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M. Louis Coulon, Neuchâtel.
SOCIÉTÉ DES SCIENCES NATURELLES
DE NEUCHATEL,
. 1844—45—46,
Tome premier.
ê NEUCHATEL ,
e IMPRIMERIE DE HENRI WOLFRATH. ”
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BULLETIN
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SOCIÉTÉ DE SCIENCES MU | LV
DE NAUCHAME,
TOME I. -
NEUCHATEL.,
IMPRIMERIE DE HENRI WOLFRATH.
1847.
AVANT-PROPOS.
En publiant des Bulletins de ses séances, la So-
ciété s’est proposé un double but, 1° de tenir au cou-
rant de ses principaux travaux ceux de ses membres
qui sont empêchés d’assister à toutes ses séances ;
2° d'offrir un moyen de prompte publicité aux obser-
vations qui sont de nature à intéresser le public scien-
tifique tout en entier.
Elle se flatte en même temps que ces résumés des
principales questions qui ont été agitées dans ses
réunions , tant à Neuchâtel qu’à la Chaux-de-Fonds,
obtiendra les suffrages de ceux qui, sans prendre
une part active aux investigations de détail, encou-
ragent tous les efforts qui ont pour but la recherche
de la vérité, et que ces feuilles contribueront ainsi à
répandre toujours plus le goût des sciences dans le
public neuchâtelois.
Le Président ,
Louis COULON fils.
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2
BULLETIN
DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES NATURELLES
DS NEUTCEATER,
Séance du 8 novembre 18453.
Présidence de M. L. Coulon.
M. Agassiz fait part des mesures qu'il a fait exécuter pendant
le courant de l'été au glacier inférieur de l'Aar, pour consta-
ter le mouvement du glacier. Ces mesures ont été faites à deux
époques différentes ; une première fois vers la fin de juin etune
seconde fois vers la fin d'août , afin de faire connaître , outre
la somme du mouvement annuel, le mouvement proportionnel
des différentes époques, ou en d’autres termes les accélérations
et les ralentissemens du mouvement selon les saisons. M. Agas-
siz avait fixé pour les premières mesures le moment où les
neiges auraient suffisamment baissé pour permettre de recon-
naître les principaux signaux du réseau trigonométrique.
Cette époque a été très-tardive cette année ; MM. Wild et Desor
qui s'étaient chargés de cette opération , n’ont pu se mettre
en route que vers la fin de juin, et encore n'ont-ils pu me-
surer que les blocs de la moraine médiane qui sont le plus
en vue. Voici les chiffres du mouvement de ces différens blocs
1
ENT NC LES
tels qu'ils se succèdent de haut en bas, à des distances assez
uniformes ( à-peu-près de quart de lieue en quart de lieue},
depuis l'Hôtel-des-Neuchâtelois jusqu’à l'extrémité du glacier.
N° 2. 169! 2. ()
5. Frs
8. 1411 3.
10. 150! 1.
11. 133! 1.
14. 83! 7.
18. 58! 3.
Il résulte de ce tableau que le N° 5 a marché le plus vite
et que les N°$ suivans ont cheminé dans une proportion dé-
croissante , si bien que le N° 18 qui se trouve près de l’ex-
trémité du glacier, n’a fait que le tiers du même chemin. Or
le N° 5, auquel correspond le maximum du mouvement, est
un grand bloc de granit, situé à 2,000’ en aval du N° 2,
qui est l’'Hôtel-des-Neuchâtelois. D’après cela , le maximum
du mouvement se trouve à-peu-près à une distance de 6000
de l'endroit où les deux branches du glacier, le Lauter-Aar
et le Finster-Aar, se réunissent au pied de l'Abschwung,
pour former le glacier inférieur de l'Aar. C'est sans doute à
cette confluence de deux branches aussi considérables dans
un lit moins large que celui de chacune de ces branches
prise isolément, qu’il faut attribuer l'accélération du N° 5.
Chaque bloc a en outre éprouvé un déplacement latéral plus
(*) Les mesures sont en pieds suisses, de trois décimètres.
PART SR
ou moins notable, qui est le résultat de la forme même de
la vallée.
Les secondes mesures donnent les chiffres suivans, pour
la marche du glacier, depuis le 20 juin jusqu’au 16 août
(57 jours ).
N°2. 50! 2.
2. o4! 8.
8. 47! 9.
10. 47! 1.
11. 39 0.
14. 25! 5.
18. 18" 3.
Ce tableau indique une progression tout-à-fait semblable
à celle du tableau précédent. Ici aussi le N° 5 a cheminé le
plus rapidement, tandis que la marche des autres a été de
plus en plus ralentie. Il faut remarquer, en outre, que le mou-
vement a été proportionnellement beaucoup plus considé-
rable pendant ces 57 jours que pendant les 289 jours qui
se sont écoulés depuis le # septembre 1842 , jusqu'au 20
juin 1843 ; car si la proportion avait été la même pendant
toute l’année , le mouvement annuel aurait dû être de près
d'un tiers plus considérable.
On peut dés-lors conclure de ces données, 1° que le gla-
cier, contrairement à ce que prétendent certains physiciens ,
avance beaucoup plus rapidement dans les régions supé-
rieures que dans les régions inférieures, et 2° que ie mou-
vement est beaucoup plus accéléré en été qu’en hiver.
— UN
Cette communication est accompagnée de dessins gra-
phiques.
M. Agassiz rapporte ensuite les expériences qu'il a faites
pour connaître l'influence de l'inclinaison du sol sur le mou-
vement de la glace. Ces expériences lui ont été suggérées
par la communication d'expériences semblables faites par
M. Hopkins, pendant l'hiver précédent. M. Hopkins, de Cam-
bridge , avait réuni des fragmens de glace dans des caisses
défoncées , de manière à ce que la glace débordât les bords
de la caisse ; les ayant placées sur des surfaces diversement
inclinées, il avait constaté un mouvement continu et très-sen-
sible sur des pentes très-faibles (jusqu’à 1°). M. Hopkins
s’autorisant de cette expérience, en avait conclu que les gla-
ciers dégagés de leur adhérence avec le sol par l'effet de la
chaleur propre de la terre, devaient pouvoir cheminer de la
même manière, et il avait fait valoir cette expérience à l’ap-
pui de la théorie du glissement. M. Agassiz a répété ces ex-
périences au glacier de l’Aar; mais au lieu de se servir de
fragmens de glace, il détacha du glacier des blocs de glace
d’une seule pièce, du poids de cinquante à cent livres. Ces
blocs de glace placés sur des dalles de granit et des surfaces
gazonnées d’une inclinaison variable, subirent effectivement
un déplacement très-appréciable et uniforme, pendant les
premières heures. Mais au bout de quelque temps le mou-
vement cessa complètement, et le fond continuait à fondre
sans déterminer aucune progression. M. Agassiz conclut de
cette expérience que le mouvement qu'on aperçoit pendant
les premières heures, ne dure qu'aussi long-temps que la
OR
surface inférieure qui repose sur le plan incliné, présente
quelques aspérités ; mais il pense que dès que la glace s’est
moulée par suite de la fonte , sur la surface qu’elle recouvre,
le mouvement doit cesser. Or, comme M. Hopkins opérait
avec des fragmens de glace qui devaient nécessairement se
déplacer par l'effet de la fonte, il est naturel que ce déplace-
ment continuel devait empêcher la masse entière de prendre
son assiette, et par conséquent permettre un mouvement plus
prolongé. Mais comme le glacier n’est point une masse in-
cohérente , il en conclut que l'expérience de M. Hopkins ne
saurait être un argument en faveur du glissement. Du reste
la quantité de glace qui devrait fondre pour déterminer de
cette manière un avancement du glacier égal au mouvement
annuel qu'on lui connaît , serait telle que le glacier tout en-
tier aurait disparu en peu d'années ; car dans toutes les ex—
périences faites par M. Agassiz, l'épaisseur de la couche fon-
due à la face inférieure des blocs de glace qu’il observait,
excédait la longueur du chemin qu'ils avaient parcouru.
Une discussion s'engage sur ce sujet entre plusieurs mem-
bres de la société.
M. Guyot fait remarquer que la progression qui résulte de
l'expérience de M. Agassiz, ne peut point être envisagée
comme un glissement, puisqu'un glissement suppose toujours
une accélération proportionnelle ; il envisage plutôt comme
une chüte dans la perpendiculaire sur un plan incliné, chûte
qui résulte de la disparition successive de la couche infé-
rieure par l'effet de la fonte.
M. Desor rend compte d’une course qu'il a faite dans les
=. 4 =
régions supérieures du glacier de Rosenlaui, pour y recon-
naître de quelle manière le glacier de Rosenlaui se lie à ce-
lui de Gauli. Il a remonté le glacier de Rosenlaui jusqu’au
col d'Urbach où se trouve la limite entre le gneiss et le cal-
caire. Remontant de là l’arête du Tosenhorn, il s’est élevé
jusqu’au sommet de ce pic dont la hauteur est d'environ
11,000 pieds. De ce point élevé on domine un vaste névé,
qui des flancs des Wetterhôürner descend au Nord et se
déverse d’une part dans le glacier de Rosenlaui , et de l’autre
dans celui de Renfer. Le Wetterhorn qui, vu de la plaine,
se présente comme une large pyramide, est composé de
quatre cimes orientées du N. O. au S. E. et dont la première
ou la plus occidentale, qui domine la grande Scheideck, est
la moins élevée. C’est entre la première et la seconde que
passe la limite du calcaire. Le Tosenhorn qui s'élève comme
une île au milieu de cette mer de glace, ne communique pas
avec l’arête du Renferhorn et du Hangendhorn, qu'on voit
depuis Im-Grund, bien qu'il forme la séparation entre le gla-
cier de Rosenlaui de celui de Renfer. C’est une arête pres-
que tranchante, composée de gneiss qui se délite en larges
dalles. Au milieu du gneiss se trouve, près du sommet, un lit
de calcaire d’une épaisseur de quelques pieds, qui est trans-
formé en marbre blanc, et qui paraît être le dernier prolon-
gement des couches calcaires de même nature qu'on voit sur
les flancs de la vallée d'Urbach. M. Desor pense que cette al-
tération du banc de calcaire ne peut guère s'expliquer que
par l’action de la roche cristalline dans laquelle il est en
fermé ; mais il ne s'ensuit pas que partout où le gneiss est
CET Te
en contact avec le calcaire, ce dernier doive nécessairement
être altéré; car il a vu tout prés de là, dans le prolonge-
ment de la même arête , un endroit où le calcaire repose en
stratification concordante sur le gneiss , sans qu’il y ait trace
d’altération au point de contact. On ne rencontre pas de ro-
ches polies, dans ces régions ; elles ne reparaissent que dans
le voisinage des premiers chalets sur le revers du Gestelli-
horn du côté d’'Urbach.
À. Guyor, secrétaire.
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No 2.
7
BULLETIN
DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES NATURELLES
DE NEVCEISTER.
Séance du 23 novembre 1843.
Présidence de M. L. Coulon.
M. Guyot expose à la société le résultat de ses recherches
pendant l'été dernier sur la dispersion du terrain erratique
alpin entre les Alpes et le Jura. Il rappelle qu'après avoir
déterminé, dans les années précédentes, les limites respectives
des bassins erratiques de la Linth, de la Reuss et de l'Aar,
et celles du bassin du Valais le long du Jura, jusqu’à la Perte
du Rhône (), il lui restait encore à explorer la ligne de contact
de ce dernier bassin avec celui de l’Arve , et à poursuivre l’un
et l’autre jusqu'aux limites extrêmes de leur extension hori-
zontale.
Ce problème paraissait d'autant plus intéressant à résoudre
que M. Guyot avait trouvé les blocs valaisans , que l’on avait
cru atteindre la plaine près de Nyon, répandus en grand
nombre au-delà du fort de l'Ecluse, jusqu'à une hauteur
(*) Voir le Compte-Rendu des séances de la Société Helvétique des sciences
naturelles à Altorf. 1842, pag. 132.
2
— 10 —
absolue de 2700’, environ {860/ sur le Rhône, élévation
qui autorisait à croire qu'ils devaient s'étendre beaucoup plus
loin encore. Il fallait enfin déterminer le mode de répartition
du terrain erratique et les limites supérieures qu'il atteint
sur les flancs mêmes des Alpes et au débouché des nombreuses
vallées qui en descendent. C'est dans ce double but que
M. Guyot explora les chaînes extérieures des Alpes, depuis
Berne jusqu’à Chambéry et Montmeillan, dans la vallée de
l'Isère, c'est-à-dire jusqu’au point de jonction des Alpes et
du Jura: puis remontant cette dernière chaîne jusqu’à la
Perte-du-Rhône , il relia ses observations nouvelles aux pré-
cédentes.
La détermination des limites supérieures du terrain erra—
tique, sur les flancs des Alpes, dit M. Guyot, présente de
nombreuses difficultés qui ne se rencontrent qu'à un faible
degré sur les flancs uniformes et peu coupés du Jura et qui
pourraient causer de graves erreurs. Les nombreuses vallées
alpines secondaires qui débouchent dans la plaine, amènent
chacune quelques débris qui leur sont propres ; ceux-ci pren-
nent bientôt part au mouvement général, et se déposent en
aval de la grande coulée. Pressés le long des flancs des mon-
tagnes , ils ont dû occuper, au moment de leur dépôt, la
partie supérieure de la ligne et ont ainsi déprimé pour un mo-
ment l'erratique alpin primitif, jusqu’à ce qu’ils fussent ab-
sorbés dans la masse principale. C’est là la cause qui , avec
la grande irrégularité des reliefs, donne à cette ligne une
apparence coupée et ondulée qu’elle n’a pas dans le Jura.
La limite entre les bassins de l’Aar et du Rhône, à l'issue
= M =
et sur le flanc gauche de la vallée de l'Aar, est assez bien ex-
primée par M. Studer dans la carte de M. de Charpentier,
sauf une singulière anfractuosité autour du Guggershorn, à
l'est duquel on retrouve les schistes lie-de-vin de Foully, jus-
qu’au Schwarzwasser. Le Gurnigel est couvert de blocs de
l’Aar, dont on retrouve de rares fragmens jusqu’à la source
supérieure, environ 3800 de hauteur absolue. Depuis la Sin-
gine, près de Planfayon, les roches valaisannes couvrent tout
le pays de la molasse et les flancs des Alpes, jusques assez haut
sur la Berra. Plus loin la limite semble déprimée par les dé-
bris descendus de la vallée de la Sarine , dont on retrouve des
traces jusqu’à plus de 4000!/. Les derniers gros blocs du Va-
lais, au débouché de cette vallée, se voient à la Tour-de-
Trême. Ils ne sont nombreux sur le Moleson que jusqu’au
couvent de la Part-Dieu. Plus haut on ne rencontre que des
blocs secondaires jusqu'à près de 3700 à 4000!. Si ce co-
losse est dépourvu de blocs primitifs, c’est que la chaîne avan-
cée qui domine Semsales et toute la route de Châtel-St-De-
nis à Bulle les a arrêtés sur ses flancs. En avant dans la
plaine, le Gibloux est couvert de blocs jusqu’à son sommet
( 3700”). A l'angle du Valais, au dessus de Vevey, la mon-
tagne de la Playau en montre également jusqu’à son faîte.
Ces blocs sont les schistes et conglomérats lie-de-vin de
Foully, qui ne s'éloignent guère des flancs des Alpes et leur
sont immédiatement appliqués , formant en majorité la limite
supérieure. Puis viennent avec eux et au-dessous d’eux les
poudingues de Valorsine, en une seconde bande, qui va s'é-
largissant de manière à couvrir la plaine entière au milieu de
se T4:
laquelle s'élève le Gibloux , toutes les collines qui s'étendent à
l'est, jusqu'au lac de Neuchâtel et, à l'ouest, une bonne partie
du Jorat. Les granites et les gneiss n’atteignent le flanc des
Alpes que dans la région de Prazroman, au pied de la Berra.
Cette distribution des espèces de roches en bandes parallèles ,
et ce mélange tardif et incomplet sont tout-à-fait analogues à
ce qui s'observe, entre autres, dans les moraines latérales du
glacier de l’Aar.
C'est à l'extrême obligeance de M. de Charpentier que je
dois d'avoir vu de mes yeux les masses erratiques répan-
dues en si grande abondance dans les environs des salines
des Devens, et entre autres ce formidable rocher calcaire ,
descendu de la vallée de l'Avançcon jusque sur la colline
gypseuse du, Montet, auquel M. de Charpentier a donné le
nom bien mérité de Bloc-monstre. Muni de ses précieuses
instructions , je traversai la vallée du Rhône pour me rendre
à Monthey et reprendre le cours de mes explorations.
On sait que le fond même de la vallée du Rhône est dé-
garni de gros blocs. Ils ont été entraînés par les eaux du
Rhône, ou enterrés dans ses alluvions. Mais à peine on ar-
rive au pied des pentes qu'on les voit reparaître.
Les descriptions de MM. De Luc et Charpentier ont rendu
célébre cette belle zône de blocs monstrueux, d’une seule
espèce de roche, qui domine les villages de Monthey et de
Colombey. Au-dessus de cette ceinture de granite , qui est si-
tuée à 400 pieds au dessus du Rhône, les blocs plutoniques
de toutes sortes s’élévent à plusieurs milliers de pieds sur
les flancs de la montagne qui forme l'angle occidental du Val
—_— Je ee
d'Illiers. lei, comme dans d'autres localités que j'ai déjà
citées , la zène des roches plutoniques , granites, chlorites ,
micaschistes, etc., est surmontée d’une seconde zône erra-
tique assez considérable , qui ne se compose que de blocs
secondaires descendus sans doute du Val d'Illiers,
Plus loin , vers St Gingolf, les montagnes présentent des
pentes si abruptes et si déchirées que le terrain erratique ne
sy montre que d'une manière très-sporadique. Mais les
blocs de toute espèce reparaissent en abondance dans la
gorge de Novelle, dans laquelle ils ne montent cependant pas
fort haut et cessent lout-à-coup. Au-delà des rochers de
Meillerie, on connaît cette formidable digue diluvienne dont
la base s'appuie sur le flanc des rochers de Mémise, au pied
des dents d'Oche et qui, courant le long de la rive du lac,
s'abaisse en pentes uniformes jusque vers Thonon où elle se
confond dans la plaine. Cette digue, que M. Necker de Saus-
sure a décrite avec détail, ferme, comme un immense bar-
rage , l'issue des quatre vallées des Dranses, dont les tor-
rens réunis se creusent un lit profond au travers de cette
énorme masse diluvienne. Cependant les accumulations de
galets n’atteignent guère une hauteur absolue de 3000 et
pe pénètrent que peu ou point dans l’intérieur des vallées.
Dans la vallée d'Abondance, elles cessent à une demi-lieue au
dessus de Vacheresse , là où la vallée se resserre ; elles s’ar-
rêtent à l'entrée même de celles du Biot et de Bellevaux et ne
remplissent qu'en partie le fond de la vallée ouverte de Lullin.
Mais il n'en est pas de même des blocs sporadiques. On en
trouve au dessus de Bernex, sur les flancs des dents d'Oche,
LR
jusqu’à une élévation de plus de 4000’, dans la vallée d'Abon-
dance, jusque tout près de l'Abbaye ; dans la vallée centrale,
jusqu’au Biot et même à Marzine; dans celle de Bellevaux,
jusqu’au dessus du village de ce nom. Et ce ne sont point de
simples fragments; quelques uns de ces blocs, quoique rares,
appartiennent aux plus gros que fournisse cette lisière. un
bloc de protogine , entre autres , situé un peu au dessous du
Biot, mesure de 6 à 7 mètres de long ; un second, au des-
sous de Bellevaux, est plus massif encore.
La vallée de Lullin offre une de ces singulières dispositions
du terrain erratique dont j'ai déjà cité plus d’un exemple.
Les montagnes du flanc droit qui séparent cette vallée de
celle de Bellevaux, sont complètement dépourvues de ro-
ches étrangères , pendant que , sur la rive gauche, la chaîne
de Raivroz et d'Armone , qui la sépare du bas Chablais , en
est couverte jusqu’à l'énorme hauteur de plus de 4000.
La limite du dépôt erratique coupe en biais la vallée, sans
égard pour le relief du sol, et, remontant du niveau de la
rivière jusqu'au faîte de la chaîne, passe au pied septentrio-
nal des Fourches d'Habère, sans que le fond de la vallée,
qui est cependant largement ouvert de toutes parts, pré-
sente aucune trace de roches plutoniques Elle suit de là le
faite des montagnes extérieures qui dominent la plaine , jus-
qu’au dessous du couvent des Voirons ; mais les blocs ne pé-
nètrent nulle part dans la vallée de Boëge, pas même par
les cols dont la hauteur est bien inférieure à celle qu'ils at-
teignent eux-mêmes.
Sur le flanc occidental des Voirons , qui fait face à Genève,
BH ME US
la limite des roches valaisannes descend rapidement ; elle n’est
plus qu'à quelques centaines de pieds au dessus de la plaine,
dans le voisinage de St Cergues. En s’avançant au Sud, vers
le promontoire que la chaîne envoie dans la plaine entre
St Cergues et Lucinge, on trouve les premières pentes encore
couvertes d’une profusion de serpentines mêlées d’euphoti-
des, de taleschistes , de granits talqueux et surtout de chlo-
rites de Bagnes dans toutes leurs variétés, en blocs qui at-
teignent jusqu'à # et 5 mètres. Mais bientôt toute trace de
roches erratiques disparaît, et ce n’est qu'à une petite demi-
lieue , que l’on rentre dans une région erratique d'un carac-
tère tout différent. lei plus de serpentines ni d'euphotides ,
plus de ces chlorites si caractéristiques pour tout le bassin
occidental du Rhône; mais en fait de galets, des calcaires,
quelques diorites, des gneiss d’une teinte sale, et d’é-
normes blocs de protogine du Mont-Blanc, dispersés en
nombre considérable sur l'extrémité méridionale des Voirons
et sur les pentes douces qui, du pied de la montagne, s’abais-
sent vers Lucinge, Bonne et les plaines de la Menoge et de
l’Arve. Dans ce dernier espace, j'en ai compté plus d’une di-
zaine qui mesurent entre # et 7 mètres en tous sens.
Ici donc se rencontrent les deux bassins de l’Arve et du
Rhône. Ici, comme ailleurs, la limite est tranchée ; point de
mélange de leurs roches. La chaîne des Voirons est le grand
pilier angulaire au pied duquel sont venus se réunir , sans se
confondre les flots de débris descendus par les routes diverses
des sommets du Mont-Rose, et des cimes du Mont-Blanc.
A partir de ce point, la ligne de contact suit les collines
— 16 —
de Lucinge et de Monthoux , atteint le pied Nord de Saléve,
s'élève à mi-hauteur sur ses pentes septentrionales, sur les-
quelles M. And. Deluc a signalé les groupes de blocs de pro-
togine les plus remarquables, passe au village de Châble et
longe les pentes orientales du mont de Sion, entre les routes
d'Annecy et de Frangy, sans en atteindre jamais le sommet.
Les sommités du mont de Sion sont couvertes dans tout
cet espace de débris de roches provenant exclusivement de la
vallée de l'Arve. La colline qui domine à l’est d'un côté le col
de Frangy et de l’autre le village de Vers est surmontée de
l'un des plus beaux groupes de blocs de protogine qui existent
dans ce bassin. Il a été décrit par M. Deluc. On n'y ren-
contre aucune trace des roches valaisannes, mais en descen-
dant vers la grande route et avant d'arriver au bas de la pente,
on voit tout-à-coup reparaître, sans transition, les chlorites de
Bagnes en blocs de 3 à 5 mêtres, les granites talqueux, les
serpentines et toutes les roches qui caractérisent le bassin du
Rhône. Ce sont ces mêmes roches qui composent les blocs
nombreux et puissans qui couvrent la partie occidentale du
mont de Sion jusqu’à sa jonction avec le Vouache. Cette der-
nière chaîne en est couverte jusque près de son sommet, mais
nulle part ils ne l’ont dépassé. La coupure du fort de l'Ecluse
est la seule issue par laquelle ils ont pénétré au delà de cette
limite; mais là même, d'un côté, ils sont tenus à distance de
la chaîne opposée du Jura par les débris jurassiques descen-
dus par la vallée de la Valserine, et de l’autre, ils sont re-
poussés par un terrain erratique appartenant à un nouveau
bassin, ensorte qu'ils ne s'étendent guère au-delà de Belle-
ES SR
garde et des plateaux molassiques de Billiat et d'Eloise. Sur
le versant méridional de la partie du mont de Sion qui avoi-
sine le Vouache, les blocs valaisans sont encore nombreux
et considérables , mais ils vont bientôt se perdre vers l’extré-
mité méridionale du Vouache et on ne les trouve plus guère
que roulés , et sur un court espace, dans le lit du torrent que
longe la route de Frangi.
Là se termine donc cet immense dépôt erratique du bassin
du Rhône qui, à partir de la vallée centrale d'où il sort,
s'étend au S. O. sur un espace égal à celui qu'il occupe
au N. E, Il finit encore plus brusquement à cette extrémité
qu'à l’autre ; car ici ses blocs sont encore suspendus à 15 ou
1800’ au dessus de la plaine ouverte devant eux , comme si
nn obstacle invisible ou une parole magique avait suspendu
tout-à-coup leur épanchement au-delà de ces limites.
Le bassin de l'Arve. Les blocs et les galets descendus par
la vallée de l’Arve sont essentiellement des protogines du
Mont-Blanc, des gneiss plus ou moins compactes, d’une cou-
leur grisâtre, ou jaune sale, plus ou moins obscure, des mi-
caschistes à mica très-brun , des grés-verts de la Roche-des-
Fis, quelques diorites assez peu abondans et d’autres roches
moins caractérisées. Comme le bassin du Rhône renferme
aussi de nombreux granits tout-à-fait analogues, si ce n’est
identiques avec ceux du bassin de l’Arve, il pourrait pa-
raître difficile de distinguer l’une de l’autre ces deux régions
erratiques ; mais , d'un autre côté, l'absence complète de
toutes ces roches si variées du bassin du Rhône, si nette-
ment caractérisées par leur aspect minéralogique comme par
leur origine, est à elle seule suffisante pour lever tous les
doutes.
Le bassin erratique de l’Arve porte tous les caractères d’un
bassin secondaire ; il débouche à angle droit contre celui du
Rhône, qui continue sa marche majestueuse sans fléchir un
instant sa route. Le terrain erratique de l’Arve repoussé par
cet obstacle se rejette tout entier sur les plateaux molassiques
qui remplissent l’espace compris entre Salève et les Alpes. Au
milieu de la vallée principale, s'élève, comnie une île circu-
laire, la haute pyramide du Môle. Je ne sais par quelle cause
ses flancs sont presque complètement dépourvus de débris
erratiques, tandis que ceux de la vallée en supportent des
groupes nombreux. À peine en trouve-t-on une zône clair-
semée entre Marigni, St-Joire et St-Jean de Tholomme ; encore
ne s'élèvent-ils guère qu'à 5 ou 600’ au-dessus de la plaine.
Cependant j'ai eu la chance de trouver sur la face opposée
au défilé de Cluses , à la hauteur de plus de 4700, un bloc
de protogine qui semble destiné à indiquer la limite supé-
rieure qu'atteint, dans ce point de la vallée, le phénomène
erratique. Depuis St Joire, les blocs, d’abord peu nombreux,
deviennent plus fréquens à mesure qu'on descend la vallée.
Ils pénètrent dans la vallée de la Menoge jusqu’au dessus de
Boëge , et recouvrent, comme je l'ai dit, jusqu'à une hau-
teur notable , l'extrémité méridionale de la chaîne des Voi-
rons, au pied de laquelle ils rencontrent les blocs du Rhône.
C'est ici seulement que les granites se montrent en abon-
dance; plus haut, entre Bonne et St-Joire , les erratiques
des Fis prédominaient.
LL FAR ous
Le long des Alpes, sur le flanc gauche de la vallée, les
débris descendus par la vallée du Grand-Bornand, troublent
ou effacent en partie la limite supérieure du terrain errati-
que. Cependant des blocs et des fragmens plutoniques nom-
breux s'élèvent jusque sur le plateau des Bornes, et plus
haut encore sur les pentes des montagnes qui dominent la
vallée de Thorens ; mais ils semblent presque recouverts par
les débris calcaires tombés du haut de la montagne. La val-
lée de Thorens elle-même n’en contient plus qu'un petit
nombre. Les roches de l'Arve quittent les Alpes et traversent
les plateaux jusqu'à Cruseilles, à l'extrémité occidentale du
Salève , d'où leur limite va rejoindre les protogines du mont
de Sion et les blocs du Valais , se mêlant encore sur un petit
espace avec les roches d'un troisième bassin erratique, dont
je parlerai tout-à-l'heure. Tout l'intervalle entre les Alpes
et le Salève est couvert d'une quantité innombrable de ces
mêmes débris provenant de la vallée de l’Arve. On sait qu'ils
remontent presque jusqu'au sommet de cette dernière chaîne,
à plus de 4000’, et que nulle part le Salève n’élève sa crète
au dessus de la limite supérieure du terrain erratique. Nous
avons vu comment les blocs passent même cette chaîne et
se déversent sur ses pentes septentrionales jusqu’au contact
des roches du Rhône.
Le phénomène sans contredit le plus remarquable de ce
bassin est cet immense dépôt de débris calcaires sans mé-
lange d'aucune autre roche, connu dans le pays sous le nom
des Rocailles, et dont M. Deluc a donné la description. Ce
dépôt s'étend au bord de la plaine gauche de l’Arve, sur les
se 180 2
premières pentes qui montent au plateau de Rambod. Par-
tant du débouché de la vallée des Bornands, au devant de
laquelle il forme une sorte de barrage, il passe par la petite
ville de La Roche, par Cornier, et se termine au village de
Regnier et au pont de Bellecombe. C'est une bande allongée,
d'abord fort étroite et qui atteint à son extrémité une lar-
geur de 25 minutes. Sur tout cet espace, qui est de près de
deux lieues, on marche au milieu d’un labyrinthe de blocs
et de rochers calcaires groupés souvent en véritables colli-
nes, et dont plusieurs servent de base à des constructions
considérables. La vieille tour de Bellecombe, la tour du
Cornier et celle de La Roche sont construites sur ces ro
chers calcaires qui reposent sur un sol de molasse. Malgré
ce désordre apparent, il est facile de voir que ces débris ont
une tendance à se disposer en séries linéaires et parallèles
qui laissent entre elles de petites vallées marécageuses. Ces
digues se recourbent en demi-cintre en approchant de l’Arve,
mais elles ne dépassent que fort peu le lit de la rivière. Près
du pont de Bellecombe, on observe à l’intérieur un bourrelet
concentrique à la digue calcaire qui ne porte que de gros
blocs de granite. L'absence de mélange des roches n’est com-
plète que dans le centre de ce dépôt ; sur les bords , et surtout
sur le bord interne , les blocs granitiques se trouvent mêlés
aux blocs calcaires, quoique toujours sur un espace assez
restreint.
Le Bassin de l'Isère. Au-delà du Vouache, derrière le
mont de Sion , au pied occidental du Salève, au-delà de Cru-
- seilles et au pont de la Caille, sur le faîte du col d'Avierne
RE RE
entre Thorens et Annecy, le terrain erratique change de
caractère. De nouvelles roches se substituent presque sans
transition aux précédentes et annoncent une autre région
erratique. Parmi ces roches , je citerai surtout comme carac-
téristique un granit blanchâtre , à grain moyen et égal, con-
tenant dans cette pâte uniforme de gros cristaux étroits et
allongés, nettement dessinés, ayant jusqu'à deux pouces de
long sur quelques lignes de large. Je l'appellerai granit por-
phyroïde ; puis un grès cristallin d'un blanc verdâtre rosé,
contenant des grains de sable et parfois de petits galets d’un
beau rouge ; quelques euphotides différentes de celles de Saas,
et plusieurs variétés de roches amphiboliques qui toutes ont
leur gîte primitif dans les montagnes du bassin de l'Isère.
Ces débris erratiques, d’abord peu nombreux le long des
Alpes, à l'est du lac d'Annecy, deviennent très-abondans
soit dans les environs de ce lac, soit dans les régions si-
tuées dans la direction de la vallée qu'il occupe. Cette vallée
semble avoir été le canal par lequel la vallée de l'Isère a versé
cette grande abondance de roches qui couvrent toute cette
partie de la Savoie jusqu'au bord du Jura. Elle est en effet
dans le prolongement de la vallée transversale où coule l'I-
sère entre Moutier et Conflans , et communique par la plaine
de Faverges avec les affluens supérieurs de cette rivière. Ce
terrain erratique monte sur les flancs du Semenoz jusqu'à
la hauteur de 4000’, et sporadiquement jusqu'à 4500/. La
variété des espèces de roches qui le composent augmente en-
core au-delà de la vallée du Cheran, et il recouvre jusqu'à
une grande hauteur les flancs de la montagne d’Azy, ainsi
ei
que les environs d'Aix. J'ai retrouvé ces mêmes roches à
l'état erratique dans la vallée du Grand-Désert entre la
chaîne de Nivolet et le Margéria. Elles sont surtout très-
abondantes dans la partie moyenne et inférieure de la val-
lée, aux environs de Thoiry, et je les ai suivies comme à
la piste par le col de la Thuile, jusque dans la vallée de
l'Isère, à Montmeillan. Je me suis convaincu que la large
vallée transversale dont Chambéry occupe la partie la plus
étroite, et qui se prolonge par le lac du Bourget jusqu’en
Chautagne, donne passage à son tour à une masse considé-
rable de débris erratiques qui ont couvert en partie les flancs
du Mont-du-Chat, et se sont déversés, avec ceux des autres
vallées, par la large ouverture taillée entre cette dernière
montagne et la chaîne du Grand-Colombier. C’est par cette
route, qui est encore aujourd hui celle du Rhône, que les
plaines de la large vallée jurassique où sont situés Belley
et Champagne, ont été remplies de ces mêmes débris. Dans
les environs de Chambéry, des roches moutonnées et sillon-
nées ; près du village de Culles et au-dessous de Seyssel, des
roches polies avec des stries dont la direction est concor-
dante, indiquent suffisamment la direction qu’a suivie le phé-
nomèêne.
Le long de la chaîne du Grand-Colombier, entre le lac
du Bourget et la Perte-du-Rhône , on ne voit nulle part le
terrain erratique alpin s'élever sur les pentes du Jura. Il ne
quitte guère les plateaux dans lesquels le Rhône s'est creusé
ses berges; encore les galets alpins y sont-ils rares. Ici,
comme près de la Perte-du-Rhône , un obstacle, qui n’existe
23 —
plus aujourd'hui, l'a empêché d'atteindre sa véritable hau-
‘Leur; car sur la rive orientale du Rhône, on le retrouve
beaucoup plus haut sur la chaîne de la Chautagne. Le long
du Jura, sur toute cette lisière, on rencontre des accumula-
tions considérables de galets et de blocs jurassiques mal rou-
lés, accompagnés d'un limon de même nature, et parfois de
fort belles roches polies. Ce dépôt se mélange peu à peu de
quelques galets et de fragmens alpins, dont le nombre aug-
mente à mesure qu'on s'approche du Rhône.
Ce bassin latéral de l'Isère, ignoré jusqu'ici, est donc ce-
lui qui remplit tout l'espace compris entre le Jura et les Al-
pes, depuis la Perte-du-Rhône jusqu’au-delà de Chambéry,
et depuis Chambéry jusqu’au pied du Salève et du Vouache.
Il est l'obstacle qui a posé des limites à l'extension des bas-
sins de l’Arve et du Rhône. La ligne de contact avec ces
deux derniers bassins a été indiquée ; elle passe par Avierne,
Cruseilles, le revers méridional du Mont-de-Sion ; d’où elle
va rejoindre le mont de Musiège et le Vouache. Il faut re-
marquer cependant que l’espace compris entre le mont de
Sion , la chaîne du Vouache avec le mont de Musiège et la
vallée des Usses, est une région où les blocs des trois bassins
se mélangent. Dans la moitié orientale de ce petit triangle,
les galets, les accumulations diluviennes et la majorité des
blocs appartiennent aux roches de l'Isère ; mais on rencontre
çà et là de gros blocs anguleux de protogine du Mont-Blanc
de plusieurs mètres , et j'ai même observé quelques blocs
métriques de granit talqueux du Valais jusqu’au delà des
Usses. Dans la moitié occidentale du triangle, entre la route
de Frangy et le Vouache, ce sont les roches du Rhône qui
dominent , mais il sy mêle de nombreux blocs de l’Isére et
de l’Arve. Le lit de la petite rivière qui va se jeter dans les
Usses à Frangy, est rempli de blocs appartenant aux trois
bassins.
Le bassin de l'Isère nous offre l'exemple d’un dépôt cal-
caire en tout semblable à celui des Rocailles du bassin de
J'Arve. Il commence un peu au-dessous du débouché de la
vallée du Cheran, entre les villages de Cusy et de St-Of-
fenge. Cette traînée de blocs court parallèlement au pied
des Alpes, dont elle reste cependant éloignée de près d’une
lieue, et occupe un espace d'une petite demi-lieue de lon-
gueur sur dix à quinze minutes de largeur. On l'appelle,
dans la contrée les Rapilles de Cusy. On retrouve ici tous
les phénomènes de la plaine des Rocailles; même roche,
même groupement par grandes masses délitées, même ten-
dance à former des séries linéaires entrecoupées de flaques
d'eau et de marécages ; l'identité semble complète. Seule
ment la décomposition des masses semble plus avancée, les
blocs moins gros. Il faut en chercher la cause dans la na-
ture plus friable de la roche des Rapilles, qui est un calcaire
crétacé blanc et jaunâtre, très-fendillé et cassant, tout pa-
reil à celui qui forme en bonne partie les chaînes voisines
des Bauges. Cependant la distance considérable qui sépare
les Rapilles du pied des montagnes, comme leur disposition,
ne permet pas de les considérer comme un éboulement.
Je dois, en terminant, signaler un caractère bien tranché
du bassin erratique de l'Isère; c’est l'absence de blocs an—
guleux. Tous les blocs, comme les galets, ont une apparence
fortement roulée. Nulle part non plus on ne rencontre de
ces blocs monstrueux qui nous étonnent dans les autres
bassins. Je ne citerai qu'une seule exception un peu nota-
ble, ce sont les blocs anguleux, pour la plupart granitiques ,
du Mont-du-Chat , au dessus de la Motte et du Bourget.
De ce bref exposé on peut tirer les résultats suivans :
Dans toute la moitié sud-ouest de la grande vallée com-
prise entre les Alpes et le Jura , le terrain erratique présente
des régions distinctes les unes des autres , dont les roches se
touchent sur de longs espaces sans se confondre , et qui cor-
respondent chacune au bassin d'une des grandes vallées al-
pines qui s'ouvrent dans la plaine. C'est ce que mes recher-
ches précédentes avaient constaté déjà pour la moitié nord-
ouest de la Basse Suisse.
Entre Berne, Neuchâtel et Chambéry, ces régions sont
au nombre de trois, celles du Rhône, de l'Arve et de l'I-
sère. Le bassin erratique du Rhône est de beaucoup le plus
considérable ; il couvre la plaine entière jusqu’au mont de
Sion. Puis vient, au second rang, celui de l'Isère, et enfin le
bassin de l'Arve qui, resserré entre les deux premiers, ne
joue qu'un rôle secondaire.
Le bassin du Rhône et le bassin de l’Arve se terminent
brusquement. Leur extrémité, au contact du bassin de l’'I-
sère, est marquée par une réunion de gros blocs dont le plus
grand nombre mesurent plusieurs mètres, tandis que dans
l'intérieur des bassins , les blocs de cette dimension sont gé-
néralement plus dispersés.
— 20 —
Le bassin de l'Isère semble n'être qu'un émissaire latéral
de la vallée principale. Contrairement à ce qui a lieu dans
les autres bassins, ses roches arrivent dans la plaine par
deux issues assez distantes l'une de l'autre , et, s'échappant
par le chemin du Rhône, elles se répandent hors de l'en-
ceinte du Jura jusqu'à une distance encore indéterminée.
Cette anomalie servira peut-être à expliquer les caractères
particuliers qui le distinguent des autres.
Telle est la distribution générale du terrain ercatique al-
pin dans les limites que je m'étais prescrites et que la na-
ture elle-même semblait imposer à mes recherches. Dans
une prochaine réunion, j'espère faire part à la Société de
mes remarques sur la distribution des diverses espèces de
roches dans l'intérieur de chaque bassin , spécialement dans
ceux du Rhône et de la Reuss. Après avoir ainsi considéré
la répartition des roches erratiques dans le plan horizontal ,
il ne me restera plus qu'à résumer devant vous la partie
hypsométrique de mon travail, à vous indiquer les niveaux
auxquels s'élèvent ces mêmes roches dans chaque bassin, et
les lignes de pente qui en résultent, pour compléter l'en
semble des élémens principaux dont pourront se déduire les
lois générales de ce grand phénomène. Ces lois une fois con-
nues et bien établies, et seulement alors, nous pourrons
passer à la recherche des causes et de l'agent qui ont été en
jeu dans le transport des masses puissantes de roches étran-
gères qui couvrent notre sol, et avancer peut-être d'un pas
la solution de l'un des problèmes les plus intéressans de la
géologie.
A. Guyor, secrétaire.
BULLETIN
DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES NATURELLES
IDE MEUCRAISTER.
mme O0
Séance du 6 décembre 18h53.
Présidence de M. L. Coulon.
M. Ladame rend compte de l'ouvrage de M. Saigey, inti-
tulé : Petite physique du globe. Après avoir fait remarquer
la clarté, la simplicité et l'originalité de plusieurs des théo-
ries nouvelles que cet ouvrage renferme, il arrête plus par-
ticuliérement l'attention de la société sur les trois objets sui-
vants :
1° Sur les conditions d'équilibre de l'atmosphère.
2° Sur la température de l’espace.
3° Sur une explication des queues des comètes que
M. Saigey considère comme étant dues à la concentration de
la lumière solaire, dans une série de foyers, résultant de
l'action de l'atmosphère des comêtes que l’on peut envisager
comme une lentille dont la densité va croissant vers le
centre.
M. Ladame fait remarquer l’inexactiude de la proposition
que pose M. Saigey, savoir : que la hauteur totale d'une at-
mosphère ne dépend nullement de la quantité de gaz qu la con-
PR D
situe, lorsque l’on admet que les gaz ont une limite de force
élastique qui les rend semblables aux liquides. En effet, dans
cette manière de voir, toute atmosphère est terminée par
une couche d’une épaisseur considérable qui a la même den-
sité dans toute sa hauteur, savoir la densité minimum du gaz.
Calculons maintenant de combien la hauteur de l’atmos-
phère diminuerait, si la quantité d'air devenait moitié de ce
qu’elle est, en supposant que sa température soit partout de
0°, et que sa limite d'élasticité soit égale à une colonne de
mercure de { mm.: Dans cette hypothèse, l’atmosphère se-
rait composée d’une couche de densité variable, dont la hau-
teur serait de 13 et demie lieues (de 4000 mèt.), puis de la
couche d'égale densité égale 2 lieues, d'où hauteur totale
15 lieues et demie.
Si nous réduisons la quantité d’air à moitié, la couche qui
avait tout à l'heure 2 millim. de force élastique , n'aura plus
que { millim., et la hauteur totale de l’atmosphère aura di-
minué de toute la hauteur de l'épaisseur de la couche atmos-
phérique comprise entre 2 millim. et { millim. de force élas-
tique , soit d'environ 1 et trois huitième lieues.
Si la limite d’élasticité était inférieure à celle que nous
avons choisie, le caleul nous donnerait un nombre différent
pour la hauteur totale de l'atmosphère ; mais la couche d'é-
gale densité serait toujours de 2 lieues et la réduction de la
quantité d'air à moitié donnerait encore { “/: lieue pour la
diminution de la hauteur totale de l'atmosphère.
M. Saigey fixe par onze moyens différens la température
de l’espace à-629 C. M. Ladame observe que ce nombre ne
— 29 —
différe pas beaucoup de celui qu'avait indiqué Fourrier,
mais qu'il diffère, en échange, d’une quantité notable de
celui de-14#0° que M. Pouillet a cru pouvoir tirer de ses ob-
servations qui sont rapportées dans sa physique. Sur ce point,
M. Ladame pense que les calculs de M. Pouillet ne sont pas
à l'abri de toute objection, car la formule d’où est déduit ce
nombre contient deux constantes relatives à la puissance
absorbante que l'atmosphère exerce sur la chaleur qui pro-
vient de l’espace et sur celle qui émane de la terre. Or,
M. Pouillet admet que la première est plus faible que la
seconde, ce qui ne paraît pas probable, d’après les lois de Ja
chaleur rayonnante. En admettant leur égalité on retombe-
rait sur un nombre qui ne différerait pas sensiblement de
—400 C.
A. GUYoT, secrétaire.
M. Agassiz annonce qu'il a examiné avec M. Coulon une par-
tie des fossiles envoyés du Pérou à M. Coulon, par M. Tschudi.
Une grande partie des espèces sont nouvelles, mais il y en
a aussi qui sont identiques avec des espèces bien connues des
terrains d'Europe. M. Agassiz a reconnu parmi les Oursins,
plusieurs exemplaires très-bien caractérisés de son Toxaster
complanatus ( Spatangus complanatus ou retusus des auteurs ),
cette espèce si commune dans le néocomien de Neuchâtel. Il y
a également retrouvé le Diadema Bourqueti Ag., autre Our-
sin , de la famille des Cidarides , qui est fréquent dans nos
marnes: D'après cela , il paraît évident que le terrain néoco-
mien, que l'on osait à peine, il y a quelques années, signaler
= =
comme un dépôt particulier adossé sur les flancs du Jura neu-
châtelois , recouvre de vastes étendues , non-seulement dans
l’ancien continent, mais même sur les flancs des Andes.
M. Agassiz signale en outre, parmi les fossiles de M. Tschudi,
une espèce encore inédite de Toxaster qui, en Europe, est
propre au grès-vert, le Toxaster dilatatus. En revanche, il n'a
reconnu aucune espèce jurassique parmi ces fossiles. L'absence
de toute cette formation dans l'Amérique du sud paraît done
être un phénomène général, ainsi que l’a annoncé il y a long-
temps M. de Buch , tandis que la présence du néocomien
prouve que ce terrain n'est point lié d'une manière aussi in-
üme aux terrains jurassiques qu'on le croyait antérieure-
ment.
E. Desor, secrétaire.
Séance du 20 décembre 1843.
Présidence de M. L. Coulon.
M. Desor communique une analyse de l'ouvrage de M. d'Or-
bigny, sur la géologie de l'Amérique du sud , d’après le rap-
port qu’en a fait M. Elie de Beaumont à l'Académie des
sciences de Paris. Il insiste particulièrement sur les obser-
vations de M. d'Orbigny, relativement aux terrains tertiaires
de cette moitié du nouveau continent. Les terrains ter-
tiaires ne sont pas de petits dépôts isolés comme en Europe ;
ils s'étendent sur de vastes espaces et ont une puis-
sance considérable , ce qui conduit à penser que l'influence
sous laquelle ces terrains se sont déposés a été générale.
NPC T DES
D'après cela, les terrains tertiaires auraient, même sous le
rapport purement géognostique , comme élément constitutif
de notre globe , une bien plus grande importance qu'on ne se
le figure généralement en Europe.
E. Desor, secrétaire.
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BULLETIN
DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES NATURELLES
DS MESUCERATEL.
—
Section de la Chaux-de-Fonds.
Séance du 2 décembre 1843.
Présidence de M. Wurflein.
M. le Dr Jrlet présente à l'assemblée un monstre humain bi-
femelle, né cette année à la Chaux-de-Fonds d’une femme
primipare. Ce monstre , appartenant à l'ordre des diplogé-
nèses monocéphales, a une tête, un tronc, se bifurquant
au haut des hanches avec quatre extrémités supérieures et
inférieures.
M. C. Nicolet met sous les yeux de la Société plusieurs touffes
de blé multicaule (froment et seigle), qui lui ont été en-
voyées par M. Louvel, de Montbéliard, qui a découvert ce
mode de culture, et qui le livrera prochainement à la pu-
blicité. Par ce procédé, chaque grain confié à la terre donne
naissance à une plante multicaule ; chaque touffe renferme
de 25 à 100 épis au plus; l'examen des touffes permet de
constater que chacune d’elles est le produit d'un seul grain
de semence. C’est par des expériences répétées pendant plus
de sept années consécutives que M. Louvel est arrivé à ces
4
FAO TEEN
résultats qui peuvent avoir une grande influence sur l'agri-
culture.
M. C. Nicolet communique l'extrait d'une note sur la gi-
rafe fossile d'Issoudun, lue le 27 novembre 1842 à l'Aca-
démie des sciences, par M. Duvernoy. Ce géologue dit en-
tre autres que les ossemens d’Issoudun ne sont pas la seule
trace de ce grand mammifère, en Europe, dans les temps
antédiluviens ; que M. Agassiz lui a montré, lors de son pas-
sage à Neuchâtel, au mois de septembre dernier, le moule
en plâtre d’une incisive externe de cet animal, dont l'ori-
ginal fait partie de la collection paléontologique de M: Ni
colet, pharmacien, à la Chaux-de-Fonds. M. Nicolet a ef-
fectivement découvert, en 1838, dans le terrain d'eau douce
de la Chaux-de-Fonds, une incisive d’un grand mammifére.
Elle ressemble à l’incisive externe de la girafe par un sillon
et une échancrure, qui paraissent la diviser en deux, et par
la présence d’une saillie interne. Le bord interne est forte-
ment usé; le grand lobe est externe, le petit lobe est in-
terne; c’est par conséquent le contraire de ce qui s’observe
dans l'incisive externe de la girafe. En comparant récemment
cette dent avec les fossiles du Jardin des Plantes de Paris,
M. Nicolet s’est assuré qu’elle correspond à l'incisive médiane
supérieur du Lophiodon de Lartet, découvert en 1838, par
Lartet, à Simorre, dans le département du Gers.
M. le Dr Pury lit une notice sur une chute de grêle qu'il a
observée au mois d'août dernier au bord du Doubs. Des grelons
observés par lui, les uns étaient elliptiques , formés de couches
concentriques alternativement opaques et transparentes ; les
— 35 —
autres étaient sphériques, ou à peu près, composés de noyaux
opaques soudés par de la glace transparente. M. Pury pense
qu'on pourrait expliquer la formation des premiers, qu'il
appelle elliptiques où concentriques , par leur passage à tra-
vers des nuages alternativement électrisés positivement et
négativement , et leur forme elliptique, par l'action simulta-
née de la pesanteur et d'un vent constant, qui aurait fa-
cilité la condensation autour du noyau. Les autres grelons,
appelés par M. Pury grelons agglomerés ou sphériques , pré-
sentaient une forme arrondie et étaient formés par la sou—
dure des grelons primitifs. Il les attribue à l'effet d’un tour-
billon, qui arrondissait le grelon, en même temps que
celui-ci s'accroissait aux dépens des plus petits grelons qu'il
rencontrait dans sa chute. Ces deux espèces de grelons, dont
quelques-uns dépassaient trois centimètres de diamètre, tom-
bérent pendant quelques instans chacune séparément.
M. le D' Droz remarque que, d'après les observations qu'il
a recueillies, aucune des deux espèces de grelons com-
plexes n’est tombée au haut de la Côte, élevée d'environ
1300 pieds au dessus du niveau du Doubs, mais que les
seuls grelons qu'on y ait observés , étaient simples.
M. le D' DuBois communique le fait pathologique sui-
vant : Une jeune fille qui était convalescente de la fièvre
typhoïde, eut une parotide s'étendant des deux côtés de la
mâchoire, à la suite de laquelle se développa un trismus
très-intense , qui l'empêcha d'ouvrir la bouche pendant une
huitaine de jours. Lorsqu'elle commença à mieux aller,
elle rejeta, le 30 novembre, une portion de chair de quatre à
A
six lignes de diamètre, que M. DuBois ne savait comment
expliquer. Le lendemain, ayant pu parvenir à ouvrir la
bouche de cette jeune fille, il s'aperçut qu'une portion du
voile du palais du côté droit, avec la luette, avait été dé-
tachés des parties avoisinantes, par une suppuration gan-
gréneuse critique, et que le morceau de chair qu'il avait
observé la veille, coïncidait parfaitement avec le manque
de substance qu'il avait alors sous les yeux. Deux jours
après cette communication, cette jeune fille rejeta de nou-
veau une masse de chair qui paraît s'être séparée de la
même manière que la première et appartenir à la muqueuse
des fosses nasales. La voix, qui était très-nasillarde avant
ces rejections , l’est encore bien davantage actuellement.
D' Pury, secrétaire.
Séance du 18 décembre 1845.
Présidence de M. Wurflein.
M. le D' Pury présente plusieurs exemplaires de la
Dentaria heptaphyllos L. trouvés par lui au haut du chemin
blanc (Chaux-de-Fonds). Il fait remarquer que le nombre
sept des folioles est bien loin d'être aussi général qu'on le
pense. Leur nombre varie de 5 à 9; aucun des exem-
plaires qu'il a réunis, et qu'il n’a nullement choisis, n'a
toutes ses feuilles pourvues de sept folioles ; les feuilles radi-
cales dépassent ordinairement ce nombre , et les supérieures
ne l'atteignent pas; par conséquent l'épithète de pnnata,
que Lamarck a donnée à cette plante, et que M. Godet lui a
conservée dans son énumération des plantes du canton de
Neuchätel, est bien mieux appropriée que celle de heptaphyl-
los L.
M. le Dr Pury lit une notice sur le traitement des fractures
de la clavicule. Après avoir esquissé les causes et le diag-
nostic de cette fracture, et après avoir passé en revue les
bandages ou appareils les plus connus qu'on a employés
pour contenir cette fracture et en particulier ceux de Dessault,
Boyer et de M. Mayor qu'il considère comme le plus simple
et le plus universellement employé à l'heure qu’il est ; après
avoir rappelé les inconvéniens de ces bandages, dont les
principaux sont les escarres de mauvaise nature qui se for-
ment quelquefois sous l’aisselle, la compression de la poi-
trine et l'impossibilité de fixer l'appareil sans qu'il se desserre,
M. de Pury passe à la description d'un bandage inventé par
M. le Dr Droz, en 1820, à l’ocasion d'une escarre profonde
qui s'était formée sous l’aisselle d’un jeune homme dont la
clavicule était fracturée, et auquel il avait appliqué l’appa-
reil de Dessault. Cet appareil exécuté par M. Florian Ducom-
mun, mécanicien, père du blessé, et qu'il a perfectionné
plus tard lui-même, d’après les conseils de M. Droz, est
formé d'une tringle ou attelle en bois composée de deux
pièces superposées, longues de 12 à 13 pouces, pouvant
s’allonger en glissant l’une sur l’autre, et se fixer l’une
contre l’autre au moyen de vis. Aux extrémités de cette
tringle s’adapte par le milieu et à angle droit une pièce de fer
longue de 6 à 7 pouces, qui supporte à ses deux bouts un
tube également en fer. De longues broches à tête plate s’im-
plantent à vis dans ces tubes, et servent à fixer à l'appareil
des pièces de fer courbées dans le milieu et plates aux ex-
trémités. Pour fixer l'appareil convenablement , on donne à
la tringle une longueur en rapport avec la longueur du dos
du blessé. On place chaque épaule entre les deux tubes cor-
respondans , garnis extérieurement de peau, pour éviter les
lésions. La pièce de fer, courbée dans le milieu , est vissée
alors au moyen de broches sur chaque épaule , qui se trouve
garantie des lésions par des coussins carrés. Un long cous-
sin cunéiforme se place également entre l'épaule et l’épine
dorsale, sur laquelle s'appuie tout l'appareil. En vissant les
broches dans les cylindres , on ramène les deux épaules en
haut et en arrière, et on peut ainsi facilement maintenir en
contact les deux fragmens.
M. Pury présente un dessin géométrique de l'appareil, exé-
cuté par M. Favre, et l'appareil lui-même, tel que M. Du-
commun le lui a fait connaître. Il termine cet exposé en in-
diqaant les avantages que cet appareil a à priori sur les
autres ( ne l'ayant jamais lui-même appliqué), et qui sont :
liberté complète des mouvemens de la poitrine, de ceux
de l’avant-bras et d’une partie de ceux du bras ; immobi-
lité des épaules et de l'appareil composé de pièces solides ;
moins de points en contact avec l’appareil (ici il n’y a que
la partie antérieure de chaque épaule et l'épine dorsale qui
soient soumises à une pression ); point de compression à
l’aisselle , et une extension de l’épaule plus grande que pour
aucun autre appareil.
“
D' Pury, secrétaire.
— 39 —
Séance du 11 janvier 1844.
Présidence de M. Wurflein.
M. Pury, D", lit une notice sur les ruminans humains ét
particulièrement sur la conformation singulière de l'estomac
d'un individu affecté de ce vice, qu'il a disséqué à Zurich,
et que M. Arnold a décrit dans le premier cahier de son
ouvrage intitulé «Bemerkungen über den Bau des Hirns und
Rückenmarks, etc. Zurich, 1838».
M. Dubois, D', dit à cet occasion qu'il a vu et disséqué à
Bicètre un homme dont l'estomac était en partie dans le sac
. d’une hernie inguinale, et qu'en faisant avaler de l'eau au
malade, le bruit que cette eau causait en tombant dans l’es-
tomac assurait le diagnostic de la tumeur du sac.
M. Droz, D’, ajoute qu'étant chirurgien-major du 5° dé-
parlement, il avait dû réformer un homme dont l'estomac
sortait par une hernie de la ligne blanche, au-dessous de
l’appendice xyphoïde. Dr Pury, secrétaire.
Séance du 25 janvier 1844.
Présidence de M. Wurflein.
M. le Dr Droz lit un mémoire d'un intérêt tout particu—
lier pour les membres de la section et pour les habitans de
la Chaux-de-Fonds, sur l’insalubrité des eaux de cette lo-
calité et sur les moyens d'y remédier.
Après avoir rappelé que l’hygiène de notre ville a déjà
éprouvé une grande amélioration, par l'éloignement des abat-
me or
toirs, M. Droz dit qu'il en reste de plus grandes à faire , en
assainissant nos rues étroites, nos maisons hautes et mal aé-
rées, en imprimant un autre cours aux eaux des égouts,
mais surtout en nous procurant une eau saine et légère, à
la place des eaux malsaines, chargées d’immondices, que
nos puits fournissent, et à la réparation desquels on con-
sacre chaque année des sommes considérables , tandis qu'il
serait bien moins coûteux de faire arriver des eaux lim—
pides et saines. Tous Les observateurs peuvent se convaincre
de l'insuffisance des puits et des citernes pour fournir de la
bonne eau; en effet, ces eaux sont stagnantes dans des
réservoirs mal propres, mal construits, qui laissent fil-
trer les immondices des canaux voisins ; elles ne provien-
nent pas de sources, mais sont l'expression des eaux de la
vallée , qui entraînent avec elles toutes les matières animales
qu’elles dissolvent ou tiennent en suspension. Dans les ei
ternes mêmes qui reçoivent l’eau des toits, combien de ma-
tiéres animales et végétales n’y voit-on pas? Quand on les
cure, on trouve souvent un dépôt d'immondices de deux ou
trois pieds d'épaisseur , qui couvre le fond. La santé des per-
sonnes qui s'abreuvent de pareilles eaux devait nécessaire
ment en souffrir ; aussi a-t-on vu que les habitans de la rue
du Soleil et des rues environnantes , qui buvaient l’eau des
puits les plus infectés , dans lesquels la présence des matières
animales et végétales en putréfaction était plus que suffisam-
ment prouvée par la coloration opaline de l'eau, par le dépôt
grisâtre qui se faisait lorsqu'on laissait l’eau dans un verre
pendant quelques heures, par la pellicule grise qui se for-
lue Nr
mait dans le verre , lorsqu'elle y séjournait quelques jours,
par une décomposition analogue à la fermentation qui se for-
mait également au bout de quelques jours , sans compter les
réactifs chimiques, qui tous décelaient la présence abondante
de ces matières; on a vu, dit-il, que ces habitans ont été la
proie d'une épidémie de fièvre typhoïde , qui a sévi au prin-
temps de l’année dernière , et qui a fait un grand nombre de
victimes. Cette épidémie, caractérisée par des tremblemens
dans les membres, des alternatives de chaud et de froid , un
pouls petit et très-fréquent, une vive douleur dans l’épigastre,
des petéchies sur le ventre et sur la poitrine, une langue
sèche et noire, des délires, commençait presque toujours
par des diarrhées de mauvaise nature , qui devenaient plus
tard sanguinolentes et ichoreuses, et qui, dans le commence-
ment, cessaient ou revenaient, suivant que les malades faisaient
usage d'eau de fontaine ou de l’eau du puits qui était à leur
proximité , et dont l’eau , analysée par M. C. Nicolet, et plus
tard par M. Ladame, contenait une énorme proportion de ma-
tières animales en putréfaction. M. Droz cite une preuve de
cette assertion dans les maisons Soguel et Béguin , dont les
habitans, quoique dans le foyer de l'épidémie, n’en furent
pas alteints, et cela parce qu'ils faisaient usage exclusive-
ment de l’eau d'un autre puits. Parent-Dachâtelet dans son
ouvrage sur l'hygiène, dit qu'il fut surpris de la quantité
dè malades qu'avait toujours la prison St Lazare: il attri-
bue cette cause à la mauvaise qnalité de l’eau que buvaient
les détenus , et qui venait d’une citerne, de Belleville et des
Près St Gervais, où elle se chargeait également d’une quan-
— 12
tité de matières animales. Il dit en outre que Schwilgué et
Pinet avaient déjà reconnu cette cause vingt ans auparavant.
La cause du mal une fois reconnue, il-s'agit d'y porter
un remède efficace? Sera-ce en affectant des sommes énor-
mes à l’écurement et à la bonification des puits? Cela ne fe-
rait que pallier le mal sans le guérir. Quoique la vallée de
la Chaux-de-Fonds ne soit pas dominée par de hautes mon-
tagnes, il y a cependant de bonnes sources dans le voisi-
nage, dont on en aménerait facilement l’eau au moyen de
tuyaux en bois ou en fer fondu. Des puits artésiens pour-
raient aussi être creusés dans le pré qui appartient à la fa-
miile de M. Droz, près de celui de M. Wurflein, près de
la Combe-Gruerin ou dans telle autre localité déterminée
par la géologie. Quant à l'eau de la Ronde, qu'on pourrait |
faire remonter par une machine quelconque , M. Droz est
persuadé qu'elle n’est ; comme celle des puits , que l'expres-
sion de la vallée; d’ailleurs le prix élevé des machines
serait une raison pour faire rejeter ce moyen, lors même
que celte eau serait pure. On pourrait peut-être amener les
eaux depuis le contour de Suze ou depuis Boinod, mais 1l |
faudrait pour cela une galerie qui viendrait aboutir aux Pe-
tites Crosettes ; on aurait affaire alors à un projet si dis-
pendieux qu’on ne pourrait l'exécuter qu’en faisant passer
par celle galerie une route pour le Val de St-Imier. Il y a
une troisième alternative, c’est d'amener à la Chaux-de-
Fonds les sources des Crosettes de la Sagne et des Roulets ,
projet que toutes les personnes sensées adopteront. quand
on saura que M. d'Osterwald a trouvé depuis la place de la
OR 0 Ed |
PM, : Dee
Chaux-de-Fonds au Cernil-Bourquin , sur une longueur de
3477 mètres, une pente de 118" 23, qui est plus que sufli-
sante pour faire arriver les eaux aux endroits les plus élevés
de la Chaux-de-Fonds, et que, d'un autre côté, les experts
garantissent une quantité d'eau suffisante dans ces localités
pour alimenter douze fontaines , soit pour livrer 12,000 pots
par heure. Il s'agirait seulement pour ramasser ces eaux de
faire aux sources des Roulets un fossé d’une dizaine de mé-
tres de profondeur, sur 200 de longueur, et de réunir ces
eaux aux belles sources des Crosettes. M. Tanninger, fontai-
uier vaudois, a fait, à la demande de M. Robert-Jeanre-
naud, des recherches à ce sujet. M. Droz termine son
mémoire en annonçant que les nivellemens fournis par M. d'Os-
terwald sont à la disposition de toutes les personnes qui vou-
dront les consulter.
M. Dubois et quelques autres personnes indiquent comme
causes secondaires de l'épidémie qui a sévi à la Chaux-de-
Fonds , le peu de pente du centre du village, qui fait que
les immondices restent trop long-temps dans les canaux,
les boues éternelles des rues, le brouillard d'été qui vient
de l'étang de la Ronde, la stagnation des eaux de cet étang
qui est le réceptacle des immondices de la localité , la proxi-
mité des terrains marécageux qu’on remue souvent, la mau-
vaise distribution des conduits d’égoûts, les maisons hautes
et les rues étroites, souvent si malsaines que le soleil n'y
pénètre jamais, et surtout l’avidité des entrepreneurs qui li-
vrent les maisons aux locataires quelques semaines après
qu'on en a bâti les fondemens , sans que les murs et le bois
aient eu le temps de sécher. Dr Pury, Secrétaire.
SLT. Mg
Séance du 8 février 1844.
Présidence de M. Wurflein.
M. le Docteur Pury lit une note sur une amputation guérie
naturellement sur un chevreuil. L’amputation qui avait eu
lieu un peu au dessous de l’articulation carpo-métacarpienne
droite, s'était guérie d'elle-même avec une cicatrice triangu-
laire. Les nerfs atrophiés se terminaient en s’aplatissant et en
s’élargissant dans le tissu cellulaire nouveau qui entourait le
moignon ; les vaisseaux également atrophiés ne montraient
que fort peu d’anastomoses ; les tendons avaient contracté pour
la plupart des adhérences avec le tissu cellulaire de nouvelle
formation, d’autres se terminaient brusquement dans leurs
gaines, sans avoir contracté d’adhérences , et les os se ter-
minaient par des saillies arrondies, imperméables au scalpel.
M. C. Nicolet lit une notice sur les oiseaux européens de
Macao. Sur cent vingt-quatre oiseaux appartenant à soixante-
dix-huit espèces tous tués et préparés par notre compa-
triote M. Henri Racine, à Macao, pendant les hostilités
entre l'Angleterre et le Céleste-Empire, en 1839 et 1840 ,
et dont il a fait don au musée de l'Union , se trouvent vingt-
cinq espèces identiques avec celles d'Europe. Macao, situé
par le 22° 1%! 4%’! latitude nord et par le 111° 15° 07 lon-
gitude orientale, s'étend avec quelques jardins et une petite
forêt, sur une presqu'ile séparée de l’île de Hiang-Chan, par
une muraille que les Européens n’osent franchir. L'archipel
dont l'ile de Hiang-chan fait partie, situé entre le Japon,
les Philippines, les îles de la Sonde et les Moluques, est fré-
HAT" Due
quenté par les oiseaux erratiques de ces grandes îles et par
quelques-uns de la Nouvelle-Hollande ; les oiseaux séden-
laires du continent chinois s'y trouvent aussi. Parmi ces oi-
seaux, il y en a qui sont tellement ressemblans à ceux
d'Europe, que l'examen le plus minutieux ne permet pas de
les en distinguer, malgré les différences de climat, de lati-
tude et de hauteur au-dessus de la mer.
Quelques naturalistes ont déjà constaté ce fait. Sonnerat
a trouvé en Chine la pie et plusieurs autres oiseaux d'Eu-
rope. Mauduyt observe dans son ouvrage que certains oi-
seaux sédentaires diurnes se trouvent sous les zones tempé-
rées, à de grandes distances, dans l’ancien et le nouveau
monde, presque sous le même parallèle, quoiqu'on ne les
trouve pas dans les régions intermédiaires. Il cite en Chine
le martin-pêcheur commun, le grimpereau de muraille, la
pie, le gros bec commun, le friquet , le troglodite commun ,
la pie-griéche grise, le jaseur, les corbeaux , le roitelet
commun , la petite poule d'eau, le canard à longue queue,
le chipeau, le souchet, le garrot, la bernache, le cigne,
plusieurs autres canards, quelques harles, le pélican, etc.
MM. de Siebold et Bürger, tous deux Hollandais, ont mis
hors de doute la coexistence d'un grand nombre d'oiseaux
en Europe, dans le Japon et dans la presqu'ile de Corée.
Temminck en donne la liste montant à cent neuf espèces et
cinq variétés. M. Callery, naturaliste français , qui a accueilli
avec bienveillance M. Racine et lui a rendu de grands ser-
vices sous le rapport de la taxidermie ; signale aussi la pré-
sence d'oiseaux européens dans l'archipel de Tchu-San.
=. MD) E
Parmi les oiseaux d'Europe collectés par M. Racine, à
Macao, il en est plusieurs qui n’ont pas encore été cités dans
ces parages , outre le martin-pêcheur pie ( Alcedo rudis L. )
qui se trouve à Macao et accidentellement dans les îles de
la Grèce, le martin-pécheur ordinaire, très-commun en
Chine, quiest, d’après Temminck, le martin-pêcheur du
Bengale.
Voici la liste des oiseaux envoyés de Chine par M. Racine,
et qui se retrouvent dans l'Europe centrale :
Hibou brachyote (Strix brachyotus Lath.)
Pie {Corvus Pica Linn.)
Merle bleu {Turdus cyanus Gmelin.)
Bergeronnette grise (Motacilla alba Lino.)
Pipit des buissons (Anthus arboreus Bechst.)
Gros-bec friquet (Fringilla montana Linn.)
Pic épeiche (Picus major Linn.)
Colombe tourterelle {Columba turtur Linn.)
Glaréole à collier (Glareola torquata Meyer).
Pluvier doré {Charadrius pluvialis Linn.)
Pluvier à collier interrompu { Charadrèus cantianus Lath.)
Vanneau huppé {Vanellus cristatus Meyer.)
Héron garzette (Ardea garzetta Linn.)
Héron bihoreau à manteau noir (Ardea nychicorax Linn.)
Héron grand-butor (Ardea stellaris Linn.)
Héron blongios (Ardea minuta Linn.)
Bécasseau canut ou maubéche (Tringa cinerea L.)
Chevalier gambette {Totanus calidris Bechst.)
Chevalier sylvain {Totanus glareola Temm.)
DC DT:
Chevalier aboyeur {Totanus glottis Bechst.)
Bécassine ordinaire {Scolopax gallinago Linn.)
Grèbe castagneux {Podiceps minor Lath.)
Canard siffleur {Anas Penelope Linn.)
Canard souchet {Anas clypeata Linn.)
Canard sarcelle d'hyver {Anas crecca Linn.)
M le docteur Pury lit un mémoire intitulé : Quelques ré-
fleæions sur la police médicale du canton de Neuchâtel. H vou-
drait 1° que les pharmaciens fussent tenus de refuser toutes
les ordonnances dans lesquelles on emploierait d’autres dé-—
nominations que celles en usage dans la pharmacopée prus-
sienne, ou dans le code français, qui peut être regardé
comme semi-officiel.
29 Que pour éviter des malheurs, les médecins se con-
formassent à la prescription de la pharmacopée prussienne
pour les remèdes dangereux , en ajoutant le signe convenu
(!), toutes les fois qu'ils prescrivent un médicament à une
dose plus forte que celle que cette même pharmacopée a
prescrite.
Dans la seconde partie de son mémoire, M. Pury s’atta-
que à la masse d'empiriques des deux sexes qu'on voit sur-
gir de tout côté dans le pays. Il envisage le règlement sani-
taire comme insuffisant, et pense qu'il devrait comprendre
des clauses pénales.
Dr Pury, secrétaire.
No
©
BULLETIN
DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES NATURELLES
DE NEUCERAIATEL.
Séance du 10 janvier 184%.
Présidence de M. L. Coulon.
M. Agassiz annonce à la Société qu'il vient de terminer
son ouvrage sur les Poissons fossiles. A cette occasion il fait
remarquer combien les progrès ont été rapides dans cette
branche de l'histoire naturelle depuis que l'attention des géo-
logues a été dirigée de ce côté. Il y a dix ans, M. Agassiz con-
najssait cinq cents espèces de poissons fossiles. Aujourd’hui ce
nombre est plus que triplé, et celles qu'il a décrites ou énu-
mérées dans son ouvrage ne s'élèvent pas à moins de douze
cents. M. Agassiz signale comme un des résultats importans
de ces recherches le fait que sur ce nombre il n’y a pas une
espèce qui se trouve à la fois dans deux formations différentes.
Ce résultat est d'autant plus significatif que les poissons ne
sont pas, comme les vertébrés supérieurs, limités aux couches
superficielles de l'écorce du globe, mais qu'ils se trouvent
Jjusques dans les plus anciennes couches fossiliféres , où ils
sont associés à des Trilobites , des Mollusques , des Echino-
dermes et des Polypes. Durant cette longue période de temps,
”
2
OT Here
le type des poissons a subi des modifications nombreuses ,
dont la plus importante de toutes doit être placée, suivant
M. Agassiz, à la fin de l’époque jurassique. Tous les poissons
antérieurs à la craie ont une physionomie particulière et ap-
partiennent en général à des familles qui n’ont plus de re-
présentans dans l'époque actuelle. Les poissons des époques
plus récentes sont bien plus-semblables à ceux qui vivent au-
jourd’hui dans nos mers et nos rivières ; et un grand nombre
d’entre eux rentrent dans les mêmes familles et les mêmes
genres, tout en étant cependant spécifiquement distincts.
M. Agassiz a cherché à exprimer ces rapports des différentes
familles entre elles dans un tableau graphique qui accom-
pagne la dernière livraison de son ouvrage et qu'il met sous
les yeux de la Société, en y joignant quelques explications.
E. Desor, secrétaire.
L
Séance du 2% janvier 1844.
Présidence M. L. Coulon.
M. Agassiz présente quelques réflexions sur l'importance
des divers embranchemens du règne animal , sous le point
de vue biologique. Passant en revue les différentes époques
géologiques, il arrive à ce résultat, qu'il n'y a que les ani-
maux vertébrés qui présentent un développement gradué.
dans la série des temps. Il est démontré que l'embranche-
ment des vertébrés n’est représenté dans les terrains de tran-
sition que par une seule classe, la plus inférieure de toutes,
celle des poissons, Les poissons dominent en quelque sorte la
FN VO
création dans ces premières époques , que M. Agassiz voudrait
appeler le Règne des Poissons. Plus tard, quand ces premiers
habitans de la terre ont disparu, nous voyons apparaître dans
une autre création ( à l'époque secondaire ), à côté des pois-
sons, des animaux d’une organisation plus parfaite, de grands
Sauriens , qui prennent à leur tour la prééminence; c’est le
Règne des Reptiles. Plus tard encore , les oiseaux et les mam-
mifères viennent s’adjoindre aux représentans des deux autres
classes ; c'est alors le Règne des Mammifères, et ce n’est qu'en
dernier lieu qu’apparaît l’homme. Considérée sous ce point
de vue, il est évident que la classe des poissons, malgré son
infériorité relative, est d’un haut intérêt pour l'étude de l'his-
toire de la terre, puisqu'elle est la souche de tout ce grand
embranchement des vertébrés dont se sont successivement
détronquées les autres classes. Dans les animaux sans ver-
tèbres , rien de semblable n'a lieu. Il y a eu dés la première
manifestation de la vie à la surface du globe, des représentans
de leurs trois embranchemens ; et l’on peut même sans trop de
témérité admettre que la première création comptait déjà des
animaux des neuf classes d’invertébrés ; car si les plus anciens
insectes connus ne remontent pas au-delà dela houille, et siles
seules traces connues d’Acalèphes, se trouvent dansles schistes
de Solenhofen (Jura supérieur } , on doit sans doute en cher-
cher la cause dans l’organisation même de ces animaux qui
n'est nullement propre à la fossilisation. Or, il est constant
que depuis ces premières époques jusqu’à nos jours , aucun
perfectionnement réel ne s’est opéré dans aucune de ces neuf
classes. Les Mollusques et les Polypes de l’époque de transi-
tion sont aussi parfaits que ceux de nos jours ; et si la série
des vertébrés indique seule un perfectionnement graduel ,
c’est parce qu'elle était destinée à venir aboutir à l’homme,
non par filiation directe, puisque toutes les espèces sont dif-
férentes d'une époque géologique à l’autre, mais par une suc-
cession génitique dont la liaison se trouve dans le plan pri-
mitif du Créateur.
E. Desor, secrétaire.
M. d'Osterwald lit une note sur les observations baromé-
triques qu'il a faites conjointement avec M. Ott, dans la Suisse
orientale. Pour le canton de Glaris, il n’a qu’une vingtaine
d'observations ; mais dans le canton des Grisons il en a fait
un beaucoup plus grand nombre. Il était important pour ces
dernières de fixer la hauteur de Coire, qui devait servir de
point de départ à ces nivellemens. M. d'Osterwald a réuni
toutes les observations qui ont été faites pour la déterminer.
La hauteur de Coire, ramenée au pont de la Plessoure , à
la sortie de cette ville, a été déterminée par des opérations
trigonométriques de M. Buchwalder qui donne pour la hau-
teur, de ce/point.i5tis at de rar 298m89
Les travaux des ingénieurs suis-
ses chargés de la triangulation se-
condaire donnent pour lemême point 595%, 70 moy. 595,80
Le colonel La Nicca a nivelé la
route depuis le lac de Vallenstadt
au pont de la Plessoure qui est plus
eleve de PMP, Les y ror PTT 29
Eye. Pile
Le lac de Vallenstadt est au-
dessus de celui de Zurich de . , 15", 62
Celui de Zurich est au-dessus de
là mer-delws> crosust fe - : 408, 78 moy. 597,69
L'ingénieur italien qui a cons-
truit la route du Splügen et qui a
fait ce nivellement en partant de
Fltalie, a obtenu pour la hauteur
CORÉEN DÉS
Mais son point de départ, comme
celui de son arrivée, ne sont pas
suffisamment connus.
1% observations barométriques
faites par MM. d'Osterwald et Ott,
ont donné pour moyenne . . . 999%, 75
120 observations barométriques de M. Mayer, professeur
à Coire, et calculées par M. Ott d’après Zurich, donnent à
2 ou 3 " près le même résultat.
La moyenne adoptée par M. d'Osterwald, pour servir de
base aux hauteurs observées dans les diverses vallées des
Grisons, est de 597 M au-dessus de la mer. Elle pourra re-
cevoir une légère modification lorsque quelques mesures de
détail qui sont demandées à Coire seront connues.
Ces résultats, ajoute M. d'Osterwald, présentent de l'inté-
rêt à cause de leur coïncidence , qui prouve singuliérement
en faveur des diverses méthodes de nivellement employées en
géodésie. Toutes ces observations sont mises à la disposition
Le, RE
de la Société pour être publiées comme elle le jugera conve-
nable, ainsi qu'un certain nombre d’autres qu'il a détermi-
nées dans le canton de Fribourg.
A. Guvor, secrétaire.
Séance du T février 1844.
Présidence de M. L. Coulon.
M. Vogt fait voir l'organe électrique d’une raie non-élec-
trique , la Raïe ronce (Raja Rubus Lin.) Cet organe , décou-
vert récemment par M. Mayer, n'est qu'à l'état rudimentaire,
comme dans toutes les raies non-électriques, et se trouve
placé entre le cartilage pectoral et le cartilage de la tête ; il
est composé de cylindres creux ou tubes juxta-posés, aux-
quels viennent aboutir de nombreux filets nerveux. Il diffère
de l'organe électrique de la torpille, en ce que les tubes ne
sont pas divisés en cellules cloisonnées.
M. Vogt présente une analyse succincte de l'ouvrage de
M. Külliker sur le développement embryonique des Cépha-
lopodes. Il insiste sur l'importance de pareils travaux pour
l'étude de la zoologie et de l'anatomie comparée,
M. Desor communique les observations qu'il a faites sur
les accumulations de blocs que l’on rencontre au sommet des
montagnes, dans les Alpes et dans plusieurs autres chaînes
de montagnes. Ces accumulations de rochers, connus dans
la Forêt-Noire, sous le nom de Felsenmeere (mers de rochers),
et dans le Harz, sous celui de Teufelsmühlen (moulins du
diable), ont de tout temps fort embarrassé les géologues.
—
Qt
—
Dans les Alpes bernoises, on cite comme un exemple de ce
phénomène, le Siedelhorn , dont les flancs sont arrondis
et déblayés, tandis que le sommet est un cône composé uni-
quement de blocs disloqués. La limite où les roches polies
cessent, et où commence l’amas détrique , est très-tranchée ;
elle se trouve, d’après les mesures de M. Agassiz, à 2438
mètres, et 1l suffit d'avoir vu la localité pour s'assurer que
ces blocs ne sont pas transportés, mais qu'ils sont en place,
car ils sont de même nature que la roche qui compose le
massif de la montagne, sans aucun mélange de blocs étran-
gers. Or cette conformation particulière des sommets, qui
est si exceptionnelle dans les chaînes moins élevées, devient
toujours plus fréquente à mesure que l'on approche des
hautes cîmes de la chaîne, et il y a une région où l’on
ne retrouve plus que des pics et des arêtes tranchantes et
disloquées, témoins la Jungfrau , le Schreckhorn, l'Ewig-
schneehorn , le Finsteraarhorn , ete., dont les sommets sont
profondément délités, à partir d'une certaine limite. Cette
limite, qui à une inclinaison déterminée (de 1° environ)
n'est autre que la limite supérieure des roches polies. Or si
du glacier de l’Aar ou de quelque sommité adjacente, on
poursuit cette limite dans la direction du Siedelhorn , qui
est situé en face du glacier, on verra qu’elle rencontre ce
sommet précisément à l'endroit où commence l’accumula-
tion des blocs disloqués. M. Desor conclut de cette coïnci-
dence, que si la région inférieure à cette limite est dégar-
nie de blocs, c’est parce qu’elle a été envahie par l'agent
erratique qui, tout en façonnant et polissant ses flancs , en a
do + AS Ka
enlevé les rochers détachés , tandis que ceux-ci sont restés en
place sur le sommet qui surgisssait au-dessus des glaces. Il y a
par conséquent concordance entre la limite supérieure des
roches polies et la limite inférieure des sommités disloquées,
ou plutôt ces deux lignes sont identiques. Ce fait une fois
constaté, permettra aux observateurs de compléter à l'avenir
l'étude de l’un des phénomènes par l’autre. Non-seulement
les champs de blocs faciliteront la recherche des roches po-
lies, mais ils permettront encore de tracer la limite supérieure
des anciens glaciers, là même où les roches polies auraient été
oblitérées par les agens atmosphériques, par conséquent de
connaître leur épaisseur sur un point donné et, jusqu'à un
certain point , leur étendue horizontale, d'après l’inclinaison
de cette même ligne. En tous cas, M. Desor ne pense pas
qu'on puisse envisager comme fondée l’opinion qui attribue
à des secousses locales ces champs de blocs éboulés, car s’il-
en était ainsi, on ne concevrait pas pourquoi ces secousses
auraient affecté de préférence les sommets et auraient épar-
gné les flancs des montagnes.
M. Agassiz cite à l'appui de cette explication quelques
phénomènes qu'il a observés en Ecosse. Là, tous les blocs
erratiques ainsi que les galets sont arrondis et rayés , ce qui
prouve qu'ils ont été transportés sous la glace. Toutes les
montagnes d'Écosse sont également arrondies , mammelon—
nées et même polies jusqu'à leur sommet, entre autres
Shehallion. Il n’y a que les deux plus hautes sommités Ben-
Nevis et Ben-Wivis qui lui aient paru être dentelées et dislo-
quées à leur sommet.
ANT He
M. Agassiz présente une figure du Mylodon, grand Edenté
fossile du Brésil , décrit par M. Owen. Il entre dans quelques
détails sur la nature et les caractères de ce singulier animal.
| E. Desor, secrétaire.
Séance du 21 février 184%.
Présidence de M. L. Coulon.
A l'occasion du mémoire de M. Droz, sur les eaux de la
Chaux-de-Fonds, dont le procès-verbal de la section de la
Chaux-de-Fonds contient l'analyse, M. de Castella fait la re-
marque qu'à Neuchâtel les parties basses de la ville sont
plus sujettes aux épidémies que la partie élevée. Il a surtout
constaté une certaine périodicité des épidémies dans la rue
de la Poste, qui est très-humide. Il insiste sur l'importance
de bien entretenir les égoûts.
M. le Président pense qu’il faut attribuer cette influence
fâcheuse en grande partie aux puits perdus, qui étaient
autrefois autorisés, mais qui tendent à disparaître de plus
en plus.
M: Agassiz annonce à la Société que M. Robert Pourtalès
vient d'envoyer au Musée un fort beau chamois des Pyré-
nées, qu'ila tiré lui-même. Cet animal connu sousle nom d'/-
sar, estde même taille que le chamois des Alpes ; il se distingue
parun pelage plus clair, d’un jaune fauve, qui est surtout
marqué sur les épaules, de manière à y former deux épaulettes.
On remarque en outre sur les côtés du cou deux bandes noires
qui ont paru caractéristiques à M: Agassiz ; mais comme l'a-
nimal a été tué à l'époque de la mue, il est assez difficile
a GR ee
d'apprécier la valeur des différences relatives à la coloration.
Les cornes présentent aussi quelques différences dans les
anneaux de leur base et dans leur courbure qui est moins
évasée ; le crochet est aussi plus serré. M. Agassiz se
propose de revenir sur ce sujet, quand il aura comparé
attentivement les différentes espèces entre elles. En atten-
dant , il est disposé à envisager l’Isar comme une espèce
différente. A cette occasion , il fait ressortir l'importance des
recherches de cette nature pour l'étude de la répartition des
espèces animales à la surface du globe. Les anciens natura-
listes ont en général assigné un trop grand rayon aux es-
pèces ; aussi les recherches des modernes tendent-elles à Je
restreindre toujours plus. Il n’y a pas jusques aux oiseaux les
plus favorisés sous le rapport de la locomotion, qui aient
un rayon bien limité. C’est ainsi qu’on a long-temps cru le
Lämmergeier identique dans toutes les stations où on le ren-
contre. Aujourd'hui nous savons que l'espèce du midi de
l'Afrique est différente de celle d'Europe. En revanche, il pa-
raît que celui des Alpes est le même que celui de l'Himalaya.
Cette ubiquité, qui n’a rien d'étonnant pour un animal
comme le Lämmergeier , se concevrait bien moins pour le
chamois, qui pour se transplanter des Alpes dans les Pyré-
nées aurait dû traverser d'immenses plaines , qui ne sont
nullement appropriées à son caractère. D'après cela, l’on
doit s'attendre à trouver des caractères différentiels constans
entre ces deux animaux, d'autant plus que le bouquetin des
Pyrénées est aussi différent de celui des Alpes.
E. Desor , secrétaire.
N° 6.
BULLETIN
DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES NATURELLES
DE NEUTCHEATER.
Séance du 6 mars 1844.
Présidence de M. L. CouLox.
M. Agassiz annonce son intention de présenter à la So-
ciété une série de tableaux sur la distribution géographique
des animaux, afin de montrer que cette distribution est
beaucoup plus précise et plus intimement liée aux condi-
tions de sol et de climat qu'on ne l’a cru jusqu’à présent.
L'ordre des Quadrumanes , qui se présente en premier lieu,
mérite une attention toute particulière à cause de la position
élevée que ces animaux occupent dans l’échelle animale,
et des caractères précis qui distinguent les divisions de cet
ordre. Une première remarque à faire, c’est que tous les
Catharins ou Singes à cloisons nasales étroites ayant ££
molaires, des ongles plats, jamais crochus, et qui for-
ment par conséquent une famille très-nettement circons-
crite, sont propres à l’ancien continent et aux îles qui en dé-
pendent. La seconde famille, celle des Platyrrhins ou Singes
à cloisons nasales larges, ayant £'£ molaires et pour la plu-
part une queue prenante, appartiennent tous au Nouveau-
| 6
ce MED ee
Monde. La troisième famille, celle des Ouistitis, qui a des
cloisons nasales larges, ?£ molaires à tubereules saillans , et
des ongles plats seulement aux pouces, est également pro-
pre au nouveau continent. La quatrième famille enfin , celle
des Lémuriens, qui ont les doigts pourvus d'ongles plats,
à l'exception du premier doigt de derrière, est propre aux
grandes îles du continent africain.
En Amérique, les quadrumanes en général remontent à
des latitudes plus élevées dans l'hémisphère austral, où on
les trouve jusqu’au 27° de latitude, que dans l'hémisphère
boréal, où ils n’atteignent que le 23°. Dans l'ancien monde,
les limites boréales des Quadrumanes sont par le 35° et 36°
de latitude N., et les limites australes par le 37° de lati-
tude S. Il est digne de remarque que cette répartition coïn-
cide avec celle des Palmiers , qui, comme l’on sait, fournis-
sent la nourriture essentielle de ces animaux.
Dans l’ancien continent, la délimitation s'étend d’une ma-
nière précise non-seulement aux familles, mais même aux
subdivisions de famille. C’est ainsi que parmi les Catharins
sans queue , les Orangs sont limités aux îles de la Sonde;
les Chimpansés sont propres au continent africain , et ici 1]
n'est pas sans intérêt de constater la singulière coïncidence
qui existe entre la couleur du pelage des singes et le teint
des races humaines de ces différentes régions. L'orang rap-
pelle, par son pelage rouge ou fauve, les Malais; et le
Chimpansé, par son pelage noir, le teint noir des Nègres.
Les Gibbons se trouvent dans les îles de la Sonde et dans
l'Asie méridionale. Les Guenons, les Macaques , les Magots,
es US
les Semnopithèques, ont également chacun leur rayon ; mais
il est plus vague que ceux des genres précédens.
Les Ouistitis se montrent à-peu-près dans les mêmes ré-
gions que les Platyrrhins.
Les Lémuriens ont peut-être l'habitat le plus rigoureuse-
ment circonscrit ; car ils sont non-seulement propres à cer-
taines îles du continent africain, mais ces mêmes îles ne
renferment aucune autre espèce de Quadrumanes. C'est
ainsi que nous trouvons à Madagascar les Makis et les
Indris, et à Ceylan le genre Lori, de même que les Tarsiers
sont propres à Amboine , les Galago-au Sénégal et les Galéo-
pithèques aux îles de l'Océanie. Ces lois de répartition géo-
graphique ne s'observent pas seulement dans la création
actuelle ; elles ont régi également, à ce qu'il paraît, les
époques antérieures. On a trouvé un singe fossile voisin
des Gibbons, à Sansan, près d'Auch; une espèce voisine des
Semnopithèques , dans les collines sub-himalaïennes ; une
espèce de Catharin en Grèce et une autre dans le crag d’An-
gleterre. Et si le nombre des Singes fossiles est encore très-
restreint, nous voyons du moins que tous ceux qu'on a
trouvés dans l’ancien continent appartiennent à la même
- grande division qui est encore aujourd’hui propre à ce con-
tinent. Au Brésil, au contraire, M. Lund a trouvé un Singe
fossile du groupe des Platyrrhins.
Il paraît étrange au premier abord que des Singes aient
vécu autrefois dans nos régions , mais nous savons qu'à cette
époque le climat de l'Europe était plus chaud , et il n’est pas
sans intérêt de faire remarquer que partout où l'on a trouvé
RQ DU
jusqu’à présent des Singes fossiles, on a reconnu aussi la
présence de palmiers pétrifiés, d'où 1l faut conclure que les
Singes de cette époque avaient probablement les mêmes
mœurs que ceux de nos jours, et s’il en est ainsi, nous de-
vons croire que les différens types de cette famille sont au-
tochthones dans les régions qu'ils habitent, et qu'ils l'ont
également été jadis dans les localités où on en a trouvé des
débris fossiles.
M. Ladame fait voir à la société la machine de Bonijol,
dont le cabinet de physique a fait dernièrement l'acquisition.
Cette machine, construite d’après les directions de M. de la
Rive, est destinée à mettre en évidence, par trois moyens
différens, les courans électriques d'induction de Faraday.
M. Ladame , après avoir rappelé les découvertes importantes
faites ces dernières années dans le domaine de l'électricité,
et spécialement celles que la machine sert à démontrer d’une
manière si ingénieuse , passe aux expériences , et en explique
le mécanisme et l'usage.
E. DEsor, secrétaire.
Séance du 20 mars 1844.
Présidence de M. L. COULON.
M. Vogt entretient la Société des recherches de MM. Henie
et Külliker, sur les corps de Pacini. Il rappelle à cette occa-
sion , que déjà Pacini avait découvert sur les nerfs de la main
de très-petits boutons formés de membranes emboitées et
séparées par un liquide gélatineux. MM. Henle et Külliker
— 63 —
ont poursuivi les recherches du savant italien et ont reconnu
qu'il existe de pareils petits boutons sur les nerfs de la paume
de la main, de la plante des pieds et de l’épigastre chez
l'homme et chez tous les mammifères. Le rapporteur décrit
la structure intime de ces boutons, appelés par MM. Henle
et Külliker, corps de Pacini, dont l’organisation rappelle
celle des organes électriques de la torpille. Il insiste sur la
singulière coïncidence de ces petits corps avec le siège du
magnétisme animal, qui, comme l'on sait, se trouve surtout
dans les mains et dans l’épigastre.
M. Vogt rend ensuite compte des travaux de M. de Sie-
bold, sur le sens de l’ouie chez les insectes. Après avoir
rappelé les tentatives infructueuses faites par les anatomistes
pour trouver le siége de l’ouie dans la tête des insectes , il
annonce que M. de Siebold vient enfin de découvrir un or-
gane tout-à-fait analogue à une oreille d'embryon ; dans la
jambe des sauterelles et un organe semblable dans la poitrine
du grillet. M. Vogt ne doute pas que ces organes dont il fait
voir les dessins, ne soient réellement de véritables oreilles.
M. Agassiz continue son exposé sur la distribution géo-
graphique des animaux.
La famille des Chiroptères offre sous ce rapport quel-
ques faits intéressans. Le premier groupe qui se présente
est celui des Roussettes , qui par leurs caractères bizarres
forment en quelque sorte le passage aux Lémuriens , et qui
se distinguent entre toutes les autres Chauves-Souris par ce
caractère important d'être frugivores. Or, les Roussettes ont
un rayon géographique très-neltement circonserit. Le genre
Pteropus se trouve aux îles de l'Océan Pacifique et sur les
côtes des continens avoisinans. On les retrouve dans le sud
de l'Asie, à Madagascar et sur quelques points de la côte
orientale d'Afrique ; mais il manque à l'Amérique.
Les Phyllostomes, les Sténodermes , les Glossophages, sont
exclusivement propres à l'Amérique du sud. Leurs mœurs
sont tout-à-fait l'opposé de celles des Roussettes ; ce sont des
animaux sanguinaires , qui non-seulement se nourrissent de
petits animaux , mais sucent aussi le sang des grands mam-
mifères.
Les Fer-à-cheval , les Mégadermes et les Rhinolophes sont de
nouveau propres à l’ancien continent et particulièrement à
l'Afrique et à l'Asie méridionale , où ils représentent les Phyl-
lostomes de l'Amérique, avec lesquels ils ont une assez grande
ressemblance extérieure.
Les Chauves-Souris proprement dites ( Vespertilio ) sont
ubiquistes dans la zône tempérée et dans la zône tropicale ,
et cette ubiquité s'explique en quelque sorte par leur genre
de vie qui les astreint à poursuivre une proie excessivement
fugace ; car ce sont des animaux essentiellement insectivores.
Cependant on remarque que les Nyctilions sont plus particu-
lièrement propres à l'Amérique, et les Vespertilions à l'ancien
monde. Sous les tropiques, ces animaux voltigent toute l’an-
née, tandis que dans nos régions ils s’engourdissent pendant
l'hiver.
Les débris fossiles de Chiroptères sont encore fort rares ;
cependant on en a trouvé des restes dans les platrières de
Montmartre, dans les schistes d'OEningen , dans les brêches
ent es D S .
0
osseuses de Nice et dans les cavernes de Liège et de Tor-
quai. Or, tous ces débris appartiennent sans exception à la
tribu des vrais Vespertilions, qui, comme nous l'avons vu ci-
dessus , sont plus particulièrement propres à l’ancien conti-
nent. Nous retrouvons par conséquent ici la même loi que
M. Agassiz a signalée à l'égard des quadrumanes fossiles , à
savoir qu'aux époques où ces animaux vivaient, la réparti
tion des différens types était déjà soumise à des lois précises
et à une circonscription déterminée. ]
Il est fait lecture d’un mémoire de M. C. Nicolet , sur les
oiseaux européens qu'on trouve à Macao (Voir le procès-ver-—
bal de la section de la Chaux-de-Fonds, du 8 février 1844 ).
A l’occasion de cette notice qui soulève une grave question
d'histoire naturelle, M, Agassiz fait remarquer que la plupart
des espèces signalées par M. Nicolet, comme étant ubiquistes
en Chine et en Europe, ne sont pas des oiseaux sédentaires. Il
pense dès-lors qu'avant de tirer des conclusions générales
de ces faits, il faudrait rechercher quel est le rayon de ces
espèces et jusqu'où elles s'étendent dans les différentes direc-
tions.
M. le Président rappelle qu'en général les oiseaux aquati-
ques émigrent beaucoup plus que les oiseaux terrestres. Le
Pluvier va jusqu’au Brésil et l'Huitrier entreprend des voyages
non moins considérables. Enfin toutes les années on observe
sur les côtes d'Angleterre et d'Irlande des oiseaux de l'Amé-
rique du Nord qu’on n'avait jamais vus auparavant et qui
selon toute apparence suivent les navires qui sillonnent ces
parages.
“US
A l’occasion de la notice de M. Nicolet, M. Desor fait ob-
server que M. Nicolet s'applique avec un soin tout particulier
à recueillir non-seulement les oiseaux, mais encore tous les
animaux propres au Jura. M. Agassiz fait ressortir l’impor-
tance de pareilles collections , qui outre leur valeur intrin-
sèque ont encore l'avantage d'exprimer d'une manière fidèle
les faunes locales. Il pense que la collection de la Chaux-de-
Fonds est destinée à devenir l'expression complète de la faune
jurassienne.
E. Desor, secrétaire.
N°:
BULLETIN
DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES NATURELLES
DS NEUCEATER.
Séance du 5 avril 1844.
Présidence de M. L. CouLox.
M. le docteur Bovet lit un rapport sur un mémoire du
docteur Pury, intitulé : Considérations sur la police médicale
du canton de Neuchâtel. Ce mémoire a été inspiré à M. Pury
par la relation d'un cas d'empoisonnement produit par le
€cyanure de potassium, administré au lieu du cyanure de
potassium et de fer. Ce dernier médicament était souvent
prescrit par les médecins sous la dénomination abréviative
de cyanure de potassium. Depuis l'introduction dans la ma-
üère médicale du véritable cyanure de potassium, qui est
un médicament dangereux, que l'on n'emploie guère que
par fractions de grains , il devenait très-important de spéci-
_ fier dans les ordonnances celui de ces deux médicamens que
l'on entendait employer. C’est faute de cette précaution qu’eut
lieu l'accident rapporté dans le Journal de médecine légale
de Henke, et cité par M. Pury. L'auteur signale à cette oc-
casion les inconvéniens de la pratique illégale de la médecine
dans notre pays; il voudrait que notre règlement sanitaire
EN ge
contint une sanction pénale contre les mièges qui abusent de
la crédulité publique.
M. le docteur Junod donne quelques détails sur divers ef-
fets du nouveau mode de traitement par les grandes ven-—
touses, dont il est l'inventeur. Les appareils du D' Junod
donnent la faculté de déplacer dans une partie du corps quel-
conque #, 6 ou même 8 livres de sang, sans douleur ni
danger; ils deviennent ainsi un puissant moyen thérapeu-
tique dans un grand nombre de maladies. L’utilité de leur
application dans les congestions locales de toute espèce et
les inflammations, est démontrée par l'expérience. Elles
agissent encore efficacément dans toutes les maladies ner-
veuses dans lesquelles on peut soupçonner qu'un trouble
dans la circulation du sang et des humeurs prend quelque
part. L'hypochondre en est souvent soulagé. M. Junod a
obtenu la guérison complète d’un tic douloureux opiniâtre.
L'utilité des grandes ventouses en chirurgie n'est pas
moins évidente. Elles rendent possibles ou faciles de grandes
opérations qu'on n'oserait tenter soit à cause de l'état du
malade, soit par crainte d’une perte de sang trop considé-
rable, si l'on n'avait en sa puissance un moyen dérivauf à
la fois aussi puissant et aussi instantané. Elles paralysent les
accidens qui pourraient survenir à leur suite en atténuant
* J'inflammation. C’est par la même raison qu’on l’emploie
très-utilement dans des opérations délicates, comme celles
des yeux, etc.
M. Junod ajoute quelques détails sur les sensations que
l’on éprouve sous l’action de ses appareils. Le pouls diminue
ras
=: D
graduellement de force et de volume, tout en devenant plus
accéléré ; l'appétit augmente, mais non la soif; souvent la
défaillance survient, surtout pendant les premières opéra-
tions que l’on a faites au malade. Il ajoute, comme un phé-
nomène remarquable, que si la température dans l'appareil
n'est pas un peu élevée, l'effet est nul, quoique l’on agisse
au même degré, tandis que l’on obtient de grands effets
avec une température plus haute. M. Junod en conclut que
l’action de la grande ventouse n’est pas purement mécanique.
M. Vogt explique ce phénomène par la grande contracti-
bilité des vaisseaux capillaires qui peuvent être facilement
réduits aux deux tiers de leur volume ordinaire par une
température plus froide.
M. Agassiz rend compte de ses recherches sur le genre de
Mollusques auquel Lamarck, en l’établissant, a donné le
nom de Pyrula, à cause de leur forme qui rappelle celle
d'une poire. Peu à peu le nombre des espèces s’est considé-
rablement accru, et le besoin de nouvelles coupes ne tarda
pas à se faire sentir. Déjà Sowerby proposa quelques modi-
fications. Plus tard Pusch sépara sous le nom de Melongena
les espèces analogues au Pyrula melongena. Mais c'est
Swainson qui a opéré les modifications les plus importantes
dans ce genre. Cet auteur divise les Pyrules de Lamarck en
sept genres qui représentent autant de types distincts que
M. Agassiz croit devoir adopter et qu'il caractérise de la ma-
nière suivante :
1) Ficula Swains. (Pyrula Lam). Coquille pyriforme uni-
formément bombée. Spire très-courte, aplatie. Canal respi-
raloire large et alongé. Type: Pyrula fieus Lam.
Le ON A
2) Rapella Swains. Coquille trés-renflée, à ouverture fort
ample. Spire très-courte. Columelle ombiliquée. Type: Py-
rula RapaLa m. |
3) Myristica Swains. (Melongena Pusch). Coquille très-
renflée, tuberculée, à canal respiratoire court. Columelle
aplatie. Type : Pyrula melongena Lam.
%) Pyrula Lam. Swains. Spire courte. Tours de spire an-
guleux et tuberculeux du côté de la spire. Dernier tour s’at-
ténuant en un long canal respiratoire plus ou moins coudé.
Type : Pyrula vespertilio, sprrata, etc.
5) Pyrella Swains. Coquille à spire plate. Tours extérieurs
de la spire anguleux. Un long canal respiratoire plus ou
moins coudé : Type: Murex Sprillus L.
6) Leiostoma Swains. Coquille lisse et fusiforme. Spire sail-
lante. Bord de l’ouverture entier. Type: Fusus bulbiformis Lam.
7) Strepsidura Swains. Mêmes caractères. Coquille réticulée.
Canal respiratoire fortement coudé. Type: Fusus ficulneus Sow.
Parmi ces coquilles se trouvent plusieurs espèces fossiles
qu’on a confondues à tort avec des vivantes. C’est ainsi que
le Myristica cornuta Ag. de Bordeaux n’est nullement iden-—
tique avec le Myr. melongena, comme on l'a prétendu.
M. Agassiz insiste à cette occasion sur l'importance de re-
- cherches minutieuses dans l'examen de cette question. L'ou-
vrage récent de M. Philippi sur les Mollusques de Sicile, qui
admet de nombreuses identités , lui paraît destiné à donner
lieu à des controverses qui ne manqueront pas de jeter un
nouveau jour sur cet important problème.
E. Desor, secrétaire.
in A
Séance du 17 avril 1844.
Présidence de M. L. CouLow.
M. Godet lit une notice sur la collection des mousses du
canton de Neuchâtel, dont M. Leo Lesquereux vient de faire
don au Musée. Cette collection, fruit de courses nombreuses
et souvent répétées pendant plusieurs années, dans toutes
les parties du canton, a outre son intérêt scientifique un intérêt
particulier , en ce qu’elle forme une page importante de l’his-
toire de nos tourbières, au moins pour ce qui concerne les
mousses qui entrent dans la composition de la tourbe juras-
sique. Elle se compose d'environ 271 espèces, et d’un grand
nombre de variétés, nombre très-grand comparativement,
puisque la Flore française de Duby n'en énumère que
300 espèces environ ‘pour tout le domaine de la Flore de
France. Notre canton contient donc à-peu-près les neuf-
dixièmes des mousses qui croissent en France.
Le genre Hypnum, le plus nombreux en espèces, qui est
représenté en France par 71 espèces, l’est chez nous par 60.
Le genre Orthotrichum compte en France 16 à 17 espèces,
chez nous 22 ; le genre Dicranum compte en France 21 es-
pèces, et 16 dans notre canton, etc. — Un des genres les
plus intéressants est celui des Sphagnum , qui contribue le
plus à la formation de la tourbe du Jura et en fait le fond.
Toutes les espèces connues en Europe ont été constatées par
M. Lesquereux dans nos tourbières, avec les nombreuses
modifications inhérentes aux plantes aquatiques dont le tissu
plus mou et plus aqueux est plus susceptible de subir les
anse EX ce
influences locales. Ces variétés, élevées par beaucoup d’au-
teurs au rang d'espèces, ont été analysées avec soin par
M. Lesquereux et rapprochées de leur type avec beaucoup
de sagacité. M. Lesquereux a ainsi souvent constaté dans la
même espèce les formes les plus diverses et en apparence
les plus distinctes, depuis les plus lâches et les plus alongées
jusqu'aux plus compactes, et il a pu suivre pour ainsi dire
pas à pas toutes ces modifications par une succession infinie
de formes intermédiaires. Parmi les végétaux phanérogames,
ajoute le rapporteur, on remarque quelque chose de sem-—
blable dans le genre aquatique des Potamogeton qui peuple
nos lacs, nos rivières et nos ruisseaux (!) — Le genre si
élégant des Encalypta, remarquable par la coëffe en forme
d'éteignoir régulier qui couvre les capsules, est représenté
chez nous par 8 espèces, tandis qu’il n’en compte que # en
France.
Ne possédant aucune énumération des espèces de mousses
“qui croissent en Suisse, M. Godet n’a pu établir leur propor-
tion avec les nôtres. Il se borne à faire ressortir quelques-uns
des genres rares, qui ne se trouvent point partout, et quelques
espèces que nous pouvons compter parmi les citoyennes de
notre canton. Ainsi nous possédons le Buxbawmia indusiata ,
trouvé à la Poëta-Raisse et au fond du Creux-du-Vent, par
M. Lesquereux, le Diphyscium foliosum, le Mnium orthorhyn-
(*) M. Lesquereux a constaté que tous les Sphagnum ont les capsules axil-
laires ; quoique se développant quelquefois en apparence au sommet des tiges :
ce phénomène ne peut donc auloriser établissement d'espèces, comme quel-
ques Bryologues Pont fait, faute d’avoir observé suffisamment ce genre en
grand et dans la nature.
Luc RE
chum, nouvelle espèce établie par MM. Bruch et Schimper, le
Timmia megapolitana , le Paludella squarrosa, les Bartramia
marchica et ityphylla , Neckera cladorhizans, Hypnum jula-
ceum, incurvatum , Grimmia spirahis Br. et Sch., Dryptodon
funalis et Grimmia tichophylla, sur les blocs granitiques du
Val-de-Travers, blocs remarquables comme phénomène g60-
logique , mais qui le sont aussi en ce que , même au milieu
de nos roches calcaires, ils conservent une végétation parti-
culière. Enfin on peut encore citer les Meesia fugax et cir-
rhata, Trichostomum glaucescens, Orthotrichum pallens, Lyellir,
Hutshinsiæ, etc.
Un fait curieux, sous le point de vue physiologique, et qui
n'a pas encore été expliqué jusqu'ici, c'est que plusieurs
espèces de mousses qui fructifient abondamment dans le
nord, restent chez nous constamment sans fructification -:
tels sont les Racomitrum maicroscopum , Dicranum glaucum
et surtout le Paludella squarrosa; tandis que d’autres, qui
chez nous fructifient abondamment en certaines localités,
comme la Meesia longiseta, sont stériles dans beaucoup de
contrées.
Quelques espèces de mousses sont curieuses par leur per-
sévérance à croître dans certaines localités ou sur certains
arbres , abstraction faite d’autres qui semblent devoir leur
convenir tout aussi bien. Ainsi le Dicranum cerviculatum
s'est emparé presque exclusivement, avec le Viola palustris et
le Pinguicula vulgaris, des coupes perpendieulaires provenant
de l'exploitation des tourbières, le Funaria hygrometrica se
plaît particulièrement sur les fours à charbon abandonnés ;
ER ee
le Splanchnum ampullaceum, moins délicat encore, choisit son
siége de prédilection sur les excrémens des vaches, laissés
sur nos tourbières. Parmi les Orthotrichum , les uns aiment
les écorces des arbres, les autres affectionnent le peuplier,
d’autres le saule, ou le hêtre, ou l’érable, d’autres encore se
plaisent indifféremment sur tous les arbres de nos forêts. Nos
granits roulés ont leurs hôtes particuliers, dont j'ai déjà cité
quelques-uns. Enfin le sable, la terre humide, les troncs
pourris, les rochers secs ou humides ombragés ou exposés
au soleil ont chacun dans cette intéressante famille, des amis
qui leur sont exclusivement attachés.
Si le Jura ne contient aucune espèce de plantes phanéro-
games qui lui appartienne exclusivement, il ne semble pas
plus favorisé par rapport aux mousses, et aucune espèce
strictement nouvelle n’a été déterminée sur des exemplaires
de notre Jura. Ce fait n’a rien d'étonnant : il serait au con-
traire curieux qu'il en fût autrement, car en général les
végétaux d’un ordre inférieur occupent un domaine bien
moins restreint que les végétaux supérieurs, et ce domaine
s'étend d'autant plus que nous descendons plus bas dans
l'échelle de l’organisation végétale: ainsi, tandis que les
champignons, par exemple, comptent plusieurs espèces com-
munes aux contrées équinoxiales d'Amérique et aux Alpes
de la Suisse et de l’Europe, il ne se trouve pas un végétal
d’un ordre supérieur commun aux deux continens sous des
latitudes si différentes, à moins qu'ils n'aient été transportés et
acclimatés par des agents extérieurs et qu'ils n'aient acquis
de cette manière leur droit de bourgeoisie. Les mousses, sous
haie
= (N; : ie
ce rapport, semblent tenir un juste-milieu, sinon pour les
espèces, du moins pour les genres, dont plus de la moitié
se retrouvent les mêmes sur presque toute la surface du
globe. |
Si M. Lesquereux n’a pas précisément découvert de nou-
velles espèces de mousses propres à notre Jura, il en a dé-
terminé plusieurs espèces d’une manière plus précise qu'on
ne l’avait fait jusqu’à présent. Ainsi le Sphagnum cuspidatum
est caractérisé par des feuilles ondulées, plus allongées et plus
étroites que le Sphagn. capillifolium. Quoique presque toujours
flottante, cette mousse n'offre pas de formes intermédiaires. Le
Dicranum Schreberi diffère du D. varium par des feuilles à base
amplexicaule, très-dilatées, concaves, terminées subitement
en pointe subulée entière, et par la capsule ovale. Le Meesia
tristicha, souvent confondu jusqu’à présent avec le M. longi-
seta, en diffère notamment par une inflorescence dioïque, par
ses feuilles exactement tristiques ou sur trois rangs et par sa
capsule plus grosse. — De nombreuses variétés de l'Hypnum
fluitans, dont les auteurs avaient fait des espèces, ont été
rapportées heureusement à leur type, par l'observation de
plusieurs formes intermédiaires qui en démontrent la pa-
renté. Ainsi l'Hypnum aduncum des auteurs ne peut plus
être regardé que comme une forme de cette espèce, l’une des
plus variables qu'on connaisse. Nous avons aussi chez nous le
véritable Æ. aduncum de Linné. L'Hypnum scorpioides, espèce
très-rare, a été trouvée par M. Lesquereux aux environs du
lac d’Etalières, et tous les échantillons de la mousse qui porte
ce nom dans l’herbier de M. Chaillet, appartiennent à une
7
ZE:
mousse beaucoup pluscommune, l'Hypn. lycoperdioides Hedw.
L'Hypn. fallax Brid. est la forme flottante de l’'H. palustre,
dont les feuilles s’allongent et deviennent capillaires, à mesure
que la tige est de plus en plus immergée, ce qui arrive à un
grand nombre de mousses aquatiques, dont on a fait des
espèces , faute de les avoir observées dans leurs transforma-
tions graduelles et sur la nature vivante. Une observation
intéressante à faire à cette occasion, c’est que les formes
flottantes ne fructifient jamais, mais seulement celles qui
croissent sur les pierres humides. — L'Hypn. glareosum, es-
pèce nouvelle, que MM. Bruch et Schimper ont établie sur des
exemplaires de l’herbier de M. Lesquereux, n’est, suivant ce
dernier, qu’une forme de l’A. lutescens, à laquelle elle vient se
joindre par des transitions inappréciables. Ce sont des variétés
locales, si l’on veut, mais qui se confondent dans les mêmes
localités, et qu’il est impossible de distinguer, quand elles
sont fraîches, les capsules se courbant plus ou moins, suivant
la constitution plus ou moins sèche de l'atmosphère, consti-
tution hygrométrique dont les mousses subissent plus parti-
culièrement l'influence. Le Barbula aciphylla de MM. Bruch et
Schimper n’est admise par M. Lesquereux que comme variété
du B. muralis, qui est à poils blancs ou rouges , épineux ou
lisses, suivant les localités. Il n’y a que l'observation sur de
nombreux échantillons qui puisse conduire à ces résultats.
La détermination des espèces d’après des herbiers sera tou-
jours hasardée et incomplète.
"Les mousses, comme les végétaux supérieurs, ne sont
point étrangères aux monstruosités produites par la piqûre
=. PF. =
d'insectes, comme le Bédiguar des rosiers, etc. Une sem-
blable monstruosité a été signalée par M. Lesquereux, sur
le Leucodon sciuroïdes et n’est point rare sur les érables du
haut Jura, aux Sagnettes , à la Joux du Plane, etc.
M. Desor communique à la Société quelques observations
qu'il a faites récemment sur les bonds de Bierre, dans le can-
ton de Vaud. On donne le nom de bond à des trous d’une
grande profondeur, à parois verticales , creusés dans le ter-
rain diluvien de la plaine de Bierre. Leur nombre est de
onze, dont neuf situés au bord inférieur de la plaine, près
du torrent de l’Aubonne, et deux au-dessus du camp de
Bierre, non loin des sources du Toleure. Leurs dimensions
sont très-variables ; il ÿ en a qui ont plus de cinquante pieds
de diamètre; les plus grands sont entourés d’une haie de
broussailles pour empêcher le bétail d'y tomber. Ordinaire-
ment les bonds sont remplis d’une eau trouble et-argileuse
dont le niveau varie suivant les saisons ; mais ce qu'il y a de
curieux, c'est qu'à certaines époques ces bonds entrent en
mouvement et vomissent autour d'eux des torrens d’eau char-
gés d'argile. De là vient que les abords de chaque bond sont
couverts d'un enduit argileux qui contraste avec la teinte
roussàtre ordinaire de la plaine. M. le général Laharpe, qui
a précédemment décrit les bonds, les compare pour cette
raison à des volcans de boue. M. le docteur Nicati , d'Au-
bonne , et M. Necker ont plus tard réfuté cette opinion , en
remarquant que les bonds sont en rapport direct avec la fonte
des neiges sur le Jura, et que l'époque de la fonte est toujours
marquée par un exhaussement sensible de leur niveau. M. De-
Rs
sor a visité, en société de MM. Nicati et Blanchet, les bonds
inférieurs et a pu se convaincre de la justesse de ces observa-
tions. Deux de ces bonds, les plus rapprochés de l'Aubonne,
sont situés dans le domaine d’un fermier qui les exploite pour
la fabrication des tuiles et de la poterie, en enlevant l'argile
à mesure qu’elle se dépose au bord du bond, ce qui arrive
toujours à l’époque de la fonte des neiges. Ce fermier prétend
avoir découvert un moyen d'obtenir une plus grande quan-
tité d'argile, en jetant en automne des masses-de pierres et
de graviers dans les bonds où ils s’enfouissent pour ne plus
reparaître. Pendant l’hiver ce remblais se tasse, et quant ar-
rive le printemps, toute cette masse se crevasse et l’on voit
sourdre des crevasses une argile très-fine, répandant une lé-
gère odeur d'hydrogène sulfuré ; en même temps le remblais
s'enfonce et finit par disparaître complètement. L'un des
bonds était dans cet état, lorsque M. Desor le visita le 6 avril
dernier. Quelquefois l’éruption est très- violente et les bonds
rejettent alors de nombreux fragmens de bois qui sont gisant
tout à l’entour. Ces morceaux qui ont jusqu'à un pied d'é-
paisseur sont des fragmens de troncs coupés transversale
ment ; leur fibre est ordinairement conservée, mais ils ont
perdu toute substance résineuse, sont légers comme de l’ama-
dou et portent toutes les traces d’une forte pression. M. Desor
remarque en outre, que les bonds ne sont point un phéno-
mène accidentel , puisqu’alors même qu'ils se dessèchent pé-
riodiquement, ils reparaissent toujours aux mêmes endroits.
Leurs parois sont très-imperméables , ce qui le prouve, c'est
que le fermier que nous avons mentionné ci-dessus, ayant un
— 04. 7° la
jour sondé le plus petit des bonds et ayant rencontré l'argile à
91 pieds de profondeur, avait creusé à côté un trou de la
même profondeur de 15 pieds de diamètre , dans l'espoir d’en
retirer également de l'argile. Il fut complètement déçu dans
son attente ; à l’époque de la fonte des neiges , le véritable
bond entra réellement en activité (poussa d’après l'expression
locale), tandis que le trou à côté se remplit d'eau claire. On
a retiré de ce bond artificiel un tronc de chêne qui diffère
des fragmens de bois vomis par les véritables bonds, en ce
qu'il est parfaitement conservé et tellement dur que l'on en
a fait toutes sortes d’ustensiles. M. Desor en conclut , avec
M. Nicati, que les bonds sont des puits artésiens naturels,
communiquant avec une couche imperméable dans l'intérieur
ou au-dessous du grand dépôt de gravier. C’est ce qui résulte
évidemment de la coïncidence de la fonte des neiges sur le
Jura, avec l'irruption des bonds, qui indique en quelque
sorte le trop plein des canaux intérieurs. Il reste encore à
expliquer d'où proviennent les morceaux de bois qui sont
ainsi rejetés par les bonds.
M. Desor dépose sur le bureau un morceau de ce bois.
M. Godet pense que c’est probablement du hêtre. M. le Prési-
dent ne pense pas que ce bois provienne des sommités du Jura ;
il serait plutôt disposé à croire qu’il est fourni par une couche
de tourbe sous-jacente au dépôt de gravier, attendu que le
bois des tourbières a tout-à-fait le même aspect. Espérons que
les géologues vaudois nous donneront un jour la solution de
cet intéressant problème.
RS ce
M. le Président de la Société communique une lettre de
M. le docteur Tschudi, par laquelle ce dernier annonce,
qu'après avoir comparé avec les collections du Musée de Ber-
lin la plupart des oiseaux qu'il a rapportés du Pérou, il
a trouvé que le plus grand nombre des espèces qu'il croyait
au premier aspect identiques avec les espèces déjà connues ,
sont nouvelles ; tels sont, entre autres , le Penelope rufiven-
tris, qui est voisin du Pen. marail, le Pen. adspersa , voisin
du squamata. Il en est de même de plusieurs autres, tels
que le Thinocorus Inga, le Crypturus Kleei, les Odontopho-
rus speciosus, Charadrius Winterfeldii, resplendens, Crex facia-
lis et femoralis, Fulica ardesiaca , Sterna acutirostris et eæilis,
et de beaucoup d’autres. Ainsi ce voyage aura contribué à
augmenter de beaucoup le nombre des espèces d'oiseaux et
même de mammiféres de l'Amérique du sud, tout en nous
apprenant que la Faune du Pérou diffère beaucoup , non-seu-
lement de celle du Brésil, mais même de celle du Chili, dé-
erite par M. d'Orbigny.
E. Desor, secrétaire.
N° 8.
=
BULLETIN
DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES NATURELLES
DS MEUCRHATER
Séance du 1° mar 1844.
Présidence de M. L. CouLox.
M. le docteur de Castella lit un mémoire sur le mouve-
ment de l'hôpital Pourtalès, pendant l'année 1843.
L'hôpital contenait le 1° janvier 1843,
23 malades, dont 15 hom., 8 fem.
Il en a été admis pen-
dant l’année . . . 331 dont 228 hommes et 103 fem.
Ensemble . . . 354 mal. 243 hommes et 111 fem.
dont 163 Neuchâtelois, soit 100 hommes et 63 femmes.
20 Vaudois 13 » 7 »
68 Bernois 43 » 25 »
38 Suisses desautres cantons30 » 8 »
65 étrangers 57 » su. $
304 malades 243 hommes 111 femmes.
245 sont sortis guéris.
56 améliorés ou soulagés.
8 incurables.
21 sont morts.
2% sont restés à l'hôpital au 31 décembre 1843.
Nr TS
Ces 354 malades ont séjourné ensemble 12,506 journées
à l'hôpital ; en moyenne le séjour d'un malade a été de 35
journées (35 "’6/354).
On a eu chaque jour en moyenne 34 malades (34 %/365).
La mortalité calculée sur les sorties et décès , a été de 1
sur 16 (15 **/21). -
Sur les 21 individus qui sont morts; 1 est mort en arri-
vant à l'hôpital sur le brancard sur lequel on le portait :
4 sont morts du premier au troisième jour de leur entrée, 2
étaient des vieillards qui ont succombé au marasme sénile ,
le 3° à plusieurs fractures comminutives, et le 4° à une pneu-
monie négligée. 2 individus ont succombé à l’antéro-périto-
nite aiguë, qui a amené la gangrène et la perforation des
intestins , avec épanchement des matières dans la cavité du
péritoine ; 3 à la fièvre typhoïde; 3 à la phthysie; 2 à l'hydro-
pisie ; { à une fracture compliquée du bassin ; 1 à l’apoplexie
ou hémorragie cérébrale ; 1 à l'hydrencéphale aiguë ; 1 à la
fracture du col et 1 à celle du corps du fémur, chez des vieil
lards et { au marasme scorbutique.
Cinq opérations ont été pratiquées pendant le courant de
l'année , savoir, 1 opération de cataracte faite avec succès par
abaissement ; { amputation de la cuisse pour une carie au
genou ; le malade, âgé de 37 ans, est parti guéri de son am-
putation, mais la phthysie se développait chez lui; 1 hydro-
cèle guéri par injection ; { excision de la caroncule lacry-
male cancéreuse, { amputation du doigt indicateur dans son
articulation métacarpienne pour la carie des phalanges, suite
d'un panaris traité par les onguents d'une bonne femme.
Les maladies qui ont été traitées pendant l'année, sont les
suivantes :
9 inflammations diverses produites par des coups, chu-
tes, etc.
7 érysipelles.
4 gangrènes.
15 abcès, dont 5 panaris.
19 plaies.
32 ulcères.
1 entorse.
3 fractures.
2 nevroses.
1 corps fibro-cartilagineux flottant dans l'articulation du
genou.
15 tumeurs blanches , dont sept avec carie des grandes ar-
ticulations.
1 fungus cancéreux de la caroncule lacrymale, extirpé
avec succés.
20 ophthalmies , la plupart scrophuleuses.
1 cataracte opérée avec succès par abaissement.
2 amauroses améliorées par des vomitifs et surtout par la
cautérisation frontale , à l’aide de la pommade de Gondray,
et l'application de la strychnine dans la plaie.
3 hernies.
1 hydrocèle guéri par injection.
1 fistule urinaire compliquée d'infiltrations urineuses.
SN Ds
MALADIES INTERNES.
36 affections rhumatismales.
1 fièvre catarrhale.
27 fièvres typhoïdes , dont trois sont devenues mortelles.
3 dyssenteries guéries par le calomel et l’opium.
2 fièvres lentes.
3 fièvres intermittentes.
{ urticaire.
5 hydropisies.
2 inflammations cérébrales.
1 hémorrhagie cérébrale.
9 esquinancies.
39 inflammations des organes de la respiration.
10 phthysies.
36 inflammations gastro-intestinales.
1 hypertrophie tuberculeuse du foie.
1 colique saturnine guérie par la limonade sulfurique.
% métrities.
6 scrophules.
2 aménorhées.
8 tremblemens mercuriels.
2 paralysies.
2 marasmes séniles.
354
En moyenne, pendant 26 ans, on a eu à l'hôpital 30
malades par jour ; actuellement on en a 34. Le séjour de cha-
=
que malade était de 37 !/: journées ; l'année dermière , il a été
de 34 /2 journées. La mortalité était de 1 sur 15 ‘}2 ; elle a
été de 4 sur 16 à-peu-près (15 ‘*/21) l’année dernière.
M. de Castella ajoute à cette énumération quelques observa-
tions sur le traitement suivi par lui dans les différens cas. A
l'égard de la fièvre typhoïde en particulier, M. de Castella con-
tinue de traiter cette maladie par le calomel à petite dose de 1
à 2 grains par jour, le chlorure de soude (1 gros dans une
pinte de décoction de racine de guimauve ) et les lotions
froides. «Nous surveillons, dit-il, l'état de la poitrine, afin de
nous opposer à l'hépatisation du poumon. Cette hépatisation
arrive ordinairement vers le second ou troisième septenaire ;
elle se manifeste le plus ordinairement, d'après nos obser-
vations, sur le lobe moyen du poumon droit. La percussion
et l’auscultation de la poitrine la font reconnaître facilement.
Un son mou, l'absence du bruit respiratoire ou un râle cré-
pitant, de la toux et une expectoration sanguinolente plus
ou moins foncée l’indiquent. Les symptômes les plus graves
de la fièvre typhoïde, précèdent ou accompagnent cette hépa-
tisation : les rêveries, la surdité , l'injection violacée des yeux
et des joues , les fuliginosités de la bouche, quelquefois des
hémorragies nasales, les taches lenticulaires ou les pétéchies,
les décubites, sont autant de signes qui surviennent et qui
indiquent la stase du sang dans les vaisseaux capillaires; et
cette stase dépend évidemment de l'adynamie et surtout de
la faiblesse des contractions du cœur ; l'asphyxie en est la
suite et un grand nombre de victimes de la fièvre typhoïde
succombent à cette asphyxie. »
= 4 =
Pour la prévenir, M. de Castella a promptement recours
aux ventouses sèches ou quelquefois scarifiées , si la pléthore
veineuse est considérable, mais surtout aux sinapismes ap-
pliqués sur les parois de la poitrine et sur la région du cœur,
et aux vésicatoires. Il ordonne à l’intérieur, sans disconti-
nuer, du calomel et des lotions salées et vinaigrées, l’oxide
blanc d’antimoine à la dose d’un gros dans un looch gom-
meux , ou ce qui réussit mieux, quand l’adynamie est très—
prononcée , une infusion de vingt grains d'ipécacuanha avec
un gros de racine de polygala senega , dans six onces d'eau
bouillante , à laquelle il ajoute quelquefois six grains de cam-
phre, à prendre par cuillerées de deux en deux heures.
A l’occasion de l’hépatisation, M. de Castella cite l'opinion
de M. Amussat et celle de M. le docteur Huss , qui pensent
également que la faiblesse du cœur est la principale cause de
l’hépatisation pulmonaire dans la fièvre typhoïde. Il pense
dès-lors que les médecins qui l’envisagent comme une suite
de l’inflammation pulmonaire, sont dans une grande erreur,
et que cette erreur ne peut manquer de devenir funeste s'ils
ont recours à un traitement débilitant surtout aux émissions
sanguines.
Quant à lui, il est porté à croire que ces prétendues in
flammations locales ne sont que le résultat d’engouemens et
d’engorgemens locaux , qui ont lieu pendant la période ady-
namique de la fièvre typhoïde ; il peut en résulter la déchi-
rure des vaisseaux capillaires , ce qui amène une extravasa-
tion du sang. Les furoncles , les dépôts, les abcès soi-disant
critiques, qui surviennent si souvent dans différentes parties
Re
du corps après des fiévres graves, ne reconnaissent proba-
blement pas d'autre cause. Ce sont des matières dont la na-
ture cherche à se débarrasser.
Un des individus qui a succombé, est mort subitement en
prenant une tasse de bouillon sur sa table de nuit , lorsque
déjà on le croyait en pleine convalescence. A l'autopsie,
M. de Castella n'a rien trouvé qui pût expliquer sa mort
subite, sinon un état exsangue du cœur et des gros vais-
seaux : le cœur était d’une päleur et d’une mollesse remar-
quables ; on le déchirait facilement avec les doigts. Les ul-
cérations intestinales étaient à-peu-près cicatrisées. Le ma-
lade a probablement succombé à une syncope. Ces morts
subites ne sont pas rares pendant la convalescence des fièvres
typhoïdes , l’inanition et l’émacition qui en est la suite sont si
grandes, qu'il est prudent de faire prendre aux malades fré-
quemment quelque nourriture légère et d'éviter tout effort
et toute émotion capables d'amener la syncope.
Sept malades de la fièvre typhoïde sont venus de la ville
de Neuchâtel dans les mois de janvier et mars ; 9 sont venus
de la Chaux-de-Fonds et du Locle dans les mois d'avril, mai,
juin et juillet ; 1 de Cortaillod en juin ; 2 de Neuchâtel en juin
et novembre ; { du Locle en juillet et 4 de la Chaux-de-Fonds
en septembre , octobre et novembre. D'où il résulte que les
saisons les plus favorables au développement de cette cruelle
maladie , sont le printemps et l'automne ; mars pour la ville
de Neuchâtel et avril pour la Chaux-de-Fonds, ce qui re-
lativement à ces deux localités, correspond à-peu-près aux
mêmes conditions atmosphériques, Tous les malades, à l’ex-
Sn COR
ception d'un seul, étaient étrangers aux pays. Deux étaient
âgés de 15 à 20 ans, 20 de 20 à 50 ans, 5 de 30 à 40 ans.
L'âge le plus favorable, comme nous l'avons déjà vu en
1840, est de 20 à 30 ans.
E. DEsor, secrétære.
M. G. de Pury, mgénieur, rend compte d'un éboulement
de terrain qui s'opère lentement près du village de Gorgier.
Entre le village et le château de Gorgier, se trouve une
vallée où la formation des marnes bleues du néocomien est
recouverte d'une couche de terre végétale très-fertile et ar-
rosée par un grand nombre de sources auxquelles on peut
attribuer le curieux phénomène géologique qui s'y est passé
pendant les deux dernières années.—Au printemps de 1842,
l’eau s'étant fait jour entre la terre végétale et la couche de
marne, rendit glissante cette dernière , et la terre végétale
tendit à se mouvoir suivant la pente de la marne. Ce mou-
vement de translation causa les phénomènes les plus bi-
zarres, car tandis que certaines parties du terrain s’avan-—
çaient de plus de 6 pieds, d’autres ne bougeaient pas dans
le sens horizontal, mais subissaient une dépression de # à 5
pieds dans le sens vertical. Par suite de ces divers mouve-
mens , les maisons situées dans cette localité subirent des dé-
gradations inquiétantes pour leur solidité : lune a perdu son
aplomb ; les jambages des portes et des fenêtres ne sont plus
parallèles ; le carrelage de la cuisine qui était de niveau,
tend à se bomber et à s'élever, et les murs intérieurs et ex-
térieurs sont sensiblement lézardés. C’est le résultat d'un
ee
FOUR =
tassement inégal du terrain. Le bâtiment du moulin, au con-
traire, tend à se partager en deux parties et en même temps
à s’enfoncer : les murs sont restés verticaux , mais sur les
façades en vent et en bise , il s’est formé une fente , dont la
largeur dépasse 5 pouces, le mur d'uberre tendant à s’éloi-
gner de celui qui est en joran.
Un mur de soutènement ayant menacé de s'écrouler, on a
dû y mettre des appuis , et depuis qu'ils y sont, on remarque
qu’au lieu de pencher davantage, la partie inférieure qui
n'est pas appuyée tend à s’enfoncer en terre, landis que la
partie supérieure reste en l'air soutenue par les appuis.
L’étendue du terrain sur lequel se sont manifestés ces di-
vers phénomènes est d'environ 600,000 pieds carrés : elle
est presque entièrement circonserite par une crevasse large
de quelques pouces, mais dont la profondeur va jusqu’à 5
pieds : d’autres crevasses sillonnent ce terrain dans le sens
transversal, mais elles sont en général moins profondes.
La cause de ce phénomène est sans doute l'infiltration de
l’eau des sources, entre la couche de marne et celle de terre
végétale; ce qui le fait présumer, c'est que cette année sur-
tout , quoique la fonte des neiges füt considérable , le volume
des sources n'a presque pas augmenté , il a même sensible-
ment diminué pour quelques-unes, mais l’eau est devenue
trouble. La terre végétale en glissant sur la marne a produit
des craquemens qui ont été pris pour des tremblemens de terre
pendant les années 1842, 1843 et 1844.
M. de Rougemont ajoute que depuis deux ou trois ans
les environs de St.-Aubin et Gorgier ont été réellement af-
ER
fectés à plusieurs reprises par des tremblemens de terre dont
on ne parlait point avant cette époque. Il y a deux ans entre
autres , que le 12 septembre , un tremblement de terre fut
accompagné d’un bruit souterrain si fort, que les habitans ef-
frayés sortirent précipitamment de leurs maisons.
M. de Pury dit que les habitans de Gorgier confirment ces
faits, et assurent même que les fentes du terrain se sont élar-
gies à chaque secousse nouvelle.
M. Desor cite le cas d’un éboulement pareil à celui de Gor-
gier, qui a eu lieu ce printemps dans les gorges de l’Areuse ,
au-dessus de Trois-Rods, par le ramolissement des marnes
bleues, et qui a entraîné dans la rivière une masse considé-—
rable de ces marnes et détaché plusieurs rochers restés sans
appui. Au-dessus de l’éboulement se voient de larges cre-
vasses dans Je calcaire jaune ( néocomien supérieur) qui re-
couvre la marne.
M. Guyot croit que c’est à cette même cause agissant plus
en grand , que sont dàs le grand cirque néocomien et les dé-
bris considérables que l’on voit au-dessous du vallon de Vèére,
et au-dessus de l’éboulement de cette année.
M. d'Osterwald fait un rapport verbal sur un nouveau com-
pas de proportion, dont M. Piaget-Guinand, l'inventeur, a en-
voyé les dessins à la Société de la Chaux-de-Fonds. L'ancien
compas de proportion, qui était autrefois fort employé dans
l'horlogerie était devenu sans usage, depuis l'invention des
montres Lépine. M. Piaget a cherché à donner à cet instru-
ment une forme nouvelle qui pût suffire aux besoins nou-
veaux, et il semble y avoir réussi, puisqu'il en a fait lui-même
— 91 —.
usage pour sa propre fabrication. Ce même instrument a été
soumis à l'examen d'experts qui l'ont trouvé parfaitement
approprié à son but. Son exactitude est telle, qu'on peut me-
surer directement ‘/1:00 de ligne. M. Favre , auteur d’un mé-
moire explicatif qui accompagne ces dessins , ne fait qu'une
légère critique , c'est que la mesure a lieu sur un are de
cercle et non sur la ligne droite , comme cela devrait être , ce
qui donne lieu à une erreur égale à la différence proportion-
nelle entre l'arc et la corde. Cependant, comme ces mesures
ont lieu sur de très-faibles longueurs , cette différence semble
presque nulle en pratique.
M. Guyot, à l’occasion d'un mémoire de M. Daussy, sur
les découvertes dans les terres australes , présente quelques
considérations sur les deux calottes polaires de glace et de
terre, et sur l'idée qu'il croit erronnée de l'existence d’un
continent austral.
A. Guyor, secrétaire.
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N° 9.
BULLETIN
DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES NATURELLES
DS NEUCHAITEL.
Séance du 15 mai.
Présidence de M. L. Courox.
M. de Rougemont lit un mémoire sur les grands change-
_ mens qu'a dû subir la surface de la terre, à trois époques
distinctes , pendant la période géologique et historique ac-
tuelle. La réalité de ces changemens résulte de l'accord de
trois genres de preuves.
Les unes sont historiques ; ce sont ou des témoignages po-
sitifs des écrivains anciens , ou des traditions plus ou moins
précises, où enfin des mythes comprenant sous une enve-
loppe bizarre le vague souvenir des révolutions les plus an-
ciennes.
D'autres preuves sont empruntées à la géologie. Cette
science atteste par des observations directes les révolutions :
locales dont fait mention l'histoire; elle en fait connaître
d’autres dont le souvenir s’est perdu. Et si de nos jours la
Suède, le Chili et les îles Chiloë, toutes les terres océaniques,
d'Otahiti à Madagascar, s'élèvent ou s’affaissent , si dans les
siècles derniers on a vu des îles nouvelles apparaître au sein
des mers et des montagnes se former dans les contrées vol-
TR
caniques , 1l n'est point impossible que des phénomènes ana-
logues aient eu lieu sur une plus grande échelle, dans les
premiers temps de cette même période.
Le troisième ordre de preuves est tiré de la présence ou de
l'absence de certains mammifères dans les îles ; et ici quatre
cas sont possibles. Ou l’île ne nourrit aucun des mammifères
terrestres qui peuplent le continent le plus voisin, et l'on
peut en conclure qu’elle n’a jamais tenu à la terre ferme de-
puis le commencement de l’époque géologique actuelle. C’est
le cas de toutes les îles océaniques, telles que les Bermudes,
les Acores , Madère, les îles du Cap-Vert , les Amirantes , où
les premiers navigateurs européens des 15° et 16€ siècles, ne
trouvérent que des nuées d'oiseaux. C’est le cas des Maldives
et de tous les archipels de la Polynésie , ainsi que de la Nou-
velle Guinée, et des îles qui sont situées entre cette dernière
et la Nouvelle-Zélande; c’est le cas des Antilles, où Christophe
Colomb ne trouva que quatre à cinq espèces de quadru-
pèdes , de fort petite taille, domestiques ou faciles à appri-
voiser, et dont la chair était très-recherchée des indigènes.
C'est le cas de la Terre-de-Feu. L'ile de Terre-Neuve, le
Groënland , l'Islande, le Spitzberg , auront reçu leurs qua-
drupédes du Labrador par les glaces, Faute de renseignemens
suffisans, M. de Rougemont ne parle ni de la Crète, ni de la
Sardaigne et de la Corse, ni de l'Irlande.
Ou bien l'ile est peuplée des mêmes quadrupèdes que le
continent voisin dont elle aura donc fait partie primitive-
ment; ainsi la Grande-Bretagne. Selon les traditions indi-
gènes, les Kymris y auraient trouvé, lorsqu'ils y abordèrent
6 =
pour la première fois, des ours, des loups , des castors et
des bisons , et l’on sait la date à laquelle ces divers animaux
ont disparu de l'ile. Ainsi encore, si les renseignemens sont
exacts, les îles de Fionie et de Seeland. Ainsi, en Asie, Cey-
lan , avec ses éléphans, ses rhinocéros, ses singes, etc.; Haï-
nan et Formose , avec leurs tigres, leurs rhinocéros , leurs
singes , etc. ; les îles Lieou-Kieou , qui auraient eu jadis,
d’après Klaproth , des ours , des loups et des chacals.
Dans le troisième cas, l’île aura une faune spéciale, entière-
ment différente de celle des terres voisines, dont elle n'aura
donc jamais fait partie; ainsi Madagascar, si tant est toute-
fois qu'on ne retrouve pas un jour dans les contrées presque
inconnues de l'Afrique orientale, ses mammifères caractéris-
tiques, entre autres ses makis et ses écureuils noirs qu'on
dit exister en Abyssinie. La Nouvelle-Hollande forme sem-
blablement un monde à part, dont les animaux ne se re-
trouvent, à un très-petit nombre d'exceptions près, ni dans
les îles de la Sonde , ni dans la Nouvelle-Guinée , ni dans la
Nouvelle-Zélande.
Enfin , la faune d’une île peut se composer d'animaux in-
digènes et propres , et d'animaux qui existent sur le conti-
nent voisin. L'hypothèse la plus probable est celle d’une an-
cienne communication qui aurait été rompue plus tard. Ce
cas est celui de l’Archipel indien et du Japon.
Il faut d’ailleurs être fort prudent dans les inductions à
tirer de la présence ou de l'absence de certains animaux dans
les îles. Les singes et les cerfs de l'île de France et de l’île
Bourbon , y ont été apportés, dit-on, par des navigateurs
k- ; ar
Lt RE
hollandais ; les chacals des îles dalmatiennes , par un vais-
seau venu du Levant. Les babiroussas traversent à la nage les
détroits de l’Archipel indien , et l'on prétend qu’en Corse une
foule de sangliers épouvantés par un grand incendie de forêts,
se sont jetés à la mer, et ont abordé en Toscane et à Antibes.
Quelque glace flottante aura porté de la Patagonie aux Ma-
louines le loup renard, unique quadrupède de ces îles. Puis
aussi, dans les îles dès long-temps habitées, l’homme a pu
détruire de nombreuses espèces de grands mammifères , et
cette destruction aura été d'autant plus prompte que l'île a
moins d’étendue.
M. de Rougemont passe après cela en revue les princi-
pales contrées de la terre, comparant aux renseignemens
fournis par la géologie et par la faune, les traditions relatives
à des révolutions physiques, et les classant d’après leur ordre
chronologique, qu'il déduit des époques diverses (époque des
dieux, époque des héros, époque historique) auxquelles elles
se rapportent, et il termine en traçant un tableau de la sur-
face de la terre aux temps qui ont suivi le grand déluge de Noé
( Xisuthrus, Satyavatra, Coxcox, etc.)
Les contours des continens et des mers étaient alors dans
leurs traits généraux, ce qu'ils sont aujourd'hui. L'Aus-
tralie, la Nouvelle-Guinée , la Polynésie , Madagascar, les
Antilles étaient aux terres voisines dans les mêmes rapports
qu'ils sont présentement.
Le Japon, Formose, Haïnan, les Lieou-Kieou tenaient
au continent. Dans la méditerranée formée par cette guir-
lande de terres, était l’île Mauri, l’'Atlantide orientale, célèbre
— NN
plus tard par sa terre de porcelaine et par la corruption de ses
habitans. La mer Jaune s’étendait au loin dans les terres, et
le Hoang-ho suivait dans la plaine basse un tout autre cours.
Les hautes vallées et les plaines des plateaux mongols for-
maient de vastes lacs.— L’Archipel indien faisait comme un
immense appendice à l’Indo-Chine et à la Chine méridionale.
Ceylan, beaucoup plus considérable qu'elle ne l'est aujour-
d’hui , tenait à la côte de Coromandel. Le Malabar n'avait
point sa forme actuelle , et peut-être la mer occupait ce qui
forme maintenant les basses terres du Gange et de l’Indus.
Cachemire et sans doute d’autres vallées encore de l'Hima-
laya , étaient des lacs alpestres. — L'intérieur du plateau de
l'Iran n'était point occupé, comme il l’est maintenant, par de
vastes déserts de sable, et en Arabie le désert El-Ahkaf n’exis-
tait pas. La mer Rouge était séparée de l'océan indien par
une large terre et probablement unie à la Méditerranée.
Le Delta du Nil, ainsi que celui de l'Euphrate et du Tigre,
formait un golfe ; Le Nil envoyait un bras à l'occident vers les
Syrtes , et le désert Libyen était peut-être encore recouvert
par les eaux de l'Océan, ainsi qu’une partie du Sahara orien-
tal. La petite Syrte et le lac Triton, alors unis, s’étendaient au
“loin dans les terres. — Ce qui est la partie méridionale de la
mer Morte, était alors la magnifique plaine de Siddim. —
Chypre et Crête existaient, mais non Rhodes, ni Delos, ni
Anaphé, ni Thera. Le golfe de Corinthe était un bassin ex-
térieur, fermé à ses deux extrémités par des isthmes. La val-
lée de Tempé ne livrait point encore un passage aux eaux de
la Thessalie. L'Eubée tenait, comme Lesbos , au continent
ee OUR
voisin, et au nord del'Hellespont et de la Propontide, était un
isthme qui unissait l'Asie à l’Europe et isolait le Pont-Euxin
de la Méditerranée. Le Pont, c'est-à-dire la mer par excel-
lence, communiquait avec la mer Caspienne; la Tauride était
une île, les Palus-Meotides avaient une très-grande exten—
sion ; des lacs prenaient la place des marais actuels de la Li-
thuanie. Les flots de l'océan ( mer Caspienne ) recouvraient
les déserts actuels du Turkestan vers le S. E., et baignaient
au N. O. les collines qui sont à l'O. de la Sarpa et l'Obstschey-
Syrt. Cette vaste mer qui s’étendait des monts de la Transyl-
vanie à ceux de la Sogdiane , communiquait, par un détroit
entre l’Oural et l'Ulutau , avec l’océan boréal. L'Oural était
baigné de trois côtés au moins par la mer. La Finlande était
une île ainsi que la Scandinavie. La Grande-Bretagne tenait
au continent ; l'archipel des Orcades n'existait pas. — Le
détroit de Gibraltar était un isthme , tout aussi bien que ce-
lui de Messine. L'île Er ythie occupait une place plus ou moins
grande dans le golfe compris entre l'Espagne et l'Atlas, et
dans l'océan s'élevait la mystérieuse Atlantide, plaine basse
entourée à sa circonférence de hautes montagnes.
Il serait facile de tracer, d’après ces données, une carte de
l'ancien monde aux temps postdiluviens , et l’on verrait alors
combien l’histoire primitive des nations et de leurs migrations
prendrait un aspect nouveau. E
Dans les siècles qui suivirent immédiatement le déluge,
eurent lieu les révolutions locales les plus considérables. La
terre était comme barattée dans l’océan, disent les Indiens, et
elle se serait abimée, si Vischnou ne l’eût soutenue en prenant
CR PP |
= 49 —
la forme d’une tortue. Elle s’enfonçait vers l'occident, selon les
Javanais. Elle reçut une brèche, une fente au S. E., disent
les Chinois. Traduites dans le langage de l’histoire , ces tra-
ditions signifient que l'isthme qui unissait Ceylan au Décan ,
se brise ; que l’Archipel indien , déjà-habité par ses Negritos
qu'on trouve dans l’intérieur des grandes îles, se forme par la
rupture de cent isthmes , par la destruction de vastes con-
trées ; et qu'au S. E. de la Chine la terre s’affaisse et occa-
sionne ainsi les îles chinoises et japonaises. Les anciennes
limites du continent se reconnaissent encore aux guirlandes
d'îles qui bordent la côte orientale de l'Asie , depuis Bornéo
au Kamtchatka. Cependant Kasyapa , le petit-fils de Brahma,
dessèche le lac de Cachemire; et les lacs des hautes terres chi-
noises et mongoles produisent en brisant leurs digues deux
déluges : lors de celui de Konkong ou de Fohi, « le ciel tomba
au N. O., et la terre reçut une brèche au S. E. , et Niuwa la
remit en équilibre avec les pieds d’une tortue (tortue de
Vischnou dans le mythe de l’Amrita) » ; et le déluge d'Yao,
quieut lieu au temps d'Abraham, est décrit comme une inon-
dation des plaines basses, par les eaux débordées du Hoang-
ho et de l’'Yang-tse-Kiang.
A l’autre extrémité de l’ancien monde, la Grande-Bre-
tagne se détache du continent avant l’arrivée des premiers
Kymris, qui y abordérent, d’après leurs traditions. Wight,
Man et l'Orcade existaient alors déjà, mais ils ont été témoins
des révolutions qui ont séparé de la terre ferme Anglesey
et diverses portions de l’Ecosse, et qui ont brisé l'Orcade en
un petit archipel. C'est peut-être à ces révolutions qu'il
— 100 —
faut rapporter ce que les traditions de ces mêmes Kymris
disent de cette seconde calamité, postérieure. au déluge,
qu'elles décrivent en ces termes : «Ce fut le tremblement du
torrent de feu (un tremblement universel de la terre avec un
déluge de feu), lorsque la terre fut déchirée et entraînée
dans le grand abiîme , de telle sorte que la plus grande partie
de toute vie fut détruite. »
A cette même époque primitive, les contrées centrales de l’an-
cien monde étaient pareillement agitées, quoiqu’elles n'aient
point subi d'aussi grandes révolutions que les régions océani-
ques du S.-E. et N.-0. Les forces volcaniques (Typhon et Zo-
hak) s’éveillent et commencent une lutte étrange avec les
cieux (Jupiter) : Typhon foudroyé se cache sous la terre qu'il
sillonne, et fait jaillir les sources de l’Oronte. Près de là, la
terre s’enflamme sous les villes de la plaine, et la mer Morte
recouvre les ruines de Sodome. Au temps du patriarche
Heber , les crimes des Adites amenèrent la ruine de leur belle
patrie, qui est devenue l’affreux désert el Ahkaf, et des
tremblemens de terre chassent des bords du golfe Persique
le peuple des Phéniciens. — Le Demawend devient la pri-
son de Zohak, comme l'Etna de Typhon. L’Asie mineure
est en plusieurs endroits le théâtre des luttes de ce dernier,
et Rhodes sort du sein des eaux pour être le lot d’Apollon,
Delos pour servir d'asyle à Latone.
Cette première époque de catastrophes géologiques pa-
raît avoir été suivie de cinq siècles de repos, après les-
quels la terre s’agite de nouveau et prend en plusieurs con-
trées une face nouvelle. Cette seconde époque a lieu dans les
— 101 —
temps historiques, c'est celle de Deucalion et de Moïse, avant
et après l'an 1500. Le siége principal des révolutions était
alors, dirait-on, ces mêmes régions centrales qui avaient été
les plus tranquilles pendant la précédente époque.
Le passage de la mer Rouge par les Hébreux indique
quelque révolution physique survenue dans la mer Rouge,
et certains détails du récit de Moïse font penser à un soulé-
vement momentané du fond de la mer. Des phénomènes vol-
caniques accompagnent la promulgation de la Loi sur Sinaï.
Le désert s'entr'ouvre sous Coré. Les eaux du Jourdain re-
fluent au loin en arrière peu de jours avant le tremblement
de terre qui renversa les murs de Jéricho; et dans ce même
temps la terre suspend un jour entier sa rotation, tandis qu'une
pluie prodigieuse de pierres (aërolithes) tombe sur une con-
trée de Canaan. — À cette même époque se rapporterait
la formation du détroit de Bab-el-Mandeb, que la tradition
place, non au temps des Dieux ou des héros, mais sous un
roi de l’Yemen , et: qui est antérieure à l'expédition mari-
time de Sésostris, qui put bien sortir de la mer Rouge,
mais qui füt arrêté dans l'Océan par des écueils et des bas-
fonds. Ces bas-fonds n'existent plus, et le détroit de la mer
Rouge se sera de siècle en siècle approfondi et élargi, comme
ça été le cas de celui de Gibraltar.
En Grèce a lieu le déluge thessalien ou de Deucalion,
Deucalion est contemporain de Dardanus, sous lequel eut
lieu la formation du Bosphore de Thrace, dont les consé-
quences ont été l’abaissement du Pont-Euxin à son niveau
actuel, l'inondation des basses-terres de la mer Egée et
— 102 —
même du Delta égyptien et de la Cyrénaïque, la transfor-
mation de l’île Tauride en une presqu'île, une moindre éten-
due de la mer Noire et de la mer d'Asow , et leur séparation
de la mer Caspienne. — Plus tard, Anaphé et selon quel-
ques-uns Thera (Santorin) sortent des eaux au temps des
Argonautes.
En Italie, des éruptions de l'Etna chassent les Sicanes de
l'Est de la Sicile vers l'Ouest , et c'est au temps de Deucalion
qu'on à placé d’après la tradition la formation du détroit de
Messine. Les volcans du centre de l'Italie entrent dans une
activité telle que les Pélasges abandonnent l’Etrurie. Hercule
combat contre Cacus, fils de Vulcain, et produit le lac de
Cimini.
La tradition varie sur le temps auquel fut formé le détroit
de Gibraltar ; et la destruction de l’Atlantide, antérieure à
Phaëton, doit avoir eu lieu avant le 16° siècle.
En Amérique, les Florides sont inondées par le lac Theomi
pendant une nuit de 24 heures (qui correspond au jour de
2% heures de la bataille de Gabaon).
A la seconde époque peuvent également se rapporter :
le soulèvement de la côte de Malabar à l'ordre de Parasu-
Rama, sixième incarnation de Vischnou, et les phénomènes
volcaniques des monts Vindhyas au temps des fils de Pan-
dou , ainsi que la destruction de l’île Mauri sous son roi Pey-
ruun.
La seconde époque, dont les catastrophes ont été beau-
coup moins considérables que celles de la première, a été
suivie de près de mille ans de repos ; et la troisième et der-
— 103 —
nière est signalée par des faits d'une importance bien moindre
encore. Elle comprend les quatre siècles avant et le premier
siècle après Jésus-Christ.
Vers les extrémités N.-0. de l’ancien monde, l'inondation
cimbrique, qui est antérieure à Alexandre-le-Grand, dé-
place une partie des nations demeurant sur les côtes germa-
niques de la mer du Nord.
Vers les extrémités S.—E. de l'Ancien-Monde, postérieu-
rement à 362, la mer engloutit au nord de Ceylan neuf
îles et plusieurs milliers de villages , et l'an 72 (ou 115) de
notre ère , d'après les traditions Javanaises , Sumatra et Java
se séparent par la formation du détroit de la Sonde.— Vers
284 avant Jésus-Christ un tremblement de terre donne nais-
sance dans le Japon à un grand lac et à l'une des principales
montagnes de l'île. Trois siècles plus tard une île considé-
rable sort de la mer à l’est de Kiu-Siu.
Dans la Méditerranée plusieurs iles nouvelles se forment
par des causes diverses : en 425, l'ile Atalante par la rupture
de l'isthme qui la liait à la Locride ; en 327, Thérasia sort de
la mer, ou Thora se divise en deux; en 197, apparaît prés
de Thora l'île Hiera; en 188, une île (peut-être Vulcanello)
prés de la Sicile ; en 128, une autre dans le golfe de Tos-
cave ; en 87, Thia ; et en 47 après Jésus-Christ, une autre ile
près de Santorin, en 60, une ile près de la Crête.
Depuis le premier siècle de notre ère jusques aux temps
modernes aucune île nouvelle n'apparaît dans la Méditerra-
née; et à l'est de l'Asie, le seul fait de ce genre qui ait eu
lieu pendant ce même espace de temps est la formation de
— 104 —
trois îles près du Japon, en 76%. La terre aux premiers
temps de l'ére chrétienne est rentrée dans une période de
repos relatif, et l’histoire ne mentionne plus de ces grandes
inondations qui font époque dans l’histoire des nations. Ce-
pendant on doit noter la formation, par déchirement, de l'ile
Bali en 120%; et, près de Sumbawa, de Giling-Travangan,
en 1260; et Solo-Pinang, en 1280 ; tandis que dans le
même siècle, à l’autre extrémité de l'Ancien-Monde , la mer
donnait naïssance, par l’irruption de ses flots, au Jahde, vers
1218 ; aux iles du Sleswig, en 1240 ; au Dollart, de 1278
à 1287 , et au Zuydersee, vers 1282. — On ne peut déter-
miner l’époque où le lac Aral s'est séparé de la mer Cas-
pienne , ni celle ou l'Océan Boréal est rentré dans ses limites
actuelles. Les livres chinois citent à 62° de L. N. des mesures
de gnomon prises sur le bord de cet Océan, et ils décrivent
en 581 après Jésus-Christ un peuple nommé Katoumey,
pirate et montant de grands navires. Strabon parle d’un dé-
troit de 1500 stades de longueur, qui unissait la mer Cas-
pienne à l'Océan. Au temps de Ptolomée l'Iaxarte recevait
sur sa rive droite deux grands affluens qui n'existent plus ;
eten 1660, un des bras de l'Oxus se jetait encore dans la
mer Caspienne.
A ces révolutions géologiques que la terre a subies dans
la période actuelle, viennent s'ajouter les changemens at-
mosphériques tels qu'ils résultent des traditions, de la géo-
logie et de l'histoire : le climat s’est considérablement refroidi
(Zendavesta), et le feu est quatorze fois moins abondant dans
la nature pendant l'époque actuelle que dans la précédente
— 105 —
( Inde ) ; les déserts de l'Egypte et de la Nubie , ainsi que de
l'Arabie , aujourd’hui entièrement arides, portent dans leurs
vallées les traces incontestables de pluies équatoriales, et
à quelque distance du Caire se voient, vitrifiées, des forêts
d'arbres des tropiques ; les orages ( d’après Arago ) n’ont plus
dans les contrées européennes de la Méditerranée l’inten-
sité qu'ils avaient aux temps anciens d’après les auteurs grecs
et latins, et les grottes des oracles n’exhalent plus leurs va-
peurs enivrantes.
La terre a donc changé pendant la période actuelle et ces
révolutions physiques ont probablement exercé une grande
influence sur les destinées des nations.
A. Guyor, secrétaire.
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dm. 4
N° 40.
BULLETIN
DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES NATURELLES
DB NEUVCEATEL.
Séance du 29 mai 1844.
Présidence de M. L. CouLon.
M. Agassiz présente une série de nouvelles études sur les
prétendues identités que l'on admet généralement entre les
espèces vivantes et les fossiles de certains terrains. Après
avoir esquissé la marche du développement de la Paléonto-
logie , depuis son origine jusqu’à nos jours, et montré com-
ment, après avoir d'abord envisagé les fossiles en général
comme les ancêtres des espèces vivantes , on a peu-à-peu ré-
duit le nombre de ces prétendues identités à mesure qu’on
les soumettait à un examen approfondi; M. Agassiz arrive
à ce résultat, qu'il n'existe point d’identités entre les espèces
fossiles et les vivantes, et que toutes celles que l’on admet
encore de nos jours reposent sur de fausses déterminations.
M. Agassiz met sous les yeux de la Société plusieurs exemples
qu'il a choisis parmi ces prétendues identités : telles sont,
entre autres : 1° le Cytherea ( Arthemis) concentrica ; au pre-
mier abord l'espèce fossile de l’Astesan ressemble en effet
beaucoup à l'espèce vivante de l'Atlantique, mais si on les
9
— 108 —
compare attentivement , on trouve cependant entre elles des
différences notables. Ainsi la coquille fossile est plus bombée
et presque ronde ; les stries concentriques sont plus fines ;
le sinus palléal est plus profond et plus étroit, enfin la char-
nière présente aussi des différences sensibles. 2° Les Lucina
columbella et divaricata, sont cités parmi les fossiles caractéris-
tiques de Bordeaux. Or, le L. columbella fossile a de beaucoup
plus gros plis ; le sillon transversal du bord antérieur est plus
profond et la charnière tout-à-fait différente. Le L. divaricata
fossile , au contraire a des stries plus fines et une charnière
également différente. Le L. divaricata du calcaire grossier de
Paris est encore une autre espèce. 3° Le So/en vagina fossile
différe de l’espèce vivante par un profond sillon le long de
la troncature du bord antérieur, sillon qui n'existe pas dans
l'espèce vivante. 4° Le Solen strigilatus fossile est plus allongé
que le vivant, et son bord inférieur est évasé au milieu. 5° Le
Solecurtus coarctatus fossile diffère du vivant par l’absence
d'une profonde échancrure au bord inférieur. M. Agassiz, a
en outre reconnu parmi les Solen du Musée de Neuchâtel une
espèce nouvelle de la molasse et une autre vivante.
Il en est de même de la plupart des autres identités que
quelques géologues persistent à vouloir admettre. M. Agas-
siz en conclut qu'il n’existe point de liaison directe au point
de vue zoologique entre les différentes époques géologiques
et que chaque époque a eu sa faune propre.
É. Desor, secrétaire.
— 109 —
M. le secrétaire donne lecture de la notice suivante, adres-
sée par M. C. Nicolet, de la Chaux-de-Fonds, et contenant le
résumé de ses observations sur la neige pendant l'hiver der-
nier.
L’eau s'échappe du dépôt lorsque celui-ci en est complète-
ment saturé à la base; il se sépare alors en deux couches,
l’une supérieure composée de neige humide , l’autre infé-
rieure composée de neige détrempée ; par la congélation noc-
turne, la première devient neige saccharoïde, la seconde glace
glaciaire. Plusieurs alternatives de fusion et de congélation
augmentent le dépôt de glace, la neige change alors de forme,
elle passe à l’état de névé; la glace adhère au sol et les filets
d’eau s'échappent de la couche détrempée, ou çà et là de la
_ base congelée,
Sous l'influence du vent d'ouest et par une température
de + 2 +3, les petits cristaux des couches superficielles se ré-
solvent en eau, celle-ci est absorbée par les couches infé-
rieures, elle perd sa propriété dissolvante par le fait seul de
sa température. Dans cet état, l’eau est absorbée et retenue par
les cristaux de neige en vertu de la capillarité ; l'affaissement
et la contraction qu’on observe sont donc dus, d'une part,
à l’eau qui tasse et détrempe la neige, et d'autre part, au
. changement d'état de la neige et de la glace ; l’eau occupe
plus de place à l’état solide qu’à l'état liquide, et plus de place
encore à l’état de neige qu'à l'état de glace.
C'est à ce changement d'état, ou plutôt à la contraction qui
résulte du changement d'état, que j'attribue la formation du
névé. Pendant nos belles journées d'hiver, par un vent du
— 110 —
N. N. E. E., les petits cristaux de la neige superficielle se
fondent , les cristaux voisins retiennent les gouttelettes , un
vide s'opère par le changement d'état, le froid de la nuit con-
gèle les gouttelettes ; les jours suivans, le même phénomène
se reproduit, les cristaux augmentent insensiblement , mais
sans prendre un gros volume. Cetteexplication peut s'appliquer
aussi au névé de nos voies d'hiver, mais celui-ci sans cesse dé-
placé par les piétons, prend un volume plus considérable dû
au renouvellement des surfaces ; il est aussi plus régulier. :
J'ai à plusieurs reprises arrosé très-légérement la neige
avec de l’eau à 0°, quelques minutes avant la disparition du
soleil de notre horizon , et j'ai constamment obtenu un névé
assez régulier : mais lorsque j'inondais la neige , toujours
avec de l’eau à 0°, celle-ci ne s’arrêtait pas dans les inters-
tices des couches superficielles , elle emportait les petits eris-
taux et tendait à se répartir partout ; elle s’accumulait en-
suite à la base du dépôt ou elle détrempait la neige ; par la
congélation nocturne, j'obtenais de la glace qui détruisait tout
et cristaux et névé.
Ainsi le névé ne résulte pas de la congélation de l’eau con-
tenue dans les interstices de la neige, puisque cette neige est
constamment absorbée et qu’elle gagne le fond du dépôt.
Lorsque j'arrosais la neige avec de l’eau de fontaine à + 8,
j obtenais divers accidens , tantôt des tubes de glace disposés
comme des tuyaux d'orgue, ou une masse congelée ayant
une surface chargée d’aspérités et présentant çà et là des ca-
vités assez régulières , ou encore une glace poreuse compo-
sée de groupes soudés les uns aux autres.
— ii —
. Je n'ai jamais pu convertir la masse entière de neige en
névé ; le névé, la neige et la glace qui résulte de la neige
détrempée , voilà l'ordre de stratification et les trois formes
de nos grands dépôts. La neige ne conserve pas sa forme pri-
mitive pendant la durée de l'hiver, elle devient plus ou moins
poreuse et grenue ( névé). Par névé j'entends la transfor-
mation de la neige à cristaux réguliers en glace grenue et
amorphe ; le névé de nos dépôts diffère de celui des Alpes par
le petitvolume de ses grains. La neige cependant conserve long-
temps sa forme primitive dans le centre des grands dépôts.
Pendant l'hiver de 1843 à 184%, dit M. Nicolet, la neige
pulvérulente est tombée, avec quelques interruptions , depuis
le 17 janvier jusqu’au 13 février ; elle s’est élevée à la hau-
teur de trois pieds. Les alternatives de journées pures et de
journées neigeuses , ont donné naissance à des strates nom-
breux très-visibles , principalement sur les murs de souténe-
ment des terrasses et sur les bords des toits ; le vent d'ouest
accumulait des masses énormes de neige sur le pignon
tronqué N, E. des maisons situées dans la direction de la
vallée (N. E., S. O.) ; les couches récentes, plus ou moins
puissantes , surplombaient les anciennes et se recourbaient à
l'extrémité, de telle façon que la tranche des couches formait
un plafond au-dessus de la muraille. La masse entière, puis-
sante , feuilletée comme nos roches schisteuses , surplombait
les édifices , se maintenait suspendue dans les airs à la faveur
de l’action solaire et de la congélation nocturne et menacait
incessamment notre insouciante population.
Les formes que la neige affectait étaient le grésil, les houpes
— 112 —
cristallines ou petits flocons, les aiguilles plumeuses irrégu-
lièrement disposées , les aiguilles groupées d’après les lois qui
régissent les cristaux de glace et les étoiles.
Jusqu'à la mi-février la croûte superficielle ne prit pas de
consistance et le névé ne put se former qu’en très-petite quan-
üité; la neige resta pulvérulente ou farineuse, obéissant à
toutes les vicissitudes de la température et passant avec assez
de rapidité de 0 à—25° centigrades.
Vers la fin de février, sous l'influence d'un vent humide |
et violent du S. O. et par une température de + #, la neige
absorba une grande quantité d’eau; elle s’affaissa partout
d'un pied environ. Une nouvelle neige ( neige à gros flocons)
tomba abondamment pendant le courant de mars; elle aug-
menta de trois pieds l’ancien dépôt et disparut insensible- :
ment pendant la première quinzaine d'avril.
Pendant le courant de l'hiver j'ai observé deux phéno-
mènes , celui de la dépression ou contraction de la neige, et
son passage au névé.
Sous l'influence d’un vent actif du S. O., par une tempé-
rature de + 2 ou + 3, ou sous l'influence d’un brouillard et
par la même température , la neige se déprime ou s’affaisse
tout-à-coup ; elle se détache des parois verticales des rochers,
des murs de clôture et se contracte des bords au centre, s’af-
faisse de la surface à la base ; les couches superficielles obéis-
sent plus grandement au mouvement de contraction ; un vide
ou biaisement se forme entre la roche ou la muraille et le
dépôt. La neige devient humide ou pâteuse de sèche ou sac-
charoïde qu'elle était primitivement ; par la pression on en
— 113 —
retire une assez grande quantité d'eau. La fusion de la neige
s'observe partout, mais à cette première période de la réso-
lution de la neige en eau, cette dernière ne s'échappe pas
encore du dépôt ; les murs sortent pour ainsi dire de la neige
par le seul effet de la contraction , et malgré la puissance de
quelques dépôts qui surpassent d’un ou deux pieds le mur,
le phénomène se produit , la neige montre à l'observateur sa
tranche composée de strates nombreux. Ce phénomène de
contraction se produit de nuit ou de jour, sous un ciel cou-
vert ; le biaisement ne peut donc pas être attribué aux ré-
flexions solaires. La contraction de la neige sans écoulement
de l’eau s’observe fort bien sur de la neige convenablement
disposée dans un panier, une caisse, ou dans tout autre ap-
pareil.
M. Guyot présente une carte du lac de Neuchâtel, sur la-
quelle il a tracé plusieurs coupes transversales, résultat de
quelques centaines de sondages qu'il a faits l'été dernier dans
la partie orientale du lac , et d’un grand nombre d’autres qui
ont élé exécutés à sa prière dans la partie occidentale, par
les soins de M. le comte Henri de Pourtalès-Gorgier. Ces
. mesures font connaître avec précision la structure de cette
vallée sous-lacustre. D'abord unique dans les eaux de Neu-
châtel , et en forme de berceau, cette vallée présente depuis
la hauteur du village d’Auvernier une colline qui s'élève , au
milieu même du lac à près de 400 pieds de hauteur au-dessus
du fond , et dont le point culminant , près de son extrémité
orientale ; arrive jusqu'à 30 pieds au-dessous de la surface.
— 114 —
Cette colline, aplatie à son sommet, mais aux pentes assez
abruptes, divise tout le bassin en deux vallées, de longueur et
de profondeur inégales. La principale suit le pied du Jura, en
conservant long-temps 400 à 438 pieds de profondeur. La se-
conde, qui lui est parallèle, court le long du Vuilly. D'abord,
presque égale en profondeur à la vallée principale , elle se
relève insensiblement vers l'ouest, pendant que la colline elle-
même s’'abaisse. Le sommet de la colline et le fond de la vallée
se trouvent ainsi bientôt au même niveau, formant un plateau
qui, à la hauteur de St.-Aubin, n’est plus qu'à 480 pieds
au-dessous de la surface et paraît comme élevé d'un étage
au-dessus de la grande vallée, dont la profondeur est restée
la même. Vers l’ouest, ce trait de relief s’efface toujours da-
vantage et va mourir au-delà d’Yvonan. Ici le lac se rétrécit
de moitié , et la vallée principale conserve seule une profon-
deur qui donne lieu au prolongement rétréci occidental du
lac, qu'on pourrait appeler lac d'Yverdon , tout comme, à
l'extrémité opposée, le prolongement de la petite vallée forme
le goulot par lequel s'échappe la Thielle. La côte sud, ou du
Vuilly, présente sur toute sa longueur un bas-fonds, qui s'é-
tend d'une manière uniforme, parallèlement à la côte sur une
largeur de 10 à 20 minutes à partir des bords, sans atteindre
nulle part plus de 6 à 8 pieds de profondeur. C’est ce que les
pêcheurs appellent le blanc-fond, en opposition à la noire-
eau, qui commence avec la profondeur. Au-delà de cette
ligne seulement, commence brusquement, par des pentes
très-fortes , la vallée qui forme le véritable bassin du lac.
M. Guyot, expose les raisons qui lui font croire que ce sont
rl
|
— 115 —
là les anciennes limites du lac, dont les vagues ont succes-
sivement rongé la colline marneuse et molassique du Vuilly,
et escarpé, sur tout cet espace, les falaises élevées qui bordent
la côte.
Le fond du lac n'est ni plat, ni parfaitement nivelé, comme
ceux de quelques lacs alpins; sauf dans les bords, il est
uniformément recouvert d'une vase fine, onctueuse, blan-
châtre ou légèrement jaunâtre, d’une profondeur inconnue,
mais dans laquelle la sonde s'enfonce souvent à un demi pied.
Près des bords molassiques , partout où le mouvement de la
vague peut se faire sentir, il n’y a pas de vase, mais un
sable d'autant plus grossier que l’on approche plus du rivage.
La rive même offre sur tout le pourtour, du gravier en ma-
jorité alpin et des galets de toute grosseur. Le blanc-fond
du Vuilly, là où il est lavé par la vague, est formé par des
couches presque horizontales de molasse solide, continuation
de celles du Vuilly, sur lesquelles reposent çà et là quelques
gros blocs alpins.
A. Guyor, secrétaire.
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N° 44.
BULLETIN
DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES NATURELLES
DE MEUCEISTFTEL.
Section de la Chaux-de-Fonds.
Séance du 22 février 1844.
Présidence de M. WURFLEIN.
M. Nicolet présente un exemplaire de la variété noirâtre
de la Corneille mantelée , qui a été tuée aux moulins de la
Chaux-de-Fonds, vers la fin de janvier.
Il donne ensuite la liste des oiseaux sédentaires et des oi-
seaux de passage, qui passent l'hiver dans le district de la
Chaux-de-Fonds : ce sont l’autour ( Falco palumbarius L.) ;
l'épervier (Falco nisus L.); la buse (Falco buteo L.); la chouette
Tengmalm (Strix Tengmalmi) ; le hibou brachyote (St. bra-
chyotos Lath.) ; le hibou grand-duc (St. bubo L.); le corbeau
noir (Corvus corax L.) ; la corneille noire (C. corone L.) très-
commune ; la corneille mantelée (C. cornix L.) très-rare ; la
pie (C. pica L.) très-commune:; le geai (C. glandarius L.). Pen-
dant l'hiver, faute de faines , le geai se nourrit de bayes et de
petits oiseaux ; la draine (Turdus viscivorus) ; le litorne (T. pi-
laris L.); le merle noir (T. merula L.). Ces trois oiseaux se
nourrissent de sorbes et d’alises, et disparaissent avec ces
— 118 —
fruits ; le cincle plongeur (Cinclus aquaticus Bechst.), côtes du
Doubs; le roitelet ordinaire (Sylvia regulus Lath.); le troglo-
dite ordinaire (Syl. troglodites Lath.); la mésange charbon-
nière (Parus major L.) ; la mésange petite charbonnière ( P.
ater L.) ; la mésange hupée (P. cristatus L.). Ces trois espèces
sont trés-communes dans nos forêts ; le bruant jaune (Em-
beriza citrinella L.) , rare à la Chaux-de-Fonds, très-commun
aux côtes du Doubs et aux Converts :; le bec croisé des sa-
pins (Loæia pytiopsittacus Bechst.) ; le bec croisé des pins (L.
curvirostra L.); le bouvreuil commun (Pyrrhula vulgaris L.) ;
le gros-bec (Fringilla coccothraustes Temm.); le gros-bec moi-
neau (Fr. domestica L.); le gros-bec des Ardennes (Fr. mon-
tifringilla L.) , le gros-bec pinson (Fr. coelebs L.). Ces deux
pinsons passent accidentellement l'hiver dans le jardin de
M. A. Courvoisier ; le gros-bec tarin (Fr. spinus L. ); le pic
noir (Picus martius L.) ; le pic vert (P. viridis L.); le pic
épeiche (P. major L.) ; la sitelle torchepot (Sitta europaea L.);
le grimpereau familier (Certhia familiaris L.); le tichodrome
échelette (Tichodroma phænicoptera Temm.); aux côtes du
Doubs et aux Converts ; le martin-pêcheur alcyon (Alcedo
Ispida L.); aux côtes du Doubs et Converts , le tetras auer-
han (Tetrao urogallus L.). D' Pury, secrétaire.
Séance du 14 mars 1844.
Présidence de M. WURFLEIN.
M. Piaget-Guinand, déjà connu honorablement par plu-
sieurs découvertes en horlogerie , présente un instrument
qu'il appelle compas de proportion. Ce compas peut donner
— 119 —
mathématiquement le diamêtre et la hauteur de toutes les
piéces de la montre, et mesurer exactement toutes les gran-
deurs, depuis 1 pied à ‘/1728 de ligne. Une commission, com-
posée de MM. Eug. Savoye, L.-C. Ducommun , Just. Billon,
Genseli et Favre, est chargée d'examiner cet instrument ,
et d'en faire l’objet d'un rapport.
M. le D" DuBois présente à l'assemblée une pièce patho-
logique consistant en un cancer siégeant au tiers inférieur
de l'œsophage d’un homme mort d'inanition , après avoir été
soixante-et-dix jours sans manger. Ce cancer, long de trois
pouces et demi, remplissait complétement le diamètre de
l'œsophage. La seule communication qui existât entre la
partie supérieure et la partie inférieure de ce tube, était
formée par le ramolissement d'un lubereule. Cet homme,
qui n'avait jamais voulu appeler de médecin à son secours,
était dans un état d'émaciation extrême; il ne se plaignait
pas tant de la faim que d'une soif dévorante, qu'il ne pou-
vait appaiser. Hormis les poumons ramollis à leur base , tous
les viscères, bien que sains, étaient tellement atrophiés,
qu'on distinguait parfaitement les vertèbres dorsales à travers
les parois de l'abdomen.
| D' Pury, secrétaire.
Séance du 20 mars 1844.
Présidence de M. WURFLEIN.
M. Dubois, D', lit un mémoire sur la dissection du fœtus
humain présenté à l'assemblée au mois de décembre 1843,
(voir N° 4 de ce Bulletin). Après avoir rappelé les différentes
— 120 —
méthodes d'après lesquelles les médecins ont successivement
divisé les monstres, depuis Fortunio Liceti, qui publia son
ouvrage De monstris au commencement du XVII siècle, jus-
qu'à nos Jours , M. DuBois passe à la description du monstre
qu'il a étudié. Ce monstre appartient au genre des monocé-
phales à corps double, et a reçu le nom d'Iniops par Isidore
Geoffroy-St.-Hilaire. Extrêmement rare dans l'espèce hu-
maine , il consiste dans la fusion de deux têtes par leurs
parties latérales, et de deux corps par leur face antérieure.
La fusion du corps à lieu jusqu’au nombril, qui est unique,
ainsi que le cordon ombilical. Les deux corps sont de sexe
féminin , et leur développement ne le cède guère à celui du
fœtus à terme.
Pour expliquer le mode de formation de ce monstre,
M. DuBois rappelle qu'il y a eu fusion de deux individus ;
mais cette fusion existe dans certaines parties du corps
beaucoup plus intimément que dans d'autres. Ainsi nous
trouvons un simple cerveau et deux cervelets, un intestin
simple dans une partie de son cours, et plus tard double,
un estomac, deux foies , deux cœurs; il est vrai, que de ces
derniers organes, ceux qui appartiennent au plan postérieur
sont beaucoup plus petits que ceux du plan antérieur, et
semblent prouver, avec l’état cartilagineux des côtes et du
sternum du plan postérieur, que la fusion n'a pas été origi-
nelle. Il résulte des faits énoncés par M. DuBois, que tan-
dis que la fusion des deux têtes s'est faite latéralement , il y
a eu plus qu’accollement de deux corps par leur face anté-
rieure; il y à eu juxta-susception, si l'on osait créer ce terme
— 121 —
pour le mode d'union qui a dù présider à la réunion des deux
poitrines et des deux abdomens. La persistance de deux cer-
velets coïncidant avec celle de quatre extrémités inférieures
et supérieures , parait corroborer l'opinion des auteurs, qui
pensent que le cervelet préside à la coordination des mouve-
mens des extrémités.
Dr Pury, secrétaire.
Séance du 11 avril 1844.
Présidence de M. WURFLEIN.
M. Favre lit un rapport sur le compas de proportion à
l'usage de l'horloger, présenté à la Société par M. Piaget-
Guinand, horloger à la Chaux-de-Fonds.
Le rapporteur fait l’histoire et la description du compas
de proportion ordinaire, inventé à la fin tu XVE siècle, par
Josse Byrse, astronome à Hesse-Cassel , et perfectionné plus
tard par Galilée. Puis il passe aux compas de proportion dont
on a fait usage jusqu’à présent dans notre fabrication d’hor-
logerie. Ils sont au nombre de deux : le premier a été inventé
en 1773, par M. Louis Baptiste Preud’homme, horloger,
membre du Comité de la Société des arts de Genève; le se-
cond a été introduit dans notre pays vers 1831, par M. Oli-
vier Quartier, du Locle, qui l’a rapporté d'Angleterre; il a été
reproduit avec un léger changement par M. Francois Du-
commun , de la Chaux-de-Fonds.
Le compas de M. Preud'homme a été construit en ‘vue de
faciliter la fabrication des montres à roue de rencontre;
maintenant que l’on n'établit presque plus que des montres
Lépine dans notre localité, ses principales propriétés devien-
nent entièrement inutiles.
Quant au compas anglais, importé par M. Quarter, il
ne sert qu'à donner le diamètre d’un pignon qui doit engre-
ner avec une roue dont on connaît le diamètre et le nombre
des dents.
Le compas, présenté à la Société par M. Piaget-Guinand,
résumant toutes les données nécessaires à l’établissage d’une
montre Lépine à échappement à cylindre ou à ancre, répond
aux besoins du moment, et vient combler les lacunes aux-
quelles ont donné lieu , dans le compas de M. Preud' homme,
les changemens survenus dans les produits de l'horlogerie.
Il a l’avantage d'être d’une construction facile, d'un prix
peu élevé, d’un usage simple et commode, et à la portée de
chacun.
Ce compas donne instantanément , et avec une précision
rigoureuse, les diamètres des pièces suivantes, pour une
montre d’une grandeur quelconque.
du barillet.
du couvercle du barillet.
du vide du barillet. ;
du balancier.
de la roue de grande moyenne.
de la roue de petite moyenne.
de la roue de champ.
du spiral.
des roues de cylindre et d'ancre.
de la roue à canon.
— 123 —
de la roue de minuterie.
du cylindre.
la largeur des dents de la roue de cylindre.
les diamètres de tous les pignons.
et l'épaisseur de la lame du ressort de barillet.
Il donne de même les hauteurs des pièces suivantes :
de l'axe du balancier.
du pivotage de la roue d’ancre.
» de la roue de champ.
» de la petite moyenne.
» de la grande moyenne.
» de la roue de cylindre.
du pignon de la roue de petite moyenne.
» de champ
» de la grande moyenne.
» d'échappement.
» d'ancre.
» de minuterie.
du barillet.
du couvercle du barillet.
de la retranche du barillet.
du ressort de barillet.
de la platine.
de tous les ponts.
de la burette de faux cadran.
de la roue de cylindre pour monture.
de l'arrêtage.
de la roue de cylindre ordinaire.
10
—. 124 —
du balancier.
de la roue de grande moyenne.
de la roue de petite moyenne:
de la roue de champ.
de la roue à canon.
de la roue de minuterie.
de la roue d’ancre.
Le compas de M. Piaget indique de Me la position de
tous les mobiles ou l’engrenage , avec une grande précision,
la grosseur des pivots , ainsi que le poids du balancier pour
un ressort de barillet donné.
M. Favre met sous les yeux de la Société des épures faites
par lui-même , représentant en grandeur naturelle tous les
compas dont il est fait mention dans son rapport.
L. FAVRE, secrétaire.
Séance du 25 avril 1844.
Présidence de M. WURFLEIN-
M. Maicolet met sous les yeux de la Société des ossemens
fossiles, provenant des marnes nymphéennes de la Chaux-
de-Fonds, ainsi que les dessins qui les représentent et qui sont
dus au beau crayon de M. Favre. Ces fossiles appartiennent
à deux espèces de mammifères communs à notre terrain la-
custre et aux terrains tertiaires sub-pyrénéens du département
du Gers ; l’une est le dicrocère trapu de M. Lartet, l'autre
est un Lophiodon découvert en 1838, par M. Lartet, à Si-
morre (Gers). Les ossemens fossiles de notre bassin tertiaire,
sont dispersés çà et là dans les couches tourbeuses et mar-
— 125 —
neuses , ou dans les galets tertiaires de l'étage supérieur du
calcaire lacustre , qui occupe le centre de la vallée. Ces os-
semens auront été probablement entraînés au fond de la val-
lée par les eaux alluviales. Les os longs et ceux du crâne
sont plus ou moins altérés , broyés ou fracturés ; les maxil-
laires manquent, les os courts, ceux du carpe et du tarse de
plusieurs mammifères sont intacts. Les os du dépôt tourbeux
sont teints d’une couleur noirâtre, ceux du dépôt marneux
sont blanchâtres. Les dents sont peu ou pas altérées. Ces os-
semens offrent de l'intérêt sous le double rapport de la z00-
logie géographique, et de l’âge géologique des terrains ter-
tiaires.
Les ossemens qui appartiennent au dicrocère trapu , sont
la quatrième molaire droite supérieure ; la seconde molaire
droite supérieure; la quatrième molaire gauche inférieure ;
la seconde molaire droite inférieure ; deux astragales et un
doigt. |
Les molaires de notre Lophiodon vont en diminuant de
longueur depuis la dernière jusqu’à la première. Ce carac-
tère appartient à tous les Lophiodons décrits par Cuvier. Des
trois collines de l'arrière molaire inférieure, les deux pre-
miéres sont bien séparées, transverses, tranchantes; une arête
part de chacun des côtés externes des collines, et descend
obliquement en dedans. Ces caractères appartiennent à l’es-
pèce moyenne et à la grande espèce d'Issel, à l'espèce moyenne
et à la très-petite d'Argenton, à la grande espèce de Buchs-
weiler. Les incisives ont une grande analogie avec celles
du sanglier, les deux incisives médianes et supérieures
— 426 —
sont très-larges , obliques , crénelées , divisées en deux lobes
inégaux par up sillon. Le bord libre des incisives de la mà-
choire inférieure est usé. La couronne des quatre incisives
moyennes est quadrilatère, comprimée d'avant en arrière ,
large vers son bord libre, elle se rétrécit vers la racine et
présente en avant de petits sillons longitudinaux , en arrière
une arête saillante et des sillons longitudinaux. Les incisives
médianes, sont plus petites et plus étroites que les suivantes
qui sont larges ; les côtés de celles-ci sont légèrement créne-
lés. Les deux incisives externes sont plus petites, mais plus
larges que les deux médianes ; elles présentent en avant un
sillon longitudinal, en arrière une arête saillante.
M. le Dr Pury présente quelques considérations sur le
danger des saignées répétées dans la fièvre typhoïde, lors
même qu'elle est compliquée de pneumonie. Il s'appuie sur
la décomposition qu'éprouve alors le sang, décomposition
qui est analogue à celle qu'on observe dans la chlorose, et
sur l'état d'épuisement consécutif de celte même fièvre, qui
rend les phthysies galopantes si fréquentes alors.
Dr Pury, secrétaire.
TABLE
DES MATIÈRES.
PHYSIQUE.
Objection à la théorie de M. Saigey, sur les conditions d’é-
quilibre de l'atmosphère , par M. LADAME.
Sur la machine de Bonijol par M. LADAME.
MECANIQUE.
Rapport sur le nouveau compas de pl de M. Piaget-
Guinand , par M. D'OSTERWALD. 3 Lg Le
Description du compas de proportion de M. | Paretdnan
par M. FAVRE.
PHYSIQUE DU GLOBE.
Sur le mouvement du glacier de l’Aar, par M. AGAssiz.
Influence de l’inclinaison du sol sur le mouvement de la glace,
par M. AGASSIZ. vs :
Observation de M. re sur Fe même Lui
Sur une chute de grêle au bord du Doubs , par M. PurY.
Résultats d’une série d'observations barométriques , faites
dans la Suisse orientale , par M. D’OSTERWALD.
Sur les changemens qu’a subis la surface de la terre nn
la période actuelle, par M. de ROUGEMONT.
Sur les transformations que la neige subit pra ï pète :
par M. C. NICOLET. 4 s : ;
Sur le relief du fond du lac ii Neuchâtel, par M. HAN
27
62
— 128 —
GEÉOLOGIE.
Structure géologique des régions HRérre. du glacier du
Rosenlaui , par M. DESOR. : :
Sur la dispersion du terrain er Sa do entre ds sise et
le Jura , par M: GUYOT . ,
Analyse de l’ouvrage de M. domigny s sur La régie de ra
mérique du sud, par M. DESOR. :
Sur une dent fossile de Lophiodon, par M. C. NICOLET.
Sur les accumulations de blocs au sommet des montagnes ,
par M. DEsOR . l u !
Observations sur le même np. par M. FRE
Sur les bonds de Bierre, par M. DESOR.
Observations sur ce sujet, par M. L. COULON. |
Sur un éboulement de terrain près du su de Gorgier,
par M. G. de PurY ses mOTs:0k das
Observations sur le même sujet, par MM. de ROUGEMONT,
DESOR et GUYOT ahiagye ds 2
Sur les ossemens Du, des marnes EL HA la
Chaux-de-Fonds, par M. C. NICOLET .
BOTANIQUE.
Sur lé nombre de folioles du Dentaria heptaphyllos, par
M. PurY. ;
Rapport sur les mousses san canton dé Neuchâtel, } par M. Go
DET .
ZOOLOGIE.
Sur les fossiles rapportés du Pérou par M. TSscHUDI; par
M. AGASSIZ, Fe 5 auf
Sur les oiseaux européens dé an. par M. C. NICOLET
Sur les progrès de l'étude de l’ichthyologie, par M. AGASssIz
56
123
36
74
20
44
A9
CES NT OP TTSR
— 129 —
Sur l'importance des divers embranchemens du règne ani-
mal , sous le point de vue biologique, par M. AGAssIz
Sur l’Isar des Pyrénées , comparé au chamois des Alpes , par
M. AGASSIZ - ‘ L
Sur la distr ation neribtique dé Dan par
M. AGASSIZ $ to
Sur la distribution géeraihiiue des Ghiroptères; par
M. AGASSIZ SR M TL, 2 TAN SNEC TE
Sur les migrations dé oiseaux aquatiques , par M. L. soie
Sur la collection zoologique de la Chaux-de-Fonds, par
M: DESOR . .:. : SR NE EE FORT
Sur le genre Prrulé ” aise par M. AGASSIZ
Sur les oiseaux du Pérou rapportés par M. TscHuDI, par
M. L. COULON 4 22). 9h.
Sur les prétendues sdentitést que es bé sn
entre les espèces vivantes et les fossiles de certains terrains , par
M. AGASsIz 4 PE PT :
Enumération des oiseaux états et He oiseaux de pas-
sage , qui passent l'hiver dans le district de la Chaux-de-Fonds,
par M. C. NICOLET
ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE.
Sur l'organe électrique des raies non électriques, par M. Vogr
Sur les corps de Pacini, par M. Voer.
Sur le sens de l’ouie chez les insectes, par M. ..
MEDECINE.
Sur un monstre humain bi-femelle , par M. IRLET.
Sur un trismus, suivi d’une One gangreneuse , par
M. DuBois . Nr
Sur le traitement sa fr actures RE la Nue, par M. PURY.
Sur les ruminans humains, par M. PURY
50
57
108
117
— 130 —
Observations sur le même sujet, par MM. DuBois et DROZ
Sur l’insalubrité des eaux de la Chaux-de-Fonds, par M. DRoz
Observations sur le même sujet, par M. DuBois
Sur une amputation Sa naturellement chez un chevreuil,
par M. PURY
Sur la police médicale de canton de Neuchâtel, par M. PURY
Rapport sur un mémoire de M. Pury, sur la police médi-
cale, par M. BOVET DCR RL à
Sur la périodicité des épidémies à Neuchâtel, par M.CASTELLA
Sur les effets du traitement par les grandes ventouses, par
M. JuNop ME LA AE E
Observations sur le même sujet, par M. Vogr . ;
Mouvement de l'hopital Pourtalès, pendant l’année 1843,
par M. de CASTELLA . ; ner
Sur un cancer de l’ésophage, par M. buis ;
Description d’un fœtus humain du genre Iniops, par M. Du-
Bois AR RS ED PH NE = ©
Sur le deu de saignées répétées dans les bin ty-
phoïdes, par M. PURY
119
N° 42.
BULLETIN
DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES NATURELLES
DS NEVCHATER.
— te © OO m——
Séance de rentrée du 6 novembre 1844.
Présidence de M. L. CouLon.
M. le président propose à la Société d'élire désormais
le bureau dans la première séance de rentrée et non pas
au commencement de l’année civile, comme cela a eu
lieu jusqu'ici. La Société ayant été unanime à reconnaître
l'opportunité de ce changement, il est adopté, et on pro-
cède immédiatement au renouvellement du bureau.
Tous les membres en ont été confirmés , ensorte que
le bureau pour 1845 se compose de :
M. L. CouLon, président.
M. L. AGassiz, vice-président.
M. À. Guxor, secrétaire de la section de physique et
chimie.
M. E. Desor, secrétaire des sections d'histoire natu-
relle et de médecine.
M. d'Ostervald annonce, de la part de M. Nicolet,
maire du Locle, qu'il va être posé au Locle une lunette
méridienne, ainsi qu'un thermomètre et un baromètre
publics.
11
— 132 —
M. Guyot rend compte du travail de M. Hopkins sur
l’état de la matière à l'intérieur du globe et sur les appli-
cations que cet auteur fait de sa théorie aux phénomènes
volcaniques.
Les conclusions de ce mémoire sont contraires à l’hy-
pothèse si généralement et si commodément admise de la
fluidité ignée de l’intérieur du globe et du peu d'épaisseur
de la croûte solide. M. Guyot appuye sur la nécessité de
revoir avec plus de soin et de scrupule toutes les bases
de cette hypothèse, que Poisson a attaquée au nom de la
physique mathématique; Népomucène Fuchs au nom de
la chimie et de la minéralogie; tous les disciples de Wer-
ner au nom de la géognosie, et Hopkins enfin au nom
de l'astronomie et des lois de l'attraction.
M. Ladame fait quelques remarques sur la valeur des
objections de Poisson et de Hopkins contre l’idée de la
fluidité ignée de l’intérieur du globe. Selon lui, les objec-
tions de Poisson reposent essentiellement sur deux asser-
tions qui ne sont rien moins que prouvées : la première,
que les corps liquides deviennent solides sous une forte
pression; la seconde, que la haute température de l'in
térieur devrait, dans cette hypothèse, volatiliser tous les
corps et exercer sur la croûte extérieure une pression
suffisante pour la briser. Or, jusqu'ici aucune expérience
ne nous a appris qu’en soumettant un corps solide à une
pression plus grande celui-ci se liquéfiait à une température
plus basse; ainsi, par exemple, la glace fond sur les
montagnes à la même température que dans la plaine ;
d'un autre côté, plusieurs corps tels que les métaux, le
fer, le cuivre, la platine, le sable, etc., ne donnent pas
de vapeurs sensibles à des températures de plusieurs
milliers de degrés.
— 133 —
Quant au mémoire de Hopkins, sans contester le mérite
de ce travail dont il ne connaît point encore les détails,
il ajoute qu’on ne peut être trop sur ses gardes dans
l'application des mathématiques aux questions d'hydros-
tatique; puisque dans tous les calculs on part toujours
de la mobilité parfaite des liquides et qu'on ne sait pas
encore tenir compte de leur viscosité ; cette propriété s’op-
pose aux inconvéniens intérieurs des liquides, et atténue
ainsi à un haut degré les effets qui résultent d'un chan-
gement dans leur forme ou dans les pressions qu'ils
exercent.
M. Desor rend compte de l'ascension du Wetterhorn
qu'il a exécutée le 28 août en société de MM. Dollfuss,
Dupasquier et Stengel. Partis du glacier de l’Aar la veille
de l'ascension , ils traversèrent le glacier de Gauli à côté
de l’'Ewigschneehorn et allèrent coucher aux chalets su—
périeurs sur la rive gauche du glacier de Gauli. Le len-
demain matin ils s’acheminèrent vers le fond du cirque
de Gauli, en contournant le Hangendhorn. Ce cirque est
limité au nord par un escarpement très-raide que les car-
tes représentent comme une arête, mais qui n'est autre
chose que le bord d’un plateau couvert de neiges éternel-
les. C’est sur ce plateau que sont assises les trois cîmes
des Wetterhürner auxquelles M. Desor a appliqué des
noms particuliers, appelant la première Rosenhorn, la
seconde Müittelhorn et conservant à la troisième, qui est
la plus occidentale, le nom de Wetterhorn proprement dit.
Ce fut le Rosenhorn que nos voyageurs choisirent pour
point de mire; ils trouvèrent le côté septentrional du pic
trop abrupt pour pouvoir être escaladé; ils se dirigérent
— 134 —
par conséquent vers le flanc méridional qu'ils supposaient
moins escarpé, en suivant un embranchement très-
large des champs de neige entre le Berglistock et le Ro-
senhorn. Cette partie du plateau n’est figurée sur aucune
carte. Après avoir cheminé environ une heure et demie
dans cette direction, nos voyageurs virent surgir de l’au-
tre côté les cimes de la Jungfrau, de l'Eiger et du Mônch.
Ils étaient au point de partage entre les glaciers qui des-
cendent au nord et le glacier supérieur du Grindelwald qui
descend à l’ouest. Ils ne trouvèrent non plus ici aucune
arête; la pente était même si faible des deux côtés qu'en
plusieurs endroits il semblait que les masses de neige hé-
sitassent sur la direction dans laquelle elles allaient se dé-
verser. De-là au sommet du pic il n’y a guëre que mille
pieds environ. Le sommet a la forme d’une coupole qu’on
aurait partagée verticalement par le milieu. La roche qui
compose la montagne est du gneiss, le même qui forme
aussi les pics environnans du Tosenhorn, du Schreckhorn,
du Mittelhorn, etc. La limite du calcaire passe entre le
Mittelhorn et le Wetterhorn proprement dit, et ce der-
nier est tout-à-fait calcaire. Au lieu de redescendre par
le même chemin , M. Desor et ses compagnons prirent la
direction de Meyringen par le glacier Renfen, et ce fut
en traversant l’arête du Tosenhorn qui sépare ce glacier
de celui de Rosenlaui, qu'ils rencontrérent les seuls pas-
sages vraiment difficiles.
Cette expédition entreprise dans un but purement to
pographique eut ainsi pour résultat de rectifier plusieurs
erreurs de nos cartes sur le relief de cette partie des Al-
pes. M. Desor rappelle à ce sujet qu’on s’exagère en gé—
néral trop l'importance des arêtes relativement aux pla-
— 135 —
teaux de neige. Il en voit la cause dans le fait que l’on
a transféré aux régions supérieures les proportions des
régions inférieures des glaciers. Là, en effet, les massifs
qui séparent les glaciers sont d'ordinaire beaucoup plus
considérables que ces derniers; dans les régions supé-
rieures, au contraire , les arêtes ne sont que l'accessoire;
ce sont des ilots au milieu d’un grand océan. Si les car-
tes ont en général une tendance à exagérer et à multi
plier les arêtes, cela provient, selon M. Desor, de ce
que ceux qui ont levé les plans de ces contrées ne sont
pas montés dans les hautes régions , mais se sont con-
tentés de dessiner les contours de bas en haut. Ils ont
ainsi pris l'escarpement du plateau pour des arêtes et
ont figuré des séparations là où il n’en existe point dans la
nature, comme, par exemple, à l'origine du glacier su—
périeur du Grindelwald, à l'origine du glacier du Gauli, etc-
Il est digne de remarque que le plateau ou le soulève-
ment de la masse n’ascende nulle part aussi haut qu'aux
environs du Wetterhorn. Si donc les Wetterhürner comp-
tent parmi les grandes cîimes, ce n’est pas au pic pro-
prement dit qu'ils le doivent, mais uniquement à l’exhaus-
sement de leur base. M. Desor joint à cette communication
une carte des environs des Wetterhôner , dessinée par
M. Stengel, qui représente les reliefs vrais de cette contrée.
A. Guvyor, secrétaire.
Séance du 20 novembre 1844.
Présidence de M. L. CouLox.
M. le docteur Borel commence la lecture d'un mémoire
hygiénique sur la dorure au feu des pièces de montres,
— 136 —
dans les montagnes du canton de Neuchâtel. Ce mémoire
contient le résultat de l'enquête hygiénique sur cette
branche importante d'industrie, dont le conseil d'Etat
l'avait chargé, conjointement avec MM. le professeur La-
dame et Olivier Quartier, du Locle. Dans la tournée qu'ils
ont faite dans ce but dans nos montagnes, les commissai-
res du gouvernement ont eu connaissance de 63 ateliers
de dorure au feu, répartis comme suit :
30 dans la juridiction de la Chaux-de-Fonds,
28 dans celle du Locle,
3 aux Ponts,
2 aux Brenets.
63 ()
Le comité d'enquête n’en a visité que 61, à cause de
l'absence de deux propriétaires d'ateliers. Dans tous ces
ateliers, on s’occupait exclusivement de la dorure des pièces
de montre; il n’y en avait que deux où l’on fit la dorure
au mat, et où l’on donnât aux objets dorés la teinte d’or
rouge, d'or moulu (**), etc. Après avoir rappelé en peu
de mots les différentes opérations dont se compose la do-
rure au feu, savoir, le recuit, le dérochage ou décapage,
l'application de l'amalgame d'or et de mercure, la mise en
couleur et le grattebossage, auteur du mémoire fait con-
naître la manière dont la plupart des doreurs de nos
montagnes procèdent à ces diverses opérations, et fait
(*) Depuis leurs courses dans nos montagnes, les commissaires du gou-
vernement ont été informés qu’en sus des ateliers de dorure indiqués ci-
dessus , il y en avait encore deux aux Planchettes et un à la Sagne. :
(**) Il existe à la Chaux-de-Fonds un atelier dont le comité n’a pas eu
connaissance, où l’on dore des ornemens de pendule et d’autres bronzes
volumineux.
— 137 —
mention des influences plus ou moins nuisibles, que
chacune d'elles exercent sur la santé.
