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Full text of "Bulletin de la Société de l'histoire du protestantisme français"

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£xJ^ris 


PROFESSORJ.S.WILL 


HANDBOL'ND 
AT  THE 


UNIVERSITY  OF 
TORONTO  PRESS 


SOCIÉTÉ  DE   L^HISTOIRE 


DU 


PROTESTANTISME    FRANÇAIS 


:,..)77.  —  L.-lnipi-imeries  reunies,  B,  rue  Saint-Benoit,  7.  —  Motteroz.  directeur. 


SOCIÉTÉ    DE    L'HISTOIRE 

DU   PROTESTANTISME  FRANÇAIS 


BULLETIN 

HISTORIQUE  ET  LITTÉRAIRE 


TOME    LI 


QUATRIÈME    SÉRIE.  —  ONZIÈME   ANNÉE 


PARIS 
AGENCE   CENTRALE    DE  LA   SOCIÉTÉ 

54,     RUE     DES     SAINTS-PÈRES,     54 

1902 


ani/ce  51 


76829Î 


SOCIÉTÉ   DE    L'HISTOIRE 


DU 


PROTESTANTISME    FRANÇAIS 


BULLETIN  HISTORIQUE   ET  LITTÉRAIRE 

QUATRIÈME    SÉRIE,     ONZIÈME     ET     DERNIÈRE    ANNÉE 

±902 

Il  y  a  dix-huit  ans  que  j'ai  assumé  la  tâche  de  rédacteur  de  ce 
recueil  auquel  je  collaborais  déjà  régulièrement  depuis  plus  de  deux 
années.  Je  ne  pensais  pas  alors  que  j'aurais  l'honneur  de  le  diriger 
jusqu'au  seuil  de  son  premier  demi-siècle.  C'est  dans  quelques 
mois,  en  effet,  comme  je  l'ai  remarqué  d'ailleurs  au  début  de  l'année 
dernière,  que  notre  Société  célébrera  son  premier  jubilé  cinquan- 
tenaire. 

La  fusion  en  un  seul,  des  tomes  19  et  20  est  cause  que  les  trois 
premières  séries  du  Bulletin  ne  forment  en  réalité  que  3'J  volumes 
au  lieu  de  40,  chiffre  inscrit  au  dos  du  dernier  tome  de  la  3"  série. 
Pour  que  les  quatre  séries  forment  un  ensemble  lolal  de  50  volumes, 
il  suffit  que  la  quatrième,  commencée  en  1892,  comprenne  II  tomes 
au  lieu  de  10.  De  cette  manière  le  tome  .~)i  qui  rendra  compte  de 
notre  cinquantenaire  sera  réellement  le  .50''  de  la  collection  et  figu- 
rera dans  la  Table  générale. 

Cette  Table  générale,  si  souvent  annoncée  et  beaucoup  plus  sou- 
vent réclamée,  sera  parallèle  à  celle  dont  on  se  sert  chaque  jour  à 
la  salle  de  lecture  de  notre  Bibliothèque,  mais  préparée  spéciale- 
ment en  vue  de  l'impression.  Llle  est  en  bonne  voie  puisque  actuel- 


G  PREFACE 

lement  plus  de  10  volumes  sont  déjà  sur  fiches,  et  nous  espérons 
qu'à  la  fin  de  la  présente  année  elle  sera  assez  avancée  pour  qu'on 
puisse  commencer  à  Pimprimer  dès  les  premiers  jours  de  l'année 
prochaine. 

Dans  cette  Table,  nous  voudrions  qu'on  pût  retrouver,  non  seu- 
lement tout  ce  que  le  Bulletin  a  publié  jusqu'ici,  c'est-à-dire  tous 
les  noms  de  personnes,  de  lieux  et  tous  les  faits  touchant  à  notre 
histoire  qui  s'y  sont  accumulés,  mais  encore  tout  ce  qui  pourrait 
les  compléter  ou  les  rectifier.  Nous  venons  donc  prier  instamment 
les  lecteurs,  collaborateurs  ou  amis  de  ce  recueil,  de  bien  vouloir, 
au  cours  de  cette  année  1902,  lui  adresser  tout  ce  qui  permettrait  de 
corriger  ou  compléter  tel  ou  tel  article,  note  ou  simple  mention  des 
'i9  volumes  actuellement  parus. 

L'Histoire,  il  ne  faut  pas  se  lasser  de  le  redire,  ne  connaît  qu'un 
seul  maître,  et  ne  poursuit  qu'un  seul  but,  la  vérité.  Or  ce  n'est  que 
grâce  à  d'innombrables  et  incessantes  rectifications  de  détail  que 
peu  à  peu  l'Histoire  se  fait,  c'est-à-dire  que  la  vérité  émerge  de  la 
pénombre  où  se  complaisent  l'ignorance  ou  le  parti  pris.  Ceux  qui 
nous  auront  aidé  à  faire  de  ces  cinquante  premiers  volumes  un 
recueil  de  matériaux  dignes  de  foi,  auront  fait  œuvre  de  vérité  en 
réalisant  avec  nous  la  devise  de  la  Société  dont  ce  Bulletin  est 
l'organe  : 

Post  tenebras  lux. 

N.  W. 


Études  historiques 


ORIGINE    ET    ÉTYMOLOGIE    FRANÇAISES 
DU   MOT    HUGUENOT 

PROUVÉES  PAR  DES  TEXTES  AUTHENTIQUES    ANTICRIEUHS    A    LA    RÉFORME  ' 

Depuis  plus  de  trois  siècles,  l'origine  et  Télymologie  du 
mot  Huguenot,  appliqué  aux  protestants  de  France,  ont  donné 
lieu  à  de  nombreuses  discussions  qui  durent  encore.  Knlre 
les  solutions  proposées  par  différents  écrivains  du  xvi®  siècle, 
trois  méritent  d'être  signalées.  Les  uns  font  dériver  ce  mot 
de  Hugon,  sorte  de  lutin  gratifié  du  titre  de  roi  qui,  dans  la 
croyance  populaire,  courait,  la  nuit,  les  rues  de  'l'ours,  comme 
les  protestants  allant  au  prêche;  d'autres  de  la  porte  Hugon, 
voisine  d'une  vieille  tour  de  l'enceinte  de  celle  ville,  et  près 
de  laquelle  les  premiers  protestants  auraient  tenu  leurs  as- 
semblées. Certains  remontent  même  à  Hugues-Capet,  dont 
les  Réformés  défendaient  les  descendants  contre  les  Guise, 
se  prétendant  issus  de  Charlemagne. 

Ces  opinions,  courantes,  surtout  les  deux  premières,  chez 
les  chroniqueurs  et  les  historiens  du  xvi'  siècle,  avaient 
toutes  les  trois  pour  caractère  commun  qu'elles  admettaient 
le  radical  Hugues.  Mais  au  siècle  suivant,  on  s'avisa  de  cher- 
cher l'étymologie  de  Huguenot  dans  un  idiome  étranger,  et 
l'on  s'adressa  à  l'allemand.  Divers  termes  furent  proposés, 
mais  celui  qui  eut  le  plus  de  succès  fut  eidgenossen  (confédérés' 
qui,  usité  en  Suisse,  aurait  été  introduit  en  France  par  Genève 
et  ses  prédicants. 

Cette  opinion,  déjà  accréditée  dans  la  seconde  moitié  du 
xvn^  siècle  et  adoptée  au  suivant  par  Voltaire,  a  été  en 
quelque  sorte  consacrée,  au  xix%  par  nos  historiens,  MigncI, 
Michelet,  Henri  Martin,  etc. 

Cependant  d'excellents  philologues  refusaient  d'admettre 
cette  solution,  et,  dans  son  Dictionnaire  étymologique,  Au- 
guste Brachet,  à  la  suite  du  mot  Huguenot,  se  borne  à  écrire  : 
Origine  inconnue. 

1.  Ce  mémoire  a  été  lu  à  l'Académie  des  Inscriptions,  le  -29  juin  l'.tOl. 


8  ÉTUDES    HISTORIQUES 

Le  savant  Lillré,  dans  le  second  volume  de  son  Diction- 
naire, après  avoir  objecté  que  le  sens  n'est  pas  favorable  à 
l'étymologie  <Xeidgenossen,  ajoute  :  «  Ce  qui  achève  de  la  rui- 
«  ner,  c'est  rpie  Huguenol,  au  moins  comme  nom  propre, 
«  est  antérieur  de  deux  siècles  à  la  Réforme.  On  le  irouve 
<(  dans  un  lexle  du  mv"  siècle;  le  7  octobre  1387,  Pascal  Hu- 
«  guenot,  de  Saint-Junien-en-Limousin,  docteur  en  droit. 
'(  {Histoire  litt.  de  la  France,  t.  XXIV,  p.  307.) 

«  Ce  fait,  continue  Liltré,  donne,  on  peut  dire,  la  certitude  à 
'(  la  conjecture  de  Mahn  qui, sans  leconnaître,a  dit  queHuguc- 
'(  not  est  un  diminutif  de  Hugues,  et  que  le  mot,  en  lant  que 
«  terme  d'injure,  se  rattache  à  quelque  hérétique  de  ce  nom  ». 
Dans  le  Supplément  au  Dictionnaire,  paru  postérieurement, 
Littré  revient  sur  la  question  qu'il  reconnaît  ^.y^e:^  controversée 
et  controversable.  Il  cite,  entre  autres,  l'opinion  de  M.  Ritter, 
professeur  à  l'Université  de  Genève,  qui  voit  l'origine  de 
Huguenot  dans  EigJios,  mais  assimilé  à  un  nom  propre  connu, 
celui  de  Hugues.  L'argumentation  de  M.  Ritter,  ajoute  Littré, 
est  plausible,  mais  certaine,  non. 

Il  termine  ainsi  son  arlicle  :  «  Du  reste,  ou  Tassimilation,  ou 
'(  la  dénomination  d'après  le  nom  propre,  était  d'autant  plus 
'(  facile,  que  ce  nom  propre,  se  trouve  dans  plusieurs  endroits; 
«  ainsi  sur  les  côtes  du  département  de  la  Manche,  à  côté  des 
«  îles  Chausey,il  y  a  des  écueils  nommés  les  lluguenauts  »  *. 
Il  incline  donc,  comme  à  la  fin  de  l'article  du  Dictionnaire, 
vers  une  origine  purement  française  et  nullement  étrangère 
de  Huguenot.  Cependant  il  ne  parle  plus  du  fait  important 
signalé  par  lui  dans  son  Dictionnaire,  c'est-à-dire,  de  l'emploi 
en  1387,  de  ce  mot,  au  moins  comme  nom  d'homme;  sans 
doute  il  avait  reconnu,  dans  l'intervalle  écoulé  entre  ses  deux 
publications,  que  le  texte  cité  dans  V Histoire  littéraire  de  la 
France,  est  bien  loin  d'être  tiré  d'un  document  original.  Nous 
lisons,  en  effet,  en  marge  du  passage  où  est  mentionné  Pas- 
cal Huguenot  :  Notes  des  Bénédictins. 

On  n'est  donc  pas  là  en  présence  d'un  texte  authentique  et 
incontestable,  mais  d'une  simple  note  relevée  par  les  Réné- 

I.  On  pourrait  cilcr  d'aiilres  exemples  analogues,  mais  il  l'audrait,  avant 
tout,  saxoir  si  Tusnge  de  ce  nom  est  antérieur  ou  postérieur  à  la  Réforme. 


ÉTUDES    HISTORIQUES  9 

diclins,  ou  par  quelqu'un  de  leurs  nombreux  collaborateurs, 
qui  pouvait  fort  bien  avoir  mal  lu  l'original  et  transformé  en 
Huguenot  le  mot  Huguenet,  employé  parfois  comme  diminu- 
tif de  Hugues. 

Plus  récemment  encore,  MM.  Halzfeld  et  Darmesteter, 
dans  leur  Dictionnaire  publié  Tan  dernier,  s'expriment  ainsi 
sur  le  sujet  qui  nous  occupe  : 

«  Huguenot.  —  Altération  par  étymologie  populaire  (sous 
«  l'influence  du  nom  propre  Hugues)  de  l'allemand  eidgcnos- 
«  sen,  confédérés  ». 

La  question  en  était  là;  eidgenossen^  paraissait  devoir  l'em- 
porter sur  toute  autre  forme,  lorsque  M.  le  pasteur  et  docteur 
Tollin,  dans  une  série  d'articles  de  la  Refoi'mirte  Kiixhen- 
^eitung,  est  venu  présenter  une  nouvelle  étymologie  du  mot, 
objet  de  tant  de  discussions. 

Pour  lui,  Huguenot  vient  du  vieil  allemand  Husgino^,  en 
hollandais  Huisgenont,  qui  correspond  à  faïuiliares,  socii, 
genossen^  confrères.  Le  nom  aurait  été  appliqué  tout  d'abord 
aux  fugitifs  pour  la  Foi  par  leurs  frères  de  l'étranger  :  Haus- 
genossen  (gens  de  notre  maison),  nos  frères  en  la  Foi,  nos 
compagnons  d'épreuves. 

Je  me  bornerai  à  constater  c[ue  cette  étymologie  rentre 
dans  la  catégorie  de  celles  qui  ont  une  origine  allemande, 
origine  qui  est  aujourd'hui  généralement  adoptée. 

Il  pourra  donc  sembler  téméraire  d'oser  combattre  une 
tendance  si  marquée;  cependant,  comme  j'apporte  dans  le 
débat  des  faits  nouveaux,  d'une  authenticité  et  d'une  valeur 
incontestables,  je  crois  devoir  les  produire  et  les  faire  con- 
naître à  ceux  que  cette  question  intéresse  à  juste  titre. 

La  bibliothèque  de  Tours  possède,  sous  le  n"  1306  du  cata- 
logue, un  manuscrit  en  parchemin  d'une  bonne  conservation, 
encore  pourvu  de  sa  vieille  reliure  en  veau  fauve  frappé. 
C'est  le  registre  sur  lequel  depuis  la  fin  du  xiv^  siècle  jusqu'au 
xvn'=  on  inscrivait,  à  mesure  de  leur  réception,  les  membres 

I.  Notons,  à  ce  propos,  qii"un  texte  imprimé  en  ir)3(i.  (loiine  «  Aiii^ue- 
iiotz  »  comme  ibrme  IVanraise  de  «  Eidgenossen  »  (\  o\ .  «  l.a  Déploralion 
de  la  cité  de  Genefue  »,  dans  le  Recueil  de  poésies  françaises  des  XV"  et 
XVt  siècles...,  par  A.  de  Montaiglon,  t.  IV,  p.  '.(5  iRcd.). 


10  ÉTUDES    HISTORIQUES 

de  la  confrérie  de  Sainl-Galien,  premier  évèque  de  Tours  et 
patron  de  la  cathédrale.  Cette  pieuse  association  comptait 
dans  son  sein  les  personnages  les  plus  cminents  du  clergé  de 
Tours,  les  archev6(iues  en  tête,  et  les  laïcjues  les  plus  consi- 
dérables, de  l'un  et  l'autre  sexe. 

Les  listes  sont  précédées  de  différentes  rédactions  des  sta- 
tuts empruntées  à  un  manuscrit  antérieur  et  aujourd'hui  perdu. 

Nous  n'avons  pas  l'acte  étai^lissant  la  confrérie  qui,  d'après 
Maan,  remontait  au  milieu  du  xiv*^  siècle*;  mais  dès  1372,  la 
confrérie,  anciennement  ordonnée,  renouvelle  ses  statuts,  qui 
sont  encore  modifiés  en  1398,  et  le  seront  de  nouveau  en 
1413.  Des  feuillets  blancs  cjui  n'ont  même  pas  été  tous  rem- 
plis, avaient  été  réservés  au  commencement  du  manuscrit, 
pour  la  transcription  de  ces  statuts  qui,  sauf  le  dernier,  sont 
antérieurs  aux  listes  qui  suivent. 

La  première  a  été  sans  doute  copiée  sur  le  manuscrit  qui 
contenait  les  deux  plus  anciennes  rédactions  des  statuts.  Elle 
est  sans  date,  mais  antérieure  à  la  suivante,  indiquée  comme 
étant  de  1398.  D'après  les  synchronismes  des  dignitaires  de 
l'Église  de  Tours  qui  s'y  trouvent  mentionnés,  on  voit  que 
c'est  un  état  nominatif  des  frères  composant  la  confrérie, 
lors  de  la  réformalion  des  statuts  en  1372. 

On  y  compte,  sans  date  d'entrée,  164  noms  rangés  sur  deux 
colonnes. 

C'est  là  qu'on  trouve  page  29,  au  dix-septième  rang  de  la 
première  colonne  : 

Huguenot  de  Saint-Marcel,  chanoine  de  Tours. 


j'^  jjt§.€mm*  <[^mM,^.  xmm, 

I.  Sancta  et  metropolitana  ecclesia    Twonensis  (Tours,     1667,    in  (o!.', 
p.  149. 


ÉTUDES    HISTORIQUES  1  [ 

La  liste  suivanle,  datée  de  1398,  est  encore  un  simple  étal 
nominatif,  en  tête  duquel  figure  Mgr  Ameil,  archevêque  de 
Tours,  puis  le  trésorier  et  le  chancelier  du  chapitre  méli-opo- 
lilain. 

Page  36,  commencent  les  listes  d'inscription  des  nouveaux 
confrères.  La  première  porte  la  date  de  1401,  et  ces  listes  se 
succèdent  d'année  en  année,  avec  quelques  intervalles 
cependani,  jusqu'à  1631. 

Sur  la  cinquième  qui  est  de  l'année  1405,  est  inscrite  : 

Huguenote  Maraye. 

Huguenote  est  la  septième  sur  la  liste  qui  contient  onze 
noms,  en  tête  desquels  se  trouvent  : 

Monseigneuj'  Olivier,  seigneur  de  Clissnn. 
Marguerite  de  Rohan,  dame  de  Clissnn. 

Voilà  bien,  dans  leur  forme  parfaite  et  définitive,  le  mot 
Huguenot  et  son  féminin,  employés  près  de  deux  siècles  avant 
la  Réforme.  Les  deux  mois  sont  nettement  et  posément 
écrits,  en  minuscule  gothique  des  environs  de  1400,  un  peu 
grosse  et  très  facile  à  lire.  Toutes  les  lettres  sont  bien  formées  ; 
aucun  doute  n'est  possible,  l'o  de  la  syllabe  finale  est  parfai- 
tement caractérisé. 

Il  y  a  là  toute  autre  chose  que  la  mention  douteuse  de 
V Histoire  littéraire  de  la  France.  Et  celte  trouvaille  a  été 
faite  dans  un  document  original  absolument  tourangeau,  c'est- 
à-dire  appartenant  à  une  province  où  le  terme  Huguenot 
appliqué  aux  Réformés,  qu'on  ne  rencontre  pas  dans  le  reste 


12  ÉTUDES    HISTORIQUES 

de  la  France  avant  1560,  date  de  la  conjuration  d'Amboise^ 
était  en  usage  au  moins  dès  1552. 

Etienne  Pasquierdit  formellement,  en  effet,  avoir  entendu 
cette  appellation  «  dans  la  bouche  de  quelques  siens  amis 
«  tourangeaux  »  huit  ou  neuf  ans  avant  l'affaire  d'Amboise-. 

Ce  mot  existait  donc  dans  notre  langue  bien  avant  la  Ré- 
forme, et  Ton  n'eut  pas  besoin  d'aller  l'emprunter  à  un  idiome 
étranger.  Il  est  tout  simplement  un  des  dérivés  de  Hugues, 
qui  en  comptait  un  bon  nombre,  tels  que  Huguel,  Iluguetin, 
Hugueteau,  Huguenin,  Huguenet,  qui  ne  diffère  de  Huguenot 
que  par  la  dernière  syllabe. 

Que  si  l'on  me  demande  pourquoi  et  comment  ce  mot  a  été 
appliqué  aux  Réformés,  je  répondrai  tout  d'abord  que  je  ne 
le  sais  pas-',  qu'il  en  est  ici  comme  pour  presque  loules  les 
origines,  où  nous  sommes  condamnés  à  ignorer  le  pourquoi 
et  le  comment  des  choses. 

On  pourrait  cependant  supposer  que  l'un  des  principaux, 
parmi  les  premiers  Réformés  tourangeaux,  portait  ce  nom  de 
Huguenot, que  prirent  ou  reçurent  ses  partisans, demêmeque 
plus  lard,  ces  mêmes  Réformés  furent  appelés  Parpaillots, 
du  nom  d'un  de  leurs  chefs  qui  était  seigneur  de  Parpailles. 

De  quelque  façon  d'ailleurs  qu'on  puisse  expliquer  cette 
appellation,  il  reste  prouvé  que  le  mot  Huguenotexislait  dans 
notre  langue  prés  de  deux  siècles  avant  la  Réforme,  et  c'était 
là  le  point  à  établir. 

Je  remarquerai,  en  terminant,  que  l'opinion  que  j'émets 
est  tout  à  fait  conformée  celle  manifestée  par  Littré  lorsque, 
confiant  dans  la  valeur  de  la  citation  de  {'Histoire  littéraire 
de  la  France,  il  écrivait,  à  propos  de  l'étymologie  tirée  du 
mot  eidg-euossen,  qu'elle  était  ruinée  par  l'existence  du  mol 
Huguenot  antérieurement  à  la  Rétorme,  et  que  ce  fait  donnail 
la  certitude  à  la  conjecture  de  Alahn,  faisant  de  Huguenot  un 
diminutif  de  Hugues. 

■1.  Pourtant,  à  Périgueu.x,  on  trouve  l'appellation  d'Hugiienauds,  dans 
un  document  ofHclel  cité  ici  même  en  1S91  (p.  234)  par  M.  F.  de  Schickler 
et  daté  du  20  mars  1552,  c'est-à-dire  1553  n.  s.  (Réd.). 

2.  Recherches  de  la  France,  éd.  Jamet  Mettaver,  in-lbl.,  Paris,  1593. 
1.  VI,  ch.  51. 

3.  Malheureusemenl  toute  la  ciuestion  est  là  (Réd.). 


ÉTUDES    HISTORIQUES  13 

Je  ne  dis  pas  autre  chose,  et  il  m'est  pcut-ôlre  permis  de 
croire  que  si  Liltré  était  encore  parmi  nous,  il  n'hésiterait  pas 
à  embrasser  cette  thèse  et  à  la  défendre  bien  mieux  que  je  ne 
saurais  le  faire. 

Charles    de  Grandmaison, 
Correspondant  de  llnstilut. 

Depuis  que  ce  mémoire  a  été  lu  à  l'Académie  des  Inscrip- 
tions, j'ai  rencontré  d'autres  exemples  de  l'emploi  du  mot 
Huguenot  comme  nom  d'homme  avant  la  Réforme. 

Dans  le  procès-verbal  de  la  rédaction  de  la  coutume  de 
Ghaumont-en-Bassigny,  ouvert  le  18  octobre  1501),  je  trouve 
le  nom  de  Philippes  Huguenot,  greffier*. 

Lors  de  la  réformation  de  celte  même  coutume,  en  1559, 
je  vois  comparaître  Jean  Huguenot,  substitut  du  procureur 
du  roi,  qui  était  certainement  né  avant  l'expansion  de  la  Ré- 
forme en  France.  Dans  ces  deux  cas,  il  s'agit  de  noms  de 
famille,  puisqu'ils  sont  précédés  de  leurs  prénoms. 

M.  H.  Dannreulher  signale  encore  dans  la  même  province 
de  Champagne,  dans  un  document  des  archives  de  l'Aube 
de  1404-1405,  une  femme  nommée  La  Huguenote-. 

L'existence  incontestable  dans  la  langue  française  des 
formes  Huguenot  et  Huguenote  aux  xiv%  xv*^  et  xvi'  siècles 
vient  confirmer  et  pour  ainsi  dire  authentiquer  la  note  des 
Bénédictins  citée  dans  ['Histoire  littéraire.  Cela  fait  donc  six 
exemples  de  ce  mot,  usité  dans  l'ouesl,  le  centre  et  l'est  de 
la  France,  avant  la  Réforme. 

Il  est  très  probable  que  ce  nombre  augmentera  beaucoup, 
si  mes  confrères  de  l'École  des  Chartes  et  autres  érudits 
veulent  bien,  dans  leurs  recherches,  porter  leur  attention  de 
ce  côté;  et,  la  thèse  que  je  soutiens  paraîtra  de  plus  en 
plus  démontrée. 

On  ne  va  pas  emprunter  à  l'étranger  ce  que  Ton  possède 
chez  soi  en  abondance.  Cu.  de  G. 

1.  Coutumes  générales  et  particulières  de  France,  par  Charles  Dumou- 
lin, 2  vol.  in-fol.,  Paris,  i63.s,  t.  I,    p.   î^iS. 

2.  Archives  de  l'Aube,  Série  C,  regislre  'j18. 


14  ÉTUDES    HISTORIQUES 

UN    NOUVEAU   REGISTRE 

DE  LA  FACULTÉ  DE  THHOLOGIE  DE  PARIS  AU  XVl"  SIÈCLE 

Un  à  un  les  registres  de  l'ancienne  Faculté  de  théologie  de 
Paris,  dont  on  avait  lieu  de  craindre  la  perte,  reviennent  au 
jour.  S'ils  ne  peuvent  retourner  à  leur  ancien  bercail,  aujour- 
dMiui  disparu,  ils  trouvent  en  échange  à  la  Bibliothèque  natio- 
nale un  asile  naturel,  qui  doit  les  mettre  définitivement  à  l'abri 
des  vicissitudes  qu'ils  ont  eu  à  subir  depuis  plusieurs  siècles. 
Il  y  a  quelques  années,  au  mois  de  septembre  1898,  M.  Léo- 
pold  Delisle  annonçait  à  l'Académie  des  inscriptions  et  belles- 
lettres  le  don  fait  à  la  Bibliothèque  nationale  d'un  registre 
que  M.  le  duc  de  la  Trémoille  venait  de  découvrir  dans  les 
archives  de  sa  famille  et  qui  comblait  une  lacune  très  no- 
table dans  la  série  des  registres  de  l'ancienne  Faculté  de 
théologie.  Ce  précieux  manuscrit,  dont  le  véritable  titre  doit 
être  :  Regestum  concliisionum  sacrœ  Facidtaîis  theologiœ 
in  Universitate  Parisiensi,  contenait  le  procès-verbal  des  dé- 
libérations delà  Faculté  depuis  le  3  novembre  1505 jusqu'au 
25  novembre  1533.  Cette  simple  indication  de  dates  en  dit  assez 
pour  faire  comprendre  l'exceptionnelle  importance  d'un  pareil 
document  pour  l'histoire  des  origines  de  la  Renaissance  et  de 
la  Réforme  en  France.  Le  recueil  retrouvé  en  1898  apportait 
en  même  temps  un  complément  nalurel  à  un  autre  registre 
de  la  Faculté  de  théologie,  également  de  l'époque  de  Fran- 
çois 1°',  et  que  la  Bibliothèque  conservait  depuis  longtemps 
sous  la  cote  3381  B  du  fonds  latin.  Mais  cet  autre  registre, 
intitulé  :  Liber  seciindus  registri  determinationum  Faciiltatis 
théologie  scole  Parisieitsis,  incipiens  ab  amro  Domini  inillesimo 
quingcntesimo  vicesimo  quarto  et  durans  iisqiie  ad  anniun  tnille- 
simum  [qiiingentesimum  tricesi?7îum primwn] ,  n'appartenait  pas 
à  la  même  série  que  celui  de  M.  le  duc  de  la  Trémoille.  Il  ren- 
ferme, en  effet,  non  pas  seulement  des  conclusions  ou  procès- 
verbaux  comme  ce  dernier,  mais  des  jugements  doctrinaux 
—  censures  ou  déterminations  —  compris  entre  1525  et  1531. 

M.  Léopold  Delisle,  dans  sa  savante  Notice  sur  un  registre 
des  procès-verbaux  de  la  Faculté  de  théologie  de  Paris  pen- 


ÉTUDES    HISTORIQUES  15 

dant  les  années  l^05-\b[]3  (publiée  en  1899  clans  les  Notices 
et  extraits  des  manuscrits  de  la  Bibliothèque  nationale  et 
autres  bibliothèques,  t.  XXXVI),  a  fort  bien  établi  comment,  en 
1520,  la  Faculté  prescrivit  la  tenue,  sous  la  haute  direction 
du  syndic  Noël  Béda,  d'un  nouveau  registre  spécialement 
consacré  aux  jugements  prononcés  par  elle  sur  les  questions 
litigieuses  de  théologie,  sans  préjudice,  bien  entendu,  de  la 
tenue  de  l'ancien  registre  consacré  aux  conclusions,  ou,  en 
d'autres  termes,  aux  procès-verbaux  des  assemblées.  Il  y  eut 
ainsi,  à  partir  de  l'année  1520,  deux  séries  de  registres  nette- 
ment tranchées.  Le  manuscrit  donné  par  M.  de  la  Trémoille 
appartenait  à  la  série  ancienne,  et  le  manuscrit  latin  3381  B 
à  la  nouvelle, c'est-à-dire  à  celle  qui  fut  instituée  en  1520.  Jus- 
qu'à présent,  ces  deux  registres  représentaient  à  peu  près  tout 
ce  qui  nous  était  parvenu  des  actes  de  la  Faculté  de  théologie 
pour  le  premier  tiers  du  xvi°  siècle.  Un  troisième  registre  vient 
heureusement  d'être  recouvré,  il  y  a  quelques  semaines,  par  la 
Bibliothèque  nationale,  et  c'est  ce  nouveau  document,  encore 
inconnu,  que  j'ai  cru  devoir  présenter  aux  \ec[e\lvs<^\.\  Bulletin . 
On  sait  que  l'établissement  de  la  rue  Richelieu  a  acquis  de 
lord  Ashburnham  un  lot  de  166  manuscrits  jadis  volés  dans 
nos  bibliothèques.  Ce  lot  n'a  nullement  été  cédé  à  lilre  gra- 
cieux à  notre  grand  dépôt  national,  comme  la  plupart  de  nos 
journaux,  les  plus  sérieux  en  tête,  et  plusieurs  revues  érudites 
l'ont  affirmé  par  erreur  :  il  nous  en  a  coûté,  au  contraire,  une 
somme  de  600,000  francs  pour  recouvrer  ces  166  manuscrits 
qui  provenaient  tous  de  nos  collections  publiques.  Quoiqu'il 
en  soit,  il  s'y  rencontre  un  certain  nombre  de  manuscrits 
littéraires  latins  et  français  très  importants  et  plusieurs  docu- 
ments historiques  d'une  valeur  toute  particulière  pour  notre 
pays.  Parmi  ces  derniers  figure  un  manuscrit  intitulé  :  Primus 
liber  registri  Facultatis  théologie  scole  Parisiensis  in  materia 
fidei  et  morum,  incipiens  ab  anno  Domini  millesimo  trecen- 
tesimo  *  octuagesimo  quarto,  indictione  octava,  mensis  novenibris 
septima,  démentis  septimi  anno  septimo. 

1.  Tricesimo,  conige  en  marge  avec  raison  ducentesimo  écrit  par  erreui- 
pai'  le  scribe,  l.e  premier  texte  est  i)icn  de  i;58'i,  mais  le  second  (Erreurs 
des  Albigeois)  est  de  1210,  le  troisième  (Jean  de  Brcîscain)  de  VlTi,  etc. 


16  ÉTUDES    HISTORIQUES 

Celte  seule  citation  de  son  titre  suffit  pour  nous  permettre 
d'identifier  le  nouveau  registre  de  la  l^'aculté  de  théologie  : 
c'est  sans  aucun  doute  le  premier  de  la  série  dont  le  ms. 
lat.  3381  B  forme  le  second.  Ainsi  se  reconstituent  peu  à  peu 
les  archives  trop  longtemps  dispersées  de  l'Université  de 
Paris  au  xvi*  siècle.  Le  manuscrit  provenant  de  la  bibliothèque 
de  lord  Ashburnham  vient  d'être  coté  :  Nouv.  acq.  lat.  1826. 
C'est  un  magnifique  volume  en  parchemin  revêtu  d'une  très 
belle  reliure  du  xvni°  siècle,  genre  Derôme,  et  d'une  superbe 
écriture  du  xvi^  siècle  (1524)  (Une  décision  spéciale  prise  par 
la  Faculté  le  15  octobre  1523  stipulait  que  les  jugements  doc- 
trinaux seraient  transcrits  sur  des  registres  de  parchemin, 
ordonnant  «  quod  pro  tam  utili  negocio  non  parcatur  sump- 
tibus  »,  alors  que  les  procès-verbaux  des  séances  étaient 
consignés  sur  de  simples  cahiers  de  papier).  Il  comprend 
225  feuillets  foliotés  1  à  225,  précédés  de  3  feuillets  blancs  et 
suivis  de  35  autres  feuillets  blancs,  tous  de  parchemin,  hauts 
de  300  millimètres  et  larges  de  25.  11  débute  par  une  table 
des  jugements  transcrits  qui  occupe  les  folios  1  et  2  et  dont 
voici  les  premiers  articles. 

Instriimentum  continens  modum  eïigendi  per  Faciiltatem  théologie 
aliquem  vicarium  seu  vicegerentem  decani  qui  habeat  portare  onera 
officii  decani  [1384].  Fol.  1°. 

Errores  Albigentium  qui  fuerunt  circa  annum  Domini  1210. 
l^ol.  3°. 

Errorum  condemnatio  Joannis  de  Brescain  circa  liicem  crealam. 
Fol.  4°. 

Errores  Marcilii  de  Padua  circa  authoritatem  Rojnaiii  pontifias. 
Fol.  6°. 

Condemnatio  duarum  propositionum  quas  ut  dicitur  asserebat 
sumynus  pontifex  Joannes  vigesimus  secundus  circa  visionein  beati- 
ficam.  Fol.  13". 

Condemnatio  fratris  Dionisii Foulechat  ordinis  minorum.  Fol.  14°. 

Condemnatio  Joannis  de  Montesono  ordinis  predicatorum  circa 
conceptionem  béate  Marie.  Fol.  17". 

Voici  la  partie  de  cette  table  qui  concerne  le  xvi^  siècle  : 

Responsio  Facultatis  ad  qiuvstiones  subséquentes  :  scilicet  utrum 
censure  summi  pontificis  late  contra  eos  qui  reciisarent  solvere  deci- 


ETUDES    HISTORIQUES  17 

mam  ab  eo  solo  impositam  sint  timende,  et  an  talcs  teneantiir  cessare 
a  divinis,  prcemissa  appellatione.  Fol.  160". 

Imprecationes  capituli  Cameracensis  contra  suinn  cpiscopum. 
Fol.  IGO*. 

Condemnatio  libri  Johannis  Reuchltn[i\  qui  Spcculum  oculare  inti' 
tiilatur.  Fol.  166°. 

Qualificatio  propositionum  predicatarum  per  fratrem  Claudiuin 
Cousin  predicatorem  contra  jurisdictionem  curatoriim  et  circa  sacra- 
mentum  penitentie  et  eucharistiam,  etc.  Fol.  167». 

Declaratio  quarumdam  propositionum  concernentium  jurisdictio- 
nem curatoruni.  Fol.  169'. 

Qualificatio  duaruni  propositionum  concernentium  indulgentias 
Cruciate.  Fol.  171°. 

Qiialificatio  quinque  propositionum  concernentium  potestatem  cu- 
ratorum.  Fol.  171°. 

Determinatio  Faculiatis  super  doctrina  lutherana.  Fol.  173°. 

Qualificatio  propositionum  cujusdam  Minoris  circa  materiam  de 
sepulturis.  Fol.  189°. 

Determinatio  de  unica  Magdalena  dogmatisanda.  Fol.  190°. 

Condemnatio  propositionum  magistri  Hieronimi  Clicthovei  circa 
venditionem  bene/îciorum,  pensionum  et  bursarum.  Fol.  191". 

Revocatio  fratris  Arnoldi  de  Bornossio  Augustiniensis  circa  satis- 
factionem.  Fol.  194°. 

Condemnatio  librorum  Ludovici  a  Berquin  {sic).  Fol.  197°. 

Diiplum  aresti  suprême  curie  contra  eumdem  Berquin.  Fol.  200°. 

Duplum  aresti  curie  Parlamenti  contra  libros  Lutheri.  Fol.  eodem. 

Duplum  aresti  ejusdem  senatus  contra  libros  Philippi  MelanctJw- 
tiis.  Fol.  201°. 

Condemnatio  librorum  ejusdem  Philippi  Melancthonis.  Fol.  202°. 

Errores  excerpti  ex  libro  qui  intitulatur  Loci  communes.  Fol.  203°. 

Errores  excerpti  ex  libro  Commentariorum  in  epistolas  Pauli  ad 
Romanos  et  [ad  Corinthios],  Fol.  204°. 

Errores  excerpti  ex  aliis  libris  ejusdem.  Fol.  206°. 

Documentum  quo  docetur  nullum  theologum  debere  arceri  ab  exa- 
mine doctrinarum  fidei,  nisi  fuerit  suspectus  in  fide.  Fol.  207°. 

Determinatio  Facultatis  super  propositionibus  certis  e  locis  ad 
eam  delatis  de  veneratione  saiictorum,  canone  tnisse,  sustentatione 
ministrorum  altaris,  etc.  Fol.  210°. 

Responsio  facta  Domine  Regenti  matri  Régis  Francie petenti  quo- 
modo  posset  extirpari  doctrina  lutherana  a  regno  et  quomodo  pos- 
sunt  purgari  persone  que  accusantur  favere  tali  doctrine.  Fol.  219". 

LI.  —  2 


18  ÉTUDES    HISTOKIQUES 

Ordinatio  facta  circa  propositionem  assertam  scilicet  episcopiis, 
qualis  soins  Petrus  inter  apostolos,  a  Christo  immédiate  fuit  conse- 
cratus,  curatus  vero  de  jure  positiva  institutus.  Fol.  222°. 

Ordinatio  facta  circa  propositionem  sequentem  :  scilicet  fîdelis  bene- 
ficiiim,  non  autem  officium,  absque  simonie  labe  locat.  Fol.  223". 

La  table  est  d'une  écriture  moins  soignée  que  le  reste  du 
texte;  elle  est  suivie  d'une  mention  additionnelle,  ajoutée 
postérieurement,  au  sujet  d'une  difficulté  entre  Beda  et  Jac- 
ques Merlin  (pièce  du  P  207). 

Les  textes  sont  transcrits  avec  le  plus  grand  soin.  Un  cer- 
tain nombre  de  correclions  faites  çà  et  là  attestent  une  révi- 
sion sévère,  due  probablement  à  Beda  lui-même. 

La  première  page  du  texte  est  ornée  d'une  jolie  miniature 
de  95  millimètres  sur  85,  représentant  Jésus  au  milieu  des 
docteurs. 

Mais,  ceci  dit,  il  faut  reconnaître  tout  de  suite  que  ce  ma- 
nuscrit si  précieux  et  si  beau  n'apporte  rien  de  nouveau  sur 
l'époque  qui  nous  occupe  ici.  Tous  les  jugements  et  cen- 
sures sans  exception  relatifs  au  xvi*  siècle,  et  antérieurs  à 
1524,  ont  été  publiés  naguère  par  d'Argentré  dans  son  ou- 
vrage intitulé  :  Collectio  judiciorum  de  novis  erroribiis  (Paris, 
1724,  3  vol.  in-folio).  Cet  érudit,  exact  et  informé,  quoique 
assez  confus,  a  connu  notre  registre  et  l'a  publié  presque 
intégralement,  semble-t-il.  Je  dis  presque,  parce  que  si  je  me 
suis  assuré  que  le  plus  grand  nombre  des  jugements  et  cen- 
sures se  retrouvaient  dans  son  premier  volume  et  dans  le 
commencement  du  second,  je  n'ai  pu  faire  une  vérification  et 
une  collation  absolument  complètes  pour  tous  les  textes, 
notamment  en  ce  qui  touche  les  jugements  antérieurs  à  la  ^ 
seconde  moitié  du  xv"  siècle.  Mais  ce  que  je  puis  affirmer, 
c'est  que  les  sentences  postérieures  à  1450  sont  entièrement 
reproduites  dans  le  recueil  de  d'Argentré  et  avec  une  fidélité 
tout  à  fait  satisfaisante.  On  trouvera  même  à  la  fin  du  tome  1°% 
p.  1  et  suiv.  de  VIndex,  une  sorte  de  table  de  notre  registre 
avec  les  renvois  aux  textes  qui  lui  ont  été  empruntés  et  qui 
figurent  à  leur  date  au  cours  du  volume.  J'ai  pu  constater 
notamment  que  les  censures  relatives  à  Reuchlin,   Lefèvre 


ÉTUDES   HISTORIQUES  19 

d'EtapIes,  Luther,  Berquin,  Melanchthon,  etc.,  qui  se  trouvent 
in  extenso  dans  le  ms.  nouv.  acq.  lat.  1826,  sont  conformes  au 
texte  donné  par  d'Argentré,  d'après  lequel  elles  sont  toujours 
citées.  On  doit  noter  seulement  çà  et  là  quelques  anno- 
tations marginales  inédites  qui  ne  sont  pas  dépourvues  d'in- 
térêt. Par  exemple  (f°  221  v°),  en  face  des  dernières  lignes 
relatives  à  une  censure  dirigée  contre  Lefévre  d'Etaples,  on 
lit  ces  lignes  significalives,  ajoutées  par  un  recenseur  du 
registre  qui  pourrait  être  Beda  :  «  La  Roine  de  Navarre, 
sœur  du  Roi  François,  [suppjortoit  *  M»  Jacques  Faber  », 
mention  curieuse  qui  montre  que  la  reine,  pour  ne  pas  être 
nommément  citée  dans  le  jugement,  n'était  pas  moins  indi- 
rectement visée.  Les  derniers  folios  (224  à  227)  sont  occupés 
par  des  textes  anciens  qui  n'avaient  pas  été  transcrits  à  leur 
place  :  ces  textes  datent  de  1324  et  i:)89. 

En  résumé,  on  voit  que  cette  acquisition  est  excellente  en 
ce  qu'elle  ramène  à  sa  place  logique  un  volume,  tête  de 
série,  qui  manquait  à  la  collection,  si  endommagée  par  le 
temps  et  encore  trop  peu  riche  pour  le  xvi^siècle,  des  registres 
de  notre  ancienne  Faculté  de  théologie;  mais  on  constate  en 
même  temps  que  le  retour  inattendu  de  ce  recueil,  dont  l'exé- 
cution marqua  jadis  le  triomphe  de  Beda,  ne  nous  vaudra 
sans  doute  aucune  pièce  nouvelle.  Gela  fait  l'éloge  de  d'Ar- 
gentré et  nous  montre  une  fois  de  plus  tout  le  prix  de  ces 
grands  recueils  entrepris  par  les  savants  du  xvii'  et  du 
xvui*=  siècle  et  leur  durable  utilité. 

Peut-être  une  collation  minutieuse  du  texte  de  l'édition 
de  1724  avec  celui  du  registre  de  lord  Ashburnham  révèle- 
rait-elle  des  constatations  intéressantes.  S;  quelqu'un  avait 
le  loisir  d'entreprendre  ce  travail,  sa  peine  trouverait  proba- 
blement quelque  récompense.  En  tout  cas,  j'ai  cru  devoir 
signaler  l'arrivée  de  ce  manuscrit  qui,  inédit  ou  non,  com- 
plète heureusement  une  série  de  documents  d'une  si  haute 
valeur  pour  notre  histoire  intellectuelle  et  religieuse. 

Abel  Lefranc. 

1.  Les  premières  lettres  du  mot  ont  été  rognées  par  le  relieur. 


Documents 


LISTES    DE    PASTEURS 
BERNIS  (Gard)  —  1561-1900 

Matthieu  Seguin,  de  1561  à  1567. 

Guilhaume  de  Buccans^,  de  1567  à  1572. 

Daniel  Ventiirin^,\evs  1600. 

Laurens,  vers  1620. 

André  Basnag-e,  en  1637.  , 

Connaît  ^  sept.  1642  à  1658. 

Grizot,  de  1658  à  1669. 

François  Labrune  *,  d'août  1669  à  mai  1671. 

Salomon  Ga\agne,  du  l*"''  avril! 669 à  1676. 

David  Noguiet^âe  mai  1671  à  1685. 

Roussière  \  de  1675  à  1685. 

Les  suivants  sans  être  des  pasteurs  titulaires  de  l'Eglise  de 
Bernis  y  firent  le  service  pendant  un  temps  plus  ou  moins 
long  et  d'une  manière  assez  régulière  pour  pouvoir  être  con- 
sidérés comme  pasteurs  de  cette  localité  : 

Antoine  Court,  de  1716  à  1729. 
Paul  Rabaiit.  de  1742  à  1759. 

1.  De  Buccans  ou  Bucamps,  pasteur  à  Aulas  de  1372  à  lôT'i. 

2.  Venturin  est  i)asteur  à  Aulas  de  IGOô  à  -1610,  puis  au  Vigan  où  il 
mourut  le  26  ocl.  1626.  Il  avait  épousé  Anne  de  Vissée. 

3.  11  est  dit  dans  un  des  registres  déposés  au  grelTo  du  tribunal  de 
Nîmes  que  ce  registre  a  été  tenu  par  A.  Connau.  Mais  c'est  une  copie. 
Celui  qui  l'a  faite  peut  bien  s'être  trompé  et  avoir  mis  un  A  à  la  place 
d'un  S,  puisque  d'après  le  Livre  du  Recteur  de  Genève  son  prénom  est 
Samuel. 

4.  Pasteur  à  Aiguemortes  de  16'i5  à  1653.  Ensuite  à  Aimargues.  En  1688 
il  était  en  Suisse. 

ô.  Pasteur  à  Aiguemortes  en  1663  et  à  Gaveirac  en  1671.  Ces  trois  der- 
niers pasteurs  faisaient  le  service  de  Bernis,  d'Uchaud  et  de  Milhaud  et 
prêchaient  dans  le  temple  de  Bernis,  seul  debout  depuis  1.")6'i,  jusqu'en 
1685. 


DOCUMENTS  21 

Pierre  Sanssine,  29  févi*.  1756  —  A  déc.  17GG. 
François  Saussine,  18  juin  1766  —20  sept.  1768. 
Pierre  Alégre,  3  avril  1762  —  29  avril  1770. 
N.  Theyron,  20  mai  1770  —  1"  mars  1772. 
Pierre  Ribot,  15  nov.  1772  —  5  août  1773. 
E.  Gibert,  22  août  1773  —  7  mai  1775. 

Citons  enfin  : 

François  Raoïix,  21  mai  1775  —  oct.  1792. 
Barbusse,  1795  (?)  —  22  juin  1804. 
Paul  Gachon,  1804  —  19  mai  1821. 
Henri  Laget,  octobre  1821  —  21  déc.  1877. 
César  Maiirin,  3  nov.  1878  —  avril  1892. 
Albert  Atger,  juillet  1893. 

Pasteurs  qui  remplacent  ceux  de  Bernis,  d'après  les  registres 
de  l'état-civil  déposés  au  greffe  du  tribunal  de  Nimes. 

M.  Gautier,  de  Gallargues,  en  1672. 
M.  Bruguié,  de  Nîmes,  — 

M.  Cauve  (?),  de  Langlade,     — 
M.  Cauzy  ou  Cauzid,  de  Boissières,  en  1671. 
Cauve  et  Cauzy,  n'est-ce  pas  le  même  pasleur? 
M.  Marchand,  de  Beauvoisin,  en  1671,  le  20  novembre,  et 
en  1670,  le  11  mai. 

M.  Combes,  de  Saint-Jean-du-Gard,  en  avril  1675. 

M.  Jean-Jacques  Noguier,  de   Boucoiran,  le  19  mai  1678. 

J  ai  rencontré  sur  un  de  ces  registres,  dans  un  acte  de 
baptême  de  1668  le  nom  de  Claude  Claparède  porté  par  le 
père  et  par  le  fils  à  la  fois.  Les  Claparède  de  Genève  sont 
peut-être  des  descendants  de  ceux  de  Bernis.  Ce  nom  d'ail- 
leurs ne  se  trouve  plus  dans  cette  localité  quelques  années 
plus  tard.  Il  faut  donc  croire  que  le  fils  est  un  de  ceux  qui  se 
sont  expalriés;  peut-être  tous  les  deux. 

A.  Atger. 


22  DOCUMENTS 

PORTRAIT   D'ANTOINE  GARRISSOLES  ' 

PROFESSEUR    DE    l'aCADÉMIE    DE    MONTAUBAN 

(1627-1651) 

M.  G.  Bruslon,  doyen  de  la  Faculté  de  théologie  protes- 
tante de  Montauban,  a  bien  voulu  nous  envoyer  une  photo- 
graphie d'un  portrait  authentique  et  encore  inédit  de  ce  pas- 
teur et  professeur  qui  ne  fut  pas  seulement  un  des  savants 
les  plus  distingués  de  l'ancienne  académie  Monlalbanaise, 
mais  encore  et  surtout  un  homme  de  bien,  un  homme  de  paix 
et  un  bon  et  ferme  huguenot.  L'original  de  ce  portrait,  pein- 
ture exécutée  une  année  à  peine  avant  la  mort  de  Garrissoles, 
se  trouve  à  Montauban,  dans  l'ancien  hôtel  de  Rapin,  appar- 
tenant aujourd'hui  à  Mme  Courtois  de  Maleville  avec  d'autres 
biens  des  Garrissoles,  grâce  au  mariage  d'une  petite-fille  du 
professeur  avec  David  Feulrié,  avocat,  dont  le  fils  laissa  sa 
fortune  à  Pierre  de  Maleville,  aussi  avocat  au  Parlement. 

On  trouvera  sur  Garrissoles  une  notice  précise  et  com- 
plète, à  laquelle  il  n'y  a  rien  d'essentiel  à  ajouter,  dans 
VexceWenle  Histoire  de  V ancienne  Académie  de  Montauban,  de 
Michel  Nicolas  (Montauban,  Forestié,  1885).  On  y  verra  quels 
efforts  on  fit  dans  celte  ville  pour  s'attacher  cet  homme  qui 
était  pasteur  à  Puylaurens,etquels  services  il  rendità  l'Acadé- 
mie et  à  l'Église  de  France  en  général.  Non  seulement  à  FAca- 
démie,  où  il  succéda  à  J.  Cameron,  il  remplaça  à  un  moment 
donné,  seul,  presque  tous  les  professeurs,  mais  paya  de  ses 
propres  deniers  leurs  traitements  restés  en  souffrance.  Au 
synode  de  Charenton  de  1645,  qu'il  présida,  il  sut  répondre 
avec  dignité  et  fermeté  au  commissaire  du  roi  qui  se  faisait 
l'interprète  des  plaintes  iniques  par  lesquelles  à  la  Cour  on 
prétendait  justifier  les  infractions  officielles  à  Tédit  de  Nantes. 

On  sait  qu'un  éloge  en  vers  latins  de  Gustave  Adolphe, 
Adolphidiis,  valut  à  Garrissoles  la  bienveillance  de  la  reine 
Christine  de  Suède  dont  le  portrait  envoyé  à  cette  occasion 
est  encore  aujourd'hui  dans  la  famille  Courtois  de  Maleville 

1.  C'est  ainsi,  et  non  Garissoles  qu'il  signait,  sur  des  pièces  que  j'ai 
connues  trop  lard  pour  les  signaler  dans  celte  noie. 


DOCUMENTS  23 

ainsi  "qu'une  des  quatre  coupes  de  vermeil  par  lesquelles  les 
magislrals  de  Zurich,  Berne,  Bâle  cl  Schaffhouse  le  remer- 
cièrent d'avoir  dédié  aux  professeurs  de  ces  cjuatre  cantons 
son  livre  De  imputationc  primi peccati  Adae.  Toute  cette  vie, 


utilement  et  honorablement  remplie,  semble  inspirée  par  la 
devise  grecque  qu'on  lit  sur  le  portrait  du  sexagénaire  et  qui, 
traduite  en  français,  signifie  à  peu  près  ceci  :  Modestement, 
justement  et  pieusement.  N.  \\  . 

P. -S,  —  Puisque  nous  insérons  ici,  à  litre  de  document, 


24  DOCUMENTS 

ce  portrait  montalbanais,  nous  en  profiterons  pour  recom- 
mander à  nos  lecteurs  le  volume  annoncé  ci-dessous  : 

Le  tricentenaire  de  la  Faculté  de  théologie  protestante 
de  Montauban. 

La  Faculté  de  théologie  de  Montauban  met  en  souscription 
un  volume  illustré  de  vues,  portraits,  etc.,  contenant  tous  les 
discours  prononcés  à  l'occasion  des  fêtes  du  Tricentenaire  et 
le  texte  du  drame  de  Théodore  de  Bèze  (le  Sacrifice  d'Abra- 
ham)  représenté  le  mercredi  5  juin. 

Elle  espère  que  ce  livre,  qui  fixera  les  souvenirs  de  ces 
belles  journées,  sera  bien  accueilli  non  seulement  par  ceux 
qui  ont  assisté  aux  fêtes,  mais  aussi  par  tous  les  amis  de  la 
Faculté. 

Le  prix  du  volume  pour  les  souscripteurs  sera  de  3  fr.  50. 
Les  souscripteurs  recevront  leurs  exemplaires  franco  avant 
toute  mise  en  vente. 

Pour  les  non  souscripteurs,  le  prix  du  volume  sera  de 
5  francs. 

On  est  prié  d'adresser  les  souscriptions  aux  secrétaires  de 
l'ancien  comité  des  fêtes  :  M.  le  professeur  Bois  (faubourg  du 
Moustier,  7)  ou  à  M.  le  professeur  Maury  (rue  du  Lycée,  38), 
avant  le  1"'"  février. 


UNE   AGRESSION   SINGULIERE  (1688) 

Nous  avons  trouvé  dans  les  archives  du  château  de  Gou- 
lard,  près  Sainte-Foy-la-Grande,  la  pièce  qu'on  va  lire.  Elle 
tombe  en  poussière,  et  n'est  ni  datée,  ni  signée.  Mais  l'écri- 
ture et  le  timbre  sont  de  la  fin  du  xvii''  siècle,  et  la  mention 
d'une  levée  de  miliciens  nous  reporte  à  l'année  1688.  Quanta 
la  provenance,  elle  n'est  pas  douteuse  :  nous  sommes  en 
présence  d'une  minute  rédigée  dans  l'étude  de  M^  Zacharie 
Gentillot,  notaire  huguenot  qui  était,  à  celte  époque,  l'un 
des  personnages  les  plus  importants  de  Sainte-Foy.  Il  avait 
d'immenses  domaines  aux  alentours  et  ses  coffres  bien  rem- 


DOCUMENTS  25 

plis  lui  valaient,  autant  que  son  caractère,  une  considération 
générale.  Le  plaignant  dont  il  expose  les  griefs,  Pierre  Lam- 
ber,  serait-il  protestant?  Ce  serait  sans  contredit  la  meil- 
leure explication  de  ses  mésaventures. 

Henry  Leur. 

Monsieur  le  subdélégué  de  Monseigneur  l'Intendant  au  département 
de  Mondemarssans . 

Supplie  humblemam  Pierre  Lamber  natif  de  la  parroysse  de  Cu- 
nège*  juridiction  de  puiguiltieni  Election  de  Sarlat  en  l^érigord 
disam  que  nayant  de  quoy  subcister  dame  la  maison  de  son  père, 
il  avoit  Esté  obligé  d'aller  En  servisse  chez  divers  particuliers. 
Entre  autre  ches  la  veuve  de  Pierre  Gorin  du  Lieu  de  Ribebon 
parr'  de  pessac  En  bazadois  où  il  est  resté  quatre  années,  de  quoy 
les  consuls  et  sindiqs  dudit  [lieu]...  allam,  seroient  venu  un  Jour 
dans  la  ma[ison  de  ladite]  veuve  avam  les  fêstes  de  Noël  dernier.  Et 
de  lune  a...  hor...  ts  et  par  une  pure  de  voyé  et  de  fait  lauroient 
pris  et  Enlevé,  soubs  prétexte  de  le  faire  servir  pour  la  milisse  Et 
lauroient  conduit  devant  vous  avec  d'autres  soldais  que  la  commu- 
nauté dud.  pessac  doit  fournir,  mais  ayam  Esté  trouvé  par  vous 
deffectueux  et  trop  Court  vous  lauriés  Renvoyé,  et  quoy  que  appres 
ce  Refus  de  vostre  part  II  deus  Estre  En  toute  assurance,  néan- 
moins lesd.  Consuls  abusant  de  leur  pouvoir  auroienl  pris  audit 
suppliant  a  la  sortie  de  vostre  maison  son  chapeau,  trois  chemises 
et  trois  cravaltes,  luy  ayant  donné  un  mescham  chapeau  tout  des- 
chiré  quy  ne  pouvoil  pas  lui  couvrir  la  teste,  et  comme  led.  supp*"' 
sen  revenoit  lesd.  Consuls  layant  joint  au  lieu  appelé  les  agreaux, 
où  Ils  restoienl  tous  acoucher,  Ils  luy  auroient  dit  qu'il  falloit  qu'il 
leur  payât  leur  despanse,  quaulremam  ils  le  randroil  à  un  autre 
officier,  ou  Ils  le  tueroit  dans  la  lande.  El  dans  le  mesme  temps 
layam  saisy  lui  auroient  pris  tout  largent  quil  avoit  peu  gaigner 
pendant  lesd.  quatre  années  concistanl  En  soixante  livres  quil  avoit 
En  deux  louis  dor,  et  le  reste  En  argeni  blanc,  et  le  lendemain  sen 
revenam  de  compagnie  quand  ils  furent  arrivés  proche  Castelmau- 
ron  ',  lesd.  consuls  direm  aud.  supp"'  de  sen  aller  dans  son  pais,  et 
de  ne  paroistre  plus  dans  la   parroisse  de  pessac,  ce  qu'il  auroit 

1.  Canloii  de  Sigouiés,  i)i'ès  de  Bergerac. 

2.  Castelmorond'Albret,  arr.  La  Réole,  canton  de  Monségur,  semijlerail 
plus  dans  la  direction  suivie  t|ue  la  localité  l)eaucoup  plus  importante 
de  Castelmoron-sur-Lol. 


26  MÉLANGES 

Esté  obligé  de  faire,  Cepandam  lesd.  Consuls  nestam  pas  Encore 
contam  furem  ches  lad.  veuve  de  Gorin  sa  maistresse  et  lui  prirent 
dix  chemises  quil  avoit  et  trois  [casaques],  deux  de  toille  et  une 

deslamine,  lesquelles  ay ,  Il  leur  a  fait  demander  diverses    fois 

sans  qu'ils  ayent  voulen  luy  rendre  lun  ni  l'autre,  Et  comme  cest  un 
vol  callifié  et  une  Concussion  qu'ils  ont  fait  au  supp"'  Il  est 
obligé  davoir  Recours  a  vostre  justice  pour  en  avoir  réparation.  Ce 
considéré.  Monsieur,  Il  vous  plaise  de  vostre  grâce  attendeu  le 
reffus  par  vous  fait  de  la  personne  dud.  supp'"'  faire  Inhibition  et 
deffanses  ausd.  Consuls  de  linquietter  sous  prétexte  de  millisse  ny 
autremant,  et  au  surplus  les  condemner  de  lui  rendre  et  restituer  la 
susd,  somme  de  soixante  livres,  chemises  cravattes  et  cazaques  sus 
esnoncées  Et  En  telle  peine  pour  la  fasson  de  faire  que  vous  trou- 
verez a  propos  de  faire  bien. 


Mélanges 


JEAN  VERON  LE   RÉFORMATEUR  ANGLO-FRANÇAIS 

ERRATA    ET    ADDENDA 

Au  moment  où  le  Bulletin  achève  son  premier  demi-siècle, 
il  semble  utile  de  n'y  laisser  subsister  que  le  moins  possible 
d'erreurs  ou  de  lacunes  sur  les  sujets  traités  dans  ses  pages 
pendant  ces  cinquante  années.  J'en  sollicite  donc  l'hospitalité 
pour  rectifier  et  compléter  brièvement  ce  que  j'y  ai  écrit  sur 
Jean  Véron,  ce  Sénonais  réfugié  en  Angleterre  aux  débuts 
de  la  Réforme  dont  il  fut  un  des  initiateurs  sous  Edouard  VI, 
et  après  avoir  été  emprisonné  sous  Marie,  devenu  avec  l'avè- 
nement d'Elisabeth,  un  des  plus  infatigables  vulgarisateurs 
d'une  théologie  toute  calvinienne,  un  des  plus  fougueux 
adversaires  de  l'Église  de  Rome. 

Quand  j'essayai  en  1890  de  retracer  la  biographie  et  d'ana- 
lyser les  ouvrages  de  cet  oublié',  les  Bibliothèques  de  son 
pays  natal  n'en  renfermaient  aucun  ;  celles  de  sa  patrie  d'adop- 
tion ne  les  possédant  pas  tous,  je  fus  réduit  pour  plusieurs  de 

I.  Bulletin  XXXIX,   'i37  à  'i46  et  481  à  W3. 


MÉLANGES  27 

ces  traités  à  ne  citer  que  des  titres  et  à  poser  des  points  d'in- 
terrogation. Il  en  subsistera  forcément  encore  après  l'étude 
beaucoup  plus  étendue  et  approfondie  que  des  acquisitions 
du  Briîish  Muséum  et  des  recherches,  les  unes  personnelles, 
les  autres  par  le  gracieux  concours  de  savants  amis,  m'ont 
mis  à  même  d'entreprendre.  En  renvoyant  ceux  de  nos  lecteurs 
qui  désireraient  plus  de  délails  à  la  biographie,  que  j'espère 
faire  prochainement  paraître,  de  Jean  Véron,  le  Réfonnateur 
Anglo-Français,  je  voudrais  au  moins  en  noter  ici  par  avance 
quelques-uns  des  résultais  nouveaux. 

Et  d'abord,  si  la  date  de  la  naissance  de  Véron  demeure 
encore  inconnue,  nous  savons  maintenant  qu'il  a  quitté  la 
France  au  plus  tard  en  1536  :  «  il  est  en  Angleterre  depuis 
plus  de  huit  ans  »  est-il  inscrit  dans  son  acte  de  naturalisation 
du  H  Juillet  1544;  naturalisation  demandée  et  obtenue  alors 
que  d'une  part,  à  la  suite  de  la  déclaration  de  guerre,  elle 
devenait  de  rigueur  pour  tout  étranger  séjournant  dans  les 
domaines  de  Henri  VIII,  et  que  d'autre  part,  François  I" 
accentuait  son  hostilité  contre  «  l'hérésie  »  et  accordait  aux 
inquisiteurs  et  aux  évêques  pleins  pouvoirs  pour  en  saisir  les 
adhérents. 

Nous  savons  de  plus  qu'après  un  stage  dans  l'un  des  col- 
lèges de  Cambridge  où  il  contracta  de  précieuses  amitiés  avec 
les  futurs  martyrs  Latimer  et  Ridiey,  il  pût,  muni  du  grade 
de  maître-ès-arts,  pourvoir  à  sa  subsistance  en  donnant  des 
leçons  de  latin,  et  peut-être  de  français,  à  des  «  enfants  de 
gentilshommes  »,  et  bientôt  entrer  comme  précepteur,  dans 
la  famille  de  sir  John  Yorke,  shérif  de  Londres. 

J'avais  cru,  et  écrit  à  tort,  qu'il  habitait  en  1550  Worcester, 
et  qu'il  y  était  «  sans  doute  pourvu  d'une  prébende  ».  Plusieurs 
de  ses  ouvrages  y  ont  été  imprimés,  et  il  est  permis  de  penser 
que  l'appui  spirituel  et  peut-être  matériel  de  l'évêque  La- 
timer n'ont  pas  été  étrangers  au  choix  de  celte  cité,  mais 
Véron  n'y  a  point  résidé  et  n'y  a  occupé  aucune  charge  ecclé- 
siastique, môme  à  titre  purement  honorifique.  C'est  dans  les 
environs  immédiats  de  la  capitale,  à  Hackney  et  dans  la 
maison  de  campagne  du  shérif,  à  Markes  (?)  qu'il  a  débuté 
dans  la  carrière  des  lettres  et  de  la  controverse. 


28  MÉLANGES 

Les  renseignements  des  Bibliographies  les  plus  récentes 
m'avaient  fait  attribuer  la  priorité  de  ses  publications  aux 
«  Cinq  abominables  Blasphèmes  contenus  dans  la  Messe  »,  traité 
qui  était  resté  introuvable.  Or,  un  exemplaire,  sans  la  page 
du  titre  il  est  vrai,  mais  qui  ne  saurait  laisser  subsister  aucun 
doute,  se  dissimulait  dans  un  recueil  de  la  Bibliothèque  de 
Lambeth.  Il  s'ouvre  par  ces  mots  :  «  Je  pensais,  ami  lecteur, 
avoir  fait  une  fin  d'écrire  contre  la  messe...  je  suis  forcé  d'in- 
tervenir encore  en  cette  matière  »,  allusions  qui  prouvent  que 
les  «  Certains  petits  Traités  pour  F  érudition  et  l'instruction  du 
peuple  simple  et  ignorant  »  avaient  déjà  paru.  De  ces  derniers 
je  n'avais  pu  donner  que  les  titres  *.  Le  premier  est  une  reven- 
dication de  l'autorité  souveraine  et  unique  des  Écritures,  le 
second  une  attaque,  à  propos  de  l'anthropomorphisme,  contre 
le  culte  des  images  ;  mais  c'est  à  la  condamnation  de  la  messe, 
prise  à  partie  dans  le  troisième  traité,  que  tend  tout  le  volume, 
destiné  par  Timpatient  Réformateur  à  agir  sur  le  roi  lui-même 
et  ses  conseillers,  et  à  emporter  de  haute  lutte  l'abolition  offi- 
cielle du  sacrement  catholique. 

Les  résistances  étaient  loin  cependant  de  céder.  On  accu- 
sait Véron  de  «  devancer  le  Roi  et  son  Conseil  ».  Il  reprit  donc 
sa  plume  la  plus  acérée  et  lança  son  second  ouvrage  «  les  cinq 
Blasphèmes  ».  C'est  bien  au  vieux  palais  archiépiscopal  de 
Lambeth,  la  résidence  de  Crammer,  qu'on  pouvait  espérer 
découvrir  ce  vibrant  écho  des  luttes  religieuses  du  passé.  Nous 
nous  bornerons  ici  à  indiquer  que,  selon  Véron,  la  messe  est 
un  blasphème  parce  que  :  1°  elle  porte  atteinte  au  sacerdoce 
éternel  du  Christ  auquel  on  substitue  le  prêtre  officiant; 
2»  qu'elle  efface  et  jette  dans  l'ombre  la  croix  et  la  passion  : 
Christ  nous  ordonne  de  nous  appliquer  le  bénéfice  de  son 
sacrifice  quand  nous  participons  spirituellement  à  son  corps 
et  à  son  sang  dans  les  saints  mystères  et  quand  nous  enten- 
dons et  recevons  fidèlement  sa  parole;  3^  elle  bannit  de  la 
mémoire  la  mort  du  Christ,  la  messe  étant  un  sacrement  nou- 
veau et  opposé;  4"  elle  enlève  les  fruits  de  cette  mort,  car  qui 


i.  Bull.  XXXIX,   /i.'î'J.   Il  y  en  a   un  exemplaire  à  la    Bodleian   library 
d'Oxford  et  le  British  Muséum  en  possède  maintenant  un  autre. 


MÉLANGES  29 

aura  confiance  dans  le  pardon  de  ses  péchés  s'il  voit  tous  les 
jours  s'accomplir  sous  ses  yeux  un  sacrifice  nouveau  ?  5°  elle 
efface  la  Cène  du  Seigneur. 

Les  traductions  d'écrits  deZwingle  et  de  Bullinger  sont  de 
la  même  époque,  mais  j'avais  confondu  les  derniers  dont  il  y 
a  trois  et  non  deux;  ils  ne  reproduisent  d'ailleurs  qu'une 
partie  des  dialogues  du  Réformateur  suisse  contre  les  Anabap- 
tistes. Les  préfaces  dont  Véron  les  a  accompagnées,  surtout 
celle  de  Ylmage  des  deux  Pasteurs,  dédiée  au  protecteur 
Somerset,  mériteraient  d'être  relevées,  en  raison  des  allu- 
sions à  la  crise  spirituelle  que  traversait  l'Angleterre  et  à 
l'impulsion  vers  le  Protestantisme  que  noire  auteur  eut  voulu, 
de  la  part  des  gouvernants,  moins  lente  et  plus  énergique. 
Je  signalerai  aussi  le  curieux  compte  rendu  «  de  visu  et 
auditu  »  de  la  rencontre  et  de  Penlretien  de  Hooper,  évoque 
de  Gloucester,  un  des  plus  fermes  partisans  des  idées  nou- 
velles et  du  Docteur  Cole,  un  de  leurs  plus  persistants  adver- 
saires. 

Nous  pouvons  enregistrer  la  date  précise  de  l'arrestation 
de  Véron  sous  la  reine  Marie;  il  fut  enfermé  à  la  Tour  de 
Londres  le  16  août  1553,  et  n'en  sera  sorti  probablement  qu'à 
l'avènement  d'Elisabeth,  mais  la  perte  du  registre  d'écrou  de 
cette  année  nous  en  enlève  la  certitude.  Dans  mes  précédents 
articles  je  n'avais  pu  que  mentionner  la  Forte  défense  du 
mariage  des  Prêtres.  Ce  traité  marque  la  reprise  de  sa  double 
activité  :  il  s'agissait  pour  lui  désormais,  non  de  se  contenter 
de  renverser  les  erreurs  auxquelles  «  Albion  »  était  trop  facile- 
ment revenue,  mais  encore  d'édifier  le  protestantisme  anglican 
sur  une  base  évangélique  indestructible.  Le  dialogue  entre  le 
vrai  Chrétien  et  Robin  le  papiste  est  le  moins  aride  de  ses 
écrits  :  il  a,  faut-il  l'avouer,  une  allure  d'une  familiarité,  nous 
dirions  presque  pour  certains  passages  d'une  grossièreté 
contrastant  avec  la  gravité  du  sujet,  mais  qui  n'en  ont  pas 
moins  été  intentionnels.  S'attaquant  de  front  au  célibat  des 
prêtres,  encore  très  respecté  du  grand  nombre,  hautement 
prôné  du  haut  des  chaires  restées  en  partie  catholiques,  et 
même  plutôt  encouragé  par  l'Elisabeth,  Véron  espérait,  en 
retenant   ainsi  en  éveil  l'attention   de   ses    auditeurs,    leur 


30  MÉLANGES 

rendre  son  enseignement  à   la  fois  plus  accessible  et  plus 
acceptable. 

Quelques-unes  de  ces  plaisanteries  au  trop  gros  sel  ne 
laissent  point  que  de  déparer  la  «  chasse  au  Purgatoire»,  titre 
que  je  dois  traduire  plus  exactement  par  le  Pourchassement  à 
mort  du  Purgatoire.  C'est,  non  le  premier,  mais  le  second 
recueil  des  sermons  dialogues  prêches  par  lui  en  plein  air 
au  carrefour  de  la  Croix  de  Saint-Paul,  mais  il  contient 
l'analyse  de  ce  premier,  perdu  jusqu'ici,  et  qui  se  composait 
paraît-il,  de  trois  parties  :  l'orateur  prouvait  d'abord  «  parles 
Écritures  et  par  de  fortes  raisons,  que  l'eau  et  le  pain  bénits, 
la  consécration  du  feu,  l'apposition  des  cendres,  les  cierges 
de  la  Chandeleur,  l'encens,  et  autres  cérémonies  étaient 
dinvenlion  humaine,  sans  la  parole  de  Dieu  et  empruntées 
parfois  au  Paganisme;  ensuite  que  le  serment  contre  l'évèque 
de  Rome  prêté  sous  Henri  VIII  et  Edouard  VI,  était  des  plus 
légitimes,  et  que  la  rétractation  sous  Marie  équivalait  à  un 
parjure;  enfin  que  les  Écritures  et  la  parole  de  Dieu,  ainsi  que 
les  Pères  de  l'Église  primitive,  ne  connaissent  que  deux 
sacrements.  » 

Le  Traité  de  la  Prédestination  forme  comme  la  clef  de  voûte 
de  la  théologie  de  Véron  ;  il  fut  suivi  de  ceux  du  Libre-Arbitre 
et  du  Renversement  de  la  Justification  par  les  œuvres;  nous 
les  avons  analysés  tous  trois  précédemment.  Le  dernier 
contient  une  curieuse  digression  sur  la  possibilité  ou  non 
d'une  différence  de  degrés  entre  les  béatitudes  d'oulre- 
tombe,  sur  celles  des  anges  et  de  la  Vierge  elle-même. 

Cette  question  brûlante  de  la  Merge  et  du  culte  à  lui  rendre 
ou  à  lui  refuser,  revient  dans  le  dernier  recueil  des  dialogues 
dont  je  n'avais  pu  parler  en  connaissance  de  cause,  la 
Forte  Batterie  contre  V idolâtre  invocation  des  Saints  décédés 
et  contre  la  conservation  et  le  placement  des  Images  dans  la 
maison  des  prières  ou  dans  tout  autre  lieu  oii  il  y  a  quelque 
danger  d'Idolâtrie.  La  Bibliothèque  du  Protestantisme  fran- 
çais, avec  le  traité  de  la  Prédestination,  possède  également  un 
exemplaire  de  cette  curieuse  étude  où  sont  présentées  qua- 
rante objections  catholiques  contre  la  suppression  des  hon- 
neurs rendus  aux  Saints  et  du   recours  à  leur  intercession; 


MÉLANGES  31 

objections  dont  les  réfulalions  fortement  argumentées, 
appuyées  par  des  textes  nombreux  et  bien  choisis,  n'ont 
point  perdu  toute  leur  valeur  après  plus  de  trois  siècles  de 
controverses. 

La  dernière  publication  de  Véron,  V Apologie  ou  défense  de 
la  doctrine  de  la  Prédestination  fut  remise  en  lumière,  et  son 
nom  retentit  à  nouveau  soixante  ans  après  sa  mort,  dans  les 
débats  du  procès  de  Laud  sous  Charles  1"...,  puis  le  silence  se 
fit  sur  lui  et  sur  ses  écrits.  Nous  connaissons  aujourd'hui 
tous  ceux  cités  dans  les  Bibliographies  modernes,  sauf  son 
Dictionnaire.  L'édition,  dont  quelques  rares  exemplaires  se 
sont  conservés,  est  celle  refondue  par  R.  Waddington 
en  1575  et  1584,  et  restreinte  au  latin  et  à  l'anglais  avec  sup- 
pression du  français  de  l'originale  :  Véron  avait  pris  pour 
base  de  son  travail  le  Dictionariolum  pueroriim  de  Robert 
Estienne. 

Il  reste  à  retrouver  le  premier  recueil  de  ses  sermons  dia- 
logues, qu'il  a  désigné  sous  le  nom  de  premier  jour  de  son 
vrai  Bouclier,  et  encore  la  date  de  la  naissance  du  Sénonais 
qui,  en  tête  de  ses  Pieux  dires  des  Anciens  Pères  sur  le 
Sacrement  du  corps  et  du  sang  de  Christ,  dans  des  vers  naïfs 
composés  en  octobre  1548,  mais  publiés  seulement  en  1550, 
réclamait  l'indulgence  de  ses  lecteurs  «  étant  né  et  ayant  été 
élevé  en  France,  qui  est  si  éloignée  de  l'Angleterre.  » 

F.  DE  SCHICKLER. 


UN   ECONOME   INFIDELE 

M'  IL  D.  Guyot,  ancien  vice-président  du  tribunal  à  Gro- 
ningue,  nous  communique  un  extrait,  dont  il  est  l'auteur, 
du  Gron.  Volksalmanach  (Almanach  populaire  de  Groningue), 
relatant  la  carrière  peu  édifiante  d'un  Groningois,  Gérard 
Hendrich  ten  Berge,  ancien  receveur  de  sa  province,  «  éco- 
nome très  infidèle  »,  et  qui,  condamné  dans  son  pays 
pour  détournement  des  deniers  de  l'Etat,  se  réfugia  en 
France  en  1686,  s'y  fit  catholique  et  n'en  fut  pas  moins 
honoré   des  bontés  du    roi   Louis  XIV   ou   plutôt   les   dut 


32  MÉLANGES 

plus  que  probablement  à  son  changement  de  religion,  sans 
que  ses  méfaits  antérieurs  judiciairement  constatés  eussent 
éveillé  la  méfiance  de  ce  souverain.  Cette  histoire  est  donc 
la  contre-partie  de  celles  que  le  Bulletin  raconte  si  souvent 
à  ses  lecteurs.  C'est  à  ce  titre  que  nous  la  résumons. 

Ce  ten  Berge  naquit  à  Groningue  en  1644.  Son  père  fut 
treize  fois  bourgmestre  de  cette  ville  de  1659  à  1682.  C'est 
en  1666  que  lui-même  devint  rentmeester,  c'est-à-dire  rece- 
veur des  rentes  immobilières  de  la  province,  fonction  qu'il 
remplit  jusqu'en  1683,  Elu  raadsheer  ou  conseiller  à  la  fin  de 
la  même  année,  il  devint  membre  de  l'Amirauté  à  Amsterdam 
en  1685.  Il  vivait  sur  le  pied  d'une  grande  aisance,  maison  à  la 
ville  et  maison  à  la  campagne. 

Mais  quand  on  examina  ses  comptes,  on  découvrit  qu'il 
restait  à  percevoir  la  somme  considérable  de  204,000  florins  * 
provenant  d'anciennes  créances  non  libérées.  Une  commis- 
sion fut  chargée  d'en  faire  rentrer  le  montant,  mais  elle  se 
heurta  aux  déclarations  des  fermiers  qui  prétendaient  pour 
la  plupart  avoir  payé  ce  qu'on  leur  réclamait.  L'enquête, 
poursuivie  avec  diligence,  démontra  que  leurs  allégations 
étaient  généralement  fondées.  L'ex-premier  commis  de  l'ex- 
receveur  déclara  qu'il  avait  mainte  fois  fait  observer  à  son 
patron  qu'  «  il  y  allait  avec  trop  de  sans-gêne  ».  Cité  devant 
la  Commission,  ten  Berge  recourut  à  des  moyens  de  chi- 
cane, à  des  exceptions  dilatoires  tendant  à  transformer  en 
affaire  civile  à  débattre  entre  lui  et  les  fermiers  ce  qu'on  lui 
reprochait  comme  dilapidation  des  deniers  de  lEtat  confiés 
à  sa  gestion.  Puis  il  fit  le  malade  pour  se  dispenser  de  re- 
venir devant  la  Commission.  Les  médecins  invités  à  vérifier 
ses  dires  rapportèrent  qu'ils  l'avaient  trouvé  en  très  bonne 
santé.  Ten  Berge  n'en  croyait  pas  moins  qu'un  changement 
de  climat  lui  serait  très  désirable.  Pendant  ces  pourparlers, 
il  réalisait  sa  fortune  mobilière,  cachait  ses  livres  de  comptes 
chez  un  particulier  qui  les  remit  plus  tard  à  la  Commission, 
et  disparaissait.  Quand  la  Commission,  de  plus  en  plus  étonnée 

1.  A  2  Ir.  10,  valeur  moyenne  du  florin,  cela  représente  environ 
■428,400  fr.,  qu'il  faudrait  quintupler  au  moins  pour  en  apprécier  la  valeur 
utile  de  nos  jours. 


MÉLANGES  33 

de  ces  procédés  suspects,  lui  dépêcha  à  Amsterdam  un  mes- 
sager exprès  pour  le  citer  devant  elle,  il  fut  et  demeura 
introuvable. 

Les  États  trouvèrent  la  plaisanterie  mauvaise.  La  Com- 
mission reçut  Tordre  de  poursuivre  Tenquôte  jusqu'au  bout 
et  il  fut  statué  qu^une  chambre  spéciale,  présidée  par  le 
stathouder  Henri-Casimir  d'Orange-Nassau  et  composée  de 
plusieurs  autres  dignitaires  auxquels  la  Commission  serait 
adjointe,  connaîtrait  des  manœuvres  criminelles  imputables 
à  ten  Berge  et  déciderait  des  mesures  à  prendre  contre  lui, 
si  sa  culpabilité  était  définitivement  démontrée. 

Quand  ten  Berge  vit  que  les  choses  menaçaient  de  tourner 
au  tragique,  il  prit  la  fuite  sans  qu'on  pût  savoir  d'abord  où  il 
s'était  réfugié. 

Un  mandat  d'arrêt  fut  lancé  contre  lui  avec  son  signale- 
ment* et  une  prime  fut  promise  à  celui  qui  fournirait  à  la 
force  publique  le  moyen  de  l'arrêter. 

Après  les  délais  prescrits  par  la  loi  contre  les  accusés  lati- 
tants,  ten  Berge  fut  déclaré  contumace. 

Deux  lettres  saisies,  l'une  d'un  ami  qui  lui  écrivait  à  l'a- 
dresse de  Henricus  Mons  (trad.  latine  de  Hendrich  ten  Berge) 
à  Paris,  l'autre  de  son  gendre,  fournirent  la  preuve  qu'il  avait 
pris  la  route  de  Paris.  Celle-ci  énonce  déjà  la  prévision  qu'il 
compte  s'adresser  à  la  Cour  de  France  et  qu'il  ne  pourra 
profiter  de  la  faveur  qui  lui  sera  peut-être  accordée  qu'en 
trahissant  sa  patrie  et  sa  religion. 

Ten  Berge  n'en  était  pas  encore  là.  De  Paris  il  continuait 
ses  efforts  pour  que  l'affaire  où  il  était  impliqué  fût  classée 
au  civil,  il  pressait  sa  famille  d'agir  dans  le  même  sens  et 
même  promettait  beaucoup  d'argent  à  ceux  qui  pourraient 

1.  On  sera  peut  être  curieux  de  le  connaître.  «  Un  peu  au-dessus  de 
40  ans;  petit  et  <^ros;  chieveux  plats  châtains,  mais  portant  aussi  per- 
ruque; visage  épanoui  et  lar^^e;  bouche  plate;  menton  lari^e;  à  la  mâ- 
choire supérieure  deux  dents  larges,  les  autres  longues;  parlant  vite  avec 
linéique  bredouillement;  le  col  et  les  bras  courts;  la  poitrine  et  les 
épaules  larges;  les  mains  i)etites,  grosses,  larges  et  ridées;  gros  mol- 
lets; pieds  longs  et  plats;  marchant  vite,  excepté  qu'il  s'avance  les  or- 
teils un  peu  en  dedans  ».  —  Il  faut  reconnaître  qu'aux  Pays-Bas  les  si- 
gnalements au  xvii"  siècle  étaient  précis  et  renseignaient  bien. 

LI.  -  3 


H4  MÉLANGES 

amener  celte  transformation  juridique  à  laquelle  il  attachait 
le  plus  grand  prix. 

Sa  famille  Taida,  en  effet,  dans  les  négociations  qui  s'ou- 
vrirent; elle  s'engagea  même  à  fournir  une  caution  de 
50,0()0  florins  en  sus  de  la  valeur  de  ses  biens  personnels, 
pour  qu'il  pût  revenir  plaider  sa  cause  en  personne.  Les 
Etats  acceptèrent,  mais  salva  actione  criminali,  c'est-à-dire 
que  la  poursuite  au  criminel  serait  éventuellement  reprise. 

Ten  Berge  revint  en  effet  à  Groningue,  ajoutant  à  son  pre- 
mier système  de  défense  l'allégation  qu'il  élait  victime  de 
haines  personnelles.  Il  y  eut  encore  entre  lui  et  l'accusation 
des  débats  qui  n'auraient  pour  nous  aucun  intérêt.  Qu'il  nous 
suffise  de  savoir  que,  voyant  derechef  ses  efforts  impuis- 
sants et  sa  culpabilité  démontrée,  il  prit  de  nouveau  précipi- 
tamment la  fuite.  De  nouveau  déclaré  contumace  et  jugé 
comme  tel  d'après  la  législation  en  vigueur,  il  fut  condamné 
à  mort  pour  vol  des  deniers  de  l'Etat,  pour  faux  en  écritures 
publiques,  parjures,  violences  et  corruption  (19  janvier  1687). 

L'affaire  traîna  encore  assez  longtemps  au  point  de  vue 
pécuniaire  et  ne  put  être  liquidée  qu'avec  pertes  pour 
l'État  et  la  famille  du  condamné  qui  s'était,  comme  nous 
l'avons  vu,  portée  garante.  Au  lieu  des  125,926  florins  aux- 
quels on  avait  consenti  à  réduire  la  dette  de  l'ancien  rece- 
veur envers  l'État,  on  n'en  put  réunir  que  71,078.  Cette  perle 
élait  d'autant  plus  regrettable  que  la  province  passait  par  un 
moment  de  grande  pénurie  et  qu'on  avait  à  soulager  les  mi- 
sères de  nombreux  réfugiés  français. 

C'est  encore  à  Paris  que  ten  Berge  s'était  rendu.  Nous  sa- 
vons par  deux  notes  émanées  de  l'ambassade  hollandaise  et 
conservées  aux  archives  du  royaume  à  La  Haye  que  cette 
fois  il  n'hésita  pas  à  acheter  les  faveurs  du  gouvernement  de 
Louis  XIV  en  abjurant  le  protestantisme.  Il  avait  été  marié 
deux  fois  en  Hollande.  Il  se  remaria  en  troisième  noces,  avec 
une  dame  de  Gemi,  de  Rennes.  Sa  mère,  qui  par  commisé- 
ration lui  faisait  une  rente  annuelle  de  5,000  livres,  cessa  de 
la  lui  servir  quand  elle  connut  son  abjuration  dont  elle  devi- 
nait trop  bien  le  motif.  Mais  il  tenait  du  roi  une  pension  an- 
nuelle de  1,200  livres  qu'il  conserva  jusqu'à  sa  mort,  qui  eut 


MÉLANGES  35 

lieu  le  30  avril  IG99.  Il  fut  enicrrc  dans  réglise  de  Sl-l'<:iicnnc- 
.  du-Mont. 

Il  faut  ajouter  un  épisode  important  et  assez  curieux  de 
son  séjour  en  France.  Un  nommé  Reynier  Tinnebaci<,  fils 
d'un  négociant  de  Rotterdam,  d'abord  négociant  lui-même  à 
Nantes,  avait  fondé  à  Saumur  en  1070  une  grande  raffinerie 
de  sucre  avec  les  30,000  florins  constituant  la  fortune  de  sa 
femme  Marie  van  Bullestraten.  11  faisait  d'heureuses  affaires, 
quand  fut  édictée  la  Révocation  de  l'Édit  de  Nantes  en  1085. 
Redoutant  la  persécution,  bien  qu"il  eût  pu  exciper  de  sa 
qualité  d'étranger,  il  s'enfuit  à  Rotterdam  avec  sa  famille. 
Sur  quoi  le  roi  fit  saisir  et  confisqua  la  raffinerie  de  Saumur 
sans  autre  forme  de  procès.  C'est  en  vain  que  les  proprié- 
taires légitimes  réclamèrent  par  l'entremise  de  l'ambassa- 
deur hollandais  contre  cette  confiscation.  La  guerre  éclata 
bientôt  entre  la  France  et  les  Provinces-Unies  (1688-1689). 
Aussitôt  le  roi  fit  un  don  gracieux  de  la  raffinerie  au  sieur 
ten  Berge,  Les  Tinneback  ne  cessèrent  toutefois  de  reven- 
diquer leurs  droits,  et  en  1698,  quand  la  paix  fut  rétablie, 
bien  que  Reynier  fût  mort,  sa  veuve  et  ses  héritiers  ayant 
introduit  un  appel  auprès  du  Conseil  du  roi  ^  obtinrent  enfin 
gain  de  cause,  et  ten  Berge  fût  obligé  de  rendre  à  la  veuve 
l'établissement  créé  par  son  mari.  II  dut  même  payer  les  frais 
de  Tinstance.  Est-ce  le  dépit  qu'il  en  éprouva  qui  hâta  sa  fin, 
puisqu'il  mourut  l'année  suivante?  Nous  l'ignorons. 

On  ne  sait  pas  non  plus  très  bien  à  quoi  il  avait  employé 
les  sommes  considérables  qu'il  avait  détournées.  M.  Guyol  a 
découvert  seulement  en  examinant  les  pièces  du  procès  qu'il 
avait  l'habitude  de  payer  ses  dettes  privées  avec  l'argent  de  la 
caisse  publique  dont  il  était  l'administrateur,  son  cocher,  sa 
servante,  ses  jardiniers,  etc.  Cela  pouvait  et  devait  l'entraîner 
loin.  Cela  prouve  aussi  que  le  contrôle  des  finances  provinciales 
était  bien  défectueux,  mais  il  n'en  est  pas  plus  excusable. 

De  quelques  détails  contenus  dans  les  notes  de  l'ambassade 
hollandaise,  on  peut  conclure  que  ten  Berge  se  présenta  en 


"1.  Les  arrêts  du  Conseil  du  roi  uc  renl'ermcrnicnt-ils  pas  une  trace  de 
ceUe  affaire? 


36  MÉLANGES 

France  comme  un  haut  personnage,  revêtu  de  fonctions  de 
premier  ordre  et  obligé  de  quitter  sa  patrie  parce  quMl  vou- 
lait embrasser  le  catholicisme.  Il  semble  avoir  réussi  à  dissi- 
muler la  véritable  cause  de  son  expatriation.  Dans  un  mo- 
ment où  les  cartes  se  brouillaient  de  plus  en  plus  entre 
Louis  XIV  et  les  Provinces-Unies,  il  dut  acquérir  ainsi  de 
vives  sympathies  dans  la  société  catholique  et  à  la  Cour. 
C'est  ce  qui  expliquerait  la  faveur  lucrative  dont  il  fut  le  bé- 
néficiaire par  ordre  du  roi.  Il  serait  à  présumer  qu'on  sut  en- 
fin dans  le  Conseil  royal,  saisi  des  réclamations  persistantes 
des  Tinneback,  à  quel  homme  véreux  on  avait  affaire  et  que 
le  roi  lui-même  eut  quelque  regret  de  s'être  montré  si  géné- 
reux envers  un  concussionnaire  de  cette  trempe. 

Reste  pourtant  la  rente  annuelle  de  1^200  livres  qu'il  con- 
tinua de  lui  octroyer.  M.  Guyot  soupçonne,  et  sa  supposition 
ne  manque  pas  de  vraisemblance,  que  le  malheureux  s^était 
rendu  utile  au  roi  en  lui  fournissant  des  renseignements  sur 
ce  qui  se  passait  dans  sa  patrie  et  notamment  sur  les  protes- 
tants français  qui  étaient  venus  y  chercher  un  asile  *. 

A.   RÉVILLE. 


UN   MONOGRAMME   SYMBOLIQUE   HUGUENOT 
La  «  Fermesse  ». 

Je  voudrais  signaler  aux  collectionneurs  et  aux  curieux  un 
monogramme  qui,  d'origine  antérieure  et  profane  d'ailleurs, 
paraît  avoir  été  adopté  par  les  huguenots   comme  un   signe 

i.  11  parait  bien  que  nombre  de  réfugiés  en  Hollande  lurent  longtemps 
poursuivis  par  la  crainte  (ju'une  invasion  nouvelle  des  aimées  du  roi, 
plus  heureuse  que  celle  de  1688,  n'attirât  sur  eux  ou  leurs  enfants  de 
nouvelles  persécutions.  C'est  pourquoi  plusieurs  d'entre  eux  hoUandisè- 
rent  leur  nom.  Des  Leblanc  devinrent  des  De  Wit;  des  Leroy,  des 
De  Koning ;  des  Dumont,  des  van  der  Berg.  En  hollantlais  de  n'a  rien  de 
commun  avec  ce  (jue  nous  appelons  la  particule.  C'est  simplemenl  l'équi- 
valent de  noire  article  le.  Le  nom  du  général  boer  Villioen  (pron.  Vilioun) 
n'est  autre  chose  <|ue  notre  nom  Villon  transformé  par  la  i^rononcialion 
néerlandaise.  (Trad.) 


MÉLANGES  37 

secret.  Il  s'agit  de  TS  barré  ou  fermé  signifiant  Fermesse 
(fermeté^.  M.Fr.  Godefroy  cite,  dans  son  Dictionnaire  de  Van- 
cienne  langue  française  le  passage  suivant  des  Emblèmes  et 
devises  d'amour  du  poète  Papon,  c[ui  disi)ense  de  plus  longs 
commentaires  : 

Fermesse,  donl  l'amour  peint  un  chiffre  d'honneur, 
Commune  en  l'escriture  et  rare  dans  le  cueur. 
Tes  liens  en  vertus  les  fidelles  asseurenl. 
Mais  ainsi  que  ta  forme  est  d'un  arc  mis  en  deux, 
Le  désir  inconstant  froisse  et  brize  les  neudz 
Cependant  que  tes  mains  la  fermesse  figurent. 

On  rencontre  l'S  barré  sur  des  jetons  de  Catherine  de  Bour- 
bon, duchesse  de  Bar.  Sur  l'un  d'eux,  daté  de  1600,  le  symbole 
en  question  est  représenté  par  un  serpent  debout,  dont  la 
queue  rejoint  la  tête  et  figure  assez  bien  l'S  barré.  Le  serpent, 
emblème  de  la  prudence,  estentouré  de  deux  palmes  croisées 
et  surmonté  d'une  couronne  qui  rappelle  sans  doute  le  texte  : 
Tiens  ferme  ce  que  tu  as  afin  que  nul  ne  te  ravisse  ta  cou- 
ronne... {XpocAU,  II).  Autour,  la  devise  IMPERSVASIBILIS, 
allusion  évidente  à  la  résistance  courageuse  que  la  prin- 
cesse opposait  aux  tentatives  de  conversion  dont  elle  était 
l'objet  à  la  cour  de  Nancy. 

Je  trouve  encore  PS  barré  sur  la  reliure  d'un  volume  de  Pion- 
sard  offert  en  présent  par  le  médecin  huguenot  et  champe- 
nois Jacques  de  Verdaveyne. 

Récemment  j'ai  constaté  la  présence  du  même  mono- 
gramme plusieurs  fois  répété,  dans  la  décoration  intérieure 
du  château  de  Montbras,  situé  aux  bords  de  la  Meuse,  près 
de  Vaucouleurs,  et  construit  entre  1596  et  1610  par  Claude 
de  Verrières  et  sa  femme  Louise  des  Salles,  d'une  famille 
béarnaise  (V.  France  protestante,  2*"  édit.,  art.  Des  Salles). 
M.  de  Chanteau,  qui  a  restauré  avec  beaucoup  de  goût  cette 
demeure  seigneuriale  et  en  a  fait  une  excellente  description 
dans  une  Notice  historique  sur  le  Château  de  Montbras  (Pa- 
ris, Lemerre,  1885),  écrit  (p.  75)  : 

a  L'S  barré,  c'est-à-dire  traversé  d'un  simple  trait,  élait-ii. 


38  CHKONIQUE    LITTÉRAIRE 

à  Monlbras  un  jeu  de  mot  signifiant  fermesse,  synonyme  de 
fermeté,  qui  se  lit  chez  les  vieux  auteurs  : 

où  est  la  promesse 

Que  me  faisiez  icy,  de  si  grande  fermesse? 

signification  que  ce  signe  avait  vraisemblablement  pour 
Jeanne  d'Albret  (M.  Ad.  de  Longpérier  cite,  dans  VAthe- 
nœum  français,  1856,  des  exemples  de  l'S  barré  employé 
par  Jeanne  d'Albret  et  par  Catherine  de  Navarre);  c'est  ce 
que  nous  ne  saurions  décider.  Il  est  certain  que  si  parfois  la 
barre  de  l'S  a  une  valeur  particulière  [fermesse],  puisque 
plusieurs  personnages  dont  le  nom  ne  commençait  pas  par 
un  S,  Habert  de  Montmort  par  exemple,  ont  joint  ce  signe 
à  leur  monogramme,  dans  d'autres  cas,  au  contraire,  il  faut 
admettre  qu'elle  n'a  pas  ce  sens.  Une  longue  lettre  d'Henri  IV 
dont  il  a  été  publié  un  fac-similé  fournit  une  preuve  irrécu- 
sable du  sens  de  fermesse  attribué  à  ce  signe  (X'oir  A.  Bou- 
venne  :  Les  monogrammes  historiques  d'après  les  monuments 
originaux,  dans  l'Académie  des  Bibliophiles,  1870)  ». 

H.  Dannreuther. 


CHRONIQ.UE  LITTERAIRE 


L'œuvre  de  Calvin,  d'après  M.  F.  Brunetière.  —  Autres  notes  biblio- 
graphiques sur  Calvin.  —  Le  temple  d'Aumessas.  —  Le  Protestan- 
tisme dans  le  pays  de  Caux  et  à  Bordeaux. 

On  dirait  décidément  que  l'ombre  de  Calvin  liante  M.  F.  Brune- 
tière :  11  débute  il  y  a  quatre  ou  cinq  ans  par  imputer  au  Réforma- 
teur des  sentiments  et  des  doctrines  qu'il  n'a  jamais  professés;  il 
essaye  ensuite  d'établir  par  prétérilion  qu'il  n'occupe  dans  la  litté- 
rature française  qu'une  place  négligeable.  Naguère,  après  avoir 
apprécié  son  œuvre  littéraire  comme  on  a  pu  le  voir  dans  la  dernière 
livraison  de  ce  recueil  (1901,  p.  658  et  s.),  il  a  éprouvé  le  besoin 
d'aller  critiquer  le  Réformateur  —  oh!   beaucoup  plus  courtoise- 


CHRONIQUE    LlTTÉRAiHE  3*J 

ment  —  à  Genève  même  !  Il  a  donc  cherché  à  y  donner  une 
conférence  sur  1  œuvre  de  Calvin.  Celle  conférence  a  été  prononcée 
le  17  décembre  dernier  au  Victoria  Hall  de  Genève,  devanl  un  audi- 
toire de  plus  de  2000  personnes  et  a  eu  un  très  grand  succès  de 
curiosité.  Pour  que  nos  lecteurs  puissent  se  faire  une  opinion  aussi 
exacte  que  possible  sur  ce  petit  événement,  nous  empruntons  à 
notre  confrère  de  la  Semaine  religieuse  de  Genève  (n"  du  21  déc. 
1901),  M.  F.  Chaponnière,  le  résumé  du  discours  de  l'académicien 
qu'il  a  pris  la  peine  de  rédiger.  Ce  résumé  est  un  chef-d'œuvre  en 
son  genre,  peut-être  supérieur,  et  par  la  concision  et  par  la  netteté 
logique  du  fond,  au  texte  que  M.  Brunetière  a  lui-même  écrit  et  fait 
insérer  dans  le  journal  des  Débats  qui  a  paru  à  Paris  le  soir  où  il 
parlait  à  Genève,  mais  qui  porte  la  date  du  18  décembre  1901  *.  ^ 
Nous  commençons  donc  par  laisser  la  parole  à  M.  F.  Brunetière 
sténographié  par  M.  F.  Chaponnière,  puis  nous  prendrons  la  liberté 
de  présenter  quelques  remarques  historiques  et  critiques  : 

«  On  peut  regretter  la  rupture  de  l'unité  chrétienne  sans  témoi- 
gner de  la  haine  ou  de  l'horreur  pour  la  Réforme,  sans  outrager  la 
mémoire  ou  rabaisser  le  caractère  des  Piéformateurs,  ce  que  Von  a 
fait  trop  souvent.  Il  nous  importe  à  tous,  catholiques  ou  prolestants, 
de  ne  pas  admettre  qu'on  se  détache  de  notre  religion  pour  des 
motifs  moins  purs  et  moins  désintéressés  que  ceux  pour  lesquels 
on  s'y  rattache.  Nous  n'avons  pas  le  droit  d'atlribrer  aux  actes  de 
Calvin  d'autres  raisons  que  les  raisons  d'ordre  moral  qui  ressorlent 
de  son  œuvre  et  que  sa  vie  ne  dément  point.  N'invoquons  donc 
point  contre  lui  les  griefs  faux  et  souvent  calomnieux  d'un  zèle 
maladroit  !  » 

Cet  exorde  achevé,  M.  Brunetière  a  commencé  par  dire  quelques 
mots,  —  ne  fût-ce  que  pour  écarter  ce  triple  sujet,  —  de  l'œuvre 
littéraire,  théologique  et  politique  du  Réformateur  de  Genève. 

L'œuvre  littéraire  de  Calvin,  l'orateur  l'a  déjà  déclaré  ailleurs, 
c'est,  à  ses  yeux,  un  des  plus  grands  monuments  historiques  de  la 
prose  française.  Si,  comme  l'a  avancé  Bossuet,  le  style  de  cet  écri- 
vain est  triste,  s'il  manque  un  peu  de  relief  et  de  couleur,  il  est 
plein  de  mouvement,  de  vie,  d'autorité  dialecUque.  \.' Institution 
chrétienne  a  été  la  première  œuvre  de  cette  envergure  i^ubliée  en 

1.  Voir,  outre  la  Semaine  religieuse  du  21  décembre,  encore  celles  <lu 
28  décembie  et  du  11  janvier  19(i2,  le  Christianisme  au  XX"  siècle  du 
27  décembre  et  du  10  janvier  l')0l-l'K)2,  la  Foi  et  la  Vie  du  1"  janvier, 
les  Z)£'i<3/i- des  18  et  2!  décembre  l'.tOI  et,  nalurellemenl  les  journaiiN  el 
revues  suisses. 


40  CHRONIQUE    LITTÉRAIRE 

français.  Avant  Calvin,  l'on  contait  et  l'on  chantait  déjà  dans  notre 
langue,  mais  c'est  lui  qui  a  prouvé  qu'elle  supportait  la  pensée  et 
le  raisonnement.  L'âpreté  de  conviction  du  Réformateur  allait 
jusqu'à  l'invective  et  à  l'injure,  mais  elle  a  eu  une  grande  puissance 
de  propagande,  car  le  Français  attache  une  importance  inquiétante 
aux  qualités  de  forme,  et  il  semble  que  sa  pensée  toujours  flottante 
soit  à  la  merci  du  talent. 

Quant  à  Vœiivre  théologique  de  Calvin,  M.  Brunetière  craindrait 
d'être  trop  incompétent  pour  la  juger.  Il  tient  cependant  à  dire  une 
chose,  au  risque  de  scandaliser  quelques-uns  des  assistants.  De 
toutes  les  doctrines  du  Réformateur,  celles  qui  lui  paraissent  le 
plus  vraies  et  le  plus  profondes  sont  celles  qui  répugnent  le  plus  à 
l'esprit  contemporain.  Calvin,  par  exemple,  a  de  fortes  et  inou- 
bliables expressions  pour  marquer  la  perversité  naturelle  de 
l'homme,  sa  bassesse  foncière,  dont  nous  ne  pouvons  sortir  que 
par  un  secours  d'En  haut.  M.  Berthelot  s'imagine  que  nous  serons 
bientôt  semblables  à  des  dieux.  Calvin,  au  moins,  comme  Pascal, 
comme  Montaigne,  ne  croit  pas  à  la  bonté  naturelle  de  l'homme, 
ne  croit  pas  que  nous  ayons  à  nous  enorgueillir  dans  l'ivresse  de 
notre  liberté  :  il  croit,  lui,  que  la  volonté  nous  a  été  donnée  pour 
édifier  la  vertu  sur  la  ruine  de  nos  instincts.  Quant  à  la  prédestina- 
tion, les  théologiens,  protestants  ou  catholiques,  n'ont  point  encore 
éclairci  la  matière.  II  faut  cependant  observer  ceci  :  ce  sont  les 
stoïciens,  les  calvinistes  et  les  jansénistes,  c'est-à-dire  les  penseurs 
qui  ont  le  plus  exalté  le  rôle  de  la  grâce  ou  du  destin,  qui  ont  en 
même  temps  le  plus  fortement  trempé  la  volonté  humaine.  Le  péla- 
gianisme,  qui  atténue  la  puissance  du  péché,  affaiblit  d'autre  part 
notre  liberté  morale.  <i  Je  sais  donc  gré  à  Calvin,  conclut  l'orateur, 
d'avoir  été  l'un  des  tenants  de  la  prédestination  et  de  la  grâce, 
doctrines  opposées  à  la  confiance  dans  les  forces  naturelles  de 
l'individu.  » 

Enfin,  Vœiivre  politique  de  Calvin  réclamerait,  pour  être  bien 
appréciée,  un  volume  tout  entier.  Son  défaut  évident  a  été  la  con- 
fusion de  la  politique  et  de  la  morale.  On  a  reproché  à  Bossuet  sa 
Politique  tirée  de  VÉcriture  Sainte;  mais  le  dernier  livre  de  V Insti- 
tution chrétienne  tombe  dans  la  même  erreur.  Il  faudrait  une  longue 
dissertation  pour  établir  le  départ  voulu  entre  les  droits  de  l'État 
et  ceux  de  l'individu,  entre  les  devoirs  qu'on  peut  imposer  par  la 
force  et  ceux  dont  l'accomplissement  doit  rester  volontaire  et  dont 
Dieu  seul  peut  nous  demander  compte.  Aussi  le  conférencier  n'in- 
sistera-t-il  pas  plus  sur  ce  sujet  que  sur  les  précédents. 


GHROiVlQUE    LITTÉRAIRE  41 

M.  Brunetière,  en  effet,  a  voulu  nous  parler,  non  des  œuvres,  mais 
de  l'œuvre  de  Calvin.  Si  le  Uéformaleur  n'avait  été  qu'un  grand 
écrivain,  un  théologien  subtil  ou  un  politique  austère,  il  ne  se  serait 
pas  élevé  au-dessus  des  hommes  de  second  ordre  :  son  œuvre  ori- 
ginale, essentielle,  c'est  d'avoir  renouvelé  le  concept  même  de  la 
religion.  Depuis  les  temps  apostoliques,  toute  la  chrétienté  avait  eu 
une  manière  commune  de  concevoir  la  religion,  façon  dont  les 
grecs,  les  ariens  ne  s'étaient  pas  plus  écartés  que  les  catholiques 
latins,  façon  que  les  luthériens  eux-mêmes  avaient  en  partie  con- 
servée. Mais  là  où  Calvin  a  exercé  son  action,  l'attitude  de  l'homme 
vis-à-vis  de  Dieu  a  changé  :  le  novateur  a  intellectualisé,  aristocra- 
tisé  et  individualisé  la  religion. 

Il  l'a  intellectualisée.  Une  puissance  qui  avait  jusqu'alors  exercé 
sa  prise  sur  l'homme  tout  entier  ne  s'est  plus  adressée  qu'à  l'intel- 
ligence, en  faisant  fi  de  l'imagination  et  des  sens.  Certaines  pra- 
tiques superstitieuses  ou  prétendues  telles,  l'intercession  des  saints 
et  de  la  Vierge,  le  culte  relatif  des  images  et  des  reliques,  les  pèle- 
rinages aux  lieux  saints,  pratiques  qui  servaient  aux  petits,  aux 
femmes,  aux  enfants  comme  un  acheminement  à  des  conceptions 
plus  hautes,  ont  été  abolies  par  Calvin.  A  la  forme  populaire  de  la 
religion,  il  a  substitué  une  religion  pour  hommes  seuls,  une  reli- 
gion raisonnable,  raisonnée,  rationnelle,  tirant  ses  preuves,  non  de 
ses  effets  consolants,  de  sa  concordance  avec  notre  nature  ou  des 
caractères  du  Dieu  révélateur,  mais  de  la  littéralité  de  son  rapport 
avec  les  textes  ou  de  la  solidité  de  son  édifice  logique.  M.  Brune- 
tière se  permet  de  le  regretter.  La  foi  peut  établir  ce  que  l'intelli- 
gence ne  peut  atteindre.  Une  religion  dont  toutes  les  vérités  se 
démontrent  n'est  pas  une  religion;  il  y  manque  le  sentiment  du 
mystère,  de  l'inconnaissable,  de  notre  insuffisance,  et,  si  le  cœur 
est  ce  que  nous  avons  de  plus  noble,  il  y  manque  cet  amour  sans 
lequel  la  foi  n'est  qu'une  cymbale  retentissante.  Dans  le  calvinisme, 
la  mentalité  de  chacun  de  nous  devenant  la  mesure  de  la  croyance, 
chacun  a  le  droit  et  le  devoir  de  cesser  de  croire  au  moment  où  il 
ne  comprend  plus.  C'est  au  nom  de  ce  principe  que  le  Réformateur 
de  Genève  a  repoussé  la  transsubstantiation  des  catholiques  et 
même  la  consubstantiation  de  Luther  :  il  raisonne  sur  la  Sainle- 
(^ène  comme  un  mathématicien  sur  un  cercle  ou  un  triangle.  Or,  si 
la  raison  pouvait  rendre  compte  du  mystère  de  notre  destinée,  per- 
sonne n'aurait  plus  besoin  de  la  religion. 

Calvin,  a  poursuivi  M.  Brunetière,  a  également  aristocratisé  la 
religion.  Les  républicains  de  Genève,  les  puritains  d'Angleterre  et 


42  CHRONIQUE    LITTÉRAIRE 

d'Ecosse,  les  presbytériens  d'Amérique  ont  toujours  été  une  élite 
et  se  sont  tenus  pour  tels.  L'orgueil,  généralement  reconnu,  des 
Anglo-Saxons  est  l'œuvre  du  Réformateur.  Les  calvinistes  se  sont 
envisagés  comme  une  espèce  à  part  dans  le  reste  de  l'humanité  : 
moins  ils  ont  été  nombreux,  plus  ils  se  sont  considérés  comme  les 
élus.  Dans  leurs  rangs,  les  ignorants  ne  sont  admis  que  pour  faire 
nombre  :  on  ne  veut  plus  de  la  «  foi  du  charbonnier  ».  Il  faut  que 
ceux  qui  veulent  être  religieux  commencent  par  s'instruire,  et  l'on 
fonde  pour  eux  des  écoles  et  des  académies.  Mais  les  autres,  aux- 
quels le  loisir  a  manqué,  que  deviendront-ils?  On  les  tiendra  pour 
des  chrétiens  inférieurs.  Cette  tendance  aristocratique  du  calvinisme 
est-elle  d'accord  avec  le  mouvement  qui  nous  emporte  vers  l'égalité 
des  conditions  sociales  et  la  réalisation  de  la  démocratie? 

En  troisième  lieu,  a  repris  M.  Brunetière,  Calvin  a  individualisé 
la  religion.  Avant  lui,  le  christianisme  appliquait  la  solidarité.  La 
prière  pour  les  morts,  l'intercession  des  saints,  la  dévotion  à  la 
Vierge,  le  sacrifice  de  la  messe,  les  indulgences,  la  réversibilité  des 
mérites,  le  vœu  de  pauvreté  des  moines,  les  lois  contre  l'usure,  les 
corporations  du  moyen  âge,  tout  tendait  à  ce  même  but.  On  se  pré- 
occupait sans  doute  du  salut  individuel,  mais  on  y  travaillait  en 
commun,  en  participation.  On  croyait  mériter  pour  les  autres  en 
imitant  les  saints,  en  priant  et  en  payant  pour  la  délivrance  des 
âmes  du  purgatoire,  en  sacrifiant  sa  vie  ou  sa  liberté  pour  la  con- 
version des  infidèles,  en  expiant  pour  les  pécheurs  au  moyen  de 
ses  austérités  ou  de  ses  sacrifices.  Or,  Calvin  en  abolissant  tous 
ces  usages,  a  transformé  la  religion  d'une  affaire  sociale  en  une 
affaire  individuelle.  La  religion  doit  pourtant  relier  les  hommes; 
on  ne  peut  être  seul  de  sa  religion,  pas  plus  que  de  sa  patrie  ou  de 
sa  famille.  Dans  l'ancienne  Église,  on  appelait  hérétique  celui  qui 
faisait  choix  d'une  opinion  particulière  pour  l'exprimer  à  l'encontre 
de  l'opinion  commune.  Calvin  a  jeté  dans  l'Eglise  un  dissolvant 
dont  il  a  voulu  plus  tard  arrêter  l'action  en  poursuivant  l'hérésie  et 
en  multipliant  les  confessions  de  foi,  mais  la  transformation  com- 
mencée est  allée  jusqu'au  bout  de  sa  course.  Les  dangers  de  l'indi- 
vidualisme sont  d'ailleurs  dénoncés  aujourd'hui,  à  Genève  même, 
par  les  pasteurs  protestants  qui  prêchent  le  christianisme  social. 
M.  H.  Appia  n'a-t-il  pas  proclamé,  le  13  mars  1900,  au  temple  de  la 
Fusterie,  que  la  préoccupation  trop  exclusive  du  salut  individuel 
avait  remplacé,  dans  les  cercles  religieux,  la  passion  primitive  pour 
le  règne  de  Dieu,  qu'elle  avait  fait  du  calvinisme  une  religion  de 
caste  et  qu'elle  pouvait  inspirer  un  égoïsme  subtil?  Quand  on  pose, 


CHRONIQUE    LITTÉRAIRE  43 

en  effet,  le  salut  personnel  comme  dépendant  du  libre  choix,  de 
l'initiative  privée,  les  meilleurs,  absorbés  par  cette  angoissante 
préoccupation,  gagnent  sans  doute  en  dignité  et  en  vertu,  mais 
risquent  de  glisser  peu  à  peu  dans  l'égoïsme.  On  a  appelé  Calvin 
le  précurseur  des  libertés  modernes,  mais  nous  avons  payé  trop 
cher  quelques-unes  de  ces  libertés,  et  ce  n'est  point  un  esclavage 
que  de  vivre  dans  la  dépendance  de  Dieu  et  la  solidarité  avec  tous 
les  hommes. 

Après  avoir,  dans  la  deuxième  partie  de  sa  conférence,  vigou- 
reusement critiqué  l'œuvre  de  Calvin,  M.  Brunelière  s'est  attaché, 
dans  une  troisième  et  dernière  partie,  à  montrer  que  le  catholi- 
cisme, toujours  habile  à  absorber  en  lui-même  ses  propres  héré- 
tiques, avait  su  s'approprier,  dans  les  limites  de  l'orthodoxie,  les 
éléments  les  plus  acceptables  du  mouvement  réformateur.  Au 
xvii*  siècle  l'Église  de  France  fit  un  effort  extraordinaire  pour  con- 
cilier la  raison  et  la  foi;  elle  donna  aussi,  dans  son  culte,  plus  de 
place  et  d'importance  au  sermon.  L'influence  du  calvinisme  fit 
désavouer  ou  rejeter  plus  d'une  superstition,  épurer  plus  d'une 
dévotion  populaire,  et  donner  à  la  religion  d'alors  cet  air  de  gra- 
vité qui  la  distingue  si  fort  de  la  Renaissance.  La  théologie  de 
Calvin  déteignit  même,  par  l'intermédiaire  de  Jansénius,  sur 
l'apologétique  de  Pascal,  qui  insiste  tant  sur  la  corruption  de 
notre  nature,  et  sur  celle  de  Bossuet,  qui  semble  avoir  em- 
prunté au  Réformateur  de  Genève  ses  développements  sur  la  l'io- 
vidence. 

Il  y  a  plus.  Tandis  que  le  mouvement  de  la  Renaissance  n'avait 
finalement  abouti  qu'à  une  restauration  du  naturalisme  païen,  c'est 
le  mouvement  de  la  Réforme  qui,  pour  le  plus  grand  bien  de  la 
civilisation,  a  combattu  et  enrayé  sa  marche,  l'obligeant  à  compter 
ou  à  composer  avec  le  christianisme.  En  individualisant  la  religion 
bien  plus  que  ne  le  faisait  Luther,  Calvin  a  imposé  le  problème 
moral  à  la  conscience  de  l'individu.  En  mettant  la  conformité  de  la 
conduite  avec  la  croyance  au  premier  rang  des  préoccupations  du 
chrétien,  il  a  rendu,  tant  à  la  cause  de  l'humanité  qu'à  celle  de  la 
religion,  un  service  inoubliable,  tant  et  si  bien  que  l'Église  s'est 
aussitôt  souciée  d'insérer  ce  progrès  dans  le  catholicisme.  Il  faut 
l'avouer  :  en  un  temps  où  la  papauté  même  subissait  trop  docile- 
ment l'influence  de  l'esprit  corrupteur  de  la  Renai.ssance,  Calvin  a 
jeté  les  leçons  de  son  Institution  chrétienne  en  travers  du  courant. 
L'orateur  lui  sait  gré  de  cet  effort,  bien  c|u'il  déplore  cjue  le  Réfor- 
mateur ait  consommé  sa  rupture  avec  Rome.  <■  .le  ne  crains  [)os. 


44  CHRON'IQUE    LITTÉRAIRE 

ajoute-t-il  éloquemment,  que  cet  aveu,  ni  d'ailleurs  aucun  autre, 
puisse  nuire  à  la  cause  que  je  soutiens  ici  !  » 

M.  Brunetière  a  terminé  en  résumant  sa  conférence.  L'œuvre  de 
Calvin,  conclut-il,  est  mêlée  de  bien  et  de  mal,  comme  toutes  les 
oeuvres  purement  humaines.  Au  reste,  le  calvinisme  semble  perdre 
aujourd'hui  de  son  empire,  et,  tandis  que,  parmi  ses  adhérents,  les 
uns  vont  à  la  libre  pensée,  les  autres,  ceux  qui  demeurent  chrétiens, 
sont  près  de  convenir  qu'une  religion  ne  saurait  être  ni  une  affaire 
purement  intellectuelle,  ni  une  chose  aristocratique,  ni  une  croyance 
individuelle.  «  Le  jour  où  ils  achèveraient  d'en  convenir,  il  y  aurait 
un  grand  pas  de  fait  vers  une  union  ou  une  réunion,  qui  ne  fut 
jamais  plus  nécessaire  qu'aujourd'hui.  » 


Je  n'insisterai  pas  sur  le  service  qu'une  étude  un  peu  moins 
superficielle  de  Calvin  a  rendu  à  M.  Brunetière  en  l'obligeant  à 
invoquer  contre  lui  autre  chose  que  «  les  griefs  faux  et  souvent 
calomnieux  d'un  zèle  maladroit*  ». 

Calvin  a-t-il  réellement  intellectualisé,  aristocratisé  et  individua- 
lisé \a.  religion?  Pour  répondre  à  cette  assertion,  il  faut  se  demander 
avant  tout  en  quoi  consistait  la  religion  de  son  temps.  La  religion  du 
moyen  âge  était  un  ensemble  de  croyances  et  de  pratiques  ensei- 
gnées et  au  besoin  imposées  par  l'Église,  unique  représentant  sur 
la  terre  de  Dieu,  de  Jésus-Christ,  et  interprète  infaillible  de  leur 
parole.  —  Ceux  qui  croyaient  ce  que  l'Église  leur  commandait  de 
croire  n'avaient-ils  que  ce  que  M.  Brunetière  appelle  «  la  foi  du 
charbonnier  »  ?  La  mère  de  Villon-  elle  même, 

Qui  rien  ne  scait,  oncques  lettres  ne  lut. 


i.  Et  je  croirai,  poui'  ma  part,  à  la  sincérité  de  cet  aveu  lorscju'aura 
disparu  du  texte  des  Provinciales,  des  Grands  écrivains,  la  phrase  calom- 
nieuse faussement  attribuée  à  Calvin  par  Faugère  et  que  M.  B.  y  a 
maintenue  de  propos  délibéré  (fîii//.,  i896,  5-10). 

2.  Assurément,  elle  est  touchante,  la  piété  naïve  de  la  mère  de  Villon 
qui  croit  au  paradis  et  à  Tenfer  peints  sur  les  parois  de  son  mouslicr  el 
s'écrie  : 

L'un  me  l'ait  peur,  l'autre  joie  et  liesse 
La  joie  avoir  fais  moi,  haute  Déesse... 

.l'avoue  toutefois  que  je  suis  plus  ému  encore  par  la  foi  de  la  mère  du 
cardour  .lean  I^eclerc  cjui,  le  voyant  llétri  au  front  d'une  fleur  de  lis 
ardente,  pour  avoir  publiquement  critiqué  une  bulle  d'indulgence,  s'écrie  : 
Vive  Jésus-Christ  et  ses  enseignes! 


CHRONIQUE    LITTÉRAIRE  ^tb 

n'avail-elle  que  celle  foi,    ne   croyait   elle  que   par  ce  ciu'on    lui 
avait  appris  à  croire?   La  foi  du  charbonnier  idéale,  c'est-à-dire 
qui  croit  sans  se  rendre  compte,  exisle-l-elle  ?  Même  là  où  la  foi  n'est 
que  la  répétition  quasi   machinale  de  sentiments,  actes  et  gestes 
reçus,  est-elle  véritablement  dépourvue  d'éléments  intellectuels  ?  Il 
suffit  d'un  peu  de  réflexion  pour  comprendre  que,  même  ceux  qui 
savent  le  moins /70«r^»oj  ils  croient  ont,  pour  employer  une  expres- 
sion de  M.  Brunetière,  «  des  raisons  de  croire  »,  soit  en  l'objet  de 
la  foi,  soit  en  ceux  qui  la  leur  enseignent,  (^es  raisons  sont  plus  ou 
moins  justes,  bonnes,  raisonnables,  mais  aux  yeux  de  ceux  qui  s'en 
contentent,  et  c'est  là  Vessentiely  ce  sont  des  raisons.  Donc  la  foi  pro- 
prement dite  existe  rarement  sans  un  élément  intellecluel  plus  ou 
moins  conscient.  —  Calvin  n'a-t-il  fait  consister  la  foi  que  dans  cet 
élément  intellectuel?  Telle  est,  si  je  ne  fais  erreur,  la  vraie  question. 
Son  enseignement  revient-il  à  dire  :  Tu  ne  croiras  que   si  tu  et 
ce  que  tu  comprends?  Poser  ainsi  la  question,  c'est  la  résoudre, 
car  personne,  pas  même  M.  Brunetière,  ne  soutiendra,  par  exemple, 
que  Calvin  ait  eu  la  prétention  de  supprimer  ou  d'éclaircir  tous  les 
mystères  du  christianisme  ou  de  la  religion  en  général.  Dans  la 
Semaine  littéraire  de  Genève  du  28  décembre  1901,  notre  collabo- 
rateur Ch.  Borgeaud  a  cité  sur  ce  point,  avec  beaucoup  d'à-propos, 
cet  extrait  topique  de  la  plus  ancienne  confession  de  foi  de  Genève  : 
«  Il  ne  fault  pas  estimer  que  la  foy  chrestienne  soit  une  nue  et 
«  seule   cognoissance   de    Dieu,    ou    intelligence  de   l'Escripture, 
«  laquelle  voltige  au  cerveau  sans  toucher  le  c»e»;-:  telle  qu'a  accous- 
«  tumé  d'estre  l'opinion  des  choses,  lesquelles  nous  sont  confirmées 
«  par  quelque  probable  raison.  Mais  c'est  une  ferme  et  solide  con- 
«  fiance  de  cœur,  par  laquelle  nous  arrestons  seurement  en  la 
«  miséricorde  de  Dieu  qui  nous  est  promise  par  l'Evangile.  » 

Si  l'on  veut  juger  équitablement  Calvin,  il  faut  rechercher  aussi 
dans  l'histoire  ce  qu'il  s'est  proposé.  —  Humaniste  avant  d'être  théo- 
logien, et  humaniste  de  premier  ordre  ainsi  qu'en  témoigent  son 
style  latin  et  sa  culture  classique,  Calvin  a  simplement  appliqué  à 
l'objet  de  la  religion  les  méthodes  de  l'humanisme.  Il  a  étudié  le 
christianisme,  non  seulement  dans  l'enseignement  traditionnel  de 
l'Église  de  son  temps,  mais  encore  dans  les  documents  originaux, 
dans  l'Écriture  sainte  dont  l'Église  catholique,  apostolique  et 
romaine  prétendait  être  l'interprète  infaillible.  Calvin  n'a  même  pas 
été  l'initiateur  de  cette  méthode  qui,  avant  lui,  avait  été  pratiquée 
par  Erasme,  Luther,  Zwingli.  Mais  il  a  eu  le  mérite,  grâce  à  Iclon- 
nante  pénétration  et  à  l'absolue  sincérité  de  son  esprit,  de  réduire 


46  CHRONIQUE    LITTERAIRE 

le  premier,  d'une  manière  claire,  élégante  et  convaincante,  tout 
l'enseignement  de  l'Écriture  en  un  système  logique  et  bien  coor- 
donné. Par  ce  seul  effort,  entrepris  peut-être  autant  pour  lui-même 
qu'en  faveur  des  hérétiques  ses  amis  qu'on  accusait  de  blasphème 
et  d'irréligion.,  ce  picard  de  27  ans  démontra  avec  une  irrésistible 
évidence  que  rhcrélique  c'était,  non  pas  celui  qu'on  brûlait  alors, 
mais  au  contraire  l'Église  qui  s'était  prodigieusement  écartée, 
séparée  de  l'enseignement  biblique  et  apostolique.  Pour  le  Réfor- 
mateur, comme  pour  le  pape,  la  Bible  était  alors  la  source  de  toute 
religion  vraie,  le  bloc  intangible  tombé  du  ciel,  sur  lequel  reposait 
l'Église  chrélienne.  Calvin  prétendait  ne  croire  que  ce  que  renfer- 
mait ce  bloc,  Luther  tout  ce  qu'il  ne  contredisait  pas  explicitement, 
tandis  que  le  pape  et  le  clergé  croyaient  tout  ce  qui,  dans  le  cours 
des  siècles,  s'y  était  ajouté  et  même  substitué. 

Je  me  demande  maintenant  :  En  faisant  cela,  Calvin  a-t-il  réclamé 
un  effort  intellectuel  plus  grand  que  celui  que  réclamai!  le  clergé  de 
son  temps?  On  a  répondu  :  Assurément,  puisqu'il  voulait  qu'on 
pût  au  moins  lire  et  par  conséquent  comprendre  la  Bible.  C'est  ce 
qui  fait  dire  à  M.  Brunetière  que  le  protestantisme  est  une  religion 
pour  hommes  seuls,  à  peu  près  aussi  exactement  que  nous  dirions 
du  catholicisme,  ce  n'est  que  la  religion  des  illettrés.  Or,  lorsqu'on 
ne  veut  pas  «  se  payer  de  mots  »,  on  trouve  qu'il  n'est  pas  beau- 
coup plus  difficile  de  lire  et  de  comprendre  la  Bible  que  le  livre 
de  messe,  de  croire  au  sacrifice  expiatoire  du  Christ  qu'au  sacrifice 
de  la  messe,  de  comprendre  la  prédestination  plutôt  que  le  purga- 
toire, de  se  fier  à  la  grâce  de  Dieu  plutôt  qu'à  l'intercession  de  la 
Vierge  et  des  saints,  etc.  etc. 

On  voit  que  lorsqu'on  serre  d'un  peu  près  tous  ces  raisonne- 
ments académiques,  on  découvre  qu'ils  ne  sont  guère  que  des 
paralogismes.  Je  dis  ils,  car  Calvin  arislocratisant  et  individuali- 
sant la  religion  est  à  peu  près  aussi  loin  des  faits  que  Calvin  l'in- 
tellectualisant. —  Je  trouve  même  qu'il  faut  une  certaine  audace 
pour  représenter,  à  Genève,  le  protestantisme  comme  une  religion 
aristocratique;  à  Genève,  dis-je,  où,  après  tout,  et  grâce  à  Calvin, 
la  religion,  comme  la  politique,  comme  toutes  les  manifestations 
de  la  vie  publique,  est  devenue,  non  l'affaire,  le  monopole  de  quel- 
ques-uns, d'une  caste  privilégiée,  d'un  clergé  seul  capable  de  con- 
duire les  âmes  et  d'en  répondre,  mais  l'affaire  de  tous  sans  excep- 
tion. Que,  grâce  à  ce  gouvernement  moral  et  religieux  de  tous  par 
tous,  les  protestants  soient  devenus  un  peu  partout  comme  une 
élite  intellectuelle,  politique  et  sociale,  cela  est  incontestable.  Mais 


CimONlQUE    LITTÉRAIRE  .'Cl 

cela  ne  signifie  nullement  que  les  réformateurs  aient  aristocratisc 
la  religion.  Cela  prouve  seulement  que,  acceptée  et  pratiquée  en 
connaissance  de  cause,  eWe  a  fait  des  hommes  conscients,  respon- 
sables et  indépendants,  c'est-à-dire  tout  autre  chose  qu'un  vulgum 
peciis  maintenu  dans  la  dépendance,  l'ignorance  et  la  tutelle  des 
classes  dirigeantes  et  bien  pensantes. 

Je  ne  suis  pas  moins  surpris  de  lire  que  M.  Brunclière  a  pu,  sans 
soulever  de  protestations,  déclarer  que  le  protestantisme  c'est  la 
préoccupation  exclusive  du  salut  individuel,  tandis  que  le  catholi- 
cisme c'est  la  religion  de  la  solidarité  et  que  ses  préoccupations 
solidaristes  éclatent  dans  la  prière  pour  les  morts,  l'intercession  des 
saints,  la  dévotion  à  la  Vierge,  le  sacrifice  de  la  messe,  les  indul- 
gences, la  réversibilité  des  mérites,  le  vœu  de  pauvreté  des 
moines,  etc.  —  Comment?  Le  catholique  est  solidarisle  parce  qu'il 
dit  au  pauvre  :  Tu  souffres,  tu  n'as  pas  le  nécessaire,  mais  si  sur  ce 
nécessaire  tu  prends  encore  une  bonne  part  pour  l'Eglise  et  si  tu 
l'humilies  dans  les  pénitences  qu'elle  t'imposera,  elle  priera  pour  que, 
dans  l'autre  monde,  toi  et  les  tiens,  vous  ne  souffriez  pas  plus  encore 
que  dans  celui-ci  !  Tu  es  pauvre  et  sans  appui,  mais  si  lu  pratiques  tout 
ce  que  l'enseigne  le  clergé  et  te  montres  bien  soumis  et  résigné,  il 
le  donnera  de  temps  en  temps,  de  son  abondance,  une  aumcuic  à 
lacjuelle  d'ailleurs  tu  n'auras  aucun  droit.  C'est  là  ce  que  M.  Bru- 
nclière appelle  la  solidarité,  c'est  là  ce  qu'il  oppose  victorieuse- 
ment à  la  multitude  des  œuvres  sociales  qui  ont  pris  naissance 
presque  toutes  dans  les  pays  prolestants'  et  qui,  à  Genève  en  par- 
ticulier, sont  si  nombreuses  qu'on  a  pu  dire  non  sans  vraisem- 
blance que  toutes  les  fois  qu'on  se  trouve  en  présence  de  trois 
Genevois,  on  est  en  présence  d'un  comité  pour  le  bien  public! 
Est-ce  que  les  grandes  œuvres  solidaristes  qui  s'appellent  l'aboli- 
tion de  l'esclavage,  la  Croix-Rouge  (qui  fonctionnait  déjà  à  Orléans 
dans  l'armée  de  Condé,  lors  de  la  première  guerre  de  religion),  la 
lutte  contre  l'alcoolisme  et  la  débauche  ont  pris  naissance  dans  les 
Etals  pontificaux  ou  autres  milieux  cléricaux? 

Assurément  plus  d'un  protestant  tombe  sous  le  reproche  de  feu 
M.  H.  Appia,  que  la  préoccupation  trop  exclusive  du  salut  indi- 
viduel a  remplacé  la  passion  primitive  pour  le  règne  de  Dieu  ".  Mais 
celte  préoccupation  elle-même   d'où  nous  vient  elle,  si  ce  n'est  de 

1.  Aloi's  qu'en  Espagne  cL  on  Italie  par  exemple,  les  innombrables  eoii- 
vents  ne  pratiquent  guère  la  soildarilé  (joe  sous  la  forme  de  l'aumône. 

'2.  Ce  (jui  n'cmpOche  pas  que  la  Revue  du  Clergé  français  elle-même 
reconnaît  (pie  les  missions  protestantes  ont    14,000  misHionnnircs  et  les 


48  CHRONIQUE    LITTERAIRE 

l'Église  qui  en  a  fait  le  centre  et  le  mobile  de  la  piété?  Car  la  con- 
fession, l'absolution,  les  messes,  les  indulgences,  les  pèlerinages, 
le  purgatoire,  etc.,  etc.,  n'ont  été  institués  que  pour  permettre  au 
chrétien  d'échapper  à  la  condamnation  qui  le  poursuit  dans  la  vie 
et  dans  la  mort.  Et  pour  tout  catholique  fidèle  et  pratiquant  c'est  si 
bien  le  but  principal  de  l'existence,  que  les  couvents  n'ont  pas 
d'autre'  origine. 

J'arrête  ici  ces  quelques  remarques,  en  souhaitant  que  M.  Bru- 
netière  étudie  de  plus  près  les  causes  profondes,  plus  profondes  et 
plus  durables  qu'il  ne  pense,  du  schisme  consommé  il  y  a  trois 
siècles.  Cette  étude  le  fera  certainement  avancer  dans  la  voie  d'une 
appréciation  plus  équitable,  dans  laquelle  la  préoccupation  de  ne  pas 
scandaliser  les  Genevois  lui  a  déjà  fait  faire  de  si  notables  progrès. 


Puisque  nous  parlons  de  Calvin,  citons  une  édition  totalement  in- 
connue d'un  de  ses  commentaires  qui  vient  d'être  retrouvée  et  iden- 
tifiée par  le  libraire  A.  Claudin  qui  l'a  signalée  et  décrite  dans  son 
dernier  catalogue  sous  le  n»  7715,  en  ces  termes  : 

«  Impression  protestante  d'Âlençon.  Commentaires  de  Jean  Calvin 
sur  la  Concordance  ou  Harmonie,  composée  des  trois  Evangélistes 
assavoir  Saint  Mathieu,  Saint  Marc  et  Saint  Luc,  item  sur  l'Évan- 
gile selon  Saint  Jean  et  sur  le  second  livre  de  Saint  Luc  dit  les  Actes 
des  Apostres.  S.  L.  (Alençon),  de  l'imprimerie  de  Robert  le  Crosnier, 
1564,  2  part,  en  1  vol.  in-fol.,  dem.-rel.,  mar.  brun.  250  fr. 

«  Alençon  est  une  des  premières  villes  de  la  province  de  Nor- 
mandie dans  lesquelles  les  idées  de  la  Réforme  aient  pénétré.  Dès 
1529,  un  imprimeur  de  Paris,  Simon  du  Bois,  s'y  établissait  sous  la 
protection  de  Marguerite  de  Navarre  et  publiait  le  Miroir  de  l'âme 
pécheresse  de  la  sœur  de  François  I*"^  et  d'autres  livres  de  propa- 
gande protestante  qui  eurent  pour  résultat  de  convertir  aux  doc- 
trines nouvelles  quelques  membres  du  clergé  alençonnois  et  une 
partie  de  la  bourgeoisie.  En  1563,  les  Protestants  devenus  très  nom- 
breux à  Alençon,  cautionnent  Maître  Joachim  de  Contrières,  impri- 
meur de  Caen,  d'une  somme  de  250  livres  qu'il  emprunte  «  pour 
l'aider  à  le  secourir  à  lever  estât  de  l'imprimerie  à  Alençon  »,  suivant 
acte  passé  devant  les  tabellions.  Le  23  septembre  1564,  de  Contrières 

catholiques  seulement  6,tK)0,  et  que  les  protestants  dépensent  pour  leurs 
missions  environ  150  millions,  alors  que  le  budget  des  missions  catholiques 
n'est  que  de  15  millions. 


CHRONIQUE    LITTÉRAIUE  49 

reconnaît  sa  clelte  qu'il  promet  à  ses  créanciers  d'acquitter  en  trois 
ans  et  «  pour  assurance  d'icelie  promesse...  a  promys  par  forme  de 
gaige  leur  bailler  et  meclre  aux  mains  dedans  ung  mois  d'aujour- 
d'hui ung  nombre  suffisant  de  livres  intitulés  VHannonye  ou  autres 
ayant  cours  jusques  à  la  valeur  dudit  principal  qui  en  pourront 
échoir  durant  lesdits  troysans  ».  Par  un  autre  acte  du  11  mars  1565, 
il  est  constaté  que  de  Contrières  a  remis  les  300  exemplaires  promis 
de  VHannonye  sur  les  Evangiles  et  actes  des  Apostres  «  es  présence 
de  Robert  Le  Crosnier,  imprimeur  ».  Ce  dernier,  qui  intervient 
ici,  était  l'associé  de  de  Contrières.  Un  acte  du  22  mars  1565  nous 
apprend,  en  effet,  que  de  Contrières  cède  à  Jacques  Legendre  son 
principal  bailleur  de  fonds  «  telle  part  et  portion  à  moitié  que  ledit 
de  Contrières  a  eu  (à)  l'imprimerie  estant  en  cette  ville,  tant  en  fontes, 
presses,  cases  et  autres  ustensils  appartenant  à  Testât  d'imprimeur, 
suivant  l'inventaire  signé  dudit  de  Contrières  et  dont  l'autre  moitié 
appartient  à  Maistre  Robert  Crosnier,  imprimeur  audit  Alençon  ».  — 
Il  ressort  des  documents  ci-dessus  que  les  Commentaires  de  Jean 
Calvin  sur  la  Concordance  ou  Harmonie  que  nous  cataloguons  ici 
sont  bien  VHannonye  visée  par  les  actes  du  tabellionnage  d'Alen- 
(jon  dont  nous  devons  la  connaissance  à  Mme  G.  Despierres  qui  les 
a  publiés  pour  la  première  fois  en  1894  ^  Sans  elle,  nous  n'aurions 
pu  identifier  cette  édition  qui  avait  disparu  et  que  l'on  croyait  tota- 
lement perdue,  comme  tant  d'autres.  —  Sur  le  titre  on  voit  une 
marque  d'imprimeur  inédite.  Elle  représente  le  globe  de  la  terre  au 
milieu  des  feux  de  l'espace  céleste,  du  soleil  et  des  étoiles  avec  cette 
devise  de  l'auteur^  :  «  Le  ciel  et  la  terre  passeront,  mais  mes  paroles 
«  ne  passeront  point  ».  —  Raccommodage  dans  le  coin  des  8  prem. 
feuillets;  quelques  lettres  ou  mots  du  texte  manquent  ». 

Nous  croyons  savoir  que  la  Bibliothèque  Nationale  a  acquis  cette 
rareté^. 

Enfin  nous  venons  de  recevoir  le  prospectus  accompagné  d"un 
bulletin  de  souscription,  d'une  traduction  des  commentaires  de  Cal- 
vin en  allemand.  Cette  traduction  qui  a  pour  but  de  rendre  Calvin 
accessible  aux  allemands  qui  ne  connaissent  ni  le  latin  ni  le  français 
paraîtra  sous  la  direction  de  M.  K.  Muller,  professeur  de  théologie 
à  l'université  d'Erlangen,  assisté  de  29  collaborateurs.  L'ouvrage 
doit  former  en  tout  14  volumes  grand  in-8",  dont  7  pour  l'Ancien  et 

1.  Cf.  Bull.,  1894,  611. 

2.  Celte  devise  n'est  autre  chose  qu'une  parole  de  .l.-C. 

3.  Qui  ligurait  en  lyy(5,  d'après  M.  Th.  Dufour.  dans  le  '.:5V  calai,  tle  la 
librairie  Baillieu,  n"  79,  au  prix  de  25  francs. 

Ll.  -  4 


50  CHRONIQUE    LITTÉRAIRE 

7  pour  le  Nouveau  Testament.  On  commencera  le  1*'  octobre  pro- 
chain par  le  Nouveau  Testament,  et  l'on  se  propose  de  faire  paraître 
tous  les  quinze  jours  une  livraison  d'environ  5  feuilles  d'imprimerie 
au  prix  d'un  mark  (1  fr.  25).  On  pense  que  l'ouvrage  ne  dépassera 
pas  une  centaine  de  livraisons.  On  souscrit  à  la  librairie  du  Erpe- 
hungsverein  à  Neukirchen  {Kreis  Moers). 

Le  prospectus  renferme,  outre  ces  détails,  une  recommandation 
du  professeur  Kàhler  de  Halle,  et  les  préfaces  aux  commentaires  de 
l'Ancien  Testament  par  M.  C.  d'Orelli  professeur  à  Bâle,  et  du  Nou- 
veau Testament  par  le  professeur  D.  S.  Goebel,  de  Bonn. 


