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PROFESSORJ.S.WILL
HANDBOL'ND
AT THE
UNIVERSITY OF
TORONTO PRESS
SOCIÉTÉ DE L^HISTOIRE
DU
PROTESTANTISME FRANÇAIS
:,..)77. — L.-lnipi-imeries reunies, B, rue Saint-Benoit, 7. — Motteroz. directeur.
SOCIÉTÉ DE L'HISTOIRE
DU PROTESTANTISME FRANÇAIS
BULLETIN
HISTORIQUE ET LITTÉRAIRE
TOME LI
QUATRIÈME SÉRIE. — ONZIÈME ANNÉE
PARIS
AGENCE CENTRALE DE LA SOCIÉTÉ
54, RUE DES SAINTS-PÈRES, 54
1902
ani/ce 51
76829Î
SOCIÉTÉ DE L'HISTOIRE
DU
PROTESTANTISME FRANÇAIS
BULLETIN HISTORIQUE ET LITTÉRAIRE
QUATRIÈME SÉRIE, ONZIÈME ET DERNIÈRE ANNÉE
±902
Il y a dix-huit ans que j'ai assumé la tâche de rédacteur de ce
recueil auquel je collaborais déjà régulièrement depuis plus de deux
années. Je ne pensais pas alors que j'aurais l'honneur de le diriger
jusqu'au seuil de son premier demi-siècle. C'est dans quelques
mois, en effet, comme je l'ai remarqué d'ailleurs au début de l'année
dernière, que notre Société célébrera son premier jubilé cinquan-
tenaire.
La fusion en un seul, des tomes 19 et 20 est cause que les trois
premières séries du Bulletin ne forment en réalité que 3'J volumes
au lieu de 40, chiffre inscrit au dos du dernier tome de la 3" série.
Pour que les quatre séries forment un ensemble lolal de 50 volumes,
il suffit que la quatrième, commencée en 1892, comprenne II tomes
au lieu de 10. De cette manière le tome .~)i qui rendra compte de
notre cinquantenaire sera réellement le .50'' de la collection et figu-
rera dans la Table générale.
Cette Table générale, si souvent annoncée et beaucoup plus sou-
vent réclamée, sera parallèle à celle dont on se sert chaque jour à
la salle de lecture de notre Bibliothèque, mais préparée spéciale-
ment en vue de l'impression. Llle est en bonne voie puisque actuel-
G PREFACE
lement plus de 10 volumes sont déjà sur fiches, et nous espérons
qu'à la fin de la présente année elle sera assez avancée pour qu'on
puisse commencer à Pimprimer dès les premiers jours de l'année
prochaine.
Dans cette Table, nous voudrions qu'on pût retrouver, non seu-
lement tout ce que le Bulletin a publié jusqu'ici, c'est-à-dire tous
les noms de personnes, de lieux et tous les faits touchant à notre
histoire qui s'y sont accumulés, mais encore tout ce qui pourrait
les compléter ou les rectifier. Nous venons donc prier instamment
les lecteurs, collaborateurs ou amis de ce recueil, de bien vouloir,
au cours de cette année 1902, lui adresser tout ce qui permettrait de
corriger ou compléter tel ou tel article, note ou simple mention des
'i9 volumes actuellement parus.
L'Histoire, il ne faut pas se lasser de le redire, ne connaît qu'un
seul maître, et ne poursuit qu'un seul but, la vérité. Or ce n'est que
grâce à d'innombrables et incessantes rectifications de détail que
peu à peu l'Histoire se fait, c'est-à-dire que la vérité émerge de la
pénombre où se complaisent l'ignorance ou le parti pris. Ceux qui
nous auront aidé à faire de ces cinquante premiers volumes un
recueil de matériaux dignes de foi, auront fait œuvre de vérité en
réalisant avec nous la devise de la Société dont ce Bulletin est
l'organe :
Post tenebras lux.
N. W.
Études historiques
ORIGINE ET ÉTYMOLOGIE FRANÇAISES
DU MOT HUGUENOT
PROUVÉES PAR DES TEXTES AUTHENTIQUES ANTICRIEUHS A LA RÉFORME '
Depuis plus de trois siècles, l'origine et Télymologie du
mot Huguenot, appliqué aux protestants de France, ont donné
lieu à de nombreuses discussions qui durent encore. Knlre
les solutions proposées par différents écrivains du xvi® siècle,
trois méritent d'être signalées. Les uns font dériver ce mot
de Hugon, sorte de lutin gratifié du titre de roi qui, dans la
croyance populaire, courait, la nuit, les rues de 'l'ours, comme
les protestants allant au prêche; d'autres de la porte Hugon,
voisine d'une vieille tour de l'enceinte de celle ville, et près
de laquelle les premiers protestants auraient tenu leurs as-
semblées. Certains remontent même à Hugues-Capet, dont
les Réformés défendaient les descendants contre les Guise,
se prétendant issus de Charlemagne.
Ces opinions, courantes, surtout les deux premières, chez
les chroniqueurs et les historiens du xvi' siècle, avaient
toutes les trois pour caractère commun qu'elles admettaient
le radical Hugues. Mais au siècle suivant, on s'avisa de cher-
cher l'étymologie de Huguenot dans un idiome étranger, et
l'on s'adressa à l'allemand. Divers termes furent proposés,
mais celui qui eut le plus de succès fut eidgenossen (confédérés'
qui, usité en Suisse, aurait été introduit en France par Genève
et ses prédicants.
Cette opinion, déjà accréditée dans la seconde moitié du
xvn^ siècle et adoptée au suivant par Voltaire, a été en
quelque sorte consacrée, au xix% par nos historiens, MigncI,
Michelet, Henri Martin, etc.
Cependant d'excellents philologues refusaient d'admettre
cette solution, et, dans son Dictionnaire étymologique, Au-
guste Brachet, à la suite du mot Huguenot, se borne à écrire :
Origine inconnue.
1. Ce mémoire a été lu à l'Académie des Inscriptions, le -29 juin l'.tOl.
8 ÉTUDES HISTORIQUES
Le savant Lillré, dans le second volume de son Diction-
naire, après avoir objecté que le sens n'est pas favorable à
l'étymologie <Xeidgenossen, ajoute : « Ce qui achève de la rui-
« ner, c'est rpie Huguenol, au moins comme nom propre,
« est antérieur de deux siècles à la Réforme. On le irouve
<( dans un lexle du mv" siècle; le 7 octobre 1387, Pascal Hu-
« guenot, de Saint-Junien-en-Limousin, docteur en droit.
'( {Histoire litt. de la France, t. XXIV, p. 307.)
« Ce fait, continue Liltré, donne, on peut dire, la certitude à
'( la conjecture de Mahn qui, sans leconnaître,a dit queHuguc-
'( not est un diminutif de Hugues, et que le mot, en lant que
« terme d'injure, se rattache à quelque hérétique de ce nom ».
Dans le Supplément au Dictionnaire, paru postérieurement,
Littré revient sur la question qu'il reconnaît ^.y^e:^ controversée
et controversable. Il cite, entre autres, l'opinion de M. Ritter,
professeur à l'Université de Genève, qui voit l'origine de
Huguenot dans EigJios, mais assimilé à un nom propre connu,
celui de Hugues. L'argumentation de M. Ritter, ajoute Littré,
est plausible, mais certaine, non.
Il termine ainsi son arlicle : « Du reste, ou Tassimilation, ou
'( la dénomination d'après le nom propre, était d'autant plus
'( facile, que ce nom propre, se trouve dans plusieurs endroits;
« ainsi sur les côtes du département de la Manche, à côté des
« îles Chausey,il y a des écueils nommés les lluguenauts » *.
Il incline donc, comme à la fin de l'article du Dictionnaire,
vers une origine purement française et nullement étrangère
de Huguenot. Cependant il ne parle plus du fait important
signalé par lui dans son Dictionnaire, c'est-à-dire, de l'emploi
en 1387, de ce mot, au moins comme nom d'homme; sans
doute il avait reconnu, dans l'intervalle écoulé entre ses deux
publications, que le texte cité dans V Histoire littéraire de la
France, est bien loin d'être tiré d'un document original. Nous
lisons, en effet, en marge du passage où est mentionné Pas-
cal Huguenot : Notes des Bénédictins.
On n'est donc pas là en présence d'un texte authentique et
incontestable, mais d'une simple note relevée par les Réné-
I. On pourrait cilcr d'aiilres exemples analogues, mais il l'audrait, avant
tout, saxoir si Tusnge de ce nom est antérieur ou postérieur à la Réforme.
ÉTUDES HISTORIQUES 9
diclins, ou par quelqu'un de leurs nombreux collaborateurs,
qui pouvait fort bien avoir mal lu l'original et transformé en
Huguenot le mot Huguenet, employé parfois comme diminu-
tif de Hugues.
Plus récemment encore, MM. Halzfeld et Darmesteter,
dans leur Dictionnaire publié Tan dernier, s'expriment ainsi
sur le sujet qui nous occupe :
« Huguenot. — Altération par étymologie populaire (sous
« l'influence du nom propre Hugues) de l'allemand eidgcnos-
« sen, confédérés ».
La question en était là; eidgenossen^ paraissait devoir l'em-
porter sur toute autre forme, lorsque M. le pasteur et docteur
Tollin, dans une série d'articles de la Refoi'mirte Kiixhen-
^eitung, est venu présenter une nouvelle étymologie du mot,
objet de tant de discussions.
Pour lui, Huguenot vient du vieil allemand Husgino^, en
hollandais Huisgenont, qui correspond à faïuiliares, socii,
genossen^ confrères. Le nom aurait été appliqué tout d'abord
aux fugitifs pour la Foi par leurs frères de l'étranger : Haus-
genossen (gens de notre maison), nos frères en la Foi, nos
compagnons d'épreuves.
Je me bornerai à constater c[ue cette étymologie rentre
dans la catégorie de celles qui ont une origine allemande,
origine qui est aujourd'hui généralement adoptée.
Il pourra donc sembler téméraire d'oser combattre une
tendance si marquée; cependant, comme j'apporte dans le
débat des faits nouveaux, d'une authenticité et d'une valeur
incontestables, je crois devoir les produire et les faire con-
naître à ceux que cette question intéresse à juste titre.
La bibliothèque de Tours possède, sous le n" 1306 du cata-
logue, un manuscrit en parchemin d'une bonne conservation,
encore pourvu de sa vieille reliure en veau fauve frappé.
C'est le registre sur lequel depuis la fin du xiv^ siècle jusqu'au
xvn'= on inscrivait, à mesure de leur réception, les membres
I. Notons, à ce propos, qii"un texte imprimé en ir)3(i. (loiine « Aiii^ue-
iiotz » comme ibrme IVanraise de « Eidgenossen » (\ o\ . « l.a Déploralion
de la cité de Genefue », dans le Recueil de poésies françaises des XV" et
XVt siècles..., par A. de Montaiglon, t. IV, p. '.(5 iRcd.).
10 ÉTUDES HISTORIQUES
de la confrérie de Sainl-Galien, premier évèque de Tours et
patron de la cathédrale. Cette pieuse association comptait
dans son sein les personnages les plus cminents du clergé de
Tours, les archev6(iues en tête, et les laïcjues les plus consi-
dérables, de l'un et l'autre sexe.
Les listes sont précédées de différentes rédactions des sta-
tuts empruntées à un manuscrit antérieur et aujourd'hui perdu.
Nous n'avons pas l'acte étai^lissant la confrérie qui, d'après
Maan, remontait au milieu du xiv*^ siècle*; mais dès 1372, la
confrérie, anciennement ordonnée, renouvelle ses statuts, qui
sont encore modifiés en 1398, et le seront de nouveau en
1413. Des feuillets blancs cjui n'ont même pas été tous rem-
plis, avaient été réservés au commencement du manuscrit,
pour la transcription de ces statuts qui, sauf le dernier, sont
antérieurs aux listes qui suivent.
La première a été sans doute copiée sur le manuscrit qui
contenait les deux plus anciennes rédactions des statuts. Elle
est sans date, mais antérieure à la suivante, indiquée comme
étant de 1398. D'après les synchronismes des dignitaires de
l'Église de Tours qui s'y trouvent mentionnés, on voit que
c'est un état nominatif des frères composant la confrérie,
lors de la réformalion des statuts en 1372.
On y compte, sans date d'entrée, 164 noms rangés sur deux
colonnes.
C'est là qu'on trouve page 29, au dix-septième rang de la
première colonne :
Huguenot de Saint-Marcel, chanoine de Tours.
j'^ jjt§.€mm* <[^mM,^. xmm,
I. Sancta et metropolitana ecclesia Twonensis (Tours, 1667, in (o!.',
p. 149.
ÉTUDES HISTORIQUES 1 [
La liste suivanle, datée de 1398, est encore un simple étal
nominatif, en tête duquel figure Mgr Ameil, archevêque de
Tours, puis le trésorier et le chancelier du chapitre méli-opo-
lilain.
Page 36, commencent les listes d'inscription des nouveaux
confrères. La première porte la date de 1401, et ces listes se
succèdent d'année en année, avec quelques intervalles
cependani, jusqu'à 1631.
Sur la cinquième qui est de l'année 1405, est inscrite :
Huguenote Maraye.
Huguenote est la septième sur la liste qui contient onze
noms, en tête desquels se trouvent :
Monseigneuj' Olivier, seigneur de Clissnn.
Marguerite de Rohan, dame de Clissnn.
Voilà bien, dans leur forme parfaite et définitive, le mot
Huguenot et son féminin, employés près de deux siècles avant
la Réforme. Les deux mois sont nettement et posément
écrits, en minuscule gothique des environs de 1400, un peu
grosse et très facile à lire. Toutes les lettres sont bien formées ;
aucun doute n'est possible, l'o de la syllabe finale est parfai-
tement caractérisé.
Il y a là toute autre chose que la mention douteuse de
V Histoire littéraire de la France. Et celte trouvaille a été
faite dans un document original absolument tourangeau, c'est-
à-dire appartenant à une province où le terme Huguenot
appliqué aux Réformés, qu'on ne rencontre pas dans le reste
12 ÉTUDES HISTORIQUES
de la France avant 1560, date de la conjuration d'Amboise^
était en usage au moins dès 1552.
Etienne Pasquierdit formellement, en effet, avoir entendu
cette appellation « dans la bouche de quelques siens amis
« tourangeaux » huit ou neuf ans avant l'affaire d'Amboise-.
Ce mot existait donc dans notre langue bien avant la Ré-
forme, et Ton n'eut pas besoin d'aller l'emprunter à un idiome
étranger. Il est tout simplement un des dérivés de Hugues,
qui en comptait un bon nombre, tels que Huguel, Iluguetin,
Hugueteau, Huguenin, Huguenet, qui ne diffère de Huguenot
que par la dernière syllabe.
Que si l'on me demande pourquoi et comment ce mot a été
appliqué aux Réformés, je répondrai tout d'abord que je ne
le sais pas-', qu'il en est ici comme pour presque loules les
origines, où nous sommes condamnés à ignorer le pourquoi
et le comment des choses.
On pourrait cependant supposer que l'un des principaux,
parmi les premiers Réformés tourangeaux, portait ce nom de
Huguenot, que prirent ou reçurent ses partisans, demêmeque
plus lard, ces mêmes Réformés furent appelés Parpaillots,
du nom d'un de leurs chefs qui était seigneur de Parpailles.
De quelque façon d'ailleurs qu'on puisse expliquer cette
appellation, il reste prouvé que le mot Huguenotexislait dans
notre langue prés de deux siècles avant la Réforme, et c'était
là le point à établir.
Je remarquerai, en terminant, que l'opinion que j'émets
est tout à fait conformée celle manifestée par Littré lorsque,
confiant dans la valeur de la citation de {'Histoire littéraire
de la France, il écrivait, à propos de l'étymologie tirée du
mot eidg-euossen, qu'elle était ruinée par l'existence du mol
Huguenot antérieurement à la Rétorme, et que ce fait donnail
la certitude à la conjecture de Alahn, faisant de Huguenot un
diminutif de Hugues.
■1. Pourtant, à Périgueu.x, on trouve l'appellation d'Hugiienauds, dans
un document ofHclel cité ici même en 1S91 (p. 234) par M. F. de Schickler
et daté du 20 mars 1552, c'est-à-dire 1553 n. s. (Réd.).
2. Recherches de la France, éd. Jamet Mettaver, in-lbl., Paris, 1593.
1. VI, ch. 51.
3. Malheureusemenl toute la ciuestion est là (Réd.).
ÉTUDES HISTORIQUES 13
Je ne dis pas autre chose, et il m'est pcut-ôlre permis de
croire que si Liltré était encore parmi nous, il n'hésiterait pas
à embrasser cette thèse et à la défendre bien mieux que je ne
saurais le faire.
Charles de Grandmaison,
Correspondant de llnstilut.
Depuis que ce mémoire a été lu à l'Académie des Inscrip-
tions, j'ai rencontré d'autres exemples de l'emploi du mot
Huguenot comme nom d'homme avant la Réforme.
Dans le procès-verbal de la rédaction de la coutume de
Ghaumont-en-Bassigny, ouvert le 18 octobre 1501), je trouve
le nom de Philippes Huguenot, greffier*.
Lors de la réformation de celte même coutume, en 1559,
je vois comparaître Jean Huguenot, substitut du procureur
du roi, qui était certainement né avant l'expansion de la Ré-
forme en France. Dans ces deux cas, il s'agit de noms de
famille, puisqu'ils sont précédés de leurs prénoms.
M. H. Dannreulher signale encore dans la même province
de Champagne, dans un document des archives de l'Aube
de 1404-1405, une femme nommée La Huguenote-.
L'existence incontestable dans la langue française des
formes Huguenot et Huguenote aux xiv% xv*^ et xvi' siècles
vient confirmer et pour ainsi dire authentiquer la note des
Bénédictins citée dans ['Histoire littéraire. Cela fait donc six
exemples de ce mot, usité dans l'ouesl, le centre et l'est de
la France, avant la Réforme.
Il est très probable que ce nombre augmentera beaucoup,
si mes confrères de l'École des Chartes et autres érudits
veulent bien, dans leurs recherches, porter leur attention de
ce côté; et, la thèse que je soutiens paraîtra de plus en
plus démontrée.
On ne va pas emprunter à l'étranger ce que Ton possède
chez soi en abondance. Cu. de G.
1. Coutumes générales et particulières de France, par Charles Dumou-
lin, 2 vol. in-fol., Paris, i63.s, t. I, p. î^iS.
2. Archives de l'Aube, Série C, regislre 'j18.
14 ÉTUDES HISTORIQUES
UN NOUVEAU REGISTRE
DE LA FACULTÉ DE THHOLOGIE DE PARIS AU XVl" SIÈCLE
Un à un les registres de l'ancienne Faculté de théologie de
Paris, dont on avait lieu de craindre la perte, reviennent au
jour. S'ils ne peuvent retourner à leur ancien bercail, aujour-
dMiui disparu, ils trouvent en échange à la Bibliothèque natio-
nale un asile naturel, qui doit les mettre définitivement à l'abri
des vicissitudes qu'ils ont eu à subir depuis plusieurs siècles.
Il y a quelques années, au mois de septembre 1898, M. Léo-
pold Delisle annonçait à l'Académie des inscriptions et belles-
lettres le don fait à la Bibliothèque nationale d'un registre
que M. le duc de la Trémoille venait de découvrir dans les
archives de sa famille et qui comblait une lacune très no-
table dans la série des registres de l'ancienne Faculté de
théologie. Ce précieux manuscrit, dont le véritable titre doit
être : Regestum concliisionum sacrœ Facidtaîis theologiœ
in Universitate Parisiensi, contenait le procès-verbal des dé-
libérations delà Faculté depuis le 3 novembre 1505 jusqu'au
25 novembre 1533. Cette simple indication de dates en dit assez
pour faire comprendre l'exceptionnelle importance d'un pareil
document pour l'histoire des origines de la Renaissance et de
la Réforme en France. Le recueil retrouvé en 1898 apportait
en même temps un complément nalurel à un autre registre
de la Faculté de théologie, également de l'époque de Fran-
çois 1°', et que la Bibliothèque conservait depuis longtemps
sous la cote 3381 B du fonds latin. Mais cet autre registre,
intitulé : Liber seciindus registri determinationum Faciiltatis
théologie scole Parisieitsis, incipiens ab amro Domini inillesimo
quingcntesimo vicesimo quarto et durans iisqiie ad anniun tnille-
simum [qiiingentesimum tricesi?7îum primwn] , n'appartenait pas
à la même série que celui de M. le duc de la Trémoille. Il ren-
ferme, en effet, non pas seulement des conclusions ou procès-
verbaux comme ce dernier, mais des jugements doctrinaux
— censures ou déterminations — compris entre 1525 et 1531.
M. Léopold Delisle, dans sa savante Notice sur un registre
des procès-verbaux de la Faculté de théologie de Paris pen-
ÉTUDES HISTORIQUES 15
dant les années l^05-\b[]3 (publiée en 1899 clans les Notices
et extraits des manuscrits de la Bibliothèque nationale et
autres bibliothèques, t. XXXVI), a fort bien établi comment, en
1520, la Faculté prescrivit la tenue, sous la haute direction
du syndic Noël Béda, d'un nouveau registre spécialement
consacré aux jugements prononcés par elle sur les questions
litigieuses de théologie, sans préjudice, bien entendu, de la
tenue de l'ancien registre consacré aux conclusions, ou, en
d'autres termes, aux procès-verbaux des assemblées. Il y eut
ainsi, à partir de l'année 1520, deux séries de registres nette-
ment tranchées. Le manuscrit donné par M. de la Trémoille
appartenait à la série ancienne, et le manuscrit latin 3381 B
à la nouvelle, c'est-à-dire à celle qui fut instituée en 1520. Jus-
qu'à présent, ces deux registres représentaient à peu près tout
ce qui nous était parvenu des actes de la Faculté de théologie
pour le premier tiers du xvi° siècle. Un troisième registre vient
heureusement d'être recouvré, il y a quelques semaines, par la
Bibliothèque nationale, et c'est ce nouveau document, encore
inconnu, que j'ai cru devoir présenter aux \ec[e\lvs<^\.\ Bulletin .
On sait que l'établissement de la rue Richelieu a acquis de
lord Ashburnham un lot de 166 manuscrits jadis volés dans
nos bibliothèques. Ce lot n'a nullement été cédé à lilre gra-
cieux à notre grand dépôt national, comme la plupart de nos
journaux, les plus sérieux en tête, et plusieurs revues érudites
l'ont affirmé par erreur : il nous en a coûté, au contraire, une
somme de 600,000 francs pour recouvrer ces 166 manuscrits
qui provenaient tous de nos collections publiques. Quoiqu'il
en soit, il s'y rencontre un certain nombre de manuscrits
littéraires latins et français très importants et plusieurs docu-
ments historiques d'une valeur toute particulière pour notre
pays. Parmi ces derniers figure un manuscrit intitulé : Primus
liber registri Facultatis théologie scole Parisiensis in materia
fidei et morum, incipiens ab anno Domini millesimo trecen-
tesimo * octuagesimo quarto, indictione octava, mensis novenibris
septima, démentis septimi anno septimo.
1. Tricesimo, conige en marge avec raison ducentesimo écrit par erreui-
pai' le scribe, l.e premier texte est i)icn de i;58'i, mais le second (Erreurs
des Albigeois) est de 1210, le troisième (Jean de Brcîscain) de VlTi, etc.
16 ÉTUDES HISTORIQUES
Celte seule citation de son titre suffit pour nous permettre
d'identifier le nouveau registre de la l^'aculté de théologie :
c'est sans aucun doute le premier de la série dont le ms.
lat. 3381 B forme le second. Ainsi se reconstituent peu à peu
les archives trop longtemps dispersées de l'Université de
Paris au xvi* siècle. Le manuscrit provenant de la bibliothèque
de lord Ashburnham vient d'être coté : Nouv. acq. lat. 1826.
C'est un magnifique volume en parchemin revêtu d'une très
belle reliure du xvni° siècle, genre Derôme, et d'une superbe
écriture du xvi^ siècle (1524) (Une décision spéciale prise par
la Faculté le 15 octobre 1523 stipulait que les jugements doc-
trinaux seraient transcrits sur des registres de parchemin,
ordonnant « quod pro tam utili negocio non parcatur sump-
tibus », alors que les procès-verbaux des séances étaient
consignés sur de simples cahiers de papier). Il comprend
225 feuillets foliotés 1 à 225, précédés de 3 feuillets blancs et
suivis de 35 autres feuillets blancs, tous de parchemin, hauts
de 300 millimètres et larges de 25. 11 débute par une table
des jugements transcrits qui occupe les folios 1 et 2 et dont
voici les premiers articles.
Instriimentum continens modum eïigendi per Faciiltatem théologie
aliquem vicarium seu vicegerentem decani qui habeat portare onera
officii decani [1384]. Fol. 1°.
Errores Albigentium qui fuerunt circa annum Domini 1210.
l^ol. 3°.
Errorum condemnatio Joannis de Brescain circa liicem crealam.
Fol. 4°.
Errores Marcilii de Padua circa authoritatem Rojnaiii pontifias.
Fol. 6°.
Condemnatio duarum propositionum quas ut dicitur asserebat
sumynus pontifex Joannes vigesimus secundus circa visionein beati-
ficam. Fol. 13".
Condemnatio fratris Dionisii Foulechat ordinis minorum. Fol. 14°.
Condemnatio Joannis de Montesono ordinis predicatorum circa
conceptionem béate Marie. Fol. 17".
Voici la partie de cette table qui concerne le xvi^ siècle :
Responsio Facultatis ad qiuvstiones subséquentes : scilicet utrum
censure summi pontificis late contra eos qui reciisarent solvere deci-
ETUDES HISTORIQUES 17
mam ab eo solo impositam sint timende, et an talcs teneantiir cessare
a divinis, prcemissa appellatione. Fol. 160".
Imprecationes capituli Cameracensis contra suinn cpiscopum.
Fol. IGO*.
Condemnatio libri Johannis Reuchltn[i\ qui Spcculum oculare inti'
tiilatur. Fol. 166°.
Qualificatio propositionum predicatarum per fratrem Claudiuin
Cousin predicatorem contra jurisdictionem curatoriim et circa sacra-
mentum penitentie et eucharistiam, etc. Fol. 167».
Declaratio quarumdam propositionum concernentium jurisdictio-
nem curatoruni. Fol. 169'.
Qualificatio duaruni propositionum concernentium indulgentias
Cruciate. Fol. 171°.
Qiialificatio quinque propositionum concernentium potestatem cu-
ratorum. Fol. 171°.
Determinatio Faculiatis super doctrina lutherana. Fol. 173°.
Qualificatio propositionum cujusdam Minoris circa materiam de
sepulturis. Fol. 189°.
Determinatio de unica Magdalena dogmatisanda. Fol. 190°.
Condemnatio propositionum magistri Hieronimi Clicthovei circa
venditionem bene/îciorum, pensionum et bursarum. Fol. 191".
Revocatio fratris Arnoldi de Bornossio Augustiniensis circa satis-
factionem. Fol. 194°.
Condemnatio librorum Ludovici a Berquin {sic). Fol. 197°.
Diiplum aresti suprême curie contra eumdem Berquin. Fol. 200°.
Duplum aresti curie Parlamenti contra libros Lutheri. Fol. eodem.
Duplum aresti ejusdem senatus contra libros Philippi MelanctJw-
tiis. Fol. 201°.
Condemnatio librorum ejusdem Philippi Melancthonis. Fol. 202°.
Errores excerpti ex libro qui intitulatur Loci communes. Fol. 203°.
Errores excerpti ex libro Commentariorum in epistolas Pauli ad
Romanos et [ad Corinthios], Fol. 204°.
Errores excerpti ex aliis libris ejusdem. Fol. 206°.
Documentum quo docetur nullum theologum debere arceri ab exa-
mine doctrinarum fidei, nisi fuerit suspectus in fide. Fol. 207°.
Determinatio Facultatis super propositionibus certis e locis ad
eam delatis de veneratione saiictorum, canone tnisse, sustentatione
ministrorum altaris, etc. Fol. 210°.
Responsio facta Domine Regenti matri Régis Francie petenti quo-
modo posset extirpari doctrina lutherana a regno et quomodo pos-
sunt purgari persone que accusantur favere tali doctrine. Fol. 219".
LI. — 2
18 ÉTUDES HISTOKIQUES
Ordinatio facta circa propositionem assertam scilicet episcopiis,
qualis soins Petrus inter apostolos, a Christo immédiate fuit conse-
cratus, curatus vero de jure positiva institutus. Fol. 222°.
Ordinatio facta circa propositionem sequentem : scilicet fîdelis bene-
ficiiim, non autem officium, absque simonie labe locat. Fol. 223".
La table est d'une écriture moins soignée que le reste du
texte; elle est suivie d'une mention additionnelle, ajoutée
postérieurement, au sujet d'une difficulté entre Beda et Jac-
ques Merlin (pièce du P 207).
Les textes sont transcrits avec le plus grand soin. Un cer-
tain nombre de correclions faites çà et là attestent une révi-
sion sévère, due probablement à Beda lui-même.
La première page du texte est ornée d'une jolie miniature
de 95 millimètres sur 85, représentant Jésus au milieu des
docteurs.
Mais, ceci dit, il faut reconnaître tout de suite que ce ma-
nuscrit si précieux et si beau n'apporte rien de nouveau sur
l'époque qui nous occupe ici. Tous les jugements et cen-
sures sans exception relatifs au xvi* siècle, et antérieurs à
1524, ont été publiés naguère par d'Argentré dans son ou-
vrage intitulé : Collectio judiciorum de novis erroribiis (Paris,
1724, 3 vol. in-folio). Cet érudit, exact et informé, quoique
assez confus, a connu notre registre et l'a publié presque
intégralement, semble-t-il. Je dis presque, parce que si je me
suis assuré que le plus grand nombre des jugements et cen-
sures se retrouvaient dans son premier volume et dans le
commencement du second, je n'ai pu faire une vérification et
une collation absolument complètes pour tous les textes,
notamment en ce qui touche les jugements antérieurs à la ^
seconde moitié du xv" siècle. Mais ce que je puis affirmer,
c'est que les sentences postérieures à 1450 sont entièrement
reproduites dans le recueil de d'Argentré et avec une fidélité
tout à fait satisfaisante. On trouvera même à la fin du tome 1°%
p. 1 et suiv. de VIndex, une sorte de table de notre registre
avec les renvois aux textes qui lui ont été empruntés et qui
figurent à leur date au cours du volume. J'ai pu constater
notamment que les censures relatives à Reuchlin, Lefèvre
ÉTUDES HISTORIQUES 19
d'EtapIes, Luther, Berquin, Melanchthon, etc., qui se trouvent
in extenso dans le ms. nouv. acq. lat. 1826, sont conformes au
texte donné par d'Argentré, d'après lequel elles sont toujours
citées. On doit noter seulement çà et là quelques anno-
tations marginales inédites qui ne sont pas dépourvues d'in-
térêt. Par exemple (f° 221 v°), en face des dernières lignes
relatives à une censure dirigée contre Lefévre d'Etaples, on
lit ces lignes significalives, ajoutées par un recenseur du
registre qui pourrait être Beda : « La Roine de Navarre,
sœur du Roi François, [suppjortoit * M» Jacques Faber »,
mention curieuse qui montre que la reine, pour ne pas être
nommément citée dans le jugement, n'était pas moins indi-
rectement visée. Les derniers folios (224 à 227) sont occupés
par des textes anciens qui n'avaient pas été transcrits à leur
place : ces textes datent de 1324 et i:)89.
En résumé, on voit que cette acquisition est excellente en
ce qu'elle ramène à sa place logique un volume, tête de
série, qui manquait à la collection, si endommagée par le
temps et encore trop peu riche pour le xvi^siècle, des registres
de notre ancienne Faculté de théologie; mais on constate en
même temps que le retour inattendu de ce recueil, dont l'exé-
cution marqua jadis le triomphe de Beda, ne nous vaudra
sans doute aucune pièce nouvelle. Gela fait l'éloge de d'Ar-
gentré et nous montre une fois de plus tout le prix de ces
grands recueils entrepris par les savants du xvii' et du
xvui*= siècle et leur durable utilité.
Peut-être une collation minutieuse du texte de l'édition
de 1724 avec celui du registre de lord Ashburnham révèle-
rait-elle des constatations intéressantes. S; quelqu'un avait
le loisir d'entreprendre ce travail, sa peine trouverait proba-
blement quelque récompense. En tout cas, j'ai cru devoir
signaler l'arrivée de ce manuscrit qui, inédit ou non, com-
plète heureusement une série de documents d'une si haute
valeur pour notre histoire intellectuelle et religieuse.
Abel Lefranc.
1. Les premières lettres du mot ont été rognées par le relieur.
Documents
LISTES DE PASTEURS
BERNIS (Gard) — 1561-1900
Matthieu Seguin, de 1561 à 1567.
Guilhaume de Buccans^, de 1567 à 1572.
Daniel Ventiirin^,\evs 1600.
Laurens, vers 1620.
André Basnag-e, en 1637. ,
Connaît ^ sept. 1642 à 1658.
Grizot, de 1658 à 1669.
François Labrune *, d'août 1669 à mai 1671.
Salomon Ga\agne, du l*"'' avril! 669 à 1676.
David Noguiet^âe mai 1671 à 1685.
Roussière \ de 1675 à 1685.
Les suivants sans être des pasteurs titulaires de l'Eglise de
Bernis y firent le service pendant un temps plus ou moins
long et d'une manière assez régulière pour pouvoir être con-
sidérés comme pasteurs de cette localité :
Antoine Court, de 1716 à 1729.
Paul Rabaiit. de 1742 à 1759.
1. De Buccans ou Bucamps, pasteur à Aulas de 1372 à lôT'i.
2. Venturin est i)asteur à Aulas de IGOô à -1610, puis au Vigan où il
mourut le 26 ocl. 1626. Il avait épousé Anne de Vissée.
3. 11 est dit dans un des registres déposés au grelTo du tribunal de
Nîmes que ce registre a été tenu par A. Connau. Mais c'est une copie.
Celui qui l'a faite peut bien s'être trompé et avoir mis un A à la place
d'un S, puisque d'après le Livre du Recteur de Genève son prénom est
Samuel.
4. Pasteur à Aiguemortes de 16'i5 à 1653. Ensuite à Aimargues. En 1688
il était en Suisse.
ô. Pasteur à Aiguemortes en 1663 et à Gaveirac en 1671. Ces trois der-
niers pasteurs faisaient le service de Bernis, d'Uchaud et de Milhaud et
prêchaient dans le temple de Bernis, seul debout depuis 1.")6'i, jusqu'en
1685.
DOCUMENTS 21
Pierre Sanssine, 29 févi*. 1756 — A déc. 17GG.
François Saussine, 18 juin 1766 —20 sept. 1768.
Pierre Alégre, 3 avril 1762 — 29 avril 1770.
N. Theyron, 20 mai 1770 — 1" mars 1772.
Pierre Ribot, 15 nov. 1772 — 5 août 1773.
E. Gibert, 22 août 1773 — 7 mai 1775.
Citons enfin :
François Raoïix, 21 mai 1775 — oct. 1792.
Barbusse, 1795 (?) — 22 juin 1804.
Paul Gachon, 1804 — 19 mai 1821.
Henri Laget, octobre 1821 — 21 déc. 1877.
César Maiirin, 3 nov. 1878 — avril 1892.
Albert Atger, juillet 1893.
Pasteurs qui remplacent ceux de Bernis, d'après les registres
de l'état-civil déposés au greffe du tribunal de Nimes.
M. Gautier, de Gallargues, en 1672.
M. Bruguié, de Nîmes, —
M. Cauve (?), de Langlade, —
M. Cauzy ou Cauzid, de Boissières, en 1671.
Cauve et Cauzy, n'est-ce pas le même pasleur?
M. Marchand, de Beauvoisin, en 1671, le 20 novembre, et
en 1670, le 11 mai.
M. Combes, de Saint-Jean-du-Gard, en avril 1675.
M. Jean-Jacques Noguier, de Boucoiran, le 19 mai 1678.
J ai rencontré sur un de ces registres, dans un acte de
baptême de 1668 le nom de Claude Claparède porté par le
père et par le fils à la fois. Les Claparède de Genève sont
peut-être des descendants de ceux de Bernis. Ce nom d'ail-
leurs ne se trouve plus dans cette localité quelques années
plus tard. Il faut donc croire que le fils est un de ceux qui se
sont expalriés; peut-être tous les deux.
A. Atger.
22 DOCUMENTS
PORTRAIT D'ANTOINE GARRISSOLES '
PROFESSEUR DE l'aCADÉMIE DE MONTAUBAN
(1627-1651)
M. G. Bruslon, doyen de la Faculté de théologie protes-
tante de Montauban, a bien voulu nous envoyer une photo-
graphie d'un portrait authentique et encore inédit de ce pas-
teur et professeur qui ne fut pas seulement un des savants
les plus distingués de l'ancienne académie Monlalbanaise,
mais encore et surtout un homme de bien, un homme de paix
et un bon et ferme huguenot. L'original de ce portrait, pein-
ture exécutée une année à peine avant la mort de Garrissoles,
se trouve à Montauban, dans l'ancien hôtel de Rapin, appar-
tenant aujourd'hui à Mme Courtois de Maleville avec d'autres
biens des Garrissoles, grâce au mariage d'une petite-fille du
professeur avec David Feulrié, avocat, dont le fils laissa sa
fortune à Pierre de Maleville, aussi avocat au Parlement.
On trouvera sur Garrissoles une notice précise et com-
plète, à laquelle il n'y a rien d'essentiel à ajouter, dans
VexceWenle Histoire de V ancienne Académie de Montauban, de
Michel Nicolas (Montauban, Forestié, 1885). On y verra quels
efforts on fit dans celte ville pour s'attacher cet homme qui
était pasteur à Puylaurens,etquels services il rendità l'Acadé-
mie et à l'Église de France en général. Non seulement à FAca-
démie, où il succéda à J. Cameron, il remplaça à un moment
donné, seul, presque tous les professeurs, mais paya de ses
propres deniers leurs traitements restés en souffrance. Au
synode de Charenton de 1645, qu'il présida, il sut répondre
avec dignité et fermeté au commissaire du roi qui se faisait
l'interprète des plaintes iniques par lesquelles à la Cour on
prétendait justifier les infractions officielles à Tédit de Nantes.
On sait qu'un éloge en vers latins de Gustave Adolphe,
Adolphidiis, valut à Garrissoles la bienveillance de la reine
Christine de Suède dont le portrait envoyé à cette occasion
est encore aujourd'hui dans la famille Courtois de Maleville
1. C'est ainsi, et non Garissoles qu'il signait, sur des pièces que j'ai
connues trop lard pour les signaler dans celte noie.
DOCUMENTS 23
ainsi "qu'une des quatre coupes de vermeil par lesquelles les
magislrals de Zurich, Berne, Bâle cl Schaffhouse le remer-
cièrent d'avoir dédié aux professeurs de ces cjuatre cantons
son livre De imputationc primi peccati Adae. Toute cette vie,
utilement et honorablement remplie, semble inspirée par la
devise grecque qu'on lit sur le portrait du sexagénaire et qui,
traduite en français, signifie à peu près ceci : Modestement,
justement et pieusement. N. \\ .
P. -S, — Puisque nous insérons ici, à litre de document,
24 DOCUMENTS
ce portrait montalbanais, nous en profiterons pour recom-
mander à nos lecteurs le volume annoncé ci-dessous :
Le tricentenaire de la Faculté de théologie protestante
de Montauban.
La Faculté de théologie de Montauban met en souscription
un volume illustré de vues, portraits, etc., contenant tous les
discours prononcés à l'occasion des fêtes du Tricentenaire et
le texte du drame de Théodore de Bèze (le Sacrifice d'Abra-
ham) représenté le mercredi 5 juin.
Elle espère que ce livre, qui fixera les souvenirs de ces
belles journées, sera bien accueilli non seulement par ceux
qui ont assisté aux fêtes, mais aussi par tous les amis de la
Faculté.
Le prix du volume pour les souscripteurs sera de 3 fr. 50.
Les souscripteurs recevront leurs exemplaires franco avant
toute mise en vente.
Pour les non souscripteurs, le prix du volume sera de
5 francs.
On est prié d'adresser les souscriptions aux secrétaires de
l'ancien comité des fêtes : M. le professeur Bois (faubourg du
Moustier, 7) ou à M. le professeur Maury (rue du Lycée, 38),
avant le 1"'" février.
UNE AGRESSION SINGULIERE (1688)
Nous avons trouvé dans les archives du château de Gou-
lard, près Sainte-Foy-la-Grande, la pièce qu'on va lire. Elle
tombe en poussière, et n'est ni datée, ni signée. Mais l'écri-
ture et le timbre sont de la fin du xvii'' siècle, et la mention
d'une levée de miliciens nous reporte à l'année 1688. Quanta
la provenance, elle n'est pas douteuse : nous sommes en
présence d'une minute rédigée dans l'étude de M^ Zacharie
Gentillot, notaire huguenot qui était, à celte époque, l'un
des personnages les plus importants de Sainte-Foy. Il avait
d'immenses domaines aux alentours et ses coffres bien rem-
DOCUMENTS 25
plis lui valaient, autant que son caractère, une considération
générale. Le plaignant dont il expose les griefs, Pierre Lam-
ber, serait-il protestant? Ce serait sans contredit la meil-
leure explication de ses mésaventures.
Henry Leur.
Monsieur le subdélégué de Monseigneur l'Intendant au département
de Mondemarssans .
Supplie humblemam Pierre Lamber natif de la parroysse de Cu-
nège* juridiction de puiguiltieni Election de Sarlat en l^érigord
disam que nayant de quoy subcister dame la maison de son père,
il avoit Esté obligé d'aller En servisse chez divers particuliers.
Entre autre ches la veuve de Pierre Gorin du Lieu de Ribebon
parr' de pessac En bazadois où il est resté quatre années, de quoy
les consuls et sindiqs dudit [lieu]... allam, seroient venu un Jour
dans la ma[ison de ladite] veuve avam les fêstes de Noël dernier. Et
de lune a... hor... ts et par une pure de voyé et de fait lauroient
pris et Enlevé, soubs prétexte de le faire servir pour la milisse Et
lauroient conduit devant vous avec d'autres soldais que la commu-
nauté dud. pessac doit fournir, mais ayam Esté trouvé par vous
deffectueux et trop Court vous lauriés Renvoyé, et quoy que appres
ce Refus de vostre part II deus Estre En toute assurance, néan-
moins lesd. Consuls abusant de leur pouvoir auroienl pris audit
suppliant a la sortie de vostre maison son chapeau, trois chemises
et trois cravaltes, luy ayant donné un mescham chapeau tout des-
chiré quy ne pouvoil pas lui couvrir la teste, et comme led. supp*"'
sen revenoit lesd. Consuls layant joint au lieu appelé les agreaux,
où Ils restoienl tous acoucher, Ils luy auroient dit qu'il falloit qu'il
leur payât leur despanse, quaulremam ils le randroil à un autre
officier, ou Ils le tueroit dans la lande. El dans le mesme temps
layam saisy lui auroient pris tout largent quil avoit peu gaigner
pendant lesd. quatre années concistanl En soixante livres quil avoit
En deux louis dor, et le reste En argeni blanc, et le lendemain sen
revenam de compagnie quand ils furent arrivés proche Castelmau-
ron ', lesd. consuls direm aud. supp"' de sen aller dans son pais, et
de ne paroistre plus dans la parroisse de pessac, ce qu'il auroit
1. Canloii de Sigouiés, i)i'ès de Bergerac.
2. Castelmorond'Albret, arr. La Réole, canton de Monségur, semijlerail
plus dans la direction suivie t|ue la localité l)eaucoup plus importante
de Castelmoron-sur-Lol.
26 MÉLANGES
Esté obligé de faire, Cepandam lesd. Consuls nestam pas Encore
contam furem ches lad. veuve de Gorin sa maistresse et lui prirent
dix chemises quil avoit et trois [casaques], deux de toille et une
deslamine, lesquelles ay , Il leur a fait demander diverses fois
sans qu'ils ayent voulen luy rendre lun ni l'autre, Et comme cest un
vol callifié et une Concussion qu'ils ont fait au supp"' Il est
obligé davoir Recours a vostre justice pour en avoir réparation. Ce
considéré. Monsieur, Il vous plaise de vostre grâce attendeu le
reffus par vous fait de la personne dud. supp'"' faire Inhibition et
deffanses ausd. Consuls de linquietter sous prétexte de millisse ny
autremant, et au surplus les condemner de lui rendre et restituer la
susd, somme de soixante livres, chemises cravattes et cazaques sus
esnoncées Et En telle peine pour la fasson de faire que vous trou-
verez a propos de faire bien.
Mélanges
JEAN VERON LE RÉFORMATEUR ANGLO-FRANÇAIS
ERRATA ET ADDENDA
Au moment où le Bulletin achève son premier demi-siècle,
il semble utile de n'y laisser subsister que le moins possible
d'erreurs ou de lacunes sur les sujets traités dans ses pages
pendant ces cinquante années. J'en sollicite donc l'hospitalité
pour rectifier et compléter brièvement ce que j'y ai écrit sur
Jean Véron, ce Sénonais réfugié en Angleterre aux débuts
de la Réforme dont il fut un des initiateurs sous Edouard VI,
et après avoir été emprisonné sous Marie, devenu avec l'avè-
nement d'Elisabeth, un des plus infatigables vulgarisateurs
d'une théologie toute calvinienne, un des plus fougueux
adversaires de l'Église de Rome.
Quand j'essayai en 1890 de retracer la biographie et d'ana-
lyser les ouvrages de cet oublié', les Bibliothèques de son
pays natal n'en renfermaient aucun ; celles de sa patrie d'adop-
tion ne les possédant pas tous, je fus réduit pour plusieurs de
I. Bulletin XXXIX, 'i37 à 'i46 et 481 à W3.
MÉLANGES 27
ces traités à ne citer que des titres et à poser des points d'in-
terrogation. Il en subsistera forcément encore après l'étude
beaucoup plus étendue et approfondie que des acquisitions
du Briîish Muséum et des recherches, les unes personnelles,
les autres par le gracieux concours de savants amis, m'ont
mis à même d'entreprendre. En renvoyant ceux de nos lecteurs
qui désireraient plus de délails à la biographie, que j'espère
faire prochainement paraître, de Jean Véron, le Réfonnateur
Anglo-Français, je voudrais au moins en noter ici par avance
quelques-uns des résultais nouveaux.
Et d'abord, si la date de la naissance de Véron demeure
encore inconnue, nous savons maintenant qu'il a quitté la
France au plus tard en 1536 : « il est en Angleterre depuis
plus de huit ans » est-il inscrit dans son acte de naturalisation
du H Juillet 1544; naturalisation demandée et obtenue alors
que d'une part, à la suite de la déclaration de guerre, elle
devenait de rigueur pour tout étranger séjournant dans les
domaines de Henri VIII, et que d'autre part, François I"
accentuait son hostilité contre « l'hérésie » et accordait aux
inquisiteurs et aux évêques pleins pouvoirs pour en saisir les
adhérents.
Nous savons de plus qu'après un stage dans l'un des col-
lèges de Cambridge où il contracta de précieuses amitiés avec
les futurs martyrs Latimer et Ridiey, il pût, muni du grade
de maître-ès-arts, pourvoir à sa subsistance en donnant des
leçons de latin, et peut-être de français, à des « enfants de
gentilshommes », et bientôt entrer comme précepteur, dans
la famille de sir John Yorke, shérif de Londres.
J'avais cru, et écrit à tort, qu'il habitait en 1550 Worcester,
et qu'il y était « sans doute pourvu d'une prébende ». Plusieurs
de ses ouvrages y ont été imprimés, et il est permis de penser
que l'appui spirituel et peut-être matériel de l'évêque La-
timer n'ont pas été étrangers au choix de celte cité, mais
Véron n'y a point résidé et n'y a occupé aucune charge ecclé-
siastique, môme à titre purement honorifique. C'est dans les
environs immédiats de la capitale, à Hackney et dans la
maison de campagne du shérif, à Markes (?) qu'il a débuté
dans la carrière des lettres et de la controverse.
28 MÉLANGES
Les renseignements des Bibliographies les plus récentes
m'avaient fait attribuer la priorité de ses publications aux
« Cinq abominables Blasphèmes contenus dans la Messe », traité
qui était resté introuvable. Or, un exemplaire, sans la page
du titre il est vrai, mais qui ne saurait laisser subsister aucun
doute, se dissimulait dans un recueil de la Bibliothèque de
Lambeth. Il s'ouvre par ces mots : « Je pensais, ami lecteur,
avoir fait une fin d'écrire contre la messe... je suis forcé d'in-
tervenir encore en cette matière », allusions qui prouvent que
les « Certains petits Traités pour F érudition et l'instruction du
peuple simple et ignorant » avaient déjà paru. De ces derniers
je n'avais pu donner que les titres *. Le premier est une reven-
dication de l'autorité souveraine et unique des Écritures, le
second une attaque, à propos de l'anthropomorphisme, contre
le culte des images ; mais c'est à la condamnation de la messe,
prise à partie dans le troisième traité, que tend tout le volume,
destiné par Timpatient Réformateur à agir sur le roi lui-même
et ses conseillers, et à emporter de haute lutte l'abolition offi-
cielle du sacrement catholique.
Les résistances étaient loin cependant de céder. On accu-
sait Véron de « devancer le Roi et son Conseil ». Il reprit donc
sa plume la plus acérée et lança son second ouvrage « les cinq
Blasphèmes ». C'est bien au vieux palais archiépiscopal de
Lambeth, la résidence de Crammer, qu'on pouvait espérer
découvrir ce vibrant écho des luttes religieuses du passé. Nous
nous bornerons ici à indiquer que, selon Véron, la messe est
un blasphème parce que : 1° elle porte atteinte au sacerdoce
éternel du Christ auquel on substitue le prêtre officiant;
2» qu'elle efface et jette dans l'ombre la croix et la passion :
Christ nous ordonne de nous appliquer le bénéfice de son
sacrifice quand nous participons spirituellement à son corps
et à son sang dans les saints mystères et quand nous enten-
dons et recevons fidèlement sa parole; 3^ elle bannit de la
mémoire la mort du Christ, la messe étant un sacrement nou-
veau et opposé; 4" elle enlève les fruits de cette mort, car qui
i. Bull. XXXIX, /i.'î'J. Il y en a un exemplaire à la Bodleian library
d'Oxford et le British Muséum en possède maintenant un autre.
MÉLANGES 29
aura confiance dans le pardon de ses péchés s'il voit tous les
jours s'accomplir sous ses yeux un sacrifice nouveau ? 5° elle
efface la Cène du Seigneur.
Les traductions d'écrits deZwingle et de Bullinger sont de
la même époque, mais j'avais confondu les derniers dont il y
a trois et non deux; ils ne reproduisent d'ailleurs qu'une
partie des dialogues du Réformateur suisse contre les Anabap-
tistes. Les préfaces dont Véron les a accompagnées, surtout
celle de Ylmage des deux Pasteurs, dédiée au protecteur
Somerset, mériteraient d'être relevées, en raison des allu-
sions à la crise spirituelle que traversait l'Angleterre et à
l'impulsion vers le Protestantisme que noire auteur eut voulu,
de la part des gouvernants, moins lente et plus énergique.
Je signalerai aussi le curieux compte rendu « de visu et
auditu » de la rencontre et de Penlretien de Hooper, évoque
de Gloucester, un des plus fermes partisans des idées nou-
velles et du Docteur Cole, un de leurs plus persistants adver-
saires.
Nous pouvons enregistrer la date précise de l'arrestation
de Véron sous la reine Marie; il fut enfermé à la Tour de
Londres le 16 août 1553, et n'en sera sorti probablement qu'à
l'avènement d'Elisabeth, mais la perte du registre d'écrou de
cette année nous en enlève la certitude. Dans mes précédents
articles je n'avais pu que mentionner la Forte défense du
mariage des Prêtres. Ce traité marque la reprise de sa double
activité : il s'agissait pour lui désormais, non de se contenter
de renverser les erreurs auxquelles « Albion » était trop facile-
ment revenue, mais encore d'édifier le protestantisme anglican
sur une base évangélique indestructible. Le dialogue entre le
vrai Chrétien et Robin le papiste est le moins aride de ses
écrits : il a, faut-il l'avouer, une allure d'une familiarité, nous
dirions presque pour certains passages d'une grossièreté
contrastant avec la gravité du sujet, mais qui n'en ont pas
moins été intentionnels. S'attaquant de front au célibat des
prêtres, encore très respecté du grand nombre, hautement
prôné du haut des chaires restées en partie catholiques, et
même plutôt encouragé par l'Elisabeth, Véron espérait, en
retenant ainsi en éveil l'attention de ses auditeurs, leur
30 MÉLANGES
rendre son enseignement à la fois plus accessible et plus
acceptable.
Quelques-unes de ces plaisanteries au trop gros sel ne
laissent point que de déparer la « chasse au Purgatoire», titre
que je dois traduire plus exactement par le Pourchassement à
mort du Purgatoire. C'est, non le premier, mais le second
recueil des sermons dialogues prêches par lui en plein air
au carrefour de la Croix de Saint-Paul, mais il contient
l'analyse de ce premier, perdu jusqu'ici, et qui se composait
paraît-il, de trois parties : l'orateur prouvait d'abord « parles
Écritures et par de fortes raisons, que l'eau et le pain bénits,
la consécration du feu, l'apposition des cendres, les cierges
de la Chandeleur, l'encens, et autres cérémonies étaient
dinvenlion humaine, sans la parole de Dieu et empruntées
parfois au Paganisme; ensuite que le serment contre l'évèque
de Rome prêté sous Henri VIII et Edouard VI, était des plus
légitimes, et que la rétractation sous Marie équivalait à un
parjure; enfin que les Écritures et la parole de Dieu, ainsi que
les Pères de l'Église primitive, ne connaissent que deux
sacrements. »
Le Traité de la Prédestination forme comme la clef de voûte
de la théologie de Véron ; il fut suivi de ceux du Libre-Arbitre
et du Renversement de la Justification par les œuvres; nous
les avons analysés tous trois précédemment. Le dernier
contient une curieuse digression sur la possibilité ou non
d'une différence de degrés entre les béatitudes d'oulre-
tombe, sur celles des anges et de la Vierge elle-même.
Cette question brûlante de la Merge et du culte à lui rendre
ou à lui refuser, revient dans le dernier recueil des dialogues
dont je n'avais pu parler en connaissance de cause, la
Forte Batterie contre V idolâtre invocation des Saints décédés
et contre la conservation et le placement des Images dans la
maison des prières ou dans tout autre lieu oii il y a quelque
danger d'Idolâtrie. La Bibliothèque du Protestantisme fran-
çais, avec le traité de la Prédestination, possède également un
exemplaire de cette curieuse étude où sont présentées qua-
rante objections catholiques contre la suppression des hon-
neurs rendus aux Saints et du recours à leur intercession;
MÉLANGES 31
objections dont les réfulalions fortement argumentées,
appuyées par des textes nombreux et bien choisis, n'ont
point perdu toute leur valeur après plus de trois siècles de
controverses.
La dernière publication de Véron, V Apologie ou défense de
la doctrine de la Prédestination fut remise en lumière, et son
nom retentit à nouveau soixante ans après sa mort, dans les
débats du procès de Laud sous Charles 1"..., puis le silence se
fit sur lui et sur ses écrits. Nous connaissons aujourd'hui
tous ceux cités dans les Bibliographies modernes, sauf son
Dictionnaire. L'édition, dont quelques rares exemplaires se
sont conservés, est celle refondue par R. Waddington
en 1575 et 1584, et restreinte au latin et à l'anglais avec sup-
pression du français de l'originale : Véron avait pris pour
base de son travail le Dictionariolum pueroriim de Robert
Estienne.
Il reste à retrouver le premier recueil de ses sermons dia-
logues, qu'il a désigné sous le nom de premier jour de son
vrai Bouclier, et encore la date de la naissance du Sénonais
qui, en tête de ses Pieux dires des Anciens Pères sur le
Sacrement du corps et du sang de Christ, dans des vers naïfs
composés en octobre 1548, mais publiés seulement en 1550,
réclamait l'indulgence de ses lecteurs « étant né et ayant été
élevé en France, qui est si éloignée de l'Angleterre. »
F. DE SCHICKLER.
UN ECONOME INFIDELE
M' IL D. Guyot, ancien vice-président du tribunal à Gro-
ningue, nous communique un extrait, dont il est l'auteur,
du Gron. Volksalmanach (Almanach populaire de Groningue),
relatant la carrière peu édifiante d'un Groningois, Gérard
Hendrich ten Berge, ancien receveur de sa province, « éco-
nome très infidèle », et qui, condamné dans son pays
pour détournement des deniers de l'Etat, se réfugia en
France en 1686, s'y fit catholique et n'en fut pas moins
honoré des bontés du roi Louis XIV ou plutôt les dut
32 MÉLANGES
plus que probablement à son changement de religion, sans
que ses méfaits antérieurs judiciairement constatés eussent
éveillé la méfiance de ce souverain. Cette histoire est donc
la contre-partie de celles que le Bulletin raconte si souvent
à ses lecteurs. C'est à ce titre que nous la résumons.
Ce ten Berge naquit à Groningue en 1644. Son père fut
treize fois bourgmestre de cette ville de 1659 à 1682. C'est
en 1666 que lui-même devint rentmeester, c'est-à-dire rece-
veur des rentes immobilières de la province, fonction qu'il
remplit jusqu'en 1683, Elu raadsheer ou conseiller à la fin de
la même année, il devint membre de l'Amirauté à Amsterdam
en 1685. Il vivait sur le pied d'une grande aisance, maison à la
ville et maison à la campagne.
Mais quand on examina ses comptes, on découvrit qu'il
restait à percevoir la somme considérable de 204,000 florins *
provenant d'anciennes créances non libérées. Une commis-
sion fut chargée d'en faire rentrer le montant, mais elle se
heurta aux déclarations des fermiers qui prétendaient pour
la plupart avoir payé ce qu'on leur réclamait. L'enquête,
poursuivie avec diligence, démontra que leurs allégations
étaient généralement fondées. L'ex-premier commis de l'ex-
receveur déclara qu'il avait mainte fois fait observer à son
patron qu' « il y allait avec trop de sans-gêne ». Cité devant
la Commission, ten Berge recourut à des moyens de chi-
cane, à des exceptions dilatoires tendant à transformer en
affaire civile à débattre entre lui et les fermiers ce qu'on lui
reprochait comme dilapidation des deniers de lEtat confiés
à sa gestion. Puis il fit le malade pour se dispenser de re-
venir devant la Commission. Les médecins invités à vérifier
ses dires rapportèrent qu'ils l'avaient trouvé en très bonne
santé. Ten Berge n'en croyait pas moins qu'un changement
de climat lui serait très désirable. Pendant ces pourparlers,
il réalisait sa fortune mobilière, cachait ses livres de comptes
chez un particulier qui les remit plus tard à la Commission,
et disparaissait. Quand la Commission, de plus en plus étonnée
1. A 2 Ir. 10, valeur moyenne du florin, cela représente environ
■428,400 fr., qu'il faudrait quintupler au moins pour en apprécier la valeur
utile de nos jours.
MÉLANGES 33
de ces procédés suspects, lui dépêcha à Amsterdam un mes-
sager exprès pour le citer devant elle, il fut et demeura
introuvable.
Les États trouvèrent la plaisanterie mauvaise. La Com-
mission reçut Tordre de poursuivre Tenquôte jusqu'au bout
et il fut statué qu^une chambre spéciale, présidée par le
stathouder Henri-Casimir d'Orange-Nassau et composée de
plusieurs autres dignitaires auxquels la Commission serait
adjointe, connaîtrait des manœuvres criminelles imputables
à ten Berge et déciderait des mesures à prendre contre lui,
si sa culpabilité était définitivement démontrée.
Quand ten Berge vit que les choses menaçaient de tourner
au tragique, il prit la fuite sans qu'on pût savoir d'abord où il
s'était réfugié.
Un mandat d'arrêt fut lancé contre lui avec son signale-
ment* et une prime fut promise à celui qui fournirait à la
force publique le moyen de l'arrêter.
Après les délais prescrits par la loi contre les accusés lati-
tants, ten Berge fut déclaré contumace.
Deux lettres saisies, l'une d'un ami qui lui écrivait à l'a-
dresse de Henricus Mons (trad. latine de Hendrich ten Berge)
à Paris, l'autre de son gendre, fournirent la preuve qu'il avait
pris la route de Paris. Celle-ci énonce déjà la prévision qu'il
compte s'adresser à la Cour de France et qu'il ne pourra
profiter de la faveur qui lui sera peut-être accordée qu'en
trahissant sa patrie et sa religion.
Ten Berge n'en était pas encore là. De Paris il continuait
ses efforts pour que l'affaire où il était impliqué fût classée
au civil, il pressait sa famille d'agir dans le même sens et
même promettait beaucoup d'argent à ceux qui pourraient
1. On sera peut être curieux de le connaître. « Un peu au-dessus de
40 ans; petit et <^ros; chieveux plats châtains, mais portant aussi per-
ruque; visage épanoui et lar^^e; bouche plate; menton lari^e; à la mâ-
choire supérieure deux dents larges, les autres longues; parlant vite avec
linéique bredouillement; le col et les bras courts; la poitrine et les
épaules larges; les mains i)etites, grosses, larges et ridées; gros mol-
lets; pieds longs et plats; marchant vite, excepté qu'il s'avance les or-
teils un peu en dedans ». — Il faut reconnaître qu'aux Pays-Bas les si-
gnalements au xvii" siècle étaient précis et renseignaient bien.
LI. - 3
H4 MÉLANGES
amener celte transformation juridique à laquelle il attachait
le plus grand prix.
Sa famille Taida, en effet, dans les négociations qui s'ou-
vrirent; elle s'engagea même à fournir une caution de
50,0()0 florins en sus de la valeur de ses biens personnels,
pour qu'il pût revenir plaider sa cause en personne. Les
Etats acceptèrent, mais salva actione criminali, c'est-à-dire
que la poursuite au criminel serait éventuellement reprise.
Ten Berge revint en effet à Groningue, ajoutant à son pre-
mier système de défense l'allégation qu'il élait victime de
haines personnelles. Il y eut encore entre lui et l'accusation
des débats qui n'auraient pour nous aucun intérêt. Qu'il nous
suffise de savoir que, voyant derechef ses efforts impuis-
sants et sa culpabilité démontrée, il prit de nouveau précipi-
tamment la fuite. De nouveau déclaré contumace et jugé
comme tel d'après la législation en vigueur, il fut condamné
à mort pour vol des deniers de l'Etat, pour faux en écritures
publiques, parjures, violences et corruption (19 janvier 1687).
L'affaire traîna encore assez longtemps au point de vue
pécuniaire et ne put être liquidée qu'avec pertes pour
l'État et la famille du condamné qui s'était, comme nous
l'avons vu, portée garante. Au lieu des 125,926 florins aux-
quels on avait consenti à réduire la dette de l'ancien rece-
veur envers l'État, on n'en put réunir que 71,078. Cette perle
élait d'autant plus regrettable que la province passait par un
moment de grande pénurie et qu'on avait à soulager les mi-
sères de nombreux réfugiés français.
C'est encore à Paris que ten Berge s'était rendu. Nous sa-
vons par deux notes émanées de l'ambassade hollandaise et
conservées aux archives du royaume à La Haye que cette
fois il n'hésita pas à acheter les faveurs du gouvernement de
Louis XIV en abjurant le protestantisme. Il avait été marié
deux fois en Hollande. Il se remaria en troisième noces, avec
une dame de Gemi, de Rennes. Sa mère, qui par commisé-
ration lui faisait une rente annuelle de 5,000 livres, cessa de
la lui servir quand elle connut son abjuration dont elle devi-
nait trop bien le motif. Mais il tenait du roi une pension an-
nuelle de 1,200 livres qu'il conserva jusqu'à sa mort, qui eut
MÉLANGES 35
lieu le 30 avril IG99. Il fut enicrrc dans réglise de Sl-l'<:iicnnc-
. du-Mont.
Il faut ajouter un épisode important et assez curieux de
son séjour en France. Un nommé Reynier Tinnebaci<, fils
d'un négociant de Rotterdam, d'abord négociant lui-même à
Nantes, avait fondé à Saumur en 1070 une grande raffinerie
de sucre avec les 30,000 florins constituant la fortune de sa
femme Marie van Bullestraten. 11 faisait d'heureuses affaires,
quand fut édictée la Révocation de l'Édit de Nantes en 1085.
Redoutant la persécution, bien qu"il eût pu exciper de sa
qualité d'étranger, il s'enfuit à Rotterdam avec sa famille.
Sur quoi le roi fit saisir et confisqua la raffinerie de Saumur
sans autre forme de procès. C'est en vain que les proprié-
taires légitimes réclamèrent par l'entremise de l'ambassa-
deur hollandais contre cette confiscation. La guerre éclata
bientôt entre la France et les Provinces-Unies (1688-1689).
Aussitôt le roi fit un don gracieux de la raffinerie au sieur
ten Berge, Les Tinneback ne cessèrent toutefois de reven-
diquer leurs droits, et en 1698, quand la paix fut rétablie,
bien que Reynier fût mort, sa veuve et ses héritiers ayant
introduit un appel auprès du Conseil du roi ^ obtinrent enfin
gain de cause, et ten Berge fût obligé de rendre à la veuve
l'établissement créé par son mari. II dut même payer les frais
de Tinstance. Est-ce le dépit qu'il en éprouva qui hâta sa fin,
puisqu'il mourut l'année suivante? Nous l'ignorons.
On ne sait pas non plus très bien à quoi il avait employé
les sommes considérables qu'il avait détournées. M. Guyol a
découvert seulement en examinant les pièces du procès qu'il
avait l'habitude de payer ses dettes privées avec l'argent de la
caisse publique dont il était l'administrateur, son cocher, sa
servante, ses jardiniers, etc. Cela pouvait et devait l'entraîner
loin. Cela prouve aussi que le contrôle des finances provinciales
était bien défectueux, mais il n'en est pas plus excusable.
De quelques détails contenus dans les notes de l'ambassade
hollandaise, on peut conclure que ten Berge se présenta en
"1. Les arrêts du Conseil du roi uc renl'ermcrnicnt-ils pas une trace de
ceUe affaire?
36 MÉLANGES
France comme un haut personnage, revêtu de fonctions de
premier ordre et obligé de quitter sa patrie parce quMl vou-
lait embrasser le catholicisme. Il semble avoir réussi à dissi-
muler la véritable cause de son expatriation. Dans un mo-
ment où les cartes se brouillaient de plus en plus entre
Louis XIV et les Provinces-Unies, il dut acquérir ainsi de
vives sympathies dans la société catholique et à la Cour.
C'est ce qui expliquerait la faveur lucrative dont il fut le bé-
néficiaire par ordre du roi. Il serait à présumer qu'on sut en-
fin dans le Conseil royal, saisi des réclamations persistantes
des Tinneback, à quel homme véreux on avait affaire et que
le roi lui-même eut quelque regret de s'être montré si géné-
reux envers un concussionnaire de cette trempe.
Reste pourtant la rente annuelle de 1^200 livres qu'il con-
tinua de lui octroyer. M. Guyot soupçonne, et sa supposition
ne manque pas de vraisemblance, que le malheureux s^était
rendu utile au roi en lui fournissant des renseignements sur
ce qui se passait dans sa patrie et notamment sur les protes-
tants français qui étaient venus y chercher un asile *.
A. RÉVILLE.
UN MONOGRAMME SYMBOLIQUE HUGUENOT
La « Fermesse ».
Je voudrais signaler aux collectionneurs et aux curieux un
monogramme qui, d'origine antérieure et profane d'ailleurs,
paraît avoir été adopté par les huguenots comme un signe
i. 11 parait bien que nombre de réfugiés en Hollande lurent longtemps
poursuivis par la crainte (ju'une invasion nouvelle des aimées du roi,
plus heureuse que celle de 1688, n'attirât sur eux ou leurs enfants de
nouvelles persécutions. C'est pourquoi plusieurs d'entre eux hoUandisè-
rent leur nom. Des Leblanc devinrent des De Wit; des Leroy, des
De Koning ; des Dumont, des van der Berg. En hollantlais de n'a rien de
commun avec ce (jue nous appelons la particule. C'est simplemenl l'équi-
valent de noire article le. Le nom du général boer Villioen (pron. Vilioun)
n'est autre chose <|ue notre nom Villon transformé par la i^rononcialion
néerlandaise. (Trad.)
MÉLANGES 37
secret. Il s'agit de TS barré ou fermé signifiant Fermesse
(fermeté^. M.Fr. Godefroy cite, dans son Dictionnaire de Van-
cienne langue française le passage suivant des Emblèmes et
devises d'amour du poète Papon, c[ui disi)ense de plus longs
commentaires :
Fermesse, donl l'amour peint un chiffre d'honneur,
Commune en l'escriture et rare dans le cueur.
Tes liens en vertus les fidelles asseurenl.
Mais ainsi que ta forme est d'un arc mis en deux,
Le désir inconstant froisse et brize les neudz
Cependant que tes mains la fermesse figurent.
On rencontre l'S barré sur des jetons de Catherine de Bour-
bon, duchesse de Bar. Sur l'un d'eux, daté de 1600, le symbole
en question est représenté par un serpent debout, dont la
queue rejoint la tête et figure assez bien l'S barré. Le serpent,
emblème de la prudence, estentouré de deux palmes croisées
et surmonté d'une couronne qui rappelle sans doute le texte :
Tiens ferme ce que tu as afin que nul ne te ravisse ta cou-
ronne... {XpocAU, II). Autour, la devise IMPERSVASIBILIS,
allusion évidente à la résistance courageuse que la prin-
cesse opposait aux tentatives de conversion dont elle était
l'objet à la cour de Nancy.
Je trouve encore PS barré sur la reliure d'un volume de Pion-
sard offert en présent par le médecin huguenot et champe-
nois Jacques de Verdaveyne.
Récemment j'ai constaté la présence du même mono-
gramme plusieurs fois répété, dans la décoration intérieure
du château de Montbras, situé aux bords de la Meuse, près
de Vaucouleurs, et construit entre 1596 et 1610 par Claude
de Verrières et sa femme Louise des Salles, d'une famille
béarnaise (V. France protestante, 2*" édit., art. Des Salles).
M. de Chanteau, qui a restauré avec beaucoup de goût cette
demeure seigneuriale et en a fait une excellente description
dans une Notice historique sur le Château de Montbras (Pa-
ris, Lemerre, 1885), écrit (p. 75) :
a L'S barré, c'est-à-dire traversé d'un simple trait, élait-ii.
38 CHKONIQUE LITTÉRAIRE
à Monlbras un jeu de mot signifiant fermesse, synonyme de
fermeté, qui se lit chez les vieux auteurs :
où est la promesse
Que me faisiez icy, de si grande fermesse?
signification que ce signe avait vraisemblablement pour
Jeanne d'Albret (M. Ad. de Longpérier cite, dans VAthe-
nœum français, 1856, des exemples de l'S barré employé
par Jeanne d'Albret et par Catherine de Navarre); c'est ce
que nous ne saurions décider. Il est certain que si parfois la
barre de l'S a une valeur particulière [fermesse], puisque
plusieurs personnages dont le nom ne commençait pas par
un S, Habert de Montmort par exemple, ont joint ce signe
à leur monogramme, dans d'autres cas, au contraire, il faut
admettre qu'elle n'a pas ce sens. Une longue lettre d'Henri IV
dont il a été publié un fac-similé fournit une preuve irrécu-
sable du sens de fermesse attribué à ce signe (X'oir A. Bou-
venne : Les monogrammes historiques d'après les monuments
originaux, dans l'Académie des Bibliophiles, 1870) ».
H. Dannreuther.
CHRONIQ.UE LITTERAIRE
L'œuvre de Calvin, d'après M. F. Brunetière. — Autres notes biblio-
graphiques sur Calvin. — Le temple d'Aumessas. — Le Protestan-
tisme dans le pays de Caux et à Bordeaux.
On dirait décidément que l'ombre de Calvin liante M. F. Brune-
tière : 11 débute il y a quatre ou cinq ans par imputer au Réforma-
teur des sentiments et des doctrines qu'il n'a jamais professés; il
essaye ensuite d'établir par prétérilion qu'il n'occupe dans la litté-
rature française qu'une place négligeable. Naguère, après avoir
apprécié son œuvre littéraire comme on a pu le voir dans la dernière
livraison de ce recueil (1901, p. 658 et s.), il a éprouvé le besoin
d'aller critiquer le Réformateur — oh! beaucoup plus courtoise-
CHRONIQUE LlTTÉRAiHE 3*J
ment — à Genève même ! Il a donc cherché à y donner une
conférence sur 1 œuvre de Calvin. Celle conférence a été prononcée
le 17 décembre dernier au Victoria Hall de Genève, devanl un audi-
toire de plus de 2000 personnes et a eu un très grand succès de
curiosité. Pour que nos lecteurs puissent se faire une opinion aussi
exacte que possible sur ce petit événement, nous empruntons à
notre confrère de la Semaine religieuse de Genève (n" du 21 déc.
1901), M. F. Chaponnière, le résumé du discours de l'académicien
qu'il a pris la peine de rédiger. Ce résumé est un chef-d'œuvre en
son genre, peut-être supérieur, et par la concision et par la netteté
logique du fond, au texte que M. Brunetière a lui-même écrit et fait
insérer dans le journal des Débats qui a paru à Paris le soir où il
parlait à Genève, mais qui porte la date du 18 décembre 1901 *. ^
Nous commençons donc par laisser la parole à M. F. Brunetière
sténographié par M. F. Chaponnière, puis nous prendrons la liberté
de présenter quelques remarques historiques et critiques :
« On peut regretter la rupture de l'unité chrétienne sans témoi-
gner de la haine ou de l'horreur pour la Réforme, sans outrager la
mémoire ou rabaisser le caractère des Piéformateurs, ce que Von a
fait trop souvent. Il nous importe à tous, catholiques ou prolestants,
de ne pas admettre qu'on se détache de notre religion pour des
motifs moins purs et moins désintéressés que ceux pour lesquels
on s'y rattache. Nous n'avons pas le droit d'atlribrer aux actes de
Calvin d'autres raisons que les raisons d'ordre moral qui ressorlent
de son œuvre et que sa vie ne dément point. N'invoquons donc
point contre lui les griefs faux et souvent calomnieux d'un zèle
maladroit ! »
Cet exorde achevé, M. Brunetière a commencé par dire quelques
mots, — ne fût-ce que pour écarter ce triple sujet, — de l'œuvre
littéraire, théologique et politique du Réformateur de Genève.
L'œuvre littéraire de Calvin, l'orateur l'a déjà déclaré ailleurs,
c'est, à ses yeux, un des plus grands monuments historiques de la
prose française. Si, comme l'a avancé Bossuet, le style de cet écri-
vain est triste, s'il manque un peu de relief et de couleur, il est
plein de mouvement, de vie, d'autorité dialecUque. \.' Institution
chrétienne a été la première œuvre de cette envergure i^ubliée en
1. Voir, outre la Semaine religieuse du 21 décembre, encore celles <lu
28 décembie et du 11 janvier 19(i2, le Christianisme au XX" siècle du
27 décembre et du 10 janvier l')0l-l'K)2, la Foi et la Vie du 1" janvier,
les Z)£'i<3/i- des 18 et 2! décembre l'.tOI et, nalurellemenl les journaiiN el
revues suisses.
40 CHRONIQUE LITTÉRAIRE
français. Avant Calvin, l'on contait et l'on chantait déjà dans notre
langue, mais c'est lui qui a prouvé qu'elle supportait la pensée et
le raisonnement. L'âpreté de conviction du Réformateur allait
jusqu'à l'invective et à l'injure, mais elle a eu une grande puissance
de propagande, car le Français attache une importance inquiétante
aux qualités de forme, et il semble que sa pensée toujours flottante
soit à la merci du talent.
Quant à Vœiivre théologique de Calvin, M. Brunetière craindrait
d'être trop incompétent pour la juger. Il tient cependant à dire une
chose, au risque de scandaliser quelques-uns des assistants. De
toutes les doctrines du Réformateur, celles qui lui paraissent le
plus vraies et le plus profondes sont celles qui répugnent le plus à
l'esprit contemporain. Calvin, par exemple, a de fortes et inou-
bliables expressions pour marquer la perversité naturelle de
l'homme, sa bassesse foncière, dont nous ne pouvons sortir que
par un secours d'En haut. M. Berthelot s'imagine que nous serons
bientôt semblables à des dieux. Calvin, au moins, comme Pascal,
comme Montaigne, ne croit pas à la bonté naturelle de l'homme,
ne croit pas que nous ayons à nous enorgueillir dans l'ivresse de
notre liberté : il croit, lui, que la volonté nous a été donnée pour
édifier la vertu sur la ruine de nos instincts. Quant à la prédestina-
tion, les théologiens, protestants ou catholiques, n'ont point encore
éclairci la matière. II faut cependant observer ceci : ce sont les
stoïciens, les calvinistes et les jansénistes, c'est-à-dire les penseurs
qui ont le plus exalté le rôle de la grâce ou du destin, qui ont en
même temps le plus fortement trempé la volonté humaine. Le péla-
gianisme, qui atténue la puissance du péché, affaiblit d'autre part
notre liberté morale. <i Je sais donc gré à Calvin, conclut l'orateur,
d'avoir été l'un des tenants de la prédestination et de la grâce,
doctrines opposées à la confiance dans les forces naturelles de
l'individu. »
Enfin, Vœiivre politique de Calvin réclamerait, pour être bien
appréciée, un volume tout entier. Son défaut évident a été la con-
fusion de la politique et de la morale. On a reproché à Bossuet sa
Politique tirée de VÉcriture Sainte; mais le dernier livre de V Insti-
tution chrétienne tombe dans la même erreur. Il faudrait une longue
dissertation pour établir le départ voulu entre les droits de l'État
et ceux de l'individu, entre les devoirs qu'on peut imposer par la
force et ceux dont l'accomplissement doit rester volontaire et dont
Dieu seul peut nous demander compte. Aussi le conférencier n'in-
sistera-t-il pas plus sur ce sujet que sur les précédents.
GHROiVlQUE LITTÉRAIRE 41
M. Brunetière, en effet, a voulu nous parler, non des œuvres, mais
de l'œuvre de Calvin. Si le Uéformaleur n'avait été qu'un grand
écrivain, un théologien subtil ou un politique austère, il ne se serait
pas élevé au-dessus des hommes de second ordre : son œuvre ori-
ginale, essentielle, c'est d'avoir renouvelé le concept même de la
religion. Depuis les temps apostoliques, toute la chrétienté avait eu
une manière commune de concevoir la religion, façon dont les
grecs, les ariens ne s'étaient pas plus écartés que les catholiques
latins, façon que les luthériens eux-mêmes avaient en partie con-
servée. Mais là où Calvin a exercé son action, l'attitude de l'homme
vis-à-vis de Dieu a changé : le novateur a intellectualisé, aristocra-
tisé et individualisé la religion.
Il l'a intellectualisée. Une puissance qui avait jusqu'alors exercé
sa prise sur l'homme tout entier ne s'est plus adressée qu'à l'intel-
ligence, en faisant fi de l'imagination et des sens. Certaines pra-
tiques superstitieuses ou prétendues telles, l'intercession des saints
et de la Vierge, le culte relatif des images et des reliques, les pèle-
rinages aux lieux saints, pratiques qui servaient aux petits, aux
femmes, aux enfants comme un acheminement à des conceptions
plus hautes, ont été abolies par Calvin. A la forme populaire de la
religion, il a substitué une religion pour hommes seuls, une reli-
gion raisonnable, raisonnée, rationnelle, tirant ses preuves, non de
ses effets consolants, de sa concordance avec notre nature ou des
caractères du Dieu révélateur, mais de la littéralité de son rapport
avec les textes ou de la solidité de son édifice logique. M. Brune-
tière se permet de le regretter. La foi peut établir ce que l'intelli-
gence ne peut atteindre. Une religion dont toutes les vérités se
démontrent n'est pas une religion; il y manque le sentiment du
mystère, de l'inconnaissable, de notre insuffisance, et, si le cœur
est ce que nous avons de plus noble, il y manque cet amour sans
lequel la foi n'est qu'une cymbale retentissante. Dans le calvinisme,
la mentalité de chacun de nous devenant la mesure de la croyance,
chacun a le droit et le devoir de cesser de croire au moment où il
ne comprend plus. C'est au nom de ce principe que le Réformateur
de Genève a repoussé la transsubstantiation des catholiques et
même la consubstantiation de Luther : il raisonne sur la Sainle-
(^ène comme un mathématicien sur un cercle ou un triangle. Or, si
la raison pouvait rendre compte du mystère de notre destinée, per-
sonne n'aurait plus besoin de la religion.
Calvin, a poursuivi M. Brunetière, a également aristocratisé la
religion. Les républicains de Genève, les puritains d'Angleterre et
42 CHRONIQUE LITTÉRAIRE
d'Ecosse, les presbytériens d'Amérique ont toujours été une élite
et se sont tenus pour tels. L'orgueil, généralement reconnu, des
Anglo-Saxons est l'œuvre du Réformateur. Les calvinistes se sont
envisagés comme une espèce à part dans le reste de l'humanité :
moins ils ont été nombreux, plus ils se sont considérés comme les
élus. Dans leurs rangs, les ignorants ne sont admis que pour faire
nombre : on ne veut plus de la « foi du charbonnier ». Il faut que
ceux qui veulent être religieux commencent par s'instruire, et l'on
fonde pour eux des écoles et des académies. Mais les autres, aux-
quels le loisir a manqué, que deviendront-ils? On les tiendra pour
des chrétiens inférieurs. Cette tendance aristocratique du calvinisme
est-elle d'accord avec le mouvement qui nous emporte vers l'égalité
des conditions sociales et la réalisation de la démocratie?
En troisième lieu, a repris M. Brunetière, Calvin a individualisé
la religion. Avant lui, le christianisme appliquait la solidarité. La
prière pour les morts, l'intercession des saints, la dévotion à la
Vierge, le sacrifice de la messe, les indulgences, la réversibilité des
mérites, le vœu de pauvreté des moines, les lois contre l'usure, les
corporations du moyen âge, tout tendait à ce même but. On se pré-
occupait sans doute du salut individuel, mais on y travaillait en
commun, en participation. On croyait mériter pour les autres en
imitant les saints, en priant et en payant pour la délivrance des
âmes du purgatoire, en sacrifiant sa vie ou sa liberté pour la con-
version des infidèles, en expiant pour les pécheurs au moyen de
ses austérités ou de ses sacrifices. Or, Calvin en abolissant tous
ces usages, a transformé la religion d'une affaire sociale en une
affaire individuelle. La religion doit pourtant relier les hommes;
on ne peut être seul de sa religion, pas plus que de sa patrie ou de
sa famille. Dans l'ancienne Église, on appelait hérétique celui qui
faisait choix d'une opinion particulière pour l'exprimer à l'encontre
de l'opinion commune. Calvin a jeté dans l'Eglise un dissolvant
dont il a voulu plus tard arrêter l'action en poursuivant l'hérésie et
en multipliant les confessions de foi, mais la transformation com-
mencée est allée jusqu'au bout de sa course. Les dangers de l'indi-
vidualisme sont d'ailleurs dénoncés aujourd'hui, à Genève même,
par les pasteurs protestants qui prêchent le christianisme social.
M. H. Appia n'a-t-il pas proclamé, le 13 mars 1900, au temple de la
Fusterie, que la préoccupation trop exclusive du salut individuel
avait remplacé, dans les cercles religieux, la passion primitive pour
le règne de Dieu, qu'elle avait fait du calvinisme une religion de
caste et qu'elle pouvait inspirer un égoïsme subtil? Quand on pose,
CHRONIQUE LITTÉRAIRE 43
en effet, le salut personnel comme dépendant du libre choix, de
l'initiative privée, les meilleurs, absorbés par cette angoissante
préoccupation, gagnent sans doute en dignité et en vertu, mais
risquent de glisser peu à peu dans l'égoïsme. On a appelé Calvin
le précurseur des libertés modernes, mais nous avons payé trop
cher quelques-unes de ces libertés, et ce n'est point un esclavage
que de vivre dans la dépendance de Dieu et la solidarité avec tous
les hommes.
Après avoir, dans la deuxième partie de sa conférence, vigou-
reusement critiqué l'œuvre de Calvin, M. Brunelière s'est attaché,
dans une troisième et dernière partie, à montrer que le catholi-
cisme, toujours habile à absorber en lui-même ses propres héré-
tiques, avait su s'approprier, dans les limites de l'orthodoxie, les
éléments les plus acceptables du mouvement réformateur. Au
xvii* siècle l'Église de France fit un effort extraordinaire pour con-
cilier la raison et la foi; elle donna aussi, dans son culte, plus de
place et d'importance au sermon. L'influence du calvinisme fit
désavouer ou rejeter plus d'une superstition, épurer plus d'une
dévotion populaire, et donner à la religion d'alors cet air de gra-
vité qui la distingue si fort de la Renaissance. La théologie de
Calvin déteignit même, par l'intermédiaire de Jansénius, sur
l'apologétique de Pascal, qui insiste tant sur la corruption de
notre nature, et sur celle de Bossuet, qui semble avoir em-
prunté au Réformateur de Genève ses développements sur la l'io-
vidence.
Il y a plus. Tandis que le mouvement de la Renaissance n'avait
finalement abouti qu'à une restauration du naturalisme païen, c'est
le mouvement de la Réforme qui, pour le plus grand bien de la
civilisation, a combattu et enrayé sa marche, l'obligeant à compter
ou à composer avec le christianisme. En individualisant la religion
bien plus que ne le faisait Luther, Calvin a imposé le problème
moral à la conscience de l'individu. En mettant la conformité de la
conduite avec la croyance au premier rang des préoccupations du
chrétien, il a rendu, tant à la cause de l'humanité qu'à celle de la
religion, un service inoubliable, tant et si bien que l'Église s'est
aussitôt souciée d'insérer ce progrès dans le catholicisme. Il faut
l'avouer : en un temps où la papauté même subissait trop docile-
ment l'influence de l'esprit corrupteur de la Renai.ssance, Calvin a
jeté les leçons de son Institution chrétienne en travers du courant.
L'orateur lui sait gré de cet effort, bien c|u'il déplore cjue le Réfor-
mateur ait consommé sa rupture avec Rome. <■ .le ne crains [)os.
44 CHRON'IQUE LITTÉRAIRE
ajoute-t-il éloquemment, que cet aveu, ni d'ailleurs aucun autre,
puisse nuire à la cause que je soutiens ici ! »
M. Brunetière a terminé en résumant sa conférence. L'œuvre de
Calvin, conclut-il, est mêlée de bien et de mal, comme toutes les
oeuvres purement humaines. Au reste, le calvinisme semble perdre
aujourd'hui de son empire, et, tandis que, parmi ses adhérents, les
uns vont à la libre pensée, les autres, ceux qui demeurent chrétiens,
sont près de convenir qu'une religion ne saurait être ni une affaire
purement intellectuelle, ni une chose aristocratique, ni une croyance
individuelle. « Le jour où ils achèveraient d'en convenir, il y aurait
un grand pas de fait vers une union ou une réunion, qui ne fut
jamais plus nécessaire qu'aujourd'hui. »
Je n'insisterai pas sur le service qu'une étude un peu moins
superficielle de Calvin a rendu à M. Brunetière en l'obligeant à
invoquer contre lui autre chose que « les griefs faux et souvent
calomnieux d'un zèle maladroit* ».
Calvin a-t-il réellement intellectualisé, aristocratisé et individua-
lisé \a. religion? Pour répondre à cette assertion, il faut se demander
avant tout en quoi consistait la religion de son temps. La religion du
moyen âge était un ensemble de croyances et de pratiques ensei-
gnées et au besoin imposées par l'Église, unique représentant sur
la terre de Dieu, de Jésus-Christ, et interprète infaillible de leur
parole. — Ceux qui croyaient ce que l'Église leur commandait de
croire n'avaient-ils que ce que M. Brunetière appelle « la foi du
charbonnier » ? La mère de Villon- elle même,
Qui rien ne scait, oncques lettres ne lut.
i. Et je croirai, poui' ma part, à la sincérité de cet aveu lorscju'aura
disparu du texte des Provinciales, des Grands écrivains, la phrase calom-
nieuse faussement attribuée à Calvin par Faugère et que M. B. y a
maintenue de propos délibéré (fîii//., i896, 5-10).
2. Assurément, elle est touchante, la piété naïve de la mère de Villon
qui croit au paradis et à Tenfer peints sur les parois de son mouslicr el
s'écrie :
L'un me l'ait peur, l'autre joie et liesse
La joie avoir fais moi, haute Déesse...
.l'avoue toutefois que je suis plus ému encore par la foi de la mère du
cardour .lean I^eclerc cjui, le voyant llétri au front d'une fleur de lis
ardente, pour avoir publiquement critiqué une bulle d'indulgence, s'écrie :
Vive Jésus-Christ et ses enseignes!
CHRONIQUE LITTÉRAIRE ^tb
n'avail-elle que celle foi, ne croyait elle que par ce ciu'on lui
avait appris à croire? La foi du charbonnier idéale, c'est-à-dire
qui croit sans se rendre compte, exisle-l-elle ? Même là où la foi n'est
que la répétition quasi machinale de sentiments, actes et gestes
reçus, est-elle véritablement dépourvue d'éléments intellectuels ? Il
suffit d'un peu de réflexion pour comprendre que, même ceux qui
savent le moins /70«r^»oj ils croient ont, pour employer une expres-
sion de M. Brunetière, « des raisons de croire », soit en l'objet de
la foi, soit en ceux qui la leur enseignent, (^es raisons sont plus ou
moins justes, bonnes, raisonnables, mais aux yeux de ceux qui s'en
contentent, et c'est là Vessentiely ce sont des raisons. Donc la foi pro-
prement dite existe rarement sans un élément intellecluel plus ou
moins conscient. — Calvin n'a-t-il fait consister la foi que dans cet
élément intellectuel? Telle est, si je ne fais erreur, la vraie question.
Son enseignement revient-il à dire : Tu ne croiras que si tu et
ce que tu comprends? Poser ainsi la question, c'est la résoudre,
car personne, pas même M. Brunetière, ne soutiendra, par exemple,
que Calvin ait eu la prétention de supprimer ou d'éclaircir tous les
mystères du christianisme ou de la religion en général. Dans la
Semaine littéraire de Genève du 28 décembre 1901, notre collabo-
rateur Ch. Borgeaud a cité sur ce point, avec beaucoup d'à-propos,
cet extrait topique de la plus ancienne confession de foi de Genève :
« Il ne fault pas estimer que la foy chrestienne soit une nue et
« seule cognoissance de Dieu, ou intelligence de l'Escripture,
« laquelle voltige au cerveau sans toucher le c»e»;-: telle qu'a accous-
« tumé d'estre l'opinion des choses, lesquelles nous sont confirmées
« par quelque probable raison. Mais c'est une ferme et solide con-
« fiance de cœur, par laquelle nous arrestons seurement en la
« miséricorde de Dieu qui nous est promise par l'Evangile. »
Si l'on veut juger équitablement Calvin, il faut rechercher aussi
dans l'histoire ce qu'il s'est proposé. — Humaniste avant d'être théo-
logien, et humaniste de premier ordre ainsi qu'en témoigent son
style latin et sa culture classique, Calvin a simplement appliqué à
l'objet de la religion les méthodes de l'humanisme. Il a étudié le
christianisme, non seulement dans l'enseignement traditionnel de
l'Église de son temps, mais encore dans les documents originaux,
dans l'Écriture sainte dont l'Église catholique, apostolique et
romaine prétendait être l'interprète infaillible. Calvin n'a même pas
été l'initiateur de cette méthode qui, avant lui, avait été pratiquée
par Erasme, Luther, Zwingli. Mais il a eu le mérite, grâce à Iclon-
nante pénétration et à l'absolue sincérité de son esprit, de réduire
46 CHRONIQUE LITTERAIRE
le premier, d'une manière claire, élégante et convaincante, tout
l'enseignement de l'Écriture en un système logique et bien coor-
donné. Par ce seul effort, entrepris peut-être autant pour lui-même
qu'en faveur des hérétiques ses amis qu'on accusait de blasphème
et d'irréligion., ce picard de 27 ans démontra avec une irrésistible
évidence que rhcrélique c'était, non pas celui qu'on brûlait alors,
mais au contraire l'Église qui s'était prodigieusement écartée,
séparée de l'enseignement biblique et apostolique. Pour le Réfor-
mateur, comme pour le pape, la Bible était alors la source de toute
religion vraie, le bloc intangible tombé du ciel, sur lequel reposait
l'Église chrélienne. Calvin prétendait ne croire que ce que renfer-
mait ce bloc, Luther tout ce qu'il ne contredisait pas explicitement,
tandis que le pape et le clergé croyaient tout ce qui, dans le cours
des siècles, s'y était ajouté et même substitué.
Je me demande maintenant : En faisant cela, Calvin a-t-il réclamé
un effort intellectuel plus grand que celui que réclamai! le clergé de
son temps? On a répondu : Assurément, puisqu'il voulait qu'on
pût au moins lire et par conséquent comprendre la Bible. C'est ce
qui fait dire à M. Brunetière que le protestantisme est une religion
pour hommes seuls, à peu près aussi exactement que nous dirions
du catholicisme, ce n'est que la religion des illettrés. Or, lorsqu'on
ne veut pas « se payer de mots », on trouve qu'il n'est pas beau-
coup plus difficile de lire et de comprendre la Bible que le livre
de messe, de croire au sacrifice expiatoire du Christ qu'au sacrifice
de la messe, de comprendre la prédestination plutôt que le purga-
toire, de se fier à la grâce de Dieu plutôt qu'à l'intercession de la
Vierge et des saints, etc. etc.
On voit que lorsqu'on serre d'un peu près tous ces raisonne-
ments académiques, on découvre qu'ils ne sont guère que des
paralogismes. Je dis ils, car Calvin arislocratisant et individuali-
sant la religion est à peu près aussi loin des faits que Calvin l'in-
tellectualisant. — Je trouve même qu'il faut une certaine audace
pour représenter, à Genève, le protestantisme comme une religion
aristocratique; à Genève, dis-je, où, après tout, et grâce à Calvin,
la religion, comme la politique, comme toutes les manifestations
de la vie publique, est devenue, non l'affaire, le monopole de quel-
ques-uns, d'une caste privilégiée, d'un clergé seul capable de con-
duire les âmes et d'en répondre, mais l'affaire de tous sans excep-
tion. Que, grâce à ce gouvernement moral et religieux de tous par
tous, les protestants soient devenus un peu partout comme une
élite intellectuelle, politique et sociale, cela est incontestable. Mais
CimONlQUE LITTÉRAIRE .'Cl
cela ne signifie nullement que les réformateurs aient aristocratisc
la religion. Cela prouve seulement que, acceptée et pratiquée en
connaissance de cause, eWe a fait des hommes conscients, respon-
sables et indépendants, c'est-à-dire tout autre chose qu'un vulgum
peciis maintenu dans la dépendance, l'ignorance et la tutelle des
classes dirigeantes et bien pensantes.
Je ne suis pas moins surpris de lire que M. Brunclière a pu, sans
soulever de protestations, déclarer que le protestantisme c'est la
préoccupation exclusive du salut individuel, tandis que le catholi-
cisme c'est la religion de la solidarité et que ses préoccupations
solidaristes éclatent dans la prière pour les morts, l'intercession des
saints, la dévotion à la Vierge, le sacrifice de la messe, les indul-
gences, la réversibilité des mérites, le vœu de pauvreté des
moines, etc. — Comment? Le catholique est solidarisle parce qu'il
dit au pauvre : Tu souffres, tu n'as pas le nécessaire, mais si sur ce
nécessaire tu prends encore une bonne part pour l'Eglise et si tu
l'humilies dans les pénitences qu'elle t'imposera, elle priera pour que,
dans l'autre monde, toi et les tiens, vous ne souffriez pas plus encore
que dans celui-ci ! Tu es pauvre et sans appui, mais si lu pratiques tout
ce que l'enseigne le clergé et te montres bien soumis et résigné, il
le donnera de temps en temps, de son abondance, une aumcuic à
lacjuelle d'ailleurs tu n'auras aucun droit. C'est là ce que M. Bru-
nclière appelle la solidarité, c'est là ce qu'il oppose victorieuse-
ment à la multitude des œuvres sociales qui ont pris naissance
presque toutes dans les pays prolestants' et qui, à Genève en par-
ticulier, sont si nombreuses qu'on a pu dire non sans vraisem-
blance que toutes les fois qu'on se trouve en présence de trois
Genevois, on est en présence d'un comité pour le bien public!
Est-ce que les grandes œuvres solidaristes qui s'appellent l'aboli-
tion de l'esclavage, la Croix-Rouge (qui fonctionnait déjà à Orléans
dans l'armée de Condé, lors de la première guerre de religion), la
lutte contre l'alcoolisme et la débauche ont pris naissance dans les
Etals pontificaux ou autres milieux cléricaux?
Assurément plus d'un protestant tombe sous le reproche de feu
M. H. Appia, que la préoccupation trop exclusive du salut indi-
viduel a remplacé la passion primitive pour le règne de Dieu ". Mais
celte préoccupation elle-même d'où nous vient elle, si ce n'est de
1. Aloi's qu'en Espagne cL on Italie par exemple, les innombrables eoii-
vents ne pratiquent guère la soildarilé (joe sous la forme de l'aumône.
'2. Ce (jui n'cmpOche pas que la Revue du Clergé français elle-même
reconnaît (pie les missions protestantes ont 14,000 misHionnnircs et les
48 CHRONIQUE LITTERAIRE
l'Église qui en a fait le centre et le mobile de la piété? Car la con-
fession, l'absolution, les messes, les indulgences, les pèlerinages,
le purgatoire, etc., etc., n'ont été institués que pour permettre au
chrétien d'échapper à la condamnation qui le poursuit dans la vie
et dans la mort. Et pour tout catholique fidèle et pratiquant c'est si
bien le but principal de l'existence, que les couvents n'ont pas
d'autre' origine.
J'arrête ici ces quelques remarques, en souhaitant que M. Bru-
netière étudie de plus près les causes profondes, plus profondes et
plus durables qu'il ne pense, du schisme consommé il y a trois
siècles. Cette étude le fera certainement avancer dans la voie d'une
appréciation plus équitable, dans laquelle la préoccupation de ne pas
scandaliser les Genevois lui a déjà fait faire de si notables progrès.
Puisque nous parlons de Calvin, citons une édition totalement in-
connue d'un de ses commentaires qui vient d'être retrouvée et iden-
tifiée par le libraire A. Claudin qui l'a signalée et décrite dans son
dernier catalogue sous le n» 7715, en ces termes :
« Impression protestante d'Âlençon. Commentaires de Jean Calvin
sur la Concordance ou Harmonie, composée des trois Evangélistes
assavoir Saint Mathieu, Saint Marc et Saint Luc, item sur l'Évan-
gile selon Saint Jean et sur le second livre de Saint Luc dit les Actes
des Apostres. S. L. (Alençon), de l'imprimerie de Robert le Crosnier,
1564, 2 part, en 1 vol. in-fol., dem.-rel., mar. brun. 250 fr.
« Alençon est une des premières villes de la province de Nor-
mandie dans lesquelles les idées de la Réforme aient pénétré. Dès
1529, un imprimeur de Paris, Simon du Bois, s'y établissait sous la
protection de Marguerite de Navarre et publiait le Miroir de l'âme
pécheresse de la sœur de François I*"^ et d'autres livres de propa-
gande protestante qui eurent pour résultat de convertir aux doc-
trines nouvelles quelques membres du clergé alençonnois et une
partie de la bourgeoisie. En 1563, les Protestants devenus très nom-
breux à Alençon, cautionnent Maître Joachim de Contrières, impri-
meur de Caen, d'une somme de 250 livres qu'il emprunte « pour
l'aider à le secourir à lever estât de l'imprimerie à Alençon », suivant
acte passé devant les tabellions. Le 23 septembre 1564, de Contrières
catholiques seulement 6,tK)0, et que les protestants dépensent pour leurs
missions environ 150 millions, alors que le budget des missions catholiques
n'est que de 15 millions.
CHRONIQUE LITTÉRAIUE 49
reconnaît sa clelte qu'il promet à ses créanciers d'acquitter en trois
ans et « pour assurance d'icelie promesse... a promys par forme de
gaige leur bailler et meclre aux mains dedans ung mois d'aujour-
d'hui ung nombre suffisant de livres intitulés VHannonye ou autres
ayant cours jusques à la valeur dudit principal qui en pourront
échoir durant lesdits troysans ». Par un autre acte du 11 mars 1565,
il est constaté que de Contrières a remis les 300 exemplaires promis
de VHannonye sur les Evangiles et actes des Apostres « es présence
de Robert Le Crosnier, imprimeur ». Ce dernier, qui intervient
ici, était l'associé de de Contrières. Un acte du 22 mars 1565 nous
apprend, en effet, que de Contrières cède à Jacques Legendre son
principal bailleur de fonds « telle part et portion à moitié que ledit
de Contrières a eu (à) l'imprimerie estant en cette ville, tant en fontes,
presses, cases et autres ustensils appartenant à Testât d'imprimeur,
suivant l'inventaire signé dudit de Contrières et dont l'autre moitié
appartient à Maistre Robert Crosnier, imprimeur audit Alençon ». —
Il ressort des documents ci-dessus que les Commentaires de Jean
Calvin sur la Concordance ou Harmonie que nous cataloguons ici
sont bien VHannonye visée par les actes du tabellionnage d'Alen-
(jon dont nous devons la connaissance à Mme G. Despierres qui les
a publiés pour la première fois en 1894 ^ Sans elle, nous n'aurions
pu identifier cette édition qui avait disparu et que l'on croyait tota-
lement perdue, comme tant d'autres. — Sur le titre on voit une
marque d'imprimeur inédite. Elle représente le globe de la terre au
milieu des feux de l'espace céleste, du soleil et des étoiles avec cette
devise de l'auteur^ : « Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles
« ne passeront point ». — Raccommodage dans le coin des 8 prem.
feuillets; quelques lettres ou mots du texte manquent ».
Nous croyons savoir que la Bibliothèque Nationale a acquis cette
rareté^.
Enfin nous venons de recevoir le prospectus accompagné d"un
bulletin de souscription, d'une traduction des commentaires de Cal-
vin en allemand. Cette traduction qui a pour but de rendre Calvin
accessible aux allemands qui ne connaissent ni le latin ni le français
paraîtra sous la direction de M. K. Muller, professeur de théologie
à l'université d'Erlangen, assisté de 29 collaborateurs. L'ouvrage
doit former en tout 14 volumes grand in-8", dont 7 pour l'Ancien et
1. Cf. Bull., 1894, 611.
2. Celte devise n'est autre chose qu'une parole de .l.-C.
3. Qui ligurait en lyy(5, d'après M. Th. Dufour. dans le '.:5V calai, tle la
librairie Baillieu, n" 79, au prix de 25 francs.
Ll. - 4
50 CHRONIQUE LITTÉRAIRE
7 pour le Nouveau Testament. On commencera le 1*' octobre pro-
chain par le Nouveau Testament, et l'on se propose de faire paraître
tous les quinze jours une livraison d'environ 5 feuilles d'imprimerie
au prix d'un mark (1 fr. 25). On pense que l'ouvrage ne dépassera
pas une centaine de livraisons. On souscrit à la librairie du Erpe-
hungsverein à Neukirchen {Kreis Moers).
Le prospectus renferme, outre ces détails, une recommandation
du professeur Kàhler de Halle, et les préfaces aux commentaires de
l'Ancien Testament par M. C. d'Orelli professeur à Bâle, et du Nou-
veau Testament par le professeur D. S. Goebel, de Bonn.
Le journal l'Église libre du 3 janvier 1902 publie le texte colla-
tionné par notre collaborateur, ^L F. Teissier, des « criées et en-
chères », c'est-àdire de l'adjudication faite en la place publique
d'Aumessas, le 16 janvier 1G39, pour la construction du temple pro-
testant « dans une pièce jardin acquize par le corps de la commu-
naulté dud. Aumessas, de noble Jacques Dupont, sieur de la Rode,
assise au terroir du Terron j. L'acte renferme une description som-
maire de l'édifice à élever, de ses dimensions et des matériaux à
employer. Le sieur de la Rode offrit de construire ce temple au prix
de 1,200 livres moins le prix du terrain évalué à 180 livres, et de le
livrer achevé le 1" janvier 1640. Après plusieurs enchères en cette
place, ainsi que « autres lieux publics dud. Aumessas, Campestret,
la Vialle et le Cornier » (hameaux d'Aumessas), la construction fut
adjugée aud. sieur de la Rode moyennant la somme de 1,050 livres
« soubs les pactes et conditions contenues en son offre ».
Ce temple fut démoli par jugement de Bâville du 17 février 1685,
mais la partie inférieure des quatre murs subsiste comme enclos
d'un jardin qui se trouve « au-dessus du chemin qui va de la Viale
à Aumessas », à quelques mètres du temple actuel bâti en 1824-1825.
Pendant les cent-quarante années qui précédèrent cette dernière
date, le culte protestant avait été célébré en plein air, « sous les
châtaigniers de la Rode, dans la cour du château du Cornier ou
dans celle du devant de la maison Nègre à la Viale ». Chacune de
nos Eglises aussi ancienne que celle d'Aumessas et que la plupart
de celles du Gard, devrait posséder sur ses anciens lieux de culte,
et sur ses pasteurs, des renseignements aussi précis que ceux que
M. F. Teissier a recueillis sur celui d'Aumessas et de quelques
autres Eglises cévenoles.
CHRONIQUE LITTÉRAIRK. 51
Dans le Protestant Je Noruiaudie du 5 Janvier 1902, notre colla-
borateur, M. Victor Madelaine a commencé à publier en l'euillclon
une Histoire du Protestantisme dans le pays de Caux, le Havre et
Dieppe exceptés, d'après les documents rassemblés et les notes
recueillies par feu M. Emile Lesens, notes que M. Madelaine a natu-
rellement classées, coordonnées et complétées.
Le vice-président de la Société archéolof^iqiic de Bordeaux,
M. Pierre Meller, va publier par souscription au |)ri.\ de 3 francs
un vol. in-8o (imprimerie générale, rue Saint-Siniéon, IG, Bordeaux),
Intitulé Les familles protestantes de Bordeaux, d'après les registres
de l'état- civil avant 1793; il contiendra plus de 800 actes de 1675 à
1793, accompagnés de notes.
N. Weiss.
Colbert et les Protestants. — Famille de Conquérant.
Mariage de Catherine de Bourbon.
M. H. Jadart donne à la Revue de Champagne et de Brie (25» an-
née, p. 641 à 665), un intéressant article sur les deux soeurs de
Colbert, abbesses de Sainte-Claire de Reims. La sœur aînée du
grand ministre, Claire Colbert, avait un protégé protestant, nommé
Guérin, qu'elle recommande, en 1669, à son frère, pour les fonc-
tions de consul de l'rance à Venise, ce qui prouve assurément la
largeur d'esprit de l'abbesse. Le ministre, il est regrettable de le
constater, affirme des sentiments beaucoup moins libéraux, et
répond à sa sœur « qu'il observe de retrancher aux huguenots tous
les emplois qui dépendent de lui ». On nous épargnera peut-être,
après cette citation, d'entendre citer le grand Colbert parmi les
adversaires de la révocation de l'édit de Nantes, « mesure si
« fâcheuse — remarque avec raison M. H. Jadart — , dont il ne
devait pas voir les pitoyables résultats pour la prospérité de la
France. »
Les Annales de la Société historique et archéologique du Gâtinais
contiennent (1901, p. 200-232) une notice de M. Alf. Charron sur
Gondreville-la-Franche {Loiret), et notamment sur la famille de
Conquérant, qui posséda cette seigneurie aux xvr' et xvii" siècles,
et dont plusieurs membres furent protestants.
M. L. Davillé publie dans les Annales de l'Est, revue trimes-
trielle de la Faculté des lettres de Nancy (1901, n. 3, p. :W>-4:i<;),
52 CORRESPONDANCE
une étude très documentée sur le Mariage de Catherine de Bourbon
(1599-1604). Il ne manque à ce laborieux travail qu'une chose,
malheureusement essentielle, la compréhension de la valeur morale
de l'infortunée princesse et un grain de sympathie dans la lutte
d'où elle sortit brisée, mais victorieuse. La fidélité de Catherine
à sa foi inspire à M. Davillé des réflexions qui seraient odieuses si
elles n'étaient banales : « Catherine de Bourbon était morte, victime
de l'obstination dont elle avait souffert toute sa vie. Sa volonté de
rester ferme en sa religion et son désir d'être mère sont, à coup sûr,
de nobles sentiments; mais son mariage même et son âge les ren-
daient irréalisables; elle n'avait pas su plier sa vie à ces nécessités...»
On voit que les droits de la conscience religieuse ne sont pas beau-
coup mieux traités aujourd'hui qu'il y a trois siècles dans le pays
où l'égoïsme d'Henri IV envoyait souffrir et mourir sa sœur.
H. D.
CORRESPONDANCE
Notre collaborateur M. H. Dannreuther nous communique les
extraits qui suivent du Bulletin mensuel de la Société des Lettres...
de Bar-le-Duc, du 18 novembre 1901 et 1" janvier 1902.
vn monument à i.igier-Richier. — M. le maire de Saint-Mihiel
a adressé « à diverses notabilités » une lettre-circulaire que les
journaux ont reproduite, au sujet d'un monument à élever à
Ligier-Richier. Déjà, en 1836, on célébra à Sainl-Mihiel le troi-
sième centenaire du Sépulcre, qu'on supposait avoir été sculpté
en 1536. « Ce centenaire, écrit M. l'abbé Souhaut, — bien hasardé
« quant à la fixation de son époque — n'eut d'autre cérémonial
« que la pose d'un marbre mesquin, sur une pierre taillée par les
« maçons de la ville, et l'érection d'une urne aussi pauvre qu'insi-
« gnifiante, puisque, fondue dans le moule le plus simple, elle
« demeure éternellement sèche des eaux, que deux tuyaux infé-
« rieurs laissent tomber à regret dans une vasque toute commune.
« Ah! non! ce n'est pas là un monument élevé à la gloire des
« Richier!... » C'est cette borne-fontaine que M. le maire de Saint-
Mihiel souhaite de remplacer par un monument définitif « fixant
CORRESPONDANCE. 53
« la grande figure de Richier sur le sol qu'il a illustré par son tra-
ce vail créateur »,
Si louable que soit la pensée de glorifier la mémoire de notre
imagier saint-mihiélois, on ne peut se défendre de quelques
réfiexions. D'abord il n'existe aucun portrait authentique de
Ligier, et une statue serait une œuvre de pure fiction. De plus,
Ligier n'a pas été seul. Son fils Gérard (dont il existe un médail-
lon), ses petits-fils Joseph, Jean et Jacob Richier, d'autres encore,
ont collaboré à l'œuvre si intéressante de l'Ecole de Sainl-Mihiel.
Au lieu du banal hommage d'une statue dont le moindre défaut
serait de donner une image inexacte de notre sculpteur, pourquoi
ne créerait-on pas à Saint-Mihiel un « Musée Richier » où il serait
facile de réunir des moulages, des reproductions photographiques
ou autres, sans parler des débris originaux dont plusieurs amateurs
se dessaisiraient volontiers en faveur d'une collection publique?
Nous nous permettons de soumettre cette idée au comité de
patronage de Saint-Mihiel.
Dans un mémoire de M. Fourier de Bacourt sur Marguerite de
Savoie et la Réforme dans le Comté de Ligny on voit que dcs
relations étroites avec la Champagne en général et le pays troyen
en particulier amenèrent au début du xvi* siècle dans le comté de
Ligny un certain nombre de familles nobles groupées autour des
comtes de Luxembourg devenus seigneurs de Brienne, et plu-
sieurs personnages riches qui devinrent ie noyau de l'aristocratie
locale. C'est à un gentilhomme du Bassigny, marié à Troyes,
Jean d'Ambonville, qu'Antoine II avait confié son premier né,
Jean de Luxembourg; c'est un bailli de Troyes, gouverneur du
Bassigny, Guillaume de Dinteville, qui commande la place quand
Charles-Quint vient mettre le siège devant Ligny; c'est à des
Champenois de marque, les La Ferté, les Challettc, les Vassan,
les Fleury, les La Planche, les d'Allichamps, etc., que les comtes
de Ligny attribuent ou font atlribuer les places en vue et les
seigneuries vacantes. Bon nombre de ces seigneurs inclinaient
plus ou moins résolument vers les idées de réforme politique et
religieuse qui déjà troublaient la France et que la noblesse cham-
penoise accueillait en général avec faveur, mais aucun d'eux ne
songeait encore à faire montre de sentiments qui, plus tard,
devaient se manifester publiquement. Bien plus, lorsque la mort
d'Antoine II de Luxembourg la fit seule maîtresse de Ligny et de
son comté (1557), Marguerite de Savoie — et le fait est à retenir —
54 COHHESPONDANCK
semble avoir réservé toutes ses faveurs pour des familles, non
seulement étrangères au pays, mais dont les membre furent, dans
la suite, de zélés huguenots.
Barrois réfugiés au Cap et ailleurs. — Pendant que les Boers
sont encore l'objet de l'attention générale, il n'est pas sans
intérêt de marquer les noms de ceux de nos compatriotes qui
vinrent, il y a deux siècles, se joindre aux colons hollandais et
français dont le mélange produisit la vaillante race que nous
entourons d'une sympathie, hélas, trop stérile. Après la révocation
de redit de Nantes (1685) plusieurs familles protestantes du
Barrois émigrèrent en Suisse, en Allemagne, en Angleterre. Dans
leur nombre, on trouve un cordonnier de Condé-en-Barrois Jean
Claudon qui se réfugie en Hollande et qui, le 29 janvier 1688
s'embarque pour le cap de Bonne- Espérance. Son arrivée et son
établissement y sont constatés, le 18 avril 1690, par un secours
d'argent qui lui est accordé, et qui prouverait que sa fortune
n'était pas encore faite, au moins à cette date. Nous ne savons s'il
a une postérité encore existante au sud de l'Afrique. D'autres
membres de la même famille, exerçant aussi le métier de cordon-
nier, comme beaucoup d'habitants de Condc, se fixèrent à Berlin,
où l'on suit leurs traces jusqu'à la fin du xvni" siècle. Ils se marient
entre eux, avec des gens de Vaubecourt ou de Velaines réfugiés
comme eux, et quelques-uns y font souche (Reg. de la colonie
française). Une autre branche de la famille Claudon attendit jus-
qu'en 1732 pour émigrer et se dirigea sur Bâle et Neufchâtel,
emportant sur deux ânes tout son modeste avoir. Les descendants
de ces réfugiés habitent encore la Suisse française.
H. D.
Oravure du siège de Ciiartres. — Dans le Bulletin de 1897,
p. 367 et 368, nous mentionnions, à propos du siège de Chartres
par Condé en 1568, l'existence d'une copie allemande de la gravure
de Tortorel et Perrissin représentant cet événement. Sous cette
gravure, se trouve une inscription de huit vers, que faute d'avoir
eu l'original sous les yeux, nous avions copiée sur une assez mau-
vaise reproduction phototypique ; nous avons commis, par suite de
celte circonstance, quelques menues erreurs de lecture, qui n'inté-
ressent d'ailleurs que l'orthographe.
Ayant eu la bonne fortune de mettre la main sur un exemplaire
CORRESPONDANCE. :j.)
de la gravure elle-même, nous nous faisons un devoir de rétablir
rinscription telle qu'elle y figure :
Nachdem Chartres war seher beschossen,
liant die Condeischen sich ontschlossen,
Mitt iren Kriegern wolgemut,
Dran zu ^Yagen ir leib und gui,
Mill sturmender faust die Slatt angehen,
Da zu sei hic in ordnungh stehen,
Wirdl loch die sach zu frid verglichen
Darumb seint sei abgeweichen.
Anno. Dnj M.D.LXVIII-jn Martio.
Henry I.eiir.
iVoces d'argent et noces d'or s» Tours et à Sainte-Marie-aux-
Mines. — Deux de nos collègues qui sont des amis de notre Société
et des collaborateurs de son Bulletin ont célébré, dans le cours de
l'année écoulée, l'un, le cinquantenaire ou les noces d'or de son
ministère pastoral, l'autre, ce que nous avons appelé ses noces
d'argent, c'est-à-dire les vingt-cinq années de son ministère dans
la même Église.
Cette dernière fête a eu lieu le dimanche 14 avril 1901 à Tours où
notre ami, M. A. Dupin de Saint-André, était entré en fonctions
vingt-cinq ans auparavant, en avril 1S7G. Toute la paroisse et de
fortes délégations de ses annexes et des autres Églises de la consis-
toriale ont fait à leur pasteur et collègue la surprise de le remercier
pour le passé et de lui apporter avec divers témoignages d'affection,
leurs vœux pour l'avenir. On trouvera dans le Journal de VEglise
réformée de Tours de mai 1901, de cette belle solennité, un compte
rendu complet et d'autant plus sympathique, qu'il émane de M. E.
Soulier, gendre du jubilaire et pasteur dans le Poitou.
Le cinquantenaire ou les noces d'or ont eu lieu au-delà de nos
frontières actuelles à Sainte-Marie-aux-Mines, en Alsace. Un des
plus anciens membres de notre Société, qui a aussi, jadis, collaboré
au Bulletin (xvii, 126, 216, 230; xvni, 208; xxxi, 526; xxxii, 46),
M. G.-A. Hoif, pasteur, depuis plus de quarante ans, de l'Eglise
protestante réformée de Sainte-Marie-aux-Mines, et président du
56 CORRESPONDANCE
Consistoire, a eu le privilège, le 22 octobre dernier, d'atteindre son
cinquantenaire pastoral au milieu des membres de sa famille et en
présence des autorités ecclésiastiques. A cette occasion, la Faculté
de théologie de l'Université de Strasbourg a tenu à reconnaître les
services pastoraux et littéraires de notre collègue, en lui décernant
le titre et le diplôme de docteur, honoris causa. La rédaction du
Bulletin le prie de joindre ses cordiales félicitations à toutes celles
qu'il a reçues à cette occasion. Et elle fait des vœux pour qu'après avoir
célébré ses noces d'argent avec l'Église de Tours, M. A. Dupin de
Saint-André atteigne, lui aussi, avec l'aide de Dieu, son cinquante-
naire pastoral.
N. W.
Avis concernant les Tables alphabétiques du Bulletin de 1901. —
Ces Tables sont imprimées depuis plusieurs jours et nous comptions
bien, comme de coutume, les joindre à cette livraison qui a même
été retardée, entre autres, pour cette raison. Mais M. P. Fonbrune-
Berbinau a dû s'absenter au moment où il aurait dû corriger les
premières épreuves. Nous les joindrons donc à la livraison de
février. {Réd.)
Le Gérant : Fischbacher.
ô'JT?. — L.-linprimeries léunies, B, rue Saint-Benoit, '. — Motteroz, directeur.
SOCIÉTÉ DE L'HISTOIRE
DU
PROTESTANTISME FRANÇAIS
Études historiques
LA VIE INTÉRIEURE DU PROTESTANTISME
sous LE PREMIER EMPIRE
I
Samuel Vincent dans ses Vues sur le Protestantisme en
France^ en quelques lignes où la sévérité vajusqu'au dédain.
a fait ce triste tableau du protestantisme pendant la période
napoléonienne :
« Après la Révolution les protestants étaient arrivés à un repos
profond qui ressemblait beaucoup à l'indifférence. La religion
n'occupait qu'une bien faible place dans leurs idées, comme dans
celles du plus grand nombre des Français. Pour eux comme pour
beaucoup d'autres, le dix-huitième siècle durait encore. La loi du
18 germinal an X, en les dispensant eux et leurs pasteurs, de toute
sollicitude pour l'entretien de leur culte, était venue consolider ce
repos, en écartant la cause la plus prochaine du trouble, et par
conséquent du réveil. Les prédicateurs prêchaient, le peuple les
écoutait, les consitoires s'assemblaient, le culte conservait sesformes.
Hors de là personne ne s'en occupait, personne ne s'en souciait, et
la religion était en dehors de la vie de tous. »
Ce jugement, si vrai qu'il puisse être en un certain sens,
pèche par excès de sévérité. Certes il n'y avait alors ni grande
vie intérieure, ni réveil des âmes; mais il ne faut pas oublier
que les événements politiques entraînaient, captivaient toutes
I. Vues sur le Protestantisme en France, par J.-L.-S. Vincent, tome 2,
p. 265.
1902. _ N» -2, l'évi-ier. I.l. — ."•
58 ÉTUDES HISTOKIQUES
les passions; que les prolestants étaient épars, disséminés
sur toute la surface du pays, presque sans liens entre eux;
qu'une dure administration leur commandait le repos et le
silence. On sortait comme d'un songe pénible ; rien
n'existait, tout était à créer. On fit beaucoup et l'on fit bien.
La plupart des Eglises ne possédaient ni temples ni écoles.
De nombreux villages n'avaient pas de pasteurs; un seul
devait suffire à toute une contrée.
Dès les premiers jours, pasteurs et troupeaux se mettent
à l'œuvre avec un zèle ardent. Partout on rétablit le culte
public si longtemps délaissé ; on s'impose de lourds sacrifices,
on construit des temples convenables; le gouvernement
vient en aide, donne çà et là aux protestants d'anciennes
églises catholiques, des chapelles de couvents abandonnés,
pour remplacer leurs temples détruits. Sitôt qu'ils se retrou-
vent, ils se groupent. Chercher, réunir, créer des centres
d'édification, c'est la grande tâche des pasteurs. En 1809,
l'œuvre est très avancée, mais loin d'être complète ^
Et tout cela se fait avec un grand entrain, et de naïves
espérances. C'était la joie d'une renaissance toute matérielle
il est vrai, mais réelle pourtant.
« L'exercice public de notre culte est permis; des maisons de
prières nous sont données; partout il s'en élève, fîépondons par
un généreux dévouement aux grâces dont nous comble le héros que
Dieu a rappelé hors d'Egypte comme autrefois son fils pour notre
bonheur-. »
On donnait à ces inaugurations de temples la plus grande
solennité; car elles étaient l'affirmation tangible du droit
qu'avait le Protestantisme de vivre et d'être protégé. Le
récit de l'inauguration du temple de Livron, dans la Drôme,
est caractéristique en ce sens :
« Huit mois ont suffi au zèle ardent du Protestantisme de la
commune de Livron, pour élever un très beau temple : tous les
1. Voir : Almanach des Protestants français pour l'an de grâce 1810.
2. Armand Delille, Discours sur le rétablissement de la religion, prononcé
le 15 Aoid iyu6.
ÉTUDES HISTORIQUES 59
fidèles ont rivalisé de soins, d'efforts et de sacrifices; on doit surtout
des éloges à M. Ma:;ade, membre du Consistoire, qui a fait servir,
avec la plus ferme persévérance, son temps, ses lumières et sa
fortune, à la réussite de celte pieuse entreprise. La dédicace de ce
temple fut faite le 6 août 1809, par M. Armand Delille, président du
Consistoire de l'Église réformée de Valence*, etc., etc. »
II
Durant ces quatorze années du Consulat et de l'Empire le
protestantisme n'a pas d'autre histoire que cellj de celte
obscure et silencieuse germination.
Heureuses de la protection qui leur a fait leur place au
soleil, ces jeunes Églises ne comprennent pas même toute
l'étendue de leur servitude. Cette servitude est pourtant dure
parfois. — La seule chose qui eût pu leur donner la vie, le
synode, les assemblées délibérantes qui jadis leur avaient
donné tant de gloire, leur furent constamment et opiniâtrement
refusées. Le droit était bien reconnu en principe, mais jamais
ni Napoléon ni l'administration impériale ne consentirent à
leur en accorder la réalité. — Elles vécurent donc dans l'iso-
lement et presque dans l'ignorance les unes des autres, comme
sans pensée commune, sans autre vue que celle de l'hori-
zon borné où s'exerçait leur activité particulière, et sans
moyen efficace d'en sortir.
L'administration était protectrice, paternelle môme, aussi
longtemps que le protestantisme se renfermait dans les
étroles limites qui lui avaient été tracées. Les marques de la
faveur impériale ne lui firent certes pas défaut. Ses pasteurs
reçurent tout ce qu'on accordait au clergé catholique : trai-
tement convenable, dispense de la tutelle, obligation aux
communes de les loger, franchise de correspondance, mémo
le port d'un costume particulier, mais la forte main c|ui tenait
la France entière dans une obéissance tremblante, les
arrêtait à la moindre velléité d'indépendance. Ils ne pouvaient
songer ni à s'étendre ni à propager leur doctrine. La moindre
1. Almanach des Protestants pour l'an 1810 {Annales p. '211).
60 ÉTUDES HISTORIQUES
tentative de prosélytisme eût troublé la paix de l'empire.
D'ailleurs une censure rigide prévenait tous les écarts
possibles de la parole et du livre.
Les sermons mêmes des pasteurs ne pouvaient être impri-
més qu'avec la permission du gouvernement. Il ne paraît pas
que cette discipline sévère leur eût été intolérable. On se
contentait de peu, dans un temps où il n'y avait de liberté
pour personne.
Le pasteur Marron dans un discours sur le Rétablissement
de la religion^, a dit avec une grande justesse les qualités et
les vertus qui honoraient alors les protestants aux yeux du
monde.
« Le Protestantisme est l'opinion religieuse la plus recomman-
dable par sa simplicité, et qui ne donne pas au gouvernement la
garantie la moins assurée aux lois, de la constante pratique des
vertus morales, du développement de l'industrie et des talents dans
tous les genres. »
La religion n'était en effet, pour beaucoup d'entre eux,
qu'une opinion; leurs vertus civiques, vertus d'ordre et de
bonne conduite étaient réelles; et leur instruction supérieure
les élevait à un rang honorable dans la société contemporaine.
Leurs mœurs étaient honnêtes et l'on a remarqué que la
criminalité était chez eux moindre que partout ailleurs. Aussi
jouissaient-ils de l'estime générale. Les catholiques eux-
mêmes, adoucis par une commune souffrance, les respec-
taient : « Les Protestants aiment la vérité, disait M. Lecoz,
archevêque de Besançon-; ils désirent que Jésus-Christ soit
connu et que sa religion devienne la religion du monde
entier. »
« Je fais foule, écrivait de Nantes le pasteur de Joux ',
homme de sentiment et d'imagination qui penchait vers le
mysticisme; les obstacles à vaincre ont enflammé le désir de
plusieurs; mon temple qui regorge jusque dans la rue, est
rempli aux trois quarts de catholiques, d'athées et de déistes.
1. Service solennel d'action de grâce, 5 Floréal an X (25 avril IS02).
2. Lecoz. Lettre à M. de Beaufort, 25 mai 1807.
3. Lettre à Rabaud le jeune.
lÎTUDE.S HISTORIQUES 61
J'en ai fait des hommes de désir; ils ne croient poinl encore
mais ils éprouvent le besoin de chercher l'objet qui remplira
le vide immense qu'ils sont parvenus à ressentir; et sans
partager encore mon opinion, ils sont portés à venir recevoir
l'impression centrale et vivante qui dévelo|)pc en eux ce
principe divin dans lequel consiste la seule loi ((ui n'est point
une créance historique ou logique, mais bien la présence de
Dieu en nous, d'où résulte la vie intérieure et éternelle...
L'on me qualifie dans la Vendée d'évêque protestant, et ici
l'on me traite comme tel. Je vous fais honneur de la chose,
car mon évêché est de votre conception et de votre façon. »
Par contre le pasteur Marron accuse de tiédeur les membres
de son troupeau*.
« Quand je pense à l'habituelle désertion de nos temples, à
l'infréquence de ceux qui, dans nos solennités périodiques, accourent
à nos saints mystères, à notre superficielle instruction dans les
vérités de la foi et à l'insouciance de l'éducation dans cette partie si
essentielle, oh ! pourrais-je ne pas avoir honte de nous ! »
Cette note dans son exagération rhétorique, doit être au
fond plus juste que celle qu'a donnée le pasteur de Joux. Un
autre auteur contemporain fait entendre à peu près les mêmes
plaintes : « Ce qui frappe, dit Monneron dans ses Vues d'un
cosmopolite pour l'avancement des idées morales et religieuses,
c'est l'extrême faiblesse des moyens par lesquels les Kglises
réformées se sont soutenues jusqu'ici; c'est le parfait isole-
ment où elles sont les unes à l'égard des autres. Ce n'est pas
le lieu d'examiner à quel point la tiédeur des proleslanls pour
la propagation des principes évangéliques doit être blâmée-. »
Il constate avec amertume qu'il y a peu de défenseurs de
la vérité et point de progrès.
Non; il n'y avait point d'éveil dans les esprits, point de
zèle religieux en dehors de l'étroit horizon des consistoires,
point d'activité littéraire. La littérature religieuse de l'époque
i. Discours sur le rétablissement de la religion,
2. Voir : la Voix de la religion au xix» siècle, ou Examen des écrits re-
ligieux qui paraissent de nos jours. Tomes 1,2, :{, ;i Lausanne, chez Fischer
et Luc Vincent, ly02 et lt^03.
62 ÉTUDES HISTORIQUES
est d'une extrême pauvreté. Des mandements pastoraux, des
sermons, des catéchismes et des cantiques, quelques tra-
ductions de l'anglais et de l'allemand, quelques ouvrages
d'un caractère plus général, voilà le bilan trop modeste de
tout ce que la France protestante a produit durant ces qua-
torze années. Et combien toutes ces productions sont mé-
diocres!
Il n'y a dans toutes ces œuvres ni beauté de forme, ni ori-
ginalité de pensées : on vivait des restes du xviii" siècle, et
tant bien que mal, après le grand naufrage de l'époque révo-
lutionnaire, on rassemblait les épaves du passé. — Les popu-
lations si longtemps privées de toute instruction, de tout
secours religieux, retenaient avec une fidélité touchante les
traditions anciennes, l'amour des choses crues et confessées
jadis par les pères.
« Les protestants de France, écrivait le pasteur de Joux,
aiment qu'on soit orthodoxe y>, et les pasteurs l'étaient assez
ordinairement, soit par conviction, soit par respect.
III
Ce que l'on cherchait à relever, ce que, en opposition à
l'impiété révolutionnaire qui avait fait tant de ruines, on exal-
tait à l'envi, et dans les chaires catholiques et dans les temples
protestants, c'était « la Religion », un grand mot vague qui
disait mille choses à l'esprit, la Religion a qui nous enseigne
à porter le poids du jour, la religion si touchante, si belle, des
tinée à conduire au perfectionnement et au salut des hommes;
la religion, la science de la vérité et du bonheur. »
« O sainte religion, fille du ciel descendue sur la terre pour le
bonheur du monde! toi seule es le soutien des trônes, le fondement
des empires, l'appui de la prospérité des peuples et de la fidélité des
individus. Toi seule maintiens l'harmonie entre toutes les parties du
corps social, toi seule lu sèmes les jouissances sur notre carrière ter-
restre. Sans toi l'homme n'est qu'un être dénaturé, qu'un sauvage fé-
roce*... w.
i. Armand Delille, Discours prononcé à Valence le 15 août i806.
ÉTUDES HISTORIQUES 03
« Quelle heureuse et brillante époque aux yeux des amis de la
vertu! Des ruines qu'elle habitait, la Religion remonte sur son trône;
la Nation s'incline devant elle, et la replace avec transports au rang,
qu'elle n'aurait jamais dû perdre, de première institution sociale* ».
La religion, pour le plus grand nombre des protestants,
c'était quelque chose comme un déisme supranaturallste où
les dogmes du christianisme conservaient leur place, sinon
leur importance. Tout ce qui est spécifiquement chrétien, la
personne de Jésus-Christ, centre de la vie, la repentance, la
justification par la foi, cet ensemble de pensées et de senti-
ments qui transportent l'homme dans un monde nouveau,
était enseigné clans les catéchismes, chanté dansles cantiques,
prêché dans les sermons, mais n'était malgré cela ni compris
ni vécu ; de là ce caractère de tiédeur et de pauvreté spiri-
tuelle que revêt la littérature religieuse de ce temps. On crai-
gnait et Ton prêchait Dieu, l'immortalité, les récompenses et
les peines dans la vie à venir, la charité, la tolérance, et une
morale élevée. Cette prédication, si maigre qu'elle fût, n'é-
tait pas impuissante; car elle maintenait parmi la foule un
grand respect des choses saintes et des habitudes d'honnê-
teté, de moralité sévère.
Telle était la foi générale des Églises, spécialement de la
masse des fidèles^ peu instruite dans les choses de la religion.
C'était, il est vrai, un minimum de piété et de connaissance.
On y tenait pourtant, car on le considérait comme un héri-
tage sacré qu'il n'était pas permis de laisser tomber.
Un assez grand nombre de pasteurs, et des plus marquants,
avaient dépassé ce point de vue tout conservateur, obéissaient
à d'autres tendances, plus libres, plus avancées, plus hostiles
à l'ancienne foi. Ouvertement ou secrètement, ils étaient
« Sociniens ».
« Serez-vous orthodoxe dans votre foi? Je le suis et les protes-
tants de France aiment qu'on le soit. Serez-vous socinien comme...
comme... Mon Dieu! qui ne l'est pas? J'en gémis, mais il
nous faut cacher les offenses et ne pas les révéler... La plupart
des Calvinistes, et peut-être des pasteurs de notre Église tendent
I. Voir : De la religion au xw" siècle, lome 2 (1802).
64 ÉTUDES HISTORIQUES
au socinianisme, ou sont tout au plus ariens; j'en connais infini-
ment peu d'orthodoxes. J'ai préclié et je crois sincèrement l'ortho-
doxie; mais je suis tolérant, ennemi des disputes théologiques; et il
ne faudrait pas mettre la divinité de Jésus-Christ au rang des
dogmes calvinistes, ainsi que la trinité, pour faire crier la plupart
des ministres qui n'y croient pas, quoiqu'ils ne se soucient pas de
l'avouer*. «
Ce socinianisme n'était au fond qu'un déisme teinté de
christianisme. Il venait de Genève.
Genève, la vieille cité de Calvin, était restée ce qu'elle
était au temps où J.-J. Rousseau malmenait son clergé, un
foyer de lumière, une pépinière de savants dont cjuelques-uns
étaient illustres. Cinq Genevois étaient membres de l'Institut
impérial. Depuis sa réunion à la France, elle était le centre
où les jeunes théologiens réformés venaient puiser leur ins-
truction et prendre leurs grades. Ses professeurs étaient
renommés, ses pasteurs jouissaient au dehors d'une grande
considération. La théologie qu'ils enseignaient, Tévangile
qu'ils prêchaient, n'étaient au fond qu'un écho affaibli de
cette doctrine socinienne qui avait agité le protestantisme à la
fin du xvi'= siècle.
Sous des formes atténuées ils n'enseignaient que les dogmes
de la religion naturelle, laissant dans l'ombre l'œuvre et la
personne de Jésus-Christ et les mystères chrétiens. Le vieil
esprit calviniste avait disparu, les formes étaient restées les
mêmes. Genève donnait le Ion aux protestants de langue
française. On enviait ses richesses intellectuelles; c'était la
mère des Églises.
« Rien de plus auguste que la célébration des sacrements dans
les Églises de Genève; celui de la sainte Cène y a lieu avec la plus
grande décence et le plus profond recueillement; et celui du bap-
tême est accompagné d'un acte vraiment solennel auquel l'assem-
blée debout prend part; le repos du dimanche y est très religieu-
sement observé, et la police exerce une surveillance sévère sur ce
point- ».
1. Lettre du pasteur de Joux à Rabaul le jeune, Papiers Rabaut (1S05
et 180G).
■1. Almanach des protestants de l«iO.
ÉTUDES HISTORIQUES 05
Ce grand contentement, celte sécurité dans le vide dure-
ront jusqu'au jour où les violents du Réveil, les Ami Bost, les
Haldane, les Empeytaz, viendront leur reprocher durement
« de n'avoir suivi que l'autorité d'une raison orgueilleuse,
d'avoir celé ou attaqué ouvertement ladivinitéde Jésus-Christ,
d'être moins respectueux à son égard que Mahomet, de ne
savoir et de ne pratiquer que l'art oratoire, d'avoir abandonné
leurs étudiants dans une honteuse ignorance des saintes écri-
tures; de ne savoir rien ni de la chute de l'homme, ni de son
état déperdition, ni de la justiOcalion par la foi, ni du Saint
Esprit, ni des mystères divins; enfin d'avoir renié l'Évan-
gile de Calvin, et d'avoir fait schisme avec les Églises de
France... ».
Mais, ajoutent-ils avec amertume, « cela plaisait au peuple y.
IV
De Genève, la vieille doctrine socinienne avait rapidement
pénétré en France, non scientifiquement, car de science il ne
pouvait être question alors, mais sous une forme populaire
fort appropriée aux tendances générales de l'époque, à ce
besoin de simplicité, de tolérance, de charité, de bon sens,
de raison, à cette répulsion pour les spéculations et les
choses mystérieuses qui étaient comme l'atmosphère que
tout le monde respirait.
Le bréviaire de cette théologie était le catéchisme de
Jacob Vernes à qui, je crois. Voltaire écrivait : «Je signe votre
profession de foi, carissime f rater in Deo et in Serveto ». Ce
catéchisme « à l'usage des jeunes gens de toutes les confes-
sions chrétiennes », partait de ce principe que « certains
dogmes sont obscurs, incompréhensibles, non essentiels à la
foi, qu'ils divisent et entretiennent dans l'Eglise l'intolérance;
que tous les chrétiens au contraire tomberont d'accord sitôt
qu'ils s'en tiendront aux choses qu'unanimement ils con-
fessent : un Dieu créateur qui s'est révélé par Moïse, les
prophètes et Jésus-Christ, le Messie, l'envoyé de Dieu qui
est venu dans le monde pour instruire les hommes de leurs
66 ÉTUDES HISTORIQUES
devoirs et leur procurer par sa mort le pardon des péchés
dont ils ont une sincère repenlance, Jésus-Christ ressuscité
quia mis en évidence la vie et l'immorlalité ; la foi mani-
festée par les œuvres, Tamour de Dieu et du prochain, la
tempérance, la patience, car l'homme vertueux travaille à
son bonheur présent et éternel. »
« ...Celte doclrine est si belle si conforme aux lumières delà raison,
si supérieure à toutes les doctrines humaines, si propre à faire le
bonheur des particuliers et des sociétés, qu'on ne peut s'empêcher
de l'attribuer à Dieu ! »
En réalité cet Evangile auquel tous les chrétiens peuvent
donner leur assentiment, se réduisait à fort peu de choses.
— La foi n'est que l'acquiescement aux vérités de la Religion ;
Jésus-Christ est le Messie, le fils de Dieu envoyé de sa part
pour instruire les hommes de leurs devoirs et pour les
ramener, en les pratiquant, dans la route du vrai bonheur
dont ils s"'étaient écartés. Il est notre Sauveur parce qu' « Il
a fait tout ce qu'il a fallu pour détourner les hommes du
péché; il les a instruits de toutes les vertus et il leur a appris
quel sera le sort des pécheurs et des gens de bien après
cette vie. — Les sacrements sont des signes visibles qui nous
rappellent les grâces de Dieu envers nous et nos devoirs
envers lui. « On a beau analyser ce catéchisme, disait un
écrivain catholique, M. de Beaufort, on ne saurait en expri-
mer que l'élixir du plus pur socinianisme. »
Ce qui caractérise cette tendance religieuse, ce n'est point
l'absence de tel dogme, le rejet de telle doctrine jadis crue
et confessée; c'est la complète indifférence de tout dogme et
de toute croyance, c'est la réduction de l'Evangile en un spi-
ritualisme plus ou moins élevé, c'est un optimisme terre à
terre qui ne voit dans la vie qu'un sourire; c'est l'absence de
sérieux moral qui empêche l'âme de se replier sur elle-même
et de penser à sa détresse. On pouvait professer, prêcher
cela; on n'en vivait pas.
M. Marron était en France le propagateur zélé sinon l'in-
troducteur de la doctrine. Il avait publié lui-même une édition
I
ÉTUDES HISTORIQUES 67
du catéchisme de Vernes, qui d'ailleurs se multipliait, en y
ajoutant des prières et des cantiques de sa façon*.
On doit louer son sort quand au fond de son cœur,
On peut descendre en paix et trouver Vinnocence.
Tous les discours ce ce temps, tous les sermons des pas-
teurs sont pénétrés de ce même esprit. La même note revient
sans cesse, uniforme, monotone, fatigante à l'excès par
l'abus d'une rhétoricjue insupportable. Ces hommes, môme
les meilleurs, quand ils montent en chaire déclament des
lieux communs, et jusque dans leurs prières ils sont empha-
tiques :
« Grand Dieu, dont l'astre du jour et le monde des insectes nous
prêchent également la grandeur et la puissance, que les anges et
les hommes adorent par un saint concert, qui ne te laisses en aucun
instant, envers aucune des créatures, sans des témoignages sen-
sibles de ton infinie bonté; nous te bénissons de ces relations non
moins honorables que salutaires que tu nous permets de souteni
avec toi*.... »
« O Père des hommes, ô notre bienfaiteur! tu as voulu dans ta
grande sagesse et dans la bonté infinie que les mortels vécussent
en société... Tu as placé le bonheur dans ces intéressantes relations
qu'un doux penchant nous porte à désirer et à soutenir'. »
Les mêmes pensées, les mêmes formes, la même sensi-
blerie oratoire reviennent chez tous*. Ils ne parlent que de
leur joie de voir l'anarchie détruite, de la bonne providence,
de la concorde et de la tolérance, de la morale sans laquelle
il n'existe pas de société, de la religion sans laquelle il n'y a
pas de morale, de la protection auguste de l'Etat et du
1. Catéchisme à l'usage des jeunes gens de toutes les communions chré-
tiennes, par Jacob Vernes, pasteur. Paris, ctiez G. Dufour el Perlel.
2. Marron, Discours prononcé à l'occasion de l'achèvement de la Consti-
tution, 1791.
3. Armand Delille, Discours sur le rétablissement de la Religion, 15 août
1806.
4. Tous ces sermons sont des discours d'apparat, pril^clics en des cir-
constances solennelles. Les sermons de Moulinié et de Celléi'iei-, le bon
pasteur de Satigny, montrent qu'il y avait aussi une autre prédication,
plus simple, plus édifiante, repondant à des besoins sérieux.
68 ÉTUDES HISTORIQUES
bonheur d'avoir leur place au soleil de la nation. — Le monde
de la vie intérieure est ignoré.
« Je me plais de nouveau à vous répéter, écrivait un pas-
teur à Rabaut le jeune*, que je bornerai constamment mon
ambition la plus noble à toujours servir la cause de l'Etre
suprême, soit par mes discours, soit par ma conduite privée
et publique, à revêtir sans cesse le caractère d'un ministère
de paix pour rallier les hommes à des sentiments d'amour et
de concorde, à être l'apôtre le plus zélé de l'humanité, à
accomplir avec tout le zèle et l'exactitude requise les devoirs
de mon état et ceux qui me procurent la soif ardente de faire
le bien, devoirs qu'on peut appeler les délassements d'une
âme sensible. »
L'idéal auquel ce brave homme désirait consacrer sa vie
était celui que tous rêvaient, que tous autour de lui prêchaient.
V
Néanmoins, en dépit de cette pauvre théologie, le protes-
tantisme méritait le respect dont il était entouré. Des hommes
marquants, des juristes distingués, des généraux, des savants
illustres attiraient sur lui l'attention universelle. Le corps
pastoral dans son ensemble était considéré. Charles de Vil-
1ers le vante pour son instruction solide et la bonne influence
de ses mœurs patriarcales. — On s'ingéniait à rétablir les
instilulions que les persécutions et la tourmente révolution-
naire avaient détruites. A côté de TAcadémie de Genève on
relevait celle de Strasbourg (15 mars 1803), puis en 1809 la
Faculté de théologie de Montauban. Des asiles pour les
malheureux, des fondations charitables s'élevaient ici et là;
et entre toutes ces choses naissantes surgissait comme par
enchantement l'œuvre étonnante du bon Oberlin dans les
Vosges. — Oberlin, prophète, voyant, dans un siècle assez
irréligieux, régénérait tout un pauvre pays perdu dans les
montagnes.
1. Lettre du pasteur Fallot à Rabaut le jeune; Papiers Rabaut.
ÉTUDES HISTORIQUES 69
Beaucoup de pasteurs avaient, môme parmi les catholiques,
un beau renom d'éloquence. On citait avec éloge Alestrezat,
Rabaut-Pommier, de Joux, Pradel-Vezenobre , Armand
Delille, Frossard, qui fut un des zélés créateurs de la Faculté
de Montauban, Ami Martin qui harangua Napoléon au jour
de son sacre, et qui a attaché son nom à la version genevoise
de la Bible de 1805, etc., etc.
Le plus renommé de ces prédicateurs, le plus en vue, le
plus actif fut sans contredit le pasteur Marron. Ancien cha-
pelain de l'ambassade de Hollande, il démissionna en 1788;
dès Tannée suivante, sous l'inspiration de Rabaut-Saint-
Etienne, il rassembla les protestants épars de la capitale,
ouvrit un culte dans une salle située rue Mondétour, atte-
nante au cloître Saint-Jacques-de-l'Hôpilal, puis dans la rue
Dauphine, puis encore avec la protection de Bailly et de La
Fayette, à l'église du ci-devant chapitre de Saint-Louis-du-
Louvre. Arrêté comme suspect sous la Terreur, la veille de
la fête de l'Etre suprême, il charmait ses loisirs en rimant de
trop légers badinages. Cette insouciance frivole avec la pers-
pective de la guillotine ne lui est pas particulière. Elle carac-
térise cette étrange époque. — Délivré après la mort de
Robespierre, il reprit son œuvre sous un ciel plus serein; et
dès lors il mit au service de l'Église de Paris tout ce qu'il
avait de zèle et d'énergie. Il en devint l'inspirateur et l'âme.
Sa vie tout entière lui appartint; il présida à toutes les
œuvres de son relèvement, et son action comme ses conseils
s'étendaient à toutes les autres Églises. C'était un admirable
organisateur et un orateur de grand mérite, « emphatique et
déclamateur », dit Martin Dupont*, qui dans sa Jeunesse l'a
connu : « Il était de son siècle et ne le dépassait pas. »
VI
Il ne paraît pas que le rationalisme allemand ail pénétré
sérieusement en France durant l'époque napoléonienne. On
1. Martin Dupont. Mes impressions ([9aZ-\ti~i&). Pai-is, 1S78.
70 ÉTUDES HISTORIQUES
n'en trouve les traces que dans les provinces nouvellement
conquises, où il se révèle par un relâchement du lien ecclé-
siastique.
« Dans les départements de la rive gauche du Rhin, dit la
Voix de la Religion^; les Calvinistes ont renoncé à leur doc-
trine de la prédestination et les Luthériens ont adopté celle
des Calvinistes à l'égard de l'Eucharistie. Déjà conformément
à cette convention, le ministre luthérien de Mayence a célé-
bré la sainte Cène selon le rite réformé; le même fait a eu
lieu dans d'autres communes des départements de Mont-Ton-
nerre, de la Roër, du Rhin et de la Moselle; on espère qu'un
grand nombre d'autres communes suivront cet exemple". »
A Strasbourg, des hommes d'une très grande valeur, d'es-
prit et de caractère élevé, Blessig et Haffner, qui menaient
presque souverainement les affaires de l'Église, et avaient
sur le clergé alsacien une influence incontestée, n'étaient
point rationalistes dans le sens exact de ce mot. Ils apparte-
naient à la tendance supranaturaliste, insistaient sur l'accord
providentiel de la révélation et de la raison, et tout en adou-
cissant, il est vrai, les angles des dogmes anciens, ils se mon-
traient fort libéraux en toutes choses, mais n'allaient pour-
tant pas jusqu'à rejeter le surnaturel biblique et à réduire
l'Évangile à l'enseignement d'une sagesse morale.
On se préoccupait néanmoins, en France, de cette doc-
trine; on savait qu'elle florissait en Allemagne. Un philosophe
chrétien, Jean Tremblaj^, entreprit d'en faire la réfutation
dans un grand ouvrage qu'il intitula : Considérations sur Vétat
actuel du Christianisme :
« Qui croirait qu'après tant d'événements désastreux arrivés en
Europe depuis vingt ans, et dont les peuples se vengent maintenant
sur la philosophie des incrédules, en la livrant à l'indifférence et au
mépris, qui croirait qu'une poignée de philosophes dont les noms
sont inconnus, s'efforceront, dans un coin de la basse Allemagne où
ils écrivent, de donner une nouvelle forme à ces sophismes dont la
1. La Voix de la Religion, tome 2, p. 198.
2. Le journal ajoute qu'on a pressenti Portails et que celui-ci aurait
répondu « qu'on ne peut rien changer aux dogmes sans l'approbation du
Gouvernement ».
î
ÉTUDES HISTORIQUES 71
religion des Français a fait justice, et de ressusciter celte incrédu-
lité systématique dont on n'est pas moins dégoûté que des stupides
erreurs de la superstition? »
« Ces nouveaux philosophes, qui se disent aussi théologiens,
disent que tout ce qui n'est pas dans l'Évangile précepte de morale,
aujourd'hui que la raison humaine est perfectionnée, ne doit plus
être regardé que comme des métaphores. Ainsi les miracles ne sont
plus que des événements naturels'. »
Le livre de Jean Tremblay* est un ensemble de considéra-
tions élevées, écrites en un style noble et soutenu, une défense
du Christianisme contre l'assaut des nouvelles doctrines.
« On prétend le dépouiller de tout ce qui lient à l'histoire et aux
faits; on rejette avec dédain tout ce qui suppose une intervention
immédiate de la divinité; on ne veut entendre parler ni d'inspira-
tion proprement dite, ni de miracles; tout se réduit à de simples
spéculations philosophiques, à des préceptes de morale dont la rai-
son humaine est le juge suprême... ». — « Je veux chercher à quoi
se réduit cette religion qu'on substitue avec tant d'efforts à celle qu'on
avait coutume de prêcher aux peuples, quelle influence les idées
religieuses auront désormais sur lui; et quelle sera la stabilité d'une
société qui n'admettra plus que des idées abstraites, des concep-
tions imaginaires et des phrases alambiquées dont il n'est pas pos-
sible de déterminer le sens. t>
L'auteur s'applique à réfuter les explications ridicules que
les rationalistes donnent des miracles évangéliques, à mon-
trer que le système de ces novateurs est en contradiction
avec la nature de l'homme et avec ses principes; que les
objections qu'ils élèvent contre les signes directs d'une révé-
lation divine, sont sans aucun poids. Il indique les bornes
que la nature a assignées à cette raison dont on exagère
l'étendue et la force; et il fait ressortir le caractère de la reli-
gion du chrétien, « lequel, toujours humble dans ses senti-
ments, mais ferme dans sa conduite, et sublime dans ses
espérances, traverse sans se décourager celte vallée de
1. Almanach des Protestants.
2. Jean Tremblay, Considérations sur Vctat présent du Christianisme.
Paris, 1809, chez Gabriel Dufour et chez Jiertin, à la librairie prolcstanlc,
rue Saint-Thonias-du-Louvre.
72 ETUDES HISTORIQUES
misère, affronte sans s'étonner les revers les plus accablants,
et trouve dans le sens même des calamités une douceur et
des consolations qui sont inaccessibles à la philosophie et
aux efforts humains. »
Ce livre était l'œuvre d'un esprit distingué, habitué aux
spéculations philosophiques, mais sans grande science théo-
logique. Il s'élevait par la pensée et par le sentiment au-dessus
des productions vulgaires de la littérature courante. Il fut peu
lu, car le temps n'était guère propice aux recherches spécu-
latives.
VII
La tiédeur, un niveau moyen de vie et de connaissance, un
manque de préoccupation pour les choses de l'âme, des
habitudes religieuses plutôt qu'une véritable piété, une vive
répulsion pour les excès d'impiété auxquels la Révolution
s'était livrée, une honnête soumission aux dogmes de la révé-
lation, quelque chose de languissant et de froid, tels sont les
traits principaux qui caractérisent cette époque.
Il y avait bien, comme il y a eu toujours dans l'histoire de
l'Église, des traces d'une vie plus intérieure et d'une piété
plus vivante; mais ces traces mêmes étaient insaisissables.
Outre cette petite communauté de Quakers et d'amis éta-
blis dans le Gard, et dont nous avons parlé, il y avait tout le
long de la frontière de la Suisse et de l'Allemagne, ici et là,
quelques réunions moraves, mais de fort minime importance.
A Genève, dans le petit monde, quelques amis se réunis-
saient en commun, priaient, chantaient ensemble, lisaient la
parole de Dieu, cela dans une extrême simplicité et sans
recherche de prosélytisme, sans nulle pensée de rompre
avecl'Église établie. Fidèles à tous les exercices du culte, ils
demandaient uniquement à ces réunions fraternelles l'ensei-
gnement et l'édification qu'ils ne trouvaient point dans les
temples. On les surveillait et on les méprisait : « Ils ont,
disait M. ChenevièreS une théologie obscure et puérile. »
1. J.-J. Ciienevière, Précis des débats thcqlogiques. elc, 1821.
ÉTUDES HISTORIQUES 73
En Alsace, pays de mysticisme, les réunions de ce genre
étaient assez nombreuses : Moraves, Ghiliastes, gens qui
attendaient le règne de mille ans, Piétistes disciples de
Spéner, Tout ce monde était silencieux, renfermé. Ils en-
tretenaient au sein même de TÉglise un ferment de vie inté-
rieure, qui parfois se communiquait aux pasteurs et les
entraînait.
Il en était de même au pays de Montbéliard. C'est là qu'au-
trefois avait prêché le pasteur Nardin, disciple de Spener, et
ses sermons imprimés étaient lus dans les familles. Ils y
maintenaient dans un milieu fort porté au rationalisme une
piété sérieuse.
Quelques pasteurs vivaient de celte vie, humbles, voués à
un ministère difficile.
C'est de ce petit monde ignoré que sortit le doux cantique :
La seule chose ici-bas nécessaire
C'est de l'aimer, ô mon divin Sauveur.
Sans loi, Jésus, toute àme se tourmente
El cherche en vain la joie el le repos;
Mais avec loi la paix du cœur augmente
El la présence adoucit tous les maux.
Fais que mon âme après loi seul soupire
O Jésus-Christ, ô source de tout bien,
Qu'à nulle chose au monde je n'aspire;
Car ici-bas, tout ici-bas n'est rien.
Félix Kuhn,
LI. - G
Documents
UN MANDAT D'ARRÊT DU PARLEMENT DE GUYENNE
CONTRE BERNARD PALISSY
ET LES PREMIERS FIDÈLES DES ÉGLISES DE SAINTES
ET DE SAINT-JEAN-d'aNGÉLY
(1558)<
On sait que Bernard Palissy fut des premiers à embrasser
la religion protestante et à faire pour elle en Saintonge une
propagande active : on connaît en effet les relations du potier
avec Philbert Hamelin, l'apôtre de la Réforme dans le pays,
et le rôle important qu'il joua dans l'organisation de TÈglise
de Saintes fondée par Hamelin en 1556 -. Lui-même, avec
sa naïveté habituelle et le charme de son style si simple,
nous a laissé le récit des premières réunions des fidèles.
D'accord avec un autre artisan comme lui « pauvre et indi-
gent à merveille », comme lui « d'aussi peu de savoir, car
tous deux n'en savoyent guère », mais tous deux ayant « un
aussi grand désir de l'avancement de l'Évangile », il suscite
les premiers cultes et « un dimanche au matin », assemble
neuf ou dix personnes; c'est lui, à n'en pas douter, qui se
i. Bernard Palissy est le premier huguenot de marque sur lequel ce
Bulletin a attiré l'attention il y a cinquante ans. On trouvera, dans la pre-
mière livraison, p. 23, l'article et surtout les extraits soii,'neusement colla-
tionnés d'après le texte original du premier livre du potier saintongeais,
que M. Ch. Read mit alors en lumière. Depuis lors, et surtout dans ces
dernières années, il a été à plusieurs reprises question de Palissy dans ce
recueil. Nous avons pu donner sur son séjour à Sedan des détails inédits
et raconter récemment d'après l'Estoile un épisode dramatique des der-
niers jours du martyr. Nous compléterons aujourd'hui et dans notre pro-
chaine livraison ces découvertes, en publiant deux textes inédits trouvés
naguère, le premier par .M. H. Patry, et le second, parle soussigné.
N. W.
2. Benj. Fillon, Lettres écrites de la Vendée, Paris, 1861, in-S", p. 'j6;
Audiat, Bernard Palissy, 1868, in-18, p. 149 et ss. ; Ernest Dupuy , Bernard
Palissy, in-18, p. 21 et ss. Cf. Bull., 1893, 373.
DOCUMENTS 75
charge de la première exhortalion ayant, « parce qu'il esloit
mal instruit es lettres..., tiré quelques passages du vieux et
nouveau Testament » qu'il lit à ses auditeurs; c'est lui enfin
qui organise les cultes suivants et assure la continuité des
réunions : « car en ceste mesme heure ils convindrent en-
semble que six d'entre eux exhorteroyent par hebdomade
savoir est un chacun de six en six semaines, les Dimanches
seulement* ».
Ces premières réunions ne tardèrent pas à être trou-
blées : les ennemis de la petite Église étaient nombreux;
ils ne se bornèrent pas à des calomnies contre les fidèles,
mais les dénoncèrent au Parlement de Guyenne. Celui-ci,
docile à exécuter les ordres du pouvoir central prescri-
vant la recherche et la punition rigoureuse du « crime
d'hérésie », dirigeait alors d'activés poursuites contre les
réformés de la Saintonge. Ce n'est pas à Saintes seulement
en effet qu'à cette époque on essaye de se grouper et d'orga-
niser les Églises, mais c'est dans le pays tout entier qu'une
agitation considérable se manifeste, quoique sourdement
encore. Des assemblées, des prêches sont signalés en maint
endroit, suscités par des pasteurs qui, à la suite d'Hamelin,
arrivent pour la plupart de Genève et paraissent tous animés
de l'activité infatigable de Calvin qui les a envoyés. Ce ne
sont plus seulement alors des gens de métier isolés, des pré-
dicateurs suspects et des régents, comme dans les années
précédentes, que le Parlement de Guyenne va s'appliquer
à poursuivre. Toutes les classes de la société paraissent
gagnées par l'hérésie : le Parlement se défie des officiers
royaux; il se défie des officiers municipaux; il se défie enfin
de l'évêque de Saintes lui-même et de son entourage. — Des
magistrats sont envoyés dans la région pour essayer d'étouffer
les foyers d'hérésie qui s'allument de toute part. Les pour-
suites se multiplient en l'année 1558.
En août le Parlement se décide à envoyer une commission
d'enquête qui parcourra toute la région ; l'évêque de Saintes
devra déposer au greffe du tribunal la somme de 300 livres
1, Œuvres, op. cit., l. I"', p. 122 et 123.
76 DOCUMENTS
pour faire les frais des procédures et du déplacement des
commissaires ^
Le président Léonard Alesme, et le conseiller Pierre de
Pomiers, tous deux avec le titre de « commissaires... dep-
putez pour aller au pais et seneschauscée de Xainctonge
enquérir sur le faict des hérésies », accomplirent leur mis-
sion à la fin du mois d'août et à leur retour déposèrent
rapidement un rapport.
A Saint-Jean-d'Angély ils avaient fait constituer prison-
niers Pierre Roussel, Sébastien Pivateau, François Gouguyn,
Catherine Doucette, sa femme, Pierre Begault et les sergents
royaux Jean Alenet et Robert Audry. Sur le rapport des deux
commissaires enquêteurs, la Cour, par arrêt en date du
15 septembre 1558, ordonna que tous ces prisonniers seraient
menés sous bonne garde dans les prisons de la concier-
gerie. Ordre était aussi donné aux officiers de Saint-Jean de
constituer prisonniers Nicolas Darnac, vitrier, et sa femme,
Cyprien Jousseaulme, barbier, et sa femme, et Jean de Vaulx.
A Saintes, Colette Maudot, femme de Mathurin Seurin,
boucher, était déjà arrêtée : la cour enjoignit aux autorités
locales de l'envoyer à Bordeaux et en même temps de faire
prendre au corps Nicolas V'eyrel, apoticaire-, Guillemette
1. Extraits des registres secrets du Parlement de Guyenne. Bibliothèque
de Bordeaux, ms. 370, p. 496 : « 1558, 13 août. Arreslé que l'évesque de
Saintes tournira 300 livres... pour les frais des commissaires qui vont en
Saintonge contre les hérétiques ». — Et ibid., p. 490 : « le roi approuve les
taxes faites sur les évoques de Condom et de Saintes pour poursuivre les
hérétiques. »
2. Ce Nicolas Veyrel était peut-être le grand-père de Samuel Veyrel,
l'archéologue saintongeais, qui publia en 1635 son Indice du cabinet de
Samuel Veyrel, apothicaire à Xainctes, et observations sur diverses mé-
dailles.
Faujas de Saint-l'ond (Édition des Œuvres de Bernard Palissy, Paris,
1777, in-'i», p. 674) avait voulu voir dans ce dernier l'ami même de Bernard
Palissy. Mais Samuel était trop jeune pour avoir connu Bernard Palissy
à Saintes; il ne naquit, en effet, qu'en 1575. Il était fils de Samuel Veyrel,
aussi « maistre apothiquaire » et de Luce Mercier.
La famille des Veyrel était originaire de Périgueux. Sur eux, on pourra
consulter : L. Audiat, Bernard Palissy, op. cit., p. 208; Archives histo-
riques de Saintonge- A unis, t. Vlll (année 1880), p. 430 et ss.; Bulletin
de la Société des archives historiques de Saintonge- Aunis, années 18SC-
1882 (t. III), p. 203 et 206; et année 1888 (t. VIII), p. 193 et ss.
DOCUMENTS 77
Patronne, « vefve de feii Leconseil, hostesse du logis où
pend par enseigne le Verd galand * », André Bodet son fils,
Malhurin Seurin, boucher, Nicolas Le Brodeur, Joseph Le
Masson fils de M« Léger Le Masson, Guillaume Girault et
enfin « Bernard Palissis dicL le potier- ».
C'était là le noyau même de cette humble Église de Saintes
dont Bernard Palissy nous dit qu'elle ne se composait à son
début que de neuf à dix personnes. Cet apoticaire, ce boucher,
ce potier, c'étaient ces artisans « pauvres et indigents à mer-
veille » qui tous les dimanches se réunissaient pour lire, à
tour de rôle, des passages de la Bible et s'exhorter mutuelle-
ment-^
Enfin les lieutenants généraux, les lieutenants particuliers,
les lieutenants criminels, les avocats et les substituts du pro-
cureur général des sièges de Saintes et de Saint-Jean devaient
se présenter dans la quinzaine devant le Parlement, ainsi que
M* Jacques de Bizet, neveu et grand vicaire de l'évèque de
Saintes, Tristand de Bizet*.
La court après avoir oy le rapport de M" Léonard Alesme, con-
seiller du Roy et président es enquestes, et Pierre de Pomiès, aussi
conseiller dud. seigneur en lad. court, commissaires par elle dep-
putéz pour aller au pais et seneschauscée deXainclonge y enquérir
sur le faict des hérésies, oy aussi La Perrière pour le procureur gé-
néral du roy, a ordonné que les lieulenens général et particulier,
ensemble le lieutenant criminel, advocat et substitué du procureur
général du Roy es sièges de Xainctes et Sainct Jehan d'Angely com-
paraistront en icelle en personne dans quinzaine après que leur sera
signiffié pour respondre aux fins et conclusions dud. procureur
1. Peut-êti-e faut-il voir dans cette Guiilemelte Patronne,» veuve de feu
Leconseil », nous dit l'aiM-èt, la future femme du pasteur Claude La Bois-
sière, dit La Place. Dans une note suivante on vei-ra en effet que Guille-
mette Patronne était de nouveau poursuivie en 15."j9, et condamnée par le
Parlement de Bordeaux. Or, nous dit Théodore de Bèze, la femme de La
Boissière, « en cest orage (de 1559) fut faite prisonnière avec plusieurs
autres à Saintes » (Th. de Bèze, éd. Baum, Gunitz et Heuss, I, p. 230).
2. Arrêt du Parlement en date du 15 septembre 1558. Archives départe-
mentales de la Gironde, B 119 (Parlement, minutes des arrétsi, 1 i)ièce
papier, à la date.
3. Bernard Palissy, Œuvres, éd. B. t'ilion, t. I, p. 123.
4. Arrêt du Parlement cit.
78 DOCUMENTS
général du Roy ; et néanmoins enjoinct aux officiers aud. siège
Sainct Jehan d'Angely de mener ou faire mener et conduire seûre-
ment es prisons de la conciergerie d'icelle, Pierre Roussel, Sébas-
tien Pivateau, François Gouguyn, Catherine Doucete sa femme,
Pierre Begault, Jehan Alenet, sergent roial et Robert Audry aussi
sergent roial, ayant esté constituez prisonniers aud. Sainct Jehan
par ordonnance desd. commissaires pour y ester à droict et estre
contre eulx procédé ainsi que il aparliendra et ce à peine de dix mil
livres; aussi leur enjoinct, sur mesmes peynes que dessus, faire
diligence de faire prendre au corps et constituer prisonniers Nicolas
Darnac, vitrier du dict Sainct-Jehan d'Angely, et sa femme, Cyprien
.lousseaulme, barbier, et sa femme, et Jehan de Vaulx et iceulx
menner en lad. conciergerie pour estre aussi contre eulx procédé
ainsi que de raison.
Et à semblables peines que dessus, enjoinct icelie court aux
officiers aud. siège de Xainctes de faire mener et conduire seûre-
ment es prisons de la conciergerie Colele Maudot, femme de Ma-
thurin Seurin, bouchier dud. Xaintes; et pareilhement faire dili-
gence de faire prendre au corps et constituer prisonniers Nicolas
Veyrel appoticquaire, Bernard Palissis dict le potier, Guillemete
Patronne, vefve de feu Leconseil, hostesse du logeis où pend par
enseigne le Verd Galant, André Bodet son filz, Mathurin Seurin,
bouchier, Nicolas Le Brodeur, Joseph Le Masson fils, et M« Legier
Le Masson, Guillaume Girault et iceulx menner et conduire soubz
bonne et seùre garde es prisons de lad. conciergerie, pour estre
aussi contre eulx procédé ainsi que de raison ; dans lequel temps
ordonne néanmoins lad. court que M' (Jacques de) Bizet*, vicaire
général de l'evesque de Xainctes comparoistra en icelie en per-
sonne, pour respondre aux fins et conclusions dud. procureur
général du roy.
w' septembris mVlviiij.
[Au bas :] La provision a esté depeschée sur lad. ordonnance et
commis l'huissier Borie pour l'aller exploicler.
Il n'est pas inutile de noter l'importance de cet arrêt du
Parlement pour l'histoire des débuts du protestantisme dans
la Saintonge : tout d'abord il nous donne les noms des tout
1. Ici un blanc dans loriginal : le greffier pour une cause ou pour une
autre ignorait, au moment où il écrivait l'arrêt, le prénom du neveu de
l'évcque de Saintes, Jacques de Bizet (cf. la note seq.).
DOCUMENTS 79
premiers fidèles des Églises de Saintes et de Saint-Jean-
d'Angély; il nous confirme le rôle important joué par Bernard
Palissy, le potier humble alors, illustre maintenant, dans
l'organisation de TÉglise de Saintes à ses débuts; il nous
indique la date précise des premières poursuites dirigées
contre lui, jusqu'à présent complètement ignorées.
D'une façon plus générale on pourra en dégager quelques
considérations encore : tout d'abord à propos de l'attitude
des artisans, des premiers à se rallier aux idées de Réforme,
et à former des groupements; à propos aussi de l'altitude
des classes plus élevées et plus éclairées, magistrats royaux
ou municipaux qui déjà tacitement gagnés au protestantisme
ferment les yeux et laissent se réunir les réformés; à propos
enfin de l'attitude de quelques-uns des membres du clergé
catholique qui favorisent les premiers progrès de la Réforme
jusqu'à ce qu'ils se mettent ouvertement du côté des nova-
teurs.
C'est grâce à la protection des officiers royaux et munici-
paux que la plupart des poursuites décrétées par le Parle-
ment de Guyenne ne purent recevoir d'exécution. Pour les
mois qui suivirent nous n'avons trouvé en effet aucune trace
de condamnations prononcées contre les personnages dé-
crétés d'accusation dans notre arrêt. Seul, Sébastien Piba-
teau (ou Pibeteau) paraît avoir été poursuivi' : nous pen-
1. Aux Archives départementales c!c la Gii'onde, les minutes des arrêts
du mois d'octobre niantiuent complètement; celles de décembre et de
novembre ne subsistent que très incomplètes; le rei^istre correspondant à
ces mois a disparu. Mais on trouve encore des Registres d'espisses où
sont notées h la date de l'arrêt de condamnation les sommes ducs par le
condamné au rapporteur de son procès. Dans ceux qui correspondent aux
derniers mois de l'année 1558 et aux premiers mois de 1559, nous avons
trouvé seulement deux mentions intéressant notre aCIaire. La première
est celle d'un arrêt rendu contre Sébastien Pivatcau (ou Pibeteau), à la
date du jeudi 2'i novembre i558 : « Du jcudy XXIIIh" no''"' MX'LVIU :
Alesme; — Entre le procureur général et Sél)aslien Pibeteau (sic). 1 écu ».
La seconde est en date du 21 novembre 1558 : « Veu le procès-verbal et
autre procédure laicte en Xainctonge par Monsieur le Président Alesme
et de Pomiers contre les olficiers du siège de Saint-.Iean-d'Angèiy.
iiij écus ». Les instructions que donna alors à ces officiers le parlement de
Guyenne ne devaient pas être différentes de celles qu'il donna à la date
du 5 décembre aux officiers du siège de Saintes et que nous possédons
80 DOCUMENTS
sons, d'après des arrêts de peu postérieurs, qu'avec la
connivence des sergents royaux, ceux qui étaient déjà pri-
sonniers avaient pu s'enfuir \ et que les autres, quand on
vint pour les arrêter, avaient déjà dû prendre le large".
Bernard Palissy doit être de ce nombre : dans ses ouvrages,
il n'est fait aucune allusion à un emprisonnement quelconque
à celte date de 1558; d'autre part, ni dans les minutes des
arrêts du Parlement de Guyenne qui ne subsistent, il est
vrai, que très incomplètes pour la fin de l'année 1558, ni,
d'ailleurs, dans les registres d'épices de cette époque, il n'est
fait mention d'aucun arrêt le concernant.
Quatre ans plus tard et toujours en Saintonge, il allait être
de nouveau inquiété pour ses opinions religieuses. A la fin
de la première guerre de religion, pendant la période de
réaction catholique qui suivit en Saintonge la déroute des
troupes de La Rochefoucauld et l'occupation du pays parle
duc de Montpensier (octobre-décembre 1562), le Parlement
encore {Arch. dép. de la Gironde, B 119, min. des arrêts, 1 pièce à la date).
Plus tard, le 17 juin 1559, Guillemette Patronne était condamnée à faire
amende honorable devant l'église métropolitaine Saint-André de Bordeaux
et devant l'église Sainl-Pierre de Saintes {Arch. dép. delà Gironde, B 125,
min. des arrêts, 1 pièce pap. à la date).
Quant à .Jacques de Bizet, neveu de l'évèque, il fut emprisonné à Saint-
Jean au début de l'année 'l.')59 {Arch. de la Gironde, B 121 (liasse), arrêt
du 10 avril, à la date). A la date du 22 avril 1550 (n. st.). il est désigné
comme leû grand vicaire et l'eu nepveu de l'evesque de Xainctes {Ibid.,
B 123). Il n'a donc pu, comme l'avance M. L. Audiat {Bernard Palissy,
1868, in-18, p. 198), périr « massacré » par les prolestants en 1562.
1. Par un arrêt en date du 5 décembre 1558 la cour « enjoinct aux offi-
ciers aud. siège de Xainctes de faire deue diligence de faire prendre au
corps et constituer prisoniers tant ceulx contre lesquelz a esté décrété
par les commissaires dernièrement députez que ceulx qui ravirent des
mains desd. commissaires aucuns chargez dud. crime (d'hérésie) » (Archives
de la Gironde, B. 119, min. crim., 1 pièce pap. à la date).
2. Cf. Extraits des registres secrets du Parlement de Guyenne, Biblio-
thèque de Bordeaux, ms. 369, et Chronique du Parlement de Bordeaux,
par Jean de Métivier, éd. Breselz et Delpit, Bordeaux, 1887, 2 vol. in-8°,
t. 11, p. 227 : « 1558, 17 novembre : le 17 novembre sur le rapport faict par
N. commissaire envoyé ez seneschaussèes d'Agenois, Condomois et
Xainctonge pour informer du crime d'heresie... la Cour a ordonné et
ordonne que tous decretz qui ne pourront estre exécutez en la personne
ou au domicile des délinquants, contumaces et desobeissans, seront exé-
cutez par apposition de cedules aux portes des villes », etc.
DOCUMENTS 81
de Guyenne intente d'activés poursuites contre tous ceux qui
lui paraissent suspects d'avoir favorisé les opérations pro-
testantes et stimule le zèle des autorités locales; il est alors
emprisonné sur les ordres du présidial de Saintes et envoyé
de nuit à Bordeaux. Il fallut que de puissants protecteurs
intervinssent pour obtenir sa délivrance*.
On sait que les persécutions contre lui ne devaient pas
s'arrêter là encore, mais qu'elles durèrent toute sa vie et ne
finirent qu'avec ses jours.
H. Patry.
AUTOBIOGRAPHIE DE JEANNE CÉARD DE VASSY
( 1666-1 (les )
M. Ph. Corbière a publié jadis dans le Bulletin (XXIV,
278) une autobiographie de Jeanne Géard. épouse Fauchar,
écrite sur les derniers feuillets d'un psautier appartenant,
depuis 1830, à la famille Bonnaffé, de Lacaune (Tarn).
M. le pasteur A. Froment, de Lacaze (Tarn), a bien voulu
photographier pour nous ce curieux document; et c'est en
étudiant les épreuves d'un peu près que nous avons pu
corriger plusieurs fautes de lecture commises par M. Gor-
bière.
Voici le texte de cette autobiographie tel que nous avons
cru pouvoir le rétablir. Nous soulignons les mots mal lus
par le premier éditeur, réservant les notes pour les correc-
tions importantes.
Le mercredy prumier iuln 1666 ma tre cher et bien esmé (illie
Jeanne fauchar ^ a tombée malade d'un point au dos et sl\x sains
et en suit une fleure continue avec la petit vérole tous lesqiiele mos
lui ont durai iusque à la mor avec le pourpe' qui paru le mardi 7
1. Epitres dédicatoires à la Reine mère et au connétai>le de Monlmn-
rency en tête de la « lÀecepte verilable » [Œuvres, éd. BenJ. Killon, l. V.
p. lô et S3.).
2. Les registres de l'iiig-l. Héf. de \assy (16-2()-168r)) donnent Fauchât.
Jeanne Géard écrit ordinairement Fauchar, sauf une fois où il semble
bien qu'il faille lire Fauchât on même Fauchart.
3. S'agit-il du « rouge » de la lièvre.' Nous pensons plutôt qu'il y a là
82 DOCUMENTS
du dicl mois de iuin (au) quele iour ma tre chère et bien esmé
fillie fuct a couché d'une belle petite fillie la quel na point eus vis
que du vanlre de sa mère (illisible). ..oi en desa six mois et le
lendemain mardy 8' iuin à 7 œur du soir ma (tre) cher et bien
esmé fillie ieanne fauchar femme de monsieu Eslizè Varnie a
esté desedé et a rendu som âme à dieu entre mes bra avec une
grande douseur et bonne amitié de tous chacun qui lave contiens
et veus el moy qui (lui) sur vi avec gran regre et grande tristese
qui me durera toute ma vie et le lendemain mecredi 9' iuin a
6 œur du matin* ma tre cher fillie a esté enterée à la sumetier de
vassy avec mes sinq autre enfans.
Faict au Chatellier ^ ce 19' du dict mois de iuin 1666. — Jeanne
Ceard sa mère. Et son très cher père a este more et en terai à
Paris le 25 mars 1662 ma cher fillie na vécu que 16 an 2 mois el
fuct mariée et espouse le dimenche' 'Si Désambre 1662 à l'église
de vitri par monsieur de la Cloche oncle de son mari ^ et nonte
une trace des croyances superslilieuses de l'époque. Ou rattachait
volontiers les maladies à l'apparition des phénomènes célestes. Nous en
trouvons un exemple typique et à peu près contemporain dans une
inscription funéraire du cimetière de Joinville (Haute-Marne). Celte
inscription est ainsi conçue : Epitaphe sur le trespas de feu maistre Jeati
Herbelet curé de Joinville qui décéda touché de la maladie contagieuse le
dernier jour du mois de juillet l'an 15B7.
Des Herbes de ce pré la plus belle herbelette
Est icy amortie par le bruslant poison
D'un pourpe venimeux qui sus nostre hori:{on
Pour no^ maux comadoit du souvrain la planette,..., etc.
1. M. Corbière avait lu 8 heures. Il suffit de comparer le chiffre donné
ici par Jeanne Céard avec ceux de la date (1G(36) pour se convaincre
qu'il faut lire 6 heures. D'ailleurs la déclaration du i" février 1G69
(laquelle avait eu pour base une déclaration du 2 avril 1666) portait que
« pour les enterrements des morts desdils de la R. P. R. à la cam-
pagne » les convois devaient partir « sçavoir depuis le mois d'avril
jusqu'à la fin de septembre à 6 heures précises du matin et à 6 heures
du soir... ».
2. Le Chatellier était le lieu de résidence de Pierre Céard, maître de
forges dont le fils Isaac est mentionné comme pasteur de Landreville à
])arlir de 1050.
3. Avec ce mot, commence la 2" pa^^e de l'autobiographie. La rédaction
complète parait avoir été faite en trois fois. La V partie se termine par
ces mots : Kaict au Chatellier... La seconde qui ne comprend cjue
16 lignes commence au bas de la i" page et s'arrête au milieu de la
suivante. C'est une sorte de post-scriplum. La S*" contient ses dernières
volontés relativement à « lecri » fait par elle sur son psautier.
■'i. C'est 25 désambre 1662 (ju'il faut lire et non 1666 comme l'indique
DOCUMENTS 83
este ensamble que trois ans et demi a mon grand regre. J'aures
souhaité si eus plus à mon dieu quil meus mis au cerculhie (cer-
cueil) au lieu de moi elle *. Jamais (je) ne l'oubliray voire à mon
dernier soupire. Dieu me fera la grâce si lui plet d'aller avec ma
cher fillie avec un grand fois (foi). Dieu me face (la) grâce de la
voir bientos en paradi.
J'ay promis a ma cousine Mocler- femme de mon cousin
Davide Mocler^ mes psiaume par testaman après ma mor si elle
me survict; mes (mais) si je la survi je prie mon frère Cearde den
fere à sa volonté. Je su plis celé qui les aura de léser (laisser) tout
lecri (l'écrit) que jay faict et les pry (prie) de le voire volontier a
cose de ma tre cher et bien esmé fillie Jeanne Fauchar laquele
noubliray James. J'espère que mon dieu me fera la grâce de la
voire et la reconnoitre en paradi. Mon dieu men face la grâce si
luy plai. Faict à ma chambre de Vasy (Vassy) le 16 may 1668^ par
moy Jeanne Céard. Mon cousin Daniele estoy parain de ma cher
fillie et sa marene ma cousine anne mocler fille de mon oncle
Clode Mocler clode. »
Le psautier de Jeanne Céard mérite une description. Son
format est de 17 cm. 1/2 x U cm. 1/2. Il est relié en veau
avec filets d'or sur les plats et le dos; les tranches sont
également dorées.
Les pages du volume ne sont pas numérotées. En tête se
trouve une table « où Ton peut connoître d'ici à 16 ans les
lettres dominicales, épactes et pâques tant de France que
d'Allemagne ». Puis vient « la supputation des années
depuis la création du monde jusques à l'an 1654 selon le
calcul de Martin Luther ». A la suite se trouve un calen-
M. Corbière. Jeanne Céard avait écrit 1666, comme ol)so(lée par le sou-
venir de la mort de sa « très ctier et bien esmé fillie » ; mais elle a
corrigé très visiblement le G en 2, et pour plus de clarté, a reproduit la
date de 1662 au-dessus de la ligne.
\. M. Corbière a lu « au lieu de mort ».
2. M. Corbière lit Mâcher et propose d'identifier ce nom ainsi transcrit
avec celui de Mauger (laniille de graveurs protestants). Nous lisons,
quant à nous, Mocler {pour Mauclair) en nous appuyant sur les registres
de l"Église de Vassy qui mentionnent les Mauclair dés 16i7.
3. Sur David Mauclere, apothicaire et chirurgien, diacre et ancien de
ri-:glise de \'assy, voir l'article de M. II. Dannreulher : VEglise réformée
de Vassy au XVII' siècle. Bull. WXVIII (1889). liT. (Réd.)
k. M. Corbière a lu le 16" mars.
84 DOCUMENTS
drier avec « Ephémérides » où abondent naturellement les
mentions de faits intéressant l'histoire de la Réforme. Enfin,
une table des foires de France et autres pays, le tout pré-
cédant une longue « Épistre » de 160 vers de Th. de Bèze.
Soit 24 pages de texte précédant les Psaumes.
La partie musicale comprend les 150 Psaumes en tête
desquels les initiales G. M. et T. de B., indiquent s'ils sont
de Clément Marot ou de Th. de Bèze; les 10 commande-
ments et le cantique de Siméon. A la suite de chaque psaume,
une brève Oraison, de Marlorat.
A la fin, 192 pages de texte, qui comprennent :
1° La forme des prières ecclésiastiques (c'est-à-dire la
manière de célébrer le culte public). Le texte de la Confes-
sion des péchés est exactement celui de l'édition genevoise
du psautier (1542);
2" Outre la liturgie des dimanches ordinaires, le psautier
de Jeanne Céard donne des liturgies spéciales (Sainte-Cène,
temps de guerre^ baptême, mariage);
3° Le volume se termine par un article intitulé « de la
Visitation des malades », un catéchisme en 55 leçons, la
confession de foi et des prières du matin et du soir. Le
volume entier compte 782 pages. Il se vendait à Gharenton
chez « Pierre Des-Hayes, demeurant à Paris, rue de la
Harpe, aux Gands couronnez, près la Roze Rouge
(M.DG.LV.)».
Ch. Serfass.
LA LIBERTÉ DE CONSCIENCE DANS LA MARINE
A PARTIR DE 1G83
D'après les Archives navales de Rochefort.
Le mémoire sur la généralité de La Rochelle commencé
en 1698 sous la direction de Michel Bégon, intendant de
cette généralité et publié en 1875 par M. Georges Musset,
résume dans les termes suivants la situation des religion-
naires et nouveaux convertis.
DOCUMENTS 85
« 11 reste encore clans la généralité un grand nombre de ceux
qui ont fait des abjurations forcées et qui ne font pas leurs devoirs
de catholiques; on les oblige d'envoyer leurs enfants aux caté-
chismes et aux instruclions, et on ne souffre pas qu'ils exercent
aucune charge de judicature, mais leur opiniâtreté est si grande
que ces remèdes ne produisent pas tout le fruit qu'on en avoit
espéré Sa Majesté a travaillé avec un zèle inconcevable à la
conversion de ses sujets, et n'a rien oublié de ce qui pouvoit
dépendre de ses soins pour leur instruction. On a tout mis en
usage, des missions, des vicaires, des maitres, des maîtresses
d'école entretenus, des couvents pour retirer les jeunes fliles, des
pensions aux ministres, aux officiers et autres qui ont fait leurs
devoirs de catholiques, des prisons pour les opiniâtres et les
scandaleux, des grâces à ceux dont le bon exemple pouvoit pro-
duire de bons effets. Mais c'est un ouvrage si important qu'il n'y
a pas lieu d'espérer qu'il soit sitôt achevé; au contraire nous
voyons encore avec douleur qu'un grand nombre de gens de tout
âge et de tout sexe ont abandonné leur patrie et se sont retirés
chez les étrangers où ils ont porté leurs meilleurs effets. Nous
voyons encore avec plus de chagrin que ceux qui sont restés dans
leurs maisons trouvent des difficultés insurmontables auprès des
curés lorsqu'ils se veulent marier. Les évêques n'ont pu, jusqu'à
présent, apporter de remède à ce mal ; il n'y a que l'autorité royale
qui puisse mettre ces gens-là en état d'avoir des successeurs. Les
évêques sont pleins de zèle pour la conversion de leurs diocésains,
mais ils ne sont pas soulagés par les autres ecclésiastiques et par
les curés dont la plus grande partie sont très ignorants, très inté-
ressés, chicaneurs et peu charitables.
« La noblesse est presque toute dans le service de terre ou de
mer, et il est rare de trouver un gentilhomme qui n'ait servi. »
La correspondance de Pontchartrain avec l'intendant
Bégon est le meilleur commentaire de cette déclaration;
aussi le Bulletin a-t-il plusieurs fois publié des extraits dûs
à M. Louis Delavaud et à M. le D"^ L. Ardouin, conservateur
de la bibliothèque de l'école de médecine navale de Pioche-
fort; mais le sujet est loin d'être épuisé et les nouvelles
communications de M. le D"^ L. Ardouin forment une utile
contribution à Thistoire des conséquences de la révocation
de l'édit de Nantes dans la marine fran(jaise, d'après les
archives de la marine h Rochefort, jus(|u'ici inédiles cl
86 DOCUMENTS
inexplorées. Rattachée à chaque officier de vaisseau, la poli-
tique de la Cour de Louis XIV à l'égard des réformés
acquiert un relief et une vie puissante et fait ressortir celte
vérité, qui ne saurait être méconnue, que la conscience ne
peut être contrainte. Si les nouveaux règlements de M. de
Lanessan sont observés, ils mettront un terme à trois siècles
d'oppression.
Voici de Sainl-Légier de
(( Boisrond, gentilhomme de Saintonge, câgé de soixante-qua-
torze ans, qui a longtemps servi avec honneur dans les armées,
bien converti par la grâce de Dieu et la propre participation de
Votre Majesté, ayant deux enfants qu'il a voués à son service et
qui le servent actuellement, l'un dans ses mousquetaires, l'autre
dans la marine, estant si mal dans ses affaires qu'il ne lui est
pas possible de vivre et de leur fournir les choses nécessaires,
qui ayant obtenu déjà « une pension de trois cents livres à celluy
« qui est mousquetaire » supplie Sa Majesté de vouloir bien
honorer de pareille gratification le chevalier de Boisrond, garde
marine depuis deux ans du département de Rochefort *. »
Pontcharlrain demande le 10 juin 1703 « quelle conduite
a il tient sur le fait de la Religion, quel est Testât de sa for-
ce tune » et ce qu'on peut donner à ses fils. Consulté, de
Gascq répond à Régon le 26 juillet 1703 :
« Je ne puis guère douter de la conversion de ce gentilhomme,
mais je n'oserais être garant de sa persévérance, il a toujours été
très vacillant et peu fortuné « et il s'en remet à l'intendant pour
juger ce qui sera « le plus convenable au service du Roy et au
bien de la Religion. »
Le roi paie les dettes des nouveaux convertis.
« De par le Roy, Sa Majesté voulant gratifier et traiter favorable-
ment la demoiselle d'Aiinis, nouvelle convertie, en considération
de sa bonne et sincère réunion à la Religion Catolique, Elle lui a
accordé et fait don de la somme de deux cens livres à prendre
sur les biens séquestrés des Religionnaires de Xaintonge pour
estre employée au payement de ses dettes, mande et ordonne, etc.
Fait à Marly, le 12 juillet 1701.
Louis.
I. Cr. Bull., 1893 (XLII), 50;?.
DOCUMENTS 87
La fille de rinlendant Bégon, Madame de la Galissonière
remet à Pontchartrain « un mémoire qu'on lui envoie d'An-
« gleterre sur un eschange proposé pour son mary avec
« les filles du sieur Ribault, cy-devanl consul des l^lats
« généraux à La Rochelle, qui sont dans un couvent »
(25 février 1703). L'une des filles est décédée au couvent;
on obtient de sa sœur la déclaration qu'elle désire rester aux
nouvelles Catholiques; Bégon espère étouffer l'affaire en
faisant donner trois cents livres à la Dlle Ribaull, et en
négociant autrement l'échange de son gendre, mais est fina-
lement obligé de rendre la Dlle Ribault à la liberté; elle
passe en Hollande, revient à la foi de son enfance et épouse
M. Godeffroy. (Voir les Documents dans le Bulletin de la
commission de l'histoire des Eglises wallonnes, t. \ , p. :>49-
371, art. du D^ J. B. Kan.)
Le sieur de La Coste, lieutenant de frégate, est interdit de
ses fonctions jusqu'à ce qu'il fasse son devoir de catho-
lique (19 octobre, 5 décembre 1703); tient la parole qu'il
avait donnée de faire son devoir de catholique (12-26 dé-
cembre 1703).
Le 31 octobre 1703, Sa Majesté accorde à {Salbcrt) sieur
de Forge, gentilhomme « nouveau converty des environs de
« Rochefort, la place de garde de la marine, que Bégon
« avait demandée pour lui », mais Pontchartrain ne sait si
« Sa Majesté voudra accorder la liberté » à Bilbeau, con-
damné aux galères pour fait de Religion « à cause de la con-
« joncture des troubles des Cévennes, quelques-uns des
« nouveaux convertis auxquels Elle avait fait grâce, y étant
« passés » (25 avril 1703).
Un vaillant officier de marine, Chadeau de la Clocheteric est
envoyé dans la citadelle d'Oléron, jusqu'à ce qu'il fasse son
devoir de catholique; sa belle-mère est enfermée au Cou-
vent de la foy de Pons et on attend la délivrance de sa femme
qui est grosse pour la conduire aux nouvelles Catholiques.
Finalement la dénonciation est due à une brouille entre le
prieur de Soubise et la Clocheterie; la Clochetcrie sort de la
citadelle d'Oléron, sa belle-mère et sa femme des couvents,
mais Pontchartrain demande à Bégon de lui rendre compte
88 DOCUMENTS
de la conduite, sur ce fait de la Religion, de la Clocheterie,
de sa femme et de sa belle-mère qu'il faudra observer.
(31 octobre 1703-17 juin 1705).
Thomas, de La Rochelle, est arrêté comme « Protestant
« opiniâtre et suspect » ; il avait cintiuante mille livres d'ar-
gent qu'on croyait destiné pour les religionnaires, on le
jette à la Bastille; sur les témoignages donnés d'une conver-
sion sincère, on le met en liberté, on l'autorise à prêter son
argent aux trésoriers de France à La Rochelle, mais on
oblige ses parents de le cautionner de cinq à six mille livres
pour assurer sa stabilité dans le royaume (27 mai-23aoùt 1705).
On demande au roi les biens de Du Prat, marchand à
La Rochelle, mort à Chaillot près Paris, religionnaire et
relaps, et sans héritiers. Quels biens a-t-il laissés, a-t-il des
parents? (5 février 1704).
Il faut arrêter Faneuil venu à La Rochelle, de Boston, où
il a deux frères établis, avec des effets et qui est religion-
naire : il pourrait bien avoir été envoyé pour observer les
préparatifs qui se font pour les colonies voisines de la Nou-
velle-Angleterre. Il est mis en liberté après avoir fait son
abjuration, mais Bégon devra continuer à l'observer et à
rendre compte de sa conduite au Roi (lOjanvier-6 juin 1703).
Guenon de Fontbernard et sa femme sont bien convertis.
Leur fils aîné est marié avec la fille d'un père mort huguenot
et d'une mère qui ne remplit point ses devoirs de catholique.
Il n'est revenu des pays étrangers que par la fermeté de ses
père et mère et leur refus à lui envoyer aucun secours. Le
second fils est garde marine au département de Toulon.
Son commandant pourrait mieux que personne rendre
témoignage de sa conduite. Il faut l'envoyer prisonnier à
Brouage et savoir pourquoi il demandait un passeport pour
le Languedoc. Le troisième enfant, avocat du Roi au Pré-
sidial de Saintes est bien converti. Mais on ne peut leur
donner les deux portions des biens de Marie Derideau qu'ils
demandent parce qu'il ne serait pas juste que les enfants de
ceux qui ne sont pas bien convertis, venant à faire leur
devoir, soient privés par la faute de leur père et mère d'un
bien qui leur appartient par la loi et par la coutume. Ces
DOCUMENTS 89
enfants élevés dans le couvent peuvent y prendre de salu-
taires instructions. Quant à l'avocat du Roi au Prosidial, il
demande la réduction de sa capitation à cinquante livres,
étant fils de famille et n'ayant pour tout bien que sa charge
d'avocat du Roi qui n'a que cinquante livres de gages.
(1702-6 janvier 1705).
Les sieurs et dame de Charron ont un fils et trois filles en
Angleterre pour fait de Religion; ils ont envie d'aller les
trouver, car ils ont vendu plusieurs marais salants à Ville-
deau, agent des affaires de la comtesse de Blenac, ils sont
prêts à vendre les terres de Montmouton et Montrolland au
lieutenant particulier de Saint-Jean-d'Angély ; au temps de
la foire, ils ont mis beaucoup d'effets sur un vaisseau de la
flotte anglaise, ils préparent une vente de sel très considé-
rable en File d'Oléron, les 28 et 29 avril 1705, à Jacques
Gouttant, de Saint-Pierre et au sieur de Bouillaines, du
Château.
Tous ces faits sont déniés comme imaginaires. Les biens
des sieurs Rolland ont été saisis et vendus par décret au
siège de Saint-Jean-d'Angély, mais Marthe Rolland, épouse
du sieur de Charron, ayant fait les offres de retrait lignager,
a racheté ces biens, à la réserve de la métairie de Lauber-
tière, de sorte que, loin d'avoir vendu ses biens, cette dame
en a acquis, l'acte du notaire Gaillard du 15 novembre 170o
en fait foi.
Jacques Fort et Jacques Renoiileau, matelots de Xaintonge
trouvés à bord d'un vaisseau anglais venant de la Jamaïque
et arrêtés, peuvent être mis en liberté, après abjuration, mais
il faut les observer. (21 février, 11 avril 1703.)
Madame de La Voixbasse ne pourra sortir des Nouvelles
Catholiques de Paris pour retourner à La Rochelle où sont
ses enfants que s'il est prouvé que sa religion ne sera pas
exposée à un trop grand péril. (18 novembre 1705.)
Le 1'='' juillet 1705, Pontchartrain est persuadé que Sa
Majesté approuvera ce que IBégon a fait pour le prédicant
([u'il a jugé et l'homme chez lequel il était logé*.
1. Quel était ce pi-édicanl? {Red.)
LI.
90 DOCUMENTS
Massy, français de la religion réformée et des environs de
Royan, trouvé sur un vaisseau portugais amené au Port
Louis, a fait abjuration, il peut être renvoyé chez lui, mais
devra être observé (29 juillet 1705), ainsi que Paul Breon,
d'Arvert et Jean Mondeau d'Oléron. (10 décembre 1704.)
La demoiselle Bonjiamy de la Rochelle qui prend soin de
rinstruclion des jeunes filles nouvellement converties, devra
recevoir le prix de la vente des toiles peintes saisies chez
elle, sauf le tiers réservé au dénonciateur, elle devra aussi
être déchargée de l'amende à laquelle elle a été condamnée.
(Chamillart, 20 juillet 1702.)
Jacques Moreau, matelot de Chaillevetle, a été envoyé à
La Rochelle par les officiers du Parlement de Tournay pour
lui faire son procès; ce qu'il expose dans son placet est véri-
table et on ne peut lui faire son procès, faute de témoins. Sa
Majesté trouve bon qu'on le fasse mettre en liberté, à con-
dition de servir sur le premier vaisseau qu'on fera armer,
pour qu'il voyage de long cours, en attendant qu'on l'oblige
de s'instruire. En le faisant embarquer sur le vaisseau le
François, il faut l'observer sur le fait de la Religion. (19 no-
vembre 1704.)
24 juin 1705.
Le Vice-Roi d'Irlande a fait escrire dans les ports de France où
il y a des nouveaux convertis pour en débaucher le plus grand
nombre qu'il pourra, non seulement des gens de mer, mais encore
des ouvriers et artisans, sous prétexte de leur faire en idée de
grands avantages, mais réellement pour remplacer le grand nombre
d'Irlandais catholiques qui sont à présent dans les armées de terre
et pour les soumettre au joug sous lesquels les pauvres Irlandais
gémissent, je ne crois pas que ces promesses trouvent beaucoup de
créance en France...
7 mars 1703.
Le s"^ (Poictevyn) S"" de La Frégonnière, .enseigne de vaisseau
réclame une pension de trois cents livres, sur les économats, en
faveur de sa conversion; il s'est trouvé seulement deux demoiselles
de ce nom qui ont chacune des pensions de trois cents livres, qui
ont été réduites à cent cinquante, mais il ne s'y en est pas trouvé
pour lui.
DOCUMENTS 91
\'er.s;iiIlos, 2 juillet 1704.
M. d'Iberville m'a donné avis qu'un français qui est arrivé à La
Rochelle et qui est allé ensuite à Bordeaux, se faisant passer pour
Suédois, a proposé au S"^ Lesueur de se joindre à une compagnie
de Religionnaires qui s'est formée pour aller à la découverte de la
mer de l'Ouest par le Mississipi et qu'il a voulu l'engager à débau-
cher plusieurs Canadiens pour se joindre à lui; faites-le chercher et
arrêter; j'écris à M. de la Bourdonnaye de le faire chercher aussi
à Bordeaux.
2<J aoùl 1703.
Le Marquis de Villette se plaint du zèle indiscret de quelques curés
de votre département contre les nouveaux convertis. — Éloigner
celui de Mauzé. Donner aux matelots de l'escadre du marquis
de Villette les moyens de faire leurs Pâques à bord.
20 octobre 170 i.
Informer de la conduite du ë>' de Folleville sur la Religion.
<J mai 1703.
Arrêter la xeuve Begnicourt hollandaise, sa sœur et sa fille, toutes
trois protestantes, venues à Paris pour jouir d'une rente de
400 livres sur l'hôtel de ville et partir pour l'Aunis ou la Saintonge.
2.5 avril 1703.
Je ne sais si S. M. voudra accorder sa liberté à Bilbeau, condamné
aux galères pour Religion et recommandé par Bégon, à cause des
troubles des Cévennes, où quelques uns des nouveaux convertis
graciés ont passé.
:5 Janvier 1703.
S- M. ne veut point entrer dans la proposition des matelots nou-
veaux convertis qui demandent la bénédiction nuptiale, sans vou-
loir observer les règles de l'Église.
3 mai 1703.
Si les ennemis entreprennent quelque chose du côté de La
Rochelle, les nouveaux catholiques feront leur devoir comme les
anciens catholiques. Convenir avec le maréchal de Chamilly de ce
qu'il y aura à faire.
92 DOCUMENTS
23 février 1703.
Main levée au S' Gilbert, maire de la ville de Melle, des biens
d'Elisabeth Benoist.
10 octobre 1703.
Mettre en liberté et observer Raymond, protestant de la Rochelle
arrêté à Paris au mois de juin.
30 mai 1703.
Mettre aux Nouvelles Catholiques de La Rochelle Madame Du
Quesne, à cause de son opiniâtreté à ne pas faire son devoir de
catholique.
5 décembre 1703.
Le fils du marquis Isle de Loire, d'Aunis et Alain de Jersey, se sont
échappés de la flotte anglaise, lorsqu'elle était à la rade de Ligourne
et sont venus de Toulon à Paris dans le dessein de se rendre à La
Rochelle. Le Roi fait payer leur voyage. Ils paraissent dans de
bonnes dispositions, tant pour la Religion que pour le service de Sa
Majesté.
28 juin, 23 juillet 1704.
Sur la plainte de Tévèque de la Rochelle (Etienne de Champfour)
arrêter Pierre Grelier, qui aurait perverti Dumont et empêché des
matelots de faire leur devoir pascal.
8 avril 1705.
Mettre en liberté Daniel Marchay, naturalisé anglais, qui a sa
femme et 3 enfants en Angleterre, est toujours huguenot et a été pris
commandant un vaisseau marchand anglais : l'envoyer à Dinan,
comme de vous-même.
24 juin 1705.
Fidélité de Petit qui a été autrefois huguenot, veiller à ce que
son équipage ne soit pas composé de nouveaux convertis. Lui
accorder un mortier et 50 bombes. Les armateurs sont de Noor-
dingh, Daniau et Faneuil.
27 août 1704.
Guillaume Ryan, prêtre anglais ou irlandais, a apostasie, est à
Rochefort, il s'est marié en Angleterre, où il a une pension, et
demeure à Rochefort, le faire arrêter.
19 novembre 1704.
Le mettre en liberté.
DOCUMENTS 93
16 septembre 170.")
Mettre au couvent la femme Flaming, de la Rochelle et ses filles,
rasées et enfermées pour avoir voulu sortir du royaume, et ren-
voyées à la Rochelle sur les assurances d'une jjonne conversion.
31 octohi-e 1705.
Mettre aux Nouvelles Catholiques la fille Flaming qui a épousé
Perdriau, les engager à se faire instruire, pour quMls puissent se
marier suivant les règles ordinaires de l'Église.
27 mal 1705.
Le Roy n'a pu se déterminer à entrer dans la proposition de con-
vertir la peine de mort ordonnée contre les nègres fugitifs peur la
S*" fois, en celle de les rendre eunuques — Sa Majesté s'est déter-
minée à laisser subsister l'ordonnance de 1685.
21 janvier 1705.
Éloigner le curé de St-Pierre-d'Oléron, pour sa mauvaise conduite
et particulièrement pour avoir marié la femme d'un matelot absent
(Jacques Foveau ou Faveau) avec un autre habitant du lieu (sans
avoir eu de certincats de sa mort et en le menaçant de coups de
bâton, au lieu de lui rendre justice); empêcher que celte femme et
que le prétendu dernier mari n'habitent ensemble.
Toutes ces lettres de Ponlchartrain à Bégon sont instruc-
tives : Non seulement elles fournissent des noms et des faits
plus ou moins ignorés, mais elles montrent avec quel soin
méticuleux on s'occupait en haut lieu de la grande affaire des
conversions de gré ou de force. Le moindre détail, le plus
petit racontar, sont mis à profit dans ce but et provocjuent
des actes officiels d'intolérance ou de despotisme qui étaient
rares avant 1685 et qui n'ont été formellement interdits qu'en
1901.
De Ricmemond*.
1. A son dernier voyage à Paris, S. M. le Roi des ilellèiies a bien
voulusigner la nomination dans son ordre royal du Sauveur, de M.de Riche-
mond, naturaliste, érudil, conférencier, publiciste. mutualiste, et laureal
de la So-lété nationale d'i'^ncouragemenl au iiien.
Mélanges
CIMETIERES PROTESTANTS PARISIENS
I. — Le cimetière Saint-Marcel ou des Poules (1685-1717)
J'ai pu recueillir quelques notes et documents inédits sur
deux des anciens cimetières où furent enterrés, avant la
Révocation, et plus tard, jusqu'après la Révolution, d'abord
les Parisiens protestants de la rive gauche et du quartier
Sainte-Geneviève, puis leurs coreligionnaires étrangers.
Elles aideront à préciserai à compléter ce que feu M. Gh. Read
avait fait paraître sur ces deux cimetières, dans les fomes XII
et XXXVI de ce Bulletin.
Le 45^ article secret de l'édit de Nantes avait accordé aux
protestants parisiens, outre les deux cimetières de la Trinité
(rue Saint-Denis, à l'issue du passage Basfour, à l'endroit où
passe la rue Palestro)^ et de Saint-Germain (jardin de l'Aca-
démie de Médecine, à l'angle de la rue des Saints-Pères et du
boulevard Saint-Germain), dont ils jouissaient depuis 1576 et
peut-être auparavant, « un troisième lieu commode, pour les
dites sépultures, aux faubourgs Saint-Honoré ou Saint-Denis » .
Gette stipulation, comme tant d'autres de ce célèbre édit
de Nantes, resta lettre morte pendant plusieurs années.
Sans doute les protestants ne purent obtenir « aux faubourgs
Saint-Honoré ou Saint-Denis », ce qui leur était accordé en
principe, et durent chercher sur la rive gauche de la Seine,
où ils étaient déjà plus ou moins pourvus, ce qu'on leur
refusait sur la rive droite. Après des négociations probable-
ment laborieuses, mais sur lesquelles nous ne savons rien, ils
parvinrent à acquérir un terrain au faubourg Saint-Marcel
ou Saint-Marceau.
