu'ils avaient
etablies jusqu'a 80 lieues dans I'interieur des terres.
Si Ton en juge par les ruines des nombreuses cit^s qui
couvrent le versant septentrional de i'Aures, ils avaient
fini par s'etablir fortement dans ce pays ; mais I'inva-
sion arabe, le fanatisine musulman , I'indolence des
Turcs , avaient a I'envi plonge dans la nuit de I'oubli
et du n^ant touts trace conserv^e de celle antique civi-
lisation.
11 a done I'allu que, dans I'espace de vingt-deux ans,
la France reconquit patiemment, et pour ainsi dire
lieue par lieue , a la science geographique , I'entiere
connaissance de cette belle contree. Aujourd'liui ,
grace aux int^ressants travaux de MM. Dureau de la
Malle, d'Avezac, Graberg de Hemso, et surtout a ceux
de M. Prax et des officiers de notre savant corps d'etal-
major, a la lete desquels nous citerons avec justice
MM. Daumas, Carette, Renou, nous avons vu les liniites
de nos connaissances geograpbiques reculees jusqu'au
dela du grand Atlas, et ie desert de Sahara n'a meme
pas arrete nos intrepides exploraleuri. Les limites de
I'Algerie vers le sud doivent cependant depasser les
dernieres cimes de I'Allas; car, a I'entree du Sahara,
on rencontre unc ligne de six oasis, senlinelies avan-
cees de la civilisation, liecs par leurs int^rets commer-
ciaux et leurs besoins les plus imp^rieux avec I'Al-
( 228 )
gerie ; cllos en depeiulenl naturcllement , el cllcs
pourront clrc appclcos dans un avenir prochain a
servir d'clapes cominercialcs entrc I'Algeiie el Ic pays
des noirs, car clles sont plus voisines de Tounboktou
que loules les aulres oasis africaines. Les oasis du
Sahara algerien sont peuplees par des Iribus plus in-
lelligcnles et plus aplcs a recevoir les enseigncinenls
dc la civilisation que les Arabes du Tell. Elles cultivent
avec habilcle le palmier, occupeut des villes entourees
de remparts, et ont un gouvei'neinent regulicr, form6
en grande partie par I'election. Ellos ont amcne a un
certain point de perfectionnement plusiours brandies
de leurs manufactures indigenes, et, au moycn do
leurs caravanes, elles ont clabli de vastes relations
de commerce avec les districts du nord et du centre dc
I'Afrique. Ces oasis sont separees Tunc de I'aulre par
des bandes dc sable parseniecs dc planles ct d'ar-
busles qui ne peuvcnt servir qu'a la nourrilurc des
iroupeaux. Chacune d'elles presente un groupe anim6
de villes et de villages; chaque village est enloure
d'une quanlild d'arbres a fruit. La s'el^ve Ic palmier,
Ic plus beau, le plus gracieux de tous ces arbres, qui
fournit chaque annee une ample r^colte de dattcs, cc
qui avail valu au Sahara algerien le nom dc Belad-el^
Djerid, ou pays des dalles; le grenadier, le figuier,
I'abricotier, Ic peclier, la vigne , croisscnt a cole dc
lui , et mOlent leur ombre a la sienne. Quclquefois
on rencontre pres dc ces lies dc verdure des bns-fonds
qui, en hiver, sc reinplissent d'eau salic, et, en <ito ,
olTrent unc plaine aride, dessechcie, couverte d'une
couche de sel facile a exploiter : cc sont les Sebkhas.
D'aulres fois encore , c'est unc zone monlagneusc he-
( 229 )
riss^e de poinles de roches ou de monlagnes de sable.
Les six oasis que nous allons successivement visiter
sent, en allanl de Test vers I'ouesl : I'Ouad-Souf (uieri-
dien de Philippeville), I'Ouad-Rir etTemacin (nieridien
de Djidjeli), TOuard-gla (uieridien de Bougie), I'Ouad-
M'zab (meridien d'Alger), enfin Toasis de Oulad-Sidi-
C4heikh (meridien d'Oran).
L'Ouad-Souf est la plus voisine de la fronliere de
Tunis; ellc comprend le Ziban , qui est au sud de
Constanline.
Le Ziban se compose de Irente-liuit villes ou villages
occup^s par 18 tribus, formant ensemble une popu-
lation d'cnviron lOOOOOames. Biskara ou Biskra est le
chef-lieu politique de cettt: oasis : c'est un poste avanc6
des FranQais dans le desert, qui y tiennent garnison au
fort Saint-Germain, destine u prot^ger I'oasis centre
les incursions des Arabcs de I'Aur^s. Laville, dont les
maisons sont conslruiles en briques sech6es au soleil,
renferme environ 2 500 habitants. Sidi-Okba est la
meti'opole religieuse. Cetle dernierc ville est arrosee
par un ruisseau appele Oudd-Braz, la riviere da com-
bat, qui descend des monts Aures, pour se jeler dans
rOuad-el-Djedi. Les autres villes sont : To/ga , Liana,
Farfar, Zadcha ou Zaatcha, qui tenta , rnais en vain,
de rtlssister a nos armes, et Bonchagronn; les princi-
pales tribus sont celles des OnJad-Zeian, des Sahdri,
des Ouldd-Saci, et des Oaldd-Harkat. Cctle oasis est
partag^e en Zab du nord , du sud , de Test , de I'ouest,
et est environnee par les terres des parcours des tri-
bus nomades, qui apparliennent a la province de
Constanline.
VOudd-Soiif, oasis siluee au sud- est de la pr^cti-
( 230 )
denle, sur la fronti6ro la plus orlcnlale de I'Algc^ric,
presente un tout autre caract^re : die est perdue au
milieu d'un labyrinlhe do monlagnes de sable, qui
absorbent iminediatcment conime autant d'^ponges
les pluics les plus abondanles. M. Caretle les compare
a de hautes et larges dunes. 11 est hors de doute que
la mer en a jadis baignc le pied , ainsi que le t^moi-
gnent les nombreusos coquilles marines que Ton y
rencontre. Les replis do ce lahyrintlie recfelenl liuit
petitos villes ou villages dont les habilallons, couvertcs
de domes pointus, presenlent exaclement Timago de
ruches; ellcs sont entourees de jardins et de paluiiers
qui produisent les plus belles daltos du Sahara. El-
Oudd^ Ezgoiim, TarzouH, Behiina et Goumar, sont les
principales de ces villes. El-Ouad, la capitale de I'oasis,
commerce avec Tunis par Nella ct Rairouan , el lui
envoie ses dattes si eslimecs a Paris sous le nom de
dattes de Tunis; mais il serait plus naturel qu'elle
exportat ses produits par Biskara, Constantino el Phi-
lippeville. Une route part aussi de cetle ville, pour
penetrer dans le pays des noirs en traversant Gha-
damcs. Ghat et Aghades, les grandes oasis du desert.
Parmi les tribus qui habitent I'Ouad-Souf, nous cile-
rons : les OulddMansoury les El-Djebirdt, les Oiddd-
Hamza et les El-Gouaul. Sa population est evalude a
environ AO 000 habitants. La situation do cette oasis
impose a ses habitants une servitude p^nible : le vent,
qui denude la cime des coUincs, en chasse les sables
dans les villages construils a lour plod ; aussi voit-on
les Souafa occupes du matin au soir a d^blayor lours
cours et leurs jardins, pour Eloigner I'invasion qui les
menace sans cesse.
( 231 )
A qualrc journ^es a I'oiiest de I'oasis d'Ouad-Souf
se trouvc celle de Oudd-Rir, qui est bien plus 6lendue :
elle occupc un vaste bassin dont quelques parties sont
envahies par des eaux slixgnanles.Tuggurt ou Tongourt,
capilale de celte oasis, est balie au milieu d'une plaine
l^g^rement ondulee; au sud et a Test sont ses jardins
et ses bois de dattiers. L'espace occup6 par la ville
figure a peu pres un cercle, au sud duquel est la Kas-
bab ou cbateau du cheikb. Elle est entouree par une
muraille baule de 3 a Zi metres, et defendue par un
foss6 de 10 metres de largeur ; on y penetre par deux
portes, la portedu Pecker, Bdb-el-Khoukha, au sud-est,
et la porte de Sidi-Abd-es-Salam. II existe une Iroi-
si^me porte appelee Bdb-el-Ghdder (la porte de la tra-
bison); elle appartient a la Rasbah, et ne s'ouvre ha-
bituellement que pour le cbeikb : c'estpar cette porte
qu'entrent ses fiancees; c'est par cette meme porte
que sortent les criminels condamn^s a mort.
Les maisons de Tuggurt, balies de lerre et de moel-
lons, n'ont qu'un etage, beaucoup meme n'ont qu'un
rez-dc-cbaussee. La ville possede vingt mosquees, et un
bazar ou Ton vend la laine, la gomrae, les bonnets
rouges, les kbaiks et les dattes. Les hommes cultivent
leurs dattiers el font le commerce, tandis que les
femmes fabriquenl des lissus de laine et de soie. La
population de la ville est d'environ 3 000 babitants de
races differentes : les Beni-Mounour ont le teint noir;
\es Med/haria ont loule la pbysionomie desJuifs, dont
ils ont conserve la langue.
La ville de Tuggurt est un des points les plus impor-
tanls sous le rapport de I'avcnir commercial du Sahara
alg^rien ; elle exerce sur les autres oasis une certaine
( 23i> )
supr^malle : c'cst en ofTet une des ]>rinclpales dtnpes
du desert. Elle communique avec Philippeville et Con-
stantine, parEl-M'gheir, Biskara etBatna; avec Toun-
boklou , Agliadfes , Glial et rAfrirjuc ccntralc , par
Ghardeia, Timimoun et Insalah. Pcul-etre la France
tirera-t-elle un jour parti des ressources qu'oflViraicnt
a son commerce cos differenios voles do communica-
tion qu'elle ignorait naguero, en faisant dc Tuggurt
un march6 important ou les caravanos viendraient
s'approvisionncr des articles ciu'opeens , en ^change
des denr^es de I'inlerieur de I'Afrique (1).
Aux environs de Tuggurt sc trouvent de nombreux
villages : nous cilerons ceux de Beni-Icouacl, deNezla,
de Ba-Jllouch; leur population monlc i environ 16 ou
17 000 habitants. Plus au nord et sur la route du Zi-
ban , Meggariii Moggiir, Sidi-Rached et Ourlana. Les
principales Iribus qui habllent celtc oasis sont les
Oiddd-bcn-Djellab, les Ouldd-Moidat, les El-Freit et
les Ouralin,
Les oasis dc Te.mncin etdo Onnrcgla sont au sud de
I'oasis d'Oiiad-Piir. La premiere a pour chef-lieu EU
Giiecer, petite villc entouree de quelques villages,
parmi lesquels nous nommerons El-Koudia, El-Aouar
et Gong; ils sont habites par les tribus des Saul-Oiddd-
Jmer et des Ouldd-Seiah. La secondc, sur I'extrfime
limite du desert, est a 20 lieues au sud de la prece-
dente; la route qui y conduit longe une chaine dc col-
lines elevi^cs nommees .Ivcg-ed-Dein , ainsi que I'an-
cienne oasis d'Aioun-Bordad , que les devastations
(i) Voyez, ilans la Rcnic de I'Oricnl ct dc l\Hijerie, les remanjua-
bles Me'moires ilc M. Prax, ct la CarW des routes commciciules de
CAlgerie cni puys des noiis, par Ic niemc.
( 233 )
des Touarlks ou Touaregs, ces pillards du desert, ont
fail abandonner. Avant d'entrer sur les terros oii re-
parait la vegetation , on passe VOudd-el-Jzal , qui pa-
ralt 6tre Ic principal cours d'eau de la contree. L'oa-
sis d'Ouar^gla pr^senle, comme celle d'Ouad-Souf,
un terrain fort accident^ ; on y trouve quelques col-
lines ^levees, qui, dans le ddsert, peuvent passer pour
des inontagnes ; quelques - unes sont couverles de
ruines, teraoignages muetsd'une ancienne civilisation.
OuaregJa, qui donne son nom a I'oasis, est une ville
importante par sa position a I'entree du desert; elle
commerce avec Insalah , capilale du Touat. N'gotica,
Ba-Mendil et Rouicat sont des villages ou Ton tisse la
laine en khaiks et couvertures. Cette oasis est peupl^e
par les Sa'id-Atba et les Mekhadina ; sa population
peut monter a 10 000 habitants.
Dans ces differenles oasis, I'eau est fournie par de
veritables puils artesiens; leur ouverture est g^nera-
lemont large et carr^e, elle est protegee par un coffrage
en bois de palmier. Aprfes les avoir creuses jusqu'a
une moycnne profondeur, on arrive a une couche
semblable a I'ardoise , qui couvre et comprime la
nappe d'eau. Lc percement de celte derniere couche
est une operation diflficile et qui exige de grandes pre-
cautions. Avant de descendre dans le puits pour
rompre le diaphragme, I'ouvrier est attache a la cein-
ture par une corde ; plusicurs honimes tiennent I'extr^-
mit6 oppos^e. A peine a-t-il brisd d'un coup de pioche
I'obslacle qui s'opposc a I'ascension de la colonne
d'eau, qu'il faut s'empresser de le relirer, car I'eau
monte avec une cffrayante vilesso, franchit les bords
du puits el se repand alentour. On la dirige alors
111. MA1\S. 3. K)
( -23/, )
;clans (les canaux disposes a ravance pour la recovoir;
a parlir de cc moment, elle ne cesse de couler; ce-
pendanl on a vu des puits qui, apres quelques ann6es
de service, s'arrelent tout a coup, et dont le niveau sc
mainlient au-dessous du sol; cetle interruption subite
entraine alors la ruine du village et des plantations
qu'il desservait (1).
L'oasis de Oudd-M'zab est a I'ouest de la precedente;
elle est herissee de montagncs prcsque nues et com-
plelement arides, donl les plus imporlantes, connucs
sous le nom do Djebel-Mazcdj, la scparenl, vers le
nord-ouesl , du plateau de Feiudli. Dans les vallees
que Torment ces monlagnes s'elevent, au milieu des
palmiers, huit pelites villes babitees par la population
la plus active et la plus commercante de loule I'Alge-
rie ; dies comptenl environ AO 000 iimes, et n'ont pas
moins de 3 000 negocianls elablis sur les difl'erents
points du Tell. Les vallees ou se irouvenl les villes son I
Iraversees Y)Vt.\:VOudd-lS'sa, VOudd-M'zab, qui donne
son nom a l'oasis, VOudd-JMethli el VOudd-el-Touiet.
Mais ces torrents, qui dans la saison des pluies sent
fori redoutables, laissent, a cause de la rapidite des
pentes, leurs lils completement a sec pendant I'el^ ;
les babitants sont alurs reduits a I'eau de puits, qui
est bonne el abondante. La capitale de l'oasis est Ghar-
deia ; c'est une ville de 12 000 amcs, situee sur les
bords de lOuad-iMzab, cntre trois montagnes isol^es.
Son importance commerciale est tr6s-grandc; elle
communique, par Timimoun , avec Insalub , et de celte
ville avec les grandes villes du pays des noirs. Qu'une
caravane aussi nonibreuse, aussi cbargee , aussi inal-
lendue qu'elle puisse elre, arrive a Gbardeia; en quol-
fi) V\.enon^ Description de I'AlgMe.
( 235 )
ques heures, elle a effectu^ le placement ties ses mar-
chandises et fait son chargement pour le rotoiir. Les
aiitres villes iniportanles de I'oasis sont : Mlika, la ville
sainle des Beni-M'zab; Bou-Noicra, Giiernm, Berrian et
Metlili. La tribu des Beni-Mzab qui peuple ces villes
se fractionne en Chaamba, Beni-Helal , Oiddd-Ainer et
Ouldd-Iahia, 11 est probable que le sol de cetle oasis
et de celle de Tuggurt , qui en forme presque la conti-
nuation, ne se Irouvequ'a unefaible hauteur au-dessus
de la Mediterranee,
Au nordde I'oasis de Beni-M'zab, lorsqu'on afranclii
les derniercs pentes du plateau de Feidali, on ren-
contre quelques montagnes arides et isoleos, puis on
descend vers I'oasis des Ksour, que traverse, de I'ouest
a Test , rOuad-Djellal ; ses villes principales sont £/-
Jghoudt (1) et A'in-Madhy . La description de celte der-
iiifere ville pourra donner une idee de ces villes de I'in-
terieur de I'Afrique qui ont a protiger leur commerce,
et contre les Arabes du desert, et centre les tribus
des oasis voisines.
Batie sur un rocher, au milieu d'une plaine aride,
A'in-Madhy est a 67 lieues de Mascara; ellc est envi-
ronnee de jardins plant^s de grands arbres qui cachent
tellenient la ville, qu'en dehors de ces jardins on
n'apercoit que les terrasses les plus elevees et le liaut
des forts. Au nord-ouest de la ville, coule un petit
ruisscau appele Quad- A'in- M adhy , qui prend sa source
dans les montagnes que les Arabes noniment Djebel-
Ainer, ou Djebel~Ainout\ et qui se pcrd a quelques
lieues de la dans les sables. Lorsque la ville soutient
(i) Voir au Bulletin de fevrier, p. laa, un coinpte rendu de I'es-
pedition de Lagliou.u (El-Agliouaf ) failo rn i844 P'T' ^- 1'" geiu'ral
Marey.
( 1>36 )
un si(^ge conire quelques Irilnis, les assiogoanls no
manquent pas do ddtourncr co ruissoau ; les habilanls
sont alors roduits a la sculo cau dc quelques puils qui
sont dans son enceinte. Ain-Madhy est petite ; elle ren-
ferme environ 300 uiaisons et 2 000 habitants. Ses for-
tifications consistent en une chemise Ires-forle en pierre
de taille et enduitc d'un recouvremcnt en b^ton. La
hauteur inoyennc de cetle muraille est de 7 a 8 me-
tres, et son epaisseur est assez grande pour que quatre
chevaux puissent, dil-on, y galopcr de front; elle est
flanquee de 12 forts faisant saillie de /i metres. En
dehors de I'enceinte principale, s'etendent cinq ou six
autres murailles qui sc font face el qui separenl les
jardins dc la ville. Ces murailles, hautes dc 5 a 6
metres et epaisses seulement d'un demi-metrc, sont
balies en moellons a morlier de chaux.
Ain-Madhy a Irois porlcs : une a I'ouest, une au sud
el une i Test; les deux premieres sont masquees par
des travaux avances, et flanqu^es de tours qui en de-
fendeiit I'approche; la troisieme communique seule-
ment avec les jardins. La ville est perc6e de deux rues
principals : I'une, qui communique de la porte do
I'ouest a cellc du sud , traverse une petite place qui
forme a peu pr6s le centre de la ville; I'aulre fait le
tour de la muraille et la separc des habitations : a
celle-ci aboutissent un grand nombre de ruelles. La
Kasbah, residence habituelle du marabout qui gou-
verne Ain-Madhy, est situee pres de la porte du sud ;
elle est entouree de murailles crenelles, et renferme
un puils et lous les magasins du marabout.
Suivant les Arabcs, la forme gen^rale d'Ain-Madiiy
est cclle d'un ceuf d'autruche, donl la pointe est diri-
gee vers la porte du sud.
(237 )
Ce qui donno de rimporlance a Ain-Madhj , c'est sa
situation dans le desert, a quinze journees de marclie
do louts villc; c'est rinfluence qu'clle exerce au loin
sur les Iribus qui rentourent; c'est enfin qu'elle est le
passage oblige des caravanes qui vont dans I'interieur
de I'Afrique. Les habitants, composes d'Arabes, de
quelques families juives et d'esclaves negres, ne vivent
que de commerce ; cliaque maison est un entrepot ou
les Arabes du dehors mctlent en siuete leurs recoltes.
La population de I'oasis des Ksour est de 10 000 habi-
tants.
Au nord de I'oasis des Rsour, entre les plateaux du
Sersou, ou du haut Ghelif, de Sidi-J'ica et de la chaine
du Djebel-Amour et du Sahari, se trouve le bassin des
lacs sal^s du Hodna et de Zarez; on n'y rencontre pas
de ville importante , a I'exception toutefois de Bou-
Sada, situee au sud de Chott-es-Sa'idn ; elle fait un
assez grand commerce avec les oasis. Le reste de la
contree forme les terres de parcours des Iribus du sud
de Tilleri, et est aussi occupe par la grande tribu des
Ouldd'Na'il.
La derniere des oasis du Sahara algcrien qui doit
nous occuper, et la scule que Ton rencontre dans la
province d'Oran, c'est celle des Ouldd-Sidi-Cheikh ;
?lle est situee a 30 lieues de la derniere limitc du Tell,
au dela du petit desert d' Angad, sur le revers mei'i-
dional du Djebel-Amour. Les Iribus qui I'occupent se
sont montrees plus hostlles a la domination francaise
que celles des oasis pr6cedentes. Ses piincipales villos
sont; El-Ahied-Sidl-Cheikh, qui parait elro la capitale;
Bizinay Rassoid^ Bou-SenigJioun-ChelUUa, et Ai'n-SeJ'a ;
elles font un commerce h'6s-actif avec le Maroc, et sont
( 238 )
en rapport avec Tounboktou et le pays des noirs par
I'oasis marocaine de Figuig.
Tclles sonl les oasis qui seniblent litnilerrAIg^rie au
sucl ; il y a a peine quelques annees, leur existence 6tait
ignorec; en rapports journaliers avec les provinces et
les grandes villes du nord, avec lesquelles elles ^clian'
gent leiirs laines brutes et leurs dattes contre les grains
necessaires a lenr subsislance , elles pourraient servir
d'entrepot et d'inlermediaires a un commerce aclif
avec le Soudan. Aujourd'hui I'interieur de I'Afrique se
trouve approvisionn^ par le Maroc, Tunis, Tripoli , et
I'Egypte, a I'exclusion de I'Algdiie. II serait cependant
facile d'etablir des relations commcrciales suivies avec
Oran, Alger, Philippeville, par El-Aghouat, Tuggurt,
et El-Ouad ; la France trouverait un nouvel ^coulement
pour ses tissus de soie, de laine, de colon, son eorail,
ses verroteries, ses essences, et divers lagers articles;
elle recevrait en echange la poudre d'or, I'ivoire, les
plumes d'Aulruclies, et les denrees qu'elle ne recoit
aujourd'hui que de seconde main, et Ton pourrait voir
une society de marchands porter pacifiquement la do-
mination et I'influence frangaise jusqu'aux bords du
Niger. On pourrait memc ctablir d'imporlantes com-
munications avec notre colonic du Senegal par Bis-
kara, Timimoun, Bel-Abbas (ville au centre du desert)*
Chinguieti (ville de I'oasis d'Adrtlr, au nord du Sene-
gal ), et Saint-Louis. Qu'il nous soit done permis d'es-
p^rer que le gouvcrnemenl, jaloux de tout ce qui peut
contribucr a la grandeur do la France, s'occupera dans
un avenir procliain de la question du connnorce de
I'Alg^rie avec le pays des noirs par les oasis du Sahara
algcrien. V. A. MALXJi-BRUiv.
( 239 )
PLACE DE LA GfiOGRAPHIE
DANS
LA CLASSIFICATION DES CONNAISSAISCES HUMAINES(i).
Rien de plus commun que de voir la geographic mal
classes parmi les aulres connaissances humaines : dans
les catalogues, dans les tables encyclopediques, dans
les sections des soci^tes savantes, elle est rangee tanlot
parmi les sciences hisloriques, lantot parmi les sciences
sociales, ou dans les sciences physiques, ou dans les
sciences matliematiques. Essayons de mettre quelque
ordre dans cette confusion , et de chercher la vraie
place de cette noble ^tude. Remontons, pour cela, a
I'ensemble des travaux varies auxquols se livre I'espece
humaine; et qu'on nous permette d'en presenter un
tableau rapide, sans que nous ayons assurement la
pi'^tention d'entrer dans une classification rivale de
celles des Bacon et des Ampere. Nous serons aussi
simple que possible , et nous conserverons le langage
usuel dans cette distribution, ou Ton est trop souvent
porte a introduire un savant n^ologisme.
Demandons-nous d'abord d'oii proviennent les tra-
vaux des liommes. L'iiomnie peut filre consid^re sous
un double caractere : le physique et le moral. De la
deux sortes de besoins : ceux du corps et ceux de I'auie,
les hc?,o\ns physiques et les besoins morau.v ou spiriduels.
De la sont n6s successivement les arts, destines a re-
pondre immediatement a ces deux series de besoins;
(i) Voyez Bulletin, i845, 3'' serie, I. ill, p. 388, Classification des
collections ethnographiques, par M. Joiiiard.
( 2A0 )
— le commerce, qui I'ait circuler on ccliangcr |)arini
Ics lionniios les procluils dcs ails; — cnlin, les sciences,
qui eclaireut les arls et le commerce.
Les arts se sent nalurellemenl divises en deux series :
les uns pour les besoins physiques : ce sont los arls
materiels ; les auti'es pour les besoins moraux et spiri-
luels : ce sont les beaux-arts, auxquels se joignenl les
belles-lettres,
Le commerce s'exerce sur deux grandes divisions de
produits : ]es prodia'ts naturels et \gs produits fabriqnes.
Les sciences, a leur tour, comprennent trois divi-
sions : les sciences physiques, qui ont pour objetle monde
materiel; — les sciences morales, qui onl Irait particu-
licrement a I'esprit humain ; — eufin les sciences qui,
s'appujant, d'un^ part, sur la description ou les ri-
chesses de la nature, et, de I'autre, sur les Iravaux et
riiistoire de I'liuraanite, tiennent a la fois aux connais-
sances physiques et aux connaissanecs morales : ce
sont cellcs que nous appellerons sciences physico-mo-
rales, et que , dans le tableau des connaissances hu-
maines , nous placerons entre les sciences physiques
et les sciences morales, parce qu'elles sont une tran-
sition des unes aux aulres.
Voici connnenl il nous semblc que chacune de ces
grandes sections pourrait elre partagie :
.1. ARTS.
1. ARTS MATERIELS
Agrii.'uliiire
a. Anrs rnornts a LALiMEnxAiinn
/ Agrii.'ulliir
i Ilorticnltu
1 Cliassc.
j I'fc lie.
I Soil! lies Iroupcnu
X.
^Boulai){;erie, elc.
( 2/il
b. Arts pnopnEs a i.'habillemest
EX A LA PAIilinE.
Arts phopres au logement et a
l'^COKOMIE nOMESTIQl'E.
d. Arts phopres a la defehse.
Arts PBcrnES ai'x commiinica-
riONS DE LA PF.Ns6e.
/. Arts pbopres aux
transports.
'. Arts propres a la mescre du
TEMPS, DU POIDS ET DE l'eSPACE.
h. Arts propres a guerir.
Arts propres a la fabricatios
DES instruments UTILES AUX AU-
tres arts.
'Filage.
I Tiss.T{;e.
Alt lUi lailltur.
' Chnpellerie.
V Bijouterie, etc.
Maconnerie.
Cliarpeuterie.
Seirurerie.
Peinture en batiment.
Fabrication des vase».
Orfevrerie, etc.
( Guerre.
} Art des furlifications.
(Fabrication des amies.
(• Langagp.
) Ecriiure.
I Lecture.
\ Telegraphic.
/ Fonts et chausse'es.
1 Navigation.
I Carrosserie.
I Cliarronneric, etc.
Calculfi). .
Horlofjerie.
Fabrication des instruments de
piecision et d'optiqiie.
Fabrication des poids, des me-
sures et des monnaies.
Geodesic.
Aipentage.
/Mcdecine.
\ Cliirurgic.
\ Pharmacie.
\ At t veterinaire.
/Me'tallurgie.
I Travail des carrieres.
I Art dc forger.
Coutellerie.
Quincailleric.
F\djri( ation des macliincs.
Fabrication des produits chimi-
fjiies.
k Fabrication du papier, etc.
(I) On a soiivenl disculu sui- \a disllmlion rjiril faut faire eulre un art ct uiie
science. Ne pcut-ou pas diie (iiie I'art est lelalif a la prnliijiie, et la science u la
Iheorie ? Nous repiilous ijuc I'arl uous paiail rc'ponilre immeilintement a un Ijesuiii,
ct (|ue la sciejice sell a e'clairci- I'arl. Cost aiiiii que nous meltons Ic calcul painii
les oris, el I'aiilhmeliqne parmi les sciences; par la menie raisoB , uous classons la
mcdecina dans les ails, et lu palLologle, la plijiioloijie, etc., daus Jcs scieuccs.
( 2/j2 )
n. Arts gbaphiqces.
2. BSAUX-ART8 ET BELLES-LETTRES.
/Callifjraphie.
Dessin.
Peinture.
1 Sculpture.
' Architecture.
Gravure.
Plastique.
Cnrto{;i'aphie.
Typographic.
Lithographic.
Photographie.
'Style.
Potsie.
Art oratoire.
Declamation.
Critique.
,Poleini(|ue.
(Chant.
I Musique instrumentale.
' Danse.
Art tnimique.
Gymnastique.
E'^criine.
■ Equitation, etc.
b. Anxs LiTTEnAiBBS.
«. Abts mcsicaux.
d. Abts choregravhiques,
CTMBASriQDES, ETC.
B. COMMEl'.CE,
1. COMMERCE DES PRODUITS NATURELS.
Cereales.
\
„ ■ \ Cereales.
a. Pboduits pbopbes k l alimbntation. < ,. ..
{ rruits, etc.
» ( Peaux.
h. Pboduits pbopbes a l habillemest, etc. J ,^ . '
j Polls, etc.
2. COMMERCE DES PRODUFTS FABRIQUES.
rPain.
a. Pboduits pbopbes a l'alimentatios. \ Comestibles divers pre-
\ pares, etc.
, r. ' ( Tissus.
fc. PbODI'ITS PBOPBES A LIIABILLEMENT, ETC. J „ _ ., ,i; ,„„ o,„
I Ornements divers, etc.
C. SCIENCES.
1. SCIENCES PHYSIQUES.
Astronomie.
Geometric.
I. SclE^CES mathematiques. ^ Arithmetique.
Alfiebre.
Mecanique.
k
( m )
h. Sciences industbielles.
c. Sciences naturelles.
Technologic, etc.
Physique.
Chiniie.
AimtomiB.
Patholo,nie.
Physiologie.
iThe'rapeutique.
Pharmaceutique.
iHyj^iene.
Meteorologie.
IZoologie.
iBotanique.
Geologic.
Mineralogie.
• Cosmographie.
SCIENCES PHYSICO-MORALES.
a. Sciences geogbaphiques.
h. Sciences economiques.
(Geographie.
Ethnogiapliie.
j Topographic.
IStatistique.
/"Economic politique.
' Economic rurale.
( Economic industrielle.
3. SCIENCES MORALES.
a. Sciences hisxobiques.
6 Sciences reugieuses.
c. Sciences PHiLosoPHiQUEs.
d. Sciences sociales.
e. Sciences dvj langage.
(Histoire.
Chronologic.
^ Biographic.
yArchcologie.
( Theologic.
j My t ho logic.
if Philosophic.
I Morale.
) Meiaphysique.
Logique.
Eslhetique.
Pedagogic.
'Politique.
I Jurisprudence.
I Legislation.
^Administration.
'Granimaire.
Rlietorique.
Linguistique.
Litte'iature.
•■Philologie.
La geographie, melange de descriptions piiysiques.
( '2!i!i )
poliliqucs ol morales, vient done, suivant nous, se
placer a la lele des sciences physico-morales, cntic Ics
sciences nalurelles, d'un cote, el les sciences econo-
miques et liisloriques, dc I'aulre.
Nous croons une section si)ecialc pour les sciences
geographiques, car la description de la Torre et de scs
habitants, embrassant des choses acluelles plus encore
que des choses passees, ne pent etre comprise dans les
sciences historiques; on ne doit pas la renfermer non
plus dans les sciences sociales, car elle n'a pas pour
but que la classification des peuples et des Etats; ce
n'est pas davantage une des sciences nalurelles, puis-
qu'elle n'a point pour objet unique de d6criro Total
nalurel de la surface du globe, quoique ce soit un de
ses plus importants travaux. Les sciences geographi-
ques ont done lour propriety, lour valeur et leur place
propres et independantes, commc les sciences histo-
riques ont les leurs, et elles sont, avec les sciences
economiqucs, la transition entre les sciences physi-
ques el les sciences morales. Outre la geographic pro-
prement dite, chargce de la description generale de
la Terre sous lous scs raj)porls, nous y renfernions
rethnographie, qui ^ludie specialement les hommes
dans leur filiation, leurs races, leurs langues; — la
topographic, qui d^cril les lieux avec detail; — la sta-
tislique, qui enumore et compare les I'orces et les ri-
chesses des divisions poliliques. Quant aux arts qui
re^oivent leurs lumiercs des sciences geographiques
ou qui s'y raltachent plus ou moins directement, nous
les avons places dans les sections d'arls auxquels ils
appartiennenl : ainsi , la cartographic , clans les arts
graphiques ; la geodesic , dans les arts propres a la
( nb ]
mesure de I'espace. La cosmographle, qui d'abord
pourrail paraitre la compagne inseparable de la geo-
graphic, nous a semble cependant devoir 6tre rang^e
dans les sciences naturelles, et non dans les sciences
g^ographiques; elle n'embrasse rien, en eflfet , qui ne
soil du domaine unique de la nature; elle n'est elle-
meme qu'une description large et g^nerale de la na-
ture ; elle nous a paru assez differer de I'astronomie,
pour ne pas elre placee, conime celle-ci , dans les
sciences mathematiques; elle examine I'univers dans
son ensemble, dans sa pittoresque magnificence, et
non avec les details savants et precis, meles de calculs
multiplies et minutieux, qui sont le propre de I'astro-
nomie.
Telles sont les I'emarques que nous a suggerees I'in-
certilude oii nous voyons flotfer les meilleurs esprits
eux-memes quand il s'agit de classer la geographic.
Nous serions hcureux que la place que nous lui as-
signons, et que celte distribution g^nerale des travaux
des hommes, fussent approuv^es du monde savant, et
particuli^rement de nos honorabics confreres de la
Societe de geographic, dont nous appelons, du reste,
la critique ^clairee sur ce sujet pliilosophique.
E. CoRTAMBERT.
( ne )
LETTRE DE M. ANTOINE D'ABBADIE
A M. LE SECRETAIRE GENERAL
DE
LA SOCIETY; DE G^OGRAPHIE.
Vous me demandez, inon chei^ conlVire, de moltre
par ecrit les remarques que j'ai faitos sur la comnui-
nication int(5ressaule de M. Cortamberl. J'avais clu,
comino lui, tres-frappe de la position anormale assi-
gnee a la geograpliie dans nos meilleurs catalogues.
Malheureusement il existe peu d'harinonie dans les
differcntes classifications proposees pour I'ensemble
des connaissances humaines. Avant tout, il faudrait
une melhode ou du moins un syst^me g^n^ralcment
adopto el qui put servir de point dc depart; mais les
grands savants semblent dedaigner les soins de classe-
iiient d'une bibliollieque , soins si ^l^nientaires , mais
si faslidieux. Les Linn(^e et les Jussieu ont porte leurs
pas ailleurs. ISeanmoins, quand on a lu le plan de
Debure, ordinaircment suivi en France; celui de la
bibliolheque du Conseil d'ttat, et de plusieurs aulres
novateurs ; quand on b^sile a se plonger tout d'abord
in medias res, comme un bibliolbecairc de mes amis
qui commence par les encyclopedies, il ne resle qu'a
d^clai'er qu'une methode est encore i\ I'aire , et que si
elle porte ce cachet de siinplicite et d'c^vidence qui ca-
ract^rise tout progr^s r^el, elle ne devra ces avantagos
qu'a une science 6lev(^c, appuyoe sur dc longues me-
ditations.
Je suis loin dc pr^tendrc mieux faire que notre es-
( m )
limable collogue; mais je propose mes doutes avec
celle liardiesse que lout critique assume sans de-
uiander pardon de mal recompenser de profondes
etudes et des recherclies penlbles. Veuillez done m'ac-
corder le b^n^fice de ma francbise, el me permettre,
sans examiner toute la classification de M. Cortambert,
de meltre en question la conviction ou il parait 6tre
que, dans I'bistoire de I'humanile, les arts ont precede
les sciences. Avant de songer a I'agricuiture, les peu-
ples pasteurs ont fait de la lilterature en fables ; le soin
de leurs herbages a provoque des discussions de juris-
prudence et de politique longtemps avant qu'ils n'aienl
song6 a sculpter une boulette ou a tisser la toile de
leurs tentes. Si on suit le meme ordre d'idees, la plu-
part des penseurs croiront aussi que les beaux-arts
ont suivi les sciences morales, et que Fart de la guerre
a precede la premiere idee de la chimie.
Ces remarques sont faites d'apr^s I'opinion qu'une
classification des sciences devrait etre concue selon
I'ordre naturel oil elles se sont ddsveloppees; mais cette
opinion est peut-6tre contestable, et il faudrait avant
tout s'entendre sur le principe a suivre. En attendant
qu'on Tarrfile , faisons ressortir I'embarras de bien
classer la geographic , et ne craignons pas d'agrandir
encore celle difficult^, si bien comprise par M. Gor-
tambert.
La geographic n'existe peut-etre pas sans le secours
de plusieurs sciences connexes dout on s'etonne de la
voir separde dans une classification methodique. Ainsi
la cosmographie, I'aslronomle, la g^od^sie, la phy-
sique, la m^leoroiogie, la geologic, et toutes les sciences
naturelles, sonl de son domaine tout aussi bien que la
( 'i/i8 )
topographic el la slalisliquc. L'elhnographie , science
essenliellement geographique, ne saurait renier I'al-
liance de la plulologie. Une guograpUie serait bien
maigre si elle ne disait rien de ragricullurc et du com-
merce. Je demanderai surlout ou ii faut placer les
voyages : ils formenl nne division iraportante dans
toutes les bibliolh^ques; ils tiennent a la chronologic,
a Tarchdologie, etc., etc., et Torment le plus souvent
une sorte d'encyclopedie donl le lien commun est cs*
sentiellement une l)iographie. Ne pourrait-on pas re-
noncer a faire de I'histoire une classe a part? Chaque
science, chaque ait meme, a la sienne; car I'expos^
complet d'unc connaissance humainc consisterait en
trois divisions : theorie, pratique et histoire. On dcrira
aussi bien I'histoire de la chapellerie, de la carrosserie,
que celle de Tastronomie ou de la cartographic. Ou
rangera-t-on un ouvrage essenliellement complexe qui
serait intituld; Histoire de la geogrnphie?
En definitive, et sans oser proposer un systemc, je
rappellerai que loule classification lineaire esl neces-
sairemcnl incomplete; car la parole ne proc^de que
par lignes droites, tandis que toutes les connaissances
humaines se tiennent selon des rapports cubiques ou
tout au moins superficielles. Bornons-nous a ces dei'-
nitres, en reconnaissant que la geographic se classe le
raieux, comme une carte, ou telle region louche plus
ou moins aux pays contigus.
Toutefois, si la science doil applaudir a une classifi-
cation bien faile, en une seule ligne ou en colonnes
paralU'les, on aime mieux, dans la pratique, un arran-
gement clair, arliliciel si Ton voul, raais ou Ton s'orienlc
sans h^siter. Dans eel ordre d'id^cs, ie conservateur
( m )
d'une blbllotlieqiie, apr^s avoir fait un grand nombre
de subdivisions, les disposerait par ordre alpbab^-
tique, el cette niethodc. si pen pbilosophique, ne serait
probablement pas la plus confuse (1).
Antoine d'Abbadie.
SUR
LA NATION DES CHEROREES,
TRAnrir de l'anglais
FAR M. DE LA ROQURTTE.
« Je profile de mes premiers instants de loisir pour
remplir la promesse queje vous ai faite de vous donner
une esquisse sur la condition generale et les j)rogr^s
extraordinaircs fails dans la carriferc de la civilisation
par ce peuple aussi romarquable qu'inleressant, pro-
gr^s qui n'ont de paralleles dans I'hisloire d'aucune
autre nation.
)) II y a trente ans que j'eus occasion de passer
quelque temps parmi eux. Leur condition generale
differait alors fort peu de cello dos autres tribus in-
dienncs. Us vivaient presque tons dans de petils vil-
lages indiens, dans de miserables luittes, et subsis-
laient presque uniquement dos produits peu abondants
de la cbasse. On pent a peine dire que I'agriculture
(i) C'est preciseinenl Ic parti qu'a piis il y a longteinps le conser-
viiteur lie la Bibliollieque nalionale, depai'lemeiit des cartes geogra-
pliiques. ( Voyez {'Encyclopedic du dix-neuvieiue siiclc, article Cahtes
GEOonAPniQiiEs, et un ecrit intitule : De la Collection (feograpliique,
creee ii la Biblotlieque natinxalf. P.iiis, 1848.) J — d.
MI. MAns, !i. 17
( 250 )
exislal parmi eux. A un petit nombre d'exceplions
pr6s, il n'y avait point tlo cullivaleurs ; mais quelqiies
rares pieces de lerre elaient semees en grains, princi-
palementparlesfemmesindienncs; les homines elaient
generolemenl ignorants, indolents et adonnes a I'ivro-
gnerie. II 6tait tres-pen coinmun de trouverun Indien
qui put parler ou coniprendre I'anglais, tandis qu'ils
ont niaintenant un gouvernement rdgulierement orga-
nist, avec des departements legislalif, excicutif et judi-
ciaire, une constitution (icrite, presquc calquee sur
celle des btats-Unis; des 6glises, des ecoles, des hotels,
des magasins, et qu'ils peuvent sous tous les rapports
6lre compares avec lous les Etats que j'ai visites.
» La population de la nation des Cherokces peut
fetre evaluee de 17 a 18 000 individus, non compris
1 Shk n^gres esclaves et 64 libres. J'ai extrait d'un rc-
censeuient recent les donn^es statistiqucs suivanles :
Les Cherokces ont 27 6coles publiques, 38 c^glises,
65 boutiques de forgerons , III nioulins arnoudro,
10 moulins a scier, 2 moulins a tan, et de belles sa-
lines, lis poss6(lenl 5 770 chevaux, 28705 l^les de be-
tail, 35 832 cochons, 233 mulcts et anes.
» Ce recensement comprenait seuloment Ics Che-
rokces emigrants, ou ccux qui ont quiUe lour pays de-
puis 1835. Ceux tpii ont emigri^ anlerieurcment a cetlc
6poque sont cerlaineinent beaucoup plus nombreux.
Mais aucune table genc^rale nc peut donner une id(ie des
progros faits par cette peuplade encore si r^cemment a
I'dlat barbare. Leurs maisons sont ordinairemcnl con-
struites en troncs de bois et couvertes avec des laltes;
elles onl des cheminees en pierre, et sont proprement
tenues ; h s fermes sont en bon ordre, et t^moignent de
( 251 )
rinduslrie do, coiix qui les habilent. lis ont compl^te-
ment renonc^ a la vie de chasseur, ainsi qu'a I'ancien
costume indien. Je passai trois semaines paniil eux,
el pendant ce temps, sur un millier d'indivldus que je
vis, je n'en trouvai pas un seul qui me fournit un
exemple contraire; et ce qu'il y a de plus fort, je
n'aperQus pas un seul Indien convert de haillons, sale
ou ivre. Les lois de temperance sont exlremement se-
v^res. On considere comme une offense capitale de
posseder des liqueurs fortes; soutenues par I'opinion
publique, ces lois ont enlierement extirpt^ I'ivrognerie,
ce vice si pernicicux partout, mais plus sp^cialement
parmi les Indiens.
» La nation est divis^e en huit districts judiciaires et
d'olection, avec des juges de circuit et d'appel. Les
maisons ou siegent les tribunaux sont construites en
i)onnes briques, et la justice y est rendue, sous lous les
rapports, aussi bien que dans les Llals-Unis. Chaque
district envoie Irois membres a la Chambre basse et
deux a la Chambre haute. La legislature 6tait en ses-
sion lorsque je m'y trouvai, et je n'ai jamais vu les
affaires traitees avec plus de dignity et de promptitude.
Le president du comitd (S6nat) et I'oraleur [speaker]
du conseil entcndent les deux langues, et traduisent les
discours des membres. S'ils sont prononces en anglais,
ils le r6p6tent en cherokee, et vice versa. Le St^nal, ou
comit6 , se compose de seize membres, tous clioisis
parmi les hommes les plus respectables, et ayanl la
tournure la plus distinguee. Les deux principaux ora-
teurs [debntors] titaient M, W. P. Ross, gradue du col-
lege Princeton, el M. James Kell. M. Ross est un orateur
s'^non^ant avec grace et clarte , et montrant aulanl
( 252 )
tie capncitt; qu'un aiirail pu lmi liouver clans auoiin lUs
corps tlont j'ai ele incnibre. .M. Kell ne possode piis
)es meiiics avanlagos sous le rapport de i't^dncalion ,
mais il est a tous egards un liomnie remarquable. Son
aspect est extraordinairemenl frappanl. 11 a la pliysio-
nouiie d'un homme de talent cl dc caractero, et son
costunic, ainsi que ses manieres , paraissont prouver
qu'il a surnionle les desavanlages du manque d'edu-
calion. Tous les deux ont le caracterc le plus pur et le
plus 6lev6, tant dans la vie publique que dans la vie
privee, et ils scmblenl deslint^s a rendre les plus im-
portanls services a leur pays et a leur nation.
» L'honiiue qui figure en prennerc lignc dans la
Chanibre basse est sans conlredit M. Pott ; par sa
clarle, sa perspioacite et la force do ses raisonnenienls,
il occuperait ccrlaineinenl uue place remarquable
dans quelquc legislature dc nos Elals que ce soil.
Apres lui vient raon vieil ami Six Killer, Cherokee pur
sang. Je ne pouvais pas comprendre son langage, mais
je n'ai rien vu de comparable a son organe , a ses
gesles, a sa lenue, et, plus que lout cola, a I'enlhou-
siasme avec lequel il s'cxprimait. J'ai entendu Keo-
kuck et d'autres celebres oraleurs indicns ; mais au-
cun ne ma plu autanl que Six Killer.
» Los ccoles sunt toutcs entrelonues aux depens de la
nation. Outre Irois au moins qui existent dans cliaque
district, il y en a deux principales pr^s de Talcquah,
capitale de la nation. Lorsque vous elcs arrive a six
millos environ de la ville, ajnes avoir traverse une
conlrec allVeuse et tres-peu pcupl^e, vous apercevez a
une ilislance de deux ou trois millos, el au milieu d'une
vasle prairie, deux splendides bSliuienls, el ne pouvcz
( 253 )
relenir unc exclamalion dc surprise en falsaiit re-
flexion que vous vous trouve/ rlans un pays habile par
deslndlcns. Lebaliment principal a qualre-vingtspicds
de diametre , avec deux ailes, cliacune de quaranle
pieds, entOLirees d'unc bcUc colonnade; Ic tout con-
struit d'un style plein de gout. L'une de ces institu-
tions est exclusivemenl destinee a I'educationdes fillos.
Chacune est dispos^e pour cent Aleves, qui y restent
quatrc ans. Vingt-cinq sortent annuellement ct le
meme nombre est admis, en sorte qu'il en n^stc iou-
jours cent, tous eleves auxfrais de la nation. J'assistai
au service religieux dans la chapclle dc I'ecole des
lilies, el entendis un excellent sermon. II ^tait reelle-
ment fort inl6rcssant de voir ces fillcs indiennes, mo-
destes, bien vetues et d'une excellentc tenue, se pr6-
parant a devenir Ics malrones futures de leur pays. Ces
ccoles, ct la pliq)art des autres principales ameliora-
tions, sent dues a John Ross, et ces ecoles, celles des
filles surtout, doivent etre cities ]iarmi ce qui fait le
plus d'honneur a son patriolisme et a son intelligence.
C'est, tn eflet, principalement sur I'inslruction, I'edu-
cation et la verlu des femmcs, qu'un peuple doit baser
sa vertuet son b onheur.
)) Lorsque je rappelais a mon souvenir ce qu'elait, il
y avait a peine trente ans, la nation des Cherokees, et
que je voyais ce qu'clle est maintenant : alors gros-
si^re, barbare et plongee dans la ilebauche, aujour-
d'hui alfable , bien clevee, religieuse el civilisee , il
semblait vraiment qu'un pouvoir plus qu'humain eul
accompli ces prodigcs ; mais c'est seulement une
preuve de tout ce que peut faire un homme doue d'une
haute intelligence , anime par un patriolisme fervent
( 25i )
cl desinlercsse. Fcii I\!. Callioun avail coulunie Je dire
que « c'^tait un grand liomme qui avail fonde une fa-
mille. » Si ce n'est pas a M. Ross seul qu'on doit allri-
buer tout ce qui s'esl fail dc bien chez les Clun-okces ,
iJ faut du moins reconnallre qu'il a donn6 I'impulsion.
)) Je ne dois pas omellre de dire ici quelques mols
clu Cadmus indien. 11 existe dans le dialecte cherokeo
beaucoup de mots et de sons qui nc peuvcnt pas etrc
exprimes par les caraclei'es d'aucun alphabet connu.
De la la necessity d'un nouvcau, qui fut invente par un
Indien, dont le noin est, je ciois, Guest. C'est cer-
lainemenl I'acle le plus rcmarquable de rintelligence
de ce peuple, acle si cxlraordinaire , qu'on a mis en
question, si le premier alphabet etait I'ouvragc de
I'liomme ou le rosultatdc I'inspiration. J'avoue, quant
amoi, que je penche pour cette derniere hypolh^se.
Des Cherukces, pleins d'inteliigence, et ayant requ de
I'education, m'ont assure que cet alphabet 6tait par-
fail rclativement a son ajij)lication au langage de ce
peuple. Le journal hebdomadaire , public a Tn/ef/ua/i,
est imprimd a moiti^ dans ce nouveau caractire.
» Le nom de Talequnh, donne a la capilale, 6tail
celui d'une ancieuno villc, siluilse sur la riviere Holslon,
dans le Tennessee, conslruito sur remplacemcnt d'un
fort cel^bre, appele ordinaircmcnt Tellico. Celtc an-
cienne ville etait un lieu de refuge dans lequel I'au-
teur d'un crime, quelque atroce qu'il flit, etait com-
pletemenl en silrelti s'il parvenail a Tatleindre : c'esl
une nouvelle preuve a ajouter k beaucoup d'aulres,
particuli6rement parmi les Iribus des parlies les plus
occidenlales , de I'origine hobraiquc des Indiens de
rAmorique. Je ne connais aucun autre exemple de la
( 255 )
meme espece paiini uos tribus indiennes. On peut
ajouter foi a celui-ci, dont le souvenir est conserve
par line tradition fondee sur des preuves ayant quelque
authenticite.
» John Ross, dont j'ai d^ja parle, aujourd'hui prin-
cipal chef de la nation cherokee, avec un modeste
Iraitement de hOO dollars (2 200 fr. environ), est un
homme qui, sans avoir re^u une education liberale, est
neanmoins ecrivain elegant, et peut etre plac6 au pre-
mier rang par sa rare intelligence, son Anergic et son
indomptable courage. II a epouse en secondes noces
une demoiselle Stapler, du Dehiware, el reside a quatre
milles environ de Talecjiiah, dans une vaste et confor-
table maison, conslruite en hois, dont il fait les hon-
neurs avec autant d'aisance que de dignite et de cor-
diality. Lewis Ross, son unique frere, est un Irfes-riche
marchand, dont I'etablissement egale celui de quelque
particulier que ce soit aux Etats-Cnis. »
( 256 )
.titaljNCS. K*trai<« «r«uvragcs.
^lelaiigeis, etc.
CONSIDERATIONS
SUB
LA GtOGRAPIIIE BOTANIQLE ET PHYSIQUE
LA RUSSIK SEPTENTRIONALE,
r.\U M. ALIUED MAI'RY.
PREMIKR ARTICLE.
Un savant professcur dc boUuiiquc a I'LJniversile
imperialc do Saint -Madimlr, do Kiev, M. E. R. de
Tiautvetler, a public en 1850 un intf^ressant resume
des travaux de gdograjilHC liolaniquo donl la Russic a
ete I'objel (1). Peu de conlrees, par I'^tenduc de leur
tcrriloire, la variety de leur climat, les differences de
conditions topograpliiques, so pretent mieux que cet
empire a dcs recbei'cbcs comparatives sur la geogra-
pbic des planles ; ct en faisanl connaitre au ])ublic
francais I'opusculc siibslanliel de M. dc TrautvcUer,
j'anrai ainsi une occasion de motlrc ce memo public
au courant du progres que cette science a fait dans ces
dernieres annces. 11 suQit de jeter les yeux sur les
comptes rendus que M. A. Grisebacli fait paraltre an-
(i) E. R. von'riaulNcller, Die PJlnnzen(jto.jraphhchc'n f'crhitllnisse
des Europiiischen Husilands (Berlin, i860). II ii'a piiii eix ore <]Uf deux
fascicules, coinprenant la parlie eeptentiiunalr.
(257)
nuclleinenl (1) jiour se convaincie que la geogiaphie
hotanique est aujourd'liui cuhivec avec unc grande
ardeiir, surlout an dela du Rliin. II in'oul ete diflicile
d'analyser en iin article tons les rapporls do M. Grise-
bacli, car ces rapporls nc sont eiix-memes que des
analyses. Le travail de M. de Trautvelter me fournira,
je lo repele , I'occasion d'cntretenir Ic lectcur de cer-
tains fails de geographic physique, exposes dans les
rapports du professeur de Gcetlingue.
On a souvent, dans I'etude de la g(!*ograpliie phy-
sique de la Russie, tente d'adopter pour cc pays un
syslfeme de divisions naturelles, fonde sur les rapporls
climatologiques ou les productions du sol. Ces essais
ont ^te aussi i-nutiles qu'impuissanls, parce qu'en r^a-
lit6 la Russie n'offre pas de divisions topographiques
qui puissent cadrcr avec les lignes represenlant, soil la
temperature, soil les limitos de vt^gotation de telle ou
lolle csp^ce; et Ton comprcnd que, de loutes les divi-
sions adoptcics jusqu'ici , aucune n'ail satisfait com-
plelement aux donnees qu'on s'etait posees.
La division la plus naturelle est encore celle qui
partage la Russie en trois regions : 1° la mcridionale,
comprise entre la frontiere de I'empire et le 50' degr6
de latitude nord ; 2" la moyenne, allant du 50° degre
au 57"; .3" la seplentrionale, allanldu 57= a la frontiere
du nord.
C'est, en ell'ot, celle qu'adopte I'ukase de l78Zi, el
quo Georgi a suivic dans sa description g^ogrnpliico-
pliysique de I'cmpirc de Russie, en la niodifianl loute-
(l) A. Grisoljacli, Bcriclit iibcr die Lcistuiujcii in tier Pflaiizcvgeo-
graphic (Berlin, Nicoiai, 18441848).
{ 258 )
fois et en la raincnant a cettc aiilio quadripartite:
1° zone meridionale, coinrnc la precedente ; 2° zone
temper^c, du 51" degre au 57*=; 3° zone froide, du
58* degr^ au 67"; A" zone arcliquc, ou hyperbor^enne,
du 67" degrt^ a rexlremite de la frontiere nord.
Brincken a adopte une division analogue, en pr^ci-
sant seulcment davanlage les caracteres de chaque
zone. Ledebour divise la Russie cisouralienne en six
zones : arctique, septentrionaley vioyenne, allant de la
limile septentrionale du chdne a celle de la vigne ; me-
ridionale, Criniee, Caucase.
Le conite Cancrin a abandonnd les paralleles, et les
lignes de tempera lures conime principes de divisions ;
il se guide sur les productions du sol, el obtient ainsi
les huit zones suivantes : 1° zone glaciale, la Nouvclle-
Zcmble {Novaia-Zemlia) et la partie nord du cercle de
Kola ; 2" zone du Lichen Ra/igijeriniis, des buissons, ou
arbres rabougris, bornee au sud par les lignes oii ap-
paraisscnt le pin et le m^leze ; 3" zone des f"or6ts el du
b^tail, ou se montrent les grands coniferes; 4° zone
agricole, caracterisee par la culture de I'orge, les vaslcs
forets et les belles prairies, limitee au sud par le 63' pa-
rallele nord; 5" zone du seigle et du lin, se terminant
environ au 51' parallele ; 6° zone du fromenl et des ar-
bres I'ruitiers, qui finil au AS' parallele ; 7° zone du mais
et de la vigne, comprenant la Bessarabie, la Nouvelle-
Russie, le pays des Cosaques du Don, le cei'cle d'As-
trakan et du Caucase ; 8' zone de I'olivier, de I'industrie
s^ricicole el de la cannc a sucrc (Russie transcauca-
sique).
M. de MeyendorfT adopte le meme syst^me de divi-
sion ; mais il tient compte des hauteurs des plateaux,
( 259 )
ce qui le conduit a cinq regions : 1° le versant haltique;
2" celui de la mer Blanche, born6 par une chaine de
collines qui unit les Valdai a I'Oural ; 3° le plateau
moyen ; A" le versant meridional de la ligne meridio-
nale du plateau moyen; 5" les steppes. Chacuno de
ces divisions naturelles est assez caract^ris^e par des
productions et unc industrie particulieres.
Blasius fonde sa division tripartite sur Tadmission
de ce fait , que les fronti^res meridionales de VJlnus
incana, et la liraite seplentrionale des arbres fruiliers,
forment les lignes de division naturelle de la Russie
d'Europe.
Arsenieff comple huit regions, qu'il fixe d'api-es les
differences de climat el de sol. Le comte Keyserling
ne reconnait que trois zones : nord-ouest, moyenne et
meridionale. D'autres autours admettent dix groupes,
ou encore cinq regions : 1" celle des Toundras ; 2" celle
des forels; 3" celle de I'industrie manufacturifere et
metallurgique; A" celle des terres arables noires; 5° celle
des prairies.
Dans la division par groupes, on ne tient gu^re
comple que des conditions choregraphiques; dans la
derniere , au contraire, on a perdu de vue celles qui
licnnent a la constitution du sol.
II est difficile de prononcor sur celui des deux sys-
Iferaes de division qui est a preferer, systemes dans
lesquels rentrent les divers essais de circonscriptions
physiques qui viennent d'etre cites; ou plutot il faut
convenir qu'aucun ne satisfait au but qu'on se pro-
pose, el que, dans I'un et I'aulre, il y a une trop grande
part faite au factice, au conventionnel. La Russie d'Eu-
rope est, conime on sail, une vaste plaine, n'offrant
( 200 )
que (les difleronces hypsoiU(^ti'iques Ires-leg^ics, qu'on
indique sur les carles, nials qui no sont pas scnsibles
en r^alit6 sur le terrain. Les souls caracl6res qui dif-
f^rencienl nolablomcnt les divcrses regions de la
Russie sont lires dc la constilulion geognostique ; mais
de tels caracteres ne sont pas sufiTisamment appa-
renls pour servir de point de depart a un systeme do
circonscription physique. Co n'est qu'indiroclement,
par les influences que ccs dinoronces conslitutives du
sol exercent sur Ic regno vegetal, visible a tous, quo
Ton pent juger des dilTerences physiques qu'ofrrc la
Russie dans scs diverses parties. Celui qui parcourt ce
vaste pays, ne saura pas ^valuer au premier coup d'ajil
la difference des niveaux, juger des differentes natures
de terrains, mais il distinguera tout de suite les Toun-
dms du nord et les Steppes du sud dos districts fores-
tiers du centre, ct, entre ceux-ci, il ne confonlra pas,
memo quand I'hiver derobe tons les autres caracteres
apparenls du sol, les sombres forots dc conifercs sep-
fentrionales avec les vianls bois formes des arbres a
feuilies caduques du niidi. La goographie bolaniquc,
voila done quelle est la base d'une bonne chorographic
de la Russie, el c'est ce qui fait de I'essai de M. dc
Trautvetter tout aulanl un travail d'une importance
geographiquo, que d'une importance botanique.
La goographie zoologique nesaurait olVrir los memcs
avantoges. Les faunes n'ont pas duns Icur distribution
la m6me fixil6 que les (lores. Suivanlles saisons, les an-
n^es, idles ou telles especes animates s'avancenl plus
ou moins vers lo sud ou vers le nortl; leur habilat n'est
pas allaclie inlimcmenl au sol comiuc Test celui dos
plantes. Lesvegolaux lient, aucontraire, les conditions
( 2oi )
g^ognosllques et cliniatologiques; car ils subissent leur
double influence : ligncs isotbermes, isolbtjres, isochi-
mfenes, d'une part; lignes d'affleurement des dift'6-
rentes I'ocbcs et strates de I'autre, fonnent comme
leurs deux axes de coordonnecs. Les plantes repr^-
sentent la niarche des uncs et des autres, et, comuic
lous les caracteres pbysiques n'onl pas la meme im-
portance dans la cii'conscription physique d'un pays,
ces v^g^taux mesurenl pvecisement le mieux I'in-
fluence de ceux qui jouent le plus grand role. Dans
un pays de temperature sensiblement egale, ils se nio-
d^lcnt sur la nature du sol, el sur un sol d'une mfime
constitution, ils varient avec le climat.
Mais les v(5gelaux n'ont pas eux-memes, comnie in-
dicateurs dans un sysleme de division d'un pays, et la
Russie on particulier, une ^gale importance. Les
plantes cultivees, que I'industrie de I'bomme parvient
souvent a faire reussir dans des climats et des sols
pour lesquels elles ne sont pas n6es, ne fournissent
pas des caracteres aussi surs que les plantes sylvestres
et les especes agrestes. Si telle ou telle culture peut
souvent servir comme d't^cbello climatologique, elle
n'est proprc a fournir un caractere geographique que
lorsqu'elle est particuiierc , speciale a lei caractere,
a telle conlree. Au contraire, les especes agrestes, sur-
tout celles qui vivent en societe , rcpresentent fidele-
ment la pbysionomie naturelle d'un pays, et, enlrc
toutes, les especes arborescenles fournissent les carac-
teres les |)lus surs, les plus IVappanls. Cela est vrai
surlout pour la Russie d'Europe , ou la vegetalion fo-
resti^re joue un si grand role. Certaines esseacos ne
viennent que dans des cantons (lelermines; les coni-
( -262 )
f^res , Its nmentac^es , les autres families jigneuses ,
ont leurs fionli^res fixes, qui (h^coupenl le sol en pro-
vinces nalurclles. Quand les especes ne suffisent pas (^
dilli rencier les districls , les vari^tes peuvent servir de
moyens de division physique. Ainsi , en rdsuni6, on
pent dire que la gf^ographie botanique en general , et
la v6g6tation arborescente en particulier, sont les bases
d'une bonne division physique de la Fuissie.
De tous les conif^res , Ic pin commun ( Piniis syl'
vestris, L.) est celui qui occupe en Riissie I'aire la plus
6lendue. Sa limile se]>lenlrionale s'arrfete , d'apres
Vahlenberg, a Enonlekis, et, selon Wirzen {En. pi of'fic.
Fennice, j). 78), ellc courl de Paloyoensun a la source
de rivalaioki, ou elle coincide avec la limite seplen-
Irionale du Picea vulgoHs. D'Enonlekis, Vahlenberg
pi'olonge la ligne frontiere du Pinits syhestris le long
du Baskoioti jusqu'au lac Pelsikoiaur, et le long du
Neudamyski jusqu'au Pasvigfiord, Mais Fellniann [Bull.
des tiat. de Moscou, t. HI, p. 328) porte cctte ligne un
peu plus au nord, la faisant suivre la cote seplentrio-
nale de la presqu'ile de Kola, jusqu'au golfe du meme
nom, puis rentrer ensuile plus au sud; si bien que
Boehlling retrouve celle espece sur la cote orienlale
de la presqu'ile de Kola, en lace de I'ile Sosnovelz.
Sur la coto orientale de la mer Blanche, celle essence
atteint jusqu'a Mezen, et voit sa limite se conlondre
avec celle du Larix sibirica.
Ruprecbl a observd [Fl. Samoj., p. IG) que, dans le
pays des Samoiedes, c'est le Piced obovata qui constilue
I'essence doniinante des forfils, tandis que c'est le
Pinussylvestris a I'ouest, et le Larix sibirica a Test. Dans
I'Oural, la limite du Pin syhesire redescend jusqu'au
( 263 )
6/i* degr^ tie laliluile nord , limile dont cct arbre ne
s'(^loigne gu^re a iin degr6 pr^s, dans la Siberie, saiif
sur les bords da Jenissei, oii M. de Middendorff [Reise,
t. II, p. 169) I'a rencontre jusqu'au 66° degre.
Dans les plaines de la Russie d'Europe , le Ptnus
sylvestris d^passe de beaucoup dans son aire, vers le
sud, la fronti^re meridionale du Picea vulgaris, quoi-
qu'a parlir de cette ligne il s'eclaircisse de plus en plus
el finisse par ne plus se rencontrer qu'a I'etat isol^,
dans les vallees des grands cours d'eau de la Russie
meridionale; il suit cependant ces valines jusqu'aux
steppes, mais il manque, au conlraire, completeraenl
dans les regions qui les separent; en sorte que I'exlreme
frontiere du Pin sjh>estre se confond au sud avec celle
de la v(^gelation arborescente, et forme la limile sep-
tentrionale des steppes de la Russie meridionale.
Si Ton lire une ligne passant par le sud de la Vo-
Ihynie , coupant le gouvernement de Kiev dans la di-
rection sud-ouest (car le Pin sylveslre remonte le long
de Dnieper jusqu'a Krioukoff), et celui de Poltava au
nord, traverse TUkraine par Izioum et rembouchure
de la Borovenka; puis, se relevant dans le gouverne-
ment de Voronej jusqu'a la hauteur du chef-lieu de
cette province, sur la rive gauche du Don, repiongeant
au sud sur la rive droite , et atteignant les cercles de
Bobroff et de Pavlovsk, ou se I'enconlre lagrande foret
de ChipolT; puis, redescendant le long du Khoper,
pour aller couper le gouvernement de Saratoff dans
son milieu; remontant enfin dans le gouvernement
d'Orenbourg, ou Pallas, on n'a pas rencontre cet arbre
au sud de Borsk, sur la Samara, on obtient aiiisi la
frontiere sud du Pinus sylveslris.
( --^^i )
A I'oucsl de la Russie , eel arbrc tienl sa llniito
moins seplcnlrionalc : ainsi, il sc rcnconlrc en Tran-
sylvanie, en Galicio, on Silosie , en Piusse. A I'csl de
Ternpire , il redescend jusqu'au lac Baikal ct a la
Daourie.
Le Pinus cembra occupe en Russie une aire bien
plus restreinle que I'essence precedenle, ct s'arrete
surloutaune fronli^re beaucoup moins septenlrionale.
Si dans I'Oural il allcinl aussi le 6Zi° latil. nord , on
ne le trouve, par conlre, ni dans le gouvernemonl d'Ar-
kbangclsk, ni dans ceux de \ ialka , de Kazan. Dans
celui de Vologda, le Piiuis cenihra n'ap|)aralt que dans
la vallt^e, a I'ouesl de la Petchora. Au sud, eel arbre
disparait de la parlie nord du gouvernonient d'Oren-
bourg, oil il descend par la cbaine de I'Oural, qu'il
sorre de pros dans le gouverncment de Perm.
Au dcla de I'Oural, Ic Picca cembra pr6senle Ic
memo pbenomene (|uc le Piccd syh'estris, ct e'l un degr<i
plus prouonce; sa lignc fronli^re redescend jusqu'a
la Daourie et au lac Baikal, landis que le long du Je-
nissei, il se montre encore par le 08° 30' lalil. nord.
De memo, a I'oucst do la Russie, le Picen cembra sc
rapprocbo de la zone Icmpdree cbaude, et on le Irouve
dans Ics Carpallies et la Transylvanie.
La delcrmination de I'airc cxacte liu Picca vulgaris
oflre quelqucs diniculles, car la pluparl des auteurs ne
I'ont point distingue du sapin de Siberic, le Picea obo-
vafa de Ledebour. Deux Tails cepcndant peuvcnl elre
consideres comrae sufTisamment etablis : c'est d'abord
que Ic Picca vulgaris no s'clend pas jusqu'a I'Oural,
el que plus on s'eleve vers le nord, plus sa frontierc
orienlale s'eloigne de cctle cluilne; c'osl ensuile que
4
( 265 )
la limlte occitlcnlale du Picea ohovaln se rapproche
beaucoup do la liniite orienlalo du Picea -vulgaris, les
deux espt'ces ne croissant a c6t6 I'une dc 1 'autre que
dans un espace fort resserr6.
En cffet. les botanistes qui ont explore Test de la
Russie ont observe^ que le sapin s'avance beaucoup plus
verslenord que le pin. Ainsi Boebllingk arcncontr^ des
individus de la premiere (sspece, hauls, il est vrai , a
peine de 2 pleds, a I'enibouchure du Ponoi, tandis que
les pins ne se monlrent qu'a I'ile Sosnovelz. Schrenk,
dans le pays des Saoioiedes, a trouve de meme le pin
venant mourir au sud des lignes de sapin. A Touest de
la Russie, le contraire a lieu; landis, par exemple ,
que le Picea vulgaris n'arrive pas jusqu'a Enaretrask,
le Picea sylvestris s'eleve jusqu'au lac Petsekoyaur. Cela
tient a ce que I'espeee de sapin n'est pas la meme dans
les deux regions, le Picea de la Siberie septentrionale
appartenant a la varitite obovata.
Le Picea vulgaris parait avoir pour fronli^re orien-
tale une ligne qui coupe la partie est de la presqu'ile
de Kola, el qui va joindre le confluent de la Viatka et
de la Rama. La limite meridionale nous est donnee
par une ligne qui traverse le nord de la Volbynie et du
gouvernement de Tchernigon, la frontifere meridionale
du gouvernement dc Kalouga, le nord de cekii de Ria-
zan, et qui laisse au nord le gouvernement de Kazan,
ou le sapin abonde.
A I'ouesl de la Russie, le Picea vulgaiis peuple lea
gouvernemenls de Grodno, de Lithuanie , de Cour-
lande, I'ile d'Oesel, la Finlande, et, par la Pologne, va
gagner la Transylvanie el la Silesie.
Le Picea, ou Abies obovata, forme, apres le boulcaii
ni, M.\ns. 5. 18
( 260 )
binnc, le dernier rcpr(^spntant do la v^gelalion arliores-
ccnle dans le nord. A I'ouest , la ligne fronti^ro court
de rcntiboucliure dii Ponoi a la prcsqu'lle de Kanin ,
oil Ics nionls Cheninkliovski , situ^s par 67" 25' Inlit.
Bord, sont ombrages par cc sapin de Siberie. Ruprecht
nous apprcnd que sa ligne deliniitalive a Test passe
par Omoul , sur I'lndega et Pustosersk , puis se replie
jusqu'au cercle polaire dans le voisinage de I'Oural ,
redescend ensuite , comme les autres conif^res, jus-
qu'au 6/1° parallele, pour remonler plus au nord dans
la Russie d'Asie. Ledebour I'a rencontr6, en effet, dans
I'Altai; Middendorir, par 69" 1/2 de latit., sur le Je-
nissei, et Turczaninoft', au lac Baikal el en Daourie.
Le Lnrix sihirica manque compl^temenl sur le ver-
sant occidental de I'Oural, et la limitc septenlrionale
de ce conitere ne paralt pas I'rancliir les bords occi-
denlaux de la mer Blancbe. Middendorll' a rencontr6
le Larix sihirica au Jenissei jusqu'au OG" degrd, point
qui paralt etre le plus septentrional qu'atteigne celle
essence.
La frontiere occidentale du T^ar-iv sihirica court au
nord de Kargopol, dans le gouvernement d'Olonetz, a
la mer Blancbe, et, au sud, du gouvernement de Kos-
lron)a, ou ellc cmbrasse les cercles de la parlie occi-
dentale, savoir, ccux de KologrilF, MakarieiT et Var-
navin , au gouvernement de iNijnei -Novogorod. On
rencontre encore, quoiquc en peu d'abondanco, le
Larix dt'nommt!; dans les corcles situes sur la rive
gaucbe du Volga , Balaklui , SemenolT, MakariclF et
Vasil. Plus au sud , cet arbre a enti6rement disparu.
En tirant une ligne du gouvernement de Nijnei-No-
vogorod a celui de Vialka, on obtient la fronti^re md-
( 267 )
rklionale de celte essence. Arrive a Sarapoul, sur la
Kama, celte ligne descend au sud, va couper le gouver-
nement d'Orenbourg, en passant par Sterlilamak, sur
la Bielaia, et atleint FOural par le bh" lalit.
En somine, le Larix sibirica occupe en dc^a de
rOural, tant au nord qu'au sud, une aire beaucoup
plus resserr^e que le Picea obot'ata, tandis qu'a I'ouest
c'csl le contraire qui se produit.
\J Abies sibiricn s'^leve peu au nord; on nc le ren-
contre ni en Finlande ni dans le pays des Samoi^des, et
il ne parait pas remonter au dela du cercle de Vologda,
dans le gouvernement du meme noni ; en marchant
vers rOural , il se tient cependant moins bas en lati-
tude, puisqu'on le signale au nord du gouvernement
de Perm , dans le cercle de Tcherdin , sur les bords
de la Kolva.
Le capitaine Dlatowski repr^sente la limite occiden-
lale du sapin blanc de Silesie par une ligne parlant
du cercle de Vologda , dans le gouvernement du meme
nom, et se dirigeanl vers les dislx'icts orienlaux du
gouvernement de Kostroma , envoyant ses points les
plus avances dans les cercles de MakariefT et de Var-
navin, et comprenant tout celui de Vettouga, oil le
sapin blanc abonde. Celte ligne de vegetation redes-
cend par lo gouvernement de Kazan , el va joindre
I'Oural par celui d'Orenbourg. Au dcla de cette ( liaine,
cet arbre gagne le lac Baikal et la Daouric.
L'if [Taxus baccata, L.) n'appartient qu'a la Russie
occidentale. II se prdsente dans les lies d'vVland el
d'Oesel, en face, sur la cote de Livonic i\ Pernau, et sur
quelques points de la Courlande. La ligne de vegetation
de eel arbre redescend ensuile par la Pologne , par le
( 268 )
gouvcrnement de Grodno el la woiwodled'ALigustowo,
et vient s'arreler aux Carpalhes, laissanl dc cole la
Llllmanie, les gouvernenienls de Volliynie, de Podolie,
do Kiev, ct ne reparaissant que dans laCriinee, le Cau-
case, sur le versant nord de ccUe montagne jusqu'au
Terek, scion Guldcnstadt , et jusqu'u la Kouma, solon
M. de Brincken.
MM. Palze, E. Meyer el Elkan, dans lour Flore de
Prtisse , representcnt la fronlierc seplcntrionale du
hfilrc [Fagus syhatica) par unc ligne allanl d'Edini-
bourg, par la Norvegc m^ridionale, le Skanie el le
Smaland , a la mer d'AzolT, ct au milieu de la Cas-
pienne , coupant la Russio dans la direction sudoslj
M. de Traulvelter reporle davanlage cette ligne fron-
liere a I'ouest; il la fait passer par Kiinigsbcrg, la Po-
logno orienlale et I'oucst de la \ olhynic. En effct,
Waga, dans la Flore polonaise, place le lielre dans les
provinces de Gracovie, Sandomir, Lublin, Masovie,
Plock el Kalisch. Au sud, le helre reparall dans les
forets qui couvrent les liauleurs de la Tauride et du
Caucase. M. de Brincken nous dil qu'il peuple les forets
comprises enlrecetle montagne, le Terek el le Kouban,
el qu'il remonle jusqu'a la foret de Stavropol.
Le charme [Carpinus belidus,h.) ne sc montre gu^re
plus au nord que la Gourlande, dans sa jiartie sud-
ouesl, oil il conslitue unc essence de la foret dcRulzau.
Rare dans le gouvernemenl de \\'ilna, il abonde da-
vanlage dans celui de Grodno; il peuple la cdiebre
foret de Bielowieza, el compose en parlie les forets de
Pologne. On le rencontre Ires-frequemnienl en Vo-
Ibynie et en Podolie, dans le gouvernement de Tchcr-
nigoff, dans Ic nord de celui de Rberson, dans cclui
( 209 )
de Poltava; niais 11 njaiiquc chins ceux de Roiirsk, do
Tamboff, tandis qu'il reparait dans cclui dc Voronej.
Du Dniestr au Jaik, le long dc la fronliere seplcnlrlo-
nale des sleppes, cetle essence n'occupe qu'unc aire
fort resserrec; mais elle descend asscz avant le long
des grands fleuves qui coupent cette region, d^passe
m6me les steppes, et reparait ensuite en masse dans la
Criaiee ct la Caucasie.
h'Acer pseudoplatanus s'etend des Carpathes par la
Pologne, les gouvernements de Kiev, Poltava, Voronej
et Penza, et disparait a Test dans celui de Saratoff,
compris, dans le sens latitudinal, enlre les steppes et
les 5Zi et 55°.
\J Acer cnmpeslre s'avance plus au nord. Rare en
Pologne, et manquant complotement en Lithuanie, il
s'eleve jusque dans les forets situees au sud de I'Oka ,
mais redescend dans le sens de la longitude orientale
dans le gouvernement de Penza.
L'Acer tataricum est etranger a toutes les provinces
orientales delaRussle, a la Pologne, a la Lithuanie. Dc
lallongrie, delaSyrmie, delaCroatieetdelaGalicic, les
seules contrees de I'Europo centrale occidentale ou on
le rencontre, cette essence gagne la Podolle, entre la
frontiere nord et sud de laquelle 11 so tient exactement
confine, puis 11 remonle de la dans le gouvernement
de Moscou, a Mahnich , dans le gouvernement de
Vlalka, prenant a peu pres pour sa limlte nord la luulte
sud du Picea vulgaris, et pour fiontierc meridlonale,
la fronliere soptentrlonale des stoppcs.
La vegetation du bouleau nain [Belala nana, L.j est
representee par une bande partant du cap Nord ,
comprise enlrc la mcr Arctique et la fronliere septen-
( ^70 )
triuuale du charme {Carpmus betalus), les gouvemc-
nienls de Wilna et de Moscou, le lacTcluichloma, dans
le gouvernement de Roslronia et rOuiija ; puis celle
zone se terniine au voisinage de I'Oural; celte essence
ne se renconlrant plus dans lo gouvernement de Kazan
el de Viatka.
Je viens d'analyser, d'apres IM. dc Trautvelter, Ic
tableau de la vegetation des principalcs essences d'ar-
bres (le la llussie ; en couibinanl ensemble les lignes
de vegelalion de ces diverses esp6ces, et plus particu-
lierenient des coniteres, on oblienl quatie regions
naturelles : 1° une au noid, la Russie septenlrionale ,
ou region des Joiindras ; 2" une a I'ouest, la Russie
occidenlale , ou region du sa[)in d'Europe; 3° une a
Test, la Russie orientale, ou region des conlferes de
Siberie ; /i" une au sud , la Russie meridionale , ou re-
gion des arbres non coniferes , appelcis par les AUc-
inands Laubholzer, par opposition aux premiers, qu'ils
nomment Nadelholzer, c'est-a-dire, mot a mot, arbres
a feuilles aciculairos, arbres a feuilles larges.
Premiere nfeciON. — liussie septcntrionale.
Ce qui caract^rise la premiere des zones que M. de
Trautvelter a ^lablies, c'est le manque absolu de loutc
vegetation arborescente. Dc vastes dtonduos, oii le sol
n'est convert que de mousses et de licbens, la re-
couvrent : c'est ce que Ton appelle les loimdras. Les
Totindras sont I'image de la ilcsolation el de la mort.
Lorsque le froid s6vit avec rigueur, le sol se crevasse,
il s'y forme de profondes fondriercs; I'cau , contenue
dans les enirailles de la lorrc, sort par ces ouverlures,
56 repand au deliors en fumant, et sc Iransforme im-
( -271 )
m^diatement en glace (1). A peine y decouvro-t-on
Qa et la quclques representanls des phanerogames ar-
borescents de nos climats, r^duits aux proportions les
plus rabougries, cachant sous le sol leur faible tige
j)our la preserver de la rigueur du climat. Cette succes-
sion de deserts glacis correspond, a I'ouest, a la rivifere
Kola, ou au lac Imandra, Sa fronti^re meridionale
passe au nord de I'embouchure du Ponoi , sur la cote
occidentale de la iner Blanche, et du Mezen, sur la cote
Giienlale , et descend vers I'Oural un peu au sud du
confluent de la Petchora et de I'Ouza. Cette limite n'est
pas cependant absolue, et de veritables Toundras s'of-
frent quelquefois plus au sud , de ineme que ga et la la
vegetation arborescente depasse cette ligne fronlifere et
remonte en certains points de la zone septentrionale.
Boeiitlingk signale, par exemple, un bouquet de bou-
leaux de 20 a 25 pieds de haul, au nord de Kola, sur
la presqu'ile des Pecheurs, presque par 69" 7' latitude
nord. Ruprecht a rencontre a la |)resqu'lle Kanin, dans
les vallees du mont Chemakhovski, sous le 67° 30' latit.
nord, un petit bois de Picea ohovala, essence qui s'ob-
serve a Poustozersk, sur la Petchora, et qui boise tout
le cours inferieur de I'Ouza.
Les veritables Toundras n'apparaissent, au reste, qu'a
lest de la nier Blanche. Dans la Laponie russe, ce qui
y correspond n'est reellement qu'une region subal-
pine, en prenant cette epithete dansie sens de Wahlen-
berg; niais entre la mer Glaciale et le cercle polaire
jusqu'a Poustozersk, et de cette ville a I'Oural, par
64° latit., les solitudes septentrionales se presentent
{i) Voyez (le Wrangell, Le Nordde la Sibe'rie, trad, franjaise, (. II,
p. 343.
( 27:> )
dans loule leur Uisle vorile. A pailir cic h'l, los Toiini/ras
s'dlcntlcnl jusquc dans TAiiji^iiijue. Tantut pierrcux el
couiplelement arides, lanlot sees et simpleinenl con-
verts de lichens, parfois l^nerement liumides ot avant
alors pour vegetation le Poljtrichiim (li, ou plus hu-
inidcs, el donnant naissance au Sphagnum; enfin ,
souvcnt d'unc apparence moins apre, et revetuc
d'une couche do vegetation que composent des Jon-
eses, des Graminees, dcs Cyperacecs, los Toundras
varicnt suivanl la nature du sol el sa composition geo-
gnostiquc. Tantot c'esl la foriiialion ncplunienne qui
domine : on a alors la zone que Rupreclit appelle alpine,
et ou le Louloau s'oflro encore a I'cHat uain ; tanlol la
formation hypogeue pretlouiine : c'ost la zone arctique
du nieme auteur, oii les arbres ont tolalcment disparu.
Enfin, on pcul distingucr la zone tout a fait polairc, la
region de la mer Glaclalo, qui s'offic avec dcs carac-
teres propres.
Ruprecht a specialemcnt etudie la derni^rc de cos
regions, et nous a fouini los elements do sa geogra-
phic botanique. 11 y a trouvc cinquante-trois especes
d'alguos, donl vingl-qualre sc rencontrenl dans d'au-
tres ri^glons, el sur lesquelles vingl-cinq apparliennent
a la partie oucst do la zone do la mer Glaciale, a la
Laponic russc , el qualre aux cotes de la Nouvclle-
Zemble. A Test de cettc lie, les algucs marilimes de-
viennenl graduellement plus rares. Les especes qui
persistent le plus, el ollrenl |)ar consequent dans celle
zone une aire plus etendue, sont : Ic Fucus vcsicu/osns ,
(l) Voyczlecuiiciix (iiljican (|ue IMiM.dc IMiildciidorlT ctTiatitvctler
donnciit ilc la Touiulia do Taiinour, ilaiis le pays ties baiiiuiccles (aj).
Griscbach, Berichtfur 1847, [>■ 34-)
( 273 )
le Laminavia aacdinrina, Ic Dcsiiiarcsdn (icnlenta. Sur
la cote cle hi Nouvelle-Zemblc , il y a une floro toule
speciale, representee par le Sphacehuia heteroiCcma , le
Calithamnion plwna, le Bangia laminarice, el le Du-
montia lepechinii .