Pour le recuit, les doreurs de notre pays placent les
pièces, les uns sur des charbons ardens, les autres sim-
plement sur des braises couvertes de cendres. Plusieurs
doreurs ne recuisent pas les trés-petites pièces de montre,
telles que les balanciers , d'autres ne leur donnent qu'un
léger recuit. Cette opération, qui peut exercer une in-
fluence délétère sur les organes de la respiration , est en-
visagée sans raison, par plusieurs doreurs, comme n'of-
frant aucun danger pour la santé. Elle doit toujours se
faire sous un appareil préservateur, qui mette l’ouvrier
à l'abri des émanations auxquelles elle donne lieu. Cette
précaution était prise dans 36 ateliers, où le recuit se
pratiquait sans hotte vitrée de l'appareil à passer au feu.
De ces ateliers, il y en avait 18 au Locle, 47 à la Chaux-
de-Fonds et un aux Brenets. Dans les autres ateliers,
cette opération se fait sous le manteau de la cheminée
de la cuisine, et même, sans aucune précaution, dans
des chambres où l’on couchait et où l’on prenait les repas.
Le décapage se fait avec l'acide nitrique du commerce,
mais seulement pour les grosses pièces, telles que pla-
tines, cuvettes, etc.: dans la plupart des ateliers, on
se contente de traiter les pièces plus petites, simplement
par le nitrate acide de mercure. L'opération du décapage,
à laquelle nos doreurs donnent le nom d'avivage, est
très-nuisible à la santé, à cause de la grande quantité de
vapeurs nitreuses qui se dégagent pendant qu’on l’effec—
tue. Si ces vapeurs étaient respirées, elles porteraient une
grave atteinte aux organes respiratoires. Tous les doreurs
connaissent le danger auquel le décapage les expose;
— 138 —
aussi dans tous les ateliers munis d'appareil à hotte vi
trée pour passer au feu, cette opération se pratique-
t-elle sous cet appareil préservateur.
Dans la plupart des ateliers on prépare le nitrate acide
de mercure, en mettant une once de mercure dans une
fiole, et en faisant agir sur lui, à froid, deux onces d'acide
nitrique, ou d’eau forte du commerce; quelques doreurs
emploient des proportions différentes d'acide et de mer-
cure. L'auteur du mémoire donne à ces industriels le con-
seil d'adopter les proportions indiquées par M. Darcet (‘)
et de suivre pour la préparation de leur liqueur mercu-
rielle les sages conseils donnés par ce savant. L'action de
l'acide nitrique sur le mercure donne lieu à un dégage-
ment très-considérable de vapeurs nitreuses extrêmement
nuisibles aux organes de la respiration. Les doreurs en-
visagent, avec raison, cette préparation du nitrate acide
de mercure, comme une des plus dangereuses de leur
profession. Il n’y en a aucun qui ne prenne des précau-
tions pour l’exécuter. La plupart d’entre eux la font au
foyer de leur appareil, hotte vitrée ou lanterne comme
ils l'appellent; quelques-uns y procèdent à l'air libre;
dans un très-petit nombre d'ateliers, elle se fait sous le
manteau de la cheminée de la cuisine.
L'application du nitrate acide de mercure convenable-
ment préparé par le procédé de Darcet, sur les pièces à
dorer, n’a presque aucun inconvénient pour la santé,
parce qu'il ne donne lieu qu'à un dégagement très-peu
(*) Ces proportions sont : 11 parties d’acide nitrique pur à 56°, sur
10 parties de mercure purifié; on ajoute au mélange 50 à 56 parties
d’eau distillée ou d’eau de pluie, lorsque l’action de l’acide sur le métal
est terminée. ]
— 139 —
considérable de vapeurs nitreuses. Cette manière de dé-
caper, à laquelle nos doreurs donnent le nom de blanchir,
se fait dans nos montagnes, soit en plongeant les pièces
de laiton dans la liqueur mercurielle étendue d’eau, soit
en les frottant avec un pinceau trempé dans cette liqueur.
Dans la plupart des ateliers, cette préparation s'exécute
sous la hotte vitrée de l’appareil où l’on passe au feu. La
préparation de l’amalgame d’or et de mercure se fait en
combinant le plus ordinairement l'or d’un ducat de Hol-
lande, avec une once de mercure (une partie d’or à-peu-
près pour huit de mercure), dans un creuset, sur des
charbons ardens. Pendant que la combinaison des deux
métaux s'effectue, il se volatilise, par l'action de la cha-
leur, une grande quantité de mercure, qui s'échappe sous
forme des vapeurs invisibles, lesquelles ont l’influence la
plus pernicieuse sur la santé des doreurs , et donne lieu
au tremblement convulsif et à d’autres accidens, lorsque
cette combinaison ne se fait pas avec les précautions
convenables , et sous un appareil à hotte d’un fort tirage.
Il doit être sévèrement interdit aux doreurs de faire cette
préparation sous une cheminée communiquant avec d’au-
tres conduits, ni sous le manteau de leur cuisine. Dans
35 ateliers de dorure de nos montagnes, elle s’exécutait
sous la hotte vitrée de l'appareil à passer au feu. Elle
avait lieu dans 15 autres sous le manteau de la cheminée
de la cuisine du ménage; dans 6 autres ateliers, on y pro-
cédait sous des cheminées exclusivement destinées à cet
usage, mais sans appareil préservateur ; dans un seul
atelier la combinaison d’or et de mercure se préparait à
l'air libre.
Dans la plupart des ateliers, les ouvriers se servent du
— 140 —
nitrate acide de mercure, et non d'acide nitrique pour
délayer l’amalgame d’or et pour en faciliter l'application.
En étendant celui-ci sur les pièces à dorer, le contact du
mercure avec les doigts de la main peut donner lieu et
donne lieu quelquefois à des accidens fâcheux qu'il serait
facile de prévenir par l'usage de gants en peau de vessie,
ou en taffetas gommé, ou autre tissu souple et aussi im-
perméable que possible. Malheureusement il n’y a qu’un
trés-petit nombre de doreurs qui aient recours à cet utile
moyen de préservation.
Le passage au feu est de toutes les opérations de la do-
rure, celle qui compromet le jlus la santé des doreurs.
L'auteur du mémoire décrit la manière dont elle se pra-
tique le plus généralement dans nos montagnes. Il
fait ressortir les effets désastreux des vapeurs mer-
curielles, tels que le tremblement convulsif et la sto-
matite avec salivation. Il fait ensuite l'historique des
principaux moyens proposés sucessivement, depuis la
seconde moitié du siècle passé, pour préserver les
doreurs contre l'action du mercure volatilisé par la
chaleur, et donne la préférence à l'appareil Darcet sur
tous les autres. L'auteur décrit brièvement cet appareil,
et fait connaître les conditions qu’il doit réunir pour pré-
server convenablement les doreurs; la principale est,
selon lui, que le tirage en soit fort, qu'il puisse être
activé au besoin, et maintenu constamment bon. L’appa-
reil le plus généralement employé par nos doreurs, et
auquel ceux-ci donnent le nom de lanterne, n’est autre
chose que celui imaginé par le savant dont nous venons
de parler, avec de très-légères modifications. C'est à
M. Olivier Quartier qu'on en doit l'introduction au Locle
— 14 —
et aux Brenets, il y a quinze à vingt ans. L'auteur du
mémoire en donne une courte description accompa-
gnée d'une figure faite par M. le professeur Ladame.
Les lanternes dont nos doreurs font usage, les préserve-
raient suffisamment contre les vapeurs mercurielles, si
ces appareils étaient bien confectionnés, s'ils étaient
maintenus en bon état, et que le tirage en fût bon et sus-
ceptible d’être conservé tel. Mais il s’en faut de beaucoup
qu'il en soit ainsi. Le comité d'enquête a essayé le tirage
de la presque totalité de ces appareils ; quelques-uns ont
été trouvés d’un excellent tirage ; le mouvement d'as—
cension de l'air était médiocre dans beaucoup d’ re
et mauvais dans le reste.
Le docteur Borel indique d’une manière générale, les
moyens les plus propres à établir un bon tirage dans les
conduits d’évaporation du mercure. Un des plus effica-
ces consiste à échauffer l'air de l’intérieur de ces conduits
au moyen de la flamme d’un quinquet. Dans les grands
ateliers, où dans un même local on employe en même
temps plusieurs appareils à passer au feu, le moyen,
par excellence, et qu'il est quelquefois nécessaire d'em—
ployer , consiste à établir un petit fourneau d’appel, dont
la cheminée aboutit dans le canal où les différens conduits
d'évaporation vont s'ouvrir.
M. Agassiz annonce qu'il areçu de M. Albert de Pour-
talés une collection de coquilles d'Orient, composée d’en-
viron quatre-vingts espèces en nombreux et beaux échan-
tillons, appartenant aux genres Conus, Cypræa, Arca,
Pectunculus, etc.; parmi le nombre il se trouve plusieurs
espèces fort-rares, et quelques-unes qui paraissent être
— 142 —
nouvelles. M. Agassiz a surtout remarqué un Argonaute
qui lui a semblé être différent de celui de la Méditer-
rannée. La même collection de coquilles compte aussi
plusieurs espèces du lac de Tibériade, entre autres des
Mélanopsides et des Néritines.
M. le docteur Castella, pour prouver qu'il ne faut pas
se fier aux apparences extérieures dans la détermination
des vers intestinaux, cite le cas suivant : Un de ses mala-
des rejeta récemment un corps vermiforme qu’on avait
pris pour un Trichocéphale et qui ayant été examiné
attentivement, s’est trouvé n'être qu'un fil de coton.
M. Agassiz cite un autre exemple d’une grappe de müre
incomplètement digérée dont on avait fait un genre par-
ticulier dans l’'Helminthologie. Il pense que de nos jours
de pareilles erreurs seraient faciles à éviter, si, avant
de déterminer ces corps, on avait soin de les examiner
au microscope.
M. le docteur Borel, M. de Castella et M. Agassiz , ci-
tent encore plusieurs autres exemples du même genre.
E. DEsor, secrétaire.
N° 145.
BULLETIN
DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES NATURELLES
DES NEVCERSTEL.
—— 00 0 ———
Séance du % décembre 1844.
Présidence de M. L. CouLon.
M. le docteur Borel continue la lecture de son mémoire
hygiénique sur la dorure au feu des pièces de montres,
dans les montagnes de notre pays. Il décrit brièvement
la manière dont la mise en couleur se fait dans la plu-
part des ateliers.
Les pièces qu’on vient de passer au feu, et qu'on sè—
che sur des cendres chaudes, pour leur donner la cou—
leur, contiennent encore une quantité notable de mercure
et blanchissent lorsqu'on les plonge dans de l’acide étendu
d'eau. En plaçant au-dessus d'elles une lame d’or pen-
dant l'opération, on voit celle-ci également blanchir. Le
mercure qui se volatilise par l’action de la chaleur, peut
donner lieu, et donne lieu en effet, aux mêmes accidens
que ceux auxquels les doreurs sont exposés dans l'opération
du passage au feu, quoique à un plus faible degré. Pour
prévenir les accidens ilest nécessaire que la mise en cou-
leur s'exécute sous un appareil à hotte d’un bon tirage,
ou sous tout autre appareil semblable. Malheureusement,
beaucoup de doreurs s’imaginent à tort, que l'opération
Ai tee
dont ils’agit ne les expose à aucun danger. Le comité
d'enquête n’a trouvé que 28 ateliers, où l’on fit usage
d'appareils préservateurs, pour donner la couleur aux
pièces qui ont passé au feu. Sur ce nombre, 20 em-
ployaient à cet effet la hotte vitrée de l'appareil à passer,
et huit se servaient d’une sorte de caisse vitrée , dont l’au-
teur du mémoire donne une description succincte accom-
pagnée d’une figure due à M. le professeur Ladame.
Dans 14 ateliers, on mettait en couleur dans des cham-
bres à coucher et à manger.
Aprés avoir été mises en couleur, les pièces dorées sont
plongées dans de l’acide nitrique étendu considérablement
d'eau, puis on les frotte avec une sorte de pinceau en fil
de laiton (on lui donne le nom de grattebosse) trempé dans
de l'eau de marron d'Inde. Cette dernière opération , à
laquelle on donne le nom de grattebossage, termine la sé-
rie des manipulations de la dorure. C'est de toutes celles
qu'exécutent les doreurs, la moins nuisible: car elle ne
donne lieu qu'à un dégagement de vapeurs nitreuses,
beaucoup trop peu abondantes pour avoir une influence
bien marquée sur la santé.
Depuis l'introduction des appareïls à hotte vitrée dans
les montagnes de notre pays, l'état de santé de nos doreurs
a éprouvé une amélioration notable. Toutefois, cette amé-
lioration n’est ni aussi générale, ni aussi grande qu’elle de-
vrait être. Le nombre des doreurs, ouvriers et apprentis
compris, dont les commissaires du gouvernement ont eu
connaissance était de 16%, dont 99 du sexe féminin et 62
du sexe masculin. On a pu apprécier d’une manière assez
exacte l’état de santé de 1#8 d’entre eux; il y en avait 90
seulement qui jouissaient d’une bonne santé, et qui n'a-
— 145 —
vaient jamais été affectés d'intoxication mercurielle, sa
voir, »2 du sexe féminin et 38 du sexe masculin. Trente—
huit (28 du sexe féminin et 10 du sexe masculin) avaient
été atteints du tremblement convulsif ou de salivation, à
des époques plus ou moins éloignées; onze (7 femmes et
4 hommes) s’en ressentaient encore, lorsqu'ils ont été vi-
sités par le comité d'enquête. Les 20 doreurs restans
(11 du sexe féminin et 9 du sexe masculin), sans avoir
jamais éprouvé ni tremblement mercuriel, ni affection
de la bouche, jouissaient tous d’une santé chancelante.
Dans deux familles de doreurs , les commissaires du gou-
vernement ont vu des enfans en bas-âge, participer d’une
manière frappante au triste état de santé des auteurs de
leurs jours.
Les causes de la fréquence encore trop grande de l’in-
toxication mercurielle et du délabrement de la santé des
doreurs de nos montagnes, peuvent suivant le doc-
teur Borel, être rapportées : 1° au manque d'appareils
préservateurs dans un très-petit nombre d'ateliers (*);
2° aux vices de construction, au mauvais tirage, et au
défaut de soin d'entretien des appareils à hotte vitrée; 3° à
ce que toutes les opérations dangereuses de la dorure au
feu ne se font pas sous la hotte de l'appareil avec les
précautions nécessaires; 4° enfin, au défaut d'intelligence,
à la malpropreté, à l'incurie et même au manque de so-
briété de quelques doreurs.
L'auteur du mémoire croit, que par des mesures de
police médicales bien combinées, il est possible de remé-
(*) Le comité d'enquête n’a trouvé que six ateliers qui en fussent dé-
pourvus, sur soixante-un qu'il a visités.
— 146 —
dier aux trois premiers ordres de causes qui viennent
d'être énumérés. Les mesures qu’il envisage comme les
plus efficaces pour remplir le but désiré, sont les sui-
vantes : 1° Exiger que tout individu, qui veut établir
un atelier de dorure au feu, en avertisse l'autorité com-
pétente; afin que celle-ci fasse examiner par des experts,
si cet atelier réunit toutes les conditions de salubrité né-
cessaires. 2° Obliger tout propriétaire d'atelier, d’être
muni d'un ou plusieurs appareils à hotte vitrée, dont le
tirage puisse être bien établi, et lui imposer l'obligation
de passer au feu sous cet appareil, aprés s'être préala-
blement assuré que le tirage en est bon. 3° Faire défense
aux doreurs de faire entrer les conduits de déduction
des vapeurs du mercure dans des cheminées où abou-
tissent d’autres canaux et dans des cheminées des cuisi-
nes. 4° Leur donner l’ordre de pratiquer toutes les opé-
rations dangereuses de la dorure (le recuit, le décapage,
le passage au feu, la mise en couleur) sous un appareil à
hotte d’un bon tirage. Les astreindre aussi aux mêmes
précautions pour la préparation de l'amalgame d'or et
celle de l'acide de mercure. 5° Défendre sévèrement aux
chefs d'ateliers de faire coucher leurs ouvriers dans les
chambres où se font les opérations nuisibles de leur
profession, et les obliger à prendre leur repos à l'abri
de toute émanation dangereuse. 6° Enfin créer deux
comités de surveillance des ateliers de dorure, composés
de trois experts, parmi lesquels un médecin; un de ces
comités siégeant au Locle, pour les juridictions du Locle,
des Ponts et des Brenets; l’autre à la Chaux-de-Fonds,
pour cette juridiction et celle de la Sagne. — Les me-
sures qui viennent d'être indiquées ont été proposées au
— 147 —
gouvernement par les commissaires de l'enquête hygiéni-
que, et ont été adoptées par lui; elles forment la base de
l'ordonnance de police sur la dorure au feu, qui a été
promulguée au mois d'avril de l’année passée.
Quant à la dernière des causes d'insalubrité mention-
nées par l'auteur du mémoire, il est bien difficile, si non
impossible , de la faire cesser complètement. Le moyen,
en effet, de faire adopter à des ouvriers peu intelligens
ou négligens, toutes les mesures d'hygiène privée néces-
saires pour atteindre le but désiré! Aussi le docteur
Borel craint-il que , sous ce rapport, il n'y ait toujours
une lacune qu'on ne pourra combler, et que, malgré les
améliorations incontestables de salubrité qu'une police
médicale éclairée peut apporter à la profession de la
dorure au feu, cette branche d'industrie ne continue à
offrir des dangers pour la santé de plusieurs de ceux qui
l'exercent. Cette considération doit faire vivement dési-—
rer que le procédé nouveau de dorure électro-chimique,
qui commence à s’introduire dans nos montagnes, se per-
fectionne assez pour remplacer la dorure au mercure,
et pour être universellement adopté par les doreurs de
notre pays.
M. Agassiz annonce à la Société qu'il a entrepris l'é-
tude comparative du cerveau des poissons, étude qu'il se
propose de poursuivre dans toutes les familles et les gen-
res de cette classe. Les faits qu'il a recueillis jusqu'à
présent lui ont donné la certitude que le cerveau pré-
sente des caractères constans dans toutes les familles.
M. Agassiz ne doute pas que convenablement étudié, le
cerveau ne fournisse à la zoologie des caractères pré-
12
— 148 —
cieux, et que peut-être il ne devienne la base de la clas-
- sification. C’est ainsi que l’on a remarqué depuis long-
temps dans la famille des Cyprins des particularités de
forme et de contours dans les renflemens situés der-
rière le cervelet. D'un autre côté, M. Agassiz montre que
les genres d’une même famille ont le cerveau conformé
de la même manière, quel que soit le caractère général
du type auquel ils appartiennent, et cite à l'appui de
cette assertion les nombreux démembremens des Cyprins
et des Salmones. Rien n’est plus surprenant à ses yeux
que l'identité absolue de l’encéphale des voraces Salmo,
et des inoffensifs Coregonus. Ce fait nous prouve jusqu’à
l'évidence 1° que le naturel d’un animal ne dépend pas
de différences appréciables dans les formes du cerveau,
et 2° que la forme du cerveau est l'expression d'un type
d'organisation, bien plutôt que des dispositions naturelles
des fonctions intellectuelles. Passant ensuite à l’étude des
modifications principales de la masse cérébrale qui cons-
tituent les caractères distinctifs des familles, M. Agassiz
fait voir que c'est en général dans la conformation de
l'épencéphale et dans les proportions et les rapports des
différens lobes du cerveau entre eux, qu'il faut cher-
cher les caractères essentiels des différens types de la
classe des poissons.
: E. DEsor, secrétaire.
M. d'Osterwald lit une note destinée à être placée en
tête d'un catalogue des principaux points de notre pays,
dont il a déterminé la hauteur. Il rend compte des cau-
ses qui ont fait varier les indications de la hauteur du
Môle de Neuchâtel au-dessus de la mer, point fonda-
— 149 —
mental auquel il a rapporté toutes les mesures. Ces va-
riantes sont dues aux corrections successives adoptées par
le bureau de la guerre de Paris, pour la hauteur des
points du Jura qui ont servi à M. d'Osterwald pour la dé-
termination du Môle de Neuchâtel. Ainsi l'altitude de
Chasseral fixée d'abord par Strasbourg , en 1807, à
1611, fut portée à 1610%,5% dans la Description géo-
métrique de la France. L’altitude de Strasbourg , déter-
minée d'abord par une série d'observations barométriques,
l'ayant été plus tard par une succession de distances zéni-
thales de Brest à Strasbourg, la correction qui en fut la
conséquence réduisit la hauteur de Chasseral à 1608",6.
Une seconde opération analogue, le long du parallèle de
Bourges, partant de l'Ile de Noirmoutiers, donna pour
Chasseral 1609",1. On en conclut enfin la moyenne de
16082,8 qui fut définitivement adoptée.
Une série analogue de corrections modifia les hauteurs
de Chasseron et du Moléson, qui sont, avec Chasseral,
les points de départ adoptés par M. d'Osterwald. L’alti-
tude définitive du Môle conclue par ces trois points est
ainsi devenue 434,7, chiffre que l’on peut regarder
comme aussi rigoureusement déterminé que la science
actuelle peut le faire.
M. Guyot commence un exposé de ses recherches sur
la dispersion du terrain erratique et notamment sur la
provenance et la distribution des diverses espèces de ro-
ches que contient le bassin du Rhône. (Voir plus bas
séance du 17 mai 1845).
A. GuyoT, secrétaire.
js AOËD -—
Séance du 18 décembre 1844.
Présidence de M. L. CouLon.
M. le docteur de Castella lit la note suivante sur les
doreurs affectés de salivation et de tremblemens mercu-
riels traités à l'hôpital Pourtalès, depuis le 17 janvier
1813 jusqu'au 18 décembre 1844.
« En 1813, l'hôpital Pourtalès a recu les deux pre-
miers malades qui s’y sont présentés atteints de tremble-
ment mercuriel; en 1817 quatre autres y ont été admis.
Dès-lors toutes les années il y en a eu plus ou moins;
les années 1835, 1836 et 1842 ont été celles où
il y en a eu le plus, c'est-à-dire huit, dix et douze;
en 1843 il n'y en a eu que cinq et en 1844 trois. Les
précautions indiquées par la commission du gouverne-
ment auraient-elles déjà exercé leur salutaire influence ?
» Le nombre total des malades traités dans l’espace de
vingt-neuf ans, a été de 129, soit 35 hommes et 94 fem-
mes; 8 étaient âgés de 10 à 12 ans , 52 de 20 à 30 ans
et 68 de 30 à 60 ans. Parmi ces derniers, plusieurs ont
eu des récidives, parce qu'ils ont repris leur métier sans
précautions.
» Ces 129 malades ont séjourné à l'hôpital 5042 ; jours,
ce qui fait en moyenne 39 jours ‘/129 pour un malade.
Les deux extrêmes du séjour ont été 11 jours et 147
jours. Aucun malade n’est mort; {ous ont été ou guéris
ou améliorés. 54 sont venus de la Chaux-de-Fonds,
4% du Locle, 6 de la Sagne, # des Brenets, 5 de la
Brévine , { des Ponts, 7 du Val-de-Ruz (les Loges et
Cernier), 3 du Val-de-Travers ( Fleurier ), 5 de Besan-
— 151 —
çon et 1 de Renan. Ces derniers étaient des Neuchâte-
lois, qui, malades, venaient réclamer leur patrie.
» Les malades que nous avons observés à l'hôpital
Pourtalès peuvent être divisés en 3 classes : 1° ceux at-
fectés uniquement de salivation; 2° ceux qui outre la
salivation ou sans salivation éprouvaient des tremblemens,
que la volonté pouvait encore maîtriser; 3° ceux dont
tout le corps était affecté et qui ne pouvaient plus ni
marcher ni porter leurs alimens à la bouche. Chez tous
ces malades, nous avons remarqué de la langueur dans
toutes les fonctions, un air de tristesse et d’abattement,
un teint plombé , une respiration lente, quelquefois sus-
pirieuse, le pouls petit plus ou moins fréquent, la peau
froide et un grand besoin de repos.
Premier degré de salivation. L'auteur signale les symp-
tômes suivans observés chez un jeune homme de 29 ans,
qui était atteint de salivation depuis six semaines lorsqu'il
entra à l'hôpital. « Son teint était pâle, ses yeux ternes
et fatigués , une profonde tristesse régnait sur sa figure,
ses lèvres étaient tuméfiées et pendantes, un liquide clair
et filant sortait continuellement de sa bouche; ses dents
étaient ébranlées et recouvertes d'un enduit blanchâtre
qui s'étendait sur les gencives et sur la langue ; ces par-
ties étaient tuméfiées, recouvertes de phlictème etulcérées;
l'haleine était fétide , la parole était gênée et altérée et le
malade éprouvait du dégoût pour les alimens; la masti-
cation était impossible ; il ne pouvait avaler que des liqui-
des ; il éprouvait de la soif et de la constipation ; les urines
étaient rares. La respiration et les fonctions intellectuel-
les étaient dans leur état normal. Quand le malade vou-
lait se livrer un peu au sommeil, il s’enveloppait la tête
— 152 —
avec des serviettes, pour ne pas inonder son lit. Il avait
maigri considérablement.
Second degré. Salivation et tremblemens. Aux symptômes
ci-dessus, qui souvent existent à un faible degré, nous
devons joindre des mouvemens désordonnés et involon-
taires de tous les muscles du corps ou seulement d’une
partie. La démarche est chancelante, la parole tremblante,
la voix cassée, le corps amaigri et les traits tirés; chez
ces malades, les dents sont décharnées, et chez quelques
uns noires et comme corrodées.
Troisième degré. Mouvemens involontaires de tout le
corps, impossibilité de se tenir debout et de porter les
alimens à la bouche. La tête se meut involontairement
dans tous les sens, la parole est très-gênée; quand le
malade veut parler, il sort la langue avant d’articuler
les sons, puis il bégaye; les mains, les jambes sont agi-
gitées de mouvemens convulsifs, nous en avons vu qui
étaient jetés comme par des ressorts hors de leur lit. Dans
cet état, la bouche est décharnée, les dents sont noires,
le teint est plombé; les traits expriment la plus profonde
tristesse; le marasme est quelquefois porté très-loin et
le malade est épuisé. Des hémorrhagies , la phthysie
pulmonaire, la phthysie laryngée, une espèce d’idiotisme
et des tremblemens incurables, surtout chez les ivrognes
et les buveurs d’eau-de-vie, ont été, chez nos malades,
les tristes suites du dorage au mercure, pratiqué sans
précaution, le plus souvent par de pauvres ouvriers,
dans leur chambre sur des réchauds ouverts.
« Notre traitement, dit M. de Castella, a consisté prin-
cipalement dans l'emploi presque empirique du soufre,
des bains hydro-sulfureux, des bains de vapeurs, des su-
— 153 —
dorifiques, de quelques purgatifs et à la fin de quelques
antispasmodiques. Contre la salivation mereurielle , nous
donnons le soufre en poudre à la dose d’un gros par jour;
nous y joignons un purgatif salin , comme le sulfate de
soude, des lotions froides sur la face, des gargarismes
astringens et alumineux. La salivaison cesse pour l’or-
dinaire promptement et les malades quittent l'hôpital du
15° au 30€ jour.
: «Le tremblement mercuriel exige un traitement beau-
coup plus long ; les bains hydro-sulfureux, les bains de
vapeur, les bains sudorifiques sont mis en usage. Le
soufre à l'intérieur produit souvent des coliques assez
violentes dès le quatrième ou cinquième jour de la pur-
gation. De ce moment le tremblement commence à dimi-
puer. Une alimentation douce et nutritive, le lait surtout,
les farineux , les bons bouillons ; des promenades à l'air
libre, dès que les malades peuvent s’y livrer ; des fric-
tions sèches et surtout la plus grande propreté dans les
vêtemens et les lits sont les moyens accessoires de notre
traitement.
« Nous n'avons jamais eu recours aux émissions san—
guines, parce que nous avons toujours vu nos malades
dans un état d'atonie plutôt qu'avec un excès de force. Le
marasme dans lequel ils se trouvent pour la plupart,
surtout ceux qui sont gravement atteints, prolonge leur
traitement; chez plusieurs , il a duré au-delà de cent
jours. L'opium , la valériane et les autres antispasmodi-
ques deviennent quelquefois nécessaires. Les bains froids,
particulièrement ceux du lac, dans la saison favorable
ont été utiles. »
— 154 —
M. Chapuis donne plusieurs renseignemens sur les con-
séquences fâcheuses de l'emploi du bioxide de mercure
appelé vulgairement le précipité rouge, dont l'usage est
très-répandu dans nos campagnes où on l’emploie tous les
jours contre la gale et autres maladies cutanées. IL si-
gnale les nombreux accidens causés par ce médicament
ainsi que par l’onguent citrin de la pharmacopée de
Prusse, qu'il envisage comme non moins dangereux que
le précipité rouge, lorsqu'on en abandonne l'emploi au
peuple. L'auteur signale également les fâcheux effets du
mercure métallique dissous dans l'acide azotique, puis
étendu d’eau , tel qu'il est employé par les ouvriers qui
travaillent dans nos fabriques de toiles peintes. Il a vu
un jeune jardinier qui avait perdu toutes ses dents, l'épi-
derme de tout son corps et qui faillit périr , pour avoir
fait usage de ce remède. Enfin l’auteur attire l'attention
de la Société sur la fâcheuse pratique des fondeurs d’é-
tain ambulans, qui ont l'habitude de mêler à ce métal
fondu une certaine quantité de soi-disant cobalt ou ter-
re-aux-mouches, qui ne contient pas moins de 60 à 70
pour cent d'arsenic.
Ces faits, et beaucoup d’autres, font désirer à M. Cha-
puis que le réglement de pharmacie relatif à la vente des
poisons, spécifie d’une manière plus complète les subs-
tances qui doivent être interdites au publie sans la pres-
cription du médecin.
M. Guyot continue son exposé sur la répartition du
terrain erratique ( Voir séance du 7 mai 1845.)
E. DEsor, secrétaire.
nb. nn en he 26e n
N° 14.
BULLETIN
DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES NATURELLES
DS MEVCEATEL.
Séance du 8 janvier 184%.
Présidence de M. L. CouLox.
M. de Castella, à l'occasion de la lecture qui est faite
d’une note de M. le docteur DuBois sur une affection
des nerfs de la main, insérée dans le procès-verbal de la
Chaux-de-Fonds, fait remarquer qu'il a vu plusieurs
exemples de spasme des écrivains. Il a remarqué que
cette maladie agissait d’une manière fàâcheuse sur le mo-
ral des personnes qui en étaient atteintes.
M. Agassis dépose sur le bureau des échantillons de
guano. Après avoir rappelé en peu de mots l’histoire de
celte matière, aujourd'hui si fort en vogue, il observe
qu'elle n’est pas composée, comme on l’a eru dans l'ori-
gine, exclusivement d’excrémens d'oiseaux, mais que les
cadavres des oiseaux côtiers et ceux des phoques qui
meurent sur le rivage y contribuent pour une bonne part.
M. Desor ajoute quelques observations sur la répartition
géographique du guano, et il rappelle qu'on vient d'en
découvrir des dépôts considérables sur quelques pe-
— 156 —
tites îles de la côte occidentale d'Afrique, non loin de
l'embouchure de la Gambie. L’épaisseur de la couche va
jusqu’à 20 pieds.
M. Agassiz entretient la Société des recherches et des
découvertes récentes qui ont été faites sur les métamor-
phoses que subissent les animaux des classes inférieures.
Les résultats de ces recherches ne tendent à rien moins
qu’à établir, que dans certains groupes d'animaux, les
générations qui se succèdent ne se ressemblent pas d’une
génération à l’autre, mais que la troisième génération
seulement, est de nouveau semblable à la première et
ainsi de suite. Cette loi qui avait déjà été entrevue par
Chamisso, a reçu une pleine confirmation par les belles
recherches de MM. Sars et Steenstrupp. Ainsi les Salpes
simples produisent des Salpes agrégées et celles-ci de
nouveau des Salpes simples. Mais les exemples les plus
frappans de ce singulier mode de reproduction sont
fournis par les Méduses, qui ne présentent pas moins
de quatre états différens, avant de revenir au point
de départ, et malheureusement pour nos ouvrages des-
criptifs toutes ces diverses formes ont été prises pour
des animaux particuliers. Ainsi MM. Sars et Steens-—
trupp ont démontré que les genres Scyphistoma et
Strobila, que l’on avait pris pour des Polypes ne sont
autre chose que le jeune âge de la Medusa aurita qui,
avant d'arriver au terme de son développement, passe
encore par une troisiéme phase à laquelle on a donné le
nom générique d'Ephyra. Chacune de ces phases du dé-
veloppement se montre à une époque déterminée de l'an-
née, pendant laquelle les autres ne sont d'ordinaire pas
— 157 —
visibles. Ce n’est pas l’animal parfait seul qui est capa—
ble de se multiplier : les formes intermédiaires procréent
aussi, mais il n'appartient jamais qu'à une seule d’entre
elles de produire des individus qui reviennent au point
de départ du cycle. Le mode de développement de ces
animaux aux différentes phases est également très-diffé-
rent. Ainsi la Méduse parfaite produit seule des œufs qui,
après avoir nagé librement dans l’eau, sous la forme d’in-
fusoire, poussent à leur sommet des bras semblables à
ceux des Polypiers ; ce sont alors des Scyphistoma ;
peu-à-peu leur tige s’étrangle et donne lieu à une série
d’anneaux empilés, comme des soucoupes, les unes dans
les autres, ce sont les Strobila, enfin arrive un moment où
tous ces anneaux se détachent, chaque soucoupe de-
vient alors un animal propre, une Ephyra, qui se méta-
morphose en Méduse ordinaire, tandis que le sommet
de l'animal avec ses tentacules périt.
On a observé un cycle de métamorphoses semblables
dans les Campanulaires, qui passent également par plu-
sieurs états très-différens doués chacun d’une organisa-
tion particulière, qu’on chercherait en vain dans les autres
phases. Ainsi les jeunes des Campanulaires nagent libre-
ment dans l'eau et ce n’est que longtemps après qu'ils se
fixent. Puis, après s'être fixés, ils poussent des bour-
geons de nature très-diverse ; les premiers sont termi-
nés par des Polypes stériles, puis viennent des Polypes
axillaires qui en produisent d’une troisième sorte , et ce
sont ces derniers qui pondent les œufs.
Enfin, M. Steenstrupp a aussi observé des faits sem-
blables dans les vers intestinaux. Les Distomes, par
exemple, si abondants sur les Lymnées, à certaines épo-
— 158 —
ques de l’année, ne sont autre chose qu'un état particu-
lier de cet autre type d'animaux, que nous appelons
du nom de Cercaire. Vers l’automne, les Cercaires se
mettent en chrysalide dans la peau des Lymnées, après
s'être préalablement dépouillées de leur queue. Plus tard
ces chrysalides se transforment en une génération de
vers intestinaux de forme particulière; à celle-ci succède
une autre forme de vers , puis une troisième, dans l'in
térieur desquels on aperçoit enfin de véritables Cercaires
qui finissent par se transformer en Distomes.
M. Agassiz pense que maintenant que l'étude est dirigée
vers ces singulières métamorphoses, on peut s'attendre à
découvrir encore bien d’autres exemples de semblables
phénomènes. Ainsi il serait porté à croire que ces singu-
liers êtres, qu’on a décrits sous le nom de Stéphanomies,
ne sont autre chose que des états particuliers d'animaux
connus de la classe des Méduses. Les Polypiers pierreux
pourraient aussi n'être, selon lui, qu’une dernière forme
d'une série de métamorphoses dont il faudrait chercher les
représentans dans cette innombrable quantité d'animaux
mous qui peuplent les eaux de la mer. Ces études au-
ront pour conséquence, non seulement d'ouvrir upe
voie toute nouvelle à l'étude de la zoologie, mais encore
de modifier à bien des égards la nomenclature systéma-
tique, en supprimant une quantité de noms génériques
et spécifiques qui rentreront les uns dans les autres.
Quant au fait que dans certains groupes cycliques, la
ressemblance ne se retrouve complète qu'après quelques
générations , M. Agassiz pense qu'on pourrait peut-être
en voir un vague reflet dans le fait, que chez l'homme et
les animaux supérieurs, il arrive fréquemment qu'une
— 159 —
génération a moins de ressemblance avec ses parens
qu'avec ses ayeux.
M. de Castella ajoute qu'il n’est pas rare non plus de
voir dans certaines familles des maladies sauter une géné-
ration, et reparaître chez les petits enfans, après avoir
sévi chez les grands-parens.
M. Desor rend compte des observations qu'il a faites
de concert avec M. Dolfuss pendant l'été dernier pour
mesurer les eaux de l’Aar à leur sortie du glacier. Le
torrent se trouvait cette année dans des conditions très-
favorables pour des expériences de jeaugeage. Il coulait
en ligne droite sur une longueur de 50 mètres, dans un
lit de gravier dont la largeur était uniforme (12 m.).
Cette partie du torrent fut choisie pour les expériences.
La profondeur fut mesurée sur cinq sections éloignées de
10 mètres l’une de l’autre. Pour effectuer ces mesures,
un homme robuste fut chargé de traverser la rivière
sur cinq lignes et au moyen d’un bâton gradué dont il
était muni, il mesurait la profondeur du torrent de mètre
en mètre. Cette expérience répétée sur les cinq sta-
tions, donna la profondeur du torrent sur 60 points.
La moyenne de ces 60 points se trouva être de 33 cen-
imètres. Cette opération faite, il suffisait de multiplier à
chaque observation ce chiffre de 33 centimètres avec la
vitesse de parcours et la hauteur de l’eau , pour connai-
tre le volume d'eau qui s’échappait dans un temps donné.
Il résulte des calculs de M. Dolfuss que du 9 au 12 août
le volume d’eau n’a pas varié d’une manière sensible ,
du 16 au 21 il a diminué de deux tiers, et du 25 au
27 de moitié, si bien que l’Aar a écoulé en 24 heures :
— 160 —
du 9 au 16 août 2,000,000 mêtres eubes d'eau.
du 16 au 21 » 630,000 » » »
du 25 au 27 » 328,000 » » »
En comparant ces chiffres avec les variations du thermo-
mètre dans ces différentes périodes, on trouve une corré-
lation très-frappante entre l’état atmosphérique et le vo-
lume d’eau écoulé par le glacier. En effet, il résulte des
tableaux météorologiques rédigés par M. Desor, que Jjus-
qu’au 12 août, le temps fut doux et la fonte rapide,
mais à partir du 13, il y eut d’abondantes chutes de
neige; le 16, entre autres, il neigea tout le jour et le
soir il n'y avait pas moins de 60 centimètres de neige
sur le glacier. Pendant ce temps, la température ne
s'éleva pas de beaucoup au-dessus de zéro (maximum
+. 4°), en sorte que la fonte fut à-peu-près nulle. Or,
malgré cela l’Aar ne discontinua pas de couler ; elle
n’atteignit pas même son niveau le plus bas, puisque
le 17 et 18 elle fournissait encore 680,000 mètres cubes
d’eau en 24 heures. Ce fait, dit M. Desor, est de la plus
haute importance pour la théorie des glaciers, en ce qu'il
fournit la preuve que l’eau de fonte qui pénètre dans
le glacier ne le traverse pas comme ferait de l’eau cou-
lant dans de larges canaux, mais qu’elle y séjourne plus
ou moins longtemps, arrêtée par des obstacles nombreux
qui retardent sa marche. Ces obstacles ce sont les fissu-
res capillaires du glacier, que l’eau est obligée de traverser.
En effet, en prenant pour base le maximum de vitesse de
l’Aar à sa sortie, et en tenant compte du volume de l’eau,
il suffirait de quelques heures au plus pour qu'un ruis-
seau de l’Abschwung gagnât l'extrémité du glacier. Or,
puisque l’Aar a pu continuer de couler pendant au moins
— 161 —
48 heures, tandis que le glacier était couvert de neige,
et que pendant ce laps de temps elle a fourni, sans recevoir
aucun tribut de la fonte superficielle, un volume d’eau de
1,360,000 mètres cubes d’eau, il faut bien que cette
masse d’eau ait été en réserve dans l'intérieur du glacier;
car les sources qui viennent sourdre sous le glacier, ne
sont pas assez importantes pour qu'on puisse en tenir
compte.
Le glacier, sous ce rapport, peut se comparer à une
immense éponge imbibée, qui reçoit et fournit continuel-
lement de l’eau. Que la source qui l'alimente vienne à
tarir momentanément, l'éponge n’en continuera pas moins
à fournir de l'eau, par l'effet du mouvement propre du
liquide qui tend à s'échapper, mais qui s'écoule d'autant
plas lentement, que les canaux qu'il a à parcourir sont
plus fins. Par la même raison, si après avoir intercepté
la source, vous la ramenez de nouveau sur l'éponge,
l'effet n'en sera pas non plus instantané ; l’eau sera d’a-
bord employée à réparer les pertes que l'éponge avait
éprouvées dans l'intervalle; le ruisseau qu’elle alimente
n'en éprouvera qu'un accroissement très-graduel, et ce
n’est que lorsque l'éponge sera complètement imbibée
que le ruisselet reprendra son volume primitif. Il est à
présumer que les choses se passent à-peu-près de la même
manière dans l’intérieur du glacier. Les fins tubes de l’é-
ponge, ce sont les mille petites fissures du glacier. Si
donc le glacier a continué de fournir de l’eau, alors même
qu'il avait cessé d'en recevoir à sa surface depuis plu-
sieurs jours, c'est parce que ce réservoir de fines rami-
fications ne laisse échapper l’eau que lentement. Par la
même raison, le niveau ne s’est relevé qu’insensiblement.
— 162 —
La neige n’a fait qu'ajouter au retard, en empêchant
l'équilibre de se rétablir plus tôt. Le fait que l’Aar con-
üinue de couler pendant la nuit sans changement nota-
ble, n’est, suivant, M. Desor, qu’un effet de la même loi.
D'après la lenteur avec laquelle l’eau circule dans l'in
térieur, on peut prévoir que les variations que pourrait
produire l’absence de fonte pendant la nuit ne doivent
se faire sentir que le lendemain, et c’est en effet dans la
matinée que les eaux sont les plus basses. Plus un gla-
cier est long, moins il y a de chances que ces variations
diurnes soient sensibles.
E. DEsor, secrétaire.
Séance du 22 janvier 1845.
Présidence de M. L. CouLon.
M. Agassiz présente à la Société une série de considé-
rations sur la distribution géographique des animaux et
de l’homme. Quelle que soit, dit-il, la théorie à laquelle
on s'arrête sur la division du genre humain, soit qu'on
l'envisage comme composé de nombreuses espèces , ou
que l’on n’en admette qu'une seule avec différentes races
ou variétés , il n’en est pas moins vrai qu'il existe des dif-
férences entre ces types, et que ces différences sont assez
marquées pour qu'il soit possible de retrouver leurs li-
mites naturelles partout où des causes extérieures n’ont
pas déplacé les populations. M. Agassiz croit pouvoir
établir, que ces différences correspondent généralement
à la circonscription des différentes faunes qu'il a dis-
tinguées à la surface du globe, aussi loin du moins
que leurs limites ont pu être déterminées. Il est certai-
— 163 —
nes régions où cette coïncidence est des plus frappantes.
C'est ainsi que la race polaire du nord, qui s'étend sur
les trois continens comprenant les Samoyèdes en Asie,
les Lapons en Europe et les Esquimaux en Amérique,
correspond exactement, par sa distribution, à la faune
arctique qui, comme l'on sait, est identique sur les trois
continens. La limite méridionale de ces différentes peu-
plades commence par de-là la région boisée; c’est là
aussi que commence la patrie des animaux les plus ca-
ractéristiques de la faune boréale, tels que le renne qui
prend la place de l'élan et de nos cerfs; l'ours blanc qui
remplace l'ours brun; le renard bleu du nord qui remplace
le nôtre, ete. Cettte répartition des races humaines et des
faunes zoologiques coïncidant avec les grandes limites de
la végétation, doit entraîner à sa suite des usages et un
genre de vie particuliers qui contribuent encore à augmen-
ter les différences primitives. C’est ainsi que les peuples
boréaux sont, comme leurs carnassiers et leurs oiseaux de
proie, à-peu-près tous ichthyophages. Il ne résulte ce-
pendant pas de là qu’on doive conclure de ces rapports
entre la nature des pays boréaux et leurs habitans, un
isolement complet- des peuples arctiques. Il existe au
contraire des passages de la race du nord à celle de la
zône tempérée. C'est ainsi que les Esquimaux passent
insensiblement aux Indiens des prairies, et les Samoyèdes
par les Kamtschadales aux Mongoles.
M. Agassiz signale des coïncidences non moins curieuses
entre la distribution des races humaines et celle des
faunes terrestres dans l'hémisphère austral. Les différences
paraissent surtout nettes et tranchées dans la Polynésie.
M. Agassiz rappelle à ce sujet qu'il faut distinguer trois
15
— 164 —
races dans les îles de l'Océan pacifique, savoir : deux
races jaunes, l’une comprenant les Malais qui habitent
les îles de la Sonde et les côtes des continens. Une seconde
race jaune, celle des Polynésiens, qui occupe les îles Ma-
rianes, les îles Sandwich, celles des Amis, et tout l’archi-
pel des petites îles à l’est de la Nouvelle-Hollande, jus-
qu’en Amérique. La nouvelle Zélande paraît aussi lui ap-
partenir. Enfin Ja race Papoue, la plus laide et la plus
ignoble de toutes, reconnaissable à ses membres grèles,
sa bouche grande, son front bas et son air stupide, occupe
la nouvelle Guinée et toutes les îles qui entourent immé-
diatement la Nouvelle Hollande à l'Est, jusqu'à la Nou-
velle Zélande, qu’elle n’atteint cependant pas. Or, cha-
- cune de ces circonscriptions humaines correspond à une
faune particulière qui est caractérisée par quelques ani-
maux qui lui sont propres. C'est ainsi que les Orangs
accompagnent la race malaise proprement dite. La ga-
léopithèque ou écureuil volant, se trouve dans les régions
habitées par les Polynésiens jaunes, et la nouvelle Gui-
née qui est le principal siège de la race Papoue, a aussi
ses animaux propres, entre autres des Phalangers.
Quant aux caractères qui doivent servir de base à la
délimitation des races humaines, il faut, en Polyné-
sie plus que partout ailleurs, en éliminer avec soin la
couleur, puisque, d’après les recherches de M. Quoy, on
voit les Polynésiens jaunes passer par toutes les nuances
du brun jusqu'au noir, sans perdre aucun de leurs-ca-
ractères essentiels et sans que la beauté et l'harmonie de
leur forme en souffrent en aucune façon. D'un autre côté,
nous voyons aussi les Papous perdre dans certaines lo-
calités leurs teintes foncées et s'approcher par la couleur
— 165 —
des vrais Polynésiens; mais ils n’en restent pas moins
pour cela les derniers des hommes.
Passant à l’Afrique, M. Agassiz rappelle que l’extré-
mité méridionale de ce continent habitée aujourd’hui par
des Européens, était autrefois le siége d’une race à part
différente de la race nègre. Or, 1l est démontré par les
recherches récentes des voyageurs, que la faune de cette
région est complètement différente de celle du centre du
continent, et il paraîtrait que cette limite correspond avec
les limites de l'ancienne race Hottentote.
Le nord de l'Afrique nous offre un exemple encore
plus frappant de cette coïncidence des races et des faunes.
Le Sahara n’est pas seulement la limite de la race nègre,
il est aussi celle de la faune africaine proprement dite,
et de même que les habitans du nord de l'Afrique sur
les deux versans de l'Atlas sont de race caucasique , de
même aussi la faune de cette région est identique avec
celle de l'Europe méridionale. Les recherches des natu-
ralistes modernes tendent à rendre ces limites toujours
plus précises, du moins pour les animaux. C’est ainsi que
la présence simultanée du lion en Barbarie et au Sénégal,
qui pouvait paraître un obstacle à une séparation de la
faune européenne d'avec la faune africaine » n'en est
plus un maintenant que l’on a démontré que le lion de
Barbarie, à large crinière, s'étendant Jusqu'au de là des
épaules, n'est pas le même que celui du Sénégal, dont la
crinière est limitée aux épaules et dont la queue n'est
point terminée par un pinceau de poils.
M. Agassiz conclut de ces faits, que l'ubiquité du genre
humain à la surface du globe est un caractère qui lui est
propre et qui le distingue des animaux qui ont tous une
— 166 —
patrie déterminée. À cet égard, comme à tant d'autres
encore , il faut donc appliquer à l’homme une autre me-
sure dans l'appréciation des différences que présentent
ses races. Néanmoins cette circonscription des variétés
de la race humaine dans les limites de certaines faunes
zoologiques, semble, selon M. Agassiz, mdiquer une ré-
partition primitive simultanée de ces types divers au mi-
lieu des créations qui les accompagnent.
A la suite de cette communication s'engage une dis-
cussion à laquelle prennent part M. Guyot et M. de Rou-
gemont.
M. L. Coulon, président , rend compte d’une observa-
tion remarquable qui prouve que dans certaines condi-
tions, l'écorce des troncs de sapins coupés continue à
croître sous forme de gros bourrelets ; on a vu de ces
bourrelets qui montraient 45 cercles d'accroissement. Ce
qui a lieu surtout d'étonner, c'est que des troncs pareils
puissent continuer de vivre en étant dépourvus de feuil-
les, puisqu'il est généralement admis que les feuilles sont
les organes dans lesquels s'effectue la transformation des
substances destinées à l’alimentation de la plante. Or,
M. Gœppert, à qui l’on doit des observations suivies sur
ce sujet, a prouvé que les racines des troncs qui conser-
vent ainsi leur vie, sont toujours greffées par approche
sur les racines des sapins qui les environnent, et dont
ils sont en quelque sorte les nourissons.
E. DEsor, secrétaire.
N° 15.
BULLETIN
DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES NATURELLES
DE MNEVCEAIATEL.
—-—— 000 =— —
Séance du 5 février 1845.
Présidence de M. L, Couon.
M. Gressly présente un aperçu succincet de la constitu-
tion géologique de l’Argovie. Les terrains qn’il a recon-
nus dans cette partie du Jura Suisse, sont de bas en haut :
le granit et le gneis qui ne se rencontrent que sur un seul
point , aux environs de Laufenbourg. Ils sont recouverts
par un conglomérat appartenant au grès bigarré. Cette
formation, dont l'épaisseur est de 600 pieds au moins, se
compose en outre de schistes, d'anhydrite et d’une cou-
che particulière de calcaire connue sous le nom de Wel-
lenkalk. Sur ce calcaire est étendue la couche de sel gemme
de Bâle-campagne, dont l'épaisseur maximum est de 25
pieds. Des gypses, des argiles et des marnes superposés
au sel gemme , rattachent la formation du grès bigarré
à celle du conchylien. Dans cette dernière formation,
M. Gressly a reconnu les calcaires ordinaires du Mus-
chelkalk. atteignant une épaisseur de 200 pieds; des
dolomies très-riches en fossiles et identiques avec ceux de
Friederichshall. Le Keupérien ne présente non plus au-
cune différence d'avec celui de Wurtemberg. La formation
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jurassique est représentée en Argovie par les étages sui
vans : {° Lelias, qui est comme partout très-riche en
fossiles, indiquant un dépôt littoral. 2° L’oolite inférieure,
composée de l’oolite ferrugineuse, du Marly-sandstone
et des marnes à Ostrea acuminata. 3° L'oxfordien qui est
surtout remarquable par une couche de sable rouge,
tout-à-fait semblable au gault de la Perte-du-Rhône. Ce
qui mérite surtout de fixer l'attention des géologues,
c'est la présence de Hamites dans ce terrain. Les étages
supérieurs de l'oxfordien manquent. Le portlandien
n'existe que dans les environs d’Aarau, où il se confond
avec le corallien. Enfin les plateaux sont recouverts,
dans nombre de localités, par des terrains tertiaires, dans
lesquels on distingue surtout une couche de conglomé-
rats rouges composés de débris de l’oxfordien et de l’oo-
lite et caractérisés par la présence de l'Helix rubra, si
commune aux environs de la Chaux-de-Fonds. Les cal-
caires superposés à ce conglomérat sont d’une pâte très-
fine et souvent si semblables au Portlandien , que sans
les fossiles on pourrait courir le risque de les confondre.
Les plateaux recouverts d’un dépôt tertiaire sont en gé-
néral fertiles; quelques-uns sont marécageux ; ceux du
conchylien et de l’oolite, en revanche, sont très-arides.
M. Gressly n’a constaté la présence de soulévemens
qu'aux environs d'Olten. Ce sont des voûtes conchylien-
nes. Quelques-unes sont crevées, et on a même des exem-
ples où l’un des revêtemens est renversé de manière à re-
couvrir l’oolite, ce qui a jadis donné lieu à la théorie de
la répétition des terrains de M. Rengger. |
Le terrain erratique est représenté par des blocs d'ori-
gine alpine, entr'autres à la Schafmatte,
fl:
Cette communication est suivie d’une discussion sur la
répartition du terrain erratique à laquelle prennent part
MM. Guyot et Desor.
M. Schauss dépose sur le bureau un fruit de la famille
des Bignonacées, trouvé dans des broussailles des envi-
rons de Neuchâtel. M. Agassiz le détermine comme ap-
partenant au genre Martinia; l'espèce est probablement
le M. proboscidea. Comme cette plante habite les bords du
Mississipi, il est évident qu'il faut attribuer au hasard sa
présence dans les broussailles de Neuchâtel.
M. Desor présente quelques considérations sur les rap-
ports qui existent entre la répartition des glaciers et les
reliefs généraux des Alpes. Il constate par l'examen com-
paratif des cartes du Mont-Blanc et de l'Oberland bernois,
que les grands glaciers de chacun de ces deux massifs
suivent une direction analogue, du moins dans leur cours
supérieur, direction qui est perpendiculaire à celle des
couches. Chaque grand glacier a à son origine un élar-
gissement en forme d'hémi-cycle dans lequel s’entassent
les provisions de neige et de glace qui servent à son en-
tretien. Plus ces élargissemens, connus sous le nom de
cirques, sont grands, plus aussi la longueur du glacier est
considérable. Tous les glaciers qui n’ont pas d’élargisse-
ment pareil à leur origine ont un cours très-limité. D’un
autre côté, M. Desor conclut de l'étude comparative des
glaciers sur les deux versans, que leur position à l'égard
du soleil n'a pas une influence aussi grande qu'on est
porté à le supposer d’abord.
En effet, s'il en était ainsi, les plus grands glaciers
— 170 —
devraient être du côté septentrional, qui est le plus froid;
or, au lieu de cela, nous voyons que dans les Alpes ber-
noises, les plus grands glaciers sont tous du côté du sud ou
du sud-est; tels sont les glaciers de l'Aar, d'Aletsch, de
Viesch, etc. Le versant septentrional, au contraire, n’a
que les deux glaciers de Grindelwald et celui de Rosen-
laui; encore sont-ils loin d'atteindre l'étendue de ceux
du versant opposé. Cette différence s'explique tout natu-
rellement, quand on considère les champs de neige dont
ils découlent. Si le glacier d’Aletsch est le plus grand
e la Suisse, c’est qu'il l'emporte sur tous les autres par
ses névés. La même comparaison peut se faire à l'égard
des glaciers de l’Aar et de Viesch ; et quant aux glaciers
de Grindelwald ,:la différence entre le glacier supérieur
et le glacier inférieur n’est pas plus grande qu’elle ne
l'est entre les névés d’où ils découlent.
Au Mont-Blanc, les rapports se trouvent complète-
ment changés ; là les plus grands glaciers sont du côté
nord-ouest, tandis que ceux du sud-est ont un cours
comparativement plus borné. Ici aussi, cette différence
s'explique par la forme des reliefs. Les grands cirques
sont au nord de l’arête et se déversent dans la vallée de
Chamouny; mais comme la distance du sommet de l’'arête
au fond de la vallée de Chamouny est à-peu-près double
de celle du sommet de cette même arête au fond de lAI-
lée-Blanche, il en résulte que les glaciers du versant sep-
tentrional , sont moins escarpés que ceux du versant
méridional, c’est-à-dire tout le contraire de ce qui a lieu
dans les Alpes bernoises.
M. Desor conclut de ces faits, que l'existence des
grands glaciers dans les Alpes n'est pas un simple phé-
— 171 —
nomène de climatologie, mais que leur forme et leur éten-
due dépendent à bien des égards de la configuration du
sol et particulièrement de la forme des vallées. ILest pro-
bable que si au lieu de commencer par de larges cirques
servant de magasin aux neiges de l'hiver, les vallées
alpines n'étaient, à leur origine, que des rigoles étroites et
peu profondes , les glaciers seraient bien moins puissans
et resteraient pour la plupart limités aux flancs des
hautes cimes; en d'autres termes il n'y aurait que des
glaciers de second ordre.
M. Agassiz ajoute quelques observations sur la distri-
bution des anciennes moraines de l’Allée-Blanche et du
Val-Ferret. Il a été frappé surtout de la belle conserva-
tion de la moraine du glacier d'Ornex , qui quoique à
une assez grande distance du glacier actuel, semble n'être
que d'hier. Il paraît en effet qu'au siècle dernier il se fit
un grand éboulement au fond de la vallée et que cet ébou-
lement recouvrit toute la surface du glacier, qui, ainsi
protégé, prit un accroissement considérable et déposa ces
débris sous la forme de moraine frontale, dans les lieux
où on les voit maintenant.
Cette explication est accompagnée de coupes et de
dessins destinés à en faciliter l'intelligence.
M. de Castella dépose sur le bureau un petit corps os-
seux rejeté par un malade après avoir séjourné deux ans
dans l'ésophage; il pense que c’est un os de poisson.
E. DEsor, secrétaire.
— 172 —
Séance du 19 février 1845.
Présidence de M. L. CouLon.
M. Agassiz, à l’occasion de l'importance attribuée par
M. Desor dans la précédente séance, aux cirques des gla-
ciers , cite l'exemple du glacier de Zmutt, l’un des plus
grands de la chaîne du Mont-Rose, lequel a aussi un très-
grand cirque à son origine; et ce qui prouve que la
position à l'égard du soleil n’exerce qu’une influence su
bordonnée, c’est que ce glacier ne court ni au nord,
comme ceux de la vallée de Chamouny, ni au sud, comme
les grands glaciers de l'Oberland bernois, mais d'ouest
en est.
M. Agassiz rappelle à cette occasion que les seuls en-
droits où l’on a trouvé des trâces de glaciers dans le Jura
sont également dans le voisinage de cirques semblables,
par exemple, St.-Cergues, en face du cirque de la Dôle,
au pied de la Dent de Vaulion, etc. Il en conclut que lors-
que la plaine suisse était recouverte de glaciers, ces cir-
ques étaient, comme ceux des Alpes de nos jours, le siège
de glaciers propres, qui débouchaïent de ces grands amphi-
théâtres pour regagner la plaine, en suivant la direction
qu'indiquent les stries auxquelles ils ont donné naissance.
M: Desor prend occasion d'émettre à ce sujet son opi-
nion sur la formation des cirques dans les Alpes. Il pense
qu'on peut inférer de la verticalité de leurs parois et de
leur position latérale sur les parois des massifs, qu’ils ne
sont point l'effet d’une brisure ou d’une éruption, en
d'autres termes que ce ne sont point des caractères de sou-
lèvement. On peut encore moins les attribuer à des éro-
— 17 —
sions. L’explication qui lui paraît la plus vraisemblable,
c’est qu’ils ont été occasionnés par des affaissemens surve-
nus à l’origine des vallées alpines. Les cirques situés dans
des massifs à couches horizontales, tels que ceux de Gie-
bel et du Monte-Leone dans la chaîne jdu Simplon, et le
fait que les cirques de deux versans ne sont quelquefois
séparés que par un col très-étroit, sont autant d'indices
qui font présumer que la cause qui les a produits est in-
timement liée à l’histoire des reliefs alpins. En théorie, rien
ne paraît plus simple que la solution d’un pareil problème;
car, il est évident que si les cirques sont des affaissemens,
les mêmes couches qui forment le sommet de la muraille
sur leur pourtour , devront se trouver au fond dans son
intérieur. Mais pour qu’une pareille expérience puisse se
faire, il est nécessaire avant tout que les cirques soient
stratifiés horizontalement; or, l’on sait que le plus sou-
vent les couches des massifs alpins sont verticales. Il faut
en outre qu'il existe des variations minéralogiques dans
l'épaisseur des massifs, afin de pouvoir constater l'é-
tendue des déplacemens, s'ils ont réellement eu lieu :
Enfin il ne faut pas oublier que les localités où de pa-
reilles observations peuvent se faire, sont situées dans
des contrées généralement peu accessibles, et qu’en outre
le fond des cirques est souvent couvert de neige et de
glace. Malgré ces difficultés, M. Desor ne doute pas que
l’on n'arrive quelque jour à démêler l’origine des cirques,
et à démontrer que les affaissemens ont joué un plus
grand rôle dans l’histoire des Alpes qu'on ne le pense
communément.
A la suite de cette communication une discussion s’en-
gage entre M. Desor et M. Guyot.
— 174 —
M. Guyot pense qu’il faut attribuer la formation des
cirques à une action plus générale. Les cirques des Alpes
ne lui paraissent pas différer, quant à leur origine, de
ceux du Jura et des autres systèmes de montagnes, car
les uns et les autres ont un caractère commun, celui de
se rencontrer à l'extrémité de longues fentes pratiquées
dans la masse des chaînes de montagnes , que ces fentes
soient transversales, comme dans les Alpes et les Pyré-
nées, ou longitudinales, comme dans les voûtes crevées
des chaînes jurassiques. Dans ce dernier cas, en parti-
culier, il y a simple écartement et non affaissement,
comme le prouve la position correspondante des couches
et la nature du fond même de ces cirques et de leurs
vallées. C’est pourquoi l'hypothèse de M. Desor qui voit
dans les cirques l'effet d’un affaissement, lui paraît m-
suffisante.
M. Desor combat l’analogie que M. Guyot voudrait
établir entre les cirques du Jura et ceux des Alpes, par
la raison que ces derniers étant invariablement situés à
l’origine des vallées se trouvent placés sur les versans
du soulèvement et sont par conséquent perpendiculaires
à ce dernier, tandis que les cirques du Jura sont au con-
traire situés au sommet des voûtes, c’est-à-dire, dans
le plan même du soulèvement. Si l’analogie réclamée
par M. Guyot existait réellement, ce serait à l’origine
des ruz jurassiques que devraient se trouver les cirques
du Jura. Or, c'est ce qui n’a pas lieu.
À. GuyorT, secrétaire.
M. de Castella lit une notice intitulée: Observations sur
une hernie étranglée très-volumineuse opérée avec succès.
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« Les hernies, dit-il, ont exercé le génie des chirur-
giens de tous les temps et de tous les pays. Sans contredit
la hernie étranglée est un des accidens les plus dangereux,
puisque si le malade n’est pas secouru , il succombe
presque toujours.
«En alléguant le danger de l'opération de la hernie
étranglée, et fondé sur des faits, M. Amussat a établi
dans un mémoire lu à l’Académie des sciences, le 6 mai
184%, et déjà précédemment, le taxis forcé et prolongé
comme une règle générale à adopter dans le traitement
des hernies étranglées.
« Celui qui a pratiqué longtemps la chirurgie au milieu
d'une population vigoureuse et exposée à faire des efforts
violens, a pu se convaincre du danger et de la fausse sé-
curité qu'entraîne cette méthode de traitement, à laquelle
ont facilement confiance les jeunes chirurgiens, qui re-
doutent de faire une opération dangereuse, plutôt par le
relard qu'on met à la faire que par l'opération elle-même.
«Outre plusieurs faits que nous avons observés, le sui-
vant prouvera que le taxis forcé et prolongé aurait été
inutile et funeste, tandis que l'opération pratiquée de
suite a sauvé le malade.
«Observation. Antoine Wetzel, âgé de 38 ans, d'Hesch,
canton de Bäle-Campagne, voiturier, d’une forte consti-
tution , reçut dans le milieu de l'été 1844, un coup de
pied de cheval, dans la région inguinale gauche, à la
suite duquel il se forma une tumeur volumineuse, sur
le trajet du cordon spermatique qui resta irréductible et
pour laquelle le malade ne consulta aucun chirurgien.
« Le 31 janvier 1845, en soulevant une grosse bouteille,
remplie d'acide sulfurique, à Boudry, il sentit une violente
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secousse dans sa tumeur, comme si quelque chose se
déchirait. Celle-ci doubla tout-à-coup de volume et ne
put être réduite par le chirurgien appelé auprès de lui.
«Envoyé à l’hôpital Pourtalès le 4 février, le malade
présenta l’état suivant : Face très-colorée, peau chaude,
pouls plein, ventre un peu météorisé, mais souple et peu
douloureux , vomissemens fréquens, léger hoquet, consti-
pation opiniâtre, depuis le moment de l'accident; tumeur
herniaire située dans le scrotum du côté gauche, s’éten-
dant depuis l’anneau inguinal jusqu’au fond de ce sac,
recouvrant la verge, déjettée à droite, et ayant le vo-
lume de la tête d’un enfant; point de changement de
couleur à la peau ; la tumeur était pesante et élastique.
Une tentative de réduction fut inutile.
« Considérant que la hernie était étranglée depuis qua-
tre jours, que des tentatives de réduction avaient déjà
été faites par un chirurgien habile, à Boudry, M. le doc-
teur Bœger, que le ventre était souple, le pouls bon, la
peau chaude, les vomissemens fréquens, je me décidai à
opérer le malade sur-le-champ, à cinq heures du soir.
Une incision intéressant la peau, fut pratiquée depuis la
partie supérieure de l'anneau inguinal jusqu’à la partie
inférieure du scrotum; cette incision avait environ 12
pouces de longueur. Au milieu de cette incision, je
fis peu-à-peu l'ouverture du sac herniaire ; le cremas-
tère était hypertrophié, ses fibres très-développées ; l'issue
d'une petite quantité de sérosité brunâtre, m'annonça
que j'étais parvenu dans le sac, celui-ci fut incisé dans
toute sa longueur de dedans en dehors, un jet considé-
rable de sérosité s’échappa de son intérieur. Une anse
volumineuse d'intestin grèle se trouva à nu. Les parois
— 1717 —
fortement distendues par des gaz, étaient d'un rouge
foncé, très-injectées ; deux ou trois plaques noires s'y
faisaient remarquer, celles-ci étaient élastiques comme
le reste de l'intestin. Derrière cette anse intestinale, j'a
perçus une anse du colon, longue d'environ six pouces,
reconnaissable à son volume et à ses bandelettes longitu-
dinales. La couleur de cet intestin était à peine diffé-
rente de son état naturel ; sur quelques points on voyait
une couleur rosée. Trois appendices graisseux, longs
d'environ deux pouces et du volume d'un petit doigt,
fixaient solidement cet anse du gros intestin au sac her-
niaire. L'anneau inguinal fut débridé directement en haut,
dans l'étendue de six à huit lignes, à la méthode de Scarpo.
Ce débridement ayant été trouvé insuffisant, le bistouri fut
de nouveau porté en haut et en dehors et l’anneau incisé
dans l'étendue de quelques lignes. Après ce débridement,
qui ne fut suivi d'aucune hémorrhagie, je procédai à la
réduction. Eprouvant de la difficulté à faire rentrer d’abord
l'intestin grèle, qui était au devant, et instruit par l’expé-
rience, que quand il y a plusieurs anses intestinales à ré-
duire, la postérieure, qui est dans une ligne plus directe
avec le canal inguinal, rentre plus facilement, je cherchai
à réduire le colon ; à cet effet, je détruisis avec le doigt
l’adhérence des appendices graisseux avec le sac herniaire
et la réduction s’opéra ensuite facilement; celle de l'in
testin grèle devint alors très-facile. Les taches noires qui
étaient sur ces intestins me firent hésiter un moment sur
cette réduction, comme elles étaient chaudes et élastiques,
je m'y décidai heureusement.
«Après la réduction, je rapprochai les parois du sac et
les lèvres de la plaie, et les maintins rapprochées par
— 178 —
deux points de suture. Une compresse fenêtrée, de Ja
charpie, des compresses et un bandage en T complé-
tèrent le pansement. Une boisson adoucissante, une potion
huileuse et des fomentations émoliantes sur l'abdomen
furent prescrites. Le malade passa une nuit tranquille,
il rendit beaucoup de vents par l'anus, les vomissemens
cessérent.
«Le 5 février les évacuations se rétablirent, deux selles
topieuses eurent lieu, accompagnées de beaucoup de
vents , le ventre s’affaissa.
«Les jours suivans n'offrirent rien de remarquable.
Le 9, levée du premier appareil; le scrotum et la verge
sontinfiltrés, la plaie commence à suppurer ; en soulevant
la tumeur qui est volumineuse, une certaine quantité de
sérosité brunätre s'échappe du sac herniaire, entre les
points de suture, qu'on juge convenable de couper : les
évacuations alvines sont régulières.
« Le 11 et le 12, des portions du sac herniaire s’ex-.
folient, une sérosité brunâtre et un peu fétide tache l'ap-
pareil.
« Le 15, la suppuration est de bonne nature, l'infiltra-
tion du scrotum et de la verge diminue (*). »
Dans le cas rapporté ci-dessus, le taxis forcé et pro-
longé à la méthode de M. Amussat, aurait-il été conve-
nable ? Nous ne l'avons pas jugé ainsi et nous nous en
félicitons. Le volume de la hernie, le grand développe-
(*) Jusqu'au 1°" mars rien de particulier ; la plaie s’est beaucoup rétré-
cie; les évacuations alvines sont régulières ; le malade mange le quart de
portion. Aujourd’hui la plaie n’a plus que quatre pouces de longueur sur
trois à quâtre lignes de largeur ; le malade voudrait se lever : le scrotum
est encore un peu infiltré; la verge ne lest plus; tout annonce une
prompte guérison.
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ment de l'intestin grêle, les taches noires qu'on y re-
marquait déjà , les adhérences du colon avec le sac
herniaire par les appendices graisseux qu'on a déchiré
avec peine , la grande étendue du débridement qu'on a
dù opérer sur l'anneau inguinal, sont autant de raisons
qui nous portent à croire que le taxis aurait été inutile
et funeste. La gangrène était imminente, des manipu-
lations violentes sur la tumeur et le moindre retard dans
l'opération l'aurait infailliblement occasionnée.
« Des taches noires sur les parois intestinales quoique
circonscrites, mais encore élastiques, ne doivent pas em-
pêcher la réduction de l'intestin.
« Nous ajouterons que le taxis forcé et prolongé comme
règle générale, peut avoir les suites les plus funestes.
Notre pratique, qui dans l'espace de trente-cinq ans,
nous a fait observer bien des cas de hernie, nous porte
à penser, comme le pensaient déjà Desault et Boyer, qu'il
vaut infiniment mieux opérer dans les premiers jours
une hernie étranglée, que d'attendre que la gangréne ou
la péritonite aient eu le temps de se développer (*). »
(*) L'observation suivante , que nous avons faite tout récemment, nous
fournit encore un exemple des conséquences fàcheuses que peut entrai-
ner le retard de l'opération
« Marguerite Russillon , âgée de 51 ans, de Bémont , canton de Vaud,
servante à Neuchâtel, d’une forte constitution, portait depuis plusieurs
années une hernie crurale du côté gauche. La tumeur peu volumineuse
rentrait facilement , jamais elle n’avait été maintenue par un bandage.
Le 2 avril, à la suite d’une indigestion , la hernie ne put pas être ré-
duite par la malade, je la vis pour la première fois le 3 ; elle n’avait
point de fièvre, point de vomissements ni de hoquet , le ventre était
souple sans douleur, la tumeur avait le volume d’une petite pomme, elle
était globuleuse et renitente; j’essayai, mais inutilement, de la faire
rentrer par le taxis prolongé, pendant une demi heure; un bain et des
applications émollientes furent conseillées,
14
— 180 —
M. Agassiz rend compte des recherches récentes de
M. Milne Edwards sur la circulation du sang chez les
mollusques gastéropodes, d'où il résulie que, chez un
Le 4 la hernie n’était pas rentrée, j’engageai la malade à entrer à l’hô-
pital Pourtalès et à se soumettre à l’opération que je jugeai indispensable;
une nouvelle tentative de réduction fut inutile, il n’y avait toujours point
de vomissements ni aucun symptôme inflammatoire du côté de l’abdomen.
La malade et sa maitresse ne voulurent pas entendre parler de lhôpital
et encore moins de l’opération ; je prescrivis un lavement avec une infu-
sion de feuilles de Belladone et des fomentations avec la même infusion ;
le soir la hernie était dans le même état , la malade avait quelques nau-
sées et le ventre était un peu douloureux. Je réitérai mes instances pour
l'opération et pour l’hôpital. La malade voulut consulter son frère qui
était à Boudry. Je fis réitérer un lavement avec la Belladone et appliquer
de la glace sur la tumeur ; pendant la nuit, la malade eut des révasseries
que j’attribuai à la Belladone, les pupilles étaient dilatées, la gorge sèche.
Le 5 au matin, d’après le conseil de son frère , la malade se décida à
l'opération et à entrer à l'hôpital, où elle fut admise et opérée de suite.
On trouva dans le sac herniaire une anse intestinale globuleuse du volume
d’une petite pomme, élastique, mais déjà d’un brun foncé , sans taches
grisètres. Quelques fausses membranes minces se faisaient remarquer à
la surface, une sérorité brunâtre s’était écoulée à l’ouverture du sac.
Celui-ci ayant été tiré en dehors, on reconnut que l’étranglement était
formé par son col; une sonde cannelée fut introduite avec difficulté
au travers de celui-ci, qu’on incisa avec un bistouri boutonné : Deux ou
trois petites incisions furent pratiquées sur l’arcade crurale. L’intestin
m’étant nullement affaissé sur lui-même et partout élastique, fut réduit
avec facilité et la plaie réunie immédiatement.
La journée qui suivit l’opération fut calme , la malade rendit des vents
par l’anus; un lavement émollient amena trois selles, la nuit suivante
fut assez bonne, sommeil de plusieurs heures.
Le 6, le ventre devint sensible à la pression, le pouls petit et fré-
quent, un léger hoquet et des vomissements se manifestèrent, une
saignée, des frictions mercurielles et des fomentations émollientes fu-
rent mises en usage.
Le 7, les symptômes s’aggravèrent , la peau devint froide, le pouls petit
et insensible , les vomissements de matières verdàtres furent continuels ;
le ventre devint très-sensible et ballonné , enfin, la malade succomba
pendant la nuit, le sixième jour de l’étranglement.
— 181 —
grand nombre de ces animaux, la circulation n’a pas tou-
jours lieu dans des vaisseaux ou tubes fermés ; mais qu'il
y a de fréquentes interruptions dans le système vascu-
laire, à tel point que chez quelques-uns de ces animaux
les intestins nagent dans le sang veineux, qui, dans son
trajet ultérieur, n’a d'autre impulsion que celle qui lui est
communiquée par le mouvement des organes qu'il baigne.
M. Agassiz rend également compte des recherches de
Autopsie. L’abdomen est météorisé, bosselé ; la plaie crurale n’est pas
réunie ; une suppuration sanieuse en recouvre les bords ; le péritoine est
rouge et enflammé , les intestins sont métcorisés , d’un rouge intense, re-
couverts de fausses membranes ; lorifice interne du canal crural est libre;
un épanchement peu considérable, séro-purulent , occupe le fond du petit
bassin; les portions d’intestin qui avoisinent l’orifice interne du canal
crural, offrent rien de particulier, sinon qu’elles sont plus enflammées
et que les fausses membranes qui les recouvrent sont plus étendues que
sur la totalité du paquet intestinal ; en développant celui-ci, pour trouver
la portion qui avait été étranglée, nous trouvames au-dessous de la ré-
gion ombilicale , une partie de l’Ileon, longue de trois ou quatre pouces,
noire, flétrie, faiblement adhérente à l’intestin voisin; en la séparant,
nous découyrimes deux perforations larges de trois à quatres lignes ré-
pondant au collet du sac herniaire. Ces perforations étaient obstruées par
Padhérence de leur pourtour à l’intestin, sur lequel elles reposaient, de
manière à ce qu'aucun épanchement n’a pu avoir lieu; lanse intestinale
étranglée n’oceupait pas tout-à-fait tout le diamètre de l'intestin, un
espace de quelques lignes de celui-ci, près de son attache au mésentère,
était sain et n’avait pas été étranglé. Est-ce à cette circonstance que l’on
doit attribuer le peu d’iutensité des symptômes de l’étranglement observé
dans ce cas?
La mort a été causée par la gangrène de la portion d’intestin herniée,
l’élasticité et l’absence de taches grisètres semblaient indiquer que la vie
existait au moment de l’opération , ce qui nous a empéché d’en faire l’ex-
cision surtout en nous rappelant l’état analogue de l’intestin chez l’indi-
vidu de notre précédente observation. L’étranglement violent occasionné
par le collet du sac herniaire a rendu le taxis inutile et dangereux. Le
retard de lopération a surtout été funeste ; si elle eut été pratiquée vingt-
quatre heures plutôt, comme nous le proposions, il est probable que la
malade ent été sauvée. »
— 182 —
M. de Quatrefages, sur la forme du canal alimentaire chez
un certain nombre d’articulés et de mollusques. Ce ca-
nal se ramifie en une foule de tubes qui portent direc-
tement les sucs nutritifs aux différentes parties du corps,
sans passer par l'intermédiaire des vaisseaux. M. de Qua-
trefages à désigné cette singulière structure sous le nom
de phlébenthérisme.
M. Coulon père cite un exemple qui prouve jusqu'à
quel point les Diptères possèdent la faculté d'élargir et
de retrécir à leur gré le volume des différentes parties de
leur corps. Il avait placé dans une phiole une douzaine de
petites mouches, et avait eu soin de boucher la phiole
avec un bouchon de laine de coton. Le lendemain n'ayant
plus trouvé que la moitié de ses mouches, il fat curieux
de voir comment elles s’y étaient prises pour s'échapper.
Il les observa à cet effet et il vit qu'elles commençaient
par insinuer leur tête, très-amincie, entre la phiole et le
coton; puis gonflant considérablement leur tête, elles
comprimaient les fibres du coton, de manière à frayer un
passage au reste du corps. Ce manëge plusieurs fois ré-
_ pété leur permettait de sortir de la phiole.
E. Desor, secrétaire.
N° 16.
BULLETIN
DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES NATURELLES
DB NEVCELATER
em OA € em—
Séance du 5 mars 1845.
Présidence de M. L. CouLon.
M. de Castella fait voir une série de modèles représen-
tant des préparations pathologiques confectionnées par le
docteur Thiebert, à Paris. M. le docteur de Castella en
a fait don au Musée.
M. Agassiz rapporte un fait de superposition de roches
qui a été observé dans le nord de l'Ecosse par M. Ro-
bertson, et qui ne semble pouvoir s'expliquer que par la
théorie des glaciers. Dans toute la contrée, le Till ou
terrain glaciaire recouvre immédiatement le vieux grès
rouge, dont la surface est ondulée et bosselée; mais il
est une localité dans le Murrayshire, où une coupe de
terrain présente la disposition suivante de haut en bas:
a) Graviers stratifiés.
b) Till avec galets arrondis.
c) Terrain jurassique, #0 pieds d'épaisseur.
d) Till avec galets striés.
e) Vieux grès rouge.
— 184 —
Voici comment M. Robertson, qui a fait une étude dé-
taillée du terrain erratique d'Ecosse, s’est rendu compte
de cette superposition. « On sait que les anciens glaciers
» ont envahi les anses de la mer sur nombre de points
» des côtes de la Grande-Bretagne, si bien qu'on voit
» encore aujourd'hui sous l’eau les sillons qu'ils y ont
» tracés. Le banc de calcaire jurassique qui se trouve ici
» enveloppé dans le Till était sans doute un éperon ou
» un petit promontoire de la côte. Or, en supposant que
» le glacier, de concert avec les agens atmosphériques,
» ait miné et enlevé la couche d'argile weldienne sur la
» laquelle il reposait, cet éperon se sera détaché, et, une
» fois tombé sur le glacier, il aura été transporté par lui
» loin de son origine, et déposé lors de la fonte des glaces
» au milieu des terrains de transports auxquels a donné
» lieu cette même fonte. »
M. Guyot annonce que l'étude du terrain erratique
continue a faire des progrès non moins satisfaisans sur
le continent. Il signale en particulier les recherches de
M. Scipion Gras, sur l’erratique du Dauphiné et annonce
en outre que depuis que l'attention des géologues de Savoie
a été fixée sur ce point par la réunion de la Société géo-
logique de France à Chambéry, M. le chanoine Carrel
a trouvé des roches polies et striées aux environs d'Aoste.
M. Desor signale le fait paléontologique suivant, qui
lui a été communiqué par M. Gressly : Il y a vingt ans
à-peu-près , M. Hugi envoya à Cuvier des dents fos-
siles trouvées par lui dans le calcaire portlandien de
Soleure ; ces dents furent déterminées par Cuvier comme
— 185 —
appartenant à des Paleotherium. Cependant la présence
de ces mammifères au milieu de terrains beaucoup plus
anciens que ceux dans lesquels on les trouve ordinai-
rement semblait étrange, et l'on se contenta de les men-
tionner comme un de ces faits exceptionnels, dont la liaison
avec le reste de la nature nous échappe. Or, voici que
l’on vient de découvrir dans les carrières d'Obergæsgen,
entre les assises du même terrain portlandien , des dents
semblables à celles de Soleure, accompagnées de galets
et de graviers alpins. M. Gressly fut curieux de voir
comment ils étaient arrivés là, et en examinant attenti-
vement la disposition des masses, il vit que les bancs de
calcaires affleuraient à quelques distances des carrières
dans une petite dépression remplie de terrain diluvien,
et put ainsi s'assurer que c'était par-là que les dents aussi
bien que les galets avaient pénétrés entre les assises. En
faisant ainsi rentrer un fait en apparence exceptionnel
dans les lois générales de la distribution des animaux
fossiles , cette découverte témoigne à la fois, et de la
fixité des lois de l’organisation, et de la sagacité du grand
naturaliste, puisque malgré l’anomalie de gisement, Cuvier
pe craignit pas d'annoncer que les fossiles dont il s’agit
étaient identiques avec ceux des terrains tertiaires.
M. de Castella cite un cas de spasme tonique chez une
jeune fille qui, après avoir duré quatre mois, a fini par
se guérir de lui même: tous les médicamens prescrits
ayant été sans effet.
M. le docteur Borel signale comme très-fréquent chez
les jeunes filles des contractions des muscles fléchisseurs
du pouce. Il cite un autre cas d'un homme de #5 ans,
— 186 —
chez lequel le spasme ne demeurait pas local, mais se
portait d’une partie du corps dans l’autre. Ce même in-
dividu a été atteint plus tard d'épilepsie.
E. Desor, secrétaire.
Séance du 19 mars 1845.
Présidence de M. L. CouLon.
M. Ladame lit un mémoire de M. Auguste Olivier
Matthey, sur l'application des métaux par voie galva—
nique. Ce mémoire renferme la deseription de quelques-
uns des résultats industriels obtenus dans cette branche
importante de l'électro-chimie :
a) Des dorages gravés avec reliefs polis.
b) Des dorages avec gravures dorées et reliefs argen-
tés grénés mat.
c) De l’argenture matte.
d) Du blanchiment des cadrans de montres.
e) De la dorure matte.
f) De la mise en couleur.
g) De la dorure sur acier, par l'intermédiaire du ni-
trate de mercure.
h) De la gravure par le moyen de l'électricité.
t) De la galvanoplastie et des épargnes, le vernis Da-
mart, l'huile d’asphalte, la cire blanche, la cire à ca-
cheter, etc. j
k) Préparation de la poudre d'argent pour le grenage.
?) Préparation du cyanure potassique et des dissolutions
d'or, d'argent, de cuivre, dont on se sert pour donner à
la dorure une couleur convenable.
— 187 —
m) Description d'un appareil, pour reproduire un grand
nombre de médailles , peu volumineux et facile à diriger,
en ce que chaque médaille est indépendante et peut
être enlevée à volonté. Cet appareil consiste en une caisse
de terre vernie extérieurement, de forme rectangulaire,
longue de 18 à 24 pouces, large de 6 pouces; cette
caisse est divisée intérieurement en compartimens par
des diaphragmes poreux en terre, à trois pouces l’un de
l’autre; ces compartimens forment autant d’auges à dé-
composition, dans lesquelles on met alternativement
dans une case du sulfate de cuivre et dans la suivante de
l'eau salée ; dans celle-ci plonge une plaque de zinc amal-
gamée, à laquelle on adapte le fil conducteur qui sou-
tient la médaille plongée dans la dissolution de sulfate
de cuivre.
A. GuxoT, secrétaire.
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N° A7.
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BULLETIN
DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES NATURELLES
DS MEUVCHATEL.
——— 0 00
Séance du 5 avril 1845.
Présidence de M. L. CouLon.
M. Agassiz rend compte des travaux de M. J. Müller
sur les poissons. Il rappelle les importantes découvertes
de ce savant anatomiste sur différents caractères négli-
gés jusqu'ici dans l'Ichthyologie, et dont l'application à
la classification a si puissamment contribué à rectifier
la circonscription de plusieurs familles naturelles. Il fait
également connaître les détails nouveaux que M. Muller
a recueillis sur l’ensemble de l’organisation des poissons,
et sur lesquels il a basé l'essai d’une nouvelle classifica-
tion qui est exposée dans les Archives d'histoire natu-
relle d'Erichson.
A cette occasion, M. Agassiz rappelle l’importance qu'il
y a pour l'histoire naturelle à étudier toutes les classes,
non-seulement dans leur état actuel, mais aussi dans
les traces qu'elles ont laissées de leur existence à des
époques antérieures à la nôtre. Le rapporteur insiste sur-
tout sur ce fait, qui ressort évidemment d'une compa-
raison de la distribution géographique des espèces fos-
siles et des espèces vivantes, c’est que toutes les forma-
— 190 —
tions géologiques, prises même dans le sens le plus
restreint, peuvent dès à présent être considérées comme
le tombeau d'autant de créations indépendantes, entre les-
quelles il existe cependant un lien génétique, mais dans
la pensée du créateur seulement, et non point dans la liai-
son matérielle des espèces.
Séance du 16 avril 1845.
Présidence de M. L. CouLon.
M. Gustave de Pury annonce avoir observé, dans la
mine d’asphalte du Val-de-Travers, au milieu de bancs
imprégnés de bitume, un filon croiseur, dont il décrit la
disposition. La roche asphaltée est composée en cet en
droit de banes compactes de calcaire qui viennent affleu-
rer immédiatement au-dessous de la terre végétale. Au-
dessous de ces premiers bancs se trouve une couche
d'argile, à laquelle succèdent de nouveau plusieurs bancs
de calcaire compacte. Mais les deux couches d’argiles ne
sont pas dans le même plan, l’une est sensiblement plus
basse que l’autre. Le filon traverse verticalement ces
bancs alternatifs ; il est composé d'une roche très-dure et
fortement imprégnée. Les parois qui l’entourent sont lis-
sées et striées.
M. Agassiz fait ressortir l'importance de ce phénomène,
qui pourra peut-être servir à résoudre la question en-
core contestée de l'origine de l'asphalte, que les uns
attribuent à une décomposition de parties organiques
provenant d'animaux qui auraient été ensevelis au sein
même de ces couches, tandis que d’autres l’expliquent
par une imprégnation de matières charbonneuses venant
— 191 —
de bas en haut. Au premier abord, la présence de ce
filon , et le fait que les parois qui l'entourent sont striées,
semblent faire pencher la balance en faveur de cette der-
nière opinion, mais il ne faut pas oublier que lesexemples
de roches de frottement ne sont pas rares dans les failles
du Jura; il se pourrait par conséquent que le filon dont
il est ici question, loin d'avoir été injecté de bas en haut,
ne fût que le remplissage d'une faille de haut en bas. Il
importerait de savoir si les parois du filon lui-même pré-
sentent les mêmes traces de frottement que l’éponte.
M. Desor rend compte des observations de M. Hom-
maire de Hell sur la salure des lacs qui entourent la Cas-
pienne et des discussions auxquelles ces observations ont
donné lieu au sein de la Société géologique de France.
Le but de M. Hommaire de Hell était de rechercher si
la salure de ces lacs périodiques est entretenue et renou-
velée par des sources salées, ou bien si la vase contient
une provision suffisante de parties salines, pour suffire à
la déposition de nouvelles couches de sel cristallisé toutes
les années. Prenant pour terme de comparaison le lac
Dopminskoï, celui d'où l'on retire le plus de sel, l’au-
teur du mémoire est remonté à l’origine de l'exploitation,
et en combinant la quantité de sel qui en a été extraite
depuis que cette industrie existe, avec l'étendue du lac et
son degré de salure, il est arrivé à ce résultat, que l’ex-
ploitation du lac Dopminskoï, qui fournit aujourd'hui
20,000,000 de kilogr. de sel par an, pourrait encore être
continué dans les mêmes proportions pendant 18 siècles,
avant que le lac soit épuisé. L'auteur a ainsi été conduit
à examiner de nouveau Ja question des anciens niveaux
— 192 —
de la mer Caspienne. On sait que la présence des petits
lacs qui bordent la Caspienne avait déjà été invoquée par
Pallas comme une preuve de l’ancienne extension de
cette mer, et ce savant envisageait les lacs salans, qui
l'entourent, comme autant de résidus de l'ancienne plage.
En montrant d’une part que la salure des lacs est suffi
sante pour entretenir une forte déposition de sel cristal-
lisé, et d'autre part en établissant qu'il ne peut pas
exister de sources salines dans ces régions, M. Hommaire
de Hell a pleinement confirmé l'opinion de l'illustre
Pallas.
A cette question s’en rattache une autre plus impor-
tante. Le bassin de la mer Caspienne est-il dû à une dé-
pression du sol; ou bien son niveau , qui est au-dessous
de celui de l'Océan, n'est-il que la conséquence d’une
diminution insensible de hauteur dans ses eaux? L'’as-
pect des contrées basses, marécageuses et couvertes de
lacs salés, qui s'étendent depuis Astracan jusqu’au Terek,
sur une largeur de quatre myriamètres, et dont l’élé-
vation au-dessus du niveau de la mer est à peine de
quelques pouces, peut être envisagée comme une pre-
mière preuve d'une diminution lente, que M. Hommaire
de Hell attribue aux pertes considérables qu'ont faites
dans les temps modermes les eaux du Volga, de l'Oural
et de l'Emba. Il rappelle également que du temps de
Pierre-le-Grand, on construisait à Casan des bâtimens
de guerre, et que de nos jours de pareils travaux ne
pourraient plus s’y effectuer. De ces faits et de plusieurs
autres, M. Hommaire de Hell conclut que l’ahaissement
du niveau de la Caspienne, loin d’être dû à une dépres-
sion du sol, n’est que le résultat de l'équilibre rompu
— 193 —
entre les eaux enlevées par l’évaporation et celles ame-
nées par les fleuves et les pluies. L'auteur pense même
qu'on peut aujourd'hui démontrer que la mer Cas-
pienne était autrefois réunie à la mer Noire, au moyen
d'un bras de mer passant par les bassins du Manitsch et
de la Kouma, et il ajoute que si par une influence quel-
conque , le Bosphore venait à se fermer, la jonction entre
ces deux mers ne tarderait pas à s'effectuer, uniquement
par suite des eaux excédentes, qui aujourd'hui se déver-
sent de la mer Noire dans la Méditerranée.
D'autres géologues ont cherché à mettre ces résultats
d'accord avec des phénomènes analogues observés dans
d’autres localités, tels par exemple que les petits étangs
du département des Bouches-du-Rhône, qui à l'époque
de Marius étaient réunis à la Méditerrannée , et qui au-
jourd'hui sont à 8 et 10 mètres au-dessous de cette mer,
et dont la salure va jusqu’à 23°. Ils citent également les
lacs amers d'Egypte qui sont à 8 mètres au-dessous de la
Méditerrannée, et à 1760 au-dessous de la mer Rouge;
tandis que les anciennes rives contenant des coquillages,
sont exactement à la hauteur de la mer Rouge. Enfin
ils citent aussi la mer Morte, qui depuis les observations
de M. de Bertou, est à 4263 au-dessous de la Méditer-
rannée, et dont la salure est en quelque sorte en rap-
port avec cet abaissement de niveau, puisque 100 par-
ties d'eau contiennent, d'après M. Gay Lussac, 26,24
parties de matières salines. Se basant sur ces faits, M. An-
gelot en conclut une diminution générale des eaux à la
surface du globe, à la suite de laquelle les continens au-
raient cessé d’être isolés. Poussant ces conséquences jus-
qu’à leur limite extrême, il pense que la Caspienne, la
— 194 —
mer Noire, la Méditerrannée , les Lacs amers, la Mer-
Rouge let même la Mer-Morte, ne formaient qu'une
seule et même mer. Pour justifier cette communication
générale des bassins entre eux et en particulier de la mer
Morte avec la mer Rouge, M. Angelot s'appuie sur ce
fait, que l’on a découvert sur la plage de la Mer-Morte
un polypier madréporien (Porites elongata Lam.), dont
l'espèce est vivante de nos jours dans la mer Rouge, d'où
il conclut que la communication des deux mers à cessé à
une époque où le règne animal actuel existait déjà. Enfin,
comme dernière preuve de l’ancienne extension des niers
et de leur diminution lente, M. Angelot insiste sur ce
fait, que tous les lacs situés au-dessous du niveau de la
mer, sont des lacs salins, et par conséquent sont autant
de résidus de l’ancienne mer.
M. Agassiz objecte à ces conclusions que l'ubiquité
de certaines espèces dans différens bassins ne saurait être
invoquée ni pour ni contre l’idée d’une ancienne commu-
nication. Il cite à cet effet différens exemples de poissons
d'eau douce qui se trouvent dans des bassins qui n'ont
jamais été en communication, ni pendant l’époque ac-
tuelle, ni même pendant l’époque tertiaire. C’est ainsi
que la Perche de notre lac se trouve à la fois dans le
Rhin et dans le Rhône. Il en est de même du Brochet et
de plusieurs espèces de Cyprins, tandis que d'autres ha-
bitent exclusivement dans un seul bassin.
M. Guyot ne peut admettre une communication de la
Mer-Rouge avec la Mer-Morte, par la raison que ces
deux bassins sont séparés par un renflement considérable
du sol qui s'élève jusqu’à plusieurs centaines de mètres.
En tous cas, s'il s’est opéré une séparation des deux mers
— 195 —
à une époque quelconque, cette séparation ne peut pas
être l'effet d'une diminution lente des eaux; elle ne pour-
rait s’expliquer que par un soulèvement.
M. Ladame présente un résumé -succint des expé-
riences de MM. Villefranche et Barreswil, qui prouvent
que l'acidité du suc gastrique est due à l'acide lactique et
à l'acide phosphorique, et non point aux acides chlor-
hydrique, acétique, ni au biphosphate de chaux.
2° Un rapport sur la digestion des alimens féculens
et sucrés, d’après les expériences de MM. Bouchardat et
Sandras, d'où il résulte que les fécules deviennent so—
lubles dans les intestins, et que dans cet état elles sunt
absorbées par les expansions des rameaux de la veine
porte, et portées au foie.
Le foie peut être considéré comme un appareil réduc-
teur, qui transforme les fécules en substances grasses, et
les rend ainsi propres à être brülées dans le poumon.
E. DEsor, secrétaire.
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N° 18
BULLETIN
DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES NATURELLES
DB MEUCEISTEL,
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Séance du 7 mai 1845.
Présidence de M. L. CouLon.
M. Ladame présente quelques observations sur l'épui-
sement des sols par la culture. «Plusieurs agriculteurs
dit-il, ont remarqué une diminution notable dans les pro- -
duits de la vigne, en comparant les récoltes actuelles
avec celles que l’on faisait il y a un siècle. C’est surtout
dans les terres légères et peu profondes que cette réduc-
tion s’est montrée la plus grande.
» L'Italie et la Sicile, ce grenier de l'Italie, ne produi-
sent presque plus de blé ; le sol de la Virginie qui a pro-
duit letabac pendantsi longtemps et en si grande quantité,
ne répond plus à l'attente du cultivateur; il est épuisé. L'é-
puisement des sols résultant de la culture constante d’une
même plante dans le même lieu , est un fait bien constaté,
et c'est pour cette raison que plusieurs pratiques se sont
introduites en agriculture; telles sont : la jachère, les
assolemens, les amendemens, les engrais, etc.
» Si le fait de l'épuisement des sols est positif et démon-
tré par l'expérience, il n’en est pas de même de son ex-
plication scientifique, qui n’est pas encore donnée d'une
manière pleinement satisfaisante.
— 198 —
» L'étude des causes qui amènent un résultat si fâcheux
est de la plus haute importance; car on ne pourra y ap-
porter un remède efficace, que lorsqu'elles seront suffi-
samment connues.
» Un sol présente deux ordres de propriétés ; des pro-
priétés mécaniques et des propriétés chimiques. En vertu
des premières, le sol sert de support aux plantes, il per-
met le développement des racines , retient les eaux et les
laisse écouler et protège les végétaux contre les in-
fluences trop énergiques de l'atmosphère et de la chaleur.
Les agriculteurs ont toujours attaché une haute valeur
aux propriétés mécaniques, et plusieurs d’entr'eux les ont
considérées comme les seules auxquelles on doit avoir
égard, pour juger des qualités du sol, dans ses rapports
avec les plantes qu'il produit.
» Les propriétés chimiques d’un terrain résultent de
sa composition et de la nécessité de fournir aux plantes
des alimens qu'elles ne peuvent puiser dans l'atmosphère;
jusqu'ici le terreau, ou les débris organiques en éréma-
causie (combustion lente) ou en fermentation, ont été
considérés comme les seules substances importantes au
point de vue chimique ; de là, la valeur des engrais. Mais il
existe d’autres élémens qui ont été envisagés par la plu-
part des physiologistes comme accidentels dans les plantes,
et que par des faits nombreux on doit regarder comme
nécessaires au développement normal ei complet de la plante;
ce sont les substances minérales , la chaux, la silice, les
phosphates, la soude, la potasse, etc.
» Dés que l’on admet que les substances minérales sont
nécessaires aux plantes, de la même manière que les
phosphates le sont pour la fermation des os dans l'en-
à
|
f
(
— 199 —
fant , le fait de l'épuisement des sols s'explique d'une
manière très-simple. Ainsi, chaque année, une cer-
laine quantité de potasse à l’état de crême de tartre est en-
levée des terres plantées de vignes, et il est évident, que
comme le sol ne contient de cette substance qu'une quan-
tité limitée, il doit arriver une époque où le sol n’en
contiendra plus qu'une quantité si faible, qu'elle sera in-
suflisante à la formation du raisin. On verra alors la vi-
gne bien fumée présenter beaucoup de bois, de feuilles
et même de fleurs, mais le fruit ne parviendra pas à mâ-
turité, et les plus légères circonstances atmosphériques
arrêteront son développement.
» Un fait singulier tiré du règne animal, nous don-
nera une idée plus précise et plus claire de ce qui vient
‘être dit. Les vaches et les moutons, auxquels on donne
du sel en abondance, résistent mieux aux influences fà-
cheuses, que ceux auxquels on en donne peu ou point.
Ces derniers sont sensibles aux variations atmosphériques,
et le plus léger refroidissement, par exemple, ou une
nourriture moins abondante et moins délicate altère leur
santé, ce qu'on ne remarque pas chez les premiers.
» De la même manière, la plante qui croît dans un
sol où elle ne trouve pas les alimens minéraux suffisans,
n'a qu'une existence chétive, et ne donne plus que des
fruits en petit nombre, et d'une mauvaise qualité.
» Si telle est la cause de l'épuisement des sols, il suffira
de leur rendre les produits qu'on leur a enlevés, pour les
rétablir dans leur fertilité primitive. Mais ici nous devons
faire une observation importante; c’est qu'il ne suffit
pas de reporter sur le sol les substances minérales que
les récoltes successives lui ont prises; il faut de plus, que
— 200 —
ces substances soient dans un tel état d’agrégation que
la plante ne puisse les recevoir que peu-à-peu et lente-
ment, et par conséquent il faut que ces corps soient en-
gagés dans des combinaisons qui, sous l'influence de l’air et
de l’eau, se désagrègent avec le temps, et se disposent dans
l'état propre à l'assimilation. Ainsi posée , la question ne
peut bien se résoudre que par des expériences, et il est
à désirer que la Société d’émulation patriotique mette celte
question au concours, et fournisse au besoin les moyens
de faire ces expériences. »
C'est, pénétré de la haute importance que présente
la solution de cette question pour notre vignoble, que
M. Ladame propose à la Société des sciences naturelles,
d'appeler attention de la Société d'Emulation patriotique
sur cet objet.
» Il existe une autre théorie sur l'épuisement des sols,
qui, si elle était vraie, diminuerait beaucoup la gravité
des considérations qui viénnent d'être présentées. Elle est
fondée sur le fait admis que les plantes rejettent par
leurs racines, dans le sol, des excrétions qui sont véné-
neuses pour la plante elle-même, mais qui peuvent être
utiles comme alimens de plantes différentes. Dans ce
point de vue, un sol est épuisé lorsqu'il est saturé des ex-
crétions de la plante qu'il porte ; mais comme ces excré-
tions sont organiques etse détruisent sous l’action du temps,
une jachère suffisamment prolongée ou un système d’assole-
mens convenablement suivi, seraittoujours propreärendre
au sol sa premiére fertilité. Des considérations et des
faits nombreux et variés ne permettent pas d'admettre
cette explication ; du reste M. Ladame se propose de re-
venir ultérieurement sur ce sujet.
M. Guyot continue son exposé sur la répartition des
blocs erratiques dans la plaine suisse (*).
A. Guyor, secrétaire.
Séance du 21 mai 1845.
Présidence de M. L. CouLon.
M. le doyen Guillebert présente quelques considérations
sur les araignées et leur manière de vivre. Après avoir
esquissé les traits principaux des araignées en général,
l’auteur passe à l'examen de leurs mœurs. Il trouve que
«le nom allemand de l’araignée (Spinne) est on ne peut
mieux approprié; car c’est comme fileuse qu’elle est sur-
tout remarquable. La toile horizontale de celle qu'on
appelle domestique est surtout intéressante. Ce filet res
semble beaucoup à celui que nos pêcheurs appellent le
loup, ayant les mailles très-serrées dans la partie infé—
rieure et très-làches dans la partie supérieure ; il est sur-
monté d'un certain nombre de fils, flottant comme au
hasard, qui sont comme un premier piége. L’insecte qui
les rencontre dans son vol, s’y empêtre, et fait pour
s'échapper des efforts qui d'ordinaire n’aboutissent qu’à
le précipiter étourdi dans la nasse. Mais quelque re-
marquable que soit cette toile, elle n’est rien encore en
comparaison de celle de l’araignée des jardins (Aranea Dia-
dema L.), appelée par d’autres naturalistes araignée porte-
croix. Sa toile n’est pas horizontale, comme celle de l’a-
raignée domestique, mais jamais, ou presque jamais
non plus tout-à-fait verticale : elle s'éloigne d'ordinaire
(*) Voir à Ja fin de ce volume.
— 202 —
d'un ou deux degrés de la perpendiculaire, sa partie su-
périeure plus rapprochée du corps solide auquel elle est
attachée, et son centre rentre un peu du côté de ce
corps, auquel l’araignée tourne le dos quand elle est au
milieu de sa toile. Les fils qui soutiennent et assujet-
tissent la toile, et que j'appelle cables, sont les plus forts,
composés de cinq ou six fils collés les uns aux autres, et
ces fils simples dont sont composés les cables, le sont
eux-mêmes, si l’on en croit Réaumur, d'à-peu-près
quatre mille. Chacun des cinq ou six fils, dont se com-
pose le cable, s’épanouit à l'endroit où il est collé, ce
qui l’attache plus fortement, et au moment où ils vont
trouver leur point d'attache, ils se séparent les uns des
autres, s'étalent en éventail ou en queue d'aronde, ce
qui augmente les appuis. Pour les augmenter davantage
encore, les fils sont prolongés sous un angle plus ou
moins obtus, au-delà des premiers points d'attache, à-
peu-près comme les principaux cables des ponts de fils
de fer, qui font un coude sur la tête du pont, pour s’a-
marrer plus loin. Les fils qui appartiennent au système
d'amarrage sont placés irrégulièrement, formant tantôt
des angles, tantôt des hexagones, tantôt d’autres poly-
gones, mais toujours de manière à épargner le plus pos-
sible le fil et à assujettir le mieux que possible la toile.
Elle est placée quelquefois à dix ou quinze pieds au des-
sus du sol; si les rayons inférieurs, au lieu de trouver
tout près un cable très-solide et fortement tendu , auquel
ils peuvent s'attacher, étaient obligés de se prolonger
jusqu’au sol même, à combien plus de chocs ils seraient
exposés, et combien de toises de plus il en faudrait!
» La régularité de la toile circulaire à rayons est admi-
— 203 —
rable; telle irrégularité qu'elle présente quelquefois peut
être plus admirable encore, étant motivée et justifiée par
des circonstances exceptionnelles impérieuses. Quand
par exemple l’araignée n’a pas, d'un des côtés où elle
tend sa toile, autant de place à sa disposition que de
l’autre, en filant ses lignes spirales, elle les rapproche
les unes des autres proportionnellement au petit espace
qu'il ne dépend pas d’elle d'agrandir.
«La toile régulière ressemble assez à une roue : elle a
communément vingt ou vingt-un rais ou rayons : le plus
grand fil concentrique pourrait figurer la jante de la
roue, la plus petite le moyeu, et le trou qui est au
centre, le creux du moyeu dans lequel entre l’essieu.
Les fils à rayons sont rangés avec une grande symétrie,
et bien plus encore les fils circulaires qui forment , dans
une proportion constante, des mailles un peu plus ser—
rées, à mesure qu'ils s’approchent du centre.
» Tous les grands fils en spirale sont comme des colliers
de perles, de perles visibles à l'œil nu, mais surtout
à l'œil armé d’une loupe. Il n’en est pas ainsi des autres
fils qui sont lisses, plus transparens, assez semblables à
ceux que les pêcheurs mettent à l'extrémité de leur ligne
et que nous nommons mortalpéche. Xl est bien facile de
constater cette différence entre les fils de la toile : ap-
puyez la lame d’un couteau contre un de ces fils à col-
liers, il suivra la lame, en s’y attachant; appuyez-là
contre un des autres, il demeurera à sa place. Sans faire
cette expérience et sans examiner de bien près ces fils,
on peut constater aisément la différence et de leur na-
ture et de leur usage. Les fils perlés font seuls l'office de
gluaux, à moins qu'ils n’en engluent tel autre par un
— 204 —
contact accidentel. Il m'est arrivé de compter approxi-
mativement mille et quelques cents pucerons pris aux
grands fils circulaires d’une toile; et il n’y en avait pas
un seul sur la portion des rayons où la spirale s'arrête,
non plus que sur les petits fils circulaires du moyeu.
Une autre différence entre les fils, est que les gluaux
peuvent s'étendre de manière à acquérir une longueur
triple, quadruple de celle qu'ils ont dans le plan de la
toile, tandis que les autres fils sont résistans. Ceux-ci
sont donc des soutiens et non pas ceux-là, qui cèdent à
l'insecte pour mieux le retenir. Cette extensibilité des fils
gluaux a en outre l'avantage de permettre à l'insecte at-
trapé une certaine locomotion qui le fera prendre à plu-
sieurs fils en même temps.
» En supposant par impossible que l’araignée vint à se
tromper de fils en filant sa toile, à faire sa spirale avec
des fils résistans, et les rayons ainsi que les cables avec
des fils à gluaux, l'ouvrage ne subsisterait pas cinq mi-
nutes. à
» Nous avons dit que les petits fils circulaires étaient de
même nature et de même solidité que les rayons : cela
devait être, car ils ont pour l'ouvrage entier l'utilité de
la clef de la voûte, et de plus doivent soutenir le poids
de l’araignée, qui s’y tient fréquemment en embuscade,
en même temps qu'ils servent de point d'appui à un
petit pont dont nous n'avons pas encore parlé, et de sus-
pensoir au fil le long duquel se roule l’araignée quand
elle se précipite au bas de sa toile. Il y a encore une
autre différence entre ces fils circulaires et les plus grands
fils. Ceux-ci en traversant les rayons n’y ont qu'un
point d'intersection, ceux-là y en ont deux; toujours sans
doute pour avoir plus de solidité.
— 205 —
» La toile de l’araignée est admirable même par ce qui
y manque. Entre les fils circulaires englués et ceux qui
ne le sont pas, il y a un assez grand vide. Lister dans
sa monograghie de areneis, parlant du moment où les
araignées coupent court à leur spirale, dit : «ab isto
opere tanquam supervacuo prorsus desistant. » Non seu-
lement une prolongation de la spirale au-delà du point
où elle s'arrête serait inutile; mais encore elle aurait di-
vers inconvéniens, entre autres de gêner les mouvemens
de l’araignée , soit quand elle remonte à son hamac cen-
tral, soit quand elle en sort, soit quand elle s’y agite en
tout sens, soit quand elle y étend ses jambes de tout
leur long. Si elle y trouvait tout près et tout autour
d'elle des fils gluans, ce serait pour elle une incommo-
dité et une gène perpétuelle. Elle profite d'ailleurs assez
souvent de ces places vides pour y tourner et retourner
commodément sa proie.
» Sa toile a une telle régularité que si vous apercevez
un rayon qui n'est pas symétrique aux autres, vous pou-
vez être assuré qu'il n’est pas dans le plan de la toile :
cest ce petit pont dont nous avons dit un mot tout à
l'heure et que nous voulons appeler ici une passerelle. I
est assez ordinairement formé de deux ou plusieurs fils
parallèles, et sert à l’araignée de moyens de commu-
nication entre la toile et son charnier , petite loge qu’elle
se construit à quelque distance; mais qu'on ne croie pas
que ces fils-là n'aient que cet usage, ils sont encore pour
cet insecte de proie comme un cordon de sonnette au-
quel il a constamment la main, et qui l’avertit si bien de
tout ce qui se passe dans sa toile, qu’elle semble être
une prolongation de ses organes. Aussi Pope a-t-il pu
dire :
Sur ses piéges tendus, sans cesse vigilante,
Dans chacun de ses fils elle paraît vivante.
» Comment l’araignée s’y prend-elle donc pour faire son
admirable filet? Elle assujettit d'abord un des bouts du
câble supérieur au moyen d’une colle relativement plus
forte que notre colle forte; car la sienne tient ferme sur
les surfaces les plus polies, telles que le verre. Mais com-
ment parvient-elle à fixer l’autre bout du câble à une cer-
taine distance, et même quelquefois au travers d’un ruis-
seau ? Les uns disent que c’est en se suspendant à son fil
jusqu'à ce que le vent l'emporte à l'endroit convenable ;
d'autres, que c’est en laissant flotter son fil si léger que
le moindre souffle suffit pour le transporter aussi loin que
cela est nécessaire, et si gluant qu’il s'attache au pre-
mier corps qu'il vient à toucher. D’après plusieurs expé-
riences et plusieurs réflexions, j'ai lieu de croire que
l’araignée emploie l’un et l’autre de ces moyens. Le pre-
mier câble posé, elle en pose successivement d’autres,
s'occupant avant tout des ouvrages extérieurs. Ces ou—
vrages terminés , elle file un diamètre du milieu duquel
elle tire les rayons de sa roue. C’est là comme la chaîne
de sa toile ; il s’agit maintenant d'en faire la trame. Elle
se met d'abord à fabriquer les petits fils concentriques,
en pivotant autour d'elle-même. Ces premiers fils cireu-
laires achevés, elle en jette rapidement deux ou trois qui
sont à une plus grande distance l’un de l’autre et que les
premiers, et que ceux qu'elle filera plus tard. Elle com-
mence les grands fils circulaires par ceux qui sont le plus
éloignés du centre. Comme elle a besoin, pour les filer,
de se rapprocher à uu certain degré du centre, elle a
besoin de trouver divers points d'appui ; c'est à quoi ser-
vent en partie ces fils dont je viens de dire qu'elle en
jette rapidement deux ou trois, et qui ont sans doute
aussi pour but d'assujettir l'ouvrage non encore achevé.
Quand la fileuse s'approche en filant des plus petits fils
circulaires et qu’elle n'a plus besoin des autres, elle les
déchire avec une rapidité incroyable et les avale avec une
voracité inouïe. Il ne lui reste plus maintenant qu’une
seule opération à faire ; elle s'élance avec la vivacité d’un
ouvrier qui sent qu'il va finir sa tâche, au milieu de sa
toile ; elle en coupe, avec ses pinces en tenailles, la por-
tion la plus centrale qu'elle dévore en même temps qu'une
petite houpe ou un petit flocon cotonné qu'elle y avait
précédemment placé. Aussitôt le trou pratiqué, elle s’y
place, mais ne s’y tient bien tranquille (du moins cela
arrive quelquefois) qu'après avoir essayé, en tirant à elle
plusieurs fils de rayons, pour s'assurer si l'ouvrage achevé
est bien solide.
» Ces fils inutiles que l’araignée remet avec tant de soin
comme à la fonte ou comme au pilon, sont certainement
quelque chose d’unique dans la nature: on peut les com-
parer aux échaffaudages employés par les hommes pour
faciliter une construction, et qu'ils détruisent quand la
construction est terminée. »
M. Guillebert ne pense pas que les araignées naissent
avec toute leur industrie : «la jeune abeille, dit-il, cons-
truit ses alvéoles tout aussi bien que la plus vieille ; mais
quant à l'araignée de jardin , il paraît, d'après plusieurs
observations , qu'elle commence à filer irrégulièrement
avant de faire sa toile régulière. »
L'auteur du mémoire termine en observant que sil
s'est appliqué à cette étude, ce n’est pas assurément par
un simple motif de curiosité. «Schwammendam a composé
un grand ouvrage très-bien intitulé : Biblia naturæ. Les
insectes peuvent être envisagés comme le sujet d'un des
principaux chapitres de ce livre, et les araignées comme
celui d’un des principaux paragraphes de ce chapitre. On
est saisi d'autant d'admiration en voyant une araignée
décrire en une minute un de ses orbes aussi réguliers
que ceux des planètes, qu’en pensant au gigantesque Sa-
turne qui, éloigné du soleil de trois cent vingt-huit mil-
lions de lieues, fait en vingt-neuf ans sa révolution au—
tour de cet astre. Dans les justes proportions de toutes
les parties de l'ouvrage de ce petit insecte, je vois le
compas de Celui que Platon a appelé l'Eternel géomètre,
et comme Bonnet, derrière la toile l’Ariste suprême. »
M. le Président donne lecture d'une lettre de M. Aug.
Vouga, de Cortaillod, contenant quelques observations
nouvelles sur les caractères des Becs-fins de ces contrées.
« En 1839, dit M. Vouga, lors de la réunion de la Société
helvétique à Berne, je communiquai à la section de
zoologie quelques remarques très-brèves à l'égard des
becs-fins cariceti et aquatique de Naumann, envisageant
ces deux espèces comme n’en formant réellement qu'une
seule, le premier étant l'oiseau adulte, et le second le
jeune de l’année. Ayant eu de nouveau l'occasion d'exa-
miner ces oiseaux dans les marais qu'ils habitent, je puis
aujourd'hui pleinement confirmer cette opinion. J'ai pris
dans mes chasses au moins quarante individus du bec-fin
cariceti et autant de l’aquatique ; à la fin d'avril, époque
à laquelle ils arrivent, tous, sans exception, portent la
livrée du bec-fin, figuré dans Naumann sous le nom de
— 209 —
Sylvia cariceti, c'est-à-dire que la poitrine est couverte de
petites taches longitudinales, et que les flancs portent de
longues mèches d'un brun foncé ; le dos est brun foncé,
chaque plume bordée de gris, les scapulaires et les pennes
caudales sont alors parfaitement intactes et nullement
usées. En automne, ces deux espèces arrivent ensemble
dans les mêmes localités, le cariceti absolument avec le
même plumage qu'au printemps, mais les scapulaires et
les pennes de la queue sont usées, surtout chez les fe—
melles qui ont couvé ; l'ovaire et les parties sexuelles
chez le mâle sont encore bien visibles. Le bec-fin aqua-
tique figuré dans Naumann ne porte ni taches sur la
poitrine, ni mèches brunes sur les flancs, mais on en
aperçoit quelques-unes, du plus au moins sur les sujets en
nature. Je possède upe suite de ces oiseaux dont les dif
férentes mues arrivent par gradations à celle du bec-fin
cariceti; en automne, tous les individus de Sylura aquatica
ont les scapulaires et les pennes caudales parfaitement in-
tactes et sans aucune usure; les parties sexuelles invisi-
bles à l'œil nu, ou au moins bien difficiles à distinguer,
d'où je conclus que ce sont des jeunes de l’année. Si cet
oiseau était une espèce particulière, pourquoi ne le ver-
rait-on pas au printemps dans les mêmes localités qu'il
fréquente l’automne avec le bec-fin cariceti? Ces raisons
me paraissent prouver que ces deux espèces de Naumann
n'en forment qu'une seule, ce que Temmink admet, puis-
qu'il donne la figure du bec-fin cariceti (de Naumann)
comme l'adulte de son bec-fin aquatique. »
M. Vouga ajoute qu'il a aussi eu récemment l'occasion
de confirmer l'opinion de Temmink, qui pense, avec le
docteur Michahelles, que les Motacilla Feldeggii et melano-
— 210 —
cephala ne sont que des variétés de la Motacilla flava.
«Ayant rencontré, dit-il, un vol de ces oiseaux composé
de quelques centaines d'individus, je les ai suivis pendant
plusieurs heures ; comme ils se laissaient approcher d’as-
sez près pour pouvoir distinguer les nuances plus ou
moins foncées de la tête, je me suis procuré une dizaine
de sujets qui arrivent successivement à la mue de la Mo-
tacilla Feldeggi et melanocephala, que je tiens d'Italie.
Les mâles en particulier ont la tête noire ; les vieilles fe—
melles différent aussi des jeunes. Il paraît que c’est l'âge
qui amène ces changements de mue, les individus qui
ont la tête noire sont plus forts de taille que ceux à tête
grise. »
E. Desor, secrétaire.
N° 19.
D
BULLETIN
DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES NATURELLES
DB NEVEBIEBR,
—0s © © © m—-
Séance du 4 juin 1845.
Présidence de M. L. CouLox.
M. Desor présente un résumé de ses études sur les
Crinoïdes fossiles de la Suisse.
Les plus anciens représentans de cette famille dans le
sol helvétique sont les vraies Encrines du Muschelkalk ;
car comme les terrains de transition n'affleurent sur au-
cun point de la confédération , il ne faut pas s'attendre à
y rencontrer des débris de ces types curieux des terrains
paléozoïques, qui peuvent être considérés comme la sou-
che de ce groupe d'animaux, tels que les Rhodocrines, les
Mellocrines, les Cupressocrines, les Potériocrines, non
plus que de ceux qui constituent la famille des Cystidées
de M. de Buch, ni le type non moins remarquable des
Pentremites, ni enfin celui, encore plus intéressant, des
Echinocrines , qui constituent deux autres familles.
MUSCHELKALK.
L'Encrinus liliformis, si commun dans le Muschelkalk
de l'Allemagne , se retrouve aussi dans les cantons de Bâle
et d’Argovie ; mais ce sont pour la plupart des anneaux
de tiges. M. Desor ne connaît qu’un seul calice bien con-
servé, au musée de Bâle, provenant de Rauch-Eptingen,
— 212 —
dans le canton de Bâle. Il est probable qu'il n'existe en
général qu'une seule espèce de ce type, et que les deux
espèces que M. Quensted a décrites sous les noms d'Encri-
nites Schlotheimir et E. dubius ne sont, la premiére,
qu'une monstruosité, la seconde, qu'une simple variété
de VE. hihiformis.
FORMATION JURASSIQUE.
Autant les terrains triasiques sont pauvres en Cri-
noïdes, autant ce type abonde dans les terrains jurassi-
ques. Le type des vraies Encrines a disparu; mais nous
le voyons remplacé par une quantité considérable de
genres nouveaux, qu'on a même tenté de grouper en plu-
sieurs familles, tant il y a de variété dans les formes
qu'ils affectent. Les principaux d’entre ces types sont le
groupe des Pentacrinidées, celui des Apiocrinidées et
celui des Eugéniacrinidées. Ce qui porte à croire que ces
trois groupes constituent réellement des familles dis-
tinctes, c’est que chacun d'eux semble avoir prédominé
dans une époque, les Pentacrines dans le Lias, les Apio-
crines dans le Jura moyen, et les Eugéniacrines dans le
Jura supérieur. Voici quelle est leur distribution selon
les étages.
Lias.
Le lias, d'ordinaire si riche en animaux d'espèces
et de genres nouveaux, étrangers aux époques anté—
rieures (témoins ses nombreuses coquilies et surtout ses
reptiles et ses poissons), le lias ne montre point la
même exhubérance à l'égard des Echinodermes. En effet,
il ne renferme que quelques espèces peu nombreuses d'E-
— 213 —
chinites de la famille des Cidarides, et en fait de Cri-
noïdes, on n’y a encore trouvé que des Pentacrines,
mais ceux-là, il faut l’avouer, y jouent un rôle immense.
IL suffit de rappeler cette quantité de P. bryareus qui se
trouvent dans les schistes du lias d'Angleterre et d’Alle-
magne.
Nous possédons en Suisse le Pentacrinus subangularis,
le P. basaltiformis, et une espèce nouvelle propre au cal-
aire à gryphées, que M. Desor nomme P. crassus, parce
qu'elle diffère du P. basaltiformis par sa tige plus massive
et plus obtuse; mais ces espèces n'ont guère conservé que
leurs tiges ; les calices sont fort rares.
Oolite inférieure.
Le type le plus remarquable de cet étage, est un
petit Crinoïde que Andreæ a déjà décrit et figuré dans ses
lettres, et dont l’on conserve plusieurs fragmens au Mu-
sée de Bâle. C’est une espèce nouvelle du type, dont
M. Hermann de Meyer a fait son genre Isocrinus. M. De-
sor propose d'appeler l'espèce I. Andreæ. Le calice n’a
guère que deux lignes de diamètre; mais les bras sont fort
longs ; la tige paraît être ronde.
On rencontre aussi dans les couches supérieures de cet
étage, et particulièrement dans celles que MM. Thur-
mann et Gressly ont appelées dalle nacrée, une quantité
considérable d’anneaux de Pentacrines, appartenant à une
ou même peut-être à plusieurs espèces nouvelles. L'au-
teur propose d'appeler la plus grande, qui est en même
temps la plus commune, Pentacrinus Nicoleti.
— 9214 —
Jura moyen.
Après les terrains de transition, les étages du Jura
moyen, l’oxfordien et ses annexes sont le principal gîte
des Echinodermes. On connaît la quantité extraordinaire
d'Oursins que ces terrains recèlent, et l’on sait que dans
le nombre , il y a beaucoup de types nouveaux étrangers
aux époques antérieures et postérieures. Ce qui est vrai
des Oursins, l’est à bien plus forte raison des Crinoïdes.
Ce ne sont plus seulement quelques genres et quelques
espèces qui se montrent. Des groupes entiers apparais-
sent comme par enchantement, témoins les Apiocrines,
les Millericrines, avec leurs nombreuses espèces, les Cé-
riocrines et les Pentacrines, dont M. d'Orbigny a fait sa
famille des Apiocrinidées. Le type des Eugéniacrines s’y
montre aussi pour la première fois. Enfin la famille des
Pentacrinidées s’y enrichit aussi d'un type entièrement
nouveau, celui des Pentacrines ayant la face articulaire
des anneaux de la tige crénelée sur son pourtour. Jus-
qu'ici on ne connaissait que des fragmens de tiges de ce
type. On en avait même distingué plusieurs espèces, les
Pentacrinus subteres Munst et P. pentagonalis Gldf. ; mais
on n'avait aucune idée des calices. M. Agassiz vient de
découvrir, parmi les Crinoïdes du Musée de Bâle, un
calice en forme de gland, dont la base présente une ar-
üculation tout-à-fait semblable à celle du Pentacrinus
subteres. Ce savant en à fait un genre à part, sous le
nom de Balanocrinus, et il pense qu’on devra lui associer
toutes les tiges qui présentent ce mode d’articulation. Ce-
pendant, au lieu d'appartenir à la famille des Pentacri-
— 215 —
nidées, comme on l’a pensé jusqu'ici, ces espèces devront
être reportées dans la famille des Apiocrinidées,
Le groupe le plus important au point de vue géolo-
gique, cest la famille des Apiocrinidées. Le premier
genre de cette famille et le plus anciennement connu est
le genre Apiocrine, dans lequel M. Desor range, avec
M. d'Orbigny, toutes les espèces ayant une tige ronde et
un calice plus ou moins cylindrique, composé d'au moins
quatre anneaux, savoir l'anneau basal (bassin des au-
teurs), les deux anneaux intermédiaires (les pièces cos-
tales des auteurs), et l'anneau supérieur (l'omoplate des
auteurs). Il élimine par conséquent du genre Apiocrine
toutes les espèces qui n'ont que deux anneaux au calice,
avec cinq surfaces d'attache seulement, Ce sont ces es-
pèces dont M. d'Orbigny a formé son genre Millericrine.
Cependant le genre Millericrine, ainsi circonscrit, n’est
pas aussi homogène qu'il semblerait devoir l'être, d’après
la diagnose de l'auteur; c’est ce que M. Kônig a fort bien
senti, lorsqu'il a établi dans ses Zcones fossilium sectiles ses
genres Ceriocrènus et Pomatocrinus, basés non plus seu-
lement sur le nombre des pièces du calice, mais sur la
forme et les dimensions relatives de ces mêmes pièces
qui, dans l’un des types, donnent lieu à un calice très-
large , peu élevé, à base plate et à côtés verticaux : c’est
alors le genre Ceriocrinus, ayant pour type l’Apriocrinus
Milleri des auteurs. Lorsque, au contraire, les pièces se
combinent de manière à former un calice globuleux,
comme c'est par exemple le cas dans l’Aprocrinus mespi-
hiformis des auteurs, M. Künig en fait son genre Poma-
tocrinus. On est surpris que M. d'Orbigny n'ait pas tenu
compte de cette distinction , qui a cependant de beaucoup
— 216 —
l’antériorité sur la sienne. Se fondant uniquement sur le
nombre des pièces et le mode d’articulation des bras, il a
confondu les deux genres de M. Künig dans son genre
Millericrine; et pourtant il suffit d’avoir comparé des
exemplaires de ces différens types, ou seulement des
figures comme celles de M. d'Orbigny et de Goldfuss,
pour demeurer convaincu que les Cériocrines et les Po-
matocrines sont réellement deux bons genres bien diffé-
rens de toutes les autres Apiocrinidées à deux anneaux
seulement, tels que l'A. rosaceus et ses analogues. Il est
évident, en effet, que l'A. rosaceus, malgré ses deux
anneaux de pièces au calice, a bien plus d’affinité avec
l'A. rotundus, qui en a quatre, qu'avec l'A. Müilleri (Ce-
riocrinus) et l'A. mespiliformis (Pomatocrinus), qui n’en
ont comme lui que deux.
En conséquence, au lieu de quatre genres, M. Desor
en admet six dans la famille des Apiocrinidées , qui sont
les suivans : Apiocrinus Mill., Ceriocrinus Kônig, Poma-
tocrinus Kônig, Müllericrinus d'Orb., du Jura moyen et
supérieur, et les deux genres Guettardicrinus d'Orb. et
Bourguetticrinus d'Orb., qui sont propres aux terrains
crétacés.
Les espèces des quatre premiers genres qu'on trouve
dans l’oxfordien de Suisse sont :
L’Apiocrinus rotundus Mill. (A. Parkinson Schl. et
d'Orb.). Il est moins fréquent en Suisse qu’en Angleterre
et en France. Si on le cite fréquemment dans nos terrains
jurassiques, c’est parce qu'on le confond d'ordinaire avec
A. Meriani du Portlandien, dont il sera question plus
bas. L’A. Roissyanus d'Orb. manque complètement.
Ceriocrinus Miller: Kônig (Apiocrinus Milleri Goldf. ,
— 217 —
Millericrinus Milleri d'Orb.). C'est la seule espèce da
genre; elle est assez fréquente dans le terrain à chailles
de Delémont. Les calices y sont souvent fort beaux, mais
on n'a pas encore trouvé d'exemplaires où les bras fus
sent conservés. En comparant la base d’une série de ca-
lices avec les faces articulaires d’une grande quantité dé
tiges, M. Desor est arrivé à reconnaître la véritable tige
du C. Milleri. Ce n’est ni celle que lui attribue Gold-
fuss, ni celle que d'Orbigny a figurée, mais une espèce
particulière, reconnaissable à ses anneaux très-inégaux.
C'est la tige que M. d'Orbigny a figurée sous les noms de
Millericrinus alternatus et M. Richardianus. On pourrait
être tenté de distinguer deux espèces parmi les calices
qu'on rapporte au C. Milleri, à cause des différences que
présentent parfois les dessins de l'articulation à la base
des tiges; elles forment tantôt une étoile à cinq lobes,
tantôt une simple guirlande de crénelures; mais on peut
démontrer que ces différences résultent uniquement de
l'intercallation d'anneaux accessoires, dont le dessin est
différent de celui des anneaux principaux.
Pomatocrinus mespiliformis Künig (Apiocrinus mespihi=
formis Goldf.). On n’a signalé jusqu'ici que des débris im-
parfaits de cette espèce dans l’évéché de Bâle:
Millericrinus rosaceus d'Orb. (Apiocrinus rosaceus Schl.).
Cette espèce a été instituée par Schlotheim : mais commé
le dessin qu'il en donne est très-défectueux, il est difficile
de la reconnaître aujourd’hui. D'un autre côté, il est
évident que Goldfuss a confondu plusieurs espèces sous
cette dénomination. Déjà M. d'Orbigny en à séparé les
calices alongés, campanuliformes, dont il fait une es-
pèce à part, sous le nom de M. Münsterianus. M. Desor
— 218 —
propose en conséquence de conserver le nom de rosaceus
aux calices de forme évasée, tels que celui de PL:56,
fig. 3 c, d, de l'ouvrage de Goldfuss. Comme cette es-
pèce est la plus fréquente dans l’oxfordien suisse, il lui
rapporte les tiges à surface lisse et à anneaux égaux,
assez distans, qu'on trouve en grande quantité dans le
terrain à chailles, ainsi que cette quantité de troncs et
de racines provenant du terrain à chailles de Pfeffingen
et dont il existe de si beaux échantillons au Musée de
Bâle, et dans la collection de M. Gressly.
Millericrinus Münsterianus d'Orb. (Apiocrinus rosaceus
Goldf. PI. 56, fig. 3 a , b). Cette espèce ne se trouve que
dans le terrain à chailles siliceux , où elle est assez
rare. On la distingue aisément à sa forme alongée et à un
anneau renflé à la base du calice.
Millericrinus Beaumontii d'Orb. ( Apiocrinus Beau-
montii Voltz). C’est l'espèce la plus fréquente. Elle est de
petite taille et se reconnaît facilement à son calice cam-
panuliforme et à sa tige pentagonale.
Millericrinus Goldfussii d'Orb. (Apiocrinus Goldfussi
Voltz). Cette espèce est plus-grande que la précédente, et
se distingue par des bras plus alongés. Sa tige est ronde,
à anneaux réguliers.
Millericrinus Nodotianus d'Orb. Espèce voisine de la
précédente, mais à calice plus évasé. La tige est obtusé-
ment carrée près du calice. Se trouve par—ci par-là dans
le terrain à chailles de l'évêché de Bâle.
Millericrinus polycyphus Des. On ne connaît encore
que des tiges et des racines de cette espèce. Elles sont
trés-grosses el aisément reconnaissables à leurs anneaux
très-serrés. On les trouve déjà figurés dans Bruckner
— 219 —
(Merkwurd Tab. 20, fig. 36), et dans Knorr (Petref. II,
Part. Il, Tab. G. IE, fig. 1, et G. IE, fig. 1 et 2). M. Gold-
fuss en a aussi représenté un échantillon (Tab.56, fig. 30),
qu'il attribue à tort à l'A. rosaceus.
Millericrinus echinatus d'Orb. On ne connaît de cette
espèce que la tige, qui est extrêmement fréquente dans
l'oxfordien de la Suisse. Elle est ronde, composée de
larges anneaux qui portent une ou plusieurs rangées de
tubercules. La forme, la disposition et le nombre de
ces tubercules sont soumis à des variations considérables.
Il est évident que M. d'Orbigny a accordé une trop grande
importance à ces variations de forme. M. Desor est porté
à croire que les M. aculeatus, tuberculatus, Richardianus et
subechinatus de cet auteur, qui tous se trouvent dans le
terrain à chailles suisse, ne sont autre chose que des va-
riétés du M. echinatus, dont le calice est encore inconnu.
La forme plus ou moins anguleuse de la tige ne saurait
non plus être envisagée comme un caractère spécifique ,
car il peut arriver que le même tronc porte des tiges car-
rées et des liges rondes, comme on en voit un exemple
sur un tronc de la collection de M. Gressly.
La famille des Pentacrines est représentée par les es-
pèces suivantes :
Pentacrinus scalaris Goldf. C’est une espèce très-fré-
quente dans le terrain à chailles de l'évêché de Bäle. On
n'en connaît cependant que les tiges que l’on confond
quelquefois avec celles du P. basaltiformis.
Pentacrinus tubereulatus Merian. C’est une espèce bien
plus rare, très-voisine du P. scalaris,, mais qui en dif-
fère en ce que la surface de la tige est garnie de fins
tubercules irrégulièrement répartis. C’est probablement
la var. a, b, c du P. scalaris Goldf.
— 220 —
Pentacrinus cylindricus Des. M. Desor appelle ainsi une
petite espèce de tige cylindrique, qui se distingue par un
caractère particulier, c'est que les anneaux de la tige
sont aussi hauts que larges, ce qui n’a lieu dans aucune
autre espèce. L'espèce doit être très-rare; elle provient
selon toute apparence de l’oxfordien.
Les Pentacrines de la seconde section, ceux à dente-
lures marginales sont exclusivement propres à l’oxfor-
dien. On trouve en Suisse le Balanocrinus (Pentacrinus)
subteres qui est même assez fréquent dans certaines loca-
lités. Il se pourrait que le P. pentagonalis Goldf. et le
P. subteres Münst., ne fussent qu’une seule et même es-
pèce, et que le calice mentionné plus haut dût lui être
rapporté. Cependant nous n'avons aucune certitude à cet
égard.
Le type des Eugéniacrines est représenté par une es-
pèce très-curieuse, découverte par M. Mousson, dans
l'oxfordien de Birmansdorf. C’est une espèce nouvelle, à
laquelle M. Desor donne le nom de Eug. Moussoni;
elle est plus grande qu'aucune de celles du Jura supé-
rieur. Le calice est en forme de capuchon comme celui
de l’Eug. Hoferi. Les facettes articulaires sont au nombre
de cinq; leurs angles sont extrêmement saillans, et font
ainsi paraître la cavité du calice plus profonde que dans
les autres espèces.
Jura supérieur.
Les étages supérieurs de la formation jurassique sont
bien moins importans au point de vue du développement
des Crinoïdes et des Echinodermes en général, que les
étages moyens. Non-seulement les espèces sont moins
PAL. à l'an mme Lars © il CU SSS
— 221 —
nombréuses, mais une partie des types manque complé-
tement , entr’autres les Cériocrines , les Pomatocrines, les
Millericrmes et les Balanocrines, et quant aux autres,
leurs espèces sont en général peu abondantes, à l'excep-
tion de quelques-unes qu'on trouve dans les bancs à po-
lypiers. En Suisse, il n’y a guère que le portlandien qui
ait de l’importance. Les espèces qu’on y a recueillies sont
les suivantes (*) :
Apiocrinus Meriani Des. Il est extrêmement difficile,
dit M. Desor, de distinguer cette espèce de l’Apocr. rotun-
dus, d'autant plus que Goldfuss a évidemment figuré
comme identiques des exemplaires de ces deux espèces.
Il lui a paru que l’A. Meriani était d'ordinaire beaucoup
plus grand que l’À. rotundus. Les anneaux de la base du
calice sont nombreux et serrés, et comme il existe aussi
deux sortes de tiges, il rapporte à l'A. Meriani celles dont
les anneaux sont serrés, et réserve pour l'espèce suivante
celles dont les anneaux sont plus éloignés. En consé-
quence il croit aussi pouvoir rapporter à cette espèce les
figures B de PL 55 de l’onvrage de Goldfuss.
Apiocrinus simulis Des. Cette espèce diffère de la précé-
dente en ce que les anneaux de la base du calice sont
bien moins nombreux. Il n’y en a guère que cinq ou six
depuis l'endroit où la tige commence à se renfler jus-
qu'aux plaques basales. Les anneaux de la tige, si tou-
tefois ils appartiennent à ce calice, sont espacés dans la
même proportion. Parmi les figures de Goldfuss , il n’en
est aucune que l'on puisse rapporter avec certitude à
cette espèce.
(*) L’étage du corallien blanc qui se trouve sur quelques points de la
Suisse , entr’autres à Zwingen et à Soleure, n’a fourni jusqu'ici qu’une
seule espèce encore indéterminée d’Apiocrine.
— 222 —
Les Eugéniacrines sont les plus fréquens de tous les
Crinoïdes portlandiens. Nous avons en Suisse les quatre
espèces jurassiques décrites et figurées par Goldfuss,
savoir les : Eugeniacrinus caryophyllatus Goldf. au Randen.
Eug. nutans Goldf. au Randen. Eug. compressus Goldf. au
Randen, au Laegern et dans le calcaire de St-Triphon (‘).
Eug. Hoferi Goldf. au Laegern.
Les Pentacrines sont représentés par une seule espèce
dont on ne connaît encore que des fragmens de tige, pro-
venant du portlandien de Raedersdorf, Ces fragmens res-
semblent fort à ceux du P. scalaris.
NÉOCOMIEN.
On n'a signalé jusqu'ici que des anneaux de Penta-
crines dans ce terrain. Ils appartiennent à une espèce as-
sez voisine du Pentacrinus basaltiformis, maïs plus petite
et fortement cannelée. On pourrait l’appeler Pentacrinus
neocomensis.
La molasse parait être complètement dépourvue de
Crinoïdes. Du moins n’en a-t-on signalé jusqu'ici aucune
trace. Les Asterides n'ont fourni qu'une espèce indéter—
minable. Les Oursins y sont aussi fort rares. On ne con-
naît jusqu'ici que quelques espèces de Spatangoïdes et
deux ou trois espèces d'Echinus et de Cidaris.
E. Desor, secrétaire.
(*) La présence de cette espèce dans le calcaire de St.-Triphon est un
fait important à signaler, car comme elle est exclusivement propre au
portlandien , il est démontré par-là que ce terrain n’est point, comme cer-
tains géologues l’ont prétendu (avec une assurance que leurs études locales
ne justifient nullement), du muschelkalk, mais qu’il appartient aux étages
supérieurs de la formation jurassique. Il y a d’autant moins de doutes
à cet égard que l’espèce est, de toutes les Eugéniacrines , la plus facile-
ment reconnaissable.
N° 20.
BULLETIN
DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES NATURELLES
DS NEVCHATER
Section de la Chaux-de-Fonds.
Séance du 1% novembre 1844.
Présidence de M. WURFLEIN.
M. le Président ouvre la séance en rendant la section
attentive au but constant que ses membres doivent avoir
présent à l'esprit, qui est leur instruction mutuelle et la
propagation des lumières dans notre ville et dans le reste
du pays.
Il est ensuite fait lecture du réglement tel qu'il a été
adopté dans la séance du 18 décembre de l'année der-
nière.
A la suite de cette lecture on procède à la nomination
du bureau, l'assemblée réélit successivement MM. Wür-
flein, président ; Nicolet, vice-président; Pury D'et Favre,
secrétaires.
Le D' Pury commence la lecture de son mémoire sur
l'huile de foie de morue. Cette partie du mémoire ne con-
tient à-peu-près que la description des différens Gadoïdes
dont le foie est usagé pour la préparation de cette huile.
M. Pury admet, d'après de Jongh, trois espèces d'huile,
la blonde, la brune-blonde, et la brune, qui provien-
nent toutes des mêmes poissons, mais dont la différence
— 22% —
provient du degré de putréfaction des foies et du degré
de chaleur employé ‘pour l'extraire. Une quatrième es-
pêce, signalée par Sobernheim, est une huile de la cou-
leur de Fhuile d'olive, et n’est qu'une huile brune,
de mauvaise qualité, décolorée par du chlore et autres
substances.
D' Pury, secrétaire.
«Séance. du 28 novembre 1844.
Présidence de M. WURFLEIN.
Le D' Pury continue la lecture de son mémoire sur
l'huile de foie de morue. Après avoir donné, d’après de
Jongh, une analyse comparative des trois espèces d'huile
de foie de morue, il passe aux réactifs employés jus=
qu'ici pour constater la pureté de cette huile. Le seul
qu'on ait jusqu'à présent, celui que M. Heydenreich,
pharmacien à Strasbourg a proposé (l'acide sulfurique),
est incomplet, puisqu'il ne permet pas de discerner la
falsification partielle de cette huile et son blanchiment
par le chlore; le goût et l’odorat sont jusqu’à présent les
meilleurs agens pour reconnaître cette huile. M. Pury
entre ensuite dans le détail des maladies contre lesquelles
on a employé avec succès l'huile de foie de morue. Ces
maladies forment trois grands groupes, qui sont les
rhumatismes chroniques, les scrophules et la phthysie tu-
berculeuse. Il cite des cas où ce médicament lui a réussi,
là où tout faisait présager une phthysie commençante,
mais où la percussion et l’auscultation ne fournissaient
aucune donnée {certaine sur l'existence du mal; d'un
autre côté, M. Pury n’a pas été aussi heureux dans plu-
— 225 —
sieurs cas de phthysie avancée. Là l'huile de foie de mo-
rue lui a paru n'avoir aucun effet, pas même comme
palliatif. Il cite ensuite les expériences comparatives de
de, Jongh sur les trois espèces d'huile, mais les essais
ont été trop peu nombreux et trop insuffisans pour per-
mettre de porter un jugement sur la plus grande effica-
cité d’une espèce d'huile relativement aux autres. M. Pury,
après avoir examiné le mode d'action sur les trois grands
groupes de maladies des huiles grasses, de l’iode, du
chlore et de ses composés, et lui avoir comparé celui de
l'huile en question, conclut à une action complexe de
l'huile de foie de morue sur ces maladies; cette action,
qui est la résultante des principes qui composent cette
huile, se voit trés-clairement dans la phthysie commen-
çante, où elle est à la fois calmante et absorbante.
M. Pury passe ensuite à l'examen des différens moyens
employés pour corriger le goût de cette huile. L'eau de
menthe poivrée, le sirop d’écorces d’oranges, le bicarbo-
mate de potasse ont été employés avec succès; mais il
est des cas où ce médicament cause une telle répugnance
aux malades, qu'on ne peut le leur faire avaler. M. Pury
propose alors l'emploi de capsules gélatineuses , ou, ce
qui lui a réussi souvent, un mélange d'hydriodate de po-
tasse et d'extrait de jusquiame, ou d’autres calmans sous
forme de pillules.
Après la lecture de ce mémoire, M. Micolet fait observer
que le blanchiment de l'huile brune par le chlore, que
le commerce employe, ne peut pas être appelé falsifica-
tion, vu que le chlore ne détruit pas l’iode, ni les subs-
tances animales qui entrent dans la composition de l'huile
de foie de morue, mais que cette opération a unique
— 226 —
ment pour but de donner plus de limpidité à l'huile, qu'on
employe comme huile à brûler, quand les huiles de colzat
et d'olives sont trop chères. M. DuBois, sans nier les
bons résultats de l'huile de foie de morue, croit qu’on
élève beaucoup trop aux nues la vertu de ce médicament;
il dit aussi que les guérisons de rhumatisme chronique
et de scrophules qu'on a obtenues dans les hôpitaux au
moyen de l'huile de foie de morue, doivent être attri-
buées en partie à de meilleurs soins et surtout à une
meilleure alimentation que celles que les malades n’a-
vaient chez eux.
D' Pury, secrétarre.
Séance du 12 décembre 1844.
Présidence de M. Nicozer, vice-président.
M. le D' DuBois, entre dans quelques considérations
sur un état spasmodique des doigts, qu'on trouve chez
les graveurs et les finisseuses d’aiguilles, dont il croit
qu'aucun auteur ne donne la description, et qu'il a eu
occasion d'observer assez fréquemment ici. Il pense que
cet état spasmodique doit être analogue à la maladie
nommée par les auteurs allemands morbus scriptorius ,
mais dont il n’a pu cependant trouver nulle part la des-
cription.
Cet état spasmodique se développe chez les individus
assujettis à de petits travaux manuels, qui n’'exercent
qu'un certain nombre de muscles. Les personnes qui en
sont atteintes ont d'abord quelques fourmillemens dans
la paume de la main et dans les doigts, surtout dans l'an-
nulaire et l'auriculaire. Ces fourmillemens augmentant
— 227 —
elles sont obligées d'interrompre souvent leur ouvrage, et
d'étendre la main fréquemment pour diminuer la tension
et la gène qu'elles éprouvent.
Au bout de quelque temps des contractions spasmo -
diques se manifestent dans l'éminence thénar, dans les
muscles lombricaux, avec un engourdissement des doigts,
surtout du côté cubital; l’auriculaire et l’annulaire en-
gourdis deviennent le siége d'une douleur spasmodique,
qui va en augmentant, et qu'on ne doit pas confondre avec
une névralgie de ces doigts. Les spasmes et les douleurs
augmentent dans toutes les parties de la main déjà indi-
quées, et amènent à sa seconde période la maladie qui
se termine par l’atrophie des muscles de la paume de la
main et des muscles propres du petit doigt.
La cause de cette maladie est dans le défaut d'antago-
nisme des muscles exercés ; ordinairement les extenseurs,
qui reçoivent leurs rameaux nerveux de certains nerfs,
sont exercés aussi bien que les fléchisseurs, qui dépen-
dent d’autres troncs nerveux; mais ici tous les muscles
en activité reçoivent leurs rameaux du nerf cubital et du
médian, qui sont ainsi beaucoup plus irrités que ne l’est
le radial. La position des ‘graveurs, qui doivent s’ap-
puyer sur leurs coudes, contribue beaucoup à cet état,
par la compression que cette position fait subir au nerf
cubital dans le sillon olécranien.
Cette cause de tension et cette compression de nerfs
n'ont point été remarqués dans la névralgie. L'acrodynie
diffère également de la maladie dont nous nous occu-
pons, par son siége qui est dans les orteils ; l’ergotisme
convulsif a quelque analogie avec cette maladie; mais le
commémoratif et les causes qui ont amené ce spasme
17
— 228 —
ainsi que leur durée, l'état général et le mode de termi-
naison suffiront pour empêcher qu'on ne les confonde.
Quant au traitement, M. DuBois pense qu'il peut être
jusqu’à un certain point prophylactique, et qu'on peut
prévenir l’engourdissement des deux doigts en évitant la
compression du nerf cubital. Beaucoup d'ouvriers y remé-
dient instinctivement en mettant des torches creuses au
milieu, sous leurs coudes. Les graveurs, employant un bu-
rin à manche elliptique très-court, pourraient en employer
un autre à manche plus long, moins large, et s'expose-
raient ainsi moins à comprimer le nerf médian. Quant au
traitement de la maladie, M. Dubois pense que le meil-
leur est la morphine appliquée sur le trajet du nerf eubi-
tal, par la méthode endermique. Sept à huit applications,
d'un grain chaque , suffisent. Pour être sûr que la mor-
phine a agi, il faut que les grandes transpirations qu'oc-
casionne cette substance aient paru. Les frictions irri-
tantes, comme l’ammoniaque, les spiritueux rendent
aussi de bons services comme palliatif, mais ne gué-
rissent pas le mal radicalement.
M. le D' Droz, qui a eu occasion d'observer aussi plu-
sieurs de ces spasmes, a vu chez des polisseuses et des
fabricans de ressorts des tremblemens des extrémités su-
périeures , qu’il attribue à la même cause. Les individus
affectés de ces tremblemens veulent avoir toujours les
extrémités en mouvement , c’est leur seul repos. M. Droz
cite une dame qu’il a traitée long-temps, chez laquelle ve
désir de mouvement était tellement fort, qu'elle avait
pris une jeune fille à son service pour lui remuer jour et
nuit les bras et les mains. Romberg qui, dans son traité
des maladies des nerfs {Lehrbuch der Nervenkrankheiten
— 229 —
des Menschen v. Mor. H. Romberg. Berlin, 1842-3), à
décrit ces tremblemens sous le nom de paralysis agitans,
ne fait pas mention de ce besoin de mouvement qui existe
cependant toujours.
M. DuBois pense que dans cette paralysie agitante,
les spasmes sont cloniques ou dus à un tic, et ont leur
siége dans l’état maladif du cerveau, tandis que dans la
maladie dont il vient de nous esquisser les principaux ca-
ractères, les spasmes sont de nature tonique, et que l'af-
fection nerveuse est purement locale.
Dr Pury, secrétaire.
Séance du 26 décembre 1844.
Présidence de M. WURFLEIN.
M. le D' Dubois signale le nombre toujours croissant
d'empoisonnemens qui ont lieu chaque année en automne
dans nos montagnes par la Belladone. Après avoir ex-
posé les symptômes de cet empoisonnement, qui est quel-
quefois mortel , et qui sont des hallucinations, une grande
disposition à l’hilarité, la dilatation de la pupille, une
grande fréquence du pouls, l'inflammation et quelque-
fois la gangrène des intestins, etc., avait parlé en passant
des contrepoisons, qui sont en premier lieu les évacuans
(tartrate acide d’antimoine et de potasse), et ensuite l’o—
pium, que les médecins italiens ont conseillé les pre-
miers, probablement en se fondant sur l’action contrac-
tante des sucs opiacés sur la pupille. Il demande que la
société s'occupe l'été prochain de rassembler et de dessé-
cher un nombre suffisant d'exemplaires de Belladone,
pour en mettre encadrés dans toutes les écoles de cette
— 230 —
ville et des environs. Cette proposition est adoptée. La
Société charge encore M. le D' Dubois de préparer un
avertissement populaire sur la Belladone et les dangers
qu'elle présente, qu'on fera imprimer dans la feuille
d'annonces.
M. Nicolet met sous les yeux de la Société un nombre
considérable d'exemplaires de la linaire des Alpes (Lina-
ria alpina), tous différens par la couleur des fleurs, va-
riant depuis un bleu intense au violet et au blanc com-
plet. Les fleurs blanches ont le palais velouté bleu ou
blanc avec deux taches orangées, plusieurs sont mar-
quées de stries bleues. Ces exemplaires appartenant tous
à la variété 6. stricta ont été trouvés à la roche des Cros
(Roche des Corbeaux), sur le talus d’éboulement, et pro-
viennent d’un semis, fait par M. Junod il y a 25 ans.
M. Pury, D', fait remarquer que beaucoup de plantes
varient considérablement les couleurs de leurs fleurs,
lorsqu'on les sème dans des endroits autres que ceux où
elles croissent naturellement. I] manifeste aussi le vœu
que la société recueille et mette dans ses archives toutes
les plantes qui ont été introduites dans nos environs par
Gagnebin, Junod et les frères Gentil, persuadé que cela
sera d'un grand intérêt pour les botanistes futurs, car
certaines de ces plantes, ainsi que d’autres qui croissent
naturellement ici (comme l'Ophrys myodes, qui était
assez abondant dans quelques -uns de nos Ruz, en-
tr'autres à la Combe-Girard), tendent à disparaître de
chez nous, et seront cherchées vainement plus tard.
M. le Dr Pury ajoute quelques mots sur une chute de
— 231 —
grêle qu’il a observée, le 18 septembre de cette année, à
la Chaux-de-Fonds. Les grelons observés, dont quelques-
uns pesaient jusqu'à trois et même quatre onces, pré-
sentaient absolument la même conformation que ceux
qu'il observa l’année dernière à la Maison Monsieur.
Comme ces derniers, ils étaient ou concentriques (c’étaient
les plus nombreux) ou agglomérés. Leur apparition cor-
robore complètement l'opinion de M. Pury sur leur for-
mation (v. Bulletin de la Société de Neuchâtel, 1843-44,
p. 34).
M. le D' DuBois dit avoir observé, il y a quelques
joure, chez une primipare un accouchement de deux ju-
meaux, dont le premier présentait une position de l’é-
paule , et le second, arrivé quelques heures après , une
position occipitale, et qui nés à terme, vivans ne pe-
saient chacun que trois livres, et ont pris le sein avec
grand appétit, comme des enfans ordinaires, quelques
heures après leur naissance.
Dr Pury, secrétaire.
Séance du 9 janvier 1845.
Présidence de M. WURFLEIN.
Le Dr Pury lit une note sur un phénomène apparte-
nant à l’ordre des halos, qu’il a observé ici le 31 juillet
184% à dix et demi heures du soir. Le ciel était légère
ment nuageux, l'air était passablement froid pour la sai-
son. Il se forma autour de la lune, voilée légérement
par un nuage presque diaphane, un arc-en-ciel, très-
petit, assez vif de couleur, et dont les deux bouts se re-
— 232 —
dressaient en se terminant au bord du nuage. L'arc se
ferma et donna naissance à un cercle entier, auquel
étaient tangeans deux arcs semblables au premier, dont
les centres se trouvaient sur la même perpendiculaire à
l'horizon que celui du cercle. Un cercle et deux arcs plus
grands et plus pâles, concentriques aux premiers, se
formèrent également; les ares du haut disparurent alors,
ainsi que le grand du bas, et l'arc primitif inférieur s’a-
grandit considérablement; après quoi le nuage étant de-
venu plus épais, ne laissa plus pénétrer que la pâle
lumière de la lune. Toute cette phantasmagorie avait
à peine duré deux minutes. M. Pury présente après cette
lecture les dessins des différentes phases du phénomène,
exécutés par M. Favre.
Le D' Pury lit, pour compléter ce qu'avait dit il y a
quelques jours M. le D' DuBois sur le spasme des gra-
veurs, un extrait du livre de Romberg : Handbuch der
Nervenkrankheiten, sur le spasme des écrivains, (morbus
serèptorius , Schreibekrampf). Cette maladie, entièrement
analogue au spasme des graveurs, a pour siége le pouce,
l'index et le medius, dont les filets nerveux proviennent
des nerfs radial et médian, à l'exclusion du cubital; pour
signes, des mouvemens involontaires des doigts qui font
aller la plume de haut en bas, et de bas en haut, sans
qu’il soit possible au malade de former une lettre, avec
un sentiment de crispation et de serrement de la main
et des douleurs qui s'étendent souvent jusqu'au coude
et même jusqu'à l'épaule. Ce spasme cesse dès que le
malade renonce à écrire; aussitôt après il peut exécuter,
avec sa main malade, les travaux les plus délicats,
L
— 233 —
pourvu qu'ils exigent d'autres mouvemens. M. Romberg
ne propose aucun traitement que la ténotomie, exécutée
une fois par Strohmeyer avec succès, et plusieurs fois sans
réussite par M. Dieffenbach. M. Pury pense que la guérison,
dans le cas cité par Strohmeyer, n'aura pas été de durée, à
cause de l’inervation qui se rétablit dés que les deux bouts
des nerfs auront été resoudés. Il pense que si cette maladie
est plus commune en Allemagne qu'en France, cela tient
à la différence que l'écriture allemande a avec la française,
la première étant alongée et les liaisons étant toutes
faites avec des angles très-aigus
M. le D' Dubois fait observer, puisque Romberg n'in-
dique pas de traitement, que la morphine appliquée en-
dermiquement sur le trajet du nerf lui paraît devoir
rendre les mêmes services que dans les spasmes des gra-
veurs, où il‘en a constaté le succès encore derniérement.
D' Pury, secrétaire.
Séance du 23 janvier 1845.
Présidence de M. WURFLEIN.
M. Nicolet met sous les yeux de la société deux cal-
culs rénaux. L'un de cheval, composé de plusieurs piéces,
occupait le bassinet, et remplaçait même presque com
plètement le rein, dont il ne restait qu’une espèce de
kyste. Ce calcul se dissout avec effervescence dans l’a-
cide hydrochlorique; chauffé seul sur le charbon, il
noircit en donnant une odeur animale empyreumatique,
puis il blanchit sans perdre sa forme primitive. Le résidu
se comporte comme la chaux vive. 100 parties de ce
calcul contiennent :
— 234 —
matière animale 9,
carbonate de chaux 91,
carbonate de magnésie, des traces.
L'autre calcul rénal très-volumineux provient d’une
vache; ce calcul se dissout sans effervescence dans l’a-
cide hydrochlorique; chauffé seul sur le charbon, il noir-
cit en donnant une odeur animale empyreumatique,
puis il blanchit sans apparence de fusion. 100 parties de
ce calcul contiennent :
27 de matière animale.
64 de phosphate de chaux.
3 de phosphate ammoniaco-magnésien.
6 de carbonate de chaux.
A l'occasion de cette présentation le DT Pury demande
qu'il soit fait ici une collection anatomique et patholo-—
gique qui serait placée sous le patronage de la société.
MM. les D'S présens à l'assemblée appuyent cette propo-
sition en ajoutant qu'ils sont prêts à contribuer à cette
œuvre autant qu'ils le pourront.
M. le Dr Pury lit un extrait de Romberg, surle trismus
ou spasme de la mâchoire inférieure. Cette maladie a
pour cause une irritation soit médiate , soit immédiate de
la cinquième paire de nerfs, ainsi que l'ont prouvé les
expériences de Bell et Valentin, sur des animaux fraîche-
ment tués et encore irritables. Ce spasme peut être to-
nique ou clonique et affecter les différens muscles de la
mâchoire. Le cas qui se présente le plus souvent est le
spasme tonique des muscles masséters et temporaux, et
alors aucune force ne peut ouvrir la bouche; dans le
spasme clonique de ces mêmes museles, il y a grince-
— 235 —
ment de dents et mouvement convulsif masticatoire. Les
adducteurs latéraux ou ptérygoïdiens sontmoins fréquem-
ment atteints du spasme qui est alors toujours clonique et
fait produire à la mâchoire des mouvemens latéraux con-
vulsifs de va et vient. Quant aux abducteurs (le mylo—
hyoïdien et le digastrique ) qui sont atteints le plus ra-
rement, les exemples de spasme que les auteurs ont
cités ont tous la forme tonique, et alors le malade est dans
l'impossibilité de fermer la bouche. Le diagnostic est fa
cile, mais cependant Bright a signalé un cas d’ankylose des
deux articulations de la mâchoire avec ulcération des ar-
ticulations des deux premières vertèbres cervicales qui
simulait parfaitement certains accidens trismiques et té-
taniques. — L’extirpation d'une dent, la sensation du
froid peuvent amener le trismus ou l’irritation du rameau
moteur de la cinquième paire. Romberg en cite plusieurs
cas. L'autopsie faite après des trismus de longue durée
décèle dans quelques cas un ramollissement de la petite ra-
cine de la cinquième paire. — Le pronostic diffère sui-
vant les causes qui ont amené la maladie, selon que le
trismus est simple ou combiné avec le tétanos. La gué-
rison est facile lorsque le tétanos a pour causes l'hysté-
rie, l'helminthiasis, certains abcès; dans ces cas-là, la
maladie primitive étant guérie, les accidens trismiques
disparaissent instantanément ; lorsque le trismus est idio-
pathique ou suite d'une extraction de dents, des appli-
cations endermiques de morphine, ou du laudanum versé
dans les alvéoles des dents arrachées suffisent pour le
faire cesser.
M. le D' Droz fait à ce sujet l’histoire de la mort de
M. H., qui s'étant déchiré en tombant les ligamens de la
— 236 —
rotule, le dimanche 12 janvier, avait continué de travail-
ler pendant toute la semaine sans consulter un homme
de l’art, et s'était endormi samedi soir dans une chambre
froide près de la fenêtre, après avoir travaillé jusqu'a 10
heures. Le lundi 20 sur le soir, un trismus intense l'em-
pêchait d'ouvrir la bouche, des accidens tétaniques com-
mençaient à se manifester, son genou lui faisait endurer
de vives souffrances ; 1l se décida alors à appeler M. Droz,
qui lui fit une large saignée, et posa vingt sangsues au
cou, mais sans pouvoir lui ouvrir la bouche. Mardi à 8 heu-
res du matin, M. Droz appela en consultation ses con-
frères MM. DuBois , Irlet et Pury. Outre le trismus il y
avait rigidité tétanique de la colonne vertébrale et gan-
grène au genou. Il fut résolu, mais sans espoir de succès,
de faire des applications endermiques de morphine sur les
masséters , et de donner au malade des lavemens anti-
spasmodiques d’Assa fætida et de laudanum. À midi la pom-
made de Gondret qu’on avait appliquée pour enlever l'é-
piderme n'avait produit aucun effet et à midi un quart
M. H. n'était plus qu'un cadavre.
D' Pury, secrétaire,
Séance du 13 février 1845.
Présidence de M. WURFLEIN.
Il est fait lecture des procès-verbaux de la société de
Neuchâtel des 6 et 20 novembre, et du 4 décembre.
M. le D' Pury et M. Isac-Charles Ducommun, à l'oc-
casion du mémoire de M. le docteur Borel , s'élèvent
contre l'opinion de M. de Castella, qui croit, contraire-
— 931 —
ment aux idées de MM. Borel et Ladame, que le ni-
trate acide de mercure employé par les ouvriers a une
grande part dans la production des tremblemens mercu-
riels, car dans notre fabrique, la plupart des doreurs n'em-—
ployent pour décaper les pièces de laiton à dorer que de
l'acide nitrique étendu d’eau , et ne se servent nullement
du nitrate acide de mercure.
M. Isac-Charles Ducommun, qui a souvent observé que
dans les cas d'empoisonnement mercuriel, les malades
blanchissent les pièces d’or lorsqu'elles sont mises dans
leur bouche, ou tenues dans leurs mains, dit que ce fait
lai a fourni l’idée de créer un appareil qui permit de re-
connaître la pureté de l’air des ateliers de doreur. Il a en-
gagé souvent les ouvriers à placer dans leur atelier des
lames d’or ou de cuivre doré qui, à cause de l’affinité du
mercure pour l'or, devraient blanchir lorsque quelques
parcelles mercurielles se trouveraient contenues dans l’air:
Il suppose que cet appareil {hydrargyroscope) serait d’une
grande utilité non-seulement pour les doreurs, mais en-
core pour les personnes chargées de l'examen des ateliers,
et leur permettrait de s'assurer de leur salubrité. L'as-
semblée décide que cette communication sera consignée
dans nos procès-verbaux et qu'avant de recommander l’u-
sage de cet appareil on en fera l'essai dans quelques ate-
liers. Dr Pury, secrétaire.
Séance du 27 février 1845.
Présidence de M. WURFLEIN.
M. D: DuBois expose un fait d'empoisonnement mercu-
riel grave qu'il a actuellement en traitement. Un horloger
— 238 —
et sa femme qui avaient leur appartement au dessus de celui
d’un doreur, le firent appeler il y a quelques jours pour une
stomatite avec ulcération des gencives et salivation abon-
dante qu'ils avaient tous les deux ; la femme surtout pré-
sentait ces phénomènes à un haut degré ; une sœur de
cette dernière était également attaquée, mais beaucoup
moins que sa sœur et son beau-frère. M. DuBois recon-
nut de suite que ces symptômes étaient ceux d’une intoxi-
cation mercurielle : il chercha à s’enquérir des circonstan-
ces qui avaient pu l'occasionner. Aucun médicament
mercuriel n'avait été pris ni par l'un ni par l’autre des
malades ; ils n'employaient pas de mercure dans leur pro-
fession ; l’intoxication provenait évidemment de vapeurs
mercurielles arrivées de la chambre inférieure où le do-
reur avait au mépris du réglement de police posé l'amalgame
et même passé au feu. M. Dubois avait averti de ce fait
l'autorité qui ordonna une enquête. Le Dr Pury qui, en sa
qualité de membre de la commission de surveillance des
ateliers de dorage au feu, avait dû examiner ces malades
et la chambre du doreur, confirme en plein le rapport de
son collègue; il ajoute que le doreur avait aussi passé au
feu sur son foyer, et que cet individu et sa femme qui
avaient des tremblemens mercuriels depuis long-temps, les
avaient augmentés à tel point par leur désobéissance au
réglement des doreurs, que ni l’un ni l’autre n'étaient en
état de préparer leurs alimens et même de manger seuls
et qu'ils avaient dû chercher un refuge à l'hôpital Pour-
talés.
MM. les D'S Droz et DuBots à l'occasion du rapport de
M. le D' de Castella, sur les cas de tremblemens mer-
— 239 —
curiels qui se sont présentés à l'hôpital Pourtalés, font re-
marquer que la couleur noire observée par M. de Cas-
tella, sur les dents de quelques doreurs, provient de
l’acétate de plomb que l’on prescrit souvent dans les garga-
rismes employés comme remèdes dans cette intoxication,
et que cet état ne constitue pas la carie noire des dents
qui est due à toute autre cause, et que pour cette raison
ils ne peuvent se ranger à l'opinion de M. de Castella qui
suppose qu'une grande partie des empoisonnemens mer-
cureils observés chez les doreurs, a pour cause le nitrate
acide de mercure que ces ouvriers employent.
M. Nicolet, vice-président, annonce à la société que
dix-neuf chasseurs de la Chaux-de-Fonds et des Epla-
tures offrent à titre de don, à la section de la Chaux-de-
Fonds, un jeune loup {Canis Lupus) qu’ils ont tué le 14
février à Pouillerel.
D' Pury, secrétaire.
er Séance du 13 mars 1845.
Présidence de M. WURFLEIN.
Le D' Pury lit une note de M. Gænseli, sur un moyen
qu'il croit propre à examiner la pureté de l’air dans les
ateliers de doreurs. Ce moyen consiste dans un grand
entonnoir de { à 2 pieds de diamèêtre en verre coloré, ter-
miné par un tube capillaire. M. Gænseli estime que cet
entonnoir rempli d'eau que l'on rechangera plusieurs fois
par jour, suffira pour condenser le mercure contenu dans
la colonne d'air susjacente, qui se précipitera au fond de
l'entonnoir dans le tube capillaire. Cette colonne d'air
— 240 —
réfroidie, sera en vertu de la loi de la pesanteur des gaz
remplacée par une autre, qui en se refroidissant laissera
tomber dans l’entonnoir le mercure qu’elle contenait ;
par ce moyen on pourra en quelques heures, suivant
M. Gænseli, épurer l'atelier des vapeurs mercurielles qu’il
contenait et apprécier la quantité de mercure en vapeur
contenu dans l'atelier. Il s'engage à la suite de cette com-
munication une discussion sur la valeur de ce moyen,
qui bien que reposant sur des bases parfaitement justes
paraît à plusieurs personnes inférieur à celui proposé
par M. Isac-Charles Ducommun. L’appréciation de la va-
leur comparative de ces deux procédés est renvoyée à une
commission , composée de MM. Nicolet, vice-président,
Olivier Matthey, Isac-Charles Ducommun, Gænseli et
Pury Dr.
La pénurie de l’eau a été si grande cet hiver, elle préoc-
cupe si vivement l'attention publique que M. Nicolet, vice-
président, croit devoir, en attendant que l’on donne suite
à la proposition de M. le D' Droz, relative à l’accroisse-
ment du volume d’eau de notre fontaine et à l'établissement
de nouvelles, fixer l'attention des membres de la section
sur le parti que l’on pourrait tirer de la masse d'eau sou-
terraine qui existe à la base du dépôt tertiaire nymphéen
de notre vallée. A cet effet il met sous les yeux de la so-
ciété un plan de la Chaux-de-Fonds, sur lequel les cou-
ches perméables et imperméables du dépôt tertiaire ont
été rigoureusement indiquées. Les couches du dépôt ter-
tiaire sont fortement redressées et affectent véritablement
la forme d’un bassin, il est en grande partie occupé par
les couches disloquées et fracturées du calcaire lacustre ;
— 2H —
les eaux pluviales, celles qui résultent de la fonte des nei-
ges filtrent à travers les couches perméables du dépôt la-
eustre et s'arrêtent sur la couche imperméable où elles
s'accumulent et forment la nappe d’eau souterraine qui ali-
mente tous les puits du terrain lacustre, et dont le trop
plein forme la source de la Ronde. Il est facile de se con-
vaincre de l’existence de cette nappe d'eau souterraine ;
la Ronde sourde à la partie la plus déclive du dépôt lacus-
tre et à la limite des deux dépôts. Les puits du dépôt la-
eustre atteignent le niveau de la Ronde et sont à-peu-
près inépuisables comme cette source. Les puits qui ont
été creusés dans la marne supérieure à la molasse sont
alimentés par de petits filets d'eau plus ou moins puante,
que l’on peut considérer comme étant l'expression du ter-
rain environnant ; Us sont souvent à sec. Pour plusieurs
de ces puits les travaux ont été poussés à 30 ou 40 pieds
au dessous du niveau de la Ronde; à cette profondeur on
n'a pas rencontré de nappe souterraine, voire même à une
très-petite distance de la Ronde. M. Nicolet pense qu'il
serait facile de remédier à la disette d'eau qui se re-
nouvelle toutes les années en été et en hiver, en creusant
trois à quatre puits dans le dépôt tertiaire lacustre; qu’en
poussant les travaux au dessous du niveau des eaux de
la Ronde, on aurait des réservoirs inépuisables, et que
par le moyen d'une corroi de marne, on pourrait les pré-
server des matières putrides qui proviennent de la filtra-
tion des puisards , des égouts et des fosses d’aisance.
M. Hercule Nicolet communique à l'assemblée le des-
sin de trois Podurelles qu’il a découvertes postérieurement
à la publication de son mémoire sur ces insectes, et dans
— 242 —
lequel il a décrit quarante-deux espèces. Ces trois espèces
d'aptères Desoria modesta H. Nic., Smynthurus fuliginosus
H. Nic., et Smynthurus Lusser: H. Nic., sont caractéri-
sées comme suit par M. Nicolet.
DesortA MODESTA H. Nic.
Corps velu, d’un gris verdâtre moins foncé près du bord
inférieur de chaque segment, avec trois bandes longitu-—
dinales de taches triangulaires et presque noires sur le
dos ; la bande médiane offrant des taches plus larges que
les bandes latérales; dessous du corps plus päle que le
dessus et sans taches.
Tête d’un gris foncé presque noir, avec deux taches
fauves entourant les yeux, ces derniers noirs. Antennes
annelées de noir et de fauve; pattes et pièces basilaires
de la queue brunes, filets blancs, poils noirs.
Cette jolie podurelle, longue d'environ deux millimé-
tres et qui paraît assez rare, a été trouvée à Cortaillod
sous une pierre.
SMYNTHURUS FULIGINOSUS H. Nic.
Corps bistre tres-foncé avec les pattes, les antennes,
la tête et plusieurs taches sur le corps d’un bistre beau-
coup plus clair, yeux et une large tache ‘sur le sommet
de la tête noirs.
Dessous du corps un peu plus clair avec quelques ta-
ches fauves.
Ce Smynthure long d'environ un et demi millimètre,
a été trouvé sous une pierre au bord du lac près Co-
lombier.
Suynraurus Lussert H. Nic.
Corps d’un brun rougeâtre en dessus, plus pâle en
— 243 —
dessous, irrégulièrement varié de jaune et de brun foncé ;
un peu alongé surtout vers la partie postérieure et cou-
vert de points enfoncés ronds , bruns ou noirs. Du cen-
tre de chaque point part un poil pâle et assez long , ce
qui rend cet insecte très-velu.
Tête également pointillée et velue mais plus pâle que
le corps. Plaques oculaires noires; protubérances inter-
oculaires d’un blanc légèrement bleuâtre.
Pattes, antennes et queue d'un blanc sale, parsemées
de points noirs et velus.
Ce beau Smynthure remarquable surtout par les points
enfoncés qui couvrent toute la surface, paraît assez com-
mun dans les forêts qui avoisinent Altorf, où on le trouve
sous les pierres ; sa longueur est d'environ trois milli-
mètres.
D' Pury, secrétaire.
Séance du 27 mars 1845.
Présidence de M. WURFLEIN.
Le D' Pury fait lecture d’un mémoire intitulé : Exa-
men des idées du professeur Schünlein sur les fièvres ty-
phoïdes. M. Schünlein n'ayant pas écrit lui-même, on est
obligé de s'en tenir à ses leçons qui ont été publiées soit
incomplètement sans sa volonté, et à diverses époques
dans les ouvrages suivans : Al/gemeine und specielle Pa-
thologie und Therapie von Prof. D' Schünlein. Herisau et
Saint-Gall. — D" J. L. Schünlein's Prof. in Zürich, Neue
Ansichten über die Typhen. Zurich, 1840, qui malgré
leurs nombreuses fautes ont été réimprimés plusieurs fois,
soit d'une façon beaucoup plus complète par le D' Güter-
18
— 244 —
bock, avec l'autorisation de M. Schünlein, dans l'ouvrage :
Schünleins klinische Vorträge in dem Charüékranken-
hause zu Berlin. Berlin, 1843. M. Schônlein insiste beau-
coup dans ses leçons, {° sur la division de la maladie en
périodes ou stades a) période d'irritation , b) période ner-
veuse , c) période des crises, 2° sur la durée septenaire de
ces périodes, 3° sur les jours critiques qui séparent une
période de la suivante, 4° sur la corrélation de cette ma-
ladie avec les fièvres intermittentes, 5° sur la décompo-
sition que le sang éprouve dans cette maladie : il perd
alors son albumime et l’hématoglobuline. L’albumine se
retrouve dans les selles diarrhéiques , dans les urines et
dans les sueurs visqueuses des malades. C’est à sa perte
qu'il faut attribuer principalement le prompt amaigrisse-
ment des malades, ainsi que ce qu'on a appelé marasme
typhoïde qui attaque les convalescens de cette fièvre.
Ce marasme a aussi pour cause, suivant M. Schôünlein , la
disparition des papilles intestinales des surfaces que la
maladie avait ulcérées. En conséquence des change-
mens opérés dans la masse du sang, M. Schôünlein se dé-
clare contre le traitement à la Broussais, et veut qu'on
restreigne l’emploi de la saignée dans les cas où des com-
plications de pneumonie la rendent indispensable; 6° sur
l'efficacité du calomel pour combattre les selles diarrhéi-
ques dans le commencement de la maladie; 7° sur le
mauvais effet des vomitifs et des purgatifs salins. 8° Parmi
les causes de cette maladie on doit compter comme une
des plus puissantes l’ingestion d’alimens ou de boissons
contenant des matières animales ou végétales en putré-
faction. 9° L’urine des malades offre un point de diagnos-
tic trop négligé jusqu'ici; elle est acide dans la première
ut : Que
période et très-foncée, elle devient alcaline dans la crise
et dans la seconde période, et forme des précipités de phos-
phates terreux ; dans la convalescence elle devient de nou-
veau acide et pàle; 10° sur la grande attention que doit
porter le médecin dans la dernière période à l’état de la
voix. Lorsqu'elle est rauque on peut craindre une ulcéra-
tion avec phthysie du larynx, ou un œædème de la glotte
également fàcheux.
Après avoir passé en revue les différens points sail-
lans de la doctrine du célèbre professeur de Berlin sur
les fièvres typhoïdes, le D' Pury passe à la critique de
ces points. Suivant lui les périodes de la fièvre typhoïde
ne sont pas, au moins dans nos montagnes, aussi régu-
lières que le prétend M. Schônlein; les médecins qui ob-
servent depuis long-temps les fièvres typhoïdes dans
notre localité n’ont jamais rien observé de semblable: la
rareté des fièvres intermittentes dans nos contrées est
peut-être une des principales causes de cette différence,
La même observation s'applique aux jours critiques dont
on n'observe non plus aucune trace chez nous. Dans nos
climats froids, le calomel ne pouvant être donné pendant
plusieurs jours sans qu'il n’y ait à craindre une intoxi-
cation mercurielle, il faut recourir aux émélo-cathar-
tiques et aux sels neutres, supportés bien mieux dans
nos montagnes que partout ailleurs, à cause peut-être
de l'habitude de notre population qui sale beaucoup ses
aliments, et aussi et principalement parce que les affec-
tions bilieuses sont très-fréquentes et compliquent toutes
les maladies aigües qui surviennent chez nous, comme la
pneumonie, le rhumatisme inflammatoire et surtout la
fièvre typhoïde.
— 246 —
MM. les D'S Droz et Depierre déclarent ensuite que
les différentes épidémies de fièvre typhoïde, qu'ils ont
observées dans le cours de leur longue pratique, ne
leur ont jamais offert la périodicité des crises que M. Schôn-
lein veut voir; ils ont eu souvent des malades en délire
pendant une quinzaine de jours sans interruption, sans
que la moindre crise parût dans l'intervalle. Les sels
neutres et le tartre stibié leur ont rendu des services
immenses, que ne pourrait pas leur rendre ici le ca-
lomel.
D' Pury, secrétaire.
Séance du 10 avril 1845.
Présidence de M. WURFLEIN.
Le D' Pury lit un petit mémoire ayant pour titre : De
la déviation de la colonne vertébrale chez les jeunes filles ,
extrait d’un rapport de M. le Prof. Demme, fait au nom
de la Faculté de médecine de Berne au Conseil d’éduca-
tion de la république, et inséré dans la gazette de Berne
(Schweixzerische Zeitschrift für Medizin, Chirurgie und Ge-
burishülfe. 184%, p. 1 et suiv.).
MM. Nicolet, vice-président, et Pury, D', parlent de
différentes chutes de grésil à gros grains qu'ils ont eu
occasion d'observer depuis la dernière réunion de la so-
ciété. Ce grésil qui tombait toujours à la même tempéra-
ture (+2 à 3° cent.), a tantôt la forme d'un cône ou
d'un secteur sphérique, tantôt celle d’une pyramide à
base hexagonale régulière. Malheureusement la ténuité
de ces corps, jointe à leur grande fusibilité, n’a pas per-
— 247 —
mis à ces MM. d'en examiner la composition intime ;
ils espérent le faire plus tard, vu que cette forme de
grésil paraît tomber assez communément dans nos mon-
tagnes.
M. Jeanneret, pasteur, rend la société attentive au
danger qu'il y a d'habiter des maisons trop fraîchement
bâties ; il envisage cette habitude comme une des princi-
pales causes des épidémies de fièvre typhoïde qui sévissent
dans notre Jura. Une discussion s'engage ensuite sur
cette matière.
Dr Pur, secrétaire.
Séance du 24 avril 1845.
Présidence de M. Nrcoer, vice-président.
M, Nicolet, vice-président, présente à la section deux
coupes géologiques réprésentant les couches renversées
de notre vallée à la Grognerie et aux Cornes-Morel.
A la Grognerie, les couches du calcaire portlandien
plongent en apparence vers l’ouest, direction opposée à
celle des couches des terrains oxfordien et corallien voi-
sins ; les couches du portlandien plongent sous un angle
de 30° et recouvrent la molasse.
Aux Cornes-Morel, non-seulement les couches du cal-
caire portlandien, mais encore celles du néocomien et
de la molasse sont renversées. La molasse plonge en ap-
parence vers l’est sous un angle de 20°, et le dépôt des
marnes rouges paraît plonger sous les couches de la mo-
lasse. Dans l’un et l’autre cas, le dépôt tertiaire paraît
être inférieur aux terrains jurassiques. Après celte ex-
— 248 —
position, M. Nicolet entre dans quelques détails sur l’opi-
nion de la répétition des formations jurassiques, détails
qu'il accompagne d'explications graphiques.
M. Watthey présente ensuite à l'assemblée une machine
électro-galvanique, à induction, de Bonijol, qu’il a cons-
truite lui-même d'après celle qui existe au cabinet de
physique de Neuchâtel, mais sur une plus grande échelle
et avec un multiplicateur beaucoup plus fort. M. Mat-
they, avant de faire des expériences avec cette machine,
en explique le mécanisme et la théorie des courans d'in-
duction, ainsi que quelques autres phénomènes électro—
magnétiques.
D' Pury, secrétaire.
Séance du 8 mai 1845.
Présidence de M. WURFLEIN.
M. le D' Deprerre présente un petit mémoire sur deux
plantes rares de notre Jura, dont la première Typha me-
dia de Reichenbach (Typha intermedia DC; Typha an-
gustifolia L.), indiquée par Haller, d’après Gagnebin,
à la Ferrière et aux environs de St.-Imier, a été trouvée
par lui en abondance dans une petite mare, au-dessus du
Crêt du Locle, et par M. Nicolet dans les marais de
Pouillerel, et doit être considérée comme indigène du
canton, vu qu'on la trouve abondamment dans ces lo-
calités. Si elle a échappé jusqu'ici aux recherches des bo-
tanistes, c'est qu’elle se trouve dans des endroits peu
fréquentés.
— 249 —
« La seconde de ces plantes, » dit M. Depierre, « que
lon me permettra d'appeler provisoirement Depierrea ,
du nom de celui qui l’a découverte, en attendant que les
botanistes lui ayent assigné le rang qu'elle doit occu-
per, et le nom sous lequel elle devra être connue, a
été trouvée par mon fils en juillet 1842, près des Bre-
nets, à l'extrême frontière du canton, et parait être in-
connue, non-seulement aux botanistes neuchâtelois, aux-
quels j'en ai adressé des échantillons, mais encore aux
botanistes étrangers, qui, à ma connaissance, n’en ont
fait aucune mention.
» Cette plante, qui appartient évidemment à la famille
des Campanulacées, paraît devoir prendre rang entre les
genres Campanula et Phyteuma, avec lesquels elle a de
nombreux rapports. Sa tige, d’abord couchée à sa base,
se redresse et atteint douze à quatorze pouces de hauteur;
elle est cylindrique, grèle , légèrement duvetée, surtout
quand Ja plante est jeune. Ses feuilles radicales, qui
sont au nombre d'une ou deux, et qui disparaissent de
bonne heure, sont cordiformes, pointues, denticulées,
comme crispées sur leur bord et portées sur un long pé-
tiole; celles de la tige sont pétiolées, linéaires, longue-
ment lancéolées, étroites , très-aigues, éparses, ainsi que
celles du sommet qui sont filiformes; la tige est termi-
née par un épi lâche de 4 à 6 fleurs. Celles-ci se compo-
sent d'un calice conique, cannelé, à cinq segmens
linéaires , effilés, très-aigus; d’une corolle monopétale,
divisée jusqu'à sa base en cinq laniéres lancéolées,
linéaires et d’une ligne de largeur environ; de cinq éta-
mines à filets un peu dilatés à la base , et chargés à leur
sommet d'une anthère ovale, aigue; et enfin d'un style
— 250 —
filiforme, à stigmate trifide. Je n’ai pas encore pu obser-
ver bien précisément la capsule ; mais elle m’a paru être
à deux loges, et renfermer des semences petites et nom-
breuses.
» Au début de la floraison, les segmens de la corolle
sont voûtés ou courbés, et écartés les uns des autres
dans toute leur longueur, excepté vers leur sommet, où
ils sont connivens ; d’après cette disposition , ils figurent
un grillage à travers lequel on distingue les étamines et
le pistil. À mesure que le développement de la fleur s’o-
père, les segmens se séparent, s'étalent en roue, et
laissent saillir au dehors les organes de la fécondation.
»Cette plante qui demande à être encore étudiée, et qui
pourrait bien n'être qu'une hybride d’une campanule et
d'une phyteuma, malgré l'opinion contraire d’un de nos
botanistes les plus distingués, paraît vouloir se multiplier
dans son endroit natal. Les échantillons que j'ai trans-
plantés au Locle l’année dernière, afin de m'assurer si
la culture n’apporterait chez eux aucun changement, se
trouvent dans un état prospère, et me donnent l’espé-
rance que je serai à même d'en fournir aux botanistes qui
désireraient examiner eux-mêmes ce végétal. »
D' Pury, secrétaire.
Séance du 22 mari 1845.
Présidence de M. WURFLEIN.
M. le Dr Basswitz présente un jeune homme âgé de
16 ans, auquel il a fait l'opération de la staphyloraphie,
il y a bientôt trois mois. La difformité était congénitale,
et intéressait non-seulement le voile du palais dans
— 251 —
toute son étendue, mais encore dans une longueur de
trois lignes les os du palais, qui n'avaient au reste que
les deux tiers de leur longueur habituelle.
L'opération présenta les circonstances suivantes : Elle
fut faite par rafraîchissement de substance dans les bords
du voile du palais, trois ligatures furent placées à l’aide
du porte-aiguille ordinaire. La seconde aiguille, proba-
blement mal trempée et fortement serrée par le porte-
aiguille, se brisa dans l'opération, mais l'opérateur fut
assez heureux de pouvoir la ressaisir avant qu'elle tombât
dans le pharynx ou dans le larynx. Le troisième jour de
l'opération la ligature qui était le plus en avant tomba,
il s'en suivit un léger écartement des deux lévres de la
plaie; la chute de la seconde ligature arriva au cin-
quième jour, et produisit un nouvel écartement, qui parut
annuler les chances de réussite de l'opération. La troi-
sième ligature tomba le huitième jour : la réunion avait eu
lieu dans ce point, d’où la cicatrice, partant et marchant
d’arrière en avant, réunit toutes les parties précédemment
avivées par le bistouri au bout de trois semaines.
La luette, qui est partagée en deux parties, n'ayant
pas été comprise dans la première opération, dans la
erainte d'augmenter la tension produite par trois liga-
tures , sera opérée plus tard.
Il existe une petite fente dans les os, en avant des
points nouvellement réunis; elle n’a pas trois quarts de
ligne de longueur; on y rémédiera par une opération
plastique.
L'opéré parle beaucoup mieux qu'avant l'opération;
les liquides, qui lui revenaient en partie par le nez, à
mesure qu'il avalait, passent actuellement facilement.
— 952 —
M. Gerbel expose dans un petit mémoire les dangers
du procédé de dorage au mercure, et le peu de solidité
des dorages au galvanisme. En effet, l'or ne peut s’ap-
pliquer sur le laiton par ce procédé, que lorsqu'on a
appliqué précédemment sur le métal une couche d’ar-
gent, au moyen de poudre d'argent mêlée de sels. Cette
couche donne aussi le grenage particulier aux pièces do-
rées avec le mercure. Mais elle est souvent recouverte, lors-
que les ouvriers ne sont pas consciencieux , d’une quan-
tité d’or tellement minime, que quelques coups de brosse
suffisent pour faire reparaître la couche d'argent, qui
elle-même agit aussi comme corps étranger, et empêche
la couche d’or d'adhérer à la pièce qu'on veut dorer.
M. Gerbel, parvenu à force d'essais à fixer l’or directe-
ment sur le laiton, et à pouvoir fournir des pièces dorées
aussi solidement que par le dorage au mereure, à un
prix égal, et qui depuis près de trois mois livre une
quantité notable de pièces dorées par ce procédé, à plu-
sieurs maisons d'ici, soumet à l'assemblée plusieurs mou-
vemens de montre dorés de cette manière.
M. le D' Depierre présente également un mouvement
doré par M. Boucher du Locle , sans mercure, et par un
procédé autre que l’électro-galvanisme. La Société renvoie
l'examen de la valeur de ces procédés à une commission
composée des mêmes personnes que celle qui a été nom-
mée pour examiner le meilleur procédé à employer pour
connaître la salubrité des ateliers de dorage au feu:
(MM. Nicolet, vice-président, Ol. Matthey, L.-C. Du-
commun , Gænsli et Pury, D',) et de MM. Julien Hu-
guenin et Bovy.
sie
2:
— 253 —
M. le D' Basswitz présente une série de tranches fines
des dents de l’homme, du chien, du veau, du renard,
de la martre et du cochon, et il en explique la structure
à l’aide du microscope simple et composé. Plusieurs de
ces tranches n'étaient pas bornées à la dent seule, mais
comprenaient le périoste et le maxillaire. Une de ces
coupes, faite très-artistement, comprenait toutes les dents
et la mâchoire inférieure d’une martre, et une autre
celle d'un renard.
Quant à la structure intime des dents, M. le D' Bass-
witz en parlera plus longuement daus une prochaine
réunion, lorsqu'il nous lira son mémoire déjà commencé
sur le développement des tissus des dents des mammi-
fères.
Dr Puy, secrétaire.
— 254 —
ADDITION À LA SÉANCE DU 4 JUIN 1845.
(page 222.)
M. Guyot communique quelques ohservations sur la
formation et la direction des crevasses des glaciers.
On sait que les glaciers présentent, à divers endroits
de leur cours, et particulièrement à chaque change-
ment de niveau un peu brusque, de nombreuses et
larges crevasses d’une étendue très-variable, qui en
forment l’un des accidens les plus marqués, et qui con-
tribuent plus que tout autre à en varier la physionomie.
La direction de ces crevasses est d'ordinaire transversale,
cependant on en voit aussi d'obliques; d’autres encore
sont longitudinales ; souvent même des crevasses de di-
rections discordantes ou opposées se croisent dans une
même partie du glacier. Les causes de ces divers phéno-
mèênes n'ont point été encore suffisamment éclaircies.
La formation des crevasses, comme le montre l’obser-
vation, est essentiellement liée aux accidens du sol qui, en
donnant lieu à des pentes plus fortes, déterminent une
accélération dans la marche du glacier. D'autre part l’en-
semble des mouvemens des glaciers prouve que leurs
glaces se comportent comme une masse plastique, bien
qu'à un très-faible degré. Or on peut dire : que les cre-
vasses se forment partout où la vitesse de marche des glaces
devient relativement trop grande et cesse d’être en proportion
avec leur plasticité.
La conséquence nécessaire d’une pareille disproportion
est, en effet, la naissance de ces solutions de continuité, qui
disparaissent aussitôt qu'une pente moins forte ralentit la
— 255 —
marche du glacier et rétablit l'équilibre entre ces deux
facteurs.
Ce principe suffit pour se rendre compte, dans presque
tous les cas, de la formation des crevasses dans les lieux
où on les observe, surtout si l’on se souvient que la vi-
tesse du mouvement d'un glacier est le résultat de trois
facteurs, dont chacun est très-variable, et qui sont, de
plus , très-diversement combinés : la pente, la masse des
glaces , et la quantité d'eau d'infiltration.
Dans un glacier de premier ordre et à grande épais-
seur, la masse des glaces est telle qu'il suffit d'une pente
peu considérable, 10° à 20°, et moins encore, pour dé-
terminer une accélération de mouvement assez forte pour
donner lieu à de nombreuses crevasses.
Dans un glacier de second ordre et à petite épaisseur,
les glaces se meuvent souvent sur des pentes de 30° et
plus, telles qu'un grand glacier y serait en cascade, sans
que cependant il s'y forme des crevasses ; c’est qu'alors
la masse des glaciers est trop faible et reste incapable de
produire une accélération suffisante pour surmonter leur
cohérence.
Dans une partie donnée d’un glacier et sur une même
pente, on trouve en été des crevasses là où il n’en existe
point dans d’autres saisons. L’abondance de l’eau d'infil-
tration , pendant cette saison, donnant aux glaces une
mobilité plus grande, agit à son tour pour accélérer le
mouvement et occasionner des crevasses.
Quant à la direction des crevasses, des observations
antérieures , et spécialement l'examen attentif, à ce point
de vue, du glacier de Gorner, le principal d’entre ceux
du Mont-Rose , font croire à M. Guyot que, sauf peut-
— 256 —-
être quelques cas exceptionnels, on peut cependant ra-
mener toutes ces divergences à un principe unique, qui
est celui-ci : La direction des crevasses , au moment de leur
formation, est perpendiculaire à l'axe du mouvement de la
partie du glacier dans laquelle elles s'opèrent.
Les anomalies apparentes que semblent subir cette
règle tiennent essentiellement à deux causes :
1° Aux changemens de plans de pente, qui sont l'effet
de la structure même de la vallée, et du relief du fond
sur lequel se meut le glacier.
29 A la persistance des crevasses dans des lieux où
elles ne se sont point formées, mais où elles ont été ame-
nées par le mouvement propre du glacier.
Dans le premier cas, chaque plan de pente donne nais-
sance à un système de crevasses parallèles qui lui est
propre et qui se distingue nettement de tel autre système
situé au dessus, au dessous ou à côté de lui.
Dans le second cas, les différentes parties d'un même
glacier ne se mouvant pas avec une vitesse égale, soit
en vertu de la progression plus rapide de la partie. cen-
trale comparée à celle des bords, soit par suite du mou-
vement propre que conservent, long-temps après leur
réunion en une seule masse, les affluens principaux dont
est formé un glacier composé, comme celui de Gorner,
il résulte de cette inégalité de mouvement, que les cre-
vasses, tout en cheminant avec le glacier, subissent né-
cessairement une notable déviation de leur direction
primitive, attendu que l’une des extrémités est entraînée
plus rapidement que l’autre. De transversales qu'elles
étaient, elles peuvent devenir obliques ou même presque
longitudinales.
|
— 257 —
C’est d’après ces principes que M. Guyot croit pouvoir
expliquer facilement le réseau compliqué de crevasses
que présente la moitié inférieure du glacier de Gorner.
La vallée qui contient ce grand glacier tourne pres-
que en demi cercle autour du massif du Riffel. La partie
supérieure, entre le Riffel et la chaîne des grands pics
du Gornerhorn, du Mont-Rose et du Breithorn, n’a
qu'une pente de 3° à 4°; sa surface est unie et ne pré-
sente que peu ou point de crevasses ; la vallée est longi-
_tudinale ; mais à l'angle occidental du Riffel, elle tourne
de l’ouest au nord, devient transversale; la pente très-
forte est presque une chute; les crevasses apparaissent
aussitôt; le glacier est comme en cascade. Les mouve-
mens qui se sont opérés dans la masse plastique du gla-
cier, en passant par ce défilé resserré, sont tels que les
bords sont relevés sur les flancs de la vallée, et que le
centre présente une dépression sensible. Aussi distingue-
t-on nettement deux systèmes de crevasses, l’un trans-
versal, perpendiculaire au mouvement normal du gla-
cier d'amont en aval, l’autre longitudinal, partant des
deux rives, perpendiculaire aux plans de pente dirigés
transversalement vers le centre. Le second est le résultat
de la tendance des masses relevées un moment contre les
bords par l’étranglement, à reprendre leur niveau; il est
surtout très-marqué sur la rive droite. Un peu plus bas
les crevasses transversales tendent à s’arquer en aval,
par suite du mouvement accéléré du centre ; puis la pente
devenant plus douce, elles se referment, et le glacier
paraît presque uni. Mais arrivé à l’angle nord-ouest du
Rüiflel, le glacier tourne encore une fois subitement, et
se dirige vers le nord-est avec une pente de 27° à 30°,
— 258 —
qu'il conserve jusqu'à son extrémité inférieure. Le ni-
veau de ses deux rives aussi n’est plus le même. Les
masses de la rive droite, soutenues par le promontoire
du Riffel, se trouvent beaucoup plus élevées que celles
de la rive gauche. Il résulte de ces dispositions que le
glacier se couvre aussitôt d’une multitude de crevasses
qui affectent des directions très-différentes les unes des
autres, et qui, vues d’en bas, ou d’un endroit mal choisi,
semblent former un dédale inextricable. Cependant quand
on les examine dans leur ensemble , d’une hauteur con-
venable et successivement de plusieurs points de vue
différens, on peut se convaincre que ces directions se ré-
duisent à trois, et c'est aussi le nombre des plans de pente
que présente ici la surface du glacier. En effet, un pre-
mier plan de pente, dirigé vers le nord, est donné par
le thalweg de la vallée transversale, au-dessus du grand
coude ; un second, dirigé au nord-est, est celui du même
thalweg de la vallée au-dessous du coude; un troisième
incliné à l’ouest est transversal à la direction de la vallée ;
il a pour cause l'avancement du promontoire du Riffel
qui se prolonge probablement sous le glacier, dans le
fond de la vallée. Le glacier passant sur cet obstacle, se
trouve un moment comme suspendu, ensorte qu'à l’en-
droit même du contour le glacier, à sa surface, présente
une forte pente de la rive droite vers la rive gauche, selon
la ligne qui passerait de l'intérieur du coude, c'est-à-dire
de l’angle du Riffel, à sa convexité extérieure. Or les trois
systèmes de crevasses sont précisément perpendiculaires
à ces trois plars de pente, et l'on distingue facilement :
1° Le système de crevasses transversales, qui sont
dues au mouvement normal du glacier dans le lit de la
vallée au dessus du contour.
— 259 —
2° Le système également transversal du second plan
de pente au dessous du coude.
30 Le système de crevasses longitudinales, qui sont
l'effet de la chute des masses suspendues sur le promon-
toire du Riffel vers le côté opposé de la vallée. Les deux
premiers systèmes se croisent à l'angle même du Rif-
fel, et forment un véritable grillage qui disloque la masse
des glaces et qui donne lieu à cette multitude d’aiguilles
que figurent tous les dessins, même les plus imparfaits,
qu'on a donnés de ce glacier.
On voit ainsi que chaque système est dù à une cause
qui lui est propre, mais que les crevasses d’un système
empiêtent parfois sur celles d’un système voisin. On con-
çoit encore, d'après ce qui a été dit, que la disposition
primitive de ces crevasses ne se conserve pas telle, mais
qu'elle subit des modifications nombreuses, à mesure que
le glacier chemine. Les crevasses tendent à disparaître
avec les accidens qui leur ont donné naissance; tel sys-
tème de crevasses s’oblitère, ses crevasses dévient de leur
direction normale ou se referment ; tel autre système de-
vient prédominant, de secondaire qu'il était, ensorte qu'il
est souvent difficile de rapporter les nombreuses crevasses
qui accidentent une partie donnée d’un glacier chacune à
sa cause primitive. Néanmoins M. Guyot pense que le
principe qu’il a posé suffira toujours à l'observateur at
tentif pour débrouiller ce cahos apparent (‘).
A. Guyor, secrétaire.
(*) Cette communication était accompagnée de dessins que les limites
du Bulletin ne nous permettent pas de reproduire.
19
AVIS.
M. Guyot, voulant donner à ses communications sur le
terrain erratique toute l'étendue que réclame un sujet aussi
intéressant, a été conduit à de longues recherches qui en
ont retardé la rédaction. Afin de ne pas ajourner davan—
tage la publication de ce Bulletin, ces communications pa-
raîtront, sous forme d’appendice, avec les numéros de
l’année prochaine.
Octobre 1845.
LE PRÉSIDENT.
— 261 —
TABLE DES MATIÈRES.
PHYSIQUE.
Sur un Mémoire de M. Auguste Olivier, sur l'application
des métaux par voie galvanique, par M. LADAME.
Sur une machine électro-galvanique, par M. MATTHEY.
Sur le peu de solidité du pe au RER ES par
M. GERBEL. .
Sur un mouvement doré sans mercure, par M. Dr
PIERRE.
PHYSIQUE DU GLOBE.
Sur le travail de M. Hopkins , sur l’état de la matière
à l’intérieur du globe, par M. Guyor.
Observations sur le même sujet, par M. L'ADANE.
L’ascension de Wetterhorn, par M. DESOR.
Sur la hauteur des principaux points du pays. par
M. d'OSTERVALD.
Sur la quantité d’eau qui s ‘échappe du ge inf leur
de l’Aar, par M. DESOR. à
Sur les rapports qui existent entre la 2 tition Mes él:
ciers et les reliefs généraux des Alpes, par M. DESOR.
Observations sur le même sujet, par M. AGAssIz.
Sur une chute de grêle, par M. PuRY. ;
Sur un phénomène atmosphérique , par M. PURY.
Sur différentes chutes de or à gros grains par
MM. NICOLET et PURY. jose
Sur les crevasses des glaciers , par M. Guvor
186
248
252
252
132
132
133
148
159
169
472
250
231
246
254
GÉOLOGIE.
Sur la constitution géologique delArgovie, par M. GRESSLY.
Sur la distribution des anciennes moraines de l’Allée
Blanche et du Val Ferret, par M. AGassiz.
Sur la formation des cirques dans les Alpes, par M. De
SORA Ie DAME A x ns
Discussion relative à ce . par MM. GuyoT et DESOR.
Sur un fait de superposition de roches observé en Ecosse
par M. Robertson, par M. AGAssIz. | .
Sur les progrès de l'étude du terrain er ratiqub par
M. Guxor.
Sur un filon croiseur d'aéphalte! par M. 6. PURS.
Observation sur le même sujet, par M. AGAssiz.
Sur les observations de M. Hommaire de Hell, sur la
salure des lacs qui entourent la Caspienne, par M. DE-
SORA Le F0: 0/0 NL 0U6e 910) MSMOTION 1e
Observations sur le même sujet, par MM. AGassiz et
GUYOT. :
Sur deux coupes adolosiquess EU M. NICOLET.
Sür le terrain erratique (Appendice), par M. GuYoT .
PALÉONTOLOGIE.
Sur des dents de Paléotherium, par M. DEsor.
Sur limportance de l'étude des animaux fossiles par
M. AGASSsIZ. .
Sur les Crinoides faites de la See ! gai M. DrSOR.
BOTANIQUE.
Sur la linaire des Alpes, par M. NICOLET. :
Sur deux plantes rares du Jura, par M. DEPIERRE. ;
ZOOLOGIE.