Ce terrain appartenait à l'abbaye Sainte-Geneviève. Quand
les religieux surent que l'acquéreur représentait les hugue-
nots et que ceux-ci voulaient faire de ce terrain un cimetière,
ils firent tous les efforts imaginables pour annuler cet acte
1. D'après A. Coquerel fils. Bull., XV, 466.
MÉLANGES 95
de vente. Cela résulte du fait que les protestants ne purent
entrer en jouissance que grâce à un arrêt du Parlement, du
24 mai 1613, suivi d'un arrêt du Conseil privé autorisant le
lieutenant civil à prendre possession du terrain contesté le
17 mars 1614 au nom du prévôt de Paris et au profit des
plaignants '. Il fallut donc attendre et négocier pendant
quinze années pour pouvoir, à Paris, se servir d'un terrain
qu'on avait payé, simplement parce qu'on était protestant.
Malgré ces actes formels et décisifs, le procureur de Sainte-
Geneviève refusa encore en 1617, de recevoir de ceux de la
religion « la somme de six livres pour les arrérages de cens
« et renies de ladite place ». Par ce refus les religieux évi-
taient d'admettre implicitement que ce terrain appartenait à
ceux qui l'avaient payé. Même vingt ans plus tard, le 9 dé-
cembre 1637, ils demandaient encore que <( le contrat d'ac-
« quisition n'ayant été ensaisiné quau nom d'un particulier
« et non d'une communauté', ... il soit faict deffenses aux dits
« religionnaires de plus enterrer les dits morts au dit lieu ».
{Bull. XII, 141-142.)
Le premier des deux textes que nous publions aujourd'hui,
d'après une copie découverte aux Archives Nationales (S. 1529)
et qui nous a été obligeamment communiqué par M. Charles
.Schmidt, prouve que les protestants purent, malgré l'oppo-
sition des religieux de Sainte-Geneviève, jouir de ce cime-
tière pendant environ 70 ans, c'est-à-dire de l'année 1614 à
l'année 1685. Quelques jours, en effet, après la signature de
l'édit de Révocation, le 29 octobre 1685, Louis XIV signa un
brevet à l'effet d'enlever ce cimetière aux prétendus réformés,
pour le donner aux nouveaux catholiques du faubourg Saint-
Victor, c'est-à-dire à une maison où étaient internés et co.»
vertis de gré ou de force ceux que l'édit de Révocation pré-
tendait revenus au catholicisme.
Cette maison des nouveaux catholiques, pour le tlire en
passant, était située, à côté du jardin royal des Plantes,
presque à l'angle des rues Cuvier et Geoffroy-Sainl-Hilaire,
c'est-à-dire de Seine et Saint-Victor d'autrefois. — l'ne note
1. Bull., \1I, l'.l.
9G MÉLANGES
ajoutée à Tacle qu'on va lire nous informe que cette commu-
nauté ne garda ce terrain que pendant 9 ans au plus, puis-
qu'elle le rétrocéda aux Genovéfains avec les bâlimenls qui
y étaient construits, en 1694.
Brevet de Louis XIV,
Aujourdtiuy vingt neufiesme jour du mois d'octobre m. Vb quatre
vingts cinq, le Roy estant à Fontainebleau voulant favoriser l'esta-
blissement de la maison des nouveaux catholiques au fauxbourg
S' Marcel (en surcharge : Victo)-) de sa bonne ville de Paris, Sa Ma-
jesté a accordé et fait don à la dite maison, du cimetière que ceux
de la R. P. R. avoienl au dit fauxbourg S' Marcel et des bâtiments
qui y sont conslruicls, pour en jouir et disposer par les directeurs
de la maison des nouveaux convertis pleinement et paisiblement,
comme des autres biens qui peuvent appartenir à la dite maison,
m'ayant, Sa Majesté, commandé d'en expédier le présent brevet
qu'elle a signé de sa main et fait contresigner par moy conseiller
secrétaire d'Estat et de ses commandements et finances.
Louis,
En note : Colbert.
Ce cimetière appartient à présent à l'abbaye de Sainte-Geneviève,
en conséquence de la cession qui lui en a été faite par la maison
des nouveaux convertis en 1694, par devant Bobusse.
Le second texte, copié par nous-même tout récemment
aux archives du département de la Seine où M. B. Lazard
avait bien voulu nous le signaler, se trouve dans un registre
des insinuations, n° 100, fol. 77 v% et constate que le l" sep-
tembre 1717, cet « ancien cimetière des huguenots sur lequel
« il y a un corps de logis scitué le long de la rue des Poules,
« fauxbourg-Saint-Marceau, et trois autres bâtiments à l'en-
« tour de la cour, avec un puis enicelle », fut vendu au sieur
Robert Goret, maître sculpteur à Paris où il demeurait, rue
Contrescarpe, et à demoiselle Marie le Sot, sa femme, « qu'il
autorise ». Grâce à ce dernier texte on pourra retrouver un
jour, dans les minutes d'un successeur de M'' Vaubelin et
Doyen, notaires à Paris, d'autres actes permettant, sans
doute, de déterminer exactement l'emplacement et les limites
de cet ancien cimetière.
MÉLANGES 97
Vente de cimetière rue des Poules, R. P. de Ste-Geneviève-Goret'.
Par conirat passé par devant Vaubelin et Doyen, notaires à
Paris, le premier sept, mil sept cent dix sept, appert les R. Pères de
Sainte-Geneviève avoir vendu au sieur Robert Goret, m" sculpteur
à Paris et Dlle Marie le Sot, sa femme, qu'il autorise, demeurant
rue Contrescarpe, p"'"' S' Etienne dumont, l'ancien cimetière des
huguenots sur lequel il y a un corps de logis scitué le long de la
rue des Poules, fauxbourg St Marceau, et trois autres bâtiments à
l'entour de la cour, avec un puis en icelie, appartenances et dépen-
dances. Cette vente faite à la charge des cens et droits seigneuriaux
et outre, moyennant deux cens livres de rente foncière, suivant
qu'il est plus au long porté aud. contrat.
A ces deux documents, nous avons joint une reproduction
de la partie du plan de Turgot (1734-1739) où se trouve la
rue des Pontes. Grâce à ce plan et à un texte publié déjà en
1863 par feu M. Ch. Read, on peut fixer approximativement
l'emplacement de cet ancien cimeliére huguenot.
Le texte publié par M. Read {Bull., XII, 143) est un extrait
du censier de Sainte-Geneviève mentionnant parmi les rede-
vances du côté oriental de celte rue, « ceux de la R. P. R.
« pour la maison de leur fossoyeur et pour la place où on les
(( enterre ». Comme par d'autres textes le cimetière est placé
à la fois rue des Poules et rue du Puits-qui-parle, M. Read
en avait conclu logiquement qu'il devait faire l'angle oriental
de la rue des Poules et de celle du Puits-qui-parle ^
En comparant le plan qu'on a sous les yeux avec le plan
actuel de ce quartier resté sensiblement comme il était autre-
fois, sauf toutefois le percement de la rue d'Ulm, à travers le
pâté de maisons séparant la place de l'Estrapade de l'an-
cienne rue du Cheval-Vert, on voit qu'une seule rue, celle du
1. Ce litre se trouve en marge de l'aclc.
2. Un texte de 1715, il csl vrai, aussi cité par .M. Read (Xli, 142), dit,
« le tout tenant, d'une part sur la rue des Poules, d'autre sur la rue du
Pot-de-P'er, où il y a grande porte cochère, aboutissant par derrière à
M. Bégon ». Il suffit de regai-dcr le plan pour voir cjue la rue du Pot-de-
Fer a été mise ici par erreur pour la rue du Puits qui-parle, puiscjue la
rue des Poules n'allait pas jusqu'à la rue du Pot-de-Fer, laf|uelle n'a changé
ni de nom ni de place. — Jaillot, d'ailleurs, parle aussi d'un cimetière
des protestants (jui se trouvait autrefois rue des Poules.
MÉLANGES 99
Pot-de-Fer, y a conservé son ancienne dénomination. Toutes
les autres ont, grAce à la manie des édiles parisiens de pro-
diguer dans ce domaine des innovations que personne ne
réclame, perdu leurs noms pittoresques ou significatifs. Ainsi
la rue des Postes s'appelle rue Lhomond; la rue des l-'ossés-
Saint-Marcel, rue de TEstrapade; la rue Neuve-Sainte-Gene-
viève, rue Tournefort; la rue du Gheval-\ ert, rue des Irlan-
dais; les rues des Poules et du Puils-qui-parle, Laromiguière
et Amyot. Le côté oriental de la rue Laromiguière ou des
Poules, c( joignant la rue du Puy-qui-parle » ou .\myot, est
donc Tangle de gauche de ces deux rues quand on vient de
la rue de l'Estrapade, anciennement des Fossés-Saint-Marcel.
Si un de nos lecteurs veut bien aller dans ce quarlier, il
verra à cet angle, ou plutôt le long de la rue Amyot, une très
vieille bâtisse qui pourrait bien dater du xvii^ siècle et avoir
été jadis la « maison du fossoyeur » qu'on distingue d'ailleurs
fort bien sur le plan de Turgot, ainsi que les autres bâtiments
énumérés dans l'acte de vente de 1717*.
Les maisons modernes, n° 11, rue Laromiguière, et peut-
être aussi du n° 8 de la rue Amyot, ont probablement été
construites sur l'emplacement du cimetière proprement dit.
Elles sont séparées de la vieille bâtisse par une cour qui
s'ouvre sur la rue Laromiguière et sur la rue Amyot. La
concierge du n" 1 1 nous a dit que la vieille maison et la
cour appartiennent à une Mme Picard, demeurant, 7, rue
Râteau. Je n'ai pas eu le temps d'aller voir cette propriétaire
et de pousser ainsi plus avant mes investigations. Mais ce
que j'ai pu déterminer suffira sans doute à satisfaire la
curiosité du plus grand nombre. Quelques-uns de nos coreli-
gionnaires, ceux qui s'intéressent à l'école de gardes-ma-
lades installée dans l'angle opposé de la rue Amyot, pourront,
lorsqu'ils s'y rendront, se rappeler qu'en accompagnant
leurs morts, leurs ancêtres passaient autrefois dans ces rues,
tristement, de grand malin, ou le soir lard, pour ne pas
scandaliser les bons catholiques de ce temps-là.
1. Sauf toutclois (|u"i]s ne sont, en outre de reliii-i;i. (|u';ui nombre de
deux et non de trois.
100 SÉANCES DU COMITÉ
SÉANCES DU COMITÉ
3 Décembre 1901.
Assistent à la séance, sous la présidence du baron F. de Schickler,
MM. Th. Dufour, F. Kuhn, W. Martin, F. Puaux, A. Reville,
R, Reuss et N. Weiss; M. P. de Félice se fait excuser.
Après la lecture et l'adoption du procès-verbal de la dernière
séance, le secrétaire communique quelques extraits de la correspon-
dance, entre autres, une lettre de Debreczendemandantdes renseigne-
ments sur la médaille de Calvin de 1835, une autre de M. de Grand-
maison offrant son élude sur l'étymologie française du mot huguenot,
lettre au sujet de laquelle M. Th. Dufour remarque que le terme de
« anguenot » était employé à Genève dès 1536. M. Anquetil, de
Bayeux, offre une liste de 1860 noms de personnes de ce diocèse qui
y abjurèrent le protestantisme entre le 24 mars 1570 et le 18 août
1573. Quatorze de ces noms sont ceux d'anciens prêtres, et les
36 premiers feuillets du registre où ils se trouvent, et qui apparte-
nait autrefois à l'officialité du diocèse de Bayeux, font défaut. Le
comité prend ensuite connaissance du prospectus de la Société
d'Histoire moderne et décide que notre Société y adhérera et y sera
représentée par son secrétaire. Enfin ce dernier signale une thèse
présentée à la faculté de droit par M. Ernest Bonifas, avocat à la
Cour d'appel. Cette thèse, sur le Mariage des protestants depuis la
Réforme jusqu'à 1789, a été faite à la bibliothèque de notre Société,
et reçue avec distinction, c'est-à-dire avec la note la plus élevée.
Le président communique une requête du synode officieux de la
basse Ardèche, demandant à la Société d'acquérir au profit du culte
réformé à Villeneuve-de-Berg, la maison de cette ville où d'après
la tradition, Antoine Court serait né. Le président rappelle ensuite
au comité qu'en mai 1902 notre Société devra célébrer son cinquan-
tenaire et demande que chacun veuille bien penser à la meilleure
manière de commémorer cette date.
Bibiiotbèfiae. — Elle a reçu, entre autres, du président, un
exemplaire en argent de la médaille frappée à l'occasion du cente-
naire de la Faculté de théologie de Montauban ; — de M. Brunel, de
Plos près St-Reneville, un exemplaire des Commentaires du soldat
du Vivarais de 1811 ; — de la bibliothèque de Genève son catalogue
complet.
La séance est levée après communication du chiffre des collectes
faites à l'occasion de la Fête de la Réformation et reçues par le
CORRESPONDANCE. IQl
secrétaire, qui annonce aussi avoir reçu Jusqu'ici le dépouillemenl
surficiies de sept volumes de l'ancien Bulletin.
1'» Janvier 1902.
Assistent à la séance, sous la présidence du baron F. de Schickler,
MxM. Th. Dufour, P. de Félice, F. Puaux, R. Reuss, A. Réville et
N. Weiss; M. Bonet-Maury se fait excuser.
Après la lecture et i'adoption du procès-verbal de la dernière
séance, le président communique une invitation du Consistoire de
l'Église réformée française de Copenhague, à se joindre à la com-
mémoration, le 21 janvier prochain, du centenaire de la naissance
d'Adolphe Monod. Le comité prie son président de répondre au
nom de la Société à cette invitation. — Celui-ci fait remarquer
ensuite que le cinquantenaire de notre Société d'histoire coïncidera,
au mois de mai, avec les noces d'argent de la Faculté de théologie
protestante de Paris. II pense qu'on devra faire figurer au pro-
gramme de nos réunions exceptionnelles, une audition de quelques-
uns de nos psaumes d'après les mélodies anciennes retrouvées et
publiées récemment avec autant de science que d'exactitude par
M. Henri Expert. Mais il faudrait aussi que chacun de nous se préoc-
cupât de ce programme, et, en particulier, qu'on se mît d'accord sur
la liste des noms à inscrire à la Bibliothèque, liste que M. Franklin
voudrait limiter au maximum de 35 noms. — Le comité décide que
pour pouvoir s'entretenir plus amplement de ces diverses questions,
une séance exceptionnelle sera convoquée dans la quinzaine.
Le secrétaire communique et fait voter après discussion, le texte
de la préface du Bulletin de 1902, destinée à le faire comprendre
dans l'ensemble des volumes qui figureront dans la table générale,
et qui représenteront l'activité de la Société pendant les cinquante
premières années de son existence.
Bibliothèque. — Elle reçoit du président un petit dossier manus-
crit, composé en partie de pièces originales et relatives, entre
autres, à la lutte entre le Collège de Montauban et les Jésuites.
CORRESPONDANCE
Centenaire d'Adolphe .iionod. — Nous VOUS serions reconnais-
sants de vouloir bien, à votre plus prochaine convenance, insérer
dans votre journal la communication suivante :
« Pour répondre à un voeu exprimé de divers côtés, notamment par
102 CORRESPONDANCE
la presse religieuse et par quelques amis dont les sentiments sont
d'un grand prix pour nous, un volume de Sermons choisis d'Adolphe
Monod, auxquels viendront se joindre un petit nombre de Médita-
lions tirées des Adieux et quelques fragments inédits, est sous
presse, pour paraître, Dieu voulant, le 15 mars prochain.
« Ce volume, publié par souscription, contiendra un portrait et une
table analytique des matières et rappellera par le format et l'exécu-
tion typographique celui des Sermons choisis d'Eugène Bersier. 11
sera livré, à l'occasion du centenaire d'Adolphe Monod, à des condi-
tions exceptionnelles de bon marché, notre désir étant avant tout
d'honorer la mémoire de notre père et de continuer son œuvre au
sein de nos Églises, en mettant le fruit de son travail à la portée du
plus grand nombre possible de lecteurs.
« Un très prochain avis annoncera l'ouverture de la souscription
et en indiquera les conditions.
« Pour la famille d'Adolphe Monod,
« William Mo.nod, Sarah Monod. »
Toujours l'Égrliae dos Cévenols après la Révocation {Bull. 1901,
G14et667). — Nos lecteurs ont vu les remarques de MM. D. Benoît et
E. Arnaud, sur cette phrase de feu A. Sabatier « ...Je veux parler
« de l'Église des Cévenols, Église de paires et de paysans qui, per-
ce sécutée atrocement pendant deux siècles, a vécu sans sacerdoce
« ni sacrements, sans infaillibilité, sans pasteurs même, uniquement
« avec la Bible au foyer de la famille et le témoignage du Saint-
« Esprit au fond du cœur... » — J'avais pris la liberté d'objecter
aux protestations de M. D. B. que « la phrase de M. Sabatier ne
« serait entièrement fausse que si on nous prouvait que dans ces
« régions (de l'Ardèche) — autour de Vallon où il était né — le
« culte huguenot n'avait pas subi d'interruption prolongée après la
« Révocation. » — Or, voici deux citations que veut bien me com-
muniquer M. P. Fonbrune-Berbinau, et qui déclarent que précisé-
ment dans cette région de l'Ardèche, le culte huguenot fut inter-
rompu pendant près de cinquante ans après la Révocation; que
par conséquent, les souvenirs recueillis par M. Sabatier étaient
exacts.
La première citation est empruntée à une lettre d'un pasteur du
Désert qui écrit d'Uzès le 20 mars 1724, et raconte son voyage de
retour de Genève dans les Cévennes :
... « Le 12 mars, quelques fidèles de la province de Vais ... étant
« informés par leurs parents des Boutières qu'on y fesoit des assem-
CORRESPONDANCE. 103
^( blées, s'y rendirent, aux Boutières, à trois grandes lieues de
« Vais. Ces pauvres fidèles me tirèrent à part et me dirent en pleu-
« rant : Autrefois, dans nos provinces, il y avoit un pasteur, un
« temple et plus de trois mille communiants; mais, étant depuis très
« longtemps sans assemblées, sans sacremens, tout le monde tombe
« dans l'idolâtrie et le dérèglement. Si vous vouliez, cher pasteur,
« nous faire la grâce d'y penser, vous ne pourriez faire une plus
« grande charité... »
Trois ans plus tard, en juin 1727, Corteiz dit avoir reçu une lettre
« du pasteur Rogerlui marquantqu'ila fait des progrèsconsidérables
« du côté de Vallon en Vivarais, où il y a quelques communautés,
« depuis Saint-Ambroix jusqu'à Vallon, qui vivoient dans une
« extrême irréligion ».
Ces deux citations caractéristiques sont empruntées aux papiers
Court, n. 17 G, fol. 63 et 111.
N. Wiciss.
KcIItionsi de la traduction de la Bible de Lefî'vre d'iôtaples. —
M. Paul Quiévreux nous fait remarquer que dans sa thèse, d'ail-
leurs citée par .M. Laune (Bull. 1901, 606), il a donné, pour le Nou-
veau Testament, précisément la liste des éditions marquées p. 607,
saufcellede 1523, communémentappelée/e5 52dimanches. Dont acte.
M. Laune de son côté fait observer qu'il a voulu signaler les exem-
plaires de Stuttgart et du British Muséum, omis dans les listes
publiées par M. Paul Quiévreux. Un erratum ainsi conçu : « signa-
lons les éditions et les exemplaires existants » dissipera toute équi-
voque.
Hnguenauts. — Chartres. 24 janvier 1902. — J'ai été bien heureux
de trouver dans le Bulletin l'intéressant mémoire de M. de Grand-
maison sur l'origine du mot Huguenot; heureux aussi d'y voir
nommé, d'après Littré, cet écueil (fort beau du reste) des Ilugue-
nauts, qui est, comme tout l'arcliipel des Chausey, une de mes
bonnes et vieilles connaissances. Je désirerais seulement faire remar-
quer que les matelots de Granville ont aujourd'hui une tendance
marquée à prononcer Hugue/2anf5, ce qui peut n'être qu'une cor-
ruption, peut-être causée par une erreur de lecture de quelque
carte. A tout hasard, je vous signale ce menu fait, et vous prie de
me croire.
H. Leur.
104 CORRESPONDANCE
LES DE GÊNAS HUGUENOTS
Je lis clans le Bulletin du 15 mai 1901, p. 276, une question posée
par M. le pasteur Alger relative à la famille de de Gênas et à ses
rapports avec le Protestantisme.
Cette famille était une des plus anciennes de la Provence. Sa
généalogie a été publiée à Avignon en 1713, extraite des documents
suivants : Guy Allard, Histoire de la Généalogie de la famille de de
Gênas. Nostradamus la donne aussi dans son Histoire et Chro-
nique de Provence, ainsi que Pithon-Curt dans son ouvrage sur la
Noblesse du Comtat-Venaissin.
Un des descendants de celte illustre famille, M. le comte de
Balincourt, lui a consacré un volume très complet Histoire de
la maison de de Gênas, imprimé par l'auteur. Épinal-Bruyères-
Melun, 1879-1882. Il n'en a été tiré que 42 exemplaires numérotés.
— Voici, d'après ce dernier ouvrage, quelques notes sur les de
Gênas protestants.
I
François de Gênas, II" du nom, chevalier de l'ordre de Saint-
Michel, conseiller du roi, secrétaire de la Maison et Couronne de
France en 1510, seigneur d'Aiguilles en Provence, épousa le 8 sep-
tembre 1509, Françoise de Mayaud, de Valence.
Il testa le 7 septembre 1555, instituant sa femme son héritière
universelle, et lui substituant ses fils, par ordre de progéniture,
« pourvu que ce premier-né soit catholique et bon chrétien, et ne
soit aveugle, muet, sourd ou autrement difforme ». En conséquence
il deshéritait son fils puîné Jean de Gênas, pour s'être retiré à Ge-
nève, avec sa femme et sa fille, malgré sa défense, et avoir embrassé
la Réforme.
François de Gênas, IIF du. nom, seigneur de la terre et du château
d'Aiguilles, naquit à Avignon le 2 novembre 1510, baptisé à l'église
de Saint-Symphorien; il épousa Claire de Rodulph, fille de Baltha-
zard de Rodulph, seigneur de Châteauneuf-le-Rouge, de Beauveser
et de Fuveau, et de Jeanne de Brandis.
Il vint se fixer à Aix, où l'appelaient ses fonctions de conseiller
au Parlement de Provence; après la mort de son père, il fut un des
premiers à embrasser la Réforme et fit preuve d'une ardeur et d'un
zèle pour sa nouvelle foi, que ne purent intimider les menaces ni
les persécutions. Il possédait, hors de la ville, et « contre le ravelin
de la porte Saint-Jean » un jardin où se trouvait un pin magnifique.
CORRESPONDANCE 105
dont trois hommes pouvaient à peine embrasser le tronc. C'était ii
l'ombre de ses rameaux séculaires que se réunissaient, les di-
manches, les adeptes de Calvin, pour entendre le prêche et chanter
les psaumes. Le peuple d'Aix, poussé par quelques meneurs, finit un
jour par se jeter sur les religionnaires, massacra les uns et pendil
les autres aux branches de leur arbre favori. Les femmes ne vou-
lurent pas être en reste de fanatisme et de férocité avec les hommes.
« Le 26 août, les bouchères sortirentde compagnie ; elles attaquèrent
« Melchionne, femme du libraire de la religion, la traînèrent parla
« ville, lui donnèrent des coups de couteau et enfin la pendirent au
« pin par les pieds, encore vivante. Trois jours après l'arrivée du
« roi, le 19 octobre 1564, le pin fut arraché et coupé, par arrêt de la
« chambre de justice, sans que les marques en soient restées aulre-
K ment que dans la mémoire de nos pères, qui ont appelé ces années :
« lou tems d''aou pin. ' »
François de Gênas sortit d'Aix avec cinq autres conseillers, qui
partageaient ses croyances, abandonnant sa maison au pillage. Il
revint après l'édit de Pacification, exerça longtemps sa charge el
devint doyen du Parlement. En 1579 il vendit sa charge; mais
Henri III ayant créé à Aix une chambre de justice, il accepta une
des quatre charges de conseiller, pour défendre les intérêts de ses
coreligionnaires. Devenu vieux et ne songeant qu'au repos il se relira
à Nîmes « où sa religion était aussi puissante et aimée qu'elle l'était
peu à Aix ».
Par son testament du 2 juin 1587, il déclara vouloir être inhumé
au château d'Aiguilles, près de .sa femme, ou à Nimes, « sans pompe
« funèbre et selon la coustume observée par ceulx de la relligion
« réformée » ; il mourut dans cette ville le 28 du môme mois.
François de Gênas III eut quatre fils et cinq filles :
1° Jean de Gênas, qui suit;
2° Antoine de Gênas, qui, marié cà Anne Odole, dame de Calissane,
mourut avant son père sans postérité;
3° Melchior de Gênas, auteur de la branche de Beauvoisin;
4° Louis de Gênas, auteur de la branche de Puyrcdon\
5° Françoi.se de Gênas, mariée à Jean de Villeneuve, seigneur de
Cartonne et d'Espinousse;
6° Louise de Gênas, mariée par contrat du 23 décembre 1566 avec
Thomas de Villages, seigneur delà Chassagne, second fils du frère
cadet de François de Villages, .seigneur de Beauvoisin;
I. Nostradamus, Histoire de Provence, p. 791; — Gaiifredi, ibid.. |). .ôHi;
— Pilhon-Curt, Histoire de la ville d'Aix.
Ll. - s
106 CORRESPONDANCE
T Blanche de Gênas, épousa Jean d'Estienne-Chaussegros, sieur
de Lioux et de Mimet, viguier de Marseille en 1575; un de ses fils
épousa Anne de Rostan;
8° Marguerite de Gênas, mariée à Nicolas delà Lande, coseigneur
de Fuveau;
9° Diane de Gênas, épousa Antoine de Brueys, sieur de Sauvi-
gnargues. Conseiller au présidial de Nîmes.
Jean de Gênas IV, épousa, le 25 septembre 1576, Marguerite de
Villeneuve et, après avoir testé le 3 juin 1609, il mourut laissant
quatre filles et cinq fils, morts sans postérité. Ce furent :
1° Hénoch de Gênas.
2° Jean de Gênas, qui étant venu se fixer à Beauvoisin testa le
8 juin 1651. Par son testament, reçu par un notaire de Vauvert, il
lègue cent livres aux pauvres de la R. P. R. dont il fait profession,
instituant pour son héritier universel son cousin Jean de Gênas,
seigneur de Beauvoisin, et à son défaut, son fils Jacob.
3° Henry de Gênas, qui alla servir en Allemagne, dans les troupes
du landgrave de Hesse et s'y distingua tellement que ce prince le
fit colonel de ses gardes : il mourut dans cet emploi.
Avec le cinquième fils Pierre, s'éteint la branche directe des de
Gênas; leur histoire se poursuit dans celle des trois branches de
Beauvoisin, de Puyredon et de Beaulieu, et les familles alliées, les
D'Autheville, les Guiraud, les Reinaud.
II
Les Gênas de Beauvoisin, — Melchior de Gênas, 3^ fils de Fran-
çois et de Claire de Rodulph, naquit en 1553. Il fut capitaine de
cent hommes d'armes, pour le Roi et contre la ligue, et gouver-
neur des forts d'Aiguilles. Par contrat du 22 janvier 1580, il épousa
Louise de Villages, dame de Beauvoisin, fille unique de François
de Villages et de Marguerite de Porcelet. Melchior de Gênas eut
11 enfants dont le 8% Blanche de Gênas, fut mariée à Jean d'Albe-
nas et le 11% Marie de Gênas, qui testa à Marseille le 7 avril 1663,
en faveur de son neveu, Jacob de Gênas et mourut catholique.
Le 4'', Jean de Gênas, seigneur de Beauvoisin, avait épousé par
contrat du 18 décembre 1631, Rose de Favier, fille de Jacob de
Favier, seigneur de Coudoulet, garde des sceaux au présidial de
Nîmes, conseiller au parlement d'Orange, et de Suzanne de Lan-
sart. Il a laissé un journal — « un livre de raison » comme on
disait alors, — où tous les événements de sa vie sont relatés.
CORRESPONDANCE 107
En voici quelques extraits :
« L'an 1632, moy, Jean de Gênas, seigneur de Beauvoisin, ay
« fait rebastir le chasteau du dict Beauvoisin à mes deppans, quy
« ma cousté, ayant faict toutes des deppenses du mien, sans avoir
« emprunté un sol de personne, environ 35,000 livres. »
« Le vendredi, 24 febvrier 1634, à quatre heures du matin, ma
« famé est accouchée d'un fils. Son parrain est M. le garde des
« sceaux, son grand-père; sa marraine, M"* de Chabanne, sa
« grand'tante; a été baptisé par M. Terrond, ministre, sous nom de
« Jacob.
« Le 22' d'aousl 1655, M. d'Arnim, ministre de Nimes, a presché
« dans le lieu de Geneirac,dans la maison du cappitaine Mourgues,
« son eslu, par l'ordre de Messieurs du Consistoire. Dieu veuille
« par sa grâce restablir entièrement cesie pauvre Église et la com-
« bler de ses saintes bénédictions ! »
« Le Lundy 27 février 1661, à deux heures après minuit, demoi-
« selle Gabrielle de Gênas, ma sœur, est descédée dans le chas-
« teau, après avoir été bien consolée par M. le ministre Garaguier
a et a été enterrée dans le cimetière de Beauvoisin. Le bon Dieu
« lui ait faict miséricorde. »
Jean de Gênas mourut à Beauvoisin le 27 novembre 1662. Ses
enfants furent : 2% Pierre de Gênas, né le 2 juin 16'i6, mort le
16 septembre 1650, et enterré au cimetière de la Couronne, dans le
tombeau des Favier, à Nîmes.
4% Claire de Gênas, née le 16 avril 1638, mariée à Toulouse par
contrat du 14 janvier 1674, à noble Louis de Gautier, fils de Pierre
de Gautier, conseiller au parlement de Toulouse.
Ce mariage fut bénit par TÉglise catholique, tandis que celui de
ses deux autres enfants l'avait été par rÉglise réformée.
Jacob de Gênas, l*"" fils de Jean de Gênas, seigneur de Beauvoi-
sin et de Coudoulet, était né le 24 février 1634; il mourut au châ-
teau de Durfort en novembre 1694; il avait épousé par contrat
passé le 7 septembre 1655, Suzanne de Nogarède, fille du seigneur
de Durfort, et de Isabeau de Gautier, sœur de Jacques de Gautier,
seigneur de Saint-Blancard, gouverneur de Pecaïs, qui s'illustra
pendant les guerres de religion, sous les ordres du duc de lîohan,
et fut tué lors de la descente des Anglais dans l'ile de P»ê en 1627.
Ils laissèrent 7 enfants, dont la 4% Gabrielle de Gênas, née le
27 septembre 1658, fut mariée 1<^ à noble Pierre de Roquier, gen-
tilhomme de la Grande Fauconnerie du Roi, et 2" le 20 avril avec
Philippe d'Autheville, baron de Vauvert, fils de Pierre d'Aulhc-
108 CORRESPONDANCE
ville, conseiller à la cour des Aides de Montpellier et de Louise de
Baudan.
Le 1'^, Elisabeth ou Isabeau de Gênas, qui testa à Berne le 23 dé-
cembre 1713, en faveur de son neveu, Louis de Gênas de Beauvoi-
sin, le 1" fils de Jacob de Gênas. Louis de Gênas, l" de ce nom,
des seigneurs de Beauvoisin, de Durfort, de Fressac, de Saint-
Étienne, était né le 15 septembre 1657. Il épousa le 27 mai 1682
Olympe Boisson. De ce mariage naquirent cinq enfants dont la 5*^,
Madeleine de Gênas, née le 30 mars 1696, et morte à Saint-Gilles,
le 17 septembre 1746, qui épousa par contrat passé à Vauvert le
25 avril 1724, Jean François de Calvière, baron de Saint-Cosme el
seigneur de Boissières.
Le 1" fils de Louis I fut Louis de Gênas II ; il naquit au château
de Beauvoisin, le 25 mars 1691. Sa tante, Gabrielle de Gênas, veuve
de Philippe d'Autheville, seigneur et baron de Vauvert, le fît pour-
voir, dès 1707, de l'office de maire perpétuel de cette ville, vacant
par la mort de son mari. Elle lui faisait épouser sa fille unique,
Suzanne, seule héritière de la baronnie.
Ce mariage fut célébré le 13 mars 1714 dans l'Église de N.-D.-
de- Vauvert « ensuite de dispenses épiscopales, d'un rescrit de N. S.
« Père le Pape, donné à Pvome le 1®"^ janvier ».
Louis II eut cinq enfants dont l'aîné, Pierre-Louis-Olympe-
Gharles-Marguerite de Gênas, épousa Louise Allier qui eurent trois
enfants.
III
Les Gênas de Puyredon. — Louis de Gênas, 4^ fils de François III
et de Claire de Rodulph, naquit le 4 juin 1554, eut en héritage le
château de Puyredon ou Puechredon, situé sur la colline, dans le
voisinage de la terre d'Aiguilles qu'il vendit ensuite. Il suivit son
père dans sa retraite de Nîmes et épousa, le 25 mai 1595, Marie Pavée,
fille des seigneurs de Servas, diocèse d'Alais, alliés aux Montcalm
et aux Porcelets. Le père de Marie Pavée, François, dit le capi-
taine Servas, commandant le Languedoc pour le roi de Navarre et
le prince de Condé, s'était acquis une certaine célébrité pendant
les guerres de religion, et fut avec le capitaine Bouillargues et
Vidal Poldo d'Albenas, un des principaux acteurs de la INIichelade
à Nimes. Condamné à mort par le parlement de Toulouse, il fut
exécuté par contumace, et son effigie fut traînée dans les rues
attachée à la queue d'un cheval. Il avait marié une de ses filles à
Céphas d'Albenas, capitaine viguier de la ville de Nîmes, et son
petit-fils Jean avait épousé une des filles de Melchior de Gênas ;
I
CORRESPONDANCE 109
Louis de Puyredon, l'ardent, l'opiniâtre calviniste, était donc ren-
tré dans une famille selon son cœur.
Jean de Gênas, fils de François, naquit le 22 juin 18'i'i, abjura le
protestantisme; son fils Guillaume mourut sans postérité mâle.
Les Gênas de Beaiilieu, descendants d'Alexandre de Gênas, 7* fils
de François de Gênas II et de Françoise de Mayaud, René de
Gênas, sieur de Beaulieu, naquit à Valence le 5 janvier 1642, fut
baptisé le 6 au prêche de Soyons. 11 fut garde du corps dans la
compagnie de Rochefort, lieutenant de la compagnie Beaujeu
dans le régiment du Roi.
IV
Familles alliées. — 1° Les d'Autheville. — Jacques d'Authe-
ville II. Les habitants de Vauvert durent à sa protection d'échapper
à de lourdes contributions de guerre et aux terribles représailles
du connétable de Montmorency; il était protestant comme la ma-
jeure partie de la population. Il épousa, le 23 août 1604, Margue-
rite de Montcalm.
Son second fils, Gabriel d'Autheville, seigneur de Saint-Clé-
ment, capitaine dune compagnie de cavalerie au régiment de Mé-
rinville. Il mourut en Catalogne et fut enseveli à Montpellier, le
29 août 1641, « sept ou huit jours après son décès » (Reg. de la
Rel. Réf., G.G. 332, fol. 5).
Maurice d'Autheville, 3« fils de Gabriel, baron de Vauvert, naquit
le 15 juillet 1651, baptisé le 1" septembre (Reg. de la Rel. Réf. de
Montpellier, G.G. 334, fol. 64), fut capitaine au régiment de la
marine.
Anne d'Autheville, 5', née le 30 janvier 1640, baptisée le 22 février
(Ibtd.), épousa le 29 mars 1668 Pierre de Bavard, seigneur de Fer-
rières et baron de la Crouzette.
6% Marie d'Autheville, née le 27 septembre 16i5, baptisée le
7 novembre (/6îi.)> épousa Barthélémy d'Ornaison, lieutenant du
roi à Aigues-Mortes.
Gabriel d'Autheville, le fils aîné de Pierre, abjura à .sa majorité,
entre les mains de Tarchevèque de Paris; le Roi lui donna une
sous-lieutenance dans les Gardes Françaises.
Philippe d'Autheville (4' fils de Pierre), sieur de Montferrier et
baron de Vauvert, naquit le 17 avril 1655 et fut présenté au bap-
tême à Montpellier, selon les rites de la Religion Réformée, le
4 juin suivant. Le 27 août 1678, il obtenait le grade de capitaine dans
le régiment de cavalerie d'Arnolfini.
110 CORRESPONDANCE
Le 7 mai 1682, chargé de lever une compagnie de chevau-légers,
il était incorporé avec elle dans le régiment de Florensac. Le
20 octobre 1684, il fut placé comme capitaine à la suite de la Com-
pagnie mestre de camp du régiment de Condé, et mis en pied au
régiment de Roquelaure, le 5 juillet 1687.
Le 2 septembre 1692, il épouse au château de Beauvoisin Ga-
brielle de Gênas, fille de Jacob de Gênas et de Suzanne de Noga-
rède.
II. Les Guiraud. — Daviel Guiraud, fils de Marguerite Boudet
« orphelin de bonne heure », reçut du mari de sa mère J. Ponsard,
son instruction professionnelle (il était marchand apothicaire). 11 siégea
au Consistoire de 1602-1614. 11 mourut le 1" mai 1620. 11 eut 5 enfants,
le 3* fut Claude Guiraud, né le 25 janvier 1612, mort le 25 février
1657; fut un physicien célèbre lié étroitement avec Samuel Sorbière,
son compatriote; consulté sur les mathématiques par Descartes, qui
l'avait en très haute estime, il fut en relations avec Gassendi, au
sujet de son Traité sur le diamètre apparent du soleil. Il releva quel-
ques erreurs, dont cet illustre savant le remercia par letttre du
22 février 1652.
Samuel, 2« fils de David, eut 15 enfants de deux mariages.
Le 4% Marguerite, née le 15 janvier 1658, épousa le 25 janvier 1680
Jean Maurice Fauquier *, capitaine au régiment de Mirman, passa à
l'étranger, à la révocation de l'Édit de Nantes et servit aux mous-
quetaires du roi de Pologne. En 1701, il rentra en France après
quinze ans d'exil et fit acte de soumission.
Le 2" fils, Pierre Guiraud, avocat, né le 12 novembre 1656, épousa
le 2 avril 1683 Jacquette de Bouvière.
Sara Gailhard ou Galiard, femme de Samuel Guiraud, avait, par
son testament du 30 décembre 1670, exprimé le vœu d'être ensevelie,
« en la forme de l'Église Réformée, au cimetière de la couronne et
« dans le tombeau qu'elle et son mari ont fait construire récem-
« ment ». La pierre tombale, avec une très belle inscription latine,
se trouve aujourd'hui scellée dans le mur de la cour de la maison
des Reinaud.
1. Il a laissé des mémoires où il raconte son départ de Varsovie et son
retour en France, ainsi que les principaux événements de la ville de
Nîmes où il s'était relire de 1702 à 1732; presque tous ces laits sont men-
tionnés par Ménard.
Il l'ut marié le 14 mars 1680 par .Mr Chevron, ministre. Sa femme mourut
le vendredy 22 may 1710 à deux heures de l'après-midi. « C'est la plus
grande et la plus fascheuse perte que j'aurois jamais peu taire. »
CORRESPONDANCE I 1 |
Pierre Guiraud mourut en n-il ; de son mariage avec Jaquette de
Rouvière il eut trois filles.
1° Marguerite Guiraud, née le M février 168'i, mariée le 1 1 janvier
1715 à noble Jacques de Fléchier, de la ville de l'ernes, neveu et
héritier de l'illustre évêque de Nîmes. Elle mourut le 5 avril [l^n
dans la religion protestante.
Le colonel Jean de Rouvière, frère de Jacquette de Rouvière,
émigra et mourut à Berlin en 1748.
III. LesReinaud. — Une note manuscrite, datant des dragonnades,
sorte de profession de foi énergique et résignée, nous apprend que
cette famille, originaire de Provence, dut quitter Aix, lors du mas-
sacre des religionnaires, et chercher, en même temps que celle des
Gênas, un refuge en Languedoc.
La voici textuellement :
« Vous deués scauoir que nous faisons la cinquième génération
« que nos pères et mères ont sellé de leur sang la vérité de TÉuan-
« gile; nos enfans font la sixième de la persécution et, par une
K prouidence adorable, ils ont imité les Reinaud sortis de Prouance.
« A Aix, on brûla, par la main du bourreau, des parafrases sur les
« psaumes, qu'un oncle de Louis Reinaud, médecin, auoit faites
« dans le temps de la reformation; et Louis Reynaud vint demeurer
(( à Nismes et perseuera dans la sainte religion. Notre père, d'im-
« mortelle mémoire, fut 1 4 mois et 12 jours en Espagne, dans l'in-
« quisition, chargé de chaînes, sans vouloir changer de religion,
« come fit Chauuel et un d'Orange. Notre père fut exposé en public
<( par diverses fois, pour estre brûlé, et enfin Mr le connestable de
« Momorancy le sauua. Du costé de notre mère, qui estoit d'une an-
u cienne noblesse de Dijon en Bourgogne, des Presidens à mortier
« au parlement de cette ville, un frère de ces presidens, colonel
« d'un régiment, estant en Languedoc, dans une recherche de no-
« blesse de lOS ans auant la dernière, le roi François premier le
« déclara noble et qu'il pouuait porter l'espée et le poignard, de ce
« temps là. Je sais cela de Mons' de Peiremalet (de Peyremale au
« diocèse d'Uzès) lors([u'il fit voir ses titres à Mr l'intendant de
« Bezons en Languedoc; ces fils de presidens et autres, je crois que
« vous saués qu'ils furent obligés de vendre leurs charges et se re-
« tirer en Ceuennes, ayant acheté Peiremalle, Roubiac, et Dieussc,
« pour euiterla persécution, parce que le Languedoc, jouissait de
« la paix pour la religion. Nous voilà donc sortis des Bourguignons
« et Prouencaux, pour venir en Languedoc. »
Il est probable que cette page émane d'un des iils do Laurent
112 CORRESPONDANCE
Reynaud, le prisonnier de Tlnquisilion. Louis Reinaud, médecin,
habitait la ville d'Ai.x, il avait épousé Hugonne Cabanes.
Ils eurent pour descendants :
2° Anne Reynaud, mariée le 16 mars 1599 à Etienne Guiraud (voir
article sur celte famille).
3° Suzanne Reinaud, épouse Sigalon.
1° Laurent Reinaud qui épousa, le 25 avril 1664, Madeleine de
Peyremale. Ils eurent 6 enfants.
Le 5% Marie Reinaud, mariée le 20 septembre 1671 à François
Bargeton, bourgeois de la ville de Nîmes. Ils eurent un fils Daniel
Bargelon, né à Uzès le 28 juillet 1678, qui fut un publicisle et juris-
consulte distingué, avocat au Parlement et « l'un des gens du con-
« seil du duc d'Orléans ». Il est surtout connu parses « Lettres contre
« l'immunité des biens ecclésiatiques ». Il reçut de la part du Roi,
3,000 livres pour ses honoraires, en un bon payable au porteur, pres-
que en cachette, pour ne compromettre personne, il mourut à Paris
en 1757. Son oncle Bathazard Bargelon émigra en Allemagne à la
révocation.
Le 3% Pierre, eut deux enfants.
2» Louise Reinaud. Le 3 novembre 1702 il y avait promesse de ma-
riage entre Louise Reinaud, de Nîmes, réfugiée à Berne, et Charles
Jacquemin, de la ville d'Aigle, canton de Berne.
1° Jacques-Scipion Reinaud, sieur de Bagnon, qui dans son
testament du 25 février 1715 dit vouloir mourir dans la religion ca-
tholique qu'il a toujours professée, alors qu'un certificat de catho-
licité comme nouveau converti, signé de Fléchier et daté du 18 mai
1700, témoigne du contraire.
M. RoDRiGUEz, P' à Saint-Gilles.
Solidarité bnguenote. Billet de Sosciété. Parfondeval (Aisne),
«s«i . — Dans ce document, publié par le Bulletin en 1899 (XLVIII,
43), il faut lire Philippe Leslr, au lieu de Philippe, le fils, ainsi
qu'une photographie grossissant les traits, a permis de le déterminer.
Ch. Serfass.
Le Gérant : Fischbacher.
5992. — L.-Imprimeries réunies, B, rue Saint-Benoit» 7. — Motteroz, airecteur.
SOCIÉTÉ DE L'HISTOIRE
DU
PROTESTANTISME FRANÇAIS
Études historiques
LES RÉFUGIÉS A BERLIN
D'APRÈS LA COFmESPONDANCE DU COMTE DE RÉBENAC
(1681-1688)
Parmi les documents qui peuvent nous renseigner sur l'é-
tablissement des réfugiés à Berlin, pendant les années qui
précédèrent ou suivirent la révocation de i'Édit de Nantes,
il en est un qui est encore inédit : c'est la correspondance du
comte de Rébenac, envoyé extraordinaire à la cour de Bran-
debourg, avec le marquis de Groissy, secrétaire d'État des
affaires étrangères. M, Prutz, dans un ouvrage sur les der-
nières années du Grand Électeur * en a publié seulement en
appendice quelques extraits, mais d'une fa^-on presque tou-
jours fautive; d'ailleurs aucun des passages qu'il cite ne se
rapporte aux réfugiés. La correspondance de Rébenac, qui
commence au mois de janvier 1680 et se termine au mois
d'avril 1688, est conservée au dépôt des Archives du minis-
tère des affaires étrangères, où elle ne forme pas moins de
dix-septvolumes sous la rubrique Brandebourg {iomes \\\ à
XXX). Je voudrais en tirer pour les lecteurs du Bulletin ce
qui concerne les protestants et surtout les réfugiés français à
Berlin, en complétant les renseignements de Rébenac au
moyen de la correspondance de Spanheim, envoyé extraor-
dinaire de Frédéric-Guillaume à Paris pendant la même
période-.
1. I^rutz, Ans des grossen Kurfùrsten letyten Jahren, lîcriin, l.s".»7, in-8'.
2. Cette correspondance, qui a été déjà utilisée souvent, mais qui csl
1902. — N" 3, Mars. Ll. — 9
114 ÉTUDES HISTORIQUES
Quelques mois d'abord sur Rébenac. Il appartenait à la
famille de Feuquières, qui était originaire de l'Artois, et dont
la noblesse, chose déjà rare au xvii' siècle, datait des croi-
sades. Il s'appelait François de Pas, chevalier d'Harbon-
nières, et il était le fils cadet d'Isaac de Pas, marquis de
Feuquières, ambassadeur du roi en Suède, puis en Espagne.
Par son mariage avec Jeanne d'Esquille, petite-nièce du
vicomte de Rébenac, sénéchal de Béarn, François de Pas
devint comte de Rébenac'. Il fit ses premières armes à dix-
huit ans, en 1667, pendant la campagne de Flandre, et as-
sista six ans plus tard, en 1673, au siège de Macstricht. Mais
il trouvait la fortune bien lente à venir, si jeune qu'il fût
encore. Il était ambitieux et impatient, et il comptait sur
l'appui de Pomponne, alors secrétaire d'État, qui était son
parent et qu'il appelle dans ses lettres son « patron ». Il nous
a laissé lui-même, à ce sujet, dans une lettre à son père en
date du 30 décembre 1677, une franche profession de foi qui
jette un jour très vif sur son caractère. « Ma petite politique,
écrit-il, est de me presser sur ma fortune. Je ne me paye
pas de ce que mes amis me disent qu'ils ne me connoissent
pas encore assez de capacité pour entrer dans les grandes
affaires; je veux qu'ils bazardent et qu'ils ayent de l'estime
pour moy par la seule envie d'en avoir; car je voudrois bien
sçavoir où sont ceux qui font fortune n'ayant eu des employs
que lorsqu'ils les avoient mérités; d'abord il faut les avoir et
puis s'en rendre digne ; voilà selon moy le seul moyen de
s'avancer... On réussit rarement lorsqu'on agit contre son
humeur et son tempérament; le mien me porte à haïr la vie
encore inédile, est conservée aux Archives royales {Geheime Staatsarchiv)
à Berlin. Sur Spanheim et sa correspondance, voir l'édition nouvelle de
la Relation de la Cour de France en i6go, publiée par E. Bourgeois, Paris,
1900.
^. Sur Rébenac, voir E. Gallois, Lettres inédites des Feuquières, Paris,
1845, 5 vol. in-s°.
ÉTUDES HISTOniQUES 115
rampante dans tous les estats *. » Le succès d'ailleurs lui
donna raison. A la suite d'une mission à la fois militaire et
diplomatique auprès des armées suédoises en Allemagne, il
fut chargé, en 1679, d'une négociation plus importante auprès
de la maison de Brunswick, devint envoyé extraordinaire à
Berlin à la fin de la même année, et lorsque son père mou-
rut, en 1688, il le remplaça à l'ambassade de Madrid.
Dans ces différents postes, Rébenac montra les mêmes
qualités : beaucoup d'activité d'esprit, de clairvoyance, de
souplesse, d'habileté à se créer des relations et des amitiés
utiles. Il y déploya aussi un faste qu'il jugeait nécessaire à la
gloire du roi et que du reste il n'eût pas su restreindre, bien
qu'il fût disproportionné à ses ressources. C'est là un autre
trait saillant de son caractère, la prodigalité unie au besoin
de faire figure, et il ne le cache pas non plus dans ses
lettres. « On m'exhorte encore, écrit-il dès 1678, à retran-
cher ma despense... tout cela ne m'est de rien. J'ay un gen-
tilhomme, un secrétaire, un aumosnier, un maistre d'hostel,
un officier, un cuisinier, deux valets de chambre, dont l'un
est tailleur, trois laquets, deux palefreniers et huit méchants
chevaux, je voudrois bien sçavoir qui l'on veut retrancher;
pour moy, je ne vois là rien que le petit nécessaire ^ »
J'ai cru devoir insister un peu sur le caractère de Rébenac,
parce qu'il est original, mais aussi parce qu'il nous avertit
sur la valeur de son témoignage. Il va sans dire qu'il n'y faut
pas chercher une opinion personnelle, libre des préjugés du
temps, sur ceux qui, pour ne point renoncer à leur foi, choi-
sissaient l'exil. Rébenac, comme il nous l'a dit, veille à « se
presser sur sa fortune » ; il se règle docilement sur l'esprit
de la cour; il emploie, nous le verrons, son zèle contre les
réfugiés et déprécie volontiers, à l'occasion, et leur désinté-
ressement et les bienfaits du Grand Électeur. C'est en
tenant compte de celle réserve qu'il faut consulter sa corres-
pondance.
1. Citée par Gallois, t. 1\ , p. 171.
2. Lettre de Rébenac à son père, du i" janvier l'JyS, citée par Gallois,
t. iV, p. 179.
116 ÉTUDES HISTORIQUES
II
Pendant la première année du séjour de Rébenac à Ber-
lin, il n'est point question des protestants. L'année précé-
dente, le 25 octobre 1679, l'électeur de Brandebourg avait
conclu avec le roi de France l'alliance intime de Saint-Ger-
main, alliance secrète, qui fut ignorée longtemps de Span-
heim lui-même, mais dont Rébenac eut connaissance avant
son départ. Ce n'est pas ici le lieu de rechercher quels étaient
alors les véritables sentiments de Frédéric-Guillaume, ni
jusqu'à quel point son entente avec Louis XIV était cordiale,
ou du moins sincère. Toujours est-il qu'elle régla, pendant
plusieurs années, la politique brandebourgeoise, que l'Élec-
teur traita Rébenac presque en confident et qu'il évita avec
soin toute démarche qui eût pu blesser le roi. Or, il le savait
par expérience ^ toute allusion aux souffrances des calvi-
nistes français eût irrité Louis XIV et l'eût rendu lui-même
suspect.
Cependant, dès cette époque, il y avait à Berlin un assez
grand nombre de réfugiés et ce nombre augmenta rapide-
ment à partir de l'année 1681. Au mois de mai, Rébenac le
signala au roi, à propos de quelques officiers de marine,
calvinistes émigrés, que l'Electeur venait d'engager à son
service. Ce premier témoignage de Rébenac est intéressant,
parce qu'on n'y trouve point le ton de dénigrement qu'il
adoptera par la suite chaque fois qu'il parlera des réfugiés.
Il n'est point encore informé des intentions du roi : il dit sim-
plement ce qu'il a vu. Je cite le passage entier pris dans une
lettre au roi du 17 mai 1681 :
« Il vient. Sire, en ces pays-ci, quelques officiers de marine qui
quittent le service de Votre Majesté à cause de la Religion. Comme
je ne suis pas informé des intentions de V. M. sur ce sujet, je ne
me mesle de leurs affaires en aucune façon, mais, s'il y alloit de
4. Le 13 août IGGG, l'Électeur avait écrit à Louis XIV une lettre en faveur
des Calvinistes français et Louis XIV lui avait répondu avec assez de
hauteur le 10 septembre. Les deux lettres ont été pujjliées dans le Bulletin.
ÉTUDES HISTORIQUES 117
voslre service, on leur feroil prendre facilement le party qui y con-
viendroit, soit pour les dégouters, soit pour les retenir aussy long-
temps que iM' rÉlecteur seroit dans les intérests de V. M'% // est
constant, Sire, que le moindre de ces gens-là en sçait plus que le
}7ieilleur officier de ces pays-cy et ils ont tous le cœur si françois
que du moindre mot on en fera toujours tout ce qu'on voudra, outre
qu'ils sont sujets à tant de dégoûts dans ce service-cy, qu'ils ne
demanderont pas mieux que d'en sortir. »
Et le roi répond de Versailes le 29 mai suivant :
« Vous pouvez laisser les officiers de marine de la religion pré-
tendue réformée que vous m'escrivez s'estre retirez à Berlin dans la
liberté de prendre tel party que bon leur semblera et c'est à eux
à voir ce que l'obligation de leur naissance leur peut permettre. »
Parmi les réfugiés engagés à ce moment-làcomme officiers
de marine, je signalerai le sieur des Glaireaux, dont Span-
heim, le 10 mars 16SI, annonce le départ pour Berlin etdont
il vante « la capacité dans les employs de mer », en ajoutant
« qu'il n'y a que sa fermeté dans la profession de la Religion
Réformée quiluy a fermé la porte à de plus grands postes, dont il
était jugé très capable ». Plus lard, au mois de septembre 1685,
Frédéric-Guillaume obtint une permission de sortir de
France pour le père et la sœur « du capitaine de vaisseau des
Glereaux (sic)^ ». Puis, quand l'électeur Frédéric III renonça
à entretenir la petite flotte qu'avait créée Frédéric-Guillaume,
notre marin passa sans doute dans l'armée de terre et reçut
un régiment; du moins, en 1690, un sieur des Glaireaux, ré-
fugié français et natif de la Rochelle, était colonel d'infante-
rie à Kœnigsberg^
Malgré son alliance intime avec Louis XIV, le Grand Élec-
teur n'était point insensible aux souffrances de ses coreli-
gionnaires; le récit de leurs malheurs ne manquait jamais
de l'émouvoir et de l'irriter et il n'était pas assez maître de
1. Correspondance de S|)anhoim, Archives de Berlin.
2. Erman et Reclam, Mémoires pour servir à l'histoire des réfugiés,
Berlin, 17.S2, tome IX, p. i:i4.
118 ÉTUDES HISTORIQUES
lui-même, dans les premiers mouvements de ses passions,
pour se contraindre, fût-ce devant l'ambassadeur du roi de
France. Celui-ci le savait si bien qu'il avait pris ses précau-
tions. Il s'était entendu avec Meinders, le principal conseil-
ler de l'électeur et, de longue date, le chef du parti français
à la cour de Berlin; et Meinders avait défendu aux envoyés
de Frédéric-Guillaume et à ses autres correspondants de lui
jamais parler dans leurs lettres de ce qui se passait en France.
Frédéric-Guillaume « croyoit les choses assoupies ». Malheu-
reusement un jour vint, au mois de juillet 1681, où Télecleur
apprit « tout d'un coup « tout ce qu'on lui avait caché et
« avec tant d'exagération » qu'il en fut « louché au dernier
point »; pendant cinq ou six semaines, écrit Rébenac, il fut
« dans un emportement continuel ». Puis il se calma : il était
résolu à ne rien faire qui pût compromettre son alliance. Ce
fut une des tristesses de sa vie que ses intérêts et ses senti-
ments s'accordèrent trop rarement ensemble et qu'il dut
bien souvent sacrifier ceux-ci à ceux-là. Il laissa donc passer
les édits de 1681, comme il laissa passer la prise de Stras-
bourg, sans protester autrement que par des accès de mau-
vaise humeur, que Rébenac se gardait de prendre au tragique.
Du moins, pendant les années qui précédèrent la Révoca-
tion, Frédéric-Guillaume ne manqua-t-il aucune occasion
d'accueillir ou même d'attirer auprès de lui les calvinistes
de toute condition qui désiraient quitter la France et qui
étaient en état de rendre quelque service. Son envoyé à
Paris, Spanheim, les lui signalait, les lui recommandait, et
quand l'électeur le jugeait à propos, une demande était
adressée au roi, qui accordait une « permission de sortir du
royaume ». Plusieurs de ces permissions sont insérées dans
la correspondance de Rébenac ou sont mentionnées dans
celle de Spanheim. D'autres concernent des réfugiés établis
antérieurement en Brandebourg et qui obtiennent que leur
situation soit régularisée, « nonobstant la déclaration de
1669 », après laquelle ils auraient dû revenir en France. Je
relève rapidement, et par ordre chronologique, les. unes et
les autres, qui fournissent une contribution à l'histoire du
Refuge.
ÉTUDES HISTORIQUES li9
Un des réfugiés qui jouèrent un rôle important dans la
colonie française de Berlin fut M. de Briquemault, colonel,
puis major-général au service de Frédéric-Guillaume. Erman
et Reclam disent à son sujet : « Le temps où M. de Brique-
maut vint dans le Brandebourg nous est inconnu* ». Et
M. Muret dit qu'il émigra en 1G79-. La correspondance de
Spanheim nous permet de préciser. Briquemault était à Ber-
lin dès Tété de 1680, peut-être plus tôt, mais l'Électeur ne
l'avait pas pris encore à son service. 11 le chargea, au mois
d'août, de quelques commissions à Paris, sans doute pour
lui permettre, en même temps, d'y faire régulariser sa situa-
tion, et il le recommanda à Spanheim. « Et comme non-
seulement ledit colonel Bricquemaut, écrit-il à son envoyé
le 28 août 1680, que nous pi'enons à notre service, mais aussi
d'autres familles veulent se rendre ici, vous aurez à solliciter
également des passeports pour elles. » Le 9 septembre, Bri-
quemaut voit Spanheim à Paris; il s'y acquitte de ses com-
missions, obtient un passeport dès le 23 septembre, se fait
autoriser à passer au service de l'Électeur et, !e 14 octobre,
Spanheim annonce qu'il « est allé chez luy donner ordre à
ses affaires pour haster son départ»; il retourna donc à
Berlin à la fin d'octobre 1680. Quant aux autres familles qui
devaient accompagner Briquemaut, celui-ci s'avisa proba-
blement qu'il compromettrait sa propre cause en parlant
pour elles et il déclara à Spanheim qu'il croyait « l'affaire
délicate, qui pourroit luy en procurer de fascheuses par
deçà ». 11 n'en fut plus question.
Pendant l'année 1681, Spanheim eut l'occasion de recom-
mander à l'électeur un certain nombre de calvinistes qui
désiraient entrer à son service. Sans doute il ne les agréa pas
tous; rien n'indique, par exemple, qu'il ait accueilli dans son
armée M. de laPetitière, frère aîné du comte de la Vauguyon,
qui sollicitait une place d'officier général; ^L d'Oger,
brigadier de cavalerie, ou M. de Sancey. Dans d'autres cas,
nous avons tout au moins la réponse de Frédéric-Guillaume,
1. Erman et lîeclam, I, :«t'): II, 122 ss.
2. Muret, Geschichte der fran^osischen Kolonie in Braiidenburg-Preussen.
Berlin, 1885.
120 ETUDES HISTORIQUES
par exemple pour un sieur de Saint-Vual, qui avait tenu
« l'Académie à Saumur » et s'était trouvé obligé « de la quit-
ter à cause de sa créance » ; l'Electeur écrivit à Spanheim :
« Si M*" de St-Vual se veut établir et tenir Académie à Ber-
lin à ses despens, S. A. E. l'aggréera et en sera bien aise. »
Dans d'autres cas encore, nous sommes certain que les pro-
tégés de Spanheim vinrent réellement à Berlin; il en est ainsi
pour les frères de Brion, qui partirent de Paris au mois de
mai 1681 et qui sont probablement Alexandre et Adhémar
de Brion, dont le premier était, en 1682, gentilhomme de la
Cour et le second, en 1685, page de l'Electeur* ; il en est ainsi
également du chirurgien Gervai^e, qui se trouvait à Berlin
avec sa femme au mois d'août 1681 et sollicitait un passeport
pour ses enfants restés en P'rance : il fut attaché comme
chirurgien aux grands mousquetaires*. On peut signaler en-
core, la même année, le congé demandé, en septembre, pour
M. de Vesancay, que l'électeur avait nommé capitaine de
marine. Au mois d'août, enfin, Spanheim lui avait transmis
les suppliques d'un ministre réformé, D'Aillé, et d'un médecin,
qui était en grande réputation à la cour, Nicolas Lémery;
Frédéric-Guillaume répondit aussitôt qu'il avait précisément
besoin d'un théologien pour l'Université de Francfort et
d'un médecin pour sa cour. Pourtant, ni Erman et Reclam,
ni Muret, ne signalent D'Aillé au nombre des réfugiés dans
les Etats de Brandebourg; quanta Lémery, nous savons qu'au
moment de partir il se laissa séduire par les offres du roi : il
se fit catholique et ne quitta point la France.
De 1682 à 1684, l'émigration vers Berlin continua. En avril
1682, Spanheim recommande à Frédéric-Guillaume un gentil-
homme de la Religion, M. de Tasché, qui s'offre à remplir les
fonctionsdesecond gouverneur au près des princes électoraux.
Ses offres ne furent sans doute pas accueillies; mais nous trou-
vons d'autre part, dans la correspondance de Rébenac, plu-
sieurs permissions de quitter le royaume ou de rester en Bran-
debourg. L'une est délivrée, le 24 juin 1682, au nommé
Courtens, dont S. A. E. désirerait se servir en qualité de son
1. Erman et Reclam, II, p. 359, el IX, p. j8.
2. Ibid., II, p. 259.
-ÉTUDES HISTORIQUES 121
jardinier à Potsdam, et qui emmène avec lui sa femme et. ses
six enfants, trois garçons et trois filles ; une autre, en date du
17 août, « à Louis de L'Hospital, au nommé Binon el à la nom-
mée du Biran, tous trois de la religion prétendue réformée »,
qui s'en vont au service de l'Electeur*; deux autres encore^
en date du 28 mars 1083, au sieur d'Egissay, pour qu'il puisse
demeurer au service de TElecteur, et au sieur de Monglat,
qui y doit entrer.
Enfin, parmi ces permissions, j'en mets deux à part, qui
méritent d'être citées, l'une parce qu'elle concerne un des
réfugiés qui jouèrent un rôle actif dans la colonie berlinoise,
l'autre à cause des détails très précis qu'elle contient. La pre-
mière est en faveur de Claude du Bellay, seigneur d'Anche,
et frère de Théodore du Bellay, seigneur de Montbrelais, un
réfugié de marque; elle porte la date du 3 octobre 1682 :
« Aujourd'huy 3« octobre 1682, le Roy estant à Chambord, ayant
esgard à la très humble suplication qui luy a esté faite par le
S' de Spanheim envoyé extraordinaire de M"" l'El' de Brs, Sa Majesté
a permis et permet au S"^ Danché, gentilhomme de la province de
Poictou.de sortir du royaume pour aller au service de Son Altesse
Electorale en qualité de gouverneur d'un de ses fils, nonobstant la
déclaration de 1669 et toutes autres ordonnances à ce contraires. »
La pièce est suivie d'un passeport de même date, qui per-
met à D'Anché « de mener avec luy sa femme, une fille de
chambre, un cocher et deux lacquais- ».
L'autre concerne une famille entière et est datée de Fon-
tainebleau, le 19 août 1683 :
« Ayant esgard à ce que luy a fait représenter le S' de Spanheim
de la pari de VEV de Br^ que ce P" désireroit faire venir à Berlin
auprez des jeunes Princes et princesses de Brands cinq enfants du
S' et D' du Mas de Montmartin de la province de Poictou, scavoir
Jacques Louis du Mas âgé de quinze ans, Marguerite-Françoise du
1. Nous savons d'autre part que Louis de L'FIospilal, alors tout jeune,
fut attiré à Berlin par le comte d'Espense et qu'il lut plus tard major-
général sous le roi Frédéric 1". Erman et lîeclam, t. I.\, p. I.V2.
2. Sur d'Anche et sa famille, voir lù-man et Heclam, J, p. i:i.'} ci passim.
122 ÉTUDES HISTORIQUES
Mas âgée de quatorze ans, Samuel du Mas âgé de douze ans, Louis
du Mas âgé de neuf ans, Charles Fauquet S' de Bournizeaux âgé
de quinze ans*, avec leurs domestiques, scavoir Samuel Bretîtaud,
âgé de quarente ans, André Rebreau, âgé de quatorze ans, Magde-
laine Grain, âgée de cinq'* cinq ans et Su^^anne Massonneau, âgée
de 20 ans, tous de la R.P.R., Sa Ma»° leur a accordé la permission
qui leur est nécessaire... î.
Nous en arrivons maintenant à l'année de la Révocation et
c'est alors, bien entendu, que la mention des réfugiés devient
de plus en plus fréquente dans la correspondance de Rébenac
Bientôt il ne sera plus question de permissions et de passe-
ports. Dès le 1" mars 1685 Louis XIV déclare qu'il n'en veut
plus accorder :
« J'ay fait connoistre plusieurs fois aux Envoyez de Dannemarck
et de Brandebourg, écril-il à Rébenac, que je ne pouvois approu-
ver que mes sujets de la Religion prétendue réformée me fissent
solliciter par les ministres des Princes mes alliez pour passer dans
les pays estrangers, soit sous le prétexte de les servir ou autrement.
Vous devez aussy vous en expliquer de mesme au lieu où vous estes
sur la permission qu'on vous a obligé de me demander en faveur
du S"" du Belay de Montberlay et vous délivrer pour tousjours de
semblables demandes. »
Pourtant, en ce qui concerne celui-ci, le roi se relâcha en-
core, puisque, le 29 juin suivant, Frédéric-Guillaume deman-
dait à Spanheim les passeports de Théodore du Bellay,
S"' de Montbrelais, nommé conseiller de légation à Berlin, de
sa sœur Mlle de Bonni\eaux et d'un nommé de Belleville,
attaché comme gentilhomme de la chambre au prince élec-
toral Christian-Louis. Et plus tard môme, le 12 octobre, pres-
que à la veille de la Révocation, Louis XIV consentait encore
à régulariser la situation des « S'* de Chale:{ac, de la province
de Guyenne, qui sont depuis trois années à la cour de M' l'E-
lecteur de Brandebourg en qualité de premiers escuyers, l'un
de la princesse d'Anhalt et l'autre de la duchesse de Holstein » ;
I. Celui-ci épousa, sans doute à Berlin, Charlotte du Bellay, peul-èlre
une nièce de d'Anché ? Voir lùman et Reclani, 1, 133.
ÉTUDES HISTORIQUES 123-
de la dern^^' des Coudrais qui est auprès de la dame de Pelnilz,
veufve du grand escuyer de M"" l'El' de Brandebourg depuis
le mois de juillet 1682 »; et enfin du S"" de Vinhals a qui est
depuis dix années au service de M"" l'Electeur de Brandebourg. »
III
Nous n'avons pas à rappeler ici comment fut signé, le
17 octobre 1685, l'éditde Fontainebleau qui révoquait l'édit
de Nantes, ni comment le Grand Electeur y répondit presque
aussitôt par Tédit de Potsdam, qui promettait aux protestants
fugitifs asile et secours dans ses Etats. Les correspondances
de Rébenac et de Spanheim n'ajoutent rien à nos connais-
sances sur ce sujet. Mais elles nous montrent quels furent les
sentiments et l'attitude de Frédéric-Guillaume après la Ré-
vocation, quelles instructions il donna à Spanheim, et com-
ment Louis XIV, quelque ressentiment qu'il eût des démarches
de rÉlecteur, dissimula, parce que l'alliance du Brandebourgs
lui était plus que jamais nécessaire, et chercha seulement à
concilier sa dignité avec son intérêt.
Les sentiments de Frédéric-Guillaume apparaissent dans
tous ses rescrits à Spanheim, pendant la période qui suivit
l'édit de Potsdam. Dans celui du 25 décembre 1685, par
exemple, l'Électeur déclare qu'il est bien en droit d'employer,
dans son édit, le mot de persécution, alors que le roi de
France, dans les siens, appelle la religion réformée une hé-
résie ; il soutient que puisque Louis XW a prouvé par tant
d'actions éclatantes le zèle qu'il a pour sa religion, on peut
bien lui pardonner, à lui Frédéric-Guillaume, de n'être point
indifférent dans la sienne et de tendre les bras à ses pauvres
coreligionnaires qui sacrifient tout à leur conscience. Dans le
rescrit du 18 janvier 1686, il s'étonne que l'on continue à se
plaindre de l'édit de Potsdam. « Nous ne pouvions moins
faire*, dit-il (et le roi devrait le comprendre), que d'accueillir
1. Je traduis ici le texte allemand du rescrit; les lettres de Spanheim
sont toutes écrites on français, mais Frèdéric-C.uillaume emploie toujours
la langue allemande.
124 ÉTUDES HISTORIQUES
avec bonté et bienveillance ceux qui, sans avoir commis au-
cune faute, mais pour obéir à la conscience, qu'aucune puis-
sance humaine ne peut forcer, se sont échappés et enfuis, à
leur plus grand dommage et en abandonnant tout ce qu'il y
a au monde de plus cher aux hommes. Nous considérons que
notre foi et notre conscience nous en faisaient un devoir et
qu'il nous en faudra rendre compte à Dieu. »
Les instructions que Frédéric-Guillaume donna à Span-
heimsur la conduite qu'il devait tenir à Paris furent conformes
à ces sentiments, et Spanheim d'ailleurs les avait prévenues.
Dès le 14 octobre, il annonce que les protestants s'attendent
aux dernières violences et que beaucoup s'adressent à lui
dans leur détresse : « Ce qui fait, écrit-il, que plusieurs ont
cherché déjà de réfugier chez moy en secret leurs effets les
plus précieux; que j'ay loué à ce sujet une maison un peu
plus spacieuse que celle où j'estois* et que je ne puis man-
quer de les assister de conseils, d'adresse et quelquefois de
charité, suivant le besoin, le tout avec les précautions
requises. » Et Spanheim demande s'il peut disposer à cet
effet d'une certaine somme, que l'Electeur voudra bien fixer.
Aussitôt Frédéric-Guillaume lui répond qu'il a bien fait d'as-
sister ceux qui se sont adressés à lui, qu'il doit continuer et
qu'il peut y employer une somme de 2000 thalers environ.
Spanheim ouvre alors sa maison toute grande. Le 16 no-
vembre, il écrit qu'il a « sa maison pleine d'effets et de per-
sonnes réfugiées, comme entre autres de la marquise de Vil-
larnoul et de ses filles, item d'une dame parente de M"" d'Es-
pen^e et autres, sans savoir encore à quoy tout ceci aboutira. »
En décembre, il n'hésile pas à se plaindre vivement de la dé-
tention des nièces du comte d'Espense et des sœurs du géné-
ral-major de Briquemault. Pourtant, comme on a fait défense
aux ambassadeurs étrangers de recueillir des réfugiés chez
eux et qu'il a déjà subi les reproches de Croissy, Spanheim
se décide « à charger un peu moins » sa maison et à laisser
1. Lorsque le sieur de Grandmaison, officier de police, le dénonça à
Croissy, le 23 novembi-e 1685, Spanheim habitait un hôtel de la rue de
Greneile-Saint-Germain. C'est sans doute à la suite de cette dénonciation
que Croissy lui reprocha d'avoir sa maison pleine de réfugiés.
ÉTUDES HISTORIQUES 125
sortir la plupart des protestants qui s'y trouvaient, non sans
(( en cacher ou retenir quelques-uns avec plus de précaution.
Je puis même dire, ajoute-t-il, que j'ay eu jusques icy assez de
bonheur en tout cela, et avec quelque étonnement de ceux
qui le savent. Outre cela, j'ay cru pouvoir augmenter le
nombre de mes domestiques de l'un et de l'autre sexe. Je ne
manque pas aussi de faire des charités et assistences sous
main où cela se peut, suivant les ordres de V. A. E". » Span-
heim, d'ailleurs, étaitefficacement aidé par le vieux Jean Beck,
résident de Brandebourg à Paris, qui ne ménagea point son
zèle et qui faillit un peu plus tard, nous le verrons, payer
cher ses imprudences.
Cependant les persécutions continuaient et la situation des
protestants devenait chaque jour plus déplorable, ainsi
qu'on le voit par ces lignes de Spanheim, du 25 janvier 1686 :
« On comptait à Versailles ces jours passés que de 9000 gens de
la Religion qu'il y avait à Paris, il n'y en aurait pas 400 de reste, et
dont le nombre encore diminue d'heure à autre. Il est vrai qu'il y
en a encore de cachés et nombre qui ont cherché à sortir du
royaume ; et comme on croit rencontrer plus de résistance du côté
des femmes, on en met dans les couvents autant qu'on en trouve
qui ne veulent pas changer ; et on parle même d'un nouvel édit sous
la presse pour déclarer prise de corps ou perte de tous droits ma-
trimoniaux à l'égard de toutes celles dont les maris ont changé et
qui ne veulent pas s'y conformer. »
C'est dans celte même lettre que Spanheim raconte à son
maître la plus grave imprudence qu'il ait commise pendant
cette lamentable année 1686, imprudence dont il n'eut pas
d'ailleurs à se repentir: l'asile qu'il offrit à Mme de Villarnoul
mourante. Voici le passage entier de sa lettre :
« On a été fort surpris et fâché à la cour de l'évasion hors du
royaume de deux personnes de qualité et de moyens, l'un du mar-
quis de Bordage, gentilhomme de mérite et de grands biens en
Bretagne, qui abandonne pour 2000 écus de rente ou fonds de terre
qu'il avait en France et un régiment de cavalerie, et qui était bien
en cour auprès du roi et du marquis de Louvois; l'autre est le
marquis de Villarnoul, sorti du royaume en poste avec l'ambassa-
12G ÉTUDES HISTORIQUES
deur de Hollande, déguisé en son valet de chambre, et sur quoi on
est ici fort en colère contre ledit ambassadeur. Ce marquis de Vil-
larnoul quitte pour 25000 livres de renies en belles seigneuries en
Poitou, où il était un des plus qualifiés de la province. Il laissa en
partant sa femme malade, séant à l'agonie, où je l'avais retirée à sa
prière avec trois enfants et où elle expira fort chrétiennement la
semaine passée et sans y être inquiétée comme elle aurait élé au-
trement pour changer de religion avant sa mort et en mourant se
voir embarrasser de la vue des prêtres et de leur suite. La chose s'est
passée sans d'un côté avoir manqué au devoir d'un ministre de votre
Altesse Électorale et qui de soi-même ne peut qu'être pénétré d'une
juste compassion pour des gens qui ne souffrent que pour l'intérêt
de la religion, et par où il a donné lieu à sauver bien des gens
sans s'être attiré aucune disgrâce ou procédure qui eût pu inté-
resser le caractère* et avoir de fâcheuses suites* ».
Si Spanheim fut assez habile ou assez heureux pour ne
pas trop se compromettre, il n'en fut pas de même de Jean
Beck, que le roi, à vrai dire, n'avait pas les mêmes raisons
de ménager. Le « bonhomme » Beck, comme on l'appelle
volontiers à ce moment — il avait soixante et onze ans —
remplissait depuis 1660 les fonctions de résident de Brande-
bourg à Paris, où il représentait en même temps les villes
hanséatiques; mais, depuis que l'Électeur entretenait auprès
du roi, à poste fixe, un envoyé extraordinaire, Spanheim,
Reck n'avait à peu près rien à faire et Frédéric-Guillaume
semblait ne lui conserver son caractère que par charité; le
bonhomme envoyait encore, à vrai dire, des relations, où il
racontait les menus événements de la cour et de la ville et
qui sont conservées aux Archives de 13erlin.
Jean Beck élaii un prolestant zélé; il ne manquait donc
pas de signaler dans ses lettres tout ce qui concernait ses
coreligionnaires, dont il prenait la défense avec passion.
Aussi, dès le 5 février 1686, Rébenac écrivait-il au roi que les
1. C'est-à-dire son caractère d'envoyé de l'Électeur.
2. Je n'ai pas pu reproduire pour cette lettre, comme je l'ai fait pour
toutes les autres, l'orthographe de l'original. D'après un rapport dressé
le 21 janvier 1686, que cite iM. Douen (Révoc. à Paris, II, '133), Mme de
Villarnoul fui enterrée dans la maison même qu'habitait Spenheim,
« samedi dernier dans la petite cour ».
ÉTUDES HISTORIQUES 127
relations de Beck contribuaient à entretenir Tirrilation de
l'Électeur et qu'il pourrait être avantageux de les supprimer ;
« On ne parlerait plus icy des affaires de la Religion, sans les
relations qu'on reçoit des particularitez vrayes ou fausses de ce qui
se passe en France par le moyen du sieur Beck, agent de Brande-
bourg; ce bonhomme gagne ses appoinctemens à mander de petites
nouvelles. Il seroit bien aisé, Sire, de faire intercepter quelques-
unes de ses lettres et retenir celles qui peuvent produire de mauvais
effects, mais je crois important pour le service de V. M. qu'on ne
puisse remarquer en aucune sorte que cet avis vient de moy, par-
ce que je perdrois la confiance avec laquelle on me montre la plus
grande partie des lettres que M"" l'Electeur reçoit de tous costez. »
Louis XIV, semble-t-il, ne suivit pas le conseil de Rébe-
nac; mais l'avis ne fut pas perdu. On se mit à surveiller Beck,
et celui-ci d'ailleurs attira de nouveau l'attention sur lui, au
mois de mai, par la fuite d'une de ses fdles, Catherine-Emilie,
qui parvint à se réfugier à Amsterdam. Le commissaire
Gazon dirigeait alors une série d'enquêtes secrètes sur les
envoyés ou résidents des princes protestants, en particulier
sur Spanheim; il fit rédiger au sujet de Beck plusieurs rap-
ports qui ont été déjà publiés*, l'un en date du 13 août 1686,
un autre en date du 3 octobre. Dans le second, il signalait
eomme réfugiés chez Beck la dame de la Roche, de Rouen;
la demoiselle Falaiseau, « femme du S' Falaiseau qui est
auprès de l'Electeur de Brandebourg - »; le fils de la dame
Ciissy de Brie, etc.; et il ajoutait que le fils de Beck était
récemment sorti de Paris sous le prétexte d'aller porter une
lettre à la duchesse d'Orléans, à Fontainebleau, et qu'il avait
ensuite passé la frontière.
Après ces rapports de police, on résolut de prendre des
mesures contre Beck, dont le caractère de résident pouvait
être mis en doute et qui, de plus, était naturalisé français,
1. Par Douen, dans son ouvrage intitulé : La Révocation de l'Edil de
Nantes à Paris, 3 vol. gr. in-«°, 189i. Jy ai pris un certain nombre de
détails qui complètent mon récit.
2. Falaiseau fut envoyé par l'Electeur à la cour de Suéde, où il repré-
senta le Brandebourg pendant plusieurs années.
128 ETUDES HISTORIQUES
par conséquent sujet du roi. Louis XIV signa d'abord, le
4 novembre, un ordre d'expulsion; puis il se ravisa et, le 15,
ordonna d'écrouer Beck et sa femme à la Bastille; le lieute-
nant de police, La Reynie, procéda à l'interrogatoire le 16.
L'Électeur, cela va sans dire, en fut aussitôt informé et en
témoigna à Rébenac son inquiétude; Spanheim, de son côté,
fit à Croissy des représentations très vives et réclama Beck
au nom de son maître, en mettant en avant son caractère
diplomatique; et comme Louis XIV tenait à ne point mécon-
tenter TÉlecleur, il céda. Le 28 novembre, il annonça à Rébe-
nac la prochaine libération de Beck, tout en insistant sur les
motifs valables qu'il aurait eus de le retenir.
« Il est bon que vous sçacliiez que cet homme est convaincu
d'avoir donné retraite à plusieurs personnes de la R. P. R. ou nou-
veaux convertis qui sont sortis de mon royaume et d'avoir au pré-
judice de mes Édits et déclarations contribué par toutes sortes de
moyens à leur désertion. J'ay bien voulu néanmoins aux instantes
prières qui m'ont esté faites pour son eslargissement par le S' de
Spanheim au nom de l'Électeur de Brandebourg, faire remettre
ledit Beck en liberté, quoy qu'il fust naturalisé, à la charge qu'il
sortira incessament de mon Royaume. »
Beck et sa femme furent en effet mis en liberté, sur ordre
du 4 décembre, et en même temps expulsés du royaume;
mais, comme Beck tomba malade à ce moment, Spanheim
obtint pour lui un délai de quatre semaines nécessaire à sa
complète guérison, puis un passeport valable pendant quatre
semaines, pour sortir du royaume comme il l'entendrait et
sans être accompagné. Dès le 22 novembre, Spanheim avait
annoncé à la fois l'emprisonnement de Beck et son élargis-
sement certain, en accompagnant la double nouvelle de
réflexions qui présentent les choses sous leur véritable
jour : « Au fond, écrit-il, il n'aspiroit à autre chose depuis
quelque temps, que de trouver quelque ouverture ou per-
mission de se retirer hors du Royaume, à quoy se présen-
toient jusques icy plusieurs obstacles et assez difficiles à sur-
monter ». On pouvait tout craindre, d'ailleurs, Beck étant
naturalisé. Mais « le voilà tiré d'affaire et hors de France par
ETUDES HISTORIQUES 129
cet incident qui devoit l'accabler. D'autant plus que la con-
duite dudit S' Beck, au dire de ses bons amis et de ses
proches, auroit pu avoir un peu plus de précaution, hoc statu
rerum, et à y donner moins prises, comme par quelques per-
sonnes retirées chez luy et en pension, qui s'y trouvent pré-
sentement arrêtées. »
Beck et sa femme descendirent la Seine à petites journées
jusqu'à Rouen, s'y embarquèrent et regagnèrent Berlin. C'est
là que Beck mourut, à l'âge de quatre-vingts ans, le 2 fé-
vrier 1695'.
IV
Quelle fut enfin l'attitude de Rébenac à Berlin, après la
Révocation, à l'égard de la petite colonie de réfugiés français,
qui s'y accroissait chaque jour? C'est ici que sa correspon-
dance devient plus instructive à consulter.
Il eût été tenté, par tempérament et par zèle, d'agir et de
justifier son maître auprès de l'Électeur. Mais le ministre, au
nom du roi, s'empressa de l'inviter au calme. En marge d'une
relation du 17 novembre 1685, où Rébenac rendait compte
en détail d'une longue conversation avec Frédéric-Guillaume
sur les affaires religieuses, Croissy écrit au crayon, pendant
le Conseil, et par conséquent sur Tordre exprès de
Louis XIV : « qu'il ne s^en mesle pas ». Puis, au bas d'un
brouillon de lettre du roi à Rébenac, le 6 décembre suivant,
il écrit encore : « Sçavoir si on adjoustera un article tou-
chant les privilèges qu'il (c'est-à-dire l'Electeur) donne dans
ses Estais aux françois de la R. P. R. » ; et la note est ensuite
barrée à l'encre, ce qui indique que le roi a ordonné de n'en
rien faire. Rébenac doit donc se borner à observer et à rendre
compte, et ainsi Louis XIV sauvegarde à la fois sa dignité,
puisqu'il refuse de s'abaisser à expliquer et à justifier sa con-
duite, et son intérêt, puisqu'il évite autant que possible d'ai-
grir l'Electeur par des discussions et des contestations inu-
tiles. Il attend même que Frédéric-Guillaume ait, le premier,
1. Erman et Reclam, II, 37,
Ll. - 10
130 ÉTUDES HISTORIQUES
interdit aux catholiques d'entendre la messe chez Rébenac,
pour prendre à l'égard de Spanheim une mesure semblable,
en invitant Rébenac à ne formuler aucune plainte.
La correspondance de Rébenac confirme, bien entendu,
l'impression que donnent tous les documents contemporains
sur l'importance extrême des conséquences politiques qu'eut
la Révocation. Je n'insiste pas ici sur ce point d'histoire
générale. Pourtant, il peut être bon de montrer par l'exemple
de Rébenac que, dès le début de l'année 1686, les ambassa-
deurs du roi à l'étranger prévoyaient ces conséquences et les
annonçaient à Louis XIV. Les princes étrangers, écrivait
Rébenac au roi dès le 25 mai 1686, en viennent à croire que :
« La seule croyance des protestons met une incompatibililé entre
Votre Majesté et eux. C'est un raisonnement dangereux que les
Impériaux et ceux qui sont jaloux de la gloire de V. M. font avec
beaucoup d'avantage et il seroit bien nécessaire de calmer leurs
esprits s'il estoit possible, jugeant, Sire, par la foible connoissance
quj j'en puis avoir, que la pluspart des protestans se vont faire un
inléresl de Religion de joindre leurs puissances à celles qui sont
naturellement opposées à la vostre, croyant mettre par là leur
créance en seureté du moins pour un temps. Car bien qu'ils con-
viennent que rienn'est plus opposé à leurs véritables inlerests et à
leurs anciennes maximes, ils disent que tout est renversé, qu'ils
doivent prendre de nouvelles mesures et qu'ils sont dans un temps
où il ne leur reste que des partys d'extrémité. »
Et Rébenac montrait dans la même lettre combien était
grande déjà l'irritation de Frédéric-Guillaume et combien
désormais son attitude était peu celle qui eût convenu à un
allié de la France :
« M' l'Electeur de Brandebourg est de tout temps le prince du
monde qui garde le moins de modération dans ses discours publics.
Jamais je ne parois devant luy sans qu'il se mette sur les affaires
de la Religion. H modère sy peu ses expressions que je ne vois pas
pour moy un plus grand inconvénient que celuy de les entendre. Je
me suis mis, Sire, en possession de tourner le dos sur le champ et
de m'en aller. Je le fais toujours sans perdre le respect. Cependant
ÉTUDES HISTORIQUES 131
il y a des jours où il luy est insupportable de ne pouvoir pas
répandre son chagrin en ma présence, et c'est, Sire, le seul endroit
par lequel j'apréhende quelque effect de sa mauvaise humeur, mais
je ne puis en aucune façon l'éviter. »
Cette irritation de Frédéric-Cuillaume était entretenue
par tout son entourage et surtout, cela va sans dire, par les
réfugiés français. Parmi ceux-ci, Rébenac signale Louis de
Beauveau, comte d'Elspense, qui jusqu'à la Révocation avait
été tout au contraire, à la cour électorale, un auxiliaire pré-
cieux pour les ambassadeurs du roi, D'Espense avait même
rendu tant de services à Rébenac que celui-ci hésitait, sem-
ble-t-il, à rompre définitivement avec lui et à le dénoncer à
Versailles. Dans une première lettre, le 26 juillet 1686, il ne
parle encore de lui qu'à mots couverts : « Ce Prince, Sire,
écrit-il à Louis XIV, trouve encore en ce pays-cy' un renou-
vellement de chagrin sur les affaires de la Religion par la
grande quantité de calvinistes françois qui le viennent voir
et qui trouvent en cette Cour l'appuy de quelques personnes
considérables, qui bien qu'ils ayent l'honneur d'esire sujets
de \ . M. et obligez par une infinité de biensfaits particu-
liers ne laissent pas de tenir sur cela une conduite tout-à-fait
mauvaise. » Mais Croissy écrit en marge : «qu'il s'explique»;
et Rébenac s'explique en effet dans une seconde lettre du
16 août. Il est impossible, dit-il, que l'Électeur change de
sentiments « aussy longtemps que M'" Despenses l'entretien-
dra quatre fois le jour de tout ce qui peut luy donner de
Téloignement pour les intérêts de Votre Majesté. 11 y a huit
mois-. Sire, que je n'ay pas une occupation plus difficile que
celle de parer ses mauvais offices et d'employer tout ce qui
peut humainement dépendre de moy pour le faire rentrer en
luy même. Je n'ay pu en tirer que la déclaration qu'on ne
devoit attendre de luy ny modération, ny mesures, j; Et le
\. Cette leLlre fut écrite à Wesel et les suivantes à Cléves, pendant le
voya^fe cju'y lit alors l'Électeur pour s'y rencontrer avec le prince d'Orange.
2. C'est-à-dire depuis le mois de décembre le^j. Il [laut noter qu'au
commencement de ce mois de décembre, les sœurs de d'Espense avaient
été emprisonnées à l'aris parce quelles refusaient de se convertir.
132 ÉTUDES HISTORIQUES
même jour, dans une lettre particulière au secrétaire d'Etat,
Rébenac ajoute encore, en parlant de d'Espense : « Il a telle-
ment outré toutles choses et il est de notoriété publique si
véritablement cause de tout ce qui se passe de désagréable
en cette Cour, quç j'ay cru, Monseigneur, qu'après avoir fait
durant huit mois tout ce qui a été possible pour le ramener à
son devoir, le mien était de rendre conte de ce qui se pas-
soit ».
La Révocation n'eut pas, on le sait, que des conséquences
politiques, mais aussi des conséquences économiques, et
nous en trouvons encore la trace dans la correspondance de
Rébenac. Bien des protestants avaient tourné leur activité et
leur intelligence vers l'industrie; ceux qui se réfugièrent à
l'étranger y créèrent des manufactures nouvelles, dont beau-
coup devinrent rapidement prospères. Il en fut ainsi à Ber-
lin et, dès le 12 novembre 1686, Rébenac remarque que Ton
ne s'y met plus en peine de ce qui se passe en France : « On
croit avoir sujet de s'en consoler par la quantité d'officiers
qui en sont sortis et par les manufactures qu'on établit pres-
que partout, » A vrai dire, ces industries naissantes eurent
parfois des débuts difficiles et Rébenac y insiste par exemple
dans une lettre du 25 juin 1687 :
a La plus grosse despense qu'on fait icy pour les calvinistes
françois est à des avances pour des manufactures qu'on veut éta-
blir dans quelques villes et qui ne réussissent que foiblement. Leur
plus grand débit consiste à l'achapt que Monsieur l'Electeur en fait
luy-mesme ou qu'il fait jouer à sa Cour, ce qui ne peut pas aller
loin. Aussy se détruisent-elles presque toutes. Il a une manufaclure
de grosses estoffes qu'on tiroil de hollande, et qui pourra réussir,
parce qu'il ordonne à ses troupes de s'en faire habiller, ce qui fait
déjà un débit considérable. »
D'ailleurs peut-être faut-il ici tenir compte, en appréciant
le témoignage de Rébenac, de son peu d'impartialité à l'égard
des calvinistes et de son désir visible de dénigrer tout ce
qu'ils font.
Un autre passage de sa correspondance est intéressant
ÉTUDES HISTORIQUES 133
parce qu'il montre, par un exemple de détail, le tort que la
Révocation fit au commerce français. Le 14 janvier 1687,
Rébenac signale au roi le cas des marchands français établis
en Allemagne :
« Il y a, Sire, plusieurs marchands de Leypzik, de Berlin et de
Breslau qui sont françois et de la Religion, mais qui depuis très
longtemps sont établis en ces pays-cy. Ils font un commerce très
considérable dans le Royaume, mais ils se trouvent obligez de
l'interrompre à cause des Edits de Votre Majesté. Ils s'adressent à
moy pour savoir s'ils osent espérer quelque passeport particulier
avec lequel ils pussent entrer et sortir du Royaume. Je ne leur ay
rien pu répondre sans l'ordre de Votre Majesté. Ces gens-là portent
insensiblement tout le commerce en Hollande. »
Et ce qu'il y a de plus intéressant encore, c'est de voir,
dans le brouillon de la réponse royale, raturée et remaniée
plusieurs fois pendant le Conseil même, la trace d'une dis-
cussion où peut-être le contrôleur Le Pelletier, peut-être
Groissy lui-même*, cherchèrent à obtenir du roi, en faveur
du commerce français, quelque atténuation à ses rigueurs,
et qui n'aboutit qu'à cette phrase brève, dictée à Groissy :
« Je ne veux rien accorder quant à présent aux marchands de
Leip\ik et je verray dans la suitte du temps ce qu'il y aura à
faire pour le bien du commerce' . »
V
De 1686 à 1688, Rébenac envoie au roi, de temps à autre,
des renseignements sur le nombre et la qualité des réfugiés,
sur leur situation, sur les avantages qu'ils trouvent à Rerlin
ou les hostilités qu'ils y rencontrent. Il insiste souvent sur la
1. De 168.") à 1689, le Conseil d'en haut ne se composa que de trois per-
sonnes, en dehors du roi, le contrôleur général Le Pelletier, iiui avait
succédé à Colbert, Louvois et Groissy.
2. Croissy ne manquait jamais de lire au roi les brouillons de ses de-
pêches avant d'en arrêter la rédaction délinilive. Les annotations ou les
ratures au crayon, que portent un grand nombre de ces brouillons, ont
été faiteâ par Groissy pendant le Gonseil.
134 ÉTUDES HISTORIQUES
méfiance dont ils sont Tobjet et tout en tenant compte d'une
exagération possible, probable même, il y a, dans certains
détails précis qu'il donne, une indication que l'on ne peut
négliger. Il faut se souvenir que, si l'Electeur était calviniste,
presque toute la population du Brandebourgélait luthérienne
et qu'il existait alors entre luthériens et réformés une anti-
pathie quelquefois plus vive qu'entre luthériens et catho-
liques. Le Grand Electeur lui-même en a souffert et n'a pas
épargné ses efforts pour réconcilier les deux confessions
entre elles. Quand on connaît les obstacles auxquels il se
heurta jusqu'au bout, les résistances obstinées qu'il ne put
vaincre chez certains pasteurs luthériens et la popularité que
ceux-ci y gagnèrent, on ne peut douter que les réfugiés, tout
à la fois étrangers et calvinistes, ne durent pas rencontrer
partout la bienveillance et les secours que Frédéric-Guil-
laume, du moins, ne leur ménagea jamais. On peut même
facilement admettre qu'ils aient été entourés par moments
■d'une véritable hostilité populaire, que l'Electeur a pu juger
parfois prudent de ménager.
Ces observations faites, voici les principaux passages où
Rébenac nous parle du nombre et de la situation des réfu-
giés.
Le premier, en date du 5 février 1686, les représente déjà
comme mal accueillis à Berlin :
« Il en est venu icy jusques à cinq ou six cents; mais les trois
quarts étoient hors du Royaume depuis plusieurs années. La mor-
talité est parmy eux et on les soupçonne d'infecter le pays, en sorte
•qu'ils sont maltraitiez. »
Un peu plus tard, il est vrai, le 4 mai, Rébenac signale les
dépenses faites par l'Électeur en faveur des réfugiés et
indique qu'il y emploie en partie l'argent du subside qu'il
re(:oit du roi ; et il ajoute : « Ces gens-là ne trouvent pas seu-
lement à conserver un exercice libre de leur Religion, mais
mesme à rendre leur fortune meilleure ».
Une lettre du 25 juin 1687 est plus importante par les ren-
seignements qu'elle nous donne sur le nombre des réfugiés.
ÉTUDES HISTORIQUES 135
en particulier sur les officiers français entrés au service
de l'Électeur :
« Il y avoit sur le dernier estât des officiers cadets ou gen-
tilshommes françois calvinistes six cens onze personnes. La dé-
pense se montoit, par mois, à onze mille cinq cents soixante écus,
y compris le payement du régiment de Varenne qui est de huit cens
hommes, deux compagnies de cadets de cinquante chacune et un
bataillon commandé par un nommé Cornuau, qui est de deux cens
hommes... Il est malaisé, Sire, de savoir au juste le nombre des
Calvinistes françois dans tous les Estats de Brandebourg, parce
qu'il n'est point toujours égal. Cependant sur le bruit public d'une
quantité qui me paroissoit excessive, j'ay fait faire une supputation
la plus juste qu'il m'a été possible, et j'ay peine à trouver plus de
deux mille cinq cens communiants dans .toutes les églises. II en
vient encore quelques-uns, mais il en retourne plusieurs. »
C'est une lettre de Rébenac au roi du 2 août 1687 qui nous
donne les détails les plus précis sur Phoslilité de la popula-
tion berlinoise à l'égard des réfugiés; cette hostilité, semble-
t-il, influa sur l'altitude de l'Électeur lui-même, soit qu'il crût
nécessaire de céder en apparence aux préjugés du peuple,
soit que sa nature mobile se laissât par moments entraîner
par eux. En tout cas, il n'est guère possible que Rébenac ait
inventé de toutes pièces les renseignements qu'il nous donne.
Je cite le passage entier :
« Il y a depuis quelque tems^ un changement considérable sur le
sujet des réfugiés. L'aversion prodigieuse que le public a pour eux
commence à s'étendre jusques à Monsieur TElecteur luy même. On
en fait icy comme un peuple à part, qui n'a point de communication
avec les naturels du pays. Ils sont déjà exposez à des avanies parti-
culières. Entre autres, Sire, il y a une chose qui n'est qu'une simple
bagatelle en elle-même et qui ne laisse pas de leur être sensible.
Monsieur l'Électeur a un jardin qui est la seule promenade de la
ville- et le seul plaisir des Réfugiez qui sont icy. Il y a une deffense
1. lléljenac rcconnaiL donc (luc les Calvinistes n'avaient pas eu à souf-
iVir, jusqu'alors, de raversion populaire.
2. Il s'ag'd ici du Lustgarten (jue i"rédéi-ic-Ciuillaume et la première
ciectrice, Louise-Henriette, avaient lait planter devant le palais électoral.
136 ETUDES HISTORIQUES
particulière de les y laisser entrer, sans aucune distinction. On les
accuse depuis sept ou huit jours de vouloir brûler Berlin. Il y a des
sentinelles et des patrouilles pour avoir inspection sur leurs
démarches. On leur deffend d'avoir de la chandelle dans leur
chambre passé dix heures du soir et cela, Sire, s'exécute sur des
officiers et des personnes de la première considération. Ce sont des
petitsidégoûts qui semblent devoir en attirer de plus grands et je
ne désespère pas, si les choses continuent, de voir prendre à la
pluspart d'entre eux le seul party raisonnable qui leur reste*. »
Il est bien probable que ces « petits dégoûts », loin de
conduire à de plus grands, comme l'espérait Rébenac, ne
furent que passagers. En tous cas, ils ne découragèrent pas
les réfugiés, car, à ce moment précis (c'est Rébenac lui-même
qui nous l'apprend) le nombre des calvinistes augmenta en-
core :
« On a été quelque temps, Sire, écrit-il le 16 septembre 1687, sans
que le nombre des Calvinistes augmentast icy, mais depuis six
semaines il en arrive considérablement et à la dernière cène qu'ils
ont faite il y avoit quatre cens communians plus qu'à la précédente.
Il est vray que la plus grande partie qui vient d'Hollande, d'Angle-
terre et de Suisse estoit sortie de France depuis longtemps. i>
Si les réfugiés de Hollande, d'Angleterre et de Suisse ve-
naient ainsi en Brandebourg, c'est qu'ils avaient sans doute,
remarquons-le, quelques raisons d'y espérer un accueil meil-
leur : Rébenac se corrige ainsi lui-même. D'ailleurs le mou-
vement d'immigration ne s'arrêta pas en septembre; car, le
\\ novembre, Rébenac écrit encore :
« On forme icy deux compagnies de mousquetaires à cheval de
cent hommes chacune. Elles sont composées d'officiers ou cadets
françois Calvinistes. Il en est arrivé un nombre considérable depuis
six semaines. «
C'est le dernier renseignement de cet ordre que je relève
dans la correspondance.
\. Rébenac entend la conversioa et le retour en France.
ÉTUDES HISTORIQUES 137
VI
Mais Rébenac ne fait pas qu'observer et informer. Les
instructions royales, en lui prescrivant de ménager l'Electeur
et de ne point se plaindre d'une attitude que le grand roi
n'aurait certes pas tolérée en d'autres temps, ne lui interdi-
saient pas cependant d'entrer discrètement en rapports avec
les réfugiés mécontents, de mettre à profit, s'il était pos-
sible, les difficultés de leur exil, leurs déboires et leurs dé-
couragements, pour les décider à abjurer et à retourner dans
le royaume. C'était là une tâche délicate, dont Rébenac
s'acquitta avec toute son activité et tout son zèle, car
c'était un moyen de faire sa cour et peut-être d'avancer sa
fortune.
Il va sans dire qu'il ne manque jamais de signaler au roi
ses succès en ce genre. Peut-être les exagère-t-il. Mais il est
certain que les retours furent assez nombreux. Un réfugié,
qui était venu à Berlin en 1685, Gaultier de Saint-Blancart, le
reconnaît lui-même dans son Histoire Apologétique^ et
attribue précisément à ces découragés, à ces mécontents,
les bruits qui coururent sur les prétendus mauvais traitements
que subirent les réfugiés en Brandebourg. « Ce sont des ca-
lomnies sans fondement, dit-il, des bruits répandus par de
certains fainéans, qui s'étoient imaginez qu'ils n'avoient
qu'à aller dans cet Etat pour vivre à leur aise sans rien faire
et qui voyant qu'on vouloit les obliger à travailler pour gagner
leur vie, prenoient la fuite et se retiroient ailleurs ». Il est
évident même que parmi ceux qui ne surent pas supporter
l'exil, il ne dut pas y avoir que les « fainéants » dont parle
Gaultier. On peut être capable d'un grand sacrifice immé-
diat sans l'être d'une abnégation prolongée; et quand on
songe que l'abjuration effaçait tout, excusait tout, rouvrait à
l'exilé sa patrie et lui assurait les faveurs royales, on com-
prend que beaucoup s'y laissèrent glisser peu à peu.
1. Publiée à Amslerdani en I&S8.
138 ÉTUDES HISTORIQUES
Rébenac avait demandé au roi, dès le 5 février 1686, quelle
conduite il devait tenir à l'égard des hésitants. « Comme on
croit, disait-il, que plusieurs prendront le parly de retourner
vers le printemps, j'ose très humblement supplier Votre Ma-
jesté de me prescrire ses ordres et de me faire savoir si Elle
me permettra de leur donner des passeports pour repasser
en France après que le tems porté par la Déclaration sera
écheu. » Nous n'avons pas la réponse de Louis XIV, mais le
sens n'en est point douteux, puisque Croissy, après avoir lu
au roi le passage de Rébenac a écrit en marge au crayon, en
Conseil, le mot : « bien ». Rébenac était donc autorisé à agir
et il agit. 11 en eut surtout l'occasion, semble-t-il, l'année
suivante, en 1687, au moment où les réfugiés furent le plus
nombreux à Berlin. Le 25 juin, par exemple, il écrit, dans
une lettre sur les réfugiés que nous avons déjà citée deux
fois : « Il y a peu de semaines que je n'en renvoyé trois ou
quatre, ceux-là m'asseurant qu'il y a un grand nombre de
mécontens et qu'ils seront suivis de plusieurs autres. On n'en
a encore ratrapé aucun, quoy qu'on empesche leur retour en
France avec plus de sévérité qu'on ne s'oppose dans le
Royaume à leur sortie* ». Le 16 septembre, il écrit encore :
« A mesure que leur nombre s'augmente, celuy de ceux qui
s'en retournent augmente aussy et il y a peu de jours que je
n'en renvoyé ou que je n'entre en pourparler avec quelqu'un.
Il y en a eu de découverts, ce qui est cause qu'on les observe
de près et qu'ils ne peuvent pas toujours effectuer leur des-
sein ».
A mesure que l'alliance entre l'Électeur et le roi, qui n'était
plus d'ailleurs qu'une apparence dont ils n'étaient dupes ni
l'un ni l'autre, se relâche visiblement, Rébenac supprime même
les ménagements. Il fait des départs qu'il provoque une ques-
tion d'amour-propre autant que de zèle; il cherche, il nous
l'avoue, à les entourer de circonstances qui les rendent plus
blessants pour Frédéric-Guillaume, et il espère ainsi lui faire
regretter et peut-être restreindre la protection qu'il accor-
1. Il csl presque inutile de faire remarquer (|ue cette dernière affirmation
de Rébenac n'a point de valeur.
ÉTUDES HISTORIQUES 139
dait aux réfugiés. Sa lettre du 30 décembre IGST est instruc-
tive à cet égard :
« Il y a beaucoup d'officiers calvinistes qui réparent la faute qu'ils
ont faite de quitter le Royaume, en prenant le party d'y rentrer et
abjurer leur Religion. J'en ay encore renvoyé six la semaine passée
qui avaient tous icy de l'employ. Je leur ay fourny l'argent qui leur
est nécessaire pour leur voyage, je les empesche autant qu'il m'est
possible de prendre leurs congés, et ne néglige rien de ce qui peut
rendre leur retraite plus désagréable à cette Cour... il doit partir
au premier jour deux françois dont l'un emporte quinze mille francs
d'argent comptant qu'il avoit acquis en ces pays-cy, et l'autre s'est
fait payer des avances de service pour six mois. J'ay l'honneur de
marquer ces petites particularités à Votre Majesté parce qu'elles
sont plus propres qu'aucunes choses à dégoûter Monsieur l'Électeur
de Brandebourg de l'assistance qu'il donne avec tant de profusion
aux Calvinistes françois. «
Ces « petites particularités » nous montrent aussi que Ré-
benac, dans son désir de prouver son zèle et de décourager
la bienveillance de Frédéric-Guillaume, trop généreuse à son
gré, n'exagérait point les scrupules. On peut citer encore à
cet égard la curieuse supplique suivante, qui n'a pas besoin
d'être commentée, et que Rébenac n'hésita pas à transmettre
et à recommander au roi, au mois de janvier 1688 :
« Vincent Coissin, natif de Paris, demeurant dans la Rue S»-Denis
vis-à-vis S'-Leu S'-Gilles, né de la Religion prétendue Réformée,
estant sorty du Royaume, désire y rentrer pour embrasser la religion
Catolique, Apostolique et Romaine, après avoir veu qu'il pouvoit
faire son salut dans la ditte Religion, il remontre très humblement à
Sa Majesté que pendant le séjour qu'il a fait en Allemagne, il s'est
aperceu que, quoy que son Père ait abjuré la Religion réformée,
néamoins il fait passer la plus grande partie de ses biens dans ces
pays sous prétexte de négoce, dans la veûe de se retirer de France
lorsqu'il aura entièrement mis son bien à couvert, et comme ledit
supliant est dans la Résolution ferme de changer et de se rendre à
son devoir naturel pour le service du Roy, il suplie son Excellence,
Monsieur le Conte de Rébenac, de vouloir bien en donner advis à la
Cour pour qu'elle ait la charité de mettre ordre à ce que son père ne
puisse point le frustrer de la part qu'il doit avoir à ses biens. Les
140 ÉTUDES HISTORIQUES
gens entre les mains de qui il fait passer son bien sont : (suit une liste
de marchands de Hambourg, Francfort, Londres, La Haye et Ams-
terdam, que je passe). Ledit Vincent Coissin est enseigne de dra-
gons au service de Son Altesse Élecloralle de Brandebourg, a servy
la campagne de Bude avec les troupes auxiliaires de sa ditte Altesse
où il a esté blessé au siège. i>
La dénonciation de Vincent Coissin contre son père a sans
doute porté ses fruits, car Croissy a écrit au bas : « A M. de
la Reynie. »
Au début de l'année 1688, on ne peut plus guère parler
d'alliance entre le Brandebourg et la France : les causes de
méfiance réciproque s'étaient multipliées depuis deux ans et
l'évolution de la politique électorale, à demi voilée encore
par un mystère officiel qui ne trompait plus personne, était
désormais accomplie. L'époque des ménagements est bien
passée et le ton de Louis XIV devient hautain, presque mena-
çant, témoin cette lettre du 12 février :
« Je désire que vous fassiez entendre à l'Électeur de Brandebourg
que j'aurais eu assez de sujet de me plaindre de tous les écrits et
déclarations qui ont esté faites de sa part pour exciter mes sujets de
la R. P. R. à déserter et se retirer dans .ses Estais, mais que je ne
pouray pas souffrir qu'il retienne par force ceux qui, reconnaissant
leur faute, veulent retourner dans mon Royaume et que si celte
violence continue, elle me poura bien faire prendre des résolutions
qui ne luy seront pas agréables. »
C'est là dans notre correspondance la dernière lettre où il
soit question des réfugiés. Rébenac transmit-il à l'Électeur
la menace royale, et sous quelle forme? Nous n'en savons
rien. En tous cas, Louis XIV n'eut pas l'occasion de la renou-
veler. Le 30 mars suivant, Rébenac avait appris qu'il était
désigné pour remplacer son père à l'ambassade de Madrid.
Le 5 avril, il prenait son audience de congé et quittait aussitôt
Berlin, n'y laissant que son secrétaire. Poussin. A ce moment,
le Grand Electeur était déjà gravement malade d'une der-
nière crise de goutte qui devait l'emporter. Il mourut le
29 avril 1688.
G. Pages.
Documents
LA RÉFORME ET LE THEATRE EN GUYENNE
AU XVl" SIÈCLE
(■2" article)
(Libourne, 1555 [suite]. — Clairac, 1554)
De nouvelles recherches dans les minutes criminelles des
arrêts du Parlement de Guyenne et la découverte de
quelques documents nouveaux nous ont permis de préciser
et de compléter les notes que nous avons déjà données à
propos de pièces à tendances calvinistes jouées dans quel-
ques localités de Guyenne, aux environs de l'année 1555 *.
Nous avons vu qu'à Libourne à la suite de certaine émo-
tion populaire qui s'était traduite parle bris d'une image dans
une église de la ville '-, le Parlement, à la date du 2 avril 1555,
avait donné commission au conseiller Guillaume de Vergoing
1. Bull., 1901, 525 et s. — A Agen où nous avons vu qu'à la suite des
représentations de « certaines farces jouées ...en la maison des consulz.
pleines d'erreurs, scandale et doctrine réprouvée contre la (by et religion
xrestienne », des poursuites avaient été engagées par le Parlement contre
la municipalité à la fin de 1553. Aucune condamnation ne parait avoir
terminé le procès : un arrêt en date du s mars 155'i (n. st.), élargit Géraud
du Laurens, conseiller au siège d'Agen, Pierre La Chièze, Gilbert Bor-
goignon, Jehan La Ville, consuls, détenus en arrêt à Bordeaux, jusqu'au
lendemain de Quasimodo, « attendu que leur procès ne se peut vuider
pour le présent » (Arch. dép. de la Gironde, B 71 [liasse], arrêt à la date).
Après cette date de Quasimodo, l'absence de tout nouvel arrêt contre les
consuls d'Agen permet de supposer que les poursuites n'ont pas été reprises.
2. Ce « scandalle advenu en la ville de Libourne en brisant et aliatant
les ymages estans en esglises d'icelle », d'après les termes de l'arrêt du
4 avril, est évidemment le même que celui qui nous est signalé par les
deux historiens locaux de Libourne, Souffrain {Essais et variétés histo-
riques sur la ville de Libourne, 2 vol., 1806, in-8% t. I, p. 192), et, après
lui, Guinodie {Histoire de Libourne, 1876, 3 vol. in-8°, t. I, p. 116), tous
deux en termes fort vagues. Le premier qui donne comme sources de son
récit les grandes Notices du couvent des Cordeliers et les Papiers d'Onè-
zime Trigant, raconte que le scandale aurait eu lieu dans l'église Saint-
.lean, où un jeune homme nommé Lafon pendant le sermon d'un ber-
nardin, durant le carême, se serait avisé de faire tomi)er « une petite
image, avec sa canne ».
Raymond Guinodie rapporte le même fait d'après Souffrain et donne la
date de 1555.
142 DOCUMENTS
pour qu'il allât faire enquête sur ce « scandallc » *, et que
par arrôt du 'i avril, il avait enjoint aux « maire, soubzmaire, et
juratz » de fournir toutes les sommes nécessaires aux frais des
procédures-. Gomme après l'enquête de Guillaume de Ver-
going il était apparu que les principaux agents de l'efferves-
cence populaire avaient été des « batheleurs et autres dénom-
més sans soucy qui jouèrent quelques farces et jeulx scan-
daleux en la ville de Libourne le jour et feste de Mars dernier
passé » (25 mars 1555), il avait été décidé, par arrêt du
20 avril, que les comédiens seraient pris au corps et envoyés
à la Gonciergerie pour comparaître devant la Cour dans la
quinzaine. Le même arrêt ordonnait à la municipalité de
Libourne de faire exécuter la provision de prise de corps
contre les comédiens et la mandait en même temps que
ceux-ci à la barre du Parlementa
Les arrêts furent exécutés : les bateleurs furent arrêtés et
emprisonnés à Bordeaux; le maire et un jurât de Libourne
représentant le reste de la municipalité comparurent avec
eux.
Deux arrêts, tous deux en date du 14 mai 1555, donnèrent
une solution à l'affaire.
L'un prononçait la condamnation des comédiens*.
Entre le procureur général du Roy demandeur en cas d'excès et
crimes, d'une part;
Et Cardin Thény, Pasquete Delacourt, sa femme, Beaujanyn
Trapeau ', Macé de Lalande et Pierre Périer, prisonniers détenuz en
la conciergerie défendeurs, d'autre;
1. Extraits des registres secrets du Parlement de Guyenne, Bibl. nat.,
fonds Périi,^ord, t. XI, f" 379 et s., mention à la date du 2 avril 1555 (n. st.).
et Arrêt du Parlement de Guyenne, en date du 4 avril, cité infra.
•1. Archives départementales de la Gironde, B 78 (reg. d arrêts): arrêt
du 4 avril 1555 (n. st.), à la date. Cet arrêt se retrouve à la date du 5 avril
dans les minutes criminelles des arrêts {ibid., B 88, 1 fol. pap., à la date».
:i. Areh. dép. de la Gironde, B 78 (registre); arrêt à la date. Éd. Bull.,
1901, 527 et s. La minute de cet arrêt se retrouve également {ibid., B 88,
1 fol. pap., à la date). Elle porte les signatures autographes de F. Delage
et \ ergoing.
h. Arch. dép. de la Gironde, B 89, Parlement, minutes des arrêts, 1 fol.
pap., à la date.
o. La Jean Trapaud est maire de Libourne en 1554 (Guinodie, Hist. de
DOCUMENTS 143
Veu le procès criminel faict ausdiclz défendeurs par M^ Guil-
laume de Vergoing, conseiller de Roy en la court, commissaire sur
ce par elle député et eulx ouys en lad. court;
Usera dit que en la ville de Libourne sera ditdymanche prochain
ung sermon en réglise parrochialle de Lybourne louchant la véné-
ration des sainclz, auquel sermon lesd. défendeurs assisteront sans
que pour ce ilz encourent aucune infamie et ce faict lad. court les a
mis et mect hors de procès et leur faict inhibicions et défenses de ne
jouer aucunes farces ne morallitez scandalleuses et réprouvées à
peine de la hart.
[Sign. aiitogr. ;] De Fauguerolles.
\ ERGOIISG. Duo SClltJ.
\F le président
Fauguerolles,
Baulon, XIIIP maii V" LV^
Alesme,
Ozaneau,
La Boétie,
Vergoing, relator.
L'autre arrêt élargissait le maire et les jurais de Libourne
qui avaient déclaré avoir négligé de jDrendre préalablement
connaissance de la pièce qui devait être jouée. Mais à eux
aussi étaient faites certaines « inhibicions et défenses* ».
Entre le procureur général du Roy demandeur en excès d'une
part;
Et Hélies Bayard, maire de la ville de Libourne, Ramond du
Tilhia, Jehan Philippon, Arnault Chavanet, Thomas Augereau,
Ramond d'Aubrac, Pierre Faure, Jehan Morlant, juratz de lad.
ville, défendeurs et arreslez d'autre;
Veu le procès faict ausd. défendeurs par M* Guillaume de Ver-
going, conseiller du Roy en la Court et eulx ouys en icelle;
Il sera dict que la Court eslargist partout lesd. défendeurs jusques
à ce que autrement en soit ordoné en faisant les submissions,
et faict inhibicions et défenses auxd. défendeurs de ne laisser jouer
aucunes farces, histoires ou moralités en lad. ville de Libourne
Libourne, II, 329). Le même sans doute, se retrouve comme témoin à
Saint-Emilion en 1566 lArch. hist. de la Gironde, XI 1. TV-
i. Arch. dép. de la Gironde, B 89, Parlement, minutes des arrêts, 1 loi.
pap., à la date.
144 DOCUMENTS
sans les avoir veues au préallable, à peine de deux mille livres et
amende arbitraire.
[Sign. jiitogr. ;] De Fauguerolles.
Vergoing. Duo sciita.
Messieurs le président
Fauguerolles,
Baulon, XIIII' maii MV» LV°
Alesme,
Ozaneau,
La Boélie,
Vergoing, felator.
Ledictjour, lesd. Hélies Bayard et Pierre Faure ont faict les
submissions, promis et juré se représenter toutesfois et quante
que par la Court sera ordonné, à peine d'estre attaint et convaincu
des cas à luy (sic) imposez et pour faire tous exploictz nécessaires
ont éleu domicilie au lougis de M' Guillaume Buysson lequel iizont
constitué leur procureur.
Dans les minutes d'arrêts du parlement de Guyenne nous
trouvons également la mention de représentations calvinistes
données à Clairac* en l'année 1554; mais ces représenta-
lions sont d'un caractère un peu différent de celles que nous
venons de signalera Agen et à Libourne: ce ne sont plus des
<( batheleurs ou enfans sans soubcy », professionnels ou
habitants faisant- partie de quelque association locale qui
remplissent les rôles, mais les enfants du collège, et ces
représentations sont organisées par les régents.
On sait qu'à Clairac les idées de Réforme furent intro-
duites par l'abbé Gérard Roussel, évêque d'Oloron, et par son
grand-vicaire Aymerici-. Avant que Roussel cédât son ab-
baye à la fin de 1552 à Godefroy de Caumont^, un collège fut
fondé par lui où des régents répandirent les idées nouvelles*.
Dans le courant de l'année 1554, les régents Louis Rieu et
Gilles Dubroca firent représenter par quatre de leurs élèves
1. Lot-et-Garonne, canl. Tonneins, arr. Marmande.
2. G. Gabi-oi, Essai sur l'histoire de la Reforme à Clairac. Thèse de la
l-'acullé de théologie de Paris, Cahors, 1900, in-8°, pp. 26 et ss., d'après
Florimond de Reiniond, Histoire de la naissance, progrès et décadence de
rhérésie, etc., éd. de 1622, 2 vol. in -8', t. Il, pp. SbO et ss.
3. Douniergue, La jeunesse de Calvin. P. 1899, in-fo!., pp. 420 et ss.
■i. Cabrol, Essai sur l'histoire, etc., pp. 26 et ss.
DOCUMENTS 1 fô
une pièce à tendances nettement calvinistes, inlitulée : la Pri-
son de Réformation.
M' Pierre Théobalde, juge ordinaire de Clairac, les fait
emprisonner tous deux. Mais, avec la connivence d'HéliotLa
Sudrie, garde des prisons de Clairac, Gilles Du Broca s'évade,
et, soupçonné d'avoir favorisé son évasion, La Sudrie, à son
tour, juge bon de prendre le large.
Le Parlement évoque alors par devant lui l'affaire : un
arrêt du 5 juin 1554 députe à Clairac le conseiller Antoine
de Gaultier pour y faire enquête et interroger Louis Rieu^
qui n'a pas pu ou plutôt, se sentant moins coupable, n'a pas
voulu s'échapper et a fait appel de la sentence rendue contre
lui par le juge de Clairac devant la juridiction du Parlement*.
Veu le procès criminel faict par le juge ordinaire de Clérac contre
M*' Gilles de Broca et Loys Rieu, audition et responses desd. de
Broca et Rieu et autres pièces mises devers la Court et conclusions
du procureur général du Roy;
11 sera dict que les conclusions faictes par led. Rieu tant sur le
principal que sur l'évasion et rupture des prisons faicte par led.
Broca seront communiquées aud. Rieu pour y respondre afin d'at-
ténuation et néanmoins qu'il sera plus amplement ouy et interrogé
sur certains interrogatoires que luy seront faictz par M" Anthoine
de Gaultier, conseiller du Roy en lad. court, commissaire par elle
sur ce député, pour, ce faict, estre procédé comme de raison.
[Sign. aiitogr. :] Le Comte.
A. DE Gaultier. Habeat relator dimidionein
scuti.
Monsieur le président
Le Comte; Amelin;
Alesme ; Cyret;
Malvyn; La Vye;
Pontac; La Chassaigne;
Relator : De Gaultier.
Quinta junii MV" LIIII».
Après l'enquête d'Antoine de Gaultier le Parlement fait
envoyer Louis Rieu dans les prisons de la Conciergerie à
1. Ai-ch. dép. (le la (lironde, B 73, Parlement (min. des arrêts), i pièce
pap., à la date.
IJ. - 1 1
146 DOCUMENTS
Bordeaux; et le 18 juin, ayant examiné les diverses pièces
du procès apportées par devers lui, et notamment la copie
de la tragédie, après les conclusions prises par le procureur
général, il déclare Du Broca et La Sudrie <c vrays contumax
et délaillans », et rend contre eux un arrêt de condamnation
par défaut*.
Veu par la Court les delTaultz obleneuz en icelle par le procureur
général du Roy, demandeur en crime d'hérésie, à rencontre de
maistre Gilles du Broca, régent, et Héliot La Sudrie, geôlier ou
garde des prisons de Cleyrac, défaillans, charges et informations,
tragédie jouée au lieu de Cleyrac et informations et autres pièces
mises devers la Court par led. procureur général;
Il sera dict que la Court déclaire lesd. defaullz avoir esté bien et
deuements obtenuz et au moien d'iceulx lesd. Du Broca et La Sudrie
vrays contumax et défaillans, descheuz et déboutez de toutes excep-
tions et défenses déclinatoires, dilatoires et péremptoires et au sur-
plus déclare iceulx Du Broca et La Sudrie avoir excédé etdélinqué;
pour réparacion desquelz excès mentionnés par le procès, les con-
demne la Court, scavoir est led. Du Broca eslre batu et fustigué par
l'exécuteur de la haulte justice aud. lieu de Cleyrac et ce faict l'a
banny et bannist lad. court à perpétuité du ressort d'icelle et led.
Sudrie pour avoir laissé évader led. Du Broca en deux cens livres
tournois d'amende envers le Roy.
[Sign. autogf. ;] Le Comte.
De Gaultier. Habeal relator unum sciitiim.
Monsieur le président Le Comte;
Amelin; Alesme; Perron;
La Vye; Malvyn; Pontac;
Guilloche; La Chassaigne;
relator : De Gaultier.
XVIll' junii MVLllII".
Ln ce qui concerne Louis Rieu, la Cour déclara qu'avant de
prononcer un arrêt définitif sur son cas, plus ample inquisition
serait faite. Un arrêt du 4 juillet décida que «les quatre enfans
qui jouarentlad. tragédie aud. lieu de Clairac» seraient mandés
devant le Parlement et comparaîtraient en même temps que
1. Arch. dép. de la (iirondn, P> 7:^, Parlement (min. des arrêts), 1 pièce
pap., à la date.
DOCUMENTS 147
Pierre l.a Borie, procureur du seigneur et abbé de Clnirac,
suspect aussi sans doute de « négligence » dans la poursuite
des régents hérétiques. Pierre La Borie devrait apporter avec
lui certaines lettres qui furent écrites, durant le temps de leur
captivité, à Rieu et à Du Broca et aussi certains livres sus-
pects saisis au logis de Rieu*.
Entre le procureur général du Roy, demandeur en cas d'excès,
d'une part;
Et maistre Loys Rieu, régent de Clayrac, défendeur et détenu
prisonnier en la conciergerie de la court, d'autre;
Veu le procès criminel faict par maistre Pierre Théobalde, juge
ordinaire dud. Clayrac, auditions dud. détenu, tragédie intitulée la
prison de réformation à quatre personnages et autres pièces devers
lad. court produictes;
Il sera dict que avant procéder au jugement dud. procès, led. pro-
cureur général du Roy fera venir les quatre enfans qui jouarent lad.
tragédie aud. lieu de Clayrac et ce dedans quinzaine prochainement
venant, les noms et surnoms desquelz enfans led. défendeur mectra
au greffe de lad. court par tout le jour pour, eulx ouys, estre pro-
cédé comme de raison; aussi ordonné que maistre Pierre Boyrie
viendra en personne dedans lad. quinzaine, pour répondre aux fins
et conclusions dud. procureur général et enjoinct aud. La Borie
faire diligence de recouvrer et apporter en ioelle autres et chacunes
les lettres missives qui furent envolées tant aud. défendeur que à
maistre Gilles Dubroca, aussi régent aud. Clayrac, durant le temps
qu'ils demourarent prisonniers oud. lieu; pareilhemenl leur enjoinct
faire prendre les livres que led. Rieu avoit lorsqu'il fut constitué
prisonnier, le tout à peyne de mil livres; aussi enjoinct aud. abbé de
Clayrac et ses officiers de faire les diligences et les frais et mises
nécessaires à peine de deux mil livres.
[Sign. autogr. .] Le Comte.
A. DE Gaultier, i/a&t'^? relator iinum sciitum.
Quarta julii MV° LIlll". Monsieur le président
Le Comte;
Amelin; Alesme; Cyrel; Vergoing;
Malvyn; Pontac; Guilloche;
La Chassaigne.
Relator : De Gaultier.
I. Arcli. dcp. de la Gironde, B 74, l'arlemonl (min. des aiiéls), I pièce
pap., à la date.
148 DOCUMENTS
La Boric etThéobalde font aussitôt « dilligence » l'un pour
retrouver, mais en vain, La Sudric, l'autre pour découvrir
les quatre enfants; La Dorie arrive en personne à Bordeaux,
apportant avec lui les missives, les livres suspects el les
noms des quatre élèves du collège qui ont joué la co-
médie.
Après ce supplément d'enquête la Cour se juge suffisam-
ment éclairée. Louis f^ieu et La Borie, ayant présenté eux-
mêmes leur défense, ne paraissent pas aux magistrats suffi-
samment coupables pour mériter une condamnation : tous
deux sont mis hors de procès. En même temps il est ordonné
que Du Broca et La Sudrie, les deux contumaces, devront se
présenter devant leurs juges pour purger la condamnation
déjà prononcée conire eux (arrêt du 12 septembre 1554*).
Tous deux se gardèrent bien sans doute d'obéir à l'injonction
du Parlement.
Entre le procureur général du Roy, demandeur en prétenduz
excès d'une part;
Et maistre Loys Rieu, régent de Cleyrac, prisonnier détenu en la
conciergerie de la Court et Pierre Borie, procureur du seigneur et
abbé de Cleyrac, arresté par ceste ville, défendeurs, d'autre;
Veu le procès criminel faict })ar maistre Pierre Théobalde, juge
ordinaire dud. Clairac, audition desd. défendeurs, tragédie intitulée
La prison de réformation à quatre personnaiges, arreslz du qua-
Iriesme* el trentiesme juillet dernier', dilligences faictes par led.
Borie de trouver Héliot La Sudrie ci-devant garde des prisons dud.
Clairac, procès-verbal dud. Théobalde du quatorziesme dud.
nioys de juillet, contenant les diligences faictes de trouver les quatre
1. Arch. dép. do la (lirondc, B 7(), Parlement (min. des arrêts), i pièce
pap. à la date.
2. C'est l'arrêt précédent.
3. Les Registres d'épices de cette époque, qui sont de véritables réper-
toires d'arrêts, ne nous signalent aucun arrêl à la date du 30 juillet qui
puisse se rattacher à notre affaire. Dans les minutes des arrêts (B 74), à
la date du 27 juillet 15.")4, nous trouvons un arrêt qui règle un différend
entre le scindic des sergents royaux et Borie, et lait « inhibicions et
défenses aud. parties respeclivcment de ne exploicler ailleurs q\ic dans
le ressort et sencschaucée où ilz sont sergens ».
C'est sans doute à cet arrêt qu'il est fait allusion ici.
DOCUMENTS 149
cnfans qui jouarent lad. tragédie et la description des livres
apertenans aud. du Rieu et maistre Gilles de Broca, autre ré-
gent aud. lieu de Clairac, et autres pièces produictes devers la
Court;
Il sera dict que la. Court mect lesd. du Rieu et Borie hors de
procès et ordonne que lesd. du Broca et La Sudrie seront appeliez
à trois briefz jours pour, ce faict, estre procédé contre eulx comme
de raison.
[Sign. autogr. ;] Benoist.
De Malvyn. Relator duo scuta solvenda
per du Rieu et Borie.
XII" septembris MVLIIII».
[Au dos :] Messieurs le président Benoist;
M. de Malvyn;
M. de Ferron;
M. d*Eyquens;
M. de Vergoing;
M. de Guilloche;
M. de Moneinh;
Malvyn, relator.
Sur le caractère même de ces pièces de propagande cal-
viniste jouées à Agen en 1553, à Clairac en 1.554' à Libourne
en 1555, il serait intéressant de pouvoir fournir des détails
moins secs que ceux que nous donnent les seuls arrêts du
Parlement : ceux-ci ne font en effet que nous mettre, si je
puis dire, au seuil des procès. Pour pénétrer plus avant il
nous faudrait posséder encore la procédure elle-même : c'est
là que se retrouveraient ces « brouilhards » des farces jouées
à Agen et la tragédie représentée à Clairac qui furent
apportés devant la Cour; mais les sacs de procédure n'exis-
tent plus pour le xvi"' siècle dans les archives du Parlement
de Guyenne.
Nous avons du moins les noms des « bateleurs et enfans
sans soucy » qui jouèrent à Libourne; ils sont intéressants à
connaître puisqu'on prétend d'autre part que parmi ces bate-
leurs se recrutèrent parfois même des pasteurs : peut-être
était-ce un des anciens accusés de Libourne, ce prédicanl
(( C\gé au plus de dix-huit ans, précédemment bateleur, disoit-
150 DOCUMENTS
on », (|Lii en 15G1 assemblait à Bergerac autour de sa chaire
plus de deux mille personnes*.
Nous pouvons aussi apporter quelques hypothèses sur le
caractère même des pièces représentées à Libourne d'après
les formules dé nos arrêts et les condamnations qui furent
prononcées contre les accusés : puisque Cardin Theny, Pas-
quete Delacourt, Beaujanyn Trapeau, Macé de Lalande et
Pierre Périer furent condamnés à écouter en l'église parois-
siale de Libourne « ung sermon touchant la vénération des
sninclz », il faut penser que la pièce jouée par eux attaquait
surtout le culte que les catholiques leur rendaient.
Nous possédons enfin le titre de la tragédie à quatre per-
sonnages jouée à Clairac en 1554 : « La prison de réforma-
tion. » Cette pièce ne se retrouve pas dans le répertoire du
théâtre calviniste du xvi" siècle, tel que nous le connaissons
actuellement^.
Cependant, et à notre époque surtout où l'on s'applique à
affirmer d'une manière éclatante que Calvin a voulu fonder
une religion dont l'action « fut restreinte et limitée à l'homme
raisonnable et raisonnant », une religion « pour hommes
seuls » et à l'usage des seuls intellectuels ', il était important
de retenir ces quelques mentions, si sèches soient-elles, de
représentations protestantes données évidemment pour
répandre dans la masse même du peuple la religion nouvelle
et pour en mettre les dogmes à la portée des « simples et
des rudes », des ignorants et des illettrés : elles pourront
aider à préciser les caractères populaires de la propagande
1. Extraits des registres secrets du Parlement de Guyenne, Bibl. nat.,
fonds l^érigoi-d, t. XI, 1" 417, v°, mention à la date du 15 janvier 1561 (n. st.).
2. Cf. limile Picot, Les moralités polémiques ou la controverse religieuse
dans l'ancien théâtre français, articles dans le Bull., XXXVI (1887), pp. 1()9,
225, 337.
De vive voix, MM. Emile Picot et Abel LelVanc, si compétents tous deux
dans les questions qui touchent à l'histoire littéraire de la F'rance au
XVI' siècle, ont bien voulu nous confirmer qu'ils n'avaient aucune connais-
sance ni que cette pièce eût été imprimée au xvi° siècle, ni qu'elle eût été
jouée ailleurs (pi'à Clairac.
3. Ferdinand Brunetière, Conférence prononcée à Genève sous les aus-
pices de rUnivei'sité, au Victoria Hall, le 17 décembre \'.H)i {Journal des
Débats, 18 décembre l'.MH).
DOCUMENTS ' 151
calviniste au xvi' siècle, et, rapprochées de bien d'autres
documents, servir à démontrer que Calvin et ses disciples,
loin d'avoir voulu « arislocratiseret intellectualiser » leur reli-
gion', se sont au contraire efforcés de la nationaliser et de la
populariser.
H. P-vrHY.
LES SENTIMENTS DES PROTESTANTS
Al DHBl T D1-; I, \ liKVOIATIOX
Adresse des non-catholiques de Montauban à l'Assemblée nationale
(Janvier ITUO).
Dans sa thèse récente sur Le Conventionnel Jeanbon Saint-
André, M. Lévy-Schneider, ayant été amené à étudier l'état
d'esprit des protestants à la veille de la Révolution, en a
tracé en quelques pages un tableau des plus intéressants.
Les nombreux documents qu'il a consultés lui ont permis
d'affirmer qu'à la fin de l'ancien régime les protestants ont
pour la plupart « abdiqué toute haine contre la société catho-
lique, toute pensée de révolte contre la royauté » dont ils
attendent avec confiance l'exécution de mesures qui puissent
améliorer leur situation encore incertaine; satisfaits de la
tolérance qu'on manifeste à leur égard, ils se contentent
pour l'insatnt de demander l'abrogation des lois pénales-.
« La fidélité et l'obéissance dues au souverain ayant tou-
jours été un point capital de la doctrine des réformés-^ », ils
n'avaient cessé de considérer les persécutions comme un
châtiment de Dieu pour leurs crimes ', et ils les attribuaient
i. Ibid.
2. Lévy-Schneider. op. cit.. p. 34, 42. Voir aussi Revue d'histoire mo-
derne et contemporaine, t. I, p. 129-130.
3. Hugues, Synodes du désert, t. II, p. irj9 (Synode de 17.").s, qui est la
confirmation du synode de 175G). — En 17()7, Court de Gél)elin veut fon-
der un Journal pour exposer « les véritables sentiments des protestants
en France, leurs opinions sur le respect et la fidélité dus au monarque
et à la pairie » : le roi n'a pas de « sujets plus soumis et plus fidèles ».
(Bulletin, t. l, p. 398).
4. Hu<?ues, Synodes du désert, t. Il, p. 60, colloque de 1755, art. 7 :
« On lâchera de leur faire comprendre [aux fidèles (|u'il est impossible
152 DOCUMENTS
non à Louis XV*, mais à son entourage qui empêchait leurs
plaintes de parvenir «jusqu'aux pieds du meilleur des rois^ ».
Ce sont les mômes sentiments qui sont exprimés dans une
adresse envoyée par les protestants de Montauban à TAs-
semblée nationale pour la remercier du décret du 24 dé-
cembre 1789, en vertu duquel les non-catholiques pouvaient
désormais « être élus dans tous les degrés d'administration »
et étaient déclarés « capables de tous les emplois civils et
militaires ». Celte adresse que nous publions ici d'après une
copie trouvée dans des papiers de famille^ fut remise à
l'assemblée par Poncet Delpech, député de la sénéchaussée
de Montauban, et lue dans la séance du 6 février 1790*;
d'arrêter la colère de Dieu, de faire cesser les châtiments dont il nous
visite, si nous ne faisons premièrement cesser les crimes qui les ont
attirés sur nous et privés de son amour, en ce que particulièrement nous
profanons le saint jour du dimanche par nos dérèglements et notre peu
de piété. »
1. « Au plus fort des tribulations, vos pasteurs n'ont, cessé de vous
exhorter avec force à craindre Dieu et à honorer le roi. C'est la doctrine
constante et invariable de nos églises. » (Sermon de Jeanbon Saint-André,
1778, Lévy-Schneider, op. cit., p. 26.)
2. Dans une adresse envoyée au Parlement de Rennes (en réalité de
Toulouse) lors de l'arrestation de Rochette (13 septembre 1761), les pro-
testants des Pyrénées (Quercy) s'expriment ainsi : « Si dans leurs acca-
blantes misères ils ont quelquefois essayé de porter leurs sanglots jus-
(ju'aux pieds du meilleur des Rois, la persuasion où ils sont que les
auteurs de leurs maux les ont empêchés d'y parvenir, les a réduits à
gémir secrètement en attendant du Dieu qu'ils adorent ce que l'humanité
n'a pu opérer jusqu'ici; mais leurs vœux et leurs respects les plus sou-
mis pour la personne sacrée de leur Roi et pour les magistrats auxquels
cet auguste monarque a confié une partie de son autorité, soit dans la
distribution de la justice, soit pour en représenter la majesté dans les
diverses provinces de son royaume, n'en ont été ni moins ardents, ni
moins zélés. » (Papiers de famille.)
3. Elle n'existe pas aux Archives nationales. C'est par une copie de mon
trisaïeul, FMerre Bosciuet, bourgeois protestant montalbanais, officier mu-
nicipal pendant la Terreur, qu'elle a été conservée (Voir Révolution fran-
çaise, t. XXXlll, p. 374 et XLII, p. 110; Revue d'histoire moderne et con-
temporaine, t. I, p. 12.5, n. 2).
4. Elle est ainsi mentionnée dans le procès-verbal : « Adresse des non-
cathoii(|ucs de la ville de Montauban en Quercy, remise par M. Poncel
Delpech, dans laciuelle ils présentent à l'Assemblée nationale les témoi-
gnages de reconnaissance et de sen.sibilité profonde, à raison du décret
qui leurassure la qualité de citoyens actifs. » {Procès-verbaux de l'Assem-
blée nationale, t. XU, 6 février 1790, p. 27, reproduit dans les Archives
parlementaires. V série, t. XI, p. 453, 2" colonne.)
DOCUMENTS 153
elle a donc été composée dans le courant de janvier 1790.
On y remarquera plusieurs réminiscences du discours pro-
noncé par Rabaut Saint- Htienne à F Assemblée nationale le
23 août au sujet de l'article des droits de l'homme sur la
liberté des opinions religieuses'; cela est d'autant plus expli-
cable que l'adresse fait allusion à cet article et que Rabaut
Saint-Étienne était en relations avec les protestants du Mon-
talbanais^.
Nosseigneurs,
Daignez agréer l'hommage de la respectueuse reconnaissance
que les non-catholiques de la ville de Montauban prennent la liberté
de vous offrir.
C'est à vous, Nosseigneurs, qu'ils doivent le plus précieux des
bienfaits, celui de pouvoir enfin être comptés au nombre des Fran-
çais et des citoyens. Sans doute la justice et la saine politique sol-
licitaient de votre sagesse ce décret à jamais mémorable, qui ren-
verse le mur funeste de séparation que de misérables préjugés
avaient élevé entre la nation et quelques-uns de ses membres^;
mais cette loi n'en est pas moins digne d'exciter toute notre gra-
titude.
1. Ce discours, lorl résumé dans le Moniteur (t. I, p. 189), a été imprimé
sous le litre de « Opinion de M. Rabaut de Saint-Étienne sur la motion
suivante de M. le comte de Caslellane : Nul homme ne peut être inquiété
pour ses opinions, ni troublé daus l'exercice de sa religion. — A Paris,
chez Baudouin, imprimeur de l'As.semblée nationale... 1789 » (Bibl. nat.
Lc'^, 156; 16 p. in-8). tïn exem])laire de cette pièce se retrouve dans le
tome III des Procès-verbaux de l'Assemblée nationale. Enfin elle a été
reproduite dans le tome VIII des Archives parlementaires (p. 477-''»80),
mais, comme toujours, sans indication de provenance. Les deux versions,
celle du Moniteur et celle de la placjuette, semblent avoir été également
connues du rédacteur de l'adresse.
2. Lévy-Schneider, op. cit., p. 62 (Il leur promet son appui pour l'aire
de Montauban un chef-lieu de département).
3. Discours de Rabaut Saint-Étienne : « Instruits par la longue et
sanglante expérience des siècles, instruits par les fautes de vos pères et
par leurs malheurs mérités, vous direz sans doute : Il est temps de dé-
poser ce glaive féroce qui dégoutte encore du sang de nos concitoyens;
il est temps de leur rendre des droits trop longtemps méconnus; il est
temps de briser les barrières injustes qui les séparent de nous, et de leur
faire aimer une patrie qui les proscrivait et les chassait de son sein. »
(Opinion, etc., p. 13; Arch. parlem., t. VIll, p. 480.) Dans le Moniteur :
« Il est temps enfin de briser les barrières (|ui séparent l'homme d'avec
l'homme, le Français du Français » (t. I, p. 189).
154 DOCUMKiNT.S
Étrangers dans le pays qui nous avait vus naître, proscrits par
des lois dont l'inconséquence égale la barbarie, nous portions
depuis plus d'un siècle, empreint sur nos fronts, le signe de la
réprobation la plus humiliante et la moins méritée. Vainement
aimions-nous tendrement notre patrie; vainement consacrions-nous
tous nos travaux à sa prospérité; vainement une conduite constam-
ment irréprochable était-elle un garant assuré de l'inaltérable
pureté de notre morale; vainement l'expérience de deux siècles
avait-elle prouvé que nous n'aspirions qu'à l'honneur d'être des
sujets fidèles et des citoyens paisibles; mère dénaturée, notre patrie
nous traitait avec dureté ^ Plus cruelle même que si elle nous avait
entièrement rejelés de son sein^, elle ne nous y retenait que pour
nous abreuver d'amertumes, que pour nous faire savourer, en
quelque sorte, toute l'horreur du mépris dont elle nous accablait.
Telle est donc la force des préjugés religieux de rendre l'homme
ennemi de l'homme, et de lui commander des injustices que le
temps peut à peine corriger!... Grâces soient rendues à nos sages
législateurs de ce qu'ils travaillent à dissiper ces sombres et in-
quiètes préventions, qui ont fait jusqu'à présent le malheur de l'hu-
manité.
Le décret par lequel vous déclarez, Nosseigneurs, que l'opinion
n'est pas un crime^, et plus encore celui par lequel vous jugez que
tout citoyen honnête, fùt-il d'ailleurs hétérodoxe, est digne d'exercer
les fonctions publiques, sont des leçons de morale universelle. Si
1. Voir le discours de Rabaut Saint-Étienne : « Ainsi, Messieurs, les
prolestants font tout pour la patrie, et la patrie les traite avec ingrati-
tude : ils la servent en citoyens, ils en sont traités en proscrits; ils la
servent en hommes que vous avez rendus libres, ils en sont traités en
esclaves. » {Opinion, etc., p. 8; Arch. parlent., t. VIII, p. 479.) L'expres-
sion de l'adresse « mère dénaturée » semble venir du Moniteur, où le
passage précédent est ainsi résumé : « On pourrait dire avec raison (|ue
la Patrie est une marâtre pour les protestants; ils l'ont tout pour elle, et
la Patrie ne l'ait rien pour eux » (t. I, p. 189).
2. I^abaut Saint-Etienne : « ...une patrie qui leé proscrivait et les
chassait de son sein. » (Ci-dessus, page précédente, n. 3.)
3. C'est l'article de la déclaration des droits voté le 23 août 1789 : « Nul
ne doit être inquiété pour ses opinions même religieuses, pourvu que leur
manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi. » Ici encore
l'adresse emploie les expressions même du discours de Rabaut Saint-
Etienne : « La tolérance 1 le support ! le pardon ! la clémence ! idées
souverainement injustes envers les dissidents, tant qu'il sera vrai que la
dilTérence de religion, que la différence d'opinion n'est pas un crime...
L'erreur, Messieur.s, n'est point un crime. » (Opinion, etc., p. 8-9; Arch.
pari., t. VIII, p. 479.)
DOCUMENTS 155
par elles tous les Français apprennent enfin à s'aimer, à s'estimer
l'un l'autre, à mettre la vertu avant toutes ces petites arguties mé-
taphysiques que l'on a trop longtemps confondues avec elle, quel
ne sera pas le bonheur de la nation ?
L'amour mutuel, Nosseigneurs, est la liberté; il se confond né-
cessairement avec elle. Où sera le garant de la liberté de chacun
de nous, si chacun de nous tente d'opprimer celle d'autrui? Ah!
sans doute les fers dont on a chargé les peuples ont été forgés de
leurs propres mains. Dans tous les temps et dans tous les lieux,
quand on a voulu réduire les hommes en servitude, on a commencé
par les diviser. Les tyrans leur ont commandé de se haïr les uns
les autres, afin de les rendre esclaves les uns par les autres.
Seraient-ils jamais i)arvenus à établir leur despotisme sur un peuple
de frères? Un peuple de frères a des chefs, et il les respecte; mais
il ne saurait souffrir de despote.
Un jour, sans doute, et déjà, Nosseigneurs, nous entrevoyons
l'aurore de ce beau jour, ces idées simples, et dont la simplicité
même fait le mérite, se feront sentir à tous les cœurs. La France,
l'univers entier recueilleront les fruits de votre sagesse, et vous
aurez la gloire d'être vraiment les réformateurs du genre humain.
C'est avec la plus vive satisfaction, Nosseigneurs, que les non-
catholiques de Montauban se voient obligés de n'excepter de l'hom-
mage de leur reconnaissance aucun des membres de votre auguste
assemblée. La plus flatteuse unanimité a dicté le décret qui les
absout de la mort civile*. Pontifes, ministres des autels, philo-
sophes, jurisconsultes, tous ceux qui composent le corps législatif
de la France ont honoré leur caractère en accédant à la même
décision. Preuve louchante que les âmes commencent à se rappro-
cher, et que l'effet inévitable des discussions qu'autorise la liberté
est de conduire à la vérité.
Nous n'oublions pas, Nosseigneurs, que c'est au monarque restau-
rateur de la liberté française que nous sommes redevables de la
première loi qui a été rendue pour le rétablissement de la nôtre.
Digne de notre amour et de notre respect, ce monarque citoyen
\. On ne peut affirmer que ce soit là un renseignement nouveau sur le
vote (dont ni le Moniteur ^t. 1, 508], ni le procès-verbal [t. X] ne donnent
le résultat). C'est peut-être simplement une allusion à l'ensemble des
débats. 11 n'y avait pas eu en effet d'opposition en ce. qui concernait les
non-calholi(iues; toute la discussion avait eu pour objet de savoir si on
accorderait le bénéfice du décret aux comédiens et aux juifs. On ne put
s'entendre à ce sujet et l'assemblée ajourna sa décision à l'égard des
juifs.
156 DOCUMENTS
sera toujours infiniment cher à nos cœurs. Notre fidélité aux lois ne
sera égalée que par notre attachement pour sa personne sacrée,
et nous nous efforcerons de prouver de plus en plus par ce moyen
que cette religion, dont on nous a fait si longtemps un crime, si
elle est favorable à la liberté, est en même temps l'ennemie déclarée
de l'insubordination et de la licence.
Continuez, Nosseigneurs, à travailler avec ardeur à la régénération
du royaume. Tous les citoyens attendent de vos lumières et de votre
courage le complément de la liberté dont vous avez si heureuse-
ment posé les fondements. Dans cette attente générale, les non-
catholiques croiraient manquer à la haute idée qu'ils doivent avoir
de votre sagesse, s'ils n'étaient intimement convaincus que vous ne
laisserez point imparfaite cette partie de vos travaux qui doit amener
l'accomplissement de leurs vœux et effacer jusqu'à la dernière trace
de leurs longues calamités.
Nous sommes, etc.
Cette confiance à l'égard de Louis XVI, ces illusions sur la
marche de la Révolution se retrouvent dans tous les docu-
ments de l'époque; la réalité ne devait pas tarder à apparaître
bien différente et les protestants montalbanais allaient, selon
leurs propres expressions, donner à la liberté ses « premiers
martyrs »*; aux sentiments de fraternité qu'ils manifestent
envers les catholiques, ceux-ci, qui forment la majorité dans
la ville, répondront par la violence.
La Révolution, en effet, avait été funeste à la prospérité de
Montauban; elle lui avait enlevé tous ses établissements
administratifs et religieux qui faisaient vivre le commerce de
détail; elle avait relégué l'ancien chef-lieu de généralité au
rang de chef-lieu de district ^ Et comme les prolestants
étaient précisément partisans du nouvel ordre de choses qui
avait à Montauban des conséquences si imprévues, c'est sur
eux que les contre-révolutionnaires firent retomber leur
mécontentement. Ce n'était pas sans avoir excité une cer-
taine jalousie que les protestants, en se mêlant au mouve-
ment révolutionnaire dans les élections aux Etats-Généraux,
i. Lévy-Schneider, op. cit., p. 70.
2. C'est en Janvier 1790, au moment mi^me où esl rédigée celle adresse,
que la décision devient délinilive.
SÉANCES DU COMITÉ 157
s'étaient déjà élevés au-dessus de la condition effacée dans
laquelle on avait été habitué à les voir jusque-là ; et le décret
même dont ils se réjouissaient fournissait un nouveau grief
contre eux. Les mesures de la Constituante concernant les
biens du clergé et les ordres religieux, la nomination de
Rabaut Saint-Étienne comme président de l'assemblée
s'ajoutèrent à toutes les causes politiques, religieuses et éco-
nomiques qui contribuaient à exciter les esprits et donnèrent
un nouvel aliment au fanatisme religieux qui avait toujours
été très ardent dans le Quercy*.
Le 10 mai 1790, le meurtre de cinq gardes nationaux pa-
triotes, patrons protestants, par les ouvriers catholiques
qu'excitait la faction contre-révolutionnaire, et la menace
d'une nouvelle Sainl-Barthélemy- vinrent brutalement rap-
peler aux réformés le temps des persécutions, réveiller en
eux « le souvenir des humiliations subies » à peine endormi
dans leur cœur, et « les lancer à corps perdu en plein mou-
vement révolutionnaire »''. Mais ceux d'entre eux qui y joue-
ront un rôle sauront montrer, selon les expressions de
l'adresse ci-dessus, que si leur religion « est favorable à la
liberté », elle « est en même temps l'ennemie déclarée de
l'insubordination et de la licence )>.
François Galabert.
SEANCES DU COMITÉ
28 Janvier 1902
Assistent à la séance, sous la présidence du baron F. de Schickler,
MM. G. Bonet-Maury, F. Buisson, Th. Dufour, A. Lods, F. Puaux,
A. Réville, R. Reuss et N. Weiss. — MM. F. Kuhn et P. de Félice
se font excuser.
Après la lecture et l'adoption du procès-verbal de la dernière
séance, le président communique une lettre de remerciements du
1. Lévy-Schneider, op. cit., p. 54-58.
2. Voir sur cet épisode, Id., p. 64, el Revue d'hist. mod., t. 1, p. \Xi et ss.
3. Lévy-Schneider, op. cit., p. 72, 75.
158 SÉANCliS UU COMITÉ
Consistoire de i'Église reformée de Copenhague el regrette de
n'avoir pas remarqué dans la lettre qu'il a envoyée, qu'Adolphe
Monod fut un des premiers adhérents à notre Société d'Histoire. Il
observe ensuite que le prix Bersier, d'une valeur de 500 francs,
aurait dû être décerné pour la première fois en 1897, mais ne l'a
été qu'en 1898, afin de pouvoir être donné à M. Herminjard à
l'occasion de son jubilé. Il devra donc être décerné pour la deuxième
fois en 1902, à l'occasion du jubilé de notre Société.
Les deux principales questions à l'ordre du jour sont la fixation
de la liste de noms à inscrire à la Bibliothèque et le programme
sommaire du cinquanlenah'e au mois de mai prochain.
Pour la liste, MM. Bonet-Maury, de Félice, Franklin, Kuhn,
Martin, Raynaud, Reuss, Weiss et Waddington ont bien voulu
envoyer leur avis. Grâce à ces réponses et aux opinions des
membres présents à la séance, on convient, en réunissant les noms
qui ont obtenu le plus de suffrages, d'une liste d'une cinquantaine
de noms, qui suffisent à faire le tour de la salle de lecture en sui-
vant le bord inférieur de la balustrade du premier étage. Des essais
faits à cet endroit et le long du bord inférieur de la balustrade du
deuxième étage démontrent qu'il vaudra mieux mettre ces noms le
long des deux balustrades. Par conséquent, il nous faudra plus de
cinquante noms. Le Président dressera cette liste en inscrivant à la
suite de ceux déjà choisis, ceux qui après eux auront eu le plus de
voix.
Quant au programme sommaire pour la célébration du cinquan-
tenaire, une lettre du professeur Jean Réville nous informe de la
date déjà fixée pour le 25* anniversaire de la Faculté de théologie
de Paris. On décide de placer notre cinquantenaire dans la semaine
du 25 mai au l""" juin. Au lieu d'une séance solennelle à l'Oratoire
accompagnée de musique d'après les découvertes et indications de
M. Expert, suivie d'une réception à la Bibliothèque, M. Th. Dufour
propose, outre la séance solennelle, une exposition huguenote à la
Bibliothèque, et qu'on remplace la réception par un banquet. Cette
dernière proposition est adoptée en principe à cause de l'insuffi-
sance des locaux de la Bibliothèque pour une réception un peu
nombreuse. Mais il va sans dire que si la Société organise une
exposition publique, il est indispensable qu'elle fasse appel au con-
cours de tous ceux qui ont des tableaux, gravures, livres ou objets
inléresiïant l'histoire du Protestantisme. La séance solennelle pourra
être provisoirement fixée au lundi soir 26 mai et comportera un
rapport du président et quelques remarques du secrétaire sur l'uti-
CHRONIQUE LITTÉRAIRE 159
lité de l'Histoire. Le banquet aurait lieu le 27 et l'exposition pendant
toute la semaine. Une prochaine séance sera convoquée avant un
mois, afin de préciser ces diverses résolutions.
CHRONIQ.UE LITTERAIRE
M. G. Hanotaux et le Protestantisme. — La Réforme en Bourgogne.
Eléonore de Roye, etc.
Dans le parti dont M. F. Brunetière est legrand pontife littéraire,
M. G. Hanotaux passe pour l'historien de ce que les manuels à l'usage
des ignorants appellent pompeusement riinité nationale. Celle unité,
personne n'a jamais été capable de la définir autrement qu'en nous
montrant toutes les unités locales, provinciales, politiques, ad-
ministratives, religieuses, de l'ancienne France supprimées ou
asservies aux caprices d'un seul pouvoir central, celui du souve-
rain, c'est-à-dire de ses conseillers et confesseurs*. Cette unité-là
n'est pas autre chose, en fait, que l'organisation, au profit du pou-
voir central et par la force dont il dispose, d'un véritable despo-
tisme, irresponsable et couvrant toutes ses entreprises du prétexte
spécieux de l'intérêt national. Poursuivi déjà par François I", cet
idéal des rois de France, préconisé par le clergé catholique qui y
voyait un avantage personnel, devient une réalité de plus en plus
complète à partir de Louis XIII et grâce surtout à Richelieu. C'est
pour cette raison que M. Hanotaux s'est constitué l'historien, le
panégyriste enthousiaste de Richelieu et de toutes les causes que
cet ambitieux cardinal représente.
Il a saisi avec empressement l'occasion que lui offraient
certaines parties de cette histoire, de dire son sentiment sur le
Protestantisme. Il vient de le faire par deux articles insérés en pre-
mière page de la Revue des Deux-Mondes, du T' janvier et du 1" fé-
vrier 1902, intitulés : Le Problème protestant en Europe et Luynes et
le parti protestant en France. A mon humble avis, ces articles
I. La i)reuve (jue Vunité >u7?/o??a/<? est parrailemenl possible avec le res-
pect d'oi-ganismes polili(|ues et sociaux pailiculiers, c'est l'Allemagne et
l'Angleterre de nos Jours qui la fouinisscnl. Nulle part le sentiment na-
lional n'est ])lus vil" el pourtant, les coul unies locales el jusciu'à des gou-
vernemenls divers et largement autonomes y subsistent à côté et au-
dessous (lu pouvoir central.
IGO CHKONIQUE LITTÉRAIHE
auraient eu peut-être plus de succès il y a un ou deux ans, au plus
fort de la campagne antiprotestante que je dénonçais ici même dès
1896 (p. 9). En effet, bien qu'elle ait été menée avec un ensemble et
une énergie dignes d'une belle cause, et aussi avec une mauvaise foi
tout à fait exceptionnelle, celte campagne mémorable a fait long
feu devant l'indifférence du public, et semble toucher à son dé-
clin. Quoi qu'il en soit, il peut être intéressant de voir comment,
depuis 1887 où ce Bulletin a rendu compte de son premier livre*,
M. Hanotaux a précisé son opinion sur le Protestantisme.
Il y a quinze ans les protestants étaient à ses yeux des partageux,
responsables de la Saint-Barthélémy et de l'intervention de l'étran-
ger en France, etc. Aujourd'hui cette polémique un peu fruste et
surannée est remplacée par des jugements moins excessifs mais tout
aussi peu exacts. Lisez plutôt cette phrase : « En lutte contre
« l'Église romaine, le protestantisme sera toujours embarrassé de
« déterminer le point exact où il doit s'arrêter pour constituer une
« Église à son tour. S'il verse dans l'individualisme, il ifest plus
« une religion; s'il invoque une discipline, il reconstitue, qu'il le
« veuille ou non, la tradition. Dans cet embarras, il a fini, le plus
« souvent, par lier son sort à la puissance temporelle; mais du
« même coup, il a diminué son principe et limité son action. Lu-
« thériens contre Calvinistes, modérés contre intransigeants, Ar-
« miniens contre Gomaristes, le protestantisme était et sera tou-
« jours divisé en deux camps. Ayant rejeté la solution de la monar-
« chie spirituelle, il est ballotté entre les princes et les peuples ^ ».
Si je comprends bien ce... galimatias, M. Hanotaux veut dire que
les protestants ne peuvent « constituer une Église », parce qu'ils
ne sont pas tous d'un avis uniforme sur toutes les questions. Je ne
répondrai pas par cette risposte que personne n'a jamais pu réfuter :
Les catholiques sont-ils vraiment tous du même avis et le fait de dif-
férer les empêche-t-il de constituer une Église ?... Et je me demande
pourquoi le fait de différer d'opinion sur certains points empêche-
rait les protestants de se retrouver d'accord sur d'autres et contre
leurs ennemis ? Est-ce que, en cette année 1902 et en France, le fait
que monarchistes, plébiscitaires, nationalistes, etc., diffèrent d'avis
sur des points importants les empêche de former un seul bloc
contre la République? Puis, que peut bien signifier cette proposition:
« Si le protestantisme verse dans V individualisme, il n'est plus une
1. Etudes historiques sur le xvr et le xvii« siècles, Paris, llachetle,
1886 {Bull. 1887, p. VAb).
2. Revue des Deux-Mondes, 1902, p. 17.
CHRONIQUE LITTÉKAIKE 1<J1
religion ». Comment ! L ne religion n'existerait que là où il n'y a
aucune conviction individuelle? — Et cette autre : « Il a fini par
lier son sort à celui de la puissance temporelle. » Quoi ! Ce n'est pas
la papauté, mais le protestantisme qui a réclamé la puissance tem-
porelle comme indispensable à son action? Si encore M. Hano-
taux ne se contredisait pas lui-même ! En effet ses articles démon-
trent précisément qu'à l'époque quMl décrit et malgré leurs diver-
gences, partout en Europe les protestants se retrouvaient parfaite-
ment d'accord contre la réaction jésuitique et cléricale *.
Mais voyons-les en France. Là, conformément à la susdite théorie,
ils n'auraient été qu'un parti politique et « Tédit de Nantes n'avait
été qu'une trêve politique et un armistice militaire » (p. 481). Si cela
était vrai, il faudrait renoncer à rien comprendre à ce qui a précédé
et suivi l'édit de Nantes. C'est, en effet, l'évidence même que les
négociations qui durèrent plus de cinq années et qui finirent par
arracher l'Édit à Henri IV n'eurent qu'un seul but : Obtenir du roi
un minimum de liberté religieuse garantie par des cités de refuge,
c'est-à-dire par des places de sûreté pour le cas où les fanatiques
de l'unité nationale tenteraient de la réaliser par des rééditions de
la Saint-Barthélémy ou de la Ligue. Et quand M. Hanotaux ajoute
que « l'existence du parti protestant était une menace perpétuelle
pour l'unité nationale et l'allié naturel de tous les ennemis de la
couronne », il oublie — volontairement — que jamais la paix ne fut
troublée par les protestants aussi longtemps que l'édit de Nantes fut
observé. Cela est si vrai que, malgré les efforts inlassables du clergé
catholique pour que son application fût aussi illusoire que possible,
pendant tout le règne de Henri IV et pendant la minorité de
Louis XI H les protestants refusèrent de soutenir les ambitieux qui
troublaient le royaume.
La situation ne changea (|ue lorsque l'édit fut délibérément violé
et la prétention hautement affichée par la Cour de n'en tenir aucun
compte. Ainsi en 1617 la restitution aux catholiques des biens ecclé-
siastiques que Jeanne d'Albret avait, non pas confisqués, mais
affectés à l'entretien des écoles et du culte protestant là où son
peuple s'était rallié à la Réforme, fut une violation formelle de l'Édit
qui avait été déjà exceptionnellement favorable au catholicisme en
Béarn. Il ne faudrait pas s'imaginer, comme le prétend M. Hanotaux
qu'î7 V avait impossibilité de vivre sur les données de l'édit de Nantes,
I. Ainsi, p. 16, Maximiiicn de Bavière « s'ctail mis à la tète de la Li^ue
catlwliquc iiWcnvdndo consliluée spécialement |)our déreivlre le catholicisme
contre V Union protestante », etc.
Ll. — 12
162 CHRONIQUE LITTÉRAIRE
(p. 488) car ce qui fut possible à Henri IV était tout aussi possible
à Louis XIII s'il s'en était soucié. On comprend très bien que tous
les protestants français n'aient pas suivi ceux qui alors décidèrent
de lutter par les armes pour le maintien d'une charte aussi chère-
ment acquise qu'elle était insuffisante. Mais quand on voit ce qu'on
fit des huguenots une fois que les garanties de ce contrat eurent été
anéanties, on ne peut qu'admirer ceux qui comme Lescun et Rohan
sacrifièrent tout plutôt que de consentir à l'étranglement sans phrase.
M. Hanotaux sait tout cela aussi bien que nous, mais il s'imagine
peut-être, comme M. Brunetière, qu'en passant sous silence des
faits authentiques, on arrive à les faire disparaître de l'histoire.
Cette inexactitude voulue apparaît d'ailleurs jusque dans le détail
de son exposé. Ainsi, contrairement au loyalisme et au royalisme
avéré des huguenots, M. Hanotaux les accuse d'avoir poursuivi
l'établissement d'une sorte de République comme en Hollande
(p. 483) et voici la preuve qu'il en administre :
« Il y avait déjà quarante-deux ans (en Tan 1578) que Bouillon, le
« même Bouillon, accompagné de quatorze ministres français, avait
« été envoyé en Allemagne, par le synode de Sainle-Foy pour
« traiter de l'union des Calvinistes et des Luthériens, qui se liait à
« des projets de République fédérative. Cette même politique,
« quarante-deux ans plus tard, — en 1620, — Bouillon, le même
« Bouillon, en poursuivait encore la réalisation. »
Celte preuve amusera les lecteurs de ce Bulletin. Ils pourront
se souvenir, en effet, d'y avoir vu en 1892 (p. 353) une excellente
reproduction en fac-similé de la procuration signée par tous
les membres précisément du synode de Sainte-Foy, pour accré-
diter justement les pasteurs chargés d'aller à Francfort et d'y
discuter le projet de réunion des deux communions protestantes
mis en avant par V électeur palatin Jean-Casimir. — Non seulement
il ne fut jamais question, dans ce projet, d'aucune République fédé-
rative ou autre; non seulement Turenne ou Bouillon ne fut nulle-
ment « envoyé en Allemagne «, mais signa la procuration comme
représentant du roi de Navarre, gouverneur de la Guyenne où se
trouvait Sainte-Foy; — mais, en outre, ce terrible projet resta à
l'état de simple projet, et le voyage des quatre et non quatorze pas-
teurs n'eut jamais lieu, comme le remarquèrent, déjà en 1856, les
frères Haag dans l'excellent article qu'ils écrivirent alors sur Henry
de la Tour, vicomte de Turenne. Tout est donc faux dans cette pré-
tendue démonstration du peu de patriotisme de nos pères, mais
c'est ainsi qu'en l'an de grâce 1002 un ancien ministre des Affaires
OHKONlyUE LlTTÉKAIRb: 163
étrangères de France, écrit l'hisloirc des Français qui n'ont pas
l'heur de lui plaire !
La Bourgogne est une des provinces importantes de l'ancienne
France où l'histoire du Protestantisme n'a pas encore été l'objet
d'un travail approfondi, car VHistoire du Protestantisme et de la
la Ligue en Bourgogne, par M. P. -M. Baudouin (I88I) n'est guère
qu'un prétexte à déclamations contre les protestants. Feu M. Th.
Claparède qu'intéressaient beaucoup les destinées du Protestantisme
français et qui avait publié en 1856 une bonne Histoire des Églises
réformées du pays de Gex, avait l'intention de combler cette lacune.
Les notes qu'il recueillit, il les laissa, ainsi que celles qui servirent
à faire paraître l'opuscule sur VHistoire de la Réformation en Savoie
(Voy. Bull., 1894, 667), à son ami M. F. Naef. Malheureusement ce
dernier mourut à son tour avant d'avoir pu les mettre en œuvre.
Un des fils de feu Th. Claparède, M. René Claparède, recueillit ces
papiers et se mit à en étudier le sujet afin de pouvoir les publier.
S'effaçant, avec une abnégation peut-être excessive, devant le clas-
sement que ses prédécesseurs avaient adopté, il vérifia avec le plus
grand soin chaque nom, chaque fait et fit paraître le travail tel qu'il
l'avait trouvé, mais amendé, rectifié, et accompagné de notes, d'une
préface, de deux appendices sur les réfugiés bourguignons admis
à la bourgeoisie de Genève et sur les dates du rétablissement du
culte réformé dans l'ancienne Bourgogne, enfin d'une excellente
carte avec quelques clichés.
Dans ce volume sur la Réforme en Bourgogne \ les vingt et une
Églises protestantes qui s'y organisèrent autrefois sont énumérées
dans l'ordre de leurs colloques, de Dijon, Chalon et Lyon que nous
appellerions aujourd'hui des circonscriptions consistoriales. Sur
chacune d'elles, on trouve d'abord une notice historique succincte,
puis quelques détails sur les principales familles huguenotes, enfin
la liste des pasteurs. Le tout forme donc, non une histoire chrono-
logiquement déduite de la Réforme en Bourgogne, mais un ensemble
de matériaux classés dans un ordre méthodique, bien et dûment
contrôlés et qui, grâce à un excellent index, rendront de réels ser-
vices au travailleur ou même au simple curieux.
M. R. Claparède a bien voulu nous autoriser à faire reproduire
pour les lecteurs du Bulletin, un des clichés qui ornent son volume.
I . F. Nael", La Réforme en Bourgogne, Notice sur les Églises réformées
de la Bourgogne avant la Révocation de l'Edit de Nantes, un volumo de
2ô8 pages in-18, carte et index. Paris, Fischbacher, 1901,
164 CHRONIQUE LITTÉRAIRE
C'est la vue de Phôtel de ville actuel de Paray-le-Monial où il y eut
autrefois une Église protestante qui disparut à la Révocation. Cet
échantillon tout à fait remarquable et rare de l'architecture de la
Renaissance fut construit au xvi' siècle pour celui des deux frères
Jayet qui avait cml)iass(' la lîcCorme, c'est-à-dire le parti des gens
qu'on nous représente si souvent comme des contempteurs de l'Art.
Ce fait n'est, du reste, pas unique. A Orléans, l'hôtel de ville est
l'ancienne demeure du bailli huguenot Jérôme Groslot. A Vézelay,
la plus belle maison, du xV siècle, est la demeure patrimoniale des
de Bèze, etc. — ^ M. R. Claparède me permettra do le remercier de
OHIiONiyUE LITTÉRAIRE 165
celle contribulion à noire histoire en la considéranl comme un poinl
de dépari pour d'aulres recherches qu'il pourra aisémenl entre-
prendre maintenant qu'il s'est orienté dans ce domaine.
Chez le même éditeur, un ami de M. R. Glaparède, M. le pasteur
Jacques Pannier a fait paraître, avant son départ pour le Tonkin,
un opuscule signé Mme J. Pannier et intitulé Éléonore de Roye,
princesse de Condé*. C'est une excellente biographie de cette douce
et malheureuse princesse qui, malgré son caractère essentiellement
pacifique, fut associée à toutes les misères de la guerre civile.
Écrit avec exactitude et avec charme, ce récit occupera une bonne
place, bien huguenote, dans la jolie galerie des Portraits de femmes
que publie M. Fischbacher. Mme Pannier devrait y joindre, quand
paraîtra une seconde édition, une reproduction d'un portrait de la
jeune princesse.
Le culte du Désert dans le Castrais de 1745 à 1780. — Dans la
Voix de la Montagne du 1" novembre l'JOl, M. le pasteur Fosse a
signalé une vieille Bible portant le nom de Galinié et appartenant
aujourd'hui à M. Aldeberl au château de Lacalm, près de Pioque-
courbe (Tarn). — Ce Pierre Galinié, qui possédait cette Bible depuis
1707, y a souligné les textes de sermons entendus par lui au Désert
en 1745 et de 1767 à 1780. En marge de ces textes, il a inscrit le
nom du prédicateur, la date du culte qu'il présida et le lieu où il se
tint. Ces mentions, que M. Fosse a publiées dans son article inti-
tulé le Cri des pierres, forment donc une sorte de chronique du
culte du Désert dans cette région. On y voit paraître les noms de
localités très diverses et ceux des pasteurs J.-B. Olivier dit Loire ;
M. Viala, du Base, J.-J. -Marc-Antoine Fosse dit Richard, P. Sicard
dit Duval, Jacques Dunière dit Lacombe, /.-/ Crebessac dit Ver-
net, Jacques Rosseloty, Louis Boni/as dit Laroque, et Jean Bon dit
Saint-André.
Les régents huguenots. — On trouvera sur ce sujet, encore très
peu connu, sans douté parce que les renseignements le concernant
sont enfouis dans les registres de notaires, un article intéressant et
plein de tlétails curieux dans le Foyer protestant des 15 janvier et
1" février 1902. L'auteur de l'article est un collaborateur du Bulle-
tin, M. Ch. Bost.
N. Weiss.
1. Une lirochure de viii-S(( paires in-IS. Paris, Fischbacher, IVtOl.
166 OOHRE.SPONDANCt: ET NOTES
CORRESPONDANCE ET NOTES
Exposition huguenote à l'occasion du cinquantenaire de la Société.
Celle exposition doit avoir lieu dans la salle de lecture de notre
Bibliothèque, 5^1 rue des Sls-Fères, entre le 15 et le 31 mai prochain.
Il va sans dire qu'on y montrera ce que la Bibliothèque renferme de
plus rare ou intéressant. Mais, pour qu'elle soit digne d'un cinquan-
tenaire, nous faisons appel aux collectionneurs amis de notre
œuvre. Tous ceux qui ont des portraits contemporains authentiques
de huguenots célèbres, des gravures rares, émaux de Palissy,
miniatures de Petitot ou Bordier, médailles des Dupré et Warin,
aiguières de Briot, des bijoux huguenots, méreaux, autographes,
livres très rares ou autres objets intéressants au point de vue de
notre histoire ou de notre culte, sont priés de bien vouloir se mettre,
à cet effet, en relation avec le président ou le secrétaire de la
Société, 54, rue des Sts-Pères, Paris v'll\ Celle-ci supportera les
frais de déplacement et offrira toutes les garanties désirables.
Pour le Comité, le secrétaire :
N. Weiss.
D'où sont le» ciaveiT — La France protestante (2* édition), non
seulement laisse subsister un doute concernant l'origine de la famille
Clavel — nom pourtant bien connu dans nos Églises — mais encore
tend à propager une erreur manifeste à cet égard. Elle indique le
premier Clavel connu, Claude, comme probablement natif d'Oulès
(Tarn) — parce que le Livre du Recteur^ en l'année 1559, porte la
mention Ulensis, comme lieu d'origine de cet étudiant en théologie,
figurant d'ailleurs à la première page, ce qui est un honneur.
11 semble hors de doute, pour qui étudie l'onomatologie, que le
nom de Clavel appartient en propre au Dauphiné. J'ai cru, pas
longtemps, que ce Claude pouvait être originaire du Béarn et avoir
vu le jour, par exemple, à Ouillon, dans les environs de Pau, lui-
même et sa descendance ayant presque toujours vécu dans celte
région. Mais ce nom n'existe pas dans nos généalogies locales
béarnaises.
Au contraire, on le trouve en Dauphiné. Le pasteur Jacques-André
du nom était de Sainl-Jean-d'Hérans, près La Mure. Marcelin, reçu
habitant de Genève en 1572, mentionné par la France protestante
CORRESPONDANCE ET NOTES 167
elle-même, était de Besse en Oysans; Daniel, assiste à Genève en
1689, était de La Mure. Plusieurs autres sont cités comme origi-
naires de la même contrée.
Comment donc n'avoir pas vu dès l'abord que Ulensis signifie
natif d'0w//e5, en Oysans? traduction que nous proposons avec une
entière sécurité aux amis de notre histoire.
D. BOURCHENIN.
P.-S. — Dans la même colonne, la France protestante place
Jérémie Clavel à Ostin (?) 1626-1&37. Ce lieu n'existe pas. Il s'agit
sans doute de Nousty, où ce pasteur avait débuté et où il serait
revenu finir sa carrière. — D. B.
Une épreuve de cette note ayant été envoyée à M. E. Arnaud,
historien des protestants dauphinois, voici ce qu'il répond :
« Dire que « le nom de Clavel appartient en propre au Dauphiné »,
c'est s'avancer beaucoup. Aux Clavels, originaires de cette province,
que cite M. Bordier {France protest., 2* édit., vol. IV, col. 408 et
409), on peut ajouter « Clavel (Suzanne) du Bourg d'Oisans allant
à Berne rejoindre sa mère » secourue par la Bourse française à
Genève en 1696 (E. Arnaud, Emigrés protestants dauphinois, p. 19).
Mais il paraît impossible d'admettre que les quatre pasteurs et un
proposant du nom de Clavel, établis dans le Béarn, que M. Bordier
mentionne à côté du pasteur Claude Clavel ; plus, un capitaine Clavel,
guerroyant dans le Vivarais en 1574; un fondeur, Pierre Clavel, et
sa sœur, habitant le Gévaudan en 1586; enfin Antoine Clavel, galé-
rien de la même province, soient tous sortis du Dauphiné. Il y avait
certainement des Clavels dans le midi delà France, comme le prouve
cette notice de Covelle [Le livre de bourgeoisie de Vanc. républ. de
Genève, p. 275) : « 15613, 5 avril. Jehan Clavel, tilz de feu Pierre,
natif de Nistnes en Languedoc, Pierre, Françoys et Christofle, ses
enfans, 4 esc. 1 s' ». V.. Arnaud.
Livres disparus. — M. E. Coyecque veut bien nous communiquer
cette note relative à un livre de Jean Bénart, de Bordeaux, qui
paraît avoir été destiné à confondre les « Luthériens», et dont aucun
exemplaire n'a encore pu être retrouvé ni décrit :
« Marché entre Noël Guyton, libraire et relieur de livres, rue des
Sept-Voies*, et Jean Bénart, de Bordeaux, licencié en droit, y
demeurant, logé à Paris, au logis de la Bouteille, près de l'Église
Saint-André-des-Arcs, pour la vente par Noël Guyton, de trois cent
1. Aujourd'hui rue Valelle.
168 CORKESPONDANCE ET NOTES
qualre-vingl-dix-huil exemplaires du Pyrychiatcron (?) seii Stimulus
ad Deum adversus Liiteranos et quosvis hereticos, imprimés en
papier, en l'impression de Toulouse, par Nicolas Viellart, le
4 des ides de janvier 1540; chaque volume contenant quarante-sept
feuilles d'impression sera vendu 3 s. t.; la commission est fixée à un
sou pour livre; à Noël, Jean Bénart reprendra les exemplaires non
vendus. »
Les éléments de cette note ont été extraits des minutes d'un
notaire parisien.
niotcB montbéiiardaises. — On lit dans le Polybiblion de janvier
1902 « le Diairi, almanach montbéliardais pour 1902 (Montbéliard,
imp. Pétermann, in-'i», illustré de 100 p.), est cet almanach rédigé
partiellement en patois local que nous signalons ici, depuis ses
origines, comme une curiosité dans le genre. L'esprit qui le dis-
lingue est opposé à celui du Polybiblion; mais nous savons rendre
justice à nos adversaires. Entre autres articles à consulter et rédigés
en fran(;ais, nous mentionnerons les Notes sur Pierre Vessaux,
personnage bien ignoré et qui fut, cependant, de 1633 à 1639, une
manière de diplomate accrédité par la principauté de Montbéliard
auprès de la Cour de France ; une biographie de 8 pages (avec por-
trait) du député républicain radical de Besançon, M. Charles Beau-
quicr, écrivain érudit, par M. Charles Gros; une Notice historique
sur Vancienne seigneurie du Châtelot. L'auteur anonyme de celte
notice n'a point dissimulé le bout d'oreille du protestant*. Les drô-
leries en prose paloise y sont nombreuses; plusieurs, comme précé-
demment, plaisantent les curés du pays, et aussi les congrégations
(pièce de vers patois), ce qui est d'un goût d'autant plus discutable
que, au milieu de l'article intitulé : 1870-1871 dans le pays de Mont-
béliard, on trouve une belle reproduction phototypique du tableau
d'Alphonse de Neuville : De Montbéliard à Strasbourg, en route pour
les prisons allemandes^ où, à côté du maire de Montbéliard, M. La-
lance*, et du brave facteur Vuillier, emmenés en captivité par les
Prussiens, on voit figurer un digne aumônier, l'abbé Chaumet qui
partage leur sort. »
\. Pourquoi l'auraiL-il dissimulé? Aux yeux du Polybiblion, un protes-
tant ne saurait-il exister ou écrire (ju'à la condilion de se « dissimuler? »
[Réd.)
2. lîncore un protestant el boa paliiole, n'en déplaise au Polybiblion.
Le Gérant : Fischbacher.
L.-Imprimeries réunies, B, rue Saint-Benoît. 7 — Motteboz, directeur.
SOCIÉTÉ DE L'HISTOIRE
DU
PROTESTANTISME FRANÇAIS
Études historiques
LA COMPAGNIE DU SAINT-SACREMENT A GRENOBLE'
1644 — 166(3
I
Dans le courant de l'année 1644, une Compagnie du Sainl-
Sacrement fut fondée à Grenoble. C'était une fille dévouée
de la Compagnie qui, depuis 1631, fonctionnait à Paris-.
Une douzaine de laïques, de prêtres et de religieux, le duc
de Lévis de Ventadour, pair de France et depuis chanoine
de Xotre-Dame, Henri de Pichery, maître d'hôtel du roi,
Gédéon de Vie, maréchal de camp, Jean de Brassac, ambas-
1. Au mois de février de Tannée lOoO ip. 91) ce Bulletin a publié, sous le
tilre de V Antipathie de la France pour le Protestantisme, ceux des extraits
des Annales de la Compagnie du Saint-Sacrement qui visaient les pro-
lestants et avaient paru dans la Revue historique de nov.-déc. 1899. M. le
professeur R. Allier a précisé l'action de la célèbre compagnie et l'a ex-
posée dans quatre articles de la Grande Revue (V Juillet-1" déc. 1900).
l ne étude détaillée sur linterdiction du Tartuffe lequel visait, non les
jésuites ni la religion, mais bien celte cabale des dévols, a été présentée
par lui comme leçon d'ouverture à la séance de rentrée de la Faculté de
théologie protestante, le 4 novembre 1901 (pages 25 à 'i8 de la brochure
qui a paru chez Fischbacher en 1901).
2. Le document capital pour l'histoire de la Compagnie du Saint-Sa-
crement est le résumé de ses procès-verbaux qui a été fait en 1696 par
René de Voyer d'Argenson sous ce tilre : Annales de la Compagnie du
Saint-Sacrement. Le manuscrit est à la Ribliothèque nationale, F. fr. 14.is'.».
Une édition en a été récemment donnée par dom Reauchel-Filleau. Je
renvoie directement au manuscrit, en indiquant entre parenthèses les
pages de cette édition.
1902. — N" 4, Avril. l^L — l:J
170 ÉTUDES HISTORIQUES
sadeur de France à Rome, le F. Philippe d'Angoumois,
capucin, le P. de Suffren, jésuite, le P. de Condren, général
de rOraloire, Tabbé François d'Adhémar de Monleil de Gri-
gnan, depuis archevêque d'Arles, Jean Jaubert de Barrault,
évèque de Bazas, avaient travaillé, de 1627 à 1630, à consti-
tuer une ligue secrète d'action catholique. Ils y étaient par-
venus et. dans Tombre, ils surveillaient tout, s'occupaient
de tout, s'efforçaient de diriger tout. Leurs statuts affirmaient
toute leur ambition :
Ce qui fait le fond des oeuvres de la Compagnie, c'est d'entre-
prendre tout le bien possible et d'éloigner tout le mal possible, en
tout temps, en tout lieu, à l'égard de toutes personnes. La Compa-
gnie n'a ni bornes, ni mesures, ni restrictions que celles que la
prudence et le discernement doivent donner dans les emplois. Elle
travaille non seulement aux œuvres ordinaires des pauvres, des
malades, des prisonniers et de tous les affligés, mais aux missions,
aux séminaires, à la conversion des hérétiques et à la propagation
de la foi dans toutes les parties du monde ; à empêcher tous les
scandales, toutes les impiétés, tous les blasphèmes; en un mot, à
prévenir tous les maux et à y apporter les remèdes, à procurer tous
les biens généraux et particuliers, à embrasser toutes les œuvres
difficiles, fortes, néi^ligées, abandonnées, et à s'appliquer, pour les
besoins du prochain, dans toute l'étendue de la charité *.
Pour réaliser ce programme dans son ensemble et dans
ses détails, la Compagnie avait besoin d'avoir des affidés
partout; elle les eut. Elle s'affilia des ecclésiastiques de tout
rang : des évoques, celui de Saint-Flour, Charles de Noailles,
celui de Rayonne, François Fouquet, celui de Cahors, Alain
de Solminihac, celui de Poitiers, Henry-Louis de la Roche-
Pozay, d'autres encore, et par eux elle intervenait dans les
assemblées du Clergé de France; puis des prêtres qu'elle
poussait, l'un après l'autre, à l'épiscopat, Abelly, Roquette,
François de Perrochel, François de Péricard, Jacques-
1. Pom- ce programme et son . développement, voir dans les ^«na/es,
|). Ill-llô (B.-l-\ 193197), le mémoire qai fut envoyé, en 1660, par les
confrères de Paris à ceux des provinces sous ce titre : De l'esprit de la
Compagnie du Saint-Sacrement.
ÉTUDES HISTORIQUES 171
Bénigne Bossuet; enfin des docteurs de Sorbonne ou de
Navarre, dont elle se servait contre les théologiens témé-
raires. La Compagnie voulant agir en même temps sur la
justice, l'administration et la cour, elle grou-pait des magis-
trats, plusieurs présidents ou futurs présidents au Parlement,
des conseillers des différentes chambres, des membres du
conseil du roi, des grands seigneurs, les ducs de Liancourt
et de Nemours, le prince de Gonti, les marquis de Fénelon
et de Laval, les maréchaux de Schomberg et de la Meil-
leraye.
Les pieux conspirateurs virent, dès le premier jour, que le
secret était, pour leur cabale, la condition du succès et même
deTexistence; et il leur sembla qu'ils imiteraient ainsi « l'acti-
vité cachée de Jésus-Christ dans le Saint-Sacrement de
l'autel » :
Comme la Compagnie n'agit point de son chef, ni avec autorité,
ni comme corps, mais seulement par ses membres, en s'adressanl
aux prélats, à leurs officiers et aux supérieurs pour les choses spi-
rituelles, à la cour et aux magistrats pour les choses temporelles,
elle garde toujours son secret qui est son particulier caractère.
Mais elle excite sans cesse à entreprendre tout le bien possible et à
éloigner tout le mal possible ceux qu'elle juge propres à ces fins,
sans se manifester elle-même, et n'ayant pour but que la charité;
toutes ses voies doivent être simples, secrètes, douces, prudentes,
excitatives et charitables.
Pour assurer le mystère de son action, la Compagnie ne
recula devant aucune précaution. Elle établit une règle qui,
de la part de toute autre société, lui aurait paru impie et
scandaleuse ; c'était « que personne ne parlerait à son direc-
teur de ce qui se passait dans la Compagnie, pour prendre
conseil de lui touchant ses pratiques, de peur d'en découvrir
le secret ». Elle interdit à ses succursales d'être en corres-
pondance les unes avec les autres, de peur que cet échange
imprudent de lettres ne les révélât; tout devait passer par
Paris. Elle refusa toujours d'imprimer ses statuts de peur
qu'un exemplaire compromettant ne s'égarât sous des yeux
indiscrets. Elle aimait mieux, plutôt que de s'exposer au
172 ÉTUDES HISTORIQUES
danger d'être découverte, refuser des legs qui pourraient la
trahir. Elle avait sur ce point une prescription formelle :
L'on ne parlera jamais de la Compagnie dans aucuns contrais
de fondations, de donations ou de testaments, ni autres actes publics ;
mais quand Dieu inspirera à quelqu'un le désir de se servir d'elle
pour exécuter ses pieuses intentions, il pourra choisir pour cet
effet deux ou trois confrères comme particuliers, mais qui seront
approuvées d'elle. Lesquels prendront soin de bien accomplir les
volontés du testateur. Et en cas de décès de l'un de ces confrères
nommés, les deux survivants en nommeront un qui leur sera indi-
qué par la Compagnie *.
Les papiers de la Compagnie étaient mis dans un coffre,
et ce coffre était confié à un confrère. Mais il fallait prévenir
tous les accidents et éviter qu'en cas de décès du confrère
ce trésor pût tomber entre de mauvaises mains. On y appo-
sait donc un petit écriteau avec ces mots : « Ce coffre et
tout ce qui est dedans appartient à M. \. qui en a la clef et
qui me l'a donné en dépôt. » Le dépositaire avait soin de
noter le fait dans son journal ou d'en parler dans quelque
acte qui en donnerait connaissance après sa mort. C'est
ainsi que, le 1" septembre 1658, on inscrivit sur ce coffre le
nom de M. de Lamoignon, alors maître des requêtes et
depuis premier président du Parlement de Paris-.
Il serait aisé de montrer que la Compagnie a réalisé son
programme. Elle s'est comportée comme un ministère
occulte de l'assistance publique, inventant de nouvelles
œuvres de charité, vivifiant les anciennes, coordonnant à
leur insu l'activité de toutes. Elle a fait produire tous leurs
fruits aux efforts que Ton attribue souvent à l'initiative du
seul saint Vincent de Paul. Elle a fait surgir dans Paris et
par toute la France une police spirituelle qui a été impi-
toyable pour tous les « désordres », qui a traqué les compa-
gnonnages ouvriers, poursuivi tous les mal pensants, assuré
la répression sauvage des blasphémateurs, dénoncé et fait
brûler Simon Morin, dit le Fils de l'Homme, organisé Tappli-
1. Annales, p. 150 (B.-F. 256).
2. Annales, p. 102 (B.-F. 479).
ÉTUDES HISTORIQUES 1T3
cation à la rigueur de Tédit de Nantes. Elle a ouvert de
nombreux séminaires, contraint des évêques à purger leurs
diocèses de bien des souillures, fondé la société des Missions
étrangères. Son histoire générale a l'intérêt d'un drame ou
d'un roman ^ Mais si l'on veut bien comprendre ce qu'a été
cette Ligue, il faut essayer d'en surprendre la vie sur un
point précis du royaume-. Étudions ce qu'elle a fait à Gre-
noble, en insistant particulièrement sur son travail souterrain
de contre-réformation.
II
La Compagnie de Grenoble s'organisa en 1644 \ Les cir-
constances de sa fondation sont inconnues. Son activité
pendant huit ans nous échappe', les procès-verbaux que
Ton a d'elle ne commençant qu'en novembre 1652. Elle fut
fondée sans le concours ni même l'aveu de l'évêque. Pour-
quoi se cacha-t-elle de Pierre Scarron qui était pourtant un
prélat zélé? Les confidences sur ce sujet nous manquent.
1. Je me permets de rappeler que j"ai esquissé cette histoire dans une
série d^irlicles de la Grande Revue (y juiWei, l" août, 1^' septembre.
1" décemlire 1901, l"' Janvier 1902).
2. M. Alfred Leroux a retrouvé un registre de la Compagnie de Li-
moges. Il en a publié l'essentiel dans le Bulletin archéologique du Limou-
sin, tomes XXXIII et XLV, et dans les Archives historiques de la Marche
et du Limousin, tome I".
3. Le registre de la Compagnie de Grenoble dont je vais me servir a
été découvert, par M. A. Prudhomme, archiviste de l'Isère, à la biblio-
thèque de Grenoble où il est coté R. 5.765. M. Prudhomme, sans savoir
de quel complot il rencontrait ainsi la trace, a Ibrt bien caractérisé la
Compagnie en deux pages de son excellente Histoire de Grenoble. C'est
en lisant son livre que j'ai reconnu les gens dont je suivais l'activité sou-
terraine, .l'ai pu obtenir, par l'intermédiaire du ministère de l'instruction
publique, le transfert momentané de ce précieux manuscrit à Paris, où
il ma été possible de le rapprocher d'autres documents. Outre la décou-
verte de ce manuscrit, je dois à M. Prudhomme un certain nombre de
renseignements utiles pour lesquels je lui exprime ici toute ma gratitude.
'i. Est-ce une coïncidence? Le 28 juillet i64'i, le Parlement de Grenoble
condamna au feu Marseille sans miracles, du pasteur Hugues Rollin, de
Veynes, décréta de prise de corps l'auteur et l'imprimeur, poursuivit,
pour avoir approuvé l'écrit, les pasteurs Bouteroue et Murât. Le rappor-
teur du procès fut un zélé confrère, le conseiller de Ponat (Arnaud, No-
tice sur les imprimeurs de l'académie de Die, p. 36).
174 ÉTUDES HISTORIQUES
Elle entendait mener clans l'ombre le chef spirituel du dio-
cèse et ne point subir son autorité. Les mauvais évêques
n'étaient pas seuls suspects à la cabale, mais ceux aussi qui
prétendaient par trop être les maîtres chez eux.
Il y avait des prêtres dans cette société religieuse qui
repoussait la surveillance de r« ordinaire » : l'abbé de l'Hô-
pital, l'abbé Lambert, l'abbé du Groisil, l'abbé de la Rous-
selière, M. Marchier, prévôt de Saint-Sauveur d'Aix, deux
chanoines, M. de Pesieux et M. Balme, et même le doyen du
chapitre de Notre-Dame. Ils y parlaient librement de
Tèvêque, discutaient avec leurs confrères laïques les mesures
à obtenir de lui, arrêtaient avec eux les moyens de le mener
doucement; et jamais cette conduite ne paraît s'être heurtée
à des scrupules bien vifs. Parmi ces laïques, un seul repré-
sentait la noblesse locale, M. de Saint-Ferjus. La plupart
des autres appartenaient au Parlement, les conseillers de
Guillemières, Guérin, de Ponat, de Gombes, Roux, Marnais,
Giraud, les présidents de Saint-André, de Beauchêne et de
Ghevrières, l'avocat général de Gales.
La plupart de ces personnages laïques — sinon tous — se
recrutaient dans un milieu spécial, dans les congrégations
fondées par les jésuites, surtout dans celle des nobles ou
Messieurs, dite encore de la Purification, sans doute aussi
dans celle des Grands Artisans ou Bourgeois, dite de l'As-
somption. Les noms de MM. de Sautereau, de Ponat, de
Beauchêne, Roux, Giraud, Marchier, Marnais, probablement
d'autres encore, sont communs aux procès-verbaux de la pre-
mière de ces congrégations et à ceux de la Gompagnie du
Saint-Sacrements Ge fait seul révèle d'où part la direction
occulte de la Gompagnie. Gelle-ci est le degré suprême de
l'initiation, le degré mystérieux, ignoré du public, ignoré
même des stagiaires qui font leurs preuves dans la Gongré-
gation. Les congréganistes travaillent ensemble, s'édifient en
commun, associent leurs, rêves ardents de propagande; ils
ne savent pas que quelques-uns d'entre eux ont été choisis
et comme mis à part pour une œuvre plus haute encore, el
I. I.c p. Pra, Les Jésuites à Grenoble, \^. 303-;vl3.
ÉTUDES HISTORIQUES 175
loutà fait secrèle. De temps en lemps, l'un d'eux reçoit la
visite d'un ami aux côtés de qui, depuis des années, il prend
part aux mêmes pratiques religieuses. Celui-ci, après bien
des circonlocutions, lui demande s'il n'a pas imaginé, désiré
une activité plus efficace encore que celle de la Congrégation,
et il finit par lui transmettre l'appel fraternel de gens qui
travaillent dans l'ombre, qui l'ont apprécié et distingué, qui
l'invitent à se joindre à eux. Et quand la révélation ultime
lui est faite, il comprend que la Congrégation, sans s'en
douter, n'est qu'une armée aux ordres d'un État-Major dont
personne ne soupçonne l'existence; et lui-même ne le con-
naît que le jour où il en fait partie.
Elie Benoît a dénoncé, dès le xvii*^ siècle, l'action souter-
raine de ces congrégations des jésuites. Il faut relire son
texte; et quand on pense à la Compagnie du Saint-Sacre-
ment, certains passages s'en illuminent.
Il entre dans cette Congrégation des gens de toute condition, des
gens d'épée, des gens de robe, des marchands, des bourgeois, des
artisans, des gens même de la lie du peuple, qui par la bassesse
des emplois qu'ils exercent dans le monde peuvent entrer partout,
et remarquer des choses qu'on cacherait à des personnes plus rele-
vées, mais qu'on ne déguise point devant ces petites gens, qui ne
semblent pas capables d'en profiter. Les jésuites savent par ce
moyen tout ce qui se passe dans les familles, les désordres qui les
brouillent, les dettes qui les embarrassent, les affaires qui les
incommodent, les inclinations des pères et des mères.
Pour expliquer leurs séductions sur certaines âmes, il
ajoute :
Ils ne manquaient pas de leur offrir ce qui était le plus propre à
les tenter; et ils le faisaient ordinairement de si loin, d'une manière
si fine, par des personnes interposées, qu'ils pouvaient avoir le
plaisir d'un bon succès, et ne paraître point intéressés dans la
honte d'un refus *.
La Compagnie du Saint-Sacrement porta ces procédés à
leur plus haut point de perfection. Les assemblées de la
1. Histoire de l'Edit Je Nantes, l. III. ôWi, ôsT.
17G ÉTUDES HISTORIQUES
Purification de la sainte Vierge n'étaient pour elle que l'école
d'application où se formaient, sans le savoir, ses meilleurs
agents. Quand elle décidait de les initier, elle les connaissait
de longue date, et leur affiliation était rapidement opérée.
Les choses allaient avec moins de promptitude, quand le
personnage, distingué comme une recrue désirable, n'avait
point traversé le stage de la Congrégation. Il fallait alors du
temps pour le sonder et le préparer.
Dans les premiers jours de 1657, la Compagnie de Gre-
noble jugeait qu'il y avait lieu d'augmenter un peu le nombre
de ses membres. Les confrères furent unanimes à déclarer
que M. de la Martilière, conseiller au Parlement, et M. de
Chevrières, président de chambre, présentaient toutes les
qualités requises pour être agrégés à l'œuvre sainte. Seule-
ment, tandis que M. de la Martilière était depuis longtemps
membre et même « officier » de la Congrégation, M. de Che-
vrières, qui venait de Dijon, n'en faisait pas encore partie.
Avec le premier, on pouvait marcher sans scrupule et vite :
le H janvier, M. de Ponat est chargé de lui parler; le 26, il
rapporte qu'il a trouvé un homme très bien disposé et dési-
reux d'être admis; on arrête, séance tenante, de le recevoir
à la prochaine assemblée. Avec le second personnage en
vue, une lenteur-prudente était nécessaire. Le même H jan-
vier, le directeur est prié de le pressentir. C'est une comédie
qui s'engage alors, mais une comédie très sérieuse.
Quinze jours après, à la séance où l'on décide d'affilier
M. de la Martilière, le supérieur raconte sa démarche
auprès de M. de Chevrières. Il lui a fait visite et a eu avec lui
une conversation très encourageante. A voir la conclusion
de l'entretien, on en devine la marche. Les deux interlocu-
teurs ont causé du malheur des temps; ils ont gémi sur les
misères qui s'étalent, sur le peu d'efficacité des œuvres indi-
viduelles, sur les audaces des libertins et des hérétiques.
Ah ! s'il pouvait y avoir une société bien humble, bien
secrète, bien active, et qui entreprenne de combattre tous
les maux et de faire tout le bien possible 1 Et plus ils en par-
laient, plus ils se persuadaient de la nécessité de fonder une
telle société. Il faut bien que la causerie ait pris cette tour-
ÉTUDES HISTORIQUES 1~
mire; car on nous dit que M. de Ghevrières goûta fort le
projet d'établir une semblable compagnie; même, étant sur
le point de partir en voyage, il recommanda à son visiteur,
pour le cas où l'idée se réaliserait, d'en parler à MM. de Sau-
terau et Marnais.
Justement, M. de Sauterau et M. Marnais sont de la Com-
pagnie. On les charge de continuer les négociations si bien
commencées et d'amener le président de Ghevrières au point
où l'on n'aura plus qu'à lui révéler l'œuvre et à l'y recevoir.
Au retour du magistrat, ils l'entreprennent, ils lui font visites
sur visites, ils ont avec lui des entretiens confits de dévotion.
Lui fait la sourde oreille. Il croirait sans doute commettre
une indiscrétion en reprenant l'échange de vues qu'il a eu
avec le directeur. Plus ils se permettent d'allusions à ce
qu'il faudrait faire, et plus il redouble de prudence. Mais
aussi plus il se tait, et moins les autres se croient le droit de
lui dévoiler l'existence de la Compagnie. Et ce petit jeu des
propos interrompus menace de se continuer éternellement.
De quinze jours en quinze jours ou de mois en mois, les visi-
teurs de M. de Ghevrières racontent l'impression profonde
que leur fait sa piété, leur conviction qu'il serait un confrère
parfait, et son obstination à n'avoir pas l'air de comprendre.
En juillet, la Compagnie est sur le point de renoncer à celte
recrue. Cependant un autre confrère, le grand-vicaire d'Albi,
M. du Ferrier, qui est à Grenoble pour affaires de son
évêqueS offre de poursuivre ces négociations plutôt bizarres.
Il y met, d'ailleurs, la même circonspection que ses prédé-
cesseurs. Enfin, le 28 février 1658 — il y a un peu plus d'un
an que la conversation est commencée, — devant une ouver-
ture plus franche, le magistrat déclare son désir d'être reçu
dans la Compagnie; et celle-ci, reconnaissante, décide de
l'introduire à la prochaine séance.
1. M. du Fei-rier représentait à Grenoble son èvêque engagé dans un
l)rocès contre les consuls de Cahors. 11 avait été amiié à Paris à la Com-
pagnie du Saint-Sacrement. A Grenoble, il était en rapports quotidiens
avec les confrères: quand il fallut nommer un conseiller rapporteur sur
la plainte du prélat, le Parlement commit, tout naturellement, M. de
Beauchêne dont nous allons rencontrer souvent le nom. Inventaire som-
maire des archives départementales de l'Isère, B. 2. 116.
178 ÉTUDES HISTORIQUES
Il était difficile, avec de telles précautions, que le
se»ret ne fût pas bien gardé.
III
Vue de la coulisse, où nous sommes, l'histoire locale de
Grenoble ou du Dauphiné prend un aspect particulier. Il n y
a pas un corps officiel, pas un personnage important qui n ait
à côté de lui quelqu'un chargé de le circonvenir, de le
pousser délicatement où la Compagnie veut qu'il aille, de sol-
liciter de lui l'action qu'elle désire. Le maréchal de Gréqui,
duc de Lesdiguières, gouverneur du Dauphiné, est l'objet de
soins spéciaux. Un jour, il reçoit de Sa Majesté une lettre
qui l'invite à lutter contre l'abus des duels : e'est la Compa-
gnie qui a jugé cette lettre utile et qui, par l'intermédiaire
de M. du Ferrier et de plusieurs amis, a obtenu cette inter-
vention du roi. Il rencontre d'honnêtes particuliers qui se
plaignent à lui de scandales relevés dans les « académies »;
c'est la Compagnie qui a su les lui dépêcher. Il fait tous ses
efforts pour que les Pères de la Charité reçoivent la direc-
tion de l'Hôpital général : c'est la Compagnie qui lui a mis
cette idée en tête-^
L'affaire de l'Hôpital général et du « renfermement » des
mendiants est, d'ailleurs, une de celles qui montrent le
mieux la Compagnie à l'œuvre. La « cabale » est représen-
tée par quelques-uns de ses membres ou du moins par des
omis sûrs dans tous les corps officiels qui s'en occupent. Elle
en a une demi-douzaine de confrères très actifs dans le ((con-
seil des pauvres ». Quand elle le juge à propos, tels d'entre
eux provoquent une assemblée de ce conseil; celui-ci a pour
président un affilié de la Congrégation des jésuites, M. de
la Rochette, et l'on n'a rien à se refuser entre « congréga-
nistes- ». A chaque réunion de ce conseil, les agents de la
1. Procès-verbaux, 2 et 23 juin, S et 22 juillet 1655, 9 janvier 1559, 21 dé-
cembre -1660, (> février 1661.
2. Procès-verbaux, 6 juin, 28 novembre 165s. Le P. Pra, Les Jésuites à
Grenoble, p. 313.
ÉTUDES HISTORIQUES 179
Compagnie présentent des doléances infatigables jusqu'à ce
qu'on ait compris l'absolue nécessité de la fondation pro-
jetée. Ils ne se contentent pas de parler. Ils agissent sous
main, aplanissent des difficultés, préparent des résolutions,
prennent toutes les initiatives et en abandonnent Phonneur à
d'autres qu'ils mènent comme par la main.
Un obstacle à ce « renfermement », c'est un conflit qui a
éclaté entre les consuls de la ville et l'abbé Lambert, direc-
teur de l'Hôpital général et membre de la Compagnie*. Il
faut, à tout prix, que ce conflit arrive à son terme. Ils provo-
quent des démarches officieuses auprès des parties et,
n'aboutissant pas, songent un moment à une intervention
judiciaire.
Il a été résolu que M. Lambert serait prié de la part de la Compa-
gnie de poursuivre son procès contre les consuls, lequel pourra
donner occasion à Messieurs du Parlement de faire quelque bon
règlement entre le recteur et les consuls qui mettra fin à ce désordre.
Puis ils s'avisent qu'un arbitrage calmerait mieux les
esprits qu'un arrêt de la cour; et ils l'organisent. Ils s'arran-
gent pour que, des quatre arbitres, deux soient de la C^om-
pagnie, MM, de Ponat et Marnais, et les deux autres de la
Congrégation, MM, les conseillers de la Pvochette et de Bel-
mont. Naturellement, tout se termine suivant leurs désirs :
M. Clamais rapporte que les arbitres ont décidé de retirer des
registres de l'hôpital et de l'hôtel de ville les conclusions désa-
vantageuses à ^L Lambert; et qu'après, M. Lambert se démettrait
de la rectorie; ce que MM. les consuls accepteraient avec des formes
de remerciement des peines c{u'il a prises pour les pauvres et de la
satisfaction qu'ils ont de ses soins, ce qui serait couché sur les
registres^.
1. Archives municipales de la ville de Grenoble, 13 B. III, 2 juin Kiôi-i,
l'évocation du sieur Lambert, recteur de l'Ilopital.