Le  journal  l'Église  libre  du  3  janvier  1902  publie  le  texte  colla- 
tionné  par  notre  collaborateur,  ^L  F.  Teissier,  des  «  criées  et  en- 
chères »,  c'est-àdire  de  l'adjudication  faite  en  la  place  publique 
d'Aumessas,  le  16  janvier  1G39,  pour  la  construction  du  temple  pro- 
testant «  dans  une  pièce  jardin  acquize  par  le  corps  de  la  commu- 
naulté  dud.  Aumessas,  de  noble  Jacques  Dupont,  sieur  de  la  Rode, 
assise  au  terroir  du  Terron  j.  L'acte  renferme  une  description  som- 
maire de  l'édifice  à  élever,  de  ses  dimensions  et  des  matériaux  à 
employer.  Le  sieur  de  la  Rode  offrit  de  construire  ce  temple  au  prix 
de  1,200  livres  moins  le  prix  du  terrain  évalué  à  180  livres,  et  de  le 
livrer  achevé  le  1"  janvier  1640.  Après  plusieurs  enchères  en  cette 
place,  ainsi  que  «  autres  lieux  publics  dud.  Aumessas,  Campestret, 
la  Vialle  et  le  Cornier  »  (hameaux  d'Aumessas),  la  construction  fut 
adjugée  aud.  sieur  de  la  Rode  moyennant  la  somme  de  1,050  livres 
«  soubs  les  pactes  et  conditions  contenues  en  son  offre  ». 

Ce  temple  fut  démoli  par  jugement  de  Bâville  du  17  février  1685, 
mais  la  partie  inférieure  des  quatre  murs  subsiste  comme  enclos 
d'un  jardin  qui  se  trouve  «  au-dessus  du  chemin  qui  va  de  la  Viale 
à  Aumessas  »,  à  quelques  mètres  du  temple  actuel  bâti  en  1824-1825. 
Pendant  les  cent-quarante  années  qui  précédèrent  cette  dernière 
date,  le  culte  protestant  avait  été  célébré  en  plein  air,  «  sous  les 
châtaigniers  de  la  Rode,  dans  la  cour  du  château  du  Cornier  ou 
dans  celle  du  devant  de  la  maison  Nègre  à  la  Viale  ».  Chacune  de 
nos  Eglises  aussi  ancienne  que  celle  d'Aumessas  et  que  la  plupart 
de  celles  du  Gard,  devrait  posséder  sur  ses  anciens  lieux  de  culte, 
et  sur  ses  pasteurs,  des  renseignements  aussi  précis  que  ceux  que 
M.  F.  Teissier  a  recueillis  sur  celui  d'Aumessas  et  de  quelques 
autres  Eglises  cévenoles. 


CHRONIQUE    LITTÉRAIRK.  51 

Dans  le  Protestant  Je  Noruiaudie  du  5  Janvier  1902,  notre  colla- 
borateur, M.  Victor  Madelaine  a  commencé  à  publier  en  l'euillclon 
une  Histoire  du  Protestantisme  dans  le  pays  de  Caux,  le  Havre  et 
Dieppe  exceptés,  d'après  les  documents  rassemblés  et  les  notes 
recueillies  par  feu  M.  Emile  Lesens,  notes  que  M.  Madelaine  a  natu- 
rellement classées,  coordonnées  et  complétées. 

Le   vice-président    de    la    Société    archéolof^iqiic    de    Bordeaux, 

M.  Pierre  Meller,  va  publier  par  souscription  au   |)ri.\  de  3  francs 

un  vol.  in-8o  (imprimerie  générale,  rue  Saint-Siniéon,  IG,  Bordeaux), 

Intitulé  Les  familles  protestantes  de  Bordeaux,  d'après  les  registres 

de  l'état- civil  avant  1793;  il  contiendra  plus  de  800  actes  de  1675  à 

1793,  accompagnés  de  notes. 

N.  Weiss. 


Colbert  et  les  Protestants.  —  Famille  de  Conquérant. 
Mariage  de  Catherine  de  Bourbon. 

M.  H.  Jadart  donne  à  la  Revue  de  Champagne  et  de  Brie  (25»  an- 
née, p.  641  à  665),  un  intéressant  article  sur  les  deux  soeurs  de 
Colbert,  abbesses  de  Sainte-Claire  de  Reims.  La  sœur  aînée  du 
grand  ministre,  Claire  Colbert,  avait  un  protégé  protestant,  nommé 
Guérin,  qu'elle  recommande,  en  1669,  à  son  frère,  pour  les  fonc- 
tions de  consul  de  l'rance  à  Venise,  ce  qui  prouve  assurément  la 
largeur  d'esprit  de  l'abbesse.  Le  ministre,  il  est  regrettable  de  le 
constater,  affirme  des  sentiments  beaucoup  moins  libéraux,  et 
répond  à  sa  sœur  «  qu'il  observe  de  retrancher  aux  huguenots  tous 
les  emplois  qui  dépendent  de  lui  ».  On  nous  épargnera  peut-être, 
après  cette  citation,  d'entendre  citer  le  grand  Colbert  parmi  les 
adversaires  de  la  révocation  de  l'édit  de  Nantes,  «  mesure  si 
«  fâcheuse  —  remarque  avec  raison  M.  H.  Jadart  — ,  dont  il  ne 
devait  pas  voir  les  pitoyables  résultats  pour  la  prospérité  de  la 
France.  » 

Les  Annales  de  la  Société  historique  et  archéologique  du  Gâtinais 
contiennent  (1901,  p.  200-232)  une  notice  de  M.  Alf.  Charron  sur 
Gondreville-la-Franche  {Loiret),  et  notamment  sur  la  famille  de 
Conquérant,  qui  posséda  cette  seigneurie  aux  xvr'  et  xvii"  siècles, 
et  dont  plusieurs  membres  furent  protestants. 

M.  L.  Davillé  publie  dans  les  Annales  de  l'Est,  revue  trimes- 
trielle de   la  Faculté  des  lettres  de  Nancy  (1901,  n.  3,  p.  :W>-4:i<;), 


52  CORRESPONDANCE 

une  étude  très  documentée  sur  le  Mariage  de  Catherine  de  Bourbon 
(1599-1604).  Il  ne  manque  à  ce  laborieux  travail  qu'une  chose, 
malheureusement  essentielle,  la  compréhension  de  la  valeur  morale 
de  l'infortunée  princesse  et  un  grain  de  sympathie  dans  la  lutte 
d'où  elle  sortit  brisée,  mais  victorieuse.  La  fidélité  de  Catherine 
à  sa  foi  inspire  à  M.  Davillé  des  réflexions  qui  seraient  odieuses  si 
elles  n'étaient  banales  :  «  Catherine  de  Bourbon  était  morte,  victime 
de  l'obstination  dont  elle  avait  souffert  toute  sa  vie.  Sa  volonté  de 
rester  ferme  en  sa  religion  et  son  désir  d'être  mère  sont,  à  coup  sûr, 
de  nobles  sentiments;  mais  son  mariage  même  et  son  âge  les  ren- 
daient irréalisables;  elle  n'avait  pas  su  plier  sa  vie  à  ces  nécessités...» 
On  voit  que  les  droits  de  la  conscience  religieuse  ne  sont  pas  beau- 
coup mieux  traités  aujourd'hui  qu'il  y  a  trois  siècles  dans  le  pays 
où  l'égoïsme  d'Henri  IV  envoyait  souffrir  et  mourir  sa  sœur. 

H.  D. 


CORRESPONDANCE 


Notre  collaborateur  M.  H.  Dannreuther  nous  communique  les 
extraits  qui  suivent  du  Bulletin  mensuel  de  la  Société  des  Lettres... 
de  Bar-le-Duc,  du  18  novembre  1901  et  1"  janvier  1902. 

vn  monument  à  i.igier-Richier.  —  M.  le  maire  de  Saint-Mihiel 
a  adressé  «  à  diverses  notabilités  »  une  lettre-circulaire  que  les 
journaux  ont  reproduite,  au  sujet  d'un  monument  à  élever  à 
Ligier-Richier.  Déjà,  en  1836,  on  célébra  à  Sainl-Mihiel  le  troi- 
sième centenaire  du  Sépulcre,  qu'on  supposait  avoir  été  sculpté 
en  1536.  «  Ce  centenaire,  écrit  M.  l'abbé  Souhaut,  —  bien  hasardé 
«  quant  à  la  fixation  de  son  époque  —  n'eut  d'autre  cérémonial 
«  que  la  pose  d'un  marbre  mesquin,  sur  une  pierre  taillée  par  les 
«  maçons  de  la  ville,  et  l'érection  d'une  urne  aussi  pauvre  qu'insi- 
«  gnifiante,  puisque,  fondue  dans  le  moule  le  plus  simple,  elle 
«  demeure  éternellement  sèche  des  eaux,  que  deux  tuyaux  infé- 
«  rieurs  laissent  tomber  à  regret  dans  une  vasque  toute  commune. 
«  Ah!  non!  ce  n'est  pas  là  un  monument  élevé  à  la  gloire  des 
«  Richier!...  »  C'est  cette  borne-fontaine  que  M.  le  maire  de  Saint- 
Mihiel  souhaite  de  remplacer  par  un  monument  définitif  «  fixant 


CORRESPONDANCE.  53 

«  la  grande  figure  de  Richier  sur  le  sol  qu'il  a  illustré  par  son  tra- 
ce vail  créateur  », 

Si  louable  que  soit  la  pensée  de  glorifier  la  mémoire  de  notre 
imagier  saint-mihiélois,  on  ne  peut  se  défendre  de  quelques 
réfiexions.  D'abord  il  n'existe  aucun  portrait  authentique  de 
Ligier,  et  une  statue  serait  une  œuvre  de  pure  fiction.  De  plus, 
Ligier  n'a  pas  été  seul.  Son  fils  Gérard  (dont  il  existe  un  médail- 
lon), ses  petits-fils  Joseph,  Jean  et  Jacob  Richier,  d'autres  encore, 
ont  collaboré  à  l'œuvre  si  intéressante  de  l'Ecole  de  Sainl-Mihiel. 
Au  lieu  du  banal  hommage  d'une  statue  dont  le  moindre  défaut 
serait  de  donner  une  image  inexacte  de  notre  sculpteur,  pourquoi 
ne  créerait-on  pas  à  Saint-Mihiel  un  «  Musée  Richier  »  où  il  serait 
facile  de  réunir  des  moulages,  des  reproductions  photographiques 
ou  autres,  sans  parler  des  débris  originaux  dont  plusieurs  amateurs 
se  dessaisiraient  volontiers  en  faveur  d'une  collection  publique? 
Nous  nous  permettons  de  soumettre  cette  idée  au  comité  de 
patronage  de  Saint-Mihiel. 

Dans  un  mémoire  de  M.  Fourier  de  Bacourt  sur  Marguerite  de 
Savoie  et  la  Réforme  dans  le  Comté  de  Ligny  on  voit  que  dcs 
relations  étroites  avec  la  Champagne  en  général  et  le  pays  troyen 
en  particulier  amenèrent  au  début  du  xvi*  siècle  dans  le  comté  de 
Ligny  un  certain  nombre  de  familles  nobles  groupées  autour  des 
comtes  de  Luxembourg  devenus  seigneurs  de  Brienne,  et  plu- 
sieurs personnages  riches  qui  devinrent  ie  noyau  de  l'aristocratie 
locale.  C'est  à  un  gentilhomme  du  Bassigny,  marié  à  Troyes, 
Jean  d'Ambonville,  qu'Antoine  II  avait  confié  son  premier  né, 
Jean  de  Luxembourg;  c'est  un  bailli  de  Troyes,  gouverneur  du 
Bassigny,  Guillaume  de  Dinteville,  qui  commande  la  place  quand 
Charles-Quint  vient  mettre  le  siège  devant  Ligny;  c'est  à  des 
Champenois  de  marque,  les  La  Ferté,  les  Challettc,  les  Vassan, 
les  Fleury,  les  La  Planche,  les  d'Allichamps,  etc.,  que  les  comtes 
de  Ligny  attribuent  ou  font  atlribuer  les  places  en  vue  et  les 
seigneuries  vacantes.  Bon  nombre  de  ces  seigneurs  inclinaient 
plus  ou  moins  résolument  vers  les  idées  de  réforme  politique  et 
religieuse  qui  déjà  troublaient  la  France  et  que  la  noblesse  cham- 
penoise accueillait  en  général  avec  faveur,  mais  aucun  d'eux  ne 
songeait  encore  à  faire  montre  de  sentiments  qui,  plus  tard, 
devaient  se  manifester  publiquement.  Bien  plus,  lorsque  la  mort 
d'Antoine  II  de  Luxembourg  la  fit  seule  maîtresse  de  Ligny  et  de 
son  comté  (1557),  Marguerite  de  Savoie  —  et  le  fait  est  à  retenir  — 


54  COHHESPONDANCK 

semble  avoir  réservé  toutes  ses  faveurs  pour  des  familles,  non 
seulement  étrangères  au  pays,  mais  dont  les  membre  furent,  dans 
la  suite,  de  zélés  huguenots. 

Barrois  réfugiés  au  Cap  et  ailleurs.  —  Pendant  que  les  Boers 
sont  encore  l'objet  de  l'attention  générale,  il  n'est  pas  sans 
intérêt  de  marquer  les  noms  de  ceux  de  nos  compatriotes  qui 
vinrent,  il  y  a  deux  siècles,  se  joindre  aux  colons  hollandais  et 
français  dont  le  mélange  produisit  la  vaillante  race  que  nous 
entourons  d'une  sympathie,  hélas,  trop  stérile.  Après  la  révocation 
de  redit  de  Nantes  (1685)  plusieurs  familles  protestantes  du 
Barrois  émigrèrent  en  Suisse,  en  Allemagne,  en  Angleterre.  Dans 
leur  nombre,  on  trouve  un  cordonnier  de  Condé-en-Barrois  Jean 
Claudon  qui  se  réfugie  en  Hollande  et  qui,  le  29  janvier  1688 
s'embarque  pour  le  cap  de  Bonne- Espérance.  Son  arrivée  et  son 
établissement  y  sont  constatés,  le  18  avril  1690,  par  un  secours 
d'argent  qui  lui  est  accordé,  et  qui  prouverait  que  sa  fortune 
n'était  pas  encore  faite,  au  moins  à  cette  date.  Nous  ne  savons  s'il 
a  une  postérité  encore  existante  au  sud  de  l'Afrique.  D'autres 
membres  de  la  même  famille,  exerçant  aussi  le  métier  de  cordon- 
nier, comme  beaucoup  d'habitants  de  Condc,  se  fixèrent  à  Berlin, 
où  l'on  suit  leurs  traces  jusqu'à  la  fin  du  xvni"  siècle.  Ils  se  marient 
entre  eux,  avec  des  gens  de  Vaubecourt  ou  de  Velaines  réfugiés 
comme  eux,  et  quelques-uns  y  font  souche  (Reg.  de  la  colonie 
française).  Une  autre  branche  de  la  famille  Claudon  attendit  jus- 
qu'en 1732  pour  émigrer  et  se  dirigea  sur  Bâle  et  Neufchâtel, 
emportant  sur  deux  ânes  tout  son  modeste  avoir.  Les  descendants 
de  ces  réfugiés  habitent  encore  la  Suisse  française. 

H.  D. 


Oravure  du  siège  de  Ciiartres.  —  Dans  le  Bulletin  de  1897, 
p.  367  et  368,  nous  mentionnions,  à  propos  du  siège  de  Chartres 
par  Condé  en  1568,  l'existence  d'une  copie  allemande  de  la  gravure 
de  Tortorel  et  Perrissin  représentant  cet  événement.  Sous  cette 
gravure,  se  trouve  une  inscription  de  huit  vers,  que  faute  d'avoir 
eu  l'original  sous  les  yeux,  nous  avions  copiée  sur  une  assez  mau- 
vaise reproduction  phototypique  ;  nous  avons  commis,  par  suite  de 
celte  circonstance,  quelques  menues  erreurs  de  lecture,  qui  n'inté- 
ressent d'ailleurs  que  l'orthographe. 

Ayant  eu  la  bonne  fortune  de  mettre  la  main  sur  un  exemplaire 


CORRESPONDANCE.  :j.) 

de  la  gravure  elle-même,  nous  nous  faisons  un  devoir  de  rétablir 
rinscription  telle  qu'elle  y  figure  : 

Nachdem  Chartres  war  seher  beschossen, 
liant  die  Condeischen  sich  ontschlossen, 
Mitt  iren  Kriegern  wolgemut, 
Dran  zu  ^Yagen  ir  leib  und  gui, 
Mill  sturmender  faust  die  Slatt  angehen, 
Da  zu  sei  hic  in  ordnungh  stehen, 
Wirdl  loch  die  sach  zu  frid  verglichen 
Darumb  seint  sei  abgeweichen. 

Anno.  Dnj  M.D.LXVIII-jn  Martio. 

Henry  I.eiir. 


iVoces  d'argent  et  noces  d'or  s»  Tours  et  à  Sainte-Marie-aux- 
Mines.  —  Deux  de  nos  collègues  qui  sont  des  amis  de  notre  Société 
et  des  collaborateurs  de  son  Bulletin  ont  célébré,  dans  le  cours  de 
l'année  écoulée,  l'un,  le  cinquantenaire  ou  les  noces  d'or  de  son 
ministère  pastoral,  l'autre,  ce  que  nous  avons  appelé  ses  noces 
d'argent,  c'est-à-dire  les  vingt-cinq  années  de  son  ministère  dans 
la  même  Église. 

Cette  dernière  fête  a  eu  lieu  le  dimanche  14  avril  1901  à  Tours  où 
notre  ami,  M.  A.  Dupin  de  Saint-André,  était  entré  en  fonctions 
vingt-cinq  ans  auparavant,  en  avril  1S7G.  Toute  la  paroisse  et  de 
fortes  délégations  de  ses  annexes  et  des  autres  Églises  de  la  consis- 
toriale  ont  fait  à  leur  pasteur  et  collègue  la  surprise  de  le  remercier 
pour  le  passé  et  de  lui  apporter  avec  divers  témoignages  d'affection, 
leurs  vœux  pour  l'avenir.  On  trouvera  dans  le  Journal  de  VEglise 
réformée  de  Tours  de  mai  1901,  de  cette  belle  solennité,  un  compte 
rendu  complet  et  d'autant  plus  sympathique,  qu'il  émane  de  M.  E. 
Soulier,  gendre  du  jubilaire  et  pasteur  dans  le  Poitou. 

Le  cinquantenaire  ou  les  noces  d'or  ont  eu  lieu  au-delà  de  nos 
frontières  actuelles  à  Sainte-Marie-aux-Mines,  en  Alsace.  Un  des 
plus  anciens  membres  de  notre  Société,  qui  a  aussi,  jadis,  collaboré 
au  Bulletin  (xvii,  126,  216,  230;  xvni,  208;  xxxi,  526;  xxxii,  46), 
M.  G.-A.  Hoif,  pasteur,  depuis  plus  de  quarante  ans,  de  l'Eglise 
protestante  réformée  de  Sainte-Marie-aux-Mines,  et   président  du 


56  CORRESPONDANCE 

Consistoire,  a  eu  le  privilège,  le  22  octobre  dernier,  d'atteindre  son 
cinquantenaire  pastoral  au  milieu  des  membres  de  sa  famille  et  en 
présence  des  autorités  ecclésiastiques.  A  cette  occasion,  la  Faculté 
de  théologie  de  l'Université  de  Strasbourg  a  tenu  à  reconnaître  les 
services  pastoraux  et  littéraires  de  notre  collègue,  en  lui  décernant 
le  titre  et  le  diplôme  de  docteur,  honoris  causa.  La  rédaction  du 
Bulletin  le  prie  de  joindre  ses  cordiales  félicitations  à  toutes  celles 
qu'il  a  reçues  à  cette  occasion.  Et  elle  fait  des  vœux  pour  qu'après  avoir 
célébré  ses  noces  d'argent  avec  l'Église  de  Tours,  M.  A.  Dupin  de 
Saint-André  atteigne,  lui  aussi,  avec  l'aide  de  Dieu,  son  cinquante- 
naire pastoral. 

N.  W. 


Avis  concernant  les  Tables  alphabétiques  du  Bulletin  de  1901.  — 

Ces  Tables  sont  imprimées  depuis  plusieurs  jours  et  nous  comptions 
bien,  comme  de  coutume,  les  joindre  à  cette  livraison  qui  a  même 
été  retardée,  entre  autres,  pour  cette  raison.  Mais  M.  P.  Fonbrune- 
Berbinau  a  dû  s'absenter  au  moment  où  il  aurait  dû  corriger  les 
premières  épreuves.  Nous  les  joindrons  donc  à  la  livraison  de 
février.  {Réd.) 


Le  Gérant  :  Fischbacher. 


ô'JT?.  —  L.-linprimeries  léunies,  B,  rue  Saint-Benoit,  '.  —  Motteroz,  directeur. 


SOCIÉTÉ   DE   L'HISTOIRE 

DU 


PROTESTANTISME    FRANÇAIS 


Études  historiques 


LA  VIE   INTÉRIEURE   DU    PROTESTANTISME 

sous   LE    PREMIER    EMPIRE 

I 

Samuel  Vincent  dans  ses  Vues  sur  le  Protestantisme  en 
France^  en  quelques  lignes  où  la  sévérité  vajusqu'au  dédain. 
a  fait  ce  triste  tableau  du  protestantisme  pendant  la  période 
napoléonienne  : 

«  Après  la  Révolution  les  protestants  étaient  arrivés  à  un  repos 
profond  qui  ressemblait  beaucoup  à  l'indifférence.  La  religion 
n'occupait  qu'une  bien  faible  place  dans  leurs  idées,  comme  dans 
celles  du  plus  grand  nombre  des  Français.  Pour  eux  comme  pour 
beaucoup  d'autres,  le  dix-huitième  siècle  durait  encore.  La  loi  du 
18  germinal  an  X,  en  les  dispensant  eux  et  leurs  pasteurs,  de  toute 
sollicitude  pour  l'entretien  de  leur  culte,  était  venue  consolider  ce 
repos,  en  écartant  la  cause  la  plus  prochaine  du  trouble,  et  par 
conséquent  du  réveil.  Les  prédicateurs  prêchaient,  le  peuple  les 
écoutait,  les  consitoires  s'assemblaient,  le  culte  conservait  sesformes. 
Hors  de  là  personne  ne  s'en  occupait,  personne  ne  s'en  souciait,  et 
la  religion  était  en  dehors  de  la  vie  de  tous.  » 

Ce  jugement,  si  vrai  qu'il  puisse  être  en  un  certain  sens, 
pèche  par  excès  de  sévérité.  Certes  il  n'y  avait  alors  ni  grande 
vie  intérieure,  ni  réveil  des  âmes;  mais  il  ne  faut  pas  oublier 
que  les  événements  politiques  entraînaient,  captivaient  toutes 

I.  Vues  sur  le  Protestantisme  en  France,  par  J.-L.-S.  Vincent,  tome  2, 
p.  265. 

1902.   _  N»  -2,  l'évi-ier.  I.l.  —  ."• 


58  ÉTUDES    HISTOKIQUES 

les  passions;  que  les  prolestants  étaient  épars,  disséminés 
sur  toute  la  surface  du  pays,  presque  sans  liens  entre  eux; 
qu'une  dure  administration  leur  commandait  le  repos  et  le 
silence.  On  sortait  comme  d'un  songe  pénible  ;  rien 
n'existait,  tout  était  à  créer.  On  fit  beaucoup  et  l'on  fit  bien. 

La  plupart  des  Eglises  ne  possédaient  ni  temples  ni  écoles. 
De  nombreux  villages  n'avaient  pas  de  pasteurs;  un  seul 
devait  suffire  à  toute  une  contrée. 

Dès  les  premiers  jours,  pasteurs  et  troupeaux  se  mettent 
à  l'œuvre  avec  un  zèle  ardent.  Partout  on  rétablit  le  culte 
public  si  longtemps  délaissé  ;  on  s'impose  de  lourds  sacrifices, 
on  construit  des  temples  convenables;  le  gouvernement 
vient  en  aide,  donne  çà  et  là  aux  protestants  d'anciennes 
églises  catholiques,  des  chapelles  de  couvents  abandonnés, 
pour  remplacer  leurs  temples  détruits.  Sitôt  qu'ils  se  retrou- 
vent, ils  se  groupent.  Chercher,  réunir,  créer  des  centres 
d'édification,  c'est  la  grande  tâche  des  pasteurs.  En  1809, 
l'œuvre  est  très  avancée,  mais  loin  d'être  complète ^ 

Et  tout  cela  se  fait  avec  un  grand  entrain,  et  de  naïves 
espérances.  C'était  la  joie  d'une  renaissance  toute  matérielle 
il  est  vrai,  mais  réelle  pourtant. 

«  L'exercice  public  de  notre  culte  est  permis;  des  maisons  de 
prières  nous  sont  données;  partout  il  s'en  élève,  fîépondons  par 
un  généreux  dévouement  aux  grâces  dont  nous  comble  le  héros  que 
Dieu  a  rappelé  hors  d'Egypte  comme  autrefois  son  fils  pour  notre 
bonheur-.  » 

On  donnait  à  ces  inaugurations  de  temples  la  plus  grande 
solennité;  car  elles  étaient  l'affirmation  tangible  du  droit 
qu'avait  le  Protestantisme  de  vivre  et  d'être  protégé.  Le 
récit  de  l'inauguration  du  temple  de  Livron,  dans  la  Drôme, 
est  caractéristique  en  ce  sens  : 

«  Huit  mois  ont  suffi  au  zèle  ardent  du  Protestantisme  de  la 
commune  de  Livron,  pour  élever  un  très  beau  temple  :  tous  les 


1.  Voir  :  Almanach  des  Protestants  français  pour  l'an  de  grâce  1810. 

2.  Armand  Delille,  Discours  sur  le  rétablissement  de  la  religion,  prononcé 
le  15  Aoid  iyu6. 


ÉTUDES    HISTORIQUES  59 

fidèles  ont  rivalisé  de  soins,  d'efforts  et  de  sacrifices;  on  doit  surtout 
des  éloges  à  M.  Ma:;ade,  membre  du  Consistoire,  qui  a  fait  servir, 
avec  la  plus  ferme  persévérance,  son  temps,  ses  lumières  et  sa 
fortune,  à  la  réussite  de  celte  pieuse  entreprise.  La  dédicace  de  ce 
temple  fut  faite  le  6  août  1809,  par  M.  Armand  Delille,  président  du 
Consistoire  de  l'Église  réformée  de  Valence*,  etc.,  etc.  » 


II 


Durant  ces  quatorze  années  du  Consulat  et  de  l'Empire  le 
protestantisme  n'a  pas  d'autre  histoire  que  cellj  de  celte 
obscure  et  silencieuse  germination. 

Heureuses  de  la  protection  qui  leur  a  fait  leur  place  au 
soleil,  ces  jeunes  Églises  ne  comprennent  pas  même  toute 
l'étendue  de  leur  servitude.  Cette  servitude  est  pourtant  dure 
parfois.  —  La  seule  chose  qui  eût  pu  leur  donner  la  vie,  le 
synode,  les  assemblées  délibérantes  qui  jadis  leur  avaient 
donné  tant  de  gloire,  leur  furent  constamment  et  opiniâtrement 
refusées.  Le  droit  était  bien  reconnu  en  principe,  mais  jamais 
ni  Napoléon  ni  l'administration  impériale  ne  consentirent  à 
leur  en  accorder  la  réalité.  —  Elles  vécurent  donc  dans  l'iso- 
lement et  presque  dans  l'ignorance  les  unes  des  autres,  comme 
sans  pensée  commune,  sans  autre  vue  que  celle  de  l'hori- 
zon borné  où  s'exerçait  leur  activité  particulière,  et  sans 
moyen  efficace  d'en  sortir. 

L'administration  était  protectrice,  paternelle  môme,  aussi 
longtemps  que  le  protestantisme  se  renfermait  dans  les 
étroles  limites  qui  lui  avaient  été  tracées.  Les  marques  de  la 
faveur  impériale  ne  lui  firent  certes  pas  défaut.  Ses  pasteurs 
reçurent  tout  ce  qu'on  accordait  au  clergé  catholique  :  trai- 
tement convenable,  dispense  de  la  tutelle,  obligation  aux 
communes  de  les  loger,  franchise  de  correspondance,  mémo 
le  port  d'un  costume  particulier,  mais  la  forte  main  c|ui  tenait 
la  France  entière  dans  une  obéissance  tremblante,  les 
arrêtait  à  la  moindre  velléité  d'indépendance.  Ils  ne  pouvaient 
songer  ni  à  s'étendre  ni  à  propager  leur  doctrine.  La  moindre 

1.  Almanach  des  Protestants  pour  l'an  1810  {Annales  p.  '211). 


60  ÉTUDES    HISTORIQUES 

tentative  de  prosélytisme  eût  troublé  la  paix  de  l'empire. 
D'ailleurs  une  censure  rigide  prévenait  tous  les  écarts 
possibles  de  la  parole  et  du  livre. 

Les  sermons  mêmes  des  pasteurs  ne  pouvaient  être  impri- 
més qu'avec  la  permission  du  gouvernement.  Il  ne  paraît  pas 
que  cette  discipline  sévère  leur  eût  été  intolérable.  On  se 
contentait  de  peu,  dans  un  temps  où  il  n'y  avait  de  liberté 
pour  personne. 

Le  pasteur  Marron  dans  un  discours  sur  le  Rétablissement 
de  la  religion^,  a  dit  avec  une  grande  justesse  les  qualités  et 
les  vertus  qui  honoraient  alors  les  protestants  aux  yeux  du 
monde. 

«  Le  Protestantisme  est  l'opinion  religieuse  la  plus  recomman- 
dable  par  sa  simplicité,  et  qui  ne  donne  pas  au  gouvernement  la 
garantie  la  moins  assurée  aux  lois,  de  la  constante  pratique  des 
vertus  morales,  du  développement  de  l'industrie  et  des  talents  dans 
tous  les  genres.  » 

La  religion  n'était  en  effet,  pour  beaucoup  d'entre  eux, 
qu'une  opinion;  leurs  vertus  civiques,  vertus  d'ordre  et  de 
bonne  conduite  étaient  réelles;  et  leur  instruction  supérieure 
les  élevait  à  un  rang  honorable  dans  la  société  contemporaine. 

Leurs  mœurs  étaient  honnêtes  et  l'on  a  remarqué  que  la 
criminalité  était  chez  eux  moindre  que  partout  ailleurs.  Aussi 
jouissaient-ils  de  l'estime  générale.  Les  catholiques  eux- 
mêmes,  adoucis  par  une  commune  souffrance,  les  respec- 
taient :  «  Les  Protestants  aiment  la  vérité,  disait  M.  Lecoz, 
archevêque  de  Besançon-;  ils  désirent  que  Jésus-Christ  soit 
connu  et  que  sa  religion  devienne  la  religion  du  monde 
entier.  » 

«  Je  fais  foule,  écrivait  de  Nantes  le  pasteur  de  Joux  ', 
homme  de  sentiment  et  d'imagination  qui  penchait  vers  le 
mysticisme;  les  obstacles  à  vaincre  ont  enflammé  le  désir  de 
plusieurs;  mon  temple  qui  regorge  jusque  dans  la  rue,  est 
rempli  aux  trois  quarts  de  catholiques,  d'athées  et  de  déistes. 

1.  Service  solennel  d'action  de  grâce,  5  Floréal  an  X  (25  avril  IS02). 

2.  Lecoz.  Lettre  à  M.  de  Beaufort,  25  mai  1807. 

3.  Lettre  à  Rabaud  le  jeune. 


lÎTUDE.S    HISTORIQUES  61 

J'en  ai  fait  des  hommes  de  désir;  ils  ne  croient  poinl  encore 
mais  ils  éprouvent  le  besoin  de  chercher  l'objet  qui  remplira 
le  vide  immense  qu'ils  sont  parvenus  à  ressentir;  et  sans 
partager  encore  mon  opinion,  ils  sont  portés  à  venir  recevoir 
l'impression  centrale  et  vivante  qui  dévelo|)pc  en  eux  ce 
principe  divin  dans  lequel  consiste  la  seule  loi  ((ui  n'est  point 
une  créance  historique  ou  logique,  mais  bien  la  présence  de 
Dieu  en  nous,  d'où  résulte  la  vie  intérieure  et  éternelle... 
L'on  me  qualifie  dans  la  Vendée  d'évêque  protestant,  et  ici 
l'on  me  traite  comme  tel.  Je  vous  fais  honneur  de  la  chose, 
car  mon  évêché  est  de  votre  conception  et  de  votre  façon.  » 
Par  contre  le  pasteur  Marron  accuse  de  tiédeur  les  membres 
de  son  troupeau*. 

«  Quand  je  pense  à  l'habituelle  désertion  de  nos  temples,  à 
l'infréquence  de  ceux  qui,  dans  nos  solennités  périodiques,  accourent 
à  nos  saints  mystères,  à  notre  superficielle  instruction  dans  les 
vérités  de  la  foi  et  à  l'insouciance  de  l'éducation  dans  cette  partie  si 
essentielle,  oh  !  pourrais-je  ne  pas  avoir  honte  de  nous  !  » 

Cette  note  dans  son  exagération  rhétorique,  doit  être  au 
fond  plus  juste  que  celle  qu'a  donnée  le  pasteur  de  Joux.  Un 
autre  auteur  contemporain  fait  entendre  à  peu  près  les  mêmes 
plaintes  :  «  Ce  qui  frappe,  dit  Monneron  dans  ses  Vues  d'un 
cosmopolite  pour  l'avancement  des  idées  morales  et  religieuses, 
c'est  l'extrême  faiblesse  des  moyens  par  lesquels  les  Kglises 
réformées  se  sont  soutenues  jusqu'ici;  c'est  le  parfait  isole- 
ment où  elles  sont  les  unes  à  l'égard  des  autres.  Ce  n'est  pas 
le  lieu  d'examiner  à  quel  point  la  tiédeur  des  proleslanls  pour 
la  propagation  des  principes  évangéliques  doit  être  blâmée-.  » 

Il  constate  avec  amertume  qu'il  y  a  peu  de  défenseurs  de 
la  vérité  et  point  de  progrès. 

Non;  il  n'y  avait  point  d'éveil  dans  les  esprits,  point  de 
zèle  religieux  en  dehors  de  l'étroit  horizon  des  consistoires, 
point  d'activité  littéraire.  La  littérature  religieuse  de  l'époque 


i.  Discours  sur  le  rétablissement  de  la  religion, 

2.  Voir  :  la  Voix  de  la  religion  au  xix»  siècle,  ou  Examen  des  écrits  re- 
ligieux qui  paraissent  de  nos  jours.  Tomes  1,2,  :{,  ;i  Lausanne,  chez  Fischer 
et  Luc  Vincent,  ly02  et   lt^03. 


62  ÉTUDES    HISTORIQUES 

est  d'une  extrême  pauvreté.  Des  mandements  pastoraux,  des 
sermons,  des  catéchismes  et  des  cantiques,  quelques  tra- 
ductions de  l'anglais  et  de  l'allemand,  quelques  ouvrages 
d'un  caractère  plus  général,  voilà  le  bilan  trop  modeste  de 
tout  ce  que  la  France  protestante  a  produit  durant  ces  qua- 
torze années.  Et  combien  toutes  ces  productions  sont  mé- 
diocres! 

Il  n'y  a  dans  toutes  ces  œuvres  ni  beauté  de  forme,  ni  ori- 
ginalité de  pensées  :  on  vivait  des  restes  du  xviii"  siècle,  et 
tant  bien  que  mal,  après  le  grand  naufrage  de  l'époque  révo- 
lutionnaire, on  rassemblait  les  épaves  du  passé.  —  Les  popu- 
lations si  longtemps  privées  de  toute  instruction,  de  tout 
secours  religieux,  retenaient  avec  une  fidélité  touchante  les 
traditions  anciennes,  l'amour  des  choses  crues  et  confessées 
jadis  par  les  pères. 

«  Les  protestants  de  France,  écrivait  le  pasteur  de  Joux, 
aiment  qu'on  soit  orthodoxe  y>,  et  les  pasteurs  l'étaient  assez 
ordinairement,  soit  par  conviction,  soit  par  respect. 


III 


Ce  que  l'on  cherchait  à  relever,  ce  que,  en  opposition  à 
l'impiété  révolutionnaire  qui  avait  fait  tant  de  ruines,  on  exal- 
tait à  l'envi,  et  dans  les  chaires  catholiques  et  dans  les  temples 
protestants,  c'était  «  la  Religion  »,  un  grand  mot  vague  qui 
disait  mille  choses  à  l'esprit,  la  Religion  a  qui  nous  enseigne 
à  porter  le  poids  du  jour,  la  religion  si  touchante,  si  belle,  des 
tinée  à  conduire  au  perfectionnement  et  au  salut  des  hommes; 
la  religion,  la  science  de  la  vérité  et  du  bonheur.  » 

«  O  sainte  religion,  fille  du  ciel  descendue  sur  la  terre  pour  le 
bonheur  du  monde!  toi  seule  es  le  soutien  des  trônes,  le  fondement 
des  empires,  l'appui  de  la  prospérité  des  peuples  et  de  la  fidélité  des 
individus.  Toi  seule  maintiens  l'harmonie  entre  toutes  les  parties  du 
corps  social,  toi  seule  lu  sèmes  les  jouissances  sur  notre  carrière  ter- 
restre. Sans  toi  l'homme  n'est  qu'un  être  dénaturé,  qu'un  sauvage  fé- 
roce*... w. 

i.  Armand  Delille,  Discours  prononcé  à  Valence  le  15  août  i806. 


ÉTUDES    HISTORIQUES  03 

«  Quelle  heureuse  et  brillante  époque  aux  yeux  des  amis  de  la 
vertu!  Des  ruines  qu'elle  habitait,  la  Religion  remonte  sur  son  trône; 
la  Nation  s'incline  devant  elle,  et  la  replace  avec  transports  au  rang, 
qu'elle  n'aurait  jamais  dû  perdre,  de  première  institution  sociale*  ». 

La  religion,  pour  le  plus  grand  nombre  des  protestants, 
c'était  quelque  chose  comme  un  déisme  supranaturallste  où 
les  dogmes  du  christianisme  conservaient  leur  place,  sinon 
leur  importance.  Tout  ce  qui  est  spécifiquement  chrétien,  la 
personne  de  Jésus-Christ,  centre  de  la  vie,  la  repentance,  la 
justification  par  la  foi,  cet  ensemble  de  pensées  et  de  senti- 
ments qui  transportent  l'homme  dans  un  monde  nouveau, 
était  enseigné  clans  les  catéchismes,  chanté  dansles  cantiques, 
prêché  dans  les  sermons,  mais  n'était  malgré  cela  ni  compris 
ni  vécu  ;  de  là  ce  caractère  de  tiédeur  et  de  pauvreté  spiri- 
tuelle que  revêt  la  littérature  religieuse  de  ce  temps.  On  crai- 
gnait et  Ton  prêchait  Dieu,  l'immortalité,  les  récompenses  et 
les  peines  dans  la  vie  à  venir,  la  charité,  la  tolérance,  et  une 
morale  élevée.  Cette  prédication,  si  maigre  qu'elle  fût,  n'é- 
tait pas  impuissante;  car  elle  maintenait  parmi  la  foule  un 
grand  respect  des  choses  saintes  et  des  habitudes  d'honnê- 
teté, de  moralité  sévère. 

Telle  était  la  foi  générale  des  Églises,  spécialement  de  la 
masse  des  fidèles^  peu  instruite  dans  les  choses  de  la  religion. 
C'était,  il  est  vrai,  un  minimum  de  piété  et  de  connaissance. 
On  y  tenait  pourtant,  car  on  le  considérait  comme  un  héri- 
tage sacré  qu'il  n'était  pas  permis  de  laisser  tomber. 

Un  assez  grand  nombre  de  pasteurs,  et  des  plus  marquants, 
avaient  dépassé  ce  point  de  vue  tout  conservateur,  obéissaient 
à  d'autres  tendances,  plus  libres,  plus  avancées,  plus  hostiles 
à  l'ancienne  foi.  Ouvertement  ou  secrètement,  ils  étaient 
«  Sociniens  ». 

«  Serez-vous  orthodoxe  dans  votre  foi?  Je  le  suis  et  les  protes- 
tants de  France  aiment  qu'on  le  soit.  Serez-vous  socinien  comme... 
comme...  Mon  Dieu!  qui  ne  l'est  pas?  J'en  gémis,  mais  il 
nous  faut  cacher  les  offenses  et  ne  pas  les  révéler...  La  plupart 
des  Calvinistes,  et  peut-être  des  pasteurs  de  notre  Église  tendent 

I.  Voir  :  De  la  religion  au  xw"  siècle,  lome  2  (1802). 


64  ÉTUDES    HISTORIQUES 

au  socinianisme,  ou  sont  tout  au  plus  ariens;  j'en  connais  infini- 
ment peu  d'orthodoxes.  J'ai  préclié  et  je  crois  sincèrement  l'ortho- 
doxie; mais  je  suis  tolérant,  ennemi  des  disputes  théologiques;  et  il 
ne  faudrait  pas  mettre  la  divinité  de  Jésus-Christ  au  rang  des 
dogmes  calvinistes,  ainsi  que  la  trinité,  pour  faire  crier  la  plupart 
des  ministres  qui  n'y  croient  pas,  quoiqu'ils  ne  se  soucient  pas  de 
l'avouer*.  « 

Ce  socinianisme  n'était  au  fond  qu'un  déisme  teinté  de 
christianisme.  Il  venait  de  Genève. 

Genève,  la  vieille  cité  de  Calvin,  était  restée  ce  qu'elle 
était  au  temps  où  J.-J.  Rousseau  malmenait  son  clergé,  un 
foyer  de  lumière,  une  pépinière  de  savants  dont  cjuelques-uns 
étaient  illustres.  Cinq  Genevois  étaient  membres  de  l'Institut 
impérial.  Depuis  sa  réunion  à  la  France,  elle  était  le  centre 
où  les  jeunes  théologiens  réformés  venaient  puiser  leur  ins- 
truction et  prendre  leurs  grades.  Ses  professeurs  étaient 
renommés,  ses  pasteurs  jouissaient  au  dehors  d'une  grande 
considération.  La  théologie  qu'ils  enseignaient,  Tévangile 
qu'ils  prêchaient,  n'étaient  au  fond  qu'un  écho  affaibli  de 
cette  doctrine  socinienne  qui  avait  agité  le  protestantisme  à  la 
fin  du  xvi'=  siècle. 

Sous  des  formes  atténuées  ils  n'enseignaient  que  les  dogmes 
de  la  religion  naturelle,  laissant  dans  l'ombre  l'œuvre  et  la 
personne  de  Jésus-Christ  et  les  mystères  chrétiens.  Le  vieil 
esprit  calviniste  avait  disparu,  les  formes  étaient  restées  les 
mêmes.  Genève  donnait  le  Ion  aux  protestants  de  langue 
française.  On  enviait  ses  richesses  intellectuelles;  c'était  la 
mère  des  Églises. 

«  Rien  de  plus  auguste  que  la  célébration  des  sacrements  dans 
les  Églises  de  Genève;  celui  de  la  sainte  Cène  y  a  lieu  avec  la  plus 
grande  décence  et  le  plus  profond  recueillement;  et  celui  du  bap- 
tême est  accompagné  d'un  acte  vraiment  solennel  auquel  l'assem- 
blée debout  prend  part;  le  repos  du  dimanche  y  est  très  religieu- 
sement observé,  et  la  police  exerce  une  surveillance  sévère  sur  ce 
point-  ». 

1.  Lettre  du  pasteur  de  Joux  à   Rabaul  le  jeune,  Papiers  Rabaut  (1S05 
et  180G). 
■1.  Almanach  des  protestants  de  l«iO. 


ÉTUDES   HISTORIQUES  05 

Ce  grand  contentement,  celte  sécurité  dans  le  vide  dure- 
ront jusqu'au  jour  où  les  violents  du  Réveil,  les  Ami  Bost,  les 
Haldane,  les  Empeytaz,  viendront  leur  reprocher  durement 
«  de  n'avoir  suivi  que  l'autorité  d'une  raison  orgueilleuse, 
d'avoir  celé  ou  attaqué  ouvertement  ladivinitéde  Jésus-Christ, 
d'être  moins  respectueux  à  son  égard  que  Mahomet,  de  ne 
savoir  et  de  ne  pratiquer  que  l'art  oratoire,  d'avoir  abandonné 
leurs  étudiants  dans  une  honteuse  ignorance  des  saintes  écri- 
tures; de  ne  savoir  rien  ni  de  la  chute  de  l'homme,  ni  de  son 
état  déperdition,  ni  de  la  justiOcalion  par  la  foi,  ni  du  Saint 
Esprit,  ni  des  mystères  divins;  enfin  d'avoir  renié  l'Évan- 
gile de  Calvin,  et  d'avoir  fait  schisme  avec  les  Églises  de 
France...  ». 

Mais,  ajoutent-ils  avec  amertume,  «  cela  plaisait  au  peuple  y. 


IV 


De  Genève,  la  vieille  doctrine  socinienne  avait  rapidement 
pénétré  en  France,  non  scientifiquement,  car  de  science  il  ne 
pouvait  être  question  alors,  mais  sous  une  forme  populaire 
fort  appropriée  aux  tendances  générales  de  l'époque,  à  ce 
besoin  de  simplicité,  de  tolérance,  de  charité,  de  bon  sens, 
de  raison,  à  cette  répulsion  pour  les  spéculations  et  les 
choses  mystérieuses  qui  étaient  comme  l'atmosphère  que 
tout  le  monde  respirait. 

Le  bréviaire  de  cette  théologie  était  le  catéchisme  de 
Jacob  Vernes  à  qui,  je  crois.  Voltaire  écrivait  :  «Je  signe  votre 
profession  de  foi,  carissime  f rater  in  Deo  et  in  Serveto  ».  Ce 
catéchisme  «  à  l'usage  des  jeunes  gens  de  toutes  les  confes- 
sions chrétiennes  »,  partait  de  ce  principe  que  «  certains 
dogmes  sont  obscurs,  incompréhensibles,  non  essentiels  à  la 
foi,  qu'ils  divisent  et  entretiennent  dans  l'Eglise  l'intolérance; 
que  tous  les  chrétiens  au  contraire  tomberont  d'accord  sitôt 
qu'ils  s'en  tiendront  aux  choses  qu'unanimement  ils  con- 
fessent :  un  Dieu  créateur  qui  s'est  révélé  par  Moïse,  les 
prophètes  et  Jésus-Christ,  le  Messie,  l'envoyé  de  Dieu  qui 
est  venu  dans  le  monde  pour  instruire  les  hommes  de  leurs 


66  ÉTUDES    HISTORIQUES 

devoirs  et  leur  procurer  par  sa  mort  le  pardon  des  péchés 
dont  ils  ont  une  sincère  repenlance,  Jésus-Christ  ressuscité 
quia  mis  en  évidence  la  vie  et  l'immorlalité  ;  la  foi  mani- 
festée par  les  œuvres,  Tamour  de  Dieu  et  du  prochain,  la 
tempérance,  la  patience,  car  l'homme  vertueux  travaille  à 
son  bonheur  présent  et  éternel.  » 

«  ...Celte  doclrine  est  si  belle  si  conforme  aux  lumières  delà  raison, 
si  supérieure  à  toutes  les  doctrines  humaines,  si  propre  à  faire  le 
bonheur  des  particuliers  et  des  sociétés,  qu'on  ne  peut  s'empêcher 
de  l'attribuer  à  Dieu  !  » 

En  réalité  cet  Evangile  auquel  tous  les  chrétiens  peuvent 
donner  leur  assentiment,  se  réduisait  à  fort  peu  de  choses. 
—  La  foi  n'est  que  l'acquiescement  aux  vérités  de  la  Religion  ; 
Jésus-Christ  est  le  Messie,  le  fils  de  Dieu  envoyé  de  sa  part 
pour  instruire  les  hommes  de  leurs  devoirs  et  pour  les 
ramener,  en  les  pratiquant,  dans  la  route  du  vrai  bonheur 
dont  ils  s"'étaient  écartés.  Il  est  notre  Sauveur  parce  qu'  «  Il 
a  fait  tout  ce  qu'il  a  fallu  pour  détourner  les  hommes  du 
péché;  il  les  a  instruits  de  toutes  les  vertus  et  il  leur  a  appris 
quel  sera  le  sort  des  pécheurs  et  des  gens  de  bien  après 
cette  vie.  —  Les  sacrements  sont  des  signes  visibles  qui  nous 
rappellent  les  grâces  de  Dieu  envers  nous  et  nos  devoirs 
envers  lui.  «  On  a  beau  analyser  ce  catéchisme,  disait  un 
écrivain  catholique,  M.  de  Beaufort,  on  ne  saurait  en  expri- 
mer que  l'élixir  du  plus  pur  socinianisme.  » 

Ce  qui  caractérise  cette  tendance  religieuse,  ce  n'est  point 
l'absence  de  tel  dogme,  le  rejet  de  telle  doctrine  jadis  crue 
et  confessée;  c'est  la  complète  indifférence  de  tout  dogme  et 
de  toute  croyance,  c'est  la  réduction  de  l'Evangile  en  un  spi- 
ritualisme plus  ou  moins  élevé,  c'est  un  optimisme  terre  à 
terre  qui  ne  voit  dans  la  vie  qu'un  sourire;  c'est  l'absence  de 
sérieux  moral  qui  empêche  l'âme  de  se  replier  sur  elle-même 
et  de  penser  à  sa  détresse.  On  pouvait  professer,  prêcher 
cela;  on  n'en  vivait  pas. 

M.  Marron  était  en  France  le  propagateur  zélé  sinon  l'in- 
troducteur de  la  doctrine.  Il  avait  publié  lui-même  une  édition 


I 


ÉTUDES    HISTORIQUES  67 

du  catéchisme  de  Vernes,  qui  d'ailleurs  se  multipliait,  en  y 
ajoutant  des  prières  et  des  cantiques  de  sa  façon*. 

On  doit  louer  son  sort  quand  au  fond  de  son  cœur, 
On  peut  descendre  en  paix  et  trouver  Vinnocence. 

Tous  les  discours  ce  ce  temps,  tous  les  sermons  des  pas- 
teurs sont  pénétrés  de  ce  même  esprit.  La  même  note  revient 
sans  cesse,  uniforme,  monotone,  fatigante  à  l'excès  par 
l'abus  d'une  rhétoricjue  insupportable.  Ces  hommes,  môme 
les  meilleurs,  quand  ils  montent  en  chaire  déclament  des 
lieux  communs,  et  jusque  dans  leurs  prières  ils  sont  empha- 
tiques : 

«  Grand  Dieu,  dont  l'astre  du  jour  et  le  monde  des  insectes  nous 
prêchent  également  la  grandeur  et  la  puissance,  que  les  anges  et 
les  hommes  adorent  par  un  saint  concert,  qui  ne  te  laisses  en  aucun 
instant,  envers  aucune  des  créatures,  sans  des  témoignages  sen- 
sibles de  ton  infinie  bonté;  nous  te  bénissons  de  ces  relations  non 
moins  honorables  que  salutaires  que  tu  nous  permets  de  souteni 
avec  toi*....  » 

«  O  Père  des  hommes,  ô  notre  bienfaiteur!  tu  as  voulu  dans  ta 
grande  sagesse  et  dans  la  bonté  infinie  que  les  mortels  vécussent 
en  société...  Tu  as  placé  le  bonheur  dans  ces  intéressantes  relations 
qu'un  doux  penchant  nous  porte  à  désirer  et  à  soutenir'.  » 

Les  mêmes  pensées,  les  mêmes  formes,  la  même  sensi- 
blerie oratoire  reviennent  chez  tous*.  Ils  ne  parlent  que  de 
leur  joie  de  voir  l'anarchie  détruite,  de  la  bonne  providence, 
de  la  concorde  et  de  la  tolérance,  de  la  morale  sans  laquelle 
il  n'existe  pas  de  société,  de  la  religion  sans  laquelle  il  n'y  a 
pas   de  morale,   de   la    protection  auguste  de   l'Etat  et   du 

1.  Catéchisme  à  l'usage  des  jeunes  gens  de  toutes  les  communions  chré- 
tiennes, par  Jacob  Vernes,  pasteur.  Paris,  ctiez  G.  Dufour  el  Perlel. 

2.  Marron,  Discours  prononcé  à  l'occasion  de  l'achèvement  de  la  Consti- 
tution, 1791. 

3.  Armand  Delille,  Discours  sur  le  rétablissement  de  la  Religion,  15  août 
1806. 

4.  Tous  ces  sermons  sont  des  discours  d'apparat,  pril^clics  en  des  cir- 
constances solennelles.  Les  sermons  de  Moulinié  et  de  Celléi'iei-,  le  bon 
pasteur  de  Satigny,  montrent  qu'il  y  avait  aussi  une  autre  prédication, 
plus  simple,  plus  édifiante,  repondant  à  des  besoins  sérieux. 


68  ÉTUDES    HISTORIQUES 

bonheur  d'avoir  leur  place  au  soleil  de  la  nation.  —  Le  monde 
de  la  vie  intérieure  est  ignoré. 

«  Je  me  plais  de  nouveau  à  vous  répéter,  écrivait  un  pas- 
teur à  Rabaut  le  jeune*,  que  je  bornerai  constamment  mon 
ambition  la  plus  noble  à  toujours  servir  la  cause  de  l'Etre 
suprême,  soit  par  mes  discours,  soit  par  ma  conduite  privée 
et  publique,  à  revêtir  sans  cesse  le  caractère  d'un  ministère 
de  paix  pour  rallier  les  hommes  à  des  sentiments  d'amour  et 
de  concorde,  à  être  l'apôtre  le  plus  zélé  de  l'humanité,  à 
accomplir  avec  tout  le  zèle  et  l'exactitude  requise  les  devoirs 
de  mon  état  et  ceux  qui  me  procurent  la  soif  ardente  de  faire 
le  bien,  devoirs  qu'on  peut  appeler  les  délassements  d'une 
âme  sensible.  » 

L'idéal  auquel  ce  brave  homme  désirait  consacrer  sa  vie 
était  celui  que  tous  rêvaient,  que  tous  autour  de  lui  prêchaient. 


V 


Néanmoins,  en  dépit  de  cette  pauvre  théologie,  le  protes- 
tantisme méritait  le  respect  dont  il  était  entouré.  Des  hommes 
marquants,  des  juristes  distingués,  des  généraux,  des  savants 
illustres  attiraient  sur  lui  l'attention  universelle.  Le  corps 
pastoral  dans  son  ensemble  était  considéré.  Charles  de  Vil- 
1ers  le  vante  pour  son  instruction  solide  et  la  bonne  influence 
de  ses  mœurs  patriarcales.  —  On  s'ingéniait  à  rétablir  les 
instilulions  que  les  persécutions  et  la  tourmente  révolution- 
naire avaient  détruites.  A  côté  de  TAcadémie  de  Genève  on 
relevait  celle  de  Strasbourg  (15  mars  1803),  puis  en  1809  la 
Faculté  de  théologie  de  Montauban.  Des  asiles  pour  les 
malheureux,  des  fondations  charitables  s'élevaient  ici  et  là; 
et  entre  toutes  ces  choses  naissantes  surgissait  comme  par 
enchantement  l'œuvre  étonnante  du  bon  Oberlin  dans  les 
Vosges.  —  Oberlin,  prophète,  voyant,  dans  un  siècle  assez 
irréligieux,  régénérait  tout  un  pauvre  pays  perdu  dans  les 
montagnes. 

1.  Lettre  du  pasteur  Fallot  à  Rabaut  le  jeune;  Papiers  Rabaut. 


ÉTUDES    HISTORIQUES  69 

Beaucoup  de  pasteurs  avaient,  môme  parmi  les  catholiques, 
un  beau  renom  d'éloquence.  On  citait  avec  éloge  Alestrezat, 
Rabaut-Pommier,  de  Joux,  Pradel-Vezenobre ,  Armand 
Delille,  Frossard,  qui  fut  un  des  zélés  créateurs  de  la  Faculté 
de  Montauban,  Ami  Martin  qui  harangua  Napoléon  au  jour 
de  son  sacre,  et  qui  a  attaché  son  nom  à  la  version  genevoise 
de  la  Bible  de  1805,  etc.,  etc. 

Le  plus  renommé  de  ces  prédicateurs,  le  plus  en  vue,  le 
plus  actif  fut  sans  contredit  le  pasteur  Marron.  Ancien  cha- 
pelain de  l'ambassade  de  Hollande,  il  démissionna  en  1788; 
dès  Tannée  suivante,  sous  l'inspiration  de  Rabaut-Saint- 
Etienne,  il  rassembla  les  protestants  épars  de  la  capitale, 
ouvrit  un  culte  dans  une  salle  située  rue  Mondétour,  atte- 
nante au  cloître  Saint-Jacques-de-l'Hôpilal,  puis  dans  la  rue 
Dauphine,  puis  encore  avec  la  protection  de  Bailly  et  de  La 
Fayette,  à  l'église  du  ci-devant  chapitre  de  Saint-Louis-du- 
Louvre.  Arrêté  comme  suspect  sous  la  Terreur,  la  veille  de 
la  fête  de  l'Etre  suprême,  il  charmait  ses  loisirs  en  rimant  de 
trop  légers  badinages.  Cette  insouciance  frivole  avec  la  pers- 
pective de  la  guillotine  ne  lui  est  pas  particulière.  Elle  carac- 
térise cette  étrange  époque.  —  Délivré  après  la  mort  de 
Robespierre,  il  reprit  son  œuvre  sous  un  ciel  plus  serein;  et 
dès  lors  il  mit  au  service  de  l'Église  de  Paris  tout  ce  qu'il 
avait  de  zèle  et  d'énergie.  Il  en  devint  l'inspirateur  et  l'âme. 
Sa  vie  tout  entière  lui  appartint;  il  présida  à  toutes  les 
œuvres  de  son  relèvement,  et  son  action  comme  ses  conseils 
s'étendaient  à  toutes  les  autres  Églises.  C'était  un  admirable 
organisateur  et  un  orateur  de  grand  mérite,  «  emphatique  et 
déclamateur  »,  dit  Martin  Dupont*,  qui  dans  sa  Jeunesse  l'a 
connu  :  «  Il  était  de  son  siècle  et  ne  le  dépassait  pas.  » 


VI 


Il  ne  paraît  pas  que  le  rationalisme  allemand  ail  pénétré 
sérieusement  en  France  durant  l'époque  napoléonienne.  On 

1.  Martin  Dupont.  Mes  impressions  ([9aZ-\ti~i&).  Pai-is,  1S78. 


70  ÉTUDES   HISTORIQUES 

n'en  trouve  les  traces  que  dans  les  provinces  nouvellement 
conquises,  où  il  se  révèle  par  un  relâchement  du  lien  ecclé- 
siastique. 

«  Dans  les  départements  de  la  rive  gauche  du  Rhin,  dit  la 
Voix  de  la  Religion^;  les  Calvinistes  ont  renoncé  à  leur  doc- 
trine de  la  prédestination  et  les  Luthériens  ont  adopté  celle 
des  Calvinistes  à  l'égard  de  l'Eucharistie.  Déjà  conformément 
à  cette  convention,  le  ministre  luthérien  de  Mayence  a  célé- 
bré la  sainte  Cène  selon  le  rite  réformé;  le  même  fait  a  eu 
lieu  dans  d'autres  communes  des  départements  de  Mont-Ton- 
nerre, de  la  Roër,  du  Rhin  et  de  la  Moselle;  on  espère  qu'un 
grand  nombre  d'autres  communes  suivront  cet  exemple".  » 

A  Strasbourg,  des  hommes  d'une  très  grande  valeur,  d'es- 
prit et  de  caractère  élevé,  Blessig  et  Haffner,  qui  menaient 
presque  souverainement  les  affaires  de  l'Église,  et  avaient 
sur  le  clergé  alsacien  une  influence  incontestée,  n'étaient 
point  rationalistes  dans  le  sens  exact  de  ce  mot.  Ils  apparte- 
naient à  la  tendance  supranaturaliste,  insistaient  sur  l'accord 
providentiel  de  la  révélation  et  de  la  raison,  et  tout  en  adou- 
cissant, il  est  vrai,  les  angles  des  dogmes  anciens,  ils  se  mon- 
traient fort  libéraux  en  toutes  choses,  mais  n'allaient  pour- 
tant pas  jusqu'à  rejeter  le  surnaturel  biblique  et  à  réduire 
l'Évangile  à  l'enseignement  d'une  sagesse  morale. 

On  se  préoccupait  néanmoins,  en  France,  de  cette  doc- 
trine; on  savait  qu'elle  florissait  en  Allemagne.  Un  philosophe 
chrétien,  Jean  Tremblaj^,  entreprit  d'en  faire  la  réfutation 
dans  un  grand  ouvrage  qu'il  intitula  :  Considérations  sur  Vétat 
actuel  du  Christianisme  : 

«  Qui  croirait  qu'après  tant  d'événements  désastreux  arrivés  en 
Europe  depuis  vingt  ans,  et  dont  les  peuples  se  vengent  maintenant 
sur  la  philosophie  des  incrédules,  en  la  livrant  à  l'indifférence  et  au 
mépris,  qui  croirait  qu'une  poignée  de  philosophes  dont  les  noms 
sont  inconnus,  s'efforceront,  dans  un  coin  de  la  basse  Allemagne  où 
ils  écrivent,  de  donner  une  nouvelle  forme  à  ces  sophismes  dont  la 

1.  La  Voix  de  la  Religion,  tome  2,  p.  198. 

2.  Le  journal  ajoute  qu'on  a  pressenti  Portails  et  que  celui-ci  aurait 
répondu  «  qu'on  ne  peut  rien  changer  aux  dogmes  sans  l'approbation  du 
Gouvernement  ». 


î 


ÉTUDES    HISTORIQUES  71 

religion  des  Français  a  fait  justice,  et  de  ressusciter  celte  incrédu- 
lité systématique  dont  on  n'est  pas  moins  dégoûté  que  des  stupides 
erreurs  de  la  superstition?  » 

«  Ces  nouveaux  philosophes,  qui  se  disent  aussi  théologiens, 
disent  que  tout  ce  qui  n'est  pas  dans  l'Évangile  précepte  de  morale, 
aujourd'hui  que  la  raison  humaine  est  perfectionnée,  ne  doit  plus 
être  regardé  que  comme  des  métaphores.  Ainsi  les  miracles  ne  sont 
plus  que  des  événements  naturels'.  » 

Le  livre  de  Jean  Tremblay*  est  un  ensemble  de  considéra- 
tions élevées,  écrites  en  un  style  noble  et  soutenu,  une  défense 
du  Christianisme  contre  l'assaut  des  nouvelles  doctrines. 

«  On  prétend  le  dépouiller  de  tout  ce  qui  lient  à  l'histoire  et  aux 
faits;  on  rejette  avec  dédain  tout  ce  qui  suppose  une  intervention 
immédiate  de  la  divinité;  on  ne  veut  entendre  parler  ni  d'inspira- 
tion proprement  dite,  ni  de  miracles;  tout  se  réduit  à  de  simples 
spéculations  philosophiques,  à  des  préceptes  de  morale  dont  la  rai- 
son humaine  est  le  juge  suprême...  ».  —  «  Je  veux  chercher  à  quoi 
se  réduit  cette  religion  qu'on  substitue  avec  tant  d'efforts  à  celle  qu'on 
avait  coutume  de  prêcher  aux  peuples,  quelle  influence  les  idées 
religieuses  auront  désormais  sur  lui;  et  quelle  sera  la  stabilité  d'une 
société  qui  n'admettra  plus  que  des  idées  abstraites,  des  concep- 
tions imaginaires  et  des  phrases  alambiquées  dont  il  n'est  pas  pos- 
sible de  déterminer  le  sens.  t> 

L'auteur  s'applique  à  réfuter  les  explications  ridicules  que 
les  rationalistes  donnent  des  miracles  évangéliques,  à  mon- 
trer que  le  système  de  ces  novateurs  est  en  contradiction 
avec  la  nature  de  l'homme  et  avec  ses  principes;  que  les 
objections  qu'ils  élèvent  contre  les  signes  directs  d'une  révé- 
lation divine,  sont  sans  aucun  poids.  Il  indique  les  bornes 
que  la  nature  a  assignées  à  cette  raison  dont  on  exagère 
l'étendue  et  la  force;  et  il  fait  ressortir  le  caractère  de  la  reli- 
gion du  chrétien,  «  lequel,  toujours  humble  dans  ses  senti- 
ments, mais  ferme  dans  sa  conduite,  et  sublime  dans  ses 
espérances,    traverse   sans  se   décourager  celte   vallée  de 

1.  Almanach  des  Protestants. 

2.  Jean  Tremblay,  Considérations  sur  Vctat  présent  du  Christianisme. 
Paris,  1809,  chez  Gabriel  Dufour  et  chez  Jiertin,  à  la  librairie  prolcstanlc, 
rue  Saint-Thonias-du-Louvre. 


72  ETUDES    HISTORIQUES 

misère,  affronte  sans  s'étonner  les  revers  les  plus  accablants, 
et  trouve  dans  le  sens  même  des  calamités  une  douceur  et 
des  consolations  qui  sont  inaccessibles  à  la  philosophie  et 
aux  efforts  humains.  » 

Ce  livre  était  l'œuvre  d'un  esprit  distingué,  habitué  aux 
spéculations  philosophiques,  mais  sans  grande  science  théo- 
logique. Il  s'élevait  par  la  pensée  et  par  le  sentiment  au-dessus 
des  productions  vulgaires  de  la  littérature  courante.  Il  fut  peu 
lu,  car  le  temps  n'était  guère  propice  aux  recherches  spécu- 
latives. 


VII 


La  tiédeur,  un  niveau  moyen  de  vie  et  de  connaissance,  un 
manque  de  préoccupation  pour  les  choses  de  l'âme,  des 
habitudes  religieuses  plutôt  qu'une  véritable  piété,  une  vive 
répulsion  pour  les  excès  d'impiété  auxquels  la  Révolution 
s'était  livrée,  une  honnête  soumission  aux  dogmes  de  la  révé- 
lation, quelque  chose  de  languissant  et  de  froid,  tels  sont  les 
traits  principaux  qui  caractérisent  cette  époque. 

Il  y  avait  bien,  comme  il  y  a  eu  toujours  dans  l'histoire  de 
l'Église,  des  traces  d'une  vie  plus  intérieure  et  d'une  piété 
plus  vivante;  mais  ces  traces  mêmes  étaient  insaisissables. 

Outre  cette  petite  communauté  de  Quakers  et  d'amis  éta- 
blis dans  le  Gard,  et  dont  nous  avons  parlé,  il  y  avait  tout  le 
long  de  la  frontière  de  la  Suisse  et  de  l'Allemagne,  ici  et  là, 
quelques  réunions  moraves,  mais  de  fort  minime  importance. 
A  Genève,  dans  le  petit  monde,  quelques  amis  se  réunis- 
saient en  commun,  priaient,  chantaient  ensemble,  lisaient  la 
parole  de  Dieu,  cela  dans  une  extrême  simplicité  et  sans 
recherche  de  prosélytisme,  sans  nulle  pensée  de  rompre 
avecl'Église  établie.  Fidèles  à  tous  les  exercices  du  culte,  ils 
demandaient  uniquement  à  ces  réunions  fraternelles  l'ensei- 
gnement et  l'édification  qu'ils  ne  trouvaient  point  dans  les 
temples.  On  les  surveillait  et  on  les  méprisait  :  «  Ils  ont, 
disait  M.  ChenevièreS  une  théologie  obscure  et  puérile.  » 

1.  J.-J.  Ciienevière,  Précis  des  débats  thcqlogiques.  elc,  1821. 


ÉTUDES   HISTORIQUES  73 

En  Alsace,  pays  de  mysticisme,  les  réunions  de  ce  genre 
étaient  assez  nombreuses  :  Moraves,  Ghiliastes,  gens  qui 
attendaient  le  règne  de  mille  ans,  Piétistes  disciples  de 
Spéner,  Tout  ce  monde  était  silencieux,  renfermé.  Ils  en- 
tretenaient au  sein  même  de  TÉglise  un  ferment  de  vie  inté- 
rieure, qui  parfois  se  communiquait  aux  pasteurs  et  les 
entraînait. 

Il  en  était  de  même  au  pays  de  Montbéliard.  C'est  là  qu'au- 
trefois avait  prêché  le  pasteur  Nardin,  disciple  de  Spener,  et 
ses  sermons  imprimés  étaient  lus  dans  les  familles.  Ils  y 
maintenaient  dans  un  milieu  fort  porté  au  rationalisme  une 
piété  sérieuse. 

Quelques  pasteurs  vivaient  de  celte  vie,  humbles,  voués  à 
un  ministère  difficile. 

C'est  de  ce  petit  monde  ignoré  que  sortit  le  doux  cantique  : 

La  seule  chose  ici-bas  nécessaire 
C'est  de  l'aimer,  ô  mon  divin  Sauveur. 


Sans  loi,  Jésus,  toute  àme  se  tourmente 
El  cherche  en  vain  la  joie  el  le  repos; 
Mais  avec  loi  la  paix  du  cœur  augmente 
El  la  présence  adoucit  tous  les  maux. 

Fais  que  mon  âme  après  loi  seul  soupire 
O  Jésus-Christ,  ô  source  de  tout  bien, 
Qu'à  nulle  chose  au  monde  je  n'aspire; 
Car  ici-bas,  tout  ici-bas  n'est  rien. 


Félix  Kuhn, 


LI.  -  G 


Documents 


UN  MANDAT  D'ARRÊT  DU  PARLEMENT  DE  GUYENNE 
CONTRE  BERNARD  PALISSY 

ET     LES     PREMIERS     FIDÈLES     DES     ÉGLISES     DE     SAINTES 
ET    DE    SAINT-JEAN-d'aNGÉLY 

(1558)< 

On  sait  que  Bernard  Palissy  fut  des  premiers  à  embrasser 
la  religion  protestante  et  à  faire  pour  elle  en  Saintonge  une 
propagande  active  :  on  connaît  en  effet  les  relations  du  potier 
avec  Philbert  Hamelin,  l'apôtre  de  la  Réforme  dans  le  pays, 
et  le  rôle  important  qu'il  joua  dans  l'organisation  de  TÈglise 
de  Saintes  fondée  par  Hamelin  en  1556 -.  Lui-même,  avec 
sa  naïveté  habituelle  et  le  charme  de  son  style  si  simple, 
nous  a  laissé  le  récit  des  premières  réunions  des  fidèles. 
D'accord  avec  un  autre  artisan  comme  lui  «  pauvre  et  indi- 
gent à  merveille  »,  comme  lui  «  d'aussi  peu  de  savoir,  car 
tous  deux  n'en  savoyent  guère  »,  mais  tous  deux  ayant  «  un 
aussi  grand  désir  de  l'avancement  de  l'Évangile  »,  il  suscite 
les  premiers  cultes  et  «  un  dimanche  au  matin  »,  assemble 
neuf  ou  dix  personnes;  c'est  lui,  à  n'en  pas  douter,  qui  se 

i.  Bernard  Palissy  est  le  premier  huguenot  de  marque  sur  lequel  ce 
Bulletin  a  attiré  l'attention  il  y  a  cinquante  ans.  On  trouvera,  dans  la  pre- 
mière livraison,  p.  23,  l'article  et  surtout  les  extraits  soii,'neusement  colla- 
tionnés  d'après  le  texte  original  du  premier  livre  du  potier  saintongeais, 
que  M.  Ch.  Read  mit  alors  en  lumière.  Depuis  lors,  et  surtout  dans  ces 
dernières  années,  il  a  été  à  plusieurs  reprises  question  de  Palissy  dans  ce 
recueil.  Nous  avons  pu  donner  sur  son  séjour  à  Sedan  des  détails  inédits 
et  raconter  récemment  d'après  l'Estoile  un  épisode  dramatique  des  der- 
niers jours  du  martyr.  Nous  compléterons  aujourd'hui  et  dans  notre  pro- 
chaine livraison  ces  découvertes,  en  publiant  deux  textes  inédits  trouvés 
naguère,  le  premier  par  .M.  H.  Patry,  et  le  second,  parle  soussigné. 

N.  W. 

2.  Benj.  Fillon,  Lettres  écrites  de  la  Vendée,  Paris,  1861,  in-S",  p.  'j6; 
Audiat,  Bernard  Palissy,  1868,  in-18,  p.  149  et  ss.  ;  Ernest  Dupuy ,  Bernard 
Palissy,  in-18,  p.  21  et  ss.  Cf.  Bull.,  1893,  373. 


DOCUMENTS  75 

charge  de  la  première  exhortalion  ayant,  «  parce  qu'il  esloit 
mal  instruit  es  lettres...,  tiré  quelques  passages  du  vieux  et 
nouveau  Testament  »  qu'il  lit  à  ses  auditeurs;  c'est  lui  enfin 
qui  organise  les  cultes  suivants  et  assure  la  continuité  des 
réunions  :  «  car  en  ceste  mesme  heure  ils  convindrent  en- 
semble que  six  d'entre  eux  exhorteroyent  par  hebdomade 
savoir  est  un  chacun  de  six  en  six  semaines,  les  Dimanches 
seulement*  ». 

Ces  premières  réunions  ne  tardèrent  pas  à  être  trou- 
blées :  les  ennemis  de  la  petite  Église  étaient  nombreux; 
ils  ne  se  bornèrent  pas  à  des  calomnies  contre  les  fidèles, 
mais  les  dénoncèrent  au  Parlement  de  Guyenne.  Celui-ci, 
docile  à  exécuter  les  ordres  du  pouvoir  central  prescri- 
vant la  recherche  et  la  punition  rigoureuse  du  «  crime 
d'hérésie  »,  dirigeait  alors  d'activés  poursuites  contre  les 
réformés  de  la  Saintonge.  Ce  n'est  pas  à  Saintes  seulement 
en  effet  qu'à  cette  époque  on  essaye  de  se  grouper  et  d'orga- 
niser les  Églises,  mais  c'est  dans  le  pays  tout  entier  qu'une 
agitation  considérable  se  manifeste,  quoique  sourdement 
encore.  Des  assemblées,  des  prêches  sont  signalés  en  maint 
endroit,  suscités  par  des  pasteurs  qui,  à  la  suite  d'Hamelin, 
arrivent  pour  la  plupart  de  Genève  et  paraissent  tous  animés 
de  l'activité  infatigable  de  Calvin  qui  les  a  envoyés.  Ce  ne 
sont  plus  seulement  alors  des  gens  de  métier  isolés,  des  pré- 
dicateurs suspects  et  des  régents,  comme  dans  les  années 
précédentes,  que  le  Parlement  de  Guyenne  va  s'appliquer 
à  poursuivre.  Toutes  les  classes  de  la  société  paraissent 
gagnées  par  l'hérésie  :  le  Parlement  se  défie  des  officiers 
royaux;  il  se  défie  des  officiers  municipaux;  il  se  défie  enfin 
de  l'évêque  de  Saintes  lui-même  et  de  son  entourage.  —  Des 
magistrats  sont  envoyés  dans  la  région  pour  essayer  d'étouffer 
les  foyers  d'hérésie  qui  s'allument  de  toute  part.  Les  pour- 
suites se  multiplient  en  l'année  1558. 

En  août  le  Parlement  se  décide  à  envoyer  une  commission 
d'enquête  qui  parcourra  toute  la  région  ;  l'évêque  de  Saintes 
devra  déposer  au  greffe  du  tribunal  la  somme  de  300  livres 

1,  Œuvres,  op.  cit.,  l.  I"',  p.  122  et  123. 


76  DOCUMENTS 

pour  faire  les  frais  des  procédures  et  du  déplacement  des 
commissaires  ^ 

Le  président  Léonard  Alesme,  et  le  conseiller  Pierre  de 
Pomiers,  tous  deux  avec  le  titre  de  «  commissaires...  dep- 
putez  pour  aller  au  pais  et  seneschauscée  de  Xainctonge 
enquérir  sur  le  faict  des  hérésies  »,  accomplirent  leur  mis- 
sion à  la  fin  du  mois  d'août  et  à  leur  retour  déposèrent 
rapidement  un  rapport. 

A  Saint-Jean-d'Angély  ils  avaient  fait  constituer  prison- 
niers Pierre  Roussel,  Sébastien  Pivateau,  François  Gouguyn, 
Catherine  Doucette,  sa  femme,  Pierre  Begault  et  les  sergents 
royaux  Jean  Alenet  et  Robert  Audry.  Sur  le  rapport  des  deux 
commissaires  enquêteurs,  la  Cour,  par  arrêt  en  date  du 
15  septembre  1558,  ordonna  que  tous  ces  prisonniers  seraient 
menés  sous  bonne  garde  dans  les  prisons  de  la  concier- 
gerie. Ordre  était  aussi  donné  aux  officiers  de  Saint-Jean  de 
constituer  prisonniers  Nicolas  Darnac,  vitrier,  et  sa  femme, 
Cyprien  Jousseaulme,  barbier,  et  sa  femme,  et  Jean  de  Vaulx. 

A  Saintes,  Colette  Maudot,  femme  de  Mathurin  Seurin, 
boucher,  était  déjà  arrêtée  :  la  cour  enjoignit  aux  autorités 
locales  de  l'envoyer  à  Bordeaux  et  en  même  temps  de  faire 
prendre  au  corps  Nicolas  V'eyrel,  apoticaire-,   Guillemette 

1.  Extraits  des  registres  secrets  du  Parlement  de  Guyenne.  Bibliothèque 
de  Bordeaux,  ms.  370,  p.  496  :  «  1558,  13  août.  Arreslé  que  l'évesque  de 
Saintes  tournira  300  livres...  pour  les  frais  des  commissaires  qui  vont  en 
Saintonge  contre  les  hérétiques  ».  —  Et  ibid.,  p.  490  :  «  le  roi  approuve  les 
taxes  faites  sur  les  évoques  de  Condom  et  de  Saintes  pour  poursuivre  les 
hérétiques.  » 

2.  Ce  Nicolas  Veyrel  était  peut-être  le  grand-père  de  Samuel  Veyrel, 
l'archéologue  saintongeais,  qui  publia  en  1635  son  Indice  du  cabinet  de 
Samuel  Veyrel,  apothicaire  à  Xainctes,  et  observations  sur  diverses  mé- 
dailles. 

Faujas  de  Saint-l'ond  (Édition  des  Œuvres  de  Bernard  Palissy,  Paris, 
1777,  in-'i»,  p.  674)  avait  voulu  voir  dans  ce  dernier  l'ami  même  de  Bernard 
Palissy.  Mais  Samuel  était  trop  jeune  pour  avoir  connu  Bernard  Palissy 
à  Saintes;  il  ne  naquit,  en  effet,  qu'en  1575.  Il  était  fils  de  Samuel  Veyrel, 
aussi  «  maistre  apothiquaire  »  et  de  Luce  Mercier. 

La  famille  des  Veyrel  était  originaire  de  Périgueux.  Sur  eux,  on  pourra 
consulter  :  L.  Audiat,  Bernard  Palissy,  op.  cit.,  p.  208;  Archives  histo- 
riques de  Saintonge- A  unis,  t.  Vlll  (année  1880),  p.  430  et  ss.;  Bulletin 
de  la  Société  des  archives  historiques  de  Saintonge- Aunis,  années  18SC- 
1882  (t.  III),  p.  203  et  206;  et  année  1888  (t.  VIII),  p.  193  et  ss. 


DOCUMENTS  77 

Patronne,  «  vefve  de  feii  Leconseil,  hostesse  du  logis  où 
pend  par  enseigne  le  Verd  galand  *  »,  André  Bodet  son  fils, 
Malhurin  Seurin,  boucher,  Nicolas  Le  Brodeur,  Joseph  Le 
Masson  fils  de  M«  Léger  Le  Masson,  Guillaume  Girault  et 
enfin  «  Bernard  Palissis  dicL  le  potier-  ». 

C'était  là  le  noyau  même  de  cette  humble  Église  de  Saintes 
dont  Bernard  Palissy  nous  dit  qu'elle  ne  se  composait  à  son 
début  que  de  neuf  à  dix  personnes.  Cet  apoticaire,  ce  boucher, 
ce  potier,  c'étaient  ces  artisans  «  pauvres  et  indigents  à  mer- 
veille »  qui  tous  les  dimanches  se  réunissaient  pour  lire,  à 
tour  de  rôle,  des  passages  de  la  Bible  et  s'exhorter  mutuelle- 
ment-^ 

Enfin  les  lieutenants  généraux,  les  lieutenants  particuliers, 
les  lieutenants  criminels,  les  avocats  et  les  substituts  du  pro- 
cureur général  des  sièges  de  Saintes  et  de  Saint-Jean  devaient 
se  présenter  dans  la  quinzaine  devant  le  Parlement,  ainsi  que 
M*  Jacques  de  Bizet,  neveu  et  grand  vicaire  de  l'évèque  de 
Saintes,  Tristand  de  Bizet*. 

La  court  après  avoir  oy  le  rapport  de  M"  Léonard  Alesme,  con- 
seiller du  Roy  et  président  es  enquestes,  et  Pierre  de  Pomiès,  aussi 
conseiller  dud.  seigneur  en  lad.  court,  commissaires  par  elle  dep- 
putéz  pour  aller  au  pais  et  seneschauscée  deXainclonge  y  enquérir 
sur  le  faict  des  hérésies,  oy  aussi  La  Perrière  pour  le  procureur  gé- 
néral du  roy,  a  ordonné  que  les  lieulenens  général  et  particulier, 
ensemble  le  lieutenant  criminel,  advocat  et  substitué  du  procureur 
général  du  Roy  es  sièges  de  Xainctes  et  Sainct  Jehan  d'Angely  com- 
paraistront  en  icelle  en  personne  dans  quinzaine  après  que  leur  sera 
signiffié  pour  respondre  aux  fins  et  conclusions  dud.   procureur 

1.  Peut-êti-e  faut-il  voir  dans  cette  Guiilemelte  Patronne,»  veuve  de  feu 
Leconseil  »,  nous  dit  l'aiM-èt,  la  future  femme  du  pasteur  Claude  La  Bois- 
sière,  dit  La  Place.  Dans  une  note  suivante  on  vei-ra  en  effet  que  Guille- 
mette  Patronne  était  de  nouveau  poursuivie  en  15."j9,  et  condamnée  par  le 
Parlement  de  Bordeaux.  Or,  nous  dit  Théodore  de  Bèze,  la  femme  de  La 
Boissière,  «  en  cest  orage  (de  1559)  fut  faite  prisonnière  avec  plusieurs 
autres  à  Saintes  »  (Th.  de  Bèze,  éd.  Baum,  Gunitz  et  Heuss,  I,  p.  230). 

2.  Arrêt  du  Parlement  en  date  du  15  septembre  1558.  Archives  départe- 
mentales de  la  Gironde,  B  119  (Parlement,  minutes  des  arrétsi,  1  i)ièce 
papier,  à  la  date. 

3.  Bernard  Palissy,  Œuvres,  éd.  B.  t'ilion,  t.  I,  p.  123. 

4.  Arrêt  du  Parlement  cit. 


78  DOCUMENTS 

général  du  Roy  ;  et  néanmoins  enjoinct  aux  officiers  aud.  siège 
Sainct  Jehan  d'Angely  de  mener  ou  faire  mener  et  conduire  seûre- 
ment  es  prisons  de  la  conciergerie  d'icelle,  Pierre  Roussel,  Sébas- 
tien Pivateau,  François  Gouguyn,  Catherine  Doucete  sa  femme, 
Pierre  Begault,  Jehan  Alenet,  sergent  roial  et  Robert  Audry  aussi 
sergent  roial,  ayant  esté  constituez  prisonniers  aud.  Sainct  Jehan 
par  ordonnance  desd.  commissaires  pour  y  ester  à  droict  et  estre 
contre  eulx  procédé  ainsi  que  il  aparliendra  et  ce  à  peine  de  dix  mil 
livres;  aussi  leur  enjoinct,  sur  mesmes  peynes  que  dessus,  faire 
diligence  de  faire  prendre  au  corps  et  constituer  prisonniers  Nicolas 
Darnac,  vitrier  du  dict  Sainct-Jehan  d'Angely,  et  sa  femme,  Cyprien 
.lousseaulme,  barbier,  et  sa  femme,  et  Jehan  de  Vaulx  et  iceulx 
menner  en  lad.  conciergerie  pour  estre  aussi  contre  eulx  procédé 
ainsi  que  de  raison. 

Et  à  semblables  peines  que  dessus,  enjoinct  icelie  court  aux 
officiers  aud.  siège  de  Xainctes  de  faire  mener  et  conduire  seûre- 
ment  es  prisons  de  la  conciergerie  Colele  Maudot,  femme  de  Ma- 
thurin  Seurin,  bouchier  dud.  Xaintes;  et  pareilhement  faire  dili- 
gence de  faire  prendre  au  corps  et  constituer  prisonniers  Nicolas 
Veyrel  appoticquaire,  Bernard  Palissis  dict  le  potier,  Guillemete 
Patronne,  vefve  de  feu  Leconseil,  hostesse  du  logeis  où  pend  par 
enseigne  le  Verd  Galant,  André  Bodet  son  filz,  Mathurin  Seurin, 
bouchier,  Nicolas  Le  Brodeur,  Joseph  Le  Masson  fils,  et  M«  Legier 
Le  Masson,  Guillaume  Girault  et  iceulx  menner  et  conduire  soubz 
bonne  et  seùre  garde  es  prisons  de  lad.  conciergerie,  pour  estre 
aussi  contre  eulx  procédé  ainsi  que  de  raison  ;  dans  lequel  temps 
ordonne  néanmoins  lad.  court  que  M'  (Jacques  de)  Bizet*,  vicaire 
général  de  l'evesque  de  Xainctes  comparoistra  en  icelie  en  per- 
sonne, pour  respondre  aux  fins  et  conclusions  dud.  procureur 
général  du  roy. 

w'  septembris  mVlviiij. 

[Au  bas  :]  La  provision  a  esté  depeschée  sur  lad.  ordonnance  et 
commis  l'huissier  Borie  pour  l'aller  exploicler. 

Il  n'est  pas  inutile  de  noter  l'importance  de  cet  arrêt  du 
Parlement  pour  l'histoire  des  débuts  du  protestantisme  dans 
la  Saintonge  :  tout  d'abord  il  nous  donne  les  noms  des  tout 

1.  Ici  un  blanc  dans  loriginal  :  le  greffier  pour  une  cause  ou  pour  une 
autre  ignorait,  au  moment  où  il  écrivait  l'arrêt,  le  prénom  du  neveu  de 
l'évcque  de  Saintes,  Jacques  de  Bizet  (cf.  la  note  seq.). 


DOCUMENTS  79 

premiers  fidèles  des  Églises  de  Saintes  et  de  Saint-Jean- 
d'Angély;  il  nous  confirme  le  rôle  important  joué  par  Bernard 
Palissy,  le  potier  humble  alors,  illustre  maintenant,  dans 
l'organisation  de  TÉglise  de  Saintes  à  ses  débuts;  il  nous 
indique  la  date  précise  des  premières  poursuites  dirigées 
contre  lui,  jusqu'à  présent  complètement  ignorées. 

D'une  façon  plus  générale  on  pourra  en  dégager  quelques 
considérations  encore  :  tout  d'abord  à  propos  de  l'attitude 
des  artisans,  des  premiers  à  se  rallier  aux  idées  de  Réforme, 
et  à  former  des  groupements;  à  propos  aussi  de  l'altitude 
des  classes  plus  élevées  et  plus  éclairées,  magistrats  royaux 
ou  municipaux  qui  déjà  tacitement  gagnés  au  protestantisme 
ferment  les  yeux  et  laissent  se  réunir  les  réformés;  à  propos 
enfin  de  l'attitude  de  quelques-uns  des  membres  du  clergé 
catholique  qui  favorisent  les  premiers  progrès  de  la  Réforme 
jusqu'à  ce  qu'ils  se  mettent  ouvertement  du  côté  des  nova- 
teurs. 

C'est  grâce  à  la  protection  des  officiers  royaux  et  munici- 
paux que  la  plupart  des  poursuites  décrétées  par  le  Parle- 
ment de  Guyenne  ne  purent  recevoir  d'exécution.  Pour  les 
mois  qui  suivirent  nous  n'avons  trouvé  en  effet  aucune  trace 
de  condamnations  prononcées  contre  les  personnages  dé- 
crétés d'accusation  dans  notre  arrêt.  Seul,  Sébastien  Piba- 
teau  (ou  Pibeteau)  paraît  avoir  été  poursuivi'  :  nous  pen- 


1.  Aux  Archives  départementales  c!c  la  Gii'onde,  les  minutes  des  arrêts 
du  mois  d'octobre  niantiuent  complètement;  celles  de  décembre  et  de 
novembre  ne  subsistent  que  très  incomplètes;  le  rei^istre  correspondant  à 
ces  mois  a  disparu.  Mais  on  trouve  encore  des  Registres  d'espisses  où 
sont  notées  h  la  date  de  l'arrêt  de  condamnation  les  sommes  ducs  par  le 
condamné  au  rapporteur  de  son  procès.  Dans  ceux  qui  correspondent  aux 
derniers  mois  de  l'année  1558  et  aux  premiers  mois  de  1559,  nous  avons 
trouvé  seulement  deux  mentions  intéressant  notre  aCIaire.  La  première 
est  celle  d'un  arrêt  rendu  contre  Sébastien  Pivatcau  (ou  Pibeteau),  à  la 
date  du  jeudi  2'i  novembre  i558  :  «  Du  jcudy  XXIIIh"  no''"'  MX'LVIU  : 
Alesme;  —  Entre  le  procureur  général  et  Sél)aslien  Pibeteau  (sic).  1  écu  ». 
La  seconde  est  en  date  du  21  novembre  1558  :  «  Veu  le  procès-verbal  et 
autre  procédure  laicte  en  Xainctonge  par  Monsieur  le  Président  Alesme 
et  de  Pomiers  contre  les  olficiers  du  siège  de  Saint-.Iean-d'Angèiy. 
iiij  écus  ».  Les  instructions  que  donna  alors  à  ces  officiers  le  parlement  de 
Guyenne  ne  devaient  pas  être  différentes  de  celles  qu'il  donna  à  la  date 
du  5  décembre  aux  officiers  du  siège  de  Saintes  et  que  nous  possédons 


80  DOCUMENTS 

sons,  d'après  des  arrêts  de  peu  postérieurs,  qu'avec  la 
connivence  des  sergents  royaux,  ceux  qui  étaient  déjà  pri- 
sonniers avaient  pu  s'enfuir  \  et  que  les  autres,  quand  on 
vint  pour  les  arrêter,  avaient  déjà  dû  prendre  le  large". 

Bernard  Palissy  doit  être  de  ce  nombre  :  dans  ses  ouvrages, 
il  n'est  fait  aucune  allusion  à  un  emprisonnement  quelconque 
à  celte  date  de  1558;  d'autre  part,  ni  dans  les  minutes  des 
arrêts  du  Parlement  de  Guyenne  qui  ne  subsistent,  il  est 
vrai,  que  très  incomplètes  pour  la  fin  de  l'année  1558,  ni, 
d'ailleurs,  dans  les  registres  d'épices  de  cette  époque,  il  n'est 
fait  mention  d'aucun  arrêt  le  concernant. 

Quatre  ans  plus  tard  et  toujours  en  Saintonge,  il  allait  être 
de  nouveau  inquiété  pour  ses  opinions  religieuses.  A  la  fin 
de  la  première  guerre  de  religion,  pendant  la  période  de 
réaction  catholique  qui  suivit  en  Saintonge  la  déroute  des 
troupes  de  La  Rochefoucauld  et  l'occupation  du  pays  parle 
duc  de  Montpensier  (octobre-décembre  1562),  le  Parlement 


encore  {Arch.  dép.  de  la  Gironde,  B  119,  min.  des  arrêts,  1  pièce  à  la  date). 

Plus  tard,  le  17  juin  1559,  Guillemette  Patronne  était  condamnée  à  faire 
amende  honorable  devant  l'église  métropolitaine  Saint-André  de  Bordeaux 
et  devant  l'église  Sainl-Pierre  de  Saintes  {Arch.  dép.  delà  Gironde,  B  125, 
min.  des  arrêts,  1  pièce  pap.  à  la  date). 

Quant  à  .Jacques  de  Bizet,  neveu  de  l'évèque,  il  fut  emprisonné  à  Saint- 
Jean  au  début  de  l'année  'l.')59  {Arch.  de  la  Gironde,  B  121  (liasse),  arrêt 
du  10  avril,  à  la  date).  A  la  date  du  22  avril  1550  (n.  st.).  il  est  désigné 
comme  leû  grand  vicaire  et  l'eu  nepveu  de  l'evesque  de  Xainctes  {Ibid., 
B  123).  Il  n'a  donc  pu,  comme  l'avance  M.  L.  Audiat  {Bernard  Palissy, 
1868,  in-18,  p.  198),  périr  «  massacré  »  par  les  prolestants  en  1562. 

1.  Par  un  arrêt  en  date  du  5  décembre  1558  la  cour  «  enjoinct  aux  offi- 
ciers aud.  siège  de  Xainctes  de  faire  deue  diligence  de  faire  prendre  au 
corps  et  constituer  prisoniers  tant  ceulx  contre  lesquelz  a  esté  décrété 
par  les  commissaires  dernièrement  députez  que  ceulx  qui  ravirent  des 
mains  desd.  commissaires  aucuns  chargez  dud.  crime  (d'hérésie)  »  (Archives 
de  la  Gironde,  B.  119,  min.  crim.,  1  pièce  pap.  à  la  date). 

2.  Cf.  Extraits  des  registres  secrets  du  Parlement  de  Guyenne,  Biblio- 
thèque de  Bordeaux,  ms.  369,  et  Chronique  du  Parlement  de  Bordeaux, 
par  Jean  de  Métivier,  éd.  Breselz  et  Delpit,  Bordeaux,  1887,  2  vol.  in-8°, 
t.  11,  p.  227  :  «  1558,  17  novembre  :  le  17  novembre  sur  le  rapport  faict  par 
N.  commissaire  envoyé  ez  seneschaussèes  d'Agenois,  Condomois  et 
Xainctonge  pour  informer  du  crime  d'heresie...  la  Cour  a  ordonné  et 
ordonne  que  tous  decretz  qui  ne  pourront  estre  exécutez  en  la  personne 
ou  au  domicile  des  délinquants,  contumaces  et  desobeissans,  seront  exé- 
cutez par  apposition  de  cedules  aux  portes  des  villes  »,  etc. 


DOCUMENTS  81 

de  Guyenne  intente  d'activés  poursuites  contre  tous  ceux  qui 
lui  paraissent  suspects  d'avoir  favorisé  les  opérations  pro- 
testantes et  stimule  le  zèle  des  autorités  locales;  il  est  alors 
emprisonné  sur  les  ordres  du  présidial  de  Saintes  et  envoyé 
de  nuit  à  Bordeaux.  Il  fallut  que  de  puissants  protecteurs 
intervinssent  pour  obtenir  sa  délivrance*. 

On  sait  que  les  persécutions  contre  lui  ne  devaient  pas 
s'arrêter  là  encore,  mais  qu'elles  durèrent  toute  sa  vie  et  ne 
finirent  qu'avec  ses  jours. 

H.  Patry. 


AUTOBIOGRAPHIE  DE   JEANNE   CÉARD   DE  VASSY 

(  1666-1  (les  ) 

M.  Ph.  Corbière  a  publié  jadis  dans  le  Bulletin  (XXIV, 
278)  une  autobiographie  de  Jeanne  Géard.  épouse  Fauchar, 
écrite  sur  les  derniers  feuillets  d'un  psautier  appartenant, 
depuis  1830,  à  la  famille  Bonnaffé,  de  Lacaune  (Tarn). 

M.  le  pasteur  A.  Froment,  de  Lacaze  (Tarn),  a  bien  voulu 
photographier  pour  nous  ce  curieux  document;  et  c'est  en 
étudiant  les  épreuves  d'un  peu  près  que  nous  avons  pu 
corriger  plusieurs  fautes  de  lecture  commises  par  M.  Gor- 
bière. 

Voici  le  texte  de  cette  autobiographie  tel  que  nous  avons 
cru  pouvoir  le  rétablir.  Nous  soulignons  les  mots  mal  lus 
par  le  premier  éditeur,  réservant  les  notes  pour  les  correc- 
tions importantes. 

Le  mercredy  prumier  iuln  1666  ma  tre  cher  et  bien  esmé  (illie 
Jeanne  fauchar  ^  a  tombée  malade  d'un  point  au  dos  et  sl\x  sains 
et  en  suit  une  fleure  continue  avec  la  petit  vérole  tous  lesqiiele  mos 
lui  ont  durai  iusque  à  la  mor  avec  le  pourpe'  qui  paru  le  mardi  7 

1.  Epitres  dédicatoires  à  la  Reine  mère  et  au  connétai>le  de  Monlmn- 
rency  en  tête  de  la  «  lÀecepte  verilable  »  [Œuvres,  éd.  BenJ.  Killon,  l.  V. 
p.  lô  et  S3.). 

2.  Les  registres  de  l'iiig-l.  Héf.  de  \assy  (16-2()-168r))  donnent  Fauchât. 
Jeanne  Géard  écrit  ordinairement  Fauchar,  sauf  une  fois  où  il  semble 
bien  qu'il  faille  lire  Fauchât  on  même  Fauchart. 

3.  S'agit-il  du  «  rouge  »  de  la  lièvre.'  Nous  pensons  plutôt  qu'il  y  a  là 


82  DOCUMENTS 

du  dicl  mois  de  iuin  (au)  quele  iour  ma  tre  chère  et  bien  esmé 
fillie  fuct  a  couché  d'une  belle  petite  fillie  la  quel  na  point  eus  vis 
que  du  vanlre  de  sa  mère  (illisible). ..oi  en  desa  six  mois  et  le 
lendemain  mardy  8'  iuin  à  7  œur  du  soir  ma  (tre)  cher  et  bien 
esmé  fillie  ieanne  fauchar  femme  de  monsieu  Eslizè  Varnie  a 
esté  desedé  et  a  rendu  som  âme  à  dieu  entre  mes  bra  avec  une 
grande  douseur  et  bonne  amitié  de  tous  chacun  qui  lave  contiens 
et  veus  el  moy  qui  (lui)  sur  vi  avec  gran  regre  et  grande  tristese 
qui  me  durera  toute  ma  vie  et  le  lendemain  mecredi  9'  iuin  a 
6  œur  du  matin*  ma  tre  cher  fillie  a  esté  enterée  à  la  sumetier  de 
vassy  avec  mes  sinq  autre  enfans. 

Faict  au  Chatellier  ^  ce  19'  du  dict  mois  de  iuin  1666.  —  Jeanne 
Ceard  sa  mère.  Et  son  très  cher  père  a  este  more  et  en  terai  à 
Paris  le  25  mars  1662  ma  cher  fillie  na  vécu  que  16  an  2  mois  el 
fuct  mariée  et  espouse  le  dimenche'  'Si  Désambre  1662  à  l'église 
de  vitri  par  monsieur  de  la  Cloche  oncle  de  son  mari  ^  et  nonte 

une  trace  des  croyances  superslilieuses  de  l'époque.  Ou  rattachait 
volontiers  les  maladies  à  l'apparition  des  phénomènes  célestes.  Nous  en 
trouvons  un  exemple  typique  et  à  peu  près  contemporain  dans  une 
inscription  funéraire  du  cimetière  de  Joinville  (Haute-Marne).  Celte 
inscription  est  ainsi  conçue  :  Epitaphe  sur  le  trespas  de  feu  maistre  Jeati 
Herbelet  curé  de  Joinville  qui  décéda  touché  de  la  maladie  contagieuse  le 
dernier  jour  du  mois  de  juillet  l'an  15B7. 

Des  Herbes  de  ce  pré  la  plus  belle  herbelette 

Est  icy  amortie  par  le  bruslant  poison 

D'un  pourpe  venimeux  qui  sus  nostre  hori:{on 

Pour  no^  maux  comadoit  du  souvrain  la  planette,...,  etc. 

1.  M.  Corbière  avait  lu  8  heures.  Il  suffit  de  comparer  le  chiffre  donné 
ici  par  Jeanne  Céard  avec  ceux  de  la  date  (1G(36)  pour  se  convaincre 
qu'il  faut  lire  6  heures.  D'ailleurs  la  déclaration  du  i"  février  1G69 
(laquelle  avait  eu  pour  base  une  déclaration  du  2  avril  1666)  portait  que 
«  pour  les  enterrements  des  morts  desdils  de  la  R.  P.  R.  à  la  cam- 
pagne »  les  convois  devaient  partir  «  sçavoir  depuis  le  mois  d'avril 
jusqu'à  la  fin  de  septembre  à  6  heures  précises  du  matin  et  à  6  heures 
du  soir...  ». 

2.  Le  Chatellier  était  le  lieu  de  résidence  de  Pierre  Céard,  maître  de 
forges  dont  le  fils  Isaac  est  mentionné  comme  pasteur  de  Landreville  à 
])arlir  de  1050. 

3.  Avec  ce  mot,  commence  la  2"  pa^^e  de  l'autobiographie.  La  rédaction 
complète  parait  avoir  été  faite  en  trois  fois.  La  V  partie  se  termine  par 
ces  mots  :  Kaict  au  Chatellier...  La  seconde  qui  ne  comprend  cjue 
16  lignes  commence  au  bas  de  la  i"  page  et  s'arrête  au  milieu  de  la 
suivante.  C'est  une  sorte  de  post-scriplum.  La  S*"  contient  ses  dernières 
volontés  relativement  à  «  lecri  »  fait  par  elle  sur  son  psautier. 

■'i.  C'est  25  désambre   1662  (ju'il  faut  lire  et  non  1666  comme  l'indique 


DOCUMENTS  83 

este  ensamble  que  trois  ans  et  demi  a  mon  grand  regre.  J'aures 
souhaité  si  eus  plus  à  mon  dieu  quil  meus  mis  au  cerculhie  (cer- 
cueil) au  lieu  de  moi  elle  *.  Jamais  (je)  ne  l'oubliray  voire  à  mon 
dernier  soupire.  Dieu  me  fera  la  grâce  si  lui  plet  d'aller  avec  ma 
cher  fillie  avec  un  grand  fois  (foi).  Dieu  me  face  (la)  grâce  de  la 
voir  bientos  en  paradi. 

J'ay  promis  a  ma  cousine  Mocler-  femme  de  mon  cousin 
Davide  Mocler^  mes  psiaume  par  testaman  après  ma  mor  si  elle 
me  survict;  mes  (mais)  si  je  la  survi  je  prie  mon  frère  Cearde  den 
fere  à  sa  volonté.  Je  su  plis  celé  qui  les  aura  de  léser  (laisser)  tout 
lecri  (l'écrit)  que  jay  faict  et  les  pry  (prie)  de  le  voire  volontier  a 
cose  de  ma  tre  cher  et  bien  esmé  fillie  Jeanne  Fauchar  laquele 
noubliray  James.  J'espère  que  mon  dieu  me  fera  la  grâce  de  la 
voire  et  la  reconnoitre  en  paradi.  Mon  dieu  men  face  la  grâce  si 
luy  plai.  Faict  à  ma  chambre  de  Vasy  (Vassy)  le  16  may  1668^  par 
moy  Jeanne  Céard.  Mon  cousin  Daniele  estoy  parain  de  ma  cher 
fillie  et  sa  marene  ma  cousine  anne  mocler  fille  de  mon  oncle 
Clode  Mocler  clode.  » 

Le  psautier  de  Jeanne  Céard  mérite  une  description.  Son 
format  est  de  17  cm.  1/2  x  U  cm.  1/2.  Il  est  relié  en  veau 
avec  filets  d'or  sur  les  plats  et  le  dos;  les  tranches  sont 
également  dorées. 

Les  pages  du  volume  ne  sont  pas  numérotées.  En  tête  se 
trouve  une  table  «  où  Ton  peut  connoître  d'ici  à  16  ans  les 
lettres  dominicales,  épactes  et  pâques  tant  de  France  que 
d'Allemagne  ».  Puis  vient  «  la  supputation  des  années 
depuis  la  création  du  monde  jusques  à  l'an  1654  selon  le 
calcul  de  Martin  Luther  ».  A  la  suite  se  trouve   un  calen- 

M.  Corbière.  Jeanne  Céard  avait  écrit  1666,  comme  ol)so(lée  par  le  sou- 
venir de  la  mort  de   sa  «  très  ctier   et   bien   esmé   fillie  »  ;   mais  elle  a 
corrigé  très  visiblement   le  G  en  2,  et  pour  plus  de  clarté,  a  reproduit  la 
date  de  1662  au-dessus  de  la  ligne. 
\.  M.  Corbière  a  lu  «  au  lieu  de  mort  ». 

2.  M.  Corbière  lit  Mâcher  et  propose  d'identifier  ce  nom  ainsi  transcrit 
avec  celui  de  Mauger  (laniille  de  graveurs  protestants).  Nous  lisons, 
quant  à  nous,  Mocler  {pour  Mauclair)  en  nous  appuyant  sur  les  registres 
de  l"Église  de  Vassy  qui  mentionnent  les  Mauclair  dés  16i7. 

3.  Sur  David  Mauclere,  apothicaire  et  chirurgien,  diacre  et  ancien  de 
ri-:glise  de  \'assy,  voir  l'article  de  M.  II.  Dannreulher  :  VEglise  réformée 
de  Vassy  au  XVII'  siècle.  Bull.  WXVIII  (1889).  liT.  (Réd.) 

k.  M.  Corbière  a  lu  le  16"  mars. 


84  DOCUMENTS 

drier  avec  «  Ephémérides  »  où  abondent  naturellement  les 
mentions  de  faits  intéressant  l'histoire  de  la  Réforme.  Enfin, 
une  table  des  foires  de  France  et  autres  pays,  le  tout  pré- 
cédant une  longue  «  Épistre  »  de  160  vers  de  Th.  de  Bèze. 
Soit  24  pages  de  texte  précédant  les  Psaumes. 

La  partie  musicale  comprend  les  150  Psaumes  en  tête 
desquels  les  initiales  G.  M.  et  T.  de  B.,  indiquent  s'ils  sont 
de  Clément  Marot  ou  de  Th.  de  Bèze;  les  10  commande- 
ments et  le  cantique  de  Siméon.  A  la  suite  de  chaque  psaume, 
une  brève  Oraison,  de  Marlorat. 

A  la  fin,  192  pages  de  texte,  qui  comprennent  : 

1°  La  forme  des  prières  ecclésiastiques  (c'est-à-dire  la 
manière  de  célébrer  le  culte  public).  Le  texte  de  la  Confes- 
sion des  péchés  est  exactement  celui  de  l'édition  genevoise 
du  psautier  (1542); 

2"  Outre  la  liturgie  des  dimanches  ordinaires,  le  psautier 
de  Jeanne  Céard  donne  des  liturgies  spéciales  (Sainte-Cène, 
temps  de  guerre^  baptême,  mariage); 

3°  Le  volume  se  termine  par  un  article  intitulé  «  de  la 

Visitation  des  malades  »,  un  catéchisme  en  55  leçons,    la 

confession  de  foi  et  des  prières  du  matin  et  du  soir.   Le 

volume  entier  compte  782  pages.  Il  se  vendait  à  Gharenton 

chez    «   Pierre    Des-Hayes,   demeurant  à   Paris,   rue  de   la 

Harpe,     aux     Gands    couronnez,    près    la      Roze    Rouge 

(M.DG.LV.)». 

Ch.  Serfass. 


LA  LIBERTÉ  DE   CONSCIENCE  DANS  LA  MARINE 

A    PARTIR    DE    1G83 

D'après  les  Archives  navales  de  Rochefort. 

Le  mémoire  sur  la  généralité  de  La  Rochelle  commencé 
en  1698  sous  la  direction  de  Michel  Bégon,  intendant  de 
cette  généralité  et  publié  en  1875  par  M.  Georges  Musset, 
résume  dans  les  termes  suivants  la  situation  des  religion- 
naires  et  nouveaux  convertis. 


DOCUMENTS  85 

«  11  reste  encore  clans  la  généralité  un  grand  nombre  de  ceux 
qui  ont  fait  des  abjurations  forcées  et  qui  ne  font  pas  leurs  devoirs 
de  catholiques;  on  les  oblige  d'envoyer  leurs  enfants  aux  caté- 
chismes et  aux  instruclions,  et  on  ne  souffre  pas  qu'ils  exercent 
aucune  charge  de  judicature,  mais  leur  opiniâtreté  est  si  grande 
que  ces  remèdes  ne  produisent  pas  tout  le  fruit  qu'on  en  avoit 

espéré Sa  Majesté  a   travaillé  avec  un  zèle  inconcevable  à    la 

conversion  de  ses  sujets,  et  n'a  rien  oublié  de  ce  qui  pouvoit 
dépendre  de  ses  soins  pour  leur  instruction.  On  a  tout  mis  en 
usage,  des  missions,  des  vicaires,  des  maitres,  des  maîtresses 
d'école  entretenus,  des  couvents  pour  retirer  les  jeunes  fliles,  des 
pensions  aux  ministres,  aux  officiers  et  autres  qui  ont  fait  leurs 
devoirs  de  catholiques,  des  prisons  pour  les  opiniâtres  et  les 
scandaleux,  des  grâces  à  ceux  dont  le  bon  exemple  pouvoit  pro- 
duire de  bons  effets.  Mais  c'est  un  ouvrage  si  important  qu'il  n'y 
a  pas  lieu  d'espérer  qu'il  soit  sitôt  achevé;  au  contraire  nous 
voyons  encore  avec  douleur  qu'un  grand  nombre  de  gens  de  tout 
âge  et  de  tout  sexe  ont  abandonné  leur  patrie  et  se  sont  retirés 
chez  les  étrangers  où  ils  ont  porté  leurs  meilleurs  effets.  Nous 
voyons  encore  avec  plus  de  chagrin  que  ceux  qui  sont  restés  dans 
leurs  maisons  trouvent  des  difficultés  insurmontables  auprès  des 
curés  lorsqu'ils  se  veulent  marier.  Les  évêques  n'ont  pu,  jusqu'à 
présent,  apporter  de  remède  à  ce  mal  ;  il  n'y  a  que  l'autorité  royale 
qui  puisse  mettre  ces  gens-là  en  état  d'avoir  des  successeurs.  Les 
évêques  sont  pleins  de  zèle  pour  la  conversion  de  leurs  diocésains, 
mais  ils  ne  sont  pas  soulagés  par  les  autres  ecclésiastiques  et  par 
les  curés  dont  la  plus  grande  partie  sont  très  ignorants,  très  inté- 
ressés, chicaneurs  et  peu  charitables. 

«  La  noblesse  est  presque  toute  dans  le  service  de  terre  ou  de 
mer,  et  il  est  rare  de  trouver  un  gentilhomme  qui  n'ait  servi.  » 

La  correspondance  de  Pontchartrain  avec  l'intendant 
Bégon  est  le  meilleur  commentaire  de  cette  déclaration; 
aussi  le  Bulletin  a-t-il  plusieurs  fois  publié  des  extraits  dûs 
à  M.  Louis  Delavaud  et  à  M.  le  D"^  L.  Ardouin,  conservateur 
de  la  bibliothèque  de  l'école  de  médecine  navale  de  Pioche- 
fort;  mais  le  sujet  est  loin  d'être  épuisé  et  les  nouvelles 
communications  de  M.  le  D"^  L.  Ardouin  forment  une  utile 
contribution  à  Thistoire  des  conséquences  de  la  révocation 
de  l'édit  de  Nantes  dans  la  marine  fran(jaise,  d'après  les 
archives  de   la  marine   h    Rochefort,  jus(|u'ici    inédiles    cl 


86  DOCUMENTS 

inexplorées.  Rattachée  à  chaque  officier  de  vaisseau,  la  poli- 
tique de  la  Cour  de  Louis  XIV  à  l'égard  des  réformés 
acquiert  un  relief  et  une  vie  puissante  et  fait  ressortir  celte 
vérité,  qui  ne  saurait  être  méconnue,  que  la  conscience  ne 
peut  être  contrainte.  Si  les  nouveaux  règlements  de  M.  de 
Lanessan  sont  observés,  ils  mettront  un  terme  à  trois  siècles 
d'oppression. 

Voici  de  Sainl-Légier  de 

((  Boisrond,  gentilhomme  de  Saintonge,  câgé  de  soixante-qua- 
torze ans,  qui  a  longtemps  servi  avec  honneur  dans  les  armées, 
bien  converti  par  la  grâce  de  Dieu  et  la  propre  participation  de 
Votre  Majesté,  ayant  deux  enfants  qu'il  a  voués  à  son  service  et 
qui  le  servent  actuellement,  l'un  dans  ses  mousquetaires,  l'autre 
dans  la  marine,  estant  si  mal  dans  ses  affaires  qu'il  ne  lui  est 
pas  possible  de  vivre  et  de  leur  fournir  les  choses  nécessaires, 
qui  ayant  obtenu  déjà  «  une  pension  de  trois  cents  livres  à  celluy 
«  qui  est  mousquetaire  »  supplie  Sa  Majesté  de  vouloir  bien 
honorer  de  pareille  gratification  le  chevalier  de  Boisrond,  garde 
marine  depuis  deux  ans  du  département  de  Rochefort  *.  » 

Pontcharlrain  demande  le  10  juin  1703  «  quelle  conduite 
a  il  tient  sur  le  fait  de  la  Religion,  quel  est  Testât  de  sa  for- 
ce tune  »  et  ce  qu'on  peut  donner  à  ses  fils.  Consulté,  de 
Gascq  répond  à  Régon  le  26  juillet  1703  : 

«  Je  ne  puis  guère  douter  de  la  conversion  de  ce  gentilhomme, 
mais  je  n'oserais  être  garant  de  sa  persévérance,  il  a  toujours  été 
très  vacillant  et  peu  fortuné  «  et  il  s'en  remet  à  l'intendant  pour 
juger  ce  qui  sera  «  le  plus  convenable  au  service  du  Roy  et  au 
bien  de  la  Religion.  » 

Le  roi  paie  les  dettes  des  nouveaux  convertis. 

«  De  par  le  Roy,  Sa  Majesté  voulant  gratifier  et  traiter  favorable- 
ment la  demoiselle  d'Aiinis,  nouvelle  convertie,  en  considération 
de  sa  bonne  et  sincère  réunion  à  la  Religion  Catolique,  Elle  lui  a 
accordé  et  fait  don  de  la  somme  de  deux  cens  livres  à  prendre 
sur  les  biens  séquestrés  des  Religionnaires  de  Xaintonge  pour 
estre  employée  au  payement  de  ses  dettes,  mande  et  ordonne,  etc. 

Fait  à  Marly,  le  12  juillet  1701. 

Louis. 

I.  Cr.  Bull.,  1893  (XLII),  50;?. 


DOCUMENTS  87 

La  fille  de  rinlendant  Bégon,  Madame  de  la  Galissonière 
remet  à  Pontchartrain  «  un  mémoire  qu'on  lui  envoie  d'An- 
«  gleterre  sur  un  eschange  proposé  pour  son  mary  avec 
«  les  filles  du  sieur  Ribault,  cy-devanl  consul  des  l^lats 
«  généraux  à  La  Rochelle,  qui  sont  dans  un  couvent  » 
(25  février  1703).  L'une  des  filles  est  décédée  au  couvent; 
on  obtient  de  sa  sœur  la  déclaration  qu'elle  désire  rester  aux 
nouvelles  Catholiques;  Bégon  espère  étouffer  l'affaire  en 
faisant  donner  trois  cents  livres  à  la  Dlle  Ribaull,  et  en 
négociant  autrement  l'échange  de  son  gendre,  mais  est  fina- 
lement obligé  de  rendre  la  Dlle  Ribault  à  la  liberté;  elle 
passe  en  Hollande,  revient  à  la  foi  de  son  enfance  et  épouse 
M.  Godeffroy.  (Voir  les  Documents  dans  le  Bulletin  de  la 
commission  de  l'histoire  des  Eglises  wallonnes,  t.  \  ,  p.  :>49- 
371,  art.  du  D^  J.  B.  Kan.) 

Le  sieur  de  La  Coste,  lieutenant  de  frégate,  est  interdit  de 
ses  fonctions  jusqu'à  ce  qu'il  fasse  son  devoir  de  catho- 
lique (19  octobre,  5  décembre  1703);  tient  la  parole  qu'il 
avait  donnée  de  faire  son  devoir  de  catholique  (12-26  dé- 
cembre 1703). 

Le  31  octobre  1703,  Sa  Majesté  accorde  à  {Salbcrt)  sieur 
de  Forge,  gentilhomme  «  nouveau  converty  des  environs  de 
«  Rochefort,  la  place  de  garde  de  la  marine,  que  Bégon 
«  avait  demandée  pour  lui  »,  mais  Pontchartrain  ne  sait  si 
«  Sa  Majesté  voudra  accorder  la  liberté  »  à  Bilbeau,  con- 
damné aux  galères  pour  fait  de  Religion  «  à  cause  de  la  con- 
«  joncture  des  troubles  des  Cévennes,  quelques-uns  des 
«  nouveaux  convertis  auxquels  Elle  avait  fait  grâce,  y  étant 
«  passés  »  (25  avril  1703). 

Un  vaillant  officier  de  marine,  Chadeau  de  la  Clocheteric  est 
envoyé  dans  la  citadelle  d'Oléron,  jusqu'à  ce  qu'il  fasse  son 
devoir  de  catholique;  sa  belle-mère  est  enfermée  au  Cou- 
vent de  la  foy  de  Pons  et  on  attend  la  délivrance  de  sa  femme 
qui  est  grosse  pour  la  conduire  aux  nouvelles  Catholiques. 
Finalement  la  dénonciation  est  due  à  une  brouille  entre  le 
prieur  de  Soubise  et  la  Clocheterie;  la  Clochetcrie  sort  de  la 
citadelle  d'Oléron,  sa  belle-mère  et  sa  femme  des  couvents, 
mais  Pontchartrain  demande  à  Bégon  de  lui  rendre  compte 


88  DOCUMENTS 

de  la  conduite,  sur  ce  fait  de  la  Religion,  de  la  Clocheterie, 
de  sa  femme  et  de  sa  belle-mère  qu'il  faudra  observer. 
(31  octobre  1703-17  juin  1705). 

Thomas,  de  La  Rochelle,  est  arrêté  comme  «  Protestant 
«  opiniâtre  et  suspect  »  ;  il  avait  cintiuante  mille  livres  d'ar- 
gent qu'on  croyait  destiné  pour  les  religionnaires,  on  le 
jette  à  la  Bastille;  sur  les  témoignages  donnés  d'une  conver- 
sion sincère,  on  le  met  en  liberté,  on  l'autorise  à  prêter  son 
argent  aux  trésoriers  de  France  à  La  Rochelle,  mais  on 
oblige  ses  parents  de  le  cautionner  de  cinq  à  six  mille  livres 
pour  assurer  sa  stabilité  dans  le  royaume  (27  mai-23aoùt  1705). 
On  demande  au  roi  les  biens  de  Du  Prat,  marchand  à 
La  Rochelle,  mort  à  Chaillot  près  Paris,  religionnaire  et 
relaps,  et  sans  héritiers.  Quels  biens  a-t-il  laissés,  a-t-il  des 
parents?  (5  février  1704). 

Il  faut  arrêter  Faneuil  venu  à  La  Rochelle,  de  Boston,  où 
il  a  deux  frères  établis,  avec  des  effets  et  qui  est  religion- 
naire :  il  pourrait  bien  avoir  été  envoyé  pour  observer  les 
préparatifs  qui  se  font  pour  les  colonies  voisines  de  la  Nou- 
velle-Angleterre. Il  est  mis  en  liberté  après  avoir  fait  son 
abjuration,  mais  Bégon  devra  continuer  à  l'observer  et  à 
rendre  compte  de  sa  conduite  au  Roi  (lOjanvier-6  juin  1703). 
Guenon  de  Fontbernard  et  sa  femme  sont  bien  convertis. 
Leur  fils  aîné  est  marié  avec  la  fille  d'un  père  mort  huguenot 
et  d'une  mère  qui  ne  remplit  point  ses  devoirs  de  catholique. 
Il  n'est  revenu  des  pays  étrangers  que  par  la  fermeté  de  ses 
père  et  mère  et  leur  refus  à  lui  envoyer  aucun  secours.  Le 
second  fils  est  garde  marine  au  département  de  Toulon. 
Son  commandant  pourrait  mieux  que  personne  rendre 
témoignage  de  sa  conduite.  Il  faut  l'envoyer  prisonnier  à 
Brouage  et  savoir  pourquoi  il  demandait  un  passeport  pour 
le  Languedoc.  Le  troisième  enfant,  avocat  du  Roi  au  Pré- 
sidial  de  Saintes  est  bien  converti.  Mais  on  ne  peut  leur 
donner  les  deux  portions  des  biens  de  Marie  Derideau  qu'ils 
demandent  parce  qu'il  ne  serait  pas  juste  que  les  enfants  de 
ceux  qui  ne  sont  pas  bien  convertis,  venant  à  faire  leur 
devoir,  soient  privés  par  la  faute  de  leur  père  et  mère  d'un 
bien  qui  leur  appartient  par  la  loi  et  par  la  coutume.  Ces 


DOCUMENTS  89 

enfants  élevés  dans  le  couvent  peuvent  y  prendre  de  salu- 
taires instructions.  Quant  à  l'avocat  du  Roi  au  Prosidial,  il 
demande  la  réduction  de  sa  capitation  à  cinquante  livres, 
étant  fils  de  famille  et  n'ayant  pour  tout  bien  que  sa  charge 
d'avocat  du  Roi  qui  n'a  que  cinquante  livres  de  gages. 
(1702-6  janvier  1705). 

Les  sieurs  et  dame  de  Charron  ont  un  fils  et  trois  filles  en 
Angleterre  pour  fait  de  Religion;  ils  ont  envie  d'aller  les 
trouver,  car  ils  ont  vendu  plusieurs  marais  salants  à  Ville- 
deau,  agent  des  affaires  de  la  comtesse  de  Blenac,  ils  sont 
prêts  à  vendre  les  terres  de  Montmouton  et  Montrolland  au 
lieutenant  particulier  de  Saint-Jean-d'Angély  ;  au  temps  de 
la  foire,  ils  ont  mis  beaucoup  d'effets  sur  un  vaisseau  de  la 
flotte  anglaise,  ils  préparent  une  vente  de  sel  très  considé- 
rable en  File  d'Oléron,  les  28  et  29  avril  1705,  à  Jacques 
Gouttant,  de  Saint-Pierre  et  au  sieur  de  Bouillaines,  du 
Château. 

Tous  ces  faits  sont  déniés  comme  imaginaires.  Les  biens 
des  sieurs  Rolland  ont  été  saisis  et  vendus  par  décret  au 
siège  de  Saint-Jean-d'Angély,  mais  Marthe  Rolland,  épouse 
du  sieur  de  Charron,  ayant  fait  les  offres  de  retrait  lignager, 
a  racheté  ces  biens,  à  la  réserve  de  la  métairie  de  Lauber- 
tière,  de  sorte  que,  loin  d'avoir  vendu  ses  biens,  cette  dame 
en  a  acquis,  l'acte  du  notaire  Gaillard  du  15  novembre  170o 
en  fait  foi. 

Jacques  Fort  et  Jacques  Renoiileau,  matelots  de  Xaintonge 
trouvés  à  bord  d'un  vaisseau  anglais  venant  de  la  Jamaïque 
et  arrêtés,  peuvent  être  mis  en  liberté,  après  abjuration,  mais 
il  faut  les  observer.  (21  février,  11  avril  1703.) 

Madame  de  La  Voixbasse  ne  pourra  sortir  des  Nouvelles 
Catholiques  de  Paris  pour  retourner  à  La  Rochelle  où  sont 
ses  enfants  que  s'il  est  prouvé  que  sa  religion  ne  sera  pas 
exposée  à  un  trop  grand  péril.  (18  novembre  1705.) 

Le  1'=''  juillet  1705,  Pontchartrain  est  persuadé  que  Sa 
Majesté  approuvera  ce  que  IBégon  a  fait  pour  le  prédicant 
([u'il  a  jugé  et  l'homme  chez  lequel  il  était  logé*. 


1.  Quel  était  ce  pi-édicanl?  {Red.) 

LI. 


90  DOCUMENTS 

Massy,  français  de  la  religion  réformée  et  des  environs  de 
Royan,  trouvé  sur  un  vaisseau  portugais  amené  au  Port 
Louis,  a  fait  abjuration,  il  peut  être  renvoyé  chez  lui,  mais 
devra  être  observé  (29  juillet  1705),  ainsi  que  Paul  Breon, 
d'Arvert  et  Jean  Mondeau  d'Oléron.  (10  décembre  1704.) 

La  demoiselle  Bonjiamy  de  la  Rochelle  qui  prend  soin  de 
rinstruclion  des  jeunes  filles  nouvellement  converties,  devra 
recevoir  le  prix  de  la  vente  des  toiles  peintes  saisies  chez 
elle,  sauf  le  tiers  réservé  au  dénonciateur,  elle  devra  aussi 
être  déchargée  de  l'amende  à  laquelle  elle  a  été  condamnée. 
(Chamillart,  20  juillet  1702.) 

Jacques  Moreau,  matelot  de  Chaillevetle,  a  été  envoyé  à 
La  Rochelle  par  les  officiers  du  Parlement  de  Tournay  pour 
lui  faire  son  procès;  ce  qu'il  expose  dans  son  placet  est  véri- 
table et  on  ne  peut  lui  faire  son  procès,  faute  de  témoins.  Sa 
Majesté  trouve  bon  qu'on  le  fasse  mettre  en  liberté,  à  con- 
dition de  servir  sur  le  premier  vaisseau  qu'on  fera  armer, 
pour  qu'il  voyage  de  long  cours,  en  attendant  qu'on  l'oblige 
de  s'instruire.  En  le  faisant  embarquer  sur  le  vaisseau  le 
François,  il  faut  l'observer  sur  le  fait  de  la  Religion.  (19  no- 
vembre 1704.) 

24  juin  1705. 

Le  Vice-Roi  d'Irlande  a  fait  escrire  dans  les  ports  de  France  où 
il  y  a  des  nouveaux  convertis  pour  en  débaucher  le  plus  grand 
nombre  qu'il  pourra,  non  seulement  des  gens  de  mer,  mais  encore 
des  ouvriers  et  artisans,  sous  prétexte  de  leur  faire  en  idée  de 
grands  avantages,  mais  réellement  pour  remplacer  le  grand  nombre 
d'Irlandais  catholiques  qui  sont  à  présent  dans  les  armées  de  terre 
et  pour  les  soumettre  au  joug  sous  lesquels  les  pauvres  Irlandais 
gémissent,  je  ne  crois  pas  que  ces  promesses  trouvent  beaucoup  de 
créance  en  France... 

7  mars  1703. 

Le  s"^  (Poictevyn)  S""  de  La  Frégonnière,  .enseigne  de  vaisseau 
réclame  une  pension  de  trois  cents  livres,  sur  les  économats,  en 
faveur  de  sa  conversion;  il  s'est  trouvé  seulement  deux  demoiselles 
de  ce  nom  qui  ont  chacune  des  pensions  de  trois  cents  livres,  qui 
ont  été  réduites  à  cent  cinquante,  mais  il  ne  s'y  en  est  pas  trouvé 
pour  lui. 


DOCUMENTS  91 

\'er.s;iiIlos,  2  juillet  1704. 

M.  d'Iberville  m'a  donné  avis  qu'un  français  qui  est  arrivé  à  La 
Rochelle  et  qui  est  allé  ensuite  à  Bordeaux,  se  faisant  passer  pour 
Suédois,  a  proposé  au  S"^  Lesueur  de  se  joindre  à  une  compagnie 
de  Religionnaires  qui  s'est  formée  pour  aller  à  la  découverte  de  la 
mer  de  l'Ouest  par  le  Mississipi  et  qu'il  a  voulu  l'engager  à  débau- 
cher plusieurs  Canadiens  pour  se  joindre  à  lui;  faites-le  chercher  et 
arrêter;  j'écris  à  M.  de  la  Bourdonnaye  de  le  faire  chercher  aussi 
à  Bordeaux. 

2<J  aoùl  1703. 

Le  Marquis  de  Villette  se  plaint  du  zèle  indiscret  de  quelques  curés 
de  votre  département  contre  les  nouveaux  convertis.  —  Éloigner 
celui  de  Mauzé.  Donner  aux  matelots  de  l'escadre  du  marquis 
de  Villette  les  moyens  de  faire  leurs  Pâques  à  bord. 

20  octobre  170  i. 
Informer  de  la  conduite  du  ë>'  de  Folleville  sur  la  Religion. 

<J  mai  1703. 

Arrêter  la  xeuve  Begnicourt  hollandaise,  sa  sœur  et  sa  fille,  toutes 
trois  protestantes,  venues  à  Paris  pour  jouir  d'une  rente  de 
400  livres  sur  l'hôtel  de  ville  et  partir  pour  l'Aunis  ou  la  Saintonge. 

2.5  avril  1703. 

Je  ne  sais  si  S.  M.  voudra  accorder  sa  liberté  à  Bilbeau,  condamné 
aux  galères  pour  Religion  et  recommandé  par  Bégon,  à  cause  des 
troubles  des  Cévennes,  où  quelques  uns  des  nouveaux  convertis 
graciés  ont  passé. 

:5  Janvier  1703. 

S-  M.  ne  veut  point  entrer  dans  la  proposition  des  matelots  nou- 
veaux convertis  qui  demandent  la  bénédiction  nuptiale,  sans  vou- 
loir observer  les  règles  de  l'Église. 

3  mai  1703. 

Si  les  ennemis  entreprennent  quelque  chose  du  côté  de  La 
Rochelle,  les  nouveaux  catholiques  feront  leur  devoir  comme  les 
anciens  catholiques.  Convenir  avec  le  maréchal  de  Chamilly  de  ce 
qu'il  y  aura  à  faire. 


92  DOCUMENTS 

23  février  1703. 

Main  levée  au  S'  Gilbert,  maire  de  la  ville  de  Melle,  des  biens 
d'Elisabeth  Benoist. 

10  octobre  1703. 

Mettre  en  liberté  et  observer  Raymond,  protestant  de  la  Rochelle 
arrêté  à  Paris  au  mois  de  juin. 

30  mai  1703. 

Mettre  aux  Nouvelles  Catholiques  de  La  Rochelle  Madame  Du 
Quesne,  à  cause  de  son  opiniâtreté  à  ne  pas  faire  son  devoir  de 
catholique. 

5  décembre  1703. 

Le  fils  du  marquis  Isle  de  Loire,  d'Aunis  et  Alain  de  Jersey,  se  sont 
échappés  de  la  flotte  anglaise,  lorsqu'elle  était  à  la  rade  de  Ligourne 
et  sont  venus  de  Toulon  à  Paris  dans  le  dessein  de  se  rendre  à  La 
Rochelle.  Le  Roi  fait  payer  leur  voyage.  Ils  paraissent  dans  de 
bonnes  dispositions,  tant  pour  la  Religion  que  pour  le  service  de  Sa 
Majesté. 

28  juin,  23  juillet  1704. 

Sur  la  plainte  de  Tévèque  de  la  Rochelle  (Etienne  de  Champfour) 
arrêter  Pierre  Grelier,  qui  aurait  perverti  Dumont  et  empêché  des 
matelots  de  faire  leur  devoir  pascal. 

8  avril  1705. 

Mettre  en  liberté  Daniel  Marchay,  naturalisé  anglais,  qui  a  sa 
femme  et  3  enfants  en  Angleterre,  est  toujours  huguenot  et  a  été  pris 
commandant  un  vaisseau  marchand  anglais  :  l'envoyer  à  Dinan, 
comme  de  vous-même. 

24  juin  1705. 

Fidélité  de  Petit  qui  a  été  autrefois  huguenot,  veiller  à  ce  que 
son  équipage  ne  soit  pas  composé  de  nouveaux  convertis.  Lui 
accorder  un  mortier  et  50  bombes.  Les  armateurs  sont  de  Noor- 
dingh,  Daniau  et  Faneuil. 

27  août  1704. 

Guillaume  Ryan,  prêtre  anglais  ou  irlandais,  a  apostasie,  est  à 
Rochefort,  il  s'est  marié  en  Angleterre,  où  il  a  une  pension,  et 
demeure  à  Rochefort,  le  faire  arrêter. 

19  novembre  1704. 
Le  mettre  en  liberté. 


DOCUMENTS  93 


16  septembre  170.") 


Mettre  au  couvent  la  femme  Flaming,  de  la  Rochelle  et  ses  filles, 
rasées  et  enfermées  pour  avoir  voulu  sortir  du  royaume,  et  ren- 
voyées à  la  Rochelle  sur  les  assurances  d'une  jjonne  conversion. 

31  octohi-e  1705. 

Mettre  aux  Nouvelles  Catholiques  la  fille  Flaming  qui  a  épousé 
Perdriau,  les  engager  à  se  faire  instruire,  pour  quMls  puissent  se 
marier  suivant  les  règles  ordinaires  de  l'Église. 

27  mal   1705. 

Le  Roy  n'a  pu  se  déterminer  à  entrer  dans  la  proposition  de  con- 
vertir la  peine  de  mort  ordonnée  contre  les  nègres  fugitifs  peur  la 
S*"  fois,  en  celle  de  les  rendre  eunuques  —  Sa  Majesté  s'est  déter- 
minée à  laisser  subsister  l'ordonnance  de  1685. 

21  janvier  1705. 

Éloigner  le  curé  de  St-Pierre-d'Oléron,  pour  sa  mauvaise  conduite 
et  particulièrement  pour  avoir  marié  la  femme  d'un  matelot  absent 
(Jacques  Foveau  ou  Faveau)  avec  un  autre  habitant  du  lieu  (sans 
avoir  eu  de  certincats  de  sa  mort  et  en  le  menaçant  de  coups  de 
bâton,  au  lieu  de  lui  rendre  justice);  empêcher  que  celte  femme  et 
que  le  prétendu  dernier  mari  n'habitent  ensemble. 

Toutes  ces  lettres  de  Ponlchartrain  à  Bégon  sont  instruc- 
tives :  Non  seulement  elles  fournissent  des  noms  et  des  faits 
plus  ou  moins  ignorés,  mais  elles  montrent  avec  quel  soin 
méticuleux  on  s'occupait  en  haut  lieu  de  la  grande  affaire  des 
conversions  de  gré  ou  de  force.  Le  moindre  détail,  le  plus 
petit  racontar,  sont  mis  à  profit  dans  ce  but  et  provocjuent 
des  actes  officiels  d'intolérance  ou  de  despotisme  qui  étaient 
rares  avant  1685  et  qui  n'ont  été  formellement  interdits  qu'en 

1901. 

De  Ricmemond*. 


1.  A  son  dernier  voyage  à  Paris,  S.  M.  le  Roi  des  ilellèiies  a  bien 
voulusigner  la  nomination  dans  son  ordre  royal  du  Sauveur,  de  M.de  Riche- 
mond,  naturaliste,  érudil,  conférencier,  publiciste.  mutualiste,  et  laureal 
de  la  So-lété  nationale  d'i'^ncouragemenl  au  iiien. 


Mélanges 


CIMETIERES    PROTESTANTS    PARISIENS 

I.  —  Le  cimetière  Saint-Marcel  ou  des  Poules  (1685-1717) 

J'ai  pu  recueillir  quelques  notes  et  documents  inédits  sur 
deux  des  anciens  cimetières  où  furent  enterrés,  avant  la 
Révocation,  et  plus  tard,  jusqu'après  la  Révolution,  d'abord 
les  Parisiens  protestants  de  la  rive  gauche  et  du  quartier 
Sainte-Geneviève,  puis  leurs  coreligionnaires  étrangers. 
Elles  aideront  à  préciserai  à  compléter  ce  que  feu  M.  Gh.  Read 
avait  fait  paraître  sur  ces  deux  cimetières,  dans  les  fomes  XII 
et  XXXVI  de  ce  Bulletin. 

Le  45^  article  secret  de  l'édit  de  Nantes  avait  accordé  aux 
protestants  parisiens,  outre  les  deux  cimetières  de  la  Trinité 
(rue  Saint-Denis,  à  l'issue  du  passage  Basfour,  à  l'endroit  où 
passe  la  rue  Palestro)^  et  de  Saint-Germain  (jardin  de  l'Aca- 
démie de  Médecine,  à  l'angle  de  la  rue  des  Saints-Pères  et  du 
boulevard  Saint-Germain),  dont  ils  jouissaient  depuis  1576  et 
peut-être  auparavant,  «  un  troisième  lieu  commode,  pour  les 
dites  sépultures,  aux  faubourgs  Saint-Honoré  ou  Saint-Denis  » . 

Gette  stipulation,  comme  tant  d'autres  de  ce  célèbre  édit 
de  Nantes,  resta  lettre  morte  pendant  plusieurs  années. 
Sans  doute  les  protestants  ne  purent  obtenir  «  aux  faubourgs 
Saint-Honoré  ou  Saint-Denis  »,  ce  qui  leur  était  accordé  en 
principe,  et  durent  chercher  sur  la  rive  gauche  de  la  Seine, 
où  ils  étaient  déjà  plus  ou  moins  pourvus,  ce  qu'on  leur 
refusait  sur  la  rive  droite.  Après  des  négociations  probable- 
ment laborieuses,  mais  sur  lesquelles  nous  ne  savons  rien,  ils 
parvinrent  à  acquérir  un  terrain  au  faubourg  Saint-Marcel 
ou  Saint-Marceau. 

Ce  terrain  appartenait  à  l'abbaye  Sainte-Geneviève.  Quand 
les  religieux  surent  que  l'acquéreur  représentait  les  hugue- 
nots et  que  ceux-ci  voulaient  faire  de  ce  terrain  un  cimetière, 
ils  firent  tous  les  efforts  imaginables  pour  annuler  cet  acte 

1.  D'après  A.  Coquerel  fils.  Bull.,  XV,  466. 


MÉLANGES  95 

de  vente.  Cela  résulte  du  fait  que  les  protestants  ne  purent 
entrer  en  jouissance  que  grâce  à  un  arrêt  du  Parlement,  du 
24  mai  1613,  suivi  d'un  arrêt  du  Conseil  privé  autorisant  le 
lieutenant  civil  à  prendre  possession  du  terrain  contesté  le 
17  mars  1614  au  nom  du  prévôt  de  Paris  et  au  profit  des 
plaignants  '.  Il  fallut  donc  attendre  et  négocier  pendant 
quinze  années  pour  pouvoir,  à  Paris,  se  servir  d'un  terrain 
qu'on  avait  payé,  simplement  parce  qu'on  était  protestant. 

Malgré  ces  actes  formels  et  décisifs,  le  procureur  de  Sainte- 
Geneviève  refusa  encore  en  1617,  de  recevoir  de  ceux  de  la 
religion  «  la  somme  de  six  livres  pour  les  arrérages  de  cens 
«  et  renies  de  ladite  place  ».  Par  ce  refus  les  religieux  évi- 
taient d'admettre  implicitement  que  ce  terrain  appartenait  à 
ceux  qui  l'avaient  payé.  Même  vingt  ans  plus  tard,  le  9  dé- 
cembre 1637,  ils  demandaient  encore  que  <(  le  contrat  d'ac- 
«  quisition  n'ayant  été  ensaisiné  quau  nom  d'un  particulier 
«  et  non  d'une  communauté',  ...  il  soit  faict  deffenses  aux  dits 
«  religionnaires  de  plus  enterrer  les  dits  morts  au  dit  lieu  ». 
{Bull.  XII,  141-142.) 

Le  premier  des  deux  textes  que  nous  publions  aujourd'hui, 
d'après  une  copie  découverte  aux  Archives  Nationales  (S.  1529) 
et  qui  nous  a  été  obligeamment  communiqué  par  M.  Charles 
.Schmidt,  prouve  que  les  protestants  purent,  malgré  l'oppo- 
sition des  religieux  de  Sainte-Geneviève,  jouir  de  ce  cime- 
tière pendant  environ  70  ans,  c'est-à-dire  de  l'année  1614  à 
l'année  1685.  Quelques  jours,  en  effet,  après  la  signature  de 
l'édit  de  Révocation,  le  29  octobre  1685,  Louis  XIV  signa  un 
brevet  à  l'effet  d'enlever  ce  cimetière  aux  prétendus  réformés, 
pour  le  donner  aux  nouveaux  catholiques  du  faubourg  Saint- 
Victor,  c'est-à-dire  à  une  maison  où  étaient  internés  et  co.» 
vertis  de  gré  ou  de  force  ceux  que  l'édit  de  Révocation  pré- 
tendait revenus  au  catholicisme. 

Cette  maison  des  nouveaux  catholiques,  pour  le  tlire  en 
passant,  était  située,  à  côté  du  jardin  royal  des  Plantes, 
presque  à  l'angle  des  rues  Cuvier  et  Geoffroy-Sainl-Hilaire, 
c'est-à-dire  de  Seine  et  Saint-Victor  d'autrefois.  —  l'ne  note 

1.  Bull.,  \1I,   l'.l. 


9G  MÉLANGES 

ajoutée  à  Tacle  qu'on  va  lire  nous  informe  que  cette  commu- 
nauté ne  garda  ce  terrain  que  pendant  9  ans  au  plus,  puis- 
qu'elle le  rétrocéda  aux  Genovéfains  avec  les  bâlimenls  qui 
y  étaient  construits,  en  1694. 