Sur une collection de coquilles de M. Albert Pourtalès ,
par M. AGAssiz.
141
— 263 —
Sur les vers intestinaux , par M. CASTELLA. .
Observations sur le même sujet, par M. AGASsIZ.
Sur les métamorphoses des animaux des classes infé-
rieures , par M. AGASSIZ. ;
Sur la distribution géderaphique. dés animaux et de
l'homme, par M. AGASSIZ.
Sur les Diptères, par M. COULON , pète:
Sur les Araignées, par M. GUILLEBERT.
Sur les Becs fins et les Ber : (Motacilla), par
M. A. VouGA. !
Sur un jeune loup ds à la codés! bé M. Nicesxn,
Sur trois nouvelles espèces de Podurelles, par M. H. Ni-
COLET.
ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE.
Sur le cerveau des Poissons, par M. AGASsIZ.
Sur les recherches récentes de M. Milne Edwards sur la
circulation du sang chez les RSA gant es ;
par M. AGassiz .
Sur les recherches de M. de astra ages, sur lé PE
du canal alimentaire chez un certain nombre d’articu-
lés et de mollusques , par M. AGASSIZ.
Travaux de J. Müller sur les Poissons , par M. déassiz)
Sur la structure des dents, par M. BASSWITZ.
CHIMIE ORGANIQUE.
Résumé des expériences de MM. Villefranche et Barres-
wil, sur l'acidité du suc gastrique, par M. LADAME.
Sur la digestion des alimens féculens et sucrés d’après
lesexpériences de MM. Bouchardat et Sandras, par M. LA-
DAME
142
142
156
162
182
201
208
239
241
147
180
182
189
253
195
HYGIÈNE, PATHOLOGIE, MÉDECINE ET CHIRURGIE.
Sur l'influence fâcheuse de la dorure au feu, sur l’orga-
nisme ; par M. BOREL. : 4 1, 0,0, . 435 et443
er us
Sur les doreurs affectés de salivation et de tremblemens
mercuriels, par M. CASTELLA.
Observation à ce sujet, par MM. Dao: et DUBoIs,
Remarque au sujet de la communication de M. AGAssiz,
sur les métamorphoses des animaux des classes inférieu-
res , par M. CASTELLA.
Sur le séjour prulogé d'un os so el ten
M. CASTELLA. . . 3 2 AY. AISSTERE RÉ
Sur une hernie avanglée piénée avec succès par M. Cas-
TELLA. :
Sur un cas de space tsliqués ph M. Casreni.a:
Observation sur le même sujet, par M. BOREL.
Sur l’huile de foie de morue , par M. PuRY. .
Sur un état spasmodique des doigts, par M. DuBois.
Observation sur le même sujet , par M. DROZ.
Remarque de M. DuBois.
Remarque de M. CASTELLA.
Sur les empoisonnemens occasionnés * Fr Sclado
par M. DuBors.
Sur un accouchement 7 Es AA par M. DuBois.
Sur le spasme des écrivains (extrait), par M. PURY.
Remarque à ce sujet, par M. DuBors.
Sur deux calculs rénaux, par M. NICOLET.
Remarque à ce sujet, par M. PURY.
Sur le trismus (extrait), par M. PURY.
Observation à ce sujet, par M. DROZ.
Réfutation de l'opinion de M. Castella, RE à
la cause à laquelle il faut attribuer les tremblemens mer-
curiels , par MM. PuRY et DUCOMMUN.
Sur un appareil appelé 7 telnet PM ais M. Du
COMMUN. :
Sur un cas d'empoisonnement mercur sël, due M. DuBois.
Sur un moyen d’examiner la pureté de l'air dans les
ateliers de dorure, extrait d’une note de M. Gænsli, par
M. PuRY. F'AE
Sur les fièvres Had par M. PURY. CT
150
238
4159
A71
174
185
185
223
226
228
229
155
229
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233
233
234
234
235
256
237
237
239
243
Æ, US
Observation sur le même sujet, par MM. DROZ et DE-
PIERRE.
Sur une opération Fille \E saphir isS: jar M. Bis
WITZ. 16 ARTE
ÉCONOMIE RURALE ET DOMESTIQUE.
Sur l'épuisement des sols par la culture, par M. La-
DAME. :
Sur le guano, par N. AGASSIZ.
Observation sur le même sujet, par M. DESOR. à
Sur l’écorce des troncs de sapins coupés, par L. Cou-
D US Ne
Sur le moyen de faire arriver une plus grande quantité
d’eau à la Chaux-de-Fonds , par M. NICOLET.
Sur le danger d’habiter des maisons fraichement bâties,
par M. JEANNERET. .
196
156
155
166
240
247
FAUTES A CORRIGER.
Page 154, lisez : Séance du 8 janvier 1845.
» 485, ligne 14, au lieu de sur la laquelle : lisez : sur laquelle.
BULLETIN
DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES NATURELLES
DB NEVGCERITER.
APPENDICE.
——"> 0 00 æ— -
OBSERVATIONS SUR LE PASSAGE DE LA NEIGE FARINEUSE A
LA NEIGE GRENUE ET DE CELLE-CI A LA GLACE COM-—
PACTE , SUIVIES D'APPLICATIONS A LA THÉORIE DES
GLACIERS (°).
PAR
H. LADAME.
Les observations qui font le sujet de cette note ont été
faites pendant l’hiver 1841 à 1842.
Notre lac est bordé, à l’est du gymnase, par une ran-
gée de forts piquets, dont le pied n’est point baigné par
les eaux ; après une nuit où il tomba beaucoup de neige,
tous ces piquets étaient recouverts d’un chapeau épais de
neige qui surplombait sur les côtés. Le temps se rétablit
au beau, et la neige disparut bientôt de la campagne,
mais les piquets restèrent couverts de neige qui présen-
tait les caractères suivans:
1° La partie supérieure et horizontale était formée de
neige grenue dépassant les bords du piquet, et tenant
suspendus, à son pourtour, des glacons coniques de dit-
(*) Présentées à la Société des Sciences naturelles de Neuchâtel, le 17 mai
1845.
20
— 268 —
férentes longueurs , dont plusieurs avaient près de 0,8
de longueur.
29 De l'extrémité de ces cônes il tombait fréquemment
des gouttes d'eau; le glaçon tout entier était humide et
pénétré d’eau. Plusieurs de ces glaçons étaient soudés les
uns aux autres et constituaient ainsi des faisceaux plus
massifs, qui n’adhéraient au piquet que dans leur partie
supérieure.
30 La partie supérieure de ces cônes était formée de
neige grenue friable et peu tenace. La friabilité de la glace
diminuait et sa tenacité augmentait graduellement de
haut en bas jusqu'à son extrémité inférieure près de la-
quelle la glace était compacte et translacide.
4° Les glaçons recouverts par d’autres étaient plus
friables et moins tenaces que ceux qui étaient exposés à
l'action des rayons solaires.
D'après la description qui vient d’être faite de ces cô-
nes suspendus, on comprend qu'un effort très-faible de-
vait les détacher aisément du piquet ; leur poids seul dé-
terminait leur chute, lorsque par le progrès de la fonte,
la partie supérieure n'avait plus une tenacité suffisante.
5° La structure intérieure de ces stalactites glacés of-
frait à l'examen de la cassure, une série de pyramides
ayant leur sommet dans le voisinage de l'axe du cône et
leur base à l’extérieur. Les faces de ces pyramides étaient
conchoïdales: leurs bases, des portions de surfaces an-,
nulaires, ce qui donnait à la surface extérieure du gla-
con l’aspect d'un chapelet à grains inégaux; gros dans la
partie supérieure du glaçon, ils diminuaient peu-à-peu
de dimension jusqu'à l'extrémité inférieure.
60 La neige grenue du chapeau se prolongeait dans
— 269 —
l'axe du stalactite, où elle paraissait logée dans un four-
reau de glace; cette structure rayonnée et arrondie, n’est
pas particulière aux cônes glacés, on l’a déjà observée
dans les gros grains de grêle.
L'analogie de ces faits avec ceux que produit le terrage
du sucre est remarquable. On sait que cette opération
consiste à verser, sur la base d'un pain de sucre contenu
dans sa forme, un sirop concentré ou une boue argileuse.
L'eau s'introduit peu-à-peu dans la masse, dissout sur—
tout le sucre incristallisable et porte en même temps dans
les parties inférieures le sucre cristallisable ; ainsi tandis
que le sucre est grenu près de sa base, il est dur et so—
nore au sommet.
Pour expliquer les faits dont je viens de parler, nous
poserons d’abord les deux lemmes suivans :
1° Lorsqu'on dissout, ou qu'on fond une masse cris-
talline quelconque, les petits cristaux disparaissent les
premiers; c'est un fait d'expérience, que justifie d’ail-
leurs cette remarque, que les petits cristaux ont pro-
portionnellement une plus grande surface que les gros.
Car la surface croit comme le quarré des dimensions du
cristal, tandis que le volume ou la masse croît comme
le cube de ses dimensions.
2° Lorsqu'une cristallisation s'opère et qu'il existe de
petits et de gros cristaux, ces derniers croissent plus
rapidement que les petits, souvent même ce sont les seuls
qui augmentent de volume.
Appliquons maintenant ces principes.
Pendant l'observation des faits cités, le ciel était clair,
les nuits froides et les jours chauds. Déès-lors, nous
comprendrons que la fonte, commençant par les par-
— 2170 —
parties les plus fines de la neige, l'eau qui provenait de
cette fonte descendait dans le glacon réfroidi par l’action
de la nuit et se congelait autour des gros cristaux ; ceux-ci
grossissaient donc rapidement, ils se soudaient les uns aux
autres, et donnaient naissance à la glace compacte. Il est
manifeste que la formation de cette glace compacte devait
être d'autant plus prompte que la température du glaçon
élait tombée plus bas, ou que les alternatives de chaud
et de froid étaient plus fréquentes : ainsi les parties exté-
rieures , et celles qui étaient le plus exposées au rayon-
nement nocturne, et aux ablutions d'eau, devaient pas-
ser plus rapidement que les autres à l’état de glace com-
pacte.
Ces considérations expliquent par conséquent d’une
manière satisfaisante les faits indiqués dans les paragra-
phes 1,2,3et 4.
Essayons maintenant de nous rendre compte des for-
mes étoilées et arrondies décrites dans les Ç 5 et 6; à
cet effet rappelons quelques principes.
1° La forme cristalline de la glace est celle de pris-
mes hexagonaux, qui se soudent les uns aux autres sous”
des angles de 30, 60 ou 120°, ils prennent par-là la
disposition étoilée , rayonnant autour d’un centre.
29 La disposition en forme arrondie résulte d’une obli-
tération des cristaux; peu de mots sufliront pour le
faire comprendre. Une même substance peut présenter
des formes cristallines fort diverses; les unes régulières
et les autres irrégulières. Les premières peuvent être ra-
menées , en vertu des lois de symétrie, à une forme simple
élémentaire qu'on appelle forme primitive , type.
Les causes qui déterminent la grande variété des for-
— 271 —
mes cristallines régulières d’un corps sont encore peu
connues, M. Beudant indique (!) :
19 Le mélange mécanique de matières étrangères
qu'un corps entraîne en cristallisant.
29 La nature du liquide au milieu duquel la cristalli-
sation a lieu.
30 Les combinaisons en proportions variables que
peut faire telle ou telle substance avec celle qui cris-
tallise.
Quant aux formes irrégulières qui sont extrêmement
nombreuses et parmi lesquelles on compte les formes arron-
dies, M. Beudantles considère commele produit « des grou-
« pemens irréguliers , de certains mouvemens imprimés
« aux liquides chargés de particules matérielles, ou à la
« matière même réduite à l’état pâteux, de la résistance
« des milieux où les matières se consolident, de l’aggluti-
« nation des matières meubles, des solutions chargées
« de diverses substances, des incrustations sur des corps
« étrangers, du moulage des matières dans des cavités
« préexistantes; enfin des décompositions chimiques en
« vertu desquelles une matière se substitue à une ou à
« plusieurs autres » (?).
Dans ces paroles de M. Beudant , nous trouvons l’in-
dication de plusieurs causes qui ont pu agir pour donner
la forme arrondie à nos stalactites, mais dans le cas par-
ticulier qui nous occupe, il existe une autre circonstance
qui favorise singulièrement l’oblitération des cristaux.
Ce fait qu’on observe fréquemment dans les laboratoires,
(*) Minéralogie de Beudant , tome 1, page 16—189.
(*) Minéralogie de Beudant, tome 1, page 155.
— 272 —
est celui de la variation de température; si, par exemple,
on place dans un endroit où la température soit inva-
riable, une dissolution convenablement concentrée de
sulfate sodique, on obtient de grands et beaux cristaux,
mais si on la place dans un lieu où il y ait de nom-
breuses variations de température, les cristaux sont
courts, ils présentent beaucoup de facettes et prennent
ainsi la forme arrondie. Nous concluons de cette expé-
rience que les successions de fonte et de solidification dé-
terminent dans les cristaux une oblitération qui les ar-
rondit. Ce sont précisément là les circonstances dans les-
quelles se trouvait la neige de nos stalactites glacés.
Nous dirons donc pour expliquer leur formation que,
pendant la nuit et une partie du jour, le glaçon avait une
température plus basse que zéro, mais dés le lever du soleil
la fonte commençait dans la partie supérieure; l'eau qui
provenait de cette fonte, descendait dans la glace froide,
augmentait le volume des gros cristaux, et par la cha-
leur latente qu’elle dégageait, la température se relevait
à zéro; à mesure que de nouvelles quantités d’eau arri-
vaient, elles descendaient plus bas que les points où la
température était zéro, puis elle se congelait comme la
première. Les choses se passaient ainsi successivement,
et de proche en proche jusqu'à l'extrémité du glaçon ;
alors il arrivait en entier à zéro, et l’eau le traversant
de part en part tombait goutte à goutte de son extrémité,
mais le froid de la nuit survenant, l’eau dont le glacon
était pénétré se gelait, la température s’abaissait au-des-
sous de 0°. Le lendemain matin les phénomènes de la
veille se reproduisaient; c’est ainsi que peu-à-peu la
neige, changeait d’aspect et que par suite de sa forme
— 9273 —
cristalline, de ses congélations et fontes successives, elle
devait présenter la forme étoilée et arrondie.
Aprés avoir fait l'observation précédente et m'être
rendu compte des différens élémens qu’elle renfermait,
je me rappelai un autre fait bien connu des habitans des
montagnes.
À l'époque du printemps, lorsque la neige disparaît,
qu'elle fond par le beau temps, et qu’il ne reste plus que
quelques taches neigeuses sur le sol des campagnes, ces
petits amas de neige, qui ont à peine quelques pouces
d'épaisseur , présentent la constitution suivante :
La surface est formée de neige grenue et friable; au-
dessous se trouve encore de la neige grenue, mais elle
offre déjà une certaine tenacité et elle adhère avec force
à une troisième couche qui n’est autre chose que de la
glace, dont l'épaisseur a souvent à peine quelques li-
gnes. La résistance que cette mince couche de glace op-
pose à la rupture, est parfois si faible que le poids d’un
homme qui marche est suffisant pour la briser. Ce second
fait me paraît susceptible de recevoir la même explica-
tion que celui des stalactites.
Plusieurs corps solides peuvent changer de forme
cristalline, ou prendre une autre constitution molécu-
laire sans passer par l'état fluide. Les molécules éprou-
vent un déplacement lent; elles roulent les unes autour
des autres et se groupent d’une autre manière; c’est ainsi
que le sucre d'orge passe à l’état grenu et que l'arrago-
nite change de forme cristalline, et se transforme peut-être
en spath, par une simple élévation de température (‘).
(*) Beudant, minéralogie, tome 1, page 207.
— 274 —
Nous voyons aussi dans les phénomènes de la trempe
et du recuit, que plusieurs corps tels que l'acier, le
verre, le bronze, sont modifiés dans leur structure in-
time. La neige a-t-elle aussi cette propriété, c’est-à-dire,
les cristaux neigeux subissent-ils par le seul fait d’une
variation de température des changemens dans leurs for-
mes? c'est ce qu'on ne sait pas; mais il me semble que
les deux faits que je viens de rapporter, indiquent que
ces changemens de forme cristalline, proviennent d'une
oblitération des cristaux, due à des fusions et congéla-
tions successives. Quelques observations faites sur les
transformations du givre nous en fourniront une nou-
velle preuve.
Le givre, comme on le sait , se fixe sur les branches
d'arbres et les objets déliés en cristaux fibreux, placés sui-
vant des plans quelconques qui dépendent en général de
la direction du vent qui règne (!) pendant que le brouil-
lard le dépose. Son poids n’en détermine pas la chute,
parce que les parties de la neige adhérent entre elles et
avec l’objet qui les portent: mais ce qui est fort remar-
quable, c’est que le givre ainsi suspendu subit, par les va-
riations de température voisine de zéro, des modifica-
tions de structure en vertu desquelles il passe de l'état de
neige fibreuse à celui de neige grenue, et enfin il se
transforme en glace parfaitement limpide et transparente.
J'ai fait ces observations à la fin de cet hiver, pendant
lequel les brouillards qui ont régné si longtemps, ont
laissé sur tous les objets terrestres une abondante couche
(‘)Le dépôt de givre se fait toujours sur le côté des objets, frappé par le
vent, et non pas sur le côté abrité. Voir mes notes dans les Actes de la So-
ciété Helvétique des Sciences Naturelles, 4842 p. 205 et 1843, p. 291.
— 215 —
de givre. Dans l’origine le givre se présentait en lames
soyeuses ; plus tard il est devenu grenu et grossier; il
avait alors un aspect d'un gris sale, il se brisait aisé—
ment entre les doigts et se détachait facilement des ob-
jets qui le portaient. Plus tard enfin, à mesure que la
température s’est relevée, que les brouillards se sont re-
tirés et sont restés suspendus sur le flanc des montagnes,
le givre a disparu dans les parties basses, le long des
bords du lac, mais lorsqu'on s'élevait sur le côteau on le
retrouvait à l’état de lames glacées qui avaient conservé
la même position que le givre neigeux d'où elles prove-
naient. En recevant la lumière du soleil, elles brillaient
de mille couleurs; c'était d’un effet merveilleux.
Le givre avait subi ces diverses transformations sans
changer de place et sans se détacher des objets qui lui ser-
vaient de support; il n'avait pas cédé à l’action de son
poids; les lames glacées avaient cependant un volume
moins considérable, et moins de largeur que les lames pri-
mitives de neige. Cet état particulier du givre ne régnait
que dans une région étroite, au-dessus de laquelle le givre
avait encore son aspect grenu. À une hauteur plus
grande on retrouvait le givre dans son état primitif.
Cette position du givre glacé et grenu , à la limitedu
givre neigeux nous montre de la manière la plus évi-
dente, que la neige ne prend la forme grenue ou de
glace compacte , que près de son point de fusion, et que
la neige possède dans cette circonstance une propriété
cristallographique ou moléculaire fort remarquable, qui,
si je ne me trompe, n’a pas encore été remarquée au
même degré dans d’autres corps.
Il résulte des observations ci-dessus, celle des stalac-
— 276 —
tites, celle des taches neigeuses et celle du givre glacé:
1° Que dans certains cas la neige farineuse passe à
l'état de neige grenue et de ce dernier état à celui de
glace compacte.
29 Que ces transformations s’opérent sous l’influence
de variations de température dans le voisinage de la
glace fondante, de manière qu'il y ait successivement li-'
quéfaction partielle et congélation.
Quand la fonte de la neige a lieu par un dégel, sous
l'action d’une température constamment au-dessus de
zéro, ou sous celle de pluies chaudes, la neige disparaît
sans passer par ces diverses formes.
Une conséquence importante qu'on peut tirer de ces faits,
c'est que partout où nous trouvons de la neige grenue
ou de la glace provenant d’une masse de neige, il faut
en conclure qu’à l’époque où la transformation a eu lieu,
la température de la masse glacée s’est élevée et qu'au
terme de ces transformations , la température est zéro.
Les observations précédentes s'appliquent de la ma-
nière la plus évidente, au grand phénomène des glaciers
dont la structure rappelle celle des stalactites, des taches
neigeuses et du givre grenu passant à l'état de glace com-
pacte. Cependant, dans l'application que nous allons faire à
leur théorie des principes auxquels nous sommes arrivés
tout à l'heure, nous n'oublions pas qu'ici les phénomènes
se passent en grand et sous l'influence de circonstances
très-variées. Nous sentons que nous devons être très-
prudent dans les déductions et nous voudrions que l'on.
considerât les conséquences que nous allons tirer comme
des prévisions de la théorie plutôt que comme l’expres-
sion rigoureuse des faits.
|
— 2711 —
Dans les considérations qui suivent, nous donnerons
d’une manière générale, le nom de glacier à toutes les masses
glacées qui résultent de la transformation de la neige. Ainsi
le névé aussi bien que la glace plus ou moins compacte
sera pour nous un glacier.
On trouve dans la partie supérieure des glaciers la
neige grenue ou le névé, et la glace plus ou moins com-
pacte dans leur partie inférieure.
L'étude des glaciers nous apprend qu'ils sont le ré-
sultat de la transformation de la neige en névé, et du
névé en glace plus ou moins compacte. Nous en conclu-
rons immédiatement qu'ils se produisent sous l'influence
d’une température voisine de zéro, et que tous les chan-
gemens qu'ils subissent s’accomplissent, en totalité, pen-
dant la saison chaude, à l’époque de la fonte. La chaleur
est donc la cause principale de la formation des glaciers
et la source des faits nombreux qu'ils présentent.
Dés-lors la connaissance des propriétés calorifiques de
l'eau , dans ses divers états solide, liquide, gazeux, est
de la plus haute importance pour la théorie des glaciers.
Lorsqu'on s'occupe des glaciers en les considérant dans
leur masse, il suffit de tenir compte des propriétés de
l'eau solide et liquide. Pour les phénomènes superficiels ,
il faut, de plus, avoir égard aux lois de son état élastique.
L'eau liquide se solidifie généralement à zéro, mais
quand elle est pure, en repos, et qu’elle est renfermée dans
des vases à surface polie, elle reste liquide bien au-des-
sous de cette température.
La glace fond toujours au même degré de chaleur;
c'est le point de glace fondante, le zéro de nos thermomé-
| tres: la température de la glace n’est par conséquent ja-
| mais supérieure à zéro, mais elle peut comme dans tous
Il
— 218 —
les autres corps s'abaisser à un degré quelconque au-
dessous.
Nous prendrons 0,9 (‘) pour la densité de la glace et
79, (©) pour sa chaleur latente ; sa conducibilité et sa dia-
thermanéité, qui sont certainement srès-faibles, sont in-
connues. Nous admettons que sa capacité, qu'aucune ex-
périence n’a fixée, est égale à celle de l’eau.
Cela posé, nous examinerons le glacier dans deux cir-
constances différentes, celle où il a une température in-
férieure à la température du milieu ambiant, et celle où
sa température est supérieure.
Prenver cas: la masse du glacier a une température
inférieure à celle de l'air.
Il existe alors trois causes de réchauffement pour le
glacier.
= {0 La conducibilité ; la couche d'air en contact avec la
surface glacée lui donne sa chaleur et celle-ci se transmet
peu-à-peu dans l'intérieur.
20 La diathermanëéité ; la chaleur extérieure, sous
forme rayonnante, pénètre à une certaine profondeur
dans la glace.
Ces deux modes de réchauffement appartiennent à
tous les corps solides, ils ne produisent d'effets sensibles
que près de la surface, ce n’est qu'après un temps consi-
dérable, qu'ils peuvent avoir de l'influence à une pro-
fondeur notable. On peut juger de leur peu d'action en
remarquant que pour notre lâtitude, il ne faut pas moins
de six mois pour que le froid de l'hiver, ou la chaleur
({) Annuaire du bureau des longitudes.
(?) D’après MM. de la Provostaye et Desains. Annales chimique et phy-
sique , 3° série, tome VIII, page 5, et Regnault, ibid., page 19.
F4
— 279 —
de l'été se fassent sentir à la profondeur de vingt-quatre
pieds, et qu’à quatre-vingts pieds, les variations annuelles
de température sont tout-à-fait insensibles. Remarquons
néanmoins que dans ce cas, la diathermanéité du sol ne
joue aucun rôle, puisque la terre ne possède pas cette
propriété.
3° La seule cause de réchauffement du glacier réelle-
ment énergique, résulte de l'introduction de l’eau dans
sa masse, ce qui a lieu lorsque la température extérieure
est au-dessus de zéro; car alors il y a fonte à la surface
du glacier.
Un exemple mettra en pleine évidence , l'efficacité de
ce moyen de réchauffement.
Supposons un glacier couvert -d’eau, cette eau sera
nécessairement à zéro, ainsi que la surface de la glace,
à mesure que l’eau descendra dans l’intérieur du glacier,
elle se congélera dans les points où la température est
au-dessous de zéro. Cette congélation, marquera un
nouveau degré dans le développement du glacier: s’il
est à l'origine de sa formation , et qu’il ne consiste encore
qu'en une masse neigeuse, la neige passera à l’état de
névé ; s'il est déjà arrivé à ce dernier état, le névé de-
viendra de la glace plus ou moins compacte. Dans tous
les cas, le glacier augmente de poids et de volume. Ces
transformations se poursuivront ainsi de proche en proche
dans toute l'étendue du glacier, jusqu'à ce que par une
conséquence de ces congélations successives, la masse
entière du glacier soit arrivée à zéro , alors, l’eau l'im-
bibera en totalité et sortira enfin par sa partie inférieure.
La chaleur latente, dégagée par un mètre cube d’eau
qui se congèle est égale à 79000 calories ; elle est suf-
— 280 —
fisante pour élever de un degré quatre-vingt-huit mètres
cubes de glace.
Ce qui caractérise ce mode de réchauffement, c’est
son action sur l'intérieur même du glacier à des pro-
fondeurs quelconques, tandis que les deux premières
causes cilées ne se font sentir qu'à la surface et n’agissent
que peu ou même pas du tout dans la profondeur.
Second cas : le glacier a une température supérieure à
celle du milieu ambiant.
Puisque le glacier n’a jamais une température supé-
rieure à la glace fondante, l’air sera nécessairement au—
dessous de zéro. Dans cette circonstance le glacier ne
peut que se refroidir. Nous remarquerons qu'il existe
deux cau:es de refroidissement, correspondant aux deux |
premières causes de réchauffement qui ont été indiquées
dans le cas précédent, ce sont la conducibilité et le rayon-
nement intérieur ou la diathermanéité ; mais comme on
l'a dit, ces causes sont très-peu puissantes, et la tempé-
rature du glacier restera constante à une faible profon-
deur , à moins que le temps pendant lequel s'exerce l'ac-.
tion refroidissante ne soit extrêmement long (*). i
() Depuis la rédaction de ce mémoire, j'ai reconnu , en réfléchissant
sur les causes des variations de température de l’intérieur des gla-
ciers, que l'introduction de l’air dans le glacier devait agir , aussi
pour modifier sa température. Lorsque le glacier n’est pas plein d’eau
et qu’il est poreux, il existe un mouvement de l'air qui le porte soit
de l'intérieur à l’extérieur, quand le baromètre descend; soit de
Pextérieur à l’intérieur, quand le baromètre monte. De plus, quand
le glacier a une grande étendue et qu’il occupe des niveaux très-dif=
férents , il s’établit des courants d’air tantôt descendants, tantôt ascen=
dants; or ces courants, qui sont dus à des différences de pression at
mosphérique, peuvent aussi s’établir, quoique très-faiblement, dans lin
— 281 —
Pour résumer cette discussion nous dirons, qu'il existe,
quant à l'intérieur du glacier, trois causes de variations
de température, dont deux agissent tantôt dans un sens
tantôt dans l’autre ; ce sont la conducibilité et la diather-
manéité, la troisième, est due à la chaleur latente que dé-
gage l'eau en se congélant. Cette dernière agit toujours dans
le sens du réchauffement ; elle diffère encore des autres
en ce que son action s'étend à toute la masse du glacier
et jusqu'aux plus grandes profondeurs, tandis que les
deux premières n'ont qu’une action superficielle, et sont
peu énergiques.
Nous conclurons de ces faits les propositions suivantes :
1° Lorsqune masse de glace ou de neige est placée
sous des conditions climatériques telles que la tempéra-
ture superficielle s'élève par intervalles au point de fu-
sion, les causes de rechauffement du glacier sont plus
actives que les causes de refroidissement.
térieur du glacier. Pour que ce mouvement ait lieu, les pores du gla-
cier doivent être vides, (comme je l’ai dit tout à l’heure) ce qui n’ar-
rive qu’en hiver et par les temps froids; d’où il résulte que cette
cause de variation de température pour l’intérieur du glacier, est en
général une cause de refroidissement. Cependant cette action est très-
faible; car prenant les conditions les plus favorables; supposons le
glacier à zéro et l’air à 20°, la capacité de l'air pour la chaleur
étant égale à 0,27, il faudrait 155 mètres cubes d’air à 760" de force
élastique, pour abaisser de 1° un seul mètre cube de glace.
Si nous considérons la grande quantité d’air qui serait nécessaire pour
refroidir le glacier d’une manière sensible , la résistance que le glacier
oppose au mouvement de l’air dans son inférieur, et enfin la grandeur
des variations de la pression atmosphérique, qui, à cette hauteur, est tou-
jours plus petite que dans la plaine, on en intérera sans aucun doute,
que cette cause refroidissante est très-limitée dans son action, et qu’elle
| sera surtout très-faible pour ne pas dire nulle, dans les parties les plus
compactes du glacier, c’est-à-dire dans les régions inférieures.
— 282 —
20 Les parties d’un glacier pénétrées d'eau à une grande
profondeur sont à zéro, et se maintiennent à cette tempé-
rature pendant toute l'année. Le froid de l'hiver, congèle
le glacier dans tous les points de son pourtour extérieur
et la glace acquérant par le froid une grande dureté ('),
l'intérieur est contenu dans une enveloppe résistante,
qui soude au sol le glacier par ses bords, et ne laisse à
la masse entière qu’un mouvement très-faible de dilata-
tion superficielle, due à la congélation lente de l'eau. Le
glacier , à cette époque, est fermé.
3° Dans ces mêmes points , le mouvement du glacier
pendant l'été n'est point dû à la congélation de l’eau , (car
elle ne peut avoir lieu, puisque nous admettons que le
glacier est rempli d'eau, et par conséquent qu'il est à
zéro) mais bien à l’action de la gravité qui fait descendre
le long des pentes la masse spongieuse et pleine d’eau
du glacier.
4° Lorsque le glacier est ainsi arrivé à zéro dans sa
masse , les froids intenses et prolongés des hivers longs
et rigoureux n'abaissent pas sensiblement la tempéra-
ture du glacier, qui d’ailleurs, pendant cette saison, est
recouvert d'une couche préservatrice de neige; dès-lors,
la chaleur de l’été sera presque exclusivement employée
à fondre la glace, et à faire disparaître le glacier.
L'étendue des glaciers, et leur prolongement dans les
(!) On construisit à Saint-Pétersbourg, en 1740, des canons de
quatre pouces d’épaisseur et des mortiers en glace d’un calibre égal
à ceux de bronze; on chargea les canons de douze onces de poudre
chacun; l’explosion fut très-fortes le boulet de l’un d’eux perça une
planche épaisse de deux pouces, et aucun de ces canons ne creva.
Près de zéro la glace est tendre, friable et poreuse.
— 283 —
vallées dépend de plusieurs conditions, mais les réflexions
précédentes nous font voir que la limite inférieure des
glaciers peut être placée dans des points dont la tempé-
rature moyenne diffère notablement de zéro; car, ainsi
que je viens de le dire, le froid de l'hiver qui abaisse
beaucoup la température moyenne, n’a que peu d’in-
fluence sur les glaciers. Dans les pays où les hivers sont
longs et froids, la limite inférieure des neiges éternel-
les (1) correspond à des points qui ont une température
moyenne beaucoup plus basse, que dans les localités où
cette circonstance ne se présente pas. C’est ainsi que nous
expliquerons ce fait fourni par l'observation, que, dans
les hautes latitudes , les neiges éternelles se terminent en
des points où la température est de 2°, 30, 40, 50, et
même 6° au-dessous de zéro, Réciproquement, si les hi-
vers, quoique longs, ont une température près de zéro
et que l'atmosphère soit humide, (ce qui arrive fréquem-
ment dans nos climats) les neiges sont abondantes et ne
disparaissent pas en totalité par les chaleurs de l'été, à
moins qu'elles ne soient intenses et prolongées. Les gla-
ciers se maintiennent alors dans des points dont la tem-
_pérature moyenne est de plusieurs degrés au - dessus
de la glace fondante. On comprend également que la
configuration du sol, aussi bien que les circonstances
météorologiques, sont plus ou moins favorables à la pro-
longation ou au retrait des glaciers. Je reviendrai bientôt
sur ce sujet.
Les observations diverses que nous venons de faire,
(*) Cette limite n’est pas la même que celle des glaciers; mais il
existe une liaison entre ces deux limites, qui fait que lorsque l’une
s'élève , il en est en général de même de l’autre.
24
— 284 —
sont relatives à la partie du glacier qui est à zéro. Dans
cet état, le glacier ne subit pas d’autres modifications
que celles qui résultent de son mouvement; il ne s’accroit
plus, si ce n'est près de la surface par la congélation de
l'eau. Il est arrivé à la fin de son développement, 1l ne
peut que fondre. Les glaciers disparaîtraient par consé-
quent bientôt, s'il n’y avait pas une cause constante de
leur production, dans les neiges qui s'accumulent en
grande quantité dans les parties supérieures des mon-—
tagnes et dans les vallées. Ces neiges ont généralement
une température très-basse, et à mesure que l’eau, résul-
tant de la fonte superficielle descend dans l'intérieur,
elle se congèle en donnant naissance au névé et à la
glace.
Les phénomènes qui ont lieu dans cette fpartie du
glacier sont beaucoup plus complexes que ceux que nous
avons analysés précédemment, car il est évident que la
formation et la constitution des glaciers dépendent d’un
grand nombre de circonstances. La quantité de neige tom-
bée, sa température, la durée plus ou moins grande des
causes refroidissantes et réchauffantes, leur intensité, les
alternatives plus ou moins nombreuses de chaleur et de
froid, la sécheresse et l'humidité de l'air, la latitude, la
hauteur au-dessus de la mer, la puissance des chaînes de
montagnes, leur élévation, leur configuration, les vents
régnans et l’époque à laquelle ils soufflent : tous ces élé-
mens et plusieurs autres, sans doute, ont de l'importance
dans cette question, et agissent sur la formation, l'étendue
et même la structure des glaciers. Si la neige, par exemple,
a une température voisine de zéro, le glacier sera beaucoup
moins compacte; il sera friable et présentera peu de soli-
— 285 —
dité; car l’eau qui pénètrera dans la masse neigeuse, élé-
vera sa température à zéro, avant que les grains de névé
se soient soudés les uns aux autres pour former de la
glace compacte. C'est peut-être le cas des glaciers équa-
toriaux ; si la neige a au contraire une température très-
basse, la surface du glacier se consolidera rapidement,
l'eau ne s'introduira que lentement et avec peine dans
l'intérieur, le glacier sera moins homogène; ce sera le
cas des hautes latitudes.
Ce sont donc les latitudes moyennes, les zônes tempé-
rées, qui me paraissent le plus avantageuses au dévelop-
pement des glaciers. Remarquons enfin, que la neige ne
tombe en grande quantité que par des températures voi-
sines de zéro ; à 10° et au-dessous, l'atmosphère contient
si peu d’eau, que les froids, même les plus intenses, n’en
séparent que quelques particules glacées. Des brouillards
sont souvent alors le seul effet qui résulte du froid, c’est
le phénomène que nous présentent les zônes glaciales.
D'autre part, la quantité d'eau contenue dans l'atmosphère
diminue rapidement avec la hauteur ; à des hauteurs con-
sidérables, il ne tombe plus ni eau ni neige. Dans la zône
torride, les neiges éternelles sont à une grande élévation ;
ce qui est aussi une condition défavorable pour la forma-
tion des glaciers. Nous concluons encore de ces considé—
rations, que les zônes tempérées renferment le plus grand
nombre de conditions favorables à l'existence des glaciers.
Il en est de même des climats humides et maritimes, comme
nous l’avons déjà dit et comme le prouvent les glaces po-
laires de l’hémisphère austral.
L'étude des glaciers a pris un intérêt bien grand, de-
puis que, par les recherches faites sur le grand phéno-
— 286 —
méne erratique, on est arrivé à penser que les glaciers
ont eu, à une certaine époque, une étendue prodigieuse.
Quelles sont les conditions climatériques qui ont été
réunies pour amener ce résultat? Telle est la question
que la connaissance des conditions d'existence des gla-
ciers est appelée à résoudre.
BULLETIN
DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES NATURELLES
DB MEDIA UESERL
te 0 © © em——
Mémoire hygiénique sur la dorure au feu des pièces de mon-
tres dans le canton de Neuchâtel; par le D' Borel, M.
D. P., lu dans les séances du 20 novembre et du 4 dé-
cembre 1844.
Notre gouvernement a été informé , que des cas graves
de tremblement mercuriel avaient eu lieu assez fréquem-
ment en 1841 et 1842 dans plusieurs ateliers de dorure
au feu des montagnes de notre pays. Cette circonstance
l'a engagé à consulter à ce sujet la commission de santé
attachée au département de l'intérieur, et sur la propo-
sition de celle-ci, il a nommé un comité de trois membres
pour faire une enquête hygiénique sur l'industrie de la
dorure au feu appliquée à la fabrique d'horlogerie de nos
Montagnes. bri9
Ce,comité composé de Messieurs Ladame, professeur
de physique et chimie à Neuchâtel , Olivier Quartier,
négociant en horlogerie au Locle, et Borel D' en mé-
decine, médecin du Roi et rapporteur, a été particulié-
rement chargé : 1° De visiter tous les ateliers de dorure
au mercure actuellement existant dans les juridictions
29
— 288 —
du Locle, de la Chaux-de-Fonds, des Ponts et des Bre-
nets. De s'assurer notamment : a) Si l'appareil imaginé
par. M. Darcet (ou tout autre appareil construit d’après
les principes de ce savant, y était en usage ou non. b) Si
le canal d'évaporation des vapeurs mercurielles était isolé,
ou s'il était commun avec d’autres conduits de chambre
ou de cuisine. c) Si les ouvriers mangeaient ou cou-
chaïent dans les chambres-où se font les différentes opé-
rations de la dorure. d) Depuis combien de temps cha-
cun des ouvriers exerçait la profession de doreur..e) Enfin,
quel était leur état de santé. 2° De faire un rapport au
conseil d'Etat sur cette enquête. 3° De soumettre à sa
sanction un règlement, pour prévenir autant que pos-
sible, les dangers de la dorure, et auquel tous les do-
reurs seraient tenus de se conformer. Le comité d’en-
quête a consacré cinq jours à visiter les ateliers de dorure
dans les juridictions de nos montagnes. Les notes que
nous avons recueillies touchant les observations faites
directement par nous-mêmes, et sur les renseignemens qui
nous ont êté fournis par les doreurs, ont été prises dans
les ateliers. mêmes et transcrites sur place dans un re-
gistre, d'après un plan que nous nous étions tracé d’a-
vance, afin de n'omettre aucun objet important.
J'ai pensé que notre société des sciences naturelles en-
tendrait peut-être avec intérêt les résultats de l'enquête
dont il s’agit, et dont les détails ont été soumis au Con-
seil. d'Etat. Le comité d'enquête a eu connaissance de
63 ateliers répartis comme suit :
Cu
28 dans la juridiction du Locle.
30 dans celle de la Chaux-de-Fonds.
3 dans celle des Ponts.
2 dans celle des Brenets.
763 (). De ce nombre d'ateliers, nous n'avons pu en vi-
siter que 61 , à cause de l'absence des propriétaires.
Tous ces ateliers étaient exclusivement occupés à la
dorure des petites pièces en laiton destinées aux montres.
Dans aucun on ne dorait de grandes pièces en bronze,
comme ornemens de pendule ou autres objets de ce genre,
La dorure au mat n'avait lieu que dans deux ateliers de
la Chaux-de-Fonds, ateliers où l’on donnait aussi aux
objets dorés les teintes d'or moulu, d'or rouge, etc (?).°
La dorure au feu se compose en général d'une suite
d'opérations qu'il est nécessaire de rappeler ici, en peu
de mots, pour la parfaite intelligence de ce qui va suivre.
Pour dorer le laïton ou le bronze au feu , au moyen du
mercure , les doreurs commencent par exposer à l’action
de la chaleur les pièces destinées à la dorure; cest ce
qu'on appelle l'opération du recuit. Ces pièces ainsi re-
cuites, sont ensuite soumises à l’action des acides sulfu-
rique et nitrique; par celte opération, qui a reçu le nom
de dérochage ou décapage , on leur enlève la légère couche
d'oxide métallique dont elles se sont recouvertes par la
première opération. Cela fait, on applique sur elles Ya-
malgame d'or et de mercure, après les avoir préalable-
. () Nous avons appris depuis, qu’il existait un ateliér de doreur peu con-
-sidérable x la Sagne et deux aux Planchettes. !
(©) Depuis notre visite des ateliers, nous avons été inférmés qu’il yayait
à la Chaux-de-Fonds un individu qui s’occupait à la dorure des grandes
pièces , des bronzes, etc.
: — 290 —
ment enduites d'une solution de nitrate acide de mercure,
ou en délayant l'amalgame avec cette liqueur mercurielle.
Les pièces recouvertes d'amalgame, sont ensuite expo-
sées à l’action du feu, qui fait volatiliser le mercure ; c’est
ce que les doreurs appellent passer au feu. Après cela,
elles sont mises en couleur ; quand la mise en couleur a eu
lieu, on les lave, puis on les frotte avec un pinceau en
fil de laiton, auquel on donne le nom de gratte-bosse,
trempé dans de l’eau acidulée d'acide nitrique ou de vi-
naigre, ou d'eau dans laquelle ont macéré ou euit des
marons d'Inde räâpés, ou d’autres substances encore. Cette
dernière manipulation, qui s'appelle le gratte-bossage, ter-
mine les différentes opérations de la dorure au feu.
Voici quelle est en général la manière dont les doreurs
de nos montagnes procèdent à ces diverses opérations,
autant que nous en avons pu juger, par Ce que nous avons
observé nous-mêmes, et par les renseignemens. qu'ils
nous ont donnés.
Du recuit.
Pour cette opération, à laquelle plusieurs d’entr'eux
donnent le nom d'opération de détendre, nos doreurs pla-
cent les pièces de laiton, les uns sur des charbons allu-
més, les autres simplement sur des braises couvertes de
cendres. Au bout d'un temps plus ou moins long, ils les
retirent du feu, au moyen de longues pinces qui avaient
déjà servi à les y placer. Puis, quand les pièces recuites
sont refroidies, ils les mettent dans l’eau et les séchent
ensuite, ou les essuyent avec des chiffons. Les très-pe-
tites pièces de montres, telles que les balanciers, ne sont
pas soumises à l'opération du recuit par plusieurs do-
— 291 —
reurs; les autres doreurs ne leur donnent qu'un très-lé-
ger recuit.
Dans. l'opération dont il s'agit, lorsque le laiton est
porté à une haute température, une partie de l'alliage
s'oxide à sa surface, et il se volatilise des oxides de cuivre
et de zinc. Ces émanations jointes aux gas qui résultent
de la combustion du charbon, peuvent avoir une in-
fluence très-nuisible sur la santé , en portant une impres-
sion délétère sur les organes de la respiration, si elles ne
sont pas entraînées promptement au dehors par un fort
courant d'air. Aussi, le recuit devrait-il toujours être pra-
tiqué au foyer de la hotte vitrée des appareils à passer
au feu. Cette mesure de précaution est mise en usage
par un assez grand nombre de doreurs de nos monta—
gnes. Elle est en vigueur dans 36 ateliers dont 18 au
Locle, 17 à la Chaux-de-Fonds et 1 aux Ponts. (Voy.
le tableau C annexé à ce mémoire). Elle devrait être obli-
gatoire pour tous les doreurs, et elle l’est devenue derniè-
rement par l'ordonnance de police rendue par notre gou-
vernement. Dans les 23 autres ateliers où cette opération
se fait, on la pratique au foyer de la cuisine et même
dans des chambres où l’on couche et où l’on prend les
repas; beaucoup de doreurs s’imaginant sans raison qu'elle
n'a aucune influence fàcheuse sur la santé.
Opération du dérochage ou décapage.
Le dérachage ou décapage des pièces à dorer ne se fait
actuellement, d’une manière générale, que dans un petit
nombre d'ateliers de nos montagnes. Cette opération, qui
était autrefois très en usage, ne paraît pas indispensable
pour la dorure de toutes les petites pièces des montres.
— 292 —
Beaucoup de doreurs n’y ont recours que pour les pièces
de laiton un peu grandes, comme les cuvettes et les plaz
tinies, se bornant à décaper les petites pièces avéc le nitrate
acide de mercure après le recuit, à les blanchir comme îls
disent. Nos doreurs donnent à l'opération dent il s’agit le
nom d'avivage. Dans aucun de leurs ateliers, on n’em—
ploie l'acide sulfurique pour cette opération. Elle se fait
en plongeant dans l’eau forte du commercé un peu af-
faiblie d’eau, les pièces qui ont été recuites, ou bien en les
frottant avec un pinceau imbibé de cet acide (1).
L'opération du décapage par l'acide nitrique est très-
dangereuse pour la santé. Elle donne lieu à un dégage—
ment considérable de vapeurs nitreuses , lesquelles affec-
tent fortement les poumons lorsqu'elle est faite sans pré-
caution, et qui ont à la longue l'influence la plus
pernicieuse sur ces organes, et favorisent singulièrement
le développement de la phthisie pulmonaire. Nos doreurs
connaissent fort bien les dangers qui accompagnent cette
opération ; aussi, dans presque tous les ateliers où elle
se fait, ont-ils la précaution de la pratiquer sous la hotte
vitrée de l'appareil où ils passent au feu. Lorsque le cou-
rant ascendant y est très-bon, et que les vapeurs ni-
treuses sont ainsi promptement entraînées au dehors par
le canal d'évaporation, l'opération cesse d’avoir des in-
convéniens pour la santé.
(*) Dans les ateliers de notre pays, pour soumettre les petites pièces des
montres aux différentes opérations de la dorure, on en fixe un certain
nombre sur de petites plaques carrées en laiton, percées de trous assez
rapprochés , afin d’opérer sur une certaine quantité de ces pièces à la fois,
et d'accélérer ainsi le travail. Dans un atelier que jai visité à Genève! et
où l’on tenait à dorer avec beaucoup de soin, toutes les pièces, mème les plus
petites , étaient manutentées isolément, et l’on ne s’y servait pas du petit
appareil dont il s’agit.
— 293 —
Préparation du nitrate acide de mercure vulgairement appelé
GAZ par les doreurs, et de son application.
Les doreurs de notre pays préparent leur nitrate acide
de mercure à froid. Ils mettent le plus ordinairement dans
une phiole, deux onces environ d'acide nitrique du com-
merce et une once de mercure ; lorsque l’action de l'acide
sur le métal est terminée, ils étendent la liqueur d’eau de
pluie. Nos doreurs auraient une liqueur mercurielle beau-
coup meilleure, et moins susceptible de donner lieu au
dégagement de vapeurs nitreuses, s'ils la préparaient
suivant les sages conseils que leur a donnés Darcet. Les
proportions d'acide et de mercure indiquées par ce savant
sont celles-ci :
Acide nitrique pur à 36° 41 parties.
Mercure purifié . . 10 parties.
On ajoute à la dissolution lorsqu'elle est terminée 50 à
96 parties d'eau distillée ou d’eau de pluie (Darcet. Art
de dorer le bronze. p. 36).
La préparation du nitrate acide de mercure donne lieu
à un dégagement considérable de vapeurs nitreuses , qui
portent de graves atteintes aux organes de la respira-
tion, lorsqu'elles sont respirées. Tous les doreurs con-
naissent les inconvéniens attachés à cette opération, qu'ils
regardent avec raison comme une des plus dangereuses
de leur profession. La plupart d'entr'eux font cette pré-
paration sous la hotte vitrée et au foyer de leur appareil
à passer au feu; quelques-uns la font à l'air libre sans
appareil préservateur ; dans le plus petit nombre des ate-
hers, elle a lieu sous le manteau de la cheminée de la
cuisine, ou d'une cheminée adhoc, sans appareil préser-
valeur.
— 294 —
L'application du nitrate acide de mercure sur les pe-
ites pièces des montres, précède toujours celle de l’amal-
game d'or et de mercure. Les doreurs de notre pays lui
donnent le nom d'opération de blanchir, sans doute à cause
de la couleur que prennent les pièces qui y sont sou-
mises. Elle ne se fait pas de la même manière dans tous
les ateliers. Dans les uns, on blanchit (c’est l'expression
consacrée par les doreurs), on blanchit les pièces à do-
rer, en les plongeant dans le nitrate acide de mercure
étendu d’eau de pluie; dans les autres, on les frotte avec
un pinceau imbibé de cette liqueur. Dans quelques ate-
liers, et surtout à la Chaux-de-Fonds, nous avons vu
appliquer la liqueur mercurielle avec l'instrument en cuivre
amalgamé, dont on se sert pour l'application de l'amal-
game d'or et de mercure. — L'opération de blanchir ‘est
infiniment moins nuisible à la santé que celle du déca-
page par l'acide nitrique, en ce qu’elle ne donne lieu
qu'à un dégagement très-peu considérable de vapeurs ni-
treuses, lorsque le nitrate acide de mercure est bien pré-
paré, suivant le procédé de Darcet; mais, si cette liqueur
est mal préparée, avec une dose trop faible de mercure
et avec de l'acide nitrique impur et contenant beaucoup
d'acide sulfurique ou d'acide hydrochlorique, son emploi
est presque aussi dangereux que celui de l'acide nitrique.
Cependant, lors même qu’elle est bien préparée, elle peut
avoir à la longue une influence fâcheuse sur les organes
de la respiration , lorsque l'opération de blanchir est faite
sans précaution, comme nous l'avons vu exécuter dans
un atelier de la Chaux-de-Fonds. La plupart de nos do-
reurs font cette opération sous la hotte vitrée de leur lan-
terne; de cette manière, elle ne peut en aucune façon
compromettre la santé.
De la préparation de l'amalgame d'or et de mercure et de
son application.
La préparation de l’amalgame d'or et de mercure se
fait en mêlant, dans ün creuset chauffé au rouge, et
placé sur des charbons ardens, une certaine quantité
d'or laminé coupé en petits morceaux, et de mercure.
Nos doreurs font ordinairement ce mélange dans la pro-
portion de l'or d’un ducat de Hollande pour une once de
mercure coulant; c'est-à-dire qu'ils emploient à peu près
une partie d'or et 8 de mercure. Cette quantité d'amal-
game sert à couvrir les pièces de 6 à 18 montres, sui—
vant l’épaisseur de la couche d'or qu'on leur destine.
Lorsque la combinaison est opérée, on verse l’amalgame
dans de l’eau, et on le lave en exprimant le mercure ex-
cédant qui peut s’en séparer (!). Pendant que les deux
métaux se combinent dans le creuset, l’action de la cha-
leur donne lieu à une évaporation considérable de mer-
cure, ce qui rend cette préparalion très-nuisible à la santé.
Lorsque ces vapeurs mercurielles sont respirées, ou lors-
qu'elles sont simplement en contact avec la surface du
corps, elles produisent les plus fàâcheux effets, et donnent
lieu très souvent au tremblement convulsif et aux autres
Symptômes de l’intoxication mercurielle. Pour prévenir
ces graves accidens, il est nécessaire que la dissolution
» . .
de l'or dans le mercure se fasse sous un appareil à hotte
(”) Pour éviter toute perte de mercure et toute cause d’insalubrité , Tin-
gry a proposé de préparer l’amalgame d’or dans une phiole ou dans un petit
matras (Mém. de la soc. établie à Genève pour Fencouragement des
arts T. 1).
— 296 —
vitrée, dont le tirage soit trés-bon, et assez fort pour
entraîner promptement et en totalité les vapeurs mercu-
rielles par le canal qui doit leur donner issue, de ma-
nière qu'il ne puisse pas s’en répandre dans l'air que les
ouvriers respirent. On conçoit par ce qui vient d'être dit,
les dangers attachés à la préparation de l'amalgame d'or
et de mercure, lorsqu'elle se fait sous le manteau d’une
cheminée de cuisine. Exécutée sous des. conduits com-
muniquant avec d’autres cheminées de la maison, cette
préparation n'offre pas moins de dangers. Les Annales
d'hygiène publique et de médecine légale ont fait connaître
un fait remarquable rapporté par Darcet, où toute une
famille d'artisans fut affectée d'intoxication mercurielle
très-grave , causée par les vapeurs mercurielles échappées
de l'atelier d’un doreur, par un conduit s’ouvrant dans
la cheminée où aboutissait le canal du poële qui servait
à chauffer la chambre de l'artisan (').
La préparation dont il s’agit, faite à l'air libre, sans
précaution et trop près des lieux habités, peut égale-
ment avoir des effets fâcheux.
Le tableau D, annexé à ce mémoire, fait connaître les
endroits où les doreurs de nos montagnes préparaient leur
amalgame lorsque nous avons visité leurs ateliers. Dans
35 ateliers, cette préparation s’exécutait au foyer de l’ap-
pareil à passer au feu, sous la hotte vitrée; dans 15 ate-
liers, elle se faisait sous le manteau de la cheminée de la
cuisine du ménage; dans 6 autres, on y procédait sans
appareil préservateur, sous des cheminées qui ne servaient
(‘) Annales d'Hygiène publique et de Médecine légale (1836). Tom. 16,
p. 54.
— 297 —
+ qu'à cet usage; enfin dans un seul atelier, cette combi-
naïson avait lieu à l'air libre. — Un grand nombre des
doreurs de notre pays, sinou tous, mêlent à leur or dissout
» dans le mercure, une petite quantité d'une composition,
que M. le professeur Ladame qui l’a analysée, a trouvée
être un simple amalgame de cuivre. Ils emploient deux
. amalgames de cuivre, qui ne paraissent presque pas
_ différer entre eux, et auxquels ils donnent les noms d’a-
malgame rouge et d’amalgame jaune. La plupart des
ouvriers nous ont annoncé, que la quantité d'amalgame
de cuivre qu'ils ajoutaient à leur or dissout, n'excédait
pas la grosseur d’une lentille pour une once de celui-ci.
L'application de l’amalgame d’or et de mercure sur les
pièces qui viennent d’être blanchies, se fait dans les ate-
liers de dorure de nos montagnes au moyen d'un petit
instrument en cuivre rouge enduit de mercure, avec le-
quel l’ouvrier prend l’amalgame et l’étend sur les pièces
à dorer, en le délayant quelquelois dans la liqueur mer—
curielle.
La plupart de nos doreurs ne se servant que du nitrate
acide de mercure, et non d'acide nitrique, pour faciliter
l'application de l’amalgame d'or et de mercure, ils ne
sont dans cette opération exposés à l'action d'aucun gaz
délétére, pourvu toutefois, comme nous l'avons déjà dit,
que la préparation de la liqueur mercurielle” soit bien
faite. Le seul danger auquel ils soient exposés , est celui
qui résulte du contact de leurs mains avec l'amalgame et
avec la liqueur mercurielle. Les inconvéniens très-réels
qui en résultent, et qui peuvent donner lieu à tous les
symptômes de l’intoxication mercurielle, seraient consi-
. dérablement diminués, et pour ainsi dire amihilés, si les
doreurs faisaient usage de gants en peau de daim, ou
mieux encore en taffetas gommé ou en peau de vessie:
conseil que Tingry leur avait déjà donné, il y a plus de
60 ans. Des gants en tissa imperméable pourraient aussi
être employés avec succès. Malheureusement, il n’y a
qu'un très-petit nombre de doreurs qui aient cette pré-
caution, laquelle est également très-utile lorsqu'on com- .
prime l’amalgame pour en séparer l'excédant de mercure,
toutes les fois qu'on ne se sert pas pour cet effet d’une
peau de daim, comme il serait à désirer que cela se fit
toujours.
Volatilisation du mercure, ou opération de passer au feu.
On passe au feu de la manière suivante : Le doreur
assis en fasse de son appareil, place avec des pinces al-
longées la pièce ou l’ensemble de petites pièces couvertes
d'amalgame d'or et de mercure, quelquefois sur des char-
bons ardens, mais le plus habituellement sur des braises
couvertes de cendres. Il l'échauffe graduellement, au de-
gré de chaleur convenable, la retire du feu, la tourne et
la retourne ; il la met ensuite dans la main gauche, la-
quelle est munie d’un gant matelassé ('), d’un coussinet ou
d’une étoffe de laine pliée en plusieurs doubles; puis, de
la main droite, il frappe à petits coups , avec une brosse
à poils plus ou moins longs, sur la pièce, afin d'y étendre
uniformément l’amalgame. Il replace ensuite cette pièce
sur le feu, la reprend encore et exécute ces différens
(‘) Le petit matelas, qui sert à cet usage, devrait être doublé de taffetas
gommé ou de peau de vessié, ce qui empécherait le mercure de pénétrer
dans l’intérieur, et ne génerait en rien l’ouvrier.
— 299 —
mouvemens jusqu'à ce qu'elle ait acquis une couleur d'un
jaune pâle, à laquelle le doreur reconnaît qu'elle a été
suffisamment exposée au feu ; elle est alors mise à part
pour subir d’autres opérations.
Le passage au feu est de toutes les opérations de la
dorure, celle qui altère le plus la santé des ouvriers, lors-
qu’elle n’est pas faite avec des précautions suffisantes, pour
que le mercure volatilisé par l’action de la chaleur, s’é-
chappe promptement et en totalité par le canal qui doit
lui donner issue, et lorsqu'il s’en répand dans l'air de
V'atelier. L'usage de gants bien faits et aussi imperméa-
bles que possible, est ici nécessaire pour prémunir la
peau des mains contre l’action du mercure volatilisé. Les
wapeurs mercurielles agissant sur la surface de la peau,
et sur la membrane qui tapisse l’intérieur de la bouche
et des organes pulmonaires, donnent lieu à la longue à
des, accidens trés-graves. — Au bout d'un temps plus
ou moins long, et en général subordonné à l’âge, à la
constitution individuelle, et surtout à l'intensité des va-
peurs mercurielles, les doreurs voient leur santé s’alté-
rer; ils perdent leur coloration naturelle et prennent un
teint blafard ou tirant sur le jaune. Cela leur arrive
quelquefois après avoir passé au feu pendant quelques
mois seulement. Par le progrès du temps, s'ils restent
soumis à la même influence délétère, les mouvemens de
leurs membres deviennent moins assurés et vacillans ; ils
_y'éprouvent de l'agitation, puis ils sont pris d’un trem—
blement plus. ou moins intense et plus où moins sou-
tenu. Quelquelois, mais plus rarement, le tremblement
mereuriel survient brusquement et sans symptômes pré-
curseurs. Lorsque les doreurs ne cessent pas de passer
— 300 —
au feu dès qu'ils sont pris de tremblement, et qu'ils con-
tinuent leur travail, le tremblement d’abord borné aux
membres, ne tarde pas à devenir général et comme con-
vulsif. La plupart des fonctions qui dépendent de l’ac-
tion musculaire, ne s’exécutent alors que d’une manière
imparfaite. Les malades ne peuvent ni marcher, ni se
servir de leurs mains avec assurance. S'ils veulent porter
un liquide à la bouche, il leur arrive parfois de ne pas
y réussir, sans renverser le vase qu'ils tiennent; quel-
quefois, ils ne parviennent pas mieux à porter directe-
ment à la bouche les alimens solides, incapables qu'ils
sont de diriger les mouvemens de leurs mains , en sorte
qu'il arrive, qu'on est parfois obligé de leur donner à
manger comme aux petits enfans; le mal continuant à
faire des progrès, les doreurs perdent l'appétit, la masti-
cation des alimens ne s'opère plus que d'une maniére in-
complète, et les malades sont souvent pris d'aphonie. A
une période plus avancée, l’action des vapeurs mercu-
rielles continuant à agir sur ces malheureux, ils sont pris
de défaillances momentanées, ils perdent le sommeil,
leur. cerveau s’affecte, le délire s'empare d'eux, et ils
peuvent succomber à leurs maux; ce qui cependant ar-
rive très-raremement. — Le tremblement mercuriel se
guérit en général assez facilement , par l'usage d’un trai-
tement convenable, sur lequel il n'entre pas dans nos
vues de nous arrêter. Il suffit quelquefois pour en être
débarrassés ; qué les doreurs quittent pour un temps plus
ou moins long les travaux de leur profession, et qu'ils
abandonnent leur atelier. Mais une fois qu’ils en ont été
atteints, ils conservent une très-grande disposition à con-
tracter de nouveau cette maladie: plusieurs d’entr'eux
— 301 — |
sont obligés pour cette raison de renoncer totalement à
l'exercice de leur profession. Il est aussi un petit nombre
de doreurs, qui, une fois atteints de tremblement mercu-
riel, s'en ressentent toute leur vie, et qui, après avoir
cessé d'être exposés aux vapeurs du mercure , conservent
néanmoins la disposition à être pris de tremblement, dès
qu'ils se livrent à quelque fatigue de corps, où lorsqu'ils
éprouvent des émotions de l'âme. — Nous avons eu pen-
dant long-temps à l'hôpital de cette ville, en qualité
-d'infirmière; une doreuse qui avait été atteinte du trem-
blement convulsif:à différentes reprises, et qui avait dû
quitter pour ce moûif l'exercice de sa profession: Cette
femme, alors âgée d'une cinquantaine d'années, bien que
guérie en apparence de son infirmité, était momentané—
ment reprise de tremblement des membres et de la tête,
dès qu'elle éprouvait quelque affection de l'âme, ou lors-
qu'elle avait quelque fatigue corporelle à essuyer. Depuis
plus de douze ans qu’elle a quitté le service de l'hôpital,
-celte fächeuse disposition n’a fait qu'augmenter par le
“progrès de l'âge, et actuellement cette femme ne peut
‘presque se livrer à aucun travail manuel. Une autre
femme, âgée de 75 ans est entrée l'année passée (1843)
‘au même hôpital, pour une tumeur cancéreuse du foie.
Comme elle était souvent prise de tremblement convulsif
de tout le corps, et en particulier du bras droit, je m'in-
formai si elle avait été doreuse. Elle m'apprit que dans
sa jeunesse , elle avait exercé cette profession à la Chaux-
de-Fonds, avant l'incendie qui détruisit presque entière-
“ent cette ville, et qu'elle avait été alors très-fortement
"affectée de tremblement mercuriel; elle paraissait com-
"plètement guérie, lorsqu'elle renonça à l'exercice de sa
— 302 —
profession, et vint se fixer à St.-Blaise, où elle se maria,
et où elle jouit d'une santé non interrompue jusque dans
ces dernières années. À cette époque, il y a environ sept
ans, elle vit reparaître le tremblement convulsif dont
elle avait été atteinte 40 ans auparavant. D'abord peu
notables, les mouvemens convulsifs des membres, surtout
du bras droit, étaient devenus insensiblement plus in-
tenses, et ils menacaient de devenir habituels, de mo-
mentanés qu'ils avaient été à leur réapparition.
Le tremblement convulsif est, sans contredit, le plus
redoutable des accidens auxquels le mercure expose les
doreurs au feu; mais il n’est pas le seul. Le contact ré-
pété de ce métal et les vapeurs auxquelles il donne lieu,
affectent assez souvent les glandes salivaires, et occa-
sionnent une salivation plus ou moins abondante, accom-
pagnée d'ulcération à la langue, aux gencives et aux
autres parties de la bouche, et d’ébranlement des dents,
qui noircissent quelquefois et tombent prématurément.
Ces effets du mercure, quoique en général moins fà-
cheux que le tremblement convulsif, exigent quelquefois
un long traitement et des ménagemens prolongés; ce qui
oblige les doreurs qui en sont atteints, à discontinuer
les travaux de leur profession pendant un temps plus ou
moins long.
Moyens employés pour prévenir les effets des vapeurs
mercurvelles.
Dans la seconde moitié du siècle dernier, de savans
physiciens, frappés des accidens redoutables causés par
les vapeurs mercurielles, avaient cherché les moyens d'en
— 303 —
préserver les doreurs. Foureroy, dans sa traduction de
l'ouvrage de Ramazzini sur les maladies des artisans,
leur avait donné des conseils utiles, mais insuffisans pour
s'en garantir complètement ('). Après lui, plusieurs savans
de Genève se sont particulièrement occupés de cet objet.
L'année même où parut la traduction française de l'ou-
vrage du médecin de Modène, Tingry, pharmacien à Ge-
nève, fit connaître un petit appareil auquel il a donné le
nom de préservateur, et qu'il avait imaginé pour empê-
cher les vapeurs de mercure de pénétrer dans l'atelier des
doreurs de pièces de montres, et pour leur donner une
prompte issue au dehors. Cet appareil, qui se trouve dé-
crit et figuré dans le journal de l'abbé Rosier pour le
mois de novembre de l’année 1777, était d’une utilité
réelle, mais toutefois beaucoup moins efficace que celui
qui, plus tard, a été imaginé par M. Darcet, parce qu'on
ne peut pas en diriger, en activer et en soutenir le tirage
comme dans ce dernier. Albert Gosse, pharmacien à
Genève, dans un mémoire couronné par l'académie des
sciences en 1783, sur la question qui nous occupe (Dé-
termèner la nature et les causes auxquelles sont exposés les
doreurs au feu ou sur métaux , et la meilleure manière de les
préserver de ces maladies, soit par des moyens physiques,
soët par des moyens chimiques), avait proposé entr’autres
(!) Essai sur les maladies des artisans, traduit du latir de Ramazzini, avec
des notes et des additions; par M. de Fourcroy, in-19°. Paris 1777,
page 37. Fourcroy recommandait en particulier aux doreurs , de placer
au-dessus du fourneau où ils passent au feu , un tuyau de tôle, dont l’ex-
trémité inférieure évasée en pavillon fût assez grande pour contenir ce
fourneau , et dont l’autre extrémité recourbée allât s’ouvrir dans un canal
de cheminée, ou en dehors, en passant par un carreau de fenêtre.
25
— 304 —
moyens l'emploi d'un fourneau semblable au préserva-
teur de Tingry. M. Robert Guedin , également de Genève
et doreur lui-même, avait construit dans son atelier un
appareil auquel on peut faire relativement au courant
d'air, le même reproche qu’au préservateur de Tingry (').
Des moyens d’un autre genre ont aussi été proposés, pour
empêcher que les doreurs respirassent les vapeurs du mer-
cure volatilisé par l’action de la chaleur. Albert Gosse,
dans ses expériences sur les améliorations hygiéniques
qu'il cherchait à introduire dans l'art du chapelier, s'était
servi d’une éponge mouillée placée au devant des voies
aériennes, afin que l'air ne parvint aux poumons que ta-
misé pour ainsi dire. Le D' Gosse, mon savant ami, met-
tant à profit l’idée de son père, a fait construire un petit
appareil, qui, depuis sa publication, a été décrit et
gravé dans le premier volume des Annales d'hygiène pu-
blique et de médecine légale (*). Cet appareil se compose
d'une éponge d'un tissu fin et serré, d’une forme coni-
que, et qui est assez large pour recouvrir le nez, la
bouche et le menton. Afin d'empêcher toute communi-
cation directe de l'air extérieur à la bouche par les yeux
de l'éponge, tous ceux-ci sont cousus, et au devant de
l'éponge sont superposées des tranches d’autres éponges
coupées avec un rasoir et tellement disposées, que les
(!) L'appareil de M. Robert Guedin se trouve décrit et gravé dans le Bul-
letin de la Société d’encouragement ; 15%° année, Mars 1814.
(2) L’hygiène des professions insalubres, par M. L. A. Gosse D. M. (Biblio-
thèque universelle. Sciences T. 4.) et Mémoire sur un moyen mécanique
proposé pour respirer impunément les gaz délétères; extrait d’un rapport
fait à M. le préfet de police; par MM. Darcet, Gauthier de Claubry et Pa-
rent du Châtelet. (Annales d'hygiène publique et de Médecine légale ; juillet
4829, page 435 , planche 5 fig. 5 et 6).
2
— 305 —
ouvertures d'une tranche répondent à une partie pleine
d'une autre; avant de coudre chaque lame , il faut avoir
soin d'en coudre les yeux trop grands et ceux qui laissent
passer la lumière. De celte manière, on donne à cet en-
semble d'éponges la forme qu'on veut; un ruban fixé
tout autour du masque, soutient des cordons destinés à
l'assujettir autour de la tête. Muni de cet appareil d'é-
ponge humide, auquel, pour se préserver les yeux de l’ac-
tion des gaz irritans , il avait ajouté des lunettes formées
par des verres de grand diamètre enchassés dans une éponge
mouillée semblable à celle de son masque , le D' Gosse
s'est livré à plusieurs essais assez périlleux, dont je me
bornerai à rapporter celui qui a un rapport direct avec
l'objet dont nous nous occupons. Ainsi, il mit une livre
de mercure en ébullition dans un creuset, et resta pen-
dant cing minutes exposé aux vapeurs abondantes qui
s'en dégageaient. Mais celles-ci ne lui produisirent au-
cune sensation. Deux lames d'or battu, qu'il avait dis-
posées derrière son masque, au devant de la bouche et
de ses narines, ne blanchirent pas, et conservèrent leur
éclat métallique ; en pressant l'éponge , on en faisait sortir
des gouttelettes de mercure qui s’y étaient condensées.
Quoique le moyen préservatif qui vient d’être décrit, soit
d'une efficacité incontestable, pour empêcher que la santé
_ne souffre de la respiration d'un air contenant des ma-
tières nuisibles, cependant les doreurs ne l'ont pas adopté:
ce qui s'explique aisément par la gène, très-grande et
l'embarras qu'il doit causer, |
C'est surtout à Darcet qu'on est redevable des perfec-
tionnemens les plus utiles à la santé des doreurs. L'ap-
pareil que ce savant, dont on doit déplorer la mort ré
— 306 —
cente, a imaginé pour la dorure des piéces de montres,
et en général pour la dorure des petits objets, remplit
d'une manière beaucoup plus efficace que ceux qui vien-
nent d'être décrits, le but de préservation qu'il se pro-
pose; aussi mérite-t-il d'être universellement adopté. Il
se compose, en général, d'une hoîte en tôle, munie sur
le devant d'une hotte vitrée, sous laquelle les doreurs
engagent leurs mains et font les opérations dangereuses
de leur profession. Cette boîte est surmontée d’un tuyau
également en tôle, destiné à donner issue aux produits
gazeux de la combustion et aux vapeurs mercurielles, et
s’ouvrant par un coude vertical, soit directement au de-
hors, par un carreau de la fenêtre, soit dans un canal
de cheminée (). Lorsque le courant d’air est bien établi
dans ce petit appareil, les vapeurs mercurielles et les
autres émanations dangereuses s'échappent au dehors en
totalité, sans qu'il s’en répande dans l'atelier, et les do-
reurs sont ainsi mis à l'abri de leur contact. — Les dan-
gers auxquels les émanations du mercure les exposent,
ne sont ignorés d'aucun des doreurs de notre pays.
Aussi, ont-ils, pour la plupart, adopté successivement
les appareils préservateurs construits sur les principes de
Darcet, que M. Olivier Quartier a le premier introduits
au Locle et aux Brenets, il y a-environ quinze ans.
Nous n'avons trouvé, dans notre visite des doreurs,
que six ateliers qui ne fissent pas usage des appareils dont
il s’agit (voyez tableau A). Les propriétaires de deux de
ces ateliers, établis à la Chaux-de-Fonds, et qui sont les
() Mémoire sur l’art de dorer le bronze , ouvrage qui a remporté le prix
fondé par M. Ravrio et proposé par l’académie royale des Sciences, in-8°.
Paris 1818, page 165, planches 5 et 6.
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plus cousidérables de nos montagnes, ont à grands frais
employé un autre moyen pour mettre les doreurs à l'abri
des vapeurs mercurielles, mais que les commissaires du
gouvernement ont envisagé comme beaucoup moins effi-
caces que l'appareil de Darcet. Les industriels dont il s’a-
git, ont fait établir dans l'atelier où les ouvriers passent
au feu, des loges vitrées, dans lesquelles les doreurs
sont assis, en face d’un fourneau surmonté d’un chapi-
teau et d'un canal d’évaporation en tôle, qui s'ouvre
dans une cheminée; c’est sur les braises de ce fourneau
que se placent les pièces couvertes d’amalgame d'or et de
mercure. Ces loges qui sont en bois, communiquent
avec l'air du dehors, au moyen d’un canal également en
bois, qui s'ouvre au haut de la loge. On entre dans celle-
ci depuis l'atelier, par une petite porte. La moitié supé-
rieure de la face de ces loges, qui regarde le fourneau
où l’on passe au feu, est munie d’un vitrage; la moitié
inférieure est fermée par un tablier en cuir garni de man-
ches, dans lesquelles les ouvriers engagent leurs bras.
Les doreurs placés dans ces loges y éprouvent une cha-
leur considérable, qui doit à la longue avoir une in—
fluence fâcheuse sur leur santé. L’air qu'ils y respirent
se renouvelle mal, et il y a tout lieu de croire que ce
n'est pas exclusivement par le moyen de l'air du dehors
que ce renouvellement se fait, mais que cela a lieu sou-
vent par l'air de l'atelier. Les commissaires du gouver-
nement se sont assurés que les choses se passaient ainsi
dans l’un de ces deux ateliers. Ayant appliqué la flamme
d'une chandelle à l'ouverture extérieure du canal en bois,
qui, de l'extérieur, communique avec une de ces loges,
nous avons vu la flamme au lieu d’être infléchie vers le
— 308 —
canal, en être très-notablement repoussée. Dans l’ate-
lier dont 1l s'agit, lorsqu'on passe au feu, il y a une
abondance de mercure en évaporation. En supposant
que les ouvriers occupés à cette opération dans les loges,
fussent complètement à l'abri de ces vapeurs mercu-
rielles , ce qui n’a pas lieu, suivant nous, elles n’en nui-
ralent pas moins à la santé des personnes qui entrent
dans l'atelier, et surtout à celles qui ont l’imprudence
d'y séjourner. — Dans une visite que je fis en septembre
1842 de l'atelier dont il vient d'être question, j'y trou-
vai une jeune fille assise à côté d’une des loges, occu-
pée à blanchir les pièces de montres, et à les couvrir
d'amalgame d'or et de mercure. Cette jeune personne.
agée de 20 ans, avait alors toutes les apparences de la
santé ; quelques mois après , elle a été prise d’un tremble-
ment convulsif intense, qui l'a obligée a cesser pendant
assez long-temps les travaux de sa profession. Les com-—
missaires du gouvernement, en visitant l'atelier de M. Bra-
bant à la Chaux-de-Fonds, ‘à la fin du mois d'Août, y
ont rencontré cette jeune fille, alors assez bien remise
de son tremblement mereuriel ; e’est elle qui nous raconta
dans cette occasion ce qui lui était arrivé (").
L'atelier à loges vitrées, dont il vient d’être parlé, est
celui des montagnes où le plus grand nombre d'ouvriers
ont ressenti les fâcheux effets des vapeurs mercurielles.
Sur 38 doreurs atteints d'intoxication mercurielle, dont il
sera parlé plus bas, cinq en avaient été affectés dans cet
atelier; mais il est vrai de dire , que c’est un des ateliers
(!) Elle s’appelail Kohler (Marie) et s’occupait de la dorure au feu depuis
deux ans et demi,
— 309 —
de dorure les plus considérables des montagnes de notre
pays.
Le second des ateliers à loges vitrées existant à la
Chaux-de-Fonds, est beaucoup plus salubre que le pré-
cédent. Il doit cette salubrité à une cheminée construite
au milieu de l'atelier où l’on passe au feu, et qui fait les
fonctions d’un fourneau d'appel. Les conduits en tôle des
fourneaux où se fait cette opération, s'ouvrent par un
coude vertical dans cette cheminée ; de sorte, qu’on peut
établir dans tous ces conduits un très-fort tirage, pour
entraîner au dehors les vapeurs du mercure. L'atelier
dont il s’agit laisserait très-peu de chose à désirer sous le
rapport de la salubrité, si au lieu des loges vitrées et des
fourneaux qui s’y trouvent, on y établissait autant d’ap-
pareils à hotte vitrée, dont les conduits d'évaporation
vinssent s'ouvrir dans la cheminée dont il vient d’être fait
mention. L'autre atelier à loges, dont nous avons parlé
ei-dessus , ne sera, nous le croyons, complètement as-
saini et délivré de ses causes d’insalubrité, que lorsque
les loges du local peu spacieux, où l’on y passé au feu,
seront remplacées par des appareils à hotte vitrée, et
lorsqu'on aura la précaution d'en faire entrer les conduits
d'évaporation de la fumée et du mercure, dans un canal
de cheminée dont le tirage soit fortement établi, et puisse
être maintenu constant par le moyen d’un petit fourneau
d'appel.
Les doreurs de nos montagnes donnent le nom de /an-
ternes aux appareils à hotte vitrée dont ils font usage pour
passer au feu. La plupart de ces lanternes sont compo-
sées d’une boîte en tôle, dans laquelle est placée une pe-
lite caisse également en tôle, contenant les braises cou-
— 310 —
vertes de cendres, ou les charbons ardens sur lesquels se
fait la volatilisation du mercure. Cette boîte est surmon-
tée d'un tuyau en tôle, muni d’une bascule mue par une
clef; ce tuyau s'ouvre au dehors par un coude vertical,
ou bien il aboutit de la même manière dans un canal de
cheminée. Au devant de la boîte, est adaptée une petite
hotte vitrée, sous laquelle le doreur passe les bras. .et
exécute son travail. Construites sur le principe de l’ap-
pareil de Darcet, les lanternes de nos doreurs en différent
un peu, par la forme de la boîte en tôle où se place la pe-
tite caisse destinée à contenir les braises, à laquelle les do-
reurs donnent vulgairement le nom de casse. Nous n’a-
vons vu que très-peu de ces boîtes qui eussent la forme
d'un chapiteau comme dans l'appareil Darcet; il ne s’en
est trouvé qu'une seule, qui fût munie dans le haut,
comme dans ce dernier, d’une fente transversale destinée
à donner issue aux vapeurs mercurielles, qui, n'ayant
pas passé par la porte de la fournaise, peuvent se trouver
en stagnation dans la partie supérieure de la hotte vitrée
de l'appareil. Dans quelques ateliers, les appareils à pas-
ser au feu, se composent simplement d'une petite caisse
ayant la forme d’un parallélipipède rectangle peu élevé,
où l’on place les braises, et d’une hotte vitrée surmontée
d'un tuyau d'évaporation en tôle. Dans quelques-uns des
ateliers où cette disposition de l'appareil à passer au feu
existe, la hotte sous laquelle le travail s'effectue a la forme
d'une cloche.
Les conduits en tôle des appareils à passer au feu , des-
tinés à donner issue à la fumée, aux gaz résultans de la
combustion et aux vapeurs du mercure, s'ouvrent direc—
tement au dehors, dans la plupart des ateliers de dorure
e
— 311 —
de nos montagnes, en passant par un carreau de fenêtre,
et en formant un coude vertical. Nous avons trouvé cette
disposition dans 51 ateliers, savoir : dans 3 aux Ponts,
21 au Locle, 2 aux Brenets et 25 à la Chaux-de-Fonds.
Dans 4 ateliers du Locle, les’conduits d’évaporation s'ou-
vraient dans des cheminées de cuisine ; à la Chaux-de-
Fonds, il n'y avait qu'un seul atelier où cela eût lieu.
Ces conduits allaient aboutir dans une cheminée de les-
siverie, dans un atelier du Locle et dans un atelier de la
Chaux-de-Fonds. — Il y a un danger réel à introduire
les tuyaux d’évaporation du mercure dans les cheminées
de cuisine, ou dans d’autres conduits en communication
avec une ou plusieurs chambres d'une maison. Daus cer-
tains cas, il peut se faire un appel capable de faire pé-
nêtrer dans les pièces où, cette communication existe, le
mercure volatilisé par l’action du feu. Nous avons cité
plus haut un fait de ce genre, où toute une famille d’arti-
sans fut gravement affectée d'intoxication mercurielle.
Aussi est-il du devoir d'une bonne police, de défendre
que les conduits d'évaporation, dont il s’agit, s'ouvrent
dans des cheminées communiquant avec des chambres, ou
dans les cheminées des cuisines.
Le ramonage des cheminées où aboutissent des con-
duits qui donnent issue au mercure vaporisé par l'action
du feu, ne se fait pas toujours sans danger. Un jeune
homme de 16 ans, ouvrier ramoneur à la Chaux-de-
Fonds, a été pris de salivation mercurielle à différentes
reprises, et chaque fois qu'il ramonait la cheminée, où
aboutissaient les tuyaux d’évaporation du mercure, dans
un des ateliers à loges vitrées dont nous avons parlé ei-
dessus. On voit par là, qu'il est nécessaire d’user de cer—
— 312 —
taines précautions pour le ramonage des cheminées dont
il s’agit. Le mercure volatilisé par le feu ; se trouve mêlé
avec la suie de la cheminée où il aboutit, à toutes les
hauteurs de ce canal. Beaucoup plus abondant au bas
de celui-ci, comme l’ont démontré les recherches faites
par Darcet ('), ce métal est toutefois porté par le courant
d'air jusqu'au haut de la cheminée. Nous avons constaté
ce fait dans un atelier des Brenets, où le canal en tôle,
donnant issue aux vapeurs mercurielles, avait 40 pieds de
hauteur; on trouvait des globules de mercure à sa partie
la plus élevée.
Quelle que soit la diversité de forme des appareils
à hotte employés par les doreurs de nos montagnes,
sous le nom de Zanternes, ils seraient suffisans pour les
préserver contre les vapeurs mercurielles, si le courant
d'air ascendant y était fortement établi et constant, et
qu'il pût être activé dans certaines circonstances ; pourvu
toutefois que les appareils dont nous parlons fussent con-
fectionnés avec soin, maintenus dans un grand état de pro-
preté, et qu'entre les différentes pièces de la hotte vitrée,
il n’y eût aucune ouverture qui permit au mercure vola-
tilisé de se répandre dans l'atelier. La chose importante
est que le courant d'air des appareils soit bon; sans cette
condition ils n’ont aucune efficacité.
Dans la visite que nous avons faite des ateliers de do-
rure, nous avons essayé le tirage de presque tous les
appareils dont il s’agit. Nous avons trouvé plusieurs lan-
ternes dont le courant ascendant était très-fort ; il était mé-
diocre dans beaucoup d’autres, et mauvais dans le reste.
Les lanternes, dont le canal d'évaporation était d’un gros
(*) Mémoire sur l’art de dorer le bronze , page 120.
|
— 313 —
calibre relativement au reste de l'appareil, avaient toutes
un bon tirage. Dans deux ateliers, le tirage était mau-
vais, parce que les tuyaux en tôle qui donnaient issue
à la fumée et aux vapeurs mercurielles, étaient do-
minés par les maisons du voisinage. Le peu d'éléva-
tion du tuyau d'évaporation était la cause du mauvais
tirage dans un autre atelier. Un doreur de la Chaux-
de-Fonds, M. L'E., dont le comité d'enquête a trouvé
l'appareil d’un fort bon tirage, se sert d'un excellent
moyen de l'activer, lorsque par l'effet du vent ou de
toute autre cause, le courant d'air ascendant ne se fait
pas aussi bien que d'ordinaire; ce moyen consiste à di-
later l'air intérieur du tuyau d’évaporation, en plaçant
au-dessous la flamme d’un quinquet; ce moyen bien connu
depuis long-temps, aurait une efficacité encore plus
grande, si cet industriel introduisait le haut de la che-
minée du quinquet dans le tuyau même, par une ouver-
ture qui y serait ménagée, comme Darcet le conseille.
Les moyens d'établir dans les appareils à hotte un
courant d'air fortement ascendant et constant, sont assez
multipliés, et doivent être variés suivant les circons-
tances. Les doreurs ne sauraient trop-se pénétrer des ex-
cellens préceptes donnés à ce sujet par le savant dont
nous venons de parler, dans son Mémoire sur l'art de dorer
le bronze. On peut obtenir ce résultat, indépendamment
des moyens ordinaires, tantôt en augmentant le diamêtre
du tuyau en tôle, tantôt en lui donnant plus de hauteur,
pour qu'il ne soit pas dominé par les maisons voisines.
Il est ordinairement nécessaire d'établir un vasistas à
l’une des fenêtres de l'atelier, afin que l’air qui s'échappe
par le canal d’évaporation soit facilement remplacé par
— 314 —
celui du dehors, sans qu’il soit nécessaire pour cela de
tenir ouverte la porte ou la fenêtre de l'atelier. Quand le
canal de déduction du mercure est placé dans une che-
minée, on peut en assurer le tirage en bouchant exacte-
ment le bas de celle-ci. Dans tous les cas, un des moyens
les plus efficaces pour activer le tirage et pour le rendre
constant, consiste à engager le haut de la cheminée en
verre d'un quinquet allumé, dans une ouverture prati-
quée à la paroi inférieure du tuyau en tôle de l'appareil
à passer au feu.
Dans les ateliers considérables, où dans un même local
on emploie à la fois plusieurs appareils à passer au feu,
le moyen par excellence de rendre le tirage fort et cons-
tamment bon, serait d'établir un petit fourneau d'appel
pour dilater l’air de la cheminée où ces conduits vont
aboutir. — Dans la visite que nous avons faite dans les
ateliers de dorure de notre pays, nous avons vu passer
au feu le matin et dans l'après midi; mais d’après les
renseignemens qui nous ont été donnés, il paraît que cette
opération se fait principalement la matinée dans la plu-
part des ateliers de dorure. — A la Chaux-de-Fonds un
assez grand nombre de doreurs passent au feu dans des
maisonnettes composées d'une petite chambre à plein pied,
où se trouve une forge placée sous une cheminée destinée
à donner issue aux produits de la combustion, au mercure
volatilisé et aux autres vapeurs dangereuses. Dans cette
même ville, et aux Ponts, d’autres doreurs font la même
opération dans des loges en bois, où est placé l'appareil
dont le canal de déduction des vapeurs s'ouvre au dehors
en passant par un carreau de fenêtre. Dans une de ces
loges, qui était plutôt une, guérite fermée, il n y avait pas
— 315 —
de canal de déduction. Plusieurs des maisonnettes dont il
s'agit sont en bon état, et les'doreurs peuvent y passer au
feu commodément et sans inconvénient, lorsque la forge
est munie d’une bonne hotte vitrée. Mais les loges en bois
sont extrêmement chaudes en été, et doivent être très
froides en hiver, si toutefois on peut y travailler dans
cette dernière saison. Nous sommes entrés dans plusieurs
pendant qu'on y passait au feu, mais nous y avons été
fortement incommodés par la chaleur, à la fin d'Aoùt.
Depuis la lecture de ce mémoire, un doreur de la Chaux-
de-Fonds, forcé par la rigueur du froid de quitter la
maisonnette qui lui servait d'atelier dans l'hiver de 1845,
eut l'imprudence de passer au feu, sans aucune précau-
tion ; dans la chambre qu'il habitait avec sa femme, do-
reuse comme lui. L'un et l’autre qui avaient été atteints à
différentes reprises de l'intoxication mercurielle, furent
pris de nouveau et trés-gravement du tremblement con-
vulsif, pour lequel ils ont été reçus à l'hôpital Pourtalès;
la femme qui était attente de la maladie au plus haut
degré, fut prise de délire, et suecomba avec tous les
signes d’une congestion cérébrale, dont l'existence a été
constatée à l'ouverture de son corps. Au-dessus de la
chambre, où ces deux doreurs passaient au feu si impru-
demment, se trouvait une chambre habitée par un hor-
loger avec sa femme et sa sœur. Ces trois personnes fu
rent toutes affectées d’une salivation abondante, avec
stomatite ulcéreuse de l'intérieur de la bouche, pour la-
quelle elles ont eu recours aux soins éclairés du Dr Georges
Dubois. Il fut constaté par l'enquête juridique qui eut
lieu à ce sujet, que les vapeurs mercurielles dégagées
dans la chambre du doreur avaient pénétré de là dans
l'appartement de l'horloger placé au-dessus.
— 316 —
Chez le plus grand nombre des doreurs, on passe au
feu dans un local qui n'est pas affecté aux usages domes-
tiques, et qui ne sert ni de chambre à manger, ni de
chambre à coucher. Il serait fort à désirer que cette pré-
caution d'hygiène, indispensable pour la conservation de
la santé des doreurs, füt observée dans tous les ateliers.
Le comité, dans sa tournée, a trouvé six ateliers où elle
est tout-à-fait négligée, et où les doreurs eux-mêmes, ou
d’autres personnes, couchaient et mangeaient dans le local
où se faisait l'évaporation du mercure; cinq de ces ate—
liers appartenaient au Locle et un aux Brenets. Il est
d'une sage police de faire cesser un ordre de chose aussi
préjudiciable à la santé.
De l'opération de mettre en couleur.
+
Après que les pièces couvertes d'amalgame d'or et de
mercure ont été soumises à l’action de la chaleur , et que
la plus grande partie de ce dernier métal a été volatilisée,
les doreurs de nos Montagnes plongent ces mêmes pièces
dans de l'acide nitrique étendu d’une assez grande quan-
tité d'eau, puis ils les exposent sur des braises couvertes
de cendres, afin de dissiper complètement le mercure
qu’elles contiennent encore. Les doreurs renouvellent cette
opération, si le besoin l'exige, une, deux ou trois fois,
jusqu’à ce que la pièce ait pris une belle couleur jaune,
et qu'elle ne blanchisse plus du tout, lorsqu'on la frotte
avec l’eau seconde.
L'ensemble des opérations qui viennent d'être décrites,
constituent ce que nos doreurs appellent donner la cou-
— 317 —
leur. Le procédé ci-dessus est généralement suivi par la
presque totalité des doreurs des montagnes de notre pays.
L'application de la cire à dorer et des autres composi-
tions propres à donner à la dorure différentes teintes,
comme celle de l'or rouge, de l'or moulu, etc., qui cons-
titue la véritable mise en couleur, n’a lieu que dans deux
ateliers, où l’on s'occupe aussi à dorer au mat ('). L'opé-
ration de mettre en couleur, telle qu'elle est générale-
ment pratiquée par les doreurs de notre pays, quoique
infiniment moins dangereuse que celle de passer au feu,
ne laisse pas d'offrir de graves inconvéniens pour la santé,
lorsqu'elle est faite sans aucune précaution. Les pièces
lavées à l'eau seconde puis exposées à l’action de la cha-
leur, donnent lieu à un dégagement de vapeurs nitreuses
très-peu considérables, et qui par cette raison ne sau-
raient avoir une influence bien marquée sur la santé :
mais il se volatilise en même temps une quantité notable
de mercure, dont les effets peuvent être nuisibles. — On
peut s'assurer que les pièces qui ont passé au feu et qu’on
met en couleur contiennent encore du mercure, en ex-
posant au-dessus d'elles, lorsqu'elles sont exposées à la
chaleur, un morceau d'or laminé ; on voit prendre alors
à cette lame d'or une teinte blanche, qui décèle la pré-
sence du mercure. Nous avons fait cette expérience dans
plusieurs ateliers. et en présence des doreurs, auxquels
nous en avons fait voir les résultats. En examinant l'in-
térieur des espèces de boîtes vitrées, dont quelques do-
(!) I faut toutefois faire exception de la petite quantité d’amalgame de
cuivre que beaucoup de doreurs introduisent dans leur amalgame d’or et
de mercure, comme il a été dit ci-dessus.
— 318 —
reurs de la Chaux-de-Fonds se servent pour mettre en
couleur, le comité d'enquête a reconnu la présence de
globules de mercure plus ou moins abondants sur leurs
parois intérieures, et en frottant celles-ci avec une la
melle d'or, nous nous sommes assurés qu'elle prenait
une teinte blanche très-prononcée. Nous avons vu à la
Chaux-de-Fonds un propriétaire d'atelier qui ne passait
jamais au feu, mais qui s’occupait uniquement à mettre
en couleur; cet individu, pour n'avoir pris aucune pré-
caution pendant son travail, qu'il exécutait sans appa-
reil préservateur, à été gravement atteint du tremble-
ment convulsif. On ne saurait donc douter des dangers
attachés à la mise en couleur ; malheureusement un grand
nombre de doreurs s'imaginent que cette opération n’a
aucun inconvénient pour la santé, et la pratiquent non-
seulement sans appareil préservateur, mais même dans
des chambres à manger et à coucher. Parmi les ateliers
de dorure en activité dans nos montagnes au mois d'août
1843, il y en avait 28 où la mise en couleur se faisait
sous des appareils préservateurs propres à mettre à l'abri
du mercure volatilisé; dans tous les autres ateliers , cette
opération s’exécutait sans précaution suffisante (*). Dans
(!) En visitant un atelier de la juridiction du Locle, nous sommes arri-
vés au moment où la femme d’un doreur s’apprêtait à mettre en couleur
quelques pièces qui ayaient passé au feu. Cette femme, (que nous enga-
geâmes à continuer son travail en notre présence) ne se faisait pas illusion
sur les dangers auxquels cette opération l’exposait ; mais le moyen qu’elle
mettait en usage pour s’en préserver était insuffisant. En commencant son
ouvrage, elle se couvrit à demi la bouche et les narines d’un mouchoir,
qu’elle s’attacha derrière la tête. Cela fait, elle plongea dans l’acide ni-
trique étendu d’eau (eau seconde) les pièces qui avaient passé au feu , et
les placa ensuite sur des braises couvertes de cendres contenues dans une
— 319 —
20 ateliers sur les 28 dont il s’agit, la mise en couleur
se faisait sous la hotte vitrée de l'appareil à passer au feu;
dans les 8 autres, on se servait d'un appareil un peu dif-
férent, mais propre à remplir le même but. C'était une
sorte de caisse en tôle munie de vitres et surmontée d’un
chapiteau, auquel s’adaptait un tuyau d'évaporation en
tôle, s'ouvrant par un coude vertical, soit au dehors, en
passant par un carreau de fenêtre, soit dans un canal de
cheminée. — Au moment où le comité visitait les doreurs
de nos montagnes, il y avait 14 ateliers où la mise en
couleur avait lieu dans des chambres à manger ou à cou-
cher (v. le tabl. C.). On ne saurait douter que cet état de
chose n'offre des inconvéniens graves pour la santé, et
qu'il ne soit urgent de le faire cesser.
Les dangers attachés à l'opération de la mise en couleur
sont beaucoup plus grands, lorsque les doreurs dorent
au mat, et que pour donner des teintes variées à la do-
rure, ils se servent de cire à dorer ou d'autres composi-
tions. Il n’y a que deux ateliers dans nos montagnes où
l’on dore au mat, où l’on fasse des brunis et où l’on donne
à la dorure les teintes d'or moulu, d’or rouge , etc. — Ce
genre particulier de dorure ne s'applique pas aux petites
pièces de l'intérieur des montres, mais seulement aux
cadrans et aux boîtes de montres, qu'on veut orner pour
satisfaire aux fantaisies de la mode des différens pays ; ce
qui explique pourquoi il n'y a qu'un petit nombre d'ate-
petite caisse en tôle, qu’elle tenait sur ses genoux. Nous avons fortement
engagé cette doreuse à se servir d’un appareil à hotte pour y faire cette
opération. L’effroi qu’elle a témoigné lorsqu'elle a vu blanchir le morceau
d’or laminé que nous exposämes au-dessus des pièces qu’elle séchait sur
les cendres chaudes, nous fait espérer que cette recommandation n’aura
pas été sans effet.
21
— 320 —
liers qui sen occupent actuellement dans nos monta-
gnes("). Aussi, ne nous arrêterons-nous pas longuement
(!). Voici la manière dont on procède à la dorure au mat. La pièce qui a
passé au feu, et dont la presque totalité du meréure est volatilisée, est re-
couverte d’un mélange de sel marin, de nitre et d’alun liquéfiés dans leur
eau de cristallisation (cette composition que les doreurs appellent le mat
et qu’on leur vend toute préparée, a été analysée plusieurs fois par Darcet
qui y a ordinairement trouvé : salpêtre 40 p., alun 25, sel marin 55).
Cette pièce est ensuite reportée au feu, et on la chauffe jusqu’à ce que la
couche satine qui la recouvre devienne homogène , presque transparente
et qu’elle entre en une véritable fusion. On la retire alors du feu, et on
la plonge subitement dans de l’eau froide, qui en sépare la couche saline ;
on passe alors la pièce dans de l’acide nitrique étendu de beaucoup d’eau,
on la lave et on la fait sécher. Il se forme et il se dégage dans cette opéra-
tion, des vapeurs qui seraient extrêmement nuisibles à la santé, si elles
étaient respirées par les doreurs ; il suffit de savoir que parmi les sels
mercuriels qui se forment, il y a du sublimé corrosif, pour donner une
idée du danger qu’elle fait courir aux ouvriers, et de la nécessité de la
faire sous des appareils préservateurs dont le tirage soit très fort.
Pour donner à la pièce la couleur d’or moulu, on la recouvre avec un
pinceau d’un mélange composé de pierre sanguine (hematite-rouge, fer
oxydé , ou fer oligiste concrétionné de Haüy) d’alun et de sel marin; on la
met ensuite sur des charbons ardens.
La couleur d’or rouge se donne , en trempant la pièce qui a passé au feu
dans la composition connue sous le nom de cire à dorer, dans laquelle
entrent la cire jaune, l’ocre rouge, le vert de gris et lalun. On la place
ensuite sur des charbons allumés eton la fait chauffer fortement.
On fait le bruni en frottant la pièce avec un instrument muni d’héma-
tite ou pierre sanguine. On trempe ce brunissoir dans de l’eau vinaigrée
et on frotte la pièce toujours dans le même sens, jusqu'à ce qu’elle pré-
sente un beau poli et tout l’éclat métallique. Lorsqu’une pièce doit avoir
des parties brunies et d’autres mises au mat, on couvre les premières avec
un mélange de blanc d’Espagne , de cassonnade et de gomme délayée dans
l’eau ; c’est ce qu’on appelle épargner. Les brunis ainsi épargnés, on sèche
la pièce et on la porte à un degré de chaleur suffisant pour chasser le peu
de mercure qui y reste encore, ce qui est indiqué et par la couleur de la
pièce et par la teinte noirâtre que la cassonade et la gomme qui com-
mencent à se charbonner donnent à l’épargne. La pièce est alors retirée du
feu on la laisse un peu refroidir , et on procéde à l'application du mat.
— 321 —
sur le détail des procédés dont il s’agit; qu'il nous suffise
de dire, que les émanations qui s'élèvent alors de la mise
en couleur, sont des plus nuisibles à la santé. Pour pré-
venir l'effet de ces vapeurs délétères, il est absolument
nécessaire que les doreurs fassent leur mise en couleur
sous un appareil à hotte dont le tirage soit très-bon, afin
qu'elles soient promptement entraînées, et en totalité,
par le canal d'évaporation , et qu'il n'en pénètre pas dans
l'atelier (*).
Du gratte-bossage.
Lorsque la mise en couleur est terminée, les pièces
dorées sont plongées dans de l’acide nitrique étendu de
beaucoup d’eau; puis ensuite, les doreurs les frottent
en tout sens avec la gratte-bosse, sorte de pinceau en fil
de laiton, qu'on trempe dans de l’eau où l’on a fait
bouillir, infuser, ou simplement macérer des marons
d'Inde dépouillés de leur enveloppe corticale. Après
quoi, lorsque les pièces dorées ont pris la belle couleur
jaune qu'elles doivent avoir, on les jette dans un vase
plein d’eau, puis on les essuie avec des chiffons de linge
ou on les fait sécher. L'opération de la dorure est alors
complétement terminée.
Quelques doreurs de nos montagnes, au lieu d’eau de
(!) Un des doreurs qui s’occupe à dorer au mat, et qui fait usage de cire
_ à dorer , a été à différentes reprises très gravement affecté de tremblement
mercuriel, ainsi que sa femme, avant de se servir d’un appareil à hotte.
Depuis qu’ils ont adapté une hotte vitrée à la cheminée de la maisonnette
où ils passent au feu et où ‘ils mettent en couleur, leur santé s’est nota-
blement améliorée et ils n’ont pas eu depuis de retour d'intoxication mer-
curielle.
— 322 —
marons, se servent pour gratte-bosser d'eau où l'on fait
cuire ou infuser de la racine de réglise, un très petit
nombre se servent d’eau vinaigrée. Le gratte-bossage
n'expose la santé à aucun danger bien sérieux. Il donne
lieu au dégagement d’une très petite quantité de vapeurs
nitreuses , trop faibles pour être nuisibles. Lorsque par
la négligence des doreurs, l’eau de maron n'est pas con-
venablement renouvelée, elle peut s'aigrir par un com-
mencement de fermentation, prendre une odeur désa-—
gréable , el devenir de cette manière nuisible à la santé.
Dans quelques ateliers, le gratte-bossage se fait, soit
dans un local séparé et consacré à cette opération, soit
dans l'endroit où l’on passe au feu, ou dans celui où l'on
met en couleur. Mais, chez le plus grand nombre des
doreurs de nos Montagnes, elle se pratique dans des
chambres à l'usage du ménage, et où le plus souvent on
mange, ou qui servent de chambres à coucher.
Il n’y a dans notre pays, qu'un très petit nombre d'a-
teliers où toutes les différentes opérations de la dorure
se fassent dans un local consacré exclusivement à ces
travaux , et séparé des autres pièces de la maison, Dans
les deux principaux ateliers de la Chaux-de-fonds, un
bâtiment entier est exclusivement affecté aux diverses
opérations de la dorure au feu. Cette mesure d'hygiène
est excellente; mais , il ne sera jamais possible d'obtenir
que tous les doreurs s'y conforment. La plupart d'en
tr'eux sont loin d’être dans un état d’aisance, et il ÿ en a
beaucoup que leur peu de ressources pécuniaires obli-
gent à se loger à l'étroit. On aurait beaucoup gagné, si
l’on parvenait à faire en sorte qu'ils s’abstinssent com-
plétement de pratiquer les opérations dangereuses de leur
— 323 —
profession (telles que le recuit, le passage au feu, la mise
en couleur, la préparation du nitrate acide de mercure,
son application, et celle de l’'amalgame d'or et de mer-
cure) dans les chambres où l’on mange et où l’on couche,
el en général dans toutes les pièces qui sont à l'usage de
leur ménage.
e
Etat de santé des doreurs de notre pays.
Depuis que l'emploi des appareils à hotte vitrée est de-
venu commun dans nos montagnes, la santé des doreurs
y a éprouvé une notable amélioration. C’est ce qui ré-
sulte des rapports de Messieurs les chefs des juridictions
du Locle, de la Chaux-de-Fonds et des Brenets adressés
à ce sujet à notre gouvernement au printemps de 1842,
rapports qui, dans le temps, ont été communiqués à la
commission de santé de l'Etat. Le comité chargé de l’en-
quête qui a eu lieu l'année dernière, s’est assuré de la
réalité de ce fait, tant par ses propres observations, que
par les renseignements qui lui ont été fournis. Toutefois,
quelque amélioration qu'il soit survenu dans la santé de
nos doreurs depuis l'adoption du moyen préservateur
dont il s’agit, cette amélioration n'est ni aussi générale,
ni. aussi grande qu'elle devrait l'être, Il est facile de se
convaincre de ce que j'avance ici, en consultant le ta-
- bleau H annexé à ce mémoire, et en considérant que
- chaque année on reçoit encore à l'hôpital Pourtalès un
certain nombre de doreurs pour cause d'intoxication mer-
curielle. À la vérité, dans l’année 1843, ce nombre a
été très petit, puisque trois doreurs seulement. y ont été
admis. — Le peu de temps que le comité d'enquête à
— 32% —
pu consacrer à la visite des ateliers de dorure de notre
pays (nous avons employé cinq jours à cette visite et
dix heures entières de la journée), ne nous a pas permis
d'examiner assez longuement et avec assez de soin cha-
cun des doreurs, pour donner une description détaillée
de son état de santé et des maladies qu'il a éprouvées du-
rant l'exercice.de sa profession. Pour cette raison, nous
avons dû nous borner à une indication sommaire, mais
aussi exacte que possible, de l’état de santé de chacun
d'eux. — Les doreurs, ouvriers et apprentifs compris ,
dont nous avons eu connaissance , étaient au nombre de
161, savoir : 62 du sexe masculin, et 99 du sexe fémi-
nin (©. Tableau E). Sur 148 doreurs, maîtres, ouvriers
et apprentis compris, dont nous avons pu apprécier l’état
de santé d’une manière générale, il s’en trouvait 90 seu-
lement, qui fussent bien portants , savoir 38 hommes
et 52 femmes. Les vapeurs du mercure avaient produit
leurs fâcheux effets sur 38 individus (10 hommes et
28 femmes), dont 11 (4 hommes et 7 femmes) s’en res-
sentaient encore au moment où nous les avons visités.—
Les 20 autres doreurs (9 hommes et 11 femmes), sans
avoir éprouvé ni tremblement convulsivif, ni affection de
la bouche et des glandes salivaires, étaient tous maigres
défaits , et jouissaient d’une santé chancelante.
Dans deux familles de doreurs, nous avons vu les en-
fans en bas âge participer au triste état de santé des au-
teurs de leurs jours. Chez l’une d’elle, la mère était at-
teinte de phthisie pulmonaire, et des deux enfans qu'elle
avait, l’un âgé de quatre ans était petit, pâle, malingre,
il bavait presque continuellement et n’articulait encore
aucune parole: il ressemblait parfaitement à un idiot;
— 325 —
l’autre enfant âgé de vingt-deux mois était languissant
et ne pouvait pas encore se tenir sur les pieds. Dans la
seconde famille, le père et la mère avaient été gravement
atteints d'intoxication mercurielle, dont ils se ressen—
taient encore au moment de notre visite; ils avaient
aussi deux enfants en bas âge ; l'aîné, qui n'avait pas
plus de deux ans et demi, était päle et défait; il avait les
membres grêles, le ventre dur et tuméfié ; il ne marchait
pas encore et ne pouvait pas même se tenir debout ; le
second de ces enfans était blème et languissant; il n'avait
que 9 mois.
Il résulte des recherches de la commission d'enquête,
que quelques doreurs ont été affectés de tremblement
mercuriel dès la première année de l'exercice de leur
profession ; d’autres l'ont été seulement dans la seconde
année; d’autres dans la troisième, et d’autres encore au
bout d'un temps plus long. Plusieurs d’entr'eux en ont
été atteints à différentes reprises. Nous avons déjà fait ci-
dessus la remarque, que les doreurs, qui avaient été une
fois affectés de tremblement convulsif, conservaient une
disposition très grande à en être saisis de nouveau, lors-
qu'ils étaient exposés de rechef à l’action des vapeurs du
mercure. ”
Tous les doreurs n’ont pas la même disposition à res-
sentir les effets de ce métal. Si nous en avons trouvé qui
ont été promptement atteints d'intoxication mercurielle,
il s’en est rencontré d’autres, qui, dans des circonstances
à peu près semblables, ont résisté longtemps, et qui exer-
caient leur profession depuis dix, quinze, vingt, vingt-
cinq et même trente ans, sans avoir jamais été pris de
tremblement convulsif, bien qu'ils n’eussent pas observé
— 326 —
davantage de précautions que les autres doreurs, et même
sans en avoir pris aucune. Tel était le cas d’un individu
qui exerçait sa profession depuis vingt-cinq ans, et pas-
sait au feu dans sa cuisine, sans aucun appareil préser-
vateur. Mais il faut observer, que ce doreur qui habite
les environs du Locle, menait à la campagne une vie ac-
tive, alternant les travaux de sa profession, avec les tra-
vaux de l’agriculture. C’est très probablement à ce genre
de vie, qu'il a dû de n'avoir jamais été atteint de trem-
blement mercuriel; joignez à cela, que ses occupations
de doreur n’ont jamais été très considérables. Au surplus,
si cet homme avait échappé à l'intoxication mercurielle,
sa constitution était délabrée et sa santé chancelante; 1l
était pâle, maigre, et quoique âgé de quarante-neuf ans,
il portait sur lui les marques d’une vieillesse anticipée.
Ceux des doreurs, qui à la Chaux-de-fonds passaient au
feu sans hotte vitrée et sans précaution , avaient tous été
atteints d'intoxication mercurielle, dont deux d’entr'eux
se ressenlaient encore lorsque nous les avons visités.
Des ouvriers doreurs et des apprentis.
Le nombre des ouvriers et des apprentis employés à
la dorure au feu dans les Montagnes de notre pays,
éprouve des variations plus ou moins grandes. À l'époque
de notre. visite, nous en avons trouvé 67, dont 17 du
sexe masculin et 50 du sexe féminin (v. le Tableau F).
Le moins âgé avait treize ans ; c'était un jeune garçon,
qui était entré en apprentissage trois ans auparavant; le
plus âgé, qui était une femme, avait quarante-sept ans.
Le plus grand nombre des apprentis et ouvriers se trou
— 327 —
yaient entre l’âge de quinze à trente ans; il y en avait
cinquante-six pour cette période de la vie, sur le nombre
total. L’apprenti le plus novice que nous ayons vu, était
entré depuis dix jours seulement chez son maître ; l'ou-
vrier Je plus ancien», qui était une femme, exerçait sa
profession depuis vingt-cinq ans.
La plupart d’entr'eux logent et prennent leurs repas
chez leurs maîtres ou maîtresses ; le plus grand nombre
mangent et couchent dans des endroits où ils sont à l'abri
des vapeurs du mercure et de toute émanation dangereuse
à la santé. Cette mesure d'hygiène est, grace à l'ordon-
pance rendue cette année par notre gouvernement, deve-
nue obligatoire pour tous les doreurs qui ont des appren-
lis ou des ouvriers.
Plusieurs de ces derniers prennent leurs repas, et
passent la nuit dans le local où l’on gratte-bosse les pièces
de montres dorées, Lorsqu'il n’y a que l'opération du
. gratte-bossage qui se fasse dans les chambres à manger
ou à coucher, les inconvéniens qui en résultent pour la
santé ne doivent pas être bien grands, pourvu que les
phioles qui contiennent l'acide nitrique soient bien fer-
mées, avec des bouchons en verre usés à l’émeri et que
pour la nuit, on place ailleurs le liquide qu’on emploie
pour gratte-bosser. La très petite quantité de vapeurs
nitreuses qui se dégage dans cette dernière opération, ne
Saurait nuire beaucoup aux organes de la respiration. —
“11 serait mieux assurément ,. de s’en tenir aux préceptes
rigoureux de l'hygiène, et que tous les doreurs fissent le
gratte-bossage comme les autres opérations de la dorure,
dans un local séparé et qui ne servit pas aux usages do—
mestiques, Mais , nous avons indiqué plus haut la diffi-
— 9328 —
culté très grande d'obtenir de tous les doreurs qu'ils se
soumissent à cette prescription, et la convenance qu'il y
a à n'exiger d'eux que ce qui est absolument nécessaire
sous le rapport hygiénique.
Sur 62 ouvriers et apprentis dont nous avons pu re-
connaître assez exactement l'état de santé, lorsque nous
les avons visités, il s'en trouvait 44 qui jouissaient d'une
santé plus ou moins forte, et qui n'avaient jamais été
notablement incommodés par l'exercice de leur profes-
sion. De ce nombre, il y avait 1# individus du sexe mas-
eulin et 30 du sexe féminin. Huit du nombre total des
ouvriers et apprentis , (2 hommes et 6 femmes) étaient
grêles, délicats et jouissaient d’une santé chancelante,
sans avoir jamais éprouvé ni tremblement convulsif, ni
salivation mercurielle. Les dix autres, qui étaient tous
du sexe féminin, avaient été atteints d'intoxication mer-
curielle à des époques variées ; deux de ces ouvrières en
étaient encore affectées lorsque nous les avons visitées.
On trouve ici une grande disproportion, entre le nombre
des doreuses ouvrières qui ont été atteintes de tremble-
ment convulsif et de salivation, et celui des apprentis et
ouvriers doreurs, dont aucun de ceux que nous avons
visités n’en avait été affecté. Nous avons vu plus haut,
que le nombre des doreurs propriétaires d'atelier qui, à
des époques variées avaient ressenti les fâcheux effets du
mercure, était aussi relativement beaucoup moins considé-
rable que celui des doreuses qui ne sont pas dans la caté-
gorie des simples ouvrières (10 hommes sur 28 femmes).
À quoi tient cette fréquence relative de l’intoxication mer-
curielle, beaucoup plus grande chez les femmes que chez
les hommes qui s'occupent à la dorure ? Faut-il en cher-
— 329 —
cher la cause dans la délicatesse plus grande de la cons-
titution de la femme , et dans sa mobilité nerveuse, qui
doivent l’exposer à ressentir plus facilement les effets des
vapeurs mercurielles ? Ou bien , la différence dont il s’a-
git, tiendrait-elle uniquement à ce que les doreuses pas-
sent plus souvent au feu que les doreurs? Nous n'avons
pas eu l'occasion de faire des observations assez suivies
pour résoudre cette question ; il est toutefois assez vrai
semblable , que l’une et l'autre des causes indiquées con-
courent simultanément à produire ce résultat. Le comité
d'enquête n’a eu connaissance d'aucun cas d'intoxication
mercurielle chez les ouvriers doreurs, qui fût survenue
dans la première année de l’exercice de leur profession.
De la première à la seconde année, il y avait eu # do-
reuses d’atteintes; de la deuxième année à la troisième
une doreuse; deux de la troisième. à la quatrième ; une
de la quatrième à la cinquième , et deux. seulement de-
puis la cinquième à la dixième année de l’exercice de
leur profession. Relativement à l'âge de la vie où ces ou-
vrières, ont été atteintes de tremblement. convulsif et de
salivation mercurielle, 4 l'ont été de dix-huit à dix-neuf
ans; une de dix-neuf à vingt ans; une de vingt à vingt-un
ans; une de vingt-deux à vingt-trois; une de vingt-cinq
à vingt-six ans et 2 de vingt-sept à vingt-huit ans. Des
deux ouvrières qui se ressentaient encore de l’intoxica-
tion mercurielle au moment de notre visite, l’une était
âgée de vingt-un ans et l’autre de vingt-deux ans,
— 330 —
Causes de la fréquence, encore assez grande de l'intoxication
mercurielle et des autres accidens de la dorure au feu dans
les ateliers de nos montagnes ; et moyens de les prévenir.
Les détails dans lesquels nous sommes entrés ci-des-
sus , touchant la manière dont les doreurs de notre pays
procèdent aux différentes opérations de la dorure au feu,
conduisent naturellement à la connaissance des causes
qui rendent les cas d'intoxication mercurielle encore assez
fréquens parmi eux , et des raisons pour lesquelles l’état
de santé de ces industriels n’a pas éprouvé toute l'amé-
-_ lioration dont il est susceptible.
Ces causes doivent être rapportées :
1° Au manque d'appareil préservateur pour passer
au feu, qui existe encore dans quelques ateliers de do-
rure de notre pays; ces ateliers sont à la vérité en très
petit nombre, puisque nous n’en avons trouvé que quatre
qui en fussent complétement dépourvus.
29 Aux vices de construction, au mauvais tirage, et
au défaut de soins d'entretien d’un grand nombre des ap-
pareils à hotte vitrée; d’où il résulte que dans l'opération
de passer au feu, le mercure volatilisé par la chaleur ne
s'échappe pas en totalité par le canal destiné à lui don-
ner issue, mais qu'une quantité plus ou moins grande
des vapeurs de ce métal pénètrent dans l'intérieur des
ateliers, et se mêlent à l'air qu’on y respire.
3° À ce que plusieurs des opérations dangereuses de
la dorure au feu, telles que le recuit, la préparation de
l'amalgame d'or et de mercure, son application et la mise
en couleur ne se font pas avec les précautions indispen-
; — 331 —
sables pour que la santé n'en éprouve aucun dommage.
4° Au défaut d'intelligence, à la malpropreté, à l'in-
curie et quelquefois même au manque de sobriété de
plusieurs doreurs.
On peut espérer de remédier aux trois premières causes
qui viennent d'être énumérées, et de rendre beaucoup
moins insalubre l'exercice de cette profession, en astrei-
gnant les individus qui l’exercent à observer toutes les
précautions indispensables pour empêcher que leur
propre santé, celle de leur famille et des ouvriers ou ap-
prentis qu’ils emploient, n'en recoive de fâcheuses at-
teintes, et pour que la salubrité publique ne soit pas
compromise. Tel a été le but du réglement dont la co-
_mité d'enquête a proposé l'adoption au gouvernement.
Dans une profession qui expose à de si grands dan-
gers ceux qui l’exercent, et qui peut devenir incom-
mode et dangereuse pour le public, il est indubitable
que l'autorité supérieure a le droit de prescrire les me-
sures de police reconnues propres à prévenir ces dan-
gers; c'est même pour elle un devoir impérieux de le
faire. Aussi, notre gouvernement n'a-t-il pas hésité d’a-
dopter, dans l'intérêt général, le projet de réglement
que lui a présenté la commission d'enquête nommée par
lui. Le réglement dont il s’agit, impose aux maîtres
doreurs les obligations suivantes: 1° Toute personne qui
voudra dorénavant se livrer à l'exercice de la dorure au
feu, sera tenue d'en faire part au chef de la juridiction
où.elle a son domicile, afin qu'il puisse faire examiner
si le nouvel atelier réunit toutes les conditions de salu
brité exigées pour que cette industrie y soit exercée sans
danger pour la santé des ouvriers et du public. 1° Chaque
— 332 —
atelier devra être muni d'un ou plusieurs appareils à
hotte vitrée, dont le tirage puisse être bien établi. L’o—
pération de passer au feu devra toujours se faire sous cet
appareil, et avant d'y procéder le doreur aura soin de
s'assurer si le courant d'air ascendant s'y fait bien. 3° Les
conduits destinés à donner issue aux vapeurs du mer-
cure, devront s'ouvrir directement au dehors de la mai-
son, ou dans un canal de cheminée exclusivement des-
tiné à cet usage, et n'ayant aucune communication avec
d’autres conduits. 4° Toutes les opérations dangereuses
de la dorure au feu , telles que le recuit, le décapage, soit
avec l'acide nitrique , soit avec le nitrate acide de mer-
cure et la mise en couleur, seront faites sous un appareil
à hotte d’un fort tirage, soit sous la hotte de l'appareil
où l'on passe au feu, ou sous tout autre appareil préser-
vateur de ce genre. Il est expressément interdit de faire
ces opérations sous le manteau d'une cheminée de ewi-
sine. 9° La préparation de l’amalgame d’or et de mer-
cure, et celle du nitrate acide de mercure devront être
faites sous un appareil à hotte vitrée d'un fort tirage.
Lorsqu'on exécutera ces préparations à l'air libre, elles
devront être faites à une distance assez grande des habi-
tations, pour qu’elles ne causent aucun dommage et n’in-
commodent personne. 6° Le local où se font les opérations
dangereuses, du recuit, du passage au feu, de la mise en
couleur, etc. nedevra jamais servir de chambre à manger
ou à coucher pour les ouvriers. 7° Le ramonage des che-.
minées des ateliers considérables , où plusieurs conduits
d'évaporation du mercure aboutissent dans un même ca-
nal, se fera avec des précautions suffisantes, pour que le
ramoneur ne soit exposé à aucun danger d'intoxication”
— 333 —
mereurielle, Les précautions à prendre, et les ateliers
où elles devront être prises, seront indiquées par des com-
missions d'experts. 8° Les propriétaires d'ateliers veille-
ront à ce que leurs ouvriers observent les soins de pro-
preté, et les engageront à ne pas s’écarter des habitudes
de sobriété. Ils feront en sorte qu’ils se servent de gants
de taffetas ciré, ou de vessie pour passer au feu, et pour
appliquer l'amalgame d'or et de mercure. En quittant le
travail, les ouvriers devraient toujours se laver les mains
avec de l'eau pure ou de l’eau de savon, et se rincer la
bouche. — Ce réglement n'aurait que peu d'efficacité,
sans la création de commissions d'experts chargés d’en
surveiller l'exécution, et d'inspecter de temps en temps
les ateliers des doreurs. Le comité d'enquête a, dans ce
but, proposé l'établissement de deux commissions de
surveillance, une pour le Locle, les Ponts et les Brenets,
et une pour la Chaux-de-Fonds, la Sagne et les Plan-
chettes; chacune d'elles composées de trois membres
parmi lesquels se trouve un médecin. Notre gouverne-
ment a adopté les vues de son comité d'enquête, et il a
fait promulguer dans nos Montagnes une ordonnance de
police, que le Constitutionnel neuchâtelois a publiée dans
une de ses feuilles du mois d'avril 184%.
Ce sont là, ce nous semble, toutes les mesures effi-
caces de police médicale qu'il soit renièle de prendre à
l'égard de la dorure au feu.
Quant à la dernière des causes que nous avons indi-
quée comme contribuant à l'insalubrité de cette profes-
sion dans notre pays, il est bien difficile d'y porter re-
mède par l'intervention de la police médicale. Les soins
de propreté sont dans l'exercice de la dorure au feu, de
— 334 —
la plus haute importance pour le maintien de la santé.
Indépendamment des moyens de préservation que nous
avons déjà indiqués, on ne saurait trop recommander à
ceux qui passent au feu et qui font l'application de l’a
malgame, la précaution de se laver soigneusement les
mains et la bouche en quittant leur ouvrage. Il serait
aussi à désirer qu'ils eussent pour leur travail un vête-
ment particulier, exclusivement affecté à cet usage, et
qu'ils le maintinsent dans un grand état de propreté.
Mais, comment parvenir à faire adopter à ceux des do-
reurs qui sont négligens ou peu intelligens , les mesures
d'hygiène privée nécessaires pour obtenir le but qu’on se
propose ? IL est fort à craindre , que sous ce rapport, il
ne reste toujours une lacune impossible à combler, et
que malgré toutes les améliorations de salubrité qu’une
police médicale éclairée puisse apporter à l’industrie de
la dorure au feu, celle-ci ne continue à offrir des dan-
gers pour la santé de plusieurs de ceux qui exercent
celte profession. Cette dernière considération doit faire
vivement désirer, que le procédé de dorure électro-chi-
mique qui s’est introduit depuis quelque temps dans nos
Montagnes ait du succès, et qu'il puisse être adopté dé-
finitivement par tous les doreurs de notre pays.
La société d'émulation patriotique, appréciatrice éclai-
rée de tout ce qui se fait d’utile chez nous , désirant en-
courager les travaux qui ont pour but l'amélioration du
sort des doreurs, et le perfectionnement de la branche
d'industrie qu'ils exercent, vient de récompenser par une
médaille d’or, les efforts tentés par MM. Olivier Matthey
et Jeanneret du Locle, pour rendre plus parfaits les résul-
tats du nouveau mode de dorure, et le zèle et le désinté-
— 335 —
ressement qu’ils ont mis à publier leurs recherches et à
répandre dans nos Montagnes le procédé dont nous par-
lons. Si les espérances que l’on a conçues à cet égard
viennent à se réaliser , comme on a raison de le croire,
et que la dorure par le galvanisme réussisse à réunir la
solidité à ses autres avantages, nul doute que de son
adoption, il ne résulte un très grand bien pour la santé
des doreurs de notre pays. Car le procédé galvanique
n’entraîne par lui-même, aucun inconvénient grave pour
la santé de ceux qui l’exercent, et il ne serait probable-
ment pas difficile de prévenir, par de bonnes mesures de
police, les accidens qui pourraient résulter de la prépara-
tion des cyanures et des autres dissolutions salines dont il
exige l'emploi.
Les commissaires de notre gouvernement ayant été
uniquement chargés d’une enquête hygiénique sur la do-
rure au feu des pièces de montres dans notre canton, ils
se sont abstenus de toute recherche touchant les améliora-
tions qu'il y aurait à apporter à cette branche d'industrie,
pour en rendre les procédés plus parfaits et moins dis-
pendieux. Toutefois, nous ne saurions taire l'étonnement
où nous avons été, en voyant que les doreurs de nos
montagnes ne s'occupaient pas à recueillir une portion
du mercure volatilisé par l’action de la chaleur.
- Un seul d’entr'eux met en pratique cette mesure d’éco-
nomie, tout en employant dans ce but un procédé très
imparfait. Les moyens de condenser et de recueillir le
- mercure ainsi réduit à l’état de vapeur, sont cependant
bien connus et usités ailleurs depuis longtemps. Il suffit
de jeter un coup d'œil sur les figures qui représentent les
appareils préservateurs de Tingry et de Darcet, pour
S'assurer combien ils sont simples et de facile exécution.
25
ANNEXE
CONTENANT DIFFÉRENS TABLEAUX RELATIFS A L'INDUSTRIE
DE LA
DORGRE AD FEU
Dans les Montagnes de Neuchâtel, et aux doreurs qui l'exerçaient au mois d'août 1843.
A.
TABLEAU DES ATELIERS DE DORURE AU FEU DANS LES
MONTAGNES DE NOTRE PAYS AU MOIS D'AOUT 1843.
Ateliers dont le comité d'enquête hygiénique a eu connaissance.
Mairie des Ponts . . . . . . 5
Mairie du Locle . . . . . . 28
Mairie des Brenets . . . . . 2
Mairie de la Chaux-de-Fonds . . 50
TOP 0 77 09
Atellers qui ont été visités par le comité d'enquête hygiénique.
MOITIÉ GES PONS 24e ele 9
Mairie du Locle . . . . . . 926
Mairie des Brenets . . . . . 2
Mairie de la Chaux-de-Fonds . . 30
Total . . 61
APPAREILS A PASSER AU FEU.
Ateliers où, pour passer au feu, on fait usage d'appareils
préservateurs.
Mairie des Ponts . . . . . . 35
Mairie du Locle . . . . . . 25
Mairie des Brenets . . . . . 92
Mairie de la Chaux-de-Fonds . . 27
Total . . 57 (Suite.)
(Suite du tableau A.)
Ateliers où l’on ne fait usage d'aucun appareil préservateur
pour passer au feu.
Mairie du Locle . . ep leg |
Mairie de la Chaux-de- Fonds sadrnk ls"
4
Total
GENRES D'APPAREIL EMPLOYÉS POUR PASSER AU FEU.
Ateliers où l’on emploie des appareils à hotte vitrée semblables à celut
imaginé par Darcet, où des LANTERNES , Suivant l’expression consa-
crée dans nos Montagnes.
Mairie des Ponts . . . . . . 3
Mairie du Locle . + . . . . 95
Mairie des Brenets . . LATE
Mairie de la Chaux-de-Fonds s :51128
Total : . 52
Ateliers où l’on se sert: d'appareils à hotte en tôle (cloches),
ou en bois.
Mairie de la Chaux-de-Fonds . . 3
Ateliers où l'on se sert de loges vitrées où se placent ceux qui
passent au feu.
Mairie de la Chaux-de-Fonds, , 2
Ateliers où l’on passe au feu dans un local où l’on prend les
repas et où l’on passe la nuit.
Mairie du Locle
Mairie des Brenets
> ©
Total . 6
B.
TABLEAU INDIQUANT LA DISPOSITION DES CONDUITS D'ÉVAPO-
RATION DU MERCURE DANS LES ATELIERS DE DORURE VISI-
TÉS PAR LE COMITÉ D'ENQUÊTE.
Ateliers où les conduits d’évaporation du mercure s'ousrent
à l'air libre.
Mairie des Ponts ... . . . . .. 5
Mairie du Locle . . . . . ... 21
Mairie des Brenets +. . savnateor 2
Mairie de la Chaux-de-Fonds TU ETES
Total... . 51
Ateliers où les conduits d’évaporation du mercure s'ouvrent dans des
conduits de cheminée.
Conduits s’ouvrant dans ( Au Locle : LL
les cheminées de cuisine. | A la Chaux-de-Fonds 1
Total . . 5
Conduits s’ouvrant dans les che- { Au Locle . 1
minéesréservées pour les lessives. | AlaCh.-de-Fonds 1
Total 2
Conduits s’ouvrant dans une
cheminée destinée exclusive-
ment à cet usage . ‘. . . A la Chaux-de-Fonds , #4
Atelier dans lequel les vapeurs mercurielles s'échappent sans
conduit d’évaporation.
Mairie de la Chaux de Fonds . . . . 1
C.
opéRATION bu RECUIT Er pe LA MISE EN COULEUR.
Opération du recuit.
PONS LES LE à
Ateliers où le recuit se fait. . . à Locle . . . . . 25
Brenefs .20N, «1,9
Chaux-de-Fonds . . 29
Total . . 59
$ nie : Éotle =". SAR 1
liers où il n° il :
| 7, made pu Chaux-de-Fonds RE |
Total. . . 2
Ateliers où il se fait sans l'appareil à 28 NL RP Ts
Locle.7%10% 2: 10 7048
à hotte . .
{ Chaux-de-Fonds . 17
Total . . 36
Locle A4, 5
Ateliers où il se fait au “pe de ) Brenets . . Pr
la cuisine étant de Fonds .
Total . . 12
Ateliers où il a lieu sous la chemi-
née de maisonnettes ou sous ? Chaux-de-Fonds . . 7
une cheminée ad hoc
Ateliers où le recuit a lieu dans { Ponts g
des chambres à pur où à « Locle Res |
coucher . Brent are ne PURE
Total l
Opération de la mise en couleur.
Ateliers où pour cette opération { Ponts . . . . . 1
on se sert d'appareils préser- { Locle . . . . . 12
valeurs . Chaux-de-Fonds . 15
Total . . 28 (Suite)
(Suite du tableau C.)
Li
Ateliers où lon n’emploie pas
d'appareil préservateur.
Ateliers où la mise en couleur
a lieu sous la hotte vitrée de
l'appareil à hotte.
Ateliers où lon emploie des
appareils particuliers.
Ateliers où eette opération se
fait dans des chambres à
manger ou à coucher.
Ateliers où pour mettre en cou-
leur on ne se sert, ni de cire
à dorer, ni d’autre composi-
tion. .
Ateliers où l’on se sert de cire à
dorer et d’autres compositions.
Ponts... 7,
Locle 13
Brenets … . . . 2
Chaux-de-Fonds . 45
Total 02
PRE 5 « 4e ER
Locle sûre DEA
Chaux-de-Fonds . 8
Total . 20
À Pi (E) (OR SRPORA S PE D |
Chaux-de-Fonds . 7
Total . . 8
Ponts 2
Locle L
Brenets 1
Chaux-de-Fonds 7
Total 14
Mairie des Ponts . 3
Mairie du Locle . 26
Mairie des Brenets . 2
Mairie de la Chaux-de-
Fonds 98
Total 59
Mairie dela Chaux-de-
Fonds. .,. . .: 2
D.
PRÉPARATIONS DU NITRATE ACIDE DE MERCURE ET DE
L'AMALGAME D'OR ET DE MERCURE.
Préparation du nitrate acide de Mercure.
/
: , : , POS UE. MR
Ateliers où la liqueur mercurielle \ Lodig108 est dsolédgs
se prépare au foyer de l’appa- Brenets LEE
reil à hotte. . PARLE Chaux-de-Fonds . 18
Total _. 220.55 55
Ponts. at eto at
Ateliers où cette liqueur se- pré- \ Epcle. 2° 2 2 A
pare à Pair libre. . . . . . | Brent." "1
Chaux-de-Fonds . . A
Total . . 16 16
au foyer de la cuisine du ménage. de-Fonds
Ateliers où elle a lieu sous une ( Mairie de la Chaux-
cheminée adhoc. de-Fonds
Cas non déterminés
Ateliers où cette préparation se fait % airie de la Chaux-
Total à géhéral TOUTE
Préparation de l’amalgame d’or et de mercure.
Ateliers où il se prépare au foyer Al or HAE Fa
de V il ‘ sr7à P
Dr 07 Chaux-de-Fonds . . 48
Total . . 37 37
Locle PTT
Ateliers où il se prépare au foyer ) Brenets . . . .. 2
de la cuisine du ménage. Chaux de fond Énnes
| Total . . 45 15
Ateliers où il se‘prépare sous une \
cheminée adhoc sans appareil | Chaux-de-Fonds
préservateur. . . RS
Ateliers où cette préparation a veu sb
à l’air libre.
Cas indéterminés
Mairie des Ponts .
Total 1 général NE D 61
E.
TABLEAU GÉNÉRAL DES DOREURS AU FEU EXISTANT AU MOIS
D'AOUT 1843 DANS NOS MONTAGNES.
Tableau des doreurs, ouvriers et apprentis compris.
\ Sexe mas-| Sexe fé- | Total.
culin. minin:
Mairie des Ponts . . . . . . . . . I 2 6
Mairie duLocle. ser - 52e à 20 28 L8
Mairie des Brenets . . . . . . . . 2 2 [71
Mairie de la Chaux-de-Fonds . . . . . 56 67 103
Total général . . 62 99 161
Tableau des apprentis et des ouvriers doreurs.
Sexe Sex e fé- Total.
masculin.| minin.
Mairie des Ponts. 7... , : 1. 2 — 2
Mairie du Locle;eus #5 0 Gus, ) oo Li 5 8 11
Mairie des Brenets DD. han Là — 1 1
Mairie de la Chaux-de-Fonds . . . . . D) L 55
Total général . . 17 50 67
Totalité des doreurs , apprentis et ouvriers compris, classés
d'après l’âge.
Sexe Sexe fé- | Total.
masculin.| minin.
De10 à 45ans. 2buct-ahsemeds. ? ET 1 2 5
De 15 à 20 ans RAR er à PQ es 5 21 26
DEMO IANS SE PR ER AS EEE CE APS 10 28 38
De 95 à 50 ans Ve VON COPA Le 12 15 97
De 30 à 55 ans RE | DNS. 7 5 6 11
Do 35 à 40 ans 6 10 16
De 40 à 45 ans 8 6 18
DEN ATDO ANS ENEMRP PES ME PR 5 7 12
De 50455 ans eut ti cure 9 1 5
De 55 à 60 ans ‘ 0) Æ 2
Age indéterminé B mn 9
Total général . . 61 100 | 161
(Suite)
(Suite du tableau E)
Apprentis el ouvriers doreurs distribués suivant l'âge.
Sexe Sexe fé- Total.
masculin.| minin.
De 10 à 15 ans 1 2 5
De 15 à 20 ans L 5 19 24
De 20 à 25 ans | 5 16 19
De 25 à 50 ans 5 8 15
De 50 à 55 ans 1 1 9
De 55 à 40 ans 1 dei 1
De 40 à 45 ans 1 1 2
De 45 à 50 ans Li 1 1
Age indéterminé 1 n 9
Total général . . 18 49 67
Totalité des doreurs, apprentis et ouvriers, classés d’après le laps de .
temps écoulé depuis qu’ils ont commencé leur profession.
LU
Sexe Sexe fé- | Total.
masculin. minin.
Depuis 10 jours à 6 mois . . . . .. 11 15 24
De 6 mois à 1 an 5 11 14
D'un an à 18 mois 2 5 7
De 18 mois à 2 ans 2 2 ke
De 2 ans 2'/; ans 2° 2 2
Le2'}; à5ans . m1 10 14
De 5 à 4 ans n 6 10
De 4 à 5 ans 9 3 b)
De 5 à 6 ans 6 r' 15
De 6 à 7 ans 5 1 le
De 7 à 8 ans 2 2 4
De 8 à 9 ans 2 k 6
9 à 10 ans 1 1 2
10 à 15 ans 2 9 11
De 15 à 20 ans 3 6 9
De 20 à 95 ans 3 7 10
DA ians. . . . . . 9 7 6
Laps de temps non déterminé. 9 7 16
É * Total général . . 61 100 | 161
(Suite)
(Suite du tableau E.)
Apprentis et ouvriers doreurs distribués d'après le laps de temps
écoulé depuis qu’ils ont commencé leur profession.
Depuis un jour à 6 mois .
De 6 mois à 1 an
D'un an à 18 mois .
De 18 mois à 2 ans
De 2 à 2'/: ans.
De 2'/, ans à 5 ans
Desàk ans
De 4 à 5 ans
De 5 à 6 ans
De 6 à 10 ans
De 10 à 15 ans .
De 15 à 20 ans .
De 20 à 95 ans .
Laps de temps non déte
Total général
Sexe Sexe fé- | Total.
masculiu.] minin.
10 9 19
3 9 12
1 ni \75
+ 2 RE.
Æ 2 3
d 6 214
1 nn b]
— 2 2
— b) 6)
— 1 1
— 1 1
1 — 1
— 1 1
2 2 l
19 L8 67
F.
OUVRIERS POREURS ET APPRENTIS DISTRIBUÉS SOUS LE
RAPPORT DU LOGEMENT ET DES ENDROITS OÙ ILS
PRENAIENT LEURS REPAS.
Sexe Sexe fé- Total.
masculin.| minin.
Ouvriers qui couchent chez leurs maîtres
dans le local où l’on passe au feu . . . —_ 1 1
Ouvyriers qui couchent dans le local où l’on
mehen Couleur . 7 #5 15 ue - an 6 6
Ouvriers qui passent la nuit dans des en-
droits où l’on ne passe pas au feu et où
l'on ne fait pas la mise en couleur . . 17 42 59
Cas non déterminé . . : : : . . . — — 1
Ouvriers prenant leurs repas dans le local
où l’on passe au feu,
avec appareil préservateur . . = 1 1
sans appareil préservateur . . e = ÉE
Ouvriers prenant leurs repas dans le local
- où l’on met en couleur,
avec appareil préservateur . . l 2
sans appareil préservateur 1 — 1
Ouvriers couchant dans le local où l’on
grattebosse . 5 pu 10
Ouvriers prenant leurs repas dans lé local
où l’on grattebosse _. . . . . . 7 4 11
G.
TABLEAU DE L'ÉTAT DE SANTÉ DES DOREURS AU FEU DE
NOS. MONTAGNES, A LA FIN DU MOIS D'AOUT 1843.
Totalité des doreurs, apprentis et ouvriers compris (*).
Sexe Sexe fé--
masculin. | minin.
Total.
Doreurs jouissant de la plénitude de leur
santé, et n'ayant jamais été affectés de
tremblement convulsif, ni d’autres symp-
tômes d'intoxication mercurielle . . . 58 b2 90
Doreurs dont la santé est peu forte, et qui
sont d’une constitution grèle et délicate,
mais n’ayant jamais été atteints d’intoxi-
cation mercurielle . . . . ; 5 9 11 20
Doreurs qui ont été atteints d'intoxication
mercurielle à des époques plus ou moins
éloignées , mais qui en sont actuellement
guéris . . . 6 21 27
Doreurs tucllement atteints de A TSEE
MentiCONVUISIÉ. + 2: M; . . ." + l 7 11
Apprentis et ouvriers doreurs (?).
Ouvriers doreurs jouissant de la plénitude
de la santé, et n’ayant jamais été atteints
d'intoxication mercurielle
Ouvriers dont la santé est peu forte, ét qui
sont doués d’une constitution grèle et dé-
licate, mais n’ayant jamais été atteints
d'intoxication mercurielle . . . . 2 6 8
Ouvriers qui ont été atteints d'ittoxication
mercurielle, dont ils sont actuellement
DUERS 0% — 8 8
Ouvriers eine affectés dlescation
RMPLCLPICIIE er ee DR TAC à — 2 2
() Sur le nombre total de 161 doreurs, il y en a 13 dont on n’a pas pu constater l’état de
santé.
(2) Sur les 6; apprentis et ouvriers doreurs, il yena 5 dont il n'a pas été possible de con-
stater l’élat de sante.
H
Totalité des doreurs, apprentis et ouvriers compris, qui ont été at-
teints d'intoxication mercurielle, dont ils sont actuellement guéris,
distribués suivant les localités où ils exercent leur profession.
Sexe Sexe fé-
| masculin,|. minin. Total.
RD Con à 20 7 ohne — 1 1
- Au Locle . 1 5 6
- Aux Brenets RE Cie ee — 1 1
A la Chaux-de-Fonds AU 0 TAN 5 | 14 19
ne
a QE PR ME ER ET 27
Doreurs atteints actuellement d'intoxi-
cation mercurielle.
Au Locle . . MAL EE ARR 1 1 2
A la Chaux- de Fbudé | | 6 9
Total: 5 SN en € 11
Totalité des doreurs qui ont été affectés d'intoxication mercurielle 58 ;
savoir : hommes 10, femmes 928.
Ouvriers atteints d'intoxication mercurielle à une époque
antérieure , et actuellement guéris.
\"
Sexe Sexe fé-
masculin.| minin. Total
MAP ODES 5 ne Ve NTI SUR — — —
MOUrIC MED DIE re BAUER... .æ, — 2 2
“ Aux Brenets . . smont-foncils de — 6 6
Ala Chaux-de-Fonds . SEP REF ATEN — _ —
Total 8
: Ouvriers actuellement atteints d’intoxi-
cation mercurielle
Au Locle. . . . TAC: LOT — | —
A la + APE a
Totalité des ouvriers doreurs qui ont été atteints d'intoxication
mercurielle 10; tous du sexe féminin.
(Suite)
(Suite du tableau H.)
Tableau des ousrières qui, à des époques plus ou moins éloignées, ont
été atteintes d'intoxication mercurielle, classées suivant l’époque de
l'exercice de leur profession où elles ont été atteintes.
Dans la 1"° année
De la 4° à la 9° année .
De la 2° à la 5° année
De la 5° à la 4° année .
De la 4° à la 5° année
De la 5° à la 6° année
De la 6° à la 8° année
De la 8° à la 9° année . —
De la 9° à la 10° année. . . . 1
Total . .., ,: 10
| pate hours En |
Ouvrières qui ont été atteintes de tremblement convulsif, ou d'autre
symptôme d'intoxication mercurielle, classées suivant l’âge de la vie
où elles en ont été affectées.
De 18 à 19 ans ll
De19à 20ans . . 1
De20à21ans . , 1
De 292 à 95 ans . 1
De 95 à 26 ans 1
De aa ans En, 2
Total 1: Rue. M0
BULLETIN
DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES NATURELLES
DB NEVGESTER. ‘
Séance du 5 novembre 1845.
Président, M. L. CouLox.
M. Dollfuss-Ausset, de Mulhouse, présent à la séance,
est invité par la société à donner quelques détails sur
un instrument hygrométrique, qu’il substitue avec avan-
tage selon lui, aux hygromètres ordinaires, et qu'il
nomme roséomêtre. Les principes sur lesquels repose la
valeur de cet instrument sont les mêmes que dans l'hy-
gromètre de Daniell. Il s’agit de fixer la différence qui
existe entre la température à laquelle a lieu le point de
rosée et la température de l'air, afin d'en déduire la
quantité relative ou absolue de vapeur d'eau contenue
daus l'atmosphère ambiante, |
Au lieu de l'instrument fragile de Daniell, M. Dollfuss
prend un vase quelconque de cuivre doré, le remplit
- d’eau qu'il réfroidit par de la glace, et en prend la tem-
pérature au moyen d'un bon thermomètre gradué sur
verre , qu'il agite dans son sein, afin d'obtenir dans toute
la masse une température uniforme. Le moment où la
rosée commence à se déposer sur les parois du vase est
très-facile à saisir en raison de sa grandeur, et comme
le thermomètre peut avoir également une graduation à
— 350 —
grande échelle, les erreurs de lecture deviennent bien
moins faciles et moins grandes que dans l’hygromètre de
Daniell. De plus, la température de l'eau contenue dans
le vase variant aussi moins vite que celle que l’on obtient
au moyen de l’éther sulfurique, comme dans l’hygro-
mètre de Daniell, M. Dollfuss pense que l'indication de
la température du point de rosée est plus sûre. Enfin le
roséoméêtre a l'immense avantage d'être très-transpor-
table, puisque la seule partie cassante en sont les deux
thermomètres , qui peuvent même être réduits à un seul,
si l’on opère successivement.
Ce sont ces avantages qui ont déterminé M. Dollfuss
à employer son roséomètre dans les observations qu’il a
faites au glacier de l’Aar pendant cet êté, conjointement
avec M. Desor. Les comparaisons qu'il a faites de cet ins-
trument avec les autres hygromètres et le psychromètre
l'ont assuré que sa marche était tout aussi régulière.
Lorsqu'il n’a pas de glace à sa disposition, M. Dollfuss
substitue un mélange réfrigérant quelconque, comme celui
que l’on obtient au moyen du sulfate de soude et de l’a-
cide hydrochlorique , ou tout autre connu.
Une discussion s'engage sur cet objet, et MM. Desor,
Guyot y prennent surtout part.
M. Guyot complète, par quelques nouveaux faits qu'il
a recueillis récemment, la communication qu'il avait
faite sur la répartition des espèces de roches dans l'intérieur
du bassin erratique du Rhône. (Voir à la fin du volume),
ARNOLD GUYOT, secrétaire.
— 351 —
Séance du 19 novembre 1845.
Président, M. L. Courox.
M. Ladame présente verbalement quelques observations
sur une méthode destinée à apprécier la région de l'at-
mosphère dans laquelle agissent les causes qui détermi-
nent les variations de hauteur du baromètre. Le principe
qui sert de base à cette méthode est celui-ci :
Supposons une rupture d'équilibre dans une atmos-
phère en repos; si la cause qui a produit cette rupture
agit simultanément dans toute l'étendue de l'atmosphère,
on obtiendra un quotient constant, en divisant la course
barométrique par la hauteur primitive; mais si celte cause
n'agit que dans une étendue limitée, le quotient ne sera
| pas le même partout, sa plus grande valeur existera dans
les points où la cause agit avec le plus d'énergie.
En comparant pour l’année 1812 les courses baromé-
triques mensuelles et annuelles pour Cornaux, la Chaux-
-de-Fonds, les Ponts et la Brévine avec la hauteur moyenne
du baromètre dans ces localités, on arrive à ces résultats :
1° Le quotient de la course barométrique par la hau-
teur moyenne est toujours plus faible dans les points plus
élevés que dans les points inférieurs.
29 La différence entre ces quotients est plus grande pen-
dant l'été que pendant l'hiver: d’où l’on conclut que les
causes des variations barométriques ont leur source dans
les régions inférieures de l'atmosphère, et que pendant
- l'hiver leur action s'exerce dans une plus grande éten-
due de l'atmosphère que pendant l'été.
IL est important de remarquer que les conséquences
26
— 392 —
précédentes sont tirées d'observations faites dans des lieux
très-peu distants dans le sens horizontal, et qui peuvent
être considérés comme placés sur la même verticale.
Cette circonstance rend ces observations particulièrement
intéressantes, quoique la différence de niveau entre les
points extrêmes soit seulement d'environ 650 mètres.
La dernière conséquence indiquée permet d'expliquer
pourquoi les variations barométriques sont plus nom-—
breuses et ont une plus grande amplitude en hiver qu'en
été ; en effet si les mouvemens du baromètre résultent de
causes qui agissent sur une portion considérable de l'at-
mosphère, une faible variation dans leur intensité pourra
déterminer des oscillations barométriques très-fortes dans
tel lieu donné. Un exemple rendra ceci plus sensible.
Les marées sont dues, comme on le sait, aux actions
combinées de la lune et du soleil ; elles ont une grandeur
qui dépend de l'intensité de ces actions et de la position
relative des côtes sur lesquelles on observe ce phénomène;
car dans le cas où la mer est resserrée entre deux côtes
rapprochées, les marées atteignent une hauteur bien su-
périeure à celle qu'elles ont en plein océan ou sur des
côtes ouvertes. Une faible variation dans l'intensité de
l'action luni-solaire produira des effets d'autant plus ap-
parens que la mer sera plus resserrée entre des côtes voi-
sines.
M. Desor présente quelques considérations sur les en-
vahissemens des glaciers dans ces dernières années. On
peut citer comme exemple le glacier de Gauli, dans la
vallée d'Urbach, le glacier de Zermatt, où l’on a été obligé
d'enlever les chalets qui existaient de mémoire d'homme,
— 393 —
plusieurs glaciers du Tyrol, et enfin le glacier de l'Aar,
qui a empiété en moyenne de 20 pieds par an, depuis
1842. Les envahissemens de ces dernières années lui
paraissent avoir pour cause principale les étés froids et
neigeux de 1843 et 18%%. L'effet des eaux atmosphé-
riques sur les glaciers est très-différent, suivant qu’elles
tombent sous la forme de pluie ou sous la forme de neige.
Dans le premier cas, elles ne font aucun tort à l'ablation
qui peut continuer malgré la pluie. Si au contraire elles
tombent en neige, l’ablation non-seulement est interrom-
pue pendant la chute; mais encore les jours suivans, pen-
dant lesquels la chaleur atmosphérique est employée à
transformer la neige en névé. En attendant, le glacier ne
subit aucune ablation, jusqu'à ce qu'il soit de nouveau
dégarni. Pour peu que la neige persiste deux jours, voilà
l’équivalent de deux jours d’'ablation, c'est-à-dire en
moyenne six centimètres de glace qui sont conservés au
glacier, pare seul fait que les eaux atmosphériques sont
tombées en neige, au lieu de tomber en pluie. Que de
pareilles chutes de neige se renouvellent seulement trois
ou quatre fois par été, et l’on aura une épaisseur de glace
d'environ un pied, qui se trouve acquise au glacier. Le
chiffre en a certainement été plus considérable pendant les
. étés de 1843, 1844; de là leurs envahissemens si frappans.
Cependant ces empiètemens ne sont pas aussi rares qu’on
pourrait le croire. M. Desor, après avoir comparé les do-
eumens relatifs à l'histoire des glaciers dans les temps his-
- loriques, a trouvé que ceux qui attestent un agrandisse-
ment sont beaucoup plus positifs que ceux que l’on invoque
en faveur de leur retrait, Ce sont tantôt de vieilles chartes
constatant des droits de passage en des lieux que les
— 354 —
glaces ont envahis; ailleurs ce sont des chemins pavés
qu'on retrouve sous le glacier lui-même, comme par
exemple au Monte-Moro et au glacier d'Aletsch. Cepen-
dant il n’est guère possible de calculer d’après des docu-
mens pareils la quantité dont le glacier à avancé dans
un temps donné. M. Desor vient de découvrir un docu-
ment qui, sous ce rapport, est plus significatif. C’est une
carte des glaciers de l’Aar, dessinée, dans la première
moilié du siècle dernier, par un médecin de Lucerne,
nommé Kappeler, et publiée par Altmann, dans son ou-
vrage sur les montagnes de glace de la Suisse ('). A cette
époque le glacier se terminait en amont des grottes aux
cristaux. D’après l'échelle qui accompagne cette carte, la
distance de l'extrémité du glacier au torrent de l'Ober-Aar
aurait été de deux tiers de lieue, c'est-à-dire de plus de
3000 mètres, tandis qu'à présent le talus terminal n’en
est plus qu’à 90 mètres. L'auteur de la carte dit positi-
vement, dans sa lettre à Altmannn, qu'à cette époque le
glacier avançait beaucoup, et qu'on ne se souvenait pas
de l'avoir vu aussi bas dans la vallée. Si l’on considère,
ajoute M. Desor, que le glacier de l'Aar, de tous les gla-
ciers, est celui qui charrie le plus de débris rocheux, n’a
pas de moraine frontale, et qu'il n’en existe aucune trace
dans tout le fond plat du Grimsel, on peut en inférer
que le glacier n’a jamais subi de retrait; car dans ce cas
il aurait laissé devant lui une quantité notable de débris.
On ne peut pas non plus supposer qu'il ait subi ancien-
nement des oscillations, car il aurait poussé devant lui
(*) Versuch einer historischen und physischen Beschreibung der helve-
tischen Eisbergen. Zurich, 1751.
— 359 —
ces mêmes débris, toutes les fois qu'il aurait été en crue,
et 1l en serait résulté de puissantes digues, dont on de-
vrait retrouver les traces. Or l'absence de pareilles digues
combinée avec l'envahissement considérable que cons
tate la carte ci-dessus mentionnée, sont une preuve que
le glacier est toujours allé en augmentant, et par consé-
quent que la température des Alpes s'est détériorée dans les
temps historiques.
M. Desor développe ensuite quelques considérations
sur l'évaporation et la condensation des glaciers dans les
hautes Alpes. Il résulte des observations qu'il a faites,
que , pendant la belle saison, le glacier condense pres-
que continuellement, tandis que les cas où il évapore
sont très-rares. Au premier abord ce résultat a lieu de
surprendre, surtout si l'on songe à la sécheresse de l’air,
que la plupart des voyageurs représentent comme un
trait dominant de l'atmosphére dans les hautes régions.
Cette sécheresse est en effet très-grande, à tel point que,
passé une certaine limite (10,000 pieds environ), la trans-
pivalion s'évapore instantanément lorsque le ciel est serein.
Il n’en est pas de même des glaciers qui, par cela même
qu'ils ne s'élèvent jamais au dessus de 0°, se trouvent
dans des conditions tout-à-fait différentes. En effet pour
- qu'il y ait évaporation , la première condition, c'est que
le corps qu'on veut faire évaporer soit à une température
supérieure au point de rosée. Si la température est in-
- férieure, il y aura au contraire toujours condensation.
Qu'on place l'un à côté de l’autre, dans un appartement
dont la température est à + 10° et l'air à peu près à
saturation , deux vases remplis d'eau, lun à + 20° et
Vautre à 09, le premier évaporera tant qu'il conservera
— 326 —
une lempérature supérieure à 10°, le second, au con-
traire, condensera aussi longtemps qu'il n'aura pas at-
teint cette même température. D'un autre côté, l'évapo-
ration est d'autant plus active que la différence entre le
terme de la saturation (le point de rosée) et la tempéra-
ture du corps évaporant est plus grande. Comme l'air
contient alors une quantité de vapeur d’eau très-faible,
comparativement à celle qu'il peut tenir en suspension,
il en emprunte avec avidité à tous les corps humides en-
vironnans, et l'évaporation est presque instantanée. Le
glacier, au contraire, est à l'abri de cette évaporation;
il condense, pour peu que le point de saturation soit au-
dessus de 0°. C’est à ces circonstances qu'il faut attribuer
les effets de l’air des hautes Alpes sur la peau qui se flétrit
et se desséche sous l'influence de cette absorption. L’habi-
tude des montagnards de s'envelopper le visage d'un voile,
lorsqu'ils montent dans les hautes régions, quoiqu'elle
soit chez eux une affaire d'expérience , est en soi tout à
fait rationnelle. Ils se préservent ainsi de l’évaporation,
parce qu'au moyen de la respiration, ils entretiennent
autour d'eux une atmosphère plus saturée d'humidité.
On s'explique ainsi tout naturellement comment il
peut y avoir simultanément évaporation et condensation
sur différens corps. Le glacier condense parce qu'il est
à une température très-basse; notre corps évapore, au
contraire, parce qu'il est à une température élevée.
ARNOLD GUYOT, secrétaire.
di rr n Esiée
Séance du 4 décembre 1845.
Président , M. L. CouLon.
M. Agassiz communique quelques observations sur la
distribution géographique des êtres organisés ; il rappelle
d'abord les travaux de M. de Humboldt, qui, le premier a
fait connaître les grandes lois qui régissent la répartition
des végétaux à la surface du globe ; il fait voir ensuite
de quelle manière ces idées fondamentales ont été appli-
quées en détail. Après avoir montré comment la végé-
tation se développe des régions froides et tempérées vers
les régions tropicales, et comment elle s’apauvrit de la
même manière, à mesure qu'on s'élève au-dessus du
niveau de la mer, M. de Humboldt insiste sur le mode
d'association des plantes diverses, comme caractère des
faunes locales. Schouw, dans sa géographie des plantes,
a tracé des cartes où les régions botaniques sont limi-
tées d'après la prépondérance de telle ou telle famille
plutôt que d’après le mode d'assemblage de familles
diverses, d'où il est résulté des limites moins natu-
relles que celles que M. de Humboldt a tracées dans ses
tableaux de la nature. Le principe de Schouw a quelque
chose de vrai, mais son application exclusive conduit à
des résultats que l'aspect de la nature dément. C’est ainsi
que la limite de la végétation des arbres indique, selon
M. Agassiz, une différence bien plus grande, dans les
flores du nord, que ne le fait la prépondérance des saxi-
frages et des mousses adoptée par Schouw pour caracté-
riser une zône qui empiète d'une manière indéterminée
sur la zône des arbres. Du reste cette limite des arbres ne
— 358 —
coïncide pas rigoureusement avec les isothermes, puis-
qu'elle s’avance jusque vers le 70° de latitude nord, à
l’ouest, près de l'embouchure du Coppermine, dans l'A-
mérique du nord, où les isothermes sont très-déprimées,
et qu'elle s’abaisse jusqu'au 61° sur la côte orientale du
Kamtschatka, où les isothermes se relèvent vers le détroit
de Behring. Il est donc très-vraisemblable que cette limite
est le résultat de phénomènes compliqués, dépendant
moins de la température moyenne, que de l'exposition de
ces contrées et du mode de répartition de la chaleur pen-
dant l’année. |
L'uniformité de la végétation dans les trois continents
qui convergent vers le pôle est un fait incontestable,
néanmoins, M. de Martius, dans une esquisse des limites
des flores qui accompagne son histoire des palmiers, dis-
tingue cinq flores septentrionales, dont les parties arcti-
ques sont composées d'espèces en grande partie identiques.
C'est ainsi qu'il admet encore, dans l'Amérique du sud,
trois flores Andiennes qui occupent toutes trois des ré-
gions dont la végétation présente les mêmes caractères
naturels. Ces divisions étant essentiellement géogra-
phiques, ne peuvent avoir aucune valeur pour la con-
naissance des flores naturelles ; car s’il n’y a pas de doute
que la forme et la position du continent exercent une
grande influence sur la distribution géographique des
êtres organisés, il ne faut pas oublier non plus que la
tâche de la physique du globe est d'emprunter à l'étude
des êtres vivants les lois de leur distribution, bien plutôt
que d’énumérer les animaux et les plantes qu'on observe
dans telle ou telle division géographique.
En recherchant d'après quelles considérations on pour-
DE
— 359 —
rait arriver à une délimitation naturelle, M. Agassiz croit
en avoir trouvé le principe dans l'extension des familles
naturelles elles-mêmes, tant dans le règne animal que dans
le règne végélal. En effet , il est certaines familles de vé-
gélaux, par exemple, qui sont répandues sur toute la
surface du globe ; ce sont celles qui servent en quelque
sorte de lien à toutes les autres ; ce sont en même temps
celles qui fournissent la nourriture la plus ordinaire des
animaux herbivores : telles sont les graminées, les légumi-
neuses, les composées. D'autres sont plus particulière
ment propres aux régions tropicales; telles sont, parmi
les plantes, les palmiers, et parmi les animaux, les singes
et les pachydermes. D’autres sont plutôt répandues dans
| les régions froides et tempérées ; telles sont parmi les
plantes, les conifères et les crucifères; tels sont parmi
les animaux, les cétacés, les palmipèdes et les gadoïdes, ete.
D'autres familles enfin sont circonscrites dans des contrées
particulières ; soit dans les régions tropicales, soit dans
les régions tempérées ; tels sont les cactus dans l'Améri-
que du sud, les bruyéres en Europe, sur les pourtours
de la Méditerranée, les marsupiaux de la Nouvelle-Hol-
lande, et les édentés de l'Amérique du sud.
Si maintenant, dit M. Agassiz, nous appliquons ces
principes à la délimitation des faunes et des flores, il
nous sera facile de reconnaître que certaines familles étant
essentiellement tropicales, tandis que d’autres occupent
des zônes tempérées, ces divisions astronomiques coïn-—
cident en général avec les traits les plus saillants de la dis-
“ribution des êtres organisés. Seulement les limites or-
ganiques présentent des contours moins réguliers, car
ils sont accidentés, suivant des influences climatologi-
— 360 —
ques. Notre région arctique ne sera donc pas circonserite
par les cercles aretiques, mais par la ligne qui indique
la limite de la végétation des arbres. Notre région tem-
pérée s'étendra de là jusqu'aux confins de la végétation
des palmiers, et notre région tropicale embrassera l’éten-
due occupée par ces derniers.
Quant à la délimitation des faunes et des flores en par-
ticulier, il est évident que le principe d'association des
types, posé par M. de Humboldt comme caractéristique
des faunes particulières, est le seul vrai; mais pour ne
pas tomber dans l'arbitraire en l’appliquant, je pense qu'il
faut emprunter leurs limites à celles de familles localisées
qui se combinent dans différentes contrées. On peut dés
lors poser en principe que pour établir les grandes zônes «
de végétation et de la distribution des animaux, il faut se «
diriger d'après les limites des grands groupes de végétaux 1
et d'animaux, tandis que c’est d’après certaines familles w
de plantes et d'animaux localisés qu’on peut établir les »
faunes et les flores particulières.
Pour montrer les avantages de ces principes, M. Agas- «
siz fait voir comment on peut diviser les vastes étendues w
d'eau qui recouvrent une si grande portion de notre
globe, en faunes maritimes très-naturelles ; seulement «
il fait remarquer que les limites de la distribution des”
animaux aquatiques ne coïncident pas complétement, «
dans leur circonscription naturelle, avec les limites des
flores et des faunes terrestres. C'est ainsi que sur less
côtes de la Norwège et du Groënland la faune maritime ;
arctique s'étend plus au sud que la limite des arbres; mais”
elle descend encore plus au sud, sur les côtes américaines
que sur les côtes européennes, et ici les limites de ré
— 361 —
partition sont conformes aux inflexions des isothermes. Il
suffit de comparer la faune du Massachussets avec celle
du nord de l'Europe pour s'en convaincre.
A cette occasion, M. Agassiz met sous les yeux de la
Société un grand nombre de cartes sur lesquelles il a
transcerit les limites de distribution des principales familles
de poissons, et il fait voir comment, au moyen du mode
de répartition des familles les plus répandues et des fa-
milles localisées, il est parvenu à tracer les contours des
faunes maritimes avec autant de précision que ceux des
faunes terrestres. Il rappelle en même temps quelle in-
fluence les formes des continents, l'orientation des côtes
et la direction des courants exercent sur ces distributions.
Les faunes qu'il a distinguées sont les suivantes : la faune
arctique; la faune européenne, y compris les parages de
la Méditerranée et des Canaries, qui se terminent en
pointe sur les côtes septentrionales des Etats-Unis; la
faune caraïbe qui s'étend du Rio-de-la-Plata jusqu'aux
environs de New—York ; la faune de Guinée; la faune du
Cap; la faune Madécasse, avec les Séchelles et les Iles
de France et de Bourbon; la faune Indo-Chinoise, com-
prenant les parages du Décan, de l'Indo-Chine, des Mo-
luques et des Philippines ; la faune de la Nouvelle-Hol-
lande; la faune japonaise; la faune polynésienne; la faune
californienne ; la faune chilienne et la faune antarcti-
que. Si quelques-unes de ces faunes ont un grand nombre
d'espèces communes, il n’en est pas moins vrai que toutes
ont leurs types particuliers.
Ces études sont d'autant plus intéressantes qu'elles
offrent des applications immédiates à l’étude des fos-
siles et de la distribution de leurs espèces dans les ter-
— 362 —
rains. Il n'y a peut-être pas de classe qui présente des
faits de distribution géographique circonscrits dans des
limites plus étroites que la classe des poissons. Ce résul-
tat est complètement opposé à l'opinion qui attribue en
général aux poissons une distribution géographique très-
étendue. M. Agassiz ne nie pas le fait de la dispersion
de certaines espèces sur de vastes aires; il affirme seule-
ment que ces faits sont peu nombreux et qu’en général
les poissons ont une répartition restreinte; il cite surtout
à l'appui de cette proposition les poissons d'eau douce en
général, et plus particulièrement ceux des familles des
Characins, des Chromides, etc. En général les animaux
ont des aires de répartition plus circonserites que les
plantes, et cela se comprend aisément lorsqu'on songe à
la dépendance où sont un grand nombre d'animaux de
l'existence de certaines plantes. Enfin M. Agassiz signale
la coïncidence remarquable qui existe entre les limites
de distribution de certaines familles d'animaux et de plan-
tes, par exemple, des palmiers et des singes.
F. Sacc, secrétaire.
M. le professeur Sacc communique une note sur l'acide
succinique.
Il existe, dit-il, dans plusieurs parties du globe et sur-
tout sur les bords de la Baltique, une substance m'né-
rale qui paraît cependant avoir une origine organique ;
c'est le succin ou ambre jaune. Lorsqu'on distille ce com-
posé, il passe une huile particulière douée d’une odeur
repoussante, et un acide particulier, volatilisable sans dé-
composition. Ce corps, qu'on appelle acide succinique, -
est d'un brun plus ou moins foncé et très-difficile à ob=.
— 363 —
tenir blanc par les procédés ordinaires; aussi celui qui
est bien pur est-il très-cher, ce qui en empêche l'usage
général dans les laboratoires , où il est trés-utile pour sé-
. parer le fer d'avec le manganèse. Nous venons de décou-
vrir un moyen facile de préparer à bon marché cet acide
et de l'avoir plus pur que par tout autre moyen. Après
avoir recueilli l'acide succinique, produit brut de la
. distillation, et l'avoir desséché aussi bien que possible
entre des doubles de papier Joseph, on le dissout jusqu'à
refus dans de l'acide nitrique concentré du commerce,
chauffé au bain d'eau jusqu'à 100°. Dès que cette disso-
. lution est saturée, qu'il ne s'en dégage plus de vapeurs
nitreuses, produit de l’oxidation de l'huile empyreuma-
tique qui salissait l'acide brut, on l’ôte du feu. Par le
refroidissement toute la capsule se remplit de belles co-
lonnes cannelées , analogues aux cristaux du salpêtre, et
out aussi longues qu'eux. On jette cet acide, qui est de
- la plus grande pureté, sur un filtre dont on a préalable-
“ ment bouché le bec avec quelques fragmens de verre. On
brise les cristaux contre les parois de l'entonnoir avec
: une baguette de verre et on le couvre avec une plaque
de la même substance pour empêcher qu'il n’y tombe de la
poussière. On laisse égoutter pendant quelques heures,
‘pour séparer autant que possible tout l'acide nitrique. En-
Suite on jette ces cristaux dans un grand vase à précipités,
“où on les agite fortement avec six ou dix fois leur volume
_ d'êther hydrique qu'on décante brusquement, afin qu’il
“dissolve le moins possible d'acide succinique. On jette
“ensuite l'acide succinique ainsi purifié sur un filtre de
papier, où on le laisse se dessécher à une douce chaleur.
— Préparé de cette manière, l'acide succinique retient en-
— 964 —
core des traces d'acide nitrique, ce qui n’a pas d'incon-
vénient lorsqu'on emploie cet acide à la séparation du
manganèse d'avec le fer. Nous avons essayé d'appliquer
à l'acide benzoïque ce même mode de purification, et
nous n'avons pas réussi, Lant parce qu'il se forme alors
une substance jaune , que retient avec opiniâtreté l'acide
benzoïque, que parce que les larges lames de cet acide em-
prisonnent l'acide nitrique, avec assez de force pour qu'il
soit impossible de l'en extraire autrement, que par la
sublimation.
M. Sacc fait lecture d'une seconde note sur la sépara-
tion de l'acide benzoïque d'avec l'acide cinnamique.
Comme on extrait du baume du Pérou presque tout
l'acide cinnamique dont on a besoin dans les labora-
toires, et qu'il est facilement souillé par des traces d'a-
cide benzoïque , on apprendra sans doute avec plaisir une
nouvelle méthode de le purifier , méthode dont nous n’a-
vons étudié que la valeur pratique, sans nous inquiêter
de sa valeur en analyse. On sature le mélange des acides
cmnamique et benzoïque avec de l’'ammoniaque, et on
en verse la dissolution dans un mélange fait en dissolvant
du chlorure barytique dans l'alcool, et en ajoutant à la
liqueur de l’'ammoniaque caustique en excès. Le précipité
que l’on obtient alors est formé de cinnamate barytique
seul, tandis que tout le benzoate reste en dissolution. »
A la fin de la séance M. Sacc prend la parole à propos «
de l'introduction projetée des alpacas dans le canton des
Grisons. Il présente à la société des échantillons de laine
_de ces animaux, et rappelle qu'il a publié dans le nu
méro de décembre 41841, du Journal d'Agriculture prati-
que, des considérations relatives à l'utilité qu'il y aurait
à introduire ces utiles animaux sur les sommités les plus
— 365 —
élevées des chaînes de montagnes de l'Europe centrale.
M. Sacc observe que la laine des alpacas est d’une force
telle que les habits qu'on en confectionnerait n'auraient
pour ainsi dire pas de fin. La laine des alpacas présente
la même variété de teintes que celle des moutons; elle
est plus longue et plus lustrée que cette dernière. Un seul
alpaca porte jusqu'à quatorze livres de laine. L'éduca-
tion de ces animaux est facile, puisqu'ils supportent sans
danger les froids les plus violents, qu'ils sont sobres et
très-doux. De plus, comme les alpacas sont de vigou-
reux animaux, on pourrait les utiliser comme on le fai-
sait jadis au Pérou, et comme on le fait encore au Chili,
pour le transport des effets et des voyageurs, sur les
hautes montagnes. La chair des alpacas est saine et bonne.
Toutes ces considérations font vivement désirer à l’auteur
de cette note, que l'exemple donné par le canton des
Grisons soit imité par toute la Suisse.
M. le professeur Agassiz observe que la naturalisation
des alpacas n'est plus un problème, et qu'il a vu il y a
. plusieurs années déjà un beau troupeau de ces animaux
- en Ecosse, où ils se portaient fort bien, et multipliaient
- tout aussi abondamment que dans leur pays natal.
F. Sacc, secrétaire.
… M. Guyot rend compte du mémoire de M. Linant de
“Bellefonds , sur la découverte définitive de l emplacement
“du lac Moeris, dans le Fayoum, ainsi que des limites, des
“dimensions et des usages de ce prodigieux monument
- des arts hydrauliques de l'antique Egypte. Il met sous
les yeux de la Société les cartes dessinées par M. Linant,
pour l'intelligence de son mémoire.
— 366 —
Séance du 18 décembre 1845.
Président, M. L. CouLon.
M. Agassiz expose le résultat de ses observations:sur
les rapports qui existent entre Îles faits relatifs à l’appari-
tion successive des êtres organisés à la surface du globe,
et la distribution géographique des différens types actuels
d'animaux. Tout le monde sait que certains fossiles des
régions tempérées et froides de l’époque actuelle ont leurs
analogues vivans dans les régions tropicales. Mais ce que
l'on n'a pas remarqué, c'est qu'il existe une relation
constante entre ces différences dans la distribution géo—
graphique et la gradation zoologique de l’organisation
de ces types. C’est ainsi qu’en thèse générale les espèces
des types supérieurs actuels des classes d'animaux sont
plus abondantes dans les régions tropicales que dans les
régions tempérées, et à plus forte raison que dans Îles
régions froides ; les singes, par exemple, qui occupent
le plus haut rang parmi les mammifères sont entièrement
circonscrits dans la zône tropicale, tandis que les cétacés
sont proportionnellement plus nombreux dans les régions
polaires; d'autres familles intermédiaires sont cosmo-
polites. Cependant il est aussi des types d'une organi-
sation inférieure, qui de nos jours sont essentiellement
répartis dans les régions tropicales et paraissent former
une exception à cette règle; tels sont, par exemple, les
pachydermes. Mais ce fait lient sans doute à d'autres in-
fluences el paraît devoir être considéré comme une ré-
miniscence d’un ordre de choses antérieur. En effet, les
pachydermes ont été pendant longtemps, durant l'époque |
— 367 —
tertiaire, la famille prédominante. On peut dés-lors les
considérer en quelque sorte comme la souche primitive
de la classe des mammifères, et comme ces animaux ont
vécu dès leur origine dans des conditions climatologiques
analogues à celles de la zône tropicale actuelle, il n’est
» point surprenant que leurs représentans modernes, mal-
gré leur infériorité d'organisation, habitent de nos jours
les régions les plus chaudes du globe. M. Agassiz cite
* encore de nombreux exemples, empruntés à d’autres
classes, qui prouvent tous que les faunes tropicales se
composent d’un côté des types supérieurs modernes de
chaque classe et des représentans modernes des familles
- de ces mêmes classes qui ont dominé dans les temps plus
“ anciens; sans compter les types cosmopolites.
M. Agassiz énumère une série d’autres faits de distri
“bution géographique qui montrent, qu'indépendamment
des familles dont on peut suivre directement la généalo-
“gie, ilen est qui ont entièrement disparu de la surface
“du globe, et qui ne se rattachent qu’indirectement aux
faunes actuelles, et d’autres enfin dont les représentans
odernes très-peu nombreux sont répartis de nos jours à
a surface du globe, de telle sorte qu'il n’est pas encore
possible de se rendre un compte très-exact de leur liaison
vec les nombreux représentans que leurs familles ont eus
is. C’est à cette dernière catégorie qu’appartiennent les
épidostées et les Polyptérus, dont les premiers habitent
‘grands fleuves de l'Amérique du Nord, et les seconds
le Nil et le Sénégal, et qui sont les seuls représentans
tuels de cet ordre des Ganoïdes si nombreux dans l’é-
ue secondaire et dès les premiers développemens de la
sur la terre. Quant aux représentans de la première
o=
21
catégorie, l'intelligence de leurs rapports génétiques et
géographiques dépend de la connaissance de faits encore
trop peu étudiés pour être généralement appréciés; ce-
pendant M. Agassiz fait remarquer une liaison intime
entre la répartition géographique de certains types ac
tuels et leurs affinités avec des Lypes entièrement éteints.
Si l'on se bornait, par exemple, à étudier les esturgeons
et les silures en Europe, on serait loin de se douter de
l’étroite affinité qui existe entre ces familles, tant ils pa-
raissent différer à tous égards. Dans l’ancien monde les
esturgeons sont limités aux régions lempérées de l'Eu-
rope et de l'Asie, tandis que les Silures caractérisent les
eaux des contrées tropicales, à la seule exception de quel-
ques vrais Silures qui vivent dans les eaux douces des
régions tempérées. Mais si l'on étend ces études à l'Amé-
rique, on trouve, dans les contrées septentrionales de ce
continent, de vrais esturgeons et des silures tout aussi
différens entr'eux que ceux de l’ancien monde, et dans
l'Amérique méridionale, outre de nombreux silures, une
famille entièrement propre à cette partie du monde, les
Goniodontes. Or les Goniodontes et les Siluroïdes sont
étroitement unis, au point de vue zoologique, et ce qu'il
ÿ a de plus instructif encore, c’est que certains genres
d'Accipensérides de l'Amérique du nord, les Scaphirhyn-
chus, par exemple, très-semblables aux Loricaires, vien
nent former une sorte de transition aux Silures, si bien
qu'en Amérique les familles des Siluroïdes et des Estur-
geons, unies par les Goniodontes, forment un groupe très-
naturel, dont on ne pouvait saisir l'affinité dans l'ancien
monde où les Goniodontes manquent.
Ce fait déjà trés-important eh lui-même tire un
ss ri td
SE Le nn Rd RE,
EL |
NA.
— 369 —
nouvel intérêt de cet autre fait que les Silures, les Go—
niodontes et les Esturgeons, dans leur réunion, peuvent
être considérés comme l'équivalent zoologique moderne
des anciennes familles de Ganoïdes qui ont peuplé si ri-
chement les mers d'autrelois.
Il résulte donc de là que, non seulement il existe des
associations d'espèces localisées dans certaines contrées,
qui peuvent être considérées comme des équivalens z00—
logiques d'autres associations d'espèces analogues habi-
tant d'autres localités; mais encore que des familles en-
tières en cessant d'exister dans certaines époques géolo-
giques pendant lesquelles elles ont eu une distribution
géographique déterminée, peuvent être remplacées à des
époques plus récentes par d’autres familles affectant , il
est vrai, une distribution géographique nouvelle, mais
n'en formant pas moins cependant des équivalens zoolo-
giques successifs, en opposition aux équivalens z0ologi-
ques contemporains d'une époque déterminée,
F. Sacc, secrétaire.
M. Desor fait une communication verbale sur la glace
des hauts sommets des Alpes. Il est reconnu, dit-il, que la
glace est à son maximum de compacité et de transparence
à l'extrémité des glaciers, et qu'elle devient toujours plus
terne et plus légère à mesure qu'on remonte vers leur
origine, où elle passe insensiblement à la forme grenue
et désagrégée du névé. Cette gradation semble toute
naturelle, quand on songe que la glace est le résultat
d'une transformation successive de la neige au moyen de
l'eau ; car comme l'eau est plus abondante, et l'imbibi-
lion par conséquent plus complète dans les régions infé-
— 310 —
rieures, il en résulte que la glace doit y être à un état
plus avancé. Se fondant sur cette gradation, on a admis
qu'il ne pouvait pas exister de glace au-delà d’une cer-
taine limite, et que les hauts sommets des Alpes n'étaient
couverts que de neige. Ce qui confirmait surtout cette
supposition, c'est le fait que la plupart des voyageurs, qui
ont fait des ascensions sur les hautes sommités des Alpes,
y ont trouvé une température inférieure à zéro. Saussure
avait trouvé au sommet du Mont-Blanc — 2 à - 3° R.
à l'ombre. M. de Tilly y trouva - 14°, M. Agassiz et
M. Desor observèrent au sommet de la Jungfrau — 39.
Et cependant le sommet de la Jungfrau est couvert d’une
calotte de glace de glacier; des parois de glaces sem-
blables tapissent les flancs du Schreckhorn et du Finster-
aarhorn, jusque prés de l'extrême sommet. Comme on
n'admettait pas qu'il pût exister à pareille hauteur de
l’eau liquide capable de cimenter la neige et de la transfor-
mer en glace, on eut recours à une foule de suppositions
plus ou moins ingénieuses pour expliquer la présence de
cette glace. On supposa en particulier qu'elle était l'effet
d'une condensation très-active, favorisée par les vents
chauds qui soufflent souvent dans les hautes régions. Le
fait est que si la température se maintient souvent au-des-
sous de zéro, même pendant l'été, il est cependant des
moments où elle s'élève à plusieurs degrés. C'est ainsi
que M. Desor trouva au moins d'août, au sommet du
Schreckhorn , une température qui oscillait entre + 2,5
et + 3,6, et qui déterminait une fonte très-abondante à
la surface des neiges et des glaces environnantes. Or il
n'en faut pas davantage pour opérer la transformation de
la neige en glace.
een San nd fo
— 311 —
Une autre question est celle de savoir pourquoi la glace
des hauts sommets qui ne reçoit que très-peu d'eau, est
cependant beaucoup plus compacte que la neige des
névés, et pourquoi cette dernière, qui est à une hau-
teur bien inférieure, où la fonte a lieu presque tous
les jours en été, reste cependant à l’état grenu et incohé-
rent. La solution de ce problème doit être cherchée, selon
M. Desor, dans l'épaisseur relative des masses. Qu'on
suppose deux couches de névé placées dans des conditions
tout-à-fait semblables, dont l’une aurait 20 centimètres
et l’autre 10 centimètres d'épaisseur. A mesure que la
fonte aura lieu à la surface, l’eau qui en résultera imbi-
bera la masse entière, et quand celle-ci en sera complé-
tement saturée, le névé se cimentera en une glace terne
et grenue de bas en haut. Supposons que la fonte enlève
journellement un centimètre de névé à la surface, et qu’en
même temps la couche de glace terne augmente d’un
centimètre par jour, il en résultera qu'au bout de cinq
jours les deux couches se trouveront dans des circons-
tances tout-à-fait différentes. La couche de 10 centi-
mètres aura diminué de moitié , et les 5 centimètres qui
restent seront de la glace. La couche de 20 centimètres
au contraire sera réduite à 15 centimètres, dont 10 se-
ront à l’état de névé, tandis que les cinq centimètres in-
férieurs seront seuls à l’état de glace. Les choses se pas-
sent à-peu-près de la même manière dans les Alpes; mais
dans des proportions bien autrement grandes. La couche
de 10 centimètres d'épaisseur représente la neige des
hautes régions, celle de 20 centimètres la masse de neige
entassée dans les cirques. Seulement l'épaisseur de la
masse des cirques , au lieu d'être double, est presque dé-
— 3172 —
cuple, d'où 1l résulte que quelque minime que soit la
fonte des hautes régions, la masse qu’elle imbibe doit,
à raison de sa faible épaisseur, arriver plus tôt à une sa-
turation complète que la couche trés-épaisse des grands
cirques malgré une température très-élevée et une fonte
beaucoup plus abondante.
Les glaciers latéraux qui viennent aboutir au-dessus
des grands cirques, et dont la glace est plus compacte
que celle de ces derniers, doivent être jugés du même
point de vue.
Cette communication est accompagnée de dessins pour
en faciliter l'intelligence.
M. Guyot fait, d'après M. de Buch (*), un rapport sur
une zône volcanique remarquable, constatée dans Pile
septentrionale de la Nouvelle-Zélande, par le Dr Dief-
fenbach.
Il y a peu d'années, dit M. de Buch, que nous étions
dans une ignorance à-peu-près complète sur l'intérieur
de la Nouvelle-Zélande. IL était réservé à un observateur
aussi courageux et aussi attentif que M. Dieffenbach de
nous initier, pour la première fois, à la connaissance de
l'intérieur de ce pays, si neuf encore pour nous.
Au lieu de la seule petite île fumante de ithe-Island,
nous voyons surgir dans ces contrées une foule de phéno-
mèénes volcaniques qui se présentent dans une connexion
que nous ne pouvions prévoir.
Il résulte des observations de Dieffenbach qu'à tra-
(*) Monatsberichte, etc. Bulletin de la Société de géographie de Berlin,
11,275.
— 313 —
vers la Nouvelle-Zélande {/New-Ulster), du sud-ouest au
nord-est, exactement comme en Islande, s'étend une
bande trachytique dans laquelle seule se manifestent les
phénomènes volcaniques. C'est, dit Dieffenbach lui-même
(1, 337), une grande fente qui traverse l'île du cap Eg-
mont jusqu'au nord du Cap-Ést, et qui, imparfaitement
recouvérte, donne issue aux éruptions de toute espèce.
Pas même à Saint-Miguel des Açores, on ne trouve une
quantité de ruisseaux d’eau bouillante aussi incroyable
que celle qu'offre cette contrée. On les voit sortir de
cette fente avec impétuosité et se précipiter en cascades
qui disparaissent presque sous les tourbillons d’une va-
peur brülante. Presqu’au milieu s'élève le volcan encore
actif de Tongartro à une hauteur de 6200 pieds anglais,
couronné par un cratère sans fond, d'un quart de mille
anglais de diamètre et rempli d'épais nuages de vapeur.
Des courans de lave descendent le long de ses flancs,
ainsi que d'épais torrens de boue, formés par de fréquentes
érüptions aqueuses, comme à Java, où tant de villages,
sur bien des lieues carrées d’étendue, ont été déjà englou-
tis par de pareils courans boueux. Les vapeurs brülantes
pénètrent la roche qui compose la montagne , la désor-
ganisent et des pans entiers du volcan se mettent à couler
sous la forme de masses boueuses. Les eaux, les ruis-
seaux bouillants, qui, sur les bords du lac Taïpo, sifflent
et mugissent comme autant de machines à vapeur, dé-
posent partout de la chalcédoine: c’est la silice qui, dis-
soute dans l'eau chaude, comme au Geyser et dans toutes
les eaux thermales, s'élève avec les vapeurs et se dépose,
comme à Carlsbad, dans les fentes des rochers sous forme
de hornstein et de chalcédoine.
— 314 —
Tout à l’entour, partout où les vapeurs n'ont pas en-
tiérement décomposé la roche en une argile blanchâtre,
_ le sol est formé de couches de pierre ponce ; toutefois seu-
lement sur la fente même. Au bord des fleuves /Z/aïkato
et Waïpa, la ponce disparaît bientôt et son absence
marque les limites de la fente. Or la ponce est un signe
aussi certain que précis de la présence du trachyte du
quel elle se forme; car on peut tenir pour avéré ce fait
constaté par de nombreuses observations qui s'étendent
sur la terre entière. Mais toute scorie poreuse n’est pas
de la ponce.
M. Dieffenbach a vu le trachyte solide en place dans le
voisinage de New-Plymouth, à l'extrémité ouest de la
grande fente, et le haut pic d'Egmont, de 8840 pieds an-
glais, dont M. Dieffenbach a fait l'ascension, est composé
probablement de trachyte, quoique d’un trachyte de cou-
leur foncée et semblable au basalte. Cette haute montagne
n'a point de cratère à son sommet. L’extrémité orientale
de la grande fente est marquée par l'ile Pouhia à Wa-
kari où White-Island. Cette île est le premier volcan qui
fut reconnu dans la Nouvelle-Zélande; et ce sont les do-
cumens officiels publiés par Hay qui nous en ont donné
connaissance. Dumont-d'Urville a également vu ce vol-
can, et nous apprend qu'il fut monté par le missionnaire
Williams et le botaniste Cuningham. Des vapeurs sou-
frées les empêchérent d'atteindre le sommet. Depuis lors
une quantité considérable de soufre est annuellement em-
portée de cette île en Europe.
Une seconde zône volcanique plus petite traverse Ne:w-
Ulster dans la même direction ; elle brise un plateau ba-
salfique près de la ville d’Auckland et dans le golfe de
— 315 —
Shoharrie. Ici se montrent alignés plusieurs petits cônes
d'éruption. Dans l'ile de Ranguaïtoto, toute formée de
scories, un cône volcanique de 920 pieds offre à son
sommet un cratère de 150 pieds de profondeur, et au cap
Barrière, vis-à-vis du cap Colville, Dumont-d'Urville vit
encore des cônes pareils.
M. Sacc présente à la Société trois échantillons d'acide
valérianique, de valérianate zincique et de valérianate
quinique, après quoi il indique la préparation de chacun
de ces corps.
Jusqu'ici, dit M. Saac, on n’obtenait l'acide valéria-
nique qu’accidentellement, par la distillation avec de
l'eau , des racines de la valériane officinale. En opérant
de cette manière, on n’avait souvent que de l’essence de
valériane seule, et lorsqu'on obtenait ainsi de l'acide, il
était presque toujours souillé par une très forte proportion
d'essence. Une observation attentive des faits amena à dé-
couvrir que les racines de valériane donnaient d'autant
plus d'acide et d'autant moins d'essence qu'elles étaient
plus vieilles ; il n’y avait qu'un pas de là, à l'idée que la
fermentation produirait le même effet que le temps et que
l'action de tous les deux, s'exerçant sur l'essence de valé-
riane, ils la transformaient en acide. Partant de celte idée-
là, un habile chimiste, M. Gerhardt, crut pouvoir méta-
- morphoser l'essence de valériane en acide , en la traitant
- directement à chaud, par l'hydrate potassique et prétendit
avoir réussi. Nous n'avons pas été aussi heureux que lui,
et quoique nous ayons varié de bien des manières le mode
d'opérer, jamais en traitant l'essence de valériane par
l'hydrate potassique , nous n'avons obtenu de l'acide va-
— 316 —
lérianique, mais bien et seulement de la bornéène ou
camphre liquide de Bornéo.
Pour obtenir l'acide valérianique on choisit des racines
de valériane recueillies en automne; on les coupe en pe-
lits morceaux et on les met dans un tonneau en forme
de cône renversé, muni d’un robinet à sa partie inférieure
et ouvert par en haut. On opère à la fois sur 25 kilog.
de racines, sur lesquels on verse assez d’eau pour qu'elle
les surnage de deux ou trois centimètres environ. L’expé-
rience apprend bien vite combien d'eau exige chaque
opération. On doit dissoudre dans l’eau qu’on emploie
pour la macération des racines une certaine quantité de
carbonate sodique cristallisé (à peu près 2 à 400 grammes)
pour saturer l'acide valérianique à mesure qu'il se forme.
On abandonne le tonneau qui contient les racines dans
un endroit chauffé entre 25° et 30° C où on le laisse jus-
qu'à ce que la fermentation d'abord assez vive paraisse
se calmer. Alors, en ouvrant le robinet du vase on sou-
tire toute la solution de valérianate sodique, qu’on enlève
totalement en lavant les racines, à deux ou trois reprises,
avec quelques litres d’eau chaude, On réunit la dissolution
avec les eaux de lavage, on les verse dans un alambic,
on y ajoute une quantité d'acide sulfurique suffisante pour
décomposer tout le carbonate sodique employé et on dis-
tille. On recueille seulement les dix premiers litres qui
passent à la distillation, parce qu'ils contiennent presque
tout l'acide formé et on les porte dans une capsule d'argent
où on les sursature d’hydrate’zincique en gelée; on filtre
pour séparer l’excès d’hydrate zincique et on évapore la
solution aussi rapidement que possible en ayant soin d'en-
lever avec une écumoire d'argent le valérianate zincique
, in lie |
= QU =
qui se dépose au fond du vase à mesure qu'il se forme.
Il n’y a plus ensuite qu’à dessécher ce sel sans le compri-
mer pour ne pas lui ôter cette légèreté caractéristique que
le commerce veut trouver en lui.
Le valérianate quinique se prépare d’une manière ana-
logue; mais, par évaporation spontanée , il est très diffi-
cile de l'obtenir en cristaux aussi beaux que ceux que
M. Sacc fait voir à la société.
Pour obtenir l'acide valérianique on sature le produit
de la distillation des racines de valériane par du carbo—
nate sodique et on évapore à sec cette solution. On trouve
dans le résidu du valérianate sodique qu'on introduit dans
une petite cornue où on le chauffe après l'avoir décom—
posé avec une quantité suffisante d'acide sulfurique, ou,
mieux, de bisulfate potassique. Ce qui distille est un mé-
lange d’acide valérianique et d’eau, duquel il est facile
d'extraire l'acide valérianique pur.
A. Guyor, secrétaire.
Séance du 8 janvier 1846.
Présidence de M. L. Cour.ox.
M. le président fait lecture d’un mémoire de M. Mar-
cou sur le Jura salinois, dont l’auteur fait hommage à la
Société (1).
M. Ladame remarque que l'observation de M. Marcou,
qui constate, dans le Jura Salinois, un rapport direct entre
la puissance des terrains de sédiment et le développement
4 A = J n « = =
(") Ce mémoire devant paraitre prochainement en entier dans le 3" yo-
lume des Mémoires de la Société , il devient superflu d’en donner ici l’ana-
lyse.
— 318 —
des êtres organisés, s'explique de la manière la plus heu-
reuse, quand on cherche dans les êtres organisés la cause
de la formation des masses sédimentaires; tandis qu'on
ne comprend plus la liaison de ces deux faits lorsque
l’on considère la sédimentation simplement comme un
fait terrestre, résultant des éruptions volcaniques et des
soulèvemens, ou que l’on veut en trouver la cause dans
des actions extérieures à la terre qui auraient donné lieu
à des précipités.
M. Ladame rappelle ensuite les conclusions qu'a énon-
cées M. Desor dans la dernière séance sur la marche
constamment progressive des glaciers et la détérioration
de notre climat qu'elle semblerait indiquer. Il remarque
que ce fait paraît contraire à celui de l'élévation de tem-
pérature de 0,23 cent., que l’on a observée dans les caves
de l'observatoire de Paris depuis 1817, où elle était de
11°, 67 jusqu'en 1835 où elle a atteint 11°, 97. La si-
multanéité de ces deux faits prouve clairement que les
conditions d'existence et de formation des glaciers, ne dé-
pendent pas uniquement de la température moyenne, ou
de la quantité de chaleur que le soleil envoie annuelle-
ment à la terre.
À. Guyot, secrétaire.
M. de Castellu demande quelle explication on peut don-
ner de ce fait que chez les personnes atteintes d’intoxica-
tion mercurielle, chez les doreurs, les dents deviennent
noires comme l’ébène lorsqu'elles se gargarisent avec une
dissolution d'acétate plombique ? On répond que cela tient
peut-être à un composé sulfuré, et que ce fait d’ailleurs
n’est probablement pas lié avec celui de l'empoisonnement
dû au mercure. F. SAC, secrétaire.
— 319 —
Séance du 22 janvier 1846.
Président, M. L. CouLrox.
M. Desor rend compte de quelques observations qu'il
a recueillies dans une course qu'il -vient de faire avec
M. Dollfuss, au glacier de l’Aar. Les conditions de tem-
pérature à cette saison lui ont offert des particularités
dignes de remarque.
Partis de Berne le 8 janvier par un temps superbe, nos
voyageurs ont trouvé la température toujours plus chaude
à mesure qu'ils approchaient des montagnes. Sur les lacs
de Thoune et de Brienz, le thermomètre marquait — 2°
à—30 à l’air, (tandis que l’eau avait+#°, 5. Le minimum
dela nuit à Brienz fut de —-5°, tandis qu'il descendit à
Berne à—-11°. On remarqua une différence sensible entre
les lieux élevés et les fonds de vallées. Au Kirchet, en
amont de Meyringen, la température se trouva être de 4°
plus chaude que dans le fond d'Im-Grund, qui n’en est
éloigné que de quelques cents mètres, ce qu'il faut sans
doute attribuer à la réverbération des rochers, qui, sur le
Kirchet , étaient dégarnis de neige, tandis que le fond
d'Im-Grund était tout couvert de neige et incapable de
s'échauffer. La même différence fut observée sur le
monticule qui domine Im-Grund du côté d'amont : là
. aussi la température était de — 4°, tandis qu'elle était
de — 8° dans le fond de la vallée. La température d’une
source située sur ce second monticule indiquait 6°, 5.
L'air était parfaitement calme. Ce fut depuis le rocher ap-
. pelé la Gresprengte-flue, que l'on ressentit les premiers
souffles du Foehn. Instantanément le thermomètre monta
— 380 —
de — 3° à +40, indiquant par conséquent une différence
de 7°. À mesure que l'on remontait, le Foehn deve-
nait plus fort, et chaque coup de vent avait en quelque
sorle une température propre, de manière que le ther-
momètre oscillait constamment entre -E # et 6°. Mais
lorsque le vent cessait par intervalles, le thermomètre
descendait à plusieurs degrés au-dessous de zéro. La
plus haute température observée fut de 2 7° près du
chalet de la Handeck, le 10 janvier à dix heures et demie
du matin. L'air était à la même heure à - 9° à Berne. A
mesure qu'on approchait du Grimsel, le Foehn diminua
et la température baissa sensiblement. Pendant les trois
jours que ces messieurs séjournèrent à l'hospice, le maxi-
mum n’excéda cependant pas zéro. Le point le plus bas
fut de — 8°, le 12 à 6 heures du matin. Le point de ro-
sée oscille entre - 15° et — 17° indiquant par consé-
quent une très grande sécheresse, malgré le vent du sud.
La température la plus basse de l’année eut lieu le 3 jan-
vier à 9 heures du matin; elle fut de — 19°, 5.
La température de la neige offre des circonstances
encore plus extraordinaires. Trois thermomètres enfoncés,
l'un à 4", 60 centimètres dans la neige, de maniére à
toucher le sol, l’autre à 1 mêtre et le troisième à 3 cen-
timêtres, de manière à n’avoir que la boule dans la neige,
ont indiqué avec de très légères variations :
le premier — 3°.
le second - 7°.
le troisième — 13°.
Les mêmes rapports ont été observés sur le glacier
près de l'Hôtel-des-Neuchâtelois, à une hauteur de 2480
mètres : la température de l'air y était, le 11 à midi, de
— 381 —
- 4°, 8 à l'ombre, derrière un gros bloc, et elle os-
cillait entre — 2° et + 2° au soleil, suivant que le Foehn
soufflait ou qu'il faisait calme.
Les observations sur le mouvement du glacier, but
principal de cette expédition, ont donné les résultats sui-
Vans :
Des signaux capables de résister à la tourmente
avaient été élevés l'automne dernier par MM. Agassiz
et Desor sur plusieurs points du glacier de l'Aar, afin
de servir à l'observation du mouvement d'hiver. Un
observateur chargé par M. Dollfuss de recueillir les ob—
servations thermométriques du Grimsel , avait continué
de mesurer l'avancement, sur trois stations différentes,
à l'Hôtel-des-Neuchâtelois, au Pavillon et à l'extrémité
du glacier. Ce sont ces observations qu'il s'agissait de
vérifier, en combinant les données recueillies dans l'in
tervalle , avec celles qui allaient être faites. Il résulte de
ces observations, que depuis le mois de septembre le
mouvement du glacier est allé en diminuant aux deux
stations de l'Hôtel-des-Neuchâtelois et du Pavillon. Mais
ce ralentissement est beaucoup plus sensible à l'Hôtel-des-
Neuchätelois qu'au Pavillon. La moyenne de l'été depuis
le 2{ juillet jusqu'au 16 août avait été à
l'Hôtel-des-Neuchätelois de . . 0, 2226
au Pavillonc:b seuss £brodorcals &9 109"496
La moyenne actuelle du 19 décembre au
11 janvier, est au contraire
à l'Hôtel-des-Neuchâtelois. . . 0, 1326
au Pavillon . . . . . . . 0, 1883
En calculant la moyenne de l'avancement d'après
l'ensemble des observations faites, depuis la mi-juillet
— 382 —
1845, jusqu'au 11 janvier 1846, on trouve qu'elle est
à l'Hôtel-des-Neuchätelois de . 0, 1810
par conséquent inférieure de #{ millim. à la moyenne du
mouvement de l’été et de 31 millim. inférieure à celle du
mouvement annuel, calculé d’après les trois années de
1842 à 1845 ; la même comparaison donne une différence
de 17 millim. d'avec le mouvement annuel. Par consé-
quent pour arriver au chiffre du mouvement annuel , ïl
faut pour combler le déficit de trois centimètres en
moyenne, qu'il survienne, avant la mi-juillet prochain,
un accroissement considérable qui excède de six centi-
mètres la moyenne du mois de juillet à ce jour. Jl est
probable que cette accélération qui compense le mouve-
ment d'hiver, a lieu au printems, et M. Desor annonce
que toutes les mesures sont prises pour que les observa-
tions se continuent jusqu'à la belle saison.
Une discussion prolongée s'engage au sujet de cette
communication, discussion à laquelle prennent part sur-
tout MM. Desor, Agassiz, Guyot et Ladame. A propos
des inversions de l’ordre des températures rapportées par
M. Desor et observées aussi ailleurs, M. Ladame rappelle
qu’elles sont très fréquentes dans notre pays, et qu'il ar-
rive souvent que la montagne a une température supé-
rieure de plusieurs degrés à celle des bords du lac. I croit
qu’on doit en chercher la cause dans la distribution et l’ac-
tion des vents. Des séries d'observations comprenant plu-
sieurs années, montrent que, pendant qu'à Neuchâtel il
souffle cinquante vents d'ouest pour cinquante bises, il
souffle soixante-six vents d'ouest à la Chaux-de-Fonds.
Cette prédominance des vents chauds du sud-ouest, sur
les hauteurs, nous montre qu'il y aura un bon nombre de
— 383 —
fois où le vent chaud du sud-ouest, souffle à la Chaux-
de-Fonds par exemple, pendant que le vent froid du N.
Nord-Est souffle à Neuchâtel. Ces différences s’observent
toujours plus fréquemment en hiver et au printemps,
c'est-à-dire à la saison de la fonte des neiges qu'en
d’autres temps. M. Desor pense que le foehn est un phé-
nomène différent, et en quelque sorte exceptionnel; c’est
non-seulement un vent chaud; mais aussi sec, comme
l'indiquent les observations du roséomètre, et non point
humide comme l’alisé de S.-0. Le tems, quand il souflle,
est toujours serein, et l'air, à la montagne, est plus chaud
que dans la plaine.
M. Sacc présente à la Société de fort beaux cristaux
d'acide succinique, obtenus par la méthode qu'il a décrite
dans l’une des séances précédentes.
Le même offre deux mémoires dont il est l'auteur, le
premier, sur les propriétés physiques et chimiques de
l'huile de lin; le second a pour titre: Expériences sur les
parties constituantes de la nourriture qui se fixent dans le
corps des animaux. I y ajoute une troisième notice sur
les eaux minérales de Soulzbach , dans le Haut-Rhin,
par M. Kirschleger et lui.
A. Guyot, secrétaire.
Sur la demande de M. le président, M. le docteur de
Castella rend compte des faits qu'il vient d'observer sur
un bûcheron tombé d'une hauteur de 50 pieds à peu
près et mort au bout de 36 heures de souffrances. Le
médiastin antérieur était ecchymosé, ainsi que la partie
antérieure de la colonne vertébrale. Il y avait du sang
28
— 384 —
répandu dans la cavité gauche de la plévre. Le foie était
déchiré à quatre places ; l’une de ces déchirures avait en-
viron deux à trois pouces de profondeur et contenait un
caillot de sang. Le foie tout entier était ramolli. Un des
reins était gorgé de sang. L'épaule droite était fracassée
et la tête de l'humérus, littéralement réduite en bouillie.
Le malade avait uriné beaucoup de sang. Malgré toute
la gravité de ces désordres matériels, le malade n’en a
pas moins conservé toute sa présence d'esprit jusqu’au
dernier moment.
F. Sacc, secrétaire.
Séance du 5 février 1846.
Présidence de M. L. CouLow.