2. Procès-verbaux, <i juin, 3 juillet, G août I(i58, 20 mars I<)Ô9.
3. Procès-verbaux, 20 mars et 21 mai 1659. Je crois fjue le secrétaire
de la Compagnie a commis une inadvertance en écrivant la première de
ces deux dates; il aurait dû inscrire un des premiers jours d'avril, car
deux séances qui se suivent sont datées du 20 mars.
180 ÉTUDES HISTORIQUES
Ce différend une fois réglé, on s'occupe des détails de
l'entreprise. Les confrères arrivent au « conseil des pauvres »
avec des idées nettes que le cénacle a discutées; ils appor-
tent des projets précis qui ont été préparés par une commis-
sion de la société secrète et approuvés par la société elle-
même en séance plénière. Avant même les corps compétents,
ils examinent et résolvent les questions que. ceux-ci auront
à trancher^ :
M. le prévôt Marchier a fait lecture de deux lettres, l'une du P.
Ville, l'autre d'un missionnaire de la Palisse, toutes deux adressées
à M. de Villiers, le premier offrant les services des Pères de la
Charité, et le second celui des religieuses hôpitalières pour la con-
duite de l'hôpital de Grenoble. On a jugé plus à propos de faire
venir les Pères que lesdites religieuses. Néanmoins on a résolu
que, pour digérer davantage la chose, ceux de cette Compagnie
qui sont du conseil des pauvres s'assembleraient dimanche pro-
chain pour prendre des résolutions plus précises et qu'ensuite
M. Marchier les proposerait à M. de Villiers comme venant de soi
eU'engagerait de les proposer au premier Conseil des pauvres, où
Messieurs de cette Compagnie qui en sont sont exhortés de s'y trou-
ver pour appuyer lesdites propositions de leurs suffrages^.
Les confrères agissent de même avec le Parlement. Ils
obtiennent de lui toutes les démarches nécessaires :
Pour ne laisser en arrière aucun moyen de parvenir à un établis-
sement si utile, M. le supérieur ayant offert de faire la proposition
le lendemain à la première chambre (où il avait sujet d'aller pour
quelque autre affaire), d'en faire parler de la part de MM. du Parle-
ment à M. le duc de Lesdiguières, la Compagnie l'a prié de s'en
ressouvenir et i\L de Beauchêne de soutenir cette ouverture avec
les autres MM. de la Compagnie qui sont de la même chambre^.
On devine ce qui arrive. Dans chaque assemblée, ce sont
ces hommes d'initiative, et bien au clair sur ce qu'ils veulent,
qui prennent peu à peu la direction de tout. Ils font voter les
1. Procès-verbaux, 15 et 2'.» juillet, li novemijre 1660.
2. Procès-verbaux, 30 novembre 1660.
3. Procès-verbaux, 31 Janvier et 26 décembre 1658, 0 janvier 1659,
7 avril 1661.
ÉTUDES HISTORIQUES 181
mesures qu'ils désirent, écarter celles qu'ils désapprouvent. Ils
s'y prennent si ingénieusement que M. de Villiers, chargé par
la municipalité de conduire l'affaire, finit par prendre pour
collaborateurs et confidents deux ou trois membres de la
Compagnie et met tout son zèle à suivre, sans s'en douter,
les instructions de la cabale*. Le traité signé le 11 juin 1661
entre la ville et les Pères de la Charité^ a été médité, préparé,
rédigé dans les conciliabules de ces quelques meneurs S* et,
quand le renfermement des mendiants est bien décidé, c'est
encore dans ces conciliabules que l'on résout toutes les ques-
tions financières et autres que cette mesure soulève l'une
après l'autre*.
L'histoire de l'Hôpital général n'est qu'un cas au milieu
d'une foule d'autres. La Compagnie a pris en main l'assistance
publique. Elle estime que le service de la bienfaisance doit
être réparti entre les diverses sociétés religieuses de la ville;
les enquêtes se feront ainsi avec plus de méthode et il y aura
moins de doubles emplois. Elle partage la ville en circons-
criptions charitables et amène chacune de ces sociétés à se
charger du « canton » qui lui est assigné. La Compagnie fait
en même temps l'œuvre de la police officielle, découvre les
scandales et les dénonce à qui de droit; elle possède, parmi
ses membres, un avocat général au Parlement, i\I. de Gales,
qui est toujours prêt à mettre le Parquet en mouvement. Elle
fait sévir contre les gens qui travaillent les dimanches et jours
de fête, contre les cabaretiers qui donnent à manger de la
viande pendant le carême, contre les brelans où l'on jure.
Elle fait interdire des marionnettes pendant le carême et
chasse les danseurs de corde qui se sont livrés à leurs exer-
cices durant l'office divin. Elle réclame l'arrestation des filles
de mœurs douteuses; quand les commissaires hésitent à les
1. Procès-verbaux, là novembre 1G60. M. de \ illiers est membre de la
Congrégation de la Purification (Le P. Pra, Les Jésuites à Grenoble.
p. 310), mais il ignore absolument l'existence de la Compagnie.
2. Voir Inventaire des archives hospitalières de Grenoble, l. II ^supplé-
ment), introduction, p. MU.
3. Procès-verbaux, 5 et 19 mai UKil.
4. Procès-verbaux, 9 et 17 mars, 13 et 20 avril, 21 mai, 28 Juin, 13 et
20 juillet, 3 et 11 août, 7 septembre 1602.
182 ÉTUDES HISTORIQUES
emprisonner sans mandat, elle a vite fait de leur procurer le
mandat nécessaire ^ Et si les pouvoirs publics ne s'émeuvent
pas, elle a recours aux grands moyens. Longtemps elle s'est
occupée avec irritation d'une fille surnommée la Dimanche.
Pour la faire condamner, elle a patiemment réuni des témoins
contre elle. Mais, le 4 mars 1660, on apprend que les gens
(( qui avaient parlé contre cette fille ne voulaient pas
déposer ». « Ce qui a fait résoudre, continue le procès-verbal,
de la faire enlever et mettre aux repenties. » L'on arrange
aussitôt un guet-apens pour le bon motif :
M. d'Hugues a dit de connaître celle Dimanche el qu'il raltirerail
où l'on trouverait à propos. Sur quoi M. de Guillemières a été
chargé de parler à M. de Chevrières pour parler à Mme du Faure
et à la supérieure des Carmélites pour les vingt écus qu'elle a pour
ce fait.
Le 18 mars, la Compagnie apprend que cette créature est
Internée.
La Compagnie ne se contente pas d'intervenir ainsi dans
les affaires civiles de Grenoble. Elle surveille l'administration
spirituelle du diocèse. Il y a un conllit entre le chapitre de
Saint-André et celui de Notre-Dame. Elle s'en émeut, d'abord
parce que cette dispute est un mal en elle-même^ ensuite
parce que la dignité des processions en souffre. Elle s'appli-
que donc à y mettre fin. Elle amène les deux parties à confier
leurs intérêts à des arbitres, elle travaille si bien que trois de
ceux-ci, nommés par les deux chapitres, sont trois confrères
et un de leurs amis qui s'entendent à merveille. Une fois le
différend terminé, elle fait tout pour l'empêcher de renaître".
Le Saint-Sacrement n'est pas porté aux malades avec tout
l'apparat désirable. On fait présenter sans cesse des obser-
vations à l'autorité compétente; une fois, c'est le vicaire de
Notre-Dame qui est réprimandé et qui promet de faire toujours
sonner la cloche dans cette circonstance; une fois, c'est un
1. Procès-verbaux, 23 avril l<i57, 13 novemiM'e 1658, 6, 16 cl 20 mars
1659, 5, 12, lu février, 2(') mai 16()(), 3 mars 1661.
2. Procès-verbaux, 21 mai 16."jV», 8 avril 1660, 25 mai 1661.
ÉTUDES HISTORIQUES 183
autre prêtre qui reçoit des observations pour n'avoir revêtu,
dans ce service, qu'une simple soutanelle. L'on réclame (juece
respect pour le Saint-Sacrement soit encore plus visible aux
processions; les prédicateurs reçoivent mission d'engager à
la modestie et au silence ceux qui prennent part à ces céré-
monies et MM. les magistrats sont invités à donner le bon
exemple en renonçant à faire porter la queue de leurs
robes ^
Il n'y a pas un détail qui échappe à ces pieux surveillants.
Un curé de village est trop vieux pour bien remplir ses devoirs.
On attire sur ce fait l'attention de l'évêque. On a remarqué
que les curés « s'accommodent trop aux volontés des pères
et mères qui diffèrent beaucoup le baptême de leurs enfants
sous prétexte d'attendre des parrains ou marraines. » On leur
procure une admonestation du vicaire général". On a observé
que les fidèles manquent souvent de tenue pendant les offices.
Le clergé est conduit à s'en préoccuper; une dame deman-
dant une messe à la sacristie de Saint-André, il lui est répondu,
à l'instigation de la Compagnie, « qu'il n'y en avait point pour
elle à cause du peu de respect qu'elle avait à l'église^. » On
fait réparer des sanctuaires, relever des clochers, construire
des chapelles^ nettoyer les alentours des monastères et des
églises, avertir les prêtres qui ont une conduite suspecte,
blâmer les prédicateurs qui emploient des termes inconve-
nants, organiser, après des outrages au Saint-Sacrement, des
processions et autres cérémonies expiatoires'. On menace
de poursuites un prêtre qui a tenu, par-devant témoins, des
propos téméraires contre l'autorité du pape^ On instrumente
contre un autre qui est accusé de sorcellerie '\ On s'efforce
d'établir l'adoration perpétuelle du Saint-Sacrement". On tra-
vaille à hâter la canonisation du bienheureux François de
1. Procès-verbaux, 14 et 28 déccmbi"e 1G56, 14 février 1658. 'A juin liiflO,
2. Procès-verbaux, 20 mars Kiô'.).
3. Procès-verbaux, 30 septembre 1660.
I. Procès-verbaux, 23 mai, 6 juin. 6 aoùl, 12 septembre 1658. 2:! Janvier
16.j9. 11 août, i novembre 1661. 20 Juillet 1<")62, 3 juin 1()63.
3. Procès-verbaux, 5 et 12 août 1660.
6. Procès-verbaux, 22 et 29 Juillet, 5 aoùl iG'io.
T. Procès-verbaux, 6 août et 12 septcmi)re 1658, 17 avril 165'.», etc.
184 ÉTUDES HISTORIQUES
Sales*... Qui dirige la vie spirituelle du diocèse? Est-ce
révêque ou la « cabale des dévols » ?
Pierre Scarron n'évite pas lui-même des ingérences plus
indiscrètes encore. Il y a longtemps que « Monseigneur» n'a
pas fait la visite de son diocèse. On lui fait rappeler constam-
ment son devoir : « A été résolu qu'on ne se lassera pas de
lui en parler. » Le prélat ne se décidant pas, on voudrait qu'il
confiât ce soin à l'évèque de Bethléem, Aulhier de Sisgau,
qui est bien dans l'esprit de la Compagnie. Il y a des moments
où il est sur le point de céder; puis il soupçonne que toute
son autorité passerait entre les mains de ce nouveau venu, il
se ressaisit, et il refuse. La cabale l'obsédera jusqu'à sa mort.
Elle y mettra d'autant plus de zèle que, dès 1664, elle est
informée que le successeur de Pierre Scarron sera un « prê-
tre de l'Oratoire^. »
IV
On soupçonne ce que ce comité d'action catholique doit
être pour les protestants. 11 faut le voir avec quelque détail.
La Compagnie du Saint-Sacrement ne néglige pas entiè-
rement les moyens spirituels de rétablir l'unité de croyance.
Surtout elle n'oublie pas de les fortifier par des procédés
rigoureux. Les Jésuites, avec l'appui du prince de Conti et
de l'archevêque de Turin, entreprirent, en 1657, une mission
dans la vallée de Pragela. La Société de la Propagation de
la Foi, qui n'était qu'une hypostase visible de la Compagnie
secrète, promit sa coopération. Pourtant, le P. Orale dut se
retirer après quelques semaines, ayant fait « plus de bruit que
de fruit ». La vraie campagne n'était pas commencée. En
mai 1659, le roi permit, par lettres-patentes, l'établissement
d'une mission fixe en Pragela; et le vice-bailli de Briançon
vint en personne installer les Pères Golier et Billet. Mais les
1. Procès-verbaux , 17, 24 el 31 mars 1661.
2. Procès-verbaux, 20 décembre 1057, 3, 17 et 31 janvier 165!S, ....27 jan-
vier, 27 février, 9 mars, 15 mai, 11 et 26juin, 24 el 31 juillet, V août, 11 et
18 septembre 1664.
ÉTUDES HISTORIQUES 185
huguenots étaient mal disposés. Quand les deux religieux,
a|3rès avoir assisté aux prêches, voulaient réunir les fidèles
et réfuter les ministres, personne ne les écoutait. Ils durent
partir. La Compagnie du Saint-Sacrement ne pouvait
prendre son parti de tous ces échecs *.
Le 31 juillet de cette année, elle se fait mettre au courant
de tous ces efforts infructueux, elle étudie une brochure con-
sacrée à cette mission " et décide de collaborer à celte œuvre.
Le 3 septembre, elle s'en occupe encore et souscrit 30(J livres
pour la construction d'une chapelle. Le président de Beau-
chêne, étant peu de temps après à Fénestrelles, appuie de
toute son autorité le P. Calemard, il l'accompagne au temple
pour entendre avec lui une prédication que le missionnaire
veut réfuter; il assiste à la controverse pour intimider la
population. Le succès est d'ailleurs médiocre^
Tandis que les Jésuites évangélisent, la Compagnie s'in-
forme régulièrement de ce qui se passe par là; et si le zèle
des Pères provoque quelque désordre, elle avise à mater les
récalcitrants :
M, l'avocat général de Gales a dit qu'à Pragela il y a eu encore
quelques insultes contre l'église, et que même, jetant de la boue contre
une fenêtre, la boue était tombée sur l'autel et jusque dans le calice.
A été résolu qu'on écrirait à M. le vibailli de Briançon pour tâcher
de faire quelques informations. M. de Gales a été prié de lui
écrire *.
Depuis près d'un an, les missionnaires, qui avaient fait
construire cette église, réclamaient la démolition d'un temple
de la vallée, celui de Balboutet; le 19 septembre 1661, le
commissaire du Parlement, Cappus, avait adjugé ce temple
I. Arnaud, Histoire des protestants du Dauphiné, t. Il, p. 150-1-J-2.
■2. Sans doute le Sommaire de l'état de la religion dans la vallée de
Pragela en Dauphiné. pai- le P. Meyei-, jésuite, 16rj9, 8 p. in-'i".
3. Le succès de la mission de Pragela ou véritable récit de la conférence
tenue à Fénestrelles le i" d'octobre 1630 entre le sieur Benjamin de Joux,
ministre du Saint-Evangile en l'église dudit lieu, et le sieur Marc-Antoine
Calemard, etc., Genève, 1660, 248 p. in-8'.
4. Procès-verbaux, 22 janvier 1662.
Ll. - \\
186 ÉTUDES HISTORIQUES
au prieur de Menloules. Les Vaudois en ayant appelé au roi,
un arrêt du Conseil, du 2G octobre 1661, chargea le Parlement
de Grenoble, et non la chambre de TEdit, de juger cette
affaire. En janvier 1662, le Parlement avait rendu un premier
arrêt défendant, entre autres choses, aux ministres de Pragela
de prêcher hors du lieu de leur résidence et de faire sonner
la cloche du temple de Balboulet. De là l'irritation des habi-
tants que la Compagnie s'appliquait à réprimer ou plutôt à
exploiter pour la bonne cause. Peu de temps après, les trois
pasteurs de la vallée étaient condamnés à des amendes qu'on
devait attribuer à la réparation de la chapelle, et l'un d'eux
était banni pour cinq ans*.
En réalité, la cabale comptait sur autre chose que la simple
proclamation de ce qu'elle jugeait la vérité. Elle cherchait
partout les hérétiques dans la misère. Elle les poursuivait,
leur promettait du travail^ de l'argent, des protections :
M. du Croisil a proposé qu'un homme et une femme mariés, de
la religion prétendue réformée, demeurant à Saint-Laurent et étant
en nécessité, la Compagnie leur faisant la charité depuis quelque
temps, lui ont promis de se convertir : dont il donnait avis... M. du
Croisil est prié de continuer cette bonne œuvre. Cependant on a
ordonné une pièce de trente sols, sauf à leur faire plus ample charité
après leur conversion-.
Quand le « saut » était fait, elle les surveillait étroite-
ment :
M. Guérin a prié M. le directeur de la Propagation de vouloir bien
faire visiter une femme d'un nommé Jaquin, qui a été autrefois de
la religion, et qu'il a appris que les religionnaires sont après à la
gagner et, par ce moyen peut-être, n'étant pas abandonnée, on la
pourrait retenir en noire religion ■.
Elle les forçait à rompre toutes relations suspectes, les
menaçant, non seulement de les abandonner à leur détresse,
1. Cf. Arnaud, Histoire des protestants du Dauphinc, t. II, p. 153-154.
2. Procès-verbaux, 30 novembre 1660.
3. Procès-verbaux, 9 mars 1656.
ÉTUDES HISTORIQUES 187
mais encore d'altirer sur eux les chAliments promis aux
relaps.
M, de Gales a averti la Compagnie que le nommé Rossignol,
relaps huguenot, qui a été banni pour cinq ans, a eu la hardiesse
de paraître ayant femme et enfants; on l'a constitué prisonnier et
on lui fait son procès *.
Elle trouvait, d'ailleurs, très insuffisantes, les pénalités
promises à cette sorte de criminels et elle en réclamait sans
cesse l'aggravation; elle aurait voulU;, tout au moins, être
armée d'une défense aux catholiques de se laisser séduire
par l'erreur protestante. Elle revenait chaque année sur cette
question :
& février 1659. — M. de Beauchène a demandé si quelqu'un de
la Compagnie a su qu'il y eût quelque arrêt ou déclaration du roi
contre les relaps de l'hérésie. De quoi personne n'a eu connais-
sance.
29 février 1660. — La Compagnie a jugé à propos d'écrire à
MM. de notre Compagnie à Paris, après que le roi sera de retour
dans cette ville, pour employer leurs soins à obtenir un arrêt de Sa
Majesté portant défense aux catholiques de se pouvoir faire hugue-
nots.
1 juillet 1661. — M. Ponat a dit d'avoir ouï dire que le roi étant
à Bordeaux avait fait une déclaration enregistrée aux Parlements
de Toulouse et de Bordeaux portant défense aux catholiques de
changer de religion et de se faire de la R. P. R. ; et M. Marnais
s'est chargé de faire écrire à Bordeaux, et M. Marchier à Toulouse,
pour en savoir la vérité afin d'en pouvoir obtenir une semblable
pour cette province et même pour tout le royaume.
En même temps, la Compagnie organisait le « boycottage »
des récalcitrants. M. Roux annonce qu'(( il a averti le nommé
Charvyx du scandale qu'il donnait en permettant que ses
enfants fussent élevés dans la religion de sa femme ». Cet
individu « n'a pas promis d'y pourvoir ». « Sur quoi MM. de
1. Proci'S-verbaiix . (> août 16()U.
188 ÉTUDES HISTORH^UES
la Compagnie ont été priés de lui en parler en le menaçant
de n'acheter rien dans sa boutique «. Un autre jour, « il a été
proposé d'exhorter les catholiques de n'employer que des
artisans catholiques à l'exclusion de ceux de la R. P. R. ». Il
a été résolu que cette mesure si bonne « serait laissée à la
prudence de chacun ». Le rêve des confrères serait de fer-
mer entièrement Grenoble aux hérétiques :
M. de Combes ayant observé que depuis quelque temps des arti-
sans huguenols s'établissent en cette ville, M. le président de Che-
vrières est chargé d'en parler à M. le premier consul pour faire
résoudre dans un conseil (|u'on ne permettra que personne s'éta-
blisse sans de bonnes attestations de leurs vie et mœurs *.
Il est clair que ce certificat ne saurait être accordé aux
mal pensants. Ils iront gagner leur vie ailleurs; et, si on leur
en refuse ailleurs la permission, ils verront s'ils veulent per-
sévérer dans leurs mauvaises doctrines.
On « boycottait » d'autre manière encore les protestants.
Le 16 septembre 1655, le cénacle reçoit une lettre des amis
de Paris priant « de députer quelqu'un de cette Compagnie
pour veiller à ce que ceux de la R. P. R. ne prennent point
à leur service, en boutique ou autrement, des catholiques,
crainte que ce ne soit pour les convertir ». Un espionnage
attentif entourait les gens « en condition » chez des héré-
tiques ; et les confrères discutaient longuement sur les racon-
tars recueillis. Etait-il vrai, par exemple, qu'un menuisier
prolestant, Vivarès, eût forcé sa servante, une catholique, à
manger de la viande les jours défendus ? L'enquête pouvait
durer des semaines ou des mois. On interrogeait la fille; on
notait avec joie — ou avec dépit — ses dénégations; puis on
insistait encore, jusqu'au jour où la servante comprenait
qu'elle aurait tout profil à se rendre intéressante auprès de
fanatiques avides de recevoir une plainte. Et les dames bien
pensantes de la ville lui procuraient une place plus avanta-
geuse -.
1. 4 mai et 6 Juillet 1(556, 28 lévrier 16(3(3.
2. Procès-verbaux, 20 et 27 mars, 8 et 21 mai 1659. — Cf. 3 et 10 mars,
21 et 28 avril, 19 et 25 mai, 21 juillet H561. — Le 21 avril 1661, on renou-
ÉTUDES HISTORIQUES 189
Tandis qu'elle disputait aux uns leur gagne-pain, la cabale
fermait aux autres les professions libérales. Elle faisait tout
pour les écarter des offices de judicature :
M. l'avocat général a remontré comme Messieurs de la religion
prétendue réformée cherchent à établir autant de notaires qu'ils
peuvent de leur religion. A quoi peut-être par une requête on don-
nerait quelque empêchement. Ce qui a été résolu.
A une autre séance, on connaît le résultat de celle dé-
marche :
M. de Gales a dit comme MM. les gens du roi sont résolus d'em-
pêcher cette quantité de notaires que ceux de la Px. P. ï\. font tous
tous les jours *.
La Compagnie redoutait et gênait l'établissement de méde-
cins huguenots dans la ville. C'est qu'elle estimait que les
médecins, tout en soignant les corps, devaient aider à la
purification des âmes :
M. Marnais est prié de parler à M. de \'illerranche pour le faire
ressouvenir de l'arrêt que la Cour a fait il y a quelque temps par
lequel il est ordonné aux médecins d'exhorter leurs malades à se
confesser et à communier avant de leur ordonner quoi que ce soit.
M. Lambert s'est chargé d'en parler à MM. du Bœuf et Mathieu, et
^L de Saint-Ferjus à ^L de Grandpré.
On donnait suite à des délibérations de ce genre :
M. Lambert, qui avait été chargé de parler à M. du Bœuf pour
que MM. les médecins fussent un peu plus exacts à faire confesser
et communier leurs malades avant toutes choses, a rapporté qu'ils
s'étaient assemblés pour cela chez M. du Bœuf, leur doyen, et qu'ils
seraient dorénavant ponctuels en cela.
vêla « les résolutions prises de détourner autant qu'on en trouvera locca-
sion les calholiques de servir des maîtres huguenots comme en outre de
ne se servir pas d'artisans huguenots ».
I. Procès-verbaux, l" et 14 décembre I(>.j6.
190 ÉTUDES HISTORIQUES
A la séance suivante, on y revenait encore et M. de Gales
est prié de faire signifier au collège des médecins l'arrêt que
la Compagnie a obtenu. Les médecins de Grenoble avaient,
d'ailleurs, un tel zèle contre les mécréants qu'on les voit, en
1662, enlever ses pratiques à un apothicaire parce qu'il est
soupçonné de pencher vers le protestantisme. La Compa-
gnie est obligée d'intervenir en faveur du pauvre marchand
de drogues *.
La cabale ne pouvait pas se contenter de ces moyens dé-
tournés pour faire comprendre aux hérétiques qu'ils n'étaient
que tolérés et qu'ils l'étaient avec impatience. Il était jugé
très ingénieux de leur imposer toutes sortes de mesures qu'ils
déclaraient vexatoires, mais dans lesquelles on ne voulait
voir que des actes de respect pour la religion du roi. On
n'avait pas assez de les forcer à saluer le Saint-Sacrement
dans la rue. On entendait qu'aux jours de procession la façade
de leurs maisons fût « tendue » et ornée :
M. le prévôt Marchier ayant pris garde qu'à la dernière proces-
sion du jubilé, Mi\L de la ville n'avaient point fait tendre selon la
coutume au devant des huguenots, il a été prié d'en dire un mol à
M. de Villiers pour tâcher d'y remédier à l'avenir ^.
On affectait en même temps de les présenter au public
comme des pestiférés moraux avec lesquels il était inconve-
nant de frayer.
M. Marnais a dit qu'à Romans, M. de Villefranche étant mort, il
y a trois catholiques qui assistèrent à son enterrement et portèrent
les coins du drap... On espère que sur la plainte qu'on en f^era à
Mgr de Vienne, il empêchera dorénavant ce désordre ^.
1. Procès-verbaux, II, 18 el 26 aoùl 1661; 26 août 1662. I^'arrèl auquel
il est lait allusion est du 2'i juillet I6'j5, Archives départementales de
l'Isère, B. 2229. L'inventaire sommaire ne donne pas la date de l'ar-
rêt; je la dois à rohliyeance de M. A. Prudhomme, qui veut bien me
dire aussi que ce document reproduit les prescriptions d'un ancien arrêt
du même Parlement de Grenoble, rendu le 7 mars 1038.
2. Procès-verbaux. 2!~! décembre 1656.
.3. Procès-verbaux, 2<) juillet 1662.
ÉTUDES HISTORIQUES 191
Tous ces procédés ayant pour but de faire sentir à la foule
que les hérétiques sont hors de rhumanité, il ne faut pas s'éton-
ner si la foule s'imagine parfois que tout lui est permis contre
eux. Mais, dans ce cas, il faut protéger les braves gens qui
se laissent emporter par leur zèle. Une femme, par exemple,
s'est faite huguenote, et on a provoqué des désordres contre
elle. M. Roux expose à la Compagnie qu'il faut tirer de peine
«certains habitants qui se trouvent chargés de discours assez
séditieux et desquels ils ne doivent attendre que disgrâce et
possible châtiment » ; on les fera prier de rentrer dans le
calme et le Parquet laissera tomber l'affaire ^
Les huguenots invoquent en leur faveur l'édit de Nantes.
En sachant s'y prendre, on doit se servir contre eux de cet
Êdit. Chaque Compagnie excelle dans cette besogne, et celle
de Grenoble autant que les autres. Elle épie les termes sous
lesquels les ministres sont désignés. Un confrère tient du
P. Calemard qu'à Die certains s'intitulent « pasteurs de la
religion réformée w; M. de Chevrières promet d'examiner les
textes et, s'il y a lieu, d'atlirer une affaire aux contreve-
nants'-. En 1G61, des deux pasteurs de Grenoble, l'un,
Burlamachi, est malade; l'autre, d'Yze, est en mission; l'é-
glise prie les pasteurs de Genève de lui venir en aide, et
ceux-ci lui envoient de Montheux \ La Compagnie s'émeut
aussitôt :
M. du Crois!! a dit avoir appris comme les huguenots voulaient
introduire de nouveau un troisième ministre et que même plusieurs
catholiques Tétaient allés ouïr, cç qui était cause que les huguenots
en faisaient grande fêle, et qu'il espérait que M. l'intendant aurait
bientôt ordre pour y remédier; cependant qu'il jugerait à propos
d'empêcher le plus qu'il se pourra que les catholiques ne fréquentent
ce lieu dorénavant : ce qui a été trouvé fort à propos*.
L'année suivante, ce sutTragant est remplacé par Samuel
Bernard, qui ne rencontre pas moins de faveur. Nouvelle
1. Procès-verbaux. (> octobre 1()()1.
•2. Proccs-verbattx. (> février I6(il.
3. Arnaud, Histoire des protestants du Dauphiné, tome II, p. 239.
-i. Procès-verbaux, 22 septembre IGGl.
192 ÉTUDES HISTORIQUES
émotion de la Compagnie. M. de Ghevrières craint que « ce
jeune qui prêche avec grande approbation » ne gagne
« quelques âmes faibles );. M. de Gales est prié d'en parler à
la chambre de TÉdit. Il y a là un conseiller prolestant,
M. Tonnaud, qui connaît à fond tous les articles accordés
à ses coreligionnaires. Si ceux-ci ont bien le droit d'avoir ce
pasteur, il ne manquera pas de le soutenir. Dans ce cas, on
renoncera à discuter sur ce terrain et l'on demandera Téloi-
gnement de Bernard en qualité d'étranger ^
La surveillance inquiète de la Compagnie s'étendait sur
toute la province. Son intervention se marquait partout. Tout
pasteur qui prêchait hors de son église était immédiatement
dénoncé-. Tout groupe de protestants isolés qui s'avisait de
recevoir un prédicateur était aussitôt Tobjet de poursuites •'.
La Compagnie, à l'affût de toutes les vexations possibles,
ne manquait jamais de savoir en quel village il serait séant de
contraindre les huguenots à abandonner leurs cimetières ^
C'est à elle qu'on a dû, dans le Dauphiné, la réussite de ce
plan machiavélique, chef-d'œuvre de la casuistique adaptée
à la persécution, qui s'est appelé l'application de l'édit de
Nantes à la rigueur.
V
C'était un coup de génie, pour les ennemis de la Réforme,
que d'avoir créé dans chaque ville une société toujours aux
aguets, pratiquant un espionnage patient et sans scrupules,
appelant immédiatement la répression du moindre délit et
de délits parfois imaginaires. Mais une chose est plus impor-
tante que le travail de chaque Compagnie prise à part; c'est
1. Procès-verbaux, 22 janvier 1662. Je dois le nom de Samuel Bernard
ù M. le pasleur Arnaud, qui a i>ien voulu me communiquer ce détail de
la deuxième édition (encore non publiée) de son Histoire des protestants
du Dauphiné. Qui! me permette de l'en remercier ici, comme de l'obli-
neance avec la(|uelle il a répondu à toutes mes (|iieslions.
2. Procès-verbaux, 18 mai, l'^el 22juin, 20Jui[let, 3 août 1650.
:5. Procès-verbaux, 11 juin 166.").
'i. Procès-verbaux , 23 mai, 6 juin, 2\ novembre 1661.
ÉTUDES HISTORIQUES 193
la collaboralion de toutes à l'œuvre commune. Il est impos-
sible d'imaginer une entente plus élroile et une coopération
mieux concertée.
La Compagnie de Paris avait commencé, en 1638, à se
documenter sur les contraventions des huguenots dans les
provinces. En 1654, le 8 janvier, elle nomme une commission
qui sera spécialement chargée de dépouiller les dossiers
envoyés par les succursales. Elle exhorte en même temps
celles-ci à redoubler d'activité, et elle revient sans cesse
sur celte exhortation. Le 16 septembre 1655, les confrères de
Grenoble reçoivent une lettre par laquelle ils sont priés de
réunira des mémoires des entreprises que font ceux de la R.
P. R ». Cette lettre est une circulaire adressée à toutes les so-
ciétés affiliées. A la finde l'année, les rapports arrivent à Paris
en si grand nombre qu'il faut confier à quelques délégués le
soin d'en extraire l'essentiel pour l'assemblée du Clergé *.
Mais comme le travail n'effraie pas les chefs de la cabale, ils
invitent leurs correspondants à enrichir encore leurs dénon-
ciations. Le 26 février 1656, la Compagnie de Grenoble est
sollicitée, une fois de plus, de « tâcher à recueillir tout au-
tant que l'on pourra les arrêts, plaintes et mémoires et in-
structions qui regardent les entreprises des religionnaires ».
Elle reçoit, pour la guider dans cette enquête, un question-
naire sous trente-et-un chefs. Elle s'en occupe dans toutes
ses séances. Elle travaille d'accord avec ses amis de la Pro-
pagation. Le « paquet » est envoyé en double à Paris, à la
Compagnie du Saint-Sacrement et à celle de la Propagation
de la Foi".
Les mémoires de la Compagnie parviennent bien à leur
adresse. Jamais on n'en avait tant vu à l'assemblée du Clergé.
Celle-ci mit dans ses réclamations une âpreté violente. La
cabale sentit qu'elle avait victoire à peu près gagnée, quand,
par la déclaration du 18 juillet 1656, la Cour ordonna l'envoi
de commissaires chargés de connaître, dans toutes les pro-
1. Annales, p. W, 81 b, 8s è (B.-F. 77, I4<j, 157).
2. Procès-verbaux, 16 septembre KlSô, -20 janvier, 10 et 29 février, ".i mars.
(•> avril KIÔC). — Le questionnaire dont il est parle est sans doute une pre-
mière édition de celui que nous rencontrerons tout à l'heure.
194 ÉTUDES HISTORIQUES
vinces, des infractions commises à l'édit de Nantes. Elle
s'entendait à soulever des chicanes interminables et surtout
à en tirer de nouvelles vexations pour les hérétiques. Mais le
départ deces personnages fut retardé pendant quelques années.
Il fallait, à tout prix, qu'une si bonne mesure fût exécutée. On
commença par préparer la prochaine assemblée du Clergé à
le réclamer. La Compagnie recourut au moyen qui lui avait
déjà réussi. « Comme alors, dans l'assemblée du Clergé, dit
d'Argenson, il y avait des prélats pleins de bonne volonté
pour détruire Ihérésie, ils demandèrent à la Compagnie des
mémoires pour mettre ordre aux entreprises des huguenots.
Sur cette proposition, on nomma des commissaires pour tra-
vailler à l'examen des contraventions par eux faites à l'édit
de Nantes, et M. l'Eschassier, maître des comptes, homme de
solide vertu et de grand sens, fut chargé de faire une lettre
circulaire pour l'envoyer à toutes les Compagnies, afin d'avoir
des mémoires assurés de toutes les contraventions faites à
cet Édit*. »
Cette lettre accompagnait un questionnaire à remplir : Chefs
principaux des entreprises des religionnaires qui se peuvent
subdiviser en plusieurs branches selon les circonstances du fait
ou la qualité des entreprises ou contraventions. A Grenoble,
on en prit connaissance le 22 juillet 1660, et Ton se mit immé-
diatement au travail. Mais la besogne était déjà faite, et fort
bien, par la « Propagation ». Il n'y eut qu'à expédier à Paris
les mémoires qui semblaient avoir été préparés d'avance
tout exprès. Toutes les Compagnies du royaume en faisaient
autant. Plus encore qu'en 1655, les députés du Clergé furent
munis de rapports de police ^
1, Annales, p. 117 b (B.-F. 202).
2. Procès-verbaux, 22 juillet iOGO. Voici le texte du questionnaire :
« 1° Bâtiments des temples ou cimetières depuis l'Edit de Nantes
autres qu'aux lieux portés par icelui ou en vertu des lettres du roi véri-
liées dans le parlement, ou sur les terres de l'Eglise ou trop proche des
églises ou cimetières et dans les distances portées par les arrêts ou sur
terres des scii^neurs catholicjues sans leur permission.
« 2° Usurpation des biens de l'Eglise.
« 3° Irrévérences contre le Saint-Sacrement, cérémonies de l'Eglise et
ses ministres.
ÉTUDES HISTORIQUES l'G
Les protestants se sentaient terriblement menacés. Ceux
du Dauphiné, ayant appris que [intendant avait reçu Tordre
de faire exécuter tous les arrêts et déclarations rendus contre
« '1° Transgression des fêtes en plusieurs j^ortes de chels contre les
édils, arrêts et règlements de police.
« 5' Décharge de tendre devant leurs portes aux octaves du Saint-Sa-
crement et de se mettre à genoux.
« 6° Prêches et assemblées dans la maison des ambassadeurs d'autres
que leur famille, seigneurs de condition, gentilshommes et particuliers.
« 7° Prêche des ministres étrangers.
« 8» Exercice caché de la religion luthérienne.
« 9° Ministres qui prêchent en deux, trois ou (|uatre temples par
annexes.
« 10" Prêches dans les terres des seigneurs autres que ceux de leur
résidence ordinaire.
« 11° Dogmatismes, séductions et sollicitations des catholiques, parli-
culiérement des domestiques.
« 12° Irrévérences lorsqu'on administre les sacrements aux domestiques
et empêchement pour les recevoir.
« 13° Admission dans ies charges au préjudice des édits: lettres tic
provision par apostasie et contre les déclarations et articles de réduction
des villes.
« 14" Réception des métiers et particulièrement de celui de lingères à
cause de sa conséquence de l'instruction des filles.
« 15° Apostasie pour les mariages.
« 16° Académies pour l'instruction des gentilshommes.
« 17° Collèges.
« 18° Petites écoles.
« 19° Hôpitaux.
« 20° Patronage des cures dépendant des terres des religionnaircs.
« 21° Livres sans privilèges et pour pervertir les catholiques, scanda-
leux contre l'honneur du Saint-Sacrement, du pape et de l'Eglise et dé-
bités hors des lieux de l'exercice de leur religion.
« 22° Images des fameux hérésiarques au titre de ministres de la Pa-
role de Dieu.
« 23° Taxe des catholiques pour les appointements des ministres con-
jointement avec les religionnaircs.
« 2i° Exemption des tailles et logements des gens de guerre en faveur
des ministres.
« 25° Surcharge des tailles des catholiques à la décharge des religion-
naires.
« 26° Entreprises sur les charges des villes et partages des consulats.
« 27° Lieutenances du roi et gouvernement des provinces.
« 28° lintreprises des chambres mi-partie.
« 29» Lettres de naluralilé pour les ministres étrangers.
« 30° Corruption de bibles et altération de leur version des psaumes et
confession de foi.
« 31° Députés généraux. »
1% ÉTUDES HISTORIQUES
eux les années précédentes, envoyèrent aussitôt à la Cour
une dépulation solennelle « afin d'obtenir la révocation des-
dites commissions, arrêtés et déclarations ». La dépulation
était composée de Laurent de Périssol, président de la
chambre de l'Édit, Alexandre d'Yze, pasteur de Grenoble,
Pierre de la Tour, marquis de la Gharce, et Antoine Caritat
de Gondorcet*. Mais la Gompagnie de Paris veillait, et celle
de Grenoble fut avertie sans retard :
M. le supérieur a fait voir des mémoires de MM. de la Compa-
gnie de Paris touchant les demandes que font au roi ceux de la reli-
gion et les plaintes qu'ils forment contre les catholiques. A été résolu
que M. de Beauchêne les examinerait pour en envoyer des instruc-
tions à M^L de la Compagnie de Paris.
Quelques jours plus tard, le coup était paré :
M. de Beauchêne a Iules réponses qu'il a faites au dos des mémoires
envoyés par MM. de Paris. A été résolu de les envoyer avec un
mémoire donné par MM. de la Propagation, et M. de Sainl-Ferjus a
été chargé de faire la dépèche'-.
Les députés huguenots pouvaient réclamer à leur aise, ils
s'adressaient à des gens qui recevraient sous main toutes
les indications nécessaires pour des répliques de parti pris.
Tous ces efforts ne furent pas inutiles. Le 15 juin 1661,
Louis XI\ répondit favorablement aux députés duGlergé qui
le priaient d'apprendre aux Réformés « que leur religion n'était
que tolérée en France ». 11 promit que la déclaration du
18 juillet 1656 serait exécutée. Les commissaires se mirent
aussitôt en marche. La Gompagnie leur avait ménagé partout
une cordiale réception. Dés 1660, l'Assemblée du Glergé,
émerveillée sans doute par l'ordre et la précision des papiers
dénonciateurs, n'avait rien imaginé de mieux que de les imiter.
Le 6 octobre, elle avait approuvé un formulaire de questions
qui devait être distribué dans tous les diocèses et diriger ceux
qui travailleraient contre les religionnaires. Il n'y a qu'à le lire
1. Arnaud, Histoire des protestants du Djiiphiiié, t. Il, p. bO.
2. Procès-verbaux, 12 et 21 décembre 166(.).
ÉTUDES HISTORIQUES 197
pour être frappé de son air de famille avec celui que la Com-
pagnie du Saint-Sacrement avait dressé depuis longtemps'.
11 fut expédié en 1661 afin d'ouvrir les voies aux commissaires.
La Compagnie ne se reposait pas, d'ailleurs, sur le zèle des
évêques, même éclairés par elle. Dans chaque diocèse, les
succursales du « Saint-Sacrement » suivaient de très près
l'œuvre entreprise. Où qu'ils aillent, les commissaires du
roi sont accueillis par des personnages serviables qui s'em-
pressent auprès d'eux, se tiennent à leur disposition, facilitent
leur tâche par tous les moyens, les promènent dans la région,
leur procurent des informations, des documents, des pièces...
Ainsi, à Grenoble, le 4 août 1661, les confrères se disposent
à les aider :
Il a été proposé que, M. de Champigny étant en cette ville et se
préparant à travailler à la commission que le roi lui a dressée pour
informer des contraventions aux édits de Nantes, il serait à propos
de lui donner tous les mémoires et instructions concernant lesdites
contraventions, et cependant d'exciter Mgr de Grenoble pour charger
quelqu'un de MM. les ecclésiastiques, habile et intelligent, pour
accompagner M. l'intendant et faire les réquisitions nécessaires.
Il n'y a pas de temps à perdre et l'on n'en perd pas :
M. du Croisil, M. Lambert et M. Perrot ont parlé à M. l'intendant
et lui ont remis des mémoires entre les mains pour ce qui regarde
les contraventions à l'édit de Nantes. M. l'intendant les a priés de
donner toutes les instructions qu'ils jugeraient nécessaires pour cela
et de lui écrire même durant sa marche, s'ils venaient à découvrir
quelque chose de nouveau, et surtout il leur a témoigné grande pas-
sion pour la démolition du temple de cette ville 2.
On sut nourrir ces bons sentiments. Les commissaires ne
se mirent vraiment au travail qu'en 1664. La distribution des
l. Mémoires pour examiner les infractions faites aux édits et déclara-
tions du Roy par ceux de la Religion prétendue réformée, avec une lettre
circulaire de l'assemblée générale du Clergé à Messeigneurs les prélats de
ce royaume et se terminant par une lettre de MM. les agents datée du
lô juin 1661. — A l^aris, chez A. Vilré, M.DC.LXl. Cf. Elle Benoit. His-
toire de l'Edit de Nantes, Lomé III, p. 367 et s.
■2. 4 et 11 août 1661.
198 ÉTUDES HISTORIQUES
questionnaires à Tusage des persécuteurs avait recommencé
par toute la France. « On vit, dit Jean Claude, des écrits
imprimés à Paris, envoyés par toutes les villes et par toutes
les paroisses du royaume, jusqu'aux plus petites, qui portaient
ordre aux curés, marguilliers et autres, de faire une exacte
recherche de fout ce que les prétendus réformés pouvaient
avoir fait ou dit depuis vingt ans, tant sur le sujet de la Reli-
gion qu'autrement, d'en faire des informations devant les
juges des lieux et de les pousser sans aucune rémission* ».
Nous saisissons le fait à Grenoble; il était le même partout.
M. le doyen a rapporté que Mgr de Grenoble avait convoqué chez
lui le jour auparavant MM. du clergé, pour leur faire voir des mé-
moires qu'on lui a envoyés pour avoir des instructions sur les con-
traventions que ceux de la R. P. R. ont faites en ce diocèse à l'édit
de Nantes. Il a prié les particuliers de cette Compagnie, s'ils ont
quelques instructions sur cette matière, de les lui donner; cependant
la Compagnie l'a exhorté à faire travailler le plus diligemment qu'il
pourra à la députation que MM. du clergé de ce diocèse doivent
faire pour cela et faire en quelque sorte que celui qui sera nommé
soit vigoureux et intelligent pour la poursuite de cette affaire.
M. le supérieur a dit qu'il a reçu de pareils mémoires que ceux de
Mgr de Grenoble, et a prié aussi MM. de celte Compagnie, s'ils ont
quelque connaissance du temps auquel on commença à faire la nou-
velle enceinte de cette ville, de celui auquel on a bàli dans ladite
enceinte, et de celui auquel le nouveau temple de cette ville a été
construit, de lui en donner des mémoires^.
Le 9 mars, la Compagnie est informée que l'on travaille
assidûment à dresser de nouveaux dossiers contre les entre-
1. Les plaintes des protestants... (Edit. F. Puaux), p. II.
2. Proces-verbaitx, 25 février "1064. — La convenlion signée par Lesdi-
<;uières en 1590 avait assigné à l'exercice du culte prolestant le fauboui-g
Trés-Chiti-es, situé hors des remparts. Ce faubourg, ayant été compris
dans le tracé d'une nouvelle enceinte de la ville, les catholiques récla-
mèrent la démolition ou la désaffectation du temple. Mais, malgré les dé-
marches de l'évèque qui voulait donner aux jésuites cet édifice ou du
moins le terrain sur lequel il était construit, Louis XIII décida, le 22 avril
1627, que les réformés resteraient en possession de leur temple. Il s'agis-
sait, en 1664, de reprendre cette vieille réclamalion et de la faire aboutir.
Cf. le P. Pra, Les Jésuites à Grenoble, p, 43-45.
ÉTUDES HISTORIQUES 19ï)
prises des huguenots. Elle avait, auprès des commissaires
royaux, un collaborateur entreprenant, le jésuite Meynier;
Comme naguère en Languedoc, celui-ci s'était fait, en Dau-
phiné, leur guide bénévole. Par lui, la Compagnie suivait de
très près la marche de Taffaire. Son écrit. De l'exécution de
rÉdit de Nantes dans le Dauphiné\ condense les recherches
et les arguments du comité occulte ; et ce comité étudie sévè-
rement toute réplique que les persécutés prétendent lui
opposer. Le 11 juin, M. de Beauchène sechargea d'examiner
« la réponse que M. D'Yze a faite à l'écrit du P. Meynier- ».
et, peu de temps après, le P. Meynier mit au jour un second
libelle : De la démolition de tous les temples ou lieux d'assem-
blée pour les exercices publics, de ceux de la R. P. R. qui ne sont
pas hors des villes, bourgs et villages^... La moitié des temples
du Dauphiné eurent bientôt disparu.
A la date du 15 juin 1G61, une période s'était ouverte dans
l'histoire des Réformés de France, celle de chicanes achar-
nées qui devaient aboutir à la révocation de l'édit de Nantes.
La Compagnie du Saint-Sacrement, chorège invisible de la
tragédie, ne s'y trompa point : « Et ce fut, écrit son historio-
graphe, le commencement de la destruction de l'hérésie dans
le rovaume*. »
VI
Nous approchons de l'époque où la pieuse conspiration,
ayant d'ailleurs produit tous ses effets, devait être poursuivie
et traquée parles autorités civiles et religieuses. La Compa-
gnie du Saint-Sacrement devait succomber sous l'attaque des
évêques, jaloux de sauvegarder leur pouvoirdanslesdiocèses.
1. \'aleiK-e, Kii'i, in-V, 42 pag-es.
2. Il s'agit ici certainement de la brochure anonyme : Les Contrevérités
du P. Meymier sur l'exécution de l'Edit de Nantes. M. Arnaud (Hist. des
protestants du Dauphiné, t. II, p. 86) s'est demandé si elle n'était pas de
l'avocat Ghamiei-, de Montèlimar. Nous voyons que les contVci'es l'attri-
buent à d'Yze.
3. (Valence), in-'i°, n pages.
4. Annales, p. 118 (B.-F. 203).
200 ÉTUDES HISTORIQUES
et du roi, préoccupé d'éviter une nouvelle Fronde... Restons
à Grenoble. A chaque séance, le secret est recommandé aux
confrères. A partir de 1658, celte recommandation est parti-
culièrement pressante. Le 30 septembre 1660, des nouvelles
tout à fait alarmanles arrivent de la capitale :
Nous avons reçu une lettre de nos amis de Paris par laquelle ils
nous marquent qu'on a dessein pour détruire notre Compaj^nie,
qu'on fait ce qu'on peut pour nous découvrir. Ils nous prient d'être
dorénavant plus secrets que jamais, de cacher nos registres, de ne
nous assembler que de quinzaine en quinzaine, de changer le lieu
et les jours de nos assemblées.
A été résolu que les registres seraient remis à M. de Combes,
que nos assemblées seraient de quinzaine en quinzaine, et qu'on
changerait le jeudi au dimanche, que chacun en son particulier ferait
des prières pour détourner cette persécution, que la Compagnie
ferait dire une neuvaine de messes à N.-D. de Mians à ce dessein.
M. le supérieur y allant s'est chargé de cela.
A Paris, la tempête s'abat sur la cabale .A Grenoble, tout
est calme. Cependant les confrères éprouvent, de temps en
temps, d'assez vives alarmes. Certain jour, le 24 mars 1661,
leur bon ami, M. de Villiers, qu'ils mènent si joliment, raconte
à l'un deux, M. de Combes, qu'une assemblée de dévols, qui
se tient chez M. de Saint-Ferjus, s'oppose au renfermement
des pauvres. C'est, en effet, chez M. de Saint-Ferjus que la
Compagnie se réunit souvent. On commence donc, dans le
public, à soupçonner l'existence de la société, bien qu'on se
trompe lourdement sur sa besogne réelle, l^our mieux dé-
router M. de Villiers, on s'assemblera jusqu'à nouvel ordre
chez son confident, M. de Combes.
Quelques mois plus tard, c'est un autre propos plus grave
qui est rapporté :
M. le doyen a dit comme M. le grand-vicaire lui a assuré de savoir
de fort bonne part comme dans toutes les grandes villes il se fait
des Compagnies de gens dévots qui veulent gouverner là où ils sont
établis, et que même il y a des livres composés sur cela. Il croit que
cet avis ne doit pas être méprisé, afin que, par une prévoyance,
ÉTUDES HISTORIQUES '-Ol
nous lâchions d'éviter d'être soupçonnés de semblables assemblées.
La Compagnie, ayant appris que le livre a été composé contre la
Compagnie de Caen, et qu'il est présentement entre les mains de
M. de (no7n illisible), a prié M. Marnais de le retirer afin que par
sa lecture elle délibère ce qu'elle aura à faire*.
Quinze jours après, M. Marnais expose ce qu'il a trouvé
dans ce factum, et Ton décide « qu'on n'en fera aucun sem-
blant )).'La Compagnie ne peut se dissimuler que les hosti-
lités grandissent autour d'elle. Mais les libertins, qui sentent
partout l'action mystérieuse et enveloppante des dévols
ne savent à qui s'en prendre. Ignorant le comité secret du
(( Saint-Sacrement », ils croient que tout pari de la Congré-
gation de la Propagation, dont l'existence est publiquement
connue, qui est autorisée par lettres patentes du 31 mai 1650,
et dont la plupart des confrères font partie. C'est contre elle
qu'on agit. L'évêque, qui semble avoir quelque rancune contre
des gens empressés à se mêler de tout, favorise ces attaques.
En décembre 1662, il donne une ordonnance contre la société,
lui commande de se dissoudre et ferme sa chapelle. En jan-
vier 1663, Louis XIV, à son tour, la supprime par lettres
patentes et incorpore ses biens à l'Hôpital de Grenoble. La
Compagnie du Saint-Sacrement prend à sa charge les travaux
de la Propagation, intervient à l'évêché et ailleurs, relarde au
Parlement l'enregistrement des lettres du roi, et se remue si
bien qu'en avril 1663, la congrégation interdite est reconsti-
tuée sous la présidence du prélats Même si la Compagnie du
1. Procès-verbaux, \\ décembre IGGl.
2. Procès-verbaux, 15 juin, 16 décomix'e 1002, 11 et 25 lévrier, 20 mars,
1" et 15 avril 1003.
3. Les documents officiels sur cette alTaire sont les suivants : Archives
départementales de l'Isère : B. 2.925 fol. 31 bis, Lettres du roi Louis XIV
portant don en faveur des confrères de la Propagation de Grenoble
d'une rente de 1500 livres. Paris, 31 mai 1650. — B. 2.920, fol. 70 bis,
Concession au synilic des ofliciers de la Propagation de la l'^ji d'un em-
placement pour bâtir, d'une maison et d'un jardin pour les nouvelles con-
verties. 10 août 1655. — B. 2.928, fol. 580, Lettres du roi Louis XIV
portant suppression de l'assemblée connue sous le nom de Propai^ation
de la Foi, « avec défense à toutes personnes d'y assister ni d'en faire »,
cl incorporant les biens de la Propasalion à Thopital de Grenoble. Paris.
Ll. — 15
202 ÉTUDES HISTOHIQUES
Saint-Sacrement était condamnée à disparaître, l'avenir de la
lutte anti-protestante serait assuré.
Par mesure de prudence, le 26 septembre 1662, on avait
divisé la Compagnie en quatre sections de six membres : cha-
cune d'elles était présidée par un « officier » avec un ecclé-
siastique pourdire les prières ; elles se réunissaient Tune après
l'autre à quinze jours d'intervalle; et ces quatre assemblées
restreintes étaient suivies, après le même temps, d'une géné-
rale ; après quoi, la série recommen(;ait. 11 faut croire qu'au-
cune menace nouvelle ne survint ; car, le 27 mai 1663, le pré-
sident de Ghevrières proposa de reprendre la pratique primi-
tive. On résolut pourtant d'attendre pour cela jusqu'à la
Saint-Martin; mais on réduisit à huit jours l'intervalle des
assemblées. 11 y avait donc une assemblée générale toutes
les cinq semaines. Le 27 janvier 1664, on reprit l'habitude des
réunions selon l'ancien mode, et on la garda. On redoubla de
circonspection :
11 a été proposé (30 mai 1664) de se précaulionner de quelque
prétexte pour nos assemblées au cas que nous fussions découverts,
afin qu'en ce cas-là, nous fussions tous conformes, et que nous ne
donnassions pas lieu de nous découvrir en nous coupant.
La question revint le 11 juin et ne fut pas résolue :
On a renvoyé à l'assemblée prochaine la proposition qui avait été
faite la précédente, savoir est que nous convinssions ensemble de
ce que nous dirions touchant nos assemblées au cas qu'on s'en
aperçût, de peur que, si nous n'étions pas conformes en nos réponses,
nous ne donnassions par là plus d'occasion de nous découvrir. Pour
janvier I66ô. — Nouvelles leltres palenlesqui, loul en confirmant les précé-
dentes en ce qui concernait la suppression des assemblées de la Propa-
gation, séparent les biens de cette dernière de ceux de l'hôpital, les
placent sous la direction de l'évèque pour être affectés par ses soins à
l'entretien des nouveaux convertis. Avril 16t)3. — L'inventaire des archives
de la chambre des comptes où se trouvent ces numéros a été publié :
mais ces actes n'y ont pas été relevés. Les mêmes actes se retrouvent
dans les Archives de l'évèché de Grenoble où ils sont cotés 580, 581, 582.
L'inventaire des Archives de l'évèché est manuscrit. Je dois les éléments
de cette note à une communication complaisante de M. Prudhomme.
DOCUMENTS 203
cela chacun est prié d'y penser en son particulier, et afin de rap-
porter son sentiment digéré à la première conférence.
Enfin le 26 juin, on était d'accord :
L'on a convenu, au cas qu'on nous demande le sujet de nos
assemblées, que c'était pour le renfermement des pauvres et qu'on
voulait profiter de l'occasion de la demeure de Mgr le duc de Lesdi-
guières en cette ville.
Et raclivité souterraine, insidieuse, de la coterie bien pen-
sante continua... Le registre de ses procès-verbaux s'arrête
au 8 avril 1666. Mais rien n'indique que la Compagnie se soit
supprimée à celle date. A la dernière séance dont nous ayons
le récit, elle s'occupait du séminaire diocésain et décidait de
s'en entretenir « à toutes les conférences ». Ce jour-là, les
confrères se sont séparés comme d'ordinaire, avec la pensée
de maintenir leur œuvre. Il y a des chances que le compte
rendu des réunions suivantes soit dans un registre qui n'a
pas encore été retrouvé. Il est impossible de dire à quel
moment précis, à (Grenoble comme ailleurs, la « cabale des
dévols » a pris fin.
Raoul Allier.
Documents
STATISTIQUE PROTESTANTE ET CATHOLIQUE DU LANGUEDOC
En 1698 •
Rien n'est plus rare que les documents fournissant sur le
nombre des protestants et aussi des catholiques, à une
époque donnée, des renseignements précis, voire officiels.
Il est certain que dès le xvi'' siècle la royauté s'est renseignée
exactement sur l'étendue et les progrès de l'hérésie dont
elle ne cessa presque jamais de poursuivre l'extermination.
Mais ces renseignements, sans doute confidentiels comme le
20'* DOCUMENTS
recensement qui iïil lait sous Louis XIV lorsque la Révoca-
tion eût été à peu près décidée {Bull., 1888, 28), ne nous
sont parvenus que très rarement.
En voici un, découvert par hasard par M. F. de Grenier de
Latour dans le fonds d'Hozier, où il faisait des recherches
généalogiques. Il est intéressant à divers titres. D'abord il
complète et détaille une note sommaire que nous avions
inscrite dans le Bulletin de i896(p. 661), d'après les Camz^artù
d'A. Court et précisée grâce aux papiers Rulhières. La note
d'Antoine Court donne pour les diocèses d'Alais, Uzés,
Nimes, Mende et Montpellier un total de 133,579 nouveaux
convertis en 1698, c'est-à-dire quinze ans après la Révoca-
tion. Rulhières dépasse, pour tout le Languedoc et en la
même année, le chiffre de 179,000, Le recensement qu'on va
lire comprend ceux de trois intendants des généralités de
Toulouse, Montpellier et Môntauban. 11 dépasse le chiffre
total de 186,000. Je laisse à d'autres le soin d'expliquer ou
de rechercher l'origine des différences qu'il y a entre ces
trois chiffres.
11 y aurait aussi beaucoup à dire sur certains de ces
chiffres; en les examinant, on se demande si les intendants
ne cherchaient pas à affaiblir le nombre des nouveaux con-
vertis ou plutôt s'ils n'en firent pas faire le dénombrement
par les prêtres trop intéressés dans cette question pour la
traiter avec une exactitude rigoureuse. Ainsi il paraîtra sur-
prenant que le seul diocèse de Môntauban ne renfermât
alors que 1,240 nouveaux convertis et qu'il n'y en eût pas un
seul dans ceux de Comminge, d'Alet, de Garcassonne et de
Narbonne.
Quoi qu'il en soit, nous avons ici un témoignage officiel, et
en quelque sorte mathématique, de la persistance de la
mentalité huguenote quinze ans après que le grand roi crut
l'avoir extirpée, dans une région où il était servi par des
intendants d'un zèle vraiment peu ordinaire.
N. Weiss.
DO(:UMENT.«;
205
Estât des anciens et nouveaux convertis en Languedoc, fait et compté
en 1698 par les trois Intendants des généralités de Toulouse,
Montpellier et Montauban '.
GENTILSHOMMES
AUTRES HABITANTS
1
PAH CHEFS
OE FAMILLE.
PAR '
FETES.
.4 nciens
Nouveaux
A nciens
Nouveaux
Diocèses. ce.
itholiques.
catholiques.
catholiques.
catholiques.
Toulouse
703
»
134.140
497
Alby..
214
18
84.187
1.008
Montauban
62
))
34.396
1.240
Lavaur
126
142
79
79
44.462
.55.460
5.320
Castres
12.557
Saint-Papoul
95
»
23.910
»
Mirepoi\
76
»
56.791
1.065
Rieux
117
9
o
26.948
711
4.165
Comminge
»
Alet
124
;)
33.178
»
Carcassonne
113
»
56.691
.)
Narbonne.
160
1
55.592
i)
Saint-Pons
91
52
»
9
30.4'i8
26.203
\ .024
Lodève
336
Béziers ...
197
»
63.087
2.505
Aerde
101
395
29
30.531
59.624
1.514
Montpellier
14.629
Nisnies
212
117
226
59
96
44
40.720
30.390
78.502
39.661
41.766
Uzez
23.112
Vivarals contenant
Vienne et Valence.
339
25
8.336
33.229
Le Puy
. 213
i
8:3. 127
974
Mende
162
14
128.302
974
1. 13il)li()lhéque natioiialo, Fr. 32.292, loi. 229. Ce volume sur le dos
duquel on lit le litre de Nobiliaire du Languedoc, porte un ex libris ornvé
de Charles d'IIozier. La disposition des chiffres est différente dans l'ori-
ginal, où le chiffre des nouveaux convertis se trouve placé, pour chaque
diocèse, non comme ici, à côté, mais sous celui des anciens catholi(jues.
l-:ile a été modiliée ainsi \w\ir plus de clarté. {Réd.)
Mélanges
L'INSTRUCTION ET L'ÉDUCATION CHEZ LES PROTESTANTS D'AUTREFOIS *
LES ÉLÈVES
La première place devrait appartenir à ce qui concerne
leur logement et leur nourriture. Nul n'ignore, en effet, s'il
est quelque peu au courant de nos anciens usages, que chez
les Réformés il n'y a pas d'internats. Les élèves sont pen-
sionnaires du principal, des régents, des professeurs, des
habitants de la ville. Ils font partie de la famille dans laquelle
ils se trouvent. Ils ne sont pas plus casernes qu'enrégi-
mentés, et il n'y a pas plus d'uniformes pseudo-militaires
que d'internats. Ce régime n'est peut-être pas sans quelques
inconvénients, mais les avantages en sont infiniment plus
nombreux. Je me borne à l'affirmer, parce que le discuter
m'entraînerait dans une de ces digressions que je fais effort
pour éviter.
Je devrais donc parler du logement et de la nourriture,
et le ferais certainement à cette place, si l'occasion ne devait
se présenter plus tard, en parlant des étudiants, d'entrer
dans de longs détails à cet égard.
Ce que je veux faire, pour l'instant, c'est présenter au
lecteur un bon élève, le jeune Bouhereau, fils d'Elie Bouhe-
reau, le Rochellois bien connu. Il est à Saumur, en première
(rhétorique), et il nous reste quelques lettres de lui à ses
parents. M. N. Weiss, Térudit secrétaii'e de la Société de
l'Histoire du Protestantisme Français, a bien voulu les
mettre à ma disposition. Elles ont été écrites entre le 8 mai
et le 31 août 1684.
Je remarque, en passant, que les parents ont désiré que
leur fils leur écrivît tous les huit jours. Paul Ferry n'en
i. Tome IV, intitulé Education et Instruction. Nous reproduisons ici le
chapitre XII de ce volume, le dernier de l'intéressante série sur les Pro-
testants d'autrefois, qui parait en ce moment même. {Réd.)
MÉLANGIiS 207
demande pas tant à l'un de ses fils, qui part pour la Hollande :
il devra écrire une lettre par quinzaine*. Je remarque encore
que les lettres de Bouhereau, pourtant très affectueuses, sont
pleines d'expressions de respect. Il voussoie ses parents et
signe : votre très humble et très obéissant fils. Quant aux
lettres qu'il reçoit lui-même, généralement de sa mère, mais
fort souvent accompagnées d'un billet de son père, il les
conserve avec le plus grand soin.
Lorsqu'il arrive à Saumur, les règlements ne sont plus
bien scrupuleusement observés. L'heure de la révocation va
sonner; le découragement et le désarroi ont commencé.
Ainsi, il constate que, dans sa classe et sauf au premier
banc, les élèves ne sont pas placés par ordre de mérite. Il
s'assied donc où il peut. Bientôt, il est vrai, les thèmes de
place {adsedes) vont lui donaer un rang meilleur et, pendant
un temps, le premier.
Sa grande crainte, c'est de ne pouvoir profiter autant à
Saumur qu'il l'aurait fait sous la direction de son père.
Aussi lui demande-t-il de constantes explications de textes.
11 en sollicite encore d'amis de son père, à Saumur même,
Messieurs les professeurs de Hautecour et Gappel. Tous
s'empressent de les lui donner. Il ne s'en tient pas là. Dès
qu'il a quelques loisirs (malheureusement trop rares, à
cause des longs thèmes et versions qu'on leur fait faire et
recopier, sans les corriger toujours), il lit, « en son particu-
lier », riliade pour le grec, Ovide, pour le latin et, pour le
français, les traductions d'Arrien, par Perrot d'Ablancourt,
et de Quinte-Gurce, par Vaugelas, les Commentaires de
M. de Méziriac sur Ovide, et un ouvrage, qu'il intitule l'Art
déparier, dont je ne connais pas l'auteur. Il lira bien aussi
quelque petit roman; toutefois il préfère de beaucoup les
livres d'histoire, et même la « Gazette ». — Ge n'est pas tout :
outre les leçons et les répétitions ordinaires de sa classe;
outre celles de son régent, chez lequel il loge, et dont il
reçoit, par surcroît, deux leçons de géographie par semaine
et des leçons de musique, il trouve encore le temps de
1. n. W V., :5 avril Ifi'il.
208 MÉLANGES
repasser, « en son particulier », toutes les leçons du collège.
En cela, il se distingue avantageusement d'un autre rhélo-
ricien de Saumur, mais quarante ans plus tôt, le jeune Louis
Ferry, dont la correspondance nous a été partiellement
conservée. Non que le jeune Ferry soit un mauvais garçon.
Il n'y a pas chez lui, écrit un correspondant de son père, de
« malice noire », mais seulement « quelques promptitudes,
qui sont des bouillons de jeunesse* ». — MM. Cappel et
d'Huisseau sont, il est vrai, moins indulgents, et tout en
constatant qu'il n'est ni débauché, ni vicieux, ils le trouvent
brouillon, prompt, colère, inconsidéré en paroles, incons-
tant, léger et nonchalant, c'est-à-dire paresseux. Le fait est
que son thème de promotion a été si déplorablement faible,
que jamais il n'eut été promu en philosophie, si l'on n'avait
voulu déférer au désir de son père ^ Il y est donc entré.
Malheureusement, écrit Druet, son nouveau professeur, il
ne met pas davantage son « atTection à l'étude ». II manque
d'attention, se lasse vite de fréquenter régulièrement les
leçons et les répétitions et, bien loin de travailler « en son
particulier », il s'occupe à des vétilles et, notamment, à
arranger son cabinet de travail en cent nouvelles façons ^..
Il y a donc un vrai contraste entre lui et le jeune Bouhereau.
Pourtant, ce jeune homme si peu zélé et qui donne si peu de
satisfaction à son père; qui est toujours à court d'argent et a
contracté des dettes; qui menace, chose grave alors, de
devenir soldat, préférant, comme il le dit — mais ce n'est
pas sérieux — « mourir honorablement parmi les armes, que
vivre comme un faquin parmi les hommes* »; ce jeune
homme, dis-je, finit par bien tourner et devenir un honorable
avocat de Sedan.
Le jeune Bouhereau n'est pas seulement un élève
studieux; il est aussi un élève pieux. Le mercredi et le
samedi après-midi, où il a plus de loisirs, il va « dans
i. Mouchard à P. F., 7 noveniljie et 31 décembre 4(i43.
2: Cappel à P. F-, 'i novembre 1642 et 14 février 1643. D'Ikiisscau à P. F.,
20 mars et 31 octobre 1643.
3. Druet, à P. F., 13 févr. 1643.
4. t^. F. à sa sœur, Mme Couet du Vivier, 25 juill. 1(142.
MÉLANGES 209
quelque prairie », lire des livres de piété avec un élève de sa
classe. Lui-même se procure V Abrégé des controverses de
Ch. Drelincourt. — A la fin de mai, il tombe malade, mais
« quoique faible », il est heureux de pouvoir aller à la com-
munion. Aussi, lorsque ses camarades et lui sont examinés
pour le prix de piété, c'est à lui qu'on le décerne. Du reste,
le cas de ces deux jeunes gens n'est pas particulièrement
isolé, et la piété occupe dans les cœurs des élèves une place
très réelle. Une preuve curieuse en est fournie par l'insis-
tance que met le Conseil académique (j'y reviens dans le
prochain chapitre) à ne pas se dessaisir du droit de distri-
buer aux élèves les méraux * nécessaires pour pouvoir com-
munier. Il estime qu'il se priverait par là d'un moyen
précieux d'influence.
Est-ce à dire que nos jeunes collégiens sont tous de petits
saints, et ne font ni gamineries, ni sottises? Assurément,
non. En voici quelques preuves, prises au hasard dans les
registres académiques.
A Die, par exemple, ceux de première trouvent ingénieux
de rompre les bancs et les fenêtres au moment des promo-
tions, ou parce qu'ils estiment insuffisants les congés qu'on
leur donne'. — Le vendredi 14 mai 1621, ceux de première,
encore, ont déserté le collège depuis le lundi. Ils sont allés
à la chasse, au jeu, à la « desbauche » ^. Ils ont voulu pro-
lester, assurent-ils, contre la punition trop sévère infligée à
un de leurs camarades, fouetté pour avoir assisté à « quel-
ques balets » et avoir depuis sauté par dessus les murailles
de l'Académie. Ils sont si nombreux, qu'on ne peut leur donner
à tous le fouet. Mais tous reçoivent les plus « grièves cen-
sures », et doivent demander pardon à genoux dans la salle.
— Ce qu'il y a d'original, c'est que leur régent. Basson, a pris
1. On désigne sous le nom de méreau une sorte de médaille, en plomb
généralement, donnée aux fidèles, pour prouver qu'ils avaient le droit de
communier. Ils le remettaient à un memi^re du consistoire, au moment
même de la communion. Cf. Prot. d'autrefois, I, p. 128 ss. (2° éd.).
2. D. 19 décembre 1615 et :{0 décem!)re 1666.
'.i. Le vrai sens de ce mot sera indiqué ailleurs, .le me borne à rappeler
ici qu'il est entendu alors, comme on l'entend aujourd'hui, lorsqu'on l'op-
pose à embaucher.
210 MÉLANGES
fait et cause pour eux. Le jour du châtiment de Técolier, il a
donné comme sujet d'amplification : « Il fallait prendre le
parti de ceux qui s'étaient sauvés et avoir pardon pour eux. »
Bien plus, ses élèves lui ont offert un lièvre, tué par eux
alors qu'ils auraient dû être en classe, et Basson, loin de le
refuser, a déclaré « que s'ils luy en vouloient donner un
autre, il le prendroit aussy ». Comment s'étonner dès lors
de la rébellion des cinq premières classes, le lundi 31 mai
suivant? Comment s'étonner que si ceux de cinquième, de
quatrième et de troisième rentrèrent dès le mardi, ceux de
deuxième et de première n'étaient pas encore rentrés le
0 juin? Comment s'étonner enfin que Basson ait été sévère-
ment critiqué? Le fait est qu'il croit devoir présenter au
Conseil une apologie de sa conduite. Mais cette apologie est
déchirée séance tenante, comme « libelle diffamatoire », et
lui-même est « comminé de déposition ».
A Die, encore, il y a des disputes, des batailles, des
duels*, même, entre classiques, ou entre classiques et
publics, ou entre les uns et les autres et les jeunes gens de
la ville. Ces derniers, il est vrai, en sont souvent cause. Ils
ont fondé en ville, sous le nom de « Société », une associa-
tion qui vexe et moleste les écoliers, particulièrement ceux
qui viennent du dehors et de l'étranger. Ils exigent d'eux
(( d'argent ou repas pour s'enrooller en lad. Société, avec
menaces et violences, qui en ont occasionné plusieurs de
quitter la ville, et ont porté d'autres à des extrémités, les at-
taquant de nuit et de jour ». Et, d'autre part, ceux qui s'en-
rôlent sont amenés à faire des « despences immenses et
desbauches excessives" ». Le Conseil semonce les écolierS;,
semonce leurs hôtes, qui laissent commettre ces excès^ si
même ils ne les encouragent pas; semonce les marchands,
qui vendent à crédit et, ne pouvant semoncer utilement les
jeunes gens de la ville, porte plainte contre eux à la Chambre
de l'Édit.
Les élèves de Saumur ressemblent fort à ceux de Die, et
il suffit de feuilleter les registres pour relever des plaintes
1. Par exemple, 1" sepleinbie I65().
2. D. septembre 1649.
MÉLANGES 21 1
analogues. 11 est des écoliers qui manquent les classes, ou
s'y conduisent avec une « licence merveilleuse ». D'autres
sortent armés, se battent, ont des duels ou courent la nuit.
D'autres se tiennent mal au temple et se mettent, pour
échapper à une légitime surveillance, aux places qui ne leur
sont point assignées. Il en est qui vont à la comédie, ou
même en jouent de non autorisées dans les maisons parti-
culières. Ils font des mômeries, des mascarades, notamment
à l'époque du carnaval, et vont jusque-là, que de donner
desbals, comme le sieur de Saint-Fulgent, élèvededeuxième,
qui en donne un dans une maison de Saumur, en prétendant
que c'était « par commandement et injonction» de sa mère*.
Beaucoup, enfin, font des dépenses excessives chez eux, et
dans les tavernes, ne craignent pas de jouer à des jeux
défendus et laissent à désirer, en un mot, aussi bien sous le
rapport de la conduite que sous celui des études. Ce qui
arrive à Die, à Saumur, arrive plus ou moins, j'ose l'affirmer
sans en avoir de preuves formelles, dans tous les autres col-
lèges, surtout dans ceux qui font partie d'une Académie.
Je sais qu'à Orthez, les mêmes précautions sont prises
contre les sorties tardives, les « batteries », les mascarades
et autres « escandalles et insollences^ » ; qu'à Sedan, les
élèves du collège en viennent trop volontiers aux mains avec
les gamins de la ville, font des « insollences » dans les rues,
y courant « les chappeaux et les robbes renversées » ; qu'ils
désertent le temple, ou y font du bruit, « entrant, durant et
au sortir du presche'' »... Tout cela, je l'avoue, ne me sur-
prend guère. Je ne serais pas davantage surpris qu'il en fût
de même aujourd'hui, au moins relativement. Je reste con-
vaincu que nos jeunes collégiens ressembleraient fort à leurs
prédécesseurs des temps passés, s'ils jouissaient d'autant
de liberté. Car enfin ces jeunes gens d'autrefois vivaient en
ville et, suivant la maison où ils logeaient, jouissaient d'une
liberté plus ou moins complète; aussi complète, parfois, que
la peur qu^avaient leurs hôtes de perdre cette précieuse
1. s. 10 février 1656.
2. O., p. 37.
3. Rég. du Consist., 9 juin el 2C. juin ir>7s. 2r> août 160.'.. :'.t niar.s 1622.
212 MÉLANGES
source de revenus. Que ce système ne lût pas sans inconvé-
nients, je le reconnais d'autant plus volontiers que j'en signale
quelques-uns. Mais combien préférable pourtant à nos inter-
nats, personne, je le crois, ne le contestera, s'il sait réfléchir.
A ces divers manquements correspondent diverses puni-
lions. Le nombre en est restreint. Autant que j'ai pu le
savoir, ce que nous appelons le pensum est peu pratiqué.
Nulle part je n'ai trouvé de mention des cent, deux cents,
cinq cents lignes, si généreusement octroyées dans mon jeune
âge. C'est une bonne note pour nos anciens, car peu de
punitions sont aussi absurdes. Tout au plus, autrefois,
a-t-on quelque leçon à copier, quelque devoir à refaire.
Voici les punitions appliquées : le bonnet d'âne, d'abord,
et je pense que celui qui en est couronné doit se mettre à
genoux dans quelque coin de la classe. Cela s'est fait encore
bien plus tard'. — Puis vient la férule-; puis la réprimande
publique et enfin le fouet, soit en classe, soit dans la salle.
La férule parait avoir été donnée par le régent et pour de
légers manquements. — La réprimande, la « censure »,
comme on dit, variait suivant la gravité des cas. La plus
« griève » est infligée dans la salle, devant tout le collège,
après que le délinquant a demandé pardon à genoux. Le
fouet, enfin, est administré de deux manières : simplement
ou solennellement. Simplement, c'est en classe, pour paresse,
pour impertinence, pour absence injustifiée, pour avoir
parlé français ou surtout, dans le midi, patois, même en
récréation, pour avoir joué à des jeux défendus, etc. Le
régent peut appeler le portier pour l'infliger. — Solennel-
lement, c'est-à-dire dans la salle devant tout le collège, et
parfois de la main même du principaP, s'il s'agit de fautes
4. ()., p. 46.
2. D. 28 janvier H>\9. Voici l'art. 1" du règlemcnl promulgué à ceUe
date : Le gallicisme et le langage maternel sont entièrement bannis du
collège... La i)unilion sera aux délinquants, pour la premièi'e t'ois la
lei'ule, et s'ils « l'aillent » à plusieurs reprises, le fouet.
'A. Dans la Réponse à un libelle, intitulé Lettre de Joseph Arbussy,
Montauban, 1658, on accuse Arbussy, alors principal, d'exercer en
« lion », celte partie de sa tâche, et de « fouetter jusqu'au sang les
enfants de ceux qui lui étaient contraires ». V. p. 15, Ribl. mun. de
Montauban, n. :i640.
MÉLANGES 213
plus graves, telles qu'insolences vis-à-vis du régent ou du
principal, rébellion, opiniâtreté (car, au contraire, la repen-
tance entraîne le pardon), mensonge, blasphèmes, jurements
et autres « impiétés », telles que persistante mauvaise tenue
au temple. Le coupable met alors les « chausses bas ». En
voici un cas. Le 15 juillet 1666, le conseil académique de Die
est informé qu'un élève de première, nommé Imbert, a été
lâchement battu par plusieurs autres, et qu'un classique,
nommé S. Auban, a été l'instigateur de toute l'affaire. S.
Auban est condamné à recevoir le fouet et « à mettre les
chausses bas en sale ». C'est fort bien fait.
Avant de quitter nos collégiens, peut-être ne sera-t-il pas
sans intérêt d'assister à l'une de leurs récréations. Deux
choses nous y frapperont tout d'abord. Ce ne sera pas que,
malgré les règlements, ils se précipitent hors des classes,
en se bousculant et en criant. C'est si naturel ! Non, mais
leur costume et leur langage. Il est curieux de voir la trans-
formation qui s'est opérée du xvi" au xvu* siècle. Mathurin
Cordier nous décrit, dans un de ses colloques, le costume
d'un collégien de son temps, auquel il fait raconter sa
journée.
Estant éveillé, je me suis levé du licl, j'ai vestu mon saye avec
mon pourpoint, je me suis assis sur une selle (chaise), j'ay pris
mon haut de chausses et mes bas, j'ay chaussé les unes et les
autres, j'ay chaussé mes souliers, j'ay attaché mon haut de chausses
à mon pourpoint avec des esguilleltes, j'ay lié mon bas avec des
jartières au-dessus de la jambe, je me suis ceint de ma ceinture,
je me suis diligemment peigné, j'ay agencé mon bonnet sur ma
teste, j'ai veslu ma robe; et puis étant sorti de la chambre, je suis
descendu en bas, j'ay fait de l'eau en la court contre une muraille,
j'ay pris de l'eau d'une seille, j'ay lavé mes mains et mon visage,
j'ay reinsé la bouche et les dents, j'ay essuyé mes mains et mon
visage à une serviette...* »
La description est complète, on le voit, et elle s'applique
sûrement, à unoudeux détails près, aux collégicnsd'Orthez et
I. Coll., |). 2-2(l.
214 MÉLANGES
de Sedan*, pour ne parler que de ceux que je connais. Dans
la cour donc, les élèves portent la robe et le bonnet, et ils
ont ce qui nous semblerait, mais ne leur semble point à eux,
une sorte de costume ecclésiastique. Je ne crois pas que ce
costume ait été porté à Saumur, ni même à Die. Tout au
moins, n'ai-je su en trouver aucune preuve. Là, les élèves
portent le justaucorps et l'habit; ils ont de longs bas « à
estriers » de toile ou à raies de couleur, soit dans la lon-
gueur, soit dans la largeur. Le bonnet a fait place au cha-
peau avec des rubans. En un mot, si toute une série de vête-
ments de dessous sont restés les mêmes, l'apparence est
toute autre, et nos collégiens sont vêtus comme tout le
monde. Seul, le manteau d'autrefois est resté, mais les élèves
le gardent pour sortir, comme ils gardent la robe de chambre
et les pantoufles pour la chambre-. — Non seulement Tap-
parence extérieure n'est plus la même, mais les élèves sont
plus propres, mieux peignés. L'antique crasse scolastique
commence à se perdre décidément dans la nuit des temps.
On veut plus de tenue, plus d'ordre, plus de soin, et la
maison du régent Tetel, de Die, est particulièrement recom-
mandée parce que Mme Tetel veille de près au bon entre-
tien des pensionnaires de son mari^ Certes, il reste bien des
progrès à réaliser dans ce sens, ainsi qu'il me serait facile
d'en donner les preuves; mais il y a une incontestable et
heureuse transformation, qu'il valait la peine de noter.
Nous sommes encore frappés du langage de nos collé-
giens. Sauf ceux de la septième, tous, à Orthez, parlent latin.
Il est cependant permis à ceux de première et de seconde
de parler grec*. A Die, ne sont tenus de parler latin que les
1. O. 33, 59, 60, Reg. de Sedan, 25 aoùl 1605.
2. A. N., 453, 6. Frais de pension, d'études, d'habits des jeunes de
Serres du Pradel et de Miribel, protestants enlevés en 1079 et mis dans
une institution de prêtres « en Avignon ». — Corresp. Paul Ferry et de
ses fils, passim. — Lettres de Bouhereau. — M. Cordier, Colloques,
p. 'i95. — fiM//.,lS87, 646. Lettres de Judith Le Cercler, épousede xM.Misson,
pasteur à Sainte-Mère-Kglise, au sujet du jeune de Beringhen, leur
pensionnaire.
3. Rouph, de Lyon, à 1'. F., 10 décembre 1641. Cl". Tetel à 1'. F.,
25 décembre 1641.
/*. O., p. 47.
MÉLANGES 215
élèves des quatre premières classes. Mais il est interdit à
tous, sous peine du fouet, de parler patois. Quant au fran-
çais, on n'est fouetté que si Ton est surpris le parlant après
deux ou trois remontrances successives ^ Et ce qui se fait à
Die se fait également plus ou moins partout.
Nous avons quelque peine à nous figurer aujourd'hui nos
jeunes collégiens d'autrefois, jouant à la paume ou au cheval
fondu en parlant latin. Le fait n'en est pas moins positif, et
Mathurin Cordier a pris la peine de nommer ou de décrire en
bon latin, avec des notes et des explications philologiques, un
certain nombre de jeux, afin de corriger les collégiens de son
temps de l'horrible latin qu'ils y employaient ^ Il nous a même
rendu un vrai service, parce que nous savons ainsi à quels
jeux cette jeunesse employait ses récréations.
Je vais donc les énumérer d'après lui, en y ajoutant
quelques autres, non pas d'après la liste partiellement fan-
taisiste de Rabelais, mais d'après l'un des ouvrages si capti-
vants de M. Alfred Franklin^.
Voici d'abord le jeu de paume*, avec la main ou avec la
raquette. Il y a la longue paume et la courte paume, et tel jeu
de paume est si proche parent de notre tennis d'aujourd'hui,
qu'il a tout l'air d'être le même. Cordier lui consacre presque
un chapitre et je lui emprunterai quelques détails, pour faire
le lecteur juge de la parenté dont je parle'. Il y a parfois une
corde au lieu de filet, mais le filet, qui est un progrès, parce
qu'il supprime un sujet de vives discussions, est de plus en
plus adopté. Antérieurement, on ne sait pas toujours si la
balle a passé au-dessus ou au-dessous de la corde. On discute
donc, on crie, on se fâche, et on va jusqu'à se battre à coups
de raquette et de poings, comme cela arriva une fois à
Saumur, entre Malet, logicien, et M. Cotton, gentilhomme
1. D. 28 janvier 1G19, lo janvier 1(V22, Vi janvier l(i<;0.
2. De coryiipti sermonis emendatione, éd. Paris, 1580, j). 227 ss.
3. Rabelais, 1, ch. wii: A. l'ranklin, VEnfant, Paris, I89fi, p. 230 ss.
■'i. Le lecteur trouvera des détails, dans lesquels je ne saurais entrer ici,
dans l'ouvrage suivant : Ed. Fournier, le Jeu de Paume, son histoire et
sa description, suivie d'un Traité de la courte paume et de la longue
paume, etc. Paris, Didier, I8t>2.
."). De corrupt. sermon, cmendatione. éd. l.">.so, p. xm; ss.
21() MÉLANGES
anglais'. — Il l'aul avoir dit : jouez ! sans cela, le coup ne vaut
rien. — La paume lancée ne tombe-t-elle pas où il faut, ou
bien n'est-elle pas renvoyée après un premier bond, ou à la
volée, ou avec un « bon revers » ? c'est quinze pour l'adver-
saire. On compte 15, 30, 45. Cela se compte en latin, et nos
collégiens trouvant que qiiadraginta quinque — 45 — est trop
long, disent simplement quadra. Serait-ce l'origine lointaine
de notre 40, au lieu de 45? — Vient ensuite « l'avantage » ;
puis on a le ï jeu y^. Et enfin, car ces détails suffisent, si
chaque camp a un jeu, on dit : nous somnies «jeu à jeu », ou
je pense, jeu à...
Gordier mentionne encore les jeux de la boule, de la grand'
boule, de la mouche (qui parait être notre palet, et du reste
le jeu de palet existe), des barres, du « chevau fondu », de
la savate, du pot cassé, du disque — une variété du palet, —
des claquettes (castagnettes), des clefs (auquel jouaient volon-
tiers, paraît-il, Calvin et Th. de Bèze), des quilles, de la
crosse, des jetons, des jonchets (si aimé, même des grandes
personnes), des osselets, de pair ou impair, de croix ou pile,
des dames — un des plus vieux jeux du monde, — des échecs,
de la pelote, de la fossette, des épingles, des esguillettes, des
noix (on lançait, je crois, les noix l'une contre l'autre, et celle
qui poussait victorieusement l'autre avait gagné), de la
toupie, avec ou sans fouet, et du sabot.
A celle liste déjà longue, je puis ajouter quelques jeux
d'après M. Alfred Franklin- et d'après d'anciennes gravures.
Les enfants jouent aux soldats, au cerceau, au colin-maillard
— auquel Gustave-Adolphe joue si volontiers avec ses colo-
nels; — à cache-cache, au cerf-volant, aux échasses, au
saute-mouton, à sautera la corde, à l'herbe-droite, à la main-
chaude^ et à quelques autres encore.
On le voit, ce sont là d'anciennes connaissances, d'an-
ciens amis plutôt, de notre jeunesse et il est impossible, là
comme en mille autres cas, de ne pas être frappé de l'an-
cienneté et de la persistance de certains usages, de cer-
taines habitudes, de certains jeux... 11 semble qu'il y ait des
1. s. 12 juillet l(ir,(;.
2. l-"r.nnklin, op. cit.. p. 284.
CHRONIQUE LITTÉRAIlîE 217
domaines, dans lesquels le temps n'exerce aucune action.
Tout cela, ce sont des jeux permis. Mais il y a aussi des
jeux défendus et pour lesquels, suivant l'expression de Cor-
dier, on reçoit « sur le dos », c'est-à-dire on est fouetté*.
D'une manière générale, si l'on s'en rapporte aux Lois Col-
légiales d'Orthez^ tous les jeux qui ne favorisent pas l'exer-
cice corporel sont interdits, ainsi que ceux où l'on joue pour
de l'argent, ou tout autre gain. Le bon Mathurin Cordier
permet cependant ceux où l'on gagne des noix, des épingles,
des « esguillettes ». Par contre, il défend, lui aussi, ceux de
cartes et de dés. On interdit encore, sous peine du fouet,
toute espèce de commerce quelconque. On ne doit donc pas
vendre ou aliéner les livres, les sacs, les ceintures, ni quoi
que ce soit. C'est une « loi scholastique », qu'on ne saurait
enfreindre, sans encourir un châtiments Sont encore défen-
dues, en récréation, et aussi dans la rue, les clameurs et les
disputes. Et enfin, comme diëeni\es Lois Collégiales d'Orihez,
on n'épargne pas non plus « ceux qui jouent ou s'amusent
dans les cabinets, ou y restent plus longtemps que de rai-
son* ». Inutile d'ajouter que toutes ces règles sont les mêmes
dans tous nos collèges.
P. DE Félice.
CHRONIQ.UE LITTERAIRE
Le Temple fortifié d'Estréelles-en-Boulonnais'. — Confiscations exer-
cées par le duc de Lorraine sur les défenseurs de Jametz( 1589- 1590)*^.
— Ecole protestante à Grenoble (1.562-1564).
Estréeiles est un village du Boulonnais (canton d'Étaples, Pas-de-
('alais) aux portes de Montreuil-sur-Mer. C'est là que se trouve le
1. Ibid., p. 232.
2. O., p. 62.
:i. Cordier, Coll., p. 'lôT.
't. ()., p. 65.
5. Dissertation historique et archéologique, par Alph. Lofobvre, niomhre de
la Commission des monuments historiques, officier d'Académie. Arras, im-
primerie moderne, place du Wetz-d'Amain, 7, in-8', io pa^jes, 1 planche, 1901.
6. Par C. Chévelle, 19 1). in. s". Bar-le-Duc, impr. Conlant-Laguerre, 19()2.
LI. — 16
218 cuuo.NiyuE litteuaike
monument décrit par M. A. Lefebvre dans une brochure accompa-
gnée d'une excellente photogravure qui permet de compléter et au
besoin de rectifier les conclusions de l'auteur.
Cet édifice, suivant une tradition locale à laquelle l'auteur se rat-
tache tout en la discutant, serait un « Temple fortifié » bâti spécia-
lement en 1567 par les Réformés de la région, et notamment par la
famille de Louvigny. Voici du reste, d'après l'article Estréelles du
Dictionnaire archéologique et historique du Pas-de-Calais, par le
baron de Calonne (Arras, 1875) la substance de celte tradition:
« Au mois d'octobre 1567,1a protection de Mori'///î>r5, gouverneur
du Boulonnais, engagea Louvigny à construire un temple. Ce temple,
situé aux portes de Montreull, annonçait des dispositions hostiles; il
s'élevait sur une hauteur dominant l'église; une muraille épaisse et
de larges fossés le mettaient à l'abri d'un coup de main, et Ton peut
encore voir sur les murs de ce bâtiment, actuellement à usage de
grange, la trace des balles que la garnison de Montreuil lançait con-
tinuellement aux huguenots; ceux-ci attaquaient les paysans catho-
liques qui entraient à l'Église, et les malheureux, ayant vu tomber
plusieurs de leurs amis, n'osaient plus y paraître, encore moins
osaient-ils riposter à ces attaques dirigées par Louvigny lui-même.
« On raconte que le premier gardien du couvent des Capucins de
Montreuil, homme zélé, se rendait souvent à Estréelles, et se plai-
sait à prêcher la Controverse aux protestants; mais loin de les con-
vertir, ses discours les irritaient au dernier des points ; et ils l'auraient
massacré, si le comte de Lannoy n'avait eu la précaution de le faire
toujours accompagner à distance par quelques gardes bien armés.
« Un dimanche d'août 1572, quelques jours avant la Saint-Bar-
thélémy, les huguenots d'Estréelles avaient maltraité Janet Bouque-
depois, bourgeois de Montreuil, qui s'en plaignit amèrement à
réchevinage et au gouverneur; lors donc que le bruit du massacre
des religionnaires se répandit dans le pays, Bouquedepois ameuta la
populace et la conduisit, le 27 août, à l'assaut du temple d'Estréelles.
Les Montreuillois, soutenus par les paysans, se battirent avec achar-
nement; ils mirent le feu à la charpente du toit et obligèrent ceux
qui y étaient réfugiés à capituler; plusieurs périrent dans la mêlée,
et les vaincus, ramenés triomphalement à Montreuil furent mis en
sûreté sous les verrous de la citadelle... »
C'est évidemment, faire trop d'honneur à des textes de ce genre *
1. Les auteurs du Dictionnaire... du Pas-de-Calais paraissent avoir
emprunté tout ou pailie de celle lé^^eiuie à une chronifiue du pays, mais
sans aucun tliscernemenl crilicpie.
^iei^-
220 OHHONIOUE LU TEKAlUt;
que de les discuter sérieusemenl, comme M. Lefebvre en prend la
peine. Les protestants du Boulonnais ^furent si peu en état de
prendre l'attitude agressive qui leur est gratuitement attribuée par
la « tradition » recueillie par M. de Galonné, que leur pasteur, Jean
Auber, dut mener une vie errante et payer de sa vie son dévoue-
ment aux devoirs du ministère évangélique. M. Lefebvre donne
quelques détails intéressants sur ce pasteur, dont le nom manque
aux deux éditions de la France Protestante, mais il a le tort de citer
de seconde main, ou plutôt de ne pias citer du tout 'la source à
laquelle il emprunte ses renseignements, c'est-à-dire VHistoire des
Martyrs de Jean Crespin. C'est à VAddition, ou supplément, des
éditions de 1608 et 1619 (t. III, p. 881 de la réimpression de Toulouse
1889) que nous renvoyons le lecteur désireux de connaître la vie,
l'œuvre et le martyre de ce fidèle ministre. La mort violente du pas-
teur Auber, assassiné le dimanche 5 mai 1585, comme il était en
chemin pour célébrer le culte à VVierre, jeta le désarroi dans le petit
troupeau des protestants du Boulonnais, et « plusieurs qui aupara-
« vant sembloyent bien résolus, se voyans destituez d'instruction,
« et n'ayans personne qui les accourageast à fidélité et constance
« contre telles épreuves, se replongèrent es ordures de la papauté,
« et y sont demeurez et morts, quelque opportunité, qu'ils ayent eu
« depuis de se relever et réparer leurs fautes... »
Les sieurs de Louvigny et d'Estréelles* figurent dans le récit de
Crespin parmi ceux qui faisaient parfois escorte au pasteur Auber,
et aussi, il faut l'ajouter, au nombre des gentilshommes qui, le matin
du jour où on l'assassinait, ayant eu « advis d'une grande et résolue
« délibération à mal, si que, au lieu, de pousser outre, ils se retour-
ce nèrent en leur logis se contentant d'envoyer un homme audit sieur
« Auber, qui ne le peut pas trouver. »
Des gens aussi timorés, qui ne peuvent pratiquer leur culte qu'à
la dérobée, et en s'exposant à être arquebuses au coin d'un bois, ne
1. M. LeIVbvre rendrait service à noire hisloiie en ctablissanL une généa
logie claire cl complète de cette famille de Louvigny qui parait devoir
être distinguée de celle du même nom mentionnée dans la France protes-
tante {{" édil., tome 7.). C'est vers \oM que le lief d'Eslréciles fut apporté
à l'un de ses mcmlires i)ar mariage. Fi'ancois de Louvigny « parait être
iinsligaleur du temple d'i^stréelles. » Son (ils, Claude, avait épousé Jeanne
tjaillard de Longjumeau. d'où quatre (ils et une lille. L"ainé, Daniel, est
marié en 1(30» à Mai'ic de Monsurcs. La famille « continue à figurer dans
une liste des protestants boulonnais existants de 1677 à I68â (E. Deseille
ISH.")). D'autres ne la relaient pas (J. Vaillant, Boulogne, iHsr.) et c'est à
ces deinieis (juil l'aul donner raison. » M. Lefebvre pen.se (|ue les Louvigny
d'Esliéellcs redevinrent catholiques avant la lîévocation.
CHRONIQUE LITTÉKAIKE 221
paraissent guère en situation de s'imposer à leur entourage par la
construction d'un « temple fortifié ». Tout au plus peut-on supposer
qu'en ces temps agités, le petit château-fort d'Estréelles servit
quelquefois d'abri aux huguenots pourchassés par leurs ennemis.
M. Lefebvre ne s'arrête qu'un instant à celte hypothèse, qui pourtant
est la seule admissible lorsqu'on jette un coup d'œil sur la gravure
qui sert de frontispice à son article.
A première vue, cette construction que les gens du pays (p. 11)
appellent encore Le Fort nous parait être antérieure au xvi« siècle.
Un petit détail qui semble avoir échappé à l'auteur indiquerait à lui
seul l'impossibilité d'en attribuer la construction à des huguenots :
c'est la niche ogivale qui surmonte la porte d'entrée et qui était
visiblement destinée à abriter l'image de quelque saint patron. Un
autre détail d'architecture mal compris expose l'auteur à une bizarre
méprise : « Tout en haut et dans l'axe, une croix ménagée dans les
« interstices des pierres est comme dissimulée au pied de l'encorbel-
« lement : cette croix devait être à volonté lumineuse le soir et
« servir de signe de ralliement pour les religionnaires se rendant
« au temple. » On sait assez que les réformés excluaient soigneuse-
ment à cette époque le signe de la croix comme une idolâtrie. Il
s'agit d'une simple meurtrière. Un excellent juge, M. Enlart, qui a
visité le bâtiment en question, remarque « que le « Temple » d'Es-
« tréelles n'est pas proprement un temple, mais un petit château-fort,
« analogue à celui de Dompierre-sur-Anthie, qui a le même plan,
« et antérieur. Le. bâtiment avait un étage supérieur, plusieurs
a salles, un grand escalier, une cave, des cheminées, des la-
trines, etc.. »
On peut regretter que l'hypothèse de M. A. Lefebvre soit si diffi-
cile à admettre, et que nous ne tenions pas encore le temple-type
des huguenots du xvi" siècle. On n'est pas encore près de le trouver.
Les réformés se réunissaient où ils pouvaient ; dans des salles de
château ou de ferme, dans des granges, assez souvent dans des
églises ou dans des chapelles castrales désaffectées. Dans ce dernier
cas seulement, si nous ne faisons erreur, on désignait le lieu d'as-
semblée sous le nom de Temple., qui servait, au xvi'= siècle, à quali-
fier les édifices religieux même catholiques. Le nom général et cou-
rant, surtout dans le langage des adversaires, était Le Prêche. Ajou-
tons qu'une autre cause d'erreur vient quelquefois du grand nombre
de lieux-dits qui portent encore le nom de Moulin du Temple,
ferme du Temple, rue du Temple, etc., etc. Il s'agit de maisons ou
de localités ayant appartenu aux Templiers ou, plus récemment, à
222 CHRONIQUE LITTÉRAIRE
l'Ordre de Malle. Vérification faite, ce n'est pas le cas pour le
« Temple d'Eslréelles » mais la confusion n'est pas rare, et il serait
bon de la signaler de temps en temps aux chercheurs pour les
détourner de fausses pistes.
Le siège de Jamelz, qui dura vingt mois est un des incidents les
plus émouvants des guerres de la Ligue, et le nom des vaillants
huguenots qui défendirent cette place, l'ingénieur Jean Errard, el
Robert de Schelandre mériteraient d'être moins oubliés. Les histo-
riens lorrains avaient toujours affirmé que la capitulation (14 juillet
158U) fut très honorable et très avantageuse pour les vaincus.
Aux termes de celte capitulation, écrit M. Chévelle, la garnison
devait sortir, « vies et bagues sauves », « les capitaines et soldats...
l'épée et le poignard à la ceinture » le reste des armes, insignes et
tambours devait être conduit ultérieurement, et à leurs frais, jusqu'à
Sedan. « Tous ceux qui ont des biens en cette ville de Jametz et
dépendances ou aux pays de l'obéissance de son Altesse (le duc de
Lorraine) en jouiront tant et si longuement qu'ils voudront vivre
catholiquement, et en cas qu'ils ne voulussent abjurer leur religion,
leur sera donné terme d'un an pour vendre leurs biens et en faire
profit ».
En réalité, cette clause déguisait à peine la confiscation des im-
meubles des défenseurs de Jamelz retirés pour la plupart à Sedan.
Le duc de Lorraine n'attendit pas l'expiration du délai stipulé, pour
disposer des propriétés abandonnées par eux, soit à Jamelz, soit
sur d'autres points du territoire lorrain. M. Chévelle a trouvé à ce
sujet en parcourant les registres des Lettres Patentes du trésor des
Chartes de Lorraine plusieurs actes qui ne laissent aucun doule à
cet égard. Le duc de Lorraine, dont le trésor avait été mis à sec
par cette longue campagne, usa du droit de la guerre sans aucune
indulgence pour ceux qui lui avaient résisté si longtemps. En parti-
culier, les sujets lorrains qui avaient eu l'audace de servir sous la
cornette blanche des huguenots pouvaient s'attendre aux dernières
sévérités. Leurs biens servirent à récompenser les services des offi-
ciers lorrains et à rembourser les dettes contractées pour la guerre
par Son Altesse. La famille de Schelandre fut dépouillée au profit
d'Affrican d'Haussonville, qui avait commandé en chef l'armée assié-
geante, et qui possédait déjà dans ces parages la baronnie d'Ornes.
Par une amère ironie des choses, M. d'Haussonville avait été, vingt-
cinq ans auparavant, un des champions du protestantisme dans la
région. N'étant pas ami des causes vaincues, il s'était rallié, en
temps opportun, au parti le plus fort.
CORRESPONDANCE 223
l.es principaux noms protestants cités par M. C^iiévclie dans sa bro-
chure très utile et documentée, sont, outre ceux des différents memi)res
de la famille ic' Schelandre, ceux de Gérard de Biissy, Rock, chi-
rurgien, de Wandreher, Delchef, Richier, Gœury et Guillaume de Vil-
lette, Antoine Cornaille, Marc-Antoine Gallien, Jean de Cuvry, Fran-
çois de Barisy, Ant. de Chaumont-Quitry , Claude des Salles, s' de
Gohécourl, \.onis d'Estivaux, s' de Foncetde Villers, Simon Collot,
ministre et G. Remy, son gendre, Thirion Massin, Jean de Mont,
s' de Démange aux Eaux et Claude de Prouvcnchères, sa femme, etc.
M. A. Prudhomme, archiviste de l'Isère, publie dans le Bulletin de
V Académie delphinale (t. XIV, Grenoble 1901), une étude approfondie
et documentée sur l'Enseignement secondaire à Grenoble (1340-iGOG).
Nous y remarquons le passage suivant sur la période de la Réforme :
« ...En 1562, un recteur nommé Claude Parent fut destitué pour
être allé assister aux prêches de Farel, dans le faubourg Très-
Cloître. Il est vrai que, l'année suivante, Grenoble ayant passé au
parti protestant, Parent était supplié de rester, et qu'un maître de
musique venait tous les jours, pendant une heure, apprendre aux
enfants à chanter les psaumes de Marot. En 1.564, après l'édit de
paix, l'école était rouverte sous la direction d'un recteur et de deux
bacheliers, l'un catholique, l'autre huguenot, auxquels il était
expressément défendu de traiter des questions religieuses devant
leurs élèves.
Cette neutralité n'était vraisemblablement pas très observée,
puisqu'en 1.566, les réformés demandèrent un maître spécial pour
leurs enfants. En tous cas elle était complètement oubliée en 1575... »
H. Dannreuther.
CORRESPONDANCE
D'où sont leM ciavei ? — En réponse à celte question posée ou
plutôt résolue dans le Bulletin du 15 mars dernier, p. 166, voici
trois extraits de baptêmes copiés sur l'un des registres des Protes-
tants de Castres qui prouvent, pièces en main, que le nom de Clavel
n'appartient pas seulement au Dauphiné.
Celui qui, dans la France Protestante, a traduit Ulensis par natif
d'Oulès, Tarn, connaissait plusieurs familles de ce nom dans ce
224 CORRESPONDANCE
département. 11 a posé tout de même un point d'interrogation après
cette traduction, se gardant bien d'affirmer que le nom de Clavei
(( appartenait en propre » au Castrais.
Mais voici les preuves auxquelles nous nous bornons :
r Le dimanche 25° septembre 1622, au temple de Villegoudou,
presche du soir, par Monsieur Savois, pasteur de ceste Eglise, a
esté baptisée Rose, fille de Jean Glavel et de Marie Grasset, mariés,
présentée au baptême par M'" Josias de Fréjevile, médecin, et damoi-
selle Rose d'Auriol, femme de M*"" Pierre Boyer, confrolleur du
domaine du Roy au Comté de Castres.
2° Le premier du mois de Janvier 162(), par Monsieur Savois, a
esté baptisé Gédéon, fils de Jean Clavei et de Marie Grasset, mariés,
présenté par le sieur Gédéon de Marcoux et par Catherine d'Auge-
court.
3° Le onziesme jour d'avril 1633, par Monsieur Delom, a esté
baptisé Mathieu Clavei, fils de Jean Clavei et de Marie Grasset, pré-
senté par Mathieu Roc et Suzanne N., veuve de Jean Delpon.
[Greffe du palais de justice de Castres, Tarn).
Ch. Pradel.
L'Église réformée française de Xuricb, fondée en 1685, après des
essais qui remontent à 1645, ne possédait pas de lieu de culte lui
appartenant ou construit pour elle et ne formait même pas une
Église proprement dite, puisqu'elle dépendait directement du Con-
sistoire de l'Église réformée zuricoise. Grâce au ministère de vingt-
sept ans de M. A. Jaccard qui écrivit l'histoire du troupeau issu de
la Révocation, un premier pas dans le sens de l'autonomie fut fait
par l'organisation, en 1895, d'une « Association du culte évangé-
liquede langue française ». Cette association appela comme pasteur
de M. Etienne Secretan et recueillit, en vue de la construction d'un
temple, la somme de 270,000 francs. Ce temple, élevé par M. l'ar-
chitecte Recordon contre le cimetière de la Hohe Promenade, et
dont on loue beaucoup l'aménagement et le caractère artistique, a
été inauguré avec joie et avec éclat le 9 février 1902*.
1. Voy. le Journal de Genève du 12 lovrier.
Le Gérant : Fischbacher.
6031. — L.-lmprimeries réunies, B, rue Saint-Benoit, 7 — Motteboz, directeur.
SOCIETE DE L'HISTOIRE
DU
PROTESTANTISME FRANÇAIS
Études historiques
LA CAISSE DU CLERGÉ DE FRANCE
ET LES PROTESTANTS CONVERTIS
(1598-1790)
Parlant des sommes considérables qu'à dû coûter à la
France le grand effort de Louis XIV pour rétablir l'unité reli-
gieuse du royaume, Élie Benoît, à propos de la fameuse caisse
de Pellisson, reproche au clergé de n'y avoir pas contribué.
« Il semble » dit-il* « que ce devait être là proprement
(( l'affaire du clergé, qu'il aurait pu consacrer à cet ouvrage
a une assez grosse partie de ses immenses revenus... mais
'( l'importance de ce projet ne le pouvait porter à ouvrir sa
« bourse, et il aurait plutôt abandonné le saint ouvrage des
li conversions que d'en faire lui-même les frais. »
Sans doute c'est le roi qui a fourni aux plus grosses dé-
penses-; il a mis en mouvement par tout son royaume ses
intendants, ses magistrats et ses dragons, et il n'a pas épar.-
gné les dépenses de détail, frais de missions, faveurs accor-
1. Histoire de VEdit de Nantes, I\', 351, 442.
2. Le clergé lui en témoignait sa reconnaissance en augmentant ses
dons gratuits; voyez les paroles de l'évêque de Cosnac à l'assemblée de
1690 (d'après ses Mémoires, I, 325). L'assemblée de 1695 en accordant la
capitation ecclésiastique déclare par l'organe de son président de Harlay:
« Ce ne sera pour ainsi dire que rendre au roi une partie des sommes im-
« menses qu'il a employées pour la destruction de l'hérésie et la gloire de
'< la religion » (Procès-verbaux des assemblées du Clergé, VI, 155).
19()2. — N" 5, Mai. LI. — 17
226 ÉTUDES HISTORIQUES
dées aux nouveaux convertis sous forme de privilèges pécu-
niaires, pensions, gratifications, distributions d'aumônes et
de livres aux particuliers et aux communautés*. Il ne fau-
drait pas croire cependant, comme Benoît semble le faire,
que le clergé s'est contenté de prêcher, de catéchiser, de
préparer dans ses assemblées les mesures de persécution,
et que l'œuvre de conversion ne lui a pas coûté un denier.
S'il n'a pas porté directement- son argent à la caisse de Pel-
lisson, il a entretenu, lui aussi, une caisse de secours pour
les nouveaux convertis, surtout pour les anciens ministres :
c'est cette institution dont nous allons essayer de retracer l'his-
toire ^
I
C'est à l'assemblée de 1598* (l'année même de l'Édit de
Nantes), que fut émise l'idée de pensionner les ministres con-
vertis sur la caisse du clergé de France. Le promoteur Ber-
tier. chanoine et archidiacre de Toulouse, agent sortant de
charge, demanda pour eux « quelque petit fonds... attendu
i. Voy. entre autres de Boislisle. Correspondance des contrôleurs géné-
raux, passim.
2. Encore l'arf^ent de cette caisse était-il d'origine ecclésiastique puisque
c'était une partie du revenu des bénéfices en régale dont le roi depuis
1641 avait fait remise aux titulaires, au moins pour les évéchés. La va-
cance d'ailleurs était souvent prolongée à dessein par arrêt du conseil;
ainsi les riches abbayes de Fécamp et de Jumiéges réservées en 169'» et
1695 pour les nouveaux convertis {Mémoires de Sourches, I\', 348 et V,
53) n'étaient pas encore données en 1698 d'après le Mémoire de la géné-
ralité de Rouen.
3. Les archives bien tenues du clergé rendent ce travail aisé; il serait
plus difficile de faire l'histoire de la caisse de Pellisson. Ce fut, jusqu'à la
Révolution, une sorte de petit ministère indépendant, semi-occulte, et
mal géré. Les recherches de Rulhiére en ITBT pour ses Eclaircissements
historiques furent sans résultat (Voy. une note en tète du seul volume de
comptes qu'il ait retrouvé : Bibl. Nat, m" français 7048). D'après les pièces
fournies en 1790 au comité des Pensions de l'Assemblée constituante
(Arch. Nat., D»2, 2 liasse 13), le roi distribuait encore h cette date envi-
ron 100,0001. à 907 « nouveaux convertis «. Bien qu'une note dise qu'elles
sont « l'œuvre principal et privilégié de l'économat », ces gratifications ne
représentent plus en 1790 qu'un neuvième du revenu des bénéfices vacants
en régale, et non un tiers comme au temps de Pellisson.
4. Procès-verbaux, I, 653.
ÉTUDES HISTORIQUES 227
« que l'on est diiement averti que plusieurs d'entre eux
a demeurent dans leur erreur, crainte de mendier, eux et
« leur famille ». Cette motion souleva de vives discussions.
Les députés de six provinces sur quatorze refusaient de con-
sentir à aucune levée extraordinaire de deniers, n'en ayant
pas reçu le pouvoir de leurs commettants; ceux qui accep-
taient en principe n'étaient pas d'accord sur les moyens.
Beaucoup craignant que l'argent des provinces, porté à la
caisse de Paris, n'y fût dilapidé ou mal distribué, voulaient
que la levée et la répartition fussent affaires locales; chaque
évêque aurait recueilli et distribué l'argent dans son diocèse
ou chaque bureau général de décimes dans son ressort * ;
mais on fit remarquer que les provinces où se trouvaient le
plus de ministres étaient précisément celles où les bénéfices
avaient le plus souffert des guerres de religion : tout en récla-
mant le plus d'argent à la nouvelle caisse elles seraient les
moins capables de l'alimenter. On décida donc que jusqu'en
1600 une somme de 3,000 écus serait levée au pied de la
décime sur tous les bénéficiers de France, excepté les curés
et distribuée « aux ministres vraiment convertis et qui au-
« ront fait preuve de leur conversion par bonne vie et fruits
« dignes de pénitence entre lesquels seront préférés les
« originaires français. » La distribution serait faite par le
bureau général de Paris, selon les avis des évêques.
L'assemblée de 1600 continue les pensions a sans que les
« deniers puissent être divertis à d'autres usages ni distribués
« par d'autres personnes ni autrement qu'aux ministres pour
« quelque cause et occasion que ce soit- ». Mais c'est en 1608
que l'allocation minime s'augmente et que l'institution devient
définitive. Le cardinal de Joyeuse lut à l'assemblée du clergé
un bref de Paul Vadressé « à ses vénérables frères et bien-
<( aimés fils les archevêques, évêques et clergé du royaume
« de France ».
Après avoir loué le zèle d'Henri I\ pour procurer par tous
1. t-In lô80, pour juger les conteslalions relatives à la levée des décimes
on avait établi des bureaux généraux à Paris, Lyon. Bordeaux, Rouen,
Toulouse, Tours et Aix ; on avait ajouté Bourges en I.jSG.
2. Procès-verbaux, I, 678.
228 ÉTUDES HISTORIQUES
les moyens possibles la conversion des hérétiques, le Pape,
sur la requête du roi {ab ejus Majestaterequisiti] et pour aider
à la réalisation de son pieux dessein, exhortait le clergé à
prendre sur ses revenus une somme destinée à la subsistance
des nouveaux convertis [quâ ex ecclesiasticis reditibus istius
regni possit aliqiia ratione desiderio régis satisjïeri et neces-
sitatibus redeiintium ad fidem catholicam siibvcniri). « Recon-
« naissant le zèle de Sa Majesté à la conversion des dévoyés,
« et pour se conformer aux exhortations de Sa Sainteté »,
l'assemblée vola unfonds annuel de 30,000 It. et dressa un état
des pensionnaires. Le règlement fait à celte occasion disait
qu'entre deux assemblées, sur les attestations de conversion
envoyées par les évêques, les agents du clergé pourraient
accorder des pensions de concert avec les prélats qui se trou-
veraient à Paris et le bureau général de cette ville. Pour être
pensionné, il fallait avoir élé minisire ou « enseigné actuel-
lement rhérésie en université par leçon publique », Les pen-
sionnaires résideraient chacun dans un diocèse déterminé
sous la surveillance de Tévêque dont ils produiraient tous
les ans, pour être payés, un certificat de persévérance;
on les paierait dans leur généralité, pour leur épargner le
voyage de Paris*, toutes ces précautions étaient prises pour
éviter des malversations qui, paraît-il, s'étaient déjà produites
et dont on avait fait « de très mauvais rapports au roi ». Le
clergé avait décidé de « chercher tous les moyens pour lever
« les mauvaises impressions que l'on aurait voulu donner à
« Sa Majesté du maniement des affaires du clergé et particu-
« lièrement de l'argent destiné aux ministres convertis ». Ce
qu'il importe de retenir, c'est que l'intervention royale appa-
raît sinon à la naissance, du moins à l'établissement définitif
des pensions. C'est à la prière du roi que le pape en 1608 a
écrit au clergé, et celui-ci reconnaîtra en 1615-, qu'Henri IV
a bien élé le promoteur et l'insligateur de cette institution.
L'initiative royale ne fut peut-être pas très désintéressée, et
Benoît raconte à ce sujet une histoire qui n'a rien d'invrai-
1. Procès-verbaux, I, 798. Le texte du bref et du règlement sont aux
Pièces justificatives, p. 193.
2. Procès-verbaux, II, 276.
ÉTUDES HISTORIQUES 229
semblable. Henri IV aurait sur celte affaire « agréablement
« donné le change au clergé»; celui-ci l'ayant soUicilé de
fournir des pensions aux ministres convertis, le roi « qui
« voulait charger la bourse du clergé de celte dépense,
« plutôt que son épargne, fit écrire par le pape un bref au
« clergé, qui Texhorlail à faire ce fonds* ».
La dépense fut d'abord rejetée sur les frais communs des
assemblées; les diocèses étaient en retard et le receveur
général pour ses avances exigeait de gros intérêts; de plus
on découvrait que certains pensionnaires étaient indignes ou
incapables. Sur de nombreuses plaintes, l'assemblée de lôlT)
s'occupa d'un « bon et grand règlement et retranchement sur
« ladite dépense ». Elle fit un rôle par diocèse de la somme à
lever et un règlement destiné à empêcher le retour des abus
déjà constatés ^ D'après ce règlement, le receveur général
payait les pensions selon des états dressés par les assemblées
du clergé^ ou les faisait payer sur les lieux aux ministres
employés dans les diocèses sous la surveillance des évêques;
il ne payait rien sans le certificat de persévérance délivré
annuellement par l'évêque, visé et transmis par les agents
généraux. Une plainte de l'évêque pouvait faire suspendre le
paiement et l'assemblée du clergé rétablissait ou rayait la pen-
sion, la modérait ou la supprimait si le titulaire parvenait à
se procurer un bénéfice ou quelque autre moyen de vivre. Il
suffisait pour avoir une pension, de prouver sa qualité d'an-
cien ministre devant l'assemblée du clergé qui se tenait alors
tous les deux ans, en présentant l'acte d'abjuration signé de
l'évêque; on ne donnait qu'aux anciens ministres ou « gens
« de capacité éminente, et telle qu'ils eussent écrit et dogma-
«( tisé publiquement » ; mais comme il n'y en avait pas assez
en 1615 pour leur distribuer 30,0001., le surplus serait pro-
1. Histoire de l'Édit de Nantes, I, 451.
2. Voy. au tome VIII des Mémoires du clergé, p. 9G2 le département
de 1615, p. 1507 le règlement.
3. On avait décidément renoncé à l'organisation par provinces propo-
sée en 1598, bien que la proposition eût été reprise en 1600, et adoptée en
161 i par la chambre ecclésiastique des Etats Généraux {Procés-verbaux ,
1,678; II, 209).
230 ÉTUDES HISTORIQUES
visoirement donné à d'autres pensionnaires'. Ce règlement
donnait à Finstitution sa forme définitive et les assemblées
suivantes ne firent guère que le renouveler périodiquement,
en insistant sur certains points. Il ne suffit pourtant pas à
extirper tous les abus : pendant la première moitié du
xvii^ siècle les assemblées du clergé en découvrirent souvent
d'assez graves.
Ce désordre semble s'être manifesté surtout à propos du
choix des pensionnaires. Nous avons vu que c'était l'assem-
blée du clergé qui, sur l'avis des évêques, accordait les pen-
sions- : chaque province était représentée dansla commission
qui dressait les étals et examinait les comptes. Or, à partir
de 1625, les assemblées, par raison d'économie, ne se tinrent
plus que tous les cinq ans : les ministres nouvellement con-
vertis étaient exposés à attendre leur pension plusieurs
années. Déjà en 1621 on avait autorisé les prélats qui se
trouvaient à la cour entre deux assemblées à attribuer des
pensions de concert avec les agents du clergé, j usqu'à l'assem-
blée suivante-^ Cet usage, étant nécessaire, subsista toujours
mais il avait de gros inconvénients. Souvent des ministres
très indignes mais bien appuyés* obtenaient des pensions de
quelques prélats peu consciencieux ou mal informés, et les
provinces se plaignaient qu'on gaspillât leur argent. En 1627
quelques ministres firent remanier, à leur profit, par quelques
évêques réunis à Paris l'état arrêté en 1625, et confirmer ce
1. L'élat de 1(>15 (Procès-verbaux, II, 277) porte 18,000 1. réparties entre
'26 ministres.
2. « Hors les assemblées, nul ne pourra ci-après ordonner desdits deniers
affectés aux ministres pour quelque occasion que ce soit. » (Règlement
de 1615).
3. Procès-verbaux, 11,373.
'i. Par exemple par la reine-mère, un secrétaire d'Ktat, un cardinal, le
nonce, etc. L'un présente un acte d'abjuration signé de Richelieu, l'autre
une lettre du cardinal qu'on soupcjonne être un faux (Procès-verbaux, II.
780). D'autres comptent surtout sur eux-mêmes et viennent faire devant
l'assemblée de beaux discours où ils racontent leur conversion. En 1641,
un ministre exhibe son fils, petit prodige de 12 ans qui devant les prélats
fait des démonstrations de mathématiques, explique les textes sacrés en
grec, même en hébreu. L'assemblée ravie augmente la pension du père
(Procès-verbaux, 111, 7'i).
ÉTUDES HISTORIQUES 231
nouvel état parlettres patentes et arrêtdu Conseil; surrequête
des agents et du receveur général un arrêt du Conseil cassa
tous ces actes, ordonna que les pensions seraient payées
selon l'état de 1625, plusieurs prélats « n'ayant aucun pouvoir
« de changer ou innover les ordres de l'assemblée générale ».
En 1645 on est encore obligé de rayer un individu gratifié
dans des conditions analogues et qui n'était ni ministre ni
proposant^, et nous verrons en 1690 les plaintes d'une pro-
vince contre une petite assemblée où elle n'était pas repré-
sentée. C'est qu'en pareille matière, même pour une nom-
breuse assemblée, les méprises n'étaient pas faciles à éviter.
Le clergé ne connaissait pas exactement la discipline des
Églises réformées; on pouvait le tromper sur la qualité
requise d'ancien ministre ou proposant. Plusieurs fois le
clergé s'inquiéla des fraudes commises; il n'en parle guère
dans ses procès-verbaux-, ne tenant pas à ébruiter de telles
mésaventures, mais nous les connaissons par la brochure
d'un sieur le Comte" qui les dénonça, en les exagérant peut-
être, car sa pension avait été réduite sans motif, dit-il, au
profit d'un de ces escrocs dont il dévoilait les manœuvres. Il
s'offrait de prouver (en remettant aux agents une liste de
noms), que parmi les pensionnaires s'étaient glissées bien des
brebis galeuses, imposteurs et faussaires qui n'avaient jamais
été ministres ou proposants, si même ils avait été calvinistes,
apostats, ministres déposés pour indignité, et qui n'étaient
pas réellement convertis. L'un fabrique un acte d'abjuration,
l'autre use des attestations et quittances d'autrui, un troisième
« qui ne sait ni lire ni écrire, porte toujours des attestations
« et passeports des deux partis dont il fait sa vache à lait, et,
« dans les rencontres, tourne sa casaque du côté qu'il juge
« le plus expédient pour le bien de ses affaires... Il n'y a
«c bonne maison dans Paris où ils ne se donnent entrée, ni
« personne de condition sur qui, en vertu de leurs patentes
« et pancartes, ils ne prennent divers tributs selon la crédu-
1. On appelait ainsi les candidals au ministère pastoral.
2. Voy. pouvlanl Procès-verbaux. II, 782: lil, 171.
3. Avis à messieurs du clergé sur le sujet des ministres convertis, 1633.
Bibl. Nat. Ldi"''l!0 (Brochure de 48 pages, incomplète).
232 ÉTUDES HISTORIQUES
'X lité de ceux à qui ils ont affaire. Il n^est pas jusqu'au cabinet
« du roi qu'ils n'ouvrent grâce à ce beau passe-partout de
« conversion ». Le mal vient de l'ignorance du clergé. Le
confesseur qui reçoit l'abjuration s'en rapporte à son péni-
tent sur la qualité de ministre, l'évêque s'en remet au confes-
seur, le clergé de France à l'évêque; il y aurait pourtant des
moyens de contrôle; un ministre doit pouvoir montrer ses
lettres de mission; un proposant n'est pas un simple aspirant
ministre; il doit savoir la tiiéologie, lire le grec et avoir
quelque teinture d'hébreu.
Bien qu'assez mal disposé pour le dénonciateur, le clergé
dut profiter un peu de ses avis. Les enquêtes furent désormais
plus sévères. Le règlement de 1661 dit que les proposants
doivent prouver leur qualité « bien reconnue et avérée par
(( un acte authentique »; celui de 1670 parle encore des
« inconvénients qui arrivent tous les jours dans la distribu-
« lion des pensions par le peu de connaissance qu'on a de
« ceux auxquels elles sont acccordées* » et cette année
même on raye de la liste un soi-disant ministre converti de-
venu chanoine d'Angoulême : il n'avait jamais été huguenot-.
Il est probable que les abus de ce genre se firent plus rares,
s'ils ne disparurent pas complètement.
II
Il ne suffisait pas que les pensions fussent données à d'au-
thentiques ministres réellement convertis; il fallait que la con-
version fût durable, et, autant que possible, féconde. C'est
pour atteindre ce but plus sûrement, qu'en 1615, l'évêque
d'Orléans, auteur du règlement que nous avons résumé, avait
demandé l'institution d'une sorte de séminaire pour les mi-
nistres, surtout pour ceux qui voudraient entrer dans les
1. Mémoires du Clergé, Vill, 1317, 1519. « Il parait » dit Benoit (111,340)
« dans le règlement que cette assemblée (1661) dressa pour se garantir
< des friponneries des nouveaux convertis qu'elle n'avait pas sujet de se
« glorifier beaucoup de ses conquêtes ».
2. Procès-verbaux , V, 155.
ÉTUDES HISTORIQUES 233
ordres; on les logerait en un des collèges de l'université
pendant cinq ans, « sous la direction de quelques personn es
« pieuses et de qualité requise et sous la surintendance des
« pères Jésuites ou des prêtres de l'Oratoire, avec un bo n
« règlement et une bonne discipline )>; ils iraient ensuite dans
leurs diocèses pour travailler aux conversions sous la direc-
tion des évêques. Peut-être quelques-uns deviendraient de
grands et savants hommes pour le « service de l'Église. » Le
prélat revint en 1617 sur sa proposition, mais sans plus de
succès*; sans doute les évêques ne se souciaient pas d'entre-
tenir aux frais du clergé un établissement où ils n'auraient pas
été les maîtres. On s'en tint donc à l'obligation du certificat
annuel de persévérance signé de l'évêque et visé par les
agents du clergé, sans lequel le receveur général ne deva it
point ordonner de paiemenl^ Le contrôle était assez facile,
puisque chaque ministre devait rester dans son diocèse^ et
y être employé à des œuvres utiles à l'Eglise, sous la surveil-
lance directe de l'évêque. Les théologiens étaient utilisés
comme « controversistes du clergé »; ce titre leur valait des
pensions un peu plus fortes, pouvant atteindre parfois mille
livres, mais leur travail était l'objet d'un examen minutieux
renouvelé à chaque assemblée. Malgré tout ce système de
surveillance, le clergé, bien que ses actes soient muets su r
ce sujet, dut avoir quelques déceptions inévitables, mai s
moins nombreuses sans doute que celles qu'il avait éprouvées
pour le premier choix de ses pensionnaires.
Nous devons signaler ici le caractère nouveau que prirent
vers 1625, au moment des dernières guerres de religion, cer-
taines pensions du clergé. Données avant l'abjuration elles
1. Procès-verbaux, 11,277, 311.
2. L'assemblée de 1670 prescrivit une formule pour ces certificats (Mé-
moires du Clergé, VIII, 1521), mais on s'en écartait souvent. On certifiait
en général que le pensionnaire était tle bonne vie et mœurs, assistait aux
offices et fréquentait les sacrements. Les certificats et quittances forment
les dossiers individuels par ordre alphabétique des ministres pensionnés
(cartons 206 à 261 de la série G* Arch. Nat).
3. On se demande pourtant si l'ex-minislre en restant aux lieux où il
avait exercé ses fonctions pouvait jouir d'un grand crédit aux yeux de ses
anciens correlitjionnaires.
234 ÉTUDES HISTORIQUES
constituaient une prime à la conversion', et faisaient pour
quelque temps du pensionnaire une sorte d'agent secret du
clergé ou de la politique royale. Les pensions de ce genre
étaient surtout l'affaire du gouvernement, et, s'il faut en croire
Benoît, il n'avait pas négligé ce moyen auprès de quelques
ministres « afin qu'ils portassent les populations à la paix et
à la soumission »; quelquefois il employait comme espions
des ministres acquis à sa cause et qui gardaient leur masque
quelque temps pour mieux tromper leurs correligionnaires;
tel ce ministre de Languedoc qui, employé par la cour en 1625
pour une négociation en Dauphiné aurait obtenu un bref du
pape lui permettant de retarder de trois ans sa conversion
« parce qu'il y aurait eu plus à perdre qu'à gagner, en le
« faisant changer ouvertement de religion" ». Le clergé, qui
aurait dû avoir plus de scrupules que la diplomatie, se prêta
pourtant à des supercheries de ce genre. En 1625 figure sur
l'état de ses pensions un ministre dont le nom est laissé en
blanc; « son abjuration est différée par commandement du
roi comme servant Sa Majesté contre ceux de la Rochelle^ ».
En 1635, l'évêque d'Orange fait demander des pensions pour
quelques ministres de son diocèse dont il fait espérer la con-
version. En 1641, Richelieu juge à propos de différer la con-
version de deux ministres (( jusqu'à un temps auquel elle serve
« d'exemple à plusieurs autres »; l'assemblée se contente
d'une profession de foi secrète et leur donne une pension,
laissant leur nom en blanc sur l'état « ce qui a déjà été
pratiqué pour plusieurs autres ». De tels cas en effet ne sont
1. Les pensions en général n'avaient pas, grâce à leur modicité, ce ca-
ractère immoral; ce n'étaient que des pensions alimentaires, une indem-
nité pour le ministre qui perdait son état. Elles étaient en moyenne de
400 1. pour les ministres, de 200 pour les proposants.
2. Benoît, II, 101, 329. Le témoignage de Benoit peut être suspect sur
ce point particulier de l'intervention pontificale, mais non sur le retard
voulu de l'abjuration; c'est une pratique reconnue et approuvée par le
clergé comme par le gouvernement. En 1683 encore, un protestant a sur-
sis par ordre du roi à taire sa déclaration publique « pour donner avis
des mouvements des religionnaires » ; sa récompense fut la faculté d'ache-
ter une charge à moitié prix (de Boilisle, Correspondance des contrôleurs
généraux, I, n° 95).
3. Procès-verbaux, 11, 001.
ÉTUDES HISTORIQUES 235
pas rares; en 1641 révêque de Sisteron obtint une pension
pour un minisire très considéré, « dont on espère la conver-
« sion qui en attirerait beaucoup d'autres ». Citons un dernier
exemple qui montre les dangers de cette singulière pratique :
sur l'assurance donnée par l'évêque d'Uzès qu'ils se conver-
tiraient, trois ministres avaient reçu une pension ; on dut en
rayer deux qui n'avaient donné « aucune marque assurée de
ladite conversion* ».
Celte coutume immorale en se généralisant, aurait pu dis-
créditer l'intitution ; sans doute elle disparut vers 1650 ou devint
tout à fait secrète, car à partir de cette époque elle n'est plus
mentionnée dans les Procès-Verbaux. Mais une autre inno-
vation s'introduit alors, qui aura de plus lointaines consé-
quences. Le clergé se meta secourir, sur le fonds des ministres,
les établissements fondés vers cette époque sous le nom de
Maisons de nouveaux et nouvelles catholiques pour assurer
l'entretien des convertis et faire parmi les protestants une
active propagande. C'est en 1655 qu'il résolut de secourir
pendant cinq ans quelques-unes de ces maisons, entretenues
jusqu'alors par des charités privés. Ce genre d'établissement
« très utile, particulièrement pour attirer le petit peuple de
« la prétendue religion... a besoin d'être aidé dans son com-
« mencement et a du rapport à l'emploi des 32,000 1.- des-
« tinées par le clergé pour les ministres convertis ». Les
maisons de Paris, Toulouse, Aix, Grenoble, bientôt celles de
Poitiers, Avignon et Montpellier, reçurent donc chacune
quelques centaines de livres. Ces maisons se multiplièrent et
on fut vite convaincu de leur utilité. En trois ans l'une d'entre
elles recevait 300 nouveaux convertis; en 1670, la Propagation
de la Foi de Marseille citait à son actif 363 conversions en
six ans ^. Le clergé fut amené à continuer ses libéralités; rien
d'étonnant si les conversions de ministres devenant aussi plus
nombreuses, le fonds de 30,000 1., trop considérable en 1615,
devint de jour en jour insuffisant. A partir de 1660 les pen-
i. Procès-verbaux, 11,781; III, 72, 'ilK).
2. Nous avons dit (jue le fonds était de 30,000 1. mais on levait 32,000 1.
à cause des taxations des receveurs et des frais de comptes.
3. Procés-verbaux, IV, 408, 786; V, 54.
236 ÉTUDES HISTORIQUES
sions excèdent le fond de G,000 1.; on recourt aux avances
du receveur général ou de diocèses particuliers'; on use d'un
expédient trop facile en rognant un peu sur toutes les pen-
sions de manière à pouvoir en distribuer davantage. Déjà en
1645 on avait retranché 2,400 1. au sol la livre sur tous ceux
de l'état; en 1670 on réduit chaque pension de 18 deniers
pour livre soit environ 7 p. 100'. Ce n'était là que des demi-
mesures; tôt ou tard il faudrait bien augmenter le fonds, et
c'est ce que désiraient les gens qui souhaitaient la conversion
des protestants, et savaient que le clergé pouvait y dépenser
plus d'argent. L'auteur (ecclésiastique) d'une Dissertation
sur les Pensions selon les libertés de V Eglise gallicane •', très
sévère en général pour les pensions imposées sur les béné-
fices, n'a que des éloges pour celles des ministres convertis ;
la levée en est répartie d'une façon très douce, le produit
va dédommager le mérite nécessiteux. Il n'y a rien que de
très légitime à «attirer un héritique par l'odeur de la charité »,
l'Église doit favoriser leur retour par tous les moyens pos-
sibles et leur ouvrir en même temps son sein et sa bourse ;
en somme « on ne doit pas s'étonner si le clergé accorde des
(( pensions à des ministres convertis; on doit plutôt souhaiter
« qu'elles soient plus fortes et plus communes* ». Mais le clergé
n'était pas disposé à exaucer ce vœu; non content de faire en
1670, comme nous venons de le voir, les pensions moins fortes
pour les rendre plus communes, il ne cachait pas son intention
de se débarrasser de cette charge en la faisant retomber sur
les prolestants eux-mêmes. A cette même assemblée de
1(370, l'évêque d'Uzès propose de demander au roi « que les
« biens et revenus que les consistoires possèdent leur soient
« ôlés parce qu'ils ne peuvent pas en posséder, ne faisant
« aucun corps de communauté dans le royaume. Sur cet
(^ article Mgr l'évêque de Meaux dit qu'il serait bon de
« dem.ander au roi que le revenu des prêches supprimés fût
« employé à l'entretien des ministres convertis ■' » .
i. Procès-verbaux, IV, 70, 7«6, 1049.
2. Ibid, 111, 401; V, 140.
:{. Par l'abbé le Métayer, un volume in-12". Rouen, 1071.
4. Dissertation..., p. 231, 201.
3. Procès-verbaux, V, 56. Le X"" des « articles concernant la religion »
ÉTUDES HISTORIQUES 2.]!
III
Puisque le clergé se refusait à augmenter le fonds, il ne
restait qu'un moyen : le roi l'y contraindrait, comme pour les
dons gratuits. C'est bien ce que demandait à mots couverts
l'intendant de Languedoc, d'Aguesseau, dans un mémoire
adressé au roi sur « les moyens dont on peut se servir pour
« la conversion des ministres de la Religion Prétendue Réfor-
« mée* ». Dans l'idée de l'auteur, en attirant les ministres on
devait gagner peu à peu tout le troupeau et éviter l'emploi
des moyens violents; la pension des ministres convertis,
plus largement distribuée, pouvait devenir ainsi la clé de
voûte de la politique religieuse de Louis XIV. « Dans le
« même temps, « disait d'Aguesseau », qu'on travaillera à
(( diminuer le nombre des ministres et à rendre leur condition
« et leur subsistance difficile, il est important de leur mon-
« trer des récompenses et des avantages qui leur seront
« acquis en se convertissant. Ils ne se fieront jamais à des
« promesses générales, ni à des pensions du roi dont ils
« appréhendent qu'on ne cesse de faire le fonds au bout de
« quelques années. » Il faudrait donc que le clergé élevât à
:>00,000 1. par an (le décuple de ce qu'il donnait en 1615) le
fonds des ministres convertis. c( Il serait bon même, après
« que le département en serait fait, d'assigner les ministres
« convertis sur les bénéfices mêmes ^ parce que cela leur
« paraîtrait plus sûr et qu'ils l'aimeraient mieux que de le
« prendre des mains du receveur général du clergé; on y
« pourrait ajouter des Lettres Patentes, des arrêts du Con-
« seil, des brevets du roi et autres sûretés pour rendre les
présentés au roi par l'assemblée de 1670, dit seulement que les consistoires,
ne pouvant rien posséder, leurs biens doivent être baillés aux collèges
s'ils ont été donnés pour l'entretien des docteurs ou écoliers (Mém. du
Clergé, I, 1150).
1. Bibl. Nat. m'^ français 7044 ("20. Rulhière a utilisé ce texte dont il
cite quekjues lignes (Eclaircissements historiques, I, 102). Le mémoire, (jui
ne porte pas de date, a dû être écrit entre 1670 et 1680.
2. Comme pour les pensions données par brevet royal à des ecclésias-
tiques ou à des laïques sur les biens d'iiglise.
238 ÉTUDES HISTORIQUES
« pensions irrévocables. » Sur ce fonds d'Aguesseau propo-
sait de donner trois ans de pension aux veuves et de dédom-
mager les enfants, en prolongeant la pension pour les gar-
çons, qui autrefois s'établissaient aisément comme ministres,
et en donnant 500 1. à chaque fille lors de son mariage.
Les conseils de d'Aguesseau furent suivis, au moins en
partie. En 1680 le roi se décida à presser le clergé d'augmen-
ter le fonds des minisires convertis, mais il ne crut pas avoir
besoin comme son aïeul de se faire appuyer par un bref pon-
tifical. Sûr d'être obéi, il fit proposer à l'assemblée par ses
commissaires, Poncet, Golbert, Pussort et Seignelay, de dou-
bler le fonds des ministres convertis. « Le clergé devait con-
« sidérer que tout ce que Sa Majesté fait de grand et d'utile
(( pour la religion lui donne de justes espérances de voir
(( bientôt ce fonds réuni aux autres par les conversions extra-
(( ordinaires des hérétiques qui se font tous les jours; que la
« fidélité avec laquelle on administre celui qui est déjà fait
« et l'utilité qu'on en retire ôtent tous les sujets de crainte
« qu'on avait autrefois que ces fonds fussent détournés et
(( employés à des usages contraires aux intentions du clergé,
(( et qu'ainsi le clergé avait à prendre telle résolution qu'il
« aviserait bon être sûr cette proposition. » Une « propos i-
« tion » aussi polie ne pouvait pas être refusée. « Délibération
« prise par provinces», dit le Procès-verbal*, «il a été résolu
« de doubler le fonds destiné pour les ministres convertis et
« de seconder en cette occasion les pieuses intentions du
« roi^ ».
En 1685 nouvelle demande du roi. Le 18 juillet il fait
annoncer à l'assemblée par le président de Harlay, sa créa-
ture dévouée, son désir de voir continuer la pension aux
i. V, 332.
2. Sur les 65,000 1. qui lui-enl désormais levées annuellement, une moi-
tié le fut sur le pied de 1615, l'autre sur un pied nouveau l'ail en 1680 et
plus favorable aux diocèses toujours lésés d'outre-Loire. Dans ce nouveau
déparlement, 26 diocèses du Nord (provinces de Paris, Rouen, Reims,
Sens et partie de Tours) eurent leur part doublée ; pour tous les autres,
elle fut réduite de moitié, de sorte que les diocèses du Nord payèrent dé-
sormais trois fois, ceux d'outre-Loire une fois et demie autant tiu'aupa-
ravant
ÉTUDES HISTORIQUES 239
veuves des ministres, et le clergé s'empresse d'accéder à ce
désir. Le lendemain môme, ce qui prouve la grande confiance
du roi dans la docilité du clergé, autre proposition toujours
bien accueillie. Harlay annonce que « le roi désirait procurer
« des missions dans les diocèses pour travailler à la conver-
« sion des hérétiques et à rinstruclion des nouveaux conver-
« tis, que Sa Majesté voulait donner libéralement pour sou-
« tenir les dépenses qu'il convenait de faire à cet effet, mais
(( qiCelle désirait que le clergé contribuât quelque chose du sien
« pour l'accomplissement d'une œuvre si louable* ». Voilà
donc le clergé chargé de frais de missions* outre le fonds
récemment doublé des ministres et les pensions des veuves.
L'argent manquait, mais l'assemblée s'en remet entièrement
à Harlay pour en trouver, de concert avec le receveur géné-
ral (( sans faire à présent aucune imposition ». Le receveur
étant hors d'état d'avancer de l'argent se fit autoriser à en
emprunter au nom du clergé. Il est curieux de remarquer
que celte ressource des emprunts, constamment utilisée à
partirdelô90et qui va créer la dette du clergé, a été employée
pour la première fois à propos des dépenses faites par le
clergé pour la conversion des protestants.
Une autre augmentation — la dernière — fut proposée par
le roi en 1686. Le 11 juin ' Harlay réunissait chez lui une dou-
zaine de prélats qui se trouvaient à Paris, et leur expliquait
que l'édit de Révocation ayant amené et devant amener
beaucoup d'abjurations de ministres, il fallait encore augmen-
ter le fonds doublé en 1680. « Comme l'on ne peut quant à
« présent fixer le nombre des conversions ni par conséquent
« la quantité desdites pensions, Sa iMajesté désire que Ton
1. Procès-verbaux, V, 628.
2. Les prélats savaient qu'ils ne devaient pas lésiner sur ce chapitre :
« Sa Majesté ne trouverait pas bon qu'aucun d'eux refusât un secours si
salutaire dans la conjoncture présente sous prétexte qu'ils auraient déjà
un nombre suffisant d'ecclésiastiques dans leur diocèse ou pour quelle
autre raison ou excuse fiue ce puisse être ^Lettre de Croissy à Seignelay
accompagnant une circulaire aux intendants, du 29 oct. IfiSô, Bibl. Nat.
m" français 7044 f* 7',», copie).
3. Voir l'introduction au compte des nouvelles pensions de 1C8G [Arch.
Nat., G»*, 890»).
240 ÉTUDES HISTORIQUES
« en use pour fournir les fonds nécessaires comme l'on a
« délibéré en l'assemblée dernière pour les missions »; c'est-
à-dire qu'il fallut un nouvel emprunt dont Harlay et le rece-
veur général réglèrent de même les conditions.
L'assemblée de 1690 put voir tout ce que coûtaient au
clergé par ordre du roi les ministres convertis et les missions.
Le receveur général lui présenta trois comptes : compte des
missions, compte des anciennes, compte des nouvelles pen-
sions ^ Celui des missions- faites de 1685 à 1687 se monte à
plus de 250,000 1. Celui des anciennes pensions en attribue
50,000 à une centaine de ministres et plus de 50 commu-
nautés. Enfin le compte des nouvelles pensions est d'environ
50,000 1. aussi, distribuées à près de 200 ministres ou pro-
posants. En somme, en 1686, à l'épocjuc où le clergé a le plus
contribué de ses deniers à la conversion des protestants, sa
dépense annuelle sans compter les intérêts des emprunts a
été d'environ 225,000 1., 125,000 en missions, et 100,000 de
pensions distribuées à environ 300 ministres ou proposants
et plus de 50 communautés. On était loin des 3,000 écus du
temps d'Henri IV et des 30,000 It. dont en 1615 on trouvait à
peine l'emploi.
Le clergé dut sentir d'autant plus le poids de ces nouvelles
dépenses qu'à ce moment même pour la guerre de la ligue
d'Augsbourg on tirait de lui des sommes considérables '^
A cette même assemblée de 1690 il se plaignait* de deux sur-
croîts de charge qui, en dernière analyse, lui étaient imposés
1. Arch. Nat., G^* 709, 890s 890").
2. Outre des dépenses réparties par mission et indiquées en détail
(place de diligence, port de hardes, iVais de nourriture et de guides, dis-
tribution de livres), le compte donne la distribution entre 53 diocèses d'en-
viron 135,000 1., soit une moyenne de 2,600 par diocèse; certains, natu-
rellement, recevaient davantage. Saintes et Poitiers, 6000; La Rochelle el
Luçon, ''lOOO, etc..
3. Don gratuit de 12 millions en UVM, pour 5 ans. Or, avant celte époque
le don n'avait jamais atteint 5 millions, et la moyenne annuelle pour les
trente premières années du règne était de 670,000. De plus en 1690 com-
mence la recherche des amortissements qui coûtera «u clergé 18 millions
en 10 ans (Arch. Nat . , Q'^ ■12i) et qu'il dut i^ayer en partie en faisant fondre,
toujours sur l'invitation du roi, l'argenterie des églises.
■ A. Voir outre le Procès-verbal, les Mémoires de l'abbé Legendre, p. 202,
el ceux de Sourches, III, 249.
ÉTUDES HISTORIQUES 241
à cause des conversions. D'une part il sollicitait la remise du
tiers des revenus des évèchés que les évêques nommés
depuis 1682 et qui n'avaient pas encore leurs bulles devaient
payer pour les nouveaux convertis ^ D'autre part il deman-
dait que la Déclaration du 29 janvier 1686 sur les portions
congrues fût modifiée en faveur des gros décimateurs- sur
qui l'augmentation de ces portions pesait lourdement. Or
cette augmentation était en partie une conséquence de la
Révocation^ : ne fallait-il pas rémunérer les pauvres curés
pour le surcroit de besogne que leur imposait l'œuvre de
conversion, et Tinstruction de leurs nouvelles ouailles?
Sur ces deux points rassemblée n'obtint que de très mé-
diocres salisfaclions. Quant à une plainte élevée dans l'as-
semblée au sujet des pensions des ministres convertis, elle
y fut étouffée séance tenante. La province de Lyon, repré-
sentée par Roquette, évêque d'Autun, demanda compte à
Harlay de la manière dont il avait géré les fonds accordés
pour les nouvelles pensions par la petite assemblée extraor-
dinaire de 1686, où cette province n'avait pas été représentée.
Roquette protesta contre le pouvoir illimité et sans contrôle
qu'exerçait l'archevêque de Paris sur les affaires temporelles
du clergé. Un seul prélat, l'évêque de Laon, d'Estrées, se
joignit à lui, mais sans succès. Harlay se dit offensé par leur
demande et l'assemblée qui lui était dévouée, le sachant
appuyé par le roi, défendit aux députés de questionner à ce
sujet, sous peine d'être privés de voix à l'assemblée pro-
1. Le roi ne plaisantait pas sur ce chapitre. Harlay écrivit à l'arclie-
vèque nommé de Toulouse que les prélats qui ne paieraient pas exacte-
ment leur tiers, devraient renvoyer leurs brevets de nomination. L'arche-
vêque fit en vain le voyage de Paris pour obtenir dècharjçe de ce qu'il
devait; c[uanl à M. de Camps, èvè(|ue de Ramiers, qui ne voulait rien
payer, ses revenus furent saisis {Nouvelles ecclésiastiques, Juin l69o,
janvier 1691 ; Bibl. Nat., m" français, 235()Ot.
2. On sait que les assemblées, où lescongruistes n'étaient jamais repré-
sentés, prenaient toujours en main les intérêts des gros décimateurs.
3. La Révocation rendit inévitable l'augmentation proposée depuis long-
temps, réclamée en octobre et décembre 1683 par l'intendant de Langue-
doc pour accélérer l'œuvre de conversion (de Boislisle, Correspondance
des contrôleurs généraux, l, n" 207). Le préambule de la Déclaration
royale invoque aussi ce motif (^4rc/z. Nat., AD Wll, I."}).
Ll. - IH
242 ÉTUDES HISTORIQUES
chaîne*. Les pensions subsistèrent, mais, dès cette année, le
clergé parvint à les réduire. Le roi craignant de Taccablerau
moment où il avait tant besoin de lui, consentit à ce qu'il
lixàt les nouvelles pensions à 200 1. pour les ministres et à
lœ pour les proposants-.
IV
Nous venons de voir comment de 1680 à 1690 les finances
du clergé se sont ressenties de l'œuvre de conversion. A par-
tir de cette époque l'histoire de la pension des ministres con-
vertis n'offre plus guère d'intérêt. Le gros des conversions
était déjà.passé; beaucoup de ministres quittaient le royaume;
un certain nombre pouvaient se passer dépensions, et on ne
remplaçait pas sur l'état tous ceux qui mouraient. Pour
toutes ces raisons, les pensions diminuent peu à peu dès la
fin du xvn*' siècle. Le fonds était encore de 80,000 1. en 1691.
Dès 1695 on décide de ne plus donner de pensions jusqu'à
€e qu'il soit ramené à son ancien chiffre de 65,000 1.^ En
1715 il est réduit à moins de 57,000 1. dont 30,000 seulement
sont réparties entre 75 ministres et proposants, 15 veuves,
54 communautés^ Au xvni' siècle, le clergé se fait toujours
un devoir de secourir les ministres convertis % mais leur
part est de plus en plus diminuée au profit des autres pen-
sionnaires qui en 1715 absorbaient déjà près de la moitié du
fonds. En 1740" ministres et proposants ne sont pas une
vingtaine à se partager 5,000 1.; les communautés n'ont pas
été diminuées, mais on réduit leur part en 1745'; elles sont
maintenant assez riches des libéralités du roi, du clergé et
des particuliers. Au lieu des ministres (quand on les rem-
1. L'incident, (jui ne figure pas au Procès-vevbal, est rapporté par de
Sourches, Mémoires, 111, 254.
2. Procès-verbaux, V, 690.
3. Ibid., VI, 270.
4. Arch. Nat., G»*, 836.
5. Procès-verbaux, Vil, 1298.
, 6. Arch. Nat., C^'; 842.
7, Procès-verbaux, Vil, 2090.
ÉTUDES HISTORIQUES 243
place) on trouve dans les états leurs fils, leur petits-fils, sou-
vent de simples particuliers nouveaux convertis, que Tétat
nomme pêle-mêle parmi les autres pensionnaires. En somme
si le fonds total se maintient au même niveau, les pensions
des ministres convertis diminuent toujours et vont en s'étei-
gnant. Dans le dernier état fait en 1785*, le nombre des mai-
sons de nouveaux et nouvelles catholiques est toujours le
même; mais elles n'ont plus que 8,000 1. Il n'y a plus un seul
ministre converti, et outre une fille de ministre, sur plus de
500 pensionnaires, une douzaine seulement de nouveaux con-
vertis se partagent à peine 3000 L". Le fonds des ministres
convertis avait été peu à peu absorbé dans les pensions
du clergé auxquelles il avait autrefois, grâce à son excédent,
donné naissance ; et comme toutes les institutions temporelles
du clergé, les pensions disparurent en 1790.
Telles ont été les vicissitudes de cette institution près de
deux fois séculaire. Nous l'avons vue naître à la fin du
xvi*- siècle, et ayant subi à l'origine l'influence d'Henri IV,
prendre sa plus grande importance sous l'impulsion de
Louis XI\', entre 1680 et 1690. Nous pouvons conclure que le
clergé de France, surtout à la fin du xvn' siècle a dû contri-
buer de ses deniers, plus parfois qu'il ne l'aurait voulu, à
rétablir l'unité religieuse du royaume, et qu'en cela comme
dans toutes ses affaires temporelles, il n'a pu se défendre de
subir l'influence des circonstances et l'action directe des
volontés royales.
A. Cans.
1. Arch. Nat., G»*, 831.
2. Il est vrai que l'étal comprend ([uelques juifs convertis. C'était une
ancienne tradition; en 1641. on avait pensionné le fils d'un rabbin « très
savant dans la langue sainte et qui peut servir en beaucoup de rencon-
tres » (Procès-verbaux, III, 73). Louis Byzance, turc de nation et juif con-
verti devenu oralorien eut une pension du clergé de 1675 à ■1721 (Arch.
Nat. G^ 223). I! y eut toujours parmi les pensionnaires un certain nom-
bre d'étrangers, surtout des Anglais, Anglaises et Irlandais.
Documents
TROIS PIÈCES JUSTIFICATIVES DU MARTYROLOGE DE CRESPIN
LE SUPPLICE A BORDEAUX DE JEROME CASEBONNE
(14 mai 1555)
Les trois arrêts du Parlement de Guyenne que nous
publions ci-après sont en quelque sorte les pièces justifica-
tives du long récit que Grespin, dans son Martyrologe, nous
a laissé de l'arrestation et de l'exécution à Bordeaux du
protestant Jérôme Gasebonne^ Ils nous précisent la date et
nous confirment les détails du supplice de ce régent d'origine
béarnaise, qui pour avoir voulu « admonnester » à Montflan-
quin en Agenais^ un moine de Périgueux venu pour prêcher
le Garême, fut jeté en prison, y demeura environ deux mois
sans vouloir s'échapper et fut ensuite transféré à Bordeaux
où le Parlement de Guyenne le condamna au supplice de la
claie et au bûcher.
Théodore de Bèze dans son Histoire ecclésiastique^ nous
rapporte aussi le martyre de ce « savant personnage ».
D'après les termes mêmes de son récit, il parait n'avoir fait
que résumer la narration très détaillée de Grespin.
Tous deux placent ce supplice en l'année 1556. Bèze
essaie, en outre, de préciser et nous dit qu'il eut lieu « vers
le mois de juillet ».
GauUieur, dans son Histoire de la Réformation à Bordeaux
et dans le ressort du Parlement de Guyenne (p. 148) décou-
vrant quelque part que le 21 mai 1556 le lieutenant criminel
à Bordeaux avait prononcé la sentence de mort contre « un
certain personnage convaincu d'hérésie», rapproche aussitôt
cette mention des dates de l'arrestation et de l'exécution
fournies par Grespin et par Bèze et conclut, non sans témérité,
1. Ci-espin, Histoire des Martyrs, éd. Benoît et Lelièvre, Toulouse,
1887, t. II, pp. -'l'i'i et ss.
2. Lot-et-Garonne, arr. de ^'ilIeneuve-sul■-Lot, chef-lieu de canton.
3. Ed. Baum, Cunitz et Reuss., t, I, p. 132.
DOCUMENTS 245
que cet hérétique condamné le 20 mai 1556 devait être
Jérôme Casebonne.
Les arrêts du Parlement de Guyenne que nous avons
découverts nous permettent au contraire de placer de façon
i ndiscutable à la date du 14 mai 1555 la condamnation et
le supplice de Jérôme Casebonne*. Crespin s'était trompé
e xaclement d'une année, mais par une erreur vraisembla-
b lement tout à fait involontaire, puisque si le millésime de
l'a nnée indiqué par lui est erroné, tous les autres détails
chronologiques qu'il nous fournil sont exacts '.
Il en est de même des détails de l'exécution elle-même et
en particulier de la mention que Casebonne ayant refusé de
« demander merci et pardon à la vierge Marie, aux Sainctz
« et Sainctes de paradis et à la Justice. ..alléguantqu'il ne les
« avait en rien offensez... lors lui fut commandé de bailler la
« langue à couper ^ ».
I. — 1555, U mai. — Arrêt du Parlement de Guyenne qui condamne
Jérôme Casebonne au supplice de la claie, à l'abjuration publique
et au biJcher.
Veu le procès criminel faicl par le juge ordinaire de Monflanquin
à la requesle du procureur général du Roy prenant la cause pour
son substitut audict Monflanquin, demandeur en cas d'excès et crime
d'hérésie, à l'encontre de Hierosme Casebonne prlsonier détenu en
la conciergerie, défendeur, et luy oy en la Court;
1. Crespin donne pour date de l'arrestation de Casebonne à Montflan-
quin « le mardi devant Pâques » (9 avril 1555). D'après lui il demeura
environ deux mois en prison à Montflanquin, ce qui est un peu exagéré
si la date de l'arrestation est exacte. L'instruction de l'affaire à Bordeaux
dut être extrêmement rapide : la condamnation et le supplice eurent lieu
le même jour.
2. Peut-être aussi l'imprimeur a-t-il mal lu la date que contenait le
manuscrit. Il siilfit de peu, en effet, pour quun 5 se transforme, sous
certaines plumes, en un 6. (Réd.)
3. Les documents qui suivent sont les minutes des arrêts du Parle-
ment de Guvenne (Archives départementales de la Gironde, B 89
[liasse], 3 pièces papier, orig.. à la datei. Nous remercions M. Brutails,
archiviste de la Gironde, qui a bien voulu collationner sur les origmaux
les copies que nous avions faites de ces documents et transcrire pour
nous intégralement le troisième arrêt dont nous n'avions pris que l'ana-
lyse.
246 DOCUMENTS
Il sera dit que la Court déclare led. Hierosme Casebonne avoir
excédé et délinqué, et pour réparation des cas résultans dud. procès,
condamne icelluy Hierosme à estre trayné sur une clye par les can-
tons et carrefours acoustumez de ceste ville de B[oJurdeaulx et mené
au devant l'église métrapolitaine Sainct-André et illec, en chemise,
teste et piedz nudz, ayant en ses mains une torche de cire ardant,
demander pardon à Dieu, à la Vierge Mère, sainclz et sainctes du
paradis, au Roy et à Justice, et illec mesmes avoir la langue coup-
pée; et, ce faict, estre mené au devant le palais royal de l'Ombrière
et là estre bruslé vif et son corps mis en cendre, le tout par l'exé-
cuteur de la haute justice.
[Signs. autogrs.] De Fauguerolles : duo sciita.
Alesme.
xiiii' maii mvlv.
II. — 1555, 14 mai. — Mandat du Parlement de Guyenne ordonnant à
M« Augier de Harambure, receveur des exploits et amendes de la
Cour, de payer à Guichard d'Eymier, bourreau, François du Murât
et Bertrand de Bernys, trompettes, les sommes qui leur sont dues,
au premier pour avoir exécuté l'arrêt de la Cour contre Jérôme
Casebonne, aux autres e: pour avoir assisté à toutes les exécutions
et sonné de leurs trompetas. »
La Court ordonne à M'= Augier de Harambure, receveur des ex-
ploictz et emandes d'icelle, qu'il paye, baille et délivre comptant des
deniers de sa recepte à Guychard Dey[mier], maistre des haultes
œuvres, la somme de douze livres dix solz t. pour avoir exécuté
M* Yves Nycet (?), Jehan Sasset, Arnauld Bonnet, Jehan AndVault
et Benoist Mossetz les tous condemnez par arrestz avoir le fouhet à
la requeste du procureur général du Roy qu'est pour chascune desd.
cinq exécutions cinquante solz t.; plus la somme de dix livres t.
pour avoir exécuté l'arrest ce jourd'uy donné à la requeste dud.
procureur général du Roy à l'ancontre de Hierosme Cazebonne,
chargé de crime d'hérésie, condemné à estre trayné sur une clye
jusques au devant l'église Sainct-André et illec faire emende hono-
rable, et après estre mené au devant le Palais et estre bruslé vif, et
à François Du Murât et à Bertrand de Bernys, trompetes, pour avoir
assisté à toutes les susdites exécutions et sonné de leurs trompetes,
la somme de quatre livres dix solz t. qui est pour chascune desd. exé-
cutions pour lesd. Du Murât et Bernys, quinze solz t., et par, rap-
portant ces présentes, avecques quictance sur ce suffizante, les sus-
DOCUMENTS 247
dictes sommes de x livres xii solz t., d'une part, dix livres t. et quatre
livres dix solz t. d'autre, seront allouées aud. de Flarambure et re-
balue de sa recepte partout où il apartendra, sans difficulté.
Nim* maii mvlv.
III. — 1555, 14 mai. — Mandat du Parlement de Guyenne ordonnant
à M'= Augier de Harambure, receveur des exploits et amendes de
la Cour, de payer au greffier et aux huissiers certaine somme qui
leur est due pour avoir assisté à l'exécution de Jérôme Casebonne.
La Court ordonne à M^ Augier de Harambure, receveur des ex-
ploictz et émendes d'icelle, qu'il paye, baille et délivre comptant des
deniers de sa recepte, au greffier et huissiers de lad. Court la somme
de cent solz t. pour avoir assisté à l'exécution de Hiérosme Case-
bonne, chargé de crime d'hérésie, condemné par arrest ce jour d'uy
donné à la requeste du Procureur général du Roy, à faire émende
honorable et après estre brûlé vif au-devant le Palais. Et par, rap-
portant ces présentes avecques quictance sur ce suffisante, lad.
somme de cent solz sera allouée aud. de Harambure et rabalue de
sa recepte partout où il apartiendra, sans difficulté.
xiiii' de may mV lv.
Les détails fournis par le récit de Crespin et nos arrêts
nous laissent malheureusement dans, l'incertitude sur la
personnalité même de ce Casebonne, comme l'appellent
Théodore de Bèze et nos arrêts, ou Gasabone ainsi que le
désigne Crespin. On aimerait sans doute à connaître sa vie
antérieure, son activité, sa famille.
Ce béarnais appartenait-il à la famille d'un capitaine
Casaubon qui en 1569 servait en Béarn sous les ordres du
baron d'Arros et d'un Jacob de Gasabone, écolier boursier
au collège d'Orthez à la fin du xvi® siècle ' ?
Etait-il parent d'Arnaud de Casaubon, père de l'illustre
Isaac Casaubon, qui, originaire de « Montfort diocèse Dax en
Gascogne », d'après les registres des habitants de Genève,
s'était réfugié en Suisse vers 1550 « ayant failli d'être brûlé à
Bourdeaux- »?
1. France protestante, éd. Bordier, t. II, c. Mi4.
2. Ibid., c. SOC). D'après M. Th. Dul'our, Intermédiaire des chercheurs
24S DOCUMENTS
Ce ne peuvent ôlre là que des hypothèses que l'absence de
documents ne permet malheureusement pas de serrer de
plus près. H. Patry.
LESDIGUIÈRES APRÈS SA CONVERSION
Tout changement de religion est respectable s'il est désin-
téressé et quand celui qui l'effectue croit être plus agréable à
Dieu dans son nouvel état et désire devenir meilleur. Mais,
lorsqu'il est inspiré par l'ambition ou l'intérêt, il n'est que
méprisable. Tel fut le cas du célèbre Lesdiguières, qu'on appe-
lait indifféremment le roi et le renard du Dauphiné. Nous avons
raconté longuement, dans notre Histoire des protestants du
Dauphiné (Vol. Il, p. 20 à 26), à la suite de quelles intrigues
il passa au catholicisme et montré que sa conversion fut un
véritable marché, à la suite duquel il reçut l'épée de conné-
table. On ne pouvait guère espérer, dans ces conditions, qu'il
devînt un homme nouveau. La lettre suivante prouve, en effet,
qu'il demeura jusqu'à la fin ce qu'il fut toujours : un homme
cupide et indélicat. Elle fut écrite par l'évêque de Valence,
Charles-Jacques de Gelas de Léberon III, au nonce Strada, à
Paris, et a été conservée aux archives du Vatican, n- 395;,
fol. 334, 335. Parue dans le Bulletin de la Société départemen-
tale d'archéologie de la Drôme, année 1901, p. 380, que nous
sommes, sans doute, un des rares protestants à lire, cette
lettre a donc, en quelque sorte, la valeur d'un document inédit
pour les lecteurs du Bulletin historique et littéraire. Elle fut
écrite de Valence le 16 novembre 1627, un mois etdemi environ
après la mort de Lesdiguières, qui, quoique âgé de 83 ans,
était venu dans le Valentinois pour réduire le château de
Soyans, occupé par la Tour-Monlauban, le chef des huguenots
révoltés de la province, pendant la deuxième guerre de reli-
gion du xvn* siècle.
et des curieux, année 1886, ce. 76 et 81 . M. Dufour ne croit pas que ce soit
à Bordeaux, en Guyenne, que le père de Casaubon ait failli être brûlé,
mais à Bourdeaux, en Dauphiné. A propos de cette question, il n'est pas
inutile de noter que nous n'avons trouvé aucune trace de poursuites
contre Arnaud Casaubon dans les arrêts du Parlement de Guyenne.
DOCUMENTS
249
Lettre de Léberon III, évéque de Valence.
« Depuis que je suis parti de Paris et que je n "ay eu l'honneur de
vous voir, j'ay toujours esté en G.uyenne et en Languedoc, esloigné
de mon diocèse avec beaucoup de déplaisir de ne pouvoir estre en
liberté pour y faire ma charge, comme je suis obligé. Mais feu Mon-
sieur le Connestable, continuant ses violences en mon endroit et
s'eslant logé avec sa femme (de son authorité) dans ma maison épis-
copale, où il a permis qu'on ayt fait mille désordres et de si extraor-
dinaires que je n'oserais mettre sur le papier. Le reste du temporel
a souffert beaucoup d'incommodités, par son armée, qui seroient
trop longues à déduire; j'espère que le Roy m'en fera raison. Cepen-
dant Dieu, par une particulière Providence, a permis que, pour punir
tant de maulx faicts contre l'Église, il soit venu mourir dans la
maison de mon officiai, où il se fit porter trois jours avant de rendre
l'esprit, et ainsy Dieu a permis que le jugement du Tout-Puissant aye
esté exécuté en présence et dans la maison du juge d'Église. Tous
ses domestiques, au nombre de soixante et dix, ont esté malades
dans ma maison et sa femme du nombre. On a remarqué qu'elle
s'estoit logée sur le lieu où estaient jadis les tiltres et docu-
ments de l'Évesché, lesquels elle fit enlever par un sacrilège extra-
ordinaire, il y a quatre ans, lesquels elle fit porter à Grenoble,
où elle les a tousjours gardé; ce qui est cause de la perte d'une
partie des droicts de mon évesché, parmi ses péréquations tem-
porelles... »
Ce témoignage de Tévêque de Valence, qui présente tous
les caraclères de rauthenlicité, prouve que la conversion de
Lesdiguières au catholicisme n'exerça aucune influence sur
son état moral, puisqu'à un âge où il aurait dû penser au re-
pentir, il se saisit d'un palais épiscopal avec ses valets au
n ombre de 70 (!), y laissa commettre par ces derniers les plus
honteux désordres et toléra que sa femme, Timpudique Marie
Vignon, dérobât ses précieuses archives. Toute sa vie, du
r este, Lesdiguières pratiqua cesystème despolialion des biens
ecclésiastiques, ce qui lui permit, à lui, un des plus pauvres
gentilshommes du Dauphiné, de laisser à sa mort, à ses héri-
tiers, un château princier, une galerie de tableau d'un grand
prix, 500,000 livres de renies, une grande quantité de pierre-
250 DOCUMENTS
ries et une somme considérable d'argent comptant {Additions
au Mémoire historique et critique de la vie de Roger de Saint-
Lary de Bellegarde, par le marquis de C***, p. 85 et 86).
E. Arnaud.
LE PATRIOTISME HUGUENOT ET SES CALOMNIATEURS
A DIEPPE EN KiTS
La Société rouennaise de bibliophiles va prochainement
publier la suite des Mémoires de Jean Daval, suite qui est
encore plus intéressante, si possible, que la partie publiée en
1878-79 par feu M. E. Lesens. Le manuscrit original se trouve
en Angleterre dans la famille Perigal, que j ai pu mettre en
relations avec l'un des membres de ladite Société, notre ami
M. Garréta.
Voici, à titre de curiosité et aussi d'enseignement, un épi-
sode extrait de ces mémoires qu'on a bien voulu nous auto-
riser à publier et qui, comme toujours, réduit à néant par des
faits probants l'une des innombrables calomnies qui ont cours
contre les protestants.
L'année 1674 se passa dans la peur d'une étrange révolution. On
craignit par mer la descente et la vengeance des Hollandais, qu'on
avoil tant méprisée et que l'on avoil si maltraitez par terre, et l'on
ne doutoit point que, se trouvant alors maîtres de la Manche par le
détachement des Anglois d'avec la France, qui n'avoit peu ou point
de vaisseaux à leur opposer, ils ne vinssent à se dédommager sur la
côte de la prise de la plupart de leurs villes du côté de leurs fron-
tières. Ce qu'il y avait encore de singulier dans cette frayeur géné-
rale, c'est qu'on regardoit les Protestans comme capables de se
joindre aux ennemis, à cause de la conformité de créance qu'ils
avoient ensemble. Cela faisoitque les Puissances les soubçonnoient,
les timides les caressoient, les uns croioient qu'il les falloit désarmer,
les autres leur demandoient leur proteclion et un asile chez eux. Il
est pourtant vray que les Piéformez étoient aussi bon François que
leurs compatriotes et, par conséquent, aussi alarmez qu'eux. Le soin
qu'ils eurent d'éloigner leurs effets plus avant dans le roiaume et de
se préparer à une vigoureuse deffence le prouve invinciblement. Et
il faut avoir autant de disposition que les papistes à croire les choses
DOCUMENTS 251
les plus incroiablep, pour vouloir persuader à loul le monde, comme
ils ont tâché de le faire depuis, que les Huguenots de France et sur-
tout ceux de Dieppe ont aidé d'argent les HoUandois dans la der-
nière guerre, et que c'est pour les punir de cette trahison qu'on leur
a fait en dernier lieu toutes les choses dont ils se plaignent tant. Dieu
ne permit point, au reste, que les HoUandois fissent de descente;
mais, cette (lotte si formidable qu'ils avoient en mer fut dans l'Amé-
rique pour exécuter les ordres de ses maîtres oîi elle receut un échec
à la Martinique* après s'être fait redouter à la France, alors déjà
assez épouvantée par les séditions arrivées à Rennes et à Bour-
deaux. Cette flotte goûta, en passant, du vin des moines de Ner-
moutier.
Avant que de quitter cette guerre, il ne faut pas oublier un événe-
ment arrivé à Dieppe pendant son plus grand feu, événement qui
fera voir si les protestans de cette ville étoient en si bonne intelli-
gence avec les ennemis comme on Ta publié. Un vaisseau marchand
de la même ville, revenant d'un grand voyage, fut attaquée deux ou
trois lieues de la rade par un armateur hoUandois contre lequel le
vaisseau marchand se deffendit si vigoureusement qu'il se rendit
maître de l'armateur, étant monté à l'abordage du vaisseau ennemi
avec un courage intrépide. Ce navire marchand se nommoit « la
Bannière de France s; presque tout l'équipage étoit protestant,
entr'autres le Capitaine, nommé M. Du Port; il étoit de la Rochelle.
Il fut tué malheureusement du dernier coup qui fut tiré du vaisseau
ennemi, faisant l'office d'un habile commandant et d'un brave soldat.
Quelques officiers et matelots de la même religion y reçurent des
blessures honorables et amenèrent d'une manière triomphante leur
prise dans le Port. Les prisonniers furent charitablement secourus
par l'Église qui fit panser fort bien les blessez et nourrir les autres
pendant leur détention.
1. Pendant la guerre de Hollande, le fameux amiral Ruyter reçut l'ordre
de s'emparer de la Martinique ; il amenait avec sa flotte le comte de Stirum ,
déjà nommé gouverneur de la future conquête par les Etats-Généraux
des Pays- lias. 11 arriva devant la rade de Foii-de-France le 20 juillet
16"'i. Après avoir débarqué 6,000 hommes à la pointe Simon et tenté de
s'emparer du fort Saint-Louis, il fut contraint de s'éloigner précipitamment,
laissant parmi les morts le comte Stirum lui-même. C'est à cette époque
que la Compagnie des Indes (3ccidentales, qui avait encore devant elle
trente années d'exploitation, se trouvant impuissante au milieu de ces
guerres pour faire valoir des contrées lointaines, dut être rèvoeiuée par
un éditde décembre 1674. La propriété, la seigneurie et le domaine utile
des colonies furent réunis à la couronne. — {Grande Encyclopédie, art.
Martinique.)
252 DOCUMENTS
La vigueur et la fidellilé du capitaine Du Port parurent au Gou-
verneur de Dieppe si digne de distinction et d'honneur qu'il ordonna
qu'on lui fit des obsèques extraordinaires, permettant aux Protestants
de n'observerni le nombre d'assistans, ni les heures, ni la simplicité
à laquelle ils étoient astrains par les Edits. Le cercueil étoit porté
par sept marchands en longs manteaux de deuil etchargé du pavillon
de France, de l'épée et des autres armes du deffunt. Le lieutenant
de M. Du Port suivoit son corps traînant la bannière du vaisseau
hoUandois; après lui, suivoit le convoy funèbre, fort nombreux, où
les pasteurs se trouvèrent aussi pour en honorer la pompe. Mais,
les chicaneries, que leur en firent les Juges dans la suite, apprirent
à l'Église que sa prospérité avoit jette son dernier feu dans cette
occasion et qu'il n'y avoit plus désormais à attendre pour elle que
de l'obscurité et des traverses.
Il suffit de comparer ce récit à celui qui suit et que nous
emjDruntons aux Antiquité^ et chroniques de la ville de Dieppe
du prêtre David Asseline (t. II, p. 377-379), pour constater
d'abord que le texte de Daval est rigoureusement exact, plus
exact que celui du prêtre, et ensuite qu'il est remarquable-
ment modéré. En effet, non seulement Daval ne lire guère
parti d'un fait qui confondait si péremptoirement une calomnie
aussi vile qu'elle était lâche, c'est-à-dire anonyme. Mais il se
borne au nom de « chicaneries » pour désigner la misérable
revanche que prirent ceux qui avaient eu la bouche fermée.
On sait que sous le régime de l'Editde Nantes, pour empê-
cher la propagande d'un culte dissident toléré, on avait interdit
aux huguenots tout ce qui dans leurs offices religieux ou leurs
cérémonies pouvait attirer l'attention, et qu'on les obligeait
notamment à enterrer leurs morts sans cortège, c'est-à-dire
accompagnés de quelques personnes seulement, de grand
matin ou à la tombée de la nuit. Sous le coup de Témotion
patriotique produite par l'exploit de l'équipage du capitaine
Du Port, le gouverneur de Dieppe avait dérogé à ce règle-
ment infamant en organisant les funérailles solennelles dont
on vient de lire le récit. Belle occasion, en effet, pour faire
payer à l'Église réformée de Dieppe le service héroïque-
ment rendu par l'un de ses membres! M. le Pelle, avocat du
roi, ne la manqua pas puisqu'il requit etoblint du lieutenant
DOCUMENTS 253
criminel au bailliage d'Arqués une condamnalion à 400 livres
d'amende. Si après cela les huguenots dieppois n'étaient pas
convaincus de la supériorité du catholicisme, c'est qu'ils
étaient difficiles.
Les Dieppois signalèrent leur haljileté et leur valeur d'une ma-
nière beaucoup plus glorieuse dans la rencontre dont je vais faire
mention. Un de leurs navires marchands, nommé l'Europe (et depuis
la Bannière de France), monté de 17 pièces de canon et de 35
hommes d'équipage, après avoir esté poursuivi depuis Belle-Isle par
une frégate de Flessingues de vingt et deux pièces de canon et de
quatre-vingts hommes d'élite, fut enfin attaqué, à la hauteur de
Fescam, ou (selon le rapport de quelques-uns de son équipage) à la
hauteur de Saint- Valéry, le dix-neuvième jour de janvier de
l'année 1678.
Quoyque l'inégalité fut grande, les nostres soutinrent l'attaque et
en vinrent aux mains avec tant de vigueur, qu'après un combat opi-
niâtre pendant environ deux heures, ils se rendirent maistres de la
frégate. Ceux qui furent de la partie ont dit que ce fut particulière-
ment après que la frégate eut entrepris de passer le long du navire
dieppois pour luy lascher sa volée de canon, qu'au lieu d'exécuter
son dessein, elle embarrassa son mast de beaupré dans ses hauts-
bans et autres cordages et, qu'en effet, estant prise, ainsy qu'un
oyseau dans les filets, et les Zélandois se mettansendevoirde monter
sur leur beaupré pour en démesler les manœuvres, les Dieppois et
les passagers tirèrent dessus et ne manquèrent pas de les tuer les
uns après les autres, à la vue de leur équipage, qui en devint décon-
certée et même obligée de se tenir dans son vaisseau. Mais, parce
que les Dieppois avoient l'avantage de découvrir tous ceux qui
cstoient sur le tillac de la frégate et que les Zélandois se cachèrent
dessous, pour n'estre plus ainsi exposés aux coups des Dieppois.
ceu.x-cy descendirent et, à l'exemple du sieur Casse, lequel repas-
soit dans ce vaisseau comme directeur du négoce des intéressez et
avoit sauté le premier dans celuy des ennemis, ils les assaillirent
avec tant de fureur, qu'ils les obligèrent à demander quartier
et enfin à se rendre. Entre les braves qui se signalèrent en ce com-
bat, le sieur du Fay, second pilote, se fit distinguer tant par son
habit rouge que par son courage qui ne put souffrir, après s'estre
fait arrêter le sang par un appareil que l'on mit promptement sur la
playe ciu'il avoit reçue à la cuisse, que le combat fut terminé sans
s'y engager tout de nouveau. Un autre enfant de Dieppe nommé
254 DOCUMENTS
Estatîcelin, se fit admirer en celte occasion en ce qu'à l'âge de treize
ans, il sauta aussi dans le vaisseau ennemy, tenant le pistolet d'une
main et le sabre de l'autre. Ce qu'ils entreprirent sans doute avec
d'autantplusd'animosité, quele sieur du Port, leur capitaine avoil esté
malheureusement tué du dernier coup d'armes qui fut tiré du bord de
cette frégate, et ce fut presque toute la perle que firent les Dieppois,
au lieu que les Zélandois perdirent onze de leurs hommes qui furent
jetiez à la mer, et en eurent 23 de blessés, qui furent trouvez au
fond de cale et amenez à Dieppe, avec le reste de l'équipage de la
prise, et détenus dans les tours de la porte d'Ouest, où ils furent
gardez en attendant les ordres du roy, qui eut la bonté de leur per-
mettre de retourner en leur pays.
Après tout, cette victoire fut d'autant plus glorieuse aux Dieppois,
que leur équipage qui consistoil à environ 40 hommes, tant ma-
telots que passagers, esloil fatiguée par la longueur et les incom-
modilez qu'elle avait souffertes depuis l'isle de Saint-Domingue
■et qu'au temps du combat la moitié de leurs hommes estoit ma-
lade et même qu'il y avait quinze jours que le pain leur avoit
manqué.
Le vendredy 21** jour de ce mois, le corps du capitaine de l'Eu-
rope, qui estoit Religionnaire, fut porté en terre par ceux de sa cré-
ance. Le convoi fut pompeux et extraordinaire, car il y fut porté par
quatre hommes veslus en dueil, quatre autres tenant les coins du
drap noir qui couvroit le coffre et sur ce drap noir on posa un pavil-
lon blanc chargé de l'espée et du fourreau du deffunt, qui furent mis
en forme de croix de Saint-André. Comme le fossoyeur marchoit
devant en habit de dueil, le pilote du vaisseau venoit après, portant
un long manteau de dueil et le pavillon du vaisseau Zélandois, dont
une partie éloit traînante l'autre pliée et retenue sous son bras. Les
4 ministres le suivoient et, après eux, environ cinquante Religion-
naires marchoient deux à deux, couverts d'habits et de longs man-
teaux de dueil.
Mais cette marche, qui se fit avec tant de cérémonie tout le long
de la Grande-Rue, sur les Sou 9 heures du malin ayant été faite au
préjudice des édits du roy, en l'absence de Mons'' de Radiole, lieu-
tenant général, Mons' le Pelle, avocat du roy en la juridiction d'Ar-
qués, présenta requeste à Mons' le lieutenant criminel, lequel les
condamna à quatre cent livres d'amende*.
1. l.e même fait es( raconté, mais jjeaucoup plus brièvement, aussi dans
les Mémoires pour servir à P histoire de la ville de Dieppe, de M. C. Gui-
herl (I, 343, et 1, 222).
MÉLANGES 255
J'ai dit que ce dernier récit, quoique plus détaillé, est au
fond moins exact que le précédent. En effet, il a soin de ne
pas mentionner les bruits qui avaient été répandus pour faire
suspecter la loyauté et le patriotisme des huguenots. Puis il
se garde bien de dire que prestjue tout l'équipage et notam-
ment les officiers et matelots de la « bannière de France »,
qui firent preuve d'héroïsme étaient aussi protestants que le
capitaine Du Port, le seul dont il indique la religion. Il ne
parle, au fond, dans toute cette affaire, que du courage pa-
triotique des Dieppois, qualité que les catholiques contem-
porains de l'événement, s'efforçaient précisément de refuser
à leurs compatriotes protestants. Tant il est vrai que la polé-
mique cléricale était jadis ce qu'elle est encore aujourd'hui.
N. W.
Mélanges
LA CHANSON CATHOLIQUE DU MASSACRE DE VASSY
Le Bulletin (\', 511) a donné en 1857 le cantique ou chanson
huguenote du massacre. Voici la chanson catholique telle
qu'elle figure dans le Romancero de Champagne (tome IV,
Chants historiques, 1550-1750. P. Tarbé, Reims), et dans le
Recueil des Poésies calvinistes (1550-1566), 1864, de P. Tarbé.
Paris, Aubry, 1866. — Elle est tirée, nous dit l'éditeur du
Romancero, du Recueil des chansons de Christofle de Bour-
deaux, et nous donne la version catholique populaire de l'évé-
nement.
Honneur et salut à Dieu
Et au roy noslre sire,
Qui nous a en ce bas lieu
Si bien gardez de l'ire
Des huguenaux
liemplis de meaux
Qui nous vouloyent occire.
Un jour viendra
Qu'on les fera
Trestous crever de rire.
bV) MÉLANGES
Nous avons un bon seigneur
En ce pays de France,
El prince de grand honneur,
Vaillant par excellence,
Et très humain
Doux et bénin :
Ceit le bon duc de Guise
Qui, à Vassy,
Par sa mercy,
A défendu l'Église.
Le premier jour du moys de Mars,
Qui estoit le dimanche,
Les huguenaux de toutes paris
Se mirent en une grange
Pour y prescher
De manger chair
Qualre-temps et caresmes,
Et du lard gras.
Comme des rats
Quand ils se trouvent à mesmes.
Ainsi qu'à la messe estoit
Le bon prince de Guise
Que le prestre se vestoit
Pour chanter à l'église,
Les huguenaux,
Infails crapaux,
S'en vont sonner la presche
Qui en ce lieu
Service de Dieu
Et saincte Église empesche*.
1. C'est celte version qu'adoptent Varillas(//is^ de Charles IX, lome 1,
p. 147) et Brantôme {Œuvres, tome VIII, p. V}5). Suivant ces deux histo-
riens, le Duc, en arrivant à Vassy, serait allé directement à l'Eglise
catholique pour y entendre la messe; à ce moment, les réformés se
seraient mis à chanter leurs « pseaumes » et, dit Varillas « on n'a pu dé-
« mêler si ce fut par hasard ou de propos délibéré. Le bruit qu'ils firent
« fut si grand que le duc, contraint d'interrompre ses prières, leur envoya
« demander un demi-quart d'heure de silence, et leur assura (ju'ils pour-
« raient ensuite continuer leur chant avec liberté dès que la messe qu'il
« entendait serait finie. Les calvinistes, au lieu de répondre civilement
(' chantèrent encore plus haut; et quelques relations ajoutent qu'ils ne
MÉLANGES 'ib'i
Monsieur de Guise parla
Et dit aux gentilshommes :
— Allez-vous en jusque-là !
Et, leur dit, en somme,
Qu'ils ayent un peu,
Dedans ce lieu
Un peu de patience
Pour rendre à Dieu
Grâce et honneur
Et aussi révérence.
Mais ces huguenaux mauldits
Ont fait * tout le contraire;
Ont respondu par leurs dits
Qu'ils n'en avoyent que faire.
Ils ont frappé
Et molesté
Les nobles personnages ;
De leurs canons
De leurs bâtons
Ils leur ont fait outrage -
Monsieur de Guise y alla
En grande diligence,
Qui de tous ces méchants-là
A bien prins la vengeance.
« repai'lirent à celui tiui leur pariait que pai' des railleries et des injures ».
Il est bon de noter que François de Lorraine, dans sa propre relation
(ju'il l'ail du massacre, ne parle nullement d'avoir été dérangé dans ses
dévotions. « 11 me semblait, dit-il, être trop près des réformés, pour ne
<( pas devoir leur faire telles remontrances que je connaîtrais plus à pro-
« pos... j'envoyai devers eux deux ou trois de mes gentilshommes, pour
« leur signifier le désir que j'avais de parler à eux, lesquels je suivais de
« bien près. » {Mémoires de Condé, tome III, p. M'.i).
1. Dans le Recueil, p. 66, il y a Ont dit.
2. (3n sait, par les récits protestants, que les réformés étaient sans
armes, sauf peut-être deux ou trois iientilshommes qui avaient le droit de
porter l'épée en vertu de l'Édil de .Janvier. On suppose généralement
(jue la grange du pi'êche était inachevée, ce qui expliquerait la présence
de tas de pierres, aux aboids du bâtiment. Que les réformés s'en soient
servis comme de projectiles, cela est possible. De Thou déclare (Mé-
moires, tome lit, p. 130) (juc ce furent les valets du Duc qui en lan-
cèrent.
Ll. — l'J
•25y MÉLANGES
Il a tué
La plupart de leur bande,
Et les laquets
Par leur conquest
Ont montré chose grande.
Prions à Dieu de paradis
Qui nous donne la grâce
Que nous soyons en luy unis,
En despit de leur race,
Qu'au ciel très hault
Sans nul défault
Soyons avec les anges ;
Que nostre esprit
A Jhésu Christ
Toujours rende louange 1
Il faut avouer que si la chanté chrétienne n'éclate pas dans
tous les chants huguenots de cette malheureuse époque, les
chants catholiques ne leur cèdent en rien sous ce rapport.
Au moins, est-ce à Dieu que les réformés remettent la ven-
geance :
Sus, donc, ô Dieu ! pren les armes !
Venge ce sang espandu !
Et (( ce sang espandu » est considéré par eux comme un
châtiment plus que mérité :
Nous sçavons que nostre offense
Mérite plus que cecy;
Mais tu es Dieu de clémence,
Nous te demandons mercy.
Au rebours du poète huguenot, le poète catholique, après
l'aveu du crime, demande à Dieu une bonne place au para-
dis, pour lui et ses pareils ! Est-ce naïveté ou cynisme ?
Cn. Serfass.
MÉLANGES '£>'■>
CIMETIÈRES PROTESTANTS PARISIENS*
II. - Le cimetière des protestants étrangers à la porte
Saint-Martin.
- En 1854, M. F. Waddingtoa publiait dans le Bulletin
du Protestantisme français^ une série d'articles relatifs à
l'établissement d'un cimetière à Paris pour les protestants
étrangers en 1720; il démontrait avec documents à l'appui,
que ce lieu de sépulture leur avait été accordé, grâce à
l'influence de l'ambassade hollandaise-. Plus tard, M. Charles
Read, dans une étude fort bien documentée, fit l'histo-
rique des sépultures des protestants étrangers; il donna
le texte de l'arrêt du 20 juillet 1720, qui accordait pour les
inhumations des étrangers, un terrain d'une superficie de
250 toises, joignant la porte Saint-Martin, terrain qui ne fut
point immédiatement clos de murs et aménagé ^ En 1887,
M. Read, ayant trouvé au cabinet des Estampes de la Bi-
bliothèque Nationale, les procès-verbaux du recensement
des maisons comprises dans les faubourgs de Paris entre
1724 et 1726 écrivit l'article intitulé : Une description du
cimetière des étrangers faite officiellement en 1726*; le hasard
aurait pu tout aussi bien favoriser le chercheur dans un
autre dépôt, car cette collection de procès-verbaux relatifs
aux limites de Paris, existe également en doubles exemplaires
aux Archives Nationales ^ Cette série de registres comporte
un plan local pour chaque immeuble, et un plan d'ensemble
de la rue; j'ai cru devoir reproduire ici celui du cimetière de
la porte Saint-Martin et celui de la rue Basse (aujourd'hui
rue de Bondy) afin de marquer, d'une fa(jon exacte, l'ancien
emplacement de cette nécropole.
1. Voy. plus haut, p. 94, n" du 15 février 1901.
2. Influence de l'ambassade de Hollande à Paris sur les affaires des
pioLeslauls de France au xvii" siècle, M \b-\12ii (Bulletin de la Société du
protestantisme français, 1854, t. XI, p. 595).
:î. Ibid., 1887, t. XXXVI, p. 28.
i. Ibid., X\X\'I, j)p. -209-2 10.
5. Plan des limites de la ville et des faubourgs. Archives nationales,
Séries : OilOUgi'-^-iw et YJt'.
260 iMÉLANGES
Je ne reviendrai pas ici sur les origines du cimetière, elles
sont connues, et les textes relatifs à son établissement ont
été signalés par les auteurs que je viens de citer et plus
récemment, par 'SI. Armand Lods qui a retrouvé et publié
l'arrêt du 24 mars 1726 *.
On conserve à la bibliothèque de l'Arsenal, dans le fonds
de la Bastille, un dossier relatif au cimetière dont il s'agit ; il
montre combien les ambassadeurs étrangers étaient dési-
reux de voir achever et enclore le terrain qui avait été
affecté à la sépulture de leurs nationaux. Le 30 septembre
1722, Dodun, contrôleur général des finances, écrit à D'Ar-
genson qu'il est vivement sollicité par les ambassadeurs de
voir Iravailler à la construction du cimetière, et le 30 janvier
17:23, on s'occupe au Conseil Royal de cette question :
« Le roy s'étant fait représenter Parrest rendu en son conseil, Sa
Majesté y estant, le vingt juillet 1720, par lequel pour les causes et
considérations y contenues, il auroil entr'autrês choses été ordonné
que par le sieur de Baudry, lors iieutenanl-général de la police de
la Ville, prévosté et vicomte de Paris, il seroit incessamment dé-
signé un emplacement d'une étendue convenable pour l'inhumation
des corps des étrangers protestants qui décéderont dans ladite ville
et banlieue, que ledit emplacement seroit clos de murs, et qu'il y
seroit établi un concierge qui en auroit les clefs et seroit tenu de
l'entretenir décemment; et Sa Majesté ayantété informée qu'en con-
séquence dudil arrêt, les prévost des marchands et échevins de
ladite ville de Paris auroient visité conjointement avec ledit sieur
de Baudry, une place appartenante au domaine de la Ville, seize
au-delà et attenant le cours planté d'arbres entre la porte Saint-
Martin et barrière du Temple qui leur auroit paru convenable pour
le susdit emplacement de laquelle ils auroient ensuite par délibé-
ration du vingt-trois juillet dudit mois, donné, cédé et abandonné
une portion de contenance de deux-cent-cinquante toises en super-
ficie joignant le chemin au-delà de ladite porte Saint->Iartin, sui-
vant le plan qui en fut levé alors par le sieur Beausire, maitre-
général des bâtiments de ladite ville', veu les arresls, délibérations,
1. Bulletin, t. XXX\1\, p. 261.
2. C'est le plan reproduit ci-contre, dont les minutes existent en triple
exemplaire, sur les registres de limites cités dans une note précédente.
On trouve également dans le dossier de l'Arsenal deux originaux de ce
même plan, qui paraissent être de la main de Jean Beausire lui-même.
MÉLANGES 261
plans et devis cy-dessus mentionnés faits par ledit sieur Beausire,
ensemble les soumissions faites par Charles Vivenet, entrepreneur,
à la somme de trente-un mil livres; Séraphin Brodon, autre entre-
preneur, à trente mil livres et Barthélémy Bourdet à celle de vingt-
neuf-mil livres; Ouy le rapport du sieur Dodun, conseiller ordi-
naire au Conseil Royal et au Conseil de Régence, contrôleur-
général des finances, Sa Majesté estant en son conseil de l'avis de
Monsieur le duc d'Orléans, régent, a accepté et accepte la sou-
mission faite par le dit Barthélémy Bourdet, de faire la clôture de
la place destinée pour l'inhumation des corps des étrangers qui ne
font point profession de la religion catholique et du bâtiment pour
le concierge du côté du chemin de la voirie Saint-Martin, suivant
le plan et devis annexé à la minute du présent arrest faits par le
dit Beausire et les alignements qui seront par luy donnés et ce
moyennant la somme de vingt-neuf-mil livres de laquelle ledit
Bourdet sera payé des fonds de la capitation de ladite ville de
Paris, sur les ordonnances du sieur d'Argenson, lieutenant-général
de police, etc. * ».
Le travail de clôture fut aussitôt commencé, et le 18 mai
1723, l'entrepreneur des travaux avisait Jean Beausire que la
moitié du travail étant achevée, il se croyait en droit de
demander ce qui lui était redû sur le prix des ouvrages en
cours d'exécution; afin de lui faire donner satisfaction, l'ar-
chitecte écrivit à D'Argenson la lettre suivante :
« Le sieur Bourdet, adjudicataire des basliments et clôture du
cimetière des étrangers protestants oia il travaille depuis deux mois
et demy avec un grand nombre d'ouvriers, ce bâtiment estant bien
avancé, sera en état de recevoir le comble vers la fin de ce mois,
n'ayant encore touché que 12,000 livres sur le prix de son adjudi-
cation, qui est de 29,000 livres, nous estimons, sous le bon plaisir
de monsieur le lieutenant-général de police que sur les dix-sept
mille livres il en resteroit encore onze mille, sans compter ce qu'il
peut espérer d'augmentation -. >
Malgré cette apparente activité, le cimetière ne s'ouvrait
toujours pas et ce ne fut que l'année suivante, le 13 mars
17^4, qu'un concierge y fut installé. Un document des Archives
I. Hibliolhc<iiie de l'Arsenal, Fonds delà l^astilje, msn. 10232.
2. Ibid.
262 MÉLANGES
Nationales, ayant jus(|u"à ce jour échappé aux investigations
des historiens protestants, me permet de préciser. Voici le
texte du procès-verbal de rinstallation du gardien :
« V^u l'arrest du Conseil du vingt juillet mil-sept-cenl-vingt por-
tant règlement au sujet de l'inhumation des protestants qui meurent
à Paris par lequel il est dit : Article premier : qu'il seroit établi un
concierge au cimetière qui seroit accordé aux protestants, à l'effet
de ladite inhumation et attendu que ledit cimetière est étably à la
Porte Saint-Martin, nous Nicolas-Jean-Baptiste Ravot, chevalier,
seigneur d'Ombreval, conseiller du roy en ses conseils, maître des
requêtes ordinaire de son hôtel, lieutenant-général de police de la
ville, préyôsté et vicomte de Paris et commissaire en celle partye,
connoissant que Pierre Corroy * a toutes les qualités pour remplir
les fonctions de concierge du dit cimetière après avoir preste ser-
ment par devant nous de bien et fidèlement remplir les fonctions
de sadite commission et d'exécuter ledit arrest de point en point
selon sa forme et teneur. Fait en notre hôtel, ce treize mars mil-
sept-cent-vingt-quatre. Signé : Ravot d'Ombreval ».
Le lieutenant de police chargea de cette installation Jean
De Moncrif, commissaire au Châtelet, qui rédigea son rapport
en ces termes :
« Le treize mars audit an mil sept cent vingt-quatre pour remplir
l'exécution de la commission cy-dessus dont l'original nous a été
représenté par luy Corroy et sur laquelle copie a été cy-dessus
copiée et ledit original à luy à l'instant rendu ; nous, Jean Demon-
crif, conseiller du roy, commissaire au Châtelet de Paris, ancien
préposé pour la police au quartier Saint-Martin, nous sommes avec
luy transporté en la maison et cimetière batys sur le cours Saint-
Martin pour la destination de la sépulture de ceux de la religion pré-
tendue réformée où nous avons installé et mis en possession de
ladite maison, luy Corroy et des clefs de la grande porte et des
chambres de la maison nouvellement bâtye, après avoir observé
qu'il y manque cinq clefs dont une aux commodités, l'autre au
cimetière des Ambassadeurs et trois clefs aux chambres et à luy
Corroy signé avec nous : Corroy, De Moncrif. »
1. Pierre- l^ouis Corroy, concierge de père en fils depuis 1720 du cime-
lière des protestants étrangers aux appointements de lOOO livres par an.
— Ch. Read, La sépulture des protestants étrangers, \8S~ {Bulletin du pro-
testantisme français, t. XXXV).
MÉLANGES 263
Le concierge Corroy était chargé de tenir un registre des
sépultures ; on connaît l'importance de ces documents par les
travaux de M. Charles Read, publiés en partie dans ce
Bulletin; malheureusement les registres d'état-civil parisien,
conservés aux Archives de la Seine, furent détruits dans
l'incendie de 1871 ; perte irréparable pour l'histoire! Chaque
fois qu'il est possible de combler cette lacune immense, on
doit s'efforcer de le faire, c'est pourquoi j'ai cru qu'il était
intéressant de signaler ici une série de pièces dont l'analyse
va suivre.
Lorsqu'un étranger, appartenant au culte protestant, mou-
rait à Paris, les parents ou les amis du défunt, étaient tenus
de faire la déclaration du décès au commissaire de leur quar-
tier respectif, lequel transmettait cette déclaration à son
confrère du quartier Saint-Martin, Jean de Aloncrif, chargé
spécialement de délivrer les permis d'inhumer dans le nou-
veau cimetière. Quelques-uns de ces procès-verbaux d'inhu-
mation sont venusjusqu'à nous, et les renseignements qu'ils
contiennent permettent de reconstituer en quelque sorte le
nécrologe des protestants de nationalité étrangère., morts à
Paris, de 1725 à 1737.
Ce lieu de sépulture, contrairement à l'opinion générale-
ment admise, fut réellement mis en état dès 1724, l'installation
de Corroy le prouve, et la première inhumation, du f^' sep-
tembre 1725, est celle de Richard Vernon, chevalier anglais,
décédé rue Dauphine. On remarquera dans l'inventaire publié
à la suite de cette préface, que les détails biographiques,
capables d'intéresser ou de fournir certains éclaircissements
sur la personnalité des inhumés, ont été retenus, afin d'éviter,
autant qu'il était possible de recourir à la minute originale.
Voici la copie intégrale d'un des plus intéressants permis
d'inhumer; il est accompagné du procès-verbal d'un com-
missaire chargé de procéder à la reconnaissance du cadavre.
Ces procès-verbaux sont rares, à peine en ai-je vu trois dans
l'ensemble de la liasse inventoriée. Il s'agit d'un personnage
assez considérable, capitaine aux gardes-suisses, aussi
l'ordre est-il donné par le lieutenant-général de police lui-
même, mais toujours avec la formule restrictive et vexa-
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26f) MÉLANGES
toire : « sera inhumé nuitammenl sans bruit ny scandale dans
le cimetière des Étrangers porte Saint-Martin ». (Archives
nationales. Y. 1 48-^13.)
Procès-verbal de Vinhumation de Charles de Villars de Champdieu.
11 Juillet 1737.
« L'an mil sept cent trente-sept, le jeudy onze Juillet, sept heures
de relevée, en nostre hoslel et par devant nous Jean Demoncrif,
conseiller du Roy, commissaire au Châtelet de Paris, est venu le
sieur Amy Piclet, banquier à Paris, demeurant rue des Fossés-
Montmartre, lequel nous a mis es mains l'expédition d'un procès-
verbal fait le jourd'huy par Maître Jean Habert, notre confrère,
qui constate le déceds du sieur Charles de Villars de Champdieu,
capitaine dans le régiment des gardes-suisses de Sa Majesté très-
chrétienne, décédé le jour d'hier dans les sentimens de la religion
protestante, âgé d'environ quarante ans, natif du lieu de Lisle,
pays de Vaud, canton de Berne, en Suisse, au bas duquel sous les
conclusions de Monsieur le procureur du Roy et l'ordonnance de
Monsieur le lieutenant-général de police de ce jourd'huy, le dit sieur
de Champdieu, décédé, rue de la Planche, en la maison de Mon-
sieur le chevalier de Jaucourt et en conséquence nous a requis de
faire inhumer le corps du dit sieur de Champdieu dans le cimetière
des Étrangers en la manière ordinaire et faire ce que de raison et a
signé.
[Signatures] Demoncrif, Pictet.
Et le dit jour et an que dessus onze heures de relevée, nous,
conseiller, commissaire susdénommé, nous sommes transporté au
dit cimetière des Étrangers, où nous avons fait inhumer le corps du
sieur de Champdieu, en présence du sieur Corroy auquel avons
laissé copie de nostre présent procès-verbal et en présence des
sieurs Pictet, Pfïster et Berberat.
[Signatures] Pfïster, Berberat, Pictet, Corroy *. »
I. \u proc-ès-vei-ljal est annexé celui du commissaire Hubert dont voici
un extrait : « Pourquoy nous commissaire susdit, avons au dit sieur Pic-
let, acte donné de sa déclaration et en conséquence pour constater le
décès dudit sieur Charles de \'illars de Champdieu. nous nous sommes à
l'instant transportés, .susdites rue de la Planche, dépendante de nostre
(|uartier en la maison occupée par le sieur de Jaucourt, où étant entré
dans une salle au rez-de-chaussée, avons trouvé un corps mort gisant
sur un lit à tombeau, ç^arni d'une housse verte, que le dit sieur Pictet;
Picrre-Io-nace Berberat, valet de chambre du dit défunt, demeurant en la
MÉLANGES 267
Le cimetière de la Porte Saint-Martin fut transféré en 1762
près de l'hôpital Saint-Louis et son emplacement qui appar-
tenait à la Ville servit de magasin pour remiser les déco-
rations du théâtre de l'Opéra. A la suite de l'incendie de son
théi\tre au Palais-Royal, l'Opéra s'établit du 5 octobre 1771
au 9 avril 1782, dans une salle provisoire, bâtie sur le terrain
de la Ville et par conséquent à l'endroit où avait été le cime-
tière. A l'Académie royale de Musique et sur le même sol,
fut édifié le théâtre de la Porte Saint-Martin, de telle sorte,
que de nos jours encore, l'ancienne nécropole protestante
est remplacée par une salle de spectacle! Curieuse coïn-
cidence ; ce n'est pas un fait isolé, et si l'on jette un coup
d'œil sur un des plans gravés au XVIII» siècle, on verra que
le théâtre du Gymnase s'élève, lui aussi, où était autrefois le
cimetière de la paroisse Bonne-Nouvelle.
Henri Vial.
Liste, classée par ordre alphabétique, des inhumations faites au
cimetière des protestants étrangers de la porte Saint-Martin, entre
1725 et 1737.
Alexander (Jacques), écossais, vingt-deux ans, décédé chez le
sieur Alexander, son oncle, rue Sainte- Apolline.
Déclarants : E. Terrai, négociant, rue Saint-André-des-Arcs;
M. d'Adret, bourgeois de Paris, rue Sainte-Apolline. — 10 août
1737.
maison où nous sommes; et Jean Guyaz, laquais du dit défunt demeurant
aussy maison où nous sommes ont déclaré être le corps mort du sieur
De Villars de Ghampdieu, capitaine aux gardes suisses de Sa Majesté,
natif de Lisle, pays de \'aud, canton de Berne, pourquoy avons fait et
dressé le présent procès-verbal pour iccluy communiquer à monsieur le
procureur du roy être sur ses conclusions ordonné par monsieur le lieu-
tenant général de police ce que de raison et ont signé avec nous en nosire
minute.
Ensuite nous nous sommes transporté en l'hôtel et pai' devant monsieur
le Procureur du Roy auquel ayant communiqué nostre présent procès-ver-
bal mondil sieur le procureur du Roy a dit qu'il n'empêche le cadavre du
sieur (Charles de \ illars de Ghampdieu être inhumé yniitamment sans bruit
ny scandale dans le cimelière des Etrangers, porte Sainl-Martin, et être
enjoint aux ofliciers du guet el de police de prêter main-forlc si besoin
est et a signé en nosire minute. »
268 MELANGES
Andry (Jean), aide de cuisine de l'amljassadeur d'Holstein, vingl-
deux ans, décédé chez une garde-malades, rue Princesse.
Déclarants : Jean Hornet, maître d'hôtel de l'ambassadeur; Félix
Netzband, écuyer de l'ambassadeur, rue du Sépulcre. — 28 décembre
1728.
Bannage (.Madeleine), épouse de Georges-Louis de la Sarrar, con-
seiller privé des guerres du roi de Pologne, et noble de la Haye;
quarante-sept ans; sans indication de lieu de décès.
Déclarants : Jacques de la Sarrar du Fransquesnay; Gustave-
Adam de Schteûssing, officier dans les troupes du roi de Pologne.
11 janvier 1728.
Barthel (Georges), domestique-maréchal de l'écurie de l'ambas-
sadeur d'Holstein, natif de Brandebourg, sans âge.
Déclarants : Jean-Félix Netzband, écuyer âe l'ambassadeur; Jean-
Olivier Sailliart, garde-vaisselle de l'ambassadeur. — 23 novembre
1729.
Barthlev (Henry), anglais, trente-deux ans, décédé d'une hydro-
pisie, dans la maison du sieur Parsons, son oncle, demeurant rue
de Vaugirard.
Déclarants : Thomas Stratford, valet de chambre du défunt ; Jean
Cosgrave, marchand tailleur d'habits, rue de Bussy, paroisse Saint-
Sulpice. — 14 août 1732.
Bauditz (Frédéric, baron de), gentilhomme de Son Altesse Mon-
seigneur l'évêque de Lubeck et capitaine des troupes de Saxe.
Déclarants : Félix Netzband, écuyer du comte de Bassewitz,
ambassadeur d'Holstein; Nicolas Duhan, intendant de l'évêque de
Lubeck. — 21 mai 1729.
Bechold (Georges-Samuel), ving-cinq ans, natif de Berlin, étu-
diant.
Déclarants : Otto Barfeknecht, étudiant en médecine, demeurant
chez le sieur de Villiers, maître de pension, rue Saint-Jacques;
Jean-Frédéric Gassebohn, étudiant en médecine, demeurant au
Petit-Pont. — 12 janvier 1727.
BÉGUIN (Pierre), soldat de la compagnie colonelle des Suisses et
(irisons, natif de Rochefort, comté de Neufchâtel en Suisse, qua-
rante ans.