Brevet  de  Louis  XIV, 

Aujourdtiuy  vingt  neufiesme  jour  du  mois  d'octobre  m.  Vb quatre 
vingts  cinq,  le  Roy  estant  à  Fontainebleau  voulant  favoriser  l'esta- 
blissement  de  la  maison  des  nouveaux  catholiques  au  fauxbourg 
S'  Marcel  (en  surcharge  :  Victo)-)  de  sa  bonne  ville  de  Paris,  Sa  Ma- 
jesté a  accordé  et  fait  don  à  la  dite  maison,  du  cimetière  que  ceux 
de  la  R.  P.  R.  avoienl  au  dit  fauxbourg  S'  Marcel  et  des  bâtiments 
qui  y  sont  conslruicls,  pour  en  jouir  et  disposer  par  les  directeurs 
de  la  maison  des  nouveaux  convertis  pleinement  et  paisiblement, 
comme  des  autres  biens  qui  peuvent  appartenir  à  la  dite  maison, 
m'ayant,  Sa  Majesté,  commandé  d'en  expédier  le  présent  brevet 
qu'elle  a  signé  de  sa  main  et  fait  contresigner  par  moy  conseiller 
secrétaire  d'Estat  et  de  ses  commandements  et  finances. 

Louis, 

En  note  :  Colbert. 

Ce  cimetière  appartient  à  présent  à  l'abbaye  de  Sainte-Geneviève, 
en  conséquence  de  la  cession  qui  lui  en  a  été  faite  par  la  maison 
des  nouveaux  convertis  en  1694,  par  devant  Bobusse. 

Le  second  texte,  copié  par  nous-même  tout  récemment 
aux  archives  du  département  de  la  Seine  où  M.  B.  Lazard 
avait  bien  voulu  nous  le  signaler,  se  trouve  dans  un  registre 
des  insinuations,  n°  100,  fol.  77  v%  et  constate  que  le  l"  sep- 
tembre 1717,  cet  «  ancien  cimetière  des  huguenots  sur  lequel 
«  il  y  a  un  corps  de  logis  scitué  le  long  de  la  rue  des  Poules, 
«  fauxbourg-Saint-Marceau,  et  trois  autres  bâtiments  à  l'en- 
«  tour  de  la  cour,  avec  un  puis  enicelle  »,  fut  vendu  au  sieur 
Robert  Goret,  maître  sculpteur  à  Paris  où  il  demeurait,  rue 
Contrescarpe,  et  à  demoiselle  Marie  le  Sot,  sa  femme,  «  qu'il 
autorise  ».  Grâce  à  ce  dernier  texte  on  pourra  retrouver  un 
jour,  dans  les  minutes  d'un  successeur  de  M''  Vaubelin  et 
Doyen,  notaires  à  Paris,  d'autres  actes  permettant,  sans 
doute,  de  déterminer  exactement  l'emplacement  et  les  limites 
de  cet  ancien  cimetière. 


MÉLANGES  97 

Vente  de  cimetière  rue  des  Poules,  R.  P.  de  Ste-Geneviève-Goret'. 

Par  conirat  passé  par  devant  Vaubelin  et  Doyen,  notaires  à 
Paris,  le  premier  sept,  mil  sept  cent  dix  sept,  appert  les  R.  Pères  de 
Sainte-Geneviève  avoir  vendu  au  sieur  Robert  Goret,  m"  sculpteur 
à  Paris  et  Dlle  Marie  le  Sot,  sa  femme,  qu'il  autorise,  demeurant 
rue  Contrescarpe,  p"'"'  S'  Etienne  dumont,  l'ancien  cimetière  des 
huguenots  sur  lequel  il  y  a  un  corps  de  logis  scitué  le  long  de  la 
rue  des  Poules,  fauxbourg  St  Marceau,  et  trois  autres  bâtiments  à 
l'entour  de  la  cour,  avec  un  puis  en  icelie,  appartenances  et  dépen- 
dances. Cette  vente  faite  à  la  charge  des  cens  et  droits  seigneuriaux 
et  outre,  moyennant  deux  cens  livres  de  rente  foncière,  suivant 
qu'il  est  plus  au  long  porté  aud.  contrat. 

A  ces  deux  documents,  nous  avons  joint  une  reproduction 
de  la  partie  du  plan  de  Turgot  (1734-1739)  où  se  trouve  la 
rue  des  Pontes.  Grâce  à  ce  plan  et  à  un  texte  publié  déjà  en 
1863  par  feu  M.  Ch.  Read,  on  peut  fixer  approximativement 
l'emplacement  de  cet  ancien  cimeliére  huguenot. 

Le  texte  publié  par  M.  Read  {Bull.,  XII,  143)  est  un  extrait 
du  censier  de  Sainte-Geneviève  mentionnant  parmi  les  rede- 
vances du  côté  oriental  de  celte  rue,  «  ceux  de  la  R.  P.  R. 
«  pour  la  maison  de  leur  fossoyeur  et  pour  la  place  où  on  les 
((  enterre  ».  Comme  par  d'autres  textes  le  cimetière  est  placé 
à  la  fois  rue  des  Poules  et  rue  du  Puits-qui-parle,  M.  Read 
en  avait  conclu  logiquement  qu'il  devait  faire  l'angle  oriental 
de  la  rue  des  Poules  et  de  celle  du  Puits-qui-parle ^ 

En  comparant  le  plan  qu'on  a  sous  les  yeux  avec  le  plan 
actuel  de  ce  quartier  resté  sensiblement  comme  il  était  autre- 
fois, sauf  toutefois  le  percement  de  la  rue  d'Ulm,  à  travers  le 
pâté  de  maisons  séparant  la  place  de  l'Estrapade  de  l'an- 
cienne rue  du  Cheval-Vert,  on  voit  qu'une  seule  rue,  celle  du 

1.  Ce  litre  se  trouve  en  marge  de  l'aclc. 

2.  Un  texte  de  1715,  il  csl  vrai,  aussi  cité  par  .M.  Read  (Xli,  142),  dit, 
«  le  tout  tenant,  d'une  part  sur  la  rue  des  Poules,  d'autre  sur  la  rue  du 
Pot-de-P'er,  où  il  y  a  grande  porte  cochère,  aboutissant  par  derrière  à 
M.  Bégon  ».  Il  suffit  de  regai-dcr  le  plan  pour  voir  cjue  la  rue  du  Pot-de- 
Fer  a  été  mise  ici  par  erreur  pour  la  rue  du  Puits  qui-parle,  puiscjue  la 
rue  des  Poules  n'allait  pas  jusqu'à  la  rue  du  Pot-de-Fer,  laf|uelle  n'a  changé 
ni  de  nom  ni  de  place.  —  Jaillot,  d'ailleurs,  parle  aussi  d'un  cimetière 
des  protestants  (jui  se  trouvait  autrefois  rue  des  Poules. 


MÉLANGES  99 

Pot-de-Fer,  y  a  conservé  son  ancienne  dénomination.  Toutes 
les  autres  ont,  grAce  à  la  manie  des  édiles  parisiens  de  pro- 
diguer dans  ce  domaine  des  innovations  que  personne  ne 
réclame,  perdu  leurs  noms  pittoresques  ou  significatifs.  Ainsi 
la  rue  des  Postes  s'appelle  rue  Lhomond;  la  rue  des  l-'ossés- 
Saint-Marcel,  rue  de  TEstrapade;  la  rue  Neuve-Sainte-Gene- 
viève, rue  Tournefort;  la  rue  du  Gheval-\  ert,  rue  des  Irlan- 
dais; les  rues  des  Poules  et  du  Puils-qui-parle,  Laromiguière 
et  Amyot.  Le  côté  oriental  de  la  rue  Laromiguière  ou  des 
Poules,  c(  joignant  la  rue  du  Puy-qui-parle  »  ou  .\myot,  est 
donc  Tangle  de  gauche  de  ces  deux  rues  quand  on  vient  de 
la  rue  de  l'Estrapade,  anciennement  des  Fossés-Saint-Marcel. 

Si  un  de  nos  lecteurs  veut  bien  aller  dans  ce  quarlier,  il 
verra  à  cet  angle,  ou  plutôt  le  long  de  la  rue  Amyot,  une  très 
vieille  bâtisse  qui  pourrait  bien  dater  du  xvii^  siècle  et  avoir 
été  jadis  la  «  maison  du  fossoyeur  »  qu'on  distingue  d'ailleurs 
fort  bien  sur  le  plan  de  Turgot,  ainsi  que  les  autres  bâtiments 
énumérés  dans  l'acte  de  vente  de  1717*. 

Les  maisons  modernes,  n°  11,  rue  Laromiguière,  et  peut- 
être  aussi  du  n°  8  de  la  rue  Amyot,  ont  probablement  été 
construites  sur  l'emplacement  du  cimetière  proprement  dit. 
Elles  sont  séparées  de  la  vieille  bâtisse  par  une  cour  qui 
s'ouvre  sur  la  rue  Laromiguière  et  sur  la  rue  Amyot.  La 
concierge  du  n"  1 1  nous  a  dit  que  la  vieille  maison  et  la 
cour  appartiennent  à  une  Mme  Picard,  demeurant,  7,  rue 
Râteau.  Je  n'ai  pas  eu  le  temps  d'aller  voir  cette  propriétaire 
et  de  pousser  ainsi  plus  avant  mes  investigations.  Mais  ce 
que  j'ai  pu  déterminer  suffira  sans  doute  à  satisfaire  la 
curiosité  du  plus  grand  nombre.  Quelques-uns  de  nos  coreli- 
gionnaires, ceux  qui  s'intéressent  à  l'école  de  gardes-ma- 
lades installée  dans  l'angle  opposé  de  la  rue  Amyot,  pourront, 
lorsqu'ils  s'y  rendront,  se  rappeler  qu'en  accompagnant 
leurs  morts,  leurs  ancêtres  passaient  autrefois  dans  ces  rues, 
tristement,  de  grand  malin,  ou  le  soir  lard,  pour  ne  pas 
scandaliser  les  bons  catholiques  de  ce  temps-là. 


1.  Sauf  toutclois  (|u"i]s  ne  sont,  en  outre  de  reliii-i;i.  (|u';ui  nombre  de 
deux  et  non  de  trois. 


100  SÉANCES    DU    COMITÉ 

SÉANCES    DU    COMITÉ 


3  Décembre  1901. 
Assistent  à  la  séance,  sous  la  présidence  du  baron  F.  de  Schickler, 
MM.  Th.    Dufour,   F.  Kuhn,  W.   Martin,    F.    Puaux,   A.    Reville, 
R,  Reuss  et  N.  Weiss;  M.  P.  de  Félice  se  fait  excuser. 

Après  la  lecture  et  l'adoption  du  procès-verbal  de  la  dernière 
séance,  le  secrétaire  communique  quelques  extraits  de  la  correspon- 
dance, entre  autres,  une  lettre  de  Debreczendemandantdes  renseigne- 
ments sur  la  médaille  de  Calvin  de  1835,  une  autre  de  M.  de  Grand- 
maison  offrant  son  élude  sur  l'étymologie  française  du  mot  huguenot, 
lettre  au  sujet  de  laquelle  M.  Th.  Dufour  remarque  que  le  terme  de 
«  anguenot  »  était  employé  à  Genève  dès  1536.  M.  Anquetil,  de 
Bayeux,  offre  une  liste  de  1860  noms  de  personnes  de  ce  diocèse  qui 
y  abjurèrent  le  protestantisme  entre  le  24  mars  1570  et  le  18  août 
1573.  Quatorze  de  ces  noms  sont  ceux  d'anciens  prêtres,  et  les 
36  premiers  feuillets  du  registre  où  ils  se  trouvent,  et  qui  apparte- 
nait autrefois  à  l'officialité  du  diocèse  de  Bayeux,  font  défaut.  Le 
comité  prend  ensuite  connaissance  du  prospectus  de  la  Société 
d'Histoire  moderne  et  décide  que  notre  Société  y  adhérera  et  y  sera 
représentée  par  son  secrétaire.  Enfin  ce  dernier  signale  une  thèse 
présentée  à  la  faculté  de  droit  par  M.  Ernest  Bonifas,  avocat  à  la 
Cour  d'appel.  Cette  thèse,  sur  le  Mariage  des  protestants  depuis  la 
Réforme  jusqu'à  1789,  a  été  faite  à  la  bibliothèque  de  notre  Société, 
et  reçue  avec  distinction,  c'est-à-dire  avec  la  note  la  plus  élevée. 

Le  président  communique  une  requête  du  synode  officieux  de  la 
basse  Ardèche,  demandant  à  la  Société  d'acquérir  au  profit  du  culte 
réformé  à  Villeneuve-de-Berg,  la  maison  de  cette  ville  où  d'après 
la  tradition,  Antoine  Court  serait  né.  Le  président  rappelle  ensuite 
au  comité  qu'en  mai  1902  notre  Société  devra  célébrer  son  cinquan- 
tenaire et  demande  que  chacun  veuille  bien  penser  à  la  meilleure 
manière  de  commémorer  cette  date. 

Bibiiotbèfiae.  —  Elle  a  reçu,  entre  autres,  du  président,  un 
exemplaire  en  argent  de  la  médaille  frappée  à  l'occasion  du  cente- 
naire de  la  Faculté  de  théologie  de  Montauban  ;  —  de  M.  Brunel,  de 
Plos  près  St-Reneville,  un  exemplaire  des  Commentaires  du  soldat 
du  Vivarais  de  1811  ;  —  de  la  bibliothèque  de  Genève  son  catalogue 
complet. 

La  séance  est  levée  après  communication  du  chiffre  des  collectes 
faites  à  l'occasion  de  la  Fête  de  la  Réformation  et  reçues  par  le 


CORRESPONDANCE.  IQl 

secrétaire,  qui  annonce  aussi  avoir  reçu  Jusqu'ici  le  dépouillemenl 
surficiies  de  sept  volumes  de  l'ancien  Bulletin. 

1'»  Janvier  1902. 

Assistent  à  la  séance,  sous  la  présidence  du  baron  F.  de  Schickler, 
MxM.  Th.  Dufour,  P.  de  Félice,  F.  Puaux,  R.  Reuss,  A.  Réville  et 
N.  Weiss;  M.  Bonet-Maury  se  fait  excuser. 

Après  la  lecture  et  i'adoption  du  procès-verbal  de  la  dernière 
séance,  le  président  communique  une  invitation  du  Consistoire  de 
l'Église  réformée  française  de  Copenhague,  à  se  joindre  à  la  com- 
mémoration, le  21  janvier  prochain,  du  centenaire  de  la  naissance 
d'Adolphe  Monod.  Le  comité  prie  son  président  de  répondre  au 
nom  de  la  Société  à  cette  invitation.  —  Celui-ci  fait  remarquer 
ensuite  que  le  cinquantenaire  de  notre  Société  d'histoire  coïncidera, 
au  mois  de  mai,  avec  les  noces  d'argent  de  la  Faculté  de  théologie 
protestante  de  Paris.  II  pense  qu'on  devra  faire  figurer  au  pro- 
gramme de  nos  réunions  exceptionnelles,  une  audition  de  quelques- 
uns  de  nos  psaumes  d'après  les  mélodies  anciennes  retrouvées  et 
publiées  récemment  avec  autant  de  science  que  d'exactitude  par 
M.  Henri  Expert.  Mais  il  faudrait  aussi  que  chacun  de  nous  se  préoc- 
cupât de  ce  programme,  et,  en  particulier,  qu'on  se  mît  d'accord  sur 
la  liste  des  noms  à  inscrire  à  la  Bibliothèque,  liste  que  M.  Franklin 
voudrait  limiter  au  maximum  de  35  noms.  —  Le  comité  décide  que 
pour  pouvoir  s'entretenir  plus  amplement  de  ces  diverses  questions, 
une  séance  exceptionnelle  sera  convoquée  dans  la  quinzaine. 

Le  secrétaire  communique  et  fait  voter  après  discussion,  le  texte 
de  la  préface  du  Bulletin  de  1902,  destinée  à  le  faire  comprendre 
dans  l'ensemble  des  volumes  qui  figureront  dans  la  table  générale, 
et  qui  représenteront  l'activité  de  la  Société  pendant  les  cinquante 
premières  années  de  son  existence. 

Bibliothèque.  —  Elle  reçoit  du  président  un  petit  dossier  manus- 
crit, composé  en  partie  de  pièces  originales  et  relatives,  entre 
autres,  à  la  lutte  entre  le  Collège  de  Montauban  et  les  Jésuites. 


CORRESPONDANCE 


Centenaire  d'Adolphe  .iionod.  —  Nous  VOUS  serions  reconnais- 
sants de  vouloir  bien,  à  votre  plus  prochaine  convenance,  insérer 
dans  votre  journal  la  communication  suivante  : 

«  Pour  répondre  à  un  voeu  exprimé  de  divers  côtés,  notamment  par 


102  CORRESPONDANCE 

la  presse  religieuse  et  par  quelques  amis  dont  les  sentiments  sont 
d'un  grand  prix  pour  nous,  un  volume  de  Sermons  choisis  d'Adolphe 
Monod,  auxquels  viendront  se  joindre  un  petit  nombre  de  Médita- 
lions  tirées  des  Adieux  et  quelques  fragments  inédits,  est  sous 
presse,  pour  paraître,  Dieu  voulant,  le  15  mars  prochain. 

«  Ce  volume,  publié  par  souscription,  contiendra  un  portrait  et  une 
table  analytique  des  matières  et  rappellera  par  le  format  et  l'exécu- 
tion typographique  celui  des  Sermons  choisis  d'Eugène  Bersier.  11 
sera  livré,  à  l'occasion  du  centenaire  d'Adolphe  Monod,  à  des  condi- 
tions exceptionnelles  de  bon  marché,  notre  désir  étant  avant  tout 
d'honorer  la  mémoire  de  notre  père  et  de  continuer  son  œuvre  au 
sein  de  nos  Églises,  en  mettant  le  fruit  de  son  travail  à  la  portée  du 
plus  grand  nombre  possible  de  lecteurs. 

«  Un  très  prochain  avis  annoncera  l'ouverture  de  la  souscription 
et  en  indiquera  les  conditions. 

«  Pour  la  famille  d'Adolphe  Monod, 

«  William  Mo.nod,  Sarah  Monod.  » 


Toujours  l'Égrliae  dos  Cévenols  après  la   Révocation  {Bull.   1901, 

G14et667).  —  Nos  lecteurs  ont  vu  les  remarques  de  MM.  D.  Benoît  et 
E.  Arnaud,  sur  cette  phrase  de  feu  A.  Sabatier  «  ...Je  veux  parler 
«  de  l'Église  des  Cévenols,  Église  de  paires  et  de  paysans  qui,  per- 
ce sécutée  atrocement  pendant  deux  siècles,  a  vécu  sans  sacerdoce 
«  ni  sacrements,  sans  infaillibilité,  sans  pasteurs  même,  uniquement 
«  avec  la  Bible  au  foyer  de  la  famille  et  le  témoignage  du  Saint- 
«  Esprit  au  fond  du  cœur...  »  —  J'avais  pris  la  liberté  d'objecter 
aux  protestations  de  M.  D.  B.  que  «  la  phrase  de  M.  Sabatier  ne 
«  serait  entièrement  fausse  que  si  on  nous  prouvait  que  dans  ces 
«  régions  (de  l'Ardèche)  —  autour  de  Vallon  où  il  était  né  —  le 
«  culte  huguenot  n'avait  pas  subi  d'interruption  prolongée  après  la 
«  Révocation.  »  —  Or,  voici  deux  citations  que  veut  bien  me  com- 
muniquer M.  P.  Fonbrune-Berbinau,  et  qui  déclarent  que  précisé- 
ment dans  cette  région  de  l'Ardèche,  le  culte  huguenot  fut  inter- 
rompu pendant  près  de  cinquante  ans  après  la  Révocation;  que 
par  conséquent,  les  souvenirs  recueillis  par  M.  Sabatier  étaient 
exacts. 

La  première  citation  est  empruntée  à  une  lettre  d'un  pasteur  du 
Désert  qui  écrit  d'Uzès  le  20  mars  1724,  et  raconte  son  voyage  de 
retour  de  Genève  dans  les  Cévennes  : 

...  «  Le  12  mars,  quelques  fidèles  de  la  province  de  Vais  ...  étant 
«  informés  par  leurs  parents  des  Boutières  qu'on  y  fesoit  des  assem- 


CORRESPONDANCE.  103 

^(  blées,  s'y  rendirent,  aux  Boutières,  à  trois  grandes  lieues  de 
«  Vais.  Ces  pauvres  fidèles  me  tirèrent  à  part  et  me  dirent  en  pleu- 
«  rant  :  Autrefois,  dans  nos  provinces,  il  y  avoit  un  pasteur,  un 
«  temple  et  plus  de  trois  mille  communiants;  mais,  étant  depuis  très 
«  longtemps  sans  assemblées,  sans  sacremens,  tout  le  monde  tombe 
«  dans  l'idolâtrie  et  le  dérèglement.  Si  vous  vouliez,  cher  pasteur, 
«  nous  faire  la  grâce  d'y  penser,  vous  ne  pourriez  faire  une  plus 
«  grande  charité...  » 

Trois  ans  plus  tard,  en  juin  1727,  Corteiz  dit  avoir  reçu  une  lettre 
«  du  pasteur  Rogerlui  marquantqu'ila  fait  des progrèsconsidérables 
«  du  côté  de  Vallon  en  Vivarais,  où  il  y  a  quelques  communautés, 
«  depuis  Saint-Ambroix  jusqu'à  Vallon,  qui  vivoient  dans  une 
«  extrême  irréligion  ». 

Ces  deux  citations  caractéristiques  sont  empruntées  aux  papiers 
Court,  n.  17  G,  fol.  63  et  111. 

N.  Wiciss. 


KcIItionsi  de  la    traduction  de  la  Bible  de    Lefî'vre  d'iôtaples.  — 

M.  Paul  Quiévreux  nous  fait  remarquer  que  dans  sa  thèse,  d'ail- 
leurs citée  par  .M.  Laune  (Bull.  1901,  606),  il  a  donné,  pour  le  Nou- 
veau Testament,  précisément  la  liste  des  éditions  marquées  p.  607, 
saufcellede  1523,  communémentappelée/e5  52dimanches.  Dont  acte. 
M.  Laune  de  son  côté  fait  observer  qu'il  a  voulu  signaler  les  exem- 
plaires de  Stuttgart  et  du  British  Muséum,  omis  dans  les  listes 
publiées  par  M.  Paul  Quiévreux.  Un  erratum  ainsi  conçu  :  «  signa- 
lons les  éditions  et  les  exemplaires  existants  »  dissipera  toute  équi- 
voque. 


Hnguenauts.  —  Chartres.  24  janvier  1902.  — J'ai  été  bien  heureux 
de  trouver  dans  le  Bulletin  l'intéressant  mémoire  de  M.  de  Grand- 
maison  sur  l'origine  du  mot  Huguenot;  heureux  aussi  d'y  voir 
nommé,  d'après  Littré,  cet  écueil  (fort  beau  du  reste)  des  Ilugue- 
nauts,  qui  est,  comme  tout  l'arcliipel  des  Chausey,  une  de  mes 
bonnes  et  vieilles  connaissances.  Je  désirerais  seulement  faire  remar- 
quer que  les  matelots  de  Granville  ont  aujourd'hui  une  tendance 
marquée  à  prononcer  Hugue/2anf5,  ce  qui  peut  n'être  qu'une  cor- 
ruption, peut-être  causée  par  une  erreur  de  lecture  de  quelque 
carte.  A  tout  hasard,  je  vous  signale  ce  menu  fait,  et  vous  prie  de 

me  croire. 

H.  Leur. 


104  CORRESPONDANCE 

LES   DE  GÊNAS   HUGUENOTS 

Je  lis  clans  le  Bulletin  du  15  mai  1901,  p.  276,  une  question  posée 
par  M.  le  pasteur  Alger  relative  à  la  famille  de  de  Gênas  et  à  ses 
rapports  avec  le  Protestantisme. 

Cette  famille  était  une  des  plus  anciennes  de  la  Provence.  Sa 
généalogie  a  été  publiée  à  Avignon  en  1713,  extraite  des  documents 
suivants  :  Guy  Allard,  Histoire  de  la  Généalogie  de  la  famille  de  de 
Gênas.  Nostradamus  la  donne  aussi  dans  son  Histoire  et  Chro- 
nique de  Provence,  ainsi  que  Pithon-Curt  dans  son  ouvrage  sur  la 
Noblesse  du  Comtat-Venaissin. 

Un  des  descendants  de  celte  illustre  famille,  M.  le  comte  de 
Balincourt,  lui  a  consacré  un  volume  très  complet  Histoire  de 
la  maison  de  de  Gênas,  imprimé  par  l'auteur.  Épinal-Bruyères- 
Melun,  1879-1882.  Il  n'en  a  été  tiré  que  42  exemplaires  numérotés. 
—  Voici,  d'après  ce  dernier  ouvrage,  quelques  notes  sur  les  de 
Gênas  protestants. 

I 

François  de  Gênas,  II"  du  nom,  chevalier  de  l'ordre  de  Saint- 
Michel,  conseiller  du  roi,  secrétaire  de  la  Maison  et  Couronne  de 
France  en  1510,  seigneur  d'Aiguilles  en  Provence,  épousa  le  8  sep- 
tembre 1509,  Françoise  de  Mayaud,  de  Valence. 

Il  testa  le  7  septembre  1555,  instituant  sa  femme  son  héritière 
universelle,  et  lui  substituant  ses  fils,  par  ordre  de  progéniture, 
«  pourvu  que  ce  premier-né  soit  catholique  et  bon  chrétien,  et  ne 
soit  aveugle,  muet,  sourd  ou  autrement  difforme  ».  En  conséquence 
il  deshéritait  son  fils  puîné  Jean  de  Gênas,  pour  s'être  retiré  à  Ge- 
nève, avec  sa  femme  et  sa  fille,  malgré  sa  défense,  et  avoir  embrassé 
la  Réforme. 

François  de  Gênas,  IIF  du.  nom,  seigneur  de  la  terre  et  du  château 
d'Aiguilles,  naquit  à  Avignon  le  2  novembre  1510,  baptisé  à  l'église 
de  Saint-Symphorien;  il  épousa  Claire  de  Rodulph,  fille  de  Baltha- 
zard  de  Rodulph,  seigneur  de  Châteauneuf-le-Rouge,  de  Beauveser 
et  de  Fuveau,  et  de  Jeanne  de  Brandis. 

Il  vint  se  fixer  à  Aix,  où  l'appelaient  ses  fonctions  de  conseiller 
au  Parlement  de  Provence;  après  la  mort  de  son  père,  il  fut  un  des 
premiers  à  embrasser  la  Réforme  et  fit  preuve  d'une  ardeur  et  d'un 
zèle  pour  sa  nouvelle  foi,  que  ne  purent  intimider  les  menaces  ni 
les  persécutions.  Il  possédait,  hors  de  la  ville,  et  «  contre  le  ravelin 
de  la  porte  Saint-Jean  »  un  jardin  où  se  trouvait  un  pin  magnifique. 


CORRESPONDANCE  105 

dont  trois  hommes  pouvaient  à  peine  embrasser  le  tronc.  C'était  ii 
l'ombre  de  ses  rameaux  séculaires  que  se  réunissaient,  les  di- 
manches, les  adeptes  de  Calvin,  pour  entendre  le  prêche  et  chanter 
les  psaumes.  Le  peuple  d'Aix,  poussé  par  quelques  meneurs,  finit  un 
jour  par  se  jeter  sur  les  religionnaires,  massacra  les  uns  et  pendil 
les  autres  aux  branches  de  leur  arbre  favori.  Les  femmes  ne  vou- 
lurent pas  être  en  reste  de  fanatisme  et  de  férocité  avec  les  hommes. 
«  Le  26  août,  les  bouchères  sortirentde  compagnie  ;  elles  attaquèrent 
«  Melchionne,  femme  du  libraire  de  la  religion,  la  traînèrent  parla 
«  ville,  lui  donnèrent  des  coups  de  couteau  et  enfin  la  pendirent  au 
«  pin  par  les  pieds,  encore  vivante.  Trois  jours  après  l'arrivée  du 
«  roi,  le  19  octobre  1564,  le  pin  fut  arraché  et  coupé,  par  arrêt  de  la 
«  chambre  de  justice,  sans  que  les  marques  en  soient  restées  aulre- 
K  ment  que  dans  la  mémoire  de  nos  pères,  qui  ont  appelé  ces  années  : 
«  lou  tems  d''aou  pin.  '  » 

François  de  Gênas  sortit  d'Aix  avec  cinq  autres  conseillers,  qui 
partageaient  ses  croyances,  abandonnant  sa  maison  au  pillage.  Il 
revint  après  l'édit  de  Pacification,  exerça  longtemps  sa  charge  el 
devint  doyen  du  Parlement.  En  1579  il  vendit  sa  charge;  mais 
Henri  III  ayant  créé  à  Aix  une  chambre  de  justice,  il  accepta  une 
des  quatre  charges  de  conseiller,  pour  défendre  les  intérêts  de  ses 
coreligionnaires.  Devenu  vieux  et  ne  songeant  qu'au  repos  il  se  relira 
à  Nîmes  «  où  sa  religion  était  aussi  puissante  et  aimée  qu'elle  l'était 
peu  à  Aix  ». 

Par  son  testament  du  2  juin  1587,  il  déclara  vouloir  être  inhumé 
au  château  d'Aiguilles,  près  de  .sa  femme,  ou  à  Nimes,  «  sans  pompe 
«  funèbre  et  selon  la  coustume  observée  par  ceulx  de  la  relligion 
«  réformée  »  ;  il  mourut  dans  cette  ville  le  28  du  môme  mois. 

François  de  Gênas  III  eut  quatre  fils  et  cinq  filles  : 

1°  Jean  de  Gênas,  qui  suit; 

2°  Antoine  de  Gênas,  qui,  marié  cà  Anne  Odole,  dame  de  Calissane, 
mourut  avant  son  père  sans  postérité; 

3°  Melchior  de  Gênas,  auteur  de  la  branche  de  Beauvoisin; 

4°  Louis  de  Gênas,  auteur  de  la  branche  de  Puyrcdon\ 

5°  Françoi.se  de  Gênas,  mariée  à  Jean  de  Villeneuve,  seigneur  de 
Cartonne  et  d'Espinousse; 

6°  Louise  de  Gênas,  mariée  par  contrat  du  23  décembre  1566  avec 
Thomas  de  Villages,  seigneur  delà  Chassagne,  second  fils  du  frère 
cadet  de  François  de  Villages,  .seigneur  de  Beauvoisin; 

I.  Nostradamus,  Histoire  de  Provence,  p.  791;  —  Gaiifredi,  ibid..  |).  .ôHi; 
—  Pilhon-Curt,  Histoire  de  la  ville  d'Aix. 

Ll.  -  s 


106  CORRESPONDANCE 

T  Blanche  de  Gênas,  épousa  Jean  d'Estienne-Chaussegros,  sieur 
de  Lioux  et  de  Mimet,  viguier  de  Marseille  en  1575;  un  de  ses  fils 
épousa  Anne  de  Rostan; 

8°  Marguerite  de  Gênas,  mariée  à  Nicolas  delà  Lande,  coseigneur 
de  Fuveau; 

9°  Diane  de  Gênas,  épousa  Antoine  de  Brueys,  sieur  de  Sauvi- 
gnargues.  Conseiller  au  présidial  de  Nîmes. 

Jean  de  Gênas  IV,  épousa,  le  25  septembre  1576,  Marguerite  de 
Villeneuve  et,  après  avoir  testé  le  3  juin  1609,  il  mourut  laissant 
quatre  filles  et  cinq  fils,  morts  sans  postérité.  Ce  furent  : 

1°  Hénoch  de  Gênas. 

2°  Jean  de  Gênas,  qui  étant  venu  se  fixer  à  Beauvoisin  testa  le 
8  juin  1651.  Par  son  testament,  reçu  par  un  notaire  de  Vauvert,  il 
lègue  cent  livres  aux  pauvres  de  la  R.  P.  R.  dont  il  fait  profession, 
instituant  pour  son  héritier  universel  son  cousin  Jean  de  Gênas, 
seigneur  de  Beauvoisin,  et  à  son  défaut,  son  fils  Jacob. 

3°  Henry  de  Gênas,  qui  alla  servir  en  Allemagne,  dans  les  troupes 
du  landgrave  de  Hesse  et  s'y  distingua  tellement  que  ce  prince  le 
fit  colonel  de  ses  gardes  :  il  mourut  dans  cet  emploi. 

Avec  le  cinquième  fils  Pierre,  s'éteint  la  branche  directe  des  de 
Gênas;  leur  histoire  se  poursuit  dans  celle  des  trois  branches  de 
Beauvoisin,  de  Puyredon  et  de  Beaulieu,  et  les  familles  alliées,  les 
D'Autheville,  les  Guiraud,  les  Reinaud. 

II 

Les  Gênas  de  Beauvoisin,  —  Melchior  de  Gênas,  3^  fils  de  Fran- 
çois et  de  Claire  de  Rodulph,  naquit  en  1553.  Il  fut  capitaine  de 
cent  hommes  d'armes,  pour  le  Roi  et  contre  la  ligue,  et  gouver- 
neur des  forts  d'Aiguilles.  Par  contrat  du  22  janvier  1580,  il  épousa 
Louise  de  Villages,  dame  de  Beauvoisin,  fille  unique  de  François 
de  Villages  et  de  Marguerite  de  Porcelet.  Melchior  de  Gênas  eut 
11  enfants  dont  le  8%  Blanche  de  Gênas,  fut  mariée  à  Jean  d'Albe- 
nas  et  le  11%  Marie  de  Gênas,  qui  testa  à  Marseille  le  7  avril  1663, 
en  faveur  de  son  neveu,  Jacob  de  Gênas  et  mourut  catholique. 

Le  4'',  Jean  de  Gênas,  seigneur  de  Beauvoisin,  avait  épousé  par 
contrat  du  18  décembre  1631,  Rose  de  Favier,  fille  de  Jacob  de 
Favier,  seigneur  de  Coudoulet,  garde  des  sceaux  au  présidial  de 
Nîmes,  conseiller  au  parlement  d'Orange,  et  de  Suzanne  de  Lan- 
sart.  Il  a  laissé  un  journal  —  «  un  livre  de  raison  »  comme  on 
disait  alors,  —  où  tous  les  événements  de  sa  vie  sont  relatés. 


CORRESPONDANCE  107 

En  voici  quelques  extraits  : 

«  L'an  1632,  moy,  Jean  de  Gênas,  seigneur  de  Beauvoisin,  ay 
«  fait  rebastir  le  chasteau  du  dict  Beauvoisin  à  mes  deppans,  quy 
«  ma  cousté,  ayant  faict  toutes  des  deppenses  du  mien,  sans  avoir 
«  emprunté  un  sol  de  personne,  environ  35,000  livres.  » 

«  Le  vendredi,  24  febvrier  1634,  à  quatre  heures  du  matin,  ma 
«  famé  est  accouchée  d'un  fils.  Son  parrain  est  M.  le  garde  des 
«  sceaux,  son  grand-père;  sa  marraine,  M"*  de  Chabanne,  sa 
«  grand'tante;  a  été  baptisé  par  M.  Terrond,  ministre,  sous  nom  de 
«  Jacob. 

«  Le  22'  d'aousl  1655,  M.  d'Arnim,  ministre  de  Nimes,  a  presché 
«  dans  le  lieu  de  Geneirac,dans  la  maison  du  cappitaine  Mourgues, 
«  son  eslu,  par  l'ordre  de  Messieurs  du  Consistoire.  Dieu  veuille 
«  par  sa  grâce  restablir  entièrement  cesie  pauvre  Église  et  la  com- 
«  bler  de  ses  saintes  bénédictions  !  » 

«  Le  Lundy  27  février  1661,  à  deux  heures  après  minuit,  demoi- 
«  selle  Gabrielle  de  Gênas,  ma  sœur,  est  descédée  dans  le  chas- 
«  teau,  après  avoir  été  bien  consolée  par  M.  le  ministre  Garaguier 
a  et  a  été  enterrée  dans  le  cimetière  de  Beauvoisin.  Le  bon  Dieu 
«  lui  ait  faict  miséricorde.  » 

Jean  de  Gênas  mourut  à  Beauvoisin  le  27  novembre  1662.  Ses 
enfants  furent  :  2%  Pierre  de  Gênas,  né  le  2  juin  16'i6,  mort  le 
16  septembre  1650,  et  enterré  au  cimetière  de  la  Couronne,  dans  le 
tombeau  des  Favier,  à  Nîmes. 

4%  Claire  de  Gênas,  née  le  16  avril  1638,  mariée  à  Toulouse  par 
contrat  du  14  janvier  1674,  à  noble  Louis  de  Gautier,  fils  de  Pierre 
de  Gautier,  conseiller  au  parlement  de  Toulouse. 

Ce  mariage  fut  bénit  par  TÉglise  catholique,  tandis  que  celui  de 
ses  deux  autres  enfants  l'avait  été  par  rÉglise  réformée. 

Jacob  de  Gênas,  l*""  fils  de  Jean  de  Gênas,  seigneur  de  Beauvoi- 
sin et  de  Coudoulet,  était  né  le  24  février  1634;  il  mourut  au  châ- 
teau de  Durfort  en  novembre  1694;  il  avait  épousé  par  contrat 
passé  le  7  septembre  1655,  Suzanne  de  Nogarède,  fille  du  seigneur 
de  Durfort,  et  de  Isabeau  de  Gautier,  sœur  de  Jacques  de  Gautier, 
seigneur  de  Saint-Blancard,  gouverneur  de  Pecaïs,  qui  s'illustra 
pendant  les  guerres  de  religion,  sous  les  ordres  du  duc  de  lîohan, 
et  fut  tué  lors  de  la  descente  des  Anglais  dans  l'ile  de  P»ê  en   1627. 

Ils  laissèrent  7  enfants,  dont  la  4%  Gabrielle  de  Gênas,  née  le 
27  septembre  1658,  fut  mariée  1<^  à  noble  Pierre  de  Roquier,  gen- 
tilhomme de  la  Grande  Fauconnerie  du  Roi,  et  2"  le  20  avril  avec 
Philippe  d'Autheville,  baron  de  Vauvert,   fils  de  Pierre  d'Aulhc- 


108  CORRESPONDANCE 

ville,  conseiller  à  la  cour  des  Aides  de  Montpellier  et  de  Louise  de 
Baudan. 

Le  1'^,  Elisabeth  ou  Isabeau  de  Gênas,  qui  testa  à  Berne  le  23  dé- 
cembre 1713,  en  faveur  de  son  neveu,  Louis  de  Gênas  de  Beauvoi- 
sin,  le  1"  fils  de  Jacob  de  Gênas.  Louis  de  Gênas,  l"  de  ce  nom, 
des  seigneurs  de  Beauvoisin,  de  Durfort,  de  Fressac,  de  Saint- 
Étienne,  était  né  le  15  septembre  1657.  Il  épousa  le  27  mai  1682 
Olympe  Boisson.  De  ce  mariage  naquirent  cinq  enfants  dont  la  5*^, 
Madeleine  de  Gênas,  née  le  30  mars  1696,  et  morte  à  Saint-Gilles, 
le  17  septembre  1746,  qui  épousa  par  contrat  passé  à  Vauvert  le 
25  avril  1724,  Jean  François  de  Calvière,  baron  de  Saint-Cosme  el 
seigneur  de  Boissières. 

Le  1"  fils  de  Louis  I  fut  Louis  de  Gênas  II  ;  il  naquit  au  château 
de  Beauvoisin,  le  25  mars  1691.  Sa  tante,  Gabrielle  de  Gênas,  veuve 
de  Philippe  d'Autheville,  seigneur  et  baron  de  Vauvert,  le  fît  pour- 
voir, dès  1707,  de  l'office  de  maire  perpétuel  de  cette  ville,  vacant 
par  la  mort  de  son  mari.  Elle  lui  faisait  épouser  sa  fille  unique, 
Suzanne,  seule  héritière  de  la  baronnie. 

Ce  mariage  fut  célébré  le  13  mars  1714  dans  l'Église  de  N.-D.- 
de- Vauvert  «  ensuite  de  dispenses  épiscopales,  d'un  rescrit  de  N.  S. 
«  Père  le  Pape,  donné  à  Pvome  le  1®"^  janvier  ». 

Louis  II  eut  cinq  enfants  dont  l'aîné,  Pierre-Louis-Olympe- 
Gharles-Marguerite  de  Gênas,  épousa  Louise  Allier  qui  eurent  trois 
enfants. 

III 

Les  Gênas  de  Puyredon.  —  Louis  de  Gênas,  4^  fils  de  François  III 
et  de  Claire  de  Rodulph,  naquit  le  4  juin  1554,  eut  en  héritage  le 
château  de  Puyredon  ou  Puechredon,  situé  sur  la  colline,  dans  le 
voisinage  de  la  terre  d'Aiguilles  qu'il  vendit  ensuite.  Il  suivit  son 
père  dans  sa  retraite  de  Nîmes  et  épousa,  le  25  mai  1595,  Marie  Pavée, 
fille  des  seigneurs  de  Servas,  diocèse  d'Alais,  alliés  aux  Montcalm 
et  aux  Porcelets.  Le  père  de  Marie  Pavée,  François,  dit  le  capi- 
taine Servas,  commandant  le  Languedoc  pour  le  roi  de  Navarre  et 
le  prince  de  Condé,  s'était  acquis  une  certaine  célébrité  pendant 
les  guerres  de  religion,  et  fut  avec  le  capitaine  Bouillargues  et 
Vidal  Poldo  d'Albenas,  un  des  principaux  acteurs  de  la  INIichelade 
à  Nimes.  Condamné  à  mort  par  le  parlement  de  Toulouse,  il  fut 
exécuté  par  contumace,  et  son  effigie  fut  traînée  dans  les  rues 
attachée  à  la  queue  d'un  cheval.  Il  avait  marié  une  de  ses  filles  à 
Céphas  d'Albenas,  capitaine  viguier  de  la  ville  de  Nîmes,  et  son 
petit-fils  Jean  avait  épousé  une  des  filles   de  Melchior  de  Gênas  ; 


I 


CORRESPONDANCE  109 

Louis  de  Puyredon,  l'ardent,  l'opiniâtre  calviniste,  était  donc  ren- 
tré dans  une  famille  selon  son  cœur. 

Jean  de  Gênas,  fils  de  François,  naquit  le  22  juin  18'i'i,  abjura  le 
protestantisme;  son  fils  Guillaume  mourut  sans  postérité  mâle. 

Les  Gênas  de  Beaiilieu,  descendants  d'Alexandre  de  Gênas,  7*  fils 
de  François  de  Gênas  II  et  de  Françoise  de  Mayaud,  René  de 
Gênas,  sieur  de  Beaulieu,  naquit  à  Valence  le  5  janvier  1642,  fut 
baptisé  le  6  au  prêche  de  Soyons.  11  fut  garde  du  corps  dans  la 
compagnie  de  Rochefort,  lieutenant  de  la  compagnie  Beaujeu 
dans  le  régiment  du  Roi. 

IV 

Familles  alliées.  —  1°  Les  d'Autheville.  —  Jacques  d'Authe- 
ville  II.  Les  habitants  de  Vauvert  durent  à  sa  protection  d'échapper 
à  de  lourdes  contributions  de  guerre  et  aux  terribles  représailles 
du  connétable  de  Montmorency;  il  était  protestant  comme  la  ma- 
jeure partie  de  la  population.  Il  épousa,  le  23  août  1604,  Margue- 
rite de  Montcalm. 

Son  second  fils,  Gabriel  d'Autheville,  seigneur  de  Saint-Clé- 
ment, capitaine  dune  compagnie  de  cavalerie  au  régiment  de  Mé- 
rinville.  Il  mourut  en  Catalogne  et  fut  enseveli  à  Montpellier,  le 
29  août  1641,  «  sept  ou  huit  jours  après  son  décès  »  (Reg.  de  la 
Rel.  Réf.,  G.G.  332,  fol.  5). 

Maurice  d'Autheville,  3«  fils  de  Gabriel,  baron  de  Vauvert,  naquit 
le  15  juillet  1651,  baptisé  le  1"  septembre  (Reg.  de  la  Rel.  Réf.  de 
Montpellier,  G.G.  334,  fol.  64),  fut  capitaine  au  régiment  de  la 
marine. 

Anne  d'Autheville,  5',  née  le  30  janvier  1640,  baptisée  le  22  février 
(Ibtd.),  épousa  le  29  mars  1668  Pierre  de  Bavard,  seigneur  de  Fer- 
rières  et  baron  de  la  Crouzette. 

6%  Marie  d'Autheville,  née  le  27  septembre  16i5,  baptisée  le 
7  novembre  (/6îi.)>  épousa  Barthélémy  d'Ornaison,  lieutenant  du 
roi  à  Aigues-Mortes. 

Gabriel  d'Autheville,  le  fils  aîné  de  Pierre,  abjura  à  .sa  majorité, 
entre  les  mains  de  Tarchevèque  de  Paris;  le  Roi  lui  donna  une 
sous-lieutenance  dans  les  Gardes  Françaises. 

Philippe  d'Autheville  (4'  fils  de  Pierre),  sieur  de  Montferrier  et 
baron  de  Vauvert,  naquit  le  17  avril  1655  et  fut  présenté  au  bap- 
tême à  Montpellier,  selon  les  rites  de  la  Religion  Réformée,  le 
4  juin  suivant.  Le  27  août  1678,  il  obtenait  le  grade  de  capitaine  dans 
le  régiment  de  cavalerie  d'Arnolfini. 


110  CORRESPONDANCE 

Le  7  mai  1682,  chargé  de  lever  une  compagnie  de  chevau-légers, 
il  était  incorporé  avec  elle  dans  le  régiment  de  Florensac.  Le 
20  octobre  1684,  il  fut  placé  comme  capitaine  à  la  suite  de  la  Com- 
pagnie mestre  de  camp  du  régiment  de  Condé,  et  mis  en  pied  au 
régiment  de  Roquelaure,  le  5  juillet  1687. 

Le  2  septembre  1692,  il  épouse  au  château  de  Beauvoisin  Ga- 
brielle  de  Gênas,  fille  de  Jacob  de  Gênas  et  de  Suzanne  de  Noga- 
rède. 

II.  Les  Guiraud.  —  Daviel  Guiraud,  fils  de  Marguerite  Boudet 
«  orphelin  de  bonne  heure  »,  reçut  du  mari  de  sa  mère  J.  Ponsard, 
son  instruction  professionnelle  (il  était  marchand  apothicaire).  11  siégea 
au  Consistoire  de  1602-1614.  11  mourut  le  1"  mai  1620.  11  eut  5  enfants, 
le  3*  fut  Claude  Guiraud,  né  le  25  janvier  1612,  mort  le  25  février 
1657;  fut  un  physicien  célèbre  lié  étroitement  avec  Samuel  Sorbière, 
son  compatriote;  consulté  sur  les  mathématiques  par  Descartes,  qui 
l'avait  en  très  haute  estime,  il  fut  en  relations  avec  Gassendi,  au 
sujet  de  son  Traité  sur  le  diamètre  apparent  du  soleil.  Il  releva  quel- 
ques erreurs,  dont  cet  illustre  savant  le  remercia  par  letttre  du 
22  février  1652. 

Samuel,  2«  fils  de  David,  eut  15  enfants  de  deux  mariages. 

Le  4%  Marguerite,  née  le  15  janvier  1658,  épousa  le  25  janvier  1680 
Jean  Maurice  Fauquier  *,  capitaine  au  régiment  de  Mirman,  passa  à 
l'étranger,  à  la  révocation  de  l'Édit  de  Nantes  et  servit  aux  mous- 
quetaires du  roi  de  Pologne.  En  1701,  il  rentra  en  France  après 
quinze  ans  d'exil  et  fit  acte  de  soumission. 

Le  2"  fils,  Pierre  Guiraud,  avocat,  né  le  12  novembre  1656,  épousa 
le  2  avril  1683  Jacquette  de  Bouvière. 

Sara  Gailhard  ou  Galiard,  femme  de  Samuel  Guiraud,  avait,  par 
son  testament  du  30  décembre  1670,  exprimé  le  vœu  d'être  ensevelie, 
«  en  la  forme  de  l'Église  Réformée,  au  cimetière  de  la  couronne  et 
«  dans  le  tombeau  qu'elle  et  son  mari  ont  fait  construire  récem- 
«  ment  ».  La  pierre  tombale,  avec  une  très  belle  inscription  latine, 
se  trouve  aujourd'hui  scellée  dans  le  mur  de  la  cour  de  la  maison 
des  Reinaud. 

1.  Il  a  laissé  des  mémoires  où  il  raconte  son  départ  de  Varsovie  et  son 
retour  en  France,  ainsi  que  les  principaux  événements  de  la  ville  de 
Nîmes  où  il  s'était  relire  de  1702  à  1732;  presque  tous  ces  laits  sont  men- 
tionnés par  Ménard. 

Il  l'ut  marié  le  14  mars  1680  par  .Mr  Chevron,  ministre.  Sa  femme  mourut 
le  vendredy  22  may  1710  à  deux  heures  de  l'après-midi.  «  C'est  la  plus 
grande  et  la  plus  fascheuse  perte  que  j'aurois  jamais  peu  taire.  » 


CORRESPONDANCE  I 1 | 

Pierre  Guiraud  mourut  en  n-il  ;  de  son  mariage  avec  Jaquette  de 
Rouvière  il  eut  trois  filles. 

1°  Marguerite  Guiraud,  née  le  M  février  168'i,  mariée  le  1 1  janvier 
1715  à  noble  Jacques  de  Fléchier,  de  la  ville  de  l'ernes,  neveu  et 
héritier  de  l'illustre  évêque  de  Nîmes.  Elle  mourut  le  5  avril  [l^n 
dans  la  religion  protestante. 

Le  colonel  Jean  de  Rouvière,  frère  de  Jacquette  de  Rouvière, 
émigra  et  mourut  à  Berlin  en  1748. 

III.  LesReinaud.  —  Une  note  manuscrite,  datant  des  dragonnades, 
sorte  de  profession  de  foi  énergique  et  résignée,  nous  apprend  que 
cette  famille,  originaire  de  Provence,  dut  quitter  Aix,  lors  du  mas- 
sacre des  religionnaires,  et  chercher,  en  même  temps  que  celle  des 
Gênas,  un  refuge  en  Languedoc. 

La  voici  textuellement  : 

«  Vous  deués  scauoir  que  nous  faisons  la  cinquième  génération 
«  que  nos  pères  et  mères  ont  sellé  de  leur  sang  la  vérité  de  TÉuan- 
«  gile;  nos  enfans  font  la  sixième  de  la  persécution  et,  par  une 
K  prouidence  adorable,  ils  ont  imité  les  Reinaud  sortis  de  Prouance. 
«  A  Aix,  on  brûla,  par  la  main  du  bourreau,  des  parafrases  sur  les 
«  psaumes,  qu'un  oncle  de  Louis  Reinaud,  médecin,  auoit  faites 
«  dans  le  temps  de  la  reformation;  et  Louis  Reynaud  vint  demeurer 
((  à  Nismes  et  perseuera  dans  la  sainte  religion.  Notre  père,  d'im- 
«  mortelle  mémoire,  fut  1 4  mois  et  12  jours  en  Espagne,  dans  l'in- 
«  quisition,  chargé  de  chaînes,  sans  vouloir  changer  de  religion, 
«  come  fit  Chauuel  et  un  d'Orange.  Notre  père  fut  exposé  en  public 
<(  par  diverses  fois,  pour  estre  brûlé,  et  enfin  Mr  le  connestable  de 
«  Momorancy  le  sauua.  Du  costé  de  notre  mère,  qui  estoit  d'une  an- 
u  cienne  noblesse  de  Dijon  en  Bourgogne,  des  Presidens  à  mortier 
«  au  parlement  de  cette  ville,  un  frère  de  ces  presidens,  colonel 
«  d'un  régiment,  estant  en  Languedoc,  dans  une  recherche  de  no- 
«  blesse  de  lOS  ans  auant  la  dernière,  le  roi  François  premier  le 
«  déclara  noble  et  qu'il  pouuait  porter  l'espée  et  le  poignard,  de  ce 
«  temps  là.  Je  sais  cela  de  Mons'  de  Peiremalet  (de  Peyremale  au 
«  diocèse  d'Uzès)  lors([u'il  fit  voir  ses  titres  à  Mr  l'intendant  de 
«  Bezons  en  Languedoc;  ces  fils  de  presidens  et  autres,  je  crois  que 
«  vous  saués  qu'ils  furent  obligés  de  vendre  leurs  charges  et  se  re- 
«  tirer  en  Ceuennes,  ayant  acheté  Peiremalle,  Roubiac,  et  Dieussc, 
«  pour  euiterla  persécution,  parce  que  le  Languedoc,  jouissait  de 
«  la  paix  pour  la  religion.  Nous  voilà  donc  sortis  des  Bourguignons 
«  et  Prouencaux,  pour  venir  en  Languedoc.  » 

Il  est  probable  que  cette  page  émane  d'un  des  iils  do  Laurent 


112  CORRESPONDANCE 

Reynaud,  le  prisonnier  de  Tlnquisilion.  Louis  Reinaud,  médecin, 
habitait  la  ville  d'Ai.x,  il  avait  épousé  Hugonne  Cabanes. 

Ils  eurent  pour  descendants  : 

2°  Anne  Reynaud,  mariée  le  16  mars  1599  à  Etienne  Guiraud  (voir 
article  sur  celte  famille). 

3°  Suzanne  Reinaud,  épouse  Sigalon. 

1°  Laurent  Reinaud  qui  épousa,  le  25  avril  1664,  Madeleine  de 
Peyremale.  Ils  eurent  6  enfants. 

Le  5%  Marie  Reinaud,  mariée  le  20  septembre  1671  à  François 
Bargeton,  bourgeois  de  la  ville  de  Nîmes.  Ils  eurent  un  fils  Daniel 
Bargelon,  né  à  Uzès  le  28  juillet  1678,  qui  fut  un  publicisle  et  juris- 
consulte distingué,  avocat  au  Parlement  et  «  l'un  des  gens  du  con- 
«  seil  du  duc  d'Orléans  ».  Il  est  surtout  connu  parses  «  Lettres  contre 
«  l'immunité  des  biens  ecclésiatiques  ».  Il  reçut  de  la  part  du  Roi, 
3,000  livres  pour  ses  honoraires,  en  un  bon  payable  au  porteur,  pres- 
que en  cachette,  pour  ne  compromettre  personne,  il  mourut  à  Paris 
en  1757.  Son  oncle  Bathazard  Bargelon  émigra  en  Allemagne  à  la 
révocation. 

Le  3%  Pierre,  eut  deux  enfants. 

2»  Louise  Reinaud.  Le  3  novembre  1702  il  y  avait  promesse  de  ma- 
riage entre  Louise  Reinaud,  de  Nîmes,  réfugiée  à  Berne,  et  Charles 
Jacquemin,  de  la  ville  d'Aigle,  canton  de  Berne. 

1°  Jacques-Scipion  Reinaud,  sieur  de  Bagnon,  qui  dans  son 
testament  du  25  février  1715  dit  vouloir  mourir  dans  la  religion  ca- 
tholique qu'il  a  toujours  professée,  alors  qu'un  certificat  de  catho- 
licité comme  nouveau  converti,  signé  de  Fléchier  et  daté  du  18  mai 

1700,  témoigne  du  contraire. 

M.  RoDRiGUEz,  P' à  Saint-Gilles. 


Solidarité   bnguenote.  Billet  de  Sosciété.  Parfondeval  (Aisne), 

«s«i .  —  Dans  ce  document,  publié  par  le  Bulletin  en  1899  (XLVIII, 
43),  il  faut  lire  Philippe  Leslr,  au  lieu  de  Philippe,  le  fils,  ainsi 
qu'une  photographie  grossissant  les  traits,  a  permis  de  le  déterminer. 

Ch.  Serfass. 


Le  Gérant  :  Fischbacher. 


5992.  —  L.-Imprimeries  réunies,  B,  rue  Saint-Benoit»  7.  —  Motteroz,  airecteur. 


SOCIÉTÉ   DE   L'HISTOIRE 


DU 


PROTESTANTISME    FRANÇAIS 


Études  historiques 


LES    RÉFUGIÉS    A    BERLIN 

D'APRÈS   LA   COFmESPONDANCE   DU    COMTE   DE   RÉBENAC 

(1681-1688) 

Parmi  les  documents  qui  peuvent  nous  renseigner  sur  l'é- 
tablissement des  réfugiés  à  Berlin,  pendant  les  années  qui 
précédèrent  ou  suivirent  la  révocation  de  i'Édit  de  Nantes, 
il  en  est  un  qui  est  encore  inédit  :  c'est  la  correspondance  du 
comte  de  Rébenac,  envoyé  extraordinaire  à  la  cour  de  Bran- 
debourg, avec  le  marquis  de  Groissy,  secrétaire  d'État  des 
affaires  étrangères.  M,  Prutz,  dans  un  ouvrage  sur  les  der- 
nières années  du  Grand  Électeur  *  en  a  publié  seulement  en 
appendice  quelques  extraits,  mais  d'une  fa^-on  presque  tou- 
jours fautive;  d'ailleurs  aucun  des  passages  qu'il  cite  ne  se 
rapporte  aux  réfugiés.  La  correspondance  de  Rébenac,  qui 
commence  au  mois  de  janvier  1680  et  se  termine  au  mois 
d'avril  1688,  est  conservée  au  dépôt  des  Archives  du  minis- 
tère des  affaires  étrangères,  où  elle  ne  forme  pas  moins  de 
dix-septvolumes  sous  la  rubrique  Brandebourg  {iomes  \\\  à 
XXX).  Je  voudrais  en  tirer  pour  les  lecteurs  du  Bulletin  ce 
qui  concerne  les  protestants  et  surtout  les  réfugiés  français  à 
Berlin,  en  complétant  les  renseignements  de  Rébenac  au 
moyen  de  la  correspondance  de  Spanheim,  envoyé  extraor- 
dinaire de  Frédéric-Guillaume  à  Paris  pendant  la  même 
période-. 

1.  I^rutz,  Ans  des  grossen  Kurfùrsten  letyten  Jahren,  lîcriin,  l.s".»7,  in-8'. 

2.  Cette  correspondance,  qui  a  été  déjà  utilisée  souvent,  mais  qui  csl 
1902.  —  N"  3,  Mars.  Ll.  —  9 


114  ÉTUDES    HISTORIQUES 


Quelques  mois  d'abord  sur  Rébenac.  Il  appartenait  à  la 
famille  de  Feuquières,  qui  était  originaire  de  l'Artois,  et  dont 
la  noblesse,  chose  déjà  rare  au  xvii'  siècle,  datait  des  croi- 
sades. Il  s'appelait  François  de  Pas,  chevalier  d'Harbon- 
nières,  et  il  était  le  fils  cadet  d'Isaac  de  Pas,  marquis  de 
Feuquières,  ambassadeur  du  roi  en  Suède,  puis  en  Espagne. 
Par  son  mariage  avec  Jeanne  d'Esquille,  petite-nièce  du 
vicomte  de  Rébenac,  sénéchal  de  Béarn,  François  de  Pas 
devint  comte  de  Rébenac'.  Il  fit  ses  premières  armes  à  dix- 
huit  ans,  en  1667,  pendant  la  campagne  de  Flandre,  et  as- 
sista six  ans  plus  tard,  en  1673,  au  siège  de  Macstricht.  Mais 
il  trouvait  la  fortune  bien  lente  à  venir,  si  jeune  qu'il  fût 
encore.  Il  était  ambitieux  et  impatient,  et  il  comptait  sur 
l'appui  de  Pomponne,  alors  secrétaire  d'État,  qui  était  son 
parent  et  qu'il  appelle  dans  ses  lettres  son  «  patron  ».  Il  nous 
a  laissé  lui-même,  à  ce  sujet,  dans  une  lettre  à  son  père  en 
date  du  30  décembre  1677,  une  franche  profession  de  foi  qui 
jette  un  jour  très  vif  sur  son  caractère.  «  Ma  petite  politique, 
écrit-il,  est  de  me  presser  sur  ma  fortune.  Je  ne  me  paye 
pas  de  ce  que  mes  amis  me  disent  qu'ils  ne  me  connoissent 
pas  encore  assez  de  capacité  pour  entrer  dans  les  grandes 
affaires;  je  veux  qu'ils  bazardent  et  qu'ils  ayent  de  l'estime 
pour  moy  par  la  seule  envie  d'en  avoir;  car  je  voudrois  bien 
sçavoir  où  sont  ceux  qui  font  fortune  n'ayant  eu  des  employs 
que  lorsqu'ils  les  avoient  mérités;  d'abord  il  faut  les  avoir  et 
puis  s'en  rendre  digne  ;  voilà  selon  moy  le  seul  moyen  de 
s'avancer...  On  réussit  rarement  lorsqu'on  agit  contre  son 
humeur  et  son  tempérament;  le  mien  me  porte  à  haïr  la  vie 

encore  inédile,  est  conservée  aux  Archives  royales  {Geheime  Staatsarchiv) 
à  Berlin.  Sur  Spanheim  et  sa  correspondance,  voir  l'édition  nouvelle  de 
la  Relation  de  la  Cour  de  France  en  i6go,  publiée  par  E.  Bourgeois,  Paris, 
1900. 

^.  Sur  Rébenac,  voir  E.  Gallois,  Lettres  inédites  des  Feuquières,  Paris, 
1845,  5  vol.  in-s°. 


ÉTUDES    HISTOniQUES  115 

rampante  dans  tous  les  estats  *.  »  Le  succès  d'ailleurs  lui 
donna  raison.  A  la  suite  d'une  mission  à  la  fois  militaire  et 
diplomatique  auprès  des  armées  suédoises  en  Allemagne,  il 
fut  chargé,  en  1679,  d'une  négociation  plus  importante  auprès 
de  la  maison  de  Brunswick,  devint  envoyé  extraordinaire  à 
Berlin  à  la  fin  de  la  même  année,  et  lorsque  son  père  mou- 
rut, en  1688,  il  le  remplaça  à  l'ambassade  de  Madrid. 

Dans  ces  différents  postes,  Rébenac  montra  les  mêmes 
qualités  :  beaucoup  d'activité  d'esprit,  de  clairvoyance,  de 
souplesse,  d'habileté  à  se  créer  des  relations  et  des  amitiés 
utiles.  Il  y  déploya  aussi  un  faste  qu'il  jugeait  nécessaire  à  la 
gloire  du  roi  et  que  du  reste  il  n'eût  pas  su  restreindre,  bien 
qu'il  fût  disproportionné  à  ses  ressources.  C'est  là  un  autre 
trait  saillant  de  son  caractère,  la  prodigalité  unie  au  besoin 
de  faire  figure,  et  il  ne  le  cache  pas  non  plus  dans  ses 
lettres.  «  On  m'exhorte  encore,  écrit-il  dès  1678,  à  retran- 
cher ma  despense...  tout  cela  ne  m'est  de  rien.  J'ay  un  gen- 
tilhomme, un  secrétaire,  un  aumosnier,  un  maistre  d'hostel, 
un  officier,  un  cuisinier,  deux  valets  de  chambre,  dont  l'un 
est  tailleur,  trois  laquets,  deux  palefreniers  et  huit  méchants 
chevaux,  je  voudrois  bien  sçavoir  qui  l'on  veut  retrancher; 
pour  moy,  je  ne  vois  là  rien  que  le  petit  nécessaire  ^  » 

J'ai  cru  devoir  insister  un  peu  sur  le  caractère  de  Rébenac, 
parce  qu'il  est  original,  mais  aussi  parce  qu'il  nous  avertit 
sur  la  valeur  de  son  témoignage.  Il  va  sans  dire  qu'il  n'y  faut 
pas  chercher  une  opinion  personnelle,  libre  des  préjugés  du 
temps,  sur  ceux  qui,  pour  ne  point  renoncer  à  leur  foi,  choi- 
sissaient l'exil.  Rébenac,  comme  il  nous  l'a  dit,  veille  à  «  se 
presser  sur  sa  fortune  »  ;  il  se  règle  docilement  sur  l'esprit 
de  la  cour;  il  emploie,  nous  le  verrons,  son  zèle  contre  les 
réfugiés  et  déprécie  volontiers,  à  l'occasion,  et  leur  désinté- 
ressement et  les  bienfaits  du  Grand  Électeur.  C'est  en 
tenant  compte  de  celle  réserve  qu'il  faut  consulter  sa  corres- 
pondance. 


1.  Citée  par  Gallois,  t.  1\  ,  p.  171. 

2.  Lettre  de  Rébenac  à  son  père,  du  i"  janvier  l'JyS,  citée  par  Gallois, 
t.  iV,  p.  179. 


116  ÉTUDES   HISTORIQUES 


II 


Pendant  la  première  année  du  séjour  de  Rébenac  à  Ber- 
lin, il  n'est  point  question  des  protestants.  L'année  précé- 
dente, le  25  octobre  1679,  l'électeur  de  Brandebourg  avait 
conclu  avec  le  roi  de  France  l'alliance  intime  de  Saint-Ger- 
main, alliance  secrète,  qui  fut  ignorée  longtemps  de  Span- 
heim  lui-même,  mais  dont  Rébenac  eut  connaissance  avant 
son  départ.  Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  de  rechercher  quels  étaient 
alors  les  véritables  sentiments  de  Frédéric-Guillaume,  ni 
jusqu'à  quel  point  son  entente  avec  Louis  XIV  était  cordiale, 
ou  du  moins  sincère.  Toujours  est-il  qu'elle  régla,  pendant 
plusieurs  années,  la  politique  brandebourgeoise,  que  l'Élec- 
teur traita  Rébenac  presque  en  confident  et  qu'il  évita  avec 
soin  toute  démarche  qui  eût  pu  blesser  le  roi.  Or,  il  le  savait 
par  expérience  ^  toute  allusion  aux  souffrances  des  calvi- 
nistes français  eût  irrité  Louis  XIV  et  l'eût  rendu  lui-même 
suspect. 

Cependant,  dès  cette  époque,  il  y  avait  à  Berlin  un  assez 
grand  nombre  de  réfugiés  et  ce  nombre  augmenta  rapide- 
ment à  partir  de  l'année  1681.  Au  mois  de  mai,  Rébenac  le 
signala  au  roi,  à  propos  de  quelques  officiers  de  marine, 
calvinistes  émigrés,  que  l'Electeur  venait  d'engager  à  son 
service.  Ce  premier  témoignage  de  Rébenac  est  intéressant, 
parce  qu'on  n'y  trouve  point  le  ton  de  dénigrement  qu'il 
adoptera  par  la  suite  chaque  fois  qu'il  parlera  des  réfugiés. 
Il  n'est  point  encore  informé  des  intentions  du  roi  :  il  dit  sim- 
plement ce  qu'il  a  vu.  Je  cite  le  passage  entier  pris  dans  une 
lettre  au  roi  du  17  mai  1681  : 

«  Il  vient.  Sire,  en  ces  pays-ci,  quelques  officiers  de  marine  qui 
quittent  le  service  de  Votre  Majesté  à  cause  de  la  Religion.  Comme 
je  ne  suis  pas  informé  des  intentions  de  V.  M.  sur  ce  sujet,  je  ne 
me  mesle  de  leurs  affaires  en  aucune  façon,  mais,  s'il  y  alloit  de 

4.  Le  13  août  IGGG,  l'Électeur  avait  écrit  à  Louis  XIV  une  lettre  en  faveur 
des  Calvinistes  français  et  Louis  XIV  lui  avait  répondu  avec  assez  de 
hauteur  le  10  septembre.  Les  deux  lettres  ont  été  pujjliées  dans  le  Bulletin. 


ÉTUDES   HISTORIQUES  117 

voslre  service,  on  leur  feroil  prendre  facilement  le  party  qui  y  con- 
viendroit,  soit  pour  les  dégouters,  soit  pour  les  retenir  aussy  long- 
temps que  iM'  rÉlecteur  seroit  dans  les  intérests  de  V.  M'%  //  est 
constant,  Sire,  que  le  moindre  de  ces  gens-là  en  sçait  plus  que  le 
}7ieilleur  officier  de  ces  pays-cy  et  ils  ont  tous  le  cœur  si  françois 
que  du  moindre  mot  on  en  fera  toujours  tout  ce  qu'on  voudra,  outre 
qu'ils  sont  sujets  à  tant  de  dégoûts  dans  ce  service-cy,  qu'ils  ne 
demanderont  pas  mieux  que  d'en  sortir.  » 

Et  le  roi  répond  de  Versailes  le  29  mai  suivant  : 

«  Vous  pouvez  laisser  les  officiers  de  marine  de  la  religion  pré- 
tendue réformée  que  vous  m'escrivez  s'estre  retirez  à  Berlin  dans  la 
liberté  de  prendre  tel  party  que  bon  leur  semblera  et  c'est  à  eux 
à  voir  ce  que  l'obligation  de  leur  naissance  leur  peut  permettre.  » 

Parmi  les  réfugiés  engagés  à  ce  moment-làcomme  officiers 
de  marine,  je  signalerai  le  sieur  des  Glaireaux,  dont  Span- 
heim,  le  10  mars  16SI,  annonce  le  départ  pour  Berlin  etdont 
il  vante  «  la  capacité  dans  les  employs  de  mer  »,  en  ajoutant 
«  qu'il  n'y  a  que  sa  fermeté  dans  la  profession  de  la  Religion 
Réformée  quiluy  a  fermé  la  porte  à  de  plus  grands  postes,  dont  il 
était  jugé  très  capable  ».  Plus  lard,  au  mois  de  septembre  1685, 
Frédéric-Guillaume  obtint  une  permission  de  sortir  de 
France  pour  le  père  et  la  sœur  «  du  capitaine  de  vaisseau  des 
Glereaux  (sic)^  ».  Puis,  quand  l'électeur  Frédéric  III  renonça 
à  entretenir  la  petite  flotte  qu'avait  créée  Frédéric-Guillaume, 
notre  marin  passa  sans  doute  dans  l'armée  de  terre  et  reçut 
un  régiment;  du  moins,  en  1690,  un  sieur  des  Glaireaux,  ré- 
fugié français  et  natif  de  la  Rochelle,  était  colonel  d'infante- 
rie à  Kœnigsberg^ 

Malgré  son  alliance  intime  avec  Louis  XIV,  le  Grand  Élec- 
teur n'était  point  insensible  aux  souffrances  de  ses  coreli- 
gionnaires; le  récit  de  leurs  malheurs  ne  manquait  jamais 
de  l'émouvoir  et  de  l'irriter  et  il  n'était  pas  assez  maître  de 


1.  Correspondance  de  S|)anhoim,  Archives  de  Berlin. 

2.  Erman  et   Reclam,   Mémoires  pour  servir  à    l'histoire  des  réfugiés, 
Berlin,  17.S2,  tome  IX,  p.  i:i4. 


118  ÉTUDES    HISTORIQUES 

lui-même,  dans  les  premiers  mouvements  de  ses  passions, 
pour  se  contraindre,  fût-ce  devant  l'ambassadeur  du  roi  de 
France.  Celui-ci  le  savait  si  bien  qu'il  avait  pris  ses  précau- 
tions. Il  s'était  entendu  avec  Meinders,  le  principal  conseil- 
ler de  l'électeur  et,  de  longue  date,  le  chef  du  parti  français 
à  la  cour  de  Berlin;  et  Meinders  avait  défendu  aux  envoyés 
de  Frédéric-Guillaume  et  à  ses  autres  correspondants  de  lui 
jamais  parler  dans  leurs  lettres  de  ce  qui  se  passait  en  France. 
Frédéric-Guillaume  «  croyoit  les  choses  assoupies  ».  Malheu- 
reusement un  jour  vint,  au  mois  de  juillet  1681,  où  Télecleur 
apprit  «  tout  d'un  coup  «  tout  ce  qu'on  lui  avait  caché  et 
«  avec  tant  d'exagération  »  qu'il  en  fut  «  louché  au  dernier 
point  »;  pendant  cinq  ou  six  semaines,  écrit  Rébenac,  il  fut 
«  dans  un  emportement  continuel  ».  Puis  il  se  calma  :  il  était 
résolu  à  ne  rien  faire  qui  pût  compromettre  son  alliance.  Ce 
fut  une  des  tristesses  de  sa  vie  que  ses  intérêts  et  ses  senti- 
ments s'accordèrent  trop  rarement  ensemble  et  qu'il  dut 
bien  souvent  sacrifier  ceux-ci  à  ceux-là.  Il  laissa  donc  passer 
les  édits  de  1681,  comme  il  laissa  passer  la  prise  de  Stras- 
bourg, sans  protester  autrement  que  par  des  accès  de  mau- 
vaise humeur,  que  Rébenac  se  gardait  de  prendre  au  tragique. 
Du  moins,  pendant  les  années  qui  précédèrent  la  Révoca- 
tion, Frédéric-Guillaume  ne  manqua-t-il  aucune  occasion 
d'accueillir  ou  même  d'attirer  auprès  de  lui  les  calvinistes 
de  toute  condition  qui  désiraient  quitter  la  France  et  qui 
étaient  en  état  de  rendre  quelque  service.  Son  envoyé  à 
Paris,  Spanheim,  les  lui  signalait,  les  lui  recommandait,  et 
quand  l'électeur  le  jugeait  à  propos,  une  demande  était 
adressée  au  roi,  qui  accordait  une  «  permission  de  sortir  du 
royaume  ».  Plusieurs  de  ces  permissions  sont  insérées  dans 
la  correspondance  de  Rébenac  ou  sont  mentionnées  dans 
celle  de  Spanheim.  D'autres  concernent  des  réfugiés  établis 
antérieurement  en  Brandebourg  et  qui  obtiennent  que  leur 
situation  soit  régularisée,  «  nonobstant  la  déclaration  de 
1669  »,  après  laquelle  ils  auraient  dû  revenir  en  France.  Je 
relève  rapidement,  et  par  ordre  chronologique,  les.  unes  et 
les  autres,  qui  fournissent  une  contribution  à  l'histoire  du 
Refuge. 


ÉTUDES   HISTORIQUES  li9 

Un  des  réfugiés  qui  jouèrent  un  rôle  important  dans  la 
colonie  française  de  Berlin  fut  M.  de  Briquemault,  colonel, 
puis  major-général  au  service  de  Frédéric-Guillaume.  Erman 
et  Reclam  disent  à  son  sujet  :  «  Le  temps  où  M.  de  Brique- 
maut  vint  dans  le  Brandebourg  nous  est  inconnu*  ».  Et 
M.  Muret  dit  qu'il  émigra  en  1G79-.  La  correspondance  de 
Spanheim  nous  permet  de  préciser.  Briquemault  était  à  Ber- 
lin dès  Tété  de  1680,  peut-être  plus  tôt,  mais  l'Électeur  ne 
l'avait  pas  pris  encore  à  son  service.  11  le  chargea,  au  mois 
d'août,  de  quelques  commissions  à  Paris,  sans  doute  pour 
lui  permettre,  en  même  temps,  d'y  faire  régulariser  sa  situa- 
tion, et  il  le  recommanda  à  Spanheim.  «  Et  comme  non- 
seulement  ledit  colonel  Bricquemaut,  écrit-il  à  son  envoyé 
le  28  août  1680,  que  nous  pi'enons  à  notre  service,  mais  aussi 
d'autres  familles  veulent  se  rendre  ici,  vous  aurez  à  solliciter 
également  des  passeports  pour  elles.  »  Le  9  septembre,  Bri- 
quemaut  voit  Spanheim  à  Paris;  il  s'y  acquitte  de  ses  com- 
missions, obtient  un  passeport  dès  le  23  septembre,  se  fait 
autoriser  à  passer  au  service  de  l'Électeur  et,  !e  14  octobre, 
Spanheim  annonce  qu'il  «  est  allé  chez  luy  donner  ordre  à 
ses  affaires  pour  haster  son  départ»;  il  retourna  donc  à 
Berlin  à  la  fin  d'octobre  1680.  Quant  aux  autres  familles  qui 
devaient  accompagner  Briquemaut,  celui-ci  s'avisa  proba- 
blement qu'il  compromettrait  sa  propre  cause  en  parlant 
pour  elles  et  il  déclara  à  Spanheim  qu'il  croyait  «  l'affaire 
délicate,  qui  pourroit  luy  en  procurer  de  fascheuses  par 
deçà  ».  11  n'en  fut  plus  question. 

Pendant  l'année  1681,  Spanheim  eut  l'occasion  de  recom- 
mander à  l'électeur  un  certain  nombre  de  calvinistes  qui 
désiraient  entrer  à  son  service.  Sans  doute  il  ne  les  agréa  pas 
tous;  rien  n'indique,  par  exemple,  qu'il  ait  accueilli  dans  son 
armée  M.  de  laPetitière,  frère  aîné  du  comte  de  la  Vauguyon, 
qui  sollicitait  une  place  d'officier  général;  ^L  d'Oger, 
brigadier  de  cavalerie,  ou  M.  de  Sancey.  Dans  d'autres  cas, 
nous  avons  tout  au  moins  la  réponse  de  Frédéric-Guillaume, 

1.  Erman  et  lîeclam,  I,  :«t'):  II,  122  ss. 

2.  Muret,  Geschichte  der fran^osischen  Kolonie  in  Braiidenburg-Preussen. 
Berlin,  1885. 


120  ETUDES    HISTORIQUES 

par  exemple  pour  un  sieur  de  Saint-Vual,   qui  avait  tenu 
«  l'Académie  à  Saumur  »  et  s'était  trouvé  obligé  «  de  la  quit- 
ter à  cause  de  sa  créance  »  ;  l'Electeur  écrivit  à  Spanheim  : 
«  Si  M*"  de  St-Vual  se  veut  établir  et  tenir  Académie  à  Ber- 
lin à  ses  despens,  S.  A.  E.  l'aggréera  et  en  sera  bien  aise.  » 
Dans  d'autres  cas  encore,  nous  sommes  certain  que  les  pro- 
tégés de  Spanheim  vinrent  réellement  à  Berlin;  il  en  est  ainsi 
pour  les  frères  de  Brion,  qui  partirent  de  Paris  au  mois  de 
mai  1681   et  qui  sont  probablement  Alexandre  et  Adhémar 
de  Brion,  dont  le  premier  était,  en  1682,  gentilhomme  de  la 
Cour  et  le  second,  en  1685,  page  de  l'Electeur*  ;  il  en  est  ainsi 
également  du  chirurgien  Gervai^e,  qui  se  trouvait  à  Berlin 
avec  sa  femme  au  mois  d'août  1681  et  sollicitait  un  passeport 
pour  ses  enfants  restés  en   P'rance  :  il  fut  attaché  comme 
chirurgien  aux  grands  mousquetaires*.  On  peut  signaler  en- 
core, la  même  année,  le  congé  demandé,  en  septembre,  pour 
M.   de  Vesancay,  que  l'électeur  avait  nommé  capitaine  de 
marine.  Au  mois  d'août,  enfin,  Spanheim  lui  avait  transmis 
les  suppliques  d'un  ministre  réformé,  D'Aillé,  et  d'un  médecin, 
qui  était  en  grande  réputation  à  la  cour,  Nicolas  Lémery; 
Frédéric-Guillaume  répondit  aussitôt  qu'il  avait  précisément 
besoin    d'un   théologien   pour   l'Université   de  Francfort   et 
d'un  médecin  pour  sa  cour.  Pourtant,  ni  Erman  et  Reclam, 
ni  Muret,  ne  signalent  D'Aillé  au  nombre  des  réfugiés  dans 
les  Etats  de  Brandebourg;  quanta  Lémery,  nous  savons  qu'au 
moment  de  partir  il  se  laissa  séduire  par  les  offres  du  roi  :  il 
se  fit  catholique  et  ne  quitta  point  la  France. 

De  1682  à  1684,  l'émigration  vers  Berlin  continua.  En  avril 
1682,  Spanheim  recommande  à  Frédéric-Guillaume  un  gentil- 
homme de  la  Religion,  M.  de  Tasché,  qui  s'offre  à  remplir  les 
fonctionsdesecond  gouverneur  au  près  des  princes  électoraux. 
Ses  offres  ne  furent  sans  doute  pas  accueillies;  mais  nous  trou- 
vons d'autre  part,  dans  la  correspondance  de  Rébenac,  plu- 
sieurs permissions  de  quitter  le  royaume  ou  de  rester  en  Bran- 
debourg. L'une  est  délivrée,  le  24  juin  1682,  au  nommé 
Courtens,  dont  S.  A.  E.  désirerait  se  servir  en  qualité  de  son 

1.  Erman  et  Reclam,  II,  p.  359,  el  IX,  p.  j8. 

2.  Ibid.,  II,  p.  259. 


-ÉTUDES    HISTORIQUES  121 

jardinier  à  Potsdam,  et  qui  emmène  avec  lui  sa  femme  et.  ses 
six  enfants,  trois  garçons  et  trois  filles  ;  une  autre,  en  date  du 
17  août,  «  à  Louis  de  L'Hospital,  au  nommé  Binon  el  à  la  nom- 
mée du  Biran,  tous  trois  de  la  religion  prétendue  réformée  », 
qui  s'en  vont  au  service  de  l'Electeur*;  deux  autres  encore^ 
en  date  du  28  mars  1083,  au  sieur  d'Egissay,  pour  qu'il  puisse 
demeurer  au  service  de  TElecteur,  et  au  sieur  de  Monglat, 
qui  y  doit  entrer. 

Enfin,  parmi  ces  permissions,  j'en  mets  deux  à  part,  qui 
méritent  d'être  citées,  l'une  parce  qu'elle  concerne  un  des 
réfugiés  qui  jouèrent  un  rôle  actif  dans  la  colonie  berlinoise, 
l'autre  à  cause  des  détails  très  précis  qu'elle  contient.  La  pre- 
mière est  en  faveur  de  Claude  du  Bellay,  seigneur  d'Anche, 
et  frère  de  Théodore  du  Bellay,  seigneur  de  Montbrelais,  un 
réfugié  de  marque;  elle  porte  la  date  du  3  octobre  1682  : 

«  Aujourd'huy  3«  octobre  1682,  le  Roy  estant  à  Chambord,  ayant 
esgard  à  la  très  humble  suplication  qui  luy  a  esté  faite  par  le 
S'  de  Spanheim  envoyé  extraordinaire  de  M""  l'El'  de  Brs,  Sa  Majesté 
a  permis  et  permet  au  S"^  Danché,  gentilhomme  de  la  province  de 
Poictou.de  sortir  du  royaume  pour  aller  au  service  de  Son  Altesse 
Electorale  en  qualité  de  gouverneur  d'un  de  ses  fils,  nonobstant  la 
déclaration  de  1669  et  toutes  autres  ordonnances  à  ce  contraires.  » 

La  pièce  est  suivie  d'un  passeport  de  même  date,  qui  per- 
met à  D'Anché  «  de  mener  avec  luy  sa  femme,  une  fille  de 
chambre,  un  cocher  et  deux  lacquais-  ». 

L'autre  concerne  une  famille  entière  et  est  datée  de  Fon- 
tainebleau, le  19  août  1683  : 

«  Ayant  esgard  à  ce  que  luy  a  fait  représenter  le  S'  de  Spanheim 
de  la  pari  de  VEV  de  Br^  que  ce  P"  désireroit  faire  venir  à  Berlin 
auprez  des  jeunes  Princes  et  princesses  de  Brands  cinq  enfants  du 
S'  et  D'  du  Mas  de  Montmartin  de  la  province  de  Poictou,  scavoir 
Jacques  Louis  du  Mas  âgé  de  quinze  ans,  Marguerite-Françoise  du 

1.  Nous  savons  d'autre  part  que  Louis  de  L'FIospilal,  alors  tout  jeune, 
fut  attiré  à  Berlin  par  le  comte  d'Espense  et  qu'il  lut  plus  tard  major- 
général  sous  le  roi  Frédéric  1".  Erman  et  lîeclam,  t.  I.\,  p.   I.V2. 

2.  Sur  d'Anche  et  sa  famille,  voir  lù-man  et  Heclam,  J,  p.  i:i.'}  ci  passim. 


122  ÉTUDES   HISTORIQUES 

Mas  âgée  de  quatorze  ans,  Samuel  du  Mas  âgé  de  douze  ans,  Louis 
du  Mas  âgé  de  neuf  ans,  Charles  Fauquet  S'  de  Bournizeaux  âgé 
de  quinze  ans*,  avec  leurs  domestiques,  scavoir  Samuel  Bretîtaud, 
âgé  de  quarente  ans,  André  Rebreau,  âgé  de  quatorze  ans,  Magde- 
laine  Grain,  âgée  de  cinq'*  cinq  ans  et  Su^^anne  Massonneau,  âgée 
de  20  ans,  tous  de  la  R.P.R.,  Sa  Ma»°  leur  a  accordé  la  permission 
qui  leur  est  nécessaire...  î. 

Nous  en  arrivons  maintenant  à  l'année  de  la  Révocation  et 
c'est  alors,  bien  entendu,  que  la  mention  des  réfugiés  devient 
de  plus  en  plus  fréquente  dans  la  correspondance  de  Rébenac 
Bientôt  il  ne  sera  plus  question  de  permissions  et  de  passe- 
ports. Dès  le  1"  mars  1685  Louis  XIV  déclare  qu'il  n'en  veut 
plus  accorder  : 

«  J'ay  fait  connoistre  plusieurs  fois  aux  Envoyez  de  Dannemarck 
et  de  Brandebourg,  écril-il  à  Rébenac,  que  je  ne  pouvois  approu- 
ver que  mes  sujets  de  la  Religion  prétendue  réformée  me  fissent 
solliciter  par  les  ministres  des  Princes  mes  alliez  pour  passer  dans 
les  pays  estrangers,  soit  sous  le  prétexte  de  les  servir  ou  autrement. 
Vous  devez  aussy  vous  en  expliquer  de  mesme  au  lieu  où  vous  estes 
sur  la  permission  qu'on  vous  a  obligé  de  me  demander  en  faveur 
du  S""  du  Belay  de  Montberlay  et  vous  délivrer  pour  tousjours  de 
semblables  demandes.  » 

Pourtant,  en  ce  qui  concerne  celui-ci,  le  roi  se  relâcha  en- 
core, puisque,  le  29  juin  suivant,  Frédéric-Guillaume  deman- 
dait à  Spanheim  les  passeports  de  Théodore  du  Bellay, 
S"'  de  Montbrelais,  nommé  conseiller  de  légation  à  Berlin,  de 
sa  sœur  Mlle  de  Bonni\eaux  et  d'un  nommé  de  Belleville, 
attaché  comme  gentilhomme  de  la  chambre  au  prince  élec- 
toral Christian-Louis.  Et  plus  tard  môme,  le  12  octobre,  pres- 
que à  la  veille  de  la  Révocation,  Louis  XIV  consentait  encore 
à  régulariser  la  situation  des  «  S'*  de  Chale:{ac,  de  la  province 
de  Guyenne,  qui  sont  depuis  trois  années  à  la  cour  de  M' l'E- 
lecteur de  Brandebourg  en  qualité  de  premiers  escuyers,  l'un 
de  la  princesse  d'Anhalt  et  l'autre  de  la  duchesse  de  Holstein  »  ; 

I.  Celui-ci  épousa,  sans  doute  à  Berlin,  Charlotte  du  Bellay,  peul-èlre 
une  nièce  de  d'Anché  ?  Voir  lùman  et  Reclani,  1,  133. 


ÉTUDES   HISTORIQUES  123- 

de  la  dern^^' des  Coudrais  qui  est  auprès  de  la  dame  de  Pelnilz, 
veufve  du  grand  escuyer  de  M""  l'El'  de  Brandebourg  depuis 
le  mois  de  juillet  1682  »;  et  enfin  du  S""  de  Vinhals  a  qui  est 
depuis  dix  années  au  service  de  M""  l'Electeur  de  Brandebourg.  » 


III 


Nous  n'avons  pas  à  rappeler  ici  comment  fut  signé,  le 
17  octobre  1685,  l'éditde  Fontainebleau  qui  révoquait  l'édit 
de  Nantes,  ni  comment  le  Grand  Electeur  y  répondit  presque 
aussitôt  par  Tédit  de  Potsdam,  qui  promettait  aux  protestants 
fugitifs  asile  et  secours  dans  ses  Etats.  Les  correspondances 
de  Rébenac  et  de  Spanheim  n'ajoutent  rien  à  nos  connais- 
sances sur  ce  sujet.  Mais  elles  nous  montrent  quels  furent  les 
sentiments  et  l'attitude  de  Frédéric-Guillaume  après  la  Ré- 
vocation, quelles  instructions  il  donna  à  Spanheim,  et  com- 
ment Louis  XIV,  quelque  ressentiment  qu'il  eût  des  démarches 
de  rÉlecteur,  dissimula,  parce  que  l'alliance  du  Brandebourgs 
lui  était  plus  que  jamais  nécessaire,  et  chercha  seulement  à 
concilier  sa  dignité  avec  son  intérêt. 

Les  sentiments  de  Frédéric-Guillaume  apparaissent  dans 
tous  ses  rescrits  à  Spanheim,  pendant  la  période  qui  suivit 
l'édit  de  Potsdam.  Dans  celui  du  25  décembre  1685,  par 
exemple,  l'Électeur  déclare  qu'il  est  bien  en  droit  d'employer, 
dans  son  édit,  le  mot  de  persécution,  alors  que  le  roi  de 
France,  dans  les  siens,  appelle  la  religion  réformée  une  hé- 
résie ;  il  soutient  que  puisque  Louis  XW  a  prouvé  par  tant 
d'actions  éclatantes  le  zèle  qu'il  a  pour  sa  religion,  on  peut 
bien  lui  pardonner,  à  lui  Frédéric-Guillaume,  de  n'être  point 
indifférent  dans  la  sienne  et  de  tendre  les  bras  à  ses  pauvres 
coreligionnaires  qui  sacrifient  tout  à  leur  conscience.  Dans  le 
rescrit  du  18  janvier  1686,  il  s'étonne  que  l'on  continue  à  se 
plaindre  de  l'édit  de  Potsdam.  «  Nous  ne  pouvions  moins 
faire*,  dit-il  (et  le  roi  devrait  le  comprendre),  que  d'accueillir 

1.  Je  traduis  ici  le  texte  allemand  du  rescrit;  les  lettres  de  Spanheim 
sont  toutes  écrites  on  français,  mais  Frèdéric-C.uillaume  emploie  toujours 
la  langue  allemande. 


124  ÉTUDES   HISTORIQUES 

avec  bonté  et  bienveillance  ceux  qui,  sans  avoir  commis  au- 
cune faute,  mais  pour  obéir  à  la  conscience,  qu'aucune  puis- 
sance humaine  ne  peut  forcer,  se  sont  échappés  et  enfuis,  à 
leur  plus  grand  dommage  et  en  abandonnant  tout  ce  qu'il  y 
a  au  monde  de  plus  cher  aux  hommes.  Nous  considérons  que 
notre  foi  et  notre  conscience  nous  en  faisaient  un  devoir  et 
qu'il  nous  en  faudra  rendre  compte  à  Dieu.  » 

Les  instructions  que  Frédéric-Guillaume  donna  à  Span- 
heimsur  la  conduite  qu'il  devait  tenir  à  Paris  furent  conformes 
à  ces  sentiments,  et  Spanheim  d'ailleurs  les  avait  prévenues. 
Dès  le  14  octobre,  il  annonce  que  les  protestants  s'attendent 
aux  dernières  violences  et  que  beaucoup  s'adressent  à  lui 
dans  leur  détresse  :  «  Ce  qui  fait,  écrit-il,  que  plusieurs  ont 
cherché  déjà  de  réfugier  chez  moy  en  secret  leurs  effets  les 
plus  précieux;  que  j'ay  loué  à  ce  sujet  une  maison  un  peu 
plus  spacieuse  que  celle  où  j'estois*  et  que  je  ne  puis  man- 
quer de  les  assister  de  conseils,  d'adresse  et  quelquefois  de 
charité,  suivant  le  besoin,  le  tout  avec  les  précautions 
requises.  »  Et  Spanheim  demande  s'il  peut  disposer  à  cet 
effet  d'une  certaine  somme,  que  l'Electeur  voudra  bien  fixer. 
Aussitôt  Frédéric-Guillaume  lui  répond  qu'il  a  bien  fait  d'as- 
sister ceux  qui  se  sont  adressés  à  lui,  qu'il  doit  continuer  et 
qu'il  peut  y  employer  une  somme  de  2000  thalers  environ. 

Spanheim  ouvre  alors  sa  maison  toute  grande.  Le  16  no- 
vembre, il  écrit  qu'il  a  «  sa  maison  pleine  d'effets  et  de  per- 
sonnes réfugiées,  comme  entre  autres  de  la  marquise  de  Vil- 
larnoul  et  de  ses  filles,  item  d'une  dame  parente  de  M""  d'Es- 
pen^e  et  autres,  sans  savoir  encore  à  quoy  tout  ceci  aboutira.  » 
En  décembre,  il  n'hésile  pas  à  se  plaindre  vivement  de  la  dé- 
tention des  nièces  du  comte  d'Espense  et  des  sœurs  du  géné- 
ral-major de  Briquemault.  Pourtant,  comme  on  a  fait  défense 
aux  ambassadeurs  étrangers  de  recueillir  des  réfugiés  chez 
eux  et  qu'il  a  déjà  subi  les  reproches  de  Croissy,  Spanheim 
se  décide  «  à  charger  un  peu  moins  »  sa  maison  et  à  laisser 

1.  Lorsque  le  sieur  de  Grandmaison,  officier  de  police,  le  dénonça  à 
Croissy,  le  23  novembi-e  1685,  Spanheim  habitait  un  hôtel  de  la  rue  de 
Greneile-Saint-Germain.  C'est  sans  doute  à  la  suite  de  cette  dénonciation 
que  Croissy  lui  reprocha  d'avoir  sa  maison  pleine  de  réfugiés. 


ÉTUDES    HISTORIQUES  125 

sortir  la  plupart  des  protestants  qui  s'y  trouvaient,  non  sans 
((  en  cacher  ou  retenir  quelques-uns  avec  plus  de  précaution. 
Je  puis  même  dire,  ajoute-t-il,  que  j'ay  eu  jusques  icy  assez  de 
bonheur  en  tout  cela,  et  avec  quelque  étonnement  de  ceux 
qui  le  savent.  Outre  cela,  j'ay  cru  pouvoir  augmenter  le 
nombre  de  mes  domestiques  de  l'un  et  de  l'autre  sexe.  Je  ne 
manque  pas  aussi  de  faire  des  charités  et  assistences  sous 
main  où  cela  se  peut,  suivant  les  ordres  de  V.  A.  E".  »  Span- 
heim,  d'ailleurs,  étaitefficacement  aidé  par  le  vieux  Jean  Beck, 
résident  de  Brandebourg  à  Paris,  qui  ne  ménagea  point  son 
zèle  et  qui  faillit  un  peu  plus  tard,  nous  le  verrons,  payer 
cher  ses  imprudences. 

Cependant  les  persécutions  continuaient  et  la  situation  des 
protestants  devenait  chaque  jour  plus  déplorable,  ainsi 
qu'on  le  voit  par  ces  lignes  de  Spanheim,  du  25  janvier  1686  : 

«  On  comptait  à  Versailles  ces  jours  passés  que  de  9000  gens  de 
la  Religion  qu'il  y  avait  à  Paris,  il  n'y  en  aurait  pas  400  de  reste,  et 
dont  le  nombre  encore  diminue  d'heure  à  autre.  Il  est  vrai  qu'il  y 
en  a  encore  de  cachés  et  nombre  qui  ont  cherché  à  sortir  du 
royaume  ;  et  comme  on  croit  rencontrer  plus  de  résistance  du  côté 
des  femmes,  on  en  met  dans  les  couvents  autant  qu'on  en  trouve 
qui  ne  veulent  pas  changer  ;  et  on  parle  même  d'un  nouvel  édit  sous 
la  presse  pour  déclarer  prise  de  corps  ou  perte  de  tous  droits  ma- 
trimoniaux à  l'égard  de  toutes  celles  dont  les  maris  ont  changé  et 
qui  ne  veulent  pas  s'y  conformer.  » 

C'est  dans  celte  même  lettre  que  Spanheim  raconte  à  son 
maître  la  plus  grave  imprudence  qu'il  ait  commise  pendant 
cette  lamentable  année  1686,  imprudence  dont  il  n'eut  pas 
d'ailleurs  à  se  repentir:  l'asile  qu'il  offrit  à  Mme  de  Villarnoul 
mourante.  Voici  le  passage  entier  de  sa  lettre  : 

«  On  a  été  fort  surpris  et  fâché  à  la  cour  de  l'évasion  hors  du 
royaume  de  deux  personnes  de  qualité  et  de  moyens,  l'un  du  mar- 
quis de  Bordage,  gentilhomme  de  mérite  et  de  grands  biens  en 
Bretagne,  qui  abandonne  pour  2000  écus  de  rente  ou  fonds  de  terre 
qu'il  avait  en  France  et  un  régiment  de  cavalerie,  et  qui  était  bien 
en  cour  auprès  du  roi  et  du  marquis  de  Louvois;  l'autre  est  le 
marquis  de  Villarnoul,  sorti  du  royaume  en  poste  avec  l'ambassa- 


12G  ÉTUDES    HISTORIQUES 

deur  de  Hollande,  déguisé  en  son  valet  de  chambre,  et  sur  quoi  on 
est  ici  fort  en  colère  contre  ledit  ambassadeur.  Ce  marquis  de  Vil- 
larnoul  quitte  pour  25000  livres  de  renies  en  belles  seigneuries  en 
Poitou,  où  il  était  un  des  plus  qualifiés  de  la  province.  Il  laissa  en 
partant  sa  femme  malade,  séant  à  l'agonie,  où  je  l'avais  retirée  à  sa 
prière  avec  trois  enfants  et  où  elle  expira  fort  chrétiennement  la 
semaine  passée  et  sans  y  être  inquiétée  comme  elle  aurait  élé  au- 
trement pour  changer  de  religion  avant  sa  mort  et  en  mourant  se 
voir  embarrasser  de  la  vue  des  prêtres  et  de  leur  suite.  La  chose  s'est 
passée  sans  d'un  côté  avoir  manqué  au  devoir  d'un  ministre  de  votre 
Altesse  Électorale  et  qui  de  soi-même  ne  peut  qu'être  pénétré  d'une 
juste  compassion  pour  des  gens  qui  ne  souffrent  que  pour  l'intérêt 
de  la  religion,  et  par  où  il  a  donné  lieu  à  sauver  bien  des  gens 
sans  s'être  attiré  aucune  disgrâce  ou  procédure  qui  eût  pu  inté- 
resser le  caractère*  et  avoir  de  fâcheuses  suites*  ». 

Si  Spanheim  fut  assez  habile  ou  assez  heureux  pour  ne 
pas  trop  se  compromettre,  il  n'en  fut  pas  de  même  de  Jean 
Beck,  que  le  roi,  à  vrai  dire,  n'avait  pas  les  mêmes  raisons 
de  ménager.  Le  «  bonhomme  »  Beck,  comme  on  l'appelle 
volontiers  à  ce  moment  —  il  avait  soixante  et  onze  ans  — 
remplissait  depuis  1660  les  fonctions  de  résident  de  Brande- 
bourg à  Paris,  où  il  représentait  en  même  temps  les  villes 
hanséatiques;  mais,  depuis  que  l'Électeur  entretenait  auprès 
du  roi,  à  poste  fixe,  un  envoyé  extraordinaire,  Spanheim, 
Reck  n'avait  à  peu  près  rien  à  faire  et  Frédéric-Guillaume 
semblait  ne  lui  conserver  son  caractère  que  par  charité;  le 
bonhomme  envoyait  encore,  à  vrai  dire,  des  relations,  où  il 
racontait  les  menus  événements  de  la  cour  et  de  la  ville  et 
qui  sont  conservées  aux  Archives  de  13erlin. 

Jean  Beck  élaii  un  prolestant  zélé;  il  ne  manquait  donc 
pas  de  signaler  dans  ses  lettres  tout  ce  qui  concernait  ses 
coreligionnaires,  dont  il  prenait  la  défense  avec  passion. 
Aussi,  dès  le  5  février  1686,  Rébenac  écrivait-il  au  roi  que  les 

1.  C'est-à-dire  son  caractère  d'envoyé  de  l'Électeur. 

2.  Je  n'ai  pas  pu  reproduire  pour  cette  lettre,  comme  je  l'ai  fait  pour 
toutes  les  autres,  l'orthographe  de  l'original.  D'après  un  rapport  dressé 
le  21  janvier  1686,  que  cite  iM.  Douen  (Révoc.  à  Paris,  II,  '133),  Mme  de 
Villarnoul  fui  enterrée  dans  la  maison  même  qu'habitait  Spenheim, 
«  samedi  dernier  dans  la  petite  cour  ». 


ÉTUDES   HISTORIQUES  127 

relations  de  Beck  contribuaient  à  entretenir  Tirrilation  de 
l'Électeur  et  qu'il  pourrait  être  avantageux  de  les  supprimer  ; 

«  On  ne  parlerait  plus  icy  des  affaires  de  la  Religion,  sans  les 
relations  qu'on  reçoit  des  particularitez  vrayes  ou  fausses  de  ce  qui 
se  passe  en  France  par  le  moyen  du  sieur  Beck,  agent  de  Brande- 
bourg; ce  bonhomme  gagne  ses  appoinctemens  à  mander  de  petites 
nouvelles.  Il  seroit  bien  aisé,  Sire,  de  faire  intercepter  quelques- 
unes  de  ses  lettres  et  retenir  celles  qui  peuvent  produire  de  mauvais 
effects,  mais  je  crois  important  pour  le  service  de  V.  M.  qu'on  ne 
puisse  remarquer  en  aucune  sorte  que  cet  avis  vient  de  moy,  par- 
ce que  je  perdrois  la  confiance  avec  laquelle  on  me  montre  la  plus 
grande  partie  des  lettres  que  M""  l'Electeur  reçoit  de  tous  costez.  » 

Louis  XIV,  semble-t-il,  ne  suivit  pas  le  conseil  de  Rébe- 
nac;  mais  l'avis  ne  fut  pas  perdu.  On  se  mit  à  surveiller  Beck, 
et  celui-ci  d'ailleurs  attira  de  nouveau  l'attention  sur  lui,  au 
mois  de  mai,  par  la  fuite  d'une  de  ses  fdles,  Catherine-Emilie, 
qui  parvint  à  se  réfugier  à  Amsterdam.  Le  commissaire 
Gazon  dirigeait  alors  une  série  d'enquêtes  secrètes  sur  les 
envoyés  ou  résidents  des  princes  protestants,  en  particulier 
sur  Spanheim;  il  fit  rédiger  au  sujet  de  Beck  plusieurs  rap- 
ports qui  ont  été  déjà  publiés*,  l'un  en  date  du  13  août  1686, 
un  autre  en  date  du  3  octobre.  Dans  le  second,  il  signalait 
eomme  réfugiés  chez  Beck  la  dame  de  la  Roche,  de  Rouen; 
la  demoiselle  Falaiseau,  «  femme  du  S'  Falaiseau  qui  est 
auprès  de  l'Electeur  de  Brandebourg  -  »;  le  fils  de  la  dame 
Ciissy  de  Brie,  etc.;  et  il  ajoutait  que  le  fils  de  Beck  était 
récemment  sorti  de  Paris  sous  le  prétexte  d'aller  porter  une 
lettre  à  la  duchesse  d'Orléans,  à  Fontainebleau,  et  qu'il  avait 
ensuite  passé  la  frontière. 

Après  ces  rapports  de  police,  on  résolut  de  prendre  des 
mesures  contre  Beck,  dont  le  caractère  de  résident  pouvait 
être  mis  en  doute  et  qui,  de  plus,  était  naturalisé  français, 

1.  Par  Douen,  dans  son  ouvrage  intitulé  :  La  Révocation  de  l'Edil  de 
Nantes  à  Paris,  3  vol.  gr.  in-«°,  189i.  Jy  ai  pris  un  certain  nombre  de 
détails  qui  complètent  mon  récit. 

2.  Falaiseau  fut  envoyé  par  l'Electeur  à  la  cour  de  Suéde,  où  il  repré- 
senta le  Brandebourg  pendant  plusieurs  années. 


128  ETUDES    HISTORIQUES 

par  conséquent  sujet  du  roi.  Louis  XIV  signa  d'abord,  le 
4  novembre,  un  ordre  d'expulsion;  puis  il  se  ravisa  et,  le  15, 
ordonna  d'écrouer  Beck  et  sa  femme  à  la  Bastille;  le  lieute- 
nant de  police,  La  Reynie,  procéda  à  l'interrogatoire  le  16. 
L'Électeur,  cela  va  sans  dire,  en  fut  aussitôt  informé  et  en 
témoigna  à  Rébenac  son  inquiétude;  Spanheim,  de  son  côté, 
fit  à  Croissy  des  représentations  très  vives  et  réclama  Beck 
au  nom  de  son  maître,  en  mettant  en  avant  son  caractère 
diplomatique;  et  comme  Louis  XIV  tenait  à  ne  point  mécon- 
tenter TÉlecleur,  il  céda.  Le  28  novembre,  il  annonça  à  Rébe- 
nac la  prochaine  libération  de  Beck,  tout  en  insistant  sur  les 
motifs  valables  qu'il  aurait  eus  de  le  retenir. 

«  Il  est  bon  que  vous  sçacliiez  que  cet  homme  est  convaincu 
d'avoir  donné  retraite  à  plusieurs  personnes  de  la  R.  P.  R.  ou  nou- 
veaux convertis  qui  sont  sortis  de  mon  royaume  et  d'avoir  au  pré- 
judice de  mes  Édits  et  déclarations  contribué  par  toutes  sortes  de 
moyens  à  leur  désertion.  J'ay  bien  voulu  néanmoins  aux  instantes 
prières  qui  m'ont  esté  faites  pour  son  eslargissement  par  le  S'  de 
Spanheim  au  nom  de  l'Électeur  de  Brandebourg,  faire  remettre 
ledit  Beck  en  liberté,  quoy  qu'il  fust  naturalisé,  à  la  charge  qu'il 
sortira  incessament  de  mon  Royaume.  » 

Beck  et  sa  femme  furent  en  effet  mis  en  liberté,  sur  ordre 
du  4  décembre,  et  en  même  temps  expulsés  du  royaume; 
mais,  comme  Beck  tomba  malade  à  ce  moment,  Spanheim 
obtint  pour  lui  un  délai  de  quatre  semaines  nécessaire  à  sa 
complète  guérison,  puis  un  passeport  valable  pendant  quatre 
semaines,  pour  sortir  du  royaume  comme  il  l'entendrait  et 
sans  être  accompagné.  Dès  le  22  novembre,  Spanheim  avait 
annoncé  à  la  fois  l'emprisonnement  de  Beck  et  son  élargis- 
sement certain,  en  accompagnant  la  double  nouvelle  de 
réflexions  qui  présentent  les  choses  sous  leur  véritable 
jour  :  «  Au  fond,  écrit-il,  il  n'aspiroit  à  autre  chose  depuis 
quelque  temps,  que  de  trouver  quelque  ouverture  ou  per- 
mission de  se  retirer  hors  du  Royaume,  à  quoy  se  présen- 
toient  jusques  icy  plusieurs  obstacles  et  assez  difficiles  à  sur- 
monter ».  On  pouvait  tout  craindre,  d'ailleurs,  Beck  étant 
naturalisé.  Mais  «  le  voilà  tiré  d'affaire  et  hors  de  France  par 


ETUDES    HISTORIQUES  129 

cet  incident  qui  devoit  l'accabler.  D'autant  plus  que  la  con- 
duite dudit  S'  Beck,  au  dire  de  ses  bons  amis  et  de  ses 
proches,  auroit  pu  avoir  un  peu  plus  de  précaution,  hoc  statu 
rerum,  et  à  y  donner  moins  prises,  comme  par  quelques  per- 
sonnes retirées  chez  luy  et  en  pension,  qui  s'y  trouvent  pré- 
sentement arrêtées.  » 

Beck  et  sa  femme  descendirent  la  Seine  à  petites  journées 
jusqu'à  Rouen,  s'y  embarquèrent  et  regagnèrent  Berlin.  C'est 
là  que  Beck  mourut,  à  l'âge  de  quatre-vingts  ans,  le  2  fé- 
vrier 1695'. 


IV 


Quelle  fut  enfin  l'attitude  de  Rébenac  à  Berlin,  après  la 
Révocation,  à  l'égard  de  la  petite  colonie  de  réfugiés  français, 
qui  s'y  accroissait  chaque  jour?  C'est  ici  que  sa  correspon- 
dance devient  plus  instructive  à  consulter. 

Il  eût  été  tenté,  par  tempérament  et  par  zèle,  d'agir  et  de 
justifier  son  maître  auprès  de  l'Électeur.  Mais  le  ministre, au 
nom  du  roi,  s'empressa  de  l'inviter  au  calme.  En  marge  d'une 
relation  du  17  novembre  1685,  où  Rébenac  rendait  compte 
en  détail  d'une  longue  conversation  avec  Frédéric-Guillaume 
sur  les  affaires  religieuses,  Croissy  écrit  au  crayon,  pendant 
le  Conseil,  et  par  conséquent  sur  Tordre  exprès  de 
Louis  XIV  :  «  qu'il  ne  s^en  mesle  pas  ».  Puis,  au  bas  d'un 
brouillon  de  lettre  du  roi  à  Rébenac,  le  6  décembre  suivant, 
il  écrit  encore  :  «  Sçavoir  si  on  adjoustera  un  article  tou- 
chant les  privilèges  qu'il  (c'est-à-dire  l'Electeur)  donne  dans 
ses  Estais  aux  françois  de  la  R.  P.  R.  »  ;  et  la  note  est  ensuite 
barrée  à  l'encre,  ce  qui  indique  que  le  roi  a  ordonné  de  n'en 
rien  faire.  Rébenac  doit  donc  se  borner  à  observer  et  à  rendre 
compte,  et  ainsi  Louis  XIV  sauvegarde  à  la  fois  sa  dignité, 
puisqu'il  refuse  de  s'abaisser  à  expliquer  et  à  justifier  sa  con- 
duite, et  son  intérêt,  puisqu'il  évite  autant  que  possible  d'ai- 
grir l'Electeur  par  des  discussions  et  des  contestations  inu- 
tiles. Il  attend  même  que  Frédéric-Guillaume  ait,  le  premier, 

1.  Erman  et  Reclam,  II,  37, 

Ll.  -  10 


130  ÉTUDES    HISTORIQUES 

interdit  aux  catholiques  d'entendre  la  messe  chez  Rébenac, 
pour  prendre  à  l'égard  de  Spanheim  une  mesure  semblable, 
en  invitant  Rébenac  à  ne  formuler  aucune  plainte. 

La  correspondance  de  Rébenac  confirme,  bien  entendu, 
l'impression  que  donnent  tous  les  documents  contemporains 
sur  l'importance  extrême  des  conséquences  politiques  qu'eut 
la  Révocation.  Je  n'insiste  pas  ici  sur  ce  point  d'histoire 
générale.  Pourtant,  il  peut  être  bon  de  montrer  par  l'exemple 
de  Rébenac  que,  dès  le  début  de  l'année  1686,  les  ambassa- 
deurs du  roi  à  l'étranger  prévoyaient  ces  conséquences  et  les 
annonçaient  à  Louis  XIV.  Les  princes  étrangers,  écrivait 
Rébenac  au  roi  dès  le  25  mai  1686,  en  viennent  à  croire  que  : 

«  La  seule  croyance  des  protestons  met  une  incompatibililé  entre 
Votre  Majesté  et  eux.  C'est  un  raisonnement  dangereux  que  les 
Impériaux  et  ceux  qui  sont  jaloux  de  la  gloire  de  V.  M.  font  avec 
beaucoup  d'avantage  et  il  seroit  bien  nécessaire  de  calmer  leurs 
esprits  s'il  estoit  possible,  jugeant,  Sire,  par  la  foible  connoissance 
quj  j'en  puis  avoir,  que  la  pluspart  des  protestans  se  vont  faire  un 
inléresl  de  Religion  de  joindre  leurs  puissances  à  celles  qui  sont 
naturellement  opposées  à  la  vostre,  croyant  mettre  par  là  leur 
créance  en  seureté  du  moins  pour  un  temps.  Car  bien  qu'ils  con- 
viennent que  rienn'est  plus  opposé  à  leurs  véritables  inlerests  et  à 
leurs  anciennes  maximes,  ils  disent  que  tout  est  renversé,  qu'ils 
doivent  prendre  de  nouvelles  mesures  et  qu'ils  sont  dans  un  temps 
où  il  ne  leur  reste  que  des  partys  d'extrémité.  » 

Et  Rébenac  montrait  dans  la  même  lettre  combien  était 
grande  déjà  l'irritation  de  Frédéric-Guillaume  et  combien 
désormais  son  attitude  était  peu  celle  qui  eût  convenu  à  un 
allié  de  la  France  : 

«  M' l'Electeur  de  Brandebourg  est  de  tout  temps  le  prince  du 
monde  qui  garde  le  moins  de  modération  dans  ses  discours  publics. 
Jamais  je  ne  parois  devant  luy  sans  qu'il  se  mette  sur  les  affaires 
de  la  Religion.  H  modère  sy  peu  ses  expressions  que  je  ne  vois  pas 
pour  moy  un  plus  grand  inconvénient  que  celuy  de  les  entendre.  Je 
me  suis  mis,  Sire,  en  possession  de  tourner  le  dos  sur  le  champ  et 
de  m'en  aller.  Je  le  fais  toujours  sans  perdre  le  respect.  Cependant 


ÉTUDES   HISTORIQUES  131 

il  y  a  des  jours  où  il  luy  est  insupportable  de  ne  pouvoir  pas 
répandre  son  chagrin  en  ma  présence,  et  c'est,  Sire,  le  seul  endroit 
par  lequel  j'apréhende  quelque  effect  de  sa  mauvaise  humeur,  mais 
je  ne  puis  en  aucune  façon  l'éviter.  » 

Cette  irritation  de  Frédéric-Cuillaume  était  entretenue 
par  tout  son  entourage  et  surtout,  cela  va  sans  dire,  par  les 
réfugiés  français.  Parmi  ceux-ci,  Rébenac  signale  Louis  de 
Beauveau,  comte  d'Elspense,  qui  jusqu'à  la  Révocation  avait 
été  tout  au  contraire,  à  la  cour  électorale,  un  auxiliaire  pré- 
cieux pour  les  ambassadeurs  du  roi,  D'Espense  avait  même 
rendu  tant  de  services  à  Rébenac  que  celui-ci  hésitait,  sem- 
ble-t-il,  à  rompre  définitivement  avec  lui  et  à  le  dénoncer  à 
Versailles.  Dans  une  première  lettre,  le  26  juillet  1686,  il  ne 
parle  encore  de  lui  qu'à  mots  couverts  :  «  Ce  Prince,  Sire, 
écrit-il  à  Louis  XIV,  trouve  encore  en  ce  pays-cy'  un  renou- 
vellement de  chagrin  sur  les  affaires  de  la  Religion  par  la 
grande  quantité  de  calvinistes  françois  qui  le  viennent  voir 
et  qui  trouvent  en  cette  Cour  l'appuy  de  quelques  personnes 
considérables,  qui  bien  qu'ils  ayent  l'honneur  d'esire  sujets 
de  \ .  M.  et  obligez  par  une  infinité  de  biensfaits  particu- 
liers ne  laissent  pas  de  tenir  sur  cela  une  conduite  tout-à-fait 
mauvaise.  »  Mais  Croissy  écrit  en  marge  :  «qu'il  s'explique»; 
et  Rébenac  s'explique  en  effet  dans  une  seconde  lettre  du 
16  août.  Il  est  impossible,  dit-il,  que  l'Électeur  change  de 
sentiments  «  aussy  longtemps  que  M'"  Despenses  l'entretien- 
dra quatre  fois  le  jour  de  tout  ce  qui  peut  luy  donner  de 
Téloignement  pour  les  intérêts  de  Votre  Majesté.  11  y  a  huit 
mois-.  Sire,  que  je  n'ay  pas  une  occupation  plus  difficile  que 
celle  de  parer  ses  mauvais  offices  et  d'employer  tout  ce  qui 
peut  humainement  dépendre  de  moy  pour  le  faire  rentrer  en 
luy  même.  Je  n'ay  pu  en  tirer  que  la  déclaration  qu'on  ne 
devoit  attendre  de  luy  ny  modération,  ny  mesures,  j;   Et  le 


\.  Cette  leLlre  fut  écrite  à  Wesel  et  les  suivantes  à  Cléves,  pendant  le 
voya^fe  cju'y  lit  alors  l'Électeur  pour  s'y  rencontrer  avec  le  prince  d'Orange. 

2.  C'est-à-dire  depuis  le  mois  de  décembre  le^j.  Il  [laut  noter  qu'au 
commencement  de  ce  mois  de  décembre,  les  sœurs  de  d'Espense  avaient 
été  emprisonnées  à  l'aris  parce  quelles  refusaient  de  se  convertir. 


132  ÉTUDES    HISTORIQUES 

même  jour,  dans  une  lettre  particulière  au  secrétaire  d'Etat, 
Rébenac  ajoute  encore,  en  parlant  de  d'Espense  :  «  Il  a  telle- 
ment outré  toutles  choses  et  il  est  de  notoriété  publique  si 
véritablement  cause  de  tout  ce  qui  se  passe  de  désagréable 
en  cette  Cour,  quç  j'ay  cru,  Monseigneur,  qu'après  avoir  fait 
durant  huit  mois  tout  ce  qui  a  été  possible  pour  le  ramener  à 
son  devoir,  le  mien  était  de  rendre  conte  de  ce  qui  se  pas- 
soit  ». 

La  Révocation  n'eut  pas,  on  le  sait,  que  des  conséquences 
politiques,  mais  aussi  des  conséquences  économiques,  et 
nous  en  trouvons  encore  la  trace  dans  la  correspondance  de 
Rébenac.  Bien  des  protestants  avaient  tourné  leur  activité  et 
leur  intelligence  vers  l'industrie;  ceux  qui  se  réfugièrent  à 
l'étranger  y  créèrent  des  manufactures  nouvelles,  dont  beau- 
coup devinrent  rapidement  prospères.  Il  en  fut  ainsi  à  Ber- 
lin et,  dès  le  12  novembre  1686,  Rébenac  remarque  que  Ton 
ne  s'y  met  plus  en  peine  de  ce  qui  se  passe  en  France  :  «  On 
croit  avoir  sujet  de  s'en  consoler  par  la  quantité  d'officiers 
qui  en  sont  sortis  et  par  les  manufactures  qu'on  établit  pres- 
que partout,  »  A  vrai  dire,  ces  industries  naissantes  eurent 
parfois  des  débuts  difficiles  et  Rébenac  y  insiste  par  exemple 
dans  une  lettre  du  25  juin  1687  : 

a  La  plus  grosse  despense  qu'on  fait  icy  pour  les  calvinistes 
françois  est  à  des  avances  pour  des  manufactures  qu'on  veut  éta- 
blir dans  quelques  villes  et  qui  ne  réussissent  que  foiblement.  Leur 
plus  grand  débit  consiste  à  l'achapt  que  Monsieur  l'Electeur  en  fait 
luy-mesme  ou  qu'il  fait  jouer  à  sa  Cour,  ce  qui  ne  peut  pas  aller 
loin.  Aussy  se  détruisent-elles  presque  toutes.  Il  a  une  manufaclure 
de  grosses  estoffes  qu'on  tiroil  de  hollande,  et  qui  pourra  réussir, 
parce  qu'il  ordonne  à  ses  troupes  de  s'en  faire  habiller,  ce  qui  fait 
déjà  un  débit  considérable.  » 

D'ailleurs  peut-être  faut-il  ici  tenir  compte,  en  appréciant 
le  témoignage  de  Rébenac,  de  son  peu  d'impartialité  à  l'égard 
des  calvinistes  et  de  son  désir  visible  de  dénigrer  tout  ce 
qu'ils  font. 

Un  autre  passage  de  sa   correspondance  est  intéressant 


ÉTUDES    HISTORIQUES  133 

parce  qu'il  montre,  par  un  exemple  de  détail,  le  tort  que  la 
Révocation  fit  au  commerce  français.  Le  14  janvier  1687, 
Rébenac  signale  au  roi  le  cas  des  marchands  français  établis 
en  Allemagne  : 

«  Il  y  a,  Sire,  plusieurs  marchands  de  Leypzik,  de  Berlin  et  de 
Breslau  qui  sont  françois  et  de  la  Religion,  mais  qui  depuis  très 
longtemps  sont  établis  en  ces  pays-cy.  Ils  font  un  commerce  très 
considérable  dans  le  Royaume,  mais  ils  se  trouvent  obligez  de 
l'interrompre  à  cause  des  Edits  de  Votre  Majesté.  Ils  s'adressent  à 
moy  pour  savoir  s'ils  osent  espérer  quelque  passeport  particulier 
avec  lequel  ils  pussent  entrer  et  sortir  du  Royaume.  Je  ne  leur  ay 
rien  pu  répondre  sans  l'ordre  de  Votre  Majesté.  Ces  gens-là  portent 
insensiblement  tout  le  commerce  en  Hollande.  » 

Et  ce  qu'il  y  a  de  plus  intéressant  encore,  c'est  de  voir, 
dans  le  brouillon  de  la  réponse  royale,  raturée  et  remaniée 
plusieurs  fois  pendant  le  Conseil  même,  la  trace  d'une  dis- 
cussion où  peut-être  le  contrôleur  Le  Pelletier,  peut-être 
Groissy  lui-même*,  cherchèrent  à  obtenir  du  roi,  en  faveur 
du  commerce  français,  quelque  atténuation  à  ses  rigueurs, 
et  qui  n'aboutit  qu'à  cette  phrase  brève,  dictée  à  Groissy  : 
«  Je  ne  veux  rien  accorder  quant  à  présent  aux  marchands  de 
Leip\ik  et  je  verray  dans  la  suitte  du  temps  ce  qu'il  y  aura  à 
faire  pour  le  bien  du  commerce' .  » 


V 

De  1686  à  1688,  Rébenac  envoie  au  roi,  de  temps  à  autre, 
des  renseignements  sur  le  nombre  et  la  qualité  des  réfugiés, 
sur  leur  situation,  sur  les  avantages  qu'ils  trouvent  à  Rerlin 
ou  les  hostilités  qu'ils  y  rencontrent.  Il  insiste  souvent  sur  la 

1.  De  168.")  à  1689,  le  Conseil  d'en  haut  ne  se  composa  que  de  trois  per- 
sonnes, en  dehors  du  roi,  le  contrôleur  général  Le  Pelletier,  iiui  avait 
succédé  à  Colbert,  Louvois  et  Groissy. 

2.  Croissy  ne  manquait  jamais  de  lire  au  roi  les  brouillons  de  ses  de- 
pêches  avant  d'en  arrêter  la  rédaction  délinilive.  Les  annotations  ou  les 
ratures  au  crayon,  que  portent  un  grand  nombre  de  ces  brouillons,  ont 
été  faiteâ  par  Groissy  pendant  le  Gonseil. 


134  ÉTUDES    HISTORIQUES 

méfiance  dont  ils  sont  Tobjet  et  tout  en  tenant  compte  d'une 
exagération  possible,  probable  même,  il  y  a,  dans  certains 
détails  précis  qu'il  donne,  une  indication  que  l'on  ne  peut 
négliger.  Il  faut  se  souvenir  que,  si  l'Electeur  était  calviniste, 
presque  toute  la  population  du  Brandebourgélait  luthérienne 
et  qu'il  existait  alors  entre  luthériens  et  réformés  une  anti- 
pathie quelquefois  plus  vive  qu'entre  luthériens  et  catho- 
liques. Le  Grand  Electeur  lui-même  en  a  souffert  et  n'a  pas 
épargné  ses  efforts  pour  réconcilier  les  deux  confessions 
entre  elles.  Quand  on  connaît  les  obstacles  auxquels  il  se 
heurta  jusqu'au  bout,  les  résistances  obstinées  qu'il  ne  put 
vaincre  chez  certains  pasteurs  luthériens  et  la  popularité  que 
ceux-ci  y  gagnèrent,  on  ne  peut  douter  que  les  réfugiés,  tout 
à  la  fois  étrangers  et  calvinistes,  ne  durent  pas  rencontrer 
partout  la  bienveillance  et  les  secours  que  Frédéric-Guil- 
laume, du  moins,  ne  leur  ménagea  jamais.  On  peut  même 
facilement  admettre  qu'ils  aient  été  entourés  par  moments 
■d'une  véritable  hostilité  populaire,  que  l'Electeur  a  pu  juger 
parfois  prudent  de  ménager. 

Ces  observations  faites,  voici  les  principaux  passages  où 
Rébenac  nous  parle  du  nombre  et  de  la  situation  des  réfu- 
giés. 

Le  premier,  en  date  du  5  février  1686,  les  représente  déjà 
comme  mal  accueillis  à  Berlin  : 

«  Il  en  est  venu  icy  jusques  à  cinq  ou  six  cents;  mais  les  trois 
quarts  étoient  hors  du  Royaume  depuis  plusieurs  années.  La  mor- 
talité est  parmy  eux  et  on  les  soupçonne  d'infecter  le  pays,  en  sorte 
•qu'ils  sont  maltraitiez.  » 

Un  peu  plus  tard,  il  est  vrai,  le  4  mai,  Rébenac  signale  les 
dépenses  faites  par  l'Électeur  en  faveur  des  réfugiés  et 
indique  qu'il  y  emploie  en  partie  l'argent  du  subside  qu'il 
re(:oit  du  roi  ;  et  il  ajoute  :  «  Ces  gens-là  ne  trouvent  pas  seu- 
lement à  conserver  un  exercice  libre  de  leur  Religion,  mais 
mesme  à  rendre  leur  fortune  meilleure  ». 

Une  lettre  du  25  juin  1687  est  plus  importante  par  les  ren- 
seignements qu'elle  nous  donne  sur  le  nombre  des  réfugiés. 


ÉTUDES    HISTORIQUES  135 

en   particulier   sur  les   officiers   français  entrés  au  service 
de  l'Électeur  : 

«  Il  y  avoit  sur  le  dernier  estât  des  officiers  cadets  ou  gen- 
tilshommes françois  calvinistes  six  cens  onze  personnes.  La  dé- 
pense se  montoit,  par  mois,  à  onze  mille  cinq  cents  soixante  écus, 
y  compris  le  payement  du  régiment  de  Varenne  qui  est  de  huit  cens 
hommes,  deux  compagnies  de  cadets  de  cinquante  chacune  et  un 
bataillon  commandé  par  un  nommé  Cornuau,  qui  est  de  deux  cens 
hommes...  Il  est  malaisé,  Sire,  de  savoir  au  juste  le  nombre  des 
Calvinistes  françois  dans  tous  les  Estats  de  Brandebourg,  parce 
qu'il  n'est  point  toujours  égal.  Cependant  sur  le  bruit  public  d'une 
quantité  qui  me  paroissoit  excessive,  j'ay  fait  faire  une  supputation 
la  plus  juste  qu'il  m'a  été  possible,  et  j'ay  peine  à  trouver  plus  de 
deux  mille  cinq  cens  communiants  dans  .toutes  les  églises.  II  en 
vient  encore  quelques-uns,  mais  il  en  retourne  plusieurs.  » 

C'est  une  lettre  de  Rébenac  au  roi  du  2  août  1687  qui  nous 
donne  les  détails  les  plus  précis  sur  Phoslilité  de  la  popula- 
tion berlinoise  à  l'égard  des  réfugiés;  cette  hostilité,  semble- 
t-il,  influa  sur  l'altitude  de  l'Électeur  lui-même,  soit  qu'il  crût 
nécessaire  de  céder  en  apparence  aux  préjugés  du  peuple, 
soit  que  sa  nature  mobile  se  laissât  par  moments  entraîner 
par  eux.  En  tout  cas,  il  n'est  guère  possible  que  Rébenac  ait 
inventé  de  toutes  pièces  les  renseignements  qu'il  nous  donne. 
Je  cite  le  passage  entier  : 

«  Il  y  a  depuis  quelque  tems^  un  changement  considérable  sur  le 
sujet  des  réfugiés.  L'aversion  prodigieuse  que  le  public  a  pour  eux 
commence  à  s'étendre  jusques  à  Monsieur  TElecteur  luy  même.  On 
en  fait  icy  comme  un  peuple  à  part,  qui  n'a  point  de  communication 
avec  les  naturels  du  pays.  Ils  sont  déjà  exposez  à  des  avanies  parti- 
culières. Entre  autres,  Sire,  il  y  a  une  chose  qui  n'est  qu'une  simple 
bagatelle  en  elle-même  et  qui  ne  laisse  pas  de  leur  être  sensible. 
Monsieur  l'Électeur  a  un  jardin  qui  est  la  seule  promenade  de  la 
ville-  et  le  seul  plaisir  des  Réfugiez  qui  sont  icy.  Il  y  a  une  deffense 

1.  lléljenac  rcconnaiL  donc  (luc  les  Calvinistes  n'avaient  pas  eu  à  souf- 
iVir,  jusqu'alors,  de  raversion  populaire. 

2.  Il  s'ag'd  ici  du  Lustgarten  (jue  i"rédéi-ic-Ciuillaume  et  la  première 
ciectrice,  Louise-Henriette,  avaient  lait  planter  devant  le  palais  électoral. 


136  ETUDES   HISTORIQUES 

particulière  de  les  y  laisser  entrer,  sans  aucune  distinction.  On  les 
accuse  depuis  sept  ou  huit  jours  de  vouloir  brûler  Berlin.  Il  y  a  des 
sentinelles  et  des  patrouilles  pour  avoir  inspection  sur  leurs 
démarches.  On  leur  deffend  d'avoir  de  la  chandelle  dans  leur 
chambre  passé  dix  heures  du  soir  et  cela,  Sire,  s'exécute  sur  des 
officiers  et  des  personnes  de  la  première  considération.  Ce  sont  des 
petitsidégoûts  qui  semblent  devoir  en  attirer  de  plus  grands  et  je 
ne  désespère  pas,  si  les  choses  continuent,  de  voir  prendre  à  la 
pluspart  d'entre  eux  le  seul  party  raisonnable  qui  leur  reste*.  » 

Il  est  bien  probable  que  ces  «  petits  dégoûts  »,  loin  de 
conduire  à  de  plus  grands,  comme  l'espérait  Rébenac,  ne 
furent  que  passagers.  En  tous  cas,  ils  ne  découragèrent  pas 
les  réfugiés,  car,  à  ce  moment  précis  (c'est  Rébenac  lui-même 
qui  nous  l'apprend)  le  nombre  des  calvinistes  augmenta  en- 
core : 

«  On  a  été  quelque  temps,  Sire,  écrit-il  le  16  septembre  1687,  sans 
que  le  nombre  des  Calvinistes  augmentast  icy,  mais  depuis  six 
semaines  il  en  arrive  considérablement  et  à  la  dernière  cène  qu'ils 
ont  faite  il  y  avoit  quatre  cens  communians  plus  qu'à  la  précédente. 
Il  est  vray  que  la  plus  grande  partie  qui  vient  d'Hollande,  d'Angle- 
terre et  de  Suisse  estoit  sortie  de  France  depuis  longtemps.  i> 

Si  les  réfugiés  de  Hollande,  d'Angleterre  et  de  Suisse  ve- 
naient ainsi  en  Brandebourg,  c'est  qu'ils  avaient  sans  doute, 
remarquons-le,  quelques  raisons  d'y  espérer  un  accueil  meil- 
leur :  Rébenac  se  corrige  ainsi  lui-même.  D'ailleurs  le  mou- 
vement d'immigration  ne  s'arrêta  pas  en  septembre;  car,  le 
\\  novembre,  Rébenac  écrit  encore  : 

«  On  forme  icy  deux  compagnies  de  mousquetaires  à  cheval  de 
cent  hommes  chacune.  Elles  sont  composées  d'officiers  ou  cadets 
françois  Calvinistes.  Il  en  est  arrivé  un  nombre  considérable  depuis 
six  semaines.  « 

C'est  le  dernier  renseignement  de  cet  ordre  que  je  relève 
dans  la  correspondance. 

\.  Rébenac  entend  la  conversioa  et  le  retour  en  France. 


ÉTUDES    HISTORIQUES  137 


VI 


Mais  Rébenac  ne  fait  pas  qu'observer  et  informer.  Les 
instructions  royales,  en  lui  prescrivant  de  ménager  l'Electeur 
et  de  ne  point  se  plaindre  d'une  attitude  que  le  grand  roi 
n'aurait  certes  pas  tolérée  en  d'autres  temps,  ne  lui  interdi- 
saient pas  cependant  d'entrer  discrètement  en  rapports  avec 
les  réfugiés  mécontents,  de  mettre  à  profit,  s'il  était  pos- 
sible, les  difficultés  de  leur  exil,  leurs  déboires  et  leurs  dé- 
couragements, pour  les  décider  à  abjurer  et  à  retourner  dans 
le  royaume.  C'était  là  une  tâche  délicate,  dont  Rébenac 
s'acquitta  avec  toute  son  activité  et  tout  son  zèle,  car 
c'était  un  moyen  de  faire  sa  cour  et  peut-être  d'avancer  sa 
fortune. 

Il  va  sans  dire  qu'il  ne  manque  jamais  de  signaler  au  roi 
ses  succès  en  ce  genre.  Peut-être  les  exagère-t-il.  Mais  il  est 
certain  que  les  retours  furent  assez  nombreux.  Un  réfugié, 
qui  était  venu  à  Berlin  en  1685,  Gaultier  de  Saint-Blancart,  le 
reconnaît  lui-même  dans  son  Histoire  Apologétique^  et 
attribue  précisément  à  ces  découragés,  à  ces  mécontents, 
les  bruits  qui  coururent  sur  les  prétendus  mauvais  traitements 
que  subirent  les  réfugiés  en  Brandebourg.  «  Ce  sont  des  ca- 
lomnies sans  fondement,  dit-il,  des  bruits  répandus  par  de 
certains  fainéans,  qui  s'étoient  imaginez  qu'ils  n'avoient 
qu'à  aller  dans  cet  Etat  pour  vivre  à  leur  aise  sans  rien  faire 
et  qui  voyant  qu'on  vouloit  les  obliger  à  travailler  pour  gagner 
leur  vie,  prenoient  la  fuite  et  se  retiroient  ailleurs  ».  Il  est 
évident  même  que  parmi  ceux  qui  ne  surent  pas  supporter 
l'exil,  il  ne  dut  pas  y  avoir  que  les  «  fainéants  »  dont  parle 
Gaultier.  On  peut  être  capable  d'un  grand  sacrifice  immé- 
diat sans  l'être  d'une  abnégation  prolongée;  et  quand  on 
songe  que  l'abjuration  effaçait  tout,  excusait  tout,  rouvrait  à 
l'exilé  sa  patrie  et  lui  assurait  les  faveurs  royales,  on  com- 
prend que  beaucoup  s'y  laissèrent  glisser  peu  à  peu. 

1.  Publiée  à  Amslerdani  en  I&S8. 


138  ÉTUDES   HISTORIQUES 

Rébenac  avait  demandé  au  roi,  dès  le  5  février  1686,  quelle 
conduite  il  devait  tenir  à  l'égard  des  hésitants.  «  Comme  on 
croit,  disait-il,  que  plusieurs  prendront  le  parly  de  retourner 
vers  le  printemps,  j'ose  très  humblement  supplier  Votre  Ma- 
jesté de  me  prescrire  ses  ordres  et  de  me  faire  savoir  si  Elle 
me  permettra  de  leur  donner  des  passeports  pour  repasser 
en  France  après  que  le  tems  porté  par  la  Déclaration  sera 
écheu.  »  Nous  n'avons  pas  la  réponse  de  Louis  XIV,  mais  le 
sens  n'en  est  point  douteux,  puisque  Croissy,  après  avoir  lu 
au  roi  le  passage  de  Rébenac  a  écrit  en  marge  au  crayon,  en 
Conseil,  le  mot  :  «  bien  ».  Rébenac  était  donc  autorisé  à  agir 
et  il  agit.  11  en  eut  surtout  l'occasion,  semble-t-il,  l'année 
suivante,  en  1687,  au  moment  où  les  réfugiés  furent  le  plus 
nombreux  à  Berlin.  Le  25  juin,  par  exemple,  il  écrit,  dans 
une  lettre  sur  les  réfugiés  que  nous  avons  déjà  citée  deux 
fois  :  «  Il  y  a  peu  de  semaines  que  je  n'en  renvoyé  trois  ou 
quatre,  ceux-là  m'asseurant  qu'il  y  a  un  grand  nombre  de 
mécontens  et  qu'ils  seront  suivis  de  plusieurs  autres.  On  n'en 
a  encore  ratrapé  aucun,  quoy  qu'on  empesche  leur  retour  en 
France  avec  plus  de  sévérité  qu'on  ne  s'oppose  dans  le 
Royaume  à  leur  sortie*  ».  Le  16  septembre,  il  écrit  encore  : 
«  A  mesure  que  leur  nombre  s'augmente,  celuy  de  ceux  qui 
s'en  retournent  augmente  aussy  et  il  y  a  peu  de  jours  que  je 
n'en  renvoyé  ou  que  je  n'entre  en  pourparler  avec  quelqu'un. 
Il  y  en  a  eu  de  découverts,  ce  qui  est  cause  qu'on  les  observe 
de  près  et  qu'ils  ne  peuvent  pas  toujours  effectuer  leur  des- 
sein ». 

A  mesure  que  l'alliance  entre  l'Électeur  et  le  roi,  qui  n'était 
plus  d'ailleurs  qu'une  apparence  dont  ils  n'étaient  dupes  ni 
l'un  ni  l'autre,  se  relâche  visiblement,  Rébenac  supprime  même 
les  ménagements.  Il  fait  des  départs  qu'il  provoque  une  ques- 
tion d'amour-propre  autant  que  de  zèle;  il  cherche,  il  nous 
l'avoue,  à  les  entourer  de  circonstances  qui  les  rendent  plus 
blessants  pour  Frédéric-Guillaume,  et  il  espère  ainsi  lui  faire 
regretter  et  peut-être  restreindre  la  protection  qu'il  accor- 

1.  Il  csl  presque  inutile  de  faire  remarquer  (|ue  cette  dernière  affirmation 
de  Rébenac  n'a  point  de  valeur. 