M. Guyot rend compte d'un mémoire de M. Redfield,
sur les glaces flottantes de l'Atlantique, et les cou-
rans qui les transportent. Il ajoute quelques considéra-
tions sur l'influence qu'ont probablement la présence et
la direction de ces glaces et des eaux froides qui les ac-
compagnent sur le climat de l'Amérique septentrionale.
M. Alfred Berthoud fait voir à la société l'ouvrage de
M. Debret sur les races humaines du Brésil.
M. Sacc communique verbalement à la société quel-
ques réflexions sur l'usage du calomel. Avant d'entrer
en matière, il jette un coup d'œil sur les remèdes mi-
néraux les plus dangereux en usage dans la thérapeu-
tique actuelle, et il rappelle qu'à raison de leur action
si visiblement délétère, on n’administre jamais qu'à pe-
— 389 —
tites doses et avec précaution le sublimé corrosif (chlo-
rure mercurique), l'iode et les préparations arsenicales.
Relativement à ces dernières, il rappelle l'opinion an-
cienne déjà de beaucoup de sages praticiens, qui aflir-
ment que l'usage des remèdes arsenicaux est en général
toujours suivi des mêmes symptômes capables d'amener
ou bien seulement d'accélérer la mort du patient. M. Sacc
explique cet effet en admettant que l’arsenic se combine
aux tissus d’une manière tellement complète, qu'il les
mortifie, les empêche par conséquent de continuér leurs
fonctions , et amène ainsi un trouble plus ou moins grand
dans tout l'organisme. Les remèdes qu'on vient de passer
rapidement en revue ne sont toutefois pas fort à redouter,
parce que connaissant leurs effets, on ne les administre
jamais qu'avec réserve; il en est tout autrement du Ca-
lomel, connu aussi sous le nom de mercure doux, et
appelé par les chimistes chlorure mercureux. Ce composé,
qui ne diffère du chlorure mercurique, qu'en ce qu'il
contient un équivalent de chlore de moins que ce der-
nier, est administré sans la moindre crainte par beaucoup
de praticiens, qui ne connaissant pas son étroite parenté
avec le sublimé corrosif, le font prendre souvent à haute
dose. La chimie nous apprend que le chlorure mercureux
est un composé si instable, qu'il se détruit en présence
de presque tous les corps, surtout des substances orga-
niques, des acides et des bases fortes, et qu’en consé-
quence il est probable que son action doit varier beau-
coup suivant l'état alcalin ou acide de l'estomac du
malade, ainsi que suivant la nature des drogues avec
lesquelles on le mélange, et suivant l’âge de ces prépa-
rations. Des faits confirment ces données: tous les prati-
— 386 —
ciens savent que peu de purgatifs sont aussi infidéles que
le calomel, dont l'effet souvent nul, est d’autres fois d’une
violence si excessive, qu'elle ressemble à un empoison-
nement. Un coup d'œil jeté sur les propriétés chimiques
du calomel aurait donné la solution du problème. Beau-
coup de praticiens prescrivent le chlorure mercureux
sans indiquer de régime approprié; deux exemples suf-
firont pour prouver tout le danger qu’entraine après elle
cette manière de faire : un fiévreux reçut dans une pe-
tite ville du grand-duché de Baden du calomel; puis,
ayant une soif excessive, son médecin lui prescrivit une
limonade acidulée avec du chloride hydrique: le malade
mourut deux ou trois heures après, avec des coliques
épouvantables et tous les symptômes de l'empoisonuement
par le chlorure mercurique. Un autre malade auquel on
avait aussi fait prendre du calomel, reçut un peu plus
tard un lavement de sel de cuisine. Ce second malade
mourut de là même manière que le premier.
Faut-il s'étonner de ces empoisonnemens par le su—
blimé corrosif quand on administre le calomel? pas du
tout; il y a bien plutôt lieu d'être surpris que ces em-
poisonnemens ne soient pas de beaucoup plus nombreux.
En effet, comment agit le chlorure mercureux? jamais
comme tel; car tout le monde sait que les matières in-
solubles n'exercent en général aucune espèce d'action sur
l'organisme ; comment agit donc le calomel? comme su-
blimé corrosif, voilà la réponse donnée par la chimie et
appuyée par les deux cas d’empoisonnement que nous
venons de rapporter. Le calomel arrive non altéré dans
l'estomac, où il se trouve non pas seulement en présence
de matières organiques, mais aussi d'acides, ou de leurs
— 387 —
sels alcalins, suivant l’état du suc gastrique ; placé dans
l’une ou l’autre de ces conditions, qui sont d’ordi-
naire réunies toutes trois dans le tube intestinal, le ca-
lomel abandonne la moitié de son mercure, dont le chlore
se porte sur l'autre moitié, avec laquelle il forme du su-
blimé corrosif, dont l’action se dénote par une violente
sécrétion de bile qui colore les selles en vert, et par
des coliques, si la transformation du calomel en sublimé
a été trop grande. Il est heureux qu'à raison de son in-
solubilité le calomel ne se transforme jamais totalement,
ni rapidement en sublimé ; car, si c'était Je cas, l'empoi-
sonnement serait l'effet régulier et inévitable de ce re-
mêde. On sait que le calomel préparé à la vapeur, ou
par voie humide, est rejeté par la plus grande partie des
praliciens, qui trouvent son action peu sûre, et en tous
cas trop énergique ; ce fait appuie encore ceux qu'on
vient de présenter, et qui tous se réunissent pour prouver
que le calomel n’agit sur le tube digestif qu'à l’état de
sublimé.
M: Sacc conclut en disant que, comme chimiste, il
demande qu'on n'administre plus le chlorure mercureux
qu'avec la plus grande précaution, à très-petite dose, et
toujours seul, puisqu'en donnant ce remède on expose
dans tous les cas les malades, sinon à un empoisonne-
ment, du moins, à l’effet délétére ou tout au moins dé-
sagréable du sublimé corrosif.
Cette communication soulève des débats auxquels pren-
nent part surtout MM. les D'° de Castella et Borel, qui
croient que l’usage du calomel n’est pas aussi dangereux
que le dit M. Sacc, et s'appuient sur leur longue et cons-
ciencieuse pratique pour en être fermement convaincus.
— 388 —
Tous les deux n'administrent d'ailleurs jamais ce remède
qu'à fort petite dose.
A. Guyot, secrétaire.
M. Agassiz fait ensuite un rapport sur un mémoire de
M: J. Muller, professeur d'anatomie à Berlin. Ce mé-
moire présente une série de faits relatifs au larynx in-
férieur des oiseaux que Cuvier avait cru être un carac-
tère distinctif de tous les oiseaux chanteurs. Cest en
s'appuyant sur l'existence du larynx inférieur chez les
oiseaux chanteurs, que Cuvier s'était décidé à les sépa-
rer d'avec les Coraciens et les Grimpeurs ; eh bien, M. Mul-
ler vient de découvrir et de prouver que ce caractère n’a
aucune espèce de valeur, puisqu'il est dépendant de cir-
constances toutes locales ; ainsi, par exemple, on aurait
trouvé le larynx inférieur fort développé chez tous les Mus-
cicapa d'Europe, et voici que cet organe n'existe pas chez
les espèces américaines de cette famille; de même encore
certains Corvus de l'Amérique possèdent le larynx infé-
rieur, qui manque aux Corvidées d'Europe, à l'inverse de
ce qui arrive aux Muscicapa. Il y a plus, c’est que beau-
coup d'oiseaux grimpeurs, tels que les Perroquets, ont
un larynx inférieur beaucoup mieux développé que celui
des Becs-fins, qui sont les chanteurs par excellence.
Ces faits prouvent que la division établie par Cuvier
pour les oiseaux, et basée sur la présence ou l'absence
du larynx inférieur, est à revoir, puisqu'elle s’appuie sur
une erreur. Cette division aurait d'ailleurs eu à subir de
nombreuses modifications, lors même qu'on l’auraitmain-
tenue, parce que le larynx inférieur est conformé diffé
remment chez les divers oiseaux qui possèdent cet organe.
— 389 —
M. Hollard, professeur, s'étonne de ce qu'on ait con-
servé aussi longtemps une division des espèces basée sur
un caractère unique, comme celle que Cuvier avait établie,
en en prenant pour base l'existence du larynx inférieur.
M. Hollard fait sentir toute la nécessité qu'il y a à n'a-
dopter pour les classifications que des cadres larges et
basés sur des caractères généraux et bien saillans. Pour
établir des groupes parmi les oiseaux chanteurs , c'est le
larynx supérieur qu'il faut étudier, parce que c’est lui
qui modifie la voix, que le larynx inférieur ne fait que
lui envoyer.
À la fin de la séance M. le professeur Agassiz fait voir
le bel ouvrage ornithologique que M. des Murs publie
maintenant sous le nom de Planches Peintes. Cette ma-
gnifique iconographie des oiseaux rares appartient à
M: LS Coulon, père, qui a bien voulu la communiquer
à la Société.
F. Sacc, secrétaire.
Séance du 19 février 1846.
Présidence de M. L. CouLo.
M. le secrétaire donne lecture des procès-verbaux de
la section de la Chaux-de-Fonds. A propos de la com-
munication de M. Nicolet, sur les ossemens trouvés
dans les cavernes de Mancenens et de Vaucluse, dans le
Jura, M. Guyot attire l’atiention sur quelques observa-
tions qu'il serait utile de constater au sujet des cavernes
à ossemens.
1° On prétend que les cavernes ossifères ne se ren-
contrent que dans une certaine zône de niveau, supé-
— 390 —
rieure au fond des vallées et inférieure aux sommets ;
au-dessus et au-dessous , les cavernes, d’ailleurs abon-
dantes, sont dépourvues d’ossemens. Il serait donc es-
sentiel de déterminer exactement le niveau relatif et ab-
solu de ces cavernes, ainsi que les autres circonstances
physiques dans lesquelles elles se trouvent. Si cette cir-
constance est exacte, elle pourrait nous conduire à quel-
ques conclusions importantes sur la cause du phénomène
et le mode d'action de l'agent auquel on doit attribuer
l'extinction de ces animaux et la réunion de leurs osse-
mens dans ces cavernes.
2° Les animaux enfouis dans les deux cavernes citées
par M: Nicolet, semblent confirmer le fait que les osse-
mens des cavernes appartiennent à des animaux, qui pour
la plupart supposent, par leurs analogues, un climat plus
froid. On a trouvé dans les cavernes du Jura l'Elan, le
Renne même. L'époque de l'existence de ces animaux se-
rait donc, non l’époque tertiaire, plus chaude, mais bien
l'époque diluvienne et spécialement peut-être celle des
grandes glaces.
M. Guyot présente à la société la carte des pays où
se trouvent les sources du Nil, de Zimmermann; il fait
un rapport verbal sur les progrès des découvertes, depuis
1840, dans ces régions si inconnues et sur la topogra-
phie de cette partie de l’Afrique, telle que nous permet de
la construire l’état actuel de nos connaissances.
À. Guyor, secrétaire.
M. le Dr Borel fait une communication relative à un
cas de rage, qui s’est présenté au commencement de l'an-
née, dans une maison isolée, sise au Pont près de, la
— 391 —
Brévine. La malade est une femme qui fut mordue en
novembre 1845 par un chat qu'elle avait perdu depuis
quelques jours, et qu'elle retrouva tapi au fond d'une
remise. Voulant le faire sortir de force de sa cachette,
elle le frappa; au moment même le chat s'élanca et la
mordit très-fortement au bras. Le chat périt quelques
jours après. La plaie du sujet observé saigna beaucoup,
et le bras enfla fortement. Au dixième jour le bras parut
tout à fait guéri. Sept semaines après l'accident, dans
la soirée du 3 au # janvier de cette année, la malade
éprouva des douleurs vives dans la main et dans l'épaule ;
puis elle eut des frissons, éprouva du serrement à la gorge
et de l'anxiété. Le surlendemain survint de la gêne dans
la déglutition et une envie de boire, que la malade ne
pouvait satisfaire, parce que la vue seule de l’eau lui don-
nait des étouffemens, et qu’elle avait une grande hor-
reur pour tous les liquides. La sensibilité nerveuse était
telle que le moindre mouvement dans l'air était excessi-
vement pénible à la malade. Le 6 janvier la malade se
trouvant mieux, put avaler un peu de liquide et même
manger; dans la soirée, les symptômes s’aggravèrent
beaucoup; le délire survint. Le 7 janvier l'horreur pour
les liquides s’accrut encore, ainsi que la sensibilité ner—
veuse , il survint des crachottemens, et la malade suc-
comba enfin, 72 heures après l'apparition des premiers
symptômes. Des préjugés bien ridicules s'étant opposés
à ce qu'on fit l’autopsie du cadavre, on ne put lui de-
mander la confirmation de la réalité de ce cas de rage,
bien établi d’ailleurs par le procès-verbal que fit dresser
immédiatement l'autorité. Le maire de la commune eut
la sage précaution de faire tuer sur-le-champ tous les
g — 392 —
chiens et les chats appartenant à la maison où venait de
sévir si cruellement cette horrible maladie.
M. Sacc rapporte ensuite quelques observations sur
le danger qu'il y a à se servir d'eaux corrompues. Il y
a quelques années déjà, que M. le D' de Castella a ap-
pelé sérieusement l’attention du conseil de santé sur le
danger qu'il y a à laisser subsister des puits perdus dans
les parties basses de la ville de Neuchâtel, dont ils infec-
taient les eaux, au point qu’on pouvait attribuer à l’u-
sage de ces eaux putréfées, l’activité avec laquelle la
fièvre typhoïde sévissait dans cette partie de la ville.
L'effet nuisible des eaux croupissantes a été constaté tant
sur les hommes que sur les animaux; c’est à elle qu'on
doit presque toujours attribuer le charbon des bêtes à
cornes. Comment agissent les eaux de cette nature? pro-
bablement en communiquant aux êtres organisés le
mouvement de décomposition qui se passe dans leur
sein, ainsi que l’admet M. Liebig. Sans nous inquiéter
de la cause qui donne aux eaux corrompues leur pro-
priétés délétères, nous ajouterons un seul fait à tous ceux
qui prouvent combien elles sont nuisibles. La partie
haute de la ville de Strasbourg est entourée d’un fossé
plein d’eau qui en recoit toutes les immondices, en sorte
que cette eau basse et stagnante est infecte en été. Les
eaux de ce canal s'élèvent au printemps et en automne
par suite des pluies et pénètrent alors dans les puits
qui alimentent toute cette partie de la ville ; l'eau qu’on en
tire a une saveur fade, une odeur nauséabonde; expo-
sée au contact de l'air, elle laisse déposer un limon ver-
dâtre et infect, qui est composé de petites conferves et
— 393 —
de matières mucilagineuses abondantes. Eh bien, l'épidé-
mie de fièvre typhoïde qui désole ce quartier correspond
justement aux époques de l’année où les eaux des puits se
gâtent; ne peut-on pas en conclure qu'elles sont la cause
de cette maladie? Revenant à l'application de ces prin-
cipes à la ville de Neuchâtel, M. Sacc pense qu'on pour-
rait empêcher totalement l'infection des eaux potables du
bas de la ville, en supprimant les puits perdus, qui pa-
raissent y subsister encore, et surtout en substituant aux
fosses d'aisance actuelles, des fosses mobiles qu'on enlè-
verait chaque jour, après en avoir désinfecté le contenu
avec des terres charbonneuses, ou mieux, avec du sulfate
ferreux. On conserverait de cette manière un engrais ex-
trêmement précieux, qu’on jette actuellement comme une
matière dépourvue de toute espèce de valeur.
M. le D' Borel ne pense pas que l'usage d'eaux cor-
rompues soit la cause unique du développement de la
fièvre typhoïde, parce qu'il a vu des cas de cette maladie
dans les parties hautes de la ville, dont les habitans ne
boivent que de l’eau parfaitement pure. Quant à ce qui
est de la suppression des puits perdus, il dit qu’elle a été
effectuée {ôt après la communication de son rapport au
Conseil de ville, ensorte que ces foyers d'infection n’exis-
tent plus.
M. Guyot présente à la société, de la part de M. le
pasteur de Gélieu, un numéro de la Brenen Zeitung,
Gazette des abeilles, qui se publie maintenant en’Alle-
magne, et qui ne traite absolument que de la culture de
ces insectes. M. de Gélieu désirant répandre autant que
possible la connaissance de cet utile journal, demande que
— 394 —
la société veuille bien faire un rapport sur lui, ou tout
au moins en faire connaître l'existence à toutes les per-
sonnes qu'elle peut intéresser. Plusieurs propositions ten-
dant à remplir le but de M. de Gélieu sont faites et reje-
tées; on décide enfin, sur la proposition de M. Desor,
qu'on imprimera le prospectus de cette gazette sur le ré—
vers de la couverture des Bulletins de la société.
Sur l'invitation de M. le président, M. le Dr de Castella
rend compte de deux observations médicales envoyées par
la section de la Chaux-de-Fonds; l’une de M. le Dr Du-
Bois et l'autre de M. le Dr de Pury.
La première est relative à un individu affecté d’angine
de poitrine, qui a succombé subitement.
Après avoir retracé brièvement l'historique de l’angine.
de poitrine, le D" DuBois rapporte le fait qu'il a observé.
Son malade a eu pendant environ un an des accès , qui
au début de la maladie consistaient uniquement dans des
étourdissemens, que la saignée et les exutoires n'ont point
soulagé : plus tard. lorsque l'accès le prenait, il avait
une douleur très-vive dans la région du cœur, et au bras
gauche jusqu’au coude; son pouls était très-irrégulier
et intermittent dans les paroxismes : il mourut subitement
dans un accès.
A l’autopsie faite 24 heures après la mort, M. DuBois
a trouvé le corps dans un état de putréfaction très-avan-
cée; toute la peau œdémateuse; le cœur était énorme,
tout-à-fait blanc; il avait passé presque complètement à
l'état gras, et ressemblait à une masse de suif; les val-
vulves et les artères coronaires étaient dans l’état normal.
Si ce cas peut être rangé parmi ceux d'angine de poi-
— 395 —
trine, il prouve, comme tant d’autres, que cette maladie
dépend d'un vice organique du cœur.
Dans la seconde observation, M. le D' de Pury, après
avoir décrit l'asthme thymique et cité les auteurs qui ont
fait de cette affection une maladie particulière, rapporte
le cas d'un enfant âgé de cinq mois, qui, depuis sa nais-
sance, avait la respiration habituellement gênée et sif-
flante, devint sujet à des accès de suffocation, et suc-
_comba subitement pendant la nuit à un de ces accès.
A l’autopsie, M. le D' de Pury a trouvé le thymus du
volume d'un gros œuf de poule. Il attribue à ce dévelop-
pement du thymus la mort de l'enfant. M. le D' DubBois,
dans la discussion qui a eu lieu sur ce fait dans la sec
tion de la Chaux-de-Fonds, séance du 27 décembre
dernier, l’attribue plutôt à des convulsions.
A l’occasion des deux observations rapportées ci-des-
sus, M. le D' de Castella communique à la société deux
cas d'angine de poitrine qu'il a eu occasion d'observer,
et cite des cas de croup récens qui constituent une véritable
épidémie croupale existant à Neuchâtel actuellement.
17e Observation d'angine de poitrine.
Micosss , âgé de 72 ans, d’un tempérament bilioso—
nerveux, sujet à la goutte et à la gravelle, ayant eu
dans.sa jeunesse des affections syphilitiques, éprouva pour
la première fois en juin 18## une violente oppression
accompagnée d'une douleur vive derrière le sternum, qui
s'élendait à la partie moyenne des bras, son pouls était
fort et plein. Une forte saignée et quelques antispasmo—
diques firent cesser cet accès. En mars 1845, l'oppres-
sion se manifesta de nouveau subitement, et toujours
— 396 —
accompagnée d’une pression douloureuse derrière le ster-
num, qui s'élendait sur les côtés de la poitrine, au dos
et aux bras; alors un mouvement de terreur s'emparait
du malade, qui croyait élouffer à tout moment ; le pouls
quoique plein était peu accéléré, et la respiration n'était
pas bruyante, il n'y avait point de toux. Pendant huit
jours les accès se sont répétés fréquemment le jour et la
nuit, et le malade a succombé dans le désespoir, malgré
la saignée, les ventouses et les antispasmodiques, même
l'opium.
A l’autopsie on à trouvé une légère hypertrophie du
ventricule gauche du cœur sans ossification des valvules,
ni de l'aorte. Cette artère était dilatée, mais d'une ma-
nière uniforme ; elle avait deux fois son calibre ordinaire,
et offrait à sa face interne des ulcérations et des cicatrices
nombreuses qui s'étendaient, depuis son origine, jusqu'au
delà de sa courbure : ces ulcérations avaient deux, ou
trois lignes de diamètre; leurs bords étaient, les uns fran-
gés, les autres coupés à pic et pénétraient jusqu'à la
membrane cellulaire de l'artère ; les cicatrices qu'on re-
marquait dans l'intervalle des ulcérations étaient d'un
blanc mat ; elles s'étendaient sur l’orifice des troncs
artériels qui partent de l'aorte; l’orifice des artères coro-
naires en était entouré.
Cette altération de l'aorte a très-probablement été la
cause de l'angine de poitrine dont le malade à été at-
teint.
Le second cas rapporté par M. le Dr de Castella est celui
de M. Roy le père, négociant très-estimé à Neuchâtel,
âgé de 6 ans, d'une forte constitution, qui, en février
1821, a succombé, en neuf jours, à des accès d'angine
— 397 —
de poitrine, qui le prenaient subitement, et ne duraient
que quelques minutes. Une vive douleur se faisait sentir
dans la région sternale, s'étendait aux bras, surtout au
gauche; la respiration était comme suspendue pendant
quelques instans, et le malade éprouvait beaucoup d’an-
goisse. Il mourut subitement au milieu de la nuit, dans
un accès. |
A l'autopsie on ne trouva aucun vice organique ; si
non, une rougeur foncée très-vive de la membrane in-
terne des bronches et de la trachée-artère, rougeur qui
se faisait aussi remarquer sur la membrane interne de
l'aorte.
M. Roy venait d'établir une machine à décatirles draps ;
il allait passer une partie de la journée dans le local
où cette machine fonctionnait; la température en était
très-élevée ; peu de jours après, il fut pris du premier
accès d'angine de poitrine, en montant dans son galetas,
où il ne put arriver; dès lors les accès se succédérent
jusqu'à sa mort. Son fils et son commis, qui comme lui
avaient séjourné dans le même local et s'étaient occupés
du décatissage des draps, offrirent aussi assez longtemps
des accès d'angine de poitrine, mais ils ont été guéris.
Les symplômes d'angine de poitrine, qui ont caracté-
risé la maladie de M. Roy, celle de son fils et de son
commis (le commis a été observé par M. le D' Borel,
qui a assisté à l’autopsie du père Roy et soigné son fils, de
concert avec M. le D' de Castella), doivent-ils être attri-
bués à une affection nerveuse des poumons et du cœur,
produite par la haute température dans laquelle ils ont
séjourné pour décatir leurs draps? La rougeur foncée de
la membrane interne des bronches et de l'aorte ne prou-
— 398 —
verait-elle pas qu'il y a eu stase du sang noir dans les
capillaires, et que l’oxigénation du sang n'a pas pu se
faire, ce qui a produit l’asphyxie, la paralysie du cœur et
la mort. Jurine a observé le même symptôme, et il pense
que le défaut d'oxigénation du sang est la cause des ac-
cès d'angine de poitrine; aussi conseille-t-il de faire
respirer aux malades un air chargé d'oxigène. Dans les
nombreuses observations citées dans son mémoire, on
trouve presque toujours à l'ouverture des cadavres un
sang noir et fluide.
Jusqu'ici on n’a pas envisagé l'emphysème pulmonaire
comme pouvant déterminer l’angine de poitrine. M: Bo-
nino l’envisage comme cause de l'asthme héréditaire (voir
la Gazette médicale, année 1845, page 489), et porté à
un haut point, il dit qu'il détermine l'asphyxie. M. le
D' de C.... a trouvé dernièrement un emphysème inter
lobulaire considérable, chez un enfant de six ans mort du
croup, et sur lequel il avait pratiqué la trachéotomie, qui
a prolongé encore trois jours et demi la vie de l'enfant
menacé de périr de suffocation au moment de l'opéra-
tion. Plusieurs fausses membranes avaient été expulsées
par la canule de M. Trousseau, la respiration était rede-
venue libre. L'emphysème à l'intérieur de la poitrine
s'étendait jusqu'aux fausses côtes; à l'extérieur, il occu-
pait le médiastin et pénétrait dans le tissu pulmonaire ;
en passant avec le manche du scapel à la surface du pou-
mon, on ramassait de grosses bulles d'air, qui se dé-
plaçaient facilement sous la plèvre ; la muqueuse des
bronches et de la trachée-artère était d'un rouge foncé,
comme chez M. Roy; il n'y avait ni fausses membranes
ni mucosités purulentes dans les bronches. Pendant les
— 399 —
trois jours et demi qui ont succédé à la trachéotomie, l'en-
fant a eu, vers le soir surtout, des accès de suffocation
très-prononcés : à la fin la respiration s’est affaiblie, ce
qui a amené la mort. M. le D' de Castella pense que, dans
ce cas, l'emphysème pulmonaire a eôntribué pour beau-
coup à la mort de l'enfant, et a empêché le succès de la
trachéotomie, que l'on avait espéré un moment.
F. Sacc, secrétaire.
Séance du 5 mars 1846.
Présidence de M. L. CouLox.
M. Guyot fait voir à la société l’atlas de la Grèce an-
cienne de Kiepert, et donne quelques renseignemens sur
ce bel ouvrage, ainsi que sur les autres travaux de ce
géographe.
M. Guyot analyse verbalement un mémoire de M. Mahl-
mann sur le climat et la végétation du Xhanat de Bou-
khara, tel qu'il résulte des observations du major Cha-
nikoff. Ces observations climatologiques, tout incomplètes
qu'elles sont encore, tirent un grand intérêt du défaut
_presque absolu dans lequel nous sommes d'observations
- positives sur le climat des latitudes moyennes de l'Asie
au sud de la Sibérie. Elles nous donnent de plus, de
nouvelles lumières sur la distribution géographique des
plantes propres à ces contrées, d’ailleurs peu visitées par
les Européens. C’est ainsi que les observateurs russes qui,
dans l’espace de peu d'années, ont livré de si importans
matériaux pour la climatologie de la Sibérie méridiopale,
augmentent de jour en jour nos connaissances sur les par-
ties de l'Asie les moins connues sous ce rapport. C'est
29
— 100 —
à eux encore que la science doit les premières observa-
tions continues et dignes de foi qui aient été faites sur la
côte orientale de l'Asie, à Pékin et même dans l’Asie cen-
trale.
Il résulte des ren$eignemens donnés par M. Chanikoff
que le climat de Boukhara quoique chaud, l’est moins
cependant qu’on ne pourrait l’attendre d’une contrée située
sous le 39° 46/ latitude nord, et à 1100 pieds d’éléva-
tion au-dessus de l'Océan. Il porte à un haut degré le
caractère continental. L'hiver y est rude, l'été brülant.
. Les extrêmes (min.-18,6 Réaum. max. + 31° R.) sont
très-distans et les variations brusques ; les vents du nord
y sont presque constans; les plus violens cependant souf-
flent du nord-est. L'air y est d’une grande sécheresse,
malgré des irrigations artificielles assez nombreuses dans
les régions cultivées. Le ciel, habituellement d'une grande
pureté , favorise singulièrement les observations astrono—
miques.
Les premières gelées ont lieu à la fin de novembre;
la neige y tombe, mais atteint rarement un pied, à un
pied et demi de profondeur. La gelée nocturne dure pres-
que jusqu’à la fin d'avril. La pluie est rare, et tombe
plutôt au printemps. Les arbres se revêtent de leurs
feuilles à la fin de mars, dans la dernière décade, et dans
la première quinzaine d'avril.
Néanmoins ce climat nourrit dans les jardins de Bou-
khara les plus beaux fruits du midi : le mûrier, le figuier,
le grenadier, la vigne, des melons célébres, le coton, le
riz, la pistache, les abricots, on ajoute même des dattes.
Le tigre du Bengale se montre parfois dans ces régions.
Si l'on compare ce climat tel qu'il est de nos jours
— 01 —
avec la peinture que nous en ont laissée les Arabes, en
particulier Ebn Haukal, qui dans le cours de ses longs
voyages avait pu le comparer à beaucoup d'autres, il
semblerait que ce climat a subi quelque détérioration, car
ils nomment celte contrée le plus beau des quatre Paradis
de l'Islam : louange qui doit aujourd'hui nous paraître
singulièrement exagérée.
A. GuYoT, secrétaire.
M. Théremin présente à la société deux diamans qu'il
a rapportés du Brésil ; l’un d’eux est encore dans sa
gangue, appelée cascalho; l'autre, qui est libre et cris-
tallisé en cube, présente le phénomène bien remarquable
d'un cristal enchâssé dans un autre, de manière à ce
que les angles du premier sortent par le milieu des faces
du second , ensorte que leurs arêtes figurent une espèce
de croix de St.-André.
A l’occasion de la communication de M. Théremin,
M. Sacc fait part à la Société des réflexions suivantes sur
le carbone :
La nature offre le carbone pur cristallisé sous forme de
diamant et de graphite; amorphe, sous forme d’anthra-
cite; impur, à l’état de houille et de lignites. Il n’y a pas
de corps simple qui s'offre sous des aspects plus divers, et
avec des propriétés plus opposées que le carbone. Cristal-
lisé, il constitue dans le diamant un corps incolore ou
fort peu coloré, réfractant fortement la lumière, et n'ayant
aucune espèce d'action sur les fluides colorés ou odorans,
non plus que sur les gaz. Amorphe et très-divisé, comme
on l’obtient, par exemple, en calcinant des bois, il absorbe
avec force les rayons lumineux et calorifiques, les gaz , les
— 402 —
matières colorantes', et la plupart des substances odo-
rantes. Le diamant L'e brûle qu'avec peine, et seulement
dans l’oxigène pur; le carbone amorphe alimente la
flamme de nos foyers et celle de tous les hauts-fourneaux.
En présence de ces singulières propriétés du carbone, on
se demande si ce n’est pas à la faculté que le carbone
possède de changer de forme, qu'il doit de pouvoir pro-
duire, en s’unissant avec l'hydrogène, l’oxigène et l'azote,
ces composés organiques, qui, quoique formés d’élémens
identiques , se manifestent à nos sens avec des propriétés
très-diverses et sont en si énorme quantité, que l’imagi-
nation la plus hardie en est effrayée.
Les diamans n’ont été trouvés jusqu'ici que dans des
terrains d’alluvion, où on les rencontre avec des zir-
cons, des éméraudes et d’autres pierres précieuses , qui
caractérisent les roches anciennes, et semblent prouver
que le diamant a la même origine qu'elles. Il y a deux
ans, un Prussien, qui voyageait au Brésil, découvrit des
diamans enchässés dans une roche d’itacolumite , qui est
formée par l’agglomération de grains d’une espèce de silice
assez hydratée. On crut alors que tous les diamans s’é-
taient formés dans l’itacolumite ; mais cette erreur ne put
durer longtemps, parce que cette roche doit être une
formation assez récente, comme toutes les roches sili-
ceuses hydratées, ensorte qu'il est impossible d'admettre
que les diamans et les autres pierres précieuses qu’elle
renferme , se soient formées dans son sein ; il est beau
coup plus probable qu’à mesure qu'elle s’est formée, l'i-
tacolumite les a entraînés et retenus mécaniquement.
Le diamant paraît avoir été formé par la solidification
lente du carbone gazeux, ou liquide, qui peut avoir existé
— 403 —
lors de la formation du monde, et avoir échappé, sous d’é-
paisses couches de roches fondues, à l’action oxidante de
l'oxigène de l'air, qui a transformé aussitôt en acide carbo-
nique, tout le carbone qui entrait directement en contact
avec lui. Il paraît que le refroidissement des diamans a été
plus rapide pour les uns que pour les autres, puisqu'on
en trouve dont la cristallisation a été confuse; elle s’est
donc opérée, pour ces derniers, sous l'influence d’un re-
froidissement trop rapide pour que toutes les parties de
ce minéral aient eu le temps de se disposer les unes à
côté des autres assez régulièrement pour permettre le cli-
vage. On brise ces diamans dans de petits mortiers d'acier,
et on prépare ainsi une poudre appelée égrisée; elle sert
à polir le diamant et en général toutes les pierres pré-
cieuses dures.
On appelle diamans en rose, ceux qui n’ont qu’un
côté taillé en facettes et l’autre plat, et diamans en bril-
lans, ou brillans, ceux qui sont taillés des deux côtés;
ils sont, de tous les plus recherchés. On distingue dans les
brillans trois parties : le pavillon ou partie supérieure, la
culasse ou partie inférieure, et le bord:qui se trouve
entre ces deux parties. Lorsqu'on achète des diamans
de prix, il faut toujours les démonter pour s'assurer
qu'ils sont d'une seule pièce , afin d'éviter d'être trompé ;
car on a vu des brillans dont le pavillon était une rose et
la culasse, une pièce faite avec du quartz brillant, connu
sous le nom de caillou du Rhin.
Les diamans taillés ont une valeur double de celle
qu'ils auraient à l'état brut. On pèse ces pierres pré—
cieuses avec des poids spéciaux appelés carats, du nom
des graines d’une plante (Erythrina) qui servent à peser
— 04 —
les diamans dans les pays chauds. Le carat vaut à-peu-
près quatre grains, soit grains 0,20654. On paie, en
général, les diamans d’un carat #8 francs de France;
au-delà, leur valeur se calcule en élevant leur poids au
carré, ensorle qu'un diamant de deux carats vaut déjà
192 francs de France; aussi le prix des diamans un peu
gros est-il vraiment fabuleux.
Le graphite est du carbone cristallisé en paillettes; 1l
est noir et fort dur, quoiqu'il le soit moins que le dia-
mant; on l’emploie à la préparation des crayons de mine
de plomb et des creusets réfractaires , dits de plombagine.
Il se forme quelquefois dans l'intérieur du bâtis en briques
des hauts-fourneaux.
Les houilles sont sans doute produites par la décompo-
sition lente, ou la putréfaction, sous l'influence de l’eau
salée, de grands amas de plantes celluleuses, telles que
les varecs et les fucus.
Les lignites proviennent de l'enfouissement spontané
de forêts entières.
L’anthracite paraît être due à une décomposition assez
avancée des lignites, pour que toutes leurs parties hydro-
génées aient disparu, de manière à ne laisser que du
charbon presque pur.
Ces trois espèces de charbon sont loin d’être pures; les
deux premières contiennent des substances formées de
carbone, d'hydrogène et d'azote, avec plus ou moins
d'oxigène ; toutes les trois laissent, quand on les eg"
une forte proportion de cendres.
Il est facile de distinguer les houilles d'avec les lignites
et l’anthracite quand on les soumet à la distillation ; les
houilles donnent alors beaucoup de carbure hydrique, qui
— 405 —
brûle avec une belle flamme rouge; les lignites ne pro-
duisent guère que de l'oxide carbonique, qui brûle avec
une flamme bleue, et l'anthracite ne donne pas de gaz,
parce qu'il est formé presque tout entier de carbone pur.
M. Sacc présente ensuite le tableau des principales
formes cristallines du diamant. Ce tableau fait partie de
‘excellent Traité de Minéralogie, par M. Dufrenoy.
À la suite de ce mémoire, M. Ladame parle de l’allo-
tropie, et soulève plusieurs questions fort graves sur quel-
ques parties de la théorie chimique, et en particulier sur
la nature des corps qu’on regarde actuellement comme
simples. M. Sacc ne partageant pas dans toute son éten-
due cette manière de voir, il s'élève une discussion, que
M. Ladame termine en promettant un mémoire étendu
sur ces questions. F. Sacc, secrétaire.
Séance du 19 mars 1846.
Présidence de M. L. CouLon.
M. Sacc fait hommage à la société, au nom de M. le
Prof. Will, du mémoire que ce savant vient de publier
sur l’huile essentielle de moutarde:
Sur l'invitation de M. le président, M. Sacc fait lec-
ture d’un rapport dans lequel M. Favre analyse, sur
la demande de la section de la Chaux-de-Fonds, un mé-
moire de M. Robert sur un moyen de découvrir immé-
diatement le lieu où sont les incendies de nuit. M. Ladame,
ainsi que M. d'Osterwald , approuvent beaucoup la sage
critique qu'a faite M. Favre de ce mémoire. Les plans
relatifs au projet de M. Robert sont mis sous les yeux de
la société (*).
(*) Voir plus bas Bulletin des séances de la section de la Chaux-de-Fonds,
— 406 —
M. d'Osterwald offre à la société de publier dans ses mé-
moires les observations barométriques faites l’année der—
nière au Mont-Blanc, par MM. Martins et Bravais : obser-
vations que ces savans lui ont remis avec plein-pouvoir
d'en faire ce qu’il jugerait bon. Ges observations présen-
tent entre elles des différences assez grandes pour néces-
siter des révisions que M. d'Osterwald se charge de
faire de concert avec MM. Guyot et Ladame.
M. Sacc présente une note critique sur le mémoire que
vient de publier M. le Prof. Gobley sur l'analyse du jaune
d'œuf.
Il y a quelques semaines que M. Gobley, Prof. agrégé
à l’école de pharmacie de Paris, a présenté à l’académie
un travail fort intéressant sur l'analyse du jaune d'œuf
qu'il a trouvé composé de :
Eau DOECL EME CE ND SMIC 51,486
Vitellme 9 & 4 ob senobiént … 19,100
Margarine et oléine . . . . 21,304
Cholestérine . . . . ,. . 0,438
Acides oléïque et margarique . 7,226
Acide phosphoglycérique _ . . 1,206
Chlorure ammonique. . . 0,034
Chlorures sodiqué, potassique et
sulfate potassique . . . . 0,277
Phosphates calcique et magné-
SR RE Re red 2 Le USA
Extrait de viande . 12: 7. 0,400
Ammoniaque, matière azotée,
matière colorante, traces d’a-
cide lactique, de fer, etc. . 0,853
100,000
EE LT
Deux choses frappent quand on lit le mémoire de M. Go-
bley: c'est d’abord qu’il admet dans le jaune d'œuf l'exis-
tence d’un acide, et ensuite qu'il ne s'est pas occupé de
la composition de l’albumine des œufs qu'il analysait, non
plus que de la nourriture des poules qui lui fournissaient
les œufs nécessaires à son travail. Bien plus, il ne dit
pas quel était l’âge des œufs dont il s’est servi, et paraît
ignorer s'ils ont été fécondés ou non. M. le Prof. Gobley
termine son mémoire en disant qu’il va s'occuper d'étu-
dier les modifications qu'éprouvent, sous l'influence de la
vie, les divers principes qui constituent l'œuf.
Avant de passer à l'analyse de ce mémoire, nous pré-
senterons une pelite note sur le dosage de quelques-unes
des parties de l'œuf de poule; cette note fait partie
d'un trayail étendu que nous espérons avoir l'honneur de
communiquer bientôt à la société.
Deux œufs d’une poule de la variété naine, dite an-
glaise ou pattue, pondus, l'un le 2, l’autre le 3 mai, ont
êté cuits le 4; ils pesaient alors: l’un gr. 31,5627, l’autre
gr. .32,8816; en moyenne 32,2221. La poule pesait
gr. 672,1550; en représentant son poids par 100, on voit
que celui de l'œuf doit l'être, par 5 parties, et celui du
jaune d'œuf par une.
Les jaunes de ces deux œufs pesaient ensemble :
gr. 19,8850:; après avoir été traités par l'éther, ils ne
contenaient plus que gr. 3,6614 d’albumine, et d'autres
matières insolubles dans l'éther. Dans la solution se trouve
une substance grasse, qu'on a obtenue en évaporant la
liqueur dans un courant d'acide carbonique, afin que
Vhuile ne s’oxidât pas. Le résidu est formé de deux
graisses, dont l’une est beaucoup plus fluide que l’autre;
— À408 —
ce résidu pèse gr. 6,8798. Obtenue de cette manière,
l'huile d'œuf est d’un beau jaune orangé; elle absorbe
l'oxigène de l'air avec une rapidité extraordinaire et en
se résiniliant. Elle a une forte odeur de phosphure hy-
drique, ce qui donne à croire qu’elle contient une assez
grande quantité de phosphore libre ou combiné. L'eau
dosée directement et par perte pesait gr. 9,3438.
En conséquence des faits établis par cette analyse, un
jaune d'œuf pesant gr. 9,9425 contient :
Matières insolubles dans l’éther gr. 1,8307
Matières solubles dans l’éther » 3,4399
Fans FO, 99 D JETILAS | » 4,6719
gr. 9,9425
Soit en centièmes : Rapport.
Matières insolubles . . 18,4128——9
Matières solubles . . . 34,9979—— 7%
PAR SM 46,9893——5
100,0000
Les œufs qui font le sujet de cette note provenaient
d'une nourriture composée exclusivement d'orge, depuis
quatre mois; ils ont donc été faits avec ce grain. M. le
Prof. Gobley admet l'existence d’un acide dans le jaune
d'œuf, quoiqu'il dise lui-même que ce corps n'a pas la
moindre action sur les papiers réactifs. Quand on chauffe
le jaune d'œuf au contact de l’eau, il s’acidifie, voilà la
raison pour laquelle M. Gobley admet dans le jaune
l'existence d'un acide qui ne s’y trouve pas, et qui ne
peut pas exister, parce que, s’il s’y formait, il serait aus-
sitôt neutralisé par les alcalis que contient en grande
abondance l’albumine. L'erreur commise par M. Gobley
— 409 —
est grave, puisqu'elle tend à infirmer ce fait établi pour
tous les êtres organisés, c’est que la vie ne se développe
jamais dans un milieu acide, tandis qu’au contraire la
présence des alcalis en petite quantité est favorable à son
développement.
Il est probable que si M. Gobley avait fait des analyses
avec des œufs provenant de différentes basses-cours, il n'au- .
rait pas obtenu des résultats aussi concordants que ceux
qu'il expose dans son analyse, et je suis certain que sil
répète jamais ses recherches, il n'arrivera jamais à trou-
ver des nombres semblables à ceux qu'il vient de publier.
Il n’a pas tenu compte de l’âge des œufs dont il s'est
servi, et cela aurait été fort nécessaire; car l'évaporation
leur fait perdre beaucoup de leur poids, surtout quand
on les laisse dans une chambre chaude. M. Gobley ter-
mine son mémoire en promettant d'étudier les métamor-
phoses des principes constituans du jaune d'œuf, sous
l'influence de la vie, et j'affirme qu'il ne parviendra à
aucune espèce de résultats, s’il ne s'occupe pas de l'ana-
lyse de l'œuf tout entier; car pendant l'incubation, le
poulet, qui se développe dans le jaune, absorbe toute l’al-
bumine, qu’il transforme en fibrine; l'étude de ces deux
principes de l'œuf ne peut donc point être séparée.
M. Gobley a trouvé dans le jaune d'œuf un acide qui
se produit quand on le chauffe au contact de l'air; puis
un peu plus loin , il paraît tout surpris de découvrir en
core de l'acide phosphoglycérique, et des acides oléïque et
margarique. La réponse précède ici la question; elle se
trouve justement dans cette acidification du jaune d'œuf,
au contact de l'air, lorqu'on admet avec nous, que le
phosphore se trouve dans le jaune dissous dans l'huile,
— MO —
soùs forme de sulfide, qui, en s'oxidant, produit de l'acide
phosphorique et du soufre. Mais, au moment où il se
forme, cet acide phosphorique, se trouvant en présence
de la margarine et de l’oléine, les décompose et leur
enlève leur glycérine, avec laquelle il produit de l'acide
phosphoglycérique, et met alors en liberté ces acides
. oléique et margarique, qui n'existent point dans le jaune
de l'œuf frais; mais qui s'y produisent quand on en fait
l'analyse, comme M. Gobley, au contact de l'air.
Pour apprendre de quelle manière les principes du
jaune d'œuf sont groupés dans son sein, il faut opérer
à l'abri du contact de l'air ; c'est ce qui rend cette étude
si difficile; c'est aussi ce qui amène des différences si
grandes entre les chiffres fournis par les nombreux au-
teurs qui se sont occupés de ce genre d'analyse. Il est à
regretter que M. Gobley n'ait pas tenu compte des con-
ditions dans lesquelles il a fait cette analyse, qu'il a con-
duite avec tant de zèle et de patience, et qui l’a amené
à la connaissance de quelques faits très-curieux.
A. Guxor, secrétaire.
Séance du 2 avril 1846.
M. le secrétaire donne lecture d’une circulaire adres-
sée à la société par M. O. Heer, par laquelle il invite,
au nom de la société helvétique, la société neuchâteloise
à provoquer des observations sur les phénomènes pério-
diques de la nature, d’après les instructions de Quetelet.
Il prie la société de faire traduire en français, d'impri-
mer ce document, et de le communiquer aux sociétés
de Genève et de Lausanne.
— Mi —
M. Coulon, père, fait la remarque que quelques déve-
loppemens pourraient être ajoutés à ces instructions. On
demande, par exemple, l'époque de l’arrivée des hiron-
delles; or on confond souvent trois espèces qui n’arri-
vent que successivement : le martinet , qui arrive le pre-
mier; l'hirondelle qui vient ensuite; enfin le cul-blane,
qui paraît le dernier. Il importe de mettre dans toutes ces
observations le plus de précision possible.
M. de Castella désirerait y voir entrer en outre des
renseignemens sur les épidémies, qui probablement ne
sont pas sans rapport avec l'état des phénomènes météo-
rologiques. Des observations de ce genre pourraient du
moins servir à constater ou à nier l'existence d’une rela-
tion entre ces deux ordres de faits.
Le secrétaire commence la lecture d’un mémoire de
M. Lesquereux sur les tourbières du Nord, qui contient
les résultats généraux des observations faites par ce savant
dans le voyage qu'il vient d'accomplir aux frais du roi(*).
M. Sacc présente à la société quelques monnaies an-
ciennes, parmi lesquelles on distingue une monnaie de
Charles-Quint et quelques monnaies brésiliennes.
M. Guyot signale, d'après M. Kolenati, l'existence de
vrais glaciers du premier ordre dans le Caucase. Dans la
relation de son ascension du Kasbek, le 27 août 1844,
dont le bulletin de la société de Géographie de Berlin
donne un extrait, ce savant déerit sa marche à travers
plusieurs glaciers {qu'il nomme très-improprement La-
wines), qui présentent absolument tous les caractères que
(*) Voir l’appendice , à la fin de ce volume.
— 19 —
nous sommes habitués à rencontrer dans les glaciers
des Alpes. Ils remplissent de vastes cavités situées au—
dessous du sommet le plus élevé de la montagne.
Les moraines latérales et médianes, souvent multi-
ples, y sont distinctement décrites. Ces dernières se pré-
sentent, ainsi que dans les glaciers des Alpes, comme
des remparts élevés sur le dos du glacier, et forment
des traînées continues de blocs et de fragmens de roches.
Les crevasses s'y rencontrent également, nombreuses,
larges et profondes. Plusieurs ont été mesurées. Dans la
partie supérieure du plus élevé des deux principaux
glaciers, Kolenati décrit même une large crevasse conti-
nue, qui rappelle la Rimaye ou le Bergschrund de nos
hauts-névés. Tous les phénomènes sont identiques. Seu-
lement les glaciers, comme la ligne des neiges éternelles,
sont plus élevés; le premier a été traversé par Kolenati,
à une hauteur de plus de 9000 pieds, élévation qui dans
nos Alpes marque déjà les champs de neige. Le second
semble plus élevé encore.
A. Guyor, secrétaire.
M. Sacc donne verbalement quelques détails sur les
avantages qu'offre pour notre agriculture la multiplication
de la consoude à feuilles rudes (Symphytum asperrimum)
pour les prés humides, et celle du Bromus Grossus pour
les prairies sèches. La culture de la consoude est analogue
à celle de la luzerne, dont elle a plusieurs des propriétés,
tandis que celle du Brome est l’analogue de la culture du
sainfoin, dont elle diffère cependant très-sensiblement, en
ce qu'elle est plus épuisante, parce qu’elle laisse sur le sol
beaucoup moins de débris organiques, et que ses racines
— M3 —
ne s'enfonçant pas sous terre, effritent sa surface. M. Sacc
engage beaucoup les membres de la société à essayer la
culture de ces deux plantes, dont sept années d'expé-
rience lui ont appris à connaître toute l'utilité comme
fourrage artificiel. F. Sacc, secrétaire.
Séance du 16 avril 1846.
M. Guyot présente de la part de l’auteur, M. Sismonda,
de Turin, un mémoire considérable, avec cartes et pro-
fils, qui a pour titre : Notizie et schiarimenti etc. Notices
el éclaircissemens sur la constitution des Alpes piémontaises.
Le même fait voir à la société la Carte du fond des
lacs de Neuchâtel et de Morat, dessinée d'après les sondages
de M. Guyot et les siens propres, par M. Henri de
Pourtalès-Gorgier. M joint quelques éclaircissements sur
ce travail qui va être livré au public dans le prochain
volume des mémoires de la société.
Le secrétaire donne lecture de la seconde moitié du
mémoire de M. Léo Lesquereux sur les tourbières du
Nord (*).
Après la lecture du mémoire, M. Coulon, père, fait re-
marquer qu'il est étonnant que M. Lesquereux annonce
qu'on trouve des troncs de chênes au fond des tourbes
des Verrières, tandis que le chêne ne croît pas même au
Val-de-Travers.
M. Coulon, fils, répond que cependant le chêne monte
sur Chaumont jusqu’à 3000 pieds ; mais, il est vrai, sur le
flanc méridional.
(*) Voir plus bas Pappendice à la fin du volume.
— 14 —
M. Ladame rapporte les expériences de Faraday et
Becquerel sur la quantité d'électricité qui tient les par-
licules des corps en équilibre, et qui se manifeste dans
les actions chimiques. Il cherche à donner une idée de
cet ordre de phénomènes, en rappelant que, d’après ces
auteurs, la quantité d'électricité qui se développe dans la
décomposition d’un gramme d'eau, est telle, qu’elle serait
capable de charger à saturation 20 millions de batteries
électriques d’un mètre carré de surface ; or une seule de
ces batteries est assez forte pour tuer un animal de la
grosseur d'un chat. Ce qui a retardé cette découverte
importante, c'est qu'on ne peut recueillir cette électricité
que difficilement, vu que les deux électricités se dévelop-
pant simultanément, se neutralisent et restent inaperçues.
Si on pouvait les recueillir séparément, on aurait en sa
uissance une force véritablement énorme.
M. Ladame fait une communication verbale sur quel-
ques points de la théorie des vapeurs applicable à lat-
mosphère. Cette communication, qui fait partie d’un
travail plus étendu sur l’histoire météorique de l'air, a
pour but de faire voir :
1° Que la hauteur des nuages et la distance qui sé-
pare leurs couches successives à diverses élévations, peu-
vent être déduites,-par le caleul, d'expériences hygromé-
triques et thermométriques faites dans les régions infé-
rieures de l’atmosphère.
29 Qu'il est possible de conclure la hauteur des nuages
de la mesure de leur vitesse angulaire prise depuis deux
stations ayant une différence de niveau. La formule per-
met également de s’assurer si les nuages ont dans toute
#
— M5 —
l'étendue de l'horison visible la même hauteur et la même
vitesse absolue.
3° Que les considérations précédentes ne sont pas ri-
goureusement applicables à l'atmosphère, parce qu'elles
sont fondées sur son état statique, et qu'en conséquence
elles ne peuvent être vraies qu’autant que l’état dynami-
que de l’atmosphère a peu d'influence ; ce que nous igno-
rons.
Dans le but de savoir jusqu'à quel point on pouvait
tenir compte des perturbations résultant des mouvemens
de l'atmosphère pour atténuer et même pour renverser
tout-à-fait les déductions du calcul, M. Ladame a dé-
terminé à priori la hauteur des nuages, dans 80 con-
ditions différentes de température et d'humidité. La
comparaison entre les nombres ainsi obtenus, et ceux
que fournit l'observation, démontre clairement, que l’é-
tat dynamique de l'atmosphère n’a pas une influence
aussi grande qu'on pourrait le croire, et que les résultats
que donnent ces deux méthodes, offrent un accord re-
marquable, quand on les prend dans leur ensemble.
M. Coulon, père, remarque que la hauteur des nuages
doit dépendre aussi de l’état électrique de l'atmosphère,
du moins d’après les indications contenues dans un mé-
moire lu à la Société de l'association britannique pour
l'avancement des sciences.
M. Ladame fait observer que cela a lieu en effet; mais
quil n'a pas tenu compte de cet élément dans les calculs
. qu'il a présentés, parce qu'il n’est pas susceptible, dans
l'état actuel de la science, d’être apprécié numérique-
ment. À. Guxor, secrétaire.
— M6 —
Séance du 6 mai 1846.
Présidence dé M. L. CouLon.
M. le Président dépose sur le bureau le Bulletin de la
Société de Berne jusqu'au mois d'avril.
Le même présente à la Société des échantillons polis du
calcaire portlandien qu'on exploite depuis peu de tems
dans les environs de Neuchâtel, sous le nom de marbre
de Fahy. M. Chapuis assure que, d’après ses essais,
l’oxfordien de Chambrelien prend aussi bien le poli que
le portlandien de Neuchâtel.
M. Guyot expose les résultats d'une exploration ré-
cente de l’isthme de Panama et du Darien, exécutée par
M. Hellert, et insiste sur l'intérêt que présente la décou-
verte qu'a faite ce voyageur d’une localité plus favorable
que toutes celles indiquées jusqu'ici pour le percement
de l’isthme et l'établissement d’une communication mari-
time entre les deux océans. M. Hellert signale l'existence
de couches de houille, qui affleurent à la surface du sol.
M. Sacc rapporte qu’un des membres de la société,
M. Fritz Favarger, qui a traversé récemment ces mêmes
régions, avait déjà constaté ce gisement de houilles, qui
peuvent devenir si importantes pour l'avenir industriel
de ces contrées.
M. Théremin communique la notice suivante sur une |
pluie de manne observée en Asie-Mineure, extraite de
l'Observateur autrichien du 28 janvier 18%6 :
Selon des nouvelles concordantes, un phénomène rare
— MT —
et très-remarquable s’est vu dans les districts de Jenit-
cher, Siwrihissar, Eskitschehr et Sidi-Gazi en Asie-Mi-
neure. Il y est tombé de la manne du ciel! Le Courrier
de Constantinople du 24 janvier 1846, contient à cet égard
l’article suivant :
« Des lettres de Jenitchebr disent que depuis plusieurs
jours il tombe du ciel, d'instans à autres, de la manne,
qui sert de nourriture aux habitans. Elle tombe de la
grandeur d’une aveline et en quantité considérable; on
la vend dans le pays à douze piastres le killow, (mesure
contenant 172% pouces cubes français). Les habitans la
pulvérisent et en font cuire du pain, qui n'est pas in-
férieur à celui que l'on mange d'ordinaire. »
Le Journal de Constantinople du 26 janvier 1846 porte
sur le même sujet, ce qui suit :
« Le même phénomène qui a été observé au printems
de 1841 à Van, s'est renouvelé dans le district de
Jenitschehr, avec des circonstances toutes pareilles et
extraordinaires. Il résulte de lettres écrites par des per-
sonnes de toute confiance, habitant le chef-lieu, qu'a-
près une disette sensible -de vivres, uné quantité éton-
uante d’une substance grisâtre est tombée du ciel; elle
est de la grandeur d'une aveline, ressemblant à la
manne en larmes et ayant un goût assez agréable. Cette
substance est tombée en si grande abondance, qu'elle
couvre la terre à une épaisseur de trois pouces et suffit
pour plusieurs jours à la subsistance des habitans. La
farine que l’on en obtient est blanche, mais le pain que
Von en cuit est, malgré sa beauté, sans saveur. »
Le méme donne lecture de la note suivante relative à
l’abaissement du tarif du sel :
— M8 — .
Neuchâtel, par suite de traités avec la France en tire
le sel nécessaire à sa consommation dont il fixe la quan-
tité et le prix.
En France une loi vient d'être mise à exécution, par
laquelle le prix du sel est réduit de 5 centimes par kilo-
gramme, lorsqu'il est destiné à l'alimentation des bes-
tiaux. Pour s'assurer que le sel est réellement destiné à
cet usage et non à la cuisine, ou à un but industriel,
le gouvernement français exige du consommateur rural,
qui veut acheter aux dépôts au prix réduit, qu'il fasse
mélanger ce sel de substances étrangères nutritives :
mélange qu'il laisse, jusqu'à un certain point, au choix
de l'acheteur et qui se fait à ses frais. Le choix est laissé
entre les mélanges suivans :
Sur 5 kilog. de sel en poudre: 5 litres d’eau et 2 hecto-
litres ou 40 kilog. de son ordinaire ou mêlé de recoupe.
Sur 10 kilog. de sel en poudre : 10 litres d’eau # kilog.
de farine de tourteaux de graines oléagineuses, et 2 hecto-
litres ou 40 kilog. de son ordinaire, ou mêlé de recoupe.
Comme le sel est de première nécessité pour l'hygiène
des bestiaux, il serait utile de faire jouir nos nourris-
seurs de bestiaux et nos vachers de cette diminution con-
sidérable sur le prix du sel; si le gouvernement de la
Principauté n'avait pas déjà fait des démarches dans ce
but, peut-être serait-il convenable que la Société cher-
chàt à l'y rendre attentif.
A. Guyor, secrétaire.
M. le Président donne lecture d’une lettre de M. Au-
guste Vouga dans laquelle il annonce avoir vu tout ré-
cemment à Cortaillod une muscicapa parva, oiseau fort
Rae Es
— M9 —
rare, même dans sa patrie, qui est la Hongrie. Il y a peu
d'années que le même ornithologiste a tué un oiseau du
Bengale , la Limosa terek, au milieu d'un vol de bécas-
sines.
M. Hollard met sous les yeux de la société un œuf
. fort gros qu’il a trouvé dans la cavité abdominale d’une
jeune poule qui n'avait pas encore pondu. Il fait remar-
quer que cet œuf peut être tombé dans le péritoine sous
forme de jaune, tel qu'il se détache de l'ovaire, et que
ce serait alors dans la cavité abdominale qu'il se serait
revêtu d’albumine et de la membrane qui entoure le
blanc. Ici se présente la question de savoir comment s’est
formée cette membrane du blanc. M. Hollard se demande
si ce serait peut-être par le dédoublement de la membrane
qui enveloppe le jaune. Ce qui semble appuyer cette
manière de voir, c'est la mobilité du jaune dans l'intérieur
de l'œuf, mobilité qui est beaucoup plus grande-que celle
du jaune dans un œuf bien conformé.
M. Sacc s'étant aperçu que le jaune semble nager dans
l'intérieur de l'œuf, comme s’il était parfaitement libre,
émet l'opinion que la membrane extérieure de cet œuf
n'est probablement pas autre chose que la membrane vi-
telline et que la substance translucide que l’on voit dans
son intérieur et qui a l'aspect d'albumine, n’est que de
l'eau chargée de mucus, qui y a pénétré par endosmose.
M. Sacc présente à la société une branche de l'arbre à
thé et lui annonce qu'il vient d'offrir à la société d’hor-
ticulture un fort beau pied de cette plante. A ce sujet il
donne quelques détails sur la culture, l’acclimatation en
— 420 —
Europe et la préparation qu'on fait subir aux feuilles du
thé. IL expose la méthode d'extraction du principe actif
des feuilles du thé et fait observer qu'il est chimiquement
le même que celui du café et du Guarana. Passant en-
suite à l'étude physiologique du thé et du café, et exa-
minant leur action sur l’estomac et le cerveau, M. Sacc
la compare à celle du vin rouge et se demande si la théine
agit directement sur le cerveau. M. Hollard pense que
la théine est absorbée par le sang et qu’elle agit directe-
ment sur le cerveau, mais d’une manière bien différente
du vin, puisque le thé tend à éclaircir et à faciliter les
fonetions du cerveau, tandis que le vin, pris même en
petite quantité, les entrave.
F. Sacc, secrétaire.
Séance du 28 mat 1846.
Présidence de M. L. CouLon.
M. le Président fait part de l'invitation que lui adresse
le président du congrès scientifique de Gênes, de faire
représenter la Société de Neuchâtel à cette réunion par
quelques-uns de ses membres.
Le même présente à la société les mémoires de l’Acadé-
mie royale de Liège dont fait partie le 1°" volume de
l’ouvrage que M. Lacordaire publie sur les insectes phy-
tophages. Ces mémoires sont accompagnés d’une lettre
dans laquelle l'académie de Liège demande les mémoires
de la société en échange des siens.
IL dépose encore sur le bureau les procès-verbaux de
_ la société des sciences naturelles de Lausanne.
— 421 —
M. le Président annonce avoir reçu un Plongeon Lumme
femelle et adulte en plumage de printems. Cet individu
est le premier adulte de l'espèce qui ait été tué dans notre
pays ; tous les autres étaient des jeunes.
M. Hollard ayant ouvert, de concert avec M. Sacc, l'œuf
anomal dont il a été question dans la précédente séance,
annonce avoir acquis la conviction que cet œuf, après
avoir séjourné dans l’oviducte, avait rétrogradé probable-
ment sous l'influence de violentes contractions muscu-
laires, et qu'après avoir remonté dans les trompes il
était tombé de là dans la cavité abdominale. M. Hollard
admet en conséquence que ce n’est pas le jaune qui est
entré dans la cavité abdominale, mais bien l’œuf tout en-
tier, auquel il ne manquait que la coque. Il fait remarquer
d'abord que cet œuf était bien conformé, qu'il avait un
gros et un petit bout, tandis que si son enveloppe exté-
rieure avait été formée par la pellicule vitelline, il aurait
été sphérique, et non point ovoïde. Si l'œuf était si énor-
mément gonflé, c'est parce qu'il s'est chargé de liquide ab-
sorbé par endosmose pendant son séjour dans l’abdomen.
L'étude microscopique des enveloppes de l'œuf a confirmé
en tous points les prévisions de M. Hollard, en prou-
vant que l'enveloppe extérieure de l'œuf possède exacte-
ment la même structure que la membrane coquillière des
œufs venus à terme. L’'albumine existait dans cet œuf;
la membrane vitelline avait disparu , ainsi que les cha-
lazes ; une partie du jaune s'était dissoute dans la liqueur
albumineuse qui le baignait, tandis que l’autre s'était
solidifiée et prise en masse. Cette observation est fort
importante puisqu'elle peut nous mettre sur la voie de
— À422 —
la cause qui produit beaucoup de grossesses extra-utérines,
en nous prouvant que l’œuf, après avoir séjourné pendant
quelque temps dans les trompes , peut revenir au point
d'où il est parti et tomber de là dans la cavité abdomi-
nale, où il continue à se développer encore pendant quel-
que temps (*).
A la suite de la communication de M. Hollard, M. le
D' Borel rappelle que le professeur Lallemant a observé
un cas de grossesse extra-utérine dont la cause pro-
bable avait été une vive frayeur, au moment de la
conception.
M. le Dr de Castella rappelle qu'il a déposé au mu-
sée de la ville, les débris d'un fœtus provenant d’une
grossesse extra-utérine et extraits par lui, à l’aide de l’o-
pération césarienne. La conception extra-utérine durait
depuis deux ans et paraissait avoir commencé au septième
mois de la grossesse, à en juger par le développement
des membres de l'enfant. La cause de cette grossesse
anomale peut bien avoir été aussi une frayeur, le mari
de la femme observée étant épileptique. La plaie formée
par l'opération resta longtemps fistuleuse et comme les
règles s’écoulaient à la fois, par elle, et par la vulve, il
fut tenté aussi de croire, avec M. le Dr Borel, que cette.
grosseur était tubaire et non pas abdominale.
M. le professeur Hollard dit qu'il ne croit pas que
l'œuf puisse tomber directement de l'ovaire dans la ca-
vité abdominale, en échappant aux trompes; il pense que
l'œuf passe toujours dans les trompes et que c'est de là,
(*) Voir la notice de M, Hollard sur le même sujet, à la fin du volume.
— 4923 —
‘que, sous l'influence de causes qui, comme une violente
frayeur, doivent décider une contraction de cet organe,
il est repoussé en arrière et va tomber dans la cavité ab-
dominale.
M. le Dr de Castella revenant sur les dangers si-
gnalés par M. Sacc dans l'emploi du calomel , annonce
avoir lu avec un vif plaisir le mémoire de M. Bussy dans
lequel ce savant annonce que le meilleur contrepoison
du sublimé corrosif est la magnésie. Il en conclut qu'en
administrant le chlorure mercureux avec la magnésie, il
n'y a plus du tout à craindre d'effet toxique de la part
de cet utile médicament.
M. Sacc présente à la Société les belles planches dont
M. Natalis Guillot a accompagné son intéressant mémoire
sur les organes de la respiration des oiseaux.
M. de Castella annonce qu’il vient de trouver dans l’u-
rine de l’un des malades de l’hôpital Pourtalès, les petits
cylindres observés par le professeur Henle dans la ma-
ladie de Bright. L’urine de l'individu affecté de cette
grave maladie est très-albumineuse ; M. de Castella lui a
donné en vain l'acide nitrique, dans le but de le soulager.
M. Hollard croit que les cylindres microscopiques qu’on
observe dans l'urine des personnes affectées de la ma-
ladie de Bright pourraient bien n’être que les cellules épi-
théliales cylindriques dont M. Henle a signalé l’existence.
M. le D' Borel rapporte avoir observé un diabé-
. tique dont l’urine excessivement abondante et d’une cou-
. leur de petit lait, était tellement chargée de sucre qu’elle
—. 2% —
passait presque immédiatement à la fermentation vineuse.
et ne présentait point du tout l'odeur habituelle de l’u—
rine, mais bien celle du moût récent. Elle précipitait
abondamment en rouge les sels cuivriques additionnés
de potasse.
M. Sacc engage beaucoup les membres de la société à
aller visiter le jardin de la société horticole, dans la serre
chaude duquel se trouve à présent en pleine fleur un cac-
tus analogue au Cereus flagelliformis, et obtenu’ de grai-
nes par M€ Lardy-DuBois d’Auvernier. Ce Cereus pa-
raît être un hybride nouveau obtenu par la fécondation
accidentelle de l'ovaire d’un Cereus flagelliforme par le
pollen d’un Cereus speciosissimus, puisque la forme et la
coloration de ses fleurs rappellent à la fois celles des deux
cierges dont nous venons de parler. Les tiges de cet hy-
bride sont près de trois fois plus grosses que celles du
Cereus flagelliformis; elles sont d’un vert beaucoup plus
foncé et garnies d’épines brunes moins nombreuses, mais
plus fortes que les siennes. Cette belle variété diffère to-
talement par sa fleur du Cereus flagelliformis dont elle se
rapproche par la forme de ses tiges.
M. le Président clot les séances de la société jusqu’à
l'automne prochain.
F. Sacc, secrétaire.
BULLETIN
DE LA SOCIÈTE DES SCIENCES NATURELLES
DB NEUCEIATER.
Section de la Chaux-de-Fonds.
Séance du 13 novembre 1845.
Présidence de M. WURFLEIN,
M. le Président ouvre cette séance, qui est la première
de la troisième année depuis l'existence de la section, par
un discours dans lequel, jetant un regard sur ce qu’elle
a fait, et sur ce qui lui reste à faire, il engage les
sociétaires à redoubler de zèle et de persévérance pour
atteindre le but modeste qu'ils se sont proposé, l’avance-
ment de l'instruction dans nos montagnes.
M. Nicolet dépose sur le bureau, les bulletins de la
société industrielle de Mulhouse, que cette société nous
envoie en échange des nôtres.
Le D° Pury dépose également sur le bureau plu-
sieurs brochures offertes à la société par MM. Combe,
pasteur; Agassiz, Desor, Coulon et Pury, docteur, ainsi
qu'un timbre pour la société gravé par M. L. Bovy, qui
lui en fait hommage.
— 426 —
M. le D' Basswitz présente à l'assemblée la machine
électro-médicale de MM. Breton frères, pour la gué-
rison des paralysies. Cette machine qui est employée
actuellement dans tous les hôpitaux de Paris, ressemble
assez à la machine de Bonijol, elle en diffère entr'autres
par une bobine graduée qui permet de varier à volonté
les secousses galvaniques que l’on veut donner.
Séance du 27 Novembre 1845.
Présidence de M. WURFLEIN.
M. le D" Pury lit une note statistique sur les doreurs
au feu de la juridiction de la Chaux-de-Fonds. Il y a
maintenant dans la juridiction 43 ateliers occupant
120 ouvriers. Dans ces #3 ateliers , on en compte 27 où
les prescriptions du Conseil d'Etat sont exécutées ; dans
les 16 autres, la hotte vitrée ou lanterne n'existe pas, ou
bien les} doreurs ne prennent pas les précautions re-
quises.
M. C. Nicolet lit une note de M. Justin Billon, sur un
arc-en-ciel lunaire observé le 8 octobre de l’année cou-
rante.
Le 8 octobre dernier, dit M. Billon, à sept heures
trente-cinq minutes du soir, on a pu observer à la Chaux-
de-Fonds un phénomène très-rare dans nos contrées: un
arc-en-ciel lunaire.
Au sud-ouest, et dans son premier quart, la lune
brillait sur un ciel légèrement vaporeux. Au nord-ouest,
un nuage se résolvait en pluie assez abondante; l’arc-en-
ciel était complètement semi-circulaire et plus lumineux
— 427 —
à ses extrémités qu'à son sommet. D'une nuance extré-
mement pâle, il ne paraissait pas offrir les couleurs de
l'iris; cependant il se détachait admirablement du nuage
noir sur lequel il se dessinait. Ce phénomène n’a duré
que sept à huit minutes, la lune ayant été bientôt cou-
verte de nuages, chassés par un fort vent d'ouest. Il a
été suivi de mauvais (ems ; le ciel est resté couvert et le
même vent a continué de souffler avec violence pendant
toute la nuit et la journée du lendemain.
Après cette lecture, M. J.-C. Ducommun ajoute qu'il
a observé un arc-en-ciel semblable et dans les mêmes
circonstances il y a quelques années à la Chaux-de-Fonds,
et M. le secrétaire Huguenin ajoute qu'il y a un certain
nombre d'années , il fut témoin, au Locle, d’un arc-en-
ciel lunaire, qui présenta les mêmes phénomènes que
celui observé par M. Billon, avec cette différence que la
lune était alors dans son plein.
M. Dubois, docteur , fait l'histoire de l’angine de poi-
trine en général, et d’un cas de cette maladie qui a offert
des circonstances particulières.
L’angine de poitrine, introduite dans les cadres noso-
logiques à la seconde moitié du 48 siècle, fut d’abord
décrite par Sauvages , sous le nom de Cardiogmus cordis
sinstri, en 1763 , et par Heberden, en 1768, sous le
nom de Angina pectoris. Elle a pour symptômes une
constriction spasmodique très - douloureuse avec an-
goisses que le malade éprouve subitement. Les malades,
au moment de la crise, croyent toujours qu’ils vont expi-
. rer de suffocation, c’est ce qui a fait appeler cette mala-
die par Swediaur Pnrigophobia (de rviyos suffocation et
— 428 —
908c la peur). La douleur, dans la crise, se fait sentir au
sternum, dans les épaules et dans les bras, surtout dans
l'épaule et le bras gauche. Ces accès de suffocation ont été -
attribués par la plupart des auteurs à l'ossification des
artères coronaires (Jenner, Wall, Crellius , etc.). Ils ex-
pliquent l’accès par un afflux de sang, arrivant au cœur
devenu rigide par l’ossification des artères coronaires, et
qui détermine une compression des nerfs cardiaques, com-
pression qui peut suspendre tout d’un coup les mouve-
mens du cœur et amener promptement la mort; d’autres
auteurs l’attribuent à l’ossification des valvules aortiques,
à la dilatation de l’aorte; d’autres à une lésion organi-
que du cœur, qui passe en totalité ou partiellement à l’é-
tat adipeux; toutes ces lésions ayant été trouvées sur
des cadavres; enfin, d’autres pathologistes (Desportes,
Jurine, etc.) ont vu la cause de cette maladie dans une
affection nerveuse des poumons, qui gène les fonctions
de ces organes. Les sujets atteints de cette maladie ont
en général dépassé l’âge de 50 ans, le premier accès les
prend ordinairement lorsqu'ils montent un terrain diffi-
cile ; souvent le malade, que l'intensité des douleurs force
à s'arrêter dans sa marche, peut cependant inspirer l'air
et l’expulser. Au début, les paroxismes sont plusieurs
semaines sans revenir, mais à la fin, ils saisissent le ma-
lade jusqu’à sept ou huit fois par jour, et augmentent
d'intensité jusqu'à ce qu'enfin ils déterminent la mort du
malade. Entre les accès, les individus atteints de ce mal
paraissent être en pleine santé. Le pouls, quoiqu'un peu
rapide pendant les paroxismes, n’est presque jamais. in-
termittent. Le sexe exerce une influence sur cette mala-
die; les hommes en étant plus souvent atteints que les
femmes. Sir John Forbes avait compté sur 88 malades,
80 hommes et 8 femmes. L'indication prophylactique
est nulle, il faut attendre pour en donner une, que l’on
soit fixé sur les causes de la maladie. Tout ce qu'on peut
faire actuellement est de songer, une fois la maladie dé
clarée, à prévenir le retour des accès et à en abréger la
durée. L'air de la campagne, un régime sévère, l'exer-
cice, les bains froids et surtout les opiacés, l’eau de lau-
rier-cerise , l'éther, l’ammoniaque, l’eau de menthe poi-
vrée, sont très-utiles, d'après la plupart des auteurs,
ainsi que l'emploi des révulsifs, pediluves sinapisés, si
napismes et vésicatoires sur la poitrine, exutoires aux
jambes, etc. Les anti-goutteux ont été préconisés par
ceux qui voient dans cette maladie une affection arthri-
tique. Les aloëtiques et les purgatifs salins, ainsi que les
saignées ont été employés par les médecins, pour les-
quels la cause de la maladie est dans un afflux de sang.
Après cette exposition, M. DuBois fait l’histoire du cas
qu'il a eu l’occasion d'observer. Cet homme âgé de qua-
rante ans, avait ressenti les premiers symptômes de la
maladie il y a environ un an, dans une promenade qu'il
faisait; les premières crises consistèrent uniquement dans
des étourdissemens; on essaya sans succès les saignées
et les exutoires (vésicatoires sur la poitrine). Les accès
ne revenalent qu'à de longs intervalles, et le prenaient
ordinairement après ses repas. Il essaya au printemps
de prendre les eaux du Gournigel, qui furent loin d’ap-
porter un soulagement à ses maux. Ce fut äson retour
qu'il consulta M. DuBois. Lorsque l'accès le prenait, il
avait une douleur très-vive dans la région du cœur, qui
s'irradiait au sternum, à l'épaule gauche et au bras
— 430 —
gauche; d'autrefois il ressentait seulement une vive dou-
leur dans le bras gauche; son pouls était très-irrégulier
et intermittent durant les paroxysmes, qui présentaient
d’ailleurs les phénomènes décrits plus haut. M. DuBois
pensant qu'un épanchement pleurétique avait existé seul
au début de la maladie, fit appliquer des vésicatoires sur
le devant de la poitrine pour combattre l’épanchement ;
plus tard, à la fin de la maladie , il prescrivit les opiacés.
Le malade mourut subitement dans un accès plus fort
que les autres.
A l'autopsie , faite vingt-quatre heures après la mort,
M. Dubois trouva le corps dans un état de putréfaction
très-avancé, toute la peau était œdémateuse ; les poumons
ne présentaient aucune altération, à part une adhérence
ancienne, et non considérable, du côté droit. Le cœur
était énorme, totalement blanc; il avait passé presque
complétement à l’état gras, et ressemblait à une masse
de suif. Le rétrécissement des valvules aortiques n'exis-
tait pas ; elles étaient dans leur état normal, ainsi que
les artères coronaires, qui ne présentaient pas la moindre
trace d’ossification. La matière grasse, bien qu'elle. se
présentät généralement, n'avait pas envahi la totalité de
l'épaisseur du cœur, plusieurs des fibres charnues du ven-
tricule gauche étaient saines. — M. Dubois termine cette
dissertation en montrant le cœur de cet homme aux
membres de la société.
Séance du 11 décembre 1845.
Présidence de M. WURFLEIN.
M. le Dr Pury lit une note sur deux variétés de ma-
ladies, causées par le mercure, et qui ont passé jus-
— 31 —
qu'à présent inapereçues ; ce sont les serophules et l’amé-
norrhée mercurielles.
Les serophules mercurielles dont il a observé quelques
cas, se distinguent des autres essentiellement par une
marche beaucoup plus rapide. Des individus robustes
soumis aux émanations du mercure.en vapeur, perdent
le coloris de leur teint ; leur face se bouffit quelquelois,
ou maigrit d'autrefois considérablement, mais devient
toujours livide, terreuse ; leurs yeux sont enfoncés dans
leurs orbites; les glandes lymphatiques s'engorgent; leur
sang perd sa plasticité et sa force de cohésion en perdant
son albumine, sa fibrine et sa matière colorante. So-
bernheiïm et Simon, dans leur traité de Toxicologie, signa-
lent cette action du mercure sur le sang. Aussi voit-on
chez les malheureux atteints de cette variété de scro-
phules , la moindre solution de continuité à la peau se
terminer par un ulcère dégoûtant. Ces symplômes vont
toujours en s’aggravant , sans que le malade ait la con-
science de son état; ce n’est que lorsque des tremblemens
mercuriels viennent s'ajouter à cette série de maux que
ces pauvres ouvriers se décident à consulter un médecin.
Ces serophules n'épargnent ni le sexe ni l’âge. Des en-
fans qui vivaient dans des chambres où l’on dorait ne
présentaient qu'une masse informe toute recouverte d’ul-
cères et d'abcès. Si l’on néglige les remèdes convenables
et qu'on laisse ces malheureux respirer les vapeurs mer-
curielles, les scrophules peuvent s’aggraver au point de
réagir d'une manière très fâcheuse sur l'intelligence de ces
individus, et d'en faire de véritables crétins, ou d'une fa-
on lout aussi déplorable sur leur physique, et leur causer
des phthisies qui les mènent promptement au tombeau.
- 51
— 432 —
Heureusement lorsqu'on s'y prend à temps, qu'on éloigne
les malades de ces miasmes mercuriels, qu'on leur fait res-
pirer l'air pur de la montagne , qu'on leur administre les
remèdes convenables , entr'autres l'huile de foie de mo-
rue, qui a dans ces cas là une intensité d'action qu'elle
n'a pas dans d’autres, ces malades sont bientôt rétablis,
beaucoup plus vite même que dans les scrophules ordi-
naires.
Quant à l’aménorrhée mercurielle, dont les cas sont
assez fréquents, sa cause est comme celle des scrophules
mercurielles, l’action délétère du mercure sur le sang.
L'aménorrhée mercurielle peut exister comme les scro-
phules mercurielles sans tremblemens mercuriels ; mais
cette maladie-ci arrivée à un certain point détermine Ja
cessation des menstrues. Des occupations en plein air, la
cessation du dorage, quelques légers sudorifiques, comme
la fleur de soufre, combinés avec quelques ferrugineux ,
suffisent ordinairement pour rétablir les malades en peu
. de temps. q
Il s'engage après la lecture de ce mémoire, une dis-
cussion sur cette matière; M. Nicolet cite à l'appui de la
guérison des maladies mercurielles par le soufre quelques
expériences relatives à l’action du mercure sur la wie
végétale, consignées dans les Annales de chimie, tome vingt-
deuxième, par Deiman, Paats, Van-Troostwick et Lau-
werenburgh. Ces observateurs Hollandais, placèrent sous
une cloche posée sur l’eau une plante de fève de marais
et à côté de cette plante une bouteille remplie de mer-
cure. Une plante de menthe frisée, mise dans l’eau, fut
de même placée sous une cloche avec du mercure. Un
drageon de Spiræa salicifolia, attaché à la racine-mère
-
— 433 —
fut soumis au même traitement. Les feuilles et les tiges
de ces plantes furent couvertes dès le troisième jour de
taches noires, et le quatrième et au plus tard le sixième
jour entièrement noires ; le drageon de spirée, quoique
attaché à la plante-mère n’a pu se remettre de tout l'été.
Les plantes meurent si complètement, que souvent au
moment où l’on soulève la cloche, les feuilles tombent et
la tige s'affaisse.
Ils constatèrent par plusieurs expériences, que l’ac-
tion du mercure sur les végétaux est nulle, lorsqu'on
recouvre ce métal d’un peu d’eau, lorsqu'il est mêlé avec
la terre, ou mis en contact avec la racine des plantes.
Ils répétèrent la seconde expérience et fixérent un peu
de soufre aux parois intérieures de la cloche ; sous l'in-
fluence du soufre la plante est restée intacte, ce qui
prouve selon ces observateurs, que le soufre neutralise
les mauvais effets du mercure.
M. Depierre, docteur, tout en déclarant avoir vu dans
sa pratique, plusieurs cas de scrophules et d'aménorrhée
mercurielles, pense que la maladie des plantes signalée
par M. Nicolet, correspond à la gangrène que causent
quelquefois les préparations mercurielles , tandis que les
scrophules sont l'équivalent de l'étiolement des plantes ;
la couleur noire que l’on observe dans la gangrène et
dans cette maladie des végétaux, et la perte de matiëre
colorante des sucs, dans les deux derniers cas, autorisent
suffisamment cette comparaison.
M. Droz, docteur , ajoute qu'il avait vu de nombreux
cas de scrophules mercurielles, et qu'il avait observé en
dernier lieu, chez des doreurs aux Eplatures, le cas d'un
enfant alteint de scrophules mercurielles, qui avait une
— 434 —
fracture. Malgré un laps de temps considérable, cette
fracture ne put être consolidée que lorsqu'on eut fait
prendre au malade pendant assez long-temps le soufre
et l'huile de foie de morue.
M. Favre fait ensuite lecture de la lettre adressée par
le comité de la lunette méridienne, au bureau de con-
trôle, pour le prier de doter notre localité d’un régula-
lateur, d’un compteur, d'un baromètre et d’un thermo-—
mêtre exacts; les fonds souscrits pour la lunette ne
suffisant pas à l'achat de ces objets d’une nécessité abso-
lue pour notre industrie. L'assemblée décide que cette
lettre sera envoyée au bureau de contrôle avec un devis
des prix de ces objets.
M. Droz, docteur, qui travaille à un mémoire sur la
constitution médicale de nos montagnes, et sur les causes
des maladies endémiques et épidémiques qu’on y observe,
appelle, en attendant qu'il puisse le publier , l'attention
de la société sur la fréquence des épidémies bilieuses de
tout genre (pleuro-pneumonie bilieuse, métrite bilieuse,
catarrhe bilieux , fièvre bilieuse , fièvre typhoïde). Il cite
une maison au Versoix dont les habitans sont entassés
les uns sur les autres, et boivent de l’eau d’un puits qui
est malsain. Il est sorti de cette maison depuis Pâques
pour entrer à l'hôpital de la Chaux-de-Fonds 19 malades,
dont 3 sont morts, outre un nombre peut-être aussi con-
sidérable de malades qui se sont fait soigner chez eux
et dont quelques-uns aussi sont morts.
Dr Pury, secrétaire.
— 435 —
Séance du 15 janvier 1846.
Présidence de M. WURFLEIN.
M. Nicolet présente à la société plusieurs ossemens de
mammifères antédiluviens provenant des grottes de Man-
cenens et de Vaucluse, situées dans le canton de Maiche,
partie frontière du département du Doubs. Il expose à la
société la formation géologique des grottes à ossemens,
leurs formes, leurs accidens intérieurs, leur origine, celle
de l'argile déposée sur leur fond, celle des restes orga-
niques qu'elles renferment, la cause à laquelle on doit sui-
vant lui la conservation des os d'animaux antédiluviens;
il passe ensuite à la description des grottes qu’il a visitées
l'année passée avec M. J.-B. Carteron de la Grand Gombe
des Bois. |
L'ouverture principale de la Baume de l'Ermutage de
Mancenens, se trouve sur le versant d'un escarpement
qui porte le nom de Côte-de-Valory; elle est à peu de
distance d’un ermitage construit en 162%, par l’ermite
Jean Regnaud Lallemand, sous l’invocation de Saint-
Antoine, abbé. La chapelle, aujourd'hui en ruines, était
un lieu de pélérinage pour les habitans de Mancenens,
qui la dotèrent dès sa fondation; et de curiosité par sa
situation dans le voisinage de la Baume.
Cette grotte offre de l'intérêt par ses brillantes stalactites,
par sa profondeur, ses bassins, etsurtout par les ossemens
d'animaux antédiluviens, qui y ont été découverts en 1840
par M. J.-Baptiste Carteron. Elle est creusée dans les
couches horizontales d’un calcaire compacte qui appar-
tient à l’étage supérieur du terrain jurassique, et consiste
— 436 —
en un couloir bifurqué long d'environ 250 mètres, qui se
dirige du sud-est au nord-ouest, et se termine à son ex-
trémité par une fissure, près de laquelle on observe une
chambre cireulaire; chaque branche de la bifurcation se,
termine par une ouverture. La voûte offre dans toute son
étendue des stalactites qui rappellent les clefs pendantes
des voütes gothiques ; plusieurs descendent jusqu’au ‘sol
et forment des colonnes massives qui ont jusqu'à huit dé-
cimètres de diamètre. Dans deux endroits les stalactites
réduisent le diamètre de la grotte à six décimétres.: Le sol
est inchiné de l'extrémité aux ouvertures; il est couvert
de stalagmites qui ont une puissance de trois centimètres
à trois décimètres; en plusieurs endroits elles sont en
saillie de quatre à six décimètres. Cette grotte paraît à
M. Nicolet, résulter d’une fissure produite par l’écartement
de plusieurs couches comprises entre deux couches in- .
tactes; le plafond horizontal des ouvertures et la fissure
terminale autorisent cette conjecture.
Les: parois de la grotte offrent ça et là, sur les bancs
qui sont en saillie, des surfaces polies, sans stries ni sil-
lons, parallèles au plancher; les angles de ces bancs sont
plus ou moins arrondis; ces parois sont en outre, en plu-
sieurs endroits perforées. Ces érosions que présente une
roche dure et compacte, sont assez généralement attri-
buées à l’action de l'eau saturée d'acide carbonique. Le
poli ne peut guère être attribué qu’au torrent qui s'échap-
pait de cette grotte dans les temps anciens ; l'existence
de ce torrent est suffisamment démontrée par le dépôt
tufacé de la Côte de Valory. Plusieurs filets d’eau s'échap-
pent-encore ça et là de la voûte et alimentent quelques
bassins. :
— 437 —
Les stalagmites recouvrent totalement un dépôt allu-
vial ossifère, composé d'une argile jaune ou rougeûtre
onctueuse au toucher, entremêlée de pierres calcaires ar-
rondies, semblables à la roche qui forme les parois de
la grotte et de fragmens de stalagmites. Ce dépôt a envi-
ron cinq décimètres de profondeur ; il est plus puissant
dans les fissures et dépressions du fond de la grotte. Les
ossemens sont disséminés dans cette argile depuis le fond,
jusqu'à la bifurcation de la grotte : ils ne sont pas tous
recouverts par le dépôt alluvial; plusieurs sont dissémi-
nés sur l'argile même, d’autres reposent sur le calcaire;
ces derniers sont plus ou moins empâtés dans la stalag-
mite.
Les ossemens que la grotte de Mancenens renferme
appartiénnent à l'ours des cavernes (Ursus spelœus Cuv.).
On'y a trouvé le quatrième métatarsien droit et un cal-
caneum droit du Felis spelæu Goldf.
Grotte de Vaucluse. Cette grotte se trouve au-dessus
de la route de Vaucluse à Belleherbe, à peu de distance
du premier village. Elle est creusée dans uh calcaire de
l'étage jurassique supérieur; sa plus grande longueur est
d'environ deux-cents mètres. Une fissure la termine. On
observe au tiers antérieur de la grotte une autre fissure
très profonde. La hauteur de la grotte est de deux à dix
mètres, sa largeur de deux à sept. Le sol est incliné de
l'ouverture à l'extrémité. La voûte est dépourvue de sta-
lactites; par conséquent le sol-est privé de stalagmites et
est très sec. C'est encore à M. J.-B. Carteron qu'on doit
la découverte.des ossemens que cette grotte renferme. Ils
gisent. dans une terte noirâtre avec des pierres arrondies
et des-blocs d’un calcaire semblable à celui qui constitue
— 438 —
les parois de la grotte. Au-dessous du dépôt ossifère se
trouve une couche d'argile jaunâtre qui ne contient ni
pierres roulées, ni ossemens; la puissance de cette couche
est de un décimètre à un mètre.
Les ossemens de la grotte de Vaucluse, appartiennent
en grande partie à l'ours des cavernes; ils sont mêlés à
des ossemens d'espèces éteintes et vivantes. On y a trouvé
un humérus droit de la Hyæna spelæa Gold. ; des phalanges
du felis spelæa Goldf.; des ossemens de loup, dé renard,
de blaireau, de cheval et de cerf.
Le Dr Pury lit ensuite la traduction du mémoire de
M. le professeur Heer, présenté à la Société helvétique
des sciences naturelles à Coire, relatif aux observations
à faire sur l'apparition annuelle des différens phénomènes
périodiques des règnes végétal et animal. Cette lecture,
qui intéresse à un haut point les membres de la société,
leur fait désirer qu’à la Chaux-de-Fonds aussi, l’on s’oc-
cupe de ces observations. C’est pourquoi la société charge
le secrétaire de lui procurer des tabelles, avec l'indication
de la manière dont on devrait les remplir.
D' Pury, secrétaire.
Séance du 12 février 1846.
M. le D' Droz lit un mémoire sur le mouvement de
l'hôpital de la Chaux-de-Fonds {Chambre de secours) du
1e janvier au 31 décembre 1845,
Déduction faite de 5 à 6 malades qui étaient à l'Hos-
pice au {27 janvier 1845, on à admis, depuis le 1° jan-
vier au 31 décembre 1845, 1 {4 malades, dont 76 hommes
et 38 femmes. Ces malades étaient originaires des pays
suivans :
— 439 —
7 de la Chaux-de-Fonds, 3 hommes et 4 femmes.
25 du reste du pays. . 11 » » 14 »
43. de Berne ‘ 27 » » 16 -»
» Zurich
» Bâle.
» Argovie .
» Lucerne .
» Vaud.
» Tessin
Glaris
» Uri .
» St-Gall » et 1 femme.
welriboureios cotes tenons 5
» Thurgovie . . . 1 homme
» Tyrol nm tesunimornS »
» Piémont . nie est »
» différentes contrées
| d'Allemagne. ,. 8 »
4% Français. .*. 3» et 1 femme.
:
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» » À »
|
|
= = ND D © D © ND
>
QD æù O1 = me |O me æ [D 19 CS 19 CO ©
85 sont sortis guéris,
10 améliorés ou soulagés,
3 incurables,
14 morts,
5 sont restés à l'Hospice au 31 décembre.
Ces 114 malades ont séjourné, ensemble 2246 jour-
| nées, ce qui établit une moyenne de 19 jours par ma-
lade (19 S0/11:).
On a eu, en moyenne, 6 malades *‘/:65 chaque jour.
La mortalité, calculée sur l'ensemble des sorties et
décès, a été de 1 sur 8 ‘}. Sur les 14 qui sont morts,
_Tont succombé à la fièvre typhoïde ; mais il est à re-
— AO —
marquer que ces 7 individus sont entrés à l'Hospice de
10 à 15 jours après l'invasion de la maladie; et après
avoir reçu un commencement de traitement chez eux; les
six premiers sont des hommes, et ia séptième.est une
femme, déjà traitée dans le mois d'avril pour une péri-
pueumonie bilieuse.
Un à une phthisie tuberculeuse ancienne.
Un à un érysipèle phlegmoneux général, avec chüte
d’escarres de plusieurs pieds de diamètre, qui se déta-
chaient de différentes parties du dos, des lombes, du
serotum, des cuisse et jambe gauches.
Un à une pleuropneumonie droite avec épanchement.
Un à la résorption purulente, après une amputation
de cuisse pour arthrite traumatique du genou. Si, comme
chirurgien, on peut avoir quelques regrets dans’ ce cas-
ci, c'est d'avoir trop tardé à pratiquer l’'amputation.
: Un à un régorgement desang, par suite de récrudes-
cence de pneumonie droite.
Une à un anasarque général , suite d’hypertrophie du
cœur, quatre jours après son entrée à la chambre de-se-
cours.
Un, spontanément après 19 jours de séjour, pour une
ancienne diarrhée, et cela au moment où ce malade al-
lait sortir de la maison.
Deux amputations de cuisse ont été pratiquées par
M. Dubois, et avec le concours de MM. Irlet, de Pury
et Droz.
Un abcès douteux près de l'articulation fémoro-tibiale
ouvert, a constaté la présence d’une nécrose, chez une
jeune personne chlorotique:
Une amputation de deux orteils , coupés à moitié par
un coup de hache.
— ii —
Les maladies traitées pendant l’année sont les sui-
vantes ;
Une inflammation générale, par suite de contusion,
Dix inflammations, dont sept érysipélateuses sympto-
matiques, et'trois phlegmoneuses, avec escarres gan—
gréneuses, plus ou moins considérables.
Cinq abcès, dont un par congestion, deux serofuleux,
et les autres dans la main ou les doigts.
Huit plaies ou solutions de continuité, dans lesquelles
il y a eu trois arthrites traumatiques des articulations fé-
moro-tibiales ; deux d’entr’elles ont nécessité l’'amputation,
et la troisième a cédé à un traitement trés-actif, suivi
sans succès dans les deux autres cas (frictions mercu-
rielles, puis larges vésicatoires sur toute l'articulation).
Six ulcères, dont cinq atoniques et un psorique.
Cing fractures. Quatre simples ; deux de cuisse; une
de jambe; une de clavicule; et une consécutive du tibia
et péroné avec plaie.
Deux tumeurs blanches fémoro-tibiales, dont l’une a
été traitée avantageusement par le feu, l’autre est sortie
incurable.
Trois affections rhumatismales articulaires, aiguës,
traitées avec les antimoniaux et les salins.
Deux affections rhumatismales chroniques.
Sept inflammations catarrhales bilieuses des organes
de la respiration.
Cing péripneumonies bilieuses intenses, dont deux
ont succombé.
Cing'pleurodynies bilieuses.
Deux embarras gastriques simples.
Quatorze fièvres bilieuses plus ou moins intenses.
— 1492 —
Quinze fièvres ataxiques, dont six ont succombé. IL
est à observer que dans nos montagnes, toutes les fiévres
bilieuses qui deviennent nerveuses, se terminent à-peu-
près d’une manière fâcheuse , lorsque l’on a fait des émis-
sions sanguines lors de l'invasion de la maladie.
Deux duodénites avec ictére.
Trois diarrhées dissentériques.
Une phthisie tuberculeuse.
Une esquinancie.
Deux catalepsies bilieuses et congestions cérébrales.
Une aliénation mentale, avec accès hystériques.
Un ramollissement du cerveau, mort quelques mois
après la sortie de l'Hôpital.
Une mélancolie suicide, chez lequel les drastiques ont
fait le meilleur effet.
Un delirium tremens, qui s’est bien trouvé des éva-
cuans et de l'opium.
Deux hydropisies générales.
Quatre métrites suite de fausses couches.
Une hypertrophie du cœur.
Deux chloroses.
Une fièvre tierce , ramassée au Cul-des-Roches, par un
ouvrier couchant sur le sol humide.
Une variole confluente
M. Nicolet lit un extrait d'une lettre de M. Desor, re-
lative à sa course au glacier de l'Aar, en janvier 1846.
M. Nicolet présente le tableau suivant, indiquant l’é-
tat thermométrique moyen de l'air observé à la Chaux-
de-Fonds pendant les premiers jours de janvier 1846.
— 443 —
Le 1 0 centig.
DA mr D
3 27 /607( »
4 —- 13 »
6) - 14 »
6 - 19 »
7 - 12 »
8 — 7 »
9 — 7 »
10 — 6 »
Le thermomètre à minima est tombé le 3 à — 9, le #
à — 16, le 5 à — 20, le 6 à — 23, le 7 à — 20, etc.
Le froid que l’on a observé depuis le 3 janvier au 40
du même mois, est dû aux vents du N., N.-E.etE., qui
soufflaient constamment; à la pureté du ciel pendant le
jour, et à sa grande pureté pendant les brillantes nuits
qui succédèrent à ces froides journées. Les nuits calmes
et sereines de janvier favorisent singulièrement le rayon-
nement de la neige, et causent le froid intense qne nous
observons toutes les années à la même époque.
D' Pury, secrétaire.
Séance du 26 février 1846.
M. le D' Pury lit l'extrait d’une lettre que M. le pro-
fesseur Herr lui a adressée touchant les observations à
faire sur les phénomènes périodiques de la nature (‘).
N (*) Le cadre des observations à faire, accompagné des instructions, à
été publié en français à Neuchâtel, par les soins de la Société et distribué
aux divers observateurs.
— 444 —
M. Léon Robert présente à la société un mémoire sur
le moyen de déterminer la position d’un foyer d'incendie.
L'examen de cette proposition est renvoyé à une commis-
sion composée de MM. Favre, Julien Huguenin, Is.-Ch.
Ducommun, Eugène Savoye, Barbezat et Roulet-Lory.
M. Pury lit le commencement d’un mémoire intitulé
Sur le Crétirisme, d'après les sources les plus récentes. Après
l'exposition du sujet, M. Pury dit que c'est au XIX® siècle
qu’il était réservé de tenter les premiers pas pour l'amé-
lioration physique et morale de ces êtres ; que c'est dans
notre patrie, déjà favorisée sous tant d’autres rapports,
que des hommes dévoués à l'humanité ont employé avec
succès toutes leurs facultés pour rendre à ces hommes,
qui avaient moins d'intelligence que la brute, moins de
sensations et moins de langage que la plante, tout ce
qui leur manquait pour être des hommes, et que c'est
aux Sociétés Suisses d'utilité publique et des sciences na-
turelles qu'est dévolu l'honneur d’avoir proposé les moyens
à employer pour cette œuvre si difficile, et d'avoir songé
à les exécuter.
Le crétinisme est connu dans les vallées suisses de-
puis bien des siècles; les plus anciens chroniqueurs de
notre pays en font déjà mention (*).
On trouve des crétins dans toutes les hautes vallées
resserrées par des masses de rochers, où l'air ne peut pas
circuler librement. Le Valais a eu, pendant longtemps,
la triste renommée de fournir la masse la plus considé-
rable de ces êtres; les cantons de Glaris, des Grisons,
(*) Le chroniqueur Tschudy rapporte qu’en l’an 1575, les trois enfans
crétins du bailli Ginsing perdirent la vie dans un incendie. *
— 445 —
l'Oberland. bernois, la Gruyère, etc., viennent après ;
presqu'aucun canton n'en est totalement exempt. Le can-
ton de Neuchâtel en a aussi quelques-uns au Val-de-Tra-
vers. On rencontre encore des crétins ailleurs que dans
des hautes vallées resserrées par des montagnes; dans
les villes de Berne, de Fribourg et de Bäle, et autres,
il yen a, ou il y en avait autrefois une certaine quan-
tité. Le crétinisme n’est point limité à la Suisse. Certaines
vallées du Tyrol, du Salzbourg, du Piémont (entr'autres
le Val d'Aoste), des: Alpes du Dauphiné, des Pyrénées,
de la Haute-Bavière et du Haut-Würtemberg, rivalisent
avec le Valais sous le rapport du nombre des crétins.
Depuis quelques années, les crétins disparaissent de
certaines localités. Dans le village de la Battiaz, prés
Martigny, village renommé autrefois par le nombre de
ses crétins, 1l n'en existe plus, non plus qu'à l’Auge, ou
Basse-ville de Fribourg, et dans certaines localités des
cantons de Glaris et des Grisons, ou le crétinisme était
endémique.
Jusque dans ces derniers temps, c'eût été tenter Dieu
que de songer à sortir ces pauvres créatures de leur état
d'abrutissement. Les monlagnards les regardaient comme
protégées spécialement par la Divinité. Créatures de Dieu,
âmes de Dieu, en patois fribourgeois, crétira de Du ,
armé de Diu, où seulement crétira (créatures), tels sont les
noms qu'on leur donnait. C'est de ce mot crétira que pro-
bablement on a dérivé celui de crétin.
M. Pury divise, avec la plupart des auteurs, les crétins
en-crétins complets et crétins incomplets; ou demi-crétins.
Les crétins complets, remarquables par la petitesse
de leur taille (4 m, 10 cent., en moyenne), ont une tête
— A6 —
démésurément grosse, couverte de cheveux rudes et cré-
pus; un goître énorme; le nez épaté; la bouche très-grande,
constamment ouverte, et de laquelle suinte sans inter-
mission un liquide sanieux; des lèvres grosses, bouffes,
l'inférieure pendante; une musculature très-faible ; des
extrémités grèles, ne pouvant supporter le poids du corps.
Ces êtres sont insensibles à toutes les sensations; le froid,
le chaud, la douleur, la faim, la soif ne peuvent les for-
cer à bouger de la place ; ils laissent aller sous eux leurs
excrémens, dans lesquels ils se vautrent, semble-t-il,
avec plaisir.
Les demis-crétins partagent les tristes qualités cor-
porelles et psychiques des crétins complets, mais à un
moindre degré; ils sont susceptibles de quelques sen-
sations. La colère et, plus rarement, la reconnaissance
envers leurs bienfaiteurs effleurent leurs âmes. Quelques-
uns d'entr'eux sont susceptibles d'exécuter certains tra-
vaux mécaniques, mais c'est sans conviction, sans but;
la plupart d’entr'eux sont entêtés, tracassiers, quelque-
fois même très-méchans. Quelques-uns ont un penchant
inné pour le feu et l'incendie (pyromanie); d’autres sont
plus apathiques, et sont indifférens au bien comme au
mal; seulement ils ont un penchant décidé pour la men-
dicité.
D'autres encore un peu moins maltraités par la na-
ture, sont, contrairement aux précédens, en général
d'un bon caractère, et montrent de la reconnaissance en-
vers ceux qui les soignent.
La plupart des crétins et des demi-crétins s’adonnent à
l'onanisme.
+. Si l'anatomie des crétins n'a pas été poussée très-loin
DEV AS, CTTPSE
— ANT —
jusqu'ici, la résistance des parens en est la cause prin-
cipale. Leur crâne est ordinairement d’une épaisseur très-
grande, asymétrique, mal conformé, plat au sommet et
sur les tempes; mais quelquefois il ne se distingue en rien
de celui des hommes les mieux doués. Le D' Cerise a
décrit le crâne d’un crétin des Pyrénées qu'il avait appelé
Lord Byron, à cause de la magnifique conformation de
sa tête, qui rappelait celle de cet homme célèbre. Ce pra-
ticien a aussi remarqué chez les crétins, une déformation
prèsque constante du crâne que personne n'avait signalée
avant lui; c'est une dépression sur-orbitaire ou fronto-
temporale plus ou moins prononcée. Le D' Bich, méde-
cin de l’hôpital de la cité d'Aoste, a observé que les trous
qui servent de passage aux grandes artères élaient presque
oblitérés, et qu'un ramollissement très-considérable du
cerveau existait chez presque tous les crétins dont il a fait
l’autopsie. Le D' Cerise a fait la même observation sur
un crétin des Pyrénées. M. Guggenbühl a trouvé dans le
cerveau d'un crétin dont il a fait l’autopsie, certaines dis-
positions qui rappellent tout-à-fait le cerveau d'un fœtus.
D'autres observateurs qui ont fait également l’autopsie
de quelques crétins, n’ont pas trouvé ces diflormités. :
Après cette communication, M. Droz prend la parole
pour dire qu'il a observé un fongus du cerveau, chez un
crétin du Locle, et M. le D' Schafter, pour donner des
détails sur les crétins du Pont-de-Vaux (Val-de-Travers).
M. le D' Schafter présente à la section un lombric
qu'un homme de 72 ans, du Locle, avait rendu par l’u-
rêtre. Il s'engage ensuite une discussion sur la manière
dont ce lombric s'était introduit dans la vessie ; quelques
membres pensent que ces vers peuvent percer les intestins
52
— 448 —
et la vessie. Le Dr Pury dit qu'il vient de lire dans l'4-
beille médicale (février 1846) un rapport de M. Arlaud, au
sujet de plusieurs helminthes, appartenant à l'espèce du
strongle géant {Stronglus gigas) voisine des Lombrics,
dont l’un mesurait 22 centimètres, qu’une fille de 26 ans
avait rendus à divers intervalles par l’urêtre. Ce qu'il
y a de remarquable, c’est que pendant tout le temps que
ces vers ont été expulsés, la menstruation avait été in-
terrompue. D' Pury, secrétaire.
Séance du 12 mars 1846.
Le Dr Pury continue la lecture de son mémoire sur
le crétinisme.
Le goître est de tous les épiphénomènes du crétinisme
celui qui l'accompagne le plus souvent. Cependant il n’est
pas lié intimement à cette maladie, car plusieurs indi-
vidus crétins à un haut degré ne présentent pas de got-
tres, tandis que des hommes parfaitement sains du reste,
en ont d'énormes. On attribue généralement leur exis-
tence à la nature de l'eau; le D' Pury pense que l’eau
n’est pas la seule cause de leur production, mais que
toutes les causes du crétinisme réunies sont en même
temps celles qui produisent le goître, et que l'hérédité
surtout y joue un très-grand rôle; car les enfans qui
deviendront plus tard des crétins, ne présentent le plus
souvent à leur naissance aucun autre symptôme de ce
mal qu’une tuméfaction de la glande thyroïde du volume
d’une grosse noix.
Le crétinisme ne commence ordinairement à se déve-
lopper que dans la seconde année de la vie; l'âge de 39
— 449 —
à 40 ans semble être le terme de la vie des crétins ; beau-
coup d’entre eux n'atteignent pas cette limite, qui n’est
dépassée que par quelques-uns.
Avant de traiter des causes du crétinisme, que le
D' Pury divise en causes locales et individuelles , il pré-
sente une description topographique du canton de Glaris,
extraite d'un mémoire du D' Trümpy. Cette description
donne la clé de plusieurs causes ; car, tandis que certains
villages ont très-peu ou point de crétins, d’autres situés
à côté d'eux en ont beaucoup; soit que les habitans de
ces derniers vivent chétivement, soit que les habitations
soient mal construites, malpropres, mal aérées, non ex-
posées au soleil, ou qu'il y ait en jeu d’autres causes que
l’auteur examinera plus tard.
M. L. Favre lit le rapport suivant sur la communica-
tion faite par M. Léon Robert dans la séance précédente,
et qui avait été renvoyée à l'examen d'une commission.
« Lorsqu'un incendie éclate dans les localités qui envi-
ronnent notre vallée, la configuration du sol, les mon-
tagnes qui nous entourent, empêchent la vue de se por-
ter sur le foyer même du désastre, et nous ne pouvons
en apercevoir que la réverbération dans le ciel. Cette lueur
souvent mal définie est insuffisante pour donner de prime-
abord des inductions satisfaisantes sur le lieu de l'incen-
die, c'est pourquoi toute la population est en proie à
l'anxiété de l'incertitude, jusqu'au moment où les védettes
apportent les premières nouvelles.
« Le but de la communication de M. Léon Robert est
d'offrir le moyen de découvrir le lieu précis d’un incendie,
lors même que l’on n’en voit que la réflexion dans l’at-
— 450 —
mosphère, et de l'appliquer à l'usage de la commission
des incendies de la Chaux-de-Fonds.
Le principe sur lequel repose son procédé, est le même
que celui qui sert de fondement aux opérations de géo-
désie , par lesquelles on exécute une triangulation sur le
terrain. Il consiste à trouver la longueur de deux côtés
d'un triangle, dont les sommets s'appuient sur trois dif-
férens points d'une contrée, et dont on connaît la gran-
deur d’un côté, et les deux angles adjacens à ce côté.
M. Robert propose de mesurer une base de 4000 pieds
qui s'appuierait d'une part au clocher du village et de
l'autre à un point élevé de la vallée, d'où la vue puisse
s'étendre au loin. Cette base serait dirigée de façon à être
perpendiculaire à la ligne, suivant laquelle on aurait le
plus souvent des secours à donner. À chacune de ses ex-
trémités, on placerait un demi-cercle gradué, muni
d'une pinnule, et qui pourrait servir en le retournant à
mesurer des angles dans toutes les directions. Aussitôt
qu'une lueur se montrerait dans le ciel, deux observa-
teurs se hâteraient de mesurer l'angle que la direction du
feu fait avec la base. Ces deux observations étant faites,
on prendrait une carte de notre canton, sur laquelle on
aurait tracé d'avance la ligne de base en grandeur et en
direction ; par les deux extrémités de cette base, on fe-
rait passer deux règles, faisant avec la base des angles
égaux à ceux que l’on vient de mesurer; le point de la
carte où les règles se couperaient serait évidemment le
lieu du pays dans lequel l'incendie a éclaté. »
La commission fait sur ce projet Îles observations sui-
vantes :
Elle croit que le moyen proposé par M. Léon Robert
— À51 —
serait d'une application utile en pays de plaine ou dans
une localité où l'étendue de l’horizon permettrait de viser
directement la flamme de l'incendie; mais dans une val-
lée dominée de toutes parts comme la nôtre, l'emploi
de cet instrument entraînerait dans de graves erreurs,
et ne pourrait fournir que des données vagues et incer-
taines. Car la lueur n’est pas toujours assez bien détermi-
née pour que l’on puisse en prendre le centre avec certi-
tude; le plus souvent, elle est si vaporeuse, si insaisis-
sable, que les personnes chargées du soin de l’observa-
tion, se trouveraient dans un grand embarras, et que
des erreurs de quelques degrés seraient inévitables.
De plus, on peut dire d'avance, qu’à moins d’un ha-
sard extraordinaire, il n’arrivera jamais aux deux obser-
vateurs de viser le même point, car il est impossible que
deux hommes placés vis-à-vis d’une lueur immense , cou-
vrant quelquefois de sa lueur indécise plus du quart du
ciel, dirigent leur instrument absolument sur le même
lieu. Cependant le moindre écart à droite ou à gauche,
donnerait naissance à des erreurs d’autant plus considé-
rables, que le théâtre de l'incendie serait plus éloigné.
Ainsi pour la Chaux-du-Milieu une différence de 2° pro-
duirait une erreur de plus d’une lieue dans la détermi-
nation de la distance.
Malgré toute la célérité apportée dans l'exécution des
observations , il s’écoulerait toujours 20 ou 30 minutes
jusqu'au moment où le résultat serait connu. Pendant ce
temps, les pompes seraient déjà parties avec une grande
partie de la population , et quelle que fût l'exactitude des
déterminations, elles deviendraient ainsi à-peu-près inu-
tiles.
— 452 —
Enfin, la base de 4000 pieds serait trop courte, lors-
qu'il s'agirait de distances un peu considérables, car pour
peu que la direction. du feu fût oblique par rapport à
cette base, l’angle qui lui serait opposé, ou l'angle du
feu, deviendrait extrêmement petit, ce qui serait une
nouvelle source d'erreurs. Si d'autre part on fait la base
plus longue, les déplacemens des observateurs et le temps
employé pour la détermination, seront augmentés en
proportion. »
Après la lecture de ce rapport, M. le secrétaire Huguenin
du Locle, tout en louant ce qu’il trouve d'ingénieux dans
le procédé de M. Léon Robert, observe que dans des cas
d'incendie, il faut employer les moyens les plus prompts
et les plus expéditifs. Ce qui lui ferait rejeter le procédé
dont il est question, c’est Ja nécessité de se mettre en sta-
tion aux extrémités d'une base fort longue, et par con-
séquent d’occasionner des déplacemens et une perte de
temps considérables. Il indique ensuite le moyen dont il
fait usage au Locle, lorsqu'il est appelé par ses fonctions
à déterminer le lieu d'un incendie dont on voit. la réver-
bération. Il prend la carte de notre canton levée par
M. d'Osterwald, il l’oriente avec une boussole, et vise le
long d’une règle couchée sur la carte, le centre de la
lueur; il obtient ainsi la direction du feu. Pour la dis-
tance , il croit ne pas s'écarter beancoup de la vérité en
la fixant à une lieue, lorsque le point culminant de la
lueur est à une élévation de 45°; elle est plus grande en
proportion , lorsque ce point est plus rapproché de l'ho-
rizon.
M. le président lit une lettre du bureau de contrôle qui
annonce à la société qu'il tient un crédit ouvert jusqu'à
.
|
|
— 453 —
concurrence de 3000 fr. de France, pour l'établissement
de plusieurs instramens d'utilité publique. Le soin de l’a-
chat.et de la construction de ces divers appareils est
laissé à la commission nommée pour cet objet.
Il est décidé que le régulateur qui sera placé à l’hôtel-
de-ville, sera construit à la Chaux-de-Fonds par les ar-
üistes jugés capables d'exécuter un pareil travail, et que
l'on fera ensorte que le baromètre et le thermomètre qui
seront acquis au moyen des fonds fouruis par l’adminis-
{ration du contrôle, soient placés dans un endroit conve-
nable de l'Hôtel-des-Postes que le gouvernement se pro-
pose de bâtir. LS FAYRE secrétaire.
Séance du 26 mars 1846.
Le D' Pury reprend la lecture de son mémoire sur le
crétinisme.
Les causes locales sont :
1° L'exposition des habitations à l'ombre. L'absence du
soleil empêche l'air de se changer; car la chaleur que le
soleil communique à l'air produit, en le dilatant, des cou-
rans d'air qui sont suflisans pour le renouveler. Les vil-
lages glaronnais de Rüti et de Schwanden, situés dans
une vallée étroite, et auxquels les rochers avoisinans
ferment l'accès des rayons du soleil, sont remplis de cré-
üns. Dans le village de la Battiaz, près de Martigny, où
autrefois pullulaient les crétins, en n’en voit plus actuelle-
ment, parce que des forêts qui empêchaient l'accès du
soleil et le renouvellement d'air salubre, ont été abattues.
2° L'humidité de l'air produite soit par de hautes mon-
tagnes qui empêchent l'accès du soleil, soit par des habita-
— ÀA54 —
tions basses, souterraines, soit par le voisinage de l’eau, là où
n'y a point de courans d'air. La quantité de crétins, ob-
servés dans les parties basses des villes de Berne, de
Bâle, à Klein-Huningen, en est une preuve suffisante.
Dans certaines vallées étroites, où l'air humide ne peut
se renouveler , tous les animaux domestiques qui y sont
amenés, languissent et périssent promptement. Dans une
vallée des environs de Zirknitz (district de Klagenfurth en
Carniole), les habitans , qui sont en majorité crétins, ne
peuvent pas élever une seule pièce de bétail; celui dont
ils ont besoin doit être acheté par eux à l’état adulte.
3° La nature du sol. Le sol molassique, schisteux et
argileux prédispose au crétinisme, soit à cause de l’hu-
midité du sol, par lequel les eaux ne peuvent pas être
absorbées comme par les terrains calcaires, soit à cause
des parties siliceuses et lumineuses que tiennent en sus-
pension les eaux potables fournies par ces terrains. M. le
conseiller d'état D' Schneider, de Berne, chargé par son
gouvernement de faire un recensement des crétins du can-
ton de Berne, les trouve répartis de la manière suivante :
Dans la formation molassique ,
1033 crétins sur 279,103 habitans, soit 1 sur 271.
Dans la formation jurassique,
119 crétins sur 73,147 habitans, soit 1 sur 614.
Dans la formation alpine,
154 crétins sur 55,673 habitans, soit 1 sur 351.
Les villages grisons où le crétinisme exerce ses ravages
(Trimmis, Igis et Zizers) sont bâtis sur le schiste appelé
par M. Studer Bündiner-Schiefer.
4° L'eau dont s’abreuvent les habitans des villages où
règne le crétinisme , si cette eau tient en suspension des
— 455 —
particules siliceuses et alumineuses. L'eau chargée de
carbonate calcique n’est pas à beaucoup près aussi dan-
gereuse. La mauvaise qualité de l’eau n’a pas cependant
l'influence délétère qu’on lui attribue. Quelques villages
glaronnais, par exemple, où la qualité de l’eau est ex-
cellente, regorgent de crétins, tandis que d’autres, où l’eau
est bien moins bonne , en ont peu ou point.
5° L'élévation au-dessus de la mer. L'expérience a dé-
montré que le crétinisme ne sévissait pas dans les endroits
dont l'élévation atteint 3000 pieds au-dessus du niveau
de la mer.
6° Le voisinage d’une eau stagnante, qui rend l'air hu-
mide, et qui produit encore d’autres émanations. Quant
aux lacs, leur voisinage au lieu d’être nuisible, est salu-
taire par les courans d’air qu’ils déterminent. Les petits
ruisseaux rendent l'air humide, et par conséquent mal-
sain dans les vallées étroites où le soleil ne pénètre pas.
Les grands cours d’eau ayant d'habitude un thalweg assez
large, parcouru par des courans d’air, ne sont pas une
cause de crétinisme. L'exemple du Petit-Huningue ne peut
pas faire admettre le contraire , car c’est au sol argileux
et humide de cette commune qu’elle doit d’avoir un si
grand nombre de crétins et de goîtres.
Les principales causes individuelles sont :
10 Les scrophules. L’affinité de cette maladie avec le
crétinisme est actuellement démontrée. L'auteur a déjà eu
occasion de rapporter que des doreurs atteints de scro-
phules mercurielles à un haut degré, avaient procréé des
enfans presqu’entièrement crétins, et cela à la Chaux-de-
Fonds que son élévation au-dessus de la mer (3070/)
semblait défendre du crétinisme.
— 456 —
29 Les mariages trop rapprochés. Les unions qui se font
toujours entre les mêmes familles sont une cause puis-
sante d’abâtardissement des races. La noble famille des
Weissenfluh, demeurant près de Meyringen, qui s'était
distinguée sous bien des rapports dans le moyen-âge, a
pour dernier rejeton un crétin au dernier degré. Le vil-
lage de Näfels, célèbre par ses crétins, a absolument la
même position que Mollis qui n’en a pas et n'en a jamais
eu, parce que ses habitans, tous catholiques, redoutant de
se marier avec les réformés des villages voisins, sont
obligés de se marier entr'eux.
30 L'ivresse habituelle des parens. L'ivresse, et surtout
l'ivresse produite par de l’eau-de-vie, a des conséquences
terribles pour les enfans conçus pendant que les parens
sont dans cet état.
4° Le défaut de propreté chez les parens.
5° Les habitations malsaines, basses et humides. Ces deux
causes n’ont pas besoin de commentaires.
6° La mauvaise nourriture. Les habitans des villages
glaronnais où le crétinisme est endémique, ne se nour-
rissent presqu'exclusivement que de pommes de terre,
de mauvais café ou plutôt d’infusion de chicorée et d'eau-
de-vie. L'usage exclusif des pommes de terre prédispose
aux scrophules, qui sont, comme on l'a vu, le premier
degré du crétinisme; et celui du café de chicorée produit
le même effet en détériorant la masse du sang.
70 Le défaut d'éducation et de connaissance du monde
extérieur. Les enfans crétins ou prédisposés au crétinisme,
toujours enfermés dans des réduits obscurs, bas et bu-
mides, où ils voient toujours les mêmes objets, où rien
ne vient les distraire, finissent par perdre également l'u-
NT" R-
La. fn dé
— 451 —
sage de leurs facultés physiques et intellectuelles; car
‘âme est comme le corps, ses facultés se perdent, si
elles ne sont pas exercées. Le défaut complet d'instruc-—
tion dans quelques villages retirés, perpétue le créti-
nisme dans ces vallées. M. le D' Eblin, de Coire, fait à ce
sujet une comparaison curieuse avec l'enfant du Bohé-
mien. Lui aussi ne recoit aucune instruction, mais les
ressorts de son âme sont continuellement mis en jeu par
la diversité des objets qu'il rencontre dans sa vie vaga-
bonde. 11 n’y a jamais eu de crétins parmi ces nomades.
Le génie de leurs enfans se développe tous les jours, tan-
dis que les facultés que le crétin avait reçues à sa nais-
sance, meurent et disparaissent l'une après l’autre. L’Auge,
ou quartier inférieur de la ville de Fribourg, était jadis
célèbre par ses crétins ; ce quartier n'avait aucune re-
lation avec la haute-ville, dont il était en outre séparé
par le langage. Eh bien! depuis une cinquantaine d'an—
nées que les communications sont devenues fréquentes,
qu'on y a établi de bonnes écoles, et qu'on a accordé aux
pauvres familles qui habitent ce quartier, sur les hauteurs
- qui environnent la ville, des coins de terre que les femmes,
accompagnées de leurs enfans, vont cultiver, le crétinisme
en a disparu comme par enchantement.
8° La mauvaise impression que la vue des crétins produit
sur les femmes enceintes. On n’ignore pas l'influence que la
vue de certains monstres produit sur les femmes enceintes
et leurs fruits. C’est pour éviter les conséquences qui se-
raient la suite de cette vue, que les habitans de Sion en-
voyent leurs femmes enceintes sur les Mayens ou mé-
tairies élevées des environs de la ville.
90 L'hérédité. Xci, comme dans presque toutes les ma-
— 458 —
ladies, son rôle est immense. Des individus complètement
crétins, s'ils viennent à se marier ensemble, produisent
des individus qui leur ressemblent ; un demi-crétin qui
se marie avec une demi-crétine, aura pour rejeton égale-
ment des crétins complets. L’hérédité du père, suivant
M. Guggenbühl, paraît avoir une plus grande influence
que celle de la mère. Il a vu le cas d’un homme parfai-
tement sain, qui, marié avec une crétine, procréa des
enfans qui n'étaient nullement crétins. Fodéré dit au con-
traire que si un homme demi-crétin épouse une femme
bien constituée , les enfans qui naîtront de cette union ne
seront que fort peu crétins. Dr Pury, secrétaire.
Séance du 9 avril 1846.
Le D' Pury termine la lecture de son mémoire sur le
crétinisme.
Le fléau est guérissable, surtout lorqu’on s'y prend de
bonne heure. Le D' Odet, de Sion, raconte dans sa dis-
sertalion inaugurale, comment il a été, ainsi que son jeune
frère, guéri de ce mal. Pour guérir les enfans crétins, il
faut les soustraire aux causes du mal, et chercher, à force
de patience et de soins, à mettre leur jeune âme en com-
munication avec le monde extérieur. Mais ce à quoi les
philanthropes et les gouvernemens doivent surtout vi-
ser, c'est à prévenir le retour du crétinisme dans les loca-
lités où il est endémique, en procurant des courans d’air
et l’accès du soleil, si cela est possible, comme cela a eu lieu
à la Battiaz par une coupe de forêt bien dirigée. Dans des
localités où le soleil peut pénétrer, mais où d’autres causes
perpétuent le crétinisme, il faut songer à donner à la po-
+ HI =
pulation un autre genre d’occupations qui développe da-
vantage les facultés physiques et morales, comme on
l'a fait dans la partie basse de la ville de Fribourg , où
de bonnes écoles ont été instituées, et où l’on a donné
aux pauvres familles qui l'habitaient, des terrains que les
femmes et les enfans vont cultiver. Dans quelques autres
endroits où le crétinisme a disparu, la civilisation a
vaincu la routine aveugle, et des habitations propres,
bien aérées ont pris la place de chenils insalubres et mal-
propres. Le D' Pury estime que c'est aux gouverne-
mens à instruire le peuple des campagnes; à faire rem—
placer, moyennant indemnité, les masures malsaines par
des maisons aérées, bien bâties; à proscrire, dans l’inté-
rêt de l'humanité, les mariages entre crétins; à engager
les habitans des villages, où le soleil ne pénètre pas, à
faire comme les Sionnais, c'est-à-dire à transporter les
enfans sur les hautes montagnes pendant l'été.
Quant à la réunion d’une masse d’enfans sur la même
montagne , l’auteur ne pense pas que ce soit une mesure
bien utile, parce que l'intelligence des jeunes crétins ne
peut être développée suffisamment, lorsque ces jeunes
êtres ont loujours devant les yeux des créatures aussi dé-
gradées qu'eux. Cependant l'institut de l’Abendberg fait
exception ; mais d’un côté, il n'y a qu'une quinzaine de
sujets dans cet hospice , et de l’autre, les soins empressés
du D' Guggenbühl et du personnel attaché à l’établisse-
ment, contrebalancent, et au delà, le mal qui pourrait
résulter de cette agglomération.
C’est à l’an 1813 que remontent les premières démar-
ches des gouvernemens pour anéantir le crétinisme. Ce
fut alors que les médecins du Valais, alors département
— 460 —
du Simplon, furent chargés par le ministre de l'intérieur
de l'empire, de lui transmettre leurs idées sur l’origine
et la possibilité d’éteindre le crétinisme. Les bouleverse-
mens politiques qui suivirent, firent que cette affaire n'eut
aucune suite. Le gouvernement du Valais ne s'en occupa
de rechef qu'après 1830, si l’auteur du mémoire est bien
informé.
Dans l'hiver de 1839, ou au printemps 1840, le
D' Guggenbühl, encouragé par les résultats obtenus par
les Sionnais, s’adressa à la Société suisse d'utilité publique,
pour lui demander son appui pour l'œuvre qu'il allait
tenter. Cette société demanda un rapport sur ce sujet à la
Société Helvétique des Siences Naturelles, qui s'en oc
cupa dans sa session de 1840, sous la présidence du
vénérable père Girard, qui avait déjà rassemblé un
grand nombre de faits sur cette matière. La Société des
Sciences Naturelles fit un rapport excellent à la Société
d'utilité publique, et grâces aux souscriptions de cette
dernière, de plusieurs gouvernemens et particuliers, un
hospice fut construit sur l'Abendberg, et a reçu jusqu’à ce
moment une quarantaine ou cinquantaine d'enfans cré-
tins, dont la position s’est bien améliorée, et le serait
bien davantage, si les parens ne se hâtaient pas trop
d'en retirer leurs enfans, lorsqu'ils ont appris à pronon-
cer quelques mots. Le D' Guggenbühl ne leur donne
pour remède, que de l'huile de foie de morue; mais l'air
pur de la montagne, le soleil, l’aident efficacément à
améliorer leur état physique. Pour développer leurs fa-—
cultés intellectuelles, le D'° Guggenbühl leur fait ap-
prendre à distinguer les objets qui les entourent, les dif-
férentes parties de leur corps, et à les nommer. Leur
— 461 —
physique et leur moral se développent ainsi à la fois, et
le succès est venu couronner l’œuvre du Dr Guggen-
bühl (*).
Le D' Pury présente après cette lecture l'estomac et la
partie inférieure de l'intestin grèle d’une jeune fille de
19 ans, morte à la chambre de secours, le quatrième ou
le cinquième jour après l'invasion de la fièvre typhoïde, et
qui avait eu des délires furibonds pendant les trente-six
heures qui précédèrent sa mort.
L'estomac était remarquable par l'épaisseur de ses
parois, surtout par celle de la muqueuse qui présentait
des plis longitudinaux nombreux. Ces plis, de six milli-
mètres de diamètre, étaient au moment de l’autopsie,
faite 48 heures après la mort, tous d’une couleur jaune
d'ocre très-foncée, tandis que les entre-deux et tout le
reste de la membrane muqueuse étaient d’un blane mat.
À part ces renflemens, toutes les parois de l'estomac
présentaient un engorgement et un épaississement consi-
dérable. La muqueuse était celle des membranes qui pré-
sentait ces phénomènes au plus haut degré. Dans le frag-
ment d'intestin grèle présenté, les glandes de Peyer
étaient très-engorgées, et avaient la forme d’un bourrelet
ressortant de { à 2 millimètres; les cryptes muqueuses
étaient également considérablement engorgées et blanches;
elles avaient l'aspect de petits tubercules où ganglions de
2 à 5 millimètres de hauteur, et étaient dures au toucher.
L'intestin grèle était généralement rouge-brun, au moins
(!) Voir Actes de la Société helvétique des Sciences naturelles, 1840 et
années suivantes; plusieurs mémoires de MM. Trümpy et Guggenbühl et
autres, dans la Gazette médicale suisse ; l’article Idiotie du Compendium
de médecine pratique.
— 462 —
dans la partie rapprochée du cœcum ; l’inflammation qui
n'était pas autant développée dans la partie supérieure
de ce viscère, se dénotait cependant partout par des ar-
borisations très-prononcées. D' Pury, secrétaire.
Séance du 23 avril 1846.
Le Dr Pury présente de la part de M. le D' Deprerre :
le plan d’une voiture que l’on se propose de construire
au Locle pour transporter les malades à l'hôpital Pourta-
lés. D’après le vœu de M. Depierre, on renvoie l'examen
de ce plan à une commission composée de M. Favre,
Gœnseli, et de MM. Dubois et Droz, docteurs.
M. Nicolet présente à la société des dessins de l'Aga-
ricus deliciosus, fort bien exécutés par M. Favre. Il com-
munique ensuite une note sur l’analyse qu'il a faite du
suc de ce champignon, et sur la matière qui le colore.
Ce champignon est commun dans nos forêts de sapins
depuis août jusqu'en novembre; son pédicule est jaune,
ferme, plein, plus tard creux, couvert souvent de taches
rouges ; son chapeau est orbiculaire, ombiliqué et réfléchi
sur les bords, muqueux, jaune-orange dans le jeune âge,
passant ensuite au vert en vieillissant, marqué de zones
jaunâtres; son suc est gluant, de couleur rouge-orange,
d’une saveur un peu piquante, mais non désagréable.
Ce champignon est souvent déformé par un parasite (Sphæ-
ria lateritia F), qui s'empare des parties de la fructifica-
tion, et fait disparaître complètement les feuillets.
Tous lesagarics laiteux sont réputés nuisibles; aussi plu-
sieurs personnes, même des naturalistes , se défient-ils de
— 463 —
l’agaric délicieux, parce que toutes les parties de la plante
émettent, lorsqu'on les entame, un suc laiteux. D'autres
personnes, sans considérer ce champignon comme dan-
gereux, croient qu'il ne mérite pas l'épithète de délicieux,
qui lui a été donnée, et le tiennent pour indigeste. Ce-
pendant nos amateurs de champignons le considèrent
comme une espèce bonne à manger, et, lorsqu'il est
jeune, ils en font impunément une grande consomma-
tion; ils savent que tous les champignons comestibles,
pris en grande quantité, sont, de leur nature, difficiles
à digérer.
Ce champignon communique une couleur cramoisie à
l'huile de pétrole et à l'essence de térébenthine; une cou-
leur rouge-orange à l'essence de lavande; une couleur
orange à l'huile d'amandes douces, à l’axonge, à l'alcool
et à l’éther sulfurique : il ne colore pas sensiblement l'eau
et le vinaigre. L’éther sulfurique dissout très-prompte-
ment le suc de l’agaric délicieux qui, séparé de son dis
solvant par l’évaporation, se prend par le refroidissement
en une masse un peu molle, grasse au toucher, et con-
fusément cristalline. L’acide nitrique le colore en vert-
brun.
En épuisant à froid cette matière par l'alcool, puis en
traitant le résidu par l'alcool bouillant, M. Nicolet a ob-
tenu trois produits; une matière colorante de couleur
rouge-orange, une matière grasse cristalline, et une ma-
tière de couleur jaune-brunâtre.
La matière colorante de l’agaric délicieux est une huile
d'un rouge-orange vif, sa saveur est piquante, un peu
amère, et laisse sur la langue une saveur assez désa-
gréable. Elle est soluble dans l'alcool, l'éther sulfurique,
35
— 64 —
les huiles grasses et volatiles; elle répand, lorsqu'on la
chauffe, une forte odeur de champignon. L’acide nitrique
la colore en vert.
La matière grasse cristalline est soluble dans l'alcool
bouillant; elle s’en sépare, par le refroidissement, sous
la forme de pellicules blanches, qui recouvrent la surface
du liquide, et de flocons. Cette matière est de couleur
blanche-jaunâtre ; son toucher est gras; elle est fusible à
une basse température; et par le refroidissement, elle se -
prend en une masse cristalline et radiée; elle est soluble
à chaud dans les huiles essentielles, et par le refroidisse-
ment le mélange se prend en une masse molle et cris-
talline. Cette matière paraît à M. Nicolet êire celle qui a
été reconnue et décrite sous le nom d'adipocire, par Bra-
connot; ce chimiste la compare au blanc de baleine.
La matière jaune-brunâtre est grasse et visqueuse au
toucher, sa consistance est molle, sa saveur un peu âcre
et désagréable; elle se fond à une basse température, et
par le refroidissement elle se prend en une masse con-
crête, non cristalline: elle est soluble dans l’alcool bouil-
lant et dans les huiles grasses et volatiles.
Dr Pury, secrétaire.
M. le Président clot les séances jusqu’à l'hiver pro-
chain.
— 465 —
APPENDICES.
118
Séance du 28 mari 1846.
Utilité des produits de la distillation sèche pour la classifi-
cation des substances organiques.
Par M. F. Sacc.
Tout le monde sait qu'en distillant des matières qui
proviennent des végétaux on obtient en général des pro-
duits acides, tandis qu’en distillant celles qui sont fabri-
quées par les animaux, on obtient presque toujours des
substances fortement alcalines. Rien de plus facile que
de reconnaître une graisse non saponifiée, à cause de la
grande masse de substance âcre, d’acroleïne, qu'elle dé-
gage quand on la distille; tandis que les acides gras ne
donnent, lorsqu'on les soumet au même traitement, que
de l'acide margarique, ou quelqu'autre de ses congénères
à odeur fade. Ces deux exemples suffisent déjà pour faire
sentir avec quelle facilité, avec quelle rapidité, l'étude
des produits de la distillation sèche des corps nés de la
vie, peut amener souvent à des conclusions positives sur
leur origine et leur nature.
Partant de cette manière de voir, nous avons de-
mandé à la distillation sèche un procédé simple et facile
pour reconnaître tous ces corps que M. Gerhardt appelle
saccharigènes ; je veux parler des bois, des fécules, des
gommes et ‘des sucres. Ces substances sont douées de
— 466 —
propriétés si différentes , que la plupart des chimistes en
ont fait aussi des espèces toutes spéciales, dont chacune
d'elles est le type; mais peut-on admettre une division
parmi des substances qui passent si facilement de l’une
à l’autre? On ne peut que les réunir lorsqu'on sait qu’a-
vec le bois on prépare de la gomme et du sucre, et
qu'avec la fécule et la gomme, il est facile aussi de re-
produire du sucre.
Parmi les sucres se trouve un corps doué de la saveur
qui Jeur est commune, mais à un faible degré; en échange,
il cristallise avec la plus grande facilité; je veux parler
du principe doux, du sucre qu’on trouve dans le lait.
Les propriétés de cette substance sont assez extraordi-
naires et le différencient assez des sucres, pour que quel-
ques chimistes en aient fait une espèce spéciale, sous
le nom de lactine. Ce qui établissait autrefois une diffé-
rence chimique bien grave entre ce sucre et les autres
espèces du même nom, c'était la faculté qu'il possède de
se transformer en acide lactique. Depuis que les beaux
travaux de M. Pelouze ont prouvé que tous les sucres
peuvent se transformer en acide lactique, cette diffé
rence a disparu, ensorte que le travail entrepris par nous
ne fait que fournir une preuve de plus à l'appui de l’a
nalogie parfaite qui existe entre les propriétés chimiques
du sucre de lait et celles de tous les autres corps de la
série du ligneux, des fécules, des gommes et des
sucres.
Quand on distille du bois, on obtient dans le récipient
essentiellement! de l'acide acétique et de l'acétone en
quantité d'autant plus grande que le bois est plus pur.
Il est possible qu'on obtienne d'autant plus d'acétone que
— 67 —
la distillation a eu lieu à une température plus élevée,
puisqu'on la produit en soumettant l'acide acétique à
une haute température; mais nous ne pensons pas que
ce principe ait été produit, dans nos expériences, par le
contact de l'acide acétique avec les parois brülantes de la
cornue; nous pensons plutôt qu’elle est née après l'acide
acétique; c'est-à-dire que ce dernier a été produit par la
décomposition de la partie de la substance organique qui
se détruit sous l'influence d’une faible chaleur, tandis
que l’acétone est née de l’action d’un feu assez violent
pour décomposer celles de ces parties constituantes dont
une chaleur peu élevée ne suffit pas pour désagréger les
élémens.
Nous avons opéré d'une part sur l’amidon de grains,
de l’autre sur le sucre de lait. Chacune de ces substances
a été réduite en poudre fine et desséchée au bain-marie,
après quoi on l’a introduite dans une cornue de verre,
qu’on a chauffée doucement au bain de sable, et on n'a
cessé d'élever la température, que lorsque le fond de la
cornue est devenu rouge-brun. Dans l’un et l’autre cas
les produits étaient formés d'acide acétique, d’acétone,
d'acide carbonique, d'eau, et de charbon qui restait dans
la cornue.
Pour séparer ces divers produits, je me suis servi de
carbonate potassique en excès, qui retenait l’eau et l’a-
cide acétique. En distillant le mélange au bain d’eau,
l'acétone passe seule; en reprenant le résidu par l’al-
cool , on dissout l’acétate potassique.
Il suffit de jeter un coup d’æil sur la formule de l’a-
midon et sur celle du sucre de lait, pour voir avec quelle
facilité elles expliquent la formation des produits pyro-
génés dont nous venons de parler.
— 468 —
L'amidon ou fécule formée de :
{C3 H: O acétone,
C: H3 O3 acide acétique,
CH! 0" produit GC O2 acide carbonique,
Ê (HO) eau,
\Cs charbon.
Tandis que le sucre de lait formé de :
! C3 H O acétone,
C: Hs Os acide acétique,
C12 Hi2 Os produit C Oz acide carbonique,
6(H O) eau,
Ca charbon.
On voit par là que les produits de la distillation sèche
de l'amidon et du sucre de lait se ressemblent en tous
points, sauf pour la quantité d’eau, qui est d’un tiers plus
forte, pour le sucre de lait; ainsi que sa formule devait
le faire prévoir.
— 69 —
[LE A
Nouvelle classification des substances organiques.
Par M. F. Sacc.
Frappé de la difficulté qu'offre l'étude de la chimie or-
ganique', lorsqu'on lui applique un des systèmes de
classification à la mode, systèmes qui, comme celui des
radicaux organiques, ne s'appliquent point à tous les corps
connus, ou bien qui, comme celui du savant Prof. de
Montpellier, M. Gerhardt, placent tout près les uns des
autres, des corps doués de propriétés chimiques assez dif-
férentes, je me suis décidé à diviser les substances orga-
niques de la manière suivante :
I. IL
Substances azotées. Substances non azotées,
a. Acides. a. Acides.
b. Basiques. b. Basiques.
c. Neutres. c. Neutres.
Chacune des subdivisions de ces deux grandes classes
de corps se sous-divise encore en
dc 2.
Corps solides Corps liquides
à la température or- à la température or-
dinaire — 15° C. dinaire—1 5° C.
3.
Corps gazeux.
Chacun de ces nouveaux groupes peut être partagé en
trois, suivant que les corps qui leur appartiennent sont
insolubles ou solubles.
— 10 —
a b c ‘d
Dans l'eau. Dans l'alcool. Dans l’éther. Insoluble
dans ces trois
fluides.
Pour éviter les doubles emplois que produisent les corps
solubles à la fois, dans deux ou trois de ces menstrues,
on rangera ces corps toujours sous la lettre la moins
avancée à laquelle ils appartiennent, en en tenant compte
dans les autres, seulement pour mémoire.
Lorsqu'il le faut, on peut faire intervenir pour les
subdivisions ultérieures l'usage des alcalis caustiques,
dont l'application est très-utile pour séparer les huiles
grasses d'avec les huiles essentielles et les alcools, et les
savons véritables d'avec ceux de résine, parce que les
premiers sont précipités par le chlorure sodique, tandis
que les savons de résine restent en dissolution.
LLE
Séances du 2 et du 16 avril 1846.
M. Léo Lesquereux a envoyé à la Société un rapport
sur un voyage qu'il a fait dans le nord de l'Europe pour
l'étude des dépôts tourbeux. Nous en extrayons les faits
principaux.
La géographie botanique, observée comparative-
ment dans les Vosges, les montagnes du Rhôün et le
Hartz, offre des caractères assez semblables pour les
plantes phanérogames. Les Vosges, par la variété des ac-
cidens géologiques, et surtout par les stations si nom-
breuses que cette chaîne présente, sont d'une grande
richesse, comparée au Rhon surtout, qui presque entié-
rement basaltique, nourrit les plantes du sol calcaire de
moyenne élévation. Dans les Vosges et le Hartz, les hauts
sommets sont couverts de la plupart des plantes alpines,
qui caractérisent les sommités du Jura. On rencontre
même les anémones au point culminant du Rhôn, le
Kreutzberg. Il faudrait énumérer une longue série de
plantes pour établir positivement les caractères distinctifs
des flores locales. Au reste, ces caractères tiennent peu
à la nature même du sol. Il en est autrement quand on
en vient à l'étude des plantes cryptogames. Les granits,
les basaltes, les calcaires, ont une physionomie parfaite-
ment distincte pour les mousses et les lichens qu’ils nour-
rissent, et dans l'examen de ces petits végétaux, la géo-
graphie botanique peut s'élever à des considérations
tellement sévères et précises que suivant l’auteur, il suffit
= Ne
de connaître quelques-uns des cryptogames attachés au
rocher pour déterminer la nature du sol lui-même.
Dans l'étude des bassins, on doit établir la même dis-
tinction. Il est certain que la géographie botanique ne
peut être traitée complètement d'une autre manière,
c’est-à-dire qu'il ne suffit pas d'isoler les groupes suivant
des délimitations politiques. Mais la marche de la dissé-
mination dans les phanérogames est, chose curieuse, plus
difficile à constater que pour les cryptogames, surtout
pour les mousses. Sur l'inspection d'un seul exemplaire
trouvé au bord d’un ruisseau dans la plaine, il est arrivé
à l'auteur d'indiquer la présence de cette même espèce
dans une localité plus élevée, où elle s’est rencontrée en
effet. Cela n’aurait certes rien d'étonnant s’il s'agissait de
l’une de ces mousses aquatiques végétant au fond des ruis-
seaux, mais le Bryum uliginosum croît dans les sables hu-
mides et tout-à-fait en dehors de l'influence continuelle
d’un cours d’eau. De ces observations sur la dissémination
des espèces végétales, l’auteur arrive à expliquer la pré-
sence de certaines tourbières dans le voisinage de plu-
sieurs ruisseaux, quand au contraire on n'en rencontre
parfois aucune trace ailleurs dans les mêmes circonstances
hygrométriques.
Les formations tourbeuses sont divisées en deux classes
bien distinctes, comme cela a été établi dans les Recherches
sur les dépôts tourbeux ('} : formations immergées par l’en-
tassement des plantes aquatiques, comme les roseaux et
les carex: formation émergée par le secours du sphaigne.
(*) Léo Lesquereux. Recherches sur les Dépôts tourbeux en général. Mé-
inoïres de la Société des Sciences naturelles de Neuchâtel, tome HT.
— #13 —
Dans les Vosges et le Hartz, comme dans les terrains
granitiques en général, moins perméables à l'humidité
que le calcaire, les tourbières émergées se présentent
assez fréquemment sur des pentes fort inclinées. Elles
montent même jusqu'au point culminant du Brocken.
Ce fait important prouve que leur présence n'est due ni
à un acide particulier ni à tel autre agent préparé d'a-
vance. C’est une des preuves les plus positives qu'il soit
possible de fournir de l’action hygroscopique du sphaigne,
autant pour effectuer l'absorption de l’eau que pour favo-
riser la conservation du ligneux dans les touffes imbi-
bées de liquide.
Les grandes tourbières des plaines du Nord de l’Alle-
magne , celles de Neumünster, près de Kiel, par exemple,
ont pour caractère de présenter les deux formations super-
posées. La tourbe a cru d’abord dans un bassin de plu-—
sieurs pieds de profondeur, et dès que le niveau de l'eau
a été atteint, la croissance émergée a commencé, de
sorte qu'on constate facilement, et par la qualité du
combustible et par les plantes qu’on y trouve, ces deux
natures fort différentes.
Un troisième mode de croissance a été observé dans
quelques parties des Vosges, mais surtout en Scanie et
én Danemarck, dans les bassins profonds et peu étendus,
où la végétation tourbeuse a commencé à la surface de
l'eau. C’est par l’immersion du tapis flottant, constam—
ment épaissi par l'apparition de nouvelles plantes, que
ces bassins se sont comblés. On comprend que l'accès
des abîmes, ainsi cachés sous la verdure, ait été quel-
quefois fort dangereux ; aussi ces tourbières du nord
sont-elles remplies d’une grande quantité d'ossemens et
— 474 —
d'instrumens divers, tant anciens que modernes, qui peu-
vent aider à constater les diverses époques de la formation
de ces divers dépôts tourbeux.
Plusieurs questions fort intéressantes ont été étudiées
d’ailleurs par M. Lesquereux en dehors de celle de la for-
mation de la tourbe. Celle, par exemple, de la culture
des tourbières dans les grands marais de Giffhorn, au
milieu des Bruyères d'Oldenbourg, où sont depuis long-
temps établies des colonies fort intéressantes sous ce rap-
port. Le sol tourbeux est peu fertile; il nécessite un la-
bour fréquent, des engrais souvent renouvelés, et ne
produit jamais des récoltes d’une grande abondance, s’il
n’est pour ainsi dire lotalement changé par le mélange
de l’argile.
La question de la reproduction de la tourbe, dont l’au-
teur a vu des exemples fréquens dans les environs de
Brème et de Hambourg, et qui n'est maintenant plus
mise en doute par personne.
Le rapport entre les combustibles minéraux, la houille,
les lignites et la tourbe se trouve établi, suivant l’auteur,
par l'inspection des dépôts de lignites du Rhün et de
la Thuringe et par les couches de houille d'flmenau. Les
lignites de Bischoffsheim, empâtés dans les basaltes, sont
des amas de bois semi-carbonisés, et qu'on exploite à la
hache. Les couches d'argile sur lesquelles ils reposent, et
qui les recouvrent, présentent fréquemment des em-—
preintes de feuilles d’orme, de bouleau, de saule, etc.
Les lignites de Mächsterstädt sont mêlées d’une immense
quantité de cônes de pin. Ceux de Lützen, qu’on appel-
lerait plutôt du nom de tourbe, sont couverts d'une
couche de sable et de gravier d’une trentaine de pieds
— #15 —
d'épaisseur. La matière combustible est noire et cassante,
on y reconnaît encore quelques débris de mousses aqua-
tiques, et elle est assise sur des troncs dont le bois, ab-
solument noirei, est réduit à l’état de pâte molle comme
l'argile. C'est un état de décomposition transitoire entre
la tourbe proprement dite et les lignites ou les houilles.
Ce ramollissement des plus grands végétaux explique
parfaitement l’aplatissement de tous les restes de plantes
qu'on peut reconnaître dans les combustibles minéraux.
Nous dirons encore un mot des observations curieuses
faites sur le grand âge de certaines tourbières dans les
environs d'Helsingôr, où l'exploitation a mis à découvert
trois forêts superposées el séparées par des bancs de
tourbe d’une épaisseur considérable. L'auteur explique ce
curieux phénomène par des enfoncemens successifs d’une
surface surchargée, et renouvelée par la croissance de la
tourbe.
Mais ces formations n’ont pu se faire que dans un es-
pace de temps fort considérable, puisque de ces trois
forêts d'arbres de diverses espèces, l’une, celle des chênes,
présente des troncs qui n'ont pas moins de deux à trois
pieds de diamètre.
En terminant son mémoire, l’auteur affirme n'avoir
jamais pu observer de dépôts tourbeux vraiment marins.
Sur le bord de la Baltique et de l'Océan, les lagunes sont
comblées par la tourbe, au moyen des mêmes plantes
aquatiques que celles qui végètent sur les bord de nos
lacs. Nulle part il n’a rencontré de tourbières composées
de fucus. La Zostera marine, rejetée parfois sur le ri-
vage en grandes masses, reste pendant des temps indé-
finis exposés à toutes les variations atmosphériques , sans
— 4716 —
que sa nature et ses formes soient modifiées. Mais ce ne
sont pas là des formations, et il est impossible de com-
parer ces accidens aux travaux lents et continus que la
nature emploie pour la composition des dépôts tour-
beux (').
(‘) Voir, pour des développements plus étendus, les divers articles pu-
bliés par la Repue Suisse et la Monographie des tourbières d'Europe, que
lPauleur termine en ce moment et qui va être livrée à la presse.
IV.
Sur la distribution des espèces de roches dans le bassin
erratique du Rhône (*).
Par M. À. Guyor.
On sait maintenant, et mes précédentes communica-
tions ont démontré, je crois, que le terrain erratique al-
pin est divisé en un certain nombre de groupes de roches
ou en bassins erratiques, dont les limites respectives
restent parfaitement distinctes. Mais quant à la question
de savoir si dans l'intérieur de chaque bassin pareil on
peut constater un certain ordre dans la répartition des
roches diverses qui s’y rencontrent, elle est plus difficile
à résoudre; aussi à peine peut-on dire qu'elle ait été
abordée. Parmi les auteurs peu nombreux qui se sont
réellement occupés de l'étude du terrain erratique,
M. J.-A. Deluc énumère une multitude de faits soi-
gneusement enregistrés, sans chercher à en déduire un
‘argument pour ou contre l'existence d'une loi de distri-
bution. MM. de Buch et de Charpentier ont légèrement
touché la question relativement au bassin du Rhône; le
premier semble y répondre affirmativement quant aux
granits du Mont-Blanc et aux poudingues de Valorsine ;
le second, qui admet une loi de distribution pour les
roches erratiques dans l’intérieur de la vallée du Rhône,
paraît nier toute régularité dans la répartition des mêmes
(*) Nous réunissons ici en un même compte-rendu , la substance de
plusieurs communications faites par M. Guyot sur ce sujet, spécialement
dans les séances du 4 décembre 1844 et du 5 novembre 1845.
— 478 —
espèces qui couvrent la plaine ; M. Studer, au contraire,
croit en trouver une dans le bassin de l’Aar, précisé
ment dans l’espace qui est en dehors des hautes Alpes.
Les faits que j'ai observés dans tous les bassins errati-
ques, et spécialement dans ceux du Rhin, de la Reuss et
du Rhône, me forcent à reconnaître :
1° Que la répartition des espèces de roches erratiques
dans l'ntérieur de chaque bassin est soumise à une loi qui
a valeur pour la plaine comme pour les vallées.
2 Que celte lot est la même pour tous les bassins.
Mais c’est du dernier seulement des bassins que je viens
de nommer que je désire entretenir la Société.
La variété de roches différentes d'aspect autant que
de nature minéralogique, que présente le bassin du
Rhône, et la grandeur de l'échelle sur laquelle le phé-
nomèéne se développe, rendent ce bassin très-propre à ce
genre d'étude; d'autre part cependant son double dé-
versement, sa double issue, à l’est et à l’ouest, com-
plique la question d'un élément qui ne se trouve point
dans les bassins voisins, et dont il faut avoir grand soin
de tenir compte. Je vais d'abord passer en revue som—
mairement les principales espèces de roches qui distin-
guent le bassin du Rhône, puis j'examinerai quel est le
mode d'association et de répartition qui est propre à cha-
cune d'elles.
Espèces caractéristiques. Les roches que je considère
comme vraiment caractéristiques pour ce bassin, sans
appartenir à des espèces bien franches , forment néan-
moins des groupes partout identiques à eux-mêmes et
parfaitement reconnaissables. Ce sont essentiellement les
suivantes : |
— 19 —
1° Une espèce de granite ou, si l'on’ veut , deÿsyénite
talqueuse, de couleur jaune-verdätre, composée d’une
masse talqueuse et chloriteuse le plus souvent schistoïde,
intercalée de nombreux cristaux de quartz, de feldspath
et d’amphibole et parsemée ça et là de très-petits cristaux
de sphène. Elle affecte tout aussi fréquemment la struc-
ture gneissique et même schisteuse ; dans ce dernier cas
le quartz et l’amphibole et même le feldspath disparais-
sent peu à peu, et la roche passe à une sorte de schiste
chloriteux. Cette roche est le granite talqueux de M. de
Charpentier, la roche à sphènes de M. de Buch; je la
nommerai d’un seul mot Arkésine, nom que M. Jurine
a imposé à une roche très-analogue dont j'ai trouvé quel-
ques échantillons dans sa collection déposée au musée de
Genève. : |
29 Une espèce de gneiss très-riche en feldspath blanc
imparfaitement cristallisé, à feuillets chloriteux, brisés
ou ondulés, d'un beau vert-clair, semés de particules
très-scintillantes, et à cristaux de quartz rares et irré-
guliérement distribués. Par la disparition du quartz, qui
manque très-souvent, cette roche passe à une sorte de
leptinite chloritée ; par la diminution du feldspath jus-
qu'à une très-petite dose et la prédominance de la chlo-
rite, elle se rapproche d’un simple schiste chloriteux. Je
l'appelerai gneiss chloriteux.
3° Des chlorites d’un vert-bleuâtre clair ou foncé, ordi-
nairement schistoïdes, comme piquées régulièrement d’un
grand nombre de granules de feldspath blanc ou jaunâtre,
- dont la grosseur est très-variable. Ce sont ces chlorites
- que j'ai appelés jusqu'ici roches de Bagnes, parce qu'elles
constituent en bonne partie les grandes chaînes qui tra-
34
— 480 —
versent la partie supérieure de cette vallée et ses envi-
rons.
Ces trois espèces se trouvent trop constamment en—
semble dans toute l'étendue du bassin du Rhône, pour
n'avoir pas appartenu primitivement aux mêmes locali-
tés. Elles forment un groupe à part que j'appellerai par
excellence les roches pennines; car j'ai enfin acquis la
certitude que c’est dans les plus hauts sommets des Alpes
pennines qu'elles ont leur gîte primitif.
M. de Charpentier avait annoncé, sur ouï-dire, que
l'arkésine, ou granite talqueux, provenait de la vallée
de Binnen, dans le Haut-Valais , et spécialement de la
chaîne qui sépare cette vallée du Val-Antigorio; j'ai par-
couru cette vallée et le col de l'Albrun qui mène à Anti-
gorio, sans y rencontrer même un fragment qui rappe-
lât cette roche si caractéristique. MM. Studer , Escher et
Desor ont traversé les deux chaînes qui bordent cette
vallée, depuis le Valais jusqu’au Val-Divedro, sans y en
trouver davantage. J'ignorais donc, en partant-pour ma
dernière excursion dans les Alpes, où il fallait aller la
chercher. Guidé par la loi de distribution que j'avais re-
connue dans la plaine, ét par l'association constante de
cette roche avec celles du Mont-Rose, je dirigeai mes pas
vers le fond des vallées de cet énorme massif, et c’est là,
au-dessus du glacier de Zmutt, que je l'ai trouvée enfin en
grande abondance, formant une vaste moraine sur le
flanc gauche de la vallée, à la limite même des roches
polies, à 9,000 pieds de hauteur. Cette traînée, que j'ai
suivie l’espace d’une lieue, venait évidemment des régions
très-rapprochées de la Dent-Blanche et de la Dent-
d'Erin.
Le
4
— 481- ee
J'ai retrouvé l’arkésine dans le val d'Erin même tout
aussi abondamment. Les deux seuls exemplaires de cette
roche qui se trouvent dans la riche collection de Berne,
proviennent l’un de ces mêmes régions de la Dent-d’Erin,
où il a été recueilli par M. Forbes, l’autre du fond de
la vallée de Bagnes, du glacier de Chermontane, d’où il
a été rapporté par M. Studer. Au glacier de Zmutt,
comme au val d'Erin, le gneiss chlorité, avec toutes
- ses variétés, accompagne l’arkésine. On peut donc affir-
mer que ces roches appartiennent à la grande chaîne mé-
‘tamorphique qui, selon M. Studer, constitue la plupart
des énormes massifs des Alpes pennines depuis le fond
des vallées de Bagnes et d'Entremont jusqu'à celle de
Viège et au-delà (*).
Quant aux chlorites granuleuses, ou roches de Bagnes,
leur gite est constaté depuis long-temps. Quoique dé-
bouchant en plus grande abondance par les vallées de
Bagnes et d'Entremont , elles se trouvent dans toute l’é-
tendue que je viens d'indiquer, tout en variant beaucoup.
Elles passent par divers degrés à des schistes plus ou
moins talqueux, à structure souvent filandreuse, et elles
(*) Ces conclusions ont été pleinement justifiées et mises hors de doute
par mes explorations de l’été dernier (1846). J’ai parcouru toute la haute
chaine des Alpes pennines si peu connues encore, depuis ie Mont-Blanc
jusqu’au Mont-Rose. J’ai atteint ou traversé son faite sur cinq points dif
férens ; j'ai examiné le fond de toutes les vallées qui en sillonnent le flanc
septentrional, depuis la vallée de Bagnes jusqu’à celle de Saas, ainsi
qu’une partie de celles du revers méridional, et j’ai eu la satisfaction bien
grande de découvrir enfin dans ces cimes presque inabordables le gite pré-
cis de toutes les roches caractéristiques du bassin erratique du Rhône qui
sont énumérées ici et de les recueillir en place. Je rendrai compte ailleurs
du résultat de ces recherches qui complètent la série de mes études sur le
… terrain erralique suisse,
— 482 —
se trouvent sous ces formes diverses dans la chaîne mé—
ridionale jusques dans le Haut-Valais. L’arkésine au
contraire et le gneiss chloriteux ne se montrent jamais
plus haut que la vallée de Viège, encore ne les voit-on
point sur le flanc droit de cette vallée, qui est occupé
par les roches descendues de la vallée de Saas.
On peut joindre à ce groupe des roches pennines pro-
prement dites, celui des roches du Mont-Rose, qui com-
prend également trois espèces particulièrement caracté-—
ristiques.
4° Les euphotides de Saas se placent ici au premier
rang. Cette belle roche, dont les variétés plus ou moins
riches en saussurite, en smaragdite, et en talc jaune ou
blanc sont très-nombreuses, se distingue des rares eupho-
tides ou des granitones des bassins de l'Isère et du Rhin.
Elle est répandue sur la surface presque entière du bassin
du Rhône et provient cependant, comme l'on sait, de la
seule vallée de Saas. Elle descend des hautes arêtes du
Saasgrat par une route unique, le glacier d'Alalein, en
amont duquel je n'ai pu en apercevoir même un seul
fragment. Cette provenance exclusive, jointe à sa grande
extension, la rend très-précieuse pour séparer le bassin
du Rhône d'avec les bassins contigus.
5° Les éclogites, compagnes fidèles des euphotides, et
non moins caractéristiques, proviennent exclusivement
aussi des mêmes localités. Cette roche semble avoir pour
base une sorte d’amphibolite grenue; d’un vert-grisâtre,
imparfaitement schistoïde, parsemée régulièrement de
petits grenats d’un à quatre millimètres de diamètre, tel-
lement nombreux qu'ils forment une partie essentielle
de la roche, et de brillantes paillettes de mica argentin,
— 183 —
tout aussi nombreuses, volontiers de même grandeur et
remarquables par leur distribution régulière et leur
forme généralement arrondie. Cette roche , aussi répan-
due que l’euphotide sous forme de galet et de petits blocs,
ne se trouve guère en blocs volumineux. Quoiqu’elle des-
.cende surtout, comme l’euphotide, par le glacier d’Ala-
lein , je l’ai découverte aussi à l'ouest du Saasgrat dans
les moraines du glacier de Finnelen.
6° Les serpentines compactes et schisteuses du massif
du Mont-Rose peuvent être rangées au nombre des roches
caractéristiques de cette grande chaîne pennine et du bas-
sin du Rhône. Car, quoique l’on puisse objecter qu’il s’en
trouve également quelques-unes dans les bassins voisins
de l'Arve et de l'Isère, elles parleront toujours par leurs
variétés particulières , leur abondance, et par leur asso-
ciation avec des roches d'une origine plus incontestable
encore.
Les deux groupes précédens représentent dans la plaine
la grande chaîne centrale ou pennine; les espèces sui-
vantes représentent essentiellement les massifs latéraux du
Mont-Blanc et de l'Oberland bernois.
7° Les granites du bassin du Rhône formant les blocs
gigantesques épars sur les pentes du Jura, qui les pre-
miers ont attiré l'attention du monde savant, il est natu-
rel qu’on les ait considérés comme la roche principale et
la plus caractéristique de ce bassin. Cependant il n’en
est point ainsi, car non-seulement ils n’y sont pas aussi
généralement répandus que les roches pennines, mais,
de plus, les uns lui sont communs avec le bassin de
l’Arve, les autres sont très-analogues à ceux du bassin
de l’Aar.
— À84x —
Ces granites sont essentiellement de deux sortes :
Les uns à base de feldspath blanc, parfois très-légère-
ment rosé, en gros cristaux parallélipipèdes, souvent mâ-
clés; à quartz faiblement violacé ; l’'amphibole et une
substance chloriteuse y remplacent d'ordinaire le mica
qui y est rare, et forment cà et là des amas d’un vert noi-
râtre, dont la grosseur varie depuis un pouce jusqu’à un
pied et plus. On dirait alors un fragment de roche étran-
gère empâté dans la masse du granite. Enfin une subs-
tance talqueuse d’un vert-clair, d’une apparence terreuse,
communique sa couleur à une partie de la masse. Ce sont
les protogines de la chaîne du Mont-Blanc dont il existe
plusieurs variétés qui sont dues à des différences dans le
développement des cristaux, dans la structure, et dans
l'abondance des parties talqueuses. Quoique ces variétés
semblent se retrouver simultanément dans plusieurs par-
ties de la chaîne, on peut dire en général que les proto-
gines qui se distinguent par la grosseur disproportionnée
de leurs cristaux de feldspath et leur structure gneissique,
appartiennent aux aiguilles de Chamounix, au revers
nord-ouest de la chaîne; celles du val Ferret, sur les
pentes nord-est, ont le grain plus égal, quoique les cri-
taux soient encore très-développés. Les protogines à pe-
tits grains et pauvres en parties talqueuses ou passant à
un vrai gneiss, se trouvent plutôt dans l'extrémité nord,
entre Saint-Maurice et Martigny , comme dans le Mont-
Catogne.
La seconde sorte de granite diffère des précédens par
plusieurs caractères ; les cristaux ne dépassent pas une
grandeur moyenne ; ils sont aussi plus confusément eris-
tallisés; ne sont jamais mâclés. Le mica, ou ses rempla-
— 485 —
çans, est plus disséminé et d’un vert plus clair. Rarement
ces granites contiennent de ces amas noirâtres empâtés dans
la masse; encore sont-ils alors peu considérables et moins
nettement limités. Les parties talqueuses sont souvent
peu abondantes et l'aspect de la roche généralement plus
blanc. Ces granites sont ceux qui proviennent du glacier
du Rhône et du massif de l’Oberland bernois, descen-
dent par les glaciers de Viesch et d’Aletsch, et suivent la
rive droite du Valais ; de là leur analogie avec ceux qui
sortent du même massif par la vallée de l’Aar.
7° Les poudingues de Valorsine, que les belles obser-
vations de Saussure ont rendus célèbres, sont encore l’une
des roches les plus distinctives du bassin du Rhône. Ils
se composent d'un grès souvent schisteux, d’un beau gris,
très-micacé, parsemé çà et là de taches schisteuses plus
ou moins larges, d’un noir mat et foncé, intercalées
entre les feuillets; ce grès contient des galets et des frag-
ments de quartz , de gneiss et d’autres roches primitives
dont le volume varie depuis la grosseur d’un gravier fin
jusqu’à celle de la tête. Ces galets sont d'ordinaire si
nombreux que la structure schisteuse disparaît, et ils
sont si intimément cimentés que le marteau ne peut les
détacher sans briser la matrice, et qu’à la cassure ils
paraissent comme des taches dont les bords ne sont pas
toujours nettement accusés. Le tout forme une roche
d'une grande dureté. Leur gîte primitif n’est pas seule
ment la vallée de Valorsine; cette roche est encore en
place sur la rive droite du Rhône, au-dessus d'Outre-
Rhône, près de la dent de Morcles, à la montagne de
Foully, etc. Dans les deux localités elle est accompagnée
de conglomérats et de schistes rouges lie-de-vin, qui
— À86 —
appartiennent à la même formation. C’est de la dernière,
c’est-à-dire de la rive droite de la vallée, que semblent
avoir été détachés la plupart des nombreux blocs de cette
espèce qui sont à l’état erratique dans le bassin du Rhône.
8° -I1 faut enfin signaler comme un caractère du bas-
sin du Rhône qu'aucun autre bassin voisin ne partage
avec lui, du moins au même degré, l'abondance remar-
quable de galets de toute grosseur, d'un quartz ordimai-
rement jaunâtre, qui sont répandus sur sa surface entière
et dont la présence, aux abords de ce bassin, annonce
invariablement la proximité des autres roches erratiques.
Répartition des espèces. La répartition dans la plaine
des espèces que je viens de nommer n’est point acciden—
telle. Ici non plus il n’y a point désordre, point mélange
absolu, mais bien un ordre et un triage qui a lieu sui-
vant certaines lois. Sans doute il ne faut point cher-
cher ici des limites de distribution tranchées comme le
sont celles qui séparent les différens bassins; mais on
peut affirmer les propositions suivantes :
1° Telle espèce abonde dans une région du bassin et
ne se trouve que rarement ou pas du tout dans: une
autre.
20 Les blocs des diverses espèces, à partir du lieu de
leur origine, tendent à former des séries parallèles, et
quand arrivés dans la plaine, ils s’étalent considérable-
ment, ils n’en conservent pas moins une disposition res-
pective analogue à celle qu'ils avaient dans leurs gites
primitifs. Les blocs du flanc droit de la vallée occupent
dans la plaine la rive droite du bassin; ceux du flanc
gauche, la rive gauche; ceux des vallées les plus cen-
trales en couvrent les régions eentrales.
— ST —
3° Des groupes composés chacun d’une seule espèce de
roche à l'exclusion de toute autre, se rencontrent çà et
là au milieu de roches d'espèces variées, en restant
toutefois dans les conditions de la règle précédente.
Un mot sur la distribution de chacune des espèces que
je viens de décrire suffira pour en donner la preuve.
Les roches pennines, l'arkésine, le gneiss chlorité ét
les chlorites granuleuses sont de beaucoup les plus répan-
dues ; elles couvrent les trois quarts de la surface du bas-
sin. Nous avons dit qu'elles marchent toujours ensemble
et qu’elles forment un groupe qui se comporte presque
comme une seule espèce. Si nous les prenons à leur point
de départ depuis le débouché de la vallée de Viège et du
val d'Erin, nous les voyons suivre le flanc gauche de
la vallée du Rhône sans jamais passer sur la rive oppo-
sée. À l'issue des vallées d'Entremont et de Trient elles
se recrutent des granites du Mont-Blanc qui les accom-—
pagnent en formant la lisière extérieure. Au sortir de la
vallée du Rhône, elles s’étalent dans la plaine en un vaste
éventail, et remplissent le bassin du Léman et celui des lacs
de Neuchâtel et de Bienne. On les trouve à la fois le long
des pentes. extérieures des chaînes du Chablais , au pied
du Salève, dans toute la plaine de Genève ; elles couron-
nent de blocs prodigieux le Mont de Sion. Elles consti-
tuent la grande majorité des grands blocs suspendus sur
le revers du Jura depuis le fort de l'Ecluse jusqu’au pied
de la Dôle, ainsi que les blocs moins nombreux qui sont
épars dans les plaines du pays de Gex et sur les hauteurs
de la Côte jusque dans les environs de Lausanne. Plus à
l'Est, ces mêmes roches, mais en blocs moins volumi-
neux et relativement moins fréquens, jonchent les pentes
— 488 —
” du Jura et forment avec les granites du Mont-Blanc la
limite supérieure de l’erratique. Dans la plaine où les gra-
nites paraissent à peine, elles dominent de nouveau et
couvrent de leurs débris toute la plaine de l'Aar, les col-
lines molassiques entre Soleure et Berne, et s'étendent
jusque dans les environs de Zoffingen et d’Arbourg où
des blocs métriques de chlorites peuvent être considérés
comme les derniers représentans des roches pennines , et
marquent la limite extrême de l’extension du bassin du
Rhône.
Bien plus encore, cés mêmes roches sont les seules qui
pénètrent dans l’intérieur des hautes vallées du Jura. Au-
delà de la limite supérieure de l’erratique, marquée dans
le Jura neuchâtelois et vaudois par les grands blocs de
granite et l'existence des roches polies, par delà les deux
ou trois premières chaînes et plus loin encore, on ren-
contre , dans le fond des hautes vallées, jusqu’à plus de
8,500 pieds de hauteur, un terrain erratique qui se com-
pose de fragmens et de blocs dont les plus volumineux
atteignent rarement un mètre, accompagnés de nombreux
galets de quartz.
Ces fragmens sont ordinairement très-anguleux et por-
tent cependant je ne sais quel caractère de vétusté; la
roche semble profondément altérée. Ils paraissent avoir
séjourné plus ou moins longtemps sous terre, où ils se
trouvent encore pour la plupart. Eh bien; les roches qui
composent ce terrain erratique pour ainsi dire isolé, et
distinct du reste du bassin , sont encore exclusivement les
roches pennines. Jamais un granite du Mont-Blanc, ou un
poudingue de Valorsine ne pénètrent dans cette enceinte
défendue par les hautes chaînes du Jura. Les vallées ou-
— 489 —
| vertes vers la plaine, comme celles de Vallorbe, du Val-
de-Travers, du Val-de-Ruz, sont les seules du Jura où
pénètrent ces derniers. Les quartz seuls, en galets nom-
breux et de toute grosseur, accompagnent dans l'intérieur
du Jura les roches pennines et ils sont ainsi, avec elles,
les derniers et les plus lointains représentans des roches
alpines sur toute cette lisière.
Mais quoique ces trois espèces de roches jouent ainsi
un rôle commun, on peut néanmoins signaler une diffé-
rence dans leur distribution qui confirme la loi que j'ai
indiquée. |
Les chlorites granuleuses, qui viennent en plus grande
abondance de la partie inférieure de la vallée du Rhône,
tendent à conserver leur position extérieure le long de la
rive gauche du bassin. Elles sont plus fréquentes et en
blocs plus considérables dans la partie occidentale du bas-
sin. Elles remontent très-haut sur les chaînes du Cha-
_blais, sans atteindre toutefois la hauteur des granites,
mais laissant au-dessous d'elles les arkésines qui n’occu-
pent guère que le pied de ces hauteurs. Elles sont encore
en blocs de plusieurs mètres au Mont-de-Sion. Au-dessus
du Pays de Gex sur les confins du Jura vaudois et du Jura
neuchätelois, sur le Suchet et le Chasseron, elles reparais-
sent plus fréquentes et en gros blocs. Mais plus à l'Est,
les blocs sont plus petits, moins nombreux, et des varié-
tés plus talqueuses, où disparaît peu à peu toute granula-
tion, se substituent aux vraies chlorites granuleuses.
Le gneiss chloriteux, quoique abondant, ne forme que
rarement de très-gros blocs ; sa présence est liée plus in-
timément à celle de l’arkésine et on peut considérer comme
lui étant applicable ce que nous allons dire de la distribu-
tion de cette dernière roche,
— 490 —
L'arkésine, avec ses analogues, est la plus répandue
de ces trois roches ; son vrai domaine est la partie Sud-
Ouest du bassin. On la trouve le long de la rive savoyarde
du lac de Genève ; elle forme la grande majorité des blocs
du Mont de Sion, du Vouache et du Pays de Gex. Plus
à l'Est elle accompagne en blocs nombreux encore mais
beaucoup moins gros, les granites du Jura. Dans la plaine
on la retrouve abondante entre Neuchâtel, Fribourg et
Berne ; elle forme presque à elle seule , à quelques lieues
de Soleure, les plus gros blocs connus, non-seulement
du bassin du Rhône mais de la Suisse entière : le grand
bloc du Steinhof et tout auprès ceux du Steinberg.
Ainsi donc les roches pennines se trouvent presque
dans toute l’étendue du bassin. Aucune région n’en est
exempte, si ce n’est la rive droite de la vallée du Rhône
et hors des Alpes, les contrées situées au pied des mon-
tagnes de la Gruyère. Toutefois les chlorites abondent
surtout sur la rive gauche du lac de Genève, tandis que
les arkésines, unies aux gneiss chloriteux, dominent dans
la partie centrale du bassin, spécialement d’une part au
Mont-de-Sion et dans le Pays de Gex, de l’autre, à l’ex-
trémité Nord-Est, dans la plaine au Sud de Soleure. La
situation respective des régions ou prédomine l’une ou
l’autre de ces trois espèces erratiques, est ainsi, hors des
Alpes, la même que celle qui existe entre les vallées al-
pines d'où elles tirent leur origine.
Les roches du Mont-Rose se comportent également
comme une seule espèce. Elles suivent à-peu-près les
allures des roches pennines, et les accompagnent pres-
que partout à l'état de galets; mais ne les suivent pas
dans les plus grandes hauteurs auxquelles elles semblent
— A9 —
préférer la plaine ou les coteaux inférieurs. Les blocs un
peu volumineux de ces roches ne se trouvent guère que
dans la partie occidentale du bassin. La plaine de Genève
et les coteaux qui la bordent, le Pays de Gex, et surtout
les environs de Nyon, voilà leur véritable domaine. Là
seulement on rencontre des blocs d'euphotide de deux à
cinq mètres de longueur, des masses de serpentine plus
grosses encore. Au-delà de cette limite, dans la partie
orientale du pays de Vaud et plus loin vers l'Est, les blocs
d'euphotide deviennent d’une grande rareté ; les plus loin-
tains que j'aie rencontrés sur les flanes du Jura, se trou-
vent au-dessus de Neuchâtel et de la Neuveville et attei-
gnent à peine un mètre. On peut en dire autant des
serpentines. Les unes et les autres, et les serpentines en
particulier, reparaissent cependant en abondance et en
grands blocs entre Berne et Bourgdorf, où elles font
caractère pour toute une région du bassin. Quant aux
éclogites je n’en connais point de gros blocs. On les trouve .
d'ordinaire en blocs de petit volume, à peine métriques,
et le plus souvent en galets de grosseur très-variable.
On voit que les deux régions dans lesquelles les roches
du Mont-Rose sont le plus abondantes, sont l’une et
l'autre sur la droite de celles où dominent les roches pen-
nines ; ici encore nous retrouvons dans la plaine une dis-
position des roches erratiques qui rappelle la situation
relative des vallées d'où elles sont descendues.
La répartition des granites du Mont-Blanc offre des ca-
ractères remarquables. On les trouve à la fois à la limite
supérieure de tout l’erratique, le long de la rive gauche
du bassin, sur les hauteurs de Chablais, et le long des pentes
opposées du Jura. Cette dernière localité paraît même
— 492 —
être, contre toute attente, le domaine spécial de cette
roche. Depuis la Dôle jusqu’au delà de Soleure, dans les
environs de Niederbipp et d'Aarwangen, non-seulement
les blocs de granite dominent par leur nombre et leur
volume, mais ils sont disposés en bandes continues, à
limites tranchées , et qui excluent même parfois toute
autre espèce de roche. C'est ce qui a lieu surtout dans le
Jura neuchätelois où cette disposition est plus clairement
exprimée que partout ailleurs.
Sur les flancs de la chaîne de Chaumont , en effet, la
limite supérieure du terrain erratique est formée par une
zône de blocs de granite dont le plus gros mesure jusqu'à
dix mètres. Cette zône se prolonge, en s’abaissant toujours
du côté de l'Est, sur les hauteurs de Chaumont, au pied
du Chasseral, près de Nods et Lignières, puis par les
vallées d'Orvins et de Vauffelin. Elle est mélangée de
blocs nombreux, mais relativement peu volumineux des
roches pennines. Au-dessous de cette première zône est
un intervalle de plus de mille pieds de hauteur tout-à-fait
dégarni de gros blocs ; à peine y trouve-t-on cà et là quel-
ques représentans des roches pennines. Mais bientôt on
rencontre une seconde zône de près de vingt minutes de
large, qui couvre les plateaux de Pierre-à-Bot d’une quan-
tité de blocs tout aussi gros et plus nombreux que ceux
de la zône précédente. C’est à cette zne qu'appartient le
grand bloc de Pierre-à-Bot de dix-huit mètres et un
grand nombre d’autres presque aussi considérables. Cette
bande se prolonge à l'Est et à l'Ouest dans tout le pays de
Neuchätel et forme un peu au-dessus de Boujean, près
de Bienne, un des plus beaux dépôts de ce genre que l’on
rencontre sur les pentes du Jura.
— 493 —
Deux seules espèces de roches forment cette traînée de
gros blocs, c'est la protogine du Mont-Blanc à très-gros
cristaux de feldspath, provenant des aiguilles de Chamouni
et en général du revers occidental de Ja chaîne, accom-
pagnée d’une sorte de gneiss gris ou de mica-schiste très-
dur, dont je retrouve les identiques dans la chaîne des
Aiguilles rouges de Chamouni. La limite inférieure de
cette zûne, qui, dans les environs de Neuchâtel, se trouve
à cinq cents pieds au-dessus de la plaine, est nettement
tracée. Dès qu'on la dépasse, on voit reparaître aussitôt
les arkésines , les chlorites, les euphotides, etc.
Ces deux zônes se laissent poursuivre au loin, à l'Est
et à l'Ouest, mais elles ne sont pas partout aussi dis-
tinctes. La zône supérieure forme partout la limite supé-
rieure de l’erratique; elle contourne Chaumont, entre
dans le Val-de-Ruz, au fond duquel elle est marquée par
les gros blocs accumulés près du village du Pasquier, suit
les hauteurs des Planches , le pied du pic de Tête-de-
Rang, les hautes prairies des Champs-devant, passe dans
le Val-de-Travers où elle forme sur tout le pourtour de
la vallée, et jusqu’à la tour de St-Sulpice, une couronne de
blocs à même niveau. Les granites arrivent jusqu’à l’en-
trée de la vallée des Verrières , sans y pénétrer, et finis-
sent brusquement au-dessous de la Côte-aux-Fées sans
monter sur le plateau , tandis que ces deux vallées con-
tiennent d'assez nombreux fragmens des roches pennines
altérées.
La zône de granite écharpe ensuite la montagne de
Boudry, dessine une courbe semi-cireulaire au fond du
couloir de Provence, dont les Prises et les hauts pâtu-
rages sont comme inondés de blocs immenses , malgré les
— 49% —
efforts continuels de l’agriculteur pour les détruire ou les
enterrer. Dans cette anfractuosité, l'intervalle entre les
deux zônes disparaît, mais leur position est encore in-
diquée par une plus grande abondance des gros blocs
granitiques au sommet et au pied de la côte. Cette double
ceinture continue à se dessiner avec des phénomènes
analogues sur les flancs du Mont-Aubert ; les granites
montent au village de Mont-Borgeais près duquel le grand
bloc de la Pidouse marque à-peu-près la limite supé-
rieure. Celle-ci atteint son maximum de hauteur au pla-
teau des Bullets, d'où elle descend lentement par Sainte-
Croix sur les pentes orientales de l’Aiguille de Beaumes.
De là, les gros blocs du Suchet, ceux des Granges de
Valorbe, qui mesurent jusqu’à vingt mêtres, les nom—
breux blocs du plateau de Premier, les blocs de Mont-la-
Ville, célèbres par leur grande taille, et enfin ceux que
recèlent en si grand nombre les forêts de Mont-Richer,
marquent partout la permanence de cette belle cein-
ture de granites qui va s’abaissant et se mélangeant tou-
jours davantage. Plus loin, vers l'Ouest, ces mêmes
granites ne cessent pas, mais depuis la Dôle surtout , les
blocs sont moins nombreux, beaucoup moins volumineux
et cèdent la prépondérance aux roches pennines. On les
trouve encore, il est vrai, dans toute l'étendue de la plaine
de Gex et de Genève, mais sporadiques, mêlés, et non
point en zône de gros blocs comme celle que nous venons
de décrire. .
Dans cette ceinture de gros blocs du Jura , ce sont les
variétés qui ont dû sortir par la vallée de Trient , qui do-
minent. Celles du val Ferret y sont plus rares et se trou-
vent plutôt au-dessous des deux zônes vers la plaine. Cette
= ON 5
disposition et le fait que la limite inférieure de la zône des
gros blocs est tranchée, même au milieu des forêts et des
rochers incultes, empêche qu'on ne puisse attribuer, ainsi
qu’on l’a fait, l'absence des grands blocs dans la plaine
uniquement à l'exploitation par la main des hommes et à
la culture.
Les granites du Haut-Valais, ou du flanc droit de la
vallée jouent un rôle très-secondaire dans la plaine. Assez
nombreux en Valais sur la rive droite du Rhône, dans la
plaine ils sont repoussés par les poudingues de Valorsine
vers l'intérieur du bassin. Ils suivent volontiers une courbe
qui passe sur le Jorat entre Lausanne et Vevey, tourne
lentement à l’est sur les plateaux qui environnent Mou-
don, puis suivant les hauteurs au Nord de Romont, vient
rejoindre les Alpes de Fribourg au pied de la Berra. La
plupart des granits qui sont disséminés en petit nombre au
nord de cette ligne jusque dans le voisinage de Neuchâtel,
de Fribourg et de Berne, semblent avoir cette origine.
D'autre part, je crois pouvoir ranger dans cette classe
un bon nombre des blocs de granite, souvent considérables,
que l'on rencontre sur les plateaux qui dominent Morges,
près du village de Bussy et jusqu’à Aubonne et aux plai-
nes de Bière. Ces blocs formeraient une seconde zône cou-
rant d'est en ouest sur les hauteurs du Jorat parallèle
ment aux rives du lac, comme pour rejoindre le Jura.
Les poudingues de Valorsine, avec les conglomérats
rouges ou lie-de-vin, ont un domaine plus distinct que
toute autre roche. Ils occupent à eux seuls la rive droite
du bassin, depuis le débouché de la vallée du Rhône,
couvrent le plateau du Jorat jusqu'aux environs de Lau-
sanne. Les conglomérats rouges se tiennent presque ex-
35
— 496 —
clusivement à la limite supérieure de l’erratique, le long
de l'extrême rive droite sur les hauteurs de la chaîne qui
domine Semsale, sur le Moléson et la Berra. On les re-
trouve jusqu'au-delà du Gouggisberg. Les blocs de Valor-
sine proprement dits occupent, à l'exclusion de toute autre
roche, ou peu s'en faut, les hauteurs qui dominent Ve-
vey. Ils forment une large zône qui, au sortir de la vallée
s'infléchit au nord-est, et couvre tout le pays entre les
Alpes d’une part, et les hauteurs au nord de Rue et de
Romont jusque dans les environs de Fribourg et du
Gouggisberg. On les trouve encore très-nombreux et même
dominans, mais mêlés aux roches pennines et aux gra-
nits sur tout le plateau entre Lausanne et Yverdon, et sur
toute la rive méridionale du lac de Neuchâtel. Ils sont
rares sur la rive septentrionale de ce lac et au pied du
Jorat, où ils montent rarement dans la hauteur. On peut
citer comme un phénomène un bloc de cette roche de
deux à trois mètres situé à 400 pieds au-dessus du lac de
Neuchâtel, dans le vallon de Vert, près de Boudry. À l’est
de Berne et d'Aarberg , les Valorsines sont très clair-se-
més.
La partie occidentale du bassin n’en est point non plus
entiérement dépourvue; on en trouve à l’ouest de Lau-
sanne et d'Yverdon, jusqu’au-delà d'Aubonne et près du
Jura. Quelques-uns se montrent çà et là dans la plaine
de Genève; mais ceux là proviennent sans nul doute de
la rive gauche, de la vallée de Valorsine et du Trient. Nulle
part dans ces régions, ils ne sont assez abondants pour
faire caractère et la grosseur des blocs n’est jamais très-
remarquable.
Galets de quartz. Si j'ai donné une place aux galets de
St. SP
— 497 —?
quartz parmi les roches les plus caractéristiques ;‘ c’est
qu'il est peu de roches qui y soient aussi généralement et
aussi uniformément répandues dans le bassin du Rhône.
Les quartzites paraissent cependant accompagner plus
volontiers les roches pennines. Au-delà des limites des
blocs , sur le Jura, quand toute autre roche a déjà dis-
paru, on retrouve encore çà et là un galet de quartz jus-
qu'à près de 4000 pieds de hauteur, comme au sommet
de la chaîne du Creux-du-Vent entre Provence et Môtiers,
au faîte de la chaîne de Tête-de-Rang entre le Val-de-
Ruz et la vallée de la Sagne , sur les hauteurs de Péry et
du Monto, sur la chaîne qui sépare la vallée de Langen-
bruck d'OEsingen et ailleurs.
Les galets de quartz sont ainsi la seule trace erratique
qui relie la région des blocs extérieurs au Jura avec le
terrain erratique que l’on trouve isolé dans le fond des
hautes vallées de cette chaîne. Ici, ils sont associés aux
roches pennines , comme de coutume, mais ils sont pro-
portionnellement plus abondants. Enfin nulle roche ne se
montre en fragments plus nombreux, ni aussi loin des
Alpes. Quand placé en dehors du bassin erratique du
Rhône, on s'approche des régions qu’il occupe, en Savoie,
dans le Jura, comme en Argovie, partout on rencontre,
aux abords, les galets de quartz comme premiers avant-
coureurs des roches alpines. C’est ainsi qu’à l'extrémité
orientale du bassin, la plus éloignée des gîtes primitifs,
dans les environs de Urkheim et de Zofingen, non loin
des roches erratiques de la Reuss dont on quitte le do-
maine, une grande abondance de galets de quartz an-
nonce subitement l’approche du bassin du Rhône. Ils sont
seuls d'abord, mais quelques centaines de mètres plus loin,
— 498 —
se montrent quelques chlorites granuleuses; les taleschistes
et les granites succèdent enfin et ne laissent plus de doute:
on est en plein bassin du Rhône. Cette abondance de ga-
lets de quartz est d'autant plus remarquable que les blocs
de cette roche sont rares et de petit volume. Peut-être
leur nombre est-il dù à leur nature peu destructible,
et l'absence de gros blocs à leur provenance de filons in-
tercalés plutôt que de roches en masse.
Pour résumer la distribution des espèces de roches dans
le bassin du Rhône, coupons transversalement le bassin
à l'est d’abord, puis à l’ouest de l'issue de la vallée dont
elles sortent, partant chaque fois des Alpes pour aboutir
au Jura; chacune de ces coupes nous montrera claire-
ment l'ordre de succession qu'elles observent. Je tire la
première des environs de Bulle au mont de Boudry , près
de Neuchâtel, la seconde des Fourches d’Aberre, en Cha-
blais, au Marchairu.
En partant des Alpes au-dessus de Bulle nous trouvons
dans la hauteur les conglomérats lie-de-vin qui forment
la limite supérieure de l’erratique et l'extrême rive droite
du bassin. Avec eux commence la région des blocs de
Valorsine. Au-delà de Romont et de la vallée de la Glane,
sur les hauteurs qui séparent cette vallée de celle de la
Broye, quelques granits blanchâtres du Haut-Valais se
mêlent aux poudingues de Valorsine, puis on voit paraître
des blocs d’euphotides de Saas, accompagnés de chlorites
talqueuses et de serpentines du Mont-Rose. Dans l’espace
compris entre la Broye et les bords du lac de Neuchâtel
se joignent aux roches précédentes les arkésines et les
gneiss chloriteux. Sur la rive septentrionale, au-delà du
lac, ces derniéres et les chlorites deviennent dominantes;
— 99 —
les roches de Valorsine ont presque disparu. En remon-
tant les pentes du Jura, de cinq ou six cents pieds de hau-
teur jusqu'à mille pieds au-dessus du lac, et seulement
alors, se montrent les granits du Mont-Blanc. C’est la zône
inférieure des grands blocs.
Enfin , au-dessus d’un espace de près de mille pieds en
hauteur, dans lequel disparaissent presque toutes les ro-
ches alpines, la zône supérieure des grands blocs du Mont-
Blanc, auxquels se mêlent les roches pennines , forme la
limite la plus élevée du terrain erratique. |
IL faut donc distinguer sur cette coupe trois régions
principales : celle des poudingues de Valorsine le long des
Alpes ; celle des blocs du Mont-Blanc le long du Jura ; et
celles des roches pennines précédées de quelques granites
du Haut-Valais et de roches du Mont-Rose, au centre.
La coupe à travers la partie occidentale nous donne
une série analogue.
Les hauteurs du Chablais dans les environs du débou-
ehé les Dranses, nous montrent les granites du Mont-
Blanc, moins nombreux cependant qu'on eût pu s’y at-
tendre , dans la partie supérieure ; et alliés aux chlorites
qui montent presque au même niveau. Plus bas viennent
s'ajouter les arkésines et les gneiss chloriteux sur les
pentes qui dominent Thonon, Evian et la Tour-Ronde ;
mais les euphotides et les serpentines sont encore rares.
Au-delà du Léman au sud d’Aubonne et près de Nyon
les roches du Mont-Rose sont très-abondantes. Enfin,
plus loin, vers le Jura, on rencontre mêlés aux roches
précédentes, mais dominants des granites blancs du Haut-
Valais, des poudingues de Valorsine et des granites du
Mont-Blanc.
— 500 —
Ici encore nous voyons les roches se succéder dans le
même ordre que dans la coupe précédente, et cet ordre
est celui dans lequel ces mêmes roches viennent affluer
de bas en haut dans la vallée principale. D'abord les gra-
nites de la rive gauche et de la partie inférieure de la val-
lée ; puis les chlorites de Bagnes, les arkésines et les
gneiss chloriteux du Val-d'Erin, les serpentines du
Mont-Rose et les euphotides de Saas, enfin pêle-mêle les
roches de la rive droite avec des granites du Mont-Blanc,
qui appartiennent comme nous le verrons plus bas, à
l'épanchement de la partie orientale.
Il est donc vrai de dire, ainsi que je l'ai fait en com-
mençant, que la répartition des espèces de roches errati-
ques est soumise à une loi, selon laquelle les traînées de
roches de même espèce conservent dans la plaine une po-
sition déterminée , qui leur est assignée par la situation
respeclive des vallées d'où elles sortent. Les roches qui
sortent des vallées latérales les plus rapprochés du débou-
ché de la vallée principale gardent les bords sur l’une et
l'autre rive; celles qui proviennent des affluents les plus
reculés tiennent le centre.
Cette loi de distribution, je l’ai reconnue également
dans le bassin du Rhin, et plus nettement encore dans
celui de la Reuss qui est plus simple que les deux autres;
mais une circonstance qui est particulière au bassin du
Rhône, c'est le double déversement dont j'ai parlé. On a
pu voir que chacune des deux branches, orientale et oc-
cidentale, représente, dans leur ordre, la totalité des ro-
ches de la vallée du Rhône. Or, cette disposition nous
force à admettre deux périodes de déversement. Pendant
la première l'écoulement n’a eu lieu que du côté nord-
— 501 —
est, c'est-à-dire, du côté le plus ouvert de la grande val-
lée comprise entre les Alpes et le Jura. Dans une seconde
époque l'épanchement a dù se faire par le bassin plus
étroit du Léman , vers la plaine de Genève et du pays de
Gex.
L'analogie que présente cette distribution avec celle des
moraines d'un glacier est évidente et doit frapper tous les
yeux. La disposition en séries linéaires qu'affectent les
moraines superficielles, la constance de leur situation res-
pective qu’elles gardent malgré tous les angles et les con-
tours de la vallée, leur élargissement et leur mélange
graduel mais toujours incomplet, dans la partie inférieure
où le glacier s'étale, tous ces phénomènes, si nettement
tracés à la surface de chacun de nos glaciers actuels, sont
précisément ceux que présente , mais sur une gigantesque
échelle, la surface du bassin erratique du Rhône. Sup-
posons pour un moment l'existence de ce vaste glacier du
Rhône, et prenons-le au moment où, par suite de sa pro-
gression, il a amené les roches des Alpes jusqu’à l'extrême
limite où nous les trouvons aujourd'hui et voyons quelle
serait, selon Les lois reconnues du mécanisme des glaciers,
là répartition des moraines superficielles que nous trou-
verions à sa surface.
A une première époque, celle de sa plus grande exten-
sion, tout l’espace compris dans l'angle aigu formé, au
sud-ouest, par la réunion des Alpes et du Jura, est en-
combré par des masses de glace alimentées par les vallées
de l'Isère, de l’Arve, de la Dranse et du Rhône ; les is-
sues sont insuffisantes ; l'écoulement par ce côté est pres-
que impossible du moins pour les glaces de la vallée du
Rhône. Le déversement a donc lieu par le nord-ouest, où
— 502 —.
la plaine s'ouvre et prend plus de largeur par l'écartement
graduel des deux chaînes. La masse principale du glacier
s'appuie contre le Jura qui la refoule vers la plaine dans
laquelle les glaces s’étalent plus à l’aise et semblent même
refluer légèrement vers les Alpes. Ici elles rencontrent un
nouvel obstacle, c’est le glacier sorti de la vallée de l’Aar
qui se presse contre le glacier du Rhône et le resserre,
sans toutefois arrêter sa marche. Enfin les glaces du Va-
lais, s’'amaigrissant de plus en plus, vont se terminer non
loin d’Aarwangen et de Zofingue. Tel est alors le prodi-
gieux glacier du Rhône.
Les moraines que nous distinguons sur ce glacier sont
d’abord : 1° la moraine latérale droite, composée presque
exclusivement de nombreux blocs de poudingues de
Valorsine, détachés de leur gîte principal des pentes
de la dent de Morcles ; elle s'étend le long des Alpes de
Fribourg jusqu’à la Singine. 2° La moraine du Haut-Va-
lais, caractérisée par les granites blancs du revers sud de
lOberland bernois et du Galenstock. 3° La moraine du
Mont-Rose avec ses euphotides et ses serpentines, aux—
quelles se mélent déjà quelques roches pennines. 4° La
moraine des Alpes pennines jusqu'au pied du Jura, 5° puis
enfin la moraine latérale gauche formée par les granites
du Mont-Blanc qui, les derniers , sont venus se joindre,
par Martigny et la vallée de Salvan, aux autres roches du
bassin.
Cette dernière moraine l'emporte de beaucoup en lon-
gueur sur la moraine latérale droite. Cette circonstance,
ainsi que l’inflexion générale des moraines intérieures ou
superficielles, est la conséquence nécessaire du mouve-
ment imprimé aux glaces par la configuration du réser-
— 503 —
voir dans lequel se meut le glacier ; nous l'avons vu plus
haut.
La ligne qui part du pied des Alpes du Guggisberg ,
forme la limite du bassin du Rhône au contact de celui de
V’'Aar, et s'étend plus loin jusqu’au delà d’Aarwangen,
n’est point, malgré les apparences, la suite de la moraine
latérale droite, mais bien la frontale, qu'au premier
abord on eût été disposé à chercher au côté opposé,
sur le Jura même. Ce n’est pas qu'ici on trouve , plus
qu'ailleurs , une accumulation qui rappelle les moraines
frontales de plusieurs des glaciers actuels; mais c'est sur
cette ligne que viennent aboutir de front toutes les mo-
raines que nous avons nommées. Au lieu de ne trouver
sur cette limite que des roches de la rive droite, comme
cela serait si elle n’était que la prolongation de la moraine
latérale, on retrouve, en la parcourant, et dans l’ordre
indiqué, les roches de toutes les autres : les Valorsines au
Guggisberg ; les granites du Haut-Valais entre Schwar-
zenbourg et Koniz ; les euphotides et les serpentines dans
les environs de Berne et de Bourgdorf ; les arkésines et
leurs compagnes à Seeberg et au Steinhof; les granites
du Mont-Blanc près d'Arwangen.
À une époque postérieure, l'écoulement des glaces se fit
peu à peu au sud-ouest par le bassin du lac de Genève,
et les mêmes phénomènes s’y répètent. Ici, comme dans
la partie orientale, les blocs du Mont-Blanc, descendus par
Salvan et Martigny, forment la moraine latérale gauche. En
Valais, dans le Chablais, les chlorites s’y mêlent, devien-
nent bientôt dominantes et forment la limite au pied des
Voirons au revers nord du Salève et jusqu’au Mont-de-Sion.
Les roches pennines forment une large moraine centrale,
— 0 —
abimée en partie dans les eaux du lac, et qui couvre la
plaine de Genève et du Pays-de-Gex jusqu’au Mont-de-
Sion et au Jura. La moraine du Mont-Rose, marquée par
une plus grande abondance d'euphotides , de serpentines
et de roches secondaires du même groupe, passe par les
environs de Nyon et de Coppet, se dirigeant vers l’ouest
jusqu’au pied même de la chaîne. La moraine du Haut-
Valais, déterminée par de nombreux et volumineux blocs
de granite blanc, commence la latérale droite, passant par
Morges, Bussy, Aubonne et Bière. Enfin les Valorsines,
nombreux surtout aux environs de Lausanne et de Cos-
sonay, forment, souvent avec des calcaires, l'extrême la-
térale droite. Les granites du Mont-Blanc qui se trouvent
dans ces dernières régions et jusques sur le Jura, appar-
tenaient sans doute à la moraine latérale gauche pendant
l'époque du premier déversement, et doivent avoir été en-
traînés vers l’ouest au moment où s’est opéré le change-
ment de direction dans l'écoulement du glaciers
Dans cette partie du glacier, on peut considérer comme
moraine frontale, les blocs accumulés à l'extrême limite
du bassin, sur le sommet du Mont-de-Sion depuis la route
de Frangy, le long des pentes du Vouache et du Jura,
jusque dans ke voisinage de la Faucille et de Divonne;
car dans tout cet espace, on ne rencontre guère que les
roches pennines et celles du Mont-Rose.
Ici encore, comme dans la partie orientale, la mbraine
latérale gauche est plus étendue qne la moraine latérale
droite ; mais la disproportion est loin d’être aussi forte,
circonstance dont le relief du bassin rend parfaitement
compte.
C'est ainsi que s PTE par cet écoulement succes-
2e
— 505 —
sif du glacier dans deux directions opposées , la réparti-
tion compliquée et cependant normale des espèces de
roches erratiques du bassin du Rhône. L'ordre de
succession me paraît fixé non-seulement par la nature
des reliefs, comme je l'ai exposé plus haut, mais encore
par celle des roches elles-mêmes. Quoique les roches ca-
ractéristiques soient les mêmes dans la partie orientale
que dans la partie occidentale du bassin, cependant on
ne trouve guère dans la première que les espèces qui pro-
viennent des plus hautes sommités des Alpes, tandis que
dans la seconde ces mêmes roches sont accompagnées
d’une bien plus grande variété de roches que j'appelle
secondaires et qui proviennent généralement de la partie
des montagnes inférieures aux plus hauts sommets. On
doit en conclure que les roches de la partie orientale se
sont détachées au moment où les plus hauts sommets
seuls surgissaient du sein des glaces, tandis que les roches
de la partie occidentale sont tombées sur le glacier au
moment où les rochers inférieurs étaient déjà découverts et
lui fournissaient un, contingent de roches très variées. Or
tout le mode de dépôt du terrain erratique, et des blocs
anguleux qu’il renferme, se présentant comme un phé-
nomène de retrait continu depuis l'époque de la plus
grande extension des glaces diluviennes, il s'ensuit que
les dépôts Ge la partie orientale du bassin représentent le
commencement, ceux de la partie occidentale la fin de
cette longue période erratique.
Conclusions. Les faits qui viennent d'être exposés nous
autorisent, je crois, à affirmer
1° Que la répartition des espèces de roches dans l'in-
térieur du bassin du Rhône est soumise à une loi.
— 506 —
29 Que cette loi est en tous points conforme à celle
qui préside à l’arrangement des moraines sur un glacier
actuel composé de plusieurs affluens.
3° Que le grand glacier que supposent l'extension et
l’arrangement des débris alpins qui constituent le bassin
erratique du Rhône, avait sa tête dans ce prodigieux
massif des Alpes pennines et du Mont-Rose, le plus élevé,
le plus large, le plus riche en cîmes neigées et en vallées
profondes, le plus colossal en un mot de tous ceux que
apportent leur tribut à la vallée du Rhône : vaste récep-
tacle de neiges et de glaces éternelles qui, aujourd'hui
encore, ne connaît pas de rival dans les Alpes ; de telle
sorte que le Haut-Valais tout entier, d’une part, et les
vallées qui descendent du Mont-Blanc d'autre part, se
comportent comme de simples affluens.
Ainsi s'expliquent le groupement des espèces de roches
en zônes parallèles et linéaires, leur répartition dans des
localités spéciales, leur situation respective toujours con-
forme à la position des vallées d’où elles sont sorties.
Ainsi au moyen de la loi des moraines centrales ou mé-
dianes, nous nous rendons compte de ce fait si remar-
quable que les blocs qui proviennent des vallées les plus
reculées, et des cimes les plus élevées, comme les roches
pennines, sont aussi ceux qui, malgré leur volume sou-
vent énorme , s’égarent le plus loin de leur gîte primitif.