Déclarants : Mollet, sergent; Louis AUix, caporal, rue des Moi-
neaux, paroisse Saint-Roch. — 6 juillet 1734.
Billion (Amy), soldat de la compagnie de Derlac le jeune, natif
MELANGES 26'J
de Genève, vingt-deux ans, décédé dans la maison du sieur Buisson,
rue du Temple.
Déclarants : Buisson, citoyen de la république de Genève, rue
du Temple; Français Berger, domestiqué. — 23 septembre 1726.
BooTLEY (Thomas-Samuel), domestique du sieur Kynaston, gen-
tilhomme anglais, décédé à Poissy, « que même il a été dressé pro-
cès-verbal par le juge du lieu, qui voulait le faire enterrer dans le
cimetière des étrangers; ils ont fait porter son corps dans une cha-
relte, qui est actuellement aux portes de Paris ^ »
Déclarants : André Piamsay, gentilhomme écossais, logé à Paris,
rue des Boucheries-Saiiit-Germain-des-Prés; Jacques Murray, écos-
sais, chirurgien de profession, demeurant au château de Saint-Ger-
main-en-Laye. — 26 octobre 1728.
.Bossio (Jacques), soldat de la compagnie colonelle des Suisses,
natif de Coire en Grison, trente-huit ans.
Déclarants : Mollet, sergent; Louis Allix, caporal de ladite com-
pagnie. — 8 avril 1733.
BouLLE (Anne), vingt-sept ans, native de Londres, épouse de
Jacques Valka, domestique du sieur Liddal, gentilhomme anglais;
décédée de la petite vérole, au village de Carrières-sous-Poissy.
Déclarants : Jean Maybrick, valet de chambre du sieur Liddal;
Gaspard Peiry, maitre-perruquer et baigneur, rue des Petits Augus-
tins. — 11 août 1734.
BouBERT (Suzanne de), sans âge, veuve de Balthazar de Kiler,
native du comté de Durich.
Déclarants : Joseph Luy, valet de chambre de la dite dame; Guil-
laume Prévost, domestique de la dame de Saucourt. — 30 janvier
1729.
Bkadley (Jacques), vingt-deux ans, natif de Londres.
Déclarants : Guillaume Hay, anglais, rue des Cordeliers; Jacques
Goud, rue des Boucheries-Saint-Germain. — 11 octobre 1727.
Bréard (Guillaume), trente-cinq ans, natif de Pansenick, province
de Glocester (Angleterre).
Déclarants : Joseph Cormontangne, domestique de M. Calthorp,
anglais, demeurant rue de Tournon; Claude Lepage, également
domestique. — 25 janvier 1735.
Buisso.n (César), noble, conseiller au conseil souverain de la
1. Au permis dinhumer est joint un e\lrail du registre du bailliage et
pi'évolé de Poissy.
270 MÉLANGES
République de Genève, âgé d'environ quarante-quatre ans, fils de
noble Jacques Buisson, conseiller d'État au conseil des soixante de
la dite République et de dame Françoise Sarrazin, décédé au vil-
lage de Thieux (Seine).
Déclarants : Amy Buisson, rue du Temple; noble Léonard Buis-
son, même rue du Temple; maître Charles Collet, avocat au Parle-
ment, rue Saint-Martin. — 31 juillet 1726.
Buisson (Jacques), noble, conseiller d'Etat au conseil des soixante
de la République de Genève et ancien munitionnaire des vivres de
la marine, âgé d'environ quatre-vingts ans, suivant le cerliticat du
sieur Thélusson chargé des affaires de la dite République, décédé
à son domicile rue Sainte-Anastase.
Déclarants : noble Pierre Buisson, conseHler au conseil des deux
cents de la République de Genève; Amy Buisson, aussi conseiller;
tous deux fils du défunt. — 21 mai 1734.
Cai\terel (sans prénon), trente ans, anglais, décédé en la maison
du sieur Danger, rôtisseur, rue de la Comédie.
Déclarants : Etienne du Mirail de Monnot, ci-devant secrétaire
de la feue reine d'Angleterre, demeurant ordinairement à Saint-
Germain, de présent logé chez madame la duchesse de Bedford;
Vincent-Charles du Mirail, officier des Menus-Plaisirs de Sa
Majesté, demeurant quai des Orfèvres. — 29 mars 1728.
Claude (François), quarante-huit ans, secrétaire de Son Excel-
lence Monsieur Van IIop, ambassadeur de Hollande, décédé rue
de Richelieu. -
Déclarants : Jean-Henry Laljhard, banquier, rue Michel-le-
Comte; David Cromm, banquier, rue Beaubourg. — 22 septembre
1736.
Claverick (Jacques), dix-huit ans environ, chevalier anglais natif
du comté de Northumberland, parent du sieur Litllejohn, décla-
rant, décédé chez le sieur Rochefort, rue du Colombier.
Déclarants : Alexander Litllejohn, gentilhomme anglais de la
ville de Londres; Jean-Baptiste Rochefort, bourgeois de Paris,
demeurant rue du Colombier. — 29 mai 1726.
CoRBiN (Pierre), vingt-quatre ans, anglais, officier de cuisine de
madame la duchesse de Kingston de présent à Paris, rue du
Colombier, décédé dans l'hôtel de ladite dame.
Déclarants : Robert Hebuchner, banquier, rue de la Jussienne;
Godefroy Appelt, intendant de la duchesse de Kingston. — 8 août
1727.
MELANGES 271
CoTTEAU (Jean-Hodolphe-Anselme de), quarante ans environ,
Suisse du canton de Berne, décédé à l'hôtel de Bavière, rue Sainte-
Anne.
Déclarants : Albert-Louis Roguin, rue Traversière; E. Morlol,
rue Neuve des Petits-Champs. — 6 mars 1728.
Crafort (James), vingt et un ans environ, écossais, décédé rue
Saint-Christophe.
Déclarants : Thomas Hope, gentilhomme écossais, demeurant
rue Saint-Christophe; Louis-Pierre Dumesnil, bourgeois de Paris
demeurant rue de la Harpe. — 10 septembre 1726.
Davison (Robert), gentilhomme anglais, natif de Durham, vingt-
six ans.
Déclarants : IIutchinson-Davantage, gentilhomme anglais,
demeurant à Paris chez le sieur Bélanger, rue Saint-Benoît; J. Da-
vison, gentilhomme anglais de la ville et comté de Durham, frère
du défunt, logé chez le sieur Chenot, boulanger, rue des Cordeliers.
— 23 mai 1734.
DiLGER (Arnould), étudiant en droit, natif de Dantzig, vingt et
un ans ou environ.
Déclarants : Christian-Gabriel Fischner, compagnon du sieur
Guerlach, natif de Prusse, logé à l'hôtel de Bruxelles, rue Dau-
phine; Jean-Nicolas Ochmchen, étudiant en droit, natif de Prusse,
demeurant à l'hôtel de Hambourg, rue du Four (faubourg Saint-
Germain). — 10 janvier 1729.
DousEL (Isaac-Henry), soldat suisso de la compagnie colonelle,
dix-neuf ans, natif de Neufchàtel (Suisse), décédé rue Joquelet.
Déclarants : Pfister, sergent-major; Lembeley, sergent; tous
deux de la même compagnie. — 15 juillet 1737.
Drommond (Jean), gentilhomme écossais, soixante-cinq à soi-
.\ante-six ans, décédé rue Saint-André-des-Arcs.
Déclarants: Louis Bains, négociant, rue Dauphine; Gilbert Neil-
son, gentilhomme écossais, de passage à Paris y demeurant, rue
Mazarine. — 7 mars 1731.
DuLLEiNS (Henry-Reinard de), officier des troupes allemandes,
vingt-huit ans.
Déclarants: Gérard-Guillaume de Dulleins, conseiller intime de
son Altesse madame la douairière de Salm, natif d'Allemagne,
frère du défunt, logé à l'hôtel du Pérou, rue Guénégaud ; Otto-
(^.asimir Barfeknechtd, docteur en médecine, logé à l'entré du Fau-
bourg Saint-Jacques. — 10 novembre 1728.
272 MÉLANGES
DupAQLiEH (Jean- Jacques), soldat de la compagnie générale des
gardes suisses, dix-huit ans, natif de Fleury, canton de Neufchàtel
(Suisse).
Déclarants : Urs Mollet, sergent, rue des Moineaux, butte
Saint-Roch ; Daniel ÎNliiliel, caporal; tous deux de la même com-
pagnie. — 19 septembre 1733.
DuvAL (Jacques), hollandais, natif de La Haye, valet de chambre
de monsieur Van Hoep, ambassadeur de Hollande, décédé à l'hôtel
de l'ambassadeur, rue de Richelieu.
Déclarants : Jean-Henry Labhard, banquier, rue Michel-le-
Comte ; Jean-Antoine Sarazin, banquier, rue Neuve-des-Petils-
Champs, paroisse Saint-Roch. — 4 octobre 1733.
FergussOiN (Jean), cuisinier du sieur Alexander, banquier, trente
ans environ, décédé chez son maître rue Saint-Appoline.
Déclarants : Jean-Baptiste Lecomte, Genevois; Robert Paterson,
écossais ; tous deux demeurant chez le sieur Alexander, banquier
anglais, rue Sainte-Apolline. — 20 juillet 1730.
Ferret (Pierre), marchand-joaillier, anglais sans âge, décédé
place Dauphine.
Déclarants : Guillaume EUiott, marchand joaillier, demeurant
rue des Ciseaux ; Jean Abraham, bourgeois de Paris, faubourg
Saint-Jacques ; Jean Fangoux, marchand, cour de Lamoignon. —
20 octobre 1725.
Galatia (Ezéchielj, citoyen de Genève, quarante-sept ans, décédé
rue Neuve-des- Petits-Champs, paroisse Saint-Roch*.
Déclarants: J.-L. Saladin, citoyen de Genève, rue Saint-Honoré;
Antoine Sarazin, banquier, rue Neuve-des-Petits-Champs. —
26 décembre 1733.
Gordon (Guillaume), écossais, soixante-sept ans, décédé à
rhôtel de l'Alliance, rue de la Comédie-Française.
Déclarants: Robert Arbulhnot, banquier, rue de la Jussienne;
John Ker, gentilhomme écossais, de présent à Paris, logé rue
Saint-Dominique. — 17 février 1727.
Grœnvvegen (Jean), commisionnaire en librairie, natif de La
Haye, Irenle-cinq ans, décédé rue du Foin à Thôtel Chaumont.
Déclarants : Jacques Guérin, libraire-impi'imeur, quai des Au-
1. 11 était venu ;i l'aris j);ir oïdie des médecins de Genève afin d'y rc-
tal)lir sa santé (mention (jui fijjui-e au procès-verbal).
.MÉLANtii;s 27,i
gustins ; Marc d'Espilly, libraire, rue Salnl-Jacqucs. — \ sep-
tembre 1730.
GuiTTON (Catherine-Claire), fille de Marc Guitlon, chapelain de
sa Haute Puissance, au présent de Son Excellence Monsieur Borel,
ambassadeur de Hollande, rue du Bac, née le 6 novembre dernier
et ayant été baptisée à la chapelle de S. E.
Déclarants: le père; Paul Paraviciny, secrétaire de S. E. ; Isaac-
François Claude, hollandais, logé en la maison de la veuve Vau-
quelin, rue Montmartre. — 17 février 1727^.
GuNSBACH (Jean-Jacques), natif de La Hauptenvil dans le canton
de Turgovie (Suisse), trente-sept ans.
Déclarants : Gaspard Jobard, de Genève, demeurant rue de
Richelieu (paroisse Saint-Eustache) ; Jean-Antoine Rigot, de Genève,
rue Quincampoix, paroisse de Saint-Nicolas-des-Champs. —
28 juin 1729.
Hartope (Jean), gentilhomme anglais, décédé rue du Four (fau-
bourg Saint-Germain).
Déclarants : le sieur La Gravière (sans adresse) ; Laurent,
domestique du sieur Maurice (sans adresse). — 24 septembre 1725.
Heydegger (Philippe, Conrad, médecin suisse, soixante-dix ans
ou environ, décédé à l'hôtel de Jabach, rue Neuve-Saint-Merry.
Déclarants : Samuel Marval, suisse, logé chez Bleu, rue Quin-
campoix; David Cromm, banquier à Paris. — 3 février 1730.
HoGGER (Daniel), banquier (sans âge), natif de Saint-Gall (Suisse)
décédé rue du Vieux-Colombier, faubourg Saint-Germain.
Déclarants : Charles-Edme Belot, avocat au Parlement, rue du
Four, paroisse Saint-Eustache, David Cromm, banquier, rue Saint-
Merry. — 30 septembre 1731.
HoRNTER (Henry), natif de Saint-Gall, âgé d'environ soixante ans.
Déclarants : Gaspard Jobard, citoyen de Genève, rue des Petits-
Champs: Jacob-Pierre de Bary (sans adresse). — 14 septembre
1727.
Hyhoa (Joannès), soldat suisse de la compagnie colonelle, qua-
rante ans environ.
Déclarants : Liénard Benedy, sergent ; Jacques Bûteig, soldat
suisse. — 10 février 1730.
1. Est joint au permis (l'inhumer un extrait du registre îles sépultures
des protestants etranijers, rei,Mslre qui disparut en 187! avec ceux que
l'on conservait aux Archives de la Seine.
Ll. — 20
27'l MliLANGIîS
Jemmath {de Barford Magna, Samuel), anglais natif du comté du
Bedford, quarante ans environ.
Déclarants : Thomas Norclilîe, gentilhomme anglais ; John
Stocker, domesti(|ue anglais (sans adresse). — 3 mars 1729.
Jobard (Gaspard), cilosen de Genève, conseiller au grand conseil
de la République, soixanle-dix-huit ans environ, décédé en une
maison rue de Richelieu où il demeurait depuis plusieurs années.
Déclarants : Antoine Sarasin, banquier à Paris, rue Neuve-des-
Petits-Champs ; de Choudens François, citoyen de Genève,
demeurant rue Comtesse d'Artois. — 22 février 1736.
JouBERT (Joseph), horloger, religion anglicane, décédé rue du
Colombier, paroisse Sainl-Sulpice.
Déclarants : Henry Joubert, horloger, enclos de l'abbaye Saint-
Germain-des-Prés ; Pierre Joubert, frère du défunt. — 26 mai 1737.
Kameilsky (Louis-Charles de), gentilhomme de la cour de
Darmstadt, vingt-trois ans, décédé en l'hôtel de Fenvoyé extraor-
dinaire de He-sse-Cassel, rue Cassette.
Déclarants: Mathieu-François Petit, secrétaire de M. le baron de
Planta, envoyé extraordinaire du landgrave de Hesse-Cassel,
demeurant en son hôtel, rue Cassette, paroisse Saint-Sulpice.
Pierre Gallot, bourgeois de Paris, demeurant rue des Gravilliers,
paroisse Saint-Nicolas-des-Champs. — 5 juin 1726.
Labhard (André), fils de Jean-Henry Labhard, natif de Gtuborne ?
(Suisse) et de Marie Aldeburger son épouse, huit ans passés.
Déclarants : Isaac Milsonneau, bourgeois de Paris, demeurant
rue Michel-le-Comte ; François Sorin, ancien garde des mar-
chands-épiciers, demeurant rue Saint-Martin. — 30 septembre
1729.
Labhard (Marie-Esther), fille de Jean-Henry Labhard, banquier
à Paris, rue Michel-le-Comte, et de Marie Aldeburger, son épouse,
seize à dix-sept ans, décédée en la mai.son des anciennes eaux au
village de Passy.
Déclarants: Le père; Louis-Alexandre Blondeau de Saint-
Aumont, demeurant rue Barre-du-Bec, paroisse Saint-Merry; Isaac
Milsonneau, bourgeois de Paris, rue Michel-le-Comte. — 9 mai
1733.
Lanssac (Marie), épouse du sieur Pierre Coste, nativede Londres,
trente-six ans, est décédée rue des Fossés-de-Monsieur-le-Prince
dans les sentiments de la religion anglicane.
Déclarants : la mnri ; Pierre Coste, gentilhomme anglais, logé
chez Langlois, menuisier, susdite rue des Fossés-de-Monsieur-le-
Prince; maître Nicolas François Briquet, avocat au Parlenicnt,
demeurant cul-de-sac de la rue du Paon, paroisse Saint-Cosnie. —
3 décembre 1736.
La Perrie (Rose-Elizabeth de), veuve de Jean Horntner, native
de Saint-Gall (Suisse), soixante-huit ans ou environ.
Déclarants : Bernard Cromn, banquier, rue Neuve-Saint-Merry ;
Louis Morin, ancien contrôleur des finances d'Alsace, rue et
paroisse Saint-Sauveur. — 29 décembre 1728.
La Rive (Antoine de), banquier, conseiller du conseil souverain
de la République de Genève, sans âge, décédé rue Grenier-Sainl-
Lazare.
Déclarants : Marc Lullin, banquier, citoyen de Genève, rue
Grenier-Saint-Lazare ; Antoine Mallet-Genoux, citoyen de Genève,
banquier, rue Michel-le-Comte. — 19 juin 1730.
Laroze (Georges), natif d'Hanovre? vingt-cinq ans (sans adresse).
Déclarants: Georges Francheville, chirurgien anglais; Gabriel
Lecomte, bourgeois de Paris (sans adresse). — 18 novembre 1727.
Laurent (Nicolas), soldat suisse, natif de Tschierlsche (Grisons),
vingt ans.
Déclarants: Melchior Goldschmidl, sergent; Georges Rudolf,
sergent, demeurants tous deux rue Montmartre, paroisse Saint-
Eustache. — 6 mars 1733.
Lecomte (Jean-Baptiste), citoyen de Genève, frère de mère du
sieur Marcet, cinquante à cinquante-sept ans, décédé rue Meslay,
à l'enseigne du Croissant.
Déclarants: Marcet Nicolas, banquier, rue et vis-à-vis le Temple;
Jean-François De Choudens, citoyen de Genève, rue et paroisse
Saint-Sauveur ; Paul Besson, citoyen de Genève, rue du cimetière
Saint-Nicolas-des-Champs. — 20 septembre 1737.
Lied (Jean-Michel), garçon cordonnier, vingt-cinq ans, natif du
Palatinat, décédé en la maison de Bellier : « où il a été transporté
dans une chaise à porteur de chez un compagnon ébéniste près la
Gharité, de la part du sieur Guitlon, chapelain de Son Excellence ».
Déclarants: Alexandre Bellier, maître tailleur d'habits, demeu-
rant faubourg Saint-Antoine ; Vincent Zéba, ébéniste, demeurant
« au nom de Jésus » rue Traversière, faubourg Sainl-Antoine. —
6 juin 1727.
LiGHT DE HiHr.LOOH (Richard), anglais, vingt-huit ans, denieu-
27G MÙLANGES
ranl rue de Tournon, vis-à-vis l'hôtel des ambassadeurs, chez un
bourrelier.
Déclarants : Philip Brooke, anglais, demeurant hôtel Impérial,
rue Dauphine; Jean Drummond, écossais, demeurant hôtel d'Anjou,
rue Mazarine. — *.) mai 1729.
LocuER (Marthe), épouse du sieur Gaspard Jobard, banquier,
native de Saint-Gall (Suisse), soixante-six ans, décédée rue de
Richelieu, paroisse Saint-Eustache.
Déclarants : Jean Antoine Sarasin, banquier, demeurant rue
Neuve-des-Petits-Champs, paroisse_ Saint-Roch ; Amy Pictet, ban-
quier, rue delà Feuillade, place des Victoires. — 23 mars 1732.
Mallèt (François), fils d'Isaac Mallet, banquier genevois, demeu-
rant rue Michel-le-Comle, deux' ans et dix mois, baptisé dans la
chapelle de S. E. Monsieur l'ambassadeur de Hollande, le 25 jan-
vier 172.3.
Déclarants: le père ; Antoine Mallet-Genoux, banquier, rue Quin-
campoix. — 20 novembre 1725.
Mallet (Jeanne-Louise), fille de Jacques Mallet, native de
Genève, quinze à seize ans.
Déclarants : Antoine Mallet-Genoux, banquier, rue Beaubourg ;
Jacob-Pierre de Bary, banquier, rue des Gravilliers. — 17 mars
1727.
Mallet (Bénédict), citoyen de Genève, vingt-deux ans, décédé en
la maison de son père Jacques Mallet, rue Saint-Martin « muni
d'un laissez-passer signé: Tuvettin, secrétaire d'Etat de la Répu-
blique en date du 4 juin 1732 ».
Déclarants: Antoine Mallet-Genoux, banquier, rue Darnelal ;
Daniel Legaré, négociant, rue Saint-Martin. — 27 juillet 17,32.
Martine (Daniel), envoyé extraordinaire du landgrave de Hesse
Gassel (sans âge).
Déclarants: Pierre Tronchin, natif de Genève, demeurant à la
barrière Montmartre ; Jacob Maudry, demeurant rue Beaurepaire.
— 25 juillet 1727.
Monceau (de la Melonnière, Suzanne de), veuve du sieur Marc
Antoine Raveau, bourgeois de Londres, y demeurant, quarante-
sept à quarante-huit ans, décédée à l'hôtel de Rouen, rue Saint-
Benoît, dans les sentiments de la religion anglicane.
Déclarants : Louis de Monceau de la Melonnière, major du régi-
ment-infanterie de Talard, chevalier de l'Ordre militaire de Saint-
MDLANGES lll
Louis, demeurant à l'image Saint-Joseph, rue Mazarine ; Delan
Vincenl-Benoist, banquier, rue de l'Arbre-sec. — 5 janvier 1731.
MussARD (Jacques), joaillier de profession et citoyen de la Répu-
blique de Genève, quarante-deux ans, décédé en la maison du sieur
de risle, quai de l'Horloge.
Déclarants : Robert Mussard, peintre, demeurant rue de Mont-
morency; Legaré, marchand, rue Saint-Honoré, à l'enseigne de la
Croix de fer. — 18 décembre 1735.
Nach (Hugues), natif de Londres, soixante-deux ans, décédé rue
Saint-Honoré, près le Cadran, à l'enseigne du Saint-Esprit.
Déclarants : Etienne Magnier, agent d'affaires du défunt; Claude
Renard, officier du grand commun du roi; Alexandre Le Roy, bour-
geois de Paris; tous trois demeurants, rue Saint-Honoré. — 2 mars
1727.
Papse (Jean), soldat suisse de la compagnie colonelle, cinquante
à cinquante-cinq ans, natif du canton de Claris en Suisse, décédé
rue Saint-Pierre.
Déclarants : Léonard Roucot, sergent aux gardes suisses; Guil-
bert, sergent; Joseph Rist, caporal de la même compagnie. —
19 août 1737.
Perronet (David), suisse du duc de Gesvres tué par un quidam
d'un coup d'épée en l'hôtel de son maître, rue des Petits-Champs.
Déclarants : Etienne Berthelin, officier de monsieur le gouverneur
de Paris, demeurant rue de Richelieu; Jean Charpentier, bourgeois
de Paris, place Dauphine. — 12 novembre 172.5 *.
Pesche (Jean), domestique de M. le baron de Salm-Kirbourg,
vingt-quatre ans, natif de Saxe.
Déclarants : Jean Durand, marchand de vins, rue Mazarine, à
l'hôtel des quatre-Nations; Pierre Mesnuré, cocher de grande remise,
demeurant même rue. — 20 janvier 1730.
Rasmus (Anne), âgée de quatorze mois, fille de Rasmus, postillon
de S. E. Monsieur l'ambassadeur de Danemarck, natif de la ville
d'Osdius, en Danemarck.
Déclarants : Thomas Bukier; Christ Sanberg, domesti([ue de
l'ambassadeur. — 2S janvier 1730.
1. Sur le permis d'inhumer ligure celle mention du commissaire au
(Ihàlelel « comme il est de sa connaissance que le dit Perronnel profes-
sait la religion prolestante et qu'il n'est pas digne de la sépulture en
iesvi' sainte. »
278 MÉLANGES
Sarasin (Françoise), épouse de noble Jacques Buisson, conseiller
d'État au Conseil des soixante de la République de Genève, soixante-
dix ans, décédée chez son mari, rue du Temple.
Déclarants : Amy Buisson, citoyen de la République de Genève;
Pierre Fabry, écuyer, sieur d'Ayrelaville, conseiller au grand conseil
de la dite République; Léonard Buisson, aussi citoyen de Genève.
— 16 décembre 1727.
ScHŒN (Albert), natif de Brème, ville anséatique d'Allemagne,
vingt-huit ans, décédé à l'hôtel de Modène, rue Jacob.
Déclarants : Jean Sigismond Firnkranz, négociant à Paris, rue
Saint-Marlin, paroisse Saint-Merry; Jean-Guillaume Emminck»
demeurant chez le sieur Delarue, banquier, rue Mauconseil. —
4 mars 1733.
ScHOLTER (Jacob), soldat de la compagnie colonelle des gardes
suisses, natif de Saint-Gall (Suisse).
Déclarants : Liénard Benedy, sergent; Joseph Hainer, soldai; tous
deux de la même compagnie. — • 22 septembre 1726.
ScHtJLTER (Rodolphe), soldat suisse de la compagnie générale des
gardes, natif du canton de Zurich.
Déclarants : Barthélémy Pf ïster, sergent-major des gardes suisses,
demeurant butte Saint-Roch^ Jean Stoulz, anspessade suisse de la
même compagnie, demeurant rue d'Argenteuil. — 16 mars 1726.
SouRLANT (Julien), conseiller d'État de son Altesse Royale M. le
duc d'Holslein, trente-cinq ans.
Déclarants : Félix Netzband, écuyer du comte de Bassewitz,
ambassadeur d'Holstein; Jean Hornet, maître d'hôtel de l'ambas-
sade. — 28 janvier 1729.
SouTER (Benedict), soldat suisse de la compagnie générale, qua-
rante-cinq ans.
Déclarants : Barthélémy Pfïster, sergent-major, demeurant, rue
d'Argenteuil; Mollet, sergent, rue des Moineaux, butte Saint- Roch.
— 10 mars 1728.
Speich (Élie), soldat suisse de la compagnie colonelle, natif
d'Ugen, canton de Glaris (Suisse), sans âge.
Déclarants : Lienard Benedy, sergent-major; Melchior God-
schmidt, sergent; de la même compagnie. — 1" juin 1729,
Stricler (Jacob), soldat suisse de la compagnie colonelle, natif
de Zurich (Suisse), vingt-sept à vingt-huit ans, décédé en sa
chambre, cul-de-sae Sainl-Pierre.
MÉLANGES 27'.)
Déclarants: Georges Rudolf, sergent, demeurant rue Montmartre ;
Henry Mena, sergent; tous deux de la même compagnie. — 27 mai
1733.
Sturler (Sigismond), officier du régiment des gardes suisses,
natif du canton de Berne sans âge.
Déclarants : Barthélémy Pf ïster, sergent-major du régiment des
gardes suisses; Lienard Benedy, sergent. — 18 octobre 1726.
Taillerd (Robert), gentilhomme anglais, décédé dans la maison
du sieur de Raffoux, rue du Colombier.
Déclarants : Mathieux Delacroix de Sève, demeurant rue Chris-
tine, à rhôtel Impérial, chez le sieur Beauregard; Théodore de Raf-
foux, bourgeois de Paris, rue du Colombier. — 15 septembre 1725.
Thelusson, enfant mort-né du sexe masculin, fils d'isaac The-
lusson, ministre plénipotentiaire de la République de Genève, demeu-
rant place des Victoires.
Déclarants : le père; Jean-Baptiste Molin, bourgeois de Paris,
rue Coquillère, paroisse Saint-Eustache. — 31 mars 1734.
Thelusson, enfant mort-né du sexe féminin, fille d'isaac Thelusson,
ministre de la République de Genève près de Sa Majesté et de Sarah
Le Boullinger, son épouse, demeurant place des Victoires.
Déclarants : Jean-Godefroy Sollicoffre, négociant de Lyon de pas-
sage à Paris; François Tronchin, banquier, rue des Vieux-Augus-
tins, paroisse Sainl-Eustache. — 19 décembre 1736.
Tyrrel (Henry), âgé d'environ treize mois, fils de Charles Tyrrel,
baronnet anglais et de dame Jeanne Fillon.
Déclarants : Nicolas de Watteville, écuyer, suisse, demeurant à
Paris, rue du Bout-du-Monde; Amy Pictet, banquier suisse, demeu-
rant rue Beaurepaire. — 30 juin 1729.
Vernon (Richard), chevalier anglais, décédé à Paris, rue Dauphine
à l'hôtel Impérial sans âge.
Déclarants : milord Kulmerey; Jacques Stuart; demeurant tous
deux en le dit hôtel. — 1" septembre 1725.
ViLLARS (de Champdieu, Charles de), capitaine dans le régiment
des gardes suisses, natif de Lisle, pays de Vaud (Suisse), décédé
en la maison de monsieur le chevalier de Jaucourt, rue de la Planche,
paroisse Saint-Sulpice.
Déclarants : Pictet, banquier à Paris, rue des Fossés- Montmartre ;
Pierre-Ignace Barberet, valet de chambre du défunt. — 11 juillet
1737.
280 MELANGES
VouLLAinE (Jacques), natif de Genève et citoyen de cette ville,
trente et un ans et un mois.
Déclarants : Pierre Voullaire, négociant, rue Saint-Martin, à Paris,
frère du défunt; Antoine Mallet-Gcnoux, négociant, rue Beaubourg.
— 19 avril 1721).
Wehch (De, sans prénom), second lieutenant de la compagnie de
Villars, natif du canton de Berne (Suisse), décédé rue Traversière.
Déclarants : Pfïster, sergent-major; J.-B. Fretanod, soldat suisse.
— 24 août 172S.
WisE (Auguste), valet de pied de S. K. le comte de Bassewitz,
ambassadeur d'HoIstein.
Déclarants : Félix Netzband, écuyer de l'ambassadeur; Jean-Oli-
vier Sailliard, garde-vaisselle de l'ambassade. — 25 avril 1729.
WissEMENT (Adam), soldat de la compagnie colonelle des gardes
suisses, natif du canton de Schaffouse, trente-sept ans environ.
Déclarants : Liénard Benedy, sergent; Daniel Zûeber, soldat
suisse de la même compagnie. — 7 septembre 1726.
ZÙEBER (Daniel), soldat de la compagnie colonelle des gardes
suisses, quarante-sept ans, natif de Saint-Gall (Suisse).
Déclarants : Josué Mussot, sergent; Melchior Goldschmidt, sergent
de la même compagnie. — 8 août 1729.
AVIS IMPORTANT
Le Cinquantenaire de notre Société de l'Histoire du Protestantisme
français se célébrera le 26 et le 27 mai. Préparée par une séance
commémorative de la Réorganisation des Cultes en 1802, séance qui
sera convoquée à l'Oratoire pour le Dimanche 25 mai à quatre heures^
l'Assemblée générale de la Société d'Histoire se tiendra dans le
même temple le Lundi soir 26 mai à huit heures et demie précises.
On y entendra plusieurs psaumes exécutés pour la première fois
par un double quatuor sous la direction de M. Henri Expert qui
a naguère pu retrouver les mélodies et harmonies originales du
huguenot Claude Goudimel, maître de Palestrina et l'une des vic-
times de la Saint-Barthélémy. Le président résumera l'activité de la
Société depuis 1852 et le secrétaire essaiera de répondre à cette
question : A quoi sert Vhistoire du Protestantisme ? — Un banquet
sera organisé pour le lendemain 27 mai et dès le 22 jusqu'au 31, une
Exposition huguenote rétrospective sera ouverte à la Bibliothèque
de la Société, 54, rue des Saints-Pères.
Le Gérant : Fischbachek.
L.-ImprimciieR réunies, B, rue Sainl-rienoîl. '. — MoTTrnoz. tlireeleur.
JUBILÉ CINQUANTENAIRE
DE LA SOCIÉTÉ
DE
l'Histoire du Protestantisme Français
I. — Séance commémorative de la loi
du 18 germinal an X.
Oratoire. 25 mai 1902, 4 heures.
Comme nous l'avions annoncé sur la dernière page du Bulletin
du 15 mai, ce jubilé, fixé au 26 et 27 mai 1902, a été précédé et
préparé par le centenaire de la loi dite du 18 germinal an X, loi qui
fut promulguée le 25 avril 1802 et qui pour la première fois, en
France, reconnut au Protestantisme les mêmes droits qu'à la religion
de la majorité. Le 20 mai 1902 le président du consistoire de l'Église
réformée de Paris adressa, au nom de ce dernier, à ses collègues,
la communication suivante :
Consistoire de l'Eglise Réformée de Paris.
Paris, le 20 mai 1902.
Mon cher Collègue,
Le 18 Cerminal au X marque une grande date dans l'histoire de
notre Eglise.
Ce jour-là fut reconnue et proclamée, — non pas la liberté reli-
gieuse, elle l'avait été plusieurs années auparavant par l'Assemblée
nationale de 1789, — mais l'égalité de tous les cultes. Ce jour-là,
l'Eglise prolestante fut placée sur le même rang que l'Eglise catho-
lique. Elle eut droit aux mêmes respects et aux mêmes honneurs.
Ce jour-là fut la révocation de la révocation del'édit de Nantes. La
plume du Premier Consul effaça la signature de Louis XIV et remit
en vigueur l'édit d'Henri IV. Et cette seconde édition de l'édit de
1902. — N"' 6, 7, 8, 9, Juin, .Juillet, Août, Septembre. LI. — 21
282 JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
Nantes eut l'avantage de supprimer certaines restrictions de la pre-
mière, de donner à la liberté religieuse son expression la plus complète.
Notre pays, le premier entre tous les pays d'Europe, a mis sur la même
ligne toutes les confessions religieuses, donnant ainsi l'exemple de
la tolérance la plus large, montrant par là son éloignement pour
l'asservissement de la société civile à la société religieuse, et mar-
quant une fois de plus qu'il .entendait être le défenseur de la Justice
et du Droit.
Comment ne pas commémorer cette grande date qui, selon la
belle expression du conseiller d'Etat Siméon, « a effacé ces jours
de proscription et de deuil où des citoyens n'avaient pour prier en
commun que le désert », et qui a été, selon le mot du marquis de
Jaucourt, « le gage le plus assuré de la paix intérieure »? C'est pour
cela que le Consistoire a décidé que le dimanche 25 mai serait un
jour d'actions de grâces, marqué par des prières spéciales ou par
des prédications particulières. Un grand service aura lieu ce jour-là
à l'Oratoire, à 4 heures sous la présidence du président du Consis-
toire. 11 ne s'agit pas de glorifier l'alliance de l'Eglise et de l'Etat.
11 s'agit seulement de nous féliciter d'avoir été tirés de l'oubli, d'être
sortis de l'obscurité pour respirer pleinement sous la lumière de la
liberté et de l'égalité.
Soyons reconnaissants de cet immense bienfait. Que la France
n'ait pas de citoyens plus fidèles à ses lois, plus soumis à ses insti-
tutions, plus jaloux de sa prospérité, plus consciencieux et plus
intègres que les protestants français. Surtout que notre reconnais-
sance monte jusqu'à Dieu. « Sans l'Eternel qui nous protégea quand
les hommes s'élevèrent contre nous, nous aurions été engloutis
tout vivants. (Ps. CXXIV, 2). » Que notre appui soit toujours en
ce Nom trois fois Saint! Dieu a été notre délivrance dans le passé.
11 sera encore notre force dans les jours d'aujourd'hui et de demain.
« Sa miséricorde demeure éternellement (Ps. CVII, 1). »
Veuillez agréer, mon cher collègue, l'assurance de mes senti-
ments fraternels en Notre Seigneur Jésus-Christ.
Le Président du Consistoire,
A. GouT.
Cette communication ne reçut pas partout le même accueil. En
parcourant quelques-uns de nos journaux religieux, V Eglise libre
et V Evangéliste par exemple, on verra que les partisans de la société
religieuse idéale, c'est-à-dire de l'Eglise indépendante du pouvoir
civil, déclarèrent qu'en unissant les Eglises protestantes à l'Etat,
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 283
les articles organiques avaient été funestes à leur développement,
les avaient empêchées de ne compter pour vivre et pour accomplir
leur mission, que sur elles-mêmes.
On peut remarquer à ce propos, d'une part que la commémora-
tion d'un fait historique dont les conséquences ont été considérables
n'implique nullement l'approbation sans réserve de ce fait. D'autre
part, s'il est toujours utile de rappeler les événements qui ont eu
sur notre destinée une influence profonde, il est bon aussi de
s'associer à la gratitude provoquée par un acte de justice, cet acte
fût-il d'ailleurs incomplet ou insuffisant. C'est sans doute ce que
pensèrent quelques-uns de ceux qui vinrent remplir la nef du temple
de l'Oratoire, le dimanche 25 mai, à 4 heures. Sur l'estrade dressée
devant la chaire avaient pris place, autour du président du Consis-
toire, MM. le doyen E. Stapfer, les pasteurs B. Couve, Lacheret
et E. Sautter, le vice-amiral Puech, le président et le secrétaire
de la Société d'Histoire du Protestantisme français.
Après le chant, la lecture des Psaumes CXXIV et CXXVI et la
prière par M. Lacheret, M. le pasteur A. Goût prononça l'allocution
suivante :
ALLOCUTION
de H. le Président du Consistoire de l'Église réformée de Paris.
J'ai sur la plupart d'entre vous le privilège de l'âge.
J'ai connu dans mon enfance des protestants qui avaient
vécu au xviii* siècle, qui avaient assisté aux assemblées du Dé-
sert et qui se rappelaient sous quel ostracisme avait été notre
Église.
On l'avait baptisée : l'Église sous la Croix, et ce mot marque
parfaitement son long martyre.
Ces protestants appartenaient à toutes les classes de la so-
ciété. Les uns étaient des gens du peuple, de simples ou-
vriers, d'autres étaient des lettrés ou, comme on dit aujour-
d'hui, des intellectuels; tous se félicitaient du grand acte de
justice qu'avait accompli le Premier Consul en 1802. Tous
voyaient dans la réouverture de nos temples, dans le réta-
blissement de notre culte, dans la situation officielle faite à
nos pasteurs une réparation éclatante des injustices de ja-
dis, un ère nouvelle ouverte au Protestantisme français. A
284 JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
leurs yeux la loi de Germinal an X était comme une résurrec-
tion de notre Eglise, notre communion religieuse tirée du
tombeau et respirant à nouveau sous le beau ciel de la France,
sur cette terre privilégiée dont la mission semble être de
porter au loin l'étendard de la liberté, de la justice, de la
civilisation, dans ce que la civilisation a de plus noble, de
plus généreux, de plus largement bienfaisant.
Et comment ces vieillards, ne se seraient-ils pas félicités
de la reconnaissance officielle de notre culte, eux qui avaient
vu les longues chaînes de forçats prolestants se dirigeant vers
le bagne, et les derniers gibets auxquels avaient été pendus
les derniers pasteurs du Désert?
Quand on sort d'une longue nuit douloureuse, et qu'on re-
voit tout à coup la douce lumière du soleil, quel bienfait,
quel soulagement, quelle ivresse!
Ce fut le tressaillement qu'éprouvèrent les Réformés de 1802,
quand ils virent la France honorer du même respect que l'É-
glise catholique, la vieille Église des persécutés, des pros-
crits, des confesseurs et des martyrs. Ils ne pouvaient assez
bénir Dieu d'être sortis de ces longues persécutions où l'on
avait mis tout en œuvre pour extirper de notre sol jusqu'au
dernier rejeton des Huguenots.
Nous voici encore debout dans ce temple où Bossuet a
prêché quelques-unes de ses oraisons funèbres, fiers de notre
passé, confiants dans l'avenir, tenant en main le drapeau du
spiritualisme chrétien, offrant à nos compatriotes l'exemple
d'une Église qui n'a d'attaches qu'avec la patrie française,
ne recevant point du dehors, d'un chef étranger, ses inspira-
tions ou ses mots d'ordre.
J'admire le miracle qui nous a préservés de la destruction.
J'en fais honneur à l'énergie de notre foi, à l'indomptable
vitalité de nos croyances, au mâle courage que le christia-
nisme évangélique fait naître dans les âmes; mais je vois sur-
tout dans le salut de notre Église la main de Dieu. Gardée
par Dieu, notre Église pourrait prendre pour devise la devise
de la ville de Paris : Fluctuât nec mergitur, que je traduis
librement : Elle est ballottée parles tempêtes, elle ne saurait
périr.
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 285
Je crois à la Providence, et je me demande souvent pour-
quoi Dieu nous a fait échapper à de si fréquents et de si ter-
ribles naufrages.
Evidemment nous sommes une pierre d'attente, le roc sur
lequel Dieu veut élever un édifice nouveau.
La question religieuse est à l'ordre du jour partout dans
les pays catholiques : en France, en Espagne, en Italie, en
Autriche. Un peuple sans religion est un peuple voué à une
irrémédiable décadence. L'Église du Moyen Age, qui répon-
dait aux exigences de cette époque, ne répond plus aux aspi-
rations des temps modernes, au souffle de liberté, d'indépen-
dance, d'autonomie nationale, de respect de la conscience
individuelle, à ce souffle qui prépare Tavènement d'une so-
ciété nouvelle, d'une société où les classes, se rapprochant
les unes des autres, vivront dans un contact plus étroit, dans
une fraternité plus équitable, dans un saint amour qui nous
disposera à porter les fardeaux les uns des autres, à nous
associer aux souffrances des humbles, à faire du sacrifice,
non plus un mot, mais la loi de notre vie.
N'avons-nous pas à préparer cet avenir, à en être les pion-
niers? Cet Evangile duquel nous nous réclamons, ne porte-
l-il pas, dans ses plis divins, le mot qui transformera notre
société, sans ébranlements considérables? Ne peut-il pas
faire de nos jours les mêmes miracles qu'il fit au xvi^ siècle,
au Moyen Age, à la chute de l'empire romain? N'est-il pas
toujours la puissance de Dieu?
Cet Evangile est noire unique drapeau. Restons-lui fidèles.
Gardons ses enseignements si larges, si généreux, si spiri-
tualistes, si éloignés de toutes les étroitesses et de toutes les
superstitions. Serrons aussi nos rangs, vivons comme une
société de frères, ne formant devant Dieu qu'un cœur et qu'une
âme, dominés par cette charité qui est la vertu cardinale du
christianisme, et peut-être verrons-nous s'accomplir pour
notre Eglise la vision du prophète Esaïe : « // arrivera, datis la
suite des temps, que la montagne de la maison de l'Eternel sera
fondée sur le sommet des montagnes. Elle s'élèvera par-dessus
les collines, et toutes les nations j'- afflueront (Es. 11,2).
286 JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
La parole est donnée ensuite au secrétaire de la Société de l'His-
toire du Protestantisme français, pour exposer
L'ORIGINE ET LA SIGNIFICATION
Dt:
LA LOI DU 18 GERMINAL AN X*
I
Il y a un siècle et un mois, le dimanche 5 floréal an X, c'est-
à-dire le 25 avril 1802, dans l'église Saint-Louis-du-Louvre,
aujourd'hui disparue, après une prière d'humiliation et d'ac-
tions de grâces et la lecture de cette parole de l'apôtre
Paul, Conduise\-vous avec honneur et comme en plein jour
(Rom. XIII, 13), le pasteur Paul-Henri Marron commençait
ainsi son Discours sur le rétablissement de la religion :
Il y a dix ans, qu'en installant notre culte dans ce temple qui nous
réunit encore aujourd'hui sous les yeux de Dieu, nous fixâmes votre
attention sur ces paroles qui précèdent immédiatement celles de
mon texte : La nuit est passée, le jour est levé^. Cette douce persua-
sion était alors celle de tous les François; les cœurs, universellement
épanouis à l'espérance, saluoient avec transport l'aurore d'un jour
sans nuage; il sembloit que cette parole qui, à l'origine des siècles,
débrouilla le chaos et féconda le néant : que la lumière soit, retentis-
soit encore dans une création nouvelle, dont nous ne devions
pas être les derniers à nous féliciter. Hélas ! que de vœux ont été
déçus ! que d'espérances trompées ! Dans les annales du monde
primitif les affreux ravages du déluge se trouvent placés près du
1. Cette causerie, ou conférence familière ayant été improvisée sur
quelques notes, n'a été sommairement rédigée qu'après avoir été pro-
noncée.
2. C'est par suite d'une méprise ([ue M. A. Lods, dans son Église
réformée de Paris pendant la Résolution, p. 16 {Bull., 1889), écrit que le
jour de la dédicace de Sainl-Louis-du-Louvre, 22 mai 1791, Marron
prêcha sur ce texte : Soye^ joyeux dans l'espérance, patieyits dans
l'affliction, persévérants dans la prière.
DE L HISTOIRE DU PROTESTANTISME FRANÇAIS 287
berceau du genre humain; et clans l'histoire de notre régénération
sociale, quel déluge de maux a aussi bientôt couvert la France !
Et voici comment il invitait ses ouailles à apprécier l'évé-
nement que nous commémorons aujourd'hui :
...Vous manqueriez à Vhonneur, chrétiens, mes chers Frères, et
votre conduite, loin d'être digne du grand jour, appellerait sur
elle la honte et les ténèbres, si d'abord vous étiez insensibles au
triomphe de la Religion, et à cette justice tardive qui met notre
culte sur la même ligne avec celui qui, trop longtemps l'affligea de
ses exclusives prétentions... Ah! désormais oublions nos longs
sujets de plainte. Les temps de proscription ne sont plus; une flé-
trissante disparité cesse; la loi bienfaisante et sage organise notre
existence religieuse à l'égal du culte dans la protection duquel elle
ressembla pendant plus d'un siècle à un père injuste et oppressif
dans ses prédilections. N'en doutons point, cette impulsion salu-
taire va, avec tant d'autres causes, rapidement acheminer les des-
tinées de la France au plus haut degré de prospérité sociale. La
paix des familles, la paix des consciences attacheront de plus en plus
tous ses enfans à son riche sol; elles y appelleront l'étranger qui
peut difficilement trouver ailleurs la réunion des mêmes avantages;
les descendants surtout des anciens proscrits de l'intolérance sou-
riront encore à la patrie de leurs ayeux ; ils y apporteront avec
empressement leurs lumières, leurs talens, leur industrie, leurs
vertus; et le xix« siècle vengera, dans le seul sens du bien public,
les torts de l'avant-dernier. Conduisez-vous donc avec honneur et
comme en plein jour, c'est-à-dire soyez sensibles et reconnais-
sants...
« L'n gouvernement paternel a cru devoir invoquer le secours de
la Religion pour arrêter le progrès de la démoralisation, pour ras-
seoir sur une base solide l'édifice social, si violemment ébranlé par
de longues secousses. Ne frustrons point son attente, et que les
cultes opèrent tout le bien dont il les a jugés capables. Que désor-
mais la Religion écarte de nouveaux chocs; qu'avec la modération,
la sagesse, le pardon des offenses, elle réconcilie, elle rapproche
toutes les classes de citoyens; que tous, frères aux yeux de Dieu,
tous égaux aux yeux de la loi, ils s'entraiment, ils s'entraident les uns
les autres et qu'aucune différence d'opinion, qu'aucune nuance de
rites, plus ou moins sensibles, ne troublent l'harmonie des cœurs,
ne relâchent le nœud de la perfection (l'idée et l'expression sont
288 JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
encore de l'Évangile), la charité. Quelle que soit la bannière sous
laquelle nous marchons, ne rivalisons que de reconnaissance et de
bonnes œuvres... »
Ces paroles, modérées lorsqu'on les compare aux discours
emphatiques cjui devaient retentir dans plusieurs de nos
temples*, donnent une idée sommaire et suffisamment exacte
de ce qu'éprouvaient nos pères au commencement du
XIX 'siècle, après que Napoléon eut signé le Concordat et les
articles organiques.
Pour comprendre les sentiments de gratitude ou plutôt
l'impression de soulagement, de délivrance dont Marron se fit,
très convenablement d'ailleurs, l'interprète officiel, il faut se
reporter à dix ou vingt ans en arrière. Il faut se rappeler la
tourmente révolutionnaire dont les souvenirs terribles étaient
encore dans toutes les mémoires et qu'au commencement du
Discours que ie viens de citer, Marron compare au déluge suc-
cédant à l'aurore pleine de promesses d'une nouvelle création.
Il faut ne pas oublier les expériences émouvantes par lesquelles
l'orateur lui-même avait passé. Bien qu'il eût salué la Révolu-
tion avec un sincère enthousiasme, bien que par un acte de
faiblesse qu'on comprend, mais qu'on regrette, il eût essayé
de désarmer les terroristes en leur livrant, le 13 novembre
1793, le service de communion de son Eglise, il avait été, le
6 juin 1794, traîné de son appartement de la rue Sainl-Roch,
n" 9, dans l'hôtel Talaru, à côté de la Bibliothèque Nationale,
alors transformé en prison. Enfin il n'était sorti de là que le
30 juillet, c'est-à-dire la veille du jour où sa tête serait tombée
sur l'échafaud si, à son tour, Robespierre n'avait pas été ren-
versé quelques heures auparavant.
l. Ainsi quelques années plus lard, Je 15 août 1809, à Lyon, le pasteur
SchJick devait s'écrier : « Qu'il est doux pour les bons citoyens de voir les
destinées de la patrie confiées à un Prince que le ciel semble avoir formé
pour effacer la gloire des souverains qui vécurent avant lui et pour offrir aux
âges suivants le tableau d'un grand souverain! Le détail de sa vie jour-
nalière est le code le plus sévère des princes. Jamais moraliste n'a porté
la rigueur de ses préceptes aussi loin qu'il pousse l'incroyable étendue
des devoirs qu'il s'impose. Quelle perfection n'atteindrait pas le genre
humain, si chacun s'acquittait avec une ardeur semblable à la sienne^ des
oliligalions de son état... »
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 289
Si nous pouvions faire vivre au milieu de cette prodigieuse
époque, pour quelques jours seulement, les logiciens idéalistes
qui blâment si énergiquement l'attitude des pasteurs de ce
temps-là, et voudraient nous déconseiller, si ce n'est de nous
associer à leur joie trop peu déguisée, du moins de la com-
prendre, nous les ferions sans doute descendre des hauteurs
sereines de leurs théories pour apprécier avec un peu plus
d'équité leurs devanciers. Nous essayerions de les persuader
que lorsqu'on a échappé tout juste à la mort après avoir vécu
dans ce sentiment d'insécurité si angoissant que produit une
tyrannie séculaire, on est reconnaissant lors même que
l'homme qui a mis un terme à cet état de choses se nomme
Napoléon. Nous leur rappellerions qu'avant la Terreur Mar-
ron avait effectivement encore connu le régime arbitraire et
oppressif de la monarchie, que, malgré l'édit de Tolérance
arraché en 1787 à Louis XVI, et avant de payer pour Saint-
Louis du Louvre le gros loyer annuel de près de 20,000 francs
de notre monnaie', il n'avait, en 1789, organisé notre culte
qu'avec beaucoup de précautions et d'inquiétudes, d'abord
dans l'affreuse ruelle Mondétour près des Halles, puis dans la
rue Dauphine.
II
Mais ici, il est juste que nous évoquions la mémoire des pré-
décesseurs du pasteur Marron, de tous ceux, depuis Claude
Brousson jusqu'à Rabaut de Saint-Étienne dont l'inlassable
dévouement prépara ce que Marron appela avec raison une
justice tardive.
Oui. nous serions injuste si nous ne redisions que déjà un
1. Exactement 16,450 livres pa;' an; le bail était signé par \'erdier.
membre du Consistoire, et les notables qui s'étaient, au nom de l'Eglise,
adressés h la municipalité, s'appelaient Ourry, .loussaud, Perreaux.
Verdier, Le Noir père, Fabre, \'ialtel, van Iloorn, Rainibault, Féline,
Bénard, Doucet, Mouquin, Empeytaz, Dumas, Lemaistre, Dangirard,
Tassin, etc. Voy. l'Eglise réformée de Paris pendant la Révolution, p. 15
et 16.
290 JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
siècle avant la Révolution, le 1*"^ octobre 1689, Claude Brousson
avait adressé à l'intendant du Languedoc, à Bâville lui-même
cette mémorable prophétie:
« Il faut que VEtat périsse ou que la liberté de conscience soit
rétablie. On n'a jamais bien connu le danger qu'il y avait à forcer
deux millions de personnes d'abjurer une religion qu'ils sont per-
suadés être la seule qui est conforme à la parole de Dieu... »
Nous serions injuste si après cette douce et persuasive
figure de la victime de Bâville nous n'évoquions l'admirable
phalange des Rabaut et de Court de Gebelin. Les prolestants
français ne sauront jamais tout ce qu'ils doivent aux hommes
appartenant à ces deux familles.
Sans Antoine Court et Paul Rabaut, il est peu probable
que le Protestantisme français se serait reconstitué, aurait
formé un corps fermement décidé à obtenir, coûte que coûte,
le droit à l'existence. Et il est difficile d'exagérer l'influence
profonde, indestructible, bienfaisante, que le long et doulou-
reux ministère de Paul Rabaut exerça dans tout le Midi et
l'Ouest. Quand on contemple, à la Bibliothèque de la rue des
Saints-Pères, le touchant portrait qu'un peintre inconnu
nous a laissé de « Monsieur Paul », on est frappé par la dou-
ceur, la profonde mélancolie et l'espérance invincible qui se
dégagent de cette figure usée, hâlée, mais où brillent des
yeux pleins d'intelligence et de vivacité.
Il faut bien que le dévouement de ces deux hommes ait
été contagieux, car ils l'ont légué, doublé par une remar-
quable intelligence de la situation, à leurs fils. Court de Ge-
belin a le premier réussi à faire comprendre aux milieux
politiques et littéraires de Paris qu'il y avait une question
protestante qu'il faudrait résoudre tôt ou tard. Après lui, et
grâce aux relations qu'il s'était faites, les trois fils de Paul
Rabaut purent préparer la seule solution compatible avec la
logique et l'humanité, et l'arracher enfin de haute lutte aux
puissances de réaction coalisées contre la liberté sous toutes
ses formes.
Il ne faut pas oublier, en effet, que l'article premier de
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 291
redit de Tolérance de 1787 qui inaugurait en faveur des pro-
testants le mariage civil était libellé ainsi :
La religion catholique, apostolique et romaine continuera de
jouir seule dans notre royaume du culte public, et la naissance, le
mariage et la mort de ceux de nos sujets qui la professent ne pour-
ront, dans aucun cas, être constatés que suivant les rits et usages
de ladite religion autorisée par nos ordonnances.
C'est contre cet article, maintenant par la force de la loi
une religion d'État privilégiée et exclusive de toute autre
confession, que Rabaut de Saint-Étienne a formulé le droit
moderne dans ces nobles paroles : « La tolérance, le support,
« le pardon, la clémence! Idées souverainement injustes
« envers des dissidents, tant qu'il sera vrai que la différence
« de religion, que la différence d'opinions n'est pas un
« crime ! » Et c'est grâce à l'ascendant de son éloquence et
de sa raison qu'il a réussi le 24 août 1789 à faire voter l'article
célèbre : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions même
religieuses », malheureusement affaibli par cette adjonction
perfide : « Pourvu que leur manifestation ne trouble pas
tordre établi par les lois ».
On sait que cette victoire fut de courte durée, et que la
liberté si chèrement conquise faillit sombrer dans les con-
vulsions de la Terreur dont Rabaut de Saint-Étienne, inca-
pable de renier ses principes vraiment libéraux et modérés
devant ceux qui voulaient faire expier par le supplice de
Louis XVI tous les crimes de l'ancien régime, — fut une des
premières victimes. Le protestantisme était bien malade
au sortir de ces années qui n'avaient pas seulement bou-
leversé l'ordre social, mais profondément troublé les âmes.
On pouvait lui appliquer les paroles que Brousson écrivait
une quinzaine d'années après la Révocation :
« Ce peuple est encore timide et dans le même état où était Lazare
après sa résurrection lorsqu'il avait encore les pieds et les mains
liés. Ce peuple est encore dans les liens de l'oppression et de la
servitude, mais dès qu'il plaira à Dieu de rompre ces liens, on lui
292 JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
verra faire incontinent toutes les fonctions de la vie spirituelle qu'il
lui a déjà rendue'... »
C'est une grave erreur de s'imaginer que la persécution
est impuissante. Il est vrai qu'elle ne peut rien contre la
vérité, la justice et la liberté, je veux dire qu'elle ne peut les
détruire ni en empêcher le triomphe. Mais elle peut retarder
ce triomphe et lasser ceux qui l'ont trop longtem.ps espéré.
C'est ce qui est arrivé en France. Les idées que la Réforme
représentait ne purent être supprimées par la violence d'une
persécution près de trois fois séculaire. Mais d'une part elles
furent contraintes d'émigrer hors de France et de porter
leurs fruits au-delà de ses frontières. D'autre part, ceux de
leurs partisans qui étaient restés en France, comme des
émigrés à l'intérieur, sans cesse décimés par de nouveaux
exodes ou découragés par de nouvelles déceptions, finale-
ment égarés par le désenchantement qui succéda à l'enthou-
siasme de l'aurore révolutionnaire, étaient envahis par une
sorte de lassitude morale dont se plaignaient presque tous
les pasteurs, en petit nombre d'ailleurs, qui persistaient à
exercer un ministère d'autant plus méritoire qu'il était plus
obscur et moins apprécié-.
Si cet état de torpeur s'était prolongé encore un quart de
siècle, il est permis de présumer que le Protestantisme serait
devenu, en France, une quantité négligeable. La loi du 18 ger-
minal, en lui accordant la liberté de vivre qu'il n'osait plus
espérer, en le plaçant sur un pied d'égalité avec ceux qui
avaient poursuivi sans lassitude sa ruine, lui a permis de
sortir peu à peu de l'état de langueur où il dépérissait, et
d'entrer dans une nouvelle période de développement. A ce
point de vue — qu'un observateur impartial des faits n'a pas
le droit de négliger — cette loi, d'ailleurs très critiquable, a
donc été un bienfait. Il est facile, en effet, de démontrer qu'en
1. La lettre qui renforme ces lignes est la dei-nière lettre qu'on possède
de Brousson. Elle est datée des environs de Toulouse. 17 août 1698. On
sait qu'il fut pris peu après et pendu à Montpellier le î novembre de la
même année.
2. \oy. sur ce point les articles publiés ici même par M. F. Ivuhn, années
1900 (p. 320 à 326 et 375 à 387) et ^102 (p. .57 à 73).
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 293
nous octroyant les articles organiques, le Premier Consul a
bien plutôt pensé à lui-même et à ses intérêts de chef d'un
gouvernement absolu, qu'aux traditions parlementaires et
aux habitudes de gouvernement représentatif des Églises
réformées. Il a tenu à ce que, dans aucun consistoire, rien
ne se fit sans qu'il le sût et l'approuvât, qu'aucun pasteur ne
fût nommé que par lui, que les Églises n'eussent même pas
l'idée de discuter en commun leurs intérêts par le moyen de
leurs délégués. Tout cela saute aux yeux lorsqu'on parcourt
les différents paragraphes de la loi.
Il n'en est pas moins vrai que le gouvernement de Napo-
léon est le premier, depuis celui de François I", qui ait con-
senti à traiter le Protestantisme autrement qu'en ennemi ou
en suspect. Il faut assurément faire, dans cette longue liste
de régimes monarchiques, une exception pour Henri IV qui
fit un louable effort dans la voie de la tolérance, mais nous
savons tous qu'il ne le fit que parce qu'il ne pouvait guère
faire autrement. Le Premier Consul est, au contraire,
peut-être le seul souverain français qui ait franchement
admis qu'on peut être indifféremment protestant ou catho-
lique et que s'il y avait des précautions à prendre, elles
étaient plus nécessaires du côté de Rome que de Genève. Il
n'était ni de l'école qui fausse l'histoire en prétendant que la
grandeur de la France est liée à la prédominance de la reli-
gion catholique, ni de celle qui, à l'autre extrême, voudrait
nous persuader que toutes les religions sont des infirmités
qui disparaîtraient promptement si on les traitait par le
mépris. Ce grand manieur d'hommes avait, sur la plupart
de ceux qui lui succédèrent, sans en excepter nos contem-
porains, un avantage inappréciable.
III
Napoléon avait de la littérature, il avait étudié le passé autre-
ment que dansles séminaires ou danslesjournaux et c'est ce qui
lui permettait d'avoir sur toutes sortes de sujets des opinions
personnelles, raisonnées et qu'on pouvait discuter. 11 suffit,
294 JUBILÉ riNOVAXTEXAlRE DE LA SOCIÉTÉ
pour s'en convaincre, de rappeler telle ou lelle de ses bou-
tades, comme celle-ci : « On a manqué l'occasion d'établir
« en France la religion protestante, ce n'est pas ma faute »;
ou encore : « Ce n'est pas le fanatisme religieux qui est à
« craindre aujourd'hui, mais l'athéisme. La religion, en sa-
a tisfaisant l'amour du peuple pour le merveilleux, le garan-
« tit des charlatans et des sorciers «'...Si de telles paroles,
en effet, prouvent que personnellement Napoléon était scep-
tique en religion, elles prouvent aussi qu'il savait reconnaître
l'importance du sentiment religieux et le danger qu'il y a
pour un gouvernement d'empêcher qu'il se manifeste libre-
ment. A cet égard, et bien qu'il fût un souverain très absolu,
il faut reconnaître qu'il sut toujours et partout respecter la
conscience religieuse de ses sujets. Les protestants, en par-
ticulier, jouirent sous le premier empire, d'une liberté beau-
coup plus réelle par exemple que sous le second, et même
sous aucun des régimes qui précédèrent la république ac-
tuelle.
Rien n'est plus caractéristique à cet égard que les déclara-
tions faites officiellement et intentionnellement dans diverses
circonstances solennelles. Ainsi les présidents des princi-
paux consistoires protestants furent expressément invités à
assister en corps au couronnement de l'empereur et lors-
qu'ils lui eurent été présentés le 7 décembre 1805, en même
temps que les autres députations, il répondit en ces termes
au pasteur Martin de Genève qui l'avait très dignement re-
mercié d'avoir prêté le serment de maintenir la liberté des
cultes^ :
« Je vois avec plaisir rassemblés ici les pasteurs des Églises réfor-
mées de France, je saisis avec empressement cette occasion de leur
1. Pelet de la Lozère, Opinions de Napoléon, p. 210 {Bull., 1897, 396).
2. Voici le discours de M. Martin : « Sa Majesté vient de remplir le
vœu que formaient depuis longtemps les Églises réformées de France,
celui de pouvoir porter au [jied du trône leurs hommages et l'expression
de leurs sentiments; c'est avec la plus vive satisfaction que nous venons
exprimer à Sa Majesté, pour nous-mêmes et pour nos Églises, notre
respectueuse gratitude pour la protection qu'elle nous a accordée jus-
qu'ici et la pieuse contiance que nous fondons, pour l'avenir, sur le ser-
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 295
témoigner combien j'ai toujours été satisfait de tout ce qu'on m'a
rapporté de la fidélité et de la bonne conduite des pasteurs et des
citoyens des différentes communions protestantes. Je veux bien
que l'on sache que mon intention et ma ferme volonté est de main-
tenir la liberté des cultes. L'empire de la loi finit où commence
l'empire indéfini de la conscience; ni la loi ni le prince ne peuvent
rien contre cette liberté. Tels sont mes principes et ceux de la
nation; et si quelqu'un de ma race devant me succéder oubliait le
serment que j'ai prêté, et que, trompé par l'inspiration d'une fausse
conscience, il vînt à le violer, je le voue à l'animadversion publique
et je vous autorise à lui donner le nom de Néron ' >.
Deux ans plus tard, le 9 août 1807, le consistoire de Paris
ayant été admis à l'audience de Sa Majesté et présenté par
le ministre des cultes, voici comment l'empereur répondit
au discours de Marron :
« J'agrée les vœux et les félicitations du Consistoire. Vous ne
m'avez point d'obligations. Je ne veux pas qu'on m'en ait quand je
ne suis que juste. La conscience est hors du domaine des lois. Je
vous garantis pour moi et pour mes successeurs, non seulement
l'indépendance, mais encore la liberté et l'intégralité de votre culte.
Les protestants ont toujours été de bons citoyens et de fidèles
observateurs des lois. Quoique je ne sois pas de votre religion,
dites-leur que je les mets au rang de mes plus chers amis -. »
ment que Sa Majesté a prêté avec tant de solennité, dont elle a voulu
que nous fussions les témoins et par lequel, en s'engageant à maintenir
la liberté des cuites, elle donne le calme aux consciences et assure la
paix de TÉglise; nous souhaitons que tous ses sujets de toutes les com-
munions, que nous regardons tous comme nos frères, sentent, comme
nous, le prix de ce bienfait. Nous le mériterons par notre gratitude,
notre fidélité et noire soumission aux lois, dont nous avons constamment
donné l'exemple... Puissent nos prières ferventes attirer sur Sa Majesté,
sur l'impératrice et sur les princes de la famille impériale, toutes les
bénédictions du monarque du monde ! Puisse Sa Majesté, après avoir
tant fait pour la gloire, y ajouter le titre de pacificateur de l'Europe
entière et n'avoir plus qu'à déployer ces vertus qui, en faisant la félicité
des peuples, font la véritable gloire des hommes et font chérir leur
puissance !... »
1. Revue de Droit et de Jurisprudence des Eglises protestantes, 1899,
p. ls9.
2. Bull., I8G7, p. 350.
296 JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
Mais c'est en 1810, lors de son voyage avec Marie-Louise
dans les provinces du Brabant et de la Zélande, que Napoléon
fit sur ce sujet les déclarations les plus formelles. Arrivé le
6 mai à Bréda, il y reçut, entouré de ses dignitaires, tous les
corps constitués. Le clergé catholique s'était présenté, mais
sans costume, alors que les pasteurs étaient revêtus de
leurs robes, par ordre du gouvernement. L'empereur, sans
répondre au compliment du vicaire, dit : « Où sont les mi-
nistres protestants?» Alors M. ten Œven, pasteur de l'Église
wallonne, à la tête de tout le clergé protestant, fut présenté
à l'empereur par le prince de Neufchâtel, et, après les incli-
nations ordinaires, lui adressa la harangue suivante :
0 Sire, le clergé et les députés des Églises réformées et protes-
tantes ont l'honneur de présenter à V. M. L et R. leurs hommages
respectueux. Les maximes des protestants, qui, par le concours
des événements, sont devenus de nouveaux sujets de votre immense
empire, leurs maximes invariables sont d'adorer dans tout ce qui
arrive la main d'une sage et bonne providence et de rendre à César
ce qui est à César, et je me fais un devoir, Sire, d'assurer V. M.
L et R. que nous pratiquons cet ordre : obéissez à vos souverains.
Nous le savons. Sire, que jamais, depuis la révocation de l'édit de
Nantes, les protestants n'ont joui, en France, de tant de privilèges
que sous les auspices de V. M. L et R. Cette conviction nous est le
garant que nous participerons à la protection du grand souverain
que Dieu nous a donné et qu'il nous conservera les avantages dont
nous avons joui jusqu'ici. Nous avons l'honneur de recommander
tous nos intérêts à V. M. I. et R. Puissiez-vous, Sire, après avoir
donné la paix au continent, après l'avoir établie solidement par
votre auguste mariage, devenir le pacificateur de l'Europe entière,
et nous en faire éprouver, sous vos auspices, les plus durables
effets ! «
Sa Majesté ayant écouté très attentivement cette harangue
jusqu'à la fin, répondit :
« C'est très bien, vous avez raison, je protège tous les cultes;
les protestants en France jouissent des mêmes avantages que les
catholiques, et il faut que dans ce département les catholiques
jouissent des mêmes avantages que les protestants. Si vos églises
DE l'histoire du protestantisme français 297
sont trop grandes ou trop nombreuses, il faut les partager, parce
que je veux une parfaite égalité entre tous les cultes : il faut vivre
en frères. »
L'empereur demanda à M. ten Œven : « Pourquoi, mon-
sieur, êtes-vous ainsi habillé? Vous êtes en costume? » Sur
quoi celui-ci répondit : « Sire, c'est un ordre ». L'empereur
l'interrompit et dit : « C'est bien, c'est une coutume du pays »,
et, se tournant vers le clergé catholique, il demanda aux
prêtres :
« Pourquoi donc, vous autres, n'avez-vous pas la soutane? Vous
dites être des prêtres, mais qu'êtes-vous ? Des avocats, des no-
taires, des procureurs, des paysans? Quoi ! Je viens dans un dépar-
tement où la pluralité est composée de catholiques qui ont été
auparavant opprimés, qui ont obtenu, après la Révolution, plus de
liberté, et encore plus d'avantages par le roi mon frère, et moi je
viens pour vous rendre tous égaux avec les autres, et cependant
vous commencez par me manquer, vous présenter ainsi devant moi !
Le premier acte de souveraineté que j'ai dû exécuter, a été de faire
arrêter ceux de vos curés réfractaires à Bois-le-Duc, même votre
vicaire apostolique; je les ai emprisonnés, je les punirai et la pre-
mière parole que j'entends d'un ministre réformé est : « Rendez à
César ce qui est à César ! Voilà la doctrine que vous devez ensei-
gner. Imbéciles! Prenez un exemple à ce monsieur (montrant du
doigt le ministre ten Œven). Connaissez-vous bien l'Évangile ?
Pouvez-vous bien m'expliquer un texte? Savez-vous lire? Vous avez
calomnié les protestants en les représentant comme des hommes qui
enseignent des principes contraires aux droits du souverain. J'ai
trouvé dans les protestants des fidèles sujets, j'en ai 6,000 à Paris
et 600,000 dans mon empire et il n'y en a aucun dont j'aie jamais eu
raison de me plaindre; je m'en sers dans mon palais et je leur en
permets l'entrée et ici une poignée de Brabançons fanatiques vou-
draient s'opposer à mes desseins I Imbéciles que vous êtes! Si je
n'avais pas trouvé dans l'Église gallicane et dans la doctrine de
Benoît (.XIV) des maximes analogues aux miennes et si le (Concordat
n'avait pas été accepté, je me serais fait protestant et 30 millions de
Français auraient suivi le lendemain mon exemple. Mais, vous autres,
ignorants que vous êtes, quelle religion enseignez-vous ? Connaissez-
vous bien les principes de l'Évangile? C'est de rendre à César ce
qui appartient à César. Jésus-Christ a dit : Mon règne n'est pas de
Ll. - 22
298 JUBILE CINQUANTENAIRE DE LA SOCIETE
ce monde, et le pape çl vous autres, vous voulez vous mêler des
affaires de mon règne. Vous dites être vicaires apostoliques. Qui
est-ce qui vous a établis? Est-ce le pape? Il n'en a pas le droit,
c'est moi qui fais les évêques. Ignorants, vous ne voulez pas prier
pour votre souverain? Moi, je n'ai pas besoin de vos prières; quand
je prie, je m'adresse moi-même à Dieu. Vous voulez être désobéis-
sants? Oh! j'en porte les papiers en poche (en frappant sur sa
poche), et si vous persistez dans de telles maximes, vous serez
malheureux ici-bas et damnés dans l'autre monde.
« Les Anglais ont eu bien raison de se séparer de vous. Ce n'est
ni Luther ni Calvin qui se sont séparés de l'Église, mais ce sont les
princes allemands qui n'ont pas voulu se soumettre à votre joug
fanatique. C'est l'infamie de vos indulgences qui les a soulevés, ce
sont les papes qui, par leur hiérarchie, ont mis l'Europe à feu et à
.sang. Vous voudriez bien de nouveau élever des échafauds et des
bûchers, mais je saurai y mettre ordre... Croyez-vous que je suis
un homme à baiser la mule d'un pape! Bigots! si cela ne dépendait
que de vous, vous me couperiez les oreilles, vous me couperiez les
cheveux, vous me tondriez, vous me jetteriez dans un couvent
comme Louis le Débonnaire, ou me relégueriez en Afrique. Oui,
c'est par votre Évangile, que Jésus-Christ a établi le pape comme
successeur de saint Pierre et qu'il a le droit d'excommunier les sou-
verains; ne savez-vous donc pas que toutes les puissances viennent
de Dieu ? Si vous voulez aspirer à ma protection, suivez la doctrine
de l'Évangile telle que les apôtres l'ont prêchée. Si vous êtes de bons
citoyens, je vous protégerai; sinon, je vous chasserai de mon
empire, je vous dissiperai comme des Juifs. Vous êtes sous l'évêque
de Malines, présentez-vous devant votre évêque, faites-y votre con-
fession, signez-y le Concordat, il vous fera connaître mes inten-
tions; j'en établirai un autre à Bois-le-Duc pour ce district-là. »
Y a-t-il ici un séminaire ? demanda l'Empereur, et sur sa
réponse affirmative, Sa Majesté dit au préfet des Deux-
Nèlhes:
« Monsieur, vous aurez soin que ceux-ci prêtent le serment sur le
Concordat; allez visiter ce séminaire et faites cjue l'on y enseigne la
pure doctrine de l'Évangile, afin qu'il en sorte des hommes plus
éclairés que ces imbéciles de Louvain où l'on enseigne une doc-
trine bizarre. »
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 299
Puis, s'adressant de nouveau au clergé catholique :
« Vous vous plaignez de l'oppression que vous avez soufferte de
l'ancien gouvernement de ce pays-ci, mais vous prouvez par votre
conduite que vous l'avez méritée. A présent, vous avez un prince
catholique qui vient régner sur vous. Et vous, monsieur le préfet,
vous arrangerez les affaires des Églises d'une manière convenable,
égale pour tous les cultes, afin que je n'en entende plus parler*. »
IV
Il ne faudrait pas s'imaginer, toutefois, que Napoléon n'eut
qu'un signe à faire pour instituer le Concordat et faire pro-
clamer les articles organiques. Il négocia, au contraire, tant
et si bien que les documents émanés de ces négociations
remplissent aujourd'hui cinq gros volumes in-8° naguère
recueillis et publiés par le comte Boulay de la Meurlhe-. Ce
qui faillit faire échouer ces laborieuses négociations, ce fut
précisément l'énergique prétention du Premier Consul de
placer la religion protestante sur le même pied que la reli-
gion catholique. A Rome, on lutta désespérément pour obte-
nir que le catholicisme fût considéré comme la seule religion
officielle de TÉtat français. Et quand on y eut compris que
jamais il ne serait fait de concession sur ce point capital, on
espéra y arriver par une voie détournée, en empêchant le
Gouvernement de salarier les ministres du culte protestant.
Ainsi ce fameux budget du culte protestant que les théori-
1. Nous donnons le récit de celte entrevue dont M. A. Lods nous av.-iit
prêté une rédaction abrégée datée du 25 octobre 1810 et tirée de la Ga:;etie
de Kœnigsberg qu'il tenait de feu iM. Ch. Read, d'après une communica-
tion faite à M. Aulard par M. Gysberti Hodenpyl et publiée récemment
dans le Bulletin historique et philologique du Comité des travaux histo-
riques et scientifiques, n" 3 et 4 de l'année 1901, p. 481-489. Cette note avait
été rédigée par l'ancien pasteur de l'Eglise wallonne de Firéda, M. Nillc-
pois, qui avait assisté à l'audience.
2. Documents sur la négociation du Concordat et sur les autres rapports
de la France avec le Saint-Siège en i8oo et i8oi, 5 vol. in-8". Paris.
Leroux, 1891 à 1897. Voy. à l'index du t. V les renvois au mot Protestant
(Culte).
300 JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIETE
ciens des relations idé,ales entre l'h^glise et l'État représentent
sans cesse comme le signe de la servitude de nos Églises,
est, au contraire, historiquement, le signe de leur affranchis-
sement. Il tombe, en effet, sous le sens que si le clergé
catholique seul avait émargé, cette différence aurait aussitôt
été exploitée dans le sens des prétentions ultramontaines*.
Cette question du traitement fut, non seulement très labo-
rieuse, mais donna lieu de la part de quelques-uns des hom-
mes qui auraient dû être le mieux renseignés, à des remarques
étonnantes.
On peut lire, dans une des vitrines de notre exposition ré-
trospective, une lettre autographe adressée sur ce sujet, naii ci-
toyen premier consul » par le célèbre Portalis. Voici un pas-
sage de cette lettre où Ton voit que Portalis se faisait des
pasteurs prolestants une idée au moins bizarre :
« ...Ces ministres réclament un plus fort traitement que les curés
catholiques sur le fondement que, pouvant se marier, ils ont les
embarras d'une famille ; ce qui établit pour les nécessités de la vie,
une grande différence entre eux et des curés célibataires.
Ils ajoutent qu'ils ne perçoivent pas d'oblations.
Je conviens de ces différences, mais elles sont compensées par la
1. M. Armand Lods à qui nous devons la plupart des documents que
nous avons utilisés pour cette conférence, a découvert aux Archives
Nationales (A. F. IV. 1044), un projet élaboré par Talleyrand et rédigé en
novembre 1800 par un chef de division du ministère. Blanc d'ilauterive.
Ce projet laissait les Eglises protestantes en dehors des articles orga-
niques. Il abrogeait purement et simplement tous actes et règlements qui
portaient atteinte à leur indépendance mais n'attribuait aucun traitement
aux pasteurs. C'est à tort que ce projet a été attribué à Portalis par
plusieurs historiens protestants et encore tout récemment par M. Ch. Du-
rand dans son Histoire du Protestantisme français pendant la Révolution
et l'Empire, p. 112. Voir à ce sujet Boulay de la Meurthe, Documents sur
les négociations du Concordat, t. II, p. 89, IV. 191, et Armand Lods, Traité
de l'administration des cultes protestants, p. 9. Ce furent les notables pro-
testants ([ui réclamèrent l'union avec l'Etat. Quand on voit avec quel
acharnement ceux qui parlaient au nom du clergé catholique luttèrent
précisément pour qu'il n'y eût pas de signe visible de celle union, on hésite
à les blâmer, et l'on se dit (ju'on aurait facilement rendu illusoire la
liberté naturellement limitée par les droits de l'Etat à laquelle ce pre-
mier projet voulait se borner. (Voy. l'Egl. réf. de Paris pendant la Révo-
lution, p. 30.)
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANr.VlS 301
faculté qu'ont les ministres protestants de commercer et d'exercer
toutes les professions lucratives, faculté que les canons interdisent
aux minisires catholiques* . »
En conséquence, il propose de réduire considérablement
les demandes des protestants, pourtant très modérées puis-
que pour la majorité des pasteurs elles ne comportaient qu'un
traitement de départ de 1500 francs.
« Les protestants présentent un tableau des traitements qu'ils
désireraient pour leurs ministres. Je joins ici ce tableau qui fait
monter toute la dépense du culte protestant de l'ancienne France à
441,000 francs-.
« Dans un tableau, plus modéré, queje présentée mon tour, cette
dépense s'élèverait à 330,000 francs.
« Mon plan serait susceptible de réduction, mais ne faut-il pas
quelques augmentations pour les ministres protestants de quelques
grandes villes ? N'est-il pas sage de contenter des hommes qui sont
susceptibles de jalousies et de rivalités religieuses ? » ■".
1. Voy. Bull. 1892, p. 35 à V2. Un fac-similé de la lettre de Portails se
trouve sur les pages 40 et 41.
2. On demandait 4 ministres à 60:)0 francs, 40 à 4000, 50 à 2400 et 160 à
1500 francs, plus 25 suffragants à 1200, 25 proposants à 800, ainsi que des
chantres et lecteurs et deux académies (40000 fr.). Voy. Bull. 1892, p. 36.
3. Lebrun ajoutait même, à ces lignes étranges, le 29 janvier 1804, cette
opinion non moins étrange : «... Les ministres du culte protestant sont réelle-
ment bien moins utiles que ne peuvent l'être ceux du culte catholique,
les protestants sont dispersés et leurs assemblées et leurs rapports avei-
leurs ministres doivent être rares.
« Ils ont une famille et dans l'état actuel il faut qu'ils aient quelque
fortune personnelle pour entretenir cette famille, de là vient que les mi-
nistres prolestants appartiennent communément à des parents aisés.
« S'ils ont un traitement, surtout untraitement un peu large, des gens
sans fortune se jetteront de ce côté-là, ils n'y porteront point d'instruc-
tion, ne feront que de mauvais mariages et laisseront des veuves et des
enfants dans la misère!... »
Par contre Cambacérès écrivait «... Les oblalions et les droits d"élole
offrent des ressources aux prêtres catholiques, les protestants n'ont ni
l'un ni l'autre; à une époque où l'on va augmenter les contributions de
près de 12 millions pour venir au secours des ministres du clergé catho-
lique, le Gouvernement ne doit pas être parcimonieux à Tégard des mi-
nistres du culte protestant qui sont au moins aussi attachés ([uc les au-
tres !... »
302 JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
Les propositions de Portalis furent naturellement accep-
tées. Il y avait alors en France 479^312 protestants et seule-
ment 147 pasteurs. Ils demandèrent que ce chiffre réellement
insuffisant fût porté à 220. Portalis leur en accorda 207 avec
un traitement variant de 1000 à 2000 francs pour la province
et fixé à 3000 francs pour Paris*. (Arrêté du 15 germinal
an XII.)
C'est de cette modeste, trop modeste rétribution d'un ser-
vice public qu'on a voulu faire une marque de servitude, et
un signe de déchéance pour nos Eglises.
Assurément celles-ci ont trop longtemps vu dans le pas-
teur un fonctionnaire comme un autre, matériellement
même au-dessous de beaucoup d'autres. Mais il faut ajouter
que, grâce à la dignité même avec laquelle, dans ces humbles
presbytères de campagne, cette trop insuffisante indemnité
a été employée à relever lentement des Églises agonisantes,
à élever dans la pauvreté, mais dans l'honneur et le travail,
des familles presque toujours nombreuses, peu à peu le Pro-
testantisme, à peine toléré Jusque-là, a été considéré dans ce
pays avec un respect grandissant, auquel se mêlait souvent
un sentiment d'envie. Et partout où à côté de l'église catho-
lique jusque-là triomphante et prétendant à la domination
exclusive des âmes, se dressait l'humble oratoire ou temple
protestant, c'a été pendant tout un siècle, une véritable
leçon d'égalité donnée au peuple par le fait qu'un même
lien unissait à l'Etat les représentants de l'un et de l'autre culte.
Cela est si vrai que dès que des régimes de réaction succé-
dèrent à celui du premier Empire, un de leurs premiers soins
fut de reléguer le plus possible dans l'ombre et de priver de
tout moyen de propagande et d'extension précisément le
culte de la petite minorité-.
1. A la fin du premier Empire, il y eut 227 postes. Il y en a aujourd'hui
638, et le traitement minimum, de 1800 francs, s'élève à 2200 francs pour
la 1'" classe(D. 7 février 1880). Sur la statistique, \o'\v Bulletin, 1889, p. 47,
109, 207; 1890, p. 160, et rapport de Portalis du 29 Janvier 1806, Revue de
Droit et de Jurisprudence des Eglises protestantes, 1897, p. 103.
2. Il n'y eut pas, à ma connaissance, pour propagande religieuse, sous
le premier Empire, de ces jM-ocès qui furent si nombreux, sous les régimes
qui lui succédèrent.
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 303
Il serait injuste de ne pas dire au moins un mot de tous
ceux qui, du côté protestant, collaborèrent à ce résultat et
obtinrentce qu'on considérait alors comme une faveur, tant on
avait désappris l'habitude de compter sur la justice officielle.
Au premier rang il faut citer d'abord les deux frères de
Rabaut de St-Etienne, savoir Rabaut-Pomier et surtout
Rabaut-Dupui, membre du Corps législatif, qui prit une part
considérableà l'organisation de nos Églises, devint secrétaire
du Consistoire de Paris et fut ensuite désigné par plusieurs
Églises de province pour les représenter auprès du gouver-
nement. Travailleur désintéressé il reporta tout l'honneur de
ses succès à la mémoire de son frère aîné :
« Généreux martyr de la liberté, que ton ombre pieuse soit con-
solée : Les principes que le premier lu proclamas à la tribune
nationale ont germé dans une terre féconde quoique éprouvée par
le feu de la persécution. Ce n'est plus la tolérance qu'on accorde
aux protestants, c'est la liberté, c'est l'égalité... Rendus à la liberté
des droits civils, politiques et religieux, aujourd'hui que la loi
organise tous les cultes d'une manière parallèle, il seront les plus
fermes soutiens d'un gouvernement protecteur... * »
Dès la fin de Tannée 1802 quelques notables protestants
avaient commencé à se réunir entre eux pour réorganiser
d'abord l'Église réformée de Paris. Il eût été assurément
plus conforme aux traditions et à la discipline que le peuple
protestant fût d'abord convoqué et invité à désigner lui-
même ses mandataires qu'il n'aurait peut-être pas tous
choisis parmi les « notables ». Mais il ne faut pas oublier
qu'alors l'Église n'avait pas de caractère officiel et que réduite
depuis longtemps à n'exister que clandestinement, elle avait
été en quelque sorte contrainte à se laisser diriger par ceux
qui avaient assez d'initiative, d'influence et d'esprit de sacri-
fice pour s'occuper de ses intérêts. Quoi qu'il en soit, un
1. Le discours qui renferme ces lignes louchantes lui prononcé le 30 flo-
réal an X (20 mai 1802) lors de la clolurc de la session extraordinaire du
Corpslégislalifdonl Rai)aut-Dupuiétailleprésidont(^?n!i<^/rede lB02,p 353).
304 JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
Genevois, Marc-Auguste Pictel, membre du Tribunal à partir
de mars 1802, en remplacement de Benjamin Constant, nous
a conservé, dans ces quelques extraits de son journal, les
noms et les principales démarches de ces quelques notables :
1802, 9 décembre. — Passé une heure en conférence avec
MM. De Lessert, Mallet et Bidermann au sujet de la réorganisation
de l'Église réformée de Paris. Nous avons résolu de commencer
par constituer un Consistoire et de demander au préfet un local
d'assemblée. Nous inviterons, pour former le noyau du Consistoire
un certain nombre de personnes marquantes, soit dans la magis-
trature, soit dans le militaire, (^e corps une fois constitué, on pourra
agir efficacement pour les intérêts du culte.
1803, 30 janvier. — Été à l'audience du premier Consul aux
Tuileries... — « El vous venez d'élire votre Consistoire à Paris.
Vous l'avez fort bien composé, des sénateurs, des conseillers
d'Etat, des tribuns ». — « Oui, citoyen Consul, nous avons cherché
à entourer de considération personnelle une institution sur laquelle
repose noire constitution ecclésiastique. Nous y avons aussi mis
des négociants de premier mérite ». — « Oh oui ! vous l'avez fort
bien composé en effet * ».
1803, 27 février. — Été à l'audience du P. C. Le consistoire lui a
été présenté. Il s'est entretenu avec tous ses membres, tour à tour.
Il a parlé de Genève comme de la métropole du Protestantisme et
a ajouté: « Je ne décide point entre Genève et Rome ».
1804, 18 janvier. — Nos trois pasteurs ont été rendre visite à
l'archevêque de Paris qui les a fort bien reçus. Bidermann avait
arrangé l'entrevue par l'intermédiaire de l'abbé Rousseau, évêque
de Goutances. Il a été convenu qu'on tirerait ensemble à la même
corde auprès du gouvernement^.
L'impression qui se dégage de ces notes contemporaines
est bien en faveur d'un libéralisme sincère de la part des
1. Lors des t6les du couronnement, ce Consistoire nomma une com-
mission composée de Rabaut-Pomier, Aleslrezat et de trois autres pas-
leurs et qui s'occupait activement des intérêts généraux du Protestan-
tisme. Présidée par le pasteur Martin de Genève elle siégeait cliez lui
tous les jours de 2 à 3 heures et soumettait le même soir le résultat de
.ses délibérations à l'assemljlée générale des 23 présidents de Consistoires
alors réunis à Paris (V'oy. Revue de Droit et de Jurisprudence des Églises
protestantes, août-sept. 1899, p. 190).
2. Voy. Bull., 1893, p. G13 et 614.
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 305
autorités. Le dernier paragraphe prouve à lui seul combien
les temps étaient changés quand on les compare, non seule-
ment à ceux qui les avaient précédés, mais encore à ceux
qui les suivirent. Car il faut bien convenir qu'une visite de ce
genre à l'archevêché aurait été impossible de nos jours.
Un souvenir reconnaissant aussi est dû au pasteur Marron.
On peut, certes, critiquer plus d'un trait de son caractère.
Mais ce qu'on ne peut lui refuser c'est d'avoir sincèrement
aimé son Église et de l'avoir utilement servie dans tous les
milieux. Remuant, doué de beaucoup d'intrigue, Marron fré-
quentait un peu tous les mondes. Il fut très lié non seulement
avec les députés protestants notamment avec St-Etienne
et Lasource, mais aussi avec Mirabeau. Il connaissait beau-
coup aussi le célèbre Talma et c'est sans doute ainsi qu'il
sut que l'Oratoire servait de magasin de décors au Théâtre-
Français. Lorsqu'en janvier 1811 la démolition de St-Louis
du Louvre fut décidée, il fit si bien que malgré Portails qui
prétendait que le ministre de l'intérieur voulait la réserver à
Saint-Germain l'Auxerrois, il obtint cette église de l'Oratoire
en faveur du culte protestant, mais provisoirement seu-
lement ^ ». Ce provisoire ne devint définitif que trente-trois
ans plus tard en ISA'i, et il faut espérer qu'il durera encore
quand, le 31 mars 1911, on célébrera le centenaire du culte
réformé de l'Oratoire.
Il ne m'appartient pas de porter un jugement sur le Pro-
testantisme français pendant le siècle qui se termine en 1902.
Il est permis, toutefois, d'affirmer que l'événement dont nous
avons rappelé le souvenir lui donna le moyen de se ressaisir,
de prendre conscience de sa raison d'être, de s'organiser, d'af-
firmer ses droits, de rétablir ses Églises depuis longtemps dis-
parues, de créer successivement les très nombreuses œuvres
d'instruction, de propagande, de mission, de charité, dont le
budget est aujourd'hui bien plus considérable que la somme
pour laquelle notre culte figure dans le budget de l'Etat.
1. D"api'ès une lettre du II lévrier Ibll conservée au\ archives de
l'Oratoire.
306 JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE L\ SOCIÉTÉ
Assurément Tidéal, déjà réalisé dans d'autres pays, de
l'Église séparée de TEtat, se réalisera tôt ou tard aussi en
France, comme tout idéal qui a pour lui la logique même.
Soyons persuadés qu'alors et grâce à ce siècle de développe-
ment après tout pacifique et progressif, notre Eglise suppor-
tera cette épreuve beaucoup mieux que si elle lui avait été
imposée il y a un siècle, sans autre garantie que des décla-
rations officielles ne valant que ce que valent les hommes
chargés de les interpréter et de les appliquer.
Si donc on me demandait de résumer les pensées qui ont
traversé mon esprit en étudiant — trop sommairement — cette
page presque contemporaine de notre histoire, pensées de
soulagement, de délivrance et d'espérance qui firent battre
tant de cœurs il y a un siècle, je les trouverais assez exacte-
ment résumées dans ces strophesd'une vieille chanson hugue-
note chantée par un colporteur pendant qu'on le traînait au
bûcher :
Quand J'ay bien à mon cas pensé,
D'une chose me réconforte:
Quand le corps sera trépassé
Mon âme ne sera pas morte,
(-ar leur main n'est pas assez forte
De pouvoir si cruelement
Faire mourir tout d'une sorte
Le corps et l'âme ensemblement.
Mes compagnons et bons amis,
Devant que mourir, je vous prie,
Ne craignez point les ennemis
Qui ne peuvent qu'oster la vie
Du povre corps ; quoiqu'on en die,
Craignez celui tant seulement
Qui peut, s'il en avoit envie
Mettre âme et corps à damnement.
Mais, en crainte ne soyons tant
Que n'ayons en iuy espérance!
Digne n'est d'estre bien content
Qui n'a mis en Iuy sa fiance.
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 307
Il a fait à nous alliance
Que la foy vive enlreliendra,
Et sa promesse il nous tiendra
Autant que nous obéissance '.
Après le chant du cantique « Ils ne sont plus, ces sombres Jours
d'orage », M. le pasteur E. Sautter se demande si nous devons nous
féliciter de la loi de Germinal et si le Protestantisme a mis à profit
la liberté qu'elle lui accordait. Il répond par l'affirmative. Au som-
meil du commencement du xix« siècle, a succédé un réveil progressif
et fécond : Réveil de la foi dans le sein des Églises concordataires
et en dehors d'elles, dans les Églises indépendantes dont le zèle
missionnaire a été pour ce qu'on appelait l'Église officielle, souvent
un exemple et un stimulant. Réveil aussi de la vie religieuse qui
s'est manifestée par des œuvres d'évangélisation, de mission, d'en-
seignement, de charité, de plus en plus considérables et prospères.
Enfin à travers tout ce siècle qui est derrière nous s'est aussi de
plus en plus affirmée la solidarité protestante et l'influence de l'es-
prit protestant.
M. le pasteur B. (louve prononce la prière de clôture.
II. — Séance du cinquantenaire
de la Société d'Histoire.
Oratoire, 26 mai 1902, 8/2. 1/4 du soir.
L'annonce de cette séance avait attiré à l'Oratoire un public encore
plus nombreux que la veille. Non seulement tout le bas de la nef,
mais encore les tribunes étaient remplis. Sur l'estrade ou dans ce
qu'on appelait autrefois le parquet, devant la chaire, on remarquait,
outre les délégués des Facultés de théologie protestante de Genève
et de Montauban et des Sociétés huguenotes, wallonnes ou d'His-
toire d'Angleterre, de Hollande et de Suisse, c'est-à-dire de MM. A.
Giraud-Browning, A. Brondgeest, les doyens Ch. Bruston et Montet,
Th. Dufour et E. Stroehlin, et plusieurs membres du Conseil pres-
bytéral de l'Oratoire, — MM. les pasteurs, professeurs ou membres
du Comité dont les noms suivent : R. Allier, G. Bonet-Maury,
1. Le chansonnier huguenot, L. II, p. 336.
308 JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIETE
Bourne, Bouvier, C.-A. Cerisier, G. Chastand, A. Decoppet, Diény,
P. de Félice, G. Fisch, À. Franklin, E. Lacheret, E. Lods, Armand
Lods, Th. Maillard, W. Martin, Ch. Merle d'Aubigné, G. Meyer,
Th. Monod, W. Monod, R. Reuss, E. Roberty, E. Stapfer, F. de
Schickler, John Vienot, Ch. Waddinglon, Ch. Wagner, A. Weber
et N. Weiss.
Un des principaux attraits de la séance a été l'exécution, sous
l'habile et savante direction de M. H. Expert, de deux strophes
remarquables d'Agrippa d'Aubigné mises en musique par Claudin
le Jeune, et de quelques versets de psaumes de Clément Marot et
de Théodore de Bèze d'après l'harmonie de Claude Goudimel,
œuvre fort rare, qui ne parut qu'après la mort tragique de ce grand
artiste, en 1580. Celte musique, plutôt compliquée, n'avait pas été
composée précisément pour le culte public où Ton chantait à l'unis-
son ou tout au plus à quatre parties. C'était, au fond, de la musique
de chambre composée pour l'exécution artistique des psaumes,
chez les grands seigneurs huguenots dont plusieurs, comme par
exemple le duc de Bouillon, avaient des musiciens formant une cha-
pelle attachée à leur maison. M. H. Expert avait placé un double
quatuor de chanteurs professionnels renforcé par les deux voix de
soprano de Mlles Fischbacher et R. Weiss, dans une tribune
élevée, en face de la chaire, d'où l'on entendait parfaitement les
moindres détails harmoniques. Cette musique savante et difficile,
exécutée sans accompagnement instrumental d'aucune sorte et
avec une remarquable sûreté d'intonation, a produit grand effet et
son allure archaïque mais pleine de noblesse a été très appréciée
par les connaisseurs.
Les auditeurs avaient, du reste, entre les mains un élégant pro-
gramme imprimé par les soins de M. G. Fischbacher et qui leur
permettait de suivre les paroles chantées. Ainsi, après la prière
d'ouverture prononcée par M. le pasteur G. Meyer, on entendit ces
beaux vers mesurés à l'antique d'Agrippa d'Aubigné
Rendons grâces à Dieu, vous toutes nations,
Vous tous peuples ravis en bénédictions !
Chantons tant que tout l'air plein résonne en ce lieu
D'un concert de louange à Dieu!
Haussons l'âme et le cœur vers le ciel à la fois,
Accordons doucement âme et cœur à la voix;
Chantons comme de Dieu dure à l'éternité
La clémence et la vérité !
DE l'histoire du PROTESTANTISME K11AN( AIS 309
Le baron Fernand de Schickler lit alors d'une voix forte ce rapport
du cinquantenaire, d'autant plus apprécié qu'il lui a été plusdiflicile
de ne pas répéter ce qu'il avait dit dans ses rapports antérieurs.
Messieurs,
Au mois de mai 1852 les pasteurs et laïques réunis à Paris
en conférences générales annuelles recevaient de M. Charles
Read, au nom de douze de nos coreligionnaires, un appel
conviant tous ceux « qui se félicitent d'appartenir à la Ré-
forme française, tous ceux qui se rattachent aux Églises pro-
testantes nées et naturalisées sur le sol français ou exilées
de cette première patrie » à se joindre à eux dans une œuvre
commune de piété filiale, d'instruction et d'édification mu-
tuelles, en les aidant à fonder une Société de VHistoire du Pro-
testantisme français. L'article 1" des statuts portait : Elle a
pour but de rechercher, de recueillir et de faire connaître tous
les documents inédits ou imprimés, qui intéressent l'histoire
des Églises protestantes de langue française ».
Si elle n'avait jamais été présentée avec cette ampleur la
pensée n'était cependant pas nouvelle. On la trouve en germe
dans cette injonction de la vieille Discipline : « En chacune
fi^glise on dressera mémoire de toutes choses notables pour le
fait de la Religion : en chacun colloque sera député un ministre
pour les recevoir et les apporter au Synode provincial et de
là au national », comme dans les décisions du Synode reve-
nant, de 1572 à 1620, sept fois à la charge pour ordonner aux
pasteurs ayant les mémoires de faits servant à l'état de
l'Eglise et à l'histoire du temps de les envoyer d'abord à
Lyon, puis à Monlauban, à M. d'Aubigné, à Genève pour
être joints au Livre des martyrs, à M. Rivet chargé cVen dres-
ser une histoire, ou enfin de réunir dans les Archives de La
Rochelle « tous les originaux des déclarations, brevets,cahiers
et autres pièces concernant le général des Églises », et nom-
mant « pour les papiers et procédures regardant les particu-
liers une Église par province pour en avoir soin ».
Ne demandez pas ce que sont devenus ces recueils et ces
archives. Les uns et les autres out été emportés par les
tempêtes qui se sont, à coup redoublés, abattues sur ce
310 JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
petit troupeau. Quand la tourmente eut enfin cessé, que sous
le ciel redevenu clément les protestants purent, dans leurs
sanctuaires réédifiés, bénir le Dieu des délivrances, rouvrir
leurs Bibles, entonner leurs vieux psaumes et remplir envers
la patrie tous les devoirs en jouissant librement de tous les
droits de ses enfants, le vague souvenir du passé, de ses
gloires comme de ses douleurs, restait bien au fond des
cœurs; mais les hommes et les choses de ce passé demeu-
raient étrangement inconnus. On pourrait dire méconnus
souvent par les fils mêmes des huguenots. Les récits vivants
et colorés d'un Merle d'Aubigné, parus de 1835 à 1847, com-
mençaient il est vrai à réveiller et retenir leur attention, mais
alors que la science historique, se transformant de outes
parts, s'appuyait désormais sur les sources mêmes, où eût-on
trouvé celles de notre histoire? Comme l'avait écrit M. Emilien
Frossard en 1849 : « Les monuments sont devenus de jour
en jour plus rares : ceux qui ont échappé à l'entière destruc-
tion à laquelle un siècle d'oppression et d'obscurantisme les
avait voués, sont dispersés, oubliés, mutilés. Encore quelques
années il n'en restera pas trace. Et cependant Phisloire de la
Réformation française n'est pas encore faite, et celle page ma-
gnifique de l'œuvre de Dieu dans l'humanité risque d'être per-
due dans le grand enseignement que les siècles passés adres-
sent aux générations à venir. L'indifférence menace de lais-
ser perdre ce que le temps et l'aveuglement ont épargné... »
Seuls MM. de Félice par son Histoire des Protestants de
France encore justement appréciée, et Ch. Weiss par ses
études initiales sur les Réfugiés, se montraient de véritables
précurseurs.
Vous le voyez, il n'était que temps de réagir, et notre pre-
mière parole de gratitude en cette fête solennelle du Jubilé,
doit s'adresser, après Dieu, à nos douze devanciers. Leur
appel fut entendu. Les statuts et le cadre des travaux, à lui
seul déjà la plus instructive des révélations, avaient été lar-
gement répandus ; une première liste de cent adhérents ne
tardait pas à paraître, portant en tête le nom éminent et qua-
lifié entre tous, du président honorairede la Société, M. Guizol.
Félicitons-nous, Messieurs, après un demi-siécle révolu, de
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 311
retrouver à nos côtés six de ceux qui se sont inscrits parmi
nos cent premiers amis : M. Charles Waddington, notre pré-
sident honoraire qui, à lui seul, représente vaillamment encore
le Comité fondateur, M. Louis Vernes, le président honoraire
du Consistoire de Paris, le pasteur Amphoux du Havre, le
doyen Jalabert et deux de nos collègues, MM. Ch. Frossard et
Albert Réville. Les livraisons initiales du B«//e///z, avec le sous-
titre Documents inédits et originaux, xvi% xvii% xvm^ siècles,
et, comme épigraphe, la parole du prophète Zacharie : Vos
pères oii sont-ils? portent la date de juin-juillet 1852. Cette
année nous en terminerons le cinquantième volume.
Les quatorze premiers sont dus presque en entier à l'initia-
tive de M. Read qui a concentré, on peut bien le dire, l'action
de la Société pendant toute la période de sa présidence. Avec
une sagacité, un véritable instinct de chercheur infatigable et
passionné, il accumulait les trouvailles — depuis le testament
olographe de Coligny jusqu'au procès-verbal du dernier synode
de Charenton, — stimulait le zèle des correspondants, posait
des questions, insérait des réponses, publiait des mémoires
comme ceux de Jean Rou et le journal de Daniel Charnier.
Quand M. Jules Bonnet, Téditeur des Lettres françaises de
Calvin, accepta, en 1865, les fonctions de secrétaire, il modifia
quelque peu le caractère du Bulletin; désirant répondre aux
besoins littéraires de notre public protestant, il joignit à la
partie strictement documentaire des études historiques, dont
ses propres Récits du xvi" siècle, couronnés par l'Académie
française, offrent des modèles d'une rare élégance de style,
d'une véritable élévation de pensée. Vingt ans plus tard,
M. le pasteur Weiss prenait à son tour la direction de notre
revue agrandie, ornée de gravures et de fac-similé. Vous sa-
vez les richesses dont il l'a dotée, les lumières qu'il y a jetées
sur les origines de la Réforme, le soin qu'il a mis à ne laisser
passer aucun des anniversaires des dernières années sans
l'élucider par des témoignages inédits et irrécusables.
A quelque opinion qu'on appartienne, il n'est plus permis
d'écrire consciencieusement l'histoire du Protestantisme fran-
çais, ou même de s'occuper sérieusement de l'histoire générale
de la France du xvi' au xix' siècle, sans consulter la collée-
312 JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
tion au Bulletin. Aussi avons-nous senti que l'heure était venue,
pour guider les travailleurs dans celte inépuisable mine, de
publier la Table générale si souvent réclamée. Trois jeunes
archivistes la rédigent sous le contrôle de trois membres du
Comité. Quand elle paraîtra, nous l'espérons au commence-
ment de 1903, cette Table prouvera, nous n'en saurions douter,
que le Bulletin a été la grande œuvre du premier demi-siècle
de notre Société... et cette œuvre est de celles qui resteront.
A côté du Bulletin inscrivons la France Protestante. Les
frères Haag, de 1846 à 1858, suivant le mot si souvent cité de
Michelet « ont ressuscité un monde ». C'est à notre Société
qu'ils ont laissé le soin de combler, dans une seconde édition,
les inévitables lacunes de la première. M. Henri Bordier s'était
mis à cette tâche avec une ardeur telle, qu'élargissant le cadre
presque à l'infini, il y voulut embrasser, autant que possible,
« toutes les familles protestantes antérieures à 1789 ». Grâce
à ses recherches dans les archives et les greffes, il a décuplé,
pour les six volumes parus, le nombre des appellations. Quand
la mort nous l'enleva, nous remîmes à M. le professeur Bernas,
en continuant à centraliser les matériaux, le soin de les mettre
en œuvre. Maïs ce travail écrasant a été souvent interrompu par
la maladie : la reprise de la publication et son heureux achève-
ment constituent notre plus sérieux engagement pour l'avenir.
Je devrais vous parler encore du Comité des Classiques
du Protestantisme, formé sous nos auspices, auquel on doit,
ainsi qu'à notre courageux et persévérant éditeur protestant,
M. Fischbacher, une édition magistrale de VHistoire ecclé-
siastique de Théodore de Bèze, revue et complétée par
MM. Reuss et Cunilz, les Plaintes de Claude, rééditées par
M. Frank Puaux, et ce Pseautier Huguenot y faisant si grand
honneur à l'érudition musicale de M. Henri Expert, et qui sera
un des durables souvenirs de notre Jubilé. En voici le premier
et magnifique exemplaire offert aujourd'hui même à notre Bi-
bliothèque*.
Le Comité, éprouvé par des deuils répétés, s'était recons-
titué quand, en 1865, M. Read, tout en consentant à rester
1. Le Psautier huguenot du XVI' siècle publié sur un plan nouveau, par
Henry Expert, un vol. de xii-748 p. in-folio. Paris, l^^ischbacher, 1902.
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 313
membre actif... et il le fut jusqu'à son dernier jour... se refusa
à garder plus longtemps les responsabilités présidentielles.
M. Alfred Franklin acceptait celles de trésorier; remercions-
le de ce concours si persévérant et si utile qu'il veut bien con-
tinuer à nous accorder depuis trente-sept ans. Dans une de
nos premières séances, désormais mensuelles, nous décidions
de fonder une Bibliothèque où, selon les paroles de M, Guizot
à l'Assemblée générale de 1866, « ceux qui désirent connaître
notre passé protestant puissent trouver les aliments de leur
curiosité pieuse ou les éléments de leurs travaux ». « Elle est
à peine commencée », ajoutait-il; « elle n'a pas un local qui
soit à elle et où elle puisse s'étendre, elle n'existe que grâce
à l'hospitalité qu'on lui donne... ».
Quelle hospitalité, messieurs ! une petite armoire, suffisante
ilestvraipour lesdeux cents volumesqu'elle comptait à peine.
En deux ans, elle en avait sept mille, grâce tout d'abord à des
collections entières, celles de M. Goquerel père et de M. Fré-
déric Monod déposées pieusement sur nos rayons par les
enfants ou les catéchumènes de ceux qui les avaient formées
avec soin et amour. A partir du 5 février 1869, un modeste ca-
binet de travail fut mis une fois par semaine à la disposition
du public studieux.
Vous dirai-je les trois exodes nécessités par un accroisse-
ment d'une rapidité impossible à prévoir? Mais l'histoire de
ce développement, qui a dépassé toutes nos espérances, occu"
perait à elle seule dix fois le temps qu'il nous est donné de
consacrer ce soir à ce coup d'œil rétrospectif. Elle devrait
être avant tout la longue nomenclature des bienfaiteurs, des
bienfaitrices — comment en un jour comme celui-ci n'en pas
citer trois, mesdames Henri Thuret, Goffart-Torras, baronne
de Neuflize? — bienfaitrices et bienfaiteurs qui, en faveur de
l'étude et de la conservation pour l'avenir des monuments de
notre grand passé, ont su faire le sacrifice de leurs trésors les
plus précieux, papiers de famille, livres rares, gravures, do-
cuments, portraits, méreaux, désormais réunis, se complétant
les uns les autres et que vous chercheriez vainement ailleurs*.
1. Donateurs de la Bii:)liolhèque, juin 1901 à juin 1902 : Facultés de
théologie protestante de iMontauban et de Paris, Ministère de l'Instruc-
LI. — 23
314 JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
Pour s'en faire quelque idée il faut visiter rinstallation
définilive que Dieu a permis au Comité d'inaugurer en dé-
cembre 1885, au n" 54 de la rue des Saints-Pères, — près de
l'emplacement d'un des anciens cimetières huguenots, entre
l'Abbaye de Saint-Germain-des-Prés et le Pré-aux-Clercs —
il y faut venir se rendre compte de ses richesses documen-
taires : papiers Duplessis-Mornay, Paul Ferry, Rabaut légués
par M. A. Coquerel fils, Hotman de Villiers, Sayn-Sérusclat,
recueils des Synodes, procès-verbaux des Assemblées poli-
tiques, correspondances de Tépoque du Désert — collections
Scherer, Sainte-Beuve sur Porl-Royal, Muston sur les \'au-
dois, Bordier, Delaborde, Labouchère, Lutteroth, Frédéric
et Othon Guvier, Auzière, Lesens, Read. Entre le jour où
l'amiral Baudln apportait une première pierre — et com-
bien précieuse ! — le fragment des Registres d'écrou des
galères et celui, tout récent, où M. Garreta nous offrait, dans
notre excursion d'Ablon, la Bible de Henri IV donnée par lui à
son aumônier Lobéran de Montigny, savez-vous combien de
lion publique, Mlle Allégot, Mme Alf. André, professeur, MM. Barckhau-
sen, J. Bianquis, Bibliothèque de Genève, MM. Brunel, Chastel, Chato-
ney, Commission des Églises wallonnes, MM. les directeurs de l'Hôpital
de la Providence de Londres, Adrien Dollfus, pasteur Ch. Frossard,
MM. Fuzier, R. Garreta, J. Gaufrés, H. Gélin, H. Guyot, E. Hugues, Armand
Lods, pasteur Maillard, Maulvault, G. Meyer, Adolphe Monod (famille d'),
baronne de Neuflize, MM. Omont, pasteur F. Puaux, Mme Ch. Read,
MM. le professeur Rod. Reuss, baron F. de Schickler, les Sociétés hu-
guenotes d'Allemagne, dWmérique et de Londres, Société des missions
évangéliques de Paris, M. F. Teissier, Mme veuve Vesson, N. Weiss.
Comme auteurs :
MM. Raoul Allier, pasteur G. .\ppia, Thomas Balch, prof. G. Bonet-
Maury, Ernest Bonifas, Emile Bourgeois, V.-L. Bourrilly, P. -Henri Chérot,
Ém. Comba, Eug. Greissel, pasteur H. Dannreuther, Rév. L. Dégremont,
P. Dielerlen, de Dompierre de Chauffepié, D' P. Dorveaux, A. de Dufau
de Maluquer, Ch. Durand, Henri Expert, pasteur P, de Félice, Henri
Fliedner, A.-E. Garnier, R. Garreta, Lucien Gautier, pasteur Th. Gerold,
Eug. Halphen, A. Hamon, Henri Heyer, pasteur H. Lehr, Ernest Levesque,
Armand Lods, D' Lorlsch, Henri Martin, A. Maulvault, Félix Meillon,
pasteur Messines, H. Omont, pasteur J. Pannier, Mme J. Pannier,
M-\L H. Palry, professeur de la Faculté de théologie protestante de
Paris, Camille Rabaud, M. de Richemond, Edouard Rolt, Jean Roucaute,
Doyen .\ug. Sabatier, Société Biblique Protestante de Paris, Henri Stein,
Ernest Strœhlin, Gaston Tournier, J. Villelte.
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 315
volumes onl pris le chemin de notre sanctuaire d'études et
de souvenirs? 27,600 isolés, 13,350 recueils, 5,225 de jour-
naux et de rapports, collection unique, soit cinquante mille
environ; joignez-y 10,000 pièces manuscrites et vous entre-
verrez les ressources mises quatre fois par semaine, gratui-
tement, à la disposition des lecteurs, et dont ils profitent
largement. Si notre Société a obtenu le 13 juillet 1870 la
reconnaissance d'utilité publique, nous le devons à notre
Bibliothèque — et peut-être même au témoignage que lui ont
rendu des savants qui n'étaient point de nos coreligionnaires.
C'est à elle aussi que nous sommes redevables pour une
grande pari des distinctions, médaille de progrès et médailles
d'or obtenues à l'Exposition de Vienne et aux trois der-
nières Expositions universelles de Paris.
Mais suffisait-il de préserver en les imprimant les docu-
ments menacés par le temps ou par les hommes, ou encore
de rassembler les produits de la littérature huguenote si
abondante, si variée, à peine représentée dans les biblio-
thèques publiques? Le Comité ne l'a pas cru. Il a voulu
d'abord stimuler les travaux originaux et puisés aux sources,
il a provoqué des concours' et à cinq reprises décerné des
récompenses^
Il entrevoyait en même temps un autre devoir: rapprocher
autant que possible, non quelques rares privilégiés, mais le
peuple protestant tout entier, les humbles aussi bien que les
doctes, de ces souvenirs qui sont le patrimoine commun de
tous. La circulaire du 10 avril 1866 proposait aux pasteurs et
aux anciens d'instituer une Fête annuelle de la Réformation.
Dès l'année suivante l'impulsion était donnée. « Le but est
trop beau, nous écrivait-on, l'élan trop prononcé pour que
nous nous arrêtions ». Aujourd'hui, la Fête delà Réformation
1. Lauréals des concours : Ad. Michel, Louvois et la Révocation ; Jules
Chavannes, Les Réfugiés dans le pays de Vaud; Edm. Hugues, Antoine
Court et la Restauration du Protestantisme en France.
2. Ouvrages couronnés : Arnaud, Histoire des Protestants du Dauphiné ;
Berthaull, Thèses de doctoral sur Saurin et sur Matliurin Cordier ; Bon-
nefon, Biographie de Duplan ; Réaume, Agrippa d'Aubigné considéré
comme historien; Arnauil, Histoire des Protestants de Provence; Benoîl,
Marie Durand; ChenoL, Introduction de la Réforme à Héricourt.
316 JUBILÉ CINQUANTENAIRE Dï LA SOCIÉTÉ
est entrée dans les habitudes de nos Eglises : ses résultats
justifieraient à eux seuls déjà le témoignage de vive sympa-
thie rendu à la Société de Tllistoire du Protestantisme fran-
çais par le vote unanime du synode général de 1872*.
C'est qu'une histoire comme celle de vos ancêtres, Mes-
sieurs, ne saurait rester lumière cachée sous le boisseau, ou
flambeau que se transmettent jalousement un petit nombre
d'initiés. De même que nous ouvrons toutes grandes les
portes de notre Bibliothèque à tous ceux qui veulent s'ins-
truire aux sources, et que nous ne craignons pas de leur
recommander déjuger sur preuves ce que furent vos pères,
parfois si étrangement calomniés, de même nous estimons
que les tribulations et les délivrances du petit troupeau sont
la leçon dont notre temps a plus que jamais besoin. Cette
leçon nous l'avons redite au loin comme au près : il y a des
vérités qu'il ne faut pas se lasser de répéter.
Donnant à nos Assemblées annuelles une importance nou-
velle, y introduisant le chant des psaumes d'après les har-
monies du xvi" siècle, nous avons commémoré nos anniver-
saires de joies ou de douleurs. Vous n'avez pas oublié cette
1. Églises donatrices du 31 mai 1901 au 25 mai 1902 : Anduze, 15; —
Angers (Égl. libre), 5; — Aouste, 44,65: — Arverl, 12; — Aubais, 14; —
Aubussargues, 16; — Avèze, 20; — Bàle, 183; — Belfort, 10; — Berge-
rac, 56; — Bolbec, 130,15; — Boulogne-sur-Mer, 20; — Brest, 10; — Caen,
44,25; — Calvisson, 10; — Cannes, 20; — Castres (1900), 41,50; — Castres
(1901), 51,50;— Castres (Égl. réf. ind.), 40,45; — Cognac, 20; — Courbevoie,
14; — Cozes, 30; — Creysseilles, 5; — Florac (1900), 7,05; — Florac (1901),
10,20; — Foëcy, 10; — Fontenay-le-Comte, 5; — Jallieu, 14,25; — Lacaune.
11,50; — Laparade, 11; — Lasalle-Colognac, 27,70; — Le Pouzin, 10; —
Le Vigan, 13; — Logrian, 7,50: — Lyon (1900), 200; (1901), 200;— Marsillar-
gues, 20; — Milhaud, 5 ; — Millau, 24,40 ; — Montpellier, 120 ; — Moulins, 7,70
— Nancy, 40; — Nantes (1900), 40; — Nantes (1901), 65: — Nègrepelisse, 20
— Nîmes, 250; — Paris (Arquebusiers, 137,65; — BatignoUes, 21 ; — Boulv
Saint-Germain, 153,50; — Oratoire, 195,05; — Saint-Esprit et Mllton, 294,05
— Sainte-Marie, 39,25): — Pau, 50; — Pignan,20; — Pons, 15;— Réalmont
38,25; — Reims, 50; — Rouen, 49; — Saint-Cloud, 38,65; — Saint-Dié, 20
Saint-Étienne, 45; — Saint-Hippolyte, 10; — Saint-Jean-Marvéjols, 8,10: —
Salies de Béarn, 10; — Saujon, 15; — Sauve (1900), 10; — Sauve (1901),
25; — Sedan, 50; — Tonneins (1900), 17; — Tonneins (1901), 8; — Tou-
louse,50; — Vernoux,12; — Villeneuve-Saint-Georges, 61,15; — \'ire, 10. —
Reçu de plus : Legs de Mme veuve Olhon Cuvier, 400; — Don de M. Saint-
Aubin Roumieu à 1 occasion du Jubilé, 25; de Mme James Lawton, pour
la Table, 260.
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 317
fête émouvante où des voix éloquentes — hélas! éteintes
aujourd'hui — ont dans ce même temple devenu trop petit,
rappelé, ce sont les paroles mêmes de M. Bersier, « sans haine
contre personne, sans vouloir à aucun degré rendre les
vivants solidaires des morts, ce que fut la Révocation, afin
qu'en mesurant la profondeur de Tabîme où faillit sombrer
notre Eglise, nous pussions avec des cœurs reconnaissants
remercier la France moderne qui a si noblement réparé les
fautes de la France ancienne et bénir Dieu d'avoir fait succé-
der les splendeurs de la justice à une longue nuit de terreurs
et de larmes ». Et la Complainte de l'Eglise affligée s'est
élevée sous ces voûtes remplissant les cœurs d'une intense
sympathie pour les victimes, et d'une confiance sans bornes
envers le Père qui n'a point confondu l'invincible espérance
de ses enfants.
Cette Eglise si souvent affligée, mais si merveilleusement
bénie, car le Seigneur châtie ceux qu'il aime, nous en avons
suivi les traces jusqu'au fond des provinces, à Nimes et à
Anduze, à Rouen, à Lyon, à Orthez et à Pau, à Royan et à
Saintes, à la Rochelle, à Meaux, à Nantes. Et il s'est produit
ce fait que, racontant aux descendants des Huguenots ou des
Camisards ce qu'avaient enduré, ce qu'avaient été leurs
pères, nous avons éprouvé pour nous-mêmes le « sursum
corda » que nous venions leur apporter. Oh 1 les inoubliables
impressions ressenties dans ces gorges des Cévennes, à
l'humble maison de Rolland, véritable monument historique
que notre Société acheta pour le sauver et où nous fut lue
par M. Viguié, sous la châtaigneraie, une page de la Bible du
héros — ou bien sur la grande côte de Saintonge, « en face
de cet Océan sans limites visibles, sur lequel ont ramé les
forçats et se sont expatriés les exilés pour la foi » — ou enfin
dans la salle basse de la Tour de Constance quand nous
chantâmes un psaume près de la pierre où se lit encore le
mot, gravé par les confesseurs et martyrs : Résistez. Et
comment ne pas se redire alors avec gratitude mais confu-
sion : Qui sommes-nous pour recueillir un si grand, un si
glorieux héritage?
Pourtant, Messieurs, l'émotion c|ui nous étreint parfois
318 JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
quand nous remontons vers les jours d'antan ne saurait nous
faire oublier la basé et la méthode absolument scientifiques
imposées à une Société comme la nôtre. Pas plus que nous
ne voulons faire œuvre de rancune ou de parti-pris, nous ne
cherchons à tracer des panégyriques ou à canoniser nos
aïeux. Il nous suffit de nous efforcer de les placer en pleine
lumière, tels qu'ils étaient : cette clarté fera justice de bien
des imputations erronées à leur endroit, etdissipera bien des
malentendus, mais elle ne les dégagera pas des faiblesses
humaines et d'une solidarité inévitable avec les passions ou
les préjugés de leur temps. Plus l'historien est impartial,
mieux il répond à ce qu'on est en droit d'attendre de lui, et
nous sommes heureux de constater que, suivant l'impulsion
donnée par notre Société, il s'est formé pendant ce demi-
siècle toute une pléiade de savants, les Lièvre, les Vaurigaud ,
les Dardier, les Nicolas — pour ne citer que ceux entrés en
leur repos ^ — dont le labeur persévérant et essentiellement
sincère a reconstitué l'histoire du Protestantisme dans
diverses provinces de la vieille France ou retracé celle de sa
restauration par Antoine Court et Paul Rabaut, et nous tenons
à signaler, sous une forme plus accessible au grand nombre
— ne faut-il pas songer aussi aux jeunes et aux moins lettrés?
— V Histoire populaire de la Réforme, de M. Puaux.
A eux et à leurs émules nous avons offert, à partir de 1892,
le titre de membres honoraires du Comité, éprouvant au début
un véritable embarras à limiter le nombre des élus, tant a été
grande l'expansion historique protestante en France et à
l'étranger.
C'est que l'évocation, ou plutôt la résurrection du passé ne
se poursuit pas uniquement à nos côtés. Au-delà des fron-
tières qu'ont franchies jadis, dans d'indicibles angoisses,
les exilés pour la foi, abandonnant tout pour obéir à Dieu
plutôt qu'aux hommes, les descendants des Réfugiés ont
tourné leurs regards vers la France et revendiqué comme un
honneur leurs origines huguenotes. Avec une fraternelle sym-
pathie nous avons assisté depuis 1885 à la fondation de la
Commission pour V Histoire des Églises wallonnes, et à l'éclo-
sion des Sociétés huguenotes de Londres, d'Allemagne, de
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANfAIS 319
New-York et de Charleston aux États-Unis. Leurs travaux
et leurs publications déjà nombreuses ainsi que cellesde la 5o-
ciété d'Histoire v^z/tfoz^e apportent un sérieux concours aux re-
cherches sur les familles et les pasteurs des xvi^ et xvii' siècles.
Nos sœurs cadettes s'associent à la célébration du cinquan-
tenaire de leur aînée, les unes par des lettres chaleureuses,
d'autres par l'envoi de leurs délégués dont la présence donne
à notre solennité un exceptionnel éclat. En votre nom à tous,
je salue ce soir M. Giraud Browning, le président delà Société
huguenote de Londres dont il avaU conçu la pensée en assis-
tant à notre session cévenole, M. le D'' Brondgeestd'Utrecht,
l'un des membres fondateurs de la Commission pour l'Histoire
des Églises wallonnes, M. Théophile Dufour qui représente
au milieu de nous la Société d'Histoire et d'Archéologie de
Genève, M. le pasteur Appia que ses coreligionnaires des
Vallées vaudoises du Piémont ont chargé de leurs fraternels
messages. Messieurs les Doyens des Facultés de Théologie
protestante ont tous les trois fait à la Société le très grand
honneur d'assister en personne à son jubilé. A vous tous,
Messieurs, à ceux que vous représentez si dignement ce soir
notre respectueuse reconnaissance.
A l'occasion du Cinquantenaire le Comité avait formé un
projet d'une présomption rare et qu'il n'aurait jamais pu
mener à bonne fin si de bien des côtés, de Paris, des dépar-
tements, de l'étranger, on ne lui était venu gracieusement en
aide. Je ne tenterai pas de vous décrire l'Exposition rétros-
pective ouverte pendant dix jours à la Bibliothèque de la rue
des Saints- Pères : il faut y contempler cette réunion de por-
traits, tableaux et gravures, d'autographes, de médailles, de
Bibles des débuts de la Pvéforme, de livres rarissimes — il en
est dont on ne connaît que le seul exemplaire exposé là —
d'émaux de L. Limousin, de Palissy, de Petitot les incompa-
rables artistes huguenots, et, ce qui prime encore tout le reste,
une chaire portative, une table de communion qui ont servi
dans les cultes du Désert, sous la Croix, comme on disait alors,
et comme nous devons le répéter, la Croix des afflictions, des
renoncements, des sacrifices, de la glorification suprême.
Auprès de ces souvenirs visibles et tangibles que sont des
320 JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
discours ? Aussi bien ce rapport n'aurait-il dû être, à vrai
dire, qu'un sérieux examen de conscience. Avons-nous ré-
pondu aux responsabilités de notre grande et belle lâche?
Ah I croyez-le bien, Messieurs, nous n'avons garde de nous
dissimuler, nous membres du Comité de la Société de l'His-
toire du Protestantisme français, tout ce qui a manqué à notre
action, tout ce qui reste à faire; il suffirait de relire le cadre
primitif des travaux projetés pour reconnaître ce qui incom-
bera à nos successeurs. Puissent-ils comme nous être secon-
dés dans leur mission par de savants collaborateurs, de géné-
reux amis, des conducteurs et des conseils d'Église adres-
sant à la Société, à chaque fêle de la Réformation, un témoi-
gnage d'effective sympathie. Et qu'il plaise à Dieu leur accor-
der de maintenir les principes de vraies fraternité et solida-
rité protestantes qui ont présidé à la création de cette œuvre.
Le jour où prenaient place ensemble au sein du Comité,
MM. Bartholmess, Block, Ath. Coquerel fils, Haag, Lulte-
roth, Adolphe Monod, Pécaut, Read, Martin Rollin, Verny,
Waddington, Ch. Weiss, cette alliance de forces vives bien
que de tendances diverses était à la fois un exemple et un
gage de succès. La tradition de la première heure a été sui-
vie depuis et nous rendons avec émotion et gratitude un
suprême hommage à la mémoire de nos collègues disparus,
et toujours regrettés, les Triqueti, Labouchère, G. Guizot»
Sayous, Viguié, Delaborde, le biographe de Coligny, Bersier,
grâce aux efforts duquel la figure de l'Amiral se dresse au
chevet de ce temple, Douen, l'historien de la Révocation à
Paris, et les doyens Lichtenberger et Sabatier'.
1. Nous saisissons celle occasion pour donner ici la liste de tous les
membres acllfs, membres honoraires et membres associés du Comité de
notre Société. Les noms imprimés en italique sont ceux des membres
encore actuellement en service et nous rappelons que les membres
associés sont ceux qui ont fait à la Société un don d'au moins 300 francs.
Président honoraire.
1852. F. Guizot, t 1.S74.
Membres.
MM.
1852. Charles Read, président 1852-1865, t 1899.
Christian Bartholmess, t 1856.
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 321
Si, dans le nouveau demi-siècle que nous inaugurons, ce
noble labeur se poursuit dans ce même esprit, Celui qui a
daigné bénir les premières assises permettra l'achèvement
du monument élevé à la mémoire de « la grande nuée de
Maurice Block, t 1900.
Alh. Coquerel fils, t 1875.
Eugène Haag, vice-président 1865, t 1868.
Henri Lulteroth, démissionnaire 1865.
Adolphie Monod, t 1856.
Félix Pécaiit, dém. 1865.
Martin RoUin, t 1868.
Edouard \'erny, + 1854.
Charles Waddingtony président honoraire 1900.
Ch. Weiss, t 1882.
Oppermann, trésorier, 1852-1855.
Cornélis de Witt, démissionnaire 1865.
1864. Henri-L. Bordier, t 1888.
1864. C" Jules Delaborde, vice-président 1869, + 1889.
Jules Gaufres.
Guillaume Guizot, t 1892.
F. Schickler, président de la Société 1865.
1865. Jules Bonnet, secrétaire 1862-1885,+ 1892.
A Ifred Franklin, trésorier.
1866. O. Douen, t 1896.
William Martin.
1868. B'" de ïriqueti, + 1874.
1869. Ch. Frossard.
Ed. Sayous, t 1898.
1874. Alfred Labouchére, t 1875.
1875. F. Lichlenberger, + 1900.
1882. E. Bersier, + 1889.
A. Viguié, + 1890.
F. Kuhn.
G. Bonet-Maury.
1886. F. Buisson.
G. Raynaud.
1892. Armand Lods.
Frank Puaux.
Albert Réville.
L. Tanon.
1893. N. Weiss, secrétaire du Comité.
1899. Sabatier, t 1901.
Rod. Reuss.
Paul de Fclice.
1902.;r/î. Du four.
Gabriel Monod.
John Viénot.
322 JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
témoins ». Et le Protestantisme français, réalisera toujours
mieux alors notre vieille devise :
Post tenebras lux.
Pour remplacer les vides faits dans son sein par le retour
Membres honoraires du Comité.
MM.
1892. E. Arnaud.
D. Benoit.
Othon Cuvier, t 1896.
Ch. Dardier, t 1893.
A. Lièvre, + 1898.
Cam. Rabaiid.
Le président de la Société d'Histoire et d'Archéologie de Genève.
Le président de la Commission de l'Histoire des Eglises wallonnes .
Le président de la Société huguenote de Londres.
Le président de la Société huguenote d'Amérique.
Le président de la Société huguenote de la Caroline du Sud.
Le président de la Société huguenote d'. Allemagne.
Le président de la Société d'Histoire vaudoise.
H.-M. Baird.
A . Bernus.
Th. Dufour, membre du Comité 1902.
A.-J. Knschedé, + 189G.
A.-L. Herminjard, + 1900.
\V.-N. Du Hieu, t 1896.
E. Lesens, t 1897.
1895. Meschinet de Richemond.
1902. Ern. Strœhlin.
D'Egli.
È. Comba.
H. Guyot.
H. Dannreuther.
Ed. Hugues.
Membres associés au Comité.
MM.
1877. Fromenl, t 1879.
1878. Emile Schul^.
Ch. Sagnier, t 1888.
1879. Nycgaard.
1884. Morris Beaufort.
Giraud Browning.
St-Aubin Roumieu.
1888. Louis Sagnier.
1895. Ern. Strœhlin, membre honoraire 1902.
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 323
à Dieu de Messieurs Sayous, Read et Sabatier, le Comité a
élu membres :
MM. Théophile Dufour,
Gabriel Monod,
John Viénot,
et comme membres honoraires et en remplacement de
MM. Othon Cuvier, Dardier, Enschédé, Sir H. Layard, Lesens,
Lièvre, Sir H. Peek, du Rieu et Herminjard :
MM. le président de la Société huguenote de Londres,
le président de la Société d'Histoire et d'Archéologie
de Genève,
le professeur Émilio Comba à Florence,
le professeur Ernest Strœhlin à Genève,
le docteur Egli à Zurich,
Henri Guyot à Groningue,
le pasteur A. Dupin de Saint-André à Tours,
Edmond Hugues à Lyon,
le pasteur H. Dannreuther à Bar-le-Duc.
Le prix fondé en 1892 par les amis de feu M. le pasteur
Bersier, pour être décerné tous les cinq ans à l'auteur de
travaux se rapportant à Thistoire du Protestantisme français,
Ta été pour la première fois en 1897 à M. le professeur Her-
minjard, le savant éditeur de la Correspondance des Réfor-
mateurs.
Dans sa séance du mois de mars le Comité l'a attribué
cette fois à M. le pasteur Weiss. Vous ratifierez unanime-
ment ce vote, vous rappelant les innombrables services
rendus à l'histoire par les recherches, les publications, les
conférences, les incessants labeurs scientifiques du secré-
taire de la Société, du directeur du Bulletin, du biblio-
thécaire dont les conseils ne font jamais défaut à ceux
qui si souvent viennent en solliciter et en recueillir le bé-
néfice.
324 JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
Le chœur fait entendre ces deux strophes des Psaumes VIII et
XXV, paroles de Clément Marot, musique de C. Goudimel.
O notre Dieu et Seigneur aimable
Combien ton Nom est grand et admirable
Par tout ce val terrestre spacieux
Que ta puissance esiève sur les cieux!
A toi, mon Dieu, mon cœur monte
En toi mon espoir ai mis :
Fai que je ne tombe à honte
Au grè de mes ennemis.
Honte n'auront voirement
Ceux qui dessus toi s'appuient;
Mais bien ceux qui durement
Et sans cause les ennuient.
La parole est donnée à M. le professeur Ch. Bruslon, doyen de
la Faculté de théologie prolestante de Montauban, qui s'exprime
ainsi :
Messieurs et honorés coreligionnaires,
La Faculté de théologie de Montauban m'a chargé de vous
exprimer ses félicitations, ses remerciements et ses vœux:
ses félicitations et ses remerciements pour le passé, pour ces
cinquante années de recherches et d'études patientes et persé-
vérantes qui ont tiré de l'oubli séculaire où ils étaient ense-
velis un si grand nombre de noms de martyrs inconnus, tant
d'actes de courage, d'exemples de fidélité, souvent héroïque,
qui ont été et seront à jamais pour nos Églises une source
abondante d'édification, d'encouragement et de force.
Puissiez-vous longtemps encore puiser dans ce riche trésor
des faits et des enseignements si précieux et si utiles, non
seulement pour TÉglise, mais aussi pour l'avenir de notre
pays. Peut-être qu'en voyant enfin sous leur vrai jour, dans
leur noble et antique simplicité, ces héros, ces martyrs, obs-
curs ou célèbres, qui sacrifièrent tout à leur foi, au devoir qui
résultait pour eux de la connaissance de la vérité religieuse,
telle qu'ils la puisaient à la source même, nos compatriotes fini-
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 325
ront par comprendre qu'en dépit de toutes les accusations
et les calomnies dont ils ont été l'objet, c'étaient eux qui
étaient dans le vrai, que la cause pour laquelle ils luttèrent
et souffrirent tant, la cause qui fut écrasée alors par les forces
coalisées de l'Église Romaine et de la Monarchie, c'est celle
qui, en définitive, a triomphé, cent ou deux cents ans plus
tard, avec l'immortelle Déclaration des droits de l'homme et
du citoyen^ vraie charte constitutive de la France moderne.
Le jour où notre peuple aura enfin compris cela, il ne sera
pas loin du Protestantisme ou d'une forme du Christianisme
plus ou moins analogue. Quand ce jour sera venu, vos publi-
cations et vos travaux, messieurs, y auront grandement con-
tribué, et vous aurez rendu à la France un des services les
plus signalés qu'un citoyen puisse rendre à son pays.
Permettez-moi d'ajouter que ce service^, quelques-uns des
professeurs et des élèves de la Faculté que j'ai l'honneur de
représenter ont déjà, et même depuis longtemps, contribué
à le rendre avec vous. C'est un des professeurs les plus émi-
nents de Montauban qui composait, il y a déjà plus d'un demi-
siècle, la première et, jusqu'ici, presque unique Histoire des
Protestants de France, continuée plus tard par un de ses col-
lègues. Et qui sait si ce n'est pas au succès de cet ouvrage et
à l'impulsion puissante produite par sa publication que nous
devons, au moins en partie, la création de la Société qui a
tant travaillé depuis lors à le compléter et à le rectifier en
quelques détails?
Ce sont des professeurs de la Faculté qui ont raconté, l'un
l'Histoire de Vancienne Académie de Montauban depuis son
origine, au lendemain de la promulgation del'Edit de Nantes,
jusqu'à sa suppression, à la veille de la Révocation du même
édit, l'autre, l'origine et les premiers temps de la Faculté
actuelle.
Ce sont des pasteurs sortis de notre École qui ont essayé,
l'un de raconter l'Histoire de la Réformation en France et
plus tard celle des Protestants français, d'autres celle des
Protestants du Poitou, de la Bretagne, de la Touraine ou de
quelque autre région spéciale de la France; d'autres ont
fait revivre devant nos yeux les Protestants d'autrefois, leurs
326 JUBILÉ CINQUANTEXAIKE DE LA SOCIÉTÉ
collèges, leurs Académies, les jours sombres de la Révoca-
tion ou les martyrs glorieux de V Eglise sous la croix.
Comment ne pas rappeler enfin qu'un de nos collègues les
plus distingués a entrepris depuis quelques années un grand
ouvrage sur Calvin et aussi sur les hommes elles choses de son
temps, qui, lorsqu'il sera terminé, sera certainement une des
mines les plus complètes et les plusimportanles pour la con-
naissance du XVI' siècle?
Or, tous ces ouvrages, à l'exceptiondu premier, qui en a faci-
lité la composition? qui les a rendus possibles? Votre Recueil
et votre Bibliothèque, messieurs, ce Recueil qui, depuis
50 ans, a publié un si grand nombre de documents inédits et
d'études historiques de la plus haute valeur, et cette Biblio-
thèque qui, grâce principalement à la munificence du Prési-
dent actuel de votre Société, réunit et met à la disposition du
public les ouvrages, les manuscrits, les objets les plus rares
et les plus précieux, introuvables, ou à peu près, partout ail-
leurs.
Encore une fois, soyez-en remerciés, messieurs, non seu-
lement au nom du corps universitaire qui m'a délégué vers
vous, mais aussi (je ne crains pas de l'ajouter) au nom de
toutes nos Églises protestantes, au nom de la patrie elle-
même, qui a déjà bénéficié de vos travaux, et qui, j'en suis
convaincu, en bénéficiera davantage encore dans l'avenir.
Le président de notre Sociélé remercie brièvement M. le doyen
Bruston de tout ce qu'il vient de dire. L'heure étant déjà avancée,
il est décidé que les autres délégués parleront le lendemain, au
banquet. Le chœur fait entendre ces vers des Psaumes XIX et XXII,
d'après Clément Marot et Goudimel :
Les cieux en chaque lieu
La puissance de Dieu
Racontent aux humains :
Ce grand entour, espars
Publie en toutes parts
L'ouvrage de ses mains.
Jour après jour coulant
Du Seigneur va parlant
T>E l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 327
Par longue expérience :
La nuict suivant la nuicl
Nous presche et nous inslruict
De sa grand' sapience.
Mon Dieu me paist sous sa puissance haute
(rest mon bergier, de rien je n'aurai faute.
En tect bien seur, joignant les beaux herbages,
Coucher me fait, me meine aux clairs rivages :
Traite ma vie en douceur très humaine,
Et pour son Nom par droits sentiers me meine.
Le président donne ensuite la parole au secrétaire de la Société
pour répondre à cette question :
A QUOI SERT L'HISTOIRE DU PROTESTANTISME?
Voici un résumé de sa réponse, nécessairement improvisée comme
la conférence de la veille :
Messieurs,
Beaucoup de gens s'imaginent et répèlent volontiers que
l'histoire est une étude bonne tout au plus pour cjuelques
oisifs épris du passé et incapables d'apprécier le présent,
quelque chose comme la manie, assurément intéressante,
mais souvent égoïste et stérile des collectionneurs.
Nous sommes d'un avis absolument différent et nous dési-
rons vous montrer ce soir que l'histoire est non seulement
une science des plus intéressantes, mais, comme toutes les
sciences, quelque chose d'utile et de fécond, et que l'histoire
du Protestantisme en particulier n'est pas la branche la
moins importante de cette science. — Commençons, pour
arriver à le comprendre, par nous demander quel est le but
de l'histoire?
I
On peut le définir un effort pour saisir, à travers et au-
delà des légendes créées par l'ignorance, Vintérêt ou la pas-
328 JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
sion, le caractère exact de la réalité. La première fonction de
l'histoire est donc d'établir et d'enseigner, sur les hommes
et les choses, la vérité. Elle y arrive, en obéissant d'abord à
une sorte d'intuition et de besoin qu'on peut appeler le sens
intérieur, intime de vérité, lequel est un des caractères in-
délébiles de la nature humaine qui lui obéit dans tous les
domaines de la science ^ Mais cette intuition n'est qu'un ai-
guillon qui nous pousse en avant, une sorte de vision indé-
cise qui cherche des éléments de certitude et de précision .
Ceux-ci ne sont, ne peuvent être que le fruit, le résultat
d'efforts laborieux, d'un travail prolongé, essentiellement
scientifique, pour retrouver, classer, apprécier et comparer
les témoignages primitifs, authentiques, indiscutables, des
faits qu'on veut connaître.
Cet effort vers la vérité est à lui seul d'une utilité inappré-
ciable pour le développement de l'esprit humain. Il lui
apprend à se défier des impressions premières et superfi-
cielles, à n'en tenir compte qu'autant qu'elles concordent
avec des faits certains, à faire la critique de ceux-ci, à se
dépouiller de toute idée préconçue, de toute préférence per-
sonnelle ou de parti ; — en un mot, c'est une école de patiente
réserve, de probité et de justice, ou plutôt l'école par
excellence de ces vertus.
A ce point de vue on peut dire, sans exagération, que les
jugements injustes, les idées fausses, la calomnie pullulent
et se développent dans la mesure même où la connais -
1. On peut, en effel, sur ce point, appliquer à Ihistoire ce qu'en 1»S6 le
célèbre physicien Helmholtz disait de la science en général : « Il faut que
le chercheur porte en lui quelque chose de la vision du poète. Assurément
il doit avant tout travailler erficacement et patiemment à classer et à pré-
parer ses matériaux. Mais le travail seul ne peut faire surgir les idées
lumineuses. Celles-ci — telle Minerve naissant du cerveau de Jupiter —
jaillissent inattendues, à l'improviste, sans que nous sachions d'où elles
viennent ». — Voici le texte original de ces paroles prononcées au cours
des fêtes de Heidelberg : « Etwas vom Schauen des Dichters muss auch
der Forscher in sich tragen. Freilich ist let^terem wirksame und gediddige
Arbeit nôtig, iim das Material ^u sicilien und bereit ::;u machen. Aber
Arbeit allein kann die lichtgebenden Ideen nicht herbeijivingen. Dièse
springen, wie die Minerva ans dem Kopf des Jupiter, unvermuthet,
ungeahnt, wir wissen nicht von wannen sie kommen ».
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 329
sance et félude de rhistoire diminuent ou s'affaiblissent.
Des exemples feront saisir mieux que ces explications ce
que je veux dire :
La plus grande transformation connue de Thumanité, le
christianisme, est sortie d'une protestation élevée par des
témoins oculaires contre la condamnation légale et le sup-
plice du Christ ordonnés et consommés par une sorte de
coalition des autorités les plus respectables du petit pays où
ce drame s'est passé. Elles avaient employé un prestige
absolu et incontesté, à faire passer le Galiléen pour un im-
posteur et un criminel. C'est au nom des faits dont ils avaient
été témoins, c'est-à-dire au tiom de rhistoire que quelques
hommes sans influence et sans ressources renversèrent cette
légende calomnieuse. On a beau objecter qu'à cette légende
ils en substituèrent une autre, également contestable. Même
en admettant qu'ils allèrent trop loin dans cet autre sens, on
sera obligé de convenir que l'exagération, si exagération il
y eut, est une preuve indiscutable de l'influence extraordi-
naire exercée par le Christ sur ceux qui avaient vécu dans
son intimité.
A ceux qui objecteraient que cet événement est trop
éloigné de nous et trop mal connu pour être probant, je cite-
rai un autre exemple : Ceux qui comme moi ont fait leurs
classes dans les dernières années du second Empire, ont
tous appris et cru que la plus grande époque de l'histoire de
France est ce qu'on appelle le siècle de Louis XI\', que rien
de ce qui le précéda ou le suivit ne peut lui être comparé.
Aujourd'hui on n'enseigne plus ces prétendus axiomes sans
les accompagner de graves réserves. Pourquoi? Parce que
l'étude plus attentive du xvii'' siècle et des siècles antérieurs
a prouvé que l'apogée du règne de Louis XIV marque en
réalité le commencement d'une décadence et que si le
faste incomparable de ce souverain tant vanté en imposa à
toute l'Europe, au fond il recouvrait des ruines dont la
France ne s'est jamais relevée. Or personne ne niera que ce
revirement qui n'en est qu'à ses débuts soit dû à rhistoire,
c'est-à-dire à une connaissance plus exacte de la réalité tra-
vestie jusqu'à ce jour par de trompeuses apparences.
LI. — 24
330 JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
L'histoire est donc une école de vérité, de probité et par
là même de justice. Ce que je dis de l'histoire en général
s'applique d'une manière toute particulière à l'histoire du
Protestantisme ou de la Réforme. Voici quelques faits qui le
feront comprendre : Jusque dans ces dernières années on
nous a enseigné que la Réforme a été une crise exclusivement
religieuse, voire théologique, qui s'est accomplie dans l'âme
de quelques initiateurs dont Luther fut sinon le premier
du moins le plus important. Personne n'ignore les phases
principales de cette crise : Le moine d'Erfurt est obsédé par
le besoin de gagner le ciel, ou, comme l'on dit en langage
théologique, d'être sauvé de l'éternelle damnation. La plus
sévère observation des pratiques religieuses auxquelles il
s'astreint ne fait qu'exaspérer ce besoin. La découverte d'une
Bible, d'une part, et le scandale du commerce des indul-
gences, de l'autre, provoquent des réflexions, des recherches
aboutissant à cette découverte : Ce que l'Eglise enseigne,
pratique et exige est en contradiction absolue avec la Bible.
En réalité c'est cette dernière qui est notre véritable et
unique autorité religieuse et le salut n'est pas, comme le
veut l'Église, le résultat de nos efforts et de nos sacrifices,
mais, selon l'apôtre Paul, le prix de la foi. D'où il résulte que
la Réforme et toute son œuvre consistent essentiellement
dans ces deux principes : La Bible unique autorité en matière
de foi et la foi unique ouvrière du salut.
Quand on laisse là les manuels d'histoire ecclésiastique
ou les biographies du Réformateur, pour examiner librement
les faits si multiples et si complexes de ce mouvement pro-
digieux (l^u'on appelle la Réforme, on s^aperçoit bien vite
que, sans être fausse, cette explication si simple, si limpide
est surtout incomplète et insuffisante. Incomplète parce
qu'elle prétend enfermer un mouvement de cette étendue
dans l'histoire d'un homme ou de quelques hommes; insuf-
fisante parce qu'elle ne tient presque pas compte de tout ce
qui l'a précédé, produit et accompagné.
En effet, pour que Luther ait pu, non seulement parler
comme il a parlé, avec la décision, l'énergie, la clarté qui
caractérisent ses harangues populaires, mais aussi pour que
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 331
sa parole enlrainât les peuples et soulevât l'Europe, il a fallu
des siècles de préparation. En d'autres termes, les précur-
seurs de Luther furent légion et le feu qu'il alluma prit les
proportions d'un incendie que rien ne put éteindre parce que
depuis très longtemps, non seulement il couvait sous la
cendre, mais il s'était répandu partout. En réalité, depuis les
origines de l'Église chrétienne dite catholique parce qu'elle
éleva la prétention de dominer sur l'univers tout entier, sur
les corps comme sur les âmes, sur les souverains comme sur
les peuples, il y eut de l'opposition, des protestations, des
résistances, voire des schismes. Si malgré tout elle triompha,
ce ne fut qu'au p.'ix d'une désaffection qui avait atteint son
maximum d'intensité lorsque le moine saxon lança dans le
bûcher qui avait consumé des milliers de protestataires avant
lui, la bulle destinée à l'excommuniera son tour. En un mot,
l'histoire, vue de près, nous apprend que le scandale des in-
dulgences fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase, que les
réformateurs furent comme les derniers anneaux d'une
longue chaîne et la Réforme le terme d'un long enfantement.
D'autre part, s'il est exact qu'au xvi" siècle la grande
bataille se livra sur le terrain religieux et même Ihéologique,
il faut ajouter, pour tenir compte de tous les faits, qu'il n'en
fut ainsi que parce qu'alors la question religieuse était
prédominante. Mais si des hommes de toutes les conditions
et de tous les milieux furent entraînés et occupèrent dans
cette bataille des j)Ositions stratégiques très diverses, c'est
qu'à côté et autour du mouvement religieux il y avait un
mouvement intellectuel, scientifique, économique et social.
Voilà pourquoi à côté de la Réforme nous trouvons l'huma-
nisme, à côté des princes, les paysans, à côté des réforma-
teurs et de leurs adhérents, d'autres prophètes qui voulurent
aller plus loin que ces derniers, ne tardèrent pas à être
reniés par eux et sont encore aujourd'hui traités de sectaires.
De tous les côtés l'ancien ordre de choses fut donc attaqué
et les intérêts purement religieux furent ainsi mêlés à beau-
coup d'autres intérêts.
Ces résultats d'études plus approfondies démontrent que
le principal souci et la principale utilité de notre histoire,
332 JUBILÉ CINQyAXTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
comme de Thistoire en général, ce n'est pas simplement de
savoir*, de satisfaire la curiosité de quelques-uns, mais c'est
de nous aider à découvrir, de nous enseigner la vérité, de
nous habituer à la chercher et à la mieux connaître là même
où elle semblait définitivement acquise.
II
D'autres bienfaits découlent logiquement de ce premier et
plus important de tous. J'ai dit déjà qu'en combattant ou
redressant des erreurs, la vérité fait œuvre de justice. Cela
est vrai surtout des parties de l'histoire que des passions,
des intérêts puissants ont systématiquement obscurcies. Or,
il n'est aucune portion de nos annales où le parti-pris de déni-
grement se soit donné plus libre carrière que dans l'histoire
du Protestantisme. Ayant été, comme son nom l'indique, une
protestation, une réaction contre le catholicisme et celui-ci
ayant été la plus parfaite expression de l'ancien ordre de
choses, il fallait s'attendre à ce qu'il fît tout pour ruiner dans
la mémoire des hommes, c'est-à-dire dans le domaine de
l'histoire, un événement dont il avait particulièrement souf-
fert. Lors donc que par la lente substitution de la vérité au
mensonge ou à la calomnie, des réparations peuvent se pro-
duire, c'est une leçon de justice qui est donnée.
Lorsque, par exemple, au chevet de cette église de l'Ora-
toire les nombreux passants de la rue de Rivoli voient se
dresser la noble statue de Vamiral Coligtîy, non loin de la
maison où en 1572 il avait été ignominieusement assassiné,
c'est comme si l'on répétait à chacun de ceux qui la con-
templent : on a voulu faire passer cet homme pour un
monstre ou un traître et ce sont ceux qui l'ont fait tuer qui
1. Je viens de lire, en têle d'une revue de province, Isl Revue d'Histoire
de Lyon (1902, p. M et 12) ces lignes signées S. Charléty : « Le but de
rtiistoire est, non pas de plaire, ni de donner des recettes pratiques pour
se conduire, ni d'émouvoir, mais simplement de savoir.... son utilité prin-
cipale — pour ne pas dire unique — est de faire comprendre aux jeunes
gens que les sociétés humaines sont en changement continuel... et la
connaissance du passé aura servi à les délivrer de la crainte puérile de
l'avenir. »
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 333
ont trahi la pairie en la privant d'un de ses meilleurs
enfants.
La même leçon est donnée à ceux qui ici ou ailleurs, con-
templent journellement les statues (Y Etienne Dolet. brûlé en
1546, non pour athéisme, mais pour avoir voulu par les
livres qu'il imprimait et cherchait à vendre jusqu'à Paris,
propager la foi libre ; — de Bernard Palissy, mort de faim et
de misère à la Bastille en 1590, non par ce qu'il était un
grand artiste et un grand savant, mais par ce qu'il ne voulait
pas renier ses convictions religieuses même au prix de sa
vie; — de Denis Papin, obligé de s'expatrier en 1685, pour la
même raison et de porler à l'étranger la prodigieuse décou-
verte de la machine à vapeur qui illustrera à jamais son
nom ; — de l'amiral Dugiiesne, disgracié malgré sa gloire
parce qu'à la même époque il résista aux efforts convertis-
seurs de Louis XIV en personne.
C'est de la justice qui se sème lorsqu'en tête de certaines
affiches blanches le peuple lit sur nos murs, après le mot
École, ces noms d'Estienne, de Palissy, de Boulle, ou au
coin de certaines rues ceux de Jean Cousin, de Jean Goujon,
noms essentiellement huguenots qu'on aurait jadis effacés
par ordre supérieur s'ils avaient figuré dans un endroit public
quelconque et surtout en tête d'une école. — C'est de la jus-
tice, tardive mais définitive, qui apparaît lorsqu'on lit le nom
de Calvin jusque sur une des rues de la petite ville de Noyon,
d'où on l'aurait proscrit à jamais si l'on avait pu. Et ce ne
sera que justice quand, sur une des places de la ville de
Nîmes, se dressera un jour la figure de Rabaut de Saint-
Étienne, du héros de la liberté de conscience.
III
L'histoire du Protestantisme nous donne aussi, d'une ma-
nière plus impressive peut-être que l'histoire générale, des
exemples de foi. J'ai lu il y a quelques années^ dans un roman
d'Olive Schreiner, si je ne fais erreur, que tout ce que
l'homme rêve est destiné à être un jour une réalité : Parole
334 JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
profonde et profondément vraie, car le ressort caché de la
vie humaine, c'est la foi dans un avenir qui est au présent ce
que la réalité est au rêve. Or il est bien certain que nulle
part ce caractère de l'humanité en marche n'apparaît plus
clairement que dans l'histoire religieuse. Nulle part nous ne
trouvons, par exemple, d'affirmations d'une foi plus triom-
phante que ces paroles du Christ : « Le ciel et la terre pas-
seront, mais mes paroles ne passeront point ». Et pourtant
l'événement a justifié cette foi extraordinaire. Il en a été
ainsi de tous ceux qui se sont inspirés de cet exemple, c'est-
à-dire qui ont joué un rôle dans l'histoire de la Réforme.
On peut voir, en ce moment, dans une des vitrines de
l'exposition rétrospective de notre Société d'Histoire du
Protestantisme, une médaille en or, fort belle, qui appartient
au consistoire de l'Église de la Confession d'Augsbourg à
Paris. Cette médaille a été frappée pour le premier cente-
naire du supplice de Jean Huss. Elle nous le montre, au
revers, debout sur un bûcher, attaché à une potence et coiffé
de la mitre bariolée qu'on mettait aux hérétiques. Autour de
cette figure on lit la légende lo. hvs anno a christo nato 1415
coNDEMNATVR, cntourée de celle-ci : centvm revolvtis annis
DEO RESPVNDEBiTis ET MiHi, ce qui vcut dire : Jean Huss est
condamné en Van de la naissance du Christ 1415, et Dans cent
ans vous en répondrez à Dieu et à moi. Sur l'avers se voit un
profil très remarquable du martyr entouré de ces mots qu'il
avait dits, de même que ceux que je viens de citer : credo
I
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 335
VNAM ESSE ECCLESIAM SANCTAM CATHOLICAM, Je CnÙS qu'H ^ a
une Église sainte et catholique. — Cette médaille n'est-
elle pas une preuve sensible, visible, palpable, de la foi du
martyr? N'est-elle pas aussi un monument de la foi de ceux
qui, un siècle après que ses paroles eurent exprimé, en face
de la mort, l'assurance de vaincre et d'appartenir à l'Église
dont on voulait l'exclure, — les firent réapparaître comme
pour affirmer à nouveau qu'elles n'avaient rien perdu de leur
force? — Or c'est exactement deux ans après le premier
centenaire de l'année 1415 qu'en affichant à la porte de
l'église de Wittemberg ses 95 fameuses thèses contre le
trafic des indulgences, Luther commença à faire expier à la
papauté le supplice de Jean Huss et de beaucoup d'autres
qui pensaient comme lui^ Et aujourd'hui même n'entendons-
nous pas, dans le pays des hussites d'autrefois, retentir plus
fréquemment que jamais l'appel vengeur: « Los von Rom!))-.
On peut dire, à cet égard, que la vie de Luther tout entière,
et non seulement de Luther, mais la vie de tous les réforma-
teurs a été un acte de foi ininterrompu. Nous avons beaucoup
de peine à nous faire une idée exacte de la grandeur, de la
puissance des obstacles qui leur barrèrent la route. On peut
affirmer, sans exagérer le moins du monde, que tous les
pouvoirs organisés du Moyen Age se coalisèrent instinctive-
ment grâce à l'ennemi principal, la papauté, secondée par les
bataillons des ordres religieux, pour s'opposer per fas et ne-
fas à toute transformation ou réformation sérieuse. Il leur
semblait à tous qu'en luttant pour le maintien intégral de
1. Ce qui est, de plus, digne de remarque, c'est qu'avant même d'aller
à ^^ omis, Luther avait étudié et s'était approprié le livre de Jean Huss,
De ecclesia. Avec ce dernier, il affirmait que l'Église chrétienne ne devait
pas être identifiée avec Rome et la papauté; mais qu'elle était la
communion (congregatio) de tous les croyants, même de ceux que Rome
déclarait hérétiques, que par conséquent on pouvait en faire partie sans
reconnaître l'autorité divine du pape : « Ecclesia universalis est prœdesti-
natorum universitas », disait Huss, c'est-à-dire l'Église est l'ensemble de
tous ceux qui ont été prédestinés. Voy. sur ce point Lie. Dr. W. Kôhler,
Luther und die Kirchengeschichte nacli seinen Schriften, :{unàchst bis
i52i . I Untersuchender Teil. i Abtheilung: Die Ablassinstruction, die Bul-
le», Symbole, Concilienund die Mystiker. Erlangen, Junge, 1900, p. 200ets.
2. Ce qu'on devrait traduire par « Lâchons Rome ! ».
336 JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
ce qui existait et en se bornant à promellre une sorte d'en-
quête sur les prétendus abus, ils luttaient pour leur propre
existence. Ceux donc qui persistèrent quand même, non seu-
lement à réclamer, Diais à réaliser la Réforme — et ce sont
ceux-là seulement qu'on doit appeler des réformateurs —
ceux-là ne purent soutenir cette lutte meurtrière contre les
gouvernements, les cours de justice, les universités, les
habitudes, Fignorance, le fanatisme, l'argent et la force pu-
blique, qu'en faisant sans cesse appel, dans leur propre ûme
etdans l'âme des peuples qu'ils associèrent à leur entreprise,
à cette source de toute énergie qui s'appelle la foi, la vision
intérieure de ce qui doit être et de ce qui doit dispa-
raître.
Ainsi seulement s'expliquent la force incalculable de cer-
taines paroles qui furent alors prononcées, le relief que leur
donnèrent les événements mêmes au milieu desquels elles
surgirent : Telle celte parole du picard Jacques Lefèvre
d'Etaples que son élève et ami, le réformateur Guillaume
Farel nous a conservée, « sonventefois me disoit que Dieu re-
nouvelleroit le monde et que je le verroye^ »; — ou celle-ci,
que Martin Luther, le 18 avril 1521, clama aux représentants
officiels de toute l'Allemagne réunie à la diète de Worms :
« Me voici, je ne puis autrement, que Dieu me soit en aide ! »
— ou encore celle-ci qu'en 1566 prononça Guillaume d'Orange
dit le Taciturne : « Cest une grande chose des cœurs et des
volonté:^ des hommes qui ne se peuvent forcer par nulle
puissance extérieure !'- »
N'est-ce pas aussi un acte de foi quand, l'année suivante, à
Valenciennes, le 31 mai 1567, avant de gravir l'échelle fatale,
le dauphinois Peregrin de la Grange demanda « des espou-
« settes ou vergettes pour nettoyer sa cappe et son saye, et fit
« noircir ses souliers, donnant raison pourquoy il faisoitcela,
1. G. Farel. Du vray usage delà croix (Gén. 1865, 170).
2. Déjà avant sa conversion au protestantisme, il avait déclaré «. qu'il
estoit catolicque et volloit vivre en sa foy catholique et romaine . mais ne
poroit en saine conscience approuver la puissance desbordée que les
roys et princes s'attribuoient d'empêcher en la conscience de leurs sub-
jectz, et leur prescrire telle forme de religion que bon leur sembloit ».
(Ch. Paillard, Causes des troubles des Pays-Bas, 187 i, p. llô.)
I
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 337
« d'autant, disait-il, que je suis convié aux nopces* »? G'estau
même sentiment de joyeuse assurance que dix ans auparavant,
le 27 septembre 1557 avait obéi une des plus admirables vic-
times de l'assemblée de la rue Saint-Jacques à Paris, damoi-
selle Philippe de Luns, veuve du seigneur de Graveron. Aver-
tie que ce jour-là elle serait étranglée et brûlée sur la place
Maubert, elle qui « avait auparavant pleuré son mari et porté
« le deuil, habillée de linges blancs à la façon du pays,
« avoit posé tous ses habillemens de vefvage, et reprins le
« chaperon de velours et autres accoutremens de joye,
« comme pour recevoir cest heureux triomphe et estre jointe
« à son époux Jésus-Christ-! »
Cent quarante ans plus tard, près de quinze ans après la
révocation de l'éditde Nantes, lorsqu'il parut bien, aux yeux
des plus endurcis de ces prétendus réformés, que tout espoir
de voir jamais les rêves de leurs pères et leurs propres
désirs devenir des réalités en France, lorsque, dis-je, il parut
bien que tout espoir de ce genre dût-être définitivement
abandonné, c'est néanmoins par un acte de foi inébranlable
et qui ne devait pas être absolument démenti, que Claude
Brousson, quelques semaines avant de monter à son tour
sur l'échafaud, termina la dernière lettre qu'il put faire par-
venir en Hollande, et à laquelle j'ai déjà emprunté quelques
lignes hier soir : « Espérez, Monsieur, qu'encor une fois on
« verra la force du Seigneur et sa gloire dans son sanctuaire
« au milieu de notre patrie, car il me paroît que les cam-
« pagnes y sont déjà blanches pour moissonner ' ».
IV
Quel a été le stimulant de cette foi intense, ressort secret
du développement humain lorsqu'on l'étudié au point de
vue religieux ? Car il tombe sous le sens que ce n'est pas
uniquement pour le plaisir de voir si certains rêves ne pour-
1. Crespin, Histoire des martyrs, Toulouse, 1885, (II, 583.
2. Ibid., II, 567.
3. Lettres et opuscules de feu M. Brousson, L Lrecht, 1701, p. 332.
338 JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
raient pas devenir des réalités qu'à travers des siècles
rhumanité que nous connaissons le mieux, celle de l'Europe,
a lutté, peiné, souffert avec tant d'énergie et de constance?
A cette question quiconque a réfléchi, essayé de saisir
l'idéal de l'humanilé, répondra que le but poursuivi par elle
tient dans ce seul mot : la liberté.
A cet égard il y a corrélation surprenante entre le monde
matériel et le monde moral. Dans le domaine de la matière
les hommes obéissent invariablement au besoin de s'affran-
chir de toutes les entraves: Diminuer les distances qui les
séparent; faciliter la transmission de la pensée, de la force
et de la matière; réduire de plus en plus la dépense d'éner-
gie vitale, en faisant faire par la matière et par les énergies
qu'elle renferme le travail jusque-là fait par l'homme lui-
même; décupler, centupler ses moyens d'investigation et
d'action, soit par des instruments ou machines sans cesse
perfectionnés, soit par l'association des forces et des res-
sources; s'efforcer de pénétrer les lois mêmes de la vie et
le mécanisme de son développement pour arriver à la mé-
nager, à en renouveler les sources là où elle s'épuise ou est
atteinte, à guérir, par conséquent, à diminuer la souffrance,
à restreindre les limites de l'infirmité, à suppléer les organes
qui manquent ou qui fonctionnent mal — toutes ces manifes-
tations, j'allais dire ces étapes du développement de l'hu-
manité dans le monde visible sont inspirées par un même
besoin d'affranchissement, de délivrance.
Tout cela également est une image de ce qui se passe sans
cesse dans le monde moral. Là aussi il y a lutte constante
des petits, des faibles, des sacrifiés, ou simplement des
moins forts pour s'affranchir des formes diverses de la ser-
vitude : Servitude intellectuelle là où règne l'ignorance et où
elle est maintenue ou exploitée par ceux qui savent; — ser-
vi tude politique partout où sont foulés aux pieds les droits
des peuples, ceux des individus, ou ceux des races qu'on
appelle inférieures parce qu'elles ne sont nées à la vie pu-
blique que tardivement ou parce que leur civilisation est
encore rudimentaire; — servitude morale lorsqu'une volonté
ou une organisation supérieures s'imposent aux plus faibles
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 339
ju pèsent sur les générations fulures; — servitude écono-
mique là où, dans nos agglomérations industrielles, com-
merciales ou sociales, le pauvre succombe presque fatale-
ment devant le riche; — servitude religieuse enfin partout
où la conscience humaine est violée, insuffisamment ou hypo-
critement respectée. Nul observateur attentif ne peut nier
que c'est bien la lutte, non seulement, comme on le répète,
pour la vie, mais pour ces diverses formes de la liberté, qui
anime toutes les pages de l'histoire humaine et, malgré
l'enchevêtrement et l'aridité des faits, la rend intéressante,
captivante même.
Enfin il est incontestable que la première grande bataille
pour la liberté s'est livrée sur le terrain religieux. La liberté
de croire autrement qu'il n'était convenu, permis et officielle-
ment enseigné, — cette liberté est la vraie raison d'être de
la Réforme. On a beau répéter le sophisme que plusieurs de
ses premiers chefs et souvent la Réforme elle-même furent
intolérants. Pour ces hommes, pour tous ceux qu'ils entraî-
nèrent, la liberté de croire ou celle de ne pas croire devait
tôt ou tard sortir du fait qu'ils repoussaient ou discutaient la
foi d'autorité et l'histoire tragique du Protestantisme serait
inexplicable si elle ne signifiait lutte acharnée pour l'affran-
chissement du for intérieur. Seule la grandeur de ce but jus-
tifie d'ailleurs la grandeur des sacrifices que pendant des
siècles il imposa à tous ceux qui le poursuivirent. En réalité,
dans tous les pays qui marchent à la tête de la civilisation,
la liberté religieuse a été le berceau, la source des libertés
politiques ou sociales. Il suffit, pour s'en convaincre, de voir
ce que sont ces dernières là où la première fait défaut et de
constater que la routine dans le domaine matériel et moral et
le fanatisme de droite et de gauche, ces ennemis de tout pro-
grès, fleurissent partout où la conscience est encore asservie.
V
On pourrait croire que j'ai eu le dessein de faire un pané-
gyrique et qu'au lieu de parler au nom d'une science, j'ai
parlé au nom d'une société d'admiration mutuelle. Je sais
340 JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
que c'est là ce qu'on nous reproche quand nous évoquons
noire passé. Il faut convenir pourtant que les faits que je viens
de citer sont authentiques et doivent être compris comme j'ai
essayé de les comprendre. Or cette médaille a, comme toutes
les médailles, son revers. S'il suffit de parcourir attentive-
ment nos annales pour y prendre des leçons de vérité, de
justice, de foi et de liberté, il est très facile aussi d'y ren-
contrer des misères comme on en rencontre partout où les
hommes luttent, serait-ce pour le plus noble idéal. Nous avons
donc les nôtres et je crois qu'on peut rendre cette justice
à nos historiens, qu'ils n'ont pas cherché à les dissimuler.
Ils reconnaissent volontiers, par exemple, que Calvin et
presque tous les réformateurs avaient gardé de leur éduca-
tion catholique certaines conceptions que nous répudions et
qu'ils répudieraient sans doute s'ils vivaient encore. Non seu-
lement ce sont des protestants qui ont raconté avec la plus
scrupuleuse exactitude l'histoire de Servef, mais ce sont eux,
ce sont les Mosheim, Rilliet, Tollin qui l'ont les premiers réha-
bilité et si jamais on lui dresse une statue, je crois pouvoir
affirmer qu'ils ne seront ni les derniers, ni les moins nom-
breux à y contribuer.
L'étude impartiale des faits justifiera toujours les protes-
tants du reproche d'avoir allumé les guerres de religion et
prouvera qu'ils y furent contraints par la déloyauté de leurs
ennemis. Mais une fois que la guerre eut été rendue inévi-
table, nous reconnaissons que du côté huguenot elle donna
lieu aux mêmes excès que du côté catholique. Si, l'histoire à
la main, nous montrons que le bris des images et les sévices
contre certains prêtres furent des actes de représailles, cela
ne nous empêche pas de nous joindre aux réformateurs et
aux pasteurs du xvi' siècle pour les blâmer.
Mais il y a surtout un reproche que nous ferons à nos
pères, c'est de n'avoir pas su se mettre tous d'accord pour
la guerre ou pour la paix. Dès le début des guerres de reli-
gion, des provinces entières comme l'Aunis et la Saintonge
se tinrent à l'écart ou hésitèrent longtemps à se déclarer. Il
en fut ainsi pendant presque tout le xvi^ siècle. L'on peut
même dire que si cette indécision, ce défaut d'union, d'esprit
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 341
de corps, celle incapacité de faire passer l'intérêt général
avant les intérêts ou les préférences particuliers, n'avaient
pas affaibli le parti huguenot, les trois premières guerres de
religion auraient été autrement décisives et ne se seraient
probablement pas terminées par le guet-apens meurtrier de
la Saint-Barthélémy.
Après ces massacres soudoyés par les autorités, les pré-
tentions et la cruauté des Ligueurs achevèrent au moins
d'ouvrir les yeux des huguenots survivants, et, pendant que
la France se ruinait avant d'acclamer le fils de Jeanne d'Al-
bret, ils parvinrent enfin à s'unir et à former comme un seul
bloc inébranlable. C'est alors qu'ils obtinrent l'édit de Nantes.
A peine celui-ci eut-il été promulgué, les divisions et les
querelles théologiques reprirent de plus belle. Lorsque le
duc de Rohan se leva pour exiger le respect de la charte
octroyée par Henri IV et sans cesse violée depuis sa mort,
il ne put plus compter que sur une poignée d'hommes aussi
résolus que lui. C'est grâce à cette absence de cohésion,
n'en doutons point, que cet édit réparateur put, dans les
mains de ceux qui en poursuivaient âprement le rappel, de-
venir un moyen de désagrégation, de ruine des garanties
qu'il contenait, et que finalement il put être révoqué sans
que le peuple protestant se levât comme un seul homme
pour exiger le maintien d'un contrat déclaré irrévocable.
Je n'insisterai pas sur les divisions qui affaiblirent même
l'Église du Désert, — qui faillirent faire échouer une barque
déjà désemparée au moment où elle allait toucher le port, —
ni sur celles qui, dans le siècle à peine écoulé, nous empê-
chèrent de nous relever, de nous réorganiser avec plus
d'ensemble, d'élan, d'entente et d'esprit de suite. Tout cela
c'est de l'histoire contemporaine ou à peu près. Il ne suffit
pas, pour l'expliquer ou la justifier, de dire que c'est le sort
commun à toutes les sociétés humaines. Après tout, celles-ci
ne sont pas obligées d'obéir fatalement à certaines erreurs.
Il y en a qui parviennent à s'en corriger et, tout en faisant la
part de défaillances inévitables, à en prévenir le retour ou du
moins l'exagération.
Le souvenir de ces divisions, si peu à notre honneur, ne
342 JUBILÉ CmcJUANTENAlRE DE LA SOCIETE
sera toulefois pas perdu, s'il parvient à nous montrer où
sont nos vrais intérêts. Le temps des excommunications est
définitivement passé. Une Église sortie d'une protestation
contre le joug de la tradition et contre la tyrannie d'une ma-
jorité, ne doit-elle pas écarter résolument l'usage de l'auto-
rité en matière de foi? Issue d'un effort libérateur et école
incontestable de liberté, tous ceux qui se réclament de
l'Evangile et de l'Evangile seulement, ne doivent-ils pas
laisser librement se produire ce qu'il inspire à ceux qu'il
inspire?
Il y a de bons esprits qui croient qu'il faut avoir confiance
en ceux qui entrevoient et voudraient préparer un avenir
plus ouvert, plus large et qu'une Eglise, pas plus que l'huma-
nité dont elle est un aspect, ne saurait sans péril se sous-
traire à la loi universelle du développement. On peut ajouter
aussi que la meilleure manière d'honorer les pères, c'est de
s'inspirer de leur tradition initiale, c'est, non de les glorifier
à tout propos et hors de propos, mais comme ils ont reconnu
les erreurs de leurs devanciers, de reconnaître virilement
les leurs et de ne pas les perpétuer à tout prix. Ainsi seu-
lement leur histoire nous élèvera, après nous avoir abaissés.
V!
On ne peut, en effet, reprocher à notre histoire d'enseigner
« qu'il est avec le ciel des accommodemens ». Par là même
qu'elle a ses origines dans un élan de sincérité, dans le désir
de mettre la vie d'accord avec l'enseignement authentique de
la Parole de Dieu, ceux qui les premiers s'efforcèrent de
réaliser cet accord durent faire acte d'énergie, de virilité, de
vaillance morale, pour pouvoir rompre des liens parfois sacrés.
Voilà pourquoi, à toutes les pages de cette histoire mou-
vementée, à travers les circonstances politiques les plus
diverses, un même trait se retrouve, à tous les degrés de
l'échelle sociale, à la fin comme au début des trois siècles
qui précèdent la Révolution française. Ce trait, c'est
l'héroïsme.
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 343
II paraît, pour la première fois peut-être, clans cette ville
de Meaux où s'organisa la première de nos Églises réformées,
que ne purent déraciner ni la trahison de Briconnet, ni le
génie de Bossuet, lorsque, le 17 mars 1525, on y entendit la
mère du cardeur Jean Leclerc, crier : « Vive Jésus-Christ et
ses enseignes! » pendant qu'un fer rouge imprimait une fleur
de lys au front de son fils pour le punir d'avoir lacéré une
bulle d'indulgence. — Vingt ans plus tard, ce même accent
nous frappe, non plus spontané, jaillissant soudain d'un cœur
héroïque, mais réfléchi, raisonné et d'autant plus impressif,
dans ces beaux vers qu'Etienne Dolet composa à la Concier-
gerie, avant de monter dans la charrette qui devait, le 3 août
1546, le conduire à la place Maubert :
« Si au besoing le monde m'habandonne
Et si de Dieu la volonté n'ordonne
Que lilDerlé encores on me donne
Selon mon vueil ;
Doibs-je en mon cueur pour cela mener dueil
Et de regretz faire amas et recueil ?
Non pour certain, mais au Ciel lever l'oeil
Sans aultre esgard.
Sus donc, esprit, laissés la chair à part
Et devers Dieu qui tout bien nous despar
Retirez- vous comme à vostre rempart,
Vostre forteresse.
De patience ung bon cueur jouyssant
Dessoubz le mal jamais n'est fléchissant,
Se désolant, ou en rien gémissant,
Tousjours vainqueur !
Sus mon esprit, montrés vous de tel cueur;
Vostre asseurance au besoing soit cogneue.
Tout gentil cueur, tout constant belliqueur
Jusques à la mort sa force a maintenue * ».
1. Le texte de ce « Cantique » a été publié pour la première fois par
Née de la Rochelle, dans sa Vie d'Etienne Dolet, 1779, p. 1 12.
344 JUBILÉ CINC^UANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
N'est-elle pas héroïque aussi, celte Marie de Barbançon,
veuve de Jean des Barres, seigneur de Neuvy, attaquée en
son château de Benegon, en Berry, pour y avoir donné asile
aux protestants pourchassés après la terrible défaite de Mon-
contour? Avec seulement 50 hommes, elle tint tête pendant
plusieurs semaines à Montaré, lieutenant du roi en Bourbon-
nais, un des meilleurs capitaines du temps, qui l'assiégea avec
plus de deux mille hommes, deux canons et deux petites pièces.
Lorsque toutes les tours furent parterre et la maison presque
ruinée, dit d'Aubigné « elle prit sa place sur la bresche la
plus dangereuse, une demi picque en la main, et les soldats,
faisans de honte courage, se deffendirent à sa veuë si opi-
niaslrement que la force ne leur fit rien, ouy bien la nécessité,
par laquelle ils se rendirent à la mi-novembre » (1569). Il
ajoute : « La dame prisonnière fut mise en liberté par com-
mandement du roi, pour avoir ouy conter qu'on Tavoit veuë
plusieurs fois descendre dix pas dans la bresche pour jouer
de sa demi-picque. Geste vertu rare trouva la courtoisie qui
estoit aussi rare en ce temps-là* ».
Si, franchissant un siècle, nous parcourons les innom-
brables documents qui nous restent de la Révocation, nous
n'avons que l'embarras du choix. L'incroyable résignation
avec laquelle les protestants se laissèrent alors enlever une
à une toutes les stipulations d'un édit déjà insuffisant dans
1. Jean de Serres auquel on altribue le Recueil des choses mémorables
avenues en France sous le règne de Henri II, François II, Charles IX,
Henri III et Henri IV, 2" éd., 1598, p. 386, dit que le siège dura près de
deux mois el que Marie de Barbançon fui envoyée prisonnière à Mou-
lins « d'où depuis elle fut délivrée à la poursuite de ceux qui respectoyent
sa piété et sa vertu. Son chasteau fut saccagé et ruiné par les assiégeans,
despitez d'y avoir fait grande perte de soldats, et d'en remporter du
deshonneur autant qu'il est possible de penser. Ce siège fut au commen-
cement de novembre ». M. de Ruble {Hist. universelle d"A. d'Aubigné,
III, 151) ne mentionne pas ce texte, mais seulement celui de la Popeliniére
(1582, II, 318 V) qui parle aussi de deux mois et de prés de 3,000 assié-
geants. D'après lui, la place, bombardée pendant quinze jours, aurait été
prise le 6 novembre. De Moulins (et non Bourges comme dit M. de R.)
cette héroïne aurait été, sur l'ordre du roi, élargie à Grossouvre (Cher),
« où le jeune Claiete estoit, qui depuis l'espousa ». — Au lieu de Benegon,
il faut lire Bannegon (Cher), arr. de Saint-Amand-Montrond. \ oy. aussi,
France Prot., 2' éd., I, 770.
I
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 345
son inlégrilé,. laissait craindre une défaillance universelle en
présence de la catastrophe suprême. L'apostasie fut grande,
en effet, mais de courte durée et l'héroïsme, l'esprit de sacri-
fice furent plus grands encore. On peut même dire qu'aucune
autre histoire n'en renferme autant ni d'aussi extraordinaires
exemples.
Depuis le pasteur Isaac Homel qui, pour avoir prêché sur
les ruines de son temple de Soyons, fut, à 70 ans, roué tout
vif à Tournon, le 20 octobre 1683, c'est-à-dire étendu sur une
large roue échancrée et assommé de trente coups de barre
de fer pendant qu'il disait : « Miséricorde, mon Dieu; ne me
donneras-tu pas la force de tout souffrir? Je sais que tu me
la donneras ! » — jusqu'à Jean Calas qui subit le même sup-
plice à 65ans et pendant deux heures, le 10 mars 1762, en criant :
« Je suis innocent » ! ce sont des centaines, voire des milliers
de victimes dont la constance devait lasser les bourreaux.
Rappelons-nous que trois ans à peine après la Révocation,
en 1688, toutes les prisons du royaume étaient pleines de
protestants qu'aucune torture n'avait pu décider à renier
leurs convictions et, quoi qu'il en coûtât à l'infaillibilité offi-
cielle, qu'il fallut se résoudre à les expulser du royaume.
Rappelons-nous que plusieurs prêtres catholiques émus
par ce spectacle quittèrent alors la F'rance pour passer
à l'étranger et au protestantisme ^ Tel le missionnaire
1. On trouvera une liste d'une quarantaine d'entre eux dans une pla-
quette anglaise : Two Letters^ one from tite Bishop of Blois to Monsieur
de la Valette, rvith promises and threatnings to prevent his turning Pro-
testant, tlie Otherfrom Monsieur de la Valette, to his Bretliren, The Clergy
of Blois, Laying before them the gross Errors of tlieir Chiirch, and thc
Neccssity to fnllow his Ex ample for their Salvation. Also an Account in
the Préface of the Names of the French Clergy tliat hâve escaped in to En-
gland, abjur'd Popery and turn'd Protestants since this présent Persécu-
tion. Doue into English by Mr Haie. London Printed for R. Basset at the
Mitre over against Chancery-lane in Fleet-Street. ijoi, 28 p. in-A". — Ce
qui veut dire : « Deux lettres, l'une de révè([ue de Blois à Monsieur de la
Valette, avec des promesses et des menaces pour l'empêcher de devenir
protestant; l'autre de Monsieur de la Valette à ses frères, le clergé de
Blois, leur exposant les grossières erreurs de leur Église et la nécessité
de suivre son exemple pour leur salut. Ainsi qu'une liste, dans la préface,
des noms des memljres du Clergé français qui se sauvèrent en Angle-
terre, abjurèrent le Papisme et se convertirent au Protestantisme depuis
cette dernière persécution. Traduit en anglais par M. Haie ».
LI. — 25
346 JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
Aiguisier qui avait vainement essayé de convertir François
Teissier, vlguier ou juge de Durfort, condamné, pour avoir
assisté à une assemblée interdite, à être pendu à Lasalle le
26 février 1686 et qui lui avait dit : « Monsieur, Dieu voit votre
charité et votre zèle; vous ne serez pas sans récompense,
vous mourrez de notre religion* ». — Tel encore cet aumônier
des forçats, Jean Bion^ qui vit tant de malheureux huguenots
condamnés à vie pour le môme crime, supporter patiemment
le régime atroce des galères, et plutôt que d'adorer Thostie,
recevoir jusqu'à 80 coups d'une corde goudronnée et trempée
dans l'eau de mer, et dire tout haut, comme Cazalet : « Sei-
gneur, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu'ils font^ ».
Rappelons-nous qu'une femme de plus de 50 ans,
Mme Ghalmot, des environs de Saint-Maixent, attachée à
son lit par les dragons, « après avoir souffert tout ce qu'une
femme peut souffrir », consentit pour qu'on la laissât aller sans
abjurer, à garder «un charbon vif» sur la main pendant qu'elle
dirait le Notre Père. Arrivée au bout de ce supplice sans
faiblir, un de ses bourreaux lui demanda de recommencer
pendant qu'il répéterait beaucoup plus lentement la même
prière. Elle y consentit. « Enfin un autre soldat, vaincu par
un exemple d'un courage si extraordinaire, blâma celui qui
récitait l'oraison si lentement, fit sauter le charbon de des-
sus la main, et ils la quittèrent* ».
Quelle honte et quelle douleur, que de telles atrocités —
il y en eut, hélas! beaucoup de plus révoltantes encore, —
aient pu se commettre pour la plus grande gloire de Dieu, et
qu'un génie comme Bossuet ait feint de les ignorer ^! Pourtant
elles nous révèlent, chez les victimes, un état supérieur,
transcendant de l'humanité, celle-là même, n'en doutons pas,
qui un jour rachètera l'autre !
1. Sur F. Teissier, Voy. Bull. \, 214 à 225.
2. Voy. O. Douen, Relation des tourments qu'on fait souffrir aux pro-
testants qui sont sur les galères de France, par Jean Bion, Paris, Gras-
sart, 1881.
3. Cf. Bull. 1S93, p. 466.
4. \'oy. Jurieu, Lettres Pastorales, 3' éd. Rotterdam, 1688, t. I, p. 215.
5. Cf. Bull., 1892, 15'J.
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 347
VII
Des esprits très forts prétendent qu'après tout ces faits
n'expriment qu'une mentalité inférieure. Tous ces protestants,
en effet, n'ont voulu être que des chrétiens authentiques, et
on nous démontre maintenant que Pidéal qu'ils ont réalisé n'est
autre chose que la religion de la résignation, c'est-à-dire de la
lâcheté, que « la grandeur de Thomme est dans la bataille,
non dans la soumission, dans l'effort sans cesse renouvelé,
non dans la prière* ».
Je m'abuse peut-être, mais ce retour voulu au règne de la
force, ou plutôt de la violence, ressemble bien plus à un
recul qu'à un progrès. Non seulement il n'est pas exact que
l'idéal poursuivi par ceux qui ont voulu faire du rêve chrétien
une réalité, ait été la soumission. Tous ceux que j'ai cités,
ont, au contraire, mis en pratique la célèbre parole gravée
sur une pierre de la Tour de Constance, Résiste^. Seulement,
à la résistance par la force brutale, les meilleurs ont pré-
féré la résistance morale.
On dira ce qu'on voudra, mais jamais on ne me persua-
dera qu'il faille plus de courage pour rendre les coups que
pour les endurer. Quand, le 4 novembre 1698, sur l'espla-
nade de Montpellier, Claude Brousson, à demi-étranglé par
la corde qui s'était rompue au moment de le lancer dans le
vide, fut sollicité par l'abbé de Camarignan de profiter de ce
répit pour se convertir, il lui répondit : « Puisse le Dieu tout-
« puissant récompenser. Monsieur, votre grande charité
« envers moi et qu'il nous fasse la grâce de pouvoir l'un et
« l'autre voir sa face dans le paradis »'; — et on voudrait
nous faire croire que l'héroïsme aurait été plus grand si, au
lieu de cette réponse, Brousson avait lancé je ne sais quel
outrage !
A ce compte François-André Guizol, arrêté dans la nuit du
1. Tout récemment Paul Brulat, clans VAurore du 31 juillet 1901, et
beaucoup d'autres.
2. O. Douen, Les premiers pasteurs du désert, II, 327.
348 JUBILÉ CINC^UANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
4 au 5 avril 1794, aurait dû profiler avec empressement de
Toffre que lui fit le garde national de Remoulins, de le laisser
échapper. Or il lui demanda : « Es-tu marié? » — « Oui »
répondit l'autre. — « Tu paierais pour moi, marchons ». —
Est-ce de la lâcheté! Et ce jeune homme de 27 ans n'a-t-il
pas tracé un sillon plus fécond que s'il avait sauvé sa vie au
détriment de celle de son garde, ou fait tomber quelques
têtes, au lieu de s'écrier, en offrant la sienne au bourreau :
« Je vais subir un supplice que je n'ai pas mérité, mais tout
« déplorable qu'est mon sort, je le préfère au vôtre, scélé-
« rats que vous êtes, car dans peu de temps vous serez
« déchirés par ce même peuple qui m'écoute* ! »
Enfin, en février 1795, au lieu de secourir ceux des prêtres
réfractaires entassés depuis un an sur les frégates Washington
et Les deux Associés qui avaient survécu aux tortures aux-
quelles 560 sur 800 d'entre eux avaient succombé, au lieu de
faire plaider leur cause à la Convention par l'abbé Grégoire, —
le protestant rochefortais Élie Thomas aurait dû sans doute se
souvenir de tout ce que sa race avait souffert, à cause des
prêtres, et leur donner le coup de grâce ! Non seulement il les
hospitalisa généreusement, mais quand cet acte de charité eut
été rendu public, il répondit à l'abbé Grégoire (16 juillet 1795) :
« La note que tu as fournie sur mon compte m'a enlevé
« ma plus douce jouissance : aider et soulager les malheu-
« reux par tous les moyens qui sont en mon pouvoir, mais
« en même temps, que ma main gauche ne sache pas ce que
« fait ma droite; voilà ma félicité, aujourd'hui je n'y peux
« plus prétendre, parce que tu m'as fait connaître- »!
On a beau nous représenter l'idéal de l'humanité, entre
autres, dans ce merveilleux tableau de Détaille, où nous
voyons le lourd sommeil des soldats vaincus comme allégé,
transfiguré par le rêve d'un nouveau carnage victorieux. Il
y aura toujours^ — espérons-le pour l'honneur de la race, —
au fond de nos âmes, un rêve plus grand, plus idéal encore,
une vision, non de revanches sanglantes, de larmes amères.
1. Voy. Bull., IS9I, p. 104.
2. Voy. Bull., 1889, p. 85.
DE l'histoire nu PROTESTANTISME FRAXCAIS 349
mais de pardon et de bonté, de larmes de joie. Toutes les
fois que sur le fond sombre ou terne de Thumanité se détache
un de ces éclairs d'héroïque désintéressement, de bonté vraie,
c'est comme si, à travers les brumes de la vallée, nous entre-
voyions les purs sominets des Alpes, — et ce n'est certes
pas un des moindres services ({ue nous rend notre histoire!
Trop souvent nous sommes tentés de répéter avec un de
nos anciens chansonniers huguenots qui a oublié de signer
ses vers :
Pour vray, ce n'est rien qu'un songe
Et un masque de mensonge
Que ce monde où nous vivons.
Ce n'est rien qu'une pipée
Où mainte àme est attrapée
Au train que nous poursuivons!
Il essayait de se consoler, en rimant ensuite :
O r3ieu, c'est toy qui demeures
Sans que nos jours ni nos heures
Changent ton estre constant,
Pendant que la mort saccage,
Et les beaux jours de nostre aage
Périssent en un instant*!
Et un autre, également anonyme, c'est-à-dire dédaigneux
de la gloire de la postérité, ajoutait :
Si quelqu'injure l'on vous dit,
Endurez la joyeusement;
Et si chascun de vous mesdict
N'y mettez vostre pensement.
Ce n'est chose nouvelle
D'ouyr parler ainsi : souvent
Autant en emporte le vent-!
1. Le chansonnier huguenot du XVI' siècle, I. 83.
2. Ibidem. I, :}0.
350 JUBILÉ ClS'QUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
Le chœur entonne vigoureuFement le psaume des batailles
(LXVIII*), d'après les paroles de Th. de Bèze et l'harmonie de
Goudimel :
Que Dieu se monstre seulement
Et on verra soudainement
Abandonner la place :
Le camp des ennemis espars
Et ses haineux de toutes parts
Fuir devant sa face.
Dieu les fera tous s'enfuir,
Ainsi qu'on voit s'esvanouir
Un amas de fumée :
Comme la cire auprès du feu,
Ainsi, des meschans devant Dieu
La force est consumée.
La séance est levée après la prière de clôture prononcée par
M. le pasteur Th. Monod.
III. — Le Banquet et le Pèlerinage.
Hôtel des Sociétés savantes, mardi 27 mai.
On ne peut guère célébrer un anniversaire sans un banquet.
Cela est non seulement naturel, mais nécessaire. A côté des réu-
nions officielles il en faut de plus intimes, car là seulement il est
possible, à Paris surtout, de se rencontrer pour causer librement,
échanger ses impressions, dire enfin ce qu'il n'est pas toujours
facile de dire devant le grand public.
Quelques amis décidèrent donc d'offrir, à l'occasion du Cinquan-
tenaire, un très modeste banquet au président de notre Société et
aux délégués étrangers. Pour éviter l'encombrement et les diffi-
cultés d'organisation que nous avions expérimentées l'année der-
nière, dans notre excursion à Ablon, on se borna, en fait de publi-
cité, à un petit carton placé en vue dans notre exposition rétrospec-
tive. Nous nous trouvâmes une cinquantaine le mardi matin 27 mai
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 351
au restaurant des sociétés savantes, n" 8 de la nouvelle rue
Danton*. La réunion fut, à la fois animée et cordiale, le déjeuner
promptemenl et bien servi, de sorte qu'on eut tout le temps
d'écouter la série des toasts par lesquels il se termina.
Le secrétaire de la Société demanda le premier la parole pour
expliquer, à peu près en ces termes, le but de la réunion.
Mesdames et Messieurs,
Vous allez trouver que depuis quelques jours je prends
souvent la parole. Je suis du même avis. Mais vous voudrez
bien considérer que je me suis vainement efforcé de décliner
l'honneur, plutôt périlleux, des conférences d'hier et d'avant-
hier, d'autant plus que j'avais beaucoup d'autres occupations
professionnelles et personnelles. Aujourd'hui, au contraire,
je confesse que j'ai demandé à parler. Dans nos séances tou-
jours solennelles, entourées de nos formes religieuses tradi-
tionnelles on a rarement, pour ne pas dire jamais, l'occasion
d'exprimer simplement et à cœur ouvert tout ce que l'on
pense. Ainsi hier soir vous avez tous entendu avec plaisir le
rapport de notre président, très bien fait, mieux môme, plus
court et plus condensé, que tous ceux qu'il a rédigés depuis
plus de trente-cinq ans. Vous y aurez sans nul doute admiré
l'art de dire ce qu'il convient de dire et surtout de n'oublier
aucun de ceux qui depuis un demi-siècle avaient pris part à
l'œuvre qui nous intéresse. Je me trompe, dans cette énu-
mération, délicate comme tout ce qui touche à un passé
presque contemporain, il a oublié, je ne dirai pas l'essentiel,
1. Voici les noms des participants : M. le président F. de Schickier,
MM. les délégués : G. Appia, Brondgeest, ÎNL et Mlle A. Giraud-Browning,
MM. les doyens Bruston et Monlel, M. le professeur E. Strœlilin. Mem-
bres du comité : M. et Mme G. Bonet-Maury, F. Buisson, Th. Dufour,
M. et Mme A. F'raniiiin, P. de Félice, M. et Mme A. Lods, G. Monod,
M. et Mme F. Puaux, R. Reuss, A. Réville, M. et Mme N. Weiss. Enfin.
MM. le professeur Raoul Alliei', Bornet, M. et Mme E. Borel, F. Borel,
Prof. Borne, pasteur Bouvier, Miss Crooke, M. H. Expert, MM. Fischba-
cher père el fils, Ph. Jalaberl, Jeanmaire, past. Labeille, M. et Mme H.
Merle d'Aubigné, M. et Mme E. Moulinié, M. Muret, H. Patry, Mlle Pin-
geon, pasteur A. Reyss, Steiner-Doilfus, prof. .1. Vienot, pasteur Ch.
Wagner.
352 JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIETE
mais un élémenl très essentiel, puisqu'il s'agit de la part
prise par lui-même à cette œuvre.
Elle a, comme vous le savez, deux faces principales : Le
Bulletin qui a rassemblé et publié, sur les parties les plus
diverses de notre histoire, des documents, études et notes
déjà nombreux que la table générale permettra prochaine-
ment de découvrir et de consulter. Puis il y a la Bibliothèque,
dont je ne voudrais pas dire trop de bien, mais dont l'impor-
tance est certainement plus considérable qu'on ne pense.
Outre les services qu'elle a rendus et qu'elle est appelée à
rendre de plus en plus, elle prouve tous les jours, par son
existence même, qu'à côté des bibliothèques que j'appellerai
encyclopédiques et qui auront bien de la peine à garder ce
nom, il faut des bibliothèques spéciales. Eh bien! la nôtre
n'existerait pas sans notre président. Non seulement il l'a
dotée d'un local fort bien aménagé qu'il a rendu accessible
au public, mais, ce qu'on sait moins, il est le principal dona-
teur de livres, manuscrits, etc., de cette bibliothèque, et je
ne dis rien de ce qui se passe lorsque tel ou tel desideratum,
telle ou telle occasion sont signalés.
Or, depuis plus de trente ans que cela dure nous n'avons
jamais pu le proclamer comme nous aurions voulu. Dans nos
assemblées générales c'est toujours le président qui parle
au nom de la Société. Nous avons donc pensé qu'il ne fallait
pas laisser passer cet anniversaire, unique puisqu'aucun de
nous sans doute n'en reverra un semblable, sans offrir un
témoignage de gratitude, si ce n'est en pleine assemblée, du
moins en public.
Nous ne savions guère comment nous y prendre pour cela,
lorsque l'idée nous est venue de faire exécuter une plaquette
où l'on verrait à la fois la Bibliothèque et son fondateur. Une
petite circulaire lancée discrètement au mois de janvier a
prouvé que notre idée était juste. Des quatre points cardi-
naux de notre horizon protestant, et même de quelques
autres, car vous n'ignorez pas que notre rose des vents est
très complète, notre trésorier a reçu de très touchants témoi-
gnages de reconnaissance. Pour que chacun pût s'y associer
la souscription avait été limitée à la somme minima de un franc
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JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ 355
et bientôt nous avons eu les moyens de réaliser notre projet.
Restait l'exécution. Nous avions sous la main un graveur de
médailles déjà apprécié parmi nous, M. Georges Prud'homme.
Mais, comment nous procurer le portrait indispensable? Ja-
mais notre président, pas plus d'ailleurs que la plupart des
membres de notre Comité, n'avait consenti à le donner pour
la collection que nous avions un jour décidé de former et qui
est restée à l'état de projet. En cherchant bien, on avait trouvé
une photographie d'amateur, faite en 1895, en Tîle de Ré,
oîi nous étions alors en compagnie de M. Gh. Read, qui,
depuis, nous a quittés pour toujours. Nous allions être obligés
de nous contenter de ce document, quand nous avons appris
qu'il existait une photographie de l'année dernière que nous
avons enfin réussi à nous procurer, absolument à l'insu de
l'original.
Malgré ces petits contretemps — et j'en passe — nous
sommes parvenus à vous présenter aujourd'hui les deux pre-
miers exemplaires de cette plaquette. Je regrette beaucoup
que l'auteur, M. Prud'homme, soit éloigné de nous par la ma-
ladie. Je crois que j'aurais pu lui dire en votre nom à tous
qu'il avait réussi aussi bien qu'on peut réussir un portrait dont
l'original n'a pas posé.
Je n'ai parlé jusqu'ici, bien sommairement, qu'au nom de
n otre Société d'Histoire. Or, il y en a parmi nous qui n'appré-
cient que très médiocrement l'Histoire, et qui pourtant appré-
cient beaucoup notre président, et ont voulu se joindre à
notre modeste hommage. Ils m'en voudraient si je n'ajoutais
un mot en leur nom à tous. Il n'y a, en effet, guère d'œuvre
dans notre Protestantisme français, qui n'ait eu des preuves
de la libéralité de notre président. Ce n'est un mystère pour
personne qu'il y a parmi nous des consciences très exigeantes
qui voudraient réduire encore, pour la rendre plus pure — et
aussi plus conforme à leurs idées, — la minorité déjà si ré-
duite qui représente le Protestantisme. Notre président a
toujours énergiquement soutenu ceux qui n'étaient pas de cet
avis et pensaient qu'il ne fallait pas poser d'autres limites que
celles qui furent posées à l'origine même du christianisme.
L'adjectif libéral a, comme vous le savez, deux sens. Il a
;J56 JUBILÉ cinNhantenaire de l.\ société
tenu — et nous lui en savons lous gré — à ce qu'on pût lui
appliquer l'un et Tautre.
Vous me permettrez aussi, en terminant, un mol personnel.
Une des expériences les plus pénibles de la vie, n'est-ce pas
le désenchantement que nous laisse l'humanité vue de près ?
Ceux-là sont rares qui, à mesure qu'on les connaît mieux,
grandissent dans notre estime et se font peu à peu une place
dans nos cœurs. \'oilà plus de vingt ans que votre secrétaire
et votre président travaillent côte à côte, car vous ne l'igno-
rez pas, ce dernier ne se borne pas à vous représenter,
mais paye largement de sa personne. Je sais fort bien
que j'échappe, moins peut-être que d'autres, à la com-
mune infirmité qui nous rend exigeants pour autrui et indul-
gents pour nous-mêmes. Ceux qui me connaissent me font
assez souvent comprendre que je prodigue plus volontiers
les critiques que les éloges. Je n'en disconviens pas, mais je
demande aujourd'hui et surtout en ce qui concerne mon colla-
borateur, à faire amende honorable : Pendant cette période
déjà longue de plus de vingt années, non seulement je ne me
rappelle aucun dissentiment sérieux qui se serait élevé entre
nous, mais je suis arrivé à cette conclusion bien sincère : Je
souhaite de tout mon cœur que votre cher président soit
longtemps encore le mien. J'ai dit, et je lui serre la main en
notre nom à tous.
M. de Schickler se lève pour exprimer sa surprise et pour dire,
non sans une vive émotion, mais néanmoins sans oublier personne,
combien il est touché de voir que ce qu'il a pu faire en faveur de la
Société d'Histoire n'a point passé inaperçu et coml^ien il est, plus que
jamais, profondémenlaltaché à toutes les causes qu'elle représente. —
Nous reproduisons ci-après, dans l'ordre où elles ont été prononcées,
les allocutions des délégués étrangers, rerues, comme celles qui pré-
cédaient, aux applaudissements de l'auditoire, et nous regrettons de
ne pouvoir, faute d'espace, que mentionner les vœux affectueux que
M. le professeur Bonel-Maury présente au nom de la Faculté de
lliéologie protestante de Paris.
DE L"H1ST(M»E nu PROTESTANTISME FRANÇAIS 357
Société d'Histoire et d'Archéologie de Genève.
M. Th. Diifour.
Messieurs,
La Sociélé d'histoire et d'archéologie de Genève m'a donné
le mandai de la représenter dans la célélDration du Jubilé
cinquantenaire de la Société de l'histoire du protestantisme
français. Elle m'a chargé de vous apporter ses félicitations
pour la brillante carrière que votre société a parcourue dans
le premier demi-siècle de son existence, ses meilleurs vœux
pour la continuation de cette prospérité, enfin l'expression
de sa cordiale sympathie pour la tâche que vous avez entre-
prise et que vous poursuivez avec un succès toujours crois-
sant.
La Société de Genève, qui est un peu votre aînée, ayant été
fondée en 1838, a pris, il y a cinquante ans, le plus vif intérêt
à la création de votre association. Dès le mois dejanvier 1853,
dans une lettre insérée au tome 1" de votre Bulletin, elle
déclarait entrer en relations suivies avec vous, par l'échange
réciproque des publications. L'année suivante, elle conférait
le titre de membre correspondante votre président-fondateur,
M. Charles Read, à votre vice-président d'alors, M. Charles
Weiss, et à M. Jules Bonnet. En 1858, elle s'attachait dans les
mêmes conditions M. Eugène Haag, membre de votre Comité.
En 1883, c'était le tour de M. F. de Schickler, et enfin, en
1888, celui de M. N. Weiss, qui a assumé avec tant d'ardeur
et d'entrain la lourde charge du secrétariat et de la rédaction
du Bulletin.
De son côté le Comité de la Société de l'histoire du protes-
tantisme français ayant institué, en 1890, des membres hono-
raires, a bien voulu y faire figurer un membre de la Société
genevoise et, en outre, d'une manière permanente, le prési-
dent, quel qu'il fût, de cette société.
Ces témoignages multipliés de bonnes relations s'expliquent
tout naturellement par la communauté de souvenirs histori-
ques très précieux.
358 JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
A peine la cilé de Genève avait-elle proclamé en 1535 et
Î536 les principes de la Réforme que de nombreux réfugiés,
chassés de France par les persécutions, venaient chercher
sur les bords du Léman une nouvelle patrie. Obligés d'aban-
donner tous leurs biens, ils y arrivaient le plus souvent dénués
de ressources. Le 1" septembre 1537, les pasteurs de Genève
écrivent, par la plume de Calvin : « Non pauci hue quotidie
confluunt, sed midi, » et cet exode devait se poursuivre,
comme vous le savez, pendant tout le reste du xvi^ siècle.
Ralenti, diminué, mais non disparu au xvn% il reprenait une
activité nouvelle après la révocation de Tédit de Nantes et
se continuait pendant la plus grande partie du xvni* siècle,
jusqu'au jour où la liberté de conscience devait enfin pren-
dre place dans vos lois. Aussi la plupart de mes conci-
toyens comptent-ils des aïeux dans toutes les provinces de
France.
C'est leur histoire, et celle des réfugiés qui ont pris le
chemin d'autres contrées, et celle, avant tout, des protestants
demeurés attachés au sol natal, que vous avez, Messieurs,
entrepris d'éclaircir ou d'écrire.
En cherchant à reconstituer les débris épars et mutilés de
vos annales, — en publiant d'innombrables textes et en les
sauvant ainsi des destructions toujours possibles, — en atti-
rant l'attention sur ces grandes figures historiques, qui nous
apparaissent toujours plus grandes quand elles sont, comme
aujourd'hui, déchirées parla calomnie, — en racontant la vie,
les tortures et la mort de vos glorieux martyrs, — en rappe-
lant la constance admirable avec laquelle des milliers et des
dizaines de milliers d'humbles fidèles ont supporté les
épreuves les plus dures ou les plus humiliantes, — vous avez
rempli un devoir filial et sacré, vous avez atteint le but que
se proposaient vos fondateurs, dans une circulaire datée de
juin 1852 (5î<//., 1, p. M), et vous avez mérité la reconnaissance
profonde de tous ceux qui aiment l'histoire exacte et im-
partiale, qu'ils soient, ou non, les descendants de vos
proscrits.