La flore des algues cle la Laponio norvegienne a, sur
les bords memes de la mer Glaclale, d'assez nombreux
representants, tols que X Himanthalia lorea, le Deles-
serea sanguinea, le Chondrus inammilosiis , V Haljmenia
rubescens. Deux causes agissent comme elements mo-
dificateurs sur la flore boreale de la Russie : la profon-
deur de la nier et la temperature. On no possode mal-
heureusemenl aucun sondage bien precis pour la mer
Glaciale; ce que Ion a reconnu, c'est qu'en general
cetle mer est peu profonde. A Test de la route de I'ilc
Vaigatz , la profondeur est faible; elle augmcnte en-
suite assoz nolablement vers Test, mais diminue en
s'elevanl au nord. Les sondages executes montrent
que cetle profondeur varie enlre 84 el 1Z|7 pieds.
Boehtlingk a observd a Kola la lemperature de la
mer, cclle de I'almospliere variant do 16 a 18° Reau-
mur, et il a Irouve de 8 a 10°. Ruprecht donne pour la
temperature de I'eau sur la cole de Laponie, du 1" au
19 aout, de -i- 5° I R. a 8° I R. ; el dans la bale de
Matotchkin, du 'Ik au 30 juillet, de -H 3 a + h" R.
D'apres Ru|)rechl et Wahlen])erg, la haute mer sur
la cole de La])onic ne g6le pas meme dans le fort de
I'hiver. Au goU'e de Kola , en Janvier el fevrier, la mer
so couvre de glace a une distance d<> 20 a 25 vverstes
de la cole; mais cela n'a pas lieu duranl les hivcrs
doux, el, des Ic mois de mai, la baic est libre de glaces.
La mer g^le, au conlraire, regulierejnenl sur la cote
( 274 )
orienlale de Ja Russie, sur les coles clu pays dcs Sa-
inoiedes et de la NouvoUe-Zemhle , et mfeme, dans les
hivors ligoureux , la route de Vaigalz se preiid.
II faut encore tenir compte de la quantity de sel et
des debris calcaires contenus dans les eaux. Marcet,
Franklin et Parry ont trouvo 39 a 40 parties de sel
pour 1 000 parlies d'eau ; et Mlddendorfl" compte cent
soixanle-lreize esp^ces de mollusques.
Daos la zone alpine , les plantes apparaissent au-
dessus du niveau du sol , phanerogames coninie cryp-
togames; aucune tourbiere, par consequent , puisque
mousses, lichens, gramin^es, y offrent a peine des liges.
Parmi les vegetaux qui subsistent a cet etat presque
embryonnaire , dominent les renonculacees, les saxi-
iragees et les graminees. Les plus ch(itifs repr^sentants
de la flore arborescenle y sont complelement absents,
et Ton y cherche en vain le Betida nana, le Junijjertis
comniimis, V Empetnan myrnni, meme a I'^lal de sous-
arbrisseaux. Les bruy^res meme font dtifaut. Des es-
paces elendus sont entierement d^pourvus de plantes,
lesquellos ne se rencontrenl que sur les rochers des
Toiindras. La zone alpine comprend encore dans ses
limiles les iles de la Nouvelle-Zemble et de Vaigatz, de
Kalgouef, et les roches du nord do I'Oural. D'apr^s de
Baer et Ruprecht, la Nouvelle-Zemble et le pays des
Samoiedes presenlcnt cent cincjuante-deux especes ;
mais c'est u peine si Ton peul donner le nom de pha-
nerogames a ces plantes, puisque les liges les plus ele-
vees n'atteignent pas 6 pouces, et que la Uryas octope-
lata est la seule planle sociale qu'on rencontre dans la
Nouvelle-Zemble ; les especes herbac^es qui represen-
tenl le genre Sa/ix, le Salix polaris, le Salix reticulata,
( 275 )
le Salix lanata, sont des vegetaux pour ainsi dire mi-
croscopiques ; le premier n'etant qu'une sorte de
mousse, le second ne depassant pas Iv a 5 pouces, el le
troisieme alteignanl a peine une palme {spanne). En
revanche, la vegetation souterraine prend un d^velop-
pement qu'on ne rencontrerait pas sous un sol moins
glace. La derniere espece citee , par exemple , pousse
des rhizomes de 12 pieds de long, et I'epaisseur de ces
tiges souterraines est de 1 a 2 pouces.
Dans les contrees ou la rigueur de la temperature
s'oppose a la croissance des plantes, c'est le sein meme
de la terre qui se charge do fournir aux vegetaux le
calorique que I'atmospherc leur reluse. Walilenberg
a montre que, dans les regions polaires, la temperature
moyenne du sol depasse celle de I'air; aussi M, RupfTer
a-t-il remarque [f^oyage dans rOurnl , ^. 307) que,
sous ces paralleles eleves, les periodes de vegetation
se reglent autant sur les periodes de temperature du
sol que sur celles de I'air. Au centre de la Russie, la
vegetation du printemps se d(^veloppe un peu plustard
qu'en Allemagne, mais la recolte se Fail a peu pres a
la meme ^poque dans les deux pays, c'est-a-dire au
mois de juillet. Quand on s'avance ensuite verslenord,
et quand on depasse les latitudes dont la moyenne de
I'air est 0", on voit les recoltes retarder jusqu'au mois
d'aout; et enfm, avant que I'agriculture disjiaraisse en-
tierement, jusqu'au mois de septeudjre; ce qui montre
que I'epoque de la r^colle, qui coincide ordinairement
avec celle de la plus haute temperature de I'air, marche
dans le nord vers I'epoque oil la temperature du sol
atteint son maximum.
La Nouvelle-Zemble, au dire de M. de Baer, offre tout
( 276 )
a fiiit Ta-spccl dcs Al])cs, au dola dc la llinile des ncigcs
perpetucUos. Presquc loutcs Ics planles dc la Laponio
que Wahlenberg a rcnconlrees au soniniel dc cos
inontagncs, lo Rnnnnciilus nh>alis, le SaxiJ'raga niimlis,
sc represenlenl dans les plaines de la Nouvelle-Zeaiblo.
ftlais la pkipart de ccs planles, meinc les mousses, no
Irouvent pas dans celle ile hyperborocnne unc clialeur
sufljsanle pour arriver a maturite el donner des graincs;
quelqucs-unes ne fleurissent niemc pas. Cost lo vent
qui jelle sur la cole ces graines, qui se sonl develop-
p6es sous un ciel moins apre , el ces habitanls du
r^gne vegetal, couinic ceux du regne animal, no sont
que dcs individus de passage, qui no hanlenl cello
lerie que durant la saison prinlaniere.
La floie du pays dcs Sanioiedes est un peu moins
pauvie; cllc rcnferme des cspeces absolument incon-
nues a la Nouvelle-Zemble, mais qui s'avancent jusqu'i'i
I'ile de Kalgouef.
La flore dc cello derniere ile est un Inlerm^diaire
cnlrc cello de la Nouvelle-Zemble el du nord de I'Oural;
olle sell commc de liaison entie la region du bouleau
nain el du genevrier ct celle ou lout arbie a disparu.
Mais I'aspect, la nature gencrale de la vegetation du
pays des Samoiedes est la meme, ainsi que la consti-
tution geognoslique, qui resle idenlique de I'Oural aux
lies dc Vaigatz el de la Nouvelle-Zemble. Tous ces pays
sont monlagneux. A Kalgouef, le Dorochkina altcinl
420 pieds ; le Seikaviiu, hlQ; el les Gubiiti-Gori, 580.
A la Nouvelle-Zemble, la cliaine de Milioucliefl" alleinl
une allllude de 3 '20/i,G pieds anglais, el Liitke a mesurc
a la baio de Malolclikin des cimes baules dc plus do
200 pieds. Au nord do I'Oural , I'Obdorski s'eleve a
i
( 277 )
5 286 pleds; et entre le G8 et le 69" latit. nord, a I'est
de la chalne, le Sedabai esl encore haul de 800 pieds,
landis qu'a I'ouest le Padajagoi mesure 1 475 pieds, et,
sous le cerclc polaire, le massif du Gaito, 4190 pieds.
A la Nouvelle-Zenible, ce n'est qu'a la fin de juillet
que la neige disparait des plaincs; mais pour pcu que
le vent ail amoncele les neiges , on voit des glaciers
subsislcr, meme durant la saison chaude, au niveau de
la mer. Au nord de I'ile, les coles sont perpetuellement
gel^es. C'est qu'on effet la temperature s'abaisse, au
point qu'a la baie des Rocliers, par 70° 37' latit. nord,
la temperature moyenne de I'annee est de — 7°, 56 R.
(— 9%Z|5 cent.), et a la baie do Malolchkin, par 73" 19',
de — 6%69 R. (— 8",37 cent.) . Pour ces deux locaIil6s,
la moyenne d'observations de quatre ans ne doane pas
un seul mois de I'annee dans lequcl il n'ait au moins
gele une fois.
La region du bouleau nain oflre une couclie veg^tale
6paisse , quoique fort peu elevee et loialoment de-
pourvue d'arbres et arbrisseaux ou arbustes. On voit
d6ja apparaitre quelques Ericac^es, telles que le Le-
dum, la Callitna et VJndromeda, qui accompagnent le
bouleau nain.
Cette zone embrasse les parties du gouvernement
d'Arkhangelsk , qui s'etend au nord de la frontiere
m^ridionale de la region des Tonndras, donnee plus
haul, a I'exception cependant des versants rocheux de
rOural septentrional et des lies, el s't'tend de I'ouest a
Test de la mer Blanche jusqu'a I'Oural, et, dans la
direction est-nord de la fronliere mtiridionale, de la
region des Toundras a la mer Glaciale.
Rupi'echl, dans son grand travail intitule^ : Flora
( 278 )
Snmo'iedorum cisiira/e/isiii/n, remarqiie que la flore do
cette zone esl tres-pauvre en esp^ces. On n'en conipte
pas plus de deux cent neuf , appartenant a la division
des phanerogames, c'est-a-dire cinqtiante-sept seule-
inent de plus que dans la zone jir^cedentc. Sur ces
deux cent ncut" especes, cent dix-scpt appartiennenl
egalement a celte dernicre zone, laquellc en conipte
trente-cinq, qui manquent absolument a la zone du
bouleau nain. Cette zone a son tour en compte quatre-
vingt-douze, qu'on cherche vainement dans la zone
alj)ine.
La vegetation de la zone du bouleau nain r^pond a
peu pr^s a celle des J/pes injerieures de Wahlenberg.
On y rencontre des especes qui inanquenl aux haules
regions alpines de la Laponie, telles que Ic Cornus
siiecica, V EpUobiuin palustre, le Solidago 'virgaurea, le
Trihentalis europea , le Cirsiuin heterophyllum , VAn-
tJioxanthum odoratum.
Les especes sous - arborescentes sont representees
par le Ribes nigrum, qui n'atteint pas en Laponie la
liniite extreme de la vegetation, niais s'avance jusqu'a
Sodankyla, et a Test de la nier Blancbe redescend, u
une latitude moins boreale; le Calluna^iulgaris, qu'on
rencontre dans la partie inferieure du cercle de Kola,
et qui disparait vers I'Oural; le Ledum paluslre, qui
d^passe en Laponie le 70" lalit., et, a Test de la mer
Blanche, s'avance jusqu'a la Rambalnitza; le Juniperus
communis, var., nana, qui se rencontre dans toute la
presqu'ile de Kola, s'offrc a I'ile Kalgouef, et remoiilc
sur les bords du Jenissei jusqu'a 200 metres au-dessous
de Touroukhansk.
La zone du bouleau nain est en general assez basse :
( 279 )
c'est une plaine qui s'eUve seulemcnt, a Test, auX
aborcis de I'Onral septentrional. Dans la presqu'lle de
Kola, on rencontre quelques mamelons assez 6leves.
D'apr^s Murchison, le terrain jurassique doinine dans
celte zone, sauf a I'ouest de la Petchora, oti apparais-
sent le syst^me silurien el devonien et quelques for-
mations houilleres ou lertiaires. Mais, altitude comme
composition g^ognostique paraissent exercer peu d'in-
fluence sur la flore des divers cantons de cette zone.
(Z,a suite a un prochain numero.)
( 2S0 )
EUROl'E.
D£COUVIiRTE DUN ANCIEN ITIMiRAIRE DE GadLs A RoMR.
— On vient de faire, i\ quelquc distance de Rome, une
d^couverle de geographie ancicnne des plus curicuses
aides plus inattenducs. On no connaissait gu6re jusqu'a
present d'autres* tables itindraires antiques que I'itin^-
raire d'Antonin , la table de Pcutingor, ritinerairc de
Bordeaux A Jerusalem, et quelques autres fragments.
En voici un nouveau, partiel il est vrai , mais plus
aulhcntique peut-etre que tous les autres. C'est un
milliaire , ou toules les distances sont soigneusement
gravees sur des vases d'argent, de manierc u servir de
correctif ou de conlrole aux cliiflrcs de Tilineraire
d'Antonin. Voici le fait : 11 exisle une source d'eaux
min^rales aux bains de Sicarello, pres de Bracciano
(I'ancienne Arcenum), bourg de la Coniarca, a 7 lieues
el demie de Rome; le lac Bracciano [Sabalinns lacus]
en est pcu cloigne. Cetle source, qui parait corres-
pondrc aux Jqiice apollinares, elait jadis un lieu de pele-
rinage lr6s-frequente par les maladcs qui s'y rendaient
de toutes les parlies de I'empire remain. Les voyageurs
offraient a la divinile de la source des e.v voto, c'est-a-
dire divers ouvrages travaillis, de toute espece. II nous
a ele donne, uit le journal romain du niois dernier {la
Civitta cato/ica) , den retircr des bronzes, des monnaies
de tous les temps, Vces riicic, comme Vces si^/uttani, des
figures et des objets antiques en argent, elc, nolam-
ment Irois vases du plus baul inleret. Ces vases sont de
forme cslindrique ; on y a grave les noms de toules les
( 281 )
stations du chcmin qui conduit de Cadix a Rome, avec
le cliiffre des intervalles qui les s^parent. Independam-
ment des chiiTres qui expriment les nombres des milles
entre une station et I'autre, il y a un r(isuni6 du
nombrc total des milles de la route. Voici la disposi-
lion de ces petits monuments itineraires, que le savant
pero Marchi, auleur de I'article, compai'e a des homes
inilliaireSy dont ils ont en effet la forme. Cliaque vase
est orne en haul d'une cimaise, el, en bas, d'une base
sur laquelle est inscril le releve du nombre des milles.
Quatre petites colonneltes en divisent la superficie,
d'ou il resulte quatre espaces, sur lesquels sonl grav(§s
lesnoms des mansions avecleurs distances. Le nombre
des mansions n'est pas le mfime sur les trois vases : sur
le premier, on en compte lO/i; sur le deuxieme, 105;
sur le troisieme, 107. Le nombre total des milles est de
18/iO ctde 18Zi2; Ic nombre moyen pour chaque inler-
valle est done de dix-sept milles ct demi environ. C'esl
le 22 Janvier dernier que les vases d'argenl en question
onLete observes, pour la premiere fois, a la suite des
fouillcs faites pres de la source ; on les a depuis exposes
au college romain. Les peres du college se proposent
de les publier soigneusement, pour en faire jouir le plus
promptement possible le monde savant, a qui appar-
lienl, disent-ils, celle pr(5cieuse decouverle. lis cioient
que ces vases sont post^x'ieurs a I'ilineraire d'Antonin,
et que, d'ailleurs , ainsi que celui-ci et I'itincraire de
Bordeaux a Jerusalem, ils ont une commune origine,
savoir le milliaire dore d'Augusle. Nous donnerons
suite aux remarques que cette dC'couvcrle doit nalurel-
lement sugg6rer.
JoMAIiD.
III. M.vr.s. (3. 19
( '28-2 )
Gnh.CF. [Hellas). — PoruF.ATioN, i)'apr}:s i.e DiciiNiF.n nE-
CENSEMENT DU GOUVERNEMEKT CREC, PLBLII^: DANS LA GA-
ZETTE OFFICIELLE (1).
KOMAIICHIES.
1. Attique et Beolie. . .
2. Eubee
3. Plilliiolidi' ct I'lioclde.
4- Arnrnanie el Elolie .
/i- Ai"(;oliile el Coiiiitliie.
C. Ailiaie et Elide. . . .
7. Arcadie
8. Messenie
9. Laconie
10. Cycla<les
Tola
Soil, pour I'Hellade. .
— le Peloponese
— les lies . . .
rOPlLAT.
88273
64 8n8
80 (;()3
98 o(io
106 iG?.
116757
1 18 40'
97957
86899
137 856
CIIEFS-LIEUX(2).
Ail)enes.
r.halcis.
Ampliissa.
Mis^oluTiplii
Naiiplie.
Pall as.
Tripolitza.
Kyparissia.
Spaite.
Syra.
AFRIQUE.
l)i':cotvEnTi-s dans i.'Afrique AtsTriALE. — Do nou-
velles cl6coiivortes ont el6 faites dans rAfrique nu-ri-
dionalc par MM. D. Livingston ol Cotton OsAvell. Ccs
voyageiirs ont p^n6lre au dela du lac N'gami jiisqu'a
(I) Exiiail dc la Gazelle d'Aiigsboing, du li mors 1852. — Nonscspc'ions iloiinci
hiciilul, enpuisant directemcnt dans les sources olTicielles, la )jopulatiun des dillc-
reDles provinces du royanme de Grcce el de ses priucipales villcs, ainsi que la su-
perOcicdece roynumc, qirAdrien Guibert livtlin- , tlam son Dictioiiiiiiire ge'ogrn-
phii/iie et .itdlislique, ^ 47 015 000 slremmn, ou 4 761 .'iOO heclaves,
ilonl 31 596 000 sliemmn pour la Moree,
19 498 000 — pour la Livadic,
6721000 — pour les lies.
U. I.. R.
^i) Les noms des chefs-lieux ne lonl pn« indiques dons la Gazette d'Aiig.tboiirg.
J
( 288 )
'17° 27' (le latitude snd. Apr^s avoir traverse le lit
clii Zouga, les voyageurs chemin^rent droit au nord a
travers un pays vempli de soincos el pies des rivieres
Mababe el Tcbol)^. Celle-ci avail iine iargcur de hO a
50 metres et un courant rapide. Sa profondeur el ait
de li a 5 metres. La mouclie dite Tsetse, si dangereuse
pour le belaii, abondait dans ce pays. La riviere Ta-
munakle comn^unique parfois avec ie Tcliobe, de
sorte que , dans les annees pluvieuses, des canots
peuvent se rendre d'une de ces rivieres a I'autre, etLon
passe ainsi de la grande riviere Sikola au lac N'gami.
M, Livingston arriva enfin au rcndez-vous de Sebi-
toane, le puissant cbef du pays. Ce cbef retourna avec
lui jusqu'a ses bagages, sous IS" 20' de latitude sud ,
lomba malade, et mourut, emportant avec lui les re-
grets de tous les voyageurs. Ceux-ci allerent ensuile a
Secbeke, sur la riviere Borotse, laquelle, u la fin d'une
saison Ires-s^clie , avail de 300 a 500 metres de large
el un grand volume d'eau. Celte riviere vient d'un
lieu 6loigne dans le nord, et paralt etre une continua-
tion du Zainbeze. Le pays est tr^s-peuple, et ses
babitanls parlent differents dialectes du selcbouane
melanges avec d'aulres idiomes. En 1850, pour la
premiere fois, la Iraite des noirs alleignit ce pays; car
des trafiquants, partis de la cole occidenlale, y avaient
ecbange une grande quantile d'esclaves contre des
produils de manufacture anglaise.
La relation qui pr6c5de, et qui est exlraite des jour-
naux anglais, donne, malgre son laconisme, de nou-
velles et precieuses notions sur une des parlies les
moins connues de I'Afrique int^rieure.
Antoine d'Abbadie,
( 28/i )
.%c*<cs fie la ftoele(4^».
Proces-v«'rl»n"« «les seances, Oiivrnges
ofTei'lSi, etc.
COMPTE r.ENDU DLS RliCETTLS LT DES DEFENSES, EFFECTUfeES
RECliTTES.
DESIGNATION
iIi'S clnipili'cs
de la HECETTE.
NATURE DES RECETTES.
5 I. PioduU 01 di- I
nail e des nice^- '
lious
\ 11. Pniiluil cxlr.
TdfS ri'cciilioiis. .
5 111. PioUiil lies
liulil;c;iUons. . .
1 I Proits d'enlrcc el de di-
I plome
9 1 (■ Aniicecoiirantc
Culis^it
4i
U- <, .£ ^*
U Z —
f" 'i «
H = «
I' Aniicecoiirantc'
. < Aniiccs piccrd.
(^ — uiilicip.
ulisat. une fois piiyues..
/ dii Uullclm. . . .
enlc ! do Mrnioii cs. , .
( dc Cailcs . . . .
Arn'ragcs de rentes sin
IT.lat
5 IV. Rcctlles di-
vcrscs ....
JV. SiiMeduconi-
plu pi cccdcllt . .
IG
Allocalion dc M. le iiii-
nistie de I'inslr. |iiildii[.
Allocalion do M. le iiii-
llistrc de la marine. . .
Allocatiiiii de M. le nii-
iiistre de
Allocaliiin de M. le mi
nistre dc
Reccltcs imineviies . . .
Divers
Totaux des rccettes.
Reliqiint en caissc an
51 decemlire ISKl). . . .
Tolaiix de la recette et
dii reliqiiiit en caisse, . .
400 1.
4 000 .
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coo .)
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712 52
0 195 02 10 512 07
50 .,
1 432 05 285
COMPAR.VISON :
Ln leceltc presunice ctail tie c) i()3 oa
La recclto effectin'c osl dp io342 07
11 y a aiifjiiientalioii .lo rtC(;ttR do. . . 1 i^p o.*)
iif:sri.TAr cjtMlnAi. et sihaiio w 3i hkck.muhf. iS.Ii
1/1 riicctle tiil:ile tl:iiit de loS.Js 07
Et la defense totalc I'laiil di; 1002a 70
II restP rn c.Tiise .niiilif joiir 3lQ 37
( -285 )
rOUn LA SOClEl£ DE CtUGKAPllIE, PI.MjAM I.'A.N.NtE 1S51.
L) F. P E N S E S.
DESIGNATION
dc5 cliapitres
dc lu DEFENSE.
NATURE DES DErENSES.
S I. Persoimel. . . ' 2
\ 5
I
4
§ n. Frais do logo-
menl
§ III. Frais de bu-
I call
S IV. Malciicl .
Ag.'iit.
Trailcmeiit , . .
Droilsderecelte
Tiavaux cxlr. .
Loycr
Coiili ibulions. . ,
Clia(ifl"iii;e
Eclairage
Service dcs i>allc5
§ V. ruljlicjlio;is.r' 20 '
Df'iioHsn; divcrscs . . , .
Ports do lutlix's et affraii-
clri^SL-nirnls
Inrprcssiuii d'avis, ciicu-
laiie«, etc
Eiilrclien dii nioJiilicr. ,
Toi t de livrcs
cl joiirnaux .
Affranchisse -
Ijiljliolli. •' nirnl dc livr.
j Aclialdclivr. .
f elc
; Frais de rel, .
All icrc ( iiov. \
cidcc. 18i'J). (
Impress., pa- i
pit'l', etc. , . J
Purl el affraii- |
chissenreiits.
Grav. de cart,
>^Tiragedecart
^Bulletin.
)Memoir,
JVI. Placcrtieuldc
capitaux
§ VII. De'penses
gcnerales . . . .
' Impress., pa-
pier
Port ct affiaii-
ciiissements.
Giav, de carl.
^Tiragedecart.
Achat dc rent. si:r I'Etal.
Prix aiiiuiel
Dcpcnscs iniprevues, . ,
Total lie la depcnsc. .. 9 192 35
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3 1.^
7 o;>
10 022 70 1018 70
188 55;
COMPARAISON :
La de'pense pre'sumc'e clait lie 9 '9' ^5
La clipense effectiiee est de 10022 yo
II y a au^;men!atiui) de dqiense de . . 83o 35
Pari?, mars 185J.
Le py^sideiil de la seitioii de vomptabiliic,
Dai on UK JiniMOM.
( 286 )
RAPPORT SLiR LA VITRIFICATION
DES
COMPTES DES RECETTES ET DES DEFENSES
DE
LA SOCitTt DE GfiOGRAPHIE
PEsnANT l'asnee I 85 I,
paESE?iTli
A LA COMMISSION CENTRALE (SEANCE DU 19 MARS),
PAR
M. LE KAROiS DE BRIMOIST,
President de la section dc cumptabiliU'.
Messieurs ;
Organe de voire commission charg^c d'cxaminer les
comples des recettcs ct des dupenses de la Sociele de
geographic pendant I'annee 1851, jo vais avoir I'lion-
ncur do vous soumettre le r^siiltat de cet exainon,
RECETTE.
La recelte presumec ctait portce an budget de 1851
pour une sorame de 9li)3 fr. 02 cent., y compris le
reliquat actif du compte de 1850, monlant a 712 fr.
52 cent. Elle s'esl elevec a I0 3/|2 IV. 07 cent. Diffe-
rence en plus, 1 1/|9 fr. 05 cent. Cet exc^danl porlc
principalement sur deux articles que je vais examiner
succcssivcmenl.
Art. 2. (Colisations.) Cet article prescnte une aug-
mentation dc 392 fr. , provonanl en partie de la renlree
dc colisations arrierees.
Art. 6. Get article, relalif a la vente des Bulletins,
prcsenle la difference la plus notable. Evalue a 600 fr.
{ 287 )
dans le butlgel, il est monte a 1602 fr. 0.) cent., c'est-
a-dli'e a 1 002 fr, 05 cent, en plus, ce qui provient en
presque totalite d'un certain nombre d'exeuiplaires
de la nouvelle serie de noire Bulletin pris par le mi-
nistere de rinslruction publique a titre d'encourage'
ment.
Les aulres articles de la recette ont subi quelques
diminutions, notaminent celui qui concerne la vente
desnum^ros, cartes, etc. Coinme je compte, dans le
r6sum6g6n6ral, faire a cetegard quelques observations,
je ne m'etends pas davantage en ce moment sur ce
sujet.
En definitive.
La recette effectuee est de io342 07
La recette presiimc'e etait de 9 '93 02
DifFerence en plus i i49 o5
D^PENSE.
Les trois premiers articles, relalifs au personnel,
n'ont point eprouve de modifications.
Divers articles compris dans les frais de loge-
inent ont fourni quelques diminutions sans impor-
tance.
Quant a ceux compris dans le paragraphe 3, inti-
tule Frais de bureau, ils ont pour la plupart depasst^ les
previsions du budget, nolainmcnt I'arl. 9 : Depenses
di\'erses, et I'art. 10 : Ports de letlres, pnquets et a/fran-
chisseme/its; et a celte occasion je I'erai remarquer que
la majeure parlic de cello derni^ro depensc a etc
supportt^e geni^reusenient par M. de la Roquetle, secre-
taire general dc la Commission centrale. Sans cela, la
( 28S )
soiumc voice pour 1851 caicl6 bion ceiiaiiiemcDt cjiiin-
liiploe, comnie on jionrr.'i Ic voir par unc nolo inser(!'o
(Jans Je dossier des comptes de I'exercicc 1851.
Les previsions pour I'imprcssion du Biillelin onl cte
d^passd'es de 688 fr. 65 cenl., et celles pour la gravure
et le lirage des cartes, de 150 fr, 90 cent.
Get excedant provient, d'une part, dit dt^veloppe-
ment qu'a recu Ja nouvellc serie du BttHetin de la
Sociele, cl de la resolution (jui a die prise par la Com-
mission cenlralc d'enricliir le plus possible nos publi-
cations d'une serie de carles nouvelles ou peu connues,
dans I'inleret des voyageurs, des comnierganls , et
enfin de tous ccux qui jircnncnlinlerct aux progres des
sciences geograjihiqucs.
Dne seule cotisation tie 300 IV. a cl(i verice cclle
annee par un membie. Gctte somnic a ele placee en
rentes sur I'Elat, el a augnienle de 15 fr. Ic cliillVe des
rentes que possede la Socidle de geographic, et qui est
acluellement de 670 fr.
Quant aux autrcs articles, les augnienlalions ou di-
minulions sont si minimcs, qu'il csl inutile de s'y
arreler.
En resultal.
La ticpense cft'ectuee a ele do 10022 70
La depense presiimce ctait de g lya 35
Excedant 83o 35
IIA LANCE ;
La recetle lotdic i)ijur i85i a ('ti! de ii)34'->- 07
Ya la depense, de 10022 70
Coiisei|iieiiimtiii d leslr eii caissc <i icpoi Icr au
budget de l852 3i;) ■^7
( ?89 )
Tels sont, messieurs, los rcsullals de la vc^rification
du complc du Iresorier. Si Ics depenses ont el6 com-
jjarativcment elevecs , Jos ameliorations ohtenues ont
largeinent compense ce surcrolt de charges. Pormeltez-
jmoi maintenant , puisque vous m'avez fait I'lionneur
de me nommer president de la section de comptabi-
lite, d'accomplir ma tache enlierement.
J'ai pense qu'il etait dc mon devoir de vous rendre
un comple exact des ressources actuelles de la Societe,
et pour vous meltrc a meme de bien fairc ressorlir sa
vtlsritable position fmanci^re, je veux la comparer a
celle des annees qui ont suivi sa fondation , et exami-
ner a I'aide des ces rapprochements I'etat oil elle se
Irouve acluellement.
Le tableau ci- contra (1) des recettes et des de-
penses de 1851, etabli sur les comples du Iresorier,
compare aux budgets des ann6es pr«^c6dentes, sera la
preuve la plus convaincante qu'il y a beaucoup a faire
pour rendre a la Societe rimportance qu'elle avait
dans le passe.
(i) Cc tableau a tile donnc en i85o par M. le sccie'laire general de
la Commission centiale; je i'ai complete jusqu'cn i85i.
( 290 )
RESUME DES COMPTES DES RECETTES ET DES DEPENSES DEPUIS
L'ORICINE DE la SOCIl^T^ DE G^OGRAPIIIE JUSQU'A 1851.
En examinanten efl'el les chifTrcs de ce tableau, el en
comporant ks ann^cs qui oDt suivi la fondalion de la
Societe, el notanimonl de 1S22 a 1830, avec les an-
uees posloricures, on voit qu'il y a unc diiniaulion de
recetle sensible, souvenl de plus de luoili^.
S2
RESTE
1
■u
BECETTES.
DfPENSES.
ea
OBSERVATIONS.
s
cAisse
i8a2
10740
II
3 847 53
6892 47
5000 fr. Ju lestanl en cui«sc onl
ele places cu lenlcs 5 p. 100 sur
I'Elat.
\
1823
17 362
47
6044 17
II 3 1 8 3o
iiUOUfr. Jo.
1824
16 23o
3o
5549 90
10680 40
7 OOO fr. ilo.
l8:!5
24 107
40
14417 21
9^9" '9
6 000 IV. do.
1826
1 6 652
09
i5527 19
I 124 92
11 y avail douc, en 18-26, 23000 f.
182-
16971
92
16 168 69
8o3 23
places cu rentes siii- I'Elat.
1828
.7m5
33
16868 o5
247 28
1829
14702
53
18795 75
906 78
F.ii 1829, uu cncoiiiagenienl de
i83o
i83i
1 5 900
i3 )5o
21
81
.4395 45
12 955 80
I 5o4 76
195 01
8 523 fr. ilonne' a M. Caillie' a
rcJiiil le funds de 'iS 000 fr. o
14 475 fr.
i832
10618
3i
10248 o3
070 28
Capilal reduil do noiivcau, en
1 833
9^11
78
8 348 65
I 329 i3
1852, i 13OO0 fr.
1834
12 198
78
10 761 I)
I 437 78
Lc due dOrlcaiis donne 2 000 f r .
1
i835
12 63 1
73
10643 77
I 987 96
achat de 100 fr. .k- rente 5 p. lUO
f
i836
ID 126
42
9908 5i
"163 61
ayaiil covilo 2 120 f c . 60 c.
Le lapilal place est douc, en
1834, de 15 000 fr.
183;
10 01 1
61
1 1 9i5 24
Exccd de dcp.
Pour couvrir le delicit de 1 fl03 fr.
i838
8755
II 286
32
8729 42
25 90
63 c.ona vendu 100 f. de u-nle.
i83q
20
10 353 95
932 25
qui out prodiiil 2 182 fr. 25 c
R.liqiial, 278 fr. 62 c. Restc .
600 fr. de rente.
1840
1 1 3oo
25
10 694 61
6o5 64
.84.
10 725
39
9 23 1 42
' 493 97
1842
10612
57
8492 87
2 1 19 70
1843
1 2 659
75
10 524 65
2 i35 10
I1844
1 2 29.5
»
i3 235 4o
59 60
1845
8628
60
8495 85
132 75
i84fi
9198
20
8 857 ^0
340 qo
t
■847
10 107
70
9978 89
1 o38 81
^
1848
6796
81
6590 i5
206 ()6
1
.849
6 468
5i
6431 06
37 45
1
i85o
9872
04
9 '59 52
712 52
1
i85i
10 342
07
10022 70
319 37
1
( 291 )
Ceci s'explique par la rlisparition d'mie grande
l)arlie du personnel de la Society, qui comptait dans
son sein un grand nombre de notabilites scienlifiques
ct de noms illuslres, d^sireux a celte epoque de pro-
teger celte Society naissanle , et de developper en
France I'etude des connaisances geographiques. La
faible cotisation que chaque niembre avait a verser
annuellemenl suffisait pour jModuire un tonds capable
de payer les depenses occasionnees par la publication
du BiiUetln et des Menioires de la Soci^te, coinine
aussi de distribuer des encouragements aux voya-
geurs, ce qui n'a pu se faire depuis 1834, comme on
le voit par le tableau imprime en tete du Bulletin de
I'annee 1851, etc.
Pendant les dix premieres annees, le nombre des
membres s'elevait en moyenne a 250. Depuis celte
epocfue, il a 6le toujours en dirainuant. Ainsi , de
1830 a 18A4, il atteint a p(.ine le chiffre de 180, et, je
dois le dire en passant, lieaucoup deja ne payaient
plus exaclement leurs colisalions. Do 18/14 a 1850, on
comptait environ 200 meiubres.
Cbarge alafin de 1850deprd!siderlasecliondecomp-
tabililede laSociele, j'aidii, en ^lablissant les couiptes
sur des bases nouvelles, afin de le mettre en rapport avec
le budget deja modifie anl^rieuremenl par le secretaire
general de la Commission centrale, verifier I'exaclitude
de la lisle officielle des membres composant la Societe
de g^ograpbic. Je n'ai point larde a m'apercevoir que
les cblllVes indiques etaient exageres. J'ai voulu, avant
d'y apporter quelques modilicalions, I'aire uu dernier
appel ei de Irop nombreux retardataires; plusieurs ont
acquilte leur arri^re, d'autres onl rel'us^ de satisfaire
( -292 )
aiix cngogcmenls (|iic la Sociili impose; ils donenl
done elre consklercs coiudio iiemissionna'ues. 11 rc-
sulte de cc Iravail que: la Sociele iic complo |,lus dans
son sein, au 1" janvicr 1852, que 162 nienibros, donl
134 payaat exacleaienl lour colisalion , ce qui rcpri-
senlc une somnie do /lOOO h\ cn\iron, destines aux dis-
penses de son Bulletin.
En rosume, nous voyons par le labloau qui precede
que les recetles elTecluecs, do 1 822 a 1830,
S'elev.iieni anniu-llemeiil cu inoyeniic a 18000 fr.
Et nu'cn l85l elles n'oiit atlciiit que \c cliiflre ile . loooo
Environ, donl il f.iiit deiluire uric somme dc. ... i 280
donnee exceplionnellenicnt par M, le niinlslre de I'in-
slruclion publique, ce qui olFre en realile une dilFe-
rence norniale annuellc d'environ lOOOOfr, sur les re-
cetles produilcs par ie verseiuent des colisalions.
De memo, si je compare les vcntes du UullcUa cl des
Memoires eft'ecluies dans los premieres annees d'cxis-
tence de la Societe, je trouve une notable difference.
II y a\ait annuellcmcnl un produit variant entre 3 cl
h 000 fr., landls (jue de nos jours la venlc de nos
recucils alleint a peine en moyenne la somme dc
1 000 a 1 200 fr. , encore faul-il comprendre dans
cellc somme, el j'cn ai parle dcSja plus haul, le pro-
duit d'un certain nombre d'cxcmplaircs que le mi-
nistrc de rinstiuction publique a fail prendre cctte
annee a litre de subvention.
Je saisirai avec empressemonl cello occasion dc rc-
mcrcier ce ininistre, au nom de la Commission cen-
Irale , de cet encouragement qu'il a bien voulu ac-
cordor a la Societe de gdograpliie, de continuer pour
( 293 )
I'ann^e 1852. II est a regreller que les autres ministres
ses collogues n'aient pas agi de meme clans I'int^ret
de notre Soclete ; nous aurions pu ainsl , en augmen-
tant nos recettes d'une maniere sensible, joindre k
notre Bulletin un plus grand nombre de cartes geogra-
phiques, de la plus baute utilile pour noire commerce.
Je termine cet expose en faisant un appel serieux a
la bienveillance du gouvernement. Je ne doute pas que
le prince eclaire entre les mains duquel se trouvent
actuellement les deslinees de la France , et que nous
avons I'bonneur de compter parmi les membres de la
Soci^le de geograpbie , nc cberche par tous les moyens
possibles a rendre son ancienne splendeur a notre
Compagnie, quand il aura connu sa position finan-
ciere actuoUe et les efforts de quelques membres, amis
fiddles et desinleresses de la science geograpbique. II
apprd'cicra, j'en suis certain d'avance, les services im-
menses qu'elle peut rendre, et il voudra en faire une
rivale serieuse des Societes geograpbiques d'Angleterre
et de Russie , fillcs cadcltos de la Societe de Paris, si
puissantcs par leur organisation ct par les encourage-
ments p^cuniaires qu'ellesrccoiventdeleursgouverne-
ments et de quelques particuliers (1).
(i) Les larges souscriptions de? itiembies iKs tleiix jiai leiiicnts et des
riciies [jioprietnires et coiiitnercaiils, ties officieis (jeneranx et autres,
soutiennent surtout la premiere de ccs societes, a laquelle sir Georges
Slaunton,paiexempIe,souscrit pour plus de Sooofr. pnran.EnRussie,
le gouvernement impe'ria! a mis on i85n al,i disposition de la Socie'te
(jcograpliiqne de Saint Petersliourf; nne somniede 3oooo loubles pour
aider a mener a bonne fin une cntreprise qu'elle avait commencce, et
en une seule anne'e deux mendjres de cette Sociele, MM. Golonbkoff
et le comte Tschnpsky, ont duniu'-, I'un 200000, I'ande 100 000 fr.
( 29/i )
Qu'il me soil permis en ce niomcnl d'indiqucr tout
d'abord un moyen facile d'augmenler la fortune de la
Sociclo. II consisterait a lui acheter les coliecUons
noiubreuses de Bulletins (i) el de Menioires qui exis-
tent en depot dans sa bibliollieque , et d'en dolor les
elablissements publics do nos villes niarilinaes, ou une
jeunesse studieuse et les armalours, Irop peu verses
gendiraleinenl dans les sciences geograpbiqucs, vien-
draienl puiser des venseignenients precieux sur la
civilisation, les moeurs el les coutumes des nations oil
les porle leur commerce maiilinie, comme aussi sur
la nature des raarchandises qu'ils pourraient y trans-
porter. II existe de ces scries d'etablissements a Lon-
dres, aSaint-Petersbourg, et generalemcnt danstoules
les villes maritimes importanles que le genie do ces
nations a su creer et faire prosperer. Pourquoi la
France ne marcbcrail-clle pas sur leurs traces?
Outre le profit immedial que la Societe retircrail
de cetle acquisition faile par un gouvernement eclaire, '\
et qui serait peu couteuse en definitive, ces collections
interessanles, repandues dans les villes maritimes,
auraient un avantage precieux, celui de donner une
plus grande notoriete a la Societe de geograpbie , et
d'exciter ainsi cbez un grand nombre de personncs
le d6sir d'en faire partie. Le Bulletin deviendrait alors
un nouvel objel de recettes; car il est a croire qu'au
prix modique fixe pour cliaque volume, beaucoup
de personnes voudraienl en avoir la collection com-
plete.
(i) II se iroiive en magasin environ 5oooo nume'ros dn Bulletin,
formanl pres de 3ooo volume* eomplets.
( 295 )
Je lerniine , mossieurs, en vous prianl de bien votis
penetrer tie I'^lat acluel de notre Socielo. Ainsi que
vous avez pu en juger par ce coniple rendu , elle est
loin d'alteindre le degre de prosperite des premieres
annees de sa fondalion ; niais, cependant, liatons-
nous de constater que le tableau des recettes et des
d^penses depuis son origine offre , pour les dernieres
ann(^es, une leg^re amelioration; aussi pouvons-nous
esp^rer de voir celte amelioration faire des progr^s et
d'fiti'e en etat de tenir les lecteurs de notre journal au
courant de tous les progr^s de la science a laquelle
nous nous sommes consacres, et de publier de jour en
jour un plus grand nombre de cartes , si le gouverne-
nienl nous accorde les encouragements que nous lui
demandons, s'il dispose en noire faveur, par exemple,
pour le local de la Soci^te, do I'un des nombreux bail-
ments qui sonl en ce moment sans emploi, et si cbacun
de nos collogues i-edouble d'efforls pour assurer I'avan-
cement de la science geograpbique et le d^veloppemenl
progressif du commerce maritime de la France.
Le president de la section de comptabilite.
Baron dk Brimont.
( 296 )
BUDGET DES RECETTES ET DES DfiPENSES A FAIRE PAR
RECETTES.
DCSIC NATION
des chnpilres
tie la RECETTE.
I. PruJiiil oidtnaire
lies iL'cepUous. . .
NATUBE DES RECETTES
Aiilli'u coul&nlc.
2 I Colisalioiis. ^ Anne'cs pirced. .
" ' — ■■ulicip.
II. P
des rc'c
I I
utiuil extr, i ^ ) Dlplonic;
'eptioiis. , . i fj ) Colisalious unc fuis payees, , ,
' P.ud.nldespu-f - v^,„
dicutious 1 ^1
de nnlleliiis. ,
de Mt'imiires .
de Cartes. . •
IV. RecrllBi d.vor
iei
Arrcragcs dc iciilcs sur I'Elal.
/10\ Allocation de M. le niiriistie de
I I'in^truclion pii|jli<|ue . . . ,
11 i Allucaliun de M. le niinistie de
f la niaiitie
12 ^ Alloialioii de M. le ministic
ds
15 ^Allocation ilc M. le niinistje
(le
\ 14 Kecctles ini|)tevues.
\ \'S Diveis
5 V Suldeducompte
precedent
10
Totaii
4 0P0 9
iOO «
500 >
GOO »
300 I
20 .
C30 !.0
2 280 .
SO »
» I)
5 816 »
K40 ..
56 u
500 »
500 >
1 602 05
87 »
G68 ^0
1 280 .
» »
» »
■ >
u u i:
S B.
8 ^80 SO 9 629 SS
Relicjiiat eii caissc au 51 decen.ljre IISI
Total de la rocetle prevue pour I8.'>2.
4 000 >
SOO >
56 *
400 I
500 1
900 «
100 »
50 .
676 .
600 »
840 »
8 4S2
519 57
8 771 57|
( 297 )
LA S0CI£TE DE GfiOGRAPHIE PENDANT L'aNN£e 1852.
DEFENSES.
DESIGNATION
(les chiipitres
de la DEFENSE.
§ I. Peraaniicl.
5 II. Frais de loge-J g
ment ) -j
8
I
S III. Frais de bu- ( 9
reau i 10
\ 11
'S IV. Male'riel.
NATUBE DES DEFENSES.
Agent,
Trailoment
Travails extiaordiii.
Droits de rccelle, . .
Loyer
Conlriliulions. . ,
Chuiiffiige
Eclaiiage
Service des salles.
5 V, Publications.
S VI. Placement de
capiUiix
$ VII. Dcpenses ge-
nerates
De'penses Jiverses
Ports de lellres ct iiirr;uiibiss. .
Impress. d"avls, circulaires, etc.
Entretien du mobilier
/ Port de livr. , ionrn..
) AttVancbis5.de livr..
i Acbat de livr., etc. .
VFruis de reliure. . .
( Impress., pap., etc.
J Gniviire de curies, .
\ Tirage de ciirtes. . ,
(.Port el affrauchiss. .
fBiblioth.
, BiiUetiu.
Memoir.
25 Achat de rentes sur I'Elat.
["Impress., pap., etc..
) Gruvirre de cartes. .
\ Tiiuge (Jc cartes. . ,
[,Porl et all'ranchiss. .
Prix annuel
Depenses imprevucs .
Totaux.
1 200 »
200 >.
160 »
1 000 n
112 25
IGO »
140 D
100 »
no j>
20 »
50 »
120 »
40 »
l.-iO »
4 0O0 »
500 »
500 ..
2U0 »
40 »
20 «
500 B
220
50
a 0) _;
w "2 JO
z 2 1°
9 192 25
1 200
200
1G7
1 000
109 05
159 60
130 96
100 »
169 2,'.
32 35
39
80
6'. 83
150 >i
i 688 63
484 70
450 90
151 19
15 »
» fi
80 50
» u
289 70
916 83
42 95
10 022 70
z J-
u
I 200
200
167
1000
110
160
150
100
U>0
100
40
200
60
150 >
2 600 »
400 »
400 »
150 »
300
1 000
60
8 667
La recette presumee elant de 8771 87
El la depense de 8 667 »
La difference serait de loi 3-
lU. MAIiS. 7.
20
( -298 )
SOCIlfcr^ DE GI<:OGRAPHIE.
MOUVEMENT DES COTISATIO.NS l?fE FOIS PAYEES
ET DES PLACEMENTS DE CAPITAUX.
Recette aiUerieuremeni a i85i,
— pendant I'annee i85i.
Total des capitaus encaisse's
PLACEMENT EK RENTES.
G6i fr. de rentes 5 p. lOO acquises anieiieu
rement a i85i
I 5 fr. de rentes 5 p. lOO acqviises pendant
lannee i85i
G76 fr. de rentes.
Exeedant de la recette sur la depense .
NOMBRF.
de
COTISATIONS
14 ai)0 >'
3o() •
1 4 5oo »
14 160 1.5)
■4 449 85
70;
.89
5o 1 5
MOUVEMENT DES ENTRIES ET DES SORTIES DES MEMBRES.
An 31 d^cembie 1850, les meinbres niainlenus stir les listes offi-
cicllcs comme dcvaiit contribcer aux dL^penses de 1851 s'61evaienl
ail nonibre de 142, dont
i34 membres payant cotisation annuelle '341 ./
8 membres a vie 8 )
1^5 receptions du i" Janvier au 3l de'cembre l85l sent mon
tees a
En plus, un nouveau membre a vie
A deduire pour cause de deces, demissions et radiations. . . .
]je nombre des membres inscrits sur les registres, au 3i Jan-
vier iSSa, est de
Kn plus, 3o correspondants elrangers
1 54
23
l32
3o
iGs
Le president de la section de comptabilil^,
BaronDE Brimost.
( 299 )
PniSIDENCli Dli M. JOMARD, V1CE-Pr£sIDEIST,
EN l'abSENCE DU PRESIDENT.
Proces-'verhal de la seance dii 5 Diars 1852.
Le proems -verbal de la derniere seance est lu et
adopts.
M. le ministre de la guerre annonce, par une lettre
en date du 28 fevrier, adress^e au president de la
Commission centrale, I'envoi d'un exemplaire du ta-
bleau de la situation des elablissements frangais en
Alg^rie pendant les annt^es 18Zi6 a 18/19.
M. le secretaire-adjoint lit la liste des ouvrages of-
fer ts.
M. Hecquard met sous les yeux de I'assembl^e la
carte de son voyage dans la Sen^gambie; il pr^sento
quelques considerations relativement a certaines er-
reurs de M. Mollien, relatives aux sources du Sene-
gal , qu'il a relev6es, et il donne, de plus, des expli-
cations sur les points de contact de sa route avec celle
de Caillie. On demande qu'il soit mis un tirage de cette
carte a la disposition de la Societe pour le Bulletin.
M. Hecquard est pri^ d'y joindre son itin^raire,
M. Jomard, vice-president, annonce que la commis-
sion du concours au prix annuel s'est r^unie, et qu'elle
fei'a son rapport a la procliaine seance.
Le m6me membre annonce que , d'accord avec le
president de la Commission centrale, M. I'amiral Ma-
tUieu, president de la Societe, a fixe au 2 avril pro-
chain la premiere seance gen^rale annuelle.
M. Cortamberl prcsenlc un tableau general indi-
( 300 )
quant la classification raisonni^e de toules les sciences
liumaines; il se propose surlout d'assigner a la g6o-
graphic la place qui lui convient. On devrait, selon lui,
la placer dans la classe des sciences pliysico-morales.
Lcs developpements que donne I'lionorable meiubre a
I'appui de son travail sont 6coules avec interel. Plu-
sieurs membres (MM. Jomard, Maury, Daussy et Ant.
d'Abbadie) font quelques obsei'vations a ce sujet.
M. Ant. d'AI)badie, a propos d'un travail qu'il prti-
pare, demande les avis des membres de la Societe sur
cetle question : A cjuel signe reconnait-on, en remon-
tant une rlvi6rc, quelle est sa continuation , on quel
est son conlluent? MM. Jomard, Cortambert, Daussy,
Maury, Isambert et V.-A. Malte-Brun prcnnent part a
la discussion qui s'engage a ce sujol. II en r6sulte qu'il
n'y a pas encore de regie definitive, etque Ton doit tenir
compte du volume des eaux, de leur couleur, de la ra-
pidity el de la longueur du cours, de la cdtiliguration
g(^ognoslique clu pays, du nom donn6 par les naturcls,
etc., etc., etc.
Sur la demande de M. le secretaire gd-n^ral, la Com-
mission centrale decide que Ton enverra, k V Institution
Smithsonienne, de Philadelpliie , la quatri<^mc s^rie de
la collection du Bulletin de la Soci^td.
Proces- verbal de la seance du 19 mars 1852.
Le proc6s -verbal de la dernit;rc seance est lu el
adopt6.
Le secretaire de la Societe philosophique amtiricaine
pour la propagation des connaissailces utiles dcrit do
Pliiladelphie, 15 levricr 1852, |)our accuser rdceplion
( 301 )
des tomes XII, XIII el XIV du Bitlletin de la Socit^le do
g^ograpliie, 3° serio.
M. Ant. d'Abbadie ecrit, sous la dale da 19 mars,
pour proposer I'admission au nombre des membres
de la Soci^t^ de M""" Alexandre Kerr, dame anglaise,
auteur de plusieurs ouvrages, et connue par son amour
pour les sciences et les belles-lellres. ( Voir a la fin du
Proces-'verbal.)
M. le prince Emmanuel Galitzin fait hommage a la
Society d'un voyage en Finlande, qu'il vient de publier
a Paris.
M. Hecquard adrcsse au president de la Commission
cenlrale (mars) quelques informations sur son voyage
en Afrique ; elles seront joinles a celles que eel officier
a d^ja transmises sur le meme sujet.
Le secretaire general propose d'otlrir a la Smithso-
nian Institution, de Philadelphie , a laquello la Societc
de g^ographie doit un si grand nombre de precieux
ouvrages, la troisi^me s^rie du Bulletin. Deja on a de-
cide dans une precddente stance que la quatri^me
serie serail envoy^e a la meme Institution. Cette pro-
position est adoptee.
Le secretaire g(in^ral donne lecture de la lisle des
ouvrages offerls.
M. Jomard , vice-pr6sident de la Commission cen-
trale, presenle, comme rapporteur de la commission
sur le concours au prix annuel pour la d^couverte la
plus imporlante en g^ograpbie, un resum^ de cc raj)-
port, qui doit etre lu a I'assemblee generale , dont la
tenue est fixee au vendredi 2 aviil (1).
(l) La coinniissioii tin jui\ ;ininu'l f>t coiiipose'e de MM. Djussy,
•I'Avczac, Giiij'jiiiaiU, Aiit. d'AliLadic cl Juiiiard, lajipoiteur.
( 302 )
M. cle la Roquette, secretaire ginoral, lit uiie notice
succincle, traduite cle I'anglais par M. Ant. il'Abbatlic,
sur les nouvelles decouvertes faites par MM. Livingston
et Cotton Osvvell dans I'Afrique australe , au dela du
lac N'gami.
M. le baron de Brimont, prdsidenl de la section de
comptahilite, prisente le Inulgct de 1852, cl fait son
rapport sur les comptes de 1851. Ces documents se-
ront, aux termes du rfeglement, pr6senlos a rassemblee
generale, et imprimes, suivant I'usage, dans le Bulletin.
M. Jomard lit une notice sur la decouverte rdcem-
mcnt faile de Irois vases d'argent sur Icsquels soiit
graves des ilineraires de Gades a Pionie.
Le meme niembre entrctientlaComiuissloii centralc
dos fouillcs faites en Egypte dans des mines el des de-
couvertes qui en ont ele le r^sultat.
M. Ferry soumet a la Commission deux instruments
donl il est I'inventeur, cl doul I'un est unc boussolc.
M'"° Alexandre Kerr est re^uc membre de la Societe
sur la presentation de MM. Ant. d'Abbadie et Jomard.
( 303)
OUVRAGES OFFEUTS
DANS I.liS SliANCES DES 5 ET 19 MARS 1852.
TITRES.
DONATEURS.
EUROPE.
OCVnAGES.
La Finlande; notes recueillies en 1848 pendant
une excursion de Saint-Pe'tersbourg a Torneo,
par le prince Emmanuel Gnlitzin. Tom. I et II.
Paris, i852. 2 vol. in-8°, avec une carte.
Les Sciences historiques et yeographifjues envi-
sa^ees dans leur mouvement actuel cliez les
dift'erents peaples de I'Europe. F!lsr|uisse par
Vivien de Saint-Martin. Paris, i85i. BrocJi.
in- 8°.
ASIE.
OUVnAGE.
Sur les Khazars, par Vivien de Saint-Martin.
Paris, 1 85 1. Broch. in-8«.
A Geographical description of certain ports of
the Southeast Coast of Arabia... (Description
geographique ile certaines portions de la cote
sud-est d'Arahie, avec un court essai sur la
geograpliie comparative de toute cette rote, par
H. J. Carter, esq. Singapore). Broch. in-8".
AFRIQUK.
Tableau de la situation des etablissements fran-
cais enAlge'iie, 1846, 1847, 1848, 1849. ' ^°'-
in-4'' avec cartes.
OUVRAGES.
Rapport sur un ouvrage d'exploration dans I'in-
terieur de I'Afrique, par M. Hecquard, sous-
lieutenant de spahis. Br. in-8°, avec une carte.
MELANGES.
MEMOIRES DES SOCIETES SAVANTES ET JOURNAUX.
Francois.
Nouvelles annales des voyages. Janvier i85a.
Journal des missions evangeliques. Fevrier i852.
Le prince
Emmanuel Galitziu.
Vivien
de Saint-Martin.
Idem.
Idem.
Ministere
de la guerre.
llecguard.
Les editeurs.
Idem.
( 30/1 )
TimES.
DONATI'.URS.
Hcvue coloninle. Foviier i85'j.
Aiinales ilu conitni'ire PMoiieur. Nov. I 85 1.
lievuc (le rOiictit. Fcvrier iSSa.
.lournal irrddciilioii popiilaire. J^invicr l85'i.
Revue oiientale ct il'Aljji'rie. Janvier ft tcvricr
1852 ln-8°. Paris, i852.
Archives des iriissions scientifiques el litleraires.
Janvier a aoiit i85l. Paris.
Revue de rinslruclion [)ublique. 26 fcviier l852.
Anqlais.
Journal ofllie Rotubay branch of ihe royal Asiatic
Society... (Journal <le la Societe asiati(|ue de
Bombay), n°' i, 2, 4, 7, 8, 9, 10, 1 1, l3, 14.
The Church Missionary Intelligencer. Mars i852.
Londrcs. Grand in-8".
Amciicains.
The Literary world (leMonde littcraire). N" 257,
3 Janvier 1852; 258, 10 Janvier ibSa; 25f),
17 Janvier i852; 260, 24 ja'iviiM- i852.
Proceedincs of the American, philosophical So-
ciety... (Actes dt; la Societe philosophitjnc aiiie-
ricaiiic). N" 45, avril-decenibrc i85o; 4(', Jan-
vier a juillet i85i .
IJIVEllS.
■Report from the select committee on Ordnance
Survey ( Scolland )... (Rap|)ort du Comile sur
le leve de I'Imos^c).
A school .\tlas of physical {;eoj;raphy... ( .Ulas
sc(daire dc {jeograpliie physif|uc).
A .school Atlas of general and descriptive geo-
graphy... (Atlas scolaire de {;eographie gene-
rale et descriptive).
Hisloire de la vie d'lliouen -Tlisang ot de ses
voyages dans I'liule eiitre les annees (i2()et645
de notre ere.
Prcuves de r.intiijue science ipi'ont posscdc'c Ics
pcnples a ccritmc hierof!lyphi(pic et antedilu-
vienuc. Rroch. in-8". Paris.
MM.
I.cs e<llleurs.
Minisltire du comin.
Les cditeui s.
Idem.
Idem.
Ministeie de I'inslr,
publiquc.
Idem.
edileur
l.le
Mem.
Societe philosopli.
ainericaine
dc Philadtilphie.
A. K. Jolinston.
Idem.
Idem.
SianislflS Julicn.
Chev. de Paravey.
"■ X-n- r.ul/.tiji ./r .//«/>■ /,'/.;i'
^'^A'.
^^^^-^K/i^ jjsnmHJKi/ms
I E
///
Suri^'if *■/*' i't'i'i/iiii'liif
i.ili,.,l,-/.:,uiy„,.„„„ ,, M,m»
BULLETIN
DE LA
SOCIETE DE GEOGRAPHIE.
AVRIL 1852.
ASSEMBLfiE GENERALE DU 2 AVRIL 1852 (i).
DISCOURS
PHONONCE
PAR M. LE CONTRE-AMIRAL MATHIEU.
Directeur general du depot de la mnrinc,
Pre'sident de la Socie'te.
Messirurs,
C'est avec une confusion extreme que je succ^de ici
a I'illustre M. Dumas , et que je viens occuper ce
fauteuil sur lequel un savant seul devrait s'asseoir.
Mais, messieurs, en me choisissant pour 6tre voire
president , vous avez voulu , sans aucun doule , donner
(l) Le Compte rendu des recettes et des depenses de la Societe pen-
dant I'annee 1 85 I , le Rapport sur la verijication du compte des recettes
et des depenses ci-dessus, le Budget des recettes et des depenses a f aire
par la Sociifte pendant I'annee i852, et le releve du Mouvement des
colisations une fois payees et des placements des capilaux, ainsi que
\' Apercu du voyacfe dans le nord de la Dollvie et dans les parties voisines
du Perou, par M. Weddcll, communiques a I'assemblee gcnerale, sont
iinpriuits dans le Bulletin de mars, p. 201 , a84, 298.
111. AVIUL. 1. 21
( 306 )
un tuinoignage do bionvoillanrc ct dc considoralloii
au corps de la marine militaire el a celui dos ing(5-
nieurs-hydrographcs , a la tete duqiiel j'ai I'lionneur
d'elre place.
A ce double tilre, j'ai accepts avec une vivo et res-
peclueuse reconnaissance I'honorable position a la-
quelle vous ni'appeliez, certain que je trouverais en
vous I'indulgente bont6 dont j'ai besoin.
Aiusi que vous I'a dit M. Dumas dans voire dcrnidre
seance annuelle , la geograpbie , la navigation el lliy-
drograpliie sont sceurs; elles se prelent un mulncl
appui. Grace a leur concours eclairc , les dilTerentes
parlies du globe se relient enlre cllos ; loutes les
brandies des sciences s'enricbissenl do leurs utiles
decouvertes, et le commerce , cette source fdconde do
la grandeur et de la prosperity des Etats, dans les
renseignements exacts qu'il y puise, ci dans la rapi-
dit(^ de scs communications, en recoit de precieux
developpements.
Tout ce qui peul contribuer a agrandir ce domaine
du bien public, a le perloctionner, no saurait done
nous otre indiirerent, et alors combien no dois-je pas
approcier d'olre a la I6te d'unc Societe qui j)0ursuit
un tel but et qui comple dans son sein lant de savants
illuslres, lant de ciloyens distingues!
Vous pouvez done vous reposcr, messieurs, sur le
devoucment de voire president aux inlerels do la
Society de goograpbie, sur son aflection etson respect
pour cbacun de vous. En retour, j'ose vous demander
cello sympalbie , celle conliance , cette amitie qui
rendonl lior rUoinme qui cu osl I'objet.
( '^^'7 )
rapport'
sua
LE CONCOlJRS POUR LE PRIX ANNUEL
(voyages de 1849) (1).
Messijeurs,
L'ann^e pour laquelle voire Commission du pr/.f
annuel a un rapport a vous faire est I'annee 18/i9; en
d'atilres termes, les voyages qui peuvent coneourir a
ce prix sont ceux qui ont et6 effectues, ou qui ont ^te
termines pendant le cours de ceile annee. Vous savez
doja, par le dernier rapport, que plusieurs interes-
sautes decouverles, en Afrique principalement, dntent
de cetle p^riode. Avant d'exposer sous vos yeux les
resultats de ces excursions, nous parlerons d'abord
de celles qui ont ele accomplies dans les autres con-
trees du globe : les plus dignes d'attenlion sont les
explorations faitos en Asie.
D'intrej)ides voyageurs anglais se sont elevt^ss dans
I'Himalaya a de grandes hauteurs, a des points oil on
n'^tait pas encore parvenu , et ils ont decouvert de
nouvelles passes a travers ces montagnes gigantesques.
On sail quo le gouvernement des Indes orienlales a
ordonne, il y a quelques annees, une serie d'explo-
ralions au nord de rilimalaya. Le docteur Charles
Thompson , le lieutenant Slrachey, du corps des inge-
nieurs du Bengale, le capitaine Cunningham, du meme
(i) Commissaires : MM. Guigniaut, D<»ussy, ci'Avi^/.ac, Antoine
d'Abliadie, pi JoiiiKid, rapporteur.
( 308 )
corps, sc sont paitagt'; celle pj^nlhle mission. L'annde
dcrniero, nous avons fail connailre Ics principaux rt!;-
siiltalsobtenus par cliacun d'eux. Partis dc Simla dans
diverses directions, ils se son I diriges : le premier, vers
Karakorum, los vallees dc Nubra et de Schayok, puis
vers Kachemyr ; le second, vers lo Sampoo, les grands
lacs de Cho-Lagan (on tso-Mapham) et Cho-Mapan
(ou Iso-Lanak), cele])res dans les l^gendes sacrees des
Indous, sources du Sulloj, el 6lev^s de 15 000 pieds
anglais ; le troisi^me devait se porter vers Rhotan ,
Lassa et la Chine.
Le docleur Tliompson a campu d'abord a 15 500
pieds de hauteur, a la passe de Sassar, et plus loin, a
une sommite de plus de 18 600 ])ieds ; les pics neigeux
qu'il a vus n'ont pas moins de 2/i 000 pieds. Ces excur-
sions se rapportent a I'annee 18/|8; mais I'annciie sui-
vanle, le docleur Hooker, savant naturaliste, a di^cou-
vert un nouveau passage au Thibet, a Donkiah-lah.
Le docleur Thompson n'avait pas trouve de vegeta-
tion, uicme de cryplogamcs a la passe de Karakorum,
ni a 500 pieds plus bas; mais Ic docleur Hooker a
trouvd a 19 000 pieds de hauleur, plusicurs lichens, et
particuliercment un lichen d'une brillantc coulcur
orangee, Lecanera miniata, planle qui avail et6 observee
dans les Alpes scandinaves ct, parlui-meme, a I'ile
Cockburn , par 64° sud , rapprochement digne d'atlen-
tion. Le passage qu'il a d^couvert dans Test de la
chaine est a 23 000 pieds de hauteur. Le point cul-
minant de ce c6t6 est a plus de 28 000 jiicds d'c^dva-
lion. On doit au voyageur une csquissc rjui a scrvi a
M. Polermann (en m6ino lcmj)s que des observations
de MM. Waugb, Campbell, (ironimolin et Hodgson),
( 309 )
a tracer line ])etile carlo de Sikhiin. On v voil rjuo la
sominile dont nous venons de parler a 28177 pieds
(mesure trigonometrique), sous le nom de Kunchin-
Jinga (1). La passe de Lachoong, lalitude 27° 55' nord,
longitude 86° 27' est de Greenwich, atteinte par le
docleur, a J 9 000 pieds de hauleur; la sommite de
Donkiah-lah, qui est voisine , a 23175 pieds (mesure
trigonometrique). La limite dcs nciges perpetuelles,
du cote de Test, est a 17 000 pieds (2); au Kunchiu-
Jinga et a I'ouest, die est bien plus has, c'est-a-dire
k \h 700 et a Ih 500 pieds, quoique ces divers points
soient sur le meme versanl meridional.
C'esl de cette partie de I'Himalaya, voisine du Ne-
paul , du Boolan et du Thibet et conliguii au terri-
toire britannique, que descendent Ics rivi-ei'es de Tara-
bur et de Teesta. Le docteur a fait la de nombreuses
observations sur les glaciers et sur la direction dcs
montagnes neigeuses. Jointes aux reciierches si cu-
rieuses de M. R. Slrachey sur la geographie physique
des provinces de Kumaon et Garhwal, et d'autres
contr^es de I'Himalaya, elles jeltent un grand jour sur
des questions qui interessent a un haut degre les geo-
graphes, les physicicns ct les geologues; ellcs em-
brassent, savolr : les montagnes, cols et vallees, les
plaines et plateaux, les lacs et sources de I'lndus, du
Sutlej, du Gange el tUi Bralmia-putra ; la nature ties
terrains des ditlerentes formations, les roches erup-
lives ct les fossiles divers; la meleorologie : glaciers,
(i) On eciit aussi Kancliin, Kiiulian, ct KniulinliiJinrja.
(2) Etanta cette hauteur, le docleur avail cniiuncncu un pitlorcsque
panorama de la chaiiie ct de tons ses sites iiiiposant!i, lorstju'uue teiii-
pete d« neige vint arreter son ouviage.
( si<» )
liinites des neiges perpctiielles el liinites cle la v^gi^ta-
tion ; Ics productions vegelales et la zoologie, enCin
I'clhnologie, les races et le Inngage des hahilanls.
Toutes ces observations dc MM. Strachey et Hooker
m6rilent d'etre mentionnees de la mani^ro la plus
honorable, qiiand m6me on ne liendrait compte que
des fatigues et des perils surmonliis par les voyagears.
L'Arabie a efe parcourue ou travors6e en diilerents
endroits depuis I'annee 1817 par Badia, par les offi-
cicrs francais de I'armee il'Ibrahim Pacha, par le ca-
])ilaine Sadlier, 1819, par M. Arnaud et d'autrcs; ce
dernier a pu penetrer en Yemen jusqu'a Mareb , I'an-
cienne Mariaba (ou la ville de Saba); une parlie de
I'Arabie Pdtree a 6te visitde par plusieurs voyageurs,
enlre autres par M. Leon Delabordo ; plus tard M. BoHa
a fait {'ascension du mont Gharcb; le INodjd, I'Asyr
ont el6 explores ainsi que I'Hedjaz. Les voyageurs an-
glais AVelsted , Haines, Cruttenden , ont releve les cotes
fie I'Arabie meridionale , penetre dans I'inl^rieur do
rOman , etc.; mais il reslait a visiter une vasle region
de I'Arabie septenlrionale , comprise entre les 27° el
31" paralleles et entre les SA" et /|2' meridiens a I'orienl
do Paris, au nord du Nedjd, c'est-a-dire depuis I'Eu-
phrale jusqu'a la nier Morle. Get espace a etc traverse
dans toule son etendue par M. Ic docteur Georges Au-
gustus Wallin, Finlandais (d'Helsingfors). Lorsde son
dernier voyage, il est parlidu Caire au coinmcncemcnl
de 18Zi8, il Iraversa la peninsule de Sinai, visita Tor,
el-Gl»arm et Muweilah; bicnvenu des Iribus arabes,
avec lesquelles son genre dc vie tout oriental et sa
parfaitc connaissance do la langue le niellaient en
rapport inlluio, il parvint a traverser tout rintorvalle
( .'ill )
qui separe ie goll'c (ie I'Akaba clu hasbiii ilc I'Euphralo.
II arriva ensuite a Hail, an nord de la province de Kasiiii
(du Nedjd), pays montagneux , nomine Djebel-Cuain-
mar. De la, se dirigeant au nord, il parvint hctireu-
sement a Meclied-ali. A Bagdad , il est entre en relation
avec Ie c6lel)re colonel Rawlinson, consul d'Angleterre,
qui a fait connaitre les excursions du dpcteur, et ses
heureuses dispositions pour les voyages d'Arabie ; il a
dii continuer ses peregrinations sous les auspices du
gouverneoient anglais et de la Cooipagnie des Indes.
La route du docleur Wallin , dans la partie la plus
meridionale (vers Ie 27' degre de latitude), est peu
eloignce de celles des troupes 6gyptiennes et du caj^i-
taine Sadlier, qui ont deja procurii de bonnes notions
sur ces conlrees (1); mais en remontant vers Hail,
cette route ajoute a nos connaissances, et la carle de
la peninsule arabique s'eni'ichira des observations du
docteur Wallin. Sa relation est plcine de details topo -
graphiques sur Tebouk, Teima , Djebel , Hail, etc.
Tebouk se trouve sur sa carte plus eloign^ de la mer
Rouge que sur nos carles actucUes ; on sait que c'est
la que Mabomet reraporta une vicloire celebre I'an
630 de notre ere. Teima , suivanl Ie voyageur, quoique
dans un lieu bas, appartient au Nedjd , et il en doniie
une raison philologique assez plausible. Hail (Ie meiiie
lieu que El-Haeyl) est a environ mille pieds au-dcssus
(i) Hail, Ivhalbar, Teima, Hguraiuiit dtji'i sui nos caitis, Tebouk
aussi, mais trop ;i i'ouest. ( Voyez Ie Voya{5e du capitaine Sadlier, la
Notice {;('o;;ia|)liiriuo sur I'Ar.ilji.; cciUiale, avec la Carte du INedjd
(i823), et la Carte de I'zWaljic, etc., dressee pour rintellifjence de
I'liisloire de TEgypte sous Mohammed- Aly el des marches des troupes
egyplieinies, 1807.)
( 312 )
de la plaino, el silu(i cnlre deux montagnes grani-
liques fameuses, nomm6es Aga (ou Aja) el Selina, oii
la Irihu de Tay so refiigia apr^s I'inondalion de I'Ye-
men. Sur la carte dii docteur ^^allin, entre Hail el le
niidi de la mcr Morte, an lie grand e lignc de sa route(l),
ot a moilie clieinin, on doil signaler pour sa configu-
ration un district isole au milieu du doserl , du nom
de Jal-Algawf, entoure de montagnes de toutes parts, et
qui correspond au district nomine Djof dans Ics cartes
actuelles. La relation du voyageur est riche en obser-
vations des mceurs, des usages, des habitudes, et il y
fait preuve d'erudition ; partoul il cite les auteurs
arabes, en comparant leur texte aux traditions encore
vivanles et aux lieux qu'il a visit^s en observateur at-
lenlil" et judicieux. On avail attribue aux Soubout a
cause de leur noni , unc origine juive, et on les croyait
attaches, encore aujourd'hui, aux pratiques du ju-
daisme. Apres avoir etudi^ leurs coulumes, et les avoir
interroges, il s'est convaincu qu'il n'en etait rien ,
que le nom de leur tribu d6rivait de celui des Soubei-
lan , et que rien ne les distinguait des aulres, si ce
n'est I'usage d'une cloche attach^e au maltre-pilier de
la tenle; cetle cloche serl seulement de signal pour
faire rentrer, au couclier du soleil , les cliameaux et
les Iroupeaux qui sonl a la palure. Dans les villes et
villages , le docleur a voulu s'assurer si quelques uns
professaient une autre relipion que I'lslam ; nuUe
part il n'a Irouv^ de Iribus ni d'individus attaches en
secret a une croyance particulicjre ; mais bcaucoup
(i) La description deceUt; li(»iie dc roule iiian<|ue dans la relation
qui nous est connue.
{ 313 )
d'enlre eux, livi'^s h uno vie extremeinent simple et
rdduits a une sorte de pauvrel^, sonl dans iin grand
^lat d'ignorance et pen zel6s pour les pratiques reli-
gieuses. Le docteur fait reiuarquer au sujet des Wa-
habys, qu'on a eu tort de les regarder comme ayanl
cree une croyance absolument nouvelle ; ce sont,
suivant M. Wallin, de purs reformateurs et non pas
des heretiques, et ils professent \eritablement le rite
de Hanbaly. Enfin, pendant le cours de son voyage,
le docteur, ne negligeant rien de ce qui pouvait avoir
de I'inldiret, a remarque et copie quelques inscriptions
antiques, gravees sur les rochcrs, a Wadi-Uweinid , a
Wadi-Gubla et dans le defde de Darb-albekra , du
pays de Harra ; elles rappellent un peu les inscriptions
sinaitiques et aussi I'ancien pheniclen. Tel est le court
resume des obsei'vations failes par le savant voyageur
fmlandais et le resultat de I'etude de sa carte (1).
Mainlenant, si francbissant un grand espace , nous
passons de I'Asie au grand Ocean, I'altenlion se fixe
un moment sur la Nouvelle -Z6lande , a cause des
excursions de MM. Tbom. Brunner, Stokes et Mltcbell,
dans la grande ilo du sud. Le premier de ces voyageurs,
danslaparlie septentrionale et occidentale de I'ile, s'est
6leve jusqu'a de hautes montagnes couvertes de neiges.
Les seconds ont explort^ la partle orientale et septen-
trionale , depuis Nelson jusqu'au port Victoria ou
Cooper. M. Brunner a determine le cours de deux
rivieres principales, depuis leurs sources jusqu'a leurs
embouchures , et 11 a decouvert de grands lacs. Son
(i ) II est a reyrctler (|ue reue carle lie rciireriiie (|u'iiiie jietitc jniriie
des lieux cites dans la relation.
( -^iA )
voyagf a duio pendant plus de dix-liuil luois; il a
soufl'iMl de grandcs diflicult^s et cssuye des fatigues
infinies, mais sans qu'il ait jamais on ricn c'l redonter
des nalit's. Le residlat final do ces excursions est (|ue
le sol de cette parlie de I'ile est iinpropre on peu favo-
rable a la colonisation.
Les deux rivieres dont nous venons de parler sont
la I'iviere Grey ou Mavvhera, et la riviere Buller ou
Kawatiri. La premiere sort d'une monlagne neigeuse
appelee Kaimatau, au /iS" degre de lalitudo sud au
nord-esl ; au sud-ouest est le lac Coleridge ; la seconde
riviere sort d'une autre montagne neigeuse, siluee au
62* degre, source d'un troisieme lac ; une autre riviere
sort aussi du pied de la montagne , mais court dans
un sens oppose.
M. Brunner a otudie soigneusoment le sol et ses
pi'oduclions, notamment Ics racines et Ics autrcs sub-
stances vegelales dont lesnalurels s'alimenlent, el dont
lui-meuio a du faire un frequent usage au milieu des
plus grandes privations. II reste encore bien des desi-
derata dans la geographic do I'ile , mais on no pout
douter qu'avant peu ces lacunesne soient remplies.
Si les" travaux d'hydrograpbie pouvaient etre compris
ilans I'examen jauquel s'est livree la Commission ,
elle n'aurail pas manque de vous signaler les o[)era-
tions ordonnees par I'amirautc^ anglaise et par noire
ministere dc la marine, Iravaux (|u'iidmire le mondo
entier et qui, aux services cminenls qu'ils rendent a la
navigation el au commerce, ajoutent le merile scien-
llfiquc et les merveilleux soins donnes a la publica-
tion. Cet exemplc commence u etrc suivi par la jeune
Amorique, oil existe aussi une administration de Coaal-
4
( 315 )
Siiivc)-, qui a deja tail executer des reconnaissances
livclrographiques sur une grande ^chelle. A defaut
d'liiio recompense pour ces imjiorlantes observations,
que leurs auteurs ou los savants qui ies dirigent recoi-
venl ici le lenooignage de la gratitude des amis des
sciences, et de lous ceux qui s'interessent a la prospt^rit^
du commerce. li appartient a toutes Ies nations mari-
linics de uiarclier dans celte voie, ouverte par la
France el la Grande -Bretagne.
Puisque le nom de I'Auierique a t;t6 prononce ,
Ton nc sauralt passer sous silence Ies recherches
g^ographiques et ethnographiques faites par M. George
Squier, d'abord dans la vall(!!e du Mississipi et sur Ies
rives du Scioto et de I'Ohio, puis dans le Nicaragua.
Ce savant infatigable a port^ ses recherches sur tous
Ies points de geographic et d'archeologie quipouvaient
inleresser. Dou6 d'une egale ardeur pour robservation
el pour I'etude, il a rapporte de ses voyages de pre-
cieux mat^riaux dont la Society smithsonienne de
Washington a reconnu Timporlance en Ies publiant
a ses I'rais d'une maniere splendide.
Nous arrivons a I'Afrique, objet constant, surlout
depuis soixante annees, de lallenlion et de la curiosile
generales. On I'a dit tant de fois que ce serait tombor
dans un lieu commun, si Ton repelait que ce continent,
le plus voisin de I'Europe, est aussi le moins coniui
de tous. On a ele plus loin, en allant jusqu'a pretendre
que I'anliquite I'a mieux connu que Ies modernes
au slecle dernier; mais si cola a pu jamais elro vrai ,
il n'est plus permis aujourd'hui d'avancer une pareille
assertion. Les voyages de Bruce a Test , cekii de
Browne lendanl vers le centre, ceux deMungo-Park
( 316 )
a roccidciit , el \'uv^l antics non moiiis linpoitanU
accomplis depuis ccs cel6brcs cxploraleurs, ont cliange
completemcnl Ic raj>porl d'olencluc cnlre les notions
anciennes et los connaissances acluelles. AUaquec par
lOLis les poiiiLs, do lous les coles a la fois, la penin-
sule d'Afriqiio nc peut inanquoi" lie nous r6v^lor
bicntot les mysleres les plus caches de sa ])ailie con-
Irale. On sail assez quelle sensation a produlte clans
le niondc savant I'exploralion liardie et memorable
de Clappcrton , Denhani d Oiulncy, partis de la cole
nord en 182/i , et parvenus, jusqu'au inont .Mendefy
au sud , jusqu'a Sakkatou au sud-ouest. Depuis ce
jour, comiTse avanl , on n'a cessc de multiplier les
expeditions olficielles , les excursions isolees , les
voyages patroness par les Soci6l6s savantes. On a pene-
tre par le sud en partant du cap do Bonne-Esperance
jusqu'au 24'' degre de latitude sud el plus loin encore ;
par le sud-ouosl jusqu'a Yaouri sur lo Quorra ; par le
Nil jusqu'au /|° degr6 de lalilude sud. On a fait la
dOiCouvertc de plusieurs grands lacs, et, chose inal-
tendue, en venanl par Test, par la mer des Indes, on a
d^couvert des montagnes couverles do neiges porp6-
tuelles. Enfin , vers le centre du continent africain ,
Ton a depasse la liniile qu'avail atleinle Ic major
Denham, et un Europcion a pu se baigner dans les eaux
qui vonl, de ces points Aleves, se rendrc dans le Quorra,
et dans la mer do Guinde ; mais dans ce tableau des
ddcouvertes recentes , nous n'avons a considerer ici
que les voyages continues ou tormines pendant
I'ann^e 18Z|9.
On devra bcaucouj) aux mlssionnaires pour les pio-
gr^s que vient dc laire la geographic de TAlVique,
( 317 )
D^ja lis ont fait leiirs preuves Hans presque toutes les
contr^es; leurs decouveites recentes tdmoignent aulant
de leur zele , de leur instruction et de leur habilet6
que de leur courage et de leur d^vouement pour la
sainle cause qu'ils poursuivent. Le r(^verend David
Livingston, etabli depuis longtemps a la station de
Kolobeng, par 25 degres de latitude sud et environ
23 degres et demi de longitude est de Paris (a 900 milles
de la baie d'Algoa), avail entendu parler d'un grand
lac, situe vers le nord a une grande distance, et au dela
de ce qu'on appelle le desert. En 18/i8, une caravane de
Griquas essaya de traverser cet espace en ligne directe,
pour aller a la recherclie de I'ivoire; inais le manque
d'eau fit (!;cbouer I'entreprise. L'ann^e suivante, M. Li-
vingston resolut de tenter I'aventure; des gens de Ba-
louani, tribu voisine du lac, vinrent, de la part de leur
chef, I'inviter a lui rendre visite. Sur ces enlrefaites,
deux gentlemen, MM. W. Oswell et Mungo Murray,
arriverent expres d'Angleterre pour s'associcr a son
voyage. La route directe etant impraticable pour des
chariots, il partit de Kolobeng, avec ses compagnons,
sous la conduite d'autres guides, le 1"' juin 18/|9, se
dirigeant par le pays des Bamanguato, a Test. La cara-
vane complait beaucoup de nalifs, 80 bcEufs et 20 che-
vaux. La premiere partie du voyage, a Iravers le desert,
suivant les directions est, nord et nord-ouesl, a exige
une marche de 300 milles, pleine de fatigues et de pri-
vations, surtout sous le rapport du manque d'eau. Le
pays est sablonneux, excessivemeut aride ; la popula-
tion est aussi d'une extreme misere , que rcOete leur
constitution [)hysiquc; en ellet, il n'y en a peut-tilre
pas de plus grSle et de plus chetive. Toiitefois le pays
( Uh )
n'ost pcis dopourvu d'arbres, ni niume cle verdure; ce
qu'il y a de singulior, c'ost que Ics anirnaux, quoique
prives d'cau, y vivenl ct prosperenl beaucoup; I'elan
surtout y devient tr^s-gras, et nieme dnorme, et com-
parable a un boeuf, tandis que I'espece bumaine, qui
vit principalement de racines, reste miserable et de-
cbarn^e ; en un mot, c'est un conlraste absolu. Le l)uft]c
abonde, le rhinoceros est rare. M. Livingston signalo
une petite plante, qui n'a que quelques pouces hors de
terre et porte, a un pied au-dessous du sol, une racino
grosse conime la Idle d'un enfant, de nature spon-
gieuse, etpleiue d'une eau fralche el pure. Le 4 juilict,
la caravane atteignil Bakurulsi, environ par 21' 22'
sud (1) , et une magnifique riviere appeJie Zoiiga, large,
en ce point, de 30 metres, el, plus loin, de 100 metres,
se dirigeant a I'esl vers la mer des Indes. L'eau en est
douce, limpide , el Ires-froide, el semblable a l'eau
de neige iondue. Le voyageur confirme cette analogic
par le fait que la crue de ia riviere a lieu au commen-
cement de la saison cbaude. En etl'et, le Zouga s'est
accru de Irois pieds en juillet et aoul; or, la saison
s^che dure do mai a octobre: c'est aussi en octobrc
que la riviere, ayanl atleint son maximum d'elevation,
commence a baisser. Les liabilauls ignorenl la cause
de son accroisseuieul p^riodique, mais ils disent que
ce n'esl pas la phiie; ils ajoutent qu'il y a un chef au
pays cle Mazzakwa, Ires-eloigne dans le nord , qui,
cbaque annee, sacrilie un hoinme el le pr^cipite dans
la inviere, laquclle alors commence a s'(ilever. D'apres
(i) Les latituiles ont ete observees a Taide d'un exctllent sext.ini,
et les hauteurs, ;"i I'aidc du thiTnioinelrp barninetrique de Newinauii.
( 319 )
Tohservalion faile a co. point du Zouga, avec I'inslrir
nienl de Newmaun , Ic lieu est a plus do 2 000 pieds
anglais de hauleur absolue (M. Oswell dit 2 856). Les
habitants difl'erent enliereaient des Becliuanas par le
leint coaime par le langage; ils s'appellent homines
( par excellence ) ( Bayeiye ) , et ils nomment les
B^chuanas esclat'es (Bakoba). On remarque I'alkire
Tranche et male de cos lioinmes; ieurs barques ne sont
autre chose que le canot primitif , un tronc d'arbre
creuse. Le voyageur observa en ce lieu des arbres
giganlcsques , des varieles de Baobabs qui ont 76
pieds de tour a 3 pieds de lerre , et d'autres arbres
d'une grande beaute , avec des fruits nouveaux pour
lui , en lie auircs un IVuit d'un pied de long, gros de
3 pouces, donl la graine est bonne aussi a manger.