Dans cette hypothèse la conservation des blocs , leurs
formes anguleuses , ou leurs surfaces striées , leur passage
au travers des lacs, leur position élevée sur les flancs des
montagnes dont aucune autre hypothèse ne rend compte
d’une manière quelque peu vraisemblable, les phénomènes
erratiques en un mot, ne sont plus pour nous un mystère
impénétrable.
Note
sur le Bassin erratique du Rhin.
Par A. Guyot.
M. Guyot donne le résultat de ses dernières explora-
tions sur le terrain erratique du bassin du Rhin, pen-
dant l'automne 184% et l'été 1845.
Ce bassin, dont jusqu'à présent on ne connaissait que
fort peu de chose, pour ne pas dire rien du tout, est ce-
pendant le plus considérable après celui du Rhône. Il
n'a point comme ce dernier, un double déversement dans
deux directions opposées. Au sortir de la vallée du Rhin,
à l’origine du lac de Constance, il s'étend sur une lar-
geur de 20 à 25 lieues, et une longueur, égale dans la
direction du nord-ouest et de l’ouest, qui est celle du
lac et va mourir sur les pentes du Jura Wurtembergeois,
ou Rauhalp, qu'il ne dépasse nulle part. On peut donc
affirmer aujourd'hui que la ligne du Jura a servi de bar-
rière sur toute sa longueur au terrain erratique alpin;
que ce terrrain ne l’a point franchie , pas même dans la
région du confluent de l’Aar et du Rhin, où cette chaîne
présente cependant un abaissement si considérable qu’on
pourrait presque l'appeler une lacune.
Limites. Les roches erratiques du bassin du Rhin pro-
viennent essentiellement des trois vallées du Rhin an-
— 508
térieur, du Rhin moyen et de l’Albula, dont les deux
dernières se réunissent dans le Domleschg pour se joindre,
au-dessus de Coire, à celle du Rhin antérieur. Plus bas
la vallée du Prættigau, et surtout la grande vallée de
Montafun , sur la rive droite, fournissent à ce bassin un
contingent de roches proportionnellement très-considé-
rable.
Le bassin du Rhin présente dès son origine une bi-
furcation três-remarquable; le terrain erratique se dé-
verse non-seulement par la vallée transversale que suit
le Rhin depuis Meyenfeld et le Luciensteig, mais aussi
par le lac de Wallenstadt et la vallée du Gaster où il
rencontre les blocs de la vallée de la Limmat dans le
voisinage de Wesen et Schænnis. Là, il est peu-à-peu
refoulé par l’erratique plus puissant de la Linth ; il l’ac-
compagne et se mêle avec lui, et ne paraît plus bientôt
qu'en blocs isolés le long de la lisière orientale du bas-
sin de la Linth. Aux environs du château de Kybourg et
- de Winterthour, les roches du Rhin retrouvent leurs con-
génères descendues par la vallée principale en tournant
le massif des monts d’Appenzell.
La branche principale suit la vallée du Rhin. Sur la
rive gauche la limite longe le massif du Sentis, contourne
les monts d'Appenzell, atteignant le sommet des pas-
sages sans laisser échapper à l'intérieur du pays d’autres
débris que quelques petits blocs ou quelques galets roulés,
passe sur les hauteurs qui dominent Rheinach et Ror-
chach, tourne au sud-ouest par les collines situées au sud
de St-Gall, atteint presque Hérisau, passe à Tegerschen,
traverse le plateau de Magdenau, coupe transversalement
la vallée de la Thour, près de Jonschwyl, puis reprenant
— 509 —
_ la direction normale vers le nord-ouest, elle se dirige par
Bichelsee, le Schauenberg sur Schlatt et Winterthour. Plus
loin, elle suit la vallée de Tæss, et passant le Rhin près
d'Eglisau, elle atteint les hauteurs voisines de Neuenkirch
et du Randen, à l’ouest de Schaffhouse.
La limite orientale, ou de la rive droite, effacée d’a-
bord par d'immenses éboulis calcaires dans le voisinage
du Luciensteig et de Balzers, s'élève bientôt à une hau-
teur considérable sur le Frastensersand au-dessus de
Feldlkireh. Sur le versant oriental de cette même chaîne,
on trouve, à plusieurs centaines de pieds plus haut en-
core, l'erratique de la longue vallée de Montafun. Au
nord de Feldkirch elle longe les hauteurs du Voralberg
au-dessus de Embs, de Dornbirn et du Sulzherg, passe
à Holzleuten dans le voisinage de Stauffen, puis par les
hauteurs de Ebrazthofen et Isny. Plus au nord les points
de Schellenberg et de Pfullendorf que je dois, le premier
à M. de Buch, le second au professeur Walchner, fixe-
ront à-peu-près les limites extrêmes du bassin. Les
roches des Alpes Rhétiennes, remontent, on le voit, jus-
qu'au sommet des plateaux de la Souabe et empiètent
même sur le domaine du Danube. Du côté de l’orient
et du nord la limite est difficile à tracer; les blocs sont
rares et petits, pour la plupart roulés, perdus sous terre
ou dans des accumulations de galets ou de fragments
émoussés , en très-grande majorité calcaires, fortement
striés et accompagnés , comme d'ordinaire, d’un limon
plus ou moins abondant.
Du reste le bassin du Rhin ne présente point comme
celui du Rhône ou du Gothard de ces blocs énormes qui
surprennent le géologue et reçoivent des habitants du
— 510 —
pays, des noms particuliers. Les blocs roulés très émous-
sés y sont très nombreux , surtout le long des rives
et aux limites extrêmes. Les blocs calcaires qui sont en
grande abondance, surtout le long de la rive gauche, sont
arrondis et striés. Les blocs anguleux et d’un certain vo-
lume se trouvent plutôt en longues traînées dans le centre
du bassin. Les bords mêmes du lac de Constance sont dé-
pourvus de gros blocs et de blocs anguleux jusqu'à plu-
sieurs centaines de pieds au-dessus de son niveau; mais
les accumulations des galets des mêmes espèces y sont nom-
breuses et puissantes.
L'espace compris entre les deux branches du bassin er-
ratique du Rhin , occupé par la masse centrale du Haut-
Sentis et limité au sud par la chaîne des Kurfürsten , est
dépourvu des fragments erratiques du Rhin, qui semblent
n'avoir pas même dépassé le col de Wildhaus, malgré sa
faible hauteur de 3,600 pieds. Les premiers fragments se
voient au-dessous de Wildhaus sur la route du Rhein-
thal à une hauteur d'environ 3,200 pieds. Mais les mo-
lasses et les nagelfluhe de toute cette région , et en parti-
culier de la vallée du Toggenbourg, sont couverts de blocs
calcaires nombreux, souvent très-anguleux, par fois rou-
lés , accompagnés de dépôts considérables de galets de
calcaire et de grès. Ces débris constituent un terrain er-
ratique très-caractérisé, descendu sans doute des hauts .
sommets et des vallées du Sentis et des Kurfürsten ; car on
remarque souvent dans les blocs, des fossiles qui caracté-
risentles couches coquillières des chaînes voisines. Le mou-
vement général du transport paraît avoir été dirigé au
nord. L’épanchement de ces masses a sans doute été arrêté
ou troublé par la rencontre des roches erratiques du
.
— à11 —
Rhin, mais l'influence de ce bassin du Sentis se fait sentir
encore bien au-delà de ses limites apparentes par l'extrême
abondance des blocs et des débris calcaires, dont le nombre
dépasse ici de beaucoup celui des roches cristallines de la
vallée du Rhin. Une remarque importante, c'est que du
moment où ces calcaires entrent en contact avec les roches
du Rhin, les blocs anguleux disparaissent mais les nom-
breux blocs roulés qui les remplacent sont presque tous
fortement sillonnés et striés. Cette circonstance semble
indiquer que les blocs calcaires avaient pris déjà posses-
sion de ces contrées quand les roches erratiques du Rhin
y parvinrent, et que c’est à l'agent qui les transporta
dans ces lieux qu'est dù ce changement dans leur manière
être.
L'existence de cette région erratique nouvelle prouve
que du haut de ces sommités calcaires aussi , est descendu
un terrain de transport dont les caractères sont absolu-
ment les mêmes que ceux des bassins erratiques à roches
primitives , et qui doit sans doute sa dispersion à des
causes tout-à-fait analogues. L’isolement de cette région
érratique au milieu du bassin du Rhin , son éloignement
des chaînes centrales des Alpes et la nature calcaire de ses
débris, sont une preuve que le phénomène erratique n’est
pas nécessairement lié à la présence des roches cristal-
lines, comme on l'a prétendu, non plus qu’à la plus ou
moins grande profondeur à laquelle les vallées d’où sont
descendus ces débris, pénètrent dans les chaînes centrales,
mais qu'il dépend plutôt de conditions de hauteur qui peu-
vent se rencontrer hors de la masse principale des Alpes,
aussi bien que sur leur faite. Tout massif orographique
suffisamment élevé pour devenir, st sa structure le per-
56
— 512 —
met, un centre de glaciers, peut devenir aussi le centre
et le point de départ d'un terrain erralique particulier. Il
semble que des faits de ce genre sont destinés à restreindre
beaucoup le champ des hypothèses au moyen desquelles
on peut rendre compte des phénomènes erratiques.
La distribution des espèces de roches dans le bassin er-
ratique du Rhin sans être aussi compliquée que celle des
espèces du bassin du Rhône , n’est pas moins intéressante
par sa régularité. Elle est soumise à une loi qui est la
même que celle que nous avons reconnue dans les autres
bassins.
Parmi les roches variées descendues du haut des Alpes
rhétiennes par la vallée du Khin , il en est trois que nous
pouvons nommer comme spécialement caractéristiques
pour ce bassin. Ce:sont les granites porphyroïdes de Pon-
telja, ou de Trons, les granites verts du Juliers et les
gneiss bruns de Montafun, trois espèces dont chacune
correspond à l’un des affluents principaux de la vallée
du Rhin que nous avons nommés plus haut.
Les granites porphyroïdes sont une espèce de protogine
qui se distingue au premier coup-d'œil par des cristaux
rectangulaires étroits et allongés de feldspath blanc, or-
dinairement mâclés, de la longueur de quelques lignes
jusqu’à un pouce et plus, et qui se dessinent nettement
dans la masse granitique. Le quartz est en grains assez
nombreux , mais de petit volume; le mica vert-foncé est
disséminé en paillettes ou en amas; une substance tal-
queuse, comme dans les protogines du Mont-Blanc, teint
en vert-tendre une partie de la masse, sans jamais altérer
cependant la blancheur des grands cristaux mâclés ; de
petits cristaux linéaires d'amphibole noire se montrent
— 513 —
-mombreux dans quelques échantillons, très-rares dans
d'autres ; enfin, dans presque tous on aperçoit çà et là
quelques très-petits cristaux de sphène jaune.
Ces granites porphyoïdes proviennent, d’après les ob-
servations de M. Arnold Escher , du ravin de Ponteljas,
creusé dans le massif sud du Dœdi, au-dessus de Trons,
dans la vallée du Rhin antérieur. Cette localité semble
être la seule qui les produise, et en effet je n'en ai trouvé
aucun fragment dans cette vallée en amont de Trons,
ni dans aucune autre des Grisons. ’
Les granites du Julier se distinguent des précédens par
l’absence des gros cristaux mâclés de feldspath, par l'a-
bondance et la grosseur des cristaux de quartz, mais sur-
tout par la prédominance et la vivacité de couleur de
la substance verte lalqueuse qui colore la masse presque
entière du feldspath et communique à la roche un aspect
vert que n'ont point les granites de Ponteljas. On les re-
connaît encore au premier coup de marteau à une té-
nacité très-grande que n’ont point les derniers. Ces gra-
nites appartiennent non-seulement au Julier, mais à une
bonne partie de la chaîne septentrionale de l'Engadine.
Les gneiss de Montafun ont leur origine dans les masses
de roches cristallines dans lesquelles s'étend le fond de cette
grande vallée. Cette roche, d'une structure grossière, est
remarquable par une grande abondance de mica d'un
brun sale, qui donne à la masse sa couleur générale,
distribué en larges paillettes brillantes, et en amas plus
obscurs, ou en lits assez étendus; elle est moins riche
en feldspath qu'en quartz , qui y forme souvent de gros
cristaux irréguliers, dont la masse trouble la régularité
des feuillets de la roche.
— 514 —
On peut ajouter aux trois espèces précédentes, comme
une roche qui accompagne d'ordinaire les deux premières,
des talcschistes et des conglomérats rosés et verdâtres qui
sont détachés des hauteurs qui bordent la rive gauche
de la vallée du Rhin antérieur, et qui semblent appar-
tenir à la formation qui domine dans le massif du Sernf-
thal. La marche de ces diverses espèces est la suivante.
Les granites de Ponteljas descendent de la vallée du
Rhin antérieur qu'ils représentent dans la plaine, occu-
pant toujours la rive gauche conjointement avec les talc-
schistes roses et verts. Ils passent le col de Tamins et la
vallée de la Tamina, quoique en petit nombre. La masse
principale suit les flancs du Galanda, entre dans la val-
lée du lac de Wallenstadt dont elle couvre les pentes au-
dessus de Flams, sur la rive gauche, comme au-dessus
de Wallenstadt et de Ammon sur la rive droite. Près de
Wesen , ils sont repoussés par les conglomérats rouges
du Sernfthal qui sortent de la vallée de la Linth, suivent,
toujours moins nombreux, toujours plus isolés, la limite
du bassin du Rhin, le long des hauteurs que nous avons
indiquées plus haut. J'en ai rencontré quelques blocs
encore jusque sur les hauteurs du château de Kybourg
et dans les environs de Winterthour. Mais ils ne remplis-
sent pas cette branche du bassin du Rhin seulement, on
les rencontre encore, quoique beaucoup plus rares et mé-
lés aux granites de Julier, sur la rive droite du Rhein-
thal le long des flancs du Sentis au-dessous de Wild-
haus et sur les hauteurs du Stüss. Ils sont encore fré-
quents sur les hauteurs qui entourent St.-Gall et le long
de la rive gauche du bassin jusque dans les environs de
Winterthour et des environs de la colline de l’Irchel, où
— 915 —
ils viennent rencontrer ceux qui ont suivi la première
route par la vallée de Wallenstadt et le Gaster.
Les granites du Julier descendent dans la large vallée
d'Oberhalbstein, n’entrent point dans le Churwalden,
qui serait cependant la ligne directe, et qui semble ou-
vert à leur épanchement, mais suivent le cours de l’Al-
bula pour entrer dans le Domleschg, sans qu'un seul
fragment passe sur le flanc gauche de cette derniére val-
lée. On les retrouve, mêlés déjà aux granites porphy-
roïdes, au pied du Galanda , et comme nous l'avons dit,
le long des bords du Rheinthal. Arrivés au lac de Cons-
tance, ils deviennent la roche caractéristique dans tout
l'espace situé entre la rive méridionale du lac de Cons-
tance et la limite méridionale du bassin en St-Gall et en
Thurgovie, ils passent même sur la rive opposée où j'en
ai rencontré dans le voisinage de Mersbourg et jusqu'au
delà de Ittendorf, sur la route de Ravensbourg. Plus
loin encore, du côté du nord et de l’est, on les trouve
fréquemment, non pas à l’état de blocs , mais de galets.
Les gneiss de Montafun descendent de la vallée de ce
nom, où des blocs nombreux et de très-gros volume
couvrent les flancs des montagnes jusqu'à une bauteur
considérable. Ils occupent tout le reste du bassin, où ils
deviennent dominants, se dirigent au nord en fléchis-
sant légèrement à l’est, comme les roches précédentes.
C'est dans la direction de Lindau et de Ravensbourg ;
mais surtout dans le voisinage du château de la Wald-
bourg qu’on les rencontre nombreux et sous leur forme
anguleuse. Plus à l’est les blocs sont plutôt roulés et d’es-
_ pèces plus variées. Je n’ai point trouvé de blocs de gneiss
de Montafun sur la rive gauche du lac de Constance.
— 516 —
Ainsi done, on le voit, la loi de distribution est ici la
même que dans les bassins du Rhône et de la Reuss.
Les granites de Ponteljas, qui proviennent de la vallée
du Rhin antérieur, gardent partout la rive gauche, les
gneiss de Montafun, la rive droite ; les granites du Julier,
le centre. Une coupe transversale à travers la partie
principale du bassin, de Jonschwyl sur la Thour au chä-
teau de Waldbourg, nous montre successivement les
granites porphyroïdes sur les bords, les granites du Ju-
lier jusqu’au lac ; au-delà du lac, les gneiss de Montafun.
La situation respective de ces espèces est la même que
celle des vallées où elles ont pris leur origine.
Toutes les conclusions que nous avons tirées de cette
loi de distribution des espèces et des autres circonstances
qui accompagnent, ici comme ailleurs, le phénomène er-
ratique, en parlant du bassin du Rhône, sont applicables
au bassin du Rhin. L'identité des phénomènes généraux
est complète. Ici encore, c’est la loi des moraines qui peut
nous rendre compte de cette distribution qui se montre
régulière malgré le mélange absolu des espèces que l’on
aurait dû attendre dans une vallée aussi compliquée et
aussi accidentée que celle du Rhin.
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RAS
Fa Fe 7; Æ:
a FES OL
TABLE
DES MATIÈRES
PHYSIQUE.
Objection à la théorie de M. Saigey, sur les condi-
tions d'équilibre de l'atmosphère , par M. Ladame.
Description de la machine D de M. Bonijol,
par M. Ladame.
Mémoire sur se Fe métaux à Plate du
galvanisme , par M. Aug.-OI. Matthey.
Machine électrogalvanique, par M. Aug.-Ol. Mat.
ReY-Momioriont + rl
Note sur le peu de solidité du duiaoe airnique
par M. Gerbel: j5 ,.
Note sur:un mouyement de nr eat sans, mer-
cure, par M. Depierre.
Nouvel hygromètre, par M. Dollfus. Mise.
Exposition des expériences de MM. Faraday et Bec-
vquerel sur la quantité d'électricité qui tient les parti:
cules.des corps en: équilibre, et qui se manifeste dans
les actions chimiques , par M. Ladame.
Mémoire, sur un moyen de découvrir à Ja Chaux. se
Fonds où sont les incendies nocturnes, par M. Léon
RODrB Le once
27
62
186
248
252
252
349
, 444
444.
Rapport sur le rent mémoire pe M. Fue 105 et 449
La
TABLE DES MATIÈRES.
Note sur quelques points de la théorie des vapeurs,
applicable à la constitution de us à par M. La-
CS ARE . SL a: 7, A AE L TIR
__ Observation sur re même sujet, . M. Coulon ,.
père.
MÉCANIQUE.
Rapport sur le nouveau compas de proportion de
M. Piaget-Guinand, par M. d'Ostervald.
Description du compas de proportion de M. Piaget-
Guinand, par M. Favre.
TECHNOLOGIE.
Statistique des doreurs au feu de la juridiction de
Ja Chaux-de-Fonds, par M. de Pury.
GÉOLGGIE ET GÉOGRAPHIE.
Mouvement du glacier de l’Aar, par M. Agassiz.
Influence de l'inclinaison du sol sur le mouvement
de la glace, par M. Agassiz.
Observation sur le même de par M. | Gufté
Note sur les changements qu’a subis la surface de
la terre pendant la période actuelle, par M. de À Los
mont. 5
Note sur les ui Mate mé subit la fete sg
dant l'hiver, par M. C. Nicolet. : :
Note sur le relief du fond du lac de Neuchâtel, dr
M. Guyot. : Éql re Hr.
Structure géologique ie AU supérieures du gla-
cier de Rosenlaui, par M. Desor. ;
Note sur la dispersion du terrain ne api
entre les Alpes et te Jura, par M. Guyot.
A5
426
TABLE DES MATIÈRES.
Analyse de l'ouvrage de M. d'Orbigny sur la géo-
logie de l'Amérique du sud, par M. Desor. . . Page 30
Note sur l'accumulation des blocs au sommet des
montagnes, par M. Desor. ;
Observations sur le même sujet, par M. TRES
Note sur les bonds de Bierre, par M. Desor.
Observations sur le même sujet, par M. Louis Cou-
Note sur un éboulement de terrain prés du village
de Gorgier, par M. G. de Pury.
Observations sur le même sujet, par MM. du Row:
gemont, Desor et Guyot.
Examen du mémoire de M. Héphiser sur r état de la
matière à l'intérieur du globe, par M. Guyot.
Observations sur le même sujet, par M. Ladame.
Ascension du Wetterhorn, par M. Desor.
Hauteur des principaux points du pays, par M. d° Os-
tervald.
Quantité d'eau qui s pes ile di scies tnférièur de
l’Aar, par M. Desor. ! ACT TQTE
Rapports existants entre la répartiidi ai glaciers
et le relief général des Alpes, par M. Desor.
Observations sur le même sujet, par M. Agassiz.
Note sur les crevasses des glaciers , par M. Guyot.
Constitution gone. de RE , par M.
Gressly. 29,9
Distribution des anciennes moraines de l Allée blan-
che, et du val Ferret, par M. Apassiz. AN
Formation des cirques dans les Alpes, par M. Desor.
Discussion relative à ce sujet entre MM. Desor et
Guyot.
Rapport d'un fait da dapér dati Ace 200h6E que
M. Robertson a observé en Ecosse, par M. Agassiz.
TABLE DES MATIÈRES,
Note sur les onu de l'étude du terrain erratique,
par M. Guyot. +. : Dh snnioeai fé 4184
Note sur un filon croiseur d spa par M. G. de
Pury. 3 .
Observation sur Ko même AL par M. pre, À
Rapport sur les observations faites par. M. Hom-
maire de Hell sur la salure des lacs qui entourent la
mer Caspienne, par M. Desor.
Observations sur le même sujet, par MM. FR
et Guyot. aus
Deux coupes géologique présentées ? 2e M. Ni
+ SRE sE) "ho de
Mémoire sur leu terrain er par M. mp
({ Voy. l’Appendice).
Mémoire sur la transformation de la neige en glace,
et application à la théorie des vies par M. La-
dame. i
Note sur la ré des Hair 4 dre dans
l’intérieur du bassin erratique du Rhône, par M. Guyot.
Envahissement des glaciers dans ces dernières an-
nées, par M. Desor.
Raiboens sur la découverte gs M. FR + Belle-
fonds sur l'emplacement du lac Mæris, par M. Guyot.
Notesur la glace des sommités élevées des Alpes,
par M. Desor.
Rapport sur une zône ete de Ë Nouvelle Zé-
lande, par M. Guyot. SG
Mémoire sur le Jura salinois, par M. Mu
Observations sur le PS mémoire, par M. La-
dame,
Obéerfations ta en Her sur le Abuer de L'Aar,
par MM. Desor et Dollfuss-Ausset.
Rapport sur les glaces flottantes de l’ og 2
M. Guyot.
190
490
194
194
247
267
350
352
365
369
372
377
377
379
. 384
TABLE DES MATIÈRES.
Carte du-pays où se trouvent les sources du Nil,
dressée par Zimmermann, et présentée par M. Guyot.
Atlas de la Grèce ancienne , par M. abs pré-
senté par M. Guyot. £
Analyse du mémoire de M. Mablmaun, sur le climar
et la végétation du Khanat de Bokhara, par M. Guyot.
Note sur la découverte de es dans le Caucase,
pan M. Guyot. _. . *
Mémoire sur la constitution sien ile te RG
par M. de Sismonda, et carte du fond des lacs de Neu-
châtel et Morat, dessinée par M. H. de Pourtalès, pré-
sentés par M. Guyot. . .
Rapport sur une nouvelle Aer ve les. me. de
Panama et de Darien, par M. Guyot.
Découverte des houilles de l’isthme de Past, Ex
M. Favarger, antérieure à celle de M. Hellert.
Lettre de M. Desor à M. Nicolet sur sa course hiber-
nale au glacier.
Diamants dans leur DenEn oi srérentés ne M. The.
remin.
Note sur le RL et sur ses eue : pr
M. Sacc. :
Oxfordien de Neuchâtel FE et Lonties comme
marbre.
MÉTÉOROLOGIE.
Note sur une chute de grêle au bord du Doubs, par
M. de Pury. .
Résultats d’une série d iobétirvations Bétoméirues
faites dans la Suisse orientale, par M. d'Ostervald.
Note sur une chute de gréle, par M. de Pury. .
Note sur une espèce de halo, par M. de Pury. .
Page
390
399
399
AAA
413
416
416
442
401
401
416
34
52
230
231
TABLE DES MATIÈRES.
Note sur différentes chutes de grésil à gros grains,
par MM. Nicolet et de Pury. : . :. . . Page26
Observations barométriques faites sur le Mont-Blanc
par MM. Martins et Bravais, et Eros par
M. d'Ostervald. !
Note sur quelques points de la dis db vapeurs
applicables à la constitution de |” ND par M.La-
dame. s
Obsanation sur le même détfes) par M. Coulon Brel
* Rapport sur une pluie de manne observée en Armé-
nie, par M. Theremin.
Arc-en-ciel lunaire observé, De M. 3. Billon.
Observations sur le même sujet, par MM. Ducom-
mun et Huguenin.
Chaleur de l’ ui déphË ré de la Gus: dons ob:
servée-en janvier 4846, par M. Nicolet.
Nouvel hygromètre, par M. Dollfuss-Ausset.
Moyens de déterminer les régions de l'atmosphère
où agissent les causes du mouvement du baromètre,
par M. Ladame.
PALÉONTOLOGIE.
Note sur une dent fossile de Lophiodon, par M. C.
Nicolet. RE T .
Note sur les ossements M F marnes nym-
phéennes de la Chaux-de-Fonds, par M. C. Nicolet. .
Rapport sur les fossiles que M. Tschudi à trouvés
au Pérou, par M. Agassiz. ‘
Note sur la prétendue identité que Von aéhiet géné-
ralement entre les espèces vivantes et les fossiles de
certains terrains, par M. Agassiz. ;
Note sur des dents de Paléothérium, par M, era)
406
&14
415
416
426
427
442
349
3541
34
124
29
107
184.
nl ris Le |
=
TABLE DES MATIÈRES.
Note sur l'importance de l'étude des animaux fossi-
les, par M. Agassiz. . . Hnoslonsidens #80ge 189
Note sur les Crinoïdes bsiles de la Suisse, par
M. Desor. 211
Mémoire sur des ossements ati trouvés Être les
cavernes de Mancenens et de V'aueluse, par M. Nicolet. 435
Observation sur le même sujet, par M. Guyot. . 389
BOTANIQUE ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE.
Note sur le nombre de folioles du Dentaria EL
phylos, par M. de Pury. ? 36
Rapport sur les mousses du canton db Neuchâtel ,
par M. Godet. 71
Note sur la linaire des AE. par M. “Nicolet 230
Note sur deux plantes rares du Jura, par M. De-
pierre. à Dot: 248
Note sur la Hendbas il l'é écorce dei rs coupés,
par M. L. Coulon. ÿ . 466
Mémoire sur les tourbières du Nobd à par M. Fr de
quereux. .… . dote sob nil RES
Observations sur le même bib , par MM. Coulon,
père et fils. A3
Note sur un hybride dé cereus sfépdllitonis et He
ciosissimus , par M. Sacc. 5 424
Note sur l’agaricus deliciosus, par M. Nicolet. 462
ZOGLOGIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALE.
Note sur les oiseaux européens de Macao, par M. C.
Nicolet. 4%
Note sur les AE del kde de 1 Lars #e
M. Agassiz. MT
TABLE DES MATIÈRES.
Note sur l'importance au point de vue biologique
des divers embranchements du se animal, par M.
Agassiil : °eei! JO, 281 11 Mage 50
L’Isard des Preuess COMRALE au Ce des CE
par M. Agassiz. l
Distribution écographique des Quadrumants; a
M. Agassiz.
Distribution nntite de s Cheroptères , par
M. Agassiz. . HU TGS
Note sur les on Lt se oiseaux MAUR par
M. Coùlon. »
Rapport sur la collection ARE NNEE dé la Cha: dé:
Fonds, par M. Desor.
Note sur le genre Pyrula de Ce, de M. Agas
SE 1 0.
Rapport sur es Het que M. Tschudi a doutes
au Pérou, par M. L. Coulon.
Note sur la prétendue identité Senereene ads
entre les espèces vivantes et fossiles de certains ter-
rains, par M. Agassiz. é
Enumération des oiseaux déndires: et des oiseaux
de passage qui restent pendant l'hiver à la Chaux-de-
Fonds, par M. C. Nicolet.
Rapirl sur la collection dé chduittés dé M. A. de
Pourtalès, par M. Agassiz.
Note sur les vers intestinaux, par M. dé Gastella.
Observations sur le même sujet, par M. Agassiz.
Note sur les métamorphoses des animaux des classes
inférieures, par M. Agassiz.
Note sur la distribution géogr. MAN FE animaux
et de l’homme, par M. Agassiz. :
Note sur les Diptères , par M. Coulon ere
Note sur les araignées, par M. Guillebert.
57
59
63
65
66
69
80
107
117
qal
142
142
156
4162
182
201
TABLE DES .MATIÈRES.
Note sur les Becs fins et les nn par M.
BA Vougano" :1": MN 1 PNY FORCNEROS
Jeune loup offert à tré société. . . 239
Note sur trois nouvelles espèces de Phduréltes! fa
BRUIT: Nicolet. :: . : . :. 244
Exposé des nouvelles réchétenès de M. Milne Ed-
wards sur la circulation du sang chez les Mollusques
Gastéropodes, par M. Agassiz. . . . DEN, HE, HEBE
Distribution “tte des êtres ARTE , par
M. Agassiz. ., . . 367
Rapports existants entre té faits fab à à bo
tion successive des êtres organisés à la surface du globe,
_et la distribution géographique des divers types ac-
tuels d'animaux, par M. Agassiz. . . . . . 366
Ouvrage de M. Debret sur la race humaine du Bré-
sil, présenté par M. Alfred Berthoud. . . . . 384
Planches peintes de M. Des Murs, relatives à fée
. mithologie et présentées par M. Agassiz. . . 389
Muscicapa parva vu à Cortaillod par M. due
Mouga. .. . 418
Note sur un ue tombé du 1 cavité ab omiptie
d'une poule, par M. Hollard. . . . . . 419 et 424
Observation sur le même sujet, par M. Sacc. . . 419
Note sur un plongeon lumme adulte tué à Neuchä-
tel, par M. L. Coulon. . . . EL vi |
Planches du mémoire de M. Nat. Guillot sur Fibs or-
. ganesrespiratoires des oiseaux, présentées par M, Sacc. 423
ANATOMIE HUMAINE, ANATOMIE COMPARÉE
S ET TERATOLOGIE.
Note sur l'organe électrique des Raïes non électri-
CPE CORRE ONE SE
#
TABLE DES MATIÈRES.
Note sur les corps de Pacini, par M. Vost.
Du sens de l'ouie chez les insectes, par M. Vost.
Note sur un monstre humain bi-femelle, par M. Irlet.
Description d'un fœtus humain du genre Iniops, par
M. DuBois.
Note sur le cerveau “Er A se M. Lai
Exposé des travaux de M. de Quatrefages sur la
forme du canal alimentaire chez un certain nombre
d’Articulés et de Mollusques, par M. Agassiz.
Exposé des travaux de M. J. Müller sur les poissons,
par M. Agassiz. ;
Etudes sur la structure ne FINE par M. AIR Le
Rapport fait sur un mémoire de M. Muller relatif au
larynx inférieur des oiseaux, par M. Agassiz.
Observation sur le même sujet, par M. Hollard.
CHIRURGIE ET MÉDECINE.
Note sur un trismus suivi de nue gangre-
neuse, par M. DuBois.
Traitement des fractures de la Doro à. M. :
Pury.
Note sur les ruminants et par M. de Du
Observations sur le même sujet, par MM. Duboiset
Droz. à à
Note sur aseluts ité des eaux de la Clans de- Fondé
par M. Droz.
Observations sur le même ee D M. Dion.
Note sur une amputation guérie naturellement chez
un chevreuil, par M. de Pury. .
Mémoire sur la police médicale du canton de NaË
châtel, par M. de Pury. à 10 NE
Ronbote sur le-mémoire D den par M. Bovet.
62
63
33
449
4147
181
189
253
388
389
- 43
TABLE DES MATIÈRES.
Périodicité des apr: à Neuchâtel, par M. de
_ Castella, $ * FE M0 67
Effets du traitement par 1eb grandes ventouses , par
M. Junod. ; 68
Observation sur le même sis, par M. Wops: 69
Mouvement de l'hôpital Pourtalès ee l'année
1843, par M. de Castella. 81
Note sur un cancer de l'æsophage, par M. DuBois. 119
Danger des saignées répétées dans les fièvres ty-
phoïdes, par M. de Pury. . 426
Influence facheuse de la dérares au fou sur Mars
| nisme, parM."Borel .00 pt et oiaigo Kb. 43 6réb443
Note sur les doreurs affectés de salivation et de trem-
blements mercuriels, par M. de Castella. . . 150
‘Observations sur le même Fa @ , par MM. Droz et
Dubois. 238
Observation sur ue communication es M. RATE au
sujet des métamorphoses des animaux des classes infé-
rieures , par M. de Castella, 152489
Note: sur le séjour prolongé d'un os dans l° usaphage
par M. de Castella. 174
Hernie étranglée opérée avec succès, sé M. de
Castella. . 174
Note sur un cas de spisioe iquésd par M. bd Gas:
_ tella. 185
Observation sur es méme sujéti sis M. pot. 135
Mémoire sur l'huile de foie de morue, par M. de
d Pur 223
- Note sur un état sasnodique dus doigts nai M. Du:
Bois. : 226
_ Observation sur ei même suites phé M. Drô: 228
Observation sur le même sujet, par M. Dubois. 229
” Observation sur le même sujet, par M. de Castella. 155
TABLE DES MATIÈRES.
Note sur les empoisonnements occasionnés par la Bel-
ladone, par M. Dubois. . . . LA RE
Note sur un accouchement de He jumeaux, par
M Dubois. es. . boon3t
Extrait d'un mémoire sur Le spasme des écrivains ,
par Mode Püryebane. 26 115232
Observation sur le même ses par M. Lib. . 233
Note sur deux calculs rénaux, par M. Nicolet. . . 233
Observation sur le même sujet, par M. de Pury. . 234
Extrait d’un mémoire sur le trismus, par M. de Pury. 234
Observation sur le même sujet, par M. Droz. . . 235
Réfutation de l'opinion de M. de Castella sur la
cause du tremblement mercuriel , par MM. de Rien el
Ducommun. . . salé «+ … 236
Note sur l’ LMD mes par M. Ducommun. . 237
Observation sur un cas d’empoisonnement mercu-
riel, par M. DuBois. . . 237
Extrait d’une note de M. Gonalu sur fes Ne dd
s'assurer de la pureté de l’air dans les ateliers de do-
rure, par M. de Pury. . . . 239
Note sur les fièvres Are _ M. dé Rp . 243
Observations sur le même sujet, par MM. Droz et
MEMErLE.. =. 21. 246
Opération de bob exécutée par r M. ue
RL. | ë . . . 250
Note sur le dise d bios 7: maisons récemment
bâties, par M. Jeanneret. . . 247 4
Considérations hygiéniques sur la PT au . due ï
le canton de Neuchâtel, par M. Borel. . . .-. . 287
Note sur la coloration noire des dents, lors de l'in- ;
toxication mercurielle, par M. de Gastella. . . . 378
Autopsie d’un homme mort à la suite d’une chute,
par M'de.Gastella.i! sr. alien +1 1.7 roc MRat8 es
Lo ann dec UPPER
TABLE DES MATIÈRES.
Dangers que présente l'usage du calomel et de quel-
ques autres remèdes minéraux à la mode, par M. Sacc. 384
Observations sur le même ne par MM. de Cas-
tella et Borel. Hate : es 0188
Un cas de rage observé par M. Borel. aus norte
Danger que présente l'usage des eaux corrompues,
par M. Sacc. . . . de:
Observation sur le même ae 4e M. Borel. ruée. 008
Rapport sur les observations faites par MM. DuBois
et de Pury, sur l'asthme thymique et Fe de poi-
trine, par M. de Castella. . . . . 394
Note sur l’angine de poitrine et sur une déni
croupale, par M. de Castella. . . . . 395
Note sur l’oxide magnésique FAP comme anti-
dote du sublimé corrosif, par M. de Castella. . . . 423
Note sur la maladie de Bright, par MM. de Castella
et Hold. cote go à ce 101423
Un cas de diabétès ra se M. Hi ets 1420428
Machine électro-médicale de MM. Breton, présentée
par M. Basswitz. . . . 106 , 426
Note sur l’angine de part à M. DuBois. . 427
Mémoire sur les scrophules et l’aménorrhée mercu-
rielle, par M. de Pury. . . . . 430
Ohcnidte sur le même sujet, . “MM. Nicolet,
Depierre et Droz. . . . 432
Note sur la fréquence des POTTER ES ché
nos montagnes, par M. Droz. . . .. . 4354
Mouvement de l'hôpital de la hu de onde] . 438
Mémoire sur le crétinisme, par M. de Pury 444,
AS, 453 et 458
Observations sur le précédent mémoire , par MM.
Droz et Schafter. . . . éobreoqrta7
Note sur un lombric ride #2 r urètre, par M.
D OMS... Li. re
TABLE DES MATIÈRES.
Autopsie d'une malade morte de la fièvre typhoïde,
par M. de Pury.
Voiture pour transporter les crbldes : Fat M. Des
pierre. RO
Discussion sur LES seb cest extra-utérines, entre
MM. Hollard, de Castella et Borel.
ÉCONOMIE RURALE ET DOMESTIQUE.
Note sur Ja culture du blé multicaule, par M. Ni-
(13) Le APE CE LUS DEL OEIL ST
Conan sur r épuisement des sols par la cul-
ture, par M. Ladame. ;
Note sur le guano, par MM. kéxesis et Hesär:
Considérations sur les moyens de procurer de l'eau
à la Chaux-de-Fonds, par M. Nicolet. :
Note sur l'introduction des Alpacas en Suisse, par
M. Sacc. } 40189
Ün numéro de la Pin) Zita héaimis à la so-
ciété, par M. de Gélieu. ,
»
Note sur le $2 ymphytum arabe et sur le bré- |
mus qrossus envisagés comme plantes eq
par M. Sacc.
Noterelative à l’ dÉnsement du se a sa en F rance,
par M. Theremin. :
L'arbre à thé, sa culture, et ses dés pr M. Sacc:
Observation sur la nrécédenns communication, par
M. Hollard.
CHIMIE ET PHARMACIE.
Exposé des expériences de MM. Villefranche et Bar-
reswil, sur l'acidité du suc gastrique, par M. Ladame.
- 461
462
42?
33
196
455
240
364
393
412
417
419
420
195
TABLE DES MATIÈRES.
Exposé des expériences de MM. Bouchardat et San.
dras sur la digestion des aliments féculents et sucrés,
par M. Ladame. . . . . 495
Séparation de l'acide bsoiqe a: avec el PR cinna-
mique , par M. Sacc. . . 364
Note sur l’acide succinique, par M. Sace. 6 362 et 383
Note sur l'acide valérianique, par M. Sacc. . . 375
Mémoires imprimés donnés à la Société, par M. Sacc. 383
Considérations sur les dangers qu'offre l'usage du
chlorure mercureux et de quelques autres remèdes mi-
néraux à la mode, par M. Sacc. . . . 354
Observations sur le même sujet, par M. de Castella
PuBorek:s. … . 387
Note sur le tata etses Re Re M. Le 401
Note sur l’Allotropie, par M. Ladame. . . . 405
: Mémoire de M. Will, sur l’essence de moutarde,
présenté par M. Sace. . . . 405
Critique du mémoire de M. Gobley sur "l'a
du jaune d'œuf, par M. Sacc. . . . 06
Note sur l’oxide magnésique PARU comme anti-
dote du chlorure mercurique , par M. de Castella. . 423
MISCELLANÉES, CORRESPONDANCE ET DONS
OFFERTS A LA SOCIÉTÉ.
Notices offertes par M. Sacc. . . . 383.
Circulaire de la Société Helvétique des Seiëncés Na-
_ tnrelles, relative à l'observation des Mn mi natu-
rels périodiques. . . AS TES DRE
Observation sur cette Enbhte , par MM. Coulon
Dide Castel." "77". 1. HAT
Envoi du bulletin de la Société dés SL Ni:
0e RL ne TR R . à NE CAR
TABLE DES MATIÈRES.
Invitation pour le congrès scientifique de Gênes. . 420
Envoi des mémoires de l’Académie royale de Liège,
et des procès-verbaux de la Société des Sciences Natu-
relles de Lausanne. . . . 420
Envoi des procès-verbaux de la section Per la (Che.
de-Fonds. CIRE AUIME DIE 1380 ét 67h
Envoi à la dite section de, girèse mémoires et d'un
timbre. LR SE 9425
Demande de ère instruments °nétéorelénéé
adressée au bureau de contrôle par le comité de la lu-
nette méridienne. . . . 434
Lettre du bureau de cube tal la récente
dénande, ss. 2, chien. be. et ES ÉCRRRS
Traduction du mémoire S'ub M. Heer, sur l'observa-
tion des phénomènes ets de la nature, par M.
de PV tre Luette, Je ONE
Monnaies étrangères er . M. Baie 11 5100
Mémoire sur l'essence de dt PEN offert par M. le
professeur Will. . :. . . $ 405
Lettre de M. Heer adressée sur le NT set
CA EN Le EE dteq titent # Dec MN ind en à: :
Anis
[. Utilité des produits de la distillation sèche pour
la classification des substances organiques, par M. Sace 465
IT. Nouvelle classification des substances organiques
Par M ace in Le 469
IL. Sur un voyage ds le Nord . l étude te
dépôts tourbeux, par M. Léo Lesquereux . . . 471
IV. Sur la dr des espèces de roches Re
le bassin erratique du Rhône, par M. Guyot . . . 477
Note sur le bassin erratique du Rhin, par M. Guyot 507
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BULLETIN
DE LA
SOCIÉTÉ DES SCIENCES NATURELLES
1
DS NSUDGHAMBELS
187 à 1852.
Yome deuxième.
NEUCHATEL.
IMPRIMERTE DE HENRI WOLFRATH.
S, /24/.A
BULLETIN
DE LA
SOCIÉTÉ DES SCIENCES NATURELLES
DE NAUCHATBL.
NEUCHATEL.,
IMPRIMERIE DE HENRI WOLFRATH.
1846-1817.
Sec k-422 nr Date. 4 L0 pre
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NURE - 134 ANUS
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BULLETIN
DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES NATURELLES
DS MEVTEAEEM
Séance du 12 novembre 1846.
Présidence de M. Coulon.
M. le président annonce que la Société Senkenber-
gienne de Francfort, a envoyé la continuation de ses
Mémoires, ainsi que la Société d'agriculture d'Autriche.
M. Sacc offre à la Société sa traduction du Traité de
chimie quantitative de Frésénius ; ainsi que son Mémoire
sur la Théorie de la fabrication des toiles peintes garan-
cées.
M. le président dépose sur le bureau le troisième vo-
lume de Mémoires de la Société Neuchâteloise, qui a
paru, et annonce qu'il en a été fait l'envoi aux diverses
Académies et aux Sociétés savantes qui nous communi-
quent leurs publications.
L'ordre du jour est la nomination du bureau pour l'an-
née qui s'ouvre.
En conséquence on procède à l'élection du bureau qui
donne le résultat suivant :
Président : M. Louis Coulon.
Vice-président : M. le comte Louis-A. de Pourtalés.
Secrétaire de la section de physique et chimie: M. Ar-
* nold Guyot.
PEER AL À
Secrétaire de la section d'histoire naturelle: M. F. Sace.
Trésorier : M. Coulon père.
M. Ladame, après avoir rappelé la découverte des deux
planètes, Astrée et Océanus ou LeVerrier, aperçues pour
la première fois cette année, fait part à la Société de quel-
ques remarques que lui suggèrent ces faits nouveaux.
Parmi les quatre Astéroïdes, découverts depuis la fin
du siècle dernier , ces deux derniers l'ont été en vertu
de l'hypothèse qui considère les petites planètes comme
les fragmens d’une seule planète plus grande qui se se-
rait brisée. Si l'hypothèse est fondée , les lois de l’attrac-
tion solaire exigent que les orbites de ces diverses petites
planètes se coupent en un point, qui serait le lieu même
de l'explosion. A
Or les quatre Astéroïdes connus précédemment remplis-
sent à peu prés cette condition, et Astrée elle-mêmerentrant
également dans cette loi, vient donner une nouvelle force à
cette supposition. On peut done, avec Olfers et Lagrange,
regarder comme très-probable en effet que le brisement,
par une cause inconnue, d’une grande planète située entre
Mars et Jupiter, a donné naissance à ces cinq petites pla-
nètes restées si longtemps inaperçues. Quant à Océanus,
M. Ladame fait remarquer que cette planète, située à
l'extrême limite connue du système solaire , est soumise
comme toutes les autres à la loi de Bode, ou des distances’
proportionnelles des planètes entre elles. IL pense que
cette loi, qui recoit par là une nouvelle confirmation,
est réelle, et qu’on pourrait peut-être en chercher la cause
jusqu'ici ignorée, dans la concentration de l'atmosphère
solaire par zônes successives et selon une loi régulière,
A. GuvorT, secrétaire.
FR ce dr meme,
—. {0 -—
M. Sacc présente à la Société un lubercule de Lathyrus
tuberosus qu'il voudrait voir employé comme suecédané
de la pomme de terre, attendu que cette plante possède
tous les caractères du précieux tubercule qui est devenu
si rare. La réussite de cette plante, dans nos climats.
n'est plus un problème; il y a bien des années déjà qu'on
la cultive dans les jardins de Nancy , et elle se vend sur
les marchés de cette ville et ailleurs comme légume de
luxe.
Le même donne communication de la note suivante
contenant quelques considérations sur les moyens de re-
médier à la disette résultant de la maladie des pommes de
terre.
La cherté toujours croissante des vivres, dit M. Sacc ;
doit nous engager à chercher tous les moyens possibles
de venir au secours de l'humanité souffrante, et quoique
la famine ne soit pas à craindre, la disette est grande et
le pauvre que nous devons soulager est dans la misère.
La récolte des grains a été peu abondante ; celle des
pommes de terre a presque entièrement manqué; les foins
en échange ont donné beaucoup; de là, la cherté de la
viande, en sorte que les ressources du pauvre sont aussi
limitées de ce côté-ci que de l’autre. Considérée au point
de vue chimique, l'alimentation de l’homme exige des
substances très-carbonées et hydrogénées qui servent à
entretenir par leur combustion la chaleur du corps; puis,
avec elles des matières azotées qui servent à remplacer
toutes les parties de l'organisme, qui, obéissant à la loi
de destruction qui accompagne partout la vie, ne cessent
de disparaître et de se reformer aussitôt aux dépens de
ces alimens azotés qui sont la base de la formation de la
chair. L'alimentation humaine ne peut donc pas être ex—
= HG
clusivement composée de matières carbonées ou de ma-
tières azotées: elles doivent toujours s'associer dans de
certaines proportions. Les matières carbonées et hydro-
génées sont les diverses espèces de sucres, de gommes, de
graines et fécules, ainsi que peut-être aussi la gélatine
d'après de nouvelles observations dues à M. Boussingault;
les matières azotées sont : la viande, le fromage, les œufs
et le lait; de plus le café et le thé, qui agissent probable-
ment comme elles. Les légumes sont des substances es -
sentiellement carbonées, qui cependant renferment toutes
un peu d'azote qui s'y trouve en général sous forme de
blanc d'œuf, ou albumine.
Les substances carbonées manquent; les blés ont peu
rendu; les pommes de terre sont presque totalement dé-
+ruites ; 1l faut les remplacer: du dehors nous pouvons
recevoir du riz qui jouit absolument des mêmes proprié-
tés que les pommes de terre; notre sol nous fournit des .
légumes avec assez d’abondance. Si le riz est cher on peut
lui substituer le maïs dont la farine cuite à l’eau, assai-
sonnée au lait et au beurre fait un aliment très-nourris-
sant et fort usité chez nos voisins du Jura français, qui se
trouvent à merveille de ce régime. Pour augmenter la
masse de carbone et d'hydrogène que renferment le riz et
le maïs, on devrait y introduire autant de graisse que
possible; on pourrait se servir dans ce but de beurre, de
saindoux , de lard, ou même d'huile de grains, au goût
de laquelle on s’habitue bien vite. Mais les substances
carbonées seules ne suffisent pas, il faut qu'elles soient
accompagnées par des matières azotées, et ce n’est que
sous l'influence d’une juste proportion entre elles qu'une
nutrition normale peut avoir lieu ; c’est ce qu'en général
on ne comprend pas. L'usage des pommes de terre , ali-
— =
ment carboné par excellence, était sous ce rapport devenu
abusif; de là, dérangement des fonctions digestives et
apparition de maladies de la peau et des os, développe-
ment des scrofules, dont les accidens ne disparaissent que
sous l'action réparatrice d’un régime fortifiant composé
d’alimens azotés. L'abus des pommes de terre a donc
amené avec lui un long cortége de maladies, et il est temps
de le rappeler, maintenant qu'un grave accident interdit
l'usage du précieux tubercule dont nous parlons. Les pay-
sans ne mangeaient plus que des pommes de terre, et si,
grâces à l'habitude qu'ils ont du café, ils n’y avaient pas
associé le lait, qui est un aliment azoté, il y a longtemps
déjà que leur santé se serait ressentie de l'effet de ce dé-
plorable régime. La table du pauvre üoit être fournie de
viande: voyons s’il y a moyen de lui fournir bon marché
ce plat, dont le prix l’effraie au point que souvent des se-
maines se passent sans qu'il dépose dans sa marmite un
morceau de cette viande destinée cependant à réparer ses
forces et à soutenir sa santé. Grâces à l'abondance des
foins la question est facile à résoudre cette année; car le
lait, qui est une véritable dissolution de viande compa-
rable au bouillon le plus riche est à bon marché; les
œufs ne-sont pas chers non plus, et ils sont cependant
tout aussi nourrissans que la chair des bœufs ; enfin, le
fromage, qui est deux fois aussi nutritif que la viande, est
à la portée de tous. 11 faudrait donc tächer de mettre à la
disposition des indigens du lait, des œufs, et surtout du
fromage; précieuse ressource à laquelle on a trop rare-
ment recours. Disons d’abord qu'il y a certainement une
grande différence entre les fromages vieux et les jeunes,
relativement à leur force nutritive, et que les premiers
favorisent quelquefois même la digestion, en raison de
LTÉE
l'acide gras à saveur trés-forte qu'ils contiennent, en
sorte qu'on fera bien de les préférer, toutes choses égales
d’ailleurs, aux fromages doux de l’année. Il est bien à
regretter que les pauvres ne fassent pas usage de la res-
source qu'ils trouvent dans l'éducation des volailles et des
lapins surtout, qui leur fournissent à peu de frais une
nourriture saine et abondante. Au vil prix où est le foin
cette année , une garenne ne coûlerait que fort peu de
chose et pourrait nourrir plus d’une famille; j'en dirai tout
autant dans les années où le grain est abondant, d'un
poulaillier et d’un colombier, qui ne sont le plus souvent
regardés , à grand tort, que comme des objets de luxe.
Pour cette année, il est trop tard; le mal est fait, et on
ne peut remédier à la pénurie de viande que par d'abon-
dans approvisionnemens de fromage dont la consomma-
tion, accompagnée de celle du riz et des bouillies de fro-
ment et de maïs, ainsi que de celle des légumes verts,
permettra à toute la population d'attendre la bonne
saison.
Nous nous tromperions étrangement, Messieurs, si nous
croyions trouver la solution du problême de la nutri-
tion la plus rationelle dans l'union de l'aliment le plus
carboné avec le plus azoté sous le plus petit volume
possible. L'estomac de l'homme a besoin, comme celui
de tous les autres animaux, d’être distendu par une cer-
taine quantité de nourriture ; il faut donc que les alimens
qu'on lui donne aient un volume assez grand ; c’est pour
répondre à cette singulière exigence de la nature qu'on
fera bien de préférer des mets peu nutritifs, mais d'un
fort volume, tels que ceux qu'on obtiendra en faisant des
empois avec de la fécule, ou des gelées avec de la colle,
pour les associer avec les autres substances alimentaires,
.
M
,
h
= OU)
qui, comme le fromage ou la viande , nourrissent beau—
coup et n'ont qu'un très-pelit volume.
Quand nous avons dit que la consommation de la
pomme de terre était devenue abusive, nous n'avons tou-
tefois pas voulu nous aveugler sur la gravité du mal;
nous risquerons de voir l’usage de la pomme de terre se
restreindre beaucoup, et c'est elle seule cependant, qui
nous garantissait de la famine. Malgré tout le poids de l'o-
pinion de quelques hommes distingués , et surtout du sa-
vant directeur de notre Ecole d'Horticulture, nous ne pen-
sons point que le précieux tubercule américain soit perdu;
d’ailleurs, rien ne le prouve : non ! jamais la nature n’a
mis un terme semblable à sa libéralité. Il en est de la
pomme de terre comme du seigle avant qu’on eût appris
à le chauler; alors le charbon ravageait des champs en-
tiers et tous les grains qui n'étaient pas atteints par ce
fléau dévastateur , ne pouvaient être employés à faire du
pain, qu'un seul grain charboneux transformait en un
énergique poison : on perdait alors des champs de seigle,
comme nous perdons maintenant des champs de pommes
de terre. Nous pensons donc qu'il y a possibilité de mettre
un terme à la maladie des pommes de terre comme à l’er-
got du seigle, et nous pensons même avec un savant bryo-
logue que nous venons d’avoir le malheur de perdre,
M. le docteur Mühlenbeck, qu'elle est due à la même
cause, c'est-à-dire à une espèce de champignon. Comme
le tubercule est charnu et aqueux, il n’y a pas moyen de
songer à le préserver du fléau, parce qu’à peine tombées
à sa surface les sporules destinées à reproduire le parasite
s'enfoncent sous un épiderme où l’on ne saurait aller le
chercher qu’en détruisant avec lui les germes de la plante
qu'il est destiné à protéger. C’est sur les graines qu'il faut
és 0
détruire le parasite, en les faisant baigner dans une solu-
tion de sulfate cuivrique ou bien de soude, ou de chaux
caustique, avant de les semer. À ces précautions on devra
en joindre d’autres, qui sont peut-être tout aussi impor-
tantes; elles consistent à détruire par le feu toutes les fanes
etles pommes de terre malades provenant des récoltes pré-
cédentes, parce qu'une seule d’entre elles, semblable au
levain qui communique son mouvement à toute une masse
de pâte, pourrait bien infecter la nouvelle génération
saine destinée à détruire toutes nos sinistres appréhen-
sions. Les nouveaux champs de pommes de terre devront
être éloignés autant que possible des anciens et n'être en-
graissés qu'avec des fumiers sur lesquels on n'aura jeté ni
fanes , ni tubercules de pommes de terre attaquées par la
maladie. Voilà, Messieurs, notre manière d'envisager l’a
venir de la pomme de terre que nous croyons appelée à
rendre encore de grands services à l'humanité; aussi ap-
pliquerons-nous, dès le printemps prochain, notre pro-
cédé de chaulage des grains à ce tubercule que nous sé-
merons dans le jardin du laboratoire de chimie, où l’on
n’a jamais cultivé de pommes de terre, et où nous ne les
fumerons pas afin de n'avoir négligé aucun moyen de les
préserver de la contagion. Nous vous avons dit aussi com-
ment nous pensions qu’on devait aviser aux moyens de
diminuer les tristes effets de la cherté du pain et du man-
que de pommes de terre ; c'est à vous, Messieurs, à ap
précier la portée de ces observations et à leur donner telle
suite que bon vous semblera.
F. Sacc, secrétaire.
nt tie on di LÉ os, - Oh
=. EM —
Séance du 26 Novembre 1846.
Présidence de M. L. Coucox.
M. Guyot donne lecture de deux lettres de M. Desor,
qui contiennent plusieurs détails sur les phénomènes er-
ratiques de la Scandinavie , tels qu'ils résultent des ob—
servations que ce savant a faites et recueillies sur les lieux
mêmes pendant un voyage de quinze jours.
M. Desor considère la Scandinavie tout entière , par—
ticulièrement la Norwège, comme un immense fond de
glacier.
Les phénomènes qui caractérisent en Suisse le terrain
erratique se retrouvent en Suède , et surtout en Norwège,
identiques jusques dans les moindres détails. Ces pays
leur doivent leur configuration , et jusqu'aux formes ca-
ractéristiques de leur topographie.
Les Scheren Scandinaves ne sont que les points culmi-
nans des roches moutonnées dont la base plonge dans les eaux
de la mer.
M. Desor a observé dans plusieurs endroits, signalés
déjà en partie, des dépôts de coquilles glaciaires super-
posés aux roches moutonnées, polies et striées, et cela
jusqu'à un niveau de 170-200 pieds au-dessus de la mer
actuelle; d'où il conclut qu'un mouvement de bascule
aurait eu lieu postérieurement à la disparition des glaces.
Ce qui prouve encore ce dernier fait, c'est la nature
des Oesars, qui sont bien des digues sous-marines, comme
le veulent Forchammer et d’autres géologues, et non des
moraines; car les Oesars sont stratifiés, contiennent des co-
quilles qui actuellement vivent sur les côtes de la Baltique.
5, MERE
M: Desor rappelle à ce sujet un fait connu, c'est qu'on
a trouvé dans les dépôts inférieurs d’un Oesar une bar-
que et des traces d’une habitation humaine. Actuellement
encore il se forme le long des côtes, sous les flots de la
mer, de pareilles digues, nommées Watten par les Scan-
dinaves.
Un fait capital signalé par M. Desor d'après Keilhau,
est l'existence d’une limite supérieure des polis, que ce
géologue a constatée dans le voisinage de Drontheim , et
que d’autres observateurs aussi ont signalée sur les mon-
tagnes de Suède.
Enfin M. Desor rend compte des observations de Sten-
strupp sur la superposition des diverses couches de
tourbes, qui, selon ce savant, contiennent successivement
de bas en haut des feuilles de bouleau du Nord, des dards
et des cônes de pins tels qu'on les trouve dans la région
moyenne de la Scandinavie, puis des feuilles de chênes,
et enfin de hêtres dans la partie supérieure. Cette succes-
sion remarquable de ces arbres, dans l’ordre où on les
rencontre aujourd'hui du Nord au Sud , fait croire à M.
Stenstrupp que le climat de ces régions s’est amélioré
graduellement.
À. GuYoT, secrétaire.
M. Sacc indique brièvement quels sont les procédés de
dorage actuellement en usage ; il en fait ressortir les im-
perfections, et cherche à établir que le dorage chimico-
physique, récemment proposé par M. Barral, doit être le
plus avantageux de tous. M. Sacc décrit ce procédé de
dorage , et présente à la Société une pincette de fer doré
de cette manière. L'opération n’a pas fort bien réussi, ce
que M. Sacc n'attribue point au procédé, mais unique-
M
CT tn le D ne RS Sd
“
Fe
10} 2
ment à ce qu'il n'avait, pour faire cet essai, qu’une fort
petite quantité de chlorure aurique ; un fait assez curieux,
c'est qu'à l'inverse de ce qui devait avoir lieu dans ce cas
ci, le plomb avec lequel le fer était en contact s’est beau-
coup mieux et plus fortement doré que ce dernier.
M. Ladame prouve ensuite à l’aide d'un galvanomètre
très-sensible construit par M. Bonijol, que lorsqu'on
plonge dans une dissolution d'or deux métaux différents,
comme l'a fait M. Sacc, l'aiguille du galvanomètre
marche toujours en sens contraire du métal attaqué, ce
qui permet de juger facilement du moment où la direc-
tion du courant change, et où la dorure ne s'effectue,
par conséquent, plus sur le même métal, mais a lieu sur
l’autre métal, qui plonge dans la dissolution. Des causes
extrêmement légères modifient la direction du courant ;
telles sont, entr'autres, l'agitation et la caléfaction de la
liqueur. La dorure galvanique est tombée en défaveur ,
parce qu'on ne peut pas juger de la quantité d’or qui
s'est déposée sur le métal à dorer , et que la couche de ce
métal qu'appliquent les doreurs est tellement mince qu’elle
s'enlève avec assez de facilité. M. Ladame n’en persiste
pas moins à croire que la dorure galvanique a un avenir
réel, et que les perfectionnements dont elle est susceptible
feront disparaitre les inconvéniens qui ont été signalés.
F. Sacc, secrétaire.
Séance du 10 Décembre 1846.
El
à Présidence de M. L. CouLox.
M. Théremin présente à la Société l'ouvrage de Borbs-
tædt : Allgemeine geographische und statistische Verhält-
— 14 — |
nisse, etc. Rapports généraux de géograplue et de statis-
tique représentés graphiquement, Berlin, 1846. IL ajoute
quelques détails sur cet ouvrage, et fait ressortir les
avantages réels que présente cette nouvelle méthode d’ex-
position.
M. Guyot commence l'exposé du résultat de ses voyages
dans les Alpes Pennines pendant l'été dernier, et donne
surtout une description de la grande mer de glace d'O-
temma, au fond du val de Bagnes, qu'il a le premier
visitée (*).
M. le président Coulon fait voir à la Société une serpe
et une hache romaines, ainsi que diverses pièces de même
origine, trouvées aux Hauts-Geneveys.
M. Theremin apprend à la Société que M. le baron
‘de Hackewitz a fondé à Berlin, sous la protection spé-
ciale du Roi, un atelier de galvanoplastique, dans le-
quel il prépare, à l’aide de cette nouvelle application de
l'électricité , des statues tout entières, ainsi que des enve-
loppes de cuivre autour des canons de fonte de fer , afin
de les empêcher d’éclater. Le même industriel vend des
théières et autres ustensiles de ménage parfaitement bien
argentés.
A. GuxoT, secrétaire.
M. Schauss, pharmacien, présente à la Société divers
échantillons de coton-poudre. Il rappelle que ce composé
fut préparé, tôt après la découverte de M. Schænbein,
(‘) Voir plas bas séance du 7 Janvier 4847.
cast HMS
par M. Otto , de Braunschweig , qui le faisait avec de l'a-
cide nitrique fumant. Ce fulmi-coton est excellent, mais
beaucoup trop cher ; c'est dans le but de préparer plus
facilement, et à moins de frais, cet intéressant composé
organique , que M. Schauss a exécuté les essais suivans :
en plongeant le coton bien cardé, pendant quinze mi-
nutes, dans un mélange fait avec une partie d'acide ni-
trique du commerce, pour deux d'acide sulfurique, il a
obtenu un produit parfait sous tous les rapports ; un peu
cher il est vrai, car pendant sa transformation, le coton
absorbe assez d'acide nitrique, pour que son poids aug-
mente d'un tiers. Le fulmi-coton préparé avec trois par-
ties d'acide sulfurique, pour une d'acide nitrique, est
meilleur marché que le précédent , parce qu'on peut uti-
liser ce bain à plusieurs reprises ; mais la poudre qu’on
obtient alors laisse un résidu de charbon d’autant plus
abondant, que la liqueur est plus près d'être épuisée.
Quand on prépare le coton avec un mélange fait de par—
ties égales d'acides sulfurique et nitrique, on obtient un
produit feutré, auquel les autres mélanges ne donnent
jamais naissance. Le coton-poudre qu'a préparé M. Schauss
détonne par la percussion seule, et encore mieux, lors
qu'il a été mélangé avec de la poudre. Il ne se décompose
pas, même par l’ébullition très-prolongée dans l'eau.
On peut préparer ainsi du fulmi-coton avec des étoupes
et de la sciure de bois. Obtenu par ce procédé, il brûle
bien, mais en laissant un résidu de charbon. Pour cette
préparation, il faut se servir de sciure de bois de sapin;
celle de noyer ne vaut rien, parce qu'elle s'oxide et se
détruit de suite, tandis qu'il n’y a jamais oxidation avec
aucune des autres substances employées.
M. le docteur Bovet observe que les éléments du coton-
OT
poudre sont si intimement liés entre eux, qu'on peut le
laver avec de l’'ammoniaque sans qu'il se détruise.
F. Sacc, secrétiare.
Séance du 24 Décembre 1846.
Présidence de M. L. CouLon.
M. le président fait lecture d'une lettre qu'il a reçue
du Roi, dans laquelle le Roi remercie la Société de l’en-
voi du volume qu’elle vient d'imprimer, et qui a été
porté à Berlin par M. Guyot.
M. le secrétaire donne lecture d’une lettre de M. Favre,
sur un halo solaire à double cercle, qu'il a observé à la
Chaux-de-Fonds, le 19 mai 1846 (!).
M. Ladame fait voir à la Société un instrument d’op-
tique qui a pour but de déterminer, par une seule obser-
vation, la portée de la vue, et d'indiquer de suite le nu-
méro de verres concaves ou convexes que réclame l’œil
de l’observateur. M. Ladame indique le principe sur le-
quel il est fondé, et en décrit la construction. Cet ‘instru-
ment, inventé et construit à Vienne, a été vendu au ca-
binet de physique par les opticiens Bloch de Strasbourg.
-— Plusieurs discussions particulières s'engagent sur di-
vers sujets. A. Guvor, secrétaire.
M. Sacc présente à la Société le numéro des An-
nales des Sciences Naturelles qui contient un mémoire
de M. Harting sur la maladie des pommes de terre ;
il l'analyse, et conclut en disant qu'il persiste dans sa
manière de voir ; qu'il continue à regarder la maladie des
pommes de terre comme contagieuse, comme un chancere
(*) Voir plus bas, Bulletin des séances de la Chaux-de-Fonds.
= {pp —
analogue à celui des ormes, ou une affection semblable
à l’ergot du seigle, et qu’il croît qu'on n'y remédiera qu’en
brûlant tous les produits venant des pommes de terre
malades, et en ne multipliant plus, pendant quelques an-
nées cette solanée, qu'à l'aide de ses graines préalable-
ment chaulées.
M. Coulon objecte aux conclusions de M. Sacc:qu’une
personne de sa connaissance ayant planté des pommes de
terre en pot, dans de la bonne terre de jardin, elle les
trouva malgré cela, toutes gâtées. M. Sacc répond que
cela peut venir, ou de ce que la terre dont on s’est servi
contenait des débris de pommes de terre malades, ou de
ce qu'on a planté dans ces pots des tubercules déjà peut-
être gangrenés, au lieu d'y semer des graines et surtout
des graines chaulées.
M. Berthoud-Coulon rappelle que la maladie des
pommes de terre, après avoir sévi pendant quatre ans
dans l'Amérique du Nord, en a disparu, et M. Coulon
remarque que la maladie des pommes de terre ne s’est
manifestée nulle part dans les pays chauds, Il ajoute que
si les pommes de terre atlaquées se couvrent de crypto
games , c'est qu'elles sont déjà alors réellement malades,
puisqu'on ne voit ces parasites que sur des plantes faibles,
et jamais sur des végétaux bien portans.
= M. Ladame fait une communication sur le dorage gal-
vanique , dans laquelle il signale plusieurs des causes qui
peuvent s'opposer à la réussite complète de ce genre de
dorage, ainsi que les moyens de remédier aux inconvé-
miens qu'elle a présentés jusqu'ici.
| il.
EE A
Les procédés de dorure, dit M. Ladame , dans l'ordre
de leur ancienneté sont :
1° La dorure au mercure par voie sèche.
2° La dorure par immersion ou dorure chimique, qui,
il y a peu d'années, a recu de M. Elkington une amélio-
ration importante par l'emploi des dissolutions alcalines.
3° La dorure par voie galvanique, due à M. De la Rive,
et perfectionnée par M. Ruolz.
4° La dorure par application mécanique de la poudre
d'or, ou de l'or en feuille. Ce procédé parait être celui
de M. Gerbel, indiqué dans nos bulletins page 254.
On connaît les graves inconvéniens de la dorure au
mercure pour la santé des ouvriers. Le procédé par im—
mersion, donne une dorure trop mince, qui dans le plus
grand nombre des cas est insuffisante ; enfin la dorure
par application est encore mal connue et paraît exiger
une main-d'œuvre considérable qui en augmente beau-—
coup le prix. Reste la dorure galvanique que M. Ladame
regarde comme pleine d'avenir. ;
Ce procédé consiste soit dans l'emploi d’une pile à plu-
sieurs élémens , soit dans l'emploi d’un seul couple sans
diaphragme. Ce second mode appelé aussi dorure électro-
.chimique, a été étudié d'une manière particulière par
M. Frankenstein, et en dernier lieu par M. Barral, qui
pour dorer le fer et l'argent, a substitué le plomb au zinc
qu'employait M. Frankenstein.
Ce procédé électro-chimique est aussi employé dans
nos montagnes, en particulier par M. Daumont. Il exige
que les liqueurs soient portées à l’ébullition, ou du moins
qu’elles soient chaudes. On ne dore pas plus rapidement
qu'on ne le fait par l’action de plusieurs couples, et on
. 0 =
ne peut dorer simultanément et avec facilité un grand
nombre de mouvemens de montre, ou, en général, de pe-
tites pièces. D'autre part, si la solidité de la dorure élec-
tro-chimique a paru plus considérable que celle qui est
obtenue au moyen de la pile, cela tient sans doute à l'im-
perfection des piles employées dans cette dernière mé-
thode, et au peu d'or que l’on applique.
La bonne qualité d’ane dorure exige que la couche
d'or soit trés-adhérente à la pièce et que l'or présente lui-
même une grande cohésion de ses parties. Ces conditions
indiquent que les pièces doivent être bien décapées, et
que l'or doit se déposer avec lenteur dans un état de di-
vision extrême, pour ainsi dire atomique, et avec la plus
grande égalité possible. Or ces conditions sont remplies
par un courant trés-faible, constant dans son intensité et des
dissolutions d'or d'une composition et d'une concentration
convenable.
Quand un courant électrique traverse un électrolyte,
c'est-à-dire un liquide susceptible d'être décomposé par
le courant , les acides et les corps négatifs se portent sur
le corps par lequel le courant débouche dans le liquide,
tandis que les bases et les corps positifs se portent sur le
corps par lequel le courant sort du liquide. Cette action
du courant sépare le liquide en deux portions opposées
de propriétés, qui, par leur réaction l’une sur l’autre,
donnent lieu à un courant en sens contraire du premier.
C'est là le phénomène qu'on a appelé polarisation des élec-
trodes.
La marche d'un courant au travers d’un liquide donne
donc naissance à un contre-courant, qui affaiblit le cou:
rant principal et parvient quelquefois à l'annuler.
== 6 =
C'est à la polarisation des élémens qui constituent les
anciennes piles qu'est due la rapide diminution de leur
puissance, qui finit même par arriver à zéro.
Il n’y a que peu d'années qu'on a réussi à éliminer cette
polarisation des élémens de la pile et qu'on a par là ob-
tenu des piles à courant constant : ce sont les piles cloi-
sonnées de Becquerel, Daniell, Bunsen, Grove, etc.
Les piles que les doreurs de nos montagnes emploient
sont des piles de Daniel, montées au zine, plongeant dans
l'eau salée et au cuivre plongeant dans la dissolution de
sulfate cuivrique; le diaphragme est un vase en terre cuite
non verni. Lorsque la pile est-montée depuis un certain
temps, la dissolution d’eau salée se concentre par l'action
qu’elle exerce sur le zinc qu'elle dissout, et d'autre part
la dissolution de sulfate cuivrique s’appauvrit de son cui-
vre qui se dépose en masse, ayant souvent l'apparence
cristalline ; à cette époque l’action des deux liquides sur
les métaux qu'ils exercent l'un sur l'autre au travers du
diaphragme, donne lieu à un courant en sens contraire
du courant primitif, et les doreurs sont surpris de voir
que l'or ne s'applique pas comme de coutume, et que
même des objets dorés perdent leur dorure. Quelques-
uns attribuent ces effets à des actions météorologiques;
le vent, un ciel couvert ou serein, un temps chaud ou
froid sont regardés comme des causes influentes ; tandis
que l’origine de toutes ces variations est, sans contredit,
dans l’état même de la pile. L'état constant de la pile,
est un point sur lequel les doreurs doivent veiller avec la
plus grande attention, et il paraît que jusqu'ici, ils n'ont
pas tous senti l’importance de cette circonstance ; de là,
une des principales causes de l'inégalité de la dorure gal-
vanique et des critiques dont elle est l’objet.
“ Se Le ms à D Cp dé v
Te AE
sie DRE - le
L'énergie du courant ne dépend pas seulement de la
pile qui produit l'électricité, mais elle dépend encore des
résistances que le courant est obligé de vaincre en de-
hors de la pile. Dans la dorure galvanique, le bain d'or
dans lequel sont plongés les objets à dorer, présente une
résistance qui est variable par le fait même des progrès
de la dorure et de l’appauvrissement du bain. Il est très-
important d’affaiblir autant que possible Finfluence de
cette circonstance , afin de conserver au courant une :
grande égalité dans son énergie. On parvient à ce résul-
tat en tenant compte du principe suivant tiré des lois de
. la pile :
Un courant s'affaibhit d'autant moins, en traversant un
obstacle, que le courant a déjà triomphé de résistances plus
mombreuses et plus énergiques.
Dès lors si nous voulons avoir un courant qui ne soit
pas influencé d’une manière notable dans son énergie par
l’action d’une résistance variable. Nous devons employer
un courant qui a vaincu déjà de nombreux et grands
obstacles.
Les différens couples d’une pile hydro-électrique, et sur-
tout le liquide qui les baigne, offrent une grande résis-
tance au mouvement de l'électricité; nous employerons
donc des piles de cette espèce et nous les prendrons à
élémens nombreux. Mais comme, dans ce cas, la pile de-
vient trop forte, ensorte que l'or se dépose en poudre
noire et n’adhère pas, nous devrons affaiblir le courant,
en lui opposant des obstacles qui, en vertu de l’origine
hydro-électrique du courant, n’agiront pas sensiblement
sur la faculté qu’il possède de se transmettre. On parviente
à ce résultat en faisant passer le courant par un fil de fer
QT
très-fin, dont on augmente la longueur jusqu'au moment
où le courant a atteint la force nécessaire.
La disposition suivante a été adoptée dans quelques
expériences faites pendant le courant de l'été dernier.
Sur une planche de sapin de dix-huit pouces de lon-
gueur et d’un pied de largeur, près des bords opposés,
on a planté deux rangées parallèles de cloux rapprochés,
puis on a passé le fil de fer en zig-zag en le contournant
autour de chaque clou. Le courant entrait par le premier
clou de la planche, passait au travers du fil de fer, et on
posait le conducteur sur un autre clou à une distance du
premier d'autant plus grande que l'on voulait faire par—
courir au courant une plus grande longueur de fil. On
- a pu dorer de cette manière, sous l'action d’une marche
parfaitement réguliére, une douzaine de mouvements de
montre avec une pile de six couples, dont chaque élément
zinc amalgamé était formé par un cylindre de ce métal
pris en feuille, ayant environ un et demi pouce de dia-
mètre sur trois de hauteur.
Le fil de fer est un corps très-convenable pour régler
le courant, parce que le fer ne conduit pas l'électricité
aussi bien que les autres métaux, et qu'on peut l'avoir
dans le commerce en fil très-fin. La faible conductibilité
et la ténuité des fils concourent toutes deux à affaiblir le
courant ; en sorte que quelques pieds de fil de fer, sont
très-suffisants pour modérer le courant d’une pile de plu-
sieurs couples.
F. Sacc, secrétaire.
= fo =
Séance du T janvier 1847.
Présidence de M. L. CouLox.
M. de Pury, ingénieur, rend compte d'un mémoire
de M. Villarceaux sur la théorie des voûtes.
M. Sacc communique à la Société un résultat curieux
qu'il vient d'obtenir, celui de la transformation du bois
en gomme au moyen du traitement par l'acide nitrique.
Il présente divers échantillons à l’appui de cette commu-
nication sur laquelle il se propose de revenir plus tard.
M. Guyot achève l'exposé de quelques résultats d'un
voyage qu'il a fait l’été dernier dans la partie la plus
élevée et la moins connue des Alpes pennines, et dont
le but principal était la recherche des gîtes primitifs des
roches erratiques du bassin du Rhône.
Il fait remarquer d’abord que la partie des Alpes com-
prise entre le Mont-Blanc et le Mont-Rose, ou mieux
entre le col du Saint-Bernard et celui du Simplon, cons-
ütue le massif le plus élevé, le plus continu, le plus
gigantesque des Hautes-Alpes. La largeur énorme de sa
base, l'élévation moyenne de ses cels et de ses crêtes, la
hauteur et le nombre de ses pics et de ses aiguilles dé-
passent tout ce que peuvent offrir dans ce genre les massifs
célèbres de l'Oberland bernois, de l'Orteler, des Oetzthaler-
Ferner et du Mont-Blanc lui-même.
Le groupe du Mont-Rose en particulier , formé des
trois chaînes du Mont-Rose, du Saasgrat, du Weisshorn,
et au centre duquel est creusée la vallée de Zermatt, ras-
LS SNS
semble dans un espace resserré plus de vingt à trente pics,
qui mesurent tous de douze à quatorze mille pieds. Le
faîte même de cette partie des Alpes ne présente que de
vastes champs de neige d'où découlent de nombreux
glaciers; 1l n’est que difficilement abordable et les val-
lées sauvages qui y mènent offrent si peu de confort au
voyageur, que ces régions placées au centre même de
l'Europe, sont restées jusqu'ici presque inconnues. Les
meilleures cartes de Suisse que nous en possédions, quoique
rectifiées dans les dernières années sur quelques points,
n’en offrent encore qu’une image grossière et souvent
tout-à-fait fautive.
Après avoir remonté la vallée de Salvan et constaté
de nouveau dans cette vallée classique la présence des
roches moutonnées, sillonnées et striées, qui témoignent
du passage dans ces lieux des anciens glaciers, M. Guyot,
remontant le col de Balme, alla recueillir encore une fois
les diverses variétés de granite qui descendent des nom-
breuses aiguilles du Mont-Blanc par les glaciers du Tour,
d'Argentière et des Bois.
L'identité complète de ces variétés avec celles qui com-
posent la majorité des blocs répandus sur les flancs du
Jura, acheva de le convaincre de la vérité de ce qu'il avait
avancé précédemment, c'est que c’est de ce revers occi-
dental de la chaîne du Mont-Blanc que proviennent la
plupart de nos blocs du Jura, tandis que les variétés
moins talqueuses et à grain plus égal proviennent surtout
du val Ferret ou du revers oriental. En repassant par
le Val-Orsine et la Tête-noire, il visita les gîtes des fa-
meux poudingues qui sont l’une des roches caractéristi-
ques du bassin du Rhône, et signale au sommet du col ce
TC
En Me. =
la Forclaz de nombreux blocs de protogine, qui témoi-
gnent de la hauteur à laquelle s’éleva jadis le glacier de
Trient.
C’est par la vallée de Bagnes que M. Guyot pénétra dans
le cœur des Alpes pennines. Il décrit les divers bassins
étagés dont se compose la vallée et les glaciers nom—
breux qui couronnent le fond sauvage de cette contrée,
Il arrive enfin au chalet de Champriond, au pied du grand
glacier de Chermontane. Ce glacier n’est que la partie
inférieure d'une vaste mer de glace qui tourne subitement
au N.-E., et monte par une pente légère, presque insen-
sible, jusqu’au faîte de la chaîne; c’est la mer de glace du
grand Otemma, qui tire son nom de la cime occidentale
qui la domine. Cette vaste nappe de glace que nourris-
sent huit glaciers latéraux qui descendent de la chaîne
orientale qui le borde et quatre glaciers affluents qui sont
suspendus aux flancs du grand Otemma, porte à sa sur-
face un système régulier de moraines dont chacune se
laisse suivre facilement jusqu’à son origine. Ces moraines
apportent aux pieds du voyageur les roches de chacune
des sommités qui sont devant ses yeux. La mer de glace
d'Otemma s'étend sur le revers N. où elle se lie, au dire
des chasseurs de chamois de la contrée, aux grands gla-
ciers qui descendent au fond des vallées septentrionales.
Une rangée de hautes cimes qui appartiennent au versant
Net qui commencent à quelque distance du faite, la sé-
pare en deux branches dont l’une va rejoindre, dit-on,
du côté de l'E. le grand glacier d’Arolla, et l’autre plus
au N. se confond avec les masses de glace qui descen-
dent des flancs septentrionaux du Som de Giètroz, pour
former la masse du grand glacier de Lénaret au fond de
— 6.
la vallée d'Hermence. Du côté du S., presque dans la
même direction, un glacier semblable à une vallée nei-
geuse, descend du S. au N. du col de Crestasetz pour
mêler ses glaces à celles de Chermontane. Le glacier et
le col de Fenêtre, qui est séparé du précédent par la
masse imposante du mont Gelé, est à-peu-près parallèle,
mais plus à l’ouest. Il offre un passage facile, quoique
couvert de glaces, en Piémont par la profonde vallée d’Ol-
lomont et la partie inférieure du val Pelline, tandis que
par le col de Crestasetz, que traversa M. Guyot, on descend
à travers les ruines des montagnes voisines, sans aucune
trace de sentier, un peu plus à l’'E., sur les chalets élevés
et le village de Bionnaz, au milieu du val Pelline. Après
avoir remonté cette profonde et sauvage vallée jusqu'au der-
nier chalet, celui de Prarayé, il explora le fond de la val-
lée qui est occupé par le grand glacier de la Lisette. Ce
glacier tourne subitement au N., traverse, entre de hautes
sommités, le faîte de la chaîne et se confond ici dans les
” plateaux supérieurs, avec le grand glacier de Ferpécle.
Revenant sur ses pas. M. Guyot traversa le col glacé du
Mont-Collon, du sommet duquel des plateaux de neige
s'étendent sans interruption jusqu’au glacier supérieur de
Ferpècle. Trois heures d’une descente rapide sur le gla-
cier d'Arolla le conduisirent jusqu’à son extrémité infé-
rieure. Ce glacier suit une ligne sinueuse et tourne à
l'O. autour de la base du Mont-Collon, recoit ici un
affluent du grand glacier d'Otemma et reprend sa direc-—
tion vers le N. avant d'arriver aux premiers chalets.
M. Guyot remarque combien sont fautives et insuffisantes
pour guider le voyageur les meilleures cartes que nous
possédions de ces hautes sommités. La seule carte d'Oster-
7
A
=, YU =
wald, qui n’a point encore paru, mais dont M. Guyot avait
emporté une épreuve, en donne un tracé moins imparfait.
Non loin du col de Collon, mais à quelque distance du
faîte de la chaîne, commence, avec la dent des Bouquetins,
un chaînon qui descend vers le N.et sépare en deux vallées
le fond du val d'Erin. A l'O. est la vallée d’Arolla avecle gla-
cier du même nom, à l'E. l’origine même du val d'Erin, avec
le double glacier de Ferpècle et du Mont-Miné. Après avoir
descendu la première de ces vallées, M. Guyot remonta
la seconde jusqu’au plateau supérieur d'où descend en
cascades immenses le grand glacier de Ferpècle. Ces pla-
teaux forment ici de vastes champs de neige de dix à
onze mille pieds de hauteur, qui s’étenderit entre les hautes
sommités de la Dent-Blanche au N., la dent d'Erin, au
Midi, et un grand nombre de cîmes vers l'O. qui sur-
gissent çà et là du sein des plateaux, le long du faîte de
la chaîne ou des chaînons septentrionaux. Ces plateaux
se terminent vers l'E. par une paroi abrupte de rochers
presque verticaux, au pied desquels s’allonge le glacier
de Zmutt dans une profondeur vertigineuse. Cette arête
de rochers, qui unit la masse de la Dent-Blanche à la
Dent-d'Erin, présente du côté du $. une sorte d’entaille
ou de pente moins raide, au pied de la Dent-d'Erin, par
laquelle s’écoulent les glaces vers la profonde vallée de
Zmutt : c'est là le col d'Erin et l'origine du glacier de
Zmutt. Un peu au N. du col s'élève une éminence arrondie
que Forbes décrit à tort sous le nom de Stockhorn, qui
est une sommité située plus au $. et un peu plus élevée
encore. M. Guyot a gravi également la première et lui a
a donné le nom de Tête-Blanche d'Erin. De ce point cen-
. tral, élevé de onze mille pieds au-dessus de la mer, se dé-
= AR:
roule aux yeux le panoroma le plus admirable. Du côté
de l'E. les regards s'étendent sur les chaînes gigantesques
du Cervin, du Mont-Rose et du Saasgrat, au N. et au
N. E. sur celles de la Dent-Blanche et du Weisshorn.
A l'O. la vue atteint, au delà des vastes plateaux de neige
qui sont à vos pieds, jusqu’au Mont-Collon et au Combin;
ensorte que d'un coup d'œil on embrasse toute cette
vaste chaîne des Alpes pennines.
On peut voir par ce qui précède qu'un des traits ca-
ractéristiques de cette haute chaîne sont les plateaux éten-
dus qui en couronnent le faîte. Rarement les plus hautes
sommités se touchent de manière à former une série inin-
terrompue ; çà et là dés lacunes considérables unissent
les deux versants et forment ces cols à pentes insensibles,
qui, comme la mer de glace d'Otemma , ressemblent plu-
tôt à de larges vallées à fond plat qu’à des cols qui traver-
sent le faîte de l’une des chaînes des Alpes les plus élevées-
Sur le versant N. en particulier, les chaînons septentrio-
naux prennent leur origine au sein même des plateaux
et non point sur le faite même, ensorte qu'ils semblent
manquer d'un point d'attache.
A ces détails M. Guyot en ajoute d’autres sur le fond
des vallées de Torrent et de Zinal, qui, réunies, forment
la profonde vallée des Anniviers. Il indique plusieurs rec-
tifications à faire dans la topographie et la nomenclature
des pies que Frübel a donnée de ces régions. Il décrit
l'aspect de la vallée supérieure de Tourtemagne et des
glaciers du Weisshorn qui en occupent le fond, puis pas-
sant le col pénible et élevé de Joung , il remonte la vallée
de Saint-Nicolas et de Zermatt dont il examine de nou-
veau les glaciers et les roches, parcourt celle de Saas,
Fer. | ittostlgiet
== 90! —
où il constate le gite précis des euphotides et entre par le
Monte-Moro, dans la vallée piémontaise de Macugnaga.
De là, traversant le Turlo , il parcourt successivement
toutes les vallées méridionales du Mont-Rose qu'il exa-
mine surtout au point de vue du terrain erratique et des
roches qu'elles fournissent.
La vallée d'Aoste surtout lui paraît à cet égard du plus
haut intérêt.
Du haut du col de Joux ou d'Amaï, par lequel M. Guyot
aborda cette large et belle vallée, on embrasse d’un seul
coup-d'œil la plus grande partie de sonétendue. A celte vue,
-on conçoit à l'avance le rôle qu'à dû jouer à l’époque des
grandes glaces, ce vaste réservoir compris entre les hauts
massifs des Alpes pennines , la chaîne élevée et multiple
_ des montagnes de Cogne, ayant en tête la chaîne du Mont-
Blanc, sur lequel la vue s'arrête en face, à l'horizon. La
confirmation de ce pressentiment ne se fit point attendre.
Déjà en descendant du col vers les bains de Saint-Vincent,
on voit des amas considérables de terrain erratique, de
blocs et de galets de serpentine et de chlorite, mêlés au
limon glaciaire. Ces masses suspendues sur les flancs dé-
chirés et abruptes de la montagne à plus de 1500 pieds
au-dessus de la vallée, annoncent la présence, à une autre
époque, et l'épaisseur des anciens glaciers. Plus bas dans
la région des vignes, les blocs deviennent plus fréquens et
plus volumineux. Depuis Saint-Vincent jusqu’à Ivrée, il
n'est guère de rocher, parmi ceux qui bordent la route, et
jusqu’à une hauteur considérable, qui ne soit moutonné,
_cannelé, strié de la facon la plus caractéristique. Toutes
les collines sont taillées en coupole. Déjà un peu au-des-
sous de Saint-Vincent, on aperçoit au milieu de la vallée
CRE pe
un rocher isolé qui semble sortir de dessous le glacier. Plus
loin, les hauteurs que couronne le vieux fort de Mont-
Jovet , la colline sur laquelle est assise l'imprenable fort
de Bard, et tous les rochers voisins, sont également mou-
tonnés et sillonés de la manière la plus admirable. Au
débouché de la vallée, dans les environs d'Ivrée, toutes
les collines, y compris celles de diorite des environs de
cette ville, portent au plus haut degré ces caractères. On
peut dire que partout où le roc est à nu, il montre
les traces corrosives de l'agent erratique. Nulle part ce-
pendant, elles ne sont aussi marquées qu'aux étrangle-
ments de la vallée, spécialement au-dessous de Saint-Vin-
cent, au Mont-Jovet, au fort de Bard et l’on peut observer,
ici, comme ailleurs dans les mêmes circonstances, la ten-
dance des sillons à remonter dans le sens contraire à la
pente de la vallée.
Au-delà d'Ivrée, les phénomènes erratiques se présen-
tent sous une forme aussi grandiose que nouvelle. ATE.
de cette ville l’horison est borné par une colline allongée,
escarpée, composée tout entière de galets, de limon et de
blocs erratiques; c’est la colline de la Serra qui prend
naissance sur les flancs du Mont Saint-Angélo, aux deux
tiers de sa hauteur, et descend en une ligne inclinée et
réguliére vers la plaine-en tournant sa face abrupte à
l'O. ; véritable moraine analogue à la grande barre erra-
tique qui s'étend des rochers de Mémise jusqu'à Thonon,
sur la rive gauche du lac de Genève, mais mieux Ccarac—
térisée encore. M. Studer déjà l'avait signalée comme
telle à l'attention des géologues. Vers le S. dans l'axe
d'ouverture de la vallée, sur la route d'Ivrée à Chivasso,
on rencontre plusieurs amas de débris erratiques sous
BÉLARE ONEL
forme de bandes cintrées, vraies moraines terminales du
grand glacier d'Aoste. La premiére se montre à Stram-
bino, la seconde à Candia, la troisième à Calusso; au delà
de ce dernier village commence la plaine nivelée et le
diluvium ancien de la Lombardie. Ici comme dans la
Brianza , au débouché du lac de Côme, et aux abords
du lac Majeur et du lac d'Orta, on distingue nettement
les caractères et la superposition des deux terrains.
Ces faits si parlants ne sont pas les seuls de ce genre
observés dans cette vallée; M. le chanoine Carrel a cons-
taté l'existence, sur une grande échelle, de tous ces mêmes
phénomènes dans les environs de la Cité d'Aoste :
M. Guyot a signalé il y a plusieurs années déjà, la pré-
sence de fort belles roches polies au pied même du Mont-
Blanc, au-dessus de Courmayeur, où elles ont été vues
également par MM. Agassiz et Forbes. Cet ensemble
de faits, pense M. Guyot, autorise à considérer la vailée
d'Aoste, au point de vue du développement des phéno-
mènes erraliques, comme l'analogue de la vallée du Rhône.
Elle est pour le versant méridional de la chaîne Pennine,
et le revers italien du Mont-Blanc, ce qu'est le Valais
pour le versant septentrional de ces deux chaînes ; elle est
même supérieure à ce dernier par le nombre et l'évidence
des roches polies et moutonnées, et, à cet égard, elle ne
le cède pas même à la classique vallée de l’Aar.
Quant au but essentiel que se proposait M. Guyot dans
cette exploration, celui de reconnaître le gîte précis de
celles des espèces de roches du bassin erratique du Rhône
dont l’origine n’était pas encore suffisamment éclaircie,
il a été complétement atteint.
Il s'agissait surtout de recueillir en place le gneiss chlo-
— Mo
riteux et l'arkésine répandus en si grande abondance dans
la plaine. Personne n’y avait encore réussi. M. Guyot avait
seulement indiqué comme limites extrêmes de leur exten-
sion le fond de la vallée de Bagnes et la vallée de Viège,
où ces roches avaient été recueillies à l’état erratique par
lui-même et précédemment par M. Studer et Forbés(t).
Il se convainquit bientôt que ces roches et leurs variétés,
accompagnées de diverses roches amphiboliques, cons-
üituent une grande partie du massif central et des plus
hautes sommités de la chaîne pennine. Au fond de la val-
lée de Bagnes, après avoir passé la région des chlorites,
on trouve immédiatement le gneiss chloriteux et l'arké-
sine en grande abondance au glacier de Brena, au pied
occidental de Champriond, où ces roches forment pres-
que à elles seules les belles moraines frontales qu'a lais-
sées ce glacier. Le glacier de Chermontane et la mer de
glace du grand Otemma ne montrent guère dans leurs
nombreuses moraines que des variétés très-diverses de ces
mêmes roches, généralement de couleur mate, parmi les-
quelles on en distingue plusieurs qui sont riches en épi-
dote. La montagne du grand Otemma elle-même est en
grande partie formée de gneiss chloriteux. Celte roche perd
de plus en plus sa forme schisteuse à mesure que l'on
avance vers le faîte de la chaîne, près duquel elle prend la
forme d'un granite à larges cristaux de feldspath vague-
ment limités et d’une couleur légèrement rosée. La chaîne
opposée, qui comprend le massif de la Trumma de Boue, et
qui se prolonge par le col de Crestasetz jusqu'en Valpelli-
ne, est encore composée de gneiss chloriteux dans lequel la
(*) Voir plus haut. Bulletin, vol. 4, p. 479.
proportion des parties constituantes se montré très-va-
riable suivant les localités. Dans cette dernière vallée cette
roche semble même passer à une vraie syénite par des
transitions presque insensibles. Les gneiss chloriteux,
mais non pas l'arkésine, se trouvent encore fréquemment
dans le Val-Pelline où, en remontant la vallée, on les
voit alterner avec les syénites et d’autres roches moins
caractérisées. Vers le fond de cette vallée jusqu’au glacier
de la Lisette, succèdent des roches amphiboliques et des
calcaires talqueux ou cipolins, qui présentent ici des for-
mes pétrographiques du plus grand intérêt pour la théorie
du mélamorphisme. Au col de Collon, et le long du
glacier d’Arolla, on voit reparaître les gneiss chloriteux
et les arkésines, mais sous des formes moins normales.
La proportion des roches amphiboliques, des syénites et
d'espèces que l’on peut rattacher plus directement au gra-
nile vert, augmente notablement. On peut dire qu'elles
sont dominantes jusqu’à l'affluent du grand Otemma, qui
amène des échantillons dont les formes se rapprochent de
plus en plus des types des deux roches en question. Mais
la véritable arkésine granitoïde et le gneiss chloriteux à
particules scintillantes, tels qu'on les trouve habituelle
ment dans la plaine, reparaissent dans les massifs qui
entourent le glacier de Ferpècle. Les glaciers affluens-qui
descendent de la Dent-Blanche en particulier, ne char-
. rient presque que des arkésines, qui se distinguent en
partie de celles d'Otemma et de Chermontane , par des
formes plus cristallines et une teinte générale plus jau-
nâtre. Le Mont-Miné livre aussi des gneiss chloriteux,
mais ce sont plutôt des syénites et diverses roches riches
en sinphihôlé, qui y dominent.
Qt
… M 2
Plus à l'Est l'arkésine et les gneiss chloriteux dispa-
raissent et semblent manquer à la chaîne du Weisshorn.
Du moins M. Guyot n'en a que peu ou point rencontré
dans les vallées d'Anniviers et de Tourtemagne qui des-
cendent de cette haute chaine, et les blocs nombreux de
ces deux espèces qu'il a signalés sur le glacier de Zmuit
et dans les hauteurs qui en dominent la rive gauche,
proviennent évidemment de la Dent-Blanche.
On le voit done, les chlorites, les gneiss chloriteux et
les arkésines appartiennent, avec les granites verts, les
syénites et d'autres roches amphiboliques, à la partie la
plus centrale, la plus élevée, en un mot à l'axe de cette
haute chaîne des Alpes Pennines située entre le fond du
val de Bagnes et le col d'Erin. C'est dans ces cimes pres-
que inabordables et au sein des glaciers qui en découlent, ,
qu'il fallait aller chercher les rocs d'où ont été détachées
les masses erratiques à la fois les plus nombreuses, les
plus colossales et les plus répandues à la surface du bas-
sin du Rhône. Comment s'étonner que leur gîte primitif
ait été si longtemps ignoré? |
A celte haute chaîne correspond ainsi le groupe d'es-
pèces erraliques auquel M. Guyot a donné, à bon droit,
le nom de roches Pennines. Ces roches en sont sorlies
par deux routés principales seulement: la vallée d'Erin
et celle de Bagnes. La vallée de Viège n’en a fourni. qu'un
pelit nombre, car pour ces roches cette issue est pour
ainsi dire accidentelle, tandis qu'elle est le canal prinei-
pal, le canal unique, par lequel les roches du Mont-Rose
se sont déversées dans la vallée du Rhône.
Le groupe des roches du Mont-Rose ne contient que des
espèces dont le lieu d'origine était déjà approximativement
= OT —
constaté. Le gîte principal des serpentines est la région
comprise entre le grand Cervin et le Lyskamm. On peut
considérer comme dépendante de cette partie de l’arête
centrale, la chaîne du Riffel également composée de ser-
pentines, qui se prolongent plus à l'E jusques dans le
Saasgrat. Le glacier de Schwarzwald, au pied du Monte-
Moro, près du lac Matmark, amène du fond de la vallée
supérieure de Saas des blocs nombreux de serpentine,
parmi lesquels se font remarquer deux masses énormes
laissées, depuis peu d'années, au bord du sentier par le
glacier, et dont la plus considérable passe pour le plus
gros des blocs erratiques connus. Quelques autres gîtes
situés plus en aval jusques près de Viège, ont moins d'im-
porlance.
Quant aux euphotides, M. Guyot ajoute à ce qu'il a
dit précédemment sur leur gisement qu'il s’est convaincu
que leur point de départ sont les rochers qui dominent la
partie supérieure du glacier d'Alalein, particulièrement sur
la rive gauche et un peu au-dessous des plus hautes ci-
mes. Les éclogites, moins spécialement localisées, passent
sur le versant occidental et descendent par les moraines
du glacier de Finelen, dans lesquelles M. Guyot en a
recueilli plusieurs variétés.
La plupart des débris de serpentines sont donc des-
cendus par la vallée de Saint-Nicolas, quelques-uns seu-
lement par celle de Saas. C'est l'inverse pour les éclogites.
. Les euphotides proviennent exclusivement de la vallée
de Saas.
$ … M. Guyot termine sa communication par quelques con-
… sidérations pétrographiques sur ces deux groupes des ro-
. ches Pennines et des roches du Mont-Rose. Une fréquente
comparaison de ces diverses espèces et de leurs nombreu-
ses variétés, ainsi que l'inspection de leurs gisemens res-
pectifs, lui font penser que leur association en deux groupes
distincts n’est pas seulement un fait géographique, comme
le pourrait faire croire les noms qu'il a donnés à chacun
d'eux; mais qu’elle est justifiée par leur nature même.
IL est porté à admettre que ces groupes forment réellement
deux séries métamorphiques, et annonce qu'il possède dans
sa collection de nombreux échantillons qui constatent la
transition presque insensible des espèces de chacun des
deux groupes les unes aux autres. Il dépose en outre
sur le bureau plusieurs échantillons pris en place de cha-
cune de ces espèces représentées par leurs types les plus
répandus, et met en regard des échantillons recueillis à l’état
erratique dans les diverses parties du bassin du Rhône,
dont l'identité compiète avec ies premiers est sensible aux
yeux les moins exercès.
Séance du 21 janvier 1847.
Présidence de M. L. CouLox.
M. le secrétaire donne lecture de quelques extraits
d’une lettre de M. Agassiz relatifs à ses travaux scientifi-
ques en Amérique.
Il est donné connaissance de la note suivante de M. Desor,
Sur les rapports qui existent entre le phènomène erratique
du Nord et les soulèvements de la Scandinaue,
Il est un côté du phénomène erratique que l'on n’a pas
abordé jusqu'à présent et dont l'étude me paraît de nature
al de ln 4 nn - to RS NS
VD =
à jeter un grand jour sur la question qui nous occupe ,
c'est l'analyse des rapports qui existent entre le phéno-
mène erratique du Nord et les changements de niveau du
sol de la Scandinavie. Ces rapports sont d'autant plus im-
portants, qu'ils rendent admirablement compte de cer—
taines particularités qui sont propres au phénomène er-
ratique du Nord et dont on n’a pas d'exemple en Suisse.
Voici d’abord quelles sont ces particularités : 1° la pré-
sence de surfaces polies et striées plongeant sous le niveau
actuel des eaux, 2° la présence de coquilles marines, fixées
sur les roches polies à une hauteur bien supérieure au ni-
veau actuel de la mer, 3° la présence de coquilles marines
dans l'intérieur du diluvium jusqu’à une hauteur de 800
pieds, 4° enfin les œsars, ou chaussées de Géants, qui ren-
ferment des coquilles de la Baltique.
Parmi ces phénomènes qui sont autant de preuves de
l'instabilité du sol de la Scandinavie , il en est qui témoi-
gnent d'un relèvement du sol et d’autres qui attestent au
contraire un abaissement. Ainsi on ne saurait imaginer
une preuve moins équivoque d'un relèvement du ‘sol que
la présence, à de grandes hauteurs et à une distance con-
sidérable des côtes, de coquilles appartenant à des espèces
vivant aujourd hui dans les mêmes parages, et dont l'état
parfait de conservation ne permet pas de douter qu'elles
n'aient vécu sur place. Aussi bien, si elles avaient été
transportées par un courant ou quelque autre agent vio-
: . . SÉRe ‘ :
+ lent, elles seraient, sinon brisées du moins roulées en
grande partie. Mais à supposer qu'on voulüt néanmoins
nièr leur autochthonéité, on ne pourrait en aucune manière
récuser le témoignage des serpules de Christiania et des
balanes d'Uddevalla, dont les tests sont encore aujourd’hui
adhérents aux rochers.
— 38 — à
D'un autre côté, le fait que les cannelures et les stries
se prolongent sous les eaux de la mer, atteste d’une ma-
nière non moins évidente qu'à une certaine époque le sol
a dù être plus élevé qu'il ne l'est maintenant. En effet,
c’est un point sur lequel les partisans des différentes
théories sont à-peu-près d'accord, que le phénomène er-
ratique a dù s'effectuer sur un sol émergé. Les glaciers en
particulier ne peuvent avancer qu'à la condition de repo-
ser sur le sol, et nous savons par les observations de
MM. Martins (!) que même les glaciers du Spitzherg ne se
prolongent pas sous la mer; car, comme la mer est en été
à une température supérieure à zéro , elle les fond à leur
base par son contact, si bien qu’à la marée basse le gla-
cier est séparé de la surface de l'eau par un espace qui
correspond à la hauteur des marées (?).
Or si, comme je crois l'avoir suffisamment prouvé, les
polis du Nord ont été occasionnés par d'immenses glaciers
qui ont transporté au loin les blocs erratiques de la Scan-
dinavie et fourni les matériaux du diluvium et des œsars,
il en résulte que toutes les contrées qui contiennent des
traces de sulcature doivent avoir été exondées , lorsque
les glaciers ont façonné leurs reliefs et y ont gravé les
stries et les sillons que nous y voyons. Si les stries s’arrê-
(*) Bibliothèque Universelle de Genève, juillet 4840.
(?) Pour que les glaciers puissent avancer sur le fond de la mer, il fau-
drait que la température de l’eau fût, pendant toute l’année, inférieure à
zéro. Or, un climat pareil rendrait impossible,la formation de glaciers. Ce
qu’il faut aux glaciers, ce n’est pas une température excessive, mais afant
tout un climat humide. Or, de pareilles condifions sont incompatibles avec
une température de la mer qui se maintiendrait constamment au-dessous
de zéro.
ENT TT 7
— 39 —
taient exactement au bord de la mer, on pourrait suppo-
ser que la hauteur relative de la mer et de la côte était
alors ce qu'elle est aujourd'hui, Mais nous avons vu qu’en
une foule de points de la côte Scandinave , les stries s’en-
foncent sous Les eaux, d'où il faut conclure, conformément
au principe que nous avons posé , que le sol de la Scan-
dinavie était à cette époque plus haut que maintenant,
de toute la quantité dont les stries plongent dans la mer.
Ces résultats quoique opposés ne sont pas contradic-
toires, comme on pourrait le croire au premier abord, et
c'est ici que l'observation des coquilles vient compléter
l'étude des phénomènes erratiques proprement dits, en
- nous montrant l'ordre chronologique de ces événements.
En effet, si les balanes d'Uddevalla et les serpules de
Christiania qui se trouvent, les unes à 200 pieds, les
autres à 170 pieds au-dessus de la mer, démontrent d'une
manière indubitable que la côte s'est abaissée en ces
points, le fait que ces animaux sont adhérents à des ro-
chers striés, prouve d'une manière non moins certaine que
ces roches avaient déjà été à sec avant la venue de ces
animaux , d'où je tire cette double conclusion : 1° que le
büurinage des rochers est antérieur à l'époque des balanes
ét des serpules, 2° que pour recevoir ces animaux, les
côtes d'Uddevalla et de Christiania ont dû s’abaisser d’une
quantité équivalant pour le moins à la hauteur actuelle
de ces coquilles. |
+ Mais les balanes et les serpules ne sont pas les seuls
témoins de cet affaissement ; il existe des coquilles super-
posées aux roches polies et striées à une bien plus grande
hauteur dans l'intérieur du diluvium, .etcomme les espèces
sont en grande partie indigènes, et probablement contem-
ah CU
poraines des serpules et des balanes, on est en droit d’en
conclure que l'abaissement a été plus considérable, et qu’il
a égalé au moins la hauteur des gîtes les plus élevés de
coquilles diluviennes ( 800 pieds ).
Cet abaissement a par conséquent eu lieu entre l’épo-
que du burinage et celle de la stratification du diluvium.
A cette époque, les glaciers ayant quitté la plaine pour
se retirer dans l'intérieur des montagnes, les eaux de la
mer.envahirent toutes les terres basses de la Scandinavie,
formant autour du massif des monts scandinaves un vaste
océan, dont on pourra quelque jour fixer les limites , au
moins approximatives, quand on connaîtra la circons-
criplion des coquilles diluviennes. En attendant, l’ana—
logie des phénomènes erratiques de la Finlande avec ceux
de la Scandinavie, permet de supposer qu'à cette époque
le golfe de Bothnie n’était pas séparé de la mer du Nord.
Nous n'avons aucun moyen de déterminer la durée du
temps qui s’est écoulé entre le retrait des glaciers et cet
abaissement du sol, qui a amené l'invasion de la mer.
Cependant il est un fait qui semble prouver que cette pé-
riode n’a pas été bien longue, c'est la belle conservation
des polis sous le diluvium. Nulle part les cannelures et
les stries ne sont plus distinctes que là où l’on vient de
dégager le rocher de sa couverture diluvienne. D'ordi-
naire elles forment un contraste frappant avec les roches
moutonnées dont la surface est à déconvert et qui ont subi
de tout temps l'influence des agents atmosphériques (‘).
(4) I est permis de croire que, si, par un nouveai cataclysme; les sur-
faces moutonnées qui sont aujourd’hui à nu se trouvaient recouvertes de
gravier , les géologues des âges futurs auraient beaucoup plus de peine à
déchiffrer les causes qui ont produit ces formes que nous n’en avons aujour-
hui, aidés que nous sommes par l’état de conservation souvent admirable,
des polis, des cannelures et des plus fines stries.
2 l'E LE
Or, comme nous n'avons nulle raison de supposer que
l'action des agents atmosphériques ait été autrefois moins
énergique qu'elle ne l’est de nos jours, je suis porté à
croire que si les surfaces polies sont si bien conservées
sous le diluvium , c’est parce qu’elles n’ont pas été long-
temps exposées à leur action. Il est même probable que
l'envahissement de la mer a été l'une des causes qui ont
activé, sinon déterminé la destruction des grands glaciers.
On: explique en même temps par là le caractère plus bo-
réal de la faune du diluvium, attendu qu'une masse de
glace aussi considérable n'a pu se fondre sans refroidir
considérablement les eaux qui la baignaient. Plus tard
ce foyer de froid ayant disparu, la température s’est ré-
chauffée et la faune des mers a pris peu-à-peu le carac-
tère plus tempéré qui la distingue aujourd'hui.
C'est à cette époque de l’envahissement de la Scandi-
navie par les eaux qu'il faut faire remonter la disposition
en couches irrégulières du limon , du sable, du gravier et
de tous ces matériaux du diluvium , que le grand glacier
avait laissés en place, comme autant de témoins de son
ancienne extension. L'action de la vague en venant re-
manier ce sol meuble y a entassé et enterré les débris des
corps marins morts sur la plage, lesquels se sont ainsi
trouvés mêlés aux blocs et aux galets rayés. Si telle est
réellement l'origine de ces dépôts , il ne faut pas s'étonner
que les galets rayés y soient si peu nombreux. La vague
en les, frottant les uns contre les autres les a plus ou
moins lusés, et si les blocs d’un certain volume ont géné-
ralement mieux conservé leur burinage que les galets,
cest parce qu'étant plus lourds, ils étaient moins exposés
à être remaniés et roulés. Il est tout naturel dès-lors
ns : UE VE
qu’en Suisse, où l'action des eaux a été moins sensible,
et en tout cas moins prolongée , les cailloux striés soient
plus nombreux. Aussi n’y rencontre-t-on qu’accidentel-
lement des couches bien distinctes dans les terrains vrai-
ment glaciaires. Celles qu'on connaît se trouvent ordi-
pairement dans le voisinage des torrents ().
Après cette époque d'immersion dont il est impossible
pour le moment de connaître la durée, même approxima-
tive, le sol scandinave a de nouveau été émergé. Les
plages voisines du massif central , les plaines de la Suède
et de la Finlande sont sorties successivement du sein des
eaux, ramenant avec elles à la surface, ce même limon
et ce même gravier diluvien qu'avaient déposé les gla-
ciers et qui n'avait subi d'autre changement dans l'inter-
valle, que de s'être irrégulièrement stratifié et mélangé de
coquilles. Les dépressions du sol sont seules restées cou-
vertes d’eau et ont formé les lacs de Ja Suède et de la Fin-
lande ainsi que le golfe de Bothnie. Ce dernier isolé de
l'Océan par l'exhaussement des terres intermédiaires , a
perdu peu-à-peu de: sa salure, ce qui explique le ca-
ractère de sa faune qui est plutôt une faune saumâtre
qu’une faune marine. De leur côté les lacs intérieurs se
sont transformés complètement en lacs d’eau douce, ce
qui n'empêche pas qu'on ne retrouve çà et là des traces
dedeur ancienne condition. Il paraîtrait que certains pois-
sons en particulier ont résisté à ces changements de l'eau,
et d'après les recherches des zoologistes scandinaves , la
truite des lacs suédois (Salmo Trutta L.) ne serait pot
une espèce propre , mais seulement une variété du sau-—
(t) Voy. Rod. Blanchet. Terrain erratique alluvien du bassin du Léman.
ot ob CS Sd S c té
dde dsl
2. gta
Ne |: Me
mon commun (Salmo Salar L.). Or, comme le saumon
des côtes ne remonte pas dans ces lacs, on est tout natu-
rellement conduit à en conclure que ce poisson a résisté
aux modifications survenues dans le milieu qu'il habite.
L'émersion des terres n'a pas dû se faire d'un seul coup,
et les belles observations de MM. Keiïlhau et Bravais sar
les anciennes lignes de niveau de la mer scandinave, nous
apprennent qu'il n'a pas non plus été uniforme partout.
Enfin s'il est vrai que les œsars, qu'on poursuit jusqu'à
une grande distance dans l'intérieur des terres, et dont
nous avons exposé plus haut le mode de formation, indi-
quent autant de rivages successifs , il faut que le golfe de
Bothnie ait été dans l’origine beaucoup plus large qu'il ne
l'est maintenant. Une large zône de rivage , aujourd'hui
cultivée, était alors sous les eaux et ne s’est exondée que
successivement.
Ce retrait successif des eaux s’est opéré en grande par-
tie. pendant l'époque actuelle , puisqu'on a trouvé dans
l'intérieur des œsars des traces irrécusables de l'homme (').
IL est probable que c’est pendant cette période d'émersion
lente.que vivait en Scandinavie ce peuple primitif, dont
les caractères ostéologiques indiquent une race tout-à-fait
diflérente de La race Scandinave et dont on trouve les
squelettes au milieu des tourbières entassés pêle-mêle
avec des débris d'animaux dont les uns ont complète-
ment disparu de la surface de la terre, tel que le Bos urus
et dont les autres ne se trouvent plus dans ces mêmes con-
trées , tel que le Renne (°).
(!) Voir Lyell. Sur les preuves d’une élévation graduelle du sol dans
certaines parties de la Suède.
(2) Jé renvoie, pour ces détails, aux beaux travaux de MM. Nilson et
Eschricht.
PR.
Conclusion.
Il résulte des considérations qui précèdent que si les
soulèvements de la Scandinavie sont d'une grande impor-
tance pour l'étude du phénomène erratique, celui-ci nous
fournit à son tour de précieux renseignements sur l’épo-
que et la valeur géologique de ces soulévements. J'ai
montré que ces soulèvements ne sont pas limités à l'épo-
que historique, mais qu'ils remontent au-delà du dilu-
vium. D'un autre côté, il résulte de ces mêmes études que
les soulèvements n’ont pas été continus, qu'il y a eu au
contraire des intermittences et des bascules, puisque le
sol s’est successivement abaissé et exhaussé. Nous avons
distingué sous ce rapport trois moments principaux :
1° une époque où le sol était plus élevé que maintenant,
l'époque des glaces; 2° un affaissement général du sol
entraînant à sa suite l’envahissement des plaines de la
Scandinavie par la mer, et 3° le soulèvement de ces mêmes
plaines qui se continue encore sous nos yeux, l'époque des
œsars.
Chacune de ces périodes a dù être d’une certaine du-
rée. On conçoit, en effet, que pour qu'un agent se mou-
vant aussi lentement qu'un glacier, ait pu transporter à
la distance de plusieurs centaines de lieues , des blocs et
tout un terrain arraché aux montagnes de la Norwège,
il ait fallu uu temps fort long dont le minimum serait de
plusieurs milliers d'années, si l'on prenait pour base le
mouvement des glaciers les plus accélérés de notre épo-
que,
La seconde période a été au moins aussi longue, si l’on
considère le temps qu'il faut pour qu’une faune loute en-
|
tt, TE
tière puisse vivre, se propager et laisser des dépouilles
nombreuses sur un sol autrefois exondé.
Enfin la troisième période, comprend l’époque histo—
rique depuis la prise en possession de ce sol par les po-
pulations de race étrangère dont nous trouvons des débris
au fond des tourbières du Nord.
D'où il résulte que l’époque glaciaire n’est point un
simple accident dans l’histoire de notre globe, mais qu'elle
comprend une longue période d'autant plus importante
pour les géologues qu'elle fait le passage des époques an-
tédiluviennes aux temps historiques.
A l’occasion de cette dernière communication, il s'enga-
ge une discussion à laquelle prennent part MM. Hollard,
DuBois de Montpéreux et Guyot. Ces deux derniers ajou-
tent quelques renseignements sur l'existence de longues
traînées , ou digues de blocs entassés dans les plaines du
Brandebourg, de la Lithuanie et de la Courlande, qui
semblent difficiles à expliquer autrement que par l'inter-
vention des glaces, ou de moraines déposées par des gla-
ciers flottans. M. DuBois signale le fait que plus on ap-
proche de la Baltique, plus les phénomènes erratiques
deviennent nombreux et caractérisés. Dans les environs
de Riga, par exemple, ce ne sont plus des blocs épars
seulement, mais des collines de plusieurs lieues d'étendue
composées de terrains de transport, de graviers et de blocs
érratiques, en forme de remparts qui ici, comme ailleurs,
sont nommés chaussées des Géants.
M. Sacc expose les procédés de fabrication de la porce-
laine en usage en France et à Berlin, et présente des
échantillons des différentes phases de cette fabrication. Ces
échantillons proviennent de la manufacture royale de
Berlin. A. Guvor, secrétatre.
100 —
Séance du % Février 1847.
Présidence de M. L. CouLon.
M. le Président annonce que la Société de Zurich sem-
ble reprendre un nouvel élan. Elle va publier le bulletin
de ses séances, à l'exemple des Sociétés de Vaud, Neuchäà-
tel, Berne et Bâle. La Société de Zurich propose d'échan-
ger cent exemplaires de leurs bulletins contre un pareil
nombre des nôtres. à
Cette proposition est acceptée avec empressement par
la Société.
M. Hollard présente un microscope d'Oberhäuser qui
redresse les objets au moyen d'un double objectif, et qui
donne des grossissements divers au moyen d'une simple
vis de rappel.
M. Ladame expose la théorie de cet instrument.
M. Sacc communique de la part de M. Théremin la
note suivante tirée des bulletins de la Société de Géogra-
phie de Berlin, sur les pluies torrentielles du 18 Décem-
bre dans le midi et le centre de la France.
» Si l’on compare les relations sur les inondations de
la France, ilen résulte que l'intempérie qui occasionna
cette crue d’eau a été l'œuvre du vent des déserts de l'A-
frique, d'un Samum. Ce vent sec et chaud du Sud, pas-
sant par dessus la Méditerranée, pénétra en France le, 16
Décembre 1847. Son souffle ardent et tout africain y
rencontra des couches atmosphériques abondamment
chargées de vapeurs d’eau, comme c'est l'ordinaire en
automne dans ces régions. De là le terrible orage, qui,
. dans la nuit du 18, ravagea tout le midi de la France.
|
:
L
v
L
:
— NT —
Le thermomètre monta de 7°, le baromètre descendit à
tempête, et une chaleur étouffante règna jusqu'après mi-
nuit. Alors, tout-à-coup, l'orage se manifesta par une
pluie diluvienne, qui descendit véritablement en torrens,
tant à Grenoble qu'à Valence. La pluie y était si forte,
si dense, qu'en peu d'heures les rues furent transformées
en torrents, que l’eau pénétra dans les maisons et les em-
porta. Plus haut, vers le Nord, nommément dans la vallée
de la Loire, il n'y eut point d'orage, mais seulement une
pluie tellement abondante, que le matin du 18 déjà tous
les ruisseaux étaient devenus des rivières torrentielles et
qu'il n’y avait pour les habitants d'autre moyen de salut
que la fuite la plus prompte. Les contrées des Alpes situées
plus à l'Est éprouvérent le même phénomène: l’inondation
du val d'Urseren dans la haute Suisse, près du St-Gothard,
nous en donne la preuve. Elle fut simultanée avec celle
de France. Ce vent africain si ardent, ce sirocco pénétra
même plus loin ; il arriva jusqu’au nord de l'Allemagne,
on le sentit à Leipzig Breslau , à Berlin, si bien qu’il en
fut fait mention dans les journaux. On n’en eut ici que
le côté agréable, ce fut une soirée d'été délicieuse, d'un
air chaud et par un ciel serein. Mais plus au Nord, vers
les côtes de la Baltique, ce souffle tiède fut la cause d’une
forte tempête qui occasionna de grands dégâts. Il y a
deux ans, qu'un beau jour au milieu de l'été, l'influence
du désert de l'Afrique sur l'état atmosphérique de l'Eu-
rope, s'est manifestée dela même manière et de la façon la
plus évidente; et il est surtout intéressant de remarquer
la promptitude avec laquelle cette influence s'est propagée,
car il n'a pas fallu vingt-quatre heures pour qu'elle se fit
sentir dans toute l'Europe.
«
— 8 — :
» La prétendue pluie de sang qui fut observée alors,
dans le département de la Drôme, n'est pas un fait moins
intéressant, l'analyse prouva que sa couleur provenait de
parcelles d'une argile rougeâtre qui y était mêlée. Comme
il se trouve dans la contrée même des couches d’unerar-
gile rougeàtre, on crut dans la localité qu'une trombe
avait attiré de l'eau qui s'en trouvait chargée , et que la
pluie n’avait fait que précipiter-de nouveau ces parcelles
vers la terre. Cette explication paraît toutefois inadmis-
sible et l'on doit se persuader, au contraire, que ces par-
celles terreuses sont d'origine- africaine. Le Samum les
portait avee lui et au moment de l'orage elles furent pré-
cipitées sur la terre.
» Si un heureux hazard pouvait procurer à M. le pro-
fesseur Ehrenberg, à Berlin, un seul échantillon de ces
taches sanguines , il y découvrirait sans doute des cara-
paces d'infusoires du monde primitif; car il nous a prouvé
la présence de ces débris organiques dans la poussière qui
tomba sans pluie dans l'Atlantique, sur le pont des na-
vires, et dont il a prouvé l'origine africaine. »
À l’occasion de la pluie de sang dont il est fait mention
dans celte communication, phénomène que l’auteur semble
attribuer au sable du Sahara tenu en suspension dans ce
vent africain etprécipité avec les eaux pluviales, M. Coulon
père rappelle un fait signalé par Russegger, c'est que par-
fois les pluies d'orage qui tombent sur les bords du désert
entraînent une telle quantité de ces matières poudreuses
suspendues dans l'atmosphère, que ce sont de vraies pluies
de boue.
M. F. Favarger cite à l'appui de ce transport par les
vents de matières poadreuses, des faits dont il a été témoin
=) AN =
à Buenos-Ayres. Les vents des Pampas desséchés pendant
l'été, amènent quelquefois vers la mer à Buenos-Ayres,
de tels nuages de poussière que l'air en est obseurci et
que la nuit s'établit au milieu même de la journée. Ces
nuages atteignent Buenos-Ayres et passent au dessus pour
aller s’abattre plus loin en mer. Ils entraînent souvent
des masses énormes d'insectes qui tombent en véritable
pluie, et qui du jour au lendemain disparaissent sans laisser
de traces.
M. Guyot donne quelques détails sur le puits artésien
foré à Montdorf en Luxembourg, qui semble le plus pro-
fond qui ait été creusé jusqu’à présent. Il s’abaisse de
671,2 mètres au dessous de la surface, et le thermomètre
plongé à cette profondeur accuse une température de 34°
centigrades. Ce qui donne une progression d'environ
29,6 mètres par 1° centigrade. Cette progression un peu
plus forte que la moyenne, pourrait bien être dûe, selon
M. Guyot, au voisinage des terrains volcaniques du pla-
teau du Bas-Rhin.
M. le prof. Sacc présente à la Société, un fort bel
échantillon de sélénium pur, et fondu, qu'il doit à l’o-
bligeance de M. le prof. Mitscherlich. Ce culot de sélé-
._ nium provient des mines de Silésie.
Le Même dit ensuite, que lorsqu'on part de la formule
« de l'acide oxalique doublée, il est facile de se rendre
. compte de la formation de deux des acides organiques
les plus répandus dans les plantes : les acides malique
et citrique, en admettant que l’oxigène de l'acide oxa-
lique disparaît, équivalent après équivalent, étant chaque
11. A
5000
fois remplacé par une quantité correspondante d'hydro-
gène, ainsi que l’expliquent les formules suivantes :
2 C2 03 ou C: 06; soit, deux équivalents d'acide oxa-
lique — 02 + H2— C1 H2 04; soit, un équivalent d’a-
cide malique, ou de son isomère, l'acide citrique. M. Sacc
admet avec M. Liebig, que dans certains cas, l'acide
carbonique n’est pas totalement réduit par les plantes ;
qu'il ne perd d’abord que le quart de son oxigène, pas-
sant ainsi à l’état d'acide oxalique capable de se méta-
morphoser ensuite en acide malique, ainsi qu'on vient
de le voir. Les acides organiques végétaux sont encore,
malgré toute la haute importance de leur étude, si mal
connus , que chaque travail qui s’en occupe, présente
un intérêt tout particulier; à bien plus forte raison quand
ce travail est fait avec autant d’habileté et de science que
celui que vient de publier M. Plantamour de Genève, à
Foccasion de l’action qu'exerce le chlore sur l'acide ei-
trique. Ce jeune savant a fait agir ce métalloïde sur une
solution de citrate sodique et d'acide citrique. Dans le
premier cas, il a obtenu du tricitrate sodique insoluble
dans l’eau, du chlorofome, et une huile lourde, ainsi
qu'un acide volatil. Dans le second cas, il a obtenu les
mêmes produits; moins le sel sodique; plus, un acide
excessivement volatil, et si facilement décomposable, qu’il
lui a été impossible de l’examiner. Reprenant l'analyse
de ces produits, M. Sacc cherche à prouver que chloro-
fome C2 H, Cl: est du chlorhydrate bicarbonique CI H,
Cl: C2 formé par la substitution du chlore à l’oxigène
qui existe dans l’acide formique. L’acide organique obtenu
en même temps que l'huile lourde, ayant pour formule
C+ H2 03, qui est aussi celle de l’acide succinique, il est
SN: de
un nouvel et frappant exemple de cette isomérie, de cette
force mystérieuse, que la nature emploie pour produire
des composés aussi différents que possible les uns des
autres, et formés cependant des mêmes parties consti-
tuantes prises dans les mêmes proportions. Le nouvel
acide en question n'étant pas de l'acide succinique, on
devait chercher à expliquer sa constitution; c'est ce qu’a
fait M. Plantamour , en lui assignant la formule C2 03,
C2 H2 qui en fait un oxalate bibasique de carbure hy-
drique ou hydrogène bicarboné; reste à prouver, que
cette constitution est bien celle du nouvel acide. Quant à
l'huile lourde qui se forme en même temps que l'acide
précédent , auquel on donne le nom d'Elayloxalique, et
qui attaque très-fortement les organes de la respiration
et de la vue, elle a pour formule brute Cio H Cls 03,
que M. Plantamour dédouble de cette manière :
C 2Cl2 + C2 03 acide bichloroxalique,
Cs Cl: chloride oxalique,
C2 Cl; H chlorofome,
en se basant sur la décomposition que subit cette huile,
quand on la traite par la solution alcoolique de potasse.
M. Sacc propose d'appeler l'acide bichloroxalique : oxa-
late bichlorocarbonique, et le chloride oxalique : chloro-
carbonate carbonique Cl: C, CI C. M. Plantamour croit
. que cette huile lourde est formée par le mélange de deux
- huiles différentes, qu'il n’est pas parvenu à isoler; car,
l'huile lourde qu'il a obtenue en faisant agir le chlore sur
… l'acide citrique avait pour formule Cs Cls 03, et lui don-
nait néanmoins, quand il la traitait par la potasse en dis-
solution dans l'alcool , les mêmes produits que la précé-
-dente; au chlorhydrate bichlorocarbonique près, qui au-
22 —
rait été le produit de l’altération de l'huile non isolée ;
l'huile lourde pure, serait donc formée d'acide oxalique ,
de deux équivalents de chlorure carbonique, et de deux
équivalents de chlorocarbonate carbonique. De tout ce
beau et difficile travail, il est impossible de tirer à pré-
sent, des conclusions appliquables à la théorie de la cons-
titution de l’acide citrique.
F. Sacc, secrétaire.
Séance du 18 février 1847.
Présidence de M. le comte L. de Pourtalès, vice-président.
M. le Vice-président dépose sur le bureau :
1° Les deux premiers n°5 du Bulletin de la Société des
Sciences naturelles de Zurich qui viennent d’être adressés
à la Société.
29 De la part de l’auteur une brochure qui contient
l'analyse chimique des eaux thermales de Weissenbourg,
par le professeur Fellenberg de Lausanne.
M. le professeur Ladame fait une communication
Sur les phénomènes électriques de l'air pendant certains états
particuliers de l'atmosphère, et sur l'influence qu'exerce cet
état sur le jeu des machines électriques.
a E
M. Ladame, après avoir rappelé les jours de mauvais
temps et de vents d'Ouest violents qui ont régné depuis
le soir du 6 Février, et qui ont continué sans interruption
jusqu'au {1 inclusivement, fait un rapprochement entre
cet état de l'atmosphère et celui des appareils électriques
En
dés 2.
RP NS"
le 6 Février, avant l'apparition du vent et de la neige.
Ce jour-là le vent était au Nord-Est, le ciel était couvert
de quelques nuages, il faisait beau temps ; il paraissait
donc que les circonstances étaient favorables aux expé-
riences d'électricité de tension. Cependant la machine ne
donnait que de courtes étincelles; une bouteille de Leyde
ne put être chargée que très-faiblement; jamais les ap-
pareils électriques ne marchèrent aussi mal. Malgré le
renouvellement de l’amalgame sur les coussins et le des-
sèchement des tiges de verres qui soutiennent les con—
ducteurs de la machine, on dut renoncer, pour ce jour-là,
aux expériences. Dès le soir même, le ciel se couvrit
uniformément; la température, qui le matin était à
—990, 2, était à zéro le soir, et le lendemain matin elle
s'éleva à + 2°, 5 cent., avec l’arrivée d’un fort vent
d'Ouest accompagné d’une chute de neige et de pluie.
Le but de cette note est de faire voir que la faible ten-
sion de l'électricité sur les machines paraît trouver l’ex-
plication la plus heureuse dans l’état électrique de l'air,
si l'on admet pour cause de l'électricité atmosphérique,
ainsi que le fait M. le professeur A. de la Rive, la distri-
tribution de la chaleur dans l'atmosphère. M. de la Rive
a formulé cette hypothèse à l'occasion d’un mémoire de
M. Lecoq sur la formation de la grêle (').
L'air s'échauffe surtout par son contact avec le sol,
car les rayons solaires traversent l'atmosphère sans l’é-
chauffer sensiblement, et arrivent ainsi au sol. La tem—
pérature du sol en s’élevant échauffe l'air à son tour.
(?) Bibliothèq. Univer., Juin 1836, v. II p. 240. — Archives des sciences
Physig., de Genève, 1846, v. II p. 592. — Annales de chimie et de phy-
sique, t. LXI, 1856, p. 202.
=. AR
Rappelons maintenant que les expériences thermo-
électriques nous apprennent que, lorsqu'un corps donne
de la chaleur, il se charge d'électricité négative, tandis
que celui qui en reçoit prend l'électricité positive. Dès-
lors l'air placé au contact du sol chaud recevant de la
chaleur, il deviendra positif, mais à mesure qu'il s'é-
chauffe et qu’il donne lui-même de sa chaleur aux cou-
ches supérieures de l'atmosphère, celles-ci deviennent
positives à leur tour, tandis que les parties inférieures
tendent par ce fait à devenir négatives.
Aiïnsi donc les couches de l’atmosphère voisines du sol
tendent d’une part à devenir positives sous l'influence du
sol, et négatives sous l'influence des couches supérieures.
Elles seront positives, si l’action du sol l'emporte; néga-
gatives, si l’action des couches supérieures est plus forte;
elles seront à l’état naturel, si les deux actions se balan-
cent. Or l'intensité de ces actions dépendant des diffé-
rences de température, il en résulte qu’en définitive l’état
électrique des couches atmosphériques dépend de la répar-
tition de la chaleur.
Telle est l'hypothèse de M. de la Rive. Elle a de grandes
probabilités en sa faveur. Il n’en est pas de même des
autres sources d'électricité qui ont été admises par divers
physiciens, savoir l’évaporation des mers et la végétation ;
car les expériences contradictoires de MM. de Saussure,
Pouillet, Reich et Reiss, font naître bien des doutes sur
la réalité de ces sources d'électricité.
Cette hypothèse de M. de la Rive est très-féconde en
conséquences. L’illustre physicien de Genève en a déjà :
présenté quelques-unes, surtout celles qui sont relatives
à la formation et à la théorie de la grêle. Je vais essayer
225 EN Eur
d'en indiquer quelques autres encore non moins impor-
tantes.
Pendant l'été, il existe une grande différence de tem-
pérature entre les couches inférieures de l'atmosphère et
les couches supérieures. Le mouvement de la chaleur
s'opère toujours dans le même sens, c'est-à-dire de bas
en haut. Le décroissement de la chaleur est en général
très-rapide, mais il l’est surtout dans les couches inférieu-
res ; c'est donc particulièrement dans celles-ci que l’élec-
tricité se développe. En conséquence la terre est négative,
dès que l'air, jusques dans ses plus hautes régions, est
positif. Comme l'air est peu conducteur de l'électricité, et
que la pression qu'il exerce dans les régions inférieures
est considérable, l'électricité se manifeste sous la forme
d'une tension qui acquiert une grande puissance; de là les
éclairs et les orages de la saison chaude ('). Ces effets
seront d'autant plus intenses que l'air sera plus calme
et que, par l'absence des courans horizontaux ou verti-
caux, l'air froid des couches supérieures ne se mélera pas
(*) Pour qu’il y ait orage, il ne suffit pas que l’électricité ait atteint une
forte tension , il faut encore des conditions d'humidité et de chaleur telles
que les nuages se forment ; alors ceux-ci recueillent l'électricité et la foudre
apparaît. Lorsque les nuages mexistent pas, l'électricité de tension peut
donner lieu à des éclairs larges et étendus , qui constituent ce que l’on ap-
pelle les éclairs de chaleur, qui paraissent après les jours chauds. Plusieurs
physiciens admettent que ces éclairs sont dûs à des orages très-éloignés et
placés sous l'horizon. On apercoit ordinairement ces éclairs par un ciel
parfaitement pur et rien ne s’oppose à l’explication que nous donnons
ici. Nous devons néanmoins rappeler que M. le colonel de Bosset s’était
établi en séjour pendant plusieurs étés successifs sur Chaumont (élevé
de 1472 mètres au-dessus de la mer) pour étudier ce phénomène, et il
rapporte que quand ces éclairs avaient lieu , il apercevait des nuages ora-
geux dans les profondes vallées des Alpes.
= 1% =
avec l’air chaud des couches inférieures. Ce sera donc
après des journées calmes et chaudes que les chances
d’orages seront les plus nombreuses, et l'époque la plus
favorable pour la production de l'orage, sera non pas
le moment où la différence des températures entre les
couches supérieures et inférieures sera le plus grande, mais
le moment d’après, attendu qu'il faut un certain temps à
la chaleur pour se transmettre. Une seconde condition
non moins importante, c'est que le refroidissement des
couches supérieures dû au rayonnement, soit assez con-
sidérable pour qu’il y ait précipitation de la vapeur d'eau.
Ces deux conditions indiquent que les orages devront
éclater dans l'après-midi, vers le soir, et même, quoique
plus rarement, pendant la nuit.
Lorsque le temps est au beau stable, et qu'il ne règne
pas de grands courants atmosphériques, l'orage éclate
chaque jour à la même heure, il se forme toujours dans
les mêmes points, et suit sensiblement le même déve-
loppement, par la raison que les configurations du sol
ont une grande influence sur la répartition de la chaleur ;
or, ces causes étant constantes, entraînent les mêmes effets.
Nous expliquerons dés-lors sans effort cette périodicité
régulière des orages dans la zône torride, et les effets
analogues qui se présentent dans les latitudes plus élevées
pendant l'été. Volta, qui avait déjà signalé cette pério-
dicité diurne et cette localisation des orages, admettait
qu'il existait dans les points où ils se manifestent, comme
un levain résultant de l’action de la veille.
Les considérations qui précèdent expliquent d'une ma-
nière non moins heureuse les faits suivants, dont la con-
stance frappe les personnes les moins attentives.
PURE: DE
Les habitants du pied du Jura observent très-souvent
des nuages menaçants le long des sommités de la chaîne.
On les voit se mouvoir avec rapidité vers la plaine, le
tonnerre éclate avec force ; mais il s'élève parfois un vent
violent, une brise de montagne que nous appelons le Jo-
ran. Dans ce cas on peut être sans crainte, l'orage n'ar-
rive pas. On dit alors que le Joran chasse l'orage; ce
qui peut paraître d'autant plus singulier que ce vent souf-
Île précisément des régions d’où nous viennent les nuages
orageux. Ces faits résultent tout simplement de ce que le
courant froid qui descend de la montagne, amenant dans
les couches inférieures l'air des régions supérieures, l'é-
quilibre de température et d'électricité se rétablit dans
toute l'étendue de l'atmosphère occupée par ce vent. Or
la cause qui détermine la formation de l'électricité, savoir
la grande inégalité de température, venant ainsi à cesser,
le développement de l'orage se trouve arrêté.
Le Joran s'étend peu dans la plaine suisse, et à quelques
lieues de la chaîne il n’est guère sensible, lors même qu'au
pied de la montagne, il a parfois une force tellement
grande, que des arbres se brisent , et que tous fléchissent
et se courbent sous sa puissante action.
La plaine suisse n'est donc pas sous l'influence de cette
brise, et dès-lors les conditions du dégagement de l’élec-
tricité persistent. Aussi nous la voyons fréquemment at-
teinte par de violents orages, tandis que, placés au pied
du Jura, nous en sommes à l'abri.
On peut expliquer d'une manière tout aussi satisfai—
sante les variations que l’on observe dans la hauteur des
orages. On sait que les orages éclatent à des hauteurs très-
diverses, et que parfois ils sont si bas, que du sommet de
montagnes d’ailleurs peu élevées, on les voit à ses pieds.
Ces faits résultent de la distribution de la vapeur dans
l'atmosphère, et des circonstances de température qui ont
précédé l’arrivée de l'orage; mais on manque d’observa-
tions bien faites sur ce sujet, et on ne trouve pas d'indica-
tions suffisantes dans les éphémérides météorologiques (!).
Aussi est-ce une recherche sur laquelle nous nous pro-
posons de revenir plus tard.
Pendant l'hiver le sol est froid ; l’abaissement de tem-
pérature, à mesure que l'on s'élève, est peu rapide ; sou-
vent même il y a inversion dans l’ordre ordinaire des tem-
pératures; ce n’est qu'à une grande hauteur que les
différences de température deviennent considérables.
L’électricité se produit par conséquent dans les hautes ré-
gions de l'air, et dès-lors sous une faible pression. Dans
ces circonstances, l'électricité ne se développe pas sous
sa forme de tension, ou du moins sa tension n'’atteint
que peu d'intensité avant de triompher du faible obsta-
cle que l'air lui oppose, et elle s'établit sous forme de
courans lumineux pour constituer les aurores boréales.
Quant à l’état électrique des régions inférieures de
l'atmosphère, il doit être négatif ainsi que le sol, puisque
(*) Depuis cette communication, nous avons eu, au mois de mai de cette
année 1847, plusieurs orages très-élevés ; or ils ont eu lieu après des jours
très-chauds pendant lesquels la chaleur était, au milieu du jour, aussi forte
à la Chaux-de-Fonds qu’à Neuchâtel ( la différence de niveau de ces deux
points est de 562 mètres ). Lorsque la température est élevée, et qu’elle
est sensiblement la même jusqu’à une grande hauteur, l'électricité ne se
développe que dans les hautes régions: voilà pourquoi ces orages ont été
élevés. Les saisons, la transparence plus ou moins grande de l’air, un
ciel plus ou moins nuageux, sont des circonstances qui sont favorables
ou défavorables aux différences de température des montagnes et de la
plaine, et qui déterminent ainsi la hauteur plus ou moins grande des
nuages orageux.
se 0500.-——-
l'humidité habituelle de l'air pendant cette saison le rend
conducteur, et qu’il reçoit l'électricité négative de cou-
ches supérieures; mais cette électricité ne se manifestera
pas avec une grande tension, par suite de la conductibi-
lité de l'air et des vents violents qui règnent presque
constamment.
Il est évident que l'espèce d'électricité contenue dans
l'air doit avoir une influence sur les appareils électriques
que l’on met en jeu dans les cabinets de physique, et que
‘état de ces appareils est lié avec celui de l'atmosphère,
en tant que celui-ci dépend de ces circonstances de chaleur
et d'électricité. Ils peuvent donc servir de pronostic du
temps, et présenter des indications utiles. Nous sommes
maintenant ainsi en mesure de nous rendre compte des
faits énoncés au commencement de cette notice. Nous avons
dit que dans l'après-midi du 6 Février, quoique le temps
fût beau, les expériences d'électricité durent être aban-
données, parce que la machine ne donnait presque point
d’électricté. D’après la théorie que nous avons présentée
dans les pages précédentes, les couches supérieures de
l'atmosphère devaient être plus chaudes que de coutume,
et l'abaissement de température devait être faible dans
les couches inférieures. C’est dans ce but que nous avons
comparé les observations météorologiques de la Chaux-
de-Fonds, station élevée de 562 mètres au - dessus de
Neuchâtel, avec celles de cette dernière localité. Quoique
la différence de hauteur ne soit pas considérable, la
comparaison de ces observations montre avec une pleine
évidence, la justesse de la théorie que nous avons expo-
sée. Les voici:
NEUCHATEL. CHAUX-DE-FONDS.
Æ | | Différence
Février
5 (9h. mat.
midi
3 h. soir.
9 h. soir.
9 h. mat.
midi
5 h. soir.| cal.
9 h.soir.
9 h. mat.
midi.
3 h. soir.
9 h. soir.
9 h. mat.
midi
5 h.soir.
9 h. soir.
9h. mat.
midi
3 h. soir.
9 h. soir.
Heure.
5,5
y ko
C3
5
2
25
8
(24
FT et ee
OF © © OI OI x ©
‘@t
ss
C2]
OOMCOUUU OO SOON
DODODO00000002722227
Nous voyons par ce tableau, que la plus faible diffé
rence de température a eu lieu depuis l'après-midi du 6
jusqu’au soir du 7 : c'est précisément l'époque à laquelle
se manifestait l’affaiblissement des appareils électriques.
Remarquons aussi que le vent d'Ouest a commencé à
souffler à la montagne avant de se faire sentir dans la
plaine.
Cette perturbation des rapports ordinaires devait avoir
pour effet d'établir un flux constant d'électricité négative
venant des régions supérieures, et la conséquence de cet
état de l'atmosphère, devait être que l'électricité positive
tendait à disparaître avec rapidité au fur et à mesure de M
sa production dans la machine; ce qui explique la faible.
tension et la perte considérable de l'électricité.
sont CM
L'hypothèse de M. de la Rive sur l’origine de l'électri-
cité atmosphérique nous a conduit ainsi à diverses consé-
quences qui nous ont permis d'expliquer les faits suivans :
1° La fréquence des orages en été, les causes qui les
produisent ou qui les font disparaître, la hauteur à la-
quelle ils ont lieu, et enfin leur distribution à la surface
du globe dont les recherches de Berghaus montrent la
liaison avec la répartition des eaux et des terres et avec
les accidens du sol.
2° L'absence des orages en hiver et leur remplacement
par des aurores boréales.
3° La liaison qui existe entre la distribution de la cha-
leur dans l'atmosphère, et l’état des appareils électriques à
la surface de la terre, de telle sorte que ceux-ci peuvent
fournir des indications sur la température des couches
supérieures de l'atmosphère, et devenir ainsi un moyen
de prévoir le temps.
4° L'apparition d'aurores boréales étendues, jointes
aux indications des appareils électriques, annonce une
grande perturbation dans la distribution de la tempéra-
ture atmosphérique Cette perturbation détermine une
rupture d'équilibre dans l'atmosphère, qui, amenant l'air
des couches supérieures dans les couches inférieures, peut
avoir pour conséquence de grands froids, des vents vio-
. lents et d’abondantes chutes d’eau ou de neige.
Les conclusions qui précèdent auraient besoin d’être
appuyées par des observations directes faites à différentes
hauteurs dans l'atmosphère, pour être pleinement justi-
fiées; cependant, envisagées dans leur ensemble, elles pré-
sentent un haut degré de probabilité et elles appellent,
l'attention sérieuse des météorologistes.
A. Guyor, secrétaire.
CE
M. de Uastella présente un appareil construit à Lausanne
par MM. Mayor et Dupertuis pour les inhalations d'éther.
Il rappelle brièvement comment cette découverte faite en
Amérique s’est répandue sur le continent, et passe en-
suite à la description de l'appareil, qui est fort simple.
L'action des vapeurs de l’éther a été étudiée à l'hôpital
Pourtalès sur un individu qui avait une hernie étranglée.
On s’est servi d'un appareil construit par M. Ch. Matthieu.
MM. les D'S Bovet et Borel assistaient à l'expérience.
Après avoir aspiré pendant trois minutes les vapeurs
d'éther, le malade a repoussé l'appareil ; il a fallu re-
commencer deux fois de suite; alors le pouls baissa , la
respiration devint difficile et les yeux saillants. On com-
mença l'opération, et le malade ne parut pas sentir les
premiers coups de bistouri; mais il revint bientôt à lui,
et souffrit beaucoup; le sang qui s'écoulait de la plaie
était noir et peu abondant. M. de Castella passe ensuite
en revue les avis si différents de tous les praticiens, sur
la valeur de la découverte de cette nouvelle propriété des
vapeurs d'éther , et il conclut en disant qu'elle a besoin
d'être encore étudiée avec les plus grands soins.
M. le D' Borel pense que si l’expérience faite à l'hôpi-
tal Pourtalès n’a pas eu tout le succès qu'on devait en
attendre, c'est que la vapeur d'éther arrivait en trop
grande masse aux poumons du malade. Il signale alors
tous les avantages de l’appareil de Charrière qui est muni
d’un robinet à double effet, à l’aide duquel on fait arriver
aux poumons la vapeur d’éther aussi étendue d'air qu'on
peut le désirer. Du reste, il confirme en tous points les
faits exposés plus haut par M. de Castella.
M. le Dr Mercier observe que l’inhalation d'éther dans
le cas spécial où elle a été appliquée à l'hôpital Pourta-
ER NE
lès, cas dans lequel il y avait déjà disposition à une in-
flammation, pouvait être bien dangereuse; il pense en
conséquence que le peu d'action de la vapeur d’éther sur
l'état du malade en question peut bien être la suite de
la nature de son affection. |
M. Sacc entretient la société des fonctions du foie, qu'il
envisage comme l'organe destiné à secréter du carbone
solide, tandis que les poumons le rejettent à l’état gazeux.
Au moment où les substances féculacées arrivent dans
l'estomac, elles s’y transforment en acide lactique; or,
si on soustrait de 8 équivalents de cet acide, soit
C58 Ho 050, un équivalent de Cho-
lestérine C36 H32 0, il reste
C12 Hs 039, soit : douze équivalents
d'acide carbonique, huit équivalents d’eau, et sept équi-
valents d'oxigène. Ce dernier se porte sur les substances
combustibles qui l'entourent, et opère une combustion
lente, dans le sang lui-même. L'oxigène peut et doit donc
se produire en assez grande quantité dans l'intérieur des
animaux. La Cholestérine ainsi produite, arrive au foie,
où, en présence de l’eau et des acalis, elle tend à passer
à l'état d'acide ; elle s’'approprie un équivalent d’eau, et
devient C36 H32 0, H 0 qui se décompose en produisant
- C:5 Hs: O0 + C 0 qui se dégage. Ce nouveau corps est
l'Aldéhyde de l'acide margarique; en s'emparant d’un
équivalent et demi d'oxigène, il passe à l'état d'acide stéa-
rique; en s'en appropriant deux, il se transforme en
acide margarique. |
On pourrait peut-être observer contre cette manière de
voir, les nouveaux faits observés par M. Redtenbacher
2 FO
dans l'oxidation de la cholestérine. Il n'a pas obtenu alors,
comme les anciens observateurs, un acide gras insoluble
dans l’eau, soluble dans l’alcool et dans l’éther, mais bien
de nouveaux corps; les acides choloïdanique C16 Hi2 0:
et cholestérique Cs H4 04 qu'il avait préparés aussi en trai-
tant directement la bile par l'acide nitrique. Le premier
de ces acides, qui est insoluble dans l’eau, paraît être un
mélange d'acide margarique non décomposé, et du second
de ces acides. Quant à l'acide cholestérique, il est bien
déterminé; sa formule Cs H4 04 peut se dédoubler en
C: H2 02, qui est de l’aldéhyde formique, et C4 H2 O2 qui
est l’oxide inférieur à l’acide succinique, ce qui devait être,
puisque l’action de l’acide nitrique transforme l’acide mar-
garique en acide succinique.
Si la métamorphose de la cholestérine en acide mar—
garique a échappé à M. Redtenbacher, c'est parce qu'il
s’est servi d'acide nitrique concentré et bouillant qui atta- :
que et décompose rapidement l'acide margarique. Ainsi
s'explique à la fois, la cause qui rend nécessaire l'existence
dans le corps, de cet acide lactique et de cette cholestérine,
qui s'y trouvent si abondamment répandus, et dont on
ignorait presque totalement les usages jusqu'ici. Dans
l'acte de la digestion, les aliments féculacés se transfor-
ment dans l'estomac en acide lactique, qui est immédia-
tement absorbé par les divers vaisseaux qui rampent à
la surface du canal digestif, puis, porté par eux vers le
foie, où il se scinde en acide carbonique, eau, et oxigène
qui sont emportés par le sang vers la périphérie du corps, |
et en cholestérine absorbée par le foie, où elle s’oxide,
passe à l'état d'acide stéarique ou margarique, et va de
là probablement au travers des vaisseaux chylifères, se.
— 65 —
fixer dans les tissus destinés à conserver la graisse, il est
. donc clair que la graisse ne se forme pas directement par
l'altération des substances féculacées, ainsi que cela est
généralement admis.
M. le Dr Borel, ainsi que M. James Borel, citent, en
opposition aux conclusions de M. Sacc, plusieurs cas
dans lesquels, nonobstant un état de décomposition très-
grand du foie, les fonctions végétatives ne paraissaient
pas, suivant eux, avoir subi d’altération notable. Ces ob-
servations ne changent en rien la manière de voir de
M. Sacc, puisque tous les cas observés ont été suivis de
mort ; d’ailleurs ces deux messieurs ont négligé de s'assurer
si, malgré l’état maladif du foie, il n’y avait plus aucune
sécrétion de bile.
M. Sacc passe ensuite à la description d’un entonnoir
au bain d’eau, très-simple et inventé par M. Ph. Planta-
mour. Ce petit instrument est destiné, suivant lui, à
passer dans toutes les officines.
F. Sacc, secrétaire.
Séance du À Mars 1847.
Présidence de M. L. CouLox.
… M. le Président annonce la réception de la fin du bul--
letin des séances de la Société des Sciences naturelles de
Berne pour 1846.
Le même donne lecture d’une lettre du Président de la
Société de Vaud , par laquelle cette société propose, à
Vexemple de celle de Zurich, l'échange de ses bulletins
en un nombre d'exemplaires égal à celui des membres
LL
5
me CG “Se
respectifs des deux sociétés. La proposition de Lausanne
est agréée par la Société.
M. Guyot rend compte des travaux hypsométriques de
M. de Wildenbruch, consul prussien à Beyrouth, sur la
vallée du Jourdain , le lac de Tibériade et la mer Morte.
Après avoir donné quelques détails sur la structure re-
marquable de ces contrées, et rappelé les efforts qui ont
êté faits pour en rectifier la topographie, le rapporteur
signale les discordances singulières qui existent entre les
différentes mesures faites par divers observateurs pendant
les derniers dix ans, depuis Schubert jusqu'à Wilden-
bruch, différences qui nous laissent encore en suspens sur
la véritable valeur de tous ces chiffres. En effet :
Pour le niveau du lac de Tibériade au dessous de celui
de la Méditerranée :
Schubert trouve, baromét. . . 535 pieds de Paris.
Bertou id. ne SO à »
Russegger id. manatt als r- »
Symond trigonomét. . 307 »
Wildenbruch, baromét, . . 793 »
moyenne 994
Pour la mer Morte, au dessous de la Méditerranée :
Bertou a trouvé baromét. ,. . 1248 pieds de Paris.
Russegger id. . . . 13H »
Symond trigonomét. . 1230 »
Wildenbruch baromét. . . 1351 »
moyenne 1292
Ces résultais , surtout ceux qui sont relatifs au lac
de Tibériade, laissent encore beaucoup à désirer sous le”
rapport de l'accord que l’on est en droit d'attendre de me-
ME
sures de cette nature. Néanmoins comme les mesures ba-
rométriques de Wildenbruch ont eu l'avantage d’obser-
vations correspondantes sur la Méditerranée , avantage
qui a manqué à toutes les autres , elles peuvent être con-
sidérées comme un contrôle utile et un élément précieux
| pour concourir à la formation d’un nombre moyen qui se
rapproche de la vérité. De plus, comme elles se rappro-
chent davantage des autres pour le niveau du lac de Ti-
bériade que celles du lieutenant Symond, on est en droit
de soupçonner une erreur dans ces dernières qui différent
d'une manière si notable de toutes les autres indications.
À. Guyor, secrétaire.
M. de Castella, rendant compte de la dernière séance
de l'Académie de médecine, parle des heureux effets
obtenus par M. Paul Dubois, de l'application de l’éther
sur les femmes en couches. L'accouchement des femmes
soumises à l’action de cette vapeur s’est effectué de la
manière la plus normale et sans douleur ; les tissus étaient
assez relâchés pour que le périnée n'ait jamais été déchiré,
comme cela arrive ordinairement aux primipares. Un fait
bien remarquable, mais normal, c’est que, dans ces con-
ditions, la circulation du sang se ralentit chez l'enfant,
absolument comme chez sa mère. M. Flourens, qui a
- continué à faire agir la vapeur d’éther sur des animaux,
- a trouvé, comme précédemment, qu’elle les tue, en agis-
. sant sur la moelle épinière.
M. le D' Borel dit qu’en faisant l’'amputation d’une
cuisse à un sujet éthérisé, M. Roux a vu le sang artériel
conserver sa teinte vermeille, et les fibres musculaires se
contracter sous le bistouri. M. Serres ayant expérimenté
sur des animaux avec de l’éther liquide, a trouvé que ce
corps agit toujours sur le système nerveux. L’éther chlor-
hydrique paraît avoir une action plus sensible encore que
celle de l'éther hydrique, M. Borel croit que l’éther agit
en produisant une véritable ivresse. M. le Dr de Castella
qui partage cette manière de voir, rapporte qu’il y a quel-
ques années, un scieur de bois s’étant couché dans un état
d'ivresse complet sur un billot de bois, il fut atteint par
la scie qui lui coupa la moitié du bras. Apporté dans cet
état à l'hôpital Pourtalès, il subit l’amputation du bras
sans témoigner de la douleur , et ne sortit de sa torpeur
que le lendemain matin. Il fut atteint plus tard de déli-
rium tremens que l’on guérit avec de l’opium.
M. Borel, revenant sur ce sujet, dit qu'on guérit tou-
jours le délire traumatique avec de l’opium, et que l'action
de l'ivresse sur les museles était si bien connue des Val-
dajoux, qu'ils avaient grand soin d'énivrer leurs patients
toutes les fois qu'ils avaient de la peine à réduire une
luxation ou une-fracture.
. M. Sacc rappelant qu'il a toujours cru que l’heureux
effet du calomel dans les fièvres typhoïdes était dû à sa
transformation en sublimé corrosif, qui agissait. comme
antiseptique, annonce qu’un fait est venu corroborer cette
opinion; cest la guérison de plusieurs personnes très-
gravement atteintes de la fièvre typhoïde, par une solu-
tion, à un millième, de créosote, dont les propriétés anti-
septiques sont incontestables.
M. Sacc fait une communication verbale sur l'épuise-
ment des sols.
= 0
+ Al est reconnu qu'aucune plante ne vient longtemps sur
Je même terrain, quand elle n’est pas mise dans des con-
ditions telles , que la nature du sol sur lequel elle végète,
change d’une façon ou d’une autre.
Ce changement peut s'effectuer par un apport de subs-
tances nouvelles , ou par l'enlèvement d'une partie de
celles qui s’y trouvaient déjà. Ce sont les eaux qui dans
la nature se chargent de ces deux modifications de la sur-
face du sol; l’agriculture a pour but d'aider et de régu-
lariser l'effet des eaux.
L'épuisement de la terre est d'autant plus rapide , que
l'effet des eaux est moindre ; de là, l'épuisement si prompt
des terrains élevés, ou en pente, tandis que les plaines
conservent longtemps leur fertilité. Le sol refuse de por-
ter plusieurs années de suite, une même espèce de plante
annuelle ou à tige annuelle ; les arbres font exception,
‘parce que les végétaux lui enlèvent ou lui donnent cer-
tains principes ; les premiers utiles , les seconds nuisibles
à leur développement. Toutes les plantes n’enlèvent pas
au sol les mêmes principes ; les unes lui prennent essen-
tiellement des alcalis, comme les fougères, les papilio-
nacées ; les autres, des alcalis, de l’'ammoniaque et de
. acide silicique , comme lés graminées ; d’autres enfin de
‘la chaux, comme les papilionacées et les plantes grasses
Len général. Mais, comme la quantité de substance miné-
wrale qu’on trouve dans les végétaux est fort variable, on
mpeut douter encore que ces matières soient indispensa—
- bles à l'existence des plantes, et il devient dans tous les
» cas impossible de prononcer avec certitude sur la plus
ou moins grande utilité de chacune d'elles. Ce qu'il y a
de positif, c’est qu'on a trouvé des substances minérales
= MN 2
dans toutes les plantes qu’on a étudiées jusqu’à présent.
On a admis avec de Candolle, puis nié le fait des dé-
jections par les racines des plantes ; j’adopte cette manière
de voir de de Candolle et je la base sur le fait que la terre
de mes orangers, qui ne contenait pas une quantité sensible
d’acétate calcique, au moment où j'en ai rempli leurs
caisses au mois de mai 1846, en est très-chargée aujour-
d'hui. D'ailleurs, tout le monde sait que la partie des
arbres la plus chargée d’alcalis, c'est leur feuillage ; eh
bien, au moment où ils perdent cet ornement, on n’y ren-
contre plus d’alcalis. Ces alcalis ne se retrouvent qu’en
fort petite quantité dans le tronc ; où peuvent-ils avoir
passé, si ce n’est dans le sol, auquel ils sont rendus cha-
que automne, ce qui explique la possibilité de la végéta-
tion prolongée des arbres sur le même point.
F. Sacc, secrétaire.
Séance du 18 Mars 1847.
Présidence de M. L. CouLon.
A l’occasion de la communication faite dans la séance
précédente par M. Sacc sur la théorie des assolements,
M. Ladame rappelle qu'il a déjà présenté à la Société (!)
des observations sur ce sujet, et il entre à cet égard dans
quelques détails sur le rôle des substances minérales dans
les végétaux, détails qui peuvent être considérés comme
un développement de sa première communication.
L’utilité d’une rotation dans la culture d’une certaine
(!) Bulletin, t. 1, pag. 197. 1845.
mes
NT ge a
RS
di
ÉRT om.
= 2
série de plantes sur un même sol, aussi bien que l'épui-
sement des terres par la continuité d’une même produc-
tion, sont des faits avérés et acceptés par tous les agri-
culteurs. Il paraît à M. Ladame, qu'on peut réduire à trois
les hypothèses qui ont été formulées pour les expliquer.
La première hypothèse consiste à admettre que le sol
contient certains sucs, ou matières extractives, qui favo-
risent le développement des plantes. La nature de ces pro-
duits fertilisans est inconnue, mais elle paraît résider sur-
tout dans l’humus. Cette hypothèse extrêmement vague et
élastique, ne peut être considérée comme une solution du
problème ; on ne peut l’envisager que comme présentant
le fait de l'épuisement des sols sous une autre forme; en
un mot, c'est une paraphrase du mot épuisement.
La seconde hypothèse, au lieu d'admettre que le soi
épuisé a perdu des substances fertilisantes, pose que les
végétaux rejettent dans la terre des matières excrémen-
tielles, qui sont vénéneuses pour la plante qui les a pro-
duites et par là même nuisibles aux plantes de même es-
pèce qui leur succèdent. Cette hypothèse a d’abord été
présentée par MM. Humboldt et Plenk, (*) puis développée
par M. de Candolle (?), et appuyée d'expériences par
M. Macaire (*).
On doit cependant remarquer que M. de Candolle dis-
- tingue l'épuisement du sol de son effritement. L'épuise-
ment a’ lieu, d'après ce savant, lorsque le sol s'est appau-
(*) Physiologie.
(?) De Candolle, Physiologie, page 248-1474-1497 ; — Boussingault,
Economie rurale, tome II, pag. 269.
(5) Mémoires de la société de physique , etc., de Genève , tome V.
De: Or
vri de ses matières nutritives et qu'il a donné toute la
partie extractive qu'il contient. L’effritement exprime
l'action d’un certain végétal en culture qui a pour effet
de rendre le sol stérile pour les individus de même es-
pèce, de même genre, ou de même famille que lui, tan-
dis qu'il le laisse fertile pour d’autres espèces de végé-
taux (').
Cette hypothèse ne paraît pas suffisamment fondée.
Elle repose sur deux faits : 1° sur l’excrétion des racines
et les qualités nuisibles qu’on leur suppose : 2° sur la né-
cessité de faire succéder certaines plantes à d'autres pour
obtenir une végétation vigoureuse, et sur l'influence fà-
cheuse ou utile que des plantes voisines exercent les unes
sur les autres.
Quant au premier fait, celui de l’excrétion des racines,
quoique on puisse le considérer comme probable, on peut
dire qu’il n’a pas été suffisamment constaté jusqu'ici. Les
expériences de M. Macaire ont été sans résultat lorsqu'il
a cherché à constater cette excrétion dans le sable où
avaient vécu les plantes, et le même résultat négatif a été
obtenu par MM. Braconnot (?) et Boussingault (°).
Le fait cité par M. Sacc, de la présence de l’acétate
de chaux dans les vases d'oranger , serait nouveau ; mais
il ne paraît pas que l’analyse de la terre ait été faite avant
la végétation de ces arbustes. D'ailleurs les vases sont
exposés à l’action extérieure et ne sont point abrités ; dès-
lors quand même on constaterait l'existence de cet acé-
tale dans le sol, il faudrait encore justifier sa provenance
(!) Physiologie , page 1496.
(?) Ann. de chimie et de physig., tom. LXII, pag. 87.
(5) Economie rurale ; tom. IT, pag. 268.
+ has
"
'
mes TD =
des racines, et démontrer qu’il n’est pas le résultat de la
décomposition spontanée des fécules, des sucres, ete., si
répandus dans toutes les parties des plantes, des feuilles,
des fruits et du bois, dont les débris tombent de l'arbre,
ou sont déposés par le vent.
L'excrétion des racines annoncée par M. Macaire, a eu
lieu lorsque les plantes plongeaient dans de l’eau pure,
renouvelée. Or, on sait que, dans ce cas , le phénomène
d’endosmose doit jouer un grand rôle, puisque d'une
part il a lieu avec d'autant plus d'énergie qu'il y a une plus
grande différence de densité et de nature entre les liquides
placés de différents côtés d'une membrane poreuse, et que
de l’autre les spongioles des racines, par leur tissu délicat
et poreux, sont éminemment favorables à cette action. De
plus on a objecté, avec raison, que les plantes, dans cette
circonstance, n’ont qu'une végétation faible et que la des-
struction des racines, ou leur état maladif, permet à l'eau
de pénétrer dans la plante et de la laver. Enfin ces expé-
riences répétées par MM. Unger-Meyer et Walser ('},
n’ont donné que des résultats négatifs.
D’autres raisons parlent encore contre cette manière de
voir.
Comment expliquera-t-on, dans cette hypothèse, la cul-
ture continue de certaines plantes dans un même sol? Car
d'après M. Boussingault (?), on cultive sur les plateaux
des Andes des terres à blé, qui donnent annuellement,
depuis plus de deux siècles, de bonnes récoltes de blés.
Les environs de Naples sont dans le même cas (*). Le maïs
(‘) Jussieu , Cours élémentaire d'histoire naturelle , 239.
(!) Economie rurale, tom. 11, 270.
() Liebig, Chimie appliquée à la physiologie végétale , 168.
cs. «MR, Gus
se reproduit continuellement sur le même sol sans le
moindre inconvénient, soit dans le midi de l'Europe, soit
sur une grande partie des côtes du Pérou, où la terre ne
roduit pas autre chose depuis une époque bien antérieure
la découverte de l'Amérique. La pomme de terre peut
croître toujours sur le même sol; à Santa-Fé, à Quito,
les cultures de ce tubercule se suivent souvent sans in-
terruplion, et nulle part on n'obtient des produits de meil-
leure qualité. L'indigo, la canne à sucre, le topinam-
bour, la vigne, se rangent dans la même catégorie. Il en
est de même, d’après M. Braconnot ('), du laurier-rose à
fleurs doubles , et du papaver somniferum.
Berzelius (?) dit qu’en 1817 il analysa une terre qui,
depuis un temps immémorial, produit une abondante ré-
colte en grains sans avoir jamais été fumée. Elle contenait
de petits morceaux d'os qui fournissaient tout le phos-
phore nécessaire pour constituer la graine.
Enfin si l’on considère que les sécrétions supposées vé-
néneuses que donnent les racines, sont des matières or-
ganiques solubles dans l’eau , comment ne sont-elles pas
emmenées par les pluies, et comment admettra-t-on que
sous l'influence de l'air, de l’eau et de la chaleur, elles se
conservent pendant des années, et qu’elles ne soient pas
détruites rapidement par la fermentation, comme toutes
les autres matières organiques placées dans de pareilles
circonstances ?
Ajoutons aux considérations précédentes, qui sont déjà
si puissantes, que cette théorie, de l’aveu même de M. de
Candolle (*) , ne s’applique pas au cas de l'épuisement dé-
(*) Annales de chimie et de physique , tom. LXXII, pag. 27.
(?) Chimie, 1833, tom. VII, pag. 485.
(5) Physiologie, 1496.
Le 0 y io MA A À do
«4 de ÉCGE 7
HR. DE
finitif du sol, état dans lequel le sol se trouve épuisé pour
toujours, sans qu’on puisse lui rendre sa fertilité pre-
mière, si ce n’est par des amendements convenables et
les engrais. En Virginie on ne peut plus cultiver sans en-
grais, ni tabac, ni céréales (‘).
En terminant cette discussion , nous rappellerons que
l'hypothèse que nous exposons doit démontrer par l'ex-
périence : 1° que l’excrétion des racines est un fait cer-
tain ; 2° que ces excrétions sont vénéneuses pour la plante
qui les a produites, et pour les plantes de lamême famille;
les faits nombreux qui ont été cités font voir que cette
hypothèse est loin d’avoir atteint ce but.
La troisième hypothèse consiste à faire jouer un rôle
important aux substances minérales que contiennent les
végétaux. M. Saigey (2) est l’auteur de cette hypothèse qui
avait déjà été mise en avant par M. Théodore de Saus-
sure (*), et qui a été développée avec détail par M. Lie-
big, dans son traité de chimie appliquée à la physiologie
végétale et à l’agriculture, édition de 1844.
En général les physiologistes et les chimistes s'accor-
daiïent il y a peu d'années encore , à considérer les ma—-
tières inorganiques que contiennent les végétaux comme
accidentelles. On pensait qu’elles résultaient de la pro—
priété qu'ont les racines, d’absorber par leurs spongioles
l'eau et tout ce qu’elle tient en dissolution : l’eau arrivée
dans la plante s’exhale par toute la surface extérieure du
(!) Liebig , chimie appliquée ; ete., pages 167, 252.
() Journal des sciences d’observations, vol. I, pag. 222. — De Candolle,
Physiologie, pag. 379.
() Recherches chimiques sur la végétation. — Liebig, Chimie appliquée»
édition 1844, pag. 91.
— 16 —
végétal, et laisse en dépôt, comme un encroütement, les
matières fines. On explique facilement, avec cette manière
de voir, pourquoi les plantes ligneuses contiennent moins
de matiére minérale que les plantes herbacéesi, le tronc
moins que les branches et celles-ci moins que les feuilles,
surtout quand elles sont jeunes ; pourquoi encore on en
trouve moins dans le tronc que dans l’aubier, et moins
dans celui-ci que dans l'écorce. On comprend aussi pour-
quoi la même plante qui croît dans différents sols, ne con-
tient pas les mêmes substances minérales, et pourquoi
toutes les plantes d’un même sol renferment des subs-
tances analogues (‘).
On ne peut nier que cette manière de considérer les
matières terreuses des plantes ne soit appuyée sur des faits
nombreux ; mais elle est loin d'en embrasser toute la va-
riété. Elle ne rend point compte de plusieurs circonstances
importantes, et en faisant envisager les matières inorga-
niques comme adventives dans les plantes, et comme n'y
jouant aucun rôle utile , elle ne satisfait pas à cette pen-
“sée si féconde, que l’étude approfondie des faits met tou-
jours en évidence, savoir, qu'il n’y a rien d'inutile dans !
?
la nature et que tout a son but. Si dans quelques cas nous
‘sommes amenés à considérer tels faits comme accidentels,
“cela tient à la faible portée de notre intelligence et à
-T'examen superficiel et peu attentif auquel nous les avons
soumis. |
Mais il ne suffit pas pour rejeter une opinion, de faire
voir qu’elle est peu philosophique, il faut encore démon-
“trer qu'on ne peut en formuler aucune autre , et que nous
(2) Théod. de Saussure, Recherches chimiques, eté. jèe£
Me DE:
sommes obligés, du moins pour le moment, de nous en
contenter. En est-il ainsi dans le cas qui nous occupe ?
M: Ladame ne le pense pas, et voici quelques-uns des
faits sur lesquels il s'appuie.
+ 4° Les substances minérales ne sont pas réparties in-
distinctement dans toutes les parties de la plante; elles
y sont localisées. Nous trouvons la silice dans la paille
des graminées qui doit avoir de la tenacité et de la force;
nous la trouvons encore dans les feuilles , à leurs parties
extérieures, dans la cuticule ; son rôle est alors de préser-
“ver ces organes de l’action trop énergique et destructive
des agents extérieurs.
La chaux a surtout son siége dans le centre de la
plante ; on la trouve dans le bois, mais en échange.on n’y
trouve que peu ou point de silice. Dans toutes les graines
nous rencontrons des phosphates. L'existence des phos-
phates , dans ces parties si éminemment nutritivés des
plantes, n’a-t-elle pas pour but l'alimentation des ani-
maux auxquels ils sont nécessaires ?
Comment l’évaporation de l’eau pourrait-elle avoir pour
conséquence une semblable distribution ? |
29 Cette localisation des substances minérales n 'est
donc point arbitraire; mais rien n'en prouve mieux lé
rôle physiologique que les recherches de M. Payen('), qui
a conslaté que ces dépôts terreux ne se formaient pas et
ne flottaient pas librement dans les cellules du végétal,
mais qu'ilexistait un appareil particulier organisé, quiles
produit et les contient. On les trouve rarement et en pe-
tite quantité dans les méats ou intervalles cellulaires.
(1) Développement des végétaux : in-4° avec planches. -
Le us Le
30 L'influence que les substances minérales exercent
sur le développement des plantes, est une autre preuve
de leur importance. Ici les faits abondent et on n’a que
l'embarras du choix.
Nous avons déjà cité précédemment l'influence des
phosphates sur le développement des céréales d’après l’a-
nalyse de Berzelius. Est-ce le hasard, comme le remarque
M. Liebig (‘), qui fait que les Karpathes et le Jura, ter-
rains calcaires, pauvres en alcalis, ne portent que des pins
et des sapins qui n’en contiennent que peu ; tandis que
la Bavière et les autres contrées de l’Allemagne, formées
de gneiss, de micaschiste, de granit et basalte, portent
des chênes et des arbres à larges feuilles, riches en alcalis
comme les terres sur lesquelles ils croissent?
Les jones et les équisétacées ne prospèrent que dans
les lieux où les principes de l'argile sont tenus en dis-
solution par le mouvement des eaux. La pariétaire, la
bourrache, l'ortie, ne végètent bien que dans les terrains
qui contiennent des nitrates. Les plantes marines, les sal-
solas , les varecks, les fucus, ne poussent avec vigueur
que dans les sols chargés de sels marins.
Les expériences directes de MM. Théodore de Saussure,
Wiegmann et Polstorff (*) et de plusieurs autres savants,
appuient fortement cette opinion; nous cilerons quel-
ques-uns des résultats obtenus.
Les graines de vesces, de haricots, de pois et de cres-
son germent dans le sable et dans la bourre humide.
(t) Chimie appliquée, p. 169.
(?) Ueber die unorganischen Bestandtheïle der Pflanzen ; mémoire cou-
ronné à Gœttingue. —Rapport de Berzelius, 4843, —Liebig, Chimie appli-
quée, etc,, 215, 216, 535.
m1 =
Elles s'y développent jusqu’à un certain point, mais dés
que la substance minérale du sol ne suffit plus à leur ac-
eroissement, la plante languit, elle fleurit bien alors quel-
ques fois, mais ne porte jamais graine. L’orge, l’avoine,
le tabac, les vesces semés dans du sable blanc lavé à l’a-
cide hydro-chlorique bouillant, donnèrent des résultats
analogues. L'orge et l’avoine n'eurent qu'un pied et demi
de hauteur; il y eut des fleurs, mais point de graines. Les
vesces atteignirent dix pouces, fleurirent et donnèrent
des gousses sans grains. Le tabac n'arriva qu’à une hau-
teur de cinq pouces. Les petites plantes n’eurent que des
feuilles et point de tige.
Ces mêmes expérimentateurs, en créant un sol artifi-
ciel par une combinaison convenable de substances mi-
nérales, obtinrent des résultats très-satisfaisants. Le tabac
atteignit trois pieds, eut des fleurs et des graines; l’orge,
l'avoine , le blé sarrasin et le trèfle poussérent avec vi-
gueur, fleurirent et donnèrent des graines parfaitement
müres.
Sans multiplier les citations , ce qui serait facile, ne
pouvons-nous pas conclure de cette relation entre les
substances minérales du sol et le développement des vé-
gétaux, que ces matières sont essentielles , nécessaires
aux plantes, et que ce n’est pas accidentellement qu’elles
s’y trouvent.
Quant à l'explication de leurs fonctions, ceux des par-
tisans de la seconde hypothèse, qui n’en ont pas entière-
—…._ ment nié l'efficacité, admettent en général que ces subs-
tances minérales agissent sur le végétal comme excitants,
ainsi que le font les épices sur l’organisation animale (*).
(*) Thénard , 5° volume.
— 80 —
M. Liebig leur assigne un rôle plus considérable. Il pense
qu’elles ne sont pas étrangères aux phénomènes chimi-
ques qui ont lieu dans les plantes et que les alcalis du
moins, exercent une action importante sur les transfor-
mations que subissent pendant la vie du végétal l'acide
carbonique et l’eau.
4° Une autre preuve de l'importance des substances
terreuses, c’est la faculté élective que les plantes possèdent
à leur égard. M. de Saussure a fait remarquer que les
plantes qui croissent dans un même sol n’absorbent pas
les mêmes substances. Les plantes marines enlèvent à l’eau
de la mer l’iode qu’elle contient; elles fournissent des
quantités d’iode telles que pour retirer de l’eau de la mer
des quantités équivalentes, il faudrait en évaporer des
masses énormes. Les plantes qui vivent dans les décom-
bres en tirent les nitrates. Ce sont ces considérations qui
ont engagé M. Liebig (') à diviser les plantes en plantes à
silice: le froment, l'orge, le seigle; en plantes à chaux:
le tabac, le trèfle ; en plantes à potasse: le maïs, les na-
vets, la betterave , la pomme de terre ( tubercule).
On pourra sans doute objecter à ces diverses preuves
que la même plante ne contient pas toujours les mêmes
principes minéraux , et que ces substances n'y sont pas
dans les mêmes proportions ; il y a à cet égard trois ob-
servations à faire.
La première, c’est que le rôle de ces substances n'est pas
encore assez connu pour qu'on puisse dire à quelle épo—
que de la végétation et dans quels tissus elles agissent
avec efficacité. Dès-lors, puisque dans l'analyse des plantes
(*) Chimie appliquée, etc., page 221.
: Mi tt
— =
et de leurs cendres, on n’a pas jusqu'ici tenu compte de
cette circonstance, on comprend qu’on ait obtenu des dif-
férences notables dans les résultats. Aïnsi, par exemple,
supposons que l’on analyse les feuilles d’une plante, on
+ ytrouvera d’autres corps et dans d'autres proportions, que
Ai
si l'on analyse les jeunes tiges. Les feuilles, prises seules,
pourront donner des résultats différents, suivant qu’on les
prend à telle époque de leur développement ou à telle au-
tre; attendu que la composition des parties extérieures et
des parties intérieures n’est pas la même, et qu’elle est
également différente dans les portions du végétal dont le
développement est achevé, de ce qu’elle est dans celles
qui sont encore en voie d'un accroissement rapide.
La seconde observation que nous ferons, c’est que
nous ignorons si ces principes terreux ne sont pas em-
menés et conduits dans le sol ou dans d’autres parties
de la plante, après avoir rempli leur fonction dans l'acte
de la végétation. C’est ce que semblent indiquer les faits
suivants. Les terres où poussent les salsolas sont plus sa-
lées que les autres (*). L'aubier qui contient plus de cen-
dres que le bois, passe à son tour à l’état de bois. Enfin
le fait signalé par M. Sacc, que les alcalis contenus dans
les feuilles vivantes et en pleine végétation, disparaissent
en automne et ne s’y retrouvent plus quand elles tombent,
parlerait encore dans ce sens. On sait aussi que l'époque
| _à laquelle on coupe les plantes pour en retirer le salin,
a une influence sur le rendement (?).
Comment dès-lors, n'obtiendrait-on pas des résultats
(‘) De Candolle, Physiologie, 4949.
*(?) De Candolle , Physiologie, 396, 597.
Il 6
— 82 — ;
différents dans l'analyse des plantes , suivant l’époque de
la végétation et sa plus ou moins grande énergie.
La troisième observation porte sur la faculté que cer-
tains principes minéraux paraissent avoir de se remplacer
mutuellement, comme cela a lieu dans le règne minéral,
lorsqu'il y a isomorphisme : tels sont la potasse, la soude,
la chaux et peut-être la magnésie. C’est ‘ainsi que les
mêmes espèces qui, quand elles croissent au bord de la
mer, donnent de la soude, contiennent de la potasse lors-
qu'elles croissent dans l'intérieur des continents (*). Ce-
pendant, dans ce cas, ainsi que l’observe Duhamel , leur
végétation n’est jamais aussi vigoureuse (?).
Mais une remarque importante faite par M. Liebig,
nous permet d'envisager ces fails comme fournissant un
motif de plus en faveur du rèle des substances inorgani-
ques, c'est que, lorsque cette substitution a lieu, les bases
se remplacent équivalent à équivalent (*), de manière que
la quantité d'oxigène unie aux différents métaux reste
constante.
Néanmoins, empressons-nous de le dire, cette loi si
belle et si simple n’a été constatée que sur les cendres du
pin des monts Breven et Lasalle, et sur celles du sapin
de la Norwège, et d’Allevard, dans le département de
l'Isère. Mais ne sera-t-on pas frappé de cette égalité dans
le nombre des équivalents des bases , lorsqu'on considère
la différence des terrains , celle des climats et la distance
des lieux.
Les preuves qu'on vient de présenter en faveur du rôle
(*) De Candolle, Physiologie, 394.
() Boussingault, Economie rurale, tom. E, p.142.
(5) Liebig, Chimie appliquée, 2° édit, p. 97.
des substances minérales sont directes, elles sont fortes :
mais il existe un autre moyen de juger de la valeur d’une
hypothèse, une circonstance qui nous engage fréquem-
ment à l’'admettre quand même les preuves directes man-
quent: c'est lorsque cette hypothèse est simple, vaste et
féconde ; or c'est précisément le cas de celle qui nous oc-
cupe: Les applications de cette hypothèse à l’agriculture
sont nombreuses. En effet, elle explique facilement l’é-
puisement des sols, leur effritement, la nécessité de la
jachère ou d’un système d’assolement convenablement
coordonné et celle des amendements. Tous ces faits, que
nous a révélés la pratique de l’agriculture, sont des co-
rollaires nécessaires du rôle des matières minérales ; mais
pour les bien saisir il est bon d'ajouter une observation
qui trouve sa place ici.
Les plantes ont besoin de principes minéraux, mais il
faut qu'ils lui soient donnés dans une certaine mesure ;
admis en trop grande quantité dans la plante , ils produi-
sent l'effet d’une nourriture trop abondante ou trop subs-
tantielle que recevrait un animal; la plante souffre et
même périt. Or c’est ici qu'on peut admirer les voies pré-
voyantes de la nature. Tous les principes minéraux que
les:plantes reçoivent dans leur sein, doivent lui être pré-
sentés en dissolution dans l’eau ; mais le sol les contient
à l'état de composés insolubles , et c’est sous l’action de
larchaleur, de l'eau et de l’acide carbonique, jointe à la
désagrégation du sol par les gelées, à l’écobuage ou à
lameublissement, que ces composés insolubles sont len—
tement décomposés , et fournissent leurs principes solu-
bles, désormais assimilables par la plante. Les phosphates
sont solubles dans l’eau chargée d'acide carbonique,
me 1e
les roches siliceuses, les sables, les argiles, abandon-
nent leurs alcalis sous la même influence, et la silice
mise en liberté par cette décomposition, se trouve à l’état
gélatineux qui la rend soluble dans l'eau. Wiegmann
et Polstorff (!) ayant fait passer un courant d'acide car-
bonique, pendant un mois, dans de l’eau tenant en sus—
pension du sable blanc épuisé par l’eau régale bouillante,
trouvèrent que l'eau, après cette opération, tenait en
dissolution de la silice et la faible quantité d’alcali que le
sable renfermait; ainsi ce que n'avait pu faire l'eau ré-
gale agissant dans un temps court, avait été obtenu par
l'action prolongée d’un acide faible.
Ces expériences nous présentent l'action de l’acide car-
bonique en agriculture sous un jour tout-à-fait nou-
veau; jusqu'ici on l’a toujours considéré comme servant
à la nutrition de la plante par son charbon ; dans le cas
qui nous occupe, son rôle s'agrandit, puisqu'il est ap-
pelé à lui fournir aussi les substances minérales. L’'in-
fluence des engrais et du terreau apparaît aussi sous une
face nouvelle et importante, car ces matières organiques,
en se décomposant, donnent des torrents d'acide carboni-
que qui active la décomposition des terres.
Nous tirerons de ces réflexions un enseignement qui
doit nous diriger lorsque nous voulons amender un sol
et remplacer les substances minérales enlevées par les
végétaux ; c’est celui d'introduire dans ces sols non pas
des substances solubles et facilement absorbables; mais
bien plutôt des composés insolubles, altérables sous l’ac-
tion du temps et des agents atmosphériques. C’est ainsi
(®) Liebig, Chimie ppliqueée, 2° édit. p. 126. Berzelius, Rapport annuel,
1843, p. 180,
… (D: =
que pour nos vignes, dont l'effritement se fait surtout sen-
Air, à ce qu'il paraît, dans les terres légères, nous devons
remplacer la potasse qu'elles perdent chaque année, non
par des sels solubles de potasse, tels que des cendres,
mais par des frites siliceuses et argileuses mêlées de sels
potassiques ou de cendres.
Tels sont, dans l'état actuel de la science, ajoute
M. Ladame, les faits les plus remarquables relatifs à
l’action du sol dans la culture des végétaux: Il est facile
de voir que tout imparfaites et incomplètes que soient
les considérations chimiques qui ont été présentées sur ce
sujet, cette irruption si récente de la chimie dans le do-
maine de l’agriculture, promet une vaste moisson de faits
nouveaux et qu'ici, comme dans les autres arts, la chi-
mie, cette science si féconde, deviendra la source de.
nombreuses et utiles applications.
Nous ne terminerons pas cette notice sans faire la re-
_ marque que quelles que soient les conséquences ration-
nelles d’une théorie, on ne peut les considérer comme
acquises à la science, qu'autant que l'expérience est venue
les sanctionner ; aussi nous pensons que le but de cette
discussion serait atteint si elle avait pour résultat d'en
gager les propriétaires à faire des expériences dans cette.
direction et si, comme la Société l'avait déjà désiré anté-
_rieurement , la Société d'Emulation patriotique voulait
bien mettre cette question au nombre de celles qui atti-
rent son attention.
La communication de M. Ladame donne lieu à plusieurs
observations. M. le Président cite, comme opposée à la ma-
… nière de voir de M. Ladame sur l’action corrosive qu'exerce
… Jecarbonate potassique sur les spongioles radiculaires, l'o-
L
{
L
RE
pinion de Bourmann. Ce dernier conseille l'emploi des cen-
dres comme un excellent engrais pour les semis d'arbres ;
M. Ladame répond qu'il ne met point en doute l'efficacité
des cendres comme engrais, mais il en déconseille forte-
ment l'emploi immodéré , et cite à cet égard , les expé-
riences qu'ont faites à leurs dépens quelques propriétaires
de vignes de notre pays.
M. Hollard présente verbalement à la Société quelques
considérations sur la classification des mammifères. Le
plan qui a présidé à la création de ce groupe général ne
s'est présenté jusqu’à ces derniers temps, aux zoologistes,
que d’une manière assez confuse. Les caractères aux-
quels on s'était principalement attaché , ceux entr'autres
fournis par les dents et les doigts, avaient conduit à éta-
blir un bon nombre de groupes naturels , des genres , des
familles, quelques ordres qui demeureront. Toutefois, mal-
gré les progrès dûs aux travaux de Frédéric et de Georges
Cuvier, sur le système dentaire, et bien qu'ils en aient fait
pour la caractéristique un emploi beaucoup plus heureux
que Linné, Brisson , et la plupart des auteurs modernes,
on avait déjà pu se convaincre depuis longtemps , que
déjà pour l'établissement des ordres et pour leur coordi-
nation générale , ni le système des dents pris dans son en-
semble, ni le système des doigts et des ongles qui lesar-
ment, ne pouvaient suffire. Les études faites sur le cér-
veau avaient déjà indiqué des démembrements à faire dans
plusieurs groupes de mammifères , et des associations plus
légitimes que celles qui avaient été acceptées d'après la
caractéristique en usage. C’est ainsi que les Cheiroptères
et les Insectivores se détachent des Carnassiers et se rap-
A —
prochent des Rongeurs de la manière la plus évidente
quand on consulte l'organisation cérébrale. En consultant
avant tout les dents et les doigts, il faudrait répartir les
Marsupiaux entre les Carnassiers et les Rongeurs, puis
réunir, comme l’a fait Cuvier, les Monotrêmes (Ornithoryn-
ques et Echidnés )} aux Edentés ; tandis que par le cer-
veau, les Marsupiaux et les Monotrêmes se placent à part
à la suite des autres mammiféres. Enfin un autre ordre
d'études, celles dont le développement embryogénique a
été l'objet depuis plusieurs années , a introduit l'emploi
ét démontré la haute importance des caractères fournis
par les phases successives de la période d'évolution. Déjà
depuis plusieurs années M. de Blainville avait, en partant
de ce point de vue, réparti tous les mammifères en trois
“groupes sous-classiques. Les mammifères qui se dévelop-
pent dans une poche unique, interne, et au moyen d'une
sorte d'implantation aux parois de cette poche , formaient
une première sous-classe sous le nom de Monodelphes.
Ceux qui traversant, sans s’y fixer, la matrice interne, en
ce cas trés-petite, viennent s'attacher au mamelon et y
passer toute leur vie embryonnaire, ordinairement sous la
protection d'une poche comparable à une matrice externe,
les Marsupiaux en un mot, furent réunis sous la dénomi-
nation de Didelphes, et placés, non, comme le proposait
…. Cuvier, sur une ligne parallèle aux précédents, mais à la
« Suite, vu l'infériorité évidente de ce mode de développe-
_ ment, qui n’est déjà plus celui de l'homme, et annonce
— déjà un peu l'oviparité; infériorité confirmée d’ailleurs par
… celle du système cérébral. Enfin M. de Blainville propose
… décomposer une dernière sous-classe des Ornithorynques
_ et des Echidnés, en lui donnant le nom d’Ornithodelphes,
=. VS 2
qui indique une oviparité encore plus prononcée que celle
des Didelphes; et ici encore, le cerveau confirme cette
distribution hiérarchique de l’ensemble des mammifères.
: Quelques zoologistes qui d’abord avaient accepté pour
les Monodelphes et les Didelphes la distribution paralléli-
que de Cuvier, fondée sur la répétition dans les deux sé-
ries des mêmes caractères externes, de ceux fournis par
les dents et les doigts, ont reconnu dans ces derniers temps,
que ce serait exagérer l'importance de ces caractères que
d'en déduire une position parallèle des deux groupes,
tandis que l’histoire du développement et l'anatomie du
cerveau indiquent une subordination.
A la tête de ces zoologistes s’est placé M. Milne-Ed-
vards, qui nous a donné dans les Annales des sciences
naturelles, un mémoire du plus haut intérêt pour la clas-
sification des animaux en général et pour celle des mam-
mifères en particulier, indiquant à l'égard de ceux-ci,
une application très-heureuse des principes développés
dans la partie générale de son travail.
M. Edvards fait remarquer que l'animal, dans la suite
de ses évolutions, se détermine successivement sous des
traits de plus en plus particuliers, correspondant à ceux
qui caractérisent la classe, l'ordre, la famille , le genre,
enfin, l'espèce dont il fait partie. Aux premiers moments
d'un mammifère, c’est l'animal vertébré qui se dessine,
puis apparaissent les traits du mammifére, puis ceux de
l'ordre des Carnassiers, par exemple, si ce doit être un
carnassier, enfin successivement tous les autres, et l’es—
pèce ne se distingue des espèces voisines que la dernière,
assez tard quelquefois. M. Edvards conclut avec raison
que c’est le développement de l’animal qui nous fourhit
la meilleure appréciation des caractères. |
7:
eh de
PR CT ET
rt
PE EE ES
w
LES Ne
Appliquant ces considérations à la classification des
mammifères, M. Edvards trouve que le placenta permet
_de les grouper d'une manière plus heureuse qu'on ne l’a
fait jusqu'ici, en consultant les dents et les doigts. Il y a
d'abord à distinguer les mammiféres à placenta de ceux
qui en sont privés. En mettant ceux-ci à part, l’auteur
les réunit sous une seule catégorie , ce que nous ne sau-
rions approuver, dit M. Hollard , attendu que c'est con-
fondre deux états du produit , deux modes de génération
tout-à-fait distincts, celui de l'Ornithorynque étant beau-
coup plus prés de l'oviparité que celui des Didelphes.
Quant aux mammifères qui possèdent un placenta, ils
différent entr'eux par la constitution ou mieux, par les
formes et le développement de cet organe transitoire ; et
ces différences se ramènent à trois principales qui donnent
trois groupes, savoir :
1° les mammifères à placenta discoïide : Quadrumanes,
Chéiroptères, Insectivores, Rongeurs.
Ici se trouvent justifiés les sentiments des personnes
qui prévoyaient que tôt ou tard on devrait ramener les
Rongeurs près des Insectivores, distinguer ceux-ci des
Chéiroptères, mais surtout les éloigner des Carnassiers.
29 les mammifères à placenta zônaire.
C'est-à-dire moins complexe que dans le cas précédent,
puisque le disque s'évide à son centre. Ici se trouvent les
Carnassiers.
83° enfin les mammifères à placenta diffus , comprenant
les Edentés, les Eléphants et Lamantins, les vrais Pachy-
dermes, les Ruminants , les Cétacés.
Une question se présente ici. Quelle est la relation de
ces trois groupes de Monodelphes? Représente-t-elle un
développement ascensionnel, ou des collections d'espèces
avec des points de contact nombreux, variés et croisés en
différents sens ? M. Edvards se prononce pour cette der—
nière formule , et indique avec soin les principaux pas-
sages qu'il aperçoit entre les genres ;, ou les familles, ou
les ordres de chacun des groupes généraux établis sur la
considération du placenta. M. Hollard pense au contraire
qu'il faut s'attacher au fait principal sur lequel repose la
distinction de ces groupes, et que si ce fait indique un
rapport hiérarchique, il faut admettre et poser en principe
ce rapport comme dominant tous les autres. Les carac-
tères par lesquels un mammifère à placenta discoïde sem-
ble se lier à un mammifére à placenta zônaire, par exem-
ple, sera toujours d’une valeur secondaire qui n’entame
pas celle du caractère principal. M. Hollard prend occa-
sion du travail de M. Edvards, non-seulement pour adhé-
rer aux réformes qu'il apporte dans la classification des
mammifères, mais pour insister sur la distinction à faire
des caractères hiérarchiques et de ceux qui ne sont que
d’accommodation à des circonstances de régime, de sé-
jour, etc.; ceux-ci peuvent se répéter dans plusieurs grou-
pes d’ailleurs fort différents, mais ne changent rien au
vrai rapport de ces groupes. Chaque groupe naturel re-
présente une idée type et c’est là seulement qu'il faut
chercher la relation des groupes de même valeur. Oren
procédant ainsi, on arrive presque toujours à des relations
de supériorité et d'infériorité, qui ne cessent que pour
les familles ou les genres, parce qu'ici la valeur des diffé-
rences est déterminée le plus souvent par un but d'accom-
modation plutôt que de développement.
M. de Castella entretient la Société d’un cas d'anatomie
M
_ pathologique observé à l'hôpital Pourtalès chez un indi-
vidu âgé de 36 ans, admis dans l'hôpital pour une pleu-
résie. L’extrémité interne de la clavicule du côté droit
manquait tout-à-fait et cependant le bras droit con-
. servait tous ses mouvements et le malade avait dans ce
bras autant de force que dans l’autre. Il y a cinq ans qu'on
lui a fait à l'hôpital de l'Ile à Berne, la résection de l’ex-
trémité interne de la clavicule pour une carie qui s’y était
manifestée. Aujourd'hui une large cicatrice qui s'enfonce
sur la première côte, marque la place qu'occupait la por-
tion de la clavicule enlevée. L’extrémité libre de la cla-
vicule se meut dans tous les sens; ses mouvements sont
bornés par les muscles et par les ligaments qui s’y ratta-
chent ; l'extrémité interne de la clavicule très-mobile est
…_ retenue par le ligament costo-claviculaire et le musele
… sous-clavier quand le bras se porte en bas. Il est retenu
—…. par les mêmes muscles quand le bras se porte en avant.
— Quand le bras se porte en haut et en avant, il y a anta-
| gonisme entre le cléido-mastoïdien et le sous-clavier
pour fixer la pointe de la clavicule sur la facette articu-
laire du sternum ; dans le mouvement du bras derrière
le dos, la pointe de la-clavicule s'éloigne d'environ deux
pouces en dehors de cette facette, et les muscles et Les li-
+ gaments qui l'y attachent la retiennent en formant des
cordes tendues et saillantes sous la peau.
27)
.” M: Ch. Matthieu après avoir rendu compte à la Société
… de la découverte (dûe à M: Walchner ) de l'arsenie dans
— presque toutes les sources ferrugineuses, dans quelques
… dépôts ochreux , dans le fer oligiste, rapporte que dé-
— sirant savoir si la quantité d’arsenic était toujours cor-
Le
1B
«
=
respondante à la quantité d'oxide ferrique dans les dé-
pôts ochreux, il a entrepris, pendant son séjour à Giessen,
trois analyses de trois différents dépôts ochreux des sources
de Wiesbaden et qu'il y a trouvé une quantité d’arsenie
presque correspondante à la quantité d’oxide de fer, savoir,
entre deux et trois d’arsenic pour cent d’oxide de fer. Il
aurait désiré faire l'analyse de la seule source sulfureuse
connue dans le canton de Neuchâtel ; mais vu le peu de
dépôt ochreux qu'il avait entre les mains, dépôt qui pro-
venait des sources de la Brévine , il a dù se borner à \
constater la présence d’arsenic dont il fait voir deux
échantillons, et regrette de n’avoir pu prouver dans quel
état il s’y trouvait.
M. de Castella dit qu'il attribue à l'arsenic que con-
tiennent les sources ferrugineuses, le mauvais effet que
produisent les cures d'eaux ferrugineuses dans quelques
affections.
M. Sacc lit la lettre suivante de M. le docteur C.-R.
Frésénius, professeur de chimie à l'institut agricole grand-
ducal de Wiesbaden, sur le moyen de guérir la pourri-
ture-des pommes de terres.
La cherté actuelle des vivres fait que de tous les côtés,
on cherche des moyens de rendre le pain meilleur: mar-
ché, en lui adjoignant toutes sortes de substances, et on
fait bien ; mais il vaudrait mieux encore s'occuper avec
le plus grand zèle de la culture des pommes de terre et
s'attacher à en éviter la pourriture qu’il est impossible
d'arrêter dès qu'elle s’est une fois déclarée.
Toutes les expériences faites jusqu'ici ont incontesta-
ment prouvé que c'est dans les sols fortement fumés avec
+
2 4
" OT
… des engrais animaux, qu'il y a eu le plus de pommes de
. terre attaquées, en sorte que je suis convaincu qu’en
donnant à cette plante un fumier trop fort et trop chargé
d'ammoniaque, on en a tellement favorisé le développe-
ment qu’elle est arrivée à dégénérer. Dans presque tous
« les assolements, on trouve la pomme de terre plantée
- immédiatement après la fumure , donc mise dans les con-
ditions les plus favorables au développement de la pour-
riture. En continuant à cultiver les pommes de terre de
cette manière, qui ne leur convient évidemment pas du
» tout, ilest clair que nous nous exposons à la voir con
» tinuellement en proie à la maladie qui sévit sur elle de-
» puis quelques années. C’est dans le but d'engager à chan-
. ger la culture de cette plante, que nous allons rapporter
une expérience faite sous notre direction à l'institut agri-
cole grand-ducal de Nassau. Cette expérience ayant eu
— Le succès le plus complet, vient très-fortement à l'appui de
… notre manière de voir.
« Un morgen () de champ qui n'avait pas êté fumé depuis
- plusieurs années, fut planté avec des pommes de terre de
L Virginie et fumé avec un engrais purement minéral.
… Voici le rapport qu'a fait de cet essai le n° 52 de la feuille
É hebdomadaire du grand-duché de Nassau , à l’article du
« compte rendu des expériences agricoles faites par la So-
rciété d'agriculture.
… … « L'effet de cette culture fut, que le champ rapporta à
E » peu de chose près autant et d'aussi bonnes pommes de
“> terre, que dans une année ordinaire; on n'y trouva pas
« » un seul tubercule malade. »
—. (!) 4 morgen font 1 hectare, 1 ‘/, morgen font { pose de Neuchàtel.
è
Mt Qi”
Ajoutons à ce rapport que beaucoup des champs qui
l'entouraient, et qui avaient été traités comme d'habitude,
étaienttrès-fortement atteints par la pourriture des pommes
de terre ('). Nous pouvons donc adopter en toute. con-
fiance ce nouveau mode de fumure des pommes de terre.
L’engrais en question peut être préparé partout et à
fort peu de frais ; il en faut cent livres pour un morgen.
On le fait en mélangeant de la façon la plus intime vingt
livres de cendres de hêtre, quinze livres d'os brûlés et
moulus, dix livres de gypse, quinze livres de sel de cui-
sine ou de carbonate sodique sec, et quarante livres de
chaux vive éteinte.
Quand on veut planter les pommes de terre, on fait
d’abord les trous dans lesquels on compte les placer ; puis,
divisant le poids du quintal d'engrais par le nombre de
trous, on obtient facilement pour quotient la quantité
qu'on doit en mettre dans chaque trou; on pèse alors
cette quantité à l’aide de laquelle on fait une petite me-
sure qu'on emploie pour mesurer la quantité d'engrais à
mettre: dans tout le champ. On recouvre l’engrais d’un
peu de terre sur laquelle on dépose la pomme de terre
comme à l'ordinaire. Le reste de la culture n'a rien de
particulier.
Waesbaden , 27 février 1847.
M. Théremin remet une note dans laquelle il donne
quelques détails sur la cassave ou manioc et sa prépara-
tion.
Le même communique une note sur un voyage d'ex- …
4) Voyez n° 410 du même journal. Gé !
y
=. Os —
ploration du docteur Leichardt dans le nord de la Nou-
velle-Hollande. Ce hardi voyageur avait accompli en no-
vembre 18%5 le grand voyage de Moreton-Bay à Port-Es-
sington.
| D LS A
M. le Président lit la description d’un cas d'empoison-
* nement par le camphre, inséré par M. le docteur DuBois
. au procès-verbal de la section de la Chaux-de-Fonds.
M. Schauss présente à la Société la nouvelle pharma-
* copée de Prusse qui entrera en vigueur dés le premier
» avril 1847. Comme elle sert de règle pour tous les apo-
- thicaires du pays de Neuchâtel en vertu d'ordonnances
antérieures, et que cette édition nouvelle présente plu-
» sieurs changements considérables , il croit qu'il est utile
| que MM. les docteurs et la Commission de Santé en soient
\
informés.
F. Sacc, secrétaire.
Séance du 8 avril 1847.
A Présidence de M. L. CouLox.
1
4 M. le Président présente un volume envoyé par l’au-
È teur, M. de Hauer, sur les Céphalopodes de la collection
“du prince Metternich, publié aux frais et offert à la So-
e au nom du prince.
dé
«
da hé
| à M. Guyot donne, d'après le bulletin de la Société
royale de géographie de Londres, quelques détails sur le
voyage de M. Leichardt depuis Moreton-Bay jusqu’à Port-
Essington dans la Nouvelle-Hollande. Cette traversée de
= A
plus de 800 lieues a été accomplie par cet intrépide sa—
vant avec un rare bonheur. Parti de la ville de Brisbane,
dans le district de Moreton-Bay, il suivit la côte Nord-Est
jusqu'ici inconnue , en se tenant à vingt ou trente lieues
de la mer, remonta la presqu'île d'York, entre le golfe de
Carpentarie et la mer de Corail, puis contournant le fond
du golfe de Carpentarie le long de ses bords, il entra dans
la presqu'île de Cockburn à l’ouest de ce golfe, arriva aux
établissemens anglais de Port-Essington et entra à Vic-
toria au moment où les provisions de l'expédition étaient
épuisées, en novembre 1845, après treize mois de voyage.