La Société d'histoire de Genève a toujours tenu à être l'une
de celles qui applaudissent à vos vaillants efforts. En son
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 359
nom, je désire aussi vous féliciter aujourd'iiui, tout particu-
lièrement, de l'extraordinaire bonne fortune qui vous est
échue il y a trente-sept ans. Lorsqu'en 1865 votre Comité
appelait à la présidence iM. Fernand de Schickler, il savait
sans doute qu'il faisait un choix de tous points excellent,
mais il ne pouvait, j'imagine, se douter de l'importance que
cette élection devait bientôt avoir pour les destinées de votre
association. Grâce à ce choix, en effet, les conditions d'exis-
tence de votre Société ont été entièrement transformées et
pour toujours assurées sur les bases les plus solides. La
modestie de votre président est telle qu'il m'en voudrait
certainement si j'insistais sur des faits qui sont connus de
vous tous. Je demanderai seulement, pour finir, la permis-
sion d'en rappeler un seul, très discrètement. Votre prési-
dent, qui a ses journées prises par les innombrables séances
des corps, des comités et des œuvres qui le réclament de
toutes parts, trouve encore le temps de feuilleter les catalo-
gues des libraires, d'y noter les anciens ouvrages protestants,
les plaquettes rares, et d'en faire aussitôt l'acquisition, non
pas pour lui, mais pour vous, pour tous ceux qui mettent à
profit les richesses accumulées dans votre Bibliothèque, deve-
nue si importante dans sa spécialité. Ce connaisseur expert
appartient à une catégorie de bibliophiles extrêmement rare
et presque inconnue : il est bibliophile... pour les autres! En
comparaison de tout le reste, il n'y a peut-être là qu'un
détail, mais, pour ceux qui se dirigent volontiers vers la rue
des Saints-Pères, ce détail suffit à remplir leur cœur d'une
gratitude infinie. C'est sur ce mot que je veux terminer.
Faculté de Théologie de Genève.
M. le Doyen E. Montet.
Au nam de la Faculté de théologie de Genève, j'exprime
à la Société de Thistoire du Protestantisme français ses félici-
tations les plus sincères pour le Jubilé qu'elle célèbre, et ses
:^60 JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIETE
vœux les plus vifs pour sa prospérité et son avenir. Ce sont
les mêmes vœux, je le sais, bien que je n'aie pas été officiel-
lement chargé de le dire, que formule le Comité genevois
pour le Proleslantisme français.
Les liens qui unissent la Faculté de Genève à la Société
que préside d'une façon si remarquable M. le baron de
Schickler sont des plus étroits. C'est que l'histoire du Pro-
testantisme genevois se confond souvent avec celle du Pro-
testantisme français : leurs destinées sont communes. Il suf-
fit de parcourir, pour se rendre compte de ce fait, l'admirable
collection du Bulletin de la Société, qui constitue un trésor
pour ainsi dire inépuisable. Citons, pour confirmer celte
appréciation, le grand ouvrage sur Calvin du profes-
seur Doumergue, paru en France, et la belle œuvre du
professeur Borgeaud sur VAcadémie de Calvin, parue à
Genève.
J'insiste sur les liens de solidarité intime qui unissent
Genève au Protestantisme français, et qui font que la Faculté
que je représente prend une part si grande et si cordiale au
cinquantenaire de la Société d'histoire du Protestantisme
français.
Les belles fêtes de ce jubilé contribueront à l'union du
Protestantisme de langue française. L'histoire du Protestan-
tisme est le bien commun de tous les Prolestants. L'élude
de celte histoire donnera à tout Protestant digne de ce nom
un sentiment réconfortant de largeur chrétienne. Comment,
en effet, l'éveil et le rappel de ces grands et saints souvenirs,
dont abonde l'histoire du Protestantisme français, ne con-
vaincraient-ils pas tous les membres de l'Église protestante
de leur commune origine? Tous sont frères, tous appartien-
nent à la même famille.
Permettez-moi, en terminant, de renouveler l'expression
des vœux de la Faculté pour la Société d'histoire du Proles-
lantisme français et son éminent président.
DE L HISTOIRE DU PROTESTANTISME FRANÇAIS 361
Société huguenote de Londres.
M. A. Girjitd- Bronniing , président.
Gomme président de la Société huguenote de Londres, je
m'associe avec le plus grand plaisir aux félicitations offerles
à Toccasion de son Jubilé cinquantenaire à la Société de
l'Histoire du Protestantisme français.
Vous m'excuserez de m'exprimer en anglais. Je puis, il
est vrai, comme la plupart de ceux qui m'entourent, reven-
diquer le grand honneur de descendre des huguenots; mais
je suis un exilé à la quatrième ou cinquième génération,
depuis mon aïeul, pasteur français, emprisonné puis banni
pour la cause de la Vérité. Il n'y a donc rien d'étonnant à ce
que je ne possède plus la langue française comme mes an-
cêtres. J'ai, du reste, le sentiment que devant une assenîblée
aussi distinguée et érudite que celle-ci, je puis indifférem-
ment m'exprimer en anglais et en français.
L'influence de la Société de l'Histoire du Protestantisme
français s'est fait sentir dans toutes les contrées où les exilés
huguenots se sont réfugiés et ont fondé des colonies, mais
nulle part, me semble-t-il, plus profondément qu'en Angle-
terre. Je puis dire, au nom de la Société huguenote de
Londres, que nous devons notre existence même à votre
exemple et que vos encouragements constituent une de nos
meilleures forces. Votre Bulletin mensuel est lu avec le plus
vif intérêt par ses nombreux abonnés anglais. Les recherches
patientes et ininterrompues de ses rédacteurs dans les ar-
chives et les divers écrits des xvi*", xv!!*" et xvin^ siècles ont
mis au jour des faits que les historiens de l'avenir ne pour-
ront plus ignorer en parlant des temps troublés de la Pié-
forme. Même l'histoire de France des quatre derniers siècles,
à moins de passer pour incomplète, devra tenir compte des
recherches faites par votre Société. Ce Bulletin nous fait
l'effet, à nous lecteurs anglais, d'une lampe toujours allumée
et projetant ses clartés sur les pages souillées de larmes de
l'histoire de France. Il s'est maintenant fondé des sociétés
LI. — 26
362 JUBILE CINQUANTENAIRE DE LA SOCIETE
pour reconstituer l'histoire des réfugiés huguenots et de
leurs colonies, en Amérique et en x\frique aussi bien que
dans les « cités de refuge » de l'Europe où vos ancêtres exilés
trouvèrent un abri.
C'est une pensée qui doit vous être précieuse, monsieur le
président, ainsi qu'à votre savant collègue, M. Weiss, de
savoir, en recevant les représentants de ces diverses so-
ciétés, que presque toutes suivent d'aussi près que les cir-
constances le leur permettent, les méthodes de travail insti-
tuées par vous. Pour ce qui regarde la Société huguenote
de Londres que j'ai le très grand honneur de représenter ici,
je reconnais franchement et avec la plus vive reconnaissance
tout ce que nous vous devons.
Il y a cinquante ans il paraissait n'y avoir guère d'intérêt
parmi les descendants des huguenots, en Angleterre, pour
la glorieuse histoire de leurs ancêtres. A quelques excep-
tions près, les Églises fondées parles réfugiés ainsi que leurs
institutions d'assistance et de développement ont disparu
ainsi que ceux qu'on appelait les enfants de l'étranger, en se
fondant dans la population anglaise. Même les personnes
d'un rang social élevé, dans l'Église, l'armée et la magis-
trature ou d'autres professions, commençaient à oublier ce
qu'elles devaient à leurs ancêtres protestants et français et
ne conservaient guère d'intérêt pour leurs origines. Mais à
cette indifférence a succédé un réveil. On désira connaître
le passé, et on ne tarda pas à être transporté d'enthou-
siasme quand on le connut; chez quelques-uns même cet
enthousiasme est devenu une passion. Dans tout ceci l'exem-
ple et les travaux de votre Société ont eu une influence
déterminante.
Je vous remercie encore d'avoir invité le président de la
Société huguenote de Londres à assister à vos fêtes et per-
mettez-moi, Monsieur le président et chers collègues, de
vous exprimer ma reconnaissance personnelle pour votre
hospitalité et votre amabilité envers mol.
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 365
Commission pour l'Histoire des Églises wallonnes
des Pays-Bas.
M. le D' A. Brondgeest, d'Utrecht.
Messieurs 1
Avec le plus grand respect et la plus vive sympathie pour
le Protestantisme français, je viens, au nom de la commis-
sion pour FHistoire des Églises wallonnes des Pays-Bas,
vous exprimer nos sincères remerciements, pour avoir bien
voulu nous inviter à la solennité de ce jour.
Recevez, Messieurs, avec nos meilleurs vœux pour votre
prospérité, Texpression de profonde gratitude pour l'œuvre
grandiose, sérieuse, scientifique, que vous avez accompli
durant un demi-siècle.
Quel élan remarquable votre société n'a-t-elle pas donné
aux études de l'histoire du protestantisme en général, et en
particulier de l'Église réformée de France!
L'histoire de votre l'église! Mais n'est-ce pas l'histoire de
la sublime persécutée, n'est-ce pas celle de la mate)- dolorosa
de la Réforme! C'est l'histoire d'une persécution plus que
bicentenaire; c'est aussi l'histoire du courage, de l'abnéga-
tion, du sacrifice, de la grandeur d'âme; mais avant tout, de
la liberté de conscience, du droit indéniable de la foi reli-
gieuse individuelle, c'est l'histoire des Huguenots.
Pendant un demi-siècle vous vous êtes efforcés de la faire
connaître au monde et de montrer combien le protestan-
tisme français est digne d'être respecté et admiré, non seu-
lement dans tous les pays de langue française, mais aussi
dans ma patrie où subsistent encore seize Églises. Et vous
avez réussi. Grâces vous en soient rendues!
Oui elle est sublime, cette histoire du Protestantisme
français. Il faudrait qu'on pût la lire et méditer partout, dans
la cabane des pauvres, dans les palais des riches; non seu-
lement en France, mais d'un bout du monde à l'autre; car
c'est elle qui a montré aux peuples, que la foi religieuse
intime résiste au fer et au feu et peut produire encore des
364 JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
huguenots de la race antique, des hommes intègres, coura-
geux, pieux, ayant le sentiment de la justice et de la solidarité
humaine. Des huguenots! La société moderne en réclame!
il lui en faut. S'il y en avait davantage on verrait moins d'in-
justice, de perfidie et de fausseté.
Que de travaux remarquables, touchant les Églises, les
institutions et les hommes de la Réforme ont été publiés
par vous, ou sous vos auspices. Et ce Bulletin, et la création
de la bibliothèque, rue des Saints-Pères, dépositaire de vos
archives et de vos documents, que de services n'onl-ils pas
rendus au protestantisme de langue française!
C'est vous, Messieurs, qui avez inspiré les Églises wallonnes
le jour où, il y a plus de vingt ans, elles se décidèrent à
instituer la commission, que j'ai l'honneur de représenter
parmi vous. Vous avez été notre modèle. Nous aussi nous
nous occupons du Protestantisme de langue française,
étudié dans les Pays-Bas, où il a jeté de si profondes racines,
comme le prouve l'existence actuelle des Eglises wallonnes.
Nous suivons vos travaux avec le plus vif intérêt. C'est par eux
que vous avez mérité l'estime du monde savant, la recon-
naissance des Églises issues de la Réforme, des Églises wal-
lonnes en particulier, des descendants des huguenots
répandus dans le monde entier.
Votre œuvre est à la fois un monument élevé par la piété
filiale à la mémoire de vos ancêtres, martyrs et persécutés pour
la foi religieuse, et une œuvre d'histoire. Tel est aussi le but
poursuivi par la commission pour l'Histoire des Églises
wallonnes. Pourtant il convient de signaler une différence.
L'objet de notre activité est l'histoire de deux refuges, du
refuge wallon et du refuge français, tandis que l'histoire
du protestantisme français dans son intégrité est le but de
vos recherches. Au début nos Églises étaient purement
wallonnes, car elles dataient du refuge wallon, de la fin du
XVI' siècle. i\lais survint la grande tribulation. la grande ini-
quité du xvn'' siècle; alors ces Eglises wallonnes devinrent
de fait des Eglises françaises. Le flot immense de confes-
seurs, avec 363 pasteurs français, que la Révocation versa
sur le territoire des Provinces-Unies, ces exilés portant
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 365
chacun sa livrée des flétrissures du Seigneur Jésus-Christ,
n'emportant que leur âme et leur Bible pour butin, ces tisons
échappés du feu. qui chassés, traqués, maltraités, vécu-
rent parmi nous, c'est leur vie et leurs travaux que nous
étudions, en même temps que ce qui concerne le refuge
wallon. Oui! du Bosc, Jean Claude, Jurieu, Bayle, Basnage,
Martin; les martyrs Claude Brousson, Pierre de Salve, Daniel
Mathurin foulèrent le sol hospitalier des Provinces-Unies,
qui abrita leur vie, et où ils moururent en paix. Dans leur
nouvelle pairie ce qui troubla leur repos et qui déchira
leurs cœurs, ce fut le cri de désespoir de leurs frères restés
dans la persécution. Seigneur l Seigneur aide-nous, car nous
périssons. Et de la terre d'exil, soit par leurs écrits, soit par
leurs démarches, ils firent tous leurs efforts pour soutenir le
courage de leurs frères dans la détresse.
C'est là, Messieurs;, le lien qui unit l'Eglise réformée de
France et les h^glises wallonnes des Pays-Bas, le refuge du
XVII' siècle. C'est aussi celui qui nous unit. J'ai l'inébranlable
conviction que jamais il ne se relâchera; car son fondement
commun c'est l'élude du Protestantisme français dont les
sources ne sauraient tarir.
Continuons notre œuvre; travaillons pour faire briller
devant les peuples le Protestantisme français, le sublime
martyr des siècles passés, la sauvegarde à jamais du plus
grand trésor de l'humanité : la liberté de conscience ^
Le Musée de Calvin à Genève.
AI. le professeur E. Strœhlin.
Messieurs,
Permettez-moi de vous transmettre brièvement les sincères
et cordiales félicilations du Musée de Calvin, une société jeune
1. En terminant, M. Brondiieest olTrc à la Société, au nom de la Com-
mission pour l'Histoire des Eglises wallonnes, le premier exemplaire im-
primé de V Histoire et Influence des Églises wallonnes dans les Pay^s-Bas,
par M. Poujol, ancien pasteur de ces Églises et maintenant pasteur à
Mazamet.
366 JUBILE CINQUANTENAIRE DE LA SOCIETE
et modeste, mais vaillante, qui réunit des livres et des gra-
vures concernant le XVI'' siècle, donne une conférence his-
torique le jour anniversaire de la Réformalion, organise des
séances populaires dans les campagnes protestantes et tra-
vaille, dans la mesure de ses forces, à entretenir et à vivifier
chez les Genevois d'aujourd'hui le souvenir d'un glorieux
passé. Le patronage de Calvin lui a porté bonheur, car l'auteur
de V InstiÛition Chértienne, en dépit des apparences con-
traires, n'est pas seulement respecté mais aimé par ses fils
spirituels. M. Weiss qui a tenu cette société naissante sur les
fonts baptismaux, lui a donné d'excellents conseils qu'elle a
misa profit. Il l'a fait de si bonne grâce que nous n'hésitons
pas à recourir à lui pour toute recherche historique impor-
tante et, loin de maudire l'indiscrétion des questionneurs, il
leur répond avec une promptitude égale à sa haute compé-
tence. — Monsieur le président, vous connaissez les senti-
ments de respectueuse gratitude que je vous ai voués de-
puis de longues années. Lorsque je vins me fixer à Paris
vous me dites avec une exquise bienveillance que le fauteuil
d'Henri Bordier m'attendait et, malgré mon départ, vous
n'avez jamais voulu accepter ma démission. Les heures que
j'ai passées rue des Saints-Pères comptent parmi les meil-
leures et les plus agréables. Veuillez donc me garder une pe-
tite place dans votre Comité et me regarder comme un col-
lègue éloigné mais fidèle.
Société d'Histoire Vaudoise.
M. le pasteur G. Appia.
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs,
La modeste Société, dont j'ai l'honneur de vous apporter
aujourd'hui les vœux et les félicitations, doit sa fondation à
un des rares savants, que les vallées vaudoises ont vu surgir
dans leur sein, avant l'Emancipation de 1848. Le Docteur
Edouard Rostan, connu dans le monde des botanistes, par
ses études sur la flore des Alpes Cottiennes, était un méde-
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANrAlS 367
cin de villoge, qui soignait tour à tour et avec une égale loien-
veillance, ses malades et ses fleurs, et qui, arpentant les
rocailleuses montagnes de Prali, en 1881, conçut la pensée,
de fonder, avec quelques amis, une Société d'histoire vau-
doise, à l'imitation de la vôtre. Il en esquissa le programme
et après l'avoir présidée d'abord, il désira avoir pour succes-
seur M. le professeur Barthélémy Tron, puis aujourd'hui le
D^ Vinaj.
Je ne m'étendrai pas sur ses travaux persévérants, que vous
connaissez; et je me permettrai d'adresser, en premier lieu,
des vœux affectueux et reconnaissants à votre cher Prési-
dent, que j'ai eu le privilège de connaître avant aucun autre
membre de cette docte assemblée, et de connaître par sa
contribution en faveur du culte de Naples, où il faisait un
séjour de quelque durée. Il m'interdirait d'en dire da-
vantage.
Quant aux Vaudois eux-mêmes, dont notre Bulletin étudie
avec soin l'histoire, leur origine même nous fait sentir
Tétroitesse des liens, qui les unissent aux protestants de tous
les pays, mais tout particulièrement à ceux de France.
Je pourrais, avec notre savant historien, M. Comba, vous
amener à Lyon, où le riche marchand Pierre Valdo, leur
donna, vers 1170, leur nom, et leur fournit la première traduc-
tion française du Nouveau Testament, dans un format por-
tatif, dont la poésie de M. de Félice a popularisé le souvenir.
Je pourrais vous montrer le « Mur vaudois » de la vallée de
la Durance et les « Églises vaudoises » des Hautes-Alpes, et
la traduction française de la Bible, imprimée parles soins des
\'audois en 1533.
Mais, pour ne consulter que mes archives de famille, je
pourrais vous parler de Simon Appia, cité à comparaître, en
1557, devant le tribunal français de Turin, qui était, à cette
époque, une ville dépendante de Henri IL et où le pasteur
de la paroisse de Simon Appia, Giaffredo Varaglia, subit le
martyre, le 29 mars 1558, après avoir reçu l'admirable
lettre de Calvin, que Crespin nous a conservée, et dans
laquelle le réformateur français écrivait à son ancien élève :
« Jésus-Christ requiert d'un chacun qu'il rende témoignage
368 JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
« de son évangile. Qu'il vous souvienne donc, que le même
« qui a bien daigné vous faire Thonneur d'annoncer publi-
ée quement sa doctrine, vous a produit pour son témoin, afin
« que, s'il est besoin, vous signiez de votre propre sang, ce
« qu'auparavant vous avez enseigné de bouche. Cependant
« ne douiez pas qu'il ne soit fidèle gardien et protecteur de
« votre vie. D'autant qu'il a promis que la mort des Saints
« lui est précieuse. Je me persuade que vous vous appuyez
« et reposez en la protection et sauvegarde de celui, auquel
« quand nous mourons, nous sommes en mourant trop plus
« heureux, que ne le sont les hommes terrestres et profanes
« en vivant. »
Je retrouve le nom de nos ancêtres, en particulier celui de
Jacques Appia, capitaine, qui succomba en 1587, à l'attaque
du fort d'Exille, à l'époque des guerres du Dauphiné, où
Vaudois et Français défendaient en commun les droits de la
conscience et de la même foi.
Barthélémy Appia, collaborateur de l'historien Gilles, et
qui arriva à Genève deux ans après la mort de Théodore de
Bèze, est également pasteur dans le Dauphiné, avant d'être
pasteur d'Angrogne et de Saint-Jean; il assiste au synode de
Mentoulle, où les pasteurs firent de graves reproches au
connétable de Lesdiguières, au moment où celui-ci allait
abandonner la Réforme et méritait d'être repris pour des
désordres de mœurs, incompatibles avec la foi protestante.
Que dire des souffrances communes des Français et des
V^audois après la Révocation, alors que le conducteur des
Vaudois, le français Thurel, mourut roué sur la place publique
de Grenoble? C'est à cette époque aussi, en 1686, que Daniel
Appia, notre ancêtre, mourut dans la prison de Pignerol,
laissant sa veuve, Constance Vertu, conduire en exil ses deux
fils Paul et Cyprien, qui furent consacrés pasteurs par
l'évêque de Londres.
En évoquant ces souffrances, de 1685 à 1690, il est impos-
sible à un Vaudois d'origine, de ne pas exprimer une fois de
plus la dette de reconnaissance qu'ont alors, et pour tous les
temps, contractée les Vaudois envers Genève, à qui Calvin,
si je ne me trompe, donna la belle devise de nAgitatis portus)),
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 3G0
envers la Hollande, le Wiirlemburg, l'Angleterre et tant
d'autres bienfaiteurs.
Ces souvenirs communs, dont la spécialité fait en partie le
prix, nous rapprochent les uns des autres et nous font sentir,
et l'unité de nos principes, appuyés sur la Bible, et la com-
munauté de nos intérêts.
C'est à la source des délivrances de l'Éternel et des souve-
nirs de la fidélité de nos devanciers, que votre Société nous
a aidé à puiser, tout ensemble des leçons et des encoura-
gements, pour les combats moins douloureux et moins san-
glants, mais non moins sérieux des temps présents.
Le Dieu de nos pères est encore le nôtre, sa « fidélité est
grande », comme le rappelait Claude, au moment de quitter
son Église, contraint par le grand roi. Aujourd'hui, par la
liberté, par la légitime influence, par la force d'expansion
qu'il nous accorde, Il nous montre qu'il est encore, pour les
enfants, le même qu'il a été pour les pères, mais qu'il nous
appelle aussi à une égale fidélité.
C'est cette assurance qu'exprimait, après les massacres de
1655, un poète dont le nom nous est resté inconnu, mais dont
M.William Meille a trouvé la poésie, en deux exemplaires à la
bibliothèque deTurin. Nous terminons, en en citantune partie.
Seigneur, tu nous as tous frapez
Dans ces vallées de misères,
Où femmes et maris, pères, fils, sœurs et frères.
Au mesme sac envelopez,
Sous le plus grand effort de toutes les colères,
Pour nous apprendre enfin à redouter tes coups,
Sont massacrez pour nous.
Seigneur, nous confessons devant toy tous nos crimes
Et le doit sur ia bouche, interdis et confus,
Nous ne contestons plus.
Mais ce n'est point pour nos péchez
Que tes ennemis nous poursuivent;
Les vies et les biens dont les méchants nous privent.
Les yeux qu'ils nous ont arrachez
Et cent nouveaux tourmens sont maux qui nous arrivent,
370 JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIETE
Pource que nous portons en ta sainte maison
Ton enseiflrne et ton nom.
Ouy, tu les a veus de tes yeux,
Tes pauvres Saints sans funérailles :
Tu leur as veu, Seigneur, déchirer les entrailles,
Et d'un massacre furieux
Tes pauvres innocens écrasez aux murailles.
Voir et perdre le jour en un mesme moment
Sans pleurer seulement.
Nous tremblons encore en dormant
Dessus nos misérables couches,
Aux objets de nos morts, et des tygres farouches,
Qui nous troublent incessamment,
N'ozans fermer les yeux, non plus qu'ouvrir nos bouches,
Et doutant si l'ennuy nous couche en notre lict
Ou nous ensevelit.
Arreste, arreste ta fureur,
Tu te fais à toy-même injure ;
C'est plus que de Joseph la sanglante cassure;
Icy l'on déchire ton cœur :
Ton Fils est avec nous encore à la torture ;
Montre, montre ton bras, si jamais il parut,
Pour ton propre salut.
Voy ta vigne, et prens en pitié;
C'est ta Jérusalem encore :
Mais ta Jérusalem qui te sert et t'adore.
Et ne t'a point crucifié :
Si ce feu n'est bien tost esteint
On le verra partout s'épandre,
Tes temples, tes troupeaux, seront réduis en cendres.
Tu n'auras plus de peuple saint
Ni de pseaumes enfin que tu daignes entendre;
Il y va de la gloire, haste-loy, marche, cours,
Vien[s] à notre secours.
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 371
Ainsi que chevaux echapez
Nous courions au travers les hayes,
Ton foêt nous a remis aux routes les plus vrayes,
Et ta main nous a ratrapez.
C'estoit pour nous guérir, que tu nous fis des playes.
Et ta verge a frapé le rocher de nos cœurs
Pour en tirer des pleurs.
Seigneur, nous avons sous ta main
Une entière et ferme asseurance,
Ta main qui fit la mer, qui la meut et la tance,
Dont les vents connaissent le frein,
Le sçaura bien donner à cette violence.
Tu les renverseras et leur rompras les dents
Quand il en sera temps.
Nous sentons ta protection
Qui nous renforce et nous rassemble,
Ce Lion de Juda sous qui ton peuple tremble
Se change en l'aigneau de Sion.
Déjà dans ta maison nous chantons tous ensemble
Et nous pleurons les maux dont tu nous a touchez
Bien moins que nos péchez.
Ta grâce nous comble de biens
Dans le comble de nos misères,
Tu nous a fait du pain des larmes de nos frères.
Non, non, sa pitié n'est point morte :
Il marqua de son sang à chacun nostre porte (Exode XII).
Pour nous garantir du trépas,
Seigneur nous regardons en haut
Malgré le joug de nos misères
En remettant toujours et nous et nos affaires
Au Juge qui viendra bien tost.
372 . JUBILÉ CINQUAN-TEXAIRE DE LA SOCIETE
Mais vous, ses bien heureus enfans,
Nos bons et charitables frères,
Partagez cette joye ainsi que nos misères,
Nous allons estre triomphans.
Voicy la porte ouverte à tous ces grans mystères,
Beny soit FEternel; qu'il soit béni sur vous ;
Bénissez-le sur nous.
Venez chanter en sa maison
Tous les réchappez de son ire.
Venez y contempler sa gloire et son empire,
Et de celte valée où sa main nous abat,
Celle de Josaphal.
Eternel pren nous à mercy :
Eternel venge ta querelle :
Eternel oy gémir ta pauvre tourterelle
Veille la protéger ici,
Et tous ceux, Eternel, qui soupirent pour elle.
Nostre paix en ton Fils est tout ce qu'il nous faut,
Exauce, et vien bientost.
Le président se rend l'interprète de la reconnaissance de la
Société d'Histoire et de sa propre gratitude pour les témoignages
de sympathie qui leur sont apportés de tant de côtés divers. Remer-
ciant successivement chacun des orateurs, et avec eux les corps
dont ils sont les délégués, M. de Schickler rappelle l'initiative prise
pour la fondation de la Société huguenote de Londres par M. A. Gi-
raud-Browning, après qu'il eut assisté avec deux de ses futurs col-
lègues à notre assemblée générale de Nîmes; — rend hommage à
Genève, la grande cité du Refuge dans le passé, et où les étudiants
français sont encore à l'heure présente accueillis avec une si affec-
tueuse sollicitude; — dit le souvenir ému que nos coreligionnaires
conserveront toujours à la Hollande qui fut si largement fraternelle
pour les proscrits, et les services que rend à leurs descendants et
aux historiens d'aujourd'hui la collection de fiches des Archives
wallonnes à laquelle s'attachent les noms regrettés des Enschédé,
des du Rieu, des Dozy; — salue nos trois Facultés de théologie qui
ont bien voulu s'associer à notre Jubilé; — et constate enfin que
M. le pasteur Appia nous a donné une vraie page d'histoire. En
l'écoutant on sentait qu'il eût été, lui aussi, de ces vaillants, de ces
héroïques d'autrefois !
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 373
En quillanl la rue Danton, nous nous donnons rendez-vous pour
un petit pèlerinage historique, rue Valette, ancienne rue des Sepl-
Voies, au n° 19 où se trouvent deux caves superposées, Tune à
voûtes ogivales, la seconde formée par deux voûtes en berceau, et
où se tinrent, au xvi*' siècle, des assemblées protestantes clandes-
tines, ainsi que cela a élé révélé et démontré grâce à un document
contemporain, dans \e Bulletin de \8dd {p. 157)*. La maison contiguë à
celle qui repose sur ces caves historiques et dont cette dernière faisait
peut-être jadis partie, était l'ancien Collège Forlet dans la cour
duquel on voit encore un escalier du xv" siècle qu'on appelle main-
tenant « la tour de Calvin ». Ce collège est, en effet, celui qu'habita
Calvin lorsqu'en 1533, à vingt-quatre ans, il composa pour son ami,
fils du médecin du roi, Guillaume Cop, alors recteur de l'Université, le
fameux discours qui fut lu à la séance de rentrée du 1" novembre.
Ce discours, dont la minute originale a été conservée, se terminait
par une apologie indirecte des hérétiques d'alors appelés Luthériens
et provoqua un tel scandale que Cop et Calvin, menacés d'une visite
domiciliaire et sans doute d'un procès pour hérésie, s'enfuirent
précipitamment. On raconte que le premier emporta avec lui le
sceau de l'Université et que le second se laissa glisser de nuit le long
des murs du collège. — Ces deux maisons s'élèvent presque au
sommet de la montagne Sainte-Geneviève. Le cimetière de cette
abbaye touchait au collège Fortet. On en voit encore un petit reste
qui le sépare de la place du Panthéon, où se construisait alors la
charmante église Saint-Étienne du Mont. Il n'y a pas, dans Paris,
d'autres vestiges auxquels se rattachent des souvenirs protestants
aussi anciens que ceux de cette montagne célèbre où brilla long-
temps la première Université du monde, où la Réforme, à ses
débuts, recruta ses premiers adhérents et provoqua une opposition
si intransigeante qu'on lui doit la condamnation officielle de Luther
et les premiers supplices de Luthériens. — En les quittant, nous
nous rendons à la Bibliothèque de la Société où est installée notre
IV. — Exposition rétrospective.
54, )-ue des Saints-Pères, ouverte du 22 mai au \ juin 1902.
Ce sont MM. Armand Lods et Théophile Dufour qui ont eu les
premiers l'idée de cette exposition à laquelle la salle de lecture de
1. Un Iroisième souterrain se trouve au-dessous de ces deux caves.
374 JUBILE CINQUANTENAIRE DE LA SOCIETE
la Bibliothèque se prélail d'ailleurs admirablement. Il ne pouvait
être question, cela va sans dire, de l'organiser avec les seules res-
sources de la Bibliothèque elle-même. Le secrétaire se mit donc
aussitôt en relation avec les collectionneurs et même les dépôts pu-
blics possédant des objets intéressants au point de vue de notre
histoire. Il est heureux de constater qu'il rencontra partout un ac-
cueil aimable ou tout au moins courtois. Les refus, — il faut tou-
jours s'attendre à en recevoir, — ont été extrêmement rares, deux
ou trois au plus et un ou deux collectionneurs ont oublié de
répondre aux lettres qui leur avaient été adressées.
En outre, la plupart des objets promis sont arrivés à temps, sans
accroc, de sorte qu'au moment de notre assemblée générale et sur-
tout au retour du pèlerinage à la rue Valette, la collection était au
complet. 11 faut dire aussi quelle a été nécessairement restreinte et
que certaines parties, par exemple celles des gravures, des livres
et des autographes auraient pu être considérablement développées
si l'on avait eu plus de place et de temps. Elle ne s'en composait
pas moins de plus 700 numéros isolés.
Ceux qui ont pris part à un travail de ce genre savent qu'il est
plutôt malaisé à organiser — et pardonneront les imperfections
qu'ils y auront relevées. — MM. Th. Dufour, A. Lods, F. Puauxetle
baron F. de Schickler ont heureusement collaboré avec le secrétaire,
et notre président surtout a constamment payé de sa personne
lorsque, pour les visiteurs, il a fallu ajouter quelques explications
plus détaillées aux étiquettes sommaires destinées à les renseigner.
Ouverte le 22 mai, et chaque jour de 1 à 6 heures, cette exposition
devait, dans le principe se fermer le 30, mais ce dernier délai a été
successivement prorogé jusqu'au 4 juin, de sorte qu'elle est restée
ouverte exactement quatorze jours. On avait distribué des cartes d'en-
trée un peu partout dans notre monde protestant parisien et elles ont
été presque toutes utilisées, puisqu'on a constaté au moins 1,82.5 en-
trées régulières. On nous a demandé pourquoi nous n'avions pas
fait un peu plus de publicité. On oublie que le public parisien est
chaque jour sollicité dans cent directions différentes. Pour qu'il sût
que cette exposition existait et quelle pourrait l'intéresser, il aurait
fallu organiser un service de presse et la laisser ouverte au moins
pendant un mois. Or, bien que nous eussions offert aux exposants
toutes les garanties désirables — deux agents étaient en permanence
mais l'entrée en est murée. Ces souterrains communiquaient avec l'autre
côté de la rue, ce qui, en cas de suprise, permettait de quitter les lieux
sans passer par la maison.
à
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 375
dans nos salles et les objets précieux étalent renfermés, pendant la
nuit, dans celle des coffres-forts — plusieurs n'avaient pas voulu
nous accorder leur concours au-delà de la fin du mois.
On trouvera ci-après les noms de tous ceux qui ont bien voulu
nous aider à réaliser cet essai. Nous nous sommes efforcés de
remercier chacun d'eux en particulier, mais nous tenons à le faire
encore ici publiquement et d'une manière plus durable. Nous pou-
vons ajouter qu'aucun des objets exposés n'a été égaré, qu'aucun
n'a pris une fausse direction, ni subi aucune avarie, ce dont celui
qui signe ces lignes est, — à cause de sa responsabilité — particu-
lièrement reconnaissant.
Les catalogues d'expositions se composent généralement de la
reproduction des étiquettes qui accompagnent les objets exposés.
Un catalogue de ce genre paraîtrait sans doute bien sec à nos lec-
teurs et ne suffirait guère qu'aux initiés, c'est-à-dire au plus petit
nombre d'entre eux. Nous avons donc cherché à rédiger, pour ceux
surtout qui n'ont pu voir par eux-mêmes ce qui avait été rassemblé,
une sorte de catalogue descriptif, accompagné de reproductions
photographiques.
Une vue générale de la salle de lecture leur donnera une idée de
l'ensemble, puis ils verront défiler successivement les six panneaux
remplaçant provisoirement les six baies garnies de livres et sur
lesquels on s'était efforcé de classer tableaux, gravures, pla-
cards, etc., etc., dans un certain ordre sinon logique et rigoureux,
du moins approximatif.
Ils trouveront ci-après, à peu près comme l'ont entendue, les visi-
teurs accompagnés, la description de chaque panneau, puis celle
des quatorze vitrines dont douze recouvraient la table de travail et
deux autres renfermaient des émaux et des dentelles. Nous avons
essayé de faire reproduire, pour illustrer cette description, l'aspect
de quelques-uns des objets les plus intéressants.
Pour ce catalogue ainsi compris, M. Th. Dufour a bien voulu
écrire la bibliographie des quatre vitrines de livres qu'il avait arran-
gées et qui ont beaucoup intéressé, entre autres MM. Léopold De-
lisle et E. Picot, bibliographes émérites s'il en fut. M. F. de Schi-
ckler a rédigé une analyse des autographes qu'il avait lui-même
classés et M. Armand Lods une description de la vitrine consacrée
à Calas ainsi que des portraits des Rabaut et des médailles de la
Salnt-Barthélemy et de la Révocation.
JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ 377
La salle de lecture.
Si Ton jette un coup d'œil sur la gravure représentant
l'ensemble de la salle de lecture, on y distinguera, au-dessous
des balustrades cjui marquent les deux étages, les deux
bandes sur lescjuelles ont été inscrits, en vue de l'exposition,
les principaux noms huguenots. Malheureusement un seul
de ces noms est vraiment lisible sur celte reproduction très
réduite. Mais c'est un nom de tout premier ordre, celui de
Marguerite d'Angouléme, l'intelligente et pieuse sœur de
François 1^', suivi immédiatement des noms qu'on distingue à
peine, de G.Farelet Louis de Berquinqu'elleconnaissait bien.
Non seulement, en effet, le nom de la « Marguerite des Mar-
guerites )) est inséparable de l'histoire des débuts de la
Réforme en France, mais on peut aujourd'hui affirmer cjue
sans son active et persévérante intervention, l'enfant qu'elle
contribua à faire naître, aurait alors été étouffé dans son
berceau.
Au-dessus de la porte d'entrée, sous les noms — très
indistincts — de Sébastien Castellion, le martyr de la tolérance,
et de Jean Crespin, l'historien des martyrs, se voient trois
taches blanches. Elles représentent les moulages en plâtre,
d'une inscription gravée au milieu du xvi^ sièle — apparem-
ment par un huguenot — sur un linteau de fenêtre au Clou-
Bouchet, de Niort (maison Frappier), moulages que notre
collaborateur .M. H. Gelin a bien voulu faire exécuter pour
nous. Sur celui de gauche, près de la porte par laquelle on
pénètre généralement dans la Bibliothèque, se lit, dans un
cartouche ce verset bien connu : entrez par la porte
ESTROICTE CAR LA LARGE MENNE A PERDITION", S. MATH. 7. CH.
Sur celui de gauche, cet autre : diev mavldit la maison dv
MESCHANT. ET BENIT CELLE DV IVSTE . PRO. 3. CH. Au deSSOUS, la
date de 1564. Un dessin reproduisant ces cartouches cjui
sont bien dans le style du xvi'^ siècle, se trouve dans le Bul-
letin de 1894, p. 103.
LI. — 27
JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ 379
Réformateurs et Pasteurs.
Après avoir pénétré dans la salle de lecture et donné un
coup d'œil à l'aspect général, nous commençons notre revue
par le premier panneau à droite près de la porte d"entrée, où
ont été groupés des portraits de réformateurs, de pasteurs et
autres personnages de marque ainsi que quelques documents
contemporains.
Les précurseurs de la Réforme sont représentés par un
petit panneau de bois sur lequel un artiste anglais inconnu,
mais certainement peu exercé, a essayé de représenter, sur
un fond vert Joan Wiclef Doctor oxon. — Le portrait n'est
pas beau, mais ancien et curieux. On a vu plus haut une
reproduction de la belle médaille commémorative du sup-
plice de Jean Huss laquelle se trouvait dans la vitrine numis-
matique ainsi qu'une autre représentant Jérôme Savonarole.
— Immédiatement après Wiclef qu'on ne voit pas sur
la gravure que le lecteur a sous les yeux, on avait placé
plusieurs portraits de Luther. Les deux plus beaux, peut-
être les meilleurs portraits contemporains du réformateur,
sont d'abord une eau-forte de 152o devenue rare, qu'on
attribue généralement à Lucas Cranach, mais qui est signée
D. H.; elle a été reproduite dans le Bulletin de 1892, p. 75.
La légende allemande qu'on lit au dessous, Des lutters
gestalt mag luol verderbenn. Sein ceistlich genuet * nnrt njnner
sterben, peut se traduire ainsi : La figure de Luther peut
bien périr, son âme spirituelle ne périra jamais. Cette gra-
vure a été donnée à la Bibliothèque par M. de Beurnonville.
A côté d'elle M. Frank Puaux nous avait permis de placer
une épreuve ancienne de la gravure d'Aldegraeve représen-
tant Luther tel qu'il était dix-sept ans plus tard, en 1540. En
Tête le verset du Psaume LV, 23: iacta.cvram.tvam.ix.domi-
NVM.ET.iPSE.TE.ENVTRiET,(( Remets ton sort à l'Éternel, cl il te
soutiendra ». Au dessous, cette légende : asservit. christvm.
M. Sic pour geistlich gcmïitli..
380 JLBILÉ élNQUAiNTENAlRE DE LA SOCIÉTÉ
DIVIXA. VOCE.LVTHERVS.CVLTIBVS.OPPRESSAM.RESTITVITQUE.FIDEM.
ILLIUS.ABSENTIS.VVLTV . H/EC . DEPINGIT . IMAGO . PRESENTE . MELIVS.
CERNERE.NEMO.POTEST : « D'uDG voix clivinc Lulher défendit Ic
Christ, et rétablit la foi opprimée par les rites; celte image
représente son visage quand il est absent, personne ne peut
en voir un meilleur quand il est présent». Au-dessous de ces
deux beaux portraits on avait placé deux petites peintures
ressemblant à des lithographies et représentant Luther et
Melanchton. Ces peintures sur carton étaient sans doute
rabri(juées dans des atcHers qui anciennement rempla(2aient
ceux de nos photographes et vendus comme on vend aujour-
d'hui CCS dernières. C'est pour cela qu'on en trouve encore
assez fréquemment. Il nous faut enfin mentionner ici un por-
trait de Lulher qui n'avait pu trouver place sur ce panneau,
mais avait été mis en face au milieu de la table de travail.
C'est un masque en plâtre reproduisant celui qui a été
pris sur la face de Luther après sa mort. Ce masque
appartient à l'Église de la confession d'Augsbourg à Paris.
11 est extièniement saisissant ainsi qu'on peut s'en rendre
compte par cette photogravure, et rappelle, mais en mieux,
une peinture faite au même moment et qui est conservée au
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRA^c;AIS 381
musée de Munich', mais qui exagère plutôt l'impression de
force et de joie que vous laisse le masque. Cette impression
vient tout récemment d'être confirmée par un récit inédit de
la mort de Luther découvert dans les noies journalières d'un
des membres du colloque de Ratisbonne IS'jG). Ce récit qui
parait être tout simplement la copie dune lettre de Jonas,
l'un des témoins de la mort de Lulher, s'accorde en lous
points avec la relation officielle qu'on possédait. Cependant
on y trouve une parole de Luther qui aurait été celle-ci :
« Je m'en vais dans la paix et dans la joie ! ' »
Les efforts les plus persévérants ont été tentés pour faire
figurer à côté de Lulher quelques-uns des portraits les moins
connus de Calvin. La seule peinture ancienne, peut-être
contemporaine du réformateur français qui avait été jusqu'ici
signalée en l'rance, se trouvait dans ces dernières années au
château d'Azay-le-Rideau. Notre collaborateur et membre
honoraire, M. A. Dupin de Saint-André, pasteur à Tours, avait
obtenu la permission d'en prendre une photographie dont une
reproduction parut dans le Journal de l'Eglise réformée de
Tours de juillet 1896. A notre requête il voulut bien faire une
démarche en vue d'obtenir, ne serait-ce que pour quelques
jours, communication de l'original. Cette démarche n'eut
malheureusement aucun résultat. Mais nous pouvons au
moins donner ici le cliché fait sur la photographie de M. Dupin.
On se rappelle aussi qu'à la célèbre vente Spilzcr figurait
un émail de 1535 signé L. L. c'est-à-dire Léonard Limousin et
qui reproduisait les traits de Calvin l'année même où il avait
été, à la suite de l'affaire des Placards (1534). ajourné à com-
paraître devant le parlement de Paris avec cinquante autres
suspects parmi lesquels Mathurin CorJier, Clément Marot,
Pierre Caroli, etc. {France prot. 2' éd. V. 879). Une enquête
assez délicate nous apprit que cet émail serait sans doute
aujourd'hui au Louvre si, au moment de la vente Spitzer, un
journaliste peu scrupuleux ne s'était livré à toutes sortes
d'insinuations au sujet de l'emploi du crédit ouvert en faveur
1. El donl M. LaboacliLM-e nous a l:\iss2 une copie à l'aquarelle.
2. Note du journal Le TcnijigJtage, du 9 août 1902.
382 JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
des musées français. On renonça, au dernier moment, à
Tacheler cl il parlil ainsi pour l'Angleterre. Nouvelle enquête
pour arriver jusqu'au propriétaire actuel. On le découvrit,
mais il déclina la requête faite en notre faveur. Nous espé-
rons pourtant pouvoir un jour donner à nos lecteurs une
reproduction de cet émail moins imparfaite que celle qui
parut dans le Bulletin de 1894, p. 544 et que M. le professeur
E. Doumcrgue n depuis lors placée en tête de sa monumen-
tale biographie du réformateur.
Enfin nous savions qu'il existait à Francfort-sur-le-l\Iein et
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 383
n Ilanau deux portraits de Calvin presque identiques et dont
l'un est sûrement la copie de l'autre. Le Bulletin de 1898 a
essayé (p. 47) de donner une idée de la toile de Ilanau et
nous espérions fermement que nous pourrions montrer à nos
visiteurs celle de Francfort. On a eu peur, après avoir favora-
blement accueilli notre requête, de laisser voyager le portrait,
et il a fallu y renoncer. Tout ceci est ici raconté pour qu'on
ne nous reproche pas, après coup, la place réduite occupée
dans notre exposition par celui que la petite encyclopédie de
Larive et Fleury caractérise ainsi : « De son vrai nom Jean
« Cauvin, l'un des fondateurs du Protestantisme, dictateur de
« Genève! »
Nous n"avons donc exposé que deux portraits anciens de
Calvin, celui de Genève étant trop connu pour qu'il y eût
intérêt à montrer la copie qu'en possède la Bibliothèque.
Le plus grand des deux est une copie à la mine de plomb
exécutée il y a quelques années par un artiste bâlois, d'une
peinture du xvi' siècle qui se trouvait alors au presbytère de
Lausen près de Bàle et qui est aujourd'hui à Bàle même. Les
propriétaires n'ayant jamais permis que cet original fût pho-
tographié, il n'existe de cette copie que deux exemplaires,
celui que possède le soussigné et dont on a sous les yeux
une reproduction, et un autre resté également à Bâle. Le
portrait qui semble bien fait d'après nature et porte dans
l'angle supérieur de gauche cette inscription, ioh. calvinus
ss. TH. DOCTOR cst, après l'émail de Limosin, une des
rares effigies qui représente Calvin de face. Au-dessous
de ce cadre nous avons pu, grâce à M. le professeur
Doumergue, de Monlauban, en placer un autre plus petit.
C'est un profil peint au xvi" siècle sur un morceau de bois de
cèdre arrondi comme un médaillon. L'artiste qui a exécuté
ce profil n'était pas très habile, mais on voit pourtant qu'il
avait été impressionné par le front et par les yeux de son
modèle, ces yeux clairs qui nous frappent aussi dans le por-
trait de Bàle. Ce médaillon avait été donné jadis à M. le
pasteur Frank Coulin qui l'a offert à ^L Doumergue.
Des deux côtés de ce médaillon on a placé deux portraits
du xvii' siècle; celui de droite est une peinture médiocre
384 JLBILÉ CINOUANTEXAIRE DE LA SOCIETE
représenlanl Calvin debout dans son cabinet de travail. Elle
appartenait à M. le professeur E. Reuss et a clé donnée par
son fils à notre Bibliothèque. Celui de gauche, exécuté à la
plume et daté de 169S offre ceci de particulier que les plis du
vêtement sont composés de passages bibliques écrits assez
Dt: l'histoire du protestantisme français 383
finement pour qu'on les prenne pour des lignes. Il appartient
à M. Th. Dufour. Parmi les caricalures de Calvin on n'en a
exhibé qu'une seule, le moulage en plâtre d'une grossière
sculpture sur bois, dessous de siège d'une stalle de Saint-
Sernin à Toulouse représentant trois bourgeois, dont un à
genoux, occupés à écouler un porc assis dans une chaire sur
laquelle on peut encore lire Calvin le Porc. M. E. de Carlai-
Ihac a bien voulu offrir ce moulage à la Bibliolhèque.
A gauche de Calvin on aperçoit, peu disUnclement à cause
de la couleur sombre de l'original, le beau portrait de Clé-
ment Marot que M. F. de Schickler a donné à la Bibliothèque
il y a quelques années. Ce portrait exécuté sans doute en
Italie, peut-être à Ferrare, dans la manière du célèbre
peintre Morone, a été identifié par M. Bouchot, directeur du
cabinet des Estampes à la Bibliothèque Nationale. Nous
aurions bien aimé placer sous ce portrait un exemplaire de
rédition princeps du célèbre Psautier qui détermina la fuite
de Clément Marot hors de France où il était rentré auparavant
grâce à une abjuration, mais nous n'avons pu en trouver ailleurs
qu'à la Bibliothèque Nationale. Nous l'avons donc remplacé
par un document du xvi*^ siècle, d'un intérêt exceptionnel,
que M. Th. Dufour a bien voulu nous prêter. C'est la lettre
écrite dans le cachot de rofficialilé de Paris, le 2 octobre
1560, par un de ces colporteurs qui risquaient leur vie en
vendant clandestinement des évangiles, psautiers et des
traités de propagande, voire même parfois de gros in-folios
comme l'Institulion. Celui-ci s'appelait Jehan Morigan, était
natif de Saumur, et servait de commis à Jean Beaumaistre,
natif de Meaux, qui faisait ostensiblement le commerce de
mercerie. Le commanditaire de ces colporteurs qui rendirent
à la Réforme d'inappréciables services, n'était autre que
l'ami et le compatriote de Calvin, Laurent de Normandie, ori-
ginaire, comme lui, de Noyon. Voici le texte de la lettre de
Morigan :
A nions, mons. de Normandie soit donnée la présente à Genève.
Jésus Crisl crusifié pour noz péchez et resussité pour notre justi-
fication vous soict pour salut.
386 JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
Monsieur, Irez humblement à voslre bonne grâce me recom-
mande. Ung peu devant que feusse pris, vous avoys rescript, en-
semble le sire Jehan Beau Maistre mon conpaignon. Toutesfoys je
ne scays si avez receu les lettres part lesquelles vous mandions
quelque marchandise, désirant faire quelque voyage pour puis après
vous porter argent (ce que heussions faicl) n'eust esté mes liens.
Toutesfoys si ce bon Dieu me lire d'entre les mains de ses [ces]
cruelz lirans, j'espère bien tost (Dieu aydant) vous en porter; et
croys que sienpendent ma détention des prisons mon conpaignon
fait son devoir; par quoy il vous plaira nous tenir pour excusé et
l'ung et l'autre, car depuis cinq ou six moys le temps a esté bien
rude pour nous. Et mesme on ne pouvoit porter ny faire mener
balle aucune sans eslre visitée, part quoy il se falloit nécessaire-
ment tenir en ungne ville.
Or, part la grâce de Dieu, je feuz pris prisonnier le xvu* juing
saisy de 2 Institutions latine foUio Cal. et d'une Harmonie foll. et
fuz mené au Temple, prison subalterne; auquel lieu ne fuz poinct
deulx heures sans estre interrogué de ma foy. De laquelle (part la
grâce de Dieu) j'en feis confession, selon que ce bon Dieu m'en
avoit dispersé. De la vous rescrire tout au long je n'ay pas l'opor-
tunité pour ce que je double d'heure en heure qu'on ne viegne à la
prison où je suis, ma y s je vous en toucheray seullement du principal
poinct,assavoirdu sacrement de leur hostel (aynsy qu'ilz appellent).
Je leur demanday si tenoys leur messe pour sacrifice; ilz me
dirent qu'ouy. Puis, je leur demanday si il estoit parfait ou impar-
fait : ilz me dirent qu'il estoit parfaite Puis, je leur dis qu'il ne fail-
loit doncques plus dire de messe et que à une chose parfaicte il n'y
fault plus retourner et qui plus est Sainct Paul, Roumains 12, nous
montre que nous pouvons sacrifier nos corps, etc., et aux Hebreulx,
10, nous montre que tous sacrifices sont abolis et qu'il ne reste plus
de sacrifice pour le péché, Sainct Mathieu 9, Osée 6 : « Je vueil
miséricorde et non pas sacrifice, etc. », mays le vray sacrifice,
comme dict le psalmiste, pseaulme 51, c'est ung coeur dolent, une
âme, etc., et que Jésus Crist ne vouloit estre servy de main
d'homme ny ne voulloit habiter en temple fait de mains d'homme,
comme nous Icsmoigne Sainct Paul, actes 17.
Voilà ce que je leur ay respondu sur le Sacrement de leur belle
messe, mays quand aulx aultrcs sacremens que Jhesus Crist a ins-
tituez, assavoir le babtesmc et la saincle cène, je y croys bien;
mays au sacrement de leur messe (qu'ilz appellent) je n'y croys
rien, voyant que toutes choses inventées du serveau de l'homme et
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 387
toute sciense ou prudence humaine en cas de saincteté estoit ini-
mitié contre Dieu. Mays au sacrement de la saincle cène, selon
l'institution de Jhesus Crist, comme nous tesmoigne les 4 evangelistès
et aussi semblablement Sainct Paul, I Corinth 1 1 , je y adjoustoys foy.
Puis il me vouloint faire dire ceulx que je congnoissoys à Paris;
mays ce bon Dieu m'avoit si bien fortefié, ce que lousjours de plus
en plus me fortefie part son sainct esprit, dont je luy en rens grâces,
qu'ilz me heussent baillé (et me bailleront) plustost la géhenne or-
dinaire et extraordinaire que de leur en nommer ung, car mieulx
me vault patir seul que d'aultres avecqucs moy.
Quand aulx aultres articles, je seroys trop long à les vous reciter,
part quoy je vous pry ne m'oublier en vos oraisons et me recom-
mander aulx prières de Tesglise, car je en ay bien besoing ; et priez
Dieu qu'il luy plaise me donner force et constance de persévérer ce
que j'ay commencé, ce qui sera (aynsy que je croy), car c'est ung
ouvrier qui ne laisse poinct son oeuvre inparfaicte, et croy qu'il
parfera ce qu'il a en moy commencé.
11 vous plaira dire à maistre Anthoine Bachelier que face mes
recommandations au sire Richard Mendin et à tous mes amis de
part de là. Or, je pry le grand Dieu vivant, lequel nourrist et vivifie
toute créature, vous mainctenir, préserver et garder en bonne sancté.
De l'officialité de Paris, ce 2^ octobre 1560, part vostre humble
et obéissant Jehan Morigan.
Monsieur, je vous heusse plus tost rescript, n'eust esté que j'ay
touiours esté aulx crottons* obscurs, noirs et ténébreulx jusques
à présent combien que je soys en une ba.sse fosse fort humide et
fort froide, mays (grâces à Dieu) j'ay belle clarté et aussi qu'il ne
m'estoit permis tenir ancre ny pappier au Chastellef, mays ycy les
serviteurs m'en baillent volumtiers; dont je rens grâces à Dieu, car
j'auray moyen rescripre à mes amis jusques à ce qu'il plaise à ce
bon Dieu m'appeller à la mort ou à la vie; toulesfoys sa volumté
soit faicte. Amen.
On voit par les détails si curieux de celte lettre, qui
passa de l'hoirie de Laurent de Normandie dans celle de
M. H.-L. Bordier {France prot., 2* éd., II, 81) avec quelle
ardeur et quelles connaissances scripluraires ces colpor-
teurs combattaient les dogmes catholiques et aussi avec
que! esprit de sacrifice et quel viril courage ils exerçaient
1. SoLilerrains. Nous avons suppléé tes accents et la ponctuation.
388 JUBILÉ CI-NQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
leur dangereux métier. Celui-ci se félicite d'être sorli des
souterrains obscurs du Ghatelet et de se trouver au For
l'Evêque dans une « basse fosse fort humide et fort froide »,
mais claire. Il se garde bien, dût-on le lorturer, de nommer
aucun des huguenots qu'il connaît à Paris et allend paisible-
ment que Dieu V « appelle à la mort ou à la vie ».
.Après le portrait de Clément Marot, il fallait placer celui
de Théodore de Bèze qui acheva la traduction en vers du
Psautier que Clément Ma rot dut laisser incomplète. M me Alfred
André nous avait prêté le beau portrait du réformateur à
78 ans, que son mari avait acheté il y a quelques années, et
dont le Bulletin de 1899 a donné une reproduction (p. 61).
Sous ce portrait nous avions placé, à droite, le billet de faire-
part, en latin, du décès de Théodore de Bèze, qui fut affiché
à la porte de TAcadémie de Genève pour en inviter tous les
membres aux obsèques fixées au 14 octobre 1605, lendemain
de la mort (cf. Bull., 1887, p. 80-81), puis, à gauche et au-
dessous, les portraits de deux amis du successeur de Calvin.
Le premier est une copie très remarquable due à Mme Juil-
leral-Chasseur d'une peinture de Renée de Ferrare par
Clouet, copie dont l'original appartient à une galerie parti-
culière. Ce petit panneau avait été donné à M. Jules Bonnet
qui y tenait beaucoup et qui l'a légué à notre Société. A côté
de celte protectrice, à Monlargis, de tous ceux qu'on persé-
cutait aux alentours pour la religion, se voyaient deux effi-
gies, l'une gravée, l'autre à la plimie, de Louis de Bourbon,
prince de Condé, dont Th. de Bèze fut le secrétaire et le
conseillera Orléans, pendant la première guerre de religion.
Ces portraits de Condé, acquis par M. F. de Schickler pour la
Bibliothèque, sont postérieurs à cette guerre, puisqu'ils sont
datés de 1568. Celui à la plume a été dessiné par un nommé
Mathias Zindt, sans doute un Suisse ou un Allemand qui se
trouvait alors dans l'armée huguenote et dont l'œuvre, naïve
et soigneuse, a été passablement modifiée par le graveur qui
paraît avoir eu plus de talent que le dessinateur.
Nous passons maintenant au coin des pasteurs. Au centre
se détachait un beau portrait qui appartient au conseil pres-
bytéral de la paroisse de Penlemont et qui, d'après une
DE l'histoire du PROTICSTANTISME TRANÇAIS 389
inscription du donaleur, l'amiral \'er-Huell, doit représenter
Jean Claude, le célèbre pasteur de l'Église de Paris à l'époque
de la Révocation. Il est difficile, toutefois, de ne pas remar-
quer de grandes différences entre ce portrait et celui placé
au-dessous, gravé par van Somcr, d'après une peinture de
J. Lorent, et qui se vendait du vivant de Claude à Paris
che^ L. Lucas, libraire au Palais, à la Bible d'or (cf. Bull.,
1891, 519). Autour de cette gravure avaient pris place tout
naturellement les diverses estampes montrant le temple de
Charenton avant et pendant sa destruction (cf. Bull. V. 174,
177, 178). Des deux côtés de la toile, on n'avait pu mettre,
vu l'exiguïté de l'espace, que quatre autres portraits gravés
et appartenant, comme le précédent, à la Bibliothèque; au
bas, ceux vraiment admirables de vérité, de JeanDaillé, Tun
des collègues de Claude et de Moïse Amyraut, le célèbre pro-
fesseur de l'Académie de Saumur, ce dernier gravé par
P. Lombart, d'après une peinture de Ph, de Champaigne
qui doit être, si on en juge par cette gravure, une des plus
belles toiles de ce maître. Au-dessus d'Amyraut, on voyait un
portrait également superbe du célèbre prédicateur Alexandre
Morus, gravure de P. \'andrebanc d'après Gribelin, orné de
cette légende d'une modestie contestable :
Effigies, vultiim, mentem^ scripta ejiis adumbrant
Umbras vcl satis est tanti Jiabuisse viri.
ce qu'on pourrait traduire ainsi : « Ce portrait et ses écrits
ne donnent qu'une idée affaiblie de son visage et de son
esprit, mais c'est déjà quelque chose d'avoir une image d'un
aussi grand homme ». En face de lui se détachaient, sur une
draperie, le visage sérieux, aux yeux pénétrants, et la table
de travail d'un de ses contemporains, fondateur de l'Aca-
démie française « Valentin Conrart, Conseiller et Secrétaire
du P»oy, Maison et Couronne de France et de ses finances,
Secrétaire de l'Académie françoise » aussi apprécié pour sa
valeur que pour sa probité, son obligeance et sa modestie
— gravure de L. Cossin d'après G. Lfe Feure.
Il restait une toute petite place dans le coin de gauche de
ce panneau. On y mil une petite toile ancienne représentant
390 JUBILÉ CIMJL'ANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
les traits du célèbre David Ancillon, le doyen des pasleurs
de Metz avant la Révocation. L'inscription laline est carac-
téristique. Je crois qu'on peut l'interpréter ainsi : « Le corps,
les yeux, le visage nous trompent souvent. Or, ici, tu ne vois
pas une belle figure; bien plus, le reste est 1res inférieur (?)
à la valeur d'Ancillon. L'âme dont était doué ce savant et
pieux pasteur ne nous apparaît pas suffisamment dans ce
portrait * ».
Le second panneau était presque exclusivement consacré
à Coligny, à sa famille, à ses alliances ainsi qu'aux événe-
ments tragiques qui l'ont immortalisé.
Coligny et son temps.
Au centre de ce panneau nous avions naturellement placé
un des cadeaux de M. F. de Schickler à la Bibliothèque, la
belle peinture de l'amiral, en grande tenue, débarrassée pour
la circonstance de la couche de poussière incrustée qui lui
donnait un ton gris et en voilait les couleurs très fraîches et
délicates. Ainsi remis en état, ce portrait, d'après nature,
paraissait vraiment digne de l'école de Clouet, si ce n'est de
Clouet lui-même; le visage vermeil, simple et bon, aux pau-
pières légèrement rougies, y a des lignes beaucoup moins
accentuées que dans le dessin de Bocourt que le Bulletin a
reproduit en 1896, p. 445. — Les deux grands cadres de chaque
côté de cette peinture nous montraient, celui de droite, une
gravure de l'amiral exécutée en 1573 à Nuremberg par un
artiste zurichois {Fecit Norimbergœ Jost Kinman Tigurimis),
qui a représenté au-dessous de la figure entourée d'attributs
l'assassinat de Coligny et les scènes de carnage dont il donna
le signal; — à gauche, l'admirable portrait de Louise de Coli-
gny, en costume de veuve, dessiné et gravé pour son fils
Henri, en 1627, par Guillaume Jacques Delphius (Dauphin ?),
d'après une peinture exécutée d'après nature par Michel Jean
1. Trons, oculli, vuUus ..fallunt pcrsœpe : sed hic non ora décora vides
cœtera crede degent (?) immo Ancillonii, :^elo, docloque plaque prcedita
mens nobis haud satis inde patent. Ce portrait a été donné à la Biblio-
ttièque par l'Église réformée de Metz.
392 JLBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
Miereveld. Sur le cadre ovale qui entoure celle gravure de
toute beauté, se lit la prière de la veuve, dont les deux maris
avaient élé successivement assassinés presque dans ses bras,
Veniat regmun tinan, « Ton règne vienne ».
Entre ces trois grands cadres, on avait placé, en haut à
droite, une aquarelle de Mlle Marie Leclaire représentant la
grosse tour du château de Coligny à Ghâlillon-sur-Loing qui
renferme aujourd'hui ce qui reste de l'amiral — don de M. F.
Buisson; et du côté opposé un cadre que nous apporta le
pasteur G. Appia. Grâce à l'agilité de son crayon, il avait pu,
un jour, .faire rapidemeni, dans le vestibule de la chapelle
Sixline et de la chapelle Pauline au Vatican, quelques
esquisses furtives d'après les fameux tableaux attribués à
Vasari dont il n'est pas possible d'avoir de reproduction. Ces
esquisses représentent Coligny blessé par Maurevel, le corps
de Coligny jeté en bas de la fenêtre de son logis et les com-
plices — ou les principaux acteurs? — de ce drame. Sous
l'aquarelle se voyait un crayon du xvi^ siècle, don de M. A.
de Schickler, représentant Odet de Coligny, cardinal de Châ-
tillon et une lettre de lui au cardinal d'imola (11 février 1553
a. s.) avec signature autographe; sous les esquisses, une
bonne copie d'un crayon du xvi^ siècle représentant d'Ande-
lot, colonel de l'armée française, prêtée par M. Bouchot, et
celte belle lettre entièrement autographe adressée par l'ami-
ral, d'Orléans, 21 juillet 1562, à « Monsieur le eomte Ringrave.
chevalier de l'ordre du roi».
« Monsieur le Comte,
« J'ay esté l)ien aise de trouver ceste bonne commodité de vous
povoir escripre pour vous mander de mes nouvelles, et en premier
lieu je vous dire que je vouldrois qu'il m'eust cousté quelque chose
de bon, et avoir peu p[arler] deux heures à vous, et n'eusl esté la
difficulté de chemain j'eusse envoyé quelcun de mes gens devers
vous en qui je me fusse fié; mais ceste crainte, et d'autre part qu'il
n'eust esté sceu et que cela vous eust porté dommage, je ne l'ay pas
voulu faire.
« Or mainctenant il faull que je vous die que beaucoup de gens, et
moy aveques eulx trouvent bien fort eslrange que vous ayés voulu
accepter la charge que vous avez et pource que familièrement vous
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 393
me congnoissés, il fault que privémanl je parle à vous. [On] taxe
ceulx de ceste compagnie d'estre séditieux et rebelles et sans reli-
gion. Vous me congnoissés bien tant que s'il y avoit rien de cela
qui menast cesle compagnie, que je n'y demourrois pas une heure.
Je vous prie donques, monsieur le conte, s'il y en a qui se bandent
contre dieu et qui luy veillent faire la guerre, que vous ne soyés
point de ceulx-là, et vous souvenir de la cène que vous avez faicte
chez le conte Palatin.
« Quant à moy, aftin que l'on ne pense point qu'il y ait de mon
particulier, je proteste devant dieu et ses anges que quant l'évan-
gile pourra eslre presché publiquemant en ce royaulme, et que l'on
ne recherchera point les personnes pour les conciences, que lors je
suys très contant de m'^psenter de ce royaulme jusques à ce que le
roy sera majeur, suivant ce que j'en ay desja dict à la royne ; mais
ce pendant d'estre comandé de ceulx qui forcent le roy, la royne,
et leurs édicts, et qui sont cause de toutes les persécutions et trou-
bles qui sont en ce royaulme, si je ne m'y opposois de toute ma
puissance, j'en penserois estre responsable et devant dieu et devant
les homes et ne scay commant ung serviteur de dieu et du roy peult
dissimuler maintenant.
« le vous en escriprois davantage, mais vousestes d'asses bon juge-
mant pour congnoistre tout ce qui en est. Si les homes ce veulent
bander contre dieu, il est asses fort pour leur résister, et remettant
le reste sur ce porteur, je me recommande bien affeclionnemant à
votre bonne grâce et priray dieu, Monsieur le conte, vous mettre au
cueur ce qui est pour sa gloire et honneur.
« D'Orléans ce xxi" de juillet 1562'. »
h^?^rp^\^yi^ ^^ ^^ /?'^^
a Pf^c:-7rr'^77ri<^ -^ryy^/ ■
1. La ponctuation a été ajoutée. Celte belle lettre est ici publiée pour la
première fois en entier. Le Bulletin de 1802, [). 392, en avait cité quelques
phrases.
LL — 28
394 JUBILÉ CfNOlANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
Peu de documents donnent une idée aussijusle cl complète
des sentiments de haute piété, de désintéressement, de res-
ponsabilité, de conscience enfin qui animaient Coligny au
début des guerres de religion.
Entre ces deux lettres des deux frères on avait pu placer
grâce au président, une rare gravure sur bois du xvr siècle
intitulée Dominus Telignius, belle effigie, de l'honnête et
doux gentilhomme auquel Coligny avait donné sa fille Louise
et qui fut assassiné dans la même nuit que son beau-père*.
Il nous reste à décrire les deux extrémités de ce panneau.
A droile et à côlc de Louise de Coligny, une peinture sur
bois (de 36 sur 40 cenlimèlres) — encore entourée de son pre-
mier cadre sculpté, — de son second mari, Guillaume d'Orange
dit le Taciturne. Il suffit de comparer ce beau portrait qui
a pparlient au soussigné, expression vivante de cette devise de
la maison d'Orange : « Nous maintiendrons», à celui que ren-
ferme le musée de La Haye, pour s'assurer qu'il est, avec
de légères différences, une réplique de ce dernier, apparem-
ment exécutée par le même artiste, sans doute Miereveld-.
A l'autre extrémité, adroite, deux gravures rappellent la Saint-
Barthélemy. Celle du haut prêtée par M. C. Pascal a été exé-
cutée en France au xvni^ siècle. Celle du bas est une très
curieuse et très rare eslampe sur bois faite en Allemagne au
moment même où des fugitifs qui avaient échappé au mas-
sacre en répandirent les premières nouvelles. \'oici le titre
de ce grand placard colorié qui fut sans doute vendu dans
les rues comme ceux, qui encore de nos jours racontent au
peuple les événements tragiques, et qui appartient à la Bi-
bliothèque. Nous traduisons librement :
Effroj^able et pitoj-able description des noces lamentables
conclues entre le roi de Navarre et la princesse, sœur du roi
de France à Paris, au mois d^août de r année i')']''2. à l'occasion
desquelles V amiral et beaucoup de grands seigneurs, princes et
personnes de la noblesse, même plusieurs milliers de chrétiens
1. Ce i)ortrail tloit avoir été i^Tavé à Genève. L'encadrcmenl ressemble
à celui des Icônes de Th. de Bèze.
2. Le Bulletin en a donné une reproduelion en lÛOO, jj. 71.
DE l'histoire DL PROTESTANTISME FRANÇAIS 395
innocents, hommes, femmes et enfants de la religion évangé-
liqiie ont été assassinés d'une manière inoiiie dont le monde
DOMINVS TELIGNIVS,
n'avait pas encore été témoin, comme on peut s'en rendre
compte par la gravure ci-dessous et par lé texte qui l'accom-
396 JLBILÉ CLNQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
pagne. Proposé à tous nos honorables seigneurs et princes al-
lemands que Dieu protège ainsi que chaque chrétien pieux,
comme un exemple pour que personne ne se fie légèrement
à V ennemi qui se serait réconcilié avec lui. Le tout, pour r hon-
neur de la vérité, nouvellement imprimé et décrit par des per-
sonnes honnêtes et considérables qui ont été témoins de cette
boucherie et de ce carnage.
Voici comment y est raconté le meurtre de l'amiral :
« Monsieur de Guise et quelques Suisses se transportèrent au
logis de l'amiral et en heurtèrent l'huis violemment. L'amiral s'étant
lui-même rendu à la fenêtre pourvoir, dit : « Mon Dieu, que sera-
ce? » Puis il se recoucha, fit sa prière et se remit entre les mains
de Dieu. Alors les Suisses résolurent d'enfoncer la porte, ce qu'ils
firent et assommèrent tous ceux qu'ils trouvèrent. Pénétrant jus-
qu'à la chambre de l'amiral ils rencontrèrent devant celle-ci son
valet de chambre gascon qui les supplia de ne pas faire de mal à
son maître. Ils lui fracassèrent la tête d'un coup d'arquebuse. Puis
ils entrèrent dans la chambre et trouvèrent ledit amiral dans son
lit, le visage tourné du côté de la muraille. L'un d'eux s'approcha
et dit : « Monsieur l'amiral vous dormez trop fort », puis lui donna
un grand coup d'épée à travers le corps après quoi les autres meur-
triers forcèrent les portes et pillèrent tout ce f|u"ils purent. Mon-
sieur de Guise attendait en bas, dans la cour avec impatience, et
cria à plusieurs reprises que dès que l'amiral serait mort ils de-
vaient le jeter par la fenêtre. Ils le traînèrent donc hors du lit jus-
qu'à la fenêtre et voulurent le précipiter dehors, mais il était en-
core assez fort pour sarquebouler du pied contre le mur de sorte
qu'ils ne parvinrent pas à l'enlever, jusqu'à ce qu'un Suisse félon
eut frappé le pied de sa hallebarde de porte que l'amiral tomba
sur le plancher. Ils essayèrent une seconde fois de le jeter par la
fenêtre, mais il étendit ses deux bras à l'intérieur en travers de
celle-ci et leur dit ces dernières paroles : « Mes enfants, ayez donc
pitié de ma vieillesse ! », mais ils le soulevèrent par les pieds et le
précipitèrent la tête la première de sorte qu'elle s'écrasa sur le sol.
Puis il fut traîné à la rivière; sorti de là on lui coupa la tête et on
le traîna par les pieds jusqu'au gibet de Montfaucon »...
Cette curieuse relation estime le nombre des victimes d'Or-
léans à plus de 900 et de celles de Paris à environ 8000.
398 JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
Seizième et dix-septième siècles.
Sur ce panneau, le troisième et dernier du côté droit quand
on entre dans la salle de lecture on avait groupé, en
suivani à peu près Tordre chronologique, divers portraits de
huguenots célèbres du xvi^'et xvii* siècle. En voici la descrip-
tion en suivant l'ordre de la photogravure ci-jointe.
On y distingue d'abord deux tètes de femme. Ce sont celles
de deux réfugiées à Strasbourg, la ville toujours hospitalière
pendant tout le xvi' siècle. L'une d'elles y avait fait faire son
portrait en 1554, c'est-à-dire pendant la persécution de Ma-
rie la sanglante. Elle s'appelait Margarita a Bolejm minor,
Marguerite de Boleyn la cadette ou la jeune, et était proba-
blement de la famille d'une des femmes de Henri VIII. Au-
dessous d'elle nous avions placé le portrait d'une française
ou flamande dont ce cliché donnera une idée. Elle s'appelait
Katherine du Russeau et c'est sous le règne de Henri II, en
15.50, qu'elle fit faire son portrait à 22 ans, par un peintre
qu'on dirait de l'école de Glouet, et pour l'offrir à un
M. Schenckbecher, sans doule le bourgeois de Strasbourg
chez qui elle recevait l'hospitalilé. Ces deux peintures ap-
partiennent aujourd'hui au chapitre de Saint-Thomas-de-
Strasbourg qui a hérité entre autres, si je ne fais pas erreur,
d'un M. Schenckbecher.
Ce qu'on voit ensuite, ce sont trois portraits de Jeanne
d'Albret. Le principal est une fort jolie peinture appartenant
à Mme Cottier de Montbrison qui nous révèle une Jeanne
d'Albret jeune que nous ne connaissions pas. Nous avons placé
au-dessous un exemplaire ancien, don de M. de Montbrison,
de la gravure de Wierix d'après Marc Duval, que le Bulletin
a reproduite en 1891, p. 263, et qui montre la reine de Navarre,
mère du futur roi de France ; — puis une photographie d'un
charmant tableau où l'on voit en pied et revêtue d'un costume
d'une élégante simplicité, « Jehanne de Foix et de Béarn »*,
jeune femme qui rappelle les traits de Marguerite sa mère. La
photographie de ce porirait de la maison de Gramont à
DE l'histoiri: du protestantisme français 339
Bidache a été donnée l'écemmenl à la Bibliothèque i)ar ic
regretté Ch. FrossarJ.
A côté de Jeanne d'Albret, on avait placé deux de ses co: -
temporains, d'abor.l deux effigies également remarquables du
célèbre chirurgien Ambroise Paré : le premier un pastel ancien,
recouvert de verre, le montrant à l'âge de 59 ans; ce portrait
jusqu'ici inconnu, appartient à M. Leloup, de Bar-le-Duc qui
2X*
400 JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
nous Tavail fort obligeamment prêlé grâce à notre collabora-
teur M. H. Dannrculher. Au-dessous, un exemplaire, don de
M. de Montbrison, de la très belle gravure du huguenot
Élienne Delaulne* montrant, à 72 ans (1582), la figure austère
et néanmoins pleine de bonté du chirurgien qui ne craignit
pas, huit ans plus tard, pendant la Ligue, d'adjurer publique-
ment l'archevêque de Lyon de travailler à la paix"-: « Monsei-
« gneur, ce pauvre peuple ici, que vous voyez autour de vous,
« meurt de mâle rage de faim, et vous demande miséricorde.
« Pour Dieu, Monsieur, faites-la-lui, si vous voulez que Dieu
« vous la face ; et songez un peu à la dignité en laquelle Dieu
« vous a constitué; et que les cris de ces pauvres gens, qui
« montent jusqu'au ciel, sont autant d'adjournemens que Dieu
« vous envoie pour penser au deu de votre charge de laquelle
« vous lui estes responsable....^ » -
Agrippa d'Aubigné avait près de quarante ans quand
Ambroise Paré mourut (20 décembre 1590) et toute la pre-
mière partie de sa vie se passa au milieu des guerres civiles
dont il conta plus lard, dans son Histoire universelle, tant
d'épisodes curieux. Il n'existe de lui que deux portraits, l'un
exécuté huit ans avant sa mort, en 1622, par Barthélémy Sar-
bruck, est à Bâle, l'autre, peut-être du même artiste, à la
Bibliothèque de Genève. M. Henri Monod, directeur de l'As-
sistance publique avait donné à la Sociélé, une fort belle pho-
Ihographie du premier, où d'Aubigné, en costume de céré-
monie nous apparaît encore plein de verdeur et de malice à
72 ans. M. Th. Dufour avait exposé une aquarelle exécutée
par J. Hébert, d'après la peinture de Genève.
1. Les deux iniliales S. F. se dislinyuent au-dessous du cailouclie de
gauche où on lit anno ^etatis 72. 1582.
2. D'après i'Esloile, Mémoires, Journaux, éd. des Bibliophiles, V, 66.
3. Nous espérions pouvoir donner le portrait de M. Leloup, mais la
photographie en était trop imparfaite. Nous le remplaçons donc à regret
par la signature de Paré.
DE l'histoire du protestantisme français ^«01
Avec Agrippa d'Aubignénoiis pénétrons dans le xvii'^ siècle.
C'est pendant la première moitié de ce siècle que s'écoule la
vie publique du pasteur et professeur Antoine Garrissoles dont
le portrait, obligeamment prêté par M. Courtois de Maleville
(cf. Bull, 1902, p. 23), représentait dans notre exposition
l'ancienne Académie de Montauban, en séparant le portrait de
d'Aubigné de celui de son contemporain Philippe de Mornay,
seigneur du Plessis-Marly. Celui-ci était représenté par deux
effigies, d'abord comme jeune homme, au-dessous de Garris-
soles, dans un remarquable crayon du temps donné à la Biblio-
thèque en 1869 par M. de Triqueti, puis à Tâge de 64 ans (1613)
dans la belle peinlu'-e attribuée à Van Dyck, que le musée de
Nantes avait bien voulu, à la requête de M. H. Durand-Gasse-
lin, nous confier, et dont le Bulletin avait donné une bonne
reproduction en tête du fascicule consacré aux fêtes du Tri-
centenaire de rÉdit de Nantes (1898). Quand on parle de
Duplessis-Mornay, on ne peut s'empêcher de penser à
Henri IV qu'il servit avec tant de fidélité, et qui trahit avec
tant de désinvolture son serviteur à la fameuse conférencede
Fontainebleau (1600) où Mornay fut calomnieusement accusé,
par du Perron, d'avoir défendu ses idées sur fEucharistie au
moyen de citations fausses. La Bibliothèque nous fournit, pour
Henri IV, trois gravures caractéristiques, celle de H. Goitzius
qui est certainement le meilleur portrait de ce roi, don de
M. W. Martin, et au bas duquel se lit ce quatrain de cour-
tisan,
Ce grand Roy que lu voys est remply de la grâce
De Mars et de Pallas ! De ces nobles ayeux,
Il suit de pas à pas les sentiers vertueux,
Qui va dedans le ciel lui promettant une place.
Des deux côtés de celte gravure on en avait placé une ita-
lienne, de 1597, fort remarquable, montrant Henri IV couronné
et tenant le sceptre, — et une allemande de 1595, non moins
curieuse où on le voit coiffé dufameux chapeau béarnais. Enfin
un exemplaire en fonte du fameux masque pris sur la figure
extraordinairement conservée du roi, lors de la violation des
sépultures de Saint-Denis sous la Révolution, permettait de
JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ 403
vérifier rexactitude de ces diverses effigies, et une lettre
entièrement autographe adressée à Th. de Bèze et apparte-
nant à M. Th. Dufour, montrait qu'il savait aussi bien manier
la plume que l'épée.
Les derniers portraits de ce panneau étaient, à côté de
ceux de Henri IV, celui de Turquet de Mayerne un de ses
médecins, aquarelle de J. Hébert d'après une peinture de
Rubens à la Bibliothèque de Genève, prêtée par M. Th.
Dufour, et au dessus celui de Denis Papin peint à Marbourg
en 1689 alors que ce professeur de mathémaliques, âgé de
42 ans, venait d'écrire son livre célèbre sur le moyen d'uti-
liser la vapeur, « a netp Digester or Engine for softning
bones », etc. L'université de Marbourg avait bien voulu à notre
requête nous envoyer cette peinture qui semble, par la tris-
tesse du regard, laisser deviner les souffrances de l'inventeur
exilé pour sa foi. Deux gravures représentant le maréchal de
Gassion et Abraham Duquesne, et une photographie de
l'unique portait connu d'Élie Benoit, l'historien de l'édit de
Nantes, cette dernière prêtée par M. C. Pascal, complétaient
le xvii^ siècle.
La Révocation.
Le côté gauche de la salle de lecture était consacré à la
Révocation, au Désert et à l'époque de la réorganisation des
cultes, car on avait décidé de laisser de côté l'époque con-
temporaine. Il va sans dire que, comme pour les siècles ou
événements antérieurs il a fallu se borner à quelques échan-
tillons seulement de ce qu'on aurait pu montrer. C'est près
de la porte d'entrée, en face de celui par lequel a commencé
celte description, que se trouvait le i)anneau faisant logique-
ment suite à celui dont nous venons de parler et où figuraient
déjà deux des plus illustres victimes du forfait perpétré par
Louis XIV grâce à ceux qui avaient déformé et qui domi-
naient sa conscience.
C'est par suite d'un oubli que le premier document qui
aurait dû frapper les regards sur ce panneau, avait été placé
404 JUBILÉ Cir,OUANTF,NAIRE DE LA SOCIÉTÉ
ailleurs. Je veux parler de la gravure inventée par Conte,
dessinée par Boulogne junior, exécutée par \'ermeulen et
qui représente une statue de Louis XIV plein d'arrogance
irrité et écrasant du pied droit la lêle de l'hérésie et du pied
gauche le livre où elle puisait sa force. Sur le piédestal se lit
cette légende : Ludovici magni de h.eresi triumphantis sta-
TUAM HANC EX MARMORE IN .^DIBUS SUIS POSUIT AD TUTELAM
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 405
DOMUS ET FELICITATEM DEVOTUS MaIESTATI EIUS CaR. DU BoiS
GuÉRiN MDc.LXXxv « GhaHes du Bois Guérin, entièrement
dévoué à Sa iMajesté, a élevé chez lui comme une sauve-
garde et un gage de prospérité pour sa maison cette slatue
en marbre de Louis-le-Grand triomphant de l'Hérésie ». On
voit par cette reproduction deslinée à combler une lacune
involontaire, que celte gravure, conservée à la Bibliothèque,
résume admirablement l'idée qu'on se faisait de la Révoca-
tion dans les sphères officielles.
Ghacun sait ou devrait savoir comment ce prétendu
triomphe apparut à ceux qui en furent les victimes. A celte
époque une victoire militaire était considérée comme le plus
haut fait dont l'humanité fût capable. Voilà pourquoi le règne
de Louis XIV fut un règne de guerres presque continuelles
et pourquoi ce roi n'eut qu'une idée, écraser ceux qu'on lui
représentait comme des ennemis. Voilà pourquoi aussi les
protestants éprouvèrent tous les cruels traitements qu'on
faisait subir aux peuples vaincus, et pourquoi personne, en
dehors d'eux, même pas Mme de Sévigné généralement
si délicate, même pas le doux Fénelon, ne les trouvaient
extraordinaires. — En Hollande où tant de huguenots se
réfugièrent et où parurent les premières feuilles volantes
racontant les souffrances qu'ils eurent à subir, d'habiles gra-
veurs, peut-être Jan Luiken qui illustra plus tard l'édition
hollandaise de VHistoire de redit de Nantes d'Elie Benoist,
représentèrent dès 1686 les diverses scènes de désolation
qu'ils entendaient alors journellement raconter par ceux qui
venaient de la grande tribulation. De ces divers dessins on
forma un grand placard, quelque chose comme le pendant
de celui qui parut en Allemagne après la Saint-Barlhélemy,
mais plus grand (68 centim. sur 55 tandis que celui décrit
plus haut en mesure 58 sur 36). Au centre une assez grande
gravure représentant l'accueil plein de bonté et de généro-
sité fait aux réfugiés à l'étranger. Douze autres gravures plus
petites entourant celle-ci montraient les tortures qu'on faisait
subir aux protestants restés en France qui n'avaient pas
voulu se soumettre. Au bas, une légende imprimée sur
quatre colonnes dont deux en hollandais et deux en français
40G JUBILÉ CINODANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
expliquait chacun de ces (reize dessins désignés par les
treize premières lettres de l'alphabet. Ce texte, composé
d'après les récits de témoins oculaires, a donc la valeur d'un
document contemporain de la Révocation. Ne l'ayant jamais
vu imprimé nulle part, nous en reproduisons ici, à ce titre, la
version française :
Miroir des Tourmens exercés contre ceux de la Religion Réformée
en France.
A. Le Roy de France envoyé de tous côtés des Messagers et
Postillons, pour porter ses ordres dans les Provinces; on fit des
affiches par tout par l'ordre du Roy, par lesquelles les Églises
furent fermées; les Édits à leur avantage furent rapellés, et tout ce
cjui pouvoit servir à leur seureté ou commodité entièrement aboli;
l'on voit le Louvre rempli de toutes sortes de Pères et de Frères;
l'on y voit fourmiller les Jésuites comme les boulefeux à l'oreille
des grands, pendant que l'Église Réformée pleure les désastres
qu'elle appréhende; Ton y voit exposés leurs chefs considérables
aux railleries sanglantes de la populace. Sitôt que les ordres du
Roy furent donnés, voilà les Intendans dans les Provinces.
B. On voit sceller les serrures des Temples avec le seau Royal,
y joignant une peine capitale pour quiconque enlreprendroil d'y
faire ou entendre la prêche. Les remonstrances de leurs libertés
furent inutiles, et leur plaintes hors de saison. On fil la mine
comme si l'on vouloit examiner les octroys de leurs Temples, pen-
dant qu'on fit entrer force Dragons par tout, afin de les mieux sur-
prendre; l'on avoit beau d'employer l'intercession des Grands, la
Court n'avoit point d'oreilles pour ces pauvres opprimés : bien au
contraire l'on fit abattre toutes les Églises, sans aucune considéra-
lion ni réserve.
G. On ne peut pas expliquer combien de blasphemies et vilainies
accompagnèrenl la démolition de tous ces Temples. Les Ecclé-
siastiques y firent des brutalités les plus extravagantes de la der-
nière canaille. C'étoit alors qu'on voyoil les pères quiter leurs
familles, comme les enfans leurs pères et mères, et chacun cher-
cher ailleurs un azyle pour le repos de leur conscience. Il étoit
pourtant impossible, que tant de mille âmes fussent sans le soula-
gement de la parole de Dieu.
DE L"lIISTOmE DU PROTESTANTISME FRANÇAIS 407
D. On s'assemble donc, pour entendre la prêche, dans les lieux
écartés, dans les déserts, sur les ruines des Temples, pour y gagner
la couronne du martyre; car les Dragons animés par les Jésuites,
se fondirent sur les auditeurs comme des Diables déchaînés, tuants
et meurtrisants les Ministres, les Diacres, les Femmes et Enfans,
sans ometire aucune tirannie. Ils pendirent les Anciens, pillèrent
des bourgs et bourgades, mirent le feu dans les maisons des Prê-
cheurs, et des autres serviteurs de Dieu. Le carnage étant com-
mencé, l'on ordonna aux Ministres de se retirer promptement de
toute la jurisdiction du Roy, l'Ennemy de la vérité appréhendoit
trop ces témoingnages glorieuses de ces combattants pour la pureté
de la parole divine.
E. Quand on vit pourtant, que la constance de la Religion ne
s'ébranloit pas, ils contraignirent la plupart à quiler leurs terres et
maisons, pour chercher les places de la consolation spirituelle;
mais les pauvres malheureux, découverts par les sentinelles et bri-
gands, furent attrapés par tout, chargés des chaînes de fer, au cou,
aux bras, et aux jambes, deux à deux, étants traînés comme des
forçats à la galère, par les Intendants et Jésuites en carosse, pour-
suivis d'une impétuosité barbare des Dragons, qui non contents de
leurs maux les redoublèrent, jettans aux chiens et aux corbeaux les
corps morts de leurs compagnons, qui succomboyent aux fatigues
et aux coups. La rage n'étoit pas moins grande chez les pauvres
Faisans.
F. On y logeoit jusqu'à 80 Dragons chez un seul homme, pour y
vivre à leur discrétion, qui après avoir saccagé tout ce qu'ils trou-
voyent, lièrent des vieillards tout nuds devant le feu, ou après les
avoir remplis d'urine, ils sautèrent sur leurs corps, pour en faire
sauter ce qu'ils les avoient forcé de prendre. Des autres furent liés
par des semaines entières sans aucun repos, les faisant mourir par
soif ou par faim. Pour les faire désespérer davantage, on laissa les
enfans les plus petits mourir par mille incommodités, afin que leurs
pleurs et misères ébranleroient la fermeté de ces Élus de Dieu, qui
emportèrent le diadème de la constance. On les lioit à des piliers,
où étants attachés, ils firent des thuilles chaudes, lesquels furent
appliqués touts ardents à leurs têtes, réitérants tant de fois cette
invention diabolique jusqu'à consumer entièrement l'humidité du
cerveau, et des yeux : et voyants que la grâce Divine les soustenoit
dans toutes ces calamités, leur rage monta jusqu'à pendre les
Martyrs dans la cheminée y faisants un feu des Bibles et des Tes-
408 JUBILÉ cinOlantenaire de la société
tamenls. Par tant de cruautés on a veu désoler des provinces en-
tières, dont les habitants se sauvèrent, afin d'échapper les tyran-
nies incroyables à la postérité.
G. L'Enfer ouvre ses thresors des plus abominables cruautés, les
gémissements et les douleurs sont encore punis. Les misérables qui
se vindrent jetter aux genoux, pour embrasser la pitié des Officiers
ou des Intendants, eurent le nom des révoltés; on leur coupa les
nez et les oreilles; on les déchira par tout le corps; et ainsi mal-
traités on les jetta en mer avec de grosses pierres, pour les noyer,
ou bien la dernière malice exerçoit son addresse, à les tirer à
coup de fusil, comme des canards, pendant qu'on pendit leurs
Femmes.
H. Les Soldats se souilloient de toute sorte de débauches, en
forçant les jeunes filles, et en faisant souffrir leurs ordures aux
femmes mariées; il y en eut qui servirent des brigades entières,
pour leurs désirs brutaux : Des femmes grosses furent traînées à
leurs Églises toute nues par les canaux des rues, et leur petits
enfants tués avec les mères sur le vestibule de leurs Temples,
pour estre comme le sacrifice détestable à leur idolâtrie. Un mi-
nistre fut mené agonisant pour prendre l'Hostie, à l'Église, mais
persistant, il fut fustigé à mort.
L Un capitaine des Dragon fit enfermer dans les fers et relier
avec des chaînes pesantes cinq martyrs, et puis après fit mettre un
tas de picques reliées ensemble, pour en faire un siège triumphal,
pour luy et son Père Jésuite, et ainsi se fit mettre entre deux femmes,
que l'on accusoit d'avoir mesdit des ordres du P\oy, et calumnié
contre les Pères Jésuites, dont l'une, après avoir souffert les insultes
abominables des 25. soldats, fut déshabillée, et estant toute niie,
tirée par des cordages d'enhaut, et d'en bas; le corps ainsi arresté
comme dans la torture, fui relié estroitement avec des bandons de
gros linge, tousjours mouillés par la colle ou ferlât du vin, lesquels
estant séchés au corps à force d'un grand feu autour, bien entretenu
par les saincis Pères, furent tirés à toute force, de la sorte que la
peau et la chair estant déchirés ensemble, firent écouler si abon-
damment son sang, qu'elle expiroit entre les mains de ces boureaux.
L'autre fut attachée aux pieds, enfoncée dans un puits, et entourée
d'un grand feu, on la haussoit et baissoit, tandis qu'elle mouroit,
étouffée du sang et de la fumée.
K. Des autres furent fouettées à mort, les autres pendues aux
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS '509
pieds, avec leurs enfants, ou sous les bras, attachées aux arbres, ou
exposées toutes nues, pour les lâches plaisirs des jeux luxurieux de
ces Papes de Belial. Voicy une en chemise consumée à petit feu;
Voilà une autre attachée à un pilier, à qui l'on arrache les mam-
melles par des tenailles, pendant que son père de 85 ans fut trainé
par des chevaux, et exposé aux corbeaux sur les voiries. Les déca-
pités et pendus sont innombrables.
L. Le saccagement et la tuerie contraignit, quiconque pouvoil, de
s'enfuir déguisés de toute sorte : Ton a veu des Dames mesme en
habit et comme des cavaliers combattants l'espée à la main les sol-
dats du Roy, qui leur disputoient le passage.
Le droict des Gens et de la Nature fut violé dans la personne d'un
Consul des Estats, qui a esté insulté par 80 Dragons, et 30 Papes
{sic, pour papistes), qui le forcèrent d'allumer 100. chandelles, pour
la gloire du Pape :
M. Là dessus l'on saccagea et ravagea tous ses meubles les plus
précieux; les chevaux furent logés dans les salles les plus magni-
fiques, sur les lits les plus propres; le consul mesme fut lié au
pilier de son lit de camp, on luy arracha les poils de sa barbe et de
ses jambes avec des tenailles cependant que Ton forçoit le beau
sexe. Ces persécuteurs barbares ont bien violé les terroirs voisins,
elles juridictions de leurs alliés, mesme ils sont venu fondre sur
la Principauté souveraine d'Orange, y faisants pis encore que
dans les obéissances du Roy, parce qu'ils entendent à grand
regret, que Monseigneur le Prince d'Orange reçoit à bras ou-
verts les Officiers réfugiés, comme son incomparable Princesse les
Ministres.
N. Les Estats Confédérés se font une gloire, de bien traiter les
réfugiés, leur faisants des Collectes considérables, des Privilèges,
et de nouveaux Temples dans leurs villes, et leur donnants foute
sorte de commoditez, l'Allemagne leur tend ses bras, le Brandenbourg
se met comme le Bouclier des autres affiigés, l'Angleterre trouve
de plus en plus de milliers de ces serviteurs du Sainct Evangile,
pour lesquels, malgré les vains efforts de leurs adversaires,
le ciel reste ouvert, et la Terre ny la mer assés jalousement
fermées.
Nous devrions signaler ici aussi les médailles qui furent
frappées tant en France qu'à l'étranger à l'occasion de la
LI. — 29
410 JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
Révocation, mais il en sera quesUon plus loin. Nous passons
donc directement à la période que nous appelons
Le Désert.
On peut dire, en effet, que cette période commence avec la
Révocation elle-même. D'une manière générale, malgré les
édits royaux, malgré les peines terribles dont ils menaçaient
les délinquants, le culte public réformé violemment interdit
en 1685 ne cessa jamais complètement. Il continua à être
célébré en secret un peu partout, même dans les villes où la
surveillance était relativement facile. Seulement il ne s'exerça
ni régulièrement, ni dans tous les lieux où il existait avant
1685. II y eut des régions entières où il fut suspendu pendant
de longues années ou n'eut lieu que d'une manière intermit-
tente, de loin en loin.
On sait aujourd'hui que l'honneur principal d'avoir f/iit com-
prendre aux protestants restés en France que s'ils renonçaient
à leurs assemblées ils ne tarderaient pas à disparaître, revient
à deux hommes, Vivens et Claude Brousson. Bien que l'influence
de Vivens ait été considérable dans le Midi, elle ne saurait
être comparée à celle que Claude Brousson exerça pendant
une quinzaine d'années dans toute la France et même en
Europe. Dans la lutte inégale, vraiment grandiose qui à partir
de 1685 et déjà à partir de 1683 s'engagea entre le gouverne-
ment de Louis XIV d'une part, et les protestants de l'autre,
c'est incontestablement cet ancien avocat nîmois qui joua le
rôle décisif. Sa foi indomptable, sa persévérance, son héroïsme
son désintéressementet sa charité finirent par rallier, rassem-
bler en France les tisons échappés à la terrible persécution qui
étaientdispersés, isolés et presque éteints. Lorsque grâce à son
activité incessante, à ses prédications, aux feuilles volantes
qu'il envoyait partout, de nombreux foyers de vie religieuse
eurent été allumés, des collaborateurs de plus en plus nom-
breux et zélés eurent été suscités au point qu'on le traquait
comme une bêle féroce, il se rendait à l'étranger, en Suisse,
en Allemagne, en Hollande, y préparait des lieux de retraite
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 411
pour les proscrits, et contribuait à organiser la coalition des
puissances protestantes qui finit par abaisser l'orgueil du
grand roi et de ses conseillers.
Le seul portrait aulhentique de Brousson qu'on connaisse
est celui que M. le marquis d'Arbaud-Jouques donna en 1858
à la ville de Nîmes. C'est une fort belle toile peinte en pleine
lumière, en Hollande, par Peter van Bronkhorst, alors que
Brousson était âgé de 46 ans. Nous remercions vivement la
ville de Nîmes d'avoir consenti à nous envoyer ce beau por-
trait dont on n'avait jamais vu à Paris que des reproductions
{cLBull. VII, 3 et XXXIV, 423). Nous y avons joint deux docu-
ments. Le premier est cette lettre entièrement autographe
datée du Désert le 12 de mars 1693, c'est-à-dire de l'année
même où Brousson se rendit en Hollande, à un des ministres
de Louis XIV, empruntée ainsi que celle de Coligny citée
plus haut, à la collection d'autographes de M. F. deSchickler :
Monseigneur,
Je suis encore contraint de prendre la liberté de vous adresser
une très humble P»equête, avec la quatrième section de mon Traité
sur la version du Nouveau Testament faite par l'ordre du Clergé de
France. Je vous supplie très humblement, monseigneur, de vouloir
les présenter au Roi, et d'être persuadé que je serai toujours, avec
un profond respect,
Monseigneur,
De votre Excellence,
eue '^qfki^tsL VX. 9e fu^yy ^^-Vi/eo^^
<^^^ C:(^<!uG'c jtrDuf/ôi^ SZfxr,hM^9>
Le deuxième est cette affiche de l'intendant du Languedoc
qui donne le signalement de Brousson et de ses collabora-
teurs et met leur tête à prix ' :
1. Quelques lignes de ce placard donné à la BiblioUièciue par M. Viel,
pasteur à Toulouse, ont paru dans le Bulletin XL, <j'70-671.
412 .IL'BILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
Nicolas de Lamoignon chevalier, Comte de Laiinay-Courson,
Seigneur de Bris, Vaiigrigneiise, Chevagne, Lamothe-Chan-
denier, Beiixe et autres Lieux, Conseiller d' Estât. Intendant
en la province de Languedoc.
Nous déclarons que nous donnerons à ceux qui prendront le
nommé Brousson mort ou vif, la somme de cinq mille livres.
Comme aussi que nous donnerons la somme de trois cent livres à
ceux qui prendront morts ou vifs les nommez Henric Valet de
Brousson, la Jeunesse, Laporte, Lapierre, Labric, Roman, la Rou-
viere, Gavanon dit Laverunc, Colognac dit Dauphiné, les trois
Plans frères, la Victoire et Villeméjane dit Campan, tous meur-
triers, assassins et perturbateurs du repos public; et que nous ferons
payer lesdils cinq mille livres pour ledit Brousson, et trois cent
livres pour chacun desd. Henric, la Jeunesse, Laporte et autres sus
nommez avec la même ponctualité que nous avons fait payer cinq
mille livres pour le nommé Vivens.
Portraits de Brousson et autres sus nomme:^.
Brousson est de taille moyenne et assés menue, âgé de quarante
à quarante deux ans, le nez grand, le visage basané, les cheveux
noirs, les mains assés belles.
Henric Valet de Brousson natif de Saumane âgé de 25 à 26 ans,
d'assés grande taille et assés plein, les cheveux roux frisez et longs,
le visage plein, picoté de vérole, fort taché de rousseur, le nez
grand, les yeux petits, la barbe rousse et assés épaisse, vestu de
gris de fer, les dents blanches.
David Gasan dit la Jeunesse âgé de 23 ans ou environ, de petite
taille, assés gros, les cheveux noirs un peu crêpez, le visage court
et rond; les yeux noirs et enfoncez, le nez un peu plat, la bouche
assés petite, le bas du visage assés bien fait.
Laporte d'assés bonne taille, les cheveux châtains bruns et frisez,
âgé de 24 ans, le visage assés plein, les yeux un peu enfoncés, le
nez de moyenne grandeur, les dents gâtées, vestu de gris brun.
Lapierre est de petite taille et menue, le visage rond et pasle, le
nez long, les cheveux noirs bouclez et longs. Il est cordonnier, ce
qui paroist à ses mains, âgé de 35 ans ou environ.
Labric assés grand, point gros, âgé de 20 ans ou environ, les
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 413
cheveux châtains clairs, le nez grand, la bouche petite, les yeux
gris, le visage un peu long, habillé d'un drap gris de fer, la veste
de même, de petits boutons d'argent.
Roman est petit, âgé de 2i ans, les cheveux châtains bruns, le
visage rond et brun, les yeux gris, le nez médiocre, la bouche
grande.
La Rouvière, natif de Guienne, de 25à26ans, assés grand, de taille
menue, les cheveux noirs, fort longs et point frisez, le col fort long
et le visage assés maigre, la barbe fort épaisse et fort noire, du
rouge aux joiies, une dertre au menton du costé gauche, les dents
blanches, le nez aquilin et mince.
Gavanon dit la Verune, âgé de 23 ans, de moyenne taille, pas gros,
les cheveux noirs assés plats, le visage maigre et long, le nez de
moienne grosseur, peu de barbe, le teint un peu pasle, l'habit
d'étofe msslée de brun.
(-olognac dit Dauphiné, du lieu du Gros, âgé de 22 ou 23 ans, de
petite taille, les cheveux noirs un peu crêpez, le visage long, maigre,
les yeux noirs et enfoncez, le nez médiocre, la bouche grande.
David Plan, de taille moyenne, pas gros, de 30 ans, les cheveux
noirs, plats et longs, le visage long et brun, marqué de vérole, les
dents gâtées, le nez assés grand, la bouche fort grande, il porte
quelque fois une manière de sotane, les yeux noirs.
Paul Plan, de taille moyenne, point gros, de 23 ans, les cheveux
noirs, plats et longs, le visage long, brun et marqué de vérole, les
yeux noirs, le nez assés grand, la bouche grande, les dents moins
gâtées que son aisné.
Pierre Plan, d'assés grande taille et menue, les cheveux châtain
brun, plats et longs, le visage long, les yeux gris, point marqué de
vérole, âgé de 20 ans, la bouche assés grande.
La Mctoire, de Saint Félix de Palières, d'assés grande taille, pas
fort gros, les cheveux noirs et longs point frisez, le visage assés
plein, peu de barbe, âgé de 21 ans, vestu de gris peu brun.
Villemejanne dit Gampan, assés grand et fort épais, les cheveux
noirs un peu frisez, la barbe noire et fort épaisse, le visage assés
plein, le nez médiocre, mais un peu serré, vestu de gris de plomb.
Souvent ils prennent des Peruqiies, sous lesquelles ils cachent leurs
cheveux.
Après celui de Claude Brousson on aurait dû pouvoir
montrer le portrait d'Antoine Court qui eut le mérite, après
le mort de Louis XIV, de reconstituer, d'organiser l'Église
414 JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
du Désert et de rétablir le fonctionnement régulier des
synodes et de la discipline, en même temps que de pourvoir
au recrutement des pasteurs par l'installation à Lausanne
d'un séminaire qui préparait les « candidals au martyre ».
Malheureusement on n'a jamais pu trouver de portrait d'An-
toine Court. On sait seulement qu'il ressemblait à Saurin.
Mais nous avons été beaucoup plus favorisés pour Paul
Rabaut et ses trois fils. La plus grande partie du panneau
réservé à la Révocation et au Désert leur avait été con-
sacrée Ici nous laissons un instant la plume à notre collègue
A, Lods :
La Société de l'Histoire du Protestantisme avait tenu à
rendre ainsi un éclatant hommage au dévouement de ces
défenseurs ardents et convaincus de la cause de la liberté de
conscience.
Voici un portrait à l'huile de Paul Rabaut; cette loile, qui
appartient à M. Ph. de Cabrol, a été reproduite dans le Bul-
letin, d'après une ancienne gravure (tome XLIV, 1895, p. 127).
Dans un premier portrait, également prêté par M. de Ga-
brol, Rabaut de Saint-Étienne est représenté de trois quarts,
accoudé à une table sur laquelle plusieurs volumes sont
rangés. Cette peinture rappelle bien la gravure d'Etienne
Beisson^ exécutée d'après le portrait du peintre du roi,
Joseph Boze- et publiée dans le Bulletin en 1887, p. 547,
d'après une très belle épreuve avant la lettre que M. N. Weiss
a donnée à la Bibliothèque.
Avant la fermeture de l'exposition, j'ai eu la bonne fortune,
sur les indications de M. Th. Dufour, d'acquérir la peinture
originale de Boze (médaillon de 0,58 hauteur sur 0,50 largeur).
Un second portrait par Louis David, faisant partie de la
1. Élienne Beisson (1760-1820) a gravé les portraits suivants de Boze :
Camille Dcmoulins, Mirabeau, Marat, Louis XVIII; d'autres portraits de
Boze ont eu pour graveurs : Bovinet, Miger, Henriquez, Cathelin et
Monin.
2. Boze (1746-1826). Outre les portraits rites dans la note précédente, on
a de lui ceux de Louis .\V"I, Marie-Antoinette, comtesse de Provence,
marquis de Castries, Vaucanson, Target, Robespierre, LouisXVIll, Guadet,
Napoléon, maréchal Berthier et le dessin de l'Assemblée du Désert gravé
par Henriquez (Voir Bulletin, XVI, 1867, p. 552).
DE l'histoire du PROTESTANTISiME FRANÇAIS 415
galerie de M* Cheramy représente Rabaut de Saint-Étienne
de profil; celte esquisse a été reproduite en héliogravure
dans le Bulletin (tome XLIIl, 1894, p. 92).
Au-dessous de ces peintures étaient groupées les trois
caricatures publiées contre Rabaut par ceux qui ne lui par-
donnaient pas d'avoir fait inscrire dans la Déclaration des
Droits de l'homme le principe de la liberté de conscience.
\ oici les Coups de Rabot (gravure au lavis, imprimée en
bistre, in-4° en largeur). Dans celte composition, le député du
Gard, moitié homme, moilié serpent, vêtu de sa robe pasto-
rale, rabote la Constitution. Sur l'épaisseur de la planche de
l'établi sont inscrites cinq lettres P rappelant les inscrip-
tions mises par les huguenots du Midi sur les portes de
leurs maisons et signifiant iPazn're Peuple Protestant, Prends
Patience.
Dans la Religion vendue (gravure au lavis, in-4'^'), Rabaut
arrache un encensoir de la main d'une femme couverte
416 JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
de longs voiles blancs et personnifiant la religion catholique;
il est prêt à lui plonger un poignard dans le sein tandis que
Talleyrand la saisit par le bras pour la livrer contre bonnes
espèces à Camus, l'ancien agent du clergé.
Enfin dans les Braves brigands d'Avignon (gravure au lavis,
in-4°), Rabaut, Bouche et Camus engagent Jourdan-Coupe-
Tète à massacrer les catholiques et les déienseurs du
Pape^
Ces trois compositions ont été reproduites dans L'histoire
des caricatures de la Révolte des Français, par Boyer-Brun de
Nîmes (Paris, Imprimerie du Journal du Peuple. 1792, 2 vol.
in-8")", où elles ont élé accompagnées de longues réflexions
dans lesquelles l'auleur se déclare l'adversaire acharné de
i^abaut et accuse les protestants d'avoir poussé le peuple à
la révolte et de s'être « servis des jurisconsultes, des écono-
mistes el des /rancs-maçons comme d'autant de leviers par
le secours descjuels ils sont parvenus à ébranler la monar-
chie ».
Rabaut-Pomier n'est représenté que par une lithographie
de Langlumé, d'après un dessin de Lorin. Ce portrait a paru
dans le Bulletin (tome XLII, 1893, p. 177).
Quant à Rabaut-Dupui dont l'intervention fui si efficace et
si avantageuse pour les Églises Protestantes lors de la pré-
paration des articles organiques de l'an X, nous le voyons en
costume de membre du Conseil des Anciens. Celle gravure
a été tirée sur une ancienne planche en cuivre qui appartient
à M. Lombard-Dumas, de Sommières (Gard). 11 existe égale-
ment une miniature de Rabaut-Dupui conservée dans la
maison des orphelines du Gard à Nimes.
Ajoutons encore que sous le portrait de Paul Rabaut on
avait placé une longue lettre de lui à Moultou, appartenant
à M. F. de Schickler et qui a élé reproduite par AI. Dardier
1. Ces trois caricatures font partie de la collection Armand Lods. Con-
sultez sur les portraits de Rabaut, Bulletin (tome XLIII, tStVi, p. 92).
2. Cet ouvrage est fort rare, il se compose de deux volumes in-8, |j
premier de 410 pages avec taille et avis au relieur contient un frontispice
et 25 planches, le deuxième volume inachevé a 190 pages avec un frontis-
pice et H planches (Bibl. nat., La'*-— 29).
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 417
dans ses Lettres de Paul Rabaiit à Divers, li, 70. Nous en
donnons ici la signature ainsi que celle de Rabaul de Sainl-
ÉLienne que veut bien nous prêter M. A. Lods.
//
Afin de donner une idée, très modérée d'ailleurs et au tond
insuffisante, des persécutions de toute nature qui s'abattirent
sur les prolestants restés en France pendant le siècle qui va
de 1685 à 1789 ou plus exactement 1787, et qu'ils ont com-
paré au séjour des Israélites dans le Désert après la sortie
d'Egypte, on avait placé sous ces divers portraits quelques
pièces imprimées. D'abord ces trois échantillons des amendes
par lesquelles on ruina et dépouilla les « Nouveaux Conver-
tis », tous les trois relatifs à ceux de Montauban.
Je soussigné Commis au Recouvrement des Imposilions faites
par ordre du Roy sur les Nouveaux Convertis de la Ville et Juris-
diction de Montauban la présente année mil six cent quatre-vingt
douze, pour la subsistance des quatre mille Hommes de seconde
milice, de la généralilc dudit Montauban, I^veconnois avoir receu
de Antoine Issanchon Peyreblanc, fils de Pierre, la somme de
douze livres à laquelle il a été taxé suivant la répartition faite par
Monseigneur d'Herbigny, Intendant, le vingt troisième May der-
nier. Fait à Montauban ce 22" jour de Novembre mil six cent
quatre-vingt douze.
GUIBERT.
Art. 485.
Taxe 71' 5*. A Montauban le !."> Novembre 17 Î7.
Monsieur^
J'ai reçu des ordres si pressans de continuer et finir le recouvre-
ment des Amendes prononcées contre les Nouveaux Convertis, qu'il
418 JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
ne m'est pas permis de suspendre davantage contre les redevables les
poursuites et les diligences que je n'avois pas suivies avec la célérité
qui m'avoit d'abord été prescrite, dans Vintention où j'étois de vous
épargner des frais, et de vous procurer d'ailleurs la facilité d'ac-
quitter votre article. Comme je ne puis, sous aucun prétexte, vous
accorder d'autre délai, je vous prie de vouloir bien, à la réception du
présent avis, payer le montant de votre taxe, et éviter par là la
peine extrême que j'aurois de vous en faire^ et de vous voir exposé à
des frais, ainsi que je vous l'ai déjà marqué sur ma précédente du
ibjuin dernier.
J'ai l'honneur d'être parfaitement,
Monsieur,
Votre très humble et très
Au dos : A Monsieur obéissant serviteur,
Monsieur l^aye Lagravere Château.
Nég\ près la place.
ARRONDISSEMENT
DE Amendes des Nouveaux Convertis pro-
MONTAUBAN. noncécs par les Jugements de Monsei-
gneur l'Intendant des 3 mars ITfô et
17 Décembre 1746, en exécution de l'or-
donnance du Roi du 16 Février 1745.
Rolle du 26 Mai 1747. Art. 485.
J'ai reçu de M. Izaye Lagravere, négociant, la somme de soixante
onze livres cinq sols du montant de l'article ci-dessus. A Monlauban,
le 2 décembre 1747.
Château.
Puis, un placard ou affiche, don de M. H. Morin-Pons, re-
latif aux confiscations des biens des religionnaires fugitifs et
qui étaient mis en régie au profit du Domaine lorsqu'ils
n'avaient pas été donnés à des parents catholiques ou à des
couvents ou hôpitaux. Le document qui suit fournit la liste,
en 1743, des protestants de Grest et de Die qui s'étaient exilés
en laissant des biens immobiliers^.
1. C'était, peul-ctre, le n oins grand nombre. Au moment de la Révo-
cation, beaucoup avaient réussi à aliéner leurs biens.
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 419
BIENS DES RELIGIONNAIRES FUGITIFS
De par le Roy,
On fait scavoir à tous ceux qu'il apartiendra que Lundy 23 dé-
cembre 1743, à neuf heures du matin, en vertu de l'arrêt du Con-
seil d'État du 15 novembre 1742, il sera procédé par adjudication
en la manière accoutumée, pardevant Monsieur Sibeud Subdélégué
de M. l'Intendant au département de Crêt et Die, en présence du
Fermier général de la Régie desdits biens, ou de son Préposé, sur
une simple affiche et publication, au plus offrant et dernier enché-
risseur, pour huit années consécutives, des biens cy-après;
Scavoir,
Ceux de Jean Vieux, fugitif, dont jouit Jean-Pierre Charles, con-
sistant en fond de terre, situés au Plan de Bays.
Ceux de Pierre Charlet, dont jouit Etienne Charlet, consistant
en terre et vignes, situés à Espenel.
Ceux d'Etienne Laurier, dont jouit Pierre Laurier, consistant en
maison, pré, terre et vigne, situés à Vercherey.
Ceux de Lombard, dont jouit Simond Lombard, consistant en
une maison et fonds de terre, situés à Pontaix.
Ceux de Jacques Giroud, dont jouit Mathieu Giroud, consistant
en fonds de terre, situés audit Pontaix.
Ceux de Suzanne (^arlho, dont jouit Pierre AUard, consistant en
biens fonds, situés à la Vachère.
Ceux de Catherine Arnoult et Catherine Bouvat, dont jouit
Pierre Vincent, consistant en une maison, pré, terre et vigne,
situés à Sainte Croix.
(^eux de Daniel et Louis Herboux, dont jouit le sieur Mazard,
héritier de Daniel Bouvat, consistant en batimens, pré, terre et
vigne, situés à Quint ou Saint Jullien.
Ceux de David Bertaud, dont jouit Antoine Vallon, consistant
en fonds de terre, situés à Crét.
Ceux de François Beranger, dont jouit Pierre Arthaud, consis-
tant à la moitié d'une maison et fonds de terre, situés à Beaufort.
Ceux de Jean Grisail et sa femme, dont jouit la veuve Droyast,
consistant en maison et terre, situés à Die.
Ceux de Jean Morin, dont jouit Jean Joubert, consistant en une
maison et fonds de terre, situés audit lieu de Die.
420 JUBILÉ CIINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
Ceux de Pierre Chabert, dont jouit Calherine Cliabert, consis-
tant en biens fonds, situés à Août.
Ceux d'Anne Brachel, dont jouit Antoine Sauvant, consistant en
une maison et fonds de terre, situés à Pau net.
Ceux de Suzanne Penil et Marie Liotard, dont jouit Daniel Lio-
tard, consistant en maison et terre, situés audit lieu.
Ceux de Charles Guérin, dont jouit Jean Guérin, consistant en
une maison et fonds de terre, situés audit lieu.
Ceux de Pierre Marcelle, dont jouit Malthieux Roux, consistant
en biens fonds, situés à Aurel.
Ceux de Calherine Joubert, dont jouit Barthélémy Joubert, con-
sistant en une maison et fonds de terre, situés à Saint Fvomans.
Ceux de Pierre Arnaud, dont jouit Daniel Martin, consistant en
une maison et fonds de terre, situés audit lieu de Saint Romans.
Ceux de Daniel de Lavgue, dont jouit Antoine de Laygue, con-
sistant en maison et fonds, situés audit lieu de Saint Romans.
Ceux de Noél et André Chenebier, dont jouit Jean Chenebier,
consistant en biens fonds, situés à Chamalot.
Ceux de Magdelaine Aguiton, dont jouit César Boumaval, con-
sistant en biens fonds, situés audit lieu de Chamalot.
Ceux de Louis Faure, dont jouit Pierre Mouquant, consistant en
fonds de terre, situés audit lieu de Chamalot.
Ceux de Jeanne l'^aure, dont jouit Antoine Mounier, consistant en
une maison, pré, terre et vigne, situés audit lieu de Chamalot.
Ceux de Jacques Jullien, dont jouit Anthoine Jullien, consistant
en une maison et fonds de terre, situés à Chalillon.
Ceux de Pierre Bonet, dont jouit Jean Louis Gontard, consistant
en une maison, prés, terre et vignes situés audit lieu de Cha-
lillon.
Ceux de Pierre Martin, dont jouit Barthélémy Vignon, consistant
en maison, pré, terre et vignes, situés à Marignac.
Ceux de Beatrix Girard, dont jouit Claude de Ville, consistant en
maison et fonds déterre, situés audit lieu de Marignac.
Ceux de David Bournat, dont jouit Louis Garand, consistant en
fonds de terre, situés audit lieu de Marignac.
Ceux de Claude Garcin et sa femme, dont jouit Charles Faure,
consistant en fonds de terre, situés à Montmaurl.
Ceux d'Anne Izaard, dont jouit Jean Galand, consistant en terre
et en pré, situés à Menglon.
Ceux de Jean Martin, dont jouit Pierre Martin, consistant en
biens fonds, situés audit Menglon.
DE l'hISTOIHE du PROTESTANTISME FRANÇAIS 421
Ceux d'Elienne Rambaud, dont jouit Jean Rambaud, consistant
en une maison et fonds de terre situés audit lieu de Menglon.
Ceux de David Roux, dont jouit Antoine Odon, consistant en
une maison, terre et pré, situés à Valdrome.
Ceux d'Abraham Eximet, dont jouit Jean Livache, consistant en
une maison, situés audit lieu de Valdrome.
Ceux de Pierre Raymond, dont jouit Louis Roux, consistant en
biens fonds, situés audit lieu de Valdrome.
Ceux de Jean Lombard et Suzanne Biais, dont jouit Jean Lagier,
consistant en pré et terre, situés à Fourcinet.
Ceux de Charles Goy et Suzanne Saules, dont jouit Louis Goy,
consistant en bâtimens, pré, terre et vignes, situés à Bourdeaux.
Ceux d'Anne Forier et Daniel Arthaud, dont jouit Claude Res-
son, consistant en biens fonds, situés à la Motte-Chalançon.
Ceux d'Antoine Arnaud, dont jouit Pierre Arnaud, consistant en
une maison et fonds de terre, situés à Poyol.
Ceux de Suzanne Givaudan, dont jouit César Bernard, consistant
en un domaine, situé à Baurière.
Toutes personnes seront reçues en donnant bonne et suffisante
caution.
Ceux qui jouissent des biens apartenants à la Régie, soit par
bail à rente, à terme limité et autres redevables en intérêts ou
autrement, sont avertis de venir payer à Crêt, le 23 décembre 1743.
entre les mains du Préposé à la Régie les sommes par eux dues,
et d'aporter leurs Baux, si non ils y seront contraints comme pour
les propres deniers et affaires de Sa Majesté.
Enfin, voici le texte d'un arrêt du parlement de Grenoble
qui démontre que quatre ans après le supplice, à Toulouse
de Calas, du pasteur Rochelle et des trois frères de Grenier,
on continuait encore à condamner à mort ceux qui prêchaient
au Désert, aux galères ceux qui les assistaient, et à des
amendes et peines diverses ceux qui avaient été mariés par
un « prédicant », mariage qu'on déclarait « nul et les enfants
qui en pourraient naître illégitimes ». C'est donc bien certai-
nement la Révolution seule qui a empêché le clergé catho-
lique et les gouvernements qu'il dirigeait de faire exécuter
des lois aussi barbares contre ceux qui ne voulaient pas
reconnaître son autorité souveraine. Cet arrêt destiné à être
affiché, a été donné à la Bibliothèque par M. H. Morin-Pons.
422 JUBILÉ cinOuantenaire de la société
ARREST
DE LA COUR DE PARLEMENT,
AIDES ET FINANCES DE DaUPUINÉ,
Du trente-un Mai mil sept cent soixante-six.
Qui condamne les nommés Desnoyers et Colombe, Pi'e'dicants, contu-
max à être pendus , et.le nomme' Girard Lecteur, aussi contumax,
aux Galères; plusieurs autres particuliers y dénommés, à des pei-
nes afflictives, tous convaincus de contravention aux Edits et Dé-
clarations du Roi, concernant la Religion prétendue Réformée, etc.
Extrait des registres du Parlement.
Entre le Procureur général du Roi, demandeur en cas de con-
travention aux Édits et Déclarations du Roi, concernant la Religion
prétendue Réformée, et en exécution de l'Arrêt de la Cour du dix
sept juillet mil sept cent soixante-quatre d'une part; les nommés
Desnoyers, Colombe, Prédicants; François Girard, Lecteur; Jean-
Antoine Délègue, contumax; Pierre Berton, détenu dans les Pri-
sons de la Conciergerie du Palais; Louis Joubert, Consul de Sl-Ro-
mans; Antoine Borel père, du lieu de la Valdaix ; Paul Borel tils,
Louis Liotard, et Jeanne-Marie Lamotte, accusés, d'autre.
La Cour, dit la contumace contre lesdits Desnoyers, Colombe,
Prédicants; Délègue et Girard, être bien et duement instruite; et
pour les causés résultantes des procédures, a condamné lesdits
Desnoyers et Colombe à être livrés entre les mains de l'Exécuteur
de la Haute-Justice, pour, la hart au col, être conduits à la Place
du Breuil de cette ville, et à une potence qui sera à cet effet dres-
sée, y être pendus et étranglés jusqu'à ce que mort naturelle s'en-
suive; et attendu la contumace desdits Desnoyers et Colombe, leur
effigie sera mise sur un tableau qui sera attaché à ladite potence
et a condamné lesdits Desnoyers et Colombe à dix livres d'amende
envers le Roi, chacun le concernant, et aux dépens et frais de Jus-
tice.
Et, en ce qui concerne ledit Girard, Lecteur, l'a condamné à ser-
vir le Roi en qualité de Forçat sur ses Galères pendant l'espace de
trois années, étant préalablement flétri sur l'épaule droite, d'un fer
ardent portant l'empreinte des trois lettres G. A. L., lui fait inhibi-
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 423
lion et défenses de rompre son ban, sous plus grande peine; et
attendu la contumace dudit Girard, ordonne que le présent Arrêt
sera transcrit sur un tableau qui sera attaché au pilier dejustice;et
a condamné ledit Girard à l'amende de dix livres envers le Roi, et
aux dépens et frais de Justice le concernant.
Et en ce qui concerne Jean-Antoine Délègue, a déclaré le mariage
dudit Délègue nul, et les enfans qui en pourroient naître illégi-
times; lui fait inhibition et défense de cohabiter avec sa prétendue
femme; et l'a condamné à six livres d'aumône envers les Prison-
niers de la Conciergerie du Palais, et aux dépens et frais de Justice
le concernant.
El en ce qui concerne ladite Jeanne-Marie Lamolle, l'a condam-
née à six livres d'auniône envers lesdils Prisonniers, et aux dépens
et frais de Justice le concernant. Et en ce qui' concerne ledit Jou-
bert, Consul, et Jean-Louis Liotard, les a condamnés, ledit Joubert
à dix livres d'aumône, et ledit Liotard à six livres envers lesdits
Prisonniers, et aux dépens et frais de Justice, chacun les concer-
nant. Et en ce qui concerne lesdits Borel père et fils, les a mis hors
de Cour et de procès, ledit Borel père sans dépens, et a condamné
ledit Borel fils aux dépens et frais de Justice le concernant. Et en ce
qui concerne ledit Berton, détenu, l'a condamné à dix livres d'au-
mône envers lesdits Prisonniers, et aux dépens et frais de Justice le
concernant; enjoint au Geôlier desdites Prisons, de lui en ouvrir les
portes à l'exhibition du présent arrêt.
Ordonne au surplus que le présent Arrêt sera imprimé, publié et
affiché partout où besoin sera.
Fait en Parlement le trente-un Mai mil sept cent soixante six.
Signé, BoissET.
Le culte du Désert et la Loi de Germinal an X.
Tout ce qui était relatif, dans les souvenirs qu'on avait pu
rassembler, au culte du Désert, avait été groupé dans la baie,
restée ouverte au milieu de ce côté de la Bibliothèque. —
On y voit, sur la photogravure ci-jointe, la chaire du Désert,
qui appartenait à la paroisse poitevine de Bougon d'où notre
collaborateur M. Th. Maillard pasteur à Pamproux nous la fit
parvenir et dont le conseil presbytéral vient d'en assurer la pro-
JUBILE CINQUANTENAIRE DE LA SOCIETE 425
priété à notre Société. Cette chaire, démontable, se compose
de sept morceaux principaux, qui étaient transportés isolément
par les anciens sur le lieu destiné à la réunion et y étaient
assemblés et fixés au moyen d'écrous en 1er.
A gauche de cette chaire se voit Témouvante petite table
de communion, également pliante et démontable, qui fut faite
par un membre de l'Église de iNiorl nommé Monciaud et sur
laquelle se lit, au milieu d'une guirlande de cœurs gravés,
cette touchante inscription : « Souverain monarque du ciel et
de la terre, jette un regard de miséricorde sur ceux qui s'ap-
procheront de cette table. » Elle a été dessinée et décrite pour
le Bulletin de 1896, p. 54, par M. Maillard, et, bien que très
vermoulue, nous a été obligeamment apportée par M. Pan-
din de Lussaudière, élève de l'école des Chartes. Au-dessus
de la table on distingue une sorte de dentelle. C'est une
nappe de communion dont se servit, dans le Dauphiné, le pas-
teur du Désert Lo«w Ranc qui fut prisa Livron, pendu à Die
par ordre du Parlement le 2 mars 1745, à l'âge de 26 ans, et
dont la tête fut ensuite exposée à Livron, elle cadavre traîné
par les rues de Die. — Cette nappe, ainsi qu'un gobelet en
verre, ayant servi au martyr, comme la nappe, et dont il
sera question plus loin, appartiennent aujourd'hui à .Madame
Gillouin, veuve de l'ancien pasteur d'Aouste, qui a bien voulu
nous les envoyer, à la requête de M. le pasteur T. Fallot.
Sur cette table on avait placé un service de communion en
étain, également employé au Désert et dont les coupes, se dé-
vissant en deux parties, pouvaient facilement se dissimuler.
Ce service appartient à M. Maillard, ainsi que les sellettes ou
petits sièges pliants ou démontables qu'on voit au pied de la
chaire; ces sièges portatifs furent, si je ne me trompe, spé-
cialement inventés pour le culte du Désert et l'usage s'en est
si bien perpétué qu'il y a encore, dans le Poitou, des annexes
où chacun apporte son siège quand il se rend au temple.
Sur la chaire se voient un mantelet en soie noire légère, un
rabat noir à liséré blanc et une toque noire, surmontée d'une
houppe, que le pasteur revêtait avant de monter en chaire.
La toque était transportée dans une boite en fer blanc qu'on
aperçoit aussi au bas de la chaire.
LI. — 30
426 JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
Sur les tablelles du fond on avait accroché les deux seules
gravures contemporaines qui nous aient conservé le souve-
nir visible de ces cultes dont nos pères durent se contenter
pendant près d'un siècle. Celle de gauche, devenue rare,
nous montre l'assemblée, les femmes à droite, les hommes
à gauche (du spectateur), agenouillée, comme elle le faisait
toujours, pour la prière. Elle est signée J.-J. Storni invenit^
L. Bellotti sculpsit 1775, et porte cette inscription :
Assemblée dans le désert.
Bienheureux sont ceux qui écoutent la Parole de Dieu et qui
la pratiquent. J.-C. en S. Luc, chap. XI, verset 28.
Celle de droite est la gravure bien connue qui représente
le culte du Désert dans les carrières de Lèques près de
Nîmes, et dont on trouve des exemplaires dans beaucoup de
familles protestantes du Midi. L'exemplaire de la Biblio-
thèque est avant toute lettre. On y a tracé, à l'eau-forle, dans
l'angle inférieur de droite, ces mots : Les Protestants au Dé-
sert, Nîmes. Le journal \e Lien avait publié en 1861, p. 91
(1" juin), au sujet de ce tableau, dont l'original existe peut-
être encore ainsi que celui de la gravure précédente, cette
note, sans doute de M. A. Coquerel fils :
Le 8 octobre 178'i, Joseph Boze, peintre de portraits à Paris, et
qui, plus tard, sous le ministère de M. de Brienne, fut nommé
peintre breveté de la guerre, passa un acte sous seing privé avec
Benoît-I^ouis Henriquez, graveur de l'Académie royale. Ce dernier
s'engageait à graver, dans le terme d'un an, et moyennant 3000 livres,
le tableau de M. Bo^ie qui est un paysage et une assemblée protes-
tante.
Sous l'Empire, Rabaul-Pomier, pasteur à Paris, reçut la lettre
suivante de ce même Joseph Boze :
« M. Boze a l'honneur de présenter son hommage à M. Rabeau
Pomier. Il se fait un vrai plaisir de lui envoyer la convention qui
fut faite sur la planche représentant l'assemblée des protestants de
Nismes, gravée par Henriquez, d'après le tableau original, peint
sur les lieux d'après nature, par M. Boze, à une époque où le pré-
DE L HISTOIRE DU PROTESTANTISME FRANÇAIS 427
jugé, prévalant sur la saine raison, fit craindre à l'artiste de signer
au bas de l'estampe.
« Il présente son respect, etc.
« Ce mardy 16 may
« Au musée des artistes, à la Sorbonne*. »
Sur les deux côtés de la baie on avait suspendu deux por-
traits, celui de Paul Rabaut, que possède la Bibliothèque grâce
madame Vve Passa, jusqu'ici le meilleur portrait connu de
l'apôtre du Désert, et en face de lui une peinture qui doit
représenter Henri Arnaud, le célèbre pasteur dauphinois,
devenu à la fois pasteur et chef militaire des Vaudois qu'en
1689 il ramena de Suisse dans leurs vallées du Piémont, à
travers les Alpes et malgré leurs ennemis, haut fait presque
unique dans Thistoire.
Le grand tableau dont on distingue vaguement le sujet, sur
un chevalet à droite de la chaire, nous avait été fort obli-
geamment prêté par la Bibliothèque de Genève. II a été
reproduit dans \e Bulletin de 1890, p. 242-243, et nous montre,
à côté des reliques du Désert, la seule vue actuellement con-
nue de l'intérieur d'un temple huguenot au xvi*' siècle. C'était,
comme l'indique l'inscription, le Temple de Lyon nommé
Paradis, c'est-à-dire une ancienne « eslablerye » de ce nom,
qu'on avait aménagée pour le culte protestant en la « rue des
Estableries ou des Chapelliers », aujourd'hui des Quatre
Chapeaux {Bull., 1890, 286).
Un exemplaire, imprimé sur une feuille-placard, de la Loi de
germinal an X, sans doute pour être affiché dans les temples,
était aussi suspendu au-dessous delà première gravure repré-
sentant une assemblée au Désert. Il nous servira de transi-
tion pour passer au dernier panneau, où ne se voyaient guère
qu'une demi-douzaine de portraits (deux au moins n'ont pu
prendre place sur la gravure). On aperçoit d'abord l'énorme
toile, habituellement suspendue dans la sacristie du temple de
1. Ce l)illet ne porte pas de millésime. Il est entre nos mains, ainsi que
la convention originale signée Boze et Ilenriquez, dont nous avons donné
un résumé.
JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ i2*)
rOratoire, qui représente Paul Henri Marron, ancien chapelain
de l'ambassade de Hollande, organisateur de l'Église de
Paris pendant la Révolution, et premier pasteur, jusqu'en
1832, de cette Église unie à l'Élal par la susdite loi (cf. Bul-
letin de 1889, p. 359). A côté de lui le consistoire de l'Église
luthérienne Ste-Aurélie, de Strasbourg, nous avait permis de
placer le charmant portrait de Charles Christian Gambs, cha-
pelain de l'ambassade deSuède, qui rendit aux protestants de
l'Église de la Confession d'Augsbourg à Paris, le même ser-
vice que Marron à ceux de l'Église réformée {Bull, de 1898,
p. 555).
On admirait ensuite l'admirable peinture exécutée en 1837
par Paul Delaroche, pour M. François Guizot, et tout le monde
savait gré à madame Guillaume Guizot d'avoir consenti à
nous la prêter. Le dernier personnage qu'on aperçoit à droite
est le seul appartenant réellement au wx"" siècle (François
Guizot était né le 4 août 1787), qui ait figuré dans notre expo-
sition. Mais chacun comprendra que nous ayons fait une
exception pour le colonel Denfert-Rochereau, le seul officier
français et protestant qui ait réussi en 1870 à conserver à la
France un morceau des provinces annexées. Le crayon qui
le représente appartient à M. Surleau-Goguel.
Il reste encore à mentionner, sous le portrait de Gambs,
un petit pastel, Pierre Mordant, pasteur de l'Église de Rouen
jusqu'en 1813. On l'avait placé là parce que Mordant fut, en
France, le dernier pasteur décrété de prise de corps (1789)
pour avoir béni publiquement un mariage mixte. Son procès
fut donc le dernier procès pour cause de religion au
xviu® siècle. — Un Rouennais, notre ami M. R. Garreta, nous
avait apporté un charmant portrait au crayon, qui fut aussi
placé sur ce panneau, mais qu'on ne voit pas ici. C'était
celui de Marie-Anne Massé, dessiné le 29 décembre 1764 par
son grand-oncle Jean-Baptiste Massé, peintre du roi en minia-
ture, conseiller en son Académie royale de peinture et de
sculpture, garde des plans et lableaux de S. M., alors âgé
de 78 ans, lequel décéda, le 26 septembre 1767 « dans les
sentiments de la R. P. R. » et fut inhumé nuitamment, sans
bruit, scandale ni appareil dans le chantier d'Appoigni, au
430 JUBILÉ CIISQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
Port au Plâtre. Au-dessus de ce dessin, grâce à M. Gaidan,
on a pu placer une bonne esquisse à Thuile de Jean-Henri
Merle d'Aubigné (1794-1872), qui contribua, plus que personne
au siècle dernier, à populariser l'histoire de la Réforme, sur-
tout dans les pays de langue anglaise.
Ce qu'on aperçoit sous le portrait du colonel Denfert est
un Almanach-placard de l'année 1623 au haut duquel on a
gravé le portrait de Louis XIII et de sa femme, à che\al entre
trois fleurs de lys, renfermant les profils des « villes d'os-
tages et places de seureté retirées par force ou autrement
sur ceux de la R. P. R. par le roi Louis le luste ez années
1620, 21 et 22 ». A côté, un petit tableau imprimé, à compar-
timents coloriés, représentant les différents étals des âmes
après la mort, et composé par le pasteur Oberlin pour ses
intimes. Il avait donné cet exemplaire, que nous prêta M. le
pasteur Dietz, de Rothau, à sa servante Louise Scheppler.
Les médailles qu'on voit plus loin sont des reproductions de
celles de la Saint-Barthélémy et de la Révocation et avaient
été exposées par M. A. Giraud-Browning, président de la
Huguenot Society de Londres. Puis un parchemin donnait
une idée de ce qu'étaient les diplômes de nos anciennes
Académies; celui-ci avait été délivré par celle de Sedan à
Joseph Pithou, le 9 des calendes d'Avril 1659, et est signé De
Morenvi!lé,consiliarius regîus et moderator ; Beaulieule Blanc,
pastor et Theologiœ professor; Chadirac, consiliarius 7'egius
et moderatoi-: J. Le Vasseur, pastor et Theologiœ professor
et moderator consiliarius et pi'O tempore rector : D. D'^O^anne,
urbis proprœtor: Gommeret. in supremo Sedanensi Senatu
consiliarius regius et universitatis moderator: O. Le Blanc i?)
regiiis procurator : et D. Leloux (?) universitatis Sedan.
720'"'"s et secretarius.
Une gravure, placée de l'autre côté du portrait du pasteur
Mordant, sera décrite tout à l'heure. Mais il convient de
mentionner ici, comme se rattachant directement aux objets
déjà décritSjd'abord quatre boulets de l'artillerie de LouisXIII,
trouvés dans les murs du Mas d'Azil, cette petite ville du
pays de Foix. assiégée le 25 septembre 1625 par le maréchal
deThémines, défendue par un millier de huguenots qui résis-
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 431
lèrent victorieusement à trente-sept jours de siège et à trois
assauts. — Puis il faut regretter de n'avoir pas suspendu, au-
dessous d'une des gravures représentant le prêche au Désert,
une vue de la célèbre Tour de Constance, où furent enfermées,
quelquefois pour plus de trente ans. des femmes surprises
dans ces assemblées. Cette vue avait été peinte jadis par le
regretté Charles Frossard, qui l'avait donnée récemment à
la Société après la mort de sa fille.
Nous passons maintenant à la description des quatorze
vitrines et objets disséminés. Les quatre premières de ces
vitrines étaient consacrées, comme de juste, aux
Livres et Reliures.
Dans les trois premières vitrines, à gauche en entrant, on
avait placé, en premier lieu, les plus anciennes éditions du
Nouveau Testament et de la Bible en langue vulgaire, impri-
mées en vue de la propagande protestante, puis les traités,
généralement très rares et encore moins connus qui. sous
une forme plus accessible et plus maniable, répandaient
parmi le peuple la substance de renseignement évangélique,
ou lui exposaient la différence entre cet enseignement et
celui de l'Église catholique. Une quatrième vitrine était con-
sacrée aux reliures curieuses ou de prix, recouvrant des
livres protestants, ou intéressants au point de vue protestant.
Notre collègue, M. Th. Dufour, directeur honoraire de la
Bibliothèque de Genève, a bien voulu arranger ces quatre
vitrines et en dresser le catalogue qui suil ', auquel nous
avons ajouté çà et là quelques remarques, destinées à ceux
qui ne sont pas bibliographes.
1. Alîi'évialions :
M"^ A. A. = M"== Alfred André;
E. S. = M. Ernest Slrœlilln;
F. de S. = M. Fernand de Schickler;
Th. D. = M. Théophile Dulbur:
N. W. = M. N. Wciss;
G. = Bibliolhèque A. Gaiffe ;
L. = Bibliothèque II. Luttei oth :
H. B. = Bibliothèque M. Bordier.
432 JUBILÉ CINOtlANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
1. _ Evangelium Jesu Chrisli, secundum Mallhreum, secundum
Marcum, secundum Lucam, secundum Joannem. Ad velerum simul
et emendalorum codicum fidem. Parisiis, apud Simonem Colinceuin,
1523. — Acla apostolorum. Ad velerum simul et emendalorum
codicum fidem. Parisiis, apiid Simonem Colinœiim, 1523. — En
I vol. in-16. — N. W.
Voy. Renouard, Bibliographie des éditions de S. de Câlines, 1893,
p. 42.
C'est de ce Nouveau Testament que Robert Estienne parle
ainsi dans ses Censures des Théologiens de Paris, 1552 (réim-
pression Fick, p. 5) :
« ...Je me tay de ce qu'ils avoyenl jà tenté Tan M.D.XXll, quand
le Nouveau Testament fut imprimé en petite forme par mon beau
père Simon de Colines, qui le rendit bien net et correct, et en belle
lettre : (c'esloit alors une chose bien nouvelle, veu la malignité de
ce temps là, que de trouver des livres de la saincte escriplure cor-
rects), et d'autant que j'avoye la charge de l'imprimerie, quelles tra-
gédies esmeurent-ils contre moy? Ils crioyent dès lors qu'il me fal-
loit envoyer au feu, pour ce que j'imprimoye des livres si corrom-
pus : car ils appeloyent corruption, tout ce qui estoit purifié de
ceste bourbe commune, à laquelle ils estoyent accoustumez. Et lors
je rendi tel compte de mon faicl comme il appartenoit. Or combien
qu'en leurs leçons ils reprinssent magistralement et aigrement le
jeune homme duquel telle correction estoit procédée, toutesfois
eslans eulx mesmes bons tcsmoings de leur propre ignorance, ne
l'osèrent jamais assaillir ouvertement, encores qu'il fust moins sça-
vant et craintif : mais avoyent plus de paour de luy, qu'ils ne luy
en eussent sceu faire, parce que Dieu les avoit effrayez. »
On peut supposer, vu les relations de Lefèvre d'Etaples
avec Simon de Colines, chez lequel il publia, la même année,
la première édition de sa traduction du Nouveau Testament,
qu'il se servit de ce texte corrigé par Robert Estienne.
2. — Le Nouveau Testament (Version de Lefèvre d'Etaples). 2'^ vo-
lume, contenant les Epîlres, les Actes et l'Apocalypse. Paris, Simon
de Colines, octobre et novembre 1523, 3 parties en 1 vol. in-8,
goth. — Bibl. Mazarine.
Voy. Renouard, p. 52.
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 'iS'J
3. — Le Nouveau Testament (Version de Lefèvre d'Etaples). Paris,
[Antoine Couteau, pou?-] Simon de Colines, 1524, 2 part, en I vol. in-8,
golh., mar. br. {Thibaron-Joly). — E. S. (ex" G.)
Voy. RenouarcI, p. 68.
4. — Le Nouveau Testament (Version de Lefèvre d'Etaples). Paris,
Simon de Colines, avril 1524 et janvier 1524 [1525 n. st.], 2 part,
en I vol. in-8, golh. — Bibl. du prot. fr., n» 11437. Rés.
Voy. Renouard, p. 65, 66.
5. — Le Nouveau Testament (Version de Lefèvre d'Etaples). Pa-
ris, Simon Dubois, octobre 1525, 3 part, en 1 vol. in-8, goth.
A la suite sont reliés trois opuscules d'Erasme trad. en français,
probablement par Louis de Berquin, savoir :
6. Déclamation des louenges de mariage, par Erasme de Roter-
dam, docteur en théologie, reduict de latin en françois. 5. /. ;;. d.
\Paris,S. Dubois, \ers 1525], in-8, golh.
7. Brefve admonition de la manière de prier, selon la doctrine de
Jesuchrist. Avec une brefve explanation du Pater noster. Extraict
des paraphrases de Erasme sur saincl Matthieu et sur sainct Luc.
S. l. n. d. [Paris, S. Dubois, vers 1525], in-8, goth.
8. Le symbole des apostres (qu'on dict vulgairement le Credo)
contenant les articles de la foy, par manière de dialogue, par de-
mande et par response. La pluspart extraict dung Iraicté de Erasme
de Rolerdam intitulé Devises familières. S. /. n. d. [Paris, S. Dubois,
vers 1525], in-8, goth. — Bibl. de Genève.
Les numéros 2 à 5 sont les seules éditions, actuellement
connues, du Nouveau Testament en français, imprimées à
Paris avant la seconde moitié du xvi^ siècle. Tout au plus
peut-on y joindre un N. T. imprimé par Simon Dubois, en
novembre 1529, probablement à Alençon et dont la Société
Biblique de Paris possède le seul exemplaire complet actuel-
lement connu, décrit par feu M. O. Douen dans le Bulletin de
1896, p. 200 à 212. Aussi n'a-l-on découvert jusqu'ici que très
peu d'exemplaires, presque tous incomplets, de ces quatre
ou cinq éditions. — C'est à Bâle, Anvers, Lyon, Neuchàlcl,
Genève, etc., que parurent, après 1525, les rares éditions
antérieures au milieu du xvi'= siècle, qu'on a retrouvées et
434 JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
dont plusieurs, et non des moindres, sont énumérées ci-
après. — Cf. Bull., 1S94, p. 252, et 1896, p. 162.
9. — Le Nouveau Testament (Version de Lefèvre d'Elaples).
Bâle, 1525, 4 part, en 1 vol. in-8, goth., mar. n. (Lortic). — Soc.
bibl. {e\". L., don F. de S.)
10. — Le Nouveau Testament (\^ersion de Lefèvre d'Etaples). An-
vers, Guillaume Vorsterman, janvier 1529, in-8, golh., mar. n. (En-
gel). — Soc. bibl. (don F. de S.)
11. — Le Nouveau Testament (V^ersion de Lefèvre d'Etaples). S. /.
n. d., 2 part, en 1 vol. in-8 allongé, goth., mar. br. — Soc. bibl.
(ex" L., don F. de S.)
12. — Le Nouveau Testament (Version de Lefèvre d'Etaples).
S. L ». d. (avec la marque de Claude Nourry, imprimeur à Lyon),
2 part, en 1 vol. in-16, golh. — Soc. bibl. (don F. de S.)
13. — Le Nouveau Testament (Version de Lefèvre d'Etaples).
Turin^ pour Françoys Cavillon, dsmourant à Nice, s. <i., 4 part,
en 1 vol. in-16, goth. — Soc. bibl. (don F. de S.)
Voy. Bull., 1896, p. 160 et s.
14. — Le psaultier de David, (précédé d'une Epistre comment on
doibt prier Dieu). Paris, Simon de Colines, février 1523 [1524, n. st.],
in-8, golh. — M"' A. A.
Version de Lefèvre d'Etaples. Voy. Renouard, p. 53.
15. — Même ouvrage. Paris, Simon de Colines, février 1525 [1526,
n. st.], in-8, goth. — Bibl. du prot. fr., n-^ 13294. Rés.
Voy. Renouard, p. 74, 75.
16. — Le Livre des Psalmes. S. l. n. d., pet. in-8, goth. — E. S.
[ex''. G.)
Vers 1532, impression de Simon Dubois, voy. Bull.. 1893, p. 98.
17. — Le livre des pseaulmes de David, traduictes selon la pure
vérité hébraïque ...Anvers, Antoine des Gois, 1541, in-16, goth., mar.
br. (Claessens). — F. de S.
18. — [Lefèvre d'Etaples.] Epistres et Evangiles pour les cinquante-
et deux sepmaines de lan... S. L n. d. (impression de Simon Dubois),
pet. in-8, goth., mar. v. (Duru). — E. S. {e\'\ G.)
La Bibl. du prot. fr. possède un ex" de la même édition, qui lui
a été donné par ^I. F. de Schickler et qui porte le n° 8717. Rés.
DE l'hISTOIRF du PROTESTANTISME FRANÇAIS 435
19, _ [Lefèvre d'Etaples.] Epistres et évangiles des cinquante et
deux dinienches de l'an, avecques briefves et très utiles expositions
d'ycelles, nécessaires et consolables pour tous fideleschrestiens. Nou-
vellement reveues et augmentées par gens doctes en la saincte
escripture. S. /. n. d., in-16, golh. — N. W.
Le psautier est, en dehors du Nouveau Testament, la seule
partie de la Bible qui ait été traduite et publiée à Paris, au
début de la Réforme. On ne connaît guère, pour la première
moitié du xvi° siècle, que les trois éditions citées sous les
Tf^ 14, 15 et 16, et la traduction rimée des Trente Pseaulmes,
que Clément Marot fit paraître en 1541 (Voy. Bull., 1894,
268) et qui l'obligea à quitter la France. On trouve cette
dernière à la Bibliothèque Nationale, le n" 14 aussi à Sainte-
Geneviève, le n" 15 à l'Arsenal et le n» 16 à la Mazarine. —
Les n"' 18 et 19, vulgairement appelés les o'2 Dimanches, sont
les péricopes du Nouveau Testament que Lefèvre d'Etaples
et ses collaborateurs de Meaux expliquèrent au peuple en de
courtes homélies, imprimées à la suite de chaque péricope
(Cf. Bull., 1894, p. 321). On en connaît encore deux éditions,
outre celles qui figurèrent dans notre exposition (Voy. Bull..
1889, p. 102).
20. — La Bible, (Irad. en français par Pierre Robert Olivetan).
Neuchâtel. Pierre de Wingle, 1535, in-fol., golh., mar. n. —
M- A. A.
Voy. Th. Dufour, Notice sur les livres imprimés à Genève et à
Neuchâtel, 1878, p. 129-131.
21. — Le Nouveau Testament. S. l. [Genève, Jean Gérard], 1536,
pet. in-8, mar. br. {Thibaron-Joly). — Soc. bibl. (ex^'^ de la vente
J. Adert,don F. de S.)
Version d'Olivetan, première revision. Voy. Dufour, p. 140-142.
22. — Le Nouveau Testament. S. /. [Genève, Jean Michel], 1538,
pet. in-8, mar. b\anc{Gruel.) — Th. D. (ex" H. B.)
Seconde revision de la version d'Olivetan. Voy. Dufour, p. 149-152.
23. _ Le Nouveau Testament. S. l. [Genève, J. Gérard], 1539, pet.
in-8. —Th. D. (e\" L.)
Version d'Olivetan, revisée. Voy. Dufour, p. 167-169.
436 JUBILÉ CINQUANTrNAIRE DE LA SOCIÉTÉ
24. — Le Nouveau Testament. 5. /., 153<J, in-8. — Bibl. Sainle-Ge-
neviève.
Version d'Olivelan, revisée. Voy. Dufour, p. 169-171.
25. — Le Nouveau Testament. S. I. [Genève, Jean Michel], 1544,
pet. in-8, golh. — Th. D.
Version d'Olivelan, revisée. Voy. Dufour, p. 91-93.
26. — La Biljle, nouvellement translatée par Sébastian Chateillon.
Baie, pour Jean Hervage, 1555, 2 pari, en 1 vol. in-fol. — Soc. bibl.
(ex" L., don F. de S.)
27. — Lefèvre d'Elaples. Commentarii iniliatorii in quatuor evan-
gelia. Meldis, impensis Simonis Colinœi, juin 1522, in-fol. — Bibl.
du prol. fr. (don de M°" la baronne de Neuflize.)
Voy. Renouard, p. 30-32.
28. — Le baslon pour chasser les loups. S. /. n. d. [Genève, vers
1522], in-4,golh., mar. bl. doublé de mar. r. {Chambolle-Duru.) —
F. de S. (ex"' de Fernand Colomb, vente Pichon.)
Opuscule en vers, de 4 feuillets, dirigé contre les ventes d'indul-
gences.
29. — La balade des Leutheriens, avec la chanson. S. l.n. d., pet.
in-8, goth., mar. r. doublé de mar. bl. {Chambolle-Duru). — F. de
S. (ex'" de Fernand Colomb, vente Pichon.)
Opuscule catholique en vers, 4 feuillets.
Les 11°^ 30 à 36 qui suivent, auxquels il faut ajouter les
n"* 6 à 8 précédemment cités, plus les Quatre instructions
fidèles pour les simples et les rudes, dont un exemplaire se
Irouvail aussi dans la bibliolhèque de M. Gaiffe, aujourd'hui
chez M. E. Slrœhlin, et Les sept pseaulmes du royal prophète
David exposés, puis naguère divulgués... récemment entrés à
la Bibliolhèque Nationale, sont tous sortis des presses de
Simon Dubois entre les années 1525 cl 1530. Ce sont actuel-
lement les seuls traités de propagande prolestante connus
pour cette époque. On a vu plus haut que les n"' 6, 7 et 8 ont
été traduits librement d'Erasme, sans doute par Louis de
Berquin. Les n"' 31 et 36 ont été traduits de Luther, peut-être
par le même Louis de Berquin. Les Quatre instructions sont
en partie une traduction du petit Catéchisme de Luiher {Bull.,
DE l'histoire du PROTESTAMISME FRANÇAIS 437
1888, p. 432), et Les sept pseaulmes résument probablement
les explications faites par Pierre Garoli au collège de Cam-
brai en 152'i {Bull., 1894, p. 252).
30. — Brief recueil de la substance et principal fondement de la
doctrine évangélique. Lisez Chrestiens, et vous y trouverez conso-
lation. S. /., pet. in-8, golh. (caract. de Simon Dubois). — F. de S.
(ex" de la vente Th. Powell.)
La préface est datée de septembre 1525. (Voy. Bull., 18%, p. 165.)
31. — Consolation chrestienne contre les afflictions de ce monde
et scrupules de conscience. S. l. n. d.
32. — Almanach spirituel et perpétuel nécessaire à tout homme
sensuel et temporel. S. /. n. d. — Les n»' 31 et 32 sont réunis en
1 vol. pet. in-8. (Caract. goth. de Simon Dubois). — Bibl. du prol.
fr., 11° 13452. Rés.
Le premier ouvrage est la traduction d'un écrit de Luther. Voy.
Bull., 18S7, p. 665-669.
.33. — Le traicté du souverain bien, par lequel le vray chrestien
pourra apprendre (à l'ayde des sainctes Escriptures) à contemner la
mort, mesmes icelle désirer pour avoir claire vision de Dieu par
nostre seigneur Jesuchrist. S. /. n. d. (caract. de Simon Dubois),
pet. in-8, goth., v. f. (Petit.) Avec une dédicace à la duchesse
d'Alençon et de Berry. — Mme A. A. (ex" L.)
34. — Le combat chrestien. S. L n. d. (caract. de Simon Dubois),
pet. in-8, goth., v. f. (Petit.) — Mme A. A. (ex" L.)
35. — Brève instruction pour soy confesser en vérité. S'. /. «. d.
(caract. de Simon Dubois), pet. in-8, goth., v. f. (Petit). — .M'"^ A. A.
36. — Le livre de vraye et parfaicte oraison. Pai-is, Simon Dubois,
pour Chrestien Wecliel, avril 1529, pet. in-8, goth. — E. S. (ex'^ G.)
Voy. Bull., 1888, p. 155-163.
37. — Même ouvrage. Anvers, Martin Lempereur, juillet 1534,
pet. in-8, mar. bl. (Cape.) — N. W.
Cette deuxième édition du Livre de vraye et parfaite orai-
son renferme, outre la série d'opuscules de Luther que con-
tiennent l'édition de 1529 et d'autres, postérieures à 1534,
d'abord un Catéchisme, sous le litre de Information faicte
438 JUBILÉ cin'quanïenaire de la société
par interrogatov'es et responses, pour plainement estre etisei-
gné de la loy^ de la foy et d''oraison, — puis une Lilurgie du
Baptême, traduction française de la première modification,
introduite à Strasbourg en 1524, dans le sens protestant, de
la Lilurgie catholique, sous ce titre : Ordre par laquelle
r église universelle procède au sacrement de baptesme, affin que
chascun croie iceluy estre souffisant et notî le debuoir réitérer.
38. — Brève instruction faicte par manière de lettre missive pour
se confesser en vérité. S. l. [Genève, Jean Gérard], 1539, pet. in-8,
mar. r- {Traut^^-Bau^onnet.) — E. S. (ex". G.)
Voy. Dufour, p. 165. — Réimpression non intégrale du n" 35.
39. — Exhortation au peuple. Achevez de lire, et puis jugés. S.
/. n. d., in-8, golh., mar. br. [Traut^-Bair^onnet.) — E. S. (ex". G.)
40. — Sermon de la manière de prier Dieu et comment on doibt
faire processions et rogations. Achevez de lire, et puis jugés. S.l.n.d.,
in-8, golh., mar. r. {Traut^-Bau'^onnet.) — E. S. (ex". G.)
41. — Oraisons des sainclz pères, patriarches, prophètes, juges,
roys, des hommes et femmes illustres, et aussi des apostres, tant
de l'ancien que du nouveau Testament. S. /., 19 août 1530, in-12
allongé, goth., mar. br. {Cape.) — E. S. (ex'". G.)
Traduction du latin d'O. Brunfels, voy. Bull., 1889, p. 101.
42. — Les prières et oraisons de la Bible, faicles par les sainctz
pères, et par les hommes et femmes illustres tant de l'ancien que du
nouveau Testament. Lyon, Etienne Dolet, 1542, in-16, mar. br.
{Chambolle-Duru.) — E. S. (ex'«. G.)
Christie, Etienne Dolet, n° 51, ne cite que cel exemplaire et ne l'a
pas vu.
43. — Bergerie. Du bon pasteur et du mauvais, prins et extraicl
du dixiesme chapitre de sainct Jehan. [Par Clément Marot.] S. l. n.d.,
in-16, fig. sur bois, mar. bl. (Cii^in.) — E. S. (ex". G.)
44. — La fontaine de vie. Anvers, Christophe Plantin, 1564, in-16,
mar. br. doublé de mar. br. (Thibaron-Joly.) — E. S. (ex'^ G.)
La première édition de ce livre doit daler de 1533 environ. — Cf.
Bull., 1889, p. 101.
45. — Procession générale faicte à Paris, le Roy estant en per-
sonne, le xxij jour de Janvier mille cinq centz trente et cinq. S. l. ». d.,
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 439
in-8, golh., mar. r. doublé de mar. r. {Chambolle-Duru.) — F. de S.
(ex" de Fernand Colomb, vente Pichon.)
Celte procession, un des résultats de l'affaire des placards,
est aussi l'indice d'un changement dans la littérature proles-
tante de celle époque. Jusque vers 1533 les traités de propa-
gande qu'on connaît sont surtout édifiants et aussi peu agres-
sifs que possible. Vers 1533 on voit apparaître les premiers
traités de polémique agressive et satirique dont le principal
fut le violent placard d'Antoine Marcourl contre la messe,
lequel détermina la terrible réaction et les supplices de 1534-
1535. Le texte de a pamphlet nous a été conservé par Cres-
pin, mais on n'a pas encore retrouvé d'exemplaire de l'ori-
ginal. — Enfin rien de ce qui contribuera à propager le
Protestantisme sous cette forme populaire ne pourra plus
s'imprimer en France avant bien des années*. C'est pourquoi
presque tout ce qui est cité, ci-après, a été imprimé en Suisse.
46. — La Vérité cachée, devant cent ans faicte et composée à six
personnages, nouvellement corrigée et augmentée. 5. /. n. d. — Mo-
ralité de la maladie de Chreslienté, à xiij personnages, [par Mathieu
Malingre]. 1533. — Le livre des marchans, fort utile à toutes gens
pour congnoistre de quelles marchandises on se doit garder d'estre
trompé, [par Antoine Marcourl; 2" édil.], 30 décembre 1534. — La
confession et raison de la foy de maistre Noël Beda, docteur en
théologie et sindique de la sacrée université à Paris, [par Antoine
Marcourl], 1.533. — Déclaration de la messe, le fruict d'icelle, la cause
et le moyen pourquoy et comment on la doibt maintenir, [par Antoine
Marcourl]. — Ensemble cinq opuscules imprimés à Neuchàtel par
Pierre de Wingle, en 1533 ou 1534, en 1 vol. pet. in-8, golh. — Bibl.
du prot. fr., n° 1000. Rés.
Voy. Dufour, p. 54, 113-115, 110-111, 12.5-127, 118-120, 116-118.
47. — La confession et raison de la foy de maistre Noël Beda,
docteur en théologie et sindique de la sacrée université à Paris, [par
Antoine Marcourl]. 5. /. n. d. [Neuchdtel, P. de Wingle, 1533 ou
1534], pet. in-8, goth. — Th. D.
Édition différente de celle qui est indiquée au n' précédent.
I. Antoine Aiigereau et Etienne Dolet lurent brûlés i)our avoir bravé
cette interdiction.
440 JUBILÉ CINQIIANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
48. — Les grans pardons et indulgences, le très grand Jubilé de
plainiere remission de peine et de coulpe, à tous les confraires de
la très sacrée confrairie du sainct esperit... Gand, Pieter van Win-
ghue [Neuchâtel, Pierre de Wingle, 1533 ou 153^], pet. in-8, goth.,
mar. r. {Trjiit:;-Bau:;onnet}. — E. S. (ex" G.)
Voy. Dufour, p. 115, 116.
4.9. — Petit traicte très utile et salutaire de la saincte eucharistie
de noslre seigneur Jesuchrist. [Par Antoine Marcourt.] 5. /. [Neu-
châtel, Pierre de Wingle], 16 nov. 1534, pet, in-8, goth., mar. bl.
doublé de mar. r. {Traut^-Bau^fonnet.) — E. S. (e\'« G.)
Voy. Dufour, p. 122-124.
50. — Même ouvrage. S. l. [Genève, Jean Michel], 26 juillet 1542,
pet, in-8, goth., mar. br. {Traiit^-Bau:;onnet.) — E. S. (ex'* G.)
Réimpression de rédition de 1534.
51. — Summaire et briefve déclaration daucuns lieux fort néces-
saires à ung chascun chrestien pour mettre sa confiance en Dieu et
ayder son prochain. [Par Guillaume Farel.] S. l. [Neuchâtel, Pierre
de Wingle], 23 décembre I53'i, pet. in-8, goth. — E. S. (ex'^ G.)
Voy, Dufour, p. 12'i, 125.
52. — Les faictz de Jésus Christ et du Pape, par lesquelz chascun
pourra facilement congnoistre la grande différence de entre eulx ;
nouvellement reveuz, corrigez et augmentez. Imprimé à Romme, par
Clément de Medicis, au chasteau sainct Ange [Neuchâtel, vers 1534,
ou Genève, vers 1540], in-fol., goth., fig. sur bois. mar. n. {Hardy-
Mesnil.) — Cf. n« 81. — M"'^ A. A.
53. — Confession de la foy, laquelle tous bourgeois et habitans
de Genève et subjectz du pays doyvent jurer de garder et tenir...
S. /. n. d. [Genève, Wigand Kœln, 1537], pet. in-8, goth. — E. S.
(ex" H. B.)
Voy. Dufour, p. 7 et suiv.
54. — L'ordre et manière qu'on tient en administrant les sainctz
sacremens, assavoir le Baptesme et la Cène de nostre Seigneur.
Item, en la célébration du mariage, et en la Visitation des malades.
Avec la forme qu'on observe es prédications... S. /. [Genève], Jean
Michel, 1538, pet. in-8, goth., mar. {Trautr^-Bau^onnet). — E. S.
(ex" G.)
Voy. Dufour, p. 153, 154.
55. — D'unff seul médiateur et advocat entre Dieu elles hommes,
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 441
noslre Seigneur Jésus Christ. Genève^ Jean Gérard^ 1538, pet. in-8,
mar. r. {Trautr^-Bau^onnet.) — E. S, (ex" G.)
Voy. Dufour, p. 154, 155.
56. — Sermon notable pour le jour de la Dédicace. [Par Clément
Marot.] S. l. [Genève^ Jean Michel], 1539, pet. in-8, golh,, mar, bl.
(Traut^-Bau^onnet). — E. S. (ex'= G.)
Voy. Dufour, p. 162, 163.
57. — Exposition de l'histoire des dix Lépreux, prinse du dixsep-
liesme de Sainct Luc. Ou est amplement traicté de la confession
auriculaire, et comme on peut user d'allégories en la saincte Escrip-
lure. Translatée de latin en françois. S. l. [Genève, Jean Gérard],
1539, pet. in-8, mar. r. {Trautj-Baii:;onnet). — E. S. (ex"= G.)
Voy. Dufour, p. 163, 164.
58. — Brève exposition faicte par manière d'exhortation et d'orai-
son prinse sur le Pater noster, et aultres parollesde nostre Seigneur
Jésus Christ... S. l. [Genève, Jean Gérard], 1539, pet. in-8, mar. r.
(Traut^^'Baic^onnet). — E. S. (ex'« G.)
Voy. Dufour, p. 164, 165.
59. — L'union de plusieurs passaiges de l'escripture saincte, par
Herman Bodium. S. /. [Genève, Jean Michel], 1539, pet. in-8, golh.
— Th. D. (ex'" H. B.)
Voy. Dufour, p. 159-161.
60. — Exposition sur les deux Epistres de Sainct Pierre et sur
celle de Sainct Jude, en laquelle tout ce qui touche la doctrine chres-
tienne est parfaictement compris... Traduict de latin en françoys.
S. /. [Genève, Jean Michel], 1540, in-8, mar. bl. (Bedford). — E. S.
(ex- G.)
Voy. Dufour, p. 180, 181.
61. — Psalmes de David, translatez de plusieurs autheurs et prin-
cipallement de Cle. Marot. Veu, recongneu et corrigé par les théo-
logiens, nommeement par nostre M. F. Pierre Alexandre, conciona-
teur ordinaire de la royne de Hongrie. Anvers, Ant. des Gois, 15'il,
pet. in-8. — F. de S. (ex'° L.)
Voy. O. Douen, Clément Marot, I, p. 315 et suiv.
62. — Déclaration de la reigle et estât des Cordeiiers, composée
par ungjadizde leur ordre, et maintenant de Jésus Christ, en laquelle
il rend raison de son yssue d'avec eulx. Nouvellement par luy reveue. ..
LI. — 31
442 JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIETE
S. l. [Genève, Jecin Michel], août 1542, pet. in-8, goth., mar. br.
(Traiit^^-Bauyonnet). — E. S. {e\" G.)
Deuxième édition de l'ouvrage de Jean Menard, cordelier de
Tours. Voy. Dufour, p. 177.
63. — Exhortalioii à la lecture des sainctes lettres... Lyon, Etienne
Dolet, 1542, in-8. — F. de S.
Christie, n" 49, mentionne celte édition, mais ne l'a pas vue.
64. — Même ouvrage. Lyon, Baltha^ard Arnoullet, 1554, in-16,
mar. br. {Thibaron). — E. S. (ex'*' G.)
65. — La doctrine nouvelle et ancienne. Nouvellement reveue et
augmentée. S. l. [Genève, Jean Michel], 154'i, pet. in-8, goth. —
Th. D.
66. — [Calvinus, J.] Pro G. Farello et collegis ejus, adversus
Pétri Caroli theologastri calumnias, defensio Nicolai Gallasii. S. l.
[Genève, Jean Gérard], 1555, in-8. — E. S. (ex" L. et G.)
67. — Du vray usage de la croix de Jésus Christ, et de l'abus et
de ridolatrie commise autour d'icelle... par Guillaume Farel. S. l.
[Genève], Jean Rivery, 1560. — Du vray usage de la salutation faite
par l'ange à la vierge Marie, et de la source des chapelets, et de la
manière de prier par comte, et de l'abus qui y est, et du vray moyen
par lequel la vierge Marie peut estre honorée ou deshonorée, par
Pierre Viret. Genève, Jaques Bourgeois, 1561. — Admonition et
consolation aux fidèles qui délibèrent de sortir d'entre les Papistes,
pour éviter idolâtrie... par Pierre Viret. S. l. [Genève, Jean Gérard],
1547. — Catéchisme, c'est-à-dire familière instruction chreslienne
des enfans, selon la forme qu'on tient en l'Eglise de Neufchastel,
composé et reveu par Christophle Fabri, de Vienne en Dauphiné,
ministre du sainct Evangile audict Neufchastel. Genève, Jean Crespin,
1554. — En 1 vol. pet. in-8. — F. de S. (ex^^ H. B.)
68. — Briefve et claire confession de la foy chrestienne, contenant
cent articles, selon Tordre du Symbole des apostres, faicte et déclai-
ree l'an 1549, par Jehan Garnier. S. l. [Bâle, J. Estauge, 1549], pet.
in-8, mar. r. {^L^sson-Debonnelle). — E. S. (ex'^ G.)
69. — Même ouvrage. 5. /. [Genève, Jean Gérard], 1552, pet. in-8.
— F. de S. (ex" L.)
70. — Le Glaive de la paroUc véritable, tiré contre le Bouclier
de défense, duquel un cordelier libertin s'est voulu servir pour
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 443
approuver ses fausses et damnables opinions. Par Guillaume Farel.
Genève, Jean Girard, 1550, in-8. — E. S. (ex" G.)
71. — Besze (de;, Théodore. Abraham sacrilianl, tragédie fran-
çoise. 5. /. {Genève, Conrad Badins], 1550, in-8, mar. violet {Thou-
venin.) — Th. D. (ex'^ L.)
Première édition.
72. — Chrestienne instruction touchant la pompe et excez des
hommes débordez et femmes dissolues en la curiosité de leurs
parures et attifemens d'habits qu'ils portent, contrevenans à la
doctrine de Dieu, et à toute modestie chrestienne... Plus l'abus
invétéré et diabolique invention des dances. S. /., 1551, in-16,
mar. bl. — F. de S. (ex" H. B.)
73. — Le propos du vray chrestien régénéré par la Parolle et par
l'Esprit de Dieu, par François Guilletat. Genève, Philibert Hamelin,
1552. — Discours chrestien sur les conspirations dressées contre
l'Eglise de Christ, fait en forme d'oraison, par François Guilletat.
Genève, Philibert Hamelin, 1552. En 1 vol. pet. in-8, mar. r. (anc.
rel.) — E. S. (ex--^ G.)
74. _ De la saincte Cène de nostre Seigneur Jésus et de son
testament confirmé par sa mort et passion... Par Guillaume Farel.
S. /. [Genève], Jean Crespin, 1553, pet. in-8, mar. br. [Traut^-Bau-
i^onnet.) — E. S. (ex" G.)
75. _ [Crespin, Jean.] Le livre des martyrs, qui est un recueil de
plusieurs martyrs qui ont enduré la mort pour le nom de nostre
seigneur Jésus Christ, depuis Jean Hus jusques à ceste année
présente M. D. LIIII. S. l. [Genève], Jean Crespin, août 1554,
in-8. — Bibl. du prot. fr., n" 6G31 bis. Rés.
Premier tirage de la première édition.
76. _ [Crespin, Jean.] Piccueil de plusieurs personnes qui ont
constamment enduré la mort pour le nom du Seigneur, depuis
Jean^^'icle^f jusques au temps présent, S. /. [Genève], J. Crespin,
1556, 3 part, en 2 vol. in-16. — Th. D.
77. — Liturgia sacra, seu ritus ministerii in ecclesia peregrino-
rum. Francofordiae ad Moenum. Addita est summa doctrinae, seu
fîdei professio ejusdem Ecclesia?. Editio secunda. Francofordiae,
1555, pet. in-8, mar. r. (Bedford). — F. de S.
78. — Recueil de plusieurs chansons spirituelles, tant vieilles
444 JUBILE CINQUANTENAIRE DE LA SOCIETE
que nouvelles, avec le chant sur chascune... S. l. {Genève^^, 1555,
2 part, en 1 vol. in-16, mar. n. doublé de mar. n. {Thibaron.) —
F. de S. (ex'' H. B.)
79. — Les vertus de la femme fidèle et bonne mesnagère, comme
il est contenu aux Proverbes de Salomon, chap. XXXI, (trad. en
vers français par Th. de Bèze). Lausanne, Jean Rivery, 155G, pla-
card in-4. - Th. D. (ex-^^ H. B.)
80. — Passevent parisien respondant à Pasquin Pvomain de la
vie de ceux qui se disent vivre selon la reformation de l'Evangile,
et sont allez demeurer au pays du duc de Savoye, et maintenant
soubz les princes de Berne et seigneurs de Genève; fait en forme
de dialogue par Antoine Cathalan. Lj-on, 155G, in-16, mar. br.
(Cape). — M"- A. A.
81. _ Antithesis de prœclaris Christi et indignis Papaefacinoribus.
S. L [Genève], Zacharie Durant, 1558, in-8, Og. sur bois, mar. n.
— Cf. n° 52. — M"'e A. A.
82. — Instruction chrestienne pour la jeunesse de France, en
forme d'alphabet propre pour apprendre les enfans tant à lire,
escripre et lier ses lettres que congnoistre Dieu et le prier. Lyon,
Robert Granjon, 1562, in-8, caract. de civilité, mar. br. (Duru). —
E. S. (ex- G.)
83. — Reigle de vivre d'ung chascun chrestien, selon la pure
doctrine de Dieu etnostre sauveur Jésus Christ. Avec enseignemens,
prières et oraisons, extraictes des sainctes escriptures. Lyon,
Robert Granjon, 1562. — Forme et manière de vivre des chrestiens
en tous estats, selon la pure ordonnance de Dieu. Lyon, Robert
Granjon, 1562. — En 1 vol. in-8, caract. de civilité, mar. r. (Duru).
— E. S. (ex" G.)
84. — Epistre d'une damoiselle françoise à une sienne amie,
dame estrangère, sur la mort d'excellente et vertueuse dame Leonor
de Roye, princesse de Condé, contenant le testament d'icelle,
ensemble le tombeau de ladicte dame. S. /., 1564, in-8, mar. v.
{Chanibolle-Duru). — F. de S.
85. —Les cent cinquante Pseaumes de David, nouvellement mis
en musique à quatre parties par C. Goudimel. — Ténor, -t- Paris,
Adrian le Roy et Robert Ballard, 1564, pet. in-4 obi. — E. S.
(ex'» G.)
DR l'histoire du PROTESTANTISiME FRANÇAIS 445
86. — Arresl de la court de Parlement contre Gaspart de Gol-
ligny, qui fut admirai de France, mis en huict langues, à sçavoir
françois, latin, italien, espagnol, alleniant, flament, anglois et
escoçois. Paris, Jean Dallier, 1569, in-8, mar. r. {anc. rel.). —
F. de S. (ex" H. B.)
87. — Chansons nouvelles [au nombre de quatre] contre les
huguenotz. 5. /. n. d. [vers 1573], placard in-fol., 2 ff., mar. bl.
[Chambolle-Duru). — F. de S. (ex"' de la vente J. Pichon.)
88. — Mellange d'Orlande de Lassus, contenant plusieurs chan-
sons à quatre parties, desquelles la lettre profane a esté changée
en spirituelle. La Rochelle, P. Haultin, 1575, pet. in-4, obi. (Précédé
d'une dédicace de Jean Pasquier à Catherine de Partenay, dame
de Rohan, datée de La Rochelle, 20 octobre 1575. J. Pasquier est
l'auteur du nouveau texte, « spirituel », de ces chansons.) — Bibl.
du prot. fr. (don F. de S.)
89. — Dodecacorde, contenant douze pseaumes de David, mis
en musique selon les douze modes, à 2, 3, 4, 5, 6 et 7 voix, par
Claud. Le Jeune. — Sixiesme [partie, soit second-dessus]. La
Rochelle, Hierosme Haultin, 1598, in-4 obi., mar. r. {Hans Asper).
— E. S. (ex" G.)
90. — Les cent cinquante Pseaumes de David, mis en musique à
quatre parties par Claud. Le Jeune, Paris, Veuve R. Ballard et
Pierre Ballard, 1601, in-8 obi., mar. n. {Petit et Thioullier.) —
F. de S. (ex" H. B.)
91. _ Chansons spirituelles à l'honneur et louange de Dieu, et à
l'édification du prochain. Adjousté à la fin dix cantiques spiri-
tuels... La Rochelle, Fr. du Pré, 1606, 2 part, en 1 vol. in-r2,
mar. n. {Thibaron.) — F. de S. (ex^^ H. B.)
92. — Adagiorum opus D. Erasmi Roterodami, per eundem
recognitum et locupletatum. Basileœ, apud Joannem Frobenium,
1526, in-fol.— Bibl. du prot. fr., n° 248. Rés. (don F. de S).
Exemplaire de Jean de Lasco, avec sa signature sur le titre, ses
initiales et ses armes sur les plats, etc. Jean de Lasco avait acheté
la bibliothèque d'Erasme.
93. — Supplex exhortatio ad invictissimum Cœsarem Carolum
quintum et illustriss. principes, aliosque ordines, Spirœ nunc imperii
conventum agenles, ut restituendse Ecclesise curam serio velint
446 JUBILÉ CtAQUAINTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
suscipere, per D. Joan. Calvinum. S. I. [Genève, Jean Gérard],
1543, in-4. — Bibl. du prot. fr., n» 1 1709. Rés. (don F. de S.)
Au bas du litre, cet envoi autographe de l'auteur : Ornatiss. viro,
D. Heinricho Bullingero, amico integerrimo, mittit Calvinus.
94. — Novi Testamenti aedilio postrema per D. Erasmum Rote-
rodamum. Tigiiri, per Andream et Jacobum Gessnerum fratres,
1554, in-16. — Bibl. du protesl. fr.. n» 5749. Rés. (don F. de S.)
Exemplaire ayant appartenu à Ph. Melanchlhon, qui a écrit une
prière au verso du premier plat; donné par lui à Hubert Languet.
(Voy. Bill!., 1897, p. ll'i.)
95. — Institution de la religion chrestienne, mise en quatre livres
et distinguée par chapitres en ordre et méthode bien propre, par
Jean Calvin. Genève, Jaques Bourgeois, 1562, in-4. — M. Jean
Schluml)erger.
Cet exemplaire a appartenu à Sully, qui Fa couvert de notes mar-
ginales.
96. — Trostsprùche fur die zerschlagenen, kleinmûtigen, be-
trûbten Gewissen.von CasparUuber'mus. Leipzig, Jacobus Bern>aldt,
1563. — Wieman sich chrisUich zu dem Slerben bereyten sol, von
Johann Brentius. Franck/iirt an der Oder, 1562. En 1 vol. pet. in-8.
— Th. D. (ex^^ H. B.)
Sur le f. de garde, celte note du xvp s. : « Ce livre cy fui prins au
pillage du bagage des reistres huguenotz, le jour de la bataille où
il pleut à Dieu donner une belle et grande victoire au Roy, près
Montcontour, le iii* octobre 1569. »
Les volumes qui suivent garnissaient la vitrine réservée
aux reliures. Gomme nous l'avons dit, on n'y a exposé que
des volumes protestants ou intéressant le protestantisme.
97. — Reliure du xvi« s., à compartiments, au chiffre du roi
Henri II et de Diane de Poiliers. (La Bible en françoys... Lj'on,
G. Roville et Th. Payen, 1548, in-fol.) — Bibl. Sainte-Geneviève.
Voy. ^^ .-J. van Eys, Bibliographie des Bibles en langue française
des X V' et X VI" siècles, n» 58.
98. — Reliure du xvi^ s., à compartiments. (La Sainte Bible. Lyon,
Jean de Tournes, 1557, in-fol.) — Bibl. Sainte-Geneviève ^
Voy. W.-J. van Eys, n" 87.
I. \o\. ces deux Noliimos sur la oravure ci-conlre.
■A\8 .lUHiLÉ cinOuantknaihe de la société
99. _ Reliure du xvi« s., au chiffre d'Antoinette de Bourbon,
femme de Claude de Lorraine, duc de Guise, tante de Henri IV.
(Psaumes de David, mis en vers par Marot et Th. de Bèze, suivis
de La forme des prières ecclésiastiques, ln-4, incomplet.) — M. Paul
de Félice.
100. — Reliure du xvi'= s., en veau doré. (Commentaires de Jean
Calvin sur la Concordance ou Harmonie, composée des trois
évangélistes, assavoir sainct Matthieu, sainct Marc et sainct Luc ;
item sur l'Evangile sainct Jean et sur les Actes des apostres. Genève,
Michel Blanchier, 1563, in-fol.) — M""= A. A.
iOl. — Reliure du xvr s., en veau doré, avec le nom de « Pierre
Sionnet. » (Le nouveau Testament. [Genève], Fr. Estienne, 1568. —
Les Pseaumes de David, mis en rime françoise par Clément Marot
et Th. de Bèze. [Genève], Fr. Estienne, 1568.) Deux tomes reliés
tête-bêche en 1 vol. in-16. — Th. D. (ex^^ H. B.)
102. — Reliure du xvi« s., aux armes de J.-A. deThou, les plats et
le dos entièrement recouverts de rinceaux dorés. (Vingt-cinq
planches du recueil de Tortorel et Perrissin. 5. /. ». d. [Genève,
Jean de Laon, 1570], in-fol.) — M»" A. A.
103. — Reliure en mar. olive, datée de 1580, avec les initiales F. S.
et la devise spirans bonam avram spero, placées dans des médaillons ;
dos et plats ornés de feuillages et rinceaux dorés, (Th. Beza, Psal-
morum Davidis et aliorum prophetarum libri quinque, latina para-
phrasi illustrati. Genevœ, 1579, in-8). — Th. D. (ex" H. B.)
104. — Reliure du xvi' s., en mar. r., avec un semis de fleurs de
lys, recouvrant une Bible dont le titre a été arraché et un Psautier
avec la Forme des prières ecclésiastiques. {Genève, Jérémie des
Planches, 1587, in-8). Sur le premier feuillet de garde on lit : Pour
Dam^^^ Siisanne de Loberan, via fille, 1661. Maurice de Lobéran de
Montigny, et à l'intérieur du plat sur lequel ce feuillet de garde
avait été collé : Ex libris Mauricii Loberanensis Dni Ablonii,
Montis Montignii... et Pastoris Ecclesice Dei reformatœ qiiœ est
Avernia, 1620, et au dessous : Geste bible est du Roy Henry le Grand.
— Bibl. du prot. fr. idon de M. R. Garreta).Voy.5M//., 1901, p. 319-320.
105. — Reliure du xvi« s., en mar. r., aux armes de Méry de Vie,
seigneur d'Ermenonville ; le dos couvert de feuillages et rinceaux
dorés. (Harangues militaires et concions de princes, capitaines,
ambassadeurs et autres, manians tant la guerre que les affaires
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 449
d'Eslat, recueillies et trad. par Pyranius de Candolle et Fr, de
Beiieforest. S. l. [Geiiève\, pour les héritiers d'Eustache Vignofi,
1595, 2 vol. in-8.j — Th. D. (ex- II. B.)
Signature de Bellesdens sur le titre.
106. — Reliure du xvi^ s., aux armes de J.-A. de Thou et de Gas-
parde de La Chastre, sa seconde femme. (Ad Rol^erti Beilarmini
Disputationes Iheologicas de rébus in religione controversis Lam-
berti Danœi Responsio. Genevae, apiid Joannem Le Preux, 1596,
in-8.) — M. Paul de Félice (ex'' H. B.)
107. — Reliure du xvi^ s., en veau doré. (Psaumes et autres
pièces, en vers français, ou en latin, avec la musique (P'' et 2" ténor),
manuscrit du xvi- s., in-4, obi., 117 ff. écrits.) — E. S. (ex" G.)*
1. Nous avons Tait reproduire fi-dessus le chiffre imprimé sur le i)iat
de celle reliure, pour le cas où quelqu'un parviendrait à le déterminer.
'lôO JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
108. — Reliure du xvii' s., en mar. r., aux armes de Duplessis
Mornay {Philippes de Mornay, arte et marte) et de Charlotte
Arbaleste, sa femme {L'esprit et la force vient de Dieu), recouvrant
la Bible de famille de Mornay (La Rochelle, par les héritiers de
Hierosme Haultin, 1606, in-fol.), suivie du Psautier et de la
Forme des prières ecclésiastiques. En tête du volume deux feuillets
de parchemin, dont le contenu a été publié dans le Bull., I,
p. 202 et s. — Bibl. du prol. fr. (don de M. Ch. Read.)
109. — Reliure du xvii^ s., au chiffre de Louis XIV, les plats et le
dos recouverts d'un semis de fleurs de lys. (Recueil des édicts de
pacification, ordonnances, déclarations, etc., faites par les roys de
France en faveur de ceux de la Religion prétendue réformée, depuis
l'an 1.561 jusques à l'an 1652. Genève, 1658, in-8.) — M. E. Chatonèy.
MO. — Reliure en argent repoussé, du xviii* s., représentant, sur
un des plats, la Crucifixion et, sur l'autre, la Résurrection de
J.-C. (Neues Gesang-Buch, alte und neue geislliche und liebliche
Lieder in sich haltend. Strassburg, Johannes Beck, 1739. — Christ-
liches Gebet-Bûchlein. Strassburg, Johannes Beck, 1739. En 1 vol.
in-12.) — M. Ch. de Billy.
Artistes et Objets d'art.
Une exposition huguenote rétrospective devait nécessaire-
ment démontrer, par des faits visibles et palpables, s'il est
vrai que TArt et la Réforme sont incompatibles comme on se
plait à l'affirmer. Or la plupart des œuvres d'une certaine
valeur, c'est-à-dire précieuses et recherchées, sont aujour-
d'hui dans des musées, ou dans des collections privées, qui
s'ouvrent difficilement aux solliciteurs. Nous ne pouvions
espérer et n'avons même pas songé à mettre à contribution
les musées, et les collectionneurs documentés au point de
vue huguenot étant très rares, nous nous demandions s'il
nous serait permis de rien montrer qui valût la peine d'être
vu. Nos craintes étaient heureusement exagérées. Grâce à
la bonne volonlé des uns et des autres, — et ici n'oublions
pas de mentionner les bons avis de MM. A. et E. Molinier, —
DE l'histoire DC PROTESTANTISME FRANÇAIS 4"1
notre petite exposition artisticiue a été vraiment intéressante
et l'on a pu y voir ce qui ne se trouve que dans bien peu de
musées. Pour plusieurs artistes huguenots nous avons pu, en
effet, montrer des pièces de tout premier ordre et bien qu'il
y eût nécessairement des lacunes dans notre série — le nom-
bre des artistes protestants étant en réalité très considérable
— les cinq vitrines consacrées à l'art, sans compter les
médailles et quelques objets disséminés, valaient la peine
d'être vues et ont d'ailleurs été très appréciées. Voici une
petite photogravure qui donnera une idée des trois pre-
mières de ces vitrines.
Dans celle qui faisait suite aux reliures nous avons pu,
grâce à MM. de Bethmann et Chaloney et à Mme la vice-
amirale Prouhet, exposer quelques œuvres et souvenirs
artistiques fort rares. En premier lieu, le principal ouvrage
d'un des plus célèbres architectes de la Renaissance, Jacques
Androuet du Cerceau, un des familiers, eiitre autres, de
Pvenée de l-'errare dans le livre de dépenses de laquelle il
figure souvent. Nous avons demandé à M. H. Masson, biblio-
thécaire de M. le baron de Bethmann de bien vouloir décrire
pour nos lecteurs cet ouvrage, ainsi que ceux qui suivent
d'Etienne Delaulne, le célèbre graveur du xvi' siècle dont
452 JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
nous avons déjà cité le beau porlrail d'Ambroise Paré et
dont les dessins se vendent aujourd'hui au poids de Tor, puis
un recueil de dessins originaux de Salomon de Brosse, Tarchi-
tecte du xvii" siècle auquel on doit le palais du Luxembourg,
et de Charles du Ry; — enfin une véritable relique encore
inédite, illustrée par Petitol et calligraphiée par Jarry.
Le premier \et le second] volume des plus excellents Basti-
ments de France. Auquel sont désigne'^ les plans de quinze
Bastiments, et leur contenu : Ensemble les élévations et singula-
rite\ d'un chacun. Par Jacques Androuet. du Cerceau, archi-
tecte. A Paris, Pour ledit Jacques Androuet^ du Cerceau.
MDLXXVI-MDLXXIX (1576-1579). Deux tomes en un vol.
in-fol., vélin (Rel. anc).
C'est l'édition originale du principal ouvrage de cet archi-
tecte.
Entrepris sur Tordre du roi Henri II et exécutés avec l'ap-
probation et les encouragements de la reine Catherine de
Médicis, ces deux volumes, aussi précieux pour l'art archi-
tectural que pour l'archéologie monumentale, renferment,
accompagnés d'un texte explicatif, un ensemble de cent vingt
planches gravées sur cuivre par Ducerceau lui-même, et
donnant la représentation fidèle et détaillée des trente plus
belles résidences royales ou princières du xvi° siècle, dont la
plupart ont été détruites ou plus ou moins modifiées depuis
cette époque.
I. — Le Louvre, conslruil par Pierre Lescot, Neuf planches:
Plan, façades extérieures et intérieures, ordre des trois
étages, salle des cariatides.
II. — Vincennes (Château de), commencé par Charles,
comte de \alois, terminé par Charles V. Deux planches:
Plan et vue cavalière.
III. — Chambord (Château de), construit sous le règne de
François I" par les architectes Pierre Nepveu dit Trinqueau
et Jacques Coqueau. Trois planches : Plan, façades extérieure
et intérieure.
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 453
IV. — Boulogne dit Madrid. Chàleau bâti à l'extrémité
septentrionale du bois de Boulogne près Paris; commencé
en 1528, il fut démoli dans les premières années de la Res-
tauration. Neuf planches : Plan, façades, intérieurs, che-
minées monumentales, caissons.
V. — Creil (Château de). Edifié par Charles V dans une
des îles de l'Oise, ses vestiges se voient encore actuellement.
Une planche : Plan et élévation.
VI. — Coiicy (Château de), en Picardie. Construit par
Enguerrand de Coucy, ses ruines grandioses subsistent tou-
jours. Quatre planches : Plans, élévations, cheminées, table
des lions, tympan de la porte de la grosse tour.
Ml. — Folembray (Château de), dit Le Pavillon. Cet
édifice qui n'existe plus, avait été bâti près de Chauny en
Picardie, par Philibert de l'Orme, l'un des plus fameux
architectes du xvi^ siècle. Deux planches : Plan et vue cava-
lière.
\Ul. Montargis (Chàleau de), en Gâtinais. Construit sous
Charles V et détruit en 1809. il avait été donné en 1560, à
Renée de France, duchesse de Ferrare, qui en fit sa rési-
dence ordinaire. Quatre planches : Plan, vue cavalière,
grande salle, pourtour du château et « Galeries en char-
pentes » du jardin.
IX. — Saint-Germain-en-Laye (Château de). Ce palais fut
édifié par François F' sur les vestiges d'un château plus
ancien. Quatre planches : Plans, façades intérieures et exté-
rieures.
X. — La Muette. Petit château élevé par François I" dans
la partie de la forêt de Saint-Germain avoisinant Maison-
sur-Seine; ruiné il fut réédifié par Louis X\" et achevé par
Louis X\\. Deux planches : Plan et façades.
XI. — Vallery (Château de), entre Sens et Fontainebleau.
Restauré et modifié au xvi^ siècle par le maréchal de Saint-
André. Cinq planches : Plan, façades extérieure et inté-
rieure, jardins, vue cavalière.
/^54 JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
XII. — Verneuil-sur-Oise (Château de). Jacques Androuet
du Cerceau le construisit pour le duc de Nemours. Il n'en
reste rien. Dix planches : Plans, vue d'ensemble, élévations,
laçades, galerie.
XIII. — Ancy-le-Franc (Château d'), en Bourgogne, élevé
sur les dessins de Primalice. Trois planches : Plans, façade,
élévation, vue cavalière.
XIV. — Gaillon (Château de), en Normandie. Bâti sur les
plans de l'architecte Guillaume Senault pour le cardinal
Georges d'Amboise. Sept planches : Plans, vue cavalière, vue
de l'ermitage, façade de la maison blanche, vue du jardin,
fontaine.
XV. — iVf<îîme (Château de), près d'Ancy-le-Franc en Bour-
gogne. Le duc d'Uzès le fit édifier. Deux planches: Plan et
élévation.
XVI. — Blois (Château de). Cinq planches : Plans, vue
cavalière, façade du côté du jardin, façade dans la cour.
XVII. — Amboise (Château d'). Trois planches : Plan, vue
cavalière du côté de la forêt, vue cavalière du côté de la
Loire.
XVIII. — Fontainebleau (Château de), construit sous
François I'' par le Rosso, le Primatice, Serlio et Philibert
de rOrme. Sept planches : Plans, vue cavalière, vue générale
avec l'ensemble des jardins, façade sur la cour du Cheval-
Blanc, façades sur la cour de la fontaine.
XIX. — Villers-Cotterets (Château de), reconstruit sous
François 1" et Henri II par les frères Jacques et Gilles Le
Breton. Trois planches : Plans, vue cavalière.
XX. — C/mr/evrt/ (Château de), près de Noyon-sur-Andelle
en Normandie. Sa construction, entreprise sur l'ordre de
Charles IX, est attribuée à Jacques Androuet du Cerceau.
Cinq planches : Plan, façade intérieure, façade extérieure.
(Le dessin de ces planches est dû à Baptiste Androuet du
Cerceau, fils de Jacques).
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 455
XXI. — T^z/Z/ét/^.*) (Chàleau des). Commencé par Philibert
de rOrme pour la reine-mère Catherine de .Médicis, ce palais
a été incendié en 1871 et ses ruines remplacées par un
jardin. Trois planches : Plans, façades. — Les plans donnent
Fensemble du monument tel qu'il devait être construit d'après
la conception primitive.
XXII. — Saint-Maur-les-Fossés (Châleau de), près Paris.
Il avait été édifié par Philibert de l'Orme pour le cardinal Jean
Du Bellay et a été détruit à la fin du xviu'' siècle. Trois
planches : Plan, façade sur le jardin, façade sur la cour.
XXIII. — Chenonceaii (Château de), en Touraine. Com-
mencé en 1515 par Thomas Bohier, receveur général des
finances de Normandie, il fut terminé par Diane de Poitiers
et la reine Catherine. Trois planches : Plans, élévations.
XXIV. — Chantilly (CAvÀienn de). Anne de Montmorency le
fit élever par Jean Bullant; la Révolution le mit en vente et
son acquéreur le démolit. Le duc d'Aumale l'a fait réédifier
de nos jours par l'architecte Daumet. Sept planches : Plans,
élévation, entrée, façades extérieure et intérieure, façades
sur la cour d'honneur, façades sur la première cour.
XXV. — Anel (Château d'). A été construit pour Diane de
Poitiers, par Philibert de l'Orme et Jean Goujon. Détruit
presque totalement en 1792, le propriétaire de ces ruines
(M. Moreau) l'a fait restaurer en partie il y a quelque trente
ans. Sept planches : Plan, vue cavalière, entrées, fontaine
de Diane, chapelle intérieure et chapelle extérieure.
XXVI. — Ecoiien {C\\(xieSi\x d'). A été édifié sur les plans
de Jean Bullant, architecte du connétable Anne de Montmo-
rency. Cinq planches : Plan, vue cavalière, façades exté-
rieures et intérieures.
XX\TI. — Dampierre (Château de), près de Chevreuse.
Bâti pour le cardinal de Lorraine au xvi° siècle il a été
presque entièrement reconstruit par Mansart au siècle sui-
vant. Quatre planches : Plan, élévation, vue d'ensemble et
pavillon des étuves.
456 JUBILÉ CI.N'QUANTENAlnE DE LA SOCIÉTÉ
XXVIII. — Challuau (Chàleau de), en GaLinais. Dcuk
planches : Plans et façades.
XXIX. — Beauregard {Ch-èi[esi\x de), près de Blois. Cons-
Iruil à l'origine pour M. du Thiers, secrélaire d'Etat du roi
Henri II, il a été réédifié dans presque toutes ses parties au
xvii^ siècle. Trois planches : Plan et vues cavalières.
XXX. — Biiry (Château de), près de Blois. Robertel,
ministre des finances de François !"■ le fit bâtir; délaissé au
siècle suivant par ses propriétaires, il n'est plus actuellement
qu'un monceau de ruines. Trois planches : Plan, vues
d'ensemble et galerie.
Le lieu et la date de naissance de Jacques Androuet du
Cerceau' ne sont pas connus avec certitude. Les travaux
biographiques les plus récents estiment qu'il naquit à Paris
vers 1510 ou 1512. La même obscurité règne sur le temps et
le lieu de son décès. Persécuté pour sa foi religieuse, il dut
chercher un refuge à l'étranger, aussi les uns le font-ils
mourir en Italie, d'autres à Genève ou bien encore à Annecy
chez le duc de Savoie. Ce qui est certain, c'est que l'on
constate sa disparition après 1585, époque où il aurait eu
environ de soixante-treize à soixante-quinze ans, aussi
l'opinion la plus généralement admise est-elle cju'il mourut
vers ce temps.
Recueil d'Estampes dessinées et gravées au xvi'' siècle par
Etienne Delaulne. Paris et Strasbourg, 1560-1580, ln-4, demi-
rel. dos et coins de mar. rouge.
Ce précieu^ volume renferme deux cent soixante mor-
ceaux de gravure dus au burin délicat de ce maître célèbre
parmi lesquels nous citerons plus particulièrement : La
Genèse, 36 pièces; — Sujets tirés de l'Ancien Testament,
12 pièces portant la date 1561 ; — Sujets variés de l'Ecriture
sainte et de la Mythologie, 6 pièces; — La Vie de V enfant
1. Ce surnom de Du Cerceau provenait, d'après La Croix du Maine,
d'une enseigne placée sur la maison des Androuet.
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 457
prodigue; — Divinités payennes datées de 1578, 20 sujets ; —
les Sciences, 1569 ; — les Quatre Monarchies ; — les cinq Sens ;
— les Mois ; — le soleil, la liine, les planètes ; — les quatre
parties du monde ; — une série de figures allégoriques : la
Divinité, la Justice, la Tempérance, V Amitié, la Libéralité, la
Science, la Munificence et la Magnanimité ; — une suite
d'emblèmes moraux; La Paix, la Famine, la Guerre, ï Abon-
dance; — Onze pièces relatives aux travaux d'Hercule, à
Andromède, à Diane, à Narcisse; etc. etc. — Le recueil se
termine par une série de frises représentant des combats et
des triomphes composés d'après des reliefs antiques. Toutes
les épreuves sont en tirage original et sont accompagnées,
au point de vue comparatif, d'un autre tirage ancien, mais
fait postérieurement au premier.
Recueil d'Ornements à Pusagedes Joailliers et des Orfèvres,
dessinés et gravés par Etienne Delaulne. Strasbourg, 1573-
1580, In-4, demi-rel. dos et coins de mar. rouge.
La collection de petites estampes renfermée dans ce second
volume complète les séries du recueil précédent. Les figures,
au nombre d'environ cent vingt, ont été conçues plus parti-
culièrement pour les maîtres orfèvres et joailliers; elles sont
du goût le plus pur et d'une exécution artistique des plus
parfaites. — L Les Sciences : la Dialectique, la Physique, la
Jurisprudence, l'Astronomie, la Théologie et la Rhétorique,
suite de six pièces sur fond blanc. — II. Les Sciences et les
Arts : la Géométrie, l'Arithmétique, l'Astrologie, l'Architec-
ture, la Musique et la Perspective, six pièces sur fond noir.
— III. Dieux et Déesses : Apollon, Minerve, \"énus, Diane,
Mars et Jupiter, six pièces sur fond noir. — IV. Dieux et
Déesses, autre suite de six pièces datées de 1573. — V. Orne-
ments composés de grotesques, de rinceaux et de person-
nages divers gravés sur des fonds noirs ; six séries datées de
1573 et de 1579. — (Tirage original avec états ultérieurs com-
paratifs.)
Toutes les suites composant ce recueil ont été exécutées
et imprimées à Strasbourg dans la belle période du (aient de
LI. — 32
458 JUBILÉ cinqL'antenaike de la société
Fauteur; c'est-à-dire dans les années comprises entre 1573
et 1580, ainsi que nous l'indiquent les mentions gravées pour
cinq d'entre elles. Ces mentions, ou plus exactement ces
achevé de graver nous sont précieuses en ce que la plupart
nous font connaître qu'en l'année 1573 Etienne Delaulne
avait quitté la France à la suite de la Saint-Barlhélemy et
s'était fixé définitivement à Strasbourg ; et que deux d'entre
elles nous confirment la date de 1519 comme l'époque de sa
naissance : « Stephanus de Laiine inventor excidebat (sic)
a'no 1573 œtatis suœ 54 in Argent ina ». « Johani filio inven.
Stephanus pater œtatis GOfœliciter sculpsit 1579 ».
Dessins originaux de Salomon de Brosse, architecte fran-
çais. Pet. in-folio, vélin.
Ce recueil de dessins à la plume, exécutés dans les pre-
mières années du xvii'' siècle, a déjà été signalé dans la
France protestante^ par M. Charles Read à qui l'architecte
H. Labrouste l'avait alors communiqué.
Composé de quarante-neuf feuillets^, couverts au recto et
au verso de nombreux croquis d'ornement, d'études d'archi-
tecture, ou de représentations d'édifices construits par l'au-
teur ou, antérieurement à lui, par d'autres architectes, il
nous laisse pénétrer en quelque sorte dans la vie toute
intime et laborieuse de l'artiste en nous montrant l'ébauche
de l'inspiration première s'agrandissant et se modifiant suc-
cessivement pour arriver à la perfection définitive du projet
rêvé. Ici c'est un modèle non terminé de la célèbre porte
monumentale de Vhôtel de Soissons que nous retrouvons com-
plet sur un autre feuillet, mais établi d'une autre manière";
là c'est le croquis léger d'un lion devant couronner un pavil-
lon d'entrée; ailleurs le modèle primitif des lucarnes du châ-
teau de Coulommiers; des, guirlandes de fleurs et de fruits,
des enfants, des cariatides, des mascarons, des coquilles,
des écussons, et quantité d'autres ornements architecto-
1. DcLixième édilion, tome III, p. 2()9.
2. Au fronton se voient les armes accolées de Charles de Bourbon,
comte de Soissons, et de sa femme Anne de Montafié.
DE l"h1STOIRE du PROTESTANTISME FRANÇAIS 459
niques. Les projets de portes sont nombreux, nous en comp-
tons vingt-six, tous différents les uns des autres. Puis vien-
nent onze cheminées monumentales, un escalier de terrasse
avec termes et balustrade, une façade de grand palais avec
statues, la façade de Tune des ailes du Château de Verneuil
construit par Du Cerceau, une partie de la façade du châ-
teau de Coulommiers en Brie, une porte de la ville de Paris,
les quatre faces d'un pavillon d'entrée de châleau placé à
l'extrémité d'une terrasse, une entrée d'ordre toscan rappe-
lant la porte principale de Coulommiers, un très beau et très
élégant pavillon central de château couvert en dôme, une
esquisse de façade de palais, des projets de tombeaux, une
fontaine, des tracés de gnomons, etc. etc.
La modeste reliure de cet album a, elle aussi, son côté
curieux. L'ne première mention, inscrite sur la partie exté-
rieure du premier plat, nous fixe immédiatement sur l'auteur
des dessins, qui du reste ont été rigoureusement identifiés
par comparaison : « Je suis à de Brosse mil six cent sept »,
avec cette surcharge « Je suis à Du Ry »; et au dessous « Le
« présent livre appartient à Charles Du Ry architecte des bas-
« timents du Roy, travaillant pour Madame la Duchesse de
« Longueville à son chasteau de Coulommiers en Brie en
« l'année ([ue ledit chasteau a esté commencé l'an 1613 ».
Sur la doublure intérieure en papier du même plat, trois
autres indications manuscrites rappelant que « Ce présent
«livre appartient à Charles Du Ry demeurante Verneuil-sur-
Oise » puis « demeurant à Coulommiers en Brie ». On sait,
et la mention rapportée ci-dessus nous en donnerait le sou-
venir, que le château de Coulommiers' fut consiruit par
Charles Du Ry pour Catherine de Gonzague, duchesse de
Longueville, sur les plans et dessins de Salomon de Brosse.
Ceci explique suffisamment le changement de possesseur.
Du Ry, élève de De Brosse, habitait Verneuil-sur-Oise, lieu
natal et domicile de son maître et, celui-ci voulant laisser un
souvenir utile à son disciple qui va être chargé de la partie
matérielle de l'édification de Coulommiers^. lui offre son
1. Il n'existe plus ayant été détruit de 1736 à 1738.
460 JUBILÉ CLNQllANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
recueil de dessins personnels; il pourra s'en inspirer. Mais
l'album n'est pas enlièremenl rempli: il reste quelques pages
blanches, aussi n'hésitons-nous pas à attribuer à Charles
Du Ry la majeure partie des dessins au lavis, les statues et
autres qui terminent le volume.
Les Dernières Paroles de Monsieur d'Hervart, Conseiller
d'État, par M. Claude, ministre de l'Eglise réformée de Cha-
renton. 1677. Manuscrit in-16 de 44 feuillets, calligraphié sur
vélin par Nicolas Jarry, orné d'un portait peint en miniature
par Petitot, et relié en chagr. noir avec fermoirs en or.
Barthélémy Hervart, né à Augsbourg en 1606, après avoir
été banquier à Lyon, fut choisi par Mazarin à l'époque des
troubles de la Fronde (janvier 1650) pour remplir l'emploi,
laissé vacant par le décès de Charron, de l'un des huit inten-
dants des finances du royaume. Les services qu'il rendit
alors, et qu'il ne cessa de rendre depuis à la cause royale, le
firent nommer sept ans plus tard à la haute charge de Con-
trôleur général et de Conseiller d'État. Il n'avait conservé que
cette dernière qualité lorsqu'il mourut à Paris*, le 22 octobre
1676, âgé d'un peu plus de 70 ans.
Ce fut vers la fin du mois d'août 1676 que les premiers sym-
ptômes de la maladie qui devait emporter le financier se
déclarèrent. Le mal s'aggrava; Monginot, son médecin, ne
put que prévoir une issue fatale. Le 1 1 octobre, le célèbre
M. Claude, ministre de l'Église de Charenton, vint voir le
patient et ne cessa, tous les jours qui suivirent, de passer
plusieurs heures auprès de lui, l'exhortant à la résignation et
à supporter ses souffrances en chrétien 1 Hervart reçut tous
ces encouragements avec beaucoup de fermeté, réconfortant
lui-même sa femme, sa fille la marquise de Gouvernet, son
fils puiné et ses serviteurs éplorés. A ses amis et aux autres
pasteurs qui le visitèrent, entre autres à MM. Daillé, Allix,
Fetizon, Mesnard, Hotman, de Bie, il tint les discours les
plus édifiants, rappelant que l'homme ne devrait jamais
1. Et non pas à Tours comme le disent à tort la plupart des biographes.
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 461
attendre les derniers jours de sa vie pour s'amender. U fit
aussi appeler un autre de ses fils qui avait abandonné la re-
ligion réformée et qu'il ne voyait plus pour ce motif; il lui
reprocha en termes austères son apostasie, et l'engagea for-
tement à revenir à la religion de ses parents. Quelques jours
après, dans la matinée du 22 octobre, entre sept et huit heures,
Barthélémy Hervart s'éteignait doucement dans les bras de
ses enfants.