A I'invcrse des autres rivieres, le Zouga s'accroit en
largeur, en remontant vers sa source; non loin flu lac
il est large de 100 metres et plus; le point le plus
elev6 de son cours observe est par environ 20 degres
latitude sud. On arriva au lac Ngami a la fin de
juillel, chez les Batouanis, a 300 metres de Bakurutsi :
celait I'extremite nord-est du lac ; celui-ci est tlirige
a pen pres du nord-nord-est au sud-sud-ouesl. Son
(Ctendue est grande, et, dit-on , de 70 milles de lon-
gueur (d'autres disent 50 seuleraeut , deux jours et
demi dc marche) ; il remplit tout I'horizon et I'eau
s'elend a perle de vue. Une grande riviere, semblable
au Zouga, le Teoge, s'y jelte a I'extremite nord-ouesl et
le rejoint a un autre lac superieur, situ6 a 150 milles
g^ographicjues plus au nord. Ce deinier fait ouvre un
vaste et nouveau champ aux recberches, aux observa-
tions de loule cspece , comnie il inspira au mission-
( 320 )
naiie un enlhousiasuio et iin espoir sans homes pour
I'objet de sa mission.
Avant le lac Ngami, le Zouga regoit une grandc
riviere et aussilot sa largeur s'accrolt considerable-
ment (1); it acquiert en ni6inc lemps une grande pro-
fondeur ; il nourrit des hippopotames et des croco-
diles. Un radeau fut construit par M. Livingston pour
traverser la riviere sur un point ou elle n'a que 50 k
60 metres, mais le bois en elait trop pesant, et il coula
siir-le-champ ; il fallail songer a un autre moyen.
M. Livingston pensa d'abord a gagner la rive gauche k
la nage, mais il reflochil qu'un etal de nudity complet
n'elait pas le costume le plus convenable a un ministre
de rtvangile pour apparaitre aux yeux des nalifs; sans
parler de la chance d'etre saisi au passage par un alli-
gator. 11 fallut ajourner u I'annee suivantc I'explora-
tion de la rive gauche du Zouga : ce qui a eu lieu en
partle.
Maturellenient on doit desirer, pour le complement
d'une si interessante dciicouverte, que le cours infi^rieur
du Zouga, a partir de Bakurcitsi , ou les voyageurs I'ont
rencontre, soil suivi et explore tout enlier jusqu'ii son
embouchure dans I'Ocean indien, ou dans un autre
fleuve a])oulissant a ccllc mer. C'etait aussi le projet
de M. Livingston et du caj)itaine Frank Vardon (de
I'armee de Madras) de completer ainsi I'exploration
de celte grande riviere, que M. Oswcll suppose tomber
dans le Limpopo. M. Oswell se proposail aussi de s'as-
surer si Ton pouvait gagner par I'interieur les etablisse-
(i) Scconde visile dc M. Livingston au lac iSgami en i85o. Seloii
M. Oswell, cette largeur vaiicrait Piitiv 200 et 5oo yardj (i8,J et
457 metres).
( Si^'l )
merits portugais sur Ic Zanibezo. L'expL'rlence acquise
dans ce premier voyage, si rempli d'obslacles el de diffi-
cultes a cause des bois inextricables et dcs sables qui
sont a francliir, facilitera l)eaucoup, sans mil doiite ,
les excursions sul)Sequenles.
Les Batouanis n'ont pas de communication direcle
avec les ^tablissemenls portugais; mais S6b6toane, le
grand chef, qui vit a 200 milles au nord du lac, dans
une ile placec sur un aifluenl du Tamunakle, com-
munique avec eux par I'interm^diaire d'une autre
tribu.
Apres ce recit succinct des decouvertes de MM. Li-
vingston, Oswell cl Murray dans I'Afrique m^ridionale,
nous n'avons plus a considerer que les autres voyages
accomplis jaar MM. Rebmann et Krapf, du memo C(Me
de la ligne equinoxiale, et qui ont un inleret plus grand
encore, parce que le theatre de ces excursions est plus
rapproche de r(5quateur, c'est-a-dire peu dloign^ de
ces regions mysterieuses , oii Ton croit aperccvoir la
I6te du bassin superieur du Nil. Ainsi que nous I'avons
dit , les rivitres al'ricaines qui s'^coulent dans la mer
des Indes, bien que presque inconnues au dela de leur
embouchure, ont semble des longtemps etre une vole
de decouvertes toute naturelle et meme plus facile,
par la raison qu'il n'y avail en quelque sorte qu'a les
remonter pour penilrer tres-loin dans I'intirieur. II
y a bien des annees que M. de Beaufort voulait pai til-
des limites du Senegal, arriver au Loflili, cl le des-
cendre jusqu'a son embouchuie, pcndanl qu'un autre
vovageur reraonterait le fleuve el viendrait a sa ren-
centre. On a renoncti a ces projels gigantesques ot
presque fabulcux; mais, ce qui (itait possible, on I'a
Ml. Avnii.. 2. 22
( .^25 )
liMit^, el cninme i! anivo souvenl , nii lion do ce qn'on
vuulail allciiulre.. on a Irouve ce qu'on lie clieroliait
pas, plus inome que ce qu'on s'altendait a trouver.
La mission du reverend J. Rebmann el clu reverend
docleur Krapf est stalionnee a Rabbai-Mpia, non loin
de Mouibas ( h degres sud); elle a commence en iShli.
Le premier quitta la station le 27 avril 18Zi8, se por-
tant au pays de Jagga, en se dirigeant au nord-ouest;
il etait accompagne par neuf liommcs. II traverse
d'abord une parlie du pays montiieux de Taila, ou est
une grande montagne appelec Boora, et il arrive a Bo-
guda apres de grandcs fatigues, le guide s'^tant Ironipe
de I'oute. Le cbeniin est herisse de buissons epais ot
epineux, et rendu diflicile par les incursions cl les
depredations des <jallas, vrai fleau des tribus de Test.
Nous entrons dans ces dt^lails que I'interet et I'inipor-
tance de la decouverte rendenl necessaires et feroni
excuser.
La montagne de Boora se compose de plusieurs
lignes paralleles, dirigees nord el sud; il laihit Irois
jours pour les iVancliir I'une apres I'aulre : le sol est
convert de bananiers el de cannes a sucre. Rien do plus
pilloresque que celte contree, c'esl la nature des pays
montagneux dans touie sa magnificence : ce beau
spcclacle rappelait a iM. Rebmann les montagnes et les
vallous du Jura, tant I'air elait pur et Taspccl deli-
cieux; cependant I'air des valiees, malgre le soloil
convert, ^lait plus chaud qu'en Europe. « J'elais, dil
)) Ic voyageur, dans I'Al'rique orientale, a pen de dis-
» lance de I'equaleur, ct je raarchais a iravers les mon-
» lagnes ct les valleos de Taita, aussi libre, aussi tran-
)) quille que sur leshauleiirsdu Jura.» Arrive au village
( 323 )
tie Miisagnombe , il distribua ses presents a plusieurs
chel's, principaleinent au clief Miuina. On liii parlait
clepuis longteuips d'une rnonlagne tr6s-grancle, exces-
sivement clevee, dans le pays de Jagga, a cinq journees
a I'ouest de Taila ; el comme il domandait a s'y rendre,
le guide, qui iic voulait pas se risquer a une si grande
hauteur, se Lorna a lui niontrer le nionl Tare, a
18 lieues au sud , et le naont Ugono, a 20 lieues au
sud-oucst ; au pied de celui-ci est le lac Ibe , qu'un
houime de la caravane put dislinguer a I'ceil nu, a
celte diblance. 11 continua n^annioins d'aller en avant
avec six Taitas, liavei'sant d'epais el inextiicables Luis-
sous el plusieurs rivieres; la nuit relenlissait du rugis-
seinent des hyenes. On arriva le 10 du mois a un lieu
oil les naturals ont I'habitude de pratiquer de grands
irous ou pieges converts, dans lesquels viennent se
prendre les elephants el les autres aniniaux , comme
dans le Ouaday et d'autres contrees de I'Afrique inte-
lieure. On vit, pendant la marche, de grandes troupes
de zebres, des girafes et des rhinoceros. Ce dernier
animal esl celui que les natifs redoutent le plus; des
qu'ils rapergoivent, ils courent se rel'ugier sur uu
arbre. Au nord-est se dessinait le mont Ongolia aussi
elev6 que le Boora. G'esl la qu'cst le pays de Lkamba
(Wakamha), liniite du pays des Gallas et des Taila.
De la , les montagnes de Jagga s'apergoivent pins
distinctement , s'elevant par degres jusqu'a des hau-
teurs ininienses. Le 11, vers dix heures, il apergut,
sur la grande monlagne, des sommets d'une blan-
cheur reniarquable, qu'il crut d'abord, ainsi que son
guide, etre un nuage blanc; mais a peine avaient-i!s
fait quelques pas , que cettc explication cessa de les
( ?>n )
salisfalre, cl ]e P'oide, quoiqiic ne connaissanl pas cet
objet l/Innc, snpposa que c'cHait commo qiielquo chose
de froid (coldness); I'csprit de M. r\el)iiiann fut fiapp(^
comine par un eclair; il songea aussilotace 7>icil hole
de V Europe, comme il I'appclle, si connu sous le nom
de neige [the most del ightj'iil I'ecognition took place in my
mind of nnold ivell-knoivn pAiropean guest called snoiv).
Alors aussi s'expliqucrcnl a scs youx les etranges his-
loiros qu'il avail souvcnl cnlenducs sur la inontagne
d'or et d'argeiit du Jagga , inaccessible, scion les lia-
bilants, a cause des mauvais esprils qui en ddfendent
I'approclie. « Ccs dihnons, disent-ils, onl Uui Leau-
» coup de gens qui avaient voulu la gravir. » Ces contcs
devenaient intelligibles pour lui , puisque rextreme
froid qui regne dans ces liautcs regions devait , en elTct,
saisir, glacer et tuer de pauvres gens a denii nus. Le re-
verend ne manqua pas d'expliquer a ses compagnons
de voyage la nature de cclle chose blanche qu'il avail
cru d'abord filre sans nom parmi eux ; dcpuis, M. Krapf
a connu ce nom, qui est Kibo, lequcl sc confond avec
le mot qui signifie enu. G'est done une id6c fondee sur
la nature de la neige qui I'a fait denommcr par les
habitants, et ceux-ci n'ignorent pas que los rivieres
en decoulcnt. II n'en resulte pas moins que la crainlc
et la superstition ont delournci les nalurels de fairc
I'ascension du Kilimandjaro (Kiliman-dja-aro, c'cst le
nom de la monhigne). Ce nom signifie la montngne de
la grandeur (Kiliman ou Kiriman, veut dire mon-
tagne) (1). On raconte qu'un puissant roi , lo p6rc du
roi acluel de Madjamo, pays Ic plus a i'oucst du Jagga,
(i) Killina-(1o-innii-.l (inonln'fne ilc rcau), il'oii le lltuve Quili-
tnanrc.
( •'^ss )
envoya une sorte d'ambassade au mont Kiliiiiandjaro,
pour examiner sur place la nature de cette etrnngc
chose qui couronne la montagnc; lous perircnt, liors
un seul liomme qui en revint, pour raconter le sort
de ses compagnons; il avail les mains ct les pieds
geles. Lc mont Kilimandjaro a la tele ordinairement
enveloppee dans les nuages.
Les montogncs de Taila ont de /i a 6 000 pieds d'el<i-
vation ; le plus haul pic s'appelle Vcrdiga ; les mon-
tagnes s'adoucissent par degres en allant vers I'Duest,
pour se relever ensuite brusquement aux monts glaces
de Jagga. Le reverend Rebmann francliit cnsuile lc
Loomi , apres quoi il vit des arbres de la plus grande
beaute, un sol d'une vegetation luxuriante, « un et6
perpeluel, dit M. Rebmann, a une journee seulemenl
de i'eternel hiver. » Ce Loomi parait se confondre plus
loin, dans le sud, avec le Louffic, tombant dans la mer
des Indes par 5" 1/2 sud. Le Goila, traverse par le voya-
geur, est une autre belle riviere, encore plus grande
que le Loomi, el qui va lc rejoindre; I'eau en est tres-
froide, ce qui prouvc assez que sa source n'est pas autre
chose que la neige fondue ; puis vient une vaste plaine
sans aucun etre humain ; les montagnes seulement
sont habitues, chacune par une tribu distincte. Cello
de Kilcma donna i'hospitalile aux voyageurs, le roi les
accucillit amicalement , le reverend lui oEfrit son ca-
deau , ct un moulon ful tue en signe d'amilie. Le 25.
mai, M. Rebmann gravit une sommitc d'environ 2 000
pieds de haul, d'ou Ton avail la pcrspeclive la plus
etenduc, jusqu'a une distance de plusicurs juurnees
aumidi; la, dil-on, est un ancien chateau ruine, oii il
resle des debris de canon , el qui duil avoir appartenu
( a^rt )
aux Portugal?, II y a d'ailleurs, dans le pays de Jagga,
cliez les Madjame, tribu aborigine, tradition d'un ('-ta-
blissemcnt portugais, qui existait il y a deux slides.
On voit encore an chateau de Mombas line inscription
porlugaise de 1639, rpii fait mention d'un roi fait tri-
bu laire dans les temps anciens.
Pendant lout son sejour au Jagga, M. Relimann eul
occasion d'observer, soil le sol , soit les habitudes dos
nalifs. Les monlagnes de Jagga et celles dXgono sent
riches en fer ; les habitants ont coutume de pricr pour
leurs parents d^funts, ils diposent sur lour tombe (In
lait, du riz, du vin de palme : les Jaggas sont uno
race belle et forte. lis font un fr6quenl usage dcs
bains, lis ont une certaine Industrie et travaillent avcc
adrosse ; les femmes font do la brodcrie, Los Jaggas
sont plus civilises que les aulres peuplades ; I'auloril*^
(hi Mangi (ou roi) y est phis grande qu'aillours. On
ne se marie qu'avec sa permission. Los Iravaux do
lagriculture sont Ic lot des femmes, aussi bien que le
soin du menage.
I,a distance en ligne droite de Mombas au piod de
la monlagne de neige est dc 75 liouos. Au retour,
M. Rebmann a mis ill jours pour revenir a la station :
jiarti le 29 mai, il etail rentr6 le 11 juin a Rabbai-Mpio.
Quelques semainos apr6s (juillct 18^9), ledocleur
Krapf parlit de la slation pour rCsanibara, pays
, monlagncux au sudouosl, et aulour duquol parail
circuler la rivid^re do Lodic , continuation du Loomi ;
ce voyage a de rinld-ret, mais le sulvant, du memo
(locteur Krapf, remporlc de beaucoup, parce qu'il
conhrmc pleinement I'exislence de la montagne do
noige, du Kilimandjaro, qu'on avait quehpie temps
( 327 )
inise en doute. II se dirigoa sur Madjame , le point le
plus occidental de Jogga , an sud de la montagno. On
marciia dans des vallees de 1 500 a 2 000 pieds de
profondcur, au fond desquelles coulent, pendant la
saison de la secheresse (ce qui est a noter) , des torrents
perpetuels, enlretenus par la fonte des neiges. En un
seul jour, on traversa douze rivieres; enfin , on arriva
a 3 niilles du pied de la montagne. II fut facile
alors de I'examiner plus en detail que n'avait pu lo
faire M. Rebmann; elle se partage en deux sonimit^s,
distantes de 10 a 12 niilles : celle de Test est la phis
basse el se tcrmine par plusieurs pics; celle de I'oucsl
est considerablement plus elevee, sous la forine d'un
dome immense : c'est elle qu'il faut appeler proprc-
ment la montagne neigcuse. L'intervalle qui Ics separe
ressemble a un dos de selle , et ne parait pas con.'-orver
la neige.
C'est dans ce voyage que M. Krapf a fait la dt^cou-
verle d'une autre montagne de neige encore plus
^tendue, plus elev6e , et beaucoup plus a I'ouest, le
mont K^nia(l) ( la montagne Blanche], situ6 par 1 degre
environ de latitude sud ; il en sort le fleuvo Dana, qui
\ient aboutir a Melinde , lieu colebre dans I'bisloire
des voyages, mais aujourd'hui sans un seul babitanl.
On assure qu'a I'ouest et non loin du mont Kenia , il
existe un volcan allume. Au nord, est un lac.
Au niois de septembre , M. Uebmann faisail tics
pr^paralifs pour ailer jusqu'au pays d'Llniameci, situe,
(lit-on, a 150 on 200 heures de Jagga ; mais ce voyage
n'a pu s'effectuer, les Gallas el les Wakuafi , toujours
(i) Aussi a)>|)c'le NcUukenia et Kiiem.^.
( 328 )
en guerre, iufobliint la route crLkauiboni ot porluiil par-
tout le incurlre el le j)i]l:igo. On paile aussi d'un tres-
grand lac, beaucoup pins a I'Duest encore, cekii d'Ljnia-
meci, lout a fait distinct du lac Njassi, et navigable.
Par des nouvellcs posterieures , on a su que le
guide da docleui' Krapf lui a assure avoir vu a Uscri,
dans le Jagga, dcs liommes d'uno Ires-courte stature
(3 pieds et 1/2 a h pieds do hauteur), qu'il appelle
Wabilikinio , et que le docteur assiuiile aux Doko ou
pyguiees , dont on lui avait purle dans le Choa ; ila
venaient a Uscri du nord-ouest, pour troquer du fer
centre des verroterics : ces nains ont une epaisse cheve-
lure pendante sur leurs epaulcs.
Elant a Lkaniba , a /lOO milles au nord-ouest de
Mon:>bas, dans I'inlerieur, le docteur Krapf a eli par-
faitement lequ des habitants ; un chef lui a nieme pro-
pose do le conduire a 300 milles encore plus loin , a
Kikuyu , a Mbe et a Liimba , aiais il faut savoir que la
route a parlir de la rner est pleine de perils. Lors dc
son second voyage, M. Krapf n'ost revenu a la station,
sain et sauf, qu'apres avoir couru niille dangers et
cssuyc un combat meurtrier, ou le roi avec qui il
cheminait fut tue a ses cotes, enfin, apr6s avoir cruelle
iiient souflert de la faim et de la soif , sans parlor des
b6les fcroces, qui abondent dans le pays. Telles sont
les dillicultesqui arretent les missionnaires dans I'ac-
com])lissement de leurs entrepriscs el dout la science
nc saurait trop leur tenir coniple; car les decouverles
donl clle leur est redevablc sonl souvent payees dc
leur vie. lis uc se boruLnt pas a eclaircr la geographic,
ils rccucilli nt cnccre de precieux materiaux pour
I'etude des laiigucs, dcs idiomes, et c'est hcureu:e-
( 329 )
ment une des n^cessites de leur mission, puisqa'il
leur faut se inellre immedialcment en rapport avec
les habitants. On doit a M. Krapf , seulement dans ce
dernier voyage, un vocabulaire Kihiau , et un vocabu-
laire Kilima.
La Dana , qui descend du lac plac^ an pied da mont
Kenia, parait elre le meme fleuve que cclui qui aboutil
a la mer des Indes sous le nom d'Ozi ; on pourrait done,
en remontant celui-ci, arriver directeaient dans I'inte-
rieur du Iiaut du pays, et eviter bien des perils ct des
obstacles. Outre la Dana, il sort du lac deux autres
rivieres dont le Nsaraddi , qu'on dit tomber aussi dans
un autre lac nomme Baringo, encore jilus grand,
long do j)lusieurs journees : ce mot de Baringo , veut
dire grande mer.
II resulte des calculs approximalifs que Ton a fails
pour determiner la hauleur du Kilimandjaro , que la
sommile est a environ 20 000 pieds anglais d'altitude,
Iq liunte des neiges perpetuelles a cettc latitude elanl
d'a peu pres 17 000 pieds. Ce meme caicul doit s'appli-
quer au mont Kenia comme un minimum jusqu'a ce
qu'on ait observe a I'aide d'inslruments.
En lerminant ccs opercus des voyages en Afrique
executes en 18/|9, il nous reste a nommer le baron
Midler, de Stuttgard, naturalisle,qui ne s'est pas borne
a recueillir des observations d'ijlstoire naturelle, mais
qui s'est occupe aussi des races humaines en observa-
teur altentif. II a parcouru les rives du liaut Mil Blanc
avanl le reverend dom Rnobleclier, dont le voyage sera
menlionne a I'd'jioque du procliain concours, ainsi que
les decouverles de feu Ricliardion et de MM. Bartli el
Overwek, qui ont cu un giand rclenlissenienl.
( Ui) )
Tel est Ic tableau succinct que nous ;ivions a ineltro
sous vos ycux pour Ic concouis dc ciUto annec. Les
excursions !es plus importantcs sont cclles do MM. Li-
vingston , Osweil, Robinann et Kropf en Afrique, el cle
M. G. Wallin en Aral)ie. La Commission du prix an-
nuel les a jiig(ies dignes de noire grande m^daille
d'argent; ellc accorde des mentions honorables a
MM. Thomj)son, Cunningham, Hooker ol Strachcy,
pourleurs voyages dans rinde; a MM. Thomas Brnnner
et Stokes, pour leurs voyages dans la Nouvelle Zelande,
el a M. Georges Squier, pour ses voyages archdolo-
giques, nolammenl dans I'Etat de Nicaragua.
La Soci^le frangaise de geographic, fid6le au plan
de son institution , aimcra loujours a recompenser It-
courage tt le d6vouemenl dcs voyageurs sans distinc-
tion de nalionalile, pcrsuadee que ravancement dcs
connaissances dans un pays quelconque tourne au
profit de I'humanite tout entiere. Aussx esp6re-t-elle
que son zele et ses efforts pour los progros des decou-
verles el des Etudes geographiques , efforts gencireuse-
ment continues depuis plus do ironle ans , a IraviMs
bien des obstacles, seront cnfin apprecies dans noire
palrie comme ils lo sont au dehors; qu'ils lui cunci-
lieront la bienveillance et la protection du gouvernc-
ment; enlin , qu'ils appolleronl dans ses rangs tons
ceux qui prcnncnl inl^ret au develop|)ement dos rela-
tions I'ommercialos, a raccroissement ile la richoss''
publiquo el a I'lionnour du num frangais.
JoMAnn, rapporteur.
( ^531 >
NOTICE NI&CROLOGIQUE
sun I
M. DIJ BOIS DE MONTPERREIJX,
Coriespondaiil perpe'liiel de la Suciete <le gecgiaiihie.
PAR M. DE LA ROQUETTE,
Sccrc'laire general.
I.DK A LA STANCE GENERALE DU 2 AVRII, I 85a.
Messieurs,
J'avais annonce, dans le rapport quo j'ai eu I'hon-
neui- de presenter a voire derniere assembl^e g^nerale,
que je consacrerais line notice necrologique sp^ciale
a la uiemoire d'un de vos plus regrettables corrospon-
danls perpetuels, M. Du Bois de Monti'.erreux.
C'est ce devoir que je viens remplir aujourd'luii.
Fred(^ric Du Bois de Montperreux, n6 le 28 mai 1798,
dans le village Suisse de Moliers-Travers, oil son pere
avait un ^lablisseinent de commerce, passa les pre-
mieres annees de son cnlance a la campagne. Ayant
perdu de bonne beurc son pere, qui s'eiait rendu en
France, ou il avait ele appele pour occuper un emploi,
le jeune Du Bois se trouva avec un second frere el deux
sceurs remis a la direction de sa mere , i'emme douee
d'une baulc capaclUs A dix ans, il enlra dans I'instilut
de M. Cbanel, a Saint-Aubin , village peu eloign^ do
Neuchatel; et il continua ensuite ses etudes dans le
coli(^ge de cettc ville; il y monlra une grande aptitude
et beaucoup de zele pour le travail; aussi I'ut-il lou-
jours place aux premiers rangs.
Sa pliilosopbie terminee sous un maltre qui le d6-
tourna de la cairiere th^ologique a laquelle il desirail
( 332 )
d'obord sc vouer, Du Bois dc Monlj^crreux passa deux
ans coniino mailre-adjoint dans unc pension de Saint-
Gall. 11 en sortit nialade au mois de fdvrior 1819;
a peine letabli, il partil la nieme annee pour la Cour-
lande, et enlra a Mlltau, dans la uiaison de M. Ferdi-
nand de Ropp, en qualile de pr^ccpteur des enfants
de cet honorable gonliliiomme, cliez lequel il tiouva
une riche biblioth^que et unc belle collection de ta-
bleaux et de marbres des meilleurs maltres, ressource
precieusc pour un jeune liomme passionne pour les
arts et avidc de s'inslruirc. Apres deux ans de sejour a
Miltau, Du Bois, qui ne s'y croyait pas asscz occup^ ,
fut place par M. Ferdinand de llopp chez son frere
Theodore, residanl, avec unc Ires-nonibreuse fauiille,
dans sa lerre de Pokroy, en Lilhuanic. La bibliolheque
de la maison etait Ires -considerable ct surtout abon-
dammcnt pourvue d'ouvrages sur I'archilcclure, que
Du Bois s'auiusa d'abord a parcourir, et qu'il etudiu
ensuite avec un zelc opinialre. Longtemps abandoon^e
par scs proprietaires, la lerre de Pokroy manquail dc
batinienls, memo des plus indispensables; lout clait
dans le plus uiblc delabrcment. Apres avoir pris une
connaissance exacte des lieux, rarchilecle improvise
tra^a d'une main bardie les plans de lous les cliango-
menls qui lui paraissaient necessaires. II veillait a Icur
execution, Iravaillait souvcnt dc ses mains, pour in-
struirc et diriger des ouvriers pcu experimenles ; il
s'occupa meme de la crt^ation d'un grand jardin , et
bientot la propriclc pril un aspect complolemcnt dif-
ferent : la valcur en fut prodigicusemont augmenleo.
En quittant, en 1829, la Lilhuanie, apres y avoir se-
journe pendant buil ans, Du Bois de Montpcrreux visila
( 333 )
la Podolie ct la Volhynio, loujours observant, eludiant
el recueiliant des nialerlaux. En J 829, il acconipagna
a I'Liniversile de Berlin un jeune polonais, Alexandre
Razlborowsky, dont la direclion lui avail ele confi(5e,
et, deux ans aprcs (1831) , il fit avec son eleve un voyage
en Suede, en Danemark, et, plus tard, sur les Lords
du Rhin. Ce ful pendant son s^jour dans la capitale de
la Prusse qu'il publia, sous les auspices de M. Leopold
de Bucb , qui lui avail voue un veritable allacliement,
un opuscule intitule : Conchyliologie fossile , ou Apercii
geognostique des formations du plateau volhyni-podolieiiy
accompagn(^ de huit planclies lilliograpbiees et d'une
carte des localites oii il avail observe. Get ouvrage,
publie en 1831, et place fort haul dans I'opinion des
bommes corapetenls, tanl pour la juslesse des vues
que pour Texactitude des dessins, executes par I'auteur
lui-meme, fonda sa reputation comme geologue.
Au mois d'aout 1831 , Du Bois de iMontperreux
revint en Podolie, ou il s'arrela encore se])t a buit
mois, pour explorer les rives du Dnieper. 11 executa
pendant cette excursion une quanlite de plans, de
carles, do coupes de terrain, de vues piltoresques,
vraiment incroyable; ils auraicnt sufli pour occuper
la vie enliere d'un bomme moins beureusement dou6
que lui. 11 s'allacbail parliculierement aux nombreux
monuments epars dans ces vastes contrees, restes
d'une civilisation d^cbue , et qui lui servaient de
jalons pour d^couvrir les traces des migrations des
peuples dont il s'etalt impose la tacbe de retrouver les
origincs, a tlefaul d'aulres traditions. Quelques amis,
qui ont eu le bonbeur de I'accoinpagner, claienl lou-
jours surpris do la prodigieusc adivilt!', de I'elendue
( :^3/i )
el de la varidlij de ses connaissances. Lc r6gne V(^g6tal
aussi avail une pari dans scs synipalliies , et la hola-
nique iui doit phislciirs ddcouveries inl(;rcssanles.
Au piinlemps de 1832, il explora la Crimcic, d'oii
un vaisseau russe le porta dans les provinces Iranscau-
casiennes. Ce fut alors qu'il comnaenca le grand voyage
qui a principaleinenl elabli sa reputation , et auqutl
furenl consacr^es les annees 1832 a 183/|. La pUipart
du temps, Du Bois de Moiilperreux n'avail pour coni-
pagnons que quelques guides; born^ a ses ressourcos
personnelles, il n'elait soutcnu que par I'energie de
son caraclere. II s'elait piesenlc aux fronli^res des
htats russes seul, obscur, inconnu el sans autre litre
a la bienveillance que la ferme resolution manifeslee
par Iui de consacrer lous ses moments a des rccher-
ches qui pussent un jour fitre utiles a la science; le
souverain eclaire de ce vasle empii^e I'encouragea et fit
loniber loutes les enlraves qui auraient pu arreler ses
premiers pas. Parti de Sevastopol au mois de mai 1832,
Du Bois de Montperreux employa irois annees a visiter
la Crimee, I'Lkraine, la Nouvelle-Russie , et toules
ces contr^es jadis si celebres qui portent les noms
de Caucasic, d'Abkhasie, de G^orgie, d'lmt^reli, d'Ar-
m^nie. Circonscrivant la haute cbalne du Caucase ,
ce grand centre de tanl de ph^nomenes bistoriques et
geologlques, il jjarcourut ses valines, etudia I'antique
Kolklie, ou Georgien , pres des sources du Phase et
du Cyrus, et descendit dans les vasles bassins ou ce
peuple a concentre ses monuments, ses capitales ;
puis il penelra dans TArmcnie, au dela des hautes
montagnes qui la separcnl de la G^orgie, et au pied
de eel Ararat , loujours n)ysl6rieusemenl couronne de
( 335 )
neigos rl do glacos, Suivant ensuito In rours do I'im-
pc'tueiix Amxc, celte limite de I'enipire d'Alexandre,
jusqu'aux larges plaines de la mer Caspienne, il coupa
le Caucase par sa ligne ceulrale, pour i-entrer dans ces
steppes immenses, vasles palurages, vastes champs de
bataille, grandes routes de tant de peuples divers qui,
sorlis de I'Asie comme un torrent, ont 6te refoules vers
Je nord parriaiposanl obstacle du Caucase, sans pou-
voir le franchir. Les canipenients et Ics tomboaux des
Scythes, des Sarniales, des Goths, des Slaves, des Va-
regues, fixerent particulierement son attention, et il
salua en passant la presqu'ile Taurique, grand marche
de la Grece antique, qui recele encore tant de tr6-
sors, dont noire savant voyageur a decouvert, d(!!cril
et dessine une partie, en tra^ant I'histoire et les mi-
grations sucoessives des anciens et des nouveaux ha-
bitants.
A peine eut-il tevmine ce voyage si interessanl a
lant de titres, qu'il alia passer I'hiver en Lithuanie
chez M. Theodore de Ropp, son patron et son ami;
puis il rcvint, I'annee suivante, a Berlin, ou, comme
lors de son premier sejour, il suivit plusieurs cours
et froqnenla les nombreux savanis que renfernio celte
capilale, cherchant jusqu'au dernier moment a aug-
menler la masse de scs connaissances, qu'il ne Irou-
vait jamais assez elendues, pour entreprcndre la
redaction de I'ouvrage dont il venail de reunir les prin-
cipaux materiaux. C4'est en 1836 qu'il retourna duns sa
patiie.
Pendant le sejour qu'il fit plus tard en France, Du
Bois de Montp( rreux soumil a la Sociel^ de geographie
phisieurs menioires sur los races caucasiennos, sur
( 330 )
quelqnes points d'arclioologic cl do pt^ographie an-
cienno (1), el enfin Ics nianusciils cic son exploration
de la Crinide, du Caucase et de rArnK^nic , alnsi quo
Ics planches et les cartes qu'il se proposait d'y joindre.
line commission , composee de MM. Walckenaer, Jo-
mard , Eyries, de la Renaudieic cl Roiix de Rocliclic,
aj)preciant , par Torgane dc ce dernier, nomrae rap-
porteur, Ic merltc dcs immenscs travaux du savant
neucliatclois sur les regions situi^cs au nord et a Toriont
dc la mer Noire, qu'il avail examinees et decriles sous
tous les rapporls qui pouvaient allirer FaUcnlion du
g6ogi'aj)lic, du gdologue, dc riiislorien, de I'antiquaire,
de I'arlistc et de Fobscrvaleur, diiclda qu'il Femporlait
sur lous ceux qui s'etaicnt jirescnles au concours, et
lui adjugea le grand prix annuel de 181^8.
Avant la publication dc son voyage (2), M. Du Bois
de Montperreux avail elc nommd adminislrateur du
Musec de Neuclialol, el charge plus specialemonl de la
partie olhnographique el numismalique de cet dtablis-
semcnt. En 18/il, il ful elu professeur d'arch^ologie a
rAcademie de cette ville, place qu'il occupa jusqu'en
lS/i8; a cclle 6poque, il ful, a la suite de boulevcrse-
mcnls poliliqucs, brusquemenl destituc, ainsi que lous
ses collegues (3).
(i) Ce ilernicr nii'moire av;iit ulc ili'jh snuniis j).ir lui avcc plus Je
doveloppeiDcnis a l'Acaik'n)io dcs inscripiions ct belles-lettres.
(a) Cette puljlication a ole faite a I'aris de i83c) a I 843, en 6 vol.
in-S", sous le litre de Voyage auloiir du Caucase, chez Ics Tclierkessei
et les Abkases, en Colchide, en Georjie, en Aimeine et en Ctimde. Les
planches ct Ics cartes dn {jrand atlas in-fol. qui raccompapne, el <pii
est dedie a rcrnpcr(Ui- dc lUissir, onl etc lilliographiees a Neuchatel.
(3) M. Uu )!«is de Montperreux avait jtriuiitiveiuent fait don a
( 337 )
Rentri^ dans la vie pi'ivee, clonl personne plus que liii
n'^tail capable d'ajiprecier les douceurs et d'einployer
utilenient les loisirs, Du Bois de Monlperreux, qui avail
Spouse en 1839 la veuve d'un de ses parents, madame
Ther^se Du Bois, nee Montandon, prepara, sous le litre
i\''Jiitiquites neuchdteloi.ses , un important travail, dont
il s'occupait depuis 18/|3, et qui devait enibrasser les
monuments des premiers ages de I'histoire de Neu-
chalel , jusques et y compris les comtcs de I'ancienne
maison de ce nom. Malheureusement, aux agitations
morales vint sc joindre le ressenlimcnt d'une fifevre
intermittente qu'il avail gagnee dans la Transcaucasie,
et les remedes heroiques employes pour le soulager
port6ront une grande atteinte a son robuste tempera-
ment. Quoique le mal qui le minait sourdement, et
auquel il fmit par succomber, ne valenlit en rien son
activity, et qu'il eut presque jusqu'a ses derniers mo-
ments la plume ou le crayon a la main , il ne put
mener completement a fin I'oeuvre qu'il voulait con-
sacrer a I'histoire ancienne de sa patrie (1). II cessa
I'Academie de Neuchatel Jes belles collections recueillies par lui dans
le coui's de ses voyajjes; mais a la suppression de cette Academie en
1848, il reporta ses dons, devenus sans objet, a la ville de Zuiicli, oil
il avail des relations fort intimes avec divers savanis, et dans lo but
d'etre encore utile a sa patriu au cas oil une Uiiiversite federale vien-
drait a s'y ctablir.
(1) Les nornbreuses plancbes de cet ouvrage, toutcs dessinees de la
main de M. de Montperreux, etaient terminees a sa mort; il restait a
rediger le texte, pour Iccjuel il n'avait laisse que des notes imparfaites,
(jue M. Sandoz Roliin, ancien president du canton de Neuehalel, a
bien voulu sc cliai{;er de rediger et dc completer. La premiere partie
de I'ouvraje de M. Du Bois, formant un volume in-4", a ete publie'e
a Zurich en i852 par les soins et aux frais iIc la Socirtc d't'mulation
III. Avnn.. 3. '2Z
( 338 )
de vivre le 7 mai 1850, dans sa rc^siilence do Peseux,
pr6s dc Ncuchulel, ne laissanl a sa fcnime el u la jeune
fille qu'elle avait eue do son premier manage, et que
Du Bois cherissait comme son propre enfant, qu'une
modeste fortune, mais aussi le souvenir d'un noble
■palriotiqiie de Neuchatel, dissoute depuis 1 848. Elle porte le litre de :
Antiqnites de Ntuchatel, est piecedee d'une Notice sur M. Du Bois^
i-t conipreud Go planches relatives au Bourg, a la Coliegiale, et an
Chateau de NL-uchatel. La seconde partie lenfermera les antiqtuli's
celtiques et romaines, avec iin Atlas bistorique pour la Suisse ro-
niaiide;et la iroisienie olfrira les sceaux , les nicdailles, et les mon-
naies de Neucliaiel , dessines par M. Du Bois avec une rare perfer-
tioii. Les planches gravees de la premiere [lartie laisscnt bcaucoup a
desirer quant a leur execution.
Outre les ouvrages deja cites dans la Notice, on doit a M. Du Bois
de Montperreux les opuscules suivants :
1. Geognosthche Bemerkungen ilber Lithaucn, inscre dans le t. V]
des Ardnv fixr mineralogie, geognosie, du docteur Karstcn. Berlin,
I 83o. In-8".
2. Excursion aux raptdes de I'Araxc, dans les Nouvclles anniilcs
des voyages. Paris, l836.
3. Lettrcs sur les princ.ipaux ■phdnotnenes (jeologiqucs da Caucase el
de la Crimc'e, adressees a M. Elie de BeaunionI, Paris, 9 mai i 887, el
inserees dans le Bulletin de la Sociele gi^ologique de France, r(''uiiii)ii
extraordinaire a Alencon, sepleniLre 1837, avec une pl.inclie.
4. Des Tunndus, des Forls, des Ulardelles, et des Hemparts de la
Russie occidentale, en trois articles, insert's dans V.hinuuire det voyages
el de la geocjraphie. Paris, Hide, i8/|5, 1846 et 1847-
5. Le Chateau de Pounir, I'-pisode de 1 liisloire de Lit iiuanie, iii-,i'i('
dans la Hevue Suisse, nuniero de septendjre 1846.
6. La Bataille de Grandson, insere dans le Mittlteiluiigni iler /ii-
rischen antiquarischen Gesellschaft ; t. H.
Et quelques manuscrils sur la collcgiale de Payerne et sur leglise tie
Pioniaiii-Moticrs, (pii seront publies probal)l.;rnent, avec les dessins
(lui l( s acconipajjncnt, ilans la seconde partie des nionunienis dc
Keucliatel.
(339 )
ccEur, d'un esprit distingue, avec la repulalinn d'uii
savant honorable. La Societe des beaux-arts lui avail
decerne une m^daille, et il etait en meme temps cor-
respondant perpetuel de notre Societe, menibre de la
Soci6t6 geographique de Londres, ainsi que de plu-
sieurs autres societes savantes.
« Rarement, » dit en parlant de M. Du Bois de Mont-
perreux un juge competent, M. Brosset, meinbre de
I'Academie des sciences de Saint-Petersbourg, « rare-
ment un exploraleur de contrees lointaines reunit en
lui tant de moyens de succes. Habitue a manier le
crayon du dessinaleur, le marteau du geologue, les
instruments precis du topographe, amateur urudit de
numismatique et d'antiquit^s , ayant i'espril nourrl
par une vaste lecture, observateur attentif et eclaire de
toute espece de faits, et sacbant donner a son style le
coloris d'une imagination ardentc, il n'est pas t^ton-
nant que son livre (1) forme une sorte d'encyclopedio
caucasienne qui pourra etre surpassee dans quelques
parties, niais qui sera difTicilcmenl egalee dans I'en-
semble. Quant aux monuments georgiens qu'il a si
bien decrits, dit le meme savant, Du Bois de Montper-
reux est le premier qui en ait releve les inscriptions,
car, avant lui, un prejuge re^u en niait n^enie I'exis-
tence. J'ai pu personnellement , ajoute M. Brosset,
profiter des indications de M. Du Bois et en verifier sur
place I'exactitude. »
D'un esprit juste, dune intelligence superieure et
d'un caract^re pers^verant, Du Bois de Montperreux,
qu'aucun obstacle n'arrelait, a parcouru sa carriere
scientifique au milieu de fatigues incessantes, d'elVorls
(j) Voyaqe nulour du Caitcuse, elc, etc.
( 3/,0 )
et de veilles. Douo d'uno rare modesllo, d'lino extreme
bienveillance, on poui'i'ait dire d'une singuliore l)on-
liomie, jamais ii ne soupconnait le mal. Rondant lou-
jours justice au moindre meritc de ceux qu'il aurnit pu
considerer comme ses rivaux, il s'efTacait en loule occa-
sion, et ne raontra en aucune circonstance d'autre am-
bition que celle du bien ; aussi n'eul-il pas un seul d6-
Iracteur, tandis qu'il s'^tait concilie Tcstime ct Tamiti^
des Humboldt, des Leopold de Buch, des Llic de Beau-
mont, dcs Brossel, dos Meycndorf, etc., on pourrait
dire de toutes les personnes on (^tat do I'apprecier qui
I'avaicnt connu (1).
Tel etait, messieurs, le savanl, I'liomme cslimablo,
dont j'ai essaye de vous rappeler le souvenir, el dont la
perte a laiss^ un grand vido dans les rangs de vos cor-
respondants pcrpeluels.
ISOUVELLES DU HAUT FLEUVE BLANC,
commuisiqu£es par m. A^T. d'abbadie.
M. Vaudey, consul de Sardaignc a Kharloum, vient
de ra'envoyer des nouvelles interessantcs du haul fleuve
(i) M. Ic professeur Charles Godet et M. Brosset, <[ue j'ai doji cite',
ont public, le premier a Neuchatel, ou il I'l.iit inspecteur des etudes du
college avant 18/(8, et le second a Saint-Pet ersbour^j, des notices ne-
crologitfues sur M. Du Bois de Montpeneiix; j'ai d('j,\ iudiquc celle
qui est en tele ile I'ouvrage postliuiiie du savant iicucliatcldis; j'en
connais unu quatrieme qui a paiu on allemaiid, a Zuiiidi (i8j2),san3
nom d'auteur, comme la precedcnte. Les renseignements quej'ai puises
dans CCS notices, dans la relation du Voyaije antour du Caucase, etc.,
et ceux qui m'ont ete communiques par mailame veuve Uu Bois de
Monipeireux, par M. Louis Coulon fiU, ci par M. de Sandoz Rollin,
ni'oni servi a n'di{;er celle (|ue je donne ici.
( 3H )
Blanc, sur leqiiel M. Brtin Rollel a naviguo au commen-
cement de I'annee derniere. D'api-^s ce voyageur, Ics
barques ordinairement employees sur ce fleuve ne
peuvent aller en amont de Bellenia, ville ou s'est 6tabli
Ic missionnaire dom Angelo Vinco. M. Rollet a suivi la
meme branche que le savant dom Ignace Knobleclier,
la memo encore dont I'existence fut revelee au monde
savant en ISZiS par le voyage de M. d'Arnaud. On sait
d6ja que Ic fleuve Blanc a trfes-peu de pente d^s le
11° degre de latitude nord. Ses caux sonl presque
stagnantes a partir de ce point jusqu'au 7= degr^ de
latitude, ct c'est dans cet espace de plus de 300 milles
g^ographiques que le fleuve recelc, au milieu de ses
meandres , des fievres terribles que redoutent les
plus bardis voyageurs. Heureux ceux a qui un vent
propicc permet de francbir promplement ces tristes
marais! Ea attendant qu'on applique la vapeur a
I'exploralion de ce fleuve encore si peu connu , je me
bornerai a mettre en relief I'assertion si remarquable
deM.Vaudey, que les expeditions faites jusqu'ici n'ont
jamais remonle qu'un seul des aflluents qu'elles ren-
contrent, et qu'il existe plusieurs do ces Iributaires
dont les noms memes sont encore un mystfero pour la
science.
Une leltrc de M. Rollet, dont je dois la communica-
tion au zelo do M. Vaudey, ajoute encore des details
inleressants sur le fleuve Blanc :
« Bellenia est une ville siluee sous li" 30' (1) de lati-
tude nord, au sud des montagnes des Berrs, Nigello,
I'un des cbefs indigenes qui prenait les barques des
(l) Selon la Icllrc do iM. IioIIlI.
( 3/i2 )
Europ^ens ])our cles maisons que rinondatioii aurait
(letachees dcs rives du floiivc, Nigello a accompagne
MM. Lafargue ct Rollcl jusqu'a Khartoum; hi, il a pris
Ics chevaux pour dcs z^brcs et les chameaux pour des
girofes. »
MM. Lafargue ct Rollct ont nou6 des relations avcc
les Berrs, les Lok^s, les Mekedos et les Ouguars. Les
Irois prcnii(ires peuplades se trouvent depuis trois jus-
qu'a Imit journ^es de route a Test de Bellcnia. La der-
niere tribu, qui est tr^s-considerable, liabite les bords
du fleuve, au sud de Lokaya; ensuite viennent les Pou-
londj , pres des calaractcs situ^es a buit journ^es au
sud de I'ilc de Djanfar. Au dcla de ces cataractes, Ic
fleuve fait d'abord un coude au sud-cst; puis, arrive
eidrc 3 et 2° 30' de latitude nord , il se dirige a I'est-
iior<l-ost vers les monlagnes des Gallas, d'oii viennent
deux rivieres qui se raelent a lui, entre le 6° et 7* degre
dc latitude nord. Le fleuve fait ainsi une prcsqu'ile ,
large de vingt-cinq journeos de marcbe, ou 150 lieues,
ct situec par environ 5° de lalilude. Les Lokfes et les
Berrs rencontront le fleuve, soit qu'ils se dirigent au
sud-esl de leur pays, soit qu'ils aillenl vers le nordest,
cote j)ar lequel ils sont souvent en guerre avcc leurs
voisins les Galla;=. Au dire des Berrs, le Nil recevrait
encore, vers le 3" degre de latitude nord, un autre af-
fluent qui parait venir de Test. Les Blidos vivont entre
cet afiluenl et la rive gauche du fleuve. lis sont en rap-
port avec des niarchands blancs, qui portent la barbo
el qui ont des cheveux longs ct lisses. Cos marchands
viennent chaque annde de I'ouest pour acheter chez
les Blidos de I'ivoire que ceux-ci vont cheiclier juscjue
chez les Barri. Ces niarchands se diseut issus dc gens
( Uo )
blancs coinine nous, ayant des ai'ines a feu, et qui les
ont al)andonnt^s dans un pays entoure de inontagnes,
a deux niois de la. Outre leur lance et leur bouclier,
ils portent des sabres d'Allemagne a deux tranchants :
leurs maisons sont baties en briques cuites, et ils con-
naissent I'ecrlture. Les marcbandises qu'ils portent
chez les Barri consistent principalement en porcc-
laines ou coquillages dits Cauri, et en bracelets do
jaiton , dont nos voyageurs Europ^ens ont vu plusieurs
ecbanlillons. Les Barri se rendent chez les Blidos en
vingt-cinq journ^es de marclie , dans la direction du
sud-est. Le pays qu'ils iravcrsent est accidente et coupe
par des canaux aboutissant au fleuve, qu'ils passent
a la nage. Les Barri portent de I'ivoire chez les Blidos,
qui font parvenir cette denree aux marchands blancs;
ceux-ci les vondent a des Irafiquanls rouges, qui com-
rnuniquent diroclenient avec les coniptoirs situes sur
I'ocean Indien. Le vieux Laoutor, oncle de Nigollo, et
fr^re de Lagou, roi des Berrs, raconle que ces mar-
cbands blancs venaient cbaque an nee, du temps de son
pfere, acheter do I'ivoire chez los Barri, qui mirenl fin
aces relations en egorgeant toutc la caravane pendant
son somrneil. Lorsde I'arrivee des premiers Turcsct des
Europeans chez les Barri , ces pcuplcs crurent naive-
ment que les nouveaux-venus (^taienl les membres de
la caravane rcssuscilee, qui venait lirer vengeance de cc
massacre conimis depuis plus de quatre vingts aiis.
Quand les Barri ont tue un lion , ils le briilcnt
d'abord, puis jettent ses cendres aux vents, alin de
I'empecher dc prendre sa premiere forme. Leurs jon-
gleurs pretendent lire dans I'avenir au moyen de signes
qu'ils Iracenl sur des tablettes.
( 3/iA )
M. Rollol a ap|)ris rcxislence d'un cours d'eau qui,
d'un poinl situe au siul de la calaraclc de Djanfar,
coule parallclcinent a trois journees de distance de la
rive occidenlale du flcuve jusqu'aii Din, dont ronibou-
chure esl par 7° dc Jatilude nord. Afin de visiter ce
canal, M. Rollcl laissa la barque aBouigu, avcc M. La-
fargue , ct parlit, lui seplieme, avec le noninie Dout,
chef des villages Reks qu'il avail a traverser. Get
honinic clait aussi parent du roi des Loots, chez lequel
M. RoUel devait se rendrc. Malheureusement les indi-
genes prirent ce dernier pour un magicien, lui firent
subir plus dune avanie , et, nialgrd les efforts de son
guide, il crut prudent de retourner sur ses pas. Un
desert large de deux journees et inleste de lions le se-
parail encore des Loots.
La terre des Barri est accidentee, arrosee par des
rivieres aux mille m^andres, et propre a toute esp^ce
de culture. L'air est tres-sain, et ce premier jugement
des voyagcurs esl confirme par les formes atbleliques
des habitants, par le grand nombre de vieillards, et
par la Irayeur manifeslee par Nigello lorsqu'il vit la
mortality qui regne habituellemenl a Khartoum. Les
Barri ne savent pas se scrvir de leurs bceufs comnie
beles de charge : les ancs ct m6rae les chovaux sont
inconnus chez eux. M. RoUct allribue, el apparemment
avcc raison , une parlic de ranli<[uc prosperile de
Meroe aux relations commercialcs que ce pays aurait
entretenues avec le haul fleuve Blanc.
Aux renscigncmcnls ci-dessus il faut ajoulcr ccux
qiiisuivenl et qui furciil communiques anion frero par
M. Lafarguo dans le comuiencoment de cette annce.
( 3/i5 )
« J'ai inteiroge Suleyman-Aba-Zaitl , qui seivit dc
pilote a dom Rnoblechcr. Ce Nubicn a dit que la crue
du fleuve a la mi-janvier, chcz les Barri, elait impos-
sible, et qu'elle n'avait pas eu lieu ; que I'expediliou
qu'il dirigeait esl revenue aprfes que les barques ont
donne sur un banc de sable ; que le fleuve ne passe
pas entre les deux monlagnes citees par dom Knoble-
cher, mais a I'ouest de ces montagnes ; qu'a Test le
terrain est boursoufle par des montagnes qui conli-
nuent vers la haute Ethiopie, et qu'a Touest s'etendent
d'immenses plaines , au milieu desquelles s'el^vent
de loin en loin des collines isolees, qui ne depassent
pas 3 ou 400 metres de haut. »
Comme la reconnaissance du haut fleuve Blanc,
entamee d'une manii^re si brillante par M. d'Arnaud
(voyez le Bulletin, 18Zi3, t. XIX, p. 90 et suiv,), resle
encore enveloppee de beaucoup d'incertiludes, il n'est
pas sans interet de resumer ici tout cc qu'on en sail :
En amont de Khartoum, le fleuve parait avoir peu
de pentc dans sapartiereconnue. II s'epanouiten larges
nappes jusqu'au lac Nu, et recoil trois affluents : le So-
bat, dont le cours superieur n'est encore elabli que
par conjecture; le Bahr-Keilak, dont I'embouchure
seule est connue; etenfinTaffluent, jusqu'ici innomme,
dont nous devons la connaissance a M. Lafargue. (Voyez
le Bulletin, 1850, t. XIII, p. 293-29/i.) Au-dessus du
lac Nu, les nombreux affluents du fleuve sont a peine
indiques; nous ne connaissons ni leurs lieux d'origiue,
meme approximallvement , ni leurs noms, sauf celui
du Iribulaire do rive gauche appeld Din , mot qu'on
pouvait prendre, sur la carte de M. d'Arnaud, pour
un nom de lieu ct non pour celui d'uuy vivipre, En-
( 3/iO )
core la rolalion (jue nous donnoiis iic tlil-clle pus
bien clairemenl si le Din est un affluent on un bras <lu
fleuvc. Cellc cicrnierc supposition est bien admissible
dans une contr^e ou les nombreux meandres du Nil
6tablissenl combien sa pente y doit fitre faible.
Un des points les plus saillanls des renseignemcnts
de M. \ audcy est I'indicalion de deux affluents de
rive droile, dont les embouchures seraient dans lo pays
occupe par les Bliorr ou Thului, deux peupladcs qui
sont connues des chasseurs du Gudru. On ne doit pas
s'6lonner que la presence de ces embouchures ait
"echappe aux investigations de M. d'Arnautl. En effct,
rien ne fait soupconner I'adjonction d'un nouveau
couranl d'eau dans un pays plat, a moins (]u'on
n'tilablisso soigneusemenl le d^bit du flouve par des
mesures reiterc^es de distance en distance. D'aillcurs
la v6g(italion obstrue et cache des rives plates dans un
pays inalsain el pcu habile. Jusqu'ici les voyagcurs sc
sonl prcsque toujours avancos par eau, et les barques
ne naviguent pas dans des flaqucs cpanchees sur des
bcrges mal d^finies, quo Ton ne saurait ainsi dtudier
ni par terre ni par eau. Les g^ographos ne doivcnl
done pas juger avec trop de s6verit(!; les voyageurs qui,
bornos au parcours du courant ])rincipal , et gen6s
dans leurs rcnscignemenls par lo nian-iiue do bons
inlerproles, sc sont vus obliges do taire jusqu'ici lo
detail de tons les afilucnts secondaires.
En Europe , on se pr<^occupo pen de ces investiga-
tions si p^nibles et si m6riloiros. On n'insisle pas asscz
sur la n6ccssit(i do bien etablir, d'apres h; volume
rclalit' des eaux , quel est rafllucjnt dont le bassin est
le plus (ilendu, ou qui, nourri par des pluies plus Ir^-
( 3^7 )
quentes ct desscrvant par consequent uu pays plus
liclic , a Ic t'roit d'etre choisi cornmc afiluent princi-
pal. On accepte lacitement ( n cctte qualite le cours
d'cau suivi en 18Z|3 par M. d'Arnaud. Celle maniere
d'identifier le fleuve Blanc est peut-elre fondee en
raison , mais elle est certainement d^nuee de preuves,
vu le dedale d'aflliients indiques de toutes parts.
C'est encore pen si Ton elait born6 a loutes ces
incertitudes ; malgre la precision du langage usil<^ par
les vojageurs europeens , et qui leur donne un si
grand avautage sur les descriptions vagues des an-
ciens , quelqucs personnes renduos defiantes par les
Cdntradictions des voyageurs modernes ont mieux aime
s'appuyer sur les dires de Ptolemee que de chercher
a concilier ou du moins a peser les assertions des divers
explorateurs qui ont suivi les pas de M. d'Arnaud. Ce
dernier dit que I'affluent principal vient de Test, entre
les 3* ct h" degres de latitude nord. M. Werne , qui
I'accompagnait, affirmc au contrairc que le courant
d'cau principal vient du sud, Coinme ces deux voya-
geurs se renseignaient par interpretes, on pent h^siter
enlrc leurs t^inoignages. M. Thibaut, que j'ai vu au
Cairo, confirmait I'opinion do M. d'Arnaud, et M. La-
fargue a eniis plus tard le meme avis. (Voir Btdletin,
18/iO, t. XllI, p. 296.) Dom Rnoblecher a commu-
niqu(§ au monde savant unc assertion tres-dilTerenle et
I'ort digne d'examen , parce que ce zele niissionnaire
avail appris la langue de ces Barri, qui lui disaient
que le Nil vient du sud , et non du sud-ouest seule-
nient, ainsi que loutes les ohserimtions de doni Knoble-
clier lendenl a le faire croire. Les assertions de ce
dernier nous semblont d'un si grand poids , que nous
{ 3/i8 )
voudrions cioirc qu'il s'cst engagi clans un autre af-
flucnl que celul qui vicndrait dc I'est, selon les der-
nieies informations de MM. Vaudey, Lafarguc et
Rollet. Car los renseignemenls de ces trois voyageurs
ne se bornent pas a de s6ches informations; ils sont
appuyds de details, de noms de peuplcs, ct d'uno
remarque importantc sur la situation peninsulaire
des Barri.
L'annonce d'un aflluenl de rive droite venant des
monlagnes des Gallas ct sc nielant au fleuve entre les
C' ct 7' paiallelcs est tout a fait neuve. Jusqu'a quel
point ce jiouvel adluent pcut-il se confondrc avec le
tribulaire innomme revel6 par M. Lafargue (voyez
le Bulletin, 1850, t. XIII, p. 293), ct sur Icqucl on a
navigue jusqu'a environ 6° 30' de latitude? Nous nous
contcnterons de poser cette question, car il est lou-
jours dangercux de meler des hypotheses a des faits.
Terminons cependant ces remarques par un rap-
prochement pcrmis. Les marchands hiancs, commer-
^ants qui se rendent chez les peuplcs voisins pour
trafiqucr, ne seraient-ils pas ces raemcs trafiquanls
nommes Gala par les Mace, Mekan, ou Suro ? La des-
cription faile par ces derniers m'avait induit a rap-
porter a la race Arabe ces Gala, au teint clair, portant
barbe, et qu'il ne faut pas confondrc avec les Galla.
Cette identification, si die clait bien 6lablie, relicrait
les renseignements geographiqucs donnds par les Suro
avec ceux que les Barri nous ont fournis, grace au
z6le de M. Vaudey. Conime ces notions jeltcnt de I'in-
tdrfit sur unc des contrives les nioins connues dc
I'Afrique, je transcris I'cxlrait suivant des conversa-
tions de Nalle, fcmme du pays Mekan, reduitc en
( 3/i9 )
esclavage a iin age avance , et que j'ai vue chez son
maltre clans Inarya.
Saka, 1 3 Janvier 1846.
Selon Nalle, « les Bayti et les Gala parlent la meme
langue. Ces derniers portent im petit nombre de tasses
a caf6 chez les Mekan, dont les fenimes riches attachent
chacune leur tasse au haul de leur bras droit en allant
faire leurs visites, afin de boire avec distinction le caf6
qu'on leur sert. Les Kirim et les Mala habitent la rive
gauche du Paco et parlent la meine langue que le Me-
kan; leur teint est taym, c'est-a-dire fuiigineux, mais
non noir. lis sont pour la plupart petits, bien qu'il y
ait parfois parmi eux des gens de taille elevee; mais ils
n'atteignent jamais celle de l'",75 (1), et ils ont des
cheveux blancs sans grandir davantage. J'en ai vu ainsi
hauls seulementdel'",50.Cependantilssontvigoureux
et se battent bien. Les Bayti sont rouges (2) comme
vous et de laille ordinaire. lis ont la barbe epaisse et
des moustaches ; il en est de meme des Gala, lis portent
un turban, une lance, un bouclier large d'unc coudde
et un long poignard. lis ont des hvres en sautoir sur
leurs corps et ils en font porter a leurs esclaves. Les
Bayli me vendirent pour une piece d'argent une ba-
guette d'etain qui m'a servi a faire des bracelets. Dans
mon pays, on invoque la protection de mauie; on at-
(i) L'ambassadeur de Gobo a la cour d'Inaria disait i°,3. Je pris
ces deux mesures sur les tallies des enfants Gallas, fjni etaient com-
pares aux Kirim.
(s) Nalle m'appelait aussi loiii/f, car le mot ipii signiHe btunc n'est
applique en Ftliiopie qu'a cenx qui sont decoloie's j)ar la lepre
blanche.
( 350 )
taclie dc grancles cloches aux vaches; on aclitile aiix
Gala dii zinc, dc I'dtain et de I'argent. »
Plusieurs autres details que je sujiprimc montrent
que les Mekan sont plus riches et plus industrieux que
les habitants du Raffa, avee lesquels ils sont d'ailleui's
toujours en guerre.
Selon Kasim , interpr^te du roi d'Inarya, ales
Gala ont un roi, sont musulmans, et trafiqucnt avcc
los Suro (Mekan), qui sont chretiens. II y a, dit-on ,
dix journdes de route de Curcurra au pays des Gala. »
Celle distance fut conlirmee par le messager de Gobo.
Dans mon esquisse publi^e en 18/|9 (voye/. Bulletin^
j8Zi9, t. XII), j'ai place les Ising et les Mokan dans
la fourclie formee par deux grandes rivieres : c'cst la
position assignee aujourd'hui aux Blidos, qui cux aussi
ont des relations commerciales avec un peuple au teint
blanc et portant barbe. Quand on connaitra le noni
que se donnent les Blidos , on saura posilivenient s'il
faut les identifier avec la nation dite Ising par les
Suro, Kaba par les Kafacco, et Gaba par les Se, ou
Gimira. On saura aussi si les Mekcdos cites par
M. RoUet sont differcnts des Mekan : ce dernier noni
est celui que se donnent les Suro.
L'esquisse qui accompagne cetle notice est trac(^e
principalement d'apres le rccit de M. RoUet, qui a fail,
avec M. Lalargue, deux voyages sur le haut lleuve Blanc.
L'embouchure do I'afiluentde rive gauche, aupres des
Blitlo, est indiqu(i par M. RoUel conuBe 6lant par en-
viron 3° de latitude el 58° de longitude comptee de I'ile
de l''er, ou 37° 30' a Test du meridien de Paris, ce qui
donnerait au haut fleuve Blanc une etenduc conside-
( 351 )
rable, meme si I'on adoptail les longitudes plus orien-
tales cle M. d'Arnaud.
L'absence de details ne permet pas de suivre M.RoUet
dans Ic calcul de sa longitude; on est done reduit aux
suppositions : voici celles que j'ai faites :
M. d'Arnaud place rile Jeanlier par 29° lo' E. de Paris.
Ajoulant aS joiirnees a 20 niilles par jour,
on aura 8 20
Ce qui (lonne pour longitude du confluent
desP.lldos 37" 3o' E. de Paris.
Mais on ne saurait prendre plus de 16 milles comnie
valeur d'une journee moycnne de route en Afrique.
On aura ainsi /iOO milles; et si Ton soustrait 17i, ou
100 milles pour les sinuosit^s de la route, il restera
soulemcnt 5 degres dc longitude environ , ce qui
mellrait tout au plus le confluent ])ar 34" 10' de lon-
gitude orientale, comptee du meridien de Paris. S'il v
a de I'exageration dans cetle eslime, elle ne sera pas
du moins trop falljle, car le pays est accidente, il y a
de nombreux canaux a traverser a la nage, le detail
des lieiix de couchee n'est pas donne, ct enfin, dans un
pays voisin , celui des Mekan, Nalle m'a dit expressd-
menl que les journees de route sont moins longues de
moiti6 que celles des hauls plateaux, ou un sol com-
parativement uni et rafraichi par des vents permet au
voyageur de faire des Iraites beaucoup plus longues.
Je n'ai pas tract^ les embouchures des deux rivieres,
qui se joindraient au courant principal entre (5 et 7"
de latitude et pres du 29= meridien. En efTet, lour pre-
sence s'accorde mal avec I'aflluent innomm6 de M. La-
largue, sur lecjuel on a navigutS (>t qu'il a etc par con-
( 352 )
sequfinl impossible d'omeltro. D'aillours, I'cxplication
(le M. Rollet n'ela>nl pas assez precise , on pourrait, a
la rigucur, supposer que ces deux Iributaires sent dans
les environs dc Walanio el fort loin des Bor ct Tliului.
Mais alors, en supposant que le confluent des Blidos est
bien plac6, il faudrail admcllre que le fleuve coule pa-
rall^lement a I'Lma, ct par consequent a Test du lac
Abbala. Or, je n'ai jamais oui parler d'un grand cours
d'eau do ce cole-ia. Pour laisscr toule latitude aux
syslemes , je transcris ici textucllement le passage de
M. Rollet, qui cite a son tour iinc lettre du rt^vercnd
p^re Angelo Vinco, dalee dc Bcllcnia, 11 avril 1851 :
« La m(^me Icttrc de dom Angelo vous fera con-
nailre que nous avons iiout^ des relations coni-
merciales avec los nouvellcs tribus, cellos des Berrs,
des Lok6s, des Mekedos et des Ouguars, qui ne s'elaient
jamais monlrees aux pr»^cedenles expeditions. Lestrois
premieres se trouvent depuis trois journ^es jusqu'a
huit a Test de Bellonia. La derni^re , qui est lr6s-con-
sidiirable, habile les bords du fleuve, au sud de Lokaia.
Ensuite viennenl les Paloudjs, pres des calaracles si-
tuecs a huit jours sud de I'ile Djanfere. Au dcla de ces
calaracles, le Nil fail d'abord un coude au sud-est;
j)uis, arriv6 entre le 3" et le 2° 30' do latitude nord, il
retourne directenient a I'est-nord-cst, vers les monla-
gnes des Gallas ct du royaumc d'Adel, d'ou viennent
deux rivieres, probablement connues, qui se mSlent a
lui cnlre le 7° et le 6* degre de latitude nord. II fait ainsi
une presqu'ile de la forme d'un fer-a-cheval, large de
vingl-cinq journ^es de marche, sous la latitude des
Berrs, soil de 150 lieues environ. »
L'esquisse ci-jointe monUc combien le trac^ du
(B53)
tleiive Blanc do rlom Knoblecher s'eloigne do celui do
M. d'Arnaud. Ln sotde pcrsonne qui ait examine Ics oh-
sorvotlons astronomiques de ce dernier m'a dit qu'un
calcul rigourcux mcUrail ses positions un pen plus a
Test qu'ellcs ne le sont dans la carte. Ceci aiigmente-
rait encore la discordance entre les deux voyageurs. II
est plus que jamais desirable de publier leurs obser-
vations originalcs; et si leurs calculs sont exacis, le
monde savant ne sera content que lorsqu'un voyageur
aura mis fin a lous nos doules, en faisant une obser-
vation precise de longitude; par exemple, en deter-
minant, a Bellenla on dans les environs, lo moment
exact d'une occultalion d'etoile par la lune. Les explo-
rateurs a venir auront aussi a preciser I'origine de
I'affluent oi-iental de M. Lafargue, et a s'enquerlr si Ic
Din est un tribulaire independant du fleuve, ou sira-
plemenl une de ses branches anastomosdes.
Antoine d'Abbadie.
SUR LES NtGRES YAMBO.
Les Gallas connaissent sous le nom de Yambo une
tribu negre qui leur est contigue, qii'ils distinguent
des negres Kamo, Aguli, Bonga et Masango, et qui
est, comme ceux-ci, etablie a I'ouest des plateaux ha-
biles par les Gallas. D'apres I'assertioti d'un Yambo
qui m'apprit que, dans sa langue, on ne I'appelail
pas Yambo, mais bien Bor, et aussi par suite d'autres
raisons exposccs ailleurs (voyez Bulletin, 18Zi9, t. XH,
p. 156), j'avais cru pouvoir identifier les Yambo avec
les Heliabs, Bhorr, Tluilui et Dinka, (ft\\, selon M. d'Ar-
ni. AVRii.. /i. 2/|
( 35/| )
naud, pailonl loiis la meme langue. (.lommej'al rc-
cueilli un ticlianlillon de la iangiic des Yambo, j'ai
voulu la comparer avec ccUe des Dinka , pcuir 6laver
nies conclusions d'une prcuve de plus, U. Joiuard a
Lien voulu deferer a ma prifere , en demandant a
M. d'Arnaud les echantillons des trois langues qui sui-
vent. En les Iranscrivant, je mels en regard les niois
correspondants de la langue des Yambo :
finn^ais. beiT. dinkn. chilouk. \anibo. autre ilialpcte >
nu gaelok . . . touk akie arhcio, . . ncliem
dcuj mari-k . . . law ariavv ario . . , . alio
liois michala . . Uiak adak ad^go . , . ailago
qualre nioiiwan . . wan angnnou. . . . angjiio. . . aiigupiiu
ciiKj tiumkaiuit. . dicke . . . . aliilerhe, , . , aliiyo,. . ,
six lniu(|iiel . . ditem. . . . abirkiel . . . . aliikalo . . oliisalii
se|>t lioiiiio . . . Jeraw. . . . abiziaw . . . . ubiiio . . . al)iiio
huil gudik. . . . douhel . . . abidak aliiddago. . abidago
nciif beau. . . . ilawan. . . . abigunou . . . abingauii. . abingnano
liix I"ik le:"' apieraw. . . . afar. . . . apar
oiue pukgiiclok. tea aniok . . apiero oia kiel. apar kiisi.,!,.
douze ouiaw. . . . ap;ii kuiiu
treize lea diak. . . ap.,,. k,„|..,g,,
langue nindep . . . licp Icse leb
lail lail tihid kiac cak ....
nei haumei. . . houm . . . . ouun urn ammo
b.iiijoiir timelau. . . badamloiii . niopol . . .
bonne nuit . . . Jolo .... logloche. . . ouardoki. . . . loia nii-nii
elcphaiil tome. . , . aeon loohk llec ....
dent d rlci'lianl. kolelatami. toumglacon. lukliek (denl, lielo kulu
Dans les ecbantillons Berr, Dinka et Chilouk, j'ai
suivi rortliograpbe de M. d'Arnaud. Dans los mots
Yanibo qui m'onl eti fournis a de longs intorvallos
par deux personnes diff^rentes , la lettrc c. indique le
son corresjiondanl a noire tch; c est le mdme son avec
un claquemcnt. Le premier Yambo qui m'a renseigne
employait un son qui m'etail nouveau ct qui partici-
pail si bien aux sons de qualre lellrcs diCfcSrcntos, que
j'ai Iraduit le mot fran^ais rnat'n par ceno, seno, keno
et tetio.
I/acccnl lonlque est forlemcnl accuse par lesYambo:
lour Innguo Ik-i^ ;"i relic dos (lliilouk, mais avec di-s
( 355 )
difl'^rences nssoz fortes pour qu'on n'ose ridentilier j
car les innls qui exprlment dix et onze ne coincidenl
pas asscz pour un nieme idiomc. Le mot leb ou lieb res-
seinble au Uep (linka. La deuxieinc qiiinte est forniee
de la premiere, plus un aflixe, systeme qui indique la
numeration par cinq, et que je regarde comine I'un
des caract^res de ces langues que j'ai nommees kami-
tiques.
D'apr^s les rants Barri et Dinka , ces deux langues
pavaissent dislinctcs de 35 idiomes ^Ihiopiens. dont
j'ai recucilli des echantillons.
En rapprocliant la langue du Yambo ou Jambo de
celle des Cliiluk, je n'ai nullement la pensee d'identi-
fier ces deux peuples, et cela par les raisons suivanles :
1° Haro, messager de Walaga , qui me rcnseignait
dans Inarya, faisait ainsi I'enumeralion des negres
qu'il connaissait comme parlant des langues difTe-
rentes : Chiluk, Komo , Yambo , Aguto, Masongo,
Gabatu , Bonga, Donga; il faisait done une distinciion
enlre les Cbiluk et Yambo.
2° Les Yambo se battent avec leurs voisins Gallas
de Sayo ; or, on sait que les Chiluk nc s'^tendcnl pas
a Test de I'lle Donab, ou la rive droite du fleuve Blanc
est occupee par les Dinka.
3° Les ressemblances entre les echantillons ci-dessus
des langues Chiluk et Yambo ne sont pas assez
grandes pour qu'on doive en conclure I'identite de ces
deux langues.
Quant a I'ile Lakku , situee dans le fleuve nouimc
Bago par les Gallas, fleuve qui recoit, selon cux, le
Gojab el le Baro, ccttG lie ne saurait nullement oire
dans le cours il'eau qu'on regarde g^ntiralement
( 35(5 )
coninie le flonvo Blanc , si I'on ailopto lo lrac6 Ac ce
fleuve d'opr^s les lalitiides dc dom Kuohlochor. Dans
cc dernier cas, il faudra , pour (^taljlir I'ilo Lakku , ad-
moltre I'existence d'un errand afllLiont oriental qui
couleraif, en parlic dii nioins, cnlre les 30° cl 31* d(^-
gr6s de longitude est dc Paris.
Antoine d'Abbadie.
( '^07 )
lleiuoires,
Moticc^, Dociiiuciilis oi*ig;lnaiix, etc.
NOTES SUR UN VOYAGE
DA^S
L'INTERIEUR DE L'AFRIQUE.
PAR M. HECQUARD,
Officier de spaliis.
Depuis longlemps, les Europeens ont cherche avec
ardeur a soulever le voile qui couvre encore la myst(^-
rieuse Afrique. L'amour de rhumanite, le desir d'aug-
nienter nos connaissances g^ogra])hiques, I'espoir de
faire jouir des populations encore barbares des bien-
faits de la civilisation , le besoin d'augmenter les res-
sources de noire industrie, concoururent a aliinenter
cet esprit de decouverte.
Penetr6 de ces idees nobles et genereuses, et aspi-
rant a donner un nouvel essor au commerce du S(^-
ndgal, le gouvernemcnt francais fit plusieurs tentatives
pour ouvrir une route enlre Saint-Louis, Segou et les
nombreux centres de populations places sur les bords
du Niger. G'cst dans ce but que partit M. Anne Raf-
fenel; I'insucces de son voyage, qui doit etre attribue
aux difiicultes insurmontables qu'il rencontra chezles
Bambaras du Kaarta, ne devait pas discourager le gou
ternenient, ni les amis do la science et du piogies.
^i) ConimuiiHjU!,' a I'assemblee generale ilu 2 aviil i852,
( 358 )
M. Aiigusle Bouet, lieulenanl tie vaisseiiu , lit, on
18ii9, I'cxploration de la riviere dc Graiul-Bassam ; ic
basanl sur les renseignemenls que lui avnient donnes
les Banibaras , qui viennent de Tinl^ricur conimerccr
dans ce pays, eel officier pensa ct ecrivit que la riviere
d'Akba semblait etre un aflluenl ou, pour mieux dire,
un des noinbreux d^versoirs du Niger. Cette lij polbesc
])arul digne d'etre verifiee. Quel avenir, en elFet, pour
notre coniploir de Grand-Bassani si Ton parvenait a
oonduire par celte riviere nos marcbandises sur les
ricbes et populeux marcbes de Segou, Djcnne, etc.!
Je fus done cbarge par le gouverneur, M. Baudin,
et par le commandant, M. Bouet-Willaumoz, de cher-
cbcr la route, soupgonn^e plulot qu'indiquec, par
M. Augusle Bouet. En meme temjjs, une partie des
instructions faites pour M. RalFenel par la Societe de
geograpbic me fut remise ; elles me prescrivaient de
ni'assurer de I'existence des montagnes Kong, portees
sur toules les cartes, et de tracer I'ilinerairc que sui-
vcnt les colporteurs qui viennent de I'Afrique inte-
rieure commercer avec les elablissemcnts du bas de
la cote.
M. le commandant Bouei-Willaumez me conduisil
a Grand-Bassam , oil nous arrivcimes le 20 novembre
1850, et il traita aussitot avec des guides Bambaras,
(jui s'engagerent, moyennant une somme do 7 500 IV.
payable a leur relour, et une autre de 2 500 iV. |)our
les frais du voyage, a me conduire a Segou par la route
indlqu^c plus baut. lis avaiont promis de partir sans
retard; mais, lorsque M. Bouet se fut eloigne , ils me
reuiirent de jour en jour, tnc faisant voyager avec eux
dans les villag<'8 qui bordenl les rivierea d'Ebri^ el de
( 359 )
Balo, tanlol tons le [)relexle de rccouvitn- tic I'dr (|ul
leur elait du, lanlol soiiscelui d'y clierchci" dt\s caplifs
leur appaiienant, ct sans Icsquols ils ne pouvaient
partir.
Ce ne fut qu'au milieu de levrier. qu'a l)out d'ex[)6-
dients et dans la crainte d'un cliatiraent s'ils uion-
Iraient leiu' inauvaise volonte , ils se d^ciderent a se
mettre en route. Le 20 du meme mois, nous nous em-
harquames a bord de la goelette le Marigot, qui nous
conduisit jusqu'a un barrage situ6 a trois lieues d'Akba,
infranchissaljle en cette saison. Le chef de ce village
nous fit un excellent accueil, et oflTrit de nous prater
des pirogues pour remonter jusqu'a la plus pro-
chaine station. -I'acceptai, et je me disposals a partir
aussitot; mais mes guides pretexterent des affaires,
et il fallut sejourner. Je profitai de ce nouveau retard
pour aller visiter Yacasse, grand \illage sltue a six
lieues environ du point oil nous nous Irouvions.
A mon relour, je nc retrouvai plus mes guides; ils
avaient disparu , et je restai seul avec mon noir el un
vieillard de leur nation , qu'ils avaient laisse pour
m'avertir, ct qui me dticlara qu'ils avaient renonce a
me conduire, ne voulant pas s'exposer aiix represailles
des blancs, dans le cas oil je viendrais a succomber aux
latigues du voyage.
Alterre, mais non decourage, j'employai aupres di-
ce vieillard tous les moyens en mon pouvoir pour I'en-
gager a faire ce voyage seul avec mui. Menaces, pre-
sents, promesses, lout fut inutile; le roi d'Akba lui-
infime, que j'avais Irouve si bien dispose pour moi.
avail change d'avis, et exigeait une permission d'Auia-
lifon, roi d'Alaihi. Voyanl tous mes efforts sans effel.
( m) )
jc fus done coiilraini, Ic diisespoir dans ranie, a ruvcnlr
en j)irogucs a Grand-Bassam, avec Jacques, mon fidelo
con)pagnon, De Ja je regagnai SaiiU-Louis, oii 11 ful
decide par MM. Baiidln et Bouet-A\ illauincz que je
contlnuerais nion exploration, en prenanl pour point
de depart noire poste deSedliioii, d'ou jc devais gagncr
le Foula-Dialon, y voir I'almami, et obtonir de lui le
passage pour me rendre a S^gou.
Le 1" juln 1850, le cutler r Ecureuil m\i a la voile;
le lendemain a deux heures de I'apres-mldl, 11 lalssalt
touiberl'ancre devanlSainle-MarleBalliurst (Gamble),
oil j'avals a prendre du gros corall. J'y fus accuellli,
par M. le gouverneur anglais Macdonel, de la maniere
la plus gracleuse.
Le 5, je qulltal Salnte-Marie, et, apres une naviga-
tion de qiiarante heures, nous moulllaines devanl Ca-
rabane, petit comptolr francais, oil nous avons un r6-
sidcnl. Nous y reslames un instant, et, le S juln a
inlnuit, nous avions attelnt le poste de Sedhlou.
Je debarqual le lendemain, et m'occupal aussilot
d'organiser mon voyage. Avant de parlir de Saint-
Louis, j'avais passe un marche avec un peulh de Mus-
sina, qui devalt me condulre a Segou, et qui disait con-
nallre lous les chel's des contrees que nous devious
traverser. A peine arrive a Sedhlou, je reconnus que
cet homme, appele Amadou, nous avalt tiompes, et
je dus chcrclier un autre guide.
Tous mes preparatifs termines, jc qiilllai Sedhlou
le 13 juln : quolque conlrarie par une lornadc, j'ar-
rlvai a Diannah le lendemain a dix heures du matin.
A peine debarque, bravant les rayons biillants d'un
soleil d'hivernage, je mc rendis chez Ic chvf d.; ce vil-
lyge , qui prend Ic tide d'almanii. D'apr6s ce qui
m'avait et6 dit a Sedhiou , je devais Irouver chez lui
aide et protection, el, grace a son influence, traverser
sans danger le Cabou. Un long palabre, dans lequel
lout le monde parla sans ordre, me fit voir que je ne
devais pas avoir une foi trop vive dans les promesses
qu'il me fit, apres avoir regu le cadeau que je lui ap-
portais, et je pris le parli d'aller voir un chef voisin ,
appele Bakary-Koye, peulli du Fouta-Dialon, qui ^tait
venu fonder un village sur le territoire du Brasson.
Le 16 juin, a sept heures du matin, je me dirigeai
done sur Kolibentan , eloigne environ de deux lieues
de Diannah. J'y arrival a neuf heures quaranle-cinq
minutes. Silue dans une clairiere , ce village a une
double enceinte de palissades et un fosse d'un metre
et deuii de large : il est consider^ dans le pays comme
imprenable. Bakary-Koye, averti de mon arriv^e, vint
au devant de moi, et me promit qu'aussitot qu'il se
serait entendu avec le chef de Diannah, il m'aiderait
autant qu'il serait en son pouvoir.
Le 19, nous eumes un grand palabre avec I'almami
de Diannah, dans lequel il fut convenu que chacun
des deux chefs me fournirait un guide, et que nous
partirions deux jours apres.
J'elais plein d'allegresse; mon voyage s'annon^ait
sous les plus heureux auspices. Un moment suflit pour
lout remettre en question : la veille du depart arriva
un homme du Fouta-Dialon nous annon^ant que la
guerre existait dans le Cabou, ou il avait ele pille el
devalise. Les craintes de Bakary-Koye s'eveillerent ;
en me communiquanl cetle nouvelle, il me ddclaia
qu'il ue pouvait plus me faire parlir, sans ra'exposer
( ^m )
a 6tt'c assassiiie, ainsi que los guiclos qu'il iiie domic-
rail; (lu'il n'y avail qu'un inojcn : c'olail d'eiivojer
(leinaudcr a rahnami du Foula-Dialon uiic escorle
assez lorto j)our me |n"ot6ger. J'iiisistai vainemcnt; il
fut inebraulablo, et je fus ainsi I'orct! de depecher un
envoye a Timbo, que je ne croyais pas 6trc aussi
eloigne.
Laissant Jacques a Koiibenlaii, jo fi-aucbis a pied la
distance qui separe ce villa.e du poslc francais, et,
piofilant du sejour force que j'y lis, je visilai lo bas du
flfcuve, unc paitie de la riviere Saint-Gr^goirc, el elu-
diai avec le plus grand soin les mceurs et I'organisation
politique dos nombreuses peuplades qui bordcnt ce
fleuve. Dans un travail plus 6tendu, j'aurai I'honncur
de vous coniniuniquer les observations que j''ai lailes,
les nombreux renseigncments qui ni'onl ete donnes
par les Europeens liabitanl le pays, parmi lesquels je
dois citer MM. Bocande et Jules Kapcl.
Le 25 juillel, ayant i'intenlion de remonler la Caza-
luance jusqu'au point oii elle cesso d'etre navigalile,
je in'embarquai sur la clialoupe du poste. Arrive a Ko-
libentan , j'y passai quelques jours , pendant lesquels
je fus temoin d'un pillage, el assislai, sans pouvoir
rerapecber, a la mutilation de deux prisonniers de
guerre, auxquels on coupa les orellles et les poignels,
et qu'on renvoya a leur village apres leur avoir altacho
au cou ces troncons sanglants.
Les eaux elant encore trop basses, je lus oblige de
m'arrfeter a dix milles au-dessus de Kolibenlan; niais
j'y recueillis des renseigncments precis sur les villages
qui bordent cette riviere, sur son cours, el I'endroil on
elle prend sa source. En revenanl, nnus I'Omes assaillis
[ 303 )
|Kii' line violenle lornade, qui fit cliaviror la cluiloupo.
Lc lleiive (itant Ir^s-large en cet endroit, j'eus beaucoup
de peine a gagner la rive a la nage. Ayanleu, pendant
le tiajet, le nialheur do perdre mon jianlalon et aies
soldiers, que j'avais attaches sui^ma tele, je dus gagner,
en chemise et pieds nus, par una pluie baltante, eu
traversant d'iminenses rizi^res couvertes d'eau, Maaia-
konno, eloigne de trois lieues de la, ou je trouvai un
chalan au moyen duquel nous pumes relever la cha-
loupe; el, le 13 aout , j'arrivai a Sedhiou , en proie a
une fi^vre violenle.