M. Guyot fait remarquer que la description que le doc-
teur Leichardt donne du relief du terrain de cette partie
Jusqu'ici inconnue de la Nouvelle-Hollande, confirme
complètement la loi générale des reliefs de ce continent,
qui consiste en ce que les reliefs principaux se trouvent
tous situés le long de la côte Est, où ils forment comme
un long bourrelet qui s'oppose à ce que l'alizé puisse porter
à l’intérieur les vapeurs de la mer. M. Guyot pense que
c’est à cette circonstance, ainsi qu'à la nature perméable
de son sol, que la Nouvelle-Hollande doit sa nature sèche
et aride. Le docteur Leichardt décrit toute cette côte comme
composée de plateaux de deux à trois milles pieds d'élé-
vation s’abaissant vers l’intérieur et au Nord et formant
partout la ligne de partage des eaux.
Il est donc à croire que l’intérieur de la Nouvelle-Hol-
lande n’importera jamais beaucoup à la colonisation euro-
péenne et qu’on peut le regarder avec probabilité comme
un grand désert tout pareil au Sahara. M. Guyot rapporte »
à ce sujet les remarques de M. Eyre qui appuie cette con-
jecture par trois raisons très-judicieuses.
ia, sos
PNR cr
io Les vents chauds et secs qui viennent de cet inté-
rieur et désolent toute la partie méridionale de la Nou-
velle-Hollande, sont de véritables vents de déserts, pareils
au chamsin ou au harmattan du Sahara.
20 Les naturels qui habitent la limite de l'intérieur,
annoncent qu'il n’y a dans cette étendue ni mers, ni mon-
tagnes, mais un désert qu'ils ont l'habitude de traverser.
3° Les coutumes et les apparences physiques des abo-
rigènes habitant au Nord et au Sud sont les mêmes, tan-
dis qu’elles sont différentes de celles des habitants de la
côte Est. Cette similitude prouve que rien de semblable à
| une mer ou à un système de montagnes ne sépare les
premiers les uns des autres.
M. Coulon rappelle, au sujet de celte communication,
les résultats du travail de M. Strzelecki sur la distribution
et la direction des vents de la partie Sud-Est de la Nou-
velle-Hollande, et sur les déviations que subit l’alizé à
sa rencontre avec ce continent.
À. Guxor, secrétaire.
M. le D' Valentin lit un rapport sur un cas extrême-
ment rare, observé à l'hôpital Pourtalès chez la femme
Veuve, âgée de 45 ans.
Cette femme, mère de sept enfants, remarqua, il y a six
ou sept ans, au niveau de la protubérance occipitale, deux
Joupes indolentes, qui, grossissant peu-à-peu, finirent par
ne plus former qu'une seule tumeur rougeâtre dépour-
— mue de poils. Cette tumeur ayant atteint Ja grosseur d’une
noix, causa à la malade des douleurs si vives, qu’elle
essaya de la vider en la comprimant assez fortement ; il
en sortit une malière grasse qu'elle compara à du suif.
Il
PR. de
Ce n'est qu'il y a trois ans, époque de sa dernière gros-
sesse, que la tumeur, sécrétant une matière plus dense,
prit tous les caractères d’une corne et augmenta de sen-
sibilité. La malade craignant que le cas ne devint sérieux,
consulta un médecin. Celui-ci en lui coupant la forma
tion cornée au niveau du chevelu , développa un léger
saignement de la plaie et la cautérisa avec du nitrate
d'argent. Des cautérisations fréquentes , des opérations
subséquentes entreprises par le mari de la dite femme ne
firent qu'augmenter la force de recrudescence de la corne,
ce qui décida la malade à entrer à l'hôpital au mois de
Mars. Lorsqu'elle y entra, il y avait six semaines que la
tumeur n'avait été coupée, elle avait atteint une longueur
d’un pouce sur la largeur d’un petit doigt ; elle était re-
courhée à sa partie supérieure et pointue à son extrémité;
la surface en était lisse, jaunâtre ; la base était entourée
d’un bourrelet d'une peau rougeàtre, mince, plissée par
places ; le cuir chevelu en était parfaitement sain. La
corne elle-même était insensible, mais le moindre attou-
chement à l'extrémité se faisait sentir à la base. M. de
Castella en fit l'opération au moyen d'une taille elliptique
comprenant la base de la production cornée et une partie
du cuir chevelu. L'opération ne causa aucune douleur à
Ja malade , grâce à l’application de l’éther.
La production cornée, que M. Valentini présente à la
Société, ressemble à du savon jaune ordinaire, tant sous
le rapport de la densité que sous celui de la couleur.
L'ongle peut en entamer la surface extérieure ; le bistouri
la fend aisément ; la masse interne est disposée dans le
sens longitudinal ; on y observe ça et là une disposition
striée; l’intérieur en est creux et garni d’une substance
ee OS à
analogue à la moisissure. Une forte pression exercée sur
la partie libre l’avait détachée de sa base déjà pendant
+ l'opération et on avait observé des papilles blanches, alon-
gées, molles, faciles à détruire et semblables à l'organe
- sécrétoire des ongles. Immédiatement après l'opération,
MM. les docteurs Castella et Valentini soumirent une
. partie de la formation cornée à la macération dans l'eau,
Pendant les premières vingt-quatre heures cette opéra-
tion détacha une partie de la matière qui ne montrait
pas la disposition striée ; cette matière se sépara encore
. plus complètement pendant les jours suivants avec une
odeur de putréfaction. La trame resta seule; elle présente
des couches et des lamelles concentriques, blanches , qui
ne sont pas assez cohérentes pour résister à l’action d’un
tiraillement assez fort. L'aspect de cette formation rap-
pelle à M. Valentini celui du derme macéré. M. Valen-
Uni cite ensuite l'ouvrage d'anatomie pathologique de
M. Cruveilhier, dans lequel sont rapportés plusieurs cas
semblables observés pendant les siècles passés, et ajoute
que la moitié des cas connus ont été observés aux jambes
et aux cuisses des femmes du peuple d’un âge avancé,
L'auteur attribue cette prédisposition aux formations cor-
… nées, à l'abus de la chaufferette, et reconnaît pour cause
| occasionnelle, une irritation locale et répétée. Il en attri-
— bue la cause essentielle à un développement anormal des
… papilles du derme qui, destinées dans l’état normal à la
F production de l’épiderme, dégénèrent par une action lo—
“cale, et sécrétent en surabondance des matières qui par
leur composition ne différent que très-peu de la corne.
Ces raisons et plusieurs autres engagent M. Cruveilhier
à classer ces productions cornées entre le pus et le mucus
de OU
desséché, ce que les remarques de M. Valentini semblent
confirmer pleinement.
M. Valentini fait voir, à la suite de sa communication,
les planches de l'ouvrage anatomique ci-dessus mentionné,
qui représentent quelques cas analogues à celui qu'il vient
de soumettre à l'attention de la Société.
M. de Castella rappelle au sujet de ces excroissances,
qu'il a opéré, il y a déjà une vingtaine d'années, une eui-
sinière âgée de 45 ans, qui portait, depuis son enfance,
des végétations insolites situées à la partie interne et ex-
terne de la cuisse droite. L’externe était une tumeur
implantée par un pédicule de deux pouces ‘de diamêtre
au pli de la fesse; ce pédicule, allongé de toute la longueur
de la cuisse, supportait une tumeur du volume de deux
poings, ulcérée à son sommet, d’une fétidité très-grande.
Quand la malade voulait s'asseoir, elle la passait sur son
genou. En marchant elle pendait le long du genou.fL’in-
terne avait la même longueur; elle s’implantait sur la
grande lèvre, son pédoncule était beaucoup plus étroit et
son extrémité inférieure d’une apparence violacée comme
les tumeurs, et garnie de poils; elle était comme Adigitée,
molle, et sans ulcération. L’excision des pédicules à leurs
implantations sur la cuisse et à la grande lèvre suffit pour
enlever ces végétations, remarquables par le "volume
qu'elles avaient acquis.
M. Coulon, président, pour confirmer une observation
de M. Flourens lue à la séance de l’Académie des Sciences
de Paris, le 8 février dernier, présente à la Société la bases
d'une défense d’éléphant que possède le musée, dans la-
quelle se trouve une balle de plomb , laquelle avait pro-"
nt ee. St es ne SO à 2 1
Labs dt ct D
ARE Li. ns
“
CHR ZE
— 101 —
bablement aussi pénétré à travers l'os maxiliaire dans
la cavité du cône dentaire et formé une exostose qui n’a
point nui à l'accroissement de la dent.
M. de Castella rappelle à cette occasion la théorie
Duhamel sur la régénération des os par le périoste,
appuyée par des expériences du plus grand intérêt par
M. Flourens. Il cite une opération faite dernièrement à
l'Hôtel-Dieu de Paris, par M. Blandin. Cet habile chi-
rurgien a enlevé la totalité de la clavicule affectée de carie,
en ménageant le périoste au moyen duquel la clavicule
a -élé reproduite aussi solide qu'auparavant, puisque le
malade a repris toute la force de son bras du côté opéré.
M. de Castella a enlevé chez un enfant scrophuleux
le corps du tibia nécrosé. La jambe a été maintenue
dans un appareil convenable , le tibia s’est reproduit
et l'enfant a pu marcher au bout de quelques mois très-
librement et très-solidement. Il a déjà publié dans la ga-
zelte médicale de Paris l'observation d’un cas de frac-
ture compliquée du péroné, dans lequel l'extrémité infé-
rieure du tibia se trouvait nécrosée, et faisait une saillie de
quelques pouces en dedans du pied renversé en dehors.
Des abcès gangreneux s'étendaient jusqu'au creux du
jarret sur la partie interne de la jambe. La portion nécro-
sée du tibia fut enlevée d’un coup de scie, le pied ra-
mené en dedans et maintenu à l’aide du bandage Dupuy-
tren. Le vide formé par la portion du tibia enlevée, s’est
… rempli peu à peu, les abcès se sont taris, et le malade a
recouvré l'usage complet de sa jambe, puisqu'il'a pu quit-
ter l'hôpital marchant à l’aide d’une canne.
Ces faits prouvent qu'on peut, comme l’a dit Flourens,
— 102 —
{ dans sa théorie expérimentale de la formation des os,
2e édition pag. 60) enlever au périoste une portion d'os,
el 1l rend cette portion d'os; on peut lui enlever une tête
d'os et il rend cette têle d'os ; on peut lui enlever un os
entier, et il rend cet os entier. Le périoste reproduit donc
et rend toutes les portions d'os qu’on lui ôte. A la page 71
de son ouvrage, ce célèbre physiologiste dit : « Me sera-
t-il défendu d’espérer que cette merveilleuse puissance de
reproduction des os par le périoste sera bientôt un ressort
nouveau entre les mains de la chirurgie? Oh! non sans
doute. Je m'adresse aux chirurgiens qui observent, qui
pensent, qui ne voient pas dans la chirurgie un simple
métier de routine, mais une science , une grande science,
et qui au dessus de cette science même voient l'huma-
nité ! » Les faits rapportés ci-dessus , répondent aux vœux
de M. Flourens.
F. Sacc, secrétaire.
Séance du 22 Avril 1847.
Présidence de M. L. CouLon.
Il est fait lecture d’une communication de M. Thére-
min sur une méthode de semer les pommes de terre sans
employer la partie de la pomme de terre qui sert à la
nourriture. Il s’agit de planter seulement ce que l'on ap-
pelle les yeux de la pomme de terre qu’on enlève avec la
pelure, et qui plantés comme on l'aurait fait du tubercule,
donnent une récolte tout aussi belle et tout aussi abon-
dante. Ce procédé est employé avec un plein succès depuis
nombre d'années par le docteur Schultz dans un grand
domaine de la Prusse, et cet agronome distingué le re—
— 103 —
commande surtout pour les années de mauvaises ré-
coltes.
M. Guyot rend compte des remarques de M. F. Werne
sur la prétendue découverte des sources du Nil-Blanc ou
Babr-el-Abiad par M. d’Abbadie. Il en résulte que, d’après
lopinion de M. Werne, compagnon de voyage de
MM. d'Arnaud , Sabatier et Thibaud pendant l'expédition
égyptienne dirigée vers les sources du Nil, M. d’Abbadie
n'aurait aperçu dans les plateaux au sud de l’Abyssinie
que les sources de quelques affluents du grand fleuve Gos-
chop, et non point celles du Nil-Blanc. Selon M. Werne
qui tire ses renseignements de Lakono roi de Baré, dont
le témoignage fut confirmé par toute sa suite, le lieu où
le Nil-Blanc, nommé ici Tubirih, se forme de la réu-
nion de quatre sources , est situé à trente journées au sud
du point le plus méridional que l'expédition d'Egypte a
atteint, et non pas à trente lieues comme le dit le rapport
de M. d'Arnaud. Le pays d’où il sort porte le nom d’An-
|_ jan. Ces renseignements reculent ainsi encore de 300
lieues vers le sud, c’est-à-dire de 122 de latitude et trans-
portent ce point de réunion des premiéres sources du Nil
vers le 10° latitude sud. Ils justifient complétement, à notre
- étonnement, les indications de Ptolémée; car on sait que
le célèbre géographe d'Alexandrie plaçait les sources du
Nil vers le 12° latitude sud. Ils donnent également quel-
- que probabilité aux prévisions exprimées au sein de la
Société, il y a quelques années, par M. de Rougemont ,
- que les sources du Nil pourraient bien être en conjonction
avec le fabuleux lac Maravi. Enfin, s'il en est ainsi, le
Nil se présente à nous comme un fleuve de plus de 1000
— 40% —
lieues de longueur, à ne compter que la distance directe
de ses sources à son embouchure, rival, sous ce rapport
du moins, des plus grands fleuves de la terre. Le cours
de ce fleuve semble confirmer encore l'existence d’ane
dépression centrale dans la Haute-Afrique, creusée entre
deux bourrelets élevés et continus, qui bordent les deux
côtes du triangle méridional de ce continent, et dont les
versants intérieurs alimentent cette prodigieuse rivière.
La longueur du cours du Nil dans les régions tropicales
explique suffisamment l'abondance des eaux qui donnent
lieu à ses crues périodiques.
M. Guyot rend compte des travaux de M. de Strzelecki
sur l’orographie de l’île de Van-Diemen.
M. Ladame donne lecture d’un rapport de M. Favre
sur les résultats obtenus par la commission des enquêtes
sur le dorage au moyen de la poudre d'or. Une discus-
sion prolongée s'engage sur ce sujet (').
M. Ch. Matthieu rend compte des analyses des eaux
minérales de Wiesbaden, faites par M. Figuier, dont le
travail est inséré dans le Journal de chimie médicale, de
pharmacie et de toxicologie de février 1847, et s'attache
à réfuter quelques passages du même auteur qui dit :
« qu'il est probable que l’arsenic se trouve dans ces eaux
à l’état d’arsénite de soude et par conséquent sous forme so-
luble ; que par le fait de l'évaporation spontanée au contact
(1) Voir plus bas le Bullelin des séances de la section de la Chaux-de-
Fonds,
4
|
:
j
p
+
h
J
ri
’
f
“
— 105 —
de l'air, l'oxide de fer contenu dans l'eau minérale pas-
sant à un degré supérieur d'oxidation et se précipitant
au sein de la liqueur, change l'équilibre du mélange et
provoque la précipitation de l'acide arsénieux à l’état d’ar-
sénite de soude. » M. Matthieu oppose à ces conclusions
les raisons suivantes :
1° L'auteur n’a pas constaté du tout dans les eaux la
présence de l’arsénite de soude soluble.
2° L’arsénite de soude ne peut exister en présence
d’un sel de fer soluble qui en entraînera immédiatement
la décomposition ; il y aura forsAto d’arsénite de fer et
d'un sel de soude soluble.
30 L'auteur n’a pas tenu compte de la solubilité de
l’arsénite de fer insoluble dans l’acide carbonique dis-
sout dans les eaux minérales, puisqu'il attribue au chan-
gement d'équilibre survenu dans la liqueur par la préci-
pitation de l’oxide de fer , la décomposition de l’arsénite
de soude et la précipitation de l’arsénite ferreux, tandis
qu'on doit la rapporter uniquement, selon M. Matthieu,
à la perte d’acide carbonique dissout dans l’eau minérale
- qui tenait l’arsénite de fer en dissolution,
M. Ladame lit la note suivante sur l'influence de la
rotation de la terre sur la direction des vents.
Au nombre des causes qui ont été indiquées pour ex-
pliquer la direction et l'intensité des vents, on a mis, depuis
F Hadley, la rotation de la terre sur son axe. On rendcompte,
- par ce moyen, de la direction des alizés et des vents gé-
néraux de lazône tempérée. Cependänt les nombreuses ex-
. ceptions qu'on est obligé d'admettre, ont engagé plusieurs
» physiciens à diminuer beaucoup la part que l’ou accorde
— 106 —
à celte influence, et même à la contester tout-à- fait.
Ces physiciens pensent que les différences de température
entre des lieux voisins ou éloignés, la formation et la pré-
cipitation des vapeurs , la répartition des terres et des
eaux , la configuration des continents dans le sens hori-
zontal et vertical, l'état électrique de l’atmosphère et du
sol, sont des causes d’une telle énergie, qu’elles l'em-
portent considérablement sur l’action de la rotation ter
restre, et qu’elles sont tout-à- fait suffisantes pour expliquer
d'une manière satisfaisante et complète les mouvements
de l'atmosphère, soit dans leur direction soit dans leur
intensité. Néanmoins , fout en reconnaissant que ces
causes sont prédominantes , et que ce sont elles qui don-
nent aux mouvements atmosphériques leur caractère, on
ne peut rationnellement nier l'influence de la rotation de
la terre, et dès lors la question qui se présente n’est pas
de savoir si la rotation terrestre a ou n’a pas une in-
fluence, mais si cette influence a une valeur assez grande
pour qu'on doive en tenir compte.
La question ainsi posée peut être résolue par deux sé-
ries d'observations différentes :
{° En notant la direction des vents dans des localités
convenablement choisies, de manière à suivre les vents
dans toute l'étendue de leurs cours; puis tenant compte
de toutes les causes qui peuvent agir sur la direction du
vent, et les appréciant à leur valeur, on conclut par ce
mode d'élimination, quelle est l'influence du mouvement
de la terre.
Cette méthode est jusqu'ici la seule qui ait été suivie ;
elle n’a pas conduit à un résultat positif et incontestable.
Son défaut capital réside dans l'impossibilité où l’on est,
Y
’
{
+
.
— 107 —
d'après l'état de nos connaissances actuelles , d'apprécier
numériquement , soit en direction soit en intensité, l’ac-
tion des diverses causes indiquées. En conséquence , sui-
vant l'importance hypothétique plus ou moins grande
que les physiciens ont donnée à telle ou telle cause, ils
sont arrivés à accorder à la rotation terrestre une in-
fluence grande ou petite. C’est ainsi que les uns ont vu
dans la direction des vents généraux des zônes tempérées
et torride, la preuve de la rotation terrestre, et que pour
les vents locaux ou plus circonserits dans leurs cours ; ils
ont invoqué les circonstances atmosphériques et terrestres,
tandis que les autres ont étendu l’action de ces dernières
causes jusqu’à l'explication des vents généraux et qu'ils
n’ont point trouvé nécessaire de faire intervenir l'action
de la rotation de la terre.
La discussion à laquelle on a soumis les observations
météorologiques sur les vents, consiste à mettre en évi-
dence l’action de la rotation de la terre d’une manière
indirecte, en procédant par voie d'élimination, comme je
viens de le dire. Ce mode d’argumentation pris dans sa
rigueur, suppose qu'on a énuméré toutes les causes qui
agissent sur la direction des vents, et qu'on en a appré-
cié la valeur. Cette méthode, que J. Herschell a appelé
méthode des résidus, est utile et féconde ; elle a eu, sûr-
tout en astronomie, des résultats remarquables. C'est elle
qui a conduit dernièrement à la découverte de la planète
Leverrier. Mais cette méthode pour être bonne et sûre,
» doit se combiner avec une autre que nous allons indiquer.
29 Lorsqu'on veut constater l'existence d'une cause
, . , . . « » Q
d'action et son énergie, il faut chercher à déterminer le
caractère essentiel de la cause que l’on suppose, savoir en
— 108 —
quoi elle’se sépare et se distingue nettement de toutes les
autres; puis il faut examiner Îles faits sous ce point de
vue, ce qui décide si elle existe ou non, et dans le pre-
mier cas, qu’elle est sa valeur. Dans la question qui nous
occupe, examinons quels sont les caractères de l’influence
terrestre. Le premier résulte de la différence de vitesse des
divers parallèles de latitudes. Ces différences ont pour ef-
fet de faire tourner à l’est les vents compris dans la demi-
circonférence O.-N.-E., et à l’ouest les vents compris dans
la demi-circonférence E.-S.-0. La grandeur de cette rota-
tion des vents varie avec la latitude et avec la distance du
point de départ du vent. C’est ainsi que les vents du nord
doivent toujours tourner de plus en plus vers l’est, à me-
sure qu’on s'approche de l'équateur, et que ceux du sud
doivent tourner de plus en plus à l’ouest, à mesure que
l’on s'approche des pôles.
Ce caractère de l’action de la rotation de la terre a
été invoqué surtout dans la discussion des observations.
Nous avons vu qu'il n'avait pas fourni des preuves in-
contestables de l'influence supposée. Un autre caractère
de l’action de la rotation de la terre, c’est d'établir une re-
lation mathématique entre la direction du vent et sa force,
de telle manière, que plus les vents compris dans la demi- :
circonférence E.-N.-O. sont violents, plus aussi ils s'é-
loignent de l’est pour se rapprocher de l’ouest, tandis
que les vents compris dans la demi-circonférence E.-S.-0:
se rapprochent d'autant plus de la direction E.-0. qu'ils
sont plus intenses.
On n’a pas tiré parti jusqu'ici de ce caractère pour ap-
précier!l'influence”de la rotation terrestre, la cause en est
sans doute le ‘petit nombre d'observations météorologi-
4
— 109 —
ques qui indiquent la direction et la force du vent.i Il
est fort désirable pour la solution de la question qui nous
occupe maintenant, qu'on introduise la donnée de la force
du vent dans les tableaux d'observations ; mais comme
… les changements qui surviennent dans la direction du
. vent, lorsqu'il varie d'intensité , sont peu considérables,
il est nécessaire d'indiquer la direction du vent avec plus
de précision, et, si cela était possible, de noter l’angle de
direction en degrés.
Cette méthode permet de tirer parti des observations
faites dans une seule localité: elle n’a pas encore été em-
ployée. Il faudrait soumettre les faits à un nouvel examen
sous ce rapport, et peut-être donnera-t-elle des résultats
plus précis que ceux que l'on a obtenus en se fondant sur
» les différences de vitesse des parallèles.
Il est très-important de remarquer que la discussion
des observations à ce nouveau point de vue, doit porter
exclusivement sur les vents réguliers qui ont une même
direction pendant plusieurs jours consécutifs ; car lorsque
les vents sont variables et changent à tout instant de di-
rection en partant successivement des divers points de l’ho-
rizon , on ne peut, comme on le comprend, tirer aucune
conclusion relative à l’action de la rotation terrestre. Il
est évident que des vents si variables ont une origine en
général trop rapprochée des points où ils soufflent, pour
que l’action de la rotation terrestre soit sensible.
Les vents constants qui règnent en hiver et au prin-
temps, m'ont permis de mettre à l'épreuve les idées que je :
viens de présenter; mais comme nous ne possédons pas
de girouettes convenablement établies, je n’ai pu appré-
cier les changements de direction du vent dans leur gran-
— 110 —
deur réelle. Cependant les observations faites au moyen
de l'indicateur ( un coq ) placé au sommet de la flèche du
clocher de la cathédrale, dont la position élevée et indé- .
pendante de toute influence latérale est très-favorable ,
ont donné des résultats conformes à ces idées théoriques.
Car chaque fois que le vent du nord-est, la bise, augmen-
tait de force, l'indicateur tournait vers le nord, tandis que
quand c'était le vent du sud-ouest qui soufflait ét que sa
force s’accroissait, le vent tournait vers le sud. Je jugeais
de la force du vent par l'agitation du lac et par la puis-
sance des vagues.
Les tableaux des observations météorologiques faites à
l'observatoire de Genève, contiennent, depuis le {°r jan-
vier 1846 , l'indication de la force du vent. Cette force est
caractérisée au moyen des chiffres 0, 1, 2, 3. Je n'ai pas
encore terminé le dépouillement de ces observations,
mais les résultats que j'ai obtenus pour les mois de jan
vier, février et mars 1846, conduisent en général au
même résultat que mes propres observations , savoir que
les vents forts se rapprochent du méridien soit nord, soit
sud, lorsqu'ils soufflent dans les cadrans E.-N. et O.-S.
Pour s’assurer que ces effets sont bien dûs à la rota-
tion de la terre, il faut se convaincre que ces change-
ments dans la direction du vent s’observent dans tous les
cadrans , et si l'observation démontrait que les vents des
cadrans O.-N. et E.-S. se rapprochent du méridien au
lieu de s’en éloigner quand leur intensité augmente, 1l
faudrait chercher une autre cause à ces mouvements.
Les observations de Genève ne donnent la direction des M
vents que sous les angles de un quart droit, il est dés
lors possible que les changements de direction du vent
— tit —
ne soient pas suffisamment appréciés, pour mettre en
évidence l'influence de la rotation terrestre. En effet une
différence considérable dans la force du vent ne change
sa direction que d’un petit nombre de degrés.
Indépendamment des causes nombreuses autres que
l’action de la rotation de la terre, qui déterminent la di-
rection des vents et qui ont pour effet de masquer cette
action ; 1l est un fait qui tend à la détruire, c'est le
frottement que l'air éprouve pendant son mouvement,
soit par son contact avec le sol et ses nombreuses aspé-
rités, soit par le voisinage de courants d'air voisins qui
n'ont pas la même direction. Ce frottement a une puis-
sante influence, car il est facile de faire voir que sans lui,
les vents atteindraient à l'équateur et dans les hautes lati-
tudes une violence inouïe et bien supérieure à ce qu’elle
est dans l’état actuel des choses.
IL sera bon de soumettre au calcul l’influence de la ro-
tation de la terre en tenant compte de cette circonstance,
c'est un travail dont je m'occupe; je reviendrai plus tard
sur ce sujet.
Le frottement n’a pas sans doute la même valeur pour
les vents rasants du nord que pour les vents plongeants du
sud. La hauteur du lieu d'observation au-dessus de la mer
doit aussi avoir une action. C’est dans le but de constater
cette influence locale que j'ai prié M. Favre, instituteur
de première classe à la Chaux-de-Fonds, de bien vouloir
faire des observations régulières sur la direction et la vio-
lence du vent. Cet observateur intelligent et exact s’en est
chargé et j'espère aussi que nous ne tarderons pas à avoir
à Neuchâtel des observations météorologiques assez ré-
gulières et assez précises pour pouvoir soumettre d’une
_— 119 —
manière plus complète à l’autorité des faits, les consé-
quences théoriques présentées dans cette note.
: À, Guyor, secrétaire.
Séance du 6 Mai 1847.
Présidence de M. L. Courox.
M. Ladame prend la parole au sujet du rapport de
M. Favre lu dans la précédente séance, qui rend compte |
du procédé de dorage par la poudre d’or. Il conçoit
quelques doutes sur la possibilité d'obtenir un dorage
solide par les procédés décrits dans le rapport des com-
missaires , et il se demande si MM. les commissaires ont
été témoins de toutes les opérations. M. Ladame suppose
que c’est au moyen de l’arsenic, qu’emploie, dit-on, l'in-
venteur du procédé que la couche de poudre d'or est ren-
due fusible de manière à ce qu’elle puisse adhérer au mé-
tal sur lequel on la pose. S'il en est ainsi, cette méthode
aurait l'inconvénient grave d'être encore plus insalubre
que celle du mercure à laquelle on voudrait la substituer.
r à
M. Ladame rend compte des expériences de M. Persoz
sur les engrais de la vigne, et sur le mode le plus favo-
rable de leur application.
M. Sace communique la lettre suivante de M. Gerhardt,
professeur à Montpellier et membre honoraire de la Société,
sur la formation et la composition de l’alun de Rome.
Les expériences que j'ai l'honneur de soumettre à la
Société, dit M. Gerhardt, font partie d’un travail plus”
— 113 —
étendu dont je m'occupe en ce moment, et qui a pour
objet la recherche des principes de la composition des
sels. Mon but serait d'arriver à des notions précises sur
les conditions qui font d'un acide un composé unibasi-
que , bibasique ou tribasique ; je voudrais aussi mieux
définir qu'on ne l’a fait le rôle de l'eau contenue dans
les sels, et trouver les caractères qui distinguent l'eau
dite de combinaison de l’eau de cristallisation.
J'ai porté lout d'abord mon attention sur une nom-—
breuse classe de sels que les chimistes ont traité pour ainsi
dire avec un certain dédain et sur lesquels on n’a pas en-
core publié de travail d'ensemble : je veux parler des sous-
sels ou sels dits basiques. Je me suis appliqué à étudier
. les circonstances de leur formation et les moyens de les
obtenir sous une forme définie. Ces recherches sont en-
core loin d'être terminées, cependant les résultats aux-
quels je suis déjà parvenu, me permettent d'affirmer que
la composition des sous-sels n’est pas aussi compliquée
que le supposent les formules qu’on a publiées. Au lieu de
cinq ou six sous-sels qui ont été quelquefois obtenus avec
le même sel neutre, je n’en obtins qu'un seul ou deux
tout au plus, et la composition de ces sous-sels présente
avec celle du sel neutre une relation tout aussi simple
que celle qui existe entre ce dernier et les sels acides. De
même , l'eau joue dans les sous-sels un rôle entièrement
- semblable à celui de l’eau contenue dans les sels acides.
Un exemple me fera mieux comprendre. Il existe,
comme on sait, un bioxalate et un quadroxalate de po-
tasse. Voici la composition de ces sels exprimée d’après
la notation Berzélius :
— 114 —
Oxalate neutre C?O*,KO + aq.
(CO*'K O0)...
Bioxalate (C20°.H20 (+ 2 aq.
C°0*,KO \
20*,H? |
Quadroxalate | a
J'ai désigné par ag. l’eau dite de cristallisation qui se
dégage bien avant H°0 ou eau de combinaison.
Or, de même que nous avons ici un bi-sur-sel 'et un
quadri-sur-sel, il existe des bi-sous-sels et des quadri-sous-
sels avec la même eau de combinaison. Ainsi pour le ni-
trate de plomb, je ne trouve que deux sous-sels parfaite-
ment définis et cristallisables :
Nitrate neutre N?0°,PbO
Bi-sous-sel N°0*,PbO
HO, PbO
N°0°,PbO
Quadri-sous-sel HO, PhO
H°0, PbO
HO, PbO
Tous les autres sous-nitrates de plomb qu'on trouve
indiqués par M. Berzélius et par d’autres chimistes, ne
sont que des mélanges des précédents. H°O ne s'en va
dans ces sels qu’à une température bien supérieure à 200°
et même, dans certains sous-nitrates, comme par exemple,
dans celui de cuivre.
N°0 ,CuO
H°0 ,Cu0
HO ,CuO
\H?20 ,CuO
— 115 —
l'eau ne peut pas être expulsée sans la destruction totale
du composé. :
Lorsqu'un sous-sel renferme plus d'eau qu'il ne cor-
respond aux rapports précédents , on trouve que cet ex-
cédant se comporte comme l’eau de cristallisation (aq.)
dans les sels acides. Ainsi, j'ai trouvé que le sous-sulfate
quadricuivrique ( je l'ai obtenu cristallisé ) renferme
!:SO* ,CuO\
\H20,Cu0
}H20,Cu0
\H°0,Cu0
Or, les # aq. s’en vont entre 120 et 130°, tandis que
les 3 H°0 y restent même à 200°. Le sous-chromate qua-
dri cuivrique a la même conscription que le sous-sulfate ;
c'est une circonstance assez remarquable puisque les sul-
fates neutres sont isomorphes avec les chromates neutres
correspondans.
Mais je me réserve de développer davantage ces faits
quand j'aurai complété toutes les expériences qui s’y rat-
tachent. :
Je ne parlerai aujourd'hui que de l’alun de Rome dont
j'ai aussi établi la composition.
D'après les indications de Leblanc et de Darcet, on
- considère l’alun de Rome comme un alun plus aluminé
que l’alun ordinaire, c’est-à-dire comme un sous-sulfate
» de potasse et d'alumine. Leblanc avait remarqué en effet
qu'en faisant bouillir de l’alun et de l’alumine, on obtient
un magma soluble en partie dans l’eaa froide et donnant
des cristaux cubiques par l’évapuration spontanée. Sieffet
avait déjà remarqué, en 1780, la production de l’alun
cubique par l'alun ordinaire et la chaux. Enfin, selon
2
D
|
+ 4 aq.
— 116 —
Darcet l'alun cubique se décomposera par l’eau bouillante
en sous-sulfate insoluble et en alun octaédrique.
Cette cristallisation, dans la même forme primitive .
d'un sel neutre et de son sel basique, m'avait toujours
paru bien extraordinaire. Je résolus de vérifier le fait.
On obtient très-vite de l’alun cubique par le procédé sui-
vant: on se procure une solution saturée d’alun ordi-
naire, et l'on y ajoute, goutte à goutte et à froid, de la
potasse caustique, en agitant vivement avec une baguette.
Le précipité se redissout dans un excès d'alun; quand il com-
mence à devenir persistant, ce qui arrive bientôt, on filtre
et l'on abandonne à l'évaporation spontanée. Quelque-
fois, si l'addition de la potasse n’a pas été suffisante et
que la solution avait été trop étendue , les premiers cris-
taux sont encore des octaëdres ; peu à peu, on les voit se
modifier par les faces du cube, et au bout d’un ou de deux
jours , si l’on a décanté le liquide surnageant, il ne s'y
forme même plus des cubo-octaëdres, mais on n'obtient
que des cubes, sans aucune modification. Ces derniers
sont parfaitement limpides, se dissolvent dans l’eau sans
résidu ; la solution peut-être bouillie sans donner lieu à
aucun précipité, et donne par le refroidissement, non pas
des cubes, mais des octaèdres. Les cubes que j'ai analy-
sés avaient exactement la composition des octaëdres
avec 45,5 p°}, d'eau de cristallisation. Ils sont donc
parfaitement identiques à l’alun ordinaire.
Le liquide où ces premiers cubes se sont déposés, en
donne de nouvelles portions. Cependant au bout de.quel-
ques jours, quand le liquide est très-concentré, on le voit
devenir opalin ; les cubes qui s’y déposent alors ne sont
plus limpides , mais louches comme l’alun de Rome.
— 117 —
Quand on chauffe le liquide restant à 60 ou 70°, il se
coagule comme da blanc d'œuf, et si bien qu'on peut ren-
verser le vase sans qu’il en tombe une seule goutte de li-
quide. Ces cristaux louches présentent alors le phénomène
décrit par Darcet.
On voit, d'après cela, que l’alun cubique à l'état de
pureté, n’est pas un sous-sel. Les cristaux troubles, comme
ceux que présentent le commerce, sont un produit impur
souillé par le mélange d’une petite quantité de sous-sel.
C'est ce dernier qui est décomposé par l’ébullition ; au
reste, quand on fait bouillir le premier liquide provenant
de l'alun, traité comme nous l'avons dit plus haut, il
donne immédiatement un précipité, et celui-ci se redis-
sout complètement dans le liquide après 24 ou 48 heures
de contact.
La formation de l’alun cubique est donc un phénomène
semblable à ceux qui ont été signalés par M. Beudant,
quand on fait cristalliser certains sels en présence d’autres
sels avec lesquels les premiers ne se combinent pas. On
sait, par exemple, qu'il suffit de la présence d’une petite
quantité d'alun pour que le sel marin ne se cristallise plus
en cubes mais en octaèdres.
M. Ladame expose les deux hypothèses principales
que les physiciens ont faites sur la nature de la lu-
mière ; celle de l'émission et celle des ondulations. Il
passe en revue les différents phénomènes de l’optique
et indique les explications que chaque hypothèse en
_ donne. Ces explications exigent dans l’une et dans l’autre
hypothèse un certain nombre de postulat, qui dans
leur ensemble constituent et formulent l'hypothèse. C’est
— 118 —
ainsi que dans l'hypothèse de l'émission , la lumière est
considérée comme formée de particules inègales en masse
et animées d'une grande vitesse. Ces particules jouissent
de propriétés polaires, en vertu desquelles elles sont re-
poussées ou attirées par les corps suivant le pôle qu'elles
leur présentent.
La répulsion explique la réflexion de la lumière ; l'at-
traction explique la réfraction.
La diversité des couleurs, jointe au phénomène de la
dispersion, qui consiste en ce que les rayons de diverses
couleurs n’éprouvent pas la même réfraction , et à celui
du pouvoir dispersif des corps, obligent à admettre que
les particules lumineuses n'ont pas toutes la même vitesse
et qu’elles sont attirées par les milieux , suivant des lois
diverses et spéciales pour chacun d'eux.
Les anneaux colorés donnent à nos particules un mou-
vement oscillatoire dans leur marche, mouvement dont
la durée est dans un rapport déterminé avec la vitesse de
translation.
Il faut pour les phénomènes de polarisation douer ces
particules de mouvements rotatoires.
Il est enfin nécessaire d'admettre, que les particules
lumineuses qui se rencontrent sous des angles très-petits
peuvent , suivant le chemin quelles ont parcouru , se dé-
truire et donner de l'obscurité, ou bien s'ajouter en don-
nant un éclat total égal à la somme des deux rayons lumi-
peux ou à une portion de cette somme. Ce dernier postulat
n'est certainement pas simple, et ne présente pas à l'es-
prit une idée nette et d’une aussi facile conception que les
autres postulat sur le mouvement des particules lumi-
neuses et sur les forces qui les régissent.
PE
— 119 —
L'hypothèse des ondes exige, comme postulat, l'exis-
tence d’un flaide éminemment élastique d'une très-faible
densité (l’éther). Ce fluide remplit l'immensité; il pénètre
tous les corps, et ceux-ci le renferment sous des densi-
tés et des élasticités diverses, et en général d'autant plus
faibles que les corps sont eux-mêmes plus denses; ainsi
l'éther du verre est moins élastique que celui de l'eau,
celui-ci moins que celui de l'air, et ce dernier moins que
celui du vide.
Dans les corps cristallisés ou comprimés, l'élasticité «et
la densité de l’éther n’ont pas la même valeur dans les
différentes directions.
Les corps lumineux sont des corps vibrans, mais ces
vibrations ne sont pas dues, comme celles des corps so-
nores, à des alternatives de condensation et de dilatation ;
le corps lumineux éprouve des mouvemens oscillatoires
de rotation sur lui-même, tantôt dans un sens, tantôt
dans un autre. Dans les vibrations sonores, chaque par-
ticule matérielle se meut sur la ligne que suit le rayon
sonore. Dans les vibrations lumineuses, chaque parti-
cule éthérée se meut suivant une ligne susceptible de
faire un angle quelconque avec la direction du rayon lu-
mineux; et en général, ces deux directions sont perpen-
diculaires entr'elles.
Les actions moléculaires qui déterminent la commu
nication des ondes sonores s'étendent à des distances
très-petites, et négligeables quand on les compare aux
longueurs des ondes; il n’en est pas de même pour les
ondes lumineuses, où le rayon de la sphère d'activité des
particules éthérées est comparable aux longueurs d'ondes.
Ce postulat permet d'expliquer complètement le phéno-
— 120 —
mène de la dispersion ou de l'inégalité de vitesse des di-
verses ondes lumineuses dans un milieu homogène. Ceci
n’a point lieu pour le son, et tous les sons se meuvent
dans le même milieu avec une égale vitesse, quelles que
soient leur élévation dans l'échelle musicale et leur force.
Lorque les hypothèses ont formulé leurs postulat, il
résulte de ceux-ci certaines conséquences que l'expé-
rience doit vérifier si l'hypothèse est vraie et les postu-
lat bien posés. On possède ainsi un moyen de choi-
sir entre les hypothèses et de les juger. Pour décider
entre deux hypothèses avec exactitude, il faut eher-
cher parmi les conséquences qu’elles fournissent , celles
de ces conséquences qui sont en opposition directe l’une
avec l’autre , et qui ne peuvent en aucune manière se con-
cilier avec les postulat posés par les deux hypothèses.
Dans le cas qui nous occupe, nous avons un fait de
cette nature, qui, constaté par l'expérience, décidera dé-
finitivement la question ; le voici.
L'une des conséquences inévitables du système de lé
mission , est que la vitesse de la lumière varie dans cha-
que milieu, en raison inverse de l'indice de réfraction ;
tandis que dans le système des ondes, une conséquence
non moins inévitable, et en opposition directe avec la con-
séquence précédente, c'est que la vitesse de la lumière ,
dans chaque milieu , est en raison directe de l'indice de
réfraction : ainsi la vitesse de la lumière dans le vide étant
de 69,244 lieues ;
si l'hypothèse de l'émission est vraie, cette vitesse sera
de 92,325 lieues par 1// dans l’eau,
de 403,866 » . ..... le verre, indice = 1,5,
etde 116,191 » ‘dans le sulfide carbonique;
__
RS in SO ot. tn ah dé SR ES
— 121 —
si l'hypothèse des ondes est vraie, la vitesse de la lu—
mière sera
dans l’eau de 51,829 lieues par 1/!
dans le verre de 46,163 »
dans le sulfide carbonique de 41,266 »
Pour trancher entre les deux hypothèses, sur la na-
‘ture de la lumière, il suffit donc de déterminer expéri-
mentalement la vitesse de la lumière dans un des corps
ci-dessus , ou dans tel autre dont l'indice de réfraction soit
connu.
Pour éviter toute objection, il faut que l'expérience
soit directe. Ainsi, nous mettrons de côté l'expérience qui
nous apprend que les franges que l’on observe dans les
phénomènes de diffraction et d’interférence , se déplacent
d'une quantité mesurable , lorsqu'on interpose une lame
transparente sur le trajet de l’un des groupes des rayons
interférents. Ce déplacement et le sens dans lequel il à
lieu ; est une conséquence naturelle du système ondula-
toire, et semble en opposition avec celui de l'émission ;
mais comme le fait des franges constitue pour ce dernier
système un nouveau postulat qu’on pourra peut-être for-
muler ( ce qui n’est pas encore fait) de maniére à satis-
faire à l’exigence de ce phénomène , nous n’en tiendrons
pas compte.
Jusqu'ici aucune expérience n’a été faite pour mesurer
. directement la vitesse de la lumière dans un milieu donné.
M. Arago a proposé dernièrement un appareil très-in-
génieux pour atteindre ce but. Cet appareil est fondé sur
le changement de direction qu’éprouvent les rayons lu-
mineux réfléchis par un miroir qui tourne sur lui-même ;
Si nous supposons que deux rayons de lumière partent
— 122 —
au même instant d'une même source et atteignent un mi-
roir sur une ligne parallèle à l’axe autour duquel il tourne
après avoir traversé, l’un, une colonne d’eau ou de sulfide
carbonique , et l’autre, une colonne d’air de même lon-
gueur ; suivant le rayon qui arrivera le premier au mi-
roir, la question des vitesses sera tranchée et par consé-
quent aussi celle des systèmes.
Dans le système de l'émission , le rayon venu par le
liquide, arrivera le premier sur le miroir, il se réfléchira
donc plus tôt que le rayon venu par l'air et en consé-
quence du mouvement du miroir, ces rayons seront pro-
jetés dans une direction différente. Les résultats seront
opposés si c'est le système des ondes qui est vrai : le rayon
venu par le liquide tombera le dernier sur le miroir, et
dés lors , réfléchi, sa position par rapport au rayon venu
par l'air sera l'inverse de ce qu’elle serait dans le système
de l'émission. Des phénomènes de coloration se présen-
teront aussi sur le miroir, à l'égard du rayon qui traverse
le liquide, puisque les rayons des diverses couleurs n'ont
pas la même vitesse , et les couleurs seront disposées dans
un ordre inverse, suivant que ce sera l’un ou l’autre
système qui sera vrai.
Ces expériences n’ont point encore été faites , et ilest
fort désirable qu’elles soient exécutées prochainement
et surtout par des mains aussi habiles que celles de
M. Arago.
Après l'exposition qui précède, M. Ladame propose un
autre moyen de déterminer la vitesse de la lumière dans
différents milieux. Ce moyen repose sur l'examen des
procédés employés pour mesurer la vitesse de la lu-
mière.
— 123 —
Ces procédés sont de deux espèces : le prenner est fondé
sur les époques de retour des éclipses des satellites de
. Jupiter; on mesure ainsi la vitesse de la lumière dans l’é-
… tendue de l'orbite terrestre, et par conséquent dans le vide.
+ Le second procédé repose sur la vitesse de déplacement
dela terre, comparée à la vitesse de la lumière, ou sur
l'aberration des étoiles. Il est facile de voir qu'on obtient
dans ce cas la vitesse de la lumière non plus dans les es-
paces célestes, mais dans la lunette même qui sert à trou-
ver la valeur de l'aberration. En effet, une fois que la lu-
- mière est entrée dans la lunette, il faut que celle-ci soit
. inclinée sur les rayons lumineux d’une quantité telle, que
+ pendant le mouvement de la lunette les rayons de lumière
restent dans l’axe de la lunette. Dés lors, si la lumière va
- lentement, il faudra incliner beaucoup la lunette, puis-
- que sans cela la lumière étant en retard, elle viendrait
« frapper la paroi de la lunette et sortirait du champ de
l'oculaire. Si, au contraire, la lumière marche vite, la
“ lunette devra être peu inclinée sur la direction du rayon
- lumineux ; il arriverait même que si la vitesse de la lu-
mière était infiniment grande, par rapport à la vitesse de
translation de la lunette, la direction de celle-ci serait
. exactement celle de la lumière, et il n’y aurait plus d’a-
… berration. L
Il a été dit précédemment que la vitesse de la lumière
— dans un milieu donné dépendait de l'indice de réfraction,
( plaçons donc dans l'axe de la lunette une substance trans-
— parente douée d’un fort indice; si l'hypothèse des ondes
ÿ est vraie , la lumière marchera lentement dans la lunette,
. on devra donc incliner beaucoup celle-ci sur la direction
… des rayons lumineux, l’aberration sera forte. Si c’est l'hy-
— 124 —
pothèse de l'émission qui est vraie, la lumière marchant
rapidement dans la lunette, on devra incliner peu celle-
ci sur la direction des rayons lumineux, l'aberration sera
faible. Reste à savoir si la valeur de l’aberration , déter-
minée dans ces expériences, présentera des différences
appréciables. C’est là ce que justifient les observations
suivantes :
L’aberration des étoiles est donné par un angle dont la
tangente est égale à la vitesse de translation de la lunette,
divisée par la vitesse de la lumière ( lorsque la direction
du mouvement de la lunette est perpendiculaire à la di-
rection du rayon lumineux }. Comme l'angle qui exprime
l'aberration est très-petit, on peut prendre cet angle ou
l'arc qui le mesure pour sa tangente, d’où il résulte que
l'aberration est égale à la vitesse de la terre, divisée par
celle de la lumière, ou autrement dit que l’aberration mul-
tipliée par la vitesse de la lumière est égale à la vitesse
de la terre, qu’on peut regarder comme constante; dès
lors l’aberration est en raison inverse de la vitesse de la
lumière. Mais la vitesse de la lumière, pour un milieu
donné, est en raison inverse de l'indice de réfraction, dans
le système des ondes, et en raison directe de cet indice,
dans celui de l'émission. Nous concluons de là que l'a-
berration est en raison directe de l'indice dans le système
des ondes, et en raison inverse de ce même indice dans
celui de l'émission. |
En vertu de l’aberration, et dans les circonstances or-
dinaires , les étoiles paraissent décrire dans le ciel des el-
lipses dont le grand axe, soutend un angle d'environ 40/.
L'indice de réfraction de l’eau — 1,336,
celui du verre = 1,53,
celui du sulfide carbonique — 1,678,
_— 125 —
Si la lunette au moyen de laquelle on fait les obser-
valions était successivement remplie d'eau, de verre, ou
de sulfide carbonique, les valeurs de l'aberration seraient
différentes ; on obtiendrait, si le système des ondes est
vrai :
aberration p- la lunette pleine d’eau = 40/>1,336—53"/ 4
» » » Série 40! 1,53 —61//2
» » » . sulf. car.— 40/'>x41,678—67//,1
Si le système de l’émission est vrai :
l'aberration sera p. la lunette pleine d’eau —40 // : 1,336—29 '/,9
» » » verre —40/! :1,53 —26//,1
” » » sulf, carb. —40/!:1,678—23//,8
Les différences entre les valeurs de l'aberration pour
un même corps, sont :
pour l’eau — 534,4 — 2919 — 93/15
» verre — 64/92 — 96/1 — 35/11
» _sulfide carb. — 67/1 — 23/8 — 43/3
Certainement ces nombres sont assez grands pour être
sensjbles à l'expérience; il est vrai qu'ils reposent sur la
supposition que l’intérieur de la lunette est rempli d’eau,
de verre ou de sulfide carbonique , dans toute l'étendue
de sa longueur ; mais ils conserveraient encore une va-
leur suffisante, lors même qu'on ne remplirait la lunette
de ces substances que sur la moitié de sa longueur.
Il paraît donc possible et très-facile d'arriver expéri-
mentalement à un résultat appréciable et décisif, puis-
-qu'il suffit de placer dans l'axe de la lunette et sur la route
des rayons lumineux un tube mobile, rempli de sulfide
carbonique, par exemple, les astres se rapprocheront de
“eur position réelle si l'hypothèse de l'émission est vrai,
ils s'en éloigneront si c'est celle des ondes.
—— 126 —
Nous avons dit précédemment que la vitesse de la lu-
mière pouvait aussi être délerminée par le moyen des
éclipses des satellites de Jupiter, et qu'on obtenait ainsi
la vitesse de la lumiére dans le vide. La vitesse que l'on
a déterminé au moyen de l’aberration des étoiles, donne la
vitesse de la lumière dans l'air où la lunette est plongée,
on doit donc obtenir une différence entre les nombres qui
résultent de ces deux méthodes. La grandeur de cette diffé-
rence est dépendante de l'indice de réfraction de l'air,
qui égale 1,000294. Ce nombre est si faible qu'il ne peut
agir sur la grandeur de l’aberration, de manière à ce
qu'on puisse en tenir compte dans les observations ; néan-
moins, il est remarquable que les deux méthodes em-
ployées pour calculer la vitesse de la lumière, n’ont pas
conduit au même résultat, on a trouvé (!) par les éclipses
192,500 milles anglais (310,000,000 mêt.) par se-
conde, et par l'aberration 191,515 milles anglais
(308,000,000 mèt.) |
Si on considère que la lumière qui traverse une lu-
nette, se meut en partie dans des masses de verre qui
changent sa vitesse, il est curieux de déterminer quelle
épaisseur il faut supposer aux lentilles pour obtenir la
différence de vitesse que l'observation donne, et qui se
trouve précisément dans le sens favorable à l'hypothèse
ondulatoire. Ce calcul est facile, et indique qu'il suffit que
la somme des épaisseurs des lentilles soit égale à la ‘/100
partie de la longueur de la lunette, pour expliquer la
(') Je n’ai pas eu en main les documents nécessaires pour vérifier les
nombres ci-dessus, ils sont tirés du traité de la lumière de J. Herschell,
traduit de l'anglais par M. Werhulst, et annoté par M. Quetelet, directeur
de l’observatoire de Bruxelles.
— 127 —
différence que fournissent les expériences. Si ce rapport
entre l'épaisseur des lentilles et la longueur de la lunette
est celui que présentaient des lunettes au moyen des-
quelles on a déterminé l'aberration, nous aurions une
preuve directe en faveur du système des ondes, puisqu'il
serait démontré par l'expérience, que la lumière se meut
moins vite dans l'air et le verre que dans le vide.
Séance du 20 Mai 1847.
Présidence de M. L. Courox.
M. Guyot dépose sur le bureau les nouvelles études
et expériences sur les glaciers actuels, de M. Agassiz,
1 vol. in-8° avec atlas.
Le même présente de la part de M. Sonrel lithographe,
une planche, spécimen gravée sur pierre par des pro-
cédés qui lui sont propres et par lesquels il a appli-
qué à la lithographie, le procédé Colas pour la repro-
duction des médailles et de tous les objets en relief. On
admire la netteté et le fini de ce travail.
M. L.-A. de Pourtalès dépose sur le bureau l’ou-
vrage dont il est l'auteur, et qui a pour titre : Des
- quantités positives el négatives en géométrie. Il en fait hom-
. mage à la Société et communique l'analyse suivante de
son travail.
. La notion des quantités positives et négatives s'applique
en géométrie principalement aux lignes. Jusqu'à présent
- les auteurs ont cru reconnaître le caractère positif ou né-
… gatif des lignes comptées sur un axe ou sur une courbe,
dans leur position par rapport à un point fixe (origine)
pris sur cet axe ou sur une courbe. Ce point de vue me
paraît trop restreint; car toutes les lignes situées sur un
axe ne se comptent pas à partir d'un seul point de cet
axe. Selon ma manière de voir, toute distance AB tracée
sur l’axe est positive lorsqu'un point mobile, allant de A
vers B, marche dans le sens qu'on a pris pour positif, et
au contraire la distance BA est dans ce cas négative.
De ce principe découle le théorème suivant: si un point
mobile parcourt sur une droite différentes distances, les
unes dans le sens positif, les autres dans le sens négatif,
la distance entre le point de départ et le point d'arrivée
est égale à la somme algébrique des distances parcourues.
Ce théorème conduit à celui-ci :
Si un point mobile parcourt successivement et dans le
même sens les côtés d’une portion de polygone, comprise
ou non dans un même plan, et que l’on imagine que ce
point se projette continuellement sur un axe, la somme
algébrique des distances parcourues par cette projection
(qui est elle-même un point mobile) est égale à la projec- -
tion de la droite qui ferme le polygone et que l’on nomme :
la résultante du polygone.
IL faut remarquer ici que cette résultante est censée
décrite en allant du point de départ du mobile au point
d'arrivée. Ce dernier théorème, qui est bien connu, doit,
pour être utile, être énoncé comme ci-dessus. Il sert alors
de base à la démonstration d’un grand nombre de théo-
rèmes importans et rend évidente la généralité des formu-
les ainsi démontrées. Je me bornerai à citer pour exem-
ples les formules qui donnent le sinus et le cosinus de la
somme algébrique de deux arcs et celle qui donne le co-
sinus de l'angle de deux droites en fonction des cosinus
des angles que chacune d'elles fait avec trois axes rectan-.
gulaires.
— 129 —
Ce théorème offre même le moyen de donner une si-
gnification géométrique fort simple aux formules diffé— .
rentielles relatives à la rotation d'un corps, comme on
le verra dans le dernier chapitre de mon ouvrage.
La notion des quantités positives et négatives s'appli-
que aux secteurs décrits dans un même plan, autour
» d'un point, par un rayon vecteur, lesquels secteurs sont
positifs ou négatifs selon le sens dans lequelils sont décrits.
- Je renvoie à cet égard, au numéro 36, où je pars de ce
» point de vue pour donner une démonstration générale.
de la formule qui exprime la différentielle du secteur en
fonction de l’abscisse et de l’ordonnée du point extrême
. du rayon vecteur qui termine ce secteur et de leurs dif-
_ férentielles.
. Les abscisses et les droites qui leur sont parallèles se
« rapportent, comme on sait, à un axe nommé axe des +.
… De même les ordonnées se rapportent à l'axe des y: Il
- ma paru quil serait ulile de rapporter les rayons vec-
* teurs à un axe mobile autour de l’origine et que j'ai
nommé l'axe tournant des r. Sa direction est déterminée
par l’angle que sa branche positive fait avec la branche
positive de l'axe des æ. Cet angle se compte positive-
ment en allant des æ positives vers les y positives , et
négativement dans le sens contraire. On nomme arc
directeur l'arc qui mesure cet angle et que l’on exprime
ordinairement en degrés et quelquefois en parties du
| rayon pris pour unité. Un point qui, partant de l’origine,
“marcherait sur l'axe des r vers l'extrémité de l'arc direc-
“teur, irait dans le sens positif des r, et par conséquent
|Mioute distance ab, décrite sur l'axe des r ou parallèle-
| $
| se à cet axe, sera positive si l’on va de a en b dans
9
— 130 —
le sens que nous venons d'indiquer et au contraire ba
sera”négalive.
Remarquons, en passant, que l'axe des r déterminé
de position par un arc directeur ç, coïncide avec celui qui
répond à l'arc directeur 9 + 1802 ; mais les distances qui
sont positives par rapport au premier, sont négatives
par rapport au second et vice versà. C’est ce qui a lieu,
par exemple, pour sec 6 et sec (o+ 1800).
Il est quelquefois utile de considérer un second axe
tournant perpendiculaire à celui des r et que je nomme
l'axe tournant des s. Son arc directeur est toujours 9 + 90°
lorsque 8 est celui de l'axe des r qui lui est conjugué.
Dans la géométrie à trois dimensions , l’axe tournant
des r est considéré comme contenu dans un plan mobile
autour de l’axe des z. Sa position dans ce plan est dé-
terminée par l'angle que sa branche positive fait avec la
branche positive de l'axe des z, et la position du plan
tournant: est déterminée par l'angle dièdre qu'il forme
avec le plan des xz. Les arcs qui mesurent ces angles
sont les arcs directeurs de l'axe des r. Le sens positif
sur cet axe est celui du mouvement d'un point qui irait
de l'origine vers l'extrémité du premier de ces arcs.
Les forces parallèles sont aussi des quantités positives
ou négatives selon qu'elles agissent dans un sens ou dans
le sens contraire. Je renvoie à cet égard au N° 40.
Quant aux forces qui ont des directions quelconques
dans l’espace on détermine la direction de chacune d'elles
au moyen des trois angles qu'elle fait avec les côtés po-
sitifs des trois axes coordonnés. Ces angles ne se comp
tent alors que de 0° à 180° et toujours positivement,
de part et d'autre de Ja direction positive des axes coor-
— 131 —
donnés. Chaque force se trouve ainsi dirigée dans le sens
positif du rayon vecteur déterminé par ces trois angles
| directeurs; mais ses projections sur les axes coordonnés
. peuvent être positives ou négatives.
- Enfin la notion des quantités positives ou négatives
s'applique aux rotations; car une rotalion autour d'un
axe peut se faire soit dans un sens soit dans le sens
contraire. à
IL sera plus commode de rattacher à la théorie des
couples ce que j'ai à dire sur ce sujet. M. Poinsot, dans
ses élémens de statique, a nommé couplele système de
deux forces parallèles, égales et contraires, mais non
directement opposées.
L'intensité d’un couple se mesure par le produit de la
valeur commune des forces et de leur distance qu'on
. nomme le bras de levier du couple. L'effet d'un couple
- sur un corps dépend {° de la direction de son plan, 2°
de son intensité, 3° du sens dans lequel il agit; mais cet
effet est indépendant de la position absolue du couple,
ensorte qu'un couple peut être tourné et déplacé dans
[« son plan et transporté dans un plan parallèle sans que
son effet soit changé, pourvu que ses forces continuent
à agir sur le corps.
Au lieu de déterminer la direction d'un couple par
son plan, il est beaucoup plus commode de se servir de
la perpendiculaire menée à ce plan. La position absolue
“de cette perpendiculaire est arbitraire. L'intensité du
ouple se représentera par une portion AB de cette per—
pendiculaire égale à un nombre d'unités linéaires ex-
primé par le produit de la valeur commune des deux
forces et de leur bras de levier. Il reste à indiquer le
Sens dans lequel le couple agit autour de son axe. Pour
— 132 —
cet effet j'ai proposé un style de rotation qui sera, si l’on
veut, un crayon taillé en pointe à l’une de ses extrémités
et autour duquel on tracera une flèche courbe dans un
sens invariable. Cela étant, quand je dis que l'axe du
couple est AB, il est entendu que le sens de ce couple
coïncide avec le sens de la flèche, lorsqu'on place la
pointe du style en À et que l’on couche le style sur AB.
J'ai adopté pour le sens invariable de la flèche du style,
celui qui s'accorde avec la manière la plus usitée de dis-
poser les côtés positifs des axes coordonnés et d'écrire les
formules qui donnent les projections, sur les plans coor-
donnés, du moment d’une force par rapport à l’origine.
En conséquence, si l'on place le style parallèlement à
l'axe de la terre, la pointe étant tournée vers le sud, la
flèche indiquera une rotation d'orient en occident. De
même, si l’on place le style sur le côté positif de l'axe
des z, la pointe étant à l’origine, la flèche indiquera une
rotation allant des æ positives vers les y positives.
Pour faire voir par un exemple très-simple l'utilité du
style de rotation, soit proposé de déterminer le couple
résultant de deux couples donnés.
Par un point quelconque À je mène deux droites AB
AC, respectivement parallèles et égales aux axes de
ces couples et de même sens que ces axes. (J'entends »
par le sens d'un axe, dans sa longueur, celui qui va
de la pointe du style vers son autre extrémité, lorsqu'on
a placé convenablement le style sur cet axe ). Ces deux.
droites pourront être prises pour les axes eux-mêmes
puisque leur position absolue est arbitraire. Le sens dem
rotation de ces couples est indiqué par le style dont la.
pointe serait en A et que l’on coucherait successivement.
sur À B et sur À C. Maintenant si l’on achève le parallé-
KEr2 PE CAC
r Duels Fe PONT
— 133 —
logramme sur ces droites et que l’on mène la diagonale
A D, cette diagonale sera l'axe du couple résultant et le
- sens de ce couple sera indiqué par le style couché sur
. AD, la pointe en A.
La loi de continuité est bien observée ici, car si l'on
suppose que l’un des couples composans, celui dont À C
est l'axe par exemple, diminue graduellement d'intensité
jusqu’à devenir nul , l'axe A D du couple résultant vien-
dra se coucher sur A B en lui devenant égal. Or, dans
ce cas, le sens du style qui était placé sur A D doit s’ac-
corder avec le sens du style placé sur A B, la pointe tou-
. jours en À , et c'est ce qui a lieu en effet.
Si l’on projette l'axe d'un couple sur les axes coor-
» donnés, on aura les axes de trois couples qui peuvent
» les remplacer et dont il est le couple résultant. Il faut
remarquer qu’il en est ici comme des forces qui ont des ,
directions quelconques dans l’espace , c’est-à-dire qu'un
couple dont l'axe a une direction quelconque par rap-
port aux axes coordonnés, est essentiellement positif,
tandis que ses projections autour de ces axes, peuvent
être positives ou négalives. Par exemple la projection
d'un couple autour de l’axe des x est positive, si l'axe
de ce couple fait avec lecôté positif des z un angle aigu,
et dans ce cas le sens de ce couple projeté est indiqué
par le style couché sur le côté positif des z , la pointe à
l'origine. Si, au contraire, l'axe du couple donné faisait
avec les z positives un angle obtus, sa projection serait
négative et le sens de cette projection serait indiqué par
…
le style couché sur les x négatives, la pointe toujours à
_ l'origine.
On peut voir, dans mon ouvrage, combien l'usage du
- style de rotation donne de précision au théorème du
— 134 —
plan du maximum des aires. Je me suis déjà trop étendu
ici sur ce sujet.
Pour me résumer , je dirai que dans l'ouvrage que je
présente à la Société des sciences naturelles, j'ai cherché
à donner des notions exactes sur les quantités positives
et négatives dans les diverses branches de l'application
de l’algébre à la géométrie. J'ai fait voir en même temps
comment la règle des signes est vérifiée à l'égard de ces
quantités et je crois être entré à cet égard dans tous les
détails désirables.
Mon but définitif a été de donner aux formules de la
géométrie analytique , considérées dans toute leur géné-
ralité, un degré d’évidence qui paraissait leur manquer.
M. Ladame ajoute qu'il lui paraît que le mérite capital
de cet ouvrage est d’avoir introduit en géométrie un mode
nouveau de génération des quantités positives et néga-
tives, en les considérant comme produit par un mouve-
ment qui s'opère dans un sens pour les quantités positives,
et dans le sens opposé pour les quantités négatives. Il en
résulte la. possibilité de poser avec beaucoup de netteté et
de clarté, la nature des quantités positives ou négatives.
M. de Pourtalès a appliqué avec bonheur ses principes
aux divers domaines'de la'géométrie. Grâce à la simpli-
cité et à l'élégance de ses formules, il sera possible désor-
mais de résoudre avec facilité bien des problèmes dont la
discussion présente des difficultés. M. Ladame pense que,
malgré la répugnance qu'ont les géomètres à faire usage
de notions mécaniques en géométrie analytique, le travail
de M. de Pourtalès prouve combien l’enseignement élé-
mentaire gagnerait à introduire ces notions dans ses mé-
thodes.
À. Guyor, secrétaire.
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BULLETIN
DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES NATURELLES
DB MEVTCEAE EE
Scction de la Chaux-de-Fonds.
Séance du 12 novembre 1846. -
Présidence de M. WURFLEIN.
Après le renouvellement du bureau, et l'examen des
comptes, l'assemblée vote aux collections scientifiques de
la Chaux-de-Fonds et du Locle une allocation qui aura
. lieu toutes les années, et devra se répartir entre ces deux
collections proportionnellement aux membres habitant
l'une et l’autre des deux localités.
M. Nicolet entretient la Société de la nouvelle substance
explosive découverte par M. Schænbein, dont l'importance
est si grande qu'elle soulève des réclamations de priorité
en faveur de M. Braconnot pour la xyloïdine, décou-
verte en 1833, et de M. Pelouze, pour le papier inflam-
mable, découvert en 1838. Il présente du coton-poudre
qu'il a préparé en faisant tremper à froid pendant une
heure du coton cardé dans un mélange composé d'acide
sulfurique et d'acide nitrique. La proportion en poids des
acides peut varier: ainsi en faisant tremper du cotonidans
les mélanges composés
de 2 parties d’acide sulfurique, et de 1 partie d’acide nitrique
3 id. 2 id.
et 5 id. 4 id.
IL 10
— 136 —
après l'avoir lavé et fait sécher à une température de 50°,
il a obtenu trois échantillons qui ne différaient pas sen
siblement entre eux sous le rapport des résultats.
Le mélange des deux acides a lieu avec dégagement
de beaucoup de chaleur, sous l'influence de laquelle l’a
cide nitrique attaque avec violence le coton et le décom-
pose; c’est pourquoi on ne doit procéder à l'immersion
du coton qu'après le complet refroidissement des acides.
La force explosive de cette nouvelle substance a été
essayée séance tenante; une boulette de quatre grains
introduite dans un pistolet de tir a suffi pour chasser une
balle et lui faire traverser une planche de deux pouces.
Une petite boulette introduite dans un rouleau de papier,
fortement comprimé par la torsion des extrémités du rou-
leau et placée au-dessus de la flamme d’une bougie, a
donné lieu à une forte détonation.
L'ammoniaque qui est sans action sur la xyloïdine ,
n’altère pas non plus la propriété explosive du fulmi-co-
ton. M. J. Huguenin en a fait l'essai ; il s'est servi avec
succés d’ammoniaque pour enlever les dernières traces
d'acide que le fulmi-coton retient lorsque les lavages n'ont
pas été faits avec soin.
M. Favre lit ensuite les observations suivantes qu'il a
faites sur un halo solaire.
Le 19 mai dernier, j’eus l’occasion d'observer un phé-
nomène très-curieux assez rare dans nos contrées, et qui
malheureusement n’a été vu que par un petit nombre de
personnes ; je veux parler d’un halo formé-de deux cercles #
dont l’un était concentrique au soleil et l'autre excentri-
que , et qui fut visible dans le ciel pendant plus d'une
heure.
— 137 —
Dans la matinée de ce jour le temps était couvert, le
vent du sud-ouest soufflait avec violence et il tomba de
la pluie; à sept heures du matin le thermomètre indi-
“ quait + 7° cent. Après dix heures les nuages cumu-
* Jus se résorbèrent peu à peu et furent remplacés par une
» vapeur vague répandue uniformément dans le ciel et qui
- Jui donnait une couleur blanche et mate; çà et là des
cirrus se montraient épars. À midi le thermomètre mar-
quait +129 cent, et le vent continuait à régner avec la
même intensité.
Etant sorti vers une heure , je fus frappé de la päleur
des ombres et je levai machinalement les yeux vers le so-
- leil pour observer la diminution de son éclat. Alors je fus
« témoin d'un des plus beaux spectacles que le ciel m'ait
« jamais offerts. Un anneau immense de 30° à 40° de dia-
à mètre apparent entourait le soleil dont la lumière était
« fort affaiblie; et un second anneau de même diamètre ,
… situé au nord-est du premier le coupait de façon à passer
L dans le voisinage du soleil.
+. Le premier anneau, dont l'éclat était presque aussi vif
: que celui de l’astre, présentait très-distinctement les cou-
* leurs du spectre solaire, le rouge au centre et le violet
au bord extérieur ; l’espace compris entre le soleil et l’an-
“neau était plus foncé que le reste du ciel. Lorsque je fis
cette dernière remarque, je crus d’abord que c'était un
“effet de contraste, mais ayant masqué le soleil au moyen
d'un objet opaque, la différence de teinte entre l'étendue
“du ciel et l'intérieur de l'anneau était encore évidente.
Quant au second anneau il était beaucoup plus pâle
que le premier, et je ne pus y découvrir la moindre ap-
parence de coloration; il se détachait en bianc sur la cou-
»T
— 158 —
leur mate du ciel, mais ne se prolongeait pas dans l'es-
pace foncé qui occupait le centre du premier anneau. Au
point d’intersection des deux cercles je n’ai pu saisir
qu'une très-faible augmentation de lumière qui même a
disparu vers la fin du phénomène.
La ligne droite sur laquelle les centres des deux cercles
étaient situés, me sembla suivre la direction du vent;
comme je n'avais pas de boussole, je ne pus en fixer exac-
tement la position par rapport aux points cardinaux.
Vers une heure et trente minutes, la partie occiden-
tale du premier anneau offrait seule une belle coloration,
la partie orientale avait considérablement päli ; l’espace
compris dans l'intérieur continuait à rester foncé, mais
avait pris une teinte roussâtre. On apercevait à peine le
second anneau. À deux heures la partie occidentale du
premier anneau était seule visible.
La violence du vent m'empêcha de continuer mes ob-
servations et je rentrai chez moi sans avoir pu suivre le
phénomène jusqu’à sa complète disparition. Pendant l'a-
près-midi le ciel s’éclaircit peu à peu, et devint presque
entièrement pur. Le lendemain le temps était clair, le
vent soufflait du sud sud-ouest et la température fat tout
le jour de 4° plus élevée que le jour précédent ; le surlen-
demain il tomba un peu de pluie, mais elle ne dura pas.
Je regrette de n'avoir eu à ma disposition aucun ins-
trument propre à mesurer la grandeur des cercles et à
fixer leur orientation ; les mesures que j'en ai données
précédemment sont assurément fort inexactes, mais jen
puis assurer cependant qu’à la simple vue, les anneaux”
m'ont paru circulaires et non elliptiques comme ils ap=
paraissent quelquefois , et que le soleil semblait placé au
— 139 —
centre du premier anneau, car s'il en avait élé à une
. distance appréciable j'aurais été frappé de ce fait.
Dr Pury, secrétaire.
. Séance du 26 novembre 1846.
Présidence de M. WURFLEIN.
Le Dr Pury fait l'histoire d'un cas de mort arrivé su-
bitement , ensuite de convulsions épileptiformes, provo—
quées probablement par un coup de tonnerre, chez un
individu convalescent de fièvre typhoïde. L'autopsie qui
ne fut pas complète , le cerveau n'ayant pas été examiné
faute de temps, révéla un cœur passé partiellement à
l'état adipeux, des adhérences anciennes de la plèvre cos-
tale et des pétéchies nombreuses sur la poitrine et l'ab—
domen. La cause à laquelle on doit attribuer cette mort
subite, soulève une discussion à laquelle prennent part
MM. les D'S Dubois, Basswitz et Pury.
La discussion s'établit de nouveau sur le coton-poudre.
M. O. Jacot rend compte des expériences qu'il à faites
à ce sujet. Il a essayé du coton-poudre préparé par
M. Nicolet à l'éprouvette de . ... La poudre de Berne
“n° {, marquant 6° à cette éprouvette , le coton-poudre
première expérience) marqua 9° ; une seconde expé-
ence faite avec le même coton, indiqua seulement 1°,
t une troisième 3°. Dans les deux dernières expé-
| riences, une certaine partie du coton fut projetée à une
“assez grande distance. Ces expériences corroborent celles
qui ont été faites avec des armes à feu , et montrent que
— 140 —
jusqu'à présent, l'on n’est pas parvenu à donner au fulmi-
coton toute l'homogénéité désirable.
MM. O. Jacot et E. Savoye pensent aussi et démon-
trent par une expérience faite séance tenante, qu'on
pourra peut-être employer la force explosive du coton-
poudre, pour remplacer avec succès la vapeur, au moyen
d'un appareil qui laisserait tomber à intervalles égaux
une petite quantité de fulmi-coton, sur un certain point
d'un corps de pompe, qui aurait assez de chaleur pour
allumer le coton-poudre. Cet essai qui avait été tenté
avec de la poudre ordinaire, n'avait pas réussi à cause
de la grande quantité de fumée produite. ‘
M. J.-ChS Ducommun rend compte des expériences
qu'il a faites avec le coton-poudre de M. Nicolet. Voulant
savoir si le frottement ou la percussion pouvaient allu-
mer cette substance ou la faire détonner , il en mit sur
une enclume et la forgea violemment; il y eut alors une
série de petites explosions qui coïncidaient avec les coups
de son marteau; ensorte qu'il était obligé de frapper
plusieurs eoups de marteau pour brûler tout le coton
qu'il avait placé sur l’enclume, quelque petite qu’en fût
la quantité.
Après cette discussion M. Nicolet présente à la société
un exemplaire de l’Accenteur des Alpes (Accentor al-
pinus....), tué à la fin d'octobre sur les rochers de Mo-
ron et qui avait été donné à nos collections par M. Perret,
qui l'avait tiré. C’est la première fois que nos chasseurs
ont aperçu cet oiseau sur nos montagnes. ÿ
Dr Puory, secrétaire.
— 141 —
Séance du 10 décembre 1846.
Présidence de M. Wurflein.
Il est fait lecture du procès-verbal de Neuchâtel du
12 novembre. Dans la discussion qui suivit et qui roula
surtout sur le mémoire de M. Sacc sur la maladie des
pommes-de-terre, M. Eugène Savoye cite le fait suivant.
Un particulier des Planchettes avait planté au printemps
dernier un champ de pommes-de-terre. Dans une des
moiliés de ce champ, il n’avait mis aucun fumier, mais
avait planté les pommes-de-terre sur le sol écobué. Dans
l'autre moitié du champ plantée avec les mêmes pommes-
de-terre, mais fumée, toutes les pommes-de-terre re-
cueillies étaient gâtées tandis qu'elles étaient toutes
bonnes dans la moitié du champ fertilisée par l'écobuage.
Quelques personnes citèrent encore des faits semblables
recueillis dans diverses parties du pays et des contrées
voisines , et celui que tout récemment on avait pu lire
dans quelques journaux français, d'un champ de pom-
mes-de-terre fumé avec de la poudre de charbon, dont
tous les tubercules étaient sains à la récolte, tandis que
les propriétaires voisins qui avaient engraissé leur champ
avec du fumier , avaient vu leurs récoltes détruites.
Le D: Pury lit une note sur un Calcul des fosses nazales,
… déterminé par la présence dans celle cavité, d’un noyau de
cerise.
Le 15 juin 1846, il fut appelé chez un particulier des
environs de la Chaux-de-Fonds, pour sa tante, vieille
femme de 72 ans, qui se plaignait depuis plusieurs an-
— 142 —
nées de douleurs très-vives dans la région nasale et de-
puis quinze jours à trois semaines d’une impossibilité
complète de respirer par la narine droite. Le nez parais-
sait énorme; une distension considérable à droite lui don-
nait une forme très-irrégulière; une rougeur intense
colorait les tégumens de l'aile droite. En sondant, il ren-
contra, à un centimètre ou un centimètre et demi de l’ou-
verture nasale un corps dur, rude au toucher qui fermait
complétement le canal nasal. L’écartement de la narine
lui permit également d’apercevoir un corps noirâtre au
fond de cette cavité. Il se décida à l'enlever ; mais avant
de recourir à l'emploi du bistouri , qui lui paraissait iné-
vitable , il opéra quelques tractions sur ce corps avec
une pince à dissection; et il eut la satisfaction de parve-
nir à force de temps et de patience à l'amener au dehors
de la narine. Quelques gouttes d'un pus corrompu et
très-fétide, mêlé de sang suivirent l’extraction de ce
corps.
De retour chez lui, M. Pury procéda à l'examen de
ce singulier corps. Il était noir, parsemé de taches grises;
sa consistance élait dure, semblable à celle d'un os, sa
forme était celle d’une espèce de croissant irrégulier ; sa
plus grande longueur était de 38 millimètres; sa hau-
teur était de 25 environ, et sa largeur de 20. Il était
passablement épais au milieu, mais il diminuait de hau-
teur et de largeur vers un des bouts du croissant, tandis «
que ces dimensions étaient sensiblement les mêmes à
l’autre bout qu'à la moitié. Ses deux faces principales
correspondaient aux deux bords du croissant; la supé-
rieure était convexe et l’inférieure concave. D'un bout à
l’autre de la face concave, s'élevait une espèce de crète
L
AL lo SEE
“
D
— 143 —
peu saillante au milieu et qui diminuait encore de hau-
teur et disparaissait en s'approchant d’une des extrémités
pour se relever vers l’autre, où elle se continuait avec
une autre crête peu saillante partant du tiers environ de
la face supérieure. La première*crète divisait la face in-
férieure en deux moitiés irrégulières. La face supérieure
convexe et les deux faces latérales étaient irrégulière
ment bosselées, remplies d'aspérités et de dépressions.
Le poids total du corps, desséché suffisamment, était
de 7 grammes, 67 centigrammes.
Croyant qu'il avait affaire à un os nécrosé et hyper-
trophié, le D' Pury compara ce corps à tous les os de la
face qui présentaient quelques rapports avec lui et qui
auraient pu sortir par la narine, mais il n’en trouva au-
cun qui püt lui être comparé. Plusieurs de ses collègues
auxquels il le montra, ne purent, ainsi que lui, rapporter
ce produit à aucun os normal; mais ils étaient persuadés
comme il l'était lui-même, que ce corps si bizarre était
un produit de l’hypertrophie et de la nécrose.
Pour s'assurer si la composition chimique de ce corps
différait beaucoup de la composition normale des os, le
Dr Pury pria M. Nicolet d'en faire l'analyse; mais, avant
de le livrer à l'investigation de cet ami, il demanda à
M. Favre d'en exécuter le dessin sous différentes faces.
Le D' Pury fit ensuite scier ce corps en deux moitiés
longitudinales ; la scie qui avait de la peine à l’entamer
tant il était dur, vint à rencontrer un obstacle, et le corps
se brisa en morceaux. Il fut surpris de trouver au centre
un noyeau de cerise, autour duquel la matière s'était
déposée en couches concentriques alternativement blan-
châtres et foncés. L'analyse démontre que les couches blan-
— 144 —
châtres étaient uniquement composées de phosphate et
de car onate calciques avec quelques particules de ma-
tière animale, tandis que les couches brunes étaient for-
mées avec un peu de phosphate calcique d’une matière
animale soluble dans l’eau, et les acides étendus , d’une
autre matière animale répandant une forte odeur, et so—
luble dans l’éther et d'une matière noire pulvérulente,
insoluble dans l’eau et les acides étendus, qui ne pouvait
guéres être autre chose que du tabac, dont cette femme
prenait une grande quantité. Aux extrémités du caleul,
on remarquait cette poudre noire groupée autour de pe-
tites cavités, ou agglomérée irrégulièrement.
M. Nicolet trouva dans cent parties :
Matière animale soluble dans l'eau. . . .: 3,75
» » » dans l’éther . . . 1,25
» noire pulvérulente, insoluble dans
l’eau, l'alcool, l’éther et les acides étendus. . 7,30
Phosphate calcique. :. . . . . . . 85,00
Carbonate calcique. . . A4. Lin
Après cette exposition le Dr AN entra dans quelques
considérations générales sur les calculs, leur formation
et leur division ; ensuite il montra à la société les restes
du calcul et les dessins du calcul et de quelques-uns de
ses fragmens, faits par M. Favre.
Le D' Pury termine sa communication en disant que
depuis l'extraction de ce singulier calcul, il a visité plu-
sieurs fois la femme chez laquelle il s'était développé, et
qu'elle se trouve toujours parfaitement bien, sans res-—
sentir la moindre douleur, ni incommodité quelconque.
M. Paul Courvoisier prend la parole pour faire part à '
[A
#.
tentes SE TE césar S
je fe
— 145 —
l'assemblée des éclairs qu'il avait vus dans la soirée du
8 décembre, et pour demander si l'on était d'accord sur
la cause de ce phénomène , si rare dans nos contrées.
Quelques sociétaires, tout en reconnaissant qu'on n'a
pas pu jusqu’à présent déterminer pourquoi l'atmosphère
est souvent à cette époque de l’année chargée d'électri-
cité, signalent d’autres jours où ce phénomène a eu lieu,
entr'autres le 29 novembre et le # décembre, sans qu'il
ait été suivi d'accidens extraordinaires.
Dr Pury, secrétaire
Séance du 29 décembre 1846.
Présidence de M. Wurflein.
Il est donné lecture des procès-verbaux de Neuchâtel
en date du 26 novembre, et en particulier d'un mémoire
du professeur Ladame sur le dorage galvanique d'un
. intérêt tout-à-fait spécial pour la section. Quelques mem-
. bres présents qui s'occupent de la fabrication de l'horlo-
. gerie, tout en rendant hommage au travail de M. La-
dame croient cependant que la dorure par le galvanisme
nest pas encore arrivée au point de pouvoir remplacer
entièrement la dorure au mercure.
Louis FAVRE, secrétaire.
Séance du 14 janvier 1847.
Présidence de M. Wurflein.
M. Nicolet dépose sur le bureau deux mémoires qu'il
“offree n don à la société. Ce sont :
Etude des vallées d’érosion du dépt du Doubs, par
— 146 —
feu M. J.-Bapt. Renaud-Comte. Besançon, 1846. Br. 40.
Tableau de la hauteur au-dessus de la mer des prin-
cipaux points de la principauté de Neuchâtel , par M. d'Os-
tervald. Neuchâtel, 1845. (Extrait du 3e volume des
mém. de la société des sciences naturelles de Neuchâtel.)
M. Nicolet lit la note suivante sur les animaux fossiles
trouvés dans lé terrain tertiaire d'Egerkinden (Soleure),
par M. Gressly.
Note sur les ossements fossiles trouvés par M. À. Gressly
dans le bohnerz d'Egerkinden.
Les ossements de mammifères que j'ai l'honneur de
metre sous les yeux de la société ont été trouvés par
notre collègue. M. A. Gressly, dans un dépôt de bohn-
erz où ils se présentent sous la forme de brèche osseuse;
ce dépôt est à peu de distance d'Egerkinden, village so-
leurois.
Ces ossements sont tous dans un mauvais état de con-
servation, très-petits, usés ou brisés et plus ou moins al-
térés ; les parties solides et les dents ont pu résister aux
cours d’eau qui les ont charriés; ces fossiles ont été pré-
servés de toute altération ultérieure par le dépôt dans
lequel ils gisent.
Les fragments déterminables appartiennent, suivant
M. Hermann von Meyer qui les a examinés, à un grand
carnassier dont l'espèce n’a pu être rigoureusement dé—
terminée, par l'examen d’un fragment de phalange, aux
Palæotherium magnum, Cuvier, Palæotherium medium
Cuv., Anoplotherium commune, Cuv., à un nouveau
mammifére représenté seulement par une dent, et auquel
M. Hermann von Meyer a donné le nom de Tapirodon
UE
1
se”
— 147 —
Gresslyi, au Lophiodon medium, Cuv. Deux fragments sont
rapportés avec doute par M. H. von Meyer au Lophiodon,
cinquième espèce d'Argenton, Cuv., et au Lophoidon Is-
selense, Cuv.
Le genre Tapirodon est voisin de l’Anoplotherium , il
en différé ainsi que de ses sous-genres Dichobune et X1-
phodon (‘). Les dents du Dichobune cervina et du Xipho-
don, animaux à-peu-près de la même grandeur que le
Tapirodon d'Egerkinden, se rapprochent autant des ru-
minants , que le dernier s’en éloigne et se rapproche des
pachydermes.
Des cinq espèces non douteuses dont M. Gressly a
trouvé les restes dans le dépôt de bohnerz d'Egerkinden,
aucune ne se retrouve dans le terrain nymphéen de la
vallée de la Chaux-de-Fonds; ce terrain appartient à la
formation tertiaire supérieure ; la faune de l'étage supé-
rieur différe beaucoup de celle des terrains inférieurs de
la période tertiaire , les Palæotheriums, les Anoplothe-
riums, sont aussi inconnus dans notre vallée que les Pa-
læomeryx et les rhinocéros le sont à Egerkinden. Les
analogues de notre bassin se retrouvent en grande partie
dans les terrains supérieurs de la molasse suisse, dans les
terrains tertiaires sub-pyrénéens du département du Gers,
et dans d’autres localités de la France et de l'Allemagne.
Trois espèces, savoir, les Palæotherium magnum, Pal.
medium, Anoplotherium commune, sont communes au dé-
pôt d'Egerkinden et aux gypses de Montmartre : dans
cette dernière localité ces espèces sont associées avec le
= Xiphodonte et les Dichobunes ; ces mammifères caractéri-
(*) Le sous-genre Dichobune a été supprimé en partie depuis la création
… du sous-genre Microtherium.
a
— 148 —
sent les dépôts anciens de la période tertiaire. Les Lophio-
don medium, Lophiodon Isselense et le Lophiodon cin-
quième espèce d’Argenton, caractérisent l'époquemoyenne
de la période tertiaire. Suivant quelques auteurs ces ani-
maux se rattachent intimement aux Palæotheriums.
D'après M. Hermann von Meyer, il existe une grande
analogie entre le Bohnerz d'Egerkinden et le Bohnerz
de Neuhausen dans le district wurtembergeois de Tutt-
lingen ; les espèces qui ont été trouvées dans ces deux
localités sont en partie les mêmes , entre autres les Pa-
lœotherium magnum, Pal. medium, Anoplotherium com-
mune.
Voici l'énumération des ossements qui ont été recueil-
lis dans le dépôt d'Egerkinden.
19 Palæotherium magnum, Cuv. ; fragment d'une dent
molaire supérieure.
929 Palæotherium medium, Cuv.; molaire de la mà-
choire inférieure gauche , molaire de la mâchoire supé-
rieure droite et astragale gauche.
30 Anoplotherium commune, Cuv.; pénultième molaire
de la mâchoire inférieure gauche.
4° Tapirodon Gresslyi, H. von Meyer; dernière mo-
laire de la mâchoire inférieure droite.
5° Lophiodon medium, Cuv. ; molaire de la mâchoire
supérieure gauche.
6° Lophiodon Isselense (?). Cuv.; molaire de la mà- |
choire inférieure.
1° Lophiodon, cinquième espèce d'Argenton? Cuv.; M
fragment d’une molaire de la mâchoire supérieure.
Le D' Pury fait lecture de la traduction de la note ï
rte
! — 149 —
| que MM. Schünbein et Bôttger ont publié dans la Ga-
» zette universelle d'Augsbourg du 3 janvier 1847 sur le
* fulmi-coton, sa composition chimique et ses propriétés
comparées avec celles de la xyloidine de M. Braconnot.
Le Dr Pury rapporte quelques circonstances de la tour-
née officielle qu'il a faite chez les doreurs au feu de la
: Juridiction en 1846. Les ateliers de ces industriels ont
diminué considérablement depuis l’année 1845.
En 1845, on comptait dans la Juridiction 43 ateliers,
. occupant 120 ouvriers.
En 1846, on comptait 33 ateliers , occupant 89 ou-
vriers.
IL entre ensuite dans le détail des expériences faites
à l'instigation de quelques sociétaires, par un doreur
au feu. Ces expériences trouveront place dans le rapport
Ë que la commission nommée pour examiner la manière
j la plus convenable pour les ouvriers de se préserver des
1 émanations mercurielles, se propose de présenter à la
section.
| M. DuBois D', après quelques considérations générales
sur les polypes des fosses nasales, rapporte qu'il fut con-
sulté , il y a peu de jours, par une jeune fille qui en
avait plusieurs. Il en enleva une certaine quantité par le
… procédé ordinaire; mais ayant reconnu une de ces ex-
“croissances énorme et dont la racine était placée très-
E arrière et en haut dans les fosses nasales , et qui at-
- leignait par son extrémité inférieure le pharynx, et ayant
“essayé vainement de le saisir par la bouche, il se décida
“à la lier par le procédé de Dubois. En conséquence, il
| Pénétra dans la cavité nasale avec une sonde de Belloc
— 150 —
munie d'un fil et eut le bonheur de saisir le polype et de
le détacher par une forte constriction. IL met après ce
rapport sous les yeux de la société ce polype qu'il avait
extirpé dans la journée. Ce corps était muqueux, de
forme ovoïde, d'une longueur de 52 millimS, et d'une
largeur de 30 millimS environ; le pédicule en était plat;
consistant et long de 30 millimS. A l'endroit où le polype
était implanté sur le pédicule, il y avait deux excrois-
sances de même nature que le polype, arrondies et pou-
vant avoir de 8—10 millim$ de diamètre.
À cette occasion le D' Droz dit que peu de jours au—
paravant, il avait vu, à la Sagne, chez un enfant, qui
en tombant s'était fracturé les os du nez, un emphysème
de la muqueuse nasale tellement considérable, qu'il avait
cru au premier abord avoir affaire à un polype, et qu'il
avait traité avec succès cette affection par les astringens.
D' Pury, secrétaire.
Séance du 28 janvier 1847.
Présidence de M. Nicolet, vice-président.
MM. Micolet et Cave montrent à la société plusieurs
pièces de montre dorées par M. Cave sans intermédiaire
de poudre d'argent ou de mercure. M. Cave assure qu'il
peut avec ce procédé donner à l'or toute espèce de cou-
leur et il ajoute que dans ces pièces traitées par les acides
concentrés, la couche d’or restera intacte quelque long
que soit leur séjour dans les acides.
L'examen de ce mode de dorage est renvoyée à la
commission déjà nommée pour examiner le procédé Ger-
bel. M. Nicolet demande qu'un concurrent et un membre
— 151 —
de la commission absent soient remplacés par MM. Fa-
_ yre et Oscar Jacot. L'assemblée adopte cette proposition,
M. Droz D", fait, au nom de la commission qui avait
. été chargée d'examiner le plan de la voiture destinée à
transporter les malades du Locle à l'hôpital Pourtalés,
un rapport très favorable sur ce véhicule. Les conelu-
sions en sont adoptées par l'assemblée, qui témoigne ce-
pendant le désir que la caisse de la voiture soit assez large
pour qu'on puisse y admettre au besoin deux malades.
Le D' Pury dépose sur le bureau le mémoire que la
. société zuricoise des sciences naturelles vient de publier
sur son histoire, à l’occasion de son jubilé séculaire.
Le D' Pury lit ensuite un résumé de ce mémoire.
Le D' Pury lit le rapport suivant sur le mouvement
des malades de la chambre de secours (hôpital de la
Chaux-de-Fonds) pendant l’année 1846.
- Mouvement de la Chambre de secours pendant l'année 18%6.
Il y avait à la Chambre de secours le 127 janvier{ 846 :
o malades 5 hommes 0 femmes.
Ilen est entré pen-
dant le cours de l’an-
née 1846 114 » 78 » 36 »
Total. 119 » 83: 0»22#136:. L »
Il y aurait eu sans aucun doute plus de malades si
l'humidité du local n’avait pas rendu nécessaire pendant
deux mois, la fermeture de la chambre principale, con-
tenant 6 lits.
BULLET. SC. NAT. {. II, LE
— 1492 —
De ces 119 malades,
a) 29 dont 13 h. et 16 f. étaient du canton de Neuchâtel.
b)61 » 425» et19» desautrescantonssuisses.
c) 29 » 28»et 1» Etrangers.
Parmi les Suisses d’autres cantons,
Berne avait fourni 24 hommes, 13 femmes. Tot. 37.
Lucerne » D..70ÿ 0 » AL
Zurich » 3 » 0 » » AUGR
Schaffouse » 0 » 1 » MM
Fribourg » 1 » 0 » D UE
Vaud » 1 » 9 néte » 3.
Genève » | » 1 » pr 118.
Soleure » | » 1 » D'IASY.
Uri » 2 » 0 » QAL 3
Argovie » 1 » 1 » D AO
St-Gall » 2 » 0 » pren®
Thurgovie » 1 » 0 » wie L-
Total. . 42 » 19 » » 61...
Parmi les étrangers,
2 étaient de Russie et Pologne 2 h. 0 f. Total 2.
5 » Français 5 » O0» oo» 5.
s def Savoyard 1 »: 05. 00
21.» Allemands 20 » 1 » » 21.
Se subdivisant en
1 de Hanovre 1 homme O0 femme.
2 » Hesse-Darmstadt 2 » O0 »
4 » Bade 4 » 0 »
4 » Mecklenbg. Schwerin 1 » 0 »
% » Lichtenstein L'RRRE) 0 »
2 » Autriche 2 » 0 »
— 153 —
4 » Wurtemberg 3 hommes 1 femme
1 » Nassau L'éubmout TRES
2 » Sigmaringen 26,1.» 0. 0-2
Ces 119 malades ont occupé 2,448 journées , ce qui
établit une moyenne de 20 */119 journées par malade.
Si à ce nombre de journées, on ajoute celui qu'avaient
passé à l'hôpital les 5 individus qui y étaient au 1° jan-
vier 1846, et qu'on en défalque les journées de sé-
jour des individus dont le traitement n'était pas achevé
au 31 décembre, on aura pour moyenne 22 °/112 jour-
nées.
- Îl ya eu en moyenne par jour 6 2/26; malades,
De ces 119 malades :
95 sont sortis guéris 67 h. 28 f.
1 soulagé 1» O0»
2 même état 2» O0»
14 sont morts Tp 1:75»
7 étaient encore en traitement au 31 déc. 6 » 1»
Il y a eu parmi ces malades : a) maladies chirurgicales.
3h. 0 f.atteints defracture du fémur.
3 » 0» » gangrène des pieds ensuite de con-
gélation.
1» O» » hémorrhagie ensuite de solution
| de continuité.
5» 1» » plaies contuses et contusions. -
"4: 0 » » plaies par instruments tranchans,
2» 0» » ulcères.
1» O0» » nécrose du tibia.
RD 1% » hygroma rotulier.
2 » O0» » luxation de l'épaule,
— 154 —
4 h. 0 f. atteints de chute et déchirement des vis-
cères intestinaux.
Ln« 0 » affection carcinomateuse de la
bouche.
0» {» » abcès phlegmoneux.
2 » O0» » abcès tuberculeux,
b) maladies internes (!).
16 » 10 » atteints de fièvre typhoïde.
16 » 7» » fièvre bilieuse.
DU nn » embarras gastrique simple ou com-
pliqué de points pleurétiques.
8» 35» » rhumatismes aigus et chroniques.
2» O0» » points pleurétiques.
CARE » pleuropneumonie bilieuse.
4 « 0» » érisipèles.
199,5 » entérites (?).
1» 0» » d'œdème des extrémités et du
scrotum.
0» 1» » _ictère et hépatite.
0 » 1» » hydropisie générale.
(!) Un médecin de la Chaux-de-Fonds m’a envoyé comme affecté d’en-
docardite un individu qui n’avait qu’un simple embarras gastrique guéri au
bout de 5 jours; un autre a envoyé à l'hôpital un individu qw’il déclarait
atteint d’érisipèle, de rhumatisme, de points pleurétiques et de catarrhe
et qui n'avait absolument qu’un simple embarras gastrique provenant d’i-
vresse, guéri en un jour par un simple purgatif. Un autre embarras gas-
trique était compliqué d’orchite provenant de suites de voyage et peut-être
aussi de blénorrhagie antérieure, guérie par la compression jointe à l’ap-
plication d’emplâtre de Vigo eum Mercurio.
(2 Parmi ces entérites , une d’entr’elles, chez une femme était due à
une heïnie crurale, qui exigea plusieurs manipulations avant d’être ré-
duite. j
— 155 —
O h. 1 f. atteints de oophorite chronique.
1» O0» » phtysie tuberculeuse, (annoncée
comme embarras gastrique; mort
en janvier 18#7.)
Chez 3 malades dont 2 avaient une fièvre bilieuse et
l’autre une fièvre typhoïde, la variole s'est manifestée,
sans qu'aucun autre malade ou personne de la maison en
ait été atteint après eux, et chez un autre malade at-
teint de fièvre bilieuse , il s’est déclaré une intermittente
quotidienne, dont les accès ont été promptement coupés
par le sulfate de quinine.
Quant aux fièvres typhoïdes au nombre de 26, il y en
a eu en: Janvier 1 O0 hommes 1 femmes.
; Avril 3 0 » 3 »
Mai RE D T0 »
Juin Le ; th »
Juillet dr » 0 »
Août di d » 0 »
Septembre 3 3 De 2 <N
Octobre 3 2 » 1. »
Novembre 1 1 AL à »
Décembre 4 1 » A) »
et aux fièvres bilieuses simples, ou compliquées de
douleurs rhumatismales ou pleurétiques, il y en a eu :
Janvier 2 1 hommes 1 femmes.
Mars 2, 1 » { »
_ Avril her ei danireti@nosrnx
Mai MIN, » 2 »
Juillet 4 3 » il »
Août 3: 9 » 0 »
— 156 —
Septembre 1 1 homme 0 femme
Octobre 1 1 » 0 »
Novembre 1 1 » 0 »
Il faut remarquer ici, comme on l’a déjà dit plus haut
que pendant les mois d'août, de septembre et d'octobre,
l'humidité du local et les fentes qui s’y manifestérent ,
ont dù faire évacuer la salle principale contenant 6 lits,
que les hommes ont été placés dans la chambre des fem-
mes , et que pendant cette époque, on n’admit, p. a. d,
pas de femmes (la chambre supérieure de 2 lits étant oc-
cupée tantôt par des hommes et tantôt par des femmes.
Des 14 morts :
9 (dont # hommes et 5 femmes) ont succombé à la
fièvre typhoïde.
Chez un des fiévreux, la mort est survenue lorsqu'il
était en pleine convalescence, ensuite de convul-
sions déterminées par la violence de coups de ton-
nerre. Un autre mort de fièvre typhoïde a pré-
senté à l’autopsie un cryptorchisme complet;
{mon confrère le D' Landry en conserve les
pièces.)
1 homme à une variole confluente compliquée de fièvre
typhoïde.
{ homme à une déchirure du poumon et du foie,en-
suite de chute.
1 homme au tétanos, ensuite de gangrène des or-
teils par congélation.
1 femme à une pleuropneumonie typhoïde, apportée
mourante à l’hôpital.
{ femme à une hydropisie générale.
— 157 —
Le chiffre des morts qui est exactement le même que
celui de l’année 1845, pour le même nombre de malades
. doit paraître petit lorsqu'on réfléchit que :
4° plusieurs ont été apportés presque mourants à la
Chambre de secours.
2° l'humidité et la mauvaise situation de la maison
dont les chambres sont placées immédiatement sur le sol
sont de nature à amener la mort d’un grand nombre de
de malades.
3° l’année 1846 a été pour la Chaux-de-Fonds bien
plus meurtrière que les autres, car on y a compté
60 morts de plus qu'en 1845.
En 1845 il y a eu dans cette localité 294 décès.
1846 » » 354 5»
Les catholiques enterrés aux Bois, et les morts-nés
ne sont pas compris dans ces chiffres.
Les fièvres bilieuses et toutes les complications bi-
lieuses ont été traitées avec succès par les sels antimo-
niaux neutres ; les fièvres typhoïdes lorsqu'elles se pré-
sentaient à leur début, étaient traitées également par
l'émétique et les purgatifs salins, plus tard par le calo-
mel employé ordinairement à petite dose (gr. jv. par jour
en 2 fs), allié avec le camphre et la magnésie, et par
Vassa fœtida en lavemens. M. Pury emploie aussi le calomel
à des doses plus considérables de 8 à 12 grains par jour,
sans que les effets en aient paru varier. Une fois les symp-
tômes typhoïdes calmés, il s’est bien trouvé de l'emploi
de la poudre de Dower, et des amers; quelquefois, sur-
out chez les femmes, il administra l’aloës en petite quan-
tité.
À part l’ouverture de quelques abcès, l’ablation de
— 158 —
quelques fragmens d'os cariés , la seule opération faite,
a été l'enlèvement de 3 orteils, affectés de gangrène par
congélation.
Dr Pury secrétaire.
Le D' Pury dit qu'ayant lu il y a 2 mois dans l’Abeille
médicale que M. le professeur Piorry avait employé des
vésicatoires appliqués sur la face, comme moyen abortif
de la variole, il s’en était servi deux fois avec un plein
succès. Dans un des cas, le malade, enfant de 12 ans,
non vacciné avait une variole confluente, au commen-
cement de la période pustuleuse , un pouls petit et fili-
forme , des délires, les paupières complétement fermées.
Un large vésicatoire fut appliqué sur la joue gauche. Le
lendemain les pustules qui avaient été recouvertes par le
vésicatoire avaient disparu , le pouls était normal, les
paupières étaient libres, et les autres parties de la face
étaient en voie de dessication , tandis que celles du corps
ne commencèrent à se dessécher que 2 jours après.
Le second cas est relatif à un homme de 40 ans, vac-
ciné dans son jeune âge, mais chez lequel les accidens
de la période éruptive de la variole se montraient avec
force; une masse de boutons rouges recouvrait la figure;
un vésicatoire de 2#4/! carrés (6/! sur #/!) fut appliqué
sur le front; les boutons avortèrent non-seulement sur le
front mais sur toute la face et n’arrivèrent pas à l'état w
pustuleux tandis qu’ils parcoururent toutes leurs phases »
sur le reste du corps.
Dr Pury, secrétaire.
— 159 —
Séance du 10 février 18#7.
Présidence de M. WURFLEIN.
M. Nicokt présente de la part de M. le D' Baswitz l'ou-
vrage suivant dont il fait don à la bibliothèque de la sec-
tion : Joh.-Frèd. Meckel M. D., Tractatus anatomico-phy-
- siologicus de quinto pare nervorum cerebri, duab. figurar.
tabul. illustratus. Gottingæ, 1748, in-4°.
Le Dr Pury lit un mémoire intitulé : Considérations sur
les classifications des mammifères et sur une nouvelle division
de ce groupe de vertébrés.
Après l'exposition du sujet, M. Pury esquisse en quel-
ques traits les principales classifications qui ont été faites
pour les mammiféres depuis celles d’Aristote jusqu'à nos
jours.
Dr Pury, secrétaire.
Séance du 25 février 1847.
Présidence de M. WURFLEIN.
Il est fait lecture des procès-verbaux de la société de
Neuchâtel du 21 janvier et du mémoire de M. Desor sur
le soulèvement de la Scandinavie et sur la période à la-
quelle on doit attribuer la formation des æsars, la sub-
mersion et l'exondation de la péninsule Scandinave (°).
M. le D'° DuBois rend compte d’un empoisonnement
par le camphre qu'il a été appelé à soigner l’un des jours
de la semaine précédente.
_(!) Voir Bulletin de la Société de Neuchâtel, page 36.
— 160 —
Un horloger d'ici qui avait une grande confiance dans
le système Raspail, avait fait pulvériser par son ap-
prenti une certaine quantité de cette soi-disant pana-
cée. Celui-ci, séduit par le goût et l'odeur que le camphre
exhalait, en avala à une heure après midi une certaine
quantité, équivalente d’après ce qu'il assura à la grosseur
de deux noix, soit environ une once (30 grammes).
Entre 4 et 5 heures de l'après-midi, cet apprenti âgé
de 15 ou 16 ans, se sentit pris subitement de suffoca-
tions, et d’une angoisse invincible, qui lui faisait regar-
der la mort comme imminente. Le D' DuBois, appelé sur
ces entrefaites, constata que cet individu, à part l’an-
goisse et l'horreur de la mort qu’il manifestait à chaque
instant par ses cris et les hallucinations qu'il avait (il
croyait voir des hommes à côté de lui), ne présentait au-
cun autre symptôme. La pupille était dans son état nor-
mal , sans être contractée ni dilatée ; son pouls n’était ni
accéléré, ni ralenti; au contraire, l'intervalle et le choc
des pulsations étaient parfaitement normaux, et rien au
monde dans les traits du malade ne trahissait cette an-
goisse, qui continua toute la nuit, malgré les prescrip-
tions du D' DuBois (du café noir et des lavemens purgatifs)
et qui ne cessa qu’au matin à 8 heures, après l’adminis-
tration d'un purgatif salin.
Une discussion s’engagea ensuite sur les effets que le
campbre produit sur le système nerveux: plusieurs mem- «
bres de l'assemblée l’envisagent comme un excitant et M
d'autres comme un calmant:; chacun citant des faits et
des auteurs pour appuyer sa manière de voir. Le D' Droz M
cite à cette occasion l’histoire d’une jeune fille hystérique \
qu'il avait eue en traitement et qui avalait chaque matin
— 161 —
une certaine quantité de camphre, ce qui lui donnait des
extases analogues à celles que l’opium produit sur ceux
qui le fument.
M. Micolet présente deux appareils à inhalation d’éther,
dont l’un est un flacon à deux tubulures et l'autre qui a
été fait par lui sur le plan de celui qui est représenté dans
Wlllustration de Londres { The illustrated London-News.
Febr. 6, 1847) (').
MM. les docteurs DuBois et Landry rendent compte
des principales expériences faites sur ces inhalations en
France et en Suisse. Le reste de la séance est remplie par
des expériences analogues auxquelles quelques sociétaires
ont voulu se prêter. La machine anglaise paraît de beau-
coup supérieure à celle du flacon à deux tubulures , et à
celle de Charrière dont le dessin est présenté.
Dr Evry, secrétaire.
Séance du 13 mars 1847.
Présidence de M. Wurflein.
M. le Dr Pury présente tant en son nom qu'en celui
de M. le D' Landry les pièces pathologiques d'un mdi-
vidu âgé de 22 ans, affecté de cryptorchisme , qui était
mort à la Chambre de secours, de la fièvre typhoïde. Le
(!) Cette machine qui est en tôle est très-ingénieuse. Par son moyen,
n peut graduer parfaitement linhalation. La machine présentée par
M: Nicolet diffère de celle publiée par l’IT. London News, en ce qu’elle
offre pas de chambre pour l’eau chaude destinée à vaporiser Péther et
par deux soupapes adaptées par M. Julien Huguenin au tube inhalateur
1 et dont l’effet est d'empêcher l’air atmosphérique de se mêler à l’air ethé-
L 7
_h et l’air exhalé par les poumons de rentrer dans la machine.
— 162 —
testicule et l'épididyme, gros ensemble comme une fève,
étaient restés dans le canal inguinal près de son orifice in-
terne. Le cordon spermatique présentait quelques circon-
volutions, mais était atrophié dans le sens de son dia-
mêtre qui n'aväit guëres que ‘/; ou ‘/2 ligne; la vésicule
spermatique également atrophiée était entourée d’un tissu
graisseux ; la verge était petite, longue de deux centi-
mètres, et avait un diamètre de 6 à 7 millimètres ; le
scrotum était réduit à deux petits appendices adipeux !
d’un centimètre environ de longueur; les poils de la ré-
gion pubienne manquaient presque totalement, et ceux
qui existaient étaient petits et minces; il n'y avait aucune
trace de barbe; la voix était grèle; le cartilage thyroïde
était peu développé, et l'angle pubien était arrondi. Outre
ces’ difformités le sujet en question présentait un sternum
large de 4 à 5 centimètres et long de 1Q à 11 centi-
mètres ; l’'appendice xiphoïde rentrait en dedans et for-
mait un angle à-peu-près droit avec le corps du sternum;
la poitrine bombée extrêmement présentait également une
hauteur très-peu considérable. Cet individu, charpentier
de son état, était cependant malgré ses difformités d’une
force considérable. Il employait tous ses soins à cacher
ses difformités , et malgré les délires intenses où il était
les derniers jours de sa vie, on ne pouvait lever la cou-
verture de son lit, sans qu’aussitôt il ne prit sa chemise
pour couvrir sa nudité.
M. Favre présente une collection de champignons hy-
ménomycètes de nos montagnes qu’il a dessinée pendant
l'été et l'automne derniers. Cette collection composée d’en-
viron 130 espèces dessinées avec une précision rare, a
— 163 —
été déterminée par M. Trog. Dans ces champignons se
trouvent 57 espèces du genre agaricus.
Genre hygrophorus 7 espèces.
» cortinarius
» coprinus
» russula
» marasmius
» paxillus
» Jactarius
» merulus
» hydnum
» polyporus
» Jlenzites
» Jleotia
» clavaria
» spathularia
» bovista
» peziza
» lycoperdon
» bulgaria
» nidularia .
» licea
» boletus
» guepinia
M. Favre fait ensuite la description des genres et des
sous-genres dont il possède des espèces, et annonce qu'il
se propose de compléter sa collection en dessinant tous
es hyménomycètes de nos montagnes.
RO > > pe & 10 me me OÙ me mt O9 C9 me GO mb p9 O1 À 4
»
M. Nicolet présente à la société plusieurs dons faits par
- Charles Jacot-Guillarmod à nos collections. Ces dons
consistent en :
— 164 —
1° Une collection d'insectes, en grande partie de l’ordre
des coléoptères , provenant du Mexique.
20 Une dite de coquilles terrestres et fluviatiles du
même pays.
30 Une dite de roches également du même pays.
4° Divers autres objets d'histoire naturelle et entr'au—
tres quelques branches de l’Avocatier. (Persœa gratissima
Gærin) et d’une espèce de chêne, avec la singulière dé-
formation produite par un arbuste parasite.
5° Une divinité Mexicaine. L
6° Plusieurs vases et instruments Mexicains.
Ces derniers objets ont été trouvés en 1845 avec des
crânes et d’autres ossements humains qui sont tombés en
poussière au contact de l’air, et des instrumens de musique
que les ouvriers employés à la fouille ont brisés mala-
droitement , dans un tombeau situé dans la propriété de
St-Jean Tetla sur la pente orientale du volcan appelé
TIxtlasihuatl (ce mot signifie en idiôme mexicain, femme
à la chevelure blanche) contigu à celui de Popocatepetl
dans le département de Puebla (Mexique). Le tombeau
dans lequel on a trouvé ces objets était construit en pierres
taillées et ciselées avec une grande élégance, au milieu
d'une forêt de vieux et majestueux sapins et chênes.
M. Nicolet accompagne cette présentation de déclara-
tions à l'appui.
D' Puory, secrétaire.
Séance du 25 mars 1845.
Présidence de M. Wurflein
M. Favre lit au nom de la commission chargée d’exa-
miner divers procédés de dorage , le rapport suivant :
— 165 —
Rapport de la commussion nommée par la Société des sciences
… naturelles de la Chaux-de-Fonds, pour examiner diffé-
rents procédés de dorure.
Chacun sait qu'il est d'usage dans la fabrication de
l'horlogerie de recouvrir certaines parties des montres
d’une légère couche d'or destinée à les préserver de l’oxi-
dation.
On a employé jusqu'à ces dernières années, pour dorer
les pièces de laiton, l’amalgame d’or qui convenablement
» chauffé laisse évaporer le mercure tandis que l'or reste
étendu sur la surface de la pièce en couche mince et
égale. Ce procédé réunit toutes les conditions de solidité
et de beauté désirables ; les dorages ainsi obtenus présen-
tent les qualités suivantes :
Quoique fort légers, ils sont capables de protéger les
+ pièces qu'ils recouvrent; d’ailleurs, à la simple vue on peut
reconnaître si un semblable dorage est bon ou mauvais.
Les acides, quelque énergiques qu'ils soient, répandus
sur la surface dorée ne l’attaquent en aucune facon. La
couche d’or frottée avec une brosse chargée de pierre
ponce en poudre s’use, mais ne s’enlève pas par lambeaux,
il en est de même quand on la frotte avec un brunissoir,
car alors elle se polit et aucune parcelle, même très-lé-
gère , ne peut en être détachée.
: Quand on fait un trou dans une plaque de laiton dorée
au mercure et qu'on la plonge dans l'acide nitrique, le
laiton se dissout par l’action de l’acide et il ne reste que
la mince couche d'or qui en recouvrait la surface. Quand
on fait subir cette opération aux cuvettes de montres do-
È rées sur leurs deux faces, on obtient une feuille d’or
— 166 —-
double qui présente tout-à-fait l’aspect extérieur de la cu-
vette avec tous les accidents de sa surface, ainsi que les
gravures que l’on y a tracées ; on croirait voir la cu—
vette entière, mais ces feuilles sont si déliées que le plus
léger soufle les soulève et les emporte. Du reste, mal-
gré leur ténuité elles ne présentent aucune ouverture,
aucune crevasse ; en un mot, aucune solution de conti-
nuité; c'est précisément pour cela qu’elles préservent le
laiton de l’action des acides qui n’attaquant pas l'or, ne
peuvent arriver jusqu’à lui.
D'après ce qu'on vient de dire, on voit qu’au bout de
longues années , les pièces d’une montre dorées au mer-
cure seront encore aussi belles, aussi bien protégées, que
le premier jour et ne présenteront aucune trace d’altéra-
tion.
En face de pareils avantages , il serait ridicule de cher-
cher à appliquer l'or par un autre moyen, qui, peut-être
n’aménerait pas à d'aussi beaux résultats. Mais depuis
longtemps, les fàächeux effets des vapeurs mercurielles sur
la santé des ouvriers sont suffisamment connus, et l’on
ne peut qu'applaudir aux généreux efforts qui ont été
tentés dans le but de remplacer par des procédés dépour-
vus de tout danger, cette dorure au mercure qui a fait
tant de victimes.
On a souvent essayé de dorer par des procédés méca-
niques qui dispensent de l'emploi du mercure, au moyen
de l'application de l’or en poudre ou en feuilles très-
minces; on à aussi employé des solutions ethérées d'or
qu'on étend sur les métaux, c’est ainsi en particulier qu'on
a doré longtemps le fer et l'acier. Enfin, on a fait des ten-
tatives pour dorer le laiton en le plongeant dans des dis-
|
|
|
— 167 —
solutions d'or rendues aussi neutres que possible. Mais
ces procédés ne donnent pas des dorages comparables à
‘ceux qu'on obtient avec le mercure.
En 1838, on commença à employer en Angleterre
une dissolution d'oxide d'or dans la potasse, pour la do-
rure, au lieu du procédé par l’amalgame. Pour cela on
plonge la pièce d'argent, de cuivre ou de laiton dans un
bain bouillant préparé en dissolvant du chlorure d’or dans
cent trente fois son poids d'eau à laquelle on ajoute une
quantité de bicarbonate de potasse égale à sept fois le
poids du chlorure d'or. Mais on emploie avec l'argent le
contact d'un fil de fer poli pour le rendre électro-négatif
et pour faire précipiter l'or à l’état métallique (‘) ; ce der-
nier procédé est encore en usage dans notre fabrique pour
dorer des boîtes d'argent.
M. De la Rive est le premier qui a eu l’idée d'employer
les courants électriques pour l’application de l'or ; il pen-
sait que le courant décomposant une solution d'or amè-
nerait l'or métallique molécules par molécules, sur le
métal qui servirait de pôle négatif, et pourrait ainsi le
dorer, en faisant pénétrer intérieurement l'or dans sa sur-
face. Il fit ses premiers essais en 1825 , mais ils ne furent
pas couronnés de-.résultats bien satisfaisants puisqu'il ne
réussit à dorer que du platine. Quant au laiton et à l’ar-
gent, ils refusèrent constamment de recevoir les moindres
parcelles de dorure. Plus tard il renouvela ses essais,
… mais au lieu d'employer une pile à plusieurs éléments,
:
il se borna à employer un seul couple formé d’un mor-
(1) Voir la note de M. De La Rive sur un procédé électro-chmique pour
dorer l'argent et le laiton.
BUILET. SC. NAT: t. HI. 12
— 168 —
ceau de zine communiquant par un fil métallique avec
l'objet à dorer qui joue le rôle de métal négatif ; ce der-
nier est plongé dans une dissolution d’or contenue dans
une membrane très-mince, et le zinc est immergé dans de
l'eau acidulée qui l'attaque légèrement. Par ce moyen
il réussit à dorer avec succès des objets d'argent et de
laiton.
Aussitôt que le procédé de M. De la Rive fut connu
dans nos Montagnes, on chercha à l'appliquer à l'horlo-
gerie pour dorer certaines parties des montres qui ne de-
mandent qu'une couche d’or légère et polie, comme les
cadrans , les cuvettes, les boîtes, etc.; plusieurs personnes
s'en occupèrent avec assez de succès ; mais il y avait loin
des dorages exécutés de la sorte, à ceux produits par le
mercure , aussi paraissait-il peu probable qu'on püt ar-
river jamais à remplacer ce dernier procédé, et l’on se bor-
nait à former des vœux et des souhaits. Cependant l'u-
sage fit trouver dans ce nouveau moyen plusieurs défauts
qu'il aurait été important de modifier, car on ne peut do-
rer que des objets plats, de petite dimension , sans an-
fractuosités où un linge ou une brosse ne puisse pénétrer ;
la couleur n’est pas celle que le commerce exige , elle a
toujours quelque chose de noirâtre; il est difficile et coù-
teux de se procurer une dissolution de chlorure d’or com-
plètement neutre, et il est évident qu’à chaque molécule
d'or qui se dépose, la partie de chlore qui tenait cet or en
dissolution devenant libre, attaque les points non encore
dorés et les noircit ; enfin l'emploi des membranes déli- ”
cates que prescrit M. De la Rive ne peut manquer de cau-
ser de grands mécomptes, par la difficulté de les établir.
|
ste. =
— 169 —
et par les infiltrations que la moindre lésion peut provo-
quer (!). |
MM. de Ruolz et Elkington proposérent en 1840 une
importante modification du procédé de dorure galva-
nique basée sur la décomposition à l’aide d’une forte pile
à courant constant, du cyanure d’or dissous dans le cya-
nure de potassium , liquide qui ne peut attaquer le métal
à dorer, comme le fait le chlorure d'or du procédé de
M. De la Rive. Cette découverte eut un grand retentisse-
ment, les journaux la publiérent et peu-à-peu on cher-
cha à l'employer chez nous. C’est alors qu'on vit pour la
première fois, nos feuilles d'avis annoncer la vente de
piles à force constante, qui continuèrent à faire irruption
chez nous vers 1842, et c'est alors aussi, que commen-
cèrent des tentatives sérieuses pour appliquer la dorure
au galvanisme à toutes les exigences de notre fabrique
d'horlogerie.
+ Quels que fussent les avantages des procédés dont nous
venons de parler, ils ne répondaient pas encore à tous les
besoins de notre industrie. La dorure au mercure présente
un aspect mat et vermiculé fort agréable à la vue, que l'on
nomme le grainé; les ouvriers l’obtiennent en frappant
avec une brosse la pièce de laiton sur laquelle ils vien-
- nent d'étendre l’'amalgame. Or c’est une chose reçue dans
- le commerce, que certaines pièces de la montre, comme
… les ponts, les barrettes, les platines reçoivent cette do—
rure si riche et si éclatante, et tant que les procédés gal-
yaniques ne fournissaient pas les moyens de l'obtenir, il
restait une large lacune qui ne pouvait être comblée que
2 (!) Voir un rapport sur ce sujet, fait à l’Académie par M. Becquerel,
— 170 —
par l'emploi du mercure. C’est dans nos montagnes, que
l'on devait inventer les procédés au moyen desquels on
peut obtenir la dorure vermiculée ou le grainé sans le
secours de l’'amalgame. Mais ce n'est qu'après de longs
travaux et des essais de toute espèce, que l’on est par-
venu à opérer ce genre de dorure ; on ne peut imaginer
les nombreuses. expériences, les essais renouvelés , les
efforts opiniâtres qui ont été tentés dans ce but dès l’ori-
gine de la dorure au galvanisme, et l’on ne peut qu'ap-
plaudir au zèle et à la persévérance de ceux qui ont vu
dans cette découverte, tout un avenir ouvert devant eux.
On crut d’abord pouvoir grainer la surface du laiton
par l'action corrodante d’un acide étendu quelconque,
avant d'appliquer la dorure ; mais, lors même qu'on au-
rait pu obtenir de beaux dorages par ce procédé, certaines
parties de la montre n'auraient pu subir cette action sans
être plus ou moins dégradées. On crut aussi parvenir à
résoudre la difficulté en employant à la brosse la poudre
d'émeri ou de pierre ponce. Mais, tous ces moyens furent
abandonnés aussitôt.
Les premiers résultats satisfaisants furent obtenus par
MM. Olivier Matthey et Jeanneret du Locle, qui eurent
l'idée de grainer la surface du laiton, comme on le fait
pour l'argent. Ayant réussi à se procurer le procédé de
grainage qu’emploient depuis longtemps les fabricants de
cadrans d'argent, ils l’appliquèrent au laiton et couvri-
rent la surface décapée de ce dernier métal d’une couche
de poudre d’argent étendue à la brosse, puis précipitant
à l’aide de la pile une masse d'or plus ou moins grande
sur celle surface ainsi préparée , il en résulta une dorure
d'un beau grain et plus régulière que celle obtenue par
— 171 —
le mercure. Ce procédé fut l'objet d'un rapport fait à la
Société d'émulation patriotique de notre pays, et valut à
chacun des deux inventeurs une mention très-honorable
et une médaille d'or.
En général les procédés nouveaux qui prennent nais-
sance au milieu de notre population industrielle, trou-
vent toujours un grand nombre d'adeptes, qui se jettent
dans les routes récemment ouvertes , avec la ferme con-
viction de faire fortune. Cette fois les choses se passèrent
-de même; en peu de temps on vit se former une cohorte
de doreurs au galvanisme, qui livrèrent bientôt au com-
merce une grande quantité de dorages auxquels on fit
d'abord un assez bon accueil. Quant aux artistes qui con-
tinuaient à dorer au mercure, ils commencèrent à crain-
dre une concurrence fatale ; quelques-uns mêmes épou-
vantés par cette révolution laissèrent l’amalgame, pour
la pile.
Cette application de grainage à l'argent qui fit grand
bruit à sa naissance, ne tarda pas à être jugée ; ce n'est
pas au sortir des mains du doreur que l’on peut appré-
cier la bonté d'un dorage , mais seulement au bout d'un
certain temps et quand les montres ont été soumises à
des influences diverses, que l’on peut voir comment il se
conduit. On reconnut bientôt la grande infériorité de ces
… produits comparés à ceux fournis par le mercure. Le
grand inconvénient provient surtout, de la couche inter-
. médiaire d'argent et du peu d’adhérence de la pellicule
… d'or que l’action galvanique précipite dessus. Le moindre
frottement exercé à sa surface enlève rapidement l'or et
meltant la couche d'argent à nu, produit un effet désa-
gréable à la vue et inadmissible dans le commerce. Ces
— 172 —
défauts , joints à plusieurs autres ont failli compromettré
le succès des procédés autres que ceux par l’amalgame.
C'est au moment où les inconvénients de la dorure au
galvanisme se présentaient dans tout leur jour et où elle
tombait en discrédit, que M. Gerbel annonça par un mé-
moire présenté à la Société des sciences naturelles de la
Chaux-de-Fonds , le 22 mai 1845, qu'il venait de décou-
vrir un procédé au moyen duquel il pouvait dorer le
grainé sur les pièces d'horlogerie qui demandent ce genre
de dorure, sans le secours du mercure, sans couche: in-
termédiaire d'argent et au prix adopté pour ce genre d'ou-
vrage ; 1] assura de plus que ses résultats étaient d’une
belle apparence et d’une solidité suffisante.
Cette communication était importante, aussi la Société
nomma de suite une commission pour examiner cette af-
faire ; si elle a tardé jusqu’à présent de faire son rapport,
ce n'est pas que le procèdé de M. Gerbel n’en valut pas
la peine, mais comme il était encore dans sa naissance,
et qu'il paraissait avoir de grandes chances de perfection-
nement, on pouvait penser que des modifications ne se
feraient pas attendre. D'ailleurs une chose importante
était faite, c’est l'établissement de la priorité de M. Gerbel
dans une découverte belle et utile, qui sera pournosmon-
tagnes un titre d'honneur et pour son inventeur un droit
à la reconnaissance de l'humanité.
La commission s’est occupée de l'examen des diffé
rentes: pièces dorées mises sous ses yeux par M. Gerbel,
et elle a été unanime pour décerner à cet artiste les justes
remerciements dus à son travail et à ses efforts ; ces do—
rages offraient une surface également vermiculée ou grai-
née d’une belle apparence: soumis à l’action de l'acide
D és nm: dé SSL AE 2 Li
CR né Éd
— 173 —
pitrique ils ont fini par être attaqués el ont pris une cou-
leur violacée , la feuille d’or formant la dorure se déta—
chait avant l'entière dissolution de la pièce de laiton ; du
reste, le cabron couvert de rouge, la brosse avec la poudre
de chaux n’altéraient en rien la surface dorée et n’en en-
levaient aucune parcelle comme cela serait indubitable-
ment arrivé avec des dorages au galvanisme. Ainsi ces
dorages laissaient encore à désirer sous le rapport de leur
solidité comparée à celle des dorages au mercure que
l'on doit toujours prendre comme point de comparaison.
Le procédé de M. Gerbel consiste à appliquer directe-
ment et par le moyen d’une brosse le mélange à dorer
sur les pièces qui doivent le recevoir, après que ces pièces
ont été convenablement décapées. Cette opération se fait
en les plongeant dans un mélange d’un tiers acide sulfu-
rique, deux tiers acide nitrique et une petite quantité de
sel de cuisine, Quand la couche d'or est étendue, on avive
le grainé et on lui communique ce riche brillant qui donne
tant d'éclat à cette dorure, en le frottant pendant un cer-
tain temps avecune brosse de fils de laiton nommée gratte-
bosse. Il n’est pas nécessaire de faire remarquer ici, que
ce procédé n'a rien de commun avec l’ancienne dorure à
froid par frottement dite au pouce, obtenue avec l'or en
chiffons appliqué au moyen d'un bouchon sur des pié-
ces de cuivre ou d'argent et qui donne une dorure sus-
ceptible d'un bel éclat lorsqu'elle est passée à la sanguine
ou au brunissoir.
Depuis deux ans que, la dorure à la brosse est employée
dans notre industrie et qu’on l’applique à un nombre con-
»sidérable de montres, aucun reproche de nature à la com-
promettre ne lui a été adressé par les fabricants d’horlo-
— 174 —
gerie et par les consommateurs. On a remarqué cependant
que la couche d'or n'ayant pas ordinairement la teinte
que réclame le commerce, on est obligé de la lui donner
par un bain ou par l’action de la pile, qui étend sur la
dorure une espèce de vernis assez éphémère pour qu'un
léger frottement suffise à l’enlever.
Aucune communication nouvelle de M. Gerbel n'étant
survenue, la commission n'en restait pas moins dans l’at-
tente, lorsque le 28 janvier dernier, il fut présenté à la
Société des sciences naturelles plusieurs cuvettes dorées
par le procédé Gerbel, perfectionné par M. Cave. Ces
dorages étaient fort beaux et présentaient une variété
dans le vermiculé, que M. Cave déclara obtenir à volonté ; *
les uns étaient très-fins et miroitants, d’autres de grains
de plus en plus gros, sans que leur aspect en fût cepen-
dant désagréable à la vue.
Cette présentation décida enfin M. Gerbel à faire pas-
ser sous les yeux de la commission des échantillons de
ses travaux, qui, examinés avec soin, présentèrent une
supériorité marquée sur ce que l’on connaissait depuis sa
première communication. Quant aux cuvettes de M. Cave,
les acides n’exercèrent sur leur surface aucune action
quelconque , pas plus que le cabron-et les brosses char-
gées de chaux ; chauffées à différents degrés, ces pièces se
conduisent aussi bien que des dorages au mercure; enfin,
percées de trous pour livrer un passage à l’action des
acides , elles furent attaquées intérieurement , le laiton
fut dissous, et il ne resta que les deux feuilles d’or parfai-
tement intactes et absolument dans le même état que celles
qui résultent de dorages par l’amalgame. Nous devons
remarquer ici que des cuveltes sortant des ateliers de
| — 175 —
L MM. Gerbel et Bovy, couvertes de magnifiques dorages
_se sont comportées de même.
* La commission eut l'avantage de voir opérer devant
elle M. Cave qui s’en tire avec une merveilleuse habileté
etune promptitude étonnante; elle put se convaincre de la
vérité de ce qu’il avait annoncé , que sa dorure s ‘applique
sur des pièces non décapées, aussi bien que sur celles qui
l'ont été avec le plus de soin, et en peu de minutes, une
platine adoucie depuis quelque temps , et déjà un peu oxi-
dée fut dorée, gratte-bossée et présenta sous la main exer-
cée de cet artiste, le plus riche aspect, là où naguère se
- montraient les traces de l’action de l’oxigène.
M. Cave fait remarquer que certaines parties des pièces,
comme les bords ou la tranche, ne recevant pas la couche
d'or par l’action de la brosse, il est obligé de les dorer au
galvanisme ; mais les procédés qu’il emploie sont si per-
fectionnés que la pellicule déposée adhère suffisamment.
“ Autrefois ses batteries déterminaient un courant si éner-
“gique, que la précipitation de l'or se faisait tumultueuse-
ment et avec trop de rapidité, ce qui lui ôtait de son ad-
- hérence ; mais il doit à l'obligeance désintéressée de M. le
professeur Ladame, la construction d’un appareil fort in-
L génieux destiné à modérer à volonté l’action du courant
galvanique ; de sorte, qu'il peut obtenir maintenant une
précipitation toujours égale, et des dorages fort adhérents.
Après avoir examiné tout ce qui est relatif au nouveau
procédé de M. Gerbel , et aux perfectionnements appor—
“tés par M. Cave, la commission a été unanime pour dé-
larer, que si on pouvait avoir l'assurance que tous les
“orages livrés au commerce ont les qualités de ceux qui
miennent de lui être présentés, elle ne craindrait pas de
— 176 —
dire que la dorure au mercure est remplacée ; mais, les
dorages qu'elle a passés en revue ayant été préparés en
vue de subir un examen, on peut croire qu'ils ont été
l'objet de soins particuliers, et que la couche d’or dont on
les a recouverts est plus riche que celle de ceux qui sor-
tent tous les jours des ateliers de doreurs. Car il reste à
faire une observation très-importante, c’est qu'avec ce
nouveau procédé on n'a aucun moyen de reconnaître la
qualité de la dorure ; le simple coup-d’œil ne peut don-
ner aucune induction sur sa richesse ou sa solidité, comme
pour la dorure au mercure, et c’est par là que cette der-
nière conserve une supériorité que rien jusqu’à présent
n'a pu lui enlever. Pour compléter ces découvertes siutiles,
si intéressantes, il est à désirer que l’on découvre un
moyen prompt et facile de distinguer le bon ouvrage du
mauvais, sans être obligé d’avoir recours à l'analyse chi-
mique qui nécessite une perte de temps et la destruction
d’une pièce que l’on est contraint de sacrifier.
On voit par ce qui précède le point où est arrivée la
dorure dans nos montagnes ; d'une part le procédé au
mercure considéré comme le plus parfait, mais entraî-
nant à sa suite d'affreuses maladies et des accidents sans
nombre ; et de l’autre les procédés que nous venons d’é-
numérer, qui ont pris naissance au milieu de nous, qui
peuvent être exercés en toute sécurité, qui fournissent
des dorages beaux et solides, au même prix, dans un
temps infiniment plus court et dans un local quelconque.
Si nous jetons un regard dans l'avenir, nous pouvons pré-
sumer que cette industrie, qui est dans son berceau, fera
encore de grands progrès et qu'elle finira par remplacer
le procédé meurtrier, depuis longtemps frappé d’une si
— AT —
» juste réprobation. Les doreurs au mereure paraissent sen-
* tir eux-mêmes la position où ils se trouvent, et loin de
- s'attacher follement à un métier qui les tue, on en voit
qui cherchent dans d’autres branches de notre industrie,
les ressources qui sont prêtes à leur échapper. Les recen-
» sements et les visites officielles ont démontré qu'il y avait
en 1845 dans la juridiction de la Chaux-de-Fonds qua-
rante-trois ateliers de doreurs à l’amalgame , occupant
» cent-vingi individus, tandis qu'en 1846 il n’y avait plus
que trente-trois ateliers occupant quatre-vingt-neuf per-
.sonnes.
Nous devons nous estimer heureux d’avoir vu luire le
jour où l’on peut se dire : la dorure au mercure est sus-
ceptible d'être remplacée; mais à qui le devons-nous? C'est
aux artistes infatigables dont nous avons cité les noms, et
en, particulier à M. Gerbel ; c'est à eux que nous devons
-xouer notre reconnaissance, et si nous pouvons former
un souhait en finissant ce rapport, c'est que la Société
d'émulation patriotique prenne en considération leurs tra-
waux couronnés de succès véritables.
Le L. FAvRE, secrétaire de la commission.
Chaux-de-Fonds, 25 mars 1847.
Les membres de la commission, MM. Nicolet, Julien
Huguenin, J.-Ch. Ducommun et Pury, D', présens à l'as-
semblée, sont unanimes pour remercier M. Favre de son
lapport et pour en adopter les conclusions. MM. Oscar
WJacot et Gænseli, membres de la commission , sont ab-
ents. L'assemblée toute entière se joint à la commission
our exprimer ses remerciemens à M. Favre et pour ap-
sui les conclusions du rapport. Elle décide aussi
“qu'il en sera fait au conseil d'état et à la société d’ému-
t
lation patriotique , une communication officieuse.
— 178 —
Le D' Pury ht la note suivante sur M. Mathias Mayor
et les innovations qu’il a proposées pour la chirurgie.
« Le canton de Vaud et la Suisse tout entière viennent
de faire une grande perte dans la personne de M. Ma-
thias Mayor , docteur en médecine et chirurgie. Laissant
à ses nombreux amis de sa ville natale le soin de faire
sa biographie, de parler de son beau caractère, des soins
assidus et dévoués qu'il donnait à ses malades, des en-
couragemens qu'il donnait aux jeunes adeptes de la mé-
decine, nous ne nous occuperons dans cet article que
des progrès qu'il a fait faire à la chirurgie et qu'il a con-
signés dans plusieurs ouvrages tels que : Nouveau sys
tème de déligation chirurgicale. —La Chirurgie simplifiée,
etc. etc., et dans nombre d'opuscules, qu'il serait trop
long de mentionner ici.
» Le grand but que s’est proposé M. Mayor, c'est de gué-
rir en peu de temps, et de donner la plus grande sim-—
plicité possible aux appareils de chirurgie. Toutes les fa-
cultés de son âme semblaient s'être concentrées dans ce
mot, simplicité. Les pansemens faits avec un morceau de
linge pliè en triangle remplacent avec succès ceux que
l'on faisait avec de longues bandes, souvent difficiles à
se procurer, au moment où l’on en avait besoin; quel-
ques morceaux de fil de fer, garnis de coton, s’adaptant
avec la plus grande facilité au contour des membres,
peuvent remplir avantageusement le rôle que l'on faisait
jouer aux attelles en bois solide qui n'étaient tangeantes
au membre fracturé que par un point de leur surface ;
son marteau, plongé dans l’eau bouillante est plus simple
et loin d’être aussi effrayant pour le malade que le moxa,
et remplit le même but.
ELA
— 179 —
» Toutes ses innovations , en un mot, sont marquées
au coin du génie simplificateur ; toutes, même celles qui
paraissent au premier abord les plus hardies et qui lui
ont attiré les invectives de quelques-uns de ses confrères,
placés au sommet de l'échelle médicale, se résument par
ces mots: Semphfication dans l'appareil et le procédé
chirurgical ; par conséquent plus de süreté dans la main
de l’opérateur, et moins de douleur chez l'opéré.
»Nous devons mentionner ici son cathétérisme forcé, ou
avec des sondes de gros calibre, lequel, (ceci semble para-
doxal) se fait plus facilement et caüse beaucoup moins
de douleur que le procédé ordinaire.
» En effet, lorsqu'on emploie de grosses sondes, on est
beaucoup moins exposé à faire de fausses routes, que
lorsqu'on tente le cathétérisme avéc de petites sondes, qui
ne remplissant pas le canal de l’urètre, vont tantôt à
droite, tantôt à gauche, tantôt en haut, tantôt en bas,
sans que la main de l'opérateur puisse sentir ces dévia-
tions. Dans son Traitement accéléré des ankyloses, il veut
confier aux soins d'une chirurgie et d’une mécanique ra-
tionnelles, des opérations abandonnées à des charlatans,
qui, sans autre secours que la force de leurs bras, réus-
sissaient quelquefois, là où des chirurgiens n'avaient pas
osé faire l'opération. Au reste, nous ne nous prononce-
rons pas sur la valeur de cette opération que l'expérience
n'a pas encore suffisamment pesée.
» Pour être justes, nous devons convenir que son ta-
chytome , ou instrument destiné aux amputations , et dis-
posé comme une guillotine, est une grande exagération
de la simplification qu'il voulait apporter dans toutes
choses. Cet instrument, qui peut convenir tout au plus
— 180 —
pour des réseclions de phalanges, qui seraient aussi bien
faites dans les articulations d'après la méthode ordinaire,
ne vaut rien s'il s’agit d'amputations de membres. En
effet si l'on employait ce tachytome à des amputations de
cuisse, quel moyen aurait-on? La rétraction des chairs
est telle, qu'on laisserait l'os à découvert d'au moins deux
ou trois pouces, et que pour obtenir une cicatrisation,
il faudrait faire jouer l'appareil à deux ou trois reprises
différentes.
» Nous laisserons à nos auditeurs le soin de juger l'an-
thropotaxidermie de M. Mayor , ou son procédé pour con-
server les traits d'une personne morte, procédé qui n'est
autre que celui qu'on emploie pour empailler des ani-
maux. Nous ne voulons pas juger davantage son mémoire
sur l’'Hippophagie et celui qu'il a publié sur le dessin
Hnéaire. Suivant M. Mayor, il suffirait de quelques fils
de fer pliés de différentes manières pour apprendre à
dessiner. Nous conviendgons cependant que cette mamère
de faire. saisir les contours des objets, peut être utile
dans certains cas, par exemple : pour faire comprendre
à des élèves en accouchemens, certaines positions de l’en-
fant et la mauvaise conformation de certains bassins.
»Mais de tous les services rendus à la science et à l'hu-
manité par M. Mayor, le plus grand , sans contredit est
d'avoir prouvé l’innocuité du coton sur les plaies et les
avantages considérables que l'on peut tirer de l'emploi de
ce végétal pour toute espèce de pansement. Il ÿ a quel-
ques années, lorsqu'après une bataille, un siége, l’on
manquait de charpie, on avait recours à de la paille, à
du foin, pour appliquer sur les plaies des malheureux
blessés.
— 181 —
» M. Mayor ne s'est jamais lassé de répandre ses doc-
trines. Partout, dans toutes les réunions scientifiques,
suisses et étrangères, il a préconisé le cathétérisme forcé,
emploi du coton et de linges pliés en triangle pour les
pansemens , et il a forcé quelques-uns de ses détracteurs
à se ranger de son côté. Ses écrits qu'il envoyait libéra-
lement à toutes les sommités de la science, comme aux
pauvres médecins de campagne, et aux étudians en mé-
decine, ont gagné bien des esprits à ses idées ; et les
_incrédules, nouveaux Thomas, qui voulaient absolument
plonger leurs doigts dans les plaies, ont pu aller voir
les résultats de ses innovations à l'hôpital de Lausanne,
dont il a été le directeur pendant bien des années.
» Sans doute, on ne peut le nier, M. Mayor s’est sou-
vent exagéré à lui-même les inconvéniens de l’ancien
système de déligation, et les avantages de ses nouveaux
procédés; mais, il faut en convenir, il a rendu de grands
services à la science. L'expérience montrera ce qu'il faut
conserver de ses doctrines, et ce qu'il faut en rejeter. »
M. le Dr Jrlet annonce qu'il s'est servi avec un plein
succès de la machine présentée dans l’avant-dernière
séance par M. Nicolet pour l’éthérisation d’un homme
auquel il voulait appliquer le cautère actuel, dans une
étendue de 9 à 10 pouces des deux côtés de la colonne
vertébrale. Le sujet, endormi complétement au bout de
%à 5 minutes, ne manifesta pas le moindre sentiment
de douleur pendant l'opération, qui comme l’on sait est
des plus sensibles. Lorsqu'il fut complétement revenu à
Jui, au bout de 3 à #4 heures de temps, il céclara qu'il
n'avait absolument rien senti, si ce n’est une sensation
— 182 —
de chaleur derrière le dos qui ne lui produisit aucun sen-
timent pénible. M. le D'Irlet annonce ensuite qn'il se
propose de faire dans quelques jours l’'amputation de la
cuisse à un homme auquel il fera préalablement respirer
de l'éther, et qu'il rendra compte de la réussite de cette
opération à la section.
D' Pury, secrétaire.
Séance du 8 avril 1847.
Présidence de M. Nicolet, vice-président.
Le Dr Pury expose les opinions qui se sont pronon-
cées sur la soi-disant existence simultanée de mêmes
animaux dans différentes époques géologiques. L'opinion
de la simultanéité, soutenue par MM. de Blainville et
Deshayes, a été combattue par presque tous les paléon-
tologistes modernes , entr'autres par M. Agassiz pour les
poissons et les coquilles, par M. Herrmann de Meyer pour
les vertébrés supérieurs, et par M. Alex. Braun pour les
végélaux. M. Agassiz a fait encore ressortir contre cette
opinion des preuves d'un genre différent, c’est celle de
bouleversemens semblables à l'époque glaciaire qui ont
existé entre deux époques géologiques consécutives.
Les fragmens d'insectes fossiles extrêmement rares
n'avaient pas encore été jusqu’à présent assez étudiés pour
qu'on pût soutenir ou combattre leur simultanéité dans
deux époques différentes. M. le prof. Heer vient de com-
bler cette lacune : il a étudié les débris d'insectes fossiles,
que nous présentaient les schistes nymphéens d'OEnigen,
il a déterminé 10{ espèces dont aucune n'appartient à la
création actuelle (V. Bulletin de la société de Zurich,
18#7 n° 2).
— 183 —
Le D' Pury rapporte diverses expériences comparati-
ves, faites sur différentes espèces d’éther tant en France
qu’en Allemagne.
M. Nicolet, vice-président, présente à la. société pour
pour être offerts à nos collections de la part de M. Numa
Girard quelques fossiles et des dents des squales Oxyrhina
Xiphodon, Agass., Carcharodon productus, Agass., et
Carcharodon megalodon, Agass., qui ont été recueillies
par M. Girard dans le dépôt tertiaire de l'ile de Malte ;
ce gisement des dents du C. megalodon dans le terrain
tertiaire Maltais était mis en doute par plusieurs natu-
ralistes ; cependant ces dents sont assez abondantes dans
la molasse de cette île, et même dans la ville de la Va—
lette, pour permettre aux Maltais qui en font le commerce
de les vendre à vil prix.
M. Favre ayant appris par M. Cave qu'il s'était servi
pour ses piles d'un perfectionnement qui lui avait été in-
diqué par M. le prof. Ladame demande à la société de
pouvoir intercaler ce fait dans son rapport, ce qui lui
est accordé à l'unanimité.
D' Pury, secrétaire.
Séance du 22 avril 1847.
Présidence de M. Nicolet, vice-président.
Le Dr Pury donne un extrait du mémoire de M. le
prof. Mousson sur l'électricité que développe la vapeur
d’eau dans le moment où elle se forme (V. Bulletin de la
société de Zurich, n° 1).
D'Pury, secrétaire.
lt. 15
BULLETIN
DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES NATURELLES
DB NIVILOATER
Séance du 25 novembre 1847.
Présidence de M. Louis Coulon.
M. le Prof. Sacc annonce que continuant ses essais
sur le dorage chimique, il a essayé le procédé Roseleur,
qui consiste à plonger au-dessous de 100° C., les ob-
jets en cuivre, bien décapés, dans un bain fait avec gr.
4 de chlorure d’or, pour gr. 170 de pyrophosphate so-
dique et gr. 1500 d’eau ; il a obtenu d’exéellents résul-
tats, en opérant sur le cuivre ; la dorure sur le fer a été
bien plus difficile et moins belle ; sur le zinc, elle a été
tout-à-fait impossible, parce que ce métal précipite l'or,
sous forme d’une poudre noire, qui n’adhère pas sur lui;
ce qui vient de ce qu’en présence du pyrophosphate so—
dique et de l’eau chaude, le zinc se dissout en décompo-
sant l’eau, probablement, pour fournir au pyrophosphate
son oxyde comme troisième équivalent de base. Pour que
la dorure se fasse bien , on doit apporter la plus grande
attention à ce que la quantité d’eau du baïn reste cons-
tamment la même ; dès qu’elle diminue et que, par con-
séquent , le bain se concentre, la dorure ne s'effectue
plus bien et peut même cesser d’avoir lieu, M. Sacc
expose ensuite les propriétés singulières que M. Persoz a
IL. 14
— 186 —
découvertes dans les pyrophosphates, et tout spéciale
ment celle de masquer le fer ; ce qui donne à la théra-
peutique un précieux moyen d'administrer ce métal aux
malades les plus délicats.
M. Ch. Matthieu ayant demandé si la dorure au py-
rophosphate était solide, et M. Sace ayant répondu affir-
malivement à sa question, M. le Prof. Ladame dit
qu'il regarde la solidité des dorures en général, comme
en relation directe avec l’épaisseur de la couche d'or, en-
sorte qu’il ne pense pas qu’on puisse donner le nom de
dorures solides à celles qu’on obtient maintenant par voie
chimique, puisque les objets dorés ne sont recouverts que
par une couche d’or excessivement mince. Il ne croit pas
que le dorage au pyrophosphate puisse être substitué
dans nos montagnes au dorage par le mercure, parce
qu’il ne peut pas donner aux pièces, comme ce dernier,
l'aspect connu sous le nom de grainé. Pour que la dorure
soit solide , il faut que l'or soit combiné avec le métal
placé au-dessous de lui, ainsi que cela arrive dans le do-
rage au mercure , et qu'il ne lui soit pas simplement su-
perposé, comme c'est le cas avec les autres procédés de
dorage.
M. le Prof. Sace expose ensuite le procédé de prépara-
tion des cuirs qu’il a découvert cette année, et qui con-
siste à dépiler les peaux vertes avec le polysulfure cal-
cique , à les tanner avec le chlorure zincique , et à les
assouplir avec un sel déliquescent.
Séance du 9 décembre 1847.
Présidence de M. L. CouLon.
-M. le Président dépose sur le bureau deux lettres. La
premiére, des directeurs de la bibliothèque d’Albany,
D De à à
ÉD CREER
— 187 —
qui remercie la Société neuchäteloise pour le don de ses
mémoires. La seconde lettre, du gouvernement de New-
York, annonce, en échange de nos mémoires, l’envoi de
13 volumes ainsi que d'une carte géographique , ayant
trait à l’histoire naturelle de l'Etat de New-York, et pro-
met qu'il nous enverra, à mesure qu'ils seront publiés,
tous les autres volumes de cet important ouvrage.
Ces deux lettres sont accompagnées par une troisième
de notre illustre collègue, M. Agassiz, dont M. le pré-
sident lit à la Société quelques fragments qui l'intéres-
sent au plus haut degré. Les travaux de M. Agassiz por-
tent essentiellement dans ce moment sur l'étude des
animaux marins; il appelle d'une façon toute spéciale
l'attention des naturalistes sur l'étude comparative des
êtres vivants des classes inférieures, qui accompagnent
l'homme en Europe et en Amérique, parce qu'il les croit
différents en réalité, quoiqu'ils aient beaucoup de points
de ressemblance.
Extrait de la lettre de M. Agassiz.
« Je vous serais infiniment obligé si vous vouliez
» bien collecter pour moi tous les animaux qui vivent
» en société de l’homme, ou dans les cultures et sur les
» plantes, que l’on peut: considérer plus ou moins comme
» domestiques. Je désire pouvoir les comparer avec les
»,mêmes espèces de ce pays. Vous savez qu'il y a un as-
» sez grand nombre de plantes et d'animaux qui passent
».pour identiques dans les deux hémisphères. Je me suis
».assuré, à plusieurs reprises, aulant qu'on peut faire
»de pareilles comparaisons de mémoire, ou que les
. » collections que j'ai sous la main, me permettaient de
— 188 —
» le reconnaître, qu'il y a réellement identité; mais,
» toutes les fois que je suis arrivé à ce résultat, je suis
» resté sous l'impression que les espèces en question pou-
vaient bien être des espèces européennes introduites,
accidentellement ou avec intention, par les premiers
» émigrants. Par exemple, les mouches, les vers de terre,
» les limaces des légumes, introduites avec des arbres,
» ou des plantons de choux. Ce sont de ces animaux-là
» que je n'ai pas songé à apporter avec moi, et que je
» voudrais avoir en bon état, afin de pouvoir faire de
» nouvelles comparaisons; puis, les parasites de l’homme,
> des animaux, et certains insectes avec leurs larves. Il
» n'y a pas de doute, je crois, que les papillons cardui,
v atalanta, et antiopa, qu’on trouve ici, ne soient les
> mêmes qu'en Europe; mais, comme on ne les rencontre
» que dans le voisinage des établissements européens, je
» présume que leurs œufs auront été transportés avec les
» plantes sur lesquelles ils vivent, ou même linsecte par
» fait, qui a fort bien pu s’abriter sur quelque vaisseau
» et passer la mer; ce doit être le cas surtout, des indi-
> vidus qui se seraient défendus contre les frimas, en se
» cachant dans l’intérieur des bâtiments à l'ancre, puis
> auraient trouvé de ce côté de l'Océan les plantes dont
> leurs chenilles se nourrissent, et qui ont été importées
» et répandues partout, avec les cultures d'outre-mer. Ce
» qu'il y a de certain, c’est qu'on ne trouve d'identité,
» parmi les insectes, que pour les espèces dont les larves
» se nourrissent de plantes qui ont été introduites dans
» ce pays. Désirant beaucoup faire une nouvelle compa-
raison de ces espèces, je vous prie de m'en procurer
» des œufs, si possible, les chenilles, les chrysalides et
ÿ.
ÿ
ÿ
Re
Rd ne ES Se CAR
2
=
— 189 —
» des exemplaires parfaits, mâles et femelles. Ne laissez
» point passer le printemps sans y songer. Faites-moi
» aussi le plaisir de publier cette observation, afin de
» rendre les entomologistes européens attentifs aux er-
» reurs qu'ils peuvent commettre en décrivant comme es-
» pèces identiques à celles d'Europe, des espèces d'in-
» sectes recueillies dans ce pays qui ne sont pas du tout
» américaines d'origine, mais qui ont-été introduites dans
» ce pays, où elles se sont considérablement multipliées.
» J'ai déjà recueilli des documents très intéressans sur
» les limites qu'occupent les nombreuses espèces de
» plantes qui passent pour indigènes et identiques dans
» les deux continents, et j'espère prouver que la plu-
» part du moins, faute de documents pour oser dire toutes,
» sont des plantes d'Europe introduites en Amérique, et
» qui se répandent et finissent par couvrir le sol, enva-
» hissant le terrain occupé jadis par des plantes indigènes,
» et les faisant successivement disparaître, à peu près de
» la même manière et dans les mêmes proportions que
» la race indienne cède le pas à l'homme blanc, et dispa-
» raît devant la civilisation qui s'implante sur la terre
» des peaux rouges. Quel étrange spectacle, quel phéno-
» mêne inintelligible pour nous dans ce moment! Serions-
» nous arrivés à l'époque de la disparition des races de
» couleur, et allons-nous voir se répéter, dans le genre
» humain, les phases qui ont caractérisé la succession
» des types du règne animal dans les âges géologiques ?
» C’est une impression dont je ne puis plus me défendre,
» depuis que j'ai vu de près les Indiens et les nègres. »
M. Sacc, persuadé que, dans le corps des animaux , il
s'effectue une métamorphose des huiles contenues dans
— 190 —
leur nourriture, en corps gras solides ou suifs, a com-
mencé une série d'expériences sur les graisses, qui l'ont
amené à la conviction qu'il est impossible de transformer
l'acide oléique en acide margarique, par l’action de l'acide
nitrique. Comme la formule de l'acide oléique C36 H33 Os
ne diffère de celle de l'acide margarique C3: H:3 O3, que
par deux équivalents de carbone en plus, rien ne semble
plus aisé que d'obtenir ce dernier en oxydant le premier
pour en séparer son carbone; mais cela est impossible avec
l'acide nitrique dont l’action est si énergique qu’elle mé-
tamorphose d'emblée l'acide oléique en une résine brune,
qui plus tard produit de l’acide subérique. On employa
alors, dans le but de solidifier l'acide oléique, différents au-
tres agents, dont deux amenérent à des résultats remar-
quables ; savoir : que l’eau régale élève le point de fusion
du suif, et le transforme en une matière jaune clair, plus
dure que le suif, et que l’acide sulfurique, employé à dose
peu élevée, donne au suif la propriété de s'emparer de
beaucoup d’eau avec laquelle il forme une masse blanche
et amorphe, qui se dessèche à l'air en se fendillant comme
de l'argile. Un fait curieux est que toutes les chandelles
faites avec des suifs oxydés par l'acide nitrique seul, ou
uni à l’acide sulfurique, avaient une teinte jaune, un point
de fusion plus bas que celui du suif pur, et fumaient
comme si elles contenaient de la résine. Une chandelle
faite avec 3 parties de suif pour une de colophane, donne
une belle flamme rouge et brillante mais très fuligineuse.
Le üissu adipeax de bœuf contient, sur 100 parties:
suif 82, eau 11, tissu cellulaire 7; celui de mouton ren-
ferme : suif 77, eau 16, tissu cellulaire 7. La grande
quantité d'eau qui existe dans ce dernier, vient sans
dé. ds Ci er ms nn, db
ns un 0 L'h , L e
CNRS LE nb | AREA
— 191 —
doute de ce qu'il s’y trouvait plusieurs hydatides, dont le
volume variait depuis celui d’une noix à celui d'un œuf
de poule. Le point de fusion de ces deux suifs était le
même pour Ja partie qui en avait êlé préparée à 1000 C,,
et pour celle qu'on avait extraite à feu nu.
M. Sacc présente le dessin d'un cas d’hermaphrodisme
remarquable observé sur deux pieds de maïs, dont les
fleurs mâles portaient entre elles plusieurs graines bien
conformées. Cette métamorphose des fleurs mâles du
maïs a été observée dans plusieurs parties du pays, et
dans des conditions si différentes qu'il est difficile de re-
monter à sa cause.
Le même fait voir le dessin d’une bouture de Rhipsalis
Swarzii dont les jeunes feuilles portaient à leur base cha-
cune trois écailles, derrière lesquelles se trouvait un fais-
ceau d’étamines plus ou moins nombreuses qui se sont
desséchées sans se faner, après avoir vécu près de six se-
maines. Ces bourgeons ne présentaient d'ailleurs pas de
traces d'autres parties de la fleur.
Séance du 23 décembre 1847.
Présidence de M. L,. CouLon.
M. DuBois de Montpéreux offre, au nom de M. A. de
Nordmann , une notice sur la découverte qu'il vient de
faire d’un riche gisement d'os fossiles dans la Russie Mé-
ridionale et dans le terrain de récente formation. Dans
- une lettre à M. DuBois, M. de Nordmann lui dit, qu'il
croit que les ossements d'ours qu'il a découverts, et qu'il
rapporte à une centaine d'individus, doivent provenir de
deux espèces. M. de Nordmann a découvert aussi beau-
— 192 —
coup d'ossements fossiles sur la montagne de Mitbridate,
à Kertsch, où M. DuBois avait déjà trouvé des coquillages
fossiles. En 1829, M. DuBois a découvert près de Kami-
niek et dans des terrains d’alluvion appartenant au ter-
tiaire moderne, et par conséquent dans les mêmes cir-
constances que M. de Nordmann, beaucoup d'os fossiles,
entre autres des dents de carnassiers qu'il a laissés au
musée de Berlin. Il paraît que ces gisements-là appar-
tiennent à toute la Russie méridionale.
M. Ch. Matthieu présente du chloroforme parfaitement
pur, dont il indique la préparation ainsi que les proprié-
és. Il fait connaître un moyen facile de s'assurer de la
pureté de ce produit ; pur, le chloroforme ne s’enflamme
pas au contact d’un corps en ignilion ; mais il brûle fa-
cilement lorsqu'il est mélangé avec de l'alcool, et surtout
avec de l’éther.
M. de Castella est d'autant pat disposé à substituer le
chloroforme à l’éther, pour obtenir l'insensibilité, qu'il
vient de voir ce dernier produire des accidents graves,
tels que suffocation chez une femme à laquelle il voulait
extirper une loupe.
M. G. de Pury, exposant les moyens d’amorcer les .
mines employées à faire sauter les rochers , fait ressortir
les dangers de chacun d'eux, et développe ensuite tous les
avantages qu'il y aurait à se servir des nouvelles amorces
anglaises récemment introduites en France. Ces amorces
sont des cordes au centre desquelles se trouve une traînée
de poudre à canon, qu'on y introduit en les tissant à l’aide
d'un mécanisme fort ingénieux. Ces amorces sont entou-
rées d'une légère couche de goudron, qu'on augmente
beaucoup lorsqu'elles doivent servir à enflammer des mi-
nine. À Les
Éd Erhen e ss cé. * de
7,
o
dns AS ct ne Éd Sd D EL
ñ
— 193 —
nes sous l’eau. Leur action est parfaitement sûre, puis-
qu'on sait qu'un pied et demi de ces amorces brûle à l'air
en une minute, tandis qu'il faut dans la mine, et pour la
même longueur, une minute et demie ou deux minutes au
plus. Comme ces mêches sont fort solides , elles évitent
l'emploi des épinglettes, ce qui les rend très-économiques.
M. de Pury résumant tous les avantages de ces nouvelles
amorces, croit qu'on ne peut rien avoir de mieux pour
enflammer les mines; mais, M. le prof. Ladame admet
que l’étincelle électrique vaut encore mieux, à cause de
l'instantanéité de son action.
A la suite de cette communication, s'élève une discus-
sion à laquelle prennent part MM. DuBois-Bovet, de
Pourtalés et de Castella, d’où il ressort que l'usage des
aiguillettes de plomb et de cuivre est admis dans ce pays,
au lieu des aiguillettes de fer ; qu'on peut charger les
mines avec du sable et de la terre sans les bourrer , et,
enfin, qu'il est fort désirable que la sollicitude du Gou-
vernement se porte sur les moyens d'éviter les nombreux
accidents auxquels donne lieu chaque année l'explosion
des mines exploitées dans notre pays par l’ancien procédé.
M. de Pury annonce à la société, qui l’apprend avec sa-
tisfaction que, il y a plusieurs années déjà, le Conseil d'É-
tat avait demandé à son prédécesseur, M. Junod, s’il n'y
aurait pas moyen d'éviter les graves accidents qu'occa-
sionne l'explosion des mines, et qu’en conséquence il va
! ’ » je . ce .
. Soccuper de rédiger un rapport circonstancié sur cet objet.
M. le Prof. Succ, en s’aidant des belles planches de l'I-
conographie physiologique de R. Wagner, fait connaître
à la Société la manière dont se forme l'œuf de poule, et
dont il se développe sous l'influence de la chaleur produite
par l'incubation.
— 194 —
Séance du 6 janvier 1848.
Présidence de M. Coulon.
M. le Président annonce qu’on a vu , dans la nuit du
17 au 18 décembre dernier, une belle aurore boréale.
M. le Prof. Sacc fait hommage de son Mémoire sur la
formation et le développement de l'œuf de poule, qui a
obtenu une mention honorable au concours pour le dé-
veloppement de l'œuf, en avril 1847.
Le secrétaire fait lecture des procès-verbaux de la sec-
tion de la Chaux-de-Fonds.
M. Ladame fait une communication sur les consé-
quences que l’on peut tirer des phénomènes optiques de
l'atmosphère, relatifs aux différens états de l’eau dans
l'atmosphère. L'eau peut être : 1° à l’état solide, glacée;
2° à l'état liquide, en gouttes pleines plus ou moins gros-
ses, ou en vésicules à parois plus ou moins épaisses ;
3° à l’état élastique, invisible; 4° dans un état intermé-
diaire entre ces deux derniers, au moment où d’élastique
elle'devient nuageuse,
La présence de l’eau à l’état de solide flottant en cris-
taux, dans l'atmosphère, se démontre pour les nuages
par les phénomènes des halos, des couronnes, etc. , dont
l'explication ne peut se donner sans la supposition de
cristaux neigeux. Quant aux brouillards qui se traînent
au niveau du sol, brouillards qui accompagnent si sou-
vent nos hivers pendant plusieurs semaines , et même
pendant des mois, surtout dans les hautes latitudes, deux
circonstances démontrent qu'ils contiennent aussi l’eau à
CRT A
_ l’état solide, quoique souvent les cristaux neigeux flot-
tans soient si petits qu'ils sont invisibles à l'œil : c’est, en
- premier lieu , la température de ces brouillards qui est
. toujours au-dessous de 0 (quoique ordinairement d’un
très-petit nombre de degrés); or nous ne pouvons admet-
_ tre que l’eau puisse dans ce cas être liquide au dessous
de zéro.
La seconde circonstance qui indique que l’eau flotte à
l'état solide dans ces brouillards, c’est la formation du
givre , qui se dépose en avant de tous les objets que ren-
* contre sur sa route le courant d'air toujours faible qui
porte le brouillard.
Les objets déliés, quelle que soit leur nature, brins
d'herbes, tiges minces d'arbre, poils, cheveux, arêtes vives
de pierre, etc., se couvrent de givre en raison de la libre
irculation de l'air autour de ces objets, de façon que l’a-
bondance du dépôt de givre est en rapport avec cette
“libre circulation de l’air.
- L'observation de la distribution du givre sur les ob-
jets terrestres fait voir que, partout où l'air est gêné ou
“ralenti dans son mouvement, le givre ne se dépose pas;
“ainsi le givre que dépose le brouillard ne se présente pas
“sur le plan des murs, ni sur les gros troncs d'arbres , ni
dans les lieux abrités. M. Ladame avait assimilé précé-
“demment la précipitation du givre sur les objets déliés à
à précipitation des cristaux qui se forment dans les dis-
solutions salines et qui vont se fixer sur les parties ra
_ boteuses et anguleuses des vases ; sans exclure iei cette
-niluence, l'explication qu'il présente aujourd'hui lui pa-
it plus simple, moins obscure dans sa cause et suffi-
_re
— 196 —
L'eau à l’état liquide, en gouttes pleines de différentes
dimensions ou en vésicules creuses à enveloppe d'épais-
seur variable , existe aussi dans l’atmosphère, ce qu'on
démontre, soit par l'observation directe au moyen du mi-
croscope, soit par le phénomène des halos et des arcs-en-
ciel de diverses espèces, tels que l’arc-en-ciel ordinaire,
les arcs surnuméraires, l’arc-en-ciel blanc, etc.
L'arc-en-ciel blanc a été récemment l’objet d'un tra-
vail de M. Bravais, qui en trouve l'explication dans l’é-
paisseur de la couche d’eau qui forme l'enveloppe des vé-
sicules nuageuses.
Quant aux arcs surnuméraires, on doit remarquer
qu'il est inexact d'admettre que ces arcs n'existent que
dans la partie supérieure des ares-en-ciel ordinaires
qu'ils accompagnent quelquefois ; ils paraissent aussi au-
dessous, et alors ils sont surtout développés et pronon-
cés prés de l'horizon ; comme cela résulte d’une observa-
tion faite par M. Ladame, pendant le courant de l'été de
4847, où les arcs surnuméraires ainsi que l'arc ordi-
naire s’arrêtaient brusquement tous deux à environ 20°
au-dessus de l'horizon, sans atteindre ni l’un ni l’autre le
sol ; cette observation a déjà été faite par d’autres per-
sonnes. (Voyez Comptes-Rendus). M. Ladame en donne
l'explication suivante : Les arcs surnuméraires étant dus
à des gouttes d’eau de petites dimensions, ils peuvent se
présenter aussi bien dans la partie extérieure et élevée
de l’arc-en-ciel que dans les parties intérieures et basses:
Car les gouttes d’eau, après s'être formées à une certainé
hauteur , peuvent augmenter de grandeur en descendant
et passer successivement par des états qui donnent lieu:
4° aux arcs surnuméraires et 2° à l’arc-en-ciel ordi-
— 197 —
.
; aire : mais les gouttes d’eau en continuant de tomber
arrivent dans les régions inférieures de l'atmosphère qui,
si elles sont éliaüdes et sèches, comme cela arrive en été,
déterminent l’é évaporation des gouttes d'eau, qui ainsi,
contrairement à ce qui leur est arrivé plus haut, dimi-
nuent de grosseur en descendant. Elles atteignent ainsi
* de nouveau les dimensions convenables pour la formation
des arcs surnuméraires. On peut donc dire que, dans cer
. tains cas donnés, il ne pleut que dans une région de l’at-
mosphère d’une certaine hauteur et d’une certaine épais-
- seur. Dès-lors, si le phénomène des arcs surnuméraires
Le était complet, on les verrait entourer l'arc-en-ciel ordi-
naire, savoir : dans sa partie extérieure et supérieure, et
dans sa partie intérieure et près de l'horizon où les uns
| et les autres devraient se terminer brusquement, comme
l'indique l'observation citée. -
| Quant à l’état que présente l'eau au moment où elle
passe de l’état gazeux invisible à l’état nuageux , M. La-
- dame, après avoir rappelé les observations de M. Forbes,
- qui a rattaché à cet état intermédiaire de la vapeur d’eau,
- l'explication des colorations rouges des crépuscules, dit
» qu'il avait observé accidentellement ce fait en 1832, en
- plongeant une bougie allumée dans un grand flacon qui,
* rempli d'eau chaude venait d’être vidé. La coloration était
- si remarquable, que souvent dès-lors il a exposé dans
_ses cours cette opinion, mais toujours cependant sous
| une forme dubitative , car il n’a jamais pu reproduire le
- fait qui l'avait frappé, et dès-lors il craignait que quelque
. circonstance autre que la présence de l’eau ne fût la cause
. du phénomène observé.
M. le Prof. Sacc cherche à mettre en évidence tous les
avantages qu'il y aurait à stimuler le zèle de nos indus-
— 198 —
triels, en fondant, de concert avec la Société d'Emulation
Patriotique, une exposition des produits de l’industrie du
pays ; destinée à leur fournir de nouveaux débouchés et
à en favoriser le perfectionnement par des récompenses.
Répondant à cette question, M. DuBois-Bovet informe
la Société que l'utilité d'une semblable exposition a été
discutée déjà dans le sein du conseil d'Etat et dans celui
de la Société d'Emulation Patriotique, et trouvée bien
faible tant en raison de la rivalité des Montagnes et du
Vignoble, qu'à cause de celle qui règne entre les hommes
cultivant une même branche d'industrie, et qui ont tout
intérêt à cacher à leurs concurrents les progrès qu'ils lui
font faire, parce qu’ils ne peuvent pas, en Suisse, s’as-
surer la propriété de leurs découvertes par des brevets
d'invention.
M. Ladame demande si quelque personne de la section
statistique ne pourrait pas continuer à présent les ta-
bleaux du mouvement de la population du pays qu'avait
commencés , il y a quelques années, feu M. le trésorier-
géneral de Montmollin, et dont l'utilité est si grande sous
tous les rapports. M. DuBois-Bovet répond que rien n'est
plus facile et qu'il suffit de prendre connaissance du re-
levé de la population des communes du pays que le gou-
vernement fait faire chaque année.
M. le D' Borel, après avoir fait l’histoire de l’applica-
tion du chloroforme et avoir décrit les avantages qu'il a
sur l’éther, décrit une opération dans laquelle il vient
d'employer avec succès cet agent. Le sujet de l’observa-
tion est un homme fort, d'une quarantaine d'années, au-
quel on voulait appliquer sur la cuisse un cautère lunu-
|
|
— 199 —
laire de neuf lignes de diamètre, pendant vingt secondes.
On introduisit le chloroforme dans la cavité d’une éponge
qu'on plaça sous le nez du patient dont on couvrit la tête
avec une serviette. Au bout de 3 à 3 minutes et demie,
le malade, qui n'avait éprouvé d'autres symptômes de
l’action du chloroforme qu’une accélération du pouls, fut
pris de crispations dans les mains , auxquelles succéda
aussitôt une insensibilité si complète , que l'opération se
fit sans la moindre douleur. Le malade n'avait aspiré
que un à un et demi gros de chloroforme. D’après cette
expérience on pourrait croire qu'avant de détruire la sen-
sibilité , le chloroforme surexite puissamment le système
musculaire, absolument de même que l'éther le fait chez
les hommes , tandis que chez les femmes l’éther abat les
force d'une manière continue et si totale, que M. Borel a
pu enlever une tumeur cancéreuse située à la base du nez
d'une personne âgée, avec tout autant de facilité que s’il
avait opéré sur un cadavre. La communication de M. Bo-
rel en appelle deux autres, l’une de M. Ch. Matthieu, qui
apprend que M. le D' de Castella , en rendant l'appareil
inhalatoire du chloroforme aussi parfait que possible, a
produit, au bout d'une seule minute, une insensibilité qui
a duré cinq minutes ; l’autre est de M. Ladame qui rap-
pelle qu'on n’a pas encore épuisé la liste des corps capa-
» bles de produire l’insensibilité ; il se borne à signaler
parmi eux, l'hydrogène, qui, d'après les expériences de
Pilatre des Roziers, endort rapidement les animaux qu'on
y plonge, lorsqu'on le substitue au nitrogène de l'air.
— Répondant ensuite à une observation de M. le D' Borel,
— qui a vu le chloroforme venir quelquefois à la surface de
— l'eau quoiqu'il soit beaucoup plus lourd qu’elle, il attribu :
— 200 —
ce phénomène à ce que le chloroforme n'étant pas mouillé
par l’eau, la légère couche d’air qui l'entoure en diminue
._ assez le poids spécifique, pour lui permettre de surnager
l'eau.
Rendant compte du beau travail de M. Lorry, sur la
physiologie des orobanches, le Prof. Sacc s'attache à faire
ressortir combien est anormale l’action que ces curieux
végétaux exercent sur l'air, puisqu'elle est identiquement
la même que celle des animaux. Les orobanches consti-
tuent dans le règne végétal, relativement à son action sur
l'air atmosphérique, une anomalie correspondant sous
tous les rapports à celle que produisent les infusoires dans
le règne animal.
Séance du 20 Janvier 1848.
Présidence de M. L. CouLox.
Le Secrétaire lit le procès-verbal de la séance du 30
décembre 1847 de la section de la Chaux-de-Fonds.
M. le Prof. Sacc indique la composition du minérai
de fer exploité actuellement dans l'Etat de New-York
par M. Suchard. Cette analyse a été exécutée avec le
plus grand soin, dans son laboratoire, par M. A. Forel,
de Morges, qui a trouvé dans ce minérai :
acide silicique . 10,46
oxyde ferrique . ‘74,21
oxyde calcique . 9,46
oxyde magnésique 0,54
acide carbonique . 5,33
100,00
— 201 —
Ce minerai appartient donc aux plus riches de ce
genre. Cette analyse appelle une communication fort
intéressante de M. DuBois-Bovet, sur la nature et l’ex-
ploitation des célèbres minerais de fer de l'île d'Elbe.
M. le Prof. Sacc offre ensuite aux membres de la So-
ciété des graines de maïs quarantain, dont il présente
deux épis pris dans sa récolte de l’année derniére. Ce
* maïs offre sur l'espèce commune l'avantage d’effriter
moins le sol, et de résister sans peine à l'effort des vents,
à cause de sa taille peu élevée. La végétation de cette
jolie et utile plante s’est effectuée juste en 3 mois,
Passant en revue les belles expériences faites par Fa-
raday pour s'assurer de l’action qu'exerce le magnétisme
sur tous les corps, M. le Prof. Ladame rappelle que ce
savant a pu partager à l’aide de l’aimant tous les corps
connus, en trois classes. A la première classe appartien-
nent les corps, qui, comme le fer, mis entre les pôles de
l'aimant, s'y placent parallèlement à son axe; à la se-
conde, ceux qui le coupent à angle droit ; et, à la troi-
sième, ceux qui le coupent aussi à angle droit, mais
qui sont repoussés par l'un et par l’autre des pôles. De
là vient qu’en saupoudrant une feuille de papier placée
sur le pôle circulaire d'un aimant avec de la limaille de
fer, elle se porte toute entière à sa. périphérie; tandis
que la limaille de bismuth, appartenant à la seconde
classe semble la fuir et se rend toute entière en deçà,
vers le centre du pôle, ou au delà de sa périphérie, qui
exerce sur elle une force répulsive. A la 3% classe ap-
… partiennent tous les liquides, les gaz et les matières vé-
gétales et animales.
BULL. DES SC. NATUR. TOM, II, 15
— 202 —
M. le Prof. Sacc expose les caractères des calcaires
hydrauliques, la manière de les essayer, de les cuire et
de se servir des chaux qu’on en extrait ; il décrit encore
la manière de fabriquer les chaux hydrauliques artifi-
cielles, avec de la chaux grasse et de la poudre de brique.
Il est fort à désirer que les mortiers hydrauliqnes soient
plus employés qu'ils ne l'ont été jusqu'ici dans notre pays,
dont le climat humide fait trop souvent sentir toute l’im-
perfection de nos mortiers ordinaires.
Le même insiste sur tous les avantages qu’on trouverait
à durcir les enduits de plâtre en les badigeonnant avec
use solution d’alun, de savon, ou de verre soluble.
M. Coulon, père, observe que le mortier des Romains
ne contient pas de poudre de briques, mais des frag-
ments de cette malière qui paraissent remplir le même
rôle que le sable de nos mortiers ordinaires. Il a vu aussi
près de Manchester les restes d’un camp romain dont le
ciment contient des morceaux de bois très-bien conser-
vés. Plusieurs membres de la société rappellent que,
quoique le mortier obtenu en gachant la chaux avec de
la sciure de bois, au lieu de sable, reste très-friable, 1l
est fréquemment employé pour défendre les maisons
contre la pluie, à laquelle il résiste mieux que le mortier
fait avec du sable.
S'éance du 3 février 1848.
Présidence de M. L. CouLon.
M. G. de Pury présente à la Société les deux espèces
de mèches qu’il a proposées précédemment pour mettre
le feu aux mines ; l’une est destinée aux terrains secs,
l’autre à ceux qui sont fort humides.
nl Lésnttnani nid nette dd
— 203 —
M. le Dr de Castella décrit une nouvelle opération qu'il
vient de faire avec succès, en enlevant la douleur à l’aide
du chloroforme. Il s'agit d’un jeune homme qui s'était
brisé le col du radius en tombant à terre; la fracture
fut pansée par un miége, qui appliqua sur le membre
malade un bandage assez serré pour y faire naître Ja
gangrène qui gagna tout le bras, dont elle nécessita
l'amputation. Soumis à l’inhalation du chloroforme, le
malade perdit tout sentiment après 11/2 à 2 minutes,
après avoir absorbé environ 1 gros de ce liquide; mais,
on dut bientôt lui rendre de l'air, parce que sa bouche
pleine d'écume semblait annoncer une asphyxie immi-
nente , qui, heureusement, n'eut pas lieu. Le sang qui
coula pendant l’opération était bien vermeil ; le malade
ne donna aucun signe de douleur , si ce n’est à la fin de
l'opération , au moment où on traversa la peau avec une
aiguille pour la ramener sur les chairs. Mr de Castella
s'élève, à l’occasion de ce nouveau malheur, contre la
dangereuse tolérance accordée par le gouvernement à
tous les miéges, sous prétexte que chacun est responsable
de ses actes ; en effet, quel dédommagement l’auteur du
mal pourrait-il offrir au pauvre amputé !
M. le Prof. Sacc, étudiant ensuite les causes d’altéra-
tion des eaux de puits du bas de la ville, les trouve
sans cesse agissantes dans la décomposition lente des
substances organiques que les puisards amènent au des
sous de la surface du sol. Cet empoisonnement des eaux
na pas seulement lieu pour celles qui sont les plus rap-
prochées des foyers d'infection, elle peut s'étendre fort
loin toutes les fois que les puits prennent leur eau dans
— 204 —
une seule et même nappe de liquide, comme c’est le cas
pour la plupart des puits du bas de la ville, qui sont
alimentés, presque (ous, par les seules eaux du lac. Quoi-
que le mal soit déjà fort grand, il s’aggravera encore
avec les années, et l'on ne pourra s'opposer aux ravages
qu'il ne peut manquer de causer dans la santé publique,
qu'en assainissant ces eaux par la filtration à travers le
charbon pilé et l’exposition subséquente à l'air, afin de
leur rendre Foxygène qu'elles doivent tenir en dissolution,
pour que leur digestion soit facile.
Cette communication amène une discussion à laquelle
prennent part plusieurs membres, et qui se termine par
l'avis que donne à la Société M. Carbonnier, président de
la commission des travaux publics, que la Ville va faire
établir des fontaines alimentées par les sources de l’Ecluse
dans toutes les rues où il n’y en a pas encore.
M. le Président annonce à la Société qu’il a reçu deux
jaseurs de Bohême pris au lacet par M. de Merveilleux.
C'était une paire qu’il prétend avoir vue déjà en au-
tomne.
Le même lit ensuite quelques fragments de la Revue
Zoologique , d’où il résulte que les mœurs du pingouin
royal (aptenodytes patagonica) différent beaucoup de celles
des autres espèces de ce genre, surtout en ce qu'au lieu
de couver ses œufs dans un nid, ce pingouin, qui ne pond
qu’un seul œuf, le porte, pendant toute la durée de l'in-
cubation, dans un repli de la peau à la surface interne
des cuisses. Ce pli s’efface aussitôt qu'on en a sorti
l'œuf. Cet exemple est encore le seul connu d'incubation
sur le corps des oiseaux; il y en a par contre plusieurs
de transport des œufs.
M
A
‘la = 4 =
Séance du 17 février 1848.
Présidence de M. Louis Coulon.
M. le Président annonce qu'il a passé une très-grande
quantité de jaseurs de Bohème dans toutes les gorges du
Doubs, où on n’en avait pas vu depuis 1806.
Le même lit un passage d’une lettre de M. Aug. Vouga
dans laquelle il dit qu'on doit ranger dans notre faune les
Emberyza nivalis et hortulana, puisqu'il a tué une paire
adulte de chacune de ces deux espêces : la première en
Janvier de cette année, et la seconde au mois d'Avril de
l'année derniére. 11 ajoute avoir déjà trouvé, sur notre
marché , l'Emberyza nivalis, mais il venait de F ribourg.
M. le Président dit avoir reçu de M. Guébhard un beau
castor pris récemment sur ses terres, dans une ile du
Rhône où on trouve quelquefois cet animal. Le castoreurn
qu'on en a extrait était magnifique.
M. le prof. Ladame présente au nom de M. Favre une
collection de champignons peints par lui-même avec une
rare perfection, et recueillis presque tous dans es envi-
rons de la Chaux-de-Fonds. La plupart d'entr'eux sont
reproduits dans leur position naturelle , puis renversés
et en coupe ; leurs noms sont bien exacts puisque tous
ont été déterminés par M. Trog. Comme M. Favre soumet
son (ravail à l'examen de la Société, M. Coulon, père,
tout en lui donnant les éloges qu'il mérite, aurait désiré
Voir reproduire sous un grossissement assez fort les ca-
ractères botaniques des petites espèces. Il insiste sur l’u-
lilité que présente une semblable iconographie en géné-
ral, puisqu'on ne peut pas conserver les champignons, et,
en particulier pour notre pays qui est peut-être le plus
— 206 —
riche d'Europe en végétaux de cette classe. M. Coulon,
fils, désire que M. Favre joigne à chaque espèce l’indica-
tion de la localité où 1l l’a trouvée.
Les belles planches peintes de M. Favre représentent:
71 espèces d'agaricus , 6 de coprinus, 6 de cortinarius,
1 de paxillus, 7 d'hygrophorus ,.10 de lactarius, 8 de
russula, { de cantharellus, # de marasmius, 1 de panus,
1 de schyzophyllum , 2 de lenzites, 7 de boletus, 6 de
polyporus, 2 de dœdalea, 2 de merulius, 3 d'hydnum,
3 de craterellus, 2 de stéreum, 1 d’auricularia, { de gué-
pinia, 7 de clavaria, 1 de calocera, 1 de spatularia, 2 de
tremella, { de dacrymyces, 2 de morchella, 3 d'helvella,
10 de peziza, 2 de leotia, 1 de bulgaria, 3 de sphæria,
1 de nœmaspora, 3 de nidularia, 1 de geaster, { de bo-
vista, 4 de lycoperdon, 1 de lycogala, 1 de licea, { de
sclérotinus, et 4 de xyloma, ensemble 192 espèces, dont
M. Favre a figuré 2 ou même 3 individus de chaque
espèce, toutes les fois qu’ils présentaient entr'eux d'inté-
ressantes variétés.
M. Ladame continue l'exposition de la théorie de la
formation de la rosée telle que l’a développée M. Melloni
dans ses derniers travaux.
Séance du 6 Avril 1848.
Présidence de M. L. CouLon.
M. Th. de Meuron dit quelques mots d'un travail qu'il
prépare et dans lequel il cherche à fixer quelle étendue
de forêts on doit exploiter pour fournir au vignoble la
quantité d'échalas qu'il consomme annuellement. Cette
communication, en signalant une cause très-puissante de
destruction des bois suisses , en appelle deux autres de
— 207 —
MM. de Castella et Louis Coulon, qui voient dans les
genèts et certaines petites espèces de saules de véritables
obstacles au développement des forêts du canton de Fri-
bourg et de plusieurs autres parties des Alpes. Cette ob-
servation est fortement appuyée par M. Th. de Meuron
qui a vu dans le grand-duché de Baden les genêts s’em-
parer de toutes les coupes de bois aussitôt après l'abattis.
M. Louis Coulon croit que le moyen d'empêcher le dé-
veloppement si rapide de ces arbustes consisterait à favo-
riser celui des arbres forestiers en mettant sur les racines
de ceux que l'on plante des cendres de gazon.
Après avoir décrit les applications et le procédé de fa-
brication de la soude artificielle, M. le Prof. Sacc dit
qu'il est fautif, en ce qu'il fait employer en pure perte
des masses vraiment énormes de soufre. Cherchant à le
remplacer par un autre plus simple et capable de faire
retrouver le soufre employé, il l'a trouvé dans le mé-
lange d’un équivalent de chlorure sodique avec cinq
équivalents d'oxyde plombique et assez d’eau pour faire
du tout une pâte épaisse. Dans ces circonstances, il se,
forme pour chaque équivalent de soude caustique abso-
lument pure, un équivalent de chloroxyde plombique
CLPb, 4 O Ph qui, calciné, produit un magnifique jaune
de Naples. Ce composé, traité par cinq équivalents d'a-
cide sulfurique, produit un équivalent de chloride hydri-
que et cinq équivalents de sulfate plombique, qui, calcinés
avec cinq équivalents de sulfure plombique, produisent
10 équivalents de plomb métallique, et dix équivalents
d'acide sulfureux, qui peut être employé directement à la
fabrication de l'acide sulfurique, ensorte que ce procédé
permet de faire rentrer constamment dans la fabrication
— 208 —
le même soufre; malheureusement le prix élevé de la
litharge s'oppose encore à son application en grand.
Le même communique à la Société les intéressantes
observations faites par M. le D' Martins sur l’Arvicola
nivalis, charmante espèce de souris herbivore qui habite
les Hautes Alpes et ne s'engourdit pas durant l'hiver.
Cet animal ne descend point dans la plaine parce qu'il y.
fait trop froid; la température deson terrier ne s’abaisse
jamais au-dessous de + 4° à+ 59°; à 0° il meurt ; ensorte
que s’il n'habite que les Hautes Alpes, c'est qu'il est plus
frileux que ses congénères.
M. le D' de Castella fait part à la Société des réflexions
que lui ont suggéré le mémoire lu derniérement par M. le
Pr. Bouillaud à l'académie de médecine de Paris. Ce savant
a cherché dans les séances des 22 février et 7 mars dernier,
à prouver que le sens du langage articulé, et le principe
coordinateur des mouvements de la parole résident dans
les lobes antérieurs du cerveau. À l'appui de son opi-
nion, il cite plusieurs observations. M. Rochoux combat-
tit l'opinion de M. Bouillaud et cita plusieurs cas dans
lesquels il a vu les lobes antérieurs du cerveau profon-
dément altérés, sans que la faculté de la parole en eût
souffert ; tout récemment, nous avons observé un abcès
enkysté du lobe antérieur du cerveau du côté gauche,
qui a produit la cécité sans ôter la parole. Marguerite
Knopp, âgée de 18 ans et d’une bonne constitution, a eu,
au mois de Septembre dernier, un érisypèle de la face,
qui l’a forcée de quitter son service de femme-de-chambre
à Besançon. Admise à l'hôpital de cette ville, elle y a
été soignée et renvoyée comme convalescente , quoique
conservant une violente céphalalgie et un peu de bouffis-
ee D 2 ss cé di né run, |
es
— 209 — s
sure à la face. Revenue chez ses parents à Neuchâtel, elle
_a continué à éprouver de la céphalalgie ; des crises ner-
veuses se sont manifestées ; la vue s’est affaiblie et elle fut
obligée de garder le lit. Admise à l'hôpital Pourtalés, le
12 Décembre 1847, elle a offert les symptômes suivans:
face bouffie un peu injectée, vue affaiblie de l'œil gauche,
pupille un peu dilatée, l’œil droit est à-peu-près dans l’état
normal ; céphalalgie, particulièrement au front et à l’oc-
ciput ; fonctions intellectuelles dans une intégrité parfaite,
réponses exactes et nul embarras dans la parole; peu de
sommeil , encore est-il interrompu par des rèves ; il n’y a
point de paralysie, mais la malade a de la peine à se tenir
debout ; le toucher est obtus, et il y a des fourmillemens
au bout des doigts; la respiration est libre, le pouls est
à 90 ; les fonctions digestives sont affaiblies ; la constipa-
tion habituelle, et les règles n’ont pas reparu depuis l’é-
risypéle. Des crises nerveuses se manifestent fréquem-
ment, mais irréguliérement ; la tête se porte tout-à-coup
en arrière ; il y a immobilité de tout le corps et perte to-
tale de connaissance. Cet état cataleptique ne dure que
quelques minutes. Un traitement dérivatif, des sangsues
derrière les oreilles, des ventouses aux reins et aux
cuisses, de légers purgatifs, un séton à la nuque, ont di-
minué pendant un moment la céphalalgie et éloigné les
crises nerveuses. Le 45 janvier 1848, la vue était com-
plètement perdue de l'œil gauche; l'œil droit s’affaiblis-
sait considérablement; la parole était toujours libre, ainsi
que les facultés intellectuelles, mais les crises cataleptiques
redevenaient plus fréquentes ; la malade ne pouvait plus
rester dans son lit; on opéra alors, mais sans succès, la
cautérisation frontale avec la pommade de Goudret. Dans
— 210 —
les premiers jours de février, un état comateux se mani-
festa ; le #, la parole et l’entendement sont tout-à-fait
anéantis, et la malade succombe le 5, dans la matinée.
Autopsie. Méninges injectées, cerveau ramolli; à la
partie antérieure de l'hémisphère gauche se trouve un
abcès enkysté, du volume d’un œuf de poule, rempli d'un
pus verdâtre qui s’est écoulé en grande abondance lors-
qu'on eut enlevé les méninges. Le kyste a une ligne d’é-
paisseur, et résiste assez fortement partout, excepté à sa
partie supérieure où il était plus mince et où il s’est dé-
chiré. On l’a séparé avec facilité de la substance du cer-
veau ; il comprimait les nerfs optiques et avait fait
perdre la vue à la malade, tandis que la parole n'avait
point été altérée jusqu'aux derniers jours de la vie, où
l'inflammation et le ramollissement du cerveau ont
éteint à la fois toutes les fonctions vitales.
Séance du 27 Avril 1848.
Présidence de M. L. CouLon.
M. le président dit qu’une lettre de M. Agassiz, datée
de Cambridge, près de Boston, annonce l’arrivée de deux
envois d'animaux, destinés aux musées de Neuchâtel et
de Berlin, et qu'il fera lui-même la part de chacun de
ces deux établissements.
M. le Prof. Guyot communique quelques lettres de M.
Desor, contenant des détails sur le système glaciaire de
l'Amérique du Nord.
M. le Prof. Ladame lit le rapport suivant , contenant
l'exposé des recherches que le Gouvernement lui a de-
mandées sur l’asphalte du Val-de-Travers. L'exploitation,
CPE
PTS
LI
nds int tb bé es à fn ps
12 ‘
Dr. Mdr À :
a C0 SC A LD
— 211 —
qu’on faisait jadis sur la rive gauche de la Reuse, se
poursuit actuellement sur la rive droite. On y trouve
deux bancs d’asphalte séparés par une couche non as-
phaltée. Pour utiliser cet asphalte, on le moud sous des
meules verticales mues à l’aide d'une machine à vapeur.
Après l'avoir desséché, on le mêle avec 3'/2 0/, de gou-
dron minéral qui brûle sans laisser presque de résidu.
On fait bouillir le mélange pendant 6 heures, en le re-
muant sans cesse, puis on le coule dans des formes où
on le laisse refroidir pendant 24 heures. Dans cette opé-
ration, on perd 4°}, de la substance, puisque 100 de
roche en poudre et 3'/2 de goudron donnent un peu plus
de 96 de mastic. Les produits volatils , qui se dégagent
de l’asphalte lorsqu'on le chauffe, varient avec le degré
de chaleur qu'on lui applique ; c’est une espèce de naphte.
La roche asphaltée a été analysée :
1° en la chauffant assez pour dégager la totalité de la
substance organique, sans toutefois décomposer le carbo-
nale calcique avec lequel elle est mélangée.
2° En la traïiant à froid par l'essence de térében—
thine, qui enlève en demi heure au minéral la totalité
de l'asphalte; ce qui prouve, suivant M. Ladame, que
la matière noire qui colore l’asphalte n’est pas due à du
charbon en nature. Les morceaux riches et desséchés à
l'air donnent 15 ‘/2 °/, de matière organique, la roche
commune rend de 7 à 9°}. |
On extrait de la mine d’asphalte, non seulement une
huile essentielle volatile qui dissout encore mieux l'as
phalte que l'essence de thérébenthine, mais aussi un
goudron noir, tenace et compacte, qui pourra sans doute
bientôt affranchir la fabrique de l'achat de goudron. On
— 212 —
a voulu aussi en faire du gaz d'éclairage, mais comme le
produit est faible, que les frais sont considérables, puis-
qu'il faut chauffer une grande masse de matière inerte,
savoir la roche, et que le gaz est impur et très odorant, il
contient du sulfhydrate ammonique, on ne donnera sans
doute pas suite à cette idée.
M. Ladame croit que l’asphalte est formé par la vola-
Ailisation de substances végétales placées au dessous des
bancs où existe ce minéral. L’ammoniaque et les sul-
fates contenus dans l’asphalte ne suffisent point pour
faire admettre que des matières animales ont pris part à
la formation de cette substance ; il faudrait, pour en être
sûr, y avoir découvert des principes phosphorés.
M. le Dr de Castella annonce qu'il vient de réduire
avec le plus grand succès, et sans aucune douleur , une
hernie étranglée, après avoir mis le malade ‘sous l'in-
fluence du chloroforme.
Séance du 11 Mar 1848.
Présidence de M. L. CouLon.
M. leProf. Sacc, pour prouver toute l'utilité qu'on peut
retirer de l'étude des sciences naturelles, surtout dans
les temps de troubles, lit les belles pages écrites sur ce
sujet par Fourcroy, dans l’introduction à son système
des connaissances chimiques.
Le même présente un échantillon d’un nouveau produit
de l'industrie alsacienne; c’est de la ouate comprimée
jusqu’à l'épaisseur d’une feuille de papier , puis gommée
“et imprimée de manière à simuler la toile peinte, et à
pouvoir lui être substituée dans certains cas.
71".
DD CRC af. tn daté
ON SE ns ne € D
2-3 MP Sp, © RME
EL.
— 213 —
M. le Prof. Ladame développe les considérations sui-
vantes sur la philosophie des mathématiques.
Les sciences se divisent en différens embranchemens,
d'après les divers points de vue sous lesquels on peut en-
visager les objets qui constituent le domaine de l'inves-
tigation de l'homme. Prenons par exemple un ahimal :
nous pouvons rechercher quels sont les caractères qui le
distinguent de tous les autres êtres du monde matériel,
la science qui s'occupe de cette recherche est la zoologie;
si nous examinons ensuite la disposition de toutes les
parties qui le composent, nous aurons l'anatomie ; lé
tude des fonctions de ces parties nous donne la physiolo-
gie, celle des altérations de composition que ces parties
subissent sous l'influence de la vie, nous conduit à la
chimie, etc.
Les mathématiques ont aussi un point de vue parti-
culier, celui de /a quantité, de la grandeur. L'indication
de ce point de vue, donne la définition de cette branche
d'étude qu’on peut énoncer en disant: les mathématiques
s'occupent de toutés les questions relatives aux quantités
ou de tout ce qui est susceptible d'augmentation ou de
diminution.
La quantité peut être considérée dans sa nature comme
quand on dit 3 mètres T kilogrammes, on dit alors que la
quantité est concrête. DIET
* La quantité peut aussi être considérée d’une manière
abstraite, sans désigner son espèce, comme quand on
dit 3, 7, 1°, etc. , la quantité est alors abstraite.
‘Il résulte de là deux classes de sciences mathémati-
ques : | |
1° Celles qui n’envisagent que les quantités abstraites,
ce sont les mathématiques pures ;
— 214 —
.2° Celles qui s'occupent des quantités concrètes, ce
sont les mathématiques appliquées ou mixtes, qui se di-
visent naturellement en autant de branches qu'il y a d’es-
pèces de quantités.
Les mathématiques pures comprennent 3 parties, sa-
voir : arithmétique, l'algébre et le calcul infinitésimal.
Cette division se justifie par les considérations suivantes.
Nous ne nous formons une idée exacte de la grandeur
des quantités que par la comparaison, cette comparaison
s'appelle mesurer. Le résultat de cette comparaison s'ap-
pelle un nombre.
Les quantités sont infinies dans la variété de leur
grandeur : il y a donc une infinité de nombres, s’il avait
fallu les nommer tous avec des noms différens et les écrire
avec des caractères particuliers , on n’y serait pas par-
venu ; de là la nécessité d'une méthode pour nommer et
écrire les nombres. L'ensemble des conventions faites pour
parler et écrire les nombres constitue la numération, qui
se divise par conséquent en numéralion parlée et en nu-
mération écrite. Ces conventions sont d'une admirable
simplicité ; on peut les exposer en quelques lignes.
La numération parlée est la même pour tous les peu-
ples. Elle comprend deux espèces de mots : 1° Des mots
pour énoncer l’espèce et la grandeur des quantités prises
pour termes de comparaison (unités): tels sont mètre,
litre, kilogramme, hieue, franc, calorie, dyname, elc., pour
l'espèce d'unité, et dix, cent, mille, million, etc., pour la
grandeur relative des unités. Le nombre de ces mots
n'est pas limité, il est subordonné aux besoins.
20 Des mots pour énoncer la réunion des unités de
même grandeur: ce sont un, deux, trois, quatre, cinq,
six, sept, huit, neuf; ils sont au nombre de neuf.
4
LL LT À Éh. S
EU, Le otth é un ND dS
— 215 —
La numération écrite devait faire deux choses, savoir
indiquer par des caractères appelés chiffres,
1° La grandeur des unités ;
2° La réunion des unités de même grandeur.
Tous les peuples n’ont pas résolu le problème de la
même manière. Les uns comme les Romains, Grecs, etc.,
avaient des caractères qui n’indiquaient que la grandeur
des unités, ce sont I, X, C, M; lorsqu'ils voulaient mar-
quer la réunion des unités de même grandeur , ils ré-
pétaient le même caractère autant de fois que cela était
nécessaire: ainsi pour trois cen(s ils mettaient trois C à
a suite l’un de l’autre. Cependant les chiffres V, L, D,
ndiquaient la réunion d'unités de même grandeur, mais
ls avaient comme les autres chiffres un sens absolu: ils
ne désignaient pas autre chose que des réunions d'unités
‘ondamentales de dizaines ou de centaines.
Cette numération a été suivie en Europe pendant long-
temps, c'était un héritage du monde romain ; mais elle
a disparu peu-à-peu et ce n'est plus que rarement qu’on
s’en sert pour indiquer par exemple le millésime des an-
nées. Elle a été remplacée par une autre numération
bien autrement commode et féconde : c’est la numération
indo-arabe. Dans celle-ci les caractères indiquent seule-
ment la réunion des unités de même grandeur, et comme
nous avons vu qu'il y avait neuf mots pour cela, on n’a
eu besoin que de neuf caractères qui sont : 1,2, 3,4,
5,6,7,8,9.
Pour marquer ensuite la grandeur des unités, on s’est
servi de dénominateurs :
Les dénominateurs sont de trois espèces :
a) L'espèce d'unité a été indiquée par un mot écrit en
toutes lettres , comme 3 pieds, 8 pouces, 5 lignes.
— 216: —
b) La dénomination de la grandeur des unités a été
marquée par lé rang des chiffres ; en convenant qu'un
chiffre placé à la gauche d’un autre indiquait des unités
dix fois plus grandes. Ce second mode a nécessité l’intro-
duction d’un nouveau chiffre, le 0, et de la virgule, le zéro
pour conserver à chaque chiffre son rang quand des uni-
tés de quelques ordres manquaient, la virgule se place
à la droite du chiffre qui marque les unités fondamen-
tales, ou de départ.
c) Le troisième mode de dénomination s'applique seu-
lement aux unités plus petites que l’unité fondamentale,
on indique la grandeur de ces unités par un nombre qui
fait connaître combien ces unités entrent de fois dans l’u-
nité fondamentale ; ce nombre se place dessous ou à
droite du nombre qui marque la réunion de ces "unités;
on sépare ces deux nombres par une barre.
La numération écrite une fois inventée, on a appelé
arithmétique, ou arithmologie, cette partie des mathé-
maliques qui s'occupe des opérations à faire sur les nom-—
bres , en tenant compte des conventions faites pour les écrire.
L’arithmétique romaine était donc autre chose que l'a-
rithmétique moderne. Les conventions des Romains n'é-
taient point fécondes ; on peut dire que les anciens n’a-
vaient pas d'arithmétique, car ils n'avaient point de
méthodes simples et faciles pour multiplier, diviser , ex-
traire les racines, etc. L’arithmétique est donc toute
moderne. C’est une pensée qu'il faut bien faire ressortir
car toutes les opérations arithmétiques sont une consé-
quence et un corollaire de l’idée fondamentale qui pré-
side à la numération écrite.
Les quantités soutiennent entr'elles des relations nom- |
breuses et souvent très-compliquées ; c'est ainsi que l’in-
— 917 —
térêt d'un capital est proportionnel à la grandeur du ca-
pital ; la surface d’une figure dépend de sa longueur et
de sa largeur; le poids d’un corps est une conséquence
de la quantité de matière qu'il contient et de l'intensité
de la pesanteur. La température d’un point de l'espace
dépend de la distance des corps chauds, de leurs dimen-
sions, de la quantité de chaleur qu'ils envoient, de la
plus ou moins grande transparence ou conducibilité des
corps intermédiaires, et enfin de la faculté qu'il a de re-
- cevoir la chaleur , etc.
, L'algèbre qui est la seconde partie des mathématiques
pures, s'occupe des moyens d'écrire les relations que les
quantités soutiennent les unes avec les autres et des trans-
formations que peuvent subir ces relations écrites (for-
mules).
Les quantités ne sont point constantes dans leurs gran-
deurs ; mais en vertu de leurs dépendances, un change-
ment qui survient dans l'une d'elles se répercute ou se
fait sentir dans les autres; c’est ainsi que la température
d'un point de l'espace change, si celle d’un seul des corps
qui l'entoure vient à varier.