Cette relation, dont nous venons de résumer succinctement
le contenu, a été certainement, quoiqu'elle ne soit pas signée»
rédigée par Claude. On y rapporte en effet, non seulement
toutes les paroles remarquables du mourant, mais encore le
texte même des exhortations et des consolations que le mi-
nistre ne cessa de lui prodiguer jusqu'en ses derniers in-
stants. L'auteur seul de celles-ci pouvait avoir cette précision
du souvenir.
Pour Pelitot nous avons été exceptionnellement privi-
légiés. — Grâce à l'amabilité du baron Eugène Roger et de
M. Ernest Strœhlin, gendre de H.-L. Bordier, descendant de
l'ami et collaborateur de Petitot, nous avons pu exposer,
dans une vitrine isolée, placée devant le bureau du biblio-
thécaire, plus de vingt portails de ces deux célèbres peintres
en émail. La fiche placée en tète de cette vitrine portait,
en effet, deux noms, ceux de Jacques Bordier (1616-1684) et
de Jean Petitot (1607-1691). Ce dernier ainsi qu'on le verra
plus loin, parle de son collaborateur, comme d'une « per-
« sonne liée avec lui d'amitié et d'association dès environ
« un demy siècle, sans avoir aucune mésintelligence, ni
« division entre nous». Or, ces deux artistes n'ont jamais
signé leurs œuvres qui se distinguent seulement de toutes
les œuvres similaires, par la finesse des traits, la légèreté
des cheveux, l'éclat incomparable et pourtant sobre et
harmonieux des couleurs, et surtout par l'extraordinaire
science de la perspective grâce à laquelle ces portraits, si
réduits que quelques-uns ne peuvent être bien vus qu'à la
loupe, ont tout le relief et parfois la grandeur d'un vrai
tableau.
462 JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
Voici la liste des émaux exposés par le baron Eugène
Roger : 1" marquis de Barbézieux: — 2" Marie-Louise d'Or-
léans: — 3" et 4" Louis XIV, deux portraits dont un repré-
sentant le roi jeune et l'autre plus câgé; — 5° la comtesse de
Soutiiampton: — 6° Madame de Maintenon; — T Un portrait
présumé de Massillon: — 8" Un autre qui pourrait repré-
senter La Bruyère: — ^" Richelieu; — 10' la duchesse de Pem-
broke; — 11" Louise-Marie de Gon^ague: — \T Madame de
Combalet; — 13" une inconnue: — 14" Monsieur frère du roi;
— 15° Madame de Montespan ; — 16° Jacques II, d'Angleterre
ce dernier monté sur une clef de montre, les autres sur des
boîtes en or ou en écaille.
M, E. Slrœhlin avait exposé d'abord le portrait de Petitot
peint par son fils, signé au dos P. F., monté sur une taba-
tière en or ciselé, portrait dont nous donnons ici une repro-
duction, puis celui d'un seigneur inconnu, enfin ceux de
Louis XIV, Anne d'Autriche, la comtesse de Grignan et Made-
moiselle de La Vallière d'un côté en habit de cour, de l'autre
en Madeleine.
En outre, M. Strœhlin avait exposé trois autres émaux
également intéressants: de Chastillon,un magistrat inconnu;
— de Pierre Huaud l'aîné, une dame inconnue, Genève, 1688.
— Enfin un rare portrait, sans doute peint en Allemagne,
très frappant, de la célèbre princesse palatine, mère du
Régent.
DE l'histoire Dl' PROTESTANTISME FRANÇAIS ^lG3
Mais, revenons à Petitot et à la vitrine décrite au com-
mencement de celte section. Il y a plus de quarante ans,
en 1860, le Bulletin avait analysé (p. 305 à 312 et 419 à 432) et
en partie reproduit un manuscrit du peintre qui se trouvait
alors cà Brest, intitulé : Prières et Méditations chrestiennes
pour la famille. En temps de santé de malladie et de mort.
Nous avons retrouvé cette relique à Bordeaux chez madame
la vice-amirale Prouhet qui a fort gracieusement consenti à
l'exposer. Ce livre de prières a servi pendant des générations
464 JLBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
aux descendants du célèbre artiste. Il y a même telle page où
par suite de changement politique une variante relative à ce
changement avait élé épinglée sur le passage correspondant
du texte original, pour être lue à la place de ce dernier. Aussi
le manuscrit est-il 1res usé et taché, notamment, en tète, le
portrait de Pelitot lui-même, devenu presque méconnaissable,
mais où toutefois l'on retrouve les mêmes traits fixés sur
rémail par son fils. Nous renvoyons pour son contenu au Bul-
letin, t. IX, et avons fait reproduire pour nos lecteurs outre
le titre peint et calligraphié par Pelitot, le portrait qu'il
avait fait de sa femme et la pnge qui se termine par sa
signature.
A côté de ce manuscrit M. Chatoney a bien voulu en placer
un autre provenant du même artiste, relié comme le précé-
dent en velours grenat (seulement in-A" tandis que l'autre
est in-8") et témoignant comme le premier de sa piété peu
commune. Voici le litre de ce manuscrit provenant de la
bibliothèque du baron Pichon qui l'avait acheté au libraire
Symes :
Prières, méditations et actions de grâce, tant sur les pros-
périte\. que sur les adversité^ que Dieu m'a envoyées dans le
cours de yna vie, dont je fais part à ma famille. Petitot, 1682.
Nous avons extrait de ces prières tout ce qui a un carac-
tère autobiographique, car Petitot énumère en s'adressant à
Dieu les diverses bénédictions et délivrances dont il a été
l'objet :
...« Tu m'as esté favorable dès le ventre de ma mère, et m'as
dès mon enfance illuminé de la sainte connoissance par réducation
et les bonnes inslruclions et bons exemples d'un bon père, qu'il l'a
plu par la singulière grâce tirer, en sa jeunesse, des ténèbres à la
divine et merveilleuse lumière, lui inspirant pour celle fin de cher-
cher une relraille où fut prêché la pureté de l'Evangile en toute son
étendue comme elle est à Genève où Dieu a posé le flambeau de sa
Parolle, pour la relraille et la consolation de plusieurs des siens :
C'est ce qui a fait toute sa joye, et s'y estant marié a fait aussi tout
mon bonheur, ayant pris naissance en son Eglise et m'ayant mis au
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 4G5
chemin de salut et de vie, dont je lui en dois faire tous les jours
une constante et perpétuelle reconnoissance.
« Destitué de moyens, tu asô Dieu pourvue ma condition, et à mon
avancement en mon art, lu m'as donné de Findustrie au dessus de
plusieurs de mes semblables, et m'as approché des Roys et des
I âi!< ne Jrn /y^p,,if mt'-ihe/xi, ^roatr'X /Àrinm^.
grands, par le moyen de mon travail, j'en ay servy trois, et l'un
d'eux, Charles I'^' Roy de la grande Bretagne m'a quelques années
honoré et graliffié d'une pension; duquel les horribles divisions et
guerres sanglantes de son Royaume mirent cruellement fin à sa vie,
et par conséquent à toutes les espérances mondaines c|ue j'avois
fondées sur la bienveillance de ce Prince.
466 JUBILÉ C1.\'QLANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
« Mais la sage providence qui conduit toutes choses m'a appelé
ailleurs et m'a ramené icy au train de mon travail ordinaire, où j'ay
reçu une infinité de grâces d'en haut, dont je te remercie ô Dieu
mon Père. Tu m'as accordé la demande du sage, ne m'ayant donné
ny pauvreté ny richesse. Tu m'as, avec la femme, et le nombre
d'enfans qu'il ta plu me donner en ta bénédiction, fait avec paix
heureusement passer mes jours jusques icy. Tu les as tous faits et
rendus exempts des infirmitez du corps et de l'esprit, à quoi la na-
ture humaine est sujette. Tu as prolongé mes jours en leur faveur,
et de plus, comme une chose non attendue en mon aage, tu m'as
extraordinairement favorisé, en me continuant encore les moyens
d'exercer mon art avec quelque facilité en la compagnie de la per-
sonne liée avec moy d'amitié et d'association dès environ un demy
siècle sans avoir aucune mésintelligence, ni division entre nous.
« Enfin, toute ma vie n'a esté qu'une suitte de bénédictions reçeues
de mon Dieu : Ce n'est pas que j'aye esté exempt de quelques afflic-
tions en mon propre corps et en ma famille, mais je tiens que ses
châtimens sont du nombre de ses bénédictions, et même des prin-
cipales et des plus nécessaires pour le salut : j'en diray icy quelques-
uns des plus remarquables pour faire voir la bonté, la protection et
les grâces de Dieu envers moy.
« J'ay, en ma jeunesse esté tiré des eaux du milieu de la rivière
de seyne et au milieu de la nuit, où je me suis vu sans aucune res-
source d'espérance, par conséquent fort disposé à y perdre la vie.
J'ay esté sur la mer en attendant le moment d'y faire noffrage et
d'y périr. J'ay esté plus de deux années consécutives dans les in-
quiettudes et craintes perpétuelles de tomber dans une dernière
ruine avec toute ma famille sur une affaire dont l'issue a esté heu-
reuse. J'ay esté en un mesme instant jette deux fois par terre, par
un tourbillon extraordinairement tempétueux, une infinité de tuilles
tombées sur moy et à mes environs qui me mirent hors du pouvoir
de me rellever, et hors d'espoir d'échaper d'entre les bras de la
mort où je me voyais; couvert de sang je fus ramené. J'ay esté
guéry de deux playes à la tête visiblement mortelles causée par une
chute de carosse en l'aage de soixante dix ans. Et j'ay esté affligé
en ma famille d'un mal sans aucun remède humain par un mariage,
j'avoue trop precipitement fait.
« C'est là à peu près le petit détail des prospéritez et des adver-
sitez qui m'ont esté envoyées de la main d'en haut, et une confes-
sion et reconnoissance sincère des bienfaits reçus de mon Dieu
pour lui en donner gloire et pour mieux adorer sa divine providence
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 467
envers moy qui ne dois jamais oublier aucun de ses bienfaits, mais
qui dois dire avec le Pseaume 48" • .
« Je n'ay pas esté soigneux de visiter l'affligé, ni esté prompt à
secourir l'indigent, mes aumônes ont esté chiches, et mes compas-
sions dures et j'ay souvent fuy les objets tristes de peur de m'attris-
ter, lors même que j'aurois pu y apporter quelqu'alègemenl et con-
solation. Je n'amèneray pas icy la dureté du tems, quelque affliction
domestique, la multitude de mes enfans, la prévoyance des maux
à venir qui sont choses qui retraignent ordinairement la charité, et
divertissent les aumônes, je n'allégueray pas non plus l'assiduité
qui est requise en mon travail ordinaire qui ne m'a permis de m'en
bien acquitter et ma fait obmettre plusieurs choses nécessaires!
Plutost je te donnerai gloire, ô mon Dieu, en m'humiliant et con-
fessant franchement que ces deffauts provenoient de crainte d'avoir
faute ettl'une défiance ingrate à ta bonté, vu que tu m'as fait sen-
tir en ce pais tant d'effets de ton soin paternel, que je devois con-
server une assurance pour l'avenir, car chez moi l'huile de la (iolle
ni la farine du coffin n'ont point failly, ainsy je devois travailler
mieux que je n'ay fait après le pain qui est permanent en vie éter-
nelle
« Ta main m'a abbatu par une chutte, alant en ta maison pour par-
ticiper au St-Sacrement de ton corps et de ton sang avec une partie
de ma famille, à laquelle tu fis cette grâce en me châtiant par la
privation d'un bien si grand, et par deux blessures à la teste, qui
me firent ressentir quelques mois d'assez vives douleurs avant que
d'estre parvenu à la parfaite guérison que ta bonté m'a accordée
pour le bien de ma famille
« Tu m'as fait sentir la puissance, me donnant la force et la faci-
lité de supporter l'espace d'environ dix-huit mois des indispositions
qui m'ont affligé, obligé finalement de quitter ma famille, mon tra-
vail et mes affaires, pour chercher en divers endroits de la campagne
chez mes amis le moyen de me procurer la santé et me remettre
comme avant, qui est ce que Dieu m'a accordé
« ...Cela même que je subsiste encore après diverses épreuves et
en un aage si avancé, comme est celui que j'ay de soixante (juinze ans
passé avec un tempérament assez foible, n'est-ce pas un effet de ta
puissance et de ta bonté?... Je ne me réveille jamais de mon dormir
que je ne sols ébay de me voir encore au monde... Les prières
ardantes que je lui adresse à présent, ne regardent ni le monde, ni
sa vanité, mais bien sa gloire et le salut de ma famille affligée en
468 JUBILÉ CirvQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
l'un des miens, pour n'avoir pas, sur un mariage, assez consulté
l'Évangile qui nous envoyé à la prudence du serpent... Etant rassasié
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o'i^t'^cy
■'.!ii.' 'C /.'. /ta/ic-r / ^■y-f'''>t~--^
de jours, et touchant bientôt soix"^ seize ans, je désire d'estre dis-
sous pour estre avec Christ
« ...Que faisons nous icy bas sinon... voir avec sensible déplaisir
des sujets qui nous remplissent d'afflictions, ton Église foulée aux
pieds de les ennemis, tes temples et tes autels démolis, et rasés, tes
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 469
troupeaux et pasteurs épars et dissipés, ton St nom blasphémé, ta
vérité opprimée par le mensonge et exposée en opprobe. Enfin,
Seigneur Dieu grand et terrible, nos péchez ont attiré ces maux... »
Plus loin, Une préparation à la Communion où il reparle «de
la chute mortelle qui m'arriva il y a deux années allant à
resglise pour partiel pper à la communion... comme nous
espérons faire demain » (il faut lire dix au lieu de deux), il
ajoute... « il y a longtemps que je ressens incessamment des
incommodités et petiltes traverses en la santé de mon corps
qui à présent estant entré dans la quatrevingtiesme année,
semble ne devroit [devoir] estre plus cappable d'exercer le
travail qu'il plaist à Dieu me donner encore les moyens de
faire pour le bien de ma famille... »
A la fin de ces si touchantes effusions Paul Pelitot, fils de
Jean a raconté ainsi la fin de la vie de son père auquel sa
femme survécut. Ce récit est suivi d'une longue épitaphe
latine et d'un sonnet français assez médiocre.
Puisque nostre père a mis dans se commensement de livres une
partie de ce qui luy est arrivé pendens sa vie, il est juste que nous y
ajoutions ses derniers momens, lesquelles non pas esté moins pieux
et sains que pendans sa vie, puisqu'il n'a james eue autre chose dans
la pensée jusque au dernié momens de sa vie que de donné gloire
à Dieu et d'embrasser son sauveur auquel il dit pour dernier parolle
« vien Sgr Jésus, vien; vois seigneur Jésus vien bien tôt »; après
quoy se bon sauveur ressu son Esprit lequel il rendy après quelque
heures d'agonnie, qui fut lejeudy troissième avrille 1691 à sept heure
du soir; et a esté mis le samedy scinquème ditot à neuf heures du
matin dans la tombe de Mad^de Blaunay dans l'Église de saint Martin
à Vevay.
Il avait quatre vingt et quatre ans quent il est mort et travalllet le
niardy de la semaine dans laquel il est desedé le jeudy, au portray
de nostre mère, qui est se qu'il a toujours demendé à Dieu que de
pouvoir travaillé jusque à son dernié jour ce qui luy a esté acordé
puis qu'il n'a esté qu'un jour malade. »
Entre la vitrine qui renfermait ce manuscrit et celle où
étaient exposés les émaux de Petilot, se trouvait, comme on
470 JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
Ta VU plus haut, celle consacrée à Palissy. Nous avons eu la
bonne fortune de pouvoir y placer trois des plus grands bas-
sins ovales de l'inventeur des rustiques figulines : En tout pre-
mier lieu, une variante du bassin à reptiles qui est reproduit
sous le n°2 dans Monographie de r œuvre de Bernard Palissy
par MM. Carie Delange et C. Borneman, avec texte par
M. Sauzay et M. Henri Delange, Paris, 1862, in-folio. — Ces
bassins servaient dans les repas du xvi^ siècle pour se laver
les mains; Teau qui les remplissait y faisait valoir les reflets
de rémail et donnait Tapparence de la vie aux reptiles et aux
poissons qui y figuraient moulés sur nature, revêtus de leurs
couleurs vraies et entourés des plantes communes dans les ma-
rais de la Saintonge. Nous avons cité en premier lieu ce bassin
appartenant aujourd'hui à la baronne Gustave d'Adeswârd
parce qu'il est incontestablement de la première manière de
Palissy.
A sa droite se trouvait un plat plus petit du même genre,
reptile sur fond è/ez^, appartenant au baron Gustave de Roths-
child ainsi que le plat à gauche du premier et sur lequel était
représenté le sacrifice d'Isaac. Le grand bassin dans l'angle
supérieur de droite, h bords évidés pour y mettre les épices,
est le n" 50 de la susdite Monographie, autrefois à M. le comte
'"^Êii)^
472 JUBILÉ CIXQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
Dejean et aujourd'hui à M. Georges Berger, député. Il repré-
sente la Fécondité. Le grand bassin à gauche était le n. 655
du catalogue Spitzer, représentant le baptême du Christ en-
touré d'une bordure à coquillages et plantes diverses, et ap-
partient au baron et à la baronne Coche de la Ferté. Enfin,
dans le haut de la vitrine il y avait deux assiettes à fruits ou
à dessert. Celle de gauche, assez profonde, composée d'or-
nements ajourés a été donnée à la Bibliothèque par son pré-
sident. L'autre est une variante, mais avec des couleurs en-
tièrement différentes, du plat à Mascarons du Louvre (n. 32
de la Monographie). Il provient de la collection Pouyer-Quer-
tier et appartient au soussigné.
Avant de passer de l'autre côté de la table pour examiner
la vitrine qui fait face à celle de Palissy, les visiteurs étaient
invités à s'arrêter devant le bureau devant lequel se trouvaient
les Bordier et Petitot, et sur lequel on avait mis en évidence
deux autres œuvres d'art d'inégale valeur : à droite, un bas
relief en marbre de 40 centimètres de long sur 36 de hau-
teur dont voici la reproduction. Nous n'hésitons pas à attri-
buer cet admirable morceau de sculpture à Jean-Goujon,
non seulement à cause du sujet, Diane et Actéon — on sait
que Jean Goujon travaillait pour Diane de Poitiers, — mais
surtout à cause de la facture particulièrement achevée de
cette œuvre. Par l'élégance suprême des lignes, le fini de
l'exécution, l'harmonie de l'ensemble et la perfection des dé-
tails, ce petit chef-d'œuvre rappelle les parties du célèbre
tombeau des ducs de Brézé de la cathédrale de Rouen qui
sont incontestablement de Jean Goujon. Il en existe deux
répliques, l'une au musée deCluny et l'autre au château d'Anet,
mais d'une exécution incontestablement inférieure. C'est
M. Paul Garnier qui avait bien voulu nous prêter ce spécimen
de la sculpture de la Renaissance digne d'être placé à côté
de la tête du Christ expirant, de Ligier Richier, fragment
précieux d'un crucifiement de la chapelle des princes à Saint-
Maxe de Bar-le-Duc. Ce fragment recueilli à l'époque de la
Révolution lorsque cette chapelle fut saccagée, a été récem-
ment acquis pour la Société par son président et avait été
placé au milieu de la table de travail (Voy. Bull. 1895, p. 510).
DE l'histoire du proteptantisme français 473
L'autre objet placé sur le bureau, à gauche du bas-relief,
était un ancien miroir avec cadre de Boulle, en c uivrc ciselé
et incrusté, à rapprocher d'une horloge également de Boulle
qui se trouve dans la salle du Conseil de la Société. On sait
que celte famille d'ébénisles célèbres, oi'iginaire du canton
de Neuchàtel, resta prolestante jusque vers l'époque de la
liévocalion.
Tout près, à gauche, au-dessous du portrait de Guizot se
trouvait encore une viti'ine isolée qu'on voit fort bien sur la
photogravure du dernier des six panneaux. Elle renfermait
une reproduction en galvanoplastie, prêtée par le musée de
Monlbéliard, du célèbre bassin et de l'aiguière de François
Briot, qui sont au Louvre et à Cluny. On sait que cet artiste de
premier ordre, originaire de Damblainen Bassigny, se réfugia
à Montbéliard pour cause de religion et y exécuta dans le
plus pur style de la Renaissance, des œuvres d'art exlrême-
LI. — 33
47^ JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
ment rares et recherchées*. Sur la panse de l'aiguière exposée
on voyait en relief les figures de la Foi, de V Espérance, et de
la Charité; au centre du bassin sous lequel l'artiste a mis son
portrait avec cette légende, Sculpebat Franciscus Briot, celle
de la Temperantia et autour de celle-ci formant le fond, dans
des cartouches ovales séparés par des cariatides ailées, les qua-
tre éléments, Terra, Aqua, Aer, Ignis. Sur le bord, aussi dans
des cartouches ovales séparés les uns des autres par des
mascarons et des oiseaux entourés comme d'ailleurs toutes
les figures, d'arabesques, à la suite de Minerva, les sept dis-
ciplines, Grammatica, Dialectica, Rhetorica, Miisica, Arithme-
tica, Geometria, Astrologia. Ce François Briot était proche
parent de Nicolas Briot inventeur du balancier monétaire et
de Didier Briot, maître de la monnaie à Sedan. A la même
famille, sans doute, appartenait Isaac Briot dont une gravure
représentant le buste de Louis XIII au milieu d'un motif d'ar-
chitecture et signé I. Briotyec/M618, se trouvait à gauche au-
dessous du portrait de Gambs et nous avait aussi été prêtée
par le musée de Montbéliard^.
Le reste de la vitrine renfermant le bassin et l'aiguière
était rempli par des dentelles, cinq échantillons divers de
vieux points d'Alençon. C'est, en effet, une huguenote,
Marthe Barbot, veuve de Michel Mercier sieur de la Perrière,
chirurgien à Alençon, qui créa vers 1650 ce qu'on appelait
alors le vélin ou point d'Alençon, c'est-à-dire une imitation du
célèbre point de Venise. Les apprenties qu'elle forma devin-
rent les premières ouvrières des manufactures de point de
France que Colbert établit ensuite à Alençon où l'on ne fai-
sait jusque-là que du point de coupé. Cette industrie d'art
destinée à faire concurrence à celle dont Venise avait en
quelque sorte le monopole, fut presque exclusivement entre
les mains des protestants. La Révocation la tua comme
beaucoup d'autres. Voici, en effet, ce qu'on lit dans un rap-
port de l'intendant, M. de Pommereu, en 1698 : « En 1686
1. \'oy. A. Tucley, Le graveur Lorrain François Briot, 1887.
2. Cette gravure ne figure pas dans la liste de celles que donne la
France protestante, 111, 158, dont l'article consacré à Frant;ois devra être
complété et rectifié par la brochure de M. Tuctey.
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 475
« près de 4000 réformés travaillaient aux dentelles d'Alen-
« çon ; tous s'enfuirent et passèrent en Hollande et en An-
« gleterre avec leurs effets qui consistaient uniquement en
argent et marchandises qu'ils ont vendues » (cité par le
Magasin pittot'esque 49' année, p. 295). Il n'y a plus aujour-
d'hui qu'une seule maison qui exploite cette industrie à
Alençon. Les échantillons de point de France ancien sont
fort peu communs. Mme Woernitz (5 rue Castiglione) a bien
voulu nous prêter ceux que nous avions exposés*.
Puisque nous venons de citer une gravure d'Isaac Briot,
mentionnons ici aussi une petite peinture de Sébastien Bour-
don, appartenant a M. F. de Schickler, qui se trouvait à côté
de l'autobiographie de Pelitot — et, un peu plus loin que le
dessin de J. B. Massé, quatre gravures d'Abraham Bosse,
don de M. F. de Schickler. Les deux premières représen-
taient le départ et le retour de VEnfant prodigue accom-
pagnées de quatrains dans le goût du temps, comme celui-ci :
O qu'on souffre ici bas de pénibles travaux !
Espineux rejetions de l'humaine faiblesse;
Que noire espoir est vain et que l'homme a de maux,
Quand il suit les humeurs de sa folle jeunesse!...
On saitque cet artiste dont les œuvres sont encore recher-
chées à cause des renseignements qu'elles fournissent sur
les mœurs et le costume du temps de Louis XIll, s'inspirait
volontiers de l'Evangile, et fut, en France, un des créateurs de
la peinture de genre. Les deux autres estampes ont comme
sous-titre, la Bénédiction de la Table et Visiter les Malades.
Dans chacune d'elles on voit le Décalogue affiché en bonne
place sur le mur de la chambre.
Nous voici arrivés à la vitrine en face des Palissy. On y
avait mis d'abord six plaques en émail de Léonard, Limousin.
Quatre d'entre elles, d'une grandeur ou d'un éclat inusités
nous avaient été obligeamment prêtées par le baron et la
1. Voy. Mme G. Despierres, Histoire du Point d' Alençon, oùV on ne voit que
dans la Table, à propos de la date du décès de Marthe Barbot (12 jan-
vier 1677), qu'elle était prolestante.
476 JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
baronne Coche de la Ferlé, savoir le portrait de François I"
(n» 483 du cat. Spilzer), le Christ et la Vierge (Ibid. n° 475),
le baiser de Judas {Ibid. n" 476), et V Ascension du Christ [Ibid.
n" 432). M. Paul Garnier avait bien voulu nous laisser empor-
ter de chez lui une plaque ronde (215 mm. de diamètre) en
grisaille, re[)résenlant Hercule tirant sur le centaure Nessus
qui enlève Déjanire, et signée L. L. Enfin M. Chabrières nous
avait apporté un ancien cadre en bois doré entourant huit
plaques d'émail gris illustrant VOraison dominicale. On sait
que François I" donna à Léonard Limousin la direction de la
manufacture d'émaux fondée par lui à Limoges et le litre de
peintre émailleur du roi. On savait aussi que d'après une
tradition ancienne cet artiste qui vivait encore dans la seconde
moitié du xvi^ siècle était prolestant, mais jusqu'ici rien n'était
venu corroborer celte tradition. Or elle est incontestablement
précisée par le fait que plusieurs émaux de Limoges sont des
portraits de Réformateurs*, par le caraclère nettement évan-
gélique de la plupart des sujets empruntés à l'Histoire sainte,
et surtout par cette série illustrant l'oraison dominicale. Il
suffit en effet d'attirer l'attention sur ce prédicateur de la
Parole servant d'illustration à la requête du pain quotidien,
ou sur le (Ihrist recommandant à deux prisonniers — pourquoi
pas des prisonniers pour la Parole? — le pardon des offenses,
pour se sentir transporté dans un milieu essentiellement
huguenot. Bien que ce tableau destiné évidemment à être un
ornement domestique soit presque unique, il en a pourtant
paru à la vente Stein un autre, constituant une variante du
premier, mais sans doute due au même artiste et prouvant que
diverses œuvres de ce genre sortaient des ateliers de
Limoges-.
A gauche des émaux nous avons pu mettre, grâce à M. Paul
Garnier et à M. Th. Dufour, une série de montres du xvi'' et
du xvn* siècle. L'une des premières était un mouvement signé
Cusin, de Nevers. On sait qu'un horloger prolestant de ce
1. \"oy. entre autres, Bull. 1893, 544 et 1894, 444.
2. Grâce à l'obligeance de M. Duseigneur, j'ai sous les yeux une photo-
graphie de cet émail. Les sujets sont identiques à ceux du tableau de
M. Chabrières qu'on verra plus loin, mais autrement traités.
DE l'histoire du protestantisme français 477
nom doit avoir inlroduit cet art à Genève. Les boîtiers de
plusieurs autres avaient été gravés par Etienne Delaulne et
par Th. de Bry ainsi qu'il était facile de le voir par les gra-
vures signées de ces artistes et placées à côté des montres.
Enfin il y en avait une à l'intérieur de laquelle se voyait le
tournesol entouré de la devise de Marguerite d'Angoulôme
NON iNFERioRASEQcoR, plus dcux OCentrclacés de chaque côté
de la lige du tournesol et au-dessus deux fermesses {Bull.
1902, p. 36. — Serait-ce une montre donnée par Margue-
rite à son premier mari, Charles, duc d'Alençon?); — et une
autre en forme de fleur de lys dont le mouvement était signé
/. Dracque à Anerac, et qui avait peut-être appartenu à
quelque reine de Navarre. — Dix autres montres appartenant
aussi à M. P. Garnier étaient recouvertes de peintures en
émail, généralement des sujets mythologiques, exécutées
par les frères //z^^w/f réfugiés à Berlin et par leur père. Il y
avait aussi une montre à boîtier ciselé en or de diverses
couleurs signée Be?-thoud. — M. Th. Dufoury avait joint 1° une
montre de forme sphérique, le cadran et le mouvement
disposés entre deux grenats taillés en coquille, à monture
décorée de petits émaux cloisonnés, signée AbrahamCailliatte
(Genève 1642-1710); 2° quatre autres montres du xvni'^ siècle,
dont deux en or ciselé de plusieurs couleurs, signées Bordier
à Genève, et deux signées Gibolet, puis Roman, Melly e\. Roux
à Constance.
Nous passons maintenant la plume à M. F. de Schickler :
Autographes.
Deux vitrines avaient été réservées aux autographes : il
eût fallu trois ou quatre fois autant d'espace pour donner
une idée quelque peu exacte de ce qu'en possède déjà la
Bibliothèque. On a dû se contenter de montrer des docu-
ments historiques de première importance, et quelques lettres
ou signatures de protestants célèbres, en plus de celles
exposées sous les portraits de Coligny, Odet de Ghatillon,
Henri IV, Brousson, Paul Rabaut, Mme Calas et Sirven.
478 JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
La pièce la plus ancienne était une des trois lettres, en
français, de Farel au chevalier Nicolas d'Esch, retrouvées
à Nancy et publiée en 1876 dans le Bulletin par M. Hermin-
jard qui insistait sur la vive lumière dont elles éclairent une
période peu connue du développement du Réformateur. La
datant de Strasbourg, 31 juillet 1525, Farel y sollicite des
détails sur la mort de
« ...deux vrays martyrs de Jésus, Jehan Chastellain et le curé de
S' Hippolyte (Wolfgang Schuch), despuys qu'on les print jusques
au dernier soupir, en déclarant purement et simplement comment .
on a procédé contre eux. Ce sont choses que ne doivent estre
cachées, afin qu'on cognoisse le droict et le tort, tant d'ung costé
que de l'autre, sans favoriser à personne; ce que demandent ceux
qui aiment la vérité... »
Mennent ensuite : novembre 1540, lettre de Mélanchton
envoyant à un ami cinq lignes autographes de Lz^f/zer, encore
collées en haut de la page {Bull. XLVI, 117) et un manuscrit
autographe de Luther, dont voici le début.
I <^ 7
»
C'est une réponse à une question qu'on lui avait adressée
à propos de la peste qui sévit à Breslau en 1525 : Si Von doit
fuir devant la mort?^.
1557. Lettre de Renée de France à son mari le duc de Fer-
i. Ce manuscrit avait été donné à Talleyrand et par celui-ci à la
duchesse de Gouriande qui le donna en 1817 à lÉglise luthérienne de
Paris. Il vient d'être publié dans le tome XXIIl de la nouvelle édition des
œuvres de Luther.
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 479
rare. — 1562, 30 janvier, signature autographe de Calvin au
bas d'une réponse à l'Église de Blois demandant un pasteur.
1562, 19 mars, Orléans. Louis de Bourbon au roi Antoine de
Navarre. Au moment où ce dernier écoule déjà les promesses
des Guise, Condé au contraire lui dénonce les récents
« meurtres et carnages que l'on commet en plusieurs endroits de
ce Royaume sur une infinité de pauvre peuple désirant vivre selon
la pureté de l'Évangile, au mépris et conlemnement des ordres du
Roy, et les remèdes tant froids et peu convenables y être appli-
qués. Je n'ai peu pour mon devoir moins faire que d'en avertir la
Royne et vous, affin d'y pourvoir et avecques cela vous dire que si
telles indignités sont plus guères longuement tollérées et souf-
fertes, la patience dont jusques ici il à été si doulcement usée, se
convertira en si grand rage et fureur, et de cette fureur s'en ensui-
vra telle désolation qu'il sera par après possible trop tard, ou
pour le moins fort malaisé à y donner ordre; car voyant l'extrémité
à laquelle tous ces patients sont réduits c'est les faire proposer
des desseins tendant à une revenche, si qu'il est à craindre que
désespoir en cet endroict surmonte la raison et pour ce que par la
lettre que j'en escriptz à Sa Majesté, et le discours de la piteuse
tragédie de Sens, nous serviront d'une suffisante instruction, je
ne m'estendray plus avant en ce propos... »
On le sent l'ère des guerres civiles va commencer. — La
seconde se termine par le traité de Lonjumeau et l'Édit de
Paris, 23 mars 1568, dont l'acte original, signé de Charles IX,
muni du sceau et de l'enregistrement par le Parlement de
Paris, 27 mars, figurait à l'Exposition.
482 JUBILÉ CINQtjANTENAlRE DE LA SOCIÉTÉ
Cette paix dura peu : huit mois plus tard la guerre civile
reprenait jusqu'à Tédit d'août 1570, édit favorable aux pro-
testants, mais auquel plusieurs d'entre eux, et non des moins
considérables, hésitaient à se fier, ce dont témoigne un de
nos documents, les
Responses et articles baille^ par MM, les princes de Navarre et
de Condé à M. le Maréchal de Cossé après que M. le Maréchal eut
fait entendre à la Reine de Navarre, Messieurs les 'Princes et autres
Seigneurs qui sont près d'eux la bonne volonté du Roy sur l'entière
et étroite observation de son Edit. La Rochelle, l^"" janvier 1571,
5 pp. in-fol. signées, Henry (de Navarre) et Henry de Bourbon.
La Saint-Barthélémy ne justifie que trop ces défiances.
Quatre mois après le massacre, Charles IX engageait les Pro-
testants à réintégrer leurs foyers, par des Lettres Patentes
de déc. 1573. L'exemplaire exposé est celui envoyé à la pro-
vince du Berry; il porte sur sa grande feuille de parchemin
la signature du roi. (Cf. Bull, 1890, 415.)
Presque au même moment, novembre 1572, La Noue écri-
vait de La Rochelle à M. de Gadagne la lettre aut. signée
reproduite dans le Bulletin (XLIV, 477), dans laquelle il rend
compte des hésitations des habitants à entrer en pourpalers
en vue d'un accord, « ayant entendu l'accident de Sancerre
qui a failli être reprise pendant qu'on traitait ».
Au règne de Henri III se rapportait une copie, munie des
signatures du roi et de Brulart, de VEdit de Poitiers, 31 août
1577; à celui de Henri IV, les Actes originaux des Assem-
blées politiques de Saumur 1595, Loudun 1596 et Chàtelle-
rault 1597; on y peut retrouver toute la genèse de l'édit de
Nantes et il serait superflu d'en faire ressortir l'exception-
nelle valeur. Signalons, entre autres, le Règlement des Eglises
Réformées de France, reveu et arresté eitV Assemblée générale
tenue à Chatellerault pour faciliter rexécution de VEdit et
autres choses qui nous seront accordées en conséquence d'icetuy
par S. M., en 39 articles avec les signatures des 17 dépu-
tés des provinces, dont La Noue et Duplessis Mornay (Cf.
Bull., 1898, 311).
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 483
De ce dernier la Bibliothèque possède un dossier de plus
de mille pièces; il en a été extrait une lettre aut. signée
adressée à sa femme, du 22 févr. 1595, à laquelle faisait pen-
dant une de Charlotte Arbaleste du 2G nov. IGOl. Il faudrait
pouvoir citer en entier les deux de Catherine de Bourbon, la
sœur de Henri IV. Dans la première, Pau, 2 i janvier 1590,
lettre dictée et signée, elle intercède en faveur de deux
jeunes écoliers poursuivis par la Cour du Parlement de Bor-
deaux pour quelques paroles
« qu'on prétend par eulx avoir esté advancées sur le sujet de la
religion : le jugement ne peut estre que dangereux en ce temps,
d'aullant que s'il est doux, les esprits plus mutins du peuple ne
seront davantage contens, et s'il est au contraire suivi de quelque
sévérité il attire avec soy de grans mescontentemens et remet, assez
mal à propos, les questions plus fâcheuses de ce temps, jusqu'à
donner coup aux choses qu'il faut espargner ou desguiser, en atten-
dant le commun consentement qui pourra estre entre ceuls auxquels
la décision de nos misères sera commise ».
La seconde, enlièrement autographe (avec cachets et cires),
est adressée au maréchal de Bouillon:
« Sy, non seullement mon bien mais ma vie même pouvait servir
à l'avancement de la gloire de Dieu, je les emploierois avec beau-
coup de contentement... Au reste l'on m'a dit que l'on fait courir le
bruict en Guyenne que j'ay esté à la messe; ça donc esté de celle
de MM. de Montigny et de la Faye. Obligez-moi de répondre pour
moi que je suis résolue de vivre et mourir en la religion que seule
je crois et reconnois pour bonne et' que les tourmans ny les gran-
deurs ne pourront jamais avec l'ayde de Dieu, esbranler ma foy.
Voylà la plus ferme résolution que j'aye... »
Au xvi^siècle appartiennent encoreunedenos quatrelettres
de Théodore de Bèze, celle du 3 janvier 1588 aux pasteurs de
Berne sur les troubles de Strasbourg, 2 pages lat. in-fol. aut.
signées avec cachet (les autres sont des i9 nov. 1573,
26 juin. 1583, 28 mai 1599).
Le dix-septième figure d'abord par une pièce théologique,
48» JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
V Accord fait entre MM. Dumoulins et Tilénus, 15 ocl. 1614,
écrit de la main d'André Rivet et signé de lui, des deux con-
troversistes, de Ph. de Mornay, de Jan Fleury, chargés par
le Synode National de Tonneins « de composer le différent
sur la doctrine des effets de l'Union hypostatique des deux
natures en Christ ».
Delà même époque, une letlre autographe signée de Casau-
bon à de Thou. Londres, 23 sept. 4611. « Ego miserrimam
vivo vilam, sine libiis, sine sludiis et fere Regem sequens^»;
une aut. sig. de Lesdiguiéres à la Force, 6 sept. 1611 ; une de
Catherine de Parthenay à Du Plessis, lui donnant des nou-
velles et sollicitant l'envoi de devises « pour les carrés
c|u'elle brode pour Fentouragc d'un lit » ; et, de nos six lettres
de Henri de Rohan, celle au duc de la Force datée de Sl-Jean,
3 janvier 1617, 1 page in-fol. aut. sig., au sujet des « Princes
mécontents qui se sont trompés si souvent les uns les autres
qu'il ne croit plus qu'ils puissent se fier les uns des (aux)
autres », et de M. de Lesdiguiéres qui est un « brave
bonhomme ». Il termine par ces mots :
« Pour moy, je suis résolu comme Bartole de demeurer allaché
au service du P»oy et rien ne peut me destacher que la persécution
contre ceux de la Religion. Car en ce cas il faut tout quitter pour
la gloire de Dieu; voilà ce que je scay... ».
C'est le moment où, fidèle à sa parole, il restait complète-
ment étranger aux mouvements des princes et empêchait les
Protestants du Limousin de se joindre à eux. A côté du grand
capitaine rappelons le grand marin huguenot. Des deux lettres
de Duquesne la plus intéressante était prêtée par la munici-
palité de Dieppe. Se justifiant de divers reproches et cri-
tiques, il écrivait à Colbert le 12 novembre 1669 ces lignes
(jui montrent que déjà quinze ans avant la Révocation on
avait commencé à le desservir en haut lieu :
...Ainsi, Monseigneur, je croy que cesle mescliante opinion que
1. « Je vis la vie la plus misérable, sans livres, sans éludes, suivant
d'ordinaire le roi. »
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 485
VOUS avez eue de moy vous a esté portée loul de nouveau par
quelque mauvais offices que m'ont rendus des gens à qui le peu de
lumière que j'ay de la marine et l'intégrité de ma conduite font
continuellement ombrage... Le Roy est mal satisfait de moy, dont
je seray le reste de ma vie inconsolable sy vous n'avez la bonté
d'examiner et goutter mes justes raisons, puisque sans cela, oustré
de doulleur que je suis, je ne pouray que me persuader que vous
désirez à l'avenir vous desfere de moy quy ne pouray pas sur-
monter le desplaisir que j'en ressentiray * »...
La Bibliothèque jDossède plusieurs recueils manuscrits
des Actes des Synodes Nationaux : celui placé dans la se-
conde vitrine, un petit in-4°, est tout entier de la main de
Pierre Ferry, le frère du célèbre ministre de Aletz. Citons,
parmi les lettres de pasteurs de cette époque, une de Daillé
à Rivet, Paris, 6 juillet 1634, exprimant ses craintes pour la
santé de Saumaise; une de Claude, Paris, 17 mai 1678, alors
que la persécution s'accentue, recommandant à Tronchin, de
Genève, « deux hommes avec leurs femmes, de Rochefort,
qui sont obligez de se retirer hors du royaume, pour pouvoir
faire la libre profession de nostre religion », et une de Jurieu
à Guillaume III, 18 août 1696, 6 pages petit in-4'', sollicitant
l'intervention des puissances prolestantes pour plaider dans
les négociations de paix qui se préparent, la cause de leurs
coreligionnaires de France.
« J'importune A'ostre Maiesté, vaincu par les prières instantes et
redoublées d'un grand nombre de personnes, comme sont tous les
Pasteurs Réfugiez en corps qui sont dans \'ostre Royaume d'An-
gleterre et ceux de Suisse et d'Allemagne. Tous ces honnestes gens,
scachant que V. ^L a la bonté de m"escouter, m'ont escrit, et
souhaittent que j'aille porter à vos pieds leurs larmes et très hum-
bles prières dans la circonstance présente. Ils voyent que les af-
1. Nous devons la copie de cette lettre que .M. Coche, maire de Dieppe
a bien voulu nous apporter en personne, à M. Milet, bibliothécaire de la
ville de Dieppe que nous remercions de son obligeance. Le reste de la
lettre se trouve dans Jal, Abraham Duquesne, \, 566, à qui .AL Laverdet
avait communiqué cette lettre avant quelle lut vendue. Un fac-similé de ia
signature de Duquesne se trouve dans le Bulletin 1894, 306.
486 JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
f aires tendent à une paix générale et on s'efforce de leur persuader
que dans celte paix du monde ils ne trouveront pas la paix de celte
Église persécutée dont ils sont les débris. Sire, vous aurez la bonté
de pardonner à tant de misérables qui languissent loin de leurs
autels et de leurs maisons, et surtout de tant d âmes captives en
France sous le joug de la superstition et de la persécution. Je ne
réponds à tout ce qu'on m'escril et à tout ce qu'on me demande là-
dessus qu'en termes généraux. »
De Bayle, deux lettres, la jîremière écrite à son père, le
7 avril 1665, se plaignant, comme étudiant à l'Académie de
Puylaurens, d'être sans argent (il n'a plus de chandelle, son
habit se déchire) : « les fidèles de Privas ont été cruelle-
ment persécutés de nouveau »; l'autre, après la Révoca-
tion, épître toute littéraire adressée de Rotterdam à l'abbé
Nicalse.
L'Église sous la Croix est représentée tout d'abord par le
trésor le plus précieux sans doute de la Bibliothèque, le
fragment d'Écrou des Chiourmes de Marseille, 1702-1703, re-
trouvé en 1846 à Toulon par l'amiral Baudin et où sont ins-
crits, confondus avec les plus vils criminels, vingt-deux in-
fortunés, dont quelques-uns, âgés de 18, de 16, de 15 ans,
condamnés aux galères à vie, uniquement pour avoir assisté
à des cultes au Désert {Bull., I, p. 52 à 58).
Auprès de ce registre, témoignage irrécusable de l'impi-
toyable fanatisme des persécuteurs, de Théroïsme des con-
fesseurs de l'Évangile, se placent : le Recueil origmal des
Actes des Synodes tenus au Désert du Haut-Languedoc : à
l'une de ses pages jaunies il porte, au milieu des signatures
pastorales, celle du dernier martyr, Louis Rochette, apposée
quelques mois seulement avant son supplice; puis une Litur-
gie à Vu:[age d'un pasteur exersant le ministère évangélique en
France sous la Croix des afflictions; composée par M. Paul
Marazal et pour luy-mesme, au Dézert en 1761 (don de M. Teis-
sier d'Aulas), petit volume dont la reliure de basane porte
les traces des épreuves qu'il a traversées; — un des Carnets
de poche sur lesquels Paul Rabaut consignait les faits relatifs
à la religion auxquels il prenait part ou qui se passaient dans
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 'i87
le Languedoc de 1750 à 1756 ^ Enfin un recueil des lettres
écrites et datées de la Tour de Constance par Marie Durand
et l'autobiographie de Jean Fabre, Thonnète Criminel.
Ce^TA ft€-^i^^ /7^Y
Nous nous arrêtons au seuil du xix^ siècle avec un petit
billet d'Oberlin, remerciant le citoyen François Reber, de
Sainte-Marie-aux-Mines, d'une « serre de Homar, que vous
avez vuidée sur le vaisseau devant Christiansand en Nor-
vège », 8 juillet 1802, billet prêté par M. le pasteur Goguel
d'Épinal, et le curieux document cité par M. Weiss dans sa
conférence sur le Centenaire de la loi de Germinal : c'est la
lettre, Paris, 9 floréal an XI, du « Conseiller d'État chargé
de toutes les affaires concernant les cultes », Portalis, au
Premier Consul Bonaparte, mettant sous ses yeux et « sou-
mettant à sa profonde sagesse l'apperçu général de ce que
pourra coûter la dépense du culte protestant, 330,000 francs
pour 220 ministres ».
Ce sont les temps nouveaux qui s'annoncent.
Le Comité a regretté de ne pouvoir détacher de ses re-
cueils reliés, surtout des deux volumes in-folio de la collec-
tion Labouchère, plusieurs autographes de choix qui eussent
1. Voy. Bulletin, XXVII, 113, leur transcription par M. William Martin,
aux soins éclairés et dévoués duquel la BiblioLhéciue doit la classilication
méthodique et l'analyse de l'admirable collection des papiers Rabaut,
léguée par M. Ath. Coquerel fils.
488 JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
singulièrement complété cette exposition rétrospective. Ainsi
une épître de Zwingli à Vadian, 13 octobre 1530, une de
Luther, 20 septembre 1535, de Farel à Hugon, deux de Cal-
vin, 13 juin 1542 et 14 mai 1545, deux de Mélanchton, 12 juil-
let 1546, 12 février 1552, des signatures de Viret et de ses
collègues de Lyon, de Ramus, d'Ambroise Paré (Voy. plus
haut), une missive de Coligny à Jeanne d'Albret et deux
d'elle à Charles IX,d'aulres lettres encore de Jeanne cf Albret,
la Noue, Claude de la Trémoïlle, Caumont La Force, le duc de
Bouillon, Louise de Coligny, Turenne; des correspondances
reçues par le pasleur Ferry de Metz, et celles des pasteurs
du Désert, sources de premier ordre pour Thisloire de la
restauralion et de la réorganisation des Églises Réformées
de France. F. de Schickler.
A cette série d'autographes, il faut en ajouter trois autres
qui avaient déjà été rendus à leurs propriétaires lorsque
ce travail a été rédigé : 1° une pièce de vers latins, adressée
à l'Empereur et à la diète de Ratisbonne, entièrement
de la main de Henri Estienne, et prêtée par M. Charles
Schmidt, petit-fils de l'historien; — 2" un billet de Rolland
dit Laporte, le célèbre chef camisard, lequel avait été
publié dans le Bulletin (1900, p. 36), et nous avait été envoyé
par M. A. de Cazenove; — 3° Cette lettre originale de
St Florentin à M. de Bernage, qui montre que la |jersistance
du culte du Désert avait fini par lasser même le gouverne-
ment. Elle appartient à M. Vielles de Montauban.
Versailles, le 16 avril 17^3.
« 11 suffit, Monsieur, dans les circonstances présentes, qu'il ne
paroisse parmi les nouveaux convertis aucune semence de rébellion
pour qu'on doive prendre le parti de fermer les yeux sur les licences
qu'ils peuvent prendre par raport à l'exercice de leur Religion, ou
pour ne travailler à les réprimer que par des voyes indirectes; il
y aaparence que les nouveaux convertis feront des réflexions lors-
qu'ils verront la déclaration du 9 avril 1736 exécutée exactement et
l'illégitimité légale de leurs enfans consignée, pour ainsi dire, dans
les dépôts publics; c'est pourquoi j'écris à M. le Procureur général
DE l/lIISTOIRI': DU PROTESTANTISME FRANÇAIS 489
du Parlement de Toulouze de donner des ordres précis pour l'exé-
cution de celte déclaration.
Je suis toujours parfaitement, Monsieur, votre très humble et
très obéissant serviteur,
S' Florentin *. »
Si Tespace ne nous avait été mesuré, nous aurions pu
exposer aussi un certain nombre de ces recueils d'auto-
graphes que les étudiants d'autrefois appelaient Album ami-
corum. Une exception a été faite pour deux d'entre eux : 1" le
magnifique Album de Jean Durant (1583-1592) décrit dans le
Bulletin de 18B3, p. 226 et 343 et qui appartient aujour-
d'hui à M. E. Strœhlin; — et 2", celui de Jérémie Comte, 1600,
qui appartient à la Bibliothèque et est curieux à cause de sa
forme en losange allongée. Il porte sur un des plats cette
devise plutôt funèbre : Ultima linea rerum mors, « la mort est
la ligne ultime des choses ».
Il reste à décrire Irois vitrines. Celle qui faisait suite aux
autographes et à la tête du Christ de Ligier Richier, était
remplie de
Souvenirs et Curiosités.
D'abord une série de coupes et d'objets ayant servi au
culte public ou à des martyrs. En premier lieu, la coupe en
argent où se désaltéra, avant de mourir, Etienne Mangin, le
propriétaire de la maison du Grand marché à Meaux où s'or-
ganisa rÉglise secrète dont la découverte provoqua le
célèbre autodafé de 1546. Nous remercions le descendant
actuel du martyr de nous Tavoir prêtée pour la seconde fois
(cf. Bull., 1897, 645). — A côté d'elle, une coupe en cristal el
argent qui a appartenu à Calvin, est mentionnée dans son
testament et appartient aujourd'hui à Mlle A. Sarasin, de
Genève. Une coupe à pied en vermeil offerte à Antoine Gar-
1. En marge : M. Guillaiimau.
« Joindre au dossier et m'en remettre une copie avec celle des deux
lettres que j'ay écrites, el du mémoire que j'ay tait pour M. de la Deveze. »
LI. — 3/i
490 JUBILÉ CINQUA^TE^A1RE DE LA SOCIETE
rissoles, professeur à Montauban, par quatre cantons suisses
pour le remercier de leur avoir dédié un de ses livres, avait
été prêtée par M. Courtois de Maleville.
DE l'hISTOIHE du PROTESTANTISME FRANÇAIS 491
Une aiguière en élain avail servi pour la communion, en
1657. dans Tb^glise du fief de Nogentel en Brie. Puis on voyait
ce petit gobelet en verre orné de fleurs peintes dont se
servait le jeune Ranc et où on lit, en blanc, ces deux mois
touchants J'aime Dieu, et la date de 1738 (Mme Gillouin,
Aouste). — Enfin une coupe et un plat de communion en
argent massif provenaient de l'Église française du Refuge
de Hoxton, en Angleterre, et avaient été prêtés par Thôpital
de la Providence, à Londres.
A ces divers témoins se rattachaient un de ces psautiers
minuscules imprimas par le célèbre Jean Jannon de Sedan
(1635) et qu'on pouvait au besoin dissimuler dans un gant
(P. de Félice); — le seul exemplaire connu du sceau du Désert
en Vivarais, Sous la croix le triomphe, imprimé en cire
noire sur un certificat de présence de Corteiz et Bétrine aw
synode national, clandestin, de 1730 (5?^/.. 1,391), - — une simple
montre en argent signée Jacob Février à Genève, et ayant
appartenu à Paul de Fiales, galérien pour la foi, 1756, don
de I\I. Lombard; — enfin un petit livret sur parchemin ren-
fermant un règlement et des prières à l'usage des diacres
dans une Église (non spécifiée) du Refuge, en Angleterre.
Dans le coin de droite de cette vitrine M. R. Garreta qui
avait apporté lui même le coffret en bois sculpté dit « de
Bagard de Nancy », aux armes de Henri Jacques de Cau-
mont duc de la Force et de Anne-Marie Beuzelin de Bos-
melet^ sur lequel ont été photographiés la coupe de Calvin
et le gobelet de Ranc, — avait exposé une petite série de
curiosités huguenotes : une tabatière ronde en laque cendre
bleue ornée d'une gouache fixée, représentant, d'après
Etienne Jeaurat, lap/ace Maubert où furent brûlés tant de
huguenots; — un drageoir en ivoire aux armes des Berin-
ghen; — un drageoir en écaille garni d'argent aux armes de
Claude Groulart né à Dieppe 1551, mort, en 1607, premier
président au parlement de Rouen; — une boîte ronde en
ivoire, ornée d'une gouache fixée exécutée par François
André Vincent (Paris, 1746-1816), fils d'un miniaturiste de
1. Mariés le l.s Juin 16'J8.
492 JLBILÉ CINQUANTIîNAIRi: DE LA SOCIÉTÉ
Genève, dalée du 30 prairial an VIIT; — enfin, dans un loul
petit médaillon encadre, une gouache représentant la mort du
chevalier, proleslant, <if'^5.sai' (Closlercamp, 15 oct. 1760) — ,
d'après une gravure de 1777.
A gauche on avait placé quelques bijoux. D'après une tra-
dition qu'aucun document pi'écis n'est encore venu confirmer
ni infirmer, mais qu'on retrouve dans le Midi, en Poitou, et
en Normandie, c'est-à-dire dans les régions de la France oii
il y avait autrefois beaucoup de protestants, ceux-ci ou plu-
tôt les proteslantes auraient adopté comme bijou, non la
croix portée par les catholiques, mais une colombe appelée
« St-Esprit ». Dans les Cévennes celte colombe est souvent
attachée à une croix rappelant en petit celle de la légion
d'honneur ei ressemblant si bien à la croix de l'ordre du St-
Espritcréé par Henri 111 (1575), que M. le pasteur Ch. Bost de
Lassalle, qui a étudié la question, croit que les protestants
ont simplement imité ou adopté celte croix. Quoi qu'il en soit,
la croix susdite accompagnée de la colombe souvent rem-
placée ou terminée par une petite boule en or en forme de
cœur ou de poire appelée '( larme » n'était en usage que dans
les Cévennes. Dans le Poitou et surtout en Normandie on
ne trouve que le Sf-Esprit suspendu à un nœud ou à un
simple anneau en métal. — Nous avions pu grouper à peu
près toutes les variétés de ce bijou : La croix en or avec
St-Esprit, larme, et ornements en émail la plus complète
avait été exposée par M. A. de Cazenove ; — d'autres par
Mmes II. de Pourtalès et F. de Schickler; — un St-Esprit
isolé en or et ciselé, par Mme Ch. Bost; — un autre, aussi en
or, tout mignon, tenant un cœur et au bout d'une double tige
ajourée et surmontée d une sorte de broche minuscule éga-
lement ajourée, avait été donnée à la Bibliothèque par une
fille de Fabre d'Olivet; — un St-Esprit découpé dans une
plaque d'or gravée représentait le Poitou d'où il nous avait
été envoyé par M. le pasteur Th. Maillard; — Mlle Suzanne
Pieyre avait exposé une croix en or avec « larme » et un
St-Esprit en argent picqueté de strass qui se rapprochait
beaucoup du bijou normand. Celui-ci était représenté par
un très bel échantillon, or et strass, appartenant à M. Car-
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS -^93
rela; — par un collier de plusieurs Saint-Esprit en or et
émail, appartenant à Mme F. Borel; — et par un autre
St-Esprit, argent et strass, appartenant à Mme N. Weiss.
Une poupée costumée en bourette de soie et en laine
représentait les Cévenoles d'autrefois. On avait placé dans
la vitrine aux dentelUes, une calèche ou thérèse, coiffe noire
à dentelles, qu'au début du siècle dernier les Cévenoles por-
taient au temple et dont elles rabattaient la dentelle sur leur
visage quand elles allaient communier. Ces deux objets nous
avaient aussi été envoyés par M. Ch. Bost.
Enfin il y avait, dans la vitrine des souvenirs, quelques
portraits et caricatures. Un Calvin en relief — probablement
du xvii- siècle, exposé par M. A. de Schickler; — un autre,
sur une assiette moderne (M. E. Puaux); — une miniature
représentant Sully et une autre Fabre cTOlivet par Augustin
1799, appartenant à la Bibliothèque; — un crayon d'une
réfugiée, Mme de Pourtales-de-Liiie, de Neufchàtel(M. R. de
Cazenove).
Les caricatures étaient représentées par deux petites pemfw-
res sur verre de l'époque de la Révocation dont la reproduc-
tion ci-contre expliquera le sujet (M. et Mme Louis Monnier),
et par quatre sculptures en ivoire, don de M. F. de Schickler.
Ces ivoires exécutés en relief avec beaucoup de finesse,
sans doute par quelque huguenot de Dieppe où les souf-
frances de la Révocation furent particulièrement terribles,
ne sont autres que les originaux de quatre des figures d'ins-
tigateurs ou exécuteurs de ce forfait caricaturées dans les
Héros de la Ligue ou la procession monacale conduitte par
Louis XIV pour la conversion des protestans de son roj'aume,
à Paris chez Père Péters à l'Enseigne de Louis-le-Grand
MDCLXXXXI, pet. in-4'' de 24 planches en taille douce
accompagnées de c[uatrains gravés, plus le titre. Ces quatre
ivoires fixés sur de petits panneaux de bois recouvert de
velours noir, représentent V archevêque de Paris, Louvois,
Marillac, et le commissaire La Marre. Après avoir été im-
primées en taille douce, ces caricatures furent reproduites
sur des assiettes dont deux spécimens se trouvaient dans la
même vitrine, savoir Vévêque de Meaux, assiette creuse,
JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ 495
don de Mme \'ve Goffart, et Marillac intendant du Poitou,
assiette de Nevers, 1706, apjDartenant au soussigné.
La vitrine faisant suite à celle-ci était consacrée à la
Numismatique et aux Médailles.
On y avait rassemblé, d'abord de véritables portraits
gravés, en bronze, argent ou même en or, de précurseurs
de la Réforme, de Réformateurs ou de protestants célè-
bres; — en second lieu les principales médailles frappées
en France et à l'étranger, pour glorifier — d'une part, non le
Protestantisme, mais ce qui fut perpétré pour le ruiner et
l'écraser, — d'autre part, sur la terre d'exil, les souffrances
de ceux de ses adhérents qui avaient réussi à s'y réfugier. —
Un troisième groupe était formé par les œuvres d'art et de
vérité de quelques-uns des principaux médailleurs huguenots;
— un quatrième, par une des plus complètes collections de
méreaux ou jetons de communion protestants. Enfin il y avait
encore quelques médailles commémoratives et contempo-
raines. Nous nedécrironsci-aprèsquelesmédaillesanciennes.
I. — Réformateurs et Protestants célèbres.
On a vu plus haut la médaille de Jean Huss. Celle de Savo-
narole, bronze en haut relief (6 cm.), porte à l'obvers la lé-
gende : HIERON'YMVS SAV% FER. VIR. DOCTISS. ET PROPHETA SAN-
TisMvs. Revers : Une main sortant de la nue menace d'une
épée le profil de la ville de Florence; légende : gladivs domini
SVP. TERAM ciTO ET vELOCiTER (dou de iM. P. -A. Labouchèrc).
Luther était représenté, en moine, par un
jeton en plomb (4 cm.) dont voici une re-
production très réduite. Légende : doctor.
MARTINVS LVTHERVS. ECCLES. WITEN. (doU La-
bouchère); — par une plaquette découpée
on argent sur une plaque de cuivre (5 cm.),
légende : doctor martinvs lvtervs. .etat. 03, au verso, ces
mots gravés : Gottes Wort Lutheri lehr vergehet nûn iind
',96 JURILÉ Cl.NQLANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
nimermehr; —et par une autre plaquette en bronze; appar-
tenant à M. Chabrières et dont voici une reproduction éga-
lement réduite :
Calvin n'était représenté que par une médaille et une pla-
quette anciennes. Cette der-
"é.'^-^ . nière, en bronze, à M. F. Puaux.
de 11 cm. de diamètre, porte
comme légende autour du pro-
fil classique tourné à gauche,
lOHAXNES CALVINVS NATVS NOVIO-
DVNI 1509. MORTVVS GENEV^E. 1564.
Elle est signée de cinq lettres
dont l'initiale du prénom est
seule lisible j. eaci (?). — La mé-
daille, en argent, datée de 1641
est à M. le protesseur A. Lods. Autour du profil tourné à
droite on lit : ioannes calvinvs picard, noviodvn. eccles. genev.
PASTOR. Au verso : post funera élevât doctrina et virtvs
homines autour d'un génie ailé, une trompette à la bouche,
tenant de sa droite un livre ouvert (doctrina), le pied gauche
sur un socle où se lit le mot virtvs.
Melanchton, médaille en plomb de 1552 (45 mm.) ; autour
du profil tourné à gauche philippi melanthoni effigies. Au verso
cette inscription : svbditvs esto deo et ora evm. Ps. xxxvi.
Hedion, l'un des réformateurs de Strasbourg, médaille en
plomb (45 mm.). Autour du profil tourné à gauche, caspar
HEDIO DOCTOR... EVANGELII... .ETATIS SV.« XLVIII. Au VCrSO On HC
distingue bien que la date de xli, il faut lire sans doute 1542,
Hedion étant né en 1494 (don Labouchère).
Théodore de Bèze, un jeton ovale en bronze (45/35 mm.),
autour de la tète tournée de 3 '4 à gauche et recouverte d'un
grand chapeau theodorvs. beza. 82; et une plaquette aussi
en bronze (5 cm.), autour du buste tourné de 3/4 à gauche et
la tète couverte d'un bonnet, theodore de beze (don Labou-
chère).
Une médaille à double face de 65 mm. de diamètre, en
bronze, appartenant à M. A. Hubert, nous montrait le jeune
profil, tourné à droite, de marguerite, fille, de. Charles.
DE l"hISTOIRE du PROTESTANTISME FRANÇAIS 497
COMTE. DANGOLES.ME ct au vcrso cckii de sa mère loyse. dv-
r.HESSE. DE VALOIS. COMTESSE, dangolesme. — L'iic plaquctte,
en bronze et appliqué sur une plaque de cuivre, de 55 mm.
découpait le fin profil de la fille de Marguerite, Jeanne
d'Albret, tourné n droite et en costume du xvi° siècle (don
Labouchère). — Enfin M. Ghabrières nous avait permis de
mettre au-dessous une curieuse médaille, sans doute alle-
mande, du Béarnais (henricns iiiid. g. rex franciscorom (sic).
Il y avait aussi une fort jolie médaille en argent représen-
tant un pasteur mort à Francfort en 1588 à 52 ans, mais dont
on ne dit pas le nom (don Labouchère), et une médaille en
plomb représentant Pierre Jurieu (1687) prêtée par M. César
Pascal.
11. — ■ Médailles glorifiant la ruine du protestantisme
et ses victimes.
Ici nous passons la plume à M. Armand Lods :
La iSaint-Barthélemy^.
La série complète des médailles frappées en mémoire de
la Saint-Barthélémy se trouvait à l'exposition.
On sait que pour bien montrer que cet horrible massacre
avait été accompli avec le secours de Dieu, le pape Gré-
goire XIII commanda une médaille ayant comme face son
portrait avec la légende : Gregorius XIII Pont. Max. An I,
présentant au revers un ange exterminateur, tenant une
croix et armé d'un glaive avec lequel il transperce les Hugue-
nots dont les cadavres jonchent le sol : Ugonottorum strages,
1572. Cette médaille a été reproduite dès 1689 dans l'ouvrage
de Bononni, Numismata Pontificum, t. I, p. 336.
A Paris trois médailles furent frappées à la Monnaie en
l'honneur de Charles IX, exterminateur des huguenots.
1. Sur les médailles de la Sainl-Barthélemy, consultez Bulletin, I (1852\
p. 240 et 374; — III (1854), p. 137; - IV (1855), p. 147; — XXXIII (1884),
p. 285.
498 JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
a) La première, dite médaille populaire a pour lace le roi
Charles IX assis sur son Irône, tenant son sceptre d'une
main, son épée de l'autre el foulant à ses pieds les cadavres
des hérétiques. La légende Virtus in rebelles entoure ce
sujet.
Au revers de celte médaille les armoiries de France sont
placées entre deux couronnes triomphales surmontées de
couronnes d'olivier symbole de la paix obtenue par le mas-
sacre des huguenots avec cette légende : Pietas excitavit
JUSTiTiAM 24 AuGUSTi 1572. {La piété du roi envers Dieu a mis
en mouvement le glaive de la justice.)
b) La deuxième médaille présente en face le portrait de
Charles IX (buste, profil à droite) avec la légende : Carolus IX
D. G. Francorum rex. invic.
Elle a pour revers la face de la médaille {a) décrite ci-
dessus.
c) La troisième médaille dite médaille à Vantique a pour
face le portrait de Charles IX (profil à gauche) avec l'ins-
cription Carolus d. g. Francor. Rex.
Au revers, Hercule, couvert d'une peau de lion, tenant
d'une m.ain une massue et de l'autre un flambeau ardent,
attaque l'hydre à quatre têtes. Au second plan se détache
une petite ville avec deux clochers surmontés de croix et
une tour crénelée. Comme légende : Ne ferrum temnat,
siMUL ignibus obsto, 1572. {De peur qu'elle ne méprise le fer.,
je l'attaque en même temps avec le feu.)
Un conseiller du roi, Nicolas Favyer a décrit ces médailles
dans une plaquette qui était exposée à côté des médailles et
qui a pour titre : « Figure \\ et \\ exposition des \\ pourtraict^
et dictons \\ contenus es médailles de la conspi \\ ration des
rebelles en France, \\ opprimée et extraincte par le Roy très
chrétien, \\ Charles IX, le2k || ;o2^rci?MoM5?, 1572 par Nie. Favyer,
conseiller dudit sieur et général de ses monnoyes.
A Paris par Jean Dallier, libraire, demeurant sur le pont
Saint-Michel, à l'enseigne de la Rose-Blanche, 1572.
Avec privilège, in- 12, de 12 pages.
Dans cette brochure l'auteur félicite le roi d'avoir en
vingt-quatre heures anéanti les Huguenots « ce qui n'avait
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 499
esté possible aux forces humaines en dix ans et mesme par
quatre batailles rangées » *.
Des jetons furent en outre distribués par la Ville de Paris,
M. H. Sauvai dans ses Recherches sur les antiquités de Paris,
t. III, p. 639, publie l'extrait d'un ancien compte qui alloue à
Aubin Olivier une somme de 80 livres pour avoir fait les
matrices des médailles en mémoire du jour de la Saint-Bar-
thélémy qui ont élé « distribuées aux prévols des marchands,
échevins, procureurs, receveurs et greffiers de cette ville en
la mémoire accoutumée en tel cas » -.
La Révocation'^.
Les principales médailles frappées à Paris pour célébrer
la révocation de Tédil de Nantes étaient artistiquement ex-
posées dans plusieurs cadres prêtés par M. A. Giraiid-
Browning, président de la Huguenot Society de Londres.
\'iennent en premier lieu quatre médailles en argent de
grand module (72 et 69 millim.),
a) H.4ÎRESIS EXTiNCTA. Dcvant la façade d'un monument sur-
monté d'un dôme, la Religion soulève de la main droite une
petite croix, lient de la gauche un livre ouvert et foule aux
pieds un hérétique étendu la face contre terre.
b) Ob vicies centexa, Mill. Calviman. ad Eccles. revocata
i. Celte plaquette appartient à la Société de l'Histoire du Protestan-
tisme, B. P. 3048.
La Bibliothèque Nationale au département des Manuscrits possède une
série de documents relatifs aux jetons d'argent frappés aux dépens de
la Ville de Paris en mémoire de la Saint-Barthélémy, collection Dela-
marre, t. II, 14^ liasse du premier carton.
2. A côté des médailles on avait placé deuv plaquettes rarissimes de
la Bibliothèque, le Programme de la procession solennelle faite à Rome
à la nouvelle du massacre, et le l'ormuiaire d'abjuration dressé pour les
protestants qui n'avaient pas été massacrés (Voy. Bull., 1890,411, le fac-
similé du titre de ÏOrdine et 1891, 419, celui du titre de la Forme d'ab-
juration.
3. Sur ces médailles, consultez : Bulletin, Mil (1859), p. 109; — XII
(1863), p. 114; — XXXIV (1885], p. 382 et 516; — XXXV (1886), p. 185; —
XXXVI (1887). p. 211 ; et l'étude de M. César Pascal parue dans VÉglise
Libre n"' des 1, 8, 22 janvier et 1" février 1886.
500 JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIETE
(Pour avoi?' réuni à VEglise deux millions de calvinistes). La
Religion catholique couronne Louis XIV qui s'appuie sur un
gouvernail placé sur Thérésie expirante à ses pieds.
c) .Edes sacr.e CGC FuNDAMENTis ERECT.-E (trois ccnls égliscs
catholiques construites). La religion assise sur un bloc de
pierre tient une croix de la main droile et de la gauche un
fil à plomb. Derrière elle se profile un échafaudage.
d) .Edes sacr.e... Même sujet que le précédent avec des
différences dans le délai! du portique.
Dans les autres cadres se trouvaient des médailles en ar-
gent petit module (44 et 40 millim.).
a) II.ERESis EXTiNCTA. Réductiou de la médaille grand mo-
dule.
b) ExTiNCTA H^.RESis. Sur uuc place formée par un temple
grec et une maison dans le fond, la Religion foule aux pieds
un hérétique étendu le visage contre terre à côté de la Bible.
c) -Edes sacre. Réduction du grand module.
d) Religio VixTRix. La religion catholique victorieuse dresse
une croix sur les ruines d'un temple démoli.
e) Ob vigies cent... Réduction du grand module (/').
f) Templis calvinianorum eversis {Les temples des Calvi-
nistes détruits). La religion debout au milieu des ruines d'un
temple s'appuie de la main droite sur une croix plantée dans
un bloc de pierre et tient de la gauche une table de la loi.
Toutes ces médailles ont comme face des profils divers de
Louis XIV ^ Armand Lods.
En Uollande.
Tandis qu'en France et à Rome on se réjouissait de la
Révocation, en Angleterre, en Allemagne, en Suisse, en
Hollande, un long cri d'indignation retentit et d'énergiques
mesures furent prises en faveur des persécutés. On a vu
plus haut, par la reproduction de la légende accompagnant
les gravures publiées et répandues en Hollande, ce qui se
\. La plupart de ces médailles ont été reproduites dans Touvrage de
Claude François Menestrier de la Compagnie de Jésus, Histoire du roy
Louis le Grand par les médailles.
DE L HISTOIRE DU PROTESTA.NTISME FRANÇAIS 501
raconlait des horreurs perpétrées en France. Lors même que
ces récils seraient exagérés, ils traduisent exaclemenl l'im-
pression ressentie. Nous avons cilé aussi des caricatures des
principaux persécuteurs rpii lurent alors faites et repro-
duites. En Hollande on frappa, en outre, C[uek|aes médailles
d'un symbolisme expressif et d'une exécution vraiment ad-
mirable. Peut-être furent-elles, non seulement inspirées,
mais dessinées et sculptées par des réfugiés. Voici la des-
cription des quatre qui avaient été exposées:
1" Une femme auréolée, couverte de vêtements de deuil,
foulant aux pieds un serpent et une tiare, et tenant de chaque
main étendue une corne d'abondance d'où s'échappent des
pièces d'argent destinées aux Vaudois que représente à
gauche un malheureux éploré portant un poignard au cœur,
et aux Français représentés à droite par un suppliant, les
mains jointes et pliant sous le joug — symbolise la Hollande
secourable. Légende : sabavdis, gallis, fuatribus fidei (aux
Vaudois et aux Français, frères dans la foi). — Au revers le
Protestantisme est représenté par une femme, attachée à
une potence et agenouillée sur un bûcher qui commence cà
flamber. Un jésuite lui présente un crucifix, un dragon la
frappe de l'épée. Au second plan sur un promontoire, un
temple incendié, sur la mer une galère où rament des for-
çats pour la foi. Cette légende s'échappe du ciel : dominus
LiBERABiT [Le Seigneiw la délivrera). Diamètre, 52 milli-
mètres.
2" Un évêque symbolisant l'Eglise romaine, chevauchant
comme Balaam, sur un âne, pour aller maudire le peuple de
Dieu, frappe sa monture qui se cabre devant un ange prêt à
tirer l'épée. Légende : quid me verberas ? {Pourquoi me/rappes-
tu?) Au revers une toile d'araignée avec l'insecte au centre,
à travers laquelle on aperçoit une église catholique, symbo-
lise les pièges tendus aux protestants. Légende : non aquilis
LEVE TEXiT opus (Ce uest pas pour des aigles qu'elle a tendu
cette légère toile). Diamètre, 48 millimètres.
3" Une variante de cette médaille, légèrement plus forte,
avec le même revers, nous montre, sur l'obvers, le diable
déguisé en prêtre qui chemine, à cheval sur un âne couvert
502 JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
de figures grimaçantes et sur la selle duquel se lisent ces
lettres imp. eccl. {l'empire de V Église). Au-dessous la légende,
SIC iTUR AD ASTRA {c'est uinsi qu'on va au ciel)^, et de la bouche
de la monture sortent ces mots : ita domine, quicquid doges
{Ainsi, Seigneur, cest là tout ce que tu enseignes ?), renvoyant
âJér. 5:30,31.
4° Au-dessus tl'un monstre à plusieurs têtes de serpents et
de bêtes féroces qui dévorent un homme, une femme et un
enfant morts, le pape, coiffé de sa tiare, les deux clefs dans
sa droite et brandissant la foudre de sa gauche, flanqué à
droite d'un moine tenante la main un papier sur lequel on
lit CONCILIA, DECRETA, ct à gauchc d'un dragon tenant une
épée et une paire d'éperons. Légende : supra deum post per-
NiciEM (Au-dessus de Dieu après la ruine]. Au verso, auprès
des ruines d'un temple, un cadavre, un bout de chaîne au
poignet, et que dévorent un chien et un corbeau. Un dragon
vu de dos, dont le cheval traîne le cadavre d'une femme,
sans doute morte sans sacrements et pour cela condamnée
à la claie, pousse devant lui des prisonniers enchaînés. Au
second plan une potence avec un prédicant pendu, et, au
bord delà mer où les prisonniers vont ramer comme forçats,
une procession du Saint-Sacrement. Légende : ex martyriis
PALM/E {Les palmes naissent des martyres). Diamètre, 58 mil-
limètres.
Les exemplaires, en argent, de ces quatre superbes mé-
dailles ont été donnés à la Société par feu M. A.-J. Ens-
chédé, de Haarlem.
m. — Médailleurs huguenots.
Il y en eut beaucoup el non des moindres, ainsi qu'on le
verra quand paraîtra l'ouvrage actuellement sous presse, dans
la collection des Documents inédits, de M. Mazerolle, archi-
viste de la Monnaie. Nous avons pu exposer des œuvres ori-
ginales de quatre de ces graveurs de médailles, tous les
quatre du xvii* siècle. Les plus nombreuses étaient de Guil-
laume et Abraham Dupré, ces sculpteurs du temps de Henri IV
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 503
et de Louis XIII qui ne sont pas encore appréciés comme ils
devraient l'èlre, mais que les connaisseurs rangent parmi les
artistes de premier ordre. — M. P. Barre, ancien graveur à la
Monnaie, avait bien voulu autoriser son gendre, M. Maze--
rolle, à ouvrir pour nous ses belles vitrines. Nous leur avons
emprunté neuf pièces dont voici une description sommaire :
1" Un grand médaillon représentant Henri IV et Marie de
Médicis, dont nous donnons la reproduction. Légende :
Henric. iiii R. CHRIS. MARIA AVGVSTA, signé G. Dupré, 1605.
2" Une plaquetle représentant Christine de Lorraine, par le
même (1612-13). Légende : christiana princ. loth. mag. dvx
HETRVR. Non signé.
30 _ Cosme II de Médicis, par le même (1612-13 . Légende :
COSMVS II MAGN. DVX ETRVRI/E IIII. G. Dupré.
4" _ Marc-Antoine Memmo. Légende : marcvs antonivs
MEMO DVX VENETIARVM. G. Dupré, 1612.
504 JUBILÉ CINOUAKTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
5" — François de Médicis. Légende : d. princeps franciscvs
MEDiCES. G. Dupré, 1613.
go — Marie de Médicis seule. Légende : maria avgvstagalli^
ET NAVARR.'E REGINA. G. DupPé, 1624.
7° Une médaille représentant Jacques Boiceau. sieur de la
Barraiiderie, dont nous donnons une reproduction. Légende:
lACQVES. BOICEAV. S". DE. LA BARRAVDERIE. Ab. Dupré, 1624.
Au verso, dans le fond, une vue de La Rochelle. Au premier
plan, entre des touffes de mûriers, des vers à soie, en haut
des' insectes ailés. Légende : natvs. hvmi. post. opvs. astra.
PETO. {Né sur la terre^ je gagne le ciel après avoir accompli
mon œuvre). Ce Jacques Boiceau était un coreligionnaire des
Dupré, originaire de La Rochelle. C'est lui qui est Fauteur de
louvrage suivant, extrêmement rare et recherché où se
trouvent les plans des parterres à la française, du Luxem-
bourg, des Tuileries, du Louvre, de Versailles, de Saint-Ger-
main-en-Laye, etc., intitulé : « Traité de Jardinage selon les
raisons de la Nature et de TArt. Divisé en trois livres. Ensemble
diversdessins de Parterres, Pelouzes, Bosquetz, etaultres or-
nementz servans à l'embelissement des Jardins. Par Jacques
Boyceau, Escuyer, sieur de la Barauderie, Gentilhomme ordi-
naire de la Chambre du Roi et Intendan t de ses Jardins. ^ Parw,
che\ Michel van Lochom, 1638, in-fol. » avec portrait de l'au-
teur par Huret, d'après A. de Uris, et 62 planches sur cuivre'.
1. Cet ouvrage dont le titre complet m'a été obligeamment communiqué
par M. H. Masson a été publié après la moil de l'auteur et celle de son
neveu Jacques dé Menours, par la veuve de ce dernier. 11 n'y est pas
question de sériciculture dont, d'après la médaille d'Ab. Dupré, Boiceau
paraît s'être particulièrement occupé. Mais on s'est servi des dessins de
cet « Intendant des jardins du roi », non seulement pour tracer des allées
attribuées faussement à Le Nôtre, mais pour des modèles de broderies en
■.fuillochis et de dentelles. Ce huguenot de marque manquant à la France
Protestante, ya'i prié M. H. Patry de faire quelques recherches à La Ro-
chelle. Il y a trouvé, dans les notes de Jourdan (msc 350), trois Jacques
Boiceau, le premier, fils de Michel, baptisé le 15 septembre 1575, un autre
devenu protestant le 7 mars 1.'379, enfin Jacques Boiceau, sieur de la Bé-
rodière, parrain en 1588. D'après M. G. Musset, cette terre de la Béro-
dière (ou Baraudière, ou de la Barrauderie?) était située tout près du fau-
bourg S' Éloi de La Rochelle (Cf. L. Dussieiix, Le château de Versailles,
1, 22, •l'è-. — V Intermédiaire des chercheurs, \X\\ , 517, 607; et le Magasin
pittoresque, 1870, 176).
Ll — 35
506 JUBILÉ CINQUANTENAIRE DK LA SOCIÉTÉ
8" Un double médaillon par Abraham et Guillaume Dupré
représentant Victor-Amédée, duc de Savoie et Christine de
France. Obvers, Légende : victor amedevs dvx sab, princ.
PED. REx ciPR. signé Ab. Dupré f. 1637. Revers, Légende :
CHRISTIA. A FRANCIA DVGISSA SAB. REG. CYPRI, signé G. Dupré
f. 1636.
9" Une médaille représentant Richelieu et Louis XIII.
Obvers : armandvs ioan. gardinalis dvx de richeliev, signé
A. Dupré, 1641. Revers : lvdovigvs xni d. g. frang. et navarr^
REX. signé A. Dupré.
10" A celte série, M. Alfred Hubert nous avait permis
d'ajouter une petite médaille représentant à l'obvers, Anne
d"" Autriche et Louis XIV enfant. Légende : lvdovigvs xiv. r.
CHRisTi, ANNA AVSTRiAGA AVGVST. Ab. Dupré, 1643. Revcrs, Le
char de Taurore traîné par quatre chevaux sur des nuages.
Légende : H/KG solem pr/EVIa dvgit.
M. P. Garnier nous avait prêté deux autres médailles et
une plaquette :
11° Henri IV et Marie de Médicis. Légende : henr. un r.
GHRiSTi maria avgvsta. G. Dupré f. Au revers, un aigle tenant
une couronne au-dessus d'un enfant coiffé d'un casque et
posant le pied sur un dauphin, au-dessus duquel Henri IV et
Minerve se donnent la main. Légende : pro pago imperi, 1603.
12" Christine de France. Légende : christia. a frangia
dvcissa sab. reg. cy. Au verso, sur une banderolle entourant
une sorte de sceptre, plvs de fermeté qve deglat.
13" Pierre Séguier : petrvs segvier eqves francle nomo-
phylax.
Enfin la Ribliothèque avait reçu, de Mme Charles Read,
trois autres Dupré.
14" Une fort belle plaquette ovale représentant Henri IV
de face, en habit de cour, avec le collier de l'ordre du Saint-
Esprit, pièce non signée ni datée, mais sûrement de G. Du-
pré. Nous en donnons une reproduction très réduite.
15" U-ne médaille représentant Marie de Médicis. Légende :
MARIA AVG. GALLI/E ET NAVARR-E REGINA. G. Dupré, 1615. VcrSOJ
un navire dirigé par une femme, légende : servaxdo dea
FAGTA DEOS.
DE l'histoire DL PMOTESTANTISME KRANÇAIS 507
16" Une double médaille représentant Anne d'Autriche et
Louis XIII. Légende : anna avgvs. galll43 et navarr/k regina.
G. Dupré, f. 1620. Verso : lvdovic. XIIl d. g. krancor. et
NAVARR.i: REX.
Toutes ces médailles sont en bronze, les n"' 12 et \(S en
bronze doré.
Après les Dupré et à côté d'eux il faut citer un autre hu-
guenol, qui malheureusement ne resta pas fidèle à sa foi,
Jean Warin, sans doute originaire de Sedan où sa famille
s'était fixée en quittant les Pays-Bas. Nous n'avons pu
exposer de ce grand artiste qu'une seule pièce, mais fort
V f
belle, un exemplaire en argent doré, don de Mme Ch. Read,
de son Richelieu. Légende : armandvs ioannes cardinalis de
RicHELiEV. Au verso, un char de triomphe conduit par une
Renommée ailée qui sonne de la trompette, sur lequel une
508 .IL'BH.É C.INyUANTKNAlRE DK LA SOCIÉTÉ
femme assise, tenant une épée et une palme, est couronnée
par un ange. Légende : tandem victa seqvor, signé i. warin,
1630. Ci-joint une réduction de cette belle médaille.
M. le pasteur H. Dannreuther nous permit de joindre à ces
échantillons si intéressants d'un art huguenot peu connu du
grand public, quatre belles reproductions en bronze, de mé-
daillons de Jean Richier qui était, au xvn° siècle, de la même
famille lorraine que le célèbre Ligier Richier (Cf. BiilL, 1895,
560). Ces médaillons, d'une rusticité et d'un relief saisissants,
représentent des parents de l'artiste : 1" Gérard Richier, de
Saint-Mihiel, fils de Ligier Richier, œtat. 66 en 1600, exécuté
en 1617. — 2° Marguerite Groslot, femme du précédent,
œtat. 72 en 1614, exécuté en 1617. — 3» Claude de la Cloche,
de Saint-Mihiel, beau-père de Jean Richier, œtat. 64, exécuté
en 1616. — ^^ Barbe Hayotte, femme du précédent, à 59 ans,
aussi exécuté en 1616. Les originaux de ces quatre pièces
appartenant à i\l. Dannreuther sont à Berlin.
IV. • — M ère aux.
M. Th. Maillard, pasteur à Pamproux, nous avait envoyé
tout son médailler divisé en quatorze planches dont une ren-
fermait 6 médailles satyriques; — trois autres, 18 réforma-
teurs et pasteurs par /. Dassier; — une, 10 protestants cé-
lèbres, aussi par J. Dassier; —enfin dix planches consacrées
aux méreaux. Nous n'avons pu exposer que ces dernières
que nous avons placées tout autour de la vitrine consacrée à
la numismatique. Ces dix planches ne renfermaient pas
moins de cent vingt-cinq méreaux; nous n'en donnerons
pas rénumération qui serait fastidieuse. Bornons-nous à
dire qu'il y en avait 44 du Poitou, 14 d'autres provinces,
42 d'Ecosse, 9 d'Irlande, 12 du Canada et 4 de Hollande,
d'Allemagne et de Suisse. Nous avons pu en ajouter quelques
autres du Danemark et des États-Unis ^
1. Sur les méreaux, \'()y. entre autres, dans le Bulletin ûv \mS et de
1894, les articles de MM. Deiorme et Gelin.
DE l'histoire du photestantisme khançais 509
Une dernière vitrine avait élé consacrée aux protestants
qui, sous le règne de Louis XV, furent
Les dernières victimes de l'Intolérance.
Ici nous laissons la parole à M. Armand Lods qui avait
arrangé celle vitrine avec M. F. Puaux.
A. — Le galérien Jean Fabre.
Le souvenir des souffrances du galérien Jean Fabre est
rappelé par la pièce de Fenouillot de Falbaire :
LHONNKTE CRIMINEL
Drame en cinq actes et en vers.
Amsterdam-Paris, Merlin, 1767, in-8, 109 pages.
x\vec cinq gravures de Gravelot. (Collection F. Puaux.)
On connaît le trait héroïque de ce fils qui se dévoua pour
sauver son père. Le 1*'' janvier 1756 le culte protestant était
célébré aux environs de Nîmes dans les carrières de Lecque.
L'assemblée fut surprise par les soldats du roi; Jean Fabre,
âgé de 28 ans, prit la fuite tandis que son père était arrêté.
Héros de la piété filiale, ce jeune homme obtint du sergent
qui commandait la troupe de se substituer à son père.
Condamné aux galères, il fut mis en liberté par le duc de
Choiseul le 21 mai 1762 et réhabilité en 1768.
Ce noble trait inspira le drame de Fenouillot de Falbaire.
L'Honnête criminel parut en 1767 et fut représenté sur le
théâtre de M'"" la duchesse de Viileroy. Ce n'est qu'après la
Révolution qu'on put le donner en public à Paris nu théâtre
de la Nation le 4 janvier 1790, puis au théâtre de la Répu-
blique le 30 mai 1793.
L'auteur raconte qu'en 1766 sa pièce avait été refusée par
la Comédie-P'rançaise et interdite ensuite par les ministres'.
Quand elle fut représentée vingt-quatre ans plus tard, le
I. LeUre de Kenouillot de l"all);iiro insorro dans le Mo)<.itcit)\ 'i mars 1790.
\
510 JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
directeur du théâtre de la Nation, craignant des protestations
malveillantes de la part des partisans de l'ancien régime, fit
distribuer dans la salle un avis par lequel il réclamait la
protection du public K Les manifestations qu'il redoutait ne se
produisirent pas, le nom de l'auteur fut au contraire applaudi.
Il est juste de ranger Fenouillot de Falbaire parmi les phi-
lanthropes qui prirent en main la cause de la tolérance dans
un temps où il était dangereux de défendre les protestants.
A côté de la première édition de cette pièce se trouvait le
portrait de l'auteur :
CHARLES-GEORGES FENOUILLOT DE FALBAIRE DE QUINGEY
A'e à Salins, nommé par le roi, en 1782, inspecteur général des
salines de Franche-Comté et des Trois-Évêchés. {Gravure de
Cochin, gravée par Saint- Aubin.) (Collection F. Puaux.)
B. — Affaire Calas.
L'histoire du supplice et de la réhabilitation des Calas était
évoquée par les principaux mémoires de l'avocat Sudre,
d'Élie de Beaumont, de Voltaire, par les pièces de théâtre
de Lemierre d'Argy, de Laya et de Marie-Joseph Chénier,
par une série très curieuse de gravures que nous décrivons,
et enfin par des autographes précieux faisant partie des
papiers Coquerel et de la collection Labouchère.
1° Autographes.
Voici tout d'abord une leltre de \'ollaire écrite le 18 jan-
vier 1763 à M"^ Calas près de deux années avant l'arrêt du
9 mars 1765 déchargeant la mémoire de Calas de l'accusa-
tion de parricide^ .
4. Voir compte rendu du Moniteur, 6 janvier 1790.
2. Malgré les termes de cet arrêt, Boyer-l^run, qui était, à Nîmes, au
moment de la Révolution, un des chefs du parti ultra-catholique, osait
contester l'innocence de Calas. Voici ce qu'il écrivait le 15 décembre 1790
à Bergasse, membre de l'Assemblée nationale : « Les déclamations de
Voltaire et les basses flagorneries qu'il a publiées à ce sujet, n'ont
1
DE L HISTOIRE DU PROTESTANTISME FRANÇAIS 511
Je VOUS réponds sur du papier orné de fleurs, parce que je
crois que le temps des épines est passé et qu'on rendra justice à
votre respectable mère et à vous.
Je vous félicite d'être auprès d'elle, je me flatte que votre pré-
sence a touché tous les juges et qu'on repoussera l'abomination
de Toulouse.
Je vois avec un extrême plaisir que le public s'intéresse à vous
aussi vivement que moi.
Je fais mes plus sincères compliments à M"" votre mère et suis
avec beaucoup de zèle, mademoiselle, votre très humble et très
obéissant serviteur*.
Les prévisions de Voltaire étaient bien justifiées : un
arrêt du grand conseil du Roi du 7 mars 1763 enjoignit au
parlement de Toulouse de lui adresser tous les actes de la
procédure. A la nouvelle de ce premier succès, Madame
Galas écrivit à Voltaire :
Paris, ce 9 mars 1763.
Monsieur -,
Vous aurez appris par la lettre de M. Dumas à Madame Debrus
l'événement de mon affaire au Conseil; non, Monsieur, je ne trouve
point d'expressions assez vives pour vous témoigner ma sensibilité
à tout ce que je vous dois et que je vous devrai encore, puisque
votre cœur généreux et bienfaisant ne se lasse point de chercher
de nouveaux motifs à ma juste reconnaissance; je ne dois point
vous taire que vous avez porté le calme à mes tribulations et que
jamais pu altérer la vérité des faits. Si Calas périt sur l'échafaud, c'kst
QUK CvLAS LK MKRiTAiT. I-^ii vaiii a-t-on voulu préconiser sa prétendue
innocence; les soins infinis qu'on a pris pour le faire, et l'argent que le
parti répandit à ce dessein, ainsi qu'il le pratique dans toutes les occa-
sions éclatantes, n'ont servi qu'à prouver coml^ien peu celle innocence
était fondée » (Lettre adressée à M. Bergasse, avocat, député à l'Assem-
blée nationale, in-8, s. I. n. d., 22 pages). Cette pièce n'est pas signalée
jiar Coquerel ; dans le chapitre consacré à lopinion en France au sujet
des Calas, il ne parle pas de l'intervention de l^oyer-Hrun.
1. Collection Coquerel.
2. Collection d'autographes du hnron F. de SchicKler.
512 JUBILÉ Cl.NQlANTENAIHE DE LA SOCIÉTÉ
je sens comme je le dois les effets de voire générosité et de votre
protection. C'est vous, Monsieur, qui avez animé les juges à s'ins-
truire de noire innocence, et les ministres à se mettre du nombre.
Nous ne pouvons, ma famille et moi, en reconnaissance de tant
de bienfaits, que prier sans cesse le Père de miséricorde de vous
combler de ses grâces les plus précieuses, de vous conserver dans
notre cœur la reconnaissance la plus vive et d'être jusqu'au der-
nier soupir avec autant de vénération que de respect, Monsieur,
'^'^Tfe^?^ /un II SA e/
T/Zû d'é-ei^uifiyyvciMÙZT'
Mes filles prennent la liberté de vous assurer de leurs profonds
respects.
Plus tard, après le triomphe complet, lorsque Madame
Calas arrive à Paris, elle lui exprime de nouveau sa recon-
naissance dans une lettre du 27 décembre 1770 :
Paris, ce 27 décembre 1770.
Monsieur*,
Si je ne me fusse pas trouvée incommodée dès le lendemain de
mon arrivée à Paris, mon premier soin aurait certainement été de
vous remercier de l'accueil ([ue vous avez daigné me faire à Ferney.
Je m'acquitte aujourd'hui de ce devoir et quoique ce soit bien tard,
mon cœur n'en est pas, je vous assure, moins pénétré de recon-
naissance pour les bontés infinies que vous m'avez témoignées!
Je vous prie, monsieur, d'agréer mes vœux pour la conservation
de vos jours et de votre santé. Personne ne peut en faire de plus
sincères ni de plus étendus, ils sont proportionnels aux obligations
que je vous ai; ceux de ma famille sont les mêmes, elle me charge
de vous en assurer et de leur plus profond respect. Oserai-je, mon-
sieur, vous prier de faire agréer nos obéissances à M"" Denis;
nous faisons les vœux les plus sincères pour sa conservation.
J'ai l'honneur d'être, avec un profond respect, monsieur, votre
très humble et très obéissante servante.
Veuve (^ALAS.
1. CollecLion Lal)Ouchére.
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 513
A cette lettre se trouve joint le mot suivant de Lavaysse r
Trouvez bon, monsieur, que je me joigne à notre respectable
veuve pour vous assurer de mon respect et des vœux que je fais
pour votre santé, pour la conservation de vos jours et la satisfac-
tion de vos désirs. M""" Calas, toute sa famille et moi n'avons jamais
qu'un cœur et qu'une voix pour sentir vos bienfaits et les célébrer.
Vous aurez appris depuis peu la cruelle disgrâce de M. le duc de
Choiseul. Nous en sommes aussi pénétrés que vous. La consterna-
tion paraît générale.
Agréez encore, monsieur, de nouvelles assurances des sentiments
d'estime, d'admiration et de respect avec lesquels j'ai l'honneur
d'être, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.
Lavaysse.
A côté des autographes voici la nomenclature des mé-
moires, des gravures et des pièces de théâtre exposés :
2° Mémoires^.
Mémoire pour le sieur Jean Calas, négociant en cette ville: dame
Anne-Rose Cabibel, son épouse, et le sieur Jean-Pierre Calas, un
de leurs enfants.
Toulouse, chez J. Rayet. Signé : M' Sudre, avocat. In-R,
lOi pages. (Collection Armand Lods.)
Mémoire pour dame Anne-Rose Cabibel, veuve du sieur Jean Calas,
marchand à Toulouse; Louis et Louis-Donat Calas, leurs fils, et
Anrie-Rose et Anne Calas, leurs filles, demandeurs en cassation
dhin arrêt du Parlement de Toulouse du 9 mars 17G2.
Imprimerie de I^e Breton, 17G2. Signé : M'= Mariette, avocat.
13G pages in-8. (Collection Armand f^ods.)
Pièces originales concernant la mort des sieurs Calas et le jugement
rendu à Toulouse.
(S. 1. n. d.). 22 pages in-8.
■1. Sur la bibliographie des mémoires relalils à cette alTaire, consultez
Attiaiiase Coqiierel fils. Jean Calas et sa famille, paires 'tK', ci suivanles.
51^1 JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
3° Théâtre^.
GALAS OU LE FANATISME
Drame en quatre actes, en prose, représenté pour la première
l'ois à Paris, sur le théâtre du Palais-Royal, le 17 décembre 1790,
par Lemierre d'Argy. Avignon, Garrigan, 1791. In-8, 48 pages.
(Collection Armand Lods.)
JEAN CALAS
Tragédie en cinq actes et en vers, représentée pour la première
fois à Paris, sur le théâtre de la Nation, par MM. les comédiens
français, le 18 décembre 1790. Précédée d'une préface historique
sur Jean Calas, et suivie d'un nouveau V* acte, par J.-L. Lava.
Paris, Maradan et Perlet, 1791. In-8, 100 pages, (Collection Ar-
mand Lods.)
JEAN CALAS
Tragédie en cinq actes, par Marie-Joseph Chénier, député à la
Convention nationale, représentée pour la première fois à Paris,
sur le théâtre de la Piépublique, le 6 juillet 1791. Paris, Moutard,
1793. In-8, 91 pages. (Collection Armand Lods.)
4" Gravures^.
LA MALHEUREUSE FAMILLE CALAS
La mère, les deux filles^ avec Jeanne Viguière, leur bonne servante,
le fils et son ami^ le jeune Lavaysse.
L. C. De Carmontelle delineavit, 1765. Delafosse sculpsit.
Avec cette épigraphe :
« Qualibus in tenebris vilœ quantisque periclis
Degitur hoc aevi quodcumque est. »
Lucrelius.
Avec privilège du roi.
In-folio, en largeur-'.
\. Consultez la bibliographie des pièces de llicàtre sui- les Calas. Co-
querel, W., p. •'jOS.
2. Voy. Coquerel, Id., p. 50'i.
3, Le même siijel, réduction des figures, gravé par Fritzsch, !76r), au-
DE l'histoire du PROTESTANTISME FRANÇAIS 515
LES ADIEUX DE CALAS \ SA FAMILLE
Dan. Chodowiecki fecit 1767,
Avec ces vers sur la marge du bas :
Infortuné Calas! Famille désolée !
Qui ne compatirait à vos vives douleurs?
L'Univers voit en vous l'innocence immolée;
Mais s'il ne peut, hélas ! que vous donner des pleurs,
La vérité n'est pas dans tous les temps voilée,
Chez la posl-érité vous aurez des vengeurs.
Grand in-folio en largeur *.
LES ADIEUX DE GALAS
Par Chodowiecki. Joh. H. Lips sculp. 1778. In--! en longueur-.
JEAN CALAS
Marchand roué iïïocement a Toulouse, 1762, le 9 mars^.
Avec cette épigraphe :
« Integer vilse scelerisque purus ».
Gravure à la manière noire de A. Schmid. In-folio en longueur.
(Collection Armand Lods.)
dessous des vers hollandais par W. Ockers. In-folio en longueur. (Col-
lection F. Puaux.) Le 30 mars 1766, Mme Calas envoyait à La Beaumelle
la gravure de Carmontelle avec ce mot : « Je souhaite que cette estampe
vous fasse plaisir. Vous y trouverez une parfaite ressemblance avec le
cher beau-frère (Gaubert Lavaysse). Nous le sommes aussi, mais non pas
dans la même perfection... » Consultez : La Beaumelle et Saint-Cyr, par
Achille Taphanel, page 339.
1. Le même sujet, réduction des ligures, gravé par Frilzsch, 176'.t, au-
dessous des vers hollandais signés : « Ingenuis musis amicus ». In-folio
en longueur. (Collection Armand Lods.)
2. Le groupe du père et de la jeune fille, en buste, est la reproduction
partielle de la gravure de Chodowiecki. (Collection F. Puaux.)
3. Co(|uerel n'a pas connu cette estampe.
516 JUBILÉ CINQUANTENAIRK DE LA SOCIÉTÉ
CALAS IM GEFANGNIS*
Gravure à la manière noire. In-i en longueur*.
LES EFFETS DE LA SENSIBILITÉ SUR LES QUATRE
DIFFÉRENS TEMPÉRAMENS
D. ChodoNviecki ciel.
Avec la légende :
Non omnes pariter tanla infortunia terrent.
In- 18 en largeur •''.
LE DÉJEUNÉ DE FERNEY
Dessiné d'après nature à Ferney, le -'i juillet ITT.ô, par De Non,
gravé par Née et Masquelier, même année. Se vend à Paris chez
les auteurs, rue des Francs-Bourgeois, près l'Arquebusier, porte
Saint-Michel.
Médaillon ovale, petit in-4 en largeur \
Gravure sur cuivre ornant la Lettre de Jean Calas à sa femme et à
ses enfants, par Blin de Sain-More.
Ch. Eisen inv. — E. de Ghendt, sculpt. In-8 en hauteur^.
1. Coquerel ne décrit pas celte estampe.
2. Calas dans sa prison est entouré de sa femme et de sa lille, son fils
lui baise les mains, tandis que le geôlier lui attache une chaîne au pied.
(Collection Armand Lods.)
3. Quatre personnages examinent le tableau « Les Adieux de Calas à
sa famille » placé sur un chevalet. (Collection F. Puaux.)
Môme gravure reproduite par Akrel avec cette légende : OliUa Kannslor
hos 4 olika Nalioner.
4. Voltaire est à demi couché sur son lit, il est entouré de M. de La-
borde, fermier général, assis dans un fauteuil, du Père Adam, de AI'" De-
nis et d'une jeune servante. Sur les rideaux, au fond du lit, est accrochée
la gravure de Carmontelle « La Malheureuse famille Calas ». (Collection
F. Puaux.)
5. Calas, sa femme et le jeune Lavaysse découvrent le corps de Marc-
Antoine. (Collection Armand Lods.)
DE l'histoire du protiîstantisme français 517
LE TRIOMPHE DE VOLTAIRE
Invenlé et gravé par A. Duplessis. In-folio en largeur'.
Quatre scènes d'après le mélodrame de M. \ iclor Ducange.
1° Les adieux d'Antoine Calas à sa famille.
1" La famille Calas veillant auprès du corps de leur fils.
3» Calas avant d'aller à Véchafaud bénit ses enfants.
i" Edouard reproche au Capitoul et aux juges la mort de Calas ^.
Dessinées et gravées par Canu. In-4 en largeur. (Collection
F. Puaux.)
Il faut joindre à ces divers documents un exemplaire ori-
ginal du Jugemetit soiivej'aitT qui décharge les Calas de l'accu-
sation contre eux portée. Ce grand placard qui appartient à
la Société (S3cm./55) était suspendu dans la salle du Con-
seil. (Paris, Imprimerie Royale, 1765.)
C. — Affaire Sirven^.
Le pasteur Rochette avait été exécuté à Toulouse le 11) fé-
vrier 1762; Calas avait été condamné par le parlement de
cette ville le 9 mars 1762; au mois de janvier de la même
année, Pierre-Paul Sirven, du village de Saint-Alby, était
accusé d'avoir tué sa fille pour l'empêcher de se faire catho-
liciue. Afin d'éviter le sort du malheureux Calas il s'enfuit en
Suisse avec sa famille. Le tribunal de iMazamet, par juge-
ment du 29 mars 1764, condamna Sirven à la peine capitale,
prononçant le bannissement contre sa femme et ses deux
filles. Voltaire ayant obtenu le 25 novembre 4771 du parle-
ment de Toulouse la réhabilitation des Sirven, tint à annon-
1. M'"= Calas, ses filles, son fils, Lavaysse, Viguière, les Sirven sont au
nomlM-e des accusés défendus par Voltaire. (Collection Armand Lods.)
•2. Coquerel cite ces gravures d'après un catalogue, mais il ne les décrit
pas. Le drame de Ducange fui représente pour la première fois à Paris
sur le théâtre de l'Ambigu comi(|ue le 28 novembre 1819 et repris à la
Gaité en 18'» i.
3. Sur l'affaire Sirven, consultez : Camille Rabaud, Sirven, étude histo-
rique sur l'avènement de la tolérance. Paris. isOI. in-ls.
518 JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
cer lui-même à M'"^ Calas ce nouveau succès. Il lui écrivait
le 13 janvier 1772 : « Les Sirven errent depuis dix années;
c'est, ainsi que le vôtre, un exemple mémorable de l'injuslice
atroce des hommes », et il exprimait ce vœu qui fut exaucé :
« Je souhaite qu'on dise après un siècle entier : voilà une
famille respectable qui a subsisté pour être la condamnation
d'un parlement qui n'est plus* ».
A côté de ces lettres de Voltaire se trouvaient les mémoires
suivants :
Mémoire à consulter et consultation pour Pierre-Paul Sirven, com-
missaire à terrier dans le diocèse de Castres, présentement à
Genève, accusé d'avoir fait mourir sa seconde fille pour Vempêcher
de se faire catholique; et pour ses deux filles.
Délibéré à Paris, le 1" décembre 1766. Signé : Élie de Beau-
mont. Paris, Cellot, 1767. In-4, 78 pages et 4 pages contenant les
certificats. (Collection Armand Lods.)
Mémoire pour le sieur Pierre-Paul Sirven, feudisie, habitant de
Castres, appellant contre les consuls et communauté de Ma:^amet,
seigneurs-justiciers de Ma^amet, Hautpoul et Hautpoulois, pre-
nant le fait et cause de leur procureur jurisdictionel, intimés.
1771. In-8, 219 pages. (Collection Armand Lods.)
Ces diverses pièces, ces nombreux documents graphiques
complètent l'ouvrage de Coquerel fils sur les Calas et l'étude
de Camille Rabaud sur les Sirven et permettent de combler
les lacunes de la bibliographie pourtant si consciencieuse
donnée par ces deux savants historiens.
Armand Lods.
I
Salle du Conseil.
En sortant de la salle de lecture du côté opposé à l'entrée,
on pénètre dans une salle isolée du reste du bâtiment depuis
1. Collection Coquerel. Volume -47.
DE l'histoire du PROTESTANTISME 1 RAXÇAIS 519
le rez-de-chaussée jusqu'au toit par des murs en pierre, des
portes et des seuils en fer. Cette salle, garnie de coffre-forts
Fichet est celle où se conservent les manuscrits (au dessus a
été placée la réserve des livres). Quand on l'a traversée on
trouve, à droite le cabinet du bibliothécaire, à gauche la salle
du Conseil. On avait rassemblé dans cette dernière ce qui
n'avait pu trouver de place ailleurs. Sur le mur de droite les
portraits des fondateurs de la Société et de la France protes-
tante : Une petite photographie en émail, représentant Eu-
gène Haag dont le bureau est conservé au premier étage ; —
une assez grande peinture par Mlle B. Delorme, représen-
tant M. Charles Read dans les dernières années de sa vie; ce
portrait du fondateur de la Société est au musée Carnava-
let.— Henri Léonard Bordier, le continuateur de la France
protestante des, frères, Haag, pastel de Piquet appartenant à sa
fille, Mme de Magnin. — Un médaillon en bronze, par Crauk,
l'auteur de la statue de Coligny, de xM. Jules Bonnet, le pre-
mier secrétaire de la Société; — enfin une grande peinture,
par Scheffer, d'^. Coquerel fils qui créa en quelque sorte la
section des manuscrits delà Bibliothèque, en lui donnant les
papiers Rabaut.
Plus loin se voyait une très grande estampe coloriée de la
fin du xvi^ siècle représentant le contraste entre « la religion
papistique et la religion chrétienne ». — M. Read en a donné
une description dans le Bulletin de 1888, 444-448. Enfin, des
deux côtés de la cheminée Louis Xl\' devant laquelle se
trouve la taqne en fonte aux armes de Jean de Luxembourg
{Bull. 1894, 511) et sur laquelle on a placé une tète du Christ
couronné d'épines, en marbre, par M. de Triqueti, on avait
suspendu deux énormes placards. D'un côté, le jugement de
réhabilitation de Calas cité ci-dessus; de l'autre, un État gé-
néral des arrondissements de la province de Languedoc conte-
nant toutes les communautés dans lesquelles il y a des Nou-
veaux-Convertis. Cet état avait été dressé en exécution d'une
ordonnance royale du \) novembre 1728 portant que chaque
communauté serait responsable des assemblées qui se tien-
draient sur son territoire, c'est-à-dire que ses habitants nou-
veaux-convertis ou protestants seraient contraints solidaire-
520 JUBILÉ CINQUANTENAIRE DE LA SOCIÉTÉ
ment, au besoin par des garnisons, à payer les amendes
énormes auxquelles, en cas de contravention, ils étaient
condamnés.
En tête de la table autour de laquelle se réunit le Comité
se trouvait une reproduction exacte d\\ fauteuil en bois dont
se servait Calvin quand il prêchait et qui se trouve dans la
chaire de Saint-Pierre à Genève. Enfin sur la table même on
avait placé des pièces d'argenterie frappées en 1685 et en
1885 en commémoration de la première date (Hôpital de la
Providence et président de la Société huguenote de
Londres), et étalé une série d'échantillons variés de soieries
de couleur fabriquées par les réfugiés huguenots dans le
quartier de Spitalfields à Londres, que M. Ch. Norris de la
même Société avait bien voulu nous envoyer.
Nous n'aurions pu illustrer aussi copieusement les pages qui pré-
cèdent si nous n'avions eu le concours bénévole de M. le pasteur
E. Maury et de M. André Dudan, fils du surveillant de notre Biblio-
thèque lequel a droit aussi à une mention. Presque tous nos clichés
ayant été exécutés d'après leurs photographies, nos lecteurs les
remercieront certainement avec nous de cet utile complément de
notre texte.
Nous voici au bout de notre ti\che. Aucun de ceux qui auront eu
la patience de lire jusqu'ici ce long compte rendu *, n'en tournera le
dernier feuillet avec autant de satisfaction que celui qui a dû le
reconstituer après les fêles, et n'a pu en tracer les dernières lignes,
hélas ! que le 27 août 1902, trois cent trente ans et trois jours après
la Saint-Barlhélemy.
N. Weiss.
I. On nous demande si souvent des sujets pour conférences accompa-
i^nées de projections qu'au lieu de nous borner à une simple nomencla-
ture, nous avons pensé faire œuvre utile, aussi à ce point de vue, en
entrant dans (luelcjues détails.
Le Gérant : Fischbacher.
6055. — L.-lmprimeries réunies, B, rue Sainl-Benoit, 7. — Motteroz, directeur.
SOCIÉTÉ DE L'HISTOIRE
DU
PROTESTANTISME FRANÇAIS
Études historiques
L'ARRIVÉE DE CALVIN A GENEVE
ET LA DISPUTE DE LAUSANNE *
(1536)
I
Un jour du mois de juillet 1536, Calvin arriva à Genève.
Voici son propre récit : « Pour ce que, pour aller à Stras-
bourg, où je vouloye lors me retirer, le plus droit chemin
estoit fermé par les guerres, j'avoye délibéré de passer par
yci légèrement, sans arrester plus d'une nuit en ville... Un
personnage % lequel maintenant s'est vilenement révolté et
retourné vers les papistes, me descouvrit et feit cognoistre
aux autres. Sur cela Farel (comme il brusloit d'un merveil-
leux zèle d'avancer l'Évangile) feit incontinent tous ses efforts
pour me retenir ^. »
Ici en effet se place la scène si souvent racontée *. Farel
est accouru le soir, à l'auberge où est descendu Calvin. Il lui
expose la situation de l'Église et le prie de rester pour l'ai-
1. M. le professeur E. Doiiiiiergue a bien voulu arranger pour le Bul-
letin, ce récit emprunté en partie au second volume de son Jean Calvin
qui sortira de presse vers la fin de l'année. Nous remercions M. G. Bridel
de nous avoir prêté trois des quatre clichés qui illustrent cette étude.
2. 11 s'agit de Louis du Tillet.
3. Opéra, XXXI, p. 26. Commentaires sur les Psaumes. Préface.
4. On peut supposer que Viret assista à l'entrevue. Du moins, Bèze
{Vie de Calvin, 3'édit. Opéra XXI, p. 125) dit que Calvin fit visite à Farel
et à Viret.
19()2. — N" 10, Octobre. LL — 36
522 ÉTUDES HISTORIQUES
der. Calvin, troublé par cet appel inaltendu, objecte ses
plans, ses désirs, ses goûts. Plus Farel le presse, plus il est
effrayé par cette perspective, qui s'ouvre subitement devant
lui. Alors Farel, frémissant d'une sainte colère {spiritu quo-
dam heroïco afflatiis), se lève : « Et moi, crie-t-il de sa voix
tonnante, au nom du Dieu tout-puissant, je te le déclare; tu
prétextes tes études; situ refuses de t'adonner ici avec nous
NON PLimiMA.PAUCA SU) APTX.
t ors TTUunîcrn : dod:riitx. ^iirta, Laborù Curparc ùi cxuijratiajpiyp. LahL .
à cette œuvre du Seigneur, Dieu te maudira, car tu te cher-
ches toi-même bien plutôt que le Christs »
Calvin est vaincu : « Lequel mot m'espovanta et esbranla
tellement, que je me désistay du voyage que j'avoye entre-
prins... non pas tant par conseil et exhortation, que par une
adjuration espovantable, comme si Dieu eust d'en haut
estendu sa main sur moy pour m'arrester*. »
Longtemps après, au moment même où Calvin venait de
1. Opéra, XXI, p. 125.
2. Opéra, XXXI, p. 26.
ÉTUDES HISTORIQUES 523
mourir, Farel décrivait encore celle luUe tragique à l'un de
ses correspondants : « Combien qu'il priât aucune fois, au
nom de Dieu, d'avoir pitié de luy et le laisser servir autre-
ment à Dieu... néanlmoins voiant que ce que je demandois
estoit selon Dieu, en se faisant violence, il a plus fait et plus
promptement que personne aie fait, surpassant non point les
autres seulement, mais soy-mesmes *. »
Si jamais vocation a paru marquée du sceau providentiel,
c'est bien celle-là. Signalons en effet un détail. Gomment les
deux acteurs de celte scène mémorable se sont-ils rencon-
trés ? Malgré eux.
Calvin avait été forcé de passer par Genève pour aller de
Paris à Strasbourg-. El il ne comptait pas s'arrêter. — Quant
à Farel, au moment où Calvin se rendait malgré lui à Genève,
il en partait. Le 8 juin, il était à un synode d'Yverdon, et il
n'était pas de retour le 10 juillet. A cette date, le Conseil de
Genève lui écrit pour le prier de revenir, lui parlant des « pas-
sans » français, italiens et autres, qui nécessitent sa pré-
sence. Il le supplie de se hâter, « aullrement plusloust lairrés
désolation et désordre que confort. Nous vous prions encore
une bonne foy, pour l'honneur de Dieu, que ne failles de
venir ^ ». Que Farel eût lardé trois ou quatre jours de plus,
et Calvin était déjà reparti. Mais la Providence calcule juste,
et bien que celui-ci ne le veuille pas, et bien que celui-là n'y
pense pas, ils se rencontreront l'un l'autre, au moment voulu.
El Farel aura raison, beaucoup plus tard (6 juin 1564),
d'écrire : « Le Seigneur soit béni et loué que, de sa grâce, là
où je n'y avoie jamais pensé, me l'a fait rencontrer et, contre
ce qu'il avoit délibéré, l'a fait arrester à Genève \ »
1. Farel à Libertet, 6 juin 1ô6'i. Opéra, XX. p. 313.
2. « Divinitus eo perductus, » dit Bèze. Vie de Calvin, 3« édit., Opéra,
XXI, p. 125
3. Ilerminjard, \Y, p. 73. « Les magistrats genevois ne se doutaient
guère de l'importance du service qu'ils allaient rendre à toutes les Églises
rétormées en pressant si vivement le retour de Farel à Genève. » Ibid.,
n. 4.
î. Opéra, XX. p. 313.
524 ETUDES HISTORIQUES
11
Calvin obtint cependant de Farel la permission d'aller à
Bâle régler ses affaires et conduire un parent, Artesius*. Sur
sa route, il rencontre de nomjjreuses Églises qui le forcent à
s'arrêter quelques jours : sans doute Lausanne, Yverdon,
Neuchàtel, la Neuveville, fondées déjà depuis quelques
années ^ Puis à son retour, un violent catarrhe le saisit, qui
se porte, dit-il, sur la gencive supérieure, le tourmente pen-
dant neuf jours, et ne cède qu'à deux saignées, beaucoup de
cataplasmes et une foule de calmants ^ — Voilà l'apparilion
de la maladie qui va s'attacher à un corps déjà surmené et
fera de la vie de Calvin un prodige.
En attendant, il commence (fin août au plus tôt) ses fonc-
tions de professeur et songe à la traduction française de son
Institution*. Il se nomme; « professeur des saintes lettres
dans rÉglise de Genève ^ » Et on lui écrit : « Lecteur en la
1. Calvin parlera à Louis du Tillet, dans sa lettre du 31 janvier 1338,
d'un Lois d'Artois. Il est probable que c'est le même personnage. Iler-
minjard, IV, p. 87 et n. 4; p. 358 et n. 16.
2. Herminjard, IV, p. 87 et n. 5.
3. Calvin à Daniel. Lettre écrite de Lausanne, 13 octobre 1536. Hermin-
jard, IV, p. 86-91.
4. Comme la Psychopannychia n'était pas encore publiée, ces paroles
he peuvent, d'après M. Herminjard, l'aire allusion qu'à r/»5^îfj<?îOH. « Cette
occasion [de la i'oire] perdue, bien que j'eusse assez de temps pour écrire,
et que toute voie ne lut pas fermée à nos lettres, comme nous pensions à
chaque instant {singulis momentis) à l'édition française de notre i)elil livre
{libelli) et que l'espoir commençait à être presque certain, je préférais que
cette lettre fût enrichie de cette addition plutôt que vide ». On ne peut
s'empêcher de se demander, dans le cas où vraiment il s'agirait de l'/n-
stitution, si la traduction était commencée (ce qui ne semble pas indiqué),
et, si elle n'était pas commencée, comment Calvin pouvait rédiger toute
cette traduction en si peu de temps. Peut-être veut-il seulement dire qu'il
aurait aimé annoncer dans sa lettre que la publication de cette traduc-
tion était ctiose décidée entre lui et un imprimeur ou éditeur. En tout cas,
son projet fut abandonné à cause de la Dispute de Lausanne (antequam
vero deliberatio illa conciderat, disputalionum Lausannensium dies Jam
impendebat). 11 l'aurait repris seulement cinq ans plus tard, en traduisant
(1541) son édition latine de 1539. Herminjard, IV, p. 87, 88, n. 8, 9.
5. « J. Calvini, sacrarum literarum in ecclesia Genevensi professons,
Epislolœ dua^. » 12 janvier 1537.
ÉTUDES HISTORIQUES 523
sainte écriture à Genève. » Il expliquait, dans le tem|)le de
Saint-Pierre (ce fut son premier auditoire), l'après-midi, les
êpUres de saint Paul, « avec grande louange et utilité * ».
Le mardi 5 septembre-, Farel annonça ce fait au Conseil :
« Maître Guillaume Farel expose quelle est la nécessité de
la lecture commencée par ce Français {ille Gallus) à Saint-
y/Kj -A »4 id ,i ».~>-4-v f^'-^i^{f-%A/t) \<f 7 h
6-<^ptyt.~^
A
/r^'^'^J 'l^^'leJ^ /Wv^^wt/ *y.y^C^ /'V^^^ P^"^
Pierre. C'est pourquoi il supplie qu'on s'occupe de le retenir
et de le nourrir (alimentando). » — Le Conseil répond :
« qu'on s'occupe {advideatur) de le soutenir {substiiiendo) » ^
mais ne paraît pas autrement ému de l'arrivée de ce Fran-
çais, dont il ne consigne pas même le nom sur ses registres.
1. Oporin à Calvin, 2r) mars ir,37. Opéra, \'' p.yl. Herminjard, \\\ p. 208.
2. Martis qiiinto septembris, el non le i, comme dit lÀoget, Histoire du
peuple de Genève, I, p. 10.
3. Registres du Conseil, :{() (et non 29, comme disent les Annales, Opéra,
XXI, p. 20'i), f. r.l.
526 ÉTUDES HISTORIQUES
Iste Galliis, et c'est tout: On avisa en effet lentement, car
environ cinq mois après, le 13 février 1537, les procès-ver-
baux du Conseil nous disent : « Icy est parlé de Calvinus
qu'il n'a encore guère receu, et est arresté que Ton luy dé-
livre ung six escus soleil ^ »
Telle fut l'installation de Calvin à Genève, merveilleuse de
la part de Dieu, presque inaperçue de la part des hommes.
Mais les circonstances allaient se charger de la révéler à
Genève et à la Suisse romande.
En effet, pour régler la question de la Réformalion dans le
canton de Vaud, Berne avait résolu de recourir au moyen
qui lui avait si bien réussi à elle-même, et qui, à Genève,
n'avait pas moins bien réussi à Farel : instituer à Lausanne
une grande dispute publique. Calvin y accompagna Farel. Ils
allaient y rencontrer Vire t.
Comment Viret lui-même était-il venu à Lausanne?
III
Entre Lausanne et Neuchâtel, sur le flanc d'une des pentes
basses du Jura, s'élève la ville, petite et célèbre, d'Orbe,
alternativement gouvernée, au début du xvi° siècle, par Berne
et par Fribourg : cinq ans d'administration bernoise et protes-
tante, puis cinq ans d'administration fribourgeoise et catho-
lique. Jusqu'en 1531 il n'y eut pas de difficultés. Mais cette
année-là un frère mineur de Saint-François, Michel Juliani,
se mit à prêcher le carême. Le 25 mars, il prit pour sujet le
mariage, et, parlant de moines et nonnes qui renoncent à leurs
vœux pour se marier, il s'écria : « Pensez-vous qu'en iceux
« soit accomply et fait mariage légitime? Ha nenny, mais ils
« sont paillards, paillardes^ infâmes et deshonnesles apos-
« tais, abominables devant Dieu et devant les hommes. »
Or, dans l'auditoire se trouvait un bourgeois d'Orbe, Chris-
lophle Hollard, dont le frère, Jean, avait été chanoine et
s'était marié. Chrislophle se lève et crie par deux fois que le
prédicateur « en avoil menty ». Tumulte épouvantable : (( Sur
1. Registres du Conseil, vol. 30, f. 173, Annales, p. 208.
i
ÉTUDES HISTORIQUES 527
ce, les femmes, toutes d'un vouloir el courage, allèrent où
estoit ledit Christophle, le prindrenl par la barbe, la luy arra-
chant et luy donnant des coups tant et plus; elles dommagè-
rent par le visage, tant d'ongles que autrement, en sorte que
finalement, si on les eust laissé faire, il ne fust jamais sorti
hors de la ditte Église, qui eust esté grand prouOt pour le
bien des bons catholiques », dit le bon chroniqueur et grand
banneret d'Orbe, Pierrefleur. Mais le châtelain s'interposa,
enleva Christophle à ses furies, et le mit « au fond de fosse
en prison ».
C'était une excellente occasion pour Berne d'intervenir.
Son bailli accourt d'Échallens et tire Hollard de prison. Et
quelques jours après, les ambassadeurs de Berne et de Fri-
bourg amènent avec eux... Farel. Celui-ci monte en chaire.
Mais la population est catholique. c< Tous et un chascun
crioyent et siffloyent pour le destorber avec toute exclama-
tion, l'appelant chien, mastin, hérétique, diable et autres
injures, en sorte que l'on n'eut pas ouy Dieu tonner. »
Le bailli prend Farel sous sa protection et Temmène.
iMais le lendemain matin, à six heures, notre Réformateur fait
une nouvelle tentative. Même insuccès, et, l'après-midi, les
femmes le prennent par la robe, le font « chanceler à terre
et le voulurent outrager et frapper ». Encore une fois le bailli
le sauva.
Berne était bien servie par les circonstances. Elle intente
un procès au frère Juliani. Celui-ci est absous, mais il se hâte
de quitter la ville. Alors Berne envoie un mandement ordon-
nant de laisser parler son prédicant Farel. Le samedi après
Pâques, dans la nuit, à 1 heure du matin, Farel s'introduit dans
l'Église. Là il attend que l'office soit célébré, achevé, et il
monte en chaire. Alors la scène change. Personne ne vio-
lente le prédicant bernois, tout le monde s'en va. Il ne reste
que trois auditeurs! Berne intervient de nouveau et déclare
qu'on doit écouter le sermon. Pendant toute la semaine,
Farel prêche donc, deux fois par jour, et chaque fois
deux heures. Malgré Berne et ses mandements, les bourgeois
d'Orbe en ont bientôt assez, et dès le troisième jour il ne
restait qu'une dizaine d'auditeurs fidèles.
528 ÉTUDES HISTORIQUES
Parmi ceux-ci se trouvait Pierre Viret.
Pierre Viret, né à Orbe, en 1511, dans une maison située en
face de l'hôtel actuel des Deux Poissons, autrefois un couvent,
était fils d'un « couslurier et retondeur de drap ». Il avait
été d'abord instruit parle maître d'école Marc Romain, lequel,
dit Viret lui-même, a eu le bruit d'avoir été le premier qui
nous a fait luthériens ». Ensuite Viret passa trois ans à Paris,
étudia à ce collège de Monlaigu. d'où Calvin venait à peine
de sortir, et c'est à Paris que sa conversion s'achève. Il fut
« noté tenir de la religion luthérienne ». En conséquence il se
sauva, retourna à Orbe, et habita chez son père.
A ce moment, avril 1531, Farelle rencontra, et en usa avec
lui, comme il en avait usé avec Calvin. Farel, avec son sens
prophétique, devinait dans ce jeune homme timide un admi-
rable instrument de Dieu et lui déclara qu'il devait être pas-
teur. Viret, « craintif et modeste » hésitait, refusait. Farel
passa aux « grandes oblestations et adjurations ». Viret céda,
et le 6 mai 1531, ayant juste 20 ans, il prêcha son premier
sermon. « C'était un jeune homme maigre, assez délicat,
brun, avec de beaux yeux noirs. L'ensemble des traits, mal-
gré une singulière disproportion dans la longueur du nez, n'a
rien du heurté qui donne un aspect si extraordinaire à
Mélanchlhon et à Farel; l'expression est vive, pénétrante,
toute la figure bien arrêtée, mince, fine, allongée en pointe,
mais dans un caractère insinuant » (Juste Olivier).
Humble : il parle lui-même de sa petitesse, de son igno-
rance, de « la faute de prudence et de jugement qui est en
lui». — Pacifique : « De mon naturel, dit-il, j'ai toujours aimé la
paix ». — Doux : A \ alence, il sauva la vie au jésuite Auger,
que le baron des Adrets allait faire pendre : « Ne vous ven-
gez pas, mes bien aimés, s'écria Viret, et, embrassant le
condamné : A Dieu seul appartient la justice. Bénissons ceux
qui nous persécutent »... Viret allait être le Réformateur vau-
dois, à côté des deux Réformateurs français, Farel et Calvin.
Dans ses Disputations chrestiennes de 1544, qu'il composa
« pour le pauvre peuple », il se laisse aller « à enfanfiller avec
les enfants, à user de rusticité avec les rustiques ». Son fran-
çais, du reste remarquable, a. la saveur du terroir qui s'étend
I
ÉTUDES HISTORIQUES 529
au pied du Jura. « J'ai voulu, dit-il, écrire un langage avec
lequel j'ai le plus de convenance et de familiarité, selon ma
naissance et nativité. Je ne parle pas le langage attique, ni
fort orné et rhétorique, mais m'advient souvent que je re-
tombe en mon patois ». M. Philippe Godet, le juge si auto-
risé en ces matières, a dit :<( Viret est notre premier écrivain
franchement du cru, notre premier écrivain national «.
530 ÉTUDES HISTORIQUES
Il est à l'œuvre, à l'œuvre évangélique. Ses parents se con-
vertissent, et, à Pâques 1532, il distribue la cène à 77 fidèles.
— L'année suivante nous le trouvons pasteur à Neuchâtel,
et un soir, comme il se rend à Payerne pour y prêcher, il
tombe dans un guet-à-pens; un prêtre le frappe par derrière
d'un coup d'épèe.
C'est alors qu'il fait différents séjours à Genève, 1532, 1534,
1535; après avoir échappé à l'épée des prêtres, il faillit suc-
comber à leur poison; sa santé en resta définitivement ébranlée.
De Genève ou de Neuchâtel, en 1535, il se rendit à Bâle où,
sans doute, il vit Calvin pour la première fois : celui-ci était
occupé à son Institution chrétienne.
Enfin, en 1536, allant de nouveau de Neuchâtel à Genève,
il rencontra l'armée bernoise qui assiégeait Yverdon. Sur un
appel des arquebusiers lausannois, il attendit à Orbe qu' Yver-
don fût prise, et il se rendit à Lausanne avant le milieu de mars.
Dès le 6 avril le conseil lui assigne l'église de la Madeleine
ou des Dominicains.
Viret lui-même nous décrit ses débuts en ces termes :
« J'étais seul... la ville n'était pas encore soumise aux Ber-
nois », mais ce doux était un croyant, et son programme est
identique à celui de l'ardent Farel. C'est ce qu'il explique en
demandant une dispute avec le Jacobin qui parlait « au grand
temple ». Il dit : « Je presche l'évangile de Jesu Christ, et suis
prest de rendre raison de ma doctrine et de ma foy à toute
heure qu'on m'en demandera. El s'il y a prebstre, moyne ou
aullre. quelqu'il soit, qui me saiche monstrer que j'aye ensei-
gné chose contraire à la ParoUe de Dieu, je ne demande pas
que vous me chassiez comme une pesle de vostre ville, mais
que vous me faciez une si griefve punition, quejamais homme
ne se mesle de prescher, qui ne soit bien asseuré de sa doc-
trine ». Quant au Jacobin, s'il est confondu, \'iret veut « que
miséricorde luy soit faicte, car je ne demande sinon que le povre
peuple ne demeure point en ces erreurs ». Et en octobre eut
lieu la grande Dispute.
Le « tréj)ied », comme on le disait au xvi' siècle, était consti-
tué : Farel, Calvin, Viret, et l'honneur en revenait à Farel.
ÉTUDES HISTORIQUES "^31
Non seulement Tancien disciple de Le Fèvre d'Elaples avait
été rhéroïque missionnaire delà Suisse romande, non seule-
ment il avait vraiment installé la Réforme à Genève, mais il
avait gagné — et de haute lutte — à son œuvre Calvin et Viret.
Il ne fallait pas moins que ce « trépied » pour supporter
Tœuvre de la Réforme calviniste.
C'était fait. Et ces trois amis, sous la conduite de leur aîné,
allaient soutenir, pour la première fois ensemble, le choc de
leurs adversaires. En vérité, que pouvaient de pauvres moi-
nes et de pauvres prêtres contre ces trois chrétiens, héros de
la pensée et de la foi, P'arel, Calvin et Viret?
IV
Ouverte le dimanche 1" octobre, par une prédication de
Farel, la dispute fut close le dimanche 8 octobre, par une
autre prédication de Farel. C'est lui qui, avec Viret, joua le
rôle principal. Il avait rédigé les dix thèses^ La première,
sur la justification par la foi (soutenue surtout par Farel), et
la troisième, contre la « présence corporelle » (soutenue sur-
tout par Viret), firent l'objet des débats les plus impor-
tants ^
Le lundi, dès sept heures du malin, la foule remplissait
Fimmense cathédrale. Au centre de l'église était la place
réservée pour les débats, avec, tout autour, des sièges pour
les tenants de la discussion, pour les quatre notaires ou se-
crétaires, les deux présidents et les cinq commissaires de
Berne. Ceux-ci étaient reconnaissables à leur costume, les
pourpoints et les chausses noirs, aux découpures rouges, et
un panache flottant sur leurs chapeaux à larges bords ^
1. « Les conclusions qui doibvent estre disputées à Lausanne, nouvelle
province de Berne, le premier jour d'oclobre 1536. » Opéra, IX, p. 701-702.
2. Voir Charles Subilia, La dispute de Lausanne, p. 66.
3. Le Chroniqueur, p. 315. — « Les actes de cette Dispute recueillis par
quatre notaires assermentés... furent compilés en un gros volume qui fut
douze ans entre les mains de P. Viret, jusqu'à ce que l'an 1548, Leurs
Excellences de Berne, voulant en avoir un exemplaire pour leur biblio-
thèque publique, en firent tirer une copie et la firent collalionner exacte-
ment avec l'original... C'est cette dernière copie (jui subsiste aujour-
532 ÉTUDES HISTORIQUES
L'allitude des catholiques ressembla beaucoup à celle
qu'ils avaient eue à Genève en pareille circonstance. L'évê-
que n'avait pas cru de son devoir de rentrer dans sa ville.
L'empereur Charles-Quint, averti sans doute par l'évêque,
écrivit le 5 juillet 1536 au Conseil de Lausanne : « Annulez
immédiatement tout {illico antiuletîs, aboleatis)^... » Des
337 prêtres invités, 174 seulement vinrent, et, de ces 174,
quatre seulement défendirent leur foi. Parmi les représen-
tants des dix maisons religieuses, un seul prit la parole et
de tous les chanoines, pas un ; ou du moins le seul chanoine
qui parla lut une protestatien du Chapitre pour déclarer
qu'il s'abstenait.
On voit la différence entre les protestants et les catholi-
ques. Et Farel la souligna, quand il s'écria : « Parler hardi-
ment vous est loisible; on ne dispute point icy par fagot, par
feu ne espée, par prison et tourmens ; les bourreaux ne sont
icy pour docteurs et raisons péremptoires, mais la vérité de
TEscripture... La vérité est assez forte contre mensonge; si
vous l'avez, proposez-la". » Où donc, en France, en Italie,
en Espagne, le clergé catholique, ayant la majorité, a-t-il ja-
mais tenu un pareil langage?
Le jeudi 5 octobre, Calvin n'avait encore rien dit, et il
avait délibéré de s'abstenir jusqu'à la fin, « voyant que sa
parolle n'estoit pas fort requise en si suffisantes responses
que donnent ses frères Farel et Viret^ ». On discutait sur la
présence réelle. Et un catholique avait lu un long travail,
soigneusement préparé, dans lequel il reprochait aux minis-
tres de mépriser les anciens et saints docteurs. Alors Calvin
se lève, avec sa terrible ironie et sa science étonnante. Il
affirme que souvent les catholiques « ne les ont pas en si
grand honneur que nous, et ne daigneroient emploier le
d'hui. » (Ruchal, I\', p. 363.) Le volume porte deux inscriptions, l'une en
français, l'autre en latin. La première dit : « Les disputations générales
tenues à Lausanne au moys d'octol^re l'an mil cinq cens trente-six, ordon-
nées par les princes clirestiens messieurs de Berne, en plaine liberté et
saufconduict à tous allans et venans. » Opéra, IX, Proleg., p. i.ni.
1. Herminjard, 1\", p. 09; C. Subilia, p. 9ô.
2. C. Subilia, p. 113.
3. Opéra, IX, p. 877.
ÉTUDES HISTORIQUES 533
temps, à lire leurs escriplz, que nous y employons volunliers.
Comme se pourroil prouver, non pas à vous, mais à ung qui
y seroil un peu plus exercité. » El immédiatement il se met à
citer et expliquer les opinions de Tertullien, une homélie
attribuée à Chrysoslome, « la XI' homélie environ le
millieu », un passage de saint Augustin, « en Tèpître XXIII*,
bien près de la fin... », un autre « au livre contre Adimantus
manichéen, environ le milieu..., » un autre « sus le pseaulme
98... », un autre « au commencement de quelque homélie sur
Tévangile s. Jehan, environ le [la?] 8' ou 9^, je n'en ay pas la
mémoire certaine... », un autre « au livre de fide ad Petrum
Diaconum (combien qu'on doubte si c'est de luy ou de quel-
que autre ancien)... Finablement en Tépistre ad Dardanion,
laquelle est assez ample et longue... » — Tout cela de mé-
moire! Calvin conclut ces citations : « Tout le monde peult
facilement appercepvoir de quelle témérité vous nous repro-
chez que les docteurs anciens nous sont contraires. Certes
534 ÉTUDES HISTORIQUES
si VOUS en eussiez veu quelques feuillelz, vous ne eussiez
esté si hardy à faire ung tel jugement que vous avez faict,
n'en ayant veu mesmes les couvertures, comme assez le
monstrcnt les tesmoignages précédens. » Puis échangeant la
massue de son érudition pour l'épée de sa dialeclique, il
embarrasse ses adversaires dans leur propre exégèse, les
laissant eux-mêmes considérer en quelle « absurdité » ils
tombent, et il achève : « C'est une communication spirituelle
par laquelle, en vertu et en efficace, il nous faict parlicipans
de tout ce que pouvons recepvoir de grâce en son corps et
son sang... le tout spirituellement, c'est-à-dire par le lien de
son Esprit*. »
Tout le monde est surpris, stupéfait. Il y avait de quoi.
C'est une révélation. « En cet endroit sont demeurés tant
les Mimard que les Blancherose sans réplique. »
Alors se passa une scène qui porta l'émotion générale à
son comble. « Un cordelier, Jean Tandi, qui avait écouté les
disputes dès le commencement, voyant la bouche fermée
aux opposans, et comme ravi en lui-même, se leva et dé-
clara, devant toute l'assemblée, qu'il se sentait éclairé et
convaincu de la vérité de la doctrine qu'on venait d'ensei-
gner [d'Japrès l'Évangile... Il demanda pardon à Dieu... Il
demanda aussi pardon au peuple... Il déclara qu'il allait
renoncer à la règle, à l'habit et à l'ordre de cordelier, pour
1. Opéra, IX, p. 877-884. Les connaissances patristiques de Calvin
étaient célèbres, même parmi les plus savants Réformateurs, comme Mè-
lanchlhon. Calvin s'était mis à étudier les Pères de bonne heure. On a
encore de lui une préface latine qu'il comptait mettre à une traduction
française des Homélies de Chrysostome. Il ne réalisa pas son projet,
conçu peut-être avant sa sortie de F'rance. (Opéra, IX, Prolég., p. lxv et
p. 831-838). Les éditeurs des Opéra ne savent à quelle date exacte placer
cette préface. « Soit, disent-ils, avant Cju'il ait quitté la France, soit avant
qu'il ait applitiué .son esprit à l'explication du Nouveau Testament, par
ses Commentaires. » (Opéra, Ibid). M. A. Lang croit la Préface écrite en
1537 ou 1538. Die aeltesten tJieologischen Arbeiten Calvins, dans les Neiie
Jahrbûcher fur deutsche Théologie, II, 1893, p. 297-300. — Dans cette
préface, Calvin prouve sa familiarité avecOrigène, Athanase, Basile, Gré-
goire, TertuUien, Cyprien, Hilaire, Jérôme, Ambroise, Augustin. En quel-
ques mots précis, il caractérise la manière de chacun de ces auteurs.
Chrysostome est pour lui le plus « populaire » de tous. Opéra, I.X, p. 831-
833.
ÉTUDES HISTORIQUES 535
vivre en chrétien*. » Et sans doute, comme plusieurs de ses
pareils, il se hâta de joindre l'acte à la parole.
Farel traduisit immédiatement les sentiments de la majo-
rité de l'assemblée en s'écriant : « O que Dieu est grand, bon
et sagel... Il a eu pitié de la pauvre brebis qui était errante
par les déserts, et l'a amenée à la sainte bergerie-. » El l'as-
semblée se retira toute troublée par ce spectacle pathétique.
Outre cette conversion'' il y avait eu les aveux de Blanche-
rose, les deux Auguslins, Gérard Pariât et Claude démen-
tis. Puis les prêtres les plus consciencieux embrassèrent la
Réforme^ Mimard, Drogy, qui s'écria : « Je sais que je serai
excommunié, et cependant je viens de trouver la vérité. »
Dans les trois mois qui suivirent, plus de quatre-vingts reli-
gieux, plus de cent vingt curés et vicaires passèrent au pro-
testantisme.
Les conséquences ecclésiastiques de cette bataille théolo-
gique furent rapidement tirées.
Dès le lendemain, le Conseil même de Lausanne décida
que la maison de prostitution serait détruite à jamais, et que
les prostituées seraient chassées de Lausanne avec toutes
les femmes de mauvaise vie. Voilà comment se trahissait
l'influence des ministres. — Le 19 octobre 1536, Berne or-
donna « de soy incontinent dépourler de toutes cérémonies,
sacrifices, offices, institutions et traditions papistiques, et
de toutellement cesser d'ycelles, en tant qu'ils désireront
d'éviter notre maie grâce et griefve punition; aussy vous
\. Ruchat, IV, p. 288.
2. Le Chroniqueur, p. 330. Nous n'avons pas ici à discuter le récit de
certains liistoriens peu impartiaux (comme Verdeii, Histoire du canton de
Vaud. I, p. 365, et Charles \'uillermet, Notes historiques sur Lausanne,
I8'J6, p. 38-îO). Il faudrait une étude particulière : elle a été faite par
M. Ch. Subilia.
3. Le 7 octobre, Calvin prit de nouveau la parole pour une courte
observation historique, relative à Hildebrand, « premier déterminateur de
ceste prodigieuse transsubstantiation. » On l'avait invoqué. Immédiate-
ment, Calvin cite « Beno, cardinal, en ung traicté inséré aux commen-
taires du concile de Basle, faict par Plus II. » Et il conclut sa courte
riposte : « Allez maintenant et dictes que le pain est vostre Dieu, à Tadveu
de celuy qui Ta bruslé pour accomplir ses conjurations magiques. » Opéra,
IX, p. 88i, 886..
536 ÉTUDES HISTORIQLES
expressément recommandant sans dilalion abatre toutes
images et idoles, aussy les autels estans dans lesdites
églises et monastères; toutesfois cella par bon ordre et sans
tumulte* ». (Il ne faudrait pas trop se fiera cette dernière
recommandation.) — Enfin VOrdonnance de Réfonnation, du
24 décembre 1536, vint clore Tancienne période et ouvrir la
période nouvelle de l'histoire du Pays de Vaud.
V
En se précipitant ainsi, les événements allaient tout natu-
rellement faire de Calvin le chef autorisé et respecté. De
Lausanne même, indiquant le résultat de la Dispute, il écri-
vit à son ami Daniel : « Déjà dans beaucoup de localités on
a commencé à renverser les idoles et les autels, et j'espère
que bientôt ce qui reste sera aboli. » Mais il a soin d'a-
jouter : « Le Seigneur fasse que Tidolàtrie soit ruinée dans
tous les cœurs. »
Quant à lui, il est déjà engagé dans de nouvelles discus-
sions. Il doit partir pour Berne, le lendemain, et peut-être
sera-t-il obligé de pousser jusqu'à Bâle', ce qu'il redoute, à
cause de sa santé délabrée (fracta valetudine) et de la mau-
vaise saison. En attendant, il blâme énergiquement ces
« ventres paresseux », ces hommes qui « babillent douce-
ment à l'ombre », au lieu de venir aider les travailleurs. Les
pasteurs manquent. Quanta ministrorum penuriat Que ceux
qui ont un peu de cœur (cordatioi-es) accourent^.
A Berne, Calvin assiste, du 16 au 18 octobre, au Synode *,
1. Le Chroniqueur, p. 340, 3il. La lettre était adressée au\ baillis, châte-
lains, lieutenants et autres officiers. Le même jour, 19 octobre, Berne
envoyait à chacun des ministres nouvellement désignés par une assem-
blée réunie à Lausanne, à l'issue de la Dispute, sa lettre de nomination.
Le ton en est curieux : « Sur ce ordonné que tu, incontinant avoir receuz
Geste, toy transpourte ver[s] nostre Baillif... » Pour desservir plus de cent
paroisses dans les « pays conquestés », on n'avait trouvé cju'une quin-
zaine de pasteurs. Herminjard, IV, p. 91, p. 90, n. 24.
2. M. Herminjard pense qu'il renonça à ce voyage et se contenta
d'écrire, IV, p. 90, n. 23. \ oir Ibid., IV, p. 95, la lettre n" 577.
3. 13 octobre, Ibid., IV, p. 89-91.
4. Ibid., IV, p. 90, n. 22.
I
ÉTUDES HISTORIQUES 537
OÙ sont représentées deux cent quatre-vingt-seize paroisses,
et qui délibère sur la formule de concorde de Wittemberg.
Bucer et Capiton la recommandaient chaleureusement aux
Suisses. Mais le Synode la trouvait ambiguë. Cependant un
des docteurs présents fit observer que la Suisse ne devait pas
se séparer des autres Eglises : « Si cela arrive, dit-il, c'en est
fait de la religion ^ » Est-il téméraire de penser que ce docteur,
c'était Calvin, se montrant dès le premier jour ce qu'il restera
jusqu'à la fin de sa vie. le grand conciliateur des protestants?
Ce qui semble confirmer celte supposition, ce sont les
deux lettres parties de Strasbourg, le 1<=' décembre 1536, et
signées des deux hommes qui s'occupaient tant à ce moment
de cette conciliation-. Capiton écrit à Calvin qu'ils sont
presque complètement d'accord; il désirerait qu'il pût venir
passer deux jours. « Au nom de Christ, je t'en prie, si d'une
façon quelconque tu le peux, viens nous voir avant de rien
publier; je le sais, tous tes écrits seront plus îorls {robiis-
tiora) et plus puissants {comnmnitiora), quand tu nous auras
entendus ^. » Bucer, qui n'a pas eu occasion de voir encore
Calvin, est moins familier; il est presque respectueux. Il dé-
sire avoir une entrevue pour s'entendre sur ioni {tecum per
omnia convenire), et il viendra volontiers où Calvin voudra.
Qu'il choisisse Bâie, Berne ou même Genève. « Nous traite-
rons religieusement ces sujets qui sont certains pour toi,
mais qui, à cause de notre lenteur, ont besoin de quelques
explications. » Et saluant avec admiration les débuts de cette
activité, Bucer ajoute : « Nous croyons reconnaître que le
Seigneur a décidé de laisser ses Églises se servir de toi avec
le plus grand profil (usum iiberrimum) et de les faire très lar-
gement {latissimé) profiter de ton ministère... Ne méprise
pas mes prières, homme très savant et très sainl^. »
E. DOUMERGUE.
1. Lettre du 20 octol^re, de Megandei- aux pasteurs zurictiois, Opéra,
Xb, p. 65.
2. Capiton et Bucer avaient assisté le 24 septembre, à Bâte, à une pre-
mière réunion qui s'occupa de celte conciliation. Une autre, à laquelle ils
assistaienlaussi,eutlieuà Bàle le 12 novembre. Herminjard, IV, p. 1 16, n. 2.
3. Herminjard, IV, p. 116.
i. Ibid., IV, p. Ils, 119.
LI. — 37
Documents
sous LA LIGUE, AUX ENVIRONS DE PARIS
ABJURATION FORCÉE DE PIERRE DE LYON
ÉCUVER, SEIGNEUR DE HrEUIL, UlT La I'oNTAINE d'AuI.NAY
(1586-1587)
Pour comprendre les textes qui suivent il faut se rappeler
que, sous la pression de la Sainte Ligue, le roi de France
Henri 111 publia, le 8 juillet 1585, un édit appelé édit de Ne-
mours, qui ordonnait aux huguenots d'abjurer et accordait à
ceux qui ne voulaient pas renoncera leur foi, six mois pour
mettre ordre à leurs affaires et sortir du royaume. Trois mois
plus tard, le 6 ou 7 octobre 1585, sous prétexte de prétendus
armements et complots organisés par les huguenots, grâce à
ce délai de six mois, celui-ci fut réduit à quinze jours. C'est
en conséquence de ces deux édils successifs que beaucoup
de protestants qui ne voulaient ou ne pouvaient pas s'expa-
trier, prirent le parti de se convertir au calholicisme en
attendant des temps plus favorables pour revenir à la religion
qu'ils n'abandonnaient que pour éviter la ruine et l'exil.
Pierre de Lyon s'était conformé aux stipulations de l'édit de
Nemours et avait été faire sa soumission à l'évêché de Paris.
Néanmoins, peut-être parce qu'il n'avait pas fait notifier offi-
ciellement cet acte, à la requête du procureur du roi, les
commissaires établis par Sa Majesté « à la Chambre du Trésor»
et chargés de mettre sous séquestre les biens des protes-
tants restés dans le royaume sans avoir abjuré, firent saisir
son fief de Breuil^ Pierre de Lyon présenta une requête au
roi et à ces agents du fisc si pressés de garnir les coffres
royaux avec les biens des hérétiques et, grâce à un certificat
de l'évèque de Paris, il obtint un ordre de mainlevée du
7 janvier 1586.
Malgré ces témoignages irrécusables de catholicité offi-
cielle, dix-huit mois plus tard, le 7 juillet 1587, le fisc remit
1. Breuil, commune de Bazainville, canton de Iloudan, Seine-el-Oise.
DOCUMENTS 539
la main sur les terres qui lui avaient une première fois échappé.
Peut-être quek|u'un qui les enviait avait-il répandu le bruit
que P. de Lyon était aussi hérétique qu'avant son abjuration.
Quoi qu'il en soit, le malheureux dut prouver par un certificat
en bonne forme, du curé et des marguillers de sa paroisse
de Bazainville, qu'il y avait fait ses Pâques en 1587. Un cer-
tificat de son capitaine prouvait, en outre, qu'il faisait tou-
jours partie de sa compagnie c'est-à-dire de celle de Claude
de Harville, seigneur de Palaiseau*, ce qui sans doute n'au-
rait guère été possible s'il n'avait pas régulièrement fréquenté
la messe. Ces deux pièces jointes à une nouvelle requête
du plaignant et à l'oidre de mainlevée du 7 janvier 1586
forment le dossier qu'on trouvera ci-après. Elles furent mon-
trées au procureur du roi le 12 août 1587. En conséquence, le
lendemain 13 août, celui-ci donna l'ordre de mainlevée définitif.
Le fisc abandonna-t-il cette fois sa proie? Nous ne le savons
pas et rien n'est moins certain, car on sait qu'à cette époque
tous les prétextes étaient bons pour dépouiller les huguenots '.
N. W.
A monsieur le lieutenant civil de la Prévoté et viconté de Paris,
Supplie humblement Pierre Dulyon escuyer seigneur du fief du
Breuil, dicl la Fontaine d'Aulnay, homme d'armes du roy soubz la
charge du s' de Palaizeau, comme il eust présenté requeste au Roy
et à Messieurs de son Conseil, commissaires eslablis par sa Majesté
en la Chambre du Trésor, pour l'exécution de son édil de réunion
de ses subjects en l'Église catholique, affin de avoir mainlevée de
certaines saisies faictes sur ses biens à la requeste de Monsieur le
procureur du Roy, comme s'il estoit de l'oppinion nouvelle, et non
1. Arrondissement de Versailles.
2. Ce dossier se trouve aux Archives nationales, Y. 3,s7U au milieu
d'autres requêtes parmi lesquelles j'en ai remarqué une, du 21 nov. 1587,
de « François Hotman s' de Morlefontaine, conseiller du roi et trésorier
ordinaire des guerres, bourgeois de Paris, a' du fief de t'ontenay assiz
au village de Vemare en la prévosté de Paris, soubz la prévosté de Gonesse ».
— Une requête analogue à celle de Pierre de Lyon fut présentée le
6 juillet 1586, par Anne de Pierrevive, chevalier, sieur de Lei^ignv qui de-
meurait à Paris rue Chappon et était muni d'une attestation du curé de
Saint-Nicolas-des-Gliamps, qu'il avait fait ses l^àciues après s'être confessé.
540 DOCUMENTS
satisfaict et obéi audict édict de réunion — de laquelle requeste il
auroit remonslré à sa Majesté que suivant son dict édict il auroit
faict profession de foy par devant monsieur l'evesque de Paris et
ses vicaires généraulx, abjuré toute hérésie, et promis persévérer à
la dicte religion catholique, apostolique et romaine — au moyen de
quoy il auroit obtenu de vous, dès le VII' jour de janvier 1586 [ladite
mainlevée] — et que depuis il auroit toujours persévéré à vivre ca-
tholiquement, faict ses Pasques, hanté et fréquenté l'Église.
Néantmoings il auroit derechef esté saisi pour quinze jours ou
troys sepmaines ença, et pour les raisons susdictes, supplié sa Ma-
jesté et messieurs les commissaires susdictz luy faire mainlevée,
lesquelz susdictz commissaires auroient dès le VI» jour de ce pré-
sent moys donné avis à Sa Majesté de renvoier ladicle requeste par
devant vous pour, au cas que le suppliant fist apparoir qu'il a faict
ses Pasques depuis ladicle abjuracion et qu'il ait persévéré en
la religion catholicque, luy faire mainlevée conformément à ses
ediclz.
Ce considéré et que par les pièces cy attachées il vous apperra
de la mainlevée que vous luy aves faicte dès le VII^ jour de janvier
mil cinq cens quatre vingt six, après avoir veu son abjuration et pro-
fession de foy et Tacte du serment qu'il a faict de continuer en la
relligion catholicque, attaché à la dicte sentance, et que le suppliant
a depuys faict ses Pasques, mesmes au jour et feste de Pasques
dernier passé, par l'attestation du curé et marguillers de sa paroisse,
du IIll* jour de juillet ; et qu'il faict service à .Sa Majesté en une
place d'homme d'armes en la compagnie de Monsieur de Palaizeau,
par le certiffical dudicl seigneur de Palaizeau du XXIX* jour de
juilliet dernier passé; et de l'arresl de mesdictz seigneurs les com-
missaires, du VII' jour de ces moys; — toutes lesquelles pièces
sont cy attachées —
II vous plaise luy faire mainlevée de la dicte saisie, à ce qu'il
puisse faire service à Sa Majesté, et marcher avecques sa compaignie
qui est preste à partir pour aller à la guerre. —
Et vous ferez bien.
De Lyon.
Soit monstre au procureur du Roy.
Faict ce XI* jour d'aoust 1587.
(Signature illisible, du lieutenant de la Prévôté et vicomte de Paris.)
Veu le cerfficat du curé de l'église paroissialle de sainct Jacques
et sainct Philippes au village de Bazinviller, avec le certifficat de mes-
DOCUMENTS 541
sire Claude de Herville, seigneur de Palaizeau consent mainlevée
eslrefaict ainsi qu'il est requis. Faict le XII" aoust 15S7.
DE VlLLEMONTEL.
Veu le consentement du procureur du Roy, mainlevée au sup-
pliant. Faict le XIII aoust 1587.
(Signature illisible du lieutenant de la Prévôté.)
PIÈCES ANNEXES
A. — Certificat du curé constatant Vabjuration de Pierre du Lyon,
Moy soubzsigné, Messire Michel Brancherie, presbtre, curé de
la paroisse et église de Monsieur Sainct Jacques et Sainct Phil-
lippes de Bazinvillier, diocèse de Paris, certiffie que Pierre Du
Lyon, seigneur du fief du Breuil dict La Fontaine d'Aulnay, y de-
meurant et estant de ma dicte paroisse, est bon catholicque et sa
dicte femme dernièremant, à Pasques mil cinq cens quatrevingtz et
sept, ont faict leur plain debvoir de se présenter à la table de nostre
sauveur et rédempteur Jesuscrist et icellui reçeu avec toute révé-
rance et dévotion, comme je certiffie; et du depuys ont assisté au
divin service les dimanches et festes comme vrays calholicques et
suivant l'edict et vouloir du Roy, prolestant par devant moy soubz-
signé, comme dict est, à l'observance des sainctz sacremens insti-
tués et ordonnés à tous vrais calholicques et enfens de Dieu et sui-
vant ladicte ordonnance.
En tesmoing de quoy j'ay signé ladicte présente devant ledict
seigneur du Lyon, l'an mil cinq cens quatrevingtz sept, le qua-
trlesme jour de ce présent mois de juillet audict an.
M. Brancherie.
Nous soubzsignés Barthelemi Baudrie et Daniel Boivin, mar-
guilliers au régime et gouvernement de ladicte église de Bazinvil-
lier et revenu d'icelle, certiffions le contenu cy-dessus escript et le
tout estre vray, tesmoing nos sains cy mis le jour et an que dessus.
B. Baudrie. D. Boivin.
B. — Certificat du capitaine de la compagnie oii Pierre du Lyon
servait comme homme d'armes.
Nous, Claude de Harvillc, chevallier, seigneur de Palleiseau, La
Celle, Fresnay, et baron de Nainville, capitaine de cinquante
542 DOCUMENTS
hommes d'armes des ordonnances du Roy, certifions à tous qu'il
aparliendra, que Pierre Du Lyon, escuyer, sieur du fief de Breuil
dict La Fontaine d'Aulnay, est homme d'armes de nostre com-
paignie.
En tesmoing de ce, avons sine ces présentes et faict sceller du
sel de nos armes le XXLX' jour de juillet 1587.
Claude de Harville.
C. — Ordre de mainlevée. Pièce en parchemin dont un côté
est déchiré.
A tous ceux qui ces présentes lettres verront, Anlhoine Duprat et
Du * , seigneur de Nanthoillet, Precy, P»ozay et de For-
meryes, Paroz, Dethier, Thoucy et de Majesté, son cham-
bellan ordinaire et garde de la prévosté de Paris, salut.
Sçavoir faisons la requeste à nous faicte et baillée par escript
par Pierre de Lyon, escuyer, sieur de Breul dict la Fontaine, nar-
ratifve que, suivant Tedict et volunté du Roy, led. suppliant avoyt
faict [profession] de mourir à la saincte vraye foy catholicque, apos-
tolicque et romaine selon les commen[dements] de saincte Eglise,
comme de ce en appert par attestation et par le procès-verbal qui
nous a esté envoyé par le prévost de Montlhéry; loutesfois sondict
fief de Breul et autres [terres] avoyent esté saisiz, à la requeste du
procureur du roy, à son grand préjudice.
Pour considération du contenu de lad. requeste, veu l'acte de
profession de foy faicte par ledict de Lyon par devant monseigneur
Tevesque de Paris ou l'un de ses vicaires généraulx, ensemble [la
requeste?] signée dudict suppliant, contenant les submissions or-
données par l'edict du roy.
Oy sur ce [le procureur] du roy ou Chastellet de Paris, auquel
le tout a esté monstre et communicqué.
Avons [ordonné?] faict et faisons mainlevée de sesd. biens et
heritaiges cy-dessus déclarez, et [commandons?] lesd. commis-
saires y establys à luy rendre et à payer le reliquat, et en ce fai-
sant seront deschargez et les deschargeons de lad. commission.
En tesmoing de ce nous [ordonnons] mectre à ces présentes le
scel de la prévosté de Paris.
Ce fut faict par noble [homme], maistre Anlhoine Séguier, con-
1. Les lacunes correspondent à la place où le parchemin est déchiré,
2. De ce qu'ils avaient touché.
DOCUMENTS 543
seiller du Roy nostre sire, lieutenant civil de ladicle prevoslé le
[jourd'huy] septiesme Jour de janvier mil cinq cens quatrevingt et
six*.
Mainlevée Coll. De Lyon.
Beaudesson. J. Drouart.
POURQUOI ET COHHIVIENT ON SE SOUMETTAIT A MONTAUBAN
En 1685
Voici un des documents les plus poignants qu'il m'ait été
donné de lire depuis plus de vingt ans que j'éludie les témoi-
gnages de notre passé*. Il semble, tant ceux de ces témoi-
gnages qui se rapportent à la Révocation sont nombreux,
que tout ait été dit sur cette calamité. Et pourtant....
Qu'on lise ce testament moral qu'un des hommes les plus
considérables de Montauban à celle époque a cru devoir
laisser à la postérité au moment de donner une signature qui
lui apparaissait clairement comme une trahison. Qu'on pèse
les raisons qu'il énumère, toutes plus douloureuses les unes
que les autres. Qu'on essaie de bien comprendre les der-
nières : L'épouvante de ce malheureux à l'idée qu'on allait
lui enlever à jamais ses enfants pour leur apprendre à le
maudire; — la pensée qu'en cédant à la violence il permet-
trait à son cher père de mourir en paix sans être « inquiété
pour la conscience »; — l'espérance qu'un jour on parvien-
drait à fléchir le cœur de Louis XIV mieux informé de la
justice des plaintes des P. R. — comme si ce roi n'était pas
au courant des moindres détails et incapable d'un mouve-
ment de pitié! — Oui, qu'on réfléchisse à tout cela, qu'on
remarque que dans cetle palpitante déclaration il n'y a même
pas un cri d indignation contre les misérables fanatiques qui
avaient longuement, froidement imaginé, préparé celte série
de tortures raffinées et progressives — et involontairement
i. Nous remercions M. II. Palry qui a bien voulu copier pour nous
une partie de ce dossier.
2. II m'a été obligeamment communiqué par M. le pasteur Vielles, direc-
teur du séminaire i)rolestanl de Monlaul)an.
544 DOCUMENTS
on se rappellera les célèbres paroles : « Que celui qui est
sans péché lui jelle la première pierre ». — Et, « malheur à
celui par qui le scandale arrive I »
N. W.
Dieu ayant permis en sa juste colère, pour nous punir des péchés
que nous avons commis contre Sa Majesté souveraine, que cette
ville de Montauban ait esté remplie dans le 20« du mois passé de
gens de guerre, tant Infanterie que Cavalerie, qui ruinent et désolent
les maisons et personnes des habitans faisans proffession de la Re-
ligion, que les Edicls appellent prétendue refformée, tandis qu'ils
y persévèrent; Je me suis trouvé chargé en mon par" depuis le 23»
dud. mois du logem' de M. le Marquis de Grillon, Brigadier et
Inspecteur général de Cavalerie, Commendant à présent en ce pays
les armes de Sa Majesté, Auq' j'ay eu à payer cinq'» escus de cinq
en cinq jours par advance, outre le logement que je luy fournis et à
son train, composé à présent à la vérité de cinq hommes seulem' et
de deux chevaux, mais que je nourris entièrem'. Pressé par ce
logem', qui est fort; Intimidé par les menaces d'une foule extraor-
dinaire à l'arrivée de tout le reste du train dud seig' de Grillon, et de
plusieurs autres logements ruineux; Essayé cependant par deux
logem'' qui avoyent coup sur coup esté tirés sur moy, une fois de
neuf Cavaliers, et vue autre de huit fantassins, pour me faire mieux
sentir les menaces qui me sont faites; Craignant d'estre ruiné sans
ressource avant que ni moy ni les autres personnes, qui proffessent
la mesme Religion en cette ville, ou dans le reste de la Guyenne,
que je vois estre dans le mesme accablem', puissions recevoir du
soulagem' de la Justice de noslre Roy, qui ne souffrira sans doute
pas selon son équité et sa magnanimité une violation si formelle de
ses Edicts et de ceux de ses prédécesseurs, lors que nous serons
asses heureux pour luy faire entendre nos justes plaintes, que la
malice de nos Ennemis empesche de parvenir jusques à luy; Crai-
gnant de plus tout ce que peut faire craindre la fureur du soldat,
qui dans la chaleur du pillage, qu'il a commencé dans quelques
maisons que les maistres ont esté contraints d'abandonner, crie
desja hautem', à l'huguenot, à la potence; Et, plus que tout cela,
épouvanté par les refflexions de mes amis qui me disent que ma per-
sévérance m'attirera, après tous les autres maux, celuy d'estre privé
de l'éducation de mes enfans, sous prétexte qu'on fera dire à des
gens aposlés qu'ils auront des sentiments différens des miens, ou
mesme sans prétexte dans cette grande calamité du temps, c'est-à-
DOCUMENTS 5'l5
dire, que je perdray ainsi mes chers enfans et selon Dieu et selon
le monde, abandonnés jeunes, comme sont ([uelques uns d'enlr'eux
à leur propre conduite, ou commis à des estrangers qui ne se met-
tront pas en peine de les eslever dans les principes de l'honneur et
de la vertu, et dans les conn'='"' convenables à leur estât et à leur
sexe, et qui tout au plus n'en prendront de soin que pour leur ins-
pirer de l'aversion pour la Religion dans laqu"° ils sont nés; Solli-
cité enfin et attiré par les offres qu'on me fait de laisser mon très
cher Père achever le reste de ses jours en repos sans l'inquiéter
pour la conscience;
— Moy Pierre Garrisson docteur et ad', habitant dud. Mont''",
âgé de 46 ans, succombe sous le poids de tant de maux, et de
tant de craintes. Et après avoir versé un torrent de larmes je vay
avec une douleur inconcevable passer une déclaration que j'aban-
donne la Religion dans laq"" Dieu m'a fait naistre, où j'ay esté
eslevé, que j'ay proffessée avec un grand repos de conscience, et
dans laq"f j'espérois de vivre et de mourir sous la foy des Edicts de
nos Roix et la protection de nostre grand Monarque, qui a si sou-
vent expliqué sa volonté sur leur observation. Je prie Dieu qu'il me
pardonne une si grande faute par sa miséricorde infinie pour l'amour
de son fils nostre Seigneur Jésus Christ, et proleste avec sincérité
de cœur, que si ce souverain Créateur du Ciel et de la Terre, qui
tient les cœurs des Roix en sa main, et les ployé comme bon luy
semble, estant appaisé envers nous pauvres pêcheurs, fléchit le
cœur de nostre Monarque à escouler nos justes plaintes, et à nous
restablir ou maintenir dans la possession de ses Edicts nonobstant
les prétendus actes de Déclaration que la force et la violence extor-
quent de nous, je feray tout aussi tost avec l'ayde de Dieu proffession
de lad. Religion; et feray réparation du scandale que mon infirmité
pourra avoir causé aux Esglises qui la proffessent, selon que la dis-
cipline desd. Esglises le requerra.
Et i^arce que je pourrois eslre prévenu par la mort avant de voir
cet heureux temps, je fay le présent escrit pour eslre un tesmoignage
de la connoiss"^ que j'ay de la faute que je vay faire, et de ma forte
passion de me voir en liberté de me réunir aux Esglises, dont la
violence me sépare.
Fait aud. Montauban le six* septembre m vi"" quatre vingts cinq.
En foy de quoy me suis signé
Garuisson.
546 DOCUMENTS
FUGITIFS DU PÉRIGORD ARRÊTÉS EN BELGIQUE EN 1701
Les années 1700 et 1701 furent marquées, dans certaines
régions du royaume, par une recrudescence de l'émigration.
Ce fut le cas, notamment, pour la partie de la Guyenne com-
prise entre Bergerac et Sainle-Foy, où les persécutions du
duc de la Force* déterminèrent de nombreux huguenots à
prendre la fuite. C'est de cette époque que date la tentative
d'évasion de Jean Marteilhe, dont les Mémoires sont bien
connus.
Il ne fallait guère songer à s'évader par mer. La route qui
paraissait la moins périlleuse était celle de Paris et des
Pays-Bas. Des guides venaient de Hollande chercher les
fugitifs jusque sur les bords de la Dordogne^. Jusqu'à Paris
les risques étaient minimes, et les vraies difficultés ne com-
mençaient qu'au delà. L'essentiel était d'atteindre Mons par
Valenciennes, ou Gharleroi par Mézières, Charleville et la
forêt des Ardennes, Mais, même une fois la frontière franchie,
on n'était pas toujours en sûreté. Cela dépendait des circon-
stances et des moments.
Au commencement de 170!, une troupe d'émigrants partit
des environs de Sainte-Foy; elle fut rejointe en route par
quelques protestants de Châlellerault. Composée en tout de
cinq hommes, Jean Faure (chez les parents duquel le duc de
la Force avait logé 24 soldats à discrétion) Jacques et
Nicolas Maulmond, Samuel Coste et Pierre Rey, et de cinq
femmes déguisées en hommes, Marguerite Jouhaneau, Eli-
sabeth Lavet, Marie Goulard, Elisabeth Bellot ou Bélier et
Elisabeth Labernède ou La Burnetle, elle fut arrêtée à
Lorinnes (?)-les-Dinant, près de Namur, c'est-à-dire hors des
terres de France et en Pays-Bas espagnols, au moment où
tout danger semblait avoir disparu pour les fugitifs, qui
furent transférés dans les prisons de Namur.
La supplique suivante fut adressée au Conseil provincial de
\. Cf. Bullet. prot. VII, p. 138 ss, 290 ss; L, p. 78 ss.
2. Cf. Ibid. L, p. 89 et Mémoires (de Marteilhe), p. 36.
à
DOCUMENTS 547
Naniur par ces inforlunés, dont l'arreslalion consliluail une
souveraine injustice de la part des autorités espagnoles, géné-
ralement moins zélées pour le service du roi de France*.
Remontrent très humblement Jacques et Nicolas Maulmont,
Jean Faure, Samuel Cost (e), Pierre Raye, Marguerite Joanaù, Isa-
beau Laver, Marie Goulart, Isabeau Bélier et Isabeau la Burnette,
qu'estants arrivé du Périgord, province de France, en cette province
de Namur, dans la croyance d'y trouver pleine sùrelé tant pour le
passage de leurs personnes que effets, ainsy qu'il s'est toujours cyd'
pratiqué, il se trouve qu'estants arrivez au village de Lovrinne leiz
1. Celte pièce et celles qui raccompagnent proviennent des Archives
d'Etat de Belgique (carton S'i — Conseil d'Etat) et ont été obligeamment
communiquées à M. N. W eiss par M. E. Belleroche, de Bi'u\elles. — Les
deux lettres ci-après (Ibid.) montrent que les autorités espagnoles fermaient
ordinairement les yeux sur le passage des fugitifs de France, du moins
dans les premières années qui suivirent la révocation de l'édit de Nantes:
Monseigneur, je suis obligé de donner part à V" Ex'^" que deux bour-
geois et l'artificial de celte ville ont voulu faire accord avec un françois,
pour mener à mon insceu, et sans m'avoir donné cognoissance, quelque
françois religionnaires d'auprès de Graveline en Angleterre, aiant voulu à
cest effect débaucher quekjue poissonnier de ce port pour les trans-
porter avec leurs meul)les, et come cest affaire auroit peu causer
quelque trouble au préjudice du roy ou représailles, iay Ireuvé à propos,
après avoir pris l'advis des Mess" du Magistrat de celte ville, de les faire
mettre en prison...
Nieuport ce V"'' avril 16^6. L. Vanderpret.
Monseigneur, Vre Ex" ayant esté servie de nous faire remettre la
lettre par laquelle le colonel Van der Prêt luy al escrit, le 4"°° de ce mois,
que deux bourgeois et l'artificial de la ville de Nieuporl ayans voulu faire
accord avecq un françois pour mener en Angleterre (à l'insceu dud' co-
lonel et sans luy en avoir donné connoissance) quelques françois religio-
naires d'auprès de Gravelinghe, ils auroient voulu dél)aucher à cet effecl
quekiue poissonier du port de ladite ville, et comme celle affaire auroit
peu causer quelque trouble ou représailles au préjudice du roy, ledit co-
lonel auroit trouvé à propos, après avoir pris l'advis de ceux du Magis-
trat, de les faire mettre en prison... Sur quoy ayans délibéré, il nous
semble qu'il n'y a point de sujet pour empescher la sortie des religio-
naires de France, et qu'ainsy V Ex" pourroit estre servie de respondre
audit colonel qu'il ail à lasctier incessamment lesdits prisonniers et les
faire sortir sans passer outre aux dites informations ny donner à con-
noistre qu'il agit par ordre de V' Ex".
Ainsy advisc au Conseil d'F^stat du Roy tenu à Bruxelles le 8' d'avril 1686.
B. Galvard.
Présens le baron dOudenhove, chef président, archevesque de Malines,
conseiller (>hristyn et conseiller de (.loxic.
548 DOCUMENTS
Dînant, le may' d'yllecq les auroil fait saisir et les fait conduire en celte
ville coë des criminels, où ils sont pnlemt constituez es conciergeries
de cette ville, et coë ils ignorent de qui proviennent les ordres qui
les ont ainsy fait reserrer, ils vous supplient, Messeig", de vouloir
prendre cognoissance de leurs faits et personnes, affin qu'il en soit coê
il appartiendra, et nommément que les suretez et franchise nesoyent
viollées en leur éguard, et que mesme s'ils ont délinquez en quelq
chose (ce qu'ils ne croyent) attendu que le passage sur les terres de
Sad'" M" catholique n'a jamais esté interdit, ils entendent se soub-
mettre à la cognoissance des officiers de Sad^'' M'' privativement à
tous autres pour avoir justice, sans qu'on puisse les faire enlever de ce
pays selon qu'on les menace, et ferez j uslice. [Manquent les signatures] .
Cette requêle fut transmise par le Conseil provincial de
Namur au Conseil d'État de Bruxelles.
Messeigneurs,
Ayant fait communiquer le jourdhier le contenu de sa Req"^ cy
jointe par le Procureur gnal de ce conseil à Monsieur le comte de
Bruay, gouverneur de cette province, nous avons esté informés que
Jacques et Nicolas Maulmond et consors nous ayant présenté lad"
req" estoient des religionaires du royaume de France, duquel depuis
peu ils s'estoient sauvez et retirés, pour éviter les recherches et
poursuites que l'on fait à l'endroit des personnes de leur religion,
et qu'estant parvenus à Lorinnes, village de ce pays el comté, le
mayeur du lieu les avoit fait saisir, sous prétexte qu'ils estoient
déserteurs, et les fait conduire en cette ville chez ledit gouverneur,
lequel, à l'instance et réquisition du lieuten' gnal Ximenes les avoit
fait constituer prisonniers es conchiergeries de cette ville, de quoy
néantmoins il avoit donné part à la Cour [de France], pour sçavoir
si, à raison de la franchise et seureté qu'il y a dans le pays de Sa
M'* pour les éslrangers,il neconvenoit pas les élargir et leur donner
la liberté de se retirer où ils trouveront à propos. En effet, il nous
semble, Messeig", que c'est enfraindre et violer le droit d'asile que
il y a dans un pays d'une souveraineté à l'autre, que d'avoir con-
stitué les supplians prisonniers, les vouloir retenir et laisser à la
disposition des officiers de France, qui ne manqueront pas de les
renvoyer au district de leur royaume pour les faire punir de leur
démérite, mais comme c'est une affaire d'Estat, nous avons cru
dans \sl présente conjoncture du temps ne pouvoir rien décerner sur
les fins de ladite reqi*, ains de la renvoyer à vos Seigneuries, affin
DOCUMENTS 549
d'y prendre tel égard et résolution qu'elles trouveront au cas appar-
tenir, ce qu'attendant nous sommes en 1res profond respect
Messeigneurs,
De vos Seigneuries très humbles et très obéissants serviteurs
Les Président et gens du Conseil provincial du Roy à Namur
G. -A. Lamblet.
Namur, le 13 avril 1701.
La « présente conjoncture », c'était la couronne d'Espagne
passée, depuis quelques mois, sur la tète d'un petit-fils de
Louis XIV. La réponse, qui ne se fil pas attendre, était facile
à prévoir :
Au Conseil provincial de Namur.
Le Roy,
Chers et féaux, ayant veu ce que vous nous avez advisé par vos
lettres du 13 de ce mois, au sujet du contenu de la req'* de Jacques
et Nicolas Maulmond et consors que vous auriez fait communiquer
au comte de Bruay par le procureur gïîal de votre conseil de
Namur, nous vous dirons que vous tâchiez d'apprendre la réponse
que le lieutenant gïïal Ximenes recevra de la Cour de France sur
la représentation que le mayeur du village de Lorinnes luy a faite
sur ce particulier, et l'ayant appris, vous nous en donnerez part ou à
ceux de îTre Conseil d'Estat...
Brux", le 22 d'avril 1701.
Nous ne connaissons pas la lettre de la Gourde France;
mais ce qu'elle fut, la suite de l'affaire l'indique suffisamment.
Les prisonniers de Namur, livrés au prévôt de Maubeuge',
furent condamnés à des peines diverses le 3 août 1701, juge-
ment confirmé par le Parlement de Tournai le 9 du même
mois^ :
Veu par la cour le procez criminel extz'aordinairement fait et
instruit par le prévost royal de Maubeuge à la requesle du procu-
reur du roy dud. lieu demandeur et accusateur contre Jacques et
1. Cr. E. Lacheret, Notice sur l'Eglise protestante de Maubeuge, Valen-
ciennes 1874, p. 5,
2. Arch. du parlement de Tournai (Greffe de la Cour d'appel de Douai).
Nous sommes redevable de cette pièce à M. le pasteur Beuzart, de Douai,
qui a bien voulu la transcrire pour nous.
550 DOCUMENTS
Nicolas Maulmond, Jean Faure, Samuel Coste, Pierre Rey, Mar-
guerite Jouhaneau, Elisabeth Lavet, Marie Goullard, Elizabeth
Belloc et Elizabeth Labernède, de la religion prétendue réformée,
accusez, prisonniers es prisons de la conciergerie du palais, appel-
ions de la sentence contre eux donnée par ledit prevost de Mau-
beuge le 3 aoust de la présente année, par laquelle lesdils accusez
auroient été déclarez deuement atteints et convaincus d'estre sortis
du royaume sans la permission de Sa Majesté, pour réparation de
quoi lesdits Jacques et Nicolas Maulmond, Jean Faure, Samuel
Coste et Pierre Rey, condamnez au service de forçats dans les
galères du roy à perpétuité, et lesd. Marguerite Jouhaneau, Eliza-
beth Lavet, Marie Goullard, Elizabeth Belloc et Elizabeth Laber-
nède à estre recluses dans tel lieu qu'il plaîroit à Sa Majesté de
nommer, ne se trouvant dans la juridiction de Maubeuge aucun cou-
vent fermé ny autre lieu propre à cet effet, leurs biens acquis et
confisqués au roy...
Ouy le rapport de messire Maximilien Hattu du Vehu, conseiller,
et tout considéré, la Cour, faisant droit par son jugement et arrest,
a mis et met l'appellation au néant, ordonne que la sentence dont
est appel sortira effet, en conséquence que les dites Marguerite
Jouhaneau, Elizabeth Lavet, Marie Goullard, Elizabeth Belloc et
Elizabeth Labernède seront mises dans un cloistre ou autre lieu
pieux qui sera désigné par le juge royal plus prochain de leur rési-
dence pour y estre rasées et recluses et y vivre le reste de leurs
jours, conformément aux ordonnances et, pour faire mettre le pré-
sent arrest à exécution, a renvoyé et renvoyé lesdits accusés par
devant ledit juge de Maubeuge.
Fait à Tournay en parlement, le 9 aoust 1701.
Bruneau. Hattu du Vehu.
A partir de ce moment nous perdons la trace des condam-
nés. Les hommes n'allèrent pas aux galères, où Ton ne ren-
contre aucune mention de leur passage. Il est permis d'en
conclure que les femmes ne furent pas davantage enfermées
au couvent. Les uns et les autres durent sortir des prisons de
Maubeuge ou de Tournai par la porte basse de l'abjuration,
et rentrer dans leurs foyers, doublement, victimes de la
« piété » de Louis XIV et de la Succession d'Espagne. En
furent-ils meilleurs catholiques? C'est une autre affaire...
P. Fonbrune-Berbinau.
I
DOCUMENTS 551
A QUEL PRIX ON POUVAIT RESTER A SAINTE-FOY
Entre 1700 et 1703.
Avec les tout-puissants frères Geiitillot, Fun notaire, l'autre
drapier*, tous deux très gros propriétaires, et le dernier
aussi riche en enfants qu'ils Tétaient en biens, la nombreuse
famille des Duvergier- était, il y a quelque deux siècles,
Tune des plus importantes deSainte-Foy-la-Grande. C'étaient
d'excellents huguenots, dont les papiers poudreux, amonce-
lés dans un vieux coffre du château de Goulard, alors leur
propriété, dénotent un souci égal des intérêts de l'âme et de
ceux de ce bas monde. 11 n'est pas rare de trouver des for-
mules pieuses dans leurs lettres d'affaires, où l'on ne sent
nullement, d'ailleurs, l'arrière-goût doucereux de l'hypocri-
sie. Ils tenaient à bien marier leurs enfants, et un prétendant
évincé se plaignait amèrement, vers 1750, de ne pas avoir
été agréé, en dépit du certificat que lui avaient remis les « En-
tiens » de l'Eglise.
Dans ces conditions, on comprend sans peine que si la
haute situation de la famille devait, en quelque mesure,
atténuer la persécution, cette quiétude n'était que fort rela-
tive, et qu'ici comme partout, la révocation de l'édit de Nantes
déchira les cœurs et les consciences.
Voici, pour preuve, la copie d'une assignation, sur papier
timbré de 10 deniers^ marqué à la Généralité de Bordeaux :
L'année mil sept cens le vingt quatre jour du mois de Janvier En
vertu de l'ordonnance de monseigneur l'intendant, du dixiesme no-
vembre dernier Estant au bas de la req"e à luy présentée par le
sieur Arnaud y dénommé pour leqi domicilie et elleu en son Bu-
reau ruhe du loupt à bord>' parroisse S'-Proye; Je Jacques Faure
1. Celui-ci mourut en 1680. En août 1688, sa veuve acliète pour elle et
sa fille « unze aunes d'clamine de claire tintade ».
2. 11 y a eu, vers 1700, alliance entre les deux familles. D'ailleurs, dès
le commencement du xvii" siècle, il y avait des relations entre elles, toutes
deux étant dynasties de notaires, et leurs propriétés se touchant. Les
Duvergier, de leur cote, étaient cousins des Reclus, famille de magistrats,
qui possédait, aux environs de Sainte-Foy, (juelques arpents de vignes.
552 DOCUMENTS
serg' royal ymatricullé au Sénéchal de llbourne Rézidant dans la
ville de Ste foy En agenoix soubz signé me suis transporté dans la
Maizon Et domicilie de Marie Vidal dame veuve de M' Jean Duver-
o-er' notaire royal habitant de la présente ville, à laquelle j'ay
donné assignation à comparoir dans trois jours après La date du
présent exploit pardevant mons"" borros avocat en La Cour Juge
royal de lad^ ville subdélégué de mond. seigneur l'intendant en la
jurisdilion {sic) dud. S'e Foy, aufin de randre compte des fruis et
revenus des biens De la nommée Marie Duverger sa fille sortie ors
du Royaume sans permission, lesquelz fruis ont Esté saizis au pré-
judice de lad. Marie Duverger En vertu de lord^e De mond. sei-
gneur L'intandant par Exploit de lad. saizie Du vingtroiziesme may
dernier signé fabry serg' Royal El En conséquence à luy duhe des
sommes Delad. demoizelle duverger En quelque sorte Et manière
que ce soit conformémant à lad. ordonnance de mond. Seigneur
l'intandant. Et En outre répondre Et procéder sur le contenu d'icelle
ainsy que De raison ; Et En cas de Contestation Elle sera condannée
audespans. Et luy ay en partant que de bezoingt lessé coppie du
présent Exploit, parlant à sa servante, led. jour vingt quatre janvier
mil sept cens par moy.
(signé) Faure, serg* royal.
Ainsi, une fille de Marie Vidal, veuve du notaire Jean
Duvergier, était fugitive; et, de plus, l'un des fils était
interné à Agen, chez un sieur Bedot, évidemment chargé
de l'élever dans les bons principes, loin des détestables
exemples que ne pouvait manquer de lui donner la famille
« mal convertie ». Voici un billet, qui nous révèle cette
situation, et qui nous apprend par la même occasion que,
trois ans après l'exploit dus'' Faure, le fisc n'avait nullement
abandonné ses prétentions sur les biens de Mlle Duvergier.
A Sie Foy le 20 setambre 1703.
Monsieur mon cher frère,
Monsieur, ma mère vous demande un serlificat de fet que vous
I. Vers 16G0. il y avait un Duvergier « procureur en l'ordinaire » à S" Foy.
A la même époque, mention de Joseph Duvergier, notaire royal, dans des
mémoires de fournisseurs, etc. Ainsi, en 1670, il avait acheté 3 aunes 1/3
de drap gris à 6 livres l'aune, 24 deniers de soie grise, 1/2 once de fil gris,
2 aunes de ganse, 1 aune 5/6 de cadis-ratine, plus un sou de fil, et s'en
était fait confectionner un élégant complet.
DOCLxMENTS 553
faite bien vostre devoir * et elle a écrit à monsieur Bedot pour le
prier de vous servir an tout se qu'il pourat et le faire egallisser de
monsieur d'Agen ^ à cause que l'etlal et de conséquance pour les
partissants et monsieur l'intandant, et qu'ont nous demande le bien
de notre seur. Si vous le pouvet otenir vous l'anportere parce que
ma mère travalle pour vous faire venir se vacance.
Je suit
Monsieur mon cher frère
Vostre très umble et obéissant frère.
V. DuVERGlER.
Ma mère vous anvoit par le pressant porteur deux eccux.
Donc cette mère, poursuivie à cause de la fuite de sa fille
Marie, en était réduite, dans le secret espoir de faire revenir
chez elle ce fils, à lui recommander par Fintermédiaire de son
frère, de « bien faire son devoir » de catholique. Faut-il
s'étonner que, dans un pays habitué pendant des siècles à
ces procédés d'éducation et à leurs conséquences, le mot de
dévot ou simplement de religieux, soit devenu synonyme
d'hypocrite?
Henrv Lehr.
PARIS EN 1773
d'après une descendante de huguenots réfugiés à Cassel.
L'année passée, à pareille époque, j'ai pu faire paraître,
grâce à un témoin oculaire admirablement informé, la des-
cription la plus complète et la plus exacte que nous possé-
dions jusqu'ici du culte du Désert tel qu'il se célébrait aux
environs de Nîmes en 1773. Aujourd'hui, j'espère qu'on lira
avec le même intérêt le récit des impressions éprouvées par
une réfugiée qui visitait Paris pour la première fois en cette
même année 1773. Arrivée le jeudi 29 juillet, après un long
voyage en carrosse, elle n'oublia pas dès le premier diman-
che, de se rendre au prêche de l'ambassade des Pays-Bas
1. De catholique.
2. Légaliser par i'évéque d'Agen.
LI. — as
554 DOCUMENTS
que fréquentaient tous les protestants réformés. Les lignes
qu'elle lui consacre dans deux lettres sont pleines de détails
curieux comme tous ceux d'ailleurs, qu'elle nous donne sur
la capitale.
Cette réfugiée était la sœur du célèbre architecte Simon-
Louis Du Ry, fils de Charles, dont il a déjà été question dans
ce Bulletin en 1896, p. 523, et cette année même, p. 459. Déjà
en 1748, alors qu'elle était encore jeune fille, elle parait avoir
été le secrétaire de sa famille installée à Cassel, puisque
c'est surtout à elle que son frère Simon-Louis rendait compte
du séjour qu'il faisait à Paris pour étudier l'architecture.
En 1773, elle était mariée à un descendant de réfugiés nommé
« Le Clerc cydevanl ingénieur au service de S. A. S. le land-
grave de Hesse ». Elle vint en France avec son mari, sans
doute pour affaires et y séjourna pendant trois ans, à Paris,
à Monlauban et à Mauvezin. Intelligente, vive, pleine de bon
sens, très observatrice et écrivant le français mieux que
beaucoup de Françaises qui n'avaient jamais quitté leur pa-
trie, elle notait avec soin tout ce qui la frappait. Aussi ses
lettres que j'ai pu lire pendant ces vacances, sont-elles pleines
d'aperçus curieux et piquants sur les mœurs et la civilisation
de nos compatriotes à cette époque. M. le D'' et Sénateur
O. Gerland, de Hildesheim, possède aujourd'hui ces lettres,
ainsi que celles de Simon-Louis Du Ry et de Charles du Ry.
Il attira l'attention sur celles de Jeannette-Philippine Le Clerc
dans un journal allemand où il en publia des extraits traduits
en allemand (Hessenland, 3, 17 novembre, 3, 21 décembre
1894 et 4 janvier 1895), et a bien voulu me confier les originaux
tout récemment. Je suis heureux de pouvoir le remercier
publiquement de son obligeance.
N. W.
Paris, le 9 août 1773.
Mon cher Frère,
Enfin j'ai fait mon entrée publique clans Paris! ce fut le 29 du
mois dernier que je parus pour la première fois sur les boulevars,
dont c'étoit le beau jour, c'esl-à-dire un jeudi vers les 4 heures après
midi. Il avoit falu pour paroilre décernent, faire aranger sa robe
DOCUMENTS 555
sur un panier, avoir une calèche faite comme un Fferde Kopf ' que
l'on porte pendue au bras quand on est coiffée, un colet monté,
monte au ciel ou parlement, car c'est la même chose, un mantelet
rond, bonet et tout cela n'avoit pu être arangé plutôt, quoique par
un bonheur tout particulier pour une femme, je sois logée chez une
lailleuse et aye la marchande de mode et la coëffeuse dans la maison.
Je promenai donc mon individu au travers d'une foule de beau
monde très paré, dont les uns étoient à pié, les autres en voitures,
la plus part des Dames étoient assises sur des chaises, occupées à
faires des filets, d'autres tricotaient, ourloient, feslonnoint; il y en
avoient peu qui ne travaillassent. Le Samedi, je fus aux Tluiillcries,
où les Dames assises sur des chaises travailloient aux mêmes
ouvrages. Le Dimanche II d'Août, nous fûmes à l'hôtel d'Hollande;
en montant dans le fiacre, M" Leclerc lui dit de nous conduire à
rhôlel d'Hollande. Pour aller à la prêche? demanda le fiacre. Est-ce
qu'on y fait la prêche demandai-je à mon tour? Oui, madame, dit le
fiacre; marche toujours, et nous y voilà après une bonne demie
heure de chemin. Nous trouvâmes à nous placer dans une des trois
chambres qu'occupoient les auditeurs. Un gros lecteur et chantre,
ressemblant fort au feu S' Pultey, lisoit d'un ton nazillard lorsque
nous entrâmes, sa voix qu'il tachoit de varier, étoit cependant d'une
monotonie insoutenable; Je fus plus contente de son chant. On chante
très-bien à l'hôtel d'Hollande, et avec un zèle qui malheureusement
est ignoré chez nous; presque tout le monde sait les psaumes par
cœur et ne se sert point de livre, il n'y a point d'orgues. Le Minisire
parut sur les 11 heures. C'êtoit une figure singulière, une phisio-
nomie à la Fegaud ^, un habillement pareil, mais point de calote. 11
prit son texte dans l'Apocalipse. « Je suis l'Alpha et l'Oméga », et
ce qui suit, son sermon tout mélaphisique, fut certainement de
l'Hébreu pour les trois quarts et demi de ses auditeurs, mais ses
prières pleines d'onction dédomagèrent de la sécheresse de son
sermon. Je fus extrêmement surprise de voir des Dames avec du
rouge au sermon ! Passe aux promenades, mais au sermon ! O tems !
O mœurs !
Au sortir du sermon nous fumes promener au Palais-Pioyal, C'êtoit
l'heure du beau monde. De retour chez nous, nous dinames, puis
nous voilà aux Thuilleries; il n'est pas nécessaire de te dire qu'il y
avoit beaucoup de monde, mais une chose que je ne puis passer
sous silence, c'est l'étonnement où je suis de voir toutes les femmes
i. C'est-à-dire une coilTui-e faite comme une tète de cheval.
2. Nom d'un pas-leur de Casse! qui élail très maiifre.
556 DOCUMENTS
faire les jeunes, des femmes de plus de 60 ans ou qui le paroissenl,
mettent du rouge et portent du rose, ce n'est qu'à la décrépitude la
plus complette qu'elles se mettent en femmes d'âge. Nous somes
sortis deux matinée de suittes pour voir les rues de Paris tous les
deux en poliçons, c'est-à-dire M"^ Leclerc en habit vert sans épée, et
moi en déshabillé blanc, calèche en tête canne en main, toutes les
dames portent des cannes le matin, et beaucoup l'après diné à la
promenade, et mantelet sur le dos. J'ai vu le jardin de l'arcenal, la
place des victoires, la place royalle, la place vendome ou la place
de Louis le grand, celle de Louis quinze, sans oublier la statue du
bon Roi Henri quatre sur le pontneuf, je n'ai pas manqué d'aller
dans la rue neuve St-Eustache, et peu s'en est falu que je n'aye re-
connu la maison de nos ancêtres. J'ai considéré avec attention le
Portail St Gervais, malgré le peu d'espace qu'il y a au devant, j'ai
vu avec un plaisir de connaisseur ce monument du sçavoir de notre
parent*. Enfin Vendredi au matin j'ai vu la place aux veaux. Imagine
toi 3 ou 4000 veaux liez par les 4 pieds et couchez sur de la paille,
gros sans exagérer comme les ânes de mon pais, sous des abris de
toiles, qui attendent patiemment que les bouchers viennent les ache-
ter. Je n'ai jamais vu de si beau veau ni si bon, que celui de Paris,
le mouton le plus gras de chez nous ne l'est pas encore autant. J'ai
été à la Grève et j'ai vu la maison du Papa de Ma Palseur, je ne sai
dans quelle chambre étoit la porte vitrée avec un rideau de taffetas
jonquille, mais je crois qu'il ne retirèrent pas beaucoup de leur fe-
nêtre le jour de l'exécution du comte de Horne, car il n'y en a que
trois ou 4 au plus.
Je crois qu'en sortant comme nous faisons avant 7 heures du matin
pour éviter la chaleur et les embarras, je parviendrai à vo.ir Paris,
car tu sais que 2 lieues de chemin ne me font pas peur. Il faut te
dire tout aussi, je suis rajeunie de moitié depuis que je suis dans un
pais où les femmes ne sont point vielles, la vérité est que nous avons
l'un et l'autre repris l'embonpoint et la couleur que le chagrin et la
fatigue nous avoient fait perdre à Cassel, cela est fort heureux pour
moi, en ce que cela m'exempte de mètre du rouge artificiel et que
cela me rajeunit au moins de 20 ans. Le groupe pour M"' le Marquis
de Vérac est parti hier pour Cassel. M' Leclerc fut la semaine passée
à Sève '-', je ne l'y accompagnai pas, parce qu'il y alloit par eau, je
verrai la manufacture lorsque j'irai à versaille, ce qui se fera lorsque
1. Le portail de Saint-Gervais est de Salomon de Brosse, cf. plus haut,
p. '15VI, pour la parenté des de Brosse et du By.
2. Sèvres.
DOCUMENTS 557
la Cour y sera revenue. M' Le Clerc a été voir M' Yvel qui l'a par-
faitement bien reçu, tache de voir le groupe du Pigmalion avant qu'il
quite la maison de M' le Marquis, il en vaut bien la peine. Voici les
vers écrits sur le piédestal :
Si Pigmalion la forma
Si le Ciel anima son être
L'amour fit plus, il l'enflama.
Sans lui que serviroit de naître?
Tu diras à Mr Bassri que j'ai vu M' son Frère et M'^ sa Mère, qui
sont venus chez nous l'un et l'autre; ce que nous leur avons dit et
qu'ils nous ont répondu me persuade qu'il aimeront bientôt autant
Mad. Bassri de Cassel que si elle étoit de leur choix, ils s'infor-
mèrent beaucoup des enfants, M'^ Bassri me dit que s'il n'avoit
dépendu que d'elle il y avoit longtemps qu'elle auroit donné son
consentement, et qu'elle contoit bien que son mari ne le refuseroit
plus à présent. Nous avons été voir Mad. Joigni le jour de mon
Entrée publique, c'est-à-dire la première fois que je suis sortie, elle
nous fit mille politesses, nous primes du thé chez elle, elle a très
bonne façon et paroit avoir eu de l'éducation. M' Joigni sœur de
M' Joigny nous étoit venue voir chez nous dès le lendemain que
M' Leclerc avoit été chez elle, elle ne pouvoit pas lasser de s'informer
de son neveu. Cette demoiselle croyoit Cassel un pais perdu, mais
je l'ai un peu rassurée. Toutes vos commissions ont été faite avec
la dernière exactitude, nous n'avons plus qu'à nous donner du bon
temps, mais il me tarde furieusement de recevoir de vos nouvelles,
ne manque pas de m'écrire tout de suite et surtout n'oublie rien.
J'ai pour vis à vis le couvent des Carmes Billeltes, ces messieurs
ont de très-jolies chambres à plancher ou plutôt careau frotté, des
tapisseries, rideau, balcons aux fenêtres, il y en a un qui peint : je
lui ai vu peindre un dessus de cheminée, un qui est musicien et
qui joue tous les soirs de la flûte; si tu crois que ce sont des airs
sacrés tu [te] trompe, des airs d'opérettes les plus nouveaux, un frère
apothicaire que j'ai batisé frère propret car je lui vois balayer et
cirer sa chambre tous les jours, enfin un autre que je nome frère
Schwein qui est très-habille menuisier à ce qu'on dit, mais le plus
malpropre sagouin qu'on puisse voir, et qui plus est ivrogne.
A propos de Schwein, je ne croyois pas être de leur espèce, mais
je m'apperçois que j'engraisse dans la malpropreté. Quelle horreur
que les fenêtres à Paris! Non, depuis le déluge universel elles ne
furent point lavées 1 mal faites avec cela, des croisillons de 2 pouces
558 DOCUMKNTS
de large, le mastic appliqué malproprement, enfin c'est une pitié de
voir des belles maisons, des hôtels superbes avec des fenêtres mas-
sacrées et malpropres, vive Cassel pour les belles fenêtres.
Les rues d'ici sont infecte, les ruisseaux coulent au milieu, tous
les égouts s'y rendent il faut enjamber à tout moment comme au
vieux Cassel par dessus les vinckels, s'il ne faisoit pas sec je ne
pourois me promener. Je ne trouve plus extraordinaire que les
grands Seigneurs se logent au fond des cours. Les escaliers, du
moins ceux des maisons que j'ai vue, sont de carreau enchâssé dans
du bois et d'une malpropreté qui fait soulever le cœur, on les balaye
tous les samedis, point de sable; il n'est question ici que de ce qui
paroit, glace à cadre doré sur les cheminées, tableau au dessus,
glace dans le trumeau, carreau frotté toutes les semaines, mais les
punaises vous mangent.
Nous sommes logés un peu moins malproprement que bien
d'autres, parce que j'y mets la main et que je fais balayer tous les
jours la fille qui nous sert; notre chambre, qui est fort gaye, est
au-dessus de l'infection, étant de niveau avec les cheminées ou peu
s'en faut, l'escalier qui est à rampe de fer est clair et fort doux, mais
ce n'est pas celui de Cassel, il y tourneroit 3 fois.
Toutes les cuisinières portent des bonets de blonde et sont pou-
drées tous les jours, les femmes d'ouvriers comme tailleurs, cor-
donniers, ne sortent point sans la montre d'or, le mantelet, les
blondes, les rubans, les robes de soye garnies et falbalassées, on
porte beaucoup de pantoufles pour mieux faire voir les bas de
soye. Les dames n'ont de plus qu'elles que l'air moins commun, et
moins de volubilité dans leur langage. Les femmes sont laides, et
mal faites pour la plupart, de grosses ragottes ou des perches sans
grâce qui s'imaginent qu'avec du rouge et de la poudre rousse, des
frisures bizares, et des coëffures plus bizares encore, elles sont des
venus. Chez nous une rousse fait ce qu'elle peut pour déguiser la
malheureuse couleur de ses cheveux, icy les brunes veulent être
rousse et employent l'art pour cela. On voit prodigieusement de
femes et de jeunes filles contrefaites, je ne sais d'où cela vient. Hier
nous fumes au Luxembourg où je puis dire avec vérité n'avoir pas
vu une figure de femme passable quoiqu'il y eut bien 8 à 1,000 per-
sonnes dont la moitié étoient femelles, ce qu'elles ont c'est qu'elles
posent très-bien les pieds et qu'elles les ont assez mignons.
Les hommes sont beaucoup mieux, bien faits pour la pluspart et
de phisionomies agréables. C'est le contraire de Strasbourg où les
femes sont jolies et les hommes ressemblent à des têtes à perruques.
DOCUMENTS 559
Nous ne fûmes point hier à la prêche, parce que M' le Clerc alla
chez Mad. la Marquise de Verac, qui était venue à Paris pour
deux jours et qui en repartoit ce matin pour Compienne, elle avoit
donné son heure pour midi, ayant apris par M"" Fournier qu'il y avoit
quelqu'un de Cassel, elle témoigna avoir grand envie de le voir, tu
n'auras pas de peine à croire qu'il fut bien reçu, il lui pouvoit don-
ner des nouvelles de M' le Marquis.
Les filets sont encore plus à la mode icy qu'à Cassel, tout le
monde en porte et tout le monde en fait; à Saint-Nicolas nous vimes
trois petits garçons dont l'aîné n'avoit pas 12 ans qui étoient assis
autour d'une table à faire des filets, dans le reste de la route nous
vîmes plusieurs soldats qui en faisoient, cependant ils sont fort chers
à ce qu'on m'a dit, on les fait presque tous en soye. Tout le monde
est icy poli et honète mais avec toute la politesse du monde on est
écorché. Md. la Mrq. de Vérac dit hier à Mr. le Clerc qu'il partoit
incessament un Conseiller de Légation d'icy pour la Cour de Cassel,
c'est un chevallier dont je ne sais pas le nom parce que Mr le Clerc
l'a oublié. J'aurois encore bien des choses à te dire, mais le papier
me manque, ce sera pour une autrefois, répons moi prontement sur
tout ce que tu sais et crois moi coiTîe toujours ton affectionnée
sœur*.
J. P. Leclerc née Du Ry.
P.-S. — Nos comp. à toute la famille, aux voisins, aux amis et con-
naissances.
Notre adresse est chez M' la Veuve Bosquet rue des Billetles
près Ste Croix de la Bretonerie à côté du Commissaire à Paris.
Paris ce 22 Septembre 1773.
Mon cher Frère,
J'ai vu la famille Calas à l'hôtel d'Molande, une Dame auprès de
laquelle j'étois assise me la montra. J'avois déjà remarqué deux de
1. En marge : « Aux promenades publiques on est assis sur des chaises,
on {)aye2 sous par personne, ce qui fait environ 10 heller, mais on peut y
rester toute la journée si l'on veut. Les hommes se promènent sans épée,
en bonet de voyage, couteau de chasse, enfin en polifjons s'ils veulent,
surtout le matin, les femmes de même sont fort négligées aux prome-
nades du matin, nous fûmes vendredi déjeunoi- au Palais f^oyal où j'en
vis en bonet de nuit faisant des filets; personne ne ril, tout le monde fait,
comme il veut, il n'y a point de gène. »
560 DOCUMENTS
ces Dames pour lesquelles on marquoit beaucoup d'égard?, et qui
avoient toujours leur place au pied de la chaire. C'étoit la Mère
veuve du S' Galas, grosse femme de bonne mine, fort blanche, de
l'âge de 60 ans ou environ en robe noire, ruban noir une canne à
sa main, l'autre, sa fille aînée petite, menue, à yeux noirs, fort
blanche mais quelque chose d'un peu mélancolique dans la phisio-
nomie, du reste mise avec toute l'élégance possible, au rouge près.
La Dame ma voisine m'aprit que l'autre fille étoit mariée à M'' Du
Voisin qui étoit le ministre qui prêchoit ce jour là, le même que je
l'ai dit ressembler à feu M"" Fégaud, à l'exeption de la Calote et de
la grandeur, car il est petit.
Ce M"" Du Voisin est fort courru et on étoufe à force de monde
les jours qu'il prêche, il est vrai que ses discours sont fort travaillés,
qu'il fait choix de bons termes, qu'il a beaucoup de feu et paroit
être persuadé que ses auditeurs ne sont pas des cruches, mais mal-
gré tout cela, il a une espèce de monotonie à laquelle on s'accou-
tume, mais qui est très désagréable la première fois qu'on l'entend.
M'^ du Voisin est placée dans le parquet avec l'ambassadeur comme
femme de ministre. Je l'ai vue à la promenade avec son mari, elle
est plus grande et plus jeune que sa sœur, d'une figure asses
agréable et mise comme elle, c'est-à-dire très-bien.
L'autre Ministre nommé M' de la Brouë est un gros homme de la
figure d'un supperintendant ou du moins tels qu'ils devroient l'avoir.
Ses discours ne sont pas de la force de ceux de son collègue,
mais du moins ne manque-t-il pas d'égart pour ses auditeurs, et s'il
ne fait pas aussi bien, c'est qu'il ne le peut pas, il a un petit accent
tirant sur celui de la Garrone.
Une chose qui ma paru singulliere, c'est la recommandation aux
prières publiques et particulières, pour le jugement d'un procès, qui
devoit à la vérité décider du sort d'une famille, et les actions de
grâces renduJ's le dimanche suivant au sujet du gain de ce même
procès, les parties intéressées présentes. On rend des actions de
grâces lorsqu'une femme relève de couche* et qu'elle vient pour la
première fois à l'église, au reste le service se fait comme chez nous,
mais il y a plus de zèle et d'attention...
i. Coutume encore usitée en Alsace et dans l'Eglise anglicane.
Mélanges
PROTESTANTS DE MONNEAUX-ESSOMES
HÉFUGIÉS AU SUD DE l'aFHIQUE APRES LA REVOCATION '
Dès 1676, on trouve sur les registres de l'h^glise de Nogen-
tel, qui était alors le centre du culte réformé pour Château-
Thierry, Vaux et Monneaux, le baptême d'un fils d'Isaac
Taillefert, chapelier à Château-Thierry, puis celui de deux
filles en 1678 et 1679 et d'un autre fils en 1680. La mère est
Suzanne Briet. Le registre arrêté à cette date ne nous apprend
pas si ce ménage a eu d'autres enfants après ces quatre là.
Nous le saurons tout à l'heure par une pièce dont l'origine
est bien différente.