Ma sanle s'f^lanl anielioree , ne voyanl pas revenir
riiomme que j'avais envoy^ a Talnianii du Foula-
Dialon , je me decidai a modifier mon itineraire. Deux
chcmins s'offraient : par I'un , en traversant la Sene-
ganibie porlugaise, je pouvais me rendre a Geba , et
prendre la route suivie j)ar MoUien ; par I'autre, en
gagnant Falalenda, comploir anglais sur la Gamble, je
devais renconlrer quelques caravanes operant leur re-
tour dans le Fouta-Dialon. La premiere etail la plus
courte, mais la moins interessanle; par la seconde,
j'evitais, en le tournant, le theatre de la guerre, et
je pouvais \isiter I'espace compris enlre la Gamble
el le Rio-Grande, qui n'avait jamais ele parcouru
par les Europeens. Je me delerminai pour ce dernier
parli.
Je comptais partir le 8 seplembre ; les pluies lorren-
ticlles qui tomberent sans inlerru|)lion me relinrent
jusqu'au 16.
Abandonne une fois encore par mon guide, pour le
remplacer, je pris I'ancien alcali dii ])()ste, hornme du
Fouta-Toro, qui me fit les plus belles promesses, ainsi
( 304 )
que lous ceux (juo j'avais eu3; il ne les tint pas, el
m'abandonnu dans le Diagara.
Tout en voulant faire ces notes le plus completes
possible, il ni'est impossible de raconter jour par jour
mes marcbes dans I'interieur : ce sera I'objet d'uu
ouvragc que jc prepare. Je rappellerai seulemenl les
circonslances les plus importantes de mon voyage.
Le pays qui separe Sedblou de la Gamble est unc
vaste plaine couverle, tanlot de for6ts impenetrables
ou a peu pres, tanlot de vasles raarais dans lesquels les
habitants plantenl du riz; au milieu s'filevcnt quelques
collines de basalle courant dans le sens de ces deux
rivieres.
Le 18 septembre , j'arrivai a Diembali, village situ6
a un niillc environ de la I'ivierc Saint-Gregoiro, que
nousdcvions traverser; la pirogue nc s'y trouvantpas,
je me di^cidai a altendre au lendemain , et profilai de
cc con Ire-temps pour examiner le cours de cetle ri-
viere. Marchant a I'est-sud-est, j'arrivai a sept heurcs
el demic du soir a Taba , dernier village , situe sur les
bords de ce cours d'eau , qui n'a la que U metres de
largeur; son fond y est encore de 2 metres au milieu
du lit. Je d(^sirais remonter jusqu'a sa source ; j'en I'us
emp6ch(i par les naturels, qui me dirent qu'il serait
impossible de le faire a ce momenl de I'annee, les
cbemins elant couverls d'eau. Les rcnscigncmcuts
qu'ils me donnercnl furent du resle les memcs que
ecus que j'avais recueillis. Le Saint-Grcgoire prend ,
d'apres eux, sa source dans un grand marais presque
a sec pendant I'etc, a une journee de pirogue, c'csl-
a-dire environ six lieues est de Taba.
Le lendemain, a six heures, j'etais dc retour a Diem-
( 3G5 )
ball, d'ou jc parlis anssitot pour traverser la riviere,
qui, dans la saison sfeche, a environ 25 a 30 mfetres de
largeur et 3 de profondeur. Le 21 septembre, a une
heure de I'aprfes-niidi , nous fimes balle sur I'empla-
cement de Cabada, village bru!6 par les Yolas. Pres de
la Ton me monlra le marigot de Bintam, qui n'est plus
qu'un ruisseau, tellement a sec pendant les clialeurs,
que les habitants de Cabada elaient obliges d'y creuser
des puits : ce ruisseau coulait la de I'ouest a Test.
Ainsi se confirmait ce qu'avait suppose et ^crit avant
moi M. Bocande dans un memoire qu'il eut I'honneur
de remetlre a votre savante Societe, que le marigot de
Bintam et la riviere Soncodou (Saint-Gr^goire) ^taient
deux cours d'eau bien distincts , et ne formaient pas,
comme I'indiquenl toutes los cartes anciennes, un pas-
sage entre la Gambie et la Cazamance. Se basant sur
ce que I'embouchure du marigot de Bintam se trouve
presque vis-a-vis de celle de la riviere Saint-Gregoire,
sur ce que le courant de lous deux va du nord au sud,
les anciens geograpbes durenl penser que ces deux
cours d'eau n'en formaient qu'un. Je crois cependant
qu'ils ont ete induils en erreur, car il r^sulte pour moi
la certitude que ces cours d'eau sont bien distincts et
qu'ils coui'ent parallelement ; et pour que Brue ait fait
par eau le trajet entre la Cazamance et la Gambie
( ainsi que I'ecrit le p6re Labat ) , il fallait qu'il existat
alors quelques marigots joignant entre eux ces deux
cours d'eau, marigots qui, d'apr^s les rapports des
naturels et des pecheurs qui fiequentent la riviere
Saint-Gregoiro , n'existenl plus aujourd'luii.
Le 22, j'arrivai a Souboundou -Diagara , village de
peulbs pastcurs , sitae a /j ou 5 lieuos de la Gambi<>,
( -m )
el linbilc' |iar ilfs peiilhs dii Ditiiar. Si pri^s do nolro
coiiiptoir d'Albr^da, jo me dt'cidai a y descondro,
pour iJie procurer quplques provisions et des mar-
chandises pour faire des cadcaux aux chefs. J'clais
de retour le 17 octobre. Apr^s unc visite au roi, a qui
jo donnai un fusil a deux coups, jo mc mis en route
le 19, et , par des chemins couverts d'oau , dans les-
quels j'enfoncais quolqucfois jusqu'aux genoux , je
gagnai Domasansan , ou M. Thomas Lafeuillee , trai-
tant anglais, ne a Goroe, mil a ma disposition une
ombarcation qui me conduisit jusqu'a Nyaniga, village
situe sur lo marigot dc ce nom, d'oii jo gagnai par
terre Dhiendhienbonre, petit village de trailants man-
dingues, oti j'arrivai le 29 a trois b.eures et deraie. Ce
village est silu6 vis-a vis I'ile Makarty. Le commandant
anglais, M. Eaton, ayant appris mon arrivee, m'en-
voya une embarcation , et m'invita a venir loger au
fori, oil je trouvai le plus doux accueil ; les soins du
docteur Thompson m'y gu^riront d'une fievre qui de-
puis Domasansan ne me laissait aucun repos. Tous les
negociants anglais furcnt tres-bienvcillants pour moi;
et, le 12, quoique faible encore, je m'enibarquai sur
un cotre apparlenont a M. Richard Loyd, qui me trans-
])orta jusqu'a Fatalcnda, ou Ic naviro mouillait, le 23,
a huit heures du matin, apr6s douze jours d'une pe-
nible navigation. J'en partis le 2 decembre, acconi-
pagne par un traitanl mandinguc appele Carum-Dabo,
qui me conduisit jusqu'a Mam'', ou nous arriscunos a
trois heures et domic, la, cet hommo me recommanda
a un de ses amis seur6, chef de Serrugia, qui me donna
un guide pour m'accoinpagner jusqu'a Timbo.
Lell decembre, nous Iraversames, h huit houros de
( 367 )
marcho do I'lMidroit ou elle prond sa source, la rivi^iH'
Ba-Geba (riviero do Geha), dont les rives sont oxcessi-
vcment escarp(^es et Ic lit encombre d'arbres qui em-
p^cbent d'y naviguer; elle court de Test a I'ouest, et
separe le Rangai du Pourada. Nous fumes ce jour-la
arreles par un individu a qui je dus faire un cadeau
assez considerable ])our obtenir le passage.
Le 1/i d^cembre, j'^tais a Kank^t^fa , residence du
roi du Paquesi, apjiele Vlansa-Bakar [mansa, roi), qui
me recut tres-bien, et rne donna un bonime pour
ni'accompagner jusqu'au Piio-Grande, sur les bords
duquel nous etions le 17. Cette riviere, appel^e Roli
par les Peulhs, Ba-Kabou (riviere du Gabou) par
les Mandingues , coule a I'ouest, et a, a I'endroit ou
nous la joigninics, plus de 150 metres de large el
au moins 5 metres de profondeur au milieu du lit.
Gourant entre deux rives a pic d'une bauteur de
1 metre au moins, elle est tres-rapide; des arbres
magnifiques, parmi lesquels on remarque des benlan-
niers , des cailadrats et des taba , croissent sur ses
bords. En voyant ce grand fleuve, au moyen duquel
on pourrait si facilement exploiter I'iannense com-
merce du Foula-Dialon, du Gabou, et des nombreuses
peuplades mandingues qui babitent sur ses bords , je
regreltais vivement qu'un peuple actif ne vint pas le
sillonner et y introduire lout a la fois la civilisation el
et les produils europeens.
J'ai conserve au Koli le nom de Rio-Grande, que lui
a donne M. Mollien. Les dires des naturcls out ce-
pendanl jete a cet cgard des doutes dans mon esprit.
Les marchands mandingues m'onten elTel assure qu'cn
suivanl lo Koli, on ;ii'rivo a un r<)m|)loir povlugai'; qu'ils
( 368 )
appellenl Ba-Geha (/?«, riviere; Geha), du noni do la
riviere sur lequel il est silud. Si cette assertion elait
londdc, ce cours d'eau serait done un dcs afllnenls du
Rio-Geba. D'apres eux, il serait barr^, a deux jours de
pirogue (30 milles environ) de Kade, par des rochers
couverts dans la saison des pluies.
Le meme jour, a sept lieures et demie du soir, nous
arrivames a Kade, encombre par la suite d'un chef du
Fouta-Dialon : nous n'aurions pu y irouvcr de loge-
nient, si le chef lui-ni6me ne nous eiit fait preparer
une cave, d'ou il nous faisait sortir le lendemain soir,
pour nous devaliser de lout ce que nous posst^dions.
Apres ce pillage , j'obtins dc ce chef, qui plus tard
paya de sa tote cette trahison , I'aulorisation de con-
linuer ma route. Six jours apres , notis couchames
a Dombia, grand village tiapy, ou nous apprlmes
qu'Amadi-Ouri , frere de Leo-Boudou , qui vcnait dc
nous piller, 6tait a peu de distance avec une arni^e
allant dans le Cabou. Je Irenibhii alors de me voir
enlever le peu de marchandises qui me restait; mais
J'en fus quilte pour la peur, et ce chef, quo nous re-
joignimes a Kambala , petit village situe au pied des
montagnes de ce nom, me fit un excellent accueil et
ne voulut n)6mc pas , lorsqu'il sut que j'allais chez
I'ahnami, rcccvoir le petit cadeau que jc lui olTrais.
J'appris aupris de lui que le pretendant Ibrahini-
Seuris se Irouvait a Labbe, ou il rassemblail une arra^e
pour aller combatlrc son cousin I'almami Omar, et je
fus oblige de changer encore une fois de route, pour
ne pas tomber cntre ses mains.
Continuant dc marcher au sud-onest jusqu'a Dara,
quillant, le 1" Janvier, tout chemin baltu, je me jetai
( 369 )
dans les monlagnes du Bauves, pour aller chercher la
X'oule suivie par les caiavanes qui vonl de Kakandy
(Rio-Nunez) a Timbo; mais, au milieu d'un pays inha-
bite, nos provisions furent bienlot epuisees. Nous
eilmes alors a souflrir d'un mal plus terrible que tous
ceux que nous avions affronl^s jusqu'a ce jour : nous
fumes exposes a mourir de faim, ce qui serait arrive
si a de longs intervalles nous n'avions pas rencontre
quelques gardiens de troupeaux qui parlag^rent le peu
qu'ils avaient avec nous.
Nous pumes ainsi alleindre la route de Kakandy,
sur laquelle nous nous Irouvames le 6 Janvier. Nous
primes alors la direction est-nord-est, renconlrant a
chaque instant des caravanes qui se rendaient aux ela-
blissemenls europeens du Rio-Nunez et du Rio-Pango.
Ce meme jour, nous passames le Dolonqui, riviere
large de 50 a 60 metres et profonde de 1 metre au plus
dans celte saison. Ses rives sont taill^es a pic, dans una
roclie poreuse , apre au toucher, d'une couleur noi-
ratre. Dans les endroits ou le courant est rapide, ces
rochers, au milieu desquels la riviere s'est creuse un
lit, sont polls et excessivement glissants, ce qui rend
le passage Ires-difficile pour les hommes charges. C'esl
cetle riviere que Caillie, dans son Voyage, appelle Do-
lonqua, qu'il dit avoir passee plusieurs fois; le ruisseau
qu'il nomme Bengala est un des afflueiits de ce cours
d'eau, souvent confondu avec le Dolonqui, qui n'est
lui-meme que le Rio-Pungo : car Ics habitants donnent
indiQeremment au Dolonqui le nom de Bengala (du
nom du comptoir europ^eii silui sur le Rio-Pungo) et
celui de Caporo, du mol Rio-Pungo, qu'ils prononcent
mal.
III. Avnii.. 5. 25
( 370)
A parlir de ce polnl , nous suivinies a peu pix-s la
mfeme route que Caillit^, rencontranl tous les cours
d'eau qu'il a indiques. Le 10 Janvier, nous couchauies
a Bounia, ou ce voyageur avail sejourne; el le lendo-
main, 11 Janvier, nous arrivuaies sur le Lord du Ko-
koula, qui forme, a I'endroit ou nous le passames, dc
nombreuses cataractes et une chute d'eau d'un elfcl
tuagique, au-dossous de laquelle dut passer Cailiie,
qui niarcliait au sud-sud-est , alin d'evitcr Timbo ,
landis que nous I'aisions le sud. Gette chute d'eau s'ap-
pelle dans le pays Kanibadaga.
Le 12, nous arrivames a Broualtapu. Nous n'6tions
plus qu'a quelqucs jours de marche dc Tinibo, el je
comptais me reposer en ce lieu, ou la vegetation luxu-
rianle des orangers et des citronniers nous prometlail
des rarraichissenienls dont nous avions le plus grand
besoin ; inais un nouveau desappoinlement nous y
attendail. L'almami Ibrahim, cousin d'Oxnar, qui avait
suscil^ une guerre civile centre ce dernier, (ilait a une
journ6e de marche de Bi'oualtape, et s'avangait dans
I'interieur pour livrer bataille a son comp^titeur. Le
lendemain , il devail depasser le lieu oCi nous 6tions ,
el s'arreler a Kebale. Quelques-uns de ses hommes
de confiance, qui «ilaient dans le village a recruler
des partisans, I'averlirent du sejour que nous y fai-
sions; et, le lendemain, il envoyait a Broualtaj)6 un
de ses cousins, qu'il i'aisait accompagner de cent
hommes arm6s, avec ordre de m'amener morl ou vif.
En prc^sence de I'ordre que me communiqua I'cn-
voy^, et des dispositions des chefs de Broualtap^, qui
mouraient de peur de se compromeltre, toute hesita-
tion elail inutile. Je partis done Ic soir m6me, accoiii-
( 371 )
pagnti de mon guide pculli, laissant Jacques au lieu
que je quittais, avec mes bagages el un des porteurs,
qui avail la fi^vre depuis la veille.
Le lendemain, Jacques me rejoignail a Diouria, d'oii
nous parllines pour aller relrouver Ibrahim a Kebaie.
Je vis, ce jour-la, le pr^lendant pendant un instant;
le lendemain, il m'emmena avec lui a Foucoumba ,
ville ou Ton sacre les almamis el ou se liennent les
grandes assemblees politiques. Le 18, j'assislai au cou-
ronnement d'lbrahim, qui partit le lendemain pour
aller livrer bataille a I'almami Omar. Avanl son de-
part, il eut soin de me di^pouiller du peu qui me res-
lait, ne rae laissant que mes [)apiers, mon fusil a
piston donl il ne pouvait pas se sei vir, mon sabre, el
le fusil anglais de Jacques, mauvaise arme qu'il trouva
Irop lourde. II ne donna aucun ordrc pour que des
vivres nous fussenl fournis; de sorte que, n'ayantplus
rien pour en acbeler, il y avail trois jours que nous
n'avions mange, lorsque, heureusementpour nous, au
moment ou je sorlais de la mosqu^e, dans laquelle je
venais de faire la pri^re u la facon des musulmans, le
vieux tamsir s'etant aperc^u que la faim me tourmenlait
m'eminenu cbcz lui pour nianger, eloblintdescroyanls
de nous donner ce qui elait necessaire a noire subsis-
lance.
Le vendredi, 24 Janvier, I'almami Omar, apres un
combat de quelques heures , mil en fuite I'armee
d'lbrahim , qui, voyant la tournure que prenaient ses
affaires, envoya I'ordre u celui qui commandail en son
nom a Foucoumba de me raetlre a morl; il ne voulait
pas que je pussc communiquer a I'almami le message
du gouverneur. iMon hole, qui revenait de la bataille,
( 372 )
ot qui avail enlomlu donner eel oixlre, m'on aveilil.
Je passai une parlie de la nuil dans unc grande per-
plexity. Nous avions barricade la porle , nos armes
6taienl charg6es, et nous etions, Jacques el nioi, bien
decides a vendre cherement noire vie. Vers luinuit,
on vint nous appeler ct frapper u noire porle. Je pensai
que notre derniere heure elait venue. 11 n'en 6tait
rien; nous ellons, au conlraire, sauv6s : ceux qui
nous appelaient venaient nous annoncer qu'un parenl
de I'almanii Omar venait d'arriver, avec cinquante ca-
valiers qu'il envoyait pour nous prot^ger; ils nous
apprirent en nienie lem])S quo ralniami lui-meine
allail vcnir a Foucoumba pour y lenir une assemblee
de lous les chefs.
En effel, I'almami arriva le 5 levrier a onze heures
et deinie du niatln. Je sorlis pour aller a sa rencontre.
Aussitot qu'il m'apercut il mit pied a terre. J'en fis
aulant de mon c6l6. II s'approcha vivemcnt de raoi ,
m'aborda d'un air noble et empresse, et, apr^s m'avoir
serr6 la main, m'assura qu'il olait heureux de me voir,
qu'il savait lout ce que j'avais souffert, ct qu'il fcrait
tous ses eilorts pour me le faire oublier. II remonla
ensuite a clieval, me donnant un de ses hommes de
confiance pour m'accompagner, el ajoutant qu'il m'in-
diquerait plus tard I'heure a laquelle il pourrail me
recevoir.
J'avais retrouve, dans la suite de I'almami, Amadou-
Laminc, Ic peulh que j'avais envoys dc Kolibcntan. II
me dit que I'almami elait persuade que j'avais entre-
pris ce voyage pour kii personnellement; que cc pro-
c(ide avail flatti^ san amour-j)ropre d'une maniere ex-
traordinaire; que je ne devais pas le delromper, sous
( 373 )
peine tie me voir refuser la permission d'aller a Segoii,
J'entrai dans cet ordre d'idoes. J'avais ecrit au com-
mandant de Bakel de m'envoyer quelques marchan-
dises a Timbo et une lettre dans laquelle le gouverneur,
pr^textant des affaires subites, lui demaiiderait de me
faire conduire a Segou. Je me decidai a altendre.
Le soir, je suivis I'almami. II fiit excellent pour moi,
et me combla de prevenances de toute espece. J'etais
atteint d'une dyssenterie tresforte , et il vint, bravant
1 'etiquette qui lui defend d'aller chez les elrangers, me
visiter chaque jour dans ma case, et, pendant toute la
duree de ma maladie, il cnvoya trois fois par jour sa-
voir des nouvcUes de ma sanle.
Le h mars, ma sante s'elait amelioree. L'almami
m'engagea a I'accompagner a Timbo. J'acceptai, ct ,
le 9, nous entramcs dans sa capilale , ou il me donna
pour logcment une habitation charmante qu'occiipenl
les almamis lorsqu'ils viennent a Timbo, avant d'etre
sacres. Le 17 mars, les affaires pour lesquellos il avail
rassemlde les chefs etanl termin^es , nous partimos
pour une de ses maisons de campagne, appelee Sou-
coutouro. A six heures quaranle-cinq minutes du
matin, nous nous mimes en route. A onze heures,
nous etions sur les bords du Senegal , appele par les
peulhs Maio-Balcio, et Bafing par les Mandinguos (ces
deux mots signifient riviere noire). II est en cet endroit
large dc 100 metres environ; son lit est obslrue par
des rochcrs qui pcrmellcnt de le passer a gu6 dans la
saison sechc. Un pcu plus has, il est coupe en deux
par une petite ilc. Au-dessus , il est Ues-profond et
court ouest-nord-ouest dans un lit dont les bords sont
a pic. Le fond est un gros sable. Sur les roches se trou-
( :^7/i )
vent les nierncs huitres nacrees qu'on voit a Bakel (Se-
negal). Les caimans ot les hippopotanios y sont en
grande quantite. A deux lieues dc la, son coins est
nord-nord-est, et ilarroselepicd degrandesmontagnes
qui le dessinent au loin. A midi, nous dtions install(is
a Soucoulouro.
Le temps que je passai la fut le plus heureux de men
voyage. Au milieu de ces pays inconnus et que Ton
representc comme sauvages , j'(!!lais I'ohjet dos alton-
lions les plus delicates et d'un omprcsscment qui ne sc
dementit jamais. Chaque soir, I'almanii Omar me
mandait pres de lui ; nous nous cnlretenlons, dans de
longucs causeries, de la France, de sa puissance, et
surtoul de la mani^re dont les blancs font la guerre. Je
profilai dc ccs bonnes dispositions pour oblcnir de lui
la promessc qu'll emploierait tous ses elTorts pour fa-
voriscr notre commerce et diriger sur Bakcl ou Sedhiou
les caravanes qui traversent son pays.
J'attcndais toujours avec impatience riiomme que
j'avais demande a Bake! ; je parlai souvent a I'almami
de mon desir d'aller a Segou, et je finis par oblenir de
lui la promesse qu'il mc donnerait une oscorte pour
rae conduire sur le tcrriloire du roi de ce pays, avec
lequel il cnlrcticnt des relations amicales , si le gou-
verncur lui en teinoignail le desir.
L'almami lomba malade. Seul je fus admis a le voir,
nialgrc; I'usage qui interdil I'entrtio de sa case pendant
sau)aludic a lout ce qui I'enloure.excepte a ses fommes.
Je commenQais a desesperer dc voir arrivcr des nou-
velles. Voulant motlre le lemps a profit, j'allai visiter
les sources du Senegal. L'almami me donna un guide
el une escorto, et, le 2 avril, jc partis a cinq licujes tlu
( 375)
malln. A une heure de rapres-muli, iiouselions arrives
a DoLibel, ou nous passames la nuit chez le chef du
village. Le lendemain, apres avoir traverse Bouria,
nous arrivames, a dix heures quarante-cinq minutes
du matin, aPoredaka, village situe au pied d'une mon-
tagne. Le h, a six heures du matin, nous quitlames cc
lieu. Nous dirigeant au sud, nous Iraversames d'abord
une montagne; puis, apres en avoir gravi une secondo
du noin de Dabala, nous vhnes un petit bois excessi-
vement touffu, a I'extremite duquel etait une sorto de
bassin nalurel dont I'eau s'^coulait par un petit mis-
seau dans un second, puis dans un troisi^me situe un
peu plus has, d'ou elle sortait avec beaucoup de foi'co,
rencontrant presque aussitot des rochers granitiques
qu'elle franchit en formant cascade, puis s'ecoule au
sud-est : c'elait, me dit-on, la source du Senegal.
Je me disposais a retourner sur mcs pas, lorsqu'on
me demanda si, pendant que j'en etais pres, jo voulais
voir aussi la source du Tene. Surpris de cette propo-
sition, qui derangcait tout ce que j'avaislu, j'acccptai,
et Ton me fit tourner la montagne do Dalaba , le ter-
rain s'elevant sensiblement; sur le cote oppose a celiii
oil est situee la source du Senegal, on me montra un
ruisseau, large d'environ 2 mitres, jaillissant d'lin
rocher de granit, d'oii il coule a I'ouost. Je niani-
I'estal mon 6tonnement a inon guide; mais il m'as-
sura qu'il ne se h'ompail pas. D'apres cela , Mollicn
aurait ele induit en erreur, ce qui ne serait pas eton-
nant, d'abord parce que elant oblige de se caidier,
il ne put controler ce que lui dit le soul guide qu'il
avail, ensuite parce que le lieu cju'il d^signe comme la
source du Tone m'a etc indique a moi coninie cclle de
( •'^/<> )
la riviere Boie, qui se jeltc dons le Teiiti (Fal^ine), ct
il scrail possible que I'hommc qui I'indiqua a Mollion
se flit Irorape sans Ic vouloir. Je crois, du resle , que
plus lard je pourral Ic prouvcr, lorsque, ines mat6-
riaux arrives, je reconslruirai ie cours de la partie su-
pericurc de cette riviere.
Cetle excursion finie, nous rovinmes a Porc^daka, oii
nous couchames, ct, le lendemain , nous reprimcs la
route de Soucoulouro, que nous atteignlmes le 0 avril
a niidi. L'almami allait beaucoup mieux; Ic 9, il sortit
pour la premiere fois , ct , le 11, jc I'accompagnai a
Tsain , puis a Sembakoum et a Counlat. Pour faire ce
voyage, il me fit cadeau d'un Ires-joll cheval,
Le 7 mai, nous etions de rctour a Soucoutouro. Ne
voyanl pas arriver I'homme que j'attcndais de Bakel,
les pluies commencant a tombcr, je demandai a I'al-
niami la permission de parlir. 11 me pria de ne pas me
mettre en route avant que son cousin eiit fait sa sou-
mission , et (I'allcr pros de lui avcc son frere pour
m'assurcr s'il etait sincere dans les offrcs qu'il lui
faisail. J'acceplai cette mission, ct j'cus le bonhourde
lui annoncer qu'Ibraliun consentalt a renonccr aux
drolls qu'il croyait avoir, a la scule condition d'avoir
la vie sauve. Le 6 juln, jour de salam, nous nous i-en-
dlmes a la mosqucc de Tiinbo. La, en presence dcs
anclens ct des princlpaux chefs, Ibrahim, suivl des plus
influents d'entre ses partisans, renon^a a loiile preten-
tion au pouvoir, et jura sur le Coran fidclitc a l'almami
Omar.
Apr^s cette cer^monie, ralmanii s'occupa des pr^-
paralifs de mon depart , chnisit la route du Bondou,
comn)C clanl la plus siire, ct me donna deux de scs
( 377 )
parents pour m'accompagner et reniellre une leltre au
gouverneur. Nous partimes le 25 juin a sept heures et
demie. Mes adieux avec I'almami excil^rent respecli-
vement notre sensibilite ; il m'avait temoigne nne
affection que jc lui rendais bien. II me fit promettre
de revenir aupr^s de lui, me jura qu'il serait toujours
I'ami desFrancais, et que toute sa vie il protegei'ait
de tout son pouvoir leurs personnes et leur commerce.
A liuit heures et demie, nous traversames le Bafing en
pirogue : il y avail alors 5 pieds d'eau a I'endroit ou
nous I'avions passe a gue en avril. Nous primes la di-
rection ouest-nord-ouest. Nous cheminames sans in-
cident remarquable jusqu'au 3 juillet, jour ou nous
arrivames a Lab6, seconde ville du Foula-Dialon.
Obliges de rester la deux jours, pour donner le temps
au chef de nous prt^parer des provisions, j'en profitai
pour aller visiter Mouminla, montagne tres-elev^e qui
separe la province de Lab6 de celle de Timbi, dont la
cime, disait-on, etait couverte de neige. Je n'en trouvai
pas, peut-6lre a cause de la saison dans laquelle nous
^tions; mais je remarqnai qu'elle etait presque entie-
rement composee de pierres magnetiques d'une grandc
puissance, dont j'ai rapporte des echantillons. Nous
quittamos Labe le 6 juillet. Le 8 nous etlons a Toulou,
oil je fis arretor la caravane, pour aller voir les mon-
lagnes de Bade, dans lesquelles se trouvent la Gamble
et le Rio -Grande. Cos fleuves sont appelds par Ics
peulhs : le premier, Dinah , et le second , Coumba ,
dans son cours sup^rieur, et Maio-Koli (riviere de
Roll), dans sa partie interleure. Cette excursion ^tait
linle a deux heures, ct le lendeuiain nous nous re-
miines en route.
( 378 )
Le III juillet, nous couchAnies a Mali, oii Mollien se-
journa lors de son voyage : depuis Courhari, j'avais fait
a peu pi'^s la nifiaie route que lui ; je la perdis cepen-
dant de I'autre cot^ des montagnes du Tangut^, que je
dus passer par le meme cheinin qu'il avail pris. J'y
cherchai vaincnient la source donl il parle; je n'y vis
aucun cours d'oau. Je crois qu'il a dil elro induit en
erreur; car, d'apr^s ce voyageur, la riviere qui pren-
drail sa source dans les montagnes du Tangue se jel-
terait dans lo Rio-Grande, et serail connue sous le nom
de Coumba. Or, nous avons vu que ce nom est celui
qu'on donne au Rio -Grande dans sa partie supe-
rieure ; car, en nous montrant sa source, les natu-
rals nous dirent bien : Ore Coumba inato ; Maio-KoU
ac Coiinihn goto, c'est-a-dire la tele de la Coumba
est la; la riviere de Roli et la Coumba ne font qu'un.
A partir du Tangue , nous ne trouvames que Nadel
oil ait pass6 IMollien ; puis, dans le Bondou, Mara-
raacila.
De I'autro c6t6 du Tangue, nous rcneontrames les
populations decimees par la famine; les sauterellcs
avaient devor^ toutes les r^coltes , et les habitants no
pouvaient plus soutenir leur existence ([u'au moycn
d'herbes et de racines. A compter de ce jour, j'eus
horriblemont a souffrir dc la faiui ; plusieurs fois nous
restames deux jours sans manger. A ces privations
vinrent se joindre d'autrcs souflraiices. Mcs souliers
ne pouvant plus me rendrc aucun service, j'avais dil ,
depuis mon depart de Timbo, me servir des sandales
du pays. Peu habitue a ce genre de chaussure , mes
pieds furent bicntot en sang et tout meurtris; mais
I'espoir de rcvoir la France soutenail mon courage el
{ 379 )
me doiinajt des forces pour supporter loutes iiics dou-
Icurs sans mo plaindro,
Le lundi 28 juillet, oyant traverse lo Niocolo, nous
dilmes passer dans une pirogue la Garaljie, que nous
suivions depuis trois jours. Sur I'autre rive, laissant
Dentilia a Test el le Badon a I'ouest, nous nous trou^^
vames dans de grandes forfits inhabilees aujourd'liui ,
dans lesquellcs nous voyageames deux jours. Enfin, le
30 au soir, nous pumes attelndre Mamakonno, toujours
lourrnenles par la faim; car, depuis les bords de la
Gamble, notre nourriture n'avait consist^ qu'en quel-
ques racines ct fruits sauvages que nous rencontrions
ca ct la.
Mamakono est le liou de residence du perc de la
femme de ralmami qui voyageait avec nous. II est
riche par ses mines d'or et par I'ivoire, provenant des
nombreux elephants qu'on tue aux environs. Nous
comptions nous y refaire et y oublier les horribles
privations de la route. On nous avail dit que I'abon-
dance y regnait. Nous fumes cruellement desappoin-
tes : la disette avail envahi le village a la suite d'un
siege qu'il avail soutenu contre des gens de Bambouk,
et il restait, a ces malheurcux, a peine assez de grain
pour ensemenccr Icurs champs. Cependanl nous y re-
sumes un bon accueil. Le chef me hi cadeau de deux
bceufs que devora la caravane. Quanl a moi , grace a
la protection d'Ariadna, femme de I'almami , je pus
faire deux legers repas avec le grain qu'on nomme
Jogne dans le pays.
Nous parlimes de Mamakonno le 1" aoilt , n'ayant
pour toute provision qu'un jeune chevrcau destine a
servir pendant Irois jours a la nourriture de tout lo
( 380 )
monde, c'esl-a-dire d'une vinglaine d'houimes com-
posanlla caravane. Celto faible ressource ful absorbee
en un seul repas. Nous rcstamcs pendant ces Iro'is jours
sans manger el sans rien rencontrer. Ileureusement
que nous pumes enfin atleindre Maramacita. La, nos
souffrances ^taient finies, nous ^lions dans le Bondou,
ou r^gnail line abondance bien n^cessaire au rdlablls-
seraent de nos forces. Le lendemain, siki- de nc pas 6tre
inquiel^ dans un pays ou tous les chefs rae connais-
saient, je pris les devants avec mon fidele noir, et fis en
trois jours ce qui en demande ordinairenient six aux
noirs qui suivent celte route; et j'arrivai le 6 aotit a
buit licures du soir; le bon accueil que je re^us de
M. Welire, commandant du fort, et lo bonheur de re-
voir mes compatriolcs, me fircnl bienlot oubllcr mes
fatigues et mes souffrances. De la je me rendis a Bakel,
ou, grace a MM. Key, commandant, et Zeller, gerant
de la Compagnie, je pus reprendre les habits euro-
peens. Le 8 septembre, je m'embarquai sur le bateau
a vapeur dc I'Etal le Basilic, pour retourner a Saint-
Louis, oil j'arrivai dans la nuit du 10 au 11 du m^mo
mois.
Si mon voyage n'a pas eu des resultats aussi com-
plcts que je rcsp(^rais, s'il m'a ete impossible dc ga-
gncr Scgou el d'cxplorer le centre dc I'Afrique, ainsi
que j'en avais le fcrme dosir, permettcz-mol de croire
que mon cntreprise ne sera pas tout a fait infruc-
tueuse. 11 m'a etc donne de visiter quelques contr6es
inconnues ; j'ai st'-journ^ asscz longlemps duns le
Fouta-Dialon pour en otudicr hi geographic, ainsi que
les mceurs et I'organisation politique de ses habitants.
Avec les nombreux cchantillons mindralogiques et
( 381 )
g^ologiques que je rapporte , les liommes sp^claux
pourront, sinon reconstruiie , dii moins donner une
juste idee du sol de ces riches pays; j'ai enfin trac(§ la
route a une expedition nouvelJe, qui pourra aujour-
d'hui, je le crois du moins, arriver facilement a Segou
et mSme a Torabouctou, avec la protection de I'al-
mami, allie du roi de ce pays et parent d'Abdoulaye-
Schir, chef du Massina, maltre aujourd'hui de Tora-
bouctou.
Dans le croquis que je joins a cet expos^ sommaire
de mon voyage, on remarquera que, d'apr^s men
estime, les sources du Senegal se trouvent placees a
10" 16' nord et 13" 19' ouest, tandis que M. MoUien les
indique par 10" 6' nord et 13" 35' ouest. Nous diffe-
rons davanlage sur remplacement des sources de la
Gamble, qu'il met par 10" 36' nord et 14" 37' ouest,
tandis que je I'ai Irouve (toujours d'apres mon estime)
par 11° 2li' nord et 13° 36' ouest. A I'appul de ces ob-
servations , je joins une copie de mon ilineraire , qui
pourra servir a contrdler le trace que j'ai fait.
ROUTE D ALLER.
De Mandina marclie 9 inilles a TO. pourine rendie
iSalikene 10 N. E.
Sankouta 10 N. E.
Diembati i5 E. S. E., puis 3 a I'E.
Taba 00
Dumbati li N. IN.O.
Hiviure Saiiit-Gregoiie . . i N. N. O.
Kareiilaba Soukontlougou 1 N. JN. E.
Diannab 4 E. ; S. E.
BaVeiibab 4 N. E.
( 382 )
DelaSauJa marclie 8 inilles au N. E. p. me rendre
a Marigot (le Bintam .... a N. E.
5 N.O.
Seuo-Baildi 4^ N.O.
Souboundou-Diagara. . . g E.
Diapiiia 3 E. N. E.
Baylde oo
N'dianiga 6 E.
Ps'guuder 6 E.
Nianniaubeta i6^ E.^S.E.
Kassan 4 E.
Pallam fi S. E.
Kataba 3 S.^S.E.
• Diannah 3 S. 7S.E.
Makarty o
Fatatenda 3 S.
Coulari 4 S-
Sicecounda I 7 E.
Badari 7 S.
Marigot deBadari .... i^ S.
Mane 7 S.
Toubinto 2 S.
Serrugia 5 S. O.
Grand Foulacunda . ... 3 S. O.
Petit marigot 3 S. S. E.
Ore'kinguai 1 1 S. O.
Riviere Badienbah .... 2 S. E.
Manato 9 S. E.
Outoumba 8 S. E.
Ma'io-DVaoube ...... 4 S. E. j S.
Cob-Sale I E.
Mamacunda 5 S. E.
Kantefa 6 S.E.
Kambene -6 S. E.
Riviere du Mana 6 S. E.
Sare-Diaobe 2 S.E.
Kamb^re 7 ^'
Kag^necounda 8 S. S. E,
( 383 )
DeKoli inarche 6 inilles an S. pour merenilip
aKade 7 S.S. O.
Cours d'eau n E.
Kissara 8 S.
Kankody 3 S.
Paiiacon 3 S,
I'aiiacoudie 1 S.
3 E.
3 S.O.
Doinbia 7 S.O.
i\ S.E.
I S.iS.O.
KaniL.ila 4 S.jS.O.
Sareibe 4 S. E.
Kalaqui 4 E.
3 S.
6 S.E.iS.
Riviere Dara 2 S.E.
Daia 8 S.
8 S.O.
Tineton 3 S.O.
Tan^'uiiata 5 S.
Neterel-Toude 6 S.O.
Medina 5 S.
7 S.E.
3 S.
Toumane 4 S.O.
6 S.E.
2 N.
7 E.
5i S.E.
Bengalan 8 E. S. N.
12 E.N.E.
Dolonqui 6 N.E.
20 E.iS.E.
5 E.S.E.
4 s.
Kak.iba 18 E.iS.E.
DeM'be:i
a
Bouiiia
Kokoulo
Lenie'te
Broualtape
Diouria
Donato •
Foucouinba
Sankarlal
PoiiJaka
Bourin
Douljel
Titnbo
BaGng
Soucoutouro
Tsai'ii
Countat
TsaVn a Sembnkoinu . .
( 38/i )
. luarclie 3 mill, a I'E.^S.E. p. me renii.
5
5
7
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2
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S.E.
S.E.iS.
S. S. E.
E.-iS.E.
E.
S. E. i E.
E.S.E.
N.iN.E.
ROUTE DE RETOLR.
De Soucoutouro . . maiche 7 iiiilles au N.O. pour me rendre
a Herico 3 N.O.
Henio-Torode. . 7 O.iN.O.
Pian 4 O.iN.O.
Gongore 8 N.^N.O.
2 N.IN.E.
Niango G N.S.E,
Riviere Be're. . . 2 N.S.E.
Quc'liguia. ... 2 N.jN.E.
Tene s N.IN.E.
Kouloum .... 3 N.iN.E.
6 ' N.N.E.
3 N.E.
Sefour 6 N.N.O
>i'gali (riviere). 2 N.N.O.
( 385 )
De I»J'galli. . . i . . Tiiarche 5 milles an N. N. O. pour me rendre
a Nassi 3 N. O.
Dumbele .... 5 N. O.
Labe '22 O. jS. O.
Mouminia. ... 6 N. v N. O.
Toiintourou. . . 4 N. O.
Montague Bade. lo O.N.O.
Toulou 4 N.O.
Toumongirou. . 5 O. N. O.
Bandeia y O. N. O.
Oieliti 3 O.N.O.
Boudou-Bouini. 5 N.jN.O.
Doiihole I N.
Jeleta ..,:.. .I N.
Caube I N.N.
Caube supeiieur 5 N.N.
Bondou-Ollandt?. a N.N.
Mali 4 N.
La Kanta .... 4 N.O.
Missira 3 N.O.
LaDiia 6 N.N.O.
Nadelle a N. E.
Malalcouillc. . . a N.
Nangatara. ... .'> N.jN.O.
Idell lo N.iN.O.
Guidougoutata , 6 N. O.
Less-Maio. ... 6 O.^N.O.
Sene'couta. ... 6 O.iN.O.
Syllacunda ... 5 O.
BinguillaV. ... I N.O.
La Gamble ... 34 N.O.
6 N.K.
Maraakono ... 3 N.O.
-2 N.
S..-koto 33 N.iN.O.
Counda 4 N.
Maramasita. . . 5 N.
Sama 3 N.
in. .wRii.. 6. 26
De Niosonco .
•iTaifa . . .
Leve. . . .
Coussau. .
Dara. . . .
MaianguVcou
Fenin ....
Sainacono. .
Tieriio-Mali.
Sumljouiilaka
Debou. . . .
Senoudcbou.
( 386 )
marclu'; 3 inilles au N. S. O. pour iiif iciulre
(i
3
3
a
2
9
a
3
5
3
N.S.O.
N.E.
N.E.
N.E.
N.
N.
N.
N.S.E.
E.iN.R.
N.
NOTE SLR LA ROUTE DU DARFOIJR,
M. AN'l'OINE U'ABBAUIE.
Browne est le premier qui nous ail donnc des no-
tions un peu exactes sur le Dail'our. Longtemps apres
j'ai essaye de faire de ce pays une stalistique (voir
Bulletin, 18Z|2, I. XVIII ) intcrroinpuc bienlol par le
I'el'us de celui qui me renseignait. Malgre la relation de
Mohammed el-Tounsy, dont nous devons la publica-
tion aux soins de J\l. Jomard el surtoul a ceux de M. le
docleur Perron, on peut afiirmer que nos connais-
sanccs sur le Darfour sont encore imparlaitcs, et I'ex-
trait suivant d'une lellre qui m'a He adressee par
M. Vaudey ne sera pas denue d'interet.
« Craignant I'ambition envahissante du fameux Mo-
bammed-Aly, vice-roi d"Egyple , le sultan du Darfour
a d(il'endu di;s 1820 I'entr^e de ses ttats a aucun indi-
vidu de race blanche. Si ndanmoins I'un d'eux parvient
( 387 )
a entrer au Darfoui', il est bien regu el bien Irait^ , a
condition de n'en plus sortir. En oulre, le sultan paye
de lenips en temps un tribut a la Porte Oltomane, afin
que celle-ci le protege conlre les vues ambilieuses de
TEgypte. Enfin il a defendu sous peine de mort I'en-
tree dans ses filals par la province de Dongolah, De ce
c6l6-la, en clTet, il n'y a que douze journeesde marche
du Nil a Kobbeh, ville ou r^sida Browne et ou sejour-
nent encore les caravanes. II y a d'ailleurs Irois fois de
I'eau dans le trajet, ct la vegetation spontanee de ce
desert fournirait abondamment a la nourriture des
chameaux indispensables a une expedition envahis-
sante et dont la charge complete est d'cnviron 300 ki-
logrammes.
)) Depuis la conquele du Soudan par I'Egypte, ce
pays ne communique avec le Darfour que par le desert
de Selimeb, ou Ton s'engage en partant de Sioul. Les
caravanes emploient au moins deux mois a traverser
ce desert, et le tiers des chameaux meurt en route,
quoiqu'on les charge de 100 kilogrammes seulement.
Mais ils doivent en outre porter leur nourriture en eau
el en grain, car ce desert est presque parloul aride.
Ces difficultes materieltes font qu'on ne retire du Dar-
iour que des esclaves, de I'ivoire et de Tor. Le trans-
port du natron, de la gomme, etc., serait trop couteux
par une route choisie , pour elre la moins pralicable.
Chaque caravane qui la parcourt perd plusiours de ses
esclaves el le tiers au moins de ses chameaux, soil par
la fatigue, soil par les privations de toute espece. Les
rafemes raisons empechent qu'on ne porle au Darfour
beaucoup de produits manufactures en Europe, et leur
prix est ainsi tellemont elevt^ , que les grands du ptjys
( 388 )
sonl seuls ;"> en fuire usage. La cessation dii commerce
avec le Darfour a poit6 un coup funesle a la province
de Dongolali, qui a vu disparaitre sur son terriloire des
villages enliers dont les dalles el les toiles ne sonl plus
achelt^es par les caravanes. Les prix sonl ainsi des-
cendus a 2 fr. los 100 kilogrammes de dalles et a 1 fr.
50 c. les 15 metres de loile pesant plus d'un kilo-
gramme.
LETTRE DE M. ROLLl^ AU CONSUL D'AUTRICIIE
( DU SENNAll ) ,
E.N DATE DE GABTODJl ( KHARTOUM ), LE 20 JUILLET 18S!,
COMMUNIQUEE PAR M. VADDEY, CONSUL DE SAKDAIGi\E AD SENXAR,
ET EXTRAITE D'UiNE LETTRE DE M. D'AR.\ACD,
OAMIETTE, LE 20 F^VniER 185-2.
« Le retour de nos barques a resolu un pro-
bl^me qui int^resse la navigalion et le commerce sur
le fleuve Blanc. Avec trois fusils chacune et quelques
Arabcs, nos barques ont traverse loutes les peuplades
nfegi-es, ccbelonnees jusqu'a li° 30' lalil. nord, oil les
expeditions lurques n'ont ose penelrcr qu'avec des
forces considerables. Les deux voyages que j'ai fails
avec M. Lafargue, cl riiospilalile que doni Angelo
Vinco, mon ami, a Irouvee cliez les Berrs, toul me
prouve que les sources du fleuve Blanc ne sont plus
inaccessibles aux savants et aux industricls de TKurope.
Dom Angelo Vinco nous apprend d'abord, parsa letlre
du 11 avril, datee de Belonia, qu'il est olahli dans celte
ville, situee sous h° 30' lalil. nord (I), au pied des
(l) II ) a ici line eiipiir : l/i'-li-iila est par J" f) i ' 5". l)'An>*i;o.
( 389 )
raontagnes des Berrs, dont il a recii raccuell le plus
amical, parce qu'un des chefs les jdIus influents de ces
pays est devenu pour lui el nos gens un hole et un
ami qui les protege et les acconipagne dans toutes les
courses qu'ils font. Vous devinez, monsieur le consul,
que cet ami c'est le niemc Niguello dont je vous ai
plusieurs fois parle, et qui, dans mon premier voyage,
a voulu me suivre a Gartoum, pour voir le pays d'ou
venaient les fruils, le vin , les objets d'art quo je lui
avais donnes , et surlout les conteries et nos maisons
flottantes que I'inondalion avait, disait-il, detachees
de la rive et entrainait jusqu'a nous, c'est-i-dire nos
barques , dont il ne comprenait pas encore le m6ca-
nisme. Pour faire le voyage avec lout le confortable dA
a un homme de sa consideration , il avait amen6 avec
lui deux de scs femmes et quelques domestiques ; mais
cetle famille, ou plutot sa valeur, avait excite la cupi-
dite des barques liirques, qui me I'avaient cnlev6 : c'est
a peine si j'ai pu oblenir, a Gartoum, qu'il reslat libre,
et flit envoye I'annee suivante dans son pays. Malgr6
le ddsenchantement que Niguello a clu eprouver entre
les mains des Turcs, qui, pour I'^loigner de nous,
i'avaient interne a Ouelad-Medine , ou ils I'ont laisse
manquer de lout, eel homme est devenu dans sa tribu
le facteur des blancs, qui ont toujours trouve chez lui
une grande quantity d'ivoire. Les recits qu'il a fails, a
son retour, sur son voyage, ont lellement excite I'imagi-
naliun de ses semblables, que nombre d'ejilre eux ont
voulu venir visiter a leur tour la villo des blancs, ou
les boutiques elaicnl remplies de conteries ou venote-
ries, de toiles de loutes coulours, etc., etc., et dont les
habitants marchaienl monies sur des zfebres (anes ou
{ M)0 )
chcvaux) el sur des girafes (chameaiix). Malheurcuse-
menl I'esclavage est vonu mettre fin a ccs beaux reves.
Ces vdvageurs ing^nus, qu'on aura'it dd accueillir et
favoriscr de loules mani^res, furent vcndiis oii fails
soldals a leur aniv^c a Garlomn, el auciin de ces der-
niors n'a revu son pays, exceple Sado, que j'ai pu ra-
cheler. Ainsi les Turcs onl niieux aim6 profiler do
qiielques csclaves, et passer pour anthropophages aux
yeux de ces sauvages, dont ils ont trompc la bonne foi.
Neanraoins le voyage de Niguello a 6te avanlageux
pour nous, qu'il a appris a dislinguer des Turcs dont
il connait la cupiditc et la uiauvaise foi; ct ces fautos,
en regard de nos bons procedos, nous ont laisse I'avan-
tage chez ce peuple , et la manit^re donl ils nous onl
accueillis en est la mcilleure preuvc.
. » La letlre de dom Angelo vous fera connaitre aussi
que nous avons noue des relations commerciales avec
dc nouvelles tribus, celles des Benj, des Lakes, des
Mekedo et des Jtiguars, qui ne s'etaient jamais mon-
trees aux precedenles expeditions. Les trois premieres
so Irouvent depuis trois journees jusqu'a huit a I'osl
^e Belenia. La derni^re , qui est trfes-consid6rable ,
habite les bords du fleuve, au sud dc Lokaia; ensuite
viennent les Po/oudjs, pres des cataractes situees a huit
journees au sud dc I'ile de Jamker (*/V). Au dela de
ces cataractes, le Nil fait d'aboid un coude au sud-ost;
puis, arrive onlre le 3° degre et 2" 30' de lalit. nord, il
rctourne directemenl a I'est-nord-est, vers les monta-
gnes des Gallas et du royaume d'Adcl, d'ou viennent
deux rivifercs, probablement les mfimes qui so inelent
a lui cntre lo 7" el lo 0° degr^ de latit. nord, d'ou r6-
sulle une presqu'ile de la forme d'un fer a chcval, large
( •'^^1 )
cle vingl-cinti journces tie marche sous la latitude des
Bens, soil de 150 lieues environ. Les Lokes el les Berry
renconlronl le flcuvo, soil qu'ils se dirigent au siid-est
de leur pays, soil, au nord-cst, chez les Gallas, Icurs
voisins, avec lesquels ils sont souvent en guerre. Au
dire des Berry, le Nil recevrail encore, vers le 3* degre
de latit. nord et le 58" de longit. est de I'lle de Fer,
un autre affluent qui pourrait venir de Zinzibar. Enlre
eel affluent et la rive gauche, sont les Blido^ gens chez
lesquels dom Angelo se propose de se rendre. C'cst la
que nous pourrons connailre les vraies montagnes d'ou
part le Nil. Nous y renconlrerons probablement des
commerQants chez lesquels nous trouverons des no-
tions du plus haul inleret sur leur pays et sur la route
qu'ils suivenl pour arriver si pros des sources que nous
cherchons.
» Ces niarchands sont blancs, la barbe et les chevcux
longs et lisses, lels qu'on en trou\e dans les contrees
de I'Abyssinie oil lesPortugais ont sejourne longlemps.
Us viennent chaque annee de S (I) chez les Blido
pour aclieler de I'ivoire, que ccux-ci vont chercher jus-
que chez les Barry. Ils se disent issus de blancs, ayant
des amies a feu , et qui les ont abandonn^s dans un
pays entoure de montagnes, a deux mois de 1^. Oulre
la lance et le bouclier, ils portent encore des sabres a
deux Iranchants, que les negres ne coiinaissent pas.
Leurs maisons, disenl-ils, sont balies de briques crues;
ils ont une ecriture , du papier, que les Barry coin-
parent aux nolres ; leurs marchandises s'echangenl
conlre des cauries, des bracelets de laiton, dont nous
(i j Ce niol dc la lettic copies par M. irAiiKiud est illisible.
( 392 )
avons VII plusieurs ochanlillons cliez les fabricants dc
cetle derniere trlbu, qui les tenaient de ces blaiics.
Or ces articles sont inconnus des populations rivc-
raincs que nous avons rencontrees, et aucune expe-
dition lurque n'en a jamais porte (1).
)) Les Barry vent chez les Blido en vingt-cinq jours
dans la direction sud-est. Le pays qu'ils traversent est
accident^ el coupe par des canaux aboulissant au
fleuve; comme ils n'ont pas de bateaux, ils traversent
le fleuve a la nage et tirent a eux, au moyen de cordes,
les dents d'tSl^phanl, qu'ils portent chez les Blido. Ces
blancs ne communiquenl pas direclenient avec les
coaiploirs du littoral de la iner, ou ils se procuronl
des amies a feu ; mais ils savent que leur ivoiie est
vendu aux blancs, possesseurs dc ces armes, par des
marchands qui les ach6tenl d'eux.
» D'apres une tradition que j'ai Irouvee chez les
Berrs, il paraitrait que ces etraiigers seraient vcnus
autrefois chez eux. Le vieux Laoulol , oncle de notre
ami Niguello et frere du roi Lacono, que M. d'Arnaud
a connu, m'a raconte que, du temps dc son pfere , il
arrivait chaque an, par la rive gauche, une caravane
de marchands de cettc coulcur, pour acheter de I'ivoire,
ol qu'une nuit ils Font egorgee pendant lour sommeil,
au pied de la monlagnc, ou est situe le village de Be-
lenia. 11 ajoulail que la vUe de la premiere exp6di-
(i) i< J'ai, en effet, rencontre chez les naturels, a la premiere expe-
0 dilion,(]epuis les Kequesjusque chez les Berrs, un assezbon nombrc
II (le bracelets de 1 lilon el cuivre rouge, auxi[uels ils allaclient lieau-
" coup dc prix, et nous en avons rapporte une rpiinzuine; ils disaienl
» les tenir de naiurels venaiit de I'ouest poui' le cuivre rouge, et de
» Test pour Ic laitoii. • l)'An.>Aiu.
( 393 )
lion (1) avail fori cffiaye lous ceux qui connaissaient
ce fait, crojanl, d'apres la m^tenipsycose qu ils ont
recue des blhiopiens, que nous reiirenons nos formes
apres un laps dc temps plus ou molus long. Ils s'etaient
iu)agine que nous n'etions rien moins que ces memes
(inies qu'ils avaient assassin^es dcpuis pres de qunlre-
vingls annees.
)) Ils ont des pretres jongleurs qui font des signes
cabalisliques el croient lire dans I'avenir; les naturels
les croient et assurent qu'ils ne se trompent jamais sur
la morl de quelqu'un ou Tissue d'un combat. Par ana-
logic, ils sont ten les de nous altribuer les memes pou-
voirs; aussi avons-nous cu quelquefois a souffrlr cliez
ce peuple lorsqu'il arrivait quelque evenement facheux,
qu'on n'a pas manque de nous atlribucr »
( Conuminique par 31. Joniard. )
HEMARQUIiS Sl'R LE DOCUMENT QUI PRiciiDE.
Les details que donne M. Rollet des voyages qu'il a
fails avec M. Lafargue, el les notions qu'il tienl de dom
Angelo Vinco (lequel residait a Belenia au mois d'avrll
1851), jettent (juelque jour, enlremele d'un peu d'obs-
curil(!i, sur la question toujours pendante de la direc-
tion du Balir el-Abiad , au sud du 4" degre nord. On
n'est pas tout a fait fixe sur la vraie longitude du point
extreme atteint par M. d'Arnaud; mais, quelle qu'elle
soil, il est toujours tres-imporlant de connatlre quelles
sonl les dernieres notions sur le cours ult^rieur du Nil
(i) Celle de M. irArniiiid, ou relii: de Stlim Biniliachi. ( Voir Bul-
letin de I 840, I. II, p. 5 {, et I B.^J, I. H, p. ') el suiv.)
( 3i>/i )
i\u dela de ce poinl. Sans s'attaclier an r^cit iiicomplcl
de dom Ignacc Knoblecher, ni a la longiliido d'environ
26° qu'il parait assigner au poinl en queslion , il est
bon de savoir ce que pense a I'egard de cette direction
dom Angelo, qui fut son coiupagnun de voyage, et qui,
lui, est resle sur les lieux. Or nousvoyons, dans la
lettre ci-dessus, qu'on a appris des Berrs que , vers Ic
3° degre de latitude nord (laissons la longitude de
c6l6), Ic fleuve recevrait un aftluent qui pourrail venir
de Zanzibar (c'est-a-dire du c6t6 qui regarde Zanziljar,
on ne pourrail Tenlendre aulrement). Ce n'est la qu'un
recit des indigenes, une vague presomplion ; niais dom
Angelo se propose de se rendre en personne chez les
Blido. Or la lettre ci-dessus nous donne la position des
Blido. « Les Barry vont chez les Blido en vingt-cinq
)) jours dans la direction du sud-esl (1). » On ne peut
supposer moins de quinze milles g^ograpbiques par
journeo , et Ton pourrail admellre beaucoup plus.
Maintenant que la position des Barry change en lon-
gitude, qu'on les place un peu plus a Test, ou mSnie
beaucoup plus a I'ouest (comme cola r^sultcrait des
assertions de doui Knoblecher), I'afilucnt dc dom An-
gelo (suppose le renseigneinent exact) viendrait ton-
jours des environs de requalciu'. Mahitcnant, cst-ce la
le principal affluent, est-cc celui qu'il faut qualifier dc;
tfile du Nil? ('.'est la uno autre question ; il n'en scroit
pas moins, dans le cas contraire , une d^pendance du
bassin du ISil. Cette id6e n'est encore sans doute qu'une
bypolh^se, et appelle grandement une confirmation ;
mais elle est du moins tr^s-simple , nullement com-
(i) Les Barry habitent sui les rives du Nil Blaiic, sous le 5"= jiaial-
lele nord.
( 305 )
pli([uoe , facile a salsir el facile a verifier. Voili pour-
(juoi lions I'avons isolee du reste : le premier qui par-
lira dii 3" parallelc nord devra suivre raffltient indique,
s'il existe , et, sans le quitter, le remonter jusqu'a sa
source, ou aiix environs; car il est ais6 de deviner
qu'iiiic telle source, placee si loin, doit habiler un lieu
bien eleve. Reste la (juestion de la longitude par 58"
est de Ferro : je ne saurais I'eclaircir quant a present.
II faut faire remarquer que le document prec«^dent
renferme une indication qui est d'accord avec I'opi-
nion de dom Angelo. Les Blido tirenl I'lvoire des
Barry (qui aussi le leur portent), et ils I'echangent
centre des armes a feu, aux mains de certains mar-
cliands dits hlancs, qui Irafiquent avec les blancs du
littoral de la mer ( des Indes ) . Cela ne peut s'cntendre
que des ancions comptoirs portugais. Or, quiconque
aura lu avec attention les relations si curieuses des
voyages du reverend doctciir Krapf, non loin de I'equa-
leur, y trouvera une singuliere corrcspondance avec ce
qui precede.
L'adluent du 3° degri, signale, je pense pour la pre-
miere fois, n'empeche nullement qu'il y en ait encore
d'aulres aparlir du /["degro, tels que ceux que M. d'Ar-
naud a indiques sur sa carte par des amorces vers I'est
et le sud ; mais, ne sacliant rien de neuf sur ce point,
on ne peut en rien dire de plus quant a pr(^sent, si ce
n'est, peut-6tre , que nous avons conslamment con-
seille depuis dix ans, au futur chef de la nouvelle ex-
pedition , d'avoir assez de monde et d'observateurs
capablcs, pour que tons les nj fluents soient remontes
el decrils, non seulement les derniers, mais tous ceux
qui [)rec^dcnt, el donl on n'a vu que les embouchures,
( 396 )
el encore uniquement d'une partie. Tout lecleur aura
remarqiie un passage de la lettre qui vient en confir-
mation (le ropinion du savant voyageur en Abyssinie,
M. Anloine d'Abbadie, savoir, que, vers 2* 45' dc lati-
tude nord , le Nil retourne dircctcnienl a I'est-nord-
esl, vers Ics niontagnes des Gallas. Ce fait n'a ricn
d'impossiblc , ni d'invraiseiublable , ct il n'exclut pas
d'ailleurs d'autres aflluenls venant d'une region plus
meridionale. Enfin, quelle que soil la solution d<ifini-
live que recevra la question de la maitresse source du
fleuve Blanc, noire compatriote aura toujours la gloire
d'avoir d^couvert et determine malhemaliqucment,
dans le pays d'tnarea, la source d'une riviere qui ap-
partient au bassin du Nil.
II y aurait encore a relever plus d'un point dans I'in-
teressanle lettre de iM. RoUet, mais qu'il est plus sage
d'oniettie, et je prefere terminer ces couites remar-
qucs en rappelant une reflexion d^ja faite, savoir qu'on
approclie lous les jours davanlage de la solution du
problenie ct de la decouverte de la verity. J'ajouterai
seulemenl un mot de la lettre d'envoi de M. d'Arnaud,
qui peint bien sa droilure et sa modestie : u Mon but,
» dit-il, n'a jamais eii que d'etre utile, et la verilc
» seule peul I'etre »
JoMAnD.
( r>97 )
Analysed; GiLtraitii d'ouvrag^es^
illelang^es , etc.
DBS CHAINES DE HAUTEURS
DONT EST SILLONNfi LE SOL FINLANDAIS
ET
DES DIVERS SYSTfe.MES D'EAUX
AUIQUELS ELLES DONNENT NAISSANCE,
M. LE PRINCE EMMANUEL GALlTZIN(0.
La Finlande est couple dans plusieurs sens par des
exhaussements granitiques en parlie converts de sable
caillouteux, de glaise et d'une mince couche de terre
v^g^tale. lis formenl des chaines qu'enlourent de vastes
lacs et des marecages etendus. Ces exhaussements
s'abaissent peu a peu , du cote du nord , vers I'ocean
Glacial, tandis qu'au conlraire, vers le midi, ils se ter-
minent brusquement aux rivages du golfe de Finlande.
Les plus Aleves d'entre eux n'ont pas plus de 1 ,200 pieds
au-dessus du niveau de la mer. lis sont, d'ailleurs, si
extraordinairement ramifies , que le pays, d'un bout
(i) Ell attendant le compte rendu, qui ne tardera pas ;i paraide
dans le Bulletin, de I'interessante relation du Voyage en Finlande
que M. le prince Emmanuel Galilzin vient de publier a Paris, il nous
a paru utile d'en detacher le morcoau t'oi t curieux consacre pai' lui it
rorographie et a I'liydrographie de cette vasle province russp.
D. L. R.
( 398 )
al'autre, en est pour ainsi tilre couvert. La profondeur
des vallees n'a nulle part plus de 600 pieds.
De ces diflei-entes cluiines roclieuses, la principale,
par I'etendue de pays qu'elle traverse, est celle a la-
quelle on donne le noni de Maanselsk. Peu elevee en
g^ndral , il est des endroits ou elle s'abaisse au point
de se confondre avec la plaine. De grands lacs et de
spacieux niari^cages s'eiendent a sa base ; aillcurs, I'cau
est remplacde par des forels epaisses et moussues. Le
Maanselsk a son point de d»5parl pres des sources de
la riviere Tanaelf, aux confins du Finmark norvogion
et de la Laponie finlandaise , par 68" i 2 de latitude.
Coupant la Laponie finlandaise dans la direction de
Test, il atteint presque jusqu'a la limile du gouvcrne-
ment d'Arkhangel ; la il tourne vers le sud, et, conti-
nuant a suivre une ligne briseo, s^pare ce gouvernement
de la province d'Uleaborg. Dans Tangle sud-est que
forme le trac6 de cette province , sous le 6h' parall6le ,
la chaine tourne au sud-ouest, et , variant entrc cette
direction etccUede I'ouestet du sud, elle va se terminer
au midi do Christineslad , A petite distance du golfe.
Vers son extremito , elle separe I'Ostro-Bolhnie dc la
Carelie, du Savolaks, du Tavaslland et du Satakunda.
Ln premier rameau part du Maanselsk, par 63" iO' dc
latitude, de I'endroit oij se rencontrcnt les lignes de
delimitation des trois provinces d'Uleaborg, de Kuopio
et de Vasa. Ce rameau incline d'abord vers le sud-est,
puis il se dirlge vers le sud pour traverser la pailie du
pays ou se Irouvent les villesde Kuopio, (le Sainl-Micliols
et de \iborg, et s'en aller conlourner par I'ouesl des
eaux dependantes du Saima. La et au sud de ce grand
lac, il se parlage en deux branches : I'une des branches
( 399 )
pique au midi, k I'ost dii cours da Kymmene, et se
teniiine non loin du defile de Manlylaks, a I'ouesl de
Frechiksham; I'aulre bratiche varie dans sa direction
entre Test et Ic nord-est, passe presdeWillniansti'and,
interrompue par la coupure au fond de laquelle roule
la Vuoksa, et aboutit a Serdobol.
Un second rameau part du Maanselsk par 60" 50' de
latitude, et prend sa direction vers le sud. II penelre
dans la province de Vasa et traverse une partie du Sa-
takunda et du Tavaslland. Ce rameau forme ligne de
partage entre deux grands reservoirs d'eau, dont I'un
se deverse par le Kymmene dans le golfe de Finlande,
et I'aulre par le Kumo dans le golfe de Bothnie.
Un rameau lateral, ind^pendant des deux rameaux
que nous venons de decrire , part du Maanselsk par
61° de lalit. Celuici se dirige a Test, suit les bords
m^ridionaux du lac Peine jusqu'au Kymmene, et de
la gagne "Willmanstrand. Pass^ cette ville, il suit une
ligne contourn^e qui varie entre le sud , le sud-ouest
el I'ouesl. Poussant de la plusieurs rameaux plus pe-
tils vers le golfe de Finlande , il finit par incliner au
nord-ouest, oii, s'abaissanl de plus en plus, il dispa-
rait a proximite du golfe de Bothnie, pr^s de la ville
de Biorneborg.
Les differents rameaux dont se compose la cbalne
du Maanselsk parlagent les eaux de la Finlande en cinq
syst^mes : le premier systeme a son 6coulement dans
I'ocdian Boreal, le second et le troisifeme dans I e golfe
de Bothnie, le quatrieme dans le golfe de Finlande, le
cinquieme dans le Ladoga.
( /lOO )
1* SYSTkME DK I.A LAPONIE BOnfiAI.E.
Le syst^me de la Laponie boreale a pour limiles une
chaine de hauleuis qui prennent Icur dii'cction prin-
cipale vers le sud ; il s'ccoule vers le nord. Le lac Enare,
principal reservoir de ce syst6nie, devcrse sos eaux
dans Ja riviere Patsiioki, dans le gouvernement d'Ar-
khangel et non loin des bords meridionaux du golfo
de Varanger (Varanger-Fiord) ; le Palsiioki les porte
ensuile jusque dans la baie de Pasvig. Le cours d'eau
le j)lus considerable de ce sysleme dibouche dans le
Tana-Fiord en Norvege.
2" SYSTkME OSTRO-BOTHNIEN.
Ce syst^me, qui embrasse la presque lotaliti de la
Laponie , verse ses eaux dans le golfe de Bothnie : la
chaine du Maanselsk I'encaisse du cole du nord, du
cote de Test ct du c6t6 du sud. Passons en revue les
principaux cours d'eau qui lui servent d'artt;res. La
Tornea est une riviere considerable qui prend sa source
dans le Lappmark de Torneo, apparlcnant a la Su^de ;
quaiid elle a Iranchi la fronliere dos possessions sue-
doises , elle regoit le Muonio , puis s'en va gagner le
fond du golfe. La riviere Keniioki sort d'un petit lac
plac6 au centre d'un nceud de nionlagncs. L'Ll^o est
la plus Importante des rivieres du systeme sous le rap-
port commercial ; dans le lac Ul^o d'ou elle sort, vien-
nent converger une infinite de petites arteres , ayant
toutes leur point de depart dans la chaine du Maan-
selsk. Le Kyroioki est le plus considerable des cours
d'eau de I'Oslro-Bolhnie mthidionale, Celte riviere
( ^01 )
coule dans la direction du nord-r.uesl et va gagnt r le
golfe un pen au-dessus de Vasa.
3' SYSTtiME UU SATAKUNDA.
Les eaux du systeiue du Satakunda, autrement dit
tie Biomehorg , sont, comme celles du pr^c^dent, cir-
conscrites de Irois col^s, au nord, a Test et au sud, par
les exliaussements du Maanselsk. Le sysl^me a son
point de d«^partpar 63° 50' de latit. dans le nord du Sa-
lakunda , a la limile de lOslro-Bothnie. Apres avoir
forni6 le vaste lac d'Elseri, il traverse une multitude
de lacs moins importants, en partie par le moyen de
rivieres, en partie aussi par de simples canaux. De ces
amas d'eaux, le plus digne d'alteniion est le lac Toe-
vesi, qui, apres avoir recu vers le nord-est Jes eaux da
lac Keiivansclka, s'en va joindre le lac Ruovesi, la ou
convergent les lignes de delimitation des provinces de
Vasa, d'Abo et de Tavastheus, Plus loin, le syst^me re-
goit de nouveaux tributs que d'aulres lacs lui fournis-
sent : ainsi renforc^es, ses eaux vont joindre le lac
Nasiarvi. Ce dernier lac , apr^s avoir forme une cata-
racte pres de la ville de Tamerfors , porte ses eaux
dans le lac Pyaiavi ou Lac sacre ; il sert do reservoir
central a tous les lacs et canaux qui sont disperses aux
environs. Plus loin encore les eaux du systeme de
Biorneborg formenl dans Icur marche les lacs impor-
tants de Vanaia, de Langelmavesi, de Roine et de Ma-
lasvesi, et vont se r^unir au grand lac de Raiitunselka.
A partir de ce point, elles conlinucnt a s'ecouler par
des art^res sans nombre vers la limito des provinces
d'Abo et de Tavastheus, ct gagnenl ainsi le lacPujeicrvi
par son cxlr^mite sud. Co lac, a son toui-, deverse ses
ni. uRii,, 7. 27
( /|02 )
eaiix , consid^rablemcnt accrues ])ar divers aflluonts
venant tlu norcl, dans la riviere Nokioi qui se jetle dans
le lac Kulovosi. C'est dans ce lac quo le Kuiuo prond
sa source ; cetle importante riviere absorbc dans son
cours les petilcs rivieres laterales qui vont s'y reunir.
Enoulre, cent soixante et onze lacs s'y ecoulent. Aprus
avoir d^crit un arc de cercle et avoir iVanclii des rapides
forniidables et noinbreux , le Kunio finit par gagner
le golfe, a une distance de 30 verstes doBiorucborg (1).
ll° SYSTliMli DU TAVASTLAND.
Le syst^ine du Tavastland, autrement dit de In I'iti-
lande centrale, a pour commun rc^ceplacle le grand lac
Paijane, qui, avec los lagunes qu'il forme, se doploie
dans une ctonduc de 180 verstes dc longueur siir 25
verstes de largeur maximum : il est dleve de 253 picds
au-dessus du niveau de la mer. C'est du nord , de la
partie du Tavastland qui niainlenanl se trouve englo-
bee dans le gouvernement de Vasa, que lui vienuenl
par plusieurs arieres les eaux qui I'approvisionnenl.
Elles prennent leurs sources par 63° 31' de latit., dans
un groupe monlagnuux silue a la liiuite <Iu gouverne-
ment d'Ult^aborg. Au sortir de ce lac, les eaux du sys-
l^me rcncontrenl sur leur cbcmin des vallees larges
el profondes qu'elles rcmplissent de rnaniere a former
(i) Jl convient d'observer, comiiit; remar(|ue {jeiierale, que les eaii\
qui, traversant I'Ostro-Bothnie, vont debouchpr dans Ic golfe de
Boilinie, torment plus ou inoins des rivieres part'aitement disiinctes
les uiies des autres. Au coiitraire, leb eaux de la I'iniande uieridionale
composent de vasles ajjyioineralions effecluant leur ecouieinent ven
le ;;oire de Finlande par I'entremise d'une surcession de lacs de foiiiie
all<)ii{»i'e, r<Mmi< par ileii ciiuaux.
( m )
de nouveaux lacs , donl plusieurs sont tris grands.
PariTii eux, 11 convient de ciler le lac Kolimajarvi, qui
a 30 vorsles de long , et celui de Keilele, qui en a pros
de 80 : le lac Keitele est en communication avec le lac
Kivijarvi, silue a I'ouest du precedent et qui lui-meme
a 50 verstes de longueur. Les deversements de tous ces
lacs, dont lo produit se trouve continuellement accru
par de nombreux affluents lat6raux , prennent leur
cours vers le sud, ou ils rencontrenl, en le traversant,
le lac Haapavesi, pour gagner ensuile le lac Peine.
Celui-ci, qui sert de reservoir commun aux eaux du
lac Pualavesi et de plusieurs autres de dimensions
moindres, ainsi qu'a celles du lac Vesijarvi, situ6 plus
au sud, abandonne sonexcedant a la riviere Kalkisome,
qui le jiorte ensuile au lac Piudtsalene. C'est dans ce
dernier lac que la riviere Jirango prend sa source ; elle
debouclie, apr^s un cours peu etendu, dans le lac Kon-
nevesi : ies eaux qui en sortent vont se r^unir au Kyni-
mene. Ainsi grossie, celte importanle riviere traverse,
dans la direction de Test, une foule de lacs de gran-
deurs varices. En ariivant sur les confins des gouver-
nements de Nyland et de Viborg, elle lournc du c6l6
du sud , et, apres avoir franchi des ressauts formida-
bles, parmi lesquels la cataracte d'Hogslois tient le
premier rang , debouche par cinq bias dans le golfe
de Finlande.
5° SYSTkME DB LA FINLAND!; ORIENTALE.
Les eaux du systeme de la Finlande orientate, au-
trement dit dii Savolaks de Carclie, ont aussi leur point
de depart dans les replis du Maanselsk, a I'endroit oil
la chaJne s^paro la Kaianie , c'est-a-dire la region
( hOli )
crienliilo tlu gouvernomenl cl'Lloaborg, ilu Savolaks el
de la Carelie. ElU-s I'ormciit, (J6s lo ilebut, deux gran-
des tiiieres, I'une occidentalc et I'autre orlentale.
L'arlere occidcnlale , apros etre partlc do Q>!i° W do
lalit. , proud son coins dii coto dii siid a tiavcrs le Sa-
volaks, en parseinanl lo pays dun nouibre prodigicux
de lacs et de lagunes. Parnii cos lacs, plusiours nieri-
lent par leurs proportions une mention parliculicre.
Nous citerons rOrivesi qui a 30 verstes de longueur,
puis le Maaniakavcsi qui on a 50, puis enfin Ic Kalla-
vesi au bord duquel se Irouvo limporlante villc de Kuo-
pio. Le Rallavesi, du cole du nord, regoit les eaux sur-
abondantes du lac Jiirusvosi , et, du c6t6 du sud-est,
celles des lacs Suvasvesi et Jiiojarvi. A parlir de la, les
eaux du sysleme, on continuant de couler du cole du
sud, s'en vont former de nouveaux lacs. Bienlot, ren-
lorcfies par un grand nonibre do tributaires, elles se
precipitent vers I'itroit defile de Verkaiis, en forcenl
le passage ot y formenl une cataracle remarquable a
lous egards : la masse d'eau qui s'en ecbappe forme
les lacs Aimisvesi , llaapavesi ol Haukivesi , ainsi que
la riviere Haapavesi; celte riviere, lout pros de la ville
de Neuschlolt , debouchc dans lo lac fMldasvesi.
L'arlere orienlale du systeme , qui, elle aussi, vient
aboulir au lac Piblasvcsi, a son point de depart en
(lar^lie par 63° 58' de latil. Parmi les nombreux lacs
qu'ellc forme dans sa course, nous citerons lo lac Pie-
lisjarvi, dont la longueur, avec les lagunes qui s'y rat-
lachcnt, d^passe 100 verslos, ot le lacOrivesi qui s'd-
lend en longueur dans un ospaco de 70 vorsles. Les
masses d'eau qu'onlriiiiic cctlo arlore , constamnionl
accrues par un grand nonibro de liilmlairos lat^raux,
( Zi05 )
Iraversenlla paitie de la Carelie iiicluse dans le gou-
vernement de Kuopio, pour gagner, en defuiilive, le
lac Pililasvesi deja cite, qui s'etend en forme de cein-
luro aulour de la ville de Neuscblott.
A parlirde celte ville, les eaux dusystfeniecontinuent
leur marclic progressive vers le sud, presque loujonrs
par I'entremisc de lacs de forme tres-allongee , ralla-
clies enlre eux par des canaux sinueux , pour aller
s'epandre dans le gouvernement dc Viborg el y former
le Saima. Ce vasle amas d'eau a environ 50 verstes de
longueur; il prend vers le sudlenom de lac Lappavesi,
pour s'en aller baigner les remparts de la forteresse de
Wilmanstrand. Nous avons deja eu occasion de dire
ailleurs que les eaux du Saima avaienl pour deboucbi^
le cours torrentueux de la Vuoksa. C'est a six verstes
du point de depart de cctle riviere que se trouve le
rcssaut, devenu celebre, d'Imatra. Au dela de la cata-
racle, la Vuoksa continue de coulcr dans la direction
du sud-est, puis elle tourne au nord et ensuite a Test.
Ce n'estqu'apres avoir fourni un Irajet de 170 verstes.
toujours conlrariee par des rapides nombreux, qu'elle
gagne pardeuxbras, un pcu au-dessous de Keksholm,
I'immense reservoir du Ladoga (1).
niVltRES QUI KE si; nATTACHEN'T A AUCUN S\STkME
d'eaux.
Les differents sysl^mcs d'eaux que nous venons
d'enumerer ombrassent, comme on I'a pu voii", I'cten-
due enlicrc du pays. Pour completer celte nomencla-
lure, il ne reste plus qu'a nommer un petit nombre dc
(l) La lon^jiieiir ilu Ijaclo;;;! c»t tic 17S verslei; sa laryeiir est de
io5 verstes.
( /|06 )
rivieres, doiil Ic cours ne se rattuche a auciiii des sys-
Ifenies siisdits. L'Auraioki debouche dans la Balliquo,
aiiprt'S de la ville d'Aho. Lo Kario debouche dans uno
baio de forme allong^e que forme Ic golfe de Finlande,
non loin de la ville d'Ekenas. La Vanda coule aupros
de Tancien Helsingfors. La Borga , pres de la ville de
ce nom. Le Raiaioki enfin , qui coule a la limile occi-
dentale du gouvernement de Viborg, a servi pendant
pr6s de trois siecles , de 1323 a 1617, a separcr Ics
possessions russes des possessions suedoises.
( A07 )
COMT^S.
ASGLETEKRiJ.
M'nUilesex ■
Surrey
Rem
Sussex
Hamp {'2)
Berk
Hertford
Burkingham
Oxford
Noilliamplou
Hiintiiig'loi). .....
lieilford
Cambritigc
Essex
Suliblk
Norfolk
Wilt
Dorset
Devon
CoriiwiiU .
Somerset
Gloucester
Heref!)r(l
Shrop(4)
Slad'ord .
Worcester
Warwick. ......
Leicester
Rutlaiul
Liuculii
Nottingham
Derliy
Chester
Lancaster
York-West-Riding. .
~ E. — . .
— N. — . .
Durham
Northumberland. . .
Cumberland
Westmorland
Monmouth
PROVINCE DE GALLES
'Denbigh . . .
Montgomery.
I Carnarvon . .
Flint
Anglesey, . .
^ Rlerionelh . ,
I i'urdigau, .
eckuock .
, Radnor. . .
SUPERFICIE
des
COMTES
en m.r.
any I. (J)
en kit.
!3 / Glamorgan. . , .
-^ L Carniai then . . .
£ 1 Pemljt uke ....
^ Brec
ri; \ Rndi
Pci'sonnes vnyiigpaiUsur
les chemitis de fer el
catiiiux pendant la nuit
du 0 an 7 |nin t841
Totaitx gc'ncranx.
281
gl4
4Go
464
5"i6
747
605
731
745
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677
987
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20.
710
777
080
010
809
659
211
113
043
812
500
725
519
728
2110
5 795
0 795
5 980
1 956
1 568
1 946
1 051
2 508
913
I 12:
1 7ti6
5 959
4 065
5 225
5 07j
2 955
0 4:
5 655
4 021
2 915
2 524
5 64:
5 lfi7
1 755
2 538
2 122
527
7 227
2 014
2 798
2 617
4 687
6 856
5 295
3416
2 704
4 694
3 S86
1 879
I 545
50 210
751
982
775
509
402
691
822
9-26
375
726
751
455
8 123
58 555
150 0i4
1 895
2 545
2 007
800
1 041
1 790
2 129
2 599
\ 489
I 881
1 895
1 178
Jl Oi
POPULATION
des
COMTES
CM 1841.
1 583 918
587 058
531 291
302 460
352 548
190 372
162 594
158 248
103 216
199 208
53 363
1 12 378
169 658
520 811
314 681
505 124
242 772
167 876
557 270
345 521
448 795
395 555
96 315
241 683
5-28 867
250 587
40!) 158
2-20 504
25 151
350 2-26
270 751
259 791
568 400
1 698 609
1 176 514
221 570
1 86 226
526 045
266 020
178 058
36 609
151 021
14 991 606
92 05G
7! I 756
86 755
40 798
58 106
50 715
178 050
89 559
78 557
96 0;)2
55 420
31 776
1)17^26
5 016
en 1851.
151 087 15 911 148
1 893 710
684 803
619 207
339 428
402 055
199 154
175 965
1 45 G70
170 -286
215 784
60 520
1-29 789
191 856
3i5 9l6
353 991
455 803
241 003
177 597
572 207
336 662
456 257
419 473
99 112
245 019
650 50S
258 7G2
479 979
254 958
24 272
400 266
294 458
260 707
423 458
2 065 915
1 559 902
254 181
194 624
411 552
o03 535
195 487
58 580
177 165
(5)
CHEFS-LIEUX
des
COMTES,
16 911 112
96 820
77 129
94 6G8
4 1 055
45 248
51 242
240 152
94 663
84 436
97 667
59 162
31 416
1 OH 656
17 9-22 768(6]
Lonilrcs,
Guilfoiil.
M.iidslunc.
Lewes.
Siuilliamplon.
Keadiuj;.
Heilford.
Bnekinghani,
Oxford.
Norliianiplon.
HinUinf;don.
Be.ir.iiJ.
Canil)iidj;c.
Ch.-lnisfoid.
Ipswich.
Norwich.
Salishm-y.
Dorchesler,
E.felcr.
I.aunceslon.
Tannlon,
Gloucester.
Hcrerurd.
•Shi e\v!.}niry.
Slairuid.
WoiTcslcr.
Wai wick.
Leiec^ler.
Oakham.
LiuLuIn.
NMllingham.
De, l,y.
Chesler.
Lancaster,
York.
Durham.
Alnwick,
Carlisle.
Appleby.
Monmoull).
Denbigh.
Moiilgonieiy.
Carnarvon,
riinl.
lieaumaris.
Dolgelly.
Cardiir.
C II inarthen.
I'diiiiroke.
('ardigan,
Brecon.
Prcstcifiu,
(
/lOS
)
£C05!
sL'ptr.nciE
POPl'LATION
1
VILLES '
COMT^S.
COMTES
des
COMTES
cliols-Ueux
dui
en ni.
allg.c.
en kil.
curr.
en 1841.
eu 1851.
COMTES.
COMTKS MfcnlD10^&L'X.
1
Onmfiies
279
725
72 850
78 057
Dumfries.
Kirkcu()b>igh(
815
2 111
41 119
45 510
KiiliPiidhrighl.
413
1 Oil
154
2-.-2
1 271
994
1 147
2 699
599
001
5 292
2 574
59 195
104 556
15 740
155 072
44 290
426 972
45 255
189 280
l(i 576
159 64
44 925
552 1 1 4
\\ i^tuwn.
Ayr.
Rollicsaj.
lUufveV/.
Dumbarlon.
Glasgow.
1 Avr
Mule
1 Lar.uik
Stirling
55-2
1-24
1 578
5-21
82 057
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85 720
50 0^1 4
Stirlini;.
Mnlilhsiiw.
Linliiligrnv
F.dinl.nrgll
5«7
1 0(1-2
2-25 454
258 824
Edinhiii'gl).
i Pecblc-J
547
200
720
470
291
899
689
1 880
I 255
754
10 499
7 990
40 0-25
54 458
55 886
10 582
9 7' 17
51 r.7ll
50 287
36 .596
Pc-liL'S.
Selkiik.
Jedljuig.
Lander.
Haddlugloil.
1 Selkiik
Berwick
1 Haddin'ilun
! J-iff. .
521
84
55
I 349
218
157
140 140
8 765
19 155
153 011
8 915
22 985
Cijpiir.
Kinross.
Clackmannan.
Clackmiiniian
COMrtS SEfTEWTRlOADI.