ÉTUDES    HISTORIQUES  139 

dait  aux  réfugiés.  Sa  lettre  du  30  décembre  IGST  est  instruc- 
tive à  cet  égard  : 

«  Il  y  a  beaucoup  d'officiers  calvinistes  qui  réparent  la  faute  qu'ils 
ont  faite  de  quitter  le  Royaume,  en  prenant  le  party  d'y  rentrer  et 
abjurer  leur  Religion.  J'en  ay  encore  renvoyé  six  la  semaine  passée 
qui  avaient  tous  icy  de  l'employ.  Je  leur  ay  fourny  l'argent  qui  leur 
est  nécessaire  pour  leur  voyage,  je  les  empesche  autant  qu'il  m'est 
possible  de  prendre  leurs  congés,  et  ne  néglige  rien  de  ce  qui  peut 
rendre  leur  retraite  plus  désagréable  à  cette  Cour...  il  doit  partir 
au  premier  jour  deux  françois  dont  l'un  emporte  quinze  mille  francs 
d'argent  comptant  qu'il  avoit  acquis  en  ces  pays-cy,  et  l'autre  s'est 
fait  payer  des  avances  de  service  pour  six  mois.  J'ay  l'honneur  de 
marquer  ces  petites  particularités  à  Votre  Majesté  parce  qu'elles 
sont  plus  propres  qu'aucunes  choses  à  dégoûter  Monsieur  l'Électeur 
de  Brandebourg  de  l'assistance  qu'il  donne  avec  tant  de  profusion 
aux  Calvinistes  françois.  « 

Ces  «  petites  particularités  »  nous  montrent  aussi  que  Ré- 
benac,  dans  son  désir  de  prouver  son  zèle  et  de  décourager 
la  bienveillance  de  Frédéric-Guillaume,  trop  généreuse  à  son 
gré,  n'exagérait  point  les  scrupules.  On  peut  citer  encore  à 
cet  égard  la  curieuse  supplique  suivante,  qui  n'a  pas  besoin 
d'être  commentée,  et  que  Rébenac  n'hésita  pas  à  transmettre 
et  à  recommander  au  roi,  au  mois  de  janvier  1688  : 

«  Vincent  Coissin,  natif  de  Paris,  demeurant  dans  la  Rue  S»-Denis 
vis-à-vis  S'-Leu  S'-Gilles,  né  de  la  Religion  prétendue  Réformée, 
estant  sorty  du  Royaume,  désire  y  rentrer  pour  embrasser  la  religion 
Catolique,  Apostolique  et  Romaine,  après  avoir  veu  qu'il  pouvoit 
faire  son  salut  dans  la  ditte  Religion,  il  remontre  très  humblement  à 
Sa  Majesté  que  pendant  le  séjour  qu'il  a  fait  en  Allemagne,  il  s'est 
aperceu  que,  quoy  que  son  Père  ait  abjuré  la  Religion  réformée, 
néamoins  il  fait  passer  la  plus  grande  partie  de  ses  biens  dans  ces 
pays  sous  prétexte  de  négoce,  dans  la  veûe  de  se  retirer  de  France 
lorsqu'il  aura  entièrement  mis  son  bien  à  couvert,  et  comme  ledit 
supliant  est  dans  la  Résolution  ferme  de  changer  et  de  se  rendre  à 
son  devoir  naturel  pour  le  service  du  Roy,  il  suplie  son  Excellence, 
Monsieur  le  Conte  de  Rébenac,  de  vouloir  bien  en  donner  advis  à  la 
Cour  pour  qu'elle  ait  la  charité  de  mettre  ordre  à  ce  que  son  père  ne 
puisse  point  le  frustrer  de  la  part  qu'il  doit  avoir  à  ses  biens.  Les 


140  ÉTUDES  HISTORIQUES 

gens  entre  les  mains  de  qui  il  fait  passer  son  bien  sont  :  (suit  une  liste 
de  marchands  de  Hambourg,  Francfort,  Londres,  La  Haye  et  Ams- 
terdam, que  je  passe).  Ledit  Vincent  Coissin  est  enseigne  de  dra- 
gons au  service  de  Son  Altesse  Élecloralle  de  Brandebourg,  a  servy 
la  campagne  de  Bude  avec  les  troupes  auxiliaires  de  sa  ditte  Altesse 
où  il  a  esté  blessé  au  siège.  i> 

La  dénonciation  de  Vincent  Coissin  contre  son  père  a  sans 
doute  porté  ses  fruits,  car  Croissy  a  écrit  au  bas  :  «  A  M.  de 
la  Reynie.  » 

Au  début  de  l'année  1688,  on  ne  peut  plus  guère  parler 
d'alliance  entre  le  Brandebourg  et  la  France  :  les  causes  de 
méfiance  réciproque  s'étaient  multipliées  depuis  deux  ans  et 
l'évolution  de  la  politique  électorale,  à  demi  voilée  encore 
par  un  mystère  officiel  qui  ne  trompait  plus  personne,  était 
désormais  accomplie.  L'époque  des  ménagements  est  bien 
passée  et  le  ton  de  Louis  XIV  devient  hautain,  presque  mena- 
çant, témoin  cette  lettre  du  12  février  : 

«  Je  désire  que  vous  fassiez  entendre  à  l'Électeur  de  Brandebourg 
que  j'aurais  eu  assez  de  sujet  de  me  plaindre  de  tous  les  écrits  et 
déclarations  qui  ont  esté  faites  de  sa  part  pour  exciter  mes  sujets  de 
la  R.  P.  R.  à  déserter  et  se  retirer  dans  .ses  Estais,  mais  que  je  ne 
pouray  pas  souffrir  qu'il  retienne  par  force  ceux  qui,  reconnaissant 
leur  faute,  veulent  retourner  dans  mon  Royaume  et  que  si  celte 
violence  continue,  elle  me  poura  bien  faire  prendre  des  résolutions 
qui  ne  luy  seront  pas  agréables.  » 

C'est  là  dans  notre  correspondance  la  dernière  lettre  où  il 
soit  question  des  réfugiés.  Rébenac  transmit-il  à  l'Électeur 
la  menace  royale,  et  sous  quelle  forme?  Nous  n'en  savons 
rien.  En  tous  cas,  Louis  XIV  n'eut  pas  l'occasion  de  la  renou- 
veler. Le  30  mars  suivant,  Rébenac  avait  appris  qu'il  était 
désigné  pour  remplacer  son  père  à  l'ambassade  de  Madrid. 
Le  5  avril,  il  prenait  son  audience  de  congé  et  quittait  aussitôt 
Berlin,  n'y  laissant  que  son  secrétaire.  Poussin.  A  ce  moment, 
le  Grand  Electeur  était  déjà  gravement  malade  d'une  der- 
nière crise  de  goutte  qui   devait  l'emporter.   Il  mourut  le 

29  avril  1688. 

G.  Pages. 


Documents 


LA  RÉFORME  ET  LE  THEATRE  EN  GUYENNE 

AU    XVl"    SIÈCLE 

(■2"  article) 

(Libourne,  1555  [suite].  —  Clairac,  1554) 

De  nouvelles  recherches  dans  les  minutes  criminelles  des 
arrêts  du  Parlement  de  Guyenne  et  la  découverte  de 
quelques  documents  nouveaux  nous  ont  permis  de  préciser 
et  de  compléter  les  notes  que  nous  avons  déjà  données  à 
propos  de  pièces  à  tendances  calvinistes  jouées  dans  quel- 
ques localités  de  Guyenne,  aux  environs  de  l'année  1555  *. 

Nous  avons  vu  qu'à  Libourne  à  la  suite  de  certaine  émo- 
tion populaire  qui  s'était  traduite  parle  bris  d'une  image  dans 
une  église  de  la  ville  '-,  le  Parlement,  à  la  date  du  2  avril  1555, 
avait  donné  commission  au  conseiller  Guillaume  de  Vergoing 

1.  Bull.,  1901,  525  et  s.  —  A  Agen  où  nous  avons  vu  qu'à  la  suite  des 
représentations  de  «  certaines  farces  jouées  ...en  la  maison  des  consulz. 
pleines  d'erreurs,  scandale  et  doctrine  réprouvée  contre  la  (by  et  religion 
xrestienne  »,  des  poursuites  avaient  été  engagées  par  le  Parlement  contre 
la  municipalité  à  la  fin  de  1553.  Aucune  condamnation  ne  parait  avoir 
terminé  le  procès  :  un  arrêt  en  date  du  s  mars  155'i  (n.  st.),  élargit  Géraud 
du  Laurens,  conseiller  au  siège  d'Agen,  Pierre  La  Chièze,  Gilbert  Bor- 
goignon,  Jehan  La  Ville,  consuls,  détenus  en  arrêt  à  Bordeaux,  jusqu'au 
lendemain  de  Quasimodo,  «  attendu  que  leur  procès  ne  se  peut  vuider 
pour  le  présent  »  (Arch.  dép.  de  la  Gironde,  B  71  [liasse],  arrêt  à  la  date). 

Après  cette  date  de  Quasimodo,  l'absence  de  tout  nouvel  arrêt  contre  les 
consuls  d'Agen  permet  de  supposer  que  les  poursuites  n'ont  pas  été  reprises. 

2.  Ce  «  scandalle  advenu  en  la  ville  de  Libourne  en  brisant  et  aliatant 
les  ymages  estans  en  esglises  d'icelle  »,  d'après  les  termes  de  l'arrêt  du 
4  avril,  est  évidemment  le  même  que  celui  qui  nous  est  signalé  par  les 
deux  historiens  locaux  de  Libourne,  Souffrain  {Essais  et  variétés  histo- 
riques sur  la  ville  de  Libourne,  2  vol.,  1806,  in-8%  t.  I,  p.  192),  et,  après 
lui,  Guinodie  {Histoire  de  Libourne,  1876,  3  vol.  in-8°,  t.  I,  p.  116),  tous 
deux  en  termes  fort  vagues.  Le  premier  qui  donne  comme  sources  de  son 
récit  les  grandes  Notices  du  couvent  des  Cordeliers  et  les  Papiers  d'Onè- 
zime  Trigant,  raconte  que  le  scandale  aurait  eu  lieu  dans  l'église  Saint- 
.lean,  où  un  jeune  homme  nommé  Lafon  pendant  le  sermon  d'un  ber- 
nardin, durant  le  carême,  se  serait  avisé  de  faire  tomi)er  «  une  petite 
image,  avec  sa  canne  ». 

Raymond  Guinodie  rapporte  le  même  fait  d'après  Souffrain  et  donne  la 
date  de  1555. 


142  DOCUMENTS 

pour  qu'il  allât  faire  enquête  sur  ce  «  scandallc  »  *,  et  que 
par  arrôt  du  'i  avril,  il  avait  enjoint  aux  «  maire,  soubzmaire,  et 
juratz  »  de  fournir  toutes  les  sommes  nécessaires  aux  frais  des 
procédures-.  Gomme  après  l'enquête  de  Guillaume  de  Ver- 
going  il  était  apparu  que  les  principaux  agents  de  l'efferves- 
cence populaire  avaient  été  des  «  batheleurs  et  autres  dénom- 
més sans  soucy  qui  jouèrent  quelques  farces  et  jeulx  scan- 
daleux en  la  ville  de  Libourne  le  jour  et  feste  de  Mars  dernier 
passé  »  (25  mars  1555),  il  avait  été  décidé,  par  arrêt  du 
20  avril,  que  les  comédiens  seraient  pris  au  corps  et  envoyés 
à  la  Gonciergerie  pour  comparaître  devant  la  Cour  dans  la 
quinzaine.  Le  même  arrêt  ordonnait  à  la  municipalité  de 
Libourne  de  faire  exécuter  la  provision  de  prise  de  corps 
contre  les  comédiens  et  la  mandait  en  même  temps  que 
ceux-ci  à  la  barre  du  Parlementa 

Les  arrêts  furent  exécutés  :  les  bateleurs  furent  arrêtés  et 
emprisonnés  à  Bordeaux;  le  maire  et  un  jurât  de  Libourne 
représentant  le  reste  de  la  municipalité  comparurent  avec 
eux. 

Deux  arrêts,  tous  deux  en  date  du  14  mai  1555,  donnèrent 
une  solution  à  l'affaire. 

L'un  prononçait  la  condamnation  des  comédiens*. 

Entre  le  procureur  général  du  Roy  demandeur  en  cas  d'excès  et 
crimes,  d'une  part; 

Et  Cardin  Thény,  Pasquete  Delacourt,  sa  femme,  Beaujanyn 
Trapeau  ',  Macé  de  Lalande  et  Pierre  Périer,  prisonniers  détenuz  en 
la  conciergerie  défendeurs,  d'autre; 

1.  Extraits  des  registres  secrets  du  Parlement  de  Guyenne,  Bibl.  nat., 
fonds  Périi,^ord,  t.  XI,  f"  379  et  s.,  mention  à  la  date  du  2  avril  1555  (n.  st.). 
et  Arrêt  du  Parlement  de  Guyenne,  en  date  du  4  avril,  cité  infra. 

•1.  Archives  départementales  de  la  Gironde,  B  78  (reg.  d  arrêts):  arrêt 
du  4  avril  1555  (n.  st.),  à  la  date.  Cet  arrêt  se  retrouve  à  la  date  du  5  avril 
dans  les  minutes  criminelles  des  arrêts  {ibid.,  B  88,  1  fol.  pap.,  à  la  date». 

:i.  Areh.  dép.  de  la  Gironde,  B  78  (registre);  arrêt  à  la  date.  Éd.  Bull., 
1901,  527  et  s.  La  minute  de  cet  arrêt  se  retrouve  également  {ibid.,  B  88, 
1  fol.  pap.,  à  la  date).  Elle  porte  les  signatures  autographes  de  F.  Delage 
et  \  ergoing. 

h.  Arch.  dép.  de  la  Gironde,  B  89,  Parlement,  minutes  des  arrêts,  1  fol. 
pap.,  à  la  date. 

o.  La  Jean  Trapaud  est  maire  de  Libourne  en  1554  (Guinodie,  Hist.  de 


DOCUMENTS  143 

Veu  le  procès  criminel  faict  ausdiclz  défendeurs  par  M^  Guil- 
laume de  Vergoing,  conseiller  de  Roy  en  la  court,  commissaire  sur 
ce  par  elle  député  et  eulx  ouys  en  lad.  court; 

Usera  dit  que  en  la  ville  de  Libourne  sera  ditdymanche  prochain 
ung  sermon  en  réglise  parrochialle  de  Lybourne  louchant  la  véné- 
ration des  sainclz,  auquel  sermon  lesd.  défendeurs  assisteront  sans 
que  pour  ce  ilz  encourent  aucune  infamie  et  ce  faict  lad.  court  les  a 
mis  et  mect  hors  de  procès  et  leur  faict  inhibicions  et  défenses  de  ne 
jouer  aucunes  farces  ne  morallitez  scandalleuses  et  réprouvées  à 
peine  de  la  hart. 

[Sign.  aiitogr.  ;]  De   Fauguerolles. 

\  ERGOIISG.  Duo  SClltJ. 

\F  le  président 
Fauguerolles, 

Baulon,  XIIIP  maii  V"  LV^ 

Alesme, 
Ozaneau, 
La  Boétie, 
Vergoing,  relator. 

L'autre  arrêt  élargissait  le  maire  et  les  jurais  de  Libourne 
qui  avaient  déclaré  avoir  négligé  de  jDrendre  préalablement 
connaissance  de  la  pièce  qui  devait  être  jouée.  Mais  à  eux 
aussi  étaient  faites  certaines  «  inhibicions  et  défenses*  ». 

Entre  le  procureur  général  du  Roy  demandeur  en  excès  d'une 
part; 

Et  Hélies  Bayard,  maire  de  la  ville  de  Libourne,  Ramond  du 
Tilhia,  Jehan  Philippon,  Arnault  Chavanet,  Thomas  Augereau, 
Ramond  d'Aubrac,  Pierre  Faure,  Jehan  Morlant,  juratz  de  lad. 
ville,  défendeurs  et  arreslez  d'autre; 

Veu  le  procès  faict  ausd.  défendeurs  par  M*  Guillaume  de  Ver- 
going, conseiller  du  Roy  en  la  Court  et  eulx  ouys  en  icelle; 

Il  sera  dict  que  la  Court  eslargist  partout  lesd.  défendeurs  jusques 
à  ce  que  autrement  en  soit  ordoné  en  faisant  les  submissions, 
et  faict  inhibicions  et  défenses  auxd.  défendeurs  de  ne  laisser  jouer 
aucunes  farces,  histoires  ou  moralités  en  lad.  ville  de   Libourne 

Libourne,  II,  329).  Le  même   sans  doute,   se  retrouve   comme  témoin  à 
Saint-Emilion  en  1566  lArch.  hist.  de  la  Gironde,  XI 1.  TV- 

i.  Arch.  dép.  de  la  Gironde,  B  89,  Parlement,  minutes  des  arrêts,  1  loi. 
pap.,  à  la  date. 


144  DOCUMENTS 

sans  les  avoir  veues  au  préallable,  à  peine  de  deux  mille   livres  et 
amende  arbitraire. 

[Sign.  jiitogr.  ;]  De  Fauguerolles. 

Vergoing.  Duo  sciita. 
Messieurs  le  président 
Fauguerolles, 

Baulon,  XIIII' maii  MV»  LV° 

Alesme, 
Ozaneau, 
La  Boélie, 
Vergoing,  felator. 

Ledictjour,  lesd.  Hélies  Bayard  et  Pierre  Faure  ont  faict  les 
submissions,  promis  et  juré  se  représenter  toutesfois  et  quante 
que  par  la  Court  sera  ordonné,  à  peine  d'estre  attaint  et  convaincu 
des  cas  à  luy  (sic)  imposez  et  pour  faire  tous  exploictz  nécessaires 
ont  éleu  domicilie  au  lougis  de  M'  Guillaume  Buysson  lequel  iizont 
constitué  leur  procureur. 

Dans  les  minutes  d'arrêts  du  parlement  de  Guyenne  nous 
trouvons  également  la  mention  de  représentations  calvinistes 
données  à  Clairac*  en  l'année  1554;  mais  ces  représenta- 
lions  sont  d'un  caractère  un  peu  différent  de  celles  que  nous 
venons  de  signalera  Agen  et  à  Libourne:  ce  ne  sont  plus  des 
<(  batheleurs  ou  enfans  sans  soubcy  »,  professionnels  ou 
habitants  faisant-  partie  de  quelque  association  locale  qui 
remplissent  les  rôles,  mais  les  enfants  du  collège,  et  ces 
représentations  sont  organisées  par  les  régents. 

On  sait  qu'à  Clairac  les  idées  de  Réforme  furent  intro- 
duites par  l'abbé  Gérard  Roussel,  évêque  d'Oloron,  et  par  son 
grand-vicaire  Aymerici-.  Avant  que  Roussel  cédât  son  ab- 
baye à  la  fin  de  1552  à  Godefroy  de  Caumont^,  un  collège  fut 
fondé  par  lui  où  des  régents  répandirent  les  idées  nouvelles*. 

Dans  le  courant  de  l'année  1554,  les  régents  Louis  Rieu  et 
Gilles  Dubroca  firent  représenter  par  quatre  de  leurs  élèves 

1.  Lot-et-Garonne,  canl.  Tonneins,  arr.  Marmande. 

2.  G.  Gabi-oi,  Essai  sur  l'histoire  de  la  Reforme  à  Clairac.  Thèse  de  la 
l-'acullé  de  théologie  de  Paris,  Cahors,  1900,  in-8°,  pp.  26  et  ss.,  d'après 
Florimond  de  Reiniond,  Histoire  de  la  naissance,  progrès  et  décadence  de 
rhérésie,  etc.,  éd.  de  1622,  2  vol.  in -8',  t.  Il,  pp.  SbO  et  ss. 

3.  Douniergue,  La  jeunesse  de  Calvin.  P.  1899,  in-fo!.,  pp.  420  et  ss. 
■i.  Cabrol,  Essai  sur  l'histoire,  etc.,  pp.  26  et  ss. 


DOCUMENTS  1 fô 

une  pièce  à  tendances  nettement  calvinistes,  inlitulée  :  la  Pri- 
son de  Réformation. 

M'  Pierre  Théobalde,  juge  ordinaire  de  Clairac,  les  fait 
emprisonner  tous  deux.  Mais,  avec  la  connivence  d'HéliotLa 
Sudrie,  garde  des  prisons  de  Clairac,  Gilles  Du  Broca  s'évade, 
et,  soupçonné  d'avoir  favorisé  son  évasion,  La  Sudrie,  à  son 
tour,  juge  bon  de  prendre  le  large. 

Le  Parlement  évoque  alors  par  devant  lui  l'affaire  :  un 
arrêt  du  5  juin  1554  députe  à  Clairac  le  conseiller  Antoine 
de  Gaultier  pour  y  faire  enquête  et  interroger  Louis  Rieu^ 
qui  n'a  pas  pu  ou  plutôt,  se  sentant  moins  coupable,  n'a  pas 
voulu  s'échapper  et  a  fait  appel  de  la  sentence  rendue  contre 
lui  par  le  juge  de  Clairac  devant  la  juridiction  du  Parlement*. 

Veu  le  procès  criminel  faict  par  le  juge  ordinaire  de  Clérac  contre 
M*'  Gilles  de  Broca  et  Loys  Rieu,  audition  et  responses  desd.  de 
Broca  et  Rieu  et  autres  pièces  mises  devers  la  Court  et  conclusions 
du  procureur  général  du  Roy; 

11  sera  dict  que  les  conclusions  faictes  par  led.  Rieu  tant  sur  le 
principal  que  sur  l'évasion  et  rupture  des  prisons  faicte  par  led. 
Broca  seront  communiquées  aud.  Rieu  pour  y  respondre  afin  d'at- 
ténuation et  néanmoins  qu'il  sera  plus  amplement  ouy  et  interrogé 
sur  certains  interrogatoires  que  luy  seront  faictz  par  M"  Anthoine 
de  Gaultier,  conseiller  du  Roy  en  lad.  court,  commissaire  par  elle 
sur  ce  député,  pour,  ce  faict,  estre  procédé  comme  de  raison. 
[Sign.  aiitogr.  :]      Le  Comte. 

A.  DE  Gaultier.  Habeat  relator  dimidionein 
scuti. 

Monsieur  le  président 
Le  Comte;  Amelin; 
Alesme  ;  Cyret; 
Malvyn;  La  Vye; 
Pontac;  La  Chassaigne; 
Relator  :  De  Gaultier. 
Quinta  junii  MV"  LIIII». 

Après  l'enquête  d'Antoine  de  Gaultier  le  Parlement  fait 
envoyer  Louis  Rieu  dans  les  prisons  de  la  Conciergerie  à 

1.  Ai-ch.  dép.  (le  la  (lironde,  B  73,  Parlement  (min.  des  arrêts),  i  pièce 
pap.,  à  la  date. 

IJ.   -  1  1 


146  DOCUMENTS 

Bordeaux;  et  le  18  juin,  ayant  examiné  les  diverses  pièces 
du  procès  apportées  par  devers  lui,  et  notamment  la  copie 
de  la  tragédie,  après  les  conclusions  prises  par  le  procureur 
général,  il  déclare  Du  Broca  et  La  Sudrie  <c  vrays  contumax 
et  délaillans  »,  et  rend  contre  eux  un  arrêt  de  condamnation 
par  défaut*. 

Veu  par  la  Court  les  delTaultz  obleneuz  en  icelle  par  le  procureur 
général  du  Roy,  demandeur  en  crime  d'hérésie,  à  rencontre  de 
maistre  Gilles  du  Broca,  régent,  et  Héliot  La  Sudrie,  geôlier  ou 
garde  des  prisons  de  Cleyrac,  défaillans,  charges  et  informations, 
tragédie  jouée  au  lieu  de  Cleyrac  et  informations  et  autres  pièces 
mises  devers  la  Court  par  led.  procureur  général; 

Il  sera  dict  que  la  Court  déclaire  lesd.  defaullz  avoir  esté  bien  et 
deuements  obtenuz  et  au  moien  d'iceulx  lesd.  Du  Broca  et  La  Sudrie 
vrays  contumax  et  défaillans,  descheuz  et  déboutez  de  toutes  excep- 
tions et  défenses  déclinatoires,  dilatoires  et  péremptoires  et  au  sur- 
plus déclare  iceulx  Du  Broca  et  La  Sudrie  avoir  excédé  etdélinqué; 
pour  réparacion  desquelz  excès  mentionnés  par  le  procès,  les  con- 
demne  la  Court,  scavoir  est  led.  Du  Broca  eslre  batu  et  fustigué  par 
l'exécuteur  de  la  haulte  justice  aud.  lieu  de  Cleyrac  et  ce  faict  l'a 
banny  et  bannist  lad.  court  à  perpétuité  du  ressort  d'icelle  et  led. 
Sudrie  pour  avoir  laissé  évader  led.  Du  Broca  en  deux  cens  livres 
tournois  d'amende  envers  le  Roy. 

[Sign.  autogf.  ;]        Le  Comte. 

De  Gaultier.  Habeal  relator  unum  sciitiim. 

Monsieur  le  président  Le  Comte; 
Amelin;  Alesme;  Perron; 
La  Vye;  Malvyn;  Pontac; 
Guilloche;  La  Chassaigne; 
relator  :  De  Gaultier. 
XVIll' junii  MVLllII". 

Ln  ce  qui  concerne  Louis  Rieu,  la  Cour  déclara  qu'avant  de 
prononcer  un  arrêt  définitif  sur  son  cas,  plus  ample  inquisition 
serait  faite.  Un  arrêt  du  4  juillet  décida  que  «les  quatre  enfans 
qui  jouarentlad.  tragédie  aud.  lieu  de Clairac»  seraient  mandés 
devant  le  Parlement  et  comparaîtraient  en  même  temps  que 

1.  Arch.  dép.  de  la  (iirondn,  P>  7:^,  Parlement  (min.  des  arrêts),  1  pièce 
pap.,  à  la  date. 


DOCUMENTS  147 

Pierre  l.a  Borie,  procureur  du  seigneur  et  abbé  de  Clnirac, 
suspect  aussi  sans  doute  de  «  négligence  »  dans  la  poursuite 
des  régents  hérétiques.  Pierre  La  Borie  devrait  apporter  avec 
lui  certaines  lettres  qui  furent  écrites,  durant  le  temps  de  leur 
captivité,  à  Rieu  et  à  Du  Broca  et  aussi  certains  livres  sus- 
pects saisis  au  logis  de  Rieu*. 

Entre  le  procureur  général  du  Roy,  demandeur  en  cas  d'excès, 
d'une  part; 

Et  maistre  Loys  Rieu,  régent  de  Clayrac,  défendeur  et  détenu 
prisonnier  en  la  conciergerie  de  la  court,  d'autre; 

Veu  le  procès  criminel  faict  par  maistre  Pierre  Théobalde,  juge 
ordinaire  dud.  Clayrac,  auditions  dud.  détenu,  tragédie  intitulée  la 
prison  de  réformation  à  quatre  personnages  et  autres  pièces  devers 
lad.  court  produictes; 

Il  sera  dict  que  avant  procéder  au  jugement  dud.  procès,  led.  pro- 
cureur général  du  Roy  fera  venir  les  quatre  enfans  qui  jouarent  lad. 
tragédie  aud.  lieu  de  Clayrac  et  ce  dedans  quinzaine  prochainement 
venant,  les  noms  et  surnoms  desquelz  enfans  led.  défendeur  mectra 
au  greffe  de  lad.  court  par  tout  le  jour  pour,  eulx  ouys,  estre  pro- 
cédé comme  de  raison;  aussi  ordonné  que  maistre  Pierre  Boyrie 
viendra  en  personne  dedans  lad.  quinzaine,  pour  répondre  aux  fins 
et  conclusions  dud.  procureur  général  et  enjoinct  aud.  La  Borie 
faire  diligence  de  recouvrer  et  apporter  en  ioelle  autres  et  chacunes 
les  lettres  missives  qui  furent  envolées  tant  aud.  défendeur  que  à 
maistre  Gilles  Dubroca,  aussi  régent  aud.  Clayrac,  durant  le  temps 
qu'ils  demourarent  prisonniers  oud.  lieu;  pareilhemenl  leur  enjoinct 
faire  prendre  les  livres  que  led.  Rieu  avoit  lorsqu'il  fut  constitué 
prisonnier,  le  tout  à  peyne  de  mil  livres;  aussi  enjoinct  aud.  abbé  de 
Clayrac  et  ses  officiers  de  faire  les  diligences  et  les  frais  et  mises 
nécessaires  à  peine  de  deux  mil  livres. 
[Sign.  autogr.  .]      Le  Comte. 

A.  DE  Gaultier,  i/a&t'^?  relator  iinum  sciitum. 
Quarta  julii  MV°  LIlll".  Monsieur  le  président 

Le  Comte; 
Amelin;  Alesme;  Cyrel;  Vergoing; 
Malvyn;  Pontac;  Guilloche; 
La  Chassaigne. 

Relator  :  De  Gaultier. 

I.  Arcli.  dcp.  de  la  Gironde,  B  74,  l'arlemonl  (min.  des  aiiéls),  I  pièce 
pap.,  à  la  date. 


148  DOCUMENTS 

La  Boric  etThéobalde  font  aussitôt  «  dilligence  »  l'un  pour 
retrouver,  mais  en  vain,  La  Sudric,  l'autre  pour  découvrir 
les  quatre  enfants;  La  Dorie  arrive  en  personne  à  Bordeaux, 
apportant  avec  lui  les  missives,  les  livres  suspects  el  les 
noms  des  quatre  élèves  du  collège  qui  ont  joué  la  co- 
médie. 

Après  ce  supplément  d'enquête  la  Cour  se  juge  suffisam- 
ment éclairée.  Louis  f^ieu  et  La  Borie,  ayant  présenté  eux- 
mêmes  leur  défense,  ne  paraissent  pas  aux  magistrats  suffi- 
samment coupables  pour  mériter  une  condamnation  :  tous 
deux  sont  mis  hors  de  procès.  En  même  temps  il  est  ordonné 
que  Du  Broca  et  La  Sudrie,  les  deux  contumaces,  devront  se 
présenter  devant  leurs  juges  pour  purger  la  condamnation 
déjà  prononcée  conire  eux  (arrêt  du  12  septembre  1554*). 
Tous  deux  se  gardèrent  bien  sans  doute  d'obéir  à  l'injonction 
du  Parlement. 

Entre  le  procureur  général  du  Roy,  demandeur  en  prétenduz 
excès  d'une  part; 

Et  maistre  Loys  Rieu,  régent  de  Cleyrac,  prisonnier  détenu  en  la 
conciergerie  de  la  Court  et  Pierre  Borie,  procureur  du  seigneur  et 
abbé  de  Cleyrac,  arresté  par  ceste  ville,  défendeurs,  d'autre; 

Veu  le  procès  criminel  faict  })ar  maistre  Pierre  Théobalde,  juge 
ordinaire  dud.  Clairac,  audition  desd.  défendeurs,  tragédie  intitulée 
La  prison  de  réformation  à  quatre  personnaiges,  arreslz  du  qua- 
Iriesme*  el  trentiesme  juillet  dernier',  dilligences  faictes  par  led. 
Borie  de  trouver  Héliot  La  Sudrie  ci-devant  garde  des  prisons  dud. 
Clairac,  procès-verbal  dud.  Théobalde  du  quatorziesme  dud. 
nioys  de  juillet,  contenant  les  diligences  faictes  de  trouver  les  quatre 


1.  Arch.  dép.  do  la  (lirondc,  B  7(),  Parlement  (min.  des  arrêts),  i  pièce 
pap.  à  la  date. 

2.  C'est  l'arrêt  précédent. 

3.  Les  Registres  d'épices  de  cette  époque,  qui  sont  de  véritables  réper- 
toires d'arrêts,  ne  nous  signalent  aucun  arrêl  à  la  date  du  30  juillet  qui 
puisse  se  rattacher  à  notre  affaire.  Dans  les  minutes  des  arrêts  (B  74),  à 
la  date  du  27  juillet  15.")4,  nous  trouvons  un  arrêt  qui  règle  un  différend 
entre  le  scindic  des  sergents  royaux  et  Borie,  et  lait  «  inhibicions  et 
défenses  aud.  parties  respeclivcment  de  ne  exploicler  ailleurs  q\ic  dans 
le  ressort  et  sencschaucée  où  ilz  sont  sergens  ». 

C'est  sans  doute  à  cet  arrêt  qu'il  est  fait  allusion  ici. 


DOCUMENTS  149 

cnfans  qui  jouarent  lad.  tragédie  et  la  description  des  livres 
apertenans  aud.  du  Rieu  et  maistre  Gilles  de  Broca,  autre  ré- 
gent aud.  lieu  de  Clairac,  et  autres  pièces  produictes  devers  la 
Court; 

Il  sera  dict  que  la.  Court  mect  lesd.  du  Rieu  et  Borie  hors  de 
procès  et  ordonne  que  lesd.  du  Broca  et  La  Sudrie  seront  appeliez 
à  trois  briefz  jours  pour,  ce  faict,  estre  procédé  contre  eulx  comme 
de  raison. 

[Sign.  autogr.  ;]         Benoist. 

De  Malvyn.  Relator  duo  scuta  solvenda 
per  du  Rieu  et  Borie. 

XII"  septembris  MVLIIII». 

[Au  dos  :]     Messieurs  le  président  Benoist; 
M.  de  Malvyn; 
M.  de  Ferron; 
M.  d*Eyquens; 
M.  de  Vergoing; 
M.  de  Guilloche; 
M.  de  Moneinh; 
Malvyn,  relator. 

Sur  le  caractère  même  de  ces  pièces  de  propagande  cal- 
viniste jouées  à  Agen  en  1553,  à  Clairac  en  1.554'  à  Libourne 
en  1555,  il  serait  intéressant  de  pouvoir  fournir  des  détails 
moins  secs  que  ceux  que  nous  donnent  les  seuls  arrêts  du 
Parlement  :  ceux-ci  ne  font  en  effet  que  nous  mettre,  si  je 
puis  dire,  au  seuil  des  procès.  Pour  pénétrer  plus  avant  il 
nous  faudrait  posséder  encore  la  procédure  elle-même  :  c'est 
là  que  se  retrouveraient  ces  «  brouilhards  »  des  farces  jouées 
à  Agen  et  la  tragédie  représentée  à  Clairac  qui  furent 
apportés  devant  la  Cour;  mais  les  sacs  de  procédure  n'exis- 
tent plus  pour  le  xvi"'  siècle  dans  les  archives  du  Parlement 
de  Guyenne. 

Nous  avons  du  moins  les  noms  des  «  bateleurs  et  enfans 
sans  soucy  »  qui  jouèrent  à  Libourne;  ils  sont  intéressants  à 
connaître  puisqu'on  prétend  d'autre  part  que  parmi  ces  bate- 
leurs se  recrutèrent  parfois  même  des  pasteurs  :  peut-être 
était-ce  un  des  anciens  accusés  de  Libourne,  ce  prédicanl 
((  C\gé  au  plus  de  dix-huit  ans,  précédemment  bateleur,   disoit- 


150  DOCUMENTS 

on  »,  (|Lii  en  15G1  assemblait  à  Bergerac  autour  de  sa  chaire 
plus  de  deux  mille  personnes*. 

Nous  pouvons  aussi  apporter  quelques  hypothèses  sur  le 
caractère  même  des  pièces  représentées  à  Libourne  d'après 
les  formules  dé  nos  arrêts  et  les  condamnations  qui  furent 
prononcées  contre  les  accusés  :  puisque  Cardin  Theny,  Pas- 
quete  Delacourt,  Beaujanyn  Trapeau,  Macé  de  Lalande  et 
Pierre  Périer  furent  condamnés  à  écouter  en  l'église  parois- 
siale de  Libourne  «  ung  sermon  touchant  la  vénération  des 
sninclz  »,  il  faut  penser  que  la  pièce  jouée  par  eux  attaquait 
surtout  le  culte  que  les  catholiques  leur  rendaient. 

Nous  possédons  enfin  le  titre  de  la  tragédie  à  quatre  per- 
sonnages jouée  à  Clairac  en  1554  :  «  La  prison  de  réforma- 
tion. »  Cette  pièce  ne  se  retrouve  pas  dans  le  répertoire  du 
théâtre  calviniste  du  xvi"  siècle,  tel  que  nous  le  connaissons 
actuellement^. 

Cependant,  et  à  notre  époque  surtout  où  l'on  s'applique  à 
affirmer  d'une  manière  éclatante  que  Calvin  a  voulu  fonder 
une  religion  dont  l'action  «  fut  restreinte  et  limitée  à  l'homme 
raisonnable  et  raisonnant  »,  une  religion  «  pour  hommes 
seuls  »  et  à  l'usage  des  seuls  intellectuels ',  il  était  important 
de  retenir  ces  quelques  mentions,  si  sèches  soient-elles,  de 
représentations  protestantes  données  évidemment  pour 
répandre  dans  la  masse  même  du  peuple  la  religion  nouvelle 
et  pour  en  mettre  les  dogmes  à  la  portée  des  «  simples  et 
des  rudes  »,  des  ignorants  et  des  illettrés  :  elles  pourront 
aider  à  préciser  les  caractères  populaires  de  la  propagande 


1.  Extraits  des  registres  secrets  du  Parlement  de  Guyenne,  Bibl.  nat., 
fonds  l^érigoi-d,  t.  XI,  1"  417,  v°,  mention  à  la  date  du  15  janvier  1561  (n.  st.). 

2.  Cf.  limile  Picot,  Les  moralités  polémiques  ou  la  controverse  religieuse 
dans  l'ancien  théâtre  français,  articles  dans  le  Bull.,  XXXVI  (1887),  pp.  1()9, 
225,  337. 

De  vive  voix,  MM.  Emile  Picot  et  Abel  LelVanc,  si  compétents  tous  deux 
dans  les  questions  qui  touchent  à  l'histoire  littéraire  de  la  F'rance  au 
XVI'  siècle,  ont  bien  voulu  nous  confirmer  qu'ils  n'avaient  aucune  connais- 
sance ni  que  cette  pièce  eût  été  imprimée  au  xvi°  siècle,  ni  qu'elle  eût  été 
jouée  ailleurs  (pi'à  Clairac. 

3.  Ferdinand  Brunetière,  Conférence  prononcée  à  Genève  sous  les  aus- 
pices de  rUnivei'sité,  au  Victoria  Hall,  le  17  décembre  \'.H)i  {Journal  des 
Débats,  18  décembre  l'.MH). 


DOCUMENTS  '  151 

calviniste  au  xvi'  siècle,  et,  rapprochées  de  bien  d'autres 
documents,  servir  à  démontrer  que  Calvin  et  ses  disciples, 
loin  d'avoir  voulu  «  arislocratiseret  intellectualiser  »  leur  reli- 
gion', se  sont  au  contraire  efforcés  de  la  nationaliser  et  de  la 

populariser. 

H.  P-vrHY. 


LES  SENTIMENTS  DES  PROTESTANTS 

Al     DHBl  T    D1-;    I,  \    liKVOIATIOX 
Adresse  des  non-catholiques  de  Montauban  à  l'Assemblée  nationale 

(Janvier    ITUO). 

Dans  sa  thèse  récente  sur  Le  Conventionnel  Jeanbon  Saint- 
André,  M.  Lévy-Schneider,  ayant  été  amené  à  étudier  l'état 
d'esprit  des  protestants  à  la  veille  de  la  Révolution,  en  a 
tracé  en  quelques  pages  un  tableau  des  plus  intéressants. 
Les  nombreux  documents  qu'il  a  consultés  lui  ont  permis 
d'affirmer  qu'à  la  fin  de  l'ancien  régime  les  protestants  ont 
pour  la  plupart  «  abdiqué  toute  haine  contre  la  société  catho- 
lique, toute  pensée  de  révolte  contre  la  royauté  »  dont  ils 
attendent  avec  confiance  l'exécution  de  mesures  qui  puissent 
améliorer  leur  situation  encore  incertaine;  satisfaits  de  la 
tolérance  qu'on  manifeste  à  leur  égard,  ils  se  contentent 
pour  l'insatnt  de  demander  l'abrogation  des  lois  pénales-. 
«  La  fidélité  et  l'obéissance  dues  au  souverain  ayant  tou- 
jours été  un  point  capital  de  la  doctrine  des  réformés-^  »,  ils 
n'avaient  cessé  de  considérer  les  persécutions  comme  un 
châtiment  de  Dieu  pour  leurs  crimes  ',  et  ils  les  attribuaient 

i.  Ibid. 

2.  Lévy-Schneider.  op.  cit..  p.  34,  42.  Voir  aussi  Revue  d'histoire  mo- 
derne et  contemporaine,  t.  I,  p.  129-130. 

3.  Hugues,  Synodes  du  désert,  t.  II,  p.  irj9  (Synode  de  17.").s,  qui  est  la 
confirmation  du  synode  de  175G).  —  En  17()7,  Court  de  Gél)elin  veut  fon- 
der un  Journal  pour  exposer  «  les  véritables  sentiments  des  protestants 
en  France,  leurs  opinions  sur  le  respect  et  la  fidélité  dus  au  monarque 
et  à  la  pairie  »  :  le  roi  n'a  pas  de  «  sujets  plus  soumis  et  plus  fidèles  ». 
(Bulletin,  t.  l,  p.  398). 

4.  Hu<?ues,  Synodes  du  désert,  t.  Il,  p.  60,  colloque  de  1755,  art.  7  : 
«  On  lâchera  de  leur  faire  comprendre   [aux   fidèles    (|u'il  est  impossible 


152  DOCUMENTS 

non  à  Louis  XV*,  mais  à  son  entourage  qui  empêchait  leurs 
plaintes  de  parvenir  «jusqu'aux  pieds  du  meilleur  des  rois^  ». 
Ce  sont  les  mômes  sentiments  qui  sont  exprimés  dans  une 
adresse  envoyée  par  les  protestants  de  Montauban  à  TAs- 
semblée  nationale  pour  la  remercier  du  décret  du  24  dé- 
cembre 1789,  en  vertu  duquel  les  non-catholiques  pouvaient 
désormais  «  être  élus  dans  tous  les  degrés  d'administration  » 
et  étaient  déclarés  «  capables  de  tous  les  emplois  civils  et 
militaires  ».  Celte  adresse  que  nous  publions  ici  d'après  une 
copie  trouvée  dans  des  papiers  de  famille^  fut  remise  à 
l'assemblée  par  Poncet  Delpech,  député  de  la  sénéchaussée 
de  Montauban,  et  lue  dans  la  séance  du  6  février  1790*; 

d'arrêter  la  colère  de  Dieu,  de  faire  cesser  les  châtiments  dont  il  nous 
visite,  si  nous  ne  faisons  premièrement  cesser  les  crimes  qui  les  ont 
attirés  sur  nous  et  privés  de  son  amour,  en  ce  que  particulièrement  nous 
profanons  le  saint  jour  du  dimanche  par  nos  dérèglements  et  notre  peu 
de  piété.  » 

1.  «  Au  plus  fort  des  tribulations,  vos  pasteurs  n'ont, cessé  de  vous 
exhorter  avec  force  à  craindre  Dieu  et  à  honorer  le  roi.  C'est  la  doctrine 
constante  et  invariable  de  nos  églises.  »  (Sermon  de  Jeanbon  Saint-André, 
1778,  Lévy-Schneider,  op.  cit.,  p.  26.) 

2.  Dans  une  adresse  envoyée  au  Parlement  de  Rennes  (en  réalité  de 
Toulouse)  lors  de  l'arrestation  de  Rochette  (13  septembre  1761),  les  pro- 
testants des  Pyrénées  (Quercy)  s'expriment  ainsi  :  «  Si  dans  leurs  acca- 
blantes misères  ils  ont  quelquefois  essayé  de  porter  leurs  sanglots  jus- 
(ju'aux  pieds  du  meilleur  des  Rois,  la  persuasion  où  ils  sont  que  les 
auteurs  de  leurs  maux  les  ont  empêchés  d'y  parvenir,  les  a  réduits  à 
gémir  secrètement  en  attendant  du  Dieu  qu'ils  adorent  ce  que  l'humanité 
n'a  pu  opérer  jusqu'ici;  mais  leurs  vœux  et  leurs  respects  les  plus  sou- 
mis pour  la  personne  sacrée  de  leur  Roi  et  pour  les  magistrats  auxquels 
cet  auguste  monarque  a  confié  une  partie  de  son  autorité,  soit  dans  la 
distribution  de  la  justice,  soit  pour  en  représenter  la  majesté  dans  les 
diverses  provinces  de  son  royaume,  n'en  ont  été  ni  moins  ardents,  ni 
moins  zélés.  »  (Papiers  de  famille.) 

3.  Elle  n'existe  pas  aux  Archives  nationales.  C'est  par  une  copie  de  mon 
trisaïeul,  FMerre  Bosciuet,  bourgeois  protestant  montalbanais,  officier  mu- 
nicipal pendant  la  Terreur,  qu'elle  a  été  conservée  (Voir  Révolution  fran- 
çaise, t.  XXXlll,  p.  374  et  XLII,  p.  110;  Revue  d'histoire  moderne  et  con- 
temporaine, t.  I,  p.  12.5,  n.  2). 

4.  Elle  est  ainsi  mentionnée  dans  le  procès-verbal  :  «  Adresse  des  non- 
cathoii(|ucs  de  la  ville  de  Montauban  en  Quercy,  remise  par  M.  Poncel 
Delpech,  dans  laciuelle  ils  présentent  à  l'Assemblée  nationale  les  témoi- 
gnages de  reconnaissance  et  de  sen.sibilité  profonde,  à  raison  du  décret 
qui  leurassure  la  qualité  de  citoyens  actifs.  »  {Procès-verbaux  de  l'Assem- 
blée nationale,  t.  XU,  6  février  1790,  p.  27,  reproduit  dans  les  Archives 
parlementaires.  V  série,  t.  XI,  p.  453,  2"  colonne.) 


DOCUMENTS  153 

elle  a  donc  été  composée  dans  le  courant  de  janvier  1790. 
On  y  remarquera  plusieurs  réminiscences  du  discours  pro- 
noncé par  Rabaut  Saint- Htienne  à  F  Assemblée  nationale  le 
23  août  au  sujet  de  l'article  des  droits  de  l'homme  sur  la 
liberté  des  opinions  religieuses';  cela  est  d'autant  plus  expli- 
cable que  l'adresse  fait  allusion  à  cet  article  et  que  Rabaut 
Saint-Étienne  était  en  relations  avec  les  protestants  du  Mon- 
talbanais^. 

Nosseigneurs, 

Daignez  agréer  l'hommage  de  la  respectueuse  reconnaissance 
que  les  non-catholiques  de  la  ville  de  Montauban  prennent  la  liberté 
de  vous  offrir. 

C'est  à  vous,  Nosseigneurs,  qu'ils  doivent  le  plus  précieux  des 
bienfaits,  celui  de  pouvoir  enfin  être  comptés  au  nombre  des  Fran- 
çais et  des  citoyens.  Sans  doute  la  justice  et  la  saine  politique  sol- 
licitaient de  votre  sagesse  ce  décret  à  jamais  mémorable,  qui  ren- 
verse le  mur  funeste  de  séparation  que  de  misérables  préjugés 
avaient  élevé  entre  la  nation  et  quelques-uns  de  ses  membres^; 
mais  cette  loi  n'en  est  pas  moins  digne  d'exciter  toute  notre  gra- 
titude. 

1.  Ce  discours,  lorl  résumé  dans  le  Moniteur  (t.  I,  p.  189),  a  été  imprimé 
sous  le  litre  de  «  Opinion  de  M.  Rabaut  de  Saint-Étienne  sur  la  motion 
suivante  de  M.  le  comte  de  Caslellane  :  Nul  homme  ne  peut  être  inquiété 
pour  ses  opinions,  ni  troublé  daus  l'exercice  de  sa  religion.  —  A  Paris, 
chez  Baudouin,  imprimeur  de  l'As.semblée  nationale...  1789  »  (Bibl.  nat. 
Lc'^,  156;  16  p.  in-8).  tïn  exem])laire  de  cette  pièce  se  retrouve  dans  le 
tome  III  des  Procès-verbaux  de  l'Assemblée  nationale.  Enfin  elle  a  été 
reproduite  dans  le  tome  VIII  des  Archives  parlementaires  (p.  477-''»80), 
mais,  comme  toujours,  sans  indication  de  provenance.  Les  deux  versions, 
celle  du  Moniteur  et  celle  de  la  placjuette,  semblent  avoir  été  également 
connues  du  rédacteur  de  l'adresse. 

2.  Lévy-Schneider,  op.  cit.,  p.  62  (Il  leur  promet  son  appui  pour  l'aire 
de  Montauban  un  chef-lieu  de  département). 

3.  Discours  de  Rabaut  Saint-Étienne  :  «  Instruits  par  la  longue  et 
sanglante  expérience  des  siècles,  instruits  par  les  fautes  de  vos  pères  et 
par  leurs  malheurs  mérités,  vous  direz  sans  doute  :  Il  est  temps  de  dé- 
poser ce  glaive  féroce  qui  dégoutte  encore  du  sang  de  nos  concitoyens; 
il  est  temps  de  leur  rendre  des  droits  trop  longtemps  méconnus;  il  est 
temps  de  briser  les  barrières  injustes  qui  les  séparent  de  nous,  et  de  leur 
faire  aimer  une  patrie  qui  les  proscrivait  et  les  chassait  de  son  sein.  » 
(Opinion,  etc.,  p.  13;  Arch.  parlem.,  t.  VIll,  p.  480.)  Dans  le  Moniteur  : 
«  Il  est  temps  enfin  de  briser  les  barrières  (|ui  séparent  l'homme  d'avec 
l'homme,  le  Français  du  Français  »  (t.  I,  p.  189). 


154  DOCUMKiNT.S 

Étrangers  dans  le  pays  qui  nous  avait  vus  naître,  proscrits  par 
des  lois  dont  l'inconséquence  égale  la  barbarie,  nous  portions 
depuis  plus  d'un  siècle,  empreint  sur  nos  fronts,  le  signe  de  la 
réprobation  la  plus  humiliante  et  la  moins  méritée.  Vainement 
aimions-nous  tendrement  notre  patrie;  vainement  consacrions-nous 
tous  nos  travaux  à  sa  prospérité;  vainement  une  conduite  constam- 
ment irréprochable  était-elle  un  garant  assuré  de  l'inaltérable 
pureté  de  notre  morale;  vainement  l'expérience  de  deux  siècles 
avait-elle  prouvé  que  nous  n'aspirions  qu'à  l'honneur  d'être  des 
sujets  fidèles  et  des  citoyens  paisibles;  mère  dénaturée,  notre  patrie 
nous  traitait  avec  dureté ^  Plus  cruelle  même  que  si  elle  nous  avait 
entièrement  rejelés  de  son  sein^,  elle  ne  nous  y  retenait  que  pour 
nous  abreuver  d'amertumes,  que  pour  nous  faire  savourer,  en 
quelque  sorte,  toute  l'horreur  du  mépris  dont  elle  nous  accablait. 

Telle  est  donc  la  force  des  préjugés  religieux  de  rendre  l'homme 
ennemi  de  l'homme,  et  de  lui  commander  des  injustices  que  le 
temps  peut  à  peine  corriger!...  Grâces  soient  rendues  à  nos  sages 
législateurs  de  ce  qu'ils  travaillent  à  dissiper  ces  sombres  et  in- 
quiètes préventions,  qui  ont  fait  jusqu'à  présent  le  malheur  de  l'hu- 
manité. 

Le  décret  par  lequel  vous  déclarez,  Nosseigneurs,  que  l'opinion 
n'est  pas  un  crime^,  et  plus  encore  celui  par  lequel  vous  jugez  que 
tout  citoyen  honnête,  fùt-il  d'ailleurs  hétérodoxe,  est  digne  d'exercer 
les  fonctions  publiques,  sont  des  leçons  de  morale  universelle.  Si 

1.  Voir  le  discours  de  Rabaut  Saint-Étienne  :  «  Ainsi,  Messieurs,  les 
prolestants  font  tout  pour  la  patrie,  et  la  patrie  les  traite  avec  ingrati- 
tude :  ils  la  servent  en  citoyens,  ils  en  sont  traités  en  proscrits;  ils  la 
servent  en  hommes  que  vous  avez  rendus  libres,  ils  en  sont  traités  en 
esclaves.  »  {Opinion,  etc.,  p.  8;  Arch.  parlent.,  t.  VIII,  p.  479.)  L'expres- 
sion de  l'adresse  «  mère  dénaturée  »  semble  venir  du  Moniteur,  où  le 
passage  précédent  est  ainsi  résumé  :  «  On  pourrait  dire  avec  raison  (|ue 
la  Patrie  est  une  marâtre  pour  les  protestants;  ils  l'ont  tout  pour  elle,  et 
la  Patrie  ne  l'ait  rien  pour  eux  »  (t.  I,  p.  189). 

2.  I^abaut  Saint-Etienne  :  «  ...une  patrie  qui  leé  proscrivait  et  les 
chassait  de  son  sein.  »  (Ci-dessus,  page  précédente,  n.  3.) 

3.  C'est  l'article  de  la  déclaration  des  droits  voté  le  23  août  1789  :  «  Nul 
ne  doit  être  inquiété  pour  ses  opinions  même  religieuses,  pourvu  que  leur 
manifestation  ne  trouble  pas  l'ordre  public  établi  par  la  loi.  »  Ici  encore 
l'adresse  emploie  les  expressions  même  du  discours  de  Rabaut  Saint- 
Etienne  :  «  La  tolérance  1  le  support  !  le  pardon  !  la  clémence  !  idées 
souverainement  injustes  envers  les  dissidents,  tant  qu'il  sera  vrai  que  la 
dilTérence  de  religion,  que  la  différence  d'opinion  n'est  pas  un  crime... 
L'erreur,  Messieur.s,  n'est  point  un  crime.  »  (Opinion,  etc.,  p.  8-9;  Arch. 
pari.,  t.  VIII,  p.  479.) 


DOCUMENTS  155 

par  elles  tous  les  Français  apprennent  enfin  à  s'aimer,  à  s'estimer 
l'un  l'autre,  à  mettre  la  vertu  avant  toutes  ces  petites  arguties  mé- 
taphysiques que  l'on  a  trop  longtemps  confondues  avec  elle,  quel 
ne  sera  pas  le  bonheur  de  la  nation  ? 

L'amour  mutuel,  Nosseigneurs,  est  la  liberté;  il  se  confond  né- 
cessairement avec  elle.  Où  sera  le  garant  de  la  liberté  de  chacun 
de  nous,  si  chacun  de  nous  tente  d'opprimer  celle  d'autrui?  Ah! 
sans  doute  les  fers  dont  on  a  chargé  les  peuples  ont  été  forgés  de 
leurs  propres  mains.  Dans  tous  les  temps  et  dans  tous  les  lieux, 
quand  on  a  voulu  réduire  les  hommes  en  servitude,  on  a  commencé 
par  les  diviser.  Les  tyrans  leur  ont  commandé  de  se  haïr  les  uns 
les  autres,  afin  de  les  rendre  esclaves  les  uns  par  les  autres. 
Seraient-ils  jamais  i)arvenus  à  établir  leur  despotisme  sur  un  peuple 
de  frères?  Un  peuple  de  frères  a  des  chefs,  et  il  les  respecte;  mais 
il  ne  saurait  souffrir  de  despote. 

Un  jour,  sans  doute,  et  déjà,  Nosseigneurs,  nous  entrevoyons 
l'aurore  de  ce  beau  jour,  ces  idées  simples,  et  dont  la  simplicité 
même  fait  le  mérite,  se  feront  sentir  à  tous  les  cœurs.  La  France, 
l'univers  entier  recueilleront  les  fruits  de  votre  sagesse,  et  vous 
aurez  la  gloire  d'être  vraiment  les  réformateurs  du  genre  humain. 

C'est  avec  la  plus  vive  satisfaction,  Nosseigneurs,  que  les  non- 
catholiques  de  Montauban  se  voient  obligés  de  n'excepter  de  l'hom- 
mage de  leur  reconnaissance  aucun  des  membres  de  votre  auguste 
assemblée.  La  plus  flatteuse  unanimité  a  dicté  le  décret  qui  les 
absout  de  la  mort  civile*.  Pontifes,  ministres  des  autels,  philo- 
sophes, jurisconsultes,  tous  ceux  qui  composent  le  corps  législatif 
de  la  France  ont  honoré  leur  caractère  en  accédant  à  la  même 
décision.  Preuve  louchante  que  les  âmes  commencent  à  se  rappro- 
cher, et  que  l'effet  inévitable  des  discussions  qu'autorise  la  liberté 
est  de  conduire  à  la  vérité. 

Nous  n'oublions  pas,  Nosseigneurs,  que  c'est  au  monarque  restau- 
rateur  de  la  liberté  française  que  nous  sommes  redevables  de  la 
première  loi  qui  a  été  rendue  pour  le  rétablissement  de  la  nôtre. 
Digne  de  notre  amour  et  de  notre  respect,  ce  monarque  citoyen 

\.  On  ne  peut  affirmer  que  ce  soit  là  un  renseignement  nouveau  sur  le 
vote  (dont  ni  le  Moniteur  ^t.  1,  508],  ni  le  procès-verbal  [t.  X]  ne  donnent 
le  résultat).  C'est  peut-être  simplement  une  allusion  à  l'ensemble  des 
débats.  11  n'y  avait  pas  eu  en  effet  d'opposition  en  ce.  qui  concernait  les 
non-calholi(iues;  toute  la  discussion  avait  eu  pour  objet  de  savoir  si  on 
accorderait  le  bénéfice  du  décret  aux  comédiens  et  aux  juifs.  On  ne  put 
s'entendre  à  ce  sujet  et  l'assemblée  ajourna  sa  décision  à  l'égard  des 
juifs. 


156  DOCUMENTS 

sera  toujours  infiniment  cher  à  nos  cœurs.  Notre  fidélité  aux  lois  ne 
sera  égalée  que  par  notre  attachement  pour  sa  personne  sacrée, 
et  nous  nous  efforcerons  de  prouver  de  plus  en  plus  par  ce  moyen 
que  cette  religion,  dont  on  nous  a  fait  si  longtemps  un  crime,  si 
elle  est  favorable  à  la  liberté,  est  en  même  temps  l'ennemie  déclarée 
de  l'insubordination  et  de  la  licence. 

Continuez,  Nosseigneurs,  à  travailler  avec  ardeur  à  la  régénération 
du  royaume.  Tous  les  citoyens  attendent  de  vos  lumières  et  de  votre 
courage  le  complément  de  la  liberté  dont  vous  avez  si  heureuse- 
ment posé  les  fondements.  Dans  cette  attente  générale,  les  non- 
catholiques  croiraient  manquer  à  la  haute  idée  qu'ils  doivent  avoir 
de  votre  sagesse,  s'ils  n'étaient  intimement  convaincus  que  vous  ne 
laisserez  point  imparfaite  cette  partie  de  vos  travaux  qui  doit  amener 
l'accomplissement  de  leurs  vœux  et  effacer  jusqu'à  la  dernière  trace 
de  leurs  longues  calamités. 

Nous  sommes,  etc. 

Cette  confiance  à  l'égard  de  Louis  XVI,  ces  illusions  sur  la 
marche  de  la  Révolution  se  retrouvent  dans  tous  les  docu- 
ments de  l'époque;  la  réalité  ne  devait  pas  tarder  à  apparaître 
bien  différente  et  les  protestants  montalbanais  allaient,  selon 
leurs  propres  expressions,  donner  à  la  liberté  ses  «  premiers 
martyrs  »*;  aux  sentiments  de  fraternité  qu'ils  manifestent 
envers  les  catholiques,  ceux-ci,  qui  forment  la  majorité  dans 
la  ville,  répondront  par  la  violence. 

La  Révolution,  en  effet,  avait  été  funeste  à  la  prospérité  de 
Montauban;  elle  lui  avait  enlevé  tous  ses  établissements 
administratifs  et  religieux  qui  faisaient  vivre  le  commerce  de 
détail;  elle  avait  relégué  l'ancien  chef-lieu  de  généralité  au 
rang  de  chef-lieu  de  district  ^  Et  comme  les  prolestants 
étaient  précisément  partisans  du  nouvel  ordre  de  choses  qui 
avait  à  Montauban  des  conséquences  si  imprévues,  c'est  sur 
eux  que  les  contre-révolutionnaires  firent  retomber  leur 
mécontentement.  Ce  n'était  pas  sans  avoir  excité  une  cer- 
taine jalousie  que  les  protestants,  en  se  mêlant  au  mouve- 
ment révolutionnaire  dans  les  élections  aux  Etats-Généraux, 

i.  Lévy-Schneider,  op.  cit.,  p.  70. 

2.  C'est  en  Janvier  1790,  au  moment  mi^me  où  esl  rédigée  celle  adresse, 
que  la  décision  devient  délinilive. 


SÉANCES    DU    COMITÉ  157 

s'étaient  déjà  élevés  au-dessus  de  la  condition  effacée  dans 
laquelle  on  avait  été  habitué  à  les  voir  jusque-là  ;  et  le  décret 
même  dont  ils  se  réjouissaient  fournissait  un  nouveau  grief 
contre  eux.  Les  mesures  de  la  Constituante  concernant  les 
biens  du  clergé  et  les  ordres  religieux,  la  nomination  de 
Rabaut  Saint-Étienne  comme  président  de  l'assemblée 
s'ajoutèrent  à  toutes  les  causes  politiques,  religieuses  et  éco- 
nomiques qui  contribuaient  à  exciter  les  esprits  et  donnèrent 
un  nouvel  aliment  au  fanatisme  religieux  qui  avait  toujours 
été  très  ardent  dans  le  Quercy*. 

Le  10  mai  1790,  le  meurtre  de  cinq  gardes  nationaux  pa- 
triotes, patrons  protestants,  par  les  ouvriers  catholiques 
qu'excitait  la  faction  contre-révolutionnaire,  et  la  menace 
d'une  nouvelle  Sainl-Barthélemy-  vinrent  brutalement  rap- 
peler aux  réformés  le  temps  des  persécutions,  réveiller  en 
eux  «  le  souvenir  des  humiliations  subies  »  à  peine  endormi 
dans  leur  cœur,  et  «  les  lancer  à  corps  perdu  en  plein  mou- 
vement révolutionnaire  »''.  Mais  ceux  d'entre  eux  qui  y  joue- 
ront un  rôle  sauront  montrer,  selon  les  expressions  de 
l'adresse  ci-dessus,  que  si  leur  religion  «  est  favorable  à  la 
liberté  »,  elle  «  est  en  même  temps  l'ennemie  déclarée  de 
l'insubordination  et  de  la  licence  )>. 

François  Galabert. 


SEANCES    DU    COMITÉ 


28  Janvier  1902 

Assistent  à  la  séance,  sous  la  présidence  du  baron  F.  de  Schickler, 
MM.  G.  Bonet-Maury,  F.  Buisson,  Th.  Dufour,  A.  Lods,  F.  Puaux, 
A.  Réville,  R.  Reuss  et  N.  Weiss.  —  MM.  F.  Kuhn  et  P.  de  Félice 
se  font  excuser. 

Après  la  lecture  et  l'adoption  du  procès-verbal  de  la  dernière 
séance,  le  président  communique  une  lettre  de  remerciements  du 

1.  Lévy-Schneider,  op.  cit.,  p.  54-58. 

2.  Voir  sur  cet  épisode,  Id.,  p.  64,  el  Revue  d'hist.  mod.,  t.  1,  p.  \Xi  et  ss. 

3.  Lévy-Schneider,  op.  cit.,  p.  72,  75. 


158  SÉANCliS    UU    COMITÉ 

Consistoire  de  i'Église  reformée  de  Copenhague  el  regrette  de 
n'avoir  pas  remarqué  dans  la  lettre  qu'il  a  envoyée,  qu'Adolphe 
Monod  fut  un  des  premiers  adhérents  à  notre  Société  d'Histoire.  Il 
observe  ensuite  que  le  prix  Bersier,  d'une  valeur  de  500  francs, 
aurait  dû  être  décerné  pour  la  première  fois  en  1897,  mais  ne  l'a 
été  qu'en  1898,  afin  de  pouvoir  être  donné  à  M.  Herminjard  à 
l'occasion  de  son  jubilé.  Il  devra  donc  être  décerné  pour  la  deuxième 
fois  en  1902,  à  l'occasion  du  jubilé  de  notre  Société. 

Les  deux  principales  questions  à  l'ordre  du  jour  sont  la  fixation 
de  la  liste  de  noms  à  inscrire  à  la  Bibliothèque  et  le  programme 
sommaire  du  cinquanlenah'e  au  mois  de  mai  prochain. 

Pour  la  liste,  MM.  Bonet-Maury,  de  Félice,  Franklin,  Kuhn, 
Martin,  Raynaud,  Reuss,  Weiss  et  Waddington  ont  bien  voulu 
envoyer  leur  avis.  Grâce  à  ces  réponses  et  aux  opinions  des 
membres  présents  à  la  séance,  on  convient,  en  réunissant  les  noms 
qui  ont  obtenu  le  plus  de  suffrages,  d'une  liste  d'une  cinquantaine 
de  noms,  qui  suffisent  à  faire  le  tour  de  la  salle  de  lecture  en  sui- 
vant le  bord  inférieur  de  la  balustrade  du  premier  étage.  Des  essais 
faits  à  cet  endroit  et  le  long  du  bord  inférieur  de  la  balustrade  du 
deuxième  étage  démontrent  qu'il  vaudra  mieux  mettre  ces  noms  le 
long  des  deux  balustrades.  Par  conséquent,  il  nous  faudra  plus  de 
cinquante  noms.  Le  Président  dressera  cette  liste  en  inscrivant  à  la 
suite  de  ceux  déjà  choisis,  ceux  qui  après  eux  auront  eu  le  plus  de 
voix. 

Quant  au  programme  sommaire  pour  la  célébration  du  cinquan- 
tenaire, une  lettre  du  professeur  Jean  Réville  nous  informe  de  la 
date  déjà  fixée  pour  le  25*  anniversaire  de  la  Faculté  de  théologie 
de  Paris.  On  décide  de  placer  notre  cinquantenaire  dans  la  semaine 
du  25  mai  au  l"""  juin.  Au  lieu  d'une  séance  solennelle  à  l'Oratoire 
accompagnée  de  musique  d'après  les  découvertes  et  indications  de 
M.  Expert,  suivie  d'une  réception  à  la  Bibliothèque,  M.  Th.  Dufour 
propose,  outre  la  séance  solennelle,  une  exposition  huguenote  à  la 
Bibliothèque,  et  qu'on  remplace  la  réception  par  un  banquet.  Cette 
dernière  proposition  est  adoptée  en  principe  à  cause  de  l'insuffi- 
sance des  locaux  de  la  Bibliothèque  pour  une  réception  un  peu 
nombreuse.  Mais  il  va  sans  dire  que  si  la  Société  organise  une 
exposition  publique,  il  est  indispensable  qu'elle  fasse  appel  au  con- 
cours de  tous  ceux  qui  ont  des  tableaux,  gravures,  livres  ou  objets 
inléresiïant  l'histoire  du  Protestantisme.  La  séance  solennelle  pourra 
être  provisoirement  fixée  au  lundi  soir  26  mai  et  comportera  un 
rapport  du  président  et  quelques  remarques  du  secrétaire  sur  l'uti- 


CHRONIQUE    LITTÉRAIRE  159 

lité  de  l'Histoire.  Le  banquet  aurait  lieu  le  27  et  l'exposition  pendant 
toute  la  semaine.  Une  prochaine  séance  sera  convoquée  avant  un 
mois,  afin  de  préciser  ces  diverses  résolutions. 


CHRONIQ.UE  LITTERAIRE 


M.  G.  Hanotaux  et  le  Protestantisme.  —  La  Réforme  en  Bourgogne. 
Eléonore  de  Roye,  etc. 

Dans  le  parti  dont  M.  F.  Brunetière  est  legrand  pontife  littéraire, 
M.  G.  Hanotaux  passe  pour  l'historien  de  ce  que  les  manuels  à  l'usage 
des  ignorants  appellent  pompeusement  riinité nationale.  Celle  unité, 
personne  n'a  jamais  été  capable  de  la  définir  autrement  qu'en  nous 
montrant  toutes  les  unités  locales,  provinciales,  politiques,  ad- 
ministratives, religieuses,  de  l'ancienne  France  supprimées  ou 
asservies  aux  caprices  d'un  seul  pouvoir  central,  celui  du  souve- 
rain, c'est-à-dire  de  ses  conseillers  et  confesseurs*.  Cette  unité-là 
n'est  pas  autre  chose,  en  fait,  que  l'organisation,  au  profit  du  pou- 
voir central  et  par  la  force  dont  il  dispose,  d'un  véritable  despo- 
tisme, irresponsable  et  couvrant  toutes  ses  entreprises  du  prétexte 
spécieux  de  l'intérêt  national.  Poursuivi  déjà  par  François  I",  cet 
idéal  des  rois  de  France,  préconisé  par  le  clergé  catholique  qui  y 
voyait  un  avantage  personnel,  devient  une  réalité  de  plus  en  plus 
complète  à  partir  de  Louis  XIII  et  grâce  surtout  à  Richelieu.  C'est 
pour  cette  raison  que  M.  Hanotaux  s'est  constitué  l'historien,  le 
panégyriste  enthousiaste  de  Richelieu  et  de  toutes  les  causes  que 
cet  ambitieux  cardinal  représente. 

Il  a  saisi  avec  empressement  l'occasion  que  lui  offraient 
certaines  parties  de  cette  histoire,  de  dire  son  sentiment  sur  le 
Protestantisme.  Il  vient  de  le  faire  par  deux  articles  insérés  en  pre- 
mière page  de  la  Revue  des  Deux-Mondes,  du  T' janvier  et  du  1"  fé- 
vrier 1902,  intitulés  :  Le  Problème  protestant  en  Europe  et  Luynes  et 
le  parti  protestant  en   France.  A   mon  humble    avis,    ces    articles 

I.  La  i)reuve  (jue  Vunité  >u7?/o??a/<?  est  parrailemenl  possible  avec  le  res- 
pect d'oi-ganismes  polili(|ues  et  sociaux  pailiculiers,  c'est  l'Allemagne  et 
l'Angleterre  de  nos  Jours  qui  la  fouinisscnl.  Nulle  part  le  sentiment  na- 
lional  n'est  ])lus  vil"  el  pourtant,  les  coul unies  locales  el  jusciu'à  des  gou- 
vernemenls  divers  et  largement  autonomes  y  subsistent  à  côté  et  au- 
dessous  (lu  pouvoir  central. 


IGO  CHKONIQUE    LITTÉRAIHE 

auraient  eu  peut-être  plus  de  succès  il  y  a  un  ou  deux  ans,  au  plus 
fort  de  la  campagne  antiprotestante  que  je  dénonçais  ici  même  dès 
1896  (p.  9).  En  effet,  bien  qu'elle  ait  été  menée  avec  un  ensemble  et 
une  énergie  dignes  d'une  belle  cause,  et  aussi  avec  une  mauvaise  foi 
tout  à  fait  exceptionnelle,  celte  campagne  mémorable  a  fait  long 
feu  devant  l'indifférence  du  public,  et  semble  toucher  à  son  dé- 
clin. Quoi  qu'il  en  soit,  il  peut  être  intéressant  de  voir  comment, 
depuis  1887  où  ce  Bulletin  a  rendu  compte  de  son  premier  livre*, 
M.  Hanotaux  a  précisé   son   opinion  sur    le  Protestantisme. 

Il  y  a  quinze  ans  les  protestants  étaient  à  ses  yeux  des  partageux, 
responsables  de  la  Saint-Barthélémy  et  de  l'intervention  de  l'étran- 
ger en  France,  etc.  Aujourd'hui  cette  polémique  un  peu  fruste  et 
surannée  est  remplacée  par  des  jugements  moins  excessifs  mais  tout 
aussi  peu  exacts.  Lisez  plutôt  cette  phrase  :  «  En  lutte  contre 
«  l'Église  romaine,  le  protestantisme  sera  toujours  embarrassé  de 
«  déterminer  le  point  exact  où  il  doit  s'arrêter  pour  constituer  une 
«  Église  à  son  tour.  S'il  verse  dans  l'individualisme,  il  ifest  plus 
«  une  religion;  s'il  invoque  une  discipline,  il  reconstitue,  qu'il  le 
«  veuille  ou  non,  la  tradition.  Dans  cet  embarras,  il  a  fini,  le  plus 
«  souvent,  par  lier  son  sort  à  la  puissance  temporelle;  mais  du 
«  même  coup,  il  a  diminué  son  principe  et  limité  son  action.  Lu- 
«  thériens  contre  Calvinistes,  modérés  contre  intransigeants,  Ar- 
«  miniens  contre  Gomaristes,  le  protestantisme  était  et  sera  tou- 
«  jours  divisé  en  deux  camps.  Ayant  rejeté  la  solution  de  la  monar- 
«  chie  spirituelle,  il  est  ballotté  entre  les  princes  et  les  peuples  ^  ». 

Si  je  comprends  bien  ce...  galimatias,  M.  Hanotaux  veut  dire  que 
les  protestants  ne  peuvent  «  constituer  une  Église  »,  parce  qu'ils 
ne  sont  pas  tous  d'un  avis  uniforme  sur  toutes  les  questions.  Je  ne 
répondrai  pas  par  cette  risposte  que  personne  n'a  jamais  pu  réfuter  : 
Les  catholiques  sont-ils  vraiment  tous  du  même  avis  et  le  fait  de  dif- 
férer les  empêche-t-il  de  constituer  une  Église  ?...  Et  je  me  demande 
pourquoi  le  fait  de  différer  d'opinion  sur  certains  points  empêche- 
rait les  protestants  de  se  retrouver  d'accord  sur  d'autres  et  contre 
leurs  ennemis  ?  Est-ce  que,  en  cette  année  1902  et  en  France,  le  fait 
que  monarchistes,  plébiscitaires,  nationalistes,  etc.,  diffèrent  d'avis 
sur  des  points  importants  les  empêche  de  former  un  seul  bloc 
contre  la  République?  Puis,  que  peut  bien  signifier  cette  proposition: 
«  Si  le  protestantisme  verse  dans  V individualisme,  il  n'est  plus  une 

1.  Etudes  historiques  sur  le  xvr  et  le  xvii«  siècles,  Paris,  llachetle, 
1886  {Bull.  1887,  p.    VAb). 

2.  Revue  des  Deux-Mondes,  1902,  p.  17. 


CHRONIQUE   LITTÉKAIKE  1<J1 

religion  ».  Comment  !  L  ne  religion  n'existerait  que  là  où  il  n'y  a 
aucune  conviction  individuelle?  —  Et  cette  autre  :  «  Il  a  fini  par 
lier  son  sort  à  celui  de  la  puissance  temporelle.  »  Quoi  !  Ce  n'est  pas 
la  papauté,  mais  le  protestantisme  qui  a  réclamé  la  puissance  tem- 
porelle comme  indispensable  à  son  action?  Si  encore  M.  Hano- 
taux  ne  se  contredisait  pas  lui-même  !  En  effet  ses  articles  démon- 
trent précisément  qu'à  l'époque  quMl  décrit  et  malgré  leurs  diver- 
gences, partout  en  Europe  les  protestants  se  retrouvaient  parfaite- 
ment d'accord  contre  la  réaction  jésuitique  et  cléricale  *. 

Mais  voyons-les  en  France.  Là,  conformément  à  la  susdite  théorie, 
ils  n'auraient  été  qu'un  parti  politique  et  «  Tédit  de  Nantes  n'avait 
été  qu'une  trêve  politique  et  un  armistice  militaire  »  (p.  481).  Si  cela 
était  vrai,  il  faudrait  renoncer  à  rien  comprendre  à  ce  qui  a  précédé 
et  suivi  l'édit  de  Nantes.  C'est,  en  effet,  l'évidence  même  que  les 
négociations  qui  durèrent  plus  de  cinq  années  et  qui  finirent  par 
arracher  l'Édit  à  Henri  IV  n'eurent  qu'un  seul  but  :  Obtenir  du  roi 
un  minimum  de  liberté  religieuse  garantie  par  des  cités  de  refuge, 
c'est-à-dire  par  des  places  de  sûreté  pour  le  cas  où  les  fanatiques 
de  l'unité  nationale  tenteraient  de  la  réaliser  par  des  rééditions  de 
la  Saint-Barthélémy  ou  de  la  Ligue.  Et  quand  M.  Hanotaux  ajoute 
que  «  l'existence  du  parti  protestant  était  une  menace  perpétuelle 
pour  l'unité  nationale  et  l'allié  naturel  de  tous  les  ennemis  de  la 
couronne  »,  il  oublie  —  volontairement  —  que  jamais  la  paix  ne  fut 
troublée  par  les  protestants  aussi  longtemps  que  l'édit  de  Nantes  fut 
observé.  Cela  est  si  vrai  que,  malgré  les  efforts  inlassables  du  clergé 
catholique  pour  que  son  application  fût  aussi  illusoire  que  possible, 
pendant  tout  le  règne  de  Henri  IV  et  pendant  la  minorité  de 
Louis  XI H  les  protestants  refusèrent  de  soutenir  les  ambitieux  qui 
troublaient  le  royaume. 

La  situation  ne  changea  (|ue  lorsque  l'édit  fut  délibérément  violé 
et  la  prétention  hautement  affichée  par  la  Cour  de  n'en  tenir  aucun 
compte.  Ainsi  en  1617  la  restitution  aux  catholiques  des  biens  ecclé- 
siastiques que  Jeanne  d'Albret  avait,  non  pas  confisqués,  mais 
affectés  à  l'entretien  des  écoles  et  du  culte  protestant  là  où  son 
peuple  s'était  rallié  à  la  Réforme,  fut  une  violation  formelle  de  l'Édit 
qui  avait  été  déjà  exceptionnellement  favorable  au  catholicisme  en 
Béarn.  Il  ne  faudrait  pas  s'imaginer,  comme  le  prétend  M.  Hanotaux 
qu'î7  V  avait  impossibilité  de  vivre  sur  les  données  de  l'édit  de  Nantes, 

I.  Ainsi,  p.  16,  Maximiiicn  de  Bavière  «  s'ctail  mis  à  la  tète  de  la  Li^ue 
catlwliquc  iiWcnvdndo  consliluée  spécialement  |)our  déreivlre  le  catholicisme 
contre  V Union  protestante  »,  etc. 

Ll.  —  12 


162  CHRONIQUE    LITTÉRAIRE 

(p.  488)  car  ce  qui  fut  possible  à  Henri  IV  était  tout  aussi  possible 
à  Louis  XIII  s'il  s'en  était  soucié.  On  comprend  très  bien  que  tous 
les  protestants  français  n'aient  pas  suivi  ceux  qui  alors  décidèrent 
de  lutter  par  les  armes  pour  le  maintien  d'une  charte  aussi  chère- 
ment acquise  qu'elle  était  insuffisante.  Mais  quand  on  voit  ce  qu'on 
fit  des  huguenots  une  fois  que  les  garanties  de  ce  contrat  eurent  été 
anéanties,  on  ne  peut  qu'admirer  ceux  qui  comme  Lescun  et  Rohan 
sacrifièrent  tout  plutôt  que  de  consentir  à  l'étranglement  sans  phrase. 

M.  Hanotaux  sait  tout  cela  aussi  bien  que  nous,  mais  il  s'imagine 
peut-être,  comme  M.  Brunetière,  qu'en  passant  sous  silence  des 
faits  authentiques,  on  arrive  à  les  faire  disparaître  de  l'histoire. 
Cette  inexactitude  voulue  apparaît  d'ailleurs  jusque  dans  le  détail 
de  son  exposé.  Ainsi,  contrairement  au  loyalisme  et  au  royalisme 
avéré  des  huguenots,  M.  Hanotaux  les  accuse  d'avoir  poursuivi 
l'établissement  d'une  sorte  de  République  comme  en  Hollande 
(p.  483)  et  voici  la  preuve  qu'il  en  administre  : 

«  Il  y  avait  déjà  quarante-deux  ans  (en  Tan  1578)  que  Bouillon,  le 
«  même  Bouillon,  accompagné  de  quatorze  ministres  français,  avait 
«  été  envoyé  en  Allemagne,  par  le  synode  de  Sainle-Foy  pour 
«  traiter  de  l'union  des  Calvinistes  et  des  Luthériens,  qui  se  liait  à 
«  des  projets  de  République  fédérative.  Cette  même  politique, 
«  quarante-deux  ans  plus  tard,  —  en  1620,  —  Bouillon,  le  même 
«  Bouillon,  en  poursuivait  encore  la  réalisation.  » 

Celte  preuve  amusera  les  lecteurs  de  ce  Bulletin.  Ils  pourront 
se  souvenir,  en  effet,  d'y  avoir  vu  en  1892  (p.  353)  une  excellente 
reproduction  en  fac-similé  de  la  procuration  signée  par  tous 
les  membres  précisément  du  synode  de  Sainte-Foy,  pour  accré- 
diter justement  les  pasteurs  chargés  d'aller  à  Francfort  et  d'y 
discuter  le  projet  de  réunion  des  deux  communions  protestantes 
mis  en  avant  par  V électeur  palatin  Jean-Casimir.  —  Non  seulement 
il  ne  fut  jamais  question,  dans  ce  projet,  d'aucune  République  fédé- 
rative ou  autre;  non  seulement  Turenne  ou  Bouillon  ne  fut  nulle- 
ment «  envoyé  en  Allemagne  «,  mais  signa  la  procuration  comme 
représentant  du  roi  de  Navarre,  gouverneur  de  la  Guyenne  où  se 
trouvait  Sainte-Foy;  —  mais,  en  outre,  ce  terrible  projet  resta  à 
l'état  de  simple  projet,  et  le  voyage  des  quatre  et  non  quatorze  pas- 
teurs n'eut  jamais  lieu,  comme  le  remarquèrent,  déjà  en  1856,  les 
frères  Haag  dans  l'excellent  article  qu'ils  écrivirent  alors  sur  Henry 
de  la  Tour,  vicomte  de  Turenne.  Tout  est  donc  faux  dans  cette  pré- 
tendue démonstration  du  peu  de  patriotisme  de  nos  pères,  mais 
c'est  ainsi  qu'en  l'an  de  grâce  1002  un  ancien  ministre  des  Affaires 


OHKONlyUE    LlTTÉKAIRb:  163 

étrangères   de    France,  écrit  l'hisloirc  des  Français  qui  n'ont  pas 
l'heur  de  lui  plaire  ! 

La  Bourgogne  est  une  des  provinces  importantes  de  l'ancienne 
France  où  l'histoire  du  Protestantisme  n'a  pas  encore  été  l'objet 
d'un  travail  approfondi,  car  VHistoire  du  Protestantisme  et  de  la 
la  Ligue  en  Bourgogne,  par  M.  P. -M.  Baudouin  (I88I)  n'est  guère 
qu'un  prétexte  à  déclamations  contre  les  protestants.  Feu  M.  Th. 
Claparède  qu'intéressaient  beaucoup  les  destinées  du  Protestantisme 
français  et  qui  avait  publié  en  1856  une  bonne  Histoire  des  Églises 
réformées  du  pays  de  Gex,  avait  l'intention  de  combler  cette  lacune. 
Les  notes  qu'il  recueillit,  il  les  laissa,  ainsi  que  celles  qui  servirent 
à  faire  paraître  l'opuscule  sur  VHistoire  de  la  Réformation  en  Savoie 
(Voy.  Bull.,  1894,  667),  à  son  ami  M.  F.  Naef.  Malheureusement  ce 
dernier  mourut  à  son  tour  avant  d'avoir  pu  les  mettre  en  œuvre. 
Un  des  fils  de  feu  Th.  Claparède,  M.  René  Claparède,  recueillit  ces 
papiers  et  se  mit  à  en  étudier  le  sujet  afin  de  pouvoir  les  publier. 
S'effaçant,  avec  une  abnégation  peut-être  excessive,  devant  le  clas- 
sement que  ses  prédécesseurs  avaient  adopté,  il  vérifia  avec  le  plus 
grand  soin  chaque  nom,  chaque  fait  et  fit  paraître  le  travail  tel  qu'il 
l'avait  trouvé,  mais  amendé,  rectifié,  et  accompagné  de  notes,  d'une 
préface,  de  deux  appendices  sur  les  réfugiés  bourguignons  admis 
à  la  bourgeoisie  de  Genève  et  sur  les  dates  du  rétablissement  du 
culte  réformé  dans  l'ancienne  Bourgogne,  enfin  d'une  excellente 
carte  avec  quelques  clichés. 

Dans  ce  volume  sur  la  Réforme  en  Bourgogne  \  les  vingt  et  une 
Églises  protestantes  qui  s'y  organisèrent  autrefois  sont  énumérées 
dans  l'ordre  de  leurs  colloques,  de  Dijon,  Chalon  et  Lyon  que  nous 
appellerions  aujourd'hui  des  circonscriptions  consistoriales.  Sur 
chacune  d'elles,  on  trouve  d'abord  une  notice  historique  succincte, 
puis  quelques  détails  sur  les  principales  familles  huguenotes,  enfin 
la  liste  des  pasteurs.  Le  tout  forme  donc,  non  une  histoire  chrono- 
logiquement déduite  de  la  Réforme  en  Bourgogne,  mais  un  ensemble 
de  matériaux  classés  dans  un  ordre  méthodique,  bien  et  dûment 
contrôlés  et  qui,  grâce  à  un  excellent  index,  rendront  de  réels  ser- 
vices au  travailleur  ou  même  au  simple  curieux. 

M.  R.  Claparède  a  bien  voulu  nous  autoriser  à  faire  reproduire 
pour  les  lecteurs  du  Bulletin,  un  des  clichés  qui  ornent  son  volume. 

I .  F.  Nael",  La  Réforme  en  Bourgogne,  Notice  sur  les  Églises  réformées 
de  la  Bourgogne  avant  la  Révocation  de  l'Edit  de  Nantes,  un  volumo  de 
2ô8  pages  in-18,  carte  et  index.  Paris,  Fischbacher,  1901, 


164  CHRONIQUE    LITTÉRAIRE 

C'est  la  vue  de  Phôtel  de  ville  actuel  de  Paray-le-Monial  où  il  y  eut 
autrefois  une  Église  protestante  qui  disparut  à  la  Révocation.  Cet 
échantillon  tout  à  fait  remarquable  et  rare  de  l'architecture  de  la 
Renaissance  fut  construit  au  xvi'  siècle  pour  celui  des  deux  frères 


Jayet  qui  avait  cml)iass('  la  lîcCorme,  c'est-à-dire  le  parti  des  gens 
qu'on  nous  représente  si  souvent  comme  des  contempteurs  de  l'Art. 
Ce  fait  n'est,  du  reste,  pas  unique.  A  Orléans,  l'hôtel  de  ville  est 
l'ancienne  demeure  du  bailli  huguenot  Jérôme  Groslot.  A  Vézelay, 
la  plus  belle  maison,  du  xV  siècle,  est  la  demeure  patrimoniale  des 
de  Bèze,  etc.  — ^  M.  R.  Claparède  me  permettra  do  le  remercier  de 


OHIiONiyUE    LITTÉRAIRE  165 

celle  contribulion  à  noire  histoire  en  la  considéranl  comme  un  poinl 
de  dépari  pour  d'aulres  recherches  qu'il  pourra  aisémenl  entre- 
prendre maintenant  qu'il  s'est  orienté  dans  ce  domaine. 

Chez  le  même  éditeur,  un  ami  de  M.  R.  Glaparède,  M.  le  pasteur 
Jacques  Pannier  a  fait  paraître,  avant  son  départ  pour  le  Tonkin, 
un  opuscule  signé  Mme  J.  Pannier  et  intitulé  Éléonore  de  Roye, 
princesse  de  Condé*.  C'est  une  excellente  biographie  de  cette  douce 
et  malheureuse  princesse  qui,  malgré  son  caractère  essentiellement 
pacifique,  fut  associée  à  toutes  les  misères  de  la  guerre  civile. 
Écrit  avec  exactitude  et  avec  charme,  ce  récit  occupera  une  bonne 
place,  bien  huguenote,  dans  la  jolie  galerie  des  Portraits  de  femmes 
que  publie  M.  Fischbacher.  Mme  Pannier  devrait  y  joindre,  quand 
paraîtra  une  seconde  édition,  une  reproduction  d'un  portrait  de  la 
jeune  princesse. 

Le  culte  du  Désert  dans  le  Castrais  de  1745  à  1780.  —  Dans  la 
Voix  de  la  Montagne  du  1"  novembre  l'JOl,  M.  le  pasteur  Fosse  a 
signalé  une  vieille  Bible  portant  le  nom  de  Galinié  et  appartenant 
aujourd'hui  à  M.  Aldeberl  au  château  de  Lacalm,  près  de  Pioque- 
courbe  (Tarn).  —  Ce  Pierre  Galinié,  qui  possédait  cette  Bible  depuis 
1707,  y  a  souligné  les  textes  de  sermons  entendus  par  lui  au  Désert 
en  1745  et  de  1767  à  1780.  En  marge  de  ces  textes,  il  a  inscrit  le 
nom  du  prédicateur,  la  date  du  culte  qu'il  présida  et  le  lieu  où  il  se 
tint.  Ces  mentions,  que  M.  Fosse  a  publiées  dans  son  article  inti- 
tulé le  Cri  des  pierres,  forment  donc  une  sorte  de  chronique  du 
culte  du  Désert  dans  cette  région.  On  y  voit  paraître  les  noms  de 
localités  très  diverses  et  ceux  des  pasteurs  J.-B.  Olivier  dit  Loire  ; 
M.  Viala,  du  Base,  J.-J. -Marc-Antoine  Fosse  dit  Richard,  P.  Sicard 
dit  Duval,  Jacques  Dunière  dit  Lacombe,  /.-/  Crebessac  dit  Ver- 
net,  Jacques  Rosseloty,  Louis  Boni/as  dit  Laroque,  et  Jean  Bon  dit 
Saint-André. 

Les  régents  huguenots.  —  On  trouvera  sur  ce  sujet,  encore  très 
peu  connu,  sans  douté  parce  que  les  renseignements  le  concernant 
sont  enfouis  dans  les  registres  de  notaires,  un  article  intéressant  et 
plein  de  tlétails  curieux  dans  le  Foyer  protestant  des  15  janvier  et 
1"  février  1902.  L'auteur  de  l'article  est  un  collaborateur  du  Bulle- 
tin, M.  Ch.  Bost. 

N.  Weiss. 

1.   Une  lirochure  de  viii-S((  paires  in-IS.  Paris,  Fischbacher,  IVtOl. 


166  OOHRE.SPONDANCt:    ET    NOTES 


CORRESPONDANCE  ET   NOTES 


Exposition  huguenote  à  l'occasion  du  cinquantenaire  de  la  Société. 

Celle  exposition  doit  avoir  lieu  dans  la  salle  de  lecture  de  notre 
Bibliothèque,  5^1  rue  des  Sls-Fères,  entre  le  15  et  le  31  mai  prochain. 
Il  va  sans  dire  qu'on  y  montrera  ce  que  la  Bibliothèque  renferme  de 
plus  rare  ou  intéressant.  Mais,  pour  qu'elle  soit  digne  d'un  cinquan- 
tenaire, nous  faisons  appel  aux  collectionneurs  amis  de  notre 
œuvre.  Tous  ceux  qui  ont  des  portraits  contemporains  authentiques 
de  huguenots  célèbres,  des  gravures  rares,  émaux  de  Palissy, 
miniatures  de  Petitot  ou  Bordier,  médailles  des  Dupré  et  Warin, 
aiguières  de  Briot,  des  bijoux  huguenots,  méreaux,  autographes, 
livres  très  rares  ou  autres  objets  intéressants  au  point  de  vue  de 
notre  histoire  ou  de  notre  culte,  sont  priés  de  bien  vouloir  se  mettre, 
à  cet  effet,  en  relation  avec  le  président  ou  le  secrétaire  de  la 
Société,  54,  rue  des  Sts-Pères,  Paris  v'll\  Celle-ci  supportera  les 
frais  de  déplacement  et  offrira  toutes  les  garanties  désirables. 
Pour  le  Comité,  le  secrétaire  : 

N.  Weiss. 

D'où  sont  le»  ciaveiT  —  La  France  protestante  (2*  édition),  non 
seulement  laisse  subsister  un  doute  concernant  l'origine  de  la  famille 
Clavel  —  nom  pourtant  bien  connu  dans  nos  Églises  —  mais  encore 
tend  à  propager  une  erreur  manifeste  à  cet  égard.  Elle  indique  le 
premier  Clavel  connu,  Claude,  comme  probablement  natif  d'Oulès 
(Tarn)  —  parce  que  le  Livre  du  Recteur^  en  l'année  1559,  porte  la 
mention  Ulensis,  comme  lieu  d'origine  de  cet  étudiant  en  théologie, 
figurant  d'ailleurs  à  la  première  page,  ce  qui  est  un  honneur. 

11  semble  hors  de  doute,  pour  qui  étudie  l'onomatologie,  que  le 
nom  de  Clavel  appartient  en  propre  au  Dauphiné.  J'ai  cru,  pas 
longtemps,  que  ce  Claude  pouvait  être  originaire  du  Béarn  et  avoir 
vu  le  jour,  par  exemple,  à  Ouillon,  dans  les  environs  de  Pau,  lui- 
même  et  sa  descendance  ayant  presque  toujours  vécu  dans  celte 
région.  Mais  ce  nom  n'existe  pas  dans  nos  généalogies  locales 
béarnaises. 

Au  contraire,  on  le  trouve  en  Dauphiné.  Le  pasteur  Jacques-André 
du  nom  était  de  Sainl-Jean-d'Hérans,  près  La  Mure.  Marcelin,  reçu 
habitant  de  Genève  en  1572,  mentionné  par  la  France  protestante 


CORRESPONDANCE    ET    NOTES  167 

elle-même,  était  de  Besse  en  Oysans;  Daniel,  assiste  à  Genève  en 
1689,  était  de  La  Mure.  Plusieurs  autres  sont  cités  comme  origi- 
naires de  la  même  contrée. 

Comment  donc  n'avoir  pas  vu  dès  l'abord  que  Ulensis  signifie 
natif  d'0w//e5,  en  Oysans?  traduction  que  nous  proposons  avec  une 
entière  sécurité  aux  amis  de  notre  histoire. 

D.    BOURCHENIN. 

P.-S.  —  Dans  la  même  colonne,  la  France  protestante  place 
Jérémie  Clavel  à  Ostin  (?)  1626-1&37.  Ce  lieu  n'existe  pas.  Il  s'agit 
sans  doute  de  Nousty,  où  ce  pasteur  avait  débuté  et  où  il  serait 
revenu  finir  sa  carrière.  —  D.  B. 

Une  épreuve  de  cette  note  ayant  été  envoyée  à  M.  E.  Arnaud, 
historien  des  protestants  dauphinois,  voici  ce  qu'il  répond  : 

«  Dire  que  «  le  nom  de  Clavel  appartient  en  propre  au  Dauphiné  », 
c'est  s'avancer  beaucoup.  Aux  Clavels,  originaires  de  cette  province, 
que  cite  M.  Bordier  {France  protest.,  2*  édit.,  vol.  IV,  col.  408  et 
409),  on  peut  ajouter  «  Clavel  (Suzanne)  du  Bourg  d'Oisans  allant 
à  Berne  rejoindre  sa  mère  »  secourue  par  la  Bourse  française  à 
Genève  en  1696  (E.  Arnaud,  Emigrés  protestants  dauphinois,  p.  19). 
Mais  il  paraît  impossible  d'admettre  que  les  quatre  pasteurs  et  un 
proposant  du  nom  de  Clavel,  établis  dans  le  Béarn,  que  M.  Bordier 
mentionne  à  côté  du  pasteur  Claude  Clavel  ;  plus,  un  capitaine  Clavel, 
guerroyant  dans  le  Vivarais  en  1574;  un  fondeur,  Pierre  Clavel,  et 
sa  sœur,  habitant  le  Gévaudan  en  1586;  enfin  Antoine  Clavel,  galé- 
rien de  la  même  province,  soient  tous  sortis  du  Dauphiné.  Il  y  avait 
certainement  des  Clavels  dans  le  midi  delà  France,  comme  le  prouve 
cette  notice  de  Covelle  [Le  livre  de  bourgeoisie  de  Vanc.  républ.  de 
Genève,  p.  275)  :  «  15613,  5  avril.  Jehan  Clavel,  tilz  de  feu  Pierre, 
natif  de  Nistnes  en  Languedoc,  Pierre,  Françoys  et  Christofle,  ses 
enfans,  4  esc.  1  s'  ».  V..  Arnaud. 

Livres  disparus.  —  M.  E.  Coyecque  veut  bien  nous  communiquer 
cette  note  relative  à  un  livre  de  Jean  Bénart,  de  Bordeaux,  qui 
paraît  avoir  été  destiné  à  confondre  les  «  Luthériens»,  et  dont  aucun 
exemplaire  n'a  encore  pu  être  retrouvé  ni  décrit  : 

«  Marché  entre  Noël  Guyton,  libraire  et  relieur  de  livres,  rue  des 
Sept-Voies*,  et  Jean  Bénart,  de  Bordeaux,  licencié  en  droit,  y 
demeurant,  logé  à  Paris,  au  logis  de  la  Bouteille,  près  de  l'Église 
Saint-André-des-Arcs,  pour  la  vente  par  Noël  Guyton,  de  trois  cent 

1.  Aujourd'hui  rue  Valelle. 


168  CORKESPONDANCE   ET    NOTES 

qualre-vingl-dix-huil  exemplaires  du  Pyrychiatcron  (?)  seii  Stimulus 
ad  Deum  adversus  Liiteranos  et  quosvis  hereticos,  imprimés  en 
papier,  en  l'impression  de  Toulouse,  par  Nicolas  Viellart,  le 
4  des  ides  de  janvier  1540;  chaque  volume  contenant  quarante-sept 
feuilles  d'impression  sera  vendu  3  s.  t.;  la  commission  est  fixée  à  un 
sou  pour  livre;  à  Noël,  Jean  Bénart  reprendra  les  exemplaires  non 
vendus.  » 

Les  éléments  de  cette  note  ont  été  extraits  des  minutes  d'un 
notaire  parisien. 

niotcB  montbéiiardaises.  —  On  lit  dans  le  Polybiblion  de  janvier 
1902  «  le  Diairi,  almanach  montbéliardais  pour  1902  (Montbéliard, 
imp.  Pétermann,  in-'i»,  illustré  de  100  p.),  est  cet  almanach  rédigé 
partiellement  en  patois  local  que  nous  signalons  ici,  depuis  ses 
origines,  comme  une  curiosité  dans  le  genre.  L'esprit  qui  le  dis- 
lingue est  opposé  à  celui  du  Polybiblion;  mais  nous  savons  rendre 
justice  à  nos  adversaires.  Entre  autres  articles  à  consulter  et  rédigés 
en  fran(;ais,  nous  mentionnerons  les  Notes  sur  Pierre  Vessaux, 
personnage  bien  ignoré  et  qui  fut,  cependant,  de  1633  à  1639,  une 
manière  de  diplomate  accrédité  par  la  principauté  de  Montbéliard 
auprès  de  la  Cour  de  France  ;  une  biographie  de  8  pages  (avec  por- 
trait) du  député  républicain  radical  de  Besançon,  M.  Charles  Beau- 
quicr,  écrivain  érudit,  par  M.  Charles  Gros;  une  Notice  historique 
sur  Vancienne  seigneurie  du  Châtelot.  L'auteur  anonyme  de  celte 
notice  n'a  point  dissimulé  le  bout  d'oreille  du  protestant*.  Les  drô- 
leries en  prose  paloise  y  sont  nombreuses;  plusieurs,  comme  précé- 
demment, plaisantent  les  curés  du  pays,  et  aussi  les  congrégations 
(pièce  de  vers  patois),  ce  qui  est  d'un  goût  d'autant  plus  discutable 
que,  au  milieu  de  l'article  intitulé  :  1870-1871  dans  le  pays  de  Mont- 
béliard, on  trouve  une  belle  reproduction  phototypique  du  tableau 
d'Alphonse  de  Neuville  :  De  Montbéliard  à  Strasbourg,  en  route  pour 
les  prisons  allemandes^  où,  à  côté  du  maire  de  Montbéliard,  M.  La- 
lance*,  et  du  brave  facteur  Vuillier,  emmenés  en  captivité  par  les 
Prussiens,  on  voit  figurer  un  digne  aumônier,  l'abbé  Chaumet  qui 
partage  leur  sort.  » 

\.  Pourquoi  l'auraiL-il  dissimulé?  Aux  yeux  du  Polybiblion,  un  protes- 
tant ne  saurait-il  exister  ou  écrire  (ju'à  la  condilion  de  se  «  dissimuler?  » 
[Réd.) 

2.  lîncore  un  protestant  el  boa  paliiole,  n'en  déplaise  au  Polybiblion. 


Le  Gérant  :  Fischbacher. 


L.-Imprimeries  réunies,  B,  rue  Saint-Benoît.  7  —  Motteboz,  directeur. 


SOCIÉTÉ   DE   L'HISTOIRE 

DU 

PROTESTANTISME    FRANÇAIS 


Études   historiques 


LA  COMPAGNIE  DU  SAINT-SACREMENT  A  GRENOBLE' 

1644  —  166(3 

I 

Dans  le  courant  de  l'année  1644,  une  Compagnie  du  Sainl- 
Sacrement  fut  fondée  à  Grenoble.  C'était  une  fille  dévouée 
de  la  Compagnie  qui,  depuis  1631,  fonctionnait  à  Paris-. 

Une  douzaine  de  laïques,  de  prêtres  et  de  religieux,  le  duc 
de  Lévis  de  Ventadour,  pair  de  France  et  depuis  chanoine 
de  Xotre-Dame,  Henri  de  Pichery,  maître  d'hôtel  du  roi, 
Gédéon  de  Vie,  maréchal  de  camp,  Jean  de  Brassac,  ambas- 

1.  Au  mois  de  février  de  Tannée  lOoO  ip.  91)  ce  Bulletin  a  publié,  sous  le 
tilre  de  V Antipathie  de  la  France  pour  le  Protestantisme,  ceux  des  extraits 
des  Annales  de  la  Compagnie  du  Saint-Sacrement  qui  visaient  les  pro- 
lestants et  avaient  paru  dans  la  Revue  historique  de  nov.-déc.  1899.  M.  le 
professeur  R.  Allier  a  précisé  l'action  de  la  célèbre  compagnie  et  l'a  ex- 
posée dans  quatre  articles  de  la  Grande  Revue  (V  Juillet-1"  déc.  1900). 
l  ne  étude  détaillée  sur  linterdiction  du  Tartuffe  lequel  visait,  non  les 
jésuites  ni  la  religion,  mais  bien  celte  cabale  des  dévols,  a  été  présentée 
par  lui  comme  leçon  d'ouverture  à  la  séance  de  rentrée  de  la  Faculté  de 
théologie  protestante,  le  4  novembre  1901  (pages  25  à  'i8  de  la  brochure 
qui  a  paru  chez  Fischbacher  en  1901). 

2.  Le  document  capital  pour  l'histoire  de  la  Compagnie  du  Saint-Sa- 
crement est  le  résumé  de  ses  procès-verbaux  qui  a  été  fait  en  1696  par 
René  de  Voyer  d'Argenson  sous  ce  tilre  :  Annales  de  la  Compagnie  du 
Saint-Sacrement.  Le  manuscrit  est  à  la  Ribliothèque  nationale,  F.  fr.  14.is'.». 
Une  édition  en  a  été  récemment  donnée  par  dom  Reauchel-Filleau.  Je 
renvoie  directement  au  manuscrit,  en  indiquant  entre  parenthèses  les 
pages  de  cette  édition. 

1902.  —  N"  4,  Avril.  l^L  —   l:J 


170  ÉTUDES    HISTORIQUES 

sadeur  de  France  à  Rome,  le  F.  Philippe  d'Angoumois, 
capucin,  le  P.  de  Suffren,  jésuite,  le  P.  de  Condren,  général 
de  rOraloire,  Tabbé  François  d'Adhémar  de  Monleil  de  Gri- 
gnan,  depuis  archevêque  d'Arles,  Jean  Jaubert  de  Barrault, 
évèque  de  Bazas,  avaient  travaillé,  de  1627  à  1630,  à  consti- 
tuer une  ligue  secrète  d'action  catholique.  Ils  y  étaient  par- 
venus et.  dans  Tombre,  ils  surveillaient  tout,  s'occupaient 
de  tout,  s'efforçaient  de  diriger  tout.  Leurs  statuts  affirmaient 
toute  leur  ambition  : 

Ce  qui  fait  le  fond  des  oeuvres  de  la  Compagnie,  c'est  d'entre- 
prendre tout  le  bien  possible  et  d'éloigner  tout  le  mal  possible,  en 
tout  temps,  en  tout  lieu,  à  l'égard  de  toutes  personnes.  La  Compa- 
gnie n'a  ni  bornes,  ni  mesures,  ni  restrictions  que  celles  que  la 
prudence  et  le  discernement  doivent  donner  dans  les  emplois.  Elle 
travaille  non  seulement  aux  œuvres  ordinaires  des  pauvres,  des 
malades,  des  prisonniers  et  de  tous  les  affligés,  mais  aux  missions, 
aux  séminaires,  à  la  conversion  des  hérétiques  et  à  la  propagation 
de  la  foi  dans  toutes  les  parties  du  monde  ;  à  empêcher  tous  les 
scandales,  toutes  les  impiétés,  tous  les  blasphèmes;  en  un  mot,  à 
prévenir  tous  les  maux  et  à  y  apporter  les  remèdes,  à  procurer  tous 
les  biens  généraux  et  particuliers,  à  embrasser  toutes  les  œuvres 
difficiles,  fortes,  néi^ligées,  abandonnées,  et  à  s'appliquer,  pour  les 
besoins  du  prochain,  dans  toute  l'étendue  de  la  charité  *. 

Pour  réaliser  ce  programme  dans  son  ensemble  et  dans 
ses  détails,  la  Compagnie  avait  besoin  d'avoir  des  affidés 
partout;  elle  les  eut.  Elle  s'affilia  des  ecclésiastiques  de  tout 
rang  :  des  évoques,  celui  de  Saint-Flour,  Charles  de  Noailles, 
celui  de  Rayonne,  François  Fouquet,  celui  de  Cahors,  Alain 
de  Solminihac,  celui  de  Poitiers,  Henry-Louis  de  la  Roche- 
Pozay,  d'autres  encore,  et  par  eux  elle  intervenait  dans  les 
assemblées  du  Clergé  de  France;  puis  des  prêtres  qu'elle 
poussait,  l'un  après  l'autre,  à  l'épiscopat,  Abelly,  Roquette, 
François    de    Perrochel,     François    de    Péricard,    Jacques- 

1.  Pom-  ce  programme  et  son .  développement,  voir  dans  les  ^«na/es, 
|).  Ill-llô  (B.-l-\  193197),  le  mémoire  qai  fut  envoyé,  en  1660,  par  les 
confrères  de  Paris  à  ceux  des  provinces  sous  ce  titre  :  De  l'esprit  de  la 
Compagnie  du  Saint-Sacrement. 


ÉTUDES    HISTORIQUES  171 

Bénigne  Bossuet;  enfin  des  docteurs  de  Sorbonne  ou  de 
Navarre,  dont  elle  se  servait  contre  les  théologiens  témé- 
raires. La  Compagnie  voulant  agir  en  même  temps  sur  la 
justice,  l'administration  et  la  cour,  elle  grou-pait  des  magis- 
trats, plusieurs  présidents  ou  futurs  présidents  au  Parlement, 
des  conseillers  des  différentes  chambres,  des  membres  du 
conseil  du  roi,  des  grands  seigneurs,  les  ducs  de  Liancourt 
et  de  Nemours,  le  prince  de  Gonti,  les  marquis  de  Fénelon 
et  de  Laval,  les  maréchaux  de  Schomberg  et  de  la  Meil- 
leraye. 

Les  pieux  conspirateurs  virent,  dès  le  premier  jour,  que  le 
secret  était,  pour  leur  cabale,  la  condition  du  succès  et  même 
deTexistence;  et  il  leur  sembla  qu'ils  imiteraient  ainsi  «  l'acti- 
vité cachée  de  Jésus-Christ  dans  le  Saint-Sacrement  de 
l'autel  »  : 

Comme  la  Compagnie  n'agit  point  de  son  chef,  ni  avec  autorité, 
ni  comme  corps,  mais  seulement  par  ses  membres,  en  s'adressanl 
aux  prélats,  à  leurs  officiers  et  aux  supérieurs  pour  les  choses  spi- 
rituelles, à  la  cour  et  aux  magistrats  pour  les  choses  temporelles, 
elle  garde  toujours  son  secret  qui  est  son  particulier  caractère. 
Mais  elle  excite  sans  cesse  à  entreprendre  tout  le  bien  possible  et  à 
éloigner  tout  le  mal  possible  ceux  qu'elle  juge  propres  à  ces  fins, 
sans  se  manifester  elle-même,  et  n'ayant  pour  but  que  la  charité; 
toutes  ses  voies  doivent  être  simples,  secrètes,  douces,  prudentes, 
excitatives  et  charitables. 

Pour  assurer  le  mystère  de  son  action,  la  Compagnie  ne 
recula  devant  aucune  précaution.  Elle  établit  une  règle  qui, 
de  la  part  de  toute  autre  société,  lui  aurait  paru  impie  et 
scandaleuse  ;  c'était  «  que  personne  ne  parlerait  à  son  direc- 
teur de  ce  qui  se  passait  dans  la  Compagnie,  pour  prendre 
conseil  de  lui  touchant  ses  pratiques,  de  peur  d'en  découvrir 
le  secret  ».  Elle  interdit  à  ses  succursales  d'être  en  corres- 
pondance les  unes  avec  les  autres,  de  peur  que  cet  échange 
imprudent  de  lettres  ne  les  révélât;  tout  devait  passer  par 
Paris.  Elle  refusa  toujours  d'imprimer  ses  statuts  de  peur 
qu'un  exemplaire  compromettant  ne  s'égarât  sous  des  yeux 
indiscrets.   Elle  aimait  mieux,  plutôt  que  de  s'exposer  au 


172  ÉTUDES    HISTORIQUES 

danger  d'être  découverte,  refuser  des   legs  qui  pourraient  la 
trahir.  Elle  avait  sur  ce  point  une  prescription  formelle  : 

L'on  ne  parlera  jamais  de  la  Compagnie  dans  aucuns  contrais 
de  fondations,  de  donations  ou  de  testaments,  ni  autres  actes  publics  ; 
mais  quand  Dieu  inspirera  à  quelqu'un  le  désir  de  se  servir  d'elle 
pour  exécuter  ses  pieuses  intentions,  il  pourra  choisir  pour  cet 
effet  deux  ou  trois  confrères  comme  particuliers,  mais  qui  seront 
approuvées  d'elle.  Lesquels  prendront  soin  de  bien  accomplir  les 
volontés  du  testateur.  Et  en  cas  de  décès  de  l'un  de  ces  confrères 
nommés,  les  deux  survivants  en  nommeront  un  qui  leur  sera  indi- 
qué par  la  Compagnie  *. 

Les  papiers  de  la  Compagnie  étaient  mis  dans  un  coffre, 
et  ce  coffre  était  confié  à  un  confrère.  Mais  il  fallait  prévenir 
tous  les  accidents  et  éviter  qu'en  cas  de  décès  du  confrère 
ce  trésor  pût  tomber  entre  de  mauvaises  mains.  On  y  appo- 
sait donc  un  petit  écriteau  avec  ces  mots  :  «  Ce  coffre  et 
tout  ce  qui  est  dedans  appartient  à  M.  \.  qui  en  a  la  clef  et 
qui  me  l'a  donné  en  dépôt.  »  Le  dépositaire  avait  soin  de 
noter  le  fait  dans  son  journal  ou  d'en  parler  dans  quelque 
acte  qui  en  donnerait  connaissance  après  sa  mort.  C'est 
ainsi  que,  le  1"  septembre  1658,  on  inscrivit  sur  ce  coffre  le 
nom  de  M.  de  Lamoignon,  alors  maître  des  requêtes  et 
depuis  premier  président  du  Parlement  de  Paris-. 

Il  serait  aisé  de  montrer  que  la  Compagnie  a  réalisé  son 
programme.  Elle  s'est  comportée  comme  un  ministère 
occulte  de  l'assistance  publique,  inventant  de  nouvelles 
œuvres  de  charité,  vivifiant  les  anciennes,  coordonnant  à 
leur  insu  l'activité  de  toutes.  Elle  a  fait  produire  tous  leurs 
fruits  aux  efforts  que  Ton  attribue  souvent  à  l'initiative  du 
seul  saint  Vincent  de  Paul.  Elle  a  fait  surgir  dans  Paris  et 
par  toute  la  France  une  police  spirituelle  qui  a  été  impi- 
toyable pour  tous  les  «  désordres  »,  qui  a  traqué  les  compa- 
gnonnages ouvriers,  poursuivi  tous  les  mal  pensants,  assuré 
la  répression  sauvage  des  blasphémateurs,  dénoncé  et  fait 
brûler  Simon  Morin,  dit  le  Fils  de  l'Homme,  organisé  Tappli- 

1.  Annales,  p.  150  (B.-F.  256). 

2.  Annales,  p.  102  (B.-F.  479). 


ÉTUDES   HISTORIQUES  1T3 

cation  à  la  rigueur  de  Tédit  de  Nantes.  Elle  a  ouvert  de 
nombreux  séminaires,  contraint  des  évêques  à  purger  leurs 
diocèses  de  bien  des  souillures,  fondé  la  société  des  Missions 
étrangères.  Son  histoire  générale  a  l'intérêt  d'un  drame  ou 
d'un  roman  ^  Mais  si  l'on  veut  bien  comprendre  ce  qu'a  été 
cette  Ligue,  il  faut  essayer  d'en  surprendre  la  vie  sur  un 
point  précis  du  royaume-.  Étudions  ce  qu'elle  a  fait  à  Gre- 
noble, en  insistant  particulièrement  sur  son  travail  souterrain 
de  contre-réformation. 


II 

La  Compagnie  de  Grenoble  s'organisa  en  1644  \  Les  cir- 
constances de  sa  fondation  sont  inconnues.  Son  activité 
pendant  huit  ans  nous  échappe',  les  procès-verbaux  que 
Ton  a  d'elle  ne  commençant  qu'en  novembre  1652.  Elle  fut 
fondée  sans  le  concours  ni  même  l'aveu  de  l'évêque.  Pour- 
quoi se  cacha-t-elle  de  Pierre  Scarron  qui  était  pourtant  un 
prélat  zélé?  Les  confidences  sur  ce  sujet  nous  manquent. 

1.  Je  me  permets  de  rappeler  que  j"ai  esquissé  cette  histoire  dans  une 
série  d^irlicles  de  la  Grande  Revue  (y  juiWei,  l"  août,  1^' septembre. 
1"  décemlire  1901,  l"' Janvier  1902). 

2.  M.  Alfred  Leroux  a  retrouvé  un  registre  de  la  Compagnie  de  Li- 
moges. Il  en  a  publié  l'essentiel  dans  le  Bulletin  archéologique  du  Limou- 
sin, tomes  XXXIII  et  XLV,  et  dans  les  Archives  historiques  de  la  Marche 
et  du  Limousin,  tome  I". 

3.  Le  registre  de  la  Compagnie  de  Grenoble  dont  je  vais  me  servir  a 
été  découvert,  par  M.  A.  Prudhomme,  archiviste  de  l'Isère,  à  la  biblio- 
thèque de  Grenoble  où  il  est  coté  R.  5.765.  M.  Prudhomme,  sans  savoir 
de  quel  complot  il  rencontrait  ainsi  la  trace,  a  Ibrt  bien  caractérisé  la 
Compagnie  en  deux  pages  de  son  excellente  Histoire  de  Grenoble.  C'est 
en  lisant  son  livre  que  j'ai  reconnu  les  gens  dont  je  suivais  l'activité  sou- 
terraine, .l'ai  pu  obtenir,  par  l'intermédiaire  du  ministère  de  l'instruction 
publique,  le  transfert  momentané  de  ce  précieux  manuscrit  à  Paris,  où 
il  ma  été  possible  de  le  rapprocher  d'autres  documents.  Outre  la  décou- 
verte de  ce  manuscrit,  je  dois  à  M.  Prudhomme  un  certain  nombre  de 
renseignements  utiles  pour  lesquels  je  lui  exprime  ici  toute  ma  gratitude. 

'i.  Est-ce  une  coïncidence?  Le  28  juillet  i64'i,  le  Parlement  de  Grenoble 
condamna  au  feu  Marseille  sans  miracles,  du  pasteur  Hugues  Rollin,  de 
Veynes,  décréta  de  prise  de  corps  l'auteur  et  l'imprimeur,  poursuivit, 
pour  avoir  approuvé  l'écrit,  les  pasteurs  Bouteroue  et  Murât.  Le  rappor- 
teur du  procès  fut  un  zélé  confrère,  le  conseiller  de  Ponat  (Arnaud,  No- 
tice sur  les  imprimeurs  de  l'académie  de  Die,  p.  36). 


174  ÉTUDES    HISTORIQUES 

Elle  entendait  mener  clans  l'ombre  le  chef  spirituel  du  dio- 
cèse et  ne  point  subir  son  autorité.  Les  mauvais  évêques 
n'étaient  pas  seuls  suspects  à  la  cabale,  mais  ceux  aussi  qui 
prétendaient  par  trop  être  les  maîtres  chez  eux. 

Il  y  avait  des  prêtres  dans  cette  société  religieuse  qui 
repoussait  la  surveillance  de  r«  ordinaire  »  :  l'abbé  de  l'Hô- 
pital, l'abbé  Lambert,  l'abbé  du  Groisil,  l'abbé  de  la  Rous- 
selière,  M.  Marchier,  prévôt  de  Saint-Sauveur  d'Aix,  deux 
chanoines,  M.  de  Pesieux  et  M.  Balme,  et  même  le  doyen  du 
chapitre  de  Notre-Dame.  Ils  y  parlaient  librement  de 
Tèvêque,  discutaient  avec  leurs  confrères  laïques  les  mesures 
à  obtenir  de  lui,  arrêtaient  avec  eux  les  moyens  de  le  mener 
doucement;  et  jamais  cette  conduite  ne  paraît  s'être  heurtée 
à  des  scrupules  bien  vifs.  Parmi  ces  laïques,  un  seul  repré- 
sentait la  noblesse  locale,  M.  de  Saint-Ferjus.  La  plupart 
des  autres  appartenaient  au  Parlement,  les  conseillers  de 
Guillemières,  Guérin,  de  Ponat,  de  Gombes,  Roux,  Marnais, 
Giraud,  les  présidents  de  Saint-André,  de  Beauchêne  et  de 
Ghevrières,  l'avocat  général  de  Gales. 

La  plupart  de  ces  personnages  laïques  —  sinon  tous  —  se 
recrutaient  dans  un  milieu  spécial,  dans  les  congrégations 
fondées  par  les  jésuites,  surtout  dans  celle  des  nobles  ou 
Messieurs,  dite  encore  de  la  Purification,  sans  doute  aussi 
dans  celle  des  Grands  Artisans  ou  Bourgeois,  dite  de  l'As- 
somption. Les  noms  de  MM.  de  Sautereau,  de  Ponat,  de 
Beauchêne,  Roux,  Giraud,  Marchier,  Marnais,  probablement 
d'autres  encore,  sont  communs  aux  procès-verbaux  de  la  pre- 
mière de  ces  congrégations  et  à  ceux  de  la  Gompagnie  du 
Saint-Sacrements  Ge  fait  seul  révèle  d'où  part  la  direction 
occulte  de  la  Gompagnie.  Gelle-ci  est  le  degré  suprême  de 
l'initiation,  le  degré  mystérieux,  ignoré  du  public,  ignoré 
même  des  stagiaires  qui  font  leurs  preuves  dans  la  Gongré- 
gation.  Les  congréganistes  travaillent  ensemble,  s'édifient  en 
commun,  associent  leurs,  rêves  ardents  de  propagande;  ils 
ne  savent  pas  que  quelques-uns  d'entre  eux  ont  été  choisis 
et  comme  mis  à  part  pour  une  œuvre  plus  haute  encore,  el 

I.   I.c  p.  Pra,  Les  Jésuites  à  Grenoble,  \^.  303-;vl3. 


ÉTUDES    HISTORIQUES  175 

loutà  fait  secrèle.  De  temps  en  lemps,  l'un  d'eux  reçoit  la 
visite  d'un  ami  aux  côtés  de  qui,  depuis  des  années,  il  prend 
part  aux  mêmes  pratiques  religieuses.  Celui-ci,  après  bien 
des  circonlocutions,  lui  demande  s'il  n'a  pas  imaginé,  désiré 
une  activité  plus  efficace  encore  que  celle  de  la  Congrégation, 
et  il  finit  par  lui  transmettre  l'appel  fraternel  de  gens  qui 
travaillent  dans  l'ombre,  qui  l'ont  apprécié  et  distingué,  qui 
l'invitent  à  se  joindre  à  eux.  Et  quand  la  révélation  ultime 
lui  est  faite,  il  comprend  que  la  Congrégation,  sans  s'en 
douter,  n'est  qu'une  armée  aux  ordres  d'un  État-Major  dont 
personne  ne  soupçonne  l'existence;  et  lui-même  ne  le  con- 
naît que  le  jour  où  il  en  fait  partie. 

Elie  Benoît  a  dénoncé,  dès  le  xvii*^  siècle,  l'action  souter- 
raine de  ces  congrégations  des  jésuites.  Il  faut  relire  son 
texte;  et  quand  on  pense  à  la  Compagnie  du  Saint-Sacre- 
ment, certains  passages  s'en  illuminent. 

Il  entre  dans  cette  Congrégation  des  gens  de  toute  condition,  des 
gens  d'épée,  des  gens  de  robe,  des  marchands,  des  bourgeois,  des 
artisans,  des  gens  même  de  la  lie  du  peuple,  qui  par  la  bassesse 
des  emplois  qu'ils  exercent  dans  le  monde  peuvent  entrer  partout, 
et  remarquer  des  choses  qu'on  cacherait  à  des  personnes  plus  rele- 
vées, mais  qu'on  ne  déguise  point  devant  ces  petites  gens,  qui  ne 
semblent  pas  capables  d'en  profiter.  Les  jésuites  savent  par  ce 
moyen  tout  ce  qui  se  passe  dans  les  familles,  les  désordres  qui  les 
brouillent,  les  dettes  qui  les  embarrassent,  les  affaires  qui  les 
incommodent,  les  inclinations  des  pères  et  des  mères. 

Pour  expliquer  leurs  séductions  sur  certaines  âmes,  il 
ajoute  : 

Ils  ne  manquaient  pas  de  leur  offrir  ce  qui  était  le  plus  propre  à 
les  tenter;  et  ils  le  faisaient  ordinairement  de  si  loin,  d'une  manière 
si  fine,  par  des  personnes  interposées,  qu'ils  pouvaient  avoir  le 
plaisir  d'un  bon  succès,  et  ne  paraître  point  intéressés  dans  la 
honte  d'un  refus  *. 

La  Compagnie  du  Saint-Sacrement  porta  ces  procédés  à 
leur  plus  haut  point  de   perfection.  Les   assemblées  de  la 

1.  Histoire  de  l'Edit  Je  Nantes,  l.  III.  ôWi,  ôsT. 


17G  ÉTUDES    HISTORIQUES 

Purification  de  la  sainte  Vierge  n'étaient  pour  elle  que  l'école 
d'application  où  se  formaient,  sans  le  savoir,  ses  meilleurs 
agents.  Quand  elle  décidait  de  les  initier,  elle  les  connaissait 
de  longue  date,  et  leur  affiliation  était  rapidement  opérée. 
Les  choses  allaient  avec  moins  de  promptitude,  quand  le 
personnage,  distingué  comme  une  recrue  désirable,  n'avait 
point  traversé  le  stage  de  la  Congrégation.  Il  fallait  alors  du 
temps  pour  le  sonder  et  le  préparer. 

Dans  les  premiers  jours  de  1657,  la  Compagnie  de  Gre- 
noble jugeait  qu'il  y  avait  lieu  d'augmenter  un  peu  le  nombre 
de  ses  membres.  Les  confrères  furent  unanimes  à  déclarer 
que  M.  de  la  Martilière,  conseiller  au  Parlement,  et  M.  de 
Chevrières,  président  de  chambre,  présentaient  toutes  les 
qualités  requises  pour  être  agrégés  à  l'œuvre  sainte.  Seule- 
ment, tandis  que  M.  de  la  Martilière  était  depuis  longtemps 
membre  et  même  «  officier  »  de  la  Congrégation,  M.  de  Che- 
vrières, qui  venait  de  Dijon,  n'en  faisait  pas  encore  partie. 
Avec  le  premier,  on  pouvait  marcher  sans  scrupule  et  vite  : 
le  H  janvier,  M.  de  Ponat  est  chargé  de  lui  parler;  le  26,  il 
rapporte  qu'il  a  trouvé  un  homme  très  bien  disposé  et  dési- 
reux d'être  admis;  on  arrête,  séance  tenante,  de  le  recevoir 
à  la  prochaine  assemblée.  Avec  le  second  personnage  en 
vue,  une  lenteur-prudente  était  nécessaire.  Le  même  H  jan- 
vier, le  directeur  est  prié  de  le  pressentir.  C'est  une  comédie 
qui  s'engage  alors,  mais  une  comédie  très  sérieuse. 

Quinze  jours  après,  à  la  séance  où  l'on  décide  d'affilier 
M.  de  la  Martilière,  le  supérieur  raconte  sa  démarche 
auprès  de  M.  de  Chevrières.  Il  lui  a  fait  visite  et  a  eu  avec  lui 
une  conversation  très  encourageante.  A  voir  la  conclusion 
de  l'entretien,  on  en  devine  la  marche.  Les  deux  interlocu- 
teurs ont  causé  du  malheur  des  temps;  ils  ont  gémi  sur  les 
misères  qui  s'étalent,  sur  le  peu  d'efficacité  des  œuvres  indi- 
viduelles, sur  les  audaces  des  libertins  et  des  hérétiques. 
Ah  !  s'il  pouvait  y  avoir  une  société  bien  humble,  bien 
secrète,  bien  active,  et  qui  entreprenne  de  combattre  tous 
les  maux  et  de  faire  tout  le  bien  possible  1  Et  plus  ils  en  par- 
laient, plus  ils  se  persuadaient  de  la  nécessité  de  fonder  une 
telle  société.  Il  faut  bien  que  la  causerie  ait  pris  cette  tour- 


ÉTUDES    HISTORIQUES  1~ 

mire;  car  on  nous  dit  que  M.  de  Ghevrières  goûta  fort  le 
projet  d'établir  une  semblable  compagnie;  même,  étant  sur 
le  point  de  partir  en  voyage,  il  recommanda  à  son  visiteur, 
pour  le  cas  où  l'idée  se  réaliserait,  d'en  parler  à  MM.  de  Sau- 
terau  et  Marnais. 

Justement,  M.  de  Sauterau  et  M.  Marnais  sont  de  la  Com- 
pagnie. On  les  charge  de  continuer  les  négociations  si  bien 
commencées  et  d'amener  le  président  de  Ghevrières  au  point 
où  l'on  n'aura  plus  qu'à  lui  révéler  l'œuvre  et  à  l'y  recevoir. 
Au  retour  du  magistrat,  ils  l'entreprennent,  ils  lui  font  visites 
sur  visites,  ils  ont  avec  lui  des  entretiens  confits  de  dévotion. 
Lui  fait  la  sourde  oreille.   Il  croirait  sans  doute  commettre 
une  indiscrétion  en  reprenant  l'échange  de  vues  qu'il  a  eu 
avec   le   directeur.  Plus  ils  se  permettent  d'allusions  à    ce 
qu'il    faudrait  faire,  et  plus  il  redouble  de  prudence.  Mais 
aussi  plus  il  se  tait,  et  moins  les  autres  se  croient  le  droit  de 
lui  dévoiler  l'existence  de  la  Compagnie.  Et  ce  petit  jeu  des 
propos  interrompus  menace  de  se  continuer  éternellement. 
De  quinze  jours  en  quinze  jours  ou  de  mois  en  mois,  les  visi- 
teurs de  M.  de  Ghevrières  racontent  l'impression  profonde 
que  leur  fait  sa  piété,  leur  conviction  qu'il  serait  un  confrère 
parfait,  et  son  obstination  à  n'avoir  pas  l'air  de  comprendre. 
En  juillet,  la  Compagnie  est  sur  le  point  de  renoncer  à  celte 
recrue.  Cependant  un  autre  confrère,  le  grand-vicaire  d'Albi, 
M.   du    Ferrier,    qui  est  à  Grenoble  pour   affaires   de   son 
évêqueS  offre  de  poursuivre  ces  négociations  plutôt  bizarres. 
Il  y  met,  d'ailleurs,  la  même  circonspection  que  ses  prédé- 
cesseurs. Enfin,  le  28  février  1658  —  il  y  a  un  peu  plus  d'un 
an  que  la  conversation  est  commencée,  —  devant  une  ouver- 
ture plus  franche,  le  magistrat  déclare  son  désir  d'être  reçu 
dans  la  Compagnie;  et  celle-ci,  reconnaissante,  décide  de 
l'introduire  à  la  prochaine  séance. 

1.  M.  du  Fei-rier  représentait  à  Grenoble  son  èvêque  engagé  dans  un 
l)rocès  contre  les  consuls  de  Cahors.  11  avait  été  amiié  à  Paris  à  la  Com- 
pagnie du  Saint-Sacrement.  A  Grenoble,  il  était  en  rapports  quotidiens 
avec  les  confrères:  quand  il  fallut  nommer  un  conseiller  rapporteur  sur 
la  plainte  du  prélat,  le  Parlement  commit,  tout  naturellement,  M.  de 
Beauchêne  dont  nous  allons  rencontrer  souvent  le  nom.  Inventaire  som- 
maire des  archives  départementales  de  l'Isère,  B.  2. 116. 


178  ÉTUDES    HISTORIQUES 

Il    était    difficile,    avec    de    telles    précautions,    que    le 
se»ret  ne  fût  pas  bien  gardé. 


III 

Vue  de  la  coulisse,  où  nous  sommes,  l'histoire  locale  de 
Grenoble  ou  du  Dauphiné  prend  un  aspect  particulier.  Il  n  y 
a  pas  un  corps  officiel,  pas  un  personnage  important  qui  n  ait 
à  côté  de  lui  quelqu'un  chargé  de  le  circonvenir,  de  le 
pousser  délicatement  où  la  Compagnie  veut  qu'il  aille,  de  sol- 
liciter de  lui  l'action  qu'elle  désire.  Le  maréchal  de  Gréqui, 
duc  de  Lesdiguières,  gouverneur  du  Dauphiné,  est  l'objet  de 
soins  spéciaux.  Un  jour,  il  reçoit  de  Sa  Majesté  une  lettre 
qui  l'invite  à  lutter  contre  l'abus  des  duels  :  e'est  la  Compa- 
gnie qui  a  jugé  cette  lettre  utile  et  qui,  par  l'intermédiaire 
de  M.  du  Ferrier  et  de  plusieurs  amis,  a  obtenu  cette  inter- 
vention du  roi.  Il  rencontre  d'honnêtes  particuliers  qui  se 
plaignent  à  lui  de  scandales  relevés  dans  les  «  académies  »; 
c'est  la  Compagnie  qui  a  su  les  lui  dépêcher.  Il  fait  tous  ses 
efforts  pour  que  les  Pères  de  la  Charité  reçoivent  la  direc- 
tion de  l'Hôpital  général  :  c'est  la  Compagnie  qui  lui  a  mis 
cette  idée  en  tête-^ 

L'affaire  de  l'Hôpital  général  et  du  «  renfermement  »  des 
mendiants  est,  d'ailleurs,  une  de  celles  qui  montrent  le 
mieux  la  Compagnie  à  l'œuvre.  La  «  cabale  »  est  représen- 
tée par  quelques-uns  de  ses  membres  ou  du  moins  par  des 
omis  sûrs  dans  tous  les  corps  officiels  qui  s'en  occupent.  Elle 
en  a  une  demi-douzaine  de  confrères  très  actifs  dans  le  ((con- 
seil des  pauvres  ».  Quand  elle  le  juge  à  propos,  tels  d'entre 
eux  provoquent  une  assemblée  de  ce  conseil;  celui-ci  a  pour 
président  un  affilié  de  la  Congrégation  des  jésuites,  M.  de 
la  Rochette,  et  l'on  n'a  rien  à  se  refuser  entre  «  congréga- 
nistes-  ».  A  chaque  réunion  de  ce  conseil,  les  agents  de  la 

1.  Procès-verbaux,  2  et  23  juin,  S  et  22  juillet  1655,  9  janvier  1559,  21  dé- 
cembre -1660,  (>  février  1661. 

2.  Procès-verbaux,  6  juin,  28  novembre  165s.  Le  P.  Pra,  Les  Jésuites  à 
Grenoble,  p.  313. 


ÉTUDES    HISTORIQUES  179 

Compagnie  présentent  des  doléances  infatigables  jusqu'à  ce 
qu'on  ait  compris  l'absolue  nécessité  de  la  fondation  pro- 
jetée. Ils  ne  se  contentent  pas  de  parler.  Ils  agissent  sous 
main,  aplanissent  des  difficultés,  préparent  des  résolutions, 
prennent  toutes  les  initiatives  et  en  abandonnent  Phonneur  à 
d'autres  qu'ils  mènent  comme  par  la  main. 

Un  obstacle  à  ce  «  renfermement  »,  c'est  un  conflit  qui  a 
éclaté  entre  les  consuls  de  la  ville  et  l'abbé  Lambert,  direc- 
teur de  l'Hôpital  général  et  membre  de  la  Compagnie*.  Il 
faut,  à  tout  prix,  que  ce  conflit  arrive  à  son  terme.  Ils  provo- 
quent des  démarches  officieuses  auprès  des  parties  et, 
n'aboutissant  pas,  songent  un  moment  à  une  intervention 
judiciaire. 

Il  a  été  résolu  que  M.  Lambert  serait  prié  de  la  part  de  la  Compa- 
gnie de  poursuivre  son  procès  contre  les  consuls,  lequel  pourra 
donner  occasion  à  Messieurs  du  Parlement  de  faire  quelque  bon 
règlement  entre  le  recteur  et  les  consuls  qui  mettra  fin  à  ce  désordre. 

Puis  ils  s'avisent  qu'un  arbitrage  calmerait  mieux  les 
esprits  qu'un  arrêt  de  la  cour;  et  ils  l'organisent.  Ils  s'arran- 
gent pour  que,  des  quatre  arbitres,  deux  soient  de  la  C^om- 
pagnie,  MM,  de  Ponat  et  Marnais,  et  les  deux  autres  de  la 
Congrégation,  MM,  les  conseillers  de  la  Pvochette  et  de  Bel- 
mont.  Naturellement,  tout  se  termine  suivant  leurs  désirs  : 

M.  Clamais  rapporte  que  les  arbitres  ont  décidé  de  retirer  des 
registres  de  l'hôpital  et  de  l'hôtel  de  ville  les  conclusions  désa- 
vantageuses à  ^L  Lambert;  et  qu'après,  M.  Lambert  se  démettrait 
de  la  rectorie;  ce  que  MM.  les  consuls  accepteraient  avec  des  formes 
de  remerciement  des  peines  c{u'il  a  prises  pour  les  pauvres  et  de  la 
satisfaction  qu'ils  ont  de  ses  soins,  ce  qui  serait  couché  sur  les 
registres^. 

1.  Archives  municipales  de  la  ville  de  Grenoble,  13 B.  III,  2  juin  Kiôi-i, 
l'évocation  du  sieur  Lambert,  recteur  de  l'Ilopital. 

2.  Procès-verbaux,  <i  juin,  3  juillet,  G  août  I(i58,  20  mars  I<)Ô9. 

3.  Procès-verbaux,  20  mars  et  21  mai  1659.  Je  crois  fjue  le  secrétaire 
de  la  Compagnie  a  commis  une  inadvertance  en  écrivant  la  première  de 
ces  deux  dates;  il  aurait  dû  inscrire  un  des  premiers  jours  d'avril,  car 
deux  séances  qui  se  suivent  sont  datées  du  20  mars. 


180  ÉTUDES    HISTORIQUES 

Ce  différend  une  fois  réglé,  on  s'occupe  des  détails  de 
l'entreprise.  Les  confrères  arrivent  au  «  conseil  des  pauvres  » 
avec  des  idées  nettes  que  le  cénacle  a  discutées;  ils  appor- 
tent des  projets  précis  qui  ont  été  préparés  par  une  commis- 
sion de  la  société  secrète  et  approuvés  par  la  société  elle- 
même  en  séance  plénière.  Avant  même  les  corps  compétents, 
ils  examinent  et  résolvent  les  questions  que.  ceux-ci  auront 
à  trancher^  : 

M.  le  prévôt  Marchier  a  fait  lecture  de  deux  lettres,  l'une  du  P. 
Ville,  l'autre  d'un  missionnaire  de  la  Palisse,  toutes  deux  adressées 
à  M.  de  Villiers,  le  premier  offrant  les  services  des  Pères  de  la 
Charité,  et  le  second  celui  des  religieuses  hôpitalières  pour  la  con- 
duite de  l'hôpital  de  Grenoble.  On  a  jugé  plus  à  propos  de  faire 
venir  les  Pères  que  lesdites  religieuses.  Néanmoins  on  a  résolu 
que,  pour  digérer  davantage  la  chose,  ceux  de  cette  Compagnie 
qui  sont  du  conseil  des  pauvres  s'assembleraient  dimanche  pro- 
chain pour  prendre  des  résolutions  plus  précises  et  qu'ensuite 
M.  Marchier  les  proposerait  à  M.  de  Villiers  comme  venant  de  soi 
eU'engagerait  de  les  proposer  au  premier  Conseil  des  pauvres,  où 
Messieurs  de  cette  Compagnie  qui  en  sont  sont  exhortés  de  s'y  trou- 
ver pour  appuyer  lesdites  propositions  de  leurs  suffrages^. 

Les  confrères  agissent  de  même  avec  le  Parlement.  Ils 
obtiennent  de  lui  toutes  les  démarches  nécessaires  : 

Pour  ne  laisser  en  arrière  aucun  moyen  de  parvenir  à  un  établis- 
sement si  utile,  M.  le  supérieur  ayant  offert  de  faire  la  proposition 
le  lendemain  à  la  première  chambre  (où  il  avait  sujet  d'aller  pour 
quelque  autre  affaire),  d'en  faire  parler  de  la  part  de  MM.  du  Parle- 
ment à  M.  le  duc  de  Lesdiguières,  la  Compagnie  l'a  prié  de  s'en 
ressouvenir  et  i\L  de  Beauchêne  de  soutenir  cette  ouverture  avec 
les  autres  MM.  de  la  Compagnie  qui  sont  de  la  même  chambre^. 

On  devine  ce  qui  arrive.  Dans  chaque  assemblée,  ce  sont 
ces  hommes  d'initiative,  et  bien  au  clair  sur  ce  qu'ils  veulent, 
qui  prennent  peu  à  peu  la  direction  de  tout.  Ils  font  voter  les 

1.  Procès-verbaux,  15  et  2'.»  juillet,  li  novemijre  1660. 

2.  Procès-verbaux,  30  novembre  1660. 

3.  Procès-verbaux,  31  Janvier  et  26  décembre  1658,  0  janvier  1659, 
7  avril  1661. 


ÉTUDES   HISTORIQUES  181 

mesures  qu'ils  désirent,  écarter  celles  qu'ils  désapprouvent.  Ils 
s'y  prennent  si  ingénieusement  que  M.  de  Villiers,  chargé  par 
la  municipalité  de  conduire  l'affaire,  finit  par  prendre  pour 
collaborateurs  et  confidents  deux  ou  trois  membres  de  la 
Compagnie  et  met  tout  son  zèle  à  suivre,  sans  s'en  douter, 
les  instructions  de  la  cabale*.  Le  traité  signé  le  11  juin  1661 
entre  la  ville  et  les  Pères  de  la  Charité^  a  été  médité,  préparé, 
rédigé  dans  les  conciliabules  de  ces  quelques  meneurs  S*  et, 
quand  le  renfermement  des  mendiants  est  bien  décidé,  c'est 
encore  dans  ces  conciliabules  que  l'on  résout  toutes  les  ques- 
tions financières  et  autres  que  cette  mesure  soulève  l'une 
après  l'autre*. 

L'histoire  de  l'Hôpital  général  n'est  qu'un  cas  au  milieu 
d'une  foule  d'autres.  La  Compagnie  a  pris  en  main  l'assistance 
publique.  Elle  estime  que  le  service  de  la  bienfaisance  doit 
être  réparti  entre  les  diverses  sociétés  religieuses  de  la  ville; 
les  enquêtes  se  feront  ainsi  avec  plus  de  méthode  et  il  y  aura 
moins  de  doubles  emplois.  Elle  partage  la  ville  en  circons- 
criptions charitables  et  amène  chacune  de  ces  sociétés  à  se 
charger  du  «  canton  »  qui  lui  est  assigné.  La  Compagnie  fait 
en  même  temps  l'œuvre  de  la  police  officielle,  découvre  les 
scandales  et  les  dénonce  à  qui  de  droit;  elle  possède,  parmi 
ses  membres,  un  avocat  général  au  Parlement,  i\I.  de  Gales, 
qui  est  toujours  prêt  à  mettre  le  Parquet  en  mouvement.  Elle 
fait  sévir  contre  les  gens  qui  travaillent  les  dimanches  et  jours 
de  fête,  contre  les  cabaretiers  qui  donnent  à  manger  de  la 
viande  pendant  le  carême,  contre  les  brelans  où  l'on  jure. 
Elle  fait  interdire  des  marionnettes  pendant  le  carême  et 
chasse  les  danseurs  de  corde  qui  se  sont  livrés  à  leurs  exer- 
cices durant  l'office  divin.  Elle  réclame  l'arrestation  des  filles 
de  mœurs  douteuses;  quand  les  commissaires  hésitent  à  les 

1.  Procès-verbaux,  là  novembre  1G60.  M.  de  \  illiers  est  membre  de  la 
Congrégation  de  la  Purification  (Le  P.  Pra,  Les  Jésuites  à  Grenoble. 
p.  310),  mais  il  ignore  absolument  l'existence  de  la  Compagnie. 

2.  Voir  Inventaire  des  archives  hospitalières  de  Grenoble,  l.  II  ^supplé- 
ment),  introduction,  p.  MU. 

3.  Procès-verbaux,  5  et  19  mai  UKil. 

4.  Procès-verbaux,  9  et  17  mars,  13  et  20  avril,  21  mai,  28  Juin,  13  et 
20  juillet,  3  et  11  août,  7  septembre  1602. 