Mais auparavant, voyons comment cet Isaac Taillefert et
sa femme Suzanne Briet se rattachent à Monneaux. Nous
l'apprenons par un acte d'échange. Il s'agit d'une pièce de
vigne et d'une pièce de marais qu'échangent Isaac Taille-
fert, chapelier à Château-Thierry et Etienne Briet de Mon-
neaux; l'une de ces pièces sise à Vaux est mentionnée
comme provenant de l'apport personnel de Suzanne Briet,
femme d'Isaac Taillefert. L'acte est du 12 janvier 1671 :
<r Ce jourd'hui, douzième jour de janvier mil six cent soixante et
onze, nous, Etienne Briet, marchand tonnelier demeurant à Mon-
neaux, paroisse d'Essomes, et Isaac Taillefert, marchand chapelier
demeurant à Château-Thierry, avons fait et fons entre nous les
échanges et permutations qui s'ensuivent : c'est à savoir que moi
Estienne Briet, ai baillé et baille au dit Isaac Taillefert une pièce de
vigne contenant quatre perches au lieu dit la rue haute, tenant d'un
côté à Jean Liévain le jeune, d'autre côté à Pierre Pasques, d'un
bout à Isaac Huet, de l'autre bout à la rue, provenant des acquêts
1. M. G. Bonet-Maury nous a remis, il y a déjà quelque temps, cet extrait
d'une conférence faite, en janvier dernier, à Monneaux (Aisne), par M. lîou-
vart, ancien professeur de l'Liniversité, d'après les pièces d'archives de
M. Delaurencerie. Il complète les noies que le Bulletin a déjà publiées à
propos des huguenots du TransvaaI. Nous y avons intercalé quelques
extraits des fiches recueillies à la Bibliothètiue wallonne de Leide, (|iie
M. Hœlc a bien voulu nous comniuni(nier à notre requête (Réd.).
562 MÉLANGES
du dit Eslienne Briet, pour en jouir par Isaac Taillefert, ses hoirs
ou ayant cause maintenant et à toujours; et en contr'échange, moi
Isaac Taillefert, ai baillé et baille au dit Estienne Briet, six perches
de marest à Vaux, tenant de deux costés au dit Estienne Briet, à
cause d'un échange fait avec François Bienvenu et Rachel Briel,
d'un bout aux vignes, d'autre bout à Monsieur Petit, provenant des
propres de Suzanne Briet ma femme qui a consenti le présent
échange, pour en jouir par le dit Estienne Briet, ses hoirs ou ayant
cause, dès maintenant et à toujours, sans que nous soyons obligés
de fournir mesurage les uns aux autres, sinon de se fournir des
papiers et lots de partage, si besoin est. Témoins sous seing
privés, ces jours et ans.
Estienne Briet Taillefert. »
C'était alors pour cette famille, comme pour tous les pro-
testants de France, la période heureuse et tranquille. Sur-
vient en 1685, la révocation de l'édit de Nantes et la cruelle
persécution dirigée contre les protestants. Comme ils ne
peuvent plus se réunir pour leur culte, comme ils sont con-
traints par la force d'abjurer leur religion et qu'ils se voient
menacés dans leurs biens et dans leur existence, les plus en
vue s'expatrient; Isaac Taillefert est du nombre.
Après avoir, comme la plupart de ses coreligionnaires,
fait semblant de renoncer à sa foi, il ne put continuer à vivre
dans cet état contraire à sa conscience et il réussit à gagner la
Hollande. Il parait s'y être rendu d'abord seul, et y avoir été
rejoint un peu plus tard par sa femme. On trouve, en effet,
sur les registres de l'Église wallonne de Middelbourg, le H jan-
vier 1687, Isaac Taillefer reçu membre « par réparation pu-
blique;, de ses erreurs d'avoir embrassé la religion catholi-
que ». Sa naturalisation suivit de près cet acte de repentance
publique, le 17 janvier, également à Middelbourg. Suzanne
Briet ne fut reçue dans cette Église, aussi « par réparation
publique », que le 16 septembre de la même année 1687.
Elle avait fait le pénible et dangereux voyage de Monneaux
à Middelbourg avec son enfant de quelques mois seulement,
puisqu'on trouve, sur les mêmes registres, à la date du 19oc-
tobre 1687, le baptême de Suzanne Taillefer, fille d'Isaac et
de Suzanne Briet,
MÉLANGES 563
Cette enfant n'avait guère qu'un an lorsqu'elle fut embar-
quée avec ses parents et cinq autres frères ou sœurs, le
29 janvier 1688, sur le bateau Osterlande, à destination du
cap de Bonne Espérance. La famille se composait en effet,
alors d' « Isaac Taillefer, de Thierry, vigneron, de sa femme
Suzanne Briet, et de leurs enfants, Elisabeth âgée de 14 ans,
Jean 12 ans, Isaac 7 ans, Pierre 5 ans, Marie 2 ans 1/2 et
Suzanne 1 an ».
Remarquons que les deux fils Jean et Isaac, de 12 et de
7 ans, sont ceux que nous avons vu baptiser à Nogentel,
12 ans et 7 ans avant la rédaction de la liste des passagers
de VOsterlande, doni l'original est resté en Hollande. Elle a
été publiée comme les autres listes analogues, dans la colo-
nie du Cap. M. Elisée Briet en a eu communication au mo-
ment où il terminait son ouvrage*.
Il nous reste à voir ce qu'est devenue cette famille Taille-
fert, une fois débarquée en Afrique; et à cet égard les docu-
ments ne nous feront pas défaut, grâce aux recherches faites
là-bas par les descendants actuellement vivants d'Isaac Tail-
lefert.
Il se fixa tout d'abord non loin de la ville du Cap, dans un
district où prédominait l'élément français. Cette région s'ap-
pelle encore aujourd'hui French hoek, le coin français. Il est
probable qu'Isaac Taillefert dut se construire sa première
habitation; il la nomma du moins et il pensait à nos pays
quand il lui donna ce nom de « La Brie » qu'elle a porté
longtemps. Nous trouvons quelques détails sur son installa-
tion dans le récit de voyage d'un français qui, après beau-
coup d'aventures, passa au Cap en 1693. Ce récit figure en
partie dans un livre publié en 1887 au Cap sous le titre de
« Promenades à travers les archives de la Colonie (Ram-
\. Le Protestantisme dans la Basse-Champagne. Celte liste envoyée à
M. Briet, diffère légèrement de celle que nous a communiciuée M. Hoek.
Elle fait suivre le nom d'Isaac Taillefert de ces mots : « de Château-
Thierry en Brie, vigneron et chapelier », celui de sa femme, de ceux-
ci, « de Château-Thierry », et transpose les deux derniers noms des
enfants, en mettant « Suzanne 2 ans 1/2 et Maria, un an ». Or l'acte de bap-
tême cité ci-dessus semble prouver que Suzanne fut la dernière de ces
six enfants.
564 MÉLANGES
bles etc.. Hendryck Carrel van Leibbrandt). Ce livre est
écrit en anglais, nous n'aurons donc la citation que fort défi-
gurée sans doute par une double traduction : « Un de ces
« émigrés, nommé Taillefer, est un homme très honnête et
« très industrieux, il applique à toutes sortes de sujets la
« curiosité de son esprit. Il possède un jardin dont on peut
« dire qu'il est vraiment beau. Rien n'y manque, tout y est
« bien ordonné, et comme on peut le souhaiter. Il a aussi
« une cour intérieure avec cage et volailles et de plus une
« abondance de bœufs, de moutons et de chevaux qui grâce
« à la douceur du climat, trouvent à paître d'un bout à l'autre
« de l'année, sans qu'on ait à faire provision de fourrage, ce
« qui est une grande commodité. Chez ce respectable colon,
« le visiteur reçoit un excellent accueil et une large hospi-
« talité. Son vin est le meilleur qu'on puisse avoir là-bas, il
« ressemble autant qu'il est possible à notre petit cham-
<( pagne...
« En résumé, il est certain que le Cap est un asile agréable
« pour les malheureux protestants français. Ils yjouissent en
« paix de leurs biens, et vivent en très bons termes avec les
« hollandais, qui, comme on sait, sont par nature hospitaliers
« et bienveillants. »
La relation de Léguât — c'est le nom du voyageur français
— nous ferait croire qu'Isaac Taillefert était dès lors arrivé à
une grande aisance, et menait une existence aussi large que
l'hospitalité qu'il exerçait. Mais il est permis de se défier, non
de la sincérité de Léguât, mais de la justesse de son jugement :
il faut considérer qu'en arrivant au Gap, Léguât venait de
passer par trois années d'épreuves très dures. Deux années
durant, il était resté à l'île Rodrigues avec six ou sept
compagnons. Débarqués là en vue d'une colonisation pos-
sible, ils y furent oubliés, je pense, et ne s'en échappèrent
qu'au prix de grands dangers, où l'un d'eux périt. Sur un
bateau qu'ils avaient construit eux-mêmes, ils gagnèrent
notre île de la Réunion, qu'on appelait alors l'île Mascareigne,
et y furent assez longtemps retenus par l'administration hol-
landaise ; ils y perdirent leurs biens, qui étaient des outils et
des objets de trafic. C'est à la suite de tous ces revers qu'au
MÉLANGES 565
cours de son voyage de rapatriement Léguât séjourna au Cap,
et visita le « coin Français ». Il est naturel, qu'après tant de
misères subies, tout lui ait paru enviable chez Isaac Taillcfcrt ;
et ce n'est pas Léguât qui peut nous renseigner sur la situa-
tion exacte de ce dernier. Nous la connaissons mieux par deux
documents. Dans l'un on voit qu'il a eu sa part du secours
en argent distribué par les soins du gouvernement hollandais
aux réfugiés huguenots. Certains d'entre eux purent le refuser.
Isaac Taillefert n'est pas de ce nombre. D'autre part, l'inven-
taire signé de sa veuve, montre qu'au moment de son décès
en 1699, il possédait en tout vingt têtes de bétail, petit et
gros, et un pelii cheval, et que de plus il était débiteur
de la Compagnie des Indes. Au lieu du colon opulent que
représente Léguât, nous voyons apparaître l'hommelaborieux,
actif et ingénieux, comme il le dit, mais aux prises, ce qu'il
n'a pas vu, avec les difficultés de la vie. C'est par toutes ses
qualités d'origine qu'il est arrivé à dominer la mauvaise for-
lune et à fonder là-bas un foyer semblable à celui qu'il avait
dû laisser ici. Et il a continué au loin, les donnant à son tour,
les exemples qu'il avait reçus à Monneaux où ils se perpétuent
encore. En sorte que ce n'est pas seulement une parenté de
sang qui rattache les protestants de Monneaux à ses descen-
dants, mais une parenté de traditions communes qui se
résument aisément : travail, honnêteté, bienveillance mu-
tuelle.
D'autresdocumentsauthentiques nous apprennentcomment
s'est multipliée la descendance de Taillefert. Lors de son
décès, il avait perdu deux de ses enfants : son second fils et
sa dernière fille ; sa fille aînée était mariée déjà; cela nous le
savons par l'inventaire fait à son décès, et par le registre des
baptêmes de l'Eglise réformée de Drakenslein. La copie de
ce registre a été envoyée à Monneaux; rien n'est plus intéres-
sant à étudier; on voit, dans ce « Coin français )),des émigrés
portant les noms qu'on a lus dans les récits de combats des
Transvaliens contre les Anglais : les Marais, les Du Toit, les
Malan, les de Villiers, les Rétif, les Cronier; on trouve aussi
quelques noms hollandais : celui de Botlia, par exemple.
Une nomenclature a été envoyée du Cap, où l'on trouve par
566 MÉLANGES fl
ordre alphabétique les renseignements recueillis sur la filia- ■
tion des familles d'origine française qui sont mêlées aux Hollan-
dais dans la colonie du Gap. De plus, certaines familles qui
sont entrées en relation avec M. Elisée Briet ont entre leurs
mains les pièces qui établissent leur parenté avec Isaac Tail-
fert. — Je ne puis ici que résumer les données absolument
concordantes de ces sources si diverses.
Suzanne, la seconde fille d'Isaac Taillefert, s'est mariée trois
fois avec un Naudé, un Crognet et un Gardé. De son second
mari Pierre Crognet descendent les Gronje actuels : La diffé-
rence d'orthographe s'explique sans difficulté : la langue hol-
landaise était imposée au Cap; et pour conserver aux noms
français leur prononciation, il fallait bien, en hollandais, les
écrire avec d'autres combinaisons de lettres. C'est ainsi que
l'inventaire dont nous avons déjà parlé porte le nom de Su-
zanne Briet écrit Brije. De son troisième mari, nommé Gardé,
Suzanne Taillefert eut deux enfants, un fils et une fille. Cette
dernière née en 1703 se maria en 1725 avec JosuéJoubert, fils du
réfugié Pierre Joubert. La nomenclature que nous possédons
indique parmi les descendants nombreux de Pierre Joubert,
le général si connu de ce nom. Mais Pierre Joubert avait deux
fils et nous ne savons pas si le général descend de Josué Jou-
bert ou de son frère. Il était en tous cas apparenté aux des-
cendants d'Isaac Taillefert.
Quant à Elisabeth Taillefert, l'aînée de la famille, elle s'est
mariée à l'un des deux frères de Villiers, qui venus ensemble
au Cap, sont les fondateurs d'une famille très nombreuse et
très honorée. La descendance de Pierre de Villiers et d'Eli-
sabeth Taillefert comprend en particulier Christophe de Vil-
liers décédé il y a quelques années. C'est lui qui a fourni à
M. Briet la plus grande partie des documents dont j'ai fait
usage.
Un autre des descendants dTsaac Taillefert est ce jeune
Transvalien qui est venu à Monneaux, vers 1893, faire con-
naissance avec des parents. Il descend, lui, de Suzanne Tail-
lefert et de son premier mari Naudé. Les trois frères Celliers,
son père et ses deux oncles, font remonter par des pièces
authentiques, leur famille jusqu'à Suzanne Taillefert, avec
i
CHRONIQUE LITTÉRAIKE 567
cette particularité que toutes les alliances intermédiaires se
sont faites entre gens d'origine française.
Le nom de Taillefert d'ailleurs s'est éteint au Gap, ses filles
seules ayant laissé une postérité qui dure encore.
Naturellement, toute cette descendance d'Isaac Taillefert
n'est pas restée dans les environs de la ville du Gap, et, quand,
fuyant le joug des Anglais, les Boers allèrent avec leurs longs
convois, chercher dans les régions plus chaudes du Nord, une
terre encore dédaignée des Anglais, où leur indépendance
serait assurée, du moins pour un temps, les descendants des
Huguenots français s'étaient confondus avec leurs voisins
d'origine hollandaise, et c'est ainsi que, dans chacune des
luttes que les Boers ont eu à soutenir contre les Anglais, on
retrouve des chefs originaires du « Goin Français », dont on
peut dire qu'ils sont ou descendants ou alliés aux descendants
d'Isaac Taillefert et de Suzanne Briet de Monneaux.
G. BOUVART.
CHRONIQ,UE LITTERAIRE
La Saint-Barthélémy en Provence.
Le comte de Sommerive et le comte de Garces.
A propos d'une affaire retentissante qui eut naguère son dénoue-
ment devant le conseil de guerre de Nantes, on a beaucoup parlé
ces derniers temps des coups de tête militaires d'autrefois. Certaines
gens dormaient dans l'oubli, qu'on est allé imprudemment troubler
dans leur repos. C'est le cas, notamment, pour Jean de Pontevès,
comte de Garces, lieutenant du roi en Provence au moment de la
Saint-Barthélémy.
D'après un de ses descendants, M. le comte Jean de Sabran-Pon-
tevès, il aurait, au risque d'y perdre la tète en même temps que son
épée, refusé d'exécuter les ordres de Charles IX tendant au mas-
sacre des huguenots. C'est donc à son héroïsme que la Provence
aurait dû de n'avoir pas éprouvé le contre-coup sanglant du forfait
qui restera Téternelle flétrissure des Valois'.
1. Voir Le Temps du 2'» août 1902.
56y CHRONIQUE LITTÉRAIRE
Avant d'aller plus loin, il nous semble qu'un fait suffit à nous
mettre en garde contre l'authenticité de ce « beau geste » : c'est
l'avancement que reçut le comte de Garces peu de temps après ce
soi-disant refus. Après la mort d'Honorat de Savoie, comte de Som-
merive, gouverneur de la province, survenue au mois d'octobre 1572,
le comte de Garces fut, en effet, chargé de l'intérim du gouverne-
ment jusqu'à l'arrivée du maréchal Gaspard de Saulx-Tavannes,
lequel mourut avant d'avoir pris possession de son poste et fut rem-
placé par le maréchal de Retz. Un peu plus tard, il fut nommé
grand sénéchal de Provence. Ge n'est pas ainsi que les rois en
général, et Gharles IX en particulier, récompensaient ceux qui s'in-
surgeaient contre la volonté royale. Cette contradiction est déjà le
signe qu'il y a de la légende à l'horizon.
Une chose est certaine, c'est qu'il n'y a pas eu de massacre en
Provence à l'époque de la Saint-Barthélémy. Étudions maintenant
les documents, pour voir comment les choses se sont passées dans
la réalité.
La plupart des historiens, Jean de Serres*, La Popelinière', Agr.
d'Aubigné^, Davila^ attribuent au comte de Sommerive lui-même
le noble refus de faire mettre à mort les huguenots. Mais les deux
auteurs les plus explicites sont Simon Goulart" et Brantôme.
Voici ce que raconte le premier : « Incontinent cjue les massacres
« furent commencés, un gentilhomme d'Arles, nommé La Mole^,
« domestique du duc d'Alençon, fut envoyé vers le comte de Tende
« [Sommerive] avec lettres du conseil secret, pour faire massacrer
« en Provence tous ceux de la Religion. Le comte, ayant reçu ces
« lettres, dit librement à La Mole qu'il n'estimoit point que tels com-
« mandemens vinssent du mouvement du 7-oy, et qu'aucuns de son con-
(( seil usurpojyent Vauthorité royale pour satisfaire à leurs passions,
« dont il ne vouloit plus certain témoignage que les lettres que le roy
« luy avoit envoyées quelques jours auparavant, par lesquelles il
« chargeoit ceux de Guise de ce massacre de Paris. Quil aimoit
« mieux obéyr à ces premières lettres, comtjie mieux séantes à la
1. Recueil des choses mémorables..., 1595, f° 204.
2. Histoire de France, II, f* 70 1».
3. Histoire universelle, 1626, col. 558.
4. Histoire des guerres civiles de France, trad. .1. Baudoin, Pari.s, 1647,
p. 330.
5. Ou du moins l'auteur des Mémoires de l'Estat de France sous
Charles IX, Middelbourg, 1578 (I, f 406).
6. Joseph de Boniface, fils de Jacques de B. et de Marguerite de
Pontevès,
CHRONIQUE LITTÉRAIRE 569
« majesté royale, et que ce mandement dernier estoit si barbare et
« cruel que quand le roy mesme en personne luy commanderoit de
« le mettre à exécution, il ne le feroil pas. Cette magnanime res-
« ponse servit à ceux de la Religion en ce gouvernement-là, car il
« n'y eut point de massacres. »
Brantôme n'est pas moins formel. « Si faut-il louer extrêmement
« ce seigneur [Sommerive], dit-il, qu'encore qu'il fût esté grand
« persécuteur des huguenotz, si est-ce qu'après le massacre de la
« Saint-Barthélémy et qu'il luy fut mandé comme aux autres de
« mener les mains basses envers les huguenotz, et en faire de
« mesmes en son gouvernement comme à Paris, il n'en voulut
« jamais rien faire, disant que l'acte en seroit trop vilain, et que le
« roy l'avoit peu |pu] bien faire et s'en laver quand il luy plairoit,
« estant roy, mais pour luy à jamais il en sentiroit son âme chargée
« et son honneur souillé : dont le roy luy en voulut grand mal et
« en fut très mal contenta »
On sait que Sommerive mourut peu après, non sans soupçon de
poison. On ne manqua pas d'établir un rapport étroit entre cette
fin soudaine du gouverneur de Provence et son refus d'obéir aux
ordres de Charles IX. Brantôme, comme Simon Goulart, La Pope-
linière et Davila, laisse entendre que cette insinuation n'était pas
sans fondement. Mais cela nous entraînerait trop loin.
En regard de ces témoignages des historiens contemporains, voici
maintenant la lettre* sur laquelle se fonde M. de Sabran-Pontevès,
pour revendiquer, en faveur de son aïeul, l'acte de magnanimité
attribué jusqu'ici au comte de Sommerive. Nous ne chicanerons
pas sur le style un peu trop... moderne, à notre gré, car les objec-
tions que cette lettre soulève sont beaucoup plus graves qu'une
simple question de forme. Nous devons faire remarquer cependant
que M. de Sabran-Pontevès se borne à reproduire ce document,
sans l'accompagner d'aucun renseignement sur son origine et son
état de conservation. Or, il suffit de lire cette lettre pour se rendre
compte que l'on est en présence d'une copie, et non d'un docu-
ment original; mais cette copie, mise au point, d'où vient-elle?
Nous ne tarderons pas à le savoir. Nous citons à notre tour.
« J'ai toujours servi le roi en soldat, je serais fâché de faire, en
« celte occasion, l'office de bourreau.
« Ce n'est point le roi qui a donné cet ordre. J'en ai reçu de con-
« traires il n'y a pas longtemps. Il vient sans doute des ennemis de
1. Œuvres complètes, édit. Ludovic Lalanne. 111, p. 381.
2. Voir Le Temps du 1" scptettibre 1902.
Ll. — 39
570 CHRONIQUE LITTÉRAIRE
« l'Etat qui, sous le voile'de Vautorité royale^ veulent satisfaire leurs
« passions.
« Je m'en tiens donc aux premières instructions que f ai reçues,
parce qu'elles sont plus conformes à la jusUce et à la clémence. »
Que Ton veuille bien relire avec soin les passages de cette lettre
que nous avons soulignés, et se reporter ensuite au récit de Simon
Goulart. Il apparaîtra, clair comme le jour, que ce que nous avons
ici, c'est la réponse... du comte de Sommerive, et non point celle
du comte de Garces. Il saute aux yeux, d'ailleurs, que les ordres
royaux ne pouvaient avoir été adressés directement au lieutenant
du roi en Provence, le gouverneur Sommerive étant encore à son
poste. M. de Sabran-Pontevès dit qu'au moment de la Saint-Bar-
thélémy le comte de Garces était « grand sénéchal de Provence,
amiral des galères du roi et aux mers du Levant, généralissime des
armées catholiques en Provence, etc., etc. ». G'est là précisément
que gît la confusion. Après la mort de Sommerive, le comte de
Garces devint, comme nous l'avons dit plus haut, gouverneur par
intérim, et, quelque temps après, grand sénéchal*; mais au moment
de la Saint-Barthélémy, il était encore le premier, si l'on veut, mais
le premier des subordonnés — mettons : des auxiliaires — du gou-
verneur, et ce n'est pas à lui que fut envoyé Tordre de Charles IX
de mettre à mort les huguenots. Il est facile de l'établir.
Il existe, en effet, une pièce qui fait la lumière à peu près com-
plète sur les événements qui nous occupent. G'est un Mémoire du
sieur de Vauclause, qui provient des archives de M. de Peiresc,
conseiller au Parlement de Provence, et qui, après avoir été publié
pour la première fois par J. Le Laboureur^, est maintenant à la
Bibliothèque nationale. Gaspard de Villeneuve, s' de Vauclause et
de Bargemont, fut mêlé de près aux négociations qui aboutirent au
retrait des ordres royaux relatifs au massacre des protestants de
Provence. G'est donc un témoin oculaire, et voici ce qu'il rapporte :
c( Advenant le jour de la Saint-Barthélémy, le sieur de la Molle,
« se trouvant à Paris, le feu roy Gharles l'envoya en Provance vers
« monsieur le comte de Tande [Sommerive] ^ avecq une lettre que
i. Gasp. de Saulx-Tavannes l'ut nommé en octobre 1572 gouverneur de
Provence et amiral du Levant. (P. Anselme, Hist. chronologique de France,
VII, p. 239.)
2. Bibliolh. nat., nouv. acquisitions, msc. 1086, f" 104. — Cf. J. Le
Laboureur, Additions aux Mémoires de Castelnau, \\, p. 15; Bullet. prot.
XLIII, p. 441 et suiv.
3. Les premières noiivelles de la Sainl-Barthélemy arrivèrent à Lyon
le 27 août au matin {Bullet. prot. XVIII, p. 305). En conséquence, il est
CHRONIQUE LITTÉRAIRE 571
« lui escrivoit Sa Majesté, de créance, laquelle estoit de faire tuer
« tous les huguenotz; mais au bout de la lettre le roy escrivoit
« audict sieur comte par une apostille, luy commandant de ne croire
« ny faire pas ce que ledict la Molle luy diroit. Cella mit bien en
« peyne ledict sieur comte pour estre l'apostille contrère à la
« créance, qui fut cause que, pour estre esclaircy bien au vray de
« l'intantion de Sa Majesté, il envoya à la cour le sieur Gauterv,
« son secrétaire, lequel à son retour, rapporta audict sieur comte la
« vollonté du roy qu'estoit de faire la tuerie de quelques huguenotz
« incontinant qu'il seroit arrivé. »
Dans ce récit, l'altitude de Sommerive est moins chevaleresque
que dans ceux de Brantôme et de S. Goulart. Toutefois un premier
résultat est acquis : en gagnant du temps, le gouverneur de Pro-
vence a obtenu que le massacre qui, d'après les instructions primi-
tives de la lettre royale, devait être général, fût réduit à la mise à
mort de quelques protestants. L' « apostille », qui réduisait à néant
le contenu de la lettre, rendait il est vrai, complètement inutile— et
singulièrement dangereux pour les huguenots, vu la versatilité du roi
— l'envoi d'un émissaire à Charles IX. 11 est probable que Sommerive
craignit pour lui-même l'effet d'un de ces retours subits de la féro-
cité du jeune roi. En tout cas, ce début Au Mémoire du sieur de Vau-
clause semble bien indiquer que si le comte de Sommerive ne pro-
céda pas au massacre dans l'étendue de son gouvernement, la
crainte de se souiller d'un crime n'y eut qu'une faible part. Mais en
réalité, toujours à cause de l'apostille, les nouveaux ordres sont une
aggravation des premiers. Continuons.
« Voulant ledict comte mettre la volonté de Sa Majesté en exé-
« cution, il s'en alla à Celon [Salon], là où (il) pria le sieur comte
« de Carces s'en aler à Aix, luy assurant que le lendemain il luy
« envoyeroit les commissions pour envoyer par tout le pays pour
« exécuter l'intention de Sa Majesté.
« Mais le lendemain ledict sieur comte de Carces reçut d'autres
(( nouvelles, car le capitaine Beauchans le vint advertir de la mort
probal)!e que le courrier parvenu à Avignon le 28 (L. de Pérussis, Hist.
des guerres du comté Vénaissin... p. 138, dans Pièces fugitives d'Aubaïs, 1)
et à Montpellier le 30 [Hist. de la guerre civile en Languedoc, p. 23 et ^H.
Ibid. II) n'était pas encore porteur des ordres de massacre, et que l'envoi
de la Molle en Provence dut avoir lieu quelques jours plus tard. — Deux
autres courriers passèrent à Lyon le 31 {Bullet. prot. XVlil, p. 309). —
Celui qui était à Avignon le 28 avait averti de Cordes en Dauphinc, et,
aussitôt après son passage dans la cité des papes, Xoguier fut dépéché à
•Sommerive.
572 CHRONIQUE LITTERAIRE
« dudict sieur comle de Tende, et, deux heures après, Gautery, son
« secrétaire, arriva vers ledict sieur comte de Garces, avec lesdictes
« commissions qu'il ne voulut mettre en exécution, attendu qu'il
a n'avoit heu aulcung commandement de Sa Majesté, quy (ce qui)
« l'occasionna d'envoyer par devers icelle ledict sieur de la Molle
« pour recepvoir son intention ».
Pas d'ordres! Voilà donc à quoi se réduisit le refus du comte de
Garces de mettre la main à l'épée. Gautery n'avait rapporté de la
cour qu'une réponse verbale. Les commissions signées par Somme-
rive étaient désormais sans autorité suffisante — du moins pour un
homme qui hésitait à s'engager à fond — par suite de la mort de celui
qui les avait délivrées. Viennent de nouveaux ordres, et le comte
de Garces marchera — mais nous devons lui rendre celle justice
qu'il fit tout pour empêcher ces ordres de venir.
Vingt jours s'étant écoulés sans que La Molle fût de retour, le
comle de Garces, sans nouvelles, dépêcha en cour un nouveau
messager. Gelui-ci, le sieur de Vauclause, arriva à la cour le jour
même où La Molle reparlait pour la Provence « avec la volonté du
roy qui esloit tousjours de faire mourir les huguenots ». La Molle,
se basant sur les ordres formels dont il était porteur, essaya de dis-
suader Vauclause d'aller jusqu'à Gharles IX. Vauclause, qui avait
pour mission — le fait ne nous parait pas douteux — d'obtenir des
ordres moins rigoureux, refusa « de s'en retourner sans parler à
personne ». Le jour même, il fil connaître au roi l'objet de son
voyage; ce dernier s'en référa aux instructions définitives dont il
avait chargé La Molle, mais Vauclause, grâce à l'intervention
d'Hubert de la Garde, s' de Vins, dont la mère était sœur du comte
de Garces, finit par obtenir l'annulation des ordres qui prescrivaient
le massacre des huguenots. 11 fit « sy grande dilligence » qu'il rat-
trapa La Molle en Provence, et, ayant communiqué au comte de
G.arces la réponse du roi, le gouverneur intérimaire « congédia tous
ceulx qu'il avoil envoyé quérir en attendant la vollonté de Sa Ma-
jesté ». Ainsi finit l'affaire.
Il nous semble bien que le Mémoire de Vauclause, dont tous les
détails n'ont certainement pas la même valeur et qui reste obscur
sur quelques points, donne, en bloc tout au moins, une physionomie
exacte des choses. 11 y a loin, on le voit, de la tactique prudente,
souterraine, de Jean de Pontevès, comle de (farces, au « très noble
geste » dont on revendique l'honneur pour lui après trois siècles
écoulés. Soyons-lui reconnaissants de n'avoir pas trempé les mains
— au moment de la Saint-Barthélémy, s'entend — dans le sang des
CHRONIQUE LITTERAIRE 573
huguenots, mais qu'on n'en fasse pas un héros, car il fui tout autre
chose ! Son prestige reçoit quelque atteinte de l'étude des docu-
ments, mais la vérité historique y gagne de dissiper une légende.
Par le temps qui court, ce n'est pas un gain négligeable.
Et puisque M. le comte Jean de Sabran-Pontevès a mis en cause
l'Amiral à propos de son aïeul, en affirmant que ce grand huguenot
était « de connivence avec l'étranger et, comme tel, méritait un su-
prême châtiment » — on n'est pas plus giiisard! — nous décla-
rons préférer à l'attitude douteuse du comte de Garces le « noble
geste », bien historique celui-là, de Gaspard de Goligny remettant
à François II, en pleine assemblée de Fontainebleau, au péril de sa
vie et non point par-dessous main, la requête des huguenots persé-
cutés...
P. FOiNBRUNE-BeRBINAU.
Imprimeurs protestants. — Dans la Revue d'Ardenne et d'Argonne
(1902, p. 98 à 122 et 136 à 149), M. J.-B. Brincourt publie deux ar-
ticles qui seront suivis d'un ou plusieurs autres, sur Jean Jannon^ ses
Jils, leurs œuvres. Né sans doute à Paris, en 1580, Jean Jannon fit son
apprentissage chez Robert III Estienne et débuta dans la typographie
par une édition de Martial (1607). Ayant eu l'imprudence d'imprimer,
en 1609, un livre de l'apostat Pelletier contre « les erreurs et fausses
opinions des calvinistes » il encourut le blâme du consistoire de Paris
qui lui interdit l'usage de la Gène et lui fit défense de vendre ses
livres à Gharenlon comme il avait accoutumé. Gette .sévérité fut sans
doute une des causes qui le déterminèrent à .se rendre à Sedan, où
Henry de la Tour cherchait un bon imprimeur pour remplacer
Jacob Salesse récemment décédé. Il s'y fixa définitivement, et fut
soutenu par les subsides du prince et nommé « imprimeur de son
Excellence et de l'Académie Sedanoise, » aux gages de 200 livres
tournois par an. Il exerça son art pendant plus de quarante ans, et
produisit un nombre considérable d'impressions dont M. Brincourt
donne l'énumératiou la plus complète qui ait encore été faite. Ges
impressions sont justement célèbres par la beauté des types et ie
caractère sobrement artistique de l'exécution. Nous espérons que
M. Brincourt voudra bien faire tirer à part ses articles, qui indépen-
damment de leur valeur bibliographique et des détails inédits
recueillis sur le typogra|)he sedanais, auront le plus grand intérêt
au point de vue de l'histoire littéraire et de la biographie des écri-
vains protestants du xvii" siècle. H- D-
574 NÉCROLOGIE
NECROLOGIE
M. Henri Tollin.
La Société huguenote d'Allemagne a perdu le limai son président
et fondateur, le licencié en théologie Henri Tollin. Descendant
d'une famille champenoise émigréeà la Révocation, il dirigeait de-
puis 1876 la paroisse dite réformée française de Magdebourg, après
avoir été successivement maître auxiliaire au Gymnase français de
Berlin de 1859 à 1862 et pendant treize ans pasteur de l'Église ré-
formée française de Francfort-sur-l'Oder. Ce deuil en est un aussi
pour notre Comité qui, sachant de longue date sa sympathie pour
notre œuvre, appréciant ses travaux et reconnaissant de sa collabo-
ration au Bulletin, l'avait inscrit en 1892 au nombre de ses pre-
miers membres honoraires.
Les biographes de M. Tollin insisteront avec raison sur un côté
de son existence si remplie que nous ne pouvons ici qu'indiquer,
le rôle militant qu'il a joué dans l'Église, non sans difficultés par-
fois, comme représentant fidèle et convaincu du vieil esprit réformé,
maintenant en regard des luthériens et de la nouvelle constitution
évangélique allemande, les principes de la confession de foi et de
la discipline huguenote, les traditions des anciennes communautés
du Refuge dont il cherchait, malgré leur disparition progressive, à
renouer les liens et à revivifier les souvenirs. *
Dans le champ de l'histoire son labeur a été considérable et de
double nature. Pour beaucoup ^L Tollin est avant tout, et il restera,
le biographe, l'apologiste de Servet. II ne se lassait pas de revenir
à ce sujet de prédilection, non comme partisan des doctrines
mêmes du « grand Espagnol », mais dans un sentiment d'admira-
tion pour sa découverte de la circulation du sang, de respect pour
son caractère, et de ce qu'il appelle « la tolérance biblique et l'hu-
manité chrétienne ».
On retrouvera dans \e Bulletin (XXVIII, 322), le relevé par M. Tollin
lui-même de toutes ses études sur Servet, ouvrages de longue ha-
leine et articles de revues. Nous ne citerons que les trois princi-
paux : La découverte par Michel Servet de la circulation du sang-,
dans le Recueil de traités physiologiques de Preyer, qui valut à l'au-
teur le doctorat honoraire de médecine de la Faculté de Berne;
la Caractéristique de Michel Servet^ traduit en anglais, hongrois.
NÉCKOLOGIE 575
français, italien, danois, et VExposé du Système dogmatique (\e Scr-
vet (840 p. in.-8").
Il a mis le même soin et la même persévérance à s'occuper de
l'histoire des Églises du Refuge en Allemagne. Dès 1862 il consa-
crait à la première de celles qu'il a desservies, Francforl-sur-l'Oder,
une monographie fort complète (voir l'analyse B«//. XIX, 130,170),
publiait en 1876 des notices sur les colonies françaises d'Oranien-
bourg, de Kœpenick et de Brandebourg (voir Bull. XXVIII, 38) et
surtout élevait à celle de Magdebourg, à l'occasion de son Jubilé
bi-séculaire un monument d'une surprenante ampleur : les trois
volumes, le dernier en trois parties, forment un ensemble de
3821 pages in-8.
C'est en 1890 qu'il conçut la pensée de fonder une Société hugue-
note d'Allemagne, « pour développer l'histoire huguenote, cultiver
l'esprit des réfugiés et resserrer le lien qui unit entre eux tous les ré-
formés». Constituée dans l'Assemblée générale de Friedrichsdorfle
29 septembre, la nouvelle association a tenu au-delà de ce qu'on
était en droit d'en attendre, et il n'est que juste d'en attribuer en
grande partie l'honneur à son président (voir Bull. XLIII, 670).
M. Tollin est l'auteur de plusieurs des excellentes monographies
publiées dans les Geschichtsblâtter des Deutsches Huguenotten Ve-
reins el c'est encore à lui que la Deutsche Encyclopédie a demandé
sa récente biographie de Calvin. Rappelons enfin qu'il a donné à
noire Bulletinune élude approfondie SUT Cassiodore de Retna{XXVU-
XXXIII) et des articles sur la fondation de l'Église réformée de
Celle (XLII), le Refuge huguenot en Russie (XLIV) et Marie De-
lolme et la Cour de Danemark au XIX= siècle (XLVII). Il y a
deux ans nous analysions une de ses dernières productions, sur
l'élymologie du mot huguenot, et bien que nous hésitions à en
adopter les conclusions, nous y trouvions un témoignage de plus de
son infatigable activité d'esprit et de son constant intérêt pour notre
histoire.
F. DE SCHICKLER.
M. le pasteur Charles Frossard.
En célébrant le Jubilé cinquantenaire de la Société, au nombre
des rares amis de la toute première heure que nous nous félicitions
de posséder encore, nous saluions M. le pasteur Charles Frossard,
de loin seulement, il est vrai, car sa santé de plus en plus éprouvée
l'avait retenu forcément à Bagnères-de-Bigorre. Le 7 août, Dieu
nous le reprenait dans la 75* année de son âge.
576 NÉCROLOGIE.
M. Ch. Frossard est devenu membre du Comité en 1869, mais
dès la seconde livraison du Bulletin, il s'est associé de cœur à une
œuvre dont il avait, avec son vénéré père, accueilli « avec joie » la
fondation. D'année en année, on y relève les traces de son activité,
à la fois érudite et huguenote, depuis ses multiples emprunts aux
Papiers Court de Gébelin découverts par son aïeul, le doyen
B.-S. Frossard (Voy. Bull., I, 134), sa Notice sur La Réforme dans
le Cambrésis {Bull., III), la Chronique de P Église Réformée de Lille
{Bull., V, publiée ensuite séparément), jusqu'aux biographies de
Jean de Gassion, maréchal de France {Bull., XLIW) et de son frère,
Jacques de Gassion-Bergère, et, sous le titre de La Réforme en
Béarn, la reproduction avec traduction annotée de nouveaux
documents, 1560-1572, provenant du château de Salies {Bull.,
XLIV-XLV).
Cet attachement pour la Société de l'Histoire du Protestantisme
français ne s'est jamais démenti. Nos lecteurs en retrouveront avec
émotion un témoignage suprême dans la lettre qu'il nous écrivait le
21 juin, une des dernières que sa main ait pu tracer. Malgré son
caractère intime et personnel, nous n'hésitons pas à la reproduire
ici : mieux que ne saurait le faire toute l'expression de nos regrets,
elle redit ce que nous avons perdu dans le collègue qui nous a
devancés.
Mon cher Président et très honoré frère en Jésus-Christ,
Incapable de tenter aucun voyage, j'ai laissé Madame Frossard
aller à Paris sans moi celte année. C'est fini d'agir, je contemple
le monde invisible, je m'assure en mon Sauveur tout-puissant et
tout-bon et je prie. L'écho du succès de votre exposition est venu
jusqu^à moi. Une seule critique : elle a été trop courte. Nos dames
souhaitaient y retourner et y mener du monde. On ne sait pas assez
que la bibliothèque est une exposition permanente et touchante des
œuvres de nos pères. J'ai regretté de n'y avoir pas pu aller et j'aurais
contribué modestement à l'enrichir. Vous ne perdrez rien pour
attendre. L'œuvre est grande et belle et bénie d'en haut.
Je ne vous oublie pas dans mes prières.
A Dieu.
Ch. Frossard, p"".
F. DE S.
Le Gérant : Fischbacher.
OUI. — L.-lniprimeries lëunies, B, rue Sainl-Benolt. 7. — Motteroz, directeur.
SOCIETE DE L'HISTOIRE
DU
PROTESTANTISME FRANÇAIS
Études historiques
COLIGNY ET LA PAPAUTÉ EN 4556-1557
D'après des lettres inédites des Châtillon conservées
à la bibliothèque Barberini de Rome^.
Le 5 février 1556, à Vaucelles, une trêve était signée qui
suspendait les hostilités entre la France et l'Espagne. C'était
un grand succès diplomatique pour le parti de la paix dirigé
à la Cour par le connétable Anne de Montmorency : au sys-
tème du statu qiio ante bellum, nos plénipotentiaires, Gas-
pard de Coligny et Sébastien de l'Aubespine, avaient réussi
à faire substituer le système de Viiti possidetis. Nous gar-
dions toutes nos conquêtes : les trois évêchés, Metz, Toul
et Verdun, les places conquises par le connétable dans le
Luxembourg et dans les Flandres, et en Italie celles où Bris-
sac avait mis garnison^.
Rien ne paraît s'opposer alors à ce que cette trêve se
change bientôt en une paix définitive. Et cependant quelques
mois plus tard tout est renversé : Carlo Carafa, le propre
neveu du pape Paul IV, a débarqué en France. Ce condottiere
devenu cardinal rêve de se tailler une principauté dans
les domaines italiens de l'Espagne à la faveur de la rivalité
\. Je remercie mon ami J. Calmette, membre de l'Ecole française de
Rome, qui, sur ma demande, a bien voulu copier ces documents à la
bibliothèque Barberini, où ils sont conservés sous la cote : vol. XLIII, 163
{Lettere originali a Paolo IV ed ai Caraffa in lingua francese).
2. Décrue, Anne de Montmorency, connétable de France^ sous les règnes
de Henri II, François II et Charles IX, 1889, in-8".
1902. — N" 11, Novembre. LI. — 4o
578 ÉTUDES HISTORIQUES
franco-espagnole; il a compris que c'en est fait de ses pro-
jets ambitieux si les deux pays se rapprochent. Il vient donc
pour parler, dil-il, de la convocation d'un concile général et
pour hâler les négociations de la paix entre le Roi Très-Chré-
tien et Sa Majesté Catholique, mais ce quMl apporte en réa-
lité, c'est la guerre *.
A la Cour tout le monde s'est laissé prendre à sa comédie
diplomatique : déjà Guise est gagné, allécl^é par le mirage
de la couronne napolitaine; Henri II, qui se soucie peu des
intérêts de l'État, n'a d'autre préoccupation que de main-
tenir la tranquillité à sa cour par une politique de bascule :
Montmorency a voulu la paix : il l'a eue à Vaucelles; Guise
à son tour veut la guerre : il l'aura, et contre ces mêmes Es-
pagnols avec qui on vient de traiter il y a quelques mois à
peine.
Bientôt Montmorency lui-même est gagné. Tout d'abord
il essaie de s'opposer à une reprise des hostilités, et il va ré-
pétant « haut et clair », qu'en Italie « nous irons à cheval
pour nous en revenir à pied. Mais on se moque de sa phi-
losophie » -, et, d'autre part, Carafa sait habilement exploi-
ter ses mécontentements vis-à-vis des lenteurs de la diplo-
matie espagnole. Soucieux aussi de conserver la faveur
royale, le connétable ne tient pas à s'acharner dans une op-
position intempestive à la politique à la mode. Autour de lui
l'enthousiasme qui entraîne les esprits à la guerre est général.
Montmorency n'a qu'à s'incliner.
Dès le début du mois de juillet, des ordres sont expédiés
aux capitaines des compagnies en garnison à Marseille ou
en Italie pour qu'ils aient à gagner Rome à la têle de leurs
troupes; un peu plus tard le connétable assemble des offi-
ciers de fortune qui vont partir pour l'Italie; enfin, le 31 juil-
let, le Conseil du roi admet pour la première fois officiel-
lement la possibilité d'une reprise des hostilités contre
l'Espagne et quand Carlo Carafa repart, le connétable le
charge de lettres pour le pape, remplies de formules de dé-
1. G. Duruy, Le cardinal Carlo Carafa, 1882, in-S".
2. Pasquier, Œuvres, t. II, p. 74.
ÉTUDES HISTORIQUES 579
vouement à l'adresse du Saint-Siège : « pour mon regard,
très sainct père, vous me ferez, s'il vous plaisi, ceste grûce
de croire que j'estimeray tousjours à grand heur, quand les
occasions se présenteront, que j'auroy moyen de faire aucun
service qui vous puisse estre agréable' ».
Bientôt même, abandonnant les intérêts véritables de
l'État pour les siens propres, Montmorency en arrive à dé-
sirer cette alliance avec la papauté qu'il n'a fait jusque-là
que subir.
Grand courtisan bien plus encore que grand ministre,
Anne de Montmorency en effet cherchait plus dans le gou-
vernement les moyens de développer sa propre fortune que
celle de l'Etat; ce soldat parvenu, qui avait accumulé entre
ses mains les plus hautes charges du royaume, rêvait
maintenant de faire de sa famille une sorte de tribu puis-
sante, dont il serait le patriarche et dont l'influence dans
l'Etat serait capable de contrebalancer victorieusement l'in-
fluence de la puissante maison de Lorraine. Déjà il a poussé
aux plus hautes fonctions ses fds et ses neveux : maintenant
il veut rapprocher sa famille de la maison royale et, d'accord
avec Henri II, il s'est arrangé pour que son fils aîné épouse
une fille de France, Madame la bâtarde".
Mais il a compté sans son fils qui déjà a échangé de solen-
nelles promesses de mariage avec une jeune fille qu'il aime,
Jeanne de Halluin, demoiselle de Piennes. Il faut à tout
prix faire rompre ce mariage; après avoir essuyé les vio-
lentes colères de son' père, le plus grand « rabroueur » du
xvi^ siècle, au dire de Brantôme, François se soumet et part
pour Rome, afin d'obtenir du pape l'annulation de ses pro-
messes de mariage avec la demoiselle de Piennes.
Pour que Paul IV seconde ses projets, Anne de Montmo-
rency est donc amené à se rapprocher du Saint-Siège plus
étroitement qu'il ne l'a faitjusqu'à présent et à seconder plus
activement les projets de Garafa en Italie.
Quelle fut dans cette crise diplomatique, si préjudiciable
d. B. N., fr. 3146, f" 21, cité par Fr. Décrue, op. cit., p. 191.
2. Diane de France, fille nalurelle de Henri et d'une Piémonlaise,
Philippa Luc.
580 ÉTUDES HISTORIQUES
aux intérêts et à l'honneur même de la France, l'attitude de
Gaspard de Coligny qui avait été le plus actif négociateur de
la trêve de Vaucelles et le principal agent de la paix?
Les documents que nous avons entre les mains nous per-
mettent d'affirmer que son attitude fut semblable à celle
d'Anne de Montmorency mais que, si son évolution fut iden-
tique à celle de son oncle, les motifs mêmes de cette évolu-
tion sont tout à fait différents.
Et tout d'abord il n'est pas douteux que Coligny n'ait res-
senti et même marqué à la Cour quelque dépit lorsqu'il a vu
abandonner si légèrement la politique de paix dont il s'était
constitué le champion : son biographe, François Hotman,
nous l'affirme : « par ce conseil de ceux de Guise la trêve
qui peu de mois auparavant avait été jurée, fut violée au
grand déshonneur de la nation française et regret de l'Admi-
rai à cause d'une telle perfidie, dont il ne se pouvoit lasser
de dire que ces événemens estoient tousjours funestes et
Dieu vengeur indubitable et en tous siècles des parjure-
mens* ».
Ce témoignage nous paraît confirmé par un document con-
temporain : le 26 août 1556, à la suite de la décision royale
qui le privait de son gouvernement de l'Ile-de-France donné
au fils de Montmorency, Gaspard de Coligny adressait à son
oncle une longue lettre, écrite moins d'ailleurs pour protester
contre la décision royale que pour s'y soumettre. A la bien
scruter, cette lettre contient aussi des allusions à une attitude
d'opposition qu'aurait prise Coligny, vraisemblablement après
l'abandon des négociations avec l'Espagne, et à un refroidis-
sement qui s'en serait suivi dans ses relations avec Henri II".
A la cour, lors de son dernier voyage, Coligny n'a eu du
i. F. Hotman, Mémoires de Messire Gaspar de Colligny, seigneur de
Châtillon, admirai de France, Irad. fr., 1575, pp. 13 et 14.
2. Éd. par Delaborde, Coligny-, t. I", pp. 225 et ss. A propos de celte
lettre et des motifs qui l'ont inspirée, on voit que nous adoptons une
opinion intermédiaire entre celles du vicomte Delaborde et de M. Francis
Décrue. 11 n'est pas douteux, comme le pense celui-ci, qu'elle ait été écrite
avant tout au sujet de la décision royale du 17 août 1556, qui privait Coli-
gny de son gouvernement de l'Ile-de-France. Mais il est bien certain
aussi qu'il y est fait des allusions à ce refroidissement des relations entre
ÉTUDES HISTORIQUES 581
roi « ny gratieuse parolle ny autre démonstralion pour la-
quelle, dil-11, ny moy, ny les aultres hommes puissions juger
que le roy aie contentement de moy ». Malgré tout, « estimant
trop plus sa bonne grâce et avoir bon visage de luy que les
biens de ce monde », sachant « bien aussy que ce n'est pas
raison qu'après avoir tenté tous les moiens honestes et rai-
sonnables que l'on importune les maistres quy veulent estre
servis à leurs oppinions et non point, ajoute-t-il, à la nostre »,
il se « despouillera » de son opinion personnelle.
Ainsi, comme son oncle, Gaspard de Coligny se soumet :
il acceptera la nouvelle orientation de la politique du gouver-
nement, et revenu dans son commandement de Picardie, il
s'appliquera avec zèle à mettre en état de défense les places
de la frontière du nord, puisque maintenant il faut craindre
une reprise des hostilités avec l'Espagne : mais, s'il se soumet,
ce n'est pas, comme Montmorency, par intérêt, c'est parce
qu'il considère que le premier devoir d'un bon citoyen est
d'obéir à la volonté royale : « ... Je me résouldré, déclare-
t-il dans sa lettre, de servir le roy ainssy et au lieu qui luy
plaist où j'emploiré toutes mes forces pour le bien servir tant
du corps que des biens, pour le moins sera-ce de tout mon
pouvoir et fidellement, estimant à grand heur et honneur
qu'il aye eu pour agréable sy peu de service que je luy ay
faict jusques icy ».
Anne de Montmorency n'avait dans le cœur que la gloire
de sa famille; Coligny n'a dans le sien « que la gloire de
l'État ».
Retiré en sa maison de Châtillon où il demeure « troys
l'amiral et Henri 1 1 , déterminé par l'attitude de Coligny vis-à-vis de l'alliance
pontificale dont nous parlons plus haut.
Nous ne saurions non plus admettre Thypothcse du vicomte Delaborde
(op. cit., pp. 221 et 222) qui, se basant sur le seul texte d'Hotman, imagine
toute une scène qui se serait déroulée en Conseil du Roi : là Coligny pre-
nant la parole se serait vigoureusement opposé à toute reprise des hosti-
lités et aurait tenu tète à la faction des Guises. Ni le texte d'Hotman ni
les allusions contenues dans la lettre du 26 août ne sauraient nous per-
mettre d'aller aussi loin. Et, d'autre part, nous ne pensons pas qu'encore
à cette époque, Coligny eût une position assez prépondérante à la Cour
pour s'opposer ainsi aux Guises eux-mêmes. — Cf. aussi Erich Marcks,
Gaspard von Coligny, 1892, pp. 84 et ss.
582 ÉTUDES HISTORIQUES
moys, sans en bouger* », l'amiral est encore considéré
comme le représentant naturel du parti de la paix; et c'est à
lui qu'on songe quand, à la fin du mois de septembre, on
parle d'une reprise des négociations avec l'Espagne^.
Pourtant, quelques mois après, comme son oncle, il va
être amené par diverses pressions de son entourage et par
l'attitude pleine d'habileté du séduisant cardinal Carafa à
témoigner officiellement de son attachement à la politique
pontificale et de son dévouement aux intérêts du Saint-Siège.
Une lettre du 18 novembre 1556, adressée à Carafa et con-
servée avec d'autres lettres des Chàtillon à la Bibliothèque
Barberini de Rome, contient en effet une protestation très nette
de fidélité politique à l'égard du Saint-Siège : « de ma part,
écrit-il, le prendray tousjours à grand honneur et faveur de faire
chose qui y serve et soit agréable à Sa Saincteté et profitable
à son Siège et dignité, comme je seray aussy ayse de servir
et faire le semblable pour vous et ce qui vous touchera^ ».
On peut essayer de dégager quelques-unes des causes qui
ont amené Coligny à ce dernier terme de son évolution vis-
à-vis de l'alliance pontificale.
C'est tout d'abord l'influence de son frère, Odet, cardinal
de Chàtillon : très ambitieux et moins scrupuleux que Gas-
pard, celui-ci qui, s'il n'écoutait que ses goûts d'artiste et de
lettré, irait volontiers sans doute du côté des idées nou-
velles*, reste encore tout à fait acquis par intérêt à la cause
de l'église romaine : il vient de publier dans son diocèse de
Beauvais des Constitutions synodales où il recommande aux
curés et autres agents ecclésiastiques de prendre bien garde
que le « poison de l'hérésie » ne s'infiltre parmi les fidèles^.
1. Lettre de l'ambassadeur Simon Renard à Philippe II, 6 sept. 1556.
Papiers d'État du card. Granvelle, t. IV^ p. 686.
2. S. Renard à Philippe II, 27 sept. 1Ô56. Ibid., p. 720.
3. Lettre III.
4. Dès 1551 un Anglais le soupçonne d'être déjà acquis au protestan-
tisme ; « Cardinal Chastillion, as I hear, is a great aider of Lutherians ».
Tytler, Engîand iinder Edward VI and Mary, I, 420, cit. par Erich
Marcks, op. cit., p. 90, n. 2.
5. « Summa cura invigilent decani et curati ne virus hœreseos in eorum
gregem serpat » (Constitutions synodales de i554, cit. dans la France
prot., 2" éd., t. IV, c. 153).
ÉTUDES HISTORIQUES 583
Un an plus tard, avec les cardinaux de Bourbon et de Guise,
il va ôtre mis à la tête de l'inquisition catholique qui sera-
organisée en France ^
A la cour, le cardinal de Châtillon s'emploie activement en
faveur de la politique pontificale : c'est lui qui dans sa corres-
pondance renseigne Carafa sur les dispositions de ses frères
et de Montmorency vis-à-vis du Saint-Siège^ Il est tout-à-
fait légitime de supposer que, dans une mesure que nous ne
pouvons malheureusement pas apprécier, son action a dû
s'exercer sur son frère.
D'autre part, le cardinal Carafa, de retour en Italie, ne
néglige rien qui puisse lui concilier l'appui de l'Amiral. Fran-
çois de Coligny, sieur d'Andelot, sorti de sa prison de Milan
et rentré en France au début de juillet, a encore des difficul-
tés avec les Espagnols au sujet de sa rançon. Très habile-
ment, Carafa prend en main la cause d'Andelot et avec la plus
grande activité s'occupe d'aplanir toutes les difficultés : il
envoie au camp de l'ennemi et fait si bien que, grâce à lui,
cette question ne tarde pas à être réglée.
Enfin, par une dernière habileté, il n'hésite pas à s'adresser
à Coligny lui-même, et au mois d'octobre il lui écrit pour le
sonder sur ses intentions : à ses protestations de dévoue-
ment, à ses démonstrations de « bonne volonté et amytié »,
surtout après son attitude dans l'affaire de la rançon de son
frère, que peut alors Coligny sinon répondre qu'il n'est point
l'adversaire irréductible de la politique d'union avec le Saint-
Siège, et qu'en bon serviteur de l'Étal, il emploiera désormais
toute son activité et tout son zèle au triomphe de cette poli-
tique qui est maintenant celle de son gouvernement?
Ce serait en tout cas une grave erreur de voir dans la
lettre de Coligny au cardinal autre chose qu'une démonstra-
tion de pure politique, et de vouloir en tirer une preuve que
1. France protestante, ibid., c. loi.
2. Lettre II : « Quant à ce que vous me ramenlevez par vostre dite
lettre, je vous prie, Monsieur, croire que je sçauray estre aggréable à Sa
S'^ et à V"' S'° R"'^ et n'obmestray rien pour son service et contentement
tant envers le Roy que à l'enclroict de Monsieur le Conneslaljle, lequel je
vous asseure ne se monstre moins dévot et aflectionné à S. S'° que sçau-
roit estre l'un de nous. »
584 ÉTUDES HISTORIQUES
l'amiral à cette époque restait encore loul-à-fait dévoué à la
religion catholique.
La plupart des historiens ne font dater en effet que de
l'année 1558 la conversion de Coligny au protestantisme*;
nous pensons au contraire avec son récent biographe,
M. Erich Marcks, que bien avant cette date, travaillé de diffé-
rents côtés et pour diverses causes qu'on n'a pas pu déter-
miner très exactement, il était déjà secrètement acquis à la
religion nouvelle^. Et c'est dans une des lettres qu'il adressa
à Garafa lui-même et que nous publions ci-après que nous
pensons en trouver une preuve^.
Répondant à Garafa qui vient de lui envoyer encore une
fois les protestations les plus vibrantes d'amitié, Goligny,
puisque le cardinal se met si chaudement à sa disposition,
lui demande de s'employer auprès du pape pour obtenir de
celui-ci la permission qu'un religieux jacobin de son entou-
rage, Pierre Marcatel, puisse changer son vêtement de moine
« qui n'est guères convenable parmy gens de guerre », en
celui de prêtre séculier.
1. Delaborde, op cit., pp. 315, 316.
2. Marcks {Coligny, op. cit., pp. 88 et ss.) s'efforce de serrer la question
de la date de la conversion de plus près qu'on ne l'avait fait jusqu'alors;
par une critique ingénieuse des textes il en arrive à placer l'adhésion de
Coligny à la Réforme (d'ailleurs d'une façon très approximative et sans
vouloir en cette question si délicate se prononcer d'une manière absolue)
dans les derniers mois de 1556. Il remarque en effet, d'une part, qu'avant
cette date les documents s'accordent pour nous le représenter comme
accomplissant tous les actes d'un bon catholique : au mois de mars 1556
encore, il va entendre à Bruxelles la messe aux côtés de Philippe II, et,
à la même date, paraît éprouver quelques scrupules à manger chair en
carême, bien qu'ayant, pour cause de maladie, obtenu une dispense du
pape.
En juillet 1556, Andelot, converti au protestantisme pendant sa longue
captivité de Milan, rejoint son frère l'Amiral. Celui-ci, à moitié disgracié,
s'éloigne de la Cour pour se retirer dans sa retraite de Chàtillon. 11 y
reçoit une ambassade de protestants genevois qui vont partir pour évan-
géliser et coloniser le Brésil et entre en rapports avec Genève.
Dès lors les documents nous le désignent comme devant appartenir à
la religion réformée : c'est une lettre de Th. de Bèze d'avril 1557 qui
nous dit qu'il est acquis à la cause huguenote; ce sont aussi les expres-
sions mêmes de deux lettres de Coligny envoyées à la même date à sa
tante de la Hochepot dont le style paraît bien être d'un disciple de Calvin.
3. Lettre V.
DOCUMENTS 585
Or nous trouvons plus tard, parmi les protestants réfugiés
à Lausanne un Pierre Mercalel désigné comme « ministre
de la parole de Dieu* ». Faut-il identifier ce Pierre Mercatel
avec le Pierre Marcalel de la lettre de Goligny ? Nous n'hési-
tons pas à le faire; et nous pensons que ce a religieulx de
l'ordre des jacobins,... homme de bonnes lettres, nourry de-
puis longtemps » par l'amiral à ses côtés et bientôt pasteur,
était en réalité dès 1557, sous sa robe de moine, comme le
chapelain de Goligny et qu'il a dû exercer sur le développe-
ment religieux du futur champion des libertés protestantes,
une action dont nous n'avons malheureusement pas actuel-
lement les moyens d'apprécier toute la portée-.
H. Patry.
Documents
I. — 15.56, 28 septembre. Paris. — Le cardinal de Chdtillon
au cardinal Carlo Carafa.
Monsieur, j'ay receu la lettre qu'il vous a pieu m'escrire du XIIP
de ce mois et me déplaist bien grandement de ce que vous avez
1. Liste de protestants réfugiés à Lausanne en date du 26 juillet 1569.
— Cf. Bull., XXI, p. 29. — Sans doute il faut identifier ce Mercatel cité
dans la liste de 4569, avec le ministre d'Anserville et de Montataire qui
avait épousé Guillemette d'Aurigny et était mort dès [^12 (Autobiogra-
phie de Pierre Du Moulin, éd. Bull., VII, p. 173).
2. Il n'est pas douteux non plus qu'il faille identifier notre Pierre
Marcatel avec un religieux qui « aux guerres de Picardie... preschoit la
vérité soubs son habit », et dont les prédications convertirent en parti-
culier Jean de Pas-Feuquières, premier mari de Charlotte Arbaleste,
depuis femme de Duplessis-Mornay. Le jeune Feuquières, comme on
l'appelait alors, servait à cette époque avec le grade de maréchal de
camp sous les ordres de Coligny {France protestante, {"éd., t. VIII, p. 150).
Mme Duplessis-Mornay, qui nous rapporte ce fait dans ses mémoires
(Mémoires de Madame Duplessis-Mornay, éd. par Mme de Witt. — Soc.
de l'Hist. de France, 2 vol. in-8°, 1868, t. I, p. 51), fait de ce moine un
cordelier, tandis que la lettre de Coligny le désigne comme étant un
augustin. Mais, étant donné la distance des événements à laquelle écri-
vait Mme de Mornay (elle signe la préface de ses mémoires en 1595), il est
légitime de penser qu'elle a pu faire une erreur sur l'ordre auquel appar-
tenait notre prédicant.
586 DOCUMENTS
trouvé les affaires de par-delà en si fâcheux terme*. Toutesfoys
j'espère, au plaisir de Dieu, avec le bon ordre que vous y sçavez
bien donner de voslre part et celuy que le roy y mettra de la sienne
pour satisfaire à Sa Saincteté, que bien tost les choses seront réduites
en meilleur estât.
Au demourant, Monsieur, je ne veulx faillir de vous remercier
humblement de la bonne souvenance qu'il vous a pieu avoir de
l'affaire que je vous avoie recommandé, concernant la ranson de
M"" d'Andelot, mon frère; et puisqu'ainsy est que, à l'occasion de
l'ouverture de la guerre, vous n'avez la commodité d'en traicter de
bouche avec le s'' Luys de La Marc, je vous prie, Monsieur, de vou-
loir entendre de Monsieur de Lansac, ung moyen que je luy mande
par lequel, il me semble, vous pourrez communiquer de cesle affaire
avec le s' de La Marc, et si le trouvez bon, faire tant pour nous, que
de le mettre en avant.
Sur ce, me recommendant bien humblement à vostre bonne
grâce, je prieray le Créateur qu'il vous doint, Monsieur, très bonne
et longue vye.
De Paris, ce XXVIIP de septembre 1556.
Vostre humble serviteur,
Le GARD. DE ChASTILLON.
[Au dos :] Monsieur R"' Monsieur le cardinal Carafe.
IL — 1556, 15 novembre, Saint- Germain-en-Laye. — Le cardinal
de Châtillon an cardinal Carafa.
Monsieur, j'ay receu puis trois jours la lettre que vous m'avez
escripte du XXVI* du passé, faisan mention d'une précédente du
XXI IP, laquelle toutesfois je n'ay encores receue; et ne veulx faillir
à vous remercier bien humblement de la bonne souvenance qu'il
vous a pieu avoir de l'affaire que je vous avoys recommandé de
M"^ d'Andelot, mon frère, et du soing que vous avez pris d'envoyer
au camp de l'ennemy vers le s' de La Marc pour la composition de
sa taille, ainsy que me l'a mandé M' de Lansac, dont j'attends la
response à grant dévotion, vous asseurant, Monsieur, que je me
répute grandement tenu à vous du bon office qu'il vous plaist en
i. Quand Carafa arriva à Rome, déjà le duc d'Albe s'était emparé des
places des États de Colonna : Anagni était tombé entre ses mains le
16 septemlM-e : on pouvait craindre qu'il menaçât Rome d'un moment à
l'autre. (Cf. Duruy, Le cardinal Carafa.)
DOCUMENTS 587
cela faire pour l'amour de moy et des myens, et ne veulx faillir de
m'en ressentir là où j'auray le moyen de le recongnoistre.
Quant à ce que vous me ramentevez par vostre dite lettre, je vous
prie, Monsieur, croire que je sçauray estre aggréable à S. S'* et à
yre gie j^me q^ n'obmestray rien pour son service et contentement,
tant envers le roy que à l'endroit de M' le Connestable, lequel je
vous asseure, ne se monstre moins dévot et affectionné à tout ce
qui touche à S. S'* que sçauroit estre l'un de nous.
Sur ce, je prieray le Créateur, me recommandant bien humble-
ment à vostre bonne grâce, vous doint, Monsieur, très bonne et
longue vye.
De Saint-Germain-en-Laye, ce XV= novembre 1556.
Vostre humble ser/iteur.
Le GARD. DK ChASTILLON.
[Au dos :] Monsieur R™% Monsieur le cardinal Carafe.
III. — 1556, 18 novembre, Paris. — CoUgny à Carafa.
Monsieur, j'ay naguères receu la lettre que vous m'avez scrite le
XXVI« du mois passé qui fut après l'arrivée du sieur de Sainct-
Ferme à vous, par lequel vous eustes certain advis de la délibéra-
tion du roy sur le secours qu'il veult et entend prester à l'église
selon sa bonté et clémence accoustumée, dont chacun ne peult
qu'il ne se resjouisse grandement et de ma part le prendray tous-
jours à grand honneur et faveur de faire chose qui y serve et soit
agréable à S. S'% et profitable à son siège et dignité, comme je seray
aussy ayse de servir et faire le semblable pour vous et ce qui vous
touchera.
Jà vous manderois des nouvelles de deçà, mais il m'est advis que
ce ne seroit que redite : les principalles viennent de vostre costé; le
reste, Monsieur, vous le sçavez par les dépesches qui vous sont en-
volées de jour à autre, tellement qu'il n'y a plus que les miennes qui
ont esté depuis ung moys assez fâcheuses, aiant quasi tousjours gardé
la chambre. Maintenant je me porte aussy bien que le feis jamais.
Je ne veulx pas faire fin sans vous remercier bien fort de ce qu'il
vous a pieu faire pour la ranson de M' d'Andelot, mon frère, devers
Loys de La Marc, à l'endroit duquel Monsieur de Lanssac m'a
mandé que vous faictes si bon office que j'attends bien tost en avoir
quelque responce, vous priant. Monsieur, avoir ce faict pour recom-
mandé d'autant que vous sçavez qu'il nous touche.
Et en cest endroit, aprèz m'estre humblement recommandé à
588 DOCUMENTS
vostre bonne grâce, je supplieray le Créateur vous donner, Mon-
sieur, en santé, très bonne et longue vie.
Escript de Paris, le XVIIP jour de novembre 1556.
Vostre humble serviteur et amy, Chastillon.
[Au dos :] Monsieur, Monsieur le cardinal Caraffe, à Rome.
IV. — 1557, 27 avril. Paris. — D'Andelot au cardinal Carafa.
Monsieur, sachant de quelle affection il vous a pieu vous employer
en ce qui s'est présenté en vostre endroit déppendant de ma liberté
mesmement pour le regard de dom Loys de La Marc, je ne vueil
faillir de bien humblement vous mercyer de tant de peine que en
avez prise, vous suppliant d'adviser où pour récompense j'auray
moyen de vous faire service, estant asseuré que où il vous plaira
me commander vous me trouverez toujours prest à venir obéyr et
de bien bon cueur, ne voullant cependant oublier à vous dire. Mon-
sieur, comme à la fin tous les différendz entre M' le cardinal de
Trente, le s"" comte de Sainct-Séverin et moy, ont esté vuydéz
et accordez par le roy d'Espagne, de l'ordonnance duquel en a
esté dressé ung contract qui depuys a esté ratiffié par nous tous,
et affin que ledit de La Marc soit adverty du contenu en icelluy,
j'en envoyé présentement un double à M' de Selve, le priant de
luy faire entendre; la substance d'icelluy est que je doibz mettre
es mains dud. sieur de Saint-Séverin quatorze mil escuz tant pour
satisfaction de ma ranson que se rembourser de VT V* 11, payez
par ses pleiges de Ferrare, à quoy j'ay satisfaict pour le moings
ledit s' cardinal de Trente pour moy, de façon que aujourd'huy je
me puys dire quicte de ma taille sans qu'il m'en puisse plus estre
riens demandé de quelque endroict que ce soit.
Monsieur, je me recommande très humblement à vostre bonne
grâce et prye Dieu vous donner en très bonne santé et longue vie.
De Paris, ce XXVII» jour d'avril 1557.
Vostre bien obéissant serviteur, Andelot.
[Au dos :] Monsieur, Monsieur le cardinal Caraffe.
V. — 1557, 17 juillet. — Coligny à Carafa.
Monsieur, j'ay receu une lettre qu'il vous a pieu m'escripre derni,
rement par M. le Mareschal Scrosse* qui arriva à la cour cinq ou
\. Strozzi.
DOCUMENTS 589
six jours après que j'en estois party, retournant d'un petit voiaige
que je y venois de faire, et ay esté fort marry de ne le y avoir veu
pour entendre plus particulièrement de voz nouvelles et aussi que
je vous ay peu faire response par luy, n'aiant esté adverty de son
partement. Combien que je ne vous eusse rien script que ce que je
pourray faire à ceste heure, et croy que vous m'excuserez bien se je
n'en vous mande beaucoup de nouvelles, car vous sçavez que je ne
suis pas souvent à la court, et d'autre part qu'il ne s'est encores faict
icy grande chose pour en pouvoir scripre dont il me déplaist, et que
je n'en ay plus de moyen, ne voullant faillir cependant à vous remer-
cier bien humblement de la bonne volonté et amytié que vous me
démonstrés, dont je me tiens si asseuré qu'il ne sera jamais que ne
me trouverez prest à vous faire tout le service à moy possible.
Et pour ce, Monsieur, qu'il vous plaist me faire ceste offre de vous
emploier pour moy en choses qui s'offriront là où vous avez bon
pouvoir, je sais présente maintenant une où vous avez bon moien,
'pour laquelle je vous prierais voluntiers : c'est d'un religieulx de
l'ordre des Jacobins que j'ay nourry jusques icy depuis long temps,
homme de bonnes lettres, et que je désirerois pour ceste cause bien
voluntiers tenir ordinairement auprès de moy si ce n'estoit son
habit qui n'est guères convenable parmy gens de guerre comme vous
sçavez. Je vous supplie, Monsieur, de vouloir, pour l'amour de moy,
faire requeste à Sa Saincteté qu'elle luy veuille donner permission de
changer ledit habit et qu'il luy plaise si accommoder en ma faveur.
Et si elle en est contante en faire donner ladite permission né-
cessaire audit religieulx qui se nomme Piere Marcatel, à ceulx qui
en feront de par moy la solicitation par delà, tant envers vous que
aultre et en qui elle deppendra, et vous me ferez ung fort grant
plaisir.
Sur quoy me recommande bien humblement à vostre dite bonne
grâce; je supplieray le Créateur vous donner, Monsieur, en santé,
très bonne et longue vye. D'Abbeville, le XVII" jour de juillet
1557.
[Autogr :] M"", ce que je désirerois pour ledit religieulx c'est qu'il
peust changer son habit et se vestir en prestre séculier, dont je vous
supply encores une fois. Vostre humble serviteur et amy.
Chastillo.n.
[Au dos :J Monsieur, Monsieur le Cardinal Caraffc.
590 DOCUMENTS
DIDIER ROUSSEAU ET SA FEMME
« Le registre du Conseil de Genève, au moment (1555) où
Didier Rousseau fut admis à la bourgeoisie, et quelques actes
notariés de dates voisines, le désignent comme libraire.
« Cette profession ne fut pas longtemps la sienne, et bien-
tôt, laissant le commerce des livres, continuant celui du vin,
il y joignit le métier d'aubergiste. »
Voilà ce que je disais dans le Bulletin (année 1893, page 284).
J'ai vu depuis que notre Didier, vingt ans après 1555, achetait
encore des livres pour les revendre. Mais on le surveillait de
près, on n'admettait pas qu'il fît des affaires trop avantageuses
aux dépens déjeunes étudiants : c'est ce qui ressort des do-
cuments qui suivent. Le premier est bien mal rédigé :
Registre du Consistoire, jeudi 6 décembre 1576.
Didier Rousseau, chargé d'havoir acheptépour huict florins d'ung
escolier plusieurs livres, comme ung Calepin, épistres de Cicéron,
et plusieurs aultres.qui vallent beaucoupt plus : a respondu qu'il
l'achepta, et ce fut d'ung AUemant; confesse aussi qu'il yavoytdeux
ou Iroys chemises ; et dict qu'il a tout vendu, excepté le Calepin,
lequel pourl'havoir vendu, s'est offert d'en faire venir ung de Lyon.
Appelé Abraham Lefer, estant appelé pour enhavoir faictaultant,
a confessé que se tenant chez M. Sarrazin, a confessé en havoir
aussi vendu au dit Rousseau, luy disant qu'il estoyt de delà Stras-
bourg, où il s'en voulloyt aller : en quoy il afailly, car il est de deçà
Strasbourg, comme il confesse; c'est le mesme que dessus.
Advis, d'aullant qu'il a achepté ces livres de la valleur de 20 ff.
pour 8 ff., et 3 chemises pour 18 solz, de le renvoyer à Messieurs,
qui sont priez d'y pourveoir, puisqu'il ne l'a reprins ni rédargué,
mais luy a baillé asenliment pour son profit, ayant achepté à vil prix.
Après, il a confessé luy avoir faict payement en un escu, le reste
en monoye. A esté rapporté qu'il est fort légier, estant encor es
mains de M. Pinault.
Registre du Conseil, lundi 10 décembre 1576.
Didier Rousseau, renvoie du Consistoire pour avoir acheté du
fîlz de Mons* Lefert un Cicéron, ung Calepin, et aultres livres, avec
DOCUMENTS' 591
trois chemises appartenant tant à luyqu'àung Alleman,encor qu'elles
valussent beaucoup davantage.
A esté arresté que bonnes remontrances luy en soient faicles
pour ce coup.
Dans le même article (page 292) je disais qu'à partir de 1590,
nous perdions la trace de Mie Miège, qui était à ce moment
veuve de trois maris, le premier desc[uels avait été Didier
Rousseau. — Aujourd'hui, nous sommes en mesure de la
suivre jusqu'à sa mort.
Le 3 février 1594, elle épousa son cjuatrième mari, Claude
Jovenon, maître tanneur, veuf lui-même, et qui comme elle
avait de son premier mariage un fils du nom de Jean. Claude
Jovenon était fils de feu Charles Jovenon, d'Anisy (Aisne) et
fut reçu bourgeois de Genève le 9 juillet 1605.
Les fiançailles de Mie Miège avec Claude Jovenon, et l'en-
trée de son fils Jean Rousseau en apprentissage chez ce
maître tanneur, doivent avoir eu lieu à peu près en même
temps ; et l'un de ces deux événements de famille a été sans
doute la cause ou l'occasion de l'autre : c'est une conjecture
vraisemblable; mais nous ne pouvons pas la préciser davan-
tage, et dire : C'est en cherchant un patron pour son fils, que
Mie Miège a trouvé un époux; — ou bien, inversement: C'est
le nouveau mari de Mie Miège qui a fait entrer dans son ate-
lier le fils de son épouse.
Jean Rousseau se maria le 28 juin 1601 avec une jeune
veuve, Elisabeth Bluel; mais ses comptes de tutelle ne furent
réglés que longtemps plus tard, et après la mort de Claude
Jovenon, par un acte du 21 juillet 1615 (Etienne I" De Mon-
thoux, notaire, XXIX, 395) que je vais analyser.
Quittance mutuelle.
Jean Rousseau, fils de feu Didier, maître tanneur, citoyen de
Genève, héritier du dit Didier son père, a reçu de Jean Jovenon, fils
de feu Claude, aussi maître tanneur, bourgeois de Genève, héritier
du dit Claude son père : bon, entier et légitime compte, paiement et
satisfaction, avec prestation de reliquat, de tout le régime, gouver-
nement et administration, que son dit feu père a eu des biens d'icelui
Jean Rousseau, conjointement avec Mie Miège, veuve de Claude
592 DOCUMENTS
Jovenon, mère de Jean Rousseau; et ce, de tout le temps passé
jusques à l'heure présente : à forme des comptes sur ce rendus par
devant Spectable Etienne Girard et Pierre Thiballi, arbitres du dit
Rousseau; Noble Paul Cambiago et Égrège Joseph Blonde!, arbitres
du dit Jovenon..., ensuite du compromis pris entre elles {les parties)
et les dits arbitres, en date du 19 juillet 1614.
Et réciproquement, Jean Jovenon confesse avoir reçu de Jean
Rousseau plein paiement de toutes peines et vacations, mises et
livrées, que feu Claude Jovenon son père pourrait avoir faites
comme cotuteur d'icelui Jovenon (lapsus calami du notaire; lisez :
d'icelui Rousseau).
Le tout néammoins sans préjudice de ce qui pourrait être dû au
dit Jovenon par la dite Mie Miège : qu'il pourra répéter* contre elle
en temps et lieu, comme il verra à faire par raison.
L'acte est signé par Jean Rousseau; Jean Jovenon, qui ne
savait pas écrire, a dû se contenter d'y apposer sa marque.
L'apaisement du litige n'avait pas été facile, puisqu'il avait
fallu y faire intervenir quatre hommes de loi : deux avocats,
Cambiago et Girard; un notaire, Blondel; et un simple prati-
cien, Thiballi. Toujours est-il qu'ils surent faire droit; il faut
admettre que l'équité dicta leur sentence arbitrale, puisqu'elle
ne laissa point d'aigreur entre les parties. Nous retrouvons
en effet, vingt ans après, Jean Jovenon et Jean Rousseau
amicalement unis, comme au temps de leurs jeunes années,
alors qu'ils étaient camarades d'atelier. Le 2 décembre 1636,
atteint d'une maladie mortelle qui l'emporta cinq jours après,
Jean Jovenon fait son testament : il y choisit pour tuteur de
quelques-uns de ses enfants « honorable Jean Rousseau, son
compère et bon ami, lequel il supplie humblement vouloir
accepter la dite charge ».
Il ne nous reste plus qu'à reproduire et commenter un
article du registre des morts : 26 décembre 1629, [Mie] Miège,
vefve de Claude Jovenon, taneur, hab., aagée de 88 ans,
morte d'infirmité de vieillesse, à 9 heures du soir; leur
demeure en la rue droite qui va au temple de St. Gervaix.
Claude Jovenon, nous Pavons dit, avait été reçu bour-
geois : c'est à tort que le registre le qualifie habitant. — Le
1. C'est-à-dire réclamer.
DOCUMENTS 593
registre donne 88 ans à Mie Miège : ce qui placerait sa nais-
sance en 1541. Nous n'avons aucune donnée qui nous per-
mette de vérifier cela; mais nous savons que le registre des
morts mérite peu de confiance quant à Tàge des personnes
décédées (cp. Galiffe, Notices généalogiques sur les familles
genevoises, VII, G.) en sorte que ce que je disais de Mie Miège
à cet égard {Bulletin, année 1893, page 292) me paraît tou-
jours vraisemblable. Quand un de ses maris venait à mourir,
Mie Miège ne restait jamais longtemps libre; je ne crois pas
qu'elle ait dû atteindre jusqu'à 28 ans pour ses premières
noces; je crois que sa naissance a été plus voisine de 1550
que de 1540.
Eugène Ritter.
UN COMPTE D'APOTHICAIRE DU TEMPS DE MOLIÈRE
AUX DÉPENS DE
M, A. DE PHELIPOT, pasteur a Sainte-Foy-la-Grande
Si les archives du château de Goulard (près Sainte-Foy)
renferment, à côté de beaucoup de papiers d'affaires, quel-
ques documents intimes qui révèlent le côté poignant de la
vie de nos pères, on y trouve aussi des mémoires plus
récréatifs. Nous dédions à notre savant collègue, M. Paul de
Félice le compte ci-après, qui, bien qu'ayant subi les injures
du temps, n'a cependant rien perdu de sa saveur.
Partie pour Monsieur de Phelipot, ministre du 5' Évangile
faict par Brun, m" app" de 5'^ Foj^.
Monsieur de Phelipot doibt pour luy du 23« Juin 1661 i.t. s.
suivant lord'" de Mons"" Danglade* 5 onc. miel Rosal pour
dissoudre deux clistères détersif 1 OO
Plus 3 onc. succre Rosat 0 15
Plus un Julep somnifère et rafrechissant 1 10
A reporter 3 05
i. Ce praticien était à son aise. Il avait aux Bournets (paroisse de
Pineuiih) une terre et un moulin pour lesquels il payait 24 1. t. 17 sous
6 deniers de taille,
LI. — 41
594 DOCUMENTS
l.t. s.
Report 3 05
Plus une phiolle syrop de limons pesant 5 onc. le tout
apporté a Brayac * 1 10
Du 20 d'aoust un clislère composé avec calholicon fin,
miel Rosat et aut. apporté à Brayac 1 10
Du 21 une saignée faicte aud' lieu à luy maime 1 00
Du 22... un clislère donné en ville composé avec catho-
licon fin, miel Rosal et aut 1 00
Dud'joursuivaniradvisdeM''Dangladeunesaignéeaubras. 0 10
Plus une phiolle syrop de limons contenant 5 onc 110
Du 25 dud' mois un clislère réitéré comme dessus 1 00
Du 26 suivant lord-^" de M' Danglade une méd°° composée
avec senne casse thamarins syrop de chicorée composé et aut. 2 10
Plus suivant lamesme ord°° une bouteille d'un pot foman-
tation composée avec herbes emolientes et poudres des trois
santeurs (?) et aut. pour luy fomanter les hypocondres. ... 2 00
Plus une seignée au pied 0 16
Du 29 son clislère composé de mesme que dessus 1 00
Du 30* dud' une bouteille fomantation réitérée 2 00
Dud* Jour un clislère réitéré 1 00
Plus une phiolle huilledelys etcamomillecontenantSonc. 1 05
Du 2 octobre un clislère composé avec calholicon fin et aut. 1 00
Plus laplication de 4 sansues au dos 1 10
Du 3" suivant l'advis de M"" Danglade une plysane Royalle
pour prandre pendant deux matins composée avec senne
casse thamarins crème de tartre syrop magistral et aut.. . . 2 10
Du 4 dud' une phiolle syrop violai pesant 5 onc. pour
uzer avec la plysane 2 00
Du 6» dud' 6 paquelz crème de tartre pour uzer avec ses
bouillons Rafrechissants 1 00
Du 12 dud' un clislère composé comme dessus 1 00
Du 15 une médecine composée avec senne syrop magis-
tral et aut 2 10
Du 16 douze onc. succre Rosal pour uzer avec le laict... 1 10
Du 22' suivant lord" son clislère réitéré 1 00
Du 24 dud' suivant ladvis de M"" Faure^ et Danglade la
continuation de ses fomant. Réitérées comme dessus 2 00
A reporter 37 16
\. Propriété située à environ 3 kilomètres à l'est de Sainte-Foy.
2. Élie Faure, conseiller, médecin ordinaire du Roy.
DOCUMENTS 595
l.t. s.
Report 37 16
Du 28* dud' 2onc. et demie syrop magistral pour le purger
avec le bouillon 1 10
Du 29 ses fomanlations composées comme dessus 2 00
Du dernier dud' mois son clistère Réitéré 1 00
Plus une once six drachmes Eau de canelle 1 00
Du 2° 9^''^ suivant ladvis de messieurs Faure et Danglade
son clistère composé avec calholic. fin et aut 1 00
Plus du 5 son clistère comme dessus 1 00
Du 6« 2 onc. et demie syrop magistral pour le purger avec
ses bouillons Rafrechissantz 2 00
Dud' Jour suivant lord"" de Messieurs Faure et Danglade
une bouteille d'un pot fomantation Réitérée 2 00
Du Tsuivantlord'^'desdilz médecins deux prinsesJuleps pec-
loralz hépaticques un pour prendre le soir et l'autre le matin. 3 00
Dud' Jour un clistère composé comme dessus 1 00
Plus un Uniment pour luy oindre lorifice de lestomach
composé avec huille de muscade et de mastich le tout sui-
vant lord" de Messieurs Faure et Danglade 1 00
Du Sun clistère composé comme dessus 1 00
Du 9 son clistère réitéré 1 00
Du 12 une médecine composée suivant l'advis desditz
Messieurs Faure et Danglade 2 10
Du 14 un clistère composé comme dessus 1 00
Plus une prinse confection alkemes pour uzer avec son
bouillon 0 15
Du 15 son clistère réitéré et composé comme dessus. ... 1 00
Du 16 une phiolle syrop de capp" contenant 5 onces. ... 1 10
Plus un pot fomantation réitérée comme dessus. 2 00
Du 18 suivant lord'" deux prinses Juleps réitérées 4 00
Du 19 2 onc. syrop magistral pour uzer comme dessus. 1 00
Du 20 2 onc. Eau de canelle 1 04
Plus deux Ib fomantation Réitérées comme dessus 1 00
Plus un Uniment pour luy oindre l'hypocondre senestre
composé avec huille de tamarris et huille de cappres 1 10
Dud' Jour son clistère Réitéré . 1 00
Du 21 une once confection alkemes pour luy faire uzer
avec ses bouillons 3 00
Dud' Jour son clistère Réitéré 1 00
A reporter- 78 15
596 DOCUMENTS
l.t. s.
Report 78 15
Plus une phiolle huille de camomille pour luy oindre les
rains conten* 4 onc 1 00
Plus un Epilhème solide et cordial composé suiv' lord"
desditz médecins avec confection dhyacinthe thériaque et
alkemes huille de muscade et de mastich et aut 4 00
Plus selon ladvis desditz médecins un Julep réitéré 2 00
Du 22 un clistère Réitéré comme dessus avec 2 onc. Eau
benediclî pour dissoudre dans sondict lavement 1 10
Plus un Epithème pesant 3 onc. composé avec huille de
muscade et de mastich et Eau comme dessus 1 10
Du 23 une once confection alkemes pour prandre ordi-
nairem» pour son bouillon 3 00
Plus 2 onc. Eau de canelle 1 4
Du mesme soir un aut. clistère fort composé 1 00
Plus 3 onc. syrop de capp'* donné a la prinsesse* 0 15
Plus sur le soir apporté une phiolle syrop de cappre pour
prandre la nuict selon ladvis de mons' Faure pesant 4 onc. 1 4
Du 24 suivant ladvis de monsieur Faure son clistère
composé avec benedich catholicon fin et aut 2 10
Plus une phiolle syrop de capp" pesant 4 onc 1 04
Plus son Epithème composé comme dessus pesant 3 onc. 1 10
grand Emplastre avec oxicroceum et melilotto
pour luy ouvrir tout le ventre 1 0
Du 5 donné Marie sa servante une phiolle syrop de capp"
conten' 5 onc 1 10
Du 26 son clistère comme dessus avec Eau ° 1 10
Plus demy once confection alkemes pour uzer avec le
bouillon 1 10
Du 27 suivant lord" desditz médecins une médecine com-
posée avec senne et Rhubarbe syrop purgatif et aut 2 0
Dud' Jour sa phiolle syrop pesant 5 onc 1 10
Du 28' une aut. phiolle syrop Réitéré donné à la servante. 1 10
Du 29 un clistère composé avec catholicon fin et aut 1 00
Du 30 une [phiolle] Julep pectoral 1 10
Plus deux onc. huille damande douces tiré sans feu 0 16
Du premier X^'^^ 1661 une phiolle syrop violât 5 onc 2 00
A reporter 116 18
1. Sic.
2. Lacune dans le texte.
DOCUMENTS 597
l.t. S.
Report 116 18
Plus deux onc. huille damande douces 0 10
Du 2 son clistère Réitéré 1 00
Du 3° dud' mois deux onc. Eau de canelle 1 4
Du 4* 5 onc. syrop violai Et de capp" 1 10
Du 5 1 once Eau de canelle 0 12
Du 6* dud' 4 onc. syrop de capp""^ 1 4
Du 7 une once Eau de canelle 0 12
Plus une phiolle syrop de capp" Réitéré conten' 4 onces. 1 4
Vous demande des conclusions et baille devant vous monsieur
Le juge Royal de S" Foy ou M' vostre lieutenant La partie de
Apollos Brun M" app" deniand' contre M' Joseph Duvergier au nom
et comme curateur pourveu aux dettes raignantes de M' Arnaud
Phelipot ministre; dict quil qu'en ^ sa quallitté d'app". Il traitta
Led' M'* J' Phelipot depuis le mois de juin jusques au mois de
Xbre (Je l'année mil six cent soixante un auquel II fournit les drogues
necess'" en sa maladie comme vous prie de la juger partie a cette
cauze. Il conclud à ce que Duvergier aud' nom soit condemné à luy
payer la somme de cent vingt deux livres quinze sols^ en outre de
celle envers lui requise en deniers au dits dezpens a quoy conclud.
(Signé) Brun.
De la conclusion de celte pièce et des mentions portées au
dos d'icelle, il appert que rinfortuné Phelipot ne put résister
aux soins empressés que lui prodiguèrent, tant Messieurs Dan-
glade et Faure, docteurs en médecine, que maître Appollos
Brun, apothicaire à Sainte-Foy.
On ne saurait en être surpris*. Henry Leur.
1. Le total n'est pas indiqué ici. On le trouvera plus loin.
2. Sic.
3. On remarquera que, sauf erreur, le total est de 123 livres.
4. Je n'ai pas trouvé sur place de renseignements sur le pasteur Phe-
lipot. Sa famille était du pays, où elle occupait une situation honorable.
Un Jacques Phelipot est mentionné dans des actes notariés de 1605 et de
1610, où il est parfois accompagné d'un Jehan de Brayac. Ce dernier
payait 14 sous de taille à Sainte-P'oy en 1637, alors que Phelipot était taxé
à 7 livres; la même année, sur le rôle de la paroisse de Riocaud, figure
Jehanne Phellipot, damoiselle, qui possède aux Grands Sarrazins un l)icn
pour lequel elle paie 16 sous 1 denier, tandis qu'à Saintc-Foy, Margue-
rite Phellipot, damoiselle, est taxée 42 livres, et Jehan Phellipot, 1 sol seu-
598
DOCUMENTS
UN MINISTRE DE LA GUERRE ORTHODOXE
(1687)
Pierre de Condé, sieur de Vandières^, était un jeune gen-
tilhomme, appartenant au corps des Cadets de Longwy.
Quelques mois après la Révocation il essaya, comme tant
d'autres, de libérer sa conscience en sortant du royaume;
mais, comme tant d'autres aussi, il fut pris en chemin et
enfermé dans un couvent de Laon (décembre 1686)^. Il y ab-
jura, fut renvoyé dans sa garnison, et Seignelay fut chargé
de le recommander, par l'entremise de Louvois, à l'autorité
militaire. On savourera cette letlre, qui n'est pas unique dans
son genre. Quel beau temps que celui où un colonel recevait
pour mission de surveiller, moins la régularité de ses subor-
donnés dans le service que leur assistance à la messe !...
« Il y a quelques mois qu'il fut arresté dans la généralilé de Sois-
sons plusieurs nouveaux catholiques qui vouloient sortir du royaume,
entr'autres le s' de Vandières, qui est un jeune gentilhomme des
Cadets de Longwy, lequel, ayant esté bien instruit à Laon et parois-
sanl converty sincèrement (!) le roy a ordonné qu'il soit mis en
liberté pour se rendre à sa garnison, et Sa Majesté m'a commandé
de vous en donner advis, afin que vous preniez la peine, s. v. p.
d'escrire à son commandant de prendre de luy un soin particulier
et d'observer s"" il fera son devoir de catholique^ . »
Quand les dragons étaient missionnaires, les chefs de
corps pouvaient bien faire l'office de bedeaux.
P. F. B.
lement, le tout sans parler des impositions extraordinaires de l'année,
qui ont été beaucoup plus fortes. Enfin, en 1621,1625 et 1645, des procès nous
révèlent l'existence de Marie Phellipot, damoiselle, femme de maitre
Jacques Reclus, procureur du Roy. Ajoutons que très souvent, les mémoires
d'apothicaires étaient accompagnés de sommations de payer; telle, celle
adressée par Jean Barre à Jacques Reclus, le 18 novembre 1610, celle
d'Apollos Brun à Marie de Jaimont, damoiselle, en 1653 (il s'agit d'une
somme de 13 1. t. 17 s. t.), etc.
1. Haag. VIII, 14 n. — Bordier IV, 573.
2. Registres du Secrétariat (Arch. Nat. O^ 30. p. 395).
3. Lettre de Seignelay à Louvois, 8 février 1687 (Ibid. O* 31. p. 34). —
Nous devons la communication de cette lettre à Tobligeance de ^L le pas-
leur Et. Creissel.
Mélanges
COURT DE GÉBELIN FRANC-MAÇON
On parle beaucoup de nos jours de la franc-maçonnerie;
ses amis se réjouissent de l'œuvre excellente qu'elle accom-
plit; ses adversaires lui reprochent Tinfluence néfaste qu'elle
exerce sur les esprits. Elle a été d'une grande utilité dans le
passé quand ce ne serait que parce qu'elle a contribué à in-
troduire dans les mœurs l'idée de la tolérance; elle est en-
core utile à la société dans laquelle elle cherche à faire péné-
trer les idées de justice, de liberté, de vérité.
La franc-maçonnerie, qui a été introduite en France vers
1725, avait été fondée auparavant en Angleterre. Un des fon-
dateurs s'appelait Jean-Théophile Désaguliers et était fils
d'un pasteur réfugié dans ce pays.
Des hommes éminents s'y sont affiliés de tout temps. Il est
fort probable que Rabaut Saint-Étienne a fait partie de la
loge les Neuf-Sœurs, qui se trouvait à Paris et qui était la
plus célèbre de toutes celles de France. C'est ce que croit
Louis Amiable, auteur d'Une loge maçonnique d'avant 1789, à
laquelle nous allons emprunter tous les détails suivants.
Court de Gébelin, qui restait à Paris dans la rue Poupée-
Saint-André, a été affilié à cette loge des Neuf-Sœurs, comme
Voltaire, Louis XVI, Franklin, et y a tenu une grande place.
En s'affiliant à la franc-maçonnerie Court avait signé une
déclaration qui lui demandait d'observer les principes de la
morale, lui recommandait la bienfaisance, tout en le laissant
libre au sujet de ses convictions religieuses et philosophi-
ques. Il y coudoyait des abbés et des athées, des croyants et
des sceptiques. xNous comprenons maintenant qu'il ait pu
rester à Paris en ce temps-là sans être inquiété malgré son
hérésie : c'est qu'il avait de puissants amis comme savant et
comme franc-maçon.
Nous ne savons pas exactement à quelle époque il est
entré dans la loge des Neuf-Sœurs; mais ce fut avant le mois
de mai 1778 où il lut élu secrétaire de cette association. Une
600 MÉLANGES
société s'étant constHuée, le 17 novembre 1780, sous le nom
de Société Apollonienne, dans le but de répandre l'instruc-
tion en France, Court de Gébelin fut choisi comme président.
Parmi les membres de celte assemblée se trouvaient La
Dixmerie, Fontanes, Legrand de Laleu. Court était alors
membre de la Société économique de Berne et des acadé-
mies de La Rochelle, Dijon et Rouen. La publication de son
ouvrage sur le monde primitif lui permit de devenir censeur
royal. La Dixmerie, dans un mémoire, le met au quatrième
rang parmi les affdiés des Neuf-Sœurs, après Voltaire, Fran-
klin et Lalande. En 1780 l'Académie française lui accorda le
prix fondé par le comte de Valbelle et décerné pour la pre-
mière fois.
C'était un franc-maçon très zélé. Avant la fondation des
Neuf-Sœurs il faisait partie de la loge des Amis réunis. Là
« il avait été l'un des principaux fondateurs du régime ou
rite des Philalèthes, ou chercheurs de la vérité, établi au sein
de cet atelier, régime qui eut un rôle important dans la franc-
maçonnerie de l'époque et dont l'influence s'étendit même
en dehors du territoire français ». En 1777 il fit, en sept
leçons, un « Cours des allégories les plus vraisemblables des
grades maçonniques ». Il ouvrit la séance inaugurale de la
Société Apollonienne le 23 novembre par un discours « sur la
nécessité où est l'homme de vivre en société ». Cette société
académique continua à se réunir, sous la présidence de
Court, tous les jeudis pendant l'année 1781, a pour lire des
pièces de vers et de prose, quelquefois aussi des morceaux
scientifiques ». Parfois cette réunion se terminait par un con-
cert. En 1782 elle avait changé de nom; elle s'appelait Musée
de Paris et avait des réunions le premier jeudi de chaque
mois, grâce à Court et à Tabbé Cordier de Saint-Firmin, qui
taisait tous ses efforts pour recruter de nouveaux membres
et des spectateurs. En juillet 1783, pendant une grave mala-
die, il se vit enlever la présidence; mais il parvint à faire
renouveler ses pouvoirs dans une autre élection et fit pro-
noncer l'exclusion de celui qui s'était fait nommer à sa place,
un nommé Cailhava, ainsi que ses partisans, au nombre de
douze environ. Il était devenu Pami et l'hôte du docteur
MÉLANGES 601
Mesmer, auquel il devait la guérison de sa maladie. A cette
occasion il avait publié une apologie du magnélisme animal
sous forme de lettre aux souscripteurs du Monde primitif .
Court mourut le 10 mai 1784. Sa mémoire fut honorée par
de nombreux témoignages de regret et d'admiration. Ques-
nay de Saint-Germain, conseiller à la Cour des Aides, pro-
nonça au Musée de Paris un discours pour faire son éloge.
Rabaut Sainl-Élicnne adressa à la même assemblée une
lettre dans laquelle il parlait de la vie et des écrits de son
coreligionnaire. Son ami, le comte d'Albon, qui lui avait
donné la sépulture dans son parc de Franconville, publia
Tannée suivante un éloge plus développé sur ce distingué
littérateur. En 1789 ses amis firent paraître un ouvrage de
lui : Devoirs du prince et des citoyens. En 1820 un poète
franc-maçon. Guerrier de Dumast, rappela ses mérites dans
les notes de son poème, La Maçonnerie. Enfin Besuchet en
1829 « lui a consacré une ample notice, tout à la fois émue et
admirative ».
Les adversaires de Court, dont nous avons parlé plus haut,
s'étaient affiliés à une autre association. Après sa mort ils
revinrent au Musée de Paris. On décida de fêter leur rentrée
par un concert donné le 17 décembre 1785. dans lequel on
rendrait hommage aux vertus de Court de Gébelin. « Le
morceau funèbre fut une cantate à quatre voix, qui se ter-
minait ainsi :
Sous le poids du chagrin, le malheureux succombe :
Tu n'es plus, cher objet d'amour et de douleurs;
Gébelin ! Gébelin ! la pierre d'une tombe
Renferme ton corps et nos cœurs. »
Tels sont les faits peu connus de la vie du fils d'Antoine
Court, qui m'ont paru devoir être consignés dans le Bulletin
pour servir à un travail plus complet sur ce célèbre protes-
tant, détails pouvant d'ailleurs éclairer certains actes ou
paroles, qui sans cela risqueraient de ne pas être bien
compris.
A. Atger.
602 SÉANCES DU COMITÉ
SÉANCES DU COMITE
13 77iai 1902.
Assistent à la séance, sous la présidence du baron F. de Schickler,
MM. G. Bonet-Maury, Th. Dufour, P. de Féiice, A. Lods, F. Puaux,
A. Réville, R. Reuss et N. Weiss.
Après la lecture et l'adoption du procès-verbal de la dernière
séance, le président demande au Comité d'indiquer une série de
noms destinés à combler les vides qui se sont produits dans le
nombre de nos membres actifs et honoraires. L'accord se fait sur
les noms qui suivent : Comité, MM. Théophile Dufour, Gabriel
Monod et John Viénot. Membres honoraires : MM. E. Comba, en
Italie; E. Strœhlin et D' Egli, en Suisse; H. Guyot, en Hollande;
et en France, MM. H. Dannreuther, A. Dupin de Saint- André et
E. Hugues. — Le comité approuve ensuite la manière dont a été
fait le travail d'inscription des noms huguenots à la Bibliothèque
et décide de compléter la plaque où sont inscrits ceux des dona-
teurs. — Puis il prend connaissance des informations que lui donne
la commission chargée de l'organisation de l'exposition rétrospec-
tive. Cette commission a naturellement essuyé quelques refus, mais
rencontré par contre beaucoup de bienveillance chez la plupart
des collectionneurs dont le concours a été sollicité; leurs noms
seront inscrits avec reconnaissance sur nos étiquettes explicatives
et sur le catalogue des objets exposés qu'on tâchera de conserver.
Bibiiotitèque. — Elle a reçu de la baronne de Neuflize plusieurs
volumes, dont Discours de la prinse de l'isle de Rhé par le seigneur
du Landreau, Et de Vincroiable et subite reprinse par le secours
envoie de la Rochelle, — imprimé nouvellement, 1575; — Harangue
superlative de maistre Josse de la Forge, cordonnier et réformateur
évangélique aux Ministres de France, 1622; — Cantique de victoire
par lequel on peut remarquer la vengence, que Dieu a prise dessus
ceux qui vouloient ruyner son Église et la France, k Paris pour Ro-
bert le Magnier, 1569;— Panégyrique de VHenolicon, par Honoré
de Laurens, 1588; — Les justes raisons que les protestants de France
ont eues de se réunir à l'Église romaine, sous le règne de Louis le
Grand. Par M. Forestier, cy devant ministre... Paris, 1687. — M. de
Schickler remet une plaquette de Jacob Cappel, son Catéchisme
confirmatif de nostre confession de foy en français et en grec,
SÉANCES DU COMITÉ 603
Sedan, Jannon, 1G2I. — M'" Read a envoyé Les Émaux de Petitot
du musée impérial du Louvre^ gravés au burin par L. Ceroni et
publiés avec texte explicatif, et notice de M. Bordier, par Blaisot,
en 3 vol. in-4°, 1862.
M juin 1902.
Assistent à la séance, sous la présidence du baron F. de Schickler,
MM. G. Bonet-Maury, Th. Dufour, Paul de Félice, Armand Lods,
William Martin, John Viénot et N. Weiss. MM. Gabriel Monod et
R. Reuss, ce dernier victime d'un accident, heureusement peu
grave, se font excuser.
Après la lecture et l'adoption du procès-verbal de la dernière
séance, le président remarque que la Société commence son deuxième
cinquantenaire sous d'heureux auspices, les fêtes et l'exposition par
lesquels elle a terminé le premier cycle ayant parfaitement réussi.
L'exposition a eu près de 1,900 visiteurs et en aurait eu bien plus
si elle était restée ouverte plus longtemps et si nous y avions convié,
non seulement nos coreligionnaires, mais aussi le grand public. Elle
n'en a pas moins contribué à faire connaître notre œuvre et à lui
assurer de nouvelles sympathies. Ainsi le conseil presbytéral de
Bougon (Deux-Sèvres) vient de nous annoncer par l'intermédiaire
de son pasteur M. Eynard, qu'il nous offre la chaire du Désert qui
a été tant remarquée, M. Chatoney nous a envoyé un lotde gravures
dont un dessin de Laffitte sur l'exode des victimes de la Révocation ;
Mme Laferme nous a remis un dessin de David d'Angers pour sa
statue de Palissy, Mme Assegond, une lettre de Florian à Claris,
M. Dietz V Alphabet, peut-être composé par Calvin, et dont on se
servait de son temps au Ban de la Roche. Enfin le président lui-
même, a donné l'assiette de Palissy qu'il avait exposée. Le secré-
taire annonce que la plupart des objets prêtés sont actuellement
entre les mains de leurs propriétaires et que jusqu'ici l'exposition
n'a à son actif ni une erreur grave ni une seule détérioration. — Ce
qui sera long à établir ce sera le Bulletin destiné à conserver le
souvenir de ce cinquantenaire. Il devra être largement illustré et
renfermer non seulement le texte des conférences et allocutions di-
verses, mais encore un catalogue aussi détaillé cjue possible; une
simple énumération des objets exposés ne donnerait, en effet, qu'une
idée fort insuffisante de l'intérêt qu'ils pouvaient présenter.
itihiiotiièqne. — M. Bonet-Maury présente une intéressante bro-
chure allemande d'un ancien élève de la Faculté de théologie pro-
601 SÉANCES DU COMITÉ
testante de Paris, M. P. Bruschweiler, sur VHistoire de VEglise
réformée de Moscou, de 1629 à 1901, d'après les archives de cette
Église et des Églises sœurs. M. Chaloney nous a remis aussi un
bel exemplaire du Théâtre de la cruauté des hérétiques, de 1588.
Avant de se séparer, le Comité apprend de la bouche de son pré-
sident la nouvelle du décès de M. H.Tollin, président de la Société
huguenote d'Allemagne. Ce décès survenu avant nos solennités
explique que cette Société n'ait pu répondre à notre invitation.
M. ToUin était bien connu de tous ceux qui étudient notre histoire
par ses ouvrages de premier ordre sur Servet et sur le Refuge en
Allemagne et plus particulièrement à Magdebourg.
8 juillet 1902.
Assistent à la séance, sous la présidence du baron F. de Schickler,
MM. G. Bonet-Maury, A. Lods, W. Martin, G. Monod et N. Weiss.
MM. P. de Félice, F. Puaux et John Viénot se font excuser et
M. J. Gaufrés écrit qu'il est malheureusement obligé de vivre loin
de Paris.
Après la lecture et l'adoption du procès-verbal de la dernière
séance, le président lit une touchante lettre par laquelle M. Ch.
Frossard exprime ses regrets d'être définitivement retenu loin de
Paris par une maladie qui ne lui permet plus guère que de se pré-
parer à mourir. Tous les membres présents se joignent aux senti-
ments de douloureuse sympathie que M. de Schickler exprime à
cette occasion et transmettra à notre collègue. — Puis il lit plu-
sieurs réponses de nos nouveaux membres honoraires aux lettres
qui leur annonçaient leur nomination, MM. H. Guyot, E. Hugues,
A. Dupin de Saint-André et D' Egli. M. Gabriel Monod signale
deux volumes qui remettent en question l'innocence de Calas que
le parlement de Toulouse n'aurait certes pas proclamée après le
célèbre procès en revision provoqué par Voltaire, s'il y avait eu la
moindre preuve de la culpabilité de celte célèbre victime. Ce sont
ceux de Massemonteil, La justice criminelle dans l'œuvre de Vol-
taire, et de Faguet sur les Idées politiques de Montesquieu, Rous-
seau et Voltaire.
Bibiiotbèqae. — M. le pasteur E. Nyegaard lui a envoyé l'unique
photographie qu'il possède et qui peut-être même existe, d'un por-
trait de Jeanne d'Albret conservé au château de Cheverny; —
M. Chatoney, outre ce qui a été cité dans le procès-verbal de la der-
CHRONIQUE LITTÉRAIRE 605
nière séance, plusieurs gravures et portraits; — M. le président,
une vue, par C. Chastiilon, du Temple neuf des Calvinistes en la
ville de Met^; — Mme Assegond, une curieuse lettre de M. de Flo-
rian à M. Claris, ministre au Désert, 8 janvier 1747, qui paraît avoir
appartenu à Rabaut de Saint-Étienne.
CHRONIQUE LITTERAIRE
0"^ Ernest Schaefer : Contribution à l'Histoire du Protestantisme
et de l'Inquisition espagnols au XVI^ siècle *.
Sous ce litre trop modeste, l'auteur, qui est privat-docent à l'Uni-
versité de Rostock, vient de publier un ouvrage capital sur l'his-
toire de la Réformation en Espagne. Je dis « capital » parce que
c'est le premier savant étranger à la Péninsule qui se soit donné la
peine d'explorer et d'étudier, avec une vraie patience de bénédic-
tin, les documents de l'Inquisition conservés aux Archives de Ma-
drid, de Simancas et dans les bibliothèques Nationale, particulière
du Roi et de l'Académie historique de Madrid. Il a fait mieux
encore; il a transcrit avec le plus grand soin les pièces d'archives,
concernant les procès des protestants ou des suspects de protes-
tantisme à Barcelone, Tolède, Seville, Valladolid, etc., et les a
publiés en espagnol dans le second et le troisième volume.
Nous ne pouvons songer à analyser ces derniers; il nous suffira
de signaler les pièces les plus intéressantes.
On trouvera dans le troisième volume les documents concer-
nant l'Église de Valladolid, entr'autres la lettre adressée par
Fernand de Valdès, archevêque de Séville et Grand-Inquisi-
teur, au pape Paul IV (Caraffa) du 9 septembre 1558. Le pré-
lat informe « avec douleur et humiliation » le souverain pontife
que l'on a découvert récemment plusieurs foyers d'hérésie dans
le royaume très catholique, entr'autres : au couvent des Hiéro-
nymites de Saint-Isidore à Séville et dans cette ville même,
puis à Valladolid, Salamanca, Logrono, Palencia, Zamora. Il fait
remonter ce mouvement hérétique jusqu'aux Alumbrados, ou mys-
tiques de Guadalaxara, et, plus papiste que le pape, reproche au
1. Beitrdge ^ur Geschichte des spanischen Protestantismus und der
Inqnisition. Gûtersloh. 1902.3 voLin-S^de xvi-'i58-426 et 868 p. in-8°, index.
606 CHRONIQUE LITTÉRAIRE
Sainl-Père d'avoir donné à certains prélats et moines la permission
de lire des traités luthériens. Le même volume renferme les dépo-
sitions des témoins protestants de Vailadolid, dans le procès intenté
contre B. Carranza, l'un des successeurs de Valdès à l'archevêché
de Tolède. Ce dernier n'échappa que par des déclarations équi-
voques aux rigueurs de l'Inquisition. Ces témoignages sont du plus
haut intérêt, ainsi que le résumé du procès contre Juan Morales
(1546-1549).
On trouve, dans le deuxième volume, les actes des tribunaux de
l'Inquisition à Barcelone, Logrono, Valence, Saragosse, Grenade,
Tolède, et les documents relatifs à l'Église protestante de Séville.
Nous y avons remarqué la rétractation du D' Egidio ou J. Gil, le
principal promoteur de la Réforme à Séville, un long procès in-
tenté à un prêtre de Cagliari, Sigismond Arquer, et tout particuliè-
rement une lettre de don Francis de Alava (1563 à 1571), ambassa-
deur de Philippe II en France, adressée au roi d'Espagne et lui
signalant « Mme de Vendôme et le docteur Saporta, grand héré-
tique de Montpellier, comme introduisant en cathette des livres
protestants en Catalogne^ par la voie de Perpignan et de Barce-
lone » (19 déc. 1564).
Après avoir rendu compte des deux derniers volumes, qui ren-
ferment les sources de l'histoire du Protestantisme espagnol,
venons-en au premier. C'est là que l'auteur a consigné les résultats
de ses investigations et ses conclusions sur les questions que sou-
lève cette histoire même.
La première partie est consacrée à l'élude de l'Inquisition Espa-
gnole nouvelle. On a, en effet, trop souvent confondu celle-ci avec
Vancienne Inquisition, instituée contre les Albigeois et confiée aux
Dominicains. La nouvelle fut organisée par le pape Sixte IV (Bulle
du V' nov. 1478), à la requête du cardinal Pedro Gonzalès de Men-
doza, pour combattre les nouveaux convertis, d'origine juive ou
moresque, qui, n'ayant pris du christianisme que le masque, conti-
nuaient en secret les pratiques de leur culte originel. Tandis que
l'ancienne Inquisition avait pour chef suprême le pape et pour
agents les évêques et les Dominicains, la nouvelle avait à sa tête un
Grand-Inquisiteur, nommé .à vie par le roi d'Espagne, confirmé
par le pape, et qui jouait le rôle d'accusateur public. Il était assisté
d'un conseil suprême {Consejo de la Santa gênerai Inquisicion) sié-
geant à Madrid et composé de cinq ou six membres ecclésiastiques
et de deux consulteurs ou membres laïques, pris dans le Conseil
royal de Castille. Le Grand-Inquisiteur avait sous ses ordres treize
CHRONIQUE LITTERAIRE 607
tribunaux de province, neuf en Castilie et quatre en Aragon, qui
agissaient de concert avec les évêques de ces treize localités.
Le D' Schâfer, s'en tenant aux procès-verbaux des Inquisiteurs et
écartant les plaintes des inculpés, prétend qu'il faut bien en ra-
battre des descriptions des prisons et des tortures faites par Monta-
nus et par Llorente et soutient que ces prisons étaient de vrais
palais, les chambres spacieuses et meublées, les prisonniers bien
nourris, la procédure régulière. D'ailleurs, dit-il, on a beaucoup
exagéré le chiffre des victimes; sur 2,100 inculpés d'hérésie, pen-
dant un demi-siècle, il n'y en aurait eu que 340 condamnés à mort :
220 exécutés réellement et 120 en efllgie.
« La torture n'était appliquée, dit-il, que lorsque les déclarations
de l'inculpé étaient incertaines ou équivoques. Les peines princi-
pales étaient au nombre de trois : 1" la relaxatio ad bracchiiim
seculare, c'est-à-dire la mort par le feu; 2° la i-econciliatio cum Ec-
clesia : auto-da-fé, pénitence, et port du « san benito » ; 3° Wib-
juratio. Elles étaient accompagnées de peines accessoires, telles
que flagellation, dégradation, amende et confiscation des biens au
profit de la Couronne. Le Conseil accordait souvent, au bout de
quelques années, des commutations ou réductions de peine. L'au-
teur conclut que, « si la procédure de l'Inquisition espagnole offre,
dans quelques-unes de ses parties, des moyens arbitraires, si la
torture et la peine du feu nous paraissent trop rigoureuses, elles
répondaient bien à l'esprit brutal du xvi" siècle. En somme, les
interrogatoires témoignent du désir sincère des Inquisiteurs de
savoir la vérité et de procéder justement vis-à-vis des inculpés ».
Ce plaidoyer pour la réhabilitation de l'Inquisition espagnole ne
nous a pas convaincu; car il n'en reste pas moins vrai que l'espion-
nage et la délation, imposés comme un devoir de conscience aux
fidèles sous peine d'excommunication, l'usage même des aveux faits
aux confesseurs pour l'instruction judiciaire étaient encouragés par
des primes de foute espèce et cela seul suffirait à flétrir les procé-
dés de ces tribunaux d'exception.
L'auteur ne nous paraît pas avoir mieux résolu l'autre question,
proposée dans sa deuxième partie : « Y a-t-il eu des Églises protes-
tantes en Espagne? Comment la Réforme s'y est-elle propagée? »
Le D' Schâfer refuse le nom de « protestant espagnol » : 1° aux
nombreux étrangers, ouvriers ou marins, colporteurs ou mar-
chands, qui résidaient en Espagne au xvi* siècle et professaient les
doctrines évangcliques; 2° aux Espagnols libres-penseurs, qui se
bornaient à railler le clergé et les rites catholiques; 3° aux Espa-
608 CHRONIQUE LITTÉRAIRE
gnols humanistes, tels qu'Antonio de Lebrixa, qui furent suspects
d'hérésie parce qu'ils étudiaient la Bible dans les textes originaux.
Il est bien évident qu'après celte triple élimination des gens qui ont
eu affaire à l'Inquisition, il ne reste qu'une poignée d'Espagnols
« pur sang » à qui l'auteur réserve le litre de protestants et il con-
clut en ces termes : « Sauf les Églises de Valladolid et de Séville et
quelques individualités isolées telles que le D' Sancho Ostaros et
don Gaspar de Centillas, le protestantisme n'a eu aucun foyer en
Espagne ».
Il n'y aurait eu, de 1550 à 1600, que 400 auto-de-fé, sur lesquels
325 concernent les Espagnols. Ajoutez-y la cinquantaine de mem-
bres de l'Église de Valladolid et les 126 de l'Église de Séville, cela
ferait environ 500 Protestants en tout. Voilà, dit-il, qui est bien loin
de justifier les assertions des historiens protestants Mac-Grie, Pressel
et en dernier lieu Th. Fliedner. Et alors, se fondant exclusivement
sur les pièces d'Archives qu'il a trouvées et sur les dires de Me-
nendez Pelayo et autres historiens espagnols catholiques, le
D' Schâfer s'approprie cette thèse de Maurenbrecher : « Gette poi-
gnée de Protestants, qui parurent en Espagne dans les dernières
années du règne de Charles-Quint et les premières de Philippe II,
furent bientôt extirpés, sans laisser de traces, par la rigueur des
rois d'Espagne et des autorités ecclésiastiques. Leur apparition est
un événement tout à fait isolé, qui n'a aucun rapport avec le mou-
vement intellectuel de l'Espagne, n'a eu aucune influence sur le dé-
veloppement de la nation et aucune suite durable* «.
Qu'aurait dit le bon M. Rosseuw-Saint-Hilaire, l'auteur de la plus
complète Histoire d'Espagne que nous ayons en français? Qu'au-
rait dit le zélé pasteur Th. Fliedner, qui avait consacré trente ans
de sa vie à évangéliser l'Espagne, en lisant ces lignes? Je me figure
qu'ils eussent bondi d'indignation et protesté. Ce n'est pas le mo-
ment de réfuter en détail une thèse aussi radicale. Je présenterai
seulement les premières objections qui me viennent à l'esprit.
Si le mouvement protestant en Espagne avait été aussi maigre et
aussi superficiel que le dit M. Schâfer, d'où vient que Sa Majesté
très-catholique, assistée du pape, ait déployé tant de forces et tendu
tous les ressorts de cette machine effroyable de l'Inquisition pour
écraser une poignée d'hommes? Quelques pouvoirs de plus donnés
aux évêques eussent suffi. Qu'on lise la lettre du vieil empereur
1. Studien iind Ski:^:{en :{ur Geschichte der Reformation. Leipzig, 1874,
page 3.
CHRONIQUE LITTÉRAIRE 009
Charles-Quint, retiré à San-Yuste, à la régente Jeanne et les deux
bulles de Paul IV, en réponse au cri d'alarme poussé par le Grand-
Inquisiteur F. Vaklès, et l'on verra f|u'il s'agissait de tout autre
chose que d'un feu de paille.
Le mouvement protestant, comme l'a fort bien vu l'archevêque de
Tolède, remontait aux Alutnbrados et au vieux levain albigeois et
vaudois, qui était resté en Cerdagne et Catalogne. De plus, nulle
part la découverte de l'Amérique et l'invention de l'imprimerie
n'avaient produit une renaissance littéraire plus sérieuse qu'en
Espagne. Il y eut dans les universités de Salamanque, de Séville,
de Valladolid, d'Alcala, de Henares un véritable réveil des études
bibliques et orientales : l'influence d'Erasme y fut considérable et y
suscita de nombreux disciples : Antonio de Lebrixa, L. Vives,
Pierre Martyr d'Anghiera, etc. Il eût été étonnant, étant donné le
caractère plus réfléchi, la tournure d'esprit plus mystique et cheva-
leresque des Espagnols en comparaison des Italiens, que ce mou-
vement fût resté à mi-chemin et n'eût pas été poussé jusqu'à la révi-
sion des dogmes catholiques.
La propagation des idées de Luther fut faite d'abord par les théo-
logiens de l'entourage de Charles-Quint, voire par des seigneurs
de sa cour, qui, pendant les fréquents séjours de l'Empereur en
Allemagne, entrèrent en rapport avec les docteurs protestants;
puis l'importation des traités d'Alphonse Valdez, de Juan Perez
et autres Espagnols réfugiés sur le continent, fit le reste. Et ce
qu'il y a de remarquable, c'est que ce fut surtout dans les rangs
du haut clergé que la Réforme recruta ses plus nombreux adhé-
rents. De là les doctrines évangéliques se propagèrent dans les
couvents et parmi la noblesse. Deux autres causes de propagande,
que le D'' Schâfer n'a pas assez mises en relief, furent la contrebande
de Bibles, importées soit par Anvers, soit par le Béarn et la Na-
varre, soit par Marseille et Barcelone, et l'influence des nombreux
Français protestants, établis ou voyageant en Espagne. Nous n'avons
pas relevé moins de fnille sei^e noms d'inculpés Français, traduits
devant les treize Inquisitions de province. Ceux de Tolède for-
maient une véritable Église réformée.
D'ailleurs, l'auteur n'a pas assez tenu compte des documents
autres que ceux qu'on retrouve dans les Archives de l'Inquisition :
beaucoup de procès-verbaux ont disparu, et, d'ailleurs, il y a les
témoignages des Espagnols réfugiés en Suisse ou aux Pays-Bas,
qui attestent la généralité du mouvement réformateur à ses débuts.
Ce rapide aperçu suffira pour justifier l'assertion d'Ilescas et
LI. — V2
610 CHRONIQUE LITTÉRAIRE
de Paranno, deux historiens bons catholiques, que j'incline à
admettre : « Tous les prisonniers de l'Inquisition à Séville, Tolède,
Valladolid étaient des personnes de qualité. Leur nombre était
si grand que, si l'on eût lardé deux ou trois mois de plus, toute
l'Espagne eût été en flammes. — Si l'Inquisition n'avait pas arrêté
leurs prédications, la religion protestante eût parcouru l'Espagne
comme un incendie, car les gens de toute condition y étaient
merveilleusement disposés. »
G. Bonet-Maury.
Correspondance de Catherine de Médicis, t. VIII.
« Le volume que nous annonçons apporte des documents nou-
veaux, et quelques-uns fort importants, sur trois événements du règne
de Henri III : l'expédition de Strozzi aux Açores et la défaite de la
flotte française par les Espagnols; l'entreprise du duc d'Anjou aux
Pays-Bas, son échec à Anvers, son retour en France et sa mort; les
débuts de la Ligue, les préparatifs d'une prise d'armes générale des
catholiques, la capitulation de la royauté par ce qu'on a appelé le
traité de Nemours, et le retrait de toutes les libertés accordées par
les édits aux protestants. »
C'est en ces termes que M. Baguenault de Puchesse présente au
public le tome VIII de la ( correspondance de Catherine de Médicis*.
Ce volume comprend les lettres des années 1582 à 1585.
Ceux qui s'intéressent spécialement à l'histoire du protestantisme
y trouveront de nombreux documents sur la période si intéressante
et si mouvementée des débuts de la Ligue. La mort du duc d'Anjou
(10 juin 1584), ouvrait la succession au trône, le roi, en dépit de ses
nombreux pèlerinages, n'ayant plus de chances d'avoir un héritier.
A sa mort, la couronne de France allait donc revenir à Henri, roi
de Navarre, c'est-à-dire à un protestant. En vain Catherine de Mé-
dicis essaya-t-elle de décider Henri à l'abjuration. Le duc d'Eper-
non, envoyé en mission auprès de lui, échoua complètement.
C'est alors que les catholiques inquiets songèrent, sous la direc-
tion des Guises, à organiser une ligue qui s'opposerait à l'arrivée
au pouvoir de Henri de Navarre. Au mois de mars 1.585 a lieu la
première prise d'armes; le .31 mars, le cardinal de Bourbon en son
nom et en celui des confédérés, les ducs de Guise et de Mayenne,
le cardinal de Lorraine, le duc d'Aumale, le mar(|uis d'Elbeuf, etc.,
1. Paris, Imprimeiie nationale, 1901, in-V.
CHRONIQUE LITTÉRAIRE Gl 1
lance un manifeste où il reproche vivement à Henri III de laisser le
pouvoir entre les mains d'indignes favoris. Dès qu'il sent son pou-
voir menacé, Henri charge sa mère de négocier. Déjà celle-ci, sen-
tant venir le danger, n'avait pas attendu pour intervenir et avait
écrit à Guise et à Mayenne; puis elle-même, accompagnée d'un
nombreux cortège de négociateurs, s'était rendue à Epernay pour
s'aboucher avec les principaux ligueurs. Ses longues correspon-
dances, et aussi de nombreuses pièces diplomatiques (mémoires,
articles présentés par les ligueurs, réponses de lareine)que M. Ba-
guenault de Puchesse prend soin d'éditer en un très copieux appen-
dice (pp. 381 à 492), nous renseignent sur la marche des négo-
ciations.
C'est dans cette longue suite de documents qu'on peut voir de
près l'avidité de tous ces princes catholiques qui, mettant en avant
les intérêts de la foi romaine, ne veulent rien moins que créer à leur
profit et aux dépens de la France une « nouvelle féodalité ». « Pour
conserver l'unité de foi et en même temps la paix du royaume, on
réclame, comme l'ont fait tant de fois les Etats généraux, l'abolition
de tous les édits favorables aux protestants, l'obligation imposée
aux réfractaires soit de se convertir, soit de vendre leurs biens et
de sortir de France, l'interdiction par conséquent de tout culte
public ou privé qui ne serait pas la religion d'Etat. Mais, à côté de
cette revendication de principe, tous les petits intérêts personnels
se font jour, et chacun veut arracher à son profit, un lambeau du
pouvoir, une sécurité ou un avantage. C'est un égoïsme très mes-
quin, souvent à peine dissimulé sous l'apparence de préoccupations
plus hautes. » (Introd., p. xxv.)
Le roi, sans argent, sans soldats, est obligé de céder sur tous les
points. Catherine laisse Epernay le 20 juin; et après de nouvelles
conférences à Nemours avec le cardinal de Bourbon elle met, le
7 juillet, sa signature au bas du traité qui, promulgué le 18 juillet,
consacre la ruine de toutes les libertés accordées par les édits pré-
cédents aux réformés, tandis qu'il donne au duc de Guise les pou-
voirs militaires les plus étendus ; désormais, suivant le mot de l'Es-
toile, « le roi est à pied et la Ligue à cheval ».
Henri de Navarre proteste contre le traité de Nemours par le
manifeste du 2 août 1585. Dès lors la guerre civile ne va pas tarder à
commencer; c'est en vain que Catherine s'épuisera pendant les trois
dernières années de sa vie à vouloir réconcilier les partis.
Comme dans les volumes précédents, M. Baguenaultde Puchesse
a fait suivre ce tome VIII de la correspondance de Catherine de
612 CHRONIQUE LITTÉRAIRE.
plusieurs appendices, en particulier d'un itinéraire de Catherine de
Médicis de 1582 à 1585.
Des tables exactes — table chronologique des lettres de Cathe-
rine, — table des personnes à qui sont adressées les lettres de
Catherine, — ■ table des matières, — terminent ce volume si impor-
tant pour l'histoire des débuts de la Ligue.
H. Patrv.
à
Chroniques familiales (Tournier et Jordan).
Il vient de paraître deux ouvrages consacrés à deux familles hu-
guenotes, qui méritent plus qu'une simple mention. — Le premier
a été laborieusement compilé par M. Gaston Tournier, de Mazamet.
Il est intitulé Souvenirs de famille, notices biographiques, accompa-
gnées de généalogies, 1901, et se compose de trois volumes, les deux
premiers de 410 et 388 pages in-12 et le troisième de 25 planches
généalogiques grand in-4°. Ces dernières ont été imprimées sur
papier de Hollande à Mazamet; les deux volumes, également sur
papier de Hollande, sortent des presses genevoises bien connues
de J.-G. Fick auquel ont succédé Maurice Reymond et C.
Déjà cette simple nomenclature bibliographique donne une idée
respectable du labeur, de la patience, de l'esprit de recherche de
l'auteur, qui est parvenu à retrouver les traces de tous les descen-
dants de Guillaume Tournier, marchand au Pont de l'Arn, au
xvi* siècle. Mais il faut feuilleter ces volumes, regarder les innom-
brables planches hors texte dont ils sont ornés, depuis la vue de
l'ancienne maison du Pont de l'Arn, berceau de la famille, jusqu'à
celle de la filature du gué de l'Arn, qui date de 1898, en s'arrètant
aux jolis portraits représentant tant de bourgeois et bourgeoises
de cette famille de travailleurs, pour apprécier à sa juste valeur
toute la somme d'efforts' méticuleux que représente un pareil ou-
vrage. Non seulement tous les Tournier de cette région et tous
ceux ([ui leur furent apparentés le remercieront de les avoir fait
revivre dans ces souvenirs, mais tous ceux qu'intéresse l'histoire
encore imparfaitement connue de celte classe moyenne qui fut la
force et l'honneur du protestantisme dans notre pays, les consulte-
ront avec plaisir et avec fruit.
On peut en dire autant d'un bel in-quarto de 162 pages, plus un
tableau généalogique, également illustré de 24 planches hors texte.
Il a été consacré par un descendant de réfugiés, Gustav von Jordan,
aujourd'hui à Strasbourg, à ses ancêtres originaires de la vallée
i
CORRESPONDANCE 613
dauphinoise de Pragela. Parmi eux figure une suite presque inin-
terrompue de pasteurs depuis Guy Jordan qui desservit l'Église
de la Molte-Chalançon avant la Révocation jusqu'à Paul-Charles-
Albert Jordan qui mourut en 1867 pasteur de Marienthal en Pomé-
ranie. 11 y a là, comme bien on pense, une quantité considérable de
renseignements précis, surtout sur les familles du Refuge alle-
mand, rendus accessibles à tous, ainsi que ceux de la famille Tour-
nier, par un index très complet, renvoyant à un classement extrê-
mement précis et ingénieux ^
Des livres comme ceux-ci prouvent qu'il y a encore des bénédic-
tins parmi nous et que la vénération des pères n'est pas éteinte dans
le cœur de tous les enfants. Nous ne saurions faire mieux que de
proposer l'exemple ae MM. G. Tournier et G. von Jordan à tous
ceux qui pourraient s'en inspirer. 11 est temps encore de recueillir
les traces de beaucoup de ceux qui luttèrent avant nous pour la vie
matérielle et morale. Mais les plus anciennes de ces traces dispa-
raissent tous les jours et il n"est que temps de les sauver de l'oubli.
N. W.
CORRESPONDANCE
Parmi les Po«iitions de tbèses sontennes par les élèves de l'École
des Cbartes pour i»o9, nous remarquons celles de M. Augustin
Cochin sur Le Conseil et les Reformés, de 1652 à 1658.
Inscription bagaenoto. lianteis. — M. Paul de Berthou, dans un
Compte rendu d'une excursion au Château de Nantes {Bull, de la soc.
archéol. de Nantes, t. 42, 1001, p. 7), écrit :
« ...Dans l'épaisseur d'une fenêtre de la grosse tour des Jacobins,
<( des prisonniers huguenots ont gravé, vers la fin du xvi^ siècle,
« toute une série de petits temples grecs, assez habilement exécutés,
K tous du même type, avec colonnes et fronton triangulaire. Sur
« l'un d'eux l'on peut lire CALVINO. La salle où se trouve cette
« fenêtre serf de cuisine à la cantinière de la garnison du château... »
1. Chronik der Familie Jordan {Deutsche Buch itnd Kunstdruckerei, G.
m. b. H. Zossen, Berlin].
614 CORRESPONDANCE
Un de nos lecteurs de Nantes voudra peut-être, contrôler, photo-
graphier, ...et au besoin rectifier cette petite découverte.
H. D.
Quelques noms de pasteurs du XVIl" siècle. — Nous avons déjà
puisé divers renseignements dans les archives du château de Gou-
lard, près Sainte-Foy-la-Grande. Si l'on s'y trouve constamment en
société huguenote, néanmoins, il est rarement question de pasteurs.
Nous avons mentionné d'autre part Arnaud Phelipot. Cf. ci-dessus un
compte d'apothicaire du temps de Molière. Voici, en outre, « Fran-
çoise Hespérien, damoiselle, vefve de feu maistre Jean Constantin,
ministre de la ParoUe de Dieu quand vivoit » — je ne sais où ni
quand. Elle avait, près de Saint-André de Cabeauze, une propriété,
séparée de celle de Jean Vidal, bourgeois et marchand à Sainte-
Foy*, par un chemin où celui-ci prétendait avoir le droit de passer
« avecq beouf {sic) et charrette à pied et cheval », ce que lui con-
testait l'honorable veuve; d'où, procès le 14 novembre 1643.
Un peu plus tard, l'Église des Lèves (aujourd'hui des Bouhets,
hameau de cette commune où se trouve le temple) était desservie
par Etienne Rigaud. Le rôle des tailles pour 1667 nous apprend
qu'il possédait 13 journaux et quart de terres (un peu moins de six
hectares), pour lesquelles il payait 11 livres 6 sols. Elles étaient
plantées de vignes; en 1675, il vendit 50 pièces de vin, et encaissa
de ce chef 675 livres, somme assez rondelette pour l'époque. De
nombreux indices tendraient à faire supposer qu'à cette époque,
les habitants de la communauté des Lèves étaient en très grande
majorité, protestants. Le culte réformé se célébrait, dit-on, dans
l'église catholique ; je ne sais ce qu'il y a de vrai dans cette tradi-
tion, ni à quelle époque elle se rapporte. Il est certain, dans tous
les cas, qu'il y avait un curé aux Lèves à partir de 1672; rien ne peut
faire supposer que les registres paroissiaux, qui datent de celte
époque, n'aient pas été précédés d'autres registres, aujourd'hui
perdus. Il n'y a pas, aux archives de la commune des Lèves-Thou-
meyragues, de pièces relatives à l'Église protestante du lieu, et il ne
faut pas en être surpris.
Henry Lehr.
tm ancien cimetière protestant à St-André-et-Apelle. — Comme
son nom l'indique, la commune de St-André-et-Apelle (canton de
Ste-Foy-la-Grande) a été constituée par la réunion de deux anciennes
1. Et huguenot.
CORRESPONDANCE 615
paroisses. La mairie est à St-André; mais il y a deux églises et deux
cimetières. Comme celui de St-André était à côté de l'église, et
englobé, par conséquent, dans les habitations, il a été désaffecté,
et celui qu'on lui a substitué n'est autre que l'ancien cimetière pro-
testant, ainsi que le démontre clairement l'extrait suivant du registre
de « tennement des terres » * :
« La seconde prise du tennement du Malle consistant en maisons
et terre labourable dans lequel est un ancien cimetière servant au-
trefois pour ceux de la Religion prétendue réformée, confronte du
levant au chemin qui va de Chatarnaud à la Croix Guignarde, midy
à un autre chemin qui part du susd. et descend au Ralle passant
proche les maisons du Malle, couchant au chemin qui part du susd.
et va vers Léglise de S'-André, Nord à un autre chemin qui des-
cend du premier chemin, confronte au cimetière qui joint lad.
église, contenant, etc.
Suivent les possesseurs, etc.
« Le cimetière de ceux de la Religion prétendue Réformée à pré-
sent de cette parroisse, scitué aud. bourg, présent tennement con-
fronte du Levant au s"" Ruffe, midy au s' Cartier, couchant à Pierre
Fourneau, nord à un chemin moitié compris, contenant 45 escas. »
Quarante-cinq escas font environ 27 ares. Celte dimension suffi-
rait à démontrer quelle place les huguenots occupaient dans le
pays.
Le cimetière a conservé son ancienne enceinte et son ancienne
porte. Celle-ci s'arrondissait autrefois en cintre. Mais les claveaux
ne tenaient plus, de sorte qu'on les a enlevés, sans toutefois faire
disparaître les preuves irrécusables de leur existence.
Il ne semble pas qu'il ait subsisté des traces des anciennes sépul-
tures huguenotes. Tout au plus pourrait-on attribuer au xvii'' siècle
une dalle funéraire d'une incontestable antiquité, dont toute inscrip-
tion a totalement disparu; mais l'hypothèse serait assez hasardée.
Henry Lehr.
La devise : Sola fides sufficit. — Cette devise a été employée anté-
rieurement à la Réforme. La vignette ci-contre, que nous emprun-
tons à un catalogue de M. F. Baumgartner, libraire à Genève est
1. Ce registre, qui n'est pas daté, doit être vieux de deux siècles envi-
ron, au maximum.
616 COHRESPONDANCE
la marque du libraire Guy Marchand de Paris. Elle figure sur une
édition latine d'Isidore de Séville, datée de 1493. C'est une sorte de
rébus que les initiés déchiffraient assez facilement : une portée de
musique en clef de /a donne les notes sol la. A côté, le mot Fides
sur Ficit. Plus bas, pour compléter l'explication, une « foy » c'est-
à-dire deux mains jointes. Au milieu de la vignette un écu représente
une Bible ouverte accompagnée de trois étoiles, et dans la partie
inférieure, on voit un atelier de cordonnerie.
Le même emblème figurait sur la marque de Pierre Jacobi prêtre
et imprimeur à Saint-Nicolas-du-Port en Lorraine (1503-1521) dont
l'atelier disparut à la suite des mesures répressives prises par le
duc Antoine du Lorraine contre l'hérésie luthérienne et la propaga-
tion des livres imprimés. H. D.
Le Gérant : Fischbacher.
6H7. — L.-Imprimeries réunies, B, rue Saint-Benoît> 7. — Motteroz, directeur.
SOCIÉTÉ DE L'HISTOIRE
DU
PROTESTANTISME FRANÇAIS
A nos lecteurs.
Cette livraison est la dernière du cinquantième volume de ce
Bulletin. Je me suis efforcé d'y faire entrer tout ce qui pouvait
compléter ou corriger le contenu des livraisons antérieures. On sait
que ce volume, qui renferme le compte rendu du Jubilé de notre
Société, sera compris dans la Table générale de notre publication.
Le travail de refonte de cette Table, entrepris il y a un peu plus
d'un an, est très avancé. Le dépouillement des quarante premiers
volumes est actuellement sur fiches et il reste à en coordonner les
résultats avec ceux des tables des tomes XLI à Ll, pour pouvoir
commencer l'impression. Quand elle sera terminée, ces tomes I à
Ll formeront un tout bien complet et facile à consulter.
II nous a semblé que nous devions inaugurer le deuxième cin-
quantenaire de notre Société par un périodique quelque peu renou-
velé. Nous conserverons au Bulletin de 1903 le titre et le format
dont tout le monde a paru désirer le maintien; mais il inau-
gurera une série nouvelle qui paraîtra désormais, comme la
plupart des revues similaii'es, tous les deux mois (20 janvier,
20 mars, etc.). Cette modification nous permettra de donner des
articles moins morcelés, de publier, le cas échéant, des études
d'une certaine étendue et probablement d'ajouter à la dernière
livraison la table de l'année courante. Nous nous proposons aussi de
développer la partie bibliographique en renseignant plus complète-
ment nos lecteurs sur tout ce qui paraît et touche à notre sujet et
de multiplier les documents graphiques, les illustrations, si utiles
en matière dhisloire.
Nous pouvons annoncer, dès aujourd'hui, une série d'études ou
1902. — N- 12, Décembre. Ll. — 'i3
61 s A NOS LECTEURS
de documents absolument inédits sur Jean du Bellay, les protes-
tants et la Sorbonne, de 1530 à 1535 (V.-L. Bourrilly et N. Weiss);
— L'Église romaine et les enfants illégitimes, protestants et israélites,
en Alsace au XVIIP siècle (Rod. Reuss); — La réaction catholique
à Orléans après la première guerre de religion (P. de Félice); —
Cent cadavres de huguenots traînés sur la claie, 1685-1725 (H.Gélin);
— Un mariageur à Vépoquê du Désert et le Prosélytisme protestant
au XVIII' siècle (E. Bonifas); — La capture d'Etienne Dolet; —
Bernard Palissy pendant la Ligue; — L'Histoire de M. G. Chenu
de Chale^ac; — Montauban en 1773 (N. W.), etc., etc.
Enfin, le Comité a décidé de faire de nouveaux sacrifices pour
rendre ce recueil plus accessible à certaines bourses. A partir de
1903, les pasteurs des départements, les instituteurs, évangélistes,
missionnaires et étudiants pourront s'y abonner au prix réduit de
six francs. En dehors de ces catégories, le prix de l'abonnement est
fixé à 10 francs pour la France, les colonies, l'Alsace, la Lorraine
et la Suisse; — 12 fr. pour l'étranger; — 10 francs pour les pas-
leurs de Paris et pour ceux de l'étranger.
Que nos amis fassent un effort pour que notre histoire pénètre
à où elle est encore inconnue ou méconnue et contribuent ainsi à
l'affranchissement intellectuel et moral de leur patrie !
Pour le Comité,
N. Weiss, secrétaire.
Études historiques
L'ÉGLISE RÉFORMÉE DE REVEL AU XVIP SIÈCLE
L'assassinat d'Henry III, en appelant au trône le roi de
Navarre, suspendit le cours de la guerre civile dans la plaine
de Revel, toutes les villes catholiques des environs s'élant
hâtées de faire leur soumission au duc de Montmorency. Les
protestants profitèrent de ce moment de repos pour con-
struire un temple où ils pussent célébrer le service divin; ils
employèrent à cette construction une partie des matériaux de
l'église des Dominicains qu'ils se décidèrent seulement alors
à démolir, comme le restant du couvent l'avait été précédem-
ment. Ce temple était situé dans le milieu du couvert haut-,
il avait à peu près dix cannes et demi de largeur, s'étendant
de la maison des MM. Faure^ à celle de M. Gasc, et environ
quinze cannes de profondeur, comprenant une grande partie
du jardin de M. Pelissier et le corps de logis du milieu de la
1. F^evel est une petite ville de la Ilaule-Garonne, sur les ronfins du
Tarn et de la Montagne Noire, qui a joué un certain rôle dans l'histoire
religieuse de cette partie de la France méridionale. M. Pierre-Antoine
Barrau, décédé à lîevel le 2i mai 1865, a laissé un im|)ortant manuscrit
concernant l'histoire de cette ville ; écrit avec soin et compétence vers
iiSûo, ce travail n'a jamais été imprimé; M. Barrau avait passé de longues
années à l'écrire, après avoir classé et mis en ordre les archives munici-
pales et après avoir pris connaissance de nombreux documents inédits
disséminés chez les anciennes familles protestantes de la région.
Nous donnons ici les extraits de ce manuscrit qui concernent tout ce (|ui
touche à la vie intérieure de l'Eglise de Revel et à sa destruction au
moment de la Révocation. Nous tenons à adresser nos lemerciements au
neveu de l'auteur, M. Louis Barrau, qui a bien voulu nous autoriser à
copier le manuscrit en vue de l'impression. G. Touhnikr.
2. On appelle ainsi les façades de la place de Revel, entourée de lous
côtés de galeries ou couverts. (G. T.)
3. Appartenant aujourd'hui à .M. Antoine liodiiM'; on distingue encore
parfaitement une des murailles latérales de l'ancien temple, percée de deux
fenêtres cintrées. (G. T.)
*")20 ÉTUDES HISTOHIQUES
maison jusqu'au puits. La porfe qui y conduisait se voit
encore à la boutique de M. Pelissier; on y lisait encore avant
la Révolution, avec le chiffre de 1590, époque de la construc-
tion de cet édifice, les deux vers suivants qui en marquaient
la destination :
Qui veut savoir quelle est cette maison?
C'est du grand Dieu la maison d'oraison.
Cette inscription avait échappé au zèle fanatique des auto-
rités chargées de Texécution de l'édit qui révoqua celui de
Nantes, mais le vandalisme révolutionnaire de 1793 la fit dis-
paraître.
Les Dominicains rentrèrent en 1602 à Revel d'où ils
avaient été chassés en 1576. Ces religieux ne revinrent qu'au
nombre de cinq; ils trouvèrent leur couvent démoli, la
plupart de leurs fondations abolies et leurs biens usurpés.
Ils se logèrent dans quelques petites maisons mal bâties,
situées au midi de leur église jusqu'au coin du couvert
bas, maisons qui, quoique faisant partie de l'enclos de leur
couvent, n'avaient pas été démolies parce qu'elles avaient
été louées à certains particuliers des mains desquels les
religieux les retirèrent alors. Ils y vécurent pauvrement,
faisant le service divin dans une des boutiques de ces
maisons, administrant en l'absence du curé les sacrements
et l'instruction religieuse au peu de catholiques que ren-
fermait alors Revel. Ils firent bâtir une petite église sur
les fondements de l'ancienne, ainsi qu'un logement sur le
couvert, depuis l'église jusqu'à la maison faisant le coin au
midi, consistant en quatre chambres au levant sur le jardin
et quatre autres au couchant sur la place. Le soin de ces
constructions ne les absorba pas tellement quMIs ne trou-
vassent encore le temps de tracasser les habitants qui ne fai-
saient point profession de catholicisme. A peine rentrés, ils
avaient fait publier un monitoire, aux fins de recouvrer l'ar-
genterie de leur église qui leur avait été enlevée lors des
troubles de 1.567, c'est-à-dire depuis plus de trente-cinq ans.
IMus tard, ils accablèrent la Chambre de l'Édit de plaintes et
ÉTUDES HISTORIQUES G21
de verbaux pour de prétendues injures dont ils se disaient les
victimes de la part des prolestants.
Les protestants de Revel obtempérèrent à toutes les réqui-
sitions que leur fit le duc de Rohan dans l'intérêt de leur parti.
C'est sur ses ordres qu'ils démolirent l'église paroissiale c|ue
les catholiques avaient déjà fait rebâtir; mais une opération
pour laquelle ils n'eurent certes pas besoin de recevoir des
ordres, fut la destruction de tout ce que les frères prêcheurs
avaient relevé de leur couvent, se vengeant ainsi des que-
relles que ces religieux leur avaient suscitées depuis leur
entrée dans notre ville. La maison faisant le coin vis-à-vis la
rue de Notre-Dame, qui n'avait pas été retirée des mains de
son enga^iste, subit cependant le sort de ce qui avaii été
construit de neuf. La seule partie épargnée fut une salle pla-
cée sur le couvert, au nord de la porte de l'ancienne église,
qui avait été bâtie par les iMM. Ghauvet, et qui, attenant à la
maison d'habitation possédée aujourd'hui par M. Bordes, était
censée en faire partie.
Pendant les troubles religieux cjui agitèrent le premier
quart du xxn" siècle, les Dominicains n'avaient pas eu leur
domicile fixe dans Revel; ils y faisaient seulement, aux
diverses époques de pacification, quelques apparitions pour
veiller à leurs intérêts. Ils n'y rentrèrent définitivement
qu'avec les commissaires du roi préposés à la démolition des
fortifications de la ville; à ce moment, leur communauté
réduite à une extrême pauvreté, ne compta plus que les
prieurs et un ou deux frères; ils se logèrent d'abord dans une
maison qu'ils achetèrent à la rue de Toulouse ou du Four,
dans laquelle s'établit le club patriotique en 1793; ils firent
journellement le service divin dans la salle basse de cette
maison, mais, à cause de l'exiguité du local, les offices du
dimanche se célébrèrent sous la halle qui est au milieu de la
ville. Bientôt ces religieux se plaignirent d'être troublés par
les protestants dans l'exercice de leurs fonctions, et obtinrent
de I\L de I>ellejambe, intendant du Languedoc, l'ordonnance
du 10 juin 1633 faisant défense aux réformés de se servir de
la cloche de l'hôtel de ville pour annoncer l'heure de leiu-
prêche; ceux-ci ne tinrent nul compte de ces ordres, de là
G22 ETUDES HISTORIQUES
nouvelle plainte des moines qui accusèrent en outre les pro-
testants d^avoir dansé sous la halle au moment où les catho-
liques y entendaient le sermon; une seconde ordonnance fut
rendue à ce sujet par l'intendant sous la date du 14 juillet;
elle réitérait aux protestants la défense de se servir de la
cloche de l'hôtel de ville pour leur usage religieux, et portait
en outre assignation personnelle contre Jean Barrau,
deuxième consul protestant^ qui avait donné Tordre de son-
ner cette cloche malgré la première ordonnance.
Ces tracasseries ne furent pas les seules que les protes-
tants eurent à éprouver; les frères prêcheurs les attaquèrent
devant les tribunaux pour qu'ils eussent à faire réédifier à
leurs dépens toute la partie de leur couvent qui avait été dé-
molie en 1621 et, provisoirement, jusqu'à ce que la réparation
en eut été achevée, à leur fournir un logement convenable.
Ces religieux triomphèrent dans leurs attaques; la pecon-
struction de leur couvent fut ordonnée aux frais de la ville
qui fut en outre condamnée à pourvoir en attendant à leur
logement; on loua donc pour eux, en septembre 1633, de
M. Gouttes, la maison dite de la tour de Landelle pos-
sédée aujourd'hui par M. Pierre Sarrat à la rue Saint-An-
toine, et où existait naguère une tour assez élevée. Ils
quittèrent ce logement en avril 1638 pour aller s'établir dans
la maison de M. Ghauvet, attenante à leur ancienne
église; dans cet intervalle, les consuls protestants, pour se
conformer aux arrêts de condamnation obtenus contre eux
firent procéder à la construction du couvent : on établit alors,
pour couvrir une partie de la dépense qu'elle occasionna un
impôt de six deniers par livre carnassière de quarante-huit
onces sur la chair fraîche de pourceau vendue à la place,
droit qui s^est maintenu jusqu'à la Révolution. Les consuls
purent enfin livrer aux dominicains en avril 1643 une habita-
tion commode dans leur couvent, consistant en une église
sur l'emplacement de laquelle MM. Pons et Pinel avaient
il y a peu de temps le manège et la paquerie de leur minote-
rie, en un réfectoire, deux chambres sur le jardin, et deux
autres sur la place, celles-ci soutenues par des arceaux en
briques, dont une partie s'écroula en 1806; les moines se hâ-
ÉTUDES HISTORIQUES (j'2'i
tèrenl de se transporter dans le nouveau logement; ils inten-
tèrent alors à M. Chauvet un long procès pour retirer
de ses mains la salle qui avait été bâtie sur le couvert par
ses devanciers, et obtinrent en 1649 gain de cause à la charge
de rembourser à leur partie adverse le prix de cette construc-
tion; cette chambre, qui touchait la maison Bordes, n'était
encore en 1821, lors de sa démolition, supportée que par des
pieds-droits en chêne, comme Test encore celle-ci.
Les religieux une fois installés dans leur couvent en conti-
nuèrent peu à peu la reconstruction; en 1676 et 1677, ils
s'agrandirent de deux chambres de plus sur le jardin ; en
1681 et 1682, ils achevèrent de construire la partie placée sur
le couvert jusqu'au coin de la rue Notre-Dame; enfin en 1702,
ils donnèrent à rente aux particuUers qui possédaient les
maisons de la rue de Sorèze à partir de ce qui constitue au-
jourd'hui le collège, la portion de leur jardin correspondant
à ces maisons, et le couvent resta dès lors tel qu'il était
lorsque la révolution éclata; MM. Bermond, Assié et
Lacombe* en devinrent alors adjudicataires et en jouirent
pendant une trentaine d'années.
II
En 1639, les consuls de Revcl firent boucher quelques
brèches qui existaient au mur d'enceinte de la ville, pour
n'en permettre l'entrée que par les portes, afin de rendre
plus facile l'action de la police contre les voleurs et gens sans
aveu. Celte sage mesure fut représentée par l'esprit de parti
comme une infraction aux derniers édits de pacification qui
défendaient de réparer les fortifications des villes protestantes,
et dénoncée en conséquence au Parlement de Toulouse.
Cette cour délégua deux de ses conseillers pour venir sur les
lieux prendre connaissance de ce fait dénaturé parla malveil-
lance et dont ils reconnurent l'innocence.
Nous touchons à l'époque de la Révocation de TÉdit de
1. Apparlenant tous trois à de vieilles familles bourgeoises i)roleslantes
de lîevel, éteintes depuis peu (Cl. T.).
624 ÉTUUP.S HISTORIQUES
Nantes et nous allons mettre sous les yeux de nos lecteurs
les tracasseries que l'intolérance religieuse suscita aux réfor-
més de Revel. Ainsi nous voyons par Tordonnance de col-
location de M. de Basset qu'il avait été mis à la charge
des habitants non catholiques à peu près le quart des dettes
de la communauté, sans les exempter de payer leur quote-
part du restant, et nous sommes persuadé que cette divi-
sion, qui était le fait de l'administrateur supérieur de la pro-
vince, fut faite avec la partialité qui signalait tous ses actes
lorsqu'il s'agissait des réformés.
C'est ainsi que dès l'année 1665 le syndic du clergé du dio-
cèse de Lavaur ayant présenté requête aux commissaires
députés pour l'exécution de l'Édit de Nantes contre les pro-
testants de Revel, la réponse de ces commissaires leur fut
aussi peu favorable qu'on pouvait l'attendre de l'esprit de
persécution qui avait présidé à cette mesure. Le syndic du
clergé demandait que la porte du Temple donnant sous le
couvert haut fut murée et l'inscription qu'on y lisait enlevée;
les inhumations se faisant depuis la Réforme dans le cimetière
commun qu'on avait à cette époque divisé en deux par une
haie, le syndic en réclamait l'usage exclusif pour les catho-
liques; il demandait la restitution de la cloche de l'hôtel de
ville qui était, disait-il, la propriété de l'église paroissiale;
il voulait enlever au consistoire les dons et legs qui lui étaient
faits et les transporter à l'hôpital, le consistoire n'ayant pas,
d'après lui, qualité pour recevoir; il demandait l'exclusion
des habitants protestants de toute participation à la gestion
des revenus des pauvres, et enfin qu'il fut fait défense aux
bouchers ou hôtes protestants d'étaler et de vendre publi-
quement de la viande les jours auxquels l'usage en est inter-
dit par les commandements de l'Eglise.
D'après la décision rendue par les commissaires, les pro-
testants durent tenir fermée la porte du temple qui donnait
sous le couvert haut pendant tout le temps de la célébration
du service divin ; ils eurent à déguerpir de la partie du cime-
tière qu'ils occupaient depuis la Réforme et à se munir à
leurs frais d'un terrain pour en établir un; c'est alors qu'ils
firent l'achat du jardin appartenant naguère à la famille Bes-
ÉTUDES HISTORIOLES 625
sières, tout près de la porte de Castres, où ils firent leurs
inhumations jusqu'à la révocation de l'édit de Nantes. Sur
le troisième chef, relatif à la restitution de la cloche, il fut
ordonné qu'elle resterait à l'hôtel de ville suivant l'ordon-
nance de M. de Bellejambe intendant du Languedoc, et la
transaction passée à ce sujet; sur la quatrième demande
concernant les dons faits au consistoire^ les commissaires ne
purent s'accorder et rendirent le 31 octobre 1665 leur ordon-
nance de partage : Ils établirent, au sujet de la gestion des
revenus des pauvres, que les bayles et auditeurs des comptes
seraient toujours mi-partis, mais que le premier serait tou-
jours catholique; enfin les hôtes et bouchers durent se con-
former aux prescriptions de Tarrêt du conseil du 5 octobre
1663 qui interdisait sous peine de cent livres d'amende l'éta-
lage des viandes les jours où l'usage en est prohibé par
l'Église.
Le sort du calvinisme était cependant décidé dans les
conseils de Louis XIV : retirer l'une après l'autre toutes les
concessions portées dans l'éditde Nantes, frapper les Églises,
interdire les ministres, enlever aux réformés la participation
aux affaires communales, tels étaient les précurseurs de la
funeste mesure que l'année 1685 vit s'accomplir. C'est ainsi
que le consulat mi-parti établi à Revel depuis 1630 fut aboli
par un arrêt du Conseil d'État du 4 décembre 1679 d'après
lequel on n'admit dorénavant dans l'administration de la ville
que des catholiques à l'exclusion des protestants, se fondant
sur ce que ceux-ci, ordinairement plus nombreux aux conseils
de ville, y faisaient prendre des délibérations contraires au
bien de l'État et de la religion catholique.
L'esprit de prosélytisme qui animait alors la cour avait
gagné la province. Alexandre Devais, riche bourgeois de
Revel qui avait été dès l'année 1666 premier consul, voulant
contribuer à la conversion des protestants, y fonda en 1680
une mission perpétuelle qu'il confia aux pères de la doctrine
chrétienne; une somme de vingt mille francs payable à son
décès, mais dont il consentit à servir l'intérêt jusqu'à ce jour,
fut par lui affectée à cet usage, de même que celle de quinze
cents francs qui fut payée immédiatement et {|ui était destinée
626 ÉTUDES HISTORIQUES
aux premiers frais d'établissement de cette mission. Il mit
pour condition à ces dons que les Doctrinaires seraient tenus
de faire perpétuelle résidence à Revel pour s'y acquitter du
service indiqué dans l'acte de fondation, et que dans le cas
où ils voudraient quitter la ville, cette somme de vingt et un
mille cinq cents francs ne pourrait être transportée à nulle
autre maison de leur ordre, mais serait employée en œuvres
pies aux choix de l'évêque de Lavaur.
Depuis les guerres de religion durant lesquelles on avait
démoli la maison qui servait de logement au recteur et aux
autres desservants de l'église paroissiale de Revel, ces ecclé-
siastiques étaient logés aux frais de la communauté dans des
maisons qu'elle prenait à loyer; mais une habitation si pré-
caire convenait peu aux recteurs qui s'étaient succédés dans
la direction de cette Eglise ; depuis 1630, ils n'avaient cessé
de réclamer auprès du conseil politique l'achat ou la cons-
truction d'une maison presbytérale ; cette demande, sans être
formellement rejetée, n'avait cependant pas encore reçu de
solution favorable lors de la chute du consulat mi-parti ;
après cette mesure, le conseil, exclusivement composé de
catholiques, satisfit au vœu du recteur et, par acte du
29 octobre 1682, acquit de M. de Saint-Etienne, au prix de
2,400 francs le presbytère actuel dont la destination n'a point
changé depuis cette époque.
m
L'heure fatale de la persécution avait sonné; comme on
voulait avoir à atteindre par la révocation de l'éditde Nantes
le moins d'églises possible, on avait, sous divers prétextes,
ordonné la démolition des temples d'une partie du royaume.
Les protestants de Revel eurent à leur tour à subir cette per-
sécution ; plusieurs arrêts du conseil avaient défendu aux reli-
gionnaires qui avaient abjuré l'hérésie de revenir au culte
réformé, sous peine des galères contre eux, de démolition
des temples où ils seraient reçus et de châtiments contre les
ministres officiants ; on en fit l'application contre le temple
et les ministres de Revel; nous allons transcrire ici mot à
ÉTUDES HlSTOniQUES 027
mot quelques notes laissées sur ses registres par M. Rever-
dy, notaire et premier consul prolestant en l'année 1G79, lors
de la suppression du consulat mi-parti. On y trouve décrite
la procédure qu'on intenta contre T église reformée de Revel
et la manière dont l'édit qui révoquait celui de Nantes
fut exécuté.
« La Providence divine a permis qu'en l'année dernière 1684, on
a démoli, interdit et abattu les temples des villes de Castres, Maza-
met et Saint-Amans et à cause de ce les fidèles du corps de ces
Églises sont en désolation.
« L'Église de Puylaurens ayant été attaquée en la personne de ses
ministres qui sont en prévention du crime, qu'on les accuse d'avoir
recule nommé Palmous et sa femme qui sont relaps dans le temple;
sur le décret de prise de corps contre eux lancé par le juge dudit
Puylaurens, s'étant remis prisonniers sur la fin de l'année 1684, ils
ont été détenus jusqu'au mois de mars suivant, et par sentence
dudit juge, les sieurs Martel, Pierre Arbussy etc., ministres, ont
été condamnés à faire amende d'honneur et autres peines, et l'exer-
cice interdit en ladicte Église, et le temple abattu. De cettb sentence,
il y a eu appel au Parlement, et à cause de cette affliction, les
fidèles de ladicte Église sont dispersés et ont fréquenté nos exercices
et autres villes voisines.
« Le vendredy 16 mars 1685, un grand nombre de fidèles de Puy-
laurens sont venus en cette ville pour y entendre la prédication du
matin faite par M. Lansguier, ministre. Sur la nouvelle qu'on avait
d'intenter procès et accusation contre notre Église pour le même
fait que dessus, le juge de Puylaurens en ayant informé, il y a eu
ledit jour prière à deux heures faite par M. Quinquiry, ministre;
notre Église se voyant dans l'épreuve, a demandé par prière et
humiliation à Dieu sa grâce, et avec beaucoup de fidèles de Puy-
laurens a continué ses prières le samedy 17 dudit par M. Quinquiry
à deux actions soir et matin.
« Le dimanche 18 dudit, nous avons célébré en notre Église la
Sainte-Cène du Seigneur, pour lui demander sa miséricorde, grâce
et consolation dans les épreuves que nous sommes. Il a été parti-
cipé à ce saint sacrement par une grande assemblée do fidèles
extraordinairement assemblés : il a paru grand zèle, dévotion et
charité à tous les chrétiens par les sanglots et les larmes qu'ils ont
rendus.
« Nos prières ont continué le lundy el lomardy que nos ministres
628 ÉTUDES HISTORIQUES
ont fait deux exercices par jour avec grand nombre d'âmes fidèles
jusqu'au mercredy 21 dudil mois au prêche du matin par M. Lans-
guier qu'à l'issue on a signifié un décret de prise de corps rendu
contre lui, ledit sieur Quinquiry, et le ministre de Sorèze, et autres
lieux, par le juge de Puylaurens : on les a assignés au 15 prochain.
« Le même jour M. le juge criminel de Castelnaudarry est venu
en ville avec M. le procureur du roi, greffier et huissier, et pour le
même fait ont informé et fait ouïr les sieurs Castain, Mat-Verdure,
Gâches, Laneyrier et Orliac tapissier. Il a décrété les ministres de
prise de corps qui leur a été signifiée le même jour au soir, et assi-
gnation au 15 prochain : après quoi lesdits sieurs sont allés coucher
à Sorèze où ils ont fait autre procédure contre les ministres et autres
dudil lieu.
« Lesdits sieurs Lansguier et Quinquiry ministres se sont rendus
prisonniers à la conciergerie des Hauts-murats à Toulouse le mai
1685. Depuis le 10 ou 12 dudit mois on a interdit et décrété plusieurs
ministres de la montagne : au colloque d'Albigeois ne reste plus que
Angles et quelques autres lieux où l'exercice a été continué jusqu'au
mois d'août dudit an que nôtre persécution a commencé à Montau-
ban par de faux-frères qui ont abjuré notre religion, et par la force
et le logement des gens de guerre ont contraint la plupart des habi-
tans de ladite ville d'en faire de même, et ensuite à toutes les villes
et lieux dudit pays par les violences que les gens de guerre ont faites,
et les menaces des magistrats, prélats et prêtres.
« Le dimanche 14 octobre 1685 a été faite une assemblée dans la
maison de ville de Revel en présence de Monseigneur l'évêque de
Lavaur pour obliger les habitants de la religion réformée de faire
abjuration d'icelle, dans laquelle assemblée MM. de Tanus, de Illes,
de Portes et leurs fils et plusieurs habitants ont fait leur abjuration,
et ceux qui ont refusé ont été menacés du logement des gens de
guerre pour les y contraindre.
« Le lundi 15 dudit mois à trois heures après-midique les susdites
gens de guerre en quatre compagnies du régiment de Konismark
allemand sont arrivés en cette ville, j'ai été contraint avec plusieurs
autres habitants par la crainte des menaces qu'on faisait d'aller faire
abjuration de ma R. P. R. devant M. Fresquet curé de cette ville
tant pour moi que pour ma femme et mes filles*. Dieu veuille avoir
1. L'original des actes d'abjuration reçus alors par M. le curé existe
encore aux archives de la mairie sur un des registres de l'étal civil de
cette époque mais on n'a pas retrouvé l'acte passé la veille à l'hôtel de ville
devant l'évêque de Lavaur (note de M. Barrau).
r-
MAlSO> DU NOTAlKt; 1U:VI:1U.Y.
630 ÉTUDES HISTORIQUES
agréable mon action et me faire la grâce et aux miens de persévérer
dans les sentiments que j'ai de suivre les enseignements et préceptes
des saints prophètes et apôtres et m'inspirer les sentiments de vérité,
sainteté et dévotion chrétienne pour sa gloire et pour mon salut et
de ma famille dans la religion catholique apostolique [et non] * ro-
maine que nous avons embrassée.
« Le 19 dudit moi plusieurs autres avons reçu l'absolution dudit
sieur curé dans l'église paroissiale sans consolation D. S. LJ.
« Le roi ayant par un édit du mois d'octobre 1685 supprimé et
révoqué l'éditde Nantes, et autres édits, déclarations et arrêts donnés
en faveur de ses sujets faisant profession de la R. P. R., ensemble
la démolition de tous les temples de son royaume, et que tous les
ministres en sortiraient dans quinze jours, et autres choses, ledit
édit enregistré au Parlement de Toulouse le 24 dudit mois.
« M. de Lamoignon intendant de la présente province aurait rendu
ordonnance en exécution dudit édit qui ordonne la démolition du
temple de cette ville le novembre audit an, qui a été mandé à
M. Fresquet curé de cette ville, lequel en conséquence, sans aucune
signification, ayant fait venir une compagnie du régiment de Colis-
mar (Konismarc) a commencé à faire travailler, et emporter les bancs
dudit temple, et ensuite à la démolition d'icelui, et emporter tous les
matériaux ou bancs et les chaises chez lui ou dans l'église, a remisé
le bois et les tuiles dans quelque grange le dudit mois et a continué
jusqu'au 18 dudit mois.
« M. Lansguier et Quinquiry ministres en cette ville ont été élargis
par arrêt du parlement de 25 janvier 1686 ou environ des prisons des
hauts-murats, pour, suivant ledit arrêt, sortir du royaume et M. Lans-
guier est parti de Revel le 4 février 1686 pour Montpellier demander
son passeport à Monseigneur l'intendant et pour sa famille, ensemble
M. Quinquiry, parti de Caraman le même jour.
« Il y a eu en ville quatre docteurs de Sorbonne à Paris par ordre
du roi pour faire la mission et instruction des nouveaux-convertis;
arrivés le janvier 1686 qui y ont resté jusqu'au 3 mai suivant. Tous
1. Les deux mois hors lij^ne sont ainsi dans l'original, ils sont bien de
la même main, mais la plume eL l'encre avec lesquelles ils ont été tracés
ne sont pas les mêmes que celles ([ui ont servi pour le corps de récriture;
ils ont été certainement écrits après coup. (Id.)
2. Les mots soulignés ici ne le sont pas dans l'original, mais ils parais-
sent aussi avoir été écrits après coup : ils sont ainsi que ceux qui ont
fait le sujet de la note précédente, une protestation tacite de la part de
leur auteur contre son aijjuralion, malgré laquelle il ne persiste pas moins
ainsi que sa famille dans le culte réformé. {Note de M. Barrau.)
ÉTUDES HISTORIQUES <î31
les nouveaux-convertis de cette ville ont été oblit^és à faire leurs
pâques en 16S6 après que la fête fut passée'.
« Le 9 mars 1687 Monseigneur Févêque de Lavaur étant venu en
cette ville aujourd'hui a voulu que les nouveaux-convertis aient fait
leurs pàques, j'ai confessé avec toute la famille de M. le curé et le
lundi 10 dudit avons communié de la main du sieur évèque plus de
trois cents nouveaux-convertis, hommes ou femmes et le reste com-
munie demain et après-demain, voulant les communier tous de sa
main*.
IV
Le gouvernement, qui n'avait point recalé devant le scan-
dale de ces conversions forcées, ne pouvait ignorer combien
1. Les registres des délibérations de la communauté de cette année,
nous apprennent qu'aux moyens de persuasion des missionnaires on ajouta
la présence d'un détachement du régiment de Ivonismarc qu'on mit en
garnison chez les nouveaux convertis pour les décider à s'acquitter de
leurs devoirs religieux. (Id.)
2. Le début de ce passage du livre de raison de Reverdy a été repro-
duit par M. G. Flabaud dans son Histoire du Protestantisme dans l'Albi-
geois et le Lauragais (Tome I, pièces justilicatives).
Nous trouvons dans le même registre la note suivante écrite par Reverdy
lors de l'enlèvement de sa fille :
« Le 13 août 169'J, il me fut signifié par ordre de Monseigneur l'Inten-
dant du Languedoc par Raflin, huissier de Lavaur, portant que ma fille
aînée serait remise au couvent des religieuses de Lavaur pour y rester
jusqu'à nouvel ordre; ledit ordre est daté du 3 de ce mois à Carcassonne;
il fut donné en blanc et a été remply de la fille aînée de M. Durand, de
la fille aînée de M. Dumas, avocat, de la lille de M. Reberdy, de celle de
Mlle de Portes et de M. Blaquières, de Sorèze. J'ai mené ma fille Marion
audit Lavaur le 16 dudit, qui a été mise audit couvent. Dieu veuille nous
départir ses consolations et la patience pour supporter patiemment la
douleur que la famille soutire de ce injuste exil et qui me prive du secours
de ma lille.
« Le 21 février 1700, ma fille m'a écrit d'aller à Lavaur pour la retirer
du couvent, Mme de Mailly le luy ayant dit, et je suis jiarty le 20 et
revenu avec elle le 27, ayant payé pour sa pension à ladite dame 77 1. \\i d.
dont elle m'a fait quittance. Dieu soit loué. »
Marie Revei'dy, rendue à la liberté, épousa Antoine Maurel, de Revel, et
mourut en 1725.
Son fils, Jean-Jac(jues Maurel, apothicaire fi Revel, épousa le
|y décembre 1729 Marie Larroque de Sorèze.
Le dernier membre de la famille Reverdy était pharmacien à Hevel; il
était catholi(|ue; sa lille a épousé M. Auriol, notaire à lîcvel.
lAincienne maison Iteverdy existe encore; elle est située à l'angle sud-
ouest de la place principale ; voy. p. 62'J. (G. T.)
632 ÉTUDES HISTORIQUES
peu elles étaient sincères; il affecta cependant de les prendre
pour telles et pendant quelques années le consulat de la ville
fut indistinctement occupé par d'anciens catholiques ou des
nouveaux convertis, non que l'on donna depuis la révoca-
tion de l'édit de Nantes aux protestants, car malgré toutes
les rigueurs qu'on déploya contre eux ils revinrent secrète-
ment en grande partie à leurs anciennes croyances, et y éle-
vèrent leurs enfants. La crainte des mauvais traitements en
retint cependant une partie, le prosélytisme en regagna
quelques autres dans le siècle suivant, le catholicisme vit
chaque jour le nombre de ses fidèles s'accroitre aux dépens
du calvinisme, de manière à ce que celui-ci ne comptât en
1789, cent ans après la révocation de l'édit de Nantes, que le
neuvième de la population de la ville, tandis qu'à la susdite
époque il en comprenait la grande majorité des habitants.
Du reste les conversions seules ne contribuèrent pas à dimi-
nuer ce nombre, l'émigration y eut aussi part : plusieurs
immeubles, situés dans la commune de Revel ou dans celles
environnantes, abandonnés par des religionnaires expatriés
et donnés par le roi à locaterie perpétuelle, attestent que
cette émigration atteignit les classes aisées, et dès lors on
peut être assuré que la population industrielle, qui avait
moins à perdre, ne dut pas rester étrangère à ce mouvement,
sûre qu'elle était de trouver dans les pays protestants secours
et protection. Peut-être ce fait contribua-t-il autant que la
privation, par le canal du midi, de l'eau qui traversait notre
ville, à la chute de nombreux ateliers de tannerie, teinturerie
et d'ouvrages en laine que Revel possédait encore dans la
première moitié du xvu' siècle.
Les doctrinaires, qui immédiatement après la donation à
eux faite par Alexandre Devais s'élaient établis à Revel,
virent bientôt après augmenter considérablement leur dota-
tion par la mort de celui-ci arrivée en 1689. Il avait institué
pour son héritier un ecclésiastique nommé Danidan, à la
réserve de quelques legs; soit que celte institution d'héritier
ne fut qu'un fidéicommis en faveur des doctrinaires, ou que
réellement il ne fut guère possible de réaliser même avec une
quantité de biens considérable la somme de 20,000 francs
ÉTUDES HISTORIQUES ()33
assurée par Devais aux doctrinaires, Danidan actionné par
eux en paiement leur abandonna par transaction la totalité
de la succession, se réservant seulement la moitié des
meubles, effets mobiliers et dettes, laissant aux doctrinaires
à payer à la veuve de leur bienfaiteur, sa dot et le legs à elle
assigné par son mari. Ces pères devinrent par cet acte pro-
priétaires des métairies d'en Grouzet et des Bourrilles con-
sulat de Montgey, de la métairie de Glouton dans le consulat
de Revel, paroisse de Vaure, et de celle del'Espérondansla
paroisse de Vaudreuilhe. Ils vendirent la première dont une
partie du prix servit à satisfaire la veuve de Devais, et du res-
tant, et de ce qu'ils retirèrent du mobilier partagé avec Dani-
dan, ils achetèrent et firent construire pour l'accommoder à
sa nouvelle destination la maison où est aujourd'hui l'hôtel
de la Lune rue Saint-Antoine, et dès ce moment leur ordre
compta dans la province de Toulouse un établissement de
plus.
L'autorité municipale voulant mettre à profit la présence
des pères de la Doctrine chrétienne établis à Fîevel par
Alexandre Devais, traita dès la fin de l'année 1715 avec ces
religieux pour qu'ils chargeassent deux membres de leur
congrégation de Pinslruction de la jeunesse de la ville moyen-
nant la somme de 100 écus qui devaient être payés annuelle-
ment à leur maison. Il est à présumer par l'exiguité de ces
honoraires, qu'une délibération de l'année suivante éleva à
100 livres, que le collège qui fut alors créé ne dut jamais
compter plus de deux professeurs et ne put par conséquent
être dans un état bien florissant, la partie de la population
qui n'avait point renoncé au calvinisme se refusant d'ailleurs
à confier l'éducation de ses enfants à une congrégation reli-
gieuse, quelle que fut la tolérance qui put animer ses
membres.
La révocation de VEdW de Nantes n'avait j^as, comme on
Pavait espéré, éteint le calvinisme en France; en vain avait-on
proclamé l'exercice d'une seule religion, cette fiction s'était
évanouie devant la réalité. Ainsi que nous l'avons déjà dit,
une partie des protestants était revenue à la foi de ses pères
et avait élevé ses enfants dans la praticjue du culte proscrit ;
LI. — '.'i
634 DOCUMENTS
le gouvernement avait fait semblant de ne pas s'en aperce-
voir, tout en n'admettant aux charges consulaires que les
vrais calholiques; les nouveaux convertis, car c'est ainsi
qu'on désignait les protestants, avaient continué à siéger
dans les conseils municipaux. Le ministère du cardinal Fleury
apporta un changement à cet état de choses; ne pouvant
ramener les dissidents à l'unité catholique, il voulut leur
interdire l'exercice de toute fonction publique : par une
ordonnance de l'intendant de la province de 1731, les protes-
tants de Revel furent exclus du conseil politique comme ils
l'avaient été des charges de consuls.
P. A. Barrau*.
Documents
UNE LETTRE INÉDITE DE LOUIS DE BERQUIN
(26 décembre 1526)
Parmi les initiateurs de la Réforme française, l'un des plus
importants, avec Lefèvre d'Étaples, fut Louis de Berquin".
Tous les deux furent en butte à la haine de la Sorbonne.
Louis de Berquin eut à trois reprises à se débattre contre les
poursuites de la Faculté de théologie et du Parlement. La
première fois, en 1523, Berquin déféré au Parlement, fut
sauvé par l'intervention directe de François P"" : on ne put
brûler que ses livres. Durant la captivité du roi en Espagne,
la Faculté crut pouvoir reprendre avec plus de succès sa
lutte contre Berquin, qui fut de nouveau jeté en prison. Le
Parlement, malgré les ordres réitérés de la régente, du roi
lui-même à son retour, voulait poursuivre le procès du réfor-
i. Il n'existe, croyons-nous, sur l'Église de Revel qu'une brochure de
42 pages de M. le pasteur Vièles : Notice historique sur l'Eglise réfor-
mée de Revel. — Imprimerie Lapeyre, Revel, 1894. (G. T.)
2. Pour la biographie de Louis de Berquin, voir La France protestante,
2» éd., Il, 418-434, et Mél. de l'Éc. franc, de Rome, juillet 1892, R. Rol-
land, le dernier procès de L. de Berquin (1527-1529).
DOCUMENTS 635
mateur. François I*^"" irrité s'en prend à Béda et finalement
fait arracher Berquin de la Conciergerie en lui assurant pen-
dant quelque temps un refuge au Louvre. La troisième affaire
entamée à la fin de 1528, se termina, comme on sait, par le
supplice de Berquin (17 avril 1529).
C'est au second procès de Berquin que se rattache la
lettre inédite que nous publions ci-dessous et qui est conser-
vée au Musée Gondé à Chantilly, dans la Correspondance
adressée à Montmorency, série L, volume VIII, f. 323. Écrite
du château du Louvre^ elle nous montre l'état d'esprit de Ber-
quin, désireux, tout de suite après avoir été arraché aux griffes
de ses ennemis, de prendre sur eux sa revanche et d'obtenir
justice.
Louis de Berquin au grand maître, Anne de Montmorency.
Monseigneur, cognoissanl le bon vouloir qu'avez d'assister à
vérité, combien que vous me ayez desja tant obligiet à vous, sy
n'ay je crainct de me rendre encores plus obligiet, vous faisant
requeste qu'il vous plaise eslre moyen que je puisse obtenir du Roy
relief des appellations que j'ay faicl à luy de plusieurs abbus com-
mis par les commissaires du Sainct-Père* en la forme et procédure
de mon procès, affin, monseigneur, que par ce moyen ce puisse
adverer la meschanceté de ceulx qui veuUent estre réputés sy grans
zélateurs de vérité et qui sy hardiment jugent de la foy d'aulruy.
J'espoire qu'il vous a pieu voir les articles^ lesquelz naguères vous
envoyay, et ne se trouvera au procez une lectre davanlaige qui soit
1. Ces « juges délégués » étaieat André \'erjus, Jacques de la Barde,
conseillers au Parlement et Nicolas Leclerc, docteur en théologie et curé
de Saint-André-des-Arcs. Voy., entre autres, le préambule de la sentence
apostolique qui livra Berquin au bras séculier, le 17 avril 1029, Bull.,
1881, p. 113 (et non le 6 comme l'indique par erreur l'intitulé où se trouvent
aussi les mots impropres d'arrêt du Parlement, sans compter d'autres
erreurs de lecture dans le texte).
2. Ces articles sont sans doute ceux tirés des ouvrages de Berquin qui
avaient été censurés par la Sorbonne. Cf. dans la France protestante, II,
424-425, quekjues-uns de ces articles relevés par la Sorbonne. — D'autre
part, la faculté de théologie s'était occupée, vers le milieu de décembre,
de dresser une liste de propositions erronées trouvées dans les livres de
Berquin, d'Erasme, de Le [-"evre d'Etaples, etc., qu'on devait soumettre au
roi, à la reine-mére, au Conseil. Cf. L. Delisle, Xotice sur un registre des
. Procès-verbaux de la Faculté de théologie de Paris (1.jOô-1.'j33), 24-2-5, 72-74.
G36 DOCUMENTS
de mon faict et donl je soye responsable, et ne faictz doubte que
ne trouviez bien estrange comment telz personnages ayent pour non
aullre coulpe, si coulpe se doibt nommer, donné tel jugement, mais
ilz sont hommes.
S'il vous plaict veoir quelques attestations que ce porteur a devers
luy, lesquelles, monseigneur, il vous plaira tenir secrètes, affin
qu'ilz n'empeschent la manifestation de vérité, vous cognoistrez de
quel zel et affection ilz ont esté esmeuz, qui n'est encores que le
commencement de leurs peu vertueulx faictz; car en ayant ledict
relief contenant commission pour informer (lequel, s'il vous plait,
ce porteur vous monstrera), j'ay bien espérance d'adverer autres
choses.
Monseigneur, ledict relief ne préjudicie en riens à la commission
et povoir de ceulx qui seront déléguez par le Sainct-Père, car,
comme assés entendes, quand le Roy aura jugiet la forme, et que
par luy il sera dit qu'à bonne cause j'auray appelle d'abbus, sy ne
seray-je point pourtant justiffié, ny declairé innocent, car l'abbus
jugiet, duquel le Roy seul est juge ou ses commis, il me fauldra
encores respondre quant à la matière devant lesd. délégués du
Sainct-Père. La requeste que je faictz est de justice et pour justice :
j'espoire (pourveu, monseigneur, qu'il vous plaise estre interces-
seur) qu'elle ne me sera refusée.
Monseigneur, je prie le Créateur vous donner sa grâce et longue
vie. Au chasteau du Louvre, XXVI' décembre.
Vostre très humble et obéissant serviteur et obligiet.
Berquin.
Nous ne savons pas au juste l'impression que fît sur le
grand maître cette lettre fîère et digne. Montmorency fut
aussi sollicité d'intervenir par Marguerite d'Alençon, qui, au
début de 1527, épousa Henri de Navarre et fit attacher Ber-
quin à la maison de son second mari. Cependant il est permis
de croire que sa requête fut entendue. C'est du moins ce que
Ton peut conjecturer d'une lettre de Marguerite à Montmo-
rency, dans laquelle elle s'exprime ainsi : « Je Pestime
aultant que moy-mesmes et vous pouves dire que c'est moi
que vous avés tirée de prison* ». Bien plus, Berquin eut
la satisfaction de voir dans le courant de 1527, son plus
1. La France Protestante, II, 419.
DOCUMENTS 637
farouche ennemi, Beda, aux prises à son tour avec le Parle-
ment. Mais ses adversaires ne désarmèrent pas pour cela :
au contraire, l'âpre fierté avec laquelle Berquin poursuivait
ses contradicteurs, la certitude qu'il affichait de pouvoir les
abattre, exaspérèrent les haines contre lui. Les attaques
recommencèrent à la fin de 1528. La saisie de quelques-uns
des ouvrages de Berquin sur un de ses domestiques qui,
— fait miraculeux! — s'évanouit devant une statue de la
Vierge, fournit l'occasion d'arrêter de nouveau Berquin. La
procédure fut menée hâtivement. Un premier arrêt fut rendu
le 16 avril. Berquin ayant interjeté appel, le Parlement revisa
le lendemain la procédure et condamna Berquin à mort.
Pour empêcher le roi d'intervenir efficacement en faveur
de Berquin, comme il l'avait fait les deux fois précédentes,
l'arrêt fut exécuté sur le champ. C'est par ce coup de traî-
trise juridique que la Sorbonne et le Parlement se débarras-
sèrent de celui que l'on pourrait appeler l'un des Pères de
la Réforme française.
V.-L. BOURRILLY.
BANQUIERS HUGUENOTS RÉFUGIÉS EN FRISE
(1687)
Charles Weiss, dans son Histoire des réfugiés (II, 22),
raconte qu'un certain « Le Noir de Monfreton et quelques-
uns de ses compagnons d'exil offrirent, en 1686, aux états de
la Frise un capital d'un million, pour lequel ils ne demandèrent
que l'intérêt courant. Il cite comme source une dépêche du
comte d'Avaux, du 15 mars 1686. A la diète des états de la
Frise de février-mars 1686 fut, en effet, présentée une re-
quête de réfugiés offrant aux états un capital d'un million de
florins à raison de 5 p. 100. La requête était accompagnée
d'un mémoire pour recommander la chose. Le 20 février 1686
les états résolurent de négocier cet emprunt au taux le plus
avantageux, c'est-à-dire ne dépassant pas 4 1/2 p. 100. Néan-
moins l'affaire n'eut pas de suite puisque l'année suivante
cette résolution fut révoquée.
638 DOCUMENTS
Ce qui est curieux ou plutôt significatif, c'est que le nom
de Le Noir de Monfrelon ne se trouve nulle part. On ne trouve
en Hollande que Philippe Le Noir de Cj'évain, ministre de la
princesse de Rohan à Blain en Bretagne et, de 1685 à 1691 pas-
teur à Hoorn, et son C\\s Jacques Le Noir de Morlain, pasteur à
Berg-op-Zoomde 1685 à 1724, mort en 1744. De plus, la requête
et le mémoire dont je viens de parler ne portent aucun nom,
aucune signature. La résolution des états, de même, ne fait
mention d'aucun nom. Il est inadmissible que ceux-ci aient
délibéré et pris une décision sur une requête de personnes
dont ils ne connaissaient pas le nom. Ils savaient certaine-
ment à qui ils avaient affaire, mais c'est évidemment à des-
sein et d'un commun accord qu'on s'abstint de nommer per-
sonne. Pourquoi? sans doute pour que les espions du comte
d'Avaux, toujours aux aguets, ne pussent savoir quels réfu-
giés avaient sauvé une partie de leur fortune. Quand la réso-
lution des états, qui ne pouvait rester secrète, s'ébruita, on
donna peut-être aux espions un nom supposé ou encore celui
d'une personne qui ne se trouvait pas en Hollande.
Je crois cependant pouvoir fournir les principaux signataires
de l'offre attribuée par d'Avaux à Le Noir de Monfreton.
J'ai en effet, retrouvé aux archives de Leeuwarde, une
requête postérieure, du 31 mars 1687,faisant aux mêmes états
une nouvelle proposition, moins importante que celle qui
avait été d'abord acceptée puis rejetée. Or celte seconde
requête est signée de quatre banquiers parisiens, P. Formont
de Brevanne, H. Tersmitte, Robelhon et J. Formont de la
Tour. Je n'hésite pas à croire que ce furent eux, et non l'in-
connu Le Noir de Monfreton qui avaient aussi fait en leur
nom, et au nom de plusieurs autres réfugiés, la proposition de
1686. Voici une traduction de la supplique de 1687 à laquelle
nous n'avons pu trouver ce que les états de Frise répondi-
rent :
A LL. HH. PP. les États de la Frise réunis à la Diète.
Les soussignés, français réfugiés représentent à vos hautes puis-
sances qu'ils ont dû abandonner presque tous leurs biens et que
ce qui reste n'est pas assez considérable pour leur permettre de
DOCUMENTS 039
vivre et de s'entretenir s'ils ne trouvent pas à le placer à un taux
avantageux. C'est ce qui les oblige d'en placer une partie à titre de
rente viagère et le reste à titre d'intérêt. Comme vos HH. PP. ont
montré leur bienveillance envers ceux qui se sont retirés dans
cette province, les suppliants espèrent que ce qu'ils proposent ne
vous déplaira pas.
En premier lieu les suppliants sont disposés à donner à titre de
rente viagère une somme de soixante mille florins à raison de
10 p. 100 d'intérêt qui leur serait payé par semestre dans cette pro-
vince contre leurs quittances ou aux porteurs de leurs procura-
tions, qu'ils résident soit ici, soit ailleurs.
(2) Si cette proposition est acceptée, les suppliants donneront, en
outre, à titre d'intérêt, une somme de quatre-vingt-dix mille florins,
dont on leur payerait, à partir de la date des obligations, un inté-
rêt de 5 p. 100 s'ils demeurent dans cette province, et de 4 1/2 si
leurs affaires ne leur permettaient pas d'y rester.
(3) Chacun qui aura donné son argent à titre d'intérêt pourra
le reprendre quand il en aura besoin sans déduction d'une par-
tie de l'intérêt lequel lui sera payé jusqu'au jour du rembour-
sement.
(4) Comme beaucoup de réfugiés français qui ont sauvé peu de
biens, dont ils ne pourront subsister s'ils ne trouvent pas l'occasion
de les placer à titre de rente viagère et d'en tirer un intérêt avan-
tageux (qu'ils dépenseront sans doute dans cette province en s'y
établissant), que vos HH. PP. veuillent bien décréter que ces per-
sonnes seront agréées aux mêmes conditions que les suppliants, et
tous continueront de prier Dieu pour le bonheur et la santé de vos
HH. PP.
Fait à Leeuwaerden le 31 mars 1687.
P. FORMONT DE BrEVANNÉ. H. TeRSMITTE.
ROBETHON. J. FORMONT DE LA ToUR.
De ces quatre noms un seul se retrouve sur les registres
des Églises wallonnes, c'est celui de Tersmitten. En 1676,
le 14 juillet furent mariés à Amsterdam, dans la Nouvelle
église Casper Tersmitten et Catrina de Neufville. En 1681
Casper Tersmitten est ancien à Harlem. On ne peut toutefois
affirmer que ces mentions s'appliquent au Tersmitten qui
signa la précédente requête. Quant aux trois autres, ils n'ont
(>40 DOCUMENTS
point laissé de traces clans les registres wallons, d'où Ton
peut conclure qu'ils ne restèrent pas en Hollande. On trou-
vera quelques renseignements sur Pierre et Jean Formont
dans Douen, la Révocation à Paris, III, 339. H. Tersmitte y
est aussi mentionné I, 570 note, ainsi que Robethon, II, 116.
Celui de la requête est sans doute Jean fils de Jacques, doc-
teur en médecine et de Marie Hamilton. On trouve aussi
mariés à Sedan, 12 mai 1675, Jean Robethon 26 ans 1/2, mar-
chand, demeurant à Paris, et Susanne Caussin, 18 ans, et le
19 juin 1686, Jean Robethon, marchand, venant de Paris,
citoven d'Amsterdam.
H. GuYOT etN. W.
LA MISSION DE FÉNELON ET DE L'ABBÉ CORDEMOY
EN SAINTONGE
D'après un témoin oculaire (1694)
On sait qu'il y a deux Fénelon : celui de la légende et
celui de l'histoire. Le premier, celui des écrits destinés à la
postérité, a réussi, à force de génie, à prendre rang parmi
les apôtres de la tolérance; l'autre, celui de la correspon-
dance au jour le jour, dominé par la préoccupation de faire
valoir ses services, s'est montré ce qu'il était en réalité,
c'est-à-dire un missionnaire qui ne se distingua de ses
confrères que par un peu plus de dissimulation.
C'est bien à lui que s'applique le portrait du missionnaire
tracé par M. Faguet : « Un prêtre charmant, un orateur
onctueux précédé et suivi des dragons », s'avançant « avec
des paroles de paix et un appareil de guerre ' ». D'ailleurs,
il ne pouvait pas en être autrement. Si Fénelon n'avait pas
été cela, il n'aurait jamais été choisi pour la mission de
Saintonge.
Le 5 novembre 1685, Seignelay écrivait à l'abbé de Fénelon,
que des relations très amicales unissaient aux Colbert, pour
1. Cf. Bullet. prot., XLIV [1895], p. 105.
DOCUMENTS 641
le prier de choisir « quelques bons prédicateurs » en vue
d'une « mission » que le roi voulait envoyer sur les côtes de
Saintonge et de Poitou ^ Le but était d' « accoutumer » les
nouveaux convertis de ces provinces « à la religion qu'ils
avaient embrassée^ ». C'est seulement, en effet, par « une
longue habitude » que Ton pouvait « changer les têtes dures »
de ce pays-là'.
Le 17 novembre, Seignelay invite le futur archevêque de
Cambrai à faire savoir à Tabbé Fleury* « le temps et le lieu
où commencera la mission » dont il s'agita Le 5 décembre,
Fénelon se met en route, le 15 il est à Saintes et, à la fin du
mois, il arrive à Marennes. De là, il écrit à la duchesse de
Beauvilliers une lettre où il se dépeint tout entier : « En bons
<i politiques, nous avons pris ce dernier parti [de commencer
la mission par Marennes pour plaire à l'intendant, plutôt
que par La Tremblade, comme le demandait l'évêque de
Saintes]... Les peuples commencent ici à nous aimer... Ils
« sont bonnes gens^ disent-ils en parlant de nous. .. Les
« applaudissements qu'ils nous donnent leur sont utiles et
« ne nous font point mal : ils servent à les rendre dociles... »
Suit un éloge enthousiaste de l'intendant (Arnoul, ne l'ou-
blions pas) « honnête et aimable homme... si digne de gou-
verner que je voudrais qu'il fut évêque'' ». En janvier 1686,
les missionnaires sont à l'œuvre à Rochefort, où ils trouvent
« dans tous les esprits un attachement incroyable à l'héré-
sie^ », et enfin, le 6 février, ils attaquent La Tremblade d'où
ils rayonnent sur Arvert et les environs.
A La Tremblade, les missionnaires sont « logés magni-
fiquement » chez Neau, et c'est dans la « salle » de ce dernier
1. Seignelay à Fénelon, 5 novembre IGS."). — Cf. Âbbc- Veiiaque, Lettres
inédites de Fénelon, Paris, 1874, p. 1.
2. Le même au même, 'i février 1686. — Ibid., p. 19.
3. Fénelon à Seignelay, 29 mars 1686. — Ibid., p. 27.
4. Claude Fleury, l'historien, qui fut plus tard sous-précepteur du duc
de Bourgogne et conlesseur de Louis XV.
5. Seignelay à Fénelon, 17 novembre 1685. — \'erlaque, p. 2.
6. Fénelon à la duchesse de Beauvilliers, 28 décembre 168r>. — Ibid.,
p. 5 et suiv.
7. Le même à la môme, 16 janvier 1686. — Ibid., p. 8.
6-42 DOCUMENTS
qu'a lieu la première conférence*. M. Lételié admet — avec
raison, selon nous — que ce Neau est le même que Samuel
Neau, riche marchand et père d'une nombreuse famille.
Pour établir la douceur dont usa envers les errants l'abbé
de Fénelon, le même auteur rapporte' qu'il « respecta
l'opinion religieuse » de ce « zélé protestant, qui lui accorda,
« en retour, d'instruire dans la religion catholique ceux de
« ses douze (?) enfants qui voudraient l'embrasser. Ses quatre
« filles et un seul de ses garçons se convertirent, et Fénelon
« facilita le mariage d'une de ses néophytes avec un protes-
« tant ». Nous verrons tout à l'heure ce qu'il faut penser de
la mansuétude des membres du clergé que Fénelon avait
choisis de sa propre main pour seconder en Saintonge, et à
La Tremblade même, les desseins du roi convertisseur.
Malgré le « charme » déployé par Fénelon, au dire du
subdélégué Chastelars, « dans la salle de chés Neau », il est
■certain qu'il y eut des mécomptes, car, après un mois de
travail sans relâche, dans lequel il avait été aidé par deux
nouveaux convertis de marque, le chef d'escadre Forant et
le pasteur Papin, Fénelon écrivait à Seignelay le 8 mars
1686 : « Le naturel dur et indocile de ces peuples demande
« une autorité vigoureuse et toujours vigilante. Il ne faut
« point leur faire de mal, mais ils ont besoin de sentir une
«main toujours levée pour leur en faire s'ils résistent ^ » Entre
appeler franchement les dragons à la rescousse, et obtenir
des « conversions » par la crainte qu'ils inspirent, nous ne
voyons pas très bien où gît la différence. Une réputation de
tolérance acquise à si bon marché, en vérité, c'est donné
pour rien!...
Le 24 mars 1686, Fénelon quitta La Tremblade pour La
Rochelle. Il laissait derrière lui, pour continuer son œuvre
que, d'ailleurs, il ne devait pas perdre de vue, la moitié des
missionnaires, ayant à leur tête l'abbé de Cordemoy, « qui
« conduira l'œuvre fort sagement » et « joint à une connois-
1. Le subdélégué Chastelars à l'inlendant Arnoul, 9 lévrier 1686. —
Cf. A. Lételié, Fénelon en Saintonge, Paris, i885, p. 64.
2. Ibid., p. 17.
3. Fénelon à Seignelay, 8 mars 1686. — Lételié, p. 64 n.
DOCUMENTS 643
« sance parfaite des controverses beaucoup de piété et de
« prudence* ». L'abbé de Cordemoy et son frère Fabbé de
Narcé, étant allés, peu de temps après, en mission à Royan,
ne rentrèrent à La Tremblade que le 2 septembre 1687, mais
cette fois pour y rester dix ou douze ans, logés chez les demoi-
selles Anne et Éléonore Gombauld. La lettre suivante, écrite
en 1694 par un religionnaire de La Tremblade — Samuel
Neau dont il a été question plus haut — projette une lueur
singulièrement crue sur les procédés évangéliques des deux
apôtres, que le voisinage du grand nom de Fénelon a fait
bénéficier, en quelque mesure, de la réputation de tolérance
de l'archevêque de Cambrai.
« Monseigneur, je pran la liberté de m'adresser à vostre gran-
deur dans la triste affliction qui m'accable de me voir privé depuis
près de dix mois de la veuë de deux de mes filles qu'on m'a ostée
pour mettre dans des couvents à Saintes, pour vous supplier très
humblement de vouloir m'accorder votre protection et leur liberté.
Leur conduitte, Monseigneur, a esté toujours régulière et conforme
aux intantions de Sa Majesté au sujet de la Religion catholique,
assistant tous les jours de festes et dimanches aux exercices spiri-
tuels qui se faisoyent. Et je suis convaincu qu'une demeure plus
longue dans des cloîtres ne peut les mieux disposer qu'elles
estoient lorsqu'elles estoyent avec moy. Cependant, Monseigneur,
c'est le prétexte que Monsieur l'abbé de Cordemoy a exposé pour
obtenir une lettre de cachet, afin de les faire reléguer dans les
cloistres. Si j'osois, Monseigneur, vous expliquer tout ce qui se
passe et de quelle manière Monsieur l'abbé de Cordemoy se com-
porte sous prétexte de religion, tant à mon esgard qu'au sujet de
tous les habitans de ce pays, Vostre Grandeur n'approuveroit pas
assurément son procédé et le trouveroit trop contraire aux inten-
tions de nostre bon roy, puisque le commerce dans lequel nous
sommes la plus part n'est pas fait ni entrepris comme nous pourrions
le faire, dans la crainte où nous sommes de nous faire une affaire
fascheuse auprès de Monsieur l'abbé de Cordemoy qui nous
menace tous d'une manière forte et exéculle contre les plus pauvres
les menaces qu'il fait, qui s'en trouvent accablés et entièrement
ruynés par les exécutions et ventes de leurs meubles, cela pour
1. I^e même au même, 23 mars !ti>s(j. — N'criaque, p. 25.
644 DOCUMENTS
n'assister pas à des conférences qu'il fait et qui jusques à présent
ont plus esioigné les esprits de la [Religion catholique qu'elles n'ont
servi à les faire professer. Le publicq, Monseigneur, et moy en
mon particulier espérons que vous nous soulagerés en Testât que
nous sommes, et que je ne serai pas obligé d'interrompre mo n
commerce et ainsi de causer une diminution de près de vingt-cinq
mille escus de droits pour les Bureaux de Sa Majesté, que Vostre
Grandeur aura la bonté de m'accorder la liberté de mes filles, de la
conduitte desquelles on sera content et qui assisteront régulièremen t
aux exercices. J'attends, Monseigneur, ceste grâce de Vostre Gran-
deur, et je suis avec le plus profond et le plus soumis respect que
je doibs, de Vostre Grandeur, Monseigneur, Vostre très humble et
très obéissant serviteur.
Samuel Neau.
A La Tremblade le 29 janvier 1694 *. »
L'argument commercial était le seul qui eût quelque
chance de porter en haut lieu. Vingt-cinq mille écus de droits
payés au Trésor, qui en avait besoin, cela valait bien la mise
en liberté — très relative, du reste — de deux pauvres filles
restées probablement protestantes au fond du cœur. Samuel
Neau obtint-il l'objet de sa requête? Nous l'ignorons.
Quoi qu'il en soit, celte lettre peut se passer de commen-
taires. Elle parle assez d'elle-même pour dissiper les der-
nières légendes relatives à la bénignité des Missions de
Saintonge — surtout quand on la rapproche d'autres exploits
du même abbé de Gordemoy dont le Bulletin^ à diverses
reprises, a enregistré le souvenir*.
' P. F. B.
1. Archives Nat. Tt. 45'j, xx. — Nous devons à M. N. Weiss la commu-
nlcalion de ce document de haut intérêt.
2. Cf. l'histoire de Pierre Ghaillé, médecin de La Tremblade, Bitllet.
prot., XLIV [1S95] p. 40 et s., 305 et s., et celle de la veuve Michel, de
Marennes, Ibid., L [1901], p. 36. — Quant à la mission de Fénelon en
Saintonge, Cf. O. Douen, L'intolérance de Fénelon, passim.
Mélanges
UNE ABJURATION PUBLIQUE A VILLENEUVE-D'AGEN
En 1559
(Arrêt du Parlement de Guyenne contre le régent Philippe de Lévis.)
Le très court document que nous publions ci-après est du
genre de ceux que nous avons déjà à plusieurs reprises donnés
au Bulletin: c'est un arrêt du Parlement de Guyenne* qui, en
appel, ratifie la sentence des juges présidiaux d'Agen contre
un certain Philippe de Lévis, régent de Villeneuve-, accusé
d'hérésie, et le condamne à l'abjuration publique d'abord en
plein parquet du présidial d'Agen, puis devant le portail de
l'Église Sainte-Catherine de N'illeneuve, enfin le bannit à
perpétuité du ressort de la Cour.
Ce qui rend cet arrêt particulièrement intéressant c'est
qu'il nous fait connaître un de ces régents qui alors propa-.
geaient secrètement la Réforme et que, par une heureuse
exception qui ne se retrouve guère dans les minutes d'arrêts
du Parlement de Guyenne, il est suivi de la liste des « propo-
sitions » hérétiques, déterminée par la Cour elle-même, que
Philippe de Lévis devra abjurer publiquement.
H. Patry.
Entre le procureur général du Roy, demandeur en crime d'héré-
sie, d'une part;
Et Philippe de Lévis, prisonnier détenu en la conciergerie de la
court, défendeur, d'autre;
Veu le procès-verbal de maistre Jehan d'Aspremont, lieutenant
particulier en la séneschaucée d'Agenois du dix-septièsme jung der-
nier, autre procès-verbal contenant les interrogatoires faictz aud.
détenu par les présidiaulx d'Agen du premier juillet aud. an, double
1. Arch. dép. de la Gironde. B. 128 (Parlement; Minutes des Arrêts),
2 fols, pap., à la date.
2. Il s'agit de Villeneuve-sur-Lot, dans le Lot-et-Garonne. — On trouve
à Baignes-Sainte-Pxadegonde (Charente, arr. Barbezieux,ch. 1, de canton)
un Lévis pasteur en 1576 (Crollel, Histoire des Églises réformées de Pons,
Saujon et Mortagne, p. 75).
646 MÉLANGES
de lettre missive de laquelle fut trouvé saisi led. détenu, commen-
çant : « La puissance merveilleuse et horrible, etc.. De Nérac, ce
huicliesme may mil cinq cens cinquante neuf », et ouy led. détenu
en la geheyne ;
Il sera dit que la court condamne led. défendeur pour les cas
résultans du procès à faire amende honorable, teste nue et à genoilz»
au parquet et auditoire du siège présidial d'Agen et illec requérir
pardon à Dieu, au roy et à justice; et oultre, ordonne lad. court que
led. détenu sera mené au devant le portai de l'église parrochialle
de Saincte-Catherine de Villeneufve où illec, ung jour de dimanche,.
yssue de la grand messe, abjurera les propositions extraictes du
procès par devant le recteur ou vicaire de lad. église, et néantmoins
requerra pardon à Dieu, au roy et à justice et seront en sa présence
bruslez le calhéquisme et lad. lettre desquelz auroit esté trouvé
saisi, et, ce faict, le bannist à perpétuité du ressort de lad. court.
[Signs. autogrs :] De Carle : h{abea)t ung escii
A. de Gaultier.
VU' sept^''^ MV'LIX.
[v" :] Messieurs de Carie;
Faugerolles, présidens,
Alesme;
Ciret ;
Malvin ;
Vergoing;
La Ghassaignc
Moneinh ;
Gasq;
Gaultier, relator.
[r 2 :j S'ensuyvent les propositions que M* Philippes de Levys,
régent de Villeneufve, doyt abjurer pour le suspition du
crime d'hérésie, laquelle résulte par les responces par luy
faictes tant par le lieutenant particulier d'Aspremont que
par les juges présidiaulx d'Agen.
Premièrement abjurera la proposition héréticque qu'il ne se fault
confesser au prebstre, et déclairera que, au contraire, il est com-
mandé sur peyne de dampnation éternelle de soy confesser au
prebstre.
La seconde proposition qu'il abjurera, c'est qu'il n'y a point de
purgatoire et déclairera qu'il croid fermement qu'il y a lieu certain
et déterminé de purgatoire pour purger les péchés vénielz.
MÉLANGES 647
La tierce, qu'il ne fault recepvoyr son créateur à Pasqucs et déclai-
rera qu'il recognoyt avoir erré de ne s'estre confessé et de
n'avoyr reçeu son créateur à Pasques dernier; aussy déclairera
qu'il croid fermement que, soubz peyne de péché mortel, il se fault
confesser et recepvoyr son créateur à la feste de Pasques et qu'il
croid que après la prolation des parolles sacramentales, le précieux
corps de Nostre Seigneur est réallement et de faict soubz les
espèces de la saincte hostye.