Pertli
2 861
978
1 954
7 418
2 555
1 039
5 009
157 457
170 455
55 075
192 587
159 216
174 751
51 743
214 6.58
Penh.
Dundee,
Hcrvie.
Aberdeen.
AbiTilcen
BaiiiV.
655
1 059
49 679
55 955
n.niff.
Kljjin
472
197
3 845
1 222
510
9 959
7 848
7 505
55 012
9 217
97 799
97 57 1
78 6X5
58 671
9 960
96 528
88 507
82 025
Klgin.
Nairn.
Inverness,
Itivorury.
Cromarty.
1 Nuirn
Aigvll
3 050
2 897
Ros^ et Ciomaiiv
Sulliei land
1 905
4 9-29
24 782
25 771
Dor nock.
Ciiitliness
744
859
1 927
2 175
56 545
61 065
58 512
62 313
Wick,
Kirkwall.
Oikucy {Orcatles) el Shel-
latiJ
1
1
29 774
77 Mb
2 620 184
2 870 784 •
VILLES PRINC.
CailuW, . .
Dlll>liM . . .
' Alhy ....
Naas
.KiUlaic. . .
I Kilkenny . .
( I'llilipjluwil.
King's (Juioi) J Biir
VTcillamore .
Longford . .
N.'w-Ross. .
Emiiscorlhy.
KilJaie.
Kilkenny
O
u
Q
z
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Lougfortl.
I Louth . ,
f Mealh
Weslmealli
Wexfoid. .
i Wicklow. .
I Droslie.Ia. .
> Dundalk . .
Tiini
Queen's (Je la j Poi t.irlingtun
reine). • • . f Maiyljoruugli
j Mullingai. .
[ Alhlone. .
I Wcxroi.l .
j W.cklow .
( AikloW. .
/Clare Ennis. . . .
' Col k . . . .
B.Tiidon . . .
Kin^ale. . .
Yonglial. . .
Fernioy. , .
Mallow. . .
Tialec. . . .
Killiirney . .
Dingle. . . .
Limeiick . .
Clonmel . .
Cashel . . .
Tipperaiy. .
("an" on-.Suir
Kiiscrea. . .
Walcifurd . , ) , .
(. Lism- re. . .
Cork . . .
Kerry. , .
I Limerick.
Tipperary
/Antiim.
Armagh.
Cavali .
1 Dunegal
/ Belfast . . .
; Carricfeigtis
' j Anil ini . . .
\ Lisliiirn. , .
^ y Down.
Fermniiagh.
' Londonderry
Monaghan .
Tyrone . . .
'Galway.
Leilrion
c
\ Mayo
/ R'iscumnioii .
Vsi'S"
Ainiugh. .
Cavan. . .
Rallyshannou
Lifford . . .
Newry . . .
Dowiipalrick
Donagliadee.
I EnniskiUcu.
( Londonilcriy
\ Coleiaine. ,
I Monaghan .
Oniagh ...
Diingannon.
Galway, , .
Tuani. . , .
Hallinasloe .
Cailick-on-bll
Caftlebar. .
Rosconimon.
Sliso ....
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724
I 546
40U
1
541
5S6
Tolaux gene'iaitx.
18 05:
roPULATlO.N
des
COMTES
eulS41.
86 228
572 77,3
114 488
202 420
1/(6 837
1 15 491
128 240
183 828
155 950
141 300
202 033
126 143
1 973 731
286 394
834 118
293 880
330 029
435 553
196 187
2 396 161
300 875
232 393
243 158
29G 448
oGl 4i6
156 481
222 17 'i
200 442
312 956
2 38G 373
440 198
155 2!)7
388 887
233 591
180 S8G
en 1851,
6S 15
402 356
96 627
160 217
112 875
83 198
107 921
130 706
109 747
107 510
180 170
99 287
1 G67 771
212 720
63" 637
238 241
256 887
323 829
162 503
I 831 817
358 50:
196 420
174 303
234 288
517 778
113 978
191 744
143 410
251 805
2 004 289
352 826
1 1 1 808
271716
173 798
158 7U9
I Oil or
6 515 794
rOPULATlON
de rpielcpics
villes piincip.
en 1841 eu 1851
233 726
16 201
80 720
23 216
17 275
254 850
16 876
86 485
26 667
24 697
( AlO )
^OTES liT OBSEBVATIONS SUR l.KS TROIS TAULEAUX
QUI PRickUENT,
(I) J'ui piiise mes informations, siir l;i iHipulutioii dc la Graiide-Biclagnc (Anglc-
terrc, pays de Galles el Ecossf), dans Ic Census oj Great Biilain, 1851 (tableaux de
population prescntes au\ deux chanibies da parlement;. Qucml a la populaliou de
rirlande, n'ajanl pu me procurer les labUaux oiricieis , j'ai consulle Ic relcve' qui
en a tile fait dons lu Gazette d'Jiigsbouig.
En ce qui ti.ncerne la superficic des Irois Royaumcs-Uuis, j'ai adoplc Ics cvalua-
lions polices dans Touvrage de M. WjKl, Notes to nccnmpany .W. H^ylrls model of
the earth, l-oiidre;, 1851.
Quelquis vurialions cxislaiil enlre lei slalisliqnes relativenienl a la superfiiie, jc
crois devoir (aire observer que, daiirei Spackmauii (Tab!, stiilislii/., p. 115), cite
par M. dc Rcden {Statislique comparee ties grn/ules puissances ile I'Eiirope, I. I,
p. 8):
Mill.r. tiiigl. Kit. rarr.
LAngletcrre auiail 50 387 loO 502
Priiicipaule de Galles 7 «3 t!) -J'll
Ecosse et iles Sa 167 83 313
Irlande 31 874 82 55*
Pel iles iles de la Manchc. . . . 352 839
Totaux 122 185 316 459
M. M'Culloch ii'evalue la niemc superCcie lerritorialc qu'j 110 924 milles carrcs
anglais ; savoir :
Mill.cair. Kil.carr.
Pour rAugklerre et les petites iles adjacentcs. . . 50 587 130 502
— la principautede Galles 7 42:; 19 231
— I'Ecosse 30 238 7S 31G
_ I'Irlande 51 874 82 554
Totaux 119 924 310 603
Ou sail que Ic mille anglais est e'gnl a I 609 metres.
Je rcgreltc de n'avoir pu Irouver jusqu'a ce moment la population (iliicielle com-
parative des principalesviUcs du Royaume-Uni en 1801, 1811, 1821, 1831, 1S4I, 1851,
au moins pour ces deux dernicres anuees.
(i) he Hampshire, ou comle de Hanip, est cKiilcmcnl appcle' comtc do Hants, ou
de Southaniplon.
(3) Le comte de Shrop porte au^si Ic nom de Salop.
(4) Les pcrsonnes voyageanl snr les chemins de fer pendant la noil du dimaiic be
30 mars (1851) out etc complees dans les lioux oii cllcs sonl arrivees le lundi nialin ;
un petit nombre, qui n'avaieul point termine leur voy.ige Ic lundi niallu ilc bonne
hcure, ont etc complees a Loudres a lu station dc EaslonSijiiare.
(5) M. Wyld fait observer, dans Touvragc deja cite', que les sopeiliiics donnec;
dans le tableau relatif a I'h laiule, qnoiquc compilees d'apres des documents olTicie Is
par M. Mac-Grcgor, soul piobablemeiil crronecs. U peuse qu'on a liii I'airc usage de
millet iriandais; qu'alurs, si Ton deduit les pctil» lacs et les cours d'ean, on uc sera
pas Ires-eloigncde la vcrile, et que la superficie actuelle de I'lilande est d'environ
31 202 milles carres anglais (80 813 kil.). Nous avons dit, dans une note precedentc,
que la superficie de ce royaumc ctait cvalnce par Spackmann cl par M'Cullo (h '"
31 874 milles carrcs anglais (82 554 kil.).
( ^lll )
RESUJlfi GENERAL COMPAKATIF DE LA POPULATION EN
1801
1811
18-21
1851
1841
1851 StiperHc.
en kil.c.
Angl.iM |irinc.
.leGalles... 8802536 10IC40GS H99!)9-2 15896707 15914148 1792-2768 151087
Kcosse 16084-:0 I80o86i 20915-21 27,64586 26-20184 2870784 77815
liluiuk- « » 68018-27 7767401 81751-24 6515794 80815
Tolal gtnc.al. . . 20895-280 24028584 2670:i456 -27509546 5090IS
lltl;Al'm)LATlo^ et proportion entre i,es deux sexes
DANS LE ROYAUME-UNI EN
1841
1851
Hommes. Femmes. Tolal. Hommes. Fenimes. Tolal.
Ansl. cipiliicip.
deGalles. . . . 7 777 586
Ecosse 1-241 86-2
Irlaude 4 019 576
8156562 13914148 8762588 9160180 17922768
1578 5-2-2 2 6-20 184 1565 6-22 I 507 162 2 870 784
4155 548 8175 124 5176 727 5 559 067 6 515 794*
13 059 024 15 670 432 26 709 456 13 302 957 14 006 409 27 509 546
II laut ajoiilcr, en ce qui conceine la Grande-Rre-
lagne, pour la populalinn des i!es dans Ics niers
'ja'onappaWe en Xiig\eleire Brilisli seas . . . .
66511
76 405 142 916
13369 448 14082814 27 452-262
El, de plus, pour la partie de raimee de lene, de
l;i murine loyale, el des marins des batinients de
commerce apparleoaiil a la Graiide-Bietagrie,
mais hors du pays, a I'epufpie dii rcccnscmeiil. .
267 604
167 604
13537 052 14082814 27619866
Le Blackwood Magazine fail ohservir i]uc le decroissomenl de la populalioii de
I Irlaude, qui e'lail lombee de 1841 a 1851 a 1 658 530, quelqiie e'norme qu'il soil, est
liien plus considerable encore sil'on compare I'annee 1846, oil la population depassail
telle de 1841, avec 1831; car cc scrail alors unc diniiuulion de 1 863102.
D. L. B.
( /Il2 )
.%e<e?ii fie la Moeletc.
Froces-vt'i'lfniix ties Mennceix, Ouvrases
ofTerls, etc.
Proces- verbal de Vassemhlee "i^neralc du 2 iwrd 1852.
O"
La Societe de geographie a lenu son assemblee ge-
nerate annuellc le vendredi 2 avril 1852, dans le local
do la Societe d'encouragement pour rindustrie nalio-
nale , sous la presidenco do M. le contre-amiral
Mathieu, dii'ccteur general du depot de la marine,
iM. le president ouvre la seance par un discours
ccoute avec un vif interet. Apros avoir rcnierci^ la
Sociel(5i dc I'iionneur qu'cllo lui a fait en I'appelant a
succtider a I'illustre M. Dumas, il ajoute que la Sociole
a voulu sans doute honorer dans sa personne la ma-
rine militaire etle corps des ingenieurs hydrographes,
a la I6te desquels il est plac6.
M. le secretaire lit le procfes-vcrhal de la derni^re
assemblee general e, ct donnc communication de la
lisle des cartes el ouvrages ofTerts a la Societd ct d(5-
pos^s sur lo bureau.
II doniie ensuite lecture des letlrcs suivantes :
M. Francois Dclessert, I'un desmembresdu bureau
de rassemblcc g^nerale, t^raoigne ses regrets de ne
pouvoir assisler a la stance.
M. le secretaire de la Socielc royalc de Londres
accuse reception, par sa letlre du 15 fevrier, du Bid-
letindela Soci'efr de gengrnp/na, I. I", li' seric.
M. le secretaire de la Societe asiatiquc du Bengale
( M3 )
accuse reception, par sa leltre dalee tlu 17 novembre
4851. du I. XIV, 3-= serie dii Bulletin.
M. le prince Emmanuel Galitzin adresse a la So-
ciete (Paris 31 mars) la premiere partie d'une notice
qu'il vient de rediger d'apres des documenls officiels
sur les voyages autour du monde executes par les
navigateurs russes; il transmettra plus tard la seconde
partie de ce travail.
M. Jomard, vice-president de la commission ccn-
trale, fait ensuite , au nom d'une commission dont il
est rapporteur, composee de MM. Antoine d'Abbadie,
d'Avezac, Daussy, Guigniaut et de lui, un rapport sur
le concours au prix annuel pour la decouverte la plus
imporlanle en geographic, faite dans le cours de
I'annee 18Z|9. Apres avoir passe en revue les princi-
paux voyages ex6cut(5s pendant ladile annee en Asie,
Afrique, Amerique et Ocdianie, le rapporteur annonce
que la commission du concours a pense que les explo-
rations les plus imporlantes sont celles de M\]. Living-
ston, Oswell, Rebmann, et Krapf en Afrique, et de
M. G. Wallin en Arabic, et que chacun de ces voya-
geurs a ete en consequence juge digne de la grande
m^daille d'argent. II ajoute que la commission accorde
en oulre des mentions honorablcs a MM. Thompson,
Cunningham, Hooker el Strachey pour leurs ouvrages
dans rinde ; a MM. Thomas Bruner et Stokes pour leur
exploration de la Nouvclle-Zelande, et a M, Squier
pour ses voyages archt^ologiques , notamment dans
I'Ktat de Nicaragua.
M. de la Roquelte, secretaire general de la commis-
sion centrale, lit one notice necrologique qu'il a con-
sacr^e ^ la memoire de M. Frederic Du Bois de Mont-
( h\lx )
perrenx, corresponclant perp^luel do la Socicle de
geographic, inort au mois de mai 1850, a peine &ge
de cinquante-deux ans, qui avail obleiui la grandc
niedaille d'or de I'ann^e 1838 pour son Foyage au-
tour clu Caiicase, en Colchide, en Gi'orgie, en Armenie el
en Critnee,
Aprfes cetle lecture, M. Antoine il'Abbadio enlre-
tient I'assembli^e des d^couverles rdcentes qui viennent
d'etre faitos sur le haul fleuve Blanc, el coniniuniquees
par M. Vaudey, consul de Sardaigne a Khartoum , <'l
qui auraient pour resultat d'etablir qu'il existerail on
amonldu O'degre dc latitude plusieurs affluents du Nil
Blanc, dont les noms sent pour la plupart inconnus;
que les Barri sont enserres cntre deux de ces affluents,
venant tous deux de I'esl; el cnlin qu'il faudrait cher-
cher de ce c6t6 la source du fleuve Blanc.
M. Hecquard, officier de spahis, fail connaltre ce
qu'il a observe de plus remarquable pendant les ex-
cursions faites par lui dans i'Afrique occidentale et
contrale, ou il avail ^16 charge d'une mission par
le gouverneur du S6n6gal.
M. le docteur Weddell, deja connu par le grand
voyage qu'il a fail dans I'Amerique ui(iriclionale avec
M. Francis de Caslelnau, et par unc inloressante ex-
cursion dana le sud de la Bolivie, don I le Bulletin a
j)ublie plusieurs fragments, communique un ajjorgu
du nouveau voyage qu'il vient de faire dans la parlie
septentrionale de celte r^publique. II a su, malgrii
i'heure avancec, captiver ratlention de ses audilours.
En I'absence de M. le baron de Brimont, president
do la section de comptabilile, le secretaire general de
la commission centrale depose surle bureau le comjite
( A45 )
rendu des recetlos cl dvs dipeuses de In SocicHi^ pen-
dant I'ann^e 1851, le rapport fait ])ar M. de Brimont
comnie organe de ladite section sur cg compte rendu,
le budget de i'exercicc 1852, et une note sur le mou-
venienl des cotisations unc fois payees et des place-
ments des capitaux de la Soci^te.
L'assemblee avail a proceder a I'election de trois
membres tie la Commission centrale, et au renouvelle-
ment de son bureau. Elle a noninie aux trois places
vacantes dans la commission centrale, MM. V.-A. Make-
Brun, dcja membre-adjoint, Ferry et Gamier, et 6lii
membres du bureau pour I'annee 1852 :
n ' ■ J . ( M- le contre-arniral Mathieu, directeur
f resident. . . .1
( general du d^pot de la marine.
/M. Daussy, hydrographe en chef de la
I marine.
Fice-presidentsl ,,, , i • . ■ ^ i
j IVJ. Isambert, membre de la Gourde
\^ cassation.
c , , (M. des Vergers.
ocriitateurs. . .1 _ ,
(M. le capitaine G. Lafond.
Secretaire. . . . I M. Gortambert.
PRJiSlDENCE DE M. DAUSSY, VICE-PRESIDENT.
Proces-verbal de la seance du 16 ai'ril 1852.
Le proces-verbal de la derni^re stance est lu el
adopts.
M. de la Roquetle, secretaire general, donne lecture
du proces-verbal de la derniere assembl^e g6n6rale.
(Voir p. /|12.)
( 41(5 )
M. Riviere p^re, proprielaire a Mauzti siir le Mignon,
annonce, par sa leltre du 9 avril, qu'il vientde se rendre
acqu(^ieur de la maison ou naquit le voj ageui' frangais
Rone Caillc, et il propose a la Socielc de coder cet
immeuble dont le prlx ne depasserait pas 3 000 francs,
ou 15(1 francs do renle perpeluolle.
Malgre son doslr de rendre iin nouvcl liommago a
la ini^moire do Rone CallH(!!, la Soclole n'ayant [)oint
de fends qu'clle puisse employer a une semblable
acquisiliou, il sera ropondu a M. Rivi6ro, qu'ellc re-
grelte do ne pouvoir accepter roflre qn'jl vcul bien lui
faire.
M. Itier, voyageur en Chine, donnc quelques in-
formations sur Ics resullats el la naturalisation dos
plantes textiles de Chine a Montpollier; et M. Jomard
fait honunage a la Soci(5te, au noni de ce voyageur,
de plusiours cxemplairos do la brochure j)ublieo a ce
sujet.
Le secretaire general lit la liste des ouvrages of-
ferls.
Le meuie rappelle la proposition qu'il a faite a la
derni6rc seance, d'autoriser rechango du Bulletin de
la Soci^te avec la Reuiie orientale et algerienne. L'exa-
nien qu'il a fait des premiers num(^ros de cette revue,
d'apr<^s I'invitation de M. le president de la Counnis-
sion centralo, lui pcrmet d'annoncer que ce recueil
oITre beaucoup d'inlorol. La Commission centralo au-
torise I'ochange.
M. Jomard communique des uouvollos qu'il vienl
de reccvoir de M. d'Aruaud. ( Voyez ci-dessus, p. 388.)
Le mome membre donne lecture du fragment d'une
letUo do M, Uullel, ocrilc do Gartourn [l\/iar(oum]vii\
( hi7 )
consul d'Aulriclie (du Sennar), le 20 juillet 1851,
comuiuniqueo par M. Vaudey, consul de Sardaigne
dans la mfime contree, et contenant des informations
curieuses sur le Nil Blanc. — Renvoy6 au comit^ du
Bulletin .
M. Antoine d'Abbadie fait observer qu'il a deja
donn6 a I'assembl^e g^nerale, dans sa seance du
2 avril dernier, les rnfiraes renseignements que M. Jo-
mard met sous les yeux de la Commission, et qu'il a
puis^scommeluidans laletlrede M. RoUet, dontils ont
da tous deux la communication a M. Vaudey.
M. Thomassy lit le comple rendu fait par lui du
voyage au Waday (Ouaday) du Cheyk Moiiammed-
Ibn-Omar el-Tounsy, traduitde I'arabepar iVI. le doc-
teur Perron et public a Paris en 1851 par M. Jomard,
qui I'a fait preceder d'une preface. — Renvoi au
comile du Bulletin.
M. d'Abbadie communique des renseignements
qu'il vient de recevoir sur le Darfour. II est prie de
r^diger unc note a co sujet pour Ic Ballelin.
lu. Aviur.. S. 2K
( A18 )
01 VR AGES OFFEUTS
DA.WS I.KS Si!:ANCES DE L'ASSEMBLlili ct.NtRALE UU 2 l.T Df.
L\ COMMISSION CEKTnALE I)U 16 AVRIL 1852.
— ♦
TITRES.
DONATEURS.
EUROPE.
OUVRACES.
MM.
Pilote fran9ais. Instnictions nautiques (paitie
Depot (Ic la marine.
(les cotes septentiionales de France, comprise
autre le pliare ties Hoauxde Brehal et Ic phare
«lu cap de la Hafjue), rediyees par M. de Givry,
I vol. in-4°. 1 85 1 .
Description de I'archipel des Acores, par M. Ker-
Idem,
hallet.Bro.h. in-8°. l85l.
Annuaire des marees des cotes de France pour
Idem.
I'annee i852. i vol. in-32.
CARTES IIVDROGBAPHIQUES.
Carte des iles Acores, n° 1266. i85l.
Mer mediterranee : C6tes d'ltalie; Tarente, Co-
trone, Gallipoli, n° 1972. iSSi.
_ Port d'Otrante (golfe de Venise), n° 1273.
.QC.
.85
Ideni,
Idem.
Idem.
Idem.
Fdrni.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Ideiu.
( 419 )
TITnES.
DONATEURS.
Mer iiietliteiT.inee : Canal I.emo (golfe de Venise),
no 1286. I 85 1.
— Port Venula (golfc de Venise), n° 1287.185 1.
— Port Aufjnslo (lie Lossini), n° 1288. i85i.
— Port Be{;Ujilia (ile Melada), n° 1289. i85i.
— Port Ti)jei(ile Grossa), n" 1290. l85l.
Carte de la incr Adiiatique, 1" et 2* feuilles,
n°' i3oi-i3o2. i85o-i85i.
Carle des atterrapes des coles meridionales de
France, n° i3o3. i85i.
Carle de la mer d'Irlande, n° i3o4. l85l.
Caite des golfes de Venice et de Trieste. Ports
de Venise et de Trieste, n" i3o5. l85l.
Carte gene'rale de la Me'dilerranee. a" feuille ,
n" 1 265. 1 85 1.
ASIE.
OUVRAGES.
Instructions iiautiques snr la mer de Chine, I vol.
in-4", par J. Horsburp,!), Iraduit parM. !e Pre-
dour, '3' edit. Darondean et Reille, i85i.
Considerations ge'nerales sur roceanlndien,pour
(■aire suite a celles sur I'ocean Atlantinue,
par M. de Kerhallet. Broih. in-8°. i85i.
Ha|)port sur la campagne de la corvette la
Bayonnaise dans les niers <le Chine, par
M. Jurien de La{»raviere. Broth. in-B". i85i.
De la Ciiiine consideree an point de vue du de-
houche qu'eile pent olfi ir a I'indiisti ie vilicole.
Montpellier, t849- Broch. in-8°, par M. liier.
CAIITES IIYDRUGRAPUIQUES.
Carte de la mer de Chine , t '" feuille. Cote ine'ri-
dionale de Cochinciiine, n" 1271, l85l.
Carte dii goife de Smyrne et de ses abords. En-
tree du port de Longone. Entree dupoit Olivier,
no I 292. i85i.
Golfe de Smyrne, n° 1293. t85i.
AFBIQUE.
OrVIlACF.S.
Manuel cIb Ih navignlion a I.i cole iMcidiiitale
il'-Vhiipu. Ilideli, in-K'.
M.M.
Depot de la marine.
klem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Mem.
J. Iiier.
Depot de la m.uine.
Idem.
Idem.
( /|20 )
TITKES.
DONATEUnS.
MM.
Instiuciions nautii|ui;s sur les rotes oecidentales
d'AFrique, coinpiises enlre le detroit de Gi-
braltar et le golt'e de Benin, tiaduit de I'an-
jdais par M. Daiondeau. Uioch. ln-8°. l85l.
Description de I'nrcliipel des Canaries et de I'ar-
.Iiipcl des lies ili> cap Vert, par M. de Ker-
hallet. Brocli. 111-8". i85i.
Du commerce fiancais a la cote occidentale
d'Afrique, par M. Jules Itier. Ikoch, iiv8°.
Marseille, i847-
C\BTES HYDROOnAPBlQUES.
Carte de I'ife d'Abd-el-Kowri; iiiouillage a la
cote sud d'Abd-el-Kouri, n" 1297. 'S.')l.
Mouillage de Meurka, 11° 1268. i85i.
Mouillnge de Braoua, n" 1269. C6te»d'Afrique.
Carte du fleuve Ca/.amaiice jusqu'ii I't'lablisse-
inentZin{;hincli'or (cote occidentale d'At'rique).
Plan de Temboucliure du fleuve de Caza-
manche, n° 1270. i85i.
Plan du port d'Atnbavaranou ou baie Rifjny
(cote nord-estde Madagascar), n''i29[ i85i.
CartedesllesSalv,if;es(c6leoccidenlaled'Afrique),
n° I 2g4- '85 1.
Plan du muuillage de Saint-I.&uis ou de Guet-
IN'Dar et de la bane du Heuve du Senegal
(cote occidentale d'AfriqueJ, n° 1295. l85i.
('.ours du fleuve du Senegal depuisPodor jusqu'a
son einboutliuie, 11° 1296. i85i.
Plan de I'ile et du port de Morabaze (cole orien-
tate d'AtVique), n" 1797. i85i.
Mouillage de Ouarilieikli (cote orientale d'Afri-
i|ue), n° I 298. 1 85 1.
Plan du mouillage du port et de la ville de
Bizerte, n° 1299. i85i.
Plan lies mouillages de Slora etde Pliilippeville,
u" i3o6. i85i.
Plan du mouillage de Collo, n" 1 3oR. i8.')2.
AMi:r.iQUi:.
OfVr.AC.ES.
Instructions naulifpies sur Ics cotes 01 icii talcs (lc|
rAuieriqiie <lii Slid, <(jinprises tniie l.i I'lal.i clj
Depot de la marine.
Id(
J. Itier.
Depot de la marine.
Iilcin.
Idem.
Idenk.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
lden\.
Idem.
Idem.
Idem.
Iden>.
|iltrn>.
( A21 )
TITHES.
DONATliURS.
le detroil de Magellan, par M le capitaineFitz
Roy, traJuit de raii{;lais par M. de Coriolis
BrocI). in-8". i85i.
Instructions nautiques pour naviyuer sur les cotes
dcs Guyanes, par M Tardy de Montravel. Br.
in-8°. i85i.
Appendice a I'instruction aiifjlaise pour le pas-
sage du detroit de Magellan, par M. Mauge de
I'Etang. Broch. in-S". l85l.
Tableau general des phares et fan:uix des cotes
orientales de rAnieriqiie du Nord. liroch. in-8°.
i85i.
Expedition dans les parties centrales de I'Anie-
rique du Sud, de Rio de Janeiro a Lima et de
Lima au Para; ilineraires et coupes geotogi-
ques, 2' livr.; par M. Fiancis de Castelnau.
Paris, 1 85a.
CARTES HVDnOOIlAPIIIQllEi.
Carte des canaux de la Providence et de Ba-
hain:i, n° 1260. l85l.
Carte d'une partie dcs cotes orientales de I'Aine-
riqiie nieridionale, depuis I'embouchure du
Rio de la Plata (35° de latitude sud) jusqu'au
45° 5o' de latitude ine'ridionale, n" 1262. 1 85 1 .
Carte des coles de la Palagonie, depuis le detroit
de Magellan (53" de latitude sud), jusqu'au
44° de latitude uieridioiiale, n» 126). i85l.
(]arte particuliere de la cote sud-ouest d'Aine-
rique, partie comprise entre les iies Evange-
listas, a I'entree du detroit de Magellan, el le
golfe de Penas, n° 1307. i85l.
OCEAN IE.
OUVUAGES.
MM.
Dep6t de la marine.
Idem.
Idem.
Idc
Francis
de Castelnau.
Depot de la marine.
Idem.
Idem.
Idem.
id et da
I'Oce
le
Voyage au pole sud et dans I Uceanie sur les
corvettes I' Astrolabe et la Ze'le'e, par M. Du-
iiiont d'Urville; hydrograpliie, t. II. 1 vol.
.11-8". i85i.
CAnXES HYUIieXJUAI'IIIQUES.
I'Uii de la cole oecidenlalc de Taiti, de l'aj)ectc
a Piniaavia, 11" 1 •.>6i . 1 85 1.
Ide
Ide
( 422 )
TITIVES.
DONATEUnS.
Carte generale de I'ocean Pacitique, n" 1264-
l85l.
Plan de I'ile 'I'aliuata (ilos Marquises), Plan ile
laltaie dt> Vaitaliu, n° i3oo. i85i.
MELANGES.
MEMOIBES DES SOCIETES SATANTES ET JOUnKAUX.
Fran pa is.
Seances el travanx de I'Academin de Reims, n° Q.
Builelin de laSociete industrielle d'Anjjers, a'ser.,
2* vol i8r>i .
Extrail des seances de la Socipte d'anricullure et
de cominiMce de C:ien. Anne'e l85l .
Rulleltn de la Societe j'eologique de France,
feuilles 5-io (3 nov. l85i — 12 janv. iSSa ).
Journal d't'ducaiion populaire. Fcvuer i852.
Annales de la propnyalion de la toi. Mars i852.
Anglais.
Pliilosophical transactions... (Transactions pbi-
losopliiques de la Societe royale de Londres
pour I'annee i85i, part. 11). Londres, i85i.
1 vol. in-4".
Proceedinjjs... (Actes de la Societe royale de
Londies). Mai i85o. N» 76.
l^isle des menibres.
Espagnoh.
Meniorias... (Mi'inoires <le I'Academie royalc des
sciences de M.idrid, .'i' ser., sciences naturelles,
1. 1, part. II. I vol. in-4")- Madrid, 1 8,') 1 .
R(>-;unien... ( Ilcsuine iles actes de lAcadiiniie
royale des sciences de MaJiid de l85o a I 85 1,
lirocli. in-i8 de 55 pages.
DIVERS.
MM.
i)ep6t de la marine.
Idem.
Acad, de Reims.
Societe industrielle
d'Anf;ers.
Societe d'agr et dc
cotnin. de Caen.
Societe geologiquc.
Les editeurs.
Idem.
Societe royale
de Londres.
Idem.
Idem.
A(M(I. des sciciK cs
• It .Mi.drid.
Idc
Mini.-li I'
I'roces (lis Tenipliers, t. II, iS.Jl, pnlilii' p.ir
M. Miclielel (cidleclion des documents inedils dc I iii>lr. puMi'pir
Mir I'liislnii c (Ir 1' r.iiii i'). I
( /i23 )
TITRES.
DONATEURS.
Gcofjraplue complete et universelle, nouvelle
edition, par V.-A. Mjlte-Briin (fils), proFes-
spiii- (i'histoiie et ile geogiaphie an college Sta-
nisl.is, t. I-V, grand 111-8°. Paris, 1862.
Memoir of the European colonization of Ame-
rican , in anle- histoiic times, par D. C. A.
Zesterniann, de Leipsi;;, avec des observations
par G. fv S(|uier. Avill l85i (from the Pio-
ceedings of the American ethnological So-
ciety).
Voyage autonr dii munde, execute pendant les
annees 1 836 et 1837, snr la corvette /a Boju'fe,
par M. Vaillant, capitaine de vaisseau : his-
Toire naturelle, zoologie, par MM. Kydoux et
Souleyet, ly* livr. ; bolanique, i \'^ et i5' livr.
Des avaiitages de I'irrigation souterraine, par
M. Jules Itier. Broch. in-8". Montpellier, 1 849.
De la naturalisation en France et en Algerie de
plusieurs planles textiles originaires de la
Chine, et de I'application des procedes chinois
a la preparalion de filasses, par M. Jules Itier.
Broch. in-8". Monlpellier, i85i.
MM.
A. Malte-Brun.
Jomard.
Depot de la niarim
J. Itier.
Idem.
PaH-~-
;u!
^■uir/i^itf ^ ■'n'ifntftftit
■. lU..\.t.» .i l,^/ /.v
titi/,, hnMi j:
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c't.lr.M.MJ.alui'^llri'l llollrl
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: I. A MAUIM.
^''"."' Xc'ru' ; IUt/h-/in ,/ . tt>r,7 /S.
l.if):':ih- Ciali'i
I \li;MI 111, I V |;|,M I, ( llldMU I,, \M,( , m I ii|\I> VI II in 111 M 1.1 MI\|nII\1 HI. I \ MM'.IM
BULLETIN
DE LA
SOCIETE DE GEOGRAPHIE.
MAI 1852.
llciiioireii,
IVoticei^^ Docuiueuts origiiiaiix, etc.
AFRIQUE ORIENT ALE.
NOTES SLR LES VA-NGINDO.
M. EUGEiNE DE FROBERVlLT,E.
L
Geogr.iphie du Ku-Ngindo. — Etendue dii pays. — Montajjnes. —
Rivieres. — Climat. — Vegetaux ; animaux.
Les Va-Ngindo occiipent, a environ 50 lieues de la
cote orientals! d'Afriquc, la contrce siluee entre le
fleuve de Lum/na, au sud, ct celiii du Luegu, aii nord.
lis sont limitrophes : a lest, des Ua-Muetra el des
A-Mnko)ide; — a I'ouest, des A-Nindiai des Fa-Diaon ;
— au nord, des J-Matunibi et des Ua-fJma ; — au sud,
des A-Makiui. — La plus grandc longueur de leur ter-
ni. MAI. i. 29
( 420 )
ritoire, en allant dc I'csl a I'ouesl, est d'environ dix
journoes do marche, ce qu'on peul evaluer a prcs de
GO lieues.
On ne voit, nullepart dans ce pays, de chalne, ni A
proprement parler dc hautes montagncs ; on cite ce-
])endant les sommots de Nlh/ign , de Ai^iirugue ct dc
iX/aiiigiia chez les Va-Ngindo occidentaux; el Ton dit
que certains cantons sont coupes de ravins escarpos et
de masses de rochers parmi lesquels on Iroiive dcs ca-
\ ernes prolondes.
Le sol ne renferme pas de mines mcitailirercs; du
moins les Va-Ngindo n'en exploilenl - ils pas, bicn
qii'iis connaissent les prociides de la fonle du fer pour
les avoir \u pratiquer chez Icurs voisins de I'oucsl et
du sud.
Des forets impenetrables couvrint unc parlic du
pays, ct de nombreux cours d'oau, que leiu' rapidilc
ou Tincgalile do leur prol'ondeur rendenl inuavigablos.
fcrlilisent les lerres cultivees principalementen millel,
en riz ct en ccrlaines cspeccs de baricots. Aucune des
rivieres ne roulent dans leurs sables ces parcelles dc
m«ilaux precieux, objet dun commerce considerable
chez les peuples du bassin du fleuve Zembedzi. Les
principaux cours d'eau du terriloire des Va-Ngindo
sont : le Lukimua, grand torrent, qui n'a des eaux
prolondes qu'apres les fortes pluies de I'^t^, et qui
aboulil au Lumina; — le Liikohe, — le Luhusi-lukiiru
(c'est-a-dire la grande riviere), — le Dziiga, affluents
du Lukimua; — le ISainbua, — Luluwu, — le Lugoiii-
bukua, — le Luku/esi.
11 nc parail pas exister de villages considerables dans
ce pays; chaquc I'amille vit independanle et isolee au
( /i27 )
milieu des terres qu'elle cultive, se divisant desqu'elle
devient trop nombreuse, et se tenant sur un pied de
mefiance sinon d'hoslilite envers ses voisins.
Tiois saisons parlagont irr^gulierement I'annee :
Tune, seche et mediocremenl chaude, cominence en
septembre el linit en Janvier ; la seconde, qui est la
saison des orages, des ondees torrenlielles et des cha-
leursetouflfantes, dure jusqu'en mai ; enfinia troisi^nie,
pendant laquelle r6gnent une petite pluie fine el des
brises legeres, termine I'annee.
Les orages, pendant les mois de fevrier et de mars,
sont d'une grande violence, et il ne so passe pas
d'annee sans que la foudre ne tombe sur quelque ha-
meau. La grele est un meteore uioins frequent; niais
les Va-Ngindo en citenl des averses dent les grelons,
gros comnie des ceufs de pigeon, font parfois p6rir les
jeunes aniraaux et detruisent entierement certaines
recoltes.
Parmi les vegelaux qui croissent dans le pays, et qui
sont du restc communs aux contrees voisines, je uien-
tionnerai :
Arbres et arbrisseaux. - Lc inunhoro et le nhekera,
arbres sacres, au pied desquels on depose lafarine au-
guralc.
Lo miingu-inuhdi , dont on adminislro comine
6preuve ou ordeal I'^corce vc^neneuse aux personnes
accusces de sorcelleric.
Le siingu, grand arbre dont la s6ve sert a empoison-
ner les filches.
Le kihegua, dont I'^corce pilee dans un mortier,
fournit un vernis impermeable dont on enduit la vais-
selle en jonc tresse.
I A28 )
Le ndi'onibo, — Ic mtsiengn, — lo ndii-geia [ficus tere-
hmtci), donl les ecorces fibrcuscs seivenl a faire des
cordes et des filets pour la chasse.
Le tondzie, cotoniiier.
Lo ni/iiii'ii { jaiiibosn vulgaris) qui sert a la tointure
des etolles.
Lc nijiindi/u/nbi, arbrc a bois dur dont on fait des
uiortiers et des oreillers ou coussins.
Le ninahe, esp6ce de bambou.
Le iniduiigu [iiini'inda], donl les fouilles se mangent
en pelage, ressource precicuse en temps de diselte. (Le
jioui de inu/iiiigu signifie le bon g^nie, la Providence.)
Le iniikuasu , tamarinier.
Le kurakida, obeiiicr.
Lc ui/jhigiie, autre arbro a c(Eur noir dont on fait
des cbevilles pour los ouvragcs de menuiserie , et des
pointcs de Hecbcs pour la cbasso aux oiseaux.
Lo iniisaiir/ariisi, qui produit la gomme copale,
Le b'dikd, ricin, dont I'liuile sert egalement comuie
cosm6li(]uo ct conime assaisonnement dans los luets.
Le inthndo [takarnaka),
Le nilapa, baobab.
Le vulava [^jlacourtia Ramontchi).
Le linghmho, bananier.
Le inupapuiiii, papayer.
Le dundihire, espece de citronnier; — lo nihemba
{Icea sambucina); — \& maraud zh he [kirganelia]; lo
mava [harotiga), donl les fouilles aromatiques sont
employees dans les bains de vapeur.
LiANES. — ^ Le riiiithmo, donl la racinc est reconi-
nuindto dans les maladies de poitiino.
Lo (aiiibu/i, ou botcl , dont on niacbo la fouiiio avec
( /i20 j
tlu tabac ol tie la chaux, a I'lnstar cic Unis les pcuplcs
de I'ocean Indien.
Le Jiithle , dont los racines rouriiissent un (il excel-
lent.
Le mirimdu-iinihiilxad, donl les liges rampantes sont
tellement enlacees que les betes fauves s'y prennent
conime dans des filets.
Plantes. — Le Uhhnht [arum colocasia).
Le biinibe, moulaide.
Le lihiiimii-H , esp^ce de gros oignons, employes
centre I'bydropisie.
Le makoio, espece do chanvro, que Ton fume en
guise de tabac, et (pii cause suuvent une ivresse sem-
blable a de la demence.
Le hihhnii et le Inkiwl, herbes donl on couvre les
huttes en guise de chaumc.
Le inallhipe [paniciim maxiinnin) .
Le makangaga, graminee donl les feuilles sonl Ires
coupantes.
Le mnpemba, millet; — le u/e/it, espece de legumi-
neuse a graine rouge ; — le inpiinga, riz, base de la
nourrilure des Va-Ngindo, qui cultivent aussi le se-
rame, le mais [rnapcniba-inangh] (1), et diverses especes
de dolies, de haricots et de cucurbitacees.
Les buoga, nom generique des champignons dont
les Va-Ngindo savcnl distinguer les varietes veneneuses.
Parmi les animaux qui vivent dans le Ku-Ngindo,
on menlionne : Les singes {kitumbi), — les macaques
(l) Le rnaVs est exotique a rAliir|ue, couinie I'indique, son nom :
millet de la met; c'est-a-diie des pays d'oiitre-mer, dans la plu|)ait des
Ijngues ostro-negres. Eu siihaili et en lima, sa provenance de I'lude
est flairetnent sigiialee par le nom de mah'ntdi, mllnndi.
( 430 )
{mallpa), — la chaiive-souris {kinima), — Ics roiissclles
[mnndziri), — la nuisaraignc {lihiinibandlra) , — Ic ralol
(^Ijfu^e), — le chien domestiquc ( mhitn), — Ic chacal
[limen), — la hyene {lituniingu) , — le lion {lilumha),
— le leopard {hihin>i), — le chal {kilunginn), le rat
{likiile) , — la souris [kinangu) , et un grand nombrc
d'aulres rongeurs , — une especo de herisson [tavara),
— Ic pore epic [fllno e\ kinhngu), — lo Ilevre {kipetsa),
— le sanglier {ligwiive), — le rhinoceros a deux cornes
[hera), — I'liippopolaine [domonde) , — I'^lephant
[dembo], — ieztjbre {/ipiuida), — un grand nombre d'cs-
peces d'anlilopes, et particulierenient le gnou [IhiikIzii),
— le cabri [bidd), — le uiouton [butt), — le bullle
[ndziati), Ic bceuf {gumbc, Iresrare dans le pays), —
[dusieurs especes de grands serpents (terine generique :
/i/ioka, qui signific d6mon, mauvais genie), parmi les-
quels le boa [lihhto), — le crocodile [libainba ), — le
canieleon [luhlu), — la torluc de lerre [kbtigue], la
sangsiie [hiinde).
Paruii Ics insectes : les grosses termites [bamba el
giimbi), dont les fourmiliercs sont haules corame les
bullcs des indigenes, — les scolopendrcs {gerenehiia)^
— les scorpions [kipUili), — les inousliques [dzendzema) ,
— les sautorelles devastalrices {maparahai-a), dont les
Va-Ngindo lont une sorte de confiture.
Parmi les oiseaux : le tsatsengua sacre, — la poule
d'eau [kihunanri). — le canard sauvage {/iimtn), —
la pintade {kduga), — la poule domeslique {giikn), et
un grand nombre d'oiseaux de proie, enlrc autres le
vautour [nnmueve).
Les rivieres sont tr6s-poissonneuses, mais on n'y
p6chc pas dc grands poissons. (Poisson, terme gene-
( 431 )
I'ique : hoinba; — anguille, giuiga , — (^crcvisses, ^a/i-
gahanga; — crabes, likara; — coquillages, goivinhe).
11.
Type des Va-Ngiiido. — Leur langue. — Leurs facultes iniiHec-
tuelles. — Superstitions; coutumes caracteristif|ues. — Tiadition^
relifjieuses. — Culte : la farine augurale; I'invocation pour la
pluie.
La race ngindo, an point de vue ethnographique,
tait partie de la grande famille des peuples de I'A-
frique orientale au sud de I'^quateur, fatnille a la-
quelle j'ai propose de donncr le nom A'Ostro-Negres, et
dont on pent ranger les types en quatre groupes prin-
cipaux :
Le premier, ayant le caracl^re du Ntigre pur, dans
sa classique laideur;
Le second, se rapprocliant dii type predominant
chez les Cafres et les Bechuana ;
Le troisieuie, tr6s-analogue a celui des Nfegres ocea-
niens ;
Le quatri6ine, ou le caraclere de ia race s6mitique
se raontre avec ime grande Evidence (1).
Sous le rapport linguistique, I'idiome ngindo, par
son vocabulairo et par sa syntaxe, se rattache intime-
(i) La question Lrethnologie historique relative a I'originc dc oe
dernier type a c'tc traitee ilans un memoire prosente a TAcademie
des sciences, en meme temps que les mDulaf;es sur nature exe'cutes
par I'autf'ur anx ilts Boui Ijon et Maurice. Lc tome XVIII des Comptes
renchis, scante du aG I'cvrier 1849, '^" renfermo unc analyse succiucte,
et le tonic XXX, seance du 3 juin i85(J, contient le rapport de la
commission noinmcc par I'Academie, et composee de MM. Serres ,
( /i32 )
mcnt non-seulement aux aulres idiomes ostro-n^greo,
mais a loules les langues connues de I'Afiique mdri-
dionalc et do I'Afriquo occidentale, qui ont, coinme
on le salt, uue construction grainmalicale fondee sur
I'emploi do prefixes euphoniquciuent ropeles dans le
cours d'une phrase (1). Le tableau synoptiquo annex^
a cctte note donne le resultat auqucl ont conduit les
coniparaisons philologiques dont cette f'amille de lan-
gues a (ite I'objet.
Lintelligence des Va-Ngindo, conime celle de tous
les peoples de I'Afrique orienlale, paralt m^diocre-
nienl developpce ; mais die n'est que paresseuse ou
engourdie. Lorsqu'ils sont places dans un njilieu d'edu-
cation moins barbare, — chcz les Arabes de Zanzibar
ou des lies Comores, par exeinplc , — lours facultes
s'eveillenl rapideuicnt et les mettent inlellectuellement
au niveau de tout le nionde.
Le tissage du colon, la fabrication des lances, des
arcs et des fleclies, celle de la jiolerie el de divers
instruments de musique, la construction depieges in-
g(5nieux pour les betes fauves, la sculpture do moublcs
et de figures en bois, les compositions musicales et
les longues histoires racontees aux veillees allestent
qu'ils ont de I'induslrio, do riniaginalion, et, jusqu'a
un certain degro, du gout pour los arts.
Flourens ot Dupeney. Co r.ijuioit, du ;i la jilniiio df M. Scires, uc
louche (ju'a la paitie anthropologiquc du mrinoiie precito, dont il
approuve les coupes ct divisions; it reserve la tlieschistorique, coninie
n'etant pas du rossori de rAcadeuiie des sciences.
(l) Voir, dans les Proci's-verhciiix ties seances de la Socie't^ d'histoire
naturellc de Maurice (8 fc'vrier i 8.j4i p- ^4"7o)i V-'hirilyse (/'uh travail
de M. Eugene de Froberville sur les laiu/ucs et les race? de V .Ifriijur
orienlale.
( /js;? )
Le Mu-Ngindo est sensuel, independant de caractfere,
hospitaller, ni mediant, ni cruel. Je ne le crois ni
courageux, ni belliqueiix ; car, tandis que les guerres
generales sont rares et durent peu, les querelles et les
vengeances furtives enlre tribus n'ont jamais de terme.
Le vol parait a peu prea inconnu chez ce peuple.
Les superstitions les plus grossiferes et les plus ab-
surdes enchainent la volonte des Va-Ngindo et dirigent
la plupart de leurs actions. Une s(^rie interminable de
prohibitions, d'augures et de charmes exerce &ur leur
esprit I'empire le plus despolique.
L'heredite del'oncle au neveu par la ligne feminine,
I'horreur de I'inceste et de I'adullere, le devoir de
venger un parent assassin^, I'interdiclion de certains
aliments consid^res comme impurs, sont des traits
saillanls de leurs coutumes et de leurs moeurs.
La connaissance des croyances, des traditions reli-
gieuses et des coutumes est donnee aux jeunes gens
par une cspece de pretre ou de savant, nomme a nhiago,
durant la retraite a laquelle on soumet les garcons a
I'epoque de leur circoncision, et les fdles au moment
de leur mariage. Ces instructions constituent loute
I'education morale de la jeunesse. Je les rapporte dans
les pages suivantes, lelles qu'elles m'ont 6le naivement
racontees par un vieux Mu-Ngindo, aussi remaiquable
par son intarissable memoire que par I'etendue de son
intelligence.
« C'cst Mulungu qui a I'ait toute chose, et il est dans
» tout cc qui est beau et bien. II demeure dans le
» ciel au soleil levant, oil il vit au milieu des bonnes
)) ames et dos bons genies. Jusqu'au moment oil la
( Zi3/i )
B terre ful faito, Mahoka (1) errait dans I'cspaoc sans
» pouvoir se reposer. — Au commencement, Miiliingu
» fut louche de la niisere de Mahoka, il lui dil : « Vencz
» demeurer chez moi, nous Iravaillerons ensemble et
B nous parlagerons les fruits de nos travaux. » Mahbka
» y consent. Mulimgu avail sem6 un champ dc rnillol.
» Lorsquc les epis furunt murs, il dil a Malibka : « Fai-
» sons la recolle. » Mulimgu cueillil ks grains, qu'il
» jeta sur la lerro , ou ils crurcnt abondamment. Ma-
» hoka nc recolta que la paille inutile. — Mulimgu dit
» a Mahoka : (( Faisons du miel ; cc sera bon poui' les
)) hommes. » II crea I'abeille; Mahoka fil la gu6pe. —
» Mulimgu dit a Mahoka : « Faisons un animal qui
» garde les maisons des pauvres gens sans famille. » II
» fit le chlcn ; Mahoka fit le cliacal. — Mtdiujgu voyanl
» alors I'csprit dc contradiction de Mahoka, le chassa
» do choz lui en le maudissant. »
(( Dans cc temps-la, Mulimgu parcourait la tcrrc ct
» visilail les hommes. Un jour, sept hommes, nommes
» Nasandc , Kumb^nda , Kungumuali , Aimaniai" ,
» Nzovera, Kimbimga, ot Kipcicro, voyageaicnt en ca -
» ravane (2). Kipeiere mourut subitoment. Tandis
(i) Ce moi, liicn (iiriniliquant iino individualitc', nsl toujours prc-
tciite sous la forme du pluriel quand il s'appliqiic ;iu principe ft a
rautenr du inal. Li-hoka, qui est la forme du sin(julicr, signifio iiii
demon suhaltcrne, iin ctre malfaisant crce ou inspire par Ic {;eiiic
supreme du mal Mahoka. Le mot r|ui si;;nific serpent differe peu dr
ccux-ci : au singulicr, lihibka ; au pluriel, makibka. Ce rapproclic-
ment peul se faire dans presque toules les l;ui(;ues oslronej^res.
(2) Voici la signiHcatiou de ces noms : Nasandcy enclumc jA'um-
( /i35 )
» que ses compagnons se desolaient a I'ecart, survicnt
» un etranger qui, apprenanl la cause de leur cha-
» grin, leur dit de se consoler; car il sait le secret de
» rcssusciter les niorts. S'approchant du cadavre , il
» Ic frotle d'un onguenl , et Kipeiere revient a la vie.
» Pleins d'adniiralion pour le savanl elranger, les sept
» voyageurs I'invitent a faire route avec eux ; il y con-
» sent ; mais il marchc silcncieusement a I'ecart. On
» traversait un pays aride : la soif va faire perir les
» voyageurs ; ils diiliberent de quel cote il faut aller
» chercher une source. Ciiacun a un avis different; ou
» se dispute , on va en venir aux coups. L'etranger
» s'approche et leur dil de se baisser : unc fonlaine
wjaillit a leurs piods. — On continue le voyage. Le
)) lendemain , nouveau peril : la faim se fait seutir.
» L'etranger vient encore sauver les voyageurs : il leur
» niontre au detour du chemin un repas excellent sur
» lequel les affames se jettent avec avidite. Apres avoir
» bien bu ot bien mange , les sept compagnons refle-
» chissent a la puissance de I'honinie qui les accom-
)) pagne sans se meler a eux. — II va nous r^duire en
» esclavage , disent-ils ; il faut le tuer ! — Kinbunga
» sc charge d'execuler le crime. 11 se place Iraitreuse-
» mcnt derri^re l'etranger, et lui enfonce sa lance
)) dans le dos. La viclime pousse un soupir, leve les
» bras et s'envole vers le ciel : c'etait Mulungu. Saisis
)) d'effroi, les meurlriers se jeltcnl la face contrc torre
)) et invoquent leur pardon. La voix de Mulungu, qui
» vibrc comme le lonnerre, apres les avoir terrifies,
brnda, le |)liisjemic Jes tils, le liciijarnin ile la fatnille; Kiiiinumunli,
nom il'une liacie odoriferante; Aimanuii", lierbe; A'^r/idi/ciYi, clanieuij ;
Kinbunga, Ic vent; Kipeiere, iioni d'une des especes de rassades.
( A3(i )
» pardonuo a six d'entre eux : le seplieme, Kiiibiinga,
» ineurtfrapp^ par la foudre. Son aine devint Ic vent;
» pour expier son crime , il parcourt la plaine , les
)) montagnes ct les eaux, c.l nc Irouve jamais do repos.
» — Depuis ce lemps, les liommes no voienl plus Mu-
)) liingu parini eux. Mulungu (^coute encore leurs
» prieres, fail murir Icuis rdcoltes et los protege contre
» la malice de Malioka; mais il nc se hasnrde plus au
» milieu de celle race ingrate et perverse. »
« Les ames des liommes bons {milhn^n; au singulier,
» mhng/i) vont dans Ic ciul, a I'oricnt, ou est la demeure
» de Muiiingu. Les ames dos meclianls deviennent des
» Milioka, ct rcstent sur la terre oii, lantot ils prennent
» la forme d'animaux laids ou nialfaisants ; tantot, in-
» visibles , ils soulevent des tourbillons de poussiere,
» conduisent les nuees de sauterellcs ddvastatrices ,
« ecartent de I'horizon les nuages charges de pluie ,
» entrent dans le corps des fous et des malades , cas-
» sent les ustensiles de menage , president enfin a lout
» cc qui est mauvais, laid ou bele. Si une femrae ac-
» couclie de deux jiimeaux ou d'un enfant contrefait,
» c'esl un liiioka qui I'a voulu ; si die est toule sa vie
» slerllc , c'est encore Foeuvrc du malin : Dieu I'avait
» faite pour (lu'elle consul; Mnlioka lui a ilonne des
» enlrailles d'liomme. Si votre pied lieurte une pierre
» ou une racine d'arbrc, c'est (ju'un lilioka s'y est
» blolti ilessous ; si vous vous ctranglez on mangeant,
» c'est (|u'uM lilioka se met on travers dans votre
» gorge. II est dilliclle do so preserver des male/ices
») des milioka. La stricte observance des couluiues
» nalionales peul jusqu'a un certain point meltre a
( A37 )
» I'abri des grands niallieurs t'omenles par ces m6-
)) chants esprits ; mais on est, ijiiol que Ton fasse, lou-
)) jours expos6 a leurs espiegleries. Les mihokas sont
» inalheuroux ; ils n'ont d'autre abri que le feuillago
» agite des arbres , deux excepl»^s: le niiinhoro et le
» nhekera, qui sont consacres a Muliingu. »
Le culte des Va-Ngindo parait se reduire a deux
actes d'invocatlon augurale.
Le premier, qui s'appelle kneiula kti-v}kirn rnbbpe/iii,
c'esl-a-dire aller disposer la farine; ou ku-popeira mu-
liingu, c'est-a-dire, litleralement, enfariner Midungu,
consiste a broyer avec des pri^caulions partlculieres
de proprete une certaine quanllte de millet, d'ul^hi ,
ou de rizj a verser la farine qu'on en oblient dans un
petit panier plat consacr^ a cet usage [kiheneko tsa
mbbpei], de fagon a ce qu'elle forme un cone aigu, et
a la deposer Ic soir au pied et a I'orienl d'un mimhoro
ou d'un nhekera en disant: wMulungu, eh! si vous ne
voulez pas que j'enlreprenne telle chose, faites-le-moi
savoir en eparpillanl cette farine, et j'obeirai a voire
volonle. » Le lendemain, on visile le depot de farine,
el, d'apres cet examen , on execute le projet qu'on a
forme ou Ton y renonce. — Cel acte se repete a chaque
circonstance que le MuNgindo consid^re comme im-
portante dans sa vie, telle que la chasse a I'clephant
el au buille , la plantation ct la recolte du millet, de
I'ulehi et du riz, les voyages lointains, etc.
Le second acte [uglnibe un iiln, c'est-a-dire I'arak ou
tafia de la pluie) a pour objot de conjurer I'inlluence
funeste de Mahoka , lorsqu'clle se manifesle par des
( /i38 )
sechercsses deslruclivcs de la gorinination ot de la
vegelalion dos grains. Ce sont Ics chefs ct Ics vicillards
qui rondionnent dans celte ceronionie. lis sc rendenl
en procession a la riviere voisine en tenant dans leurs
mains des vases remplis d'arak, et en chantant les pa-
roles suivantes :
Miiti-hiim v(jiituse!
Juoide viiha mucjiindal
c'est-a-dirc : Vous enlendez que nous pleurons ! Se-
cheresse, sorlez des campagnes!
Arrives au bord de la riviere , les chefs et les vicil-
lards se depouillent de leurs vetemenls , puis ils des-
cendenl dans I'eau, et y versenl I'arak en criant et en
chantant jusqu'a ce que la pluie tombc, ce (jiii a lou-
jours lieu, diseut les Va-Ngindo , si la ceremonie est
faite conformeraenl aux coutunies antiques. L'ondee
oblenue , la |)rocession revicnl au luuneau en chan-
tant surle meme air :
Tu tiuliio nupiri (juitu!
c'esl-a-dire : Nous revenons avec noire conlcnlemenl!
III.
Gouverncincnt ties tiibus nc'inilu. — l>e Tsinnicne, on c!u;f, ci I'as-
scniblec puLlique. — Repression des ciinies cl delits. — l.';ulnl-
teie chez les Va-Ngindi). — \l Aliilltm, on avocal nit'diatenr. —
Son intervention oonciliante. — Details sni- ie (linido-lulnuMUi on
vendetta ties Va-iNgindo.
Les Va-Ngindo sont divis^s en tribus trfes-peu nom-
breuses, vivant sous I'autoril^ prt^caire de petits chefs
( /i39 )
[tsimuene an khimnene) iiulependaiitslcs unsdes auties,
et s'alliant raremenl cnlrc eux, par suite d'anciennes
lioslilites. La forme originairement patriarcale de leur
gOLiverneinent a perdu presque entieremcnt ce carac-
tere par I'introduction d'nn element eminemment re-
pul)licain : la participation de tons les membres de la
communaut6 a la discussion des projets concus par le
tsimu^ne. Ce chef est her^ditaire par primogeniture
dans la ligne ft^minine collalt^rale, c'esl-a-dire qu'il
succ6de au fri^re de sa mere. Bien que g^ncralement
respected, sos privilt^ges sont presque nuls, et son pou-
voir est borne par I'esprit d'independance individuclle
qui est tr^s-prononce chez ces tribus, el qui les poussc
souvent a se fraclionner en nouvcUes conimunaules,
sans liens ct sans force, des qu'il surgit parmi elles un
germe de meconlentement , soil contre le chef, soil
cntre parliculiers.
Le tsimu^ne est charge du jugcment el de la repres-
sion des crimes ct debts ordinaires ; mais le plus sou-
vent il reunit pour eel objet une assemblee ou toul le
monde a le droit de donner son avis. Les peines
infligees suivant la gravite des cas sont I'amende. les
coups, la mise aux ceps et la reprimande publique ;
mais le condamne peut toujours rachcter la peine au
moyen d'une indemnite envers la partie plaignante.
Le meurtre est puni de morl, a moins f[ue les proches
parents de la victime ne prefferent accepter le prix du
sang , ou envoyer vendre le coupable comme esclave
surla cote. La femme surprise en flagrant delit d'adul-
lere est quelquefois mise a mort par son mari ; mais
generalementcelui-ci se contcnte de la vendre comme
esclave avec son dernier enfant s'il est encore a la
( ii/iO )
manielle ; son complice n'oluient jamais grace de la
vie. Les Va-Ngindo considerent radullere coinme le
plus grave des attentats ; ils le poursuivcnl avec uu
acharnement ellV^ne , et neaninoins rien n'cst plus
frequent cliez eux.
Un personnage r^ellement influent dans la societe
Dgindo est Vakitara, esp6ce d'avocat m^diateur qui se
charge d'apalser les querelles j)riv6es ou publiques.
L'akilaia n'est pas un fonctionnaiie, bien que son in-
tervention ait loujours une gravite officielle. C'est un
simple particulier que son experience, son eloquence,
son caraclere serieux et conciliant recomniandent au-
pres de ceux qui out des reclamations a exercer. —
Lorsque I'akitara am^nc une reconciliation enlie les
deux parlies , elle s'opihc de la manifere suivante , ce
qui s'appellc deina liii^o/ii (aclloii de couper le cou) :
I'un des adversaires tient les palles, I'aulre la tete
d'une poule ; I'akitara , place entro eux, apres avoir
prononce quelques paroles qui constalent le rappro-
cliemenl des parties, coupe le cou de la poule ; puis la
bete, sur-lc-cbamp mise au pot, est servie aux deux
adversaires dans un repas qui scelle leur raccommo-
dement.
Si les elTorts du mediateur ont (ichoue devanl Ten-
telement des parlies, il se retire, el laisse la vengeance
de I'olTense s'exercer par le meurtre furlif, soit de son
ennemi, soit d'un membre de la tribu dont celui-ci fail
partie , soit enfin d'une personne elrangere a cette
Iribu, ce qui donne naissancc a d'intcrminablcs re-
prt^sailles de tribu h. tribu.
Quelques details sent n^cessaires a I'explicalion dc
cette singuliei'e cspece dc vendetta [guii((o-luhnlinn),
( hh\ )
guerre furtive a la i'acon cles voleurs) (lonl I'absurdile
passe toulc croyance. — Je prends coniinc exemplc
un cas de vol. — Lin hornme onlcvo uii calui dans un
hamcau voisin. Le proprielaire, apies avoir pris quel-
ques informations , cnvoic I'akitara deniander au ra-
visseur : 1° la restitution de I'aniinal vole ; 2° une forte
indemnity. Si celui-ci refuse de satisfaire a ces de-
mandes, I'akilara declare la tribu solidaiie du crime,
et tache d'obtenir d'ellc ce que !c voleur refuse d'ac-
cordor. L'assembleo publiqiie, r^unie par le tsimuene,
d^libere alors et se prononce : ou elle force le coupable
a rendre le cabri el a payer rindemnil6, ou elle livre
le voleur au vole qui le vend a son profit aux mar-
chands d'esclaves; on, eniiu, elle refuse absolument
d'entrer en accommodement, Dans ce dernier cas, le
vole s'ettorce de lier sa propre famille a sa cause ; s'il
y reussit, la guerre est declar^e entre les deux tribus,
et ne cesse qu'apres la dispersion de I'une ou de
I'autre. Si ToUcnse ne parvient pas a persuader a sa
famille de prendre fait el cause pour lui, il va roder
autour du hameau de son ennemi, et se fail justice en
tuant le voleur ou un de ses parents ; mais le plus sou-
venl toule la Iribu est sur ses gardes depuis la ddsclara-
tion faite par I'akitara , et personne ne se laisse sur-
prendre. Commc il faut ccpendanl que sa vengeance
s'exerce, I'oCfense, pour n'etre pas la risee de sa tribu,
se dirige alors furtivement vers un autre liameau, et
perce de sa fleche le premier babilant qu il rencontre
a I'ecart; puis, en se relirant, il laisse tomber sur le
chemin des rameaux et des feuilles qui permettront a
la famille de I'assassine de suivre les traces du meur-
trier. « J'ai tue voire frerc , dira cclui-ci a Takitara
in. M,\i. 2. 30
{ hill )
envoj(i pour demaiidcr reparalion du criine; j'ai lii6
voire fr^re, parce que celui qui m'avail offense s'e.sl d6-
loljeania vengeance. Si vous i\\ei ducceur, allezniellro
a uiort comme il Ic tnerilc celui que j'ai poursuivi en
vain. » Et il donne al'akitara une pioclic pctur indiquer
qu'il Taut aplanir le cheuiin (jui conduil au village de
I'offenseur. La Iribu a laquelle appmlienl la viclimo
ne se conlenle pas, comme on le jirevoit, dc cetle
raison syniliolique ; elle exige la t6le du nieurlrier,
A, ne I'ohlenant pas, clle agit comrae il I'a fait: le
plus proche parent de I'assassine se charge do pour-
suivre et de luer soit son ennemi, soil un innocent de
quclque autre Iribu. Dcs hameaux eloigp.es sc voicnl
ainsi engage s par le nicurlre inopine dun de lours
habitants dans une querelle donl ils ignorent souvent
le prc'XDicr luolil'. — Si i'assassine ne laissc que d(>
jeunes neveux, leur mere rappelle do toinps en temps
a I'aind d'cnlre eux qu'il aura un jour a lavor le sang
de leur oncK-, et c'est un devoir (ju'il accomplil des
qu'il alleinl I'age de raison. II cherche alors a ren-
contrer le meurtrier, et si celui-ci dchappe a sa ven-
geance, il ajoule un nouvel anneau a la cliaine de ces
crimes ordonnes par une falale coulume, en I'rappani
une viclime elrang^re au demeld originaire. C'est
ainsi que loule si;curite est bannie de la icrre des Va-
Mgindo. Souvenl un grand nombre d'annees sc passe ;
I'auleur de rotlense premiere a oublie sa faute ; il
ignore menie qu'une foule d'innocenls Font pay6c de
leur vie, lorsqu'une fl^ciie decochde par une main
inconnue vienl I'alleindre a son lour. — I'arl'ois, mais
cela est rare, grace aux efforts des tsimuene et d'aki-
lara habilcs, plusieurs tribus decimees par le gondo-
( /i/i3 )
luhiiimu s'unissent pour chalier la tribu a loquellc
appartient le premier auleur tie ces sanglanles iiosti-
lites. La paix se conclut alors ; niais la tranquillite
dont le pays jouit n'est jamais complete ni assur^e.
La mefiance avec laquelle chaque tribu s'isole de ses
voisins el Ics observe monire que les ressenliments
vivent toujours clans les cceurs, et n'attendent qu'une
occasion pour ^clater de nouveau.
La vendetta ngindo conserve, dans un grand nombre
d'autres cas , son caractere primilif d'acte expiatoire
du sang repandu. Par exemple, lorsqu'un voyageur a
peri par accident en traversant le territoire d'une tribu
^trang^re, lorsqu'un homme a 6t^ tu6 en faisant la
guerre au service d'un tsimuene etranger, ses nevcux
sonl censes ignorer comment les fails se sont passes ;
un d'entre eux est lenu de venger leur oncle en luant
ou le tsimufene ou un membre de la Iribu au milieu
de laquelle la mort a eu lieu. A d^faut de ceux-ci, il
devra sacrifier un homme apparlenanl a un? autre
tribu.
( La suite a un prochain numero.)
( hlili )
VOYAGES ADTOUR DU MONDE
NAVIGATELRS RUSSES.
NOTICE
FAH M. LE PRINCE EMMANUEL GAIJTZIN,
CorrespoiiUuiil eli';ingei tie lu SolIuIc du g>:ogrj|>liif (Ij.
PREMIERE PARTIE (1803-1824).
KRUSENSTEnN ET MSIANSKY (1803-1806).
AuU'cfois loules Ics couiniunications cnlre les colo-
nies russes do I'Ameriquo el la luelropole avaient lieu
par la voio d'Okliolsk, en traversant la Siberic, ce qui
enlralnait do grands dclais et dcs diiTicultos sans
nombrc. Frappo de ces inconv(inicnls, M. dc Krusen-
stcrn proposa d'approvisionner a I'avenir ces elablis-
semcnls au nioyen de navires partant du port de
Kronslwl. Ce projct ayant ete adopt(!i, on decida d'ex-
pedier celte premiere fois, a litre d'essai, le vaisseau
Nadejda, sous le commandement de M. de Krusen-
slern hii-menie, et le vaisseau Neva, sous celui de
M. Lisiansky. Oulre Ic ravilailloniont des colonies de
rAni6rique, ces navires devaient transporter le per-
sonnel dc I'ambassade, qui etail sur le point dc parlir
pour le Japon, dans le dessein d'y nouer des rappoi'ts
conimerciaux.
Le depart des deux balimenls eul lieu deKronslad, Ic
26 juin 1803. Apres avoir relache ensemble k Copen-
hague, ils se separ^rent, au sorlir du Callegat, pour
(i) CeUe notice esl uii abreye du travail sur la iiiatii'iu (|ui a ule
iiiiblie recemtnent par Ics soiiis de ratniiaule de Sainl-l'etersbour{j.
( /iZio )
nc se rejoiiuli'c (juc pros des coles d'Anglotorre. M. le
chambellan ResanofT, charge de se rendie an Japon en
qualile d'ambassadeur, profita dc la rencontre d'lin
bailment anglais pour gagner dlreclement Londres, oii
ses instructions I'appclaicnt, tandis que MM. de Kru-
senstern et Lisiansky franchissaient le Pas-de-Calais,
el allaient mouiller dans la rade de Falmouth. Le
26 septembre, M. Rcsanofi" arriva de Londres, et s'em-
barcjua aussilot siir la Nadejda. Le 8 octobre , on re-
lacha a Santa-Cruz. Le 25 du meme mois, apros avoir
pass6 la ligno , les deux l)atiments se rapprocherent
des cotes de TAmerique meridionale , pour continuer
ales suivre , dans le but d'en gagner I'exlremlte. Le
1" ddcembre , ils se trouverenl a la hauteur du cap
Frio; puis ils all^rent jeler I'ancre pres tie I'ile Sainte-
Catherine.
Le cap Horn ful doubk^ sans grandes difficulles, le
3 Janvier i80Z|. Bienlol apr^s, de violenls coups do
vent s^par^rent les deux batiments. Le 2/i avril, M. de
Krusenstern alteignit le port d'Anna-Maria, dans I'ile
de Nouka-Hiva, oii il ne tarda pas a etre rejoint par
la Neva. Le commandant s'y livra a un grand nombre
d'operatlons de relevement, et fit la decouverte d'une
anse, a laquellc il donna le nom flc bale TchitchagofT.
De Nouka-Hiva, les doux navircs firent route, do con-
serve, vers les iles Sandwich. A parlir de ces ilcs, ou
Ton fit relache, M. Lisiansky se s^para de M, de Kru-
senstern : le premier fit route directenicnt vers I'ile
Kadiak (Amerique russe), et le second, vers le Kamt-
schatka.
En parlanl dcs iles Sandwich , M. dc Krusenstern
tint le cap enlre les routes qu'avaient suivies tour a lour
( lihd )
Cook et Clarke. Arnvci au 36° parailole, il eiilrej)rit
de recherclier Ja pretondue Irrro indiquee a I'csl tlu
Japon sur d'unciennes carles espagnolcs; niais co lul
en vain qu'il affronla dans ce bul des brumes epaisses;
ses reclitrches n'aboulircnl a aucun r^suitat. ArrivOe
au Kamtschatka , /a Nndejila dul siibir un radoub g6-
n^ral dans Ic port de Pelropavlovsky. Cclle operation
achevee , le batiment reprit la incr le 27 ;iout, el se
dirigea vers le Japon. Des bourrasques continucllos
Taccompagnerenl jus(|u'au 3 sej)tembre ; le 20 du
rnfime mois, il essuya une tempele violentc a proxi-
mity des coles japonaises. On sail d'ailleurs que I'ani-
bassade ne fut pas accueillie par le gouvernemcnt ja-
ponais, et qu'apr^s une allenle de cinq inois, force lul
a M. Pn^sanoff de se rembarquor, pour s'eloigner d6fi-
nilivemenl des cotes inbospilalieres du Japon.
M. tie Krusenslern quilta le port de Nangasaki lo
5 avril, et, traversanl le canal de Coree , il deboucha
dans la raer du Japon ; son intention 6tait ti'oxplorcr
ce bassin. Le 28avril, on niit a Tancie sur la cole nord
de I'ile Malsmai, dans une anse nouvellonient decou-
vcrle, qui rcQut le noni de bale Rouniiantsofl". Chemin
faisanl, la position de plusieurs lies avail ete soigneu-
sement dotermin^e. Plus loin, la Nndejda penetra dans
le d^troit de La Perousc ; mais de grandes masses do
glace que Ton rencontra le 15 mai, dans le voisinage
du cap Patience, forc^rent d'abandonner Ics rcclior-
ches couimencees , pour faire route vers le Kamt-
scbalka. Tandis qu'il longeait la clialnc des Kouriles,
M. tic Krusenslern decouvril, le 18 mai, un gionpe de
petites lies. Ce no fut pas sans de grandes difliculbis
et beaucoup de perils qu'il vint a bout de s'ouvrir un
( hlxi )
passage dans I'Ocean. II y parvint cependant, et qualre
jours a])r^s il mil de nouveau a Tancre dans le port de
Petropavlovsky. M. Rosanoff y doscendit a terre. Geci
fail, la Nadcjda remit on uier pour tenter une excur-
sion a reinboucliure de TAmour ; le 7 juiilel, le bati-
ment doubla le cap Patience , et s'avanga ensuite vers
I'embouchure de la riviere. En cc dernier endroit,
M. Krusenstern eut soin, entre autres choses, de veri-
fier les observations failes par La Perouse ; apr^s quoi,
il lui faJlut retourner au Kanitschatka pour la derniere
fois.
Le moment de songer a revenir en Europe elail
arriv6; mais, avanl d'entreprendre une longue naviga-
tion, il etail necessaire de I'aire au batiment plusieurs
reparations urgentes. Ceci entraina des delais, de ma-
niere que le depart ne put avoir lieu que le 23 sep-
tembre. M. de Krusenstern parlit pour Canton , avec
Fesp^rance d'y etre rejoinl par la Neva. Le 25 octobre,
la mousson se fit sentir dans le voisinage du tropique
du Cancel- , ce qui permit d'avancer rapidemenl : a sa
laveur, le batiment p^netra dans la mer de la Chine le
6 novembre, et, deux jours apres , il atterrit a Macao.
Le 27 du mois, la Neva rejoignit, charg6e de pelle-
teries. Le depart de Wampoa eut lieu le 29 Janvier. Le£
deux navires repasserent I'equateur pour la troisi^me
fois le 12 fevrier. Le 21, ils entr^rent dans I'ocean In-
dien, et se dirigerent vers le cap de Bonne-Esp^rance.
Le 15 mars, ils pass^rent le tropique du Gapricorne.
Bienlot un coup de vent les separa, ce qui fit que M. de
Krusenstern arriva seal a SainleHdilfene le 21 avril. N'y
ayant pas x'encontre la Neva, il renonga a I'atlendre,
et fit voile vers I'Europe. Le 10 mai, il traversa pour la
( liliS )
qualriemo fois I'equaleur. A jiarlir de cc poinl, nous
nc sulvrons plus le navigateur dans sa course, et nous
nous bornerons a dire qu'il effeclua son relour definilif
dans Ic port de Kronslad le 7 aoill 1806.
Retournons a M. Lisiansky, qui, comme on I'a vu ,
s'6lait s6pare de M. de Rrusenslern aux iles Sandwich,
pour se rendre dans TAmerique russe. La iVewi ef-
fcctua heureusement cette traversec , et rnit a I'ancre,
le 1" juillet 180/1, dans la rade de Saint-Paul, de I'ile
de Kadiak. Le commandant du balinient ayant ajipris
que les Koloches avaient devaste le village de Novuia-
Arkhanghelsk (Nouvelle-Arkhangel), et que le gouver-
neur, M. Baranoff, etait assieg6 par eux dans I'ilo de
Sitka, fit aussitot ses dispositions pour lui porter se-
cours. Grace a cette cooperation, le fort fut degag^, et
des otages furent pris parmi les Koloches. L'afTaire
ainsi reglee, /a l\ei>a retourna a Kadiak, ou le batiment
fut de rctour le 16 novcmbrc. M. Lisiansky, qui devait
embarqucr les pcUetcries de la Compagnie, se Irouva
dans la nc^cessitd de passer Thiver sur place ; il Ic mit
a profit pour cxecuter un grand nonibre d'operations
dc rel^venienl.
La Nei'a quitta lo golfe de Silka le 20 aout 1805,
pour gagner Canton , y rclrouvcr (si fairo sc pouvait)
M. de Kt uscnslern , ot puis cflectucr son relour en
Europe. M. Lisiansky cut soin pendant cette navigation
de passer par I'endroit ou, en 1 786, lo capitaine Porllak
avail aper^u des indices de lerre. Toutefois il ne rcn-
conU-a rien dans I'endroit design^ , ct des venis va-
riables continuant a conlrariir la marchc du naviro ,
il sc decida aj'airc route vers les Mariannes. Le 3 oc-
tobrc , le buliaienl touiba sur un rccif dc corail, a
( hh9 )
proximite d'unc tcire basse, a laquolle le comman-
dant donna son nom. II fallut beaucoup d'efforts pour
venir a boul de se dtlsgager, a ce point que ce fut seu-
lement le 7 octobrc que Ton put remetlre a ]a voile.
L'ile est situee par 26° 2' 48" de latitude nord, et 193»
42' 30" de longitude a I'ouest de Greenwich (163° 57' 6"
est de Paris). Quatre jours apres, M. Lisiansky eut la
bonne fortune de decouvrir une autre terre, bordee de
r^cifs, a laquelle il donna le nom d'ile Krusenstern :
celle-ci est situee par 22° 15' nord de latitude, et 175"
37' de longitude ouest (177° 57' de Paris).
En se rendant des Mariannes a Formose , /a Nei>a
essuya un ouragan terrible. Au plus fort de ce tvphon,
le batiment penchait a un tel point, que la mer en la-
vait le pont jusqu'au pied des mats. Beaucoup de pel-
leteries furent avariees pendant cetle lempete, et la
Neun fut gra'vement endommag^e. Le 16 novemhre,
M. Lisiansky p^netra dans la mer de la Chine, ou il se
I'eunit, le 26 du mois, a M. de Krusenstern.
Nous Savons que, de Canton, /a Nch'a navigua de con-
serve avec la Nade/da, et qu'un coup de vent les separa
le 3 avril 1806. A jiartir de ce jour, M. Lisiansky con-
tinua seul sa navigation, qui n'offrit plus d'incident
remarquable. Le 20 avril, il doubla le cap de Bonne-
Esperance, et de la il gagna Portsmouth. La traversee
de Canlon dans ce port avail ete execulee en cent qua-
rante-deux jours. Enhn, le 24juillet de I'annee 1806,
il ramena son navire dans le port de Kronstad.
Le voyage de circumnavigation de MM. de Kru-
senstern et Lisiansky a ceci de remarqMal)lo , quo ce
fut le premier voyage aulour du monde accompli par
des marins russes.
( bbO )
GAGEMEISTER (1806-1807).
A peine le vaisseau /a Nei>n etait-il revcnu a Kronstad,
dc retoiirde la campagno que nous veiions d'csquisscr,
que I'ordre fut donn^ de Ic motlre en 6tat de reprendrc
la aicr; M. Gageineisler, lioutonanl do marine, fut do-
signo pour Ic coininandci. II s'aglssail dc Iransporlcr
un chargeuient d'oLjels necessaiies aux ctahlissoinL-iils
russes dc rAnidrique.
Tous les preparatifs d'arniement olant aclioves ct
le chargemenl mis a bord , lo navirc mil a la voile le
20 octobre 1806. II se rendit d'abord a Copenliague,
oil il avail a prendre clivers apparaux destines aux \nx-
Uments de la Compagnic. Pour eviter la lencontrc dos
croiseurs, M. Gagcmeisler cut soin de gouverner do
maniere a faire le tour des lies Britanniques, sans p6-
nelrer dans la Manclic. Ensuitc il mil le cap a Test,
el fit route vers Ic cap de Bonne -Esperanco, qui I'lit
double sans difliculte. De la il oingla vers la tcrre de
Van-I)i6mcn ; puis il s'approcba dc I'Auslralie, ct mil
a I'ancre dans Port-Jackson. CVelail le premier bcUi-
ment russe qui y faisait a|)parition.
De Port- Jackson M. Gagcmeisler conlinua sa roule,
traversa I'^quateur pour la seconde I'ois le 1"' aoill, ct
mil le ca]i sur I'lle Sitka. Le 13 seplembre, il amenait
son baliment dans Ic port de Novaia -Arkhangelsk
( Nouvelle-Arkliaiigel ) , ainsi nomme depuis la recon-
struction dc Iclablisscment, a la suilc des depredations
des Koloches. A[)rcs avoir d^barque une parlic dc son
chargement , le commandant conduisit la iSeva dans
I'lle de Kadiak. Elle y passa I'liivcr, cl cc ne ful que
I'annee suivante qu'cllc repril la mcr, pour rcvcnir A
( 451 )
Sitka. Ensuite elle visila les iles Sandwich, etse rendit
a Pelropavlovski-Porl. Ici se tertnine ce que nous avions
a (liro tie celte navigation. M. Gagcmeistcr quilla le
batiment, et parlit, pour rclourner a P^tersbourg par
terre, cu travcrsant Okhotsk et Irkoutsk. Quant a la
Aet'rt,elle dcraeura dans Ics niers de rAuaerique russe,
oil clle continua a naviguer jusqu'enl813. Cette raeme
annec, la I\ei^a, qui se trouvait alors sous le comman-
dcment de M. le lieutenant de marine Padouchkine,
donna, par une erreur d'estime, sur un recif voisin de
la cote nord-ouest de I'Amerique, sous le 67° parallele,
oil ce vaisseau se perdit.
GOLOVNINE (1807-1809).
A Fopoque oil il s'etait agi d'exp^dier le vaisseau /a
Neva au Kamtschalka , sous le commandement de
M. Gagemeisler, on avait juge a propos de lui adjoindre
un batinient destine a I'escorter. Le sloop de guerre la
Diane fut dd^sign^ pour ce service, avec mission d'ex6-
cuter dilTerents relevemenls geographiques dans les
mers de I'Ami'riquc russo. M. le lieutenant Golovnine,
officier tres-experimente, recut le commandement du
sloop. Cependant la Neva, qui avait conserve son ar-
mcment depuis son retour, put etre prete bien plus lot
qu'un baliment neuf qu'il s'agissait de disposer con-
venablemenl pour une lougue caaipagne : il en resulta
que la Nih>a parlit la premiere, et que la Diane dut se
preparer a naviguer separement.
M. Golovnine mil a ia voile de Kronstad le "25 juillet
1807. Lorsqu'il entra dans le Sund , les Anglais assi6-
gcaient en ce moment Copenhague. Apres une courte
relachc, la Diane p6n6tra dans le Kattegat, pour debou-
( A 52 )
clier bientot apies clans la mer d'Allemagnc. Ici le sloop
cssiiya line rude icmpele; toutefois il sen lira sans
de graves avaries, ct put arriver a Portsmouth quarantc-
trois jours apr^s son depart de Russia. DifTerenls objels
destines au batinient, qui avaient el6 comrnandes a
Londres, tarderent beaucouj) a arriver, ce qui for(;a
le commandant de demeurer a Portsmouth pendant
pr^s de deux mois. Des que ces objels curcnt etc
erabarques, /« Diane ]e\n I'ancre ; elle fit son entree
le 1" novembre dans TAllanliquc. D'abord le vent
favorlsa la marclie du balimciit ; mais au deia du
AS' paralk'le, ilcessa d'etre favorable. Le 15 novembre,
le sloop aborda a I'ile Porto-Sanlo ; de la il fit route
vers I'ilo San-Antonio. Lo 20 novembre, il Iraversa
I'equateur. Desirants'assurer de I'existence pretendue
de rile de I'Ascension, M. Golovnine passa lout pr^s
de I'endroil ou elle dtait reputoe cxister; mais il ne put
la voir. De ce point, il conlinua sa route vers I'ile
Sainte-Calliorine, oii il aborda pour se procurer des
vivres.
Son ravitaiilement achcve , M. Golovnine quitta I'ile
le 19 Janvier, et lit voile vers I'extremlte sud de I'Ame-
riquc. Le 12 fcvrier, il coupa le meridien du cap Horn :
tout jiisque-la semhlait presager une hcureuse fin a
son voyage, quand lout a coup des vents violents s'd'lc-
v6rent. Pendant jilus de quinze jours , il lutta inutile-
menl conlre cux. S'apercevant endn de I'inutilitti de
ses elTorls, il pril le parti de modifier son ilin^raire,
ct, virant de bord, il se porta du cote du cap de Bonnc-
Esporance. Des lompeles contiiuielies raccompagne-
rent dans cdle navigation jiisqu'a Tile dc Tristan-
d'Acunha; plus loin, le temps dcvint moins mauvais.
( /i53 )
II en r^sulta qu'il put atteiiulre le cap le 21 avril ; le
baliuient y niit a I'ancre dans Sinison-Bay. L'objet que
se proposait M. Golovnine etalt de se procurer quel-
ques vivres frais; mais au lieu des secours qu'il esp6-
rait, ce furent des conlrarietes qu'il rencontra : on lui
signifia la defense de qiiilter le port jusqu'a ce qu'on
eut eu le lemps de demander des ordres a son sujet en
Angleterre.