182  ÉTUDES    HISTORIQUES 

emprisonner  sans  mandat,  elle  a  vite  fait  de  leur  procurer  le 
mandat  nécessaire ^  Et  si  les  pouvoirs  publics  ne  s'émeuvent 
pas,  elle  a  recours  aux  grands  moyens.  Longtemps  elle  s'est 
occupée  avec  irritation  d'une  fille  surnommée  la  Dimanche. 
Pour  la  faire  condamner,  elle  a  patiemment  réuni  des  témoins 
contre  elle.  Mais,  le  4  mars  1660,  on  apprend  que  les  gens 
((  qui  avaient  parlé  contre  cette  fille  ne  voulaient  pas 
déposer  ».  «  Ce  qui  a  fait  résoudre,  continue  le  procès-verbal, 
de  la  faire  enlever  et  mettre  aux  repenties.  »  L'on  arrange 
aussitôt  un  guet-apens  pour  le  bon  motif  : 

M.  d'Hugues  a  dit  de  connaître  celle  Dimanche  el  qu'il  raltirerail 
où  l'on  trouverait  à  propos.  Sur  quoi  M.  de  Guillemières  a  été 
chargé  de  parler  à  M.  de  Chevrières  pour  parler  à  Mme  du  Faure 
et  à  la  supérieure  des  Carmélites  pour  les  vingt  écus  qu'elle  a  pour 
ce  fait. 

Le  18  mars,  la  Compagnie  apprend  que  cette  créature  est 
Internée. 

La  Compagnie  ne  se  contente  pas  d'intervenir  ainsi  dans 
les  affaires  civiles  de  Grenoble.  Elle  surveille  l'administration 
spirituelle  du  diocèse.  Il  y  a  un  conllit  entre  le  chapitre  de 
Saint-André  et  celui  de  Notre-Dame.  Elle  s'en  émeut,  d'abord 
parce  que  cette  dispute  est  un  mal  en  elle-même^  ensuite 
parce  que  la  dignité  des  processions  en  souffre.  Elle  s'appli- 
que donc  à  y  mettre  fin.  Elle  amène  les  deux  parties  à  confier 
leurs  intérêts  à  des  arbitres,  elle  travaille  si  bien  que  trois  de 
ceux-ci,  nommés  par  les  deux  chapitres,  sont  trois  confrères 
et  un  de  leurs  amis  qui  s'entendent  à  merveille.  Une  fois  le 
différend  terminé,  elle  fait  tout  pour  l'empêcher  de  renaître". 
Le  Saint-Sacrement  n'est  pas  porté  aux  malades  avec  tout 
l'apparat  désirable.  On  fait  présenter  sans  cesse  des  obser- 
vations à  l'autorité  compétente;  une  fois,  c'est  le  vicaire  de 
Notre-Dame  qui  est  réprimandé  et  qui  promet  de  faire  toujours 
sonner  la  cloche  dans  cette  circonstance;  une  fois,  c'est  un 


1.  Procès-verbaux,  23  avril    l<i57,    13    novemiM'e  1658,  6,   16  cl  20  mars 
1659,  5,  12,  lu  février,  2(')  mai  16()(),  3  mars  1661. 

2.  Procès-verbaux,  21  mai  16."jV»,  8  avril  1660,  25  mai  1661. 


ÉTUDES   HISTORIQUES  183 

autre  prêtre  qui  reçoit  des  observations  pour  n'avoir  revêtu, 
dans  ce  service,  qu'une  simple  soutanelle.  L'on  réclame  (juece 
respect  pour  le  Saint-Sacrement  soit  encore  plus  visible  aux 
processions;  les  prédicateurs  reçoivent  mission  d'engager  à 
la  modestie  et  au  silence  ceux  qui  prennent  part  à  ces  céré- 
monies et  MM.  les  magistrats  sont  invités  à  donner  le  bon 
exemple  en  renonçant  à  faire  porter  la  queue  de  leurs 
robes ^ 

Il  n'y  a  pas  un  détail  qui  échappe  à  ces  pieux  surveillants. 
Un  curé  de  village  est  trop  vieux  pour  bien  remplir  ses  devoirs. 
On  attire  sur  ce  fait  l'attention  de  l'évêque.  On  a  remarqué 
que  les  curés  «  s'accommodent  trop  aux  volontés  des  pères 
et  mères  qui  diffèrent  beaucoup  le  baptême  de  leurs  enfants 
sous  prétexte  d'attendre  des  parrains  ou  marraines.  »  On  leur 
procure  une  admonestation  du  vicaire  général".  On  a  observé 
que  les  fidèles  manquent  souvent  de  tenue  pendant  les  offices. 
Le  clergé  est  conduit  à  s'en  préoccuper;  une  dame  deman- 
dant une  messe  à  la  sacristie  de  Saint-André,  il  lui  est  répondu, 
à  l'instigation  de  la  Compagnie,  «  qu'il  n'y  en  avait  point  pour 
elle  à  cause  du  peu  de  respect  qu'elle  avait  à  l'église^.  »  On 
fait  réparer  des  sanctuaires,  relever  des  clochers,  construire 
des  chapelles^  nettoyer  les  alentours  des  monastères  et  des 
églises,  avertir  les  prêtres  qui  ont  une  conduite  suspecte, 
blâmer  les  prédicateurs  qui  emploient  des  termes  inconve- 
nants, organiser,  après  des  outrages  au  Saint-Sacrement,  des 
processions  et  autres  cérémonies  expiatoires'.  On  menace 
de  poursuites  un  prêtre  qui  a  tenu,  par-devant  témoins,  des 
propos  téméraires  contre  l'autorité  du  pape^  On  instrumente 
contre  un  autre  qui  est  accusé  de  sorcellerie '\  On  s'efforce 
d'établir  l'adoration  perpétuelle  du  Saint-Sacrement".  On  tra- 
vaille à  hâter  la  canonisation  du  bienheureux  François  de 

1.  Procès-verbaux,  14  et  28  déccmbi"e  1G56,    14  février  1658.  'A  juin   liiflO, 

2.  Procès-verbaux,  20  mars  Kiô'.). 

3.  Procès-verbaux,  30  septembre  1660. 

I.  Procès-verbaux,  23  mai,  6  juin.  6  aoùl,  12  septembre  1658.  2:!  Janvier 
16.j9.  11  août,  i  novembre  1661.  20  Juillet  1<")62,  3  juin  1()63. 
3.  Procès-verbaux,  5  et  12  août  1660. 
6.  Procès-verbaux,  22  et  29  Juillet,  5  aoùl  iG'io. 
T.  Procès-verbaux,  6  août  et  12  septcmi)re  1658,  17  avril  165'.»,  etc. 


184  ÉTUDES    HISTORIQUES 

Sales*...  Qui   dirige  la  vie  spirituelle  du   diocèse?   Est-ce 
révêque  ou  la  «  cabale  des  dévols  »  ? 

Pierre  Scarron  n'évite  pas  lui-même  des  ingérences  plus 
indiscrètes  encore.  Il  y  a  longtemps  que  «  Monseigneur»  n'a 
pas  fait  la  visite  de  son  diocèse.  On  lui  fait  rappeler  constam- 
ment son  devoir  :  «  A  été  résolu  qu'on  ne  se  lassera  pas  de 
lui  en  parler.  »  Le  prélat  ne  se  décidant  pas,  on  voudrait  qu'il 
confiât  ce  soin  à  l'évèque  de  Bethléem,  Aulhier  de  Sisgau, 
qui  est  bien  dans  l'esprit  de  la  Compagnie.  Il  y  a  des  moments 
où  il  est  sur  le  point  de  céder;  puis  il  soupçonne  que  toute 
son  autorité  passerait  entre  les  mains  de  ce  nouveau  venu,  il 
se  ressaisit,  et  il  refuse.  La  cabale  l'obsédera  jusqu'à  sa  mort. 
Elle  y  mettra  d'autant  plus  de  zèle  que,  dès  1664,  elle  est 
informée  que  le  successeur  de  Pierre  Scarron  sera  un  «  prê- 
tre de  l'Oratoire^.  » 


IV 


On  soupçonne  ce  que  ce  comité  d'action  catholique  doit 
être  pour  les  protestants.  11  faut  le  voir  avec  quelque  détail. 

La  Compagnie  du  Saint-Sacrement  ne  néglige  pas  entiè- 
rement les  moyens  spirituels  de  rétablir  l'unité  de  croyance. 
Surtout  elle  n'oublie  pas  de  les  fortifier  par  des  procédés 
rigoureux.  Les  Jésuites,  avec  l'appui  du  prince  de  Conti  et 
de  l'archevêque  de  Turin,  entreprirent,  en  1657,  une  mission 
dans  la  vallée  de  Pragela.  La  Société  de  la  Propagation  de 
la  Foi,  qui  n'était  qu'une  hypostase  visible  de  la  Compagnie 
secrète,  promit  sa  coopération.  Pourtant,  le  P.  Orale  dut  se 
retirer  après  quelques  semaines,  ayant  fait  «  plus  de  bruit  que 
de  fruit  ».  La  vraie  campagne  n'était  pas  commencée.  En 
mai  1659,  le  roi  permit,  par  lettres-patentes,  l'établissement 
d'une  mission  fixe  en  Pragela;  et  le  vice-bailli  de  Briançon 
vint  en  personne  installer  les  Pères  Golier  et  Billet.  Mais  les 


1.  Procès-verbaux ,  17,  24  el  31  mars  1661. 

2.  Procès-verbaux,  20  décembre  1057,  3,  17  et  31  janvier  165!S,  ....27  jan- 
vier, 27  février,  9  mars,  15  mai,  11  et  26juin,  24  el  31  juillet,  V  août,  11  et 
18  septembre  1664. 


ÉTUDES   HISTORIQUES  185 

huguenots  étaient  mal  disposés.  Quand  les  deux  religieux, 
a|3rès  avoir  assisté  aux  prêches,  voulaient  réunir  les  fidèles 
et  réfuter  les  ministres,  personne  ne  les  écoutait.  Ils  durent 
partir.  La  Compagnie  du  Saint-Sacrement  ne  pouvait 
prendre  son  parti  de  tous  ces  échecs  *. 

Le  31  juillet  de  cette  année,  elle  se  fait  mettre  au  courant 
de  tous  ces  efforts  infructueux,  elle  étudie  une  brochure  con- 
sacrée à  cette  mission  "  et  décide  de  collaborer  à  celte  œuvre. 
Le  3  septembre,  elle  s'en  occupe  encore  et  souscrit  30(J  livres 
pour  la  construction  d'une  chapelle.  Le  président  de  Beau- 
chêne,  étant  peu  de  temps  après  à  Fénestrelles,  appuie  de 
toute  son  autorité  le  P.  Calemard,  il  l'accompagne  au  temple 
pour  entendre  avec  lui  une  prédication  que  le  missionnaire 
veut  réfuter;  il  assiste  à  la  controverse  pour  intimider  la 
population.  Le  succès  est  d'ailleurs  médiocre^ 

Tandis  que  les  Jésuites  évangélisent,  la  Compagnie  s'in- 
forme régulièrement  de  ce  qui  se  passe  par  là;  et  si  le  zèle 
des  Pères  provoque  quelque  désordre,  elle  avise  à  mater  les 
récalcitrants  : 

M,  l'avocat  général  de  Gales  a  dit  qu'à  Pragela  il  y  a  eu  encore 
quelques  insultes  contre  l'église,  et  que  même,  jetant  de  la  boue  contre 
une  fenêtre,  la  boue  était  tombée  sur  l'autel  et  jusque  dans  le  calice. 
A  été  résolu  qu'on  écrirait  à  M.  le  vibailli  de  Briançon  pour  tâcher 
de  faire  quelques  informations.  M.  de  Gales  a  été  prié  de  lui 
écrire  *. 

Depuis  près  d'un  an,  les  missionnaires,  qui  avaient  fait 
construire  cette  église,  réclamaient  la  démolition  d'un  temple 
de  la  vallée,  celui  de  Balboutet;  le  19  septembre  1661,  le 
commissaire  du  Parlement,  Cappus,  avait  adjugé  ce  temple 


I.  Arnaud,  Histoire  des  protestants  du  Dauphiné,  t.  Il,  p.  150-1-J-2. 
■2.  Sans    doute  le  Sommaire    de  l'état  de   la  religion  dans  la  vallée  de 
Pragela  en  Dauphiné.  pai-  le  P.  Meyei-,  jésuite,  16rj9,  8  p.  in-'i". 

3.  Le  succès  de  la  mission  de  Pragela  ou  véritable  récit  de  la  conférence 
tenue  à  Fénestrelles  le  i"  d'octobre  1630  entre  le  sieur  Benjamin  de  Joux, 
ministre  du  Saint-Evangile  en  l'église  dudit  lieu,  et  le  sieur  Marc-Antoine 
Calemard,  etc.,  Genève,  1660,  248  p.  in-8'. 

4.  Procès-verbaux,  22  janvier  1662. 

Ll.  -   \\ 


186  ÉTUDES    HISTORIQUES 

au  prieur  de  Menloules.  Les  Vaudois  en  ayant  appelé  au  roi, 
un  arrêt  du  Conseil,  du  2G  octobre  1661,  chargea  le  Parlement 
de  Grenoble,  et  non  la  chambre  de  TEdit,  de  juger  cette 
affaire.  En  janvier  1662,  le  Parlement  avait  rendu  un  premier 
arrêt  défendant,  entre  autres  choses,  aux  ministres  de  Pragela 
de  prêcher  hors  du  lieu  de  leur  résidence  et  de  faire  sonner 
la  cloche  du  temple  de  Balboulet.  De  là  l'irritation  des  habi- 
tants que  la  Compagnie  s'appliquait  à  réprimer  ou  plutôt  à 
exploiter  pour  la  bonne  cause.  Peu  de  temps  après,  les  trois 
pasteurs  de  la  vallée  étaient  condamnés  à  des  amendes  qu'on 
devait  attribuer  à  la  réparation  de  la  chapelle,  et  l'un  d'eux 
était  banni  pour  cinq  ans*. 

En  réalité,  la  cabale  comptait  sur  autre  chose  que  la  simple 
proclamation  de  ce  qu'elle  jugeait  la  vérité.  Elle  cherchait 
partout  les  hérétiques  dans  la  misère.  Elle  les  poursuivait, 
leur  promettait  du  travail^  de  l'argent,  des  protections  : 

M.  du  Croisil  a  proposé  qu'un  homme  et  une  femme  mariés,  de 
la  religion  prétendue  réformée,  demeurant  à  Saint-Laurent  et  étant 
en  nécessité,  la  Compagnie  leur  faisant  la  charité  depuis  quelque 
temps,  lui  ont  promis  de  se  convertir  :  dont  il  donnait  avis...  M.  du 
Croisil  est  prié  de  continuer  cette  bonne  œuvre.  Cependant  on  a 
ordonné  une  pièce  de  trente  sols,  sauf  à  leur  faire  plus  ample  charité 
après  leur  conversion-. 

Quand  le  «  saut  »  était  fait,  elle  les  surveillait  étroite- 
ment : 

M.  Guérin  a  prié  M.  le  directeur  de  la  Propagation  de  vouloir  bien 
faire  visiter  une  femme  d'un  nommé  Jaquin,  qui  a  été  autrefois  de 
la  religion,  et  qu'il  a  appris  que  les  religionnaires  sont  après  à  la 
gagner  et,  par  ce  moyen  peut-être,  n'étant  pas  abandonnée,  on  la 
pourrait  retenir  en  noire  religion  ■. 

Elle  les  forçait  à  rompre  toutes  relations  suspectes,  les 
menaçant,  non  seulement  de  les  abandonner  à  leur  détresse, 

1.  Cf.   Arnaud,    Histoire  des  protestants  du  Dauphinc,  t.  II,  p.  153-154. 

2.  Procès-verbaux,  30  novembre  1660. 

3.  Procès-verbaux,  9  mars  1656. 


ÉTUDES    HISTORIQUES  187 

mais  encore  d'altirer  sur  eux  les   chAliments    promis   aux 
relaps. 

M,  de  Gales  a  averti  la  Compagnie  que  le  nommé  Rossignol, 
relaps  huguenot,  qui  a  été  banni  pour  cinq  ans,  a  eu  la  hardiesse 
de  paraître  ayant  femme  et  enfants;  on  l'a  constitué  prisonnier  et 
on  lui  fait  son  procès  *. 

Elle  trouvait,  d'ailleurs,  très  insuffisantes,  les  pénalités 
promises  à  cette  sorte  de  criminels  et  elle  en  réclamait  sans 
cesse  l'aggravation;  elle  aurait  voulU;,  tout  au  moins,  être 
armée  d'une  défense  aux  catholiques  de  se  laisser  séduire 
par  l'erreur  protestante.  Elle  revenait  chaque  année  sur  cette 
question  : 

&  février  1659.  —  M.  de  Beauchène  a  demandé  si  quelqu'un  de 
la  Compagnie  a  su  qu'il  y  eût  quelque  arrêt  ou  déclaration  du  roi 
contre  les  relaps  de  l'hérésie.  De  quoi  personne  n'a  eu  connais- 
sance. 

29  février  1660.  —  La  Compagnie  a  jugé  à  propos  d'écrire  à 
MM.  de  notre  Compagnie  à  Paris,  après  que  le  roi  sera  de  retour 
dans  cette  ville,  pour  employer  leurs  soins  à  obtenir  un  arrêt  de  Sa 
Majesté  portant  défense  aux  catholiques  de  se  pouvoir  faire  hugue- 
nots. 

1  juillet  1661.  —  M.  Ponat  a  dit  d'avoir  ouï  dire  que  le  roi  étant 
à  Bordeaux  avait  fait  une  déclaration  enregistrée  aux  Parlements 
de  Toulouse  et  de  Bordeaux  portant  défense  aux  catholiques  de 
changer  de  religion  et  de  se  faire  de  la  R.  P.  R.  ;  et  M.  Marnais 
s'est  chargé  de  faire  écrire  à  Bordeaux,  et  M.  Marchier  à  Toulouse, 
pour  en  savoir  la  vérité  afin  d'en  pouvoir  obtenir  une  semblable 
pour  cette  province  et  même  pour  tout  le  royaume. 

En  même  temps,  la  Compagnie  organisait  le  «  boycottage  » 
des  récalcitrants.  M.  Roux  annonce  qu'((  il  a  averti  le  nommé 
Charvyx  du  scandale  qu'il  donnait  en  permettant  que  ses 
enfants  fussent  élevés  dans  la  religion  de  sa  femme  ».  Cet 
individu  «  n'a  pas  promis  d'y  pourvoir  ».  «  Sur  quoi  MM.  de 

1.  Proci'S-verbaiix .  (>  août  16()U. 


188  ÉTUDES    HISTORH^UES 

la  Compagnie  ont  été  priés  de  lui  en  parler  en  le  menaçant 
de  n'acheter  rien  dans  sa  boutique  «.  Un  autre  jour,  «  il  a  été 
proposé  d'exhorter  les  catholiques  de  n'employer  que  des 
artisans  catholiques  à  l'exclusion  de  ceux  de  la  R.  P.  R.  ».  Il 
a  été  résolu  que  cette  mesure  si  bonne  «  serait  laissée  à  la 
prudence  de  chacun  ».  Le  rêve  des  confrères  serait  de  fer- 
mer entièrement  Grenoble  aux  hérétiques  : 

M.  de  Combes  ayant  observé  que  depuis  quelque  temps  des  arti- 
sans huguenols  s'établissent  en  cette  ville,  M.  le  président  de  Che- 
vrières  est  chargé  d'en  parler  à  M.  le  premier  consul  pour  faire 
résoudre  dans  un  conseil  (|u'on  ne  permettra  que  personne  s'éta- 
blisse sans  de  bonnes  attestations  de  leurs  vie  et  mœurs  *. 

Il  est  clair  que  ce  certificat  ne  saurait  être  accordé  aux 
mal  pensants.  Ils  iront  gagner  leur  vie  ailleurs;  et,  si  on  leur 
en  refuse  ailleurs  la  permission,  ils  verront  s'ils  veulent  per- 
sévérer dans  leurs  mauvaises  doctrines. 

On  «  boycottait  »  d'autre  manière  encore  les  protestants. 
Le  16  septembre  1655,  le  cénacle  reçoit  une  lettre  des  amis 
de  Paris  priant  «  de  députer  quelqu'un  de  cette  Compagnie 
pour  veiller  à  ce  que  ceux  de  la  R.  P.  R.  ne  prennent  point 
à  leur  service,  en  boutique  ou  autrement,  des  catholiques, 
crainte  que  ce  ne  soit  pour  les  convertir  ».  Un  espionnage 
attentif  entourait  les  gens  «  en  condition  »  chez  des  héré- 
tiques ;  et  les  confrères  discutaient  longuement  sur  les  racon- 
tars recueillis.  Etait-il  vrai,  par  exemple,  qu'un  menuisier 
prolestant,  Vivarès,  eût  forcé  sa  servante,  une  catholique,  à 
manger  de  la  viande  les  jours  défendus  ?  L'enquête  pouvait 
durer  des  semaines  ou  des  mois.  On  interrogeait  la  fille;  on 
notait  avec  joie  —  ou  avec  dépit  —  ses  dénégations;  puis  on 
insistait  encore,  jusqu'au  jour  où  la  servante  comprenait 
qu'elle  aurait  tout  profil  à  se  rendre  intéressante  auprès  de 
fanatiques  avides  de  recevoir  une  plainte.  Et  les  dames  bien 
pensantes  de  la  ville  lui  procuraient  une  place  plus  avanta- 
geuse -. 

1.  4  mai  et  6  Juillet  1(556,  28  lévrier  16(3(3. 

2.  Procès-verbaux,  20  et  27  mars,  8  et  21  mai  1659.  —  Cf.  3  et  10  mars, 
21  et  28  avril,  19  et  25  mai,  21  juillet    H561.   —  Le  21  avril  1661,  on  renou- 


ÉTUDES    HISTORIQUES  189 

Tandis  qu'elle  disputait  aux  uns  leur  gagne-pain,  la  cabale 
fermait  aux  autres  les  professions  libérales.  Elle  faisait  tout 
pour  les  écarter  des  offices  de  judicature  : 

M.  l'avocat  général  a  remontré  comme  Messieurs  de  la  religion 
prétendue  réformée  cherchent  à  établir  autant  de  notaires  qu'ils 
peuvent  de  leur  religion.  A  quoi  peut-être  par  une  requête  on  don- 
nerait quelque  empêchement.  Ce  qui  a  été  résolu. 

A  une  autre  séance,  on  connaît  le  résultat  de  celle  dé- 
marche : 

M.  de  Gales  a  dit  comme  MM.  les  gens  du  roi  sont  résolus  d'em- 
pêcher cette  quantité  de  notaires  que  ceux  de  la  Px.  P.  ï\.  font  tous 
tous  les  jours  *. 

La  Compagnie  redoutait  et  gênait  l'établissement  de  méde- 
cins huguenots  dans  la  ville.  C'est  qu'elle  estimait  que  les 
médecins,  tout  en  soignant  les  corps,  devaient  aider  à  la 
purification  des  âmes  : 

M.  Marnais  est  prié  de  parler  à  M.  de  \'illerranche  pour  le  faire 
ressouvenir  de  l'arrêt  que  la  Cour  a  fait  il  y  a  quelque  temps  par 
lequel  il  est  ordonné  aux  médecins  d'exhorter  leurs  malades  à  se 
confesser  et  à  communier  avant  de  leur  ordonner  quoi  que  ce  soit. 
M.  Lambert  s'est  chargé  d'en  parler  à  MM.  du  Bœuf  et  Mathieu,  et 
^L  de  Saint-Ferjus  à  ^L  de  Grandpré. 

On  donnait  suite  à  des  délibérations  de  ce  genre  : 

M.  Lambert,  qui  avait  été  chargé  de  parler  à  M.  du  Bœuf  pour 
que  MM.  les  médecins  fussent  un  peu  plus  exacts  à  faire  confesser 
et  communier  leurs  malades  avant  toutes  choses,  a  rapporté  qu'ils 
s'étaient  assemblés  pour  cela  chez  M.  du  Bœuf,  leur  doyen,  et  qu'ils 
seraient  dorénavant  ponctuels  en  cela. 


vêla  «  les  résolutions  prises  de  détourner  autant  qu'on  en  trouvera  locca- 
sion  les  calholiques  de  servir  des  maîtres  huguenots  comme  en  outre  de 
ne  se  servir  pas  d'artisans  huguenots  ». 
I.  Procès-verbaux,  l"  et  14  décembre  I(>.j6. 


190  ÉTUDES  HISTORIQUES 

A  la  séance  suivante,  on  y  revenait  encore  et  M.  de  Gales 
est  prié  de  faire  signifier  au  collège  des  médecins  l'arrêt  que 
la  Compagnie  a  obtenu.  Les  médecins  de  Grenoble  avaient, 
d'ailleurs,  un  tel  zèle  contre  les  mécréants  qu'on  les  voit,  en 
1662,  enlever  ses  pratiques  à  un  apothicaire  parce  qu'il  est 
soupçonné  de  pencher  vers  le  protestantisme.  La  Compa- 
gnie est  obligée  d'intervenir  en  faveur  du  pauvre  marchand 
de  drogues  *. 

La  cabale  ne  pouvait  pas  se  contenter  de  ces  moyens  dé- 
tournés pour  faire  comprendre  aux  hérétiques  qu'ils  n'étaient 
que  tolérés  et  qu'ils  l'étaient  avec  impatience.  Il  était  jugé 
très  ingénieux  de  leur  imposer  toutes  sortes  de  mesures  qu'ils 
déclaraient  vexatoires,  mais  dans  lesquelles  on  ne  voulait 
voir  que  des  actes  de  respect  pour  la  religion  du  roi.  On 
n'avait  pas  assez  de  les  forcer  à  saluer  le  Saint-Sacrement 
dans  la  rue.  On  entendait  qu'aux  jours  de  procession  la  façade 
de  leurs  maisons  fût  «  tendue  »  et  ornée  : 

M.  le  prévôt  Marchier  ayant  pris  garde  qu'à  la  dernière  proces- 
sion du  jubilé,  Mi\L  de  la  ville  n'avaient  point  fait  tendre  selon  la 
coutume  au  devant  des  huguenots,  il  a  été  prié  d'en  dire  un  mol  à 
M.  de  Villiers  pour  tâcher  d'y  remédier  à  l'avenir  ^. 

On  affectait  en  même  temps  de  les  présenter  au  public 
comme  des  pestiférés  moraux  avec  lesquels  il  était  inconve- 
nant de  frayer. 

M.  Marnais  a  dit  qu'à  Romans,  M.  de  Villefranche  étant  mort,  il 
y  a  trois  catholiques  qui  assistèrent  à  son  enterrement  et  portèrent 
les  coins  du  drap...  On  espère  que  sur  la  plainte  qu'on  en  f^era  à 
Mgr  de  Vienne,  il  empêchera  dorénavant  ce  désordre  ^. 


1.  Procès-verbaux,  II,  18  el  26  aoùl  1661;  26  août  1662.  I^'arrèl  auquel 
il  est  lait  allusion  est  du  2'i  juillet  I6'j5,  Archives  départementales  de 
l'Isère,  B.  2229.  L'inventaire  sommaire  ne  donne  pas  la  date  de  l'ar- 
rêt; je  la  dois  à  rohliyeance  de  M.  A.  Prudhomme,  qui  veut  bien  me 
dire  aussi  que  ce  document  reproduit  les  prescriptions  d'un  ancien  arrêt 
du  même  Parlement  de  Grenoble,  rendu  le  7  mars  1038. 

2.  Procès-verbaux.  2!~!  décembre  1656. 
.3.  Procès-verbaux,  2<)  juillet  1662. 


ÉTUDES    HISTORIQUES  191 

Tous  ces  procédés  ayant  pour  but  de  faire  sentir  à  la  foule 
que  les  hérétiques  sont  hors  de  rhumanité,  il  ne  faut  pas  s'éton- 
ner si  la  foule  s'imagine  parfois  que  tout  lui  est  permis  contre 
eux.  Mais,  dans  ce  cas,  il  faut  protéger  les  braves  gens  qui 
se  laissent  emporter  par  leur  zèle.  Une  femme,  par  exemple, 
s'est  faite  huguenote,  et  on  a  provoqué  des  désordres  contre 
elle.  M.  Roux  expose  à  la  Compagnie  qu'il  faut  tirer  de  peine 
«certains  habitants  qui  se  trouvent  chargés  de  discours  assez 
séditieux  et  desquels  ils  ne  doivent  attendre  que  disgrâce  et 
possible  châtiment  »  ;  on  les  fera  prier  de  rentrer  dans  le 
calme  et  le  Parquet  laissera  tomber  l'affaire  ^ 

Les  huguenots  invoquent  en  leur  faveur  l'édit  de  Nantes. 
En  sachant  s'y  prendre,  on  doit  se  servir  contre  eux  de  cet 
Êdit.  Chaque  Compagnie  excelle  dans  cette  besogne,  et  celle 
de  Grenoble  autant  que  les  autres.  Elle  épie  les  termes  sous 
lesquels  les  ministres  sont  désignés.  Un  confrère  tient  du 
P.  Calemard  qu'à  Die  certains  s'intitulent  «  pasteurs  de  la 
religion  réformée  w;  M.  de  Chevrières  promet  d'examiner  les 
textes  et,  s'il  y  a  lieu,  d'atlirer  une  affaire  aux  contreve- 
nants'-. En  1G61,  des  deux  pasteurs  de  Grenoble,  l'un, 
Burlamachi,  est  malade;  l'autre,  d'Yze,  est  en  mission;  l'é- 
glise prie  les  pasteurs  de  Genève  de  lui  venir  en  aide,  et 
ceux-ci  lui  envoient  de  Montheux  \  La  Compagnie  s'émeut 
aussitôt  : 

M.  du  Crois!!  a  dit  avoir  appris  comme  les  huguenots  voulaient 
introduire  de  nouveau  un  troisième  ministre  et  que  même  plusieurs 
catholiques  Tétaient  allés  ouïr,  cç  qui  était  cause  que  les  huguenots 
en  faisaient  grande  fêle,  et  qu'il  espérait  que  M.  l'intendant  aurait 
bientôt  ordre  pour  y  remédier;  cependant  qu'il  jugerait  à  propos 
d'empêcher  le  plus  qu'il  se  pourra  que  les  catholiques  ne  fréquentent 
ce  lieu  dorénavant  :  ce  qui  a  été  trouvé  fort  à  propos*. 

L'année  suivante,  ce  sutTragant  est  remplacé  par  Samuel 
Bernard,  qui  ne  rencontre  pas  moins  de  faveur.  Nouvelle 

1.  Procès-verbaux.  (>  octobre  1()()1. 

•2.  Proccs-verbattx.  (>  février  I6(il. 

3.  Arnaud,  Histoire  des  protestants  du  Dauphiné,  tome  II,  p.  239. 

-i.  Procès-verbaux,  22  septembre  IGGl. 


192  ÉTUDES    HISTORIQUES 

émotion  de  la  Compagnie.  M.  de  Ghevrières  craint  que  «  ce 
jeune  qui  prêche  avec  grande  approbation  »  ne  gagne 
«  quelques  âmes  faibles  );.  M.  de  Gales  est  prié  d'en  parler  à 
la  chambre  de  TÉdit.  Il  y  a  là  un  conseiller  prolestant, 
M.  Tonnaud,  qui  connaît  à  fond  tous  les  articles  accordés 
à  ses  coreligionnaires.  Si  ceux-ci  ont  bien  le  droit  d'avoir  ce 
pasteur,  il  ne  manquera  pas  de  le  soutenir.  Dans  ce  cas,  on 
renoncera  à  discuter  sur  ce  terrain  et  l'on  demandera  Téloi- 
gnement  de  Bernard  en  qualité  d'étranger  ^ 

La  surveillance  inquiète  de  la  Compagnie  s'étendait  sur 
toute  la  province.  Son  intervention  se  marquait  partout.  Tout 
pasteur  qui  prêchait  hors  de  son  église  était  immédiatement 
dénoncé-.  Tout  groupe  de  protestants  isolés  qui  s'avisait  de 
recevoir  un  prédicateur  était  aussitôt  Tobjet  de  poursuites  •'. 
La  Compagnie,  à  l'affût  de  toutes  les  vexations  possibles, 
ne  manquait  jamais  de  savoir  en  quel  village  il  serait  séant  de 
contraindre  les  huguenots  à  abandonner  leurs  cimetières  ^ 
C'est  à  elle  qu'on  a  dû,  dans  le  Dauphiné,  la  réussite  de  ce 
plan  machiavélique,  chef-d'œuvre  de  la  casuistique  adaptée 
à  la  persécution,  qui  s'est  appelé  l'application  de  l'édit  de 
Nantes  à  la  rigueur. 


V 


C'était  un  coup  de  génie,  pour  les  ennemis  de  la  Réforme, 
que  d'avoir  créé  dans  chaque  ville  une  société  toujours  aux 
aguets,  pratiquant  un  espionnage  patient  et  sans  scrupules, 
appelant  immédiatement  la  répression  du  moindre  délit  et 
de  délits  parfois  imaginaires.  Mais  une  chose  est  plus  impor- 
tante que  le  travail  de  chaque  Compagnie  prise  à  part;  c'est 

1.  Procès-verbaux,  22  janvier  1662.  Je  dois  le  nom  de  Samuel  Bernard 
ù  M.  le  pasleur  Arnaud,  qui  a  i>ien  voulu  me  communiquer  ce  détail  de 
la  deuxième  édition  (encore  non  publiée)  de  son  Histoire  des  protestants 
du  Dauphiné.  Qui!  me  permette  de  l'en  remercier  ici,  comme  de  l'obli- 
neance  avec  la(|uelle  il  a  répondu  à  toutes  mes  (|iieslions. 

2.  Procès-verbaux,  18  mai,  l'^el  22juin,  20Jui[let,  3  août  1650. 
:5.  Procès-verbaux,  11  juin  166."). 

'i.  Procès-verbaux ,  23  mai,  6  juin,  2\  novembre  1661. 


ÉTUDES   HISTORIQUES  193 

la  collaboralion  de  toutes  à  l'œuvre  commune.  Il  est  impos- 
sible d'imaginer  une  entente  plus  élroile  et  une  coopération 
mieux  concertée. 

La  Compagnie  de  Paris  avait  commencé,  en  1638,  à  se 
documenter  sur  les  contraventions  des  huguenots  dans  les 
provinces.  En  1654,  le 8 janvier,  elle  nomme  une  commission 
qui  sera  spécialement  chargée  de  dépouiller  les  dossiers 
envoyés  par  les  succursales.  Elle  exhorte  en  même  temps 
celles-ci  à  redoubler  d'activité,  et  elle  revient  sans  cesse 
sur  celte  exhortation.  Le  16  septembre  1655,  les  confrères  de 
Grenoble  reçoivent  une  lettre  par  laquelle  ils  sont  priés  de 
réunira  des  mémoires  des  entreprises  que  font  ceux  de  la  R. 
P.  R  ».  Cette  lettre  est  une  circulaire  adressée  à  toutes  les  so- 
ciétés affiliées.  A  la  finde  l'année,  les  rapports  arrivent  à  Paris 
en  si  grand  nombre  qu'il  faut  confier  à  quelques  délégués  le 
soin  d'en  extraire  l'essentiel  pour  l'assemblée  du  Clergé  *. 
Mais  comme  le  travail  n'effraie  pas  les  chefs  de  la  cabale,  ils 
invitent  leurs  correspondants  à  enrichir  encore  leurs  dénon- 
ciations. Le  26  février  1656,  la  Compagnie  de  Grenoble  est 
sollicitée,  une  fois  de  plus,  de  «  tâcher  à  recueillir  tout  au- 
tant que  l'on  pourra  les  arrêts,  plaintes  et  mémoires  et  in- 
structions qui  regardent  les  entreprises  des  religionnaires  ». 
Elle  reçoit,  pour  la  guider  dans  cette  enquête,  un  question- 
naire sous  trente-et-un  chefs.  Elle  s'en  occupe  dans  toutes 
ses  séances.  Elle  travaille  d'accord  avec  ses  amis  de  la  Pro- 
pagation. Le  «  paquet  »  est  envoyé  en  double  à  Paris,  à  la 
Compagnie  du  Saint-Sacrement  et  à  celle  de  la  Propagation 
de  la  Foi". 

Les  mémoires  de  la  Compagnie  parviennent  bien  à  leur 
adresse.  Jamais  on  n'en  avait  tant  vu  à  l'assemblée  du  Clergé. 
Celle-ci  mit  dans  ses  réclamations  une  âpreté  violente.  La 
cabale  sentit  qu'elle  avait  victoire  à  peu  près  gagnée,  quand, 
par  la  déclaration  du  18  juillet  1656,  la  Cour  ordonna  l'envoi 
de  commissaires  chargés  de  connaître,  dans  toutes  les  pro- 

1.  Annales,  p.   W,  81  b,  8s  è  (B.-F.  77,  I4<j,  157). 

2.  Procès-verbaux,  16  septembre  KlSô, -20  janvier,  10  et  29  février,  ".i  mars. 
(•>  avril  KIÔC).  —  Le  questionnaire  dont  il  est  parle  est  sans  doute  une  pre- 
mière édition  de  celui  que  nous  rencontrerons  tout  à  l'heure. 


194  ÉTUDES    HISTORIQUES 

vinces,  des  infractions  commises  à  l'édit  de  Nantes.  Elle 
s'entendait  à  soulever  des  chicanes  interminables  et  surtout 
à  en  tirer  de  nouvelles  vexations  pour  les  hérétiques.  Mais  le 
départ deces  personnages  fut  retardé  pendant  quelques  années. 
Il  fallait,  à  tout  prix,  qu'une  si  bonne  mesure  fût  exécutée.  On 
commença  par  préparer  la  prochaine  assemblée  du  Clergé  à 
le  réclamer.  La  Compagnie  recourut  au  moyen  qui  lui  avait 
déjà  réussi.  «  Comme  alors,  dans  l'assemblée  du  Clergé,  dit 
d'Argenson,  il  y  avait  des  prélats  pleins  de  bonne  volonté 
pour  détruire  Ihérésie,  ils  demandèrent  à  la  Compagnie  des 
mémoires  pour  mettre  ordre  aux  entreprises  des  huguenots. 
Sur  cette  proposition,  on  nomma  des  commissaires  pour  tra- 
vailler à  l'examen  des  contraventions  par  eux  faites  à  l'édit 
de  Nantes,  et  M.  l'Eschassier,  maître  des  comptes,  homme  de 
solide  vertu  et  de  grand  sens,  fut  chargé  de  faire  une  lettre 
circulaire  pour  l'envoyer  à  toutes  les  Compagnies,  afin  d'avoir 
des  mémoires  assurés  de  toutes  les  contraventions  faites  à 
cet  Édit*.  » 

Cette  lettre  accompagnait  un  questionnaire  à  remplir  :  Chefs 
principaux  des  entreprises  des  religionnaires  qui  se  peuvent 
subdiviser  en  plusieurs  branches  selon  les  circonstances  du  fait 
ou  la  qualité  des  entreprises  ou  contraventions.  A  Grenoble, 
on  en  prit  connaissance  le  22  juillet  1660,  et  Ton  se  mit  immé- 
diatement au  travail.  Mais  la  besogne  était  déjà  faite,  et  fort 
bien,  par  la  «  Propagation  ».  Il  n'y  eut  qu'à  expédier  à  Paris 
les  mémoires  qui  semblaient  avoir  été  préparés  d'avance 
tout  exprès.  Toutes  les  Compagnies  du  royaume  en  faisaient 
autant.  Plus  encore  qu'en  1655,  les  députés  du  Clergé  furent 
munis  de  rapports  de  police  ^ 


1,  Annales,  p.  117  b  (B.-F.  202). 

2.  Procès-verbaux,  22  juillet  iOGO.  Voici  le  texte  du  questionnaire  : 

«  1°  Bâtiments  des  temples  ou  cimetières  depuis  l'Edit  de  Nantes 
autres  qu'aux  lieux  portés  par  icelui  ou  en  vertu  des  lettres  du  roi  véri- 
liées  dans  le  parlement,  ou  sur  les  terres  de  l'Eglise  ou  trop  proche  des 
églises  ou  cimetières  et  dans  les  distances  portées  par  les  arrêts  ou  sur 
terres  des  scii^neurs  catholicjues  sans  leur  permission. 

«  2°  Usurpation  des  biens  de  l'Eglise. 

«  3°  Irrévérences  contre  le  Saint-Sacrement,  cérémonies  de  l'Eglise  et 
ses  ministres. 


ÉTUDES    HISTORIQUES  l'G 

Les  protestants  se  sentaient  terriblement  menacés.  Ceux 
du  Dauphiné,  ayant  appris  que  [intendant  avait  reçu  Tordre 
de  faire  exécuter  tous  les  arrêts  et  déclarations  rendus  contre 

«  '1°  Transgression  des  fêtes  en  plusieurs  j^ortes  de  chels  contre  les 
édils,  arrêts  et  règlements  de  police. 

«  5'  Décharge  de  tendre  devant  leurs  portes  aux  octaves  du  Saint-Sa- 
crement et  de  se  mettre  à  genoux. 

«  6°  Prêches  et  assemblées  dans  la  maison  des  ambassadeurs  d'autres 
que   leur  famille,  seigneurs  de  condition,  gentilshommes  et  particuliers. 

«  7°  Prêche  des  ministres  étrangers. 

«  8»  Exercice  caché  de  la  religion  luthérienne. 

«  9°  Ministres  qui  prêchent  en  deux,  trois  ou  (|uatre  temples  par 
annexes. 

«  10"  Prêches  dans  les  terres  des  seigneurs  autres  que  ceux  de  leur 
résidence  ordinaire. 

«  11°  Dogmatismes,  séductions  et  sollicitations  des  catholiques,  parli- 
culiérement  des  domestiques. 

«  12°  Irrévérences  lorsqu'on  administre  les  sacrements  aux  domestiques 
et  empêchement  pour  les  recevoir. 

«  13°  Admission  dans  ies  charges  au  préjudice  des  édits:  lettres  tic 
provision  par  apostasie  et  contre  les  déclarations  et  articles  de  réduction 
des  villes. 

«  14"  Réception  des  métiers  et  particulièrement  de  celui  de  lingères  à 
cause  de  sa  conséquence  de  l'instruction  des  filles. 

«  15°  Apostasie  pour  les  mariages. 

«  16°  Académies  pour  l'instruction  des  gentilshommes. 

«  17°  Collèges. 

«  18°  Petites  écoles. 

«   19°  Hôpitaux. 

«  20°  Patronage  des    cures  dépendant     des  terres   des  religionnaircs. 

«  21°  Livres  sans  privilèges  et  pour  pervertir  les  catholiques,  scanda- 
leux contre  l'honneur  du  Saint-Sacrement,  du  pape  et  de  l'Eglise  et  dé- 
bités hors  des  lieux  de  l'exercice  de  leur  religion. 

«  22°  Images  des  fameux  hérésiarques  au  titre  de  ministres  de  la  Pa- 
role de  Dieu. 

«  23°  Taxe  des  catholiques  pour  les  appointements  des  ministres  con- 
jointement avec  les  religionnaircs. 

«  2i°  Exemption  des  tailles  et  logements  des  gens  de  guerre  en  faveur 
des  ministres. 

«  25°  Surcharge  des  tailles  des  catholiques  à  la  décharge  des  religion- 
naires. 

«  26°  Entreprises  sur  les  charges  des  villes  et  partages  des  consulats. 

«  27°  Lieutenances  du  roi  et  gouvernement  des  provinces. 

«  28°  lintreprises  des  chambres  mi-partie. 

«  29»  Lettres  de  naluralilé  pour  les  ministres  étrangers. 

«  30°  Corruption  de  bibles  et  altération  de  leur  version  des  psaumes  et 
confession  de  foi. 

«  31°  Députés  généraux.  » 


1%  ÉTUDES    HISTORIQUES 

eux  les  années  précédentes,  envoyèrent  aussitôt  à  la  Cour 
une  dépulation  solennelle  «  afin  d'obtenir  la  révocation  des- 
dites commissions,  arrêtés  et  déclarations  ».  La  dépulation 
était  composée  de  Laurent  de  Périssol,  président  de  la 
chambre  de  l'Édit,  Alexandre  d'Yze,  pasteur  de  Grenoble, 
Pierre  de  la  Tour,  marquis  de  la  Gharce,  et  Antoine  Caritat 
de  Gondorcet*.  Mais  la  Gompagnie  de  Paris  veillait,  et  celle 
de  Grenoble  fut  avertie  sans  retard  : 

M.  le  supérieur  a  fait  voir  des  mémoires  de  MM.  de  la  Compa- 
gnie de  Paris  touchant  les  demandes  que  font  au  roi  ceux  de  la  reli- 
gion et  les  plaintes  qu'ils  forment  contre  les  catholiques.  A  été  résolu 
que  M.  de  Beauchêne  les  examinerait  pour  en  envoyer  des  instruc- 
tions à  M^L  de  la  Compagnie  de  Paris. 

Quelques  jours  plus  tard,  le  coup  était  paré  : 

M.  de  Beauchêne  a  Iules  réponses  qu'il  a  faites  au  dos  des  mémoires 
envoyés  par  MM.  de  Paris.  A  été  résolu  de  les  envoyer  avec  un 
mémoire  donné  par  MM.  de  la  Propagation,  et  M.  de  Sainl-Ferjus  a 
été  chargé  de  faire  la  dépèche'-. 

Les  députés  huguenots  pouvaient  réclamer  à  leur  aise,  ils 
s'adressaient  à  des  gens  qui  recevraient  sous  main  toutes 
les  indications  nécessaires  pour  des  répliques  de  parti  pris. 

Tous  ces  efforts  ne  furent  pas  inutiles.  Le  15  juin  1661, 
Louis  XI\  répondit  favorablement  aux  députés  duGlergé  qui 
le  priaient  d'apprendre  aux  Réformés  «  que  leur  religion  n'était 
que  tolérée  en  France  ».  11  promit  que  la  déclaration  du 
18  juillet  1656  serait  exécutée.  Les  commissaires  se  mirent 
aussitôt  en  marche.  La  Gompagnie  leur  avait  ménagé  partout 
une  cordiale  réception.  Dés  1660,  l'Assemblée  du  Glergé, 
émerveillée  sans  doute  par  l'ordre  et  la  précision  des  papiers 
dénonciateurs,  n'avait  rien  imaginé  de  mieux  que  de  les  imiter. 
Le  6  octobre,  elle  avait  approuvé  un  formulaire  de  questions 
qui  devait  être  distribué  dans  tous  les  diocèses  et  diriger  ceux 
qui  travailleraient  contre  les  religionnaires.  Il  n'y  a  qu'à  le  lire 

1.  Arnaud,  Histoire  des  protestants  du  Djiiphiiié,  t.  Il,  p.  bO. 

2.  Procès-verbaux,  12  et  21  décembre  166(.). 


ÉTUDES    HISTORIQUES  197 

pour  être  frappé  de  son  air  de  famille  avec  celui  que  la  Com- 
pagnie du  Saint-Sacrement  avait  dressé  depuis  longtemps'. 
11  fut  expédié  en  1661  afin  d'ouvrir  les  voies  aux  commissaires. 
La  Compagnie  ne  se  reposait  pas,  d'ailleurs,  sur  le  zèle  des 
évêques,  même  éclairés  par  elle.  Dans  chaque  diocèse,  les 
succursales  du  «  Saint-Sacrement  »  suivaient  de  très  près 
l'œuvre  entreprise.  Où  qu'ils  aillent,  les  commissaires  du 
roi  sont  accueillis  par  des  personnages  serviables  qui  s'em- 
pressent auprès  d'eux,  se  tiennent  à  leur  disposition,  facilitent 
leur  tâche  par  tous  les  moyens,  les  promènent  dans  la  région, 
leur  procurent  des  informations,  des  documents,  des  pièces... 
Ainsi,  à  Grenoble,  le  4  août  1661,  les  confrères  se  disposent 
à  les  aider  : 

Il  a  été  proposé  que,  M.  de  Champigny  étant  en  cette  ville  et  se 
préparant  à  travailler  à  la  commission  que  le  roi  lui  a  dressée  pour 
informer  des  contraventions  aux  édits  de  Nantes,  il  serait  à  propos 
de  lui  donner  tous  les  mémoires  et  instructions  concernant  lesdites 
contraventions,  et  cependant  d'exciter  Mgr  de  Grenoble  pour  charger 
quelqu'un  de  MM.  les  ecclésiastiques,  habile  et  intelligent,  pour 
accompagner  M.  l'intendant  et  faire  les  réquisitions  nécessaires. 

Il  n'y  a  pas  de  temps  à  perdre  et  l'on  n'en  perd  pas  : 

M.  du  Croisil,  M.  Lambert  et  M.  Perrot  ont  parlé  à  M.  l'intendant 
et  lui  ont  remis  des  mémoires  entre  les  mains  pour  ce  qui  regarde 
les  contraventions  à  l'édit  de  Nantes.  M.  l'intendant  les  a  priés  de 
donner  toutes  les  instructions  qu'ils  jugeraient  nécessaires  pour  cela 
et  de  lui  écrire  même  durant  sa  marche,  s'ils  venaient  à  découvrir 
quelque  chose  de  nouveau,  et  surtout  il  leur  a  témoigné  grande  pas- 
sion pour  la  démolition  du  temple  de  cette  ville  2. 

On  sut  nourrir  ces  bons  sentiments.  Les  commissaires  ne 
se  mirent  vraiment  au  travail  qu'en  1664.  La  distribution  des 

l.  Mémoires  pour  examiner  les  infractions  faites  aux  édits  et  déclara- 
tions du  Roy  par  ceux  de  la  Religion  prétendue  réformée,  avec  une  lettre 
circulaire  de  l'assemblée  générale  du  Clergé  à  Messeigneurs  les  prélats  de 
ce  royaume  et  se  terminant  par  une  lettre  de  MM.  les  agents  datée  du 
lô  juin  1661.  —  A  l^aris,  chez  A.  Vilré,  M.DC.LXl.  Cf.  Elle  Benoit.  His- 
toire de  l'Edit  de  Nantes,  Lomé  III,  p.  367  et  s. 

■2.  4  et  11  août  1661. 


198  ÉTUDES    HISTORIQUES 

questionnaires  à  Tusage  des  persécuteurs  avait  recommencé 
par  toute  la  France.  «  On  vit,  dit  Jean  Claude,  des  écrits 
imprimés  à  Paris,  envoyés  par  toutes  les  villes  et  par  toutes 
les  paroisses  du  royaume,  jusqu'aux  plus  petites,  qui  portaient 
ordre  aux  curés,  marguilliers  et  autres,  de  faire  une  exacte 
recherche  de  fout  ce  que  les  prétendus  réformés  pouvaient 
avoir  fait  ou  dit  depuis  vingt  ans,  tant  sur  le  sujet  de  la  Reli- 
gion qu'autrement,  d'en  faire  des  informations  devant  les 
juges  des  lieux  et  de  les  pousser  sans  aucune  rémission*  ». 
Nous  saisissons  le  fait  à  Grenoble;  il  était  le  même  partout. 

M.  le  doyen  a  rapporté  que  Mgr  de  Grenoble  avait  convoqué  chez 
lui  le  jour  auparavant  MM.  du  clergé,  pour  leur  faire  voir  des  mé- 
moires qu'on  lui  a  envoyés  pour  avoir  des  instructions  sur  les  con- 
traventions que  ceux  de  la  R.  P.  R.  ont  faites  en  ce  diocèse  à  l'édit 
de  Nantes.  Il  a  prié  les  particuliers  de  cette  Compagnie,  s'ils  ont 
quelques  instructions  sur  cette  matière,  de  les  lui  donner;  cependant 
la  Compagnie  l'a  exhorté  à  faire  travailler  le  plus  diligemment  qu'il 
pourra  à  la  députation  que  MM.  du  clergé  de  ce  diocèse  doivent 
faire  pour  cela  et  faire  en  quelque  sorte  que  celui  qui  sera  nommé 
soit  vigoureux  et  intelligent  pour  la  poursuite  de  cette  affaire. 

M.  le  supérieur  a  dit  qu'il  a  reçu  de  pareils  mémoires  que  ceux  de 
Mgr  de  Grenoble,  et  a  prié  aussi  MM.  de  celte  Compagnie,  s'ils  ont 
quelque  connaissance  du  temps  auquel  on  commença  à  faire  la  nou- 
velle enceinte  de  cette  ville,  de  celui  auquel  on  a  bàli  dans  ladite 
enceinte,  et  de  celui  auquel  le  nouveau  temple  de  cette  ville  a  été 
construit,  de  lui  en  donner  des  mémoires^. 

Le  9  mars,  la  Compagnie  est  informée  que  l'on  travaille 
assidûment  à  dresser  de  nouveaux  dossiers  contre  les  entre- 


1.  Les  plaintes  des  protestants...  (Edit.  F.  Puaux),  p.  II. 

2.  Proces-verbaitx,  25  février  "1064.  —  La  convenlion  signée  par  Lesdi- 
<;uières  en  1590  avait  assigné  à  l'exercice  du  culte  prolestant  le  fauboui-g 
Trés-Chiti-es,  situé  hors  des  remparts.  Ce  faubourg,  ayant  été  compris 
dans  le  tracé  d'une  nouvelle  enceinte  de  la  ville,  les  catholiques  récla- 
mèrent la  démolition  ou  la  désaffectation  du  temple.  Mais,  malgré  les  dé- 
marches de  l'évèque  qui  voulait  donner  aux  jésuites  cet  édifice  ou  du 
moins  le  terrain  sur  lequel  il  était  construit,  Louis XIII  décida,  le  22  avril 
1627,  que  les  réformés  resteraient  en  possession  de  leur  temple.  Il  s'agis- 
sait, en  1664,  de  reprendre  cette  vieille  réclamalion  et  de  la  faire  aboutir. 
Cf.  le  P.  Pra,  Les  Jésuites  à  Grenoble,  p,  43-45. 


ÉTUDES    HISTORIQUES  19ï) 

prises  des  huguenots.  Elle  avait,  auprès  des  commissaires 
royaux,  un  collaborateur  entreprenant,  le  jésuite  Meynier; 
Comme  naguère  en  Languedoc,  celui-ci  s'était  fait,  en  Dau- 
phiné,  leur  guide  bénévole.  Par  lui,  la  Compagnie  suivait  de 
très  près  la  marche  de  Taffaire.  Son  écrit.  De  l'exécution  de 
rÉdit  de  Nantes  dans  le  Dauphiné\  condense  les  recherches 
et  les  arguments  du  comité  occulte  ;  et  ce  comité  étudie  sévè- 
rement toute  réplique  que  les  persécutés  prétendent  lui 
opposer.  Le  11  juin,  M.  de  Beauchène  sechargea  d'examiner 
«  la  réponse  que  M.  D'Yze  a  faite  à  l'écrit  du  P.  Meynier-  ». 
et,  peu  de  temps  après,  le  P.  Meynier  mit  au  jour  un  second 
libelle  :  De  la  démolition  de  tous  les  temples  ou  lieux  d'assem- 
blée pour  les  exercices  publics,  de  ceux  de  la  R.  P.  R.  qui  ne  sont 
pas  hors  des  villes,  bourgs  et  villages^...  La  moitié  des  temples 
du  Dauphiné  eurent  bientôt  disparu. 

A  la  date  du  15  juin  1G61,  une  période  s'était  ouverte  dans 
l'histoire  des  Réformés  de  France,  celle  de  chicanes  achar- 
nées qui  devaient  aboutir  à  la  révocation  de  l'édit  de  Nantes. 
La  Compagnie  du  Saint-Sacrement,  chorège  invisible  de  la 
tragédie,  ne  s'y  trompa  point  :  «  Et  ce  fut,  écrit  son  historio- 
graphe, le  commencement  de  la  destruction  de  l'hérésie  dans 
le  rovaume*.  » 


VI 


Nous  approchons  de  l'époque  où  la  pieuse  conspiration, 
ayant  d'ailleurs  produit  tous  ses  effets,  devait  être  poursuivie 
et  traquée  parles  autorités  civiles  et  religieuses.  La  Compa- 
gnie du  Saint-Sacrement  devait  succomber  sous  l'attaque  des 
évêques,  jaloux  de  sauvegarder  leur  pouvoirdanslesdiocèses. 


1.  \'aleiK-e,  Kii'i,  in-V,  42  pag-es. 

2.  Il  s'agit  ici  certainement  de  la  brochure  anonyme  :  Les  Contrevérités 
du  P.  Meymier  sur  l'exécution  de  l'Edit  de  Nantes.  M.  Arnaud  (Hist.  des 
protestants  du  Dauphiné,  t.  II,  p.  86)  s'est  demandé  si  elle  n'était  pas  de 
l'avocat  Ghamiei-,  de  Montèlimar.  Nous  voyons  que  les  contVci'es  l'attri- 
buent à  d'Yze. 

3.  (Valence),  in-'i°,  n  pages. 

4.  Annales,  p.   118  (B.-F.  203). 


200  ÉTUDES    HISTORIQUES 

et  du  roi,  préoccupé  d'éviter  une  nouvelle  Fronde...  Restons 
à  Grenoble.  A  chaque  séance,  le  secret  est  recommandé  aux 
confrères.  A  partir  de  1658,  celte  recommandation  est  parti- 
culièrement pressante.  Le  30  septembre  1660,  des  nouvelles 
tout  à  fait  alarmanles  arrivent  de  la  capitale  : 

Nous  avons  reçu  une  lettre  de  nos  amis  de  Paris  par  laquelle  ils 
nous  marquent  qu'on  a  dessein  pour  détruire  notre  Compaj^nie, 
qu'on  fait  ce  qu'on  peut  pour  nous  découvrir.  Ils  nous  prient  d'être 
dorénavant  plus  secrets  que  jamais,  de  cacher  nos  registres,  de  ne 
nous  assembler  que  de  quinzaine  en  quinzaine,  de  changer  le  lieu 
et  les  jours  de  nos  assemblées. 

A  été  résolu  que  les  registres  seraient  remis  à  M.  de  Combes, 
que  nos  assemblées  seraient  de  quinzaine  en  quinzaine,  et  qu'on 
changerait  le  jeudi  au  dimanche,  que  chacun  en  son  particulier  ferait 
des  prières  pour  détourner  cette  persécution,  que  la  Compagnie 
ferait  dire  une  neuvaine  de  messes  à  N.-D.  de  Mians  à  ce  dessein. 
M.  le  supérieur  y  allant  s'est  chargé  de  cela. 

A  Paris,  la  tempête  s'abat  sur  la  cabale  .A  Grenoble,  tout 
est  calme.  Cependant  les  confrères  éprouvent,  de  temps  en 
temps,  d'assez  vives  alarmes.  Certain  jour,  le  24  mars  1661, 
leur  bon  ami,  M.  de  Villiers,  qu'ils  mènent  si  joliment,  raconte 
à  l'un  deux,  M.  de  Combes,  qu'une  assemblée  de  dévols,  qui 
se  tient  chez  M.  de  Saint-Ferjus,  s'oppose  au  renfermement 
des  pauvres.  C'est,  en  effet,  chez  M.  de  Saint-Ferjus  que  la 
Compagnie  se  réunit  souvent.  On  commence  donc,  dans  le 
public,  à  soupçonner  l'existence  de  la  société,  bien  qu'on  se 
trompe  lourdement  sur  sa  besogne  réelle,  l^our  mieux  dé- 
router M.  de  Villiers,  on  s'assemblera  jusqu'à  nouvel  ordre 
chez  son  confident,  M.  de  Combes. 

Quelques  mois  plus  tard,  c'est  un  autre  propos  plus  grave 
qui  est  rapporté  : 

M.  le  doyen  a  dit  comme  M.  le  grand-vicaire  lui  a  assuré  de  savoir 
de  fort  bonne  part  comme  dans  toutes  les  grandes  villes  il  se  fait 
des  Compagnies  de  gens  dévots  qui  veulent  gouverner  là  où  ils  sont 
établis,  et  que  même  il  y  a  des  livres  composés  sur  cela.  Il  croit  que 
cet  avis  ne  doit  pas  être  méprisé,  afin  que,  par  une  prévoyance, 


ÉTUDES    HISTORIQUES  '-Ol 

nous  lâchions  d'éviter  d'être  soupçonnés  de  semblables  assemblées. 
La  Compagnie,  ayant  appris  que  le  livre  a  été  composé  contre  la 
Compagnie  de  Caen,  et  qu'il  est  présentement  entre  les  mains  de 
M.  de  (no7n  illisible),  a  prié  M.  Marnais  de  le  retirer  afin  que  par 
sa  lecture  elle  délibère  ce  qu'elle  aura  à  faire*. 

Quinze  jours  après,  M.  Marnais  expose  ce  qu'il  a  trouvé 
dans  ce  factum,  et  Ton  décide  «  qu'on  n'en  fera  aucun  sem- 
blant )).'La  Compagnie  ne  peut  se  dissimuler  que  les  hosti- 
lités grandissent  autour  d'elle.  Mais  les  libertins,  qui  sentent 
partout  l'action   mystérieuse  et   enveloppante    des   dévols 
ne  savent  à  qui  s'en  prendre.  Ignorant  le  comité  secret  du 
((  Saint-Sacrement  »,  ils  croient  que  tout  pari  de  la  Congré- 
gation de  la  Propagation,  dont  l'existence  est  publiquement 
connue,  qui  est  autorisée  par  lettres  patentes  du  31  mai  1650, 
et  dont  la  plupart  des  confrères  font  partie.  C'est  contre  elle 
qu'on  agit.  L'évêque,  qui  semble  avoir  quelque  rancune  contre 
des  gens  empressés  à  se  mêler  de  tout,  favorise  ces  attaques. 
En  décembre  1662,  il  donne  une  ordonnance  contre  la  société, 
lui  commande  de  se  dissoudre  et  ferme  sa  chapelle.  En  jan- 
vier 1663,  Louis  XIV,  à  son  tour,  la  supprime  par  lettres 
patentes  et  incorpore  ses  biens  à  l'Hôpital  de  Grenoble.  La 
Compagnie  du  Saint-Sacrement  prend  à  sa  charge  les  travaux 
de  la  Propagation,  intervient  à  l'évêché  et  ailleurs,  relarde  au 
Parlement  l'enregistrement  des  lettres  du  roi,  et  se  remue  si 
bien  qu'en  avril  1663,  la  congrégation  interdite  est  reconsti- 
tuée sous  la  présidence  du  prélats  Même  si  la  Compagnie  du 

1.  Procès-verbaux,  \\  décembre  IGGl. 

2.  Procès-verbaux,  15 juin,  16  décomix'e  1002,  11  et  25  lévrier,  20  mars, 
1"  et  15  avril  1003. 

3.  Les  documents  officiels  sur  cette  alTaire  sont  les  suivants  :  Archives 
départementales  de  l'Isère  :  B.  2.925  fol.  31  bis,  Lettres  du  roi  Louis  XIV 
portant  don  en  faveur  des  confrères  de  la  Propagation  de  Grenoble 
d'une  rente  de  1500  livres.  Paris,  31  mai  1650.  —  B.  2.920,  fol.  70  bis, 
Concession  au  synilic  des  ofliciers  de  la  Propagation  de  la  l'^ji  d'un  em- 
placement pour  bâtir,  d'une  maison  et  d'un  jardin  pour  les  nouvelles  con- 
verties. 10  août  1655.  —  B.  2.928,  fol.  580,  Lettres  du  roi  Louis  XIV 
portant  suppression  de  l'assemblée  connue  sous  le  nom  de  Propai^ation 
de  la  Foi,  «  avec  défense  à  toutes  personnes  d'y  assister  ni  d'en  faire  », 
cl  incorporant  les  biens  de  la  Propasalion  à  Thopital  de  Grenoble.  Paris. 

Ll.  —  15 


202  ÉTUDES    HISTOHIQUES 

Saint-Sacrement  était  condamnée  à  disparaître,  l'avenir  de  la 
lutte  anti-protestante  serait  assuré. 

Par  mesure  de  prudence,  le  26  septembre  1662,  on  avait 
divisé  la  Compagnie  en  quatre  sections  de  six  membres  :  cha- 
cune d'elles  était  présidée  par  un  «  officier  »  avec  un  ecclé- 
siastique pourdire  les  prières  ;  elles  se  réunissaient  Tune  après 
l'autre  à  quinze  jours  d'intervalle;  et  ces  quatre  assemblées 
restreintes  étaient  suivies,  après  le  même  temps,  d'une  géné- 
rale ;  après  quoi,  la  série  recommen(;ait.  11  faut  croire  qu'au- 
cune menace  nouvelle  ne  survint  ;  car,  le  27  mai  1663,  le  pré- 
sident de  Ghevrières  proposa  de  reprendre  la  pratique  primi- 
tive. On  résolut  pourtant  d'attendre  pour  cela  jusqu'à  la 
Saint-Martin;  mais  on  réduisit  à  huit  jours  l'intervalle  des 
assemblées.  11  y  avait  donc  une  assemblée  générale  toutes 
les  cinq  semaines.  Le  27  janvier  1664,  on  reprit  l'habitude  des 
réunions  selon  l'ancien  mode,  et  on  la  garda.  On  redoubla  de 
circonspection  : 

11  a  été  proposé  (30  mai  1664)  de  se  précaulionner  de  quelque 
prétexte  pour  nos  assemblées  au  cas  que  nous  fussions  découverts, 
afin  qu'en  ce  cas-là,  nous  fussions  tous  conformes,  et  que  nous  ne 
donnassions  pas  lieu  de  nous  découvrir  en  nous  coupant. 

La  question  revint  le  11  juin  et  ne  fut  pas  résolue  : 

On  a  renvoyé  à  l'assemblée  prochaine  la  proposition  qui  avait  été 
faite  la  précédente,  savoir  est  que  nous  convinssions  ensemble  de 
ce  que  nous  dirions  touchant  nos  assemblées  au  cas  qu'on  s'en 
aperçût,  de  peur  que,  si  nous  n'étions  pas  conformes  en  nos  réponses, 
nous  ne  donnassions  par  là  plus  d'occasion  de  nous  découvrir.  Pour 


janvier  I66ô.  — Nouvelles  leltres  palenlesqui,  loul  en  confirmant  les  précé- 
dentes en  ce  qui  concernait  la  suppression  des  assemblées  de  la  Propa- 
gation, séparent  les  biens  de  cette  dernière  de  ceux  de  l'hôpital,  les 
placent  sous  la  direction  de  l'évèque  pour  être  affectés  par  ses  soins  à 
l'entretien  des  nouveaux  convertis.  Avril  16t)3.  — L'inventaire  des  archives 
de  la  chambre  des  comptes  où  se  trouvent  ces  numéros  a  été  publié  : 
mais  ces  actes  n'y  ont  pas  été  relevés.  Les  mêmes  actes  se  retrouvent 
dans  les  Archives  de  l'évèché  de  Grenoble  où  ils  sont  cotés  580,  581,  582. 
L'inventaire  des  Archives  de  l'évèché  est  manuscrit.  Je  dois  les  éléments 
de  cette  note  à  une  communication  complaisante  de  M.  Prudhomme. 


DOCUMENTS  203 

cela  chacun  est  prié  d'y  penser  en  son  particulier,  et  afin  de  rap- 
porter son  sentiment  digéré  à  la  première  conférence. 

Enfin  le  26  juin,  on  était  d'accord  : 

L'on  a  convenu,  au  cas  qu'on  nous  demande  le  sujet  de  nos 
assemblées,  que  c'était  pour  le  renfermement  des  pauvres  et  qu'on 
voulait  profiter  de  l'occasion  de  la  demeure  de  Mgr  le  duc  de  Lesdi- 
guières  en  cette  ville. 

Et  raclivité  souterraine,  insidieuse,  de  la  coterie  bien  pen- 
sante continua...  Le  registre  de  ses  procès-verbaux  s'arrête 
au  8  avril  1666.  Mais  rien  n'indique  que  la  Compagnie  se  soit 
supprimée  à  celle  date.  A  la  dernière  séance  dont  nous  ayons 
le  récit,  elle  s'occupait  du  séminaire  diocésain  et  décidait  de 
s'en  entretenir  «  à  toutes  les  conférences  ».  Ce  jour-là,  les 
confrères  se  sont  séparés  comme  d'ordinaire,  avec  la  pensée 
de  maintenir  leur  œuvre.  Il  y  a  des  chances  que  le  compte 
rendu  des  réunions  suivantes  soit  dans  un  registre  qui  n'a 
pas  encore  été  retrouvé.  Il  est  impossible  de  dire  à  quel 
moment  précis,  à  (Grenoble  comme  ailleurs,  la  «  cabale  des 

dévols  »  a  pris  fin. 

Raoul  Allier. 


Documents 


STATISTIQUE  PROTESTANTE  ET  CATHOLIQUE  DU  LANGUEDOC 

En   1698      • 

Rien  n'est  plus  rare  que  les  documents  fournissant  sur  le 
nombre  des  protestants  et  aussi  des  catholiques,  à  une 
époque  donnée,  des  renseignements  précis,  voire  officiels. 
Il  est  certain  que  dès  le  xvi''  siècle  la  royauté  s'est  renseignée 
exactement  sur  l'étendue  et  les  progrès  de  l'hérésie  dont 
elle  ne  cessa  presque  jamais  de  poursuivre  l'extermination. 
Mais  ces  renseignements,  sans  doute  confidentiels  comme  le 


20'*  DOCUMENTS 

recensement  qui  iïil  lait  sous  Louis  XIV  lorsque  la  Révoca- 
tion eût  été  à  peu  près  décidée  {Bull.,  1888,  28),  ne  nous 
sont  parvenus  que  très  rarement. 

En  voici  un,  découvert  par  hasard  par  M.  F.  de  Grenier  de 
Latour  dans  le  fonds  d'Hozier,  où  il  faisait  des  recherches 
généalogiques.  Il  est  intéressant  à  divers  titres.  D'abord  il 
complète  et  détaille  une  note  sommaire  que  nous  avions 
inscrite  dans  le  Bulletin  de  i896(p.  661),  d'après  les  Camz^artù 
d'A.  Court  et  précisée  grâce  aux  papiers  Rulhières.  La  note 
d'Antoine  Court  donne  pour  les  diocèses  d'Alais,  Uzés, 
Nimes,  Mende  et  Montpellier  un  total  de  133,579  nouveaux 
convertis  en  1698,  c'est-à-dire  quinze  ans  après  la  Révoca- 
tion. Rulhières  dépasse,  pour  tout  le  Languedoc  et  en  la 
même  année,  le  chiffre  de  179,000,  Le  recensement  qu'on  va 
lire  comprend  ceux  de  trois  intendants  des  généralités  de 
Toulouse,  Montpellier  et  Môntauban.  11  dépasse  le  chiffre 
total  de  186,000.  Je  laisse  à  d'autres  le  soin  d'expliquer  ou 
de  rechercher  l'origine  des  différences  qu'il  y  a  entre  ces 
trois  chiffres. 

11  y  aurait  aussi  beaucoup  à  dire  sur  certains  de  ces 
chiffres;  en  les  examinant,  on  se  demande  si  les  intendants 
ne  cherchaient  pas  à  affaiblir  le  nombre  des  nouveaux  con- 
vertis ou  plutôt  s'ils  n'en  firent  pas  faire  le  dénombrement 
par  les  prêtres  trop  intéressés  dans  cette  question  pour  la 
traiter  avec  une  exactitude  rigoureuse.  Ainsi  il  paraîtra  sur- 
prenant que  le  seul  diocèse  de  Môntauban  ne  renfermât 
alors  que  1,240  nouveaux  convertis  et  qu'il  n'y  en  eût  pas  un 
seul  dans  ceux  de  Comminge,  d'Alet,  de  Garcassonne  et  de 
Narbonne. 

Quoi  qu'il  en  soit,  nous  avons  ici  un  témoignage  officiel,  et 
en  quelque  sorte  mathématique,  de  la  persistance  de  la 
mentalité  huguenote  quinze  ans  après  que  le  grand  roi  crut 
l'avoir  extirpée,  dans  une  région  où  il  était  servi  par  des 
intendants  d'un  zèle  vraiment  peu  ordinaire. 

N.  Weiss. 


DO(:UMENT.«; 


205 


Estât  des  anciens  et  nouveaux  convertis  en  Languedoc,  fait  et  compté 
en  1698  par  les  trois  Intendants  des  généralités  de  Toulouse, 
Montpellier  et  Montauban  '. 


GENTILSHOMMES 

AUTRES   HABITANTS 

1 

PAH    CHEFS 

OE    FAMILLE. 

PAR  ' 

FETES. 

.4  nciens 

Nouveaux 

A nciens 

Nouveaux 

Diocèses.             ce. 

itholiques. 

catholiques. 

catholiques. 

catholiques. 

Toulouse 

703 

» 

134.140 

497 

Alby.. 

214 

18 

84.187 

1.008 

Montauban 

62 

)) 

34.396 

1.240 

Lavaur 

126 
142 

79 
79 

44.462 
.55.460 

5.320 

Castres 

12.557 

Saint-Papoul 

95 

» 

23.910 

» 

Mirepoi\ 

76 

» 

56.791 

1.065 

Rieux 

117 
9 

o 

26.948 
711 

4.165 

Comminge 

» 

Alet 

124 

;) 

33.178 

» 

Carcassonne 

113 

» 

56.691 

.) 

Narbonne. 

160 

1 

55.592 

i) 

Saint-Pons 

91 
52 

» 
9 

30.4'i8 
26.203 

\  .024 

Lodève 

336 

Béziers ... 

197 

» 

63.087 

2.505 

Aerde 

101 
395 

29 

30.531 
59.624 

1.514 

Montpellier 

14.629 

Nisnies 

212 
117 
226 

59 
96 
44 

40.720 
30.390 
78.502 

39.661 

41.766 

Uzez 

23.112 

Vivarals     contenant 

Vienne  et  Valence. 

339 

25 

8.336 

33.229 

Le  Puy 

.   213 

i 

8:3. 127 

974 

Mende 

162 

14 

128.302 

974 

1.  13il)li()lhéque  natioiialo,  Fr.  32.292,  loi.  229.  Ce  volume  sur  le  dos 
duquel  on  lit  le  litre  de  Nobiliaire  du  Languedoc,  porte  un  ex  libris  ornvé 
de  Charles  d'IIozier.  La  disposition  des  chiffres  est  différente  dans  l'ori- 
ginal, où  le  chiffre  des  nouveaux  convertis  se  trouve  placé,  pour  chaque 
diocèse,  non  comme  ici,  à  côté,  mais  sous  celui  des  anciens  catholi(jues. 
l-:ile  a  été  modiliée  ainsi  \w\ir  plus  de  clarté.  {Réd.) 


Mélanges 


L'INSTRUCTION  ET  L'ÉDUCATION  CHEZ  LES  PROTESTANTS  D'AUTREFOIS  * 

LES    ÉLÈVES 

La  première  place  devrait  appartenir  à  ce  qui  concerne 
leur  logement  et  leur  nourriture.  Nul  n'ignore,  en  effet,  s'il 
est  quelque  peu  au  courant  de  nos  anciens  usages,  que  chez 
les  Réformés  il  n'y  a  pas  d'internats.  Les  élèves  sont  pen- 
sionnaires du  principal,  des  régents,  des  professeurs,  des 
habitants  de  la  ville.  Ils  font  partie  de  la  famille  dans  laquelle 
ils  se  trouvent.  Ils  ne  sont  pas  plus  casernes  qu'enrégi- 
mentés, et  il  n'y  a  pas  plus  d'uniformes  pseudo-militaires 
que  d'internats.  Ce  régime  n'est  peut-être  pas  sans  quelques 
inconvénients,  mais  les  avantages  en  sont  infiniment  plus 
nombreux.  Je  me  borne  à  l'affirmer, parce  que  le  discuter 
m'entraînerait  dans  une  de  ces  digressions  que  je  fais  effort 
pour  éviter. 

Je  devrais  donc  parler  du  logement  et  de  la  nourriture, 
et  le  ferais  certainement  à  cette  place,  si  l'occasion  ne  devait 
se  présenter  plus  tard,  en  parlant  des  étudiants,  d'entrer 
dans  de  longs  détails  à  cet  égard. 

Ce  que  je  veux  faire,  pour  l'instant,  c'est  présenter  au 
lecteur  un  bon  élève,  le  jeune  Bouhereau,  fils  d'Elie  Bouhe- 
reau,  le  Rochellois  bien  connu.  Il  est  à  Saumur,  en  première 
(rhétorique),  et  il  nous  reste  quelques  lettres  de  lui  à  ses 
parents.  M.  N.  Weiss,  Térudit  secrétaii'e  de  la  Société  de 
l'Histoire  du  Protestantisme  Français,  a  bien  voulu  les 
mettre  à  ma  disposition.  Elles  ont  été  écrites  entre  le  8  mai 
et  le  31  août  1684. 

Je  remarque,  en  passant,  que  les  parents  ont  désiré  que 
leur  fils   leur  écrivît  tous  les   huit  jours.   Paul   Ferry   n'en 

i.  Tome  IV,  intitulé  Education  et  Instruction.  Nous  reproduisons  ici  le 
chapitre  XII  de  ce  volume,  le  dernier  de  l'intéressante  série  sur  les  Pro- 
testants d'autrefois,  qui  parait  en  ce  moment  même.  {Réd.) 


MÉLANGIiS  207 

demande  pas  tant  à  l'un  de  ses  fils,  qui  part  pour  la  Hollande  : 
il  devra  écrire  une  lettre  par  quinzaine*.  Je  remarque  encore 
que  les  lettres  de  Bouhereau,  pourtant  très  affectueuses,  sont 
pleines  d'expressions  de  respect.  Il  voussoie  ses  parents  et 
signe  :  votre  très  humble  et  très  obéissant  fils.  Quant  aux 
lettres  qu'il  reçoit  lui-même,  généralement  de  sa  mère,  mais 
fort  souvent  accompagnées  d'un  billet  de  son  père,  il  les 
conserve  avec  le  plus  grand  soin. 

Lorsqu'il  arrive  à  Saumur,  les  règlements  ne  sont  plus 
bien  scrupuleusement  observés.  L'heure  de  la  révocation  va 
sonner;  le  découragement  et  le  désarroi  ont  commencé. 
Ainsi,  il  constate  que,  dans  sa  classe  et  sauf  au  premier 
banc,  les  élèves  ne  sont  pas  placés  par  ordre  de  mérite.  Il 
s'assied  donc  où  il  peut.  Bientôt,  il  est  vrai,  les  thèmes  de 
place  {adsedes)  vont  lui  donaer  un  rang  meilleur  et,  pendant 
un  temps,  le  premier. 

Sa  grande  crainte,  c'est  de  ne  pouvoir  profiter  autant  à 
Saumur  qu'il  l'aurait  fait  sous  la  direction  de  son  père. 
Aussi  lui  demande-t-il  de  constantes  explications  de  textes. 
11  en  sollicite  encore  d'amis  de  son  père,  à  Saumur  même, 
Messieurs  les  professeurs  de  Hautecour  et  Gappel.  Tous 
s'empressent  de  les  lui  donner.  Il  ne  s'en  tient  pas  là.  Dès 
qu'il  a  quelques  loisirs  (malheureusement  trop  rares,  à 
cause  des  longs  thèmes  et  versions  qu'on  leur  fait  faire  et 
recopier,  sans  les  corriger  toujours),  il  lit,  «  en  son  particu- 
lier »,  riliade  pour  le  grec,  Ovide,  pour  le  latin  et,  pour  le 
français,  les  traductions  d'Arrien,  par  Perrot  d'Ablancourt, 
et  de  Quinte-Gurce,  par  Vaugelas,  les  Commentaires  de 
M.  de  Méziriac  sur  Ovide,  et  un  ouvrage,  qu'il  intitule  l'Art 
déparier,  dont  je  ne  connais  pas  l'auteur.  Il  lira  bien  aussi 
quelque  petit  roman;  toutefois  il  préfère  de  beaucoup  les 
livres  d'histoire,  et  même  la  «  Gazette  ».  —  Ge  n'est  pas  tout  : 
outre  les  leçons  et  les  répétitions  ordinaires  de  sa  classe; 
outre  celles  de  son  régent,  chez  lequel  il  loge,  et  dont  il 
reçoit,  par  surcroît,  deux  leçons  de  géographie  par  semaine 
et  des  leçons  de   musique,    il  trouve  encore  le  temps  de 

1.  n.  W  V.,  :5  avril  Ifi'il. 


208  MÉLANGES 

repasser,  «  en  son  particulier  »,  toutes  les  leçons  du  collège. 
En  cela,  il  se  distingue  avantageusement  d'un  autre  rhélo- 
ricien  de  Saumur,  mais  quarante  ans  plus  tôt,  le  jeune  Louis 
Ferry,   dont    la  correspondance   nous   a  été  partiellement 
conservée.  Non  que  le  jeune  Ferry  soit  un  mauvais  garçon. 
Il  n'y  a  pas  chez  lui,  écrit  un  correspondant  de  son  père,  de 
«  malice  noire  »,  mais  seulement  «  quelques  promptitudes, 
qui  sont  des  bouillons  de  jeunesse*  ».  —  MM.  Cappel  et 
d'Huisseau  sont,  il  est  vrai,  moins   indulgents,  et  tout  en 
constatant  qu'il  n'est  ni  débauché,  ni  vicieux,  ils  le  trouvent 
brouillon,  prompt,  colère,  inconsidéré  en  paroles,  incons- 
tant, léger  et  nonchalant,  c'est-à-dire  paresseux.  Le  fait  est 
que  son  thème  de  promotion  a  été  si  déplorablement  faible, 
que  jamais  il  n'eut  été  promu  en  philosophie,  si  l'on  n'avait 
voulu  déférer  au  désir  de  son  père  ^  Il  y  est  donc  entré. 
Malheureusement,  écrit  Druet,  son  nouveau   professeur,  il 
ne  met  pas  davantage  son  «  atTection  à  l'étude  ».  II  manque 
d'attention,  se   lasse  vite  de  fréquenter  régulièrement  les 
leçons  et  les  répétitions  et,  bien  loin  de  travailler  «  en  son 
particulier  »,   il   s'occupe  à  des  vétilles  et,    notamment,  à 
arranger  son  cabinet  de  travail  en  cent  nouvelles  façons ^.. 
Il  y  a  donc  un  vrai  contraste  entre  lui  et  le  jeune  Bouhereau. 
Pourtant,  ce  jeune  homme  si  peu  zélé  et  qui  donne  si  peu  de 
satisfaction  à  son  père;  qui  est  toujours  à  court  d'argent  et  a 
contracté  des  dettes;  qui  menace,  chose  grave   alors,   de 
devenir  soldat,  préférant,  comme  il  le  dit  —  mais  ce  n'est 
pas  sérieux  —  «  mourir  honorablement  parmi  les  armes,  que 
vivre  comme   un   faquin   parmi  les   hommes*  »;  ce  jeune 
homme,  dis-je,  finit  par  bien  tourner  et  devenir  un  honorable 
avocat  de  Sedan. 

Le  jeune  Bouhereau  n'est  pas  seulement  un  élève 
studieux;  il  est  aussi  un  élève  pieux.  Le  mercredi  et  le 
samedi  après-midi,  où  il  a  plus  de    loisirs,   il    va  «   dans 


i.  Mouchard  à  P.  F.,  7  noveniljie  et  31  décembre  4(i43. 
2:  Cappel  à  P.  F-,  'i  novembre  1642  et  14  février  1643.  D'Ikiisscau  à  P.  F., 
20  mars  et  31  octobre  1643. 

3.  Druet,  à  P.  F.,  13  févr.  1643. 

4.  t^.  F.  à  sa  sœur,  Mme  Couet  du  Vivier,  25  juill.  1(142. 


MÉLANGES  209 

quelque  prairie  »,  lire  des  livres  de  piété  avec  un  élève  de  sa 
classe.  Lui-même  se  procure  V Abrégé  des  controverses  de 
Ch.  Drelincourt.  —  A  la  fin  de  mai,  il  tombe  malade,  mais 
«  quoique  faible  »,  il  est  heureux  de  pouvoir  aller  à  la  com- 
munion. Aussi,  lorsque  ses  camarades  et  lui  sont  examinés 
pour  le  prix  de  piété,  c'est  à  lui  qu'on  le  décerne.  Du  reste, 
le  cas  de  ces  deux  jeunes  gens  n'est  pas  particulièrement 
isolé,  et  la  piété  occupe  dans  les  cœurs  des  élèves  une  place 
très  réelle.  Une  preuve  curieuse  en  est  fournie  par  l'insis- 
tance que  met  le  Conseil  académique  (j'y  reviens  dans  le 
prochain  chapitre)  à  ne  pas  se  dessaisir  du  droit  de  distri- 
buer aux  élèves  les  méraux  *  nécessaires  pour  pouvoir  com- 
munier. Il  estime  qu'il  se  priverait  par  là  d'un  moyen 
précieux  d'influence. 

Est-ce  à  dire  que  nos  jeunes  collégiens  sont  tous  de  petits 
saints,  et  ne  font  ni  gamineries,  ni  sottises?  Assurément, 
non.  En  voici  quelques  preuves,  prises  au  hasard  dans  les 
registres  académiques. 

A  Die,  par  exemple,  ceux  de  première  trouvent  ingénieux 
de  rompre  les  bancs  et  les  fenêtres  au  moment  des  promo- 
tions, ou  parce  qu'ils  estiment  insuffisants  les  congés  qu'on 
leur  donne'.  —  Le  vendredi  14  mai  1621,  ceux  de  première, 
encore,  ont  déserté  le  collège  depuis  le  lundi.  Ils  sont  allés 
à  la  chasse,  au  jeu,  à  la  «  desbauche  »  ^.  Ils  ont  voulu  pro- 
lester, assurent-ils,  contre  la  punition  trop  sévère  infligée  à 
un  de  leurs  camarades,  fouetté  pour  avoir  assisté  à  «  quel- 
ques balets  »  et  avoir  depuis  sauté  par  dessus  les  murailles 
de  l'Académie.  Ils  sont  si  nombreux,  qu'on  ne  peut  leur  donner 
à  tous  le  fouet.  Mais  tous  reçoivent  les  plus  «  grièves  cen- 
sures »,  et  doivent  demander  pardon  à  genoux  dans  la  salle. 
—  Ce  qu'il  y  a  d'original,  c'est  que  leur  régent.  Basson,  a  pris 

1.  On  désigne  sous  le  nom  de  méreau  une  sorte  de  médaille,  en  plomb 
généralement,  donnée  aux  fidèles,  pour  prouver  qu'ils  avaient  le  droit  de 
communier.  Ils  le  remettaient  à  un  memi^re  du  consistoire,  au  moment 
même  de  la  communion.  Cf.  Prot.  d'autrefois,  I,  p.  128  ss.  (2°  éd.). 

2.  D.  19  décembre  1615  et  :{0  décem!)re  1666. 

'.i.  Le  vrai  sens  de  ce  mot  sera  indiqué  ailleurs,  .le  me  borne  à  rappeler 
ici  qu'il  est  entendu  alors,  comme  on  l'entend  aujourd'hui,  lorsqu'on  l'op- 
pose à  embaucher. 


210  MÉLANGES 

fait  et  cause  pour  eux.  Le  jour  du  châtiment  de  Técolier,  il  a 
donné  comme  sujet  d'amplification  :  «  Il  fallait  prendre  le 
parti  de  ceux  qui  s'étaient  sauvés  et  avoir  pardon  pour  eux.  » 
Bien  plus,  ses  élèves  lui  ont  offert  un  lièvre,  tué  par  eux 
alors  qu'ils  auraient  dû  être  en  classe,  et  Basson,  loin  de  le 
refuser,  a  déclaré  «  que  s'ils  luy  en  vouloient  donner  un 
autre,  il  le  prendroit  aussy  ».  Comment  s'étonner  dès  lors 
de  la  rébellion  des  cinq  premières  classes,  le  lundi  31  mai 
suivant?  Comment  s'étonner  que  si  ceux  de  cinquième,  de 
quatrième  et  de  troisième  rentrèrent  dès  le  mardi,  ceux  de 
deuxième  et  de  première  n'étaient  pas  encore  rentrés  le 
0  juin?  Comment  s'étonner  enfin  que  Basson  ait  été  sévère- 
ment critiqué?  Le  fait  est  qu'il  croit  devoir  présenter  au 
Conseil  une  apologie  de  sa  conduite.  Mais  cette  apologie  est 
déchirée  séance  tenante,  comme  «  libelle  diffamatoire  »,  et 
lui-même  est  «  comminé  de  déposition  ». 

A  Die,  encore,  il  y  a  des  disputes,  des  batailles,  des 
duels*,  même,  entre  classiques,  ou  entre  classiques  et 
publics,  ou  entre  les  uns  et  les  autres  et  les  jeunes  gens  de 
la  ville.  Ces  derniers,  il  est  vrai,  en  sont  souvent  cause.  Ils 
ont  fondé  en  ville,  sous  le  nom  de  «  Société  »,  une  associa- 
tion qui  vexe  et  moleste  les  écoliers,  particulièrement  ceux 
qui  viennent  du  dehors  et  de  l'étranger.  Ils  exigent  d'eux 
((  d'argent  ou  repas  pour  s'enrooller  en  lad.  Société,  avec 
menaces  et  violences,  qui  en  ont  occasionné  plusieurs  de 
quitter  la  ville,  et  ont  porté  d'autres  à  des  extrémités,  les  at- 
taquant de  nuit  et  de  jour  ».  Et,  d'autre  part,  ceux  qui  s'en- 
rôlent sont  amenés  à  faire  des  «  despences  immenses  et 
desbauches  excessives"  ».  Le  Conseil  semonce  les  écolierS;, 
semonce  leurs  hôtes,  qui  laissent  commettre  ces  excès^  si 
même  ils  ne  les  encouragent  pas;  semonce  les  marchands, 
qui  vendent  à  crédit  et,  ne  pouvant  semoncer  utilement  les 
jeunes  gens  de  la  ville,  porte  plainte  contre  eux  à  la  Chambre 
de  l'Édit. 

Les  élèves  de  Saumur  ressemblent  fort  à  ceux  de  Die,  et 
il  suffit  de  feuilleter  les  registres  pour  relever  des  plaintes 

1.  Par  exemple,  1"  sepleinbie  I65(). 

2.  D.  septembre  1649. 


MÉLANGES  21 1 

analogues.  11  est  des  écoliers  qui  manquent  les  classes,  ou 
s'y  conduisent  avec  une  «  licence  merveilleuse  ».  D'autres 
sortent  armés,  se  battent,  ont  des  duels  ou  courent  la  nuit. 
D'autres  se  tiennent  mal  au  temple  et  se  mettent,  pour 
échapper  à  une  légitime  surveillance,  aux  places  qui  ne  leur 
sont  point  assignées.  Il  en  est  qui  vont  à  la  comédie,  ou 
même  en  jouent  de  non  autorisées  dans  les  maisons  parti- 
culières. Ils  font  des  mômeries,  des  mascarades,  notamment 
à  l'époque  du  carnaval,  et  vont  jusque-là,  que  de  donner 
desbals,  comme  le  sieur  de  Saint-Fulgent,  élèvededeuxième, 
qui  en  donne  un  dans  une  maison  de  Saumur,  en  prétendant 
que  c'était  «  par  commandement  et  injonction»  de  sa  mère*. 
Beaucoup,  enfin,  font  des  dépenses  excessives  chez  eux,  et 
dans  les  tavernes,  ne  craignent  pas  de  jouer  à  des  jeux 
défendus  et  laissent  à  désirer,  en  un  mot,  aussi  bien  sous  le 
rapport  de  la  conduite  que  sous  celui  des  études.  Ce  qui 
arrive  à  Die,  à  Saumur,  arrive  plus  ou  moins,  j'ose  l'affirmer 
sans  en  avoir  de  preuves  formelles,  dans  tous  les  autres  col- 
lèges, surtout  dans  ceux  qui  font  partie  d'une  Académie. 
Je  sais  qu'à  Orthez,  les  mêmes  précautions  sont  prises 
contre  les  sorties  tardives,  les  «  batteries  »,  les  mascarades 
et  autres  «  escandalles  et  insollences^  »  ;  qu'à  Sedan,  les 
élèves  du  collège  en  viennent  trop  volontiers  aux  mains  avec 
les  gamins  de  la  ville,  font  des  «  insollences  »  dans  les  rues, 
y  courant  «  les  chappeaux  et  les  robbes  renversées  »  ;  qu'ils 
désertent  le  temple,  ou  y  font  du  bruit,  «  entrant,  durant  et 
au  sortir  du  presche''  »...  Tout  cela,  je  l'avoue,  ne  me  sur- 
prend guère.  Je  ne  serais  pas  davantage  surpris  qu'il  en  fût 
de  même  aujourd'hui,  au  moins  relativement.  Je  reste  con- 
vaincu que  nos  jeunes  collégiens  ressembleraient  fort  à  leurs 
prédécesseurs  des  temps  passés,  s'ils  jouissaient  d'autant 
de  liberté.  Car  enfin  ces  jeunes  gens  d'autrefois  vivaient  en 
ville  et,  suivant  la  maison  où  ils  logeaient,  jouissaient  d'une 
liberté  plus  ou  moins  complète;  aussi  complète,  parfois,  que 
la  peur  qu^avaient  leurs  hôtes   de  perdre  cette   précieuse 

1.  s.  10  février  1656. 

2.  O.,  p.  37. 

3.  Rég.  du  Consist.,  9  juin  el  2C.  juin  ir>7s.  2r>  août  160.'..  :'.t   niar.s  1622. 


212  MÉLANGES 

source  de  revenus.  Que  ce  système  ne  lût  pas  sans  inconvé- 
nients, je  le  reconnais  d'autant  plus  volontiers  que  j'en  signale 
quelques-uns.  Mais  combien  préférable  pourtant  à  nos  inter- 
nats, personne,  je  le  crois,  ne  le  contestera,  s'il  sait  réfléchir. 

A  ces  divers  manquements  correspondent  diverses  puni- 
lions.  Le  nombre  en  est  restreint.  Autant  que  j'ai  pu  le 
savoir,  ce  que  nous  appelons  le  pensum  est  peu  pratiqué. 
Nulle  part  je  n'ai  trouvé  de  mention  des  cent,  deux  cents, 
cinq  cents  lignes,  si  généreusement  octroyées  dans  mon  jeune 
âge.  C'est  une  bonne  note  pour  nos  anciens,  car  peu  de 
punitions  sont  aussi  absurdes.  Tout  au  plus,  autrefois, 
a-t-on  quelque  leçon  à  copier,  quelque  devoir  à  refaire. 

Voici  les  punitions  appliquées  :  le  bonnet  d'âne,  d'abord, 
et  je  pense  que  celui  qui  en  est  couronné  doit  se  mettre  à 
genoux  dans  quelque  coin  de  la  classe.  Cela  s'est  fait  encore 
bien  plus  tard'.  —  Puis  vient  la  férule-;  puis  la  réprimande 
publique  et  enfin  le  fouet,  soit  en  classe,  soit  dans  la  salle. 
La  férule  parait  avoir  été  donnée  par  le  régent  et  pour  de 
légers  manquements.  —  La  réprimande,  la  «  censure  », 
comme  on  dit,  variait  suivant  la  gravité  des  cas.  La  plus 
«  griève  »  est  infligée  dans  la  salle,  devant  tout  le  collège, 
après  que  le  délinquant  a  demandé  pardon  à  genoux.  Le 
fouet,  enfin,  est  administré  de  deux  manières  :  simplement 
ou  solennellement.  Simplement,  c'est  en  classe,  pour  paresse, 
pour  impertinence,  pour  absence  injustifiée,  pour  avoir 
parlé  français  ou  surtout,  dans  le  midi,  patois,  même  en 
récréation,  pour  avoir  joué  à  des  jeux  défendus,  etc.  Le 
régent  peut  appeler  le  portier  pour  l'infliger.  —  Solennel- 
lement, c'est-à-dire  dans  la  salle  devant  tout  le  collège,  et 
parfois  de  la  main  même  du  principaP,  s'il  s'agit  de  fautes 

4.  ().,  p.  46. 

2.  D.  28  janvier  H>\9.  Voici  l'art.  1"  du  règlemcnl  promulgué  à  ceUe 
date  :  Le  gallicisme  et  le  langage  maternel  sont  entièrement  bannis  du 
collège...  La  i)unilion  sera  aux  délinquants,  pour  la  premièi'e  t'ois  la 
lei'ule,  et  s'ils  «  l'aillent  »  à  plusieurs  reprises,  le  fouet. 

'A.  Dans  la  Réponse  à  un  libelle,  intitulé  Lettre  de  Joseph  Arbussy, 
Montauban,  1658,  on  accuse  Arbussy,  alors  principal,  d'exercer  en 
«  lion  »,  celte  partie  de  sa  tâche,  et  de  «  fouetter  jusqu'au  sang  les 
enfants  de  ceux  qui  lui  étaient  contraires  ».  V.  p.  15,  Ribl.  mun.  de 
Montauban,  n.  :i640. 


MÉLANGES  213 

plus  graves,  telles  qu'insolences  vis-à-vis  du  régent  ou  du 
principal,  rébellion,  opiniâtreté  (car,  au  contraire,  la  repen- 
tance  entraîne  le  pardon),  mensonge,  blasphèmes,  jurements 
et  autres  «  impiétés  »,  telles  que  persistante  mauvaise  tenue 
au  temple.  Le  coupable  met  alors  les  «  chausses  bas  ».  En 
voici  un  cas.  Le  15  juillet  1666,  le  conseil  académique  de  Die 
est  informé  qu'un  élève  de  première,  nommé  Imbert,  a  été 
lâchement  battu  par  plusieurs  autres,  et  qu'un  classique, 
nommé  S.  Auban,  a  été  l'instigateur  de  toute  l'affaire.  S. 
Auban  est  condamné  à  recevoir  le  fouet  et  «  à  mettre  les 
chausses  bas  en  sale  ».  C'est  fort  bien  fait. 

Avant  de  quitter  nos  collégiens,  peut-être  ne  sera-t-il  pas 
sans  intérêt  d'assister  à  l'une  de  leurs  récréations.  Deux 
choses  nous  y  frapperont  tout  d'abord.  Ce  ne  sera  pas  que, 
malgré  les  règlements,  ils  se  précipitent  hors  des  classes, 
en  se  bousculant  et  en  criant.  C'est  si  naturel  !  Non,  mais 
leur  costume  et  leur  langage.  Il  est  curieux  de  voir  la  trans- 
formation qui  s'est  opérée  du  xvi"  au  xvu*  siècle.  Mathurin 
Cordier  nous  décrit,  dans  un  de  ses  colloques,  le  costume 
d'un  collégien  de  son  temps,  auquel  il  fait  raconter  sa 
journée. 

Estant  éveillé,  je  me  suis  levé  du  licl,  j'ai  vestu  mon  saye  avec 
mon  pourpoint,  je  me  suis  assis  sur  une  selle  (chaise),  j'ay  pris 
mon  haut  de  chausses  et  mes  bas,  j'ay  chaussé  les  unes  et  les 
autres,  j'ay  chaussé  mes  souliers,  j'ay  attaché  mon  haut  de  chausses 
à  mon  pourpoint  avec  des  esguilleltes,  j'ay  lié  mon  bas  avec  des 
jartières  au-dessus  de  la  jambe,  je  me  suis  ceint  de  ma  ceinture, 
je  me  suis  diligemment  peigné,  j'ay  agencé  mon  bonnet  sur  ma 
teste,  j'ai  veslu  ma  robe;  et  puis  étant  sorti  de  la  chambre,  je  suis 
descendu  en  bas,  j'ay  fait  de  l'eau  en  la  court  contre  une  muraille, 
j'ay  pris  de  l'eau  d'une  seille,  j'ay  lavé  mes  mains  et  mon  visage, 
j'ay  reinsé  la  bouche  et  les  dents,  j'ay  essuyé  mes  mains  et  mon 
visage  à  une  serviette...*  » 

La  description  est  complète,  on  le  voit,  et  elle  s'applique 
sûrement,  à  unoudeux  détails  près,  aux  collégicnsd'Orthez  et 

I.  Coll.,  |).  2-2(l. 


214  MÉLANGES 

de  Sedan*,  pour  ne  parler  que  de  ceux  que  je  connais.  Dans 
la  cour  donc,  les  élèves  portent  la  robe  et  le  bonnet,  et  ils 
ont  ce  qui  nous  semblerait,  mais  ne  leur  semble  point  à  eux, 
une  sorte  de  costume  ecclésiastique.  Je  ne  crois  pas  que  ce 
costume  ait  été  porté  à  Saumur,  ni  même  à  Die.  Tout  au 
moins,  n'ai-je  su  en  trouver  aucune  preuve.  Là,  les  élèves 
portent  le  justaucorps  et  l'habit;  ils  ont  de  longs  bas  «  à 
estriers  »  de  toile  ou  à  raies  de  couleur,  soit  dans  la  lon- 
gueur, soit  dans  la  largeur.  Le  bonnet  a  fait  place  au  cha- 
peau avec  des  rubans.  En  un  mot,  si  toute  une  série  de  vête- 
ments de  dessous  sont  restés  les  mêmes,  l'apparence  est 
toute  autre,  et  nos  collégiens  sont  vêtus  comme  tout  le 
monde.  Seul,  le  manteau  d'autrefois  est  resté,  mais  les  élèves 
le  gardent  pour  sortir,  comme  ils  gardent  la  robe  de  chambre 
et  les  pantoufles  pour  la  chambre-.  —  Non  seulement  Tap- 
parence  extérieure  n'est  plus  la  même,  mais  les  élèves  sont 
plus  propres,  mieux  peignés.  L'antique  crasse  scolastique 
commence  à  se  perdre  décidément  dans  la  nuit  des  temps. 
On  veut  plus  de  tenue,  plus  d'ordre,  plus  de  soin,  et  la 
maison  du  régent  Tetel,  de  Die,  est  particulièrement  recom- 
mandée parce  que  Mme  Tetel  veille  de  près  au  bon  entre- 
tien des  pensionnaires  de  son  mari^  Certes,  il  reste  bien  des 
progrès  à  réaliser  dans  ce  sens,  ainsi  qu'il  me  serait  facile 
d'en  donner  les  preuves;  mais  il  y  a  une  incontestable  et 
heureuse  transformation,  qu'il  valait  la  peine  de  noter. 

Nous  sommes  encore  frappés  du  langage  de  nos  collé- 
giens. Sauf  ceux  de  la  septième,  tous,  à  Orthez,  parlent  latin. 
Il  est  cependant  permis  à  ceux  de  première  et  de  seconde 
de  parler  grec*.  A  Die,  ne  sont  tenus  de  parler  latin  que  les 

1.  O.  33,  59,  60,  Reg.  de  Sedan,  25  aoùl  1605. 

2.  A.  N.,  453,  6.  Frais  de  pension,  d'études,  d'habits  des  jeunes  de 
Serres  du  Pradel  et  de  Miribel,  protestants  enlevés  en  1079  et  mis  dans 
une  institution  de  prêtres  «  en  Avignon  ».  —  Corresp.  Paul  Ferry  et  de 
ses  fils,  passim.  —  Lettres  de  Bouhereau.  —  M.  Cordier,  Colloques, 
p.  'i95.  —  fiM//.,lS87,  646.  Lettres  de  Judith  Le  Cercler,  épousede  xM.Misson, 
pasteur  à  Sainte-Mère-Kglise,  au  sujet  du  jeune  de  Beringhen,  leur 
pensionnaire. 

3.  Rouph,  de  Lyon,  à  1'.  F.,  10  décembre  1641.  Cl".  Tetel  à  1'.  F., 
25  décembre  1641. 

/*.  O.,  p.  47. 


MÉLANGES  215 

élèves  des  quatre  premières  classes.  Mais  il  est  interdit  à 
tous,  sous  peine  du  fouet,  de  parler  patois.  Quant  au  fran- 
çais, on  n'est  fouetté  que  si  Ton  est  surpris  le  parlant  après 
deux  ou  trois  remontrances  successives ^  Et  ce  qui  se  fait  à 
Die  se  fait  également  plus  ou  moins  partout. 

Nous  avons  quelque  peine  à  nous  figurer  aujourd'hui  nos 
jeunes  collégiens  d'autrefois,  jouant  à  la  paume  ou  au  cheval 
fondu  en  parlant  latin.  Le  fait  n'en  est  pas  moins  positif,  et 
Mathurin  Cordier  a  pris  la  peine  de  nommer  ou  de  décrire  en 
bon  latin,  avec  des  notes  et  des  explications  philologiques,  un 
certain  nombre  de  jeux,  afin  de  corriger  les  collégiens  de  son 
temps  de  l'horrible  latin  qu'ils  y  employaient  ^  Il  nous  a  même 
rendu  un  vrai  service,  parce  que  nous  savons  ainsi  à  quels 
jeux  cette  jeunesse  employait  ses  récréations. 

Je  vais  donc  les  énumérer  d'après  lui,  en  y  ajoutant 
quelques  autres,  non  pas  d'après  la  liste  partiellement  fan- 
taisiste de  Rabelais,  mais  d'après  l'un  des  ouvrages  si  capti- 
vants de  M.  Alfred  Franklin^. 

Voici  d'abord  le  jeu  de  paume*,  avec  la  main  ou  avec  la 
raquette.  Il  y  a  la  longue  paume  et  la  courte  paume,  et  tel  jeu 
de  paume  est  si  proche  parent  de  notre  tennis  d'aujourd'hui, 
qu'il  a  tout  l'air  d'être  le  même.  Cordier  lui  consacre  presque 
un  chapitre  et  je  lui  emprunterai  quelques  détails,  pour  faire 
le  lecteur  juge  de  la  parenté  dont  je  parle'.  Il  y  a  parfois  une 
corde  au  lieu  de  filet,  mais  le  filet,  qui  est  un  progrès,  parce 
qu'il  supprime  un  sujet  de  vives  discussions,  est  de  plus  en 
plus  adopté.  Antérieurement,  on  ne  sait  pas  toujours  si  la 
balle  a  passé  au-dessus  ou  au-dessous  de  la  corde.  On  discute 
donc,  on  crie,  on  se  fâche,  et  on  va  jusqu'à  se  battre  à  coups 
de  raquette  et  de  poings,  comme  cela  arriva  une  fois  à 
Saumur,  entre  Malet,  logicien,  et  M.  Cotton,  gentilhomme 

1.  D.  28  janvier  1G19,  lo  janvier  1(V22,  Vi  janvier  l(i<;0. 

2.  De  coryiipti  sermonis  emendatione,  éd.  Paris,  1580,  j).  227  ss. 

3.  Rabelais,  1,  ch.  wii:  A.  l'ranklin,  VEnfant,  Paris,  I89fi,  p.  230  ss. 

■'i.  Le  lecteur  trouvera  des  détails,  dans  lesquels  je  ne  saurais  entrer  ici, 
dans  l'ouvrage  suivant  :  Ed.  Fournier,  le  Jeu  de  Paume,  son  histoire  et 
sa  description,  suivie  d'un  Traité  de  la  courte  paume  et  de  la  longue 
paume,  etc.  Paris,  Didier,  I8t>2. 

.").  De  corrupt.  sermon,  cmendatione.  éd.   l.">.so,  p.  xm;  ss. 


21()  MÉLANGES 

anglais'.  —  Il  l'aul  avoir  dit  :  jouez  !  sans  cela,  le  coup  ne  vaut 
rien.  —  La  paume  lancée  ne  tombe-t-elle  pas  où  il  faut,  ou 
bien  n'est-elle  pas  renvoyée  après  un  premier  bond,  ou  à  la 
volée,  ou  avec  un  «  bon  revers  »  ?  c'est  quinze  pour  l'adver- 
saire. On  compte  15,  30,  45.  Cela  se  compte  en  latin,  et  nos 
collégiens  trouvant  que  qiiadraginta  quinque  —  45  —  est  trop 
long,  disent  simplement  quadra.  Serait-ce  l'origine  lointaine 
de  notre  40,  au  lieu  de  45? —  Vient  ensuite  «  l'avantage  »  ; 
puis  on  a  le  ï  jeu  y^.  Et  enfin,  car  ces  détails  suffisent,  si 
chaque  camp  a  un  jeu,  on  dit  :  nous  somnies  «jeu  à  jeu  »,  ou 
je  pense,  jeu  à... 

Gordier  mentionne  encore  les  jeux  de  la  boule,  de  la  grand' 
boule,  de  la  mouche  (qui  parait  être  notre  palet,  et  du  reste 
le  jeu  de  palet  existe),  des  barres,  du  «  chevau  fondu  »,  de 
la  savate,  du  pot  cassé,  du  disque  —  une  variété  du  palet,  — 
des  claquettes  (castagnettes),  des  clefs  (auquel  jouaient  volon- 
tiers, paraît-il,  Calvin  et  Th.  de  Bèze),  des  quilles,  de  la 
crosse,  des  jetons,  des  jonchets  (si  aimé,  même  des  grandes 
personnes),  des  osselets,  de  pair  ou  impair,  de  croix  ou  pile, 
des  dames  —  un  des  plus  vieux  jeux  du  monde,  —  des  échecs, 
de  la  pelote,  de  la  fossette,  des  épingles,  des  esguillettes,  des 
noix  (on  lançait,  je  crois,  les  noix  l'une  contre  l'autre,  et  celle 
qui  poussait  victorieusement  l'autre  avait  gagné),  de  la 
toupie,  avec  ou  sans  fouet,  et  du  sabot. 

A  celle  liste  déjà  longue,  je  puis  ajouter  quelques  jeux 
d'après  M.  Alfred  Franklin-  et  d'après  d'anciennes  gravures. 
Les  enfants  jouent  aux  soldats,  au  cerceau,  au  colin-maillard 
—  auquel  Gustave-Adolphe  joue  si  volontiers  avec  ses  colo- 
nels; —  à  cache-cache,  au  cerf-volant,  aux  échasses,  au 
saute-mouton,  à  sautera  la  corde,  à  l'herbe-droite,  à  la  main- 
chaude^  et  à  quelques  autres  encore. 

On  le  voit,  ce  sont  là  d'anciennes  connaissances,  d'an- 
ciens amis  plutôt,  de  notre  jeunesse  et  il  est  impossible,  là 
comme  en  mille  autres  cas,  de  ne  pas  être  frappé  de  l'an- 
cienneté et  de  la  persistance  de  certains  usages,  de  cer- 
taines habitudes,  de  certains  jeux...  11  semble  qu'il  y  ait  des 

1.  s.  12  juillet  l(ir,(;. 

2.  l-"r.nnklin,  op.  cit..  p.  284. 


CHRONIQUE    LITTÉRAIlîE  217 

domaines,  dans  lesquels  le  temps  n'exerce  aucune  action. 

Tout  cela,  ce  sont  des  jeux  permis.  Mais  il  y  a  aussi  des 
jeux  défendus  et  pour  lesquels,  suivant  l'expression  de  Cor- 
dier,  on  reçoit  «  sur  le  dos  »,  c'est-à-dire  on  est  fouetté*. 

D'une  manière  générale,  si  l'on  s'en  rapporte  aux  Lois  Col- 
légiales d'Orthez^  tous  les  jeux  qui  ne  favorisent  pas  l'exer- 
cice corporel  sont  interdits,  ainsi  que  ceux  où  l'on  joue  pour 
de  l'argent,  ou  tout  autre  gain.  Le  bon  Mathurin  Cordier 
permet  cependant  ceux  où  l'on  gagne  des  noix,  des  épingles, 
des  «  esguillettes  ».  Par  contre,  il  défend,  lui  aussi,  ceux  de 
cartes  et  de  dés.  On  interdit  encore,  sous  peine  du  fouet, 
toute  espèce  de  commerce  quelconque.  On  ne  doit  donc  pas 
vendre  ou  aliéner  les  livres,  les  sacs,  les  ceintures,  ni  quoi 
que  ce  soit.  C'est  une  «  loi  scholastique  »,  qu'on  ne  saurait 
enfreindre,  sans  encourir  un  châtiments  Sont  encore  défen- 
dues, en  récréation,  et  aussi  dans  la  rue,  les  clameurs  et  les 
disputes.  Et  enfin,  comme  diëeni\es  Lois  Collégiales  d'Orihez, 
on  n'épargne  pas  non  plus  «  ceux  qui  jouent  ou  s'amusent 
dans  les  cabinets,  ou  y  restent  plus  longtemps  que  de  rai- 
son* ».  Inutile  d'ajouter  que  toutes  ces  règles  sont  les  mêmes 

dans  tous  nos  collèges. 

P.   DE   Félice. 


CHRONIQ.UE  LITTERAIRE 


Le  Temple  fortifié  d'Estréelles-en-Boulonnais'.  — Confiscations  exer- 
cées par  le  duc  de  Lorraine  sur  les  défenseurs  de  Jametz(  1589- 1590)*^. 
—  Ecole  protestante  à  Grenoble  (1.562-1564). 

Estréeiles  est  un  village  du  Boulonnais  (canton  d'Étaples,  Pas-de- 
('alais)  aux  portes  de  Montreuil-sur-Mer.  C'est  là  que  se  trouve  le 

1.  Ibid.,  p.  232. 
2.  O.,  p.  62. 
:i.  Cordier,  Coll.,  p.  'lôT. 

't.  ().,  p.  65. 

5.  Dissertation  historique  et  archéologique,  par  Alph.  Lofobvre,  niomhre  de 
la  Commission  des  monuments  historiques,  officier  d'Académie.  Arras,  im- 
primerie moderne,  place  du  Wetz-d'Amain,  7,  in-8',  io  pa^jes,  1  planche,  1901. 

6.  Par  C.  Chévelle,  19 1).  in.  s".  Bar-le-Duc,  impr.  Conlant-Laguerre,  19()2. 

LI.  —  16 


218  cuuo.NiyuE  litteuaike 

monument  décrit  par  M.  A.  Lefebvre  dans  une  brochure  accompa- 
gnée d'une  excellente  photogravure  qui  permet  de  compléter  et  au 
besoin  de  rectifier  les  conclusions  de  l'auteur. 

Cet  édifice,  suivant  une  tradition  locale  à  laquelle  l'auteur  se  rat- 
tache tout  en  la  discutant,  serait  un  «  Temple  fortifié  »  bâti  spécia- 
lement en  1567  par  les  Réformés  de  la  région,  et  notamment  par  la 
famille  de  Louvigny.  Voici  du  reste,  d'après  l'article  Estréelles  du 
Dictionnaire  archéologique  et  historique  du  Pas-de-Calais,  par  le 
baron  de  Calonne  (Arras,  1875)  la  substance  de  celte  tradition: 

«  Au  mois  d'octobre  1567,1a  protection  de  Mori'///î>r5, gouverneur 
du  Boulonnais,  engagea  Louvigny  à  construire  un  temple.  Ce  temple, 
situé  aux  portes  de  Montreull,  annonçait  des  dispositions  hostiles;  il 
s'élevait  sur  une  hauteur  dominant  l'église;  une  muraille  épaisse  et 
de  larges  fossés  le  mettaient  à  l'abri  d'un  coup  de  main,  et  Ton  peut 
encore  voir  sur  les  murs  de  ce  bâtiment,  actuellement  à  usage  de 
grange,  la  trace  des  balles  que  la  garnison  de  Montreuil  lançait  con- 
tinuellement aux  huguenots;  ceux-ci  attaquaient  les  paysans  catho- 
liques qui  entraient  à  l'Église,  et  les  malheureux,  ayant  vu  tomber 
plusieurs  de  leurs  amis,  n'osaient  plus  y  paraître,  encore  moins 
osaient-ils  riposter  à  ces  attaques  dirigées  par  Louvigny  lui-même. 

«  On  raconte  que  le  premier  gardien  du  couvent  des  Capucins  de 
Montreuil,  homme  zélé,  se  rendait  souvent  à  Estréelles,  et  se  plai- 
sait à  prêcher  la  Controverse  aux  protestants;  mais  loin  de  les  con- 
vertir, ses  discours  les  irritaient  au  dernier  des  points  ;  et  ils  l'auraient 
massacré,  si  le  comte  de  Lannoy  n'avait  eu  la  précaution  de  le  faire 
toujours  accompagner  à  distance  par  quelques  gardes  bien  armés. 

«  Un  dimanche  d'août  1572,  quelques  jours  avant  la  Saint-Bar- 
thélémy, les  huguenots  d'Estréelles  avaient  maltraité  Janet  Bouque- 
depois,  bourgeois  de  Montreuil,  qui  s'en  plaignit  amèrement  à 
réchevinage  et  au  gouverneur;  lors  donc  que  le  bruit  du  massacre 
des  religionnaires  se  répandit  dans  le  pays,  Bouquedepois  ameuta  la 
populace  et  la  conduisit,  le  27  août,  à  l'assaut  du  temple  d'Estréelles. 
Les  Montreuillois,  soutenus  par  les  paysans,  se  battirent  avec  achar- 
nement; ils  mirent  le  feu  à  la  charpente  du  toit  et  obligèrent  ceux 
qui  y  étaient  réfugiés  à  capituler;  plusieurs  périrent  dans  la  mêlée, 
et  les  vaincus,  ramenés  triomphalement  à  Montreuil  furent  mis  en 
sûreté  sous  les  verrous  de  la  citadelle...  » 

C'est  évidemment,  faire  trop  d'honneur  à  des  textes  de  ce  genre  * 

1.  Les  auteurs  du  Dictionnaire...  du  Pas-de-Calais  paraissent  avoir 
emprunté  tout  ou  pailie  de  celle  lé^^eiuie  à  une  chronifiue  du  pays,  mais 
sans  aucun  tliscernemenl  crilicpie. 


^iei^- 


220  OHHONIOUE    LU  TEKAlUt; 

que  de  les  discuter  sérieusemenl,  comme  M.  Lefebvre  en  prend  la 
peine.  Les  protestants  du  Boulonnais  ^furent  si  peu  en  état  de 
prendre  l'attitude  agressive  qui  leur  est  gratuitement  attribuée  par 
la  «  tradition  »  recueillie  par  M.  de  Galonné,  que  leur  pasteur,  Jean 
Auber,  dut  mener  une  vie  errante  et  payer  de  sa  vie  son  dévoue- 
ment aux  devoirs  du  ministère  évangélique.  M.  Lefebvre  donne 
quelques  détails  intéressants  sur  ce  pasteur,  dont  le  nom  manque 
aux  deux  éditions  de  la  France  Protestante,  mais  il  a  le  tort  de  citer 
de  seconde  main,  ou  plutôt  de  ne  pias  citer  du  tout  'la  source  à 
laquelle  il  emprunte  ses  renseignements,  c'est-à-dire  VHistoire  des 
Martyrs  de  Jean  Crespin.  C'est  à  VAddition,  ou  supplément,  des 
éditions  de  1608 et  1619  (t.  III,  p.  881  de  la  réimpression  de  Toulouse 
1889)  que  nous  renvoyons  le  lecteur  désireux  de  connaître  la  vie, 
l'œuvre  et  le  martyre  de  ce  fidèle  ministre.  La  mort  violente  du  pas- 
teur Auber,  assassiné  le  dimanche  5  mai  1585,  comme  il  était  en 
chemin  pour  célébrer  le  culte  à  VVierre,  jeta  le  désarroi  dans  le  petit 
troupeau  des  protestants  du  Boulonnais,  et  «  plusieurs  qui  aupara- 
«  vant  sembloyent  bien  résolus,  se  voyans  destituez  d'instruction, 
«  et  n'ayans  personne  qui  les  accourageast  à  fidélité  et  constance 
«  contre  telles  épreuves,  se  replongèrent  es  ordures  de  la  papauté, 
«  et  y  sont  demeurez  et  morts,  quelque  opportunité,  qu'ils  ayent  eu 
«  depuis  de  se  relever  et  réparer  leurs  fautes...  » 

Les  sieurs  de  Louvigny  et  d'Estréelles*  figurent  dans  le  récit  de 
Crespin  parmi  ceux  qui  faisaient  parfois  escorte  au  pasteur  Auber, 
et  aussi,  il  faut  l'ajouter,  au  nombre  des  gentilshommes  qui,  le  matin 
du  jour  où  on  l'assassinait,  ayant  eu  «  advis  d'une  grande  et  résolue 
«  délibération  à  mal,  si  que,  au  lieu,  de  pousser  outre,  ils  se  retour- 
ce  nèrent  en  leur  logis  se  contentant  d'envoyer  un  homme  audit  sieur 
«  Auber,  qui  ne  le  peut  pas  trouver.  » 

Des  gens  aussi  timorés,  qui  ne  peuvent  pratiquer  leur  culte  qu'à 
la  dérobée,  et  en  s'exposant  à  être  arquebuses  au  coin  d'un  bois,  ne 

1.  M.  LeIVbvre  rendrait  service  à  noire  hisloiie  en  ctablissanL  une  généa 
logie  claire  cl  complète  de  cette  famille  de  Louvigny  qui  parait  devoir 
être  distinguée  de  celle  du  même  nom  mentionnée  dans  la  France  protes- 
tante {{"  édil.,  tome  7.).  C'est  vers  \oM  que  le  lief  d'Eslréciles  fut  apporté 
à  l'un  de  ses  mcmlires  i)ar  mariage.  Fi'ancois  de  Louvigny  «  parait  être 
iinsligaleur  du  temple  d'i^stréelles.  »  Son  (ils,  Claude,  avait  épousé  Jeanne 
tjaillard  de  Longjumeau.  d'où  quatre  (ils  et  une  lille.  L"ainé,  Daniel,  est 
marié  en  1(30»  à  Mai'ic  de  Monsurcs.  La  famille  «  continue  à  figurer  dans 
une  liste  des  protestants  boulonnais  existants  de  1677  à  I68â  (E.  Deseille 
ISH.")).  D'autres  ne  la  relaient  pas  (J.  Vaillant,  Boulogne,  iHsr.)  et  c'est  à 
ces  deinieis  (juil  l'aul  donner  raison.  »  M.  Lefebvre  pen.se  (|ue  les  Louvigny 
d'Esliéellcs  redevinrent  catholiques  avant  la  lîévocation. 


CHRONIQUE    LITTÉKAIKE  221 

paraissent  guère  en  situation  de  s'imposer  à  leur  entourage  par  la 
construction  d'un  «  temple  fortifié  ».  Tout  au  plus  peut-on  supposer 
qu'en  ces  temps  agités,  le  petit  château-fort  d'Estréelles  servit 
quelquefois  d'abri  aux  huguenots  pourchassés  par  leurs  ennemis. 
M.  Lefebvre  ne  s'arrête  qu'un  instant  à  celte  hypothèse,  qui  pourtant 
est  la  seule  admissible  lorsqu'on  jette  un  coup  d'œil  sur  la  gravure 
qui  sert  de  frontispice  à  son  article. 

A  première  vue,  cette  construction  que  les  gens  du  pays  (p.  11) 
appellent  encore  Le  Fort  nous  parait  être  antérieure  au  xvi«  siècle. 
Un  petit  détail  qui  semble  avoir  échappé  à  l'auteur  indiquerait  à  lui 
seul  l'impossibilité  d'en  attribuer  la  construction  à  des  huguenots  : 
c'est  la  niche  ogivale  qui  surmonte  la  porte  d'entrée  et  qui  était 
visiblement  destinée  à  abriter  l'image  de  quelque  saint  patron.  Un 
autre  détail  d'architecture  mal  compris  expose  l'auteur  à  une  bizarre 
méprise  :  «  Tout  en  haut  et  dans  l'axe,  une  croix  ménagée  dans  les 
«  interstices  des  pierres  est  comme  dissimulée  au  pied  de  l'encorbel- 
«  lement  :  cette  croix  devait  être  à  volonté  lumineuse  le  soir  et 
«  servir  de  signe  de  ralliement  pour  les  religionnaires  se  rendant 
«  au  temple.  »  On  sait  assez  que  les  réformés  excluaient  soigneuse- 
ment à  cette  époque  le  signe  de  la  croix  comme  une  idolâtrie.  Il 
s'agit  d'une  simple  meurtrière.  Un  excellent  juge,  M.  Enlart,  qui  a 
visité  le  bâtiment  en  question,  remarque  «  que  le  «  Temple  »  d'Es- 
«  tréelles  n'est  pas  proprement  un  temple,  mais  un  petit  château-fort, 
«  analogue  à  celui  de  Dompierre-sur-Anthie,  qui  a  le  même  plan, 
«  et  antérieur.  Le.  bâtiment  avait  un  étage  supérieur,  plusieurs 
a  salles,  un  grand  escalier,  une  cave,  des  cheminées,  des  la- 
trines, etc..  » 

On  peut  regretter  que  l'hypothèse  de  M.  A.  Lefebvre  soit  si  diffi- 
cile à  admettre,  et  que  nous  ne  tenions  pas  encore  le  temple-type 
des  huguenots  du  xvi"  siècle.  On  n'est  pas  encore  près  de  le  trouver. 
Les  réformés  se  réunissaient  où  ils  pouvaient  ;  dans  des  salles  de 
château  ou  de  ferme,  dans  des  granges,  assez  souvent  dans  des 
églises  ou  dans  des  chapelles  castrales  désaffectées.  Dans  ce  dernier 
cas  seulement,  si  nous  ne  faisons  erreur,  on  désignait  le  lieu  d'as- 
semblée sous  le  nom  de  Temple.,  qui  servait,  au  xvi'=  siècle,  à  quali- 
fier les  édifices  religieux  même  catholiques.  Le  nom  général  et  cou- 
rant, surtout  dans  le  langage  des  adversaires,  était  Le  Prêche.  Ajou- 
tons qu'une  autre  cause  d'erreur  vient  quelquefois  du  grand  nombre 
de  lieux-dits  qui  portent  encore  le  nom  de  Moulin  du  Temple, 
ferme  du  Temple,  rue  du  Temple,  etc.,  etc.  Il  s'agit  de  maisons  ou 
de  localités  ayant  appartenu  aux  Templiers  ou,  plus  récemment,  à 


222  CHRONIQUE    LITTÉRAIRE 

l'Ordre  de  Malle.  Vérification  faite,  ce  n'est  pas  le  cas  pour  le 
«  Temple  d'Eslréelles  »  mais  la  confusion  n'est  pas  rare,  et  il  serait 
bon  de  la  signaler  de  temps  en  temps  aux  chercheurs  pour  les 
détourner  de  fausses  pistes. 

Le  siège  de  Jamelz,  qui  dura  vingt  mois  est  un  des  incidents  les 
plus  émouvants  des  guerres  de  la  Ligue,  et  le  nom  des  vaillants 
huguenots  qui  défendirent  cette  place,  l'ingénieur  Jean  Errard,  el 
Robert  de  Schelandre  mériteraient  d'être  moins  oubliés.  Les  histo- 
riens lorrains  avaient  toujours  affirmé  que  la  capitulation  (14  juillet 
158U)  fut  très  honorable  et  très  avantageuse  pour  les  vaincus. 

Aux  termes  de  celte  capitulation,  écrit  M.  Chévelle,  la  garnison 
devait  sortir,  «  vies  et  bagues  sauves  »,  «  les  capitaines  et  soldats... 
l'épée  et  le  poignard  à  la  ceinture  »  le  reste  des  armes,  insignes  et 
tambours  devait  être  conduit  ultérieurement,  et  à  leurs  frais,  jusqu'à 
Sedan.  «  Tous  ceux  qui  ont  des  biens  en  cette  ville  de  Jametz  et 
dépendances  ou  aux  pays  de  l'obéissance  de  son  Altesse  (le  duc  de 
Lorraine)  en  jouiront  tant  et  si  longuement  qu'ils  voudront  vivre 
catholiquement,  et  en  cas  qu'ils  ne  voulussent  abjurer  leur  religion, 
leur  sera  donné  terme  d'un  an  pour  vendre  leurs  biens  et  en  faire 
profit  ». 

En  réalité,  cette  clause  déguisait  à  peine  la  confiscation  des  im- 
meubles des  défenseurs  de  Jamelz  retirés  pour  la  plupart  à  Sedan. 
Le  duc  de  Lorraine  n'attendit  pas  l'expiration  du  délai  stipulé,  pour 
disposer  des  propriétés  abandonnées  par  eux,  soit  à  Jamelz,  soit 
sur  d'autres  points  du  territoire  lorrain.  M.  Chévelle  a  trouvé  à  ce 
sujet  en  parcourant  les  registres  des  Lettres  Patentes  du  trésor  des 
Chartes  de  Lorraine  plusieurs  actes  qui  ne  laissent  aucun  doule  à 
cet  égard.  Le  duc  de  Lorraine,  dont  le  trésor  avait  été  mis  à  sec 
par  cette  longue  campagne,  usa  du  droit  de  la  guerre  sans  aucune 
indulgence  pour  ceux  qui  lui  avaient  résisté  si  longtemps.  En  parti- 
culier, les  sujets  lorrains  qui  avaient  eu  l'audace  de  servir  sous  la 
cornette  blanche  des  huguenots  pouvaient  s'attendre  aux  dernières 
sévérités.  Leurs  biens  servirent  à  récompenser  les  services  des  offi- 
ciers lorrains  et  à  rembourser  les  dettes  contractées  pour  la  guerre 
par  Son  Altesse.  La  famille  de  Schelandre  fut  dépouillée  au  profit 
d'Affrican  d'Haussonville,  qui  avait  commandé  en  chef  l'armée  assié- 
geante, et  qui  possédait  déjà  dans  ces  parages  la  baronnie  d'Ornes. 
Par  une  amère  ironie  des  choses,  M.  d'Haussonville  avait  été,  vingt- 
cinq  ans  auparavant,  un  des  champions  du  protestantisme  dans  la 
région.  N'étant  pas  ami  des  causes  vaincues,  il  s'était  rallié,  en 
temps  opportun,  au  parti  le  plus  fort. 


CORRESPONDANCE  223 

l.es  principaux  noms  protestants  cités  par  M.  C^iiévclie  dans  sa  bro- 
chure très  utile  et  documentée,  sont,  outre  ceux  des  différents  memi)res 
de  la  famille  ic'  Schelandre,  ceux  de  Gérard  de  Biissy,  Rock,  chi- 
rurgien, de  Wandreher,  Delchef,  Richier,  Gœury  et  Guillaume  de  Vil- 
lette,  Antoine  Cornaille,  Marc-Antoine  Gallien,  Jean  de  Cuvry,  Fran- 
çois de  Barisy,  Ant.  de  Chaumont-Quitry ,  Claude  des  Salles,  s'  de 
Gohécourl,  \.onis  d'Estivaux,  s'  de  Foncetde  Villers,  Simon  Collot, 
ministre  et  G.  Remy,  son  gendre,  Thirion  Massin,  Jean  de  Mont, 
s'  de  Démange  aux  Eaux  et  Claude  de  Prouvcnchères,  sa  femme,  etc. 

M.  A.  Prudhomme,  archiviste  de  l'Isère,  publie  dans  le  Bulletin  de 
V Académie delphinale  (t.  XIV,  Grenoble  1901),  une  étude  approfondie 
et  documentée  sur  l'Enseignement  secondaire  à  Grenoble  (1340-iGOG). 
Nous  y  remarquons  le  passage  suivant  sur  la  période  de  la  Réforme  : 

«  ...En  1562,  un  recteur  nommé  Claude  Parent  fut  destitué  pour 
être  allé  assister  aux  prêches  de  Farel,  dans  le  faubourg  Très- 
Cloître.  Il  est  vrai  que,  l'année  suivante,  Grenoble  ayant  passé  au 
parti  protestant,  Parent  était  supplié  de  rester,  et  qu'un  maître  de 
musique  venait  tous  les  jours,  pendant  une  heure,  apprendre  aux 
enfants  à  chanter  les  psaumes  de  Marot.  En  1.564,  après  l'édit  de 
paix,  l'école  était  rouverte  sous  la  direction  d'un  recteur  et  de  deux 
bacheliers,  l'un  catholique,  l'autre  huguenot,  auxquels  il  était 
expressément  défendu  de  traiter  des  questions  religieuses  devant 
leurs  élèves. 

Cette  neutralité  n'était  vraisemblablement  pas  très  observée, 
puisqu'en  1.566,  les  réformés  demandèrent  un  maître  spécial  pour 
leurs  enfants.  En  tous  cas  elle  était  complètement  oubliée  en  1575...  » 

H.  Dannreuther. 


CORRESPONDANCE 


D'où  sont  leM  ciavei  ?  —  En  réponse  à  celte  question  posée  ou 
plutôt  résolue  dans  le  Bulletin  du  15  mars  dernier,  p.  166,  voici 
trois  extraits  de  baptêmes  copiés  sur  l'un  des  registres  des  Protes- 
tants de  Castres  qui  prouvent,  pièces  en  main,  que  le  nom  de  Clavel 
n'appartient  pas  seulement  au  Dauphiné. 

Celui  qui,  dans  la  France  Protestante,  a  traduit  Ulensis  par  natif 
d'Oulès,  Tarn,  connaissait  plusieurs  familles  de  ce  nom  dans  ce 


224  CORRESPONDANCE 

département.  11  a  posé  tout  de  même  un  point  d'interrogation  après 
cette  traduction,  se  gardant  bien  d'affirmer  que  le  nom  de  Clavei 
((  appartenait  en  propre  »  au  Castrais. 

Mais  voici  les  preuves  auxquelles  nous  nous  bornons  : 

r  Le  dimanche  25°  septembre  1622,  au  temple  de  Villegoudou, 
presche  du  soir,  par  Monsieur  Savois,  pasteur  de  ceste  Eglise,  a 
esté  baptisée  Rose,  fille  de  Jean  Glavel  et  de  Marie  Grasset,  mariés, 
présentée  au  baptême  par  M'"  Josias  de  Fréjevile,  médecin,  et  damoi- 
selle  Rose  d'Auriol,  femme  de  M*""  Pierre  Boyer,  confrolleur  du 
domaine  du  Roy  au  Comté  de  Castres. 

2°  Le  premier  du  mois  de  Janvier  162(),  par  Monsieur  Savois,  a 
esté  baptisé  Gédéon,  fils  de  Jean  Clavei  et  de  Marie  Grasset,  mariés, 
présenté  par  le  sieur  Gédéon  de  Marcoux  et  par  Catherine  d'Auge- 
court. 

3°  Le  onziesme  jour  d'avril  1633,  par  Monsieur  Delom,  a  esté 
baptisé  Mathieu  Clavei,  fils  de  Jean  Clavei  et  de  Marie  Grasset,  pré- 
senté par  Mathieu  Roc  et  Suzanne  N.,  veuve  de  Jean  Delpon. 

[Greffe  du  palais  de  justice  de  Castres,  Tarn). 

Ch.  Pradel. 


L'Église  réformée  française  de  Xuricb,  fondée  en  1685,  après  des 
essais  qui  remontent  à  1645,  ne  possédait  pas  de  lieu  de  culte  lui 
appartenant  ou  construit  pour  elle  et  ne  formait  même  pas  une 
Église  proprement  dite,  puisqu'elle  dépendait  directement  du  Con- 
sistoire de  l'Église  réformée  zuricoise.  Grâce  au  ministère  de  vingt- 
sept  ans  de  M.  A.  Jaccard  qui  écrivit  l'histoire  du  troupeau  issu  de 
la  Révocation,  un  premier  pas  dans  le  sens  de  l'autonomie  fut  fait 
par  l'organisation,  en  1895,  d'une  «  Association  du  culte  évangé- 
liquede  langue  française  ».  Cette  association  appela  comme  pasteur 
de  M.  Etienne  Secretan  et  recueillit,  en  vue  de  la  construction  d'un 
temple,  la  somme  de  270,000  francs.  Ce  temple,  élevé  par  M.  l'ar- 
chitecte Recordon  contre  le  cimetière  de  la  Hohe  Promenade,  et 
dont  on  loue  beaucoup  l'aménagement  et  le  caractère  artistique,  a 
été  inauguré  avec  joie  et  avec  éclat  le  9  février  1902*. 

1.  Voy.  le  Journal  de  Genève  du  12  lovrier. 


Le  Gérant  :  Fischbacher. 


6031.  —  L.-lmprimeries  réunies,  B,  rue  Saint-Benoit,  7  —  Motteboz,  directeur. 


SOCIETE   DE   L'HISTOIRE 

DU 


PROTESTANTISME    FRANÇAIS 


Études  historiques 


LA   CAISSE   DU   CLERGÉ  DE  FRANCE 

ET   LES    PROTESTANTS   CONVERTIS 
(1598-1790) 

Parlant  des  sommes  considérables  qu'à  dû  coûter  à  la 
France  le  grand  effort  de  Louis  XIV  pour  rétablir  l'unité  reli- 
gieuse du  royaume,  Élie  Benoît,  à  propos  de  la  fameuse  caisse 
de  Pellisson,  reproche  au  clergé  de  n'y  avoir  pas  contribué. 
«  Il  semble  »  dit-il*  «  que  ce  devait  être  là  proprement 
((  l'affaire  du  clergé,  qu'il  aurait  pu  consacrer  à  cet  ouvrage 
a  une  assez  grosse  partie  de  ses  immenses  revenus...  mais 
'(  l'importance  de  ce  projet  ne  le  pouvait  porter  à  ouvrir  sa 
«  bourse,  et  il  aurait  plutôt  abandonné  le  saint  ouvrage  des 
li   conversions  que  d'en  faire  lui-même  les  frais.  » 

Sans  doute  c'est  le  roi  qui  a  fourni  aux  plus  grosses  dé- 
penses-; il  a  mis  en  mouvement  par  tout  son  royaume  ses 
intendants,  ses  magistrats  et  ses  dragons,  et  il  n'a  pas  épar.- 
gné  les  dépenses  de  détail,  frais  de  missions,  faveurs  accor- 


1.  Histoire  de  VEdit  de  Nantes,  I\',  351,  442. 

2.  Le  clergé  lui  en  témoignait  sa  reconnaissance  en  augmentant  ses 
dons  gratuits;  voyez  les  paroles  de  l'évêque  de  Cosnac  à  l'assemblée  de 
1690  (d'après  ses  Mémoires,  I,  325).  L'assemblée  de  1695  en  accordant  la 
capitation  ecclésiastique  déclare  par  l'organe  de  son  président  de  Harlay: 
«  Ce  ne  sera  pour  ainsi  dire  que  rendre  au  roi  une  partie  des  sommes  im- 
«  menses  qu'il  a  employées  pour  la  destruction  de  l'hérésie  et  la  gloire  de 
'<  la  religion  »  (Procès-verbaux  des  assemblées  du  Clergé,  VI,  155). 

19()2.  —  N"  5,  Mai.  LI.  —    17 


226  ÉTUDES    HISTORIQUES 

dées  aux  nouveaux  convertis  sous  forme  de  privilèges  pécu- 
niaires, pensions,  gratifications,  distributions  d'aumônes  et 
de  livres  aux  particuliers  et  aux  communautés*.  Il  ne  fau- 
drait pas  croire  cependant,  comme  Benoît  semble  le  faire, 
que  le  clergé  s'est  contenté  de  prêcher,  de  catéchiser,  de 
préparer  dans  ses  assemblées  les  mesures  de  persécution, 
et  que  l'œuvre  de  conversion  ne  lui  a  pas  coûté  un  denier. 
S'il  n'a  pas  porté  directement-  son  argent  à  la  caisse  de  Pel- 
lisson,  il  a  entretenu,  lui  aussi,  une  caisse  de  secours  pour 
les  nouveaux  convertis,  surtout  pour  les  anciens  ministres  : 
c'est  cette  institution  dont  nous  allons  essayer  de  retracer  l'his- 
toire ^ 

I 

C'est  à  l'assemblée  de  1598*  (l'année  même  de  l'Édit  de 
Nantes),  que  fut  émise  l'idée  de  pensionner  les  ministres  con- 
vertis sur  la  caisse  du  clergé  de  France.  Le  promoteur  Ber- 
tier.  chanoine  et  archidiacre  de  Toulouse,  agent  sortant  de 
charge,  demanda  pour  eux  «  quelque  petit  fonds...  attendu 

i.  Voy.  entre  autres  de  Boislisle.  Correspondance  des  contrôleurs  géné- 
raux, passim. 

2.  Encore  l'arf^ent  de  cette  caisse  était-il  d'origine  ecclésiastique  puisque 
c'était  une  partie  du  revenu  des  bénéfices  en  régale  dont  le  roi  depuis 
1641  avait  fait  remise  aux  titulaires,  au  moins  pour  les  évéchés.  La  va- 
cance d'ailleurs  était  souvent  prolongée  à  dessein  par  arrêt  du  conseil; 
ainsi  les  riches  abbayes  de  Fécamp  et  de  Jumiéges  réservées  en  169'»  et 
1695  pour  les  nouveaux  convertis  {Mémoires  de  Sourches,  I\',  348  et  V, 
53)  n'étaient  pas  encore  données  en  1698  d'après  le  Mémoire  de  la  géné- 
ralité de  Rouen. 

3.  Les  archives  bien  tenues  du  clergé  rendent  ce  travail  aisé;  il  serait 
plus  difficile  de  faire  l'histoire  de  la  caisse  de  Pellisson.  Ce  fut,  jusqu'à  la 
Révolution,  une  sorte  de  petit  ministère  indépendant,  semi-occulte,  et 
mal  géré.  Les  recherches  de  Rulhiére  en  ITBT  pour  ses  Eclaircissements 
historiques  furent  sans  résultat  (Voy.  une  note  en  tète  du  seul  volume  de 
comptes  qu'il  ait  retrouvé  :  Bibl.  Nat,  m"  français  7048).  D'après  les  pièces 
fournies  en  1790  au  comité  des  Pensions  de  l'Assemblée  constituante 
(Arch.  Nat.,  D»2,  2  liasse  13),  le  roi  distribuait  encore  h  cette  date  envi- 
ron 100,0001.  à  907  «  nouveaux  convertis  «.  Bien  qu'une  note  dise  qu'elles 
sont  «  l'œuvre  principal  et  privilégié  de  l'économat  »,  ces  gratifications  ne 
représentent  plus  en  1790  qu'un  neuvième  du  revenu  des  bénéfices  vacants 
en  régale,  et  non  un  tiers  comme  au  temps  de  Pellisson. 