Il y a une branche des sciences mathématiques qui
s'occupe de la recherche des rapports de variations entre
les quantités quand on connaît les relations mêmes ; c’est
le calcul différentiel: et réciproquement de trouver les rela-
lations qui existent entre les quantités lorsqu'on connaît
les rapports de leurs variations, c'est le caleul intégral.
. Ces deux calculs, le différentiel et l'intégral, sont com-
pris sous une même dénomination, celle de calcul infini
“ tésimal ou des fluxions.
4 ; 16
ee Je
On comprend que ce calcul soit d’une application fré-
quente dans les sciences physiques : car le monde ma-
tériel nous présente des variations continuelles. Dans le
plus grand nombre des cas, nous n’apprécions que les
changemens qui surviennent dans la grandeur des quan-
liés, et nous devons en déduire les relations qui subsis-
tent entre les quantités elles-mêmes.
Si les sciences mathématiques rendent d'éminents ser -
vices aux sciences physiques, celles-ci à leur tour con-
tribuent puissamment au développement des premières ;
car quelle que soit la fécondité de l'esprit humain, il
n'arrive pas à formuler toutes les relations que peuvent
soutenir entr'elles des quantités données, la nature nous
en fournit toujours de nouvelles, et on a vu frêquem-
ment tel travail important de mathématiques, être la eon-
séquence d'observations de physique ; les mouvemens
des corps célestes , l’état vibratoire des corps sonores, la
chaleur , l'électricité, la lumière, ont depuis long-temps,
mais surtout depuis Newion, exercé la sagacité des ma-
thématiciens du premier ordre.
Une circonstance remarquable c’est celle queles formules
auxquelles nous conduisent les phénomènes du monde
physique, sont ordinairement chargées d'incommensu-
rables de toutes espèces d'ordres. Ces incommensurables
obligent à des calculs extrêmement laborieux que les ma-
thématiciens ont cherché à abréger en construisant des
tables volamineuses ; ce travail n’est fait que pour trois
ordres d’incommensurables, savoir : les exponentielles ou
logarithmes, les fonctions circulaires ou lignes trigono-
métriques , et enfin les fonctions elliptiques, ce sont les
fonctions qui se présentent le plus souvent, mais il y en
Us
*
»
— 219 —
a une multitude d'autres, car le nombre des incommen-
surables est innombrable.
Les quantités commensurables, quoique sans limite
dans leur nombre, doivent néanmoins être considérées
comme une partie infiniment petite des quanutés : elles
sont l'exception, et les incommensurables la règle ; on
ne doit donc point être surpris d'être conduit constam-
ment à des incommensurables dans les applications que
l’on fait des mathématiques au monde physique.
Les mathématiques mixtes se subdivisent naturelle-
ment en autant de branches qu'il y a d'espèces de quan-
tités ; telles sont la géométrie, la mécanique , etc.; ces
subdivisions reçoivent leur définition de la nature même
des quantités dont elles s'occupent; je prendrai pour
exemple la géométrie.
On définit ordinairement la géométrie, d'après Le-
gendre, en disant qu’elle a pour but la mesure de l'éten-
due, cette définition n’est point complète. La suivante me
paraît beaucoup plus rationnelle.
La géométrie est une branche des mathématiques ap-
pliquées qui considère la quantité dans l'étendue.
Remarquons aussi que d'après les idées reçues, la géo-
métrie est placée dans les mathématiques pures;: c'est
une erreur qu'il importe de relever, car les définitions
bonnes et justes nous placent au centre des objets que
nous avons à étudier, elles nous permettent d'en juger
l'ensemble d’un coup-d'œil, nous en font voir le contour
et les détails, et nous tracent la marche que nous devons
suivre.
L'absence de considérations générales et centrales en
mathématiques me paraît un grand défaut de plusieurs
— 220 —
ouyrages destinés à l’enseignement, c'est dans le but de
faire ressortir les avantages de ces considérations que je
vais entrer dans quelques détails à l'égard de la géométrie.
La géométrie s’occupant des quantités de l'étendue, la
première question que nous devons nous adresser est
celle-ci : Y a-t-il plusieurs espèces de quantités dans l’é-
tendue ?
Nous en trouvons trois : {° des lignes , 2° des sur-
faces , 3° des volumes.
1° Les lignes sont très-nombreuses dans leurs variétés ;
on en distingue de droites et de courbes: circonférence,
ellipse, parabole, hyperbole, spirale, hélice, etc. Nous
commencerons par l’étude des lignes droites puis nous
passerons à celle des lignes courbes en prenant d'abord
les plus simples, enfin nous réunirons dans un dernier
chapitre les propriétés générales communes à toutes espè-
ces de courbes.
Au point de vue élémentaire, on n'étudie que deux es-
pèces de lignes , savoir : a) les lignes droites tracées dans
un plan: c'est le premier livre de Legendre ; b) la ligne
circonférence : c'est le second livre du même auteur.
29 La géométrie des surfaces se subdivisera d'après
les mêmes principes; nous distinguons les surfaces planes
et courbes sphériques, cylindriques , coniques, de révo-
lution, réglées, etc.
Dans les éléments on ne s'occupe que des surfaces
planes et des surfaces courbes les plus simples, savoir de
celles qu’on appelle les corps ronds.
Nous aurons dès-lors à considérer : |
a) Les surfaces planes terminées par des lignes droites
ou polygone : c’est le troisième livre de Legendre;
— 221 —
b) Les surfaces planes terminées par des lignes circon-
férences, le cercle : c'est le quatrième livre du même au-
teur ;
c} Les surfaces planes indéfinies ou les plans, dont l'é-
tude forme le cinquième livre de Legendre ;
d) Les surfaces courbes:et d’abord la sphère: c'est le
septième livre de Legendre et une partie du huitième ;
e) Les surfaces du cylindre et du cône, que Legendre a
placées dans une autre partie du huitième livre de sa
géométrie.
- 39, La géométrie des solides, qui comprend :
a) Les solides terminés par des surfaces planes, les
polyèdres: c'est le septième livre de Legendre ;
- b)-Les solides terminés par les surfaces des trois corps
ronds, qui constituent le reste du huitième livre de la géo-
métrie de Legendre.
+ En poursuivant la méthode que je présente, nous se-
rions conduits par des subdivisions tout-à-fait naturelles
jusque dans les plus petits détails.
Cette méthode a plusieurs avantages, parmi lesquels
nous signalons en premier lieu la certitude qu'on ne né-
glige aucun fait essentiel, ce qui donne de la sécurité et
du repos à l'esprit ; en second lieu la généralité des ob-
servalions, circonscrit complètement l'étude et en marque
l'étendue.
L'élève est ainsi soutenu dans son travail, il en voit
leterme. En troisième lieu, l'établissement d’un lienentre
toutes les parties de l'enseignement plaît à l'esprit et di-
minue ce que peut avoir de sec et d’aride l'étude des dé-
tails; l'imagination est mise de la partie: cette faculté
qui est la source de si grandes jouissances pour l'esprit
— 222 —
humain a été généralement mise de côté dans l’enseigne-
ment des mathématiques, ce qui me paraît une des prin-
cipales causes de la faiblesse des élèves et du peu de goût
que l’on rencontre chez eux pour cette branche d'étude.
Nous avons dit que les mathématiques appliquées se
divisaient en plusieurs parties d’après la nature des quan-
tités qu’elles envisagent ; je suis entré dans quelques dé-
tails sur-la géométrie; on pourrait faire la même chose
pour les autres branches. En mécanique nous aurions à
considérer la quantité dans le mouvement des corps et
dans les forces, et de même dans les applications du cal-
cul, aux questions que soulèvent la chaleur, la lumière ,
l'électricité, ete.
Je terminerai ces réflexions générales par une obser-
valion qu’il ne faut pas perdre de vue dans l'application
des mathématiques aux quantités concrètes.
Les quantités concrètes sont par leur nature limitées
dans leurs conditions d'existence: dès-lors les solutions
analytiques des questions posées, peuvent être exactes
quand on prend la quantité dans son sens abstrait ; mais
elles seront souvent impossibles dans l'application ; ainsi
le produit de 2 ou 3 lignes a un sens en géométrie comme
surface ou comme volume; ce produit de # ou d'un plus
grand nombre de lignes n’a aucun sens.
Telle question concrète exige une solution en nombre
entier, par exemple lorsqu'il s’agit de trouver un nombre
d'hommes; dans ce cas les valeurs fractionnaires doivent
être éliminées.
Les mathématiques appliquées ont par conséquent une
généralité moins grande que les mathématiques pures,
elles sont aussi astreintes aux conditions d'homogénéité
|
|
à
cé dE US SC dd, tt mens dti us à
3 p° PRÉ
— dé =
des formules ; on tomberait donc dans des erreurs graves
ou dans des difficultés considérables et qu'on ne pourrait
pas lever si on ne tenait pas compte des conditions d'exis-
tence des quantités concrètes.
Examinant la communication faite par M. le D" de
Castella, dans la séance du 6 avril, M. le D' Borel pense
que l'exemple cité par lui n'infirme pas l'opinion de
M. Bouillaud parce qu'il ne lui est pas applicable, puisque
M. Borel admet que la parole disparaît lorsqu'il y a un
double épanchement de sang dans les lobes antérieurs, et
que cet épanchement se fait brusquement, comme cela
arrive dans l’apoplexie; rien de semblable n’a eu lieu
dans le cas précité où la lésion du cerveau est arrivée
très lentement et n’occupait pas les deux lobes ; or, il
est bien avéré que lorsque les lésions cérébrales survien-
nent lentement, elles peuvent devenir fort étendues sans
que les fonctions vitales soient très sensiblement déran-
gées. La loi de M. Bouillaud doit d’ailleurs être restreinte
au cas où l'individu malade, conservant l'intégrité de sa
raison, perd la faculté de s'exprimer. L'hôpital de la ville
offre à l'heure qu'il est un cas semblable dans le nommé
Henriod, qui, quoique n'ayant jamais joui d’une intelli-
gence très grande, a cependant gagné son pain comme
ouvrier jusqu’à il y a un an où il eut une attaque d’apo-
plexie, depuis laquelle il ne parle plus. Cet homme, âgé
de 65 ans présente un cas fort intéressant ; son autopsie
devra sans aucun doute infirmer ou confirmer d’une ma-
nière éclatante la loi de M. Bouillaud.
Le Même présente à la société deux calculs salivaires
qu'il vient d'extraire du canal de Wharton, chez une jeune
personne du reste en parfaite santé et qui éprouvait de-
29
= gr
puis quelques mois une légère douleur dans le côté droit
de la mâchoire, et une gêne assez grande dans le mou-
vement de la langue ; ce qu’elle attribuait à une tumeur
placée de ce côté de la bouche. L'examen de la cavité
buccale démontra la présence d'un petit calcul dans l'o-
rilice même du canal de Wharton, et d’un plus gros
placé au-dessous et dans le canal lui-même. L’enléve-
ment de ces deux calculs qui eut lieu , celui du premier
avec des pincettes seulement, et celui du second à l’aide
d’une incision, fut suivie d’une abondante sécrétion de sa-
live à la suite de laquelle la douleur et la pression ces-
sérent aussitôt.
M. le Prof. Sacc ayant été amené à examiner le chlo-
ride liquide et brun qui accompagne toujours le chloride
sélénieux, l'a préparé en assez grande quantité pour pou-
voir l’analyser par deux méthodes différentes, qui l'ont
amené à confirmer pour ce singulier composé, la formule
que lui avait assignée M. Berzélius ; il explique sa dé-
composition en présence de l’eau par l'équation suivante
CL Se: + 20H—Se, CIH, H, O2 Se, qui prouve que,
bien que le chloride bisélénieux corresponde au chloride
bisulfureux , il différe cependant de ce dernier, puisqu’en
se décomposant en présence de l’eau, il ne produit point
de l’acide hyposélénieux OSe, qui paraît ne pouvoir pas
exister, mais passe immédiatement à l’état d'acide sélé-
nieux en décomposant un équivalent d'eau dont il met
l'hydrogène en liberté. |
À une température un peu élevée, le chloride bisélé-
nieux volalilise avec lui un peu de sélénium qu’il dépose
au bout d'un certain temps sous forme de petits cristaux
bien définis.
té) 2 à di.
TPS - ne ns IEEE
— 225 —
M. le Prof. Sacc, dans le but d'empêcher la falcification
toujours croissante de l’opium, propose de l’analyser de
la manière suivante : On coupe l'opium en trés petites
lames qu’on fait digérer avec dix fois leur poids d’eau,
et on filtre sur une toile ; puis on neutralise exactement
la solution avec de l'ammoniaque et on y verse un excès
de chlorure calcique ; on recueille sur un filtre le préci-
pité de méconate calcique. Dans la liqueur filtrée on verse
de l'ammoniaque en excès avec laquelle on la fait bouil-
lir et on filtre ; ce qui reste sur le papier est de la mor—
phine brute dont le poids indique facilement la valeur
de l’opium. On traite ensuite les eaux mères de la mor-
phine par le carbonate ammonique en excès qui en
précipite toute la chaux ; on fait bouillir et filtrer. Cette
solution évaporée à consistance sirupeuse et traitée par
l'alcool absolu, laisse un résidu insoluble formé de gomme
et de caoutchouc, et dissout toute la narcéïne dans les
eaux mères de laquelle se trouve quelquefois la méco-
nine. Quant au résidu que laisse l'opium traité par l'eau,
on le fait bouillir avec de l'alcool qui dissout toute la
narcotine sans attaquer le caoutchouc et la fibre ligneuse
qui en constituent la presque totalité.
Le même présente ensuite à la société un échantillon
de vin de gentiane préparé en faisant fermenter les ra-
cines de la gentiana lutea. Cette solution, douée d’une
amertume excessive, présente à sa surface la teinte opa-
line des solutions de quinine : sa couleur est orangée ;
elle est parfaitement limpide et douée d'une odeur agréa-
ble: M. Sacc, frappé des rapports de la solution de gentiane
ainsi obtenue avec celle des sels quiniques, voudrait que
les médecins l’essayassent comme fébrifuge et répétassent
— 226 —
avec elle lès mêmes essais qu'on a faits jusqu'ici avec
d'autres préparations de cette racine. Sila gentiane pou-
vait être utilisée même sur une fort petite échelle, elle
présenterait l'avantage de fournir à (rès-bon compte un
reméde doublement précieux , puisqu'ilest tiré de notre
sol.
M. le Président après avoir rappelé combien il'est dif-
ficile de trouver des arbres qui croissent dans les terrains
arides de nos côteaux, dit qu’on emploie habituellement
dans ce but l’acer pseudoplatanus qui croît fort bien au-
dessus de Pierre-à—Bot, mais pas au-dessous, et qu'il
vient de le remplacer avec succès dans ces terrains-là
par l’acer opulifolium, bel arbre de seconde grandeur,
assez commun dans notre pays, mais rare ailleurs. Hl
est fort à regretter que cet arbre soit tellement diffcile à
obtenir de semis, parce qu’il n’en léve qu'un fort petit
nombre.
M. Coulon, père, ajoute aux précédentes observations,
que l’acer opulifolium mérite d’être cultivé comme arbre
d'ornement, tant à cause de la beauté de son port que
parce qu'il est un des premiers arbres qui verdit au prin-
temps et un des derniers qui perd son feuillage en au-
tomne.
Séance du 25 Mai 1848.
Présidence de M. L. CouLon.
M. le Prof. Sacc ayant examiné les deux calculs sa-
livaires que lui a remis M. Borel dans la précédente
séance, les a trouvés composés d’albumine coagulée unie
à de la chaux et du phosphate calcique ; ce dernier en
formait la majeure partie.
— 221 —
Le même dit qu'ayant distillé le vin de gentiane dont
il a parlé dans la précédente séance, il a retiré de cinq
livres de racines, 14 grammes d’alcool absolu d'un fort
bon goût et doué d’une odeur de fruit fort agréable.
Cette communication amène une discussion sur le dé-
veloppement des racines charnues, de laquelle il résulte,
au dire de M. L. Coulon, que lorsqu'on plante de pe-
tites pommes-de-terre, on obtient, toutes choses égales
d’ailleurs, beaucoup moins de gros tubereules que lors-
qu'on se sert de ces derniers coupés en morceaux ; il at-
_tribue cette différence à ce que les bourgeons de ces der-
niers sont beaucoup mieux développés que dans les pre-
miers.
M. le Prof. Guyot dit que M. Gruithuisen, en se ba-
sant sur le changement d’aspect que présente régulière-_
ment chaque année l'atmosphère lunaire, il en a conclu
qu'à certaines époques la végétation se développe sur
cette planète pour disparaître ensuite.
Le même, analysant un mémoire de M. Aymard publié
dans le Bulletin de la Société géologique de France, sou-
tient, en s'appuyant sur lui, ainsi que sur plusieurs autres
données encore, qu'il est impossible de distinguer d’une
facon bien tranchée les différentes couches géologiques
à l'aide des fossiles qu'on y trouve, puisqu'on les voit
très souvent mélangés, comme c'est tout spécialement le
cas, au Puy-du-Dôme, avec les ossements des animaux
actuellement existants; cette manière de voir est aussi
celle de M. Hermann de Meyer. M. Aymard ayant trouvé
dans les brèches volcaniques du Puy des os appartenant
à des animaux des pays chauds avec d’autres provenant
d'animaux des pays froids il en conclut que l'hypothèse
— 228 —
des glaciers ne peut pas être appliquée à ce cas ti.
M: Guyot croit qu'il se trompe, et ne voit pas pourquoi
les faits observés au Puy empêchent d'admettre que la
présence d'un climat plus chaud, ou aussi chaud quele
nôtre, ait été suivie de l'apparition d'un climat très froid.
Il semble ressortir des faits observés par M. Aymard, que
l'homme a vécu en même temps que les grands animaux
de l'époque antédiluvienne; on sait que les recherches
de M. Desor sur les ossements fossiles des Etats-Unis,
l'ont convaincu que l’homme avait existé avant déjà, et
dans tous les cas, en même temps que l'énorme masto—
donte. M. Guyot regrette que des observations de cette
nature ne puissent pas être poursuivies dans notre patrie
dont le sol est tellement couvert par l’erratique qu'on ne
peut point arriver jusqu'aux fossiles, qui sont excessive-
ment rares ; il cite comme des exceptions les ossements
découverts à Matenien par M. Pictet et deux dents d'élé-
phant trouvées à Genève et à Fribourg, auxquelles
M. Coulon ajoute celle qu’on a découverte à Fahy, der-
riére Neuchâtel.
M. le Prof. Guyot examinant ensuite un mémoire de
M. Le Coq, dans lequel il cherche à prouver que les gla-
ciers ont dû se former sous l'influence d'une température
plus élevée que la nôtre, puisque, pour former d'aussi
énormes masses de glace, il fallait que l'air contint beau-
coup plus d’eau que cela n’est possible maintenant à
cause de sa température peu élevée, il s'attache à prou-
ver que cette manière de voir n’est vraie que jusqu'à un
certain point, puisque, pour former de la glace, il faut,
non seulement de l’eau, mais aussi du froid. L'idée de
M. Le Coq a néanmoins quelque chose de très vrai, et
— 229 —
M. Guyot croit qu'on verrait reparaître l'époque glaciaire
si des vents humides venaient à souffler vers l’intérieur
des terres de manière à faire tomber sur elles, en hiver,
une telle masse de neige que les chaleurs de l'été suivant
ne pussent pas la fondre. ‘
| F. Sacc, secrétaire.
300 —
BULLETIN
DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES NATURELLES
DE MEUTEATEM
Section de la Chaux-de-Fonds.
Séance du 30 Décembre 1847.
Présidence de M. WuURFIEIN.
M. le Président donne lecture d'une lettre de M. Oli-
vier Mathey, relative au rapport fait par la commission
des dorages et inséré dans le Bulletin de l’année der-
nière. Dans cette lettre M. Mathey réclame la priorité du
procédé de M. Gerbel en faveur de M. Bouché, et indique
plusieurs procédés de dorage ainsi que la composition de
plusieurs poudres dont se servent les doreurs pour fixer
l'or et pour la mise en couleur. M. Mathey à jjoint à
cette lettre un envoi de pièces de montre dorées par les
différens procédés qu'il a indiqués. — Ces dorages et la
lettre de M. Mathey sont renvoyées à la commission déjà
nommée.
M. Favre fait part à la société d’un fait météorologique
qui lui a été communiqué dernièrement. Un chasseur de
la Chaux-de-Fonds étant à son poste le 9 octobre, pen-
dant l’éclipse, remarqua que le givre qui couvrait un
rocher voisin exposé aux rayons du soleil, avait fondu
complètement, jusqu'au moment où l’éclipse devint to—
tale ; mais dans ce moment il vit le givre se reformer
short dnenÉn de Sc éé
VOTES
Mb re dise" «tb
— 231 —
lentement pour fondre de nouveau quand la chaleur s0-
laire fut suffisante.
Séance du 13 Janvier 1848.
Présidence de M. WURFLEIN.
M. Olivier Mathey lit un mèmoire sur la télégraphie
électrique, dans lequel, après avoir fait l'histoire des ap-
pareils employés jusqu'à présent , il expose la construc-
tion d’un télégraphe de son invention qu'il présente à la
société et fait fonctionner sous ses yeux. Dans cet ins-
trument l'interruption du courant est déterminée, comme
dans la machine d’induction de M. Bonijol, par une roue
à cliquet dont les intervalles des dents sont formés par
un corps non conducteur; quand le cliquet appuie sur
une dent métallique le circuit est fermé, mais quand il
repose dans un intervalle non métallique, le courant est
interrompu. L’axe de cette roue porte une aiguille que
l’on fait tourner par un bouton sur le cadran où se trou-
vent les lettres, les chiffres et les signes nécessaires à la
transmission des dépêches ; chaque fois que l'aiguille
quitte une lettre de l'alphabet pour arriver sur une autre,
une dent de la roue passe sous le cliquet , le courant est
interrompu, puis fermé, de scrte que par l'effet de l'ap-
pareil placé à l’autre station, les mêmes mouvemens sont
reproduits par une aiguille marchant sur un cadran ana-
logue.
Son télégraphe, qui est du reste d’un fort beau travail,
est en outre muni d'un réveil que l'action galvanique fait
jouer d’une station à l’autre, pour avertir quand une dé-
| pêche va être donnée.
— 232 —
M. le D' DuBorïs après avoir rappelé très sommaire-
ment les principales causes d’étranglement du canal di-
gestif et les immenses différences que leur siége amène
dans ses dérangements fonctionnels, trace l'historique
d'un de ces étranglements, dont la cause qui ne pouvait
pas même être supposée pendant la vie, a été révélée par
l'autopsie. IL s’agit d’un cas où l’épiploon, beaucoup plus
étendu en longueur que dans l’état normal, descendait
dans l’excavation du petit bassin où il avait contracté par
son extrémité inférieure de très fortes adhérences avec le
bord supérieur du corps de la matrice. La pièce anato—
mique mise sous les yeux de la société fait voir une forte
bride longue d'environ trois pouces, très-solidement at-
tachée à cet organe et qui, par son bord latéral gauche,
comprime tellement le rectum sur le point du détroit su-
périeur où il plonge dans le petit bassin, que cet intestin
très-dilaté au-dessus ne laissait pénétrer aucun des Jave-
mens que l'on avait, à réitérées fois, cherché à faire entrer.
En raison du siége de la lésion, les ‘accidens d’étran-
glement ont suivi une marche très-lente. La constipation
a persisié jusqu'au bout; mais les vomissemens et le ho-
quet ont cessé les derniers jours. Le pouls n’a pas non
plus présenté les caractères qu’il offre dans un étrangle-
ment d'une partie moins inférieure du tube digestif, et
des symptômes (yphoïdes ont fermé le cortège des accidens
qui ont causé la mort vers le 15% jour.
Séance du 27 Janvier 1848.
Présidence de M. WuRFLEIN.
Le D' Pury lit une note sur la maladie causée par les
émanations du phosphore chez les fabricans d’'allumettes
chimiques.
| 1990
— 233 —
M. le Dr Irlet entretient la section d’un cas d’herma-
phrodisme féminin chez un enfant âgé de sept semaines.
Cet enfant avait le clitoris très-développé; on sent dans
les grandes lèvres une espèce de glande ovoïde, les pe-
tites lèvres n'existent pas ; le méat urinaire est placé der-
rière le clitoris.
Après cette communication, M. le D' Irlet fait l’histoire
de deux opérations où il a employé le chloroforme comme
moyen anésthésique. Ces deux opérations, l'une , l’exci-
sion de plusieurs tumeurs graisseuses sur la tête, et
l’autre l’'amputation d’un doigt, ont été faites sans que les
opérés en aient eu la moindre conscience. Dans le pre-
mier cas seulement, M. Irlet ayant trop approché le chlo-
roforme du nez du malade, il en est résulté une colora-
tion blanchâtre de la peau qui a persisté pendant quelque
temps.
M. Nicolet présente des aiguilles et des balanciers de
montre en cuivre pur ou allié avec divers métaux, aux-
quels il a donné une brillante couleur rouge-pourpre par
le moyen de l'oxidation ; le procédé de M. Nicolet con-
siste à déterminer sur la surface polie du métal la forma-
tion d'une pellicule très-mince d'oxide en procédant
comme pour le recuit de l'acier par le moyen d'une cha-
leur modérée maintenue au même degré; en élévant gra-
duellement la température on varie la couleur des cou-
ches d'oxide, car celles-ci jouissent des propriétés des
lames minces et présentent le phénomène des anneaux
colorés ; la couche d’oxide n'altère nullement le poli de
la surface métallique. M. Nicolet croit que ce procédé
simple, peu coùteux et d'une rapide exécution. pourra
être utilisé dans notre fabrique d’horlogerie pour la co-
BULL, DES SC. NATUR. TOM. II. 17
— 234 —
loration de plusieurs pièces de la montre ; cependant il
observe que par le procédé de M. Becquerel, qui consiste
à déposer des couches très-minces de péroxide de plomb
sur certains métaux par le moyen de la pile, on obtient
des couches colorées plus solides.
Gnnet du 10 Février 1848.
Présidence de M. WuRFLEIN.
M. Nicolet présente plusieurs jaseurs de Bohême (Bom-
bréilla garrula Temm) qui ont été tués la semaine dernière
dans les environs de la Chaux-d’Abel : un vol de ces oi
seaux s'était abattu sur des sorbiers et en mangeait les
baies lorsque les chasseurs les aperçurent.
M. Favre présente les figures de 82 espèces de cham-
pignons appartenant aux diverses classes qu'il a peints
l'été dernier et qui ont été déterminés par M. Trog de
Thun. L'année 1847 n’a pas présenté, suivant les ob-
servations de M. Favre, la même abondance de ces cryp-
togames que l’année précédente, elle a été pauvre tant
pour le nombre des individus que pour la variété des
espèces.
Il lit ensuite quelques remarques sur le mycologie en
général, sur les collections de champignons, sur l'ac-
croissement de ces végétaux, sur l’intermittence de leurs
apparitions et le rôle que joue sous ce rapport le myce-
l'um.
Séance du 24 Février 1848.
Présidence de M. WURELEIN.
Le procès-verbal de la précédente séance est lu et
adopté.
|
ur MB se
M. L. Favre continue la lecture de son (rava
champignons de noire pays. Il établit les différ
lui paraissent exis{er entre Ja
« des bords du lac, et précise les
* se montrent de préférence, 11
“ gnons comme aliments, indique les caractères propres à
- distinguer les vénéneux, et Passe en revue, avec détail,
‘ vingt espèces comestibles dont il Peut recommander J'y
«Sage en ayant fait l'essai lui-même.
Genre AGarrcus.
:
. Ag. Procerus, SCop. agaric élevé. Bois d
8 Pays. Creux-des_Olives près de la
| forêts entre Coffrane et Corcelles,
dry, Jolimont. Aoùût-Octobre,
à
il sur les
Lie
ences qui
flore des Montagnes et celle
époques où certains genres
étudie ensuite les champi-
PRES
€ Sapins de tout Je
Chaux-de_p onds,
Montagne de Bou-
g- Petaloides, Bull.
Chaux-de-Fonds ; Août-Septembre.
A Prunulus, Scop. ag. mo
Printemps et automne.
2e Campestris, Lin. champignon de couche.
« partout. Été, automne,
8: Gambosus, Fr. Pâturages de Pouillere].
» Genre Corrnus.
Op: Comatus Schœff.
Septembre,
Dans les prés,
Mai.
Genre CANTHARELLUS.
Canth. Cibarius Fr. la chanterelle. Très-abondant dans
toutes nos forêts depuis Juillet à Novembre; apparaît
dans les montagnes à la fin d'Août.
Genre BOoLETus.
Bol. edulis, Bull. bolec comestible, bolet, ceps. Bois de Pouil-
lerel, montagne de Boudry, Jolimont. Juillet-Octobre.
Genre Hypnum.
H. Imbricatum L. hydne écailleux. Forèts voisines de la
Chaux-de-Fonds. Septembre-Octobre.
H. Repandum L. hylne commun. Forêts de tout le pays.
Septembre, Octobre.
H. Coralloides Scop. h. corail. Sur les vieux troncs de
sapins. Bas-Monsieur. Septembre.
Genre GUEPINIA.
G. HelvelloidesFr. Lisière des bois : Endroits Chaux-de
Fonds. Août, Septembre.
Genre CLAVARIA.
CL. Aurea Schæff. clavaire dorée. Chevrette vulgaire. Fo
rêts de toutle pays. Sept. Octobre.
Genre MorCHELLA.
M. Conica Pers. morille conique. Forêts de sapin. Avr
Mai.
M. esculenta $ vulgaris Pers. Bords du lac. Avril.
Genre HELVELLA.
H. Gigas, appelée dans les montagnes oreillarde. Répa
due çà et là sur les vieux trones. Fort abondante d
puis quelques années au pied d'un tilleul où on a
tassé du menu bois, à Clermont près du Bas-Monsieu
— 237 —
Un exemplaire mesurait quatorze pouces de diamétre.
Avril, Mai.
Genre PEz1zA.
P. Repanda Pers. Sur terre, dans le voisinage des vieux
troncs, prend quelquefois un développement qui la fait
ressembler un peu à l'oreille humaine. Avril, Mai.
Genre LYCOPERDON.
L. Cœlatum Bull. Dans les prés. Septemb. Octobre. N'est
comestible que jeune.
M. Olivier Maithey présente plusieurs SR de mon-
tre, en or, colorées par l'oxide de plomb précipité de sa
solution alcaline au moyen d’un courant électrique. Ces
aiguilles, d'un travail admirable et d’un fini précieux, ont
été confectionnées par M. Henri-Louis Jacot, du Locle,
auquel M. Matthey à fourni l’idée d'employer les procédés
de M. Becquerel.
M. L. Favre annonce à la Société que de grands vols
de Sizerins ou Linottes boréales (Fringilla borealis Temm
Linaria canescens) ont été aperçus dans les environs de
la Chaux-de-Fonds. Leur apparition a coïncidé avec celle
des Jaseurs de Bohême ; ils étaient si peu défiants qu’on
en a pris beaucoup dans les pièges les plus grossiers.
Les secrétaires :
Dr Purv. — Louis Favre.
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APPENDICE.
Lettres de M. DEson sur les phénomenes glaciaires observés
dans l’Amérique du Nord.
I.
- M. Desor à M. Guyot.
Boston ce 14 juillet 4847.
er ds tte dé
Eh bien mon cher, permettez-moi de vous dire que
vous avez eu tort de renoncer à votre projet de visiter la
» Scandinavie. Vous y auriez pris une idée du grand phé-
nomène glaciaire avec lequel il est difficile de se familia-.
riser si l'on a pas été sur les lieux. Mieux vaudrait en-
core que vous vinssiez ici où tout est encore bien plus
grandiose et bien plus distinct. L'Amérique du nord est
+ après tout le théâtre de l’action glaciaire par excellence.
- Je reviens d'une course au Niagara et aux Montagnes
… Blanches et veux essayer de vous donner un apercu des
principaux résultats auxquels nous sommes arrivés. Je
suppose que vous êtes au courant des faits généraux qui
»sont acquis par les recherches des géologues américains,
or la dispersion des blocs par dessus toute la Nou-
“ velle-Angleterre et une partie des états de l'ouest. La
présence des stries dans les mêmes limites jusqu’au som-
met des montagnes au moins 5000’, courant en général
du N.-N.-0. au S.-S.—E. avec quelques exceptions où
dsl tit
a ee AS PT RP Y
BULL, DES SC. NATUR. TOM, II, 13
— 240 —
la direction est du Nord au sud ou bien du N.-N.-E. au
S.-S.-0., comme sur les bords du lac Ontario: le fait
que les blocs sont en général arrondis et que les plus gros
se trouvent placés de préférence sur le sommet des émi-
nences. Voici maintenant quelques autres faits qui vous
sont peut-être moins familiers et que j'envisage comme
non moins importans. Vous savez que les géologues amé-
ricains ont distingué le diluvium en deux étages : 1° le
drift proprement dit composé d’un mélange de galets rayés
de toutes grosseurs, sans stratification et 2°, les argiles et
sables stratifiés du diluvium, qui portent aussi chez
quelques-uns le nom de terrain tertiaire. Ces messieurs
ne savent pas encore positivement si le drift est constam-
ment inférieur ou si dans certains cas il peut être supé-
rieur aux argiles, mais c'est là plutôt une question locale.
Maintenant voici ce qu'on voit dans le Vermont qui est un
pays de pâturages tout couvert de collines (magnifique
pays par parenthèse, qui m'a vivement rappelé tes belles
parties de la Forêt-Noire). Le niveau moyen du drift,
avec gros blocs comme à Granges près Bienne et à Diéze,
est entre 1500 à 2000 pieds, et à cette hauteur il ne
montre aucune trace de stratification. Plus bas il est sou-
vent dénudé et il n’est resté en place que les gros blocs
qui jonchent le sol, comme si on les y avait semés,
de manière qu'en beaucoup d'endroits, surtout dans le
New-Hampsbhire, la culture est rendue impossible par là.
Enfin c’est dans le fond des vallées que se trouvent les
argiles et les sables stratifiés sur les bords du beau lac
Champlain, le long du Hudson et surtout dans la vallée
du Saint-Laurent, où on les trouve jusqu'à 600 pieds
de hauteur. Ge sont des argiles supérieures au drift qui
contiennent les fossiles marins (*) que l'on trouve en
grand nombre à Barlington sur les bords du lac Cham-
plain (j'en ai recueilli moi-même un grand nombre) et
qui ont été signalés jusqu'à 500 pieds de hauteur dans
la vallée du Saint-Laurent près de Montréal. Ce sont
surtout des Tellines (Tellina groenlandica) et des Saxi-
caves, ainsi que quelques Nucules.
L'explication de cette disposition ne me paraît pas bien
difficile. Entre 1500/ et 2500! le drift est tel qu'il a été
déposé par les anciens glaciers, les blocs arrondis et striés
de toutes dimensions sont épars pêle-mêle au milieu du
limon glaciaire. Plus bas, entre 500 / et 1500, les parties
menues ont été balayées et il n’est resté en place que les
gros blocs qui reposent sur la roche polie. Enfin l'argile
et les sables stratifiés au fond des vallées sont le résidu
de ce balayage qui a été déposé dans les dépressions pen-
dant que celles-ci étaient occupées par les eaux de la
mer. (La mer à cette époque communiquait avec le lac
Champlain , avec le Hudson et, probablement par le lac
Michigan, avec le Mississipi).
Maintenant n'êtes-vous pas frappé de l’analogie de
cette disposition avec ce que l’on observe en Suisse. Ce
drift du sommet ne vous rappelle-t-il pas celui qui se
trouve au sommet de Chaumont et sur les différentes
terrasses de la montagne. D'un autre côté n'avez-vous pas
(*) 1 existe aussi sur quelques points du littoral des débris de coquilles
dans le véritable drift, au-dessous des sables et des argiles. Nous en ayons
trouvé de fort beaux échantillons dans les collines de drift près de New-
York. Cette découverte a excité d’autant plus d'intérêt que les géolognes
d'ici avaient déclaré que le drift ne contenait pas de coquilles au sud da
ac Champlain. Ce sont toutes des espèces vivantes.
= bot —
quelque chose d'analogue aux argiles dans les dépôts stra-
tifiés de la plaine (l'alluvion ancienne)? Il est vrai qu'il y
a cette grande différence, c'est que les argiles ici sont évi-
demment marines, tandis qu'il n’y a aucune trace d’ani-
maux marins en Suisse. Mais vous avez en Suisse des
éléphants dans votre alluvion ancienne. Or savez-vous
que ces éléphants auxquels on n’a pas accordé assez d'im-
portance sont le fait capital, et voici pourquoi : des dents
d'éléphant tout-à-fait semblables et que M. Owen iden-
tifie avec le Mammouth de Sibérie ont été trouvées dans
ce pays-ci avec des os de Mastodons qui, vous le savez,
sont excessivement abondants dans toute l'Amérique.
Maintenant quel est le gisement de ces ossemens ; c’est la
grande question. Eh bien, je crois qu’on peut démontrer
qu'il est plus récent, non seulement que le drift, mais
aussi que les argiles. Le plus souvent ces os se trouvent
dans des tourbières ou dans du gravier superficiel, avec
des coquilles terrestres et fluviatiles , toutes d'espèces qui
vivent actuellement dans les environs : des Hélices, des
Limnées, des Mélanies. On a trouvé ces mêmes os de
Mastodons dans la vallée du Saint-Laurent reposant sur
les argiles diluviennes. Par conséquent, non seulement les
Mastodons n'ont pas été tués par le froid, mais ils n’exis-
taient pas à cette époque. Ils n’ont même été créés qu'a-
près que les eaux de la mer se furent retirées des terres
basses du continent pour faire place à une faune de co-
quilles terrestres et fluviatiles qui est la nôtre. Par con-
séquent les Mastodons et les éléphants sont contemporains
de l’homme comme les élans, les sangliers et le bos pris-
cus qu'on trouve dans les tourbières de la Scanie et du
Danemark, associés à des os humains, et le fait que des
— 243 —
ossements d'Indiens ont été trouvés avec des os de Mas-
todons à Natchez sur les bords du Mississipi n’a dés lors
rien de bien extraordinaire à mes yeux, bien que le fait
spécial ait besoin de vérification. Je me suis donc demandé
si l’alluvion ancienne de Suisse, qu’on déclare, je ne sais
trop pour quel motif, être antérieure aux blocs errati-
ques, si, dis-je, cette alluvion avec ses éléphants ne serait
pas en partie contemporaine de la couche à Mastodons et
à éléphants de ce pays-ci. Je vous soumets cette suppo—
sition avec toute la réserve qu’exige l'importance du sujet.
Vous êtes le juge naturel de cette question (inutile de dire
le plus compétent). C'est à vous de voir et de décider.
II.
M. Desor à M. Guyot.
Lewistown sur les bords de l’Anderscoggin,
ce 13 sept. 1847.
Quoique vous soyez certainement l’un des plus habiles
géographes de l'époque, je parie que vous ne connaissez
pas Lewistown. C'est à peine si vous avez entendu parler
de l'Anderscoggin qui coule sous mes fenêtres. Et ce-
pendant c’est une rivière au moins aussi grande que le
Rhin à Strasbourg ; il paraît même que c’est de toutes les
rivières de la Nouvelle-Angleterre, celle qui charrie le
plus d'eau, plus que le Connecticut, plus que le Pen-
nobscut et plus que le Kennebee. La ville de Lewistown
s'êtend sur les deux rives du fleuve, au pied des cas-
cades dont j'aperçois d'ici les tourbillons de brouillard
malgré le mauvais temps ; je voudrais pouvoir vous trans-
= OU
porter ici pour un moment, pour un quart-d'heure seu-
lement, et au bruit de cette magnifique cascade vous
causer des phénomènes géologiques qui s'y rattachent.
En voyant ces mamelons de granit moutonné par dessus
lesquels l'eau se précipite, ces terrasses de gravier et
d'argile diluvienne dans lesquelles le fleuve s’est creusé
son lit au dessous de la cascade, en apercevant ces grands
blocs erratiques qui sont éparpillés sur les hauteurs qui
dominent la ville, je vois toute l’histoire de cette longue
période diluvienne se dérouler à mes yeux. Je vois la
calotte de glace laissant les matériaux du drift entassés
pêle-mèêle sur le sol. Je vois ensuite le sol de l'Amérique
du nord s’affaisser. La mer envahir cette surface cahoti-
que, la vague travailler cet amas détritique , balayer le
limon des parties saillantes et le déposer sous forme d’ar-
gile et de limon dans les dépressions du sol par dessus le
drift glaciaire. Je vois apparaître sur cette plage nouvelle
toute une faune d'animaux marins, se composant des mé-
mes espèces que celles qui vivent aujourd'hui dans le port
de Boston et dont j'ai recueilli avant-hier une magnifi-
que collection sur les bords du Kennebee, à 70 pieds
au dessus des hautes marées ; elles sont magnifiques, la
plupart ont même conservé leurs couleurs. M. Agassiz
n'en croira pas ses yeux quand il les verra. Ces mêmes
espèces se trouvent sur les bords du Saint-Laurent, près
de Montréal à 500 pieds au dessus de la mer. Or comme
ce sont des espèces essentiellement littorales (Tellina
grœlandica, Saxicava rugosa etc.), il est évident qu’elles
n’ont pas vécu simultanément à 70 pieds sur les bords
du Kennebee et à 500 pieds sur les bords du Saint-Lau-
rent. fl faut par conséquent que tous les points intermé-
dot Le :
diaires où l'on trouve de semblables coquilles aient été
successivement à la limite des marées lorsque vivaient
les coquilles qui s’y trouvent enfouies. J'assiste en esprit
aux oscillations séculaires de tout ce vaste continent, je
vois des populations marines tout entières disparaître et:
d'autres se développer sous l'influence des déplacements
et des mouvemens divers de la mer. Après cette période
qui a dù être fort longue si j'en juge par la quantité des
fossiles et l'épaisseur des couches fossilifères, je vois le sol
des Etats-Unis se soulever de nouveau, les eaux de l'O-
céan rentrer graduellement dans leurs anciennes limites,
formant en se retirant les oesars ou digues sous-marines,
tandis que les glaces flottantes déposent sur ces digues
stratifiées, les blocs erratiques dont leur sommet est cou-
ronné. (Je crois vous avoir dit dans une précédente lettre
que les oesars sont aussi nombreux dans ce pays qu’en
Scandinavie). Cependant les eaux des grands lacs n'étant
plus en communication avec l'Océan, perdent peu à peu
leur salure, les rivières commencent à se creuser de
nouveaux lits dans les terrains meubles déposés et rema-
piés par la mer, et pendant que la terre se prépare ainsi
à recevoir celui qui est destiné à régner sur elle, je suis
surpris de voir tout à coup apparaître au milieu de ces
vastes plaines des animaux terrestres aux formes colos-
sales. C’est le Mastodon qui se promène dans les vallées
eñcore humides de l'Ohio et du Mississipi. D’où vient-il?
Je n'en sais rien. Mais il est évident qu’il n’y était pas
tout à l'heure lorsque la mer venait battre le pied des
Montagnes Rocheuses, Aussi bien ses débris ne se trou-
vent-ils que dans les limons superficiels qui recouvrent
les sables et les argiles diluviennes. Voilà à-peu-prés le
"— 246 —.,
résumé piltoresque de nos études sur le drift de ce pays.
Quelque imparfaites qu’elles soient (car nous n'avons pu
y consacrer que peu de temps) vous voyez qu'il y a loin
de cela à l’idée que l’on se faisait il n’y a pas bien long-
temps des phénomènes diluviens , lorsqu'on se les repré-
sentait comme l’effet d’un cataclysme subit et violent ou
même lorsque l’on croyait que les animaux dont la race
s'est perdue, avaient été anéantis par les glaces. Ces ré-
sultats se lisent de la manière la plus intelligible dans
presque toute l'étendue de la Nouvelle-Angleterre, et d’a-
près ce que j'ai appris de la composition des dépôts su-
perficiels dans les états de l’ouest, je ne doute pas que les
prairies du Mississipi ne confirment nos vues. J'espère
m'en assurer sous peu et je me réjouis d'avance de vous
en écrire des bords du Mississipi, peut-être dans un mois
d'ici. Mais voici le temps qui semble se remettre et ma
page qui finit. Je m'en vais faire le’tour de la cascade,
pendant que vous gravissez peut-être quelque pic des
Alpes. |
IL.
M. Desor à M. Collomb.
Boston , ce16 décembre 1847.
Votre lettre du 3 octobre nous a fait le plus grand
plaisir, d'abord parce qu'elle nous donne de bonnes nou-
velles de vous et de nos amis, et ensuite parce qu’elle nous
apprend que la question des glaciers est toujours à l’ordre
du jour, qu'elle progresse et s’embellit. C'est ce que vous
pouviez nous apprendre de plus rèjouissant. |
— 241 —
Mais vous avez rencontré des difficultés à ce qu'il pa-
rait, quelques moraines réfractaires, indisciplinables,
auxquelles il faut absolument de l'eau. Soit, si le fait
existe, comme je n'en doute pas, nous devons l’accepter
en toute humilité, dût-il nous enlever nos plus jolies
combinaisons, nos théories les plus choyées. Mais avant
d'en faire le sacrifice sur l’autel du progrès, voyons un
peu si les indices de stratification qu'on rencontre dans
l'intérieur des moraines sont réellement incompatibles
avec la théorie des glaciers. Je ne le pense pas et vous
allez voir pourquoi. Ù
Une chose dont nous devons bien nous pénétrer et qu'il
ne faut jamais perdre de vue lorsqu'on étudie les dépôts
erratiques , c’est le fait qu'après le polissage et le buri-
nage des‘rochers, le sol de l'hémisphère boréal tout entier
s’est affaissé sous la mer, au point qu'il a pu se former
par dessus les polis, des dépôts stratifiés qui ont jusqu'à
1000 pieds de hauteur en Norvège et plus de 800 pieds
sur les bords des lacs du Canada. La mer ayant une
profondeur pareille ne pouvait pas être limitée au Canada
et à la Scandinavie. Aussi voyons-nous les mêmes dé-
pôts divuliens se prolonger avec une épaisseur décrois-
sante, jusqu'au 40° de latitude dans ce continent-ci ,
tandis qu'en Europe on les poursuit plus loin au sud,
jusqu’en Pologne et en Poméranie. Aux environs de
Hambourg la mer diluvienne (ou pleistocène comme on
l'appelle maintenant) devait encore avoir une certaine
profondeur pour former des dépôts qui atteignent une
épaisseur de plusieurs centaines de pieds dans les collines
de Blankensese sur les bords de l’Elbe. Une immersion
aussi considérable de tout le nord de l'Europe n'a pas
—— 9h80 —
pu avoir lieu sans que les régions plus méridionales s’en
ressentissent, et si les environs des Vosges et des Alpes
n'étaient pas eux-mêmes envahis par la mer, il est pro-
bable du moins que les dépressions et les grandes vallées
devaient être recouvertes d'eaux douces ou saumâtres
(alimentées peut-être par la fonte des grands glaciers).
Je serais tenté de rapporter à cette époque non seulement
le Lœæss du Rhin, mais encore le Lehm de la Vettéravie
et l’alluvion ancienne de la Suisse qu’on a jusqu'ici, je
ne sais trop pourquoi, envisagée comme plus ancienne
que les blocs erratiques. Il n’y aurait dès-lors rien d’é-
tonnant que vous trouviez des traces de l’action des eaux
dans l'intérieur des Vosges, sans que cela portât d'au
cune façon préjudice à la théorie glaciaire.
Maintenant vos barrières des Vosges sont-elles des di-
gues de cette époque d'immersion, ou bien de vraies mo-
raines de l'époque glaciaire précédente, ou bien sont-elles
l'effet des deux causes combinées, c'est-à-dire des morai-
nes modifiées par l’action subséquente des eaux? D'après
l'impression qu’elles m'ont laissée , il me semble qu’elles
ont plus de rapport avec des moraines qu'avec des œsars.
Le fait que leur convexité est tournée en aval me paraît
surtout significatif. S'en suit-il que si ce sont réellement
des moraines, elles doivent être nécessairement et tou-
jours dépourvues de stratification ? Pour ma part je crois
qu’en parlant de moraine, on songe en général d'une
manière trop exclusive à ces remparts composés de dé-
bris anguleux qui tombent de la surface du glacier, telles
que les moraines frontales du glacier de l’Aar ou du gla-
cier de Zmutt. Celles-là, j'en conviens, ne sauraient
guère être stratifiées. Mais en est-il de même des mo-
— 00! —
raines composées de débris sous-jacents au glacier et préa-
lablement statifiées par les eaux qui circulent sous le
glacier ? Il y aurait un moyen bien simple de résoudre
la question, ce serait d'aller passer quelques jours au
glacier du Rhône, et d'étudier la pioche à la main les
: moraines concentriques qui sont au devant du glacier et
qui, quoiqu'on en dise, ont la plus grande analogie avec
_ vos remparts de la vallée de Wesserling. Je vous engage
. beaucoup à ne pas négliger de faire ces recherches l’été
prochain. Ce sera un joli appendice à ajouter à votre
livre, en remplacement du mouvement uniforme que vous
supprimerez j'espère, dans la seconde édition.
Je ne comprends rien au rôle que vous faites jouer aux
filets d’eau qui circulent sur les glaciers et dans leur in-
térieur. Voulez-vous simplement montrer par là qu'il n'y
a rien d'étonnant à ce que la couche de gravier et de
boue qu’on trouve sous tous les glaciers soit parfois stra-
tifiée? Mais il n’est pas nécessaire pour cela de recourir
aux filets d’eau de la surface. Les torrents qui circulent
sous le glacier sont des agents de stratification bien plus
efficaces, et le mouvement du glacier en frottant les
cailloux contre le sol et en les usant les uns contre les
autres produit plus de menu sable que n'en amènent tous
les ruisselets de la surface, qui, cependant, je n'en dis-
conviens pas, apportent aussi leur contingent à la cou-
che de boue. Au reste il ne s’agit pas ici de possibilité ni
“de probabilité. Allez au glacier de l’Aar, et examinez le
“lit du torrent à l'endroit où il s’échappe de la voûte, et
vous verrez que le gravier y est fréquemment disposé en
strates ou assises, composées de matériaux plus ou moins
grossiers. Que si maintenant ce sol stratifié était refoulé
— 250 —
en avant ou sur les côtés par le mouvement du glacier,
on concevrait que la stratification put se maintenir en
donnant lieu à des couches onduleuses et plissées. Je
conçois aussi, qu'il puisse se former dans certains cas de
nouvelles couches. Examinez la moraine la plus récente
du glacier du Rhône, vous verrez qu’elle forme une di-
gue que le torrent, en sortant de la voûte de glace, est
obligé de longer et de contourner. Or, qu’y a-t-il d’éton-
nant qu'en longeant le rempart morainique, le torrent
dépose des couches de sable et de gravier contre le talus ?
Et si cela a lieu maintenant, pourquoi la même chose
n'aurait-elle pas eu lieu jadis dans les Vosges ?
Quant à vos moraines par obstacle, j'avoue que je
partage jusqu'à un certain point les doutes de Martins
et de Hogard , en ce qui concerne leur origine glaciaire.
Je n'ai rien vu de pareil dans les glaciers actuels, ce qui
s'en rapproche le plus, c’est un rempart morainique.
adossé contre le Kirchet près d’Im-Grund dans la vallée
de Hassli. (Il est surtout distinct près du petit ruisseau
qu'on traverse en descendant le monticule du Kirchet
d’où l’on domine le village et la vallée d'Im-Grund). Vous
feriez bien de donner un coup de pioche en passant,
pour voir s’il y a là des indices de stratification. Enfin je
vous engage aussi à aller voir ce qui se passe au glacier
de Rosenlaui, là où il se divise en deux bras près de son
extrémité. (C'est plus prés que le jardin du glacier des
Bois). Je crois me rappeler avoir vu là entre le rocher et
la glace quelques amas de galets qui pourraient peut-
être avoir quelque analogie avec vos moraines par obs-
tacle. Vous ne me dites pas si vos moraines par obstacle
sont stratifiées ?
\
— 9251 —
Nous attendons avec impatience, M. Agassiz et moi,
le compte-rendu des travaux de la Société réunie à Epi-
mal. Je suis surtout curieux de connaître les motifs qui
vous ont engagé à admettre une calotte de glace par des-
sus tout le système des Vosges. II me semble que vous
ne faites par là que compliquer la question ; car si vous
admettez cette calotte pour les Vosges, vous devez aussi
l'admettre pour la Forêt-Noire qui est en face. Or, com-
ment conciliez-vous l’idée d’une calotte avec les Hers de
» rochers qui se voient sur les hauts sommets de ia Forêt-
» Noire? Vous ne supposez pas, j'espère, comme M. de Buch,
que ces débris sont l'effet d’une secousse locale qui n’au-
rait affecté que les sommets, tandis que les flancs des
montagnes en auraient été préservés. Mais alors il faut
qu'ils soient l'effet d’une désagrégation générale antérieure
au polissage des rochers. Or de ce qu'ils se trouvent de
"préférence sur les plus hautes sommités, j'en avais con-
clu que les glaciers n’avaient pas dù s'élever jusque là.
Vous verrez par une lettre que j'ai écrite dernièrement
à M. de Verneuil et qui paraîtra prochainement dans le
Bulletin de la Société géologique, que [nous avons aussi
de notre côté établi quelques faits qui ne sont pas sans
importance au point de vue géologique. Il résulte de nos
recherches que l’époque erratique ne renferme pas seu—
lement plusieurs périodes distinctes, mais que la faune
de cette époque a aussi subi des modifications impor-
tantes depuis sa première apparition. On peut envisager
“comme démontré que les animaux terrestres et d’eau
douce du nord de l'Amérique et de la Scandinavie, ainsi
que les animaux saumâtres de la Baltique, sont d'une
époque plus récente que les animaux marins. Il est évi-
— 252 —
dent en effet que, lorsque la mer recouvrait la Scandi-
navie d'une couche d’eau salée de plusieurs centaines de
mètres de profondeur, les lacs d’eau douce de la Suède
n'existaient pas, non plus que ceux du Canada. Il a fallu
que les eaux se retirassent par suite d'un nouvel exhaus-
sement du continent, pour que les faunes terrestres et
fluviatiles pussent s’y établir. C'est alors que sont apparus
les Mastodons d'Amérique.
Sous le rapport de la succession des périodes , le pa-
rallélisme est complet entre l'Amérique et la Scandinavie.
Reste maintenant à le tracer pour les Alpes et les Vosges.
C’est là votre tâche et celle de M. Guyot. Quant aux blocs
erratiques et aux roches polies, l’analogie est incontes-
table. Après avoir observé attentivement les polis sous
les glaciers des Alpes, sur les flancs du Jura, dans les
Vosges, en Norvège, en Suède, dans les Iles du Dane-
marck et dans les différentes parties des Etats-Unis, je
puis affirmer qu'elles sont semblables et je n'ai aucun
doute qu’elles ne soient l'effet d’une seule et même cause,
les glaciers. — Le même parallélisme peut se tracer entre
la Scandinavie et l'Amérique, pour la période d’immer-
sion qui a succédé à la période des glaces; et si, comme
je l'ai supposé plus tôt, le Lüss est le dépôt contemporain
de cette époque en Allemagne, et l’alluvion ancienne en
Suisse, il n'y a pas de raison pour qu'on ne trouve pas
aussi des traces de cette époque dans les vallées des Vosges
et dans les plaines de la Haute-ltalie.
Mais nous avons constaté en Amérique une troisième
période, celle de l'apparition des animaux terrestres et des
coquilles fluviatiles qu’on trouve dans les anciennes ter-
rasses des fleuves d'Amérique, ainsi que dans les limons
0 EE ©
*
— 253 —
les plus superficiels. Je crois qu'il faut rapporter à cette
époque les anciennes tourbières de la Scandinavie, loù
l'on trouve aussi des carcasses d'animaux qui n'existent
plus, entre autres le Bos priscus, avec des armes en pierre
à feu et des squelettes humains de race Touranienne.
Quelle est analogue de cette époque dans les Vosges et
en Suisse? C’est encore à vous, ami Collomb, et à notre
ami Guyot que s'adresse cette question. Déjà nous possé-
dons quelques faits qui semblent significatifs , ce sont les
débris d’éléphants qu’on a trouvés en Suisse dans les dé-
pôts les plus superficiels, par exemple dans les graviers
des Combettes près de la Chaux-de-Fonds, dans les gra-
viers de la vallée de la Sarine près de Fribourg et enfin
les défenses d'éléphants trouvées près de Genève et que
M. Necker a malencontreusement rapportées à l’expé-
dition d'Annibal. Sans doute ces fossiles ne sont pas
les mêmes que ceux d'Amérique, mais n'est-il pas re-
marquable que nous trouvions dans les terrains les
plus superficiels de la Suisse, comme dans ceux d’Amé-
rique, des restes de grands animaux dont la race s’est
perdue, tandis que ces débris ne se retrouvent jamais
dans les dépôts diluviens marins qui sont sous-jacents.
Quelle immense époque que cette époque diluvienne,
dont on rapportait naguëre tous les phénomènes à une
action momentanée. Ces gîtes à éléphants en Suisse mé-
ritent d'être étudiés avec le plus grand soin. Sont-ils
contemporains et identiques avec l’alluvion ancienne. IL
ne paraîtrait pas, puisque M. Necker, qui rapporte les dé-
- fenses d’éléphants de Genève à l’armée d’Annibal, envi-
sage au contraire l’alluvion ancienne comme antérieure
aux blocs erratiques.
IVe
M. Desor à M. Guyot.
Boston , 14 janvier 1848.
... Je vous engage à ne pas envisager la question
comme vidée ni dans les Vosges ni dans les Alpes. Il faut
absolument que vous repreniez la question de l’alluvion
ancienne ab ovo. C'est une tâche ardue , je le sais, mais
cest précisément pour cela qu’elle vous revient de droit.
Les blocs erratiques sont devenus entre vos mains des
signaux authentiques à l’aide desquels vous avez tracé
le domaine exact d’un grand phénomène. Mais mainte-
nant que nous connaissons l'étendue de cette terra jadis
incognita , il nous reste à en étudier l’histoire, au point
de vue organique, comme au point de vue physi-
que. C'est là qu'est le grand problême. Si je pouvais
au moins vous donner un faible aperçu de ce que l’étu-
de du phénomène erratique dans ce pays nous a révélé
de ces grandes époques qui ont succédé à la période
glaciaire ! Mais il faudrait pour cela vous écrire un vo-
lume ou tout au moins un long mémoire. J'ai adressé
récemment une longue lettre à M. de Verneuil, que vous
verrez probablement dans le Bulletin de la Société géo-
graphique. J'ai surtout insisté sur la diversité des formes
qu’affecte le terrain diluvien d'Amérique. Dans ce moment
je rédige un mémoire que je destine à mon ami Lovén
de Stockholm, et où nous nous appliquons à faire res-
sortir l’identité des phases du phénomêne américain avec
celles qu’on peut tracer dans le nord de l'Europe, en in-
sistant sur le caractère particulier des faunes des deux
continents à ces différentes époques. Vous verrez proba-
blement dans une couple de mois ce mémoire dans les
annales de Poggendorf. Nous avons aussi essayé, M. Agas-
siz et moi, de tracer sur des cartes l’étendue et les limites
de chacune de ces phases, qu’on peut rapporter à deux
grandes époques , l’époque maritime et l’époque d'émersion.
Comment pourrait-on vous faire passer un copie de ces
cartes ? Pourquoi faut-il qu'un océan nous sépare ! Que
de choses nous aurions à nous dire, que d'aperçus sur-
giraient si nous pouvions discuter ces questions ensemble.
Je ne veux aujourd'hui vous poser qu’une seule question:
croyez-vous qu'une époque comme celle du Pleistocène
ou drift stratifié, pendant laquelle la mer recouvrait tout
l'hémisphère boréal jusqu’au 52° de latitude en Europe
+ ctjusqu'au 40° dans ce continent-ci, (M. Agassiz a même
» tout récemment retrouvé le diluvien stratifié jusqu’en
Caroline), croyez- vous dis-je, qu'une époque pareille ait
pu ne pas laisser des traces de sa présence en Suisse et
ailleurs ? Or je me trompe fort ou l’alluvion ancienne
ainsi que le Læss du Rhin sont les produits de cette épo-
que. Je vois dans les plaines du Rhin et de la Vetteravie
une immense baie, ou plutôt un sol marécageux couvert
de lacs comme le sont de nos jours les régions des sources
du Mississipi, et dans les graviers superficiels de la Plaine
suisse, renfermant des ossements d’éléphans, je vois l’ana-
logue de notre époque des Mastodontes. Je ne sais si je me
_ trompe, mais l’idée de Studer et de Necker, que l’alluvion
stratifiée de la Plaine suisse avec ses stratifications torren-
tielles pût être antérieure à l'époque glaciaire me paraît
tous les jours plus insoutenable. Examinez-donc un peu
cette question et dites-nous votre sentiment, faites-nous
— 256 —
part des difficultés que vous y voyez, causez-nous en un
mot du phénomène erratique. Vous vous souvenez que
vous nous avez souvent recommandé de porter notre at-
tention sur les caractères organiques des époques dilu—
viennes. Vous voyez que nous avons suivi votre conseil.
Nous n'avons maintenant plus qu'un vœu à faire, c’est
que vous vous décidiez quelque jour à venir nous faire
une petite visite. De grâce, ne repoussez pas cette idée ;
je vous dis, que vous viendrez nous voir, parce qu'il
faut que vous voyiez l'Amérique. Pensez-donc que nous
demeurons sur le drift avec cailloux et blocs striés.
BULLETIN
DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES NATURELLES.
DE NEVCLATEL.
Séance du 30 Novembre 18248.
Présidence de M. L. CouLon.
x M. le professeur Sacc lit le Mémoire suivant intitulé :
: Des fonctions de l'acide pectique dans le développement des
- végélaux.
{
Toutes les matières destinées à former les êtres doués
de la vie, sont d'autant plus aqueuses, instables et amor-
phes, que leur importance est plus grande, que leurs usages
sont plus multipliés; de là vient que les propriétés de
l'acide pectique, point de départ de toutes les matières
végétales, sont aussi mal connues que celles de l’albumine
dont la fluidité offre à la nature l’état sous lequel la
matière se plie le plus facilement à toutes espèces de mé-
tamorphoses.
BUL. DES SC. NATUR. T. Il. 19
— 258 —
En voyant l'acide pectique exister partout où un organe
végétal se développe, puis disparaître dès qu’il est formé,
on ne peut se refuser à admettre qu'il a servi à le consti-
tuer ; depuis long-temps déjà, les botanistes nous ont fait
assister, le microscope et le scalpel en main, à la trans-
formation de cet acide en fibre ligneuse, tant dans les
noyaux des fruits à enveloppe dure, que dans les jeunes
tiges des plantes.
Dans la sève de tous les végétaux, on rencontre l’acide
pectique seul, ou associé au sucre de canne; et sur tous
les points où ces deux substances disparaissent, on voit
se déposer de la fécule, du ligneux, de la bassorine ou
de l’inuline ; la bassorine et l’inuline établissent une tran-
sition non interrompue, de l'acide pectique à la fécule.
Aucune expérience chimique n'était venue prouver que
le sucre de canne peut se changer en fécule, à moins,
peut-être, que sa transformation en bassorine dans la
préparation de l’acide lactique d’après le procédé de M.
Pelouze; nous nous bornerons, pour soutenir cette manière
de voir, à dire qu’en étudiant le développement des pois,
nous avons vu que le sucre de canne et l’albumine con-
tenus dans le liquide qui baigne les cotylédons de ces
graines tant qu'ils sont encore petits et verts, disparais-
sent à mesure qu'ils mürissent, en se remplissant de fécule
et de légumine. Laissons donc les métamorphoses du
sucre de canne, pour nous occuper seulement de celles
de son inséparable, l'acide pectique.
Nous n’insisterons pas davantage non plus, sur la for-
mation de la fécule aux dépens de l'acide pectique, puis-
qu'il est impossible de la prouver directement, quoique
— 259 —
l'interposition de la bassorine et de l'inuline entre ces
deux substances, la rende plus que probable, presque
certaine. C'est à la transformation de l’acide pectique en
ligneux, et du ligneux en acide pectique, que nous nous
arrêterons.
En voyant avec quelle profusion la nature a répandu
le ligneux dans les végétaux; en reconnaissant qu'il ne
manque dans aucune plante, qu'il constitue la majeure
partie de la plupart d’entre elles, on prévoit pour lui
une de ces grandes destinations par lesquelles le Créateur
pare à la destruction des espèces. Le bois n’est pas seu-
lement destiné à soutenir le corps des végétaux, à nourrir
des insectes, protéger et chauffer les maîtres du monde;
il doit aussi entretenir la vie végétale, lorsque l’aridité
du sol ne lui offre plus d'aliments. Il y a long-temps,
d’ailleurs, que les botanistes ont prouvé que les arbres
transplantés d'un bon terrain dans un mauvais, maigris-
sent et meurent, absolument de même qu’un animal qu’on
affame; Haller l’a démontré par le peuplier, la balance
à la main, et pendant trois années consécutives. Mais
habitué à considérer le ligneux comme le caput mortuum
de la végétation, comme le principe destiné à rendre, par
l'intermédiaire de l'humus, la matière organisée au règne
minéral, le chimiste n’a point suivi le botaniste dans ses
investigations, et il n’a point saisi l’analogie absolue qu'il
yaentre le bois des végétaux, et la chair musculaire des
animaux. En effet, les physiologistes, de concert avec
les chimistes , ont prouvé que l’albumine se change en
fibre musculaire, et que celle-ci, dans une foule de eir-
constances, peut reproduire de l’albumine; les botanistes
— 260 —
ont démontré que l'acide pectique peut, en s’organisant,
former de la fibre ligneuse; c'est aux chimistes qu’il était
réservé de prouver que l'inverse a lieu aussi, et que,
sous l'influence de l'acide nitrique, le ligneux passe à
l'état d'acide pectique. La nature possède, sans doute,
pour effectuer cette métamorphose, un agent spécial ana-
logue à cette singulière diastase qui opère si facilement
la transformation de la fécule en sucre de raisin; tandis
que, pour arriver au même but, l’homme est forcé d’em-
ployer un de ses agents chimiques les plus énergiques.
C’est encore un agent, sans doute tout semblable à la
diastase, qui change rapidement, et sans cause chimique
connue, en gomme arabique, le bois des arbres fruitiers
atteints par la maladie connue sous le nom de gomme,
tandis que nous n'opérons cette métamorphose qu’en
traitant le ligneux par l'acide sulfurique concentré. La
force vitale des végétaux possède donc deux agents de
dissolution du ligneux ; l'un le change en acide pectique
propre à nourrir la plante; l’autre en gomme arabique
qui, au contraire, en amène rapidement la fin; il y a
entre l'acide pectique et la gomme arabique, le même
rapport qu'entre le pus de bonne nature et celui qui
annonce que le malade ne survivra point à ses blessures.
La transformation du ligneux en acide pectique n'est
donc pas normale; aussi n’a-t-elle lieu que dans le cas
où la végétation ne trouve pas dans le sol une nourriture
suffisante, et ne se présente-t-elle jamais lorsque la plante
en pleine vigueur reçoit une nourriture en rapport avec
sa force assimilatrice. Dans nos climats, toutes les plantes
à tiges vivaces, quelle que soit la nature du terrain sur
— 261 —
lequel on les cultive, présentent cependant cette singu-
lière métamorphose du ligneux à deux époques de l’année,
succédant l'une et l'autre à un véritable arrêt dans la
marche de la végétation ; nous voulons parler du déve-
loppement des bourgeons, au printemps et au mois d'Août;
dans le premier cas, la plante utilise une partie du ligneux
déposé par la végétation d'Août, et dans le second, une
partie de celui qu'a produit la végétation du printemps ;
seulement, cette absorption est beaucoup moins grande
au mois d'Août qu'au printemps, parce que la plante
toute feuillée peut se nourrir, en partie du moins, aux
dépens de l'air et du sol, tandis qu'au printemps le vé-
gélal, privé de feuilles et de radicelles, est réduit à se
nourrir à ses propres dépens. Aussi suffit-il d'enlever
dans cette saison, deux ou trois fois de suite les feuilles
des arbres les plus vigoureux pour les faire périr tout
aussi sûrement qu'un animal qu'on épuiserait par des
saignées répétées. Le ligneux, qui est un corps très-com-
plexe, peut, d'après les belles recherches de M. Payen et
du célèbre Mulder, être envisagé comme formé essentiel-
lement de cellulose constituant des espèces de fibres
allongées, remplies ou incrustées de substances étrangè-
res (lignose), donnant aux diverses espèces de bois leurs
propriétés caractéristiques; ce qu’on ne peut point appli-
quer à la cellulose, puisqu'elle présente dans tous les
végétaux, et dans chacune de leurs parties, les mêmes
propriétés et la même construction quand elle a été con-
venablement séparée d'avec la lignose. Les expériences
des chimistes ayant prouvé que la lignose est infiniment
plus altérable que la cellulose, et celles des botanistes
— 262 —
ayant appris que la lignose ne se forme qu'après la cel-
lulose , il devenait évident que la cellulose est la partie
essentiellement utile des bois, et que c'était elle qu'il
fallait étudier pour découvrir leur mode de formation et
apprendre à connaître leurs métamorphoses. Les bois les
plus légers étant les plus pauvres en lignose, les moins
altérables par les réactifs.chimiques, ils devaient fournir
facilement de la cellulose pure; telle est la raison qui
nous a engagé à prendre les bois blancs pour sujet de ces
recherches, et si nous avons donné parmi eux la préfé-
rence au bois de sapin blanc (abies pectinata), c’est à
cause de la grande diffusion de ce végétal, appartenant
d’ailleurs à la puissante famille des conifères qui a des
représentants dans toutes les parties du monde, dans
chaque espèce de terrain, de manière à rendre possible à
tous les membres l'application des faits chimiques décou-
verts pour l’un d’entre eux.
Le bois que nous avons employé, provient de plusieurs
arbres de moyenne grandeur ; tous avaient crû dans une
bonne terre placée sur du néocomien, versant sud-est du
Jura, un peu au-dessous du village de Rochefort. On
réunit la sciure provenant de ces arbres abattus en au-
tomne et sciés en Février, on la mélangea aussi intimé-
ment que possible, en ayant soin d’écarter les morceaux
d'écorce, et on l’employa d’abord à la détermination des
cendres de ces végétaux. L’incinération en fut facile; les
cendres sont d’un blanc légèrement gris. Quatre dosages
ont fourni les nombres suivants, calculés pour le ligneux
desséché à 1000; la sciure qu'on a employée contenait
en moyenne : ligneux . . 61»9926
eau . . . 38»0074
100»0000
— 263 —
L_ gr.0,6782 de ligneux anhydre donnent : cendres gr. 0,0040,
IL. » 1,0618 » : F » » 0,0050,
III. » 0,9026 À o » » » 0,0060,
IV. » 1,8983 $ ; » nn 0,0093,
En centièmes :
I. I. III. IV. Moyenne.
0,5897. 0,4708. 0,6647. 0,4899. 0,5538.
Lorsqu'on fait digérer le ligneux avec du chloride hy-
drique du commerce, étendu de moitié son poids d’eau,
qu'on le lave ensuite à l’eau distillée, le dessèche à 100 °
et le calcine, on obtient en cendres parfaitement blan-
ches :
L.__gr.0,9143 de ligneux anhydre donnent: cendres gr. 0,0005,
IE » 2,0575 » » » » » 0,0018,
En centièmes :
I. Il. Moyenne.
0,0546. 0,0874. 0,0710.
Analyse des cendres de bois brut.
IL. Grammes 2,9535 de cendre.
I. » 7,2229 »
HI. » 4,9053 »
IV. » 3,3915 »
Y. » 2,7201 »
VI. » 4,5026 »
VIL. » 1,6729 »
VIE. ». 18,3286 »
»
264
‘ITA
99800 | S980‘0 |" © ‘ ‘|:
41160 | 79680 |" * * :
‘IA
‘TA
"À
9G00‘0 | YG00‘0 | * * ‘|:
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£68S'T
EST
SLEUT
CLST'L
D TS Cote CN
onbipos «
+": * onbiseod «
* enbropeo «
**t * * onbisougeu «
"tt": 'xXnuegueu «
"tt tt * onbne apiXO
ET
°°: * “enbuogdsogd «
* enbrangms «
° "+ onbomis apoy
auneqd 39 onbissejod aumaoqq)
‘7 * * ‘SUIUOI S9amo[y)
° © © * * enboyes oyeuoque)
* onbisouSeu ayeydsoydorÂq
"XNOUCSUEUOIUESUEU 9PIXQ
** * * * onbruez ayeydsoyaq
° * +: “onbnuogae aanaopg)
tt: + enbnÂaeq opens
°° 27" enbrouis epoy
— 265 —
La composition de ces cendres peut donc être repré-
sentée de la manière suivante :
Acide silicique 10,8667.
»__ sulfurique 1.2844.
» phosphorique 3,5569.
Chlore 0,1229.
Oxide ferrique 2,6018.
» manganeux 2,6498.
» magnésique 3,9873.
» Calcique 58,6475.
» potassique 2,3076.
» sodique 13,9751.
100,0000.
Avant de passer à la combustion du bois brut, disons
que la forte proportion de nitrogène qui se dégage alors,
nous fait regarder le bois de sapin comme trés-riche en
matières nitrogénées, qui sont probablement la cause de
la grande altérabilité de ce bois, ainsi que de l’avidité
avec laquelle une foule d'insectes le dévorent, de préfé-
rence à tous les autres.
I. Grammes 0,4544 de ligneux donnent, correction faite des
cendres :
Acide carbonique, gr. 0,7676.
Eau, » 0,2561.
Il. Grammes 0,3281 donnent:
Acide carbonique, gr. 0,5740.
Eau, »_ 0,2005.
JIL Grammes 0,4250 donnent:
Acide carbonique, gr. 0,7508.
Eau, » 0,2519.
— 266 —
En centièmes :
I. IL. III. IV.
Carbone, A6,32 47,96 48,45 47,58
Hydrogène, 6,28 6,80 6,60 6,56
Oxigène et nitrogène, 47,40 45,24 44,95 45,86
100,00 400,00 400,00 100,00
La formule C:1 Hi Ou: donne en centièmes :
Carbone, 47,94.
Hydrogène, 6,46.
Oxigène, 45,63.
100,00.
Lorsqu'on fait bouillir doucement, dans une vaste cor-
nue, gr. 200 de cette même sciure desséchée à 1002 C,
avec gr. 400 d’eau, et 2 kilog. d'acide nitrique du com-
merce, il se dégage d’abord d’abondantes vapeurs nitreu-
ses qui finissent par disparaître totalement; on cohobe
fréquemment, et au bout de quelques heures, le bois
change d’aspect; il devient très-blanc, semble pâteux, et
s'attache quelque peu au fond de la cornue; on jette
alors le tout sur un entonnoir dont le tube est bouché
avec quelques fragments de verre; la solution qui passe
contient Gr. 15,3187 d'acide oxalique correspondant à
environ trois fois le même poids de cellulose, si, comme
tout semble l'indiquer, elle est douée des propriétés de la
fécule.
Le résidu qui se trouve sur le filtre, est lavé à l'eau
distillée et par décantation, dans un vase à précipiter ; à
mesure que l'acide qui l'imprègne disparaît, ce résidu
qui conserve encore l’aspect de la fibre ligneuse, se dépose
— 267 —
de plus en plus difficilement ; lorsque, même au bout de
douze heures, l’eau qui le surnage est encore louche, et
que d’ailleurs elle est tout-à-fait neutre, on jette la sub-
stance sur une toile, on l’exprime et on la dessèche au
bain d’eau. De blanche et satinée qu'elle était d’abord,
elle perd toute espèce de structure, et devient légère et
grise ; elle retient l'eau avec une grande tenacité, et de-
vient très-facile à réduire en poudre, aussitôt qu’elle est
parfaitement sèche.
La substance blanche examinée avant d’être desséchée,
tout en conservant la structure du bois, a quelque chose
de pâteux ; elle contient 92,596% d’eau pour 7,4036 de
matière solide; jetée dans une grande quantité d’eau,
elle ne s’y dissout point; mais, si après l'avoir mélangée
avec trois ou quatre fois son volume de ce liquide, on y
ajoute un très-léger excès d'ammoniaque, on voit aussi-
tôt cette matière blanche et opaque devenir transparente ;
puis se gonfler et se dissoudre en produisant une solution
d'où les acides les plus faibles la précipitent en totalité,
sous forme de gelée incolore , translucide et si épaisse,
qu’on peut retourner le vase dans lequel on opère, sans
qu'une goutte de liquide en sorte.
L’acide pectique obtenu avec Gr. 200 de bois et des-
séché à 100 ° C., pèse Gr. 35,6714, en sorte que, ce qui
est peu probable, s'il représente la totalité de la cellulose
du bois de sapin, ce dernier serait composé de
Cellulose, 17,8357.
Lignose, 82,1643.
100,0000.
— 268 —
L’acide pectique incinéré laisse quelque peu de cendres
bien blanches, formées essentiellement d'acide silicique
avec des traces de carbonate calcique, provenant sans
doute d’un peu d'oxalate calcique.
I. G. 0,8003 d’acide pectique sec, laissent cendres g. 0,0052.
IL G.0,7045 » » » » g. 0,0038.
En centièmes :
t IL. Moyenne.
0,65. 0,54. 0,595.
La combustion de cet acide, opérée par le chrômate
plombique de même que celle du bois, a fourni les résul-
tats suivants :
L. G. 0,6161 d'acide pectique donnent, correction faite des
cendres:
Acide carbonique, gr. 0,9170.
Eau, » 0,3231.
Il. G. 0,3754 donnent :
Acide carbonique, gr. 0,5760.
Eau, 2" » 0,2020.
HI. G. 0,5165 donnent :
Acide carbonique, gr. 0,8070.
Eau, » 0,2742. Soit
en centièmes :
I. I. IL. Moyenne.
Carbone 10,83 42,10 42,86 41,93
Hydrogène 5,86 6,00 5,94 5,93
Oxigène 53,31 51 ,90 51 ,20 52,14
100,00 100,00 100,00 100,00
— 269 —
Cet acide pectique était exempt de composés hydro-
génés ou oxigénés du nitrogène, puisqu'avec la chaux
sodée, il ne dégageait pas d'ammoniaque, et que, chauffé
dans un tube fermé, il se carbonisait tranquillement, sans
déflagrer. Chauffé doucement au contact illimité de Y'air,
l'acide pectique répand l'odeur de caramel, et laisse un
charbon demi-fondu, comme celui du sucre.
La formule déduite des analyses qu'on vient d'expo-
ser, est : C14 Hi2 O1: donnant en centièmes :
Carbone, A2.
Hydrogène 6.
Oxigène, 52.
100.
Qui permet d'expliquer facilement la transformation
du bois en acide pectique, et celle de ce dernier en cel-
lulose, amidon ou tel autre de ses isoméres. La formule
du bois de sapin étant
C21 Hi: O5, lorsqu'on en soustrait celle de l’acide pec-
tique
C14 Hi2 O3, il reste
C: H; O2 qui, doublé, oxidé et hydraté, et on sait
avec quelle facilité ces deux actions se passent dans Îles
plantes, produit un nouvel équivalent d’acide pectique,
puisque :
C- Hs O2 X 2 — C14 Hio O4 qui, en absorbant : O
et 2 HO — Ci Hi2 Os, en sorte que deux équivalents
de bois de sapin forment trois équivalents d'acide pectique,
lorsqu'ils fixent sept équivalents d’oxigène et deux d'eau.
IL est bien remarquable que l'acide pectique, une fois
qu'il a été desséché, soit totalement insoluble dans l’eau,
— 210 —
même additionnée d'ammoniaque, en sorte qu'il pourrait
bien se faire que l'acide pectique extrait du bois par
l'acide nitrique, y ait été formé aux dépens du composé
C7 Hs O>, et que ce soit l'acide pectique insoluble, for-
mant le corps du bois, qui ait fourni l'acide oxalique; on
se rendrait compte ainsi de la raison pour laquelle le bois
traité par l'acide nitrique fournit si peu d’acide pectique,
et on comprendrait aussi pourquoi, lorsque les arbres
maigrissent, par défaut d'aliments, les anneaux ligneux
annuels diminuent en diamètre, mais ne disparaissent
jamais en totalité. L’acide pectique du bois serait donc à
l'acide pectique hydraté dans le même rapport que l'al-
bumine coagulée à l’albumine liquide.
Quant à la transformation de l’acide pectique’en cellu-
lose C12 H10 Oo, ou en l’un de ses isomères, elle permet
d'expliquer nettement pourquoi les jeunes organes végé-
taux, ainsi que les graines, ont une saveur sensiblement
sucrée, lorsque la fibre ligneuse ou la fécule s’y dévelop-
pe; il suffit pour s’en convaincre, de multiplier par
huit l’équivalent de l'acide pectique, et d'en soustraire
huit équivalents de cellulose; on obtient alors un résidu
composé d'un équivalent de sucre de canne, de cinq équi-
valents d’eau, et de quatre d'acide carbonique :
8 X C14 Huz Ous = Case Ho O104 acide pectique,
8 X Cie H1o O10 — Co Hso Oso cellulose.
Ci6 Hi6 024 différence.
Cie Hu O1 sucre de canne.
A X C O:= C4 Os acide carbonique,
HEOH 01 Hs O5 eau.
— 211 —
Conclusions.
1° Le bois de sapin est formé d'acide pectique et d'une
autre substance qui est probablement la lignose, et qui
en s’oxidant et s’hydratant, produit aussi de l'acide pec-
tique.
2° Le bois de sapin se transforme partiellement en
acide pectique lorsqu'on le traite par l'acide nitrique.
3° L’acide pectique, lorsqu'il se change en cellulose,
ou en une autre matière féculacée, dans le sein des plan-
tes, forme en même temps du sucre de canne , et dégage
de l’acide carbonique, ainsi que de l’eau.
4° L’acide pectique produisant les matières féculacées,
est le point de départ de toutes les matières végétales.
5° La formule réelle de l'acide pectique est C14 H12 Os.
M. le président lit la lettre suivante de M. Couleru, de
la Neuveville :
« Assis un jour au haut de l'escalier d’une maison de
la Neuveville par un temps calme et serein, je vis vers
l'angle sud-ouest de la place du marché un objet blan-
châtre qui se dirigeait de mon côté. Il vint se poser sur
la balustrade de l'escalier, et je vis alors que c'était une
araignée à cheval sur un globule de fils enchevêtrés
qui lui servait de navire aërien. Je voulus m'approcher
pour l'examiner; mais aussitôt elle s’envola et disparut
en passant au-dessus d’une maison voisine. Contrarié
par cette brusque disparition, je résolus de faire voler
des araignées, comme celle que je venais de voir. Je me
rendis aussitôt dans une vigne voisine où je pris trois
araignées, dont une ressemblait beaucoup à celle que je
venais d'observer. Pour la contraindre à exécuter une
— 272 —
ascension, je pris un très-grand plat que je remplis d’eau,
au milieu de laquelle je plaçai un morceau de terre glaise.
J'y fixai un chaume, au milieu duquel j'attachai une petite
rondelle de carton sur laquelle je déposai l’araignée. Elle
parcourut vivement toutes les parties sèches de son île,
montant au haut du brin de paille, puis redescendant
pour parcourir les bords du carton dont elle essayait de
s'éloigner en posant ses pattes dans l’eau et les retirant
aussitôt. Fatiguée de ces exercices qui duraient depuis
plus d’un quart d'heure, je cessai de surveiller exacte—
ment l’insecte. Depuis un moment, l’araignée était fort
tranquille, lorsque je la vis tout-à-coup arriver à l’aide
d'un fil, sur le bord du plat. Désirant savoir comment
elle s’y était prise pour fabriquer ce pont aussi lestement,
je la repris, la plaçai de nouveau sur l’île et ne la perdis
pas un instant de vue. Elle fut long-temps à répéter ses
anciennes courses, puis s'arrêta et devint tranquille comme
la première fois; la surveillant alors avec une forte loupe,
j'aperçus un fil assez fort qui paraissait sortir de sa bou-
che, et qu’elle dirigeait avec les deux pattes de devant
non plus contre les bords du plat, mais vers le col d'une
bouteille placée à plus de deux pieds et demi de distance.
Ce fil offrait un mouvement giratoire perceptible sur
1'}2 à 2 pouces de son extrémité; ayant atteint le col de
la bouteille, le fil s'y appliqua, et l’araignée s’élançant
dessus s’échappa. Je la repris, et la plaçai pour la troi-
sième fois sur son île où elle renonça à ses courses ac—
coutumées et chercha à lancer un nouveau fil, que je
rompis. Alors elle essaya plusieurs fois inutilement de
passer l'eau, et se promena ensuite lentement en s’arrêé-
tant quelquefois, comme pour réfléchir. Tout-à-coup
— 273 —
elle descend sur le carton et commence à tourner sur
elle-même avec rapidité, ayant l'air de corder quelque
chose sous elle ; je l'examinai avec attention, et vis qu’elle
fabriquait un coussin semblable à celui qui servait à
transporter l’araignée que J'avais vue une heure aupara-
vant; au bout d'une minute elle s’éleva dans l'air sans
que je pusse voir comment, et s'envola par la fenêtre.
» En 1842, je remarquai près de Belfort au commen-
cement d'Août une araignée volante que j'observai avec
soin.
» En 1845, voulant répéter ma précédente observation
faite en 1838, je me procurai plusieurs araignées, dont
l’une était remarquable par sa belle couleur blanche
striée de rose foncé : c'était la plus stupide de toutes.
Aucune d'elles ne voulut filer, ni même faire de pont
pour passer l'eau, à l'exception d’une seule qui ayant
jeté son fil, que je rompis, entra bravement dans l’eau,
et parvint à l’autre bord en marchant au fond du plat. »
M. Couleru indique encore dans la même lettre qu'il
existe un incecte particulier qui détruit les chenilles : c’est
un ver blanc, long de 4-5 pouces, de la grosseur d’un
fil à coudre; il suce les chrysalides en s'insinuant entre
leurs anneaux. Ce ver se trouve en Mai sur l’érable
(acer campestris) et se multiplie si facilement dans la
terre de bruyère qu'il emploie pour élever ses chenilles,
qu'il en a trouvé jusqu’à sept dans un seul pot.
Les espèces capsulaires, telles que Cucubali, Compta,
Camprincola, etc., ont encore une autre espèce d'ennemi,
qui est une larve apode d'un blanc sale, qui se métamor-
phose en un petit coléoptère. Cette larve vit dans les
capsules du Cucubali, ainsi que dans celles des œillets.
RUL, DES SC, NATUR. T. IL 20
Le professeur Sacc dépose sur le bureau divers échan-
tillons de pommes de terre qu'il a obtenues de semis ; les
plus intéressantes sont de belles pommes de terre blan-
ches provenant de graines de bleues; ces graines recueil-
lies par lui-même, n'ont donné absolument que cette
seule variété qui paraît devoir être bonne.
Séance du 1% Décembre 1848.
Présidence de M. L. CouLon.
M. le prof. Ladame observe, à propos du Mémoire pré-
senté par le prof. Sacc dans la dernière séance, que la
quantité d’oxigène trouvée par lui dans le bois, est plus
forte que celle qu’on y a admise jusqu'ici ; puis il regrette
que M. Sacc n'ait pas vérifié sur les cendres de sapin la
loi de M. Liebig, d'après laquelle il existe un certain rap-
port entre l'équivalent des diverses bases qui les consti-
tuent.
M. Sacc répond à la première observation, que la
différence observée dans la quantité d'oxigène du bois,
vient de ce qu’il a analysé du bois brut, qui contenait par
conséquent beaucoup de nitrogène , dont le poids est
venu s’ajouter à celui de l’oxigène ; et, à la seconde, que
s’il n'a pas essayé de vérifier la loi de M. Liebig, c'est
qu'il est persuadé qu'elle repose sur un jeu de chiffres et
que d’ailleurs, lors même qu'elle serait vraie, elle n’amé-
perait toutefois pas à des résultats utiles, puisque parmi
les substances minérales fixées dans les tissus des êtres
doués de la vie, il y en a qui sont chimiquement combi-
nées avec eux, tandis que d'autres s’y attachent d'une
façon toute mécanique, et qu'on n’a pas encore trouvé le
moyen d'isoler les premières d'avec les secondes.
— 215 —
M. l'ingénieur G. de Pury développe la méthode em-
ployée pour soumettre au calcul l'écoulement de l’eau
dans les tuyaux des fontaines. En 1828, M. Bélanger,
dans son Essar sur le mouvement des eaux courantes, avait
le premier soumis ces questions au calcul; la formule la
plus générale à laquelle il était arrivée, était la suivante :
Q= CVID;
dans laquelle : Q représente le volume à écouler.
D » le diamêtre du tuyau.
C » un coefficient variable.
J » la pente par mètre de lon-
gueur de conduite.
Malheureusement, cette formule n’est applicable que
par voie de tatonnement, et la longueur des calculs aux-
quels elle conduit est souvent la source de graves erreurs.
C'est pour éviter ces inconvénients, que M. Mary,
ingénieur des ponts et chaussées, chargé du service des
fontaines de Paris, a cherché un moyen plus simple et plus
prompt de résoudre ce problème, et il y est parvenu en
calculant des tables qui établissent pour chacun des dia-
mètres les plus usités dans la pratique, le rapport entre
le volume d’eau écoulé par seconde, la hauteur d'eau
nécessaire pour vaincre le frottement dans un tuyau d'un
mètre de longueur, et la vitesse obtenue par seconde.
Dans ces tables, les volumes à débiter par seconde
sont indiqués en pouces fontainiers et en fractions de
mètres cubes, depuis !/10 de pouce jusqu'à 1200 pouces.
Le diamètre des tuyaux varie depuis m. 0,06, soit deux
pouces, jusqu'à m. 0,60, soit deux pieds.
En divisant les volumes exprimés en mètres cubes par
les nombres indiquant la section transversale des tuyaux,
on a obtenu les vitesses.
— 2716 —
Connaissant la vitesse, on a recherché dans les tables
de M. de Prony la valeur de !/4 DJ, laquelle étant divisée
par ‘/« D, a donné celle de J, ou la charge dépensée par
mètre linéaire pour vaincre les frottements.
Les vitesses V et les charges dépensées J forment pour
chaque volume d’eau, et pour chaque diamètre de tuyau,
l’objet d'une colonne du tabieau qui est distribué comme
ci-dessous :
Diamètres.
0",081 | 0,108
Volume d’eau à débiter
exprimé
en mètres|en pouces charge |vitesse|| charge |vitesse|| charge |vilesse| etc.
0,00007 1/10 0,00000106|0,0078 |lo,ooov03 |0,0043 |0,000001|0,0024 | etc.
Au moyen de ce tableau, le problème d'une distribu-
tion d’eau, telle qu’elle se présente dans les cas les plus
ordinaires, se résout assez facilement, lorsqu'on connaît :
1° Le volume d’eau à débiter;
20 Le niveau de l’eau à la source;
30 Le niveau de chaque orifice d'écoulement ;
4° La longueur de toutes les parties du système.
L'inconnue la plus ordinaire est le diamètre des tuyaux
à employer; mais cette partie du problème peut être
résolue d’une infinité de manières, puisque tous les dia
mètres de tuyaux qui ne nécessitent pas une vitesse plus
grande que trois mêtres par seconde, peuvent être em—
ployés dans la pratique; mais les tuyaux les plus petits
ont l'inconvénient de nécessiter une grande vitesse, et
par conséquent d'absorber une charge plus considérable
pour vaincre le frottement. Les tuyaux les plus grands
ont au contraire l'inconvénient d’un plus haut prix; mais
— 271 —
le frottement est moindre, ensorte qu'ils doivent être em-
ployés dans le cas où on n’a pas à sa disposition une
charge d’eau bien considérable.
Lorsqu'on veut résoudre le problème, on fait un tà-
tonnement qui consiste à en chercher la solution en se
donnant un diamètre de tuyau et en calculant la hauteur
à laquelle l’eau s’éléverait à chacun des orifices d’écou-
lement, si le niveau obtenu dépasse celui des orifices, le
problème est résolu; si au contraire l’eau n’atteint pas
le niveau des orifices, les luyaux supposés auraient un
diamètre trop petit et il faut recommencer le calcul en
employant des diamètres plus forts, afin de diminuer les
frottements. Quand on a l'habitude de ce genre de cal-
cul, les tâtonnements ne sont pas longs.
M. de Pury présente ensuite à la Société l'ouvrage de
M. Arthur Morin, intitulé : Aide mémoire de mécanique
pratique, dans lequel on trouve des tables du genre de
celles dont on se sert pour faire ces calculs ; mais les
volumes d’eau, au lieu d’être indiqués en pouces fontai-
niers, le sont en litres, et les diamètres des tuyaux, au
lieu d'être en pouces de France, comme ceux qu'on em-
ploie dans le commerce, sont indiqués en centimètres, et
plusieurs d’entr'eux n’existent pas dans la pratique.
M. de Pury détaille ensuite les avantages que présente
l'ouvrage de M. Morin, dans lequel on trouve une quan-
lité de formules et le résultat de beaucoup d'expériences
qu'on ne trouve pas ailleurs, ou qui sont disséminées dans
des ouvrages très-volumineux.
M. le professeur Ladame, après avoir fait ressortir l'in-
térèt d'actualité qu'offre pour la ville, dans ce moment,
le travail de M. de Pury, conclut en disant que le
— 278 —
problème de la distribution des eaux, bien que résolu
pour la pratique, ne l’est pas encore au point de vue
scientifique. Il ajoute, que quoique l'ouvrage de M. Mo-
rin soit fort bon dans son genre, on en a publié dés
lors de beaucoup plus complets sur le même sujet.
M. le professeur Sacc présente ensuite à la Société un
culot de cuivre absolument pur, qu'il a obtenu en rédui-
sant par l'hydrogène, l’oxide cuivrique provenant de la
calcination du nitrate. Le métal poreux obtenu de cette
manière, a été fondu ensuite sous une couche de borax,
dans un creuset de porcelaine placé dans un fourneau à
vent qu'on a laissé refroidir très-lentement, ce qui a
permis au métal de cristalliser confusément, ainsi que le
prouvent les mailles polygonales empreintes à sa face
supérieure.
M. le Dr Borel communique les observations suivantes
sur les plaies faites par les armes à feu. On sait que
l'ouverture d’entrée des balles qui traversent de part en
part une partie du corps, est suivant l'opinion générale
plus petite que l'ouverture de sortie. Toutefois il n’en est
pas toujours ainsi; il arrive quelquefois que les deux
ouvertures dont il s’agit sont de même grandeur ; d'autres
fois, mais plus rarement, l'ouverture de sortie se trouve
être plus petite. Cette différence peut être due à des
causes très-variées, dont les principales sont le volume
et la forme du projectile, sa vitesse, la direction oblique
ou perpendiculaire suivant laquelle il frappe le corps, la
déformation qu’il éprouve par la résistance des parties
dures, telles que les os, etc. L'observation communiquée
par M. Borel se rapporte à cette dernière cause. Il y est
=
question d'un homme de 28 ans qui fut atteint d’un coup de
fusil de munition, au moment où il se trouvait près d’une
fenêtre au second étage d’une maison de la rue des Cha-
vannes de cette ville, dans la nuit du 12 Mars de la pré-
sente année. La balle entra au niveau du tiers interne
de la clavicule gauche, sortit à la hauteur de l'apophyse
épineuse de la cinquième vertébre cervicale du même
côté et vint s'implanter dans le plancher supérieur de la
chambre, à 25 pouces environ de distance de la partie
la plus élevée de la fenêtre. L'ouverture par laquelle la
balle était entrée, était ronde et avait huit lignes de dia-
mètre; la peau de son pourtour était refoulée en dedans
de la plaie, c’est-à-dire d'avant en arriére. Le doigt
indicateur introduit par cette ouverture, pénétrait dans
une espèce de canal dirigé obliquement de bas en haut
et d'avant en arrière, dans lequel on rencontrait des frag-
ments osseux formés par les débris de la clavicule percée
et fracturée en esquilles dans cet endroit; ce canal se
continuait profondément dans la direction indiquée et
venait aboutir en dehors de la lame gauche de l'apo-
physe épineuse de la cinquième vertébre cervicale, au
niveau de œætte apophyse où se trouvait l'ouverture de
sortie. Celle-ci, plus petite que l'ouverture d’entrée, était
déchirée irrégulièrement, quadrilataire, et formait deux
dentelures ou petits lambeaux triangulaires, lesquels
étaient renversés en dehors de la plaie et dirigés en ar-
rière. Le plus grand diamètre de cette ouverture avait
7'/2 lignes d'étendue et son plus petit diamètre de 51/2
lignes. Dans le trajet parcouru par la balle, outre la
fracture comminutive de la clavicule, la première côte et
la seconde avaient été brisées en esquilles prés de leurs
— 280 —
arüculations vertébrales; les apophyses traversées des
deux dernières vertèbres du cou, étaient fracturées, la
veine sous-claviére gauche était largement ouverte dans
deux endroits de sa face extérieure; l'artère du même
nom avait été complètement déchirée ainsi que plusieurs
gros troncs des nerfs du plexus brachial. Des lésions aussi
considérables avaient été suivies d’une mort presque ins-
tantanée.
La balle retirée du plancher supérieur où elle avait
pénétré était du calibre d'ordonnance; elle était un peu
allongée et aplatie dans un quart de son diamètre à-peu-
prés.
De l'observation qui vient d'être rapportée, il suit que
dans le cas où les balles traversent de part en part quel-
que portion du corps , la grandeur relative des deux
ouvertures auxquelles elles donnent lieu, ne doit pas être
considérée comme une preuve certaine de la direction
dans laquelle le coup de feu a été tiré, mais qu'il faut
dans le cas dont il s’agit tenir compte de tous les indices
qui peuvent conduire à la découverte de la vérité. On
sent toute l'importance que des faits de ce genre doivent
avoir dans les questions de médecine légale qui s'élèvent
quelquefois devant les tribunaux à l’occasion des bles-
sures par armes à feu.
M. le D' Borel cite ensuite deux cas d’excroissances
anormales de la boîte cranienne correspondant à des accès
épileptiques, dont il pense qu’elles pouvaient bien être la
cause, quoiqu'il reconnaisse que dans la plupart des cas
l'épilepsie n’est point caractérisée par des lésions anato-
miques et qu'elle est produite par des causes fort diffé-
rentes, telles que la frayeur, l'irritation involontaire et
la présence des vers dans le canal intestinal.
QE
— 981 —
A l’occasion de la dernière cause prédisposan'e de l’é-
pilepsie signalée par M. le D' Borel, M. le prof. Sacc
annonce la découverte faite par M. Schimper de trois
nouveaux vermifuges employés avec succès en Abyssinie
contre le tœnia, qui est tellement endémique dans ce pays
que ses habitants sont obligés de s’en débarrasser au
moins une fois par mois. Comme l'extrême diffusion de
ce parasite vient de ce que les Abyssiniens se nourrissent
de chair crue, M. S. pense pouvoir attribuer à l'usage
des poissons mal cuits, la multiplication du tœnia chez
toutes les populations voisines des lacs, des étangs, des
rivières et des autres courants d’eau douce, dont tous les
poissons sont remplis de ces vers.
Séance du 28 Décembre 1848.
Présidence de M. L. Couzon.
M. le professeur Sacc ayant recu tout récemment à
analyser un alliage qui présentait tous les caractères d’un
mélange d’or et de cuivre, l’a trouvé formé de :
Or 31,32
Argent 11,32
Cuivre 47,86
Zinc 9,18
Fer —,32
100,00
La proportion de fer existant dans l’alliage est si faible
qu'elle doit être accidentelle et provenir de l'impureté
des métaux employés ou de parcelles de ce métal enlevées
à la baguette de fer avec laquelle on a sans doute remué
cet alliage.
— 9282 —
Continuant ses essais de dorage par des procédés moins
dangereux que celui au mercure, M. Sacc a essayé sans
succès d'employer des alliages d’or et de métaux volatils,
tels que le cadmium, le zinc et l’antimoine ; l’or qui reste
après la volatilisation de ces métaux n'étant pas sous
forme de couche continue, mais bien sous celle de masse
spongieuse. Il croit avoir atteint le but à l’aide du dorage
aux cyanures, et de la galvanoplastie; le premier devant
déposer d’abord une couche mince d’or, à laquelle la se-
conde communiquerait l'épaisseur voulue. Il espère qu’on
pourra dorer avec des alliages au titre voulu, en se ser-
vant du procédé actuellement en usage pour couvrir tous
les métaux de laiton ou de bronze.
Cette communication provoque une observation de
M. le prof. Ladame qui annonce que les procédés dont
parle M. Sacc, sont déjà appliqués dans nos montagnes,
et dit que, suivant M. Becquerel, il suffit, pour déposer
sur un corps des alliages métalliques, d'employer dans de
certaines proportions les solutions des métaux qui entrent
dans leur composition. Il ajoute que non seulement on
dépose galvaniquement des métaux, mais aussi des oxi-
des doués de toutes les couleurs possibles dans les teintes
les plus vives et les plus riches. M, Ladame persiste à
croire que les dorures galvanique et chimique ne sont
pas aussi solides que celles qui sont faites au mercure,
parce que l’union de l’or n’est, dans le premier cas, que
superficielle, tandis que dans le second elle est plus pro-
fonde et comme moléculaire.
M. le prof. Sacc combat les conclusions de M. Ladame;
il n’admet pas qu'une dorure ne soit solide qu'autant
qu'elle pénètre dans les pores du métal sur lequel on
— 283 —
l’applique, et pense qu'on peut la regarder comme telle
dès qu’elle résiste, comme la dorure aux cyanures dont
il présente des échantillons, aux frottements les plus vio-
lents. Pour soutenir son assertion, M. Sacc compare la
dorure galvanique et chimique à la soudure des glaces
polies qui, lorsqu'on les glisse l’une sur l’autre, s’unis-
sent si intimement que nulle puissance n'est capable de
les séparer; il n’y a certes pas dans ce cas union molé-
culaire, puisqu'il n’y a que simple superposition et ce-
pendant les deux glaces n’en faisant plus qu’une, on ne
peut pas demander une union plus complète.
M. le prof. Sacc, après avoir exposé les procédés ac-
tuellement en usage pour la purification des huiles, et
prouvé que les uns sont peu employables en petit, et que
les autres altèrent l'huile, en propose un nouveau qui
consiste à mélanger les huiles troubles avec la solution
d’une livre de tan sec, dans dix livres d’eau bouillante,
pour chaque quintal d'huile à purifier ; on remue bien le
tout qui se prend en pâte claire et se partage au bout de
quelque temps en deux couches formées : la supérieure,
d'huile limpide; l'inférieure, de toutes les impuretés con-
tenues dans le corps gras. Quand le temps est froid, il
faut chauffer doucement le mélange au-dessous de 160°
C., soit directement, soit à l’aide d’un courant de vapeur
d’eau. Ce procédé a l'inconvénient de colorer un peu les
huiles en brun, lorsqu'on a laissé là dissolution du tan
exposée au contact de l’air qui la teint en rouge foncé,
ensorle qu'on fait bien de la préparer dans des vases clos,
et de l’employer aussitôt qu’elle est achevée.
— 284 —
M. le prof. Sacc décrit ensuite l'appareil proposé par
M. Violette pour la dessication et la carbonisation des
bois, la dessication des viandes et la cuisson du pain;
il propose de mesurer la température de l'appareil à l’aide
de la dilatation d’une lame de cuivre fixée par un bout,
et en relation par l’autre avec un index marchant sur un
arc de cercle graduë.
M. le prof. Ladame observe que ce procédé de dessi-
cation des bois est employé déjà depuis quelques mois
par un menuisier de la ville qui en retire de fort bons
services pour les bois colorés, mais ne peut l’'employer
pour les bois blancs, parce qu'ils se colorent.
Il s'engage alors entre MM. Ladame et Sacc une dis-
cussion d'où il résulte que l’appareil dont parle M. La-
dame est monté sur un tout autre système que celui de
M. Violette, ensorte que ses observations ne sont point
applicables au procédé découvert par lui.
M. le docteur Ernest de Castella ayant demandé quelle
est la cause du durcissement des bois qu’on laisse séjour-
ner au-dessous de la surface des eaux courantes, et M.
le prof. Sacc lui ayant répondu en lui exposant les prin-
cipes de la combustion lente des bois placés dans ces
conditions qui les font passer insensiblement à l'état de
charbon presque pur ; M. le prof. Ladame avance que le
principe qui cause la destruction des bois est une espèce
de ferment qu'il suffit d'enlever à l’aide de l’eau, ou d’a-
néantir au moyen de certaines dissolutions métalliques,
pour les rendre imputrescibles. C’est sur ce principe qu'est
basé l'appareil Boucherie qu'il décrit ensuite. Il pense
que les eaux agissent sur les bois qu'on y plonge, d'a-
bord en dissolvant leur principe fermentescible , puis, en
oxidant le bois lui-même.
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— 285 —
A l’occasion de la présentation de son Mémoire sur les
abnormités congéniales des yeux, M. le D' Ed. Cornaz
présente le dessin des cas dont il s’occupe dans cet opus-
cule et d'une observation toute récente dans laquelle la
pupille était réduite d'une facon extraordinaire.
M. le Dr de Castella qui a lu avec intérêt le travail de
M. Ed. Cornaz, ajoute à ses observations quelques-unes
de celles qui lui sont propres ; l’une d’elles porte sur une
jeune personne dont les yeux complètement privés d'iris
l'obligent à un clignotement perpétuel.
M le prof. Ladame fait l'observation que lorsqu'on
empêche la lumière d'arriver à un œil, la pupille de
l’autre se dilate aussitôt considérablement, M. le Dr Cor-
naz attribue ce fait à la nécessité où se trouve l’œil actif
de recevoir à lui seul le volume de lumière nécessaire à
tous les deux.
M. le président lit la lettre suivante de M. Couleru
dans laquelle il donne des détails fort intéressants sur les
mœurs des serpents.
« Au mois d'août 1832 je me trouvais à onze heures
du matin, à-peu-près, sur le chemin qui va de l’an-
cienne place des cibles de Saint-Blaise au domaine du
Roc. Marchant lentement, et sans bruit, je me trouvai
tout-à-coup en face d’une très-grande couleuvre, longue
de 6’ 11/°, qui, roulée sur elle-même, dormait paisible-
ment au soleil. J'allai couper une longue et forte tige
d'érable au bout de laquelle j'attachai un nœud coulant ; -
puis revenant doucement auprès du reptile, je le touchai
légèrement; il se déroula en élevant un peu la tête au-
tour de laquelle je fis descendre le nœud coulant; puis
— 286 —
relevant vivement le bâton, il fut pris par le cou. La
_couleuvre se débattait avec une grande violence, cher-
chant à m'atteindre avec le bout de sa queue: j'attendis
patiemment qu'elle eût épuisé ses forces, et l’attachai
alors en spirale avec des ficelles autour du bâton, ce qui
me permit de l'emporter facilement.
« Aprés avoir erré de côté et d'autre, je fus surpris à
cinq heures du soir dans le chemin de Combes au Lan-
deron par une forte averse qui m'obligea à me réfugier
sous un arbre. Il y avait huit à dix minutes qu'appuyé
contre l'arbre, et mon serpent sous le bras, j'avais les
yeux fixés sur le Landeron, quand je fus pris d'un ma-
laise fort singulier; c'était une espèce d'étourdissement,
une angoisse indéfinissable, j'étais anéanti; regardant par
hasard mon serpent, je le vis le cou tendu et gonflé, la
gueule entr'ouverte, les yeux brillants, qui me fixait. Je
le jetai aussitôt à terre où il se débattit, cherchant à se
débarrasser de ses liens; me tournant contre le vent, je
respirai un air pur qui me rétablit bientôt. J'eus alors
l'idée que c'était mon reptile qui avait causé le malaise
que je venais d'éprouver, et pour m'en assurer, je le re-
pris et le plaçai dans la même position qu'auparavant.
Je surveillais la couleuvre du coin de l'œil; elle fut
à-peu-près immobile pendant quelque temps; à la fin elle
se tourna tout doucement contre moi, me regarda fixe-
ment, allongea son cou qu’elle courba en demi cercle,
ses yeux devinrent brillants et animés ; un frémissement
agita sa peau ; aussitôt un air infecté s'exhala du reptile.
Ma respiration devint pénible, haletante, mon cœur bat-
tait avec violence et la sueur commençait à mouiller mon
front ; bref, je me sentais défaillir; malgré ces alarmants
— 287 —
symplômes, je tenais bon, et regardais tranquillement le
replile qui s’efforçait de m'empoisonner. Ce ne fut qu'au
bout de 4 à 5 minutes que , sentant mes jambes faiblir
sous moi, je le jetai à terre et fus assez long-temps avant
d'être tout-à-fait remis.
» Une autre fois, en 1830, pendant la matinée, j'étais
dans un verger aux environs de la Neuveville, lorsque
j'entendis un oiseau pousser des cris plaintifs; cherchant
à le découvrir, je vis sur un pommier un pinson qui, les
plumes hérissées, tout tremblant, pouvait à peine se tenir
sur une branche. En regardant attentivement autour de
la pauvre victime, je vis un serpent qui , le cou tendu,
fixait l'oiseau. Je lui lançai aussitôt une pierre et ne l’at-
teignis pas; la secousse fut néanmoins assez forte pour
que l'oiseau tombât à terre comme une pierre. Aussitôt
Je serpent se hâta de descendre, et il arriva aux dernières
bifurcations des branches, d’où il se laissa tomber à terre
où je l’écrasai. Le pauvre pinson tout tremblant se cachait
sous l'herbe ; il fit un effort pour s'envoler, mais retomba
à deux pas, ce ne fut qu'au bout de quelques minutes
qu'il put reprendre son vol.» M. Couleru ajoute à cette
observation que les zoologistes se trompent lorsqu'ils
n'assignent aux vipères que 14 à 18 pouces de longueur;
car il a tué près de Souaillon une vipère rouge, femelle,
qui mesurait 37 pouces de longueur.
Il se trouvait un jour pendant la matinée avec un
jeune homme sur la colline derrière la ville et vit une
petite vipère rouge, longue d'environ 10 pouces et de Ja
grosseur d'une plume de cygne. I] la poursuivit aussitôt,
mais elle se réfugia entre les racines d'un petit sapin
qu'il arracha; aussitôt la vipère qui était dans le creux
formé par l'enlèvement de l'arbre, se roula, revint sur
elle-même et s’élança avec la rapidité d’une flèche par
dessus la tête du jeune homme qui l’accompagnait, bien
qu'il eût une taille élevée. IT ajoute que les vipères voya-
gent la nuit comme le jour, et qu'il en a tué une cette
année à neuf heures du soir. C'était une femelle pleine
qui se dirigeait avec une grande vivacité contre lui; elle
avait deux pieds de long.
Une discussion s'engage alors entre MM. Coulon père et
fils et M. Sacc sur le pouvoir fascinateur des serpents et
l'utilité de l'odeur empoisonnée qu’ils répandent autour
d'eux ; M. le prof. Sacc a vu en plein jour une souris
venir se jeter, en poussant des cris de détresse, dans la
gueule d'une couleuvre qui la fixait et qui était à six pieds
d'elle. M. Coulon père ne croit pas à la fascination, mais
bien à la paralysie causée par la peur, et surtout à l’in-
fluence de l’affreuse odeur que les serpents ont la faculté
de répandre autour d'eux; l'ayant ressentie à plusieurs
reprises, 1l est persuadé qu’elle peut étourdir rapidement
de petits animaux. Il ne pense pas non plus aue les ser-
pents fassent toujours usage de leur haleine empoisonnée
pour endormir leur proie, et il cite pour le prouver, le
fait suivant qui s’est passé sous ses yeux. Ayant enfermé
une petite couleuvre dans une cuisse dont il avait garni
le fond avec de la mousse, M. Coulon lui donna pour
nourriture une grosse grenouille ; aussitôt se glissant sous
la mousse, la couleuvre reparut au-devant de la gre-
nouille qui s’élança de côté en donnant des signes de
grande frayeur; la couleuvre recommencça son manége
jusqu'à ce qu’elle parvint à sortir de la mousse en arrière
de la grenouille qu’elle saisit par la partie postérieure du
fé cmnssett. us ut fie bouée dées | À LS AS se à LR a 2
RL D nd fn dé pb oss iie dés
— 289 —
corps ; la grenouille étendit aussitôt les jambes, mais inu-
tilement, car la couleuvre avançant lentement d’abord la
mâchoire supérieure, puis l'inférieure, finit malgré sa
petitesse par engloutir la grenouille toute entière. La
secouant vivement alors, la couleuvre fit descendre la
grenouille dans sa cavité abdominale. La grenouille n’é-
tait cependant pas morte, car M. Coulon ayant pendu
la couleuvre par la queue, il la vit se secouer, distendre
énormément ses mâchoires et laisser tomber à terre la
grenouille qui s’éloigna en sautant. Pendant tout le
temps où il l'observa, il ne perçut aucune espèce d’odeur,
ensorte qu'il ne peut pas admettre que les serpents atta-
quent toujours leur proie en la stupéfiant d’abord par
leur fétide haleine.
. M. Coulon père fait ensuite observer que les vipères ne
sautent jamais dans leurs marches les plus rapides, elles
ne quittent jamais la terre, et si par hasard elles trouvent
un point d'appui, formant à l’aide de leur queue un an-
neau aulour de ce point, elles peuvent se dresser sur
leur queue et se balancer à volonté dans tous les sens.
Les séances après avoir été interrompues à cause des événemens
politiques , ont recommencé.
Séance du 11 Janvier 1849.
Présidence de M. L. Couron.
Après la lecture du procès-verbal de la séance du 28
Décembre 1848, M. Coulon père, à l'appui de l'opinion
qu'il avait émise, fait observer que, comme les vipères
ne sautent jamais, et qu'elles ne peuvent que ramper ou
se dresser , il est probable que, dans plusieurs des cas
BULL. DE LA SOC. DES SC. NAT. T. I. 21
— 290 —
observés par M. Couleru, il s'agissait, non pas de la vi-
père, mais de la couleuvre vipérine ou couleuvre lisse de
Razoumovsky, qui lui ressemble beaucoup. Il ajoute que,
contrairement à l'opinion reçue, il a vu une fois une vi-
père mâle se mordre accidentellement et éprouver aussitôt
les effets de son poison , jusqu’à cessation de tout mou-
vement.
M. le D' de Castella a vu une femme, qui avait été
mordue au pied droit par une vipère, conserver pendant
une quinzaine de jours, de nombreuses échymoses sur
tout le côté droit.
Il rend ensuite compte de l'extraction d’une portion
nécrosée de l’omoplate, qu'il a pratiquée sur un enfant
de huit ans, après l'avoir soumis à l’action du chloroforme.
L'enfant perdit rapidement connaissance, cria beaucoup
pendant l'opération, et l’on eut de la peine à le réveiller.
Il dit n'avoir rien senti, mais avoir eu un rève fort pé-
nible durant lequel il croyait se noyer. M. de Castella
insiste de nouveau sur les dangers que présente l'emploi
du chloroforme, en rappelant qu’il y a déjà huit cas de
mort causés par l'emploi de cet anesthésique.
M. le prof. Sacc communique à la Société le nouveau
procédé de culture de la vigne, décrit par M. Persoz dans
une brochure qui vient de paraître. Cette communication
provoque une discussion sur la valeur des engrais, entre
MM. Coulon père, le D' de Castella et M. le prof. Sacc.
Séance du 22 Avril 1849.
Présidence de M. L. Courow,
M. le président dépose sur le bureau au nom de M. le
Dr Cornaz , les ouvrages suivants :
2
— 291 —
19 Essai sur les effets des eaux manérales de Wissembourg,
par M. le D' Jonquière.
20 Observations sur la nomenclature et le classement des
Roses.
39 Concours et distribution de prix, par la Société d’hor-
ticulture de Paris, en 1831.
49 - Mémoire sur la culture de l'oranger en pleine terre et aux
environs de Paris, par Pottiaz.
5° Au nom de l’auteur, un Mémoire italien sur de nou-
velles méthodes curatives de quelques maladies, par
M. Fattorius, chirurgien à Livourne.
M. de Castella lit un Mémoire sur le mouvement de
l'hôpital Pourtalès, pendant les années 1846 et 1847.
L'hôpital contenait le 127 Janvier 1846 :
29 malades: 15 homm., 14 femm.
Admis pend' l'année 1846: 491 » 327.» 4164 »
———————
520 » JADE UD 178 »
Le {er Janvier 1847 :
30 malades: 15 homm., 15 femm.
Admis pend' l’année 4847 : 444 » 310 » 434 »
474 » 5 PAT 149 »
Total des malades pendant les deux années: 994:
667 hommes, 327 femmes,
dont 378 Neuchâtelois, 220 hommes, 158 femmes.
258 Bernois, 163 ” 95 »
55 Vaudois , 32 ” 23 °
131 Suisses d’autres cantons, 104 » 27 »
172 étrangers, 148 » 24 »
994 667 » 327 ”
— 292 —
De ce nombre 662 sont sortis guéris,
175 améliorés ou soulagés,
54 incurables ou renvoyés,
68 sont morts,
35 restaient à l'hôpital au 31 Déc. 1848.
994
Le nombre total des journées de séjour à l'hôpital, a
été pour ces 994 malades, de 31771.
En moyenne, le séjour d'un malade a été de 32 j. "°/054.
On a eu chaque jour, 42 malades 7/63.
La mortalité, calculée sur les sorties et les décès, a été
de 1 sur 13°/6s.
Vingt-neuf opérations ont été pratiquées pendant les
deux années.
Les maladies se répartissent comme suit :
44 inflammations traumatiques 105 gastro-entero-hepatites.
diverses. 34 rhumatismes aigus.
37 abcès. | 23 rhumatismes chroniques.
5 panaris. 46 fièvres bilieuses.
60 plaies. 90 fièvres typhoïdes dont 61
54 ulcèresatoniques variq. etc. en 46 et 29 en 47.
57 fractures. 1 morbus maculosus.
8 luxations. | A dissenterie.
14 entorses. 15 fièvres lentes.
37 tumeurs blanches, caries 7 fièvres intermittentes.
ou nécroses. 12 inflammations cérébrales.
65 ophtalmies. 38 bronchites.
3 cataractes. A1 pleuropneumonies.
7 hernies. 20 phtisies.
4 fistule de l’anus. 17 scrophules.
3 hydrocèles. 8 hypertrophies du cœur.
A loupe graisseuse. 9 hydropisies.
20 érésypèles. 1 phlebite puerpérale.
& esquinancies. 7 metro-peritonites.
A inflammation chronique de 3 hémorragies guéries par
l'œsophage. l’ergotine.
— 293 —
3 catharres de la vessie. 14 myellites, chorées et irrita-
3 apoplexies ou paralysies. tions spinales.
Après avoir énuméré les cas les plus intéressants rap-
portés dans son Mémoire, M. le D' de Castella fait quel-
ques réflexions sur l’altération du sang produite par la
fièvre typhoïde, altération qu'il croit provoquée par un
virus qui, empêchant l’oxigénation du sang, détermine
un excédant de carbone, qui entraîne à sa suite les acci-
dents putrides et ataxiques.
M. le Président appelle ensuite l'attention des membres
de la Société, sur un cas remarquable d'amélioration pro-
duite chez un fou furieux, par le simple changement de
domicile. Le nommé Martin, pendant un séjour de plu-
sieurs mois à l'hôpital de la ville, était en proie à de tels
accès de furie, que son gardien même n'osait l’approcher.
Pour le transporter à l'hospice de Préfargier, il fallut le
garotter, et malgré cette précaution on eut beaucoup de
. peine à le conduire à sa destination. Deux jours après
son arrivée à l’hospice, son état s'était déjà tellement
amélioré, qu'on put lui faire prendre un bain. Quelques
jours après, il travaillait dans les jardins de l’établisse-
ment et se montrait très-doux et parfaitement traitable.
Séance du 6 Décembre 1849.
Présidence de M. L. CouLox.
M. le Président dépose sur le bureau plusieurs ouvrages
reçus pendant l'année. S
1° Litterarische Sympathien oder industrielle Buchmacherer,
par M. le Dr Fleigel consul suisse aux États-Unis.
20 Mémoire de la Société de Physique et d'Histoire natu-
relle de Genève; tome XII, premiére partie.
— 4 =
3° Observations astronomiques faites à l'Observatoire de
Genève; 2m supplément au tome XIT des Mémoires «
de la Société de physique et d'histoire naturelle.
49 Mémoire sur le déboisement des montagnes, adressé à
la Direction de l'Intérieur du canton de Berne, par
M. C. Marthand.
5° Coup-d'œil sur les travaux de la Société jurassienne
d'Émulation ; 1849.
M. le D' Borel, tout en attendant la fin de l'épidémie
de fièvre typhoïde, pour en faire le sujet d'un rapport
détaillé, fait part à la Société de l'envoi d’un médecin au
Val-de-Ruz, aux frais du gouvernement; du nombre des
décès qui a été de huit à Dombresson , pendant les mois
d'Août, Septembre et Octobre, et de sept à Savagnier,
tandis qu’il n'avait été que de trois dans le premier de
ces villages pendant le méme nombre de mois en 1845. .
Il donne ensuite communication des démarches faites au-
près du gouvernement par le conseil de santé, pour l’en-
gager à faire cesser les causes d'insalubrité existantes
dans le village, causes auxquelles on ne peut sans doute
attribuer l'épidémie, mais qui ne laissent pas de l'aggra-
ver et de la propager.
Le conseil de santé a rangé parmi ces causes d'insalu-
brité :
1° L'existence du cimetière au milieu du village.
20 Le peu de profondeur des fosses morluaires , qui,
dans la plupart des cas, n’ont que 3 à 3°/2 pieds, au lieu
d'en avoir 5 de France.
30 L'adossement aux maisons de réservoirs d'eaux
ménagères, qui, en y croupissant, développent des gaz
iétides par la fermentation.
— 295 —
4° L'existence le long du cours du Seyon dans le vil-
lage, de baquets contenant des eaux de lavage.
5° Le fait qu'il existe au bord du Seyon des bassins
et étangs à sec ou contenant du limon et des eaux crou-
pissantes.
6° Les eaux de puits qui ne sont pas limpides.
7° Des flaques d'eau fétide, indépendamment des
mares qui entourent les tas de fumier.
8° Les inhumations différées, des morts conservés
pendant cinq jours dans des chambres habitées.
99 Les habitations malsaines dans lesquelles l'étage
inférieur se trouve souvent au-dessous du niveau du sol
et qui sont par conséquent humides.
Séance du 20 Décembre 1849.
Présidence de M. L, CouLox.
M. le Président dépose sur le bureau deux volumes des
Mémoires de la Société d'histoire naturelle de Hambourg ;
il propose de lui envoyer en échange les trois volumes
de nos Mémoires : l'envoi est voté à l'unanimité.
M. le Dr de Castella parle de l'efficacité des eaux de la
Brévine dans les affections des voies urinaires. Il cite
plusieurs cas de personnes atteintes de strangurie, de
catharres de vessie et de gravelle, qui ont été guéries ou
soulagées par l'usage de ces eaux, et rappelle en même
temps leurs bons effets dans les cas de chlorose.
M. le D' Borel est parfaitement d'accord avec M. de
Castella, quant à ce qui concerne l'efficacité de ces eaux
dans les cas de chlorose et dans les affections chroniques
de la vessie qui ne sont pas accompagnées d'irritation.
— 296 —
Il envisage , au contraire , que leur effet est pernicieux
dans tous les cas où ces affections sont accompagnées
d'irritation à un haut degré, et il cite le cas d’un individu
atteint de strangurie, dont l'état s’est aggravé par suite
de l'usage de ces eaux.
M. Nicolet mentionne la grande célébrité dont ont joui
ces eaux dans le milieu du siècle passé, et le fait que
toutes les eaux qui ont traversé les marais tourbeux ren-
ferment du soufre et du fer ; il cite, comme exemple, les
sources des Ponts, de la Combe-Girard et de la Brévine.
M. le prof, Ladame entre, à ce sujet, dans quelques
détails sur l’action désoxidante exercée sur les sels par
les végétaux en décomposition lente, et sur la provenance
du fer dans les eaux qui s’écoulent de marais tourbeux.
M. le Président exprime le désir de voir une fois ces
eaux soumises à une analyse exacte. |
Séance du 7 Février 1850.
Présidence de M. L. CouLon.
M. le Président dépose sur le bureau un volume des
Mémoires de la Société d'Édimbourg , ainsi que les Bul-
letins de la même Société; il communique ensuite une
lettre de M. Lesquereux, renfermant des détails fort in-
téressants sur la végétation américaine.
M. le prof. Favre présente une fourchette de coq frac-
turée, dont la fracture s’est consolidée naturellement ; puis
les dessins de quelques champignons qu'il a peints et que
sa collection ne renfermait pas encore. Les suivants ont
été récoltés dans les bois qui avoisinent la Chaux-de-
Fonds, ce sont :
— 297 —
Polyporus lucidus Fr., des bois de Chaumont et Pouil-
lerel.
Agaricus violaceofulvus Batsch.
Peziza tuberosa Bull.
Agaricus carcharias Pers., avec une variété blanche.
» : radicosus Bull., près de St-Jean et au Chanet.
» serinus.
» vaxinus Pers.
Polyporus pinnicola.
Leotia circinans.
Tremella lutescens.
Stereum purpureum.
Sclerotium varium Pers.
Polyporus subpileatus.
Morschella esculenta ; vulgaris Pers.
Elaphomyces granulatus.
Agaricus radicosus.
Polyporus lucidus.
Il a observé, pendant l'année 1845, une nid abon-
dance de certaines espèces de champignons. La morille
conique a produit énormément, mais les conditions de
température et d'humidité qui favorisaient la végétation
de ce cryptogame, n’ont pu déterminer l’apparition des
Helvelles géantes , quelquefois très-abondantes dans cer-
taines localités de nos montagnes. Pendant les mois de
Septembre et d'Octobre, les bois qui entourent la Chaux-
de-Fonds étaient jonchés de Lactarius deliciosus et d'Hy-
groforus glutinifer, qui, depuis plusieurs années, ne
paraissaient plus, d'Agaricus melleus et fascicularis et de
hydnum imbricatum. La chanterelle, que l'on récolte avec
soin et qui depuis plusieurs années est devenue un aliment
— 298 —
très-recherché par une foule de personnes de la Chaux-
de-Fonds , a presque entièrement manqué à cause de la
sécheresse du mois de Septembre.
Séance du 27 Février 1850.
Présidence de M. L. CouLon.
M. le Président dépose sur le bureau les Bulletins de
la Société des sciences naturelles de Philadelphie.
M. Nicolet fait mention d’un nouveau procédé en usage
pour constater la présence de l’ozône dans l’air atmos-
phérique. Ce procédé consiste dans l'emploi de bandelettes
de papier plongées, en premier lieu, dans une solution
d'iodure de potassium, puis dans une dissolution d’amidon.
L'iode est mis en liberté par l’ozône et colore l'amidon en
bleu. M. Nicolet a observé que ce papier préparé, se co-
lorait en jaune par les vents du Nord et de l'Est, en bleu
et en noir par les vents du Sud et du Sud-Ouest. La
fréquence des rhumes et des catharres étant plus grande,
pendant que ces vents du Sud et Sud-Ouest règnent,
qu'en tout autre temps, M. Nicolet serait porté à envi-
sager la présence de l’ozône dans l’air comme une des
causes de ces affections.
Séance du 21 Mars 1850.
Présidence de M. L. CouLon.
M. le Président dépose sur le bureau, de la part de
M. Schimper , membre correspondant, un ouvrage inti-
tulé : Recherches anatomiques et embryologiques sur les
mousses.
f
b:
Ç
— 299 —
M. Coulon père communique des observations qu'a
faites M. Gould, pendant un voyage en Australie, sur
les mœurs des animaux de ces contrées.
Ce naturaliste raconte qu'un oiseau appartenant au
_groupe des gallinacées (Lupoa ocellata), choisit, pour
construire son nid, un fourré épais sur un terrain sa-
blonneux. Il fait disparaître au centre, sur un diamêtre
de 15 à 20 pieds, les broussailles qui peuvent s'y trouver
et creuse le sol à un pied et demi de profondeur; puis
après avoir rempli cette cavité de toute espèce de débris
végélaux, qu'il élève en amas à un pied au-dessus du
sol, il recouvre le tout de sable. Cet oiseau ayant l’ha-
bitude de revenir nicher au même endroit, il résulte de
ces accumulations successives, des tertres ou tumulus qui
atteignent 15 pieds de hauteur sur 70 pieds de circonfé-
rence. Quand la femelle veut pondre, elle creuse le sable
jusqu’à quelques pouces de distance de l’accumulation des
débris végétaux, et place symétriquement ses œufs au
fond de ces cavités, en en tournant toujours la pointe
vers le sol; elle les recouvre ensuite de sable.
Les végétaux ainsi recouverts entrent en fermentation;
la chaleur développée par cette action peut s'élever à 80°
centigrades, et elle se communique aux œufs, les fait
éclore, et les petits qui en sortent, trouvent dans les ter-
mites qui habitent les murailles du tumulus, une abon-
dante pâture.
M. Gould rapporte que les habitations des colons si-
tuées près des rivières, sont quelquefois détruites par des
crues subites, provenant de pluies torrentielles qui ont ”
lieu ensuite d'orages dans des montagnes souvent éloi-
gnées de plus de 100 lieues. Ces eaux, en s’infiltrant à
— 300 —
travers les sables, s'accumulent dans les dépressions du
terrain et y forment des lacs qui, au bout de peu de jours,
se trouvent peuplés de gros poissons, de crabes, d’écre-
visses, et de coquillages. Peu à peu ces lacs se dessèchent
et leurs habitants suivent le retrait des eaux jusqu’à des
profondeurs considérables, où ils séjournent jusqu’à la
formation de nouveaux lacs.
Séance du 1% Novembre 1850.
Présidence de M. L. CouLon.
M. le président fait lecture d’une lettre de M. Charles
Girard, sur l'embryogénie des Planaires. Nous la trans-
crivons en entier.
I
« Les faunes de l'Amérique du nord ne mentionnent
encore aucune planaire, bien que le prof. Haldeman en
ait décrit une il y a près de dix ans, commune dans les
eaux douces de l'Est de la Pensylvanie. .
» Les planaires habitent à la fois les eaux marines,
douces et saumâtres, avec des formes et des caractères
divers dans chacun de ces milieux.
» Élaborant en ce moment un travail d'ensemble sur
ces animaux, que je me propose de publier incessamment,
je me bornerai aujourd’hui à exposer les résultats géné-
raux de mes recherches embryogéniques, faites sur l’une
des espèces marines.
» Elle appartient au genre Planocera de Blainville, et
l'espèce étant nouvelle, je la désignerai sous le nom de
PL. elliptica, pour en rappeler la forme si régulièrement
elliptique. Elle habite les rivages du Massachussetts.
— 301 —
IL
» Dés le mois de Décembre, on observe dans l’intérieur
du corps, entre les réseaux gastro-vasculaires , de petites
sphères semi-transparentes réparties sur toutes les ré-
gions, depuis le pourtour des yeux jusqu’à la région pos-
térieure : ce sont les œufs en voie de formation. La vési-
cule germinative est déjà très-distincte ainsi que la tache
germinative. La première est proportionnellement grande;
la seconde ordinairement trés-petite. La substance vitel-
laire est clairsemée, mais elle est répartie uniformément
sur tout l’espace que circonscrit la membrane vitellaire.
J'insiste sur ce fait, parce qu’on a prétendu que la sub-
stance vitellaire se groupait, dans l'origine, autour de la
vésicule germinative, sous l'empire d’une force qu'on na
pas dédaigné de comparer à l'attraction Newtonnienne,
cherchant ainsi une cause identique dans la formation
des êtres organisés et des corps célestes, d'après la théo-
rie des nébuleuses. C était étendre le domaine de l'incer-
titude.
» Ce vitellus est en apparence homogène et se compose
de petites cellules dont la structure se distingue à peine
de la substance cellulaire et nutritive du corps ; on remar-
que seulement qu'elles sont plus petites.
HI
» La ponte a lieu durant les mois de Mai et de Juin.
. Quelque temps avant la ponte, l'œuf est déjà devenu
très-opaque par l'accumulation de la substance vitellaire
qui s'est multipliée à mesure que l'œuf grandissait, et
masque maintenant la vésicule germinative qui ne se
manifeste plus que sous la pression. La tache germina-
tive a déjà disparu.
— 302 —
IV
» Lorsque l'animal pond, il fixe ses œufs sur une
surface lisse, au moyen d'une mince couche de muscosité
qui se durcit au contact de l’eau. Les œufs sont disposés
en bandes droites ou sinueuses, d’un quart de pouce de
largeur ; leur longueur varie selon la quantité d'œufs
pondus dans le même acte: car le même individu pond
à plusieurs reprises et construit chaque fois une ou plu-
sieurs de ces bandes. Les œufs y sont disposés régulié-
rement en lignes longitudinales et transversales.
V
» Lorsque l'œuf est pondu , il possède une enveloppe
externe, laquelle laisse un petit espace entre elle et la
sphère vitellaire. Celle-ci est complètement opaque; très-
rarement on aperçoit encore de la surface une petite tache
transparente : c'est la vésicule germinative qui en occupe
le centre et qui est sur le point de disparaître aussi. A
cette époque, la structure da vitellus est finement cellu-
laire ; chaque petite cellule renferme un noyau de gran-
deur variable.
VI
» À peu prés douze heures après la ponte, l'œuf entre
dans une phase nouvelle, celle du fractionnement, dont
la durée est d'environ vingt-quatre heures. Voici com-
ment ce phénomène s'opère : la sphère vitellaire s'allonge
et devient oblongue; sur le milieu de sa longueur, un
étranglement , d’abord très-peu sensible, se manifeste,
puis il se prononce de plus en plus jusqu’à la séparation
complète. La sphère primitive se trouve ainsi divisée en
deux sphères d’égale grandeur, au centre desquelles se
— 303 —
voit un espace transparent qui n’a rien de commun avec
la tache germinative, ainsi que le démontre une obser-
vation de M. Agassiz sur l'œuf d’une Némerte, et que
j'ai eu moi-même occasion de vérifier plusieurs fois de-
puis.
» Tôt aprés, deux autres sphères apparaissent à l'op-
posite l’une de l’autre, sur les côtés et entre les deux
premières. D'abord très-petites, elles grandissent rapi-
dement jusqu’à ce que la substance soit divisée en quatre
parties égales, en quatre sphères indépendantes l’une de
l’autre, mais très-intimément groupées, ayant chacune
leur espace transparent propre. Je me suis assuré direc-
tement de l'indépendance des sphères de division en les
isolant par la pression sans les rompre. On peut les isoler
alors qu’elles sont en grand nombre, comme aussi lors-
qu'il n’y en a que deux. Ce fait semble militer en faveur
de l'existence d’une membrane autour de chaque sphère
de fractionnement.
» À ce moment la structure du vitellus est hétérogène.
Il y a de grandes et de petites cellules renfermant un ou
plusieurs noyaux de grandeurs diverses, tantôt opaques,
tantôt avec un point central transparent.
» Après quatre sphères, il s’en forme quatre nouvelles
qui alternent avec les premières, puis huit autres qui
alternent à leur tour avec les huit précédentes, et ainsi de
suite. La loi de fractionnement par le multiple du nombre
antérieur est connue des embryologistes. L'arrangement
respectif des sphères de division, paraît être soumis à une
autre loi, celle que je viens de rappeler, laquelle fut en-
trevue par M. Agassiz sur les œufs de la Planaire qui
nous occupe, et que j'ai vérifiée après lui.
— 304 —
» Au-delà de seize sphères, cette régularité est moins
apparente; à trente—deux et à soixante-quatre, on ne
peut plus la suivre, puis vient l'état appelé corps de mûre,
dernier degré du fractionnement, qui ramène à la sphère
primitive, avec une structure du vitellus à peu près sem-
blable à ce qu’il était avant le fractionnement.
VII
» Un fait ressort clairement de ces observations : c'est
que durant chacune des phases que l'œuf parcourt, la
substance vitellaire est sous la puissance d’un travail très-
intime qui transforme sa masse, la pétrit et la repétrit en
quelque sorte à l’entrée de chaque phase nouvelle. La
substance embryonaire se multiplie ou, en d’autres ter-
mes, s'accroît par le procédé si simple de l'accroissement
des noyaux, procédé entrevu par M. Barry et étendu
maintenant à la multiplication des cellules en général en
opposition -à la théorie jusqu'ici admise de MM. Schwaon
et Schleiden.
VIII
» Le fractionnement une fois opéré , l’œuf reste dans
un état de repos de quatre à cinq jours, pendant lesquels
sa masse s’éclaircit en même temps que son centre devient
creux. Puis au bout de ce temps, il se met en mouvement.
Dès ce moment l’œuf est devenu embryon, sans changer
de forme.
ë IX
» Le mouvement n’est pas uniforme pour tous : chez
les uns il est très-rapide, d'environ quarante tours de
rotation en une minute; chez d’autres il est modéré, de
quatorze tours seulement; chez d’autres encore il est très-
ét és me.
— (4905 -—æ
lent et à peine perceptible. Mais ceux qui sont soumis à
un mouvement lent, peuvent l'instant après se mouvoir
rapidement, et vice versa ceux qui se meuvent rapidement
peuvent se ralentir: en un mot, les différentes vitesses
se succèdent chez le même individu.
» Le mouvement ne s'opêre pas dans le même sens :
chez les uns il est de gauche à droite, chez d’autres de
droite à gauche dans le plan horizontal, chez d'autres
encore il s'effectue dans le plan vertical, parfois unifor-
mément, d’autres fois comme par bonds.
» J'ai vu l’un et l’autre de ces mouvements changer de
direction ; c’est-à-dire ,» de gauche à droite qu'il était,
devenir de droite à gauche dans le plan horizontal ; et le
même phénomène avait lieu par rapport au plan verti-
cal {*).
X
» De grandes cellules vitellaires, indépendantes de la
masse principale, cellules que M. Alex. Nordmann a dé-
crités comme un animal parasite du Tergipes Edwardsx,
sous le nom générique de Cosmella, cireulaient librement
dans l’espace compris entre le vitellus et la membrane
extérieure de l'œuf. Elles étaient immobiles pendant la
période d'immobilité de l'œuf ; elles Pivotaient autour de
l'embryon dés que celui-ci se mettait en mouvement.
(*) Le plan horizontal et le plan vertical n’ont d'autre sehs ici que re-
lativement à l'observateur, L’axe de rotation de la sphère vitellaire pou-
Yant se déplacer et revêtir l’un et Pautre de ces plans, C’est sans doute au
passage de l’un de ces plans à l’autre, qu’il faut attribuer le mouvement
irrégulier de certaines sphères qui semblaient tourbillonner et se mouvoir
€n spirale,
BULL. DE LA SOC. DES SC. NAT. T. II. 22
XI
» C'était un spectacle que l'œil ne se lassait pas de con-
templer, que l'esprit ne se fatiguait pas de sonder. Quelle
mystérieuse grandeur, dans un petit amas sphérique
de cellules jouissant d’une pareille activité, sans organe
quelconque : un petit globe de matière sous l'impulsion
de la vie qui dorénavant va le gouverner , le maîtriser
en quelque sorte, lui imprimer les formes, lui donner les
organes qu’une pensée maîtresse a marqués à l'avance.
Je ne connais pas de sujets en histoire naturelle plus
émouvants que les phases primitives que parcourent les
êtres animés, avant leur apparition sur la scène du monde.
XII
Cet amas sphérique de cellules, c'était donc déjà l'em-
bryon. Douze heures plus tard, le centre de cet embryon
se compose de grandes cellules transparentes, dont le
contenu est nébuleux, tandis qu’à la périphérie se trou-
vent des cellules vitellaires ordinaires. Alors la surface
extérieure se montre entourée de cils vibratiles. Puis,
douze heures plus tard encore, la sphère embryonnaire
perd sa forme primitive. Elle commence par s’aplatir à
l'un des pôles, et de cette surface plane s'élévent quelques
mamelons entre lesquels se pratique une entaille qui ou-
vre la sphère. À partir de ce moment, l’animal est symé-
trique, ce que l’on voit parfaitement par l'apparition des
pigments visuels. Mais à ce moment, l'animal étant en-
core renfermé dans l'œuf, ses mouvements sont limités
par l'enveloppe externe ; aussi les dirait-on mal à l'aise,
tant ils sont saccadés et irréguliers.
XIII
» Enfin les embryons rompent leur enveloppe et s’é-
lancent dans le milieu ambiant, avec des mouvements des
plus variés et sous les formes les plus diverses. La di-
rection générale est en avant, mais de temps en temps
l'animal pivote sur son axe, roule ou oscille. Sa forme
est tantôt régulière et symétrique, tantôt assymétrique,
polymorphe et difforme. La forme change ainsi que la
direction ; le corps paraît doué d’une plastique élasticité,
il passe d’une forme à l’autre, les revêt successivement
toutes sans s'arrêter pour cela, bien que chaque nouvelle
forme entraîne une modification dans le mode de pro-
gression.
» Dans cet état, les larves de Planaires ont été décrites
comme des infusoires. Le Xo/pode cuculus Ehr. est du
nombre.
XIV
» Ces formes si diverses, soumises à des mouvements
si variés, par lesquelles les jeunes planaires viennent de
passer, se résument, au bout de huit à dix jours, en une
espèce de chrysalide complètement immobile, de forme
cylindrique, légèrement arquée, sur laquelle on distingue
trois régions : le tiers antérieur et le tiers postérieur qui
sont opaques, et le centre qui reste transparent.
» Les larves que j'avais élevées étant demeurées en
trop petit nombre, je n'ai pas été à même de pousser plus
loin mes observations. D'abord j'avais pensé que cet état
de chrysalide était un état anormal, une mort lente des
larves tenues, en captivité; mais j'ai eu l’occasion de les
observer dans ce même état, retirées directement de Ja
— 308 —
baie de Boston au moyen de la drague et à la même épo-
que, c'est-à-dire à la fin du mois de Juin.
» Je ne conserve, par conséquent, aucun doute sur le
fait qu'il y a une période de chrysalide chez la Planaire
qui fait le sujet de ces recherches; une période dont j'i-
gnore encore la durée. Il reste aussi à savoir si de cette
chrysalide naîtra définitivement la Planaire, ou bien si
elle a encore d’autres phases intermédiaires à parcourir.»
Séance du 28 Novembre 1850.
Présidence de M. L. GouLonx.
M. le présidentidépose sur le bureau :
1° Deux volumes des Transactions de la Société royale
d'Édimbourg.
29 Un rapport sur les observations faites à l'observa-
toire de Makerstrowm.
3° Le tome VI® des Mémoires de la Société belge des
sciences de Liège.
4° Une lettre de M. Brossi qui engage la Société des
sciences naturelles de Neuchâtel, à coopérer à l'ouvrage
d'éntomologie suisse, publié par la Société helvétique.
M. le prof. Ladame communique une observation sur
les différences de coloration présentées par le plafond
gypsé d’une pièce où pénètre de la fumée. La teinte des
parties correspondantes aux poutres et aux litteaux qui
les joignent et sont enduits de plâtre, est moins foncée
que celle des espaces correspondants à leurs intervalles.
Il s'engage entre plusieurs des membres présents, une
discussion sur les causes probables de ce phénomène.
— 309 —
M. le président donne lecture d’une lettre de M. Guyot,
dont nous présentons ici quelques passages.
» Je fis une course d'exploration dans les montagnes
Blanches, situées dans le New-Hampshire, à environ
60 lieues au nord de Boston. Ce groupe de montagnes,
le plus élevé à peu près des États-Unis en deçà des mon-
tagnes Rocheuses, m'a offert beaucoup d'intérét au point
de vue des zônes successives de végétation, dont j'ai dé-
terminé la hauteur avec M. Agassiz, ainsi qu'à cause des
immenses dépôts erratiques qui l'entourent et couvrent
ses flancs jusque près de son sommet.
» Toutefois, l'étendue des espaces à explorer, et la dif-
ficulté d'observation ne me permettent pas d'exprimer à
première vue une opinion bien positive à ce sujet. Ces
montagnes et leurs abords sont couverts d’une immense
forêt vierge continue, n’offrant aucune trace de sentier,
hors des deux ou trois routes qui les traversent. Le sol
est entièrement caché par les débris morts ou vivants de
la végétation, ensorte qu’il est même souvent fort difficile
de savoir sur quelle espèce de roche on pose le pied, et
si les blocs sont erratiques ou appartiennent à une roche
en place.
» La question qui se pose pour moi est celle-ci :
» Ces montagnes, qui forment un groupe considérable
et jusqu’à un certain point isolé au milieu de terrains
relativement bas, ont-elles été, à une époque quelcon-
que de la période erratique, un centre de dispersion à la
manière de nos Alpes ; ou bien, le grand courant erra-
tique venant du Nord ou Nord-Est, qui a laissé ses traces
sur toute la surface de l'Amérique du Nord, depuis le
Labrador jusqu’au Sud de New-—Yorck, a-t-il passé sur
— 310 —
ces hauteurs et dominé de façon à ce que la disposition
du terrain erratique doive être attribuée à son influence ?
» Les géologues américains admettent le dernier cas ;
pour moi, je penche un peu pour le premier; mais ce qui
me paraît le plus certain, c'est que des études sérieuses
sont à faire avant tout, et que les observations faites jus-
qu’à présent sont infiniment trop pauvres et trop peu
exactes pour jeter une véritable lumière sur la question.
En général , les questions érratiques sont ici fort com-
pliquées, et les faits, quoique étudiés sur certains points,
sont si peu liés, qu’exprimer une opinion me paraîtrait
une grande présomption.
» Du reste, le but de mon voyage était bien plutôt.de
mesurer les hauteurs de ce groupe célèbre, et de me for-
mer une idée de ses caractères topographiques qu'aucune
carte ne rend même d’une manière approchée : sous ce
rapport je crois avoir fait un bon travail. Ayant placé
mon neveu Ernest Sandoz au pied des montagnes, pour
me faire des observations correspondantes, dans un point
dont la hauteur a été déterminée par des levés de che-
mins de fer. J'ai déterminé une trentaine de points choisis
parmi les plus remarquables.
» La chaîne principale est formée de 6 à 7 pics dont
la hauteur varie de 4500! à 6000’ anglais.
» Le sommet le plus élevé, le mont Washington a,
selon ma mesure, 6400" pieds anglais, c’est un peu plus
haut que ne le font les mesures actuelles. L'aspect général
de ces montagnes rappelle celui de nos Basses-Alpes, mais
elles sont moins déchirées , les vallées sont plus larges,
plus adoucies, moins pittoresques que les nôtres; les
torrents sont plus paisibles, les chutes d’eau moins. fré-
— 311 —
quentes ; l'absence presque totale de lacs , de pâturages,
de culture et de bétail, le silence du désert qu'une mai-
sonnette ne vient jamais égayer , tout les rend bien infé-
rieures à nos chères montagnes suisses.
» Je vous enverrai, du reste, mon mémoire sur ces
hauteurs , dès qu’il sera imprimé. »
Es
Séance du 12 Décembre 1851.
Présidence de M. L. CouLon.
M. le président présente à la Société la 17° livraison du
4me vol. des Mémoires de la Société du Muséum d'histoire
naturelle de Strasbourg.
M. le D' de Castella lit une observation très-intéressante
sur un cas d'imperforation de l'hymen chez une jeune fille
de 19 ans, qui présentait des symptômes qu'on attribuait
à une grossesse. L'incision de l’hymen a permis l’écoule-
ment de 17'/: onces d’un sang poisseux, brunâtre et
inodore. Après l'opération, la matrice est revenne promp-
tement à son état normal, et la jeune fille a été parfaite-
ment guérie.
M. le prof. Ladame rend compte à la Société des ob-
servations météorologiques faites depuis plusieurs années
dans le pays. La Société décide qu’elles seront continuées,
et vote les fonds nécessaires pour un nouveau tirage de
tabelles.
M. Charles Mathieu parle des étangs à sangsues et des
causes qui nuisent à la reproduction de ces annelides : il
cite entre autres une petite espèce de crevette qui paraît
causer la perte d'une quantité de jeunes sangsues.
— 312
Il vient aussi de vérifier un nouveau procédé pour re-
connaître la présence de l'acide nitrique au moyen de
l'acide sulfurique, de l’iodure de potassium et de l’amidon.
Séance du 23 Janvier 1851.
Présidence de M. L. CouLoN.
M. le président dépose sur le bureau un nouveau
compte-rendu des séances de la Société d'histoire naturelle
de Philadelphie, ainsi qu’un Mémoire intitulé : Coup-d'œil
sur les travaux de la Société jurassienne d'émulation, pen-
dant l’année 1850.
M. le président communique quelques détails, tirés
d'un Mémoire allemand, sur les mœurs et en particulier
le sommeil d'hiver des loirs et des muscardins.
M. le Dr Cornaz lit un travail sur les diverses maladies
dont ont été atteints plusieurs personnages célébres de
l'antiquité.
Séance du 6 Février 1851.
Présidence de M. L. Couron.
M. le D' Cornaz lit des documents très-intéressants sur
l'histoire de l’autoplastie et de l'héteroplastie, documents
tirés d’un ouvrage de M. le professeur Rigaud de Stras-
bourg, et de la thèse de M. le professeur Blandin.
Il en résulte 1° qu'un chirurgien, de Lausanne, nommé
Griffon, ayant eu l’occasion de voir une jeune personne
portant un nez restauré par la méthode Tagliacozzi,
conçul l’idée de se servir de la même méthode, pour re-
faire le nez d'une jeune fille, et que son opération réussit
parfaitement,
— 313 —
2° Que Franco, professeur de médecine à Fribourg en
Suisse, qui vivait au temps d'Ambroise Paré, réussit au
moyen d'une opération de genioplastie, à combler une
lacune qui existait à la joue d’un Neuchâtelois, et qui
était si considérable qu'on pouvait y faire passer un œuf
d'oie dans le sens de son long diamètre.
Séance du 20 Février 1851.
Présidence de M. L. CouLon.
M. le Dr Vouga entretient la Société d'une figure re-
marquable qu'il a observée sur la surface glacée d'un
étang près de Cortaillod.
Cette figure, formée par des alternances de glace bul-
beuse blanche et de glace transparente laissant voir en
noir le fond obscur de l'étang, est mathématiquement la
projection horizontale des contours des marches d'un
escalier de pierre descendant de la surface vers le fond
de l'étang. Les lignes transparentes et obscures corres-
pondent aux arêtes des marches, tandis que les surfaces
blanches et bulbeuses correspondent aux surfaces de ces
mêmes marches. M. Vouga croit avoir trouvé l'explication
de la formation de cette figure, dans le développement
inégal des bulles de gaz hydrogène carboné provenant de
la décomposition des matières végétales contenues dans
la vase qui recouvre le fond de l'étang et les surfaces des
marches de l'escalier qui y descend. Ces bulles s’élevant
sans cesse du fond de l'étang perpendiculairement à la
surface de cette eau parfaitement stagnante, sont retenues
par la couche de glace mince en voie de formation à la
surface et s'y disséminent en la colorant plus ou moins
— JE —
en blanc, selon qu'elles arrivent en nombre plus ou moins
grand en un point donné de cette surface : ainsi s’expli-
que: 1° le fait de la transparence de la glace dans les
lignes correspondant aux arêtes des marches sur lesquel-
les les matières vaseuses en décomposition ne sont pas
déposées ; 2° le fait de la bullosité maximum des parties
de la couche glacée correspondant au fond de l’étang où
la vase atteint son maximum d'épaisseur ; 3° le fait de la
bullosité variable des parties correspondantes au plan des
marches, bullosité qui augmente pour la projection de
chaque marche inférieure, par le fait que la couche va-
seuse augmente aussi d'épaisseur sur chaque marche in-
férieure.
M. Vouga croit que dans certains cas donnés , la bul-
losité d'une couche de glace formée à la surface d'une
eau stagnanle, pourrait ainsi servir à apprécier les iné-
galités de relief du fond.
M. le président parle ensuite d’une disposition singu-
lière qu'a présentée Je givre sur le toit de la maison des
orphelins, disposition qui a aussi frappé M. le prof. Favre.
La surface givrée n’existe pas sur toute la surface du toit,
mais forme des bandes parallèles dirigées perpendiculai-
rement au faîte et correspondantes aux poutres parallèles
qui soutiennent la toiture.
M. Matthieu et M. Favre seraient disposés à admettre
que des courants d'air chaud provenant de l’intérieur
chauffé du bâtiment et venant par leur ascension ré-
chauffer la surface intérieure du toit dans l'intervalle des
poutres , auraient empêché la formation du givre sur les
parties extérieures correspondantes.
his étroé on
— 315 —
M. le président croit plutôt que le givre, qui, comme
on le remarque, se forme toujours sur les corps qui font
saillie sur une surface, aurait pris sur ce toit cette dispo-
sition particulière en vertu des saillies légères que doivent
faire les tuiles sur les parties du toit correspondantes aux
chevrons , et cette manière de voir se trouve corroborée
par la même disposition du givre observée sur le toit du
temple du bas, dont la température ne peut varier loca-
lement puisqu'elle reste constante à l'intérieur.
M. le D° Vouga communique quelques faits tirés d'un
article de la Revue britannique, sur les mœurs singulières
de deux oiseaux de la Nouvelle-Hollande. Il s’agit du
Telegalla ou dindon à grosse queue, et du Mégapodius
tumulus, qui ensevelissent leurs œufs dans une couche de
terreau formée de substances végétales accumulées par
l'animal. La fermentation ne tarde pas à s’y établir et
détermine un développement de chaleur suffisant pour
l'éclosion des œufs.
M. Coulon père, qui a puisé ces faits dans l'ouvrage
original de M. Gould , et qui en a déjà entretenu la So-
ciété anciennement, entre dans quelques détails nouveaux
sur la disposition régulière des œufs dans l'intérieur du
tumulus.
M. le président communique à la Société une coupe du
terrain à Nummulites de la Presta, au Val-de-Travers,
terrain dans lequel existe l'exploitation de la couche im-
prégnée de bitume de laquelle on extrait l’asphalte. Cette
coupe lui a été communiquée par M. Chopard, géologue
à Morteau , et est annexée au protocole.
— 316 —
Séance du 22 Juin 1851.
Présidence de M. L. Couon.
M. le président dépose sur le bureau la 2€ partie du
tome XIT des Mémoires de la Société de physique de Ge-
nêèvye.
M. le D' Vouga rend compte d’une opération d’imper-
foration de l'anus, entreprise dernièrement avec succès
par M. le D' Mercier, de Boudry, sur un enfant de trois
jours. -
Les personnes chargées du soin de l'enfant, n'ayant
pas introduit régulièrement les mèches destinées à dilater
l'ouverture artificielle et à en prévenir le rétrécissement,
il devint nécessaire au bout de quinze jours de recou-
rir à une nouvelle incision. Dès-lors l'évacuation des
excréments s'est toujours maintenue et l'enfant se porte
bien.
M. le président Coulon annonce qu'il a obtenu pour le
musée une ote minor (anser minutus seu Teminckü), espèce
rare de la taille d’un canard et différente de l’anser .albi-
frons. Cet oiseau a été tué sur le lac de Morat.
M. le prof. Favre fait passer sous les yeux des membres
de la Société, plusieurs de ses aquarelles très-bien exé-
cutées et représentant diverses espèces de champignons.
L'une d'elles, qui reproduit deux agaricus cristalus dé-
veloppés l’un sur l’autre, est surtout remarquable.
M. le Dr de Castella fait lecture du Mémoire suivant,
sur le mouvement de Fhôpital Pourtalès, pendant l’année
1850.
— 317 —
L'hôpital renfermait, le 127 Janvier 1850 :
33 malades: 20 homm., 413 femm.
admis pendant l’année : 525 » 358 » 167 »
558 » 378 » 180 »
dont 208 Neuchâtelois, 130 hommes, 78 femmes.
129 Bernois, 83 » 46 -»
40 Vaudois, 29 » A1 »
96 Suisses d’autres cantons, 70 » 26 »
85 étrangers, 66 » 49 »
558 malades, 378 » 180 »
De ce nombre 404 sont sortis guéris,
54 améliorés ou soulagés,
17 incurables ou renvoyés,
40 sont morts, 26 hommes, 14 femmes,
43 ont été inscrits à nouveau: 27 hom., 16 fem.
558
Ee nombre total des journées de malades a été de
16675.
En moyenne, le séjour de chaque malade a été de
29 “3 /565.
Chaque jour l'hôpital renfermait en moyenne #5 ma-
lades ?°°/365.
La mortalité calculée sur les sorties et décès a été de
1 sur 12 */60.
Quatorze opérations graves, dont # amputations, ont
été exécutées.
Les affections traitées pendant l’année se répartissent
comme suit :
33 inflammations externes diverses.
31 abcès.
33 plaies, dont ? d’armes à feu et 2 suite de congélation des pieds.
— 318 —
27 ulcères, dont l’un, scrophuleux rongeant du nez et de la lèvre
supérieure, a été guéri par l'emploi du chlorure d’or et de
l'huile de foie de morue, au bout de 175 j. de traitement.
19 fractures, dont une de la crête de l'os iliaque gauche.
A entorses.
1 luxation de l’humerus. réduite à l’aide du chloroforme.
29 tumeurs blanches, caries et nécroses.
4 fistule lacrymale opérée avec succès.
25 ophtalmies, la plupart scrophuleuses.
À cataracte.
7 amblyopies amaurotiques , chez des chlorotiqués et des hor-
logers dont les yeux étaient fatigués par un travail nocturne
trop assidu et avec l'usage du globe.
A rétention d'urine, suite de paralysie momentanée de la vessie,
7 cancers, dont 3 constitutionnels, renvoyés comme imcurables,
deux du foie et un de l'estomac.
1 loupe à l'épaule.
9 éresypèles.
48 rhumatismes , dont 36 aigus et 12 chroniques ; plusieurs ont
été compliqués d’affections du cœur , et guéris par l'emploi
du nitre et de l’aconit.
A esquinancie.
58 affections des voies digestives :
19 gastroenterites,
10 enteropéritonites,
7 gastralgies,
22 fièvres bilieuses.
3 fièvres catharrales.
70 fièvres typhoïdes, dont 13 ont provoqué la mort.
5 fièvres intermittentes, dont une quotidienne et quatre tierces,
dans l’un de ces cas, une infusion de graine de moutarde à
promptement dissipé une anasarque consécutive à la fièvre
intermittente.
6 fièvres lentes.
16 affections du cerveau , dont 4 devenues mortelles.
ebRoEzEo
— 319 —
A tétanos traumatique , devenu mortel malgré l'emploi répété
des inhalations de chloroforme , celui de l’opium à baute
dose et les frictions d’onguent mercuriel belladoné.
51 inflammations des voies respiratoires :
dont 3 laryngites ,
22 bronchites ,
26 pleuropneumomies.
phtysies pulmonaires.
hyperthophies du cœur.
métrite.
métropentonites.
prolapsus de la matrice.
imperforation de l'hymen.
metrorrbagie périodique.
1 hématurie.
14 chloroses.
1 hystérie.
4 chorées guéries par le valérianate de zinc.
1 tremblement mercuriel invétéré, amélioré par les sudorifiques.
9 névralgies dont 7 sciatiques.
1 mélancohe maniaque.
44 scrophules.
=
Séance du 13 Novembre 1851.
Présidence de M. L. CouLon.
M. le président dépose sur le bureau les ouvrages sui-
vants : le tome XI° de la deuxième série des Mémoires de
l'académie de Turin, trois exemplaires des Bulletins de la
Société d'Édimbourg , un exemplaire des Bulletins de la
Société de Bâle 1848-1850 , le vingt-troisième Bulletin
de la Société vaudoise.
Un Mémoire imprimé de M. Charles Girard, sur les
poissons appartenant au groupe des Cottoïdes.
— 320 —
M. le président annonce que l'académie francaise vient
de nommer üne commission pour examiner les propriétés
d'une graine du Pérou, dont l’emploi interne et externe a
été préconisé contre les morsures des serpents venimeux.
Seance du 28 Novembre 1851.
Présidence de M. L. CouLox.
M. le président fait part d’une communication sur la
bisexualité du sarcoptère de la gale. M. de Castella entre
dans quelques détails sur les divers traitements employés
contre cette affection.
M. le président annonce la découverte dans le Rhin
d'une nouvelle espèce d’écrevisse, différant essentielle-
ment de l'espèce vulgaire par la taille plus considérable
de ses pinces et la briéveté de son rostre.
M. le Df Cornaz communique les résultats obtenus par
M. Belinghéri, en comparant les poids des viscères de
plusieurs espèces de poissons, à diverses époques de l'an-
née.
Il fait part ensuite d’un cas singulier d'affection ner-
veuse observé par M. Jung.
À ce propos, M. le D' de Castella parle du peu de succès
de la section des nerfs affectés dans le cas de tic doulou-
reux, et des rapports intimes qu’il reconnaît exister entre
les manifestations du fluide nerveux et du fluide électri-
que, ce qui le porte à les identifier; à propos de la con-
tagiosité du choléra admise par M. Jung , M. le docteur
de Castella développe son opinion sur les anomalies et les
défauts dans l’oxigénation du sang, qu'il croit être la cause
de plusieurs maladies épidémiques et en particulier du
typhus.
Séance du 12 Décembre 1851.
Présidence de M. EL. CouLon.
M. le professeur Ladame lit un mémoire sur les divers
systèmes employés actuellement pour chauffer de grands
bâtiments. Il passe successivement en revue les avantages
et les inconvénients des modes de chauffage suivants :
Ancien système des poêles ou fourneaux de faïence, et
fourneaux de fer, chauffage à l’air chaud, à la vapeur, à
l’eau chaude à basse pression, et chauffage à l’eau chaude
à haute pression {système Perkins). Ce dernier système
sera appliqué à quelques salles du nouveau bâtiment de
l'école des filles.
M. le D' Vouga présente à la société un brochet d’en-
viron une demi-livre, remarquable par la brièveté de sa
queue. La nageoire caudale, la dorsale et l’anale sont
bien conformées, mais l'extrémité de ces deux dernières
est à peine éloignée de 5 lignes de l’origine du premier
rayon inférieur et supérieur de la caudale, tandis que
chez un brochet de même taille normalement conformé,
cette distance aurait été d'au moins 16 lignes. Le corps
de ce brochet conserve ses proportions ordinaires jusqu’à
la hauteur de l'anus, où il est légèrement renflé, puis
s'atténue brusquement en arrière du milieu des nageoires
dorsale et anale. A l'examen superficiel , il semble que
celte déformation provient d’une morsure d'un autre
poisson, qui aurait alteint l'extrémité caudale de celui
qui nous occupe ; mais l'inspection de la peau démontre
qu'il n’y existe aucune trace de cicatrice, comme cela à
toujours lieu chez les poissons dont les téguments ont été
BULL. DE LA SOC. DES SC, NAT. T. II, 25
— 322 —
lésés par les machoires de leurs congénères. — “La dis-
section nous a prouvé que la cause de ce raccourcisse-
ment caudal devait être attribuée à un arrêt dans le dé-
veloppement des corps des dernières vertèbres caudales.
Les vertèbres caudales sont au nombre de 19 chez le bro-
chet; les 5 dernières sont modifiées; leurs apophyses
épineuses inférieures et supérieures sont comprimées la-
téralement et inclinées en arrière, de manière à former
la grande vertèbre terminale et flabelliforme qui sert de
soutien aux rayons de la nageoire caudale.
Chez notre individu , la grande vertèbre est normale,
mais les 12 vertèbres suivantes, au lieu d’être complète-
ment développées , ont leurs corps amincis et soudés de
façon à ce que la partie de la colonne vertébrale, formée
par ces 12 corps de vertèbres , atteint à peine une lon-
gueur de 8 lignes; à partir de la 17€ vertèbre l’anomalie
cesse, et les corps vertébraux reprennent leur longueur
normale de 2 lignes à-peu-près. Malgré cette réunion
intime des vertèbres caudales, le canal vertébral supé-
rieur et le canal vertébral inférieur formés par la su-
ture des ares des vertèbres, existent, et les apophyses
supérieures et inférieures ont leur longueur normale,
seulement leur direction a changé, et elles irradient les
antérieures en avant, les postérieures en arrière. Les apo-
physes correspondantes aux vertèbres, qui sont au centre
de la ligne de suture, ont seules conservé leur direction
normale perpendiculaire à l’axe du corps.
En calculant à 1°/4 ligne la longueur moyenne et nor-
male de chacune des vertèbres soudées, nous obtiendrons
une longueur de 21 lignes qui n'est représentée sur notre
exemplaire que par 5 lignes; de sorte que la diminution
pe cé EE EEE CS
LME
— 323 —
totale de la longueur de la queue peut être évaluée à 16
lignes. Cet arrêt de développement des vertèbres cau-
dales paraît exister quelquefois chez les brochets, car
le musée d'anatomie comparée de Heidelberg renferme
un poisson de cette espèce, chez lequel la portion cau-
dale est encore plus raccourcie que chez notre individu.
Seance du 26 Décembre 1851.
Présidence de M, L, CouLon.
M. le Dr Borel lit un rapport plein d'intérêt sur un cas
de médecine légale qu'il a été appelé à voir dernière-
ment en compagnie d'un de ses confrères. Il s'agissait de
décider par l'inspection du cadavre, si un enfant mort en
naissant, soumis à leur examen, avait respiré après sa
naissance , et en outre s'il éfait viable. Ces deux condi-
tions étaient de la dernière importance pour assurer à
la mère, veuve depuis peu de temps, une part dans la
succession de son mari.
Cet enfant, qui était du sexe féminin, était bien con-
formé de tous ses membres, et ne présentait aucune trace
de décomposition putride ; son poids était de 5 livres une
once de Neuchâtel; la longueur totale du corps était de
18 pouces 9 lignes de Neuchâtel. Sa peau était consis-
tante, plutôt pâle que de couleur rosée; elle était recou-
verte d'un enduit caséiforme abondant surtout au cuir
chevelu, aux bras, aux plis des aines et à la partie posté-
rieure du dos ; aux oreilles et à la partie postérieure de
la tête et du cou, elle avait une teinte violacée très-fon-
cée. Les cheveux (d’une couleur châtain clair) avaient 9
lignes de longueur; les ongles étaient consistants et bien
formés; aux mains ils dépassaient la pulpe des doigts,
— 324 —
et aux pieds , ils s’étendaient jusque près de l'extrême
bord des orteils. La membrane pupillaire dite de Wa-
chendorff n'existait plus aux deux yeux. Les pavillons
des oreilles étaient bien formés, consistants et cartilagi-
neux. Plusieurs incisions pratiquées perpendiculairement
à l'axe du corps dans les cartilages qui forment les ex-
trémités inférieures des os des cuisses, ont fait reconnaître
qu'il existait au centre de ces cartilages un commence-
ment d'ossification, peu considérable encore; le noyau
osseux n'ayant guère au-delà d'une demi-ligne de dia-
mètre. On ne remarquait à la surface extérieure du corps
de l'enfant aucune trace de lésion.
Cavité du crâne. Il n’y avait aucune ecchymose au-des-
sous des tégumens du crâne. Les os de la voûte cranienne
parfaitement intacts, étaient dans un état d'ossification
avancée; ils offraient une teinte violacée très-intense, pro-
noncée surtout au niveau des bosses pariétales. La dure-
mére ne présentait aucune lésion. Les vaisseaux des lobes
postérieurs du cerveau étaient gorgés de sang et parti-
culiérement les veines des circonvolutions cérébrales. La
pie-mère était fortement injectée de sang ; de sorte que
cette membrane avait une couleur d’un rouge extrême-
ment foncé. Le cerveau, de même que le cervelet, n’offrait
aucune altération. |
Cavité de la poitrine. Le poumon droit occupait toute
la partie latérale droite de la cavité de la poitrine, et à
l'ouverture de cette cavité, il se présentait amplement
aux regards. IL était d'une couleur rosée dans la plus
grande partie de son étendue; en arrière une pelite par-
tie de la substance avait une teinte un peu plus foncée
et tirant sur le rouge-brun.
— 325 —
Le poumon gauche était refoulé dans la cavité gauche
de la poitrine et ne s’offrait pas aux regards d'une ma-
nière aussi évidente que le poumon droit. D'une teinte
rosée dans une petite partie de sa face antérieure, le pou-
mon gauche avait une couleur rouge-brun dans tout le
reste de son étendue.
Les poumons, le cœur et le thymus ayant été séparés
du corps, après la ligature des gros vaisseaux et placés
à la surface de l’eau froide de fontaine qui remplissait un
baquet dans la profondeur de 9 pouces, ces organes, at-
tenants entre eux, sont restés à la surface du liquide, où
ils surnageaient de façon toutefois qu'une portion du
poumon gauche s’enfonçait plus profondément dans l’eau
que les autres organes. Déprimée au fond du liquide, la
masse des poumons, du cœur et du thymus remontait
rapidement au haut de l’eau dès qu’elle était abandonnée
à elle-même.
Les deux poumons réunis pesaient 3 onces et 47 gr.
Ce qui donne pour le poids de ces organes comparé au
poids total du corps de l'enfant, le rapport de 1:27 en-
viron.
Ces organes ayant été détachés du thymus et du cœur,
ont continué à rester à la surface de l’eau et à surnager.
Le poumon droit, séparé du gauche et placé seul à la
surface liquide , a constamment surnagé et revenait
promptement au haut du liquide après avoir été déprimé
au fond du vase puis abandonné à lui-même. — Ce
même poumon ayant été divisé à l'endroit d'union de ses
3 lobes, chacun de ceux-ci a surnagé et s’est comporté
dans l’eau comme l’organe entier. Partagé en 14 por-
tions, toutes celles-ci, à part une seule, ont continué à
— 326 —
surnager et à revenir promplement au haut du liquide
après leur dépression. En comprimant fortement entre
les doigts, au-dessous du niveau de l’eau, les 13 por-
tions du poumon droit qui surnageaient, on donna lieu
à un dégagement de fines bulles d'air, qui formaient une
sorte d’écume à la surface du liquide. Toutes ces mêmes
portions du poumon replacées sur l'eau après avoir été
soumises à la pression, se sont comportées avec le liquide
de la même manière qu'auparavant. Il en a été de même
lorsqu'on les a placées dans l’eau chaude à la tempéra-
ture d'environ + 40° R. Les différentes sections ‘faites
dans ce poumon avec l'instrument tranchant ont toutes
donné lieu à un bruit de crépitation très-prononcé. Cette
crépitation avait également lieu à la pression des doigts.
Le poumon gauche, mis isolément au haut de l’eau, est
descendu avec lenteur dans ce liquide, et a gagné le fond
du vase sans s’y aplatir, une de ses extrémités continuant
à flotter librement sous l'eau. — Les deux lobes de ce
poumon, ayant été séparés l’un de l'autre, ils se sont
comportés ainsi : le lobe supérieur a gagné lentement le
fond du vase, le lobe inférieur a surnagé. Le lobe su-
périeur ayant été partagé en 7 parties, six d’entre elles
sont descendues au fond du vase, et une seule a surnagé,
dans l’eau chaude comme dans l’eau froide; les 6 pre-
mières portions de ce lobe du poumon ayant été fortement
comprimées sous l’eau, il ne s’en est dégagé aucune bulle
d'air. Le lobe inférieur du poumon gauche ayant été di-
visé en 10 fragments, il a donné des signes manifestes
de crépitation sous l'instrument tranchant et à la pres-
sion. De ces 10 fragments de poumon, 8 ont gagné le
fond de l’eau et deux ont surnagé dans l’eau froide et
— 3217 —
dans l’eau chaude, même après avoir été fortement com-
primés.
Le thymus avait une teinte rouge-brun foncée, et pe-
sait deux gros et 18 grains.
Le cœur était parfaitement sain. La valvule qui se
trouve entre les deux oreillettes ne fermait pas compléte-
ment la communication entre elles, ensorte qu'il restait
du trou de Botal une ouverture qui donnait passage à
l'extrémité d'une sonde de femme. Le canal artériel était
amplement ouvert.
Tous les organes contenus dans la cavité de l'abdomen
étaient bien conformés.
La manière dont les poumons se sont comportés dans
l’eau, soit pendant qu'ils étaient attenant au cœur et au
thymus, soit après avoir élé séparés de ces organes, in-
dique que l'enfant a respiré après sa naissance. Il n’y a
rien ici qui puisse infirmer les résultats de l'épreuve pul-
monaire. Mais, d’un autre côté, on doit conclure aussi
de la précipitation du poumon gauche au fond de l’eau, et
de l’ensemble des expériences auquelles cet organe a été
soumis, que si, comme il est prouvé, la respiration a eu
lieu chez la petite fille dont il s’agit, cette respiration a
été de courte durée, le poumon gauche n’ayant été péné-
tré d'air que dans une partie de sa substance.
Il résulte du poids de l'enfant, des dimensions de sa
têle, de la bonne formation des ongles, de l’ossification
avancée des os du crâne, que cet enfant était dans un
état de maturité assez grande pour vivre de sa propre
vie hors du sein de sa mère, et que s’il n’est pas arrivé
complétement à la fin du 9° mois de la vie intra-utérine,
il est né à une époque qui en était fort rapprochée. Sa
— 328 —
bonne conformation et l'absence de toute lésion organique,
jointes à son degré de maturité, doivent faire conclure
à sa viabilité.
Il y a tout lieu de présumer , que la congestion san-
guine qui existait au cerveau et qui a été indiquée plus
haut, a été la cause de la mort de l'enfant dont il s’agit.
Cette congestion cérébrale a été déterminée très-proba-
blement par le trouble survenu dans la circulation fœtale,
pendant la durée du travail de l'accouchement. Le mé-
decin qui a assisté à la naissance de l'enfant, a fait con-
naître qu'il s'était présenté dans la position des fesses,
et qu'il avait fallu chercher les pieds pour terminer l’ac-
couchement.
M. le D' Borel ajoute quelques explications relatives
à un fait mentionné dans son rapport, c'est que le pou-
mon droit se trouvait pénétré d'une plus grande quantité
d'air que le gauche; cette différence est due aux dimen-
sions de la bronche gauche qui est plus longue et plus
étroite que la droite et oppose par conséquent une plus
grande résistance à l'introduction de l'air.
M. le Dr Cornaz donne quelques détails sur la maladie
nommée Hématophilie ou Diathèse hémorrhagique hé-
réditaire. Ceux qui sont atteints de cette singulière affec-
tion, et que les Allemands appellent Bluter, peuvent jouir
de la meilleure santé et être très-robustes, mais aussitôt
qu'on leur fait subir la moindre opération de nature à
atteindre les vaisseaux, le sang coule avec une telle per-
sistance que pendant des jours et des semaines tous les
secours sont insuffisants pour arrêter l’hémorrhagie. La
plus légère coupure, une application de sangsues ou de
ventouses, l'extraction d’une dent, peuvent occasionner la
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CR NS PR dés
— 329 —
mort. Cette maladie qui est plus fréquente en Allemagne
que dans nos contrées, paraît se transmettre du père aux
enfants, sans cependant atteindre les femmes.
M. le D' Borel cite quelques personnes de notre pays
qui ont été atteintes de cette maladie, entre autres une
famille Valler, autrefois domiciliée à Auvernier. Plusieurs
enfants appartenant à cette famille, et qui ont reçu les
soms de M. Ferd. Dubois, ont fourni à ce médecin le su-
jet d’un mémoire qu'il a publié il y a quelques années
dans la Gazette médicale de Paris.
Séance du 9 Janvier 1852.
Présidence de M. L. CouLoN.
M. le professeur ÆXopp fait une communication sur les
télégraphes électriques; il fait d’abord l’histoire de la
télégraphie, puis donne des détails sur la construction
des télégraphes actuellement employés.
La première idée du télégraphe électrique paraît re-
monter à l'an 1636. On trouve dans un ouvrage de cette
époque, intitulé : Deliciæ physicomathematicæ, un chapitre
portant pour titre : « Comment deux individus peuvent
communiquer l’un avec l’autre à distance au moyen de
l'aiguille aimantée, »
L'histoire des télégraphes se partage en cinq périodes,
Dans la première, de 1774 à 1800, on emploie l’élec-
tricité développée par le frottement et dégagée par des
bouteilles de Leyde : le signal est donné par la déviation
de l’électromètre d'ivoire. — Dans la seconde période,
de 1800 à 1820, on emploie la pile à colonne de Volta
pour produire l'électricité; le moyen indicateur est la
décomposition de l’eau. Il faut autant de fils conducteurs
— 330 —
que de signes. — Dans la troisième période, de 1820 à
1830, on substitue à la décomposition chimique, la dé-
viation de l'aiguille aimantée par le courant. — Dans la
quatrième période, de 1830 à 1837, le courant est pro-
duit par des appareils d'induction : les signes sont tou-
jours produits par l’action directe du courant sur l’aiguille
aimantée. — Enfin dans la cinquième période, le courant
n’agit plus directement, comme force motrice. Wheastone
prend en 1837 son brevet d'invention du télégraphe élec- .
trique en Angleterre. Son télégraphe a les défauts de ceux
construits avant lui; mais le fait capital de l'invention
consiste dans le mode de communication du mouvement
qui met en jeu l'alarme. Le courant aimante par son
passage un morceau de fer doux : cet aimant attire un
autre morceau de fer qui empêchait l'action d’un ressort
permanent. L’échappement devenu libre, un mouvement
d’horlogerie met en mouvement le marteau qui frappe le
timbre d'alarme aussi long-temps que le courant n’est pas
interrompu.
En 1840, Wheastone applique au télégraphe lui-
même le principe si simple de son réveil. IL n'y a plus
qu'un seul fil, le retour du courant se fait par la terre.
Les signes ou lettres sont marqués sur un cadran. L'ap-
pareil se compose d’une roue dont chaque dent porte une
lettre et qui envoie autant de fois un courant d'induction
sur la ligne qu'il passe de lettres devant l'employé en-
voyant la dépêche. Chaque fois que le courant arrive au
poste de réception, l'électro-aimant sur lequel s’enroule le
fil de la ligne attire un morceau de fer doux; ce fer dé-
gage l’échappement d’un mouvement d’horlogerie qui fait
mouvoir une roue portant les lettres de l'alphabet. Autant
Re 2 Sd
— 331 —
de lettres qui passent devant l'employé envoyant la dé-
pêche, autant de lettres passeront devant l'ouverture du
cadran du poste de réception, et la lettre qui reste fixe
devant l'employé à la station d'envoi, restera fixe aussi
sur le cadran de la station de réception,
Toutes les modifications ultérieures faites au télégra-
phe électrique, ne portent que sur la modification plus
avantageuse du mécanisme et sur la substitution aux
courants induits des courants produits par des fils à cou-
rant constant.
En décembre 1851 , M. Gloesener a proposé de sup-
primer le mouvement d’horlogerie afin de rendre au cou-
rant son effet dynamique. Il fait passer le courant alter-
pativement sur deux bobines s’enroulant sur deux élec-
tro-aimants qui seraient donc alternativement inertes et
agissants. La plaque de fer doux est remplacée par un
aimant repoussé par l'électro-aimant, momentanément
aimanté et attiré par celui qui n’est pas aimanté dans ce
même instant. Les mouvements de l'aimant permanent
doivent avoir par ce moyen une régularité assez parfaite
pour servir directement d'indicateurs, de signaux et de
moteurs de l'appareil récepteur. Ce système est en essai
en Belgique , la pratique pourra seule décider de son
avantage.
En France, les télégraphes sont la propriété de l’état.
Le système employé est celui de Foy et Breguet à deux
fils et à signaux dits télégraphiques, c'est-à-dire, sembla-
bles à ceux des télégraphes aériens. Les lignes sont éta-
blies le long des chemins de fer et les fils sont supportés
par des poteaux.
En Angleterre, le système établi est celui de Wheas-
tone, à double aiguille; la vitesse est de 20 mots par
— 332 —
minute. Le service est fait par une entreprise particulière
mise librement en rapport avec: le public. Les lignes
aboutissant à Londres ont une étendue de 917 lieues.
Aux Etats-Unis, tantôt les lignes suivent les chemins
de fer, tantôt elles sont tracées à travers champs. Les
fils sont supportés par des poteaux ou par des arbres ;
souvent les fils revêtus de gutta-percha, traversent les
rivières et l’eau salée sur d'assez grandes étendues.
En Prusse, la plupart des fils sont enfouis sous terre
le long des routes.
Dans le système de Foy et Breguet, employé en France,
le télégraphe d’une station (A) se compose de deux ap-
pareils distincts. L'appareil récepteur qui reçoit les signes
télégraphiques envoyés par la station B, et l'appareil ma-
nipulateur qui envoie le signes à la station B.
En France, les lignes sont établies le long des chemins
de fer et les fils qui vont d’une station à l’autre sont por-
tés par des poteaux de 3 à 4 mètres de hauteur à la dis-
tance de 10 mètres les uns des autres. Ils sont fixés à
ces poteaux par des supports isolant (ordinairement une
clochette en faïence fixée au poteau par deux ailes laté-
rales en faïence. Dans l’intérieur de la clochette, est fixé
au sommet ou incrusté un fil se terminant par un petit
anneau à travers lequel passe le fil de la ligne. A chaque
distance d’un kilomètre se trouve fixé à un poteau un
appareil tracteur qui permet de tendre le fil dans l’éten-
due de ce kilomètre.
Chaque télégraphe se composant de deux télégraphes
distincts fonctionnant en même temps, il faut deux fils,
et chaque fil avec ses appareils récepteurs et manipula-
teurs posés aux stations À et B, forme un télégraphe
— 333 —
complet. Les deux télégraphes, l’un pour ainsi dire éta-
bli pour l'œil droit et la main droite de l'employé, l’aatre
pour son œil gauche et sa main gauche, fonctionnent
ensemble et permettent d'obtenir une vitesse dans la
transmission des signaux, presque double de celle qu'on
obtient avec un seul télégraphe.
Cette amélioration de vitesse est assez importante pour
qu'en Angleterre on ne se serve plus que de l'appareil à
double aiguille et à deux fils de Wheastone, de préfé-
rence à son appareil à cadran et à fil uniques.
L'appareil récepteur est renfermé dans une petite boîte
en acajou, de deux décimètres de largeur sur autant de
hauteur , portée solidement sur une table à écrire.
Sur sa face antérieure est incrustée une plaque d'acier
au milieu de laquelle est fixé un petit télégraphe dont la
tige horizontale est fixe et les deux ailes mobiles, coloré
en noir, et semblable aux télégraphes aériens.
Chacune de ces ailes peut prendre huit positions diffé-
rentes en se portant, après coïncidence avec la tige hori-
zontale fixe, à une inclinaison de 459, à la position ver-
ticale , à une inclinaison de 135°, de 1802, de 225°, de
270° et 3609, ou à sa position initiale.
L'aile de droite se meut de gauche à droite, celle de gau-
che de droite à gauche. Les différentes positions des deux
ailes donnent 48 signes, plus que suffisants pour tous
les besoins de la correspondance. Chaque aile est mue
par un mécanisme à part et desservie par son fil. Le fil
de la ligne s’enroule sur une bobine entourant un élec-
_tro-aimant en fer doux, qui par le courant acquiert Ja
propriété d'attirer une petite plaque de fer doux écartée
de l'aimant par un ressort, et qui dans la position ver-
— 334 —
ticale arrête l’échappement d’un mouvement d’horlogerie
mue par un ressort. |
Cette horloge porte au lieu d'aiguille, l'aile du télégra-
phe qui se meut d'une manière uniforme, quand l'échap-
pement est libre, comme l’aiguille d’une montre. Chaque
fois que le courant passe dans la bobine, l'échappement
devient libre et l'aile du télégraphe passe d’une position
à la position suivante.
Si donc on veut donner à l'aile de la station À une
position déterminée, l'employé de la station B fera passer
autant de fois le courant, que l'aiguille doit parcourir de
positions intermédiaires pour arriver à la position finale.
Cet envoi du courant se fait par l'appareil manipulateur.
Devant la petite boîte enfermant l'aimant et le mouve-
ment d’horlogerie du récepteur, un peu de côté pour ne
pas gêner la vue pour l'observation des signaux à rece-
voir, se trouvent placées deux petites colonnes en laiton
portées par des supports isolants et solidement fixées à la
table. Chaque colonne est un appareil distinct commu-
niquant avec l'appareil récepteur de l’autre station, l'un
servant à mouvoir l’aile gauche, l'autre l'aile droite. Les
deux appareils sont identiques, seulement celui de gau-
che se meut de droite à gauche, et celui de droite de
gauche à droite. La colonne porte un tube de métal ho-
rizontal terminé, dans sa partie faisant face à l'employé,
par un plateau de cuivre jaune portant huit entailles cor-,
respondant aux huit positions de l’aile du télégraphe ré-
cepteur. Le tube horizontal est traversé par un cylindre
massif qu'on fait mouvoir au moyen d'une manivelle en
métal terminée par un manche isolant et s'appliquant au
moyen d'un ressort contre la plaque entaillée. Elle porte
— 339 —
à la hauteur des entailles une dent unique qui sert par
son introduction dans les entailles à fixer momentané-
ment, d'une manière précise, la position de la manivelle.
A l’autre extrémité du cylindre massif, est fixé un petit
disque de métal entaillé dans sa surface par un canal
courant autour du centre du disque, en courbe continue,
sinusoïde ou serpentante, à une petite distance de ce cen-
tre. Dans celte courbe est placé un bouton portant une
tige verticale articulée avec lui. Cette tige porte dans son
milieu une seconde articulation d'un hauteur invariable
et fixé à la colonne par une petite barre parallèle au
cylindre massif. Quand la manivelle tourne, le disque
tourne avec elle, le bouton glissant dans le canal mu par
le disque, est tantôt forcé de se rapprocher du centre du
disque, tantôt forcé de s’en éloigner; ce mouvement d’as-
cension et de descente de la première articulation de la
tige verticale est transformé par la deuxième articula-
tion en un mouvement de gauche à droite de l'extrémité
inférieure de la tige, qui va de cette façon butter alterna-
tivement en glissant sur une plaque d'ivoire contre deux
plaques métalliques incrustées dans le pied de la colonne
et que j'appellerai a et b. Le courant de la pile de la
station s'introduit par une communication métallique
dans le pied du manipulateur, parcourt cet appareil et
se rend dans la tige articulée ; quand celle-ci butte con-
tre la plaque a à laquelle est attaché le fil de la ligne, le
courant est {ransmis sur la ligne; dans toute autre posi-
tion, le courant est interrompu sur la ligne; quand la tige
verticale butte contre la plaque b , le courant passe du
premier manipulateur à celui de gauche, d'où il est en-
voyé soit sur la ligne par le deuxième fil par une plaque
a, soit en terre par une plaque b.
— 336 —
On comprendra d'après cela comment avec utie seule
pile il est possible d'alimenter les deux manipulateurs
d’une même station et comment les indications des mani-
pulateurs sont traduites par le récepteur de la station B.
Les courbures du eanal de la station À sont telles que
toutes les fois que la dent de la manivelle passe ou s’ar-
rête devant une des entailles ou dans l’une d'elles, le
courant passe sur la ligne. Si donc ia manivelle de la
station A et l'aile du télégraphe de la station B ont la
même position, les positions subséquentes de l’une en-
trainera celles de l’autre. Il faut remarquer que l'employé
envoyant une dépêche, a devant lui le tableau des signes
à transmettre. Au moyen de ces deux manivelles, ilimite
ce signe, les deux manivelles figurent les deux ailes du
télégraphe; il fait sauter ainsi la manivelle d’une entaille
dans une autre entaille quelconque de la plaque du ma-
nipulateur, en passant devant les entailles intermédiai-
res pour s'arrêter un petit instant sur la position donnant
le signal. Cet instant est très-court, car les signes se
succèdent rapidement, toutefois là où un spectateur étran-
ger à la manipulation du télégraphe ne peut apercevoir
aucun temps d'arrêt, l'employé habitué à cette observa-
üon l’apercçoit.
Ayant eu l’occasion de profiter de l’obligeance de quel-
ques habiles employés d’un télégraphe français pour voir
souvent fonctionner la machine, je ne suis jamais par-
venu à distinguer le signe donné des positions intermé-
diaires que prenait l'aile pour passer d'une position à
une autre. Pour montrer à des visiteurs le jeu de l’appa-
reil, les employés sont forcés de ralentir considérablement
la vitesse des communications en laissant séjourner pen-
— 337 —
dant un instant suffisamment long la manivelle dans l'en-
taille qui doit produire le signe.
Pour que les signaux soient certains, il faut que l'ap-
pareil manipulateur de la station À ait la même position
que l'aile de l'appareil du manipulateur de la station B;
on y arrive en partant toujours du fermé réglementaire,
c.-à-d., de la position des ailes ou manivelles repliées
sur la ligne horizontale vers l’intérieur de l’appareï. Cette
position indique la fin d’une dépèche et elle est par con-
sèquent le point de départ de la dépèche suivante.
Les dépêches sont transmises pas dizaines de signes,
après chacune desquelles y a un fermé. Si par distrac-
tion ou par trop grande vitesse de transmission, l’'em-
ployé recevant les signes n’a pas bien pu lire un signal,
il tourne immédiatement ses manivelles avec une grande
vitesse ; il profite ainsi d’un intervalle pendant lequel le
courant venant de À est interrompu, pour transmettre à
l'appareil récepteur de la station A, le courant de sa pro-
pre pile. Les ailes de l'appareil récepteur de A tournent
aussitôt avec rapidité. L’employé de la station A arrête
sa manipulation en produisant le fermé, pour attendre
‘la demande ou l'avertissement de son collègue de la sta-
tion B. Celui-ci lui dit d'aller moins vite ou de répéter
la dernière dizaine, et enfin donne les renseignements
nécessaires pour que la transmission se fasse régulière -
ment.
Mais avant que cela puisse se faire, il faut que les ap-
pareils récepteurs de part et d'autre arrivent de nouveau
au fermé. Les employés les y ramënent avec la main en
faisant aller une pédale, c'est-à-dire, un petit fil rigide
attaché à la plaque de fer doux arrêtant l’échappement
PUL. DES SC. NATUR, T HI. 24
— 338 —
de l'horloge qui fait mouvoir l’aile de l'appareil récepteur.
Ils produisent ainsi sous l’aide du courant, lemouyement
de cette aile et la ramènent à la position de fermé règle-
mentaire.
M. Kopp donne ensuite des détails curieux sur l’édu-
cation des employés et sur le degré remarquable de per-
fectionnement et d'habileté auquel ils arrivent par une
longue pratique.
Séance du 23 Janvier 1852.
Présidence de M. L. CouLon.
M. le président dépose sur le bureau les ouvrages
.suivants, qu'il a reçus d'Amérique :
Notices historiques et statistiques sur l’histoire, la situation
présente et l’avenir des peuplades sauvages des Etats-
Unis de l'Amérique, recueillies par le bureau des af-
faires relatives aux Indiens indigènes, et publiées par
l'ordre du congrès du 3 mars 1837, par Hi Schoorl-
craft, L. L. D., avec planches col. Part. 1r°. Phila-
delphie 1851.— 1 vol. in-#°.
Smithsonian Contributions to Knowledge. Tom. 2. in-4°.
Washington 1851. Et Appendix I. IL IE — 1 vol.
in-40,
Annual Message et accomp. Docs. — 1849 à 1850. Part.
L. IL LL. Cartes et planches. Communications (messa-
ges) du président des Etats-Unis aux deux chambres
du congrès au commencement de la {session du
. 81° congrès. — De 1849 à 1850. — 3 vol. in-8°.
Annual report of the commissioner of patents for the year
1848. Rapport du commissionnaire des patentes, pour
l’année 18#8. PI. — 1 vol. in-8°.
— 339 —
Rapport de Foster et Whitney sur la géologie et la to-
pographie du Lac supérieur, 1850. 1'° part. Copper
Lands. Avec fig. — 1 vol. in-8°.
Proceedings of the american Association Proc. de l’associa-
lion américaine pour l'avancement des sciences ; 4°
réunion tenue à New-Haven en août 1850. Washing-
ton 1851. — 1 vol. in-80.
Rapports de la Société Smithsoniemne. Notice sur les biblio-
thèques publiques des Etats-Unis de l'Amérique, par
CS Jewett. Washington 1851. — Brochure in-8°,
Quatrième rapport annuel des régents de la soc. Smithso-
nienne, pour 1849. — Brochure in-8°.
Rapport de T. Butler King sur la Californie. Washington
-1850: — Brochure in-8°.
Rapport par Benj. Apthorp Gould jun. sur la découverte
de la planète Neptune. 1850. — Brochure in-8°.
Essai sur la classification des némertes et des planaires,
par CbS Girard. 1845. Tiré des Ann. des sc. naturel-
les, 8° série, — Brochure in-8°.
Rapport du secrétaire de la: guerre au sénat. Journal de
marche du bataillon d'infanterie commandé par le
lieutenant-colonel P. St-George Cook, de Santa-Fé,
Nouveau-Mexique, à San-Diego, Californie. — D'oc-
tobre 1846 au 30 janvier 48#7. — Brochure in-8°.
Rapport du secrétaire de la guerre, sur une exploration
du territoire de Minnesota, contrée située entre le Mis-
sissipi et Sainte-Croix, par le cap. Pope, avec une
carte. Mars 1850. — Brochure in-8°,
FRapport du rev. R. R. Gurley, chargé par le gouv. d'ob-
tenir des informations sur. Liberia, colonie fondée au
cap Palmas sur les côtes occidentales de l'Afrique.
Sept. 1850. Avec carte et planches. — Brochure 8°,
— 340 —
Bulletins de l'académie des sciences naturelles ; pag. 117
à 200. Avec 6 pl. col. d'oiseaux de l'Amérique du
Nord. — 3 livraisons in-8°.
Rapport du secrétaire de la guerre sur une reconnais-
sance des routes depuis Sant-Antonio à El Paso.
Washington 1850. Avec planches et cartes. — 1 vol,
in-8°.
Appendix au vol. THIS des Smithsonian Contributions to
Kuowledge. Contenant les éphémides de la planète
Neptune, par C. Walker, pour l'année 1852. — Bro-
chure in-4.
Deux cartes du Lac supérieur.
M. le Dr de Castella communique une lettre que lui a
adressée M. le Dr Rabn, et par laquelle il est prié de ré-
pondre aux questions suivantes :
1° Quel est l’âge ordinaire où l’un et l’autre des deux
sexes se marient dans votre canton ?
20 Dans quelles proportions sont à la population les
mariages, naissances et décès ?
30 Les mères nourrissent-elles elles-mêmes dans votre
canton, sinon par quel genre de nourriture remplace-t-on
le lait maternel?
4° À quel âge les enfants sont-ils ordinairement se—
vrés ?
5° Dans quelle proportion les enfants illégitimes.sont-
ils au légitimes ?
6° Y a-t-il beaucoup de femmes qui soient enceintes
au moment de leurs noces?
7° Quel est environ le nombre des enfants issus d’un
mariage ?
— 341 —
8° Des pratiques sont-elles employées dans votre can-
ton pour diminuer la fécondité ?
La Société pense que la réponse à une partie de ces
demandes existe dans les tableaux indiquant le mouve-
ment de la population du pays de Neuchâtel, publiés par
M. de Montmollin père, dans le 12° volume des mémoires
de la Société ; pour obtenir des documents plus récents, il
faudrait s'adresser à la direction de l'intérieur; et quant
aux questions qui sont du domaine de la médecine pro-
prement dite, la Société pense que MM. les médecins sont
seuls compétents pour y répondre.
M. le D'Cornaz lit un mémoire du D'W.-White Cooper
sur l’opération de la cataracte, entreprise avec succès sur
des ours du jardin zoologique de Londres, après les avoir
soumis à l’action du chloroforme. — A cette occasion,
MM. de Castella et Borel indiquent plusieurs cas où le
cristallin engagé dans la chambre antérieure de l'œil a
été complètement résorbé au bout de six mois.
M. Borel rapporte, que chez une femme qui, un grand
nombre d'années avant sa mort, avait subit l'opération
de la cataracte, il retrouva à l'autopsie le cristallin im—
parfaitement reproduit.
M, Cornaz lit une note sur le nombre considérable
d’aliénés qui se présentent dans les établissements de ré-
clusion du système cellulaire.
M: le président présente à la Société un morceau de
papier jaune qui servait de couverture aux nombreuses
livraisons d'un ouvrage scientifique , et qui brûle avec
déflagration, mais sans flamme, dès qu'une étincelle l'a
atteint.
— 342 —
M. Cornaz entretient la Société des relations qui exis-
tent entre certaines maladies du cœur et des reins, et
diverses affections amaurotiques des yeux. — M. Lan-
douzy a signalé déjà la coexistence de la maladie de
Bright, et d’un état d'amaurose ou d'amblyopie : M. Bou-
chardat n’a pas observé cet affaiblissement de la vue au
début de la glucosurie ou diabète sucré, mais seulement
lorsque l’économie entière était déjà fortement débilitée,
et le considère plutôt comme un fait exceptionnel. Il l'a
vu aussi se manifester dans deux cas d’hippurie et un
cas de benzurie. Les auteurs anglais ont observé le même
fait dans un cas d'oxalurie. M. Bouchardat chercherait
la cause de ces affections dans le système nerveux, tandis
qu’en général on voit dans l’albuminurie et le diabète
sucré une affection générale de l'organisme. Le fait pra-
tique, c’est que tout affaiblissement de la vue doit attirer
l'attention du médecin sur la composition chimique des
urines,
Séance du 5 Février 1852.
Présidence de M. L. CouLon.
M. Vouga annonce qu'il y a lieu d'espérer qu’une des
questions les plus importantes de la géologie et de la pa-
léontologie ne tardera pas, si ce n’est à être résolue
complétement, du moins à être éclairée. En effet, l'aca-
démie des sciences de Paris décernera en 1853 un prix
de 3000 fr. à l’auteur du meilleur mémoire sur la ques-
tion suivante : L'apparition des espèces animales à la
surface du globe a-t-elle été successive ou contempo-
raine? En d’autres termes : Y a-t-il eu à différentes re-
— 343 —
prises à la surface du globe destruction totale de la vie,
et apparition de nouveaux êtres organisés différents des
types détruits : ou bien, les animaux actuels descendent-
ils par voie de filiation directe des animaux antérieurs
qui se seraient modifiés.
M. Vouga annonce que les recherches modernes sur le
développemennt des Helminthes ont démontré à plusieurs
observateurs que ces parasites paraissent avoir des géné-
rations alternantes, Selon M. van Beneden de Bruxelles,
_ les types décrits comme des Cystoïdes ou Hydatides ne
seraient que le jeune âge d'espèces qui plus tard se mo-
difient et deviennent des Ténioïdes. Le même membre rap-
porte que MM. Delafond et Gruby qui, depuis long-temps
s’occupent des Helminthes vivant dans le sang des ani-
maux, ont trouvé dans les gros vaisseaux du chien des
filaires de 14 à 21 centimètres de longueur, indépendam-
ment de cellés qui sont microscopiques et répandues dans
tous les vaisseaux. Ces observateurs ont reconnu que
cette propriété vermineuse du sang existait en général
chez un chien sur 25, et qu’elle était susceptible d’être
transmise aux descendants , soit par le mâle, soit par la
femelle. Dans le premier cas, les mâles seuls sont vermi-
neux, dans le second, les femelles seules le sont.
Cette communication amène M. Coulon pére à parler
des figures qui se présentent sur le champ de la vision
chez l’homme. Il fait passer le dessin d’une de ces figures
qu’il voit, depuis plusieurs années, dans certaines circon-
stances, et sans qu’elle paraisse changer de forme. M.
Maunoir, qu'il a consulté à ce sujet, l’attribue à l'exis—
tence d'un lambeau vasculaire dont l'extrémité flotte dans
— 344 —
l'intérieur de son œil. Cette communication provoque
une discussion entre les membres présents sur l’origine
des mouches volantes, scotômes, nuages et autres formes
qui se manifestent dans le champ visuel.
M. le professeur Ladame présente une petite fiole qui
lui a été envoyée de Morat, remplie d’une huile transpa-
rente incolore et presque inodore. L'inventeur de ce li-
quide prétend qu'il ne peut se figer, qu'il n’attaque en
aucune façon le laiton, et que des montres dont le mé—
canisme en a été imbibé 5 ans auparavant, marchent
encore parfaitement. M. Ladame propose d'envoyer au
nom de la Société quelque peu de cette huile à quelques
horlogers distingués des Montagnes , afin qu'ils vérifient
ces propriétés, qui, si elles existent, en feront une sub-
stance très-précieuse pour l'horlogerie.
M. Wald décrit une nouvelle machine à fabriquer les
eaux gazeuses qu'il a vu fonctionner à l'exposition de
Londres et qu'il vient de recevoir de M. Savaresse à Paris.