Treize mois s'ecoulerenl dans une attente d'autant
plus cruelle qu'il y avait lueme insuffisance de vivres
pour I'equipage. M. Golovnine, ayant proteste contre
la violence qu'on lui faisait , el ne recevant point de
reponse favorable, prit, en dt^sespoir de cause, le parli
de tenter de s'echappci- a tout prix. En consequence,
le 15 mai 1800, au soir, les deux cables qui retenaient
la Diane furent coup6s , et, favorise par le vent, le
sloop s'avanga vers I'entree de la baie. II ne fut pas
poursuivi, et bientot apres I'equipage ayant replace ses
voiles, qui avaient ete enlevees, il s'avanga dans la di-
rection du sud. Cctte route continua a elre suivie
jusquo sous le 40° parallele, ou Ton mil le cap a Test.
Le 7 juin, la Diane doubla la pointe meridionale de la
terre de Van-Di6mon. Une lempete furieuse, que le
batiment essuya bienlot apres, relarda sa niarcbe, et
fut cause qu'il ne put aborder Tarcliipel des Nouvelles-
Hebrides que le 25 juin : M, Golovnine y relacha dans
le port Resolution, de I'ile de Tana.
Le sloop quilla I'ancrage le 31 du mois, et fit voile
vers le nord. Le !x aoul, il passa en vue de I'ile Tukopia ;
puis, apres avoir traverse I'equateur par 191° 30' de
longitude orienlale de Greenwicb (170' 50' 2Zi"ouest de
Paris), il continua dans la menie direction jusqu'au
( 454 )
10' degrd de lalilude. De cc point, le commandanl
mancEuvra de maniore a couper rarchipcl des Caro-
lines, pour s'avancer ensuile directement vers le Kani-
Ischalka. La Iraverseo fut lieurcuse ; le 25 septouibro,
il p6n6trait dans Polropavlovsky-Port, deux ans et doux
jours apres son depart de Rronslad.
Pendant I'automne de celle njeme ann^e , M. Go-
lovnine fit une course a Novaia-Arkhangclsk , pour,
immediatemcnl aprtjs, rclourncr au Kaintschalka. II
continua a y sojourner pendant I'annee 1810 lout cn-
tit;re. Au commcnceinenl de 181 J, d'apres des ordres
arrives de Saint-P^lersbourg, il parlit de nouveau siir
/a Diane, pour operer le rci^venient d'une parlie des
lies Kouriles et Chantar, et de la cole avoisinanlc.
Tandis qu'il 6lait en train de remplir celle mission
scientitique, se trouvant dans I'ilc Kounatira , il y fut
surpris ])ar un parli de Japonais enibusquos, el fait
prisonnier avec ceux qui I'accompagnaient (1).
LAZAREFF (1813-1816).
Le vaisscau le Soiwarqjf (batimcnt de grande di-
mension , ayant pres de 100 pieds de quille ) ful de-
signe en 1813 par I'aulorite maritime pour operer le
transport d'objets de ravitaillcnient aux ^lablissenients
vusses de I'Amerique. M. le lieutenant do marine
Lazareir, qui en avail reQu le connnandement, quitta
la rade de Kronstad le 9 octobre de la meme annee.
Sans nous arreter a d(^crire le debut de celle naviga-
(i) Apres eire reste deux ans et deini en captivite, Golovnine put
enfin retonnier dans sa patiie au mois d'octobre i8i4, pa'" suite d'un
echanye avec Tequipafje d'un naviie japonais (|ue le capitaine Iticord,
son second, avail enleve a I'abordage.
( /|55 )
lion, qui n'ollrit aucun incident porliculier, nous,
nous hornerons a dire que /e 6'o«('«/-o^' alleignit Rio-
Janeiro le 22 avril 18U.
M. LazareiTquilta les coles du Bresil le 23 niai, pour
se dirigcr vers le cap de Boiine-Esperance. f.e 12 juin,
II passa en vue de I'ile Diego-Alvarez, ct le 20 du
nieme mois, il coupa le meridien du cap. Arrive dans
I'Ocean Indien, il s'y niaintinl enlre le l\0^ et le lill" pa-
rallele. Le 1" aout , il doubla I'exlreuiite sud ouesl
de la terre de Van-Di^mcn. Douze jours apres, il con-
duisit son batinienl dans la rade de Port-Jackson. La
il fallut reparer diflerenles avaries et se pourvoir de
vivres frais. Ces soins accomplis, /e Soiwarofj remit a
la voile le 3 septenihre. Le 15 du nienie mois, se
trouvant par 30° 12' de latitude sud, nos navigateurs
6prouverent un singulier accident, cjui pendant quel-
ques secondes repandit I'inquietude a bord : le navire
avancait sur une mer unie, quand un tressaillement
subit se fit senlir. (kt incident, qui n'eut pas de suite
faclieuse , a ete altribu^ au passage par-dessus une
baleine endormie. Cela est d'autant plus probable,
qu'on voyait un grand nombre de baleines se jouer
aulour du bailment.
Lc 28 seplcmbre, M. Lazareff , qui se trouvait alors
par 3 3° de latitude sufI et 196" et demi de longitude
(Idl** 9' 36" est dc Paris), eut la bonne fortune de d^-
couvrir un groupe d'iles compose de cinq lies de corail
cnllercment descries. Celle qui s'avance le plus du c6l<^
du sud estsitueepar 130° 13' de latitude et 163°31'de
longitude occidenlale dc Greenwich (165° 51' 24" de
Paris). Le groupe enlier s'etend du nord-est au sud-
ouest, et occupe un espace de 9 milles. M. Lazareff leur
( !ib6 )
donna le nom crilcsSouvaioll' ; c'tHait cclni dii baliincnl
qu'il nionlait.
L'equaleur fut traversti lo 10 octohre. A parlir de cb I
inslanl, le niaiuais temps se clcclara, el les rafales sui-
virent nos navigaleurs juscju'a leur arrivee a Novaia-
Arkliangolbk, le 18 novembre.
Pendanl le corns de Tanuee J815, M. Lazarell vistla
tour a tour les iles Saint-Paul et Saint-Georges dans la
mer de Beering. De retour a Sitka , il dul songer a
operer son retour en Russie. Ln chargenienl do pelle-
teries apparienant a la Gonijiagnie Amerieaine fut mis
a Lord du SoiwaroJJ', ainsi que difltlircnts objcls dcs-
liii^s a etre iransportes a Lima. Ces preparatifs achc-
v6s, M. La/arert" quilla TAmerique vusse le 23 juillel
1816, et lit vuilc pour la Californie. Ajires avoir em-
barque des vivres a San-Francisco, il leva rancre, et
mil le cap au sud pour longer les coles am6ricainos.
Cbemin faisant , il determina la situation des iles
Sainle-Berlhe et Sokora. Le 23 seplembre , il relacba
dans I'lle des Cocos pour y regler la marchc de ses
chronom6tres. Arrive pr^s des coles de la Colombie ,
il descendit de nouveau a terre , et passa quatre jours
dans le village espagnol de Santa-Rosa , qui est situ6
tout pres de I'^quateiu'. Le n octobre, le Soiwaroff
penetra dans I'liemispbere autral, oil bicnlot apres le
vent du sud se mil a souffler, ce qui contraria sa
marclie. Ce ne ful qu'apr^s avoir lenu le cap au sud-
ouest pendant un mois, el que le vent eut change, que
M. Lazareir put gouverner a Test. Le 25 novembre , il
rait a I'ancre a Callao, qui, comme on sail, serl de port
A la ville de Lima.
Des affaires a regler pour le compte de la Compagnie
( /l57 )
Am^ricaine retinrenl le balimenl a Lima jusqu'a la
mi-fevrier tie I'ann^e suivante. M. LazarefT mil ce de-
lai a profit pour opirer plusicuis relevemeiils , et il
detei'mina entre autres la latitude de Gallao au moyen
d'un grand iionibre de dislances lunaires; celte lati-
tude est, suivant lui, de 77° 5' 15" a I'ouest. Avant de
quitter Lima, le SouvarofJ vQcnl plusieurs objets d'an-
tiquites dont le vice-roi dt^sirait iaire liommage a la
cour imperiale.
En s'en retournant, M. LazarefT eul a lutler conlre
de terribles ouragans dans les parages du cap Horn.
Plus tard , il alia relacher pr6s des coles du Br^sil,
dans I'ile Fernando del Norte. 11 traversa I'equateur le
27 avril, ct alteignit Portsmouth le 6 join suivant. Trois
semaines de repos y furent accord^es a I'equipage;
aprts quoi le baliment reprit la mer, pour gagner
Kronstad, ou leSoia'aroffhxi de retourle 25juilletl816.
(Lrt suite a lui prochain nuniero.)
LETTRE DU DOGTEUR KRAPF
REVEREND C. W. ISENBERG, A BOMBAY,
SUR l'afrique oriektale,
PUBLIEE DANS LE
BOMBAY CHURCH MIHSIONARV RECORD,
nil MOIS DE DElF.MBRE I 85 1,
TKADUIT DE L'ANGLAIS
PAR M. DE LA ROQUETTE.
I' habb;ii-Mpia, i*"' octobre i85i.
)) Par la misericorde de Dieu, il m'est pcrmis de vous
adresser ces lignes quelques jours apres Uion relour
III. UAI. 3. 31
( /i58 )
d'un voyage aussi dangercux que penible clans ITikam-
hani... Aprils la inort inatlcndue de noire cher frere
Pfefferle , je me demandai si je no devais pas me
rendre de suite dans I'Usambara , ou, comme cela
avail He originairoment le d^sir du comile , dans
I'Lkanibani , pour y etablir une station provisoire. Je
nae determinai a prendre ce dernier parti , qui me
parul plus conforrac aux instructions iram^diates de
notre comite, ct quittai en consequence Rabbai-Mpia
aussitot apr^s la saison des pluies. J'aurais pris volou-
tiers avec moi I'un de nos ouvriers, mais aucun d'cux
n'etait assez bien portant pour supporter les fatigues
du voyage. C'est pourquoi je fus oblige de me mettre
en route sans compagnon, commn jc I'avais dcja fait
lors de mon autre expedition dansTAfrique orienlale. »
Le docteur Krapt" raconte ici comment il a Hi atta-
que une premiere lois par des voleurs pres de la ri-
viere Tzavo, et continue en ces termes :
« Nous n'^tions pas encore sorlis de la forfel que le
cri : « Les Aendi ! les Aendi ! » vinl de nouveau frappcr
nos oreilies ; mais c'etait une i'ausse alcrte : les Wa-
kambas reconnurent bientot qu'elle avail Hi causae
par I'approcbe de la grande caravane Wakaniba, que
les honimes du Ririama et du Toruma altcndaient
dans le Maungu. Nous recommenQames la fusillade
tant bien que nial; mais trois de ces AVakambas ac-
coururent a Iravers la forfil en criant : « iNous ne
sommes pas mendas (ennemis), mais Wakainbas et
amis 1 » Nous fitmes Irop beureux de pouvoir arreter
notre miserable fusillade, et accueillimes ces bommes
amicalement. La caravane se dirigeait vers la cote de
Mombas, ou ellc portait trois ou qualre cents dents
( 459 )
d'c^l^phants. La Providence nous avail done preserves
encore une fois dun grand danger. Nous alleignimes
bientot apres les bords du Tzavo , dont les eaux fral-
ches ^taient une heureuse rencontre pour des voya-
geurs alteres comme nous. C'^lait, depuis deux jours
que nous avions quitle le Woi, la premiere riviere qui
se trouvat sur notre route. Le Tzavo sort du lac de ce
nom, que Ton dit situe au pied du mont Kilimanjaro.
Je cherchai a tirer de nos Wakambas quelques rensei-
gnements utiles ; je leur demandai, entre autres choses,
ce qu'ils savaient des Wabilikimo ou nains, que Ton
dil habiler le centre de FAtrique. Ln Mkaniba m'as-
sura qu'ayant beaucoup voyag6 dans sa jeunesse a une
grande uibtance au nord-est de I'Lkambani, il y avait
vu beaucoup de nains au dos voute, dont les janibes
6taient comparativement longues et le buste court.
Les Wakaaibas ne comprenaient pas leur langage.
Afin de s'attirer I'amiti^ de ces nains, ils leur don-
naient des anneaux de cuivre. Pour chacun de ces
anneaux , les nains leur remeltaient un sac de cuir
rempli de uiiel. Le teriitoire qu'ils habitent est plus
eloign^ de I'Llkambani que ce dernier pays ne Test de
Mombas. J'avais beaucoup entendu parler autrefois
de gens qui avaient des queues. Le Mkamba lue dit
qu'il y avait du vrai dans cette assertion; car il existait,
a i'ouesl du Jagga, des tribus qui porlaient des queues
de vacbes comme oi'nement. »
Le paragrajibe suivant traite du s6jour que le doc-
leur Rrapt" lit dans le liameau de Rivoi, en attendant
ce cbef, qui devait raccompagner jusqu'a la Dana.
« Danslamaison de Kivoi, je lislacoiinaissance d'un
marcband de I'Dembu, pays diloign^ de la riviere Dana
( h&O )
de deuxjournt^cs vers le nord. Get homme avail beau-
coup voyage , ct etail par consequent en 6lal do mc
donner des renseignemenls precieux. II aic dit que le
Ndurkenia ou Kirenia, conime I'appcllent les Wakua-
fis et les habitants de I'lJembu, 6tait a cinq jo urnees
de niarche de ce dernier pays. Quant a la substance
blanche (neige) qui se trouve au soramel de la mon-
lagne , on lui donnait le noui de kirira dans la langue
kikuafi. A partir de la Ndurkenia, les eaux coulent dans
un lac sitae au nord-est de la montagnc neigeuse de
Kenia. C'est de ce lac que sortenl la Dana, le Tumbiri
et le Nsaraddi (1). La derniere de ces rivieres se dirige
au nord-est, et se jette dans un autre lac beaiicoup
plus grand appel6 Baringo. Ce lac, suivant men infor-
mateur, n'avait point de fui, et on pouvail y naviguer
pendant cent jours sans voir son exlremil6, et de I'une
des rives il etalt tout aussi impossible de distinguer la
rive opposee. La riviere Tumbiri, medit-il, traverse
le pnys des Wakuafis de Kibia, pour se rendre a la mer.
Celle riviere doit etre idenlique, soit avec I'Osi, soit
avec le Jub (2). Cos details ne laissent aucun doule sur
les sources du INil; elles se trouvent dans le lac du
Ndurkenia, ou de la montagnc Blanche, qui alimente
par consequent les plus grands cours d'eau de 1' Afriquc
orientale, la Dana, le Jub et le Nil (3).
» Apres avoir passe quelques jours avec Kivoi, je le
(i) Un lac a trois deversoirs seniii un Lien rare phenonienc.
A. d'A.
(2) On iclenlitie en general le .Tub avec le VVebi-Ganana des gonial.
A. d'A.
(3j Si le lac Haringo est si grand, il doit lurnn'r un hassin ;i part
tout a fait distinct ct du Nil ct du Jub, A. n'A.
( Zit5l )
priai dc m'accompagner jusqu'a la Dana, piiisqu'il
avait le projet de s'y rendre avec quejques lial)itaiils
de rUembu et du Mbe , aiiisi que sos chasseurs d'ele-
phants. II ine le promit; mais il s'ecoula un mois en-
tier avant que je pusse mc rnettve en route. Je mis ce
temps a profit, el prechai I'fivangile a un grand nombre
de Wakambas qui vinrent mc voir, et a quinze hommes
qui arriverent du Mbe en caravane, et que les sujets dn
Kivoi massacrerent bientot apres, ainsi quo vous lo
verrez bientot. Notre depart pour la Dana fut enfin
decide. Kivoi quitta sa muzi, ou ville, avec vingt-six
hommes environ , auxquels s'cn joignirent cnsuite
vingt-cinq aiitres. Au bout de quatre heures , nous at-
teignimes les limitos du territoire habile. Les Wa-
kambas de Kitui s'etendcnt jusqu'au mont Kidimul ,
que je gravis ; il a environ 1 200 pieds de haul, et de
son sommel je pouvais voir presque tout le territoire
d'Ukambani ; en sorte que je connais niaintenant
beaucoup mieux qu'autrefois la residence de chacune
des tribus Wakambas. Une carte exacte, que je join-
drai a mon journal, le montrera. Nous nous enga-
geames cnsuite dans un veritable desert, qui avait ete
habile jadis par les sauvages Wakuafis , et dont ils
furent chasses, d'abord par les Wakambas, et ensuito
par les Masals. Lc quatrieme jour apres notre depart
du mont Kidiinui, nous atteignimos la Dana. A Test,
s'etendaient devant nous les montagnes du Mb6 et dc
rUembu; a I'ouest , nous ddscouvrions les cimes ele-
v6es des monts Kikuyu, dont le Ndurkenia est le point
le plus eleve et le plus lointain ; mais cclte dcrniere
montagne etant couronnee de nuages, il me fut impos-
sible de la voir on ce moment d'lme maniere dislincte.
( A62 )
Nous venions a peine cle suivre h c6t6 cle la Dana, pen-
dant I'espace do /i milles environ, iine plaino fertile,
que nous vimes soudaincnieut un grand nombre
d'liommes venant de diflerents coles el se dirigeant sur
nous. Kivoi s'ccria aussitot que c'etaient des voleurs, ct
nie pria de tirer un coup do I'usil ; lui-inenie, donnant
I'exemple, dechargea Ic sien sans plus larder. II clait du
pelit nombre des Wakambas qui |)oss6daienl un tusil ;
celui qu'il portail lui avail ele donne par le gouverneur
du Mouibas. Lc bruit du fusil nc parut pas faire une
grande impression sur cos voleurs ; car ils ne lardferenl
pas a se rapprocher tout a fail de nous. Kivoi donna
ordre a ses gens de se former en bataiile, taiulis qu'il
se pla(;^ait lul-mfime enlre eux et I'ennemi , alin de
tenter une conciliation. Ti'ois hommes s'elanl delaclies
des rangs des voleurs pour se rapprocher encore de
nous, Kivoi leur adrcssa la parole; il leur apprit qu'il
etait le cel6brc Kavori (Kivoi), etc. A ce nom , les
voleurs parurent saisis de crainle ; car Kivoi ^tait
connu au loin comme un raagicien dont la puissance
allait jusqu'a faire pleuvoir lorsqu'il le voulait. Ils
6taient du Kikuju ct du Mbd , et la fumee de I'herbe
que Kivoi avail fait brQler pendant lout noire voyage,
selon son habitude, avail attire leur attention. A ce
signe, ils avaient reconnu que des Wakambas ajipro-
chaient. Apr^s une longue conversation , pendant la-
quelle ils examin^rent atlentivement nos bagages, ces
Irois homuies rejoignircnt leurs compagnons. Nous
nous mimes en marchc, et ils nous suivirent. Au mo-
ment oil nous enliumes dans la forfit , qui s'elend
jusqu'a la riviere, cinq d'enlre eux environ coururent
se placer a la tfite de noire caravane, afin de nous in-
( Zi63 )
diquer le chemin qu'il fallait suivre pour gagner la
riviere. Mais, quelques instants apres, ils retourn^rent
subileinent sur leurs pas, pouss6rent un grand cri , et
commenc^rent a nous lancer leurs fleches empoison-
n6es. J'^lais en avant avec le gi'os des Uembus, tandis
que Kivoi et rhomme qui portait mon lit et mes autres
effels marchaient parderriere. Les voleurs ^taient en-
viron cent trente, et notre petite troupe comptait cin-
quante hommes tout au plus. Les assaillants entou-
rerent Kivoi, et se mirent a tirer leurs filches conlre
les "Wakambas. Aussitot que ceux d'entre les Wakam-
bas qui etalent avec moi en avant s'apercurent du
danger, ils jeterent leurs charges , et prirent la fuite ;
je restai seul , et les filches tonibaient de tous cotes
autour de moi. J'imitai bienlot mes compagnons les
Wakambas et les Uembus , el me jetai a leur suite
dans le fourre. Mais, tout en courant, je rencontrai un
foss6 un peu large et tres-profond ; m'^lant elanc6
pour le franchir, je manquai le bord oppose, et lombai
au fond. Je me fis mal aux reins, et la crosse de mon
fusil a deux coups fut bris^e dans cette chute ; mais
aussi j'echappai par la aux regards do I'ennemi.
Lorsque je sortis du fosse , il me fut impossible de
decouvrir un seul de nos hommes; ils s'^taient refu-
gies dans les bois environnants. Mais, en avan^ant,
j'atteignis un point de la foret qui etait moins garni
d'arbres, et vis, a envii'on trois cents pas de distance,
un certain nombre d'individus dans lesquels je crus
reconnaltre nos fuyards. Je les examinai avec mon
telescope, et, a mon grand elTroi, j 'acquis bientot la
conviction que c'^taient les ennemis qui s'eloignaient,
emporlant en triomphe le bulin sur leur dos. Je me
( IM )
halai aussilot de rentrcr dans la forcl; mais j'y fis
la rencontre; de deux gros rhinoceros, animaux Ires-
nombrcux pr^s de la Dana ct dans le desert que nous
avions traverse. A peine avais-je fait qiielques pas pour
les eviler, qu'ils disparurcnt dans la foret. Apres avoir
erre quclque leinps soul an hasard , je m'assis au pied
d'un arbre , et me mis a reflechir sur ce que j'avais a
faire dans celte triste circonstance... J'avais besoin de
prendre un peu de nourriture et j'etais Ires altere ; car
nous n'avions ni bu ni mange depuis le milieu du jour
precedent; I'eau etant venue ci raanquer, nous n'avions
d'espoir que dans notre prompte arrivec a la riviere
Dana. Quant a moi , je r^solus de ne point retourncr
sur mes pas avant d'avoir vu celte riviere et goiitc do
ses eaux. Mais cette resolution, je dois le dire, me fut
plulot inspiree par unc soif ardenio que par une cu-
riosile scientifiquc. Quant a la nourriture, je n'avais
absolument rlen sur moi; carmon domcslique portait
loutes mes affaires, ct je I'nvais complelement perdu
de vue au milieu do la bagarre et pendant ma fuitc.
En consequence, je me recommandai a Dieu..., et me
mis a courir de mon micux dans la direction de la
Dana. Je distinguai enlin la surface de ses eaux a tra-
vers les buissons. Arrive au bord do la riviire, je pris
r^tui de mon telescope , et m'cn servis pour 6tancher
la soif qui me devorait. L'eau de la Dana etait aussi
froide que oelle de la Tzavo, a laquelle clle resscm-
blait. Apr^s avoir sulFisamment bu , je romplis d'eau
les deux canons de mon fusil , el les bonc:hai de mon
mieux; je consacrai au meme usage I'^lui de mon
telescope , ct j'aurais pu en faire autanl de ma poire
a poudre, mais jc n'y songcai pas. J'examinai celte
( h(3b )
riviere, que je desirais voir clepuis si longtcmps; elle
pouvait avoir en cet endroit 150 yards do large, et 6
a 7 pieds de profondeur. 11 pleuvait prdcisement en
ce momenl sur le Ndurkenia. II y a, dit-on, ordi-
nairement assez d'eau dans la Dana pour qu'une per-
sonne adulte en ait jusqu'au cou. Je remarquai dans
cette riviere de grands rochers , lesquels , s'ils 6taient
reunis par de longucs poutres, pourraient aisement
servir de pont ; ils etaient assez ^loignes I'un de I'autre
pour donner passage a une barque. Le courant paralt
assez rapide ; il ne Test cependant pas, et I'eau coule
sans aucun bruit. Les deux rives elevees de la riviere
sont garnies de grands arbres sauvages. Justement en
face de moi, je distinguai une haute montagne situee
dans le Mbe ou Mberrc. Je ne vis point d'habitants. Au
reste, j'aux'ais ete fort peu satisfait d'en rencontrer;
car les voleurs Etaient, a ce que m'avait dit Kivol, du
Mbe meme. Aussi me parut-il prudent de me cacher
dans les buissons, et d'attendre, pour me remettre en
route, quo lo soleil fut couch^. Lorsque la nuit fut
venue, je partis sans savoir au juste le cherain que je
devais prendre. La nuit otait tres-sombro , ct j'enten-
dais de tons cotes los ci'is effrayants dcs betes fauves.
Dans cette situation, je pensai a Mungo-Park, qui avail
et6 expose aux memos dangers dans I'Afrique occidon-
tale ; mais il avail son cheval , tandis quo moi , depuis
cent quatre-vingls heures que nous avions quilt(^ Uab-
bai , je n'avais pas cessc do cheminer a pied. Jo me
remis en route aussi bien que je pus, en foulant des
branches lonibdes et des pierres , quoique cependant
il m'arrivut plus d'uno fois, en traversant une herbc
haute el toulTue, qui m'empechait d'avanccr, d'etre
( 466 )
tellement accabl6 de fatigue et inond6 de sueur, que je
fus sur le point de me laisser lomber a terra. Mais je
compris que rimmobilite n'atn^liorerait pas ma posi-
tion, etqu'il fallail aller en avant. Je continual done k
marcher; mais la faim et la soif, qui me lourmen-
laient, ^taient devenues inlolerables. L'eau fillrail a
travors la boile de mon telescope, ct les ronces et les
buissons que j'accrochais en passant enlevaient parfois
les bouchons qui fermaient les canons de mon fusil ;
en sorte que l'eau qu'ils contenaient se perdait peu a
peu. Cependant, vers minuit, il en restait encore assez
pour m'en humecter la languo , quoique la poudre
lui donnat une saveur d6sagr6able. A ce moment,
j'arrivai ainsi au pied d'une montagne que je connais-
sais, et qui servit a m'orienler. fipuis^ de fatigue, je
m'(^tendis par lerre, et m'endormis, bien que j'enten-
disse de tous c6t6s les rugissements dcs liyenes. Lors-
que je m'^veillai, j'apergus a ma gauche une monlagnc
envelopp^e de flammes. Get incendie provenait sans
doute des feux que Kivoi avait fail allumer sur son
passage, Je me dirigeai de ce cote , et me Irouvai
bientot dans la bonne route ; mais il me fut impossible
de marcher plus longtemps, et je- m'6tendis de nouveau
sur le sol, tout a fait epuise. Pour me garantir du vent
du sud qui soufilail par moments, el qui 6tail tr^s-vif,
je ramassai une grande quanlite d'herbes, et m'en
^tanl couvert, je m'endormis au pied d'un arbre. En
me r^veillant, je voulus apaiser la faitn et la soif qui
me lourmenlaionl, et cherchai des racines; mais ce
fut en vain. Lorsque le jour parut, je renconlrai
dans la foret quatre rhinoceros ; ils prirent la fuite k
mon approche. Je continual a marcher au milieu des
( 467)
jungles (1), et ne m'aventurai pas a prendre la plains,
dans la crainte d'y rencontrer les voleurs. Vers le mi-
lieu du jour, etant ddvore de soif , j'entrai dans le lit
sablonneux d'une inviere ; mais elle 6tait maintenant
a sec, Bientot apr^s, j'entendis les cris que poussaient
des singes ; je me dirigeai de ce c6t6, pensant y trouver
de I'eau , et je ne me trompais pas; j'en decouvris
dans un creux au milieu du lit de la riviere. Je calmai
nia soif, lout en remercianl le Seigneur d'avoir eu pitie
de moi. Pour avoir une plus grande provision d'eau,
j'en remplis ma poire k poudre, dont je vidai le contenu
dans mon mouchoir. Mais comment apaiser ma faim ?
J'essayai de manger de la poudre et des pousses d'un
arbre que je ne connaissais pas; mais cet aliment ne
tarda pas a me causer de vives douleurs d'cstomac.
Je gravis alors une montagne, et y trouvai un parent
de Kivoi, qui avail aussi pris la fuite avec sa femme. II
me donna environ 2 onces de viande el autanl de
cassada. Celle nourrilure devait me suflire jusqu'au
moment ou nous aurions gagn6 la partie habitue de
rUkambani. Je ne m'elais pas allendu a ceci. Je mar-
chai maintenant nuit et jour dans la compagnie du
Mkamba , souffrant de la faim , de la soif, el du froid ,
jusqu'au premier village Rikaml^a, qui s'offrit a nous;
il appartenait a un jiarent de Kivoi. J'y appris que
mon domestiqiie, un Mnika, et beaucoup de Wakam-
bas, etaient de relour, mais que Kivoi el un grand
nombre d'aulres Wakambas avaient peri. Aussilot que
la nouvelle de la mort de Kivoi se fut repandue dans
(i) Ce mot indien est employt; par les Ancjlais pour designer un
endioit desert einpeire par les buissons et par toute la riche vege-
tation des tropiques. A. d'A.
f /ltt8 )
son village, les inarchands du iMbc, dont j'ai parle plus
haul, furenl massacres par sa famille. II inc fiit rap-
porte que cellc-ci me deslinait le inemc sort, puree
que jo n'avais pas peri avec Kivoi. »
Dans le passage suivant, le docteur Krapl" parie dcs
Wakambas, et presente quelques observations sur lour
caractcrc.
« Kivoi avail cxprinid I'intention de se rendre sur la
cote Tannic suivante, et il avail jM'omis a cette occa-
sion de prendre avec lui (piinze Suaheli, qu'il desti-
nail a lu'v batir une inaison, ear jc dcvais vivre aupr^s
de lui, ct non a Yata. Mais ses parents, bien loin de
tenir coinptc de cette promesse , nic l^nioignerent
une grande indifference. lis ne me I'ournirent mCme
pas de vivres en quantite suffisante, et me prierent de
leur donner le pen d'effets qu'on ni'avait laisses...
» Les Wanikas sont un pcu moins desordonnds dans
leurs habitudes que les Wakambas, que j'ai appris
sufiisamment a connailre maintenanU lis sont adonnes
a I'ivrognerio, vindicatifs, Irfes-irascibles, terriblement
sensuels, ct, en outre, voleurs, traitres , menteurs
6hontes el pusillanimes. A Yata , les anciens furent
obliges de d^lendre par une loi, aux hommos ivres ,
de venir me rendre visile, sous peine de se voir saisir
une chevrc. (Le docteur Krapf donne ici sur leur im-
moralild dcs details que nous croyons devoir suppri-
mer.) En un mot, leur depravalion est deplorable
Lorsque jc pris cong6 des anciens, ils se remplircnt la
bouche d'eau et ni'en aspergerent; puis ils me sou-
haiterent loules les jiros|ieriles possiijles, et expritno-
rent le desir d'obtenir bientol ile la pluie. Je vous prie
de croirc que si ma mission n'a point eu de succds.
{ liQ9 )
ce n'est point a cause de la nation wakamba , qui
aurait au conlraire voulu me retonir, mais qu'elle
manqua a cause des gens que j'avais avec moi. Je
connais maintenant les precautions qu'il faudrait
prendre : il conviendrait d'envoyer quelques Suahelis
et Wanikas pour construire une liabilation conve-
nable , car il est impossilde de loger dans une hutte
wakamba, et aussi de vivre en plein air Je con-
seillerais aussi a un missionnaire d'amener avec lui
une famille de Kinikas (1) pour le servir, afin de ne
point d^pendre des Wakambas.
» De Yata , nous nous rendinies a Rikumbuliu , ou
nous achetames des provisions pour la route et des
calebasses pour porter de I'eau. Cela fait, nous par-
limes, et, afin d'eviler les voleurs Aendis, nous nous
dirigeames a travers les forels les plus epaisses du pays
des Galla. A Rabbai-Mpia, que nous atleignimes aprfes
avoir marche pendant cinq fortes journ^es depuis notre
depart de Rikumbuliu, on avail annonce noire raorl.
Nous eumes h endurer, pendanl notre longue excur-
sion, la faim el la soif; et au lerme de mon voyage, je
souffrais tellemenl des pieds, qu'il m'aurait et6 impos-
sible de marcber plus longtcmps. Nos dignes freres de
Rabbai se joignirent a moi, et nous rendimes lous
grace au Seigneur, qui ne m'avait point abandonne
pendant cette exploration, qui avail dure pres de trois
mois.
» Quant a mes travaux et voyages projet»is, voici
quelles sont mes intentions : Je resterai a Rabbai-Mpia
jusqu'au retour de M. Rebmann. Nous nous consulte-
(i) L'orij',in;il angliiis porte Kinikas. Ne serait-ce pas Wanikas qxxil
faudrait? D. L. R.
( 470 )
rons ensuite sur le projet d'ctablir a Kadiaro une nou-
velle slalion. Kadiaro n'est quh trois ou qualre jours
de inarche d'ici, et il esl silue sur la route qui conduil
dans I'Lsambara, le Jagga et I'Lkauibani. Ce dernier
pays me parail elre trop eloigne, et le chemin qu'il
Taut suivre pour y arriver esl trop dangereux ; je crois
done qu'il faut renoncer pour le moment a y fonder
une mission. II conviendrait aussi d'envoyer ici de
nouveaux I'reres, donl deux pour I'Lkambani ; lorsque,
apres avoir v6cu un an environ au milieu des Wakauibas
du littoral, ils en connaitront a fond les mceurs et la
langue, on-j^ourra les envoyer chez les Wakambas de
I'int^rieur. II nous faut necessairement posseder pour
base d'opdralion Teita avant de nous rendre dans
rUsambara ou dans le Jagga. »
( /471 )
itiialyses, Kx trails d'ouvrages,
Melanges, etc.
LE OUADAY.
RAPPORT SUR LE VOYAGE
DU
CHKYKH MOHAWMED-IBN-OMAR EL-TOUNSY (1),
PAK
M. R. THOMASSY.
Les questions de geographie africaine ont acquis
depuis un demi-siecle le privilege de susciter les plus
indoraptables curiosit^s, de provoquer tous les genres
de d^vouemenl. Le continent, oh elles signalent lant
de lacunes a remplir, est le plus voisin de I'Europe,
foyer de la civilisation chrt^tienne; et il est, au nord,
baign^ par notre Mediterranee, rendez-vous des plus
grands int^rets du monde. C'est ce qui explique Tim-
portance et le noinbre des travaux sur I'Afrique sep-
tenlrionale et 1 'insatiable desir d'en connaitre tous les
abords, d'en franchir les barrieres redoutees, d'en
p^petrer les regions mysterieuses. De la aussi tant de
martyrs de la science, jaloux de leguer lours itin6-
(i) Vojage au Ouaday, par le cheykh Mohamraed-Ibn-Omar el-
Tounsy, traduit par le docteur Perron et publie par M. Jomard; ou-
vra{;e precede d'une preface de ce dernier, et accompagne de cartes
et de planches.
A Paris, chez Artlms-Bertrand, libraire de la Societe de geogra*
phie, rue Hautefeuille, 5i. — Duprat, lihraire de I'lnstitut, etc.
( 'l^'i )
raires etleurs decouvorlos, meme Ics plus incompletes,
a ceux qui plus heuroux les suiviont dans la in6ine
cai'riere, et pourionl un jour profiler d'uno experience
pay^e si cher.
Pour avanccr la carte gen6ralc de i'Afrique, ou les
voyageurs de I'Europe n'ont encore fixe que des points
isol^s, trace que des lignes ^parses, nous pouvons en-
core nous aider des voyageurs indigenes. Ceux-ci nia-
ncEuvrent, en eCfet, sur leur propre terrain, et, en
depit de leurs pr^juges, ils peuvent y recueillir des
notions prccieuses , indispensables uienie pour nos
travaux. C'esl a ce point de vue que les Arabes de-
vienncnt d'iinporlauts auxiliaires, tout en restant nos
constants rivaux d'iulluence coiumcrciale , ol, en re-
ligion, nos irreconciliables contradicteurs. Mais si de
la contradiction jaillil la kunierc , n'csl-co pas de la
coniparaison (:es recits clirdliens et musuhnans que
doivent aussi jaillir a Leaucoup d'egards les plus vives
claries .ur les questions alricaines?
Goncentrer ces claries, les metlre a la porlec de
tous: tel estmainlonantie service que viennentde nous
rendre M. le doclcur Perron et M. Joniard, en publiant
le Voyage au Ouaday du cheykh Mohan] ined-lbn-
Omar el-Tounsy, I'auleur deja connu du Voyage au
Uaijbuv.
Ce precedent ou^rage, Iraduit aussi par M. Perron et
public' par M. J oiuiard, que la France s'honore de Irouver
en tele de toules les reclierchcs sur lAlrique, est Irop
bien apprecie des g^ograplies pour en laire ici I'elogo
a propos du Voyage an (Juaddy, W'oublions pas loulo-
I016 la liaison logique de ces deux publications, la
premiere n'etunl que rinliocluclioii dc la secouJe,
( hn )
comme celle-ci le sera des futures investigations dans
le Soudan oriental, dont le Ouaday et le DaiTour for-
ment la portion influente et directricc.
Dans rensemble do I'Afrique septenlrionaio, quelle
est maintenant rimportance, soil inlrlnseque, soit re-
lative du Ouaday? Telle est la premiere question a
examiner, d'apres la relation du voyageur niusulman.
Dans I'immense trapeze compi'is enlre les parall^les
du Maroc et de I'Egypte au nord, de la S(^ndgambie et
de I'Abyssinio au sud, se trouvent trois zones bien dis
tinctes pour le geograpbe :
La zone dominee par les puissances barbaresques,
et si bien connue par soii bisloire, son commerce et
son contact avec la M^diterranee;
La zone int^ricure tlu Soudan, ou Nigritie, a demi
civilisee par I'islamisme, qui en a fait sa conquete, et
seulement entrevue par quelques voyageurs cbretiens:
celle-ci comprcnd le Ouaday, et reclamera de notre
part une attention particuli^re ;
Enfin , la zone voisine de I'equateur, ou les races
noires et encore paiennes, protegees sans doute par
des contre-forts naturels, se defendent contre les mu-
subnans cbasseurs d'csclaves. Lh sont les Fertyt, les
Djena-Kh6rab, et les N^gres independants, qui s'etcn-
dent jusqu'a la Guinee septenlrionale.
Cette derniere zone, inabordee jusqu'a ce jour par
les Europ6ens, est celle du Soudan idolatre. Elle oc-
cupe les regions equinoxiales, et tout fait supposer que
les races noires y vivent a I'etat de populations com-
pactes. C'est, en ellet, ce qui rosulte de I'exp^dition
^gyptienno, qui, aprtjs avoir remonte le cours du Babr
el-Abyad jusquau h" l\'l' , a trouve au .sud du Sennar
III. MAI. /i. 32
( i7/, )
lout le bassin du Nil occupc par des peuplades denses
etnomln'cuses. D'un autre cole, sous la infime latitude,
au sud du Kordol'an, du Darfour et du Ouaday, el a
partir du 9"degro, Ic cliejkU el-Tounsy nous signale,
a son tour, d'innombrables Iribus idolalres peuplant
des contr^es sans limites.
Quant a la Nigritie musulmane, qui nous est un peu
mieux connuc , le Sennar, le Kordol'an , le Darfour et
rOuaday en forinent la parlie orientale.
Au dela et au centre, se Irouvent les Baghuirmeh,
le Bornou , I'Adiguiz.
Enfin, a I'occident, TAfnau, le Dar-Tounbouclou et
le Dar-Mclla, ancien royaume dc Mclli, menlionn^
par les premieres navigations chr6tiennes aux coles
occidentales de I'Afrique.
Ainsi done, en tout dix contrecs principales.
Telles sont, du moins, les divisions que noire voya-
geur musulman trace de la Nigrilie, el qui sont assez
confornies a I'elat present de nos connaissances (1).
Maintenanl, parmi ces dix conlrees , il s'ogil de nous
laire une idee aussi jusie que possible do I'Ouaday, en
TtHudianl d'apres la relation hislorique et commer-
ciale, niais fort peu g^ograpbique, que nous en donnc
le cheykh iVlobainmed el-Tounsy.
Et d'abord, pour comprendre rimportance de toutes
(i; 11 faiil toutet'ois ilonner a let ensemble les deux exlremite'.s na-
lurelles (lui le c ompliteiit : TAbyssinie, avec le pays des Galla et la
refrion a I'csl iln Nil lilane d'un cole'; et, de I'aulro, la Sr'nejjaiubic,
le haul Djoliha avec lout le pays a I'ouest de Djenne. ("est entip ces
deux extremes que se placent les trois precedeiites divisions du Sou-
dan : oiJcnlal, cenlral, et occidental.
( A75 )
nouvelles notions sur I'Ouaday, il suffira tie rappeler
ce que notre Eminent collegue, M. Jomard, a et^ I'un
des premiei's a dire au monde savant : « C'est entre le
bassin du Nil et celiii du lac Tchad, d'un colt!;, el de
I'autre cote entre le lac Tchad et Tombouctou , que
sont les nceuds piincipaux de la geographic de TAfrique
septentrionale. » Or, I'Ouaday nous dounera la solu-
tion du premier de ces problemes. On sait bien , par
exeinple, que son voisin , le Darfour, est une d6pen-
dance du bassin du Nil, ou ses grandes eaux foriuent
I'affluent signals par M. d'Arnaud vers le 9* degr6 de la-
titude nord. Mais en est-il de nieme de I'Ouaday ? et ce
nouveau pays ne depend-il pas plulot du bassin du lac
Tchad ? En second lieu, que sont les regions nomm^es
Ferlyt, Dj6na-Kherah, etc. , au sud de I'Ouaday, ou les
chasseurs d'esclaves penetrent en ligne droite cinq
niois durant, jusqu'a 6lre arrel^s par un ileuve, ou lac
interieur? Et cette vaste surface d'eau, est-ce le Nil,
ou bien un de ses affluents ? Toutes questions susciteos
par les souvenirs du cheykh el-Tuunsy, mais oil nous
somnies loin de trouver une rejionse satisfaisanle. Avec
lui, en effet, nous seniblons toujours voyager en plaine,
comnie si le cheval ou le chamcau I'avaient dispense
de remarquer qu'il gravissait parl'ois des hauteurs. II
est done impossible de se figurer le relief du sol ou se
passent les 6v6nements^ qu'il raconte , ni d'entrevoir
nettement aucune ligne culminanle determinant le
partage des eaux.
Le cheykh, pourtanl, dans son Voyage au Dnrfour,
nous a pail6 d'unc chaine de moutagnc allant du nord
au sud, et qui a permis a M. Jomard de placer ce pays
dans les d6pendances du bassin (hi Nil. Or I'Ouaday,
( A7G )
qui recoil a I'ouest les ^coulemenls de cette chaine,
enlre aulres la riviere d'lro, n'apparlient-il pas a un
syslerne plus occidental, el par suite au bassin du lac
Tchad ? Telle est la question qu'il est permis de poser,
mais non encore de resoudre ; car « la direction, I'im-
» portancc , Tissue finale dos eaux qui circulcnt dans
)) rOuaday ut aux environs, restcront un prohlomo jus-
» qu'aux futures decouverles des Europecns qui sau-
» ront y penetrer inunis d' instruments. » C4'est faute de
cos moyens d'oliservalion que nous no connaissons
])as luieux la veritable position geograpbique du Oua-
day, ni la distance precise do sa capitale, Ouarah, a
Kobeyb , Tunc des capilales du Darfour. La position
exacte de cette derniere nous est donnee par Browne,
qui I'a fix^e a 1/1° 11' de latitude nord et a 25° hS' de lon-
gitude a Test de I'observatoire de Paris. Or, de Kobeyb
a Ouarah, la distance, faute d'obscrvations math^-
maliques , pouvait etie determin^e au moyen des iti-
neraires do caravanes ; inais los journees de marche
resultant des diverses relations varient tant , quant a
leur nombrc ot quant a la inanifere de les appr^cier,
que M. Joniard a du rcnoncer par cette voie i tout
calcul, meme approximalif, sur la position du Ouaday
et de sa capitale. Quani au docteur Perron, il place ie
Ouarah vers le 13° degre de latitude, et vers le 21° ou
22° de longitude, mais sans fonder son opinion sur
aucune Evaluation precise; sa topographie du Ouaday
n'c^tant d'ailleurs qu'un simple essai de carle.
Sous le rapport vrainienl geograpbique, la relation
du cbe}kb el-Tounsy n'ajoute done rien de positif a
nos connaissanccs surlo Soudan oriental. Aussi, quand
les cartes modcrnes presenlenl Ouarah surle parallele
( A77 )
de Kobeyli, et le Ouaday on gt^ineral sous la lalitude du
Darfour, du Kordofan et du Sennar, on doit savoir la
confiance trfes limitee qu'elles meritcnt.
En attendant que la gdographie mathematique pe-
nelre dans le Ouaday, contentons-nous de savoir que,
du nord au sud, sa longueur est d'environ trente jour-
nees de caravane , et sa largeur, de I'esl a I'ouest, de
vingt journees. De nombreuxcours d'eau le Iraversent,
dont le plus meridional et le plus considerable, I'lro,
parait se jeter dans lo fleuve Scharry, s'il ne se pcrd
pas dans les sables du desert. Quant a la population du
Ouaday, elle est plus nonibreuse, plus riche , surtout
plus brave et plus hospitaliere que celle du Darfour ; et
c'esld'elle, par monienls, (jue dependent les destinecs
du Soudan oriental : la conquSte du Baguiruieh par
Saboiin , sultan des Ouadayens, en sera bientot la
preuve evidente.
Au surplus, le noni de Ouaday, que nous avons
jusqu'a present donn6 a cette conlree , parce qu'il est
le plus repandu dans le Soudan , n'est pas le seul
qu'elle porte. Ses propres habitants I'appellent de
preffirence Dar-Seleih ou pays de Saleh , nom du foii-
dateur de la dynastie regnante qui fut aussi leur pre-
mier legislateur religieux.
« Saleh, descendant des anciens Abbassides , etait
» un habile jurisconsulto et Ires d^vot, retire dans
» I'Hedjaz. Des ulemas du Sennar, I'ayant connu dans
» leur pelerinage a la Mecque, s'attacherent a lui d'in-
» time amitie, et I'engagerenl a les suivre dans leur
» pays ; mais Saleh ne sej'ourna que pou de temps
» dans le Sennar. 11 y rencontra tanl de liberlinage ct
» de debauche , que sa susceplibilitc de conscience
1
( A78 )
» s'efTaroucha , et il s'enfuit, passant de contr^e en
» contrde jusqiie dans le Ouaday. II s'y fixa parmi les
» habitants du niont ab-Senoiln qui ^talent idol&tres,
» et la il remplissait scrupuleusoment ses devoirs de
» religion , priani , jeunant, faisant le zikr (1) souvenl
» a lui seul, et recitanl le Goran. — Pourquoi fais-tu
» toutes ces choses? lui deuiandail-on fr6queninient.
» — Pour rendre honimage a Dieu. — Qu'esl-ce done
» que Dieu ? Et Saleh salisfaisait la curiosite de lous
» ces idolatres avec autant d'a-propos qu'il en avail
)) mis a la provoqucr. Les habitants d'ab-Senotfkn, el
» ensuile tout le Ouaday, finirent par embrasser I'isla-
» misme , choisissant Saleh pour chef rcligicux et
» politique. Le pieux sultan leva Tiinpot sacre sur les
» riches pour subvenir aux bcsoins des pauvres , ct
» passant ensuite r!u jeune et de la priere a la guerre
)) sainle, il convertit par les amies toutes les tribus
» ouadayennes qui ne professaient pas Tunil*^ de
» Dieu. »
Cerlaines traditions locales feraient supposer encore
que le Darfour et le Rordofan se convertireut de la
meme maniere et en m6me tomps, c'est-a-dire vers la
premiere moiti6 du xvn" si^cle. L'islainismo, que Ton
croil beaucoup trop stationnaire , aurait done fait la
conquele du Soudan oriental depuis environ deux cents
ans , juste vers I'^poque oil, a I'aulre exlremite de
I'Afiiqiie, le Maroc retrempait son vieux fanatisnie
sous I'aulorite d'une nouvelledynastie arabe. L'n autre
^branlenient general , rappel6 par M. Jomard , et
beaucouj) plus recont , a de nouveau prouv6 tout co
( i) Ceremonial de priires pmliqu^par les derviches tourneurs.
{ 579 )
qui reste de force et d'expansion dans la soci6t6 mu-
sulmane. Les Foullah s'en sont fails les r^forniateurs
et les missionnaires armes dans loute la Nigrille occi-
dentale , tandis que les Wahabiles reveillaient en
Arabic I'ardeur des guerres de religion , cl que le
sultan du Ouaday, Saboun , faisail la conquete du
Baguirmeh au nom de la morale du Goran outiagee
par un souverain incestueux. Tant d'indices d'effer-
vescence rellgieuse indiquenl une vitality bien loin en->
core de s'eteindrc et memo de s'affaibllr. Aussi n'ajou-
terons-nous qu'une remarque siir la maniere dont le
premier sultan du Ouaday y introduisit I'islamisme :
ce fnl par le spectacle de la prifere et de la mortifica-
tion que Saleh frappa I'imagination des Ouadayens
idolatres; ce fut par I'intervention d'un code religieux
et d'une morale ecrite qu'il epura et fixa du meme
coup leur etat social.
C'est pr^cisement par ces memes vertus, par ces
mSmes proc^des, eprouv^s d'ailleurs depuis dix-huit
siecles, que les sauvages de I'Oc^anie se convertissent
de nos jours au cbristianisme el so laissent pen(^trer
par la civilisation. Que manquerait-il done a celte
derni^re pour s'introduire egalement en Afrique,pour
planter sa tenle la ou I'islamisme n'a point encore
mis le pied, c'est-a-dire dans le Soudan idolatre ? Ce
qui lui manque sous celte zone torride, ce ne sont point
sans doule des chrelions priant ct jeunant coinme le
musulman Saleh, mais bien plutot des missionnaires
de race noire ou mulatre , comme les premiers evan-
g^listes de I'Abyssinic , dont les traces se reconnais-
senl encore aux debris disperses de la chretientd orien-
lale. M. Jomard a rappel6 divers t^moignages toucliant
{ 480 )
quelques-uns de ccs dtlibiis qui exisleraient encore au
Slid des monts Kiimri et au noid de la cole de Gui-
nee (1); cc sont des triljus qui irapparlienncnt en
tout cas ni a I'idolalrie ni a I'islamisnie , et qui sem-
blent d'originc chreliennc. Mais, quoi qu'il en soil de
lour culte et nifime de lour existence, il est evident
que, pour y inU-oduire ou y rajeunir nos croyances,
il faudrait nous creer des niissionnaires a Tusago
de I'Afrique cenlrale, en les recrulant, s'il Ic faut,
parmi les osclaves emancipes de nos colonies. Origi-
naires de la Nigritic on nieme temps que Francais el
Chretiens par rcducalion, ceux-ci rontreraient avec
moins de peine dans lour patrie |)riniilive , et y fonc-
tionneraient beaucoup niieux que des Europeens dans
I'ceuvre jusqu'ici avort^e de la propagation chretienne.
Ces r6flexions-la ne sont pas sans doule de la giogra-
phie ; mais, realis^cs , elles fourniraienl ie moyen
d'en faire plus lard, el de la mclllcure ; car chacun
sail les progr^s que la science doit aux travaux, memo
les plus modesles, ainsi qu'a la piete de nos mission-
naires.
Dans la perspective decette eventualild si desirable,
nous no saurions Irop (iludior I'etal moral do la Ni-
grille idolalre. Le cheykli ol-Tounsy nous la repre-
sonle morcelee en tribus ct sous-tribus vraimenl in-
nombrables, mais impuissanlcs, malgre leur suporio-
rile num^riquc, a se defendre conlre les niusulman«.
Ceux-ci, coDinie un anneaii jele an milieu iVtm dcseii,
lie fornwnt qn'iinr horde an milieu de popiihitions noin-
b reuses : cc qui, pourtanl, no les empocho pas d'avoir
(i) Voir pngC'j Lxviii i-\. l.xxill dn royaga uu Ouadny.
{ liM )
la haute main sur ces masses sauvages et de les do-
miner.
« Ce fait, dit noire voyageur, s'explique par Tesprlt
» de corps et de conlVaternite qui unit les Soudaniens
» musulnians. Les peuplades idolalres, au contraire,
» divis^es d'inlerets, sans accord entre elles, ne s'en-
» Ir'aidenl jamais. Bien plus, chaque station est hos-
» tile aux stations qui I'avoisinent; et quand I'ennemi
)) vient tomber sur un village, I'attaque, en cnleve les
» femmes et les enfants, le village voisin regarde d'un
)) ceil indiil^rent, et ne cherche point a conjurer I'orage.
)) Aussi, (les que I'ennemi en a fini avec une station,
» va-t-il s'adresser a une autre, et il la traite comme la
» priced ente sous les yeux des villages les plus rap-
)) procWs , qui demeurent encore spectateurs tran-
» quilles du malheur de leurs frercs. Si ces idolatres
» savaient se r6unir conlre leurs agresseurs, aucun des
» fitats musulmans du Soudan n'oserait les attaquer. »
(Page 274.)
Ces attaques foriennes et ouadayennes p^netrent le
plus souvent dans I'inlerieur, a des distances dc trois
mois de niarclie, d'ou elles revicnnent ensuilc apres
un parcours de six mois, chassant dcvant elles des
troupeaux d'esclaves dont les trois quarts perissent de
misere, le reste 6tant destine aux marches de la IMigri-
lie musulmane el des puissances barbaresques.
« Les Ferlyt, ajoute noire voyageur, n'ont aucune
» religion ; quand ils sont roduits en esclavage, ils ac-
» ceptenl la religion dc ceux dont ils sont devcuus la
)) i^ropriete. » En d'auhes lermcs, ces peuplades in-
cultcs appartiennent corps et ame au premier occu-
( /i82 )
]iant : double niolif de rcgretter que notre civilisation
ne puisso les aborder et les confjuf^iir I
Quant a I'islamisine , on sail qu'il autorisc en prin-
cipe lour esclavage, et qu'en fait, il les consid^re
comme sa proie. Favorise par le voisinage, il les as-
servit et les converlit du metne coup, sans que le pro-
selylisuio chretien essaie encore de lui disjiuler ces
tribus alVicaines , « doul \o. sol est pourlanl si fertile,
» et chez qui la purele de I'air est si romarquable. »
Ainsi , la ferlilile et la salubritc^ du climat convient
encore I'Europe a se devouer a raflVancbissemcnt des
negres idolalios , et a fonder a eel ellet des ^tablis-
seinents dans I'interieur do I'AIVique.
Pareilles entreprises sans doule passionnent de plus
en plus les missionnaiies de rEvangilo ; mais, pour
preparer avec succds celte redemption des races noires,
on n'en saurail Irop bien etudior los diHicuit^s, qui ne
ne se bornent pas a la Nigritie musuiniane. Cclle-ci,
en elVet, loin d'etre seide coupable de I'oppression des
idolutres, y est excit^e par les puissances barbares-
ques, qui lui demandent sans ccsse d'approvisionner
lours uiarchi^s d'esclaves. Parfois meme des avenlu-
riers du nord, traversant par bandes araiees les vastes
deserts du Soudan, vont directeraent a la chasse des
noirs, pour n'avoir point ci les acheter de seconde
main. Cette communaut6 d'int^ret, joinle au fana-
tisme des noiivoaux ronverlis, apianit tous les obsta-
cles devanl les niissionnaires de rislamisuie, et elle
cenluplerail, |iar le memo motif, la difliculle des mis-
sions cbriticnnes, si celles-ci ne pr^feraicnt pas les
regions du sud pour s'inlroduire et s'^tablir en Afrique.
( 483 )
Ce qu'il faut clone signaler ici, ce qui fait la force
interieure de rislamisme cliez ies noirs et lincompa-
rable superiority de ses moyens d'action , c'est I'inti-
niite et I'aisance des relations de la Nigritic niusui-
inane avec Ies puissances barbaresques du nord.
Voyez d'abord leurs communications par caravane,
qui nous semblent entravees de mille difTicultes.
Eh bien ! el ies s'operent ot se raconlenl en Afrique
conime la chose la plus simple du monde , sans plus
li'embarras que des matoiots feraient , par exemple ,
de leurs traversees de I'Ocean. Ainsi , noire cheykh
Mohammed el-Tounsy quitte en 1792 sa ville natale, et
de Tunis se rend au Caire pour joindre son pere Omar,
qui elait dt^ja parli pour le Soudan. Le jeune Moham-
med, croyant le trouver dans le Darfour, a Tendelty,
s'y rend aussitot; mais son pere n'y elait deja plus;
il etail dans I'Ouaday, oil son savoir et son m^rite lui
avaient concilie I'estime du sultan. Grace au credit
dont le pero avail joui dans ces deux contr6es du Sou-
dan oriental, le fils y sejourna dix ann^es, en attendant
d'aller rejoindre son pfere , d6ja retourne a Tunis par
la route du Fezzan et de Tripoli. Le vnila done a son
tour sur la meme route , voiturant, lui aussi , des es-
claves , plumes d'autruche , et autres pacotilles de la
Nigritie. Cheminfaisant, il 6prouve chcz Ies Tibbous et
Ies Fezzanais des aveiUures qui nous initient aux ha-
bitudes fiscales du desert, et a une sorte de droit des
gens prolecteur des associations voyageuses. II arrive
enfin a Tunis, ou son pere , lui trouvant une ceinture
de voyage fort lourde, la vide et en garde tout I'argent,
Le pere Omar, se rappelant alors le Ouaday oil Ton
fait de bonnes affaires, et oil il a d'ailleurs laiss^ une
( A84 )
partie de ses biciis et dc sa t'amillc , I'orme bientot le
piojet d'y retourner. Son fils a beau lui representer et
son age avance et les fatigues d'un loinlain voyage , le
vieillard se met en route avec des presenls pour le
sultan Saboun. Deux ans apres, la nouvelle de la mort
d'Omar parvient a son lils. Celui-cisc rend inim^dia-
tement a Tripoli, pour traverser une fois de phis la
region cUi desert; mais il arrive trop lard, la caravans
etait parlie. Enibarque dans uiie st'condo caravane, il
renconlre a moitie chemin , cnUn; les Tibbous cl les
Fczzannais, son oncle Zarrouk rclournaul du Ouaday
avec toiiles ses richessos. Les deux caravanes s'arrelent
ensemble vingt-quatre beures. Enfin, le jeune Moham-
med el-Tounsy abandonne la sienno, prend cello de
son oncle, ct il revient a Tunis, apres nous avoir donne
la preuve la plus evidcnle des correspondancos regu-
li^res el faciles qui unissenl loutes les regions de
I'Afrique musulmane.
Un autre detail cxpliquera mainlcnant ces relations :
c'est la coumiunaut(!! de loi religieubC ct civile, et, par
suite, tic jurisprudence comnierciale, qui fait accepter
dans le Fezzan, cl j usque dans le Ouaday et le Darfour,
les decisions des ulemas dc Tunis ou de Tripoli , et rc-
ciproqucment par ceux-ci, les pieces Icgalisees par
les grands jugos du Ouaday (I). Rappclons, enfin, que
le pere de notre voyageur, Omar el-Tounsy, bicn que
de Tunis , fut nomnie vizir du Ouatlaj par Ic sultan
(i) Voir, a la page 22 1 du Voynije, 1 cinploi (ju'nii cIn'iiF, ori{',iiiairc
(leFcz, Ahiiinil ('l-i'"acy, fit dans lo Ouaday duyi/foiui/i "U ronsiiltatioii
juriilinuo, nii'il avail ohtenue de> ulpnias do Tripoli ;el, a la pape Sg.i,
la rijconiiaissance par le tribunnl de Mourzouk des pieces Icgalisees
par le cachet du grand cadi du Ouaday.
( 485 )
Saboun, qui liii donna pour successeur un habitant cie
Fez, Adnicd el-Facy (1).
Pourquoi celte liaule opinion des musulmans du
nordPParce que le Soudan se consid^re lui-menie
comme unc d^pendance coloniaie des puissances bar-
baresques. Aussi ces gouvernements y excrcent-ils,
soil au nom du sullan de Constantinople, soil de
celui du Mai'oc , non-seulement I'influence resultant
d'echanges commerciaux , mais encore la suprematie
morale et la juridiction religieuse de veritables m6-
tropoles.
On comprend en tous les cas les facilites que les
musulmans ont a voyager et commercer en Afrique.
Unis par des liens de fraternite et de droit coinniun ,
ils s'aident et s'eclairent enlre eux, landis que I'explo-
rateur chr^tien ne peut s'y avcnturer qu'isol6ment, et
a Tencontre de raille obstacles de la part des honimes
et de la nature.
C'est done le moment de rappeler I'avis que M. le
docteur Perron adresse, de la ville du Caire, aux Euro-
peens tenths de se livrer a I'exploration de la Nigritie,
en prenant poiir base d'operation I'AlVique septen-
trionalc.
(( Qui n'aura pas, leur dit-il, le vialique de la langue
» arabe , la langue sacr^e des Musulmans , qui ne se
» rc^soudra pas a se musulinanisei- comme moyen de
» sauf-conduit, qui ne se d^cidera pas a se donner les
)) apparences de credulite, de croyances, de sauvagerie
» menie des musulmans du Soudan , ne doit pas son-
» ger a se netlre en route; qu'il reste chcz lui. M6me
)) les derniers voyages, ceux du major Denham au
(i) Pn«e Qi4 tie la /}e/ntio/( du clicykli el-'l'ounsy.
( /i86 )
» Maudarah, sont minces en r^sultats. On voyage nial
» avec des liahits rouges anglais. II faut la blouse du
» Forien, dii Ouadayen pour courir dans Ic Darlour cl
» le Ouaday ; il laiit se brunir le leint jusqii'au bronze
)) fonc6 pour ne pas choquer trop rudemenl I'ujil
» d'homuies noirs comme du charbon ; il Caul s^jour-
)) ner quclques saisons de suile a Kobeib, a Tendelly,
» a Ouarah, pour s'y lier avec des nalurels du pays,
)) avec des niarcbands, dps negriers , des cbasseurs
» d'esclaves ; il faut tout cela, ot par consequcnl, il
» faut sauter a.pieds joints sur nombre de iios ripo-
» gnances curopeennes ( n'en deplaise a qui que ce
» soil), si vous voulez suivre un voyagour indig6ne, un
» expedilioniiaire ou chasseur aux esclaves jusqu'aux
)) liuiites sud peut-etre des Ferlyt, jusque peul-otre au
» dela des Djenakherab idolatres ; si, enfin , vous
)) voulez savoir ou sont les extreuiit^s nierldionales du
» Soudan, ce que sont el ou sont ccs monts de Counir
» que Ton appelle monts de la Lime... Et puis, il y a a
)) chercher les nioyens d'ed'acer de dessus de la terre
» ces voies de souilrances et de honles par lesquelles
» on traino chaque annee tanl de milliers d'esclaves ,
» c'est-a-dire lant de chair huniaine a vendre sur les
» inarches, ou bien a laisser morte en [)ature aux betes
)) feroces des deserts. »
Quel but, d'ailleurs , plus cluelien que celui des
savants editeurs du l^oyage an Ouuddy? et quelle ne
serait pas la force de la civilisation contre la barbaric
musulmaiie, si jamais nos missionnaires parvenaient
a r^unir contre cette barbaric les peuplades innom-
brables, mais si divisees de I'equateur? Limite vers le
sud en n>6me ten)ps que penelr6 au nord par ri">gyple
( /i87 )
et I'Alg^ne, rislauiisme se Irouvetait pris enlre deux
feux, et I'aclivite chrelienne ressaisirait en Afrique les
meillcures chances de I'avenir. Quanta present, I'isla-
mismc y regne sans partage , et , cliaque annee , il y
fait d'innombrables proselytes : c'cst jiar millions que
ses missionnaires armes y comptent les nouveaux sec-
tateuis de Mahomet.
L'hisloiie recente des Foullah ne laisse aucun doule
sur ces progres, digne pendant de I'exemple fouini, 11
y a deux tic^cles, par la conversion du Kordofan , du
Darfour et du Ouaday (1). Soustraits a rinfluenco de
la Nigritie idolatre, ces trois pays furenl incorpores
sans relour a la Nigritie musulniane , et par la mis en
relation avec tout I'interieur du Soudan jusqu'aux
bonis de la Mediterran^e et a ceux de I'Atlantique. La
religion nouvelle y devint aussitot le v^hicule du com-
niei'co ; et depuis que I'islamisme a p^netre dans la
Senegambie , celle-ci est devenue le point de depart
d'une autre route, Iraversanl I'Afrique de part en part,
et conduisant d'ouest en est les marchands ct les p6lo-
rins qui se rendcnt a la Mecque.
M. Fresnel nous a donne (2) un de ces itineraires
parlant de Fouta-Toro dans la Senegambie , et apres
deux cent vingl et une journees de caravane venant
ahoutir a Obeid, capilale de Kordofan. Les pelerins ,
parlis de Fouta-Toro , arrivent d'abord a Goinbo
(Comba), liniile , selon eux, des Elals iributaires de
noire colonic du St^ndg^; de la, suivani par S6go
la rive gauche du Niger, ils le traversent a Logoro, el
( i) I'dur la ilatc tie ictte conversion, Voir la page yS de la Relation
(III i-licykh el-Tonnsy.
(2) Ihdletin de la Soriete de cjeographie, septenibri! i 85o.
( /|S8 )
par sa rive droile , apr6s quatre-vingl-douze joiirn^es
de marche , ils arrivent a un point ou le fleuvc, qui
courait an sud, revient a I'esl, d'apres le i-ecit du cara-
vaniste, et laisserait ainsi dans le doute s'il se rend au
golfe de Benin ou vers le lac Tchad.
De Sakkatou , capilaie du Haoussa, ou regne le
deuxieme successeur du sultan Bello , les p&lerins,
apr6s quarantc et une autres journees , se rendent a
Angornou , pres du lac Tchad , qui lui-nifime a sept
journees de longueur. Continuant leur route par Lo-
goun, dependance de Bornou ; par Mo6to, capitale du
Baghermeh; par Wara, capitale du Ouaday; par Ko-
beyli, capitale mercantile du Darfour, et Tcndelty, qui
en est la residence imperiale, ils arrivent en quatrc-
vingt-huit autres jours a Ob6id, capitale du Kordofan,
aprfjs avoir parcouru en ligne droite onze ou douze
cents lieues, que les sinuosites du cheinin peuvent
porter a quinze ou seize cents, ce qui, divise par deux
cent vingt et une journt^es , donnerait environ sept
lieues par etape moyenne de caravane.
Telle est une des voies suivies par les pfelerins et par
les marchands de la Senegambie, qui, pour se rendre
a la Mecque , suivcnt, enlre le 15" et le 10' degrc de
latitude, les inarches situes sur les confins de la Nigritie
niusulmane et de la Nigritie idolatre.
A cctte voic paraliele a I'equateur, il nous laut
ioindrc inainienant une voie pcrpendiculaire passant
par le Ouaday. Celle-ci a ite indiquee par des voya-
geurs aiusulmans a M. Fresnel ; ct le recit du Cheykh
el-Tounsy a ))erniis a M. Joniard de I'^tudier sous un
nouveau jour. Je veux parler de la route partant de la
Cyrenaique, et aboulissant a Wara, capitale du Oua-
I
( /i80 )
day, siluee , d'apres I'esliine des caravanistes musul-
inans, sur la meridienne de Benghazi et mfeme un peu
plus a I'ouest, ce qui deplacerail la position da lac
Tchad, et oldigerait a refaire nos cartes de I'interieur
du Soudan.
En attendant qu'on ait ^ciairci ce point g^ographique,
^ludions la question commerciale qui s'y rattache ; et
d'abordrevenonssurrimportance generale du Ouaday.
Nous Savons deja que, sous le sultan Saboun , cet
Etal fit la conquete du Baghirnieh. II s'est depuis lors
etendu a I'ouesl, jusqu'au lac Tchad, par I'occupation
du Kaniim , et, plus r^cemment, son influence a eti
prouvee ]iar I'expedilion contie le Bornou. Celle-ci a
eu lieu en 18Zi5 (1). L'arm^e des Ouadayens, presque
uniquement coniposee de cavalerie, Irainait un bagage
immense et quelques pieces de campagne. Le sultan
sch^rif la commandait, et apr^s etre passed par le lac
Fittre et par Modto, capitale du Baghirmeh, il travei'sa
le fleuve Scharry sur de grands bateaux ; et en soixante-
trois journ^es de marche, il arriva a Logoun. Ayant
aloi's mis en d^route les Bornouans, il fit la conqu6le
de tout leur royaume ; et bien qu'il ne put la conserver
apres I'evacuation de scs troupes, il y fit sentir n^an-
moins le role dominateur du Ouaday sur les regions a
Test et au sud du lac Tchad.
Avec un Etat aussi preponderant, la politique afri-
caine se pose naturellement celte question : Comment
el par quelle voie se mettre en relation avec lui? Or le
sultan du Ouaday nous en indique le moyen parl'in-
(i) Memoire de M. Fresnel sur le WcJay, Bulletin de la Societd dt
qeocjraphie, septembre i85o.
HI. MAI. 5. i)3
( h90 )
fluence qu'il exorce egalement sur la route des cara-
vanes de Tripoli et de la Cyr6naique. Et d'abord il la
fait senlir d'une inani^re indirecle, mais pourtant de-
cisive, jusque chez les Tibbous, (jui se parlagent avec
les Fezzanais la protection de celle grande voic coui-
mcrciale.
Ainsi , par les Arabes Mohamid , qu'il peul lancer a
volonl6 conlre les premiers, il oblige leur sullan a se
rendre responsable de toutes les perles occasionn^es
chez lui aux voyageuis. La s6curit6 des caravanes y est
done parfaite , et c'esl pour les I'ecevoir sur les bords
de la M^diterranee qu'il avail 6iabU un agent commer-
cial a Benghazi, princi|)ale ^chello do la Cyrenaique.
La est le c6t6 tout nouveau et le plus abordable du
Oiiaday ; et c'est par la que, des I'annee 1809, celte
region a ^te pour la premiere t'ois miso on rapport
direct avec la Mediterran(^e.
Le sultan Saboun, ce Mohammed-Ali du DSr-Seleih,
voulut alors 6cbanger directement avec Tunis et Tri-
poli les marchandises que ses predecesseurs livraient
aux Fozzanais ; cherchant, en d'autres termes, a sup-
primer ces courtiers du desert, pour economiser leur
courtage et s'approprier le gain de ces interm^diaires
parasites, il expedia par la route ordinaire du Fezzan
une caravane marchande destin^e tout enliere a Tri-
poli. Les Fezzanais, qui avaienll'habitude d'acheler en
bloc les cargaisons du passage pour les revendre en-
suite dans le Magreb, iurent surpris de 1 innovation du
sultan Sabodn, et n'admirent pas qu'elle tut pour eux
un progrfes economicpie. Ne pouvant done acheler les
esclaves qu'on ret'usait de leur vendro, ils en retinrent
une partie corame ran^on ; ce que nous appelons vo-
( A91 )
lonliers pillage chez les nomad es afrlcains, en le nom-
manl en Europe droit de transit. Eh Lien ! c'est ce
droit inusile de transit qui irrilaprolondemenlSaljoun,
ct le porta a s'ouvrlr une route directe sur la Mediler-
ranee.
Guide par les indications d'un Bedouin, voisin du
Barcali, qui s'etait egare dans le deserl et avait et^ re-
cueilli auOuaday, il dirigea une premiere caravane sur
Djalau et Audjelah, et de la sur Dome et Benghazi,
Celle expedition commerciale, qui renionte a I'annee
1809, ayanl pleinement r(^ussi, d'autres la suivirenl
et se renouvelerent en 1814, 1815, 1818, el plus tard
aprfes la niort de Sahouu en 1832, 1837, 18/iO, 1843
el 1846. Cos derniers et precieux details ne se trouvont
pas dans la relation du cheykh; niais ils ont 6l6 decou-
verts , gr&ce aux indications que M. Jomaid y avait
lues avant qu'elle fut publiee, et grace a la mission
que re^ut notre savant orientaUste, M. Fresnel, envoys
a cet effet dans la Cyrenaique.
C'est a celui-ci qu'on doit I'hisloire des caravanes
en question, lesquelles ne laissent plus aucun doute
sur les communications directes du littoral de la
M^diterrande avec le Ouatlay (1) : une route d'environ
ciuquanle-sept journ^es de marche, a travers un ar-
chipel d'oasis facile a parcourir pour quiconque se
mellra bien au courant des moeurs al'ricaines.
Que r6sulterail-il maintenant de cetle nouvelle com-
munication ouverte sur I'inlerieur de I'Alrique ?
L'ancienne route du Fezzan a 6te jusqu'a ce jour
(i) Memoire de M. Fresnel sur le Waday, dans le Bulletin de la So-
ei^te de geographic de 1 85o.
( /i92 )
exploil6e par les Anglais, qui s'appuient volonliers sur
Tripoli; uiais la voie qui part de Benghazi une fois
d^couverte , tousles avantages semblcnt appartenir a
cetle dernifere, qui nous rapproche beaucoup plus vite
du Ouaday. Ce sorait done a la France a clioisir a son
tour celle-ci, comme I'itin^raire naturel de ses futures
relations avcc le Soudan oriental.
Cette alternative d'ailleurs n'existe ])as, et, pour
elle , c'est bien plutot une niicessile, puisque la route
du Kordofan, que les voyageurs suivaient de prefe-
rence, est actuellement ferm6e. On sait, en eCFet, que
I'occupatiou de ce pays par les troupes egypliennes a
mis le Darfour dans un elat de mefiance et d'liostilite
permanente envers I'ligypte , el I'a i-endu , sous peine
de niort ou de caplivilti, lout a fait inabordable du cote
de rOrienl. II ne resterait done plus que les routes du
nord , parmi lesquelles le che\kli el-Tounsy nous a
signalc la plus direele et la plus facile. Celle-ci, des-
tinee a rclier lancienne et feconde Cyrenaique a I'in-
terieur du Soudan , est une porte de plus ouvcrte aux
speculations du commerce, comme a lous les devoue-
menls civilisateurs; et il faut esp^rer que le gouverne-
ment fran^ais n'abandonnera pas a d'autres nations
I'honncur d'y envoyer les premiers missionnaires de
la science. Ce but est digne de lui, comme tant d'au-
tres, chaque jour plus envids, et lous con^us a la meme
source, au souvenir iuspiralcur d'une heroiquc et 16-
conde croisade.
C'est depuis I'expedition frangaise en ifegypte, et plus
recemmcnt depuis noire conquele de I'Algerie, que
les investigations sur le continent africain ont acquis
ce haul degr6 d'importance. L'Alg6rie tend deja la
< 1
'J
( 593 )
main a notre colouie du Senegal, si voisine du Nii^er;
et une fois nos a\ant-postes s'y reliant par caravanes,
qui les erapecliera d'attaquer ensuite les citadelles
myst^rieuses des Soudans musulman et idoIulrePLa
France a done iin noble but a atteindre , une mission
vraiment providentielle a remplir en Afrique. Dieu
veuille qu'elle n'y fasse point d^faut !
LES CINQ PORTS DE LA CHINE
OUVEBTS
AU COMMERCE STRANGER (i),
PAR
M. DE L\ UOQUETTE.
(( Un des articles les plus importants du traite de
Nankin [IShll-ll^) est celui qui fixe les cinq ports com-
merciaux. Lorsqu'on les choisit , nous olions encore
fort peu au fait de I'etat du pays sous le rapport topo-
grapbiquo. Le port de Canton etait le seul qui nous fut
connu ; ceux de Ningpo et A' Juioy ^taient d^sign^s
dans les instructions du gouvernement comme ayant
et6 ouverls autrefois au commerce europeen; mais on
y mentionnait aussi Shnnghne ( Chang -liai) et Foo-
chowfoo, qui otaient enlierement nouveaux pour nous.
Le port de Slianghae, qui avail du moins el(i visile,
(i) (jet article a ete oxtrait, par les redactcnrs de \' Alhenwuni, de
I'ouvrage intitule : China cluriiii/ the war and xincc the peace, recem-
meiit publie a Loiulres par sir John Davis, charge de la mission an-
glaise en Chine pendant les cini| ou six dernicres annees qui ont siiivi
la pais entre cet empire et I'Anffleterre. D. L. R,
{ im )
s'est trouv6 etre par l'ev6nement un tr^s-heureux
choix. Quant a Foo-cliow-foo ( Fou-tcheou-fou ), sur
lequol on n'avail aucune donn^e pratique , il se re-
commanclailpnr sa posilion g^ographique relalivenient
aux dislricts qui fournissent le Ih^ noir. Mais une
experience de plus de sept ann^es a prouv6 qu'on
s'elait completement tronip6 a son sujet.
» En passant ces ports successivernenl en revue, on
commengant par le sud , sous Ic rapport des inconve-
nients et des avantages qu'ils presentent , on est con-
duit aux remarques sulvantes : 1° La situation du port
de Canton le rendaitdans I'origine fort peu convcnahle
pour un commerce avec I'Europe, et le gouvernement
chinois I'avait ouvert aux dlrangers uniqucmont parcc
qu'il se Irouve le plus eloigne de P6kin. Son (^Inigne-
ment des provinces qui produisent le th6 , la liaule
temperature de son climat, peu favorable et au tem-
perament des Anglais et a la consommation des pro-
duils de leurs manufacturis , lout enfin, a I'exception
des avantages que son port offrait n in navigation,
fait nattre des objections contre un tel ]>()rt , qu'on
n'avait adopts que parce qu'il n'y en avail point
d'autres ou il fut permis de so rcndre. Le commerce
qu'on y faisail , quoique considerable, avail etc en
quelque mani^re force ; mais par suite de I'irapor-
lance qu'il avail prise, el du long espace de temps que
cet elat de clioses avail dure, il ne devenail pas pos-
sible dele transporter ailleurs subitement ; tout chan-
gement de cette nature ne saurait s'efTectuer qu'a la
longue et avec le concours de I'experience. Quoique
la riviere de Canton soil d'une navigation facile, il faut
reconnaltre cependant que le port a toujonrs presenie
( A95 )
et pr^sentera toujours de grands d^savantages. Le
commerce des Anglais avec la Chine s'y fait plus avan-
lageusement le long de leurs navires, et la profondeur
de I'eau ne permet a la majeure partie d'enlre eux de
se rapprocher de la ville que d'environ 8 milles. A
Chang -hai, au contraire, les batiinents sont ancr^s
pr6s des magasins de la station anglaise , et a Amoy,
en face de la ville. Ce sont la des avantages de la plus
haute importance. 2" Le plus grand des inconvenients
que presente le port d'Amoy, c'est la pauvret(^ com-
parative des habitants et le peu d'etendue de son
commerce ; mais cet etat de choses peut fitre modifi^
par suite du developpement de nos relations commer-
cinles elles-mftmes. Les ofliciers du gouverneraent
chinois etaient d'abord fori mal disposes, et ils tente-
rent d'y 6tablir des monopoles et de pers^cuter les
natlonaux qui avaient engage des affaires avec nous;
n)ais ces obstacles ne tarderent pas a 6tre heureuse-
ment surmonte?. Les progr^s commerciaux de ce port
ont 6t6 peut-etre retard^s en quelque sorle par le
voisinage et la vivalit^ des stations des navires faisant
le trafic de I'opinm, etablis a Chincheiv et a Chimmo ;
mais les avantages du port d'Amoy, qui offre tant de
siiretd et est d'un acces si facile, doivent militer en faveur
de ce port, qui d'ailleurs a 616 longtemps I'un des
marches, pour le detroit de Malaca , des produits des
lies Malaies. 3° Le port de Foo-chow-foo (Fou-tcheou-
fou) a 6t6 d^signe d'apres des donn^es beaucoup
moins certaines sur la localile qu'aucun des nouveaux
ports. L'exploralion soigneuse de la riviere , faite par
le capitaine Collinson , a prouve qu'elle 6tait d^favo-
rable, sinon dangereuse, et il y exisle le meme des-
( 490 )
a\antage qu'a Canton, qu'aiiciin navire, quel quo soil
son lonnago, ne peul s'approclier de la ville qu'a une
distance d'environ 8 milles. La Proserpine, bateau a
vapeuf en fer lirant seulenienl 5 piedsd'eau, rcsta
echouee pendant deuxheures en descendant la riviere;
et le Spiteful ful loUeinent endomaiage , qu'il dut se
rendre a Bombay pour s'y faire reparer. Le Min est
rempli de rochers cl de has-fonds; le reflux court
8 nceuds a I'lieure, et la dilFerence de niveau y est de
18 pieds d'une mar^e a I'aulre. Du reste , les beautes
pittoresques de celle riviere sont aussi remarquables
que son insignifiance comme voie commerciale ; en
quelques parlies, elle ressemble extreniemont au Fvhin.
Aux desavantages nalurels de ce port il convient
d'ajouler les intrigues hostilcs du gouverneur de la
province, Lew-Yunko, donl j'ai d^ja parle. 4° Ningpo
est assez bien situe quruil a la facilile de Facets , se
Irouvanl a environ 11 a 12 uiilles en atnont de la
riviere, dejiuis son entree a 6Vi/«<?/t(?ii' justju'au con-
fluent de deux cours d'cau venant, I'un au nord de
Tsekee, el I'aulre de Foong/uva, au sud. Le consulat
anglais a m dtabli dans une niaison de campagnc
appaitenanl autrefois a un riche proprii^taire, situce
sur les bords de la riviere, qui csl nioins large que la
Tamise a Fulham, eten face du cole oriental tie la ville.
Malgr6 les excellentes dispositions de la population de
Ningpoo (Ning-po) et les belles soies que le pays fournit,
ce port a et6 couqilelement ec]ips6 par le tres-grand
voisinage et les avantagcs infiniment superieurs du
nouveau |)orl |)lus septentrional dont je vais parler.
5° Shnnghae (Sbankhay). Quoique les bailments mar-
chands eprouvent queUjue didicullc a s'approcher de
( ^97 )
I'exterieur de son port, ils peuvent cepenclant jeter
I'ancre en face de la ville. L'emplacement accorde ici
au commerce anglais esl Ir^s-avantageux; il comprend
plus de cent acres de terrain propre a des construc-
tions. C'est un espace aere et aux abords faciles, a un
mille environ do la ville, au point ou une branche de
la riviere conduit a Soocbow, et forme un angle avec
le cours d'eau principal. Beaucoup de demandes ont
m faites pour un entrepot des prod aits des manufac-
tures de coton de la Grande-Bretagne, aussi bien que
de soies brutes ou ^crues, pour les I'etours. Le com-
merce du the y a pris egalement un d^veloppemenl
considerable, et tout porte a croire que cette place
fmira par supplanler Canton, ou le prix de ce dernier
article sera toujours plus eleve, en raison de I'eloigne-
ment des points d'ou on le tire par voie de terre. C'est
a un excellent ofllcier cbinois, I'intendant de Shanghne^
et aux judicieuses dispositions du consul anglais qui
y reside, qu'on doit allribuer en grandc partie les pro-
grfes fails dans ce port important. »
( 498 )
DISCOURS PRONONCt PAR M. JOMARD
AllX
OBSEQUES DE M. WALCKElNAER,
29 AVRiL 1852.
Messikurs,
La Soci6l6 fie geogrophie, ainsi quo la science objet
de sestravaux, fait aujourd'hui une grande perle dans
la personne du haron Walckonaer. Tonics les parties
(le la science lui etaienl familieres au inome degr6 ; la
g(iograplue ancicnne el la geogi-apliie sacr^e, la geo-
graphic niodeinc, la geographio du moycn &ge, la
slalistiqiie, la topograpliie, la connaissance des races,
enfin cclle de la lene 6tudiee sons le rapport de sos
habitants, de ses productions, de ses cliniats divers,
et des lois qui rdgissent le monde physique. Comme
il 6tait sorti de la grande 6cole creee en 179/i, il en
porta les principos et I'csprit de m^thodo, dans cette
etude de predilection coinme dans Ions ses travaux,
etil contribua, avec le baron de Humbloldl, avecMalte-
Brun et d'autres hommes d'elite, a faire envisager la
science sous un nouveau jour, sous un aspect d'en-
seinble, je veux dire d'un point de vue tres 6leve. II
n'en etail pas moins dou^ d'un esprit eminemment
analytique : il aimait a pen^lrer dans les details in-
limes des questions. Patient, sagace, travailleur infali-
gable, pourvu d'une rare organisation, il est venu a
bout de niener de front et d'accomplir beaucoup d'en-
treprises, dont chacune aurait pu occuper un hoinme
tout enlier. Peu de savants ont eu une vie plus labo-
rieuse et plus remplie, peu ont possede une critique
( li99 )
plus juclicieuse que celle qu'il a d^ployee en plusieurs
de ses Merits, rappelant ainsi un noin cher a la lilt^ra-
lure ancienne.