4.  Procès-verbaux,  I,  653. 


ÉTUDES    HISTORIQUES  227 

«  que  l'on  est  diiement  averti   que   plusieurs  d'entre    eux 
a  demeurent  dans  leur  erreur,  crainte   de  mendier,  eux   et 
«  leur  famille  ».  Cette  motion  souleva  de  vives  discussions. 
Les  députés  de  six  provinces  sur  quatorze  refusaient  de  con- 
sentir à  aucune  levée  extraordinaire  de  deniers,  n'en  ayant 
pas  reçu  le  pouvoir  de  leurs  commettants;  ceux  qui  accep- 
taient en  principe  n'étaient  pas  d'accord   sur  les   moyens. 
Beaucoup  craignant  que  l'argent  des  provinces,  porté  à  la 
caisse  de  Paris,  n'y  fût  dilapidé  ou  mal  distribué,  voulaient 
que  la  levée  et  la  répartition  fussent  affaires  locales;  chaque 
évêque  aurait  recueilli  et  distribué  l'argent  dans  son  diocèse 
ou  chaque  bureau  général  de  décimes  dans  son  ressort  *  ; 
mais  on  fit  remarquer  que  les  provinces  où  se  trouvaient  le 
plus  de  ministres  étaient  précisément  celles  où  les  bénéfices 
avaient  le  plus  souffert  des  guerres  de  religion  :  tout  en  récla- 
mant le  plus  d'argent  à  la  nouvelle  caisse  elles  seraient  les 
moins  capables  de  l'alimenter.  On  décida  donc  que  jusqu'en 
1600  une  somme  de  3,000  écus  serait  levée  au   pied   de   la 
décime  sur  tous  les  bénéficiers  de  France,  excepté  les  curés 
et  distribuée  «  aux  ministres  vraiment  convertis  et  qui  au- 
«  ront  fait  preuve  de  leur  conversion  par  bonne  vie  et  fruits 
«  dignes   de   pénitence  entre  lesquels   seront    préférés   les 
«  originaires  français.  »    La   distribution  serait  faite  par   le 
bureau  général  de  Paris,  selon  les  avis  des  évêques. 

L'assemblée  de  1600  continue  les  pensions  a  sans  que  les 
«  deniers  puissent  être  divertis  à  d'autres  usages  ni  distribués 
«  par  d'autres  personnes  ni  autrement  qu'aux  ministres  pour 
«  quelque  cause  et  occasion  que  ce  soit-  ».  Mais  c'est  en  1608 
que  l'allocation  minime  s'augmente  et  que  l'institution  devient 
définitive.  Le  cardinal  de  Joyeuse  lut  à  l'assemblée  du  clergé 
un  bref  de  Paul  Vadressé  «  à  ses  vénérables  frères  et  bien- 
<(  aimés  fils  les  archevêques,  évêques  et  clergé  du  royaume 
«  de  France  ». 
Après  avoir  loué  le  zèle  d'Henri  I\   pour  procurer  par  tous 

1.  t-In  lô80,  pour  juger  les  conteslalions  relatives  à  la  levée  des  décimes 
on  avait  établi  des  bureaux  généraux  à  Paris,  Lyon.  Bordeaux,  Rouen, 
Toulouse,  Tours  et  Aix  ;  on  avait  ajouté  Bourges  en  I.jSG. 

2.  Procès-verbaux,  I,  678. 


228  ÉTUDES    HISTORIQUES 

les  moyens  possibles  la  conversion  des  hérétiques,  le  Pape, 
sur  la  requête  du  roi  {ab  ejus  Majestaterequisiti]  et  pour  aider 
à  la  réalisation  de  son  pieux  dessein,  exhortait  le  clergé  à 
prendre  sur  ses  revenus  une  somme  destinée  à  la  subsistance 
des  nouveaux  convertis  [quâ  ex  ecclesiasticis  reditibus  istius 
regni  possit  aliqiia  ratione  desiderio  régis  satisjïeri  et  neces- 
sitatibus  redeiintium  ad  fidem  catholicam  siibvcniri).  «  Recon- 
«  naissant  le  zèle  de  Sa  Majesté  à  la  conversion  des  dévoyés, 
«  et  pour  se  conformer  aux  exhortations  de  Sa  Sainteté  », 
l'assemblée  vola  unfonds  annuel  de  30,000  It.  et  dressa  un  état 
des  pensionnaires.  Le  règlement  fait  à  celte  occasion  disait 
qu'entre  deux  assemblées,  sur  les  attestations  de  conversion 
envoyées  par  les  évêques,  les  agents  du  clergé  pourraient 
accorder  des  pensions  de  concert  avec  les  prélats  qui  se  trou- 
veraient à  Paris  et  le  bureau  général  de  cette  ville.  Pour  être 
pensionné,  il  fallait  avoir  élé  minisire  ou  «  enseigné  actuel- 
lement rhérésie  en  université  par  leçon  publique  »,  Les  pen- 
sionnaires résideraient  chacun  dans  un  diocèse  déterminé 
sous  la  surveillance  de  Tévêque  dont  ils  produiraient  tous 
les  ans,  pour  être  payés,  un  certificat  de  persévérance; 
on  les  paierait  dans  leur  généralité,  pour  leur  épargner  le 
voyage  de  Paris*,  toutes  ces  précautions  étaient  prises  pour 
éviter  des  malversations  qui,  paraît-il,  s'étaient  déjà  produites 
et  dont  on  avait  fait  «  de  très  mauvais  rapports  au  roi  ».  Le 
clergé  avait  décidé  de  «  chercher  tous  les  moyens  pour  lever 
«  les  mauvaises  impressions  que  l'on  aurait  voulu  donner  à 
«  Sa  Majesté  du  maniement  des  affaires  du  clergé  et  particu- 
«  lièrement  de  l'argent  destiné  aux  ministres  convertis  ».  Ce 
qu'il  importe  de  retenir,  c'est  que  l'intervention  royale  appa- 
raît sinon  à  la  naissance,  du  moins  à  l'établissement  définitif 
des  pensions.  C'est  à  la  prière  du  roi  que  le  pape  en  1608  a 
écrit  au  clergé,  et  celui-ci  reconnaîtra  en  1615-,  qu'Henri  IV 
a  bien  élé  le  promoteur  et  l'insligateur  de  cette  institution. 
L'initiative  royale  ne  fut  peut-être  pas  très  désintéressée,  et 
Benoît  raconte  à  ce  sujet  une  histoire  qui  n'a  rien  d'invrai- 

1.  Procès-verbaux,   I,  798.  Le  texte  du  bref  et  du  règlement  sont  aux 
Pièces  justificatives,  p.  193. 

2.  Procès-verbaux,  II,  276. 


ÉTUDES   HISTORIQUES  229 

semblable.  Henri  IV  aurait  sur  celte  affaire  «  agréablement 
«  donné  le  change  au  clergé»;  celui-ci  l'ayant  soUicilé  de 
fournir  des  pensions  aux  ministres  convertis,  le  roi  «  qui 
«  voulait  charger  la  bourse  du  clergé  de  celte  dépense, 
«  plutôt  que  son  épargne,  fit  écrire  par  le  pape  un  bref  au 
«  clergé,  qui  Texhorlail  à  faire  ce  fonds*  ». 

La  dépense  fut  d'abord  rejetée  sur  les  frais  communs  des 
assemblées;  les  diocèses  étaient  en  retard  et  le  receveur 
général  pour  ses  avances  exigeait  de  gros  intérêts;  de  plus 
on  découvrait  que  certains  pensionnaires  étaient  indignes  ou 
incapables.  Sur  de  nombreuses  plaintes,  l'assemblée  de  lôlT) 
s'occupa  d'un  «  bon  et  grand  règlement  et  retranchement  sur 
«  ladite  dépense  ».  Elle  fit  un  rôle  par  diocèse  de  la  somme  à 
lever  et  un  règlement  destiné  à  empêcher  le  retour  des  abus 
déjà  constatés ^  D'après  ce  règlement,  le  receveur  général 
payait  les  pensions  selon  des  états  dressés  par  les  assemblées 
du  clergé^  ou  les  faisait  payer  sur  les  lieux  aux  ministres 
employés  dans  les  diocèses  sous  la  surveillance  des  évêques; 
il  ne  payait  rien  sans  le  certificat  de  persévérance  délivré 
annuellement  par  l'évêque,  visé  et  transmis  par  les  agents 
généraux.  Une  plainte  de  l'évêque  pouvait  faire  suspendre  le 
paiement  et  l'assemblée  du  clergé  rétablissait  ou  rayait  la  pen- 
sion, la  modérait  ou  la  supprimait  si  le  titulaire  parvenait  à 
se  procurer  un  bénéfice  ou  quelque  autre  moyen  de  vivre.  Il 
suffisait  pour  avoir  une  pension,  de  prouver  sa  qualité  d'an- 
cien ministre  devant  l'assemblée  du  clergé  qui  se  tenait  alors 
tous  les  deux  ans,  en  présentant  l'acte  d'abjuration  signé  de 
l'évêque;  on  ne  donnait  qu'aux  anciens  ministres  ou  «  gens 
«  de  capacité  éminente,  et  telle  qu'ils  eussent  écrit  et  dogma- 
«(  tisé  publiquement  »  ;  mais  comme  il  n'y  en  avait  pas  assez 
en  1615  pour  leur  distribuer  30,0001.,  le  surplus   serait  pro- 

1.  Histoire  de  l'Édit  de  Nantes,  I,  451. 

2.  Voy.  au  tome  VIII  des  Mémoires  du  clergé,  p.  9G2  le  département 
de  1615,  p.  1507  le  règlement. 

3.  On  avait  décidément  renoncé  à  l'organisation  par  provinces  propo- 
sée en  1598,  bien  que  la  proposition  eût  été  reprise  en  1600,  et  adoptée  en 
161  i  par  la  chambre  ecclésiastique  des  Etats  Généraux  {Procés-verbaux , 
1,678;  II,  209). 


230  ÉTUDES    HISTORIQUES 

visoirement  donné  à  d'autres  pensionnaires'.  Ce  règlement 
donnait  à  Finstitution  sa  forme  définitive  et  les  assemblées 
suivantes  ne  firent  guère  que  le  renouveler  périodiquement, 
en  insistant  sur  certains  points.  Il  ne  suffit  pourtant  pas  à 
extirper  tous  les  abus  :  pendant  la  première  moitié  du 
xvii^  siècle  les  assemblées  du  clergé  en  découvrirent  souvent 
d'assez  graves. 

Ce  désordre  semble  s'être  manifesté  surtout  à  propos  du 
choix  des  pensionnaires.  Nous  avons  vu  que  c'était  l'assem- 
blée du  clergé  qui,  sur  l'avis  des  évêques,  accordait  les  pen- 
sions- :  chaque  province  était  représentée  dansla  commission 
qui  dressait  les  étals  et  examinait  les  comptes.  Or,  à  partir 
de  1625,  les  assemblées,  par  raison  d'économie,  ne  se  tinrent 
plus  que  tous  les  cinq  ans  :  les  ministres  nouvellement  con- 
vertis étaient  exposés  à  attendre  leur  pension  plusieurs 
années.  Déjà  en  1621  on  avait  autorisé  les  prélats  qui  se 
trouvaient  à  la  cour  entre  deux  assemblées  à  attribuer  des 
pensions  de  concert  avec  les  agents  du  clergé,  j  usqu'à  l'assem- 
blée suivante-^  Cet  usage,  étant  nécessaire,  subsista  toujours 
mais  il  avait  de  gros  inconvénients.  Souvent  des  ministres 
très  indignes  mais  bien  appuyés*  obtenaient  des  pensions  de 
quelques  prélats  peu  consciencieux  ou  mal  informés,  et  les 
provinces  se  plaignaient  qu'on  gaspillât  leur  argent.  En  1627 
quelques  ministres  firent  remanier,  à  leur  profit,  par  quelques 
évêques  réunis  à  Paris  l'état  arrêté  en  1625,  et  confirmer  ce 


1.  L'élat  de  1(>15  (Procès-verbaux,  II,  277)  porte  18,000  1.  réparties  entre 
'26  ministres. 

2.  «  Hors  les  assemblées,  nul  ne  pourra  ci-après  ordonner  desdits  deniers 
affectés  aux  ministres  pour  quelque  occasion  que  ce  soit.  »  (Règlement 
de  1615). 

3.  Procès-verbaux,  11,373. 

'i.  Par  exemple  par  la  reine-mère,  un  secrétaire  d'Ktat,  un  cardinal,  le 
nonce,  etc.  L'un  présente  un  acte  d'abjuration  signé  de  Richelieu,  l'autre 
une  lettre  du  cardinal  qu'on  soupcjonne  être  un  faux  (Procès-verbaux,  II. 
780).  D'autres  comptent  surtout  sur  eux-mêmes  et  viennent  faire  devant 
l'assemblée  de  beaux  discours  où  ils  racontent  leur  conversion.  En  1641, 
un  ministre  exhibe  son  fils,  petit  prodige  de  12  ans  qui  devant  les  prélats 
fait  des  démonstrations  de  mathématiques,  explique  les  textes  sacrés  en 
grec,  même  en  hébreu.  L'assemblée  ravie  augmente  la  pension  du  père 
(Procès-verbaux,  111,  7'i). 


ÉTUDES    HISTORIQUES  231 

nouvel  état  parlettres  patentes  et  arrêtdu  Conseil;  surrequête 
des  agents  et  du  receveur  général  un  arrêt  du  Conseil  cassa 
tous  ces  actes,  ordonna  que  les  pensions  seraient  payées 
selon  l'état  de  1625,  plusieurs  prélats  «  n'ayant  aucun  pouvoir 
«  de  changer  ou  innover  les  ordres  de  l'assemblée  générale  ». 
En  1645  on  est  encore  obligé  de  rayer  un  individu  gratifié 
dans  des  conditions  analogues  et  qui  n'était  ni  ministre  ni 
proposant^,  et  nous  verrons  en  1690  les  plaintes  d'une  pro- 
vince contre  une  petite  assemblée  où  elle  n'était  pas  repré- 
sentée. C'est  qu'en  pareille  matière,  même  pour  une  nom- 
breuse assemblée,  les  méprises  n'étaient  pas  faciles  à  éviter. 
Le  clergé  ne  connaissait  pas  exactement  la  discipline  des 
Églises  réformées;  on  pouvait  le  tromper  sur  la  qualité 
requise  d'ancien  ministre  ou  proposant.  Plusieurs  fois  le 
clergé  s'inquiéla  des  fraudes  commises;  il  n'en  parle  guère 
dans  ses  procès-verbaux-,  ne  tenant  pas  à  ébruiter  de  telles 
mésaventures,  mais  nous  les  connaissons  par  la  brochure 
d'un  sieur  le  Comte"  qui  les  dénonça,  en  les  exagérant  peut- 
être,  car  sa  pension  avait  été  réduite  sans  motif,  dit-il,  au 
profit  d'un  de  ces  escrocs  dont  il  dévoilait  les  manœuvres.  Il 
s'offrait  de  prouver  (en  remettant  aux  agents  une  liste  de 
noms),  que  parmi  les  pensionnaires  s'étaient  glissées  bien  des 
brebis  galeuses,  imposteurs  et  faussaires  qui  n'avaient  jamais 
été  ministres  ou  proposants,  si  même  ils  avait  été  calvinistes, 
apostats,  ministres  déposés  pour  indignité,  et  qui  n'étaient 
pas  réellement  convertis.  L'un  fabrique  un  acte  d'abjuration, 
l'autre  use  des  attestations  et  quittances  d'autrui,  un  troisième 
«  qui  ne  sait  ni  lire  ni  écrire,  porte  toujours  des  attestations 
«  et  passeports  des  deux  partis  dont  il  fait  sa  vache  à  lait,  et, 
«  dans  les  rencontres,  tourne  sa  casaque  du  côté  qu'il  juge 
«  le  plus  expédient  pour  le  bien  de  ses  affaires...  Il  n'y  a 
«c  bonne  maison  dans  Paris  où  ils  ne  se  donnent  entrée,  ni 
«  personne  de  condition  sur  qui,  en  vertu  de  leurs  patentes 
«  et  pancartes,  ils  ne  prennent  divers  tributs  selon  la  crédu- 

1.  On  appelait  ainsi  les  candidals  au  ministère  pastoral. 

2.  Voy.  pouvlanl  Procès-verbaux.  II,  782:  lil,  171. 

3.  Avis  à   messieurs  du  clergé  sur  le  sujet  des  ministres  convertis,  1633. 
Bibl.  Nat.  Ldi"''l!0  (Brochure  de  48  pages,  incomplète). 


232  ÉTUDES   HISTORIQUES 

'X  lité  de  ceux  à  qui  ils  ont  affaire.  Il  n^est  pas  jusqu'au  cabinet 
«  du  roi  qu'ils  n'ouvrent  grâce  à  ce  beau  passe-partout  de 
«  conversion  ».  Le  mal  vient  de  l'ignorance  du  clergé.  Le 
confesseur  qui  reçoit  l'abjuration  s'en  rapporte  à  son  péni- 
tent sur  la  qualité  de  ministre,  l'évêque  s'en  remet  au  confes- 
seur, le  clergé  de  France  à  l'évêque;  il  y  aurait  pourtant  des 
moyens  de  contrôle;  un  ministre  doit  pouvoir  montrer  ses 
lettres  de  mission;  un  proposant  n'est  pas  un  simple  aspirant 
ministre;  il  doit  savoir  la  tiiéologie,  lire  le  grec  et  avoir 
quelque  teinture  d'hébreu. 

Bien  qu'assez  mal  disposé  pour  le  dénonciateur,  le  clergé 
dut  profiter  un  peu  de  ses  avis.  Les  enquêtes  furent  désormais 
plus  sévères.  Le  règlement  de  1661  dit  que  les  proposants 
doivent  prouver  leur  qualité  «  bien  reconnue  et  avérée  par 
((  un  acte  authentique  »;  celui  de  1670  parle  encore  des 
«  inconvénients  qui  arrivent  tous  les  jours  dans  la  distribu- 
«  lion  des  pensions  par  le  peu  de  connaissance  qu'on  a  de 
«  ceux  auxquels  elles  sont  acccordées*  »  et  cette  année 
même  on  raye  de  la  liste  un  soi-disant  ministre  converti  de- 
venu chanoine  d'Angoulême  :  il  n'avait  jamais  été  huguenot-. 
Il  est  probable  que  les  abus  de  ce  genre  se  firent  plus  rares, 
s'ils  ne  disparurent  pas  complètement. 


II 


Il  ne  suffisait  pas  que  les  pensions  fussent  données  à  d'au- 
thentiques ministres  réellement  convertis;  il  fallait  que  la  con- 
version fût  durable,  et,  autant  que  possible,  féconde.  C'est 
pour  atteindre  ce  but  plus  sûrement,  qu'en  1615,  l'évêque 
d'Orléans,  auteur  du  règlement  que  nous  avons  résumé,  avait 
demandé  l'institution  d'une  sorte  de  séminaire  pour  les  mi- 
nistres, surtout  pour  ceux  qui  voudraient   entrer  dans  les 


1.  Mémoires  du  Clergé,  Vill,  1317,  1519.  «  Il  parait  »  dit  Benoit  (111,340) 
«  dans  le  règlement  que  cette  assemblée  (1661)  dressa  pour  se  garantir 
<  des  friponneries  des  nouveaux  convertis  qu'elle  n'avait  pas  sujet  de  se 
«  glorifier  beaucoup  de  ses  conquêtes  ». 

2.  Procès-verbaux ,  V,  155. 


ÉTUDES   HISTORIQUES  233 

ordres;  on  les  logerait  en  un  des  collèges  de  l'université 
pendant  cinq  ans,  «  sous  la  direction  de  quelques  personn  es 
«  pieuses  et  de  qualité  requise  et  sous  la  surintendance  des 
«  pères  Jésuites  ou  des  prêtres  de  l'Oratoire,  avec  un  bo  n 
«  règlement  et  une  bonne  discipline  )>;  ils  iraient  ensuite  dans 
leurs  diocèses  pour  travailler  aux  conversions  sous  la  direc- 
tion des  évêques.  Peut-être  quelques-uns  deviendraient  de 
grands  et  savants  hommes  pour  le  «  service  de  l'Église.  »  Le 
prélat  revint  en  1617  sur  sa  proposition,  mais  sans  plus  de 
succès*;  sans  doute  les  évêques  ne  se  souciaient  pas  d'entre- 
tenir aux  frais  du  clergé  un  établissement  où  ils  n'auraient  pas 
été  les  maîtres.  On  s'en  tint  donc  à  l'obligation  du  certificat 
annuel  de  persévérance  signé  de  l'évêque  et  visé  par  les 
agents  du  clergé,  sans  lequel  le  receveur  général  ne  deva  it 
point  ordonner  de  paiemenl^  Le  contrôle  était  assez  facile, 
puisque  chaque  ministre  devait  rester  dans  son  diocèse^  et 
y  être  employé  à  des  œuvres  utiles  à  l'Eglise,  sous  la  surveil- 
lance directe  de  l'évêque.  Les  théologiens  étaient  utilisés 
comme  «  controversistes  du  clergé  »;  ce  titre  leur  valait  des 
pensions  un  peu  plus  fortes,  pouvant  atteindre  parfois  mille 
livres,  mais  leur  travail  était  l'objet  d'un  examen  minutieux 
renouvelé  à  chaque  assemblée.  Malgré  tout  ce  système  de 
surveillance,  le  clergé,  bien  que  ses  actes  soient  muets  su  r 
ce  sujet,  dut  avoir  quelques  déceptions  inévitables,  mai  s 
moins  nombreuses  sans  doute  que  celles  qu'il  avait  éprouvées 
pour  le  premier  choix  de  ses  pensionnaires. 

Nous  devons  signaler  ici  le  caractère  nouveau  que  prirent 
vers  1625,  au  moment  des  dernières  guerres  de  religion,  cer- 
taines pensions  du  clergé.  Données  avant  l'abjuration  elles 


1.  Procès-verbaux,  11,277,  311. 

2.  L'assemblée  de  1670  prescrivit  une  formule  pour  ces  certificats  (Mé- 
moires du  Clergé,  VIII,  1521),  mais  on  s'en  écartait  souvent.  On  certifiait 
en  général  que  le  pensionnaire  était  tle  bonne  vie  et  mœurs,  assistait  aux 
offices  et  fréquentait  les  sacrements.  Les  certificats  et  quittances  forment 
les  dossiers  individuels  par  ordre  alphabétique  des  ministres  pensionnés 
(cartons  206  à  261  de  la  série  G*  Arch.  Nat). 

3.  On  se  demande  pourtant  si  l'ex-minislre  en  restant  aux  lieux  où  il 
avait  exercé  ses  fonctions  pouvait  jouir  d'un  grand  crédit  aux  yeux  de  ses 
anciens  correlitjionnaires. 


234  ÉTUDES    HISTORIQUES 

constituaient  une   prime  à  la  conversion',  et  faisaient  pour 
quelque  temps  du  pensionnaire  une  sorte  d'agent  secret  du 
clergé  ou  de  la  politique  royale.  Les  pensions  de  ce  genre 
étaient  surtout  l'affaire  du  gouvernement,  et,  s'il  faut  en  croire 
Benoît,  il  n'avait  pas  négligé  ce  moyen  auprès  de  quelques 
ministres  «  afin  qu'ils  portassent  les  populations  à  la  paix  et 
à  la  soumission  »;  quelquefois  il  employait  comme  espions 
des  ministres  acquis  à  sa  cause  et  qui  gardaient  leur  masque 
quelque  temps  pour  mieux  tromper  leurs  correligionnaires; 
tel  ce  ministre  de  Languedoc  qui,  employé  par  la  cour  en  1625 
pour  une  négociation  en  Dauphiné  aurait  obtenu  un  bref  du 
pape  lui  permettant  de  retarder  de  trois  ans  sa  conversion 
«  parce  qu'il  y  aurait  eu  plus  à  perdre  qu'à  gagner,  en  le 
«  faisant  changer  ouvertement  de  religion"  ».  Le  clergé,  qui 
aurait  dû  avoir  plus  de  scrupules  que  la  diplomatie,  se  prêta 
pourtant  à  des  supercheries  de  ce  genre.  En  1625  figure  sur 
l'état  de  ses  pensions  un  ministre  dont  le  nom  est  laissé  en 
blanc;  «  son  abjuration  est  différée  par  commandement  du 
roi  comme  servant  Sa  Majesté  contre  ceux  de  la  Rochelle^  ». 
En  1635,  l'évêque  d'Orange  fait  demander  des  pensions  pour 
quelques  ministres  de  son  diocèse  dont  il  fait  espérer  la  con- 
version. En  1641,  Richelieu  juge  à  propos  de  différer  la  con- 
version de  deux  ministres  ((  jusqu'à  un  temps  auquel  elle  serve 
«  d'exemple  à  plusieurs  autres  »;  l'assemblée  se  contente 
d'une  profession  de  foi  secrète  et  leur  donne  une  pension, 
laissant  leur   nom  en   blanc   sur   l'état  «  ce  qui  a  déjà  été 
pratiqué  pour  plusieurs  autres  ».  De  tels  cas  en  effet  ne  sont 

1.  Les  pensions  en  général  n'avaient  pas,  grâce  à  leur  modicité,  ce  ca- 
ractère immoral;  ce  n'étaient  que  des  pensions  alimentaires,  une  indem- 
nité pour  le  ministre  qui  perdait  son  état.  Elles  étaient  en  moyenne  de 
400  1.  pour  les  ministres,  de  200  pour  les  proposants. 

2.  Benoît,  II,  101,  329.  Le  témoignage  de  Benoit  peut  être  suspect  sur 
ce  point  particulier  de  l'intervention  pontificale,  mais  non  sur  le  retard 
voulu  de  l'abjuration;  c'est  une  pratique  reconnue  et  approuvée  par  le 
clergé  comme  par  le  gouvernement.  En  1683  encore,  un  protestant  a  sur- 
sis par  ordre  du  roi  à  taire  sa  déclaration  publique  «  pour  donner  avis 
des  mouvements  des  religionnaires  »  ;  sa  récompense  fut  la  faculté  d'ache- 
ter une  charge  à  moitié  prix  (de  Boilisle,  Correspondance  des  contrôleurs 
généraux,  I,  n°  95). 

3.  Procès-verbaux,  11,  001. 


ÉTUDES   HISTORIQUES  235 

pas  rares;  en  1641  révêque  de  Sisteron  obtint  une  pension 
pour  un  minisire  très  considéré,  «  dont  on  espère  la  conver- 
«  sion  qui  en  attirerait  beaucoup  d'autres  ».  Citons  un  dernier 
exemple  qui  montre  les  dangers  de  cette  singulière  pratique  : 
sur  l'assurance  donnée  par  l'évêque  d'Uzès  qu'ils  se  conver- 
tiraient, trois  ministres  avaient  reçu  une  pension  ;  on  dut  en 
rayer  deux  qui  n'avaient  donné  «  aucune  marque  assurée  de 
ladite  conversion*  ». 

Celte  coutume  immorale  en  se  généralisant,  aurait  pu  dis- 
créditer l'intitution  ;  sans  doute  elle  disparut  vers  1650  ou  devint 
tout  à  fait  secrète,  car  à  partir  de  cette  époque  elle  n'est  plus 
mentionnée  dans  les  Procès-Verbaux.  Mais  une  autre  inno- 
vation s'introduit  alors,  qui  aura  de  plus  lointaines  consé- 
quences. Le  clergé  se  meta  secourir,  sur  le  fonds  des  ministres, 
les  établissements  fondés  vers  cette  époque  sous  le  nom  de 
Maisons  de  nouveaux  et  nouvelles  catholiques  pour  assurer 
l'entretien  des  convertis  et  faire  parmi  les  protestants  une 
active  propagande.  C'est  en  1655  qu'il  résolut  de  secourir 
pendant  cinq  ans  quelques-unes  de  ces  maisons,  entretenues 
jusqu'alors  par  des  charités  privés.  Ce  genre  d'établissement 
«  très  utile,  particulièrement  pour  attirer  le  petit  peuple  de 
«  la  prétendue  religion...  a  besoin  d'être  aidé  dans  son  com- 
«  mencement  et  a  du  rapport  à  l'emploi  des  32,000  1.-  des- 
«  tinées  par  le  clergé  pour  les  ministres  convertis  ».  Les 
maisons  de  Paris,  Toulouse,  Aix,  Grenoble,  bientôt  celles  de 
Poitiers,  Avignon  et  Montpellier,  reçurent  donc  chacune 
quelques  centaines  de  livres.  Ces  maisons  se  multiplièrent  et 
on  fut  vite  convaincu  de  leur  utilité.  En  trois  ans  l'une  d'entre 
elles  recevait  300  nouveaux  convertis;  en  1670,  la  Propagation 
de  la  Foi  de  Marseille  citait  à  son  actif  363  conversions  en 
six  ans ^.  Le  clergé  fut  amené  à  continuer  ses  libéralités;  rien 
d'étonnant  si  les  conversions  de  ministres  devenant  aussi  plus 
nombreuses,  le  fonds  de  30,000  1.,  trop  considérable  en  1615, 
devint  de  jour  en  jour  insuffisant.  A  partir  de  1660  les  pen- 

i.  Procès-verbaux,  11,781;  III,  72,  'ilK). 

2.  Nous  avons  dit  (jue  le  fonds  était  de  30,000  1.  mais  on  levait  32,000  1. 
à  cause  des  taxations  des  receveurs  et  des  frais  de  comptes. 

3.  Procés-verbaux,  IV,  408,  786;  V,  54. 


236  ÉTUDES    HISTORIQUES 

sions  excèdent  le  fond  de  G,000  1.;  on  recourt  aux  avances 
du  receveur  général  ou  de  diocèses  particuliers';  on  use  d'un 
expédient  trop  facile  en  rognant  un  peu  sur  toutes  les  pen- 
sions de  manière  à  pouvoir  en  distribuer  davantage.  Déjà  en 
1645  on  avait  retranché  2,400  1.  au  sol  la  livre  sur  tous  ceux 
de  l'état;  en  1670  on  réduit  chaque  pension  de  18  deniers 
pour  livre  soit  environ  7  p.  100'.  Ce  n'était  là  que  des  demi- 
mesures;  tôt  ou  tard  il  faudrait  bien  augmenter  le  fonds,  et 
c'est  ce  que  désiraient  les  gens  qui  souhaitaient  la  conversion 
des  protestants,  et  savaient  que  le  clergé  pouvait  y  dépenser 
plus  d'argent.   L'auteur  (ecclésiastique)  d'une  Dissertation 
sur  les  Pensions  selon  les  libertés  de  V Eglise  gallicane  •',  très 
sévère  en  général  pour  les  pensions  imposées  sur  les  béné- 
fices, n'a  que  des  éloges  pour  celles  des  ministres  convertis  ; 
la  levée  en  est  répartie  d'une  façon  très  douce,  le  produit 
va  dédommager  le  mérite  nécessiteux.  Il  n'y  a  rien  que  de 
très  légitime  à  «attirer  un  héritique  par  l'odeur  de  la  charité  », 
l'Église  doit  favoriser  leur  retour  par  tous  les  moyens  pos- 
sibles et  leur  ouvrir  en  même  temps  son  sein  et  sa  bourse  ; 
en  somme  «  on  ne  doit  pas  s'étonner  si  le  clergé  accorde  des 
((  pensions  à  des  ministres  convertis;  on  doit  plutôt  souhaiter 
«  qu'elles  soient  plus  fortes  et  plus  communes*  ».  Mais  le  clergé 
n'était  pas  disposé  à  exaucer  ce  vœu;  non  content  de  faire  en 
1670,  comme  nous  venons  de  le  voir,  les  pensions  moins  fortes 
pour  les  rendre  plus  communes,  il  ne  cachait  pas  son  intention 
de  se  débarrasser  de  cette  charge  en  la  faisant  retomber  sur 
les   prolestants  eux-mêmes.    A  cette   même  assemblée  de 
1(370,  l'évêque  d'Uzès  propose  de  demander  au  roi  «  que  les 
«  biens  et  revenus  que  les  consistoires  possèdent  leur  soient 
«  ôlés  parce  qu'ils  ne  peuvent  pas  en  posséder,  ne  faisant 
«  aucun  corps  de  communauté  dans  le  royaume.  Sur  cet 
(^  article  Mgr  l'évêque  de   Meaux   dit   qu'il   serait  bon   de 
«  dem.ander  au  roi  que  le  revenu  des  prêches  supprimés  fût 
«  employé  à  l'entretien  des  ministres  convertis  ■'  » . 

i.  Procès-verbaux,  IV,  70,  7«6,  1049. 

2.  Ibid,  111,  401;  V,  140. 

:{.  Par  l'abbé  le  Métayer,  un  volume  in-12".  Rouen,  1071. 
4.  Dissertation...,  p.  231,  201. 

3.  Procès-verbaux,  V,  56.  Le  X""  des  «  articles  concernant  la  religion  » 


ÉTUDES    HISTORIQUES  2.]! 


III 


Puisque  le  clergé  se  refusait  à  augmenter  le  fonds,  il  ne 
restait  qu'un  moyen  :  le  roi  l'y  contraindrait,  comme  pour  les 
dons  gratuits.  C'est  bien  ce  que  demandait  à  mots  couverts 
l'intendant  de  Languedoc,  d'Aguesseau,  dans  un  mémoire 
adressé  au  roi  sur  «  les  moyens  dont  on  peut  se  servir  pour 
«  la  conversion  des  ministres  de  la  Religion  Prétendue  Réfor- 
«  mée*  ».  Dans  l'idée  de  l'auteur,  en  attirant  les  ministres  on 
devait  gagner  peu  à  peu  tout  le  troupeau  et  éviter  l'emploi 
des  moyens  violents;  la  pension  des  ministres  convertis, 
plus  largement  distribuée,  pouvait  devenir  ainsi  la  clé  de 
voûte  de  la  politique  religieuse  de  Louis  XIV.  «  Dans  le 
«  même  temps,  «  disait  d'Aguesseau  »,  qu'on  travaillera  à 
((  diminuer  le  nombre  des  ministres  et  à  rendre  leur  condition 
«  et  leur  subsistance  difficile,  il  est  important  de  leur  mon- 
«  trer  des  récompenses  et  des  avantages  qui  leur  seront 
«  acquis  en  se  convertissant.  Ils  ne  se  fieront  jamais  à  des 
«  promesses  générales,  ni  à  des  pensions  du  roi  dont  ils 
«  appréhendent  qu'on  ne  cesse  de  faire  le  fonds  au  bout  de 
«  quelques  années.  »  Il  faudrait  donc  que  le  clergé  élevât  à 
:>00,000  1.  par  an  (le  décuple  de  ce  qu'il  donnait  en  1615)  le 
fonds  des  ministres  convertis.  c(  Il  serait  bon  même,  après 
«  que  le  département  en  serait  fait,  d'assigner  les  ministres 
«  convertis  sur  les  bénéfices  mêmes  ^  parce  que  cela  leur 
«  paraîtrait  plus  sûr  et  qu'ils  l'aimeraient  mieux  que  de  le 
«  prendre  des  mains  du  receveur  général  du  clergé;  on  y 
«  pourrait  ajouter  des  Lettres  Patentes,  des  arrêts  du  Con- 
«  seil,  des  brevets  du  roi  et  autres  sûretés  pour  rendre  les 

présentés  au  roi  par  l'assemblée  de  1670,  dit  seulement  que  les  consistoires, 
ne  pouvant  rien  posséder,  leurs  biens  doivent  être  baillés  aux  collèges 
s'ils  ont  été  donnés  pour  l'entretien  des  docteurs  ou  écoliers  (Mém.  du 
Clergé,  I,  1150). 

1.  Bibl.  Nat.  m'^  français  7044  ("20.  Rulhière  a  utilisé  ce  texte  dont  il 
cite  quekjues  lignes  (Eclaircissements  historiques,  I,  102).  Le  mémoire,  (jui 
ne  porte  pas  de  date,  a  dû  être  écrit  entre  1670  et  1680. 

2.  Comme  pour  les  pensions  données  par  brevet  royal  à  des  ecclésias- 
tiques ou  à  des  laïques  sur  les  biens  d'iiglise. 


238  ÉTUDES    HISTORIQUES 

«  pensions  irrévocables.  »  Sur  ce  fonds  d'Aguesseau  propo- 
sait de  donner  trois  ans  de  pension  aux  veuves  et  de  dédom- 
mager les  enfants,  en  prolongeant  la  pension  pour  les  gar- 
çons, qui  autrefois  s'établissaient  aisément  comme  ministres, 
et  en  donnant  500  1.  à  chaque  fille  lors  de  son  mariage. 

Les  conseils  de  d'Aguesseau  furent  suivis,  au  moins  en 
partie.  En  1680  le  roi  se  décida  à  presser  le  clergé  d'augmen- 
ter le  fonds  des  minisires  convertis,  mais  il  ne  crut  pas  avoir 
besoin  comme  son  aïeul  de  se  faire  appuyer  par  un  bref  pon- 
tifical. Sûr  d'être  obéi,  il  fit  proposer  à  l'assemblée  par  ses 
commissaires,  Poncet,  Golbert,  Pussort  et  Seignelay,  de  dou- 
bler le  fonds  des  ministres  convertis.  «  Le  clergé  devait  con- 
«  sidérer  que  tout  ce  que  Sa  Majesté  fait  de  grand  et  d'utile 
((  pour  la  religion  lui  donne  de  justes  espérances  de  voir 
((  bientôt  ce  fonds  réuni  aux  autres  par  les  conversions  extra- 
((  ordinaires  des  hérétiques  qui  se  font  tous  les  jours;  que  la 
«  fidélité  avec  laquelle  on  administre  celui  qui  est  déjà  fait 
«  et  l'utilité  qu'on  en  retire  ôtent  tous  les  sujets  de  crainte 
«  qu'on  avait  autrefois  que  ces  fonds  fussent  détournés  et 
((  employés  à  des  usages  contraires  aux  intentions  du  clergé, 
((  et  qu'ainsi  le  clergé  avait  à  prendre  telle  résolution  qu'il 
«  aviserait  bon  être  sûr  cette  proposition.  »  Une  «  propos i- 
«  tion  »  aussi  polie  ne  pouvait  pas  être  refusée.  «  Délibération 
«  prise  par  provinces»,  dit  le  Procès-verbal*,  «il  a  été  résolu 
«  de  doubler  le  fonds  destiné  pour  les  ministres  convertis  et 
«  de  seconder  en  cette  occasion  les  pieuses  intentions  du 
«  roi^  ». 

En  1685  nouvelle  demande  du  roi.  Le  18  juillet  il  fait 
annoncer  à  l'assemblée  par  le  président  de  Harlay,  sa  créa- 
ture dévouée,  son  désir  de  voir  continuer  la  pension  aux 


i.  V,  332. 

2.  Sur  les  65,000  1.  qui  lui-enl  désormais  levées  annuellement,  une  moi- 
tié le  fut  sur  le  pied  de  1615,  l'autre  sur  un  pied  nouveau  l'ail  en  1680  et 
plus  favorable  aux  diocèses  toujours  lésés  d'outre-Loire.  Dans  ce  nouveau 
déparlement,  26  diocèses  du  Nord  (provinces  de  Paris,  Rouen,  Reims, 
Sens  et  partie  de  Tours)  eurent  leur  part  doublée  ;  pour  tous  les  autres, 
elle  fut  réduite  de  moitié,  de  sorte  que  les  diocèses  du  Nord  payèrent  dé- 
sormais trois  fois,  ceux  d'outre-Loire  une  fois  et  demie  autant  tiu'aupa- 
ravant 


ÉTUDES   HISTORIQUES  239 

veuves  des  ministres,  et  le  clergé  s'empresse  d'accéder  à  ce 
désir.  Le  lendemain  môme,  ce  qui  prouve  la  grande  confiance 
du  roi  dans  la  docilité  du  clergé,  autre  proposition  toujours 
bien  accueillie.  Harlay  annonce  que  «  le  roi  désirait  procurer 
«  des  missions  dans  les  diocèses  pour  travailler  à  la  conver- 
«  sion  des  hérétiques  et  à  rinstruclion  des  nouveaux  conver- 
«  tis,  que  Sa  Majesté  voulait  donner  libéralement  pour  sou- 
«  tenir  les  dépenses  qu'il  convenait  de  faire  à  cet  effet,  mais 
((  qiCelle  désirait  que  le  clergé  contribuât  quelque  chose  du  sien 
«  pour  l'accomplissement  d'une  œuvre  si  louable*  ».  Voilà 
donc  le  clergé  chargé  de  frais  de  missions*  outre  le  fonds 
récemment  doublé  des  ministres  et  les  pensions  des  veuves. 
L'argent  manquait,  mais  l'assemblée  s'en  remet  entièrement 
à  Harlay  pour  en  trouver,  de  concert  avec  le  receveur  géné- 
ral ((  sans  faire  à  présent  aucune  imposition  ».  Le  receveur 
étant  hors  d'état  d'avancer  de  l'argent  se  fit  autoriser  à  en 
emprunter  au  nom  du  clergé.  Il  est  curieux  de  remarquer 
que  celte  ressource  des  emprunts,  constamment  utilisée  à 
partirdelô90et  qui  va  créer  la  dette  du  clergé,  a  été  employée 
pour  la  première  fois  à  propos  des  dépenses  faites  par  le 
clergé  pour  la  conversion  des  protestants. 

Une  autre  augmentation  —  la  dernière  —  fut  proposée  par 
le  roi  en  1686.  Le  11  juin  '  Harlay  réunissait  chez  lui  une  dou- 
zaine de  prélats  qui  se  trouvaient  à  Paris,  et  leur  expliquait 
que  l'édit  de  Révocation  ayant  amené  et  devant  amener 
beaucoup  d'abjurations  de  ministres,  il  fallait  encore  augmen- 
ter le  fonds  doublé  en  1680.  «  Comme  l'on  ne  peut  quant  à 
«  présent  fixer  le  nombre  des  conversions  ni  par  conséquent 
«  la  quantité  desdites  pensions,  Sa  iMajesté  désire  que  Ton 


1.  Procès-verbaux,  V,  628. 

2.  Les  prélats  savaient  qu'ils  ne  devaient  pas  lésiner  sur  ce  chapitre  : 
«  Sa  Majesté  ne  trouverait  pas  bon  qu'aucun  d'eux  refusât  un  secours  si 
salutaire  dans  la  conjoncture  présente  sous  prétexte  qu'ils  auraient  déjà 
un  nombre  suffisant  d'ecclésiastiques  dans  leur  diocèse  ou  pour  quelle 
autre  raison  ou  excuse  fiue  ce  puisse  être  ^Lettre  de  Croissy  à  Seignelay 
accompagnant  une  circulaire  aux  intendants,  du  29  oct.  IfiSô,  Bibl.  Nat. 
m"  français  7044  f*  7',»,  copie). 

3.  Voir  l'introduction  au  compte  des  nouvelles  pensions  de  1C8G  [Arch. 
Nat.,  G»*,  890»). 


240  ÉTUDES    HISTORIQUES 

«  en  use  pour  fournir  les  fonds  nécessaires  comme  l'on  a 
«  délibéré  en  l'assemblée  dernière  pour  les  missions  »;  c'est- 
à-dire  qu'il  fallut  un  nouvel  emprunt  dont  Harlay  et  le  rece- 
veur général  réglèrent  de  même  les  conditions. 

L'assemblée  de  1690  put  voir  tout  ce  que  coûtaient  au 
clergé  par  ordre  du  roi  les  ministres  convertis  et  les  missions. 
Le  receveur  général  lui  présenta  trois  comptes  :  compte  des 
missions,  compte  des  anciennes,  compte  des  nouvelles  pen- 
sions ^  Celui  des  missions-  faites  de  1685  à  1687  se  monte  à 
plus  de  250,000  1.  Celui  des  anciennes  pensions  en  attribue 
50,000  à  une  centaine  de  ministres  et  plus  de  50  commu- 
nautés. Enfin  le  compte  des  nouvelles  pensions  est  d'environ 
50,000  1.  aussi,  distribuées  à  près  de  200  ministres  ou  pro- 
posants. En  somme,  en  1686,  à  l'épocjuc  où  le  clergé  a  le  plus 
contribué  de  ses  deniers  à  la  conversion  des  protestants,  sa 
dépense  annuelle  sans  compter  les  intérêts  des  emprunts  a 
été  d'environ  225,000  1.,  125,000  en  missions,  et  100,000  de 
pensions  distribuées  à  environ  300  ministres  ou  proposants 
et  plus  de  50  communautés.  On  était  loin  des  3,000  écus  du 
temps  d'Henri  IV  et  des  30,000  It.  dont  en  1615  on  trouvait  à 
peine  l'emploi. 

Le  clergé  dut  sentir  d'autant  plus  le  poids  de  ces  nouvelles 
dépenses  qu'à  ce  moment  même  pour  la  guerre  de  la  ligue 
d'Augsbourg  on  tirait  de  lui  des  sommes  considérables '^ 
A  cette  même  assemblée  de  1690  il  se  plaignait*  de  deux  sur- 
croîts de  charge  qui,  en  dernière  analyse,  lui  étaient  imposés 

1.  Arch.  Nat.,  G^*  709,  890s  890"). 

2.  Outre  des  dépenses  réparties  par  mission  et  indiquées  en  détail 
(place  de  diligence,  port  de  hardes,  iVais  de  nourriture  et  de  guides,  dis- 
tribution de  livres),  le  compte  donne  la  distribution  entre  53  diocèses  d'en- 
viron 135,000  1.,  soit  une  moyenne  de  2,600  par  diocèse;  certains,  natu- 
rellement, recevaient  davantage.  Saintes  et  Poitiers,  6000;  La  Rochelle  el 
Luçon,  ''lOOO,  etc.. 

3.  Don  gratuit  de  12  millions  en  UVM,  pour  5  ans.  Or,  avant  celte  époque 
le  don  n'avait  jamais  atteint  5  millions,  et  la  moyenne  annuelle  pour  les 
trente  premières  années  du  règne  était  de  670,000.  De  plus  en  1690  com- 
mence la  recherche  des  amortissements  qui  coûtera  «u  clergé  18  millions 
en  10  ans  (Arch.  Nat . ,  Q'^  ■12i)  et  qu'il  dut  i^ayer  en  partie  en  faisant  fondre, 
toujours  sur  l'invitation  du  roi,  l'argenterie  des  églises. 

■    A.  Voir  outre  le  Procès-verbal,  les  Mémoires  de  l'abbé  Legendre,  p.  202, 
el  ceux  de  Sourches,  III,  249. 


ÉTUDES    HISTORIQUES  241 

à  cause  des  conversions.  D'une  part  il  sollicitait  la  remise  du 
tiers  des  revenus  des  évèchés  que  les  évêques  nommés 
depuis  1682  et  qui  n'avaient  pas  encore  leurs  bulles  devaient 
payer  pour  les  nouveaux  convertis  ^  D'autre  part  il  deman- 
dait que  la  Déclaration  du  29  janvier  1686  sur  les  portions 
congrues  fût  modifiée  en  faveur  des  gros  décimateurs-  sur 
qui  l'augmentation  de  ces  portions  pesait  lourdement.  Or 
cette  augmentation  était  en  partie  une  conséquence  de  la 
Révocation^  :  ne  fallait-il  pas  rémunérer  les  pauvres  curés 
pour  le  surcroit  de  besogne  que  leur  imposait  l'œuvre  de 
conversion,  et  Tinstruction  de  leurs  nouvelles  ouailles? 

Sur  ces  deux  points  rassemblée  n'obtint  que  de  très  mé- 
diocres salisfaclions.  Quant  à  une  plainte  élevée  dans  l'as- 
semblée au  sujet  des  pensions  des  ministres  convertis,  elle 
y  fut  étouffée  séance  tenante.  La  province  de  Lyon,  repré- 
sentée par  Roquette,  évêque  d'Autun,  demanda  compte  à 
Harlay  de  la  manière  dont  il  avait  géré  les  fonds  accordés 
pour  les  nouvelles  pensions  par  la  petite  assemblée  extraor- 
dinaire de  1686,  où  cette  province  n'avait  pas  été  représentée. 
Roquette  protesta  contre  le  pouvoir  illimité  et  sans  contrôle 
qu'exerçait  l'archevêque  de  Paris  sur  les  affaires  temporelles 
du  clergé.  Un  seul  prélat,  l'évêque  de  Laon,  d'Estrées,  se 
joignit  à  lui,  mais  sans  succès.  Harlay  se  dit  offensé  par  leur 
demande  et  l'assemblée  qui  lui  était  dévouée,  le  sachant 
appuyé  par  le  roi,  défendit  aux  députés  de  questionner  à  ce 
sujet,  sous  peine  d'être  privés  de  voix  à   l'assemblée  pro- 


1.  Le  roi  ne  plaisantait  pas  sur  ce  chapitre.  Harlay  écrivit  à  l'arclie- 
vèque  nommé  de  Toulouse  que  les  prélats  qui  ne  paieraient  pas  exacte- 
ment leur  tiers,  devraient  renvoyer  leurs  brevets  de  nomination.  L'arche- 
vêque fit  en  vain  le  voyage  de  Paris  pour  obtenir  dècharjçe  de  ce  qu'il 
devait;  c[uanl  à  M.  de  Camps,  èvè(|ue  de  Ramiers,  qui  ne  voulait  rien 
payer,  ses  revenus  furent  saisis  {Nouvelles  ecclésiastiques,  Juin  l69o, 
janvier  1691  ;  Bibl.  Nat.,  m"  français,  235()Ot. 

2.  On  sait  que  les  assemblées,  où  lescongruistes  n'étaient  jamais  repré- 
sentés, prenaient  toujours  en  main  les  intérêts  des  gros  décimateurs. 

3.  La  Révocation  rendit  inévitable  l'augmentation  proposée  depuis  long- 
temps, réclamée  en  octobre  et  décembre  1683  par  l'intendant  de  Langue- 
doc pour  accélérer  l'œuvre  de  conversion  (de  Boislisle,  Correspondance 
des  contrôleurs  généraux,  l,  n"  207).  Le  préambule  de  la  Déclaration 
royale  invoque  aussi  ce  motif  (^4rc/z.  Nat.,  AD  Wll,  I."}). 

Ll.  -   IH 


242  ÉTUDES    HISTORIQUES 

chaîne*.  Les  pensions  subsistèrent,  mais,  dès  cette  année,  le 
clergé  parvint  à  les  réduire.  Le  roi  craignant  de  Taccablerau 
moment  où  il  avait  tant  besoin  de  lui,  consentit  à  ce  qu'il 
lixàt  les  nouvelles  pensions  à  200  1.  pour  les  ministres  et  à 
lœ  pour  les  proposants-. 


IV 


Nous  venons  de  voir  comment  de  1680  à  1690  les  finances 
du  clergé  se  sont  ressenties  de  l'œuvre  de  conversion.  A  par- 
tir de  cette  époque  l'histoire  de  la  pension  des  ministres  con- 
vertis n'offre  plus  guère  d'intérêt.  Le  gros  des  conversions 
était  déjà.passé;  beaucoup  de  ministres  quittaient  le  royaume; 
un  certain  nombre  pouvaient  se  passer  dépensions,  et  on  ne 
remplaçait  pas  sur  l'état  tous  ceux  qui  mouraient.  Pour 
toutes  ces  raisons,  les  pensions  diminuent  peu  à  peu  dès  la 
fin  du  xvn*'  siècle.  Le  fonds  était  encore  de  80,000  1.  en  1691. 
Dès  1695  on  décide  de  ne  plus  donner  de  pensions  jusqu'à 
€e  qu'il  soit  ramené  à  son  ancien  chiffre  de  65,000  1.^  En 
1715  il  est  réduit  à  moins  de  57,000  1.  dont  30,000  seulement 
sont  réparties  entre  75  ministres  et  proposants,  15  veuves, 
54  communautés^  Au  xvni'  siècle,  le  clergé  se  fait  toujours 
un  devoir  de  secourir  les  ministres  convertis  %  mais  leur 
part  est  de  plus  en  plus  diminuée  au  profit  des  autres  pen- 
sionnaires qui  en  1715  absorbaient  déjà  près  de  la  moitié  du 
fonds.  En  1740"  ministres  et  proposants  ne  sont  pas  une 
vingtaine  à  se  partager  5,000  1.;  les  communautés  n'ont  pas 
été  diminuées,  mais  on  réduit  leur  part  en  1745';  elles  sont 
maintenant  assez  riches  des  libéralités  du  roi,  du  clergé  et 
des  particuliers.  Au  lieu  des  ministres  (quand  on  les  rem- 


1.  L'incident,  (jui  ne  figure  pas  au  Procès-vevbal,  est  rapporté  par  de 
Sourches,  Mémoires,  111,  254. 

2.  Procès-verbaux,  V,  690. 

3.  Ibid.,  VI,  270. 

4.  Arch.  Nat.,  G»*,  836. 

5.  Procès-verbaux,  Vil,  1298. 
,     6.  Arch.  Nat.,  C^';  842. 

7,  Procès-verbaux,  Vil,  2090. 


ÉTUDES    HISTORIQUES  243 

place)  on  trouve  dans  les  états  leurs  fils,  leur  petits-fils,  sou- 
vent de  simples  particuliers  nouveaux  convertis,  que  Tétat 
nomme  pêle-mêle  parmi  les  autres  pensionnaires.  En  somme 
si  le  fonds  total  se  maintient  au  même  niveau,  les  pensions 
des  ministres  convertis  diminuent  toujours  et  vont  en  s'étei- 
gnant.  Dans  le  dernier  état  fait  en  1785*,  le  nombre  des  mai- 
sons de  nouveaux  et  nouvelles  catholiques  est  toujours  le 
même;  mais  elles  n'ont  plus  que  8,000  1.  Il  n'y  a  plus  un  seul 
ministre  converti,  et  outre  une  fille  de  ministre,  sur  plus  de 
500  pensionnaires,  une  douzaine  seulement  de  nouveaux  con- 
vertis se  partagent  à  peine  3000  L".  Le  fonds  des  ministres 
convertis  avait  été  peu  à  peu  absorbé  dans  les  pensions 
du  clergé  auxquelles  il  avait  autrefois,  grâce  à  son  excédent, 
donné  naissance  ;  et  comme  toutes  les  institutions  temporelles 
du  clergé,  les  pensions  disparurent  en  1790. 

Telles  ont  été  les  vicissitudes  de  cette  institution  près  de 
deux  fois  séculaire.  Nous  l'avons  vue  naître  à  la  fin  du 
xvi*-  siècle,  et  ayant  subi  à  l'origine  l'influence  d'Henri  IV, 
prendre  sa  plus  grande  importance  sous  l'impulsion  de 
Louis  XI\',  entre  1680  et  1690.  Nous  pouvons  conclure  que  le 
clergé  de  France,  surtout  à  la  fin  du  xvn'  siècle  a  dû  contri- 
buer de  ses  deniers,  plus  parfois  qu'il  ne  l'aurait  voulu,  à 
rétablir  l'unité  religieuse  du  royaume,  et  qu'en  cela  comme 
dans  toutes  ses  affaires  temporelles,  il  n'a  pu  se  défendre  de 
subir  l'influence  des  circonstances  et  l'action  directe  des 
volontés  royales. 

A.  Cans. 


1.  Arch.  Nat.,  G»*,  831. 

2.  Il  est  vrai  que  l'étal  comprend  ([uelques  juifs  convertis.  C'était  une 
ancienne  tradition;  en  1641.  on  avait  pensionné  le  fils  d'un  rabbin  «  très 
savant  dans  la  langue  sainte  et  qui  peut  servir  en  beaucoup  de  rencon- 
tres »  (Procès-verbaux,  III,  73).  Louis  Byzance,  turc  de  nation  et  juif  con- 
verti devenu  oralorien  eut  une  pension  du  clergé  de  1675  à  ■1721  (Arch. 
Nat.  G^  223).  I!  y  eut  toujours  parmi  les  pensionnaires  un  certain  nom- 
bre d'étrangers,  surtout  des  Anglais,  Anglaises  et  Irlandais. 


Documents 


TROIS  PIÈCES  JUSTIFICATIVES  DU  MARTYROLOGE  DE  CRESPIN 

LE    SUPPLICE    A    BORDEAUX    DE   JEROME    CASEBONNE 

(14  mai  1555) 

Les  trois  arrêts  du  Parlement  de  Guyenne  que  nous 
publions  ci-après  sont  en  quelque  sorte  les  pièces  justifica- 
tives du  long  récit  que  Grespin,  dans  son  Martyrologe,  nous 
a  laissé  de  l'arrestation  et  de  l'exécution  à  Bordeaux  du 
protestant  Jérôme  Gasebonne^  Ils  nous  précisent  la  date  et 
nous  confirment  les  détails  du  supplice  de  ce  régent  d'origine 
béarnaise,  qui  pour  avoir  voulu  «  admonnester  »  à  Montflan- 
quin  en  Agenais^  un  moine  de  Périgueux  venu  pour  prêcher 
le  Garême,  fut  jeté  en  prison,  y  demeura  environ  deux  mois 
sans  vouloir  s'échapper  et  fut  ensuite  transféré  à  Bordeaux 
où  le  Parlement  de  Guyenne  le  condamna  au  supplice  de  la 
claie  et  au  bûcher. 

Théodore  de  Bèze  dans  son  Histoire  ecclésiastique^  nous 
rapporte  aussi  le  martyre  de  ce  «  savant  personnage  ». 
D'après  les  termes  mêmes  de  son  récit,  il  parait  n'avoir  fait 
que  résumer  la  narration  très  détaillée  de  Grespin. 

Tous  deux  placent  ce  supplice  en  l'année  1556.  Bèze 
essaie,  en  outre,  de  préciser  et  nous  dit  qu'il  eut  lieu  «  vers 
le  mois  de  juillet  ». 

GauUieur,  dans  son  Histoire  de  la  Réformation  à  Bordeaux 
et  dans  le  ressort  du  Parlement  de  Guyenne  (p.  148)  décou- 
vrant quelque  part  que  le  21  mai  1556  le  lieutenant  criminel 
à  Bordeaux  avait  prononcé  la  sentence  de  mort  contre  «  un 
certain  personnage  convaincu  d'hérésie»,  rapproche  aussitôt 
cette  mention  des  dates  de  l'arrestation  et  de  l'exécution 
fournies  par  Grespin  et  par  Bèze  et  conclut,  non  sans  témérité, 

1.  Ci-espin,  Histoire  des  Martyrs,  éd.  Benoît  et  Lelièvre,  Toulouse, 
1887,  t.  II,  pp.  -'l'i'i  et  ss. 

2.  Lot-et-Garonne,  arr.  de  ^'ilIeneuve-sul■-Lot,  chef-lieu  de  canton. 

3.  Ed.  Baum,  Cunitz  et  Reuss.,  t,  I,  p.  132. 


DOCUMENTS  245 

que    cet   hérétique  condamné  le  20   mai   1556   devait  être 
Jérôme  Casebonne. 

Les  arrêts  du  Parlement  de  Guyenne  que  nous  avons 
découverts  nous  permettent  au  contraire  de  placer  de  façon 
i  ndiscutable  à  la  date  du  14  mai  1555  la  condamnation  et 
le  supplice  de  Jérôme  Casebonne*.  Crespin  s'était  trompé 
e  xaclement  d'une  année,  mais  par  une  erreur  vraisembla- 
b  lement  tout  à  fait  involontaire,  puisque  si  le  millésime  de 
l'a  nnée  indiqué  par  lui  est  erroné,  tous  les  autres  détails 
chronologiques  qu'il  nous  fournil  sont  exacts  '. 

Il  en  est  de  même  des  détails  de  l'exécution  elle-même  et 
en  particulier  de  la  mention  que  Casebonne  ayant  refusé  de 
«  demander  merci  et  pardon  à  la  vierge  Marie,  aux  Sainctz 
«  et  Sainctes  de  paradis  et  à  la  Justice. ..alléguantqu'il  ne  les 
«  avait  en  rien  offensez...  lors  lui  fut  commandé  de  bailler  la 
«  langue  à  couper  ^  ». 

I.  —  1555,  U  mai.  —  Arrêt  du  Parlement  de  Guyenne  qui  condamne 
Jérôme  Casebonne  au  supplice  de  la  claie,  à  l'abjuration  publique 
et  au  biJcher. 

Veu  le  procès  criminel  faicl  par  le  juge  ordinaire  de  Monflanquin 
à  la  requesle  du  procureur  général  du  Roy  prenant  la  cause  pour 
son  substitut  audict  Monflanquin,  demandeur  en  cas  d'excès  et  crime 
d'hérésie,  à  l'encontre  de  Hierosme  Casebonne  prlsonier  détenu  en 
la  conciergerie,  défendeur,  et  luy  oy  en  la  Court; 

1.  Crespin  donne  pour  date  de  l'arrestation  de  Casebonne  à  Montflan- 
quin  «  le  mardi  devant  Pâques  »  (9  avril  1555).  D'après  lui  il  demeura 
environ  deux  mois  en  prison  à  Montflanquin,  ce  qui  est  un  peu  exagéré 

si  la  date  de  l'arrestation  est  exacte.  L'instruction  de  l'affaire  à  Bordeaux 
dut  être  extrêmement  rapide  :  la  condamnation  et  le  supplice  eurent  lieu 
le  même  jour. 

2.  Peut-être  aussi  l'imprimeur  a-t-il  mal  lu  la  date  que  contenait  le 
manuscrit.  Il  siilfit  de  peu,  en  effet,  pour  quun  5  se  transforme,  sous 

certaines  plumes,  en  un  6.  (Réd.) 

3.  Les  documents  qui  suivent  sont  les  minutes  des  arrêts  du  Parle- 
ment de  Guvenne  (Archives  départementales  de  la  Gironde,  B  89 
[liasse],  3  pièces  papier,  orig..  à  la  datei.  Nous  remercions  M.  Brutails, 
archiviste  de  la  Gironde,  qui  a  bien  voulu  collationner  sur  les  origmaux 
les  copies  que  nous  avions  faites  de  ces  documents  et  transcrire  pour 
nous  intégralement  le  troisième  arrêt  dont  nous  n'avions  pris  que  l'ana- 
lyse. 


246  DOCUMENTS 

Il  sera  dit  que  la  Court  déclare  led.  Hierosme  Casebonne  avoir 
excédé  et  délinqué,  et  pour  réparation  des  cas  résultans  dud.  procès, 
condamne  icelluy  Hierosme  à  estre  trayné  sur  une  clye  par  les  can- 
tons et  carrefours  acoustumez  de  ceste  ville  de  B[oJurdeaulx  et  mené 
au  devant  l'église  métrapolitaine  Sainct-André  et  illec,  en  chemise, 
teste  et  piedz  nudz,  ayant  en  ses  mains  une  torche  de  cire  ardant, 
demander  pardon  à  Dieu,  à  la  Vierge  Mère,  sainclz  et  sainctes  du 
paradis,  au  Roy  et  à  Justice,  et  illec  mesmes  avoir  la  langue  coup- 
pée;  et,  ce  faict,  estre  mené  au  devant  le  palais  royal  de  l'Ombrière 
et  là  estre  bruslé  vif  et  son  corps  mis  en  cendre,  le  tout  par  l'exé- 
cuteur de  la  haute  justice. 

[Signs.  autogrs.]      De  Fauguerolles  :  duo  sciita. 
Alesme. 
xiiii'  maii  mvlv. 

II.  —  1555,  14  mai.  —  Mandat  du  Parlement  de  Guyenne  ordonnant  à 
M«  Augier  de  Harambure,  receveur  des  exploits  et  amendes  de  la 
Cour,  de  payer  à  Guichard  d'Eymier,  bourreau,  François  du  Murât 
et  Bertrand  de  Bernys,  trompettes,  les  sommes  qui  leur  sont  dues, 
au  premier  pour  avoir  exécuté  l'arrêt  de  la  Cour  contre  Jérôme 
Casebonne,  aux  autres  e:  pour  avoir  assisté  à  toutes  les  exécutions 
et  sonné  de  leurs  trompetas.  » 

La  Court  ordonne  à  M'=  Augier  de  Harambure,  receveur  des  ex- 
ploictz  et  emandes  d'icelle,  qu'il  paye,  baille  et  délivre  comptant  des 
deniers  de  sa  recepte  à  Guychard  Dey[mier],  maistre  des  haultes 
œuvres,  la  somme  de  douze  livres  dix  solz  t.  pour  avoir  exécuté 
M*  Yves  Nycet  (?),  Jehan  Sasset,  Arnauld  Bonnet,  Jehan  AndVault 
et  Benoist  Mossetz  les  tous  condemnez  par  arrestz  avoir  le  fouhet  à 
la  requeste  du  procureur  général  du  Roy  qu'est  pour  chascune  desd. 
cinq  exécutions  cinquante  solz  t.;  plus  la  somme  de  dix  livres  t. 
pour  avoir  exécuté  l'arrest  ce  jourd'uy  donné  à  la  requeste  dud. 
procureur  général  du  Roy  à  l'ancontre  de  Hierosme  Cazebonne, 
chargé  de  crime  d'hérésie,  condemné  à  estre  trayné  sur  une  clye 
jusques  au  devant  l'église  Sainct-André  et  illec  faire  emende  hono- 
rable, et  après  estre  mené  au  devant  le  Palais  et  estre  bruslé  vif,  et 
à  François  Du  Murât  et  à  Bertrand  de  Bernys,  trompetes,  pour  avoir 
assisté  à  toutes  les  susdites  exécutions  et  sonné  de  leurs  trompetes, 
la  somme  de  quatre  livres  dix  solz  t.  qui  est  pour  chascune  desd.  exé- 
cutions pour  lesd.  Du  Murât  et  Bernys,  quinze  solz  t.,  et  par,  rap- 
portant ces  présentes,  avecques  quictance  sur  ce  suffizante,  les  sus- 


DOCUMENTS  247 

dictes  sommes  de  x  livres  xii  solz  t.,  d'une  part,  dix  livres  t.  et  quatre 
livres  dix  solz  t.  d'autre,  seront  allouées  aud.  de  Flarambure  et  re- 
balue  de  sa  recepte  partout  où  il  apartendra,  sans  difficulté. 

Nim*  maii  mvlv. 


III.  —  1555,  14  mai.  —  Mandat  du  Parlement  de  Guyenne  ordonnant 
à  M'=  Augier  de  Harambure,  receveur  des  exploits  et  amendes  de 
la  Cour,  de  payer  au  greffier  et  aux  huissiers  certaine  somme  qui 
leur  est  due  pour  avoir  assisté  à  l'exécution  de  Jérôme  Casebonne. 

La  Court  ordonne  à  M^  Augier  de  Harambure,  receveur  des  ex- 
ploictz  et  émendes  d'icelle,  qu'il  paye,  baille  et  délivre  comptant  des 
deniers  de  sa  recepte,  au  greffier  et  huissiers  de  lad.  Court  la  somme 
de  cent  solz  t.  pour  avoir  assisté  à  l'exécution  de  Hiérosme  Case- 
bonne,  chargé  de  crime  d'hérésie,  condemné  par  arrest  ce  jour  d'uy 
donné  à  la  requeste  du  Procureur  général  du  Roy,  à  faire  émende 
honorable  et  après  estre  brûlé  vif  au-devant  le  Palais.  Et  par,  rap- 
portant ces  présentes  avecques  quictance  sur  ce  suffisante,  lad. 
somme  de  cent  solz  sera  allouée  aud.  de  Harambure  et  rabalue  de 
sa  recepte  partout  où  il  apartiendra,  sans  difficulté. 

xiiii'  de  may  mV  lv. 

Les  détails  fournis  par  le  récit  de  Crespin  et  nos  arrêts 
nous  laissent  malheureusement  dans,  l'incertitude  sur  la 
personnalité  même  de  ce  Casebonne,  comme  l'appellent 
Théodore  de  Bèze  et  nos  arrêts,  ou  Gasabone  ainsi  que  le 
désigne  Crespin.  On  aimerait  sans  doute  à  connaître  sa  vie 
antérieure,  son  activité,  sa  famille. 

Ce  béarnais  appartenait-il  à  la  famille  d'un  capitaine 
Casaubon  qui  en  1569  servait  en  Béarn  sous  les  ordres  du 
baron  d'Arros  et  d'un  Jacob  de  Gasabone,  écolier  boursier 
au  collège  d'Orthez  à  la  fin  du  xvi®  siècle  '  ? 

Etait-il  parent  d'Arnaud  de  Casaubon,  père  de  l'illustre 
Isaac  Casaubon,  qui,  originaire  de  «  Montfort  diocèse  Dax  en 
Gascogne  »,  d'après  les  registres  des  habitants  de  Genève, 
s'était  réfugié  en  Suisse  vers  1550  «  ayant  failli  d'être  brûlé  à 
Bourdeaux-  »? 

1.  France  protestante,  éd.  Bordier,  t.  II,  c.  Mi4. 

2.  Ibid.,  c.  SOC).    D'après  M.  Th.   Dul'our,  Intermédiaire   des    chercheurs 


24S  DOCUMENTS 

Ce  ne  peuvent  ôlre  là  que  des  hypothèses  que  l'absence  de 
documents  ne  permet  malheureusement  pas  de  serrer  de 
plus  près.  H.  Patry. 

LESDIGUIÈRES  APRÈS  SA  CONVERSION 

Tout  changement  de  religion  est  respectable  s'il  est  désin- 
téressé et  quand  celui  qui  l'effectue  croit  être  plus  agréable  à 
Dieu  dans  son  nouvel  état  et  désire  devenir  meilleur.  Mais, 
lorsqu'il  est  inspiré  par  l'ambition  ou  l'intérêt,  il  n'est  que 
méprisable.  Tel  fut  le  cas  du  célèbre  Lesdiguières,  qu'on  appe- 
lait indifféremment  le  roi  et  le  renard  du  Dauphiné.  Nous  avons 
raconté  longuement,  dans  notre  Histoire  des  protestants  du 
Dauphiné  (Vol.  Il,  p.  20  à  26),  à  la  suite  de  quelles  intrigues 
il  passa  au  catholicisme  et  montré  que  sa  conversion  fut  un 
véritable  marché,  à  la  suite  duquel  il  reçut  l'épée  de  conné- 
table. On  ne  pouvait  guère  espérer,  dans  ces  conditions,  qu'il 
devînt  un  homme  nouveau.  La  lettre  suivante  prouve,  en  effet, 
qu'il  demeura  jusqu'à  la  fin  ce  qu'il  fut  toujours  :  un  homme 
cupide  et  indélicat.  Elle  fut  écrite  par  l'évêque  de  Valence, 
Charles-Jacques  de  Gelas  de  Léberon  III,  au  nonce  Strada,  à 
Paris,  et  a  été  conservée  aux  archives  du  Vatican,  n-  395;, 
fol.  334,  335.  Parue  dans  le  Bulletin  de  la  Société  départemen- 
tale d'archéologie  de  la  Drôme,  année  1901,  p.  380,  que  nous 
sommes,  sans  doute,  un  des  rares  protestants  à  lire,  cette 
lettre  a  donc,  en  quelque  sorte,  la  valeur  d'un  document  inédit 
pour  les  lecteurs  du  Bulletin  historique  et  littéraire.  Elle  fut 
écrite  de  Valence  le  16  novembre  1627,  un  mois  etdemi  environ 
après  la  mort  de  Lesdiguières,  qui,  quoique  âgé  de  83  ans, 
était  venu  dans  le  Valentinois  pour  réduire  le  château  de 
Soyans,  occupé  par  la  Tour-Monlauban,  le  chef  des  huguenots 
révoltés  de  la  province,  pendant  la  deuxième  guerre  de  reli- 
gion du  xvn*  siècle. 

et  des  curieux,  année  1886,  ce.  76  et  81 .  M.  Dufour  ne  croit  pas  que  ce  soit 
à  Bordeaux,  en  Guyenne,  que  le  père  de  Casaubon  ait  failli  être  brûlé, 
mais  à  Bourdeaux,  en  Dauphiné.  A  propos  de  cette  question,  il  n'est  pas 
inutile  de  noter  que  nous  n'avons  trouvé  aucune  trace  de  poursuites 
contre  Arnaud  Casaubon  dans  les  arrêts  du  Parlement  de  Guyenne. 


DOCUMENTS 


249 


Lettre  de  Léberon  III,  évéque  de  Valence. 

«  Depuis  que  je  suis  parti  de  Paris  et  que  je  n "ay  eu  l'honneur  de 
vous  voir,  j'ay  toujours  esté  en  G.uyenne  et  en  Languedoc,  esloigné 
de  mon  diocèse  avec  beaucoup  de  déplaisir  de  ne  pouvoir  estre  en 
liberté  pour  y  faire  ma  charge,  comme  je  suis  obligé.  Mais  feu  Mon- 
sieur  le  Connestable,  continuant  ses  violences  en  mon  endroit  et 
s'eslant  logé  avec  sa  femme  (de  son  authorité)  dans  ma  maison  épis- 
copale,  où  il  a  permis  qu'on  ayt  fait  mille  désordres  et  de  si  extraor- 
dinaires que  je  n'oserais  mettre  sur  le  papier.  Le  reste  du  temporel 
a  souffert  beaucoup  d'incommodités,  par  son  armée,  qui  seroient 
trop  longues  à  déduire;  j'espère  que  le  Roy  m'en  fera  raison.  Cepen- 
dant Dieu,  par  une  particulière  Providence,  a  permis  que,  pour  punir 
tant  de  maulx  faicts  contre  l'Église,  il  soit  venu  mourir  dans  la 
maison  de  mon  officiai,  où  il  se  fit  porter  trois  jours  avant  de  rendre 
l'esprit,  et  ainsy  Dieu  a  permis  que  le  jugement  du  Tout-Puissant  aye 
esté  exécuté  en  présence  et  dans  la  maison  du  juge  d'Église.  Tous 
ses  domestiques,  au  nombre  de  soixante  et  dix,  ont  esté  malades 
dans  ma  maison  et  sa  femme  du  nombre.  On  a  remarqué  qu'elle 
s'estoit  logée  sur  le  lieu  où  estaient  jadis  les  tiltres  et  docu- 
ments de  l'Évesché,  lesquels  elle  fit  enlever  par  un  sacrilège  extra- 
ordinaire, il  y  a  quatre  ans,  lesquels  elle  fit  porter  à  Grenoble, 
où  elle  les  a  tousjours  gardé;  ce  qui  est  cause  de  la  perte  d'une 
partie  des  droicts  de  mon  évesché,  parmi  ses  péréquations  tem- 
porelles... » 

Ce  témoignage  de  Tévêque  de  Valence,  qui  présente  tous 
les  caraclères  de  rauthenlicité,  prouve  que  la  conversion  de 
Lesdiguières  au  catholicisme  n'exerça  aucune  influence  sur 
son  état  moral,  puisqu'à  un  âge  où  il  aurait  dû  penser  au  re- 
pentir, il  se  saisit  d'un  palais  épiscopal  avec  ses  valets  au 
n  ombre  de  70  (!),  y  laissa  commettre  par  ces  derniers  les  plus 
honteux  désordres  et  toléra  que  sa  femme,  Timpudique  Marie 
Vignon,  dérobât  ses  précieuses  archives.  Toute  sa  vie,  du 
r  este,  Lesdiguières  pratiqua  cesystème  despolialion  des  biens 
ecclésiastiques,  ce  qui  lui  permit,  à  lui,  un  des  plus  pauvres 
gentilshommes  du  Dauphiné,  de  laisser  à  sa  mort,  à  ses  héri- 
tiers, un  château  princier,  une  galerie  de  tableau  d'un  grand 
prix,  500,000  livres  de  renies,  une  grande  quantité  de  pierre- 


250  DOCUMENTS 

ries  et  une  somme  considérable  d'argent  comptant  {Additions 
au  Mémoire  historique  et  critique  de  la  vie  de  Roger  de  Saint- 
Lary  de  Bellegarde,  par  le  marquis  de  C***,  p.  85  et  86). 

E.  Arnaud. 


LE  PATRIOTISME  HUGUENOT  ET  SES  CALOMNIATEURS 

A   DIEPPE   EN   KiTS 

La  Société  rouennaise  de  bibliophiles  va  prochainement 
publier  la  suite  des  Mémoires  de  Jean  Daval,  suite  qui  est 
encore  plus  intéressante,  si  possible,  que  la  partie  publiée  en 
1878-79  par  feu  M.  E.  Lesens.  Le  manuscrit  original  se  trouve 
en  Angleterre  dans  la  famille  Perigal,  que  j  ai  pu  mettre  en 
relations  avec  l'un  des  membres  de  ladite  Société,  notre  ami 
M.  Garréta. 

Voici,  à  titre  de  curiosité  et  aussi  d'enseignement,  un  épi- 
sode extrait  de  ces  mémoires  qu'on  a  bien  voulu  nous  auto- 
riser à  publier  et  qui,  comme  toujours,  réduit  à  néant  par  des 
faits  probants  l'une  des  innombrables  calomnies  qui  ont  cours 
contre  les  protestants. 

L'année  1674  se  passa  dans  la  peur  d'une  étrange  révolution.  On 
craignit  par  mer  la  descente  et  la  vengeance  des  Hollandais,  qu'on 
avoil  tant  méprisée  et  que  l'on  avoil  si  maltraitez  par  terre,  et  l'on 
ne  doutoit  point  que,  se  trouvant  alors  maîtres  de  la  Manche  par  le 
détachement  des  Anglois  d'avec  la  France,  qui  n'avoit  peu  ou  point 
de  vaisseaux  à  leur  opposer,  ils  ne  vinssent  à  se  dédommager  sur  la 
côte  de  la  prise  de  la  plupart  de  leurs  villes  du  côté  de  leurs  fron- 
tières. Ce  qu'il  y  avait  encore  de  singulier  dans  cette  frayeur  géné- 
rale, c'est  qu'on  regardoit  les  Protestans  comme  capables  de  se 
joindre  aux  ennemis,  à  cause  de  la  conformité  de  créance  qu'ils 
avoient  ensemble.  Cela  faisoitque  les  Puissances  les  soubçonnoient, 
les  timides  les  caressoient,  les  uns  croioient  qu'il  les  falloit  désarmer, 
les  autres  leur  demandoient  leur  proteclion  et  un  asile  chez  eux.  Il 
est  pourtant  vray  que  les  Piéformez  étoient  aussi  bon  François  que 
leurs  compatriotes  et,  par  conséquent,  aussi  alarmez  qu'eux.  Le  soin 
qu'ils  eurent  d'éloigner  leurs  effets  plus  avant  dans  le  roiaume  et  de 
se  préparer  à  une  vigoureuse  deffence  le  prouve  invinciblement.  Et 
il  faut  avoir  autant  de  disposition  que  les  papistes  à  croire  les  choses 


DOCUMENTS  251 

les  plus  incroiablep,  pour  vouloir  persuader  à  loul  le  monde,  comme 
ils  ont  tâché  de  le  faire  depuis,  que  les  Huguenots  de  France  et  sur- 
tout ceux  de  Dieppe  ont  aidé  d'argent  les  HoUandois  dans  la  der- 
nière guerre,  et  que  c'est  pour  les  punir  de  cette  trahison  qu'on  leur 
a  fait  en  dernier  lieu  toutes  les  choses  dont  ils  se  plaignent  tant.  Dieu 
ne  permit  point,  au  reste,  que  les  HoUandois  fissent  de  descente; 
mais,  cette  (lotte  si  formidable  qu'ils  avoient  en  mer  fut  dans  l'Amé- 
rique pour  exécuter  les  ordres  de  ses  maîtres  oîi  elle  receut  un  échec 
à  la  Martinique*  après  s'être  fait  redouter  à  la  France,  alors  déjà 
assez  épouvantée  par  les  séditions  arrivées  à  Rennes  et  à  Bour- 
deaux.  Cette  flotte  goûta,  en  passant,  du  vin  des  moines  de  Ner- 
moutier. 

Avant  que  de  quitter  cette  guerre,  il  ne  faut  pas  oublier  un  événe- 
ment arrivé  à  Dieppe  pendant  son  plus  grand  feu,  événement  qui 
fera  voir  si  les  protestans  de  cette  ville  étoient  en  si  bonne  intelli- 
gence avec  les  ennemis  comme  on  Ta  publié.  Un  vaisseau  marchand 
de  la  même  ville,  revenant  d'un  grand  voyage,  fut  attaquée  deux  ou 
trois  lieues  de  la  rade  par  un  armateur  hoUandois  contre  lequel  le 
vaisseau  marchand  se  deffendit  si  vigoureusement  qu'il  se  rendit 
maître  de  l'armateur,  étant  monté  à  l'abordage  du  vaisseau  ennemi 
avec  un  courage  intrépide.  Ce  navire  marchand  se  nommoit  «  la 
Bannière  de  France  s;  presque  tout  l'équipage  étoit  protestant, 
entr'autres  le  Capitaine,  nommé  M.  Du  Port;  il  étoit  de  la  Rochelle. 
Il  fut  tué  malheureusement  du  dernier  coup  qui  fut  tiré  du  vaisseau 
ennemi,  faisant  l'office  d'un  habile  commandant  et  d'un  brave  soldat. 
Quelques  officiers  et  matelots  de  la  même  religion  y  reçurent  des 
blessures  honorables  et  amenèrent  d'une  manière  triomphante  leur 
prise  dans  le  Port.  Les  prisonniers  furent  charitablement  secourus 
par  l'Église  qui  fit  panser  fort  bien  les  blessez  et  nourrir  les  autres 
pendant  leur  détention. 

1.  Pendant  la  guerre  de  Hollande,  le  fameux  amiral  Ruyter  reçut  l'ordre 
de  s'emparer  de  la  Martinique  ;  il  amenait  avec  sa  flotte  le  comte  de  Stirum , 
déjà  nommé  gouverneur  de  la  future  conquête  par  les  Etats-Généraux 
des  Pays- lias.  11  arriva  devant  la  rade  de  Foii-de-France  le  20  juillet 
16"'i.  Après  avoir  débarqué  6,000  hommes  à  la  pointe  Simon  et  tenté  de 
s'emparer  du  fort  Saint-Louis,  il  fut  contraint  de  s'éloigner  précipitamment, 
laissant  parmi  les  morts  le  comte  Stirum  lui-même.  C'est  à  cette  époque 
que  la  Compagnie  des  Indes  (3ccidentales,  qui  avait  encore  devant  elle 
trente  années  d'exploitation,  se  trouvant  impuissante  au  milieu  de  ces 
guerres  pour  faire  valoir  des  contrées  lointaines,  dut  être  rèvoeiuée  par 
un  éditde  décembre  1674.  La  propriété,  la  seigneurie  et  le  domaine  utile 
des  colonies  furent  réunis  à  la  couronne.  —  {Grande  Encyclopédie,  art. 
Martinique.) 


252  DOCUMENTS 

La  vigueur  et  la  fidellilé  du  capitaine  Du  Port  parurent  au  Gou- 
verneur de  Dieppe  si  digne  de  distinction  et  d'honneur  qu'il  ordonna 
qu'on  lui  fit  des  obsèques  extraordinaires,  permettant  aux  Protestants 
de  n'observerni  le  nombre  d'assistans,  ni  les  heures,  ni  la  simplicité 
à  laquelle  ils  étoient  astrains  par  les  Edits.  Le  cercueil  étoit  porté 
par  sept  marchands  en  longs  manteaux  de  deuil etchargé  du  pavillon 
de  France,  de  l'épée  et  des  autres  armes  du  deffunt.  Le  lieutenant 
de  M.  Du  Port  suivoit  son  corps  traînant  la  bannière  du  vaisseau 
hoUandois;  après  lui,  suivoit  le  convoy  funèbre,  fort  nombreux,  où 
les  pasteurs  se  trouvèrent  aussi  pour  en  honorer  la  pompe.  Mais, 
les  chicaneries,  que  leur  en  firent  les  Juges  dans  la  suite,  apprirent 
à  l'Église  que  sa  prospérité  avoit  jette  son  dernier  feu  dans  cette 
occasion  et  qu'il  n'y  avoit  plus  désormais  à  attendre  pour  elle  que 
de  l'obscurité  et  des  traverses. 

Il  suffit  de  comparer  ce  récit  à  celui  qui  suit  et  que  nous 
emjDruntons  aux  Antiquité^  et  chroniques  de  la  ville  de  Dieppe 
du  prêtre  David  Asseline  (t.  II,  p.  377-379),  pour  constater 
d'abord  que  le  texte  de  Daval  est  rigoureusement  exact,  plus 
exact  que  celui  du  prêtre,  et  ensuite  qu'il  est  remarquable- 
ment modéré.  En  effet,  non  seulement  Daval  ne  lire  guère 
parti  d'un  fait  qui  confondait  si  péremptoirement  une  calomnie 
aussi  vile  qu'elle  était  lâche,  c'est-à-dire  anonyme.  Mais  il  se 
borne  au  nom  de  «  chicaneries  »  pour  désigner  la  misérable 
revanche  que  prirent  ceux  qui  avaient  eu  la  bouche  fermée. 

On  sait  que  sous  le  régime  de  l'Editde  Nantes,  pour  empê- 
cher la  propagande  d'un  culte  dissident  toléré,  on  avait  interdit 
aux  huguenots  tout  ce  qui  dans  leurs  offices  religieux  ou  leurs 
cérémonies  pouvait  attirer  l'attention,  et  qu'on  les  obligeait 
notamment  à  enterrer  leurs  morts  sans  cortège,  c'est-à-dire 
accompagnés  de  quelques  personnes  seulement,  de  grand 
matin  ou  à  la  tombée  de  la  nuit.  Sous  le  coup  de  Témotion 
patriotique  produite  par  l'exploit  de  l'équipage  du  capitaine 
Du  Port,  le  gouverneur  de  Dieppe  avait  dérogé  à  ce  règle- 
ment infamant  en  organisant  les  funérailles  solennelles  dont 
on  vient  de  lire  le  récit.  Belle  occasion,  en  effet,  pour  faire 
payer  à  l'Église  réformée  de  Dieppe  le  service  héroïque- 
ment rendu  par  l'un  de  ses  membres!  M.  le  Pelle,  avocat  du 
roi,  ne  la  manqua  pas  puisqu'il  requit  etoblint  du  lieutenant 


DOCUMENTS  253 

criminel  au  bailliage  d'Arqués  une  condamnalion  à  400  livres 
d'amende.  Si  après  cela  les  huguenots  dieppois  n'étaient  pas 
convaincus  de  la  supériorité  du  catholicisme,  c'est  qu'ils 
étaient  difficiles. 

Les  Dieppois  signalèrent  leur  haljileté  et  leur  valeur  d'une  ma- 
nière beaucoup  plus  glorieuse  dans  la  rencontre  dont  je  vais  faire 
mention.  Un  de  leurs  navires  marchands,  nommé  l'Europe  (et  depuis 
la  Bannière  de  France),  monté  de  17  pièces  de  canon  et  de  35 
hommes  d'équipage,  après  avoir  esté  poursuivi  depuis  Belle-Isle  par 
une  frégate  de  Flessingues  de  vingt  et  deux  pièces  de  canon  et  de 
quatre-vingts  hommes  d'élite,  fut  enfin  attaqué,  à  la  hauteur  de 
Fescam,  ou  (selon  le  rapport  de  quelques-uns  de  son  équipage)  à  la 
hauteur  de  Saint- Valéry,  le  dix-neuvième  jour  de  janvier  de 
l'année  1678. 

Quoyque  l'inégalité  fut  grande,  les  nostres  soutinrent  l'attaque  et 
en  vinrent  aux  mains  avec  tant  de  vigueur,  qu'après  un  combat  opi- 
niâtre pendant  environ  deux  heures,  ils  se  rendirent  maistres  de  la 
frégate.  Ceux  qui  furent  de  la  partie  ont  dit  que  ce  fut  particulière- 
ment après  que  la  frégate  eut  entrepris  de  passer  le  long  du  navire 
dieppois  pour  luy  lascher  sa  volée  de  canon,  qu'au  lieu  d'exécuter 
son  dessein,  elle  embarrassa  son  mast  de  beaupré  dans  ses  hauts- 
bans  et  autres  cordages  et,  qu'en  effet,  estant  prise,  ainsy  qu'un 
oyseau  dans  les  filets,  et  les  Zélandois  se  mettansendevoirde  monter 
sur  leur  beaupré  pour  en  démesler  les  manœuvres,  les  Dieppois  et 
les  passagers  tirèrent  dessus  et  ne  manquèrent  pas  de  les  tuer  les 
uns  après  les  autres,  à  la  vue  de  leur  équipage,  qui  en  devint  décon- 
certée et  même  obligée  de  se  tenir  dans  son  vaisseau.  Mais,  parce 
que  les  Dieppois  avoient  l'avantage  de  découvrir  tous  ceux  qui 
cstoient  sur  le  tillac  de  la  frégate  et  que  les  Zélandois  se  cachèrent 
dessous,  pour  n'estre  plus  ainsi  exposés  aux  coups  des  Dieppois. 
ceu.x-cy  descendirent  et,  à  l'exemple  du  sieur  Casse,  lequel  repas- 
soit  dans  ce  vaisseau  comme  directeur  du  négoce  des  intéressez  et 
avoit  sauté  le  premier  dans  celuy  des  ennemis,  ils  les  assaillirent 
avec  tant  de  fureur,  qu'ils  les  obligèrent  à  demander  quartier 
et  enfin  à  se  rendre.  Entre  les  braves  qui  se  signalèrent  en  ce  com- 
bat, le  sieur  du  Fay,  second  pilote,  se  fit  distinguer  tant  par  son 
habit  rouge  que  par  son  courage  qui  ne  put  souffrir,  après  s'estre 
fait  arrêter  le  sang  par  un  appareil  que  l'on  mit  promptement  sur  la 
playe  ciu'il  avoit  reçue  à  la  cuisse,  que  le  combat  fut  terminé  sans 
s'y  engager  tout  de  nouveau.  Un  autre  enfant  de  Dieppe  nommé 


254  DOCUMENTS 

Estatîcelin,  se  fit  admirer  en  celte  occasion  en  ce  qu'à  l'âge  de  treize 
ans,  il  sauta  aussi  dans  le  vaisseau  ennemy,  tenant  le  pistolet  d'une 
main  et  le  sabre  de  l'autre.  Ce  qu'ils  entreprirent  sans  doute  avec 
d'autantplusd'animosité,  quele  sieur  du  Port,  leur  capitaine  avoil  esté 
malheureusement  tué  du  dernier  coup  d'armes  qui  fut  tiré  du  bord  de 
cette  frégate,  et  ce  fut  presque  toute  la  perle  que  firent  les  Dieppois, 
au  lieu  que  les  Zélandois  perdirent  onze  de  leurs  hommes  qui  furent 
jetiez  à  la  mer,  et  en  eurent  23  de  blessés,  qui  furent  trouvez  au 
fond  de  cale  et  amenez  à  Dieppe,  avec  le  reste  de  l'équipage  de  la 
prise,  et  détenus  dans  les  tours  de  la  porte  d'Ouest,  où  ils  furent 
gardez  en  attendant  les  ordres  du  roy,  qui  eut  la  bonté  de  leur  per- 
mettre de  retourner  en  leur  pays. 

Après  tout,  cette  victoire  fut  d'autant  plus  glorieuse  aux  Dieppois, 
que  leur  équipage  qui  consistoil  à  environ  40  hommes,  tant  ma- 
telots que  passagers,  esloil  fatiguée  par  la  longueur  et  les  incom- 
modilez  qu'elle  avait  souffertes  depuis  l'isle  de  Saint-Domingue 
■et  qu'au  temps  du  combat  la  moitié  de  leurs  hommes  estoit  ma- 
lade et  même  qu'il  y  avait  quinze  jours  que  le  pain  leur  avoit 
manqué. 

Le  vendredy  21**  jour  de  ce  mois,  le  corps  du  capitaine  de  l'Eu- 
rope, qui  estoit  Religionnaire,  fut  porté  en  terre  par  ceux  de  sa  cré- 
ance. Le  convoi  fut  pompeux  et  extraordinaire,  car  il  y  fut  porté  par 
quatre  hommes  veslus  en  dueil,  quatre  autres  tenant  les  coins  du 
drap  noir  qui  couvroit  le  coffre  et  sur  ce  drap  noir  on  posa  un  pavil- 
lon blanc  chargé  de  l'espée  et  du  fourreau  du  deffunt,  qui  furent  mis 
en  forme  de  croix  de  Saint-André.  Comme  le  fossoyeur  marchoit 
devant  en  habit  de  dueil,  le  pilote  du  vaisseau  venoit  après,  portant 
un  long  manteau  de  dueil  et  le  pavillon  du  vaisseau  Zélandois,  dont 
une  partie  éloit  traînante  l'autre  pliée  et  retenue  sous  son  bras.  Les 
4  ministres  le  suivoient  et,  après  eux,  environ  cinquante  Religion- 
naires  marchoient  deux  à  deux,  couverts  d'habits  et  de  longs  man- 
teaux de  dueil. 

Mais  cette  marche,  qui  se  fit  avec  tant  de  cérémonie  tout  le  long 
de  la  Grande-Rue,  sur  les  Sou  9  heures  du  malin  ayant  été  faite  au 
préjudice  des  édits  du  roy,  en  l'absence  de  Mons''  de  Radiole,  lieu- 
tenant général,  Mons'  le  Pelle,  avocat  du  roy  en  la  juridiction  d'Ar- 
qués, présenta  requeste  à  Mons'  le  lieutenant  criminel,  lequel  les 
condamna  à  quatre  cent  livres  d'amende*. 

1.  l.e  même  fait  es(  raconté,  mais  jjeaucoup  plus  brièvement,  aussi  dans 
les  Mémoires  pour  servir  à  P histoire  de  la  ville  de  Dieppe,  de  M.  C.  Gui- 
herl  (I,  343,  et  1,  222). 


MÉLANGES  255 

J'ai  dit  que  ce  dernier  récit,  quoique  plus  détaillé,  est  au 
fond  moins  exact  que  le  précédent.  En  effet,  il  a  soin  de  ne 
pas  mentionner  les  bruits  qui  avaient  été  répandus  pour  faire 
suspecter  la  loyauté  et  le  patriotisme  des  huguenots.  Puis  il 
se  garde  bien  de  dire  que  prestjue  tout  l'équipage  et  notam- 
ment les  officiers  et  matelots  de  la  «  bannière  de  France  », 
qui  firent  preuve  d'héroïsme  étaient  aussi  protestants  que  le 
capitaine  Du  Port,  le  seul  dont  il  indique  la  religion.  Il  ne 
parle,  au  fond,  dans  toute  cette  affaire,  que  du  courage  pa- 
triotique des  Dieppois,  qualité  que  les  catholiques  contem- 
porains de  l'événement,  s'efforçaient  précisément  de  refuser 
à  leurs  compatriotes  protestants.  Tant  il  est  vrai  que  la  polé- 
mique cléricale  était  jadis  ce  qu'elle  est  encore  aujourd'hui. 

N.  W. 


Mélanges 


LA  CHANSON  CATHOLIQUE  DU  MASSACRE  DE  VASSY 

Le  Bulletin  (\',  511)  a  donné  en  1857  le  cantique  ou  chanson 
huguenote  du  massacre.  Voici  la  chanson  catholique  telle 
qu'elle  figure  dans  le  Romancero  de  Champagne  (tome  IV, 
Chants  historiques,  1550-1750.  P.  Tarbé,  Reims),  et  dans  le 
Recueil  des  Poésies  calvinistes  (1550-1566),  1864,  de  P.  Tarbé. 
Paris,  Aubry,  1866.  —  Elle  est  tirée,  nous  dit  l'éditeur  du 
Romancero,  du  Recueil  des  chansons  de  Christofle  de  Bour- 
deaux,  et  nous  donne  la  version  catholique  populaire  de  l'évé- 
nement. 

Honneur  et  salut  à  Dieu 
Et  au  roy  noslre  sire, 
Qui  nous  a  en  ce  bas  lieu 
Si  bien  gardez  de  l'ire 
Des  huguenaux 
liemplis  de  meaux 
Qui  nous  vouloyent  occire. 
Un  jour  viendra 
Qu'on  les  fera 
Trestous  crever  de  rire. 


bV)  MÉLANGES 

Nous  avons  un  bon  seigneur 
En  ce  pays  de  France, 
El  prince  de  grand  honneur, 
Vaillant  par  excellence, 

Et  très  humain 

Doux  et  bénin  : 
Ceit  le  bon  duc  de  Guise 

Qui,  à  Vassy, 

Par  sa  mercy, 
A  défendu  l'Église. 

Le  premier  jour  du  moys  de  Mars, 

Qui  estoit  le  dimanche, 
Les  huguenaux  de  toutes  paris 
Se  mirent  en  une  grange 
Pour  y  prescher 
De  manger  chair 
Qualre-temps  et  caresmes, 
Et  du  lard  gras. 
Comme  des  rats 
Quand  ils  se  trouvent  à  mesmes. 

Ainsi  qu'à  la  messe  estoit 
Le  bon  prince  de  Guise 
Que  le  prestre  se  vestoit 
Pour  chanter  à  l'église, 

Les  huguenaux, 

Infails  crapaux, 
S'en  vont  sonner  la  presche 

Qui  en  ce  lieu 

Service  de  Dieu 
Et  saincte  Église  empesche*. 

1.  C'est  celte  version  qu'adoptent  Varillas(//is^  de  Charles  IX,  lome  1, 
p.  147)  et  Brantôme  {Œuvres,  tome  VIII,  p.  V}5).  Suivant  ces  deux  histo- 
riens, le  Duc,  en  arrivant  à  Vassy,  serait  allé  directement  à  l'Eglise 
catholique  pour  y  entendre  la  messe;  à  ce  moment,  les  réformés  se 
seraient  mis  à  chanter  leurs  «  pseaumes  »  et,  dit  Varillas  «  on  n'a  pu  dé- 
«  mêler  si  ce  fut  par  hasard  ou  de  propos  délibéré.  Le  bruit  qu'ils  firent 
«  fut  si  grand  que  le  duc,  contraint  d'interrompre  ses  prières,  leur  envoya 
«  demander  un  demi-quart  d'heure  de  silence,  et  leur  assura  (ju'ils  pour- 
«  raient  ensuite  continuer  leur  chant  avec  liberté  dès  que  la  messe  qu'il 
«  entendait  serait  finie.  Les  calvinistes,  au  lieu  de  répondre  civilement 
('  chantèrent  encore   plus  haut;  et  quelques  relations   ajoutent  qu'ils  ne 


MÉLANGES  'ib'i 


Monsieur  de  Guise  parla 
Et  dit  aux  gentilshommes  : 
—  Allez-vous  en  jusque-là  ! 
Et,  leur  dit,  en  somme, 
Qu'ils  ayent  un  peu, 
Dedans  ce  lieu 

Un  peu  de  patience 

Pour  rendre  à  Dieu 

Grâce  et  honneur 

Et  aussi  révérence. 

Mais  ces  huguenaux  mauldits 
Ont  fait  *  tout  le  contraire; 
Ont  respondu  par  leurs  dits 
Qu'ils  n'en  avoyent  que  faire. 

Ils  ont  frappé 

Et  molesté 
Les  nobles  personnages  ; 

De  leurs  canons 

De  leurs  bâtons 
Ils  leur  ont  fait  outrage  - 

Monsieur  de  Guise  y  alla 
En  grande  diligence, 
Qui  de  tous  ces  méchants-là 
A  bien  prins  la  vengeance. 


«  repai'lirent  à  celui  tiui  leur  pariait  que  pai'  des  railleries  et  des  injures  ». 
Il  est  bon  de  noter  que  François  de  Lorraine,  dans  sa  propre  relation 
(ju'il  l'ail  du  massacre,  ne  parle  nullement  d'avoir  été  dérangé  dans  ses 
dévotions.  «  11  me  semblait,  dit-il,  être  trop  près  des  réformés,  pour  ne 
<(  pas  devoir  leur  faire  telles  remontrances  que  je  connaîtrais  plus  à  pro- 
«  pos...  j'envoyai  devers  eux  deux  ou  trois  de  mes  gentilshommes,  pour 
«  leur  signifier  le  désir  que  j'avais  de  parler  à  eux,  lesquels  je  suivais  de 
«  bien  près.  »  {Mémoires  de  Condé,  tome  III,  p.  M'.i). 

1.  Dans  le  Recueil,  p.  66,  il  y  a  Ont  dit. 

2.  (3n  sait,  par  les  récits  protestants,  que  les  réformés  étaient  sans 
armes,  sauf  peut-être  deux  ou  trois  iientilshommes  qui  avaient  le  droit  de 
porter  l'épée  en  vertu  de  l'Édil  de  .Janvier.  On  suppose  généralement 
(jue  la  grange  du  pi'êche  était  inachevée,  ce  qui  expliquerait  la  présence 
de  tas  de  pierres,  aux  aboids  du  bâtiment.  Que  les  réformés  s'en  soient 
servis  comme  de  projectiles,  cela  est  possible.  De  Thou  déclare  (Mé- 
moires, tome  lit,  p.  130)  (juc  ce  furent  les  valets  du  Duc  qui  en  lan- 
cèrent. 

Ll.  —  l'J 


•25y  MÉLANGES 

Il  a  tué 
La  plupart  de  leur  bande, 

Et  les  laquets 

Par  leur  conquest 
Ont  montré  chose  grande. 

Prions  à  Dieu  de  paradis 
Qui  nous  donne  la  grâce 
Que  nous  soyons  en  luy  unis, 
En  despit  de  leur  race, 

Qu'au  ciel  très  hault 

Sans  nul  défault 
Soyons  avec  les  anges  ; 

Que  nostre  esprit 

A  Jhésu  Christ 
Toujours  rende  louange  1 

Il  faut  avouer  que  si  la  chanté  chrétienne  n'éclate  pas  dans 
tous  les  chants  huguenots  de  cette  malheureuse  époque,  les 
chants  catholiques  ne  leur  cèdent  en  rien  sous  ce  rapport. 
Au  moins,  est-ce  à  Dieu  que  les  réformés  remettent  la  ven- 
geance : 

Sus,  donc,  ô  Dieu  !  pren  les  armes  ! 
Venge  ce  sang  espandu  ! 

Et  ((  ce  sang  espandu  »  est  considéré  par  eux  comme  un 
châtiment  plus  que  mérité  : 

Nous  sçavons  que  nostre  offense 
Mérite  plus  que  cecy; 
Mais  tu  es  Dieu  de  clémence, 
Nous  te  demandons  mercy. 

Au  rebours  du  poète  huguenot,  le  poète  catholique,  après 
l'aveu  du  crime,  demande  à  Dieu  une  bonne  place  au  para- 
dis, pour  lui  et  ses  pareils  !  Est-ce  naïveté  ou  cynisme  ? 

Cn.  Serfass. 


MÉLANGES  '£>'■> 

CIMETIÈRES  PROTESTANTS  PARISIENS* 

II.  -     Le  cimetière  des  protestants  étrangers  à  la  porte 
Saint-Martin. 

-  En    1854,    M.   F.  Waddingtoa   publiait   dans   le    Bulletin 
du  Protestantisme  français^  une  série   d'articles    relatifs  à 
l'établissement  d'un  cimetière  à  Paris  pour  les  protestants 
étrangers  en  1720;  il  démontrait  avec  documents  à  l'appui, 
que  ce  lieu  de   sépulture  leur  avait  été   accordé,   grâce  à 
l'influence  de  l'ambassade  hollandaise-.  Plus  tard,  M.  Charles 
Read,  dans    une   étude   fort   bien  documentée,   fit   l'histo- 
rique des   sépultures  des  protestants  étrangers;  il   donna 
le  texte  de  l'arrêt  du  20  juillet  1720,  qui  accordait  pour  les 
inhumations  des  étrangers,  un  terrain  d'une  superficie  de 
250  toises,  joignant  la  porte  Saint-Martin,  terrain  qui  ne  fut 
point  immédiatement  clos  de  murs  et  aménagé  ^  En  1887, 
M.  Read,  ayant  trouvé  au  cabinet  des  Estampes  de  la  Bi- 
bliothèque  Nationale,   les  procès-verbaux  du  recensement 
des  maisons  comprises  dans  les  faubourgs  de  Paris  entre 
1724   et  1726  écrivit  l'article  intitulé    :    Une   description  du 
cimetière  des  étrangers  faite  officiellement  en  1726*;  le  hasard 
aurait  pu  tout  aussi   bien   favoriser  le  chercheur  dans  un 
autre  dépôt,  car  cette  collection  de  procès-verbaux  relatifs 
aux  limites  de  Paris,  existe  également  en  doubles  exemplaires 
aux  Archives  Nationales  ^  Cette  série  de  registres  comporte 
un  plan  local  pour  chaque  immeuble,  et  un  plan  d'ensemble 
de  la  rue;  j'ai  cru  devoir  reproduire  ici  celui  du  cimetière  de 
la  porte  Saint-Martin  et  celui  de  la  rue  Basse  (aujourd'hui 
rue  de  Bondy)  afin  de  marquer,  d'une  fa(jon  exacte,  l'ancien 
emplacement  de  cette  nécropole. 

1.  Voy.  plus  haut,  p.  94,  n"  du  15  février  1901. 

2.  Influence  de  l'ambassade  de  Hollande  à  Paris  sur  les  affaires  des 
pioLeslauls  de  France  au  xvii"  siècle,  M \b-\12ii  (Bulletin  de  la  Société  du 
protestantisme  français,  1854,  t.  XI,  p.  595). 

:î.  Ibid.,  1887,  t.  XXXVI,  p.  28. 
i.  Ibid.,  X\X\'I,  j)p.  -209-2 10. 

5.  Plan  des  limites  de  la  ville  et  des  faubourgs.  Archives  nationales, 
Séries  :  OilOUgi'-^-iw  et  YJt'. 


260  iMÉLANGES 

Je  ne  reviendrai  pas  ici  sur  les  origines  du  cimetière,  elles 
sont  connues,  et  les  textes  relatifs  à  son  établissement  ont 
été  signalés  par  les  auteurs  que  je  viens  de  citer  et  plus 
récemment,  par  'SI.  Armand  Lods  qui  a  retrouvé  et  publié 
l'arrêt  du  24  mars  1726  *. 

On  conserve  à  la  bibliothèque  de  l'Arsenal,  dans  le  fonds 
de  la  Bastille,  un  dossier  relatif  au  cimetière  dont  il  s'agit  ;  il 
montre  combien  les  ambassadeurs  étrangers  étaient  dési- 
reux de  voir  achever  et  enclore  le  terrain  qui  avait  été 
affecté  à  la  sépulture  de  leurs  nationaux.  Le  30  septembre 
1722,  Dodun,  contrôleur  général  des  finances,  écrit  à  D'Ar- 
genson  qu'il  est  vivement  sollicité  par  les  ambassadeurs  de 
voir  Iravailler  à  la  construction  du  cimetière,  et  le  30  janvier 
17:23,  on  s'occupe  au  Conseil  Royal  de  cette  question  : 

«  Le  roy  s'étant  fait  représenter  Parrest  rendu  en  son  conseil,  Sa 
Majesté  y  estant,  le  vingt  juillet  1720,  par  lequel  pour  les  causes  et 
considérations  y  contenues,  il  auroil  entr'autrês  choses  été  ordonné 
que  par  le  sieur  de  Baudry,  lors  iieutenanl-général  de  la  police  de 
la  Ville,  prévosté  et  vicomte  de  Paris,  il  seroit  incessamment  dé- 
signé un  emplacement  d'une  étendue  convenable  pour  l'inhumation 
des  corps  des  étrangers  protestants  qui  décéderont  dans  ladite  ville 
et  banlieue,  que  ledit  emplacement  seroit  clos  de  murs,  et  qu'il  y 
seroit  établi  un  concierge  qui  en  auroit  les  clefs  et  seroit  tenu  de 
l'entretenir  décemment;  et  Sa  Majesté  ayantété  informée  qu'en  con- 
séquence dudil  arrêt,  les  prévost  des  marchands  et  échevins  de 
ladite  ville  de  Paris  auroient  visité  conjointement  avec  ledit  sieur 
de  Baudry,  une  place  appartenante  au  domaine  de  la  Ville,  seize 
au-delà  et  attenant  le  cours  planté  d'arbres  entre  la  porte  Saint- 
Martin  et  barrière  du  Temple  qui  leur  auroit  paru  convenable  pour 
le  susdit  emplacement  de  laquelle  ils  auroient  ensuite  par  délibé- 
ration du  vingt-trois  juillet  dudit  mois,  donné,  cédé  et  abandonné 
une  portion  de  contenance  de  deux-cent-cinquante  toises  en  super- 
ficie joignant  le  chemin  au-delà  de  ladite  porte  Saint->Iartin,  sui- 
vant le  plan  qui  en  fut  levé  alors  par  le  sieur  Beausire,  maitre- 
général  des  bâtiments  de  ladite  ville',  veu  les  arresls,  délibérations, 

1.  Bulletin,  t.  XXX\1\,  p.  261. 

2.  C'est  le  plan  reproduit  ci-contre,  dont  les  minutes  existent  en  triple 
exemplaire,  sur  les  registres  de  limites  cités  dans  une  note  précédente. 
On  trouve  également  dans  le  dossier  de  l'Arsenal  deux  originaux  de  ce 
même  plan,  qui  paraissent  être  de  la  main  de  Jean  Beausire  lui-même. 


MÉLANGES  261 

plans  et  devis  cy-dessus  mentionnés  faits  par  ledit  sieur  Beausire, 
ensemble  les  soumissions  faites  par  Charles  Vivenet,  entrepreneur, 
à  la  somme  de  trente-un  mil  livres;  Séraphin  Brodon,  autre  entre- 
preneur, à  trente  mil  livres  et  Barthélémy  Bourdet  à  celle  de  vingt- 
neuf-mil  livres;  Ouy  le  rapport  du  sieur  Dodun,  conseiller  ordi- 
naire au  Conseil  Royal  et  au  Conseil  de  Régence,  contrôleur- 
général  des  finances,  Sa  Majesté  estant  en  son  conseil  de  l'avis  de 
Monsieur  le  duc  d'Orléans,  régent,  a  accepté  et  accepte  la  sou- 
mission faite  par  le  dit  Barthélémy  Bourdet,  de  faire  la  clôture  de 
la  place  destinée  pour  l'inhumation  des  corps  des  étrangers  qui  ne 
font  point  profession  de  la  religion  catholique  et  du  bâtiment  pour 
le  concierge  du  côté  du  chemin  de  la  voirie  Saint-Martin,  suivant 
le  plan  et  devis  annexé  à  la  minute  du  présent  arrest  faits  par  le 
dit  Beausire  et  les  alignements  qui  seront  par  luy  donnés  et  ce 
moyennant  la  somme  de  vingt-neuf-mil  livres  de  laquelle  ledit 
Bourdet  sera  payé  des  fonds  de  la  capitation  de  ladite  ville  de 
Paris,  sur  les  ordonnances  du  sieur  d'Argenson,  lieutenant-général 
de  police,  etc.  *  ». 

Le  travail  de  clôture  fut  aussitôt  commencé,  et  le  18  mai 
1723,  l'entrepreneur  des  travaux  avisait  Jean  Beausire  que  la 
moitié  du  travail  étant  achevée,  il  se  croyait  en  droit  de 
demander  ce  qui  lui  était  redû  sur  le  prix  des  ouvrages  en 
cours  d'exécution;  afin  de  lui  faire  donner  satisfaction,  l'ar- 
chitecte écrivit  à  D'Argenson  la  lettre  suivante  : 

«  Le  sieur  Bourdet,  adjudicataire  des  basliments  et  clôture  du 
cimetière  des  étrangers  protestants  oia  il  travaille  depuis  deux  mois 
et  demy  avec  un  grand  nombre  d'ouvriers,  ce  bâtiment  estant  bien 
avancé,  sera  en  état  de  recevoir  le  comble  vers  la  fin  de  ce  mois, 
n'ayant  encore  touché  que  12,000  livres  sur  le  prix  de  son  adjudi- 
cation, qui  est  de  29,000  livres,  nous  estimons,  sous  le  bon  plaisir 
de  monsieur  le  lieutenant-général  de  police  que  sur  les  dix-sept 
mille  livres  il  en  resteroit  encore  onze  mille,  sans  compter  ce  qu'il 
peut  espérer  d'augmentation  -.  > 

Malgré  cette  apparente  activité,  le  cimetière  ne  s'ouvrait 
toujours  pas  et  ce  ne  fut  que  l'année  suivante,  le  13  mars 
17^4,  qu'un  concierge  y  fut  installé.  Un  document  des  Archives 

I.  Hibliolhc<iiie  de  l'Arsenal,  Fonds  delà  l^astilje,  msn.  10232. 
2.  Ibid. 


262  MÉLANGES 

Nationales,  ayant  jus(|u"à  ce  jour  échappé  aux  investigations 
des  historiens  protestants,  me  permet  de  préciser.  Voici  le 
texte  du  procès-verbal  de  rinstallation  du  gardien  : 

«  V^u  l'arrest  du  Conseil  du  vingt  juillet  mil-sept-cenl-vingt  por- 
tant règlement  au  sujet  de  l'inhumation  des  protestants  qui  meurent 
à  Paris  par  lequel  il  est  dit  :  Article  premier  :  qu'il  seroit  établi  un 
concierge  au  cimetière  qui  seroit  accordé  aux  protestants,  à  l'effet 
de  ladite  inhumation  et  attendu  que  ledit  cimetière  est  étably  à  la 
Porte  Saint-Martin,  nous  Nicolas-Jean-Baptiste  Ravot,  chevalier, 
seigneur  d'Ombreval,  conseiller  du  roy  en  ses  conseils,  maître  des 
requêtes  ordinaire  de  son  hôtel,  lieutenant-général  de  police  de  la 
ville,  préyôsté  et  vicomte  de  Paris  et  commissaire  en  celle  partye, 
connoissant  que  Pierre  Corroy  *  a  toutes  les  qualités  pour  remplir 
les  fonctions  de  concierge  du  dit  cimetière  après  avoir  preste  ser- 
ment par  devant  nous  de  bien  et  fidèlement  remplir  les  fonctions 
de  sadite  commission  et  d'exécuter  ledit  arrest  de  point  en  point 
selon  sa  forme  et  teneur.  Fait  en  notre  hôtel,  ce  treize  mars  mil- 
sept-cent-vingt-quatre.  Signé  :  Ravot  d'Ombreval  ». 

Le  lieutenant  de  police  chargea  de  cette  installation  Jean 
De  Moncrif,  commissaire  au  Châtelet,  qui  rédigea  son  rapport 
en  ces  termes  : 

«  Le  treize  mars  audit  an  mil  sept  cent  vingt-quatre  pour  remplir 
l'exécution  de  la  commission  cy-dessus  dont  l'original  nous  a  été 
représenté  par  luy  Corroy  et  sur  laquelle  copie  a  été  cy-dessus 
copiée  et  ledit  original  à  luy  à  l'instant  rendu  ;  nous,  Jean  Demon- 
crif,  conseiller  du  roy,  commissaire  au  Châtelet  de  Paris,  ancien 
préposé  pour  la  police  au  quartier  Saint-Martin,  nous  sommes  avec 
luy  transporté  en  la  maison  et  cimetière  batys  sur  le  cours  Saint- 
Martin  pour  la  destination  de  la  sépulture  de  ceux  de  la  religion  pré- 
tendue réformée  où  nous  avons  installé  et  mis  en  possession  de 
ladite  maison,  luy  Corroy  et  des  clefs  de  la  grande  porte  et  des 
chambres  de  la  maison  nouvellement  bâtye,  après  avoir  observé 
qu'il  y  manque  cinq  clefs  dont  une  aux  commodités,  l'autre  au 
cimetière  des  Ambassadeurs  et  trois  clefs  aux  chambres  et  à  luy 
Corroy  signé  avec  nous  :  Corroy,  De  Moncrif.  » 

1.  Pierre- l^ouis  Corroy,  concierge  de  père  en  fils  depuis  1720  du  cime- 
lière  des  protestants  étrangers  aux  appointements  de  lOOO  livres  par  an. 
—  Ch.  Read,  La  sépulture  des  protestants  étrangers,  \8S~  {Bulletin  du  pro- 
testantisme français,  t.  XXXV). 


MÉLANGES  263 

Le  concierge  Corroy  était  chargé  de  tenir  un  registre  des 
sépultures  ;  on  connaît  l'importance  de  ces  documents  par  les 
travaux  de  M.  Charles  Read,  publiés  en  partie  dans  ce 
Bulletin;  malheureusement  les  registres  d'état-civil  parisien, 
conservés  aux  Archives  de  la  Seine,  furent  détruits  dans 
l'incendie  de  1871  ;  perte  irréparable  pour  l'histoire!  Chaque 
fois  qu'il  est  possible  de  combler  cette  lacune  immense,  on 
doit  s'efforcer  de  le  faire,  c'est  pourquoi  j'ai  cru  qu'il  était 
intéressant  de  signaler  ici  une  série  de  pièces  dont  l'analyse 
va  suivre. 

Lorsqu'un  étranger,  appartenant  au  culte  protestant,  mou- 
rait à  Paris,  les  parents  ou  les  amis  du  défunt,  étaient  tenus 
de  faire  la  déclaration  du  décès  au  commissaire  de  leur  quar- 
tier respectif,  lequel  transmettait  cette  déclaration  à  son 
confrère  du  quartier  Saint-Martin,  Jean  de  Aloncrif,  chargé 
spécialement  de  délivrer  les  permis  d'inhumer  dans  le  nou- 
veau cimetière.  Quelques-uns  de  ces  procès-verbaux  d'inhu- 
mation sont  venusjusqu'à  nous,  et  les  renseignements  qu'ils 
contiennent  permettent  de  reconstituer  en  quelque  sorte  le 
nécrologe  des  protestants  de  nationalité  étrangère.,  morts  à 
Paris,  de  1725  à  1737. 

Ce  lieu  de  sépulture,  contrairement  à  l'opinion  générale- 
ment admise,  fut  réellement  mis  en  état  dès  1724,  l'installation 
de  Corroy  le  prouve,  et  la  première  inhumation,  du  f^'  sep- 
tembre 1725,  est  celle  de  Richard  Vernon,  chevalier  anglais, 
décédé  rue  Dauphine.  On  remarquera  dans  l'inventaire  publié 
à  la  suite  de  cette  préface,  que  les  détails  biographiques, 
capables  d'intéresser  ou  de  fournir  certains  éclaircissements 
sur  la  personnalité  des  inhumés,  ont  été  retenus,  afin  d'éviter, 
autant  qu'il  était  possible  de  recourir  à  la  minute  originale. 

Voici  la  copie  intégrale  d'un  des  plus  intéressants  permis 
d'inhumer;  il  est  accompagné  du  procès-verbal  d'un  com- 
missaire chargé  de  procéder  à  la  reconnaissance  du  cadavre. 
Ces  procès-verbaux  sont  rares,  à  peine  en  ai-je  vu  trois  dans 
l'ensemble  de  la  liasse  inventoriée.  Il  s'agit  d'un  personnage 
assez  considérable,  capitaine  aux  gardes-suisses,  aussi 
l'ordre  est-il  donné  par  le  lieutenant-général  de  police  lui- 
même,   mais  toujours  avec  la    formule  restrictive  et  vexa- 


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26f)  MÉLANGES 

toire  :  «  sera  inhumé  nuitammenl  sans  bruit  ny  scandale  dans 
le  cimetière  des  Étrangers  porte  Saint-Martin  ».  (Archives 
nationales.  Y.  1 48-^13.) 

Procès-verbal  de  Vinhumation  de  Charles  de  Villars  de  Champdieu. 
11  Juillet  1737. 

«  L'an  mil  sept  cent  trente-sept,  le  jeudy  onze  Juillet,  sept  heures 
de  relevée,  en  nostre  hoslel  et  par  devant  nous  Jean  Demoncrif, 
conseiller  du  Roy,  commissaire  au  Châtelet  de  Paris,  est  venu  le 
sieur  Amy  Piclet,  banquier  à  Paris,  demeurant  rue  des  Fossés- 
Montmartre,  lequel  nous  a  mis  es  mains  l'expédition  d'un  procès- 
verbal  fait  le  jourd'huy  par  Maître  Jean  Habert,  notre  confrère, 
qui  constate  le  déceds  du  sieur  Charles  de  Villars  de  Champdieu, 
capitaine  dans  le  régiment  des  gardes-suisses  de  Sa  Majesté  très- 
chrétienne,  décédé  le  jour  d'hier  dans  les  sentimens  de  la  religion 
protestante,  âgé  d'environ  quarante  ans,  natif  du  lieu  de  Lisle, 
pays  de  Vaud,  canton  de  Berne,  en  Suisse,  au  bas  duquel  sous  les 
conclusions  de  Monsieur  le  procureur  du  Roy  et  l'ordonnance  de 
Monsieur  le  lieutenant-général  de  police  de  ce  jourd'huy,  le  dit  sieur 
de  Champdieu,  décédé,  rue  de  la  Planche,  en  la  maison  de  Mon- 
sieur le  chevalier  de  Jaucourt  et  en  conséquence  nous  a  requis  de 
faire  inhumer  le  corps  du  dit  sieur  de  Champdieu  dans  le  cimetière 
des  Étrangers  en  la  manière  ordinaire  et  faire  ce  que  de  raison  et  a 

signé. 

[Signatures]  Demoncrif,  Pictet. 

Et  le  dit  jour  et  an  que  dessus  onze  heures  de  relevée,  nous, 
conseiller,  commissaire  susdénommé,  nous  sommes  transporté  au 
dit  cimetière  des  Étrangers,  où  nous  avons  fait  inhumer  le  corps  du 
sieur  de  Champdieu,  en  présence  du  sieur  Corroy  auquel  avons 
laissé  copie  de  nostre  présent  procès-verbal  et  en  présence  des 
sieurs  Pictet,  Pfïster  et  Berberat. 

[Signatures]  Pfïster,  Berberat,  Pictet,  Corroy  *.  » 

I.  \u  proc-ès-vei-ljal  est  annexé  celui  du  commissaire  Hubert  dont  voici 
un  extrait  :  «  Pourquoy  nous  commissaire  susdit,  avons  au  dit  sieur  Pic- 
let, acte  donné  de  sa  déclaration  et  en  conséquence  pour  constater  le 
décès  dudit  sieur  Charles  de  \'illars  de  Champdieu.  nous  nous  sommes  à 
l'instant  transportés,  .susdites  rue  de  la  Planche,  dépendante  de  nostre 
(|uartier  en  la  maison  occupée  par  le  sieur  de  Jaucourt,  où  étant  entré 
dans  une  salle  au  rez-de-chaussée,  avons  trouvé  un  corps  mort  gisant 
sur  un  lit  à  tombeau,  ç^arni  d'une  housse  verte,  que  le  dit  sieur  Pictet; 
Picrre-Io-nace  Berberat,  valet  de  chambre  du  dit  défunt,  demeurant  en  la 


MÉLANGES  267 

Le  cimetière  de  la  Porte  Saint-Martin  fut  transféré  en  1762 
près  de  l'hôpital  Saint-Louis  et  son  emplacement  qui  appar- 
tenait à  la  Ville  servit  de  magasin  pour  remiser  les  déco- 
rations du  théâtre  de  l'Opéra.  A  la  suite  de  l'incendie  de  son 
théi\tre  au  Palais-Royal,  l'Opéra  s'établit  du  5  octobre  1771 
au  9  avril  1782,  dans  une  salle  provisoire,  bâtie  sur  le  terrain 
de  la  Ville  et  par  conséquent  à  l'endroit  où  avait  été  le  cime- 
tière. A  l'Académie  royale  de  Musique  et  sur  le  même  sol, 
fut  édifié  le  théâtre  de  la  Porte  Saint-Martin,  de  telle  sorte, 
que  de  nos  jours  encore,  l'ancienne  nécropole  protestante 
est  remplacée  par  une  salle  de  spectacle!  Curieuse  coïn- 
cidence ;  ce  n'est  pas  un  fait  isolé,  et  si  l'on  jette  un  coup 
d'œil  sur  un  des  plans  gravés  au  XVIII»  siècle,  on  verra  que 
le  théâtre  du  Gymnase  s'élève,  lui  aussi,  où  était  autrefois  le 
cimetière  de  la  paroisse  Bonne-Nouvelle. 

Henri  Vial. 


Liste,  classée  par  ordre  alphabétique,  des  inhumations  faites  au 
cimetière  des  protestants  étrangers  de  la  porte  Saint-Martin,  entre 
1725  et  1737. 

Alexander  (Jacques),  écossais,  vingt-deux  ans,  décédé  chez  le 
sieur  Alexander,  son  oncle,  rue  Sainte- Apolline. 

Déclarants  :  E.  Terrai,  négociant,  rue  Saint-André-des-Arcs; 
M.  d'Adret,  bourgeois  de  Paris,  rue  Sainte-Apolline.  —  10  août 
1737. 

maison  où  nous  sommes;  et  Jean  Guyaz,  laquais  du  dit  défunt  demeurant 
aussy  maison  où  nous  sommes  ont  déclaré  être  le  corps  mort  du  sieur 
De  Villars  de  Ghampdieu,  capitaine  aux  gardes  suisses  de  Sa  Majesté, 
natif  de  Lisle,  pays  de  \'aud,  canton  de  Berne,  pourquoy  avons  fait  et 
dressé  le  présent  procès-verbal  pour  iccluy  communiquer  à  monsieur  le 
procureur  du  roy  être  sur  ses  conclusions  ordonné  par  monsieur  le  lieu- 
tenant général  de  police  ce  que  de  raison  et  ont  signé  avec  nous  en  nosire 
minute. 

Ensuite  nous  nous  sommes  transporté  en  l'hôtel  et  pai' devant  monsieur 
le  Procureur  du  Roy  auquel  ayant  communiqué  nostre  présent  procès-ver- 
bal mondil  sieur  le  procureur  du  Roy  a  dit  qu'il  n'empêche  le  cadavre  du 
sieur  (Charles  de  \  illars  de  Ghampdieu  être  inhumé  yniitamment  sans  bruit 
ny  scandale  dans  le  cimelière  des  Etrangers,  porte  Sainl-Martin,  et  être 
enjoint  aux  ofliciers  du  guet  el  de  police  de  prêter  main-forlc  si  besoin 
est  et  a  signé  en  nosire  minute.  » 


268  MELANGES 

Andry  (Jean),  aide  de  cuisine  de  l'amljassadeur  d'Holstein,  vingl- 
deux  ans,  décédé  chez  une  garde-malades,  rue  Princesse. 

Déclarants  :  Jean  Hornet,  maître  d'hôtel  de  l'ambassadeur;  Félix 
Netzband,  écuyer  de  l'ambassadeur,  rue  du  Sépulcre.  —  28  décembre 
1728. 

Bannage  (.Madeleine),  épouse  de  Georges-Louis  de  la  Sarrar,  con- 
seiller privé  des  guerres  du  roi  de  Pologne,  et  noble  de  la  Haye; 
quarante-sept  ans;  sans  indication  de  lieu  de  décès. 

Déclarants  :  Jacques  de  la  Sarrar  du  Fransquesnay;  Gustave- 
Adam  de  Schteûssing,  officier  dans  les  troupes  du  roi  de  Pologne. 
11  janvier  1728. 

Barthel  (Georges),  domestique-maréchal  de  l'écurie  de  l'ambas- 
sadeur d'Holstein,  natif  de  Brandebourg,  sans  âge. 

Déclarants  :  Jean-Félix  Netzband,  écuyer  âe  l'ambassadeur;  Jean- 
Olivier  Sailliart,  garde-vaisselle  de  l'ambassadeur.  —  23  novembre 
1729. 

Barthlev  (Henry),  anglais,  trente-deux  ans,  décédé  d'une  hydro- 
pisie,  dans  la  maison  du  sieur  Parsons,  son  oncle,  demeurant  rue 
de  Vaugirard. 

Déclarants  :  Thomas  Stratford,  valet  de  chambre  du  défunt  ;  Jean 
Cosgrave,  marchand  tailleur  d'habits,  rue  de  Bussy,  paroisse  Saint- 
Sulpice.  —  14  août  1732. 

Bauditz  (Frédéric,  baron  de),  gentilhomme  de  Son  Altesse  Mon- 
seigneur l'évêque  de  Lubeck  et  capitaine  des  troupes  de  Saxe. 

Déclarants  :  Félix  Netzband,  écuyer  du  comte  de  Bassewitz, 
ambassadeur  d'Holstein;  Nicolas  Duhan,  intendant  de  l'évêque  de 
Lubeck.  —  21  mai  1729. 

Bechold  (Georges-Samuel),  ving-cinq  ans,  natif  de  Berlin,  étu- 
diant. 

Déclarants  :  Otto  Barfeknecht,  étudiant  en  médecine,  demeurant 
chez  le  sieur  de  Villiers,  maître  de  pension,  rue  Saint-Jacques; 
Jean-Frédéric  Gassebohn,  étudiant  en  médecine,  demeurant  au 
Petit-Pont.  —  12  janvier  1727. 

BÉGUIN  (Pierre),  soldat  de  la  compagnie  colonelle  des  Suisses  et 
(irisons,  natif  de  Rochefort,  comté  de  Neufchâtel  en  Suisse,  qua- 
rante ans. 

Déclarants  :  Mollet,  sergent;  Louis  AUix,  caporal,  rue  des  Moi- 
neaux, paroisse  Saint-Roch.  —  6  juillet  1734. 

Billion  (Amy),  soldat  de  la  compagnie  de  Derlac  le  jeune,  natif 


MELANGES  26'J 

de  Genève,  vingt-deux  ans,  décédé  dans  la  maison  du  sieur  Buisson, 
rue  du  Temple. 

Déclarants  :  Buisson,  citoyen  de  la  république  de  Genève,  rue 
du  Temple;  Français  Berger,  domestiqué.  —  23  septembre  1726. 

BooTLEY  (Thomas-Samuel),  domestique  du  sieur  Kynaston,  gen- 
tilhomme anglais,  décédé  à  Poissy,  «  que  même  il  a  été  dressé  pro- 
cès-verbal par  le  juge  du  lieu,  qui  voulait  le  faire  enterrer  dans  le 
cimetière  des  étrangers;  ils  ont  fait  porter  son  corps  dans  une  cha- 
relte,  qui  est  actuellement  aux  portes  de  Paris  ^  » 

Déclarants  :  André  Piamsay,  gentilhomme  écossais,  logé  à  Paris, 
rue  des  Boucheries-Saiiit-Germain-des-Prés;  Jacques  Murray,  écos- 
sais, chirurgien  de  profession,  demeurant  au  château  de  Saint-Ger- 
main-en-Laye.  —  26  octobre  1728. 

.Bossio  (Jacques),  soldat  de  la  compagnie  colonelle  des  Suisses, 
natif  de  Coire  en  Grison,  trente-huit  ans. 

Déclarants  :  Mollet,  sergent;  Louis  Allix,  caporal  de  ladite  com- 
pagnie. —  8  avril  1733. 

BouLLE  (Anne),  vingt-sept  ans,  native  de  Londres,  épouse  de 
Jacques  Valka,  domestique  du  sieur  Liddal,  gentilhomme  anglais; 
décédée  de  la  petite  vérole,  au  village  de  Carrières-sous-Poissy. 

Déclarants  :  Jean  Maybrick,  valet  de  chambre  du  sieur  Liddal; 
Gaspard  Peiry,  maitre-perruquer  et  baigneur,  rue  des  Petits  Augus- 
tins.  —  11  août  1734. 

BouBERT  (Suzanne  de),  sans  âge,  veuve  de  Balthazar  de  Kiler, 
native  du  comté  de  Durich. 

Déclarants  :  Joseph  Luy,  valet  de  chambre  de  la  dite  dame;  Guil- 
laume Prévost,  domestique  de  la  dame  de  Saucourt.  —  30  janvier 
1729. 

Bkadley  (Jacques),  vingt-deux  ans,  natif  de  Londres. 
Déclarants  :  Guillaume  Hay,  anglais,  rue  des  Cordeliers;  Jacques 
Goud,  rue  des  Boucheries-Saint-Germain.  —  11  octobre  1727. 

Bréard  (Guillaume),  trente-cinq  ans,  natif  de  Pansenick,  province 
de  Glocester  (Angleterre). 

Déclarants  :  Joseph  Cormontangne,  domestique  de  M.  Calthorp, 
anglais,  demeurant  rue  de  Tournon;  Claude  Lepage,  également 
domestique.  — 25  janvier  1735. 

Buisso.n  (César),    noble,  conseiller   au   conseil  souverain   de   la 

1.  Au  permis  dinhumer  est  joint  un  e\lrail  du  registre  du  bailliage  et 
pi'évolé  de  Poissy. 


270  MÉLANGES 

République  de  Genève,  âgé  d'environ  quarante-quatre  ans,  fils  de 
noble  Jacques  Buisson,  conseiller  d'État  au  conseil  des  soixante  de 
la  dite  République  et  de  dame  Françoise  Sarrazin,  décédé  au  vil- 
lage de  Thieux  (Seine). 

Déclarants  :  Amy  Buisson,  rue  du  Temple;  noble  Léonard  Buis- 
son, même  rue  du  Temple;  maître  Charles  Collet,  avocat  au  Parle- 
ment, rue  Saint-Martin.  — 31  juillet  1726. 

Buisson  (Jacques),  noble,  conseiller  d'Etat  au  conseil  des  soixante 
de  la  République  de  Genève  et  ancien  munitionnaire  des  vivres  de 
la  marine,  âgé  d'environ  quatre-vingts  ans,  suivant  le  cerliticat  du 
sieur  Thélusson  chargé  des  affaires  de  la  dite  République,  décédé 
à  son  domicile  rue  Sainte-Anastase. 

Déclarants  :  noble  Pierre  Buisson,  conseHler  au  conseil  des  deux 
cents  de  la  République  de  Genève;  Amy  Buisson,  aussi  conseiller; 
tous  deux  fils  du  défunt.  —  21  mai  1734. 

Cai\terel  (sans  prénon),  trente  ans,  anglais,  décédé  en  la  maison 
du  sieur  Danger,  rôtisseur,  rue  de  la  Comédie. 

Déclarants  :  Etienne  du  Mirail  de  Monnot,  ci-devant  secrétaire 
de  la  feue  reine  d'Angleterre,  demeurant  ordinairement  à  Saint- 
Germain,  de  présent  logé  chez  madame  la  duchesse  de  Bedford; 
Vincent-Charles  du  Mirail,  officier  des  Menus-Plaisirs  de  Sa 
Majesté,  demeurant  quai  des  Orfèvres.  —  29  mars  1728. 

Claude  (François),  quarante-huit  ans,  secrétaire  de  Son  Excel- 
lence Monsieur  Van  IIop,  ambassadeur  de  Hollande,  décédé  rue 
de  Richelieu. - 

Déclarants  :  Jean-Henry  Laljhard,  banquier,  rue  Michel-le- 
Comte;  David  Cromm,  banquier,  rue  Beaubourg.  —  22  septembre 
1736. 

Claverick  (Jacques),  dix-huit  ans  environ,  chevalier  anglais  natif 
du  comté  de  Northumberland,  parent  du  sieur  Litllejohn,  décla- 
rant, décédé  chez  le  sieur  Rochefort,  rue  du  Colombier. 

Déclarants  :  Alexander  Litllejohn,  gentilhomme  anglais  de  la 
ville  de  Londres;  Jean-Baptiste  Rochefort,  bourgeois  de  Paris, 
demeurant  rue  du  Colombier.  —  29  mai  1726. 

CoRBiN  (Pierre),  vingt-quatre  ans,  anglais,  officier  de  cuisine  de 
madame  la  duchesse  de  Kingston  de  présent  à  Paris,  rue  du 
Colombier,  décédé  dans  l'hôtel  de  ladite  dame. 

Déclarants  :  Robert  Hebuchner,  banquier,  rue  de  la  Jussienne; 
Godefroy  Appelt,  intendant  de  la  duchesse  de  Kingston.  —  8  août 
1727. 


MELANGES  271 

CoTTEAU  (Jean-Hodolphe-Anselme  de),  quarante  ans  environ, 
Suisse  du  canton  de  Berne,  décédé  à  l'hôtel  de  Bavière,  rue  Sainte- 
Anne. 

Déclarants  :  Albert-Louis  Roguin,  rue  Traversière;  E.  Morlol, 
rue  Neuve  des  Petits-Champs.  —  6  mars  1728. 

Crafort  (James),  vingt  et  un  ans  environ,  écossais,  décédé  rue 
Saint-Christophe. 

Déclarants  :  Thomas  Hope,  gentilhomme  écossais,  demeurant 
rue  Saint-Christophe;  Louis-Pierre  Dumesnil,  bourgeois  de  Paris 
demeurant  rue  de  la  Harpe.  —  10  septembre  1726. 

Davison  (Robert),  gentilhomme  anglais,  natif  de  Durham,  vingt- 
six  ans. 

Déclarants  :  IIutchinson-Davantage,  gentilhomme  anglais, 
demeurant  à  Paris  chez  le  sieur  Bélanger,  rue  Saint-Benoît;  J.  Da- 
vison, gentilhomme  anglais  de  la  ville  et  comté  de  Durham,  frère 
du  défunt,  logé  chez  le  sieur  Chenot,  boulanger,  rue  des  Cordeliers. 
—  23  mai  1734. 

DiLGER  (Arnould),  étudiant  en  droit,  natif  de  Dantzig,  vingt  et 
un  ans  ou  environ. 

Déclarants  :  Christian-Gabriel  Fischner,  compagnon  du  sieur 
Guerlach,  natif  de  Prusse,  logé  à  l'hôtel  de  Bruxelles,  rue  Dau- 
phine;  Jean-Nicolas  Ochmchen,  étudiant  en  droit,  natif  de  Prusse, 
demeurant  à  l'hôtel  de  Hambourg,  rue  du  Four  (faubourg  Saint- 
Germain).  —  10  janvier  1729. 

DousEL  (Isaac-Henry),  soldat  suisso  de  la  compagnie  colonelle, 
dix-neuf  ans,  natif  de  Neufchàtel  (Suisse),  décédé  rue  Joquelet. 

Déclarants  :  Pfister,  sergent-major;  Lembeley,  sergent;  tous 
deux  de  la  même  compagnie.  —  15  juillet  1737. 

Drommond  (Jean),  gentilhomme  écossais,  soixante-cinq  à  soi- 
.\ante-six  ans,  décédé  rue  Saint-André-des-Arcs. 

Déclarants:  Louis  Bains,  négociant,  rue  Dauphine;  Gilbert  Neil- 
son,  gentilhomme  écossais,  de  passage  à  Paris  y  demeurant,  rue 
Mazarine.  —  7  mars  1731. 

DuLLEiNS  (Henry-Reinard  de),  officier  des  troupes  allemandes, 
vingt-huit  ans. 

Déclarants:  Gérard-Guillaume  de  Dulleins,  conseiller  intime  de 
son  Altesse  madame  la  douairière  de  Salm,  natif  d'Allemagne, 
frère  du  défunt,  logé  à  l'hôtel  du  Pérou,  rue  Guénégaud  ;  Otto- 
(^.asimir  Barfeknechtd,  docteur  en  médecine,  logé  à  l'entré  du  Fau- 
bourg Saint-Jacques.  —  10  novembre  1728. 


272  MÉLANGES 

DupAQLiEH  (Jean- Jacques),  soldat  de  la  compagnie  générale  des 
gardes  suisses,  dix-huit  ans,  natif  de  Fleury,  canton  de  Neufchàtel 
(Suisse). 

Déclarants  :  Urs  Mollet,  sergent,  rue  des  Moineaux,  butte 
Saint-Roch  ;  Daniel  ÎNliiliel,  caporal;  tous  deux  de  la  même  com- 
pagnie. —  19  septembre  1733. 

DuvAL  (Jacques),  hollandais,  natif  de  La  Haye,  valet  de  chambre 
de  monsieur  Van  Hoep,  ambassadeur  de  Hollande,  décédé  à  l'hôtel 
de  l'ambassadeur,  rue  de  Richelieu. 

Déclarants  :  Jean-Henry  Labhard,  banquier,  rue  Michel-le- 
Comte  ;  Jean-Antoine  Sarazin,  banquier,  rue  Neuve-des-Petils- 
Champs,  paroisse  Saint-Roch.  —  4  octobre  1733. 

FergussOiN  (Jean),  cuisinier  du  sieur  Alexander,  banquier,  trente 
ans  environ,  décédé  chez  son  maître  rue  Saint-Appoline. 

Déclarants  :  Jean-Baptiste  Lecomte,  Genevois;  Robert  Paterson, 
écossais  ;  tous  deux  demeurant  chez  le  sieur  Alexander,  banquier 
anglais,  rue  Sainte-Apolline.  —  20  juillet  1730. 

Ferret  (Pierre),  marchand-joaillier,  anglais  sans  âge,  décédé 
place  Dauphine. 

Déclarants  :  Guillaume  EUiott,  marchand  joaillier,  demeurant 
rue  des  Ciseaux  ;  Jean  Abraham,  bourgeois  de  Paris,  faubourg 
Saint-Jacques  ;  Jean  Fangoux,  marchand,  cour  de  Lamoignon.  — 
20  octobre  1725. 

Galatia  (Ezéchielj,  citoyen  de  Genève,  quarante-sept  ans,  décédé 
rue  Neuve-des- Petits-Champs,  paroisse  Saint-Roch*. 

Déclarants:  J.-L.  Saladin,  citoyen  de  Genève,  rue  Saint-Honoré; 
Antoine  Sarazin,  banquier,  rue  Neuve-des-Petits-Champs.  — 
26  décembre  1733. 

Gordon  (Guillaume),  écossais,  soixante-sept  ans,  décédé  à 
rhôtel  de  l'Alliance,  rue  de  la  Comédie-Française. 

Déclarants:  Robert  Arbulhnot,  banquier,  rue  de  la  Jussienne; 
John  Ker,  gentilhomme  écossais,  de  présent  à  Paris,  logé  rue 
Saint-Dominique.  —  17  février  1727. 

Grœnvvegen    (Jean),    commisionnaire   en  librairie,  natif  de   La 
Haye,  Irenle-cinq  ans,  décédé  rue  du  Foin  à  Thôtel  Chaumont. 
Déclarants  :  Jacques  Guérin,  libraire-impi'imeur,  quai  des  Au- 

1.  11  était  venu  ;i  l'aris  j);ir  oïdie  des  médecins  de  Genève  afin  d'y  rc- 
tal)lir  sa  santé  (mention  (jui  fijjui-e  au  procès-verbal). 


.MÉLANtii;s  27,i 

gustins  ;   Marc   d'Espilly,   libraire,  rue  Salnl-Jacqucs.   —    \   sep- 
tembre 1730. 

GuiTTON  (Catherine-Claire),  fille  de  Marc  Guitlon,  chapelain  de 
sa  Haute  Puissance,  au  présent  de  Son  Excellence  Monsieur  Borel, 
ambassadeur  de  Hollande,  rue  du  Bac,  née  le  6  novembre  dernier 
et  ayant  été  baptisée  à  la  chapelle  de  S.  E. 

Déclarants:  le  père;  Paul  Paraviciny,  secrétaire  de  S.  E.  ;  Isaac- 
François  Claude,  hollandais,  logé  en  la  maison  de  la  veuve  Vau- 
quelin,  rue  Montmartre.  —  17  février  1727^. 

GuNSBACH  (Jean-Jacques),  natif  de  La  Hauptenvil  dans  le  canton 
de  Turgovie  (Suisse),  trente-sept  ans. 

Déclarants  :  Gaspard  Jobard,  de  Genève,  demeurant  rue  de 
Richelieu  (paroisse  Saint-Eustache)  ;  Jean-Antoine  Rigot,  de  Genève, 
rue  Quincampoix,  paroisse  de  Saint-Nicolas-des-Champs.  — 
28  juin  1729. 

Hartope  (Jean),  gentilhomme  anglais,  décédé  rue  du  Four  (fau- 
bourg Saint-Germain). 

Déclarants  :  le  sieur  La  Gravière  (sans  adresse)  ;  Laurent, 
domestique  du  sieur  Maurice  (sans  adresse).  —  24  septembre  1725. 

Heydegger  (Philippe,  Conrad,  médecin  suisse,  soixante-dix  ans 
ou  environ,  décédé  à  l'hôtel  de  Jabach,  rue  Neuve-Saint-Merry. 

Déclarants  :  Samuel  Marval,  suisse,  logé  chez  Bleu,  rue  Quin- 
campoix; David  Cromm,  banquier  à  Paris.  —  3  février  1730. 

HoGGER  (Daniel),  banquier  (sans  âge),  natif  de  Saint-Gall  (Suisse) 
décédé  rue  du  Vieux-Colombier,  faubourg  Saint-Germain. 

Déclarants  :  Charles-Edme  Belot,  avocat  au  Parlement,  rue  du 
Four,  paroisse  Saint-Eustache,  David  Cromm,  banquier,  rue  Saint- 
Merry.  —  30  septembre  1731. 

HoRNTER  (Henry),  natif  de  Saint-Gall,  âgé  d'environ  soixante  ans. 

Déclarants  :  Gaspard  Jobard,  citoyen  de  Genève,  rue  des  Petits- 
Champs:  Jacob-Pierre  de  Bary  (sans  adresse). —  14  septembre 
1727. 

Hyhoa  (Joannès),  soldat  suisse  de  la  compagnie  colonelle,  qua- 
rante ans  environ. 

Déclarants  :  Liénard  Benedy,  sergent  ;  Jacques  Bûteig,  soldat 
suisse.  —  10  février  1730. 

1.  Est  joint  au  permis  (l'inhumer  un  extrait  du  registre  îles  sépultures 
des  protestants  etranijers,  rei,Mslre  qui  disparut  en  187!  avec  ceux  que 
l'on  conservait  aux  Archives  de  la  Seine. 

Ll.  —  20 


27'l  MliLANGIîS 

Jemmath  {de  Barford  Magna,  Samuel),  anglais  natif  du  comté  du 
Bedford,  quarante  ans  environ. 

Déclarants  :  Thomas  Norclilîe,  gentilhomme  anglais  ;  John 
Stocker,  domesti(|ue  anglais  (sans  adresse).  —  3  mars  1729. 

Jobard  (Gaspard),  cilosen  de  Genève,  conseiller  au  grand  conseil 
de  la  République,  soixanle-dix-huit  ans  environ,  décédé  en  une 
maison  rue  de  Richelieu  où  il  demeurait  depuis  plusieurs  années. 

Déclarants  :  Antoine  Sarasin,  banquier  à  Paris,  rue  Neuve-des- 
Petits-Champs  ;  de  Choudens  François,  citoyen  de  Genève, 
demeurant  rue  Comtesse  d'Artois.  —  22  février  1736. 

JouBERT  (Joseph),  horloger,  religion  anglicane,  décédé  rue  du 
Colombier,  paroisse  Sainl-Sulpice. 

Déclarants  :  Henry  Joubert,  horloger,  enclos  de  l'abbaye  Saint- 
Germain-des-Prés  ;  Pierre  Joubert,  frère  du  défunt.  —  26  mai  1737. 

Kameilsky  (Louis-Charles  de),  gentilhomme  de  la  cour  de 
Darmstadt,  vingt-trois  ans,  décédé  en  l'hôtel  de  Fenvoyé  extraor- 
dinaire de  He-sse-Cassel,  rue  Cassette. 

Déclarants:  Mathieu-François  Petit,  secrétaire  de  M.  le  baron  de 
Planta,  envoyé  extraordinaire  du  landgrave  de  Hesse-Cassel, 
demeurant  en  son  hôtel,  rue  Cassette,  paroisse  Saint-Sulpice. 
Pierre  Gallot,  bourgeois  de  Paris,  demeurant  rue  des  Gravilliers, 
paroisse  Saint-Nicolas-des-Champs.  —  5  juin  1726. 

Labhard  (André),  fils  de  Jean-Henry  Labhard,  natif  de  Gtuborne  ? 
(Suisse)  et  de  Marie  Aldeburger  son  épouse,  huit  ans  passés. 

Déclarants  :  Isaac  Milsonneau,  bourgeois  de  Paris,  demeurant 
rue  Michel-le-Comte  ;  François  Sorin,  ancien  garde  des  mar- 
chands-épiciers, demeurant  rue  Saint-Martin.  —  30  septembre 
1729. 

Labhard  (Marie-Esther),  fille  de  Jean-Henry  Labhard,  banquier 
à  Paris,  rue  Michel-le-Comte,  et  de  Marie  Aldeburger,  son  épouse, 
seize  à  dix-sept  ans,  décédée  en  la  mai.son  des  anciennes  eaux  au 
village  de  Passy. 

Déclarants:  Le  père;  Louis-Alexandre  Blondeau  de  Saint- 
Aumont,  demeurant  rue  Barre-du-Bec,  paroisse  Saint-Merry;  Isaac 
Milsonneau,  bourgeois  de  Paris,  rue  Michel-le-Comte.  —  9  mai 
1733. 

Lanssac  (Marie),  épouse  du  sieur  Pierre  Coste,  nativede  Londres, 
trente-six  ans,  est  décédée  rue  des  Fossés-de-Monsieur-le-Prince 
dans  les  sentiments  de  la  religion  anglicane. 

Déclarants  :   la   mnri  ;    Pierre   Coste,  gentilhomme  anglais,  logé 


chez  Langlois,  menuisier,  susdite  rue  des  Fossés-de-Monsieur-le- 
Prince;  maître  Nicolas  François  Briquet,  avocat  au  Parlenicnt, 
demeurant  cul-de-sac  de  la  rue  du  Paon,  paroisse  Saint-Cosnie.  — 
3  décembre  1736. 

La  Perrie  (Rose-Elizabeth  de),  veuve  de  Jean  Horntner,  native 
de  Saint-Gall  (Suisse),  soixante-huit  ans  ou  environ. 

Déclarants  :  Bernard  Cromn,  banquier,  rue  Neuve-Saint-Merry  ; 
Louis  Morin,  ancien  contrôleur  des  finances  d'Alsace,  rue  et 
paroisse  Saint-Sauveur.  —  29  décembre  1728. 

La  Rive  (Antoine  de),  banquier,  conseiller  du  conseil  souverain 
de  la  République  de  Genève,  sans  âge,  décédé  rue  Grenier-Sainl- 
Lazare. 

Déclarants  :  Marc  Lullin,  banquier,  citoyen  de  Genève,  rue 
Grenier-Saint-Lazare  ;  Antoine  Mallet-Genoux,  citoyen  de  Genève, 
banquier,  rue  Michel-le-Comte.  —  19  juin  1730. 

Laroze  (Georges),  natif  d'Hanovre?  vingt-cinq  ans  (sans  adresse). 

Déclarants:  Georges  Francheville,  chirurgien  anglais;    Gabriel 

Lecomte,  bourgeois  de  Paris  (sans  adresse). —  18  novembre  1727. 

Laurent  (Nicolas),  soldat  suisse,  natif  de  Tschierlsche  (Grisons), 
vingt  ans. 

Déclarants:  Melchior  Goldschmidl,  sergent;  Georges  Rudolf, 
sergent,  demeurants  tous  deux  rue  Montmartre,  paroisse  Saint- 
Eustache.  —  6  mars  1733. 

Lecomte  (Jean-Baptiste),  citoyen  de  Genève,  frère  de  mère  du 
sieur  Marcet,  cinquante  à  cinquante-sept  ans,  décédé  rue  Meslay, 
à  l'enseigne  du  Croissant. 

Déclarants:  Marcet  Nicolas,  banquier,  rue  et  vis-à-vis  le  Temple; 
Jean-François  De  Choudens,  citoyen  de  Genève,  rue  et  paroisse 
Saint-Sauveur  ;  Paul  Besson,  citoyen  de  Genève,  rue  du  cimetière 
Saint-Nicolas-des-Champs. — 20  septembre  1737. 

Lied  (Jean-Michel),  garçon  cordonnier,  vingt-cinq  ans,  natif  du 
Palatinat,  décédé  en  la  maison  de  Bellier  :  «  où  il  a  été  transporté 
dans  une  chaise  à  porteur  de  chez  un  compagnon  ébéniste  près  la 
Gharité,  de  la  part  du  sieur  Guitlon,  chapelain  de  Son  Excellence  ». 

Déclarants:  Alexandre  Bellier,  maître  tailleur  d'habits,  demeu- 
rant faubourg  Saint-Antoine  ;  Vincent  Zéba,  ébéniste,  demeurant 
«  au  nom  de  Jésus  »  rue  Traversière,  faubourg  Sainl-Antoine.  — 
6  juin  1727. 

LiGHT  DE   HiHr.LOOH   (Richard),   anglais,  vingt-huit  ans,   denieu- 


27G  MÙLANGES 

ranl  rue  de  Tournon,  vis-à-vis  l'hôtel  des  ambassadeurs,  chez  un 
bourrelier. 

Déclarants  :  Philip  Brooke,  anglais,  demeurant  hôtel  Impérial, 
rue  Dauphine;  Jean  Drummond,  écossais,  demeurant  hôtel  d'Anjou, 
rue  Mazarine.  —  *.)  mai  1729. 

LocuER  (Marthe),  épouse  du  sieur  Gaspard  Jobard,  banquier, 
native  de  Saint-Gall  (Suisse),  soixante-six  ans,  décédée  rue  de 
Richelieu,  paroisse  Saint-Eustache. 

Déclarants  :  Jean  Antoine  Sarasin,  banquier,  demeurant  rue 
Neuve-des-Petits-Champs,  paroisse_  Saint-Roch  ;  Amy  Pictet,  ban- 
quier, rue  delà  Feuillade,  place  des  Victoires.  —  23  mars  1732. 

Mallèt  (François),  fils  d'Isaac  Mallet,  banquier  genevois,  demeu- 
rant rue  Michel-le-Comle,  deux'  ans  et  dix  mois,  baptisé  dans  la 
chapelle  de  S.  E.  Monsieur  l'ambassadeur  de  Hollande,  le  25  jan- 
vier 172.3. 

Déclarants:  le  père  ;  Antoine  Mallet-Genoux,  banquier,  rue  Quin- 
campoix.  —  20  novembre  1725. 

Mallet  (Jeanne-Louise),  fille  de  Jacques  Mallet,  native  de 
Genève,  quinze  à  seize  ans. 

Déclarants  :  Antoine  Mallet-Genoux,  banquier,  rue  Beaubourg  ; 
Jacob-Pierre  de  Bary,  banquier,  rue  des  Gravilliers.  —  17  mars 
1727. 

Mallet  (Bénédict),  citoyen  de  Genève,  vingt-deux  ans,  décédé  en 
la  maison  de  son  père  Jacques  Mallet,  rue  Saint-Martin  «  muni 
d'un  laissez-passer  signé:  Tuvettin,  secrétaire  d'Etat  de  la  Répu- 
blique en  date  du  4  juin  1732  ». 

Déclarants:  Antoine  Mallet-Genoux,  banquier,  rue  Darnelal  ; 
Daniel  Legaré,  négociant,  rue  Saint-Martin.  — 27  juillet  17,32. 

Martine  (Daniel),  envoyé  extraordinaire  du  landgrave  de  Hesse 
Gassel  (sans  âge). 

Déclarants:  Pierre  Tronchin,  natif  de  Genève,  demeurant  à  la 
barrière  Montmartre  ;  Jacob  Maudry,  demeurant  rue  Beaurepaire. 
—  25  juillet  1727. 

Monceau  (de  la  Melonnière,  Suzanne  de),  veuve  du  sieur  Marc 
Antoine  Raveau,  bourgeois  de  Londres,  y  demeurant,  quarante- 
sept  à  quarante-huit  ans,  décédée  à  l'hôtel  de  Rouen,  rue  Saint- 
Benoît,  dans  les  sentiments  de  la  religion  anglicane. 

Déclarants  :  Louis  de  Monceau  de  la  Melonnière,  major  du  régi- 
ment-infanterie de  Talard,  chevalier  de  l'Ordre  militaire  de  Saint- 


MDLANGES  lll 

Louis,  demeurant  à  l'image  Saint-Joseph,  rue    Mazarine  ;   Delan 
Vincenl-Benoist,  banquier,  rue  de  l'Arbre-sec.  — 5  janvier  1731. 

MussARD  (Jacques),  joaillier  de  profession  et  citoyen  de  la  Répu- 
blique de  Genève,  quarante-deux  ans,  décédé  en  la  maison  du  sieur 
de  risle,  quai  de  l'Horloge. 

Déclarants  :  Robert  Mussard,  peintre,  demeurant  rue  de  Mont- 
morency; Legaré,  marchand,  rue  Saint-Honoré,  à  l'enseigne  de  la 
Croix  de  fer.  —  18  décembre  1735. 

Nach  (Hugues),  natif  de  Londres,  soixante-deux  ans,  décédé  rue 
Saint-Honoré,  près  le  Cadran,  à  l'enseigne  du  Saint-Esprit. 

Déclarants  :  Etienne  Magnier,  agent  d'affaires  du  défunt;  Claude 
Renard,  officier  du  grand  commun  du  roi;  Alexandre  Le  Roy,  bour- 
geois de  Paris;  tous  trois  demeurants,  rue  Saint-Honoré.  —  2  mars 
1727. 

Papse  (Jean),  soldat  suisse  de  la  compagnie  colonelle,  cinquante 
à  cinquante-cinq  ans,  natif  du  canton  de  Claris  en  Suisse,  décédé 
rue  Saint-Pierre. 

Déclarants  :  Léonard  Roucot,  sergent  aux  gardes  suisses;  Guil- 
bert,  sergent;  Joseph  Rist,  caporal  de  la  même  compagnie.  — 
19  août  1737. 

Perronet  (David),  suisse  du  duc  de  Gesvres  tué  par  un  quidam 
d'un  coup  d'épée  en  l'hôtel  de  son  maître,  rue  des  Petits-Champs. 

Déclarants  :  Etienne  Berthelin,  officier  de  monsieur  le  gouverneur 
de  Paris,  demeurant  rue  de  Richelieu;  Jean  Charpentier,  bourgeois 
de  Paris,  place  Dauphine.  —  12  novembre  172.5  *. 

Pesche  (Jean),  domestique  de  M.  le  baron  de  Salm-Kirbourg, 
vingt-quatre  ans,  natif  de  Saxe. 

Déclarants  :  Jean  Durand,  marchand  de  vins,  rue  Mazarine,  à 
l'hôtel  des  quatre-Nations;  Pierre  Mesnuré,  cocher  de  grande  remise, 
demeurant  même  rue.  — 20  janvier  1730. 

Rasmus  (Anne),  âgée  de  quatorze  mois,  fille  de  Rasmus,  postillon 
de  S.  E.  Monsieur  l'ambassadeur  de  Danemarck,  natif  de  la  ville 
d'Osdius,  en  Danemarck. 

Déclarants  :  Thomas  Bukier;  Christ  Sanberg,  domesti([ue  de 
l'ambassadeur.  —  2S  janvier  1730. 

1.  Sur  le  permis  d'inhumer  ligure  celle  mention  du  commissaire  au 
(Ihàlelel  «  comme  il  est  de  sa  connaissance  que  le  dit  Perronnel  profes- 
sait la  religion  prolestante  et  qu'il  n'est  pas  digne  de  la  sépulture  en 
iesvi'  sainte.  » 


278  MÉLANGES 

Sarasin  (Françoise),  épouse  de  noble  Jacques  Buisson,  conseiller 
d'État  au  Conseil  des  soixante  de  la  République  de  Genève,  soixante- 
dix  ans,  décédée  chez  son  mari,  rue  du  Temple. 

Déclarants  :  Amy  Buisson,  citoyen  de  la  République  de  Genève; 
Pierre  Fabry,  écuyer,  sieur  d'Ayrelaville,  conseiller  au  grand  conseil 
de  la  dite  République;  Léonard  Buisson,  aussi  citoyen  de  Genève. 

—  16  décembre  1727. 

ScHŒN  (Albert),  natif  de  Brème,  ville  anséatique  d'Allemagne, 
vingt-huit  ans,  décédé  à  l'hôtel  de  Modène,  rue  Jacob. 

Déclarants  :  Jean  Sigismond  Firnkranz,  négociant  à  Paris,  rue 
Saint-Marlin,  paroisse  Saint-Merry;  Jean-Guillaume  Emminck» 
demeurant  chez  le  sieur  Delarue,  banquier,  rue  Mauconseil.  — 
4  mars  1733. 

ScHOLTER  (Jacob),  soldat  de  la  compagnie  colonelle  des  gardes 
suisses,  natif  de  Saint-Gall  (Suisse). 

Déclarants  :  Liénard  Benedy,  sergent;  Joseph  Hainer,  soldai;  tous 
deux  de  la  même  compagnie.  — •  22  septembre  1726. 

ScHtJLTER  (Rodolphe),  soldat  suisse  de  la  compagnie  générale  des 
gardes,  natif  du  canton  de  Zurich. 

Déclarants  :  Barthélémy  Pf ïster,  sergent-major  des  gardes  suisses, 
demeurant  butte  Saint-Roch^  Jean  Stoulz,  anspessade  suisse  de  la 
même  compagnie,  demeurant  rue  d'Argenteuil.  —  16  mars  1726. 

SouRLANT  (Julien),  conseiller  d'État  de  son  Altesse  Royale  M.  le 
duc  d'Holslein,  trente-cinq  ans. 

Déclarants  :  Félix  Netzband,  écuyer  du  comte  de  Bassewitz, 
ambassadeur  d'Holstein;  Jean  Hornet,  maître  d'hôtel  de  l'ambas- 
sade. —  28  janvier  1729. 

SouTER  (Benedict),  soldat  suisse  de  la  compagnie  générale,  qua- 
rante-cinq ans. 

Déclarants  :  Barthélémy  Pfïster,  sergent-major,  demeurant,  rue 
d'Argenteuil;  Mollet,  sergent,  rue  des  Moineaux,  butte  Saint- Roch. 

—  10  mars  1728. 

Speich  (Élie),  soldat  suisse  de  la  compagnie  colonelle,  natif 
d'Ugen,  canton  de  Glaris  (Suisse),  sans  âge. 

Déclarants  :  Lienard  Benedy,  sergent-major;  Melchior  God- 
schmidt,  sergent;  de  la  même  compagnie.  —  1"  juin  1729, 

Stricler  (Jacob),  soldat  suisse  de  la  compagnie  colonelle,  natif 
de  Zurich  (Suisse),  vingt-sept  à  vingt-huit  ans,  décédé  en  sa 
chambre,  cul-de-sae  Sainl-Pierre. 


MÉLANGES  27'.) 

Déclarants:  Georges  Rudolf,  sergent,  demeurant  rue  Montmartre  ; 
Henry  Mena,  sergent;  tous  deux  de  la  même  compagnie.  —  27  mai 
1733. 

Sturler  (Sigismond),  officier  du  régiment  des  gardes  suisses, 
natif  du  canton  de  Berne  sans  âge. 

Déclarants  :  Barthélémy  Pf ïster,  sergent-major  du  régiment  des 
gardes  suisses;  Lienard  Benedy,  sergent.  —  18  octobre  1726. 

Taillerd  (Robert),  gentilhomme  anglais,  décédé  dans  la  maison 
du  sieur  de  Raffoux,  rue  du  Colombier. 

Déclarants  :  Mathieux  Delacroix  de  Sève,  demeurant  rue  Chris- 
tine, à  rhôtel  Impérial,  chez  le  sieur  Beauregard;  Théodore  de  Raf- 
foux, bourgeois  de  Paris,  rue  du  Colombier.  —  15  septembre  1725. 

Thelusson,  enfant  mort-né  du  sexe  masculin,  fils  d'isaac  The- 
lusson,  ministre  plénipotentiaire  de  la  République  de  Genève,  demeu- 
rant place  des  Victoires. 

Déclarants  :  le  père;  Jean-Baptiste  Molin,  bourgeois  de  Paris, 
rue  Coquillère,  paroisse  Saint-Eustache.  —  31  mars  1734. 

Thelusson,  enfant  mort-né  du  sexe  féminin,  fille  d'isaac  Thelusson, 
ministre  de  la  République  de  Genève  près  de  Sa  Majesté  et  de  Sarah 
Le  Boullinger,  son  épouse,  demeurant  place  des  Victoires. 

Déclarants  :  Jean-Godefroy  Sollicoffre,  négociant  de  Lyon  de  pas- 
sage à  Paris;  François  Tronchin,  banquier,  rue  des  Vieux-Augus- 
tins,  paroisse  Sainl-Eustache.  —  19  décembre  1736. 

Tyrrel  (Henry),  âgé  d'environ  treize  mois,  fils  de  Charles  Tyrrel, 
baronnet  anglais  et  de  dame  Jeanne  Fillon. 

Déclarants  :  Nicolas  de  Watteville,  écuyer,  suisse,  demeurant  à 
Paris,  rue  du  Bout-du-Monde;  Amy  Pictet,  banquier  suisse,  demeu- 
rant rue  Beaurepaire.  —  30  juin  1729. 

Vernon  (Richard),  chevalier  anglais,  décédé  à  Paris,  rue  Dauphine 
à  l'hôtel  Impérial  sans  âge. 

Déclarants  :  milord  Kulmerey;  Jacques  Stuart;  demeurant  tous 
deux  en  le  dit  hôtel.  —  1"  septembre  1725. 

ViLLARS  (de  Champdieu,  Charles  de),  capitaine  dans  le  régiment 
des  gardes  suisses,  natif  de  Lisle,  pays  de  Vaud  (Suisse),  décédé 
en  la  maison  de  monsieur  le  chevalier  de  Jaucourt,  rue  de  la  Planche, 
paroisse  Saint-Sulpice. 

Déclarants  :  Pictet,  banquier  à  Paris,  rue  des  Fossés- Montmartre  ; 
Pierre-Ignace  Barberet,  valet  de  chambre  du  défunt.  —  11  juillet 
1737. 


280  MELANGES 

VouLLAinE  (Jacques),  natif  de  Genève  et  citoyen  de  cette  ville, 
trente  et  un  ans  et  un  mois. 

Déclarants  :  Pierre  Voullaire,  négociant,  rue  Saint-Martin,  à  Paris, 
frère  du  défunt;  Antoine  Mallet-Gcnoux,  négociant,  rue  Beaubourg. 

—  19  avril  1721). 

Wehch  (De,  sans  prénom),  second  lieutenant  de  la  compagnie  de 

Villars,  natif  du  canton  de  Berne  (Suisse),  décédé  rue  Traversière. 

Déclarants  :  Pfïster,  sergent-major;  J.-B.  Fretanod,  soldat  suisse. 

—  24  août  172S. 

WisE  (Auguste),  valet  de  pied  de  S.  K.  le  comte  de  Bassewitz, 
ambassadeur  d'HoIstein. 

Déclarants  :  Félix  Netzband,  écuyer  de  l'ambassadeur;  Jean-Oli- 
vier Sailliard,  garde-vaisselle  de  l'ambassade.  —  25  avril  1729. 

WissEMENT  (Adam),  soldat  de  la  compagnie  colonelle  des  gardes 
suisses,  natif  du  canton  de  Schaffouse,  trente-sept  ans  environ. 

Déclarants  :  Liénard  Benedy,  sergent;  Daniel  Zûeber,  soldat 
suisse  de  la  même  compagnie.  —  7  septembre  1726. 

ZÙEBER  (Daniel),  soldat  de  la  compagnie  colonelle  des  gardes 
suisses,  quarante-sept  ans,  natif  de  Saint-Gall  (Suisse). 

Déclarants  :  Josué  Mussot,  sergent;  Melchior  Goldschmidt,  sergent 
de  la  même  compagnie.  —  8  août  1729. 


AVIS    IMPORTANT 

Le  Cinquantenaire  de  notre  Société  de  l'Histoire  du  Protestantisme 
français  se  célébrera  le  26  et  le  27  mai.  Préparée  par  une  séance 
commémorative  de  la  Réorganisation  des  Cultes  en  1802,  séance  qui 
sera  convoquée  à  l'Oratoire  pour  le  Dimanche  25  mai  à  quatre  heures^ 
l'Assemblée  générale  de  la  Société  d'Histoire  se  tiendra  dans  le 
même  temple  le  Lundi  soir  26  mai  à  huit  heures  et  demie  précises. 
On  y  entendra  plusieurs  psaumes  exécutés  pour  la  première  fois 
par  un  double  quatuor  sous  la  direction  de  M.  Henri  Expert  qui 
a  naguère  pu  retrouver  les  mélodies  et  harmonies  originales  du 
huguenot  Claude  Goudimel,  maître  de  Palestrina  et  l'une  des  vic- 
times de  la  Saint-Barthélémy.  Le  président  résumera  l'activité  de  la 
Société  depuis  1852  et  le  secrétaire  essaiera  de  répondre  à  cette 
question  :  A  quoi  sert  Vhistoire  du  Protestantisme  ?  —  Un  banquet 
sera  organisé  pour  le  lendemain  27  mai  et  dès  le  22  jusqu'au  31,  une 
Exposition  huguenote  rétrospective  sera  ouverte  à  la  Bibliothèque 
de  la  Société,  54,  rue  des  Saints-Pères. 


Le  Gérant  :  Fischbachek. 


L.-ImprimciieR  réunies,  B,  rue  Sainl-rienoîl.  '.  —  MoTTrnoz.  tlireeleur. 


JUBILÉ    CINQUANTENAIRE 

DE    LA    SOCIÉTÉ 

DE 

l'Histoire  du  Protestantisme  Français 


I.  —  Séance  commémorative  de  la  loi 
du  18  germinal  an  X. 

Oratoire.  25  mai  1902,  4  heures. 

Comme  nous  l'avions  annoncé  sur  la  dernière  page  du  Bulletin 
du  15  mai,  ce  jubilé,  fixé  au  26  et  27  mai  1902,  a  été  précédé  et 
préparé  par  le  centenaire  de  la  loi  dite  du  18  germinal  an  X,  loi  qui 
fut  promulguée  le  25  avril  1802  et  qui  pour  la  première  fois,  en 
France,  reconnut  au  Protestantisme  les  mêmes  droits  qu'à  la  religion 
de  la  majorité.  Le  20  mai  1902  le  président  du  consistoire  de  l'Église 
réformée  de  Paris  adressa,  au  nom  de  ce  dernier,  à  ses  collègues, 
la  communication  suivante  : 


Consistoire  de  l'Eglise  Réformée  de  Paris. 

Paris,  le  20  mai  1902. 
Mon  cher  Collègue, 

Le  18  Cerminal  au  X  marque  une  grande  date  dans  l'histoire  de 
notre  Eglise. 

Ce  jour-là  fut  reconnue  et  proclamée,  —  non  pas  la  liberté  reli- 
gieuse, elle  l'avait  été  plusieurs  années  auparavant  par  l'Assemblée 
nationale  de  1789,  —  mais  l'égalité  de  tous  les  cultes.  Ce  jour-là, 
l'Eglise  prolestante  fut  placée  sur  le  même  rang  que  l'Eglise  catho- 
lique. Elle  eut  droit  aux  mêmes  respects  et  aux  mêmes  honneurs. 
Ce  jour-là  fut  la  révocation  de  la  révocation  del'édit  de  Nantes.  La 
plume  du  Premier  Consul  effaça  la  signature  de  Louis  XIV  et  remit 
en  vigueur  l'édit  d'Henri  IV.  Et  cette  seconde  édition  de  l'édit  de 
1902.  —  N"'  6,  7,  8,  9,  Juin,  .Juillet,  Août,  Septembre.  LI.  —  21 


282  JUBILÉ    CINQUANTENAIRE    DE    LA    SOCIÉTÉ 

Nantes  eut  l'avantage  de  supprimer  certaines  restrictions  de  la  pre- 
mière, de  donner  à  la  liberté  religieuse  son  expression  la  plus  complète. 
Notre  pays,  le  premier  entre  tous  les  pays  d'Europe,  a  mis  sur  la  même 
ligne  toutes  les  confessions  religieuses,  donnant  ainsi  l'exemple  de 
la  tolérance  la  plus  large,  montrant  par  là  son  éloignement  pour 
l'asservissement  de  la  société  civile  à  la  société  religieuse,  et  mar- 
quant une  fois  de  plus  qu'il  .entendait  être  le  défenseur  de  la  Justice 
et  du  Droit. 

Comment  ne  pas  commémorer  cette  grande  date  qui,  selon  la 
belle  expression  du  conseiller  d'Etat  Siméon,  «  a  effacé  ces  jours 
de  proscription  et  de  deuil  où  des  citoyens  n'avaient  pour  prier  en 
commun  que  le  désert  »,  et  qui  a  été,  selon  le  mot  du  marquis  de 
Jaucourt,  «  le  gage  le  plus  assuré  de  la  paix  intérieure  »?  C'est  pour 
cela  que  le  Consistoire  a  décidé  que  le  dimanche  25  mai  serait  un 
jour  d'actions  de  grâces,  marqué  par  des  prières  spéciales  ou  par 
des  prédications  particulières.  Un  grand  service  aura  lieu  ce  jour-là 
à  l'Oratoire,  à  4  heures  sous  la  présidence  du  président  du  Consis- 
toire. 11  ne  s'agit  pas  de  glorifier  l'alliance  de  l'Eglise  et  de  l'Etat. 
11  s'agit  seulement  de  nous  féliciter  d'avoir  été  tirés  de  l'oubli,  d'être 
sortis  de  l'obscurité  pour  respirer  pleinement  sous  la  lumière  de  la 
liberté  et  de  l'égalité. 

Soyons  reconnaissants  de  cet  immense  bienfait.  Que  la  France 
n'ait  pas  de  citoyens  plus  fidèles  à  ses  lois,  plus  soumis  à  ses  insti- 
tutions, plus  jaloux  de  sa  prospérité,  plus  consciencieux  et  plus 
intègres  que  les  protestants  français.  Surtout  que  notre  reconnais- 
sance monte  jusqu'à  Dieu.  «  Sans  l'Eternel  qui  nous  protégea  quand 
les  hommes  s'élevèrent  contre  nous,  nous  aurions  été  engloutis 
tout  vivants.  (Ps.  CXXIV,  2).  »  Que  notre  appui  soit  toujours  en 
ce  Nom  trois  fois  Saint!  Dieu  a  été  notre  délivrance  dans  le  passé. 
11  sera  encore  notre  force  dans  les  jours  d'aujourd'hui  et  de  demain. 
«  Sa  miséricorde  demeure  éternellement  (Ps.  CVII,  1).  » 

Veuillez  agréer,  mon  cher  collègue,  l'assurance  de  mes  senti- 
ments fraternels  en  Notre  Seigneur  Jésus-Christ. 

Le  Président  du  Consistoire, 
A.  GouT. 

Cette  communication  ne  reçut  pas  partout  le  même  accueil.  En 
parcourant  quelques-uns  de  nos  journaux  religieux,  V Eglise  libre 
et  V Evangéliste  par  exemple,  on  verra  que  les  partisans  de  la  société 
religieuse  idéale,  c'est-à-dire  de  l'Eglise  indépendante  du  pouvoir 
civil,  déclarèrent  qu'en  unissant  les  Eglises  protestantes  à  l'Etat, 


DE    l'histoire    du    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  283 

les  articles  organiques  avaient  été  funestes  à  leur  développement, 
les  avaient  empêchées  de  ne  compter  pour  vivre  et  pour  accomplir 
leur  mission,  que  sur  elles-mêmes. 

On  peut  remarquer  à  ce  propos,  d'une  part  que  la  commémora- 
tion d'un  fait  historique  dont  les  conséquences  ont  été  considérables 
n'implique  nullement  l'approbation  sans  réserve  de  ce  fait.  D'autre 
part,  s'il  est  toujours  utile  de  rappeler  les  événements  qui  ont  eu 
sur  notre  destinée  une  influence  profonde,  il  est  bon  aussi  de 
s'associer  à  la  gratitude  provoquée  par  un  acte  de  justice,  cet  acte 
fût-il  d'ailleurs  incomplet  ou  insuffisant.  C'est  sans  doute  ce  que 
pensèrent  quelques-uns  de  ceux  qui  vinrent  remplir  la  nef  du  temple 
de  l'Oratoire,  le  dimanche  25  mai,  à  4  heures.  Sur  l'estrade  dressée 
devant  la  chaire  avaient  pris  place,  autour  du  président  du  Consis- 
toire, MM.  le  doyen  E.  Stapfer,  les  pasteurs  B.  Couve,  Lacheret 
et  E.  Sautter,  le  vice-amiral  Puech,  le  président  et  le  secrétaire 
de  la  Société  d'Histoire  du  Protestantisme  français. 

Après  le  chant,  la  lecture  des  Psaumes  CXXIV  et  CXXVI  et  la 
prière  par  M.  Lacheret,  M.  le  pasteur  A.  Goût  prononça  l'allocution 
suivante  : 


ALLOCUTION 

de  H.  le  Président  du  Consistoire  de  l'Église  réformée  de  Paris. 

J'ai  sur  la  plupart  d'entre  vous  le  privilège  de  l'âge. 

J'ai  connu  dans  mon  enfance  des  protestants  qui  avaient 
vécu  au  xviii*  siècle,  qui  avaient  assisté  aux  assemblées  du  Dé- 
sert et  qui  se  rappelaient  sous  quel  ostracisme  avait  été  notre 
Église. 

On  l'avait  baptisée  :  l'Église  sous  la  Croix,  et  ce  mot  marque 
parfaitement  son  long  martyre. 

Ces  protestants  appartenaient  à  toutes  les  classes  de  la  so- 
ciété. Les  uns  étaient  des  gens  du  peuple,  de  simples  ou- 
vriers, d'autres  étaient  des  lettrés  ou,  comme  on  dit  aujour- 
d'hui, des  intellectuels;  tous  se  félicitaient  du  grand  acte  de 
justice  qu'avait  accompli  le  Premier  Consul  en  1802.  Tous 
voyaient  dans  la  réouverture  de  nos  temples,  dans  le  réta- 
blissement de  notre  culte,  dans  la  situation  officielle  faite  à 
nos  pasteurs  une  réparation  éclatante  des  injustices  de  ja- 
dis, un  ère  nouvelle  ouverte  au  Protestantisme  français.  A 


284  JUBILÉ    CINQUANTENAIRE   DE    LA   SOCIÉTÉ 

leurs  yeux  la  loi  de  Germinal  an  X  était  comme  une  résurrec- 
tion de  notre  Eglise,  notre  communion  religieuse  tirée  du 
tombeau  et  respirant  à  nouveau  sous  le  beau  ciel  de  la  France, 
sur  cette  terre  privilégiée  dont  la  mission  semble  être  de 
porter  au  loin  l'étendard  de  la  liberté,  de  la  justice,  de  la 
civilisation,  dans  ce  que  la  civilisation  a  de  plus  noble,  de 
plus  généreux,  de  plus  largement  bienfaisant. 

Et  comment  ces  vieillards,  ne  se  seraient-ils  pas  félicités 
de  la  reconnaissance  officielle  de  notre  culte,  eux  qui  avaient 
vu  les  longues  chaînes  de  forçats  prolestants  se  dirigeant  vers 
le  bagne,  et  les  derniers  gibets  auxquels  avaient  été  pendus 
les  derniers  pasteurs  du  Désert? 

Quand  on  sort  d'une  longue  nuit  douloureuse,  et  qu'on  re- 
voit tout  à  coup  la  douce  lumière  du  soleil,  quel  bienfait, 
quel  soulagement,  quelle  ivresse! 

Ce  fut  le  tressaillement  qu'éprouvèrent  les  Réformés  de  1802, 
quand  ils  virent  la  France  honorer  du  même  respect  que  l'É- 
glise catholique,  la  vieille  Église  des  persécutés,  des  pros- 
crits, des  confesseurs  et  des  martyrs.  Ils  ne  pouvaient  assez 
bénir  Dieu  d'être  sortis  de  ces  longues  persécutions  où  l'on 
avait  mis  tout  en  œuvre  pour  extirper  de  notre  sol  jusqu'au 
dernier  rejeton  des  Huguenots. 

Nous  voici  encore  debout  dans  ce  temple  où  Bossuet  a 
prêché  quelques-unes  de  ses  oraisons  funèbres,  fiers  de  notre 
passé,  confiants  dans  l'avenir,  tenant  en  main  le  drapeau  du 
spiritualisme  chrétien,  offrant  à  nos  compatriotes  l'exemple 
d'une  Église  qui  n'a  d'attaches  qu'avec  la  patrie  française, 
ne  recevant  point  du  dehors,  d'un  chef  étranger,  ses  inspira- 
tions ou  ses  mots  d'ordre. 

J'admire  le  miracle  qui  nous  a  préservés  de  la  destruction. 
J'en  fais  honneur  à  l'énergie  de  notre  foi,  à  l'indomptable 
vitalité  de  nos  croyances,  au  mâle  courage  que  le  christia- 
nisme évangélique  fait  naître  dans  les  âmes;  mais  je  vois  sur- 
tout dans  le  salut  de  notre  Église  la  main  de  Dieu.  Gardée 
par  Dieu,  notre  Église  pourrait  prendre  pour  devise  la  devise 
de  la  ville  de  Paris  :  Fluctuât  nec  mergitur,  que  je  traduis 
librement  :  Elle  est  ballottée  parles  tempêtes,  elle  ne  saurait 
périr. 


DE   l'histoire    du   PROTESTANTISME    FRANÇAIS  285 

Je  crois  à  la  Providence,  et  je  me  demande  souvent  pour- 
quoi Dieu  nous  a  fait  échapper  à  de  si  fréquents  et  de  si  ter- 
ribles naufrages. 

Evidemment  nous  sommes  une  pierre  d'attente,  le  roc  sur 
lequel  Dieu  veut  élever  un  édifice  nouveau. 

La  question  religieuse  est  à  l'ordre  du  jour  partout  dans 
les  pays  catholiques  :  en  France,  en  Espagne,  en  Italie,  en 
Autriche.  Un  peuple  sans  religion  est  un  peuple  voué  à  une 
irrémédiable  décadence.  L'Église  du  Moyen  Age,  qui  répon- 
dait aux  exigences  de  cette  époque,  ne  répond  plus  aux  aspi- 
rations des  temps  modernes,  au  souffle  de  liberté,  d'indépen- 
dance, d'autonomie  nationale,  de  respect  de  la  conscience 
individuelle,  à  ce  souffle  qui  prépare  Tavènement  d'une  so- 
ciété nouvelle,  d'une  société  où  les  classes,  se  rapprochant 
les  unes  des  autres,  vivront  dans  un  contact  plus  étroit,  dans 
une  fraternité  plus  équitable,  dans  un  saint  amour  qui  nous 
disposera  à  porter  les  fardeaux  les  uns  des  autres,  à  nous 
associer  aux  souffrances  des  humbles,  à  faire  du  sacrifice, 
non  plus  un  mot,  mais  la  loi  de  notre  vie. 

N'avons-nous  pas  à  préparer  cet  avenir,  à  en  être  les  pion- 
niers? Cet  Evangile  duquel  nous  nous  réclamons,  ne  porte- 
l-il  pas,  dans  ses  plis  divins,  le  mot  qui  transformera  notre 
société,  sans  ébranlements  considérables?  Ne  peut-il  pas 
faire  de  nos  jours  les  mêmes  miracles  qu'il  fit  au  xvi^  siècle, 
au  Moyen  Age,  à  la  chute  de  l'empire  romain?  N'est-il  pas 
toujours  la  puissance  de  Dieu? 

Cet  Evangile  est  noire  unique  drapeau.  Restons-lui  fidèles. 
Gardons  ses  enseignements  si  larges,  si  généreux,  si  spiri- 
tualistes,  si  éloignés  de  toutes  les  étroitesses  et  de  toutes  les 
superstitions.  Serrons  aussi  nos  rangs,  vivons  comme  une 
société  de  frères,  ne  formant  devant  Dieu  qu'un  cœur  et  qu'une 
âme,  dominés  par  cette  charité  qui  est  la  vertu  cardinale  du 
christianisme,  et  peut-être  verrons-nous  s'accomplir  pour 
notre  Eglise  la  vision  du  prophète  Esaïe  :  «  //  arrivera, datis  la 
suite  des  temps,  que  la  montagne  de  la  maison  de  l'Eternel  sera 
fondée  sur  le  sommet  des  montagnes.  Elle  s'élèvera  par-dessus 
les  collines,  et  toutes  les  nations  j'-  afflueront  (Es.  11,2). 


286  JUBILÉ    CINQUANTENAIRE    DE    LA    SOCIÉTÉ 

La  parole  est  donnée  ensuite  au  secrétaire  de  la  Société  de  l'His- 
toire du  Protestantisme  français,  pour  exposer 


L'ORIGINE    ET   LA   SIGNIFICATION 

Dt: 

LA   LOI    DU    18    GERMINAL   AN    X* 

I 

Il  y  a  un  siècle  et  un  mois,  le  dimanche  5  floréal  an  X,  c'est- 
à-dire  le  25  avril  1802,  dans  l'église  Saint-Louis-du-Louvre, 
aujourd'hui  disparue,  après  une  prière  d'humiliation  et  d'ac- 
tions de  grâces  et  la  lecture  de  cette  parole  de  l'apôtre 
Paul,  Conduise\-vous  avec  honneur  et  comme  en  plein  jour 
(Rom.  XIII,  13),  le  pasteur  Paul-Henri  Marron  commençait 
ainsi  son  Discours  sur  le  rétablissement  de  la  religion  : 

Il  y  a  dix  ans,  qu'en  installant  notre  culte  dans  ce  temple  qui  nous 
réunit  encore  aujourd'hui  sous  les  yeux  de  Dieu,  nous  fixâmes  votre 
attention  sur  ces  paroles  qui  précèdent  immédiatement  celles  de 
mon  texte  :  La  nuit  est  passée,  le  jour  est  levé^.  Cette  douce  persua- 
sion était  alors  celle  de  tous  les  François;  les  cœurs,  universellement 
épanouis  à  l'espérance,  saluoient  avec  transport  l'aurore  d'un  jour 
sans  nuage;  il  sembloit  que  cette  parole  qui,  à  l'origine  des  siècles, 
débrouilla  le  chaos  et  féconda  le  néant  :  que  la  lumière  soit,  retentis- 
soit  encore  dans  une  création  nouvelle,  dont  nous  ne  devions 
pas  être  les  derniers  à  nous  féliciter.  Hélas  !  que  de  vœux  ont  été 
déçus  !  que  d'espérances  trompées  !  Dans  les  annales  du  monde 
primitif  les  affreux  ravages  du  déluge  se  trouvent  placés  près  du 


1.  Cette  causerie,  ou  conférence  familière  ayant  été  improvisée  sur 
quelques  notes,  n'a  été  sommairement  rédigée  qu'après  avoir  été  pro- 
noncée. 

2.  C'est  par  suite  d'une  méprise  ([ue  M.  A.  Lods,  dans  son  Église 
réformée  de  Paris  pendant  la  Résolution,  p.  16  {Bull.,  1889),  écrit  que  le 
jour  de  la  dédicace  de  Sainl-Louis-du-Louvre,  22  mai  1791,  Marron 
prêcha  sur  ce  texte  :  Soye^  joyeux  dans  l'espérance,  patieyits  dans 
l'affliction,  persévérants  dans  la  prière. 


DE    L  HISTOIRE    DU    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  287 

berceau  du  genre  humain;  et  clans  l'histoire  de  notre  régénération 
sociale,  quel  déluge  de  maux  a  aussi  bientôt  couvert  la  France  ! 

Et  voici  comment  il  invitait  ses  ouailles  à  apprécier  l'évé- 
nement que  nous  commémorons  aujourd'hui  : 

...Vous  manqueriez  à  Vhonneur,  chrétiens,  mes  chers  Frères,  et 
votre  conduite,  loin  d'être  digne  du  grand  jour,  appellerait  sur 
elle  la  honte  et  les  ténèbres,  si  d'abord  vous  étiez  insensibles  au 
triomphe  de  la  Religion,  et  à  cette  justice  tardive  qui  met  notre 
culte  sur  la  même  ligne  avec  celui  qui,  trop  longtemps  l'affligea  de 
ses  exclusives  prétentions...  Ah!  désormais  oublions  nos  longs 
sujets  de  plainte.  Les  temps  de  proscription  ne  sont  plus;  une  flé- 
trissante disparité  cesse;  la  loi  bienfaisante  et  sage  organise  notre 
existence  religieuse  à  l'égal  du  culte  dans  la  protection  duquel  elle 
ressembla  pendant  plus  d'un  siècle  à  un  père  injuste  et  oppressif 
dans  ses  prédilections.  N'en  doutons  point,  cette  impulsion  salu- 
taire va,  avec  tant  d'autres  causes,  rapidement  acheminer  les  des- 
tinées de  la  France  au  plus  haut  degré  de  prospérité  sociale.  La 
paix  des  familles,  la  paix  des  consciences  attacheront  de  plus  en  plus 
tous  ses  enfans  à  son  riche  sol;  elles  y  appelleront  l'étranger  qui 
peut  difficilement  trouver  ailleurs  la  réunion  des  mêmes  avantages; 
les  descendants  surtout  des  anciens  proscrits  de  l'intolérance  sou- 
riront encore  à  la  patrie  de  leurs  ayeux  ;  ils  y  apporteront  avec 
empressement  leurs  lumières,  leurs  talens,  leur  industrie,  leurs 
vertus;  et  le  xix«  siècle  vengera,  dans  le  seul  sens  du  bien  public, 
les  torts  de  l'avant-dernier.  Conduisez-vous  donc  avec  honneur  et 
comme  en  plein  jour,  c'est-à-dire  soyez  sensibles  et  reconnais- 
sants... 

«  L'n  gouvernement  paternel  a  cru  devoir  invoquer  le  secours  de 
la  Religion  pour  arrêter  le  progrès  de  la  démoralisation,  pour  ras- 
seoir sur  une  base  solide  l'édifice  social,  si  violemment  ébranlé  par 
de  longues  secousses.  Ne  frustrons  point  son  attente,  et  que  les 
cultes  opèrent  tout  le  bien  dont  il  les  a  jugés  capables.  Que  désor- 
mais la  Religion  écarte  de  nouveaux  chocs;  qu'avec  la  modération, 
la  sagesse,  le  pardon  des  offenses,  elle  réconcilie,  elle  rapproche 
toutes  les  classes  de  citoyens;  que  tous,  frères  aux  yeux  de  Dieu, 
tous  égaux  aux  yeux  de  la  loi,  ils  s'entraiment,  ils  s'entraident  les  uns 
les  autres  et  qu'aucune  différence  d'opinion,  qu'aucune  nuance  de 
rites,  plus  ou  moins  sensibles,  ne  troublent  l'harmonie  des  cœurs, 
ne  relâchent  le  nœud  de  la  perfection  (l'idée  et  l'expression  sont 


288  JUBILÉ   CINQUANTENAIRE   DE   LA   SOCIÉTÉ 

encore  de  l'Évangile),  la  charité.  Quelle  que  soit  la  bannière  sous 
laquelle  nous  marchons,  ne  rivalisons  que  de  reconnaissance  et  de 
bonnes  œuvres...  » 

Ces  paroles,  modérées  lorsqu'on  les  compare  aux  discours 
emphatiques  cjui  devaient  retentir  dans  plusieurs  de  nos 
temples*,  donnent  une  idée  sommaire  et  suffisamment  exacte 
de  ce  qu'éprouvaient  nos  pères  au  commencement  du 
XIX 'siècle,  après  que  Napoléon  eut  signé  le  Concordat  et  les 
articles  organiques. 

Pour  comprendre  les  sentiments  de  gratitude  ou  plutôt 
l'impression  de  soulagement,  de  délivrance  dont  Marron  se  fit, 
très  convenablement  d'ailleurs,  l'interprète  officiel,  il  faut  se 
reporter  à  dix  ou  vingt  ans  en  arrière.  Il  faut  se  rappeler  la 
tourmente  révolutionnaire  dont  les  souvenirs  terribles  étaient 
encore  dans  toutes  les  mémoires  et  qu'au  commencement  du 
Discours  que  ie  viens  de  citer,  Marron  compare  au  déluge  suc- 
cédant à  l'aurore  pleine  de  promesses  d'une  nouvelle  création. 
Il  faut  ne  pas  oublier  les  expériences  émouvantes  par  lesquelles 
l'orateur  lui-même  avait  passé.  Bien  qu'il  eût  salué  la  Révolu- 
tion avec  un  sincère  enthousiasme,  bien  que  par  un  acte  de 
faiblesse  qu'on  comprend,  mais  qu'on  regrette,  il  eût  essayé 
de  désarmer  les  terroristes  en  leur  livrant,  le  13  novembre 
1793,  le  service  de  communion  de  son  Eglise,  il  avait  été,  le 
6  juin  1794,  traîné  de  son  appartement  de  la  rue  Sainl-Roch, 
n"  9,  dans  l'hôtel  Talaru,  à  côté  de  la  Bibliothèque  Nationale, 
alors  transformé  en  prison.  Enfin  il  n'était  sorti  de  là  que  le 
30  juillet,  c'est-à-dire  la  veille  du  jour  où  sa  tête  serait  tombée 
sur  l'échafaud  si,  à  son  tour,  Robespierre  n'avait  pas  été  ren- 
versé quelques  heures  auparavant. 

l.  Ainsi  quelques  années  plus  lard,  Je  15  août  1809,  à  Lyon,  le  pasteur 
SchJick  devait  s'écrier  :  «  Qu'il  est  doux  pour  les  bons  citoyens  de  voir  les 
destinées  de  la  patrie  confiées  à  un  Prince  que  le  ciel  semble  avoir  formé 
pour  effacer  la  gloire  des  souverains  qui  vécurent  avant  lui  et  pour  offrir  aux 
âges  suivants  le  tableau  d'un  grand  souverain!  Le  détail  de  sa  vie  jour- 
nalière est  le  code  le  plus  sévère  des  princes.  Jamais  moraliste  n'a  porté 
la  rigueur  de  ses  préceptes  aussi  loin  qu'il  pousse  l'incroyable  étendue 
des  devoirs  qu'il  s'impose.  Quelle  perfection  n'atteindrait  pas  le  genre 
humain,  si  chacun  s'acquittait  avec  une  ardeur  semblable  à  la  sienne^  des 
oliligalions  de  son  état...  » 


DE   l'histoire   du   PROTESTANTISME   FRANÇAIS  289 

Si  nous  pouvions  faire  vivre  au  milieu  de  cette  prodigieuse 
époque,  pour  quelques  jours  seulement,  les  logiciens  idéalistes 
qui  blâment  si  énergiquement  l'attitude  des  pasteurs  de  ce 
temps-là,  et  voudraient  nous  déconseiller,  si  ce  n'est  de  nous 
associer  à  leur  joie  trop  peu  déguisée,  du  moins  de  la  com- 
prendre, nous  les  ferions  sans  doute  descendre  des  hauteurs 
sereines  de  leurs  théories  pour  apprécier  avec  un  peu  plus 
d'équité  leurs  devanciers.  Nous  essayerions  de  les  persuader 
que  lorsqu'on  a  échappé  tout  juste  à  la  mort  après  avoir  vécu 
dans  ce  sentiment  d'insécurité  si  angoissant  que  produit  une 
tyrannie  séculaire,  on  est  reconnaissant  lors  même  que 
l'homme  qui  a  mis  un  terme  à  cet  état  de  choses  se  nomme 
Napoléon.  Nous  leur  rappellerions  qu'avant  la  Terreur  Mar- 
ron avait  effectivement  encore  connu  le  régime  arbitraire  et 
oppressif  de  la  monarchie,  que,  malgré  l'édit  de  Tolérance 
arraché  en  1787  à  Louis  XVI,  et  avant  de  payer  pour  Saint- 
Louis  du  Louvre  le  gros  loyer  annuel  de  près  de  20,000  francs 
de  notre  monnaie',  il  n'avait,  en  1789,  organisé  notre  culte 
qu'avec  beaucoup  de  précautions  et  d'inquiétudes,  d'abord 
dans  l'affreuse  ruelle  Mondétour  près  des  Halles,  puis  dans  la 
rue  Dauphine. 


II 


Mais  ici,  il  est  juste  que  nous  évoquions  la  mémoire  des  pré- 
décesseurs du  pasteur  Marron,  de  tous  ceux,  depuis  Claude 
Brousson  jusqu'à  Rabaut  de  Saint-Étienne  dont  l'inlassable 
dévouement  prépara  ce  que  Marron  appela  avec  raison  une 
justice  tardive. 

Oui.  nous  serions  injuste  si  nous  ne  redisions  que  déjà  un 


1.  Exactement  16,450  livres  pa;'  an;  le  bail  était  signé  par  \'erdier. 
membre  du  Consistoire,  et  les  notables  qui  s'étaient,  au  nom  de  l'Eglise, 
adressés  h  la  municipalité,  s'appelaient  Ourry,  .loussaud,  Perreaux. 
Verdier,  Le  Noir  père,  Fabre,  \'ialtel,  van  Iloorn,  Rainibault,  Féline, 
Bénard,  Doucet,  Mouquin,  Empeytaz,  Dumas,  Lemaistre,  Dangirard, 
Tassin,  etc.  Voy.  l'Eglise  réformée  de  Paris  pendant  la  Révolution,  p.  15 
et  16. 


290  JUBILÉ   CINQUANTENAIRE   DE   LA   SOCIÉTÉ 

siècle  avant  la  Révolution,  le  1*"^  octobre  1689,  Claude  Brousson 
avait  adressé  à  l'intendant  du  Languedoc,  à  Bâville  lui-même 
cette  mémorable  prophétie: 

«  Il  faut  que  VEtat  périsse  ou  que  la  liberté  de  conscience  soit 
rétablie.  On  n'a  jamais  bien  connu  le  danger  qu'il  y  avait  à  forcer 
deux  millions  de  personnes  d'abjurer  une  religion  qu'ils  sont  per- 
suadés être  la  seule  qui  est  conforme  à  la  parole  de  Dieu...  » 

Nous  serions  injuste  si  après  cette  douce  et  persuasive 
figure  de  la  victime  de  Bâville  nous  n'évoquions  l'admirable 
phalange  des  Rabaut  et  de  Court  de  Gebelin.  Les  prolestants 
français  ne  sauront  jamais  tout  ce  qu'ils  doivent  aux  hommes 
appartenant  à  ces  deux  familles. 

Sans  Antoine  Court  et  Paul  Rabaut,  il  est  peu  probable 
que  le  Protestantisme  français  se  serait  reconstitué,  aurait 
formé  un  corps  fermement  décidé  à  obtenir,  coûte  que  coûte, 
le  droit  à  l'existence.  Et  il  est  difficile  d'exagérer  l'influence 
profonde,  indestructible,  bienfaisante,  que  le  long  et  doulou- 
reux ministère  de  Paul  Rabaut  exerça  dans  tout  le  Midi  et 
l'Ouest.  Quand  on  contemple,  à  la  Bibliothèque  de  la  rue  des 
Saints-Pères,  le  touchant  portrait  qu'un  peintre  inconnu 
nous  a  laissé  de  «  Monsieur  Paul  »,  on  est  frappé  par  la  dou- 
ceur, la  profonde  mélancolie  et  l'espérance  invincible  qui  se 
dégagent  de  cette  figure  usée,  hâlée,  mais  où  brillent  des 
yeux  pleins  d'intelligence  et  de  vivacité. 

Il  faut  bien  que  le  dévouement  de  ces  deux  hommes  ait 
été  contagieux,  car  ils  l'ont  légué,  doublé  par  une  remar- 
quable intelligence  de  la  situation,  à  leurs  fils.  Court  de  Ge- 
belin a  le  premier  réussi  à  faire  comprendre  aux  milieux 
politiques  et  littéraires  de  Paris  qu'il  y  avait  une  question 
protestante  qu'il  faudrait  résoudre  tôt  ou  tard.  Après  lui,  et 
grâce  aux  relations  qu'il  s'était  faites,  les  trois  fils  de  Paul 
Rabaut  purent  préparer  la  seule  solution  compatible  avec  la 
logique  et  l'humanité,  et  l'arracher  enfin  de  haute  lutte  aux 
puissances  de  réaction  coalisées  contre  la  liberté  sous  toutes 
ses  formes. 

Il  ne  faut  pas  oublier,  en  effet,  que  l'article  premier  de 


DE  l'histoire  du   PROTESTANTISME   FRANÇAIS  291 

redit  de  Tolérance  de  1787  qui  inaugurait  en  faveur  des  pro- 
testants le  mariage  civil  était  libellé  ainsi  : 

La  religion  catholique,  apostolique  et  romaine  continuera  de 
jouir  seule  dans  notre  royaume  du  culte  public,  et  la  naissance,  le 
mariage  et  la  mort  de  ceux  de  nos  sujets  qui  la  professent  ne  pour- 
ront, dans  aucun  cas,  être  constatés  que  suivant  les  rits  et  usages 
de  ladite  religion  autorisée  par  nos  ordonnances. 

C'est  contre  cet  article,  maintenant  par  la  force  de  la  loi 
une  religion  d'État  privilégiée  et  exclusive  de  toute  autre 
confession,  que  Rabaut  de  Saint-Étienne  a  formulé  le  droit 
moderne  dans  ces  nobles  paroles  :  «  La  tolérance,  le  support, 
«  le  pardon,  la  clémence!  Idées  souverainement  injustes 
«  envers  des  dissidents,  tant  qu'il  sera  vrai  que  la  différence 
«  de  religion,  que  la  différence  d'opinions  n'est  pas  un 
«  crime  !  »  Et  c'est  grâce  à  l'ascendant  de  son  éloquence  et 
de  sa  raison  qu'il  a  réussi  le  24  août  1789  à  faire  voter  l'article 
célèbre  :  «  Nul  ne  doit  être  inquiété  pour  ses  opinions  même 
religieuses  »,  malheureusement  affaibli  par  cette  adjonction 
perfide  :  «  Pourvu  que  leur  manifestation  ne  trouble  pas 
tordre  établi  par  les  lois  ». 

On  sait  que  cette  victoire  fut  de  courte  durée,  et  que  la 
liberté  si  chèrement  conquise  faillit  sombrer  dans  les  con- 
vulsions de  la  Terreur  dont  Rabaut  de  Saint-Étienne,  inca- 
pable de  renier  ses  principes  vraiment  libéraux  et  modérés 
devant  ceux  qui  voulaient  faire  expier  par  le  supplice  de 
Louis  XVI  tous  les  crimes  de  l'ancien  régime,  —  fut  une  des 
premières  victimes.  Le  protestantisme  était  bien  malade 
au  sortir  de  ces  années  qui  n'avaient  pas  seulement  bou- 
leversé l'ordre  social,  mais  profondément  troublé  les  âmes. 
On  pouvait  lui  appliquer  les  paroles  que  Brousson  écrivait 
une  quinzaine  d'années  après  la  Révocation  : 

«  Ce  peuple  est  encore  timide  et  dans  le  même  état  où  était  Lazare 
après  sa  résurrection  lorsqu'il  avait  encore  les  pieds  et  les  mains 
liés.  Ce  peuple  est  encore  dans  les  liens  de  l'oppression  et  de  la 
servitude,  mais  dès  qu'il  plaira  à  Dieu  de  rompre  ces  liens,  on  lui 


292  JUBILÉ   CINQUANTENAIRE   DE  LA   SOCIÉTÉ 

verra  faire  incontinent  toutes  les  fonctions  de  la  vie  spirituelle  qu'il 
lui  a  déjà  rendue'...  » 

C'est  une  grave  erreur  de  s'imaginer  que  la  persécution 
est  impuissante.  Il  est  vrai  qu'elle  ne  peut  rien  contre  la 
vérité,  la  justice  et  la  liberté,  je  veux  dire  qu'elle  ne  peut  les 
détruire  ni  en  empêcher  le  triomphe.  Mais  elle  peut  retarder 
ce  triomphe  et  lasser  ceux  qui  l'ont  trop  longtem.ps  espéré. 
C'est  ce  qui  est  arrivé  en  France.  Les  idées  que  la  Réforme 
représentait  ne  purent  être  supprimées  par  la  violence  d'une 
persécution  près  de  trois  fois  séculaire.  Mais  d'une  part  elles 
furent  contraintes  d'émigrer  hors  de  France  et  de  porter 
leurs  fruits  au-delà  de  ses  frontières.  D'autre  part,  ceux  de 
leurs  partisans  qui  étaient  restés  en  France,  comme  des 
émigrés  à  l'intérieur,  sans  cesse  décimés  par  de  nouveaux 
exodes  ou  découragés  par  de  nouvelles  déceptions,  finale- 
ment égarés  par  le  désenchantement  qui  succéda  à  l'enthou- 
siasme de  l'aurore  révolutionnaire,  étaient  envahis  par  une 
sorte  de  lassitude  morale  dont  se  plaignaient  presque  tous 
les  pasteurs,  en  petit  nombre  d'ailleurs,  qui  persistaient  à 
exercer  un  ministère  d'autant  plus  méritoire  qu'il  était  plus 
obscur  et  moins  apprécié-. 

Si  cet  état  de  torpeur  s'était  prolongé  encore  un  quart  de 
siècle,  il  est  permis  de  présumer  que  le  Protestantisme  serait 
devenu,  en  France,  une  quantité  négligeable.  La  loi  du  18 ger- 
minal, en  lui  accordant  la  liberté  de  vivre  qu'il  n'osait  plus 
espérer,  en  le  plaçant  sur  un  pied  d'égalité  avec  ceux  qui 
avaient  poursuivi  sans  lassitude  sa  ruine,  lui  a  permis  de 
sortir  peu  à  peu  de  l'état  de  langueur  où  il  dépérissait,  et 
d'entrer  dans  une  nouvelle  période  de  développement.  A  ce 
point  de  vue  —  qu'un  observateur  impartial  des  faits  n'a  pas 
le  droit  de  négliger  —  cette  loi,  d'ailleurs  très  critiquable,  a 
donc  été  un  bienfait.  Il  est  facile,  en  effet,  de  démontrer  qu'en 

1.  La  lettre  qui  renforme  ces  lignes  est  la  dei-nière  lettre  qu'on  possède 
de  Brousson.  Elle  est  datée  des  environs  de  Toulouse.  17  août  1698.  On 
sait  qu'il  fut  pris  peu  après  et  pendu  à  Montpellier  le  î  novembre  de  la 
même  année. 

2.  \oy.  sur  ce  point  les  articles  publiés  ici  même  par  M.  F.  Ivuhn,  années 
1900  (p.  320  à  326  et  375  à  387)  et  ^102  (p.  .57  à  73). 


DE   l'histoire    du    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  293 

nous  octroyant  les  articles  organiques,  le  Premier  Consul  a 
bien  plutôt  pensé  à  lui-même  et  à  ses  intérêts  de  chef  d'un 
gouvernement  absolu,  qu'aux  traditions  parlementaires  et 
aux  habitudes  de  gouvernement  représentatif  des  Églises 
réformées.  Il  a  tenu  à  ce  que,  dans  aucun  consistoire,  rien 
ne  se  fit  sans  qu'il  le  sût  et  l'approuvât,  qu'aucun  pasteur  ne 
fût  nommé  que  par  lui,  que  les  Églises  n'eussent  même  pas 
l'idée  de  discuter  en  commun  leurs  intérêts  par  le  moyen  de 
leurs  délégués.  Tout  cela  saute  aux  yeux  lorsqu'on  parcourt 
les  différents  paragraphes  de  la  loi. 

Il  n'en  est  pas  moins  vrai  que  le  gouvernement  de  Napo- 
léon est  le  premier,  depuis  celui  de  François  I",  qui  ait  con- 
senti à  traiter  le  Protestantisme  autrement  qu'en  ennemi  ou 
en  suspect.  Il  faut  assurément  faire,  dans  cette  longue  liste 
de  régimes  monarchiques,  une  exception  pour  Henri  IV  qui 
fit  un  louable  effort  dans  la  voie  de  la  tolérance,  mais  nous 
savons  tous  qu'il  ne  le  fit  que  parce  qu'il  ne  pouvait  guère 
faire  autrement.  Le  Premier  Consul  est,  au  contraire, 
peut-être  le  seul  souverain  français  qui  ait  franchement 
admis  qu'on  peut  être  indifféremment  protestant  ou  catho- 
lique et  que  s'il  y  avait  des  précautions  à  prendre,  elles 
étaient  plus  nécessaires  du  côté  de  Rome  que  de  Genève.  Il 
n'était  ni  de  l'école  qui  fausse  l'histoire  en  prétendant  que  la 
grandeur  de  la  France  est  liée  à  la  prédominance  de  la  reli- 
gion catholique,  ni  de  celle  qui,  à  l'autre  extrême,  voudrait 
nous  persuader  que  toutes  les  religions  sont  des  infirmités 
qui  disparaîtraient  promptement  si  on  les  traitait  par  le 
mépris.  Ce  grand  manieur  d'hommes  avait,  sur  la  plupart 
de  ceux  qui  lui  succédèrent,  sans  en  excepter  nos  contem- 
porains, un  avantage  inappréciable. 


III 

Napoléon  avait  de  la  littérature,  il  avait  étudié  le  passé  autre- 
ment que  dansles  séminaires  ou  danslesjournaux  et  c'est  ce  qui 
lui  permettait  d'avoir  sur  toutes  sortes  de  sujets  des  opinions 
personnelles,  raisonnées  et  qu'on  pouvait  discuter.  11  suffit, 


294  JUBILÉ    riNOVAXTEXAlRE    DE    LA    SOCIÉTÉ 

pour  s'en  convaincre,  de  rappeler  telle  ou  lelle  de  ses  bou- 
tades, comme  celle-ci  :  «  On  a  manqué  l'occasion  d'établir 
«  en  France  la  religion  protestante,  ce  n'est  pas  ma  faute  »; 
ou  encore  :  «  Ce  n'est  pas  le  fanatisme  religieux  qui  est  à 
«  craindre  aujourd'hui,  mais  l'athéisme.  La  religion,  en  sa- 
a  tisfaisant  l'amour  du  peuple  pour  le  merveilleux,  le  garan- 
«  tit  des  charlatans  et  des  sorciers  «'...Si  de  telles  paroles, 
en  effet,  prouvent  que  personnellement  Napoléon  était  scep- 
tique en  religion,  elles  prouvent  aussi  qu'il  savait  reconnaître 
l'importance  du  sentiment  religieux  et  le  danger  qu'il  y  a 
pour  un  gouvernement  d'empêcher  qu'il  se  manifeste  libre- 
ment. A  cet  égard,  et  bien  qu'il  fût  un  souverain  très  absolu, 
il  faut  reconnaître  qu'il  sut  toujours  et  partout  respecter  la 
conscience  religieuse  de  ses  sujets.  Les  protestants,  en  par- 
ticulier, jouirent  sous  le  premier  empire,  d'une  liberté  beau- 
coup plus  réelle  par  exemple  que  sous  le  second,  et  même 
sous  aucun  des  régimes  qui  précédèrent  la  république  ac- 
tuelle. 

Rien  n'est  plus  caractéristique  à  cet  égard  que  les  déclara- 
tions faites  officiellement  et  intentionnellement  dans  diverses 
circonstances  solennelles.  Ainsi  les  présidents  des  princi- 
paux consistoires  protestants  furent  expressément  invités  à 
assister  en  corps  au  couronnement  de  l'empereur  et  lors- 
qu'ils lui  eurent  été  présentés  le  7  décembre  1805,  en  même 
temps  que  les  autres  députations,  il  répondit  en  ces  termes 
au  pasteur  Martin  de  Genève  qui  l'avait  très  dignement  re- 
mercié d'avoir  prêté  le  serment  de  maintenir  la  liberté  des 
cultes^  : 

«  Je  vois  avec  plaisir  rassemblés  ici  les  pasteurs  des  Églises  réfor- 
mées de  France,  je  saisis  avec  empressement  cette  occasion  de  leur 

1.  Pelet  de  la  Lozère,  Opinions  de  Napoléon,  p.  210  {Bull.,  1897,  396). 

2.  Voici  le  discours  de  M.  Martin  :  «  Sa  Majesté  vient  de  remplir  le 
vœu  que  formaient  depuis  longtemps  les  Églises  réformées  de  France, 
celui  de  pouvoir  porter  au  [jied  du  trône  leurs  hommages  et  l'expression 
de  leurs  sentiments;  c'est  avec  la  plus  vive  satisfaction  que  nous  venons 
exprimer  à  Sa  Majesté,  pour  nous-mêmes  et  pour  nos  Églises,  notre 
respectueuse  gratitude  pour  la  protection  qu'elle  nous  a  accordée  jus- 
qu'ici et  la  pieuse  contiance  que  nous  fondons,  pour  l'avenir,  sur  le  ser- 


DE   l'histoire   du   PROTESTANTISME   FRANÇAIS  295 

témoigner  combien  j'ai  toujours  été  satisfait  de  tout  ce  qu'on  m'a 
rapporté  de  la  fidélité  et  de  la  bonne  conduite  des  pasteurs  et  des 
citoyens  des  différentes  communions  protestantes.  Je  veux  bien 
que  l'on  sache  que  mon  intention  et  ma  ferme  volonté  est  de  main- 
tenir la  liberté  des  cultes.  L'empire  de  la  loi  finit  où  commence 
l'empire  indéfini  de  la  conscience;  ni  la  loi  ni  le  prince  ne  peuvent 
rien  contre  cette  liberté.  Tels  sont  mes  principes  et  ceux  de  la 
nation;  et  si  quelqu'un  de  ma  race  devant  me  succéder  oubliait  le 
serment  que  j'ai  prêté,  et  que,  trompé  par  l'inspiration  d'une  fausse 
conscience,  il  vînt  à  le  violer,  je  le  voue  à  l'animadversion  publique 
et  je  vous  autorise  à  lui  donner  le  nom  de  Néron  '  >. 

Deux  ans  plus  tard,  le  9  août  1807,  le  consistoire  de  Paris 
ayant  été  admis  à  l'audience  de  Sa  Majesté  et  présenté  par 
le  ministre  des  cultes,  voici  comment  l'empereur  répondit 
au  discours  de  Marron  : 

«  J'agrée  les  vœux  et  les  félicitations  du  Consistoire.  Vous  ne 
m'avez  point  d'obligations.  Je  ne  veux  pas  qu'on  m'en  ait  quand  je 
ne  suis  que  juste.  La  conscience  est  hors  du  domaine  des  lois.  Je 
vous  garantis  pour  moi  et  pour  mes  successeurs,  non  seulement 
l'indépendance,  mais  encore  la  liberté  et  l'intégralité  de  votre  culte. 
Les  protestants  ont  toujours  été  de  bons  citoyens  et  de  fidèles 
observateurs  des  lois.  Quoique  je  ne  sois  pas  de  votre  religion, 
dites-leur  que  je  les  mets  au  rang  de  mes  plus  chers  amis  -.  » 


ment  que  Sa  Majesté  a  prêté  avec  tant  de  solennité,  dont  elle  a  voulu 
que  nous  fussions  les  témoins  et  par  lequel,  en  s'engageant  à  maintenir 
la  liberté  des  cuites,  elle  donne  le  calme  aux  consciences  et  assure  la 
paix  de  TÉglise;  nous  souhaitons  que  tous  ses  sujets  de  toutes  les  com- 
munions, que  nous  regardons  tous  comme  nos  frères,  sentent,  comme 
nous,  le  prix  de  ce  bienfait.  Nous  le  mériterons  par  notre  gratitude, 
notre  fidélité  et  noire  soumission  aux  lois,  dont  nous  avons  constamment 
donné  l'exemple...  Puissent  nos  prières  ferventes  attirer  sur  Sa  Majesté, 
sur  l'impératrice  et  sur  les  princes  de  la  famille  impériale,  toutes  les 
bénédictions  du  monarque  du  monde  !  Puisse  Sa  Majesté,  après  avoir 
tant  fait  pour  la  gloire,  y  ajouter  le  titre  de  pacificateur  de  l'Europe 
entière  et  n'avoir  plus  qu'à  déployer  ces  vertus  qui,  en  faisant  la  félicité 
des  peuples,  font  la  véritable  gloire  des  hommes  et  font  chérir  leur 
puissance  !...  » 

1.  Revue  de  Droit  et  de  Jurisprudence  des  Eglises  protestantes,   1899, 
p.  ls9. 

2.  Bull.,  I8G7,  p.  350. 


296  JUBILÉ   CINQUANTENAIRE   DE    LA    SOCIÉTÉ 

Mais  c'est  en  1810,  lors  de  son  voyage  avec  Marie-Louise 
dans  les  provinces  du  Brabant  et  de  la  Zélande,  que  Napoléon 
fit  sur  ce  sujet  les  déclarations  les  plus  formelles.  Arrivé  le 
6  mai  à  Bréda,  il  y  reçut,  entouré  de  ses  dignitaires,  tous  les 
corps  constitués.  Le  clergé  catholique  s'était  présenté,  mais 
sans  costume,  alors  que  les  pasteurs  étaient  revêtus  de 
leurs  robes,  par  ordre  du  gouvernement.  L'empereur,  sans 
répondre  au  compliment  du  vicaire,  dit  :  «  Où  sont  les  mi- 
nistres protestants?»  Alors  M.  ten  Œven,  pasteur  de  l'Église 
wallonne,  à  la  tête  de  tout  le  clergé  protestant,  fut  présenté 
à  l'empereur  par  le  prince  de  Neufchâtel,  et,  après  les  incli- 
nations ordinaires,  lui  adressa  la  harangue  suivante  : 

0  Sire,  le  clergé  et  les  députés  des  Églises  réformées  et  protes- 
tantes ont  l'honneur  de  présenter  à  V.  M.  L  et  R.  leurs  hommages 
respectueux.  Les  maximes  des  protestants,  qui,  par  le  concours 
des  événements,  sont  devenus  de  nouveaux  sujets  de  votre  immense 
empire,  leurs  maximes  invariables  sont  d'adorer  dans  tout  ce  qui 
arrive  la  main  d'une  sage  et  bonne  providence  et  de  rendre  à  César 
ce  qui  est  à  César,  et  je  me  fais  un  devoir,  Sire,  d'assurer  V.  M. 
L  et  R.  que  nous  pratiquons  cet  ordre  :  obéissez  à  vos  souverains. 
Nous  le  savons.  Sire,  que  jamais,  depuis  la  révocation  de  l'édit  de 
Nantes,  les  protestants  n'ont  joui,  en  France,  de  tant  de  privilèges 
que  sous  les  auspices  de  V.  M.  L  et  R.  Cette  conviction  nous  est  le 
garant  que  nous  participerons  à  la  protection  du  grand  souverain 
que  Dieu  nous  a  donné  et  qu'il  nous  conservera  les  avantages  dont 
nous  avons  joui  jusqu'ici.  Nous  avons  l'honneur  de  recommander 
tous  nos  intérêts  à  V.  M.  I.  et  R.  Puissiez-vous,  Sire,  après  avoir 
donné  la  paix  au  continent,  après  l'avoir  établie  solidement  par 
votre  auguste  mariage,  devenir  le  pacificateur  de  l'Europe  entière, 
et  nous  en  faire  éprouver,  sous  vos  auspices,  les  plus  durables 
effets  !  « 

Sa  Majesté  ayant  écouté  très  attentivement  cette  harangue 
jusqu'à  la  fin,  répondit  : 

«  C'est  très  bien,  vous  avez  raison,  je  protège  tous  les  cultes; 
les  protestants  en  France  jouissent  des  mêmes  avantages  que  les 
catholiques,  et  il  faut  que  dans  ce  département  les  catholiques 
jouissent  des  mêmes  avantages  que  les  protestants.  Si  vos  églises 


DE  l'histoire  du  protestantisme  français  297 

sont  trop  grandes  ou  trop  nombreuses,  il  faut  les  partager,  parce 
que  je  veux  une  parfaite  égalité  entre  tous  les  cultes  :  il  faut  vivre 
en  frères.  » 

L'empereur  demanda  à  M.  ten  Œven  :  «  Pourquoi,  mon- 
sieur, êtes-vous  ainsi  habillé?  Vous  êtes  en  costume?  »  Sur 
quoi  celui-ci  répondit  :  «  Sire,  c'est  un  ordre  ».  L'empereur 
l'interrompit  et  dit  :  «  C'est  bien,  c'est  une  coutume  du  pays  », 
et,  se  tournant  vers  le  clergé  catholique,  il  demanda  aux 
prêtres  : 

«  Pourquoi  donc,  vous  autres,  n'avez-vous  pas  la  soutane?  Vous 
dites  être  des  prêtres,  mais  qu'êtes-vous  ?  Des  avocats,  des  no- 
taires, des  procureurs,  des  paysans?  Quoi  !  Je  viens  dans  un  dépar- 
tement où  la  pluralité  est  composée  de  catholiques  qui  ont  été 
auparavant  opprimés,  qui  ont  obtenu,  après  la  Révolution,  plus  de 
liberté,  et  encore  plus  d'avantages  par  le  roi  mon  frère,  et  moi  je 
viens  pour  vous  rendre  tous  égaux  avec  les  autres,  et  cependant 
vous  commencez  par  me  manquer,  vous  présenter  ainsi  devant  moi  ! 
Le  premier  acte  de  souveraineté  que  j'ai  dû  exécuter,  a  été  de  faire 
arrêter  ceux  de  vos  curés  réfractaires  à  Bois-le-Duc,  même  votre 
vicaire  apostolique;  je  les  ai  emprisonnés,  je  les  punirai  et  la  pre- 
mière parole  que  j'entends  d'un  ministre  réformé  est  :  «  Rendez  à 
César  ce  qui  est  à  César  !  Voilà  la  doctrine  que  vous  devez  ensei- 
gner. Imbéciles!  Prenez  un  exemple  à  ce  monsieur  (montrant  du 
doigt  le  ministre  ten  Œven).  Connaissez-vous  bien  l'Évangile  ? 
Pouvez-vous  bien  m'expliquer  un  texte?  Savez-vous  lire?  Vous  avez 
calomnié  les  protestants  en  les  représentant  comme  des  hommes  qui 
enseignent  des  principes  contraires  aux  droits  du  souverain.  J'ai 
trouvé  dans  les  protestants  des  fidèles  sujets,  j'en  ai  6,000  à  Paris 
et  600,000  dans  mon  empire  et  il  n'y  en  a  aucun  dont  j'aie  jamais  eu 
raison  de  me  plaindre;  je  m'en  sers  dans  mon  palais  et  je  leur  en 
permets  l'entrée  et  ici  une  poignée  de  Brabançons  fanatiques  vou- 
draient s'opposer  à  mes  desseins  I  Imbéciles  que  vous  êtes!  Si  je 
n'avais  pas  trouvé  dans  l'Église  gallicane  et  dans  la  doctrine  de 
Benoît  (.XIV)  des  maximes  analogues  aux  miennes  et  si  le  (Concordat 
n'avait  pas  été  accepté,  je  me  serais  fait  protestant  et  30  millions  de 
Français  auraient  suivi  le  lendemain  mon  exemple.  Mais,  vous  autres, 
ignorants  que  vous  êtes,  quelle  religion  enseignez-vous  ?  Connaissez- 
vous  bien  les  principes  de  l'Évangile?  C'est  de  rendre  à  César  ce 
qui  appartient  à  César.  Jésus-Christ  a  dit  :  Mon  règne  n'est  pas  de 

Ll.  -  22 


298  JUBILE   CINQUANTENAIRE   DE   LA  SOCIETE 

ce  monde,  et  le  pape  çl  vous  autres,  vous  voulez  vous  mêler  des 
affaires  de  mon  règne.  Vous  dites  être  vicaires  apostoliques.  Qui 
est-ce  qui  vous  a  établis?  Est-ce  le  pape?  Il  n'en  a  pas  le  droit, 
c'est  moi  qui  fais  les  évêques.  Ignorants,  vous  ne  voulez  pas  prier 
pour  votre  souverain?  Moi,  je  n'ai  pas  besoin  de  vos  prières;  quand 
je  prie,  je  m'adresse  moi-même  à  Dieu.  Vous  voulez  être  désobéis- 
sants? Oh!  j'en  porte  les  papiers  en  poche  (en  frappant  sur  sa 
poche),  et  si  vous  persistez  dans  de  telles  maximes,  vous  serez 
malheureux  ici-bas  et  damnés  dans  l'autre  monde. 

«  Les  Anglais  ont  eu  bien  raison  de  se  séparer  de  vous.  Ce  n'est 
ni  Luther  ni  Calvin  qui  se  sont  séparés  de  l'Église,  mais  ce  sont  les 
princes  allemands  qui  n'ont  pas  voulu  se  soumettre  à  votre  joug 
fanatique.  C'est  l'infamie  de  vos  indulgences  qui  les  a  soulevés,  ce 
sont  les  papes  qui,  par  leur  hiérarchie,  ont  mis  l'Europe  à  feu  et  à 
.sang.  Vous  voudriez  bien  de  nouveau  élever  des  échafauds  et  des 
bûchers,  mais  je  saurai  y  mettre  ordre...  Croyez-vous  que  je  suis 
un  homme  à  baiser  la  mule  d'un  pape!  Bigots!  si  cela  ne  dépendait 
que  de  vous,  vous  me  couperiez  les  oreilles,  vous  me  couperiez  les 
cheveux,  vous  me  tondriez,  vous  me  jetteriez  dans  un  couvent 
comme  Louis  le  Débonnaire,  ou  me  relégueriez  en  Afrique.  Oui, 
c'est  par  votre  Évangile,  que  Jésus-Christ  a  établi  le  pape  comme 
successeur  de  saint  Pierre  et  qu'il  a  le  droit  d'excommunier  les  sou- 
verains; ne  savez-vous  donc  pas  que  toutes  les  puissances  viennent 
de  Dieu  ?  Si  vous  voulez  aspirer  à  ma  protection,  suivez  la  doctrine 
de  l'Évangile  telle  que  les  apôtres  l'ont  prêchée.  Si  vous  êtes  de  bons 
citoyens,  je  vous  protégerai;  sinon,  je  vous  chasserai  de  mon 
empire,  je  vous  dissiperai  comme  des  Juifs.  Vous  êtes  sous  l'évêque 
de  Malines,  présentez-vous  devant  votre  évêque,  faites-y  votre  con- 
fession, signez-y  le  Concordat,  il  vous  fera  connaître  mes  inten- 
tions; j'en  établirai  un  autre  à  Bois-le-Duc  pour  ce  district-là.  » 

Y  a-t-il  ici  un  séminaire  ?  demanda  l'Empereur,  et  sur  sa 
réponse  affirmative,  Sa  Majesté  dit  au  préfet  des  Deux- 
Nèlhes: 

«  Monsieur,  vous  aurez  soin  que  ceux-ci  prêtent  le  serment  sur  le 
Concordat;  allez  visiter  ce  séminaire  et  faites  cjue  l'on  y  enseigne  la 
pure  doctrine  de  l'Évangile,  afin  qu'il  en  sorte  des  hommes  plus 
éclairés  que  ces  imbéciles  de  Louvain  où  l'on  enseigne  une  doc- 
trine bizarre.  » 


DE    l'histoire    du    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  299 

Puis,  s'adressant  de  nouveau  au  clergé  catholique  : 

«  Vous  vous  plaignez  de  l'oppression  que  vous  avez  soufferte  de 
l'ancien  gouvernement  de  ce  pays-ci,  mais  vous  prouvez  par  votre 
conduite  que  vous  l'avez  méritée.  A  présent,  vous  avez  un  prince 
catholique  qui  vient  régner  sur  vous.  Et  vous,  monsieur  le  préfet, 
vous  arrangerez  les  affaires  des  Églises  d'une  manière  convenable, 
égale  pour  tous  les  cultes,  afin  que  je  n'en  entende  plus  parler*.  » 


IV 


Il  ne  faudrait  pas  s'imaginer,  toutefois,  que  Napoléon  n'eut 
qu'un  signe  à  faire  pour  instituer  le  Concordat  et  faire  pro- 
clamer les  articles  organiques.  Il  négocia,  au  contraire,  tant 
et  si  bien  que  les  documents  émanés  de  ces  négociations 
remplissent  aujourd'hui  cinq  gros  volumes  in-8°  naguère 
recueillis  et  publiés  par  le  comte  Boulay  de  la  Meurlhe-.  Ce 
qui  faillit  faire  échouer  ces  laborieuses  négociations,  ce  fut 
précisément  l'énergique  prétention  du  Premier  Consul  de 
placer  la  religion  protestante  sur  le  même  pied  que  la  reli- 
gion catholique.  A  Rome,  on  lutta  désespérément  pour  obte- 
nir que  le  catholicisme  fût  considéré  comme  la  seule  religion 
officielle  de  TÉtat  français.  Et  quand  on  y  eut  compris  que 
jamais  il  ne  serait  fait  de  concession  sur  ce  point  capital,  on 
espéra  y  arriver  par  une  voie  détournée,  en  empêchant  le 
Gouvernement  de  salarier  les  ministres  du  culte  protestant. 
Ainsi  ce  fameux  budget  du  culte  protestant  que  les  théori- 

1.  Nous  donnons  le  récit  de  celte  entrevue  dont  M.  A.  Lods  nous  av.-iit 
prêté  une  rédaction  abrégée  datée  du  25  octobre  1810  et  tirée  de  la  Ga:;etie 
de  Kœnigsberg  qu'il  tenait  de  feu  iM.  Ch.  Read,  d'après  une  communica- 
tion faite  à  M.  Aulard  par  M.  Gysberti  Hodenpyl  et  publiée  récemment 
dans  le  Bulletin  historique  et  philologique  du  Comité  des  travaux  histo- 
riques et  scientifiques,  n"  3  et  4  de  l'année  1901,  p.  481-489.  Cette  note  avait 
été  rédigée  par  l'ancien  pasteur  de  l'Eglise  wallonne  de  Firéda,  M.  Nillc- 
pois,  qui  avait  assisté  à  l'audience. 

2.  Documents  sur  la  négociation  du  Concordat  et  sur  les  autres  rapports 
de  la  France  avec  le  Saint-Siège  en  i8oo  et  i8oi,  5  vol.  in-8".  Paris. 
Leroux,  1891  à  1897.  Voy.  à  l'index  du  t.  V  les  renvois  au  mot  Protestant 
(Culte). 


300  JUBILÉ    CINQUANTENAIRE   DE    LA    SOCIETE 

ciens  des  relations  idé,ales  entre  l'h^glise  et  l'État  représentent 
sans  cesse  comme  le  signe  de  la  servitude  de  nos  Églises, 
est,  au  contraire,  historiquement,  le  signe  de  leur  affranchis- 
sement. Il  tombe,  en  effet,  sous  le  sens  que  si  le  clergé 
catholique  seul  avait  émargé,  cette  différence  aurait  aussitôt 
été  exploitée  dans  le  sens  des  prétentions  ultramontaines*. 

Cette  question  du  traitement  fut,  non  seulement  très  labo- 
rieuse, mais  donna  lieu  de  la  part  de  quelques-uns  des  hom- 
mes qui  auraient  dû  être  le  mieux  renseignés,  à  des  remarques 
étonnantes. 

On  peut  lire,  dans  une  des  vitrines  de  notre  exposition  ré- 
trospective, une  lettre  autographe  adressée  sur  ce  sujet,  naii  ci- 
toyen premier  consul  »  par  le  célèbre  Portalis.  Voici  un  pas- 
sage de  cette  lettre  où  Ton  voit  que  Portalis  se  faisait  des 
pasteurs  prolestants  une  idée  au  moins  bizarre  : 

«  ...Ces  ministres  réclament  un  plus  fort  traitement  que  les  curés 
catholiques  sur  le  fondement  que,  pouvant  se  marier,  ils  ont  les 
embarras  d'une  famille  ;  ce  qui  établit  pour  les  nécessités  de  la  vie, 
une  grande  différence  entre  eux  et  des  curés  célibataires. 

Ils  ajoutent  qu'ils  ne  perçoivent  pas  d'oblations. 

Je  conviens  de  ces  différences,  mais  elles  sont  compensées  par  la 


1.  M.  Armand  Lods  à  qui  nous  devons  la  plupart  des  documents  que 
nous  avons  utilisés  pour  cette  conférence,  a  découvert  aux  Archives 
Nationales  (A.  F.  IV.  1044),  un  projet  élaboré  par  Talleyrand  et  rédigé  en 
novembre  1800  par  un  chef  de  division  du  ministère.  Blanc  d'ilauterive. 
Ce  projet  laissait  les  Eglises  protestantes  en  dehors  des  articles  orga- 
niques. Il  abrogeait  purement  et  simplement  tous  actes  et  règlements  qui 
portaient  atteinte  à  leur  indépendance  mais  n'attribuait  aucun  traitement 
aux  pasteurs.  C'est  à  tort  que  ce  projet  a  été  attribué  à  Portalis  par 
plusieurs  historiens  protestants  et  encore  tout  récemment  par  M.  Ch.  Du- 
rand dans  son  Histoire  du  Protestantisme  français  pendant  la  Révolution 
et  l'Empire,  p.  112.  Voir  à  ce  sujet  Boulay  de  la  Meurthe,  Documents  sur 
les  négociations  du  Concordat,  t.  II,  p.  89,  IV.  191,  et  Armand  Lods,  Traité 
de  l'administration  des  cultes  protestants,  p.  9.  Ce  furent  les  notables  pro- 
testants ([ui  réclamèrent  l'union  avec  l'Etat.  Quand  on  voit  avec  quel 
acharnement  ceux  qui  parlaient  au  nom  du  clergé  catholique  luttèrent 
précisément  pour  qu'il  n'y  eût  pas  de  signe  visible  de  celle  union,  on  hésite 
à  les  blâmer,  et  l'on  se  dit  (ju'on  aurait  facilement  rendu  illusoire  la 
liberté  naturellement  limitée  par  les  droits  de  l'Etat  à  laquelle  ce  pre- 
mier projet  voulait  se  borner.  (Voy.  l'Egl.  réf.  de  Paris  pendant  la  Révo- 
lution, p.  30.) 


DE   l'histoire    du    PROTESTANTISME    FRANr.VlS  301 

faculté  qu'ont  les  ministres  protestants  de  commercer  et  d'exercer 
toutes  les  professions  lucratives,  faculté  que  les  canons  interdisent 
aux  minisires  catholiques* .  » 


En  conséquence,  il  propose  de  réduire  considérablement 
les  demandes  des  protestants,  pourtant  très  modérées  puis- 
que pour  la  majorité  des  pasteurs  elles  ne  comportaient  qu'un 
traitement  de  départ  de  1500  francs. 

«  Les  protestants  présentent  un  tableau  des  traitements  qu'ils 
désireraient  pour  leurs  ministres.  Je  joins  ici  ce  tableau  qui  fait 
monter  toute  la  dépense  du  culte  protestant  de  l'ancienne  France  à 
441,000  francs-. 

«  Dans  un  tableau,  plus  modéré,  queje  présentée  mon  tour,  cette 
dépense  s'élèverait  à  330,000  francs. 

«  Mon  plan  serait  susceptible  de  réduction,  mais  ne  faut-il  pas 
quelques  augmentations  pour  les  ministres  protestants  de  quelques 
grandes  villes  ?  N'est-il  pas  sage  de  contenter  des  hommes  qui  sont 
susceptibles  de  jalousies  et  de  rivalités  religieuses  ?  »  ■". 


1.  Voy.  Bull.  1892,  p.  35  à  V2.  Un  fac-similé  de  la  lettre  de  Portails  se 
trouve  sur  les  pages  40  et  41. 

2.  On  demandait  4  ministres  à  60:)0  francs,  40  à  4000,  50  à  2400  et  160  à 
1500  francs,  plus  25  suffragants  à  1200,  25  proposants  à  800,  ainsi  que  des 
chantres  et  lecteurs  et  deux  académies  (40000  fr.).  Voy.  Bull.  1892,  p.  36. 

3.  Lebrun  ajoutait  même,  à  ces  lignes  étranges,  le  29  janvier  1804,  cette 
opinion  non  moins  étrange  :  «...  Les  ministres  du  culte  protestant  sont  réelle- 
ment bien  moins  utiles  que  ne  peuvent  l'être  ceux  du  culte  catholique, 
les  protestants  sont  dispersés  et  leurs  assemblées  et  leurs  rapports  avei- 
leurs  ministres  doivent  être  rares. 

«  Ils  ont  une  famille  et  dans  l'état  actuel  il  faut  qu'ils  aient  quelque 
fortune  personnelle  pour  entretenir  cette  famille,  de  là  vient  que  les  mi- 
nistres prolestants  appartiennent  communément  à  des  parents  aisés. 

«  S'ils  ont  un  traitement,  surtout  untraitement  un  peu  large,  des  gens 
sans  fortune  se  jetteront  de  ce  côté-là,  ils  n'y  porteront  point  d'instruc- 
tion, ne  feront  que  de  mauvais  mariages  et  laisseront  des  veuves  et  des 
enfants  dans  la  misère!...  » 

Par  contre  Cambacérès  écrivait  «...  Les  oblalions  et  les  droits  d"élole 
offrent  des  ressources  aux  prêtres  catholiques,  les  protestants  n'ont  ni 
l'un  ni  l'autre;  à  une  époque  où  l'on  va  augmenter  les  contributions  de 
près  de  12  millions  pour  venir  au  secours  des  ministres  du  clergé  catho- 
lique, le  Gouvernement  ne  doit  pas  être  parcimonieux  à  Tégard  des  mi- 
nistres du  culte  protestant  qui  sont  au  moins  aussi  attachés  ([uc  les  au- 
tres !...  » 


302  JUBILÉ   CINQUANTENAIRE   DE   LA  SOCIÉTÉ 

Les  propositions  de  Portalis  furent  naturellement  accep- 
tées. Il  y  avait  alors  en  France  479^312  protestants  et  seule- 
ment 147  pasteurs.  Ils  demandèrent  que  ce  chiffre  réellement 
insuffisant  fût  porté  à  220.  Portalis  leur  en  accorda  207  avec 
un  traitement  variant  de  1000  à  2000  francs  pour  la  province 
et  fixé  à  3000  francs  pour  Paris*.  (Arrêté  du  15  germinal 
an  XII.) 

C'est  de  cette  modeste,  trop  modeste  rétribution  d'un  ser- 
vice public  qu'on  a  voulu  faire  une  marque  de  servitude,  et 
un  signe  de  déchéance  pour  nos  Eglises. 

Assurément  celles-ci  ont  trop  longtemps  vu  dans  le  pas- 
teur un  fonctionnaire  comme  un  autre,  matériellement 
même  au-dessous  de  beaucoup  d'autres.  Mais  il  faut  ajouter 
que,  grâce  à  la  dignité  même  avec  laquelle,  dans  ces  humbles 
presbytères  de  campagne,  cette  trop  insuffisante  indemnité 
a  été  employée  à  relever  lentement  des  Églises  agonisantes, 
à  élever  dans  la  pauvreté,  mais  dans  l'honneur  et  le  travail, 
des  familles  presque  toujours  nombreuses,  peu  à  peu  le  Pro- 
testantisme, à  peine  toléré  Jusque-là,  a  été  considéré  dans  ce 
pays  avec  un  respect  grandissant,  auquel  se  mêlait  souvent 
un  sentiment  d'envie.  Et  partout  où  à  côté  de  l'église  catho- 
lique jusque-là  triomphante  et  prétendant  à  la  domination 
exclusive  des  âmes,  se  dressait  l'humble  oratoire  ou  temple 
protestant,  c'a  été  pendant  tout  un  siècle,  une  véritable 
leçon  d'égalité  donnée  au  peuple  par  le  fait  qu'un  même 
lien  unissait  à  l'Etat  les  représentants  de  l'un  et  de  l'autre  culte. 

Cela  est  si  vrai  que  dès  que  des  régimes  de  réaction  succé- 
dèrent à  celui  du  premier  Empire,  un  de  leurs  premiers  soins 
fut  de  reléguer  le  plus  possible  dans  l'ombre  et  de  priver  de 
tout  moyen  de  propagande  et  d'extension  précisément  le 
culte  de  la  petite  minorité-. 

1.  A  la  fin  du  premier  Empire,  il  y  eut  227  postes.  Il  y  en  a  aujourd'hui 
638,  et  le  traitement  minimum,  de  1800  francs,  s'élève  à  2200  francs  pour 
la  1'"  classe(D.  7  février  1880).  Sur  la  statistique,  \o'\v  Bulletin,  1889,  p.  47, 
109,  207;  1890,  p.  160,  et  rapport  de  Portalis  du  29  Janvier  1806,  Revue  de 
Droit  et  de  Jurisprudence  des  Eglises  protestantes,  1897,  p.  103. 

2.  Il  n'y  eut  pas,  à  ma  connaissance,  pour  propagande  religieuse,  sous 
le  premier  Empire,  de  ces  jM-ocès  qui  furent  si  nombreux,  sous  les  régimes 
qui  lui  succédèrent. 


DE   l'histoire   du  PROTESTANTISME   FRANÇAIS  303 


Il  serait  injuste  de  ne  pas  dire  au  moins  un  mot  de  tous 
ceux  qui,  du  côté  protestant,  collaborèrent  à  ce  résultat  et 
obtinrentce  qu'on  considérait  alors  comme  une  faveur,  tant  on 
avait  désappris  l'habitude  de  compter  sur  la  justice  officielle. 

Au  premier  rang  il  faut  citer  d'abord  les  deux  frères  de 
Rabaut  de  St-Etienne,  savoir  Rabaut-Pomier  et  surtout 
Rabaut-Dupui,  membre  du  Corps  législatif,  qui  prit  une  part 
considérableà  l'organisation  de  nos  Églises,  devint  secrétaire 
du  Consistoire  de  Paris  et  fut  ensuite  désigné  par  plusieurs 
Églises  de  province  pour  les  représenter  auprès  du  gouver- 
nement. Travailleur  désintéressé  il  reporta  tout  l'honneur  de 
ses  succès  à  la  mémoire  de  son  frère  aîné  : 

«  Généreux  martyr  de  la  liberté,  que  ton  ombre  pieuse  soit  con- 
solée :  Les  principes  que  le  premier  lu  proclamas  à  la  tribune 
nationale  ont  germé  dans  une  terre  féconde  quoique  éprouvée  par 
le  feu  de  la  persécution.  Ce  n'est  plus  la  tolérance  qu'on  accorde 
aux  protestants,  c'est  la  liberté,  c'est  l'égalité...  Rendus  à  la  liberté 
des  droits  civils,  politiques  et  religieux,  aujourd'hui  que  la  loi 
organise  tous  les  cultes  d'une  manière  parallèle,  il  seront  les  plus 
fermes  soutiens  d'un  gouvernement  protecteur...  *  » 

Dès  la  fin  de  Tannée  1802  quelques  notables  protestants 
avaient  commencé  à  se  réunir  entre  eux  pour  réorganiser 
d'abord  l'Église  réformée  de  Paris.  Il  eût  été  assurément 
plus  conforme  aux  traditions  et  à  la  discipline  que  le  peuple 
protestant  fût  d'abord  convoqué  et  invité  à  désigner  lui- 
même  ses  mandataires  qu'il  n'aurait  peut-être  pas  tous 
choisis  parmi  les  «  notables  ».  Mais  il  ne  faut  pas  oublier 
qu'alors  l'Église  n'avait  pas  de  caractère  officiel  et  que  réduite 
depuis  longtemps  à  n'exister  que  clandestinement,  elle  avait 
été  en  quelque  sorte  contrainte  à  se  laisser  diriger  par  ceux 
qui  avaient  assez  d'initiative,  d'influence  et  d'esprit  de  sacri- 
fice pour  s'occuper  de  ses  intérêts.  Quoi  qu'il  en  soit,  un 

1.  Le  discours  qui  renferme  ces  lignes  louchantes  lui  prononcé  le  30  flo- 
réal an  X  (20  mai  1802)  lors  de  la  clolurc  de  la  session  extraordinaire  du 
Corpslégislalifdonl  Rai)aut-Dupuiétailleprésidont(^?n!i<^/rede  lB02,p  353). 


304  JUBILÉ    CINQUANTENAIRE    DE    LA    SOCIÉTÉ 

Genevois,  Marc-Auguste  Pictel,  membre  du  Tribunal  à  partir 
de  mars  1802,  en  remplacement  de  Benjamin  Constant,  nous 
a  conservé,  dans  ces  quelques  extraits  de  son  journal,  les 
noms  et  les  principales  démarches  de  ces  quelques  notables  : 

1802,  9  décembre.  —  Passé  une  heure  en  conférence  avec 
MM.  De  Lessert,  Mallet  et  Bidermann  au  sujet  de  la  réorganisation 
de  l'Église  réformée  de  Paris.  Nous  avons  résolu  de  commencer 
par  constituer  un  Consistoire  et  de  demander  au  préfet  un  local 
d'assemblée.  Nous  inviterons,  pour  former  le  noyau  du  Consistoire 
un  certain  nombre  de  personnes  marquantes,  soit  dans  la  magis- 
trature, soit  dans  le  militaire,  (^e  corps  une  fois  constitué,  on  pourra 
agir  efficacement  pour  les  intérêts  du  culte. 

1803,  30  janvier.  —  Été  à  l'audience  du  premier  Consul  aux 
Tuileries...  —  «  El  vous  venez  d'élire  votre  Consistoire  à  Paris. 
Vous  l'avez  fort  bien  composé,  des  sénateurs,  des  conseillers 
d'Etat,  des  tribuns  ».  —  «  Oui,  citoyen  Consul,  nous  avons  cherché 
à  entourer  de  considération  personnelle  une  institution  sur  laquelle 
repose  noire  constitution  ecclésiastique.  Nous  y  avons  aussi  mis 
des  négociants  de  premier  mérite  ».  —  «  Oh  oui  !  vous  l'avez  fort 
bien  composé  en  effet  *  ». 

1803,  27  février.  —  Été  à  l'audience  du  P.  C.  Le  consistoire  lui  a 
été  présenté.  Il  s'est  entretenu  avec  tous  ses  membres,  tour  à  tour. 
Il  a  parlé  de  Genève  comme  de  la  métropole  du  Protestantisme  et 
a  ajouté:  «  Je  ne  décide  point  entre  Genève  et  Rome  ». 

1804,  18  janvier.  —  Nos  trois  pasteurs  ont  été  rendre  visite  à 
l'archevêque  de  Paris  qui  les  a  fort  bien  reçus.  Bidermann  avait 
arrangé  l'entrevue  par  l'intermédiaire  de  l'abbé  Rousseau,  évêque 
de  Goutances.  Il  a  été  convenu  qu'on  tirerait  ensemble  à  la  même 
corde  auprès  du  gouvernement^. 

L'impression  qui  se  dégage  de  ces  notes  contemporaines 
est  bien  en  faveur  d'un  libéralisme  sincère  de  la  part  des 

1.  Lors  des  t6les  du  couronnement,  ce  Consistoire  nomma  une  com- 
mission composée  de  Rabaut-Pomier,  Aleslrezat  et  de  trois  autres  pas- 
leurs  et  qui  s'occupait  activement  des  intérêts  généraux  du  Protestan- 
tisme. Présidée  par  le  pasteur  Martin  de  Genève  elle  siégeait  cliez  lui 
tous  les  jours  de  2  à  3  heures  et  soumettait  le  même  soir  le  résultat  de 
.ses  délibérations  à  l'assemljlée  générale  des  23  présidents  de  Consistoires 
alors  réunis  à  Paris  (V'oy.  Revue  de  Droit  et  de  Jurisprudence  des  Églises 
protestantes,  août-sept.  1899,  p.  190). 

2.  Voy.  Bull.,  1893,  p.  G13  et  614. 


DE  l'histoire    du   PROTESTANTISME   FRANÇAIS  305 

autorités.  Le  dernier  paragraphe  prouve  à  lui  seul  combien 
les  temps  étaient  changés  quand  on  les  compare,  non  seule- 
ment à  ceux  qui  les  avaient  précédés,  mais  encore  à  ceux 
qui  les  suivirent.  Car  il  faut  bien  convenir  qu'une  visite  de  ce 
genre  à  l'archevêché  aurait  été  impossible  de  nos  jours. 

Un  souvenir  reconnaissant  aussi  est  dû  au  pasteur  Marron. 
On  peut,  certes,  critiquer  plus  d'un  trait  de  son  caractère. 
Mais  ce  qu'on  ne  peut  lui  refuser  c'est  d'avoir  sincèrement 
aimé  son  Église  et  de  l'avoir  utilement  servie  dans  tous  les 
milieux.  Remuant,  doué  de  beaucoup  d'intrigue,  Marron  fré- 
quentait un  peu  tous  les  mondes.  Il  fut  très  lié  non  seulement 
avec  les  députés  protestants  notamment  avec  St-Etienne 
et  Lasource,  mais  aussi  avec  Mirabeau.  Il  connaissait  beau- 
coup aussi  le  célèbre  Talma  et  c'est  sans  doute  ainsi  qu'il 
sut  que  l'Oratoire  servait  de  magasin  de  décors  au  Théâtre- 
Français.  Lorsqu'en  janvier  1811  la  démolition  de  St-Louis 
du  Louvre  fut  décidée,  il  fit  si  bien  que  malgré  Portails  qui 
prétendait  que  le  ministre  de  l'intérieur  voulait  la  réserver  à 
Saint-Germain  l'Auxerrois,  il  obtint  cette  église  de  l'Oratoire 
en  faveur  du  culte  protestant,  mais  provisoirement  seu- 
lement ^  ».  Ce  provisoire  ne  devint  définitif  que  trente-trois 
ans  plus  tard  en  ISA'i,  et  il  faut  espérer  qu'il  durera  encore 
quand,  le  31  mars  1911,  on  célébrera  le  centenaire  du  culte 
réformé  de  l'Oratoire. 


Il  ne  m'appartient  pas  de  porter  un  jugement  sur  le  Pro- 
testantisme français  pendant  le  siècle  qui  se  termine  en  1902. 
Il  est  permis,  toutefois,  d'affirmer  que  l'événement  dont  nous 
avons  rappelé  le  souvenir  lui  donna  le  moyen  de  se  ressaisir, 
de  prendre  conscience  de  sa  raison  d'être,  de  s'organiser,  d'af- 
firmer ses  droits,  de  rétablir  ses  Églises  depuis  longtemps  dis- 
parues, de  créer  successivement  les  très  nombreuses  œuvres 
d'instruction,  de  propagande,  de  mission,  de  charité,  dont  le 
budget  est  aujourd'hui  bien  plus  considérable  que  la  somme 
pour  laquelle  notre  culte  figure  dans  le  budget  de  l'Etat. 

1.  D"api'ès  une  lettre  du  II  lévrier  Ibll  conservée  au\  archives  de 
l'Oratoire. 


306  JUBILÉ  CINQUANTENAIRE   DE   L\   SOCIÉTÉ 

Assurément  Tidéal,  déjà  réalisé  dans  d'autres  pays,  de 
l'Église  séparée  de  TEtat,  se  réalisera  tôt  ou  tard  aussi  en 
France,  comme  tout  idéal  qui  a  pour  lui  la  logique  même. 
Soyons  persuadés  qu'alors  et  grâce  à  ce  siècle  de  développe- 
ment après  tout  pacifique  et  progressif,  notre  Eglise  suppor- 
tera cette  épreuve  beaucoup  mieux  que  si  elle  lui  avait  été 
imposée  il  y  a  un  siècle,  sans  autre  garantie  que  des  décla- 
rations officielles  ne  valant  que  ce  que  valent  les  hommes 
chargés  de  les  interpréter  et  de  les  appliquer. 

Si  donc  on  me  demandait  de  résumer  les  pensées  qui  ont 
traversé  mon  esprit  en  étudiant —  trop  sommairement  —  cette 
page  presque  contemporaine  de  notre  histoire,  pensées  de 
soulagement,  de  délivrance  et  d'espérance  qui  firent  battre 
tant  de  cœurs  il  y  a  un  siècle,  je  les  trouverais  assez  exacte- 
ment résumées  dans  ces  strophesd'une  vieille  chanson  hugue- 
note chantée  par  un  colporteur  pendant  qu'on  le  traînait  au 
bûcher  : 

Quand  J'ay  bien  à  mon  cas  pensé, 
D'une  chose  me  réconforte: 
Quand  le  corps  sera  trépassé 
Mon  âme  ne  sera  pas  morte, 
(-ar  leur  main  n'est  pas  assez  forte 
De  pouvoir  si  cruelement 
Faire  mourir  tout  d'une  sorte 
Le  corps  et  l'âme  ensemblement. 

Mes  compagnons  et  bons  amis, 
Devant  que  mourir,  je  vous  prie, 
Ne  craignez  point  les  ennemis 
Qui  ne  peuvent  qu'oster  la  vie 
Du  povre  corps  ;  quoiqu'on  en  die, 
Craignez  celui  tant  seulement 
Qui  peut,  s'il  en  avoit  envie 
Mettre  âme  et  corps  à  damnement. 

Mais,  en  crainte  ne  soyons  tant 
Que  n'ayons  en  iuy  espérance! 
Digne  n'est  d'estre  bien  content 
Qui  n'a  mis  en  Iuy  sa  fiance. 


DE   l'histoire    du    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  307 

Il  a  fait  à  nous  alliance 
Que  la  foy  vive  enlreliendra, 
Et  sa  promesse  il  nous  tiendra 
Autant  que  nous  obéissance  '. 

Après  le  chant  du  cantique  «  Ils  ne  sont  plus,  ces  sombres  Jours 
d'orage  »,  M.  le  pasteur  E.  Sautter  se  demande  si  nous  devons  nous 
féliciter  de  la  loi  de  Germinal  et  si  le  Protestantisme  a  mis  à  profit 
la  liberté  qu'elle  lui  accordait.  Il  répond  par  l'affirmative.  Au  som- 
meil du  commencement  du  xix«  siècle,  a  succédé  un  réveil  progressif 
et  fécond  :  Réveil  de  la  foi  dans  le  sein  des  Églises  concordataires 
et  en  dehors  d'elles,  dans  les  Églises  indépendantes  dont  le  zèle 
missionnaire  a  été  pour  ce  qu'on  appelait  l'Église  officielle,  souvent 
un  exemple  et  un  stimulant.  Réveil  aussi  de  la  vie  religieuse  qui 
s'est  manifestée  par  des  œuvres  d'évangélisation,  de  mission,  d'en- 
seignement, de  charité,  de  plus  en  plus  considérables  et  prospères. 
Enfin  à  travers  tout  ce  siècle  qui  est  derrière  nous  s'est  aussi  de 
plus  en  plus  affirmée  la  solidarité  protestante  et  l'influence  de  l'es- 
prit protestant. 

M.  le  pasteur  B.  (louve  prononce  la  prière  de  clôture. 


II.  —  Séance  du   cinquantenaire 
de  la  Société  d'Histoire. 

Oratoire,  26  mai  1902,  8/2.  1/4  du  soir. 

L'annonce  de  cette  séance  avait  attiré  à  l'Oratoire  un  public  encore 
plus  nombreux  que  la  veille.  Non  seulement  tout  le  bas  de  la  nef, 
mais  encore  les  tribunes  étaient  remplis.  Sur  l'estrade  ou  dans  ce 
qu'on  appelait  autrefois  le  parquet,  devant  la  chaire,  on  remarquait, 
outre  les  délégués  des  Facultés  de  théologie  protestante  de  Genève 
et  de  Montauban  et  des  Sociétés  huguenotes,  wallonnes  ou  d'His- 
toire d'Angleterre,  de  Hollande  et  de  Suisse,  c'est-à-dire  de  MM.  A. 
Giraud-Browning,  A.  Brondgeest,  les  doyens  Ch.  Bruston  et  Montet, 
Th.  Dufour  et  E.  Stroehlin,  et  plusieurs  membres  du  Conseil  pres- 
bytéral  de  l'Oratoire,  —  MM.  les  pasteurs,  professeurs  ou  membres 
du   Comité  dont   les  noms  suivent  :  R.  Allier,    G.   Bonet-Maury, 

1.  Le  chansonnier  huguenot,  L.  II,  p.  336. 


308  JUBILÉ   CINQUANTENAIRE   DE   LA   SOCIETE 

Bourne,  Bouvier,  C.-A.  Cerisier,  G.  Chastand,  A.  Decoppet,  Diény, 
P.  de  Félice,  G.  Fisch,  À.  Franklin,  E.  Lacheret,  E.  Lods,  Armand 
Lods,  Th.  Maillard,  W.  Martin,  Ch.  Merle  d'Aubigné,  G.  Meyer, 
Th.  Monod,  W.  Monod,  R.  Reuss,  E.  Roberty,  E.  Stapfer,  F.  de 
Schickler,  John  Vienot,  Ch.  Waddinglon,  Ch.  Wagner,  A.  Weber 
et  N.  Weiss. 

Un  des  principaux  attraits  de  la  séance  a  été  l'exécution,  sous 
l'habile  et  savante  direction  de  M.  H.  Expert,  de  deux  strophes 
remarquables  d'Agrippa  d'Aubigné  mises  en  musique  par  Claudin 
le  Jeune,  et  de  quelques  versets  de  psaumes  de  Clément  Marot  et 
de  Théodore  de  Bèze  d'après  l'harmonie  de  Claude  Goudimel, 
œuvre  fort  rare,  qui  ne  parut  qu'après  la  mort  tragique  de  ce  grand 
artiste,  en  1580.  Celte  musique,  plutôt  compliquée,  n'avait  pas  été 
composée  précisément  pour  le  culte  public  où  Ton  chantait  à  l'unis- 
son ou  tout  au  plus  à  quatre  parties.  C'était,  au  fond,  de  la  musique 
de  chambre  composée  pour  l'exécution  artistique  des  psaumes, 
chez  les  grands  seigneurs  huguenots  dont  plusieurs,  comme  par 
exemple  le  duc  de  Bouillon,  avaient  des  musiciens  formant  une  cha- 
pelle attachée  à  leur  maison.  M.  H.  Expert  avait  placé  un  double 
quatuor  de  chanteurs  professionnels  renforcé  par  les  deux  voix  de 
soprano  de  Mlles  Fischbacher  et  R.  Weiss,  dans  une  tribune 
élevée,  en  face  de  la  chaire,  d'où  l'on  entendait  parfaitement  les 
moindres  détails  harmoniques.  Cette  musique  savante  et  difficile, 
exécutée  sans  accompagnement  instrumental  d'aucune  sorte  et 
avec  une  remarquable  sûreté  d'intonation,  a  produit  grand  effet  et 
son  allure  archaïque  mais  pleine  de  noblesse  a  été  très  appréciée 
par  les  connaisseurs. 

Les  auditeurs  avaient,  du  reste,  entre  les  mains  un  élégant  pro- 
gramme imprimé  par  les  soins  de  M.  G.  Fischbacher  et  qui  leur 
permettait  de  suivre  les  paroles  chantées.  Ainsi,  après  la  prière 
d'ouverture  prononcée  par  M.  le  pasteur  G.  Meyer,  on  entendit  ces 
beaux  vers  mesurés  à  l'antique  d'Agrippa  d'Aubigné 

Rendons  grâces  à  Dieu,  vous  toutes  nations, 
Vous  tous  peuples  ravis  en  bénédictions  ! 
Chantons  tant  que  tout  l'air  plein  résonne  en  ce  lieu 
D'un  concert  de  louange  à  Dieu! 

Haussons  l'âme  et  le  cœur  vers  le  ciel  à  la  fois, 
Accordons  doucement  âme  et  cœur  à  la  voix; 
Chantons  comme  de  Dieu  dure  à  l'éternité 
La  clémence  et  la  vérité  ! 


DE    l'histoire    du    PROTESTANTISME    K11AN(  AIS  309 

Le  baron  Fernand  de  Schickler  lit  alors  d'une  voix  forte  ce  rapport 
du  cinquantenaire,  d'autant  plus  apprécié  qu'il  lui  a  été  plusdiflicile 
de  ne  pas  répéter  ce  qu'il  avait  dit  dans  ses  rapports  antérieurs. 

Messieurs, 

Au  mois  de  mai  1852  les  pasteurs  et  laïques  réunis  à  Paris 
en  conférences  générales  annuelles  recevaient  de  M.  Charles 
Read,  au  nom  de  douze  de  nos  coreligionnaires,  un  appel 
conviant  tous  ceux  «  qui  se  félicitent  d'appartenir  à  la  Ré- 
forme française,  tous  ceux  qui  se  rattachent  aux  Églises  pro- 
testantes nées  et  naturalisées  sur  le  sol  français  ou  exilées 
de  cette  première  patrie  »  à  se  joindre  à  eux  dans  une  œuvre 
commune  de  piété  filiale,  d'instruction  et  d'édification  mu- 
tuelles, en  les  aidant  à  fonder  une  Société  de  VHistoire  du  Pro- 
testantisme français.  L'article  1"  des  statuts  portait  :  Elle  a 
pour  but  de  rechercher,  de  recueillir  et  de  faire  connaître  tous 
les  documents  inédits  ou  imprimés,  qui  intéressent  l'histoire 
des  Églises  protestantes  de  langue  française  ». 

Si  elle  n'avait  jamais  été  présentée  avec  cette  ampleur  la 
pensée  n'était  cependant  pas  nouvelle.  On  la  trouve  en  germe 
dans  cette  injonction  de  la  vieille  Discipline  :  «  En  chacune 
fi^glise  on  dressera  mémoire  de  toutes  choses  notables  pour  le 
fait  de  la  Religion  :  en  chacun  colloque  sera  député  un  ministre 
pour  les  recevoir  et  les  apporter  au  Synode  provincial  et  de 
là  au  national  »,  comme  dans  les  décisions  du  Synode  reve- 
nant, de  1572  à  1620,  sept  fois  à  la  charge  pour  ordonner  aux 
pasteurs  ayant  les  mémoires  de  faits  servant  à  l'état  de 
l'Eglise  et  à  l'histoire  du  temps  de  les  envoyer  d'abord  à 
Lyon,  puis  à  Monlauban,  à  M.  d'Aubigné,  à  Genève  pour 
être  joints  au  Livre  des  martyrs,  à  M.  Rivet  chargé  cVen  dres- 
ser une  histoire,  ou  enfin  de  réunir  dans  les  Archives  de  La 
Rochelle  «  tous  les  originaux  des  déclarations,  brevets,cahiers 
et  autres  pièces  concernant  le  général  des  Églises  »,  et  nom- 
mant «  pour  les  papiers  et  procédures  regardant  les  particu- 
liers une  Église  par  province  pour  en  avoir  soin  ». 

Ne  demandez  pas  ce  que  sont  devenus  ces  recueils  et  ces 
archives.  Les  uns  et  les  autres  out  été  emportés  par  les 
tempêtes  qui  se  sont,    à  coup  redoublés,  abattues   sur  ce 


310  JUBILÉ   CINQUANTENAIRE   DE   LA    SOCIÉTÉ 

petit  troupeau.  Quand  la  tourmente  eut  enfin  cessé,  que  sous 
le  ciel  redevenu  clément  les  protestants  purent,  dans  leurs 
sanctuaires  réédifiés,  bénir  le  Dieu  des  délivrances,  rouvrir 
leurs  Bibles,  entonner  leurs  vieux  psaumes  et  remplir  envers 
la  patrie  tous  les  devoirs  en  jouissant  librement  de  tous  les 
droits  de  ses  enfants,  le  vague  souvenir  du  passé,  de  ses 
gloires  comme  de  ses  douleurs,  restait  bien  au  fond  des 
cœurs;  mais  les  hommes  et  les  choses  de  ce  passé  demeu- 
raient étrangement  inconnus.  On  pourrait  dire  méconnus 
souvent  par  les  fils  mêmes  des  huguenots.  Les  récits  vivants 
et  colorés  d'un  Merle  d'Aubigné,  parus  de  1835  à  1847,  com- 
mençaient il  est  vrai  à  réveiller  et  retenir  leur  attention,  mais 
alors  que  la  science  historique,  se  transformant  de  outes 
parts,  s'appuyait  désormais  sur  les  sources  mêmes,  où  eût-on 
trouvé  celles  de  notre  histoire?  Comme  l'avait  écrit  M.  Emilien 
Frossard  en  1849  :  «  Les  monuments  sont  devenus  de  jour 
en  jour  plus  rares  :  ceux  qui  ont  échappé  à  l'entière  destruc- 
tion à  laquelle  un  siècle  d'oppression  et  d'obscurantisme  les 
avait  voués,  sont  dispersés,  oubliés,  mutilés.  Encore  quelques 
années  il  n'en  restera  pas  trace.  Et  cependant  Phisloire  de  la 
Réformation  française  n'est  pas  encore  faite,  et  celle  page  ma- 
gnifique de  l'œuvre  de  Dieu  dans  l'humanité  risque  d'être  per- 
due dans  le  grand  enseignement  que  les  siècles  passés  adres- 
sent aux  générations  à  venir.  L'indifférence  menace  de  lais- 
ser perdre  ce  que  le  temps  et  l'aveuglement  ont  épargné...  » 

Seuls  MM.  de  Félice  par  son  Histoire  des  Protestants  de 
France  encore  justement  appréciée,  et  Ch.  Weiss  par  ses 
études  initiales  sur  les  Réfugiés,  se  montraient  de  véritables 
précurseurs. 

Vous  le  voyez,  il  n'était  que  temps  de  réagir,  et  notre  pre- 
mière parole  de  gratitude  en  cette  fête  solennelle  du  Jubilé, 
doit  s'adresser,  après  Dieu,  à  nos  douze  devanciers.  Leur 
appel  fut  entendu.  Les  statuts  et  le  cadre  des  travaux,  à  lui 
seul  déjà  la  plus  instructive  des  révélations,  avaient  été  lar- 
gement répandus  ;  une  première  liste  de  cent  adhérents  ne 
tardait  pas  à  paraître,  portant  en  tête  le  nom  éminent  et  qua- 
lifié entre  tous,  du  président  honorairede  la  Société,  M.  Guizol. 

Félicitons-nous,  Messieurs,  après  un  demi-siécle  révolu,  de 


DE   l'histoire   du  PROTESTANTISME    FRANÇAIS  311 

retrouver  à  nos  côtés  six  de  ceux  qui  se  sont  inscrits  parmi 
nos  cent  premiers  amis  :  M.  Charles  Waddington,  notre  pré- 
sident honoraire  qui,  à  lui  seul,  représente  vaillamment  encore 
le  Comité  fondateur,  M.  Louis  Vernes,  le  président  honoraire 
du  Consistoire  de  Paris,  le  pasteur  Amphoux  du  Havre,  le 
doyen  Jalabert  et  deux  de  nos  collègues,  MM.  Ch.  Frossard  et 
Albert  Réville.  Les  livraisons  initiales  du  B«//e///z,  avec  le  sous- 
titre  Documents  inédits  et  originaux,  xvi%  xvii%  xvm^  siècles, 
et,  comme  épigraphe,  la  parole  du  prophète  Zacharie  :  Vos 
pères  oii  sont-ils?  portent  la  date  de  juin-juillet  1852.  Cette 
année  nous  en  terminerons  le  cinquantième  volume. 

Les  quatorze  premiers  sont  dus  presque  en  entier  à  l'initia- 
tive de  M.  Read  qui  a  concentré,  on  peut  bien  le  dire,  l'action 
de  la  Société  pendant  toute  la  période  de  sa  présidence.  Avec 
une  sagacité,  un  véritable  instinct  de  chercheur  infatigable  et 
passionné,  il  accumulait  les  trouvailles  —  depuis  le  testament 
olographe  de  Coligny  jusqu'au  procès-verbal  du  dernier  synode 
de  Charenton,  —  stimulait  le  zèle  des  correspondants,  posait 
des  questions,  insérait  des  réponses,  publiait  des  mémoires 
comme  ceux  de  Jean  Rou  et  le  journal  de  Daniel  Charnier. 

Quand  M.  Jules  Bonnet,  Téditeur  des  Lettres  françaises  de 
Calvin,  accepta,  en  1865,  les  fonctions  de  secrétaire,  il  modifia 
quelque  peu  le  caractère  du  Bulletin;  désirant  répondre  aux 
besoins  littéraires  de  notre  public  protestant,  il  joignit  à  la 
partie  strictement  documentaire  des  études  historiques,  dont 
ses  propres  Récits  du  xvi"  siècle,  couronnés  par  l'Académie 
française,  offrent  des  modèles  d'une  rare  élégance  de  style, 
d'une  véritable  élévation  de  pensée.  Vingt  ans  plus  tard, 
M.  le  pasteur  Weiss  prenait  à  son  tour  la  direction  de  notre 
revue  agrandie,  ornée  de  gravures  et  de  fac-similé.  Vous  sa- 
vez les  richesses  dont  il  l'a  dotée,  les  lumières  qu'il  y  a  jetées 
sur  les  origines  de  la  Réforme,  le  soin  qu'il  a  mis  à  ne  laisser 
passer  aucun  des  anniversaires  des  dernières  années  sans 
l'élucider  par  des  témoignages  inédits  et  irrécusables. 

A  quelque  opinion  qu'on  appartienne,  il  n'est  plus  permis 
d'écrire  consciencieusement  l'histoire  du  Protestantisme  fran- 
çais, ou  même  de  s'occuper  sérieusement  de  l'histoire  générale 
de  la  France  du  xvi'  au  xix'  siècle,  sans  consulter  la  collée- 


312  JUBILÉ  CINQUANTENAIRE  DE  LA  SOCIÉTÉ 

tion  au  Bulletin.  Aussi  avons-nous  senti  que  l'heure  était  venue, 
pour  guider  les  travailleurs  dans  celte  inépuisable  mine,  de 
publier  la  Table  générale  si  souvent  réclamée.  Trois  jeunes 
archivistes  la  rédigent  sous  le  contrôle  de  trois  membres  du 
Comité.  Quand  elle  paraîtra,  nous  l'espérons  au  commence- 
ment de  1903,  cette  Table  prouvera,  nous  n'en  saurions  douter, 
que  le  Bulletin  a  été  la  grande  œuvre  du  premier  demi-siècle 
de  notre  Société...  et  cette  œuvre  est  de  celles  qui  resteront. 

A  côté  du  Bulletin  inscrivons  la  France  Protestante.  Les 
frères  Haag,  de  1846  à  1858,  suivant  le  mot  si  souvent  cité  de 
Michelet  «  ont  ressuscité  un  monde  ».  C'est  à  notre  Société 
qu'ils  ont  laissé  le  soin  de  combler,  dans  une  seconde  édition, 
les  inévitables  lacunes  de  la  première.  M.  Henri  Bordier  s'était 
mis  à  cette  tâche  avec  une  ardeur  telle,  qu'élargissant  le  cadre 
presque  à  l'infini,  il  y  voulut  embrasser,  autant  que  possible, 
«  toutes  les  familles  protestantes  antérieures  à  1789  ».  Grâce 
à  ses  recherches  dans  les  archives  et  les  greffes,  il  a  décuplé, 
pour  les  six  volumes  parus,  le  nombre  des  appellations.  Quand 
la  mort  nous  l'enleva,  nous  remîmes  à  M.  le  professeur  Bernas, 
en  continuant  à  centraliser  les  matériaux,  le  soin  de  les  mettre 
en  œuvre.  Maïs  ce  travail  écrasant  a  été  souvent  interrompu  par 
la  maladie  :  la  reprise  de  la  publication  et  son  heureux  achève- 
ment constituent  notre  plus  sérieux  engagement  pour  l'avenir. 

Je  devrais  vous  parler  encore  du  Comité  des  Classiques 
du  Protestantisme,  formé  sous  nos  auspices,  auquel  on  doit, 
ainsi  qu'à  notre  courageux  et  persévérant  éditeur  protestant, 
M.  Fischbacher,  une  édition  magistrale  de  VHistoire  ecclé- 
siastique de  Théodore  de  Bèze,  revue  et  complétée  par 
MM.  Reuss  et  Cunilz,  les  Plaintes  de  Claude,  rééditées  par 
M.  Frank  Puaux,  et  ce  Pseautier  Huguenot  y  faisant  si  grand 
honneur  à  l'érudition  musicale  de  M.  Henri  Expert,  et  qui  sera 
un  des  durables  souvenirs  de  notre  Jubilé.  En  voici  le  premier 
et  magnifique  exemplaire  offert  aujourd'hui  même  à  notre  Bi- 
bliothèque*. 

Le  Comité,  éprouvé  par  des  deuils  répétés,  s'était  recons- 
titué quand,  en  1865,  M.  Read,  tout  en  consentant  à  rester 

1.  Le  Psautier  huguenot  du  XVI'  siècle  publié  sur  un  plan  nouveau,  par 
Henry  Expert,  un  vol.  de  xii-748  p.  in-folio.  Paris,  l^^ischbacher,  1902. 


DE    l'histoire    du    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  313 

membre  actif...  et  il  le  fut  jusqu'à  son  dernier  jour...  se  refusa 
à  garder  plus  longtemps  les  responsabilités  présidentielles. 
M.  Alfred  Franklin  acceptait  celles  de  trésorier;  remercions- 
le  de  ce  concours  si  persévérant  et  si  utile  qu'il  veut  bien  con- 
tinuer à  nous  accorder  depuis  trente-sept  ans.  Dans  une  de 
nos  premières  séances,  désormais  mensuelles,  nous  décidions 
de  fonder  une  Bibliothèque  où,  selon  les  paroles  de  M,  Guizot 
à  l'Assemblée  générale  de  1866,  «  ceux  qui  désirent  connaître 
notre  passé  protestant  puissent  trouver  les  aliments  de  leur 
curiosité  pieuse  ou  les  éléments  de  leurs  travaux  ».  «  Elle  est 
à  peine  commencée  »,  ajoutait-il;  «  elle  n'a  pas  un  local  qui 
soit  à  elle  et  où  elle  puisse  s'étendre,  elle  n'existe  que  grâce 
à  l'hospitalité  qu'on  lui  donne...  ». 

Quelle  hospitalité,  messieurs  !  une  petite  armoire,  suffisante 
ilestvraipour  lesdeux  cents  volumesqu'elle  comptait  à  peine. 
En  deux  ans,  elle  en  avait  sept  mille,  grâce  tout  d'abord  à  des 
collections  entières,  celles  de  M.  Goquerel  père  et  de  M.  Fré- 
déric Monod  déposées  pieusement  sur  nos  rayons  par  les 
enfants  ou  les  catéchumènes  de  ceux  qui  les  avaient  formées 
avec  soin  et  amour.  A  partir  du  5  février  1869,  un  modeste  ca- 
binet de  travail  fut  mis  une  fois  par  semaine  à  la  disposition 
du  public  studieux. 

Vous  dirai-je  les  trois  exodes  nécessités  par  un  accroisse- 
ment d'une  rapidité  impossible  à  prévoir?  Mais  l'histoire  de 
ce  développement,  qui  a  dépassé  toutes  nos  espérances,  occu" 
perait  à  elle  seule  dix  fois  le  temps  qu'il  nous  est  donné  de 
consacrer  ce  soir  à  ce  coup  d'œil  rétrospectif.  Elle  devrait 
être  avant  tout  la  longue  nomenclature  des  bienfaiteurs,  des 
bienfaitrices  —  comment  en  un  jour  comme  celui-ci  n'en  pas 
citer  trois,  mesdames  Henri  Thuret,  Goffart-Torras,  baronne 
de  Neuflize?  —  bienfaitrices  et  bienfaiteurs  qui,  en  faveur  de 
l'étude  et  de  la  conservation  pour  l'avenir  des  monuments  de 
notre  grand  passé,  ont  su  faire  le  sacrifice  de  leurs  trésors  les 
plus  précieux,  papiers  de  famille,  livres  rares,  gravures,  do- 
cuments, portraits,  méreaux,  désormais  réunis,  se  complétant 
les  uns  les  autres  et  que  vous  chercheriez  vainement  ailleurs*. 

1.  Donateurs  de  la  Bii:)liolhèque,  juin  1901  à  juin  1902  :  Facultés  de 
théologie  protestante  de  iMontauban  et  de  Paris,  Ministère  de  l'Instruc- 

LI.  —  23 


314  JUBILÉ    CINQUANTENAIRE    DE    LA   SOCIÉTÉ 

Pour  s'en  faire  quelque  idée  il  faut  visiter  rinstallation 
définilive  que  Dieu  a  permis  au  Comité  d'inaugurer  en  dé- 
cembre 1885,  au  n"  54  de  la  rue  des  Saints-Pères,  —  près  de 
l'emplacement  d'un  des  anciens  cimetières  huguenots,  entre 
l'Abbaye  de  Saint-Germain-des-Prés  et  le  Pré-aux-Clercs  — 
il  y  faut  venir  se  rendre  compte  de  ses  richesses  documen- 
taires :  papiers  Duplessis-Mornay,  Paul  Ferry,  Rabaut  légués 
par  M.  A.  Coquerel  fils,  Hotman  de  Villiers,  Sayn-Sérusclat, 
recueils  des  Synodes,  procès-verbaux  des  Assemblées  poli- 
tiques, correspondances  de  Tépoque  du  Désert  —  collections 
Scherer,  Sainte-Beuve  sur  Porl-Royal,  Muston  sur  les  \'au- 
dois,  Bordier,  Delaborde,  Labouchère,  Lutteroth,  Frédéric 
et  Othon  Guvier,  Auzière,  Lesens,  Read.  Entre  le  jour  où 
l'amiral  Baudln  apportait  une  première  pierre  —  et  com- 
bien précieuse  !  —  le  fragment  des  Registres  d'écrou  des 
galères  et  celui,  tout  récent,  où  M.  Garreta  nous  offrait,  dans 
notre  excursion  d'Ablon,  la  Bible  de  Henri  IV  donnée  par  lui  à 
son  aumônier  Lobéran  de  Montigny,  savez-vous  combien  de 


lion  publique,  Mlle  Allégot,  Mme  Alf.  André,  professeur,  MM.  Barckhau- 
sen,  J.  Bianquis,  Bibliothèque  de  Genève,  MM.  Brunel,  Chastel,  Chato- 
ney,  Commission  des  Églises  wallonnes,  MM.  les  directeurs  de  l'Hôpital 
de  la  Providence  de  Londres,  Adrien  Dollfus,  pasteur  Ch.  Frossard, 
MM.  Fuzier,  R.  Garreta,  J.  Gaufrés,  H.  Gélin,  H.  Guyot,  E.  Hugues,  Armand 
Lods,  pasteur  Maillard,  Maulvault,  G.  Meyer,  Adolphe  Monod  (famille  d'), 
baronne  de  Neuflize,  MM.  Omont,  pasteur  F.  Puaux,  Mme  Ch.  Read, 
MM.  le  professeur  Rod.  Reuss,  baron  F.  de  Schickler,  les  Sociétés  hu- 
guenotes d'Allemagne,  dWmérique  et  de  Londres,  Société  des  missions 
évangéliques  de  Paris,  M.  F.  Teissier,  Mme  veuve  Vesson,  N.  Weiss. 

Comme  auteurs  : 

MM.  Raoul  Allier,  pasteur  G.  .\ppia,  Thomas  Balch,  prof.  G.  Bonet- 
Maury,  Ernest  Bonifas,  Emile  Bourgeois,  V.-L.  Bourrilly,  P. -Henri  Chérot, 
Ém.  Comba,  Eug.  Greissel,  pasteur  H.  Dannreuther,  Rév.  L.  Dégremont, 
P.  Dielerlen,  de  Dompierre  de  Chauffepié,  D'  P.  Dorveaux,  A.  de  Dufau 
de  Maluquer,  Ch.  Durand,  Henri  Expert,  pasteur  P,  de  Félice,  Henri 
Fliedner,  A.-E.  Garnier,  R.  Garreta,  Lucien  Gautier,  pasteur  Th.  Gerold, 
Eug.  Halphen,  A.  Hamon,  Henri  Heyer,  pasteur  H.  Lehr,  Ernest  Levesque, 
Armand  Lods,  D'  Lorlsch,  Henri  Martin,  A.  Maulvault,  Félix  Meillon, 
pasteur  Messines,  H.  Omont,  pasteur  J.  Pannier,  Mme  J.  Pannier, 
M-\L  H.  Palry,  professeur  de  la  Faculté  de  théologie  protestante  de 
Paris,  Camille  Rabaud,  M.  de  Richemond,  Edouard  Rolt,  Jean  Roucaute, 
Doyen  .\ug.  Sabatier,  Société  Biblique  Protestante  de  Paris,  Henri  Stein, 
Ernest  Strœhlin,  Gaston  Tournier,  J.  Villelte. 


DE    l'histoire    du    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  315 

volumes  onl  pris  le  chemin  de  notre  sanctuaire  d'études  et 
de  souvenirs?  27,600  isolés,  13,350  recueils,  5,225  de  jour- 
naux et  de  rapports,  collection  unique,  soit  cinquante  mille 
environ;  joignez-y  10,000  pièces  manuscrites  et  vous  entre- 
verrez les  ressources  mises  quatre  fois  par  semaine,  gratui- 
tement, à  la  disposition  des  lecteurs,  et  dont  ils  profitent 
largement.  Si  notre  Société  a  obtenu  le  13  juillet  1870  la 
reconnaissance  d'utilité  publique,  nous  le  devons  à  notre 
Bibliothèque  —  et  peut-être  même  au  témoignage  que  lui  ont 
rendu  des  savants  qui  n'étaient  point  de  nos  coreligionnaires. 
C'est  à  elle  aussi  que  nous  sommes  redevables  pour  une 
grande  pari  des  distinctions,  médaille  de  progrès  et  médailles 
d'or  obtenues  à  l'Exposition  de  Vienne  et  aux  trois  der- 
nières Expositions  universelles  de  Paris. 