UNE LETTRE INÉDITE D'UN FORÇAT POUR LA FOI*
Chacun sait que le soulèvement des Cévennes eut pour
cause racharnement avec lequel le clergé catholique harcelait
les nouveaux convertis, pour les obliger d'aller à la messe.
L'année 1701 fut marquée par de nombreuses surprises
d'assemblées, suivies de condamnations aux galères, à la
potence ou à la roue, qui contribuèrent puissamment à exas-
pérer les populations cévenoles, lassées à la longue de subir
une persécution sans arrêt.
Au mois de juin, le prieur de Vallérargues, près d'Uzès,
« ayant découvert sur ses pas un jeune berger à genoux, fai-
sant sa prière, le traîna par les cheveux dans sa maison, et,
afin que Guiraud, juge de Lussan, en pût dresser un procès-
verbal, il alla lui-même demander du papier marqué au fils
d'un notaire, nommé Bouton ». Des paroles vives furent
échangées entre ce dernier et le prêtre auquel il reprocha sa
cruauté à l'égard du jeune berger, et dans l'irritation de la
dispute, Bouton « courut à l'église du lieu, renversa le taber-
nacle et jeta tous les ornements dans un puits^ ». Tel fut le
i. Celte lettre a été découverte par M. A. Lafont, pasteur à Lussan.
J'ai prié M. P. Fonbmne B. de la présenter à nos lecteurs.
2. A. Court, Hist. des troubles des Cévennes, éd. de 1760, I, p. 31. — Cf.
Abbé de Louvreleuil, Le Fanatisme renouvelé, éd. de 1868, I, p. 1.5; — Ch.
J. de la Baume, Relation hist. de la révolte des fanatiques ou des Cami-
sards, p. 35; — Fragment de la guerre des Camisards, pub. par Marius
Talion, p. 15 et 16: — Lettre du Comte de Broglie au ministre de la guerre,
d'Uzès 5 juin 1701 (dans VHist. du Languedoc de Dom Devic et Vaissetle,
XIV, col. 1537); — Lettre du 11 décembre 1701 {Pap. Court, n» 11, f° 'il3.)
648 MÉLANGES
« sacrilège » de Vallérargues, qui coûta la vie à Bouton et au
nommé Olimpe ou Olimpie, lequel n'était pour rien dans Taf-
faire. Ils furent, Tun roué et l'autre pendu, à Uzès le H juin
1702.
D'après le Fragment de la guei're des Camisards, le forçat
Jérôme Serre, dont on lira plus loin la lettre, fut condamné
par le même jugement et pour la même cause, aux galères
perpétuelles. La liste dressée par M. H. Bordier (France
prot., VI, col. 341, n° 2006) porte toutefois qu'il avait été
envoyé à la rame pour six ans, pour le délit d'assemblées
illicites. C'est tout ce que l'on sait sur ce galérien, dont le
nom ne figure sur aucune liste de confesseurs des galères.
P. F. B.
A Marseille ce O""* avril 1702.
Monsieur,
Je n'aurais pas tant tardé à vous Ecrire pour vous remercier de
tant de penne que vous prenez pour moy, Je Laurais fait cepandant
plutôt sy je ne me fuse flatté que le fils de mètre Roques viendroit
dans put (peu) a Marseille. J'aurais Eté bien aise de vous Ecrire par
cette voye ou par quelque autre afin de vous épargnier le port de
Lettre, quant il me randit votre Lettre a laquelle je repond, il
m'avait promis de prandre La reponce avant partir, ce pandant il
ne vin point ce qui fait que je vous écrit aujourdhuit par La poste
pour vous prier de vouloir me continuer vos bons offices, en prenent
La penne de Grire (d'escrire) encorre à ma faveur a monsieur pestel
pour tacher de me faire mètre dans La manufature.
Il est vray que je n'étais point dans ce dessain quant Le fils de
mètre Griolet* fut icy mais du depuis J'ay considéré que sy Javois
Le bonheur d'entrer dans La taverne* je serais mieux de beaucoup
1. Habitant de Valerargues, diocèse d'Uzès.
2. Le désir exprimé par Serre d'entrer dans la Manulacture de Mar-
seille, ou dans la taverne où il « serait mieux de beaucoup que sur la
galère », est la preuve qu'il avait abjuré. Voici, en elïet, ce que Pontchar-
tiain écrivait à de Montolieu le 27 mai 1699 : [Sa Majesté] « veut absolument
qu'il soit defièndu de donner aucun employ de tavernier, mousse ou i)ar-
berot aux religionnaires obstinez et qui refusent de se l'aire instruire, et
qu'ïiu contraire ceux qui paroissent dangereux par leurs intrigues soient
retenus en brancade » (Ordres et dépêches concernant les galères, Arch.
Nat. B6 32, 1'° 272.) (P. F. B.)
MÉLANGES 649
que sur la galère. J'ay veu m' peslel depuis deux ou trois Jours et
Luy ay parlé de cela, il m'a fait toutes les offres qui ce peuvent
faire a votre considération, il m'a dit qu'il ne dépandroit que de
moy di entrer dès que L'on aura donné Liberté a plusieur qui son
La dedans et qui sont nommé pour cela et qui seront délivrés au
premier iour, vous aurez dont La bonté de Luy écrire un mot, pour
me recommander a Luy à votre faveur, je Luy fit vos compliment
comme vous m'aviez chargé de faire, je Luy ay beaucoup dobligat
(ion) de toutes les bontez qu'il a pour moy, tout récemment dun éceu
de trois Livres dix sous qu'il a eut La bonté de me prêter pour paier
mon deferage, vous aurez La bonté d'obliger mon fils a me Lanvoier
Le plutôt qu'il poura pour que ie Le rande a ce m' Pestel, au surpl us
jesalue toute votre honorable famille a qui ie me recommande touiour
à Leur bon souvenir, je prie m' votre père* de prandre La pêne de
parler a ma faveur a monsieur de Cournillion^ pour Lobliger à me
randre quelque service, je ne vous marque rien de parlicuUierde cette
ville sinon qu'il a party ces Jours passés six galères pour La cam-
pagne. Le bruit cour qu'il vont à Naples voila tout ce que je vous
puis marquer pour le pressent vous prient de me croire avec tout
le respect possible.
Monsieur,
Votre très humble et obéissant serviteur»
Serre.
Salues de ma part monsieur Labbé^, s'il vous plait que ie le prie
de faire quelque chose pour moy pour tacher a me tirer de cette
misère ou pour me soulager dans icelle par le moien de ces (ses) amis .
La présente soit Randue à mètre Roque Cabaretier tenan le Logis
du Soleil pour faire tenir s'il Luy plait a monsieur Grasset fils à
Valerargue. A. Uzés.
1. Le père du destinataire delà lettre était maître Pierre Grasset, lieu-
tenant déjuge aux ordinaires de Valerargues.
2. Messire' Cliarles de Sibert, seigneur et baron de Gornillion, seigneur
de Valerargues, Mintières et autres places, conseiller du Floy, viguier et
maire de Bagnols-sur-Cèze en août 1694.
3. Il s'appelait l'abbé André Cousin, pi-ieur de Valerargues. — Si c'est
bien de lui qu'il s'agit ici, ce post-scriptum de Serre nous paraît infirmer
le témoignage du Fragment, qui est seul à parler de ce galérien à propos
de l'affaire de Bouton et d'Olimpie. (P. F. B.)
LI. — 45
6"j0 séances du comité
SÉANCES DU COMITE
11 novembre 1902
Assistent à la séance, sous la présidence du baron F. de Schickler,
MM. Bonet-Maury, F. de Félice, F. Kuhn, Armand Lods, W. Mar-
tin, G. Monod, F. Puaux, R. Reuss, John Vienot et N. Weiss.
Après la lecture et l'adoption du procès-verbal de la dernière
séance, M. le président exprime les regrets du Comité au sujet du
décès de M. Charles Frossard que sa dernière lettre laissait malheu-
reusement trop entrevoir. La participation de M. Frossard à nos
études remontait à l'origine même de notre Société. Il s'était inscrit
sur la toute première liste d'adhérents et porta toujours un très vit
intérêt à nos travaux. Le Bulletin en renferme des preuves nom-
breuses, et quand M. Frossard assistait à nos séances, il avait presque
toujours quelque communication intéressante à nous faire. Mme Fros-
sard a envoyé à la Bibliothèque la collection de méreaux et de mé-
dailles protestants qu'il avait formée et désignée comme devant nous
être remise en souvenir de lui. Le président transmettra à Mme Fros-
sard, avec les regrets du Comité, ses remerciements pour ce don.
Bulletin. — Après avoir communiqué le sommaire du numéro sous
presse, le secrétaire rappelle que la livraison de Décembre sera la
dernière du 50' volume de notre recueil et de toutes celles qui devront
figurer dans la Table générale. Il se demande s'il n'y aurait pas lieu
de faire quelques modifications pour la série nouvelle qui marquera
en 1903 le deuxième cinquantenaire de notre société. La plupart des
membres présents prennent part à la discussion etdécident qu'il y aura
une nouvelle séance dans la quinzaine pour aboutir aune résolution
définitive. La forme actuelle du Bulletin est généralement approu-
vée, mais on pense aussi avec M. Puaux qu'il pourrait, avec avan-
tage paraître seulement tous les deux mois. Le secrétaire commu-
nique ensuite la liste des volumes dont la table sur fiches est actuel-
lement terminée et dit que celte table sera certainement achevée
avant la fin de l'année courante*.
I. Trois procès-verbaux antérieurs à ceux des 13 mai, 17 juin et 8 juillet
publiés dans le Bulletin du iô novembre dernier (p. 602), c'est-à-dire ceux
des séances des 18 février, 11 mars et 8 avril 1902 n'ont pu être insérés à
temps à cause de l'encombrement résultant du compte rendu de notre
Cinquantenaire. Ils sont consacrés aux préparatifs de cçs fêtes.
CHRONIQUE LITTERAIRE 651
CHRONIQ.UE LITTERAIRE
Histoire de la Réforme dans le pays de Montbéliard *.
Il y a longtemps que je me propose de recommander à nos lec-
teurs les deux volumes que M. John Viénot, alors pasteur à Montbé-
liard, aujourd'hui professeur à la Faculté de théologie protestante
de Paris, a écrits sur l'Histoire de la Réforme dans le pays de Mont-
béliard. J'aurais dû en parler avec d'autant plus d'empressement
qu'en 1896 (498-503), en rendant compte des deux thèses de licence
de noire collègue, et en montrant à quel point le Protestantisme dans
le pays de Montbéliard de l'abbé Tournier était une œuvre de parti,
j'exprimais l'espoir que M. Viénot répondrait à ce pamphlet. La
réponse, qui constitue la thèse de doctorat en théologie de noire
collègue, est complète et définitive. Non que l'auteur se soit beau-
coup préoccupé de réfuter l'abbé Tournier. Il a fait plus et mieux :
En exposant purement et simplement, à l'aide de textes authentiques
et contemporains, la naissance et l'organisation de la Piéforme dans
cette principauté et en montrant de temps en temps combien ces
faits cadrent peu avec la manière dont les présente l'abbé Tournier,
il a évité de donner à son livre les allures d'un plaidoyer. Même
ceux qui abondent dans le sens de l'abbé Tournier, c'est-à-dire qui
ne voient dans le protestantisme qu'une œuvre personnelle, de haine,
de destruction et de passion, ne pourront s'empêcher, lorsqu'ils auront
ouvert l'ouvrage du professeur, de constater qu'il est bien autrement
documenté et digne de confiance que celui de son contradicteur.
Le comté — ce qu'on appelle aujourd'hui le pays de Montbéliard,
occupe dans l'histoire une situation ethnographique et politique tout
à fait particulière. Enclavé dans une sorte d'angle entre la France,
la Suisse et la haute Alsace, ce petit coin de terre était nécessairement
influencé par tout ce qui se passait chez ses voisins. Par la langue,
il se rattachait à son plus grand voisin, la France, qui devait tôt ou
tard l'absorber. Mais resté en dehors du puissant mouvement de
centralisation et d'uniformité morale qui a dominé toute l'histoire de
France, ses sympathies le portaient du côté de la Suisse et de
l'Alsace, c'est-à-dire de ce que nous appelons le self governinent qui
1. Deux volumes de xx-3G0 et 360 pages in-B", Montbéliard, imprimerie
-Montbéliardaise, 1900.
652 CHRONIQUE LITTERAIRE.
était pratiqué dans ces deux pays. Or les souverains du comté de
Montbéliard furent allemands et peu à peu entraînés, à cause de leur
situation de princes du Wurtemberg, à donner la préférence à la
Réforme luthérienne. De là une sorte d'antagonisme entre les ten-
dances des sujets. et celles de leurs souverains. Pourtant, pendant
la plus grande partie du xvi' siècle, dans tous les cas jusqu'à l'époque
de la Saint-Barthélémy, l'influence réformée mitigée — comme elle
l'était, par exemple, en Alsace — l'emporte et ce furent en réalité les
protestants français, Guillaume Farel, et Pierre Toussain qui con-
quirent cette région à l'Évangile.
M. Viénot nous fait assister à toutes les péripéties de la longue
lutte que se livrèrent ces deux tendances, ainsi qu'aux manoeuvres
de l'archevêque de Besançon pour arracher cette partie de son dio-
cèse à l'hérésie, manœuvres qui devinrent très sérieuses lors de
l'Intérim. Mais j'aurais aimé qu'avant de nous décrire cette lutte qui
fait l'intérêt de son livre, l'auteur nous donnât une idée plus nette
des divers éléments dont se composait la population et sur lesquels
s'appuyaient ceux qui, à tour de rôle, s'efforçaient de la gagner.
Ainsi je me suis demandé s'il n'y avait pas déjà en 1524, autour du
duc, une sorte de parti allemand composé surtout de fonctionnaires
et si Gaylingqui fut le collègue de Farel ne prêcha pas en allemand
précisément pour eux. Lorsqu'on 1543 le représentant du luthéra-
nisme et l'adversaire tenace et peu scrupuleux de Toussain, Erhard
Schnepff publie en latin ses ordonnances ecclésiastiques {Ecclesias-
ticorum rituum et cceremoniarum ducatiis Wittembergensis Régula),
il le fait in iisum quoriimdam parochoruni germanice ne scientium,
c'est-à-dire à l'usage de quelques pasteurs qui ignorent l'allemand.
On est, dès lors, amené à se demander s'il n'y en avait pas d'autres
qui savaient l'allemand et peut-être s'en servaient quelquefo is. Enfin,
malgré l'appui officiel dont jouissait le luthéranisme strict, Tous-
sain n'a-t-il pas réussi à maintenir son influence et celle de ses col-
lègues animés de son esprit, précisément parce que la très grande
majorité des pasteurs et des paroissiens ignoraient la langue fami-
lière à Schnepff, aux souverains et à leurs créatures ?
Quoi qu'il en soit, ce résultat est dû avant tout à l'esprit paci-
fique, conciliant et patient de Pierre Toussain. Non seulement, il
sut faire des concessions à ses adversaires théologiques, mais il sut
respecter la liberté et les croyances des catholiques. A cet égard,
l'histoire du comté de Montbéliard, à l'instar de celles de la Rochelle,
du Béarn et de la principauté de Sedan, démontre que là où les
protestants étaient en majorité, la révolution religieuse a pu s'ac-
CHRONIQUE LITTÉRAIRE 653
complir sans effusion de sang et sans l'anéantissement de la mino-
rité. Pourquoi ? Parce que, malgré l'intolérance et le caractère
absolu des convictions, les protestants avaient à un plus haut degré
que les catholiques, le sentiment de la liberté et des droits de l'opi-
nion adverse. Jamais, en effet, les catholiques ne furent expulsés
du pays de Montbéliard et je n'y ai point trouvé de procès criminel
pour hérésie. Or il est incontestable que si l'archevêque de Besançon
y avait eu les coudées franches, les mesures de violence auraient
aussitôt été employées contre les hérétiques.
Cette histoire touche encore par un autre côté à l'histoire géné-
rale de la Réforme. Guillaume Farel et Pierre Toussain appar-
tiennent à la toute première génération de réformateurs. Cette
génération qui fut témoin des origines mêmes du mouvement était
avant tout animée du désir d'arracher les multitudes aux ténèbres
de la superstition et d'une ignorance profonde. C'étaient des évan-
gélistes beaucoup plus que des théologiens et bien qu'ils aient été
eux aussi entraînés dans la polémique anticatholique, pourtant les
questions purement morales et religieuses l'emportaient chez eux sur
les questions dogmatiques pour lesquelles se passionnèrent surtout
les hommes du milieu du xvi* siècle. Or ceux qui voudront étudier
le protestantisme primitif, celui qui est antérieur aux guerres de
religion, trouveront, surtout dans les nombreux documents inédits
que M. Viénot a publiés dans son deuxième volume, une ample mois-
son de renseignements de première main. Il faut remercier l'au-
teur de n'avoir reculé devant aucune peine pour colliger à Paris,
Stuttgart, Montbéliard, Besançon, Neuchatel et ailleurs, les 160 et
quelques pièces inédites qui composent ce deuxième volume et
complètent ceux de feu A.-L. Herminjard.
J'ajouterai, pour me conformer à l'usage, quelques remarques
plus critiques. J aurais voulu que la chronologie des événements,
surtout des mouvements de Farel dans les deux premiers chapitres,
fût serrée d'un peu plus près. Ils ne laissent pas la même impres-
sion de clarté que ceux qui suivent. Page 41, la dernière note devrait
être placée à la page suivante et remplacée par la note 1 de celle-ci.
Page 42, l'auteur a l'air de faire de Corneille Agrippa une sorte de
réformateur de la ville de Metz. Je suis loin de méconnaître l'impor-
tance du rôle joué dans les débuts de la Réforme à Metz par
C. Agrippa, mais l'influence décisive a été incontestablement exercée
à cette époque par les prédications évangéliques de « frère Jehan
Castellain » qui semble avoir communiqué quelque chose de son
esprit de douceur, de justice et de fermeté à tous ceux qui furent alors
654 CHRONIQUE LITTÉRAIRE
gagnés à TÉvangile dans ce pays (cf. Bull., 1886, 454, et 1889, 98)».
Je ne trouve pas non plus très exacte la définition donnée p. 51
de l'opinion de Luther sur le sacrement de la Sainte Cène. M. Vié-
not est tombé dans la confusion produite par le terme de présence
réelle improprement appliqué à la conception catholique opposée
à la conception protestante. Ce n'est pas la réalité de la présence
du Christ dans les éléments du pain et du vin qui était discutée,
mais la matérialité. Les catholiques enseignaient, en effet, la trans-
formation matérielle des éléments de la Sainte Cène en corps et en
sang de Jésus-Christ. Luther ne croyait pas à cette transsubstan-
tiation, mais, à cause de son exégèse littéraliste des paroles « ceci
est mon corps... », à la consubstantiation, c'est-à-dire à la présence
matérielle du corps et du sang de Jésus-Christ dans {ann et stib)
les éléments du pain et du vin. Parmi les réformés, Zwingli ne
voyait dans la Sainte Cène qu'un acte commémoratif et symbo-
lique, tandis que Calvin enseignait que le croyant qui y participait
y trouvait la présence — réelle aussi — mais purement spirituelle
du Christ.
Enfin puisque M. Viénot a eu l'excellente idée de joindre à son
livre quelques illustrations, il aurait peut-être pu nous donner de
la carte du comté de Montbéliard une reproduction moins réduite
et où les noms seraient plus lisibles; les portraits reproduits sont
généralement contemporains, sauf ceux de Farel et de Bullinger,
qui auraient dû être pris de préférence dans les Icônes de Th. de Bèze.
Je me permettrai de signaler aussi à notre collègue un petit vo-
lume de la Bibliothèque de la rue des Saints-Pères qui est de
nature à l'intéresser, car c'est une sorte d'adaptation allemande du
catéchisme de Pierre Toussain, peut-être par Mathias Erbe de
Riquewir. En voici le titre :
Catechismus un undertveisung christêlichs glaubens^ in der Hoch
gebornen Herren, Herrê Georgen, hochlôblicher gedechtmis, Graue
j« Wurtemberg; unnd pi Milmpelgart, etc. Graffschafft Harbiirg,
unnd Herrschafft Rychenwyr, der lugend ^u dienst iind gutem
beschriben. Ce catéchisme fut imprimé à Mulhouse par Hans Schi-
renhrand et Peter Schmid en 1559. Mais cette impression de 1559 est
peut-être une nouvelle édition, puisque la préface, signée des ser-
viteurs de l'Évangile dans le comté de Harburg et la seigneurie de
Rychenwyr, est accompagnée d'une lettre du comte Georges et
datée de l'année 1543. N. W.
1. Où il faut lire p. 99, 1. 17, Castella/n, au lieu de Castell/an.
CHRONIQUE LITTÉRAIRE 655
Représentation diplomatique de la France en Suisse.
M. Edouard Rott a publié aux frais de la direclion des Archives
fédérales de Suisse, les tomes I et II de son importante Histoire de
la Représentation diplomatique de la France auprès des Cantons
Suisses, de leurs alliés et de leurs confédérés*.
Dans la préface du tome I, l'auteur définit ainsi l'économie et le but
de sa publication : celle-ci ne doit pas comprendre moins de
neuf volumes, « divisés en trois séries. La première série qui com-
prendra les volumes I à Vi contiendra l'histoire des négociations aux-
quelles furent mêlés les ambassadeurs de France en Suisse, de l'ori-
gine des relations entre les deux pays jusqu'àla période actuelle. La
deuxième série, composée de deux volumes, donnera les biogra-
phies de tous les agents du Gouvernement français en Suisse,
ambassadeurs, ministres, chargés d'affaires, attachés... Le dernier
volume, enfin, sera consacré aux fastes de l'ambassade de France
en Suisse, au genre de vie de ses titulaires et de leur personnel au
cours des siècles et dans leurs résidences successives, à Soleure, à
Bade, à Bâle, à Lucerne, puis à Berne ^ ».
Ces promesses ont été largement tenues dans ces deux premiers
volumes.
Étudiant les ambassades par règnes, M. Rott commence, au début
de chacun, par une énumération des agents, ordinaires et extraor-
dinaires, dépêchés par nos rois auprès des cantons, dans le Valais,
auprès des Ligues Grises, à Genève. Dans ces tableaux il indique
très succinctement les noms des ambassadeurs, les dates de leurs
lettres de créance, l'objet de leurs missions, le résultat auquel chacun
d'eux est arrivé ; enfin il énumère les sources relatives à leurs ambas-
sades. Après ce tableau, chacune des ambassades est étudiée en détail.
Les deux premiers volumes sont suivis de tables alphabétiques,
— de personnes, — de lieux, — de matières—, toutes fort copieuses
et fort exactes.
La documentation est d'une extraordinaire abondance et très pré-
cise : il n'est pas un fait avancé qui ne soit appuyé d'une note. Les docu-
ments inédits qu'a connus l'auteur sont nombreuxet tirés pour la plu-
part des Archives de Suisse et de la Bibliothèque Nationale de Paris.
Telle est l'économie générale de l'œuvre qui, de Tannée 1430, s'étend
aujourd'hui à l'année 1610 : c'est, on le voit, un ouvrage d'érudition
1. 2 vol. in-/i», Berne, Paris, 1900-1ÇX)2.
2. Préface, pp. iv et v.
656 CHRONIQUE LITTÉRAIRE
plus que d'hisloire proprement dite, bien qu'au début de chacun des
règnes, l'auteur s'efforce, en une brève introduction, de dégager le
caractère de l'œuvre accomplie par nos plénipotentiaires.
La politique de nos rois en Suisse s'est proposée deux buts prin-
cipaux : tout d'abord maintenir ouvertes à nos armées les routes du
Rhin ou du Jura vers le Pô, dont les Cantons détenaient les clefs, et
aussi enrôler parmi les Suisses les contingents nécessaires à nos
expéditions militaires.
Les questions confessionnelles tiennent naturellement une très
grande place dans l'histoire de ces relations. On sait que les can-
tons ne gardèrent pas l'unité de croyances : des treize cantons qui
formaient la Confédération helvétique, six seulement, — ceux de la
plaine — se convertirent aux idées nouvelles; les sept autres — ceux
de la montagne — restèrent attachés à la religion catholique.
A partirdeHenri II, il fallut compter avec cette différence de croyances
et nos rois ne purent trouver désormais, comme ils l'avaient fait
jusque-là, le même concours chez les cantons protestants que chez
les cantons catholiques.
Dès la diète de Soleure (9-15 mai 1549), se marqua un recul très
net dans les négociations du « renouvellement » des traités. Au lieu
des neuf cantons qui dans la « journée » du 3 avril avaient offert de
sceller le traité, il ne s'en trouva plus que cinq, Lucerne, Schwytz,
Unterwalden, Soleure et Fribourg, pour manifester les mêmes inten-
tions; Zurich ainsi qu'Lri s'étaient laissés gagner par l'or impérial;
Berne et Claris se déclaraient nettement hostiles à tout renouvel-
lement d'alliance; Zug, Bâle, Schaffhouse et Appenzel élevaient
enfin au dernier moment d'assez sérieuses difficultés et refusaient
de s'engager à défendre « les duchés français » de Milan et de
Savoie (t. I, p. 466). Toutefois, pendant les jours qui suivirent, l'ha-
bileté de nos ambassadeurs et surtout « l'argent du roy » levèrent
les difficultés : « le traité du 7 juin 1549, malgré la défection des
Bernois, consolida tous les avantages acquis à la France par celui
du 5 mai 1521 ».
Henri II qui n'avait pas ménagé son approbation à nos ambassa-
deurs se montra satisfait à la nouvelle de la conclusion du traité;
il continua à suivre la politique traditionnelle de la France et n'hé-
sita pas à s'assurer le concours des cantons protestants comme
celui des catholiques.
Ses fils ne surent pas maintenir ces traditions : les Suisses pré-
férèrent alors leurs croyances à leurs intérêts; seuls les catho-
liques apportèrent désormais à la royauté leur concours militaire.
CHRONIQUE LITTÉRAIRE 657
« A Dreux, ils forment les deux cinquièmes de Tinfanterie et le
tiers de l'armée royale. Lors de la retraite de Meaux, où leurs six
mille piques tinrent en respect la cavalerie huguenote, ils constituent
l'unique soutien de la royauté chancelante. A Saint-Denis, à Jarnac,
à Monconlour, aux sièges de Saint-Jean-d'Angély etde La Rochelle,
les forces dont dispose la Couronne sont composées pour un tiers
au moins de troupes des cantons. »
Les Suisses protestants s'abstiennent au contraire de combattre
alors aux côtés de leurs compatriotes; cependant ils refusent
encore à leurs coreligionnaires français le concours sur lequel
ceux-ci croient pouvoir compter. — La nouvelle de la Saint-Barthé-
lémy « éveille certes chez eux une indicible émotion », mais ne les
décide pas encore à servir dans les armées des huguenots français.
« Ce n'est que quelques années plus tard que les sentiments popu-
laires finissent par l'emporter sur l'opinion des conseils dirigeants et
que l'on voit un grand nombre de Bernois, de Bâlois et de Zuri-
chois quitter leur pays sans y être autorisés, pour aller se joindre
aux armées d'invasion des Jean Casimir, des Dohna et des Bouil-
lon. » (T. II, p. IV.)
La Ligue qui modifie la situation respective des partis en France
modifie aussi l'attitude des cantons à l'égard de la royauté; à la fin
du règne de Henri III, se dessine une évolution qui « s'accentue si
bien avec le temps que, à Arques et à Ivry, la moitié des contingents
suisses dont disposait le roi étaient protestants». Au contraire, à la
même époque, à côté des bandes espagnoles de très importants contin-
gents de Suisses catholiques combattaient dans l'armée de Mayenne.
Après la paix de Vervins, Henri IV s'efforça de réunir en Suisse
protestants et catholiques; mais dès 1587, l'Espagne avait conclu
une alliance étroite avec six des cantons catholiques et les négocia-
tions de Henri IV échouèrent. Durant de longues années encore les
éléments conservateurs et catholiques continueront à se heurter en
Suisse aux éléments libéraux et protestants.
H. Patry.
Jacques de Savoie.
M. Max Bruchet, archiviste de la Haute-Savoie, a édité dans la
Revue Savoisienne, il y a quelques années déjà ', V Instruction accom-
l. Tirage à part : Etude biographique sur Jacques de Savoie, duc de
Genevois-Nemours, suivie de sort Instruction et discours sur le faict du goU'
vernement, par Max. Bruchet, Annecy, 1898. 1 plaq., in-S", 64 p.
658 CHRONIQUE LITTÉRAIRE
pagnée d'ung discours sur lefaict du gouvernement et conduite d'un g
grand estât et d'une grande armée pour servir tant à ung grand prince
qu'à ung grand cappitaine, que Jacques de Savoie, duc de Genevois-
Nemours écrivit pour ses deux fils Charles et Henri de Savoie, trois
ans avant sa mort, dans sa retraite de Montcalier, près de Turin
(1582). M. B. a fait précéder cette publication, intéressante surtout
au point de vue littéraire, d'une notice biographique, succincte mais
précise, sur ce prince qu'on a surnommé le « Don Juan de la Cour
des Valois » et dont les élégances et les bonnes fortunes firent grand
bruit au xvr siècle.
Partisan dévoué des Guises, le duc de Nemours s'attira la haine
des protestants à la suite de ses aventures avec Françoise de Rohan
qui était de la religion réformée : on sait qu'il séduisit puis aban-
donna Françoise de Rohan et qu'un procès retentissant s'ensuivit,
qu'ont étudié MM. de Ruble et de Laferrière.
H. Patry.
L'humaniste hétérodoxe catalan Pedro Gales.
L'intéressant document publié par M. Besson à propos de l'ar-
restation pour crime d'hérésie de l'érudit espagnol Pedro Gales, la
substantielle notice de M. A. Bernus sur le même personnage*, ont
suscité trois articles remarquablement précis et documentés de
MM. Ed. Bœhmer et A. Morel-Fatio, insérés dans le Journal des
Savants de ju'ûlel, août et septembre 1902. Analysant tout d'abord
d'une façon serrée le document apporté par M. Besson, ils dégagent
quelques faits précis sur les origines, l'éducation, la carrière scien-
tifique de Pedro Gales : C'était un catalan qui naquit vers 1537 à
Ulldecona en Tarragone, alla étudier aux universités de France et
d'Italie, devint professeur à Genève (1582-1586), puis enseigna à
Nîmes quelques mois (1587-158S), à Orange où il demeura près de
trois ans (1588-1591), enfin à Castres (1.591-1593). Alors qu'il quit-
tait cette dernière ville pour se rendre à Bordeaux où il allait,
accompagné de sa femme et de ses deux filles, solliciter un poste
de professeur, il fut, on le sait, arrêté sur son chemin, à Marmande,
par un parti de ligueurs et emprisonné comme huguenot (août 1593).
Disgracié de la nature, — il était borgne — , malheureux dans
son ménage*, il semble qu'il ait voulu chercher des consolations du
1. Bull. 1900, 204-205 et 276-280.
2. 11 avait épousé à Genève une certaine Lavinia, originaire de Vicence.
CHRONIQUE LITTÉRAIRE 65^
côté de la science. Théologien, juriste, philologue, numismate, il
avait de nombreuses relations dans le monde de l'érudition de la
fin du seizième siècle, et il s'était lié particulièrement, à Genève, avec
Isaac Casaubon : il communiquait à celui-ci des textes, lui signalait
des manuscrits, lui proposait des corrections pour ses ouvrages en
cours de publication. Quelques années après la mort de son mari,
comme la veuve de Pedro Gales venait visiter Casaubon, le grand
humaniste n'hésitait pas à se déranger de ses travaux pour causer
longuement avec elle et l'encourager, trouvant, suivant ses propres
expressions, « la bienveillance supérieure à l'étude ».
La découverte de la relation du procès de Gales a enfin permis
à MM. B. et M. -F. d'élucider définitivement la question de sa mort.
Alors qu'après son arrestation, on le transportait en Espagne pour
que lesjuges de l'Inquisition au siège de Saragosse pussent lui faire
son procès, Gales mourut en route. Comme il était mort a perti-
nace », n'ayant cessé jusqu'à ses derniers moments d'affirmer ses
convictions protestantes et de soutenir ses idées nettement héré-
tiques — la sentence définitive fut que, « relaxé en effigie, son
corps et ses os seraient de même relaxés » au bras séculier.
Modestement, MM. Bœhmer et Morel-Fatio concluent en décla-
rant qu'ils n'ont pas pu utiliser toutes les sources oîi l'on pourrait
puiser pour éclaircir, plus complètement qu'ils n'ont pu le faire, les-
détails de la vie et de l'activité scientifique de Calés; ils pensent
que d'autres lettres que celles qu'ils ont connues de lui existent en
Espagne, en Italie, en France même; ils signalent aussi les papiers
de l'anticiuaire espagnol, Antonio Agustin, archevêque de Tarra-
gone qui était en relations avec Calés et ceux de Casaubon con-
servés en Angleterre, comme susceptibles de fournir des renseigne-
ments nouveaux. H. Patry.
A cette note destinée surtout à signaler une élude qui démontre
d'une manière remarquable tout ce qu'avec de la patience, de la
sagacité et beaucoup de travail, on peut trouver sur un nom
presqu'oublié, je me permets d'ajouter ces quelques lignes qui
corrigent le texte de M. Besson {Bull. 1900, p. 205) :
« Le carton où se trouvent nos pièces porte la cote K 1586 (et non
1536) et la citation Histoire des Heterodoxos {sic) n'a rien à faire
ici, elle ne se rapporte à aucune classification des Archives natio-
nales. M. Besson a eu sans doute en vue l'ouvrage de D. Marcelina
Ménendez y Pelayo, qui d'ailleurs ne parle pas de Calés, et ce ren-
voi a été introduit, nous ne saurions nous expliquer comment,.
660 CHRONIQUE LITTÉRAIRE
dans son article. La traduction abrégée qu'il donne ensuite s'ap-
plique uniquement au n° 120, comme on le verra en lisant cette
pièce, et non pas aux deux n" 116 et 120*; enfin la date du pas-
sage de Gales à Marmande n'est pas le 3 août, mais le 8 : « a los
ocho desle... » Ajoutons-y en dernier lieu, que les lettres du capi-
taine Saravia où il annonce sa capture sont, non du 15 août, mais
du 19. Et maintenant une remarque sur le nom de l'Espagnol héré-
tique. M. Besson a lu lates dans le n'ilô, la seule de ces deux
pièces où l'Espagnol soit désigné nominativement. Ce rapport qui
n'est qu'un déchiffrement, porte, en effet, dans le titre lates qui a
été corrigé en Gates, puis, dans les premières lignes du texte, et
celte fois clairement, Gates. 11 est évident que le commis de la
chancellerie de Philippe 11 s'est trompé en déchiffrant, et ce qui le
prouve, c'est qu'une autre pièce, du même carton (le n» 123), dont
ne parle pas M. Besson et qui émane du même déchiffreur, donne
également Gates. Au reste, peu importe : l'identification de l'Espa-
gnol arrêté avec Pedro Gales est tout à fait certaine ^ ».
N. W.
Histoire du Protestantisme français pendant la Révolution
et l'Empire ^
Dans l'Introduction de son Histoire du Protestantisme français
pendant la Révolution, M. le pasteur Ch. Durand constate avec
raison que nous savons peu de choses sur les destinées du protes-
tantisme pendant la période qui s'ouvre par l'édit de Tolérance et
se termine au lendemain de la promulgation des articles orga-
niques de l'an X.
Pour écrire celte histoire il faudrait consulter les registres des
consistoires, réunir la correspondance des pasteurs, compulser les
rapports de police conservés aux Archives Nationales et les docu-
ments administratifs qui se trouvent à l'administration des cultes.
1. Dans le résumé qui précède la traduction du document, M. Besson
a toutefois signalé quelques faits de la vie de Gaies qui ne se lisent que
dans le n° 116.
2. J'ai tenu à ajouter ces lignes à la note que j'avais prié M. H. Patry
de rédiger pour moi, afin d'établir une fois de plus que toute cor-
rection de fait est ici la bienvenue. Je désire du même coup prier notre
correspondant occasionnel M. P. Besson, de redoubler d'attention quand
il recueillira quelque texte pour le Bulletin. N. W.
3. Par Ch. Durand. Paris, Fischbacher, 1902, 1 vol. in-18.
CHRONIQUE LITTÉRAIRE 6(31
En attendant que ce travail s'accomplisse, M. le pasteur Durand
a très heureusement groupé les renseignements épars dans les mo-
nographies consacrées à l'histoire locale de diverses Églises, ainsi
que les études de Camille Rabaud sur Lasource et sur Bonifas-La-
roque, de MM. Doumergue, Maury, Weiss et Félix Kuhn.
Il est regrettable que l'auteur n'ait point utilisé l'ouvrage de
M. Lévy-Schneider sur Jeanbon Saint-André, les études sur le
club de Monlauban, publiées par la Revue d'histoire contemporaine,
et l'important recueil de documents du comte Boulay de la Meurlhe
sur La négociation du Concordat.
En réalité, M. Durand ne s'occupe guère que des Églises réfor-
mées, il ne dit presque rien des Églises luthériennes d'Alsace et du
pays de Montbéliard. Il aurait sur ce sujet trouvé de précieuses
indications dans les travaux de MM. les pasteurs Charles Roy, Au-
guste Chenot et John Viénot.
Après avoir montré dans quel état d'anarchie se trouvait le pro-
testantisme pendant les troubles révolutionnaires», après avoir
constaté, contrairement à l'affirmation de M. de Pressensé, que le
culte cessa dans la France presque tout entière de juin 1794 à la
loi de mars 1795, \\. Durand étudie les travaux préparatoires de
l'an X.
\. Sur le nombre des pasteurs qui siégèrent pendant la Révolution aux
assemblées parlementaires, M. Durand ne donne aucun renseignement
précis. Il confond V Assemblée constituante et la Convention quand il
écrit : « Neuf pasteurs au moins siègent à l'Assemblée constituante,
peut-être onze; les chiffres varient suivant les auteurs » (p. 77). Un pas-
sage du Recueil de discours ou fragmens de discours relatifs à diverses
circonstances de VÉtat, prononcés par J.-.A Blachon, Nismes, 180i, nous
permet de rectifier ces erreurs : « Il n'y avait à l'Assemblée constituante
qu'une quinzaine de protestants, parmi lesquels un seul de leurs ministres,
Rabaut Saint-Etienne, connu auparavant par ses productions littéraires
et depuis par ses talents, sa sagesse et son supplice...
« Il faut apprendre à ceux qui l'ignorent que l'Assemblée législative et
la Convention n'ont comi)té qu'une vingtaine de memjjres protestants, dont
NEUF MINISTRES à la Convention. Les noms de ceux-ci parleront pour eux,
s'ils l'ont illustré. Les voici avec ceux des Églises où ils ont fonctionné :
Rabaut Saint-Étienne, de .\imes; Rabaut-Pomier, son frère, de Mont-
pellier; Bernard, de Saint-Affrique ; Lasource, de Castres; Julien, de
Toulouse; Jeanbon Saint-André, de Montauban ; Jay, de Sainte-Foy;
Lombard- Lachau.x, d'Orléans; Dentzel, de Landau », p. 94. — A cette
liste, il convient d'ajouter Grimmer, de Wissembourg, député suppléant
du Bas-Rhin, qui siégea à la Convention à partir du 10 ventôse an III.
Comparez : Le Rôle religieux des pasteurs dans les Assemblées politiques
de la Révolution, par Léon Peyric. (Thèse, 1902.)
062 CHRONIQUE LITTÉRAIRE
Il attribue à tort à Portails (p. 112) le projet qui abrogeait les
actes et règlements portant atteinte à rindépendance des Églises
protestantes, mais n'assurait aux pasteurs aucun traitement sur le
budget de l'État. Ce document a été rédigé par Blanc d'Hauterive
en mars 1801. Cette erreur, commise déjà par Artaud dans VHis-
toire de Pie VII (t. I, p. 265), reproduite par de Félice (Histoire
des Protestants de France, p. 572) et par Puaux {Histoire de la Ré-
Jormation en France, t. VII, p. 346), ne saurait être trop signalée,
car elle est de nature à fausser les idées sur toute histoire impar-
tiale des origines des articles organiques*.
Afin de hâter l'exécution de la loi de l'an X et d'obtenir des mo-
difications à certains articles, les protestants établirent à Paris une
agence générale. M. Durand se demande si c'est Rabaut le jeune
ou Rabaut-Pomier qui fut chargé de s'occuper des intérêts protes-
tants et il estime que Rabaut le jeune, conseiller de préfecture à
Nîmes en 1804, n'a guère pu être à cette époque le chargé d'af-
faires des consistoires à Paris. Il est facile, en consultant les docu-
ments de l'époque, d'être fixé sur ce point. Celte mission déli-
cate de défendre les droits du protestantisme fut parfaitement con-
fiée à Rabaut le jeune, qui était alors député au Corps législatif et
secrétaire du consistoire de Paris. 11 fut nommé conseiller de pré-
fecture de l'Hérault à la fin de 1807 et non en 1804.
Dans une délibération du 23 messidor an XI (12 juillet 1803) le
consistoire de Montauban adhère aux décisions prises par les
Églises les plus influentes qui « ont déjà prié le citoyen Rabaut le
jeune, issu d'une famille qui tout entière appartient au sacerdoce,
de veiller à leurs intérêts ». Un an plus tard, le 17 messidor an XII
(6 juillet 1804), le consistoire de Nantes se déclare pénétré de re-
connaissance pour le zèle qui a animé Rabaut le jeune dans l'éta-
blissement d'un bureau de correspondance; il vote en sa faveur une
subvention annuelle de 200 francs. Même somme avait été votée
par le consistoire de Mazamet.
Grâce aux démarches de Rabaut le jeune, l'arrêté du 15 germinal
an XII détermina le taux du traitement des pasteurs mis à la charge
de l'État. Celte allocation pécuniaire a, si nous en croyons M.Du-
rand, conduit les protestants « à l'assoupissement » le plus complet.
Ils ont ainsi, ajoute-l-il, acheté bien cher la protection de Napoléon.
1. Rectifier, d'après ces indications, mon Élude sur V Eglise Réformée
de Paris pendant la Révolution. Bulletin, t. XXXVIII (1889), p. A67 et 413.
■Comparer Boulay de la Meurlhe, Documents sur la négociation du Con-
cordat, t. III, p. 191.
CORRESPONDANCE 663
Nous ne nous montrerons pas aussi sévère pour l'attitude prise
par les Églises au moment du Concordat. Pour juger impartiale-
ment l'état d'esprit des protestants, il faut se souvenir que le premier
consul accordait aux réformés et aux luthériens des droits éo-aux
à ceux qu'il conférait aux catholiques. Il ne faut pas oublier que ce
système de protection bienveillante succédait aux persécutions les
plus cruelles et que le titre de religion dominante était refusé au
catholicisme.
Sous ce régime aVégalité, le protestantisme a grandi, s'est fortifié
et a préparé le triomphe de la vraie liberté. Acquerrait-il plus de
force si le Parlement prononçait la séparation des Églises et de
l'État? Il est permis d'en douter, car le parti politique qui réclame
la suppression du budget des cultes cherche à diminuer l'influence
du catholicisme et ne pourrait guère accorder à la minorité pro-
testante des faveurs qu'il refuserait certainement à la religion de la
majorité des Français.
Armand Lods.
CORRESPONDANCE
Protestants de Monneanx-Essomes réfugiés au sud de l'Afrique
après la Révocation (V. plus haut, p. 561). — Cet article inséré dans
le Bulletin du 15 octobre dernier, nous a valu deux lettres. La pre-
mière, signée Vve J. Widemann, nous vient de Rothau et rectifie
l'assertion de la page 565 que le nom de Botha serait hollandais. On
savait, en effet, que le général Louis Botha avait déclaré être né en
Alsace. Le Journal d'Alsace a récemment publié son acte de naissance.
Le voici :
« L'an mil huit cent cinquante trois, le vingt et un du mois de
Mars, à deux heures après midi, Par-devant nous, Rist, Ignace,
Marie, Officier de l'Etat-civil de la Commune de St. Louis, Canton
de Huningue, Département du Haut-Rhin, est comparu le Sieur
Léon, Auguste, Botta, âgé de trente neuf ans. Directeur des messa-
geries Générales, natif de Landau (Bavière Rhénane) domicilié en
cette Commune, le quel nous a déclaré, que hier, vingt du courant,
à neuf heures et demie du soir, il lui est né à St. Louis, en sa de-
meure, un enfant de cexe masculin, qu'il nous présente et auquel il
a déclaré vouloir donner les prénoms de Léon, Auguste, Marie, Louis,
(36 'i CORRESPONDANCE
le quel enfant il a eu de son épouse Léontine Fritsch, âgé de vingt
quatre ans, sans état domicilié en ce lieu; les dites déclarations et
présentations faites en présence de Sieurs Charles Scimer, âgé de
31 ans, Commissionnaire, et M. Sutter, âgé de 38 ans, facteur aux
messageries, les deux domiciliés en cette Commune; et ceux les dits
père et témoins signe avec nous le présent acte de naissance après
qu'il leur en a été donné lecture. »
Le Journal ajoute qu'après la mort de son mari, la veuve Botha
se retira avec ses enfants à Markolsheim ; plus tard, elle se rendit en
Algérie. Un vieil habitant de Saint-Louis, qui a connu le père du
général, montre aujourd'hui encore la maison habitée par la famille
Botha.
La deuxième lettre vient de l'auteur même de l'article. La voici :
Aulnois-Essômes (Aisne), 22 novembre 1902.
Monsieur le Secrétaire,
Je fais appel à la loyauté de la Rédaction du Bulletin pour l'inser-
tion intégrale de cette courte lettre.
C'est sans mon aveu que ma note sur la famille Taillefert, émi-
grée au Cap après la Révocation, a été modifiée par additions et
suppressions. J'aurais préféré, comme j'ai eu l'honneur de vous
l'écrire, qu'elle ne fût pas publiée.
Puisque le Bulletin trouve trop longue la réfutation que je lui
soumettais, des corrections subies par mon texte, je tiens à dégager
ma responsabilité sur les points suivants :
La phrase « après avoir fait semblant de renoncer à sa foi... etc. »
appartient à la Rédaction : elle ne reflète pas mon sentiment; et,
de plus, les actes de réparation dont on y parle, sont d'une attribu-
tion douteuse : je ne me permettrais pas, par exemple, de préciser
quel est celui des Isaac Taillefer auquel ils se rapportent.
Je n'accepte pas davantage la liste des passagers de VOosterland
telle qu'elle est introduite dans mon texte, ni l'âge qu'on y donne à
Suzanne Taillefert : car je ne veux pas contredire à plaisir les docu-
ments détaillés, qu'on a recueillis, contrôlés et publiés au Cap.
Veuillez agréer, Monsieur, l'expression de mes sentiments distin-
gués,
G. BOUVART,
agrégé de l'Université.
M. Bouvart que je n'ai pas l'honneur de connaître autre-
ment que par ses lettres n'avait nul besoin d'invoquer la loyauté
CORRESPONDANCE (j65
de la Rédaction du Bulletin. Si je n'ai pas inséré ses précédentes
missives, c'est qu'à l'instar de celle-ci, elles remplaçaient beaucoup
plus longuement, les preuves à opposer à mes « corrections », par
de vagues protestations.
Quand M. Bonet-Maury m'a remis l'extrait de la conférence de
M. Bouvart, il terminait son petit mot par cette ligne : « ne pour-
rait-on pas l'insérer avec quelques retouches? »
Je m'aperçus aussitôt, en parcourant l'article, qu'il ne citait aucun
acte tiré des registres de l'Église wallonne que pourtant la famille
Taillefert avait dû fréquenter puisqu'elle ne s'était rendue au Cap
qu'après avoir séjourné en Hollande. Je priai donc M. Hoek, commis
de la Bibliothèque wallonne de m'envoyer les extraits des fiches de
celte Bibliothèque concernant les Taillefert. Je reçus aussitôt les
actes que j'ai intercalés dans le travail de M. Bouvart*. Ces actes
constatent, comme on l'a vu, que le 11 janvier 1687, Isaac Taillefert
fut reçu membre de l'Église wallonne de Middelbourg « par répara-
« tion publique de ses erreurs d'avoir embrassé la religion catho-
« lique »: qu'il fut naturalisé le 17 janvier; que le 16 septembre sui-
vant sa femme Suzanne Briet fut reçue dans la même Église, aussi
« par réparation publique » et que le 17 octobre, les deux parents y
firent baptiser leur fille Suzanne.
Ces actes, M. Bouvart les répudie et laisse entendre qu'ils pour-
raient se rapporter à un autre Isaac Taillefert, simplement parce
qu'il ne veut pas admettre qu'à Middelbourg les fugitifs de Moyineaux
se repentirent publiquement d'avoir abjuré leur religion au moment de
la Révocation. Or c'est un fait connu qu'en 1685 les protestants français
abjurèrent en masse, uniquement parce qu'ils y étaient forcés et
qu'ils émigrèrent dès qu'ils le purent, précisément pour ne plus être
contraints de passer pour ce qu'ils n'étaient pas. Mais supposons
un instant qu'Isaac Taillefert ait été du très petit nombre de ceux
qui réussirent à éviter l'universelle apostasie. On sait que dans ce
cas il aurait été emprisonné. Supposons encore qu'il ait réussi à
échapper à la fois aux convertisseurs et à la prison. Comment se
fait-il qu'on le retrouve à Middelbourg, avec la mention susdite?
Ici M. Bouvart laisse entendre que cette mention concerne un
autre Taillefert. Je sais très bien qu'il y avait alors, dans l'Église
de Nogenlel plusieurs Taillefert (E. Briet, Le Protestantisme en
Brie, 1885, p. 116). Mais il n'y en avait qu'un avec le prénom d' Isaac
qui eût épousé Suzanne Briet. Comme on ne trouve en Hollande
1. En ayant soin d'en prévenir le lecteur par ma noie de la page 561.
LI. — 46
()GG COHHESPONDANCE
que celui-là, il faut y mettre plus que de la bonne volonté pour
affirmer qu'il s'agit d'un autre.
Outre les actes que je viens d'énumcrer, M. Hoek m'avait envoyé
aussi la liste des membres de la famille Taillefert embarqués sur
VOosterland le 29 janvier 1688 à destination du Cap. Cette liste men-
tionne six enfants dont les deux derniers : Marie, âgée de 2 ans 1/2
et Suzanne d'un an, alors que la liste de M. Bouvart place Suzanne
avant Marie. Ici encore M. Bouvart n'accepte pas ma rectification
d'ailleurs minime — et c'est pour « ne pas contredire à plaisir les
documents détaillés qu'on a recueillis, contrôlés et publiés au
Cap ». — Or il ne s'agit nullement de contredire à plaisir des docu-
ments qui n'ont nullement été contrôlés, mais, puisqu'on est en
présence de deux listes différentes, de donner la préférence à celle
qui concorde avec d'autres actes formels. Les époux Taillefert
n'ont fait baptiser à Middelbourg qu'un enfant, Su^anne^ le 19 oc-
tobre 1687. Si le 29 janvier 1688, Marie avait eu un an, elle aurait
sans doute aussi été baptisée en Hollande. Puisque nous ne trou-
vons qu'un baptême, et qu'il concorde avec les données de l'une des
deux listes qui dit que le 29 janvier 1688 Marie avait 2 ans 1/2 et
Suzanne seulement un an, il est logique de donner la préférence à
cette liste*.
Je regrette d'ennuyer le lecteur avec des démonstrations aussi
élémentaires, et de lui laisser entendre que, malgré ses idées très
arrêtées, M. Bouvart a pu se tromper. Je suis bien obligé, pour le
prouver et pour établir du même coup ma « loyauté », de rappeler
une rectification dont M. Bouvart ne parle pas. Primitivement, son
article débutait ainsi :
« Dès 1678, on trouve sur les registres de l'Église de Nogentel
« qui était alors le centre du culte réformé pour Château-Thierry,
« Vaux et Monneaux, le baptême d'un fils d'Isaac Taillefert, chape-
« lier à Château-Thierry, puis d'un autre fils en 1680. La mère est
« Suzanne Briet. Le registre arrêté à cette date ne nous apprend
« pas si ce ménage a eu d'autres enfants avant ou après ces deux-
« là ».
En me reportant au volume déjà cité de M. Briet, p. 228, je
m'aperçus que Jean, fils d'Isaac Taillefert avait été baptisé le
2 février 1676 et non 1678, et qu'entre lui et le fils baptisé le 26 sep-
1. Nous avons, à propos des ancêtres du général Jouberl, déjà dû
admettre une interversion dans Tordre d'inscription de deux passagers
d'un autre naNire allant aussi au Cap (Voy. Bull., Is99, 072i.
CORRESPONDANCE 667
tenibre 1680, les extraits des registres imprimés par M. Briet men-
tionnaient deux filles des mêmes parents, savoir Suzanne baptisée le
G février 1678 (p. 232) et Marie Madeleine, baptisée le 21 juin 1679
(p. 235)*. Il y avait donc dans ces premières lignes de M. Bouvart,
une inexactitude et deux omissions que j'eus heureusement le temps
de corriger avant le bon à tirer.
Je m'attendais, en conséquence, aux remerciements qu'on
m'adresse quelquefois lorsque je corrige de ces erreurs que com-
mettent les plus attentifs ou bien lorsque je me permets de leur
indiquer des faits qui ont pu leur échapper.
On voit que je m'étais sérieusement trompé.
N. W.
Les préliminaires de la loi de terminal an X. — On est prié de
compléter par cette note ce que je dis au commencement du der-
nier paragraphe de la page 303, en la rattachant, par un renvoi, à
la date de 1802 :
Le 10 août 1 801 , Chaptal avait été chargé de recueillir et d'exposer,
dans un mémoire, les réponses à diverses questions concernant les
cultes luthérien et calviniste. A cet effet, le premier consul l'avait
autorisé à faire venir des départements quelques pasteurs estimés
et modérés, puis, dans un P. -S., il avait ajouté : « Si vous trouvez,
« à Paris, des protestants et des calvinistes éclairés, de toutes les
« parties de la France, qui puissent vous donner des renseigne-
« ments sur ces différentes questions, vous pourrez vous dispenser
« d'en appeler des départements ». — Chaptal se borna à consulter
des notables parisiens. M.Met^^ger, membre du Corps législatif devint
l'intermédiaire entre le gouvernement et les luthériens. — Du côté
des réformés, Rabaut-Dupui, membre du Corps législatif, Rabaut-
\. Isaac Taillefert et Suzanne Briel eurent donc au moins huit enfants :
Elisabeth qui avait 14 ans en lOiSS et serait dès lors née en lt)74, .lean
qui en avait 12 et était de 1676. Suzanne de 1678, Marie-Madeleine de 1679,
autre Jean (ou Isaac?) de 1680, Pierre de 1683, Marie de 1685, et Suzanne,
de 1687. De ces huit enfants, il ne restait en 1688 que les deux premiers
et les quatre derniers. Les deux dernières filles s'appelant Marie et
Suzanne comme celles nées en t679 et 1678, on peut admettre que celles-ci
étaient mortes avant 1685. Si le garçon appelé Isaac en 16SS et âgé alors
de 7 ans (ce qui le ferait naître en 1681) n'est pas le même que celui qui
fut baptisé à Nogentel le 26 septembre 1680 et qui sur la liste de M. Briet
s'appelle Jean comme l'aîné, ce qui est peut-être une mauvaise lecture
pour Isaac, il faudrait admettre que ce second Jean était mort et fut suivi
en 1681 d'un l.saac — et que, par conséquent, il y eut, non pas s, mais
9 enfants.
668 CORRESPONDANCE
Potnier, sous-préfet du Vigan, elFrossard, remirent divers mémoires
à Portalis, après en avoir reçu eux-mêmes. Tout cela fui discuté à
Paris, chez Marron « où se trouvaient avec moi, dit Rabaut-Dupui,
MM. Frossard, Reybaz, Marron, Lachaux, Sabonadière et Gha-
baud ». — Quand on était tombé d'accord, on allait négocier avec
Portalis.
L'aatobiographie de l*lerre Damoulln reproduite dans le Bulletin,
tome VII, 170, 333 et 465, est un document très important pour
l'histoire de la Réforme au xvi^ siècle. M. H. Patry a bien voulu, à
notre requête, y relever les fautes de lecture des noms propres qui
suivent et que nos lecteurs voudront bien corriger sur leur exem-
plaire : P. 171, lisez Ghatonnay, Mouy; — p. 172, Lumigny; —
p. 173, d'Aurigny, Anserville, Mercatel; — p. 174, Wallincourt,
Forsi, Mouy; — p. 177, Cussi-Remond; — p. 178, Du Bouilly; —
p. 179, La Paye; — p. 336, Vandervec.
Sermonci prêcbés au Désert. — A la liste de ceux qui ont été
publiés par M. P. de Félice en 1885 et complétés ici même par
MM. E. Arnaud et Ch. Dardier {Bull., XXXV [1886] 516 et 575), on
peut ajouter celui-ci qui se trouve à la Bibliothèque nationale
(Lb39 6259) :
Vœux patriotiques ou Discours prononcé à l'occasion de la
grossesse de la Reine et des autres circonstances où se trouve
actuellement le royaume, par J. P. Bl..., pasteur au Désert de
l'Agénois et Condomois. S. 1. MDCCLXXVIII, in-8°, 46 pages.
Les initiales J. P. Bl. désignent évidemment Jean Paul Blachon,
fils ainsi que son frère, Silva, de Jean Blachon, dit Châtaignier, sur
lequel on trouvera des renseignements dans les Synodes du Désert
de notre collègue E. Hugues. Voy. à la Table du tome 111, p. 683.
Errata. — Rectification à ceux indiqués après la table des ma-
tières du tome XXX, année 1881 du Bulletin. — Page 61, ligne 11,
à partir du haut, lire : le Parlement pourrait-il avoir des hérétiques
comme partis. — P. 65, à partir du bas, ligne 4, lire : contre son
gré. — P. 99, ligne 4, à partir du bas, lire : Barthélenusses. — P. 108,
ligne 9, à partir du bas, lire : le 5 juillet 1680, au lieu du 8. —
P. 109, ligne 4, lire : contrevenir au lieu d'in/ervenir. — P. 65 et
112, la signature des articles doit être Alfred Cadier.
CORRESPONDANCK. B69
Année 1895, page 128, mettre 27 au lieu de 17 septembre; page 130,
mettre Ibid., II, 225-227).
Année 1900, p. 271, 2" alinéa 1. \a Rebeyne; — p. 528, 1. 10, lisez
jusqu'à il y a; — p. 531, 1. 31, lisez pour indiquer l'aspect...
Année 1901, p. 556, ligne 31, lisez : de Jaucoiirt, au lieu de Jon-
court. N. VV.
Des Gaiiars. — Le tome XXX VI 1 1 ( 1 889), p. 1 5, a publié un intéressant
fragment d'une lettre de Des Gallarsh Grindall, évêque de Londres,
sur son périlleux exode d'Orléans en septembre 1568. Remarquons
que ce fragment est lire de la dédicace de l'édition d'Irénéeque des
Gallars publia (à Genève) en 1570 in-fol. M. Rodocanachi {Renée de
France, p. 455), faisant allusion à cette lettre, a crû à tort que c'était
le prélat anglais qui avait couru les dangers relatés dans ce passage,
tandis qu'ils lui sont racontés par le pasteur français.
De Constant. —Dans le tomeXLVII (1898), p. 324, j'ai mentionné,
comme ayant siégé temporairement à l'assemblée de Chàtelleraut
1597-1598, Augustin de Constant, sieur de Resbecq; j'avais suivi l'opi-
nion courante, partagée par la plupart des historiens modernes. Depuis
lors j'ai été à même de constater que le Constans en question, gentil-
homme ordinaire de la chambre du roi et gouverneur des isles et
chasteau de Marans, qui avait été longtemps un des intimes de
Henri IV, alors que celui-ci n'était que roi de Navarre, avait pour
prénom Jacques (comp. t. XLVII; p. 202, et Read, Charnier, p. 217)
et était d'une toute autre famille que celle des Constant de Rebecque.
Je me réserve de montrer, dans un article développé, les carrières
absolument différentes de ces deux personnages, appartenant à des
familles sans aucun rapport, et que les généalogistes ont confon-
dues à grand tort. L'article sur les familles Constant dans la France
protestante, IV, 594 et suiv., qui a suivi cette erreur générale, en
serait fortement modifié.
Gaultier.— TomeXLVIII (1899), p. \m,note6.Gaultier{aliasGau-
thier et Gautier) est un des noms de famille les plus répandusen pays de
langue française, ce qui rend les confusions faciles. Je m'accuse d'en
avoir commise une dans cette note. Le « surveillant » de l'Eglise de
Paris logé en la rue des Porées, chez lequel des assemblées de culte
eurent lieu postérieurement à la Sainl-Barthélemy, n'a rien de com-
mun avec maître Jehan Gaultier, pédagogue d'une doctrine su.s-
670 COHRESPONDANCK
pecte, auc(uel je l'ai assimilé à tort. 11 s'agit en réalité du poitevin
Pierre Gjulthier, surnommé Chabot du nom de sa mère, disciple de
Ramus, pédagogue et humaniste distingué, qui fut pendant douze
ans, de 1568 à 1580, précepteur des petits-fils du chancelier de
L'Hospital; il est connu par une dissertation sur la prononciation de
la langue grecque, publiée en 1580 sous le nom d'un de ses élèves,
pour lequel il l'avait composée, et par un volumineux commentaire
sur Horace, publié en abrégé à Paris en 1582 et au complet en 1587
à Bâle, où il était réfugié. Il mourut vers 1598 plus qu'octogénaire
(cf. Haag, V, 240).
cnardesi. — TomeXLVlII (1899), p. 166, note7.J'ai mentionné un
autre précepteur des petits-fils de L'Hospital, du nom de Giiardesi.
J'ai tiré celle mention d'une lettre publiée par M. Taillandier (A'^om-
velles recherches sur la vie et les ouvrages du chancelier de L'Hospi-
tal, Paris 1861, p. 254), écrite par la fille (et non la femme, comme
le croyait l'éditeur) de L'Hospital à ses enfants. Je voudrais être sur
que le nom deGuardesi ne repose pas sur une fausse lecture, et qu'il
ne s'agit pas du même Gaultier dont parle ma rectification précédente.
De Serres on Cioniart. — Tome L (1900), p. 344, note 1. Il est rap-
pelé que le Recueil des choses mémorables etc., couramment appelé
Histoire des cinq rois, est attribuée à Jean de Serres. C'est l'opinion
qui a généralement prévalu, après de longues hésitations (entre
Bèze, Hotman, Goularl et de Serres), grâce à l'autorité du père Le
Long. Je crois avoir des arguments péremploiresà faire valoir en
faveur de Simon Goulart^ que je me permettrai de développer dans
une note que je renvoyé à l'année prochaine.
A. Bernus.
Une erreur s'est glissée dans la liste des membres du Comité qui
a été insérée dans le Bulletin du Cinquantenaire, plus haut, p. 321,
note. Il faudrait placer en tête du nom de Cornélis de Witt, la date
de 1857 qui est celle de son élection et faire suivre son nom de ceux
de Rodolphe Cuvier, mort la même année, et du fi°° de Triqueti, 1874,
lequel a été placé par erreur à la suite de l'année 1868. — Autres
erreurs, p. 430 : Le diplôme de Sedan a été délivré à Joseph Pithoys
et non Pithou ; — p. 519, ligne 15, lisez Piguet.
A propos des bijoux huguenots qui figurèrent à l'Exposition du
Cinquantenaire (voy. plus haut, p. 492), M. le D' Doumergue nous
OOKHESPONDANCi: 671
écrit de Nîmes que les croix anciennes, authenti([ucs, portant une
colombe, sont regardées comme antérieures à 1GS5. Et on croit
généralement que la « larme » aurait remplacé la colombe, emblème
du Saint-Esprit, après la Révocation. — Quant aux peintnreN Nnr
verre reproduites page ^94, M. H. Dannreuther pense qu'elles ont
été faites aux galères par des forçais pour être vendues aux visi-
teurs. Il croit en avoir vues, du même genre, peut-être au Musée de
la Marine, au Louvre.
L'origine du mot basnenot. — A propos de l'article de M. Gh.
de Grandmaison (V^oy. plus haut, p. 5 à 13), M. E. Gaidan a résumé
dans la Tribune de Genève du 15 avril 1902 les diverses hypothèses
proposées pour expliquer cette origine. Il a cité, entre autres, le
document de Périgueux où ce terme paraît pour la première fois
comme terme de mépris à l'adresse des prolestants, mais une faute
d'impression le date de 1522. Ge document est de 1552, ancien
style, c'est-à-dire de 1553. Dans la Tribune du 23 avril un corres-
pondant neuchâtelois, M. F. -G. Borel, nous apprend que le mot
Huguenot ou Huguenaud se trouve aussi comme nom de famille
dans le canton de Neuchâlel. Ainsi, en 1541, le maire de Neuchà-
tel, pour le comte, s'appelait Pétremand Huguenaud ; en 1563 il y
avait un notaire de ce nom; en 1582, un Daniel Huguenot, membre
du Petit-Gonseil, etc. N. W.
L'indaeitrie de la sole à Berlin. — Le 23 septembre dernier (19pi),
le journal le Matin empruntait au Journal ce petit entrefilet sur la
prétendue disparition de l'industrie de la soie introduite à Berlin
par des réfugiés huguenots et sur laquelle nous aimerions bien
qu'un de nos lecteurs put nous renseigner plus complètement :
« Une des plus anciennes corporations de Berlin — celle des
maîtres-tisseurs de soie — a disparu ces jours derniers.
c( L'industrie de la soie avait été importée dans l'électorat de Bran-
debourg, vers la fin du xvn' siècle, par des réfugiés français que le
grand-électeur avait accueillis avec le plus grand empressement.
« Malgré l'appui de ce prince, elle vécut d'abord très péniblement
et ne prit un véritable essor que bien plus tard, après l'avènement
de Frédéric le Grand, qui mit tout en œuvre pour la faire prospérer
et, notamment, accorda, par son édit du 15 mars 1766, un grand
nombre de franchises à la corporation des maitres-tisseurs. Gelle-ci
comptait à l'époque 264 membres, dont un (|uart environ était d'ori-
gine française (Vite, Barré, Beaudouin, etc., etc.).
672 NÉCROLOGIE
« Au commencement du xix" siècle, elle comprenait 560 membres,
dont chacun occupait au moins quatre métiers. Presque tous leurs
produits s'en allaient à Lyon, d'où ils étaient ensuite réexpédiés à
Berlin comme marchandise de fabrication française. C'étaient des
étoffes brochées, des brocarts, des damassés et des velours unis ou
façonnés,
« Depuis la création des grandes manufactures de Crefeld, l'indus-
trie de la soie a perdu chaque année à Berlin, si bien qu'aujourd'hui
elle n'existe plus. En d'autres termes, à l'heure actuelle, il n'y a plus
un seul métier dans cette ville. »
NECROLOGIE
(1901-1902)
Nous ne voulons pas clore le premier cinquantenaire de ce Bul-
letin sans rappeler au moins les noms de quelques-uns des amis de
notre Société entrés dans leur repos au cours des deux dernières
années et auxquels nous regrettons de ne pouvoir consacrer que
cette mention.
Le 24 février 1901, nous perdions à Nancy, dans sa 90* année,
Mme Vve Othon Cuvier, née Fillion, qui nous avait donné tous les
manuscrits de son mari; — le 9 octobre et le 7 novembre de la
même année, M>L les pasteurs P.-D. Charruaud et Lalot, dont le
premier collabora à notre recueil et le second a laissé deux bons
livres sur la Conférence de Fontainebleau et sur Coligny; — le
9 décembre, Mme Abric, née Encontre, qui avait traduit la vie des
femmes de la Réformation; — le 9 mars 1902, à 71 ans, un colla-
borateur et fidèle lecteur, M. Léon Feer; — le 19 mars, à 77 ans,
Mme Ch. Read, née Cordier, qui fut si généreuse pour notre biblio-
thèque; — le 14 avril et le 22 juin, deux de nos amis alsaciens,
MM. les pasteurs P.-E. Witz, qui atteignit, à Cosswiller, l'âge de
près de 90 ans, et G. Matthis, qu'une infirmité précoce n'empêcha
pas d'écrire jusqu'à 58 ans, entre autres, l'intéressante histoire de
la Réforme dans le comté de Saarwerden ; — le 7 septembre, à la
Rochelle, et à 72 ans, M. P.-E. Garnault, dont on retrouvera aussi le
nom dans ce recueil. — Le 7 octobre dernier, s'éteignait à Annonay,
à l'âge de 73 ans, la veuve de notre ancien secrétaire, Mme Jules
Bonnet, née Galliard, qui venait de publier, avec M. E. de Budé,
deux volumes de lettres de son mari; — enfin, le 19 octobre, à Paris,
et à l'âge de 75 ans, M. le pasteur E.-H. Vollet, qui a écrit une thèse
remarquable sur le Concordat de François I" et un grand nombre
d'articles de la Grande Encyclopédie. N. W.
Le Gérant : Fischbacher.
6132. — L.-Imprimeries réunies, B, rue Saint-Benott. 7. — Motteboz, directeur.
Société de l'Histoire du Protestantisme français
TABLES
I. TABLE ALPHABÉTIQ_UE
DES NOMS DE PERSONNES,
DE LIEUX, ET DES PRINCIPALES MATIÈRES
Que renferme le tome LI (Anxée 1902)
du Bulletin historique et littéraire de la Société de l'Histoire
du Protestantistiie français.
Abelly, prêtre, 170.
bjurations, 31 ss., 84 ss., 100,
-135, 186 ss., 225 ss., 235, 538 ss.,
573. — Revel, 625 ss. — Villeneuve
d'Agen (1559), 645 ss. — de past..
225 ss., 602, 642. — de turcs et de
juifs, 243 n.
Ablancourt iD'). — \'oy. Perrot..
Aijraham (.Jean), 272.
Abric-Encontre (Mme), 67î
Académies prot. — Sedan (Di-
plôme), 430. — Elèves, 206 ss.
Adam (Le P.), 516 n.
Adesward (B""= G. d'), 470.
Adhémardc Monteil (abbé F. d'), 170.
Adresse des non cath. de Montau-
ban, 1790, 151 ss.
Adret (D') 267.
Agde, 205.
Agen, 141 n., 552,645 ss.
A gênais, 80 n.
Agrippa (C), 653.
Aguesseau (D'), intend., 2.37 ss.
Aguiton (Magdel.), 420.
Agustin (Ant.), évêq., 659.
Aigues-Mortes, 20 n.
Aiguilles, loi ss. — (D"). Voy. de
Gênas.
Aiguisier, miss., 346.
Aillé (D'), past., 120. — Voy. Daiilo.
Aimargiies, 20 n.
Aix (B.-du-P,.), 104, 571.
Akrcl. 516.
Alain, 92.
A lais, 20.5.
Aiava (Don Fr. de), ambass., 606.
Albe (Duc d'), 586.
Albenas (D') 106 ss. — Vov. Poldo.
A Ibi, 205.
Albon (comte d'), 601.
Albret (Jeanne d'), 38, 398, 488, 497.
604, 606.
Album amicorum, 489.
Alcala, 609.
Aldebert, 165.
Aldeburger (Marie), 274.
Aldegrave, 379.
Alègre (P.), past., 21.
Alençon, 48, 474. — (Ch. duc d'), 477,
Alenet (Jean), 76 ss.
Alesme, cons., 76 ss., 143 ss.. 646.
A let, 205.
.\iexander (J.), 267 ss.
Allard (Pierre), 419.
AUégot (Mlle), 314 n.
A llemagne, 485.
Allichamps (D'), 53.
Allier (L.), 108. — (R.), 169 ss., 314.
Allix (Louis), 268.
« Almanach spirituel... » 437. —
plaça l'd de 1623, 430.
« Alumbrados » 605, 609.
Amboise, (Gard. G. d'), 454.
Amhouviiie (J. d'), 53.
.\melin, cons., 145 ss.
Amendes {Montauban}, 417.
LI. — 48
TABLE ALPHABÉTIQUE DES NOMS DE PERSONNES
674
Atncrique, 88.
Amial)le (L.), 599.
Amyraul (Moïse), 389.
Anché (D'). — Voy. du Bellay.
Ancilloa (D.), past., 390.
Ancy-le-Franc, ''(54.
Andraull (J.), '2'.6.
André (Mme AUV.), 314, 388.
Androuel du Cerceau (J.), '^51 ss.,
(B.), 454.
Andry (J.), 268.
Andii^e, 316 n.
Ayiet [Chàl. cV), 455.
Angers, 316 n.
Anghiera (Pierre Martyr d'), 609.
Angles, 628.
Angleterre, 89, 485, 491.
Anglivlel de la Beaumelle, 515 n.
Angoumois (Le Fr. Philip, d'), 170
Anguenot (Le mol), 9, 100.
Anisy, 591.
Anjou (Fr. d'), 610.
Anquetil, 100.
Anserville, 585 n.
« Antithesis... Christi... et Papœ y>
(1558), 444.
Aoiiste, 316,420.
Apothicaires prot., 190. — (Un
compte d'), 593 ss.
Appell (G.), 270.
Appia (H.), prof., 42, 47. —(G.),
past., 314,366, 392.— (Jacq.), cap.,
368. — (Barth.), 368. — (S.), 367.
— (Paul), 368. — (D.),368.-(Cyp.),
368.
Arbaleste (Charlotte). — Devise,450.
Arbaud-Jouques (D.), 411.
Arhussy (Jos.), 212 n. — (P.), past.,
627.
Arbuthnot (Rob.), 272.
Ardouin (D' L.), 85 ss.
Argenson (D.), 260 ss.
Argy (D'). — Voy. Lemierre.
Arnaud, 420 ss., 551.,— (E.), past.,
102, 167, 248. — (H.), past., 427.
Arnim (D.), past., 107.
Arnoul, intend., 641.
Arnoullet (B.), 442.
Arnoult (Cath.), 419.
Arcjuer (Sig.), prêtre, 606.
Arrêts. — Casebonne (Bordeaux
1555), 244 ss.— B. Palissy (1558),
74 ss. — Clairac (1554), 145 ss.
— Libourne (1555) , 142 ss. —
Tournai (1701), 549. — Desnoyers,
etc., (1766), 422. — Ph. de Lévis
(1559), 645 ss.
Artesius, 52'î.
Arthaud (P.), 419. — (D.), 421.
Articles organiques, 300 ss.
Artois (Lois d'), 524.
Arvert, 316 ss.
Ashburnham (Msc),I5.
Aspcr (II.), 445.
Aspremont (J. d'), lient., 645 ss.
Assas (Chev. d'), 492.
Assegond (Mme), 603 ss.
Asseline (D.), prôlrc, 252.
Assemblées clandestines. — La»-
guedoc[\~rl'è), 519. — Gravures, 426.
Assemblée générale de la So-
ciété, 158.
Assemblée nationale, 151 ss.
Assemb. politiq. — Saumw\Lou-
dun, Cbatellerault (1595-1597), 482.
Assié, 623.
Atger (A.), past., 20, 599.
Aubais, 316 n.
Auber (J.), past., 220.
Aubigné (Agr. d'), 308, 400.
Aubrac (R. d'), 143.
Aubussargues, 316 n.
Audry (Rob.), 76 ss.
Augccourt (Cath. d'), 224.
Auger (Le P.), 528.
Augereau (Th.), jurât., 143.
Augustin, peintre, 493.
Aulard, prol'.. 299 n.
Aulas, 20 n.
Aulnay (D.). — Voy. La Fontaine.
Aumessas, 50.
Aunis (Mlle d'),86.
Aurel, 420.
Aurigny (G. d'), 585 n.
Auriol, not., 631 n. (Rose d), 22 'i.
Autheville (D'), 107 ss.
Aulier de Sisgau, évèq., 184.
Autographes, 447 ss.
Autriche (Anne d'), 462, 506 ss
Avaux (comte d'), 637 ss.
Avé^e, 316 n.
Avignon, 214 n., 416, 571
Aymerici, grand-vie, 144.
Ayrelaville (D'). — Voy. Fabry.
A^ay-le-Rideau, 381.
Bachelier (Anl.), 387.
acourl (De). — Voy. Fourier.
« Bagard de Nancy » (Coffret dit
de), 491.
Bagnon (De). —Voy. Reinaud.
Baguenault de Puchesse, 610.
Baignes-Ste-Radegonde, 645 n.
Bains (L.), 271.
DE LIEUX, ET DES PRINCIPALES MATIÈRES.
675
« Balade (La) des LeutJicriens »...,
436.
Balboiitet, 185 ss.
Balch (Th.), 314 n.
Bâle, 316, 422, 524, 530, 536 n.
Balincoui'l (De), 104.
Ballard (P.), 4'i5. — (R.), 444.
Balme, chan., 174.
Ban de la Roche (Le), 603.
Bannage (Madel.), 268.
Ba)inegon (Chat, de), 344
ft Bannière de France » (Le vaisseau
La), 251 ss.
Banquet du Cinquantenaire, 350.
Banquiers (Paris, 1725 ss.), 267 ss.,
(hug. réfug. en Frise), 637 ss.
Barbançon (Marie de), 344.
Barbei-et (P. Ign.), 279.
Barbezieux (Maixj. de), 462.
Barbot (Marthe), 474.
Barbusse, past., 21.
Barcelone, 606.
Barckausen, 314 n.
Barfeknecht (Otto C), méd., 271.
Barford-Magna. — Voy. Jemmalh.
Bargemont. — Voy. Villeneuve.
Bargeton(Fr.), 112. — (D. et B.), 112.
Barisy (Fr. de), 223.
Barrau (L.), 619 n. — (P. A.), 619.
— (J.),622.
Barraull (J.). — Voy. Jaubert.
Barre (P.), 503. — (J.), 598 n.
Barré, 671.
Bar roi s, 54.
Barthel (G.), 268.
Barthley (IL), 268.
Bar tôle, 484.
Bary (J.-P. de), 273.
Basnage (A.), past., 20.
Basset (H.), 345 n. — (De), 624.
Bassewilz (De), ambass., 278.
Bassigny, 53.
Basson, 209 ss.
Bassri, 557.
« Bâton {Le) pour chasser les loups »,
436.
Baudan (Louise de), 108.
Bauditz (Fr. de), 268.
Baudoin (P.-M.), 163.
Baudrie (Barth.), 541.
Baudry (De), Heut. gén., 260.
Baulon, cons., 143 ss.
Baurière, 421 .
Bavière (Maximil. de), 161 n.
Bayard (Ilélie), Itô. — (P. de), 109.
Bayeiix, 100.
Bayle (P.), 486.
Ba:[ainville, .539.
Beauchans, cap., 571.
Beauchène (De), présid., I7î ss.
Baudesson, 543.
Eieaiidouin, 671.
Beaufort, 419. —(De), 60.
Beaulieu (De). — Voy. de Gênas.
Beaumaistre (J.), 3<s5 ss.
Beaumont (Elie de), 510, 518. — des
Adrets, 528.
Beauquier (Ch.), dép., 168.
Be^î<rcg-^rrf(Chàt.de)[L.-et-Ch.],4.56.
Beauregard, 279.
Beausire (Jean), 260 ss.
Beauveau (L. de), 131.
Beauveser. — Voy. de Rodulph.
Beauvillicrs (Duch' de) , 641 ss.
Beaiivoisin, 21, 107. — (De) — Voy.
de Villages, de Gênas.
Bechold (G. Sam.), 268.
Beck (J.), résid.. 125 ss. — Cath.-
Em.), 127. — (Joh.), 450.
Béda (N.), 18, 439.
Bedl'ord, 443. — (Duch" de), 270.
Bedot, 552 ss.
Begault (P.), 76 ss.
Begnicourt (Vve), 91.
Begon, intend., 84 ss.
Béguin (P.), 268.
Beisson (Et.). 414.
Bélanger, 271.
Bel fort, 316 n.
Bcilarmin (R.), 449.
Bellcroresl (Fr. de), 449.
Bellejambe (De), intend., 621 ss.
Bélier (Elisab.). — Voy. Bellot.
Belleroche (E.j, .547 n.
Bellesdens, 449.
Bellevillc (De), 122.
Beilier (Alex.), 275.
Bellot (Elisab.), 546 ss.
Belloli (L.), 426.
Belmont (De), cons., 17'J ss.
Belot (Ch.-E.), 273.
Bènard, 289 rt.
Bénart (J.), 167.
Benedy (Liénard), 278.
Benegon (Ghàt. de), 344. — \oy.
Bannegon.
Bcno (Le card.), 535 n.
Benoist (Elisab.), 92. — présid., 149.
Benoit (D.), past., 102. — (E.), past.,
403.
Bérangcr, préd., 422. — (F.), 419.
Berberat (P. Ign.), 263.
Berg (Van den), 36 n.
Bergasse, dép., 510 n.
676
TABLE ALPHABETIQUE DES NOMS DE PERSONNES
Berge (G.-H. ten), 31 ss.
Berger (G.), dép., 472. — (F.), 269.
Bergerac, l.jO, 316 n.
Beringhen (De), 214 n.,491.
Berlin, 54, 113 ss., 477,671.
Bermond, 623.
Bernage (De), intend., 488.
Bernard (Sam.), past. 191. - (C),
421. —de St-AlTrique, past., 661 n.
Berne, 483, .521 ss., .536.
Bernis, 20 ss.
Bernus (A), prof., 670.
Bernys (B. de), 246.
Berqum (L. de), 17, 436, 634 ss.
Bersier (Prix), 158, 323.
Bcrtaud (D.), 419.
Berllielin (Et.), gouv., 277.
Berlhou (Paul de), 613.
Berthoud, 477.
Berticr, agent du clergé, 226 ss.
Berton (P.), 422.
Berwald (J.), 446.
Besse-en-Oysans, 166.
Bessières, 625.
Besson (Paul), 275, 658.
Besuchct, 601.
Bethmann (De), 451.
Béthune (Max. de) [Sully], 493.
Beurnonville (De), 379.
Beuzart (P.), past., 549 n.
Beuzelin de Bosmelet (A.-M.), 491.
Bèze (Th. de), 216, 388, 443, 444,
483, 496.
Béliers, 205.
Bianquis (J.), past,, 314 n.
Bibliothèque delà Société, 100 ss.,
313 ss., 602 ss,
Bidache, 399.
Bidermann, 304.
Biens des religion" {Saintonge),
86. ^- Placard de confise, 419. —
des Consist., 236.
Bienvenu (Fr.), 562.
Bijoux prot. — 492 ss., 670.
Bilbeau, gai., 87 ss.
Billet (Le P.), 184.
Billon (A.), 268.
Billy (Ch. de), 450.
Bion (J.). au m., 346.
Bizet (Jaq. de), g'' vie, 77. — (Tris-
tan de), évèq., 77.
Blachon (J.), past. 668. — (J.-A.),
past., 661, 668. — (Silva), 668.
Biais (Suz.), 421.
Blaisot, 603.
Blanc d'Hauterive, 300, 662.
Blancherose, 534 ss.
Blanchier (M.), 448.
Blaquières, 631 n.
Blaunay (De), 469.
Blenac (De), 89.
Blessig, past., 70.
Blin de Sain More, 516.
Blois, 345 n., 454.
Blondeau de St-Aumont (L.-A.), 274.
Blondel (Jos.), 592.
Bluel(Elisab.), 591.
Bobusse, 96.
Bodet (A.), 77 ss.
Bodium (H.), 441.
Bœhmer (Ed.), 658.
Boërs, 54, 505 ss.
Bohier (Th.), 455.
Boiceau (Jacques), .504.
Bois-le-Diic, 297.
Boisrond (De).— Voy. de St-Ligier.
Boisset, 423.
Boissières, 21. — (De). — Voy. de
Calvière.
Boisson (Olympe), 108.
Boivin (D.), 541.
Bolbec, 316 n.
Boleyn (Marg. de), 398.
« Bon pasteur {Du) et du mauvais »
[Cl. Marot.], 438.
Bonet (P.), 420.
Bonet-Maury (G.), prof., 314, 356,
605.
Boniface (Jaq. de), 568 n. — (Jos.
de), 568.
Bonifas (Ern.), 100, 314 n. — (Louis),
dit Laroque, past., 165
Bonnaffé, 81.
Bonnamy (Dlie), 90.
Bonne de Lesdiguières, connèt., 198,
249, 368, 484. — (Mme), 249.
Bonnet (A.), 246. — (J.), 519, 672. —
(Mme J.), 672.
Bonnizeaux (De), 122.
Bononni, 497.
Bootley (Th. -S.), 269.
Bordeaux, â\,l'^ ss., 91, 141 n., 167,
244 ss., 483.
Bordes, 621.
Bordier (J.), peintre, 461, 477. —
(H.-L.), 461, 519.
Borel, 422. — ambass., 273. —
(F. G.), 671. — (Mme F.), 493.
Borgeaud (Ch.), 45.
Borgoignon (G.), 141 n.
Borie, 78, 147 ss. — Voy. La Borie.
Borros, Juge, 552.
Bosmelet (De). — Voy. Beuzelin.
Bosquet (Vve), 559. — (P.), 152 n.
DE LIEUX, ET DES PRINCIPALES MATIERES.
G77
Bosse (Abrah.), 475.
Bossio (Jacq.), 269.
Bossuel (B.>, évêq., 170, 236, 493.
Bosl (Ami), 65. — (Ch.), past., 165,
492. — (MlleCh.), 492.
Boston, 88.
Bolha, 565, 663.
Boubert (Suz. de), 269.
Bouche, 416.
Bouchot, 385, 392.
Boucoiran, 21.
Boudet (Marg.), 110.
Bougon, 423.
Bouhereau (Elie), 206 ss. — fils,
206 ss.
Bouhets (Les), 614.
BoLiillaines (De), 89.
Bouillargues, cap., lOS.
Bouillon (M*' de), 308, 483.
Bouiav de la Meurthe. 299.
BouUe. 473. — (Anne), 269.
Boulogne, 404.
Boulogne-s.-M., 316 n. — (chàt. de)
dit Madrid, 453.
Boumaval (G.), 420.
Bouquedepois (J.), 218.
Bourbon (Cath. de), 37, 52, 483. —
(Ch. de), 458 n. — (Antoinette
de). 448.
Bourchenin (D.), past., 166.
Bourdejux,^2l. — (Ghr. de), 255.
Bourdet (Barth.), 261.
Bourdon (Séb.), 475.
Bourg d'Oisans, 167.
Bourgeois (Jacq.), 442, 446. — (Em.),
314 n.
Bourgogne, ill,163ss.
Bournat (D.), 420.
Bournizeaux (De). — Voy. Fauquet.
Bourrilly (V.-L.), 314 n., 634.
Bouleroue, past., 173 n.
Bouton, 647 ss.
Bouvart (G.), prof., 561 n., 664.
Bouvat (Gath.), 419. — tD.), 419.
Boyer (P.), 224. — Brun, 416, 510.
Boyrie. — Voy. La Borie.
Boze (.Jos.), peintre, 414, 426.
Brachet (Anne), 420.
Bradley (Jacq.), 269.
Brancherie (M.), prêtre, 541.
Brandebourg, il3 ss. — (Fréd.-G.
de), 116. — (Louise-H. de), 135 n.
Brandis (Jeanne de), 104.
Brassac (J. de), ambass., 169.
Brayac, 594. — (J. de), 597.
Brèard (G.), 269.
Bréda (Napoléon I" à), 296.
Bremaud (Sam.), 122.
Brentius (Joh.), 446.
Bréon(Paul), 90.
Breslau, 133.
Brest, 316 n.
Breuil (S.-et-O.), 53S n. — (De). —
Voy. de Lyon.
Brevanne (De). — Voy. Formont.
« Brève instruction pour soy confes-
ser...■ù (1539), 437.
Brie (Le Gap.), 563. — (De). —Voy.
Gussy.
« Brief recueil de la substance... évan-
géliq. » (1525), 437.
Brienne, 53.
Briet(Et., Rach., Suz.), 561 ss., 665.
Brije. — Voy. Briel.
BrincoufL (J.-B.), 573.
Brion (De), 120.
Briot, 473 ss.
Briquemault (D'"" de), 124. — (Ma-
jor g"'), 119.
Briquet (Fr), 275.
Brodon (Sèr.), 261.
Brondgeest (D' A.), 363.
Bronkhorst {P. van), peintre, 411.
Brooke (Philip.), 276.
Brosse (Sal. de), 452 ss., 556.
Brouage, 88.
Brousson (Gl.), 290, 337, 347, 411 ss.
Bruay (De), gouv., 548 ss.
Bruchet (.\iax), 657.
Brueys (Ant. de^, 106.
Bruguié, past., 21.
Brulart, 482.
Brulat (Paul), 347 n.
Brun (Ap.), 593. — Voy. Boyer.
Bruneau, 550.
Brunel, 100, 314.
Brunetière (F.), 38 ss.
Brunfels (O.), 438.
Bruschweiler (P.), 604.
Bruslon (G.), doyen, 22, 324.
Brutails, archiv., 245.
Bruxelles, 548 ss.
Bry (Th. de), 477.
Buccans ou Bucamps(G. de),'past.,
20.
Bucer, 537.
Budé (E. de). 672.
Bukier (Th.), 277.
Buisson, 269 ss. — (F.), 392. —
Voy. Buysson.
Bulla'nt (J.), 455.
BuUestraten (Marie Van), 35.
Bulletin, 311, 352, 650.
Bullinger (IL), 446.
GTS
TABLE ALPHABÉTIQUE DES NOMS DE PERSONNES
Burlamachi, past., 191.
Buron, 121.
Burr (Ghàt. de), ^.56.
Bussy (Gérard de), 223.
Bûteig(Jacq.), 273.
Buysson (G.), 14'i. — Voy. Buisson.
Byzance (L.), oratorien, 243 n.
Cabanes (Hugonne), 112.
abibel (A. Rose), 510 ss.
Gabrol (Ph. de), 414.
Cadets, 598.
Caen, 48, 316.
Cagliari, 606.
Cailhava, 600.
Caillialte (Abr.), 477.
Caisse (La) du clergé et les prot.
conv., 225 ss.
Galas (Affaire Jean), 510, 604 ss.—
(\^ve Jean), 560.
Calèche, 493, 555.
Galemard (Le P.), 185 ss.
Galissane (De). — Voy. Odoie.
Calmelte (J.), 577 n.
Gallhorp, 269.
Galvière (J.-Kr. de), 108.
Calvin (J.), 48, 216, 442, 445,521 ss.,
603, — (et F. Brunetière), 38 ss.
— (Autogr. de), 446, 479. — (Goupe
de), 489. — (Médailles de), 100,
496. — (Portraits de), 381, 493, —
(Garicatures de), 385. — (Fauteuil
de), 520.
Calvisson, 316 n.
Gamarignan (Abbé de), 347.
Ganibacérès, 301 n.
Gambiago, 592.
Cambridge, 27.
Camisards, 87, 647.
Gampan. — \'oy. Villemejanne.
Gamps (De), évéq., 241 n.
Gamus, agent du clergé, 416.
Canada, 91.
GandoUe (Pyr. de), 449.
Cannes, 316 n.
Gans (A.), 225 ss.
Cantate en l'honneur de Gourt de
Gébelin, 601.
Ganlerel, 270.
Cantique d'Et. Dolet, 343. — « de
victoire » (1569), 602.
Ganu, graveur, 517.
Cap {Lé) de B"''-Esp,, 54,561 ss.,663.
Gapé, 444.
Capitation eccl. (1695), 225 n.
Capilon, 537.
Cappel (L.), prof., 207 ss. — (J.), 602.
Cappus, 185.
Garafa (card. Carlo), 577 ss, 585 ss.
Cai-cassonne, 205, 631 n.
Garces (De). — Voy. de Pontevès.
Caricatures, 385, 493.
Garital de Gondorcet (A.), 196.
Carie (De), prèsid., 646.
Carmonlelle (L.-G. de), 514.
Garoli (P.), 437, 442.
Carranza (B.), archevêq., 606.
Carlailhac (E. de), 385.
Gartho (Suz.), 419.
Cartier, 615.
Cartonne. — Voy. de Villeneuve.
Gasabone (Jacob de), 247. — Voy.
Casebonne.
Gasaubon, capit. 247. — (A. de), 247.
— (Is.), 247, 484, 659.
Casebone (Jérôme), 244 ss.
Casse, 253.
Gassebohn (J.-Fr.), étud., 268.
Cassel, 554 ss.
Caslain", 628.
Gastellain (Fr. Jehan), 653.
Gastellane (De), 153 n.
Caslellion (Séb.), 436.
Castelmoron d'Albret, 25.
Castrais, 165.
Castres, 205, 223, 316, 627.
Catéchismes. — /Ih^-cts (1534), 437.
— (Ch. Fabri 1554). 442.
Galhalan (Ant.), 444.
Caumont (God. de), 144. — (H.-J.
de), 491.
Gauve (?), past., 21.
Caussin (Suz.), 640.
Caiix (Pays de), 51.
Gauzid, past., 21.
Caveirac, 20 n.
Cavillon (Fr.), 434.
Gazalet, gai., 346.
Gazenove (A. de), 488. — (R. de), 493.
Géard (Pierre), 82 n. — (Is.), past.,
82 n. — (Jeanne), 81 ss.
Gellérier, past., 67 n.
_ Celliers, 566.
'Cenlillas (Gasp. de), 608.
Céramique, 470 ss,, 493.
Geroni (L.), 603.
Chabanne (Mlle de), 107.
Ghabaud, 668,
Ghabert, 420.
Chabot. — Voy. Gaullhier.
Chaljrières, 476, 496.
Ghadeau de la Clocheterie, 87.
Chadirac, 430.
Chaillé (Pierre), 644 n.
DE LIEUX, ET DES PRINCIPALES MATIERES.
679
Chaire du Désert (Bougon), 423,
603.
Ghalezac (De), 122.
Challette, 53.
Challuau (Chat, de), 456.
Ghalmot (Mme), 346.
Chamalot, 420.
Chaml3olle-Dui-u, 436,
Cbambord (Chat, de), 452.
Charnier, avocat, 199.
Chamilly (M"' de), 91.
Champagne (La Réforme en), 53.
Champaigne (Ph. de), 389.
Champdieu (De). — Voy. Villars.
Champfour (Et. de), évêq., 92.
Champigny (De), 197.
Chanson hug., 349. — d'un col-
porteur martyr, 306. — cath. du
mass. de Vassy, 255. — « Chan-
sons nouvelles »... (1573), 445. —
« spirituelles )> (1555), 443.
Chanteau (De), 37.
Chantilly, 455.
Chaponnière (F.), 39.
Chaptal, 667.
Charenton, 22.
Charles (J.-P.), 419.
Charles IX, 482.
Charles-Quint, 445, 532.
Charlet (Pierre), 419.
Charléty (S.), 332 n.
Charleval, 454.
Charpentier (J.), 277.
Charron (A.), 51. — (De). — \oy.
Rolland.
Charruaud (P.-D.), past., 672.
Chartres (Siège de), 54.
Charvyx, 187 ss.
Chastel, 314 n.
Chastelars, subdèl., 642 ss.
Chastellain (J.), curé, 478.
Chastillon, 462. — (C), 605.
Châtaignier. — Voy. Blachon.
Château, 418.
ChdteaU'Tliierry, ô6l ss.
Chàteauncul-le-Rouge (De). — Voy.
de Rodulph.
Châtellerault, 546 ss. — (.\ssemb.
de), 482.
Chàtelot, 168.
Chdtillon-sur-Diois, 420. — s/Loing,
392.
Chàtillon (G. de Goligny, s' de),
amiral, 392 ss., 445, 488. — (Por-
traits de), 390. — (Conversion de),
584. — (Lettres à Carafa), 577 ss.
— (Assassinat de), 390 ss. —
(Louise de Coligny), 390, 488.. —
(Fr. de s' d'Andelot), 392, 583 ss.
— (Odet, card. de), 392, 582 ss.
Chatoney, 314, 450 ss., 464, 603 ss.
Ghauniet. prêtre, 168.
Chaumont-Ouitry {A. de), 223.
Chaumont-en-Bassigny, 13.
Chausey (Iles), 8, 103.
Chaussegros. — ^oy. d'Estienne.
Chauve!, pris., 111.
Chauvet, 621 ss.
Chavanet(A.), 143.
« Chefs principaux des entrepr. des
relig. », 194 ss.
CheneJMer, 420.
Chénier (M. Jos.), 514.
Chenonceaux, 455.
Ghenot, 271.
Gheramy, 415.
Chérot(Le P. H.), 314 n.
Ghévelle (C), 217 ss.
Cheverny (Chat, de), 604.
Ghevrières (De), présid., 174 ss.
Ghodowiecki (D.), 515.
Choiseul (De), 513.
Choudens (Fr. de), 274.
« Chrestienne instruction))... (1551),
443.
Christine de France, 506. — de
Suède, 22.
Chronique litt., 38 ss., 159 ss.,
Chry.styn, cons., 547 n.
217 ss., 567 ES., 605 SS., 651 ss.
Cinquantenaire de la Société,
280, 307 ss.
Ciret, cons., 646.
Ciaessens, 434.
Claiete, 344 n.
Clairac, 141 ss.
Glaparède (Th. et R.), 163. — (Ci.),
21.
Claris, past., 603 ss.
Claude (Is.-Fr.), 273. — (Fr.) 270.
— (J.), past., 389, 460, 485.
Glaudon (J.), 54.
Clavel, 166 ss, 224.
Claverick (Jacq.), 270.
Clementis (Cl.), augustin, 535.
Clergé (La caisse du) et les prot.
conv., 225 ss. — (Dons gratuits
du), 225 n., 240.
Glichtov (H.), 17.
Clou-Bouchet (Le) [Niort]. 21 > .
Coche, 485 n. — de la Ferté, 472.
Cochin (Aug.), 613.
Coffrets, 491.
Cognac, 316 n.
680
TABLE ALPHABETIQUE DES NOMS DE PERSONNES
Coin français (Le) [French hoek],
563 ss.
Coissin (V.), 139.
Colbert, 51, 238, 484. — (Claire),
abbesse. 51.
Cole (D'), 29.
Colines (Sim. de), 432.
Collèges prot., 206 ss. — (Clai-
rac), 144. — {Die), 209. — {Mon-
taiiban), 101, 212 n. — (Orthè^),
211. — {Saumiir}, 208 ss. — (5e-
dan), 211.
Collet (Ch.), 270.
Collot (Sim.), 223.
Colognac (Paul), prédic, 413.
Colomb (F.). 436.
Colombe, préd. — Voy. Béranger.
Golporteiirs, 306, 385.
Comba (Em.), prof., 314, 323, 602.
Combalel (Mme de), 462.
« Combat (Le) chrestien », 437.
Combes, past., 21. — (De), 174,
188 ss., 200.
Comité (Liste des membres du)
[1852-1902], 320 ss.
Comminge, 205.
Communion. — (Table de), 425. —
(Nappe dej, 425. — (Services de),
425, 489, 491 .
Gomp" des Indes occid., 251 n.
(>omle (Jérém.), 489.
Concordat (Le), 297 ss.
Concorde (Formule de), de \Vit~
temberg, 537.
Condé (L. de Bourbon, pr. de), 47,
388, 479. —(H. de), 482. —(P. de),
598.
Condé-en-Barrois, 54.
Condomois, 80 n.
Condorcet. — Voy. Caritat.
Condren (Le P. de), 170.
« Confession de la foy ». — {Ge-
nève, 1537), 440.
Confiscations {Jamet^), 222. —
(Placard de), 419,
Connau (S.), 20.
Conquérant (De), 51.
Conrart (Val.), 389.
Consistoires (Biens des), 236.
Constance, 477.
Constans (Jacq.), 669.
Constant de Resbecq (Aug. de),
669.
Constantin (J.), past., 614.
Constituante( Pasteurs de la),661n.
Conte, 40 1.
Conli (Prince de), 171, 184.
« Contrevérités (Les) du P. Mey-
nier », 199 n.
Contrières (Joach. de), 48 ss.
Convention (Pasteurs de la), 661 n.
Conversions (Caisse des), 225 ss.
— (Moyens de) [peinture], 493 ss..
671.
Copenhague, 101, 158.
Coqueau (Jacq.), 452.
Coquerel (Ath.), fils, past., 519.
Corbin (P.), 270.
Cordeliers « Déclaration de la rei-
gle... des» [J. Menard, 1542], 441.
Cordemoy (Abbé de), 640 ss.
Cordier (Math.), 213. — de S'-Fir-
min (al)bé), 600.
Cormontagne (Jos.), 269.
Cornailie (Ant.), 223.
Cornier (Chat, du), 50.
Cornillion (De). — Voy. Sibert.
Cornuau, 135.
Correspondance, 52, 223, 663.
Corroy (P ), 262 ss.
Corsaires hollandais, 251 ss.
Corteiz (Pierre), 103.
Cosgrave (J.), 268.
Cossé (M" de), 482.
Cossin (L.), 389,
Coste (Pierre)', 274. — (Sam.), 546 ss.
Colteau (J. Rod. A.), 271.
Cottier de Montbrison (Mme), 398.
Cotton, collégien, 215.
Coucy (Chat, de), 453.
Coudoulet (De). — Voy. de Favier.
Couet du V^ivier (Mme), 208 n.
Coulin (Frank), past., 383,
Coulommiers, 458.
Coupes de communion, 425, 489,
491. — d'Et. Mangin, 489. —de
Calvin, 489. — dA. Garrisolles,
23, 489. — de Ranc, 491.
Courlande(Duch'' de), 4 78 n.
Court, 20, 413 — (Maison d'A.), 100.
— de Gebelin, 290, 599, 601.
Cou riens, 120.
Courtois de Maleville, 22, 401.
Cousin (Cl.), prédic, 17. — (A.),
prêtre, 649.
Couteau (A.), 433.
Couttant (Jacq.), 89.
Couve (B.), past., 307.
Couvents, 87 ss., 598, 631.
Covelle, 167.
Coxie (De), cons., 547 n.
Coyecquc ^E.), 167.
Co^es, 316 n.
Crafort (James), 271.
DE LIEUX, ET DES PRINCIPALES MATIÈRES,
681
Crébessac (J.-J.), dit Vernet, past.,
165.
Crefeld, 672.
Creil (Chat, de), 453.
Creissel (Et.), past., 31 i n, 598 n.
Créqui (M"' de), 178.
Crespin (J.), 442 ss.
Crest, 419 ss.
Creysseilles, 316 n.
Crognet (P.), 566.
Croissy (De), 113 ss.
Cromnï (Dav.), 270.
Cronier, 565.
Cronjé, 566.
Ciinège (Dordogne), 25.
Gusin, 476.
Cussy de Brie, 127.
Cuvler(Rod.),670. — (MmeO.),316n,
672.
Cuvry (J. de), 223.
Cuzin, 438.
Cyret, cons., 145 ss.
D aillé (J.), past., 120. 389, 485. —
Voy. d'Aillé.
Dallier (J.), 445, 498.
Damblain-en-Bassigny, 473 .
Dampierre (Ghàt. de), 455.
Daneau (Lambert), 449.
Danger, 270.
Danglrard, 289 n.
Danglade, 593.
Daniau, 92.
Danidan, 632.
Dannreuther (H.), past., 36, 51,
217, 314, 323, 508, 573, 602, 613,
671.
Danse, 443.
Darnac (Nie), 76 ss.
Dassier (J.), 508.
Dauphiné. — Voy. Colognac.
Dauphiné, 195 ss., 419 ss.
Daval (J.), 250.
Davantage. — Voy. Hutchinson.
David (L.), peintre, 414. — d'An-
gers, 603.
Davillé (L.), 51.
Davison (Rob.), 271. — (J.), 271.
Debrec^en, 100.
Debrus (Mme), 511.
Déclarationdu is juill. 1656, 193ss .
Défenses aux cath. de se l'aire
hug., 187.
Dégremont (L.), past., 314 n.
De Jean (Comte), 472.
DelabroLie, past., 560.
Delacourt (Pasqueltc), 142.
Delacroix de Sève (Math.), 279. .
Delalbsse, graveur, 514.
Delage (F.), 142 n.
Delan (V. B.), 277.
Delarocho (P.), peintre, 429.
Delarue, 278.
Delaulne (Et.), 400, 451, 456 ss., 477.
Delaurencerie, 561 n.
Deichef, 223.
Délègue (J.-A.), 422.
Delessert, 304.
Deiille (Arm.), past., 58 ss.
Deiisle (Léop.), 375.
Delorme (Mlle B.), 519.
Delom, past., 224.
Delphius, 390.
Delpon (J.), 224.
Démange aux Eaux (De). — Vqy.
de Mont.
Denfert-Rochereau, col., 429.
Denis (Mme), 512.
Dentelles, 474, 493.
Donlzel, past., 661 n.
Derideau (Marie), 88.
Derlac, 268.
Désaguliers (J.-Th.), 599.
Des Barres (Jean), 344.
Descartes, 110.
Des Coudrais (Mlle), 123.
Désert(Lettre d'un past. du) [1724|.
102. — (Chaire du), 423, 603. —
(Sceau du), 491.
Des Gallars, 069.
Des Glaireaux, cap., 117.
Des Gois (A.), 434, 441.
Desnoyers [Rozan], prédic, 422.
Despierres (Mme G.), 49.
Des Salles (Louise), 37. —(Cl.), 223.
« Deux associés » (Prêtres des), 348.
Devais (Alex.), consul, 625 ss.
Devises, 450, 615.
Deymier (G.), 246.
Diacres (Picfuge d'Angleterre), 491 .
« Diairi » ( Le), 1 68.
Diane de France, .579. — de Poi-
tiers, 446.
Die, 191, 209, 419.
Dieppe, 250 ss., 493.
Dieterlen (P.), past., 31 i n.
Dietz, past., 430, 603.
Di eusse. Ml.
Dilger (Arn.), 271.
Dimanche (La), 182.
Dinan, 92.
Dinteville (G. de), gouv. 53.
Diplôme (Sedan), 430.
Discipline eccl., 573.
682
TABLE ALPHABÉTIQUE DES NOMS DE PERSONNES
« Dissertation sur les pensions... »
[Le Métayer], 236.
Dodun, control. gén., 260 ss.
Dolet (Et.), 343, 138, 442.
Dollfus (Adr.), 314 n.
Dompierrede Chauffepié(De),314n.
DoDS gratuits du clergé, 225 n, 240.
Dorveaux (D' P.), 314 n.
Doucet, 2S9 n.
Doucette (Gath.), 76 ss.
Doumergue (D'), 670. — (E.), prof.,
383, 521.
Dousel (Is.-H.), 271.
Doyen, not., 96.
Dracque (J.), 477.
Dragonnades, 407. — (Montauban),
544 ss. — {Dieppe), 493. — (Revel),
628. — (Peintures), 493 ss.
Drakenstein, 565.
Dreux (Bat. de), 657.
Drogy, prêtre, 535.
Drommond (J.), 271.
Drouart (J.), 543.
Droyart, 419.
Druet, prof., 208.
Drummond (J.), 276.
Du Bellay (card. J.), 455. — (Char-
lotte), 122 n. — (Cl.), 121. — (Th.),
121.
Du Biran, 121.
Du Bœuf, méd., 189.
Du Bois (Simon), 433 ss. — Guérin
(Ch.), 405.
Du Bordage. — Voy. Montbour-
cher.
Du Bosc, past., 165.
Dubroca (G.), régent, 144 ss.
Ducange (Victor), 517.
Du Croisil, abbé, 174, 186 ss.
Dudan (A.), 520.
Duels d'écoliers, 210.
Dufau (A. de), 314 n.
Du Faure (Mme), 182.
Du Fay, pilote, 253.
Du Ferrier, g^vic, 177 ss.
Dufour (Th.), 100, 323, 357, 373, 431,
602.
Du Franquesnay. — Voy. De la
Sarrar.
Duhan (Nie), 268.
Du Laurens (G.), cons., 141 n.
Dulleins (De), 271.
Dulyon. — Voy. de Lyon.
Dumas, 289,511. — (Dlle), 631 n.
Du Mas de Montmartin, 121.
Dumast (De). — Voy. Guerrier.
Dumesnil (L.-P.), 271.
Du Mirail (V.-Ch.), 270. — de Mon-
not (Et.), 270.
Dumont, 36 n, 92.
Du Moulin (P.), past., 48'i, 668.
Du Murât (Fr.), 246.
Dunière (J.)dit Lacombe, past., 165.
Dupaquier (J.-J.), 272.
Dupin de St-André (A.), past., 55.
323, 381, 602.
Duplessis (A.), graveur, 517.
Du Plcssis-Mornay, 401, 482 ss. —
(Devise), 4.50.
Dupont (Jacq.), 50.
Du Port, cap., 251 s s.
Du Pradel. — Voy. de Serres.
Duprat (Ant.), .542.
Du Pral, 88 n.
Dupré(G. et A.), mèdailleurs, 502 ss.
Du Pré (Fr.), 445.
Du Quesne (Abr.),403, 484. — (Mme),
92.
Durand (Jean), 277. — (Ch.), 300,
314 n, 660. — (Marie), 487. — Gas-
scMn (IL), 401.— (Dlle) de Revel,
631 n.
Durant (Jean), 489. — (Z.), 444.
Durfort, 107. — (De). — Voy. de
Nogarède.
Duru, 434, 444.
Du Russeau (K.), 398.
Du Ry (Jeannette-Philip.), 55'i ss.
— (Ch.), 452, 459.
Duseigneur, 476 n.
Du Thiers, 456.
Du Tilhia (R.), 143.
Du Tillet (Louis), 521 n.
Du Toit, 565.
Duval (Jacq.), 272. — (M.i, 398. —
Voy. Sicard.
Duverger, 552.
Duvergier, 551, 597.
Du Vivier. — Voy. Couet.
Duvoisin, past., 560.
Echallens, 527.
coiien (Chat, d"), 455.
Édit de Nantes, 482. — (Contraven-
tions à V) [1656 ss.]. 193 ss. —
(Questionnaire) [1660], 194 ss. —
de Nemours, 528 ss. — de Paris
(1568), 479. — de Potsdam, 123, 129.
Egidio (D') [J. Gil.], 606.
Egissav (D'), 121.
Egli (D'o, 323, 602.
Eisen (Ch.), 516.
EUiott (G.), 272.
Emaux, 461 ss, 475 ss.
DE LIEUX, ET DES PRINCIPALES MATIERES.
G83
Emminck (J.-G.), 278.
Empeytaz, 65, 289 n.
Enfants prot. (Enlèvem'= d'), 214 n.
Enfants sans souci, 141 ss.
En gel, i34.
Enlèvements d'enfants prot,, 214 n.
Enschédc ^A.-J.), 502.
Enterrements prot., 190,252, 266.
Epernay, 611.
Epernon (Duc d'), 610.
Erasme, 433, 445 ss.
Erbe (Math.), 654.
Erlangen, 49.
Ermenonville (D"'). — Voy. de Vie.
Esch (Nie. d'), 478.
Espagne (Inquisition d'), 111, 605^
659. — (Prot. en), 605 ss.
Espenel, 419.
Espense (D'), 124, 131 n. — Voy. de
Beauveau.
Espilly (Marc d'), 273.
Espinousse (D'). — \o\. de Ville-
neuve.
Esquille (Jeanne d'), 114.
Estancellin, 254.
Estauge (J.), 442.
Estienne (Rob.), 573. — (H.), 488. —
(Fr.), 448.
Estienne-Chaussegros (J. d'), 106.
Estivaux (L. d'), 223.
Estréelles-en-Boiilonnais, 217 ss.
Estrées (D'), évêq., 241.
Etat des anc. et nouv. cath. en Lan-
guedoc (1698), 205.
« Europe » (Le navire L'), 253.
« Exhortation au peuple », 438,
Exilles (Fort d'), 368.
Exinict (Abr.), 421.
Expert (IL), 308, 312, 314.
Exposition rétrospective, 166,
373 ss.
Eymier (G. d'), 246. — Voy. Dey-
mier.
Eynard. past., 603.
Eyquens (D'), cons., 149.
Fabre, 289 n. — (Jean), gai., 487,
509 ss. - d'Olivet, 493. — (Mlle),
492.
Fabri (Christ.), 442. -
Fabry (P.), 278.
Faguet (E.), 604, 640.
« Faicts (Les) de J.-C. et du Pape »
(1534?), 440.
Falaiscau, 127 n. — (Mme), 127.
Falbaire (De). — Voy. Fenouillot.
Fallot, past., 68. — (Th.), past., 425.
Faneuil, 88, 92.
Fangoux (J.), 272.
Farel (G.), 223, 336, 440 ss., 478, 521
ss., 652.
Fauchar (Jeanne), 81 ss.
Faugerolles (De), 143 ss., 646.
Fauquet (Ch.), 122.
Fauquier (J. M.), cap., 110.
F'î.ure (J.), 546 ss. — (P.), 143. —
(Jacq.), 551 ss. — (L.), 420. — (E.),
méd., 594. — de Revel, 619.
l'aveau. — Voy. Foveau.
Favier (De), 106.
Favyer (Nie), 498,
Fécamp, 226 n.
Fcer (Léon), 672.
Fegaud, past., 555.
Féiice (P. de), past., 206 ss, 314 n.
Féline, 289 n.
Fénelon. archevèq., 640 ss. — (Mar-
quis de), 171.
Féyiestr elles, 185.
Fenouillot de Falbaire, 509 ss.
Fergusson (J.), 272.
Fermasse (La), 36 ss.
Ferret (P.), 272.
Ferrières (De). — Voy. Bayard.
Ferron (De), cons., 146 ss.
Ferrv (L.), 208. — (P.), past., 206,
485 ss. — (liLs), 207.
Feuquières (De). — Voy. de Pas.
Feutrié (Dav.), avoc, 22.
Février (Jacob), 491.
Fiales (Paul), gai., 491.
Fillon (Jeanne), 279.
« Fils de rilomme » (Le). — Voy.
S. Morin.
Firnkranz (J. Sig.), 278.
Fischbacher (Mlle), 308.
Fischner (Chr. Gabr.), 271.
Flaming, 93.
Flandre, 5i7 ss.
Fléchier (Jacq. de), 111.
Fleury, 53, 48'.. — (Abbé Cl.), 641.
Fliedner (H.), 314 n.
Florac, 316 n.
Florian(Dei, 603, 605.
Foécy, 316 n.
Folembray (Châl. de), 453.
Folleville (De), 91.
Fonbrune-Berbinau (P.), past., 102,
546, 5(i7, 598, 640, 647.
« Fontaine (La) de vie » (I56Î), 438.
Fontainebleau, 454.
Fonlanes, 600.
Fontbcrnard (De). —Voy. Guenon.
Fontenay, 539 n.
(Î84
TABLE ALPHABETIQUE DES NOMS DE PERSONNES
ForanI, chcl' d'escad., 642.
Forestier, past., 602.
Forge (De). — Voy. Salbert.
Forier (Anne), 421 .
Forment de la TourJ(J.), 638 ss. —
de Brevanne (P.), 638 ss.
Formtile de concorde de Wittem-
berg, 537.
Fort (Jacq.), 89.
Fort-de-France, 251 n.
Fosse, pûst., 165. — (J. J.), dit Ri-
chard, past., 165.
Fouquel (Fr.), 170.
Foiircinet, 421.
Fourier de Bacourt, 53.
Fourneau (P.), 615.
Fournier, 559.
Foveau (Jacq.),f93.
Franc-Maçonnerie (La), 599 ss.
France prot. (La), 312.
Francforts j -Oder, Wtk. — sj-M., 443.
Francheville (G.), 275.
Franconville, 601.
Franklin (Benj.), 599.
Frappier, 377.
Fréjevilie (Jos. de), méd., 224.
French Hoek [Coin français], 563 ss.
Fresquet, curé, 628 ss.
Fressac (De). — Voy. de Gênas.
Fretanod (J.-B.), 280.
Frise, 637 ss.
Fritzsch, graveur, 514 n. — (L.), 664.
Frobenius (Joannes), 445.
Froment (A.), past., 81.
Frossard, past., 69, 668. — (Ch.),
past., 314, 399, 575, 650. — (Mme
Ch.), 650.
Fugitifs, 419 ss., 546 ss.
Fuveau (De). — Voy. de la Lande,
de Rodulph.
Fuzier, 314 n.
Gâches, 628.
achon (Paul), past., 21.
Gadagne (De), 482.
Gaidan (E.), 671.
Gailhard ou Galiard (Sara), 110.
Gaillard, 89. — de Longjumeau
(Jeanne), 220 n.
Gaillon (Chat, de), 454.
Galabcrl (Fr.), 151.
Galand (J.), 420.
Galatin (Ezéch.), 272.
Galériens, 87, 422, 486, 549 ss., 647,
670.
Gales (De), avoc. gen., 174, 181 ss.
— (Pedro), 658.
Galiard. — Voy. Gailhard.
Galinié (P.), 165.
Gallargues, 21.
Gallien (M. A.), 223.
Gallol (P.), 274.
Galvard (B.), 547 n,
Gambs (Ch. Ghr.), past., 429.
Garaguier, past., 107.
Garand (L.), 420.
Garcin (Cl.), 420.
Gardé, 566.
Gardes-Suisses, 266.
Garnault (P. E.), 672.
Garnier (J.), 442. — (P.), 472, 477.
— (A. E.), 314 n.
Garreta (R.), 250, 314 n.
Garrissolles (Ant.), prof., 22 ss., 401.
— (Coupe de), 23, 489. — (Devise),
23.
Garrisson (P.), avocat, 543 ss.
Gasc, 619.
Gascq (De), 86, 646.
Gassendi, 110.
Gassion (M=" de), 403.
Gaubert-Lavaysse, 515 n.
Gaufrés (J.), 314 n.
Gaulthier (P.), dit Chabot, 670.
Gaultier (J.), 669. — (A. de), cons.,
145 ss., 646.
Gaulery, 571 ss.
Gautier, past., 21. — (L.), past., 314
n. — (De), 107.
Gavanon La Vérune, prédic, 413.
Gayling, 652.
Gazagne (Salom.), past., 20.
Gazan (David), prédic,, 412.
Gazon, commiss., 127.
Gelas de Léberon (Ch. J. de), évêq.,
249.
Gélin (H.), 314 n, 377.
Gênas (De), 104 ss.
Généalogies. — De Gênas, 104 ss.
— Guiraud, 110 ss. — Reinaud,
111 ss.
Générac, 107.
G<??!èj^e,64ss.,440,447,52lss.,590ss.
Genevois-Nemours (De). — Voy.
Jacq. de Savoie.
Genoux. — Voy. Mallet.
Gentillot, 24, 551.
Genu (De), 34.
Gérard (J.), 435.
Gerland (D' O.), 554.
Gérold (Th.), past., 314 n.
Gervaise, chirurg., 120.
Gesaner (A. et J.), 446.
Gesvres (Duc de), 277.
DE LIEUX, ET DES PRINCIPALES MATIÈRES.
685
Ghendt (E. de), grav., 516.
GiberL(E.), past., 21.
Gibolet, 477.
Gil (J.), 606.
Gilbert, 92.
Gillouin (Mme), 425, 491.
Girard (Et.), 592. — (F.), 422. —
(B.), 420.
Giraud, cons., 174.— Browning (A.),
361 ss., 430, 499.
Girault (G.), 77 ss.
Giroud, 419.
Givaudan (Suz.), 421.
« Glaive{Le) de la parolle... » (1550),
442.
Gloucester, 29.
Godeffroy, 87.
Goebei (D. S.), prof., 50.
Goffart (Mme Vve), 493.
Goguel (A.), past., 487.
Gohécourt (De). — Voy. Des Salles.
Goldschmidt (M.), 275.
Golier (Le P.), 184.
Goltzius (H.), 401.
Gombaud (Anne et Eléon.), 643.
Gommeret, 430.
Gondreville-la-Franche, 51.
Gonesse, 539 n.
Gontard (J. L.), 420.
Gonzague (Louise M. de), 462. —
(Cath. de), 459.
GonzalèsdeMendoza(Card.P.),606.
Gordes (De), 571 n.
Gordon (G.), 272.
Goret (Rob.), 96.
Gorin (P.), 25.
Gond (Jacq.), 269.
Goudimel (Cl.), 444.
Gouguyn (Fr.), 76 ss.
Goujon (Jean), 4.55, 472.
Goulard (Chat, de), 24, 551, 593,614.
Goulard (Marie), 546 ss.
Goulart (Sim.), 670.
Goût (A.), past., 281 ss.
Gouttes, 622.
Gouvernet (De), 460.
Goy (Ch. et L.), 421.
Grain (Magdel.), 122.
Grandmaison (De), 7 ss., 100, 124 n.,
671.
Grandpré (De), méd., 189.
Granjon (Rob.), 444.
« Grans (Les) pardons et indul-
gences » (1533 ou 3i), 440.
Grasset (Marie), 224. — (P.), 649.
Grale (Le P.), 184.
Gravelines, 547 n.
Gravelot, 509.
Gravures, 603.
Grégoire (ai>bé), 348.
Grégoire XIII, pape, 497.
Grelier (P.), 92.
Grenade, 606.
Grenier de Latour (F. de), 204.
Grenoble, 169 ss., 223. — Temple), 197
ss. — (Affaire de l'Hôpital), 178 ss.
Gribelin, 389.
Grignan (comtesse de), 462. — Voy,
d'Adhémar.
Grillon {De), l)rigadier, 544.
Grindall (Edm.), évêq., 669.
Griolet, 648.
Grisait (J.), 419.
Grizot, past., 20.
Grœnwegen (J.), 272.
Groningite, 31 n.
Gros (Ch.), 168.
Groslot (Marg.), 508.
Grossoiivre, 344 n.
Groulart (Ci.), pr. présid., 491.
Gruel, 435.
Guadalaxara (Mystiques de), 60.5.
Guardesi, 670.
Guenon de Fontbernard, 88.
Guérin, 51, 186, 420. — cons., 174.
(J.), libr. 272.
Guerlach, 271.
Guerres de relig. (1.562), 392 ss.
Guerrier de Dumast, 601.
Guillaumau, 489 n.
Guillaume le Taciturne, 336, 394.
Guillaume III d'Anglet., 485.
Guillemières (De), cons., 174 ss.
Guillelat (Fr.), 443.
Guilloche (De), cons., 146 ss.
Guiraud, 1 10, 647.
Guise (Fr. de), 578 ss. — (H. de),
610 ss.
Guitton, 273, 275.
Guizot (Fr.), 429. — (Fr,-A.), 347.
Gunsbach (J.-J.), 273.
Gustave-Adolphe, 22, 216.
Guyaz (J.), 267 n.
Guyenne, 141 ss.
Guyot (H.-D.), 31 ss., 314 n., 323,
602, 637.
Guyton (Noël), libr., 167.
Haag (Eug.), 519.
abert (J.), comm., 266.
Hackney,2~.
Haffncr, past., 70.
Hainor (Jos.), 278.
Ilaldane, 65.
686
TABLE ALPHABETIQUE DES NOMS DE PERSONNES
Haie, 345 n.
Halluin (Jeanne de), 579.
Halphen (Euo.), 314 n.
Hamelm(Phillberl),443.
Hamilton (Marie), 640.
Hamon (A.), 314 n.
Hanotaux (G.), 159 ss.
Harambure (Augier de), 246 ss.
Ilarbonnières (D'). — Voy. de Pas.
Harburg^ 654.
Hardy-Mesnil, 440.
Haiiay de Champvallon, archevôq.,
225 n., 238 ss., 493,
Hartope (J.), 273.
Harville (Cl. de), 539 ss.
Ilallu de Vehu, 550.
Haullin (P.), 445. — (H.), 445, 450.
Haussonville (AlTrican d'), 222.
Hautecour, prof., 207.
Hauterive (D'). — Voy. Blanc.
Hay (G.), 269.
Hayotte (Barbe), 508.
Hébert (J.), 400.
Hebuchner (Rob.), 270.
Hedion, 496.
: Helmotz, 328 n.
Henares, 609.
« Henolicon » {Panégyrique de V)
[1.588], 602.
Henri II, 446.
Henri HI, 482.
Henri IV, 401, 482, 497, 503, 506 ss.,
610.
Henriquez (B.-L.), 426.
Henry, prédic, 412.
Herbelet (J.), curé, 82 n.
Herj>ig-ny (D'), intend., 417.
Herboux(D. et L.), 419.
« Héros (Les) delà Ligue »... (1691),
493.
Hervage (J.), 436.
Hervart (Barth. d'), cons., 460.
Hespérlen (Franc.), 614.
Heydegger (Ph.-C.), 273.
Heyer(H.), past.), 314 n.
Hihglogh (De). — Voy. Light.
Hildesheim, 554.
Ilodenpyl (Gysberti), 299 n.
Hœk, 561 n., 665.
Hoff (G. -A.), past., 55.
Hogger (D.), 273.
Hollande, 35, 54, 87,297 ss. — (Ban-
quiers réfug.), 637 ss. — (Médailles
de la Révoc""), 500 ss.
Hollard (Chr.), 526 ss. — (J.), chan.,
526 ss.
Homel (Is.), past., 345.
Hooper, évêq., 29.
Hoorn (Van), 289 n.
Hop (N'an), ambass., 270.
Hope (Th.), 271.
Horn (comte de), 556.
Hornet (J.), 268, 278.
Hornter (J.), 275.
Hortner (H.), 273.
Hotman (Fr.), 539 n.
Hoxton, 491.
Huaud (Pierre), l'aîné, 462.
Iluault, horl., 477.
Huberinus (C), 446.
Hubert (A.), 496. — Voy. Hal)ert.
Huet (Isaac), 561.
Hugon, 488.
Huguenaud,671.
Huguenauts (Ecueil des) [Iles Chau-
sey], 8, 103.
Huguenot (Le mot), 7 ss., 103, 671.
— (Le prénom), 10 ss.
Huguenot, 671. — Ph. et J.), 13. —
— (Pascal), 8.
Hugues (D'), 182. — (Edm.), 314 n.,
323, 602.
Huisseau (D'), prof., 208.
Huss (Jean), 334, 379.
Hutchinson-Davantage, 271.
Hyhoa (Joannès), 273.
Tberville (D'), 91.
llles (De), 628.
Illustrations. — Vue de rhôtel-dc-
Viile de Paray-le-Monial, 16 1; —
de la maison du notaire Reverdy,
à Revel^&l'è; — du prétendu temple
d'Estréelles-en-Boulonnais, 219 ; —
de la salle de lecture, 376; (Pan-
neau renfermant les « Réforma-
teurs et Pasteurs », 378 ; panneau
intitulé « Coligny et son temps»,
391; panneau intitulé « xvi° et
xvu° siècles », 397; panneau con-
sacré à la « Révocation », 402;
panneau consacré au « Culte du
désert », 424; Id. à la « fiéorga-
nisation des cultes », 428; Vi-
trines d'objets d'art, 451 ; Livre
de prières de Jean Petitot, 463,
468). — de Genève au xvi' siècle,
522. — Masque de Luther, 380. —
Médaille commémorative du sup-
plice de Jean Huss, 334. — .Mé-
daillons de Luther, 495 et 496;
d'Henri IV et Marie de Médicis,
503, 507; de Jacques Boiceau, s' de
la Barauderie, 505; de Richelieu,
DÉ LIEUX, ET DES PRINCIPALES MATIÈRES.
687
507. — Caricatures de Rabaul de
S'-Etienne, AÏS; — de l'époque de
la Révocation, 494. — Plaquette
offerte au président de la Société,
353. — Plats de Palissy (la « Fé-
condité » el« Reptiles »),470, 471.
Bas-relief de Jean Goujon, 473.
Huit PLAQUES d'émail iUustranl
l'oraison dominicale, 480-481. — Cof-
fret aux armes d'Henri-Jacques
de Caumont, duc de la Force,
coupe de Calvin et Gobelet de
Ranc, 490. — Reliures à compar-
liments (Bibles de 1548 et 1559),
447. — D'un psautier du xvi* siècle,
449. —Portraits. — De A. Garis-
soles, 22. — De Calvin (peintures
du chat. dW-fay-le-Rideau, 382;
de Baie, 384). — De Téligny, 395.
— De Kath. de Russeau, 399. —
De Louis XIV triomphant de l'hé-
résie, 404. — De Jean Petitot, 462.
— de Mme Jean Petitot, 465. —
De P. Mret, 529. — De G. Farel,
.533. — Fac-similé de deux textes
du xiV siècle renfermant le nom
Huguenot, H. — Des signatures
de Coligny, 393. — De Cl. Brous-
son, 411. — De Paul Rabaut, 417;
— de Raijaut de S'-Etienne, 417;
— De Jean Petitot, 468. — De
Calvin, 479. — De Marie Durand,
/SI. — De Voltaire, 511. — De
la veuve Calas, 512. — D'un ma-
nuscrit de Luther, 478. — Du pas-
sage des registres du Conseil
mentionnant l'arrivée de Calvin
à Genève, 525. — Plan du quar-
tier de l'Estrapade en 1734, 98. —
du cimetière des prot. étrangers
en 1726, 26i et 265. — La marqur
du libraire Guy Marchand, de
Paris, 616.
Imbert, 213.
Imprimeurs (Marques d'), 49, 616.
Indes Occid. (Comp. des), 251 n.
Indulgences, 440.
Inhumation ( P r o c è s - v e r b a 1 d')
01737]. 266.
Inquisition d'Espagne, 111, 605,
65'.».
Inscriptions hug., 377. — (Join-
ville), S2 n. — [Revel), 620. —
(Nantes), 6l3.
« Institution chrétienne » de Calvin,
446, 524.
« Instruction chrestienne » (1562), 444.
Irlande, 90.
Isle de Loire, 92.
Issanchou-Peyreblanc (A.), 417.
Ivoires, 493.
Izaard (Anne), 420.
jacobi (P.), 616.
J acquemin ((>h.), 112.
Jacques II d'Angleterre, 462.
Jadart (II.), 51.
Jaimont (Marie de), 598 n.
Jallieit, 316 n.
Jamaïque (La), 89.
Jamet^ (.Siège de), 222.
Jannon (J.), impr., 491, 573.
Jaquin, 186.
Jaubert de Barrault (J.), évêq.,170.
Jaucourt de Viilarnoul, 125, 282. —
(Mme), 124 ss.
Jay, past., 661 n.
Jayet, 164.
Jeanbon S'-André, 152 n.,165.
Jeaucourt (chevalier de), 266.
Jeaurat (Et.), 491.
Jemmath (Sam.), 274.
Jésuites, 174 ss.
Jetons, 37.
Jeunesse (« Instruction chrestienne
pour la ») de France » (1562), 444.
Jobard (Gasp.), 273 ss.
Joigny, 557.
Joinville, 82 n.
Jonas, 381.
Jordan, 612 ss.
Joubert, 274, 419 ss., 566, 666 n.
Jouhanneau (Marg.), 546 ss.
Jouques. — Voy. d'Arbaud.
Jourdan-Coupetéte, 416.
Journal de M. A. Pictet, 304. —
— (Projetdefondationd'un) [1767],
151 n.
Joussaud, 289 n.
Jousseaulme (C), 76 ss.
Joux, past., 60 ss. — (Beiij. de),
past., 185 n.
Jovcnon (Cl. Ch. et J.), 591.
Joyeuse (Card. de), 227 ss.
Juifs convertis, 243 n.
Juliani (Fr. Mich.), 526 ss.
Jullicn (J. et A.), 420.
Jumii'ges (abbaye de), 226 n.
Jurieu (P.), past., 485, 497.
Kiihler, prol'., 50.
amcilsivy (L. Ch. de), 274.
Kan (l)'J.-B.), 87.
Ker (John) 272.
688
TABLE ALPHABETIQUE DES NOMS DE PERSONNES
Kiler (Balth. de), 269.
Kingston (Duch" de), 270.
Kinman (Josl), 390.
Kœln (W.), VtO.
Kœnigsberg, 117.
Koning{De), 36 n.
Kuhn (F.), past., 57.
Kulmerey (Lord), 279.
Kynaston, 269.
La Barde (Jacq. de) cons., 635 n.
a Barrauderie (De). — Voy. Boi-
ceau.
Labhard, 270 ss.
Labernède (Elisab.), 546 ss.
La Boétie, cons,, 143 ss.
La Boissière (Cl.), past., 77 n.
Laborde (De), 516 n.
La Borie (P.), proc, 147 ss.
Labouchère (P. -A.), 495.
Labric, prédic, 412.
Labrouste (H.), 458.
Labrune (Fr.), past., 20.
La Bruyère, 462.
La Burnette. — Voy. Labernède.
Lacalm (Chat, de), 165.
La Charce (De). — Voy. La Tour.
La Chassagne (De). — Voy. Vil-
lages.
La Chassaigne, cons., 145 ss., 646.
La Chastre (Gasparde de), 449.
Lachaux. — Voy. Lombard.
La Chièze, 141 n.
La Cloche (Cl. de), past., 82, 508.
La Clocheterie. — Voy. Chadeau.
Lacombe, 623. — Voy. Dunière,
La Coste, lieut. 87.
La Crouzette (De). — Voy. Bayard.
La Devèze (De), 489 n.
La Dixnierie, 600.
La Faye (De), past., 483.
Laferme (Mme), 603.
La Ferrière, 77.
La Fertè ( De), 53.
Laffilte, 603.
Lafon, 141 n.
Lafont (A.), past., 647.
La Fontaine d'Aulnay. — Voy. P. de
Lyon.
La Forge (Josse de), 602.
La Frégonnière. — Voy. Poictevyn.
La Galissonière (Mme de), 87.
La Garde (Hub. de), 572.
Laget (H.), past., 21.
Lagier (.L), 421.
Lagravère (Is.), 418.
La Gravière, 273.
La Jeunesse, prédic. — Voy. D. Ga-
zan.
Lalance, maire, 168.
Lalande (Macé de), 142.
La Lande, 600. — (N. de), 106.
Laleu (De). — Voy. Legrand.
Lalot, past., 672.
La Marc (Luys de), 586 ss.
La Marre, comm., 493.
La Martilière (De), cons., 176.
Lamber (P.), 25 ss.
Lambert (Abbé), 174 ss.
Lamblet (G.-A), 549.
La Meilleraye (M" de), 171.
La Melonnière. — Voy. Monceau.
Lamoignon (De), pr. présid., 172.
La Mole (De). — Voy. Boniiace.
Lamotte (Jeanne- .NL), 422.
La Motte-Chalançon, 421, 613,
La Muette (Chat", de), 453.
La Mure, 167.
Landreau (De), 602.
Landreville, 82 n.
Laneyrier, 628.
Langlade, 21.
Langlois, 275.
Langlumé, 416.
Languedoc (Stalistiq. prot. et cath.
du) [1698], 203. — (Prédic du),
412 ss. — (Assemb.), 519.
Languet (Hubert), 446.
Lannoy (Comte de), 218.
La Noiie (Fr. de), 482.
Lansac (De), 586 ss.
Lansart (Suz. de), 106.
Lansguier, past., 627 ss.
Lanssac (Marie), 274.
Laon, 448. — (J. de), 598.
La Perrie (Rose-Elisab. de), 275.
La Perrière (De). — Voy. Mercier.
La Petitière (De), 119.
Lapierre, prédic. 412.
La Place. — Voy. La Boissière.
La Planche, 53,
Laporte, prédic, 412.
La Rive (A. de), 275.
« Larme » (Bijoux à la), 492, 671.
La Roche (Mme de), 127. — Pozay
(H.-L. de), 170.
La Rochelle, 8'* ss,, 234, 480, 642.
La Rochette (De), cons., 178 ss,
La Rode (De). — Voy. Dupont,
Laroque, past, — Voy. Bonifas,
La Rousselière (Abbé de), 174.
La Rouvière, prédic, 413,
Laroze (G.), 275.
Larroque (Marie), 631 n.
DE LIEUX, ET DES PRINCIPALES MATIÈRES.
689
Lasalle, 346.
La San-ai- (De), 268.
Lasco (J. de), 445.
Lasoiirce, 305.
Lassus (Orlande de), 445.
La Sudrie (H.), 145.
Lalimer, évêq., 27.
La Tour (P. de), 196. — Montauban,
248. — Voy. Formont.
La Tremblade, 641 ss.
La Trémoille (Claude de), 488.
Laubertière, 89.
L'Aubespine (Séb. de), 577.
Laud. 31.
Lauréats de la Société, 315 n.
Laurens (H. de), 602. — (past.), 20.
LaureiiL (Nie), 275.
Laurier, 419.
Lausan>ie,^z>. — (Dispute de)^ 521 ss.
Lausen, 383.
La Vaclière, 419.
Laval (M'^ de), 171.
La Valdaix, 422.
La Valette (De), 345.
La Vallière (Mlle de), 462.
La Vauguyon (De), 119.
Lavaur, 205, 631 n.
Lavaysse, 513. — Voy. Gauberl.
Laverdet, 485 n.
Lavet (Elisab.), 546 ss.
La Viale (Gard), 50.
La Victoire, prédic, 413.
La Ville (J.), consul, -141 n.
Lavinia, ép. Gales, 658 n.
La Voixbasse (Mme de), 89.
La Vye, cons., 145 ss.
Lawton (Mme J.), 310 n.
Laya (J.-L.), 5i4.
Lavgue, 420.
Lazard (B.), 96.
Léberon (De). — Voy. de Gelas.
Leblanc, 36 n.
Le Blanc (O.), 430. — de Beaulieu,
past., 430.
Le Boullinger (Sara), 279.
Le Breton, 454, 513.
Lebrixa (Ant. de), 608.
Le Brodeur (Nie), 77 ss.
Lebrun, 301 n.
Le Cercler (Judith), 214 n.
Le Chatellier, 82 n.
Leclaire (Marie), 392.
Leclerc, 554 ss. — (J.), 343. —
(curé), 635 n.
Le Comte, présid., 145 ss.
Lecomte,231. — (G.),275. — (J.-B.),
272, 275.
Leconseil, 77.
Lecoz, archevêq., 60.
Le Crosnier (R.), 48 ss.
Lefelîvre (A), 217 ss.
Lefer (Abr.), 590.
La Feure (C), 389.
Lefèvre d'Etaples, 19, 336, 432 ss.
Lefranc ^A.), 14 ss.
Legaré (D.), 276.
Legendre (Jacq.), 49.
Legrand de Laleu, 600.
Léguât, 564 ss.
Le Havre, 51.
Lehr (II.), past., 24, 5'i, i03, 31'!,
551, 593, 614.
Leibbrandt (II.-C. van), 56».
Leipsig, 133.
Le Jeune (Cl.), 445.
Leloup, 399.
Leloux I?) iD.), 430.
Le Magnier (Rob.), 602.
Lemaislre, 289 n.
Le Mas d'A :;il, 430.
Le Masson, 77 ss.
Lembeley, 271.
Lémery (Nie), niéd., 120.
Le Métayer (Abbé), 236.
Lemierre d'Argy, 514.
Lempereur (.\L), 437.
Le Noir, 289 n. — de Crevain (Ph.).
past., 638. — de Monfreton, 637 ss.
— de Morlain (J.), past., 638.
Le Nôtre, 504 ss.
Léonard Limousin, 475.
Lepage (Cl.), 269.
Le Pelle, 252 ss.
Le Pelletier, control. gén., 133.
Le Poupin, 316 n.
Le Preux (J.), 449.
« Lépreux » (Exposition de l'Iiist.
des) [1539], 441.
Le Piiy, 205.
Leroy, 36 n. — (Adr.), 444.
Le Roy (Alex.), 277.
L'Eschassier, 194.
Lescot (Pierre), 452.
Lesdiguières. — \ oy. Bonne, de
Créqui.
Lesens (E.), 51.
Le Sot (Marie), 90.
Lesueur, 91.
Losur (Ph.i, 112.
« Leuthcriens (« La Balade des), 436.
Le \asseur (J.), 430.
Lèves (Les), 614.
Levesque (Ern.i, 31» n.
Le Vigan, 20 n., 316 n.
LI. — 49
690
TABLE ALPHABETIQUE DES NOMS DE PERSONNES
Lévis, past., ô-iS n. — (Philijx de),
régent, 645 ss. — de Ventadour
(Duc de), 169.
Lévy-Schncider, 151.
Lezigny. — \'oy. de Pierrevive.
L'Hôpital (Abbé de), 174. — (L. de),
121. — (Mich. de), 670.
Liancourt (Duc de), 171.
Libertet, 523 n.
Libourne, 141 ss.
Liddal, 269.
Lied (J.-M.), 275.
Liévain (J.), 561.
Lightde Ililiglogh (R.), 275.
Ligier-Richier, 52, 472.
Ligny, 53.
Ligoiirne, 92.
Ligue (La), 538 ss., 610.
Limoges, 173 n.
Liotard, 420SS.
Lioux (De). — Voy. d'Estienne-
Chaussegros.
Lips (Joh.-H.), 515.
Liste de pasteurs (Bernis), 20 ss.
— des inhum. {Paris, 1725-37),
267 ss.
Liltlejohn (Al.), 270.
Liturgies, 438, 440, 443, 486.
Livache (J.), 421.
« Livre (Le) des marchands y> (1534),
439. — « de vraye ...oraison )),437.
Livres prot. en Espagne, 606. — de
raison, 106 ss.
Livron, 58.
Lobéran de Montigny (M. de), past.,
448. — (Suz. de), 448.
Locher (Marthe), 276.
Lochom (Mich. van), 504.
Lod'eve. 205.
Lods (Ad.), prof. 496. — (Arm.), 314
n., 373, 414, 661,
Logrian, 316 n.
Logrons, 605 ss.
Loi du 18 germinal an X, 57 ss., 281
ss., 427, 667 ss.
Lombard, 419 ss.
Lombard-Dumas, 416. — Lachaux,
past., 661 n.
Lombart, 389.
Londres, 368, 520.
Longjumeau (Traité de), 479. — (De)
Voy. Gaillard.
Longueville (Duch° de), 459.
Lorent (J.), 389.
Lorin, 416.
Lorinnes('?)-leS'Dinant, 546 ss,
Lorme (Philib. de), 454 ss.
Lorraine(Ch. card.de), 455. —(Chris-
tine de), 503.
Lortic, 434.
Lortsch, past., 314 n.
Loudiin (Assemb. de) [1596], 482.
Louis XIII, 506.
Louis XIV, 404, 462, 506 ss.
Louis XVI, 155 ss., 599.
Louis, roi de Hollande, 297.
« Loups {Le bâton pour chasser les)
[1522], 436.
Louvain, 298.
Louvigny (De), 218 ss.
Louvois," 493, .598.
Luc (Philippa), 579 n.
Luiken (Jan), 405.
Lullin (Marc), 275.
Luns (Philip, de), 337.
Lussan, 647.
Luther, 330 ss., 379, 380, 381, 436 ss.,
478, 495, 654,
Luxembourg (Jean de), 53, 519. —
(A, de), 53,
Luy (Jos.), 269.
Luynes (Connét. de), 159 ss.
Luze (De). — \'oy. Pourtalès.
Lyon (Pierre de), 538 ss.
Lyon, 316, 427, 438, 672.
Madelaine (V.), 51.
agna. — Voy. de Barford.
Magnier(Et.), 277.
Magnin (Mme de), 519.
Maillard (Th.), past., 314 n.
Mailly (Mme de), 631 n.
Maintenon (Mme de), 462.
Malan, 565.
Malet, 215.
Maleville (P. de), avoc, 22.
Mallet, 276, 304, — Genoux, 275.
Maluquer (De), 314 n,
Malvyn (De), cons., 145 ss., 646.
Mangin (Coupe d'Et.), 489.
Mantelet de past. du Désert, 425.
Marais, 565,
Marazel (Paul), past., 486.
Marbourg, 403.
Marcatel (P.), moine, 584 ss. — Voy.
Mercalel.
Marcelle (P.), 420.
Marchand, past., 21. — (G.), libr.,
616.
« Marchans {Le livre des) [1534],
439.
Marchay (Dan.), 92.
Marchier, 174 ss.
Marcourt (Anl.), 439 ss.
DE LIEUX, ET DES PRINCIPALES MATIERES.
691
Marcoux (Gèd. de), 224.
Marennes, 6 il ss.
Mariages prot., 91, 100.
Marienthal, 613.
Mariette, avoc, 513.
Marignac, 't'IO.
Marillac, intend., 493.
Marins prot. 84 ss.
Markes (?), 27.
Alarkolsheim^ 664.
Marlorat, pasl., 84.
Marnais (De), cons., 174 ss.
Marot (Cl.), 385, 435, 438.
Marques d'imprim., 49, 616.
Marron (H.), past., 60, 286 ss., 295,
305, 429, 668.
Marseille, 235 — « ...sans miracles »
(H. Rollin), 173.
Marsillargues, 316 n.
Marleillie (.lean), gai., 546.
Martel, past., 627.
Martin (Ami), past., 69, 295. — (J. et
P.), 420. — (H.), 314. — (W.), 401.
- (D.), 420.
Martine (Dan.), 276.
Martinique (La), 251 n.
Marval (Sam.), 273.
Masquelier, graveur, 516.
Massé (J. B.), 429, 475. — (M. A.),
429.
Massemonteil, 604.
Massillon, 462.
Massin (Th.), 223.
Masson (H.), 451, 504 n. — Debon-
nelle, 4 42.
Massonneau (Suz.), 122.
Massy, 90.
Mat -Verdure, 628.
Mathieu, méd., 189.
Mathis (G.), past., 672.
Maiibeuge, 549 ss.
Mauclair, 83 n. — Voy. Mocler.
Mauclerc (D.), 83 n.
Maudot (Colette), 76 ss.
Maudry (J.), 276.
Mauger, 83 n.
Maulmond, 546 ss.
Maulvault, past., 314 n.
Maune (Chat de), 454.
Maure!, 631 n.
Maurenbrecher, 608.
Maurice, 273.
Maurin (G.), past., 21.
Maury (E.l, past., 520.
Mau^lé, 91.
Mayaud (Fr. de), 104.
Maybrick (.].), 269.
Mayerne (De). — Voy. ïurciuel.
Mazade, 59.
Ma^amet, 627, 662.
Mazard, 419.
Mazerolle, archiv., 502.
Meaux. 435 ss., 489.
Médaillt;S, 100, 334, 379 ss., 43u, 495,
650.
Médailleurs hug. 502 ss.
Médecins prot., 189.
Médicis (Gosme II de), 503. — (Fr.
de), 504. — (Cl. de), 440. — (Ma-
rie de), 503 ss. — (Cath. de), 610.
Meille (W.), 369.
Meillon (F.), past., 314 n.
Meinders, 1 18.
Mélanchton (Ph.), 17, 380, 446, 478,
496.
Melchionne, 105.
Melle, 92.
Meller (P.), 51.
Melly, 477.
Menimo (Marc A.), 503.
Mémoires de J. Daval, 250 ss.
Menard (Jean), cordelier, 442.
Mende, 205.
Mendia (Rich.), 387.
Ménestrier (Le P. Gl.-Fr.), jésuite,
500 n.
Menglon, 420.
Meneurs (Jacq. de), 504 n.
Mentoules, 186.
Mercalel (P.), past., 585 ss. — Voy.
Marcatel.
Mercier (Luce), 76. — (Mich.), 474.
Méreaux, 209, 508, 650.
Merle d'Aubigné (J.-H.), 430.
Merlin (.Jacq.), 18.
Meschinet de Richemond, 81, 314.
Mesmer (D'), 600.
Mesnuré (P.), 277.
Messe (« Les 5 ...blasphèmes conte^
nus dans la ») [J. Véron], 28.
Messines, past., 314 n.
Meslrezat, pasl., 69, 304 n.
Met:{, 605, 653.
Melzger, dép., 667.
Meyer (Le P.), 185 n. — (G.), pasl.,
308, 314 n.
Mevnier (Le P.), jésuite, 199.
Mc'Ziriac (De), 207.
Michel (J.), 435 ss. — (Vve), 644 n.
Middelbourg, 562.
Micge (Mie), 591.
Mierevcld, peintre, 392 ss.
Milet, biblioth., 485 n.
Milhaud (Gard.), 20 n., 316 n.
692
TABLE ALPHABETIQUE DES NOMS DE PERSONNES
Milices (Mont-de-Marsan), 25.
Millau, 316 n.
Milliet (D.) 272.
Milsonneau (Is.), 274.
Mimart, prêtre, 534 ss.
Mimet (De). — Voy. d'Eslienne-
Chaussegros.
Mirepoix, 205.
Miribel (De), 214 n.
« Miroir des tourments... », 406.
Missions (1685), 239 ss., 640 ss.
Mississipi, 91.
JNIisson, past., 214 n.
Mocher, 83 n.
Mocler, 83. — \'oy. Mauclair.
Molin (J.-B.), 279.
Moiinier, 450.
Mollet, 272.
Mona (H.), 279.
Monceau de la Melonnière (De), 276.
Monclaud, 425.
Moncontour (Bat. de), 446.
Moncrif (J. de), 262 ss.
Mondeau (J.), 90.
Moneinh (De), cons., 149, 6i6.
MontVeton (De). — Voy. Le Noir.
Monginot, médecin, 640.
Monglat (De), 121.
Monneaux-Essomes, 561 ss., 663.
Monneron, 61.
Monnier (M. et Mme L.), 493.
Monnol (De). — Voy. du Mirail.
Monod (Centenaire d'Ad.), 101 ss..
158. — (IL), 400. — (G.), 323, 602.
Monogrammes, 36 ss., 477.
Mons (lienricus) [H. len Berge], 33.
Monsures (Marie de), 220 n.
Mont (J. de), 223.
Mont-de-Marsan, 25.
Montafié (Anne de), 458 n.
Montaré, lient., 344.
. Montargis, 453.
Montataire, 385 n.
Montauban, 205, 417, 543,628, 662.—
(Collège de), 101,212 n.— (Adresse
des non-cath. de) [1790], 151 ss.
Montauban. — Voy. La Tour.
Montbéliard, 73, 168, 473, 651 ss.
Montbourcher du Bordage, 125.
Montbras (Chat, de), 37.
Monlbrelais (De). — Voy. du Bellay.
Montbrison (De), 398, 400.
Montcalm (Marg. de), 109.
Monteil (De). — Voy. d'Adhémar.
Montet (E.), doyen, 359 ss.
Montespan (Mme de), 462.
Monlferrier. — Voy. d'Autheville.
Montflanquin, 244 ss.
Montfort, 247.
Montgey, 633.
Monthcux (De), past., 191.
Monthoux (Lt. de), not., 591.
Montigny (De). — Voy. Lobéran.
Montmartin (De). — Voy. Du Mas.
Montmaurt, 420.
Montmorency (A. de), connét., 111,
454, 577 ss., 634 ss. — (H. de),
579.
Montmort (Habert de), 38.
Montmouton, 89.
Montpellier, 205, 316 n., 606.
Montres, 476, 491.
Montreuil-sur-Mer, 218.
Montrolland, 89.
Morales (Juan), 606.
Moralités polémiques (1.533), 439.
Mordant (P.), past., 429.
Moreau (Jacq.), 90.
Morel-Fatio (A.), 658.
Morenvillé (De), 430.
Morigan (J.), 385 ss.
Morin (L.),275. — (S.) dit le Fils de
l'Homme, 172. — (.1.), 419. — Pons
(H.), 418,421.
Morlain (de). — Voy. Le Noir.
Morlant (J.), 143.
Morlot (E.), 271.
Morone, 385.
Mortefontaine(De). —Voy. Hotman.
Morus (Alex.), 389.
Morvilliers (De), gouv., 218.
Moscou, 604.
Mosselz (B.), 246.
Moulinié, past., 67 n.
Moulins, 316 n., 344 n.
Moullou, 416.
Mounier (Ant.), 420.
Mouquant (P.), 420.
.\louquin, 289 n.
Mourgues, cap., 107.
Mûlier (K.), prof., 49.
Murât, past., 173 n.
Murray (Jacq.), 269.
Mussard, 277.
Musset (G.), 84.
Mussot (Josué), 280.
Nach (Hug.1, 277.
aef(F.), 163.
Nainville (De). — ^'oy. de Harvllle.
Namur, 548 ss.
Nancy, 316. — (Coffret dit Bagard
de), 491.
Nantes, 35, 60, 316 n., 613, 662.
DE LIEUX, ET DES PRINCIPALES MATIÈRES.
693
ss., 286 ss„ 294 ss.
Napoléon 1
300 ss. - _ I
Nappe de communiou, 42o. 1
Narboiine, 205.
Narcé (Abbé de), 643.
Nardin, pasl., 73.
iNaudé, 566.
Navarre (Marg. de), 19, 477, 49b. -
(Anl. de), 479.
Neau (Sam.), 643 ss.
Nécrologie. - M- Henri Tolhn,
574 — iM. le past. Ch. Frossard,
575. - Mme Vve Olh. Cuvier,
née Fillion: M. le pasl. P. D.
Charruaud; M. le past. Lalol;
Mme \bric, née Encontre; M. Léon
Feer • Mme Ch. Read, née Cor-
dier-. M. le past. P. E. Witz;
M. le past. G. Matthis: M. P. E.
Garnaull; Mme Jules Bonnet, née
Gaillard /m. le past. E. II. Vol-
let, 672.
Née, 343 n. — (grav.), 516.
Nègre, 50.
Négrepelisse, 316 n.
Nègres fugitifs, 93.
Neilson (G.), 271.
Nemours (Duc de), 171. — \oy. J.
de Savoie.
Nemours (Edit. de), 538 ss., 611.
Nepveu (P.) dit Trinqueau, 4o2.
Nérac, 'i77, 646.
Netzband (F.), 268.
Neuchdtel, 67 1 .
Neuflize (Mme de), 314, 602.
Neufville (Catrina de), 639.
Neuvy (De). — Voy. Des Barres.
Nicaise (Abbé), 486.
Nice, 434.
Nicolas (M.), 275.
Nieuport, 547 n.
Nîmes, 21, 108, 110 n., 167, 20o,
316 n.
' Noailles (Ch. de), évèq., 170.
Nogarède (De), 107.
Nogentel, 491, 561 ss., 665.
Noguier, 571 n.— (D.), pasl., 20. —
(J.-J.), past., 21.
Nombre des prot. en 1810, 297.
Non (De), 516.
Noordingh, 92.
Norcliffe (Th.), 274.
Normandie (Laurent de), 385 ss,
Norris (Ch.), 520.
Notaires prot., 189.
Nourry (CI.), impr. 434.
Nouv. cath. (Maisons de), 235 ss.
Nouv.-Test. d'Erasme, 446. — de
Lefèvre (l'Elai)les, 432 ss. — de
S. de Colines ^ 1523), 432.
Numismatique prot., 495.
Nycet (?) (V.), 246.
Nyegaard (E.), pasl., 604.
Oberlin, 68, 430, 487.
chmchen iJ.-N.), 271.
Ockers (W.), 514 n.
Odole (Anne), 105.
Odon (A.^, 421.
Œven (Ten), past., 296.
Oger (D'), 119.
Olé-ron (lie d'). 87, 89.
Olimpe ou Olimpie, 648.
Olivier (J.B-.) dit Loire, past, 16.5.
— (Aubin), 499.
Olivétan (P.-Rob.), 435.
Ombreval (D'). — Voy. Ravot.
Omont (H.), 314 n.
« Oraison » {Le livre de vraye...),
437.
Orange, 234.
Orange-Nassau (IL Cas. d'), 33.
Orbe, 526.
Orelli (C. d'), prof., 50.
Orléans, 47, 392, 396.
Orléans (Duch" d'), 127, 462.
Orliac, 628.
Ornaison (Barlh. d'), 109.
Ornes, 222.
Orthè^, 211.
Ostaros (D' Sancho), 608.
« Osterlande » (Le vaisseau), 563,
666.
Oudenhove (D'), archevêq., o4/ n.
Ouillon, 166.
OuVes, 166, 223.
Oulles, 167.
Ourry, 289 n.
Ouvrages couronnés par la bo-
ciété, 315 n.
Ozaneau, cons., 143 ss.
Ozanne (D. d'), 430.
f-va°'ès (G.), 113.
r afaiseau (De). — Voy. de HarviUe.
Palencia, 605.
Palissy (B.), 603. - Arrêt (15o8), /■*.
— Faïences, 470 ss., 603.
Palmous, 627.
Palseur, 55().
Pamiers, 241 n. _
Pannier (J.), past., 314 n.
(Mme Jacq.). 165, 314 n.
69^
TABLE ALPHABÉTIQUE DES NOMS DE PERSONNES
Pape. — « Antithesis... Christi et...
Papœ»... (1558), 444. — (Les faicts
de J.-C. et du) [vers 1534], 440.
Papin (D.), 403. — past. apost., 642.
Papse(J.), 277.
Paraviciny (P.), 273.
Paray-le-Monial, 164.
Paré (Ambr.), 399, 488.
Parent (CI.), 223.
Parfondeval, 112.
Pariât (G.), augustin, 535.
Paris, 88, 92, 125, 167, 267 ss., 288,
304. 316, 385, 438, 553 ss. - (Culte
de l'ambass. de Hollande), 555 ss.
— (Bastille), 88, 128. — (Billettes),
557. — (Cimetières), 94 ss., 259 ss.
— (Coll. de Cambrai), 437. —
(Coll. Fortet), 373. — (Coll. Mon-
taigu),528. — (Ecole des Chartes),
613. — (Edit de), 479. — (25» an-
née de la Fac. de théol.), 158. —
(La Ligue), 538 ss. — (Nouv.
cath.), 89, 96. —(Loge des 9 sœurs),
599. — (Hôt. de So'issons), 458. —
(Tuileries), 455. — (Louvre), 452.
— (Sorbonne), 14 ss. — (Oratoire),
305. — (La Saint-Barth.), 396. —
(St-Louis du Louvre), 289. — (PI.
Maubert), 491. — (Chat, de la
Muette), 453.
Parpailles (De), 12.
Parpaillots (Le mot), 12.
Parsons, 268.
Parthenay (Cath. de), 445, 484.
Pas (Isaacde), ambass., 114. — (Fr.
de), ambass., 113 ss. — (J, de),
585 n.
Pascal (C), past., 394.
Pasques (P.), 561.
Pasteurs, 422, — apost. 225 ss.,
602, 642. — Pensionnaires, 234. —
Faux conv., 231 ss. —Lettre d'un
past. du désert (1724), 102 ss. —
(Un nis de) prodige de 12 ans, 230
n. — (Liste de) [Bemis], 20 ss. —
(Traitement des) [1802[, 300 ss. —
(Mantelet, rabat et toque de), 425.
— de la Constituante, 661 n. — de
la Convention, 661 n.
Pasquier (J.), 445.
« Passevent parisien » (1556), 446.
Paterson (Bob.), 272.
Patriotisme prot.. 250 ss.
Patronne (Guillemette), 76.
Patry (H.), 74, 141, 244, 314, 543 n.,
577, 610, 645, 655 ss.
Pau, 316 n.
Paul IV, pape, 577 ss., 605.
Paul V, pape, 227 ss.
Paunet, 420.
Pavée, 108.
Payen (Th.), 446.
Peccais, 107.
Peiremalet (De). — Peyremale.
Pciry (G.), 269.
Pelayo (M.), 608.
Pelissier, 619 ss.
Pelletier, 573.
Pellisson (Caisse de), 225 ss.
Pelnitz (Mme de), 123.
Pembroke (Duch" de), 462.
Penil (Suz.), 420.
Pensions des nouv. conv., 225 ss.
— (« Dissertation » sur les) [Le
Métayer, 1671], 236.
Perdriau, 93.
Pérégrin de la Grange, 336.
Perez (Juan), 609.
Péricard (Fr. de), prêtre, 170.
Perier (P.), 142.
Perigal, 250.
Périgord, 546 ss.
Périgueux, 244 ss.
Périssin, 448.
Perissol (L. de), présid., 196.
Perreaux, 289 n.
Perrochel (Fr. de), prêtre, 170.
Perronet (Dav.), 277.
Perrot, 197. — d'Ablancourt, 207.
Pesche (J.), 277.
Pesieux (De), chan., 174.
Pessac, 25.
Pestel, 649.
Petit, 562. — cap., 92. — (Math.-Fr.),
274.
Petitot (Jean), 461, 603.— Autobiogr.,
464 ss. — « Prières, méditations ». . . .
464 ss. — Sa mort, 469. — (Mme),
465. — (Paul), 469.
Peyreblanc. — Voy. Issanchou.
Peyremale, 111. — (De), 111. — (Ma-
del. de), 112.
Pfister, 266,271.
Phelipot (A. de), past., .593 ss. —
(Marie), 598 n, — (J.), 597.
Philippe d'Orléans [Monsieur], 462.
Philippon (J.), 143.
Picard (Mme), 99.
Pichery (H. de), 169.
Pichon (B°"), 436, 464.
Picot (E.), 375.
Pictet (Amy), 266. — (M. -A.), 304.
Piémont (Vaudois de), 367 ss., 501.
Piennes (De). —Voy. Halluin.
DE LIEUX, ET DES PRINCIPALES MATIÈRES.
695
Pierre-Alexandre (F.), 4 il.
Pierrefleur, banneret, 527.
Pierrevive (Anne de), 539 n.
Pieyre (Suz.), 492.
Pignaii, 316 n.
Pignerol, 368.
Piguet, 670.
Pinault, 590.
Pinel, 622.
Piquet, peintre, 519.
Pilhou (Jos.), 430, 670.
Pilhoys (Jos.), 670.
Pivateau (Séb.), 76 ss.
Placards (Affaire des), 439. —
(Prédic. du Languedoc), 412. —
de confiscations, 419.
Plan (Les frères), prédic, 413.
Plan-de-Baix, 419.
Planta (De), 274.
Plantin (Ghr.), 438.
Plaquette offerte au présid. de la
Soc, 352.
Poésie vaudoise (165..), 369.
Poictevyn, 90.
P02ÏOM,"641.
Poldo d'Albenas (V.), 108.
« Polybiblion » (Le), 168.
Pomiers (P. de), cons., 76 ss.
Ponat (De), cons., 173 ss.
Poncet, commiss., 238. — Delpech,
dép., 152.
Pons, 622.
Pons, 87, 316 n.
Pont-de-VArn, 612.
Pontac, cons., 145 ss.
Pontaix, 419.
Pontchartrain (De), 85 ss.
Pontevès (J. de), 567 ss. — (Marg.
de), 568 n. — ^ oy. Sabran.
Porcelet (Marg. de), 106.
Portails, 70 n., 300 ss., 487, 662.
Portes (De), 628, 631 n.
Portraits, 379 ss., 493.
Pourtalès (Mme H. de), 492. — de
Luze (Mme), 493.
Poussin, 140.
Pouyet-Quertier, 472.
Powell (Th.), 437.
Poyols, 421,
Pozay. — Voy. La Roche.
Pradel (Ch.), 223. — \^ezenobre,
past., 69.
Pragela (Aallèe de), 184 ss., 612.
Prédicants. — Bergerac (1561),
150. — Saintonge (1705), 89. —
[Languedoc), 412 ss. — [Dau-
phiné), 422.
Prêtres prosélytes, 92, 3'i5. — dé-
portés, 348.
Prévost (G.), 269.
« Prier » [Sermon de la manière de),
438.
« Prison (La) de Reformations (Clai-
rac, 1554), 145 ss.
Prisonniers, 87,92,368, 385, 549 ss.
Procès-verbald'inhum. (1737), 266.
Procession générale [Paris, 1535),
439.
Propagation de la foi (Soc. de la)
[Grenoble], im, 193, 201. — [Mar-
seille], 235.
Protestantisme (Le) sous le 1" Em-
pire, 57 ss.
Protestants (Nombre en 1810), 297.
Prouhet (V. Am'=), 451, 463.
Prouvenchères (Cl. de), 223.
Provence, 567 ss.
Prudhomme (A.), archiv., 173 n.,
223. — (G.), sculpt., 355.
Prutz, 113.
Psautiers, 83, 434 ss., 441 ss.,448.
— minuscules, 491.
Puaux (Fr.), past., 314, 379.
Puechredon (De). — Voy. Puyredon.
Puiguilhem, 25.
Pussort, 238.
Puylaurens, 627.
Pulley. 555.
Puyredon, 108. — (De). — Voy. de
Gênas.
« Pyrychiateron ("?)... adversus Lu-
teranos.. » (1540), 168.
Quatre instructions fidèles... »
(152..), 436.
Ouesnay de St-Germain, cons., 601.
Questionnaire sur les contrav. de
l'Ld. de Nantes, 194 ss.
Quiévreux (P.), past., 103.
Quinquiry, past., 627 ss.
Quitry. — Voy. de Chaumont.
Rabat de past. du Désert, 425.
abaud (G.), past., 314 n.
Rabaut (Paul), past., 20, 290, 414,
416, 427, 486.
Rabaut-Dupui, 303, 416, 662, 667.
Rabaut-Pomier, past., 69, 303, 416.
42G. 667.
Rabaut de S'-Ét., past., 153 n.,291,
599. — (Caricatures), 414 ss.
« Rabot [Les coups de »), 415.
Radiole (De), lieut.-gén., 254.
Rai'lin, 631 n.
696
TABLE ALPHABÉTIQUE DES NOMS DE PERSONNES
Raffoux (Th. de), 279.
Raimbault, 281) n.
Rambaud (J. cL Et.), 421.
Ramsay (A.), 2(>y.
Ramus, 488.
Ranc (L.), past. (Gobelet et nappe
de comm. de), 425, 491.
Raoux (Fr.), past., 21.
Rasmus (Anne), 277.
Ratisbonne (Diète de), 488.
Haveau(M.-A.), 276.
Ravot (N.-J-B.), 262.
Rayet (J.), 513.
Raymond, 92, 421.
Ré (Ile de), 107, 602.
Read (Ch.), 519. - (Mme Ch.), 314,
510, 672.— (Mile), 603.
Rcalmont, 316 n.
Rebenac (De). — Voy. Fr. de Pas.
Reber (Fr.). 487.
Rebreau (A.), 122.
Reclus, 551 n., 598 n.
Recordon, archit., 224.
Refuge, 485. — Amérique, 88. —
Angleterre, 89, 491. — Berlin,
113 ss., 477, 671. — Le Cap, 54,
561 ss., 663 ss. — Hollande, 35,
54, 85, 637 ss. — Suisse, 477.
Régents prot., 165.
Registres prot. — Bordeaux, 51.
— Drakenstein, 565. — French
Hoek, 565. — Nagent el, 561 ss.,
Genève, 590 ss.
« Reigle de vivre... » (1562), i44.
Reims, 51, 316 n.
Reinaud, 111 ss.
Reîtres (1569), 446.
Relaps, 88, 187.
<( Religion (La) vendue », 415.
Reliures, 431 ss.
Remoulins, 348.
Remy (G.), 223.
Renart (Sim.), ambas., 582.
Renée de France, 388, 451, 478.
Rennes, 152 n.
Renouleau (Jacc].), 89.
Requête de P. de Lyon (1587),
539.
Resbecq (De). — Voy. Constant.
Resson (Cl.), 421.
Rétif, 565.
Retz (M^' de), 568.
Reuchlin (J.), 17.
Reuss (Ed.), prol.. 384. — (Rod.),
prof., 314.
Revel, 619 ss.
Reverdy, 627 ss.
Réviile (A.), prof., 31 ss. — (J.),
prof., 15H.
Révocation de r Ed. de N. — 169 ss.,
239 ss. — (à Montauban), 543 ss.
— (Iconographie). 404, 603. — (Mé-
dailles), 499 ss.
Révolution (Les prot. etia), 151 ss.,
660 ss.
Rey (P.),546 ss.
Reybaz, 668.
Reynaud (Anne), 112. — (L.), 112.
— Voy. Reinaud.
Rhingrave (Le) [1562], 392 ss.
Ribault, 87.
lîibebon (Gironde), 25.
Ribot (P.), past., 21.
Richard, past. — Voy. J.-J. Fosse.
Richelieu (Gard, de), 234, 462, 506 ss.
Richier, 223. — (G.), 508. — (J.), 508.
Ridiey, 27.
Rieu (Louis), 144 ss.
Rieux, 205.
Rigaud (Et.), past., 614.
Rigot (J.-A.), 273.
Riquewir, 654.
Rist (Jos.), 277. — (Ign.M.), 663.
Ritter (Eug.), 590 ss.
Rivcry (J.), 442 ss.
Rivet (A.), past., 484.
Robertet, 456.
Robethon, 638 ss.
Roc (Matlh.), 224.
Roch, chirurg., 223.
Rochefort, 92, 485, 641 ss.
Rochefort (J.-B.),270.
Rochelle, past., 152 n., 486.
Rodicr (Ant.), 619 n.
Rodriguez (M.), past., 104 ss.
Rodulph (De), lO'i.
Roger (B" Eug.), 461. — (Jacq.),
past., 103.
Roguin (Alb. L.), 271.
Rohan (H. de), 484. — (Franç;oise
de), 658.
Rolland, camis., 488. — (Marthe), 89.
Rollin (Hug.), past., 173 n.
Romain (Marc), 528.
Roman, horlog., 477. — prédic, 413.
Romans, 190.
Rome (Fresques de la chap. Pau-
line), 392. — (Biblioth. Barberini),
.577.
Roques, de Revel, 648.
Roquette, évêq., 170, 241.
Roquier (P. de), 107.
Rosseloty (Jacq.), past., 165.
Rossignol, 187.
DE LIEUX, ET DES PRINCIPALES MATIÈRES.
697
Roslan (Anne de), 106. — (D' Ed.),
367.
Rothschild (Gust. de), 470.
Rott (Ed.), 314 n., 655.
Roubiac, 111.
Roucaule (J.), 314 n.
Roucol (Léonard), 277.
Rouen, 316 n.
Roumieu. — Voy. S'-.\ubin.
Rousseau (Abbé), 304. ~ (Didier),
590 ss. — (J.). 591.
Roussel (Gérard), 144.
Roussel (P.), 76 ss.
Roussière, past., 20.
Rouviére (Jaquette de), 110. — (J. de),
colonel, 111.
Roux, 174, 191, 420 ss., 477.
Roville (G.), 446.
Roye (Éléonore de), 165, 444.
Rozan, prédic, 422.
Rudolf (G.), 275, 279.
RulTe, 615.
Ruyter, amiral, 251 n.
Ryan (G.), prêtre, 92.
Ryswick (Traité de), 185.
S barré ou fermé, 36 ss.
abalier (Aug.), doyen, 102, 314.
Sabonadière, 668.
Sabran-Pon levés (J. de), 567.
Sailliarl (J.-O.), 268.
Sain-More (De). — Voy. Blin.
Saint-Amans, 627.
Saint- André-de-Cabeaii^e, 614. — et
Apelle, 61 ».
Saint-André (De), présid., 174. —
\'oy. Jeanbon.
Saint-Auban. 273.
Saint-Aubin-Roumieu, 316 n.
Saint-.\umont. — Voy. Blondeau.
Saint-Barthélémy (La) en Pro-
vence,, 567 ss. — à Orléans, 396.
— à Paris, 396. — (Médailles),
497. — (Iconographie), 392 ss.
Saint-Blancard. — Voy. Gautier.
Sainte-Gène. — (Dispute de Lau-
sanne), 532 ss. — (et Luther), <)54.
Saint-Clément (De). — Voy. d'Au-
theville.
Saint-Cloud, 316 n.
Sainte-Croix, 419.
Saint-Dié, 316 n.
Saintes, 74 ss., 6 il ss.
Saint-Esprit (Bijoux au), 492, 671.
Saint-Étienne, 316 a., 626 (De). —
^■oy. de Gênas.
Saint-Ferjus (De), 174 ss.
Sainle-!'"erme (De), 587.
Saint-Firmin (De). — Voy. Cordier.
Saint-Florentin (C>omle de), 488.'
Sainte-Foy-la-Grande, 551 ss., 593.
Saint-Fulgenl, 211.
Saint-Germain-en-Laye, 453.
Saint-Germain. — Voy. Quesnay.
Saint-Hippolyte, 316 n.
Saint - Jean- d'Angély, 74 ss. —
d'Hérans, 166. — du Gard, 21. —
de Maruéjols, 316 n.
Saint- J ulien-en-Quint, 419.
Saint- Junien-en-Limousin, 8.
Saint-Ligier de Boisrond (De), 86.
Saint-Maixent, 346.
Saint-Marcel (Hug. de), chan., 10.
Saint- Ma u r-les-Fossés , 455 .
Saint-Mihiel, 52.
Saint-Nicolas-du-Port, 616.
Saintonge, 74 ss., 84 ss., 640 ss.
Saint-Papoul, 205.
Saint-Pierre-d'Oléron, 93.
Saint-Pons, 205.
Saint-Romans, 420 ss.
Saint-Sacrement (La Gomp"= du),
à Grenoble, 169 ss.
Saint-Séverin (De), 588.
Saint-Valéry, 251 ss.
Saint-Vual (De), 120.
Saladin (J.-L.), 272.
Salamanque, 605.
Salbert de Forge, 87.
Saies (Fr. de;, 183.
Salesse (Jacob), 573.
Salies, 316 n.
Salm-Kirbourg (De), 277.
Salon, 571.
Sanberg (Christ), 277.
Sancey (De), 119.
Sapôrla, 606.
Saragosse, 606, 659.
Sarasin, 590. — (A.), 274. — (Fr.),
270, 278. — (Mlle A.), i89.
Saravia, cap., 660.
Sarbruck (Barth.), 400.
Sarral (P.), (i22.
Sasset (J.). 246.
Saucourl (Mme de), 269.
Saiijon, 316 n.
Saules (Suz.), 421.
Saulx-Tavannes (M" G. de), 568 ss.
Saumaise, 485.
Saumur, 35, 385. — (Assemb. de),
[1595], 482. — (Collège), 206 ss.
Saussine (P. et F.), past., 21.
Sautereau (De), 174 ss.
Sautter (Ed.), pa.st., 307.
698
TABLE ALPHABETIQUE DES NOMS DE PERSONNES
Sauvai (H.), 499,
Sauvant (A.), 420.
Sauve, 316 n,
Sauvignargues (De). — Voy. Brueys.
Savoie (Hon. de), 567 ss. — (Louise
de), 497. — (Jacq. de), 658. —
(Ch. el II. de), 658. — (Marg.
de), 53. — (Viclor-Am. de), 506.
Savois. past., 224.
Savonarole, 379, 495.
Scarron (Pierre), évcq., 173 ss.
Sceau du Déserl (Viparais), 491.
Scheffer (A.), 519.
Schelandre (De), 222.
Schenckbecher, 398.
Scheppler (Louise), 430.
Schickler (F. de), 26, 100, 101, 157
309, 314, 352, 492, 574, 575, 602.—
— (A. de), 493.
Schireiibrand (H.), 654.
Schlick, past., 288 n.
Schiumberger (J.), 446.
Schmid (A.), grav., 515. — (P.),
654.
Schmidt (Ch.), archiv., 95, 488.
Schnepff (Erhard), 652.
Schœler (D' Ern.) 605.
Schœn (Alb.), 278.
Scholter (J.), 278.
Schomberg (M=" de), 171.
Schreiner (O.), 333.
Schteùssing (G. -A. de), 268.
Schuch (\\ .), 478.
Schùlter (Rod.), 278.
Scimer (Ch.), 664.
Séances du Comité. — 30 déc.
1901, 100. — 14 janv. 1902, 101. —
28 janv. 1902, 157. — 13 mai,
17 juin, 8 juillet 1902, 602, 603. —
11 nov. 1902, 650.
Secrétan (Et.), past., 224.
Sedan, 316 n., 573. — (Collège de),
211. — (Acad. de), 430.
Séguier (A), cons., 542. — (P.),
506.
Séguin (Malth), past., 20.
Seignelay (De), 238, 598, 640 ss.
Sellettes du Désert, 425.
Selve (De), 588.
Sénault (G.), 454.
Sens, 479.
Serfass (Ch.), past., 81, 112, 25.5.
« Sermon de la manière de prier»,
438. — « notable » [Cl. Marot],
441.
Sermons prêches au Désert, 668.
Serre (Jér.), gai. 648 ss.
Serres (J. de), 670. — Du Pradel
(De), 214 n.
Servas, 108.
Servas, cap. — Voy. Pavée (Fr.).
Services de communion du Dé-
sert, 425, 491.
Seurin (Math.), 76 ss.
Sève (De). — \'oy. Delacroi.v.
Séville, 605.
Sibert (Ch. de), 649.
Sibeud, subdél., 419.
Sicard (P.), dit Duval, past., 165.
Sigalon, 112.
Siméon, cons' d'Etat, 282.
Sionnet (P.), 448.
Sii'ven (Affaire), 517.
Sisgau (De). — Voy. Authier.
Sisieron, 235.
Sixte I\', pape, 606.
Société (Cinquantenaire de la),
281 ss. — (Lauréats de la), 315 n.
— (Ouvrages couronnés par la),
315 n.
Société (La) apolonnienne (Paris,
1780), 600.
Soieries (Refuge, Londres), 520. —
(Berlin), 671,
Sollicoflre (J.-G.), 279.
Solminihac (A. de), évêq., 170.
Somer (Van), 389.
Somerset, 29.
Sommerivc (De). — Voy. Hon. de
Savoie.
Sorbière (Sam.), 110.
Sorè^e, 628.
Sorin (Fr.), 274.
Souhaut (Abbé), 52.
Soulier (E.), past., 55.
Souriant (J.), cons., 278.
Souter (Bén.), 278.
SouLhampton (Comtesse de), 462.
Soyans, 248.
Spanheim, 113 ss.
Speich (E.), 278.
Spire, 445.
Spitzer (Collection), 381, 472.
Statistique prot. et cath. du Lan-
guedoc (1698), 203 ss.
Stein ( IL), 314 n. — (Collection), 476.
Stirimi (De), 251 n.
Stocker (John), 274.
Storni (J.-J.), 426.
Stoutz (J.), 278.
Slrada, nonce, 2i9.
Strasbourg, 70, 398, 438, 478, 483,
521.
Stratford (Th.), 268.
DE LIEUX, ET DES PRINCIPALES MATIÈRES.
699
Stricler, (J.), 278.
Stroehlin (Ern.), 314, 323, 365, 461,
602.
Strozzi (M"), 588.
Stuart (Jacq.),279.
Stuiier (Sig.), 279.
Sudi'e, avoc, 510 ss.
Suffren (Le P. de), 170.
Suisse, ô'i, ill, 485. — (Diplomatie
franc, en), 655 ss.
Suisses (Troupes) en France, 266,
657.
Supplique (Faure, etc.. 1701), 547.
Surleau-Goguel, 429.
Sutter, 664.
Synies, libr., 464.
Synodes nal. (Actes de), 485. —
du Désert, 486.
Tabatières, 462, 491.
able de comm. du Désert, 425.
Table gén. du Bulletin, 312, 650.
Taillandier, 670.
Taillelert, 56! ss., 664 ss.
Talleyrand, 300, 416,478 n.
Talma, 305.
Tandi (Jean), cordelier, 534.
Tanus (De), 628.
Tarbé (P.), 255.
Tarragone, 658.
« Tartuffe » (Le), 169 n.
Tasché (De), 120,
Tassin, 289.
Tavannes. — Voy. de Saulx.
Teissier (F.), archiv., 50, 314, 486.
— (Fr.), viguier, 346.
Téligny, 394.
Temples. — (« De la démolition de
tous les ») [Le P. Meynier], 199.
— [Aumessas), 50. — (Castres,
Ma^amet, Saint-Amans Puylau-
rens), 627. — [Revel), 619, 624 ss.
Terrai (E.), 267.
Terrond, past., 107.
Tersmilte (H.), 638 ss.
Testament moral de P. Garrisson
(1685), 544 ss,
Tetel, régent, 214.
Théâtre (La | Réforme et le)
[Guyenne], 141 ss. — « de la
cruauté » (Le) [1588], 604.
Thélusson, 270 ss.
Tlièmines (M" de), 430.
Thény (Cardin), 142.
Tiiéobalde (P.), 145 ss.
« Thérèse », 493.
Thèses (Ecole des Chartes), 613.
Theyron (N.), past., 21.
Thiballi (P.), 592.
Thibaron, 445. — Joly, 433 ss.
Thiouliier, 445.
Thomas, 88. — (E.), 348.
Thou (J.-A. de), 448, 484.
Thurel, 368.
Tilénus. 484.
Tinnei)acq (Reynier), 35.
Tollin (IL), 574.
Tonnaud, cons., 192.
Tonneins, 316 n.
Toque de past. du Désert, 425.
Torlorel, 448.
Toulouse, 152, 168, 205, 316, 385, 488.
« Tourments (Miroir des »), 406.
Tournai, 90, 549 ss.
Tournes (Jean de), 446.
Tournier (G.), 314 n.,612. — (Guill.).
612. — (fam.), 612. —(Abbé), 651 ss.
Tours, 9 ss.
Toussain (P.), 652.
« Traicté (Le) du souverain bien... »,
437.
Trapaud ou Trapeau, 142.
Trautz-Bauzonnet, 438.
Tremblay (J.), 70 ss.
Trente (Gard, de), 588.
« Trépied » (Le) [Farel, Calvin.
Viret], 530.
Trigant (Onézime). \'A n.
Trinqueau. — Voy. Nepveu.
Triqueli (De), sculpt., 519, 670.
Tron (Barth.), 367.
Tronchin,485. — (F.),279. — (P.),276.
« Trostsprûclie fur dû Â^erschlage-
nen... » (1563), 446.
Troupes suisses en France ,266,6^7 .
Turcs convertis, 2'i3 n.
Turenne (\I>' de), 488.
Tiirettin, 276.
Turin, 367, 434.
Turquet de Mayerne, méd., 403.
Tyrrel, 279.
U chaud, 20 n.
lensis, 166, 223.
Ulldecona, 658.
« Ung (D') seul médiateur »... (1538),
440.
U:{ès, 205, 235, 236.
Vadian, 488.
albelie (De), 600.
Valdés (Fr. de), archevêq., 60-5,609.
Valdez (Alph.), 609.
Valdrôme, 421.
700
TABLE ALPHABETIQUE DES NOMS DE PERSONNES
(Espagne), 606.
Valence, 205, 528.
N'alka (Jacq.), 269.
Valladolid, 605.
Vallérargues, 647 ss.
Vallery (Ghât. de), 453.
Vallon (A.), 419.
Vallon, 102 ss.
Vais, 102.
N'anderpret (L.), col., 547 n.
Vandières (De). — Voy. Condé.
Vandrebanc (P.), 389."
\'araglia (Gialïredo), past., 367.
Varnier (El.), 82.
Vasari (Fresques de), 392.
Vassan, 53.
Vassy, 81 ss. — (Chanson cath. du
mass. de), 255.
Vaubecourt, 54.
Vaubelin, not., 96.
Vaucelles (Trêve de), .577.
Vauclause (De). — Voy. Villeneuve.
Vaudois de Piémont, 367 ss., 501.
du Pragela, 184 ss., 613.
Vaudreuilhe, 633.
Vaugelas, 207.
Vaul.\ (Jean de), 76 ss,
Vauqiielin, 273.
Vaure, 633.
Vauvert, 109. — (De). — Voy. d'Au-
theville.
Vaux, 561 ss.
Velaines.b^.
Vélin ou point û'Alençon, 474.
Vemare, 539 n.
Venise, 51.
Ventadour (De). — Voy. Lévis.
Venturin (D.), past., 20.
Vérac (De), 556 ss.
Vercheny, 419.
Verdaveyne (Jacq. de), méd., 37.
Verdier, 289 n.
Vergoing- (G. de), cons., 141 ss., 646.
Ver-Muell (amiral), 389.
ft Vérité cachée » (La), 439.
Verjus (A.), cons., 635 n.
Vermeulen, 404.
Vernes (Jacob), past., 65 ss.
Vernet, past. — Voy. Grébessac.
Verneuil-siir-Oise, 454, 459.
Vernon (R.), 263, 279.
Vernoiix, 316 n.
Véron (Jean), 26 ss.
Verrières (Gl. de), 37.
Vertu (Constance), 368.
« Vertus (Les) de la femme fidèle... »
(1556), 444.
Vesançay (De), cap., 120.
Vessaux (P.), 168.
Vesson (Mme Vve), 314 n.
Vevey, 469.
Veynes, 173 n.
Vevrcl (Nie), 76 ss. — (S.), 76 n.
Vial (H.), 259.
Viala, past., 165.
\ialtcl, 289 n.
Vie (Géd. de), 169. — (Méry de),448.
Vidal (Marie), 552. — (J.), 614.
« Vie [La fontaine de ») [1564], 438.
Viellart (Nie), impr., 168.
Vielles, past., 488, 543.
Vienne (Isère), 205.
Viénot (John), prof., 323, 602, 651.
Vieux (J.), 419.
Vignon (Marie), 249. — (Barth.), 420.
(E,), 449.
\ iguier (Jeanne), 514.
Villages (De), 105 ss.
Villanourl (De). — \ oy. Jaucourt.
\illars de Champdieu" (De), 266,279.
Ville (Le P.), 180 ss. — (Cl. de), 420.
Mlledeau, 89.
Villel'ranche (De), méd., 1S9 ss.
Villemejanne dit Gampan, préd., 413.
Villemontel (De), 541.
Villeneuve- St -Georges, 316 n. —
cVAgen, 645 ss.
Villeneuve (Gasp. de), 570 ss. —
(J. de), 105. — (Marg. de), 106.
Mllepois, past., 299 n.
Villeroy (Duch« de), 509.
Villers-Cotterets, 454.
Villers (De), 68. — Voy. d'Estivaux.
Villetle (G.), 223. — (J.), 314 n. —
(De), 91.
Villiers (De), 180 ss., 268, 565 ss.
\'illioen, général boèr, 36 n.
Villon, 36 n., 44 n.
Vinaj (D--), 367.
Vincennes (Chat, de), 452.
Vincent (Fr. A.), 491. — (S.), past.,
57. — (P.), 419. — de Paul, 172.
\inhals (De), 123.
\ms (De). — Voy. La Garde.
Vire, 316 n.
Viret (P.), 442, 528 ss.
Vissée (Anne de), 20.
Vite, 671.
Vivarais, 205. — (Sceau du Désert),
491.
Mvarès, 188.
Vivenet (Ch.), 261.
Vivens (Fr.), prédic, 410.
Vives (L.), 609.
Vollet (E.-H.), past., 672.
DE LIEUX, ET DES PRINCIPALES MATIÈRES.
701
\dtaire (et la fam. Calas^, 510 ss.,
599.
Vonc (De). — Voy. d'Estivaux.
Vorsterman (G.), 434.
Voullaire, 280.
Voyer d'Argenson (H. de), 169 n.
N'uiliier, 168.
Waddington (R.), 31.
andreher, 823.
Warin (Jean), médailleur, 507,
« Washington » (Prêtres du) '1795",
348.
Watteville {'Sic. de), 279.
Wechel (Chr.), 437.
Weiss (X.), 38, 94,102, 159,203,250,
286, 314, 323, 327, 351, 538, 553, 637,
644, 651, 660, 663, 671, 672. —
(Mme X.), 493. — (Mlle R.K 308.
Werch (De), 280.
Wiclef (John), 379.
Widemann (\ ve J.), 663.
Wierix, 398.
Wierre, 220.
Winghue (P. van) P. de Wingle ,
440.
Wingle (P. de), 435 ss.
Wise (Aug.), 280.
Wissement (Ad.), 280.
Wit (De), 36 n.
\Mtt (Corné!, de), 670.
Wittemberg (Formule de concorde
de), 5.37.
Witz (P.-E.), past., 672.
Woernitz (Mme), 475.
Worcester, 27.
yVimenès, lient, gén., 548 ss.
York (John), 27.
vej, 557.
Yverdon, 523.
Yze (Alex, d'), past., 191 ss.
Zamora, 605.
éba (Vincent), 275.
Zindt (Math.), 388.
Zollikoffer (J.-G.), 279.
Zueber (Dan.), 280.
Zurich, 224, 446.
Zwingli, 488.
2. TABLE ALPHABÉTIQ.UE
DES COLLABORATEURS AU TOME LI
R, Allier, 169.
G. Appia, 366.
E. Arnaud, 166, 248.
E. Alger, 20, 599.
P,-A. Barrau, 619.
A. Benius, 669.
G. Bonet-Maury, 605.
D. Bourchenin, 166.
V.-L. Bourrilly, 634.
G. Bouvart, 561, 663.
A. Brondgeest, 363.
G. Bruston, 22, 324.
A. Gans, 225.
E. Govecke, 167.
H. Dannreuther, 36, 51, 52, 168,217,
573, 613, 615, 671.
E. Doumergue, 521.
Th. Dufour, 357, 431.
P. de Félice, 206.
P. Fonbrune-Berbinau, 546,'_567, 598,
640, 647.
E. Gaidan, 670.
Fr. Galabert, 151.
R. Garreta, 250.
A. Giraud-Browning, 361.
A. Goût, 281, 283.
Glî. de Grandmalson, 7.
F. de Grenier de Lalour, 203.
H.-D. Guyot, 31, 637.
F. Kuhn, 57.
H. Laune, 103.
Abel Lefranc, 14.
H. Lehr, 24, 54, 103, 551, 593, 614.
A. Lods, 495, 509, 660.
E. Montet, 359.
M. de Richemond, 84.
W. el S. Monod, 101.
G. Pages, 113.
H. Patry, 74, 141, 244, 577, 585, 610,
645, 655.
Gh. Pradel, 223.
P. Quiévreux, 103.
A. Réville, 31.
E. Ritter, 590.
M. Rodriguez, 104.
F. de Schickler,26, 309,477,574,575.
Ch. Serfass, 81, 112, 255.
E. Strœhlin, 365.
Henri Vial, 259.
N. Weiss, 5, 38, 55, 94, 102, 159,166,
203, 250, 281, 286, 327, 351, 431,
477, 49.5, 538, 543, 553, 612, 617,637,
640, 651, 663, 667, 672.
J. ^^'idemann, 663.
3. TABLE
GÉNÉRALE ET CHRONOLOGIQUE
1902
N. Weiss. — Préface pour l'année 1902 5
— A nos lecteurs 617
— Compte rendu du Jubilé cinquantenaire de la Société de l'Histoire
du Protestantisme français 281, 520
I. — Séance commémorative de la Loi du 18 Germinal an X. (Ora-
toire, 25 mai 1900) 281
Lettre circulaire du président du Consistoire de l'Eglise réformée
de Paris, 20 mai 1902 281
A. GouT, président du Consistoire. — Allocution pour ouvrir la
séance 283
N. Weiss. — L'origine et la signification de la loi de Germinal.. 286
II. — Séance du Cinquantknaire de la Société d'Histoire (Ora-
toire, 26 mai 1902) 307
F. de Schickler. — Rapport du cinquantenaire 309
— Donateurs de la Bibliothèque (juin 1901-juin 1902) 313
— Églises donatrices (31 mai 1901-25 mai 1902) 316
— Liste de tous les membres actifs, honoraires et associés du
Comité depuis l'origine 320
C. Bruston, délégué de la Faculté de théologie prolestante de
Montauban. — Allocution 324
X. Weiss. — A quoi sert l'Histoire du Protestantisme? 327
IIL — Le Banquet et le Pèlerinage (Hôtel des Sociétés savantes
et rue Valette, mardi 27 mai) 35o
N. Welss. — Allocution du secrétaire de la Société 351
Th. DuFouR. — Allocution au nom de la Société d'Histoire et
d'A rchéologie de Genève 357
E. Montet. — Allocution au nom de la Faculté de théologie de
Genève • 359
A. Giraud-Browning. — .Mlocution au nom de la Société hugue-
note de Londres 361
A. Brondgeest. — Allocution au nom de la Commission pour l'His-
toire des Eglises Wallonnes 363
704 TABLE GÉNÉRALE ET CHRONOLOGIQUE.
E. Strœiilin. — AUoculion au nom du Musée Calvin à Genève... 365
G. Appia. — Allocution au nom de la Société d'Hiatoire vaiidoise. 366
IV. — Exposition hktrospective (.54, rue des Sainls-Pères, 22 mai-
4 juin 1902) 373
La salle de lecture 377
Réfoimateurs et pasteurs 379
Coligny et son temps 390
Seizième et dix-septième siècles 398
La Révocation 403
Le Désert 410
Le culte du Désert et la loi* de Germinal an X 425
Livres et reliures (Th. Dufour et N. Weiss) 431
Artistes et objets d'art 450
Autographes (F. de Schickler et N. Weiss) 477
Souvenirs et curiosités 489
Numismatique et Médailles (A. Lods et .\. Weiss) 495
Les dernières victimes de l'Intolérance (A. Lods) 509
Salle du Conseil 518
ÉTUDES HISTORIQUES
Ch. de Grandmaison. — Origine et étymologie française du mot Hu-
guenot 7
Abel Lefranc. — Un nouveau registre de la Faculté de théologie de
Paris au xvi' siècle 1 i
FÉLIX KuHN. — La vie intérieure du protestantisme sous le premier
empire 57
G. Pages. — Les réfugiés à Berlin d'après la correspondance du comte
de Rébenac {\68[-\(588) 113
R. Allier. — La Compagnie du Saint-Sacrement à Grenoble (16^^-1(366). 169
A. Gans. — La caisse du Clergé de France et les Protestants conver-
tis (1598-17901 225
N. Weiss. — L'origine et la signification de la Loi de Germinal an X. 286
Le même. — A quoi sert l'Histoire du Protestantisme 327
E. DouMERGUE. — L'arrivée de Calvin à Genève et la dispute de Lau-
sanne ( 1536) 521
H. Patrv — Coligny et la Papauté en 7556-/557, d'après des lettres
inédites des Chàtillon conservées à la bibliothèque Barberini de Rome. 577
P. A. Barrau. — L'Eglise réformée de Revel au xvii" siècle 619
DOCUMENTS classés par ordre chronologique.
(Voir aussi la Correspondance.)
XVt' SIÈCLE
V. L. BouRRiLLY. — Une lettre inédite de Louis de Berquin à Anne de
Montmorency (26 déc. 1526) : 634
H. Patry. — La Réforme et le théâtre en Guyenne au xvi' siècle
(2" article). Libourne 1555 [suite), Clairac 1554 141
TABLE GÉNÉRALE ET CHRONOLOGIQUE. 705
H. Pathv. — Trois pièces justificatives du Martyrologe de Crespin.
Le su|)piice, à Bordeaux, de Jérôme Casebonne (li mai 1555) 'Wi
— Lettres du cardinal de Ghàtillon, de Coligny et d'Andelotà Carafa,
1556-1557 '. 585
— Un arrêt du parlement de Guyenne contre Bernard Palissy et les
l)remiers (idèled des Eglises de Saintes et de Saint-Jean d'Angély
(1558) , -\
N. Weiss. — Lettre du colporteur Jehan Morigan à Laurent de
Normandie (Paris, 2 octobre 1560) 386
A. Atger. — Listes de pasteurs. Bernis (Gard), 1561-1900 20
N. Weiss. — Gaspard de Coligny au comte Ringrave (Orléans,
21 juillet 1562) 3y2
— Récit du meurtre de l'aminl, 2i août 1572, d'après un placard con-
temporain allemand 396
N. \\ Eiss. — Sous la Ligue, aux environs de Paris, abjuration forcée
de Pierre de Lyon, écuyer, seigneur de Breuii, dit La F'onlainc
d'Aulnay (1586-1587) 538
E. RiTTER. — Didier Rousseau et sa femme 590
XVI1« SIECLE
E. Arnaud. — Lesdiguières après sa conversion. Lettre de Lebc-
ron III, évêque de Valence, 16 nov. 1627 2''i8
G. Bruston. — Un portrait inédit du professeur Antoine Garissolles
(1650) et tricentenaire de l'Académie de Monlauban 22
H. Leur. — Un compte d'apothicaire du temps de Molière, aux dépens
de M. A. de Phelipol , pasteur à Sainte-Foy-la-Grande 593
Gh. Seri ass. — Autobiographie de Jeanne (>éard, de \'assy (1666-1668]. 81
R. Garrkta et X. Weiss. — Le patriotisme huguenot et ses calom-
niateurs à Die|)pc en 1678. (Extrait inédit de la 2' partie des Mé-
moires de Jean Daval) 250
N. Weiss. — Autobiographie de Jean Petitol (1682) '164
De Richemo.nd. — La liberté de conscience dans la Marine à partir
de 1685, d'après les Archives navales de Rocheforî 8i
.N. ^^ eiss. - >,!•■■ oii des toui inenls exerces contre ceux de la Reli-
gion réformée en France (1685). i06
— Pourquoi et comment on se soumettait à Montauban en 1685 5'j3
P. P^onbrune-Berbinau. — Un ministre de la guerre orthodoxe (Pierre
de Gondé, sieur de Vandières, 1687) 598
H. GuYOT et N. Weiss. — Banquiers huguenots réfugiés en Frise 1 1687j. 637
H. Lehr. — Une agression singulière (1688) l'i
N. Wkiss. — Récit de la mort de Jean Petitot par son fils (1691). ... «69
— Billet de Glaude Brousson, au Désert, le 12 mars 1693 il 1
— Affiche mettant à prix la tète de Brousson et de quatorze autres
prédicants 'i 12
P, Fonrhune-Beriunau et N. Weiss. — La mission de Fénelon et de
l'abbé de Gordemoy en Saintonge, d'après un témoin oculaire (1694). 6-ÎO
F. UE Grenier de Latour et N. Weiss. — Statistique protestante et
catholique du Languedoc en 1698 203
Ll. — .M»
706
TABLE GENERALE ET CHRONOLOGIQUE.
XVIII» SIECLE
H. Leur. — A quel prix on pouvait rester à Sainte-Foy entre 1700 et
1703 551
E. Belleroche et P. Fonbrune-Bebbinau. — Fugitifs du Périgord
arrêtés en Belgique en 1701 546
N. Weiss. — Lettre de St Florentin à M. de Bernage (Versailles,
16 avril 1743) 488
— Adjudication des biens, mis sous séquestre, des religionnaires fu-
gitifs de Crest et Die, 23 décemb. 1743 419
— Recouvrement d'amendes imposées aux N. C. (Montauban, 22 nov.
16<J2, 15 nov. et 2 déc. 1747) 417
— Lettre de Voltaire à Madame Calas, 18 janvier 1763 510
— Lettres de madame Calas à \ oltaire, 9 mars 1763, 27 déc.
1770 511, 512
— Arrêt du parlement du Dauphiné condamnant à mort, aux galères
et à des amendes diverses, le 31 mai 1766 422
— Lettre de Lavaysse à Voltaire, 27 déc. 1770 513
— Paris en 1773, d'après une descendante de huguenots réfugiés à
Cassel 553
François Galabert. — Les sentiments des protestants au début de
la Révolution. Adresse des non-catholiques de Montauban à l'As-
semblée nationale, janvier 1790. . , 151
XlX^ SIÈCLE
N. Weiss. — Récit de l'entrevue de Napoléon I" à Bréda, 6 mai
1810 296
MELANGES
F. BÉ ScHicKLER. — Jean Véion, ic ré*''>rmateur anglo-français. Er-
rata et addenda .- 96 •
H. Patry. — Une abjuration publique à VilIeneuve-d'Agen en 1559.
— Arrêt du Parlement de Guyenne contre le régent Philippe de
Lévis 645
Il.-D. GuYOT et A. RiiviLLE. — Un économe infidèle 31
H. Dannreuther. — Un monogramme symbolique huguenot, la « Fer-
messe » 36
N. Weiss. — Cimetières protestants parisiens. — I. Le cimetière
Saint-Marcel ou des Poules (1685-1717) 94
Henri Vial. — Cimetières protestants parisiens. — II. Le cimetière
des protestants étrangers, à la porte Saint-Martin, suivi de la Liste
des inhumations, par ordre alphabétique, de 1725 à 1737 259
P. uE Félice. — L'instruction et l'éducation chez les prolestants
d'autrefois. — Les élèves 206
Ch. Serfass. — La chanson catholique du massacre de Vassy 255
TABLE GÉNÉRALE ET CHRONOLOGK^UE. 707
G. BoLVART. — Prolestants de M onneaux-Essomes réfugiés au Sud
de l'Afrique après la Révocation 561
A. Atger. — Court de Géhelin franc-maçon 599
P. Fonbrune-Berbinal et A. Lafont. — Une lettre inédite d'un for-
çat pour la foi 647
CHRONIQUE LITTÉRAIRE ET BIBLIOGRAPHIE
N. Weiss. — L'œuvre de Calvin, d'après M. F. Brunetière. — Autres
notes bibliographiques sur Calvin. — Le temple d'Aumessas. — Le
protestantisme dans le pays de Caux et à Bordeaux 38
— M, G. Hanotaux et le protestantisme. — La Réforme en Bour-
gogne. — Eléonore de Roye, elc 159
— Chroniques familiales (Tournier et Jordan) 612
— J. ViÉNOT, Histoire de la Réforme dans le pays de Montbéliard... 651
H. Dannreuther. — Colbert et les protestants. — Famille de Conqué-
rant. — Mariage de Catherine de Bourbon 51
— Le temple fortifié d'Estréelles-en-Boulonnais. — Confiscations
exercées par le duc de Lorraine sur les défenseurs de Jamet:^ (1589-
1590). — Ecole protestante à Grenoble (1562-1564) 217
— Imprimeurs protestants 573
G. Bonet-Maury. — D' E. Schœfer : Contribution à l'Histoire du Pro-
testantisme et de l'Inquisition espagnols au xvi' siècle 605
H. Patry. — Baguenault de Puchesse : Correspondance de Catherine
de Médicis (Tome VIII). — E. Rott, Représentation diplomatique
de la France en Suisse. — M. Bruchet, Jacques de Savoie. —
E. Bœhmer et A. Morel-Fatio, U Humaniste liétérodoxe Pedro Gales. 655
P. Fonbrune-Berbinau. — La Saint-Barthélémy en Provence. Le
comte de Sommerive et le comte de Carces 567
A. LoDs. — Ch. Durand, Histoire du Protestantisme français pendant
la Révolution et l'Empire 660
CORIŒSPONDANCE
D. Bourchenin, e. Arnaud, Ch. Pradel. — D'où sont les Cla-
vel? 166, 223
E . CoYECQUE. — Livres disparus 167
H. Dannreutheb. — Un monument à Ligier-Richier. — Marguerite
de Savoie et la Réforme dans le comté de Ligny. — Barrois réfu-
giés au Cap et ailleurs 52
— Notes montbéliardaises 168
— Positions de thèses en 1902. — Inscriptions huguenotes, Nantes. 613
— La devise : « Sola spes sufficit » 615
H. Leur. — Siège de Chartres (l.")68) 54
— Huguenauts 103
— Quelques noms de pasteurs au \vii' siècle. — Un ancien cime-
tière protestant à Saint-André et .\pelie 611
708 ERRATA.
\V. et s. MoNOD. — Centenaire d'Adolphe Monod 101
P. QuuivREUx et H. Laune. — Editions de la traduction de la Bible de
Lcfèvre d'Etaples 103
M. RoDRiGUEz. — Les de Gênas huguenots 104
Ch. Seri-ass. — Solidarité huguenote. Billet de sosciété, Parfondeval
(Aisne), 1781 112
J. WiDEMVNN, G. BouvART et N. Weiss. — Protestants de Monneaux-
Essômes réfugiés au sud de l'Afrique après la Révocation. — Bo-
tha et Taillefert 663
N. Weiss, — Les préliminaires de la loi de germinal an X. — Auto-
biographie de Pierre Dumoulin, correction. — Sermon prêché au
désert par J.-P. Blachon. —Errata 667
— Noces d'argent et noces d'or à Tours et à Sainte-Marie-aux-
xMines 55
— Toujours l'église des Cévennes après la Révocation 102
— Avis concernant l'Exposition huguenote projetée pour le cinquan-
tenaire de la Société 1 66
A. Bernus. — Des Gallars. — Constant. — Gaultier. — Guardesi.
— De Serres ou Goulart 669
E. Gaipan. — L'origine du mot Huguenot 671
Divers. — Supplément au Bulletin du Cinquantenaire. — L'industrie
de la soie à Berlin 670
— L'Eglise réformée de Zurich 224
Nécrologie. — Illustrations. Voy. ces mots dans la première Table.
Table alphabétique des noms de personnes, de lieux et des princi-
pales matières 673
Table alphabétique des collaborateurs 702
Table générale et chronologique 7o3
ERRATA
P. HO, I. 0, lire : Davii, — P. 314, note, I. 13, lire : le P. H. Chérot. — P. 350,
1. 17, lire : M. le prof. Johtj Viénot. — P. 616, 1. 12, lire : Antoine de Lorraine. —
P. 627, 628 et 630, le pasteur qui se serait appelé Lansqnicr est haac Lavergne. —
P. 650, 1. 3, lire : P. de Félice. — P. 670, 1. 10, lire : Tome LI (190i'). — Cf. aussi
p. 668 et suiv.
1J1G3. — L.-Imprim. réunies, B, rue Sainl-Benoit, 7.— MoTTtnoz, direct.
'. MAR 2 9 1968
Ba Société de l'histoire du
9A50 protestantisiae français,
S64.^ Paris
année 51 Bulletin
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