II n'apparlient pas a I'oi'gane de la Society de geo-
graphie de parler des travaux si varies qui ont occupe
sa vie, et ce n'est pas d'ailleurs dans celte trisle en-
ceinte qu'on peut payer le juste tribut qui lui est dd ;
mais on peut du moins citer ses principales produc-
tions geograpliiques, celles (jui doivent, a I'egal des
aulres, le recomniander ei la post^rite. Lorsque John
Pinkerton eut fait paraitre sa grande geographic ,
M. Walckenaer se joignit au geomelre Lacroix pour
on donner uiie edition frangaise ; il sut I'enrichir
d'une foule de notions precieuses d'histoire naturelle,
science dans laquelle il n'6tait pas moins vers6. Le
premier, il publia I'ouvrage in^dit, et presque enti^re-
ment ignor^ de I'lrlandais Dicuil, Le Monde maritime
et la Cosmologie suivirent de pr^s CGiie ^^i\.\on princeps .
Les Recherches sitr Vinterienr de V Ajrique ont rappel^ et
fixe I'attention sur ce continent mysl^rieux, et n'ont
pas ete sans influence sur les efforts multiplies, tenths
depuispour declarer le voile qui en cache le centre a
nos yeux.
Dans sa grande Histoire generale des voyages, mal-
heureusemeut inachevee, il consacra plus de vingt vo-
lumes a ce meme sujet, qui a le privilege d'attirer les
regards de I'Europe civilisee, parce que, placee en face
el conime a la porle de la Grt!ce et de I'llalie, de la
France et de I'Espagne, I'Afrique serable defier ccs na-
tions savanlcs, et provoqucr les expeditions de decou-
verles, punissaiit, trop souvent, helas ! les voyageurs
aventureux, de leur insatiable curiosite. Mais le mo-
( 500 )
ment n'est pas loin oii, grace aux travaux des savanls,
au courage des exploralcuis, le voile sera enfin arra-
che, el M. Walckenaer aura la gloirc d'y avoir con-
tribu^.
Son dernier grand ou\rage est la Geographic des
Gaules. Quelques lacunes, quelques imperfections de
detail, n'otent rien au mc^rile de celte production sa-
vante, dont de recenles ddcouvertes faisaient sentir le
besoin, et qui, si elle n'a pas effac6 I'tEuvre de D'An-
ville, sera loujours consult^c, ainsi que les cartes an-
cienne et physique de la France qui I'accompagnent,
par tons ccux qui veulont 6tudier a fond I'histoire de
notre patrie, et la constitution physique du terriloire
frangais. Toutes ces productions assurenta M. Walcke-
naer unc des premieres places parnii nos plus savants
geographes, a cote des Guillaume Uelisle, des D'An-
ville, des Barbie Du Bocage et des Gossellin. La mort
est venue inlerrompre des Iravaux qui auraient ajoule
a sa rdpulalion europeenne, et creer un grand vide
parmi les savants, parini les gens de lettres, surlout
dans le sein de la Societi^ de geogra[)liie, dont il elait
un des premiers fondateurs, comme il en laisse un
bien douloureux j^arnii les slens, parmi ses amis, et
parmi lous ceux que reunissait aulour de lui son alla-
bilitd.
La Biblioth6que nationalo nc fait pas une perte
moins sensible que la Societe de g(^ograplii(! ; clle
aura de la peine a rctrouver un liommc aussi prolond
dans la science qu'il repr^senlait.
( 501 )
NOUVELLE NOTE DE M. DE PARAVEY
sun
LES NIAM-NIAMS.
Le chevalier de Paravcy, ayant el6 visiter la galerie
zoologique du capitaine Huguet, pr^s la barriere de
rfitoile, y a questionn^ un des deux n^gres du centre
de I'Afrique qui soignent les animaux f^roces, et a su
de celui des deux qui parle le frangais assez bien, que
les Niaiii-Niams, ou negres a queue el anthropophages,
lui ^taient bien connus. II ne dit pas en avoir vu par
lui-meme, mais il a chante a M. de Paravey une chan-
son afiicaine , sur ces IViam-Aiams, chanson dent on
pourrail avoir par lui, et le texte et la traduction.
A regard de la position de ce peuple, negre a queue,
M. de Paravey a constate qu'on la mot dans les limiles
du sud, et dans des pays de monts et de forets, ou ils
vivent, dit-on, sur des arbres et comme dans des nids.
Or, c'est precls^ment la position et le site que les
negres einmenes au Bresil en csclavage, el qu'a inter-
rogesM.Castelnau, assignentaux Niam-ISiams a queue,
du sud -est du Soudan.
( 502 )
EUROPE. — IVonvelles gcograpliicines.
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( 50/1 )
ASIE.
JaPON. — IlES PRliTENDUES ofecOUVERTES UNTRR I.E
Japon et les ILES LiEou-KiEou. — Lc joumal su^dois
Post och Inrikes Tidningar contenait dans son numero
du 7 avril 1852 I'annonce suivanle, dont la plupart
des jouniaux francais ont public la substance en la d6-
naturanl un peu,
« Le chef du d^parlement de la marine vient de re-
cevoir du capitaine J. T. Lubock la lettre suivante ,
6crite de Golherabourg :
)) Je soussigne , capilaine du Irois-niats AntUope ^
appartenanl a la maison Gronwall el conipagnie, de
cetle ville, ai I'honneur de donner avis, qu'en navi-
guanl de Hong-Kong a San-Francisco, j'ai d^couvert
dans la mer du Japon, entre les iles Loo-Choo (Lieou-
Kieou, sans doute) el le Japon, Irois iles qui n'6taienl
point marquees sur les cartes marines pour 18/17. Ces
Iles sonl situecs par 28 el 29 degres de latitude nord,
et 128 et 130 degres de longitude est, et ont 6l6 porlt^os
par nioi sur nies cartes sous le nom A' iles du Prince-
Oscar.
Gotembourg, i853.
» Signe : J. T. Lubeck. »
En supposant que la longitude est celle de Green-
wich, il n'est pas douleux que les iles dont parle le ca-
pilaine Lubeck sonl les iles Ou-Sima, C/eopdtre, cic,
plac6es sur la carte n" 117/1 du d^pot de la marine,
dress^e par M. de la Roche-Poncie , ingenieur-hydro-
graphe, d'apr^s sespropres obser\ aliens faites enl8A6.
Ces iles sonl siluees entre les 28" et 29" degrds de la-
titude nord, el entre les 1250 /jO' et 127* 40' de longi-
tude orientale de Paris.
( 505 ;
L'lle Ou-Sinia a d^jt'i tloniie lieu ;i une note ins6r6e
dans le lonie V, p. 95, des Anmiles hfdrographiques ;
elle a 6l.e vue en 18/i9 par la fregale h Preeble, dont le
capitaine, ainsl que celui de I Ant Hope, avait cru a lort
faire une decouverte.
Ces observations nous ont ole luuinies au Depot dc
la marine, et elles figureronl dans le prochain numero
des Jnnales hydrograpIiUptes .
AMfiHIQUE.
NOUVELLE SoCIJiXi GiOGRAPHIQUK ET STATISTIQUE ,
FONDLE Aux firATS-llNis. — Les joumaux americains
annoncent qu'une nouvelle Soci^te gdographique et
statistique vient d'etre fondle a New-York. Dans la
reunion qui a eu lieu dans cette vilie le 9 octobre 1851,
on a adopts une constitution et complete I'organisa-
tion de la Societe, M. Henri Grinnell, connu par les
ddmarches qu'il a faites pour parvenir k la diicouverte
du capitaine Franklin, a et(^ ^lii pr(!!sident; MM. Joshua
Leavitt , Henry E. Picrreponl, Archibald Russell et
Freeman Hunt, vice-])residenls ; Charles Cougdon,
Irdisorier; Charles A. Dan, secri^tairc-rapporleur, etc.
III. MAI. 6.
( 500 )
Acieis «le la ^oeteK".
ProceM-verbaiix ilea seances, Oiivrageii
olTeris, etc.
PnAsiUENCK DE M. GUICNIAUT.
Proces-7'crbal de la seance tin 7 nuii 1852,
Le proct'S- verbal de la derniere seance est In e.t
adopts.
M. Antoine d'Abbadie met sous les yeux de la Com-
mission ccnlrale une esquisse du cours du Nil, rcpre-
^ienlant les dilTerentcs opinions emises au sujot du
cours su])tnieur de ce grand fleuve, par MM. d'Ar-
naud, Knoblocbcr, Becke el lui. II est prid de voidoif
bien compltler cclle esquisse.
M. Rulherford-Alcock, consul general d'Anglelerre
a Sliang-liai (Cbine), ecrit de eelte ville sous la date
du IQjanvier 1852, pour remercier la Sociel^ di; I'avoir
admis au noinbrc de ses membres ; il saisira avec em-
]iressement toutcs les occasions qui sc presonleront
pour communiquer Ic Iribul de ses eludes sur les
vaslcs conUecs de la Cliine, el annonce qu'il a cliargi!!
M. Woodliead (1, James Saint-Adelphi), son agent a
Londres, d'acquiller sa colisalion annuellc.
M. le secretaire de la Socield pbilolechnique (Paris),
adresse, avec sa lettrc du 2 niai courant, qualrc bii-
lels pour assisler a la seance publique du 9.
M. Paul Autran, secrclaire perpetuel de I'Acadeniio
des sciences de Marseille, annonce dans une lellre
( 507 )
parliculi^re adresst^e le 17 avrll an secretaire general
rle la Coiiimisslon centrale, qii'il a regu le nuuiero du
BnUetin d'aout-septembre 1851, que ce dernier avail
envoye a I'Academie, et qu'il en rendra coinpte dans
I'line des stances.
M. le directeur des colonies annonce an secretaire
gi^neral, sous la dale du 6 niai, en reponse a une de-
mande que celui-ci lui avail adressee, qu'il a autorise
le graveur de la carte de M. Ilecquart, voyageur en
Afrique, a s'entendre avec M. de la Roquelte et a tirer
pour la Socicte tel nombre d'exeniplaires que le secre-
taire g^n^ral d^sirera.
M. Francisco Coello, correspondant de la Society
a Madx'id, fait homtuage do sept nouvelles cartes de
son atlas d'Espagne ; et dans une letlre particuli^re,
qu'il ecrit au secretaire genex'al sous la date du 15 avril,
il annonce divers Iravaux qu'il se propose de sou-
mettre a la Societe.
iM. W. Milutine, secretaire de la Soci^tt^ g^ogra-
phique iinperiale deRussie, transnietde Saint-P^ters-
bourg, avec sa lettre du 8 mars (1852), un oxemplaire
du rapport public (en langue russe) par cette Soci(^t6
et sous sa direction, sur les observations faites pen-
dant I'eclipse du soleii du Kijuillct 1851.
M. Vander Maelen envoie de Bruxclles, avec sa
lettre du 10 avril, un extraitdu dernier travail ofTiciel
sur la statislique de la Belgique que le secretaire ge-
neral de la Commission centrale lui avail demande.
M. Ferry fHippolyte) annonce au secretaire g^n^ral,
par sa lettre datee de Joigny, 6 mai courant, que les
documents que celui-ci lui avail remis sur la Cali-
I'ornie, et dont il si'a pu s'occupor plus tot, sont aujour-
( 508 )
criuil un pen iinciens; il ne los perdra pas de vue
lorsqu'on en roccvra de plus rocents. Quanl au compte
rendu dos lellres de M. Tabbe Brasseur sur le Mcxique
et les origines aniericaincs, qu'il avail aussi promis do
faire, il pense qu'il convienl d'attcndre que I'autcur ait
Icrmine son ceuvre.
Le secretaire donne lecture do la listo des ouvrages
offerls a la Sociele.
M. Joniartl depose sur le bureau le discours pro-
nonce par lui aux obseques de M. le baron Walcke-
naer, d^ccde a Paris ic 27 avril 1852. Le secretaire
general lit ce discours, dont I'insertion au Bulletin est
adoptee Sur la deniande de M. d'Abbadie. A cetle oc-
casion, M. Corlambert oITrc de rediger une notice bio-
j^rapbique sur le savant collogue que la Sociele \ient
de perdre, et propose de faire des deuiarcbes pour
obtenir de la famille de M. le baron Walckenaer le
portrait de ce savant confrere, alin de I'exposcr dans le
local des seances dc la Societe.
Ces deux propositions sonl adoptees.
M. Jomard annonce qu'il a fait passer les quatro
medaillcs destinees a IIM. Livingston, Osvvell, Reb-
mann el Krapf, par I'intermediaire des rjidacteurs du
Church niisxioiKiij Intelligencer, et celle de M. le doc-
leur Wallin , Finlandais, par M. le prince Emmanuel
Galitzin. Quanl aux diploracs porlant mention bono-
rablc, ils out elo adress6s a M. le secretaire de la So-
ciele rojale geograpbique de Loudres.
Le meme meinbrc appelle raltenliou de la Societe
sur une nouvclle voie de communication en Ire le golfe
du Mexique et le grand Ocean, que le gouvernemcnl
uiexicain paralt prciferer a la voic de rislbmc de Te-
.'!
( 500 )
luianlopoc. Elle parlirait do la \'ora-Cruz, irait au lac
Cliapala ; tlo la on suivrait la riviere Mcscala jiisqu'a
San-BIaz, oii ellc porlc Ic nom do Rio San Yago. Lc but
serait de se rapprucher do Mazallan et de San-Fran-
cisco, beaucoLip plus que par Tohuantepec, Nicaragua,
Cosla-Rica ot Panama.
Le memo proj)ose de nomnicr a la prochaino
stance, a Tune des places vacantes de membres cor-
respondants, M. Paul Chaix, professeur de Geneve, bien
connu de la Socidtd , a laquellc il a envoye quelques-
uns de ses ouvrages. M. de la Roquclte appuie forte-
monl la proposition de son collogue. Depuis quolques
anneos, M. Paul Cbaix a bien voulu etre son corres-
pondant oflicieux, et lui fournir d'excellentes ini'orma-
lions dont il s'est empresse d'enrichir le Bulletin.
M. d'Avezac ayant offerl a la Soci^le, et depose sur
le bureau , un exemplaire d'un ouvrage qu'il vicnl de
publior sur fitliicus, M. Thomassy propose de faire un
rapporl sur ce travail imporlanl. Cetle oiTre est agrei^o
par la commission.
Le secretaire general donne lecture de la traduction
d'une lettrc ecrile par lo doclcur Krapf au reverend
C. W. Isenberg de Rabbai-Mnia , l""' octobre 1851, et
inseree dans le Bombay church tnissioiiary Report du
niois de decembre dernier.
M, le chevalier de Paravey lit uiio note sur les Niam-
Niams.
M. do la Roquette donne lecture d'un article pu-
blic dans le Journal ties Debuts, d'apr^s une correspon-
dance de Gothembourg, d'ou il semblerait rt^sulter que
deux lies non encore port(5cs sur les carles on I ^ie d6-
couvertes par M. Lubqck, capilaine d'un navire sue-
( oil) )
rlols, ••iilio lo Japon cl Ics ilcs Loo-Choo i^ Liooii-Kiooii)
ot qn'il a oppclecs iles tin Prince Oscar.
II resiiltc, des expllcalions donneos par M. Daussy
([MO toutes Ics cartes du Depot do la marine font hum
lion dcpuis longteuips des iles dont la reconlc decou
vcrlc est annoncee, etc.
1-
}■ races- I'dbdl lie la seniice rln 21 iiuii '1S5"2.
Le pr<>CL's-vcil):>l de la derniere seance est In d
adopt e.
M. le professeiir Paul Chaix, de Geneve, ecril au
secretaire general de la Commission centrale, sous la
date (111 l|^ai, pour le prier de le presenter comme
candidal a la place de membre correspondant de la
Soceitt^ dont on lui apprend aujourd'hui meme la va-
cance. II annonce en m6me temps, que pour satisfaire
au desir que M. de la Uoquelle lui a temoigne d'operer
un cchange ontre le Bulletin de la Societe de geogra-
nlde ct la l)iblintltei[iie nnii'erselle de Genefe, il offre a la
Societe Texomplaire de ce recueil qu'il rcQoit comme
collaborateur.
M. le major Fridoliuo Giordano, directeur du bu-
reau lopograpliiquc de Naples, annonce, par sa Keltic
(icrite de Naples, sous la date du 8 inai, qu'il vienl
d'envoyer a la Societe, par rinlermediaire du consul
des Deux-Siciles a Marseille , la carle de la Mcditer-
ranee, Arcliipcl, mer Noire el mer d'Azol", enSfeuiiles;
les 12 feuilles de la Carte ilcs environs de Naples, a
reehelle du 1/25000''; et enlin la premiere feuille de
la grande Carte lopograpbiquc inililaire du loyauinc.
;'( I'echelle du 1/80000'. 11 enverra successivcmcnl les
( 511 )
aulros carles (jui stM'ont publiees par Ic buieau tlonl
il a la direction.
Dcs remerclmenls seront adresses a M. Giordano,
aussilot quo Ics cartes annonc^es par lui seront par-
venues.
M. Eugene de Froboiviile Iransniet de Naples, au
secretaire g^nih-al de la counnission cenlrale, avec sa
leltre (parliculiere) du 12 inai, des notes sur les Va-
Ngindo, peuplade de I'Afiique occldentale; cette no-
tice est remise au comil6 du Bulletin, ainsi que la carte
manuscrite et !o tableau synoptiquc qui I'acconi-
pagnent.
M. W. de Milutine, secretaire de la Societe geogra-
phique imperiale de Russie, envoie au secrt^taire ge-
neral, avec sa leltie de Saint-P^tersbourg du 9 avril
dernier, la preini6re livraison du Bulletin, public (en
russe) par cette Society pour I'annee 4852.
D'apres le desir tenioigne par M. Cortambcrt et
par d'aulres menibres de la commission cenlrale, de
posseder un portrait de M. le baron Walckenaer, I'un
des fondateurs de la Sociele qui a eu le maUieur de le
pordre le 27 avril dernier, M. Jomard a fait aupresde
la famille du d^lunt des d-marches qui onl ele bien
accueillies.
M. Jomard annonce qu'un projet relatifa I'etablissc-
menl d'un point de depart uniforrae pour les obser-
vations astronomiquos et meleoro]ogi(jues , provoqui!;
par les gouverneinenls de France, d'Angleterre el des
Elats-Lnis, vienl d'etre prescnle a I'Academie des
sciences.
Le sccrclairc general lit la lisle dcs ouvragcs ol-
lerts.
( 51-2 )
M, Paul CliaJx, proresseiir clc Geneve, esl 6lii a
runanimilc nienil)re corrcspondanl dc la Sociele.
M. lie la Uoqiiello annoncc qu'une Socielii gdogra-
phiquc vient d'elre fondiic a New -York. ( \ oir aux
Noiu'elles geoi^rfipliiques.) II a dcmande aux lilals-Lnis
des inforniations sur celte iiouvelle inslilulion , ot
s'emprcsscia de les coininiinlquer a la Commission
cenlrale aussilol qii'olles liii sciont parvenus,
M. Alfred IMaiiry fail connallre les rcnseigncmenls
parvenus a Paris sur les rosultats des fouilles failes par
le consul frangais, M. Place, sur le terriloire do I'an-
cienncBabylonie, elnotammenlaKliorsabad. M. Place,
devan^anl la commission scicntifiquc que le gouverne-
raent frangais a envoyee dans ce pays, a fait explorer
avee le plus grand suoces les lieux fouilles jadis par
M. Botla. Une longue galeric, unc colleclion de vases,
de nombreux cylindres, ont 6te d^couverts. Le Louvre
va bicntol recevoir un premier envoi des anliquites
decouverles dans ces fouilles inliressantes.
M. Edmond Ansard, profosseur d'hisloire el de
geograpliie au college de Saumur, est nomme membrc
de la Socielo sur la pr(^sentalion de MM. Jomard ot
Mallc-Brun.
( &13 )
OUVRAGES OFFERTS
DANS LJiS Si5aNCES HUS 7 ET 21 MAI 1852.
TITRKS.
DONATEtRS.
EUROPE.
OUVBAGKS.
MM.
Notice snr les .Tltitudes dii Mont-Rlanc et du
Mont-Rose, deleiiiiiiiees pai- des inc^ures ba-
romelriqucs ct {jcodesiqiies. (Extrait de VAii-
nuaire nieteo}oln(/tque de la France, aniiee
i85i.) Rioch. in-8" de. 36 pac^es.
Le coniniandaiit
Uelcros.
CARTES.
Province de Castellon de la !'Iana (Atlas de Es-
jjana y sus posesiones de ullraiiiar). i feuille
grand-monde. |852.
— Logrofio — t85i.
— Gt-rona. — i85l.
— hlas Baleaies. — i85i.
Lieutenant -colonel
Francisco Coc-lli>.
Iden).
Mem.
Idem.
.\FRIQLE.
CABTIiS.
hlas Y presidios en la casta septentrional de
Africa -Islas del f;olFo de Guinea, en la oosia
occideiilai. i feuille grand-monde. i85o.
Idem.
AM^RIQUE.
CAnTES.
Isla de I'uerto-Rico. i feuille {jrandnionde. i85i.
— Cuba. — _
Idem.
Idem.
ITINERAIRES, PLA^S ET COL'PKS.
Expedition dans les parties centrales de I'Anie-
rique du Sud , de Rio-Janeiro a Lima, et de
I>ima an Para, par Francis de Gastelnau.
4'livi. Paris, i85a.
Francis
de Castelnai».
( 51/1 )
TITHES.
DONATEURS.
ASIE. — Al UIQUK. — AMl-aiQUE.
ODVIUGES.
Tableaux de population, <le culture, de com-
merce et lie navijj.ilion, formant, pour I'annee
1848, la suite des tableaux insere's dans les
Notices statisliques sur It-s i.olonies franraises.
I vol. in-8". Paris, fevr. iSaa.
Ml^LAKGES.
MEMOinES DliS SOCIETES SAVANTES ET JOUBNAUX.
Francais.
Nouvelles annates des voyages. Fevrier et mars
i852.
Bevue de rOrient. Avril I 852.
Journal des missions evanjjeliques. Avril l852.
Annales de la propajjation de la foi. Mai i8.')2.
Annales du commerce esterieur. Janvier et Fevr.
i852.
Revue coloniale. 2* serie. Avril et mai i852.
Journal d'educaiion populaire. Mars et avril
1862.
Histoire de I'Academie de Marseille depuis sa
fonddtlon en 1726 jusqu'en i836, par J. B.
Lautard. 3 vol. in-8°. Marseille, 1826, 1829,
1843.
Memoires de I'Academie des sciences, belles let-
tres et arts de Marseille. Annees 184(1, 1847;
Marseille, 1848. Annees 1848, 1849, iSSo;
Marseille, i85l. 2 vol. in-S".
Se'ance publifpie del' Academic royali'des sciences,
belles-lettres et arts de Marieille, du G sep-
tembre 1846.
Travaux de I'Academie des sciences de lleims.
4* trimeslre. l85l.
Annlais.
'Hie cliurcli missionary Intelligencer. Avril et mai
1 852. Londres.
Journal of the Indian an liipelayo... ( Juuiiial de
MM.
Minisire
de la marine.
Les editeurs.
Idem.
Idem.
Idem.
Minist. du comm.
et de I'interieur.
Ministre de la mar.
Les editeurs.
Acad, des sciences
de Marseille.
Idem.
Idem.
Acad, de Ucims.
Les eiliicur>.
Idem.
( 515 )
TITHES.
DONATEURS.
rarchipelliidieii). Novemljieet deceinbre i85i ;
Janvier 1 85a. Singapore.
Riisses.
liappnrt sur !es observations fai(es pendant
I'eL'lipse de soleil dii i6 joillet i85i, sous la
direction de laSocietej^eograpliicjuede Kussie,
et )nibli(' par elie en lan(;ue russe. Hroih. in-S",
avpc planclies.
Ameiicains.
Tlie Literary \voriil... ( le ^fon(le litteiaire ) ,
n"" 261, 262, 263, a64, 271 (3i Janvier, 7, 14
ct 21 fevrier, loavril I 862).
niVERS.
tlbiciH et les ouvragps co.smo{;rapliir|ues intitules
de ce noin, snivi d'un Appendice par M. d'Ave-
zae. I vol. in-4°. Paris, i852.
Tables auxiliaires pour le calcul des differences
de niveau donnees par des hauteurs baronie-
triques, calculees d'apres la formule complete
de Laplace, niises dans un nouvel ordre et
elendues. Broch. in-8° de 26 pages. Neuchatel,
1846.
Tables pour facililer le calcul des surfaces sur
ri-llipsoide terrestre, calculees pour des qua-
drilateres de 1', 10', 20', 3o', i^, 5'' et 10'', en
latilutde el en longitude, depuis I'cquateur jus-
f|u'au pole (i 840), extrait de I'Annuaire mete'o-
rologique de la I'Vance, aiinue (i85o). Broch.
in-8" de iG pa{;es.
Perlezione sul progresso rurale nel i85o... (Dis-
cours sur les progres de I'agriculture en i85o,
lu la dixienie annee du Cours de physique ap-
l>lique a I'aijriculture et a I'economie domes-
tique). (Extrait du Repertoire d'a{;ricullure et
des sciences economiques et industrielles.) Va-
rallo, I 852. Broch. in-12 de 32 pages.
Sur les trenddeuienis de teire el sur les inouve-
incnls du sol. (I'^xtiait du CDnqilc rendu des
MM.
Les editeurs.
Soc. {jeoj^raphique
de Russie.
Lps editeurs.
D'Avezac.
Le commandant
Delcros.
Idem.
Le ])rofcsspin-
Barufti.
Ant. il'Abbndie.
( 51<3 )
TITHES.
seances de rAcademic dcs sciences.) Rrocli
in-8° d'line pag<'- i852.
Ptlite {!;('o{5ia|)lile inoderiic a I'lisafje des ucoles
primaires. i vol. in-Jia. Paris.
CAHTKS.
Alias historiqne el ceORmphique, ancien et tno
deine, dresse pour I'usape des colleges, etc.,
par Felix ct Ed. Aiisarl
1 vol. in-4°. { re].
DON.VTliURS.
MM.
Ant. d'Abl)adie.
Ed. Ansait.
Ideti
ERRATA.
D.Tns quelqiie* exeinplaires du Bulletin d'avril iSSa, p. 4'7» "" '*
mis ;i tort, en pailai.l <le la letde de M. RuUct, que MM. d'Abbadie
et Jomard en ont du ions deux la coninmnicalion ^ M. Vaudey, tandis
que celui-ci Pa seulemcnt communiquce a M. d'Abbadie : c'est de
M. d'Ainaud quo M. Jouiard a re^u la c.pie do la nieme lettie qui lui
eft pai venue. ^
*"" irrir /l,i//.-ti„ ,/,//,„ /S.>;.
:!6'
, ll^Axa
'/r.
sKhi'vini - niii/ii
Quiloa
Q (Khiiuu)
^
1
I-./,/,' ./(' {n'lymphi
i.ith.ih-ltuuUuni lul.'l (th»'t;.ani,'0\
'^ Incfujuant if-
I. A PMiK.SrK A.\AIA>(;iQlF.
VKS /.A.VOlfiS
UK L'AKniC^lTE AD^KIDIOXALK,
Parj\P'l'ht<iriioih''Frobcrvi//c
1851
.So
Jhtlt-^t' tit- (r'fl't/fU/'/ll,
•* '^' Xru' /hi/J.fin Jr .//,// tSM .
T J
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1
^ t/funu/o
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( Liuiifiiivi' inula )
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ScndnC
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rsiiiinlio '^V"^ — ~/
Ituriit* \ VTAonbo
I Niitnibunr ' \ \
til l/f f.i^lftHI.
(lToH<-ntols)
^W.i^^-ittiitmf/u'.v /oriinvti'iin ^mit txm/uw
titvuttvi/tt iafatni/ii' Ostrt»-X*-girr.
OVW///it////«//miv/«w/ i'luihiu'ti fttiwiJii
I, A i-MiK.yTK a:<m.iu;iqvk
m:s /..lyt-iKs
l)K L'AKKiylK MKHIDIONAM';
1851
Lt-r^UnJc t¥tt9i/a/€' Ifu J&ititfn t/f /hris.
I
y
.,/,■ K,i,/,;m >.. '•■ I 'l'lK,iiiuni
BULLETIN
DE LA
SOCIETE DE GEOGRAPHIE,
JUlN 1852.
llciuoires,
Molices, Docuiiieiitjs originaiix, etc.
TRIBUS DE NKGRES Bl-GAYELRS
AU ISORD DE LA CAFHKRIK,
, M, liUGkNJi DE FROBKRVII.I.E (1).
« Parmi les Niambana que j'ai question n^s a Teflel
de composer luon vocabulaire compare ilcs langues
ostro-negres, j'en i-cncontrai un clont la prononcialion
chevrotanle et comma delraquee ofTrait unc parlicula-
rite curieuse. II inlroiluisait confusement au milieu de
tous les mols de sa langue (2) la sjllabe sit (cliil). Ainsi
le mot
Niambana tievenait dans sa bonclie Nia-sil-ainbana.
Iniritna (viaiiile) inia-sil-nma.
KuetU'le (dunnir) kuetle-^il-ele.
Tuliuni {dahoh) tuhu-sil-imi.
Kuf(imba [marc]ici) laifa-sil-aniba.
Nlbko (tete) nlo-s'il-oko
Enompfu (riez) eiio-iiloiii|)rii.
(i) Extrait ties Notes sur les races ostro-ui(/res.
(2) Le niambana est, parmi les idiomes osli-o-ne{;i'e*, un de reux
dont les formes se rapprocbent le plus du cal'ie.
III. JOIN. 1. 85
( 518)
» Je crus d'abord que cet homuie i'lait aflligo tl'un
vice naliirel de prononciation , et j'allais le ronvoycr
coniuic loul u ri\il iuipropre au luil que je nic j)roj)o-
sais, lorsque je m'aperciis qu'il ])ouvail, quoiquc a^cc
difliculhS aiticuler les mots sans y introduire le l)izaire
crement dout je viens de parler. Je me rappelai alors
un passage de la relation du voyage de MM. Arijousset
et Daumas au nord-est de la colonic da ca|) do Honnc-
Esp^rance, dans lequel il est dit (s que cerlaines trlhus
» cafrcs a nez incisd, a dents limees en poinlo (mon
Nianibana ]iresentait ces caractrres ), avaiont recii
d'auUes CalVes plus nn^ridlonaiix le surnora de begues
(p. 357). » De]iuis, j'ai souvenl remarqiie chez d'autres
Niamhana cette sorte de rude begayement qui m'avait
frappe dans la bouclie de mon premier informalour;
la syllahe intercalee difTerait suivant les tribus ou ne se
nianifeslait pas aussi reguli^rcment , mais le i)rincipe
6tait le mfime. A la sonority pr6s, on ne saurait niieux
comparer la pronunciation maladroile , bollcusc (I
cbancelanlc do ces n^gres, qu'a celle des enfants qui
begayent leurs premiers discours. Le sobricpiel par
lequel leurs congeneres du sud les di^signent csl, en
ce sens, paifaitement applique. II m'a scmhlo qu'en
inlercalant plus ou nioins systeaialiquemont luie syl-
labe de fantaisie au milieu de cliaquc mol, ils nu I'ai-
saienl qu'obeir au bcsoin de mellro de temps en temps
dans lour parole commc des points de rcpeii,' euplio-
niqucs ou leur organe aliurj venail en passant se rccon-
nailre el se rafFermir (\]. »
(i) L'inseriiuii voluiUaire dune ou <1(' jilLisieurs syllalics d.ins les
iitots est, on le sait, uiio lut'lhoilc dont iios ecoliers se seivfiit li.ibi-
liiellement pour reiidre leurs discours ininteiliyibles aux iiuditcurs
non iiiilies. M. Anloinc d'Abbadie in'npprend quo rclfc csjicre d'.)i{;ol
( 519 )
NOTES SIJR L'lLE DE IIAI - NAN.
M. Guillemin, de la Sociele des missions 6lrang6res,
communique, dans une lellre ecrite de Hont^-Kong ,
on Chine, le 20 mai 1851 (1), quelques infoimalions
foiiinies par le p6rc Mailfait, missionnairo apos-
tolique, sur I'ile de Hai-nan, ou 11 vient de mouiir,
a peine age de Irenle-cinq ans. Ces Informalions ont
parii ofl'rir de rinlerfit; elles servironl a completer et a
I ectifier celles qui ont eti publides il y a plus de vingt-
cinq ans dans ce Bulletin ("i).
« L'ile d' Hai-nan, situee an midi de la province de
<2"('//^^- ^o«^ ( Kouang- toung) , dil M. Guillemin, est
une des plus grandes, des plus peupit^es et des plus
rurieusos de I'Asie. Elle ne comple pas moins de
Koixante lieues de long sur quaranle de large, et envi-
e>t employe tlans le iiienie but par les BuliLMiiieiis d'Eiirope, it niissi
|i;ir li-s Abyssins, qui appellent zahaza cette manieJi! <li' di^jjiiiser la
biii;;iie aniaiififia ; la syllabe iiilercalec par ceux-ci parait etre ba. Je
niL" suis assure que ines Niambana bredouiliaieiil et interralaient leiir
syllai)e dans les mots satis y eiileiidie malice. (lelte clieville syllaljique
m'a |uiru avoir pour but, non d.: defijjurer leur parole, iiiais an con-
tiaire d'en raUaciier lant bien que mat Liisenible la cliarpente dislo-
(pieo. II serait difficile d'assigncr une cause prc'cisi' a la ditCurinile de
leur [)roiionciatiou, d'aulant plus etraiijje dans ceUe i('j;iou de
i'Afrique, que tous les OsIro-iic';>res et les neuF dixieuies des Iribus
niambana ellus-meraes ont I'oreille dclieale et sensible au supreme
dejTre et font le plus grand cas il'une elocution facile et sonore. Une
nervositc anormale el une conformation iniparf.iite des organes de la
parole jouent certainement ici un r6le licrcdilaire, que Ton ne pent
meconnailre apres avoir cnteiidu un certain nombre de ces negres.
(i) Annales de la profaijation de la foi, i852, n° i4o, p. 4o el
suiv.
(2) Note sur tile de Ildi-nan, etc., etc., par M. Je la Koquette
[Bulletin de lu Sociele de ijeogniphic, i8>7, i" serie, t. VII, p. ail).
( 520 )
ron deux millions d'habitanls. La parlie baignee par
la merest liabllee par desCljinois ; rinlerieur se Iroiive
occupe par dos sauvages nommes Laos ou Loies , qui
siiivent pour regie les instincts de la nature, n'a\ant
qu'une simple butle pour se logor, Tare pour se d6-
fendre ct pourvoir aux bcsoins de la vie. Ces bommes,
du reste, sonl d'une laideur remarquable claugmen-
tent encore leur dillormit^ nalurelle par le bariolage
dont ils sillonncnt leurs joues. II y avail autrefois un
grand nouibre ile chriiiens dans I'ile; mais les pers<i-
culions qui s'eleverent sous Kang'hi ei sessucccsseurs,
I'abandon auquel , a diflerentcs epoques, ils lurent
laisses, en dimiiuiirent considerablement lecbilFre,
jusqu'a ce qu'enfin la Providence cboisil un apotre qui
devail en recueillir les debris, et ouvrir parnii eux une
nouvelle voie aux progr^s de I'Kvangile.
» Parti de Hong-Koni^ le 2 mars 1850, M. Maill'ait ar-
rivait quinze jours aprcs au rivage qu'il avait tant desire
[Ha'i-nan]. \}i\ autre missionnaire, M. Duponl.qui con-
naissail la langue et qui avail un calecbiste du pays,
devait I'inlroduire. C'cst lui qui alia a la decouverte des
cbrt^-licns, tandis que M. Mailfail, blotti au fond de sa
barque, altendait avec anxiete Tissue de cctlc demarcbe.
Trois jours apr^s, M. Duponl revinl aupres de son con-
frere, et put lui annonccr que quelques lidelcs consen-
laienl a le recevoir. Alors, a la faveur des lenebres, on
relira le jcune missionnaire de sa barque, et on le con-
duisit dans la pelilo cbreliente de Soh-tsai, a six lieues
de la mer. Quelque temps apres, ne Irouvanl pas assez
de s^curile dans ce lieu, il se rendit dans la cliretiente (1)
(l) C'est le iioin Joiiric j)ar Ics tnissioniiaircs cnilioliqucs aux pa-
roisses ou lucaliti's iLiiis lesquclles sc liouvfiit t-Uiblics ties reunions
de chr^tien<.
(621 )
de Siang-lo, qui dcvint dt-s lors sa residenco Iiabituelle
et le cenlre de ses courses apostoliques. Mais deja
M. Dupont avail accompli sa mission ; il rlil un dernier
adieu h son confrere, qu'il ne devait plus revoir, et re-
joignit le poste que la Providence lui avail marque aur
un autre point de la province.
« C'etait sansdouto beaucouppour noire jeune niis-
sionnaire d'avoir mis le pied sur son ile ; mais c'etait
peu de chose en comparaison des autres dilTicuItc^s ((ui
lui reslaienl a vaincre. II failait se faire accepter par
un peupie dont il connaissait a peine la langue, et
aupres duquel on avait su nous rcpresonter comme
dcs hommcs qui venaient uniquemenl dans ce pays
pour s'cnrichir atix depens des indigenes. M. Maillait,
par sa prudence, sa douceur, et surtout par sa con-
fiance sans bornes on cclui qui I'envoyait, surinonla
lous ces obstacles,.. Muni d'un chapfau de paille donl
I'ampleur equivaut a cellc de nos parapluies, apres
s'etre jauni la figure, les mains et les jambcs, pour se
rendre plus semblable aux gens du pays, il parlit pour
son excursion evangelique »
Suivent les details sur les lieureux resullals obtenus
par M. Mailfait, a Siaiig-lo ot dans les deux paroisses
de Faseii et de Po-ao ; puis il ajoute :
« II (le perc Mailfail) avail terminii les lonclions de
son ministere a i'o-ao, et il n'elait plus qu'a Irois lieuos
de Kin-tea, lorsqu'il lui pril cnvie d'aller visiter I'an-
cien cimeticre clirelien, situe a cole de cellc capitalo de
I'ile (1). II parlit en Kieoulcoti, ou chaise a porlcurs,
(l) Le nom de Kiu-lcn ne se tioiivc point [Kule il.iiis l.i lisle (lei
villes tie I'llc de Hai-nan, ilotiiiec, a l.i siiilc de I i [)a{;e lil de mo note
deja citee, d'aprcs le Koiiatig -Toiiiig - tchi, ou description Iiistoiicpio
de la province de Canton. Suivant cctte description, la capitale de
( 5-22 )
afiii d'cviter loule ronconlrc cles paiens. » « J'avais for*
)) Innuiit recoinmaiuli a mcs guides, cllt-il , do s'eloi-
» gnor dc la ville, ou se trouvait, assiire-l-on, uno gar-
)) nison dc dix mille homines; inais ne voilii-t-il pas
» qu'aii momcnl oCi jo m'y atlendais Ic inoins, nous vc-
)) nous debouclier au pied tnfinic de la tour du gouvcr-
» ncur. Celte nioprisc de la pari de mcs gens me fit
» observer plusiciirs clioses que jo u'aurais pas vues
J) sans cela. La lour, assez dlcvee , est balie de piorres
» dc l.'iille ; elle a buit (itagcs superposes les uns sur Ics
wauhcs, avt'C uno diminution d'epaisseur a cliaque
» cordon. Au Iroisiemo etagc, sc Iroiivait une senlinclle
» ou pclit mandarin en habit blanc, ipii, du haut dc sa
)) vigie, regarda passer nion A ieu-tcon ; je lo lorgnai (^ga-
» Icment du fond de ma liti6re, el jc continuai mon
)) chcmin. Non loin de la tour, on rencontre une pa-
)) godc dediee au pere des dicux du pays; a rinlerlour
» est un grand dicn en bronze avec un ventre moiis-
)) irueux, assis dans un large IV.uteuil dc in6ine niclal.
» Comnie mcs porteurs marcliaienl rapiilement , je
)) n'eiis pas le Icmps d'en voir davanlage. Je conlournai
» Test de la villo , qui ne ni'a pas paru fosi grandc, ct
» j'arrlvai au lieu (pio je chcrcliais. La commence uno
» plaine immense, loule couvcrle de lombeaux : elle
» s'elend dc rexlreniilc de !\in-tc(i jusrju'.'i Kni-knoii,
» c'esl-a-dire sur un cspace dc deux lieues. Rien de
w plus imposant que cetle tcrrc a pcrte de viie, ou se
» irotivrnt accuniules les morts do plusieurs si^clos.
» Je lis plusieurs milles cliinois (i) au milieu dc ces
» debris de gd'nerations bumainos, pour decouvrir le
rill! (I'lliii'-naii <!Tnil Kion(j-lcUci)ii /on, (t niiiMit iiiii' pnpiil.ilion dc
Io3 oSg liabitanti. I/aMin Grosicr ra|i|icllf Kit nn-Trhcnu. — D. L. K.
(i) C'-est sill? tli)Uic Ic //, fjiic M. tlr McjMiij;iiy iip|)(.llc aiissj millc
( 523 )
» lieu quiservait autrefois de sepulture aux Chretiens.
)) Arrive a une assez vaste enceinle, oil Ton n'enterrc
» plus, je reconnus bicnlol rjuo c'etait la I'ancien citno-
» liere de nos fr^res. J'y Irouvai une cinquanlaine de
» pierres tumulaires, qui, n'etant plus soutenues, sont
» lombees au niveau du sol : elles datent toutes de
» cent cinqiiante a deux cents ans. Au centre se dia-
» lii'.guent Irois monuments plus reinarquables quo
» les auU-es; co sont les lombeaux dc Irois jesuilcs :
)) Jean Forget, Francais , inort en 1661; Stanislas
» Forreo, Ilalien, en 1681 ; Joachim Cornes, en 1686.
)) A pen de distance de ces monuments , on en re-
» marque deux autres qui paraissent (^galement erig(''s
» a la memoire dc quelques missionnaires : les carac-
» teres en sont effaces, mais je croirais assez volontiers
» que I'lin est le tomlieau de Benoit de Mathos, pro-
)i mier apolre de I'ile, et I'autre celui de Francois de
» V6gns, Porlugais, qui sont morts, le premier en 1651 ,
)j et le deuxieme en 1659. Pliisieurs pierres soul doji'i
» usees par le temps; mais la forme de la croix,
» profondement creusee, reste loujours pour ser-
» \ir lie caractere distinctif a la tombe chretienne.
» Aulour dc prcsque toutos ces croix, on lit celle
» inscription : Lehcn kao ching hooii, vnrce rcligioiiis
■))S(iciniti signiiin (1). Grace au respect des Cliinois
» pour les lurabcatix, aucune main profane n'y a
» touclid. Seul, a gcnoux au milieu de cetle plaine im-
)i mensc, je dis un De prnfnmUs pour tous nos freres
)) qui reposeiit en ce lir-ii : c'etait peul-&tre le premier
)) rju'ils recevaient depuis cinquanlo ans. Jc m'eu
I liiiiois, etf|u'il c'value a jjS inel res. ( Voir B/t//t(i« dc scplfiiiLfe i85o,
r. XIV, p. ii6.} D. I,. R.
{I) Signc sacrd de la vraie iilijjion.
( 524 )
)) relouinai lo ctjeur bicn Irisle, en me ilcmandanl ce
» (|u'(-Haienl dcvenus les descendants do tons ces niorls,
» ct jo pris a I'inslanl la resolution d'envoyor un cati-
» chisle |)our s'assurer s'il en reslail encore quelqiies
» vestiges. II est bien a craindro qu'on no Irouve plus
» que des souvenirs a la place des nomhreux clireliens
» qui peuplaient autrefois celle ville. »
« Apres ceile visile au ciuietierc de Kin-ten, iM. Mail-
fait se rendit a Aorta- nan, a Siotn- tout cl dans plu-
sieurs aulres chrelienles, dislribuant parloutla [larolc
sainlc el le pain de vie ; puis , Ic 2/i juin , ffilc de saint
Jean-Baptiste, il dtait de retour a Siang-to, salisfail du
r^sultal de scs fatigues apostoliques. « J'arrive de mes
)) courses, dit-il; j'ai confesse tout nion mondc el remis
» chaque chose sur un meilleur pied. Des ulceres me
» sont vcnus aux jambcs; j'en atlribuc la cause aux
» chaleurs et a la mauvaise eau que nous buvons. Cost,
» du resle, unc infirmit6 dont pcrsonne ici n'est exempt:
» la moindre egratignure suflit pour former une plaie.
» J'ai paje mon tribut, et j'esp^re en 6lrc qultte pour
» le moment. J'ai rencontre dans mes excursions plu-
» sieurs pctitcs curiosit^s dont je vous fais pari. Ainsi
)) j'ai vu les corbeaux a cravatc blanche, el les merles
)) bleus aux oreilles jauncs, dont parlent les anciens
» jt^suitcs. J'ai aussi romarque des abeilles rajecs de
» bleu , cl do grosses gu6pes, qui viennenl fixer leurs
)) alveoles sur one simple fcuille d'arbre. Ici tous les
» groupes d'hnbitalions sont caches au milieu d'arbres
» fruitiers; les ananas servent de haies aux jardins; il
» y a des li-tchi, des mangues, des bananes, des cocos,
)) des papayers, et quanlite d'aulres fruils inconnus en
)) Europe, el qui soutiendraienl facilement la compa-
» raison avcc les votres. Quant a nos insulaircs, ils tra-
( 525 )
» vaillent a pen pres qualre mois de rannec ; a la cin-
)) quieuio lune pour seiner leriz, et a la septi^me pour
» le recolter ; a la liuitieme pour le seiner de uouveau,
» et a la dixieine pour faire la seconde moisson ; le
)) reste du temps, its se reposent et dorment. Les en-
» fanls sont occupes a garder les bufiles. Grace a la
)) siinplicit(!! et surtout a la pauvret^ de raes neophytes,
» ils se conservent assez bons chr^tiens. »
))Jusque-l^ tout avail prosp(^r6 sous les pas du
missionnaire ; mais le temps des dpreuves arrivait...)>
II fut persecute, puis arrete; il venait enfin d'etre
rendu a la liberie, et s'occupait de la construclion
d'une petite chapelle h Siang-to, lorsque I'occasion se
presenla de realiser, en partie du moins, le grand
projel auquel il pensait constamment, celui de porter
Ic flambeau de la foi parmi les sauvages, qui habi-
tent I'interieur de File. D^ja, au jour de I'Assomplion,
un bon marchand chinois, qui fait lo commerce avec
cescontrees, elail venurecevoir le baptemeavec safille.
II connaissait un chef de ces peuplades, et s'offrait vo-
lontiersa porter tous les messages dont on voudraitbien
le charger. Le missionnaire lui confia quelques cadeaux
destines a gagner les bonnes graces du prince : c'ctaient
des trailes de religion, deux couleaux, deux paires de
ciseaux, des epingles, des boutons luisants, une image
de Notre Seigneur ct une medaille de la tres-sainte
Vierge. Sa majesle sauvage fit bientot savoir a notre
confrere qu'elle agrdsait ses presents, ct qu'elle eludiait
avec fii'deur ses livres de religion.
Encouragf!! par ce premier succes, M. Mailfait se
mil liii-meme en route pour tenter une excursion
parnii les sauvages.
( 526 )
(( Je paiiis, ecrivil-il a I'un cle ses confreres, accoin-
» pagn6 cle deux guides. Je me chaussai de sandalcs de
» paille, c'l, le parapUiio snr I'c^paule, je in'aclieininai
» vers ce nouveau ])ajs, conlrefaisant I'lnsulaire de
» mon mieux, afin de n'felre pas reoonnu. Lc deuxifeiiie
» jour de inarche, au matin, j'nrrivai aux preini6res
)) monlagncs des Loics ou sauvages. Enfant des Ar-
» dennes, vous pouvez jugcr si mon cceur a Iressailli
» en voyant ces belles futaies qui me rappelaienl celles
» ou j'avais autrefois Vecu. Combicn j'aurais d^sirci
» vous avoir pr^s de nloi au milieu dc ces forets im-
» menses, ou les arbres tombent de v(5tustc les uns sur
» les aulres! Malbeurcusement on y ronconlre une
» quantity de pctites sangsues qui vous grimpont par
» les jambes, et qui vont jusque sur le dos y prali-
» quer de largcs saignecs, sans I'ordonnance de la fa-
» cuke. Puis, ce sont des ravins, des ruisseaux, des
» rivieres qui s'opposent a votre passage; il faul alors
» en tenter le gue en ayant del'cau jusqu'a la ceinluro,
» ou I)ien atlendre que le torrent se soitecoule; car,
» en ce lieu, il u'y a point de barques. Je tiaversai
)) une dcrnifere for^t d'environ quatre lieues d'rtendue,
» ct j'arrivai a un viillon enclave entrc des niontagnes,
» ou des Chinois sont venus s'etablir. A TexIrcWnit^ de
)) la gorge sc trouve Len-nioui, le marchc central. II
» peut y avoir dans les environs une centainc de pe-
)) tits liamcaux, perdus dans les broussailles et sur les
» monis; de lieue en lieiie, on rencontre des baraques
» en paille qui servcnt d'hotelleries ; j'y passai Irois
» nulls, disputant quelquc pen de place aux poulcs,
» aux pores ct aux voyageurs qui vicnncnt y cbercber
» un abri. Le quatrienie jour, j'allai m'installcr dans
( 527 )
» line loge en lierbe, oii je savais qu'un paien mon-
» trait quelques dispositions a recc\oir le bapleme.
» 11 me donna une tranche hospitalite dans sa case, et
» de la j'envoyal mes gens a la decouveite. Les pre-
» inlcrs jours je n'avais pas grande esperance; enfin
» un saniedi, apres avoir conjure Marie d'avoir egard
» a nion long voyage, que j'avais cntrepris unlque-
» ment pour la gloire de son divin Fils, jo dis la messe ;
» el, pendant neuf jours, je recilai rollice de la Iri'S-
» sainte Virrgo : Irois honiuies aussilol ni'arriverent.
» I. a Saint Francois-Xavler ni'en ainenad'autres ; enfin
» Irois jounes gens vinrent nie prier tl'aller leur cnsei-
» gner la sainte doctrine. Je me rendis dans leur vil-
» lage; je nie logeai dans leur case, et j'y passai la fole
» de riinmaculee- Conception. On vint me voir en
» foule, quolque co lul le temps de la moisson ; chaque
» soir, jusqu'au milieu de la nuil, mes guides cateclii-
n saieut. Second^ par leur zele , j'eus le bonheur
» d'administrcr le bapleme a onze personnes; un
» grand nombre d'autres se pre[)arenl a recevoir la
)) m6me grace, a la premiere visile que je ferai dans
» ccsmonliignes. \in gend-ral, ce sontdcsgcns simples,
» dont linduslrio se borne a savoir couper les arbres
» de la I'oret, cultiver quelques rizieres et garder Icurs
» bceufs. Du resle, ils sont laids a faire peur. Accou-
» iresd'une petite culotte presqu'a jour, la peau rouge
» commc des ecrevisses, bs jambes tacbetees par les
» morsures des sangsucs, un petit panier a la ceinliire
» dans lequel ils |)ortcnl lour coutelas, ils inspirentdu
» premier aliord une certaine crainte; mais le fond du
» cceur est pacilique.
» Le bourg de Lca-nwitl , qui est a une lieue plus
( 558 )
» loin, est un bazar oii affluent Jes sauvages de tons
» les costumes el de toiites les trihus. La vous voyez le
)) Nnou-tong, qui porte les cheveux roules sur le haul
» du front; le Kac-tniaon. dent la lule est armee dc
)) deux crocs de bambou en forme do cornes : le Bam-
» miaou , avec son arbalelc ; le Doa-siain et le Foie-
» siarii, qui n'ont qu'un petit morceau de toile pour
» se couvrir. Du lieu ou j'babitais, je suis all^ a la d6-
» couverte sur le haut d'uii pic pour rcconnailro lo
» pays et le b^nir. A perte de vue, s'etendonl des mon-
» tagnes couvertes de forfits si epaisses, que mon vieux
» catecbistc y a marcbe plusieurs jours sans pouvoir
» d^couvrir le cicl. Dans cos gorges, sonl dissemin^es
» les Iribus des sauvages, divis^s en petils groupes do
)) qiiinze a vingt families. Leurs malsons ne consistent
)) qu'en un toil de paille, soutenu par qualre pieux
» d'arbrcs a betel, et envlronne d'une cloison do bam-
)) bous; quelques-uns mcMne, comme les Doa-siam et
» les Foie-siam , babilent des creux de rocliers, et
» m^nent unc vie erranle. Chaque tribu est gouvernee
)) par un Fang-koun, ou procureur, qui a des soldats a
)) sa soldo pour gardcr I'entr^e des montagnes conlre
» I'invasion des Cbinois. Voila done que j'altaque le
» pays des sauvages de trois cotes : par le Li~hone-
)) koiiai, oil un catecbiste est alle annonccr I'Evangile ;
» par le sud, pros de Bam-tsiou, ou deux villages
» s'(5branlent pour recevoir la bonne nouvelle ; et par
» le cbemin que je viens moi-m6mo d'ouvrir. Le pre-
» mier coup est porle; la lente de la foi est dressee ;
)) prioz la bonne mere de la remplir. »
» Aprd'S cetlo juciniere excursion parmi los sau-
vages, M. Maillail revint au wilieu de ses bien-aimes
( 529 )
Chretiens a Siang-to, pour leur prficher le Jubilt^; puis
il repaitit pour uiie nouvelle expcdillon, qui devait
fitre la derni^re de ses courses aposloliques. II se diri-
goadu c6l6 du goife du Tung-King, comptanty Irouver
quelques families chretiennes, depuislongtemps aban-
donnees. Son esperance nc fut pas vaine Co I'ut
apres avoir passe quelques jours dans une niaison de
neophytes, qui dopuis soixanle-dix ans ^taient venus
se fixer dans les bois pour y cultiver quelques rizi^res,
ot s'fitre egar6 dans les landes, a la recherche d'une
autre famille qui demeurait vers la cote occidenlale,
qu'il arriva, au milieu de la nuit, accable de faim et
de fatigue, a la cabane d'un ancien chr^tien, qui de-
puis vingt-neuf ans n'avait pas rencontre de pretre
A la suite d'une autre course qu'il fit a pied, peu de
jours aprfes, pour aller au secours d'un moribond qui
I'avait fait appeler et qui demeurait a quinze lieues de
sa residence, il fut attaque d'une fiuvre violenle a la-
quelleilsuccomba le 31 mars, dans la trente-cinqui^mo
annee de son age.
)) On pent juger de la douleur que causa la mort du
p^re Mailfait parmi les chreliens de I'ile par I'ainiction
que conservaienl encore ici les courriers qui nous ap-
porterent cctte triste nouvelle. En se pr^senlant dcvant
notre Supdrieur, qui leur demandait avec empresse-
ment si le Missionnaire allait mioux, ils ne repondi-
rent rien ; mais, se prosternant la face contra terre,
Irois fois ils la frapperent de leur front; puis ils s'^crid-
rent, en pleurant : uLe P^re est mort! »
( 530 )
itiialyiscs, Exti*ai<« «1'oiivragcs,
lil^laiiseM, etc.
RAPPORT
sun
LE VOYAGK ^UX SAINTS LIEUX DE Mgh MISL1\ (1 ,
Lu (laiis la seance tlu /( juiii i852
PAR
M. COUTAMBKRT.
RiESSinURS,
Vous m'avez chargti de vous presenter iine analyse
de I'ouvrago de Mgr Mislln , intilule les Saints l.ieitx ;
je viens m'ncquilter de celle laclie, avec d'aiilant plus
d'einpressemeiil qiioj'ai trninr beaucoup dc plaisir ot
d'inl^rel a lire iino relation consciencieuse, instruclive
et iininemmenl propre a jeler iin noiiveau jour sur
celte rc^gion sacree qui ful le lierceaii de nohe religion,
et qui est reside jusipra present si inyslerieuse encore
sur bien des points, malgre tant de vovagps.
Mgr IMislin est un rcspeclable ecciesiaslique, qui a
le titre d'abbe mitre de Sainle-Marie de Deg, en
Hongrle; ne en Suisse, attacbe a rAulriche par ses
fonctions pastorales, il 6crit cepcndant le francais a\oc
elegance; il a uneprofonde erudition bibliquc, dont il
fait abondanoment profiler le leclijur; il a consulle et
(l) Les Saints Lieux. Pelerlnage a JdriisaUni. cii puisnnt par i Au-
triche, la UoiK/rir, la Slavouiey les juov'iiicfs Juuitljifiui. s, Conslaiitl-
nople, lArchipel, le Libati, la Syiie, Alexandrie, Malte, la Sicile et
Marseille; par M{jr Mislin, abbe mitre ib; Saime-Maric de Deg, en
Hongrie, caincrier secret de S. S. Pie IX, etc. Paris, i85i . a vul iii-8°.
Guyot freres.
( 531 )
appreci^ les relations des nombroux autetirs qui Font
pi<5c6cle clans la peinlure dc? la Paleslinc; il les cite, il
les criliqiie an besoin : il connait a fond les descriptions
dc Vcdney, du marechal Marmonl, de Cljateaubriand,
de Eurckbardt, de Maundrell , de NiebLdn% de MM. de
Laiuartine, Jules David, Poujoulat, Schubert, Scbultz,
Lynch, Russeggei', du jiere de Geramb. de I'abbe Ma-
rili , dc niadame de Gasparin ; rexploralion si I'e-
conde de MM. Robinson et Smith; ii fail de frcVjucnts
emprunls a Quaresmius , qui, dans le xvu'^ siecle ,
a deja si bien eclairci un grand noaibre de points dilFi-
ciles de la geographic et de Fhistoirc du la Judoe. II
ne pouvait pas connailre les excursions si fructueuses
que noire savant compatrioie, M. de Saulcy, a publiees
recennnenl.
Mgr Mislin est parti de Viennc en 18/|8, au milieu
de la tourmenle revolutionnaire qui agitait I'Europe,
et en compagnie du venerable <5veque Pompallier, dont
vous connaisscz les missions courageuscs dans I'Ocea-
nie; il descend le Danube, et jelle, en passant, un
coup d'ceil inleressant sur plusieurs villes de la Hon-
grie , de rEsclavonie et de la Servie : Piesbourg,
Comorn , Gran, Bude, Pesth , Neusatz, Semlin , Bel-
grade; il decrit la magnificence du passage qu'ofl're
le fleuve lors;ju'il est resserr^ entre les Carpalhes et
les derniers rameaux du Balkan, et cetle celebre
Porte de Fer, ou le couranl rapide roule ses eaux sur
nn plateau de rocher I'espace de plus de 7 000 pieds.
II voil, en Turquie, Yiddin , Nicopol, lloustchouk,
Giurgevo , Brahilov, Galatz, et entre dans la mer
Noire par la bouche de Salina. Notre voyageur arrive
enfin a Constai\linople , sur laquelle il donne des
( 532 )
ilclails int^rcssanls; il parle des frequenls incendies,
Irouve les Turcs hienveillants , mais nt^j^lif^/^s ot indo-
lonls, Inuc la loKhance de ce poui)le pour h.'S divcrses
religions, ct s'etond avcc complaisance sup les ecoles
clinUiennes dont on a permis r6tabrisseinent a Pera, A
Galata ct a Bebek ; mais ii n'uime pas les Juifs , cl il les
aUaqueavec une \ivacit6 peul-6tre un peu tropardente.
II navigue siir la mer de Marmara, ct rap|)elle I'lii-
l^ret qui se rattachc aux villes de la cote asiatique de
ce pellt et magnifique hassiii : Cbalcedoine, Nicode-
mie , Mcee , donl les noms sunt, a divers titrcs , chers
au clergii calliolique; Cjzique, Lampsaque, plus con-
nucs dans I'liisloire des Grecs et des Romains. 11 passe
les Dardanelles, menlionne les onze clialeaux forts
qui les defendent, six en Europe, cinq en Asie ,
munis de monceaux do boulets de marbrc qu'on a
formes des colonnes d'Alexandria-Troas. II a naturel-
lement un souvenir pour Troie ; 11 visite Ten«^dos, cetle
ancienne Insula du'es opitni, aujourd'hui si pauvre; Md-
lelin, cetle voluplueuse Lesbos de I'antiquiti, maiute-
nant silencieuse et desolee; Smyrnc, au port magni-
fique, a I'aspecl delicieux, a I'interieur disgracieux, ci la
population cosmopolite, etrangementmOlee de Turcs,
de Grecs, de Juiis, d'Armeniens, de Francs; ville si
aniinee ct si riclie par son conunerce, uialgre tous ses
mallieurs, ses incendies, ses tromblemcnls de Icrre,
ses pesles. Mgr Mislin passe a Kbio, qui, blen que dti-
solee par les Turcs, est encore ft^conde en vins oxccl-
lents, en terebentbine , en mastic; il parle d'Epbese,
qui I'int^resse moins par son ancien et cdil^bre temple
que par le souvenir de saint Paul et celui de saint Jean ;
cet illustre 6vangeliste y est mort, et c'esl a cause de
( 533 )
lui quo reniplacenient acluel de la villo s'appelle Aia-
Soulouk (Saint-Tlieologien ). Bientot on venconti'e
Samos, qui rappelle a la fois le culte de Junon, Py-
Ihagore, Anacreon, Ht^roclote, Polycrate et saint Paul;
INicaria , qui est I'ancienne Icaria ; Pathmos, ou saint
Jean, exile, ecrivit I'Apocalypso; I'anlique Milet, celte
reine des colonies grecques de I'Asie Mineure, qui, au
temps de Strabon, ^tait au bord de la mer, et se Irouve
aujoui'd'hui assez loin dans I'intdrieur ; la presqu'iie de
Boudroun, ou brillait autrefois Halicai'nasse, et pr^s
de laquelle sont repanduesde nombi-euses petites lies
piltoresques; Cos, qui rappelle Hippocrate et encore
saint Paul, dont presque loute I'Asie Mineure atleste
les travaux apostoliques; Rhodes, pleine de souvenirs
Chretiens, et dont la ville , peupl^e de 10 000 auies,
futpour ainsi dire le plus int^ressant musee du nioyen
age, et couronna son histoire par I'heroique defense
des Chevaliers. On aborde en Chypre , a Larnaca ,
I'ancienne Cithium, ainsi noramee, dit-on, du pctil-
fils de Japhet, Cethini, dont le nom est meme donne,
dans la Bible , a I'ile enti^i'e , ile si vantee jadis par sa
beaute, et aujourd'hui abandonn^e , ravagee paries
fi^vres, les ophthahnies, la l^pre; elle corapte 100 000
habitants, dont 60 000 Grecs.
Enfin, Mgr Mislin touche celte lerre de Syrie qui est
I'objetde scs voeux; il apercoit le Liban, aux sommcls
resplondissants , et qui parait devoir son nom au mot
h^breu Idban , etre blanc. C'est a Beyrouth qu'il
aborde : cette ville 6tait la Beryle des Grecs, mais elle
avail d'abord porl^ le nom de Gen's, a cause de Gir-
gasi, cinquicnie fils de Canaan; elle dovint line colo-
nie de Sidon, t^uis une colonic romaine sous Auguste,
III. JUiN. 2. 3t)
( 6SA )
qui lui donna le noin tie sa fiUe el I'appela Julia Fe/ij .
Quo de souvenirs se pressenl en ce lieu, dans I'hisloire
d'Horode-le-Grand , d'Herode-Agri[>pa . de Vespasien,
de Flavius Josephe ; dans celle de Baudouin I", qui ,
par parenlh^se , tiia d'une lorfil de pins voisine ses
machines de guerre, ce qui prouve qu'elle ne fut pas
planlee par lemir Fakreddin , coninie plusieurs au-
teurs I'ont avance ; dans I'hisloire enfin de Saladin ,
qui en fit la capilale musuhnane de la Syrie! Elle
lomba ensuile sous la doniinalion des Druses, el ful la
residence de I'^mir Fakreddin , qui y pdrit en defen-
dant ses Etals contre le sultan Amurath IV. Quoique
sa rade soit peu silre, Beyrouth est, apr^s Smyrne, la
place de commerce la plus imporlanle de la cote
ollomane de I'Asie; elle a 30 000 habitants, donl
12 000 musulmans, 12 000 Grecs schlsmaliques , le
reste catholiques, Maroniles ct Arm^niens.
Au sujet de la population variee de Beyrouth,
Mgr Mislin jelte un coup d'oeil general sur les habi-
tants de la Syrie, cette terre extraordinaire, qui, d^s
I'origine des soci^t^s , fut le champ de balaille de lant
de conqueranls, la terre promise de lant d'exil^s; au-
jourd'hui, c'est un melange do Juifs, do Persans, de
Giecs, de Francs, d'Arabes, de Maroniles, de Melualis,
de Druses, de Samarilains, de Kedemac^s, de Kal-
l)iehs, de Yezidis, de Turcs, de Kurdes, qui composent
un total d'onviron 2 millions ct demi d'habilanls.
L'autcur donne des details assez etendus sur les
Druses el les i\laronites ; sans essayer de les repro-
duire , je dirai seulement que les fenimes druses
mariees el les femmes maroniles de distioclion out
pour ornemcnl principal ime sorle de corne I'orm^e
( 535 )
d'un tube en cuivre, souvenl en argenl , allache au
haul de la l6te ; un voile blanc et leger s'accroclie au
sommet, et se clivise, en descendant, de chaque c6l6
de la figure. Mgi Mislin prefere beaucoup les Maroniles
aux Druses, et il se sent probablenient entraine da-
vantage a les aiiner a cause de leur religion, qui est le
catholicisme ; il les d6peint comme bons, simples,
liospilaliers, Tort attaches a leur foi.mais il avoue leur
profonde ignorance. Cette petite nation cbrelienne a
dil se former peu a peu par des |)roscrits qui, a I'epo-
que oil Heraclius perdit la Syrie, avaient chcrch^ dans
les montagnes du Liban un refuge contre los cruault!!S
de I'armt^e de Chosro^s. Vers la fin du vii« si^cle, I'lus-
lorien Tlieophane les montre deja assez nombreux.
Un solitaire appele Maron , appele des bords de
rOronte pour etre <!!veque de Botris, ville situee au
pied du Liban , entre Tripoli et Biblos, rendit de si
grands services a I'Eglise, qu'il fut 6leve a la dignile de
patriarche du Liban; il fixa sa residence a Ranobin,
ou un monast^re avait it6 fonde par Theodoso-le-
Grand; de ce personnage est done venu le noni donne
a cetle popidation. Les Maronites participerent bril-
lainnient aux entreprisos descroises; lil>res alors, ils
sont retombes depuis sous le joiig musulman, mais
avec une sorte d'organisation propre, presque tou-
jours sous le gouvernement de la famillo Clienah, qui
est originaire de la Mecque, selon Burckliardt. De nos
jours, I'emir Bdchir, issu de cette i'amille, avait pousse
a bout les montagnards, qui se soulev^rent contre lui;
mais, par ses redoutables severites, il niaintint son
pouvoir. Lorsqu'en 1832, Ibrabim- Pacha conquit la
Syria, il desaruia les Maronites et les obligea a payer
( 536 )
de lourds impots ; ccpendanl, une insurrection ayant
eclale parini les fellahs et les Bedouins du Haouran ,
en 1838 , il envoya des arraes aux Mavonilcs pour
I'aider a com primer la revolto. Mai recompenses de
leur zele, ils s'insurgcnt a leur tour, en ISliO , ainsi
que les Druses et les Metualis, contre Meh^met-Ali et
I'eniir Becbir, et, soutenuspar les allies de la Porte, les
Autrichiens et les Anglais , ils 6crasent les troupes
egyptiennes. Bechir quitta son palaisde Deir el-Kamar,
avec loule sa famille, et se dirigea sur Saida, pour se
livrer au commandant de la flotte anglaise.
L'origine des Druses ne date que du xi" si^cle. Un
im]iosteur, Hakem, de la race des Fathimites , s'etant
fait adorer comme un dieu, ses seclaleurs, persecutes
par son successeur, s'enfuirenl d'Egvple et vinrcnt
chcrcher un asile dans le Lihan ; ils prii ent le nom de
leur chef Druzi. Leur religion est un melange bizarre
de christianisme et de mahometisme ; ils n'ont pas
d(^ temple, mais ils tiennent des assemblees secretes
toutes les Irenle nuils; ils sont (iers , trisles et
sombres, mais excellents soldats et Ires-liospitaliers.
iMgr Mislin quitta Beyrouth, admirant ses gracieux
environs el rappelant que les Orientaux la comparent
a une charmante sultane , accoudee sur un coussin
vert et les yeux tourn^s vers les flots, dans une reveuse
indolence. II fait une excursion dans le Liban , et ne
pout se lasscr de coutempleV I'aspect jiiltoresquc de
ces moulagiies, oii la nature est grandiose, mais ou
Lrillenl aussi les merveilles de la culture et du soin
d'un peuple patient, laborieux et Chretien; elles sont
couronnees 9a el la de couvents et d'^glises maronites,
dont beaucoup ont 616 elev6s par la nuinificcnce de la
( 537 )
France. Les plushautes ciines dii Libaii ot dc I'Anti-
Liban, d'aprfes M. Russeggor, n'atteignent pas la ligne
des neiges eternelles, qui, sous cette latitude, est a
10 000 pieds ; le Sannin, qui est le Sanir cle TEci'lture,
n'a que 6 800 pieds; le Makmol , 8 800; le Djohel-
Cheikli, 9 500. Les chemins sont, de toutes paiis,
impraticables sur le Liban , et les Maronitcs ne ticn-
nent nullement a les ameliorer, parce qu'une position
inaccessible est pour eux un gage de liberie, Nos voya-
geurs sont partout, dans ces montagnes bospitalieres,
obliges de subir les parfums , le cafe et le chibouk ,
dont mainte fois sans doute ils pr6fereraient etre pri-
v^s; ils s'arretent a Gliosta, oil ils visilent plusieurs
membres de la famille de I'^mir Becbir; ils passent au
couvent de Bzommar, situe dans une position magni-
fique, et residence du patriarche armenion calholique,
qui a sous ses ordres deux evfiques dioc^sains et
12 000 fiddles, epars en Cilicie, en Syrie, en Mesopo-
tamie ; — a Raifun , ou il y a un ^tablissement de la-
zarisles; — a Miruba, oil reside I'archeveque d'Helio-
polis (Baalbek), lis voient le Nahr-Saib (riviere de
miel), le Nabr-el-Leben (riviere de lait), et le mont
Sannin, oil se trouvent des mines de houille et de fer.
Apros avoir parcouru le Kesrouan, ils entrent dans la
province de Djourd , et se trouvent chez les Melualis
ou M6tarv(^lis, peuplade nuisulniane, aux uioeurs dui'es
et inhospitalieres , qui lire son nom de ce qu'elle est
de la secte d'Ali, et qui est particuli^renient fixee dans
le nord du Liban , dans I'Anti -Liban , et onlre Baal-
bek et Tyr. Ils rencontrent ensuite, pour la premiere
fois, des Bedouins, et Mgr ftlislin les Irouve bien tels
que Mahomet lui-ni^mc les a designes, les plus opium-
( 538 )
tres des infideles : ils n'ont ni pretres, ni inosqu^es ;
ils ne se soumeltent pas a la loi du jeilne el ne font
pas le pfelerinage de la Mccque ; toujours arines, sol-
dais ct bergers a la fois, d'uno extreme sobriete, in^-
piisant los fellahs et les fenimiS, Tiers de leur oiiglne,
de leur liberie, de leur solilude, le brigandage est
pour eiix un art, un besoin, une passion. Nos pfelerins
s'arr6lent a Diuian, chez le patriarche maronite, qui
prend le litre depalriarche d'Antioche. Pr6s dela, au-
dessns de ce qu'on appelle la valine des Saints, ou la
Radicba , sont les faineux cedres, formanl une petite
forel appuyee sur un plateau qu'entourent , vers
I'orient, I'enceinte demi-circulaire des dernieres cimes
du Makmel, el, au couchant, des I'oches a pic qui des-
cendenl dans la vallee des Saints; ils sont dissemines
sur une dizaiiie de manielons, et se Irouvenl a 6 000
piods au-dessus du niveau de !a mer; on n'en compte
plus que douze vieux, de ceux qui ont dii voir le r6gne
de Salomon, el ils sont groupes sur deux monticules;
il V a deux si^cles que Quai-esmius en coraplait encore
vingl Irois ; deux d'entre eux ont AS pieds de circonf6-
rence; leur liauteur peul etre dc 60 pieds. Les aulres
c(^dres , au nombre de Irois cent soixante-deux , sont
evidcmmenl beaucoup plus jeunes, et appartiennenl
a diirerenles 6poques; ce sont des arbres d'une belle
venue, aussi hauls que les vieux cedres, niais d'un
diametre beaucoup moindre. C'est la seule localile du
Liban ou il y ail encore des ct'dres de cette espfece.
Non loin de la, a une altitude de 4 450 pieds, est
liden, gros village de 3 000 ames en (^le, et reduit, en
hiver, a une \iiiglaine d'liommes, charges d'oler la
neige qui ^craserait les maisons ; c'est un si^ge ^pis-
( 539 )
copal dt's Maronilcs; il y a en lout nouf eveques pour
cette population, (jui s'eleve a 300 000 ai.es.
Kanobin , qui tire son nom de coenobiuin , est le
couvent par excellence clans le Liban. Bali par Tlieo-
dose-le-Grand , il devint la residence de Maron , et,
aprds lui, de tous les patriarches maronites ; ce n'esl
qu'un grand couvent, et non une ville.
Mgr Mislin , apres avoir visits tous ces lieux , sur le
versant occidental du Liban, passe sur le versant
oriental, et, au lieu des coteaux verdojanls et bien
cidlives, des nombreuses babitalions et de la vie de
I'aulre cote, il nc trouve plus qu'une region aride,
blanche et inhabitee. II apergoit I'Anti-Liban, que les
Arabes appellent El-Charq (la montagne de Test); il
contemple de loin les ruines de Balbek, qui font sur
lui une impression ind^finissable , mais oil ses guides
refusent de le conduire, par crainte du cholera, qu'on
pretend regner danscelle parlie de la Syrie. II s'arrfele
au lac Liamoni ou Jammuneh, qui olTre un fond en
partie dessechd, ou s'engouffre un fdet d'eau et ou
sonl quelques ruines. Celle eau serait-elle, comme
quelques-uns le supposent, la source du Nahr-Ibra-
iiim, c'est-a-dire de la riviere Adonis, qu'on voit
sourdre abondamment sur le flanc occidental du Li-
ban? Ces ruines appartiendraient-elles a I'ancienne
Aphec ou Aphaca, ou Ton voyait le temple de V^nus
Aphacite, etpres de laquelle se livra une bataille enlre
Achab et Benadad ?
En quiltant le Li!)an, Mgr Mislin fait connailre I'etat
politique actuel de cetle remarquable region , qui
lorme, nqn un district ordinaire de I'un des paclialics
de la Syrie, mais une division distincte, partag^e entre
( o/iO )
doiix ktiiinacans ou lleiitonanls, I'un pour Ics Druses,
Taulre pour les Maronilcs. La rcsltlcnce actucUe do
I'emir cles iMaroniles Cbl Bokfaja. Leur patriarche de-
mcurc, comnie nous avoiis dit, a Kanobin ; cependant,
eu liiver, il reside au palais do BLkorlc. La capitalo des
Druses est D6ir el-Kamar (Ic couvenl de laLune), qui
lombc en ruines.
En revenant vers Beyrouth, Mgr Mislin traverse, sur
la liniitc meridionalc du Kesrouan , lo Nahr cl-Relb
(riviere du Chien), traduction prcsquo littcrale de
I'ancien nom du Lycus, flouve du Loup. Des stalactites
et des ossemcnts fossiles romarquables se voienl a la
source de cctte riviere, et, a son embouchure, est une
route clroite, resle de la voie Antoninc, qui, sous le
nom de defde de B^ryte, est devenue colebre du temps
des croisades, par le passage de Baudouin I". Enlin ,
il arrive au Nahr -Beyrouth, le Magoras des anciens ,
A I'embouchure duquel, dans la mauvaise saison , les
vaisseauxstationn^s devant Beyrouth viennentchercher
un mouillage moins dangereux que celui de la rade.
Mgr Mislin sort de nouveau de Beyrouth , et celte
fois c'est pour se rendre dans la Palestine , objet defi-
nitif de son pelorinage; il suit Ic bord de la Mediter-
ranec , car la cole est la grande route do la Syrie ; a
trois lieues et demie au sud de la \iilc, il Irouve des
ruines, qui sont probablcmcnt celles de LeonlopoUs. II
franchil le Nahr el-Kadi, le Tamyras des anciens, qui,
de m6me que prcsque toutes les rivieres de Syrie, est
arr6t6 a son embouchure par urn' barrc de sable; il
veil le Ras-Nebbi-Jon^'S ( le cri]) du prophete Jonas),
pr6s duquel doivcnt se trouvcr les ruines de Porphy-
rion. Cc n'cst pas loin de la non plus qu'est Djoun ,
( 5H )
lieu dcvenu celebre pai le sejoiir de lady Stanhope.
On rencontre ensuite Sidon , que, malgr6 sa situation
enPh^nicic, on pent appeler la premiere ville de la
Terre-Sainte ; car, clans le partage que fit Josue do la
lerre de Canaan, clle echut a la tribu d'Aser. Illustre
dans I'antiquite par son commerce et de nombreux
^v^nements, celle cite joue aussi un role interessanl
dans rinstoire du christianisme; Jesus-Clirist et saint
Paul y sejourn^rent ; il y avail un grand nombre de
Sidoniens parmi les disciples du Sauveur. Prise,
reprise, delruile ct rebatie du temps des croisades,
elle n'a aujouid'hui, sous le noni de Saida ou Seide,
que 7 000 habitants, presente un triste assemblage
de maisons basses, blanches, a terrasses tr^s-rap-
prochees, et ne possede qu'un mauvais port comble
par les sables, comme tons ccux qu'on rencontre entre
Saint-Jean d'Acre el Beyrouth; enfin il n'y a meme
pas de traces respectables d'antiquiles , si ce n'est
quelques futs de colonnes bris^es ; elle est du moins
renommee par ses bananes, les meilleures de Syrie.
Sarepta, si connue par la veuve du temps d'Elie, n'a
laisse que des restes presque insignifiants ; son nom
parait venir de snrapli, qui en hebreu veut dive fondre,
parce que les Sidoniens y faisaient fabriquer le verre ;
pendant les croisades , c'^lait un siege episcopal , et on
I'appelait chateau de Gerez; lespoetes ont chante jadis
le vin de ses coteaux; aujourd'hui cette cote est d'une
extreme aridite ; il est vrai qu'a una petite distance,
le village de Sarfond est au milieu d'une petite foret
d'oliviers. Un peu avant d'arriver a I'emplacement de
Sarepta, Mgr Mislin avait remarque les grottes d'Ad-
noun , qui lui ont paru avoir servi de sepultures aux
( 542 )
habitants de celle ville : sont-ce les groUes indiqu^es
sur loules les anciennes carles de la Palestine sous le
nom de Manra Sidoniorum (caverne des Sidoniensj?
Des ruines qui se montrenl ensuile sont peuletre celles
d'Ornithopolis ou Ornilhon, qui elait, d'apr^s Stra-
bon , a egale distance de Tyr et de Sidon , par conse-
quent entre Sarepla et Tyr; Pline, de son c6t6 , place
Ornitbon ontre Sidon et Sarepta. On traverse le Nahr-
Kasmieh , qui est le Leonles des anciens, el qu'on a
coutume d'appeler aussi le faux Eleutheros, pour le
distingucr du vrai Eleutberos , aujourd'hui Nahr-el-
Kebir, qui se jelle dans la tner au nord de Tripoli;
cependant, pourquoi ne pas supposer que I'Eleutberos
identique avec le Leontes est veritable aussi? 11 peul
y avoir eu deux Eleutberos. II esl fait mention deux
fois dune riviere de ce nom clans le preuiier Livre de%
Machabees : on ne peul guere vouloir parler a'.ors que
d'un fleuve place vers les liiuites de la Judee, el non
d'un fleuve aussi eloigne vers le nord que rEleutberos
de Strabon et de Pline. A la quatri^me croisade , les
Chretiens remporl^rent , pres du Nahr-Kasmieh, une ^
vicloire eclatante. La vallee de Bkaa, d'ou vient cette
riviere, ofl're les plus beaux sites.
Tvr, I'antiqiie f-l opulente melropole de la Plieni-
cie, a pour testes de sa splendeur une porte ebr^ch^e.
des rues nolres et pleines de d^combres, quelques
colonnes brisees , de faibles traces de mnrs dVn-
ceinte ; I'ancienne Tyr, Palae-Tyros, a meme disparu
tout entiere; on sailqu'elle fulrebalie dans une lie aprcs
sa destruction par Nabuchodonosor; qu'Alexandre
ruina encore la nouvelle ville; mais elle se relevasous
les successeurs de ce conquerant; elle fut r^duile en
I
( 543 )
cendres par Niger, en I'anlSS, parce qii'elle avail pro-
clame Severe. Elle clevint c^lebre clans I'histoire du
cliristianisme; I'eglise de Tyr etait la premiere de
rOrient, apres Jerusalem, el I'archeveque avail qua-
torze eveclies dans sa d^pendance. Les Sarrasins et les
crois^s se dispiiterenl avec acharnement cette ville,
qui tomba enfin, en 1291, entre les mains des musul-
mans; elle ne s'est pas reJevee depuis, et ce n'est au-
jourd'hui qu'une esp^ce de tombeau, sous le nom de
Sour. On y compte a peine 2 000 habitanls, dent
1 000 Turcs el Melualis, 800 Grecs scliismatiques et
200 Maronites. L'ancienne cathedrale, a laquelle se
rattache le souvenir de I'archeveque Guillaume de
Tyr, un des plus judicieux hlstoriens des croisades,
esl a moitie cachee sous les debris.
A une lieue et demie de Sour, sont des reservoirs
niagnifiques connus sous les noms de Ras el-Ain et de
puitsde Salomon, etconstruitspour Iransporterdel'eau
a l'ancienne Tyr, puis a la nouvelle, par un aqueduc.
Bienlol apr^s s'offrent les restes du fort de Thozon,
connu par lemallieureuxsi^ge qu'en firent les croises.
Le cap Blanc (Ras el-Abiad) termine au sud la
plaine de Tyr; il ofTre un passage 6troit et difficile,
qui a el6, dit-on, creuse par Alexandre. Le fort de
Scanderium, dont Templacement est pres de la, rap-
pelle le nom de ce conquerant. On passe au cap Na-
kora , qu'on appelait autrefois I'Echelle de Tyr. On
laisse a gauche le monl Saron, que les auteurs arabes
appellent Karouba, probablement a cause des carou-
biers dont il 6tait couvert ; les chevaliers teuloniques
eurent sur ses principales cimes Irois lorteresses : Cas-
trum-Lamberti , Indi, et Mons-Fortis. On arrive au
( bhh )
monticule do Zil) , siirmonl6 d'un pelil nomine de
maisons : c'est lout ce qui rcsle de I'antiquc ville pli6-
nicienne d'Achzil). On rencontre la d^licieuse petite
oasis d'EI-Esmorich, et Saint-Jean d'Acre, Tantiquc
Ptolemais, so presentc pen de lemi)s apies ; mais le
cholera, qui ravage cette ville, empeclie Mgr Mislin d'y
entrer; il se contente d'observer la plaine qui porlc
son nom et s'6tend I'espace de 7 lieues du nord au
sud, depuis le mont Savon jusqu'au mont Carmel ;
plaine trfes-fertile, qui pourrait etre florissante, et qui
est miserable et d^serte ; on y remarque ga et lu de
petits palmiers, arbre aujourd'hui assez rare en Pales-
tine.