Mais  suffisait-il  de  préserver  en  les  imprimant  les  docu- 
ments menacés  par  le  temps  ou  par  les  hommes,  ou  encore 
de  rassembler  les  produits  de  la  littérature  huguenote  si 
abondante,  si  variée,  à  peine  représentée  dans  les  biblio- 
thèques publiques?  Le  Comité  ne  l'a  pas  cru.  Il  a  voulu 
d'abord  stimuler  les  travaux  originaux  et  puisés  aux  sources, 
il  a  provoqué  des  concours'  et  à  cinq  reprises  décerné  des 
récompenses^ 

Il  entrevoyait  en  même  temps  un  autre  devoir:  rapprocher 
autant  que  possible,  non  quelques  rares  privilégiés,  mais  le 
peuple  protestant  tout  entier,  les  humbles  aussi  bien  que  les 
doctes,  de  ces  souvenirs  qui  sont  le  patrimoine  commun  de 
tous.  La  circulaire  du  10  avril  1866  proposait  aux  pasteurs  et 
aux  anciens  d'instituer  une  Fête  annuelle  de  la  Réformation. 
Dès  l'année  suivante  l'impulsion  était  donnée.  «  Le  but  est 
trop  beau,  nous  écrivait-on,  l'élan  trop  prononcé  pour  que 
nous  nous  arrêtions  ».  Aujourd'hui,  la  Fête  delà  Réformation 

1.  Lauréals  des  concours  :  Ad.  Michel,  Louvois  et  la  Révocation  ;  Jules 
Chavannes,  Les  Réfugiés  dans  le  pays  de  Vaud;  Edm.  Hugues,  Antoine 
Court  et  la  Restauration  du  Protestantisme  en  France. 

2.  Ouvrages  couronnés  :  Arnaud,  Histoire  des  Protestants  du  Dauphiné ; 
Berthaull,  Thèses  de  doctoral  sur  Saurin  et  sur  Matliurin  Cordier ;  Bon- 
nefon,  Biographie  de  Duplan ;  Réaume,  Agrippa  d'Aubigné  considéré 
comme  historien;  Arnauil,  Histoire  des  Protestants  de  Provence;  Benoîl, 
Marie  Durand;  ChenoL,  Introduction  de  la  Réforme  à  Héricourt. 


316  JUBILÉ    CINQUANTENAIRE   Dï   LA    SOCIÉTÉ 

est  entrée  dans  les  habitudes  de  nos  Eglises  :  ses  résultats 
justifieraient  à  eux  seuls  déjà  le  témoignage  de  vive  sympa- 
thie rendu  à  la  Société  de  Tllistoire  du  Protestantisme  fran- 
çais par  le  vote  unanime  du  synode  général  de  1872*. 

C'est  qu'une  histoire  comme  celle  de  vos  ancêtres,  Mes- 
sieurs, ne  saurait  rester  lumière  cachée  sous  le  boisseau,  ou 
flambeau  que  se  transmettent  jalousement  un  petit  nombre 
d'initiés.  De  même  que  nous  ouvrons  toutes  grandes  les 
portes  de  notre  Bibliothèque  à  tous  ceux  qui  veulent  s'ins- 
truire aux  sources,  et  que  nous  ne  craignons  pas  de  leur 
recommander  déjuger  sur  preuves  ce  que  furent  vos  pères, 
parfois  si  étrangement  calomniés,  de  même  nous  estimons 
que  les  tribulations  et  les  délivrances  du  petit  troupeau  sont 
la  leçon  dont  notre  temps  a  plus  que  jamais  besoin.  Cette 
leçon  nous  l'avons  redite  au  loin  comme  au  près  :  il  y  a  des 
vérités  qu'il  ne  faut  pas  se  lasser  de  répéter. 

Donnant  à  nos  Assemblées  annuelles  une  importance  nou- 
velle, y  introduisant  le  chant  des  psaumes  d'après  les  har- 
monies du  xvi"  siècle,  nous  avons  commémoré  nos  anniver- 
saires de  joies  ou  de  douleurs.  Vous  n'avez  pas  oublié  cette 

1.  Églises  donatrices  du  31  mai  1901  au  25  mai  1902  :  Anduze,  15;  — 
Angers  (Égl.  libre),  5;  —  Aouste,  44,65:  —  Arverl,  12;  —  Aubais,  14;  — 
Aubussargues,  16;  —  Avèze,  20;  —  Bàle,  183;  —  Belfort,  10;  —  Berge- 
rac, 56;  —  Bolbec,  130,15;  —  Boulogne-sur-Mer,  20;  —  Brest,  10;  —  Caen, 
44,25;  —  Calvisson,  10;  —  Cannes, 20;  —  Castres  (1900),  41,50;  —  Castres 
(1901),  51,50;—  Castres  (Égl.  réf.  ind.),  40,45;  —  Cognac,  20;  —  Courbevoie, 
14;  —  Cozes,  30;  —  Creysseilles,  5;  —  Florac  (1900),  7,05;  —  Florac  (1901), 
10,20;  —  Foëcy,  10;  —  Fontenay-le-Comte,  5;  —  Jallieu,  14,25;  —  Lacaune. 
11,50;  —  Laparade,  11;  —  Lasalle-Colognac,  27,70;  —  Le  Pouzin,  10;  — 
Le  Vigan,  13;  —  Logrian,  7,50:  —  Lyon  (1900),  200;  (1901),  200;—  Marsillar- 
gues,  20;  —  Milhaud,  5  ;  —  Millau,  24,40 ;  —  Montpellier,  120  ;  —  Moulins,  7,70 

—  Nancy,  40;  —  Nantes  (1900),  40;  —  Nantes  (1901),  65:  —  Nègrepelisse,  20 

—  Nîmes,  250;  —  Paris  (Arquebusiers,  137,65;  —  BatignoUes, 21  ;  — Boulv 
Saint-Germain,  153,50;  —  Oratoire,  195,05;  —  Saint-Esprit  et  Mllton, 294,05 

—  Sainte-Marie,  39,25):  —  Pau,  50;  —  Pignan,20;  —  Pons,  15;—  Réalmont 
38,25;  —  Reims,  50;  —  Rouen,  49;  —  Saint-Cloud,  38,65;  —  Saint-Dié,  20 
Saint-Étienne,  45;  —  Saint-Hippolyte,  10;  —  Saint-Jean-Marvéjols,  8,10:  — 
Salies  de  Béarn,  10;  —  Saujon,  15;  —  Sauve  (1900),  10;  —  Sauve  (1901), 
25;  —  Sedan,  50;  —  Tonneins  (1900),  17;  —  Tonneins  (1901),  8;  —  Tou- 
louse,50; —  Vernoux,12;  —  Villeneuve-Saint-Georges,  61,15; —  \'ire,  10. — 
Reçu  de  plus  :  Legs  de  Mme  veuve  Olhon  Cuvier,  400;  —  Don  de  M.  Saint- 
Aubin  Roumieu  à  1  occasion  du  Jubilé,  25;  de  Mme  James  Lawton,  pour 
la  Table,  260. 


DE   l'histoire    du   PROTESTANTISME   FRANÇAIS  317 

fête  émouvante  où  des  voix  éloquentes  —  hélas!  éteintes 
aujourd'hui  —  ont  dans  ce  même  temple  devenu  trop  petit, 
rappelé,  ce  sont  les  paroles  mêmes  de  M.  Bersier,  «  sans  haine 
contre  personne,  sans  vouloir  à  aucun  degré  rendre  les 
vivants  solidaires  des  morts,  ce  que  fut  la  Révocation,  afin 
qu'en  mesurant  la  profondeur  de  Tabîme  où  faillit  sombrer 
notre  Eglise,  nous  pussions  avec  des  cœurs  reconnaissants 
remercier  la  France  moderne  qui  a  si  noblement  réparé  les 
fautes  de  la  France  ancienne  et  bénir  Dieu  d'avoir  fait  succé- 
der les  splendeurs  de  la  justice  à  une  longue  nuit  de  terreurs 
et  de  larmes  ».  Et  la  Complainte  de  l'Eglise  affligée  s'est 
élevée  sous  ces  voûtes  remplissant  les  cœurs  d'une  intense 
sympathie  pour  les  victimes,  et  d'une  confiance  sans  bornes 
envers  le  Père  qui  n'a  point  confondu  l'invincible  espérance 
de  ses  enfants. 

Cette  Eglise  si  souvent  affligée,  mais  si  merveilleusement 
bénie,  car  le  Seigneur  châtie  ceux  qu'il  aime,  nous  en  avons 
suivi  les  traces  jusqu'au  fond  des  provinces,  à  Nimes  et  à 
Anduze,  à  Rouen,  à  Lyon,  à  Orthez  et  à  Pau,  à  Royan  et  à 
Saintes,  à  la  Rochelle,  à  Meaux,  à  Nantes.  Et  il  s'est  produit 
ce  fait  que,  racontant  aux  descendants  des  Huguenots  ou  des 
Camisards  ce  qu'avaient  enduré,  ce  qu'avaient  été  leurs 
pères,  nous  avons  éprouvé  pour  nous-mêmes  le  «  sursum 
corda  »  que  nous  venions  leur  apporter.  Oh  1  les  inoubliables 
impressions  ressenties  dans  ces  gorges  des  Cévennes,  à 
l'humble  maison  de  Rolland,  véritable  monument  historique 
que  notre  Société  acheta  pour  le  sauver  et  où  nous  fut  lue 
par  M.  Viguié,  sous  la  châtaigneraie,  une  page  de  la  Bible  du 
héros  —  ou  bien  sur  la  grande  côte  de  Saintonge,  «  en  face 
de  cet  Océan  sans  limites  visibles,  sur  lequel  ont  ramé  les 
forçats  et  se  sont  expatriés  les  exilés  pour  la  foi  »  —  ou  enfin 
dans  la  salle  basse  de  la  Tour  de  Constance  quand  nous 
chantâmes  un  psaume  près  de  la  pierre  où  se  lit  encore  le 
mot,  gravé  par  les  confesseurs  et  martyrs  :  Résistez.  Et 
comment  ne  pas  se  redire  alors  avec  gratitude  mais  confu- 
sion :  Qui  sommes-nous  pour  recueillir  un  si  grand,  un  si 
glorieux  héritage? 

Pourtant,   Messieurs,  l'émotion   c|ui   nous   étreint  parfois 


318  JUBILÉ   CINQUANTENAIRE   DE   LA   SOCIÉTÉ 

quand  nous  remontons  vers  les  jours  d'antan  ne  saurait  nous 
faire  oublier  la  basé  et  la  méthode  absolument  scientifiques 
imposées  à  une  Société  comme  la  nôtre.  Pas  plus  que  nous 
ne  voulons  faire  œuvre  de  rancune  ou  de  parti-pris,  nous  ne 
cherchons  à  tracer  des  panégyriques  ou  à  canoniser  nos 
aïeux.  Il  nous  suffit  de  nous  efforcer  de  les  placer  en  pleine 
lumière,  tels  qu'ils  étaient  :  cette  clarté  fera  justice  de  bien 
des  imputations  erronées  à  leur  endroit,  etdissipera  bien  des 
malentendus,  mais  elle  ne  les  dégagera  pas  des  faiblesses 
humaines  et  d'une  solidarité  inévitable  avec  les  passions  ou 
les  préjugés  de  leur  temps.  Plus  l'historien  est  impartial, 
mieux  il  répond  à  ce  qu'on  est  en  droit  d'attendre  de  lui,  et 
nous  sommes  heureux  de  constater  que,  suivant  l'impulsion 
donnée  par  notre  Société,  il  s'est  formé  pendant  ce  demi- 
siècle  toute  une  pléiade  de  savants,  les  Lièvre,  les  Vaurigaud , 
les  Dardier,  les  Nicolas  —  pour  ne  citer  que  ceux  entrés  en 
leur  repos  ^ —  dont  le  labeur  persévérant  et  essentiellement 
sincère  a  reconstitué  l'histoire  du  Protestantisme  dans 
diverses  provinces  de  la  vieille  France  ou  retracé  celle  de  sa 
restauration  par  Antoine  Court  et  Paul  Rabaut,  et  nous  tenons 
à  signaler,  sous  une  forme  plus  accessible  au  grand  nombre 

—  ne  faut-il  pas  songer  aussi  aux  jeunes  et  aux  moins  lettrés? 

—  V Histoire  populaire  de  la  Réforme,  de  M.  Puaux. 

A  eux  et  à  leurs  émules  nous  avons  offert,  à  partir  de  1892, 
le  titre  de  membres  honoraires  du  Comité,  éprouvant  au  début 
un  véritable  embarras  à  limiter  le  nombre  des  élus,  tant  a  été 
grande  l'expansion  historique  protestante  en  France  et  à 
l'étranger. 

C'est  que  l'évocation,  ou  plutôt  la  résurrection  du  passé  ne 
se  poursuit  pas  uniquement  à  nos  côtés.  Au-delà  des  fron- 
tières qu'ont  franchies  jadis,  dans  d'indicibles  angoisses, 
les  exilés  pour  la  foi,  abandonnant  tout  pour  obéir  à  Dieu 
plutôt  qu'aux  hommes,  les  descendants  des  Réfugiés  ont 
tourné  leurs  regards  vers  la  France  et  revendiqué  comme  un 
honneur  leurs  origines  huguenotes.  Avec  une  fraternelle  sym- 
pathie nous  avons  assisté  depuis  1885  à  la  fondation  de  la 
Commission  pour  V Histoire  des  Églises  wallonnes,  et  à  l'éclo- 
sion  des  Sociétés  huguenotes  de  Londres,  d'Allemagne,  de 


DE    l'histoire    du    PROTESTANTISME   FRANfAIS  319 

New-York  et  de  Charleston  aux  États-Unis.  Leurs  travaux 
et  leurs  publications  déjà  nombreuses  ainsi  que  cellesde  la  5o- 
ciété  d'Histoire  v^z/tfoz^e  apportent  un  sérieux  concours  aux  re- 
cherches sur  les  familles  et  les  pasteurs  des  xvi^  et  xvii' siècles. 
Nos  sœurs  cadettes  s'associent  à  la  célébration  du  cinquan- 
tenaire de  leur  aînée,  les  unes  par  des  lettres  chaleureuses, 
d'autres  par  l'envoi  de  leurs  délégués  dont  la  présence  donne 
à  notre  solennité  un  exceptionnel  éclat.  En  votre  nom  à  tous, 
je  salue  ce  soir  M.  Giraud  Browning,  le  président  delà  Société 
huguenote  de  Londres  dont  il  avaU  conçu  la  pensée  en  assis- 
tant à  notre  session  cévenole,  M.  le  D''  Brondgeestd'Utrecht, 
l'un  des  membres  fondateurs  de  la  Commission  pour  l'Histoire 
des  Églises  wallonnes,  M.  Théophile  Dufour  qui  représente 
au  milieu  de  nous  la  Société  d'Histoire  et  d'Archéologie  de 
Genève,  M.  le  pasteur  Appia  que  ses  coreligionnaires  des 
Vallées  vaudoises  du  Piémont  ont  chargé  de  leurs  fraternels 
messages.  Messieurs  les  Doyens  des  Facultés  de  Théologie 
protestante  ont  tous  les  trois  fait  à  la  Société  le  très  grand 
honneur  d'assister  en  personne  à  son  jubilé.  A  vous  tous, 
Messieurs,  à  ceux  que  vous  représentez  si  dignement  ce  soir 
notre  respectueuse  reconnaissance. 

A  l'occasion  du  Cinquantenaire  le  Comité  avait  formé  un 
projet  d'une  présomption  rare  et  qu'il  n'aurait  jamais  pu 
mener  à  bonne  fin  si  de  bien  des  côtés,  de  Paris,  des  dépar- 
tements, de  l'étranger,  on  ne  lui  était  venu  gracieusement  en 
aide.  Je  ne  tenterai  pas  de  vous  décrire  l'Exposition  rétros- 
pective ouverte  pendant  dix  jours  à  la  Bibliothèque  de  la  rue 
des  Saints- Pères  :  il  faut  y  contempler  cette  réunion  de  por- 
traits, tableaux  et  gravures,  d'autographes,  de  médailles,  de 
Bibles  des  débuts  de  la  Pvéforme,  de  livres  rarissimes  — il  en 
est  dont  on  ne  connaît  que  le  seul  exemplaire  exposé  là  — 
d'émaux  de  L.  Limousin,  de  Palissy,  de  Petitot  les  incompa- 
rables artistes  huguenots,  et,  ce  qui  prime  encore  tout  le  reste, 
une  chaire  portative,  une  table  de  communion  qui  ont  servi 
dans  les  cultes  du  Désert,  sous  la  Croix,  comme  on  disait  alors, 
et  comme  nous  devons  le  répéter,  la  Croix  des  afflictions,  des 
renoncements,  des  sacrifices,  de  la  glorification  suprême. 
Auprès  de  ces  souvenirs  visibles  et  tangibles  que  sont  des 


320  JUBILÉ    CINQUANTENAIRE    DE    LA    SOCIÉTÉ 

discours  ?  Aussi  bien  ce  rapport  n'aurait-il  dû  être,  à  vrai 
dire,  qu'un  sérieux  examen  de  conscience.  Avons-nous  ré- 
pondu aux  responsabilités  de  notre  grande  et  belle  lâche? 
Ah  I  croyez-le  bien,  Messieurs,  nous  n'avons  garde  de  nous 
dissimuler,  nous  membres  du  Comité  de  la  Société  de  l'His- 
toire du  Protestantisme  français,  tout  ce  qui  a  manqué  à  notre 
action,  tout  ce  qui  reste  à  faire;  il  suffirait  de  relire  le  cadre 
primitif  des  travaux  projetés  pour  reconnaître  ce  qui  incom- 
bera à  nos  successeurs.  Puissent-ils  comme  nous  être  secon- 
dés dans  leur  mission  par  de  savants  collaborateurs,  de  géné- 
reux amis,  des  conducteurs  et  des  conseils  d'Église  adres- 
sant à  la  Société,  à  chaque  fêle  de  la  Réformation,  un  témoi- 
gnage d'effective  sympathie.  Et  qu'il  plaise  à  Dieu  leur  accor- 
der de  maintenir  les  principes  de  vraies  fraternité  et  solida- 
rité protestantes  qui  ont  présidé  à  la  création  de  cette  œuvre. 
Le  jour  où  prenaient  place  ensemble  au  sein  du  Comité, 
MM.  Bartholmess,  Block,  Ath.  Coquerel  fils,  Haag,  Lulte- 
roth,  Adolphe  Monod,  Pécaut,  Read,  Martin  Rollin,  Verny, 
Waddington,  Ch.  Weiss,  cette  alliance  de  forces  vives  bien 
que  de  tendances  diverses  était  à  la  fois  un  exemple  et  un 
gage  de  succès.  La  tradition  de  la  première  heure  a  été  sui- 
vie depuis  et  nous  rendons  avec  émotion  et  gratitude  un 
suprême  hommage  à  la  mémoire  de  nos  collègues  disparus, 
et  toujours  regrettés,  les  Triqueti,  Labouchère,  G.  Guizot» 
Sayous,  Viguié,  Delaborde,  le  biographe  de  Coligny,  Bersier, 
grâce  aux  efforts  duquel  la  figure  de  l'Amiral  se  dresse  au 
chevet  de  ce  temple,  Douen,  l'historien  de  la  Révocation  à 
Paris,  et  les  doyens  Lichtenberger  et  Sabatier'. 

1.  Nous  saisissons  celle  occasion  pour  donner  ici  la  liste  de  tous  les 
membres  acllfs,  membres  honoraires  et  membres  associés  du  Comité  de 
notre  Société.  Les  noms  imprimés  en  italique  sont  ceux  des  membres 
encore  actuellement  en  service  et  nous  rappelons  que  les  membres 
associés  sont  ceux  qui  ont  fait  à  la  Société  un  don  d'au  moins  300  francs. 

Président  honoraire. 
1852.   F.  Guizot,  t  1.S74. 

Membres. 
MM. 

1852.   Charles  Read,  président  1852-1865, t  1899. 
Christian  Bartholmess,  t  1856. 


DE   l'histoire   du    PROTESTANTISME   FRANÇAIS  321 

Si,  dans  le  nouveau  demi-siècle  que  nous  inaugurons,  ce 
noble  labeur  se  poursuit  dans  ce  même  esprit,  Celui  qui  a 
daigné  bénir  les  premières  assises  permettra  l'achèvement 
du  monument  élevé  à  la  mémoire  de  «  la  grande  nuée  de 


Maurice  Block,  t  1900. 
Alh.  Coquerel  fils,  t  1875. 
Eugène  Haag,  vice-président  1865,  t  1868. 
Henri  Lulteroth,  démissionnaire  1865. 
Adolphie  Monod,  t  1856. 
Félix  Pécaiit,  dém.  1865. 
Martin  RoUin,  t  1868. 
Edouard  \'erny,  +  1854. 

Charles  Waddingtony  président  honoraire  1900. 
Ch.  Weiss,  t  1882. 
Oppermann,  trésorier,  1852-1855. 
Cornélis  de  Witt,  démissionnaire  1865. 
1864.   Henri-L.  Bordier,  t  1888. 

1864.  C"  Jules  Delaborde,  vice-président  1869,  +  1889. 
Jules  Gaufres. 

Guillaume  Guizot,  t  1892. 

F.  Schickler,  président  de  la  Société  1865. 

1865.  Jules  Bonnet,  secrétaire  1862-1885,+  1892. 
A  Ifred  Franklin,  trésorier. 

1866.  O.  Douen,  t  1896. 
William  Martin. 

1868.  B'"  de  ïriqueti,  +  1874. 

1869.  Ch.  Frossard. 

Ed.  Sayous,  t  1898. 

1874.  Alfred  Labouchére,  t  1875. 

1875.  F.  Lichlenberger,  +  1900. 
1882.   E.  Bersier,  +  1889. 

A.  Viguié,  +  1890. 

F.  Kuhn. 

G.  Bonet-Maury. 
1886.  F.  Buisson. 

G.  Raynaud. 

1892.  Armand  Lods. 
Frank  Puaux. 
Albert  Réville. 
L.  Tanon. 

1893.  N.  Weiss,  secrétaire  du  Comité. 
1899.   Sabatier,  t  1901. 

Rod.  Reuss. 
Paul  de  Fclice. 
1902.;r/î.  Du  four. 

Gabriel  Monod. 
John  Viénot. 


322  JUBILÉ    CINQUANTENAIRE    DE    LA    SOCIÉTÉ 

témoins  ».  Et  le  Protestantisme  français,  réalisera  toujours 
mieux  alors  notre  vieille  devise  : 

Post  tenebras  lux. 
Pour  remplacer  les  vides  faits  dans  son  sein  par  le  retour 


Membres  honoraires  du  Comité. 
MM. 
1892.  E.  Arnaud. 
D.  Benoit. 

Othon  Cuvier,  t  1896. 
Ch.  Dardier,  t  1893. 
A.  Lièvre,  +  1898. 
Cam.  Rabaiid. 

Le  président  de  la  Société  d'Histoire  et  d'Archéologie  de  Genève. 
Le  président  de  la  Commission  de  l'Histoire  des  Eglises  wallonnes  . 
Le  président  de  la  Société  huguenote  de  Londres. 
Le  président  de  la  Société  huguenote  d'Amérique. 
Le  président  de  la  Société  huguenote  de  la  Caroline  du  Sud. 
Le  président  de  la  Société  huguenote  d'. Allemagne. 
Le  président  de  la  Société  d'Histoire  vaudoise. 
H.-M.  Baird. 
A .  Bernus. 

Th.  Dufour,  membre  du  Comité  1902. 
A.-J.  Knschedé,  +  189G. 

A.-L.  Herminjard,  +  1900. 

\V.-N.  Du  Hieu,  t  1896. 

E.  Lesens,  t  1897. 
1895.  Meschinet  de  Richemond. 
1902.  Ern.  Strœhlin. 

D'Egli. 

È.  Comba. 

H.  Guyot. 

H.  Dannreuther. 

Ed.  Hugues. 

Membres  associés  au   Comité. 
MM. 

1877.  Fromenl,  t  1879. 

1878.  Emile  Schul^. 

Ch.  Sagnier,  t  1888. 

1879.  Nycgaard. 
1884.   Morris  Beaufort. 

Giraud  Browning. 

St-Aubin  Roumieu. 
1888.  Louis  Sagnier. 
1895.  Ern.  Strœhlin,  membre  honoraire  1902. 


DE    l'histoire    du    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  323 

à  Dieu  de  Messieurs  Sayous,  Read  et  Sabatier,  le  Comité  a 
élu  membres  : 

MM.  Théophile  Dufour, 
Gabriel  Monod, 
John  Viénot, 

et  comme  membres  honoraires  et  en  remplacement  de 
MM.  Othon  Cuvier,  Dardier,  Enschédé,  Sir  H.  Layard,  Lesens, 
Lièvre,  Sir  H.  Peek,  du  Rieu  et  Herminjard  : 

MM.  le  président  de  la  Société  huguenote  de  Londres, 

le  président  de  la  Société  d'Histoire  et  d'Archéologie 

de  Genève, 
le  professeur  Émilio  Comba  à  Florence, 
le  professeur  Ernest  Strœhlin  à  Genève, 
le  docteur  Egli  à  Zurich, 
Henri  Guyot  à  Groningue, 
le  pasteur  A.  Dupin  de  Saint-André  à  Tours, 
Edmond  Hugues  à  Lyon, 
le  pasteur  H.  Dannreuther  à  Bar-le-Duc. 

Le  prix  fondé  en  1892  par  les  amis  de  feu  M.  le  pasteur 
Bersier,  pour  être  décerné  tous  les  cinq  ans  à  l'auteur  de 
travaux  se  rapportant  à  Thistoire  du  Protestantisme  français, 
Ta  été  pour  la  première  fois  en  1897  à  M.  le  professeur  Her- 
minjard, le  savant  éditeur  de  la  Correspondance  des  Réfor- 
mateurs. 

Dans  sa  séance  du  mois  de  mars  le  Comité  l'a  attribué 
cette  fois  à  M.  le  pasteur  Weiss.  Vous  ratifierez  unanime- 
ment ce  vote,  vous  rappelant  les  innombrables  services 
rendus  à  l'histoire  par  les  recherches,  les  publications,  les 
conférences,  les  incessants  labeurs  scientifiques  du  secré- 
taire de  la  Société,  du  directeur  du  Bulletin,  du  biblio- 
thécaire dont  les  conseils  ne  font  jamais  défaut  à  ceux 
qui  si  souvent  viennent  en  solliciter  et  en  recueillir  le  bé- 
néfice. 


324  JUBILÉ    CINQUANTENAIRE    DE    LA    SOCIÉTÉ 

Le  chœur  fait  entendre  ces  deux  strophes  des  Psaumes  VIII  et 
XXV,  paroles  de  Clément  Marot,  musique  de  C.  Goudimel. 

O  notre  Dieu  et  Seigneur  aimable 
Combien  ton  Nom  est  grand  et  admirable 
Par  tout  ce  val  terrestre  spacieux 
Que  ta  puissance  esiève  sur  les  cieux! 

A  toi,  mon  Dieu,  mon  cœur  monte 
En  toi  mon  espoir  ai  mis  : 
Fai  que  je  ne  tombe  à  honte 
Au  grè  de  mes  ennemis. 
Honte  n'auront  voirement 
Ceux  qui  dessus  toi  s'appuient; 
Mais  bien  ceux  qui  durement 
Et  sans  cause  les  ennuient. 

La  parole  est  donnée  à  M.  le  professeur  Ch.  Bruslon,  doyen  de 
la  Faculté  de  théologie  prolestante  de  Montauban,  qui  s'exprime 
ainsi  : 

Messieurs  et  honorés  coreligionnaires, 

La  Faculté  de  théologie  de  Montauban  m'a  chargé  de  vous 
exprimer  ses  félicitations,  ses  remerciements  et  ses  vœux: 
ses  félicitations  et  ses  remerciements  pour  le  passé,  pour  ces 
cinquante  années  de  recherches  et  d'études  patientes  et  persé- 
vérantes qui  ont  tiré  de  l'oubli  séculaire  où  ils  étaient  ense- 
velis un  si  grand  nombre  de  noms  de  martyrs  inconnus,  tant 
d'actes  de  courage,  d'exemples  de  fidélité,  souvent  héroïque, 
qui  ont  été  et  seront  à  jamais  pour  nos  Églises  une  source 
abondante  d'édification,  d'encouragement  et  de  force. 

Puissiez-vous  longtemps  encore  puiser  dans  ce  riche  trésor 
des  faits  et  des  enseignements  si  précieux  et  si  utiles,  non 
seulement  pour  TÉglise,  mais  aussi  pour  l'avenir  de  notre 
pays.  Peut-être  qu'en  voyant  enfin  sous  leur  vrai  jour,  dans 
leur  noble  et  antique  simplicité,  ces  héros,  ces  martyrs,  obs- 
curs ou  célèbres,  qui  sacrifièrent  tout  à  leur  foi,  au  devoir  qui 
résultait  pour  eux  de  la  connaissance  de  la  vérité  religieuse, 
telle  qu'ils  la  puisaient  à  la  source  même,  nos  compatriotes  fini- 


DE   l'histoire   du   PROTESTANTISME   FRANÇAIS  325 

ront  par  comprendre  qu'en  dépit  de  toutes  les  accusations 
et  les  calomnies  dont  ils  ont  été  l'objet,  c'étaient  eux  qui 
étaient  dans  le  vrai,  que  la  cause  pour  laquelle  ils  luttèrent 
et  souffrirent  tant,  la  cause  qui  fut  écrasée  alors  par  les  forces 
coalisées  de  l'Église  Romaine  et  de  la  Monarchie,  c'est  celle 
qui,  en  définitive,  a  triomphé,  cent  ou  deux  cents  ans  plus 
tard,  avec  l'immortelle  Déclaration  des  droits  de  l'homme  et 
du  citoyen^  vraie  charte  constitutive  de  la  France  moderne. 
Le  jour  où  notre  peuple  aura  enfin  compris  cela,  il  ne  sera 
pas  loin  du  Protestantisme  ou  d'une  forme  du  Christianisme 
plus  ou  moins  analogue.  Quand  ce  jour  sera  venu,  vos  publi- 
cations et  vos  travaux,  messieurs,  y  auront  grandement  con- 
tribué, et  vous  aurez  rendu  à  la  France  un  des  services  les 
plus  signalés  qu'un  citoyen  puisse  rendre  à  son  pays. 

Permettez-moi  d'ajouter  que  ce  service^,  quelques-uns  des 
professeurs  et  des  élèves  de  la  Faculté  que  j'ai  l'honneur  de 
représenter  ont  déjà,  et  même  depuis  longtemps,  contribué 
à  le  rendre  avec  vous.  C'est  un  des  professeurs  les  plus  émi- 
nents  de  Montauban  qui  composait,  il  y  a  déjà  plus  d'un  demi- 
siècle,  la  première  et,  jusqu'ici,  presque  unique  Histoire  des 
Protestants  de  France,  continuée  plus  tard  par  un  de  ses  col- 
lègues. Et  qui  sait  si  ce  n'est  pas  au  succès  de  cet  ouvrage  et 
à  l'impulsion  puissante  produite  par  sa  publication  que  nous 
devons,  au  moins  en  partie,  la  création  de  la  Société  qui  a 
tant  travaillé  depuis  lors  à  le  compléter  et  à  le  rectifier  en 
quelques  détails? 

Ce  sont  des  professeurs  de  la  Faculté  qui  ont  raconté,  l'un 
l'Histoire  de  Vancienne  Académie  de  Montauban  depuis  son 
origine,  au  lendemain  de  la  promulgation  del'Edit  de  Nantes, 
jusqu'à  sa  suppression,  à  la  veille  de  la  Révocation  du  même 
édit,  l'autre,  l'origine  et  les  premiers  temps  de  la  Faculté 
actuelle. 

Ce  sont  des  pasteurs  sortis  de  notre  École  qui  ont  essayé, 
l'un  de  raconter  l'Histoire  de  la  Réformation  en  France  et 
plus  tard  celle  des  Protestants  français,  d'autres  celle  des 
Protestants  du  Poitou,  de  la  Bretagne,  de  la  Touraine  ou  de 
quelque  autre  région  spéciale  de  la  France;  d'autres  ont 
fait  revivre  devant  nos  yeux  les  Protestants  d'autrefois,  leurs 


326  JUBILÉ    CINQUANTEXAIKE    DE    LA   SOCIÉTÉ 

collèges,  leurs  Académies,  les  jours  sombres  de  la  Révoca- 
tion ou  les  martyrs  glorieux  de  V Eglise  sous  la  croix. 

Comment  ne  pas  rappeler  enfin  qu'un  de  nos  collègues  les 
plus  distingués  a  entrepris  depuis  quelques  années  un  grand 
ouvrage  sur  Calvin  et  aussi  sur  les  hommes  elles  choses  de  son 
temps,  qui,  lorsqu'il  sera  terminé,  sera  certainement  une  des 
mines  les  plus  complètes  et  les  plusimportanles  pour  la  con- 
naissance du  XVI'  siècle? 

Or,  tous  ces  ouvrages,  à  l'exceptiondu  premier,  qui  en  a  faci- 
lité la  composition?  qui  les  a  rendus  possibles?  Votre  Recueil 
et  votre  Bibliothèque,  messieurs,  ce  Recueil  qui,  depuis 
50  ans,  a  publié  un  si  grand  nombre  de  documents  inédits  et 
d'études  historiques  de  la  plus  haute  valeur,  et  cette  Biblio- 
thèque qui,  grâce  principalement  à  la  munificence  du  Prési- 
dent actuel  de  votre  Société,  réunit  et  met  à  la  disposition  du 
public  les  ouvrages,  les  manuscrits,  les  objets  les  plus  rares 
et  les  plus  précieux,  introuvables,  ou  à  peu  près,  partout  ail- 
leurs. 

Encore  une  fois,  soyez-en  remerciés,  messieurs,  non  seu- 
lement au  nom  du  corps  universitaire  qui  m'a  délégué  vers 
vous,  mais  aussi  (je  ne  crains  pas  de  l'ajouter)  au  nom  de 
toutes  nos  Églises  protestantes,  au  nom  de  la  patrie  elle- 
même,  qui  a  déjà  bénéficié  de  vos  travaux,  et  qui,  j'en  suis 
convaincu,  en  bénéficiera  davantage  encore  dans  l'avenir. 

Le  président  de  notre  Sociélé  remercie  brièvement  M.  le  doyen 
Bruston  de  tout  ce  qu'il  vient  de  dire.  L'heure  étant  déjà  avancée, 
il  est  décidé  que  les  autres  délégués  parleront  le  lendemain,  au 
banquet.  Le  chœur  fait  entendre  ces  vers  des  Psaumes  XIX  et  XXII, 
d'après  Clément  Marot  et  Goudimel  : 

Les  cieux  en  chaque  lieu 
La  puissance  de  Dieu 
Racontent  aux  humains  : 
Ce  grand  entour,  espars 
Publie  en  toutes  parts 
L'ouvrage  de  ses  mains. 
Jour  après  jour  coulant 
Du  Seigneur  va  parlant 


T>E    l'histoire    du    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  327 

Par  longue  expérience  : 
La  nuict  suivant  la  nuicl 
Nous  presche  et  nous  inslruict 
De  sa  grand'  sapience. 

Mon   Dieu  me  paist  sous  sa  puissance  haute 
(rest  mon  bergier,  de  rien  je  n'aurai  faute. 
En  tect  bien  seur,  joignant  les  beaux  herbages, 
Coucher  me  fait,  me  meine  aux  clairs  rivages  : 
Traite  ma  vie  en  douceur  très  humaine, 
Et  pour  son  Nom  par  droits  sentiers  me  meine. 

Le  président  donne  ensuite  la  parole  au  secrétaire  de  la  Société 
pour  répondre  à  cette  question  : 

A  QUOI  SERT  L'HISTOIRE  DU  PROTESTANTISME? 

Voici  un  résumé  de  sa  réponse,  nécessairement  improvisée  comme 
la  conférence  de  la  veille  : 

Messieurs, 

Beaucoup  de  gens  s'imaginent  et  répèlent  volontiers  que 
l'histoire  est  une  étude  bonne  tout  au  plus  pour  cjuelques 
oisifs  épris  du  passé  et  incapables  d'apprécier  le  présent, 
quelque  chose  comme  la  manie,  assurément  intéressante, 
mais  souvent  égoïste  et  stérile  des  collectionneurs. 

Nous  sommes  d'un  avis  absolument  différent  et  nous  dési- 
rons vous  montrer  ce  soir  que  l'histoire  est  non  seulement 
une  science  des  plus  intéressantes,  mais,  comme  toutes  les 
sciences,  quelque  chose  d'utile  et  de  fécond,  et  que  l'histoire 
du  Protestantisme  en  particulier  n'est  pas  la  branche  la 
moins  importante  de  cette  science.  —  Commençons,  pour 
arriver  à  le  comprendre,  par  nous  demander  quel  est  le  but 
de  l'histoire? 

I 

On  peut  le  définir  un  effort  pour  saisir,  à  travers  et  au- 
delà  des  légendes  créées  par  l'ignorance,  Vintérêt  ou  la  pas- 


328  JUBILÉ    CINQUANTENAIRE    DE   LA   SOCIÉTÉ 

sion,  le  caractère  exact  de  la  réalité.  La  première  fonction  de 
l'histoire  est  donc  d'établir  et  d'enseigner,  sur  les  hommes 
et  les  choses,  la  vérité.  Elle  y  arrive,  en  obéissant  d'abord  à 
une  sorte  d'intuition  et  de  besoin  qu'on  peut  appeler  le  sens 
intérieur,  intime  de  vérité,  lequel  est  un  des  caractères  in- 
délébiles de  la  nature  humaine  qui  lui  obéit  dans  tous  les 
domaines  de  la  science ^  Mais  cette  intuition  n'est  qu'un  ai- 
guillon qui  nous  pousse  en  avant,  une  sorte  de  vision  indé- 
cise qui  cherche  des  éléments  de  certitude  et  de  précision  . 
Ceux-ci  ne  sont,  ne  peuvent  être  que  le  fruit,  le  résultat 
d'efforts  laborieux,  d'un  travail  prolongé,  essentiellement 
scientifique,  pour  retrouver,  classer,  apprécier  et  comparer 
les  témoignages  primitifs,  authentiques,  indiscutables,  des 
faits  qu'on  veut  connaître. 

Cet  effort  vers  la  vérité  est  à  lui  seul  d'une  utilité  inappré- 
ciable pour  le  développement  de  l'esprit  humain.  Il  lui 
apprend  à  se  défier  des  impressions  premières  et  superfi- 
cielles, à  n'en  tenir  compte  qu'autant  qu'elles  concordent 
avec  des  faits  certains,  à  faire  la  critique  de  ceux-ci,  à  se 
dépouiller  de  toute  idée  préconçue,  de  toute  préférence  per- 
sonnelle ou  de  parti  ;  —  en  un  mot,  c'est  une  école  de  patiente 
réserve,  de  probité  et  de  justice,  ou  plutôt  l'école  par 
excellence  de  ces  vertus. 

A  ce  point  de  vue  on  peut  dire,  sans  exagération,  que  les 
jugements  injustes,  les  idées  fausses,  la  calomnie  pullulent 
et  se  développent  dans   la  mesure  même  où  la  connais - 


1.  On  peut,  en  effel,  sur  ce  point,  appliquer  à  Ihistoire  ce  qu'en  1»S6  le 
célèbre  physicien  Helmholtz  disait  de  la  science  en  général  :  «  Il  faut  que 
le  chercheur  porte  en  lui  quelque  chose  de  la  vision  du  poète.  Assurément 
il  doit  avant  tout  travailler  erficacement  et  patiemment  à  classer  et  à  pré- 
parer ses  matériaux.  Mais  le  travail  seul  ne  peut  faire  surgir  les  idées 
lumineuses.  Celles-ci  —  telle  Minerve  naissant  du  cerveau  de  Jupiter  — 
jaillissent  inattendues,  à  l'improviste,  sans  que  nous  sachions  d'où  elles 
viennent  ».  —  Voici  le  texte  original  de  ces  paroles  prononcées  au  cours 
des  fêtes  de  Heidelberg  :  «  Etwas  vom  Schauen  des  Dichters  muss  auch 
der  Forscher  in  sich  tragen.  Freilich  ist  let^terem  wirksame  und  gediddige 
Arbeit  nôtig,  iim  das  Material  ^u  sicilien  und  bereit  ::;u  machen.  Aber 
Arbeit  allein  kann  die  lichtgebenden  Ideen  nicht  herbeijivingen.  Dièse 
springen,  wie  die  Minerva  ans  dem  Kopf  des  Jupiter,  unvermuthet, 
ungeahnt,  wir  wissen  nicht  von  wannen  sie  kommen  ». 


DE    l'histoire    du    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  329 

sance   et  félude  de  rhistoire  diminuent   ou   s'affaiblissent. 
Des  exemples  feront  saisir  mieux  que  ces  explications  ce 
que  je  veux  dire  : 

La  plus  grande  transformation  connue  de  Thumanité,  le 
christianisme,  est  sortie  d'une  protestation  élevée  par  des 
témoins  oculaires  contre  la  condamnation  légale  et  le  sup- 
plice du  Christ  ordonnés  et  consommés  par  une  sorte  de 
coalition  des  autorités  les  plus  respectables  du  petit  pays  où 
ce  drame  s'est  passé.  Elles  avaient  employé  un  prestige 
absolu  et  incontesté,  à  faire  passer  le  Galiléen  pour  un  im- 
posteur et  un  criminel.  C'est  au  nom  des  faits  dont  ils  avaient 
été  témoins,  c'est-à-dire  au  tiom  de  rhistoire  que  quelques 
hommes  sans  influence  et  sans  ressources  renversèrent  cette 
légende  calomnieuse.  On  a  beau  objecter  qu'à  cette  légende 
ils  en  substituèrent  une  autre,  également  contestable.  Même 
en  admettant  qu'ils  allèrent  trop  loin  dans  cet  autre  sens,  on 
sera  obligé  de  convenir  que  l'exagération,  si  exagération  il 
y  eut,  est  une  preuve  indiscutable  de  l'influence  extraordi- 
naire exercée  par  le  Christ  sur  ceux  qui  avaient  vécu  dans 
son  intimité. 

A  ceux  qui  objecteraient  que  cet  événement  est  trop 
éloigné  de  nous  et  trop  mal  connu  pour  être  probant,  je  cite- 
rai un  autre  exemple  :  Ceux  qui  comme  moi  ont  fait  leurs 
classes  dans  les  dernières  années  du  second  Empire,  ont 
tous  appris  et  cru  que  la  plus  grande  époque  de  l'histoire  de 
France  est  ce  qu'on  appelle  le  siècle  de  Louis  XI\',  que  rien 
de  ce  qui  le  précéda  ou  le  suivit  ne  peut  lui  être  comparé. 
Aujourd'hui  on  n'enseigne  plus  ces  prétendus  axiomes  sans 
les  accompagner  de  graves  réserves.  Pourquoi?  Parce  que 
l'étude  plus  attentive  du  xvii''  siècle  et  des  siècles  antérieurs 
a  prouvé  que  l'apogée  du  règne  de  Louis  XIV  marque  en 
réalité  le  commencement  d'une  décadence  et  que  si  le 
faste  incomparable  de  ce  souverain  tant  vanté  en  imposa  à 
toute  l'Europe,  au  fond  il  recouvrait  des  ruines  dont  la 
France  ne  s'est  jamais  relevée.  Or  personne  ne  niera  que  ce 
revirement  qui  n'en  est  qu'à  ses  débuts  soit  dû  à  rhistoire, 
c'est-à-dire  à  une  connaissance  plus  exacte  de  la  réalité  tra- 
vestie jusqu'à  ce  jour  par  de  trompeuses  apparences. 

LI.  —  24 


330  JUBILÉ    CINQUANTENAIRE   DE    LA   SOCIÉTÉ 

L'histoire  est  donc  une  école  de  vérité,  de  probité  et  par 
là  même  de  justice.  Ce  que  je  dis  de  l'histoire  en  général 
s'applique  d'une  manière  toute  particulière  à  l'histoire  du 
Protestantisme  ou  de  la  Réforme.  Voici  quelques  faits  qui  le 
feront  comprendre  :  Jusque  dans  ces  dernières  années  on 
nous  a  enseigné  que  la  Réforme  a  été  une  crise  exclusivement 
religieuse,  voire  théologique,  qui  s'est  accomplie  dans  l'âme 
de  quelques  initiateurs  dont  Luther  fut  sinon  le  premier 
du  moins  le  plus  important.  Personne  n'ignore  les  phases 
principales  de  cette  crise  :  Le  moine  d'Erfurt  est  obsédé  par 
le  besoin  de  gagner  le  ciel,  ou,  comme  l'on  dit  en  langage 
théologique,  d'être  sauvé  de  l'éternelle  damnation.  La  plus 
sévère  observation  des  pratiques  religieuses  auxquelles  il 
s'astreint  ne  fait  qu'exaspérer  ce  besoin.  La  découverte  d'une 
Bible,  d'une  part,  et  le  scandale  du  commerce  des  indul- 
gences, de  l'autre,  provoquent  des  réflexions,  des  recherches 
aboutissant  à  cette  découverte  :  Ce  que  l'Eglise  enseigne, 
pratique  et  exige  est  en  contradiction  absolue  avec  la  Bible. 
En  réalité  c'est  cette  dernière  qui  est  notre  véritable  et 
unique  autorité  religieuse  et  le  salut  n'est  pas,  comme  le 
veut  l'Église,  le  résultat  de  nos  efforts  et  de  nos  sacrifices, 
mais,  selon  l'apôtre  Paul,  le  prix  de  la  foi.  D'où  il  résulte  que 
la  Réforme  et  toute  son  œuvre  consistent  essentiellement 
dans  ces  deux  principes  :  La  Bible  unique  autorité  en  matière 
de  foi  et  la  foi  unique  ouvrière  du  salut. 

Quand  on  laisse  là  les  manuels  d'histoire  ecclésiastique 
ou  les  biographies  du  Réformateur,  pour  examiner  librement 
les  faits  si  multiples  et  si  complexes  de  ce  mouvement  pro- 
digieux (l^u'on  appelle  la  Réforme,  on  s^aperçoit  bien  vite 
que,  sans  être  fausse,  cette  explication  si  simple,  si  limpide 
est  surtout  incomplète  et  insuffisante.  Incomplète  parce 
qu'elle  prétend  enfermer  un  mouvement  de  cette  étendue 
dans  l'histoire  d'un  homme  ou  de  quelques  hommes;  insuf- 
fisante parce  qu'elle  ne  tient  presque  pas  compte  de  tout  ce 
qui  l'a  précédé,  produit  et  accompagné. 

En  effet,  pour  que  Luther  ait  pu,  non  seulement  parler 
comme  il  a  parlé,  avec  la  décision,  l'énergie,  la  clarté  qui 
caractérisent  ses  harangues  populaires,  mais  aussi  pour  que 


DE   l'histoire    du    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  331 

sa  parole  enlrainât  les  peuples  et  soulevât  l'Europe,  il  a  fallu 
des  siècles  de  préparation.  En  d'autres  termes,  les  précur- 
seurs de  Luther  furent  légion  et  le  feu  qu'il  alluma  prit  les 
proportions  d'un  incendie  que  rien  ne  put  éteindre  parce  que 
depuis  très  longtemps,  non  seulement  il  couvait  sous  la 
cendre,  mais  il  s'était  répandu  partout.  En  réalité,  depuis  les 
origines  de  l'Église  chrétienne  dite  catholique  parce  qu'elle 
éleva  la  prétention  de  dominer  sur  l'univers  tout  entier,  sur 
les  corps  comme  sur  les  âmes,  sur  les  souverains  comme  sur 
les  peuples,  il  y  eut  de  l'opposition,  des  protestations,  des 
résistances,  voire  des  schismes.  Si  malgré  tout  elle  triompha, 
ce  ne  fut  qu'au  p.'ix  d'une  désaffection  qui  avait  atteint  son 
maximum  d'intensité  lorsque  le  moine  saxon  lança  dans  le 
bûcher  qui  avait  consumé  des  milliers  de  protestataires  avant 
lui,  la  bulle  destinée  à  l'excommuniera  son  tour.  En  un  mot, 
l'histoire,  vue  de  près,  nous  apprend  que  le  scandale  des  in- 
dulgences fut  la  goutte  d'eau  qui  fit  déborder  le  vase,  que  les 
réformateurs  furent  comme  les  derniers  anneaux  d'une 
longue  chaîne  et  la  Réforme  le  terme  d'un  long  enfantement. 

D'autre  part,  s'il  est  exact  qu'au  xvi"  siècle  la  grande 
bataille  se  livra  sur  le  terrain  religieux  et  même  Ihéologique, 
il  faut  ajouter,  pour  tenir  compte  de  tous  les  faits,  qu'il  n'en 
fut  ainsi  que  parce  qu'alors  la  question  religieuse  était 
prédominante.  Mais  si  des  hommes  de  toutes  les  conditions 
et  de  tous  les  milieux  furent  entraînés  et  occupèrent  dans 
cette  bataille  des  j)Ositions  stratégiques  très  diverses,  c'est 
qu'à  côté  et  autour  du  mouvement  religieux  il  y  avait  un 
mouvement  intellectuel,  scientifique,  économique  et  social. 
Voilà  pourquoi  à  côté  de  la  Réforme  nous  trouvons  l'huma- 
nisme, à  côté  des  princes,  les  paysans,  à  côté  des  réforma- 
teurs et  de  leurs  adhérents,  d'autres  prophètes  qui  voulurent 
aller  plus  loin  que  ces  derniers,  ne  tardèrent  pas  à  être 
reniés  par  eux  et  sont  encore  aujourd'hui  traités  de  sectaires. 
De  tous  les  côtés  l'ancien  ordre  de  choses  fut  donc  attaqué 
et  les  intérêts  purement  religieux  furent  ainsi  mêlés  à  beau- 
coup d'autres  intérêts. 

Ces  résultats  d'études  plus  approfondies  démontrent  que 
le   principal  souci  et  la  principale  utilité  de  notre  histoire, 


332  JUBILÉ    CINQyAXTENAIRE    DE   LA    SOCIÉTÉ 

comme  de  Thistoire  en  général,  ce  n'est  pas  simplement  de 
savoir*,  de  satisfaire  la  curiosité  de  quelques-uns,  mais  c'est 
de  nous  aider  à  découvrir,  de  nous  enseigner  la  vérité,  de 
nous  habituer  à  la  chercher  et  à  la  mieux  connaître  là  même 
où  elle  semblait  définitivement  acquise. 

II 

D'autres  bienfaits  découlent  logiquement  de  ce  premier  et 
plus  important  de  tous.  J'ai  dit  déjà  qu'en  combattant  ou 
redressant  des  erreurs,  la  vérité  fait  œuvre  de  justice.  Cela 
est  vrai  surtout  des  parties  de  l'histoire  que  des  passions, 
des  intérêts  puissants  ont  systématiquement  obscurcies.  Or, 
il  n'est  aucune  portion  de  nos  annales  où  le  parti-pris  de  déni- 
grement se  soit  donné  plus  libre  carrière  que  dans  l'histoire 
du  Protestantisme.  Ayant  été,  comme  son  nom  l'indique,  une 
protestation,  une  réaction  contre  le  catholicisme  et  celui-ci 
ayant  été  la  plus  parfaite  expression  de  l'ancien  ordre  de 
choses,  il  fallait  s'attendre  à  ce  qu'il  fît  tout  pour  ruiner  dans 
la  mémoire  des  hommes,  c'est-à-dire  dans  le  domaine  de 
l'histoire,  un  événement  dont  il  avait  particulièrement  souf- 
fert. Lors  donc  que  par  la  lente  substitution  de  la  vérité  au 
mensonge  ou  à  la  calomnie,  des  réparations  peuvent  se  pro- 
duire, c'est  une  leçon  de  justice  qui  est  donnée. 

Lorsque,  par  exemple,  au  chevet  de  cette  église  de  l'Ora- 
toire les  nombreux  passants  de  la  rue  de  Rivoli  voient  se 
dresser  la  noble  statue  de  Vamiral  Coligtîy,  non  loin  de  la 
maison  où  en  1572  il  avait  été  ignominieusement  assassiné, 
c'est  comme  si  l'on  répétait  à  chacun  de  ceux  qui  la  con- 
templent :  on  a  voulu  faire  passer  cet  homme  pour  un 
monstre  ou  un  traître  et  ce   sont  ceux  qui  l'ont  fait  tuer  qui 

1.  Je  viens  de  lire,  en  têle  d'une  revue  de  province,  Isl  Revue  d'Histoire 
de  Lyon  (1902,  p.  M  et  12)  ces  lignes  signées  S.  Charléty  :  «  Le  but  de 
rtiistoire  est,  non  pas  de  plaire,  ni  de  donner  des  recettes  pratiques  pour 
se  conduire,  ni  d'émouvoir,  mais  simplement  de  savoir....  son  utilité  prin- 
cipale —  pour  ne  pas  dire  unique  —  est  de  faire  comprendre  aux  jeunes 
gens  que  les  sociétés  humaines  sont  en  changement  continuel...  et  la 
connaissance  du  passé  aura  servi  à  les  délivrer  de  la  crainte  puérile  de 
l'avenir.  » 


DE   l'histoire    du    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  333 

ont   trahi   la  pairie   en   la    privant    d'un  de  ses    meilleurs 
enfants. 

La  même  leçon  est  donnée  à  ceux  qui  ici  ou  ailleurs,  con- 
templent journellement  les  statues  (Y Etienne  Dolet.  brûlé  en 
1546,  non  pour  athéisme,  mais  pour  avoir  voulu  par  les 
livres  qu'il  imprimait  et  cherchait  à  vendre  jusqu'à  Paris, 
propager  la  foi  libre  ;  —  de  Bernard  Palissy,  mort  de  faim  et 
de  misère  à  la  Bastille  en  1590,  non  par  ce  qu'il  était  un 
grand  artiste  et  un  grand  savant,  mais  par  ce  qu'il  ne  voulait 
pas  renier  ses  convictions  religieuses  même  au  prix  de  sa 
vie;  —  de  Denis  Papin,  obligé  de  s'expatrier  en  1685,  pour  la 
même  raison  et  de  porler  à  l'étranger  la  prodigieuse  décou- 
verte de  la  machine  à  vapeur  qui  illustrera  à  jamais  son 
nom  ;  —  de  l'amiral  Dugiiesne,  disgracié  malgré  sa  gloire 
parce  qu'à  la  même  époque  il  résista  aux  efforts  convertis- 
seurs de  Louis  XIV  en  personne. 

C'est  de  la  justice  qui  se  sème  lorsqu'en  tête  de  certaines 
affiches  blanches  le  peuple  lit  sur  nos  murs,  après  le  mot 
École,  ces  noms  d'Estienne,  de  Palissy,  de  Boulle,  ou  au 
coin  de  certaines  rues  ceux  de  Jean  Cousin,  de  Jean  Goujon, 
noms  essentiellement  huguenots  qu'on  aurait  jadis  effacés 
par  ordre  supérieur  s'ils  avaient  figuré  dans  un  endroit  public 
quelconque  et  surtout  en  tête  d'une  école.  —  C'est  de  la  jus- 
tice, tardive  mais  définitive,  qui  apparaît  lorsqu'on  lit  le  nom 
de  Calvin  jusque  sur  une  des  rues  de  la  petite  ville  de  Noyon, 
d'où  on  l'aurait  proscrit  à  jamais  si  l'on  avait  pu.  Et  ce  ne 
sera  que  justice  quand,  sur  une  des  places  de  la  ville  de 
Nîmes,  se  dressera  un  jour  la  figure  de  Rabaut  de  Saint- 
Étienne,  du  héros  de  la  liberté  de  conscience. 


III 


L'histoire  du  Protestantisme  nous  donne  aussi,  d'une  ma- 
nière plus  impressive  peut-être  que  l'histoire  générale,  des 
exemples  de  foi.  J'ai  lu  il  y  a  quelques  années^  dans  un  roman 
d'Olive  Schreiner,  si  je  ne  fais  erreur,  que  tout  ce  que 
l'homme  rêve  est  destiné  à  être  un  jour  une  réalité  :  Parole 


334  JUBILÉ   CINQUANTENAIRE   DE   LA   SOCIÉTÉ 

profonde  et  profondément  vraie,  car  le  ressort  caché  de  la 
vie  humaine,  c'est  la  foi  dans  un  avenir  qui  est  au  présent  ce 
que  la  réalité  est  au  rêve.  Or  il  est  bien  certain  que  nulle 
part  ce  caractère  de  l'humanité  en  marche  n'apparaît  plus 
clairement  que  dans  l'histoire  religieuse.  Nulle  part  nous  ne 
trouvons,  par  exemple,  d'affirmations  d'une  foi  plus  triom- 
phante que  ces  paroles  du  Christ  :  «  Le  ciel  et  la  terre  pas- 
seront,  mais  mes  paroles  ne  passeront  point  ».  Et  pourtant 
l'événement  a  justifié  cette  foi  extraordinaire.  Il  en  a  été 
ainsi  de  tous  ceux  qui  se  sont  inspirés  de  cet  exemple,  c'est- 
à-dire  qui  ont  joué  un  rôle  dans  l'histoire  de  la  Réforme. 


On  peut  voir,  en  ce  moment,  dans  une  des  vitrines  de 
l'exposition  rétrospective  de  notre  Société  d'Histoire  du 
Protestantisme,  une  médaille  en  or,  fort  belle,  qui  appartient 
au  consistoire  de  l'Église  de  la  Confession  d'Augsbourg  à 
Paris.  Cette  médaille  a  été  frappée  pour  le  premier  cente- 
naire du  supplice  de  Jean  Huss.  Elle  nous  le  montre,  au 
revers,  debout  sur  un  bûcher,  attaché  à  une  potence  et  coiffé 
de  la  mitre  bariolée  qu'on  mettait  aux  hérétiques.  Autour  de 
cette  figure  on  lit  la  légende  lo.  hvs  anno  a  christo  nato  1415 
coNDEMNATVR,  cntourée  de  celle-ci  :  centvm  revolvtis  annis 
DEO  RESPVNDEBiTis  ET  MiHi,  ce  qui  vcut  dire  :  Jean  Huss  est 
condamné  en  Van  de  la  naissance  du  Christ  1415,  et  Dans  cent 
ans  vous  en  répondrez  à  Dieu  et  à  moi.  Sur  l'avers  se  voit  un 
profil  très  remarquable  du  martyr  entouré  de  ces  mots  qu'il 
avait  dits,  de  même  que  ceux  que  je  viens  de  citer  :  credo 


I 


DE    l'histoire    du    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  335 

VNAM    ESSE     ECCLESIAM    SANCTAM    CATHOLICAM,    Je    CnÙS  qu'H  ^   a 

une  Église  sainte  et  catholique.  —  Cette  médaille  n'est- 
elle  pas  une  preuve  sensible,  visible,  palpable,  de  la  foi  du 
martyr?  N'est-elle  pas  aussi  un  monument  de  la  foi  de  ceux 
qui,  un  siècle  après  que  ses  paroles  eurent  exprimé,  en  face 
de  la  mort,  l'assurance  de  vaincre  et  d'appartenir  à  l'Église 
dont  on  voulait  l'exclure,  —  les  firent  réapparaître  comme 
pour  affirmer  à  nouveau  qu'elles  n'avaient  rien  perdu  de  leur 
force?  —  Or  c'est  exactement  deux  ans  après  le  premier 
centenaire  de  l'année  1415  qu'en  affichant  à  la  porte  de 
l'église  de  Wittemberg  ses  95  fameuses  thèses  contre  le 
trafic  des  indulgences,  Luther  commença  à  faire  expier  à  la 
papauté  le  supplice  de  Jean  Huss  et  de  beaucoup  d'autres 
qui  pensaient  comme  lui^  Et  aujourd'hui  même  n'entendons- 
nous  pas,  dans  le  pays  des  hussites  d'autrefois,  retentir  plus 
fréquemment  que  jamais  l'appel  vengeur:  «  Los  von  Rom!))-. 
On  peut  dire,  à  cet  égard,  que  la  vie  de  Luther  tout  entière, 
et  non  seulement  de  Luther,  mais  la  vie  de  tous  les  réforma- 
teurs a  été  un  acte  de  foi  ininterrompu.  Nous  avons  beaucoup 
de  peine  à  nous  faire  une  idée  exacte  de  la  grandeur,  de  la 
puissance  des  obstacles  qui  leur  barrèrent  la  route.  On  peut 
affirmer,  sans  exagérer  le  moins  du  monde,  que  tous  les 
pouvoirs  organisés  du  Moyen  Age  se  coalisèrent  instinctive- 
ment grâce  à  l'ennemi  principal,  la  papauté,  secondée  par  les 
bataillons  des  ordres  religieux,  pour  s'opposer  per  fas  et  ne- 
fas  à  toute  transformation  ou  réformation  sérieuse.  Il  leur 
semblait  à   tous  qu'en  luttant  pour  le  maintien  intégral  de 

1.  Ce  qui  est,  de  plus,  digne  de  remarque,  c'est  qu'avant  même  d'aller 
à  ^^  omis,  Luther  avait  étudié  et  s'était  approprié  le  livre  de  Jean  Huss, 
De  ecclesia.  Avec  ce  dernier,  il  affirmait  que  l'Église  chrétienne  ne  devait 
pas  être  identifiée  avec  Rome  et  la  papauté;  mais  qu'elle  était  la 
communion  (congregatio)  de  tous  les  croyants,  même  de  ceux  que  Rome 
déclarait  hérétiques,  que  par  conséquent  on  pouvait  en  faire  partie  sans 
reconnaître  l'autorité  divine  du  pape  :  «  Ecclesia  universalis  est  prœdesti- 
natorum  universitas  »,  disait  Huss,  c'est-à-dire  l'Église  est  l'ensemble  de 
tous  ceux  qui  ont  été  prédestinés.  Voy.  sur  ce  point  Lie.  Dr.  W.  Kôhler, 
Luther  und  die  Kirchengeschichte  nacli  seinen  Schriften,  :{unàchst  bis 
i52i .  I  Untersuchender  Teil.  i  Abtheilung:  Die  Ablassinstruction,  die  Bul- 
le», Symbole,  Concilienund  die  Mystiker.  Erlangen,  Junge,  1900,  p.  200ets. 

2.  Ce  qu'on  devrait  traduire  par  «  Lâchons  Rome  !  ». 


336  JUBILÉ    CINQUANTENAIRE    DE    LA    SOCIÉTÉ 

ce  qui  existait  et  en  se  bornant  à  promellre  une  sorte  d'en- 
quête sur  les  prétendus  abus,  ils  luttaient  pour  leur  propre 
existence.  Ceux  donc  qui  persistèrent  quand  même,  non  seu- 
lement à  réclamer,  Diais  à  réaliser  la  Réforme  —  et  ce  sont 
ceux-là  seulement  qu'on  doit  appeler  des  réformateurs  — 
ceux-là  ne  purent  soutenir  cette  lutte  meurtrière  contre  les 
gouvernements,  les  cours  de  justice,  les  universités,  les 
habitudes,  Fignorance,  le  fanatisme,  l'argent  et  la  force  pu- 
blique, qu'en  faisant  sans  cesse  appel,  dans  leur  propre  ûme 
etdans  l'âme  des  peuples  qu'ils  associèrent  à  leur  entreprise, 
à  cette  source  de  toute  énergie  qui  s'appelle  la  foi,  la  vision 
intérieure  de  ce  qui  doit  être  et  de  ce  qui  doit  dispa- 
raître. 

Ainsi  seulement  s'expliquent  la  force  incalculable  de  cer- 
taines paroles  qui  furent  alors  prononcées,  le  relief  que  leur 
donnèrent  les  événements  mêmes  au  milieu  desquels  elles 
surgirent  :  Telle  celte  parole  du  picard  Jacques  Lefèvre 
d'Etaples  que  son  élève  et  ami,  le  réformateur  Guillaume 
Farel  nous  a  conservée,  «  sonventefois  me  disoit  que  Dieu  re- 
nouvelleroit  le  monde  et  que  je  le  verroye^  »;  —  ou  celle-ci, 
que  Martin  Luther,  le  18  avril  1521,  clama  aux  représentants 
officiels  de  toute  l'Allemagne  réunie  à  la  diète  de  Worms  : 
«  Me  voici,  je  ne  puis  autrement,  que  Dieu  me  soit  en  aide  !  » 
—  ou  encore  celle-ci  qu'en  1566  prononça  Guillaume  d'Orange 
dit  le  Taciturne  :  «  Cest  une  grande  chose  des  cœurs  et  des 
volonté:^  des  hommes  qui  ne  se  peuvent  forcer  par  nulle 
puissance  extérieure  !'-  » 

N'est-ce  pas  aussi  un  acte  de  foi  quand,  l'année  suivante,  à 
Valenciennes,  le  31  mai  1567,  avant  de  gravir  l'échelle  fatale, 
le  dauphinois  Peregrin  de  la  Grange  demanda  «  des  espou- 
«  settes  ou  vergettes  pour  nettoyer  sa  cappe  et  son  saye,  et  fit 
«  noircir  ses  souliers,  donnant  raison  pourquoy  il  faisoitcela, 

1.  G.  Farel.  Du  vray  usage  delà  croix  (Gén.  1865,  170). 

2.  Déjà  avant  sa  conversion  au  protestantisme,  il  avait  déclaré  «.  qu'il 
estoit  catolicque  et  volloit  vivre  en  sa  foy  catholique  et  romaine  .  mais  ne 
poroit  en  saine  conscience  approuver  la  puissance  desbordée  que  les 
roys  et  princes  s'attribuoient  d'empêcher  en  la  conscience  de  leurs  sub- 
jectz,  et  leur  prescrire  telle  forme  de  religion  que  bon  leur  sembloit  ». 
(Ch.  Paillard,  Causes  des  troubles  des  Pays-Bas,  187  i,  p.  llô.) 


I 


DE    l'histoire    du    PROTESTANTISME   FRANÇAIS  337 

«  d'autant,  disait-il,  que  je  suis  convié  aux  nopces*  »?  G'estau 
même  sentiment  de  joyeuse  assurance  que  dix  ans  auparavant, 
le  27  septembre  1557  avait  obéi  une  des  plus  admirables  vic- 
times de  l'assemblée  de  la  rue  Saint-Jacques  à  Paris,  damoi- 
selle  Philippe  de  Luns,  veuve  du  seigneur  de  Graveron.  Aver- 
tie que  ce  jour-là  elle  serait  étranglée  et  brûlée  sur  la  place 
Maubert,  elle  qui  «  avait  auparavant  pleuré  son  mari  et  porté 
«  le  deuil,  habillée  de  linges  blancs  à  la  façon  du  pays, 
«  avoit  posé  tous  ses  habillemens  de  vefvage,  et  reprins  le 
«  chaperon  de  velours  et  autres  accoutremens  de  joye, 
«  comme  pour  recevoir  cest  heureux  triomphe  et  estre  jointe 
«  à  son  époux  Jésus-Christ-!  » 

Cent  quarante  ans  plus  tard,  près  de  quinze  ans  après  la 
révocation  de  l'éditde  Nantes,  lorsqu'il  parut  bien,  aux  yeux 
des  plus  endurcis  de  ces  prétendus  réformés,  que  tout  espoir 
de  voir  jamais  les  rêves  de  leurs  pères  et  leurs  propres 
désirs  devenir  des  réalités  en  France,  lorsque,  dis-je,  il  parut 
bien  que  tout  espoir  de  ce  genre  dût-être  définitivement 
abandonné,  c'est  néanmoins  par  un  acte  de  foi  inébranlable 
et  qui  ne  devait  pas  être  absolument  démenti,  que  Claude 
Brousson,  quelques  semaines  avant  de  monter  à  son  tour 
sur  l'échafaud,  termina  la  dernière  lettre  qu'il  put  faire  par- 
venir en  Hollande,  et  à  laquelle  j'ai  déjà  emprunté  quelques 
lignes  hier  soir  :  «  Espérez,  Monsieur,  qu'encor  une  fois  on 
«  verra  la  force  du  Seigneur  et  sa  gloire  dans  son  sanctuaire 
«  au  milieu  de  notre  patrie,  car  il  me  paroît  que  les  cam- 
«  pagnes  y  sont  déjà  blanches  pour  moissonner  '  ». 


IV 


Quel  a  été  le  stimulant  de  cette  foi  intense,  ressort  secret 
du  développement  humain  lorsqu'on  l'étudié  au  point  de 
vue  religieux  ?  Car  il  tombe  sous  le  sens  que  ce  n'est  pas 
uniquement  pour  le  plaisir  de  voir  si  certains  rêves  ne  pour- 

1.  Crespin,  Histoire  des  martyrs,  Toulouse,  1885,  (II,  583. 

2.  Ibid.,  II,  567. 

3.  Lettres  et  opuscules  de  feu  M.  Brousson,  L  Lrecht,  1701,  p.  332. 


338  JUBILÉ   CINQUANTENAIRE  DE   LA   SOCIÉTÉ 

raient  pas  devenir  des  réalités  qu'à  travers  des  siècles 
rhumanité  que  nous  connaissons  le  mieux,  celle  de  l'Europe, 
a  lutté,  peiné,  souffert  avec  tant  d'énergie  et  de  constance? 
A  cette  question  quiconque  a  réfléchi,  essayé  de  saisir 
l'idéal  de  l'humanilé,  répondra  que  le  but  poursuivi  par  elle 
tient  dans  ce  seul  mot  :  la  liberté. 

A  cet  égard  il  y  a  corrélation  surprenante  entre  le  monde 
matériel  et  le  monde  moral.  Dans  le  domaine  de  la  matière 
les  hommes  obéissent  invariablement  au  besoin  de  s'affran- 
chir de  toutes  les  entraves:  Diminuer  les  distances  qui  les 
séparent;  faciliter  la  transmission  de  la  pensée,  de  la  force 
et  de  la  matière;  réduire  de  plus  en  plus  la  dépense  d'éner- 
gie vitale,  en  faisant  faire  par  la  matière  et  par  les  énergies 
qu'elle  renferme  le  travail  jusque-là  fait  par  l'homme  lui- 
même;  décupler,  centupler  ses  moyens  d'investigation  et 
d'action,  soit  par  des  instruments  ou  machines  sans  cesse 
perfectionnés,  soit  par  l'association  des  forces  et  des  res- 
sources; s'efforcer  de  pénétrer  les  lois  mêmes  de  la  vie  et 
le  mécanisme  de  son  développement  pour  arriver  à  la  mé- 
nager, à  en  renouveler  les  sources  là  où  elle  s'épuise  ou  est 
atteinte,  à  guérir,  par  conséquent,  à  diminuer  la  souffrance, 
à  restreindre  les  limites  de  l'infirmité,  à  suppléer  les  organes 
qui  manquent  ou  qui  fonctionnent  mal  —  toutes  ces  manifes- 
tations, j'allais  dire  ces  étapes  du  développement  de  l'hu- 
manité dans  le  monde  visible  sont  inspirées  par  un  même 
besoin  d'affranchissement,  de  délivrance. 

Tout  cela  également  est  une  image  de  ce  qui  se  passe  sans 
cesse  dans  le  monde  moral.  Là  aussi  il  y  a  lutte  constante 
des  petits,  des  faibles,  des  sacrifiés,  ou  simplement  des 
moins  forts  pour  s'affranchir  des  formes  diverses  de  la  ser- 
vitude :  Servitude  intellectuelle  là  où  règne  l'ignorance  et  où 
elle  est  maintenue  ou  exploitée  par  ceux  qui  savent;  —  ser- 
vi tude  politique  partout  où  sont  foulés  aux  pieds  les  droits 
des  peuples,  ceux  des  individus,  ou  ceux  des  races  qu'on 
appelle  inférieures  parce  qu'elles  ne  sont  nées  à  la  vie  pu- 
blique que  tardivement  ou  parce  que  leur  civilisation  est 
encore  rudimentaire;  —  servitude  morale  lorsqu'une  volonté 
ou  une  organisation  supérieures  s'imposent  aux  plus  faibles 


DE   l'histoire   du   PROTESTANTISME   FRANÇAIS  339 

ju  pèsent  sur  les  générations  fulures;  —  servitude  écono- 
mique là  où,  dans  nos  agglomérations  industrielles,  com- 
merciales ou  sociales,  le  pauvre  succombe  presque  fatale- 
ment devant  le  riche;  —  servitude  religieuse  enfin  partout 
où  la  conscience  humaine  est  violée,  insuffisamment  ou  hypo- 
critement respectée.  Nul  observateur  attentif  ne  peut  nier 
que  c'est  bien  la  lutte,  non  seulement,  comme  on  le  répète, 
pour  la  vie,  mais  pour  ces  diverses  formes  de  la  liberté,  qui 
anime  toutes  les  pages  de  l'histoire  humaine  et,  malgré 
l'enchevêtrement  et  l'aridité  des  faits,  la  rend  intéressante, 
captivante  même. 

Enfin  il  est  incontestable  que  la  première  grande  bataille 
pour  la  liberté  s'est  livrée  sur  le  terrain  religieux.  La  liberté 
de  croire  autrement  qu'il  n'était  convenu,  permis  et  officielle- 
ment enseigné,  —  cette  liberté  est  la  vraie  raison  d'être  de 
la  Réforme.  On  a  beau  répéter  le  sophisme  que  plusieurs  de 
ses  premiers  chefs  et  souvent  la  Réforme  elle-même  furent 
intolérants.  Pour  ces  hommes,  pour  tous  ceux  qu'ils  entraî- 
nèrent, la  liberté  de  croire  ou  celle  de  ne  pas  croire  devait 
tôt  ou  tard  sortir  du  fait  qu'ils  repoussaient  ou  discutaient  la 
foi  d'autorité  et  l'histoire  tragique  du  Protestantisme  serait 
inexplicable  si  elle  ne  signifiait  lutte  acharnée  pour  l'affran- 
chissement du  for  intérieur.  Seule  la  grandeur  de  ce  but  jus- 
tifie d'ailleurs  la  grandeur  des  sacrifices  que  pendant  des 
siècles  il  imposa  à  tous  ceux  qui  le  poursuivirent.  En  réalité, 
dans  tous  les  pays  qui  marchent  à  la  tête  de  la  civilisation, 
la  liberté  religieuse  a  été  le  berceau,  la  source  des  libertés 
politiques  ou  sociales.  Il  suffit,  pour  s'en  convaincre,  de  voir 
ce  que  sont  ces  dernières  là  où  la  première  fait  défaut  et  de 
constater  que  la  routine  dans  le  domaine  matériel  et  moral  et 
le  fanatisme  de  droite  et  de  gauche,  ces  ennemis  de  tout  pro- 
grès, fleurissent  partout  où  la  conscience  est  encore  asservie. 

V 

On  pourrait  croire  que  j'ai  eu  le  dessein  de  faire  un  pané- 
gyrique et  qu'au  lieu  de  parler  au  nom  d'une  science,  j'ai 
parlé  au  nom  d'une  société  d'admiration  mutuelle.  Je  sais 


340  JUBILÉ   CINQUANTENAIRE   DE   LA   SOCIÉTÉ 

que  c'est  là  ce  qu'on  nous  reproche  quand  nous  évoquons 
noire  passé.  Il  faut  convenir  pourtant  que  les  faits  que  je  viens 
de  citer  sont  authentiques  et  doivent  être  compris  comme  j'ai 
essayé  de  les  comprendre.  Or  cette  médaille  a,  comme  toutes 
les  médailles,  son  revers.  S'il  suffit  de  parcourir  attentive- 
ment nos  annales  pour  y  prendre  des  leçons  de  vérité,  de 
justice,  de  foi  et  de  liberté,  il  est  très  facile  aussi  d'y  ren- 
contrer des  misères  comme  on  en  rencontre  partout  où  les 
hommes  luttent,  serait-ce  pour  le  plus  noble  idéal.  Nous  avons 
donc  les  nôtres  et  je  crois  qu'on  peut  rendre  cette  justice 
à  nos  historiens,  qu'ils  n'ont  pas  cherché  à  les  dissimuler. 

Ils  reconnaissent  volontiers,  par  exemple,  que  Calvin  et 
presque  tous  les  réformateurs  avaient  gardé  de  leur  éduca- 
tion catholique  certaines  conceptions  que  nous  répudions  et 
qu'ils  répudieraient  sans  doute  s'ils  vivaient  encore.  Non  seu- 
lement ce  sont  des  protestants  qui  ont  raconté  avec  la  plus 
scrupuleuse  exactitude  l'histoire  de  Servef,  mais  ce  sont  eux, 
ce  sont  les  Mosheim,  Rilliet,  Tollin  qui  l'ont  les  premiers  réha- 
bilité et  si  jamais  on  lui  dresse  une  statue,  je  crois  pouvoir 
affirmer  qu'ils  ne  seront  ni  les  derniers,  ni  les  moins  nom- 
breux à  y  contribuer. 

L'étude  impartiale  des  faits  justifiera  toujours  les  protes- 
tants du  reproche  d'avoir  allumé  les  guerres  de  religion  et 
prouvera  qu'ils  y  furent  contraints  par  la  déloyauté  de  leurs 
ennemis.  Mais  une  fois  que  la  guerre  eut  été  rendue  inévi- 
table, nous  reconnaissons  que  du  côté  huguenot  elle  donna 
lieu  aux  mêmes  excès  que  du  côté  catholique.  Si,  l'histoire  à 
la  main,  nous  montrons  que  le  bris  des  images  et  les  sévices 
contre  certains  prêtres  furent  des  actes  de  représailles,  cela 
ne  nous  empêche  pas  de  nous  joindre  aux  réformateurs  et 
aux  pasteurs  du  xvi'  siècle  pour  les  blâmer. 

Mais  il  y  a  surtout  un  reproche  que  nous  ferons  à  nos 
pères,  c'est  de  n'avoir  pas  su  se  mettre  tous  d'accord  pour 
la  guerre  ou  pour  la  paix.  Dès  le  début  des  guerres  de  reli- 
gion, des  provinces  entières  comme  l'Aunis  et  la  Saintonge 
se  tinrent  à  l'écart  ou  hésitèrent  longtemps  à  se  déclarer.  Il 
en  fut  ainsi  pendant  presque  tout  le  xvi^  siècle.  L'on  peut 
même  dire  que  si  cette  indécision,  ce  défaut  d'union,  d'esprit 


DE    l'histoire    du    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  341 

de  corps,  celle  incapacité  de  faire  passer  l'intérêt  général 
avant  les  intérêts  ou  les  préférences  particuliers,  n'avaient 
pas  affaibli  le  parti  huguenot,  les  trois  premières  guerres  de 
religion  auraient  été  autrement  décisives  et  ne  se  seraient 
probablement  pas  terminées  par  le  guet-apens  meurtrier  de 
la  Saint-Barthélémy. 

Après  ces  massacres  soudoyés  par  les  autorités,  les  pré- 
tentions et  la  cruauté  des  Ligueurs  achevèrent  au  moins 
d'ouvrir  les  yeux  des  huguenots  survivants,  et,  pendant  que 
la  France  se  ruinait  avant  d'acclamer  le  fils  de  Jeanne  d'Al- 
bret,  ils  parvinrent  enfin  à  s'unir  et  à  former  comme  un  seul 
bloc  inébranlable.  C'est  alors  qu'ils  obtinrent  l'édit  de  Nantes. 

A  peine  celui-ci  eut-il  été  promulgué,  les  divisions  et  les 
querelles  théologiques  reprirent  de  plus  belle.  Lorsque  le 
duc  de  Rohan  se  leva  pour  exiger  le  respect  de  la  charte 
octroyée  par  Henri  IV  et  sans  cesse  violée  depuis  sa  mort, 
il  ne  put  plus  compter  que  sur  une  poignée  d'hommes  aussi 
résolus  que  lui.  C'est  grâce  à  cette  absence  de  cohésion, 
n'en  doutons  point,  que  cet  édit  réparateur  put,  dans  les 
mains  de  ceux  qui  en  poursuivaient  âprement  le  rappel,  de- 
venir un  moyen  de  désagrégation,  de  ruine  des  garanties 
qu'il  contenait,  et  que  finalement  il  put  être  révoqué  sans 
que  le  peuple  protestant  se  levât  comme  un  seul  homme 
pour  exiger  le  maintien  d'un  contrat  déclaré  irrévocable. 

Je  n'insisterai  pas  sur  les  divisions  qui  affaiblirent  même 
l'Église  du  Désert,  —  qui  faillirent  faire  échouer  une  barque 
déjà  désemparée  au  moment  où  elle  allait  toucher  le  port,  — 
ni  sur  celles  qui,  dans  le  siècle  à  peine  écoulé,  nous  empê- 
chèrent de  nous  relever,  de  nous  réorganiser  avec  plus 
d'ensemble,  d'élan,  d'entente  et  d'esprit  de  suite.  Tout  cela 
c'est  de  l'histoire  contemporaine  ou  à  peu  près.  Il  ne  suffit 
pas,  pour  l'expliquer  ou  la  justifier,  de  dire  que  c'est  le  sort 
commun  à  toutes  les  sociétés  humaines.  Après  tout,  celles-ci 
ne  sont  pas  obligées  d'obéir  fatalement  à  certaines  erreurs. 
Il  y  en  a  qui  parviennent  à  s'en  corriger  et,  tout  en  faisant  la 
part  de  défaillances  inévitables,  à  en  prévenir  le  retour  ou  du 
moins  l'exagération. 

Le  souvenir  de  ces  divisions,  si  peu  à  notre  honneur,  ne 


342  JUBILÉ   CmcJUANTENAlRE    DE    LA    SOCIETE 

sera  toulefois  pas  perdu,  s'il  parvient  à  nous  montrer  où 
sont  nos  vrais  intérêts.  Le  temps  des  excommunications  est 
définitivement  passé.  Une  Église  sortie  d'une  protestation 
contre  le  joug  de  la  tradition  et  contre  la  tyrannie  d'une  ma- 
jorité, ne  doit-elle  pas  écarter  résolument  l'usage  de  l'auto- 
rité en  matière  de  foi?  Issue  d'un  effort  libérateur  et  école 
incontestable  de  liberté,  tous  ceux  qui  se  réclament  de 
l'Evangile  et  de  l'Evangile  seulement,  ne  doivent-ils  pas 
laisser  librement  se  produire  ce  qu'il  inspire  à  ceux  qu'il 
inspire? 

Il  y  a  de  bons  esprits  qui  croient  qu'il  faut  avoir  confiance 
en  ceux  qui  entrevoient  et  voudraient  préparer  un  avenir 
plus  ouvert,  plus  large  et  qu'une  Eglise,  pas  plus  que  l'huma- 
nité dont  elle  est  un  aspect,  ne  saurait  sans  péril  se  sous- 
traire à  la  loi  universelle  du  développement.  On  peut  ajouter 
aussi  que  la  meilleure  manière  d'honorer  les  pères,  c'est  de 
s'inspirer  de  leur  tradition  initiale,  c'est,  non  de  les  glorifier 
à  tout  propos  et  hors  de  propos,  mais  comme  ils  ont  reconnu 
les  erreurs  de  leurs  devanciers,  de  reconnaître  virilement 
les  leurs  et  de  ne  pas  les  perpétuer  à  tout  prix.  Ainsi  seu- 
lement leur  histoire  nous  élèvera,  après  nous  avoir  abaissés. 


V! 


On  ne  peut,  en  effet,  reprocher  à  notre  histoire  d'enseigner 
«  qu'il  est  avec  le  ciel  des  accommodemens  ».  Par  là  même 
qu'elle  a  ses  origines  dans  un  élan  de  sincérité,  dans  le  désir 
de  mettre  la  vie  d'accord  avec  l'enseignement  authentique  de 
la  Parole  de  Dieu,  ceux  qui  les  premiers  s'efforcèrent  de 
réaliser  cet  accord  durent  faire  acte  d'énergie,  de  virilité,  de 
vaillance  morale,  pour  pouvoir  rompre  des  liens  parfois  sacrés. 

Voilà  pourquoi,  à  toutes  les  pages  de  cette  histoire  mou- 
vementée, à  travers  les  circonstances  politiques  les  plus 
diverses,  un  même  trait  se  retrouve,  à  tous  les  degrés  de 
l'échelle  sociale,  à  la  fin  comme  au  début  des  trois  siècles 
qui  précèdent  la  Révolution  française.  Ce  trait,  c'est 
l'héroïsme. 


DE    l'histoire    du    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  343 

II  paraît,  pour  la  première  fois  peut-être,  clans  cette  ville 
de  Meaux  où  s'organisa  la  première  de  nos  Églises  réformées, 
que  ne  purent  déraciner  ni  la  trahison  de  Briconnet,  ni  le 
génie  de  Bossuet,  lorsque,  le  17  mars  1525,  on  y  entendit  la 
mère  du  cardeur  Jean  Leclerc,  crier  :  «  Vive  Jésus-Christ  et 
ses  enseignes!  »  pendant  qu'un  fer  rouge  imprimait  une  fleur 
de  lys  au  front  de  son  fils  pour  le  punir  d'avoir  lacéré  une 
bulle  d'indulgence.  —  Vingt  ans  plus  tard,  ce  même  accent 
nous  frappe,  non  plus  spontané,  jaillissant  soudain  d'un  cœur 
héroïque,  mais  réfléchi,  raisonné  et  d'autant  plus  impressif, 
dans  ces  beaux  vers  qu'Etienne  Dolet  composa  à  la  Concier- 
gerie, avant  de  monter  dans  la  charrette  qui  devait,  le  3  août 
1546,  le  conduire  à  la  place  Maubert  : 

«  Si  au  besoing  le  monde  m'habandonne 
Et  si  de  Dieu  la  volonté  n'ordonne 
Que  lilDerlé  encores  on  me  donne 
Selon  mon  vueil  ; 

Doibs-je  en  mon  cueur  pour  cela  mener  dueil 
Et  de  regretz  faire  amas  et  recueil  ? 
Non  pour  certain,  mais  au  Ciel  lever  l'oeil 
Sans  aultre  esgard. 

Sus  donc,  esprit,  laissés  la  chair  à  part 
Et  devers  Dieu  qui  tout  bien  nous  despar 
Retirez- vous  comme  à  vostre  rempart, 
Vostre  forteresse. 


De  patience  ung  bon  cueur  jouyssant 
Dessoubz  le  mal  jamais  n'est  fléchissant, 
Se  désolant,  ou  en  rien  gémissant, 
Tousjours  vainqueur  ! 

Sus  mon  esprit,  montrés  vous  de  tel  cueur; 
Vostre  asseurance  au  besoing  soit  cogneue. 
Tout  gentil  cueur,  tout  constant  belliqueur 
Jusques  à  la  mort  sa  force  a  maintenue  *  ». 

1.  Le  texte  de  ce  «  Cantique  »   a  été  publié  pour  la  première  fois  par 
Née  de  la  Rochelle,  dans  sa  Vie  d'Etienne  Dolet,  1779,  p.   1 12. 


344  JUBILÉ   CINC^UANTENAIRE    DE    LA    SOCIÉTÉ 

N'est-elle  pas  héroïque  aussi,  celte  Marie  de  Barbançon, 
veuve  de  Jean  des  Barres,  seigneur  de  Neuvy,  attaquée  en 
son  château  de  Benegon,  en  Berry,  pour  y  avoir  donné  asile 
aux  protestants  pourchassés  après  la  terrible  défaite  de  Mon- 
contour?  Avec  seulement  50  hommes,  elle  tint  tête  pendant 
plusieurs  semaines  à  Montaré,  lieutenant  du  roi  en  Bourbon- 
nais, un  des  meilleurs  capitaines  du  temps,  qui  l'assiégea  avec 
plus  de  deux  mille  hommes,  deux  canons  et  deux  petites  pièces. 
Lorsque  toutes  les  tours  furent  parterre  et  la  maison  presque 
ruinée,  dit  d'Aubigné  «  elle  prit  sa  place  sur  la  bresche  la 
plus  dangereuse,  une  demi  picque  en  la  main,  et  les  soldats, 
faisans  de  honte  courage,  se  deffendirent  à  sa  veuë  si  opi- 
niaslrement  que  la  force  ne  leur  fit  rien,  ouy  bien  la  nécessité, 
par  laquelle  ils  se  rendirent  à  la  mi-novembre  »  (1569).  Il 
ajoute  :  «  La  dame  prisonnière  fut  mise  en  liberté  par  com- 
mandement du  roi,  pour  avoir  ouy  conter  qu'on  Tavoit  veuë 
plusieurs  fois  descendre  dix  pas  dans  la  bresche  pour  jouer 
de  sa  demi-picque.  Geste  vertu  rare  trouva  la  courtoisie  qui 
estoit  aussi  rare  en  ce  temps-là*  ». 

Si,  franchissant  un  siècle,  nous  parcourons  les  innom- 
brables documents  qui  nous  restent  de  la  Révocation,  nous 
n'avons  que  l'embarras  du  choix.  L'incroyable  résignation 
avec  laquelle  les  protestants  se  laissèrent  alors  enlever  une 
à  une  toutes  les  stipulations  d'un  édit  déjà  insuffisant  dans 


1.  Jean  de  Serres  auquel  on  altribue  le  Recueil  des  choses  mémorables 
avenues  en  France  sous  le  règne  de  Henri  II,  François  II,  Charles  IX, 
Henri  III  et  Henri  IV,  2"  éd.,  1598,  p.  386,  dit  que  le  siège  dura  près  de 
deux  mois  el  que  Marie  de  Barbançon  fui  envoyée  prisonnière  à  Mou- 
lins «  d'où  depuis  elle  fut  délivrée  à  la  poursuite  de  ceux  qui  respectoyent 
sa  piété  et  sa  vertu.  Son  chasteau  fut  saccagé  et  ruiné  par  les  assiégeans, 
despitez  d'y  avoir  fait  grande  perte  de  soldats,  et  d'en  remporter  du 
deshonneur  autant  qu'il  est  possible  de  penser.  Ce  siège  fut  au  commen- 
cement de  novembre  ».  M.  de  Ruble  {Hist.  universelle  d"A.  d'Aubigné, 
III,  151)  ne  mentionne  pas  ce  texte,  mais  seulement  celui  de  la  Popeliniére 
(1582,  II,  318  V)  qui  parle  aussi  de  deux  mois  et  de  prés  de  3,000  assié- 
geants. D'après  lui,  la  place,  bombardée  pendant  quinze  jours,  aurait  été 
prise  le  6  novembre.  De  Moulins  (et  non  Bourges  comme  dit  M.  de  R.) 
cette  héroïne  aurait  été,  sur  l'ordre  du  roi,  élargie  à  Grossouvre  (Cher), 
«  où  le  jeune  Claiete  estoit,  qui  depuis  l'espousa  ».  —  Au  lieu  de  Benegon, 
il  faut  lire  Bannegon  (Cher),  arr.  de  Saint-Amand-Montrond.  \  oy.  aussi, 
France  Prot.,  2'  éd.,  I,  770. 


I 


DE   l'histoire   du   PROTESTANTISME    FRANÇAIS  345 

son  inlégrilé,.  laissait  craindre  une  défaillance  universelle  en 
présence  de  la  catastrophe  suprême.  L'apostasie  fut  grande, 
en  effet,  mais  de  courte  durée  et  l'héroïsme,  l'esprit  de  sacri- 
fice furent  plus  grands  encore.  On  peut  même  dire  qu'aucune 
autre  histoire  n'en  renferme  autant  ni  d'aussi  extraordinaires 
exemples. 

Depuis  le  pasteur  Isaac  Homel  qui,  pour  avoir  prêché  sur 
les  ruines  de  son  temple  de  Soyons,  fut,  à  70  ans,  roué  tout 
vif  à  Tournon,  le  20  octobre  1683,  c'est-à-dire  étendu  sur  une 
large  roue  échancrée  et  assommé  de  trente  coups  de  barre 
de  fer  pendant  qu'il  disait  :  «  Miséricorde,  mon  Dieu;  ne  me 
donneras-tu  pas  la  force  de  tout  souffrir?  Je  sais  que  tu  me 
la  donneras  !  »  — jusqu'à  Jean  Calas  qui  subit  le  même  sup- 
plice à 65ans  et  pendant  deux  heures,  le  10  mars  1762,  en  criant  : 
«  Je  suis  innocent  »  !  ce  sont  des  centaines,  voire  des  milliers 
de  victimes  dont  la  constance  devait  lasser  les  bourreaux. 

Rappelons-nous  que  trois  ans  à  peine  après  la  Révocation, 
en  1688,  toutes  les  prisons  du  royaume  étaient  pleines  de 
protestants  qu'aucune  torture  n'avait  pu  décider  à  renier 
leurs  convictions  et,  quoi  qu'il  en  coûtât  à  l'infaillibilité  offi- 
cielle, qu'il  fallut  se  résoudre  à  les  expulser  du  royaume. 

Rappelons-nous  que  plusieurs  prêtres  catholiques  émus 
par  ce  spectacle  quittèrent  alors  la  F'rance  pour  passer 
à    l'étranger    et   au    protestantisme ^    Tel    le    missionnaire 

1.  On  trouvera  une  liste  d'une  quarantaine  d'entre  eux  dans  une  pla- 
quette anglaise  :  Two  Letters^  one  from  tite  Bishop  of  Blois  to  Monsieur 
de  la  Valette,  rvith  promises  and  threatnings  to  prevent  his  turning  Pro- 
testant, tlie  Otherfrom  Monsieur  de  la  Valette,  to  his  Bretliren,  The  Clergy 
of  Blois,  Laying  before  them  the  gross  Errors  of  tlieir  Chiirch,  and  thc 
Neccssity  to  fnllow  his  Ex  ample  for  their  Salvation.  Also  an  Account  in 
the  Préface  of  the  Names  of  the  French  Clergy  tliat  hâve  escaped  in  to  En- 
gland,  abjur'd  Popery  and  turn'd  Protestants  since  this  présent  Persécu- 
tion. Doue  into  English  by  Mr  Haie.  London  Printed  for  R.  Basset  at  the 
Mitre  over  against  Chancery-lane  in  Fleet-Street.  ijoi,  28  p.  in-A".  —  Ce 
qui  veut  dire  :  «  Deux  lettres,  l'une  de  révè([ue  de  Blois  à  Monsieur  de  la 
Valette,  avec  des  promesses  et  des  menaces  pour  l'empêcher  de  devenir 
protestant;  l'autre  de  Monsieur  de  la  Valette  à  ses  frères,  le  clergé  de 
Blois,  leur  exposant  les  grossières  erreurs  de  leur  Église  et  la  nécessité 
de  suivre  son  exemple  pour  leur  salut.  Ainsi  qu'une  liste,  dans  la  préface, 
des  noms  des  memljres  du  Clergé  français  qui  se  sauvèrent  en  Angle- 
terre, abjurèrent  le  Papisme  et  se  convertirent  au  Protestantisme  depuis 
cette  dernière  persécution.  Traduit  en  anglais  par  M.  Haie  ». 

LI.  —  25 


346  JUBILÉ    CINQUANTENAIRE    DE    LA    SOCIÉTÉ 

Aiguisier  qui  avait  vainement  essayé  de  convertir  François 
Teissier,  vlguier  ou  juge  de  Durfort,  condamné,  pour  avoir 
assisté  à  une  assemblée  interdite,  à  être  pendu  à  Lasalle  le 
26  février  1686  et  qui  lui  avait  dit  :  «  Monsieur,  Dieu  voit  votre 
charité  et  votre  zèle;  vous  ne  serez  pas  sans  récompense, 
vous  mourrez  de  notre  religion*  ».  —  Tel  encore  cet  aumônier 
des  forçats,  Jean  Bion^  qui  vit  tant  de  malheureux  huguenots 
condamnés  à  vie  pour  le  môme  crime,  supporter  patiemment 
le  régime  atroce  des  galères,  et  plutôt  que  d'adorer  Thostie, 
recevoir  jusqu'à  80  coups  d'une  corde  goudronnée  et  trempée 
dans  l'eau  de  mer,  et  dire  tout  haut,  comme  Cazalet  :  «  Sei- 
gneur, pardonne-leur,  car  ils  ne  savent  ce  qu'ils  font^  ». 

Rappelons-nous  qu'une  femme  de  plus  de  50  ans, 
Mme  Ghalmot,  des  environs  de  Saint-Maixent,  attachée  à 
son  lit  par  les  dragons,  «  après  avoir  souffert  tout  ce  qu'une 
femme  peut  souffrir  »,  consentit  pour  qu'on  la  laissât  aller  sans 
abjurer,  à  garder  «un  charbon  vif»  sur  la  main  pendant  qu'elle 
dirait  le  Notre  Père.  Arrivée  au  bout  de  ce  supplice  sans 
faiblir,  un  de  ses  bourreaux  lui  demanda  de  recommencer 
pendant  qu'il  répéterait  beaucoup  plus  lentement  la  même 
prière.  Elle  y  consentit.  «  Enfin  un  autre  soldat,  vaincu  par 
un  exemple  d'un  courage  si  extraordinaire,  blâma  celui  qui 
récitait  l'oraison  si  lentement,  fit  sauter  le  charbon  de  des- 
sus la  main,  et  ils  la  quittèrent*  ». 

Quelle  honte  et  quelle  douleur,  que  de  telles  atrocités  — 
il  y  en  eut,  hélas!  beaucoup  de  plus  révoltantes  encore,  — 
aient  pu  se  commettre  pour  la  plus  grande  gloire  de  Dieu,  et 
qu'un  génie  comme  Bossuet  ait  feint  de  les  ignorer  ^!  Pourtant 
elles  nous  révèlent,  chez  les  victimes,  un  état  supérieur, 
transcendant  de  l'humanité,  celle-là  même,  n'en  doutons  pas, 
qui  un  jour  rachètera  l'autre  ! 

1.  Sur  F.  Teissier,  Voy.  Bull.  \,  214  à  225. 

2.  Voy.  O.  Douen,  Relation  des  tourments  qu'on  fait  souffrir  aux  pro- 
testants qui  sont  sur  les  galères  de  France,  par  Jean  Bion,  Paris,  Gras- 
sart,  1881. 

3.  Cf.  Bull.  1S93,  p.  466. 

4.  \'oy.  Jurieu,  Lettres  Pastorales,  3'  éd.  Rotterdam,  1688,  t.  I,  p.  215. 

5.  Cf.  Bull.,  1892,  15'J. 


DE    l'histoire    du    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  347 


VII 


Des  esprits  très  forts  prétendent  qu'après  tout  ces  faits 
n'expriment  qu'une  mentalité  inférieure.  Tous  ces  protestants, 
en  effet,  n'ont  voulu  être  que  des  chrétiens  authentiques,  et 
on  nous  démontre  maintenant  que  Pidéal  qu'ils  ont  réalisé  n'est 
autre  chose  que  la  religion  de  la  résignation,  c'est-à-dire  de  la 
lâcheté,  que  «  la  grandeur  de  Thomme  est  dans  la  bataille, 
non  dans  la  soumission,  dans  l'effort  sans  cesse  renouvelé, 
non  dans  la  prière*  ». 

Je  m'abuse  peut-être,  mais  ce  retour  voulu  au  règne  de  la 
force,  ou  plutôt  de  la  violence,  ressemble  bien  plus  à  un 
recul  qu'à  un  progrès.  Non  seulement  il  n'est  pas  exact  que 
l'idéal  poursuivi  par  ceux  qui  ont  voulu  faire  du  rêve  chrétien 
une  réalité,  ait  été  la  soumission.  Tous  ceux  que  j'ai  cités, 
ont,  au  contraire,  mis  en  pratique  la  célèbre  parole  gravée 
sur  une  pierre  de  la  Tour  de  Constance,  Résiste^.  Seulement, 
à  la  résistance  par  la  force  brutale,  les  meilleurs  ont  pré- 
féré la  résistance  morale. 

On  dira  ce  qu'on  voudra,  mais  jamais  on  ne  me  persua- 
dera qu'il  faille  plus  de  courage  pour  rendre  les  coups  que 
pour  les  endurer.  Quand,  le  4  novembre  1698,  sur  l'espla- 
nade de  Montpellier,  Claude  Brousson,  à  demi-étranglé  par 
la  corde  qui  s'était  rompue  au  moment  de  le  lancer  dans  le 
vide,  fut  sollicité  par  l'abbé  de  Camarignan  de  profiter  de  ce 
répit  pour  se  convertir,  il  lui  répondit  :  «  Puisse  le  Dieu  tout- 
«  puissant  récompenser.  Monsieur,  votre  grande  charité 
«  envers  moi  et  qu'il  nous  fasse  la  grâce  de  pouvoir  l'un  et 
«  l'autre  voir  sa  face  dans  le  paradis  »';  —  et  on  voudrait 
nous  faire  croire  que  l'héroïsme  aurait  été  plus  grand  si,  au 
lieu  de  cette  réponse,  Brousson  avait  lancé  je  ne  sais  quel 
outrage  ! 

A  ce  compte  François-André  Guizol,  arrêté  dans  la  nuit  du 

1.  Tout  récemment  Paul  Brulat,  clans  VAurore  du  31  juillet  1901,  et 
beaucoup  d'autres. 

2.  O.  Douen,  Les  premiers  pasteurs  du  désert,  II,  327. 


348  JUBILÉ   CINC^UANTENAIRE   DE    LA    SOCIÉTÉ 

4  au  5  avril  1794,  aurait  dû  profiler  avec  empressement  de 
Toffre  que  lui  fit  le  garde  national  de  Remoulins,  de  le  laisser 
échapper.  Or  il  lui  demanda  :  «  Es-tu  marié?  »  —  «  Oui  » 
répondit  l'autre.  —  «  Tu  paierais  pour  moi,  marchons  ».  — 
Est-ce  de  la  lâcheté!  Et  ce  jeune  homme  de  27  ans  n'a-t-il 
pas  tracé  un  sillon  plus  fécond  que  s'il  avait  sauvé  sa  vie  au 
détriment  de  celle  de  son  garde,  ou  fait  tomber  quelques 
têtes,  au  lieu  de  s'écrier,  en  offrant  la  sienne  au  bourreau  : 
«  Je  vais  subir  un  supplice  que  je  n'ai  pas  mérité,  mais  tout 
«  déplorable  qu'est  mon  sort,  je  le  préfère  au  vôtre,  scélé- 
«  rats  que  vous  êtes,  car  dans  peu  de  temps  vous  serez 
«  déchirés  par  ce  même  peuple  qui  m'écoute*  !  » 

Enfin,  en  février  1795,  au  lieu  de  secourir  ceux  des  prêtres 
réfractaires  entassés  depuis  un  an  sur  les  frégates  Washington 
et  Les  deux  Associés  qui  avaient  survécu  aux  tortures  aux- 
quelles 560  sur  800  d'entre  eux  avaient  succombé,  au  lieu  de 
faire  plaider  leur  cause  à  la  Convention  par  l'abbé  Grégoire, — 
le  protestant  rochefortais  Élie  Thomas  aurait  dû  sans  doute  se 
souvenir  de  tout  ce  que  sa  race  avait  souffert,  à  cause  des 
prêtres,  et  leur  donner  le  coup  de  grâce  !  Non  seulement  il  les 
hospitalisa  généreusement,  mais  quand  cet  acte  de  charité  eut 
été  rendu  public,  il  répondit  à  l'abbé  Grégoire  (16  juillet  1795)  : 
«  La  note  que  tu  as  fournie  sur  mon  compte  m'a  enlevé 
«  ma  plus  douce  jouissance  :  aider  et  soulager  les  malheu- 
«  reux  par  tous  les  moyens  qui  sont  en  mon  pouvoir,  mais 
«  en  même  temps,  que  ma  main  gauche  ne  sache  pas  ce  que 
«  fait  ma  droite;  voilà  ma  félicité,  aujourd'hui  je  n'y  peux 
«  plus  prétendre,  parce  que  tu  m'as  fait  connaître-  »! 

On  a  beau  nous  représenter  l'idéal  de  l'humanité,  entre 
autres,  dans  ce  merveilleux  tableau  de  Détaille,  où  nous 
voyons  le  lourd  sommeil  des  soldats  vaincus  comme  allégé, 
transfiguré  par  le  rêve  d'un  nouveau  carnage  victorieux.  Il 
y  aura  toujours^  — espérons-le  pour  l'honneur  de  la  race,  — 
au  fond  de  nos  âmes,  un  rêve  plus  grand,  plus  idéal  encore, 
une  vision,  non  de  revanches  sanglantes,  de  larmes  amères. 


1.  Voy.  Bull.,  IS9I,  p.   104. 

2.  Voy.  Bull.,  1889,  p.  85. 


DE    l'histoire    nu    PROTESTANTISME    FRAXCAIS  349 

mais  de  pardon  et  de  bonté,  de  larmes  de  joie.  Toutes  les 
fois  que  sur  le  fond  sombre  ou  terne  de  Thumanité  se  détache 
un  de  ces  éclairs  d'héroïque  désintéressement,  de  bonté  vraie, 
c'est  comme  si,  à  travers  les  brumes  de  la  vallée,  nous  entre- 
voyions les  purs  sominets  des  Alpes,  —  et  ce  n'est  certes 
pas  un  des  moindres  services  ({ue  nous  rend  notre  histoire! 


Trop  souvent  nous  sommes  tentés  de  répéter  avec  un  de 
nos  anciens  chansonniers  huguenots  qui  a  oublié  de  signer 
ses  vers  : 

Pour  vray,  ce  n'est  rien  qu'un  songe 
Et  un  masque  de  mensonge 
Que  ce  monde  où  nous  vivons. 
Ce  n'est  rien  qu'une  pipée 
Où  mainte  àme  est  attrapée 
Au  train  que  nous  poursuivons! 

Il  essayait  de  se  consoler,  en  rimant  ensuite  : 

O  r3ieu,  c'est  toy  qui  demeures 
Sans  que  nos  jours  ni  nos  heures 
Changent  ton  estre  constant, 
Pendant  que  la  mort  saccage, 
Et  les  beaux  jours  de  nostre  aage 
Périssent  en  un  instant*! 

Et  un  autre,  également  anonyme,  c'est-à-dire  dédaigneux 
de  la  gloire  de  la  postérité,  ajoutait  : 

Si  quelqu'injure  l'on  vous  dit, 
Endurez  la  joyeusement; 
Et  si  chascun  de  vous  mesdict 
N'y  mettez  vostre  pensement. 
Ce  n'est  chose  nouvelle 
D'ouyr  parler  ainsi  :  souvent 
Autant  en  emporte  le  vent-! 


1.  Le  chansonnier  huguenot  du  XVI'  siècle,  I.  83. 

2.  Ibidem.  I,  :}0. 


350  JUBILÉ   ClS'QUANTENAIRE   DE  LA   SOCIÉTÉ 

Le  chœur  entonne  vigoureuFement  le  psaume  des  batailles 
(LXVIII*),  d'après  les  paroles  de  Th.  de  Bèze  et  l'harmonie  de 
Goudimel  : 

Que  Dieu  se  monstre  seulement 
Et  on  verra  soudainement 
Abandonner  la  place  : 
Le  camp  des  ennemis  espars 
Et  ses  haineux  de  toutes  parts 
Fuir  devant  sa  face. 
Dieu  les  fera  tous  s'enfuir, 
Ainsi  qu'on  voit  s'esvanouir 
Un  amas  de  fumée  : 
Comme  la  cire  auprès  du  feu, 
Ainsi,  des  meschans  devant  Dieu 
La  force  est  consumée. 

La  séance  est  levée  après  la  prière  de  clôture  prononcée  par 
M.  le  pasteur  Th.  Monod. 


III.  —  Le  Banquet  et  le  Pèlerinage. 

Hôtel  des  Sociétés  savantes,  mardi  27  mai. 


On  ne  peut  guère  célébrer  un  anniversaire  sans  un  banquet. 
Cela  est  non  seulement  naturel,  mais  nécessaire.  A  côté  des  réu- 
nions officielles  il  en  faut  de  plus  intimes,  car  là  seulement  il  est 
possible,  à  Paris  surtout,  de  se  rencontrer  pour  causer  librement, 
échanger  ses  impressions,  dire  enfin  ce  qu'il  n'est  pas  toujours 
facile  de  dire  devant  le  grand  public. 

Quelques  amis  décidèrent  donc  d'offrir,  à  l'occasion  du  Cinquan- 
tenaire, un  très  modeste  banquet  au  président  de  notre  Société  et 
aux  délégués  étrangers.  Pour  éviter  l'encombrement  et  les  diffi- 
cultés d'organisation  que  nous  avions  expérimentées  l'année  der- 
nière, dans  notre  excursion  à  Ablon,  on  se  borna,  en  fait  de  publi- 
cité, à  un  petit  carton  placé  en  vue  dans  notre  exposition  rétrospec- 
tive. Nous  nous  trouvâmes  une  cinquantaine  le  mardi  matin  27  mai 


DE   l'histoire   du   PROTESTANTISME   FRANÇAIS  351 

au  restaurant  des  sociétés  savantes,  n"  8  de  la  nouvelle  rue 
Danton*.  La  réunion  fut,  à  la  fois  animée  et  cordiale,  le  déjeuner 
promptemenl  et  bien  servi,  de  sorte  qu'on  eut  tout  le  temps 
d'écouter  la  série  des  toasts  par  lesquels  il  se  termina. 

Le  secrétaire  de  la  Société  demanda  le  premier  la  parole  pour 
expliquer,  à  peu  près  en  ces  termes,  le  but  de  la  réunion. 


Mesdames  et  Messieurs, 

Vous  allez  trouver  que  depuis  quelques  jours  je  prends 
souvent  la  parole.  Je  suis  du  même  avis.  Mais  vous  voudrez 
bien  considérer  que  je  me  suis  vainement  efforcé  de  décliner 
l'honneur,  plutôt  périlleux,  des  conférences  d'hier  et  d'avant- 
hier,  d'autant  plus  que  j'avais  beaucoup  d'autres  occupations 
professionnelles  et  personnelles.  Aujourd'hui,  au  contraire, 
je  confesse  que  j'ai  demandé  à  parler.  Dans  nos  séances  tou- 
jours solennelles,  entourées  de  nos  formes  religieuses  tradi- 
tionnelles on  a  rarement,  pour  ne  pas  dire  jamais,  l'occasion 
d'exprimer  simplement  et  à  cœur  ouvert  tout  ce  que  l'on 
pense.  Ainsi  hier  soir  vous  avez  tous  entendu  avec  plaisir  le 
rapport  de  notre  président,  très  bien  fait,  mieux  môme,  plus 
court  et  plus  condensé,  que  tous  ceux  qu'il  a  rédigés  depuis 
plus  de  trente-cinq  ans.  Vous  y  aurez  sans  nul  doute  admiré 
l'art  de  dire  ce  qu'il  convient  de  dire  et  surtout  de  n'oublier 
aucun  de  ceux  qui  depuis  un  demi-siècle  avaient  pris  part  à 
l'œuvre  qui  nous  intéresse.  Je  me  trompe,  dans  cette  énu- 
mération,  délicate  comme  tout  ce  qui  touche  à  un  passé 
presque  contemporain,  il  a  oublié,  je  ne  dirai  pas  l'essentiel, 


1.  Voici  les  noms  des  participants  :  M.  le  président  F.  de  Schickier, 
MM.  les  délégués  :  G.  Appia,  Brondgeest,  ÎNL  et  Mlle  A.  Giraud-Browning, 
MM.  les  doyens  Bruston  et  Monlel,  M.  le  professeur  E.  Strœlilin.  Mem- 
bres du  comité  :  M.  et  Mme  G.  Bonet-Maury,  F.  Buisson,  Th.  Dufour, 
M.  et  Mme  A.  F'raniiiin,  P.  de  Félice,  M.  et  Mme  A.  Lods,  G.  Monod, 
M.  et  Mme  F.  Puaux,  R.  Reuss,  A.  Réville,  M.  et  Mme  N.  Weiss.  Enfin. 
MM.  le  professeur  Raoul  Alliei',  Bornet,  M.  et  Mme  E.  Borel,  F.  Borel, 
Prof.  Borne,  pasteur  Bouvier,  Miss  Crooke,  M.  H.  Expert,  MM.  Fischba- 
cher  père  el  fils,  Ph.  Jalaberl,  Jeanmaire,  past.  Labeille,  M.  et  Mme  H. 
Merle  d'Aubigné,  M.  et  Mme  E.  Moulinié,  M.  Muret,  H.  Patry,  Mlle  Pin- 
geon,  pasteur  A.  Reyss,  Steiner-Doilfus,  prof.  .1.  Vienot,  pasteur  Ch. 
Wagner. 


352  JUBILÉ   CINQUANTENAIRE    DE    LA   SOCIETE 

mais  un  élémenl  très  essentiel,  puisqu'il  s'agit  de  la  part 
prise  par  lui-même  à  cette  œuvre. 

Elle  a,  comme  vous  le  savez,  deux  faces  principales  :  Le 
Bulletin  qui  a  rassemblé  et  publié,  sur  les  parties  les  plus 
diverses  de  notre  histoire,  des  documents,  études  et  notes 
déjà  nombreux  que  la  table  générale  permettra  prochaine- 
ment de  découvrir  et  de  consulter.  Puis  il  y  a  la  Bibliothèque, 
dont  je  ne  voudrais  pas  dire  trop  de  bien,  mais  dont  l'impor- 
tance est  certainement  plus  considérable  qu'on  ne  pense. 
Outre  les  services  qu'elle  a  rendus  et  qu'elle  est  appelée  à 
rendre  de  plus  en  plus,  elle  prouve  tous  les  jours,  par  son 
existence  même,  qu'à  côté  des  bibliothèques  que  j'appellerai 
encyclopédiques  et  qui  auront  bien  de  la  peine  à  garder  ce 
nom,  il  faut  des  bibliothèques  spéciales.  Eh  bien!  la  nôtre 
n'existerait  pas  sans  notre  président.  Non  seulement  il  l'a 
dotée  d'un  local  fort  bien  aménagé  qu'il  a  rendu  accessible 
au  public,  mais,  ce  qu'on  sait  moins,  il  est  le  principal  dona- 
teur de  livres,  manuscrits,  etc.,  de  cette  bibliothèque,  et  je 
ne  dis  rien  de  ce  qui  se  passe  lorsque  tel  ou  tel  desideratum, 
telle  ou  telle  occasion  sont  signalés. 

Or,  depuis  plus  de  trente  ans  que  cela  dure  nous  n'avons 
jamais  pu  le  proclamer  comme  nous  aurions  voulu.  Dans  nos 
assemblées  générales  c'est  toujours  le  président  qui  parle 
au  nom  de  la  Société.  Nous  avons  donc  pensé  qu'il  ne  fallait 
pas  laisser  passer  cet  anniversaire,  unique  puisqu'aucun  de 
nous  sans  doute  n'en  reverra  un  semblable,  sans  offrir  un 
témoignage  de  gratitude,  si  ce  n'est  en  pleine  assemblée,  du 
moins  en  public. 

Nous  ne  savions  guère  comment  nous  y  prendre  pour  cela, 
lorsque  l'idée  nous  est  venue  de  faire  exécuter  une  plaquette 
où  l'on  verrait  à  la  fois  la  Bibliothèque  et  son  fondateur.  Une 
petite  circulaire  lancée  discrètement  au  mois  de  janvier  a 
prouvé  que  notre  idée  était  juste.  Des  quatre  points  cardi- 
naux de  notre  horizon  protestant,  et  même  de  quelques 
autres,  car  vous  n'ignorez  pas  que  notre  rose  des  vents  est 
très  complète,  notre  trésorier  a  reçu  de  très  touchants  témoi- 
gnages de  reconnaissance.  Pour  que  chacun  pût  s'y  associer 
la  souscription  avait  été  limitée  à  la  somme  minima  de  un  franc 


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JUBILÉ    CINQUANTENAIRE   DE   LA   SOCIÉTÉ  355 

et  bientôt  nous  avons  eu  les  moyens  de  réaliser  notre  projet. 

Restait  l'exécution.  Nous  avions  sous  la  main  un  graveur  de 
médailles  déjà  apprécié  parmi  nous,  M.  Georges  Prud'homme. 
Mais,  comment  nous  procurer  le  portrait  indispensable?  Ja- 
mais notre  président,  pas  plus  d'ailleurs  que  la  plupart  des 
membres  de  notre  Comité,  n'avait  consenti  à  le  donner  pour 
la  collection  que  nous  avions  un  jour  décidé  de  former  et  qui 
est  restée  à  l'état  de  projet.  En  cherchant  bien,  on  avait  trouvé 
une  photographie  d'amateur,  faite  en  1895,  en  Tîle  de  Ré, 
oîi  nous  étions  alors  en  compagnie  de  M.  Gh.  Read,  qui, 
depuis,  nous  a  quittés  pour  toujours.  Nous  allions  être  obligés 
de  nous  contenter  de  ce  document,  quand  nous  avons  appris 
qu'il  existait  une  photographie  de  l'année  dernière  que  nous 
avons  enfin  réussi  à  nous  procurer,  absolument  à  l'insu  de 
l'original. 

Malgré  ces  petits  contretemps  —  et  j'en  passe  —  nous 
sommes  parvenus  à  vous  présenter  aujourd'hui  les  deux  pre- 
miers exemplaires  de  cette  plaquette.  Je  regrette  beaucoup 
que  l'auteur,  M.  Prud'homme,  soit  éloigné  de  nous  par  la  ma- 
ladie. Je  crois  que  j'aurais  pu  lui  dire  en  votre  nom  à  tous 
qu'il  avait  réussi  aussi  bien  qu'on  peut  réussir  un  portrait  dont 
l'original  n'a  pas  posé. 

Je  n'ai  parlé  jusqu'ici,  bien  sommairement,  qu'au  nom  de 
n  otre  Société  d'Histoire.  Or,  il  y  en  a  parmi  nous  qui  n'appré- 
cient que  très  médiocrement  l'Histoire,  et  qui  pourtant  appré- 
cient beaucoup  notre  président,  et  ont  voulu  se  joindre  à 
notre  modeste  hommage.  Ils  m'en  voudraient  si  je  n'ajoutais 
un  mot  en  leur  nom  à  tous.  Il  n'y  a,  en  effet,  guère  d'œuvre 
dans  notre  Protestantisme  français,  qui  n'ait  eu  des  preuves 
de  la  libéralité  de  notre  président.  Ce  n'est  un  mystère  pour 
personne  qu'il  y  a  parmi  nous  des  consciences  très  exigeantes 
qui  voudraient  réduire  encore,  pour  la  rendre  plus  pure  —  et 
aussi  plus  conforme  à  leurs  idées,  —  la  minorité  déjà  si  ré- 
duite qui  représente  le  Protestantisme.  Notre  président  a 
toujours  énergiquement  soutenu  ceux  qui  n'étaient  pas  de  cet 
avis  et  pensaient  qu'il  ne  fallait  pas  poser  d'autres  limites  que 
celles  qui  furent  posées  à  l'origine  même  du  christianisme. 
L'adjectif  libéral  a,  comme  vous  le  savez,  deux  sens.  Il  a 


;J56  JUBILÉ  cinNhantenaire  de  l.\  société 

tenu  —  et  nous  lui  en  savons  lous  gré  —  à  ce  qu'on  pût  lui 
appliquer  l'un  et  Tautre. 

Vous  me  permettrez  aussi,  en  terminant,  un  mol  personnel. 
Une  des  expériences  les  plus  pénibles  de  la  vie,  n'est-ce  pas 
le  désenchantement  que  nous  laisse  l'humanité  vue  de  près  ? 
Ceux-là  sont  rares  qui,  à  mesure  qu'on  les  connaît  mieux, 
grandissent  dans  notre  estime  et  se  font  peu  à  peu  une  place 
dans  nos  cœurs.  \'oilà  plus  de  vingt  ans  que  votre  secrétaire 
et  votre  président  travaillent  côte  à  côte,  car  vous  ne  l'igno- 
rez pas,  ce  dernier  ne  se  borne  pas  à  vous  représenter, 
mais  paye  largement  de  sa  personne.  Je  sais  fort  bien 
que  j'échappe,  moins  peut-être  que  d'autres,  à  la  com- 
mune infirmité  qui  nous  rend  exigeants  pour  autrui  et  indul- 
gents pour  nous-mêmes.  Ceux  qui  me  connaissent  me  font 
assez  souvent  comprendre  que  je  prodigue  plus  volontiers 
les  critiques  que  les  éloges.  Je  n'en  disconviens  pas,  mais  je 
demande  aujourd'hui  et  surtout  en  ce  qui  concerne  mon  colla- 
borateur, à  faire  amende  honorable  :  Pendant  cette  période 
déjà  longue  de  plus  de  vingt  années,  non  seulement  je  ne  me 
rappelle  aucun  dissentiment  sérieux  qui  se  serait  élevé  entre 
nous,  mais  je  suis  arrivé  à  cette  conclusion  bien  sincère  :  Je 
souhaite  de  tout  mon  cœur  que  votre  cher  président  soit 
longtemps  encore  le  mien.  J'ai  dit,  et  je  lui  serre  la  main  en 
notre  nom  à  tous. 

M.  de  Schickler  se  lève  pour  exprimer  sa  surprise  et  pour  dire, 
non  sans  une  vive  émotion,  mais  néanmoins  sans  oublier  personne, 
combien  il  est  touché  de  voir  que  ce  qu'il  a  pu  faire  en  faveur  de  la 
Société  d'Histoire  n'a  point  passé  inaperçu  et  coml^ien  il  est,  plus  que 
jamais,  profondémenlaltaché  à  toutes  les  causes  qu'elle  représente.  — 
Nous  reproduisons  ci-après,  dans  l'ordre  où  elles  ont  été  prononcées, 
les  allocutions  des  délégués  étrangers,  rerues,  comme  celles  qui  pré- 
cédaient, aux  applaudissements  de  l'auditoire,  et  nous  regrettons  de 
ne  pouvoir,  faute  d'espace,  que  mentionner  les  vœux  affectueux  que 
M.  le  professeur  Bonel-Maury  présente  au  nom  de  la  Faculté  de 
lliéologie  protestante  de  Paris. 


DE  L"H1ST(M»E  nu  PROTESTANTISME  FRANÇAIS  357 

Société  d'Histoire  et  d'Archéologie  de  Genève. 

M.    Th.  Diifour. 

Messieurs, 

La  Sociélé  d'histoire  et  d'archéologie  de  Genève  m'a  donné 
le  mandai  de  la  représenter  dans  la  célélDration  du  Jubilé 
cinquantenaire  de  la  Société  de  l'histoire  du  protestantisme 
français.  Elle  m'a  chargé  de  vous  apporter  ses  félicitations 
pour  la  brillante  carrière  que  votre  société  a  parcourue  dans 
le  premier  demi-siècle  de  son  existence,  ses  meilleurs  vœux 
pour  la  continuation  de  cette  prospérité,  enfin  l'expression 
de  sa  cordiale  sympathie  pour  la  tâche  que  vous  avez  entre- 
prise et  que  vous  poursuivez  avec  un  succès  toujours  crois- 
sant. 

La  Société  de  Genève,  qui  est  un  peu  votre  aînée,  ayant  été 
fondée  en  1838,  a  pris,  il  y  a  cinquante  ans,  le  plus  vif  intérêt 
à  la  création  de  votre  association.  Dès  le  mois  dejanvier  1853, 
dans  une  lettre  insérée  au  tome  1"  de  votre  Bulletin,  elle 
déclarait  entrer  en  relations  suivies  avec  vous,  par  l'échange 
réciproque  des  publications.  L'année  suivante,  elle  conférait 
le  titre  de  membre  correspondante  votre  président-fondateur, 
M.  Charles  Read,  à  votre  vice-président  d'alors,  M.  Charles 
Weiss,  et  à  M.  Jules  Bonnet.  En  1858,  elle  s'attachait  dans  les 
mêmes  conditions  M.  Eugène  Haag,  membre  de  votre  Comité. 
En  1883,  c'était  le  tour  de  M.  F.  de  Schickler,  et  enfin,  en 
1888,  celui  de  M.  N.  Weiss,  qui  a  assumé  avec  tant  d'ardeur 
et  d'entrain  la  lourde  charge  du  secrétariat  et  de  la  rédaction 
du  Bulletin. 

De  son  côté  le  Comité  de  la  Société  de  l'histoire  du  protes- 
tantisme français  ayant  institué,  en  1890,  des  membres  hono- 
raires, a  bien  voulu  y  faire  figurer  un  membre  de  la  Société 
genevoise  et,  en  outre,  d'une  manière  permanente,  le  prési- 
dent, quel  qu'il  fût,  de  cette  société. 

Ces  témoignages  multipliés  de  bonnes  relations  s'expliquent 
tout  naturellement  par  la  communauté  de  souvenirs  histori- 
ques très  précieux. 


358  JUBILÉ   CINQUANTENAIRE   DE   LA   SOCIÉTÉ 

A  peine  la  cilé  de  Genève  avait-elle  proclamé  en  1535  et 
Î536  les  principes  de  la  Réforme  que  de  nombreux  réfugiés, 
chassés  de  France  par  les  persécutions,  venaient  chercher 
sur  les  bords  du  Léman  une  nouvelle  patrie.  Obligés  d'aban- 
donner tous  leurs  biens,  ils  y  arrivaient  le  plus  souvent  dénués 
de  ressources.  Le  1"  septembre  1537,  les  pasteurs  de  Genève 
écrivent,  par  la  plume  de  Calvin  :  «  Non  pauci  hue  quotidie 
confluunt,  sed  midi,  »  et  cet  exode  devait  se  poursuivre, 
comme  vous  le  savez,  pendant  tout  le  reste  du  xvi^  siècle. 
Ralenti,  diminué,  mais  non  disparu  au  xvn%  il  reprenait  une 
activité  nouvelle  après  la  révocation  de  Tédit  de  Nantes  et 
se  continuait  pendant  la  plus  grande  partie  du  xvni*  siècle, 
jusqu'au  jour  où  la  liberté  de  conscience  devait  enfin  pren- 
dre place  dans  vos  lois.  Aussi  la  plupart  de  mes  conci- 
toyens comptent-ils  des  aïeux  dans  toutes  les  provinces  de 
France. 

C'est  leur  histoire,  et  celle  des  réfugiés  qui  ont  pris  le 
chemin  d'autres  contrées,  et  celle,  avant  tout,  des  protestants 
demeurés  attachés  au  sol  natal,  que  vous  avez,  Messieurs, 
entrepris  d'éclaircir  ou  d'écrire. 

En  cherchant  à  reconstituer  les  débris  épars  et  mutilés  de 
vos  annales,  —  en  publiant  d'innombrables  textes  et  en  les 
sauvant  ainsi  des  destructions  toujours  possibles,  — en  atti- 
rant l'attention  sur  ces  grandes  figures  historiques,  qui  nous 
apparaissent  toujours  plus  grandes  quand  elles  sont,  comme 
aujourd'hui,  déchirées  parla  calomnie,  — en  racontant  la  vie, 
les  tortures  et  la  mort  de  vos  glorieux  martyrs,  —  en  rappe- 
lant la  constance  admirable  avec  laquelle  des  milliers  et  des 
dizaines  de  milliers  d'humbles  fidèles  ont  supporté  les 
épreuves  les  plus  dures  ou  les  plus  humiliantes,  — vous  avez 
rempli  un  devoir  filial  et  sacré,  vous  avez  atteint  le  but  que 
se  proposaient  vos  fondateurs,  dans  une  circulaire  datée  de 
juin  1852  (5î<//.,  1,  p.  M),  et  vous  avez  mérité  la  reconnaissance 
profonde  de  tous  ceux  qui  aiment  l'histoire  exacte  et  im- 
partiale, qu'ils  soient,  ou  non,  les  descendants  de  vos 
proscrits. 

La  Société  d'histoire  de  Genève  a  toujours  tenu  à  être  l'une 
de  celles  qui  applaudissent  à  vos  vaillants  efforts.  En  son 


DE   l'histoire    du    PROTESTANTISME   FRANÇAIS  359 

nom,  je  désire  aussi  vous  féliciter  aujourd'iiui,  tout  particu- 
lièrement, de  l'extraordinaire  bonne  fortune  qui  vous  est 
échue  il  y  a  trente-sept  ans.  Lorsqu'en  1865  votre  Comité 
appelait  à  la  présidence  iM.  Fernand  de  Schickler,  il  savait 
sans  doute  qu'il  faisait  un  choix  de  tous  points  excellent, 
mais  il  ne  pouvait,  j'imagine,  se  douter  de  l'importance  que 
cette  élection  devait  bientôt  avoir  pour  les  destinées  de  votre 
association.  Grâce  à  ce  choix,  en  effet,  les  conditions  d'exis- 
tence de  votre  Société  ont  été  entièrement  transformées  et 
pour  toujours  assurées  sur  les  bases  les  plus  solides.  La 
modestie  de  votre  président  est  telle  qu'il  m'en  voudrait 
certainement  si  j'insistais  sur  des  faits  qui  sont  connus  de 
vous  tous.  Je  demanderai  seulement,  pour  finir,  la  permis- 
sion d'en  rappeler  un  seul,  très  discrètement.  Votre  prési- 
dent, qui  a  ses  journées  prises  par  les  innombrables  séances 
des  corps,  des  comités  et  des  œuvres  qui  le  réclament  de 
toutes  parts,  trouve  encore  le  temps  de  feuilleter  les  catalo- 
gues des  libraires,  d'y  noter  les  anciens  ouvrages  protestants, 
les  plaquettes  rares,  et  d'en  faire  aussitôt  l'acquisition,  non 
pas  pour  lui,  mais  pour  vous,  pour  tous  ceux  qui  mettent  à 
profit  les  richesses  accumulées  dans  votre  Bibliothèque,  deve- 
nue si  importante  dans  sa  spécialité.  Ce  connaisseur  expert 
appartient  à  une  catégorie  de  bibliophiles  extrêmement  rare 
et  presque  inconnue  :  il  est  bibliophile...  pour  les  autres!  En 
comparaison  de  tout  le  reste,  il  n'y  a  peut-être  là  qu'un 
détail,  mais,  pour  ceux  qui  se  dirigent  volontiers  vers  la  rue 
des  Saints-Pères,  ce  détail  suffit  à  remplir  leur  cœur  d'une 
gratitude  infinie.  C'est  sur  ce  mot  que  je  veux  terminer. 


Faculté  de  Théologie  de  Genève. 

M.  le  Doyen  E.  Montet. 

Au  nam  de  la  Faculté  de  théologie  de  Genève,  j'exprime 
à  la  Société  de  Thistoire  du  Protestantisme  français  ses  félici- 
tations les  plus  sincères  pour  le  Jubilé  qu'elle  célèbre,  et  ses 


:^60  JUBILÉ   CINQUANTENAIRE    DE    LA    SOCIETE 

vœux  les  plus  vifs  pour  sa  prospérité  et  son  avenir.  Ce  sont 
les  mêmes  vœux,  je  le  sais,  bien  que  je  n'aie  pas  été  officiel- 
lement chargé  de  le  dire,  que  formule  le  Comité  genevois 
pour  le  Proleslantisme  français. 

Les  liens  qui  unissent  la  Faculté  de  Genève  à  la  Société 
que  préside  d'une  façon  si  remarquable  M.  le  baron  de 
Schickler  sont  des  plus  étroits.  C'est  que  l'histoire  du  Pro- 
testantisme genevois  se  confond  souvent  avec  celle  du  Pro- 
testantisme français  :  leurs  destinées  sont  communes.  Il  suf- 
fit de  parcourir,  pour  se  rendre  compte  de  ce  fait,  l'admirable 
collection  du  Bulletin  de  la  Société,  qui  constitue  un  trésor 
pour  ainsi  dire  inépuisable.  Citons,  pour  confirmer  celte 
appréciation,  le  grand  ouvrage  sur  Calvin  du  profes- 
seur Doumergue,  paru  en  France,  et  la  belle  œuvre  du 
professeur  Borgeaud  sur  VAcadémie  de  Calvin,  parue  à 
Genève. 

J'insiste  sur  les  liens  de  solidarité  intime  qui  unissent 
Genève  au  Protestantisme  français,  et  qui  font  que  la  Faculté 
que  je  représente  prend  une  part  si  grande  et  si  cordiale  au 
cinquantenaire  de  la  Société  d'histoire  du  Protestantisme 
français. 

Les  belles  fêtes  de  ce  jubilé  contribueront  à  l'union  du 
Protestantisme  de  langue  française.  L'histoire  du  Protestan- 
tisme est  le  bien  commun  de  tous  les  Prolestants.  L'élude 
de  celte  histoire  donnera  à  tout  Protestant  digne  de  ce  nom 
un  sentiment  réconfortant  de  largeur  chrétienne.  Comment, 
en  effet,  l'éveil  et  le  rappel  de  ces  grands  et  saints  souvenirs, 
dont  abonde  l'histoire  du  Protestantisme  français,  ne  con- 
vaincraient-ils pas  tous  les  membres  de  l'Église  protestante 
de  leur  commune  origine?  Tous  sont  frères,  tous  appartien- 
nent à  la  même  famille. 

Permettez-moi,  en  terminant,  de  renouveler  l'expression 
des  vœux  de  la  Faculté  pour  la  Société  d'histoire  du  Proles- 
lantisme français  et  son  éminent  président. 


DE   L  HISTOIRE    DU    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  361 

Société  huguenote  de  Londres. 

M.   A.    Girjitd- Bronniing ,  président. 

Gomme  président  de  la  Société  huguenote  de  Londres,  je 
m'associe  avec  le  plus  grand  plaisir  aux  félicitations  offerles 
à  Toccasion  de  son  Jubilé  cinquantenaire  à  la  Société  de 
l'Histoire  du  Protestantisme  français. 

Vous  m'excuserez  de  m'exprimer  en  anglais.  Je  puis,  il 
est  vrai,  comme  la  plupart  de  ceux  qui  m'entourent,  reven- 
diquer le  grand  honneur  de  descendre  des  huguenots;  mais 
je  suis  un  exilé  à  la  quatrième  ou  cinquième  génération, 
depuis  mon  aïeul,  pasteur  français,  emprisonné  puis  banni 
pour  la  cause  de  la  Vérité.  Il  n'y  a  donc  rien  d'étonnant  à  ce 
que  je  ne  possède  plus  la  langue  française  comme  mes  an- 
cêtres. J'ai,  du  reste,  le  sentiment  que  devant  une  assenîblée 
aussi  distinguée  et  érudite  que  celle-ci,  je  puis  indifférem- 
ment m'exprimer  en  anglais  et  en  français. 

L'influence  de  la  Société  de  l'Histoire  du  Protestantisme 
français  s'est  fait  sentir  dans  toutes  les  contrées  où  les  exilés 
huguenots  se  sont  réfugiés  et  ont  fondé  des  colonies,  mais 
nulle  part,  me  semble-t-il,  plus  profondément  qu'en  Angle- 
terre. Je  puis  dire,  au  nom  de  la  Société  huguenote  de 
Londres,  que  nous  devons  notre  existence  même  à  votre 
exemple  et  que  vos  encouragements  constituent  une  de  nos 
meilleures  forces.  Votre  Bulletin  mensuel  est  lu  avec  le  plus 
vif  intérêt  par  ses  nombreux  abonnés  anglais.  Les  recherches 
patientes  et  ininterrompues  de  ses  rédacteurs  dans  les  ar- 
chives et  les  divers  écrits  des  xvi*",  xv!!*"  et  xvin^  siècles  ont 
mis  au  jour  des  faits  que  les  historiens  de  l'avenir  ne  pour- 
ront plus  ignorer  en  parlant  des  temps  troublés  de  la  Pié- 
forme.  Même  l'histoire  de  France  des  quatre  derniers  siècles, 
à  moins  de  passer  pour  incomplète,  devra  tenir  compte  des 
recherches  faites  par  votre  Société.  Ce  Bulletin  nous  fait 
l'effet,  à  nous  lecteurs  anglais,  d'une  lampe  toujours  allumée 
et  projetant  ses  clartés  sur  les  pages  souillées  de  larmes  de 
l'histoire  de  France.  Il  s'est  maintenant  fondé  des  sociétés 

LI.  —  26 


362  JUBILE  CINQUANTENAIRE  DE  LA  SOCIETE 

pour  reconstituer  l'histoire  des  réfugiés  huguenots  et  de 
leurs  colonies,  en  Amérique  et  en  x\frique  aussi  bien  que 
dans  les  «  cités  de  refuge  »  de  l'Europe  où  vos  ancêtres  exilés 
trouvèrent  un  abri. 

C'est  une  pensée  qui  doit  vous  être  précieuse,  monsieur  le 
président,  ainsi  qu'à  votre  savant  collègue,  M.  Weiss,  de 
savoir,  en  recevant  les  représentants  de  ces  diverses  so- 
ciétés, que  presque  toutes  suivent  d'aussi  près  que  les  cir- 
constances le  leur  permettent,  les  méthodes  de  travail  insti- 
tuées par  vous.  Pour  ce  qui  regarde  la  Société  huguenote 
de  Londres  que  j'ai  le  très  grand  honneur  de  représenter  ici, 
je  reconnais  franchement  et  avec  la  plus  vive  reconnaissance 
tout  ce  que  nous  vous  devons. 

Il  y  a  cinquante  ans  il  paraissait  n'y  avoir  guère  d'intérêt 
parmi  les  descendants  des  huguenots,  en  Angleterre,  pour 
la  glorieuse  histoire  de  leurs  ancêtres.  A  quelques  excep- 
tions près,  les  Églises  fondées  parles  réfugiés  ainsi  que  leurs 
institutions  d'assistance  et  de  développement  ont  disparu 
ainsi  que  ceux  qu'on  appelait  les  enfants  de  l'étranger,  en  se 
fondant  dans  la  population  anglaise.  Même  les  personnes 
d'un  rang  social  élevé,  dans  l'Église,  l'armée  et  la  magis- 
trature ou  d'autres  professions,  commençaient  à  oublier  ce 
qu'elles  devaient  à  leurs  ancêtres  protestants  et  français  et 
ne  conservaient  guère  d'intérêt  pour  leurs  origines.  Mais  à 
cette  indifférence  a  succédé  un  réveil.  On  désira  connaître 
le  passé,  et  on  ne  tarda  pas  à  être  transporté  d'enthou- 
siasme quand  on  le  connut;  chez  quelques-uns  même  cet 
enthousiasme  est  devenu  une  passion.  Dans  tout  ceci  l'exem- 
ple et  les  travaux  de  votre  Société  ont  eu  une  influence 
déterminante. 

Je  vous  remercie  encore  d'avoir  invité  le  président  de  la 
Société  huguenote  de  Londres  à  assister  à  vos  fêtes  et  per- 
mettez-moi, Monsieur  le  président  et  chers  collègues,  de 
vous  exprimer  ma  reconnaissance  personnelle  pour  votre 
hospitalité  et  votre  amabilité  envers  mol. 


DE    l'histoire    du    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  365 

Commission  pour  l'Histoire  des  Églises  wallonnes 
des  Pays-Bas. 

M.  le  D'  A.  Brondgeest,  d'Utrecht. 

Messieurs  1 

Avec  le  plus  grand  respect  et  la  plus  vive  sympathie  pour 
le  Protestantisme  français,  je  viens,  au  nom  de  la  commis- 
sion pour  FHistoire  des  Églises  wallonnes  des  Pays-Bas, 
vous  exprimer  nos  sincères  remerciements,  pour  avoir  bien 
voulu  nous  inviter  à  la  solennité  de  ce  jour. 

Recevez,  Messieurs,  avec  nos  meilleurs  vœux  pour  votre 
prospérité,  Texpression  de  profonde  gratitude  pour  l'œuvre 
grandiose,  sérieuse,  scientifique,  que  vous  avez  accompli 
durant  un  demi-siècle. 

Quel  élan  remarquable  votre  société  n'a-t-elle  pas  donné 
aux  études  de  l'histoire  du  protestantisme  en  général,  et  en 
particulier  de  l'Église  réformée  de  France! 

L'histoire  de  votre  l'église!  Mais  n'est-ce  pas  l'histoire  de 
la  sublime  persécutée,  n'est-ce  pas  celle  de  la  mate)-  dolorosa 
de  la  Réforme!  C'est  l'histoire  d'une  persécution  plus  que 
bicentenaire;  c'est  aussi  l'histoire  du  courage,  de  l'abnéga- 
tion, du  sacrifice,  de  la  grandeur  d'âme;  mais  avant  tout,  de 
la  liberté  de  conscience,  du  droit  indéniable  de  la  foi  reli- 
gieuse individuelle,  c'est  l'histoire  des  Huguenots. 

Pendant  un  demi-siècle  vous  vous  êtes  efforcés  de  la  faire 
connaître  au  monde  et  de  montrer  combien  le  protestan- 
tisme français  est  digne  d'être  respecté  et  admiré,  non  seu- 
lement dans  tous  les  pays  de  langue  française,  mais  aussi 
dans  ma  patrie  où  subsistent  encore  seize  Églises.  Et  vous 
avez  réussi.  Grâces  vous  en  soient  rendues! 

Oui  elle  est  sublime,  cette  histoire  du  Protestantisme 
français.  Il  faudrait  qu'on  pût  la  lire  et  méditer  partout,  dans 
la  cabane  des  pauvres,  dans  les  palais  des  riches;  non  seu- 
lement en  France,  mais  d'un  bout  du  monde  à  l'autre;  car 
c'est  elle  qui  a  montré  aux  peuples,  que  la  foi  religieuse 
intime  résiste  au  fer  et  au  feu  et  peut  produire  encore  des 


364  JUBILÉ    CINQUANTENAIRE   DE    LA    SOCIÉTÉ 

huguenots