Cette machine présente de notables avantages sur toutes
les pompes à gaz encore en usage pour la fabrication des
eaux gazeuses, surtout au point de vue de l’économie de
force et de la pureté du gaz acide carbonique qu’elle est
destinée à faire dissoudre dans l’eau. M. Wald peut en
deux heures, avec un seul ouvrier, livrer 40 bouteilles
d'eau gazeuse en employant 4 livres d'acide sulfurique et
4 livres de blanc de Troyes.
Cette machine ce compose : 1° d'un grand vase en
cuivre doublé en plomb de la forme d'une bouteille à fond
rond. Ce vase a trois ouvertures, l’une supérieure desti-
née à l'introduction de la craie pulvérisée et renfermée
— 345 —
dans des cartouches de papier, la seconde latérale permet
l'introduction de l’eau acidulée, et la troisième inférieure
l'expulsion du sulfate de chaux produit pendant l'opéra-
tion. Toutes ces ouvertures peuvent être hermétiquement
fermées au moyen de vis ou écroux. Un agitateur est
contenu dans ce vase, et le mouvement qu'on lui imprime
de l’extérieur, règle la quantité de craie qui entre en
contact avec l’eau acidulée, et par conséquent la quantité
de gaz qui peut se dégager dans un instant donné. Ce
vase générateur du gaz communique par un tube d’un
calibre intérieur très-fin, avec un premier vase latéral
plus petit et de forme cylindrique; à la suite de ce pre-
mier vase laveur, dans lequel on introduit du carbo-
nate de soude en dissolution, il en existe un second sur-
monté d'un manomètre indiquant la pression du gaz à
l'intérieur de l'appareil. — Ce n'est qu'après avoir tra-
versé ces deux vases laveurs que le gaz peut arriver en
contact avec l'eau qui doit le dissoudre. Cette eau est
contenue dans un long cylindre de cuivre pouvant oscil-
ler sur deux bras, à la manière d’un canon sur son affüt.
Les mouvements d'ostillation imprimés à ce cylindre
à-peu-près rempli d'eau, forcent le gaz, qui y arrive par
un canal très-fin percé dans un des bras et muni d'une
soupape, à traverser plusieurs fois la masse d’eau entière
et à s’y dissoudre. L'eau chargée de gaz peut s'échapper
par un canal creusé dans le second bras du cylindre, et
arriver par un tube fin dans la bouteille qui doit la re
cevoir. Une disposition très-ingénieuse de la machine à
boucher, permet d'introduire et comprimer le bouchon
sans perte aucune de gaz ou du liquide. — Toutes les
parties de l'appareil peuvent être mises en communica-
— 346 —
tion au moyen de robinets, qui, ouverts, permettent le
passage du gaz, et, fermés, l’interceptent. La pression
dans l’intérieur de l'appareil peut être élevée à 15 at-
mosphères au maximum. Il est du reste fort peu volumi-
veux, et présente de nombreuses dispositions accessoires
qui en favorisent le jeu et le nettoyage; il n’exige qu'un
seul ouvrier qui peut alternativement charger l'appareil,
le surveiller, imprimer le mouvement oscillatoire et en-
suite boucher les bouteilles. — Les avantages de cette
machine sur les anciennes sont évidents et considérables.
Les produits sont excellents et le gaz, très bien dissous
dans l'eau, ne lui communique pas ce goût désagréable
et acide, inhérent aux eaux gazeuses préparées au moyen
de gaz mal lavé, qui entraîne toujours de l'acide sulfu-
rique.
Séance du 19 Février 1852.
Présidence de M. L, CouLow.
M. le président dépose sur le bureau le 7€ volume des
mémoires de l’académie de Liège.
Un exemplaire des Bulletins de la société de Berne.
M. le président lit une lettre de M. Chapuis, pharma-
cien à Boudry, par laquelle il annonce dans les environs
de Troiroz, l'existence de plusieurs grottes qui paraissent
renfermer des ossements, et qu’il se propose d'étudier.
M.Wald fait en présence de la Société une expérience
intéressante sur le collodium. En ajoutant à une petite
quantité de ce liquide de l’eau bouillante, l’éther qui te-
nait en dissolution le fulmi-coton se vaporise très-rapi-
dement en abandonnant une masse blanche composée
— 347 —
de fibres très- déliées et entrecroisées. Desséchée cette
substance a l'apparence du fulmi-coton avant sa dis-
solution dans l’éther. Examinées au microscope par
M. Vouga, ces fibres ne lui ont présenté aucune trace
de structure, aucun des caractères de celles du coton-
poudre, dans l’intérieur desquelles on découvre l’exis-
tence d’un canal rempli d'une masse granulée et opâque.
M. le professeur Kopp annonce qu'il a reconnu que
la décomposition spontanée de l’acide hydriodique peut
être facilement empêchée par l'introduction d’une parcelle
de phosphore dans le vase qui le contient. Cet acide qui,
sous l'influence de l’oxigène de l'air, se colore en violet
par la séparation d'iode qui se dissout dans la liqueur,
reste complétement incolore après l'addition du phos-
phore.
M. Coulon père présente à la Société la traduction
qu’il a faite d’un mémoire publié en anglais par M. Agas-
siz dans le 48€ volume des Mélanges religieux. L'auteur
y traite la question de la distribution géographique ac-
tuelle des animaux à la surface du globe, et en tire des
* conséquences sur leur mode d'apparition. — La Société
en demande la lecture, et l'écoute avec beaucoup d’inté-
rêt, — Nous présentons très-sommairement ici les prin-
cipaux faits qui y sont rapportés et les conclusions que
l’auteur en tire.
Les animaux et les plantes sont répartis dans des pro-
— vinces zoologiques, complétement séparées et caractérisées
chacune par des types différents; certaines espèces sont
même renfermées dans des limites très-étroites et ne se
retrouvent nulle part aïlleurs.
— 348. —
L'idée d'un centre unique de création, qu'on prétend
appuyer de l'autorité de la Bible, ne rend pas compte de
ce qui existe. Moïse n'a jamais voulu dire que l’homme
et les animaux eussent été créés sur un seul et même
point, et que les animaux actuels, de même que tous les
hommes, provinssent d'une paire primitive unique.
L'étude des animaux fossiles et des faunes qui se sont
succédées à la surface du globe, ne nous porte, pas plus
que l'étude de la faune actuelle, à admettre qu'à chaque
époque géologique il y ait eu un centre unique de créa-
tion et de distribution des animaux, et surtout que ces
animaux provinssent d’une seule paire. |
Nous trouvons dans les époques géologiques anciennes,
que la localisation des animaux était beaucoup moins
spéciale que dans les époques récentes, et les fossiles an-
ciens présentent la plus grande uniformité dans leurs
formes, quelle que soit leur provenance.
Les influences physiques, les circonstances extérieures,
les climats, ne peuvent avoir une influence modificatrice
profonde sur les types; et ce que sont les animaux ac-
tuels, au point de vue de leurs caractères, mœurs, ete.,
ils l'ont toujours été; de sorte qu'il est inadmissible qu'une
première paire de carnivores ait pu exister simultanément
avec une première paire d'herbivores, d'où 1l suit que
lors de l'apparition des carnivores les herbivores devaient
être déjà très-nombreux.
La distribution géographique des poissons d'eau douce
surtout prouve que les espèces ont été créées primitive-
ment dans toute l'étendue des régions où nous les trou-
vons maintenant, et qu'il y a eu création multiple de la
même espèce dans des bassins différents, vu l'impossibilité
de l’émigration de l’un dans l'autre.
— 349 —
Tous les animaux, quels que soient du reste leurs
moyens de locomotion, tendent à rester dans les endroits
où ils sont nés et non pas à s'en éloigner beaucoup;
ceux même que leur instinct porte à changer de climat
selon les saisons, reviennent aux lieux d’où ils sont
partis.
L'homme et les animaux domestiques qu'il entraîne
à sa suite, font seuls exceplion et sont cosmopolites.
Cette limitation des régions habitables pour telle ou telle
espèce, s'applique aussi aux genres, aux familles et même
aux ordres.
Au point de vue de la supériorité relative des êtres,
nous observons divers faits très-importants : 1° c’est que
les plus imparfaits dans chaque groupe, sont ceux qui
sont destinés à vivre dans l’eau; 2° qu'ils sont d'autant
plus imparfaits qu'ils habitent des profondeurs plus con-
sidérables; 3° que parmi les animaux aériens, les plus
élevés sont ceux qui habitent les régions chaudes ou tes
bas fonds, tandis que les moins parfaits sont ceux qui
habitent les montagnes élevées et les hautes latitudes.
Il existe à la surface du globe des faunes ou provinces
zoologiques parfaitement caractérisées, renfermant. des
espèces propres qu'on ne retrouve nulle part ailleurs.
Les limites de ces faunes correspondent assez exactement,
soit qu'on parte des mammifères, des oiseaux, des rep
tiles et même des poissons, pour les caractériser. — Les
faunes septentrionales opposées aux faunes tropicales,
sont surtout caractérisées par le petit nombre des types
spécifiques, l’uniformité et le grand nombre des indivi-
dus de chaque espèce; tandis que dans les dernières,
nous trouvons les types beaucoup plus diversifiés et les
individus de chacun d'eux moins nombreux.
— 9330 —
Les mammifères fossiles de la Nouvelle - Hollande
étaient déjà en partie des Marsupiaux, type caractéristi=
que de la faune actuelle de cette immense île; de même
que les terrains tertiaires du Brésil renferment déjà des
Edentés, qui caractérisent dans la création actuelle la
faune brésilienne; ainsi la localisation de ces types est
restée la même dans des époques géologiques succes-
sives.
La distribution des races humaines à la surface du
globe, est en rapport avec les faunes, et ce fait corrobore
encore l’idée d’une création simultanée de plusieurs paires
dans le genre humain.
Séance du 5 Mars 1852.
Présidence de M. L. CouLow.
M. le professeur Kopp rend compte d'un travail-très-
étendu de M. Wertheim, consigné dans les Annales de
chimie et physique, année, 1851.
Ce physicien a étudié les lois de la propagation du
mouvement dans les corps; il a de nouveau constaté qu'il
y.a deux espèces d'ondes : des ondes longitudinales.et des
ondes transversales. Poisson avait démontré que le rap-
port des vitesses de propagation des premières, à celles
des secondes était de V3. M. Wertheim, en s'appuyant
sur les recherches récentes qui ont été faites, sur les va-
riations de dimension des fils et des barres métalliques
produites par des poids et des tensions, démontre que pour
faire accorder les formules théoriques avec les résultats
de l'expérience , le rapport de Poisson devra être porté
de V3 à 2.
— 351 —
Dans un second mémoire , le même physicien recher-
cheles lois générales des vibrations de l’air dans un espace
limité. Ses expériences ont été faites sur un grand nom-
bre de tuyaux, boites et sphères de verre, de gutta-percha,
de divers métaux et de bois, avec des embouchures de
natures diverses.
IL arrive aux conclusions suivantes :
Soient L la longueur, L£ la largeur, H la hauteur d’un
tuyau partiellement fermé à ses extrémités, S sa section
droite, S1 S2 les sections des ouvertures, V la vitesse de
son, n le nombre des vibrations, on a
V Ve /S:
DL EG+EG Ge (Len) 1 — ss
C:=C (LE+H) | E4À)
Pour des tuyaux ouverts la constante C — 0,187.
Pour des tuyaux fermés la constante varie avec la sub-
stance du couvercle. Cette formule embrasse comme cas
particuliers les tuyaux d'orgue, soit ouverts soit fermés;
en s'en servant , les constructeurs d’orgues peuvent sans
tâtonnements, déterminer les dimensions des tuyaux et
des ouvertures nécessaires pour obtenir un ton déterminé.
D'après cette formule, le son doit baisser indéfiniment à
mesure que l'on rétrécit les ouvertures, mais en réalité
cela n'arrive que pour les tuyaux ayant une ouverture à
leur centre. Outre le son longitudinal ordinaire, on en-
tend souvent un son plus grave d’un timbre particulier.
Si l'on rétrécit l'ouverture , les deux sons baissent à la
fois. Ces deux sons ne sont pas harmoniques, leur in-
tervalle est compris entre 1,41 et 1,46.
— 352 —
La loi des volumes semblables est une conséquence de
la formule citée. Les autres lois énoncées par divers au-
teurs ne paraissent être qu'approximalives.
M. Æopp fait la remarque suivante sur les approximä-
tions en arithmétique. Dans les calculs relatifs à la phy-
sique, l’'approximation du résultat est importante à déter-
miner. Or la question de calculer une quantité, à moins
d’une unité d’un certain ordre décimal près, peut s’en-
tendre de deux manières : ou bien on demande d’assignér
deux nombres décimaux consécutifs qui comprennent
entre eux la quantité proposée, ou bien on demande deux
nombres quelconques décimaux ou fractionnaires qui ne
différent que d'une unité de l’ordre déterminé et com-
prennent entre eux cette même quantité. Dans le premier
cas, on ne peut dire d'avance jusqu'où il faut pousser le
caleul ; il peut arriver qu’en s’arrélant aux millièmes,
par exemple, on n'ait pas une approximation à un mil-
lième près; dans le second cas seulement, on peut fixer
à l’avance les opérations qui conduisent au but. Un
exemple rendra la chose plus claire.
Soit À calculer à ‘/10 près la somme
= VU+HVB EVE
on à 10 z — 40 VAI + 40 V3 + 10 VA5
el pour avoir 10 x à une unité près, on calculera cha-
cune des parties à ‘}3 près;
or 40 VA4 — V3100:; 1100 x 9 — 9900; V 9900 à une unité
près — 99.
done 40 V1 = + #, « étant <7‘/:
10 VAR +6 2 OV = +75 Ban Ch
— 393 —
108 +116 323
PES pe a+ Br
Si l'on n’exige pas quele résultatsoit sous forme décimale,
323
750
ne ru pas si cette condition est nes car on aurait
10 +2 ST us T et l’on ne sait pas si 2 a +p +yest
encore A A.
Ces deux communications provoquent quelques obser-
vations de la part de M. le prof. Ladame.
ainsi 40% =
22 est la valeur à un 10% près; mais le calcul précédent
M. Cornaz lit un mémoire de M. Paul Guébhard, dans
lequel l’auteur rend compte de la méthode employée par
deux pêcheurs de la Bresse, dans les Vosges, MM. Gé-
hin etRémy, pour repeupler de truites les rivières. Quoi-
que plusieurs auteurs anciens et modernes , tels que Gol-
stein en 1758, Jacobi, de Ham, Spallanzani, Rusani,
Agassiz et Vogt (1842), eussent étudié déjà le mode de
reproduction des poissons, et reconnu que leurs œufs ar-
tificiellement fécondés , c'est-à-dire, mis en contact avec
ja laitance du mâle, sont aptes à se développer, aucun
cependant n'avait, avant MM. Géhin et Rémy, expéri-
menté en grand et obtenu des résultats aussi importants.
Ces messieurs, quoique ignorant ce qui avait été fait
avant eux dans cette direction, frappés de la diminution
progressive de la truite dans le ruisseau de la Bresse,
étudièrent avec sagacité et persévérance les manœuvres
de ce poisson à l’époque du frai, le mode de déposition
de ses œufs, les précautions qu'il prend pour les empé-
cher d’être entraînés par les hautes eaux, etc.; si bien
qu'ils arrivèrent aux résultats suivants.
BULL. DE LA SOC. DES SC. NAT. T. I.
Lea
[54
— 304 —
La truite de rivière (salmo fario) fraie en novembre,
dans les endroits des rivières où le fond est graveleux et
le courant modéré. On voit alors les femelles, appliquées
au fond et presque immobiles, repousser le gravier de
côté et creuser une espèce de bassin ou de trou qui peut
avoir deux et trois pieds de diamètre et un demi-pied
de profondeur. Cela fait, plusieurs femelles déposent leurs
œufs dans les anfractuosités du fond, où ils s’attachent
par une espèce de mucosité qui les recouvre. Les mâles
s’approchent alors et répandent sur les œufs leur laitance,
les fécondent, puis aident aux femelles à recouvrir le
trou , en rejetant le gravier accumulé sur les côtés. Les
truiles paraissent n'obéir dans cet acte qu’à un instinct
aveugle, et ne pas discerner les endroits qu’un abaisse
ment des eaux mettra à sec, ou dont une crue subite en-
lèvera le gravier, de sorte qu'une grande partie de leur
frai se trouve ainsi détruite ou entraînée avant l’éclosion.
Espérant parer à cette destruction des- œufs, MM. Géhin
et Rémy prennent les femelles et les mâles à l'époque du
frai, compriment légèrement le ventre des femelles, en
font sortir les œufs au nombre de 800 environ par fe-
melle, et les reçoivent dans un vase rempli d'eau. Ces
œufs sont alors d’une couleur rougeûtre, et comme ma-
culés de sang. La laitance des mâles, exprimée de la même
manière, est alors mise en contact avec les œufs en agi-
tant le mélange dans le vase : sous son influence les œufs
deviennent opalins. On renferme alors ces œufs fécondés
dans des boites de fer-blanc de 15 à 20 centimètres de
diamètre, dont le fond est recouvert de gravier, et les pa-
rois percées de trous assez fins pour que, lors de l’éclosion,
le petit poisson ne s’y engage pas; on les introduit dans
— 399 —
un trou creusé dans le gravier du ruisseau en un en-
droit propice, et on les recouvre d’une couche de gravier.
M. Guébhard propose, pour éviter encore mieux l'entrée
de la vase dans la boite contenant les œufs, de renfermer
celle-ci dans une seconde de dimension plus forte, et de
remplir l'intervalle de gravier fin. Ces boites ne doivent
être ensevelies qu’à quelques pouces au dessous du fond,
car il faut que l’eau puisse se renouveler dans l’intérieur.
Le développement de l'œuf dure quatre mois, et l’éclo-
sion a lieu en mars ou avril. On ouvre alors les boites
et on lâche, dans les endroits calmes et peu profonds,
l’alevin, qui porte encore pendant six semaines sa vési-
cule vitelline; à mesure qu'il s'accroît et devient plus
fort, il descend et pénètre dans les endroits plus profonds
et où le courant est plus fort, et se nourrit alors des pe-
tits crustacés, gamarres ou crevettes, si abondants dans
les ruisseaux.
M. Guëébhard rapporte dans son travail plusieurs faits
intéressants tirés d’un mémoire de M. Lamiral, publié
en août 1851 dans les bulletins de la Société d'Emula-
tion, sur le transport possible des œufs fécondés de
saumon à de grandes distances, et sur celui des petites
anguilles de montée prises à l'embouchure des rivières,
et qu’on peut facilement transporter vivantes dans des
tonneaux avec de la mousse humide, et enfin sur l’avan-
tage qu'il y aurait à empoissonner d'espèces marines les
rivières d'eau douce; car l'expérience a prouvé que l’on
peut faire vivre dans l’eau douce l’alose, l’éperlan, le ca-
bliau, le congre, le carlet, le hareng et la sardine;
M. Bottsching de Hammerschmidt y a même naturalisé, à
— 356 —
l'aide de précautions convénables, la sole, la limande, le
turbot, les moules, les huîtres, ‘etc.
M. Nicolet présent à la séance, annonce que M. son frère
a répété avec succès les expériences des pêcheurs de la
Bresse, dans la Suze, et a obtenu des résultats favorables ;
il dit un mot de l’empoissonnement des étangs de nos
hautes vallées, pratiqué déjà par les moines de Mont-
Benoit, et répété avec succès dans ces derniers temps
dans les étangs des Crosettes et de la Chaux-d’Abel, où
50 tanches et 50 carpes se multiplièrent considérable-
ment en quelques années.
M. Vouga voudrait voir les gouvernements riverains
prendre des mesures propres à empêcher la destruction
de la traite saumonée dans notre lac, où elle devient de
plus en plus rare. Il attribue cette diminution à la quan-
tité de truites que l’on prend annuellement dans les pé-
cheries de l’Areuse, et surtout de l’Arnon, où on les
arrête à la montée avant qu’elles aient pu frayer.
A l’époquedes travaux de M. Agassiz sur le dévelop-
pement de l’œuf du poisson, le gouvernement de Neu-—
châtel avait engagé les fermiers de la pêche à exprimer
les œufs des femelles, et à les rejeter à l’eau après les
avoir agités dans un vase avec les laitances des mâles,
mais jamais les fermiers ne voulurent s’y astreindre, et
eussent-ils même pris ces précautions, les œufs fécon-
dés, abandonnés au courant, dans des conditions si dif-
férentes de celles sous l'influence desquelles ils se déve-
Joppent naturellement, auraient été en majeure partie
‘détruits ou rendus inféconds. Il y aurait un moyen d'ar-
rêter cette destruction de la truite saumonée : ce serait
— 391 —
d'abolir pour quelques années les pêcheries de l'Areuse
et surtout de l’Arnon, dont le produit réuni est presque
insignifiant , et n’atteint pas même deux mille francs par
an. On ne devrait en tout cas permettre la capture du
poisson qu'après la terminaison complète de l'acte du
frai. Il serait très-intéressant aussi de répéter les expé-
riences de MM. Géhin et Rémy, sur les œufs de cette es-
pèce de grande taille (salmo trutta).
M. Vouga décrit ensuite les étangs de Wolfsbrunnen,
près de Heidelberg, où le propriétaire élève les truites
de rivière prises dans les ruisseaux voisins. Il y a quatre
étangs renfermant chacun des truites de même taille à-
peu-près, et alimentés par un petit ruisseau qui descend
du Kaiserstuhl. On nourrit les truites de poissons blancs,
qu'on amène morts du Necker. Les grenouilles, très-
nombreuses dans le voisinage des étangs, leur servent
aussi de pâture. Les truites de plus forte taille renfer-
mées dans l'étang supérieur atteignent le poids de cinq à
six livres.
M. Cornaz annonce que M. Chatin a découvert dans
l'atmosphère de l'iode normal, 4000 litres en renferment
*/500 de milligramme. L'air en passant dans le poumon
y abandonne “/5 de son contenu en iode, de sorte qu’en
admettant que 8000 litres d'air traversent en 24 heures
le poumon d'un adulte, nous absorberions par cette voie
1/250 de milligramme diode, c'est-à-dire autant qu'il
en est contenu dans 2 litres d’eau iodée.
Le même membre rend compte de l'effet comparé de
l’oxide, du citrate et du sulfate de magnésie, et annonce
l'emploi de la résine de scammonium comme drastique
aux doses de 56 centigrammes à un gramme.
— 358 —
Séance du 19 mars 1852.
Présidence de M. L. CouLon.
M. le Dr Borel lit un rapport médico-légal au sujet d’un
accouchement clandestin sur les lieux d’aisance, suivi de
la chute de l'enfant dans la fosse, d’où il a été retiré
privé de vie.
De l’ensemble des faits rapportés, M, le D' Borel con-
elut ;
19 Que l'enfant trouvé dans la fosse d’aisance est bien
celui dont la fille B. est accouchée, qu'il est né à terme
ou du moins à une époque très-rapprochée du terme de
la grossesse.
20 Que l'enfant a respiré après sa naissance, mais que
cette respiration a été imparfaite et de courte durée, l'air
n'ayant pénétré que dans le lobe moyen et dans une
faible portion du lobe inférieur du poumon droit.
3° Les petites échymoses observées dans l épaisseur du
cuir chevelu tendent à confirmer le fait que l'enfant a
vécu quelques instants après sa naissance. Leur peu d'é-
tendue, leur forme et leur position, doivent faire pré-
sumer qu'elles n’ont pas été le fait du travail de l’accou-
chement, mais bien le résultat d’une contusion due selon
toute probabilité au choc de la tête contre des corps
durs, pendant la chute de l’enfant dans le canal des lieux
d’aisance, chute qui donne une explication toute simple
de sa mort, soit qu’elle ait été causée par l’ébranlement
qui a accompagné cette chute, soit que le nouveau-né ait
été asphyxié dans le liquide où on l’a trouvé submergé.
L'absence de tuméfaction et d'échymoses considérables
aux téguments de la tête, doit faire présumer que l’ac-
couchement à pu être rapide.
— 9359 —
M. le D' Cornaz annonce qu'une plante d'Asie-Mi-
neure, le T'eucrium polium, a été employée avec succès,
par un agriculteur de Brousse, contre le choléra. Des
expériences sur l'efficacité de ce remède ont été faites à
Constantinople et à Paris: son emploi, en infusion de
16 gr. sur 500, paraît n'avoir été suivi de succès que
dans les cas de choléra peu avancés.
Le même membre rapporte que M. le D' Van der Kor-
rut s'est servi avec succès du Lepnuous lanatus ou Balotte
citronneuse, à la dose de 15 gr. dans 250 gr. d’eau bouil-
lante, dans des cas d’arthrite aiguë. L'emploi de cette
substance paraît rendre les urines foncées et déterminer
des démangeaisons de tout le corps, accompagnées d'’é-
ruptions miliaires et sueurs abondantes. Ce remède pour-
rait être utile dans les cas de rhumatisme aigu si fré-
quents dans notre pays.
M. Cornaz annonce qu'on se sert maintenant en An-
gleterre et en Amérique d’un nouveau purgatif, l'huile
d'anda, tirée de l’anda Gomeztt, plante appartenant à la
famille des Euphorbiacées : 50 gouttes prises sur un mor-
ceau de sucre déterminent des évacuations abondantes,
sans causer de vomissements et de coliques. Selon M. Hur,
20 gouttes suffisent, et l'effet se manifeste après deux
heures.
M. le D' Borel donne quelques détails sur l’action
thérapeutique d'eaux minérales dans lesquelles la chimie
n'est pas encore parvenue à découvrir des principes dont
l'action puisse expliquer l'effet thérapeutique souvent
très-énergique de ces eaux. M. Borel croit que celle ac-
tion tient à des Principes minéraux très-actifs, non en-
— 360 —
core isolés, plutôt. qu'à cette électricité natarelle que cér-
tains médecins font intervenir dans l'explication de l’ef-
fet de ces sources.
M. le président Coulon communique une note de M. Loi-
seau, sur un moyen de greffer en fente ou en couronné
depuis le printemps jusqu’au mois de septembre.
Cette méthode consiste à se servir, pour greffer en
fente ou en couronne, en avril, mai et juin, des yeux
qui ne se sont pas développés à la base des bourgeons
ou rameaux de l’année précédente à partir de la fin juin.
Lorsque les jeunes bourgeons ont pris un peu de consis-
tance, il suffit d'en couper les feuilles et de greffer avec
ce bourgeon comme on le ferait avec ces mêmes rameaux
au printemps suivant. S'il est encore trop tendre, il est
bon de le vernir avec la poix qui sert à greffer.
M. Loiseau a greffé de cette maniëre, depuis le mois
de mai jusqu’au mois de septembre, plus de 150 sujets
tant à pepin qu’à noyau, et n'en a pas manqué plus
d'un cinquième, quoique ses expériences aient été faites
dans un sol très-aride. Il a même greffé l'abricot en
fente en juillet.
Il remarque qu’un arbre greffé en fente en mai, juin
et même au commencement de juillet, rattrape; à très-
peu de chose près celui qui a été greffé au printemps, et
qu'à la fin de l’année il en diffère très-peu. La greffe en
fente, pratiquée en été, commence à pousser dès le hui-
tième jour, tandis que l'écusson ne commence à pousser
que le quinzième.
M. Coulon rend compte d’un fait de téralologie curieux,
rapporté dans les comptes-rendus de l’Académie de Paris,
par M. Bouchacourt, de Lyon.
— 361 —
Une jeune fille de cinq ans et demi, très - anémi-
que, vit son ventre se développer considérablement, et
fut atteinte d’une constipation opiniâtre qui ne cédait
qu’à des lavements souvent répétés et à des cataplasmes
émollients sur le ventre. Elle avait repris des forces sous
l'influence d’une médication tonique, lorsque, sans phé-
nomènes précurseurs , elle rendit par l'anus une grande
_ quantité de pus. Ce liquide coula pendant sept mois,
mêlé à des mucosités albumineuses très-fétides. La cons-
titution de l'enfant fut fortement atteinte; il y eut amai-
grissement, quoique l'appétit se maintint et que la
digestion ne fût pas altérée. Quinze jours après le com-
mencement de la suppuration, on vit sortir de l'anus une
mèche de cheveux d’un châtain clair, lisses et luisants, elle
fut rejetée en même temps que plusieurs {ouffes cireu—
laires, aplaties, très-serrées et d’un diamètre égal à ce-
lui d’une pièce de cinq francs. La suppuration tarit en
mars 1850, et on ne remarqua rien de nouveau jus-
qu'au 17 avril, ce jour, après une marche assez prolon-
gée, il sortit par l’anus un peu de sang, et sous l'in
fluence d'efforts continuels de défécation, on vit appa-
raître à l’orifice anal une tumeur rougeâtre qui faisait
parfois une saillie de plusieurs centimètres, et rentrait
quand les efforts avaient cessé.
Le toucher anal fit reconnaître une tumeur se prolon-
geant dans le rectum à la portion postérieure duquel elle
ädhérait par sa partie supérieure : molle dans quelques
points, dure dans d’autres, lisse dans certaines parties
de sa surface, inégale dans d’autres, et couverte en par-
tie de cheveux. Elle fut considérée comme formée par
les débris d’un fœtus, et constituant un de ces cas rares
connus sous le nom de monstruosités par inclusion.
— 362 —
Quelque temps après, ensuite d'efforts de défécation, la
tumeur sortit presque en entier, et n'était plus retenue
que par un pédicule qui ne renfermait pas d’artères as-
sez volumineuses pour donner lieu à des pulsations sen-
sibles, et n'était ni creux ni assez large pour qu’on pût
craindre d'y rencontrer une partion d'intestin renversé.
Ce pédicule fut entouré d'une double ligature, et la tu-
meur détachée au-dessous au moyen de ciseaux. Quel-
ques gouttes de sang seulement s’écoulèrent. Peu de jours
après l'enfant était complètement guéri.
La tumeur pèse 70 grammes, a 9 centimètres de lon-
gueur et 11 de circonférence, et est couverte de tégu-
ments rosés et épais, parfaitement semblables à la peau
d'un enfant; d'un côté elle présente des cheveux serrés,
dont les plus longs ont 10 centimètres, de l’autre quel-
ques poils rares, courts et presque blancs. La face dé-
pourvue de poils, présente, à 15 millimètres d'une des
extrémités, une fente transversale de deux centimètres
de long et d'un centimètre de profondeur, terminée par
un cul-de-sac ; la lèvre supérieure porte, sur un tubercule,
une dent incisive très-bien conformée; la lèvre inférieure
présente deux tubercules durs, portant l’un une mo-
laire, l’autre une canine, solidement fixées dans leurs
alvéoles. La tumeur a un contenu fibro-graisseux, ren-
ferme un os arrondi revêtu de son périoste el portant
les deux dents inférieures, présente près de l’une d'elles
üne dépression occupée par une vésicule dentaire. La dent
incisive est libre de toute adhérence à cet os. Les deux
autres sont évidemment implantées dans des alvéoles. Un
second os plus petit, aigu à l’une des extrémités, arrondi
à l’autre, existe au-dessous du précédent, et enfin un troi-
— 363 —
_sième noyau cartilagineux, de la forme et de la grosseur
d’une noisette allongée, termine ce squelette incomplet,
sans qu’on puisse trouver autre part d'autres noyaux 0s-
seux ou cartilagineux.
Cette communication provoque de la part de M. le
D Borel quelques détaits sur les autres cas connus de
monstruosités par inclusion complète ou partielle.
Séance du 2 avril 1852.
Présidence de M. L. CouLon.
M. le prof. Kopp lit un extrait d'un mémoire publié en
langue allemande dans les Annales de Poggendorf, en
1851, par M. H. Schlagintweit, sur la distribution des
températures moyennes dans les Alpes.
L'auteur de ce mémoire a fait lui-même des observa-
tions avec des thermomètres à air, très-sensibles. Il a
confié des instruments à différentes personnes capables,
chargées de faire des observations suivies dans les sta—
tions les plus importantes, Il a profité des tables de Dove,
publiées en 1848, des indications données par Schow
dans des tableaux du climat de l'Italie, et d'un mémoire
de M. Mahlmann, inséré dans le Répertoire de physique
de Dove.
Les stations sont réparties de la manière suivante :
9 dans les Alpes orientales, 12 dans les Alpes septentrio-
nales, 13 dans les Alpes centrales, 10 dans les Alpes
occidentales, 14 dans les Alpes méridionales. Les obser-
vations sont réunies dans une série de tableaux.
Le 1°" tableau contient les températures moyennes
pour chaque saison de l’année ; le 24, les abaissements
— 364 —
de température observés dans les stations situées à des
hauteurs depuis O jusqu’à 3000 pieds ; le 3%, les abais-
sements de température observés dans les stations situées
à des hauteurs au delà de 3000 pieds; le 4me, les hau-
teurs isothermes.
Les faits principaux contenus dans ce travail sont les
suivants : À hauteur égale, les températures vont, dans
les Alpes, en croissant du nord au sud, et plus encore
du nord-est au sud-ouest, phénomène qui s'accorde
avec la forme générale des lignes isothermes des contrées
environnantes.
‘élévation moyenne pour un abaissement de 1° C.
est de 540 pieds ou 166 mètres cette moyenne signifie
que si l'on veut déduire de la température moyenne d'un
endroit celle d’un autre lieu, il suffira d'augmenter la
première d'autant de degrés qu’il y a de fois une diffé-
rence de 166 mètres, dans les hauteurs des deux stations,
si toutefois leurs différences de latitude et de longitude
ne sont pas très-grandes.
Pour les lieux peu élevés, les influences locales sont
si considérables, que l'emploi de la moyenne serait fau-
tif; il en est de même pour les endroits trop élevés où
l'abaissement a une marche trop rapide comme dans l'at-
mosphère libre.
En tenant compte de toutes les observations, on trouve
pour moyenne 165,9 pour les Alpes septentrionales,
» 165,65 » centrales,
» 171®,15 pour le groupe du Mont-Blanc.
M. Kopp présente une carte de lignes isothermes tra-
cées sur une coupe idéale des Alpes. Il résulte de l'ins-
pection de cette carte qui accompagne le mémoire:
— 365 —
1° Que les plus grandes inflexions et irrégularités des
lignes isothermes se trouvent dans les régions les plus
basses.
20 Les lignes descendent du sud vers le nord; au mi-
liéu des groupes considérables les lignes sont convexes,
pendant que dans les groupes moindres et vers les limites
des chaînes il y a abaïssement.
3° Les différences de distances verticales de deux lignes
isothermes ont leur maximum dans le voisinage de la
base des Alpes; elles atteignent plus haut un minimum,
et croissent de nouveau à partir de ce dernier.
4° Moyennes mensuelles et climat.
Le mois de janvier est, en général, le mois le plus
froid , juillet le plus chaud.
Dans les hautes régions, les maxima de froïd et de
Chaud tombent en février et en août.
Les vallées étroites ont des hivers plus rudes et des étés
plus chauds que les contrées voisines; la moyenne de
température de l’année n’en diffère cependant pas.
L’abaissement de température avec la hauteur est plus
‘rapide en été qu’en hiver : par exemple entre 0 et 12000
pieds de Paris, il y a pour janvier 17 lignes isothermes,
et l'élévation pour une différence de 1° est de 710 pieds,
pendant que pour le mois de juin il y a 27,5 lignes iso-
thermes et 440 pieds d’élévation pour 1°.
Cette différence résulte de ce que dans les régions
basses la variation des températures relatives aux diffé-
rents mois est plus considérable que pour les contrées
élevées :
— 366 —
ainsi à 10100 p. la temp. du mois de janvier est de — 15°
» » » juin cp
différence . 15°
à 0 p. la température du mois de janvier est de 0°
» » » juin . +21,5
différence 21,5
Un résultat remarquable est la distance relative des
lignes isothermes mensuelles de 0° et de la ligne de la
limite des neiges éternelles dans les différents mois. En
janvier, elles se superposent à la base des Alpes. À partir
de janvier, la ligne isotherme de 0° s'élève plus rapide-
ment jusqu’en juillet et août; mais plus tard elle descend
plus vite que la limite des neiges pour coïncider de nou-
veau avec elle en janvier.
La limite des neiges éternelles telle qu'on la considère
ordinairement, est la limite des neiges au fort de l'été;
elle coïncide à-peu-près avec l’isotherme annuelle —#0.
Elle n’est pas la moyenne des lignes limites relatives aux
différents mois.
Les minima de température diffèrent peu entre les
points bas et les points élevés, mais les maxima différent
beaucoup, ainsi :
minimum. maximum.
Iospruck . . —31,2 . . +37,5
Berne. . . —30 5 e5re Re
Saint-Gothard — 30 lol SES
Saint-Bernard — 32,2 . . +19,7
Les plus hautes cimes des Alpes correspondent, quant à
la température moyenne, à des lieux situés vers les lati-
tudes boréales de près de 700.
DRE at à = dé L
— 367 —
M. Xopp présente un résumé des observations météoro-
logiques faites au Gymnase de Neuchâtel pendant la der-
nière moitié de 1851 et les trois premiers mois de 1852.
Le chiffre de 100,15 qu'il trouve pour la moyenne
de température en se servant des observations du jour,
lui paraît trop élevé. Il demande pour obtenir des résul-
tats plus exacts, qu'on ajoute une observation à neuf
heures du soir.
Une discussion s'engage à ce sujet, et on convient, pour
donner dans notre ville une impulsion nouvelle aux ob-
servalions météorologiques, de nommer une commission
composée de MM. Kopp, professeur, Gustave Borel, et
Louis Favre, instituteurs, sous la présidence de M. le
professeur Ladame.
M. Wald, pharmacien, communique un fait curieux
qu'il a observé en fabriquant des eaux gazeuses avec sa
machine nouvelle de Savaresse. Lorsqu'il fait écouler le
gaz acide carbonique resté dans le récipient après la mise
en bouteilles, ce gaz, qui a encore une force élastique de
plusieurs atmosphères, sort avec une telle violence, qu'un
froid sensible se produit dans l'appartement ; et lors-
qu'on applique un linge mouillé sur l'orifice par où le
gaz s'échappe, on y trouve un morceau de glace qui s’est
formé dans un temps excessivement court. M. Savaresse,
qui le premier à remarqué ce fait, en avait fait part à
M. Wald il y a quelque temps, et ce dernier a réussi à
obtenir le même résultat. Le morceau de glace qui se
forme dans cette circonstance , atteint quelquefois le vo-
lume d’une noix, et contient une assez grande quantité
d'acide carbonique, que l'on peut dégager en jetant le
fragment de glace dans l’eau.
— 368 —
Séance du 6 Mari 1852.
Présidence de M. L. CouLox.
M. G. Borel communique un tableau des températures
moyennes des 7 années 184% et suivantes jusqu'à 1850
inclusivement, d’après les observations faites par le con-
cierge du collège. Ces moyennes ne sont qu'approxima-
tives, puisqu'elles ne sont fondées que sur-une seule ob-
servation, savoir celle de neuf heures du matin, laquelle,
il est vrai, s'écarte peu de la vraie moyenne : d'après ces
observations, les températures des années indiquées se-
raient les suivantes :
1844, +8,77
1845, +8,85
1846, + 10,05
1847, +8,53
1848, +8,26
1849, +8,50
1850. +8,04
moyenne +8,71
Moyennes des divers mois de l’année.
Janvier, — 0,75 Juillet, +18,15
Février, +1,40 Aoùt, +16,79
Mars, + 3,20 Septembre, +13,99
Avril, +8,13 Octobre. +8,94
Mai, +13,58 Novembre, +4,50
Juin, + 16,97 Décembre, +0,54
M. L. Favre décrit un halo qu'il a observé le jeudi -
99 avril, et dont la durée, depuis 9 heures du matin
à 4 heure après midi, a été remarquablement longue.
— 369 —
M. le D' Vouga communique à la Société la découverte
récente d’une espèce de quadrumane, sur laquelle on ne
possédait encore que des données extrêmement obscures,
et dont l'existence était niée par les naturalistes mo-
dernes. Le musée de Paris vient de recevoir du poste du
Gabon, sur la côte occidentale d'Afrique, deux exem-
plaires de ce grand Chimpanzé, conservés dans l'alcool.
Ce géant des quadrumanes, appelé dans le pays Engiena,
a été signalé d'abord par le missionnaire Savage, et a reçu
de M. Oven le nom de Troglodytes Savagei, ou Troglo-
dytes Gorilla. Sa taille surpasse beaucoup celle du Chim-
panzé ou Troglodytes niger, et atteint chez l'adulte 1,57.
Les dimensions de son thorax sont surtout considé-
rables. Il vit solitaire dans les forêts, où son naturel
farouche, sa force et son audace le rendent très-redou-
table aux chasseurs indigènes. C’est sans aucun doute
à cetté espèce qu'appartenaient les individus femelles,
tués par les Carthaginois de Hannon, lors du célèbre
voyage entrepris par ce chef au delà des Colonnes d'Her-
cule.
M. Wald fait circuler plusieurs exemplaires de soufre
natif déposé sur du sulfate de chaux , et provenant d'une
carrière de gypse, des bords du lac de Thoune.
M. de Castella annonce avoir employé avec beaucoup
de succès l’eau de Wildegg, à la dose d'une cuiller à
soupe par jour, contre une affection strumeuse grave,
accompagnée de troubles dans la circulation. Il a reconnu
que cette eau a une action résolvante très-énergique,
mais peut provoquer des accidents inflammatoires de
l'estomac.
RUL, DES SC. NATUR, TI. 26
— 310 —
M. le D' Borel l'a aussi employée avec succès ancien-
nement, mais il à trouvé dans l'iode incorporé à l'axonge
un remède plus sûr contre ces affections.
M. Wald, à propos du Collodium cantharidal, annonce
qu'on s'est fréquemment plaint dans ces derniers temps
de l’inefficacité de l'emplâtre vésicatoire aux cantharides :
on vient de reconnaître à Paris que les caisses de can-
tharides, arrivées d'Italie et de Hongrie, renfermaient
des insectes dont la plus grande partie avait déjà servi
à la préparation de la cantharidine, et avait été épuisée
par l’éther. Cette fraude est d'autant plus difficile à
découvrir, que ces cantharides épuisées ne peuvent être
discernées et séparées des autres avec lesquelles elles sont
mélangées.
M. le D' Vouga lit la première partie d’un travail
étendu, sur la faune ornithologique du pays de Neuchà-
tel; un extrait de ce travail sera annexé aux bulletins
et publié sous forme de catalogue d'espèces.
Séance du 21 Mai 1852.
Présidence de M. L. CouLon.
M. le président présente le quatrième volume des mé-
moires de la Société viennoise des amis des sciences et le
septième volume de ses bulletins.
M. le professeur Kopp dépose le calendrier de 1853,
caleulé pour la position astronomique de Neuchâtel, et
donnant exactement lheure des levers et couchers du s0-
leil et de la lune.
M. Desor entretient la Société de ses recherches sur
l'action glaciaire en Scandinavie et dans l'Amérique du
— 311 —
nord, recherches déjà publiées en partie dans les Bulle=
tins de la Société géologique de France, et dans le Rap-
port de la Commission géologique américaine au sénat.
C’est en Suisse qu'est née la théorie glaciaire, et c’est
dans les Alpes qu'elle a trouvé ses premiers défenseurs
et ses premières applications. La question n’est pas ici
douteuse, les glaciers usent et polissent les flancs et le
fond des vallées qui les renferment, et charrient à leur
surface les débris éboulés des montagnes qui les domi-
nent, blocs anguleux que le glacier, en se fondant len-
tement ou subitement, dépose immédiatement sur la roche
polie. Il n’est guère possible de nier que les moraines et
roches polies, signalées partout dans les Alpes jusqu’à
l'embouchure des vallées dans la plaine, ne doivent leur
origine à une ancienne extension des glaciers qui exis-
tent encore dans les parties centrales des chaînes.
M. Necker, de Genève, ayant étudié le terrain de trans-
port des environs de Genève, le nomma terrain d’allu-
vion ancienne, sa partie supérieure, qu'il appela terrain
cataclystique, fut regardée plus tard comme devant son
origine aux glaciers. La question est donc de savoir s’il
existe de la roche polie sous cette alluvion ancienne, dont
la puissance est souvent de plusieurs centaines de pieds.
M. Rodolphe Blanchet a déjà fait des recherches à ce su-
jet. En Suède, les roches polies et striées avaient déjà
été observées et décrites par M. Strôm, et leur origine
attribuée à des courants. D'autres observateurs crurent y
reconnaître des traces de l’action glaciaire et des mo-
raines. Ces soi-disant moraines sont des coteaux allongés
dont la direction est régulière et en général parallèle aux
bords de la mer. On les nomme , dans le pays, Osars :
— 3172 —
leurs pentes en général égales des deux côtés, varient
de 20 à 30°, et sur leur sommet, souvent fort étroit,
existent les chaussées qui traversent le pays, et qu’on
nomme chaussées des géants; à la surface et au sommet
de ces monticules se trouvent les blocs erratiques. L’ob-
servatoire de Stokholm est construit sur une colline de
cette espèce, qui a déjà été étudiée par M. Lyell. M. De-
sor a reconnu en plusieurs localités que ces collines
étaient formées de couches de gravier et de sable nette—
ment stratifiées, et fortement et irrégulièrement inélinées,
en un mot qu'elles présentaient cette stratification qu'on
nomme torrentielle. Il existe dans ce terrain, près d'Up-
sal, une couche argileuse renfermant des coquilles ma-
rines très-bien conservées, qui ne paraissent pas avoir
été transportées, mais avoir vécu sur place, ce qui indi-
que que la formation de ce terrain, qui constitue les
osars, a été lente, et a eu lieu sous les eaux de la mer.
Dans plusieurs localités ces coquilles ont été trouvées au-
dessus de la roche polie, à plus de 800/ au-dessus de la
mer. Près de Gothenbourg, des balanes sont fixées à la
surface polie à plus de 170/, et près de Christiana,
M. Desor y a observé des serpules.
M. Desor, après avoir pris connaissance de ces faits,
ne put admettre que les moraines et les osars fussent
dus à la même cause, de sorte qu'en Scandinavie, l’a-
gent qui a posé! la roche et celui qui a transporté les
blocs, doivent avoir été différens et avoir agi à des épo-
ques fort éloignées, séparées par celle pendant laquelle
il se déposait dans une mer des terrains marins stratifiés
qui ont été ensuite élevés au-dessus du niveau de la mer
actuelle. Le ‘1! des géologues anglais, terrain envisagé
— 313 —
jusqu'ici comme morainique, contient aussi des couches
argileuses, stratifiées, qui renferment des coquilles, et
paraît devoir être rapproché de ces terrains de Scandi-
pavie.
M. Hillekock, qui avait déjà décrit dans la Nouvelle-
Angleterre les roches polies, leur hauteur, la direction
de leurs sillons, s’empara de la théorie glaciaire pour ex-
pliquer leur formation. Depuis lui, on reconnut dans les
vallées et sur les plateaux, des dépôts qui renfermaient
des fossiles marins, et portaient les blocs à leur partie
supérieure. Ces fossiles marins (Tellines) n'avaient encore
été signalés que sur les bords du lac Champlain et du
Saint-Laurent, lorsque M. Desor découvrit dans les en-
virons de New-York, des buccins parfaitement conservés,
des vénus, des mactres, des pattes d’écrevisses, renfermés
dans un terrain stratifié, et associés à des cailloux striés,
qu’on considérait jusqu'alors comme criterium du terrain
glaciaire; ces fossiles furent reconnus être identiques à
ceux des argiles des environs du lac Champlain.
On savait depuis long-temps que tout le terrain à plus
de 500 lieues à l’ouest du lac Champlain était de nature
erratique, et que les blocs dioritiques et porphyriques
de l'Ohio et de l’Indiana provenaient du dos métallifère
qui sépare le lac Supérieur du lac Michigan, lorsque
M. Desor reconnut, à 1630 pieds au dessus de la mer, soit
1000 pieds au-dessus du lac Supérieur, des blocs polis
et striés de cuivre natif de plusieurs mètres cubes, repo-
sant sur des terrains quaternaires sans fossiles, qui con-
sistent en argiles et en graviers recouvrant la roche po-
lie. Ces terrains, dont la déposition a dû, à en juger
: d'après leur puissance , exiger une période considérable,
— 314 —
sont regardés comme marins. M. Desor trouva leur li-
mite orientale à 20 lieues du lac Ontario et à 320! de
hauteur, il y recueillit de nombreux fossiles marins, et les
poursuivit jusque près des cataractes du Niagara. Ce ter-
rain marin reçut le nom de terrain Laurentien. Dès lors
des hélicines et des planorbes et plus tard des cyclades,
furent signalés dans les terrains quaternaires limoneux
des environs du lac Erié, sur une surface considérable :
ces terrains d’eau douce recurent le nom de terrain A/-
gonkin, du nom d’une peuplade puissante d’Indiens qui
habitaient les régions où ils sont surtout développés. Ils
paraissent avoir été déposés dans’une immense mer d'eau
douce, dont les lacs actuels seraient les résidus.
L'existence d'assises quaternaires puissantes au-dessus
de la roche polie et au-dessous des blocs, est donc dé-
montrée dans l'Amérique du nord comme en Scandina-
vie, et indique, après l’action de l'agent qui a strié et
râpé cette immense surface, une phase considérable de
l'histoire de notre planète caractérisée par une faune
particulière.
On a trouvé, dit M. Desor, dans les tourbières de
plusieurs localités, des squelettes entiers de Mastodontes
parfaitement conservés, dont les os contiennent encore
40 °/o de matière animale. Ces animaux paraissent s’y
être enfoncés dans la vase, car leurs squelettes sont dans
la position de la station. Entre les collines d’émail de
leurs dents, de même que dans l’espace intercostal, on a
reconnu des traces de folioles d’une espèce de pin (pinus
canadensis), qui a dû leur servir de nourriture, et qu'on
retrouve encore vivante dans les mêmes localités. —
L'existence de ces animaux doit avoir été antérieure à
— 375 —
l'apparition de la race rouge, car nulle part on n'a
découvert dans les tumulus indiens, parmi tant d'ob-
jets représentant en terre de pipe les figures des animaux
actuels du pays, rien qui rappelle la forme du masto-
donte. L’alluvion ancienne de Genève renferme des os-
sements de la même espèce, l'elephas primigenius, qui
ont été décrits par Deluc et attribués à tort, par M. Nec-
ker, aux éléphants qui accompagnaient l’armée d'Anni-
bal, et qui moururent en route; M. Coulon possède
une dent de cette même espèce, trouvée dans une terre
blanchâtre superficielle des environs de la ville; de sorte
que cet éléphant aurait habité l'Europe tempérée et l’A-
mérique du nord, à deux époques fort différentes : en
Suisse, avant l’époque glaciaire, en Amérique très-long-
temps après, en admettant toujours que l’alluvion an-
cienne est antérieure à l’action glaciaire. Ce fait pourrait
nous en faire douter, et il importerait de savoir si ces
assises de graviers vaguement stratifiés ne reposent nulle
part le long de notre Jura sur la roche polie, pour oser
trancher la question.
M. Cornaz présente un travail sur les Lichens du Jura,
spécialement du canton de Neuchâtel, avec l'indication
des localités où on les rencontre.
Le catalogue des espèces sera annexé à la fin de ce
volume.
Séance du 4 Juin 1852.
Présidence de M. L. CouLow.
M. Desor entretient la Société des richesses métalliques
du sol américain, L'or, la houille, le plomb, le fer, et
— 316 —
surtout le cuivre natif, y existent dans des proportions gi-
gantesques , car les filons de cuivre natif pur ont sou-
vent plus d’un pied et demi de puissance. Le fer existe
partout à l’état de carbonate d'oxide hydraté, et surtout
de fer olégiste et magnétique , identique à celui de Suëde,
dont les Anglais fabriquent l'acier. Il en existe des mon-
tagnes entières. Le plomb sulfuré se trouve renfermé à
l'état de pureté parfaite dans des poches calcaires, c’est
le minerai le plus productif. A ces faits connus, M: Desor
ajoute quelques détails nouveaux, résultat de ses obser-
vations propres, sans prétendre que les faits qu’il a ob-
servés soient généraux et s'appliquent à tous les pays.
Il a trouvé dans les roches les plus anciennes, schistes
talqueux, quartz et granits de la partie méridionale du
lac Supérieur, le gisement principal du fer olégiste, qui :
renferme 50 à 60 °)o de fer pur, et forme des montagnes
de plus de 200/ de hauteur et de plusieurs milles de
longueur.
Des voyageurs du Missouri avaient déjà signalé sur les
bords limoneux du Mississipi une grande montagne de
fer, qui fut explorée plus tard par des ingénieurs, et re-
connue comme faisant partie des dépôts les plus anciens.
Dans le Texas, on a découvert des montagnes identiques
dans les terrains les plus anciens, de même qu'au Mexi-
que. On peut donc admettre que ces oxides de fer se
sont formés lors de la première solidification de l'écorce
terrestre.
Les masses de fer sont adossées au granit et recouvertes
de grès anciens nullement ferrugineux et en stratification
discordante. Ceci est tellement général que la commis-
sion géologique a proposé de nommer ces terrains an-
— 311 —
ciens : étage ferrifère. Ces dépôts de grès sont à la base
du Schercer ; après avoir été horizontaux, ils se relè-
vent et présentent des renflements formés de trapps
éruptifs, dans lesquels on trouve le cuivre natif qui
n'existe dans aucun autre terrain. Ces trapps éruptifs
forment une longue bande enclavée dans ces grès et con-
glomérats anciens. Ce cuivre est pur, et on peut facile-
ment par l'analyse, s'assurer que les ornements trouvés
dans les anciens tombeaux indiens appartiennent à ce
cuivre du lac Supérieur, et non pas à un cuivre d'ori-
gine européenne qui est toujours impur : ce cuivre se
trouve pétri d'argent natif en morceaux anguleux de la
grosseur d'une noix, sans y être allié. Ce fait est miné-
ralogiquement inexplicable, car ces deux métaux sont
fusibles à des températures différentes. Cet argent n’est
que fort peu exploité. Dans plusieurs localités, de l’oxide
noir de cuivre, qui ne contient que #0 à 50 °)o de cuivre
pur, a été découvert, et est même plus profitable à ex-
ploiter que le cuivre natif, qui existe en lames épaisses
dans les trapps. Car on a besoin d'immenses quantités de
poudre pour dégager ces lames de cuivre qui se plient
et qu'on coupe au ciseau en blocs plus petits. On ne peut
employer dans ce but la scie circulaire, car ce cuivre
contient souvent des géodes remplies de cristaux de quartz
qui émoussent la scie. On peut ainsi amener des blocs
de 5 tonneaux (10000 livres) à la surface de l'exploitation,
où on les taille en blocs plus petits. Tous ces travaux
rendent le prix de revient beaucoup plus considérable
que celui du cuivre obtenu par réduction de l’oxide; et,
sans aucun doute, si on parvient à trouver un moyen
plus facile de tailler ces blocs et d'exploiter ces lames
— 3183 —
immenses, le prix du cuivre ne tardera pas à diminuer
notablement dans tous les pays.
Le cuivre se trouve souvent en banes horizontaux, tra-
versés par un filon ascendant, que les mineurs nomment
filon nourrisseur. Lorsque le trapp, qui renferme le cuivre
est ou vésiculaire ou amygdaloïde, le filon est riche.
Lorsque le trapp devient compact, le filon s'appauvrit
et finit par disparaître.
Cette puissance variable du filon, uniquement dépen-
dant de la nature minéralogique de la roche qui le ren-
ferme, ne peut être expliquée par la théorie généralement
admise de la formation des filons par infusion de ma—
tières fondues dans des fissures préexistantes. La sé—
paration du cuivre, sa condensation dans certains points,
ont dû avoir leur origine dans des actions chimiques
particulières, dépendant de la nature de la roche environ-
nante, et différentes, selon que la masse primitive a été
transformée en roche compacte ou en roche amygda-
loïde. Les mineurs, qui exploitent ces filons de cuivre,
connaissent parfaitement ce gisement, car dès que les
trapps deviennent compacts, ils cessent les travaux, et
recommencent dans des conditions plus favorables.
A ces trapps viennent s’adosser les calcaires magné-
siens inférieurs stratifiés, de plusieurs mille pieds de puis-
sance, qui renferment des poches évasées à la base ou
au sommet, dans lesquelles la galerie est contenue. C’est
surtout le long du Mississipi supérieur que ces terrains
sont développés. Les plombs sulfurés n'ont été que fort
peu répandus ailleurs.
Ainsi le fer se trouve dans les terrains les plus an
siens, formation azoïque ou ferrifère, ne contenant pas
— 319 —
de fossiles ; puis le cuivre dans les trapps, qui ont sou-
levé les grès siluriens inférieurs, et enfin le plomb dans
les premières grandes masses de calcaire,
Quant à l'or, il paraît exister en Californie, associé à
des filons de quartz traversant des roches talqueuses très-
anciennes. Ce fait serait opposé aux résultats obtenus
par M. Murchison, dans ses recherches sur les mines d'or
de l’Oural ; car il croit que l'or a été injecté très-posté-
rieurement dans des roches préexistantes. On a ouvert
des mines à 600 milles de San—Francisco, dans des
masses de quartz, entre les schistes amphiboliques et les
gneiss. L'or existe surtout en petites écailles très-fines et
presque invisibles dans la masse de ces quartz.
M. Kopp fait remarquer la coïncidence singulièreentre
la découverte du dorage au galvanisme, et celle de ces
immenses amas d'or.
M. Ladame fait voir que ce sont les composés de fer
naturels les plus stables qui se sont formés les premiers,
absolument comme les roches siliceuses les plus stables
sont les plus anciennes. Il croit que la formation de ces
filons n’a pas eu lieu par injection, mais par un mouve-
ment d'agrégation lent de molécules similaires au milieu
d'une masse solide ou pâteuse.
Les fins filons de gypse renfermés dans les marnes ter-
tiaires de Boudry lui paraissent s'être formés ainsi par
l'attraction des molécules de gypse qui se trouvaient dans
la masse boueuse et se rassemblaient sous. forme de cris
taux.
Il s'engage à ce sujet une discussion sur les mouve-
mens moléculaires en général, et les changemens de pro-
— 380 —
priétés physiques qu'éprouvent avec le temps les essieux
de locomotives et les fils des télégraphes électriques.
M. le D' de Castella fait lecture de son rapport sur le
mouvement de l'hôpital Pourtalès pendant l’année 1851.
L'hôpital contenait le 127 janvier 1851 :
43 malades : 28 homm., 45 femm.
admis pendant l’année : 460 » 292 » 168 »
503 320 183
dont 174 Neuchâtelois, 100 hommes, 74 femmes.
Ami Bernois, 89 » 52 »
38 Vaudois, 25 » 13 »
90 Suisses d’autres cantons, 57 » 212.
60 étrangers, 49 » A2
503 malades, 320 » , 109 2»
307 sont sortis guéris,
100 améliorés,
19 incurables,
39 sont morts, dont 28 hommes et 11 femmes,
38 ont été portés à nouveau au 1°" janvier 1852.
503
Le nombre des journées de séjour à l'hôpital a été de
16348.
La moyenne du séjour de chaque malade a été de
932 !/2 journées.
On a eu en moyenne ## %/« (2165) malades par jour.
La mortalité a été de { sur 13.
Huit opérations graves ont été pratiquées : trois am-
putations, deux hernies étranglées, un cathétérisme forcé,
une cataracte; et une extirpation de fongus carcino-
mateux à la mâchoire inférieure. Ces opérations ont été
suivies de succès, sauf celle d’une hernie étranglée opé-
rée tardivement immédiatement après l'entrée du malade
à l'hôpital.
— 381 —
Les maladies traitées à l'hôpital pendant l'année ont
été :
36 inflammations traumatiques externes.
14 abcès, dont plusieurs très-considérables, guéris par la com-
pression méthodique. |
&A plaies , dont une brûlure très-étendue; une plaie de la face
du thorax et des bras, avec arrachement de l'œil gauche,
guérie après 136 jours, et suite de l’explosion d’une mine sur
Jaquelle avait soufflé un mineur ; trois plaies pénétrantes de
l'abdomen , l’une d’arme à feu, la seconde due à un coup de
sabre, la troisième à un coup de couteau : les deux premières
sont devenues mortelles; deux plaies pénétrantes de Parti-
culation du genou chez des charpentiers.
50 ulcères atoniques, variqueux, dartreux et syphilitiques ;
plusieurs ulcères atoniques anciens et étendus ont été guéris
par les cataplasmes de farine de graine de lin laissés à de-
meure pendant plusieurs jours.
25 fractures, dont une de la colonne vertébrale, 2 de la clavi-
cule, 3 des côtes, 2 de l’humérus, 1 des os de l’avant-
bras, 4 des phalanges, une du col du fémur guérie sans
raccourcissement à l’aide du double plan incliné de Dupuy-
tren, 3 du tibia, une du péroné, 10 des deux os de Ja
jambe, dont deux comminutives très-graves ont été parfai-
tement guéries.
7 entorses.
2 luxations de l’humérus, réduites très-facilement à l’aide du
chloroforme.
4 ankylose du coude améliorée par la rupture forcée et les bains
émolients.
13 tumeurs blanches articulaires, dont 7 de l'articulation coxo-
fémorale et 2 du genou; ces dernières guéries par l'usage de
la pommade au tartre stibié.
14 caries ou nécroses.
24 ophthalmies , la plupart scrofuleuses.
4 fistule lacrymale guérie par l'introduction d’une sonde can-
nelée dans le canal nasal, un traitement antiscrofuleux et
des injections iodées.
— 382 —
A cataractes , dont deux survenues à la suite d’inflammations du
bulbe de l’œil , provoquées par des coups violens.
2 amblyopies amaurotiques améliorées par la cautérisation fron-
tale et la strychnine.
5 hernies étranglées : 3 inguinales, dont deux réduites par le
taxis ; 2 crurales, dont l’une a été opérée avec succès, l’autre
déjà gangrénée, lors de l'entrée de la malade, s’est termi-
née par un anus artificiel, qui s’est oblitéré peu à peu.
1 rétention d'urine complète, provoquée par un rétrécissement
de l’urètre qui a été détruit promptement par le cathétérisme
forcé à l’aide du chloroforme.
1 hydrocèle.
10 érésypèles.
3 varioloïdes bénignes.
35 rhumatismes, dont 26 aigus et 9 chroniques; tous, sauf un
seul, guéris par le nitre et l’aconit.
À esquinancie.
52 inflammations ou affections des organes digestifs.
22 fièvres typhoïdes, dont 4, amenées tardivement, sont devenues
mortelles.
3 fièvres intermittentes (perees)
7 fièvres lentes.
10 affections du cerveau et de la moelle épinière.
A tétanos chez un enfant.
À otite grave.
40 inflammations des voies respiratoires, dont 44 bronchites,
7 pleurésies, 17 pleuropneumonies et 2 pleurodynies.
9 phthisies.
10 hydropisies.
À anévrisme de la crosse de l’aorte. Le malade est mort subite-
ment en se promenant dans la salle. L’aorte était dilatée et
déchirée à un pouce de son origine et le sang épanché dans
le péricarde.
2 métrites.
A phlébite suite de métroperitonite, devenue mortelle.
22 chloroses.
3 chorées.
— 383 —
À tremblement mercuriel chez un individu qui avait doré au
mercure sans lanterne.
8 névralgies, dont 7 sciatiques.
9 gastralgies.
7 scrophules.
3 cancers. -
4 morbus maculosus de Werlof.
1 grossesse qu’une jeune fille cherchait à dissimuler.
La moyenne des malades, admis à l'hôpital Pourtalés
pendant les 9 premières années de son existence avait été
de 276 ‘/o, celle des journées de séjour de 10637 “/e. En
1851, l'hôpital en a recu 503, qui y ont séjourné
16348 journées. Ces chiffres indiquent déjà à eux seuls
le développement qu'a pris cet utile et bel établissement,
et les services qu'il rend aux malades indigents, tant neu-
châtelois qu'étrangers. Cette année encore, le président
actuel de la direction, M. le comte L.-A. de Pourtalés,
a profité des nouveaux tuyaux de conduite établis par
l'administration de la ville pour alimenter les fontaines
jusqu'à l'extrémité du faubourg, et a doté l’établissement
d'une belle fontaine jaillissante, qui s'élève au milieu de
son enceinte, et qui remplacera avantageusement un puits
dont les eaux s’altéraient quelquefois.
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APPENDICE.
ÉNUMÉRATION
DES
LICHENS JURASSIQUES
ET PLUS SPÉCIALEMENT
DE CEUX DU CANTON DE NEUCHATEL.
Par M. le D' CORNAZ.
Tandis que les recherches nombreuses auxquelles ont donné lieu les
plantes vasculaires de la chaine du Jura, ont été utilisées dans de nom-
breux ouvrages locaux, et dans des travaux destinés spécialement à l'en-
semble de cette région : BABEY, Flore jurassienne, — J. THURMANN, Essai
de phytostatique , — CH.-H. GODET, Énuméralion des végétaux vasculaires
du Jura suisse et francuis, plus spécialement du canton de Neuchâtel, et Flore
du Jura; l'étude des végétaux cellulaires a été assez négligée parmi nous:
récemment, il est vrai, M. LÉO LESQUEREUX a inséré dans les Mémoires de
la Société des sciences naturelles de Neuchâtel, un catalogue des mousses de
la Suisse, dans lequel celles du Jura occupent de beaucoup la première
place ; et, grâce à ce savant infatigable, les collections de notre ville con-
tiennent un recueil spécial de mousses neuchâteloises; les Hépatiques du
même herbier, déterminées et classées par M. Lesquereux, pourraient
être employées à établir, provisoirement du moins, l’énumération des
espèces de ce canton. Mais, autant du moins que nous le sayons, les
Lichens , les Champignons et les Algues du Jura n'ont encore été traités
dans aucun ouvrage ou mémoire spécial.
Pour former ce catalogue des Lichens jurassiques, j'ai utilisé les sources
suivantes :
1° Diverses publications de Haller, De Candolle, Duby, Mougeot et Nes-
tler, et surtout de M. Schaerer, pasteur à Bclp, dont nous donnerons plus
bas la liste.
2 Le Calalogue des plantes qui croissent naturellement dans la Souserai-
nelé de Neufchâtel et Vallangin, dressé en 1746 après vingt années d’her-
borisation, par le D° d’Irernois, médecin du Roi ; nous ayons consulté une
SOC. DES SC. NAT. T. II. 27
— 386 — s
copie dressée par M. Chaillet et augmentée par lui de notes et d'articles
supplémentaires, laquelle est déposée à l’herbier de la ville de Neuchâtel,
dont la Bibliothèque possède les deux éditions originales de ce manuscrit.
5° Le Catalogue et l’herbier de feu le capitaine Chaillet, chevalier du
mérite militaire, faisant; actuellement partie des mêmes collections pu-
bliques ; ils sont très-riches en espèces neuchâteloises, désignées le plus
souvent par les abréviations N. ou Neuf. ; j'ai dû éliminer quelques espèces
dont la détermination me paraissait évidemment fausse ou très-douteuse.
On verra combien cette source m’a fourni de matériaux.
4° L’herbier de notre ville possède encore d’autres collections :. celle
du professeur Agassiz m’a fourni quelques notes, surtout sur les environs
de Vallorbes ; le manque de localités de la plupart des autres Lichens qui
y sont conservés, fera comprendre que je n’aie pu y trouver que peu ou
point d'indications.
5° Mes herborisations lichénologiques ont eu lieu surtout dans les en-
virons de Neuchâtel, ef dans les localités vaudoises de l’Isle près Cossonay,
et de Coinsins au-dessus de Nyon; j'ai aussi récolté quelques espèces de
Lichens sur d’autres points du Jura, tels que Fleurier et le Chasseron,
Yverdon, la vallée du lac de Joux, Diesse et le Chasseral, etc. Ces recher-
ches ont eu lieu de 4842 à 1848 et peuvent offrir une certaine valeur,
M. le pasteur Schaerer ayant eu l’extrême obligeance de revoir toutes mes
déterminations. Mon herbier contient aussi un petit nombre de Lichens
jurassiques que m’ont communiqué divers botanistes.
On comprendra par ce que je viens de dire, que cette énumération ne
peut être complète quant au nombre des espèces et des variétés, quoique
j'aie utilisé tous les documents que j’avais à ma disposition ; on y {trouvera
en effet des indications de MM. Agassiz, Benoît, Boissier, Chaillet, Curils,
De Candolle, Duby, Frédéric de Fischer, Gagnebin (de la Ferrière), Godet,
Haller, d'Ivernois D'M., Léo Lesquereux, Paul Morthier D'M., Preisswerk,
Victor Ruffr, Schacrer, Seringe, Shuttleworlh, Staehelin, Trog père et celles
qui me sont propres : elle renferme, à côté d’un très-grand nombre de lo-
calités neuchâteloises, et d’une assez grande quantité d’indications du
Jura vaudois, quelques données sur les espèces du Jura bernois (bords du
lac de Bienne, ile de Saint-Pierre, Diesse, Chasseral et vallée de la Birse),
et des environs de Genève, et enfin une ou deux notes sur des espèces
observées dans le Jura soleurois et dans la France jurassique. Plus que
personne je sens les lacunes de ce travail, que je n’eusse pas rédigé ac-
tuellement , si arrivé à la pratique de la médecine, je n’avais été obligé
de renoncer à me livrer à des recherches botaniques suivies; j'avais des
matériaux assez nombreux, dont la plupart présentait des garanties suf-
fisantes d’exactitude, et ai préféré ne pas les laisser non utilisés, désirant
ardemment que ce premier jalon puisse encourager quelqu'un de plus
capable à s’occuper d’un catalogue des Lichens de notre région. On com-
prend qu’il sera nécessaire d’avoir dans ce but de nombreuses localités ;
— 387 —
les recherches offriront sans doute beaucoup de découvertes intéressantes:
aussi ce champ doit-il sourir à nos botanistes , surtout à ceux dont les
herbiers ne peuvent plus s'enrichir dans notre chaine de nouvelles espèces
de phanérogames : en attendant la réalisation de ce vœu, je recevrai avec
reconnaissance les indications de localités et les échantillons qu’on voudra
bien m'adresser.
L'étude des Lichens mérite l’attention des observateurs à bien des
titres : en effet, ici le botaniste n’a plus de saison morte, car on peut en
récolter en tout temps et en tout lieu, sur la terre, sur les mousses , sur
les arbres, sur les murs, sur les rochers, parfois même sur des métaux
exposés à l’air ; la dessiccation ne les altère presque pas, sauf le genre
des Collema, qui reverdit de nouveau dès qu’on l’humecte ; le peu d’at-
tention que la plupart des collecteurs accordent à cet embranchement des
végétaux permet d’y faire des découvertes ; enfin, notre Jura en particu-
lier est très-riche en Lichens, et cet essai de catalogue y en constate plus
de 200 espèces, avec un nombre considérable de variétés et de sous-
variétés considérées comme espèces par quelques auteurs. Au point de
vue de l’utilité, on peut dire que ces plantes si méprisées ne le cèdent
pas à d’autres: le Lichen d'Islande a été employé comme nourriture dans
des années de disette, et la Cladonie des rennes sert d’aliment à ces ani-
maux; la thérapeutique leur emprunte un certain nombre de médica-
ments, c{ l’art du teinturier leur est plus redevable encore; aussi divers
auteurs, tels que Linné, Amorcux , Hoffmann et Willemet, se sont-ils
occupés spécialement de l'utilité de ces cryptogames.
Il me reste à guider le lecteur dans cette Énumération classée d’après
le dernier ouvrage de M. Schærer (Enumeratio crilica lichenum Europaeo-
rum, Bernae 1850), auquel je renvoie pour les caractéristiques des Lichens
que je mentionne , et dont je ne me suis écarté qu’en plaçant les Colle-
macées entre les Ombilicariées etles Parméliacées, et en adoptant pour deux
espèces des noms spécifiques antérieurs aux siens; j'ai élé sobre de syno-
nymes, mais j'ai dù en indiquer pour que ceux mêmes qui ne possèdent
pas les ouvrages du savant lichénographe bernois, puissent savoir à quelles
espèces ils doivent rapporter les noms que j'adopte ; afin de ne pas al-
longer trop ce catalogue par cette synonymie indiquée entre parenthèses,
j'y ai indiqué par le signe - la répétition de l’épithète qui précède, et
adopté les abréviations suivantes : B., Baeomyces; C., Collema; Ce.,
Calycium; CIl., Cladonia; E., Endocarpon; L., Lichen; Ld., Lecidea;
Lr., Lecanora; O., Opegrapha; P., Parmelia; Pd., Peltidea; Pg., Peltigera;
U., Urceolaria et V., Verrucaria ; en revanche, hors de la synonymie, les
lettres indiquées sont la répétition du nom de genre , comme cela a lieu
dans les ouvrages de botanique.
L’habitation de chaque espèce est aussi désignée par les lettres suivan-
tes: a., arbres vivants et écorces; b., bois mort, pourri ou travaillé ;
— 388 —
m., murs; r., roches ; {., terre. — Quant aux localités spéciales, on voudra
bien se rappeler les signes et abréviations qui suivent :
! après une localité, indique que M. Schærer a vérifié la détermina-
. tion.
espèce neuchâteloise, d’après le catalogue et l’herbier de Chaillet.
3 » » indiquée par d’Ivernois et Chaillet.
(] indication d’une localité en dehors de la flore jurassique.
Ag. Agassiz (d’après son herbier).
Ch. Chaillet.
Cz Cornaz (mon herbier).
d’Iv. d’Ivernois (d’après son catalogue).
Moug. et Nestl. Mougeot et Nestler.
S. Schærer (abréviation que j'ai employée aussi dans la nomenclature
botanique ! )
Bot. Botanicon gallicum, par Duby, 2° partie! Paris.
cal. où catal. Catalogue. (de Chaillet ou de d’Ivernois).
Enum. Enuwmeratio critica lichenum Europacorum ; par Schærer. Berne,
1850.
exs. Lichenes helvelici exsiccati, collection publiée par Schærer.
Fi. fr. Flore française par de Lamarck et De Candolle. Paris; t, 6°!, par
De Candolle.
Helv. Enwmerutio methodica stirpium Helveliae indigenarum , par Haller,
t. 1%, Gœttingue 1742.
herb. ou hb. herbier,
spic. Lichenum helveticorum spicilegium, par Schærer. Berne 4823-1842.
stirp. Voyg.-Rhen. Stirpes Vogeso-Rhenanae , collection de cryptogames
éditées par Mougeol'et Nestler.
suppl. supplément au catalogue d’Ivernois, par Chaillet.
Il m’eût été facile de remplacer dans plusieurs cas un certain nombre
de localités par la désignation d'espèce commune; toutefois j'ai cru pré-
férable de ne pas le faire, tant du moins qu’un si petit nombre de localités
jurassiques a seul fourni son contingent de lichens.
Puisse cette Énumération trouver un bienveillant accueil de ceux aux-
quels elle parviendra ; toute imparfaite qu’elle soit, j'aime à croire qu’elle
ne sera pas inutile, ne fût-ce qu’en engageant quelques botanistes à faire
un travail plus complet sur les espèces du Jura,
Neuchâtel (en Suisse), Juin 1852.
D' ÉpouArD CORNAZ.
LICHENS JURASSIQUES.
1. LICHENES DISCOIDET.
USNEACEES,
USNEA Dill.
U. barbata Fries. a. spécialement sur les conifères : au dessus de Neu-
(rs
2% >
châtel! — à l'Isle! au Mont-d’Or près Vallorbes, Ag., etc. : nous
avons les variétés suivantes :
‘*a florida Fries. Du Chasseron au mont Aubert!
‘b) hirla S. (L. hirtus Linn.).
‘8 ceralina S. Sapins et mélèzes, au dessus de Neuchâtel ! et à Chau-
mont!
*d plicala Fr. Dans le Jura! S, spic. 507. — Environs de Neuchâtel!
*£ dasopogu Ach. (L.barbatus Linn.). Dans le Jura! S. spic. 507. On
trouve à la vallée du lac de Joux ! des formes intermédiaires entre
la var. £ et celle-ci, S. spic. 507.
‘1 arliculata Fr, S, ne l'indique pas en Suisse.
CORNICULARIÉES.
CORNICULARIA Schreb.
. jJubala S. « bicolor S. (L.- Ehrh.) a. et r.
*8 chalybeiformis S. (L.- Lino.) r.
“7 prolixa S. (Alectoria jubata et prolixa Ach.) a. montagnes du Jura !
S. spic. 505 et Haller Hele. 70.— Poiriers sauvages au dessus de la
Neuveville !
‘à cana S. (Alectoria jubala y cana Ach.) a. Jura! S. spic. 505.
ochroleucu DC. y sarmentosa S. (L.- Ach.) a. canton de Neuchâtel,
Curils dans l’herbier Ch.
ROCCELLA DC. Ce genre, si précieux pour les teinturiers, nous
manque complètement.
RAMALINA Ach.
. pollinaria Ach. a., b. et r.: à Neuchâtel! — à l'Isle ! — Cette espèce
a un goût poivré désagréable qui empéchera de l’employer en mé-
decine, comme on l’a fait de quelques espèces de Corniculariees.
. farinacea Ach. a. commune, Ch. suppl.
. tinctoria S. (L.- Web.; L. polymorphus Ach.) r.
. fraxinea S. (L.- Linn.) a. daus diverses localités montagneuses
du Jura, sur l’érable champêtre , le sorbier des oiseleurs, le frêne,
les chênes, le mélèze, les sapins! etc. Nous avons trouvé à Chau-
mont ! des passages très-intéressants entre nos trois variétés. Cette
espèce renferme beaucoup de mucilage, et pourrait être employée
en thérapeutique.
— 390 —
*« ampliata S.; forme type et la plus commune : forêts des montagnes
du Jura, Gagnebin Helv. 72; — pied de Chaumont, Ch. cat. d’'Iv.;
château de Chaumont, Jura neuchâtelois (montagnes) ! — l'Isle ! —
Diesse!
8 f'astigiata S. (L.- Pers.) assez rare. À Chaumont! Creux-du-Van, Ag.
— Diesse !
‘y calicaris S. (L.- Linn.) assez rare. Chaumont ! — Diesse ! — Dans le
cat. d’'Iv., Chaillet l’indique : « arboreus, rupestris »; cette seconde
désignation paraît se rapporter à la Ramalina pollinaria Ach., à la-
quelle convient aussi le synonyme de Lichen n° 4985 Haller.
PHYSCIA Schreb.
‘Ph. furfuracea DC. a. etr. Jura! S. spic. 486. — Commune au sommet
des montagnes, d’Iv., catal. ; Chaumont ! — Mont-d’Or près Val-
lorbes, Ag., etc.
“Ph. ciliaris DC. a. et r. Neuchâtel! Chaumont ! Jura neuchâtelois (mon-
tagnes) ! — Yverdon ; l'Isle! Coinsins!
Ecrinalis S. (Borrera- Schl.). Rochers du Chasseron! Lesquereux
Enum. 10.
*"Ph. prunastri DC. a. et b. Neuchâtel! Chaumont! — Isle! (espèce mu-
cilagineuse qui a été employée en médecine).
‘b/ soredifera Ach. Chaumont !
“Ph. divaricata S. (L.- Linn.; Usnea flaccida Hoffm.) a. forêts épaisses
du Jura!.S. spic. 492. — Au haut du bois-de Peseux 1790,° Ch.
suppl.
CÉTRARIACÉES,
CETRARIA Ach.
*C. glauca Ach. x pulgaris S, (L. glaucus Ehrh.) t., r. et a.
.Efallax Ach. (L.- Web.) a.
€, juniperina Ach. x terrestris S.(Squamaria juniperina Hoffm.). D’Iver-
nois indique dans son caf. le Lichen n° 14977, Haller ; mais il faut
très-probablement rapporter son indication à la var. suivante qu'il
ne cite pas. k
*B pinastri Ach. a. et b. demi-pourri : gorges du Seyon! Pertuis-du-
Soc! marais des Ponts, Ch. suppl.; Tourne! — Vallée du lac de
Joux! S. spic. 10 et Duby Bot. 613, Coinsins! — En montant de
Diesse au Chasseral !
*C. cucullatu Ach. f. cant. de Neuchâtel, Benoît dans l’herb. Ch.; l’exem-
plaire ne permet pas de doute.
*C. sepincola Ach. « scutata S. (L.- Wulf.) «. canton de Neuchàtel, Curils
dans l’herb. Ch.
*8 chlorophylla S. (L.- Humb.) a. sur la Dôle! S. spic. 152.
**C. Islandica Ach. x eulgaris S. type de l’espèce, t. et b. pourri: Neu-
châtel! pâturages au-dessus du Plan, Ch. cal. d’Iv., Chaumont!
Tourne!—Visle! Dent-de-Vaulion! Mont-d’Or près Vallorbes, Ag.:
entre Apples et Pampigny ! — C’est la mousse d'Islande des phar-
macies,.
8 plalyna Kr. (Cetraria — Ach.) t. sommet du Chasseral !
Li LL LS den nus
HFIPES ES AY
— 391 —
PELTIDEES.
NEPHROMA Ach.
*N. resupinatum Ach. « lomentosum S. (Pg.- Hoffm.; L. resupinatus E.B.)
t., r. et a. canton de Neuchâtel, Curils dans l’hb. Ch., et Ch. ibid.
(sous le nom impropre de Pd. scutata).
*& soredialum S. (L. parilis Ach.) canton de Neuchâtel ! Ch. spic. 270.
PELTIGERA Willd.
*P. venosa Hoffm. t. et r. «En quittant le chemin de Corcelles à Rochefort,
avant le Lois pour aller à la Prise-Mouchet , au-dessus de cette
dernière, sur la gauche d’un chemin creux , sur la droite du véri-
table, avril 1790 et novemb. 1791 » Ch. HE — Entre le Chasseron
et le mont Aubert !
+ P. aphthosa Willd. {. «communis : au même endroit que le L. venosus» Ch.
cat. d’Iv.; Creux-du-Van! Fritz de Fischer dans l’hb. Cz.
P, canina Hoffm. t., r. et a. commune. Environs de Neuchâtel ! etc.
“aulorrhiza S. (Pd.- FIk.; L. caninus Ehrh.)
b) sorediula S. (Pd. limbata et sorediata Delise). Canton de Neuchàtel!
Ch. spic. 265.
8 membranacea S. (Pd. leucorrhiza FIk.).
“y spuria Ach. (L.- Ach.).
*P. polydactyla Hoffm. ct S. t. canton de Neuchâtel, Ch. suppl,
*& microcarpa Ach. (Pg. polydactylon Hoffm.).
*P. horizontalis Hoffm. f. et mousse des blocs erratiques : commune , Ch.
suppl.; environs de Neuchâtel! par ex. à Fontaine-André! ne.
neuchâtelois (montagnes) ! — lIsle !
*P. sylvalica Hoffm. t., r. et a. canton de Neuchätel! Ch. spic. 268. —
Forêts au-dessous du sommet de Chasseron !
SOLORINA Ach.
*S. saccala Ach. t. s'élève dans le Jura! S. spic. 45. — « Commune, se
trouve dans les fentes de rochers humides, même sur le chemin du
Mail en montant à droite » Ch. suppl.; au-dessus de Fleurier! Jura
neuchâtelois (montagnes) ! — Sources de la Venoge (l'Isle)!
OMBILICARIÉES,
UMBILICARIA Hoffm. (Gyrophora Ach.).
U. vellea Hoffm. & depressa Fr. (Umbilicaria — Schrad.) r. dans le Jura,
Duby, Bot. 596.
*U. pustulatu Hoffm. r. granitiques : pied du Jura! S. spic. 105. — Envi-
rons de Neuchâtel! Ch. ibid.; « En abondance sur les rochers dans
les pâturages au - dessus du Plan, avril et mai 4790» Ch. suppl.;
Pertuis-du-Soc! et gorges du Seyon! (stérile). — [ J’en ai récolté
- des exemplaires fertiles au petit Salève ! près Genève.]
*U. polymorpha Schrad. y arclica S. (Gyrophora — Ach.) r. granitiques.
“U. polyphylla Hoffm. « glabra S. (L.- Ach.) r. pied du Jura! Ch. spic. 92.
8 flocculosa S, (L.- Wulf) « In saxis et rupibus Juræ » Duby Bot. 595.
— 392 --
COLLÉMACÉES.
COLLEMA Hill.
. pannosum Hoffm, r. humides ; environs de Neuchâtel! Ch. spic. 518.
*C. muscicola Acb. E, et r.
-C. atro-cæruleum S. (L.- Hall.) x lacerum S. (L.- Sw.) sur des mousses,
t., r, et a. à l’ile de Saint-Pierre (lac de Bienne)! S. spic. 549.
*R pulvinatum S. (C.- Hoffm.) sur des mousses £., r. et a.
+3 tenuissimum S. (L.- Dicks.) sur des mousses, £., r. et a. environs
de Neuchàtel! Ch. spic. 519.
-C. sinuatum Hoffm. (C. scotinum Ach.) mousses.
C. minultissimum Fik. f. et b. pourri; canton de Neuchâtel! Ch. spic. 520
et Enum. 251.
*C, nigrescens Ach. & Vesperlilio S. (L.- Lightf.) a. canton de Neuchâtel !
S. spic. 526; — maronniers à Coinsins! — Chaillet indique aussi
spécialement la forme furfuracée (°C. thysanœum Ach.).
+8 fasciculare S. (L.- Linn., non Sm. EB.) «. Neuchâtel! —Chènes de
l'ile de Saint-Pierre! S. spic. 526.
+) conglomeratum S.(C.- Hoffm.) a. Montmirail! Curils spic. 526.
-à microphyllum S. (C.- Ach.) a. — maronniers à Coinsins ! — noyers
à Genève! Preisswerk spic. 526. s
-C. rupestre S. « flaccidum S. (L.- Ach.) a. et r. humides du Jura! Moug.
et Nestl., stirp. Vog.-Rhen. n° 1059, « Dans le Jura, sur les bords
du Seyon, entre Neuchâtel et Valangin, sur des pierres. Ch. F1. fr.
186 ct Bot. 607.
+8 furvum S..(L.- Ach.) ».et a.: rochers humides du fura! S. spic.
529,
y fasciculare S: (L.- Sm. E.B., non Linn.) «a. et r. — châtaigniers de
l’île de Saint-Pierre! S. spic. 529.
«à verrucæforme S. (C. fureum B verrucæforme Ach.) a. etr.
-C. granosum S. « auriculatum Hoffm. et S. (P. granosa culgaris S. spic.
541 et P. mullifida « undulata S. spic. 351) r. dans le Jura! S. spic.
541. — Neuchâtel! près du Locle! S. ibid.; et Creux-du-Van!
S, ibid.; Chaillet en a trouvé de beaux exemplaires fertiles! S. ibid.
+ dermatinum S. (C.- Ach.; P. granosa y pinnalifida S. spic. 54) r.
C. mullifidum S. (L.- Scop.; C. melaenum Ach.) très-fréquent sur les
rochers calcaires du Jura! S. spic. 5352.
o complicalum S. (S: melaenun var.- Schl.) r. calcaires : montagnes
du canton de Neuchâtel! S. spic. 553.
*B marginale S. (L.- Huds.) r. calcaires.
+ jacobaeazfolium S. (L.- Schrank) r. calcaires: canton de Neuchitel.
a locis apricis! » S. spic. 553. — [Salève ! Seringe, ibid.]
<C, cristatum Hoffm. r.calcaires : dans plusieurs localités du Jura! S. spic.
533. — Gorges du Seyon!
°C. myochroum S. (L.- Ehrh.) a. Saturninum S. (L.- Dicks) r. et a. (comme
tilleul, maronnier, frêne, noyer, peuplier d'Italie, chêne et chà-
faignier!): environs de Neuchâtel! S. spic. 555. Colombier ! —
Fréquent dans le canton de Vaud! S. ibid., l'Isle! Coinsins! Ge-
nollier ! — Ile de Saint-Pierre (lac de Bienne)! S. ibid.
S60
— 395 —
à conglomeratum S. Châtaigniers de l'ile de Saint-Pierre! S. ibid.
-C. crispum Hoffm. (L. pulposus Schrad.; L. marginalus Bernh.) €, m. et
r.: Jura! Moug. et Nest. stirp. Vog.-Rkhen., n° 4056.
C. intestiniforme S.! (C. prasinum Chaïllet! non Hoffm., nec Ach.; P. in-
Lesliniformis S.\ spic. p.542) murs des environs de Nenchâtel ! Ch.
spic. 542 et Enum. 258, seule localité suisse de cette espèce rare ,
trouvée dans le département de la Lozère! par Prost, et en Lom=
bardie ! par Garoyaglio.
*C. plicatile Ach. r. calcaires; près du lac de Neuchâtel! Ch. spic 344 et
Enum. 258.
*C. turgidum Ach. m. et r.; canton de Neuchâtel ! Ch. spie, 543.
C. pulposum Ach. « vulgare S. type de l’espèce ; £., mousses, r. et m ;
Jura, Moug. et Nestl., stirp. Fog.-Rhen., n° 1057, — Rochers des
} bords du lac de Bienne! S. spic, 539.
*C. stygium Delise « elveloideum S. (C.- « Ach.) r. calcaires du canton de
Neuchâtel! Ch. spic. 545 et Enum. 260.
“7 puleinalum S, r, près du lac de Neuchâtel! Ch. spic. 345. —#», cal-
caires au bord du Jac de Bienne! S. exs. n° 435,
à orbiculare S. (C. hydrocharum Schl.) abondante sur les r. calcaires
au bord du lac de Bicnne! S. spic. 545 et exs. n° 454.
*e incisum S. (C. elveloideum var.- Ach.) r.
PARMELIACÉES.
STICTA Schreb,
‘St. pulmonaria Ach. (Pulmonaire des chênes, Thé des Vosges âes pharma-
cies) a. : Lignières! D° Paul Morthier dans l’hb. Cz; Pouillerel!
Dame-Ottenette, herb. de la ville de Neuchâtel (ex. fertiles); Jura
neuchàâtelois Ag.; Fleurier! Creux-du-Van ! Fritz de Fischer dans
l'herbier Cornaz.
St. scrobiculala Ach. a.: cette espèce est indiquée comme neuchâteloise
par d’Ivernois (cat.), ce que je mentionne d’autant plus, que ni
Haller, ni Schærer, qui l’ont tous deux trouvée en Suisse, n'ont
pu se rappeller d’où ils l'avaient,
[St. fuliginosa Ach. r. et a. : Salève, près Genève! Seringe spic, 484. —
Parait manquer dans le Jura].
PARMELIA Ach. $ 1. LoBartA Schreb.
P. perlata Ach. «innocua Walir. a. ct ».: forêts du Jura, Stæhelin Hele.
rire
*P, caperata Ach. a., b. et r.: canton de Neuchâtel! 8. spic. 471. Envi-
rons de Neuchâtel ! (blocs erratiques et pins).
*B membranacea S. (L.- Dicks) r. humides.
-P. Acetabulum Fr. a.
PARMELIA Ach, $ 2. IMBRICARIA Schreb.
*P. rubiginosa Ach. £ cœruleo-badia S. (L.- Schl.) r. et a.: Jura, De
Caundolle, F1. fr. 187 ; — canton de Neuchätel! Ch. spic. 463.
Soc. DES SC. NAT. T. II. 28
— 39€ —
*P..obseura Fr. & chloantha Fr. (P.-. Ach.) a.: Neuchâtel,
‘€ cycloselis S. (L.- Ach.) a., b. et r.
“b) ciliata S. (L.- Hoffm.) «., b.etr.
*P. pulverulenta Fr. & allochrou S. (L.- Ehrh.) a.: Neuchâtel !—Coinsins!
‘8 anguslula S. (L.- Hoffm.) a.
“*P, stellaris Fr. & aipolia S. (L.- Ehrh.) «. et b.: Neuchâtel! — entre
Coinsins et Genollier!—J’ai trouvé une forme intermédiaire entre
« et 8 sur des frènes au bord du petit lac de Saint-Blaise !
‘8 ambigua S. (L.- Ehbrh.; L. stellaris Hoffm.) a. : — Coinsins!
y hispida Fr. a. de Neuchâtel! à Valangin ! — Coinsins!
“0 tenella S. (L.- Scop. et Ehrh.) «. et b.: Neuchâtel et environs !—
Coinsins! .
.< caerulescens S. (L.- Hag.; Lr. Hageni Ach.) a. et b.
"P. pulchella S. (L.- Wulf.) « caesia S. (L.- Hoffm.) r., tuiles, b. et
mousses.
‘y semipinnata S. (Lobaria- Hoffm.) tuiles et b.
P. propinqua S. spic. 436. r. calcaires du Jura! S. ibid.
*"P. ceratophylia Wallr. x physodes S. (L.- Linn.) a. et r.: au dessus de
Neuchâtel !
*B P. platyphylla S. (P. physodes, var.- Ach.).
‘7 obscurata S. (P. physodes, var.- Ach.) «.
"à vitlata S. (P. physodes, var. - Ach.) a.: — troncs pourris entre
Apples et Pampigny!
€ tubulosa S. Montagnes du Jura! S. spic. 460 et Enum. 42.
*P. pertusa S. (L.- Schrank ; L. diatrypus Ach.) troncs de sapins.
*P. quercifolia S. (L.- Wulf.) « filiacea S. a) munda, et b) fuliginea S.
a.: chênes près de Neuchâtel! — Environs de Genève! S. spic. 449.
8 convoluta S. a.: pins près de Neuchâtel! — châtaigniers à Coinsins!
— Environs de Genève! S. ibid. '
“P. Aleurites Ach, a., b.etr,
*P. saxalilis Fr. « leucochroa Wallr. &., b. et r.: commune dans le can-
ton de Neuchâtel, Ch. cat. d’Iv. et suppl.
*P. conspersa Ach. r. (blocs erratiques) : environs de Neuchätel ! gorges
du Seyon! —entre l'Isle et Mont-la-ville! — D’après Chaïllet nous
aurions les formes : ‘a) latior S., et *b) stenophylla Ach.
*P. ambigua Fr. a. etb. pourri: —sur les hauteurs entre le Chasseron
et le Mont-Aubert, par ex. près du chalet du grand Beauregard!
Dôle! S. spic. 469 ; — Haasenmatt! S. ibid. (dans ces trois loca-
lités les deux variétés!)
*x diffusa S. (L.- Schrad.; P. ambigua x ochromatica S. spic. 468).
*@ albescens S. (L. ambigquus & albescens Wahlenb.),
- P. olivacea Ach. a., b. el r.: par ex. : «) munda S. sur des arbres près
de Neuchâtel ! b) furfuracea S. sur des pins entre le Chanet et
Peseux!
P. denditrica Pers. (P. pulla Ach.) blocs erratiques : je ne saurais indi-
quer de localités précises.
*P, fahlunensis S. y trislis S. (L.- Linn. fil.) r.
— 39 —
“P. parietina Duf. « vulgaris S. (L. parielinus Ehrh. et Ach.) extrême-
ment commun, r., fer!, b. et surtout a. (comparativement rare
sur les conifères! et plus fréquent sur les promenades, dans les
vergers et les jardins, que dans les forêts) — Neuchâtel! —Yverdon;
Visle ! Coinsins !
: turgida S. sur du bois à Genève! Boissier, Enum. 50.
"2. laciniosa Duf. a.: montagnes du Jura! S. spic. 479; — érable
champêtre, orme et chênes à l’Isle!
“y candelaria Fr. a.: sur des ormes à Neuchâtel! — sur le Pyrus aria
à Coinsins!
*o viridis S. (Lepra- S.; Lepra botrioides E. B.) a.
:P, elegans Ach. r., tuiles et b. (plus rarement); commune dans les mon-
tagnes du Jura! S. spic. 425. — Neuchâtel! — l'Isle !
.« orbicularis S. (L. elegans Sm.; P, elegans «x miniala et & fulva a.)
S. spic. 425.
*8 discrela S. (Psora miniala Hoffm.; P. elegans & fulea b.) S. spic.
425.
PARMELIA Ach. $ 3. SQUAMARIA Hoffm.
[P. rubina S. x chrysoleuca S. (L.- Sm.) au pied du Salève, sur des
granits, De Candolle F1. fr. t.2, p. 577].
P. amniocola Fr.; forme type: sur des mousses au Chasseron! S. Enum.
54 et Cz.
£ nimbosa S. (P.- Fr.) f.: au Chasseron! S. ibid. et Cz.
LECANORINÉES.
LECANORA Ach. $ 1. PsoRoOMA Ach.
‘L. cervina Ach. £ caslanea S. (L.- Ram.; L. squamulosus E. B.; Lr,
halophaea Ach.) r. (et tuiles S.): canton de Neuchâtel! Ch. spic.
429 ; Pertuis-du-Soc Merveilleux !
L. crassa Ach. C’est très-probablement à cette espèce qu’il faut rapporter
Lichen saxalilis, undulatus, albus Haller, indiqué comme neuchà-
telois par le D' d’Ivernois (cat.)
‘« lentigera S. (Li- Web.) £., mousses et r.: Jura! Moug. et Nestl.
stirp. Vog.-Rhen. n° 1051.— Canton de Neuchâtel! Ch. et Godet,
spic. 455 ; au Mail! à Fahy! au Plan, en avril, etc. Ch. suppl.
“8 caespilosa S. (L.- Vill.) {. et mousses, J'ai trouvé sur des pierres
calcaires, entre Saint-Blaise et Cornaux, un lichen qui serait,
d’après Schærer, une forme avortée de cette variété.
‘€ gypsacea S. (Lr.Smilhii Ach.) Dans les fentes des rochers : montagnes
du Jura! S. spic. 435 et Enum. 59 ; — roches calcaires au dessus de
Choaillon, herb. Ch. — Sommet du Chasseron! Dôle! S. spic. 433.
LECANORA Ach. $ 2. PLacoprum Hill.
L. Reuleri S. Enum. 59 (P. murina £ pulvinala S. spic. 448). Rochers
calcaires du creux de Pranzioux, en montant au Reculet de Thoiry !
Reuter spic, et Enum. et S, Enum.
— 596 —
‘L. radiosa S. (L.- Hoffm.) « circinala S. (L.- Pers.) r, diverses : envi-
rons de Neuchâtel! Ch. spic. 415 et Cz, — l'Isle! Coinsins!
8 myrrhina Fr. r.
-à pariabilis S. (L.- Pers.) r. calcaîres : environs de Neuchâtel! Ch.
spic. 415 et Enum. 61.
*L. callopisma Ach. r. diverses : canton de Neuchâtel! Ch. spic, 422.
EL, murorum Ach. m., r..et tuiles : canton de Neuchâtel! Ch, spic. 423;
à Neuchâtel!
‘y£itrina S. (P.- Ach.) r. diverses.
‘L. friabilis S. (L.- Vill.); « fulgens S. (L.- Sw.; L, cilrinus Ebrh.\
t. et mousses : autour de Neuchâtel, par ex. au Mail! au Plan, Ch.
suppl.
‘L. muralis S. (L.- Schreb.) « saæicola S. (Psora muralis Hoffm.) r. et
b.; à Neuchâtel! (et « sine thallo »); —lisle!
"8 diffracta S. (L.- Ach.) r. diverses.
‘à albescens S. (Psora- Hoffm.) r. calcaires : pierres entre St-Blaise
et Cornaux!
“b) galactina S. (P.- Ach.) m.: à Marin!
LECANORA Ach. $ 3 RiNODINA Ach.
*L. sophodzs Ach. a.: Jura! S. spic. 596 ; — canton de Neuchâtel! Ch. ibid.
L. rimosa S. (L.- Oed.) x sordida S. (L.- Pers.) r. et b.: canton de Neu-
châtel! Ch. spic. 586.
‘à) lactea S. (L.— Linn:) blocs erratiques au pied de Chaumont!
*e) corallina S. (L.- Linn.; Isidium corallinum Acb.)
‘f) deulbala S. (L.- Ach:; Fariolarig corallina FIk.)
‘€ Swarzii S. (L.- Ach.) r.
‘L. atra Ach. « vulgaris S. a. et r.: canton de Neuchâtel! Ch. spic. 388;
Chaumont !
‘8 exigua S. (L.- Ach.) a. et r.: chênes et cerisiers du canton de
Neuchâtel! Ch. spic. 595.
L. subfusca Ach. « vulgaris S. a. divers: Neuchâtel! Chaumont !— l'Isle!
C’est un des plus communs lichens. J’ai trouvé une forme inter-
médiaire entre les var. « et @ sur un tilleul, entre Neuchâtel et
Yalangin!
‘8 distans Ach. a.: frènes à Valangin!
‘7 glabrata Ach, a.: frênes à Valangin!
‘à caleilea Ach. a.
£ pinastri S. sur le pin sylvestre : Pertuis-du-Soc!
"b) cinereo-sulphurea S: (Lepraria cinereo-sulphurea Fik.) conifères
(pin sylvestre et mélèze!): canton de Neuchâtel! Ch. spic. 212 ;
Neuchâtel! gorges du Seyon! du Chanet à Peseux ! — Coinsins!
“£pulicaris Fr. (Patellaria- Pers.) a. et b.: cerisiers au Plan des
bouchers ! ;
# leucopis Ach. (L.- Ach.) r. granitiques : — Coinsins.
‘& crenulata S. (L.-. Dicks) r. diverses.
y hypnorum S. (L.- Wulf.; Lr. epibryon Ach.) mousses : Chasseron !
L. Agardhiana Ach. r. calcaires du Jura! S. spic. 594 et Enum. 76, r.
néocomiennes à Neuchâtel! — m' Dôle ! S. spic. 594.
— 397 —
*L. coarctata Ach. y elacistu S. (P.- Ach.) r. calcaires du canton de Neu-
châtel! Ch. spic. 395.
-L. pallida S. (L.- Schreb.) «x albella S. (L.- Pers.) a. (frêne, chêne et
orme!): Pertuis-du-Soc! Pierre-à-Bot! Valangin!
‘8 augulosa S. (L.- Schreb.) a.: frênes à Valangin!
7 cinerella S. (Lr.albella var.- FIk.) a.: jeunes chênes S.; mélèzes,
à Chaumont! |
*ê fuscella S. a.: peupliers S.
- L, pallescens Fr. @ Upsaliensis Fr. (L.- Linn.) mousses : — sommet de
Chasseron!
*y tumidula S. (L.- Pers.) a.: —chènes au dessus de l’Isle! tilleuls
au dessus de Genollier ! — Ile de Saint-Pierre! S, spic. 401.
à albo-flavescens S. (L.— Wulf.) a.: montagnes du Jura! S. spic. 401.
- — çanton de Neuchâtel! S. ibid. — sapins du m' Chatel! (près du
Mont-Tendre); m‘ Dôle! S. ibid.
*L. lartarea Ach. « saxorum S. var. type; r.
-L. pilellina Ach. « areolata S. var. type; r., a. et b.: Neuchâtel ! —
Coinsins ! l’Isle ! ;
*£ citrina S. (Spiloma xanthostigma Ach.) r. et a.
y aurella S. (V.- Hoffm.) {. et mousses : — terre du Chasseron !
*L. polytropa S. (L.- Ehrh.) à sulphurea S. (L.- Hoffm.) +.
-L. varia Ach. x pallescens S. type de l’espèce ; a. et b.:—bois de sapin
pourri à l'Isle!
“à graniformis S. (L.- Hag.; P. corrugala S. $pic. 149) —sur de vieux
chênes à l’ile de Saint-Pierre ! S. ibid.
“£ maculiformis S. (V.= Hoffim.) a.: pin sylvestre au Pértuis-du-Soc !
“x âpochroea (Lr.- Ach.) a. et b.
*L, ulmi mihi! (L.= Sw.; Palellaria rubra Hoffm.; Lr. rubra Ach. et S.
Enum.; P. rubra Ach. et S. spic.) à.: chaine du Jura! S. spic. 405.
— Sur l’orme des montagnes à l'Isle! et sur des chênes entre ce
village et Montricher ! — Ile de Saint-Pierre! S. spic. 403, Je ne
VPai jamais vu que sur de vieux arbres. J’ai repris le nom spécifique
de Swartz comme le plus ancien, d'autant plus que cette espèce se
trouve bien réellement sur l’orme.
URCEOLARIA Ach.
*U. Oederi Ach. r. micacées : au Val-de-Travers, herb. Ch.
U. cinerea Ach. « vulgaris S. (U. ocellata F1.) r. diverses : blocs erra-
tiques des environs de Neuchâtel , par ex. aux gorges du Seyon!
‘8 alba 8. u) mullipunctala S. (Lr.- Ach.), et f) tigrina S. (U. cine-
rea £ - Ach.) r. granitiques.
*U: glaucopis 8: (U. calcaria 3 glaucopis Ach.) r. calcaires ; l’exemplaire
de l’herb, Ch. porte le nom cité d’Acharius, avec la note: « selon
Schærer. »—On y trouve aussi l'indication de l'U. cineréo-rufescens
Ach., autre espèce des rochers des Alpes, qui est bien douteuse
pour le Jura.
*U. scruposa Ach. & vulgaris S. (L. scruposus Linn.) r. diverses et mousses
des blocs erratiques ; environs de Neuéhâtel!, par ex. roches du
Vauseyon Ch, suppl, et gorges du Seyon!
“à bryophila Ach. (L.- Ehrh.) {., m., mousses et Cladonia! à Neuchà-
tel! — à Coinsins!
e crelacea S. (Gyalecta- Ach.) t. et r.: canton de Neuchâtel ! Ch. spic.
76.
"€ diacapsis S. (U.- Ach.) r. (assez douteuse).
*U. ocellata DC. t. et r.: rochers calcaires près de Neuchâtel!
**U. calcarea Ach. r. diverses, ». et tuiles: Neuchâtel! Peseux ! — Isle!
Coinsins !
*« concreta S. type de l'espèce: r. calcaires du Jura! S. spic. 74.
+8 contorta S. (V.- Fik.) r. calcaires du canton de Neuchâtel! Ch.
spic. 74.
U. verrucosa Ach. m.: — sommet du Chasseron !
*U° mutabilis Ach. a.: — chènes près de l’Isle ! tilleuls près de Genollier !
— Ile de Saint-Pierre! S. spic. 77.
LECIDINÉES.
GYALECTA Ach.
*G. cupularis Fr. (L. marmoreus E.B.) r.: lieux ombragés du Jura! S.
spic. 79, Ch. dans F1. fr. 182, et Duby 665 et 666 ; — Neuchâtel!
Fleurier !
LECIDEA Ach. $ 1. PsorA Hall.
*L. decipiens Ach. t.: environs de Neuchâtel, par ex. au pont du Vau-
seyon, etc. Ch. suppl., Crèt-Taconnet !
“L. testacea Ach. t. et r.: rochers calcaires du Jura, Ch. dans FI. fr. 18h,
Duby 658; — canton de Neuchètel, sur de la terre! S. et Ch. spic.
117, roches néocomiennes de Fahy près Neuchâtel! Creux-du-Van!
S. ibid. (Cette espèce n’a été observée en Suisse que dans notre
pays et dans le Valais).
L. atro-rufa Ach. t.: — Chasseron! S. Enum. 96.
*L. lurida Ach. t. et fentes des r.: dans le Jura! Moug. et Nestl. stirp.
Vog.-Rhen. n° 643 et S. spic. 109; terre des murs à Neuchâtel!
gorges du Seyon! |
r: globifera Ach. t. et fissures des r.: Jura neuchätelois (montagnes)!
juin 1842.
*L. triplophylla Ach. forme type; a.: canton de Neuchâtel! Ch. spic. 119;
— chênes de l’ile de Saint-Pierre! S. ibid.
B coronata S. (V.- Hoffm.) @., {. et m.: — pente du Chasseron !
*e corallinoïides S. (Stereocaulon- Hoffm.) r. et m.: roches calcaires du
Jura! S. spic. 113 ; — Neuchâtel! Peseux !
É caesia S. (Ld.- Duf.; Lepraria- Ach.) r. calcaires humides du Jura!
Ch. et S. Enum. 99.
*L. squalida Ach. r. granitiques.
“L. cœruleo-nigricans S. (L.- Lightf.; Lichen opuntioides Vill.; Patellaria
gesicularis Hoffm.; Lichen paradoœus Ach.) t. et fentes des .:
commun aux environs de Neuchâtel! entr’autres au Mail! — à la
Dôle! S, spic. 121. — Chasseral! — Haasenmatt! S. ibid.
—+ 399 —
‘L. candida Ach. fréquent sur les roches du Jura! S. spic. 120. — Neu-
châtel! par ex. au Crêt! et au Crèt-Taconnet! — l'Isle ! — rochers
au-dessus de la promenade du Passgart, à Bienne! S, ibid, ; Chas-
seral ! vallée de la Birse ! Moug. et Nestl. slirp. Vog.-Rhen. n° 642.
LECIDEA Ach. $2, RHIZOCARPON Ramond (DC. FI, f.4. 2, p. 565),
‘*L. geographica S. (L.- Linn.) r. diverses.
‘x Contigua S. type de l'espèce ; Neuchâtel! — l'Isle! Coinsins.
‘£ atrorirens S. (L.- Linn.) canton de Neuchâtel, Ch.
"L. fumosa Ach. + nitida S. type de l’espèce; r. granitiques: canton de
Neuchâtel! Ch. spic. 153 ; environs de Neuchâtel !
*L. confervoides S. (Rhizocarpon- DC.) y atro-alba S. (Ld.- Ach.}r, gra-
nitiques : Neuchâtel! gorges du Seyon! d’Ivernois parait aussi
l'indiquer comme neuchâtelois. — Entre l'Isle et Mont-la-ville !
Coinsins!
"€ fusco-atra S. (V.- Hoffm.) r. granitiques.
LECIDEA Ach. $ 3. CAricLARIA Ach.
‘L. silacea Ach. r. micacées ; l’exemplaire de l’hb. Chaillet porte l’indi-
cation : « selon Schærer »; toutefois l'espèce est-elle bien indigène ?
"L. proluberans Ach. r. calcaires du Jura! S. spic. 161 et Enum 117 ; —
m'Dôle! S. spic. 161 et dans l’herb. Ch.
‘L. calcaria S. (L.- Weiss) 8 margarilacea S. (Ld.- Ach.; Lichen epipo-
| lius Sm.) m. et r.: canton de Neuchâtel! S. spic. 159,
L. albo-atra S. (L.- Hoffm.) montagnes du Jura! S. spic. 141 ; canton
de Neuchâtel! Ch. ibid.
.‘« amylacea S. (L.- Ehrh.) sur les chênes.
‘8 corticola S. (Ld.- Ach.) a.: environs de Neuchâtel! — chênes de
l'ile de Saint-Pierre ! S. exs. n° 445.
‘à epipolia S. (L.- Ach.) r. calcaires du Jura! Ch. spic. 141.
‘L. pelraca Ach. r. diverses et {.: Neuchâtel ! — Piste!
L. jurana S. Enum. p. 125. Rochers calcaires au pied du Chasseron, au
dessus de Fleurier! S. ibid.
L. flavo-virescens T. ct B. « cilrinella S. (L.- Ach.) sur un mélèze à
Chaumont! (Oct. 1844); M. Schærer a ajouté à sa détermination,
qu'il n'avait jamais vu cette espèce lerreslre sur du bois. ,
‘L. abielina S., non FIk. (L.- Ehrh., non Sm.) sur nos deux espèces de
sapins dans les régions montagneuses du canton de Neuchâtel!
[L. leprosa S. Naturw. Anzeig. Aug. 1818, 10. Sur les roches arénacées
près de Chiêtre au canton de Fribourg, au bord du lac de Neuch4-
tel! S, spic. et 171 et Enum. 126.]
‘’L. immersa Ach. r., principalement celles de nature calcaire.
‘x calcivora S. a) leucoplaca S. (Lichen calcivorus Ehrh.) r. et m.: à -
Neuchâtel! au dessus du Plan, Ch. dans le cat. d'Ivernois ; Mont-
Mirail! b) rhodoplaca S. r. calcaires du Jura neuchâtelois! Ch.
spic. 159 et Enum. 127. -
‘7 Pruinosa S, (L.- Sm , E.B.) r. calcaires du Jura, entre autres dans
le canton de Neuchätel! S. spic. 159; Neuchâtel (r. néocomiennes
et jurassiques) !
à atro-sanguinea Flk. (Verrucaria punctala var.- Hoffim.) r, calcaires
du Jura! S, spic. 139 ; Neuchâtel !
— H00 —
*L. cruslulata S. (Lichen parasema var.- Ach.) r. diverses.
*L. enteroleuca Ach. a.: canton de Neuchàtel! Ch. spic. 455 et Enwm. 128.
-L. punctata Fk. « parasema S. (L.- Ach.) b) limilala S. (L.- Scop.) a.
-y microcarpa S. (Lecidea parasema var.- Ach.) hètres.
+3 puncliformis S. (Lichen pinicola E.B.) a. et b.
* rugulosa S. (Lecidea parasema var.— Ach.) a.: (maronnier, tilleul,
cerisier, frêne , orme, pin et mélèze!) Neuchâtel! Chaumont! et
Valangin! Val-de-Travers! S. exs. n°528. — J'en ai trouvé une
« forma insolita! S.» sur des cerisiers à Chaumont!
4 Saprophila S. (Lecidea parasema var.- Ach.) a. et b. pourri: —
chênes à l'Isle!
3 denudala S. (L.- Schrad.) b.: — sapins à demi-pourris à l'Isle!
premnea Ach. (Lichen abillinus Sm., E. B., non Ehrh.) a.: très-dou-
teux.
-L. leucocephala S. (Sphaeria- Ehrh.) a.i —sur des chènes près de Ge-
nève! Preisswerk, Enum. 131.
L. sabulelorum Fik, « muscorum S. (L.- Wulf.) f. et mousses : —Chas-
seron! Coinsins!
*& Alpestris Sommf, {. — douteuse.
-L. parasilica Flk. parasite sur divers lichens.
-L. granulosa Ach. x decolorans S. (Verrucaria granulosa Hoffm.) {., b.
et a.: — sur de vieux bois, en montant au Chasseron! Cz («forme
très-intéressante » S. !)
*L. Lighlfootii Sm. & commutata S. (Lr.- Ach.) sur les conifères.
+L. anomala Ach.* cyrtella Ach. (Lecidea cyrtella Ach., non FIk.) a. et r.
B Griffithü S. (L.- Sm.; Lecidea anomala FIKk.) a. et b.: — sur des
aulnes, à la vallée du lac de Joux! S. spic. 170.
-L, sphaeroïdes S. (L.- Dicks) & efusa S. (L.- Sm.) a.
+ conglomerala S. (L.- Heyd.; in Hoffm. D. FI.) a.
3 atro-purpuraea S. a. et f,: sur des sapins au Pertuis-du-Soc ! —
l'Isle !
Emuscorum S. (L.- Sw., non Hoffm., nec E.B.) mousses sur la.terre,
les murs et les arbres : — à la Dôle! S. spic. 167.
-y vernalis S. (L.- Linn.; Bialora- Fr.) herbes mortes et f.
% fusca S. (Ld.- Borr.){. et a.: — hètres à la vallée du lac de Joux!
S. spic. 167.
-, piridescens S. (L.- Schrad.; Lichen dubius T. et B. in E.B.) a. et
b, pourri: canton de Neuchâtel! Ch. spic. 167.
-L. pineti Ach. a. el b. pourri: canton de Neuchâtel! Ch. spic. 179.
-L. rosella Ach. a. et principalement hêtres (très-rare en Suisse ! S.).
:L. rubella S. (L.- Ebrh.) type de l'espèce; a.: canton de Neuchâtel!
Ch. spic. 479 ; chênes entre le Chanet et Peseux ! — maronniers et
noyers à Coinsins !
B atro-sanguinea S. Enum. 142. (Lecidea anomala & S. spic. 170 ; Le-
cidea pulverea Borr.) a.: canton de Neuchâtel! Ch. spic. 479 ; —
noyers à Coinsins!
:L. aeruginosa S. (L.- Scop. a° 1760; Lichen elveloides Web., non Wulf.;
Lichen icemadophilus Linn. suppl. a° 1761) b. pourri, mousses et
5
|
t. tourbeuse : Jura, Haller, Hele, 82; — près de Ja Tourne! Creux-
du-Van, Ch. cat. d’Iv,; au-dessus de Fleurier ! — Chasseron, Ch.
ibid. — au-dessus de Diesse! Chasseral, Ch. ibid, — M'Haasen-
matt! S,. spic. 177. ;
‘L. ferruginea S. (L.- Huds.) x cinereo-fusca S. (L.- Web.) a., b. et r.;
assez rare en Suisse.
lestiva S. (Ld. caesio-rufa, var. — Ach;) a) muscicola S. — sommet
du Chasseron! b) suxicola S. — pierres schisteuses à Coinsins!
-ê sinapisperma S. (Palellaria- DC.; Ld. ferruginea, var, leucoraea Ach.)
mousses.
. erythrocarpia Ach. « arenaria S. (L.- Pers.) m. et r.: Jura neuchà-
telois! Trog. spic. 189.
. Prevostii S. (Bialora- Fr., in Moug. et Nesil, exs. n° 848) r. calcaires:
Jura! Moug. et Nestl. slirp. Vog.-Rhen. n° 848 (Bot. 179); Jura
neuchâtelois! Ch, spic, 479 et Enum. 146.
. rupestris Ach. « incruslans S. (Palellaria- DC.) r. calcaires: à Neu-
châtel ! — à la Dôle! S. spic. 185.
“8 calva S. (L.- Dicks.) r. calcaires de Fahy (à Neuchâtel)!
“7 rufescens S. (V.- Hoffm.) pierres calcaires des environs de Neu-
châtel! — Chasseral , herb. Ch. (var. « pyrithonia »).
. lufeo-alba Ach. «x Persooniana S. (Gyalecta- Ach.; L. auraultiacus
Ehrh.) a. divers, entr’autres : au Cret! — J’ai trouvé une forme
intermédiaire entre cette espèce et la suivante, sur des chatai-
gniers à Coinsins!
‘7 holocarpa Ach. (L.- Ehrh.) b., a. et t.
. cerina S. « Ehrharti S. (L. cerinus Ehrh.) a. divers, maronnier, til-
leul, sorbier des oiseleurs, frène, orme champêtre, et pin sylvestre!
et r. granitiq.! Entre Peseux et le Chanet! Neuchâtel! Chaumont !
Valangin ! — l'Isle}!
“ cyanolepra S. (Palellaria cérina B- DC.; L. cerinus Schrad.) a.
. auranliaca S. B ochracea S. (P. ochracea Fr.) r. calcaires dn Jura
suisse! S. Enum. 149.
“y flavo-virescens S. (L.- Wulf.; L. erylhrellus Ach.) r.
*à rubescens S. Enum. 149. (Ld. erythrella y — S. spic. 185) r. diverses:
— r. schisteuses à Coinsins!
GRAPHIDÉES.
OPEGRAPHA Humb.
. scrîipla Ach. « limilata Ach. (0.- Pers.) a.: gorges du Seyon !
*8 recta S. (0.- Humb.; O. cerasi Pers. et Chev.) a., et principalement
cerisier.
* pulverulentæ (0.- et O. pruinata Pers.) a.
“€ serpentina S. (L.- Ach,) a. divers : Neuchâtel! Pierre-à-Bot!
. denditrica Ach. a.: douteuse.
. atra Pers. a denigrata S. (L.- Ach.) écorces lisses; frênes au bord
du petit lac de Saint-Blaise !
*8 bullala S, (0.- Pers. et DC.) écorces lisses.
+ stenocarpa S. (0.- Ach.) «.
Soc. DES SC. NAT. T. II. 2)
— 02 —
+ vulgata S. (L.- Ach.) sapins.
-x dispersa S. (0.- Schrad.; A4rthonia- Duf.) «.
-X radiala S. (0.- Pers.; O. aslroïdea E.B.) a. à
-u astroidea S. (0.- Ach.) a.: frènes près de Valangin !
“y Swartziana S. (Arthonia- Ach.) a.
-£ cinerascens S. (Arthonia Swartziana, b. cinerascens Ach.) a.: frênes
au bord du petit lac de Saint-Blaise !
*o obscura S. (0.- Pers.) a.
*O. herpetica Ach. « rubella S. (L.- Ach.; O. rubella Pers. et DC., et O.
aeneu DC.) hètres et sapins.
+) fuscata S. (0. denigrata, var.- Turn.; O. herpetica FIk.) a., spé-
cialement frènes.
*5 subocellata S. (0. rubella :- Ach.) peupliers, frênes et érables.
-0. varia Pers. sur l’orme des montagnes, à l'Isle!
+4 lichenoides S. (0.- Pers., L. nothus Ach.) a.
+ pulicaris S. (L.- Hoffm.; O. pulvella Ach.; O. cymbiformis FIK.) a.
et:
“b) phaea S. (0.- Ach.) a. surtout frênes.
*c) saxicola S. (0.- Ach.) r. diverses.
+3 rimalis S. (0.- Pers.) «.
*£ diaphora Fr. (L.- Ach.) a. [poiriers à Montet, près Cudrefin!]
$ calcaria S. (0.- Turn.; O. grumulosa Duf.) r. calcaires de la Suisse
jurassique ! Duby Bot. 644 et Ch. Enum. 158; canton de Neuchà-
tel! Ch. spic. 551.
NB. Les formes des Opegrapha, où je n'ai indiqué aucune localité pré-
cise, sont assez répandues en Suisse; je suis persuadé qu’on en trouvera
encore plusieurs autres dans le Jura.
Il. LICHENES CAPITATI.
CALICIOIDÉES.
CALICIUM Pers.
-C. turbinatum Pers., parasite sur la Pertusaria communs.
*C. inquinans S. (L.- Sm. E.B.) a. et b.: au grand Beauregard (Chas-
seron) !
+) saepincola S. (Schizoxylon- Pers.) b.
*C, hyperellum Ach. « vulgare S. type de l'espèce ; a. et b.: — sapins du
Pré de l’haut (Mont-Tendre)!
3 aciculare S. (Cc.- Schl., non Ach., nec Sm.) a.: au grand Beaure-
gard (Chasseron)!
+5 salicinum S. (Ce.- Pers.; Cc. trachelinum Ach.) b.
-C. adspersum Pers. « roscidum Fw. (Cc. claviculare B- Ach.) a.
+ trabinellum Schl. b. écoreé ou pourri: canton de Neuchâtel! Ch.
spic. 254.
+C. lenticulare Ach. « quercinum S. (Ce.- Pers.) a. et b. mort: vieux
chênes dans le canton de Neuchâtel! Ch. spic. 235.
*8 cladoniscum S. (Cc.- Schl.) b. pourri.
“€ sublile S. (Ce.- Pers.) b. pourri.
< M
°C. nigrum S. « sphaerocephalum S. (L.- Sw.) conifères.
£ curtum S. (Ce.- T. et B.) pin sylvestre et b. pourri : au dessus de
Fleurier !
y pusillum S. (Cc.- FIk.) b. pourri ; — pente du Chasseron!
:C. chrysocephalum Ach. a. et b.
*C. phacocephalum T. et B. « saepiculare S. (Cc.- Ach.). b. et a.
*C. trichiale Ach. « validum S., dans nalurw Anzeig, Winlerm. 1821 ; a.
et b.: chènes, ile de Saint-Pierre! S. spic. 5.
C. stemoneum Ach. « aeruginosum S. a.: sur un mélèze , entre le Chanct
et Peseux !
CONIOCYBE Ach.
C. pusiola mihi (Cc.- Ach., Act. holm. a° 4817; Coniocybe nigricans ! Fr.
Sched, cril. a° 1824, et S. Enum. p. 74)—sur le pin sylvestre à Coin-
sins ! « rarissimum ! S.» [N’avait été indiqué en Suisse que sur les
chênes de Rifferschwyl, canton de Zurich! Hegetschweïler.] — Jai
repris le nom le plus ancien, que Schærer trouvait trop semblable
à celui de Calicium pusillum , inconvénient qui d’ailleurs disparaît
dès qu’on admet le genre Coniocybe.
°C. pallida Fr. (Cc. stilbeum S. spic. 4; Cc. cantherellum E. B.) a.
°C. furfuracea Ach. racines des a., t. et r.: forêts des environs de Neu-
châtel! S, spic. 6.
SPHÉROPHORÉES.
SPHÆROPHORUS Pers,
*S. coralloïdes Pers. a. et r.: les exemplaires de l’hb. Ch. sont stériles,
ce qui laisse quelques doutes sur la détermination : la présence de
cette espèce en Suisse n’a éfé mentionnée que par Schleicher.
CLADONIACÉES,
STEREOCAULON Schreb.
‘St. corallinum Schreb. (L. paschalis Ehrh.) r. graniliques.
BAEOMYCES Pers.
‘B. roseus Pers. t. — entre l'Isle et Mont-la-ville! et entre Apples et
Pampigny !
‘b) coccodes Fr. (Isidium dactylinum Ach.) t.: Epagnier, bb, Ch.
*B. byssoides S. (L.- Linn. et E.B.; L. fungiformis Sibth.; L. rufus
Huds.; B. rufus et rupestris DC.) £., b, et r.
CLADONIA Hill. et Schreb. A) Scypnopaorus Vent.
“CT. macilenta Hoffm. « bacillaris S. (B. bacillaris Ach.; L. filiformis Sm.)
t. lourbeuse et b. pourri: gorges du Seyon! — montée du Chasse-
ron! entre Apples et Pampigny.— Nous avons les deux formes :
scyphosa et epiphylla S.
CI. pleurota S. (Capitularia — FIk.) t. tourbières du Sentier (lac de
Joux)!
"Cl. extensa S. (Cl. coccinea var.- Hoffm.) {.: Ch. indique la forme scy-
phosa $S,
— hO0h -- é
‘Ci. deformis Hoffm. t{. tourbeuse et b. pourri du Jura! S. spic. 24 et Cz.
(exemplaire du Jura suisse, dont j’ai oublié Ja localité).
“C1. digitala Hoffm. « alba S. (L. digitutus Linn.) t. {ourbeuse et b. pourri:
s'élève dans le Jura! S. spic. 23; au-dessus de Fleurier! pente du
Chasseron ! Chaillet en indique les quatre formes mentionnées par
Schærer.
‘CL, bellidiflora S. Enum. 189 (L.- Ach.; Cl.- « polÿcephala Ch. spic. 284)
r, humides.
‘Cl. fimbriata Fr. {.: canton de Neuchâtel, herb. Ch. (scyphosa et cylin-
drica); environs de Neuchâtel ! — Pente du Chasseron! entre Ap-
ples et Pampigny !
“Cl. pyxidata Fr. t., r. et b. canton de Neuchâtel, herb. Ch. (scyphosa et
cylindrica); Neuchâtel! Jura neuchâtelois (montagnes)!
CT, chlorophaea FIk, J’en ai un exemplaire ! vaudois, récolté par M. Vic-
tor Ruffy, juge cantonal à Lausanne , mais j'ignore s’il provient du
Jura, où sa présence est douteuse.
‘CT, neglecta FIk. t., m. et r.; Jura! S. spic. 294 ; — canton de Neuchâtel,
herb. Ch. (scyphosa et cylindrica); gorges du Seyon! — pente du
Chasseron !
"CI. degenerans Fr. « glabra S. type de l’espèce ; £.: canton de Neuchâtel
(forma tubaeformis) herb. Ch.
‘CI. alcicornis -FIk. (Cl. foliacea « alcicornis S. spic. 294) €.
‘CT. endiviaefolia Fr. t.: autour de Neuchâtel! (stérile) — à Coinsins!
(scyphosa et epiphylla) — à la Ferrière, cat. d’Iv. — [au petit Salève
près de Genève!]
"Cl. cervicornis S. Enum. 195. (L.- Ach.) {.: (douteuse).
CI. gracilis FIk. « chordalis FIk. t.: — vallée du lac de Joux! S. spic.
35.
**8 turbinata S. (L.- Ach.) t.: Creux-du-Van! Hall. Helv. 66; cat.
d’Iv. et Shuttleworth dans l’hb, Cz! — pente du Chasseron ! (forma
subulala).
CLADONIA Hill. et Schreb. B) CHASMARIA FIk.
‘Cl. amaurocraea S. (Capitularia- FIk.) t.: espèce alpine, très-douteuse
pour le Jura.
‘CI. cenotea Fik. (B.- Ach.) « brachiata S. (C1.- Fr.) #. et b. pourri:
Creux-du-Van! S. spic. 55.
"CL. squamosa Hoffm. x microphylla S. t. et b. pourri.
“7 decorticata S. (Cenomyce- Ach.) t. et b, pourri.
“à parasilica S. (L.- Hoffm.) b. pourri.
*€ fungiformis S. (Lichenoides- Dill.) £.
CI. stellala S. « uncialis S. (L.- Linn.) f.: vallée du lac de Joux! S.
spic. 43.
CLADONIA Hill. et Schreb. C) vraies CLADONIA.
:" CI. furcata S. « racemosa Fr. (CI.- Hoffm.) {.: Jura! S.spic. 41; canton
de Neuchâtel (forma spinulosa et squamulosa) herb. Ch.
*B recurva Hoffm. f.
**) subulata Fr. (L.- Linn.) f.
=
LE
ne
YYN NN
— 05 —
*8 stricta Wallr. (var. subulata FIk.) t.
*€ rangiformis Hoffm. t.: environs de Neuchâtel! — Coinsins !
“Cl. rangiferina Hoffm. « vulgaris S. type de l'espèce; £.: Jura! S,. spic.
58; Creux-du-Van, Hall. Hele. 69 et cat. d’Ev.
“y sylvatica Hoffm. t.: forêts près de Neuchâtel ! — entre Apples et
Pampigny ! tourbières du Sentier (lac de Joux)!
“€ alpestris S. (L. rangiferinus, var.- Linn.) £.: très-commune dans le
Jura! S. spic. 58.
CLADONIA® — E) THAMNOLIA Ach.
Cl. vermicularis @ laurica DC. et S. spic. 44 (Thamnolia vermicularis £ —
J’.
S. Enum. 244). Je cite pour mémoire cette espèce, plus que dou-
teuse pour notre Jura, d’Ivernois indiquant dans son catalogue le
Lichen n°1905 var. £ Haller.
III. LICHENES VERRUCARIOIDEIT.
VERRUCARIÉES.
PYRENULA Ach.
submersa S. (V.- Borr.; P. mucosa Wahlenb., d’après Ch.) r. cal-
caires du canton de Neuchâtel! Ch. spic. 534 et Enum. 209 et Borr.;
ruisseau de la Prise, herb. Ch.
. nigrescens Ach. r. diverses ; Neuchâtel! — l'Isle!
. nitida Ach. « major S. (Sphaeria nitida Weig.) a. hêtre, etc.
"8 nitidella S. (V. nitidella &- FIk.) a.: coudrier , etc.
VERRUCARIA Wigg.
macrostoma Duf, et DC. m. et r.: canton de Neuchâtel! S. Enum.
244. — Valeyres! Boissier , ibid.
. caerulea DC. (F. plumbea Ach.) commune sur les r. calcaires du Jura;
De Candolle, F1. fr. 75, et Duby, Bot. 645, et Tete du
canton de Neuchâtel ! Ch. spic. 54.
B fusca S. r. calcaires du canton de Neuchâtel! Ch. Enum. 216.
rupestris Schrad. « Schraderi S. (L.- Ach.) r. calcaires du canton de
Neuchätel! Ch. spic. 55.
:8 calciseda (V.- DC.) r. calcaires du canton de Neuchâtel! Ch. ibid.
+ foveolula S. (V. Schraderi &- FIk.) r. id. id.
*à purpurascens S. (V.- Hoffm.) r. calcaires du Jura! S. spic. 559 et
Enum. 217 — à Neuchâtel ! — au bord du lac de Bienne! S. exs.
n° 440.
. Dufourii DC. (F. pyrenophora Ach.) r. calcaires du Jura ! Moug. et
Nestl. stirp. Vog.-Rhen. n° 955.
. epipolaea Ach. r. calcaires : à Neuchâtel!
.muralis Ach. r. diverses.
. alba Schrad. a. et plus rarement b.— Maronniers à Coinsins !
« epidermidis Ach. « sulgaris S. bouleaux — l'Isle!
* Cerasi S. (V.- Schrad.) cerisiers.
à albissima Ach. bouieaux.
— 406 —
*V.rhyponta Ach. a.: « M. Chaillet Pa trouvé au printemps sur une écorce
qui paraît être celle du peuplier.» DeCandolle F1. fr. 472, et Duby
Bot. 644 ; canton de Neuchâtel! Ch. spic. 543.
+. puncliformis Pers. (type) a. et cônes des mélèzes : — frènes entre
Coinsins et Genollier !
*7 atomaria S. (L.- Ach.) jeunes frênes au bord du pelit lac de Saint-
Blaise !
-V. analepta Ach. a.: paraît avoir été trouvée dans le canton de Neuchâtel
par Ch., cat. el herb.; cette espèce est assez répandue en Suisse.
V. glabrala Ach. a.: gorges du Scyon!
THROMBIUM Walir.
*Th. epigaeum Wallr. {.: bois de Peseux, Avril, herb., Ch.
- Th. byssaceum S. (Sphaeria- Weïg.) vieux chênes : — île de St-Pierre!
S. spic. 341.
* Th. corrugatüm S. (Ld.- Ach.) vieux chênes : — ile de Saint-Pierre!
S. spic. 149.
PERTUSARIÉES.
+ THELOTREMA Ach.
“Th. clausum Ach. (L. exanthematicus Sm.) r. calcaires du Jura! S. spic.
68; à Neuchâtel! — vallée de la Birse! Moug. et Nestl,, stirp. Vog.-
Rhen. n° 846.
PERTUSARIA DC.
"P, rupestris S. (P. communis B- DC.) forma isidioidea S. r.
*P. sulfurea S. « corlicola S., forma isidioidea S. (Isidium lulescens T. et
B.; Lepra- Hoffm.) chênes.
*P. communis DC. a.: très-commune ; forma pertusa et forma variolosa S.
— Neuchâtel! — l'Isle ! Coinsins!
*P. lejoplaca S. (Porina- Ach.) a.: canton de Neuchâtel! Ch. spic. 66.
ENDOCARPÉES.
ENDOCARPON Hedw.
*E. miniatum Ach. « umbilicatum S. type de l’espèce; r.: environs de
Neuchätecl! S. spic. 60 , par ex. derrière le château ,jau-dessus de
PEcluse! et pâturages au-dessus du Plan, Cb. suppl.; chemin de
Verna à Colombier, herb. de la ville de Neuchâtel.
‘8 complicatum S. (L.- Sw.) r.: — sur la Dôle! S. spic. 60; — sur
le Chasseral!
“à monstrosum S. (E. saxorum hb. Chaillet!) r. calcaires des environs
de Neuchâtel! Ch. spic. 349 (avant 1815); spécialement: « au Crêt,
côté du lac», hb. Ch. et Cz; — près d’Orbe! S. spic. 549.
*E. pusillum Hedw. « Hedwigü S. (E.- Ach.; E. hepalicum DC. et E. squa-
mulosum Acb.) f.: dans le Jura, Ch. F1. fr. 191; au-dessous du
pont du Vauseyon, Ch. suppl.; gorges du Seyon !}— près de Pon-.
tarlier, De Candolle F1, fr. 191.
/pulidum S. (E.- Ach.) t.
— N07 —
E. psoromoides Hook. (V.- Borr.) tilleuls: canton de Neuchàtel! Ch. spic.
552 et Enum. 255; — remparts de Soleure! S. exs. n°599 et Enum.
255.
Appendice.
NB. Il est un certain nombre de formes de lichens, qu’on n’a pu encore
rapporter à leurs genres respectifs, faute de renseignements suffisants sur
leur développement et sur leurs fructifications en particulier ; tantôt ce
sont les premiers rudiments d’espèces diverses, tantôt un état maladif, etc.
Voici la liste de quelques-unes de ces formes observées dans le Jura.
“Lepra farinosa Ach. a.
Lepra sulphurea Ehrh. a.: montagnes du Jura! S, spic. 241.
*Lepra odorata Wigg. (Lepra Jolithus E.B.) a.
“Lepra chlorina Ach. t.et r.
‘Lepra candelaris Ehrh. (Byssus- Linn.) a.: sur le pin sylvestre aux gor-
ges du Seyon! sur un mélèze entre le Chanet et Peseux !
Lepra citrina S. (Lepra candelaris, var.- v. Flot.) a.: mêmes localités! !
‘Lepra aeruginosa E.B. a., mousses et rhizôme du Polypode vulgaire !
Pertuis-du-Soc ! Fontaine-André!
*£ latebrarum T. et B. (L.- Ach.) m.
“Lepra virescens E. B. «.
“Spiloma melaleucum Ach. sapins.
.Spiloma olivaceum DC. pied des troncs de chènes de l’ile de Saint-Pierre!
S. spic. 221.
*Coniocarpon gregarium S. (Sphaeria- Weig.) a.: aulnes du canton de
Neuchâtel, herb. et cat. Ch.
*Arthonia ochracea Duf. (Spiloma elegans Ach.) a.: aulnes, canton de
Neuchâtel, herb. et cat. Ch.
Voici les espèces de Lichens de notre Flore qui ont été employés en
thérapeutique, ainsi que les noms sous lesquels ils sont désignés dans les
anciennes pharmacopées :
Usnea barbata Fr. Museus albus querneus.
Physcia furfuracea DC.
Physcia prunastri DC. Muscus arboreus seu Acaciæ.
Cetraria juniperina 4ch.
Cetraria Islandica 4ch. Museus Islandicus s. catharticus.
Peltigera venosa Hoffm.
Peltigera aphthosa Wild. ;
Peltigera canina Hoffn. Muscus caninus, Hepatica terrestris, Li
chen cinereus terrestris.
— HO08 —
Pelligera polydactyla Hojfm.
Peltigera horizontalis Hoffm.
Pelligera sylvatica Hoffm.
Sticta pulmonaria Ach. Pulmonaria arborea, Pulmonaria arborea
quercina.
Parmelia saxatilis Fries.
Parmelia parietina Duf.
Parmelia elegans Ach.
Stereocaulon corallinum Schreb.
Cladonia coccifera auct. Herba ignis, Muscus cocciferus.
(toutes les espèces de la 4'° section à fruct. rouge).
Cladonia fimbriata Fries.
Cladonia pyxidata Fries. Muscus pyxidatus.
Cladonia rangiferina Hoffm.
Cladonia vermicularis DC. Contrayerba blanca.
Pertusaria communis DC. et presque toutes les formes désignées sous le
nom générique de Variolaria.
EXTRAIT DU MÉMOIRE
SUR LA
FAUNE ORNETHOLOGIQUE
DU BASSIN DU LAC DE NEUCHATEL,
PRÉSENTÉ A LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES NATURELLES DE NEUCHATEL
par
M. LE PROF. VOUGA.
La majeure partie des observations consignées dans
notre Mémoire, nous ont été communiquées par notre
père, M. Auguste Vouga, de Cortaillod, dont la collec-
tion ornithologique est depuis longtemps connue et ap-
préciée des naturalistes suisses. À la fois chasseur ex-
périmenté, observateur consciencieux et préparateur
distingué, il est parvenu, après quarante ans de chasses
et de recherches, à rassembler dans sa collection plus de
270 espèces indigènes de provenance authentique. Nous
avons aussi puisé de précieux renseignements dans la
collection ornithologique du musée de notre ville. M. Ls
Coulon, directeur de cet établissement qu'il a en grande
partie créé par ses dons, par ses soins et par l'intérêt
qu'il a su inspirer autour de lui pour cette institution,
a toujours tenu à y faire figurer des individus tués dans
BULL. DE LA SOC, DES SC. NAT. T. I. 350
Le ARTE
les environs de Neuchâtel. Un autre naturaliste neuchà-
telois, M. Célestin Nicolet, de la Chaux-de-Fonds, a eu
la bonté de nous communiquer le catalogue des espèces
observées par lui dans la haute vallée qu'il habite.
Nous croyons donc, en ajoutant à ces observations
celles qui nous sont propres, posséder assez de matériaux
pour oser présenter un tableau fidèle de la faune ornitho-
logique du bassin du lac de Neuchâtel et spécialement
de son versant nord-ouest, et nous désirons vivement
que notre catalogue devienne un jalon utile dans le do-
maine de la géographie des animaux.
Nous avons adopté la classification et les dénomina-
tions du manuel ornithologique de M. Temminck, comme
étant le plus répandu et le plus usuel parmi les natura-
listes et les amateurs d’ornithologie. Nous renvoyons à
cet ouvrage la synonymie.
PREMIER GROUPE.
OISEAUX SÉDENTAIRES.
Nous nommons sédentaires les espèces qui ne quittent
jamais le district de quelques lieues carrées, sur lequel
ont porté nos observations, et qui y sont représentées par
un nombre d'individus qui ne varie, selon les saisons, que
dans des limites étroites.
Certains oiseaux vivant dans le voisinage des habita-
tions et dans les vergers, tels que les moineaux, pinçons,
troglodytes, mésanges charbonnières , grimpereaux, merles
noirs, sont strictement sédentaires, c’est-à-dire, habitent
toute l’année dans les mêmes localités et ne s’en éloignent
que fort peu. Les mêmes individus restent sur les mêmes
points, et n’en disparaissent pas pour y être remplacé
— ii —
par d’autres, à moins de circonstances exceptionnelles.
Le cincle, le martin-pécheur et le cog de bruyère en sont
encore des exemples.
D’autres, dont l’espèce est sédentaire, parcourent le
pays en troupes et s'arrêtent où ils trouvent une nourri-
ture abondante; ils habitent les montagnes pendant l'été,
et se rassemblent dans la plaine en hiver; en un mot
leur fréquence apparente, c’est-à-dire, le nombre des
individus concentrés sur un espace donné varie selon les
saisons. Nous pouvons citer comme exemples les bou-
vreuils, bruants jaunes, draines, pies : ce sont les Strich-
vôgel de M. Naumann.
En général, nous avons remarqué que c’est vers la fin
de l'été que nos espèces sédentaires paraissent représen-
tées par le plus grand nombre d'individus, et cela pro-
vient soit de ce que les jeunes de l’année n’ont pas encore
été décimés par des causes qui empêchent la propagation
excessive des espèces, soit de ce qu'à cette époque de
l’année un territoire d'un étendue donnée peut subvenir
aux besoins d’un plus grand nombre d'individus. Si ce
fait semble ne pas être évident pour certaines espèces,
cela tient à ce que les individus qui les composent, quit-
tent en hiver les grandes forêts qui couvrent les flancs
de nos montagnes, viennent habiter la plaine et se con-
centrer autour des villages où ils trouvent une nourriture
plus abondante. Leur nombre paraît s'être augmenté
d'individus étrangers, tandis que réellement il a plutôt
diminué dans le district.
Enfin, certaines espèces sédentaires sont aussi de pas-
sage régulier ou irrégulier : il suffit de citer les corneilles
noires, qui sont fréquentes en toute saison, et dont il
— 112 —
s'opère cependant de grands passages à l'approche de
l'hiver. Les geais, oiseaux sédentaires par excellence dans
les forêts, sont encore dans ce cas, et il n’est pas rare
d'en observer des troupes nombreuses qui passent à une
hauteur assez faible, sans s'arrêter ni changer leur di-
rection de l’ouest à l’est. On a observé aussi, quoique
beaucoup plus rarement, des passages considérables de
perdrix grises.
Oiseaux sédentaires.
Falco buteo.
Loxia curvirostra ?
» milvus. Pyrrhula vulgaris.
» peregrinus. Fringilla coccothraustes.
» tinnunculus. » domestica.
» nisus. » montana.
» palumbarius. » cœlebs.
Strix bubo. » cannabina.
» _aluco. » chloris.
» ofus. » spinus.
» Tengmalmi. » carduelis.
» flammea. Picus marlius.
Corvus corax. » viridis.
» corone. » Canus.
Garrulus glandarius. » major.
» picus. » medius.
Lanius excubitor. » Minor.
Turdus merula.
» yviscivorus.
Cinclus aquaticus.
Sylvia rubecula.
Regulus cristatus.
Troglodytes vulgaris.
Motacilla sulphurea.
Parus major.
mater.
» cœruleus.
» palustris.
» cristatus.
» caudatus.
Emberiza citrinella,
Sitta europæa.
Certhia familiaris.
Alcedo ispida.
Tetrao urogallus.
» bonasia.
Perdix cinerea.
Ardea stellaris.
» cinerea.
Podiceps minor.
Anas boschas.
Mergus merganser.
Larus ridibundus.
Total:
58.
— M3 —
Après ces espèces essentiellement sédentaires et excep-
tionnellement de passage, on doit en ranger quelques-unes
qu'on peut à la rigueur considérer comme sédentaires,
en ce sens que pendant l'hiver elles sont encore repré—
sentées par un petit nombre d'individus, de traînards qui
n’ont pas suivi le gros de la troupe dans son émigration,
surtout lorsque l'hiver n’est pas trés-rigoureux. Pendant
l'été le nombre des individus qui nichent est plus consi-
dérable encore que celui de ceux qui séjournent pendant
l'hiver. La bécasse est le type de ce groupe, elle est de
passage régulier au printemps et en automne, mais quel-
ques individus isolés nichent chaque année dans les par-
ties élevées de nos montagnes, et on en rencontre pen—
dant tout l'hiver dans le voisinage de quelques sources
qui ne gèlent pas. Les aloueltes nichent dans nos cam-—
pagnes, la plupart se joignent à celles qui passent en
automne et disparaissent avec elles, mais il en reste
toujours un certain nombre pendant l'hiver. On peut en
dire autant de la bergeronnelte grise, du râle, de la poule
d'eau, etc. Ce qui caractérise ces espèces, c’est que la
grande majorité des individus est de passage plus ou
moins régulier, et qu'une petite minorité est sédentaire.
Nous rangeons dans ce groupe :
Falco subbuteo.
Strix brachyotus.
Vanellas cristatus.
Scolopax rusticola.
Alauda arvensis. | » gallinago.
» arborea. | Gallinula chloropus.
Motacilla alba. | » porzana.
Nucifraga caryocalactes. | » pusilla
Accentor modularis. | » Bailloni.
» alpinus. Rallus aquatieus.
Anthus aquaticus. Anas querquedula.
» pratensis. » , Crecca.
arboreus. » fuligula.
Slurnus vulgaris. Total: 25.
— 414 —
DEUXIÈME GROUPE.
OISEAUX DE PASSAGE.
Les espèces dont la nomenclature va suivre ne pas-
sent dans notre pays que la saison chaude. Elles nous
arrivent au printemps du bassin méditerranéen à une
époque variable selon les années et les espèces, nichent
dans nos contrées et disparaissent aux premiers froids. La
plupart appartiennent à l’ordre des passereaux insecti-
vores : l’hirondelle en est le type.
Falco ater.
» rufus.
» brachydactylus.
Oriolus galbula.
Lanius collurio.
» rutilus.
Muscicapa grisola.
» luctuosa.
Turdus torquatus.
» musicus.
» saxatilis.
Sylvia turdoïdes.
_» arundinacea.
» luscinia.
» hortensis.
» Cinerea.
» atricapilla.
» thytis.
» phœænicurus.
» Sibitatrix.
» trochylus.
» rufa.
» nattereri.
Regulus ignicapillus.
Saxicola rubeltra.
Saxicola rubicola.
Emberiza cirlus.
» cia.
Fringilla serinus.
n citrinella.
Cuculus canorus.
Junx torquilla.
Upupa epops.
Hirundo rustica.
» urbica.
» riparia.
Cypselus alpinus.
» murarius.
Caprimulgus Europæus.
Columba palumbus.
» turtur.
Perdix coturnix.
Totanus hypoleucus.
» ochropus.
Ardea minuta.
Ciconia alba.
Sterna nigra.
» hirundo.
Toial
: 18.
— A5 —
Les espèces suivantes n'ont été signalées que pendant
l'hiver :
Falco lagopus, dans les hivers rigoureux.
Fringilla montifringilla ; et sur le lac les jeunes des Colymbus gla-
cialis, arcticus et septentrionalis. Total : 5.
Oiseaux de passage régulier au printemps et en automne.
Ces oiseaux nous arrivent au printemps du bassin
méditerranéen, passent sur les bords de notre lac sans y
séjourner longtemps et continuent leur course vers le
nord en suivant la ligne des eaux qui les conduit dans
la vallée du Rhin, Chassés des régions septentrionales
par les froids, ces espèces reprennent la même route et
s'arrêtent à leur passage d'automne sur les bords du lac
et surtout dans les marais de ses deux extrémités; ce
sont essentiellement des becs-fins, des échassiers et des
canards.
Motacilla flava. Tringa subarquata.
» melanocephala (Bonap). » variabilis.
Sylvia aquatica. Machetes pugnax.
» phragmilis. Totanus fuscus.
» cariceli. p calidris.
» locustella. » glareola.
» suecica. » glottis.
Muscicapa albicollis.
Anthus rufescens.
Emberiza schæniclus.
Columba œnas.
Calidris arenaria.
Charadrius hiaticula.
» minor.
» pluvialis.
Vanellus melanogaster.
Numenius phæopus.
Tringa minula.
» Temminki.
» Schinzii.
Limosa rufa.
» melanura.
Scolopax major.
Grus cinerea.
Ardea purpurea.
Anser sejetum.
Anas penelope.
» acula.
» clypeala.
» strepera.
» Jleucophtalmos.
Slerna leucoptera.
— 416 —
Les espèces suivantes sont de passage régulier au
printemps et en automne, mais un certain nombre d'in-
dividus restent en arrière et séjournent dans notre pays,
les uns pendant l'été, les autres, et c'est le plus grand
nombre, pendant l’hiver, surtout s'il n'est pas rigou-
reux.
Passant l'été.
Falco haliætus.
Gallinula erex.
Sylvia curruca.
Saxicola œnanthe.
Total : 4.
Passant l'hiver.
Turdus pilaris. | Anas marila.
» iliacus. » ferina.
Corvus monedula. » clangula.
» COFnIX. Mergus albellus.
» frugilegus. » serrator.
Scolopax gallinula. Podiceps cristatus.
Numenius arquatus. Total : 13.
Oiseaux de passage irrégulier au printemps et
en aulomne.
Nous faisons entrer dans ce groupe, des espèces moins
fréquentes que les précédentes et dont la présence ne
peut être signalée toutes les années, soit que leur pas-
‘sage n’ait réellement pas lieu chaque année, soit qu'ils
échappent à l'observation à cause de leur petit nombre.
Il est fort probable que ces espèces émigrent régulière
ment chaque année en suivant une route différente de
celles qui suivent les espèces rangées parmi nos oiseaux
de passage régulier au printemps et en automne, route
dont ils peuvent s’écarter quelquefois, ce qui nous donne
l'occasion de les observer après un petit nombre d'an-
nées. Le fait que toutes ces espèces , excepté une, ‘ap-
— AMM17T —
partiennent au groupe des échassiers et des palmipèdes,
oiseaux essentiellement émigrants, tend à confirmer cette
hypothèse. On peut y ranger :
Fringilla petronia. Anas nigra.
Hæmatopus ostralegus. » rufina.
Charadrius cantianus. Carbo cormoranus.
Tringa platyrhyncha. Larus canus.
» Cinerea. » flavipes (les jeunes).
Totanus stagnatilis. » argentalus id.
Ardea garzet{a. » marinus id.
» ralloïdés. Lestris pomarinus.
Nycticorax ardeola. » parasitica.
Ciconia nigra. ts Podiceps rubricollis.
Ibis falcinellus. » cornutus.
Anser ferus. » auritus.
Anas fusca. Total: 25,
Oiseaux de passage accidentel.
On peut faire entrer dans ce groupe les nombreuses
espèces qui appartiennent indistinctement à tous les or-
dres, et qui ne s’égarent que rarement au nord des Alpes
et à l’ouest du Jura. L'apparition de ces oiseaux étran-
gers à la plaine suisse, semble être motivée par des eir-
constances atmosphériques particulières, des hivers très-
rigoureux ou très-doux, des étés très-chauds, des vents
soufflant longtemps dans la même direction, des orages
dans les pays voisins, ete. Les uns nous arrivent du bas-
sin méditerranéen, d’autres des bords de l'Océan atlan-
tique et un certain nombre des régions septentrionales
de la Russie. Ces oiseaux dépaysés sont plus rares encore
que ceux du groupe précédent, qu'on observe surtout aux
époques des passages réguliers, le printemps et l’au-
tomne : tandis que rien n’est fixe dans l’apparition acci-
dentelle des espèces suivantes. Les plus rares seront
affectées du signe !
Vultur fulvus !
Falco fulvus !
418
Oedicnemus crepitans.
Cursorius isabellinus !
» naevius! Glareola torquata.
» albicilla! Charadrius morinellus.
» apivorus. Strepsilas collaris.
» aesalon. Limosa Meyeri.
» rufipes. » Tereck!
» cyaneus. Recurvirostra avocetta.
» cineraceus. Himantopus melanopterus.
Strix passerina. Phalaropus hyperboreus !
» Scops! » platyrhynchus !
Ardea egretta !
Platalea leucorodia.
Phænicopterus antiquorum !
Cygnus musicus!
Anser albifrons.
Lanius minor.
Corracias garrula !
Ampelis garrulus.
Merops apiaster.
Muscicapa parva!
Parus biarmicus! » brachyrhynchus!
Sylvia palustris. » bernicla!
» icterina. Anas tadorna.
Anthus Richardi ! » purpureoviridis (Schinz)
Emberiza miliaria. » mollissima.
p hortulana. » glacialis!
» nivalis. Pelecanus onocrolalus*
Fringilla nivalis. Sterna minuta.
» linaria. » leucopareia!
» borealis. Larus minutus.
Loxia pytiopsittacus ? » melanocephalus!
Columba livia! » tridactylus.
Perdix rubra. » leucopterus!
Osis tarda ! Total : 60.
» tetrax!
En récapitulant, la faune neuchâteloise se compose de :
58 espèces sédentaires et caractéristiques.
23 » à la fois sédentaires et de passage régulier.
u8 » qui n’habitent que l’été.
5 » qui n’habitent que l'hiver.
39 » de passage régulier au printemps et en automne.
13 » du groupe précédent, mais dont un certain nombre de
représentans n’abandonnent pas notre pays en hiver.
[1 idem idem en élé.
25 de passage irrégulier.
60 de passage accidentel.
——————
275
—
La faune helvétique publiée par M. le professeur
Schinz en 1837, dans les nouveaux Mémoires de la So—
ciété helvétique des sciences naturelles, indique 311 es-
pêces signalées jusqu'alors en Suisse. Depuis cette publi-
cation, # espèces mentionnées dans nos colonnes, savoir
Tringella borealis. Anthus Richardi, Limosa Terck et Sterna
leucopareia, ont été tuées dans le canton de Neuchâtel par
M. Auguste Vouga, Otis houbara a été observée et abat-
tue près de Zurich en 1839 et 1840. Enfin, Larus Leu-
coplerus a été tué sur notre lac en 1849, et anser brachy-
rhynchus en 1851 sur celui de Morat : de sorte qu’on peut
évaluer à 319 le nombre des espèces qui fréquentent le
sol helvétique, en y comprenant comme espèce distincte
Limosa Meyeri, que M. Schinz regarde comme un jeune
de Limosa rufa.
Quarante-quatre espèces observées en Suisse, manque-
raient par conséquent à la faune spéciale du bassin du
lac de Neuchâtel : 9 de ces espèces ne quittent pas la
région alpine; 13 n'ont été tuées que dans le bassin du
Léman et le canton de Genève en particulier; une dou-
zaine d'espèces n'ont été signalées qu’une seule et rare-
ment deux fois ; les 10 espèces restantes paraissent pro-
‘pres au canton du Valais et surtout du Tessin dont la
faune revêt déjà les caractères de la faune méditerra-
néenne.
Tous les échassiers indiqués par la faune helvétique
ont été observés sur les bords de notre lac, ce qui prouve,
comme on pouvait le prévoir à priori, que la plaine
suisse entière est visité par les mêmes espèces d'échas-
siers, et que le lac de Neuchâtel se trouve sur une des
grandes lignes que suivent les oiseaux de passage dans
— 420 —
leurs migrations alternatives du sud au nord et du sep-
tentrion au midi.
Nous terminons en attirant l'attention sur le rapport
numérique suivant qui est très-remarquable.
M. le prince de Canino cite 547 espèces dans son ca-
talogue des oiseaux européens. Or il en existe 275 dans
notre faune, c’est-à-dire, presque exactement la moitié
du nombre total des espèces d'Europe.
Ce rapport singulier n’est pas évident seulement entre
ces deux nombres, mais on peut le poursuivre entre les
nombres des représentants neuchâtelois et européens des
sous-classes, des ordres et des principales familles, surtout
si elles sont nombreuses en espèces. Les ordres des ra-
paces et des passereaux se prêtent admirablement à ces
rapprochements, comme on peut s’en assurer en exami-
nant le tableau comparatif suivant, où nous avons indiqué
le nombre des représentants neuchâtelois et européens
des principales familles de ces deux ordres :
Rapaces : Europ. Neuchätelois.
Vuliumdes 2e. lo 0 Né _— 1
Ealconides*." 85 ns, us — 20
Sitgidés sujusient 2990489 0115 _ 8
56 — 29
Passereaux :
Hirundinidés . . . . . . . 6 — 3
PATES sf le tairnc advlé: nai — 7
Motacillidés . . , . . . . 16 — 9
Tone Re has ce dé el > 0175 — 39
Landes paca per red mie) série vtt — li
Corvidéss PME IAE AL X als — 9
Fringillidés 4. . . . . . . 55 — 25
Autres familles, ensemble . . 48 — 25
254 — 121
— MA —
Europ. Neuchätelois.
HaliMACRS EE UE UC _— 5
PROS use ose CPL — h
25 =: 9
Ensemble :
Rapacessyr. A:51. &l:. R20u 0878 56 — 29
Passereauxi #0" . 58,193 — 121
Gallinacées et Pigeons. . . . 25 _ 9
315 — 159
Pris isolément, les échassiers et les palmipèdes donnent
un prono". moins rapproché, pris ensemble, il devient
exact.
ÉehSiers. 251727 LL ES 0H E 64
ÉADNDEUES ES = 1e. os : IST us 52
Ensemble. . . . 232 — 416
515 . — 159
547 — 275
- Ce rapport singulier qui n'aurait aucune valeur, s’il
existait uniquement entre les nombres totaux 547 et
275, prend une certaine importance lorsqu'on le voit
subsister entre le nombre des représentants des ordres et
même de certaines familles nombreuses, et en prendra
encore davantage lorsque les limites des faunes diverses
seront mieux établies, et qu'on connaîtra plus exacte-
ment le nombre des espèces propres à chacune d'elles.
Il est évident, en effet, que les espèces n'ont pas été
jetées au hazard à la surface du globe, mais qu’elles \
sont réparties suivant certaines lois complexes dont nous
ne pouvons encore isoler tous les facteurs. Nous savons
déjà que les faunes ornithologiques, mammalogiques,
ichtiologiques et erpétologiques, sont caractérisées dans
les régions froides et boréales par le petit nombre des
types. spécifiques racheté par le grand nombre des indi-
— 422 —
vidus de chaque espèce. — Les faunes tropicales nous
offrent un caractère opposé, c'est le grand nombre des
espèces, la variété des types et relativement le petit nom-
bre des individus de chaque espèce : la nature y a pro-
duit à la fois ses créations les plus variées, les plus
riches et les plus brillantes. — Les faunes tempérées pa-
raissent sous ce point de vue n’avoir point de caractère
bien tranché, et être les intermédiaires entre ces deux
extrêmes.
Il est à présumer que lorsque les diverses provinces
zoologiques auront été bien limitées, et que l’on possè-
dera des statistiques exactes des espèces qui les habitent,
on parviendra, en comparant ces nombres, à saisir d’au-
tres rapports numériques qui entreront comme éléments
importants dans le problème de la distribution géogra-
phique des espèces. Nous nous bornons pour le moment
à avoir démontré que ces rapports peuvent exister, sans
chercher à en approfondir la cause.
Les seules familles européennes non représentées dans
notre faune sont les suivantes : Pteroclidés, Procellaridés
et Alcidés. Les deux dernières caractérisent à la fois les
faunes océaniques et septentrionales.
TABLE DES MATIÈRES.
A. Travaux de la Société en général, et Miscellanées.
Pages.
Bulletins de l’année 1846-47, publiés en 4847, . . . . 1183
» ». 1847-48, » 1848, . . . . 185-256
» » 1848-49, » 1852,5 .1 10, 0257-293
» » 1849-50, » » 0.7, 8109093-500
» » 1850-51, » » . . . « 500-519
» » 1851-52, » » 319-3584
Travaux de la Section de Neuchâtel, p. 41-134; 188- 299 : et 259-384
» » de la Chaux-de-Fonds, p. 135-185 et 250-237
Lecture de procès - verbaux de ces deux sections, p. 141, 445, 159,
194 et 200.
Publications de la société ; leur envoi ; échanges avec celles d’autres
sociétés, . . . . + . p.3, 16, 46, 65 et 186
Ouvrages communiqués à à É Société, . . p.53, 15, 16, 52, 65, 95,
127 (bis), 145 à 146, 151, 159, 194, 277, 285, 291, 295 à 294, 295,
296, 298 (bis), 508, 511, 512, 358 à 340, 346 et 370.
Nomination du bureau de Neuchâtel, pour l’année 1846-#7. . 5
Commissions spéciales nommées par la Société . . . 150 et 567
Allocation de la Section de la Chaux-de-Fonds aux collections
scientifiques de cette localité et à celles du Locle . . . . 155
Don d’objets d'histoire naturelle et d’antiquités du Mexique,
fait par M. Jacot-Guillarmod aux collections de la Chaux-
de-Fonds . . . . 165
Animaux enyoyés d'Amérique : au musée ‘dé Neuchâtel; jar le
profs 4908 tbe 2 HO ROM MTÈER :. MEMNERLO
HOUR
Pages.
Antiquités trouvées aux de eren pe communication de
M. L. Coulon fils . . . . , . 14
Résumé d’un mémoire de la Société des sciences naturelles de
Zurich, par le D' de Pury . . .” See dou 151
Travaux ientties du prof. Ayosiise en ne Lis 36
De l'utilité de l'étude des sciences naturelles dans les temps de
trouble par Fourcroy, communication du prof. Sacc. . . 212
B. Travaux des Sections.
Are ect. — PINSIQUE, CHIMIE et MATHÉMATIQUES.
PHYSIQUE.
Sur les changements de propriétés physiques du fer CO
par le prof. Ladame . . . 379
Etudes de M. Wertheim sur les lois de propagation du mou-
vement dans les corps ; communication du prof. Kopp : : 350
Discussion sur les mouvements moléculaires . . . 379
Comment on calcule l'écoulement de l’eau dans les Éayaux des
fontaines , par M. Gustave de Pury, ingénieur . . . .:. 275
Le problème de la distribution des eaux n’est pas encore ré-
solu pour la science, par le prof: Ladame . . . 277
Du froid intense que dégage l’appareil de Savaresse (v. D. su,
par M. Wald, pharmacien . . 3067
Figure observée à la surface gelée dan Etriss par M. 2 ie pr. 515
Théorie de Melloni sur la formation de la rosée, communiquée
par le prof. Ladame . . . 206
Lois générales des vibrations de Yair dans un à espace his
recherches de M. Wertheim communiq. par le prof. Kopp. 351
Exposition des deux principales hypothèses sur la nature de la
lumière, par le prof. Ladame . . . 117
Instruments d'optique propre à déterminer la porléel de la tite,
communiqué par le prof. Ladame . . . 16
Présentation d’un microscope d’Oberhæuser, par le profs Hol-
lard, et théorie de cet instrument Pa _e le sm La-
dame... 1% 4G
Classification des ce ee Paction qu’ exerce sur eux “dé
magnétisme, par M. ire HR ES par le prof.
Ladame ...... 201
De l’électricité que prédit la vapeur des: au Moment! où élle |
se forme, communication d’après M. Mousson, par le doc-
ÉOLIEN 21 20 04: JON OIE RCD
TE 1
Pages.
MATHÉMATIQUES.
Sur la philosophie des mathématiques, par le prof. Ladame . 215
Analyse de l'ouvrage: « Des quantités positives et négatives
en géométrie » de M. L.-Aug. de Pourtalès, et remarques du
prof. Ladame à ce sujet .-. . 19. LOT TOP SPP et 154
Sur les approximations, par le prof. Kopp": 2 49 ET: I OA
Rendu-compte d’un travail de M. Villarceaux sur la théorie
des: voûtes , par MAGMEPPUTY. OR EN OR EN A RRRE
MÉTÉOROLOGIE ET ASTRONOMIE.
Nomination d’une commission météorologique -. . . . 867
Calendrier de 1855, calculé pour Neuchätel, par le prof. K Op. 370
Sur les observations météorologiques faites dans le pays de-_ :
puis plusieurs années, par le prof. Ladame. . . 511
Observations météorologiques faites au gymnase de Neuchâtel
pendant les deux derniers trimestres de 1851 el le premier
de 1859, par le prof. Kopp . : . 567
Température moyenne de Neuchâtel, perdit les sept: années
1844-1850, par M. G. Borel-Favre … : … 368
Sur la distribution des températures Pa dns est Alpes,
Mém..de M. H. Schlagintweit, communiq. par le prof. Kopp 363
Détails sur le puits artésien foré à Montdorf, en Luxembourg
(température), par le prof. Guyot. :. .- ….. 49
Sur les conséquences qu’on peut ie des à pr Ac ;
. ques de l’atmosphère relativement aux différents états de
l'eau qu’il renferme, par le prof. Ladame . . . dr 495
Théorie de la formation de la rosée par nd communiquée
par M. le prof. Ladame . . . 206
Phénomènes présentés par le givre à pendant un “dire de so-
leil, par M. L. Favre . . . 230
Disposition singulière du givre sur un toit, et sxflienlinne: dt-
verses de ce phénomène, par MM. L. Coulon fils, L. Favre
et Ch Matthieu . … . . RDA: à Vi
Sur des pluies torrentielles en France; "ae M. Théremin b «+ 146
Sur des pluies de sang et de boue, par M. L. Coulon fils . . us
Transport de matières poudreuses par le vent, communiqué
par Æaearaertiss ire Ù Et indus À «28
Pluies d’insectes , par M. F. Favarger . ... 48
Note sur le travail de M. Strzlecki sur les vents de la Nou£
velle-Hollande, par M. L. Coulon fils. : 1... 4 . . ,. 97
BUL. DE LA SOC. DES SC, NAT. * 51
> ii
Pages.
De l'influence de la rotation de la terre sur la direction des
vents, par le prof. Ladame . É
Sur les phénomènes électriques de Pair ere Lee états
particuliers de l'atmosphère, et sur l’influence de cet état sur
le jeu des machines électriques, par le prof. Ladame
Eclairs observés en novembre et décembre par M. Paul Cour-
voisier
Aurore boréale observée de W. L. “Couion fs. AT
L’atmosphère lunaire indiquerait, d’après Gruithuisen, dés
changements dans la végétation de cette planète, par le pro-
fesseur Guyot ed
Halo solaire à double cercle Gbsérvé à à Ia Chaux- de- Fonds, par
M. L. Favre
Observation sur un balo dire pér M. ÿ Favre.
Halo solaire observé le 29 avril 1852, par M. L. Favre
Sur la découverte des deux planètes Astrée et Océanus ou
LeVerrier, et remarques à ce sujet, par le prof. Ladame.
CHIMIE ET PHARMACIE.
Nouveau procédé pour découvrir la présence de l’ozône dans
l'air, par M. C. Nicolet, pharmacien : V:
lode découvert dans Pair normal, par M. Chatiri, eommuni-
qué par le D' Cornaz .
Sélénium pur fondu, présenté par 1e prôf. Sace
Vérification d'un nouveau procédé pour reconnaitre la fe é-
sence de l'acide nitrique, par M. C4. Malthieu, pharmacien
Emploi du phosphore pour empêcher la décomposition spon-
tanée de l'acide hydriodique , par le prof. Kopp
Analyse des chlorides sélénieux, par le prof. Sacr
Nouveau procédé pour la RÉGION de la soude Ptiféellé,
par le prof. Sacc à
Sur la formation et la dosesiion de palhii de KoBies et siôte
sur les sous-sels ou sels-basiques, par le ape Gerhardt Li
Montpellier) .
Sur les différences de colérätion produites par la funiee: sur és
plafonds gypsés, par le prof. Ladame et discussion .
Analyse d’un minérai de fer exploité dans l'Etat de New- Yorck
par M. Suchard, faite par M. 4rmand Forel (de Morges), et
communiquée par le prof. Sacc .
Cu ot de cuivre pur obtenu en réduisant bal Mass l'oxide
cuivrique provenant de la ealeination du nitrate, par le pro-
fesseur Sacc. sam
105
278
— 27 —
Pages
Analyse d'un alliage aurifère, par le prof, Sace . . . . . 284
Sur divers acides organiques el sur leur formation, “sg pro-
fesseur.Sacc = . . . + ont
Chloroforme préparé par M. ch Matthieu, phare macien . 192
Du coton-poudre du fulmi-coton, par MM: Schauss, pharma-
cien et Bovet, docteur-médecin . . . 14
Sur le colon-poudre de Schænbein, par M. €. Nicolet, plidres. 155
Expériences sur le coton -poudre, par MM. 0. Jacot et J. Ch. Du-
Commun : . . En. re 499'ét 16
Le coton-poudre peutsil rotaplseer LE épais comme force mo-
{rice, par MM. 0. Jacot et E. Savoie . . . .. 140
Communication d’une note de MM. Schænbein et Boliger sur
le fulmi-coton, par le D' de Pury. . 149
Effet de l’eau bouillante sur le coliodion, se DUR Wald, phar-
macien et Vouga, prof. : : . 546
Expériences sur les graisses amiiales, pd le peu, Save. » 1490
Cantbharides privées de leur cantharidine , comméniealion de
M. Wald, pharmacien . . . sr 870
De la transformation du bois en gééime Per Padde dlvrique,
par le prof. Sace . . . Bt + @ be 25
Sur la quantité d’oxigène ct loë bases contenues dans le bois;
discussion entre les prof. Ladaïne et Sace. .. . . . . 274
Sur les causes du durcissement du bois sous Peau : dÉséusston
entre le D' Ernest de Castella (de ni le prof. Sacc et Je
prof: Ladame. . "em .. 284
Analyse de Fopium propre à s'assurer de ses falsif RÉNGËs par
Jenprof"Sacc: : .". Morte 0°
Vin de gentiane préparé, puis distillé par le prof. ‘Saëë*. 2925 et 227
De l’action des végélanx en décomposition sur les sels, et sur
la provenance du fer contenu dans les eaux venant des ter-
rains tourbeux , par le prof. Ladame. . . . 296
Entonnoir au bain d'eau de M. Ph. Plantamour, décrit 7 le
prof. Sac. . . 65
Description de la tnéhiné de gavaressé Svo la Pbricaifon des
eaux gazeuses, par M. F'ald, pharmacien . . . . 344
NB. Pour les eaux minérales, voyez les travaux de la sebtion
de médecine (Balnéologie).
2me Kect. — HISTOIRE NATURELLE.
GÉGGRAPHIE. c
Rapport de M. Thér emin sur un ouvrage géographions -Statis-
tique . . DANSE
Sur le voyage d'exploration du p' Loïéh hardt daris la Nouvelle.
Hollande, par M. Théremin . . . 94
Note sur le même voyage et spécialement sur ce relief du tes- |
rain, par le prof. Guyot . . . . apart 95
Note sur la topographie, la géologie et les 2 zônes de véséiane
des Montagnes-Blanches de. Hampshire), parle praieeeen 4
Guyot. 20... à Ie 1644207809
Travaux HypSomiétriquest be M. ‘de Hildenbruch sur d vallée de
du Jourdain, le lac de Tibériade et la menaarte commet
niqué par le prôf. Guyot. . . HO SARTHE ] 25 466
Travaux de M. Sérzeiecki sur Porographie de l’île de Van-Dié-
men, communiqués par le prof. Guyot . . . 4280010408
Observation sur la prétendue découverte des sources du Nil-
Blanc parle prof..Guyot. 2.102 ie HS HO!
Lacs temporaires australiens et leur population; Dre A
d’après Gould, par M. L. Coulon, père . . : + .-... 299
Voyage dans les Alpes Pennines, et descriplion de la mer de
glace d’Olemma, par le prof. Guyot. . . . . . . .1ket25
. GÉOLOGIE, MINÉRALOGIE, PALÉONTOLOGIE.
idées de M. Lecogq sur la formation des + a discutées par . k
le prof. Guyot . . . né 15 dérhens
Mer de glace d’Otemma (Alpes Pennines), par le Drof. Guyot m el 95
Discussions sur les phénomènes erratiques au sud de la Balti-
que, par les prof. ‘Hollarss DuBois de Montpéreux, et :
Guÿals ae LS es MR PR Er Re er
Lettre de M. Desor sur les a fhans suratiques : de la Scean-
dinANIe MAÉ un moe à PT el |
Sur les rapports qui existent entre les un es erratiques
du Nord et les soulèvements de la Scandinavie, ‘par M. Desor 56
Recherches de M. Desor sur l’action glaciaire.en Scandinavie et
dans l'Amérique du nord, par M. Desor . . . . - 370
Lettres de M. Desor sur les phénomènes erratiques pre
dans l'Amérique du Nord (appendice). . .259, 245, 246 et 254
Note sur la géologie, etc. des Montagnes - Blanches (New-
Hampshire); par le prof. Guyot. “0, : - 0 NN
= mm —
Sur le gisement des métaux dans l'Amérique du nord, par
M. Desor .
Sur l’âge comparatif ‘et a Prmation des filons de fer et
d’autre substances minérales , par le prof. Ladame -
Nature et exploitation du minerai de fer de l'ile d’Elbe , par
M. DuBois-Bovet .
Soufre natif sur du sulfate de aux dans Fr Oberlaïid Dern ;
par M. Wald, pharmacien
Recherches sur l’asphaite du Val-de- Travérs , Bar le prof. La
dame
Coupe de terrains ä nummulites de la Presta (Val-de-Travers)
dans lequel s’exploite l’asphalte, communiquée, d’après
M. Chopard, de Morteau, par M. L. Coulon fils .
Gisements d’os fossiles dans des lerrains de récente formation,
découverts en Russie par My A. de ne CEE et DuBois
de Montpéreux
Lettre de M. Chappuis, pharmacien’: à Boudry, sur les grôlies
: à ossements des environs de Troirods .
Note sur les ossements fossiles trouvés par M. 4. Gr este y dans
le Bohnerz d'Egerkinden (Soleure), par M. C. Nicolet, phar-
macien.
Fossiles du dépôt tértiaire de l'ile dé Malte offerts aux évhec-
tions de la Chaux-de-Fonds, par M. VNuma Girard. è
Sur le mélange des fossiles de différentes couches géologiques
communiqué, d'après M. Aymard, par le prof. Guyot .
Sur la soi-disant existence simultanée de mêmes animaux fos-
siles, et spécialement de mêmes insectes, dans différentes
époques géologiques, par le D' de Pury . .
L'apparition | de diverses espèces animales à la’ dürtse ab grobe
a-t-elle été successive ou contemporaine; concours proposé
par l'académie des sciences de Paris, me par le
prof. Fouga .
Sur la distributio vidé et le ivdé d'parton ac-
. tuel des ire à à la surface du globe, Mémoire du profes-
_seur Agassiz traduit par M. L. Coulon, père .
As op ti BOTANIQUE.
De l’action à l'acide pectique dans le SA irait des vé-"
gélaux, par le prof. Sacc .
De l’action exceptionnelle des obiadiés sur l'air, dr k ” 0-
fesseur Sace A
Pages.
— D —
Pages.
De l'étude comparative des animaux inférieurs et des plantes
qui accompagnent l’homme en PA et dans l'Amérique,
par le prof. Agassiz . . . aux: 187
Lettre sur la végélation américaine , nés M. Lesquereux + .te296
Note sur la topographie, la géologie et les zônes des végétaux
des Montagnes-Blanches PER par le professout
GUÜUYOE ave RD: 309
Enuméralion des Heat rime) + re sobre de
ceux du canton de Neuchâtel, par le D' Cornaz. . . 375et385
Quelques mots sur la mycologie, par M. L. Favre. . . . . 254
Note sur la flore mycologique de notre pays; el catalogue de
ses principales espèces comestibles, par M. L. Favre . . 255
Collection de FAR de notre pays, peints par M. L. Fa-
FE :npitaR es . . . . 463, 205,234, 296.et 316
Hermaphrodisme Fu sur le maïs, par le prof. SAC" x ste 0
Rhipsalis Swarzii portant des rudiments floraux à la base des
jeunes feuilles, par le prof. Sacc . + . 191
Fait tératologique observé sur l’Agaricus cHstaluss ‘par M. .
Farre-tnnlhiéisun er tronte sr IG AE IN OR
ZOOLOGIE.
Sur la distribution géographique actuelle et le mode de lappa-
rilion actuelle des animaux à la surface du globe, mémoire
du prof. 4gassiz, traduit par M. L. Coulon, père .- . . 547
De l'étude comparalive des animaux inférieurs et des Dites S
qui accompagnent l’homme en dus et dans l'Amérique,
par le prof. 4gassiz . . 187
Des élangs de sangsues et des: causes qui RAA à da (reproi
duction de ces animaux, par M. Ch. Matthieu, pharmacien. 312
Recherches modernes sur les générations alternantes des hel-
minthes, et sur ceux de ces animaux qui vivent dans le sang,
par le prof. Vouga. . . = RE
Causes de la multiplication du Fr re le ne Sat se et CAO
Invitation adressée à la Société, par M. Brossi , de collaborer
à l’ouvrage d’entomologie suisse. . . 308
Note sur les larves hostiles aux chenilles. x par! M. Couler His) 4e TA
De la bi-sexualité du sarcopte de la gale, par M. L. Coulon
fils . à
Note sur la cobati dé dentitiies araignées, es M. Coutéu ur 274
Nouvelle espèce d’écrevisse découverte dans le Rhin, commu-
aicalion deML EL CoUIOR MIS. | 2, + . . ne «0 0
= do) —=
Pages.
Mémoire manuserit de M. Paul Guébhard, sur la reproduction
artificielle des poissons , communiqué par le D' Cornaz . . 555
Remarques à ce sujet, par MM. C. Nicolet, sonne: à la
Chaux-de-Fonds, et Fouga, prof. . . . . …. SORSA00S
Note sur les mœurs des serpens, par M. Couleru RU TAB
Observation sur un fait de ce mémoire, par M. L. Coulon père. 290
Sur le pouvoir faseinateur à-iobii par MM. L. Coulon père
LA 0 A UE 1) ORNE D MINISSES
Sur la locomotion des vipères, par M. L. Cnil gère Ds CIN ES
Sur une vipère qui mourut de son propre venin, par M. L. Cou-
lonméresens "he & 290
Travail sur la faune ornithologique du pays de Neuchâtel, ‘par
le prof. Vouga ET 370
Extrait du mémoire sur la fine ctnilhologiqué FA ARTE an
lac de Neuchâtel, par le prof. Vouga. . . . . . . : 409
Oiseaux rares pris ou observés dans nos environs :
1) Accenteur des Alpes, tué par M. Perret sur les roches de
Moron, el présenté par M. C. Nicolet, pharmacien. . . . 140
2) Jaseur de Bohème . . . 52.1 11. 204,905 et234
5) Deux nouvelles espèces d' Enbery 2a à à ajoutée à notre Faune,
par M. 4. VFouga . . . ren Rens
k) Vol de Sizerins dans les environs da és Chaus-dé: Fonds ,
communiqué par M. L. Favre . . 257
5) Oie de Temminck tuée sur le lac de Morat el obtenue pour
le musée de Neuchâtel. . . . . 516
Singulière incubation du Pingouin foÿal, coiiiuniqué d'après
la Repue zoologique, par M. L. Coulon fils. . . . . . 204
Mœurs d’un gallinacée australien, pre d’après Gould,
par M. L. Coulon père. . . . 299
Incubalion singulière et mœurs de dvi oiseaux de la Nouvelle-
Hollande, par MM. Vouga, prof. et L. Coulon père . . . 315
Considérations sur la classification des mammifères, par le
prof. Hollard à
Considérations sur le même sujet ; et: sur une nobvelle déclin
de ce groupe de vertébrés , par le D'de Pury . . . 159
Castor pris dans une île du Rhône , par M. Frédéric Guébhard
Observations du D' Martins sur PArvicola sg té communi-
quées par le prof. Sacc à
Communication sur les mœurs et en a particulier sur le som-
meil d’hiver des loirs et des muscardins , par M. Z. Coulon
fils . 512
— 432 —
Pages
Découverte du Troglodyte de Savage, communiquée par le pro-
fesseur VoUga, not sure re RCE 5560
gne ect. — MÉDECINE.
ANATOMIE, EMBRYOLOGIE ET TÉRATOLOGIE.
Du poids-des viseères de divers ae M. Bellingeri
comm. par le D' Cornaz . . . 48308 120
Sur le développement de l'œuf de la poules par te p' Succ, 1953 et 194
Sur l’embryogénie des planaires, par M. Ch‘ Girard. . : . 300
Cas de tératologie humaine (monstruosité par inclusion) obs.
par le D' Bouchacourt, de Lyon, comm. par M. L. Coulon
fils, avec des remarques du D' Borel. . . . . . 360et 365
Cas de tératologie (brièveté de la me observé chez un bro-
chet, par le DER Vouga sur. serve 100 1
Dessins d’abnormités congéniales des 1e et dun F2 pupille
extraordinaire, comm. par le D’ Cornaz. . . . . . . 9285
Cas d’iridérémie observé par le D' de Castella. . , . . . 285
Imperforation de l’hymen et imperforation de l’anus (v. patho-
logie chirurgicale).
Hermaphrodisme féminin, obs. par le D'Arlet. + . . . . 935
Anatomie pathologique d’un individu affecté de ceryptorchisme
par les D" de Pury et Landry. Ce ONE ONE ns 1
PHYSIOLOGIE. s
Rapports intimes du fluide nerveux et du fluide RIRE SAS |
le D’ de Castella 2. x LR 20
Lobe enkysté du cerveau ay #8 Re la ne sans ôter la
parole, fait opposé à la théorie du prof. Bouitiaud observé
par le D' de Castella . . . . SR É TEE A0S
Appréciation de ce fait, et obs. qui sas Prades ou confirmer
la théorie en question, par le D' Borel . . . . . . . 9293
Sur la dilatation que présente la pupille quand on n’ouvre me un
œil,,par le prof. Ladameet.le.D'Cornaz=n.01:10 NME et 285
Des fonctions du foie, par le prof. Sace .… . . . 2. . : 63
Discussion à ce sujet entre le D’ Borel, de Neuchâtel, le D
Jäümes Borrel, de Colombier, et le prof. Sace . = . . 65
Sur les mouvements du bras d’un individu chez lequel'on a
pratiqué précédemment la résection de la portion interne de
la clayicule, par le.D' de Gastella, 2004000700 OR 0
—
Pages.
La régénération des os par le périoste, prouvée par le D' de
Castella au moyen d’une obs. du prof. Blandin et d’une qui
lakéstpraprerst nié ina in Esites Métier: 101
“HYGIÈNE PRIVÉE ET PUBLIQUE.
Abus des pommes de terre et ses conséquences, par le P' Sacc 7
Causes d’altéralion des puits du bas de notre ville, par le P' Sacc 203
Nouvelles fontaines à établir à Neuchâtel, par M. P. Carbon-
TAN E 204
Sur les différens Sym de chatiisge Énployés Œns. tés
grands bâtimens , par le prof. Ladame . . . 321
Rapport sur différens procédés de dorure destinés à remplacer
le dorage au mercure, par M. L. Favre . . . 165
Du système cellulaire dans ses EH avec l aliénatioh men-
tale, par le D' Cornaz . . . 341
Danger de la tolérance accordée aux mièges, par le D dé Cüs-
OU NT ER PEMEMeNERNINNS, LIBRE 20H00: 16140
BALNÉOLOGIE.
De l’action non encore expliquée de quelques eaux minérales
sur l'organisme, par le D' Borel . . . 359
De l’arsenic qui accompagne le fer, en Drbedlièr pen ee
eaux minérales, par M, Ch‘ Matthieu, pharmacien, et de
son effet probable sur l’organisme , par le D’ de Castella. M et 92
Note critique sur l’analyse chimique des eaux de Wiesbaden
de M. Figuier, par M. Ch Matthieu . . . 104
Efficacité des .eaux de la Brévine dans les affections de or-
ganes urinaires et dans la chlorose, par le D' de Castella. 295
Contre-indication de ces eaux dans les maladies des organes
urinaires accompagnées d'irrilation , par le D' Borel . . . 296
Leur célébrité au siècle passé el influence des marais {our-
beux sur leur composilion , par M. C. Nicolet, parmacien . 296
Emploi de l’eau de Wildegg contre une affection strumeuse,
par le D' de Castella, el remarque du D' Borelà ce su-
ebnran lt ao ren tte he aan, 5694et 370
TOXICOLOGIE.
Observation d’une personne mordue par une Pa par
le D' de Castella .- . … . . 290
Sur une vipère qui mourut de son | propre venin, Éss w. L.
COMORES ON NON OPEN SURS BAND SOU 14
BUL. DE LA SOC. DES SC. NAT. 52
— 43% —
Pages.
Observation d’un empoisonnement par le camphre, par le
D' G. DuBois
Sur les maladies causées Le Le SRE chez Le fut
d’allumettes chimiques , par le D' de Pury .
MATIÈRE MÉDICALE ET THÉRAPEUTIQUE.
Nouvelle pharmacopée de Prusse, EPS par M. Schauss ,
pharmacien . . . À Fe
Effet du camphre sur a sistème nerveux, lé Ghsertation du
D" Droz
Vin de gentiane Ron comme FRE pa le MÉDE Sacc.
De l'emploi des ASF Din dans la fièvre Rap par le
prof. Sacc .
Emploi du teucrium polium dans le hole, comm. RE le
D' Cornaz. :
Emploi du leonurus HUE Éonire le Fee d'aprés le
D' Van der Korput, communiqué par le D' Cornuz.
Vésicatoires sur la face, employés d’après le prof. Piorry,
comme moyen aborlif de la variole, par le D° de Pury.
Des traitements employés contre la gale, par le D' de Castella
Indication des lichens jurassiques qui ont été employés en thé-
rapeutique, par le D' Cornaz =
Comparaison de l'effet thérapeutique dés aivéraes préparations
magnésiennes, par le D' Cornaz . . . UE
Emploi de la résine de scammonium comme drastique, com-
muniqué par le D' Cornaz . :
Emploi de l’huile d’anda comme disques comvniqué
le D' Cornaz É :
Trois vermifuges nouveaux [48 ABS ss niques da
près le D' Schimper, par le prof. Sacc .
Sur une graine du Pérou préconisée contre la morsure eds ser-
pens, communiqué par M. Z. Coulon fils . :
NB. Pour l’éther et le chloroforme, voyez la rubrique : Patho-
thologie chirurgicale et médecine opératoire, les travaux
pharmaceutiques sont réunis à la chimie.
MÉDECINE LÉGALE.
Observations sur les plaies par armes à feu, par le D' Borel.
Sur une différence entre les deux poumons, importante en
médecine légale, par le D' Borel. + ON PER RE:
159
252
95
160
225
— 435 —
Pages.
Rapport médico-légal sur un enfant né viable et mort proba-
blement pendant la durée de l'accouchement, par le doc-
teur, Botelsmipiéinne se has
Rapport médico-légal sur un “enfait trouvé ouel mt, ea
fosses d’aisance, par le D' Borel .
ANATOMIE PATHOLOGIQUE.
Défense d’éléphant renfermant une balle, par M. L. Coulon ,
fils .
Excroissances Re Et me ide les épique, s le
D' Borel . :
Observation de DA Le di CRE bee le D Borel.
PATHOLOGIE MÉDICALE.
Vices de l’oxigénation du sang cause de plusieurs maladies
épidémiques, par le D' de Castella -
Sur les causes de l’allération du sang He dé É déve
{yphoïde , par le D" de Castellu.
Epidémie de fièvre typhoïde au Val-de-Ruz ; causes qui pet:
veut y avoir contribué , par le D' Borel . :
Mort subite d’un convalescent de la fièvre typhoïde, at lé
D' de Pury; discussion à ce sujet entre ce médecin et les
D G. DuBois et Basswitz. :
De l’hématophilie ou diathèse hémorragique, par les D Cor-
naz et Borel. Sage
De la co-existence de bee atisrahoes dés reins ou fs
cœur et d’affections amaurotiques, par le D' Cornaz.
Histoire d’an étranglement du canal digestif, par le D° G. Du-
BOtSs- lacs:
De lamélioration habite, sur un fou furiéüx par 1e ‘simple
changement de domicile, par M. L. Coulon fils.
Cas singulier d’affection nerveuse observé par le D' Jung, de
Bâle, et communiqué par le D" Cornaz .
Mouches volantes observées sur lui-même, par M. L. Chétoti
père.
PATHOLOGIE CHIRURGICALE ET MÉDECINE OPÉRATOIRE.
Sur l’emploi de l’éther dans les opérations ; premier essai à
l'hôpital Pourtalès ; appareils et contre-indicalions , ju les
D'° de Castella, Borel et Mercier
De l'emploi de léther dans les opéralions et RATER à ce
- sujet entre les D'° Borel et de Castella.
343
62
67
— 136 —
Pages.
Histoire des principales expériences faites en France et en
Suisse sur les inhalations éthérées , par les D G. DuBois
et Landry, et expériences de os sociélaires de la
Chaux-de-Fonds. . 461
Expériences comparatives sur éirergest nées d’éther faites
en France et en Allemagne 182
Accidens que peut produire l’éther ; opportunités dy substi-
tuer le chloroforme, par le D" de Castella. 192
Danger que présente DELLE du chloroforme, par le p° de
Castella = 290
Appareils à éther ÉcÉsentE er M. c. “Nicolet, ARRET 161
Application de l’éther aux accouchemens , par le prof. P. Du-
bois, communiqué par le D' de Castella. 67
Ethérisation employée pour des cautérisations, par le p' Irlet. 181
Opération pratiquée au chloroforme par le D’ Borel, et remar-
marques.de MM. Ch‘ Matthieu, pharm., et Ladame, prof. : 198
Opération grave pratiquée par le D' de Castella sur un ma-
lade soumis à leffet du chloroforme 203
Hernie étranglée réduite par le D' de Castella au etre re
chloroforme . 212
Extraction d’une partie nécrosée de Pomoplate Re par
le D' de Castella sur un malade soumis à l’influence du
chloroforme - 290
Opération de la cataracte nu sr p' William-White,
Cooper, de Londres, sur des ours préalablement endormis au
moyen du chloroforme, communiqué par le D° Cornaz. 541
Peu de succès de la section des nerfs dans le tic douloureux,
par le D' de Castella. - 320
Tumeur cornée de la tête opérée par Fe D' F Castella, ne
vation recueillie par le D' Falentini . 97
Tumeurs analogues à la cuisse droite d’une femme. _. le
D' de Castella . . 400
Calculs salivaires extraits du nl de Mas é es je D Bo-
rel, et analysés par le prof. Sacc . . . . . . . 2925 et 227
Calculs des fosses nasales déterminés par la présence d’un
noyau de cerise, par le D' de Pury ; . An
Polypes des fosses nasales liées d’après le prétédé T pr.
Dubois , par le D' G. DuBoïis . 149
Observation d’une fracture des os du nez qui rodtiott un em-
physème de la muqueuse D un polype, par le
D' Droz È A. 2
150
— 437 —
Pages.
Fracture consolidée naturellement chez un coq, par M. L. Fa-
pre .
Fails pour servir à r histoire Fe umprete el & létéroplas
tie en Suisse, par le D' Cornaz. . . NT
Opération pour remédier à une mpérforatiof dé ÿ by men, pra:
tiquée par le D' de Castella.
Opération d’imperforation de Panus, Drstiquéé par le p' Mer-
cier, de Boudry, et décrite par le prof Vouga. -
Résorption de fragments de cristallin passés dans la ctianibfe
antérieure, par les D'° de Castella et Borel.
HOPITAUX ET MICELLANÉES MÉDICO-CHIRURGICALES.
Mouvement de la chambre de secours ou hôpital de la Chaux-
de-Fonds pendant l’année 1846, par le D’ de Pury
Mouvement de l’hôpital Pourtalès en 1846 et 1847, par le D° de
Castella :
Mouvement de l'hôpital Pourtalèsie en 1850, pas le p' ja Castella
Mouvement de l'hôpital Pourtalès en 1851, par le D’ de Castella
Rapport du D' Droz sur un plan de voiture destinée à trans-
porter les malades à l’hôpital Pourtalès . - .
Note sur M. Matthias Mayor, de Lausanne, et sur Sd innoya-
tions qu’il a proposées en chirurgie, par le D' de Pury .
Sur les maladies de divers personnages illustres , par le
D’ Cornaz
4me Sect. — ÉCONOMIE RURALE, TECHNOLOGIE et STATISTIQUE.
ÉCONOMIE RURALE ET DOMESTIQUE.
Sur l’épuisement des sols et les assolements, par le P' Sacc .
Sur les assolements el le rôle des substances minérales sur les
végétaux, par le prof. Ladame .
Discussion entre MM. L. Coulon père, de Castella D. M. et Sacc
prof., sur la valeur des engrais .
Discussion sur l'emploi des cendres comme as pour les
semis d'arbres, entre MM. L. Coulon fils et Ladame prof.
Expériences de M. Persoz sur les RP de la vigne, comm.
par le prof. Ladame
Procédé économique du D" Schulz out la NA OA des pou
mes de terre, comm. par M. Théremin .
Sur une particularité de la culture des pommes de de ré, Fe.
M. L. Coulon fils é
Pommes de terre obtenues de semis dar le prôf Sacc
296
512
68
68
290
85
112
102
227
271
— 438 —
Pages.
De la nature de la maladie des pommes de terre d’après Har-
ting, comm. par le prof. Sacc
Communications à ce sujet et discussion situe MM. ne pa
fils, Sacc prof., et Berthoud-Coulon .
Moyen du D' C.-R. Fresenius pour guérir la malidié lès re
mes de lerre, comm. par le prof. Sacc. Ë
Discussion sur quelques moyens de remédier à la FA des
pommes de terre, entre M. Eugène Savoye et d’autres so-
ciétaires de la Chaux-de-Fonds. . . . . . .
Note sur les moyens de remédier à la disette résultant de la
maladie des pommes de terre, par le prof. Sace
Tubercules du Lathyrus tuberosus, succédané de la pomme de
terre, comm. du prof. Sacc .
Maïs quarantain cultivé par le prof. Suce: ses stontdues
Sur la préparation de la cassave ou manioc, par M. Théremin
De l’opportunité de la culture de deux espèces d’érables sur
les coteaux arides, et de l’une d’elles dans les jardins, par
M. L. Coulon fils ,
De quelques arbustes nuisibles au abbé pyEment: dés forêts et
des moyens d’y remédier, par le D° de Castella et MM. L.
Coulon fils et Théodore de Meuron . . . re
Sur la quantité de forêts nécessaires pour la consomation
annuelle d’échallas de notre vignoble, par M. Th. de Meuron
Nouveau procédé de culture de la vigne de M. pars comm.
par le prof. Sacc. 5 : :
Procédé Loïiseau pour la grefte en ent ou en couronne, comm.
par M. L. Coulon fils . ... + 20
Note sur l’appareil de M. Fiolette non É den cuisson
ou carbonisation de divers corps. par le prof. Sace.
Autre procédé déjà y à Neuchâtel, comm. par le prof.
Ladame . . . ve
Mémoire manuscrit “3 M. Paul CEDRare sur w her
artificielle des poissons, comm. par le D" Cornaz . 3
Remarques de MM. C. Nicolet, pharmac. à la Chaux-de- ronds
et Fouga. prof., sur le même sujet
Des élangs de sangsues et des causes qui nuisent à É
duction de ces animaux, par M. CAS Malthieu, pharmacien.
THECHNOLOGIE.
Discussion entre le prof. Sace et M. DuBois-Bovet sur les ayan-
fages qu'aurait une exposition des produits de industrie
16
17
92
141
197
— 439 —
Pages.
Sur la tournée officielle faite par le D' de Pury chez les doreurs
au feu de la Juridiction de la Chaux-de-Fonds . . . . . 149
Des procédés actuels de dorage et de la supériorité de celui de
M. Barral, par le prof. Sacc. . . . 12
De la dorure galvanique et de l'emploi di chvanomètié de
M. Bonijol, par le prof. Ladame . . . 15
Rapport de M. Théremin sur un atelier de gairanoplastique à
LEVEL Der Er fe 284 14
Du dorage et en par ticulier du FRE Yalvänique! de ses in-
convénients et des moyens d'y remédier, par le P° Zadame 17
Discussion sur cette communication à la Chaux-de-Fonds . . 1445
Pièces de montre dorées par M. Cave, sans l'intermédiaire de
poudre d’argent ou de mercure. . . . . . . . 150 et 183
Modification subie par la commission nommée par la seclion
de la Chaux-de-Fonds pour examiner différens ae de
dorurersr 5e + 450
Rapport de cette commission ; Ahtat \. Louts Faër CAGE
Lecture de ce rapport à Neuchâtel et discussion à ce sujet. . 10%
Remarques du prof. Ladame sur ce rapport . . . . 112
Expériences faites par un doreur au feu, comm. par le p' de
PUTY AE 149
Procédé de Roseleur far le dor ae ‘chimique: pr té pr Suce 185
Discussion sur les dorures entre MM. Ch‘ Matthieu, Va et
Ladame, profs PS 851 04150
Sur divers procédés de dorage, par N. Olivier Matthey. Er 5,
Aiguilles de montre dorées par le es de M. RS Ne par
M. Olivier Matthey. . . . 237
Essais de dorage spécialement au moy en FA a anures et de la
galvanoplastique, par le prof. Sacc. . . . 3 nus 28A
Discussion à ce sujet entre les prof. Sacc et Ladame. > Étoitr:288
Singulière coïncidence entre la découverte du dorage au galva-
nisme et celle des vastes mines d’or de la Californie, si le
prof. Ladame. . . . 579
Procédé pour donner au cuivre de EPA Pres une RES sr
pourpre au moyen de l’oxidation, par M. C. Nicolet, pharm. 933
Sur une huile particulièrement adaplée à la conservation des
rouages de montres, par le prof. Ladame . . . 544
Nouveau procédé pour ir les huiles au moyen du bg! er
JéprofsSacer. … . 283
Procédé de préparation des « cuirs découvert par le prof. Saëc. #186
Ouate simulant de la toile peinte, comm. par le prof. Sacc. . 9212
— NO —
rages.
Planche-spécimen gravée sur pierre par des ous propres
à M. Sonrel, lithographe . . . . . 127
Fabrication de la porcelaine en France + à Hdi, _ " “ei
SUCC- es egces- lon. 1e 15
Sur les calcaires Édoiqhess par le prof. Sac lat ar 202
Sur le mortier des Romains et sur du mortier contenant de la
sciure de bois, par M. L. Coulon père. . . . rer 202
Manière de durcir les enduits de plâtre. par le prof. Sace units 1202
Noie sur l'appareil de M. Violette pour la dessication , cuisson .
ou carbonisation de divers corps, par le prof. Sauce . . . 284
Autre procédé déjà Fe à Neuchâtel, comm. par le prof.
Ladame . . . 284
Sur les différents Systèmes 4 SR rs us FF
grands bâtiments, par le prof. Ladame . . . 321
Avantages des nouvelles amorces anglaises pour rs sauter
les roclies, par M. G. de Pury, ingénieur . . . . 192
Mêche de M. Gustave de Pury pour mettre le feu aux mines . 202
Discussion sur l’usage des aiguillettes et de l’étincelle électri-
que dans le même but, par MM. Ladame P', DuBois-Bovet,
de Castella D.-M., et G. de Pury, ingénieur .. . . 193
Sur la télégraphie électrique et en particulier sur un ere
qui lui est propre, par M. Olivier Matthey . . . . 251
Notice historique sur les télégraphes électriques par le P' Kopp 529
Avantage de l’aide-mémoire de mécanique pratique de M. 4r-
thur Morin, comm. par M. G. de Pury . . . . . . . 275
STATISTIQUE.
Sur l'utilité de continuer des tableaux du mouvement de la po-
pulation du canton de Neuchâtel, par MM. eo prof., et
DuBois-Bovet. . . . 198
Questions du D' Conrad Räh, de 2e) au De d Castella,
sur diverses données statistiques à observer dans notre canton 340
Statistique des ateliers de dorure au feu de la juridiction de la
Chaux-de- FRnEs € en 1845 et 1846, pri le D' de Pury . . 149
ERRATA.
IL est resté dans ce volume un certain nombre d’erreurs typographiques;
il est important de corriger les suivantes :
Page 209, ligne dernière : au lieu de Goudret lisez Gondret.
» 293, LA » myelliles » myélites.
» 297, » 28: »” Hygroforus » Hygrophorus.
ASIE. A NT » mélropenloniles » meélro-périlonites
» 320, » 17: » Belinghéri » Bellingeri.
») 359, .2-20: » van der Korrut » van der Korput,
N et_de: Zepnuous » Leonurus
ET
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WÉMOURRS
DE LA NOCIÉTÉ DES SCIENCES NATURELLE
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DE NEUCHATEZ.
La paru jusqu'ici 5 volumes ;
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PRIX DU VOLUME : 20 FR.
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