Pour se rendre au mont Carmel, on trouve le B6lus,
si c6l6bre parce qu'on pretend que le sahle de son
lit servil a faire le premier verre ; son nom actucl
parait elre Nahr-Naman ; les auteurs arabes du moyen
age I'appellenl Nalir- AUalou. On passe ensuile le
Nahr-Mokalla ou Nabr-Haifa, I'ancien Cison, si connu
dans I'ficriture par la victoire de D^bora sur I'arm^e
de Jabin , roi des Canan^ens. A son emboucbure , au
fond d'unc vaste baic , est Caipba, trisle bourgade
aujourd'hui, siege d'un 6v6che pendant les croisadcs,
et donncc a Tancr6de par Godci'roi de Bouillon,
On arrive enfm au mont Carmel, d'un aspect ma-
jestueux, quoiquc eleve seulemont de "2 000 pieds ; il
court du sud-esl au nord-ouest, I'espace de cinq lieues,
et se termine dans la mer par un promontoire remar-
quable, a I'exlremite duquel est situe le c^iebre cou-
vent des Carmes, a une hauteur de 582 pieds. Avec
ces religieux, les seuls habitants du Carmel sont
des Druses disscmintis dans les vallees , quclques M-
( 5Z,5 )
douins et iin grand nombre de chacals. On I'appelle
quelquefois le Carmel de la mer, pour le distinguer
d'un autre Carmel moins connu dont il estparle dans
le premier Lh>re des Rois, et qui se Irouve au sud de
Jerusalem. De tout temps, il fut v6nere comme un
mont sacr6, meme chez les paiens : Py thagore s'y rendit
a un temple; Vespasien y alia consulter le pretre Ba-
silide. Dans I'Lcriture, il est toujours peint comme
un lieu de d^lices et de gloire ; tlie et lilisee s'y reti-
rerent, et, pour les imitersans doute, depieux ermites
vinrent, des le premier siecle de I'ere chr^tienne, s'eta-
blir dans les grottes nombreuses dont il est perce ;
ce n'est qu'au xii° siecle qu'ils furenl rC'unis en com-
munaul6. En 1821, Abdaliah, pacha d'Acre, detruisit
I'eglise et le convent, et batit un palais avee les mat6-
riaux. Mais, depuis, le monastere a 616 reconslruit
sur une immense echelle, par les soins du frere Jean-
Bapliste de Frascati, aide de nombreuses souscrip-
lions. C'esl a la fois un couvent, une 6glise, une
holellerie, une forteresse et un lazaret. La maison du
Carmel avait 6te converlie en bopital pour les blesses
et les pestifer6s francais, apres le siege de Saint-Jean
d'Acre par Bonaparte, et ce fut la que le premier
consul vint faire cette visile si c^lebre aux malheureux
soldats, pour relever leur courage. Apres la retraite
des Frangais, les Turcs massacr^rent lous nos infor-
tun6s compatrioles, et laisstirent epars sur la raonta-
gne leurs ossemenls, que les Cannes ont ensuile re-
cueillis et ensevelis. Quolque d<ipouillee en grande
partie des forels, des vignes et des cultures qui I'or-
naient autrel'ois, cette monlagne conserve des restes
de son ancienne l)eaule; des urbros en couroimenl le
( 5/ib )
sommet, et les tlancs en sont tapiss^s cle plantes odo-
rif^rantes, avoc Icsquelles Ics religioiix font une liqueur
medicinale estimee.
Conlinuuns a suivre le bord de la uior avec MgrMis-
liD, et nous renconlrons, a 3 lieues de Caiplia, ce defile
des Chemins Klroits, oii pass^rent les crois6s apr^s la
prise de Ptol(^mais; puis des ruines nomnK^es Athlit,
sur une petite presqu'iie el a cotti d'un port : c'est un
monceau de decombres, qui paralt i^pondre au Syca-
minuin de Slrabon , au Magdalel de Josue et au Fort
des Pelerins des Templiers; ensuile nous voyons Tan-
toura, village et petit port, corrospondaut a i'ancipnne
Dor, qui fut la caj)itale d'uiie des contrcies du Cjanaan,
et sans doute une forteressc considerable, puisqu'An-
tiochus Sid^tes I'assiegea avec une arinee de 130 000
homines. Nous Iranchissons la riviere Koradje (I'an-
cien Kers6os), puis la Zerka , I'ancienne riviere Cro-
codilon, qui ne paralt cepondant avoir jamais noiirri
de crocodiles, a cause du peu de volume de I'eau , et
vers laquelle Richard (]oeiir-de-Lion rcmporta une bril-
lante victoire sur Saiadin. Nous parvenons a Cesaree,
jadis si importante , aujourd'hui arnas desert de co-
lonnes de granit brisecs, de blocs de marbre, de frag-
ments de poiphyre, de debris de temples el de palais,
de tours renversees et d'un amphitheatre coaible. Ce
fut d'abord un simple fort, nomme Tour de Straton;
H^rode en (it une ville , qu'il noinma Cesaree, on
I'bonneur d'Augusle, ot il y etablil un port niogni-
fique ; elle fut a|)pel<^e Colonia Flavia lorsque Ves-
pasien lui accorda les privileges do colonie romaine,
et elle devint la capitale do loute la Palestine apr^s la
ruine de Jerusalem. Los souvenirs du centurion Cor-
(5Zi7 )
n^lius, de saint Philippe, de saint Paul, lies crois^s,
surlout ceux do saint Louis, reniplissent aussi Ce-
sar6e. A une lieue de la, est una masse d'eau, longue
et encaissee comme un fleuve, qui est probablemenl
I'dlang de C^sar^e dont parlent les auteurs du moyen
age, el au bord duqtiel les crois^s camperent sous
Richard, On voit ensuite des montagnes couvertes de
petits arbres, d'un as[)ect sinistre, et asile de voleurs;
c'est peut-filre la foret d'Arsur des chroniques du
moyen age ; et non loin de la devait se Irouver la for-
teresse d'Arsur, assieg^e par les croises.
Pr6s de celte partie de la cote s'etond la plaine de
Saron, qui pourrait iiourrir 30 000 habitants, et qui
n'ollre que quelques tentes de Bedouins, quelques
troupeaux de ch^vi^es et quelques oliviers t^pars. On
ne voit plus de traces de la riche ville de Saron, et
Ton cherche vainemeul aussi celles de plusieursautrcs
places de cette partie de la Judee : Antipalris, Aphe-
rima, Helon, Baalsalisa, la Tour d'Aphec. Nos voya-
geurs Iraversent I'El Haddor, riviere nommd'e Roche-
talie par les croises, et pros de laquelle les Sarrasins
furent defaits. Pres du village d'Ali-Ben-Ilarami , sont
des ruines qui appartiennent probablement a I'an-
cienne Apollonia. Le Nahr-Ugeh, que Ton x^encontre
ensuite, est le torrent de Gaas de I'licriture. Bienlot
apr^s on arrive a Jaffa, la Jopp<i des anciens, la Japhe
des croises, plac^e sur un rocher qui s'avance dans la
mer, avcc un petit port cnsabl6, des murailles crene-
lees, surmontt^es de quelques petits canons, un inl^-
rieur miserable, et uno population qui s'el^ve a peine
a (5000 habitants; mais ellc a des bosquets d'orangers,
des palmiers el les plus beaux jardins de la Palesline.
( 548 )
Que (1ft souvenirs aussi sf pressenl dans I'histoiro de
cette antique cil^, depuis No^, qui, dil-on, y conslruisit
I'arche, et depuis Androm^dc, qui y fut enchainee a un
rochcr, jusqu'a Jonas, aux Machabees, a saint Pierre,
a Vespasien, et depuis saint Louis jusqu'a Bonaparte !
Mgr Mislin quitte a Jalla la route du rivage, et rentre
dans I'interieur, pour se rendre a Jerusalem. II ren-
contre d'abord la lour des Quarante Martyrs, an-
cienne 6glise, consacree sans doule aux solduts de
la 12* legion, martyrises sur I'^tang sale de Sebaste;
puis Ranila, petite ville de 3 000 habitants, qui parait
^tre I'ancienne Arin)alliie, connue par une balaille
funeste aux clirelicns, sous Baudouin I"''^, et par les
combats que s'y livrerent Uichard et Saladin. 11 passe
vers les mines de Lydda, citee dans I'histoire de saint
Pierre, ou existait une cd'lebre ^glise 6levde a saint
George, sous Constanlin; — vers I'emplacement de
Modin , ou demeurait Matalhias , perc des Macha-
bees ; — vers celui de Thamna, ou Juda, fds de Jacob,
rencontra sa belle-fdle Thaniar, et ou Samson se maria;
— a Lalroun, lieu presume du s(^jour du bon larron de
TEvangile; — au Beer-Ayoub (puits de Job) , appel6
dans I'Ecriture fontaine de NeplUoa. II visile I'empla-
cement de Nicopolis, appclt^ aussi Emmaiis, mais non
rEmmaiis mentionne par saint Luc, et qui etait plus
pres de Jerusalem. A mesure qu'il avance dans ce
pays aux souvenirs sacres, notre voyageur est de plus
en plusfraj>pedela tristesse etde la depopulation d'une
conlree autrefois si animee ; il calcule que, du temps
de David, la Palestine devait avoir au moins 6 500 000
habitants, tandis qu'aujourd'luii on y en compte vingt-
qualre fois moins. II voit Kirialh el-Enab (la ville du
( 5/iO )
Raisin), residence du ]a famllle longtemps si redoutee
d'Abou-Gosch, au brigandage de laquelle M^hemet-
Ali a mis fin; — ensuile les ruines d'uiie eglise que les
Chretiens appelient Saint- Jeremie , et qui paralt re-
pondre a I'eniplacement de Cariathlarim ou Kiriath-
Jearim (la ville des Forels), patrie du prophete Uri,
fils de Sem^i, et du prophete Zacharie. Le village de
Saint-Samuel, qu'on rencontre ensuite, a ete appel(i
ainsi parce qu'il repond au Sophim de la Bible, patrie
du prophete Samuel ; on le nomme aussi dans I'anti-
quit6 Rama ou Ramalhaim. A moitie chemin entre
Saint-Samuel el Jerusalem, est un amas de ruines,
avec quelques maisons de fellahs; c'est I'Emmaus de
I'Evangile de saint Luc.
On traverse la valine du Ter^binthe, une des plus
rianles de la Palestine, et celebre par la victoire de
David sur Goliath; puis Ton arrive enfin a Jerusalem.
Nous ne voulons pas decrire, avec Mgr Mislin , cette
illustre cite, tant de fois depeinte ; mais I'impression
g^ndirale que fait sur chaque voyageur I'aspect d'un
lieu si int^ressant, si riche en grands souvenirs, est
pr^cieuse a recueillir, et nous laisserons parler ici le
savant p^lerin dans son pieux enlhousiasme :
« J'etais au milieu d'une plaine nue et pierreuse;
mes compagnons s'elaient ddicouverls et se tenaient
immobiles et silencieux ; je vis sur une montagne quel-
ques edifices d'une eclatante blancheur : c'etait le mont
des Oliviers; et bientot apr^s , des murs creneles, des
domes, des tours : c'etait Jt^rusalem ct je sentis
couler mes larmes.
» En arrivant a Jerusalem par Jafl'a, on ne rencontre
au dehors de la ville aucunjardin, aucuue habitation;
III. JuiN. 3. 37
( 550 )
rien ne s6|)are la ville de Sion du desert qui I'envi-
ronn(?. On la voil apparaltre tout a coup, dix minutes
avant d'y entrer, avec scs creneaux , ses coupoles, ses
murailles, ses tours; tout cela a une teinte gris^lre
comine les vallees, les monlagnes, coninie le pays
tout entier. Je remarquai que I'ensenible de la ville,
de sesmurs et de ses moniiinents a un air de dignitt\
qui mo fit un vif plaisir, et je me dis : elle est belle
encore dans sa desolation. Mon imagination etait lel-
lement t'rapp^e qu'il me semblait dislinguer coiilme
une image de la ville sainte dans les vapeurs blancbes
qui voilaieiil legerement une partie du ciel, et je voyais
a la fois la cite de David sur la colline de Sion, el
une Jerusalem nouvelle, resplendissante de clarte, qui
descendait du ciel, ■venant de Dieii.
)) Jerusalem ne ressemble a aucune autre ville; ce
u'est pas une place forle , comme nous en voyons en
Europe; ce n'est pas une ruine antique, noircie, ou
couverte de lierres; c'est mcins encore une cil6 mo-
derne, agil6e et bruyanle; c'est une enceinte vaste et
lugubre, enlour^e de debris et de monumenls fun^-
raires ; aucun bruit ne sort de ses murs, aucun etre
vivant ne parcourt les senliers pierrcuxde ses valines,
les oiseaux du ciel se taiscnt, le torrent du Cidron est
sans eau , les piscines sont dessech^es, les rochers
d'alentour sont brisks, les coUines sont des monceaux
de sable, la lerre est comme brOl^e el couverte de
cendres, les animaux des champs n'y trouvent point
de palure, la mort et la douleur babilent seules ceite
profonde solitude. »
Nous ne suivrons pas I'autenr dans ses descriptions
tie lout ce que la religion ventre dans l;i iil«^ sainte;
(551 )
notis rappellerons seulement avec lui que le Golgotlia
ou Calvaire est maintenant coinpris dans la ville , a
I'ouest, et que les maisons qui le couvrent ne per-
inettent pas de parcourir dans loute son elendue ce
qu'on appello la Voie douloureuse ou le Chemin de la
Croix. La ville a eu successivement Irois enceintes,
dont la premiere et la deuxi^me, celle de David et de
Salomon , et celle des rois Joatlian , fizechias et Ma-
nassas, embrasserent les monls de Sioii*, de Moria et
d'Acra, tandis que la troisieme, celle d'Herode-Agrippa,
s'^lendait beaucoup plus au nonl, et comprenait aussi
le mont Bezetha, que renceinte actuelle ne contient
plus depuis longtemps. Jerusalem est conmie sur une
presqu'ile, entouree du Cedron, a Test, de la vallee de
Gehenna, au sud, et de celle du Gihoii, a I'ouest. Les
rues sont 6troites, souvent voulees et obscures, tou-
jours sales et en grande partie d^sertcsj les maisons
abut basses , carries, presque sans ouvertures sur le
devant, couvertes de terrasses, non tout a fait plates
cependant, mais surmontees d'un petit dome ; le pave
est exlremement glissant ; des chiehs ei*rent de toules
parts; beaucoup de mendiants sollicitent la charity
des passanls ; les relations commerciales sont fort
entravees par la diversity des religions, puisqu'il n'y
a que quatre jours d'afl'nires, le vendredi , le samedi
et le dimanche etant choraes successivement par les
mahometans, les juifs et les chreliens.
Autour de la ville, on trouve , a I'ouest, I* piscine
sup^rireure ou Birkel-el-Mamillali (lafontaine des
Serpents); vers le nord-est, le reservoir a])pele Birkel
el-Hirdjeh, et celui qu'on nomme Birket-Hammam-
Sitti-Mariam (bains de Sainle-Marie); a Tesi, comme
( 552 )
nous I'avons dlt , le C^dt'on , torrent presque loujours
dessecht", dont Ic nom vient de I'h^jjreu Cddor (obscii-
rile), parce qu'il coule dans des lieux profonds et
obsciirs; il y parcourl la vallce de Josaphat et y baigne
le village de Gelbsemani ou El-Djeinaniieh, au-dessous
duquel la vallee so retrecit el finit par n'avoir plus que
la largeur du torrent lui-meme. A Test de cetle valine,
s'elove le mont des Oliviers, divis6 en trois sommols :
celui du milieu, qui est la montagne des Oliviers pro-
prcmcntdile, haute de 2 556 pieds ; celui du nord ,
qu'on a appele Viri-Galila^i, et celui du sud, nomm6 la
montagne du Scandalo, parce que ce fut la que Salo-
mon fit clever des temples aux idoles. II y a encore sur
la montagne des Oliviers luiit des arbres auxquels elle
doit son nom ; ils sont 6normes , et c'est probablement
sous leur ombrage que le Christ s'est arrets. Le village
de Zeiloun est au plus haul point de la montagne ;
c'est sur un escarpement, un peu a Test de cet endroit,
que Ton jouit du plus beau panorama peut-6tre de
toute la Jud(^o : a Test, la mer Morlc , resplendissante
au soleil comme un m^tai en fusion ; par dela celto
mer, le mont N6bo et la chaine qui s'y ratlache; plus
pres, sur la gauche, la verdure du Jourdain ; au nord,
les monls d'Lphraim ; a I'ouest , Jt^rusalem. L'an-
cienneBelhpliage, pres et a I'csl du mont des Oliviers,
n'offre aucun vestige aujourd'hui ; Belhanie, dtisign6e
mainlenant sous le nom d'El Aziriieh , offrc encore
une vinglaine de maisons.
Au sud-esl de Jtirusalem , on voit la fontaine de la
Sainle-Vierge (Ain-um-elDerai, I'ancienne source du
Dragon), et celle de Siloe, communiquant enlre elles
par un canal souterrain, et qui pr<isentent un curieux
( 553 )
phenoin^ne d'iiitevmittence ; un pen plus loin, sont la
piscine de Siiod et la Fontaine de Rogel ; au sud-ouesl,
on voit la piscine Inierieure ou Nouvelle, et, pves de la,
les resles de I'aqueduc de Ponce- Pilale , qui amenait
I'eau des etangs de Salomon (a 3 lieues de Jerusalem)
jusque dans le Temple.
La vallee de Gehenna ou des Enfanls d'Hennon, dont
le fond s'appelait Topheth, est, comme on sail, au sud
de la ville ; elle etait en grando pai'tie consaciee aux
sepultures, et les Juifs se servirent de son nom pour
signifier la tristesse, I'enfer. La monlagne du Mauvais-
Conseil, qui rappelle le conseil tenu dans la maison de
Caiphe, I'avoisinc au midi.
Mgr Mislin n'a pasmanqut! d'entreprendre le voyage
de Bethlehem. La route qui y conduit est belle, et passe
par la valine de Raphaim ou des Geants, si celebre dans
rficrilure; vers le puits des Trois Rois, qui se rapporte
a I'histoire des Mages, et vers le tombeau de Rachel.
Bethlehem est agr^ablement placee sur une colline
et entouree d'oliviers. La grolte de la Nativite est une
caverne nalurelle, longue de quinze pas, large decinq.
Saintellel^ne, mere de Constantin, I'a renfermce dans
une belle eglise , dont les niahometans emploient au-
jourd'hui la nef comme un bazar, et dont le chceur
sert d'eglise aux Grecs et aux Armeniens ; la chapelle
Sainte-Catherine , qui est attenante , appartient aux
catholiques ; on descend dans la grotte v(ineree par le
chceur des Grecs, etMgr Mislin regrellc vivcm^nt qu'un
lieu si saint ne soil pas au pouvoir de I'Eglisc latinc ;
cependant les catholiques ont une autre grotte pre-
cieuse tout pr6s du lieu de la Nativity : c'est celle ou le
Sauvcur fut place dans la creche el adore par les
( 554 )
Mages et les bergers. II faut remarquer en passant
qu'un grand nombre de demeures, non-seuleinent a
Bellilehem, mais dans toulc la Palestine, sonl des grottes
taillees dans les rocliers, pour garanlir les habitants,
soil centre lapluie, soit meme centre la neige dans
les lieux Aleves. Bethlehem est a une altitude de
2538 pieds, c*est-a-dire a 59 pieds plus haut que Je-
rusalem. Elle coniple 3 000 bahitants, donl 1500 ca-
tholiques, 1000 Grecs , une centaine d'Armeniens et
quelques Arabes. Son nom signifie maison de pain; on
I'appclait aussi Ephrata, /er/iV/Ve.
Mgr Mislin, continuant sa route au sud , va visiter
Hebron, et, chemin faisant, il remarque ce jardin
ferini^ (Hortus conc/unis) qui faisait les delices de Sa-
lomon, et qui est un petit ilot de verdure au milieu
d'un paysage de pierre; — d'immenses reservoirs, que
les Arabes appellent El Burak, et qui sont les anciens
etangs cle Salomon ; — Bezek,ou ser^coltait le meilleur
vin de la Palestine, quoique aujourd'hui il n'y ait plus
de vignes ; — Beit-Djibrin ( maison de Gabriel ) , belles
ruincs, qui sont probablement celles d'Eleutberopolis
ou Betograba ; — ensuile d'autres mines qui paraissent
appartenir a Bclhsour de V llistoire des Machabees, la
meme sans doule que cetle Belhar qui fut le dernier
asilc des Juifs sous le regne d'Adrien. Hebron , situ6e
en amphitheatre sur une colline de 2 8^2 pieds d'alti-
lude, a I'aspect lo plus d^solc; elle compte cependant
encore 5 000 habitants, tous musulmans, except^
/lOO Juifs. Cetlc ville, pleine des souvenirs des premiers
patriarches et de David , est, comme on salt, une des
pllis anciennes du monde ; elle s'appelait aussi Ca-
riath-Arb6, ville d'Arbe, du nom du fils d'Enac, qui en
( 655 )
flit le fondateur; or Enac donna son nom aux geants
Enacites, qui habitaient encore Hebron quand Josue
en fa Ja conquete. Les Arabes I'appellent El Clialtl
fville de I'Ami, c'est-a-dire de Dieu). Au iv" siecle,
sainle Helene ^leva une eglise sur la double caverne
qui renferme les tombeaux des patriarches. Du temps
des croisades, on en fit un6v6ch6 sous le nom de Saint-
Abraham,
La vallee de Mambr^, au nord-ouest d'H^bron, est
ornee de pistachiers , d'oliviers, de vignes, et J'on y
remarque un beau chene qui s'^leve , dit-on,a la
place de celui donl il est question dans I'histoire
d'Abraham, Non loin de la est I'eraplacement de la
forteresse de Dobir, ou Cariath-Sepher , prise par
Othoniel. C'esl pres d'Hebron enfin que commence le
desert d'Engaddi, ainsi nomme d'une petie oasis, En-
gaddi, la fontaine du Bouc, dont differe peu le nom
arabe actuol, Ain-Djeddi (fontaine de la Cbevre); c'ost
pres d'Hebron aussi que s'6lfeve cet autre mont Carmel,
moins celebre que celui de la cote ; on voit encore
quelques restes des antiques forets du ddsert de Zin,
illustrees par I'alliance de David et de Jonathas.
Mgr Mislin, revenant vers le nord, et suivant une route
plus voisine de la mer Morte , va visiter celte caverne
fameuse de Thecua, d'Engaddi ou d'Odollam , ou se
r^fugia David : les voyageurs I'appellent le Labyrinthe,
et les Arabes El-Maama (la Cacbette). Pr^s de la sont
les resles dc la ville d'Odollam ou Adullam, meu-
lionnee plusieurs I'ois dans la Bible ; et ceux de
Thecua, celte forteresse du desert, (jui fut habitec
par les prophetes Amos et Habacuc.
Ce qu'on apj)elle aujourd'hui la montagne des
( 556 )
Francs, en arabe El Fareitlis (le petit Paiadis), repond
a Tancienne forteresse d'Hcrodiuni, qui est probahle-
ment la Belhacara de I'Lcriture, el qu'il ne faut pas
confonclrc avec une autre Herodium , situ^e de I'autre
c6te de la nier Morte, vers le mont N(^bo : F^lixFabri,
au XV siecle, en parle sous le nom de Belhulie. La val-
ine do Bdnediclion , ou Ton sail que Josapliat rdunit
les Israelites pour benir le Seigneur d'avoir sauve son
peuple des Ammonites, s'elend cntrc la monlagne des
Francs et la raer 3Iorte.
Mgr Mislin fait une excursion a I'Duest de Bethlebem,
dans le desert de Saint -Jean. A trois lieues de Beth-
lebem, on arrive a la grotle de Saint-Jean-Baptisle :
c'est la que vecut longtemps le Precurseur, se nour-
rissant de miel, de sauterelles, et sans doute aussi de
caroubes , pnisque ce fruit se nomnie encore pain de
Saint-Jean. Pres de la est le village de Saint-Jean-de
la-Montagne (en arabe Ain-Karim), ou il y a un cou-
vent de Franciscains.
Revenu a Jerusalem, Mgr Mislin dirige une explo-
ration vers le Jourdain : il signale d'abord un village
mine qui est probablement Baluirini, ou David fut at-
taqu6 par Semei ; — ensuite la valine des Acacias, qui
est peut-6tre la valine de Sittim, et qui doit son nom ac-
tuel ade tr^s-beaux acacias gomraiers qui Tombragent;
— enfin Templacemenl d'Adomiuitn, au milieu d'un
paysage affreux et d'un canton infesle de voleurs. Plu-
sicurs /nitres, c'est-adire des reunions d'crniitagcs, ont
autrefois jjeupl^ ce canton sau\age, oil commence Ic
desert de la Quarantaine, illustrd par le sejour du Sau-
veur. L'Ouady-Kelt, qu'on y rencontre, est probable-
ment le torrent de CaritU de la Bible. La rauntagno
( 557 )
de la Quarantaino, appelee Djebel Kourountoul par
lesArabes, terminele deserl; on y voit de nombreiises
cellules qu'onl habil^es des anachoretes des premiers
siecles du cbristianisme. A un quart de lieue de la
montagne , est la Fontaine d'filisee (Ain- Sultan en
arabe), entouree d'agr^ables bocages de jujubiers, de
palmiers, de mirobolans, de cypres, et de cbalefs (zuk-
kum) , avecles fruils desquels on fait I'buile medicinale
de Jericho ; on y voit aussi ce fruit qu'on appolle com-
munement pomme de Sodome , fruit ti'ompeur, tres-
beau au dehors, mais dont le sue est niortel. Quant
aux rosiers si celebres de Jericho, Mgr Mislin n'en a
point vu ; ce qu'on ajipeile aujourd'hui rose de Jericho
ou j^rose hygrometrique [anastatica hierochuntina)
est une plante de la famille des conifercs , qui croit
dans quelques localites sabionucuscs de la Syrie et
de I'Arabie, et que Ton cherche vainement pr^s de
Jericho.
Le miserable village de Rieha , a une lieue de la
niontagne de la Quarantaine , est tout ce qui reste de
I'ancienne Jericho : c'est une cinquanlaine de cabanes
entourees de haies de nopal etde branches d'arbustes
dpineux, qui les protegent contre Ics chacals et les
leopards. Le batiment principal qu'on y remarque est
ce qu'on appelle la Tour ou le Chateau, et c'est autour
de cet edifice que la ville rebatie par H^rode et Adrien
devait etre groupee ; I'ancienne Jericho , celle des
Cananeens, s'otendait plus particuliercment dans la
direction de la Fontaine d'Elisee. Toule la plaine voi-
sine est appelee ElGhor par les Arabes; il y r^gne
une chaleur suffocantc. De Rieha jusqu'au Jourdain ,
celte plaine s'abaisse graducllement de 57/1 pieds; on
( 558 )
trouvesur la route beaucoup d'^rosionsqui l^molgnent
de ces anciens debortleineiits donl il est parlt^ dans
rtcriture. Galgala , ou les Iliibreux , conduits par
Josue, pass5rent le Joui'dain, n'a lalss4 auciine trace ;
c'est vers le lieu de ce passage que Mgr Mislin a vu Ic
fleuve ; il I'a trouvd d'environ soixanle pas de largeur
et peu profond, mais c'^lail a I'epoque des basses eaux.
Le Jourdain , appele Yarden par les Hebreux , est
noranie aujourd'bui El Lrdoun ou Cbariat-el-Kebir
(grand fleuve) par les Arabes; il se forme de trois
petits cours d'eau descendus de I'Anti-Liban , et pro-
duitbientolle lac de Houle ou de M^rom, a une demi-
lieue au-dessous duquel est le pont en basalte connu
sous le nom de pont de Jacob; c'est au sud de ce pont
que commence la fameuse depression de la vallee de
ce fleuve, avant son entree clans lo lac de Tiberiade ;
^en sorlant de ce lac, il est fort large, mais peu pro-
fond; il se retr^cit ensuite, et forme d'innombrables
sinuosites.
La difference de niveau du lac de Tiberiade et de la
mer Morte est de 716 pieds; les sources du Jourdain
sont a plus de 800 pieds au-dossus de la Mediterran^e,
et spp embouchure a 13/11 pieds au-dessous, cc qui
donne pour la pente lotale 21 41 pieds. Des roseaux
{nrundn donax) en garnissent les rivages, et sont le
repalrc des onces et des cbacals. La navigation en est
fort difficile, et les riverains d'ailleurs n'en font aucun
qsage. En 1847, J\L Molyneux, oflicier anglais, le des-
cendit; M. Lynch, qui y 111 en 1S/|8 un si memorable
voyage avec deux bateaux en fer conslruitsen Amc-rique,
eslime a 200 milles anglais la longueur du couranl entre
les deux mers , en tenant cotnpte des dolours. Ce cpq-
{ 559 )
rageux explorateur a fait deux fois le tour de la met
Morle. Nous ne rappellerons pas la description de
celte etrange uiasse d'eau , prolongee a perte de vue
entre deux inurailles de naontagnes, s^parees I'une de
I'autre de cinq a six lieues ; mais , comme un auleur
c^iebre a dit que I'aspect n'en est ni trisle ni funfebre,
il est utile de faire remarquer que Mgr Mislin a trouve
les bords arides el nus, couverts d'une bordure de sel,
blancs, calcines, exposes a une chaleur de fournaise, a
une forte odeur de soufre , et inspirant la tristesse et
le dugout. S'etant baign6 dans cette nier, il vit que le
corps y est porte facilemenl sans doute par Teffet de
la grande pesanteur specifique de I'eau, mais que la
natation y est presque impossible parce que les pieds
s'elevent au deiiors, et que le nageur, sans point d'ap-
pui sufiisant, n'est pas maitre de ses uiouvements, et
se trouve soulev6 et ballotle a droite et a gauche .: il
gouta malgre lui de cettc eau , et la trouva horribie-
ment amere et nauseabonde; il en eut la langue et le
palais comme brules. La raer Morte est appelee mer
de Sel dans la Gcnese, mer du Desert dans le Deut^ro-
nome, raer Orlentale dans Joel, lac Asphaltite par les
Remains et les Grecs , mer Maudlte ou uior du Diable
au moyen age, lac de Lot (Babr-Lout) par les Arabes.
L'extrdme degre de salure qu'on y remarque paralt
etre la principale cause de I'absence des etres ani-
mes dans son sein, et Ton atlribue cetle salure extraor-
dinaire au voisinage des monlagnes formees de grand?
blocs de sel, a I'^norme dej)ression du niveau de cetle
raer el a la haute temperature qui en riSsulte. Que deve-
nait I'eau du Jourdain avant I'existence de cette raer
qui a abime sous ges flots une valine fertile, cinq vjlles
( 560 )
etunenombreuse population ? Mgr Mislin lend a croire
qu'ello se rendait dans la mer Rouge, et M. Anderson
dit que Ic lit du fleuve, jusqu'au golfe d'Akaba , ne
saurait etie nieconnu; cettc opinion est combattue
par M. Russegger ; mais les affaissoinents et Ics sou-
Ifevements de terrain que la geologie expiique ne
peuvent-ils pas laisser un champ tr^s-lil)re aux hypo-
theses? Nous renvoyons d'ailleurs, pour la description
de cette nier, a rinleressanle monographie qu'en a
donnee notre savant collogue , M. Isambert, dans le
Bulletin de ftivrier et mars 1850, au sujet de I'ouvrage
de M. Montague et du voyage de M. Lynch.
Mgr Mislin est all6 visiter le curieux monasl^re grec
de Saint-Sabas, sur Ic C^dron , a 5 lieues de la mer
Morte et a 2 lieues de Jerusalem; il s'6leve en gradins
sur des rochers qui dominent lo torrent, et doit sa
fondalion a saint Sabas, qui, dans le v° siecle , riunit
autour de lui un si grand nombre d'anachor^tes, que
ce desert en elait tout peupli; Quaresmius dit qu'il y
en avait 10 000 dans les antres des rochers, et !\ 000
dans le monast^re seulement.
Mgr Mislin a pris ensuite la route du nord pour re-
venir a Beyrouth par Tinterieur de la Judt'C. Parlout
s'y offrenl des chemins Strolls, inipralicablcs pour des
chars, mais seulement propres aux chameaux et aux
chovaux; et cepcndant il y avait autrefois i)lusieurs
routes pav(^es, connnc on en voit encore des traces a
Htibron el sur les rives du Jourdain.
Sur le chetnin do Jerusalem a Naplouse, on ren-
contre remplacemenl d'Anatlioth, palrie de Jcrdmie;
celui de Gal)oa, palrie de Saiil ; et Ram, qui est une
ancienne Ramaj mais quelle Rama? ce nom est tr^s-
( 501 )
vague, car il signifie siinpleraent hauteur. El Bir est
B^^rolh, ville des Gabaonites; le village de Mukmas
reniplace sans doule Machmas; on passe vers rerapla-
cement de Bethel, appelee d'abord Loaz (amandier) el
plus lard Bethaven ; un peu a Test, 6tait Hai ou Haiath,
ou Abraham dressa sa tente. On voit le village de
Djufna (I'ancienne Gophna), entour^ d'une valloe ver-
doyante. On laisse plus loin Silo, si connue dans I'his-
toire de I'arche sainte et de Samuel; et Ton decouvre
dans une heureuse situation Naplouse , rancienne Si-
chem ou Sichar, qui fut le sejour de Jacob et la capi-
tale du royaume de Jeroboam ; on montre encore le
puits de Jacob ou de la Samaritaine, et le torabeau de
Joseph; Vespasien en fit une colonie romaine, sous le
nom de Flavia Neapolis, et de la le nom moderne de
la ville. On y couipte encoi'e 8 ou 10 mille habitants,
parmi lesquels se trouvent quelques descendants di-
rects des Samaritains, vivant isol^s dans un misei'able
quartier, et dont le chef prend le tilre de pretre-
levite.
Samarie, qu'on rencontre peu apr^s, s'appelait plus
exactement Someron, d'apres Semer, maitre du terri-
toire de qui Amri acheta I'emplacement ou il batil la
capilale du royaume d'Israel. Elle ne sc compose au-
jourd'hui que de ruines considerables, entre autres
des temples et des palais d'Herode, qui I'appela S6-
baste en I'honneur d'Auguste. Sanour ou Santorri est
consid6ree comme identique avoc la B^thulie de Ju-
dith. La bourgade de Djennin rappelle les noms an-
ciens de Ginea, Nais , Ginum, Giliui ou Djemni, qui
paraissent tous designer un meme endroit.
La plainc d'Esdrelon s'olTre ensuilc : c'est la plus
{ 562 )
vtiste et la plus cdl^bre de la Palestine, npr^s celle du
Juurdain. Le monl Herinoii s'elf;ve au centre ot la
divi.se en deux versanls, qui envoient leurs eaux d'une
part dans la Medileiranei?, de Taulre dans le Joui-
dain ; le niontThabor ia borde au nord. Elle Tut aussi
appelee dans I'anliquite j)laine de Jezrael , le Grand
Champ, campa^ne d'Esdrela, plaine de Mageddo , an
nioyen age plaine de Sabas, d aujourd'liui les Arabes
la nomment Merdj-ibn-Amer. C'eslpres du village de
Fouli ou Fuleli, sur la parlie occidenlale du mont
Hermon, que se livra, en 1799, la bataille dite du Tha-
bor; elc'est presde la aussi que s't-levaillelortde Faba,
bati par les Templiers. 11 ne faut pas cont'ondro, bien
enlendu, ce luonl llormon , que les Arabes appeilenl
Djebel Duy, avec le Grand llermon (Djebel Cheikb ),
qui apparlienl a I'Anli-Liban, a Test des sources du
Jourdain. Quant au montTliabor, appele Itabyrion et
Atabyrion par les anciens Grecs, Djebel INour ou Djebel
Tor par les Arabes modernes, c'est une des plus belles
monlagnes de la Syrie , quoiqu'il n'ail que 1 755 pieds
d'altilude; de son soinmet on jouit d'une vue admi-
rable sur la Judee presque emigre, el peu de points
offrent autant de souvenirs ; c'est sur son sommct, ou
sur le Cison, qui coulo a ses pieds, que Debora el
Barac illustrerent leur valenr ; el la tradition place en
ce lieu la tranfiguralion du Sauveur. U y avail, avanl
J6sus-Christ, une ville de Tbabor sur celle montagne;
plusieurs ^glises chretiennes, aujourd'liui rain6es, y
I'urent elevees dans les premiers siedes de noire ere.
Mazareth, en arabe En-jNazara, autrefois Medina-
Abiad (ville Blanche), inconnuo avanl J^sus-Christ,
mais si celebre dopuis le siijour du Sauveur el de la
( 56? )
Vierge, est bati§ irr^gulifeiement et eh gfadins, sur
une colline et clans uii bassin elev^, tout entoure de
monlagnes, et orne tie vignes, de grenadiers, d'oliviors,
de nopals; elle a 3 000 habilanls, dont 1000 calho-
liques, des riles latin et maronite. Les batiments les
plus remarquablessont les cou vents d6s Franciscainsot
des Grecs. Sainte Hel^ne y avail fait b&tir une magnifi-
quebasilique.ruineeaujourd'hui.D'apr^sUnecroyance
commune en Italie, la raaison de la Vierge fut rairacu-
leusement Iransporlee, au xiii" sifecle , sur la cole de
Dalmatie, pres de Fiume, puis dans un bois de lau-
riers pr^s de Recanati, puis sur une montagne voisine,
enfin a Lorette, oii depuis 600 ans on accourt de
toutes parts pour la ven^rer.
En se rendant de Nazareth au lac de Tiberiade, on
rencontre le mont et la plaine d'Hittin , ou Ids Chre-
tiens perdirent en 1185 la vraie croix, la possession
de la Jud^e el la liberie de leur roi, Gui de Lusignan.
Le lac de Tiberiade ou de Gen^sareth, connu aussi
sous le nom de mer de Galilee ou de Cin^roth , se
presetite ci la vue du voyageur sous I'aspect le plus
d^licieux , dans un bassin evidemment volcanique ,
entour^ de hautes et belles monlagnes; il a 5 lieues
de longueur, deux de largeur, et se trouve a 625 pieds
au-dessous de la Mt^diterranee. L'eau en est limpide,
douce el agr^able a boire, commc celle du Jourdain,
et les poissons y abondent. Mais que sont devenues
le9 populations nombreuses qui se pressaient sur ses
rives, les quinze viiles qui I'entouraient , les barques
qui la sillonnaient ? Tout est silence et mort aujour-
d'hui dans cette region charmante.
La ville de Tiberiade, en arabe Tabai-iyya , est en-
( 564 )
core cnsevelie sous les decombres amoncelc^s par le
trembloment do tcrre de 1837. Butic par Herode-
Antipas, qui en fit sa capitale et lui donna le nom de
I'enipereur Tib6re , elle resta la melropole de la Ga-
lilc^e jusqu'au rfegne d'H^rode-Agrippa II, qui lui pr6-
f^ra S6plioris ; apres la deslruclion de Jerusalem par
Titus, les plus savants docleurs juifs vinrenty fonder
une 6colecelebro d'ou sorlil le lexte talmudique. L'an-
cienne ville s'6lendail au sud de la ville actuellc, entre
le lac et les montagnes, el a laisse des ruines conside-
rables. Les eaux lliermales de Tiberiade sont a quel-
que distance de la, dans un lieu qui a port^ le nom
d'Emalb, et aussi celui d'Emmaiis, nom si commun
sans doute, parce qu'il dolt indlquer des sources ther-
males (du mot cliammatli, bains cbauds).
Magdala (aujourd'hui El-Medjdel), vers I'extremit^
nord-ouest du lac, dtait la propriete de cette c6l6bre
Marie qu'on a surnomni(^e, d'aprfes cet endroit, Marie-
Magdeleinc.
Dans le voisinagc, on voit la montagne ou Jesus-
Christ fit la multiplication des pains ; ot le lieu oii Ton
pense que lut pronouce Ic sermon sur la montagne.
Sefarieh, pauvre village, est I'ancienne Sephoris , qui
tut appelee Dio-C6saree par llerode-Antipas ; Cana,
illustree par le premier miracle du Sauveur, est une
bourgade de 800 habitants, qui a conserve son nom.
El Meched repond a Goth ou Gcthophar, patrie de
Jonas, et celebre par la bataille de 1187, entre les Sar-
rasins et les Templiers.
Mgr Mislin, apres avoir traverse les montagnes de
Zabulon, se rclrouva sur cette cote de la Mediterran^e
qu'il avail deju visilee, et, de rclour a Beyrouth, il
( 565 )
s'emliarqua pour I'Hgyple, d'oi'i 11 ne tarda pas a re-
venir en Occident.
Tel est en resume celinteressant voyage, qui esl une
des plus completes explorations qu'on ait failes depuis
longlenips en Palestine ; I'auteur porte dans I'observa-
tion des lieux un esprit de sage critique, une sagacit6
savante, qui rendent les plus grands services a la geo-
graphie; il d^peint hien les moeurs ; il raconte I'his-
toire d'une maniere lumineuse, et sait rallacher aux
lieux qu'il visite un grand nombre do fails qui dimi-
nuent I'aridile de la nomenclature. 11 est facheux qu'il
n'aitpas joint une carte de la Palestine a son ouvrage,
qui est, du reste, accompagn^ de plusieurs plans de
Jerusalem.
COMPTE RENDU
DE DEUX ATLAS CLASSIQUES ( EN ANGLAIS )
DE
GtOGRAPHJE PHYSIQUE ET DE GEOGRAPHIE G]£lNb:RALE
UE M. A. KEITH JOHNSTON,
PAK
M. SfeDILLOT.
Nous avons rendu un compte trfes-favorable du
grand atlas physique de M. Keith Johnston dans le
Bulletin de la Soci6t6 de geographic (1851, tome II,
page 328), et nous regrettons de ne pouvoir dire le
nifime bien des nouvelles publications qui lui sonl
dues. En reduisant sous un petit format, pour I'usage
des ecoles, ces belles cartes qui piesenlciil un taljleau
III. juiN. h. 38
{ 5(ia )
si'parfait des merveillcs tie la ilatur."', rauiour s'osl
condamn^ a inodifier profondemcnt son premier tra-
vail, et a reprotluire une esqulsse souvciit confuse des
phenomenes qui se manifestcnt sur la surface emigre
du globe. Des cinq carles consacr^es par M. Jolinslortj
dans son premier ouvrage, a la meleorologie, Irois iseu-
lemcnt sont conservees, celles qui troilent des ligneS
isotlierlnes, des venls constants ou periodiques> dc la
dislriljution des pluies et des neii^s. Aux dix carles
concernaiit la geologic , se Irouvent subsliluues Bept
pelites cartes qui represenlent les montagnes, pla-
teaux, plaines et vallees de I'Europe, de I'Asie, de
i'Afrique, des deux Am^riques, des lies Brilanniqaes,
avec un tableau synoptique des volcans et des princi-
paux treinbleineuls de terre. Pour I'hydrologie, nous
n'avons plus que trois cartes au lieu de six, deux indi-
quanlles couranls oceaniques et le systeme des grands
lleuves de la teiTC, el une nouvelle qui ollre la confi-
guration des lacs el des mers inlerieures de I'Asie.
Enfin, sur les neuf cartes dont se coniposait la partie
pliylologique et zoologique du premier alias, qualre
seulenieiil subsislent, I'une pour les vegetaux, I'autre
pour les auimaux, la troisieme pour les races hu-
maiues, la qualrieme enlin, monlrant les divisions du
globe sous le jjoint de vue des croyances rcligieuscs.
La Ironlispive fail conuailre les divers eiemenls de
la carlngiapliiu et de la geograpliie physique.
Le bccond alias, publi6 par M. Keith Johnston, a
I'usage des ecoles, conlienl \ingt-deux carles : douze
pour TEurope, trois pour I'A&ie, une pour I'Afrique el
['yJiabce, cinq pour I'Anierique el I'Auslralie. La
Erance est divisee en provinces, el Ton est lout &urpris
I
( 567)
de rencontrer rAunis, la Guyenne, le Langiiedoc, le
Comtat (Venaissin), etc. Nous avions cru un instant
que M. Johnston nous reportait a I'ann^e 1789, mais
le nom des departemenls est indique en tout petits
caracteres, ct il ne manque en r^alite que leur delimi-
tation.
Un index, qui nous a paru fort complet, donne la
longitude ct la latitude des principales places du
monde; seulcment I'editeur no cite point les aulorites
sur lesqueiles il s'est appuye pour ce travail.
Malgi"*^ les observations qui precedent, nous recun-
naissons toutefois que les deux atlas de M. Keith John-
ston seronl ulilenient places entre les mains des jeunes
gens studieux.
( 568 )
NOTES SUR LES DIFF^RESCES EXISTAST DAJIS DIVERSES CARTES Di;
I.'aMKRIQDE CENTRALE SUR LES LATITUDES DE LA RIVlfeRE DE SA.X-
JLAN DE NICARAGUA, PAR M. LE CAPITAINE GABRIEL LAFOND,
DtSlCNATlON r)ES CARTES.
CarlP de la cote dii Mexique ,
d'uprcs les nouvelles cartes es-
pa|iioles, publipe en ISi." par
ordie da roi , an deput general
de la marine de France
Carle de la Colomliie, par Bnie ,
18-25, d'apres les observalions
de M. de Hiiniboldl el des navi-
galeiiis esp.ignols
Carte des Aulille';, par le meme
nine, 1 85-2 , dedit-e a rinslilnt
de France
Giaudc carle, du nieinc Brue,
gravee eii 1853 ( ceuvre pos-
lliiime ]
Carle de Gusta-Rica et dcs Elats
de Nicaragna , levee en 1828 el
1829 par MM. Rouhaud et De-
marlray, gravee en 18r)2 ....
Carte du lac de Nicaragua, pour
servir a rmlcUigence du projet
de jouclioii de Uocean Atlanti-
que au Pacilique, par un canal
a vaisseaux, 1832
Carle de sir E. B. Baruelt, officiei
de la marine anglaise, publie'e
en 1844 par ordre de I'umiraule
anglaise. .
Carte dc la riviere de San-Juan
de Nicaiagua, |iar Squiei-, 1851.
Carle faile suns la direction du
capilainu general Lafund , chez
Kubiquct . i'uris , 1851 , d'aprcs
les indications suivanles: l°pour
la cole ouest, dc Ph. Hauza, i-n
1794, avec cnrrectiun par E. Bel-
cher en 1857, el L. J. Wood en
184S;!2* pour la coleesl, <lu com-
mandanl liarnell. 183'j; 5' Pa-
nama . du cumnian<lant Lelcher
en 1837, el du commandant de
Rosaniel en 181U; 4° Guile de
Nicoya , par le nieme , 1854;
5' Qiiilio, par le lieulenanl S.
Wood, 1848; 6» Gulfo- Dulce ,
par Louis Chcrou , I8.'i0; 7* des
avis de MM. Datissy, bydrogra-
phe en chef; de Vincendon- l>u-
niouliii, ingi-nieur hydrographe
de la marine franf.ii$e; el de
Jomard, conservaleur des carles
a la Ui)>liotbcque iiationale ;
8° enlin , des cartes de MM. les
rapit. lines S. Lallier et Goluni-
bel. I85i
NOMS DES AUTEUR.^.
Ministere de |j maiine, 1823.
Brue, 1823
Brue, 1832
Brue,l853(oeuvreposlhume).
Rouhaud et Demarlray, 1832.
Iluerne de Pommcreuse,1832,
E. B. Barnell, 1841.
Squicr, 18S1 . . . .
(^up. G. LafoBd, coniul |e'n,
de Cusla-Ricu, 1851 ct 1852.
LAT. INBIQU^E
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{ 869 )
0BSBIIVAT10>S SUR LB TABLEAU CI-COHTR]..
La carte n° i de la C6te du Mexique est d'unc exactiliule dou-
teuse.
Celle n° 5, de MM. Rouliaud et Deniartray, pniait avoir cte diesse'e,
8ur une plus jiande e'chelle, d'apies les cartes de Nirarafjua et de
Costa-Rica, par M. Joachim Rousseau; ou bien celles-ci d'apres la
carte de MM. Rouhaud et Deniartray, {'annee n'elant pas indiquee
sur celles de M. Joachim Rousseau. II est evideut, a la siniplu vue,
que I'une a servi de modele a I'autre.
La carte n* 7, de M. E. B. Barnett, parait d'une exactitude incon-
testable et superieure i toutes les autres cartes. 11 est a croire qu«
c'est celle sur laquelle il faut s'en rapporter le plus.
Celle n" 8, de M. Squier, sur une grande e'chelle, presente de grands
developpements et semble aussi d'une plus rigoureuse exactitude que
les autres. Le parcours des sondes y est indique avec de niinutieux
details, et la ligne suivie et marquee tout le long du Heuve demontre
<|ue I'auteur a explore avec soin et exactitude. Tout y est parfaitc-
nient trace; mais il est une importante observation a faire sur le tra-
vail de M. Squier. II est le seul qui ait porle la sortie du flcuve du
lac de Nicaragua a io"> 55', et son embouchure dans I'ocean Ailan-
tique a 10" 58'. Toutes les autres cartes ct rnappemondes poiteot a
t 1° et plus dans le lac; et toutes, egalement, niarquent rendjouchure
dans I'Atlantique gene'ralement plus bas que dans le lac. (Voir le
tableau ci-contre.)
C'est un point a verifier et a determiner dc maniere a ne plus laisser
de doules.
Je crois devoir appeler I'attention des navigateurs, des voyageurs
et des hydrographes sur cette importante question, qui se ratlache
aux etudes du passage des deux oceans par le lac de Nicaragua,
( 570 )
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( 072 )
Expedition sciE>Tii-inrK franqaise IiN Orient. —
L'ne com te letlre, ecrile do Bagdad, 20 avril 1852, par
M. Oppert, jc'une savant alloinand attache a I'expe-
dilion scientifique que le gouverneiiient IVangais a en-
voyee pour coutinuer les d(icouverles comiuencees par
M. Eolla, donne I'ilineralre suivant de I'expedition :
29 deceinbie l85l. . Depart tie Reyrout.
5 Janvier I 852. . . Depart d'Alexandielte, apres une nouvelle qua-
rantaine.
Du 10 au 19 Janvier. SejouraAlep.
25 — Arriv('e h Biredjik , sui I'liupliralo. JJoiivelle
quarantaine.
28 — l'assaf;e de i'Eiiplirato.
29 — Depart de ISiredjik.
1*' fevricr Arrivee a Severek. Arret du hull jmirs par suite
de pluies contimielles.
8 — De'part de Severek.
Dti laau 17 Sejour a Diarbekir.
18 Depart de Diarbekir pour Mossoul, par Mardie,
Nisihie, Gezireli et Omar.
1" mars Arrivee a Mossoul.
Du i" nil "i^ Scjour a Mossoul.
22 Depait [Jour Baf^dad sur des radeaux d'outres.
27 Arrivee a Bagdad.
Plusicurs circonslanccs facheuses sont vciuies arreter
les travaux do rcxpodilion. Le firman du scliah de
Perse .se faisait atlendre; le pays ctait cii ploine r6-
volle; les lehelles mena^aient serieusemenl Bagdad
et assi^geaicnt meme celle de Hillali, desolee par la
famine. Pour comblc dc malheur, la ville dc Babylone
elait inondee par le debordemenl des oaux.
D. L. 11.
( 573 )
VFIUQUE.
Parmi les coiuuuinicalions lailes a la Soci^te geo-
grapliiquc de Londres dans sa seance dii 26 avril der-
nier, il en est deux qui m^ritont de fixer particuliere-
ment I'altention des geographes.
La premiere est relative a I'Afrique auslrale ; la se-
conde concerne I'Afrique occidentale (1).
AFRIQUE AUSTRALE.
M. Francis Gallon, nouvellement arrive descontrees
sud-ouest de I'Afrique, presenle un expose sommaire
de son exploration. 11 a traverse Ics vastes conlrees
qui s'elendent, depuis le point extreme atteint par sir
James Alexander, presque jusqu'a la riviere Nourse ,
au nord; et a Test, jusqu'au 21° degre de longitude, ou
a peu de distance de ce cole du lac N'gami. Les nom-
breuses observations aslronomiques faites par M. Gal-
ton, et dont I'exactitude a ete v^rifiee solgneusement
au bureau hydrographique de I'amiraule, augmenlent
infmimont la valeur de ces explorations.
UnSuedois, M. Anderson, qui accompagnait M. Gal-
ton, est reste en Afrique, et se propose de pen^trer
plus avant dans le pays, dans la direction du nord et
de Test. II pense que deux rivieres sortent du c6l6 oc-
cidental du lac N'gami; que Tune de ces rivieres est
coniparativement peu considerable, uiais que I'autre,
ou la plus seplentrionale, doit elre iniportante et
forme le grand cours d'cau qui borne au sud les eta-
(i) Communique a la Commission cmtrale de la Societe de geo-
fjraphie dans sa seance du .\ juin I 852. I>. L. R.
( 374 )
blissements portugais dans le Beiigucla {Bengnila), et
dont le Ciianen^ est une des branches.
AFRIQUE OCCIDENTALE.
Dans un memoire lu par M. Mac Leod, lieutenant
de la marine royale, eel oflicier ayant propose de re-
naonter le Niger, ct de descendre ensuite, si oela 6tait
pratitaljle, la riviere Gambie, une commission nonimee
par le president, crul devoir, apr6s dc soigneuses in-
vestigations, presenter sur les questions qui lui dtaienl
soumiscs un rapport dont voici a peu pr6s la substauce.
Dans un contrat i-ecemment conclu pour le trans-
port des malles entre I'Angleterre el la cote d'Afrique,
il existe une clause d'apr^s laquelle le contractant de
cc service est tenu d'envoyer un pelit navire a vapcur
a h^lice, pour remonter I'une des rivieres d'Afrique,
dans le double but de faire des decouvertes ct de com-
mercer, sous la condition de n'exiger des passagcrs
que h shillings par mille. Le comile pense que Ton
pourrait combiner la condition imposee dans le conlrat
ci-dessus avec la proposition du lieutenant Ulac-Legd.
Celui-ci a deja servi ])endant sij^ ans sgr la cole pccl-
dentale d'Afrique ; il a etudid avec le plus grand soip
la question , el sa proposition a tie favorablement ac-
cueiljie par les autorilds les pigs respeclableg. M. Mac
Gregor Laird (1) fait observer a co sujet qijc re:i6culipn
de ce plan <5tal)lil qu'il n'y a poinl dc doule que ce plan
pe soit parfailement praticable sous le rapport rq(^ca-
nique. Son contrat avec ramirautd Toblige a faire
choix d'un bon navire, tr^s-bicn equipe, et a I'envoyer
(i) C'eat sans doute le contractant. D. L. B.
{ 575 )
pour remontor I'une des rivieres navigables de la c6le
occidentale cl'Afrique. Ce batiment poiirrait prendre
sur son pont le l;aleau a vapeur en fer propose par le
lieutenant Mac Leod, et qui doit avoir 50 pieds de long,
8 de large, 3 pieds 6 pouces de profondeur, 2 pieds de
tirant d'eau , et une puissance de 8 chevaux, avec une
vitcsse de 8 a 9 milles a riieure. Ce bateau pourrait
elre complelement termine moyennant une depense
de 900 a 950 livres sterling. 11 serait conslruit de telle
sorte que les pieces d'avant et d'arri^re pourraientetre
chargees dans lo compartinient du centre. Les cylin-
dres et la chaudiere seraient renfermes dans une merae
caisse , de maniere a pouvoir etrc facilement embar-
ques sur le bateau lorsqu'il serait mis a I'eau et r6uni
a I'helice.
L'introduction de la quinine et d'autres substances
medicales dans le traitement des fi^vres d'Afrique a
grandeujent diminue la mortalite <!ans ce pays, en
sorle que, dans les rivieres ou Ton va chercher Vhuile
de Palme, et ou la fievre emportait souvent autrefois
lout I'equipage d'un batiment, on n'y perd pas aujourr
d'hui comparativement plus d'bomraes que dans les
Indes oricntales. L'^poque actuclle est particuliere-
ment favorable pour essayer de pen^trer en Afrique
parle Niger. D'apr^s les derniers rapports, il paraitque
la traite a entierement cesse dans les golfes de Benin et
de Biafra. L't^migration d'un grand nombre d'Africains
affrancbis et parlant anglais, de Sierra-Leone, dans
leur pays natal, qui borde le Niger ou qui n'en est pas
eloign^! , comme, par exemple, d'Abeo-ku-ta, doit
exciter fortement a entreprendrc I'exploration ull6-
rieure de ce grand debouclie de I'Afrique. Les natu-
( S76 )
rels ne tarcleraieiil probableinent pas a appr^cicr les
avantagesqu'ils pourraient lirer d'un commerce regu-
lier avec I'Anglcterre; et I'introiluction de I'li^Iice met-
trail les bateaux a vapeur en etat d'etre dirigds, avec
leur provision de charbon et leurs cargalsons, direcle-
ment a reinbouchure du fleuve , ainsi qii'avec leurs
equipages, en bon etat de sanl6, sans avoir et6 allecles
par le climat. Les navigateurs qui ont eu a employer
sur des rivifcres des bateaux a vapeur a I'ond plat con-
naissontlesdirficult^s pratiques qui ont disparu depuis
rintroduclion de la macbine a helice. Le lieu'tenant
Mac Leod propose de remonter la riviere au moment
de la crue des eaux, afin d'echapper aux miasmes qui
s'en exbalenl lorsqu'elle est basse. Le consul Becroft a
deju atteint la ville de Zever, situde a plus de 600 milles
au-dessus de I'emljouchure de la riviere.
La Sociele a d6ja appele I'attention de la Chauibre
de commerce de Mancbester, sur la possibilite d'ou-
vrir des relations commorciales avec I'Afrique cenlrale,
par la voie de Zambese [Zainhe.i) , ct le moment est ar-
rive de remonler nou-seulement le Niger, mais tous
les fleuves de I'Afrique orientale et occidentale.
D. L. R.
( 577 )
.%cle«8 de la Socl^l^.
Proeea-verbaiix ties seances, Oiivrages
oflerfs, etc.
PnisiDENCE DE M. GuiGNIAUT.
Proces-v6rbal de la seance dii h juin 1852.
Le proems -verbal de la dernifere seance est la et
adopts.
M. Eugene de Froberviile envoie au secretaire ge-
neral, avec son billet date de Naples, 24 mai, une note
sur les tribus des negres b^gayeiirs au nord de la
Cafrerie.
M. Benedetto Marzolla annonce dans la lettre qii'il
ecrit de Naples , sous la date du 27 avril, que le pre-
mier envoi des cartes qu'il a fait a la Societe se com-
posait de quarante-quatre au lieu de quaranle-deux
seulement indiqu^es dans le Bulletin. II en transmet
aujourd'hui six auties. (Voir aux Outrages et Cartes
ojferts.)
M. Paul Chaix remercie la Soci6t6 de son admission
comme correspondant Stranger. (Lettre parliculi^re
dat^e de Geneve, 1'' juin. )
Le secretaire de la Societe geograpbique de Londres
adresse le rapport fail a la r(!!union annuelle du ik mai
dernier, par le conseil de cette Societe sur son elat
int^rieur, etc. Le secretaire g^ric^ral de la Commission
cenlrale fait remarquer que, parmi les correspondanis
( 578 )
recemmenl nommi-s [^ar la Socit'-lo gi^ogrnpliique ilo
Loudres, liguie Isl. ie prince Eiuiunniiel (Kililzin, quo
la Societe de geograpliie a i'liouneur dc coiupler de-
puis louglomps au noiiibre de ses uieuibres corres-
poudanb etranyeis.
M. Joniard couiuiunique une lettre ecrile de Con-
slauliuople le 15 mai dernier par M. Vattier de Bour-
vilie, drogman de la legation Irangaise, relative a uno
recente decouverte qudii vicnt de I'aire a Sehouff,
quatre iarsak de Schuster, sud de la Perse. Ce sunt des
constructions imiucases des colounes uionolilliei. en
marbre dune hauteur Considerable dont les chaj)i-
teaux sont ornes de letes d'animaux; dies sont au
nonibre de trente-tix : non loin de la sont Ireule-six
aulres piedestaux. Quelques-unes de ces colonnes soni
couverles d'iuscriptions syriennes et chaldeennes. On
a Irouve aussi quantite de luedailies couiiques, dont
I'une est de I'annee 105 de I'hegire ( ). ties
details sont tires de la gazelle persane du 2 redget I'itJS
(21 avril 1852).
Le secretaire gen^i'ai donne lecture de la lisle ties
ouvrages oliels.
M. le general Auvray el Al. le docleur Boudin sont
noninies uiembrcs de la Societe sur la presentation de
MM. Guigniaut et Joniard.
M. de la Koqueltc Tail connailre i la Commission
cenlrale deux communications taltes a la Soci^te geo-
graphiquc de Londres, dans sa stance du 26 avril, la
premiere relative a une exploration de M. Francis
Gallon dans la partie sud-ouesl de lAlrique, el la se-
conde a uu projet concu par M. Mac Leoii, olhcier de
la marine royale, de renionter le iNiger et de descendre
( 579 )
ensuite la Gainbie si cela est praticable. Renvoi au
coinit^ du Bulletin. ( Voir ce Bulletin, p. 57Zi.)
M. Cottarnbert lit un rapport sur I'ouvrage de
Mgr Mislin, intitule : Les saints lienx. P^leriiiage ti H^
rusalem, publie a Paris en 1851. Renvoi au comity dli
Bulletin. (Voir ce Bulletin, ]). 5oO.)
M. Anloine d'Abbadie demande, a I'occasion des
crues du Nil, s'il ne serait pas possible d'obtenir dil
gduverntnnent egyplien la publication des observa-
tions de nilometrc qui ont pu etre faites jusqu'a ce
jour, et il prie M. Jomard de vouloir bien iaire a ce
sujet quelques demarches auprds du gouvernement
egyplien.
Proces-verhal de la seance du IS juin 1852.
Le proces -verbal de la derniere seance est lu et
adopte.
M. le major Fridolino Giordano reraercie laSociete,
par sa lettre dalee de Maples, Zi juin 1852, de I'avoir
admis au nombre de ses membres, et fait horamage
des nouvelles cartes. ( Voir aux Oui^rages offerts.)
M. de la Roquette communique a la Commission
I'extrait d'une lettre que M. Oppert, jeune savant
attache a la mission Irangaise en Orient , ecrit de
Bagdad , sous la date du 20 avril dernier, el qui con-
tient, outre I'itineraire de I'expdidition depuis Beyrouth,
quelques informations sur les Iravaux de la mission.
MM. les membres du bureau de I'inslilut historique
adressent a la Soci^le plusieurs lettres d'invitation
pour assister a la seance annuelle de cette compagnie.
Le secretaire general donne lecture de la lisle des
ouvrages olTerls.
( 68.i) )
M. Gabriel Lafoml, consul p^niiral de la r^piihlique
do Nicarap.ua, atlresse do Piiris, avpc sa ietlre du
16 juin, des Notes sur les Inlitudos et les longitudes
(lonnees par les diflereutcsjCiuleLS.connuesAla. source
et a rembouchure de la riviere Saint -Jean de Nica-
ragua. (Renvojl6 au comit6 du BuUetin.)
M. Thomassy entrelieul la Coinmission des ricliesses
g^ographiques que renf'erment les galeries du Vatican.
U est p.vie de remettre une note d^taill^e au comite du
UulleUn. ,,u j .,<!iy*) J ,r?3i ,, r.xinfv-^H
M. Sanis, prdfesS6ui* d&^^o^aphie au college Louis-
le-Graiid, est elu uieujbre de la Soci^t^ sur la presen-
tation dp. MM. Guisniaul et Joiuard.
mJibsM sit-
.»o.
,%dhia9'^ c ^01
.illr;,'.
''iA^^.z.■ A
(tC-JSi
,IU« liki
( 581 )
OUVRAGES OFFERTS
DINS LES Sl^ANCES DES A ET 18 JUIN 1852.
TITRES.
EUROPg.
CIBTES.
Provincia di Noto. Napoli, i852. i feuille.
Provincia di Calabria citeriore. JSapoli, i85i.
I feuille.
Provincia di Messina. Napoli, i85i. I fenille.
Provincia di Rasilicata. Napoli, i85i. i feuille.
Provincia di Calania. Napoli, i85i. I feuille.
Carta topojjrahca ed idrofjrafica dei contorni di
Napoli, 12 fenilles.
Carta redotia del mare Mediterraneo. Napoli,
1845. 3feuilles.
ASIE.
OUVRAGES.
Voyage dans I'archipel Indien, par M. V. Fonta-
nier. 1 vol. in-8° de 820 pages. Paris, i852.
AMliRIQDE.
OUVnAGES.
A series of charts with sailing directions, embra-
cing surveys of tbeFarallones... State of Cali-
fornia, by Cadwaladei- Ringffold, commander.
Broch. in-4° de 44 papes. Washington, i85i.
Statistics of American railroads... ( Statistique
des chemins de fer ame'ricains, par J. C. G.
Kennedy, du bureau de reccnsement des Etats-
Unis. Broch. in-8° de 6 pages. Washinptou,
i85i.)
CARTES.
General chart embracing surveys of the Faral-
loncs entrance, to the bay of San-Fraucisco,
UONATEURS.
MM.
MarzoIIa.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Bureau topo{»raph.
de Naples.
Idem.
V. Fontaoier.
111. JUIN. 5.
39
( 582 )
.enuaTAWoci
TITRES.
.eaari
•I'M i .
hays of San-FiaAiusco and ban
ofGa^rtines an4 Siiisun loy, ;
P.il)lo strailf!,
.Tiui die. Sacra-
inenlo anil .Snn-JoaqUm rivets- to l\\v i.iU«s ut
Sacramc-iiio anil iSaii-Joatiniii (Cilifornia), by,
Cailwalailer Ringiotd^eoiumaiHleiv V.iSjlKavy,
l85o. J
Chart of the Farallines and entrance to llie bay
of San-Fran(i=co' (California), by Cadwalailer
Miii(;{;olil, i85o.
Chan (if the hay of San-Pablo straiis of Cat- -
.|Uines and (iart of ibo bay of San-Fraii-
t i<<o (Califoinia|, l)y Cadvvalader Hinycold,
■^"iS^iaf^r^" '- -^ 1"^^ i;>.,.- ■,.<■ ■■ .-.■ --^ ^ ■
Chart of Sttisiin and Vidlejo hays with thi^ con-
Huenix of the rivers SacriiiaeDlo and ^fan-
Joaciuin (Cdifoniia), by Cadwalader lUngyol.l,
iSSo. ■"■ |--."o ■ •■ .^:-::..
Chart of the Sacramento river from SuinMi ti'y
lo the American rivi r California, by Cudw.i-
huler, l85o.
Nuova California. Napoli, i85i. i feuille.
MELANGES.
MtMOlBKS DES SOClETlis SAVAKTES ET JOIIINAIX.
Franca is.
Archives ties missions scicntitiiines el iiili laiies.
9*^ ct lo" cahiers. Septeinbre el octoiirc i 8 "j i .
I'aris, i852.
Nouvelles annales des \oyages. Avrii el m.ii
l852.
Jonrnal des missions evau{^oliques. Mai i852.
Journal d'l'ducaiion |)o|iulaire. Miii 1 852,
Hevui- do l'Oricnt,de rAl(',tric H dts colonies.
Mai l852.
r.evue oiienlale et al{;erienne, t. II. Mai iG.''>2.
I'aris.
Annales du commerce i.xleritur, n" 57G a r)83.
Mars I 852.
L'hivihliiV'lenr, journal <\c I'lnstitnt histori(|iie
Avrill852.
DONATKUnS.
MM.
in «iip3(lioi((lifT
11.1)?. ?,9f) 20virfoiA
'Mil — 101/ jr.l,
iiil 9iip4il)nil(lit{
Maizolla.
Ministere
de rinsirut'lion
publii|tie.
Les edileui s.
hlem.
Iileni.
Idem.
Idem.
Minislere
de I'interieur.
Le.s edileurs.
|E§M
■,K^"'A !
ITITRES.
:&iiii'-_ I
DONATEURS.
{ Suisses.
rf. T
! iC'iT ■
<<[.?• hctr, o'Mii'j
niI)liollie()Me universelle de Geneve.Ycd au^uiii , irir. ^swl Chai3ff„
Airhivcs lies scienres pliysiqive»'e63nnJu««l}3M«i L-rrch imi; oJria.'H
Janvier — nini iSfn. ■ ••■' 'i^bOj riitip/;oL-in;f
l!il)li()tlirc|iie universelle tl^Gene%fe. Janvier—
iiuii 1862.
. ,;flj iuU i)2 SI3(lCiin9 bur, itlJi I
U06 olrismEioeg
.028 J
J.'fiifi'-I sHj lo nsfO
i'l biiB a-jrtixip
Soc geographique
Gouvern«;i9e*jt
.o»"",8a ,'!9[)f.(
'qeW .fiirtioii/uC) ufouK
The seareli for Franklin .. by Anj^uslus Peter-
tnann. London i85a. Brooh. in»8f de 24 P^ges
et I cai te.
Report of the conneil... ( Rapport du conseil de
la Societe {i[eoj*raphique <le Londres sur I'etat
de cette Socie'le, hi a la reunion anuuclle du
24 mai i85a).
Observations made at the magnetical and meteo-
rological observatory. Vol. II. London, i85a.
I vol. in-4°. -
MM.
8WJainiM
f(oit'iff?li'f«('( h'
•Jiiobl
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-•IU'9jib?l «9j
li.fH J a
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■ ' ■''•itqa^ .etsiilso »oi( f3 JQ
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,)(jG/» anoigKinit gob iBmaot
. • 'ufioq noijeai/bn'b iBniool
.«9inoio3 aafa Ja snaglA'l ab ^jriai^O'l ah aovaa
ia • Tjr Tf . , . '=^^' '"*
•scdi icM .n .1 ,3ftH3.iagt6 is affjnano 90,9;!
.£82 G O^a •"« ,-«U9ii:jJjt9 aa-ismftfoa wb aalsmiA
. ■ . ■■ .£28i gisM
l.-^opiioJaid u,Jn!>nVl ob fnn-.iioi ,i"a";.'}H<i''nrj
( 58/1 )
TABLE DES MATIERES
DANS LE TOME III DE LA W SERIE.
seat jjavft e !?^T ^- ^'^^' >
(Janvier a juin i852.)
lual'Wlih
MEMOIHES, NOTICES, DOCUMENTS OUIGINAI'X, ETC.
Dc la disposition geographique Jes lieuxsurlasurfacedufiTobe
et de son influence sur rhisioire de I'liumauile , par Charles
Ritten .li jra) ,^sii4i!wi;'K • • • ^
Expedition dans I'Afrique centralc, traduit (Ic I'anylais par M. de
la Roquettc — Suite 21 146
Voyage de dom Igoace Knobleclier sur Ic liaut flenve Blanc. —
Communique par M. Jomard. — OUservations de M. Anloine
d'Abbadie ^4
Sur la topoyiaphie des glaciers de la rliaine dcs Alpts — Com-
munication faiie a la Societc de geographic par M. Ad. Scbla-
6'nlweit ..,j^ .,. ^
Sur Ic3 bommes a (jueue. — Introduclion par M. de la Roquelte.
Notes de MM. de Paravey elAntoiiie d'Abbadie. ..... 3i
Routes par bateaux a vapeur, etablies, proposees, et en projet
dans I'ocean Indien , Iraduit de I'anglais par ISI. de la Ro-
38
quelle
De I'Exploralion du Mississipi, el en partirulierde la deconvcrle
des sources de ce fleuve,d'apies M.ll. Schoolcrati, pa. M. dc
laRoquette "'^
Voyages des doctcurs Krapf et Rebmami dans I'Afrique orien-
tale^parMM.de la Roquelteet Anloine d'Abbadie I 3;
Expedition dans I'Afrique centrale, deBftl. les docleiirs B.irih
et 0,VF*v?C' '"'^"" '^^ ranglaispar'M. dela'Roquetie. —
Suite. '. . . . ■ ■ •■"■''■ ■ ■ ■ ■■ ■ ■ ■ '''^
Apercu d'un voyage dans le nord de la Rolivie et dans les par-
ties voisines duPerou, par M. Weddeli aoi
.(MP)
Les Oasis du Sahara al{^''iiin,,4)ar^X.jy_^;^^A^Mjj^tej}iun. ; . .. . 326
Place de la Gcoj^injiiiie dans la classificalion des coniiaissaiices
hmnainps, par M. Coi laiiiijcrt i- , ^i-f. n- . .,., . . 239
Lellre tie M. Ant. <i Aliliadie an secittairc jjciicral de la Soc'n lit
de {jeojfiaphie au sujet de I'arlicle precedent aJJG
Sur la nation des Cherokees, Iraduit de i'anglais par M. de la
r> f 'T <■? T ^ ' "y ?J1' f"\ 'i' ' • t 'y <'-- I ■ i ,
lioqwette .-i v^^. ,' .' -t .- t '.■.•. i . »;.„', .■ . ,: * 'S49
ASSEMBLES cIlSfellAL^'DU 2 AVP.IL 1852
Discours prononce par M. le contreramiral Matliieu, direcieur
{jeneral du depot de la marine, president de la Socielg ., J . . 3u5
Rajiport jur le concours pour le prix annuel (voyajjes de 1849)5
par M. Jomard, rapporteur i^obg flQui2«fjl*iij bI ^>)7
Notice nc'crologique sur M. Du Bois de Montperreux, corres-
pondant perpetucl de la Sociele de geographie, par M, d? la ,
Eonuette, secretaire general de la Conimission eentrale. . i,'> ,3ill
Nouvelles du liaut fleuve Blanc, couimuuiquees par M. Antoiiie.,1
d'ALbadie. . . ."'i \'''i''.^l 'i'"^. >i"'i:>^li4'-iij<i a^isuyi £rjaJ>9iia-.;<.yr34o
Sur les ncgres Yambo ( AMtpie), par M. Anioi'iie d'Abbadie . , :. 335
(Pour les auties coninuiiiications taites ;\ las-endjlue geue- ,
rale, voir la note page SSy.) ,i,'5oqoj sA -,f,^
MiimoinES, notices, cocuhents originaux, etc.
Notes sur un voyage dans Tintericur de l'Afri(|uc, parTM. IIic- ''
_^ . , , . '-■ ■■ -■•i'iiitji.i c' - ' rty-
quai t, orticicr de spahis ,. ''■'7
Note sur la route du Darfour, par M. Antoine d'ALbadie . . . . 3S6
Lettrc de M. Rollc an consul d'Autriclie du Sennar, comniuni-
quee par M. Vaudty, consul de Sardaigne au Sennar, et ex-
traite d'une lettre de M d'Arnaud a M. Jomard 388
Reinarques sur le document qui precede, par M. Jornaid. . . . 3yo
Notes sur les Va-Nf;\ndo ( Afritiue orientale) , par M. Eugi'-ne de
Eroberville /[iS
Notices sur ies voyages autour du niondedcs navlgaleurs russcs,
par M. Ic prince Emmanuel Galitzin, corrcspondant de la So-
ciete degeograpliie (premiere partie; . i . ........ A ^f\^
Lettre tlu docteur Krapf sur son cNploralion de rAlVr'qne oHcn-
tale, iraduite de I'anjdais par M. de la Rofiuelte. . ., . .- '.'". ASl
Tribus de negrcb bc'gayrurs au uciid,;Lle^!^^^afijjii^ j^c^M^de^^
i'-i
( 5^6 )
Fiohervill" •••tiHj litya QC.iil ,1411617
He tie Hiii-n3n-<aii<S($mWui('ri«iWe'jJ3ivMfilo'la RA^iieitevoa slk'vifaij
^NAL^-^iiiS, EXt'tlMTS oVtlX'rt AC^tS , Mirr.ANCES'; Etc;!"^
. ' ■ ■ . ■ - . - . - . .'..!.,, ..X.' M
l.f Cii<li et les Aiaucnns. pnrrM. Edinoud il^Giiioux.exlr^iit par
M. Sgdillot... .,.,, f-. J ... .,-.,..,... Si tia
./ , . '.....iKjul iltijA ,A .!/■ sL al/.ijiiu;; 'j:i,.((;tjuj;! 'j1i • *
Dainns, ses lialiiiaiits, et ses eiivirims. — Exirnit <lii voyanf; ea
Syriede.M. )e romte Charts Je JParJieu, par Si. tie la Ro-
Yoyage de la Bajonnalse sur les rotes (leCliincet (Inns 1p Grant!
Ocean, par M. Juricn de la Graviere, oapilaiiie de vaifseau,
extrait par M. Danssy. 80
Sur remigratioTi <le« fennnie'rs'lirtllA'n<?ai>,'!t)ii £o«^, «]« In caa^oi'i'-A
loiiie anglaisfi du».c.aj» 'de BfWne-^E.spt'ranoe. ^— Extrait pap~''
M. Daossy. l'^^'? i-*""."'! >i K'-i'-:' .''. 82
Note sxir un panorama du canal propose? pour In jonction de 1
i'oc^an Atlanliipie cl de la nier Pacifi(|ne, ])ar M. Stpiier, tra-
diiit par M. de la Rnqnette 85
Compte rendn snr I'envoi de graine.f de la Cltiiif*, fnil par
M. deMontigny, consul de France a Shank-Hai, par M. Jo-
inarctj-.''l'*^"?-V. Vi';--^'.' »-i.'=?itj»T.i<.ri'C.oj ; «lui-> ■■..! 88
Voyage dans le sud de la Bolivio, par M. H. A. Weddell, an--
cien voyageuj^natiiraliste d« Mu.seuiu d'histuire naturelle. — ^lul
Compte rendu par M. de la Roquetle . idy
Notice stu* les noirs de la cote de Kroo (Krou) (Afrique occiden— .aiiA
tale), ]iar M. Connelly, inl.ssionnaire americaii). — Commu-
nique'par M. d« la Roquette 17.S
Note sur le Maroc. — Communique par M. de la Roquelte. . l8<>
Considerations snr la fjeograpliie Lotanique et physique de lapur-iA.
Russie Sep ten Irion ale, p.Tr M. Alfred Maury.' (Premier article). 'if.'iG
Dcs chaines dts hauteurs dont est s'llonne le sol Rnlandais ct
des divie'ts systemcs d'eaux auxquels clle.s donnent nai^sance, f
par M. Je prince l'"mmn««el Galit7iiwi>. :jJ''JJOci ti.t. islj.c'l aau^Q?
I,e Ouadfiy. Rapport .sur le voyn(i;e du elieykli'Mbliaihined-Ibiiriii/ <
Omar el-Tounsy, p.Tr M. R. TlioMKi.s.«y , . . . ..u^j^ji
Le* Ciri*f Jiofts dc la Cliinciouvcrie nu t>ommcit;p e'traiigcr, tia>)ijili
^"duitde l'an{;lai$ par M. do la Hoqucttc . . . .-Jli-xufiCkli.iil uL 'J{^?>
Disi.'ourx prfinoiire' p.-ip(yi'.'Jntn.trd »ux obstirjuiwido-Mi' HValrJip, ,./• .
{ m. )
nacr, le 2g avril i852. -..fjliv-fgf;, 4*)^
Nouvelle note Ae M; <le' PUraicy snr les ISi.im Niains. , ,. rt,V\ •; > 50ji
Rapport siu- le vavafie aui Suiuts Lieux de ftlgr MisUn. par
M. Cortambert . . 53o
^ . ■' "i^'.'V .Uf'-'iiO v') hqon\h'i\ ,M,7rq. ^-ir.-iKf. lA }:■! Jo iii;!3 •>, !
Compte rendu tie deux atlas cTassiques de {jfeftgrapTiie physique
et de geographic generale de RT. A. KeilL Johnstoiij pa'f' '
M. Sedillot . . • / 565
-, '•■ ' j.-cc'^' '''•'! r ii.iifjisTi ')lj E4)Jit:i{;) siiiSQ-) si .linnU ."^.liy'i
Notes surles ditterenceS existant dan.s diverses cartes del Ame- i
lique centrale sur Fes latitudes de la' riviere 'de Sa'n-Jba'ii de ''
-,. •...; .' J .; i^i Y ' i. J tiajfi.'.) oUs-jJaT f ai ■!.;:; "vsi,;! no to^ i>\ ab 3;it»Bj/
JSicaragua, par le capitaine GaDrierLatoiid . . .\ " S08
;••■::■':'' : 111 .Ifi tea f aBh^O
NOtVELLES OEOUllAPinOUES^ ,,
EiiRoPG. — Supeiiicie e;t populatiuii de la ISorvegft, A'?li*5^ite'i -suS
dernier receiisemeiH, au 3l dece^brc l845, 94; T^Jf|<?fift"5f.,io!
igverte d'uii aiicien itineraire de Gades h Itoaie, commuijic^upj m
par M. Joiiiard, 280; — Divisions adiiiiiiislrativcs et popiila-- gjofS
tion dii royauuiL- de Grece, 282; — SupeiHcie et populaiiyrt ,(,'J
■ri^du Uoyauine-Uuide laGraude liretagueelde rirlai}de,d'api(es juf,
le dernier recensement officiel, 407 ; — Su|)erficjedu rpylajunM^q^^Q^
de Belgique,d'apres M. le docteur Jules Carlier, et sa popnia- }■/[
tion au 3j dei:eii)ljie i8jo,d'apios le dernier iecenseinertt,s/ij
oi'liciel, 5o2; — Division administrative, superficie et p<>pUr^^gyg,Y'
lation du royauuie des Deux-Siciles. — Communiqu^ ,pi»r j.j,^
ycM. Benedetto Marzolla ; nn^nfi-r'sfiniiiii^O
AsiE. — Le Panjaub, ou pays des Sihks, 1 84 ; — lies pret-endi^S;,Tii;,^<i
decouveries enire le Japoii el les ilcs Lieou-Kieou , 5o4 ; pr^-,;r,;i
Itine'raire de la commission scieniiHepie envoyee en OiieriJtifnin
par le gouvernetnent francais. .;M;i.!i*r,.o«.*— . T(y?f«i« sj niK al^JI
Ai'iiiQCR. — Monuments decouveits par-M. Marietle , gG j ,.TT7;,ig„o^
Nouvelles de M. 'I'heopliile Lel'ebvre, lieutenant de vaisseaMt.-oi|'
1 86; — Nouvelles .decouveries faites dans I'Afrique central<;!,j^ e-jf?
par MM. Livingston el Cotton Oswell, 282 ; — Coniniuniia> .ji>
lions I'aites a la Sofiete de geograpbie <le Londies sur les ;,;(.
exploitations de M. Fr.Tncis Gallon d.ins I'Afiique australe,:,Q 3J
et sur une pro|iosiliun du lienti-nirnt M'' Leudpourund e$per;niO
dilion dans r.M'rique oceident.ile, iraiUiit de i Anglai$,'|M|ii3 ;,3,|
M. lie la Ko(iuelle ...,...; .f^iioSyS
AMtr.iQUE. — Di\isions admiuisti'ali.v-e.s el pupitlatiou du CUili,, , ,;,ii7
( 588 )
97 ; — Divisions administrativrs et population ilu terriloire
d'Utah ( EtaLs-Uiiis), i85; — Population des principalcs
villes des litats-Unis, d'apres les difft'rents recensements offi-
ciels, avec leur latitude el leur longitude, 186; — Latitude et
longitude de quelques localites des Etats-Unis et du Mexi(|ue,
190; — Nouvelle Societe geo^jraphique et statistique fondee
a New-York ( Klats-Uuis) 5o5
ACTES DE LV SOCIETE.
ComptR rendu des recettes et des dt'penses effectuees pendant
Tannce l85l par la Socirte' de geojjraphie 584
Rapport sur la veriticalion des comptes des recettes et des de-
penses de la Societe de geograpliie pendant I'annee i85i,
par M. le baron de Briinont, president de la section de comp-
tahilite 28G
Budget des receties ct des depenses de la Societe de geographic
pendant I'annee 1 852 296
Mouvement des cotisations une fois payees et des placements
decapitaux 2<}8
Proces-verbaux des seances de la Commission centraie, 102,
'905 2991 4' 5, 5oG 577
Proces-verbal de rassemhiee generale du 2 avril i852 4'^
Ouvrages offerts a la Socie'te, 1 10, 197, 3o3, 4 '8, 5i3 58 1
Errata Si 6
Table des matieres 584
CARTES.
Carte routiere des paquebots a vapeur a travers I'archipel Indien. 38
Carte des sources du Mississipi ii3
Csrte du nord de la Bolivie ct des parties voisines du Perou. . 201
Esqnisse du liant fleuve Ul.inc 3^0
Croquis d'une pnrtie de I'Afrique ocridentale 357
Esquisse des pays situes cntre les fleuvesde Luvuma et deLufizi
(Afrique orientate), d'apres les relations des indigenes; par
M. Eugene dfi Froherviiie (He de Friince, 1847) 4'5
Tableau synoptiijue indiqiiant la parentc analyiique des Un-
gues de I'Afrique meridionale, par M. Eugene de Froberville. 4*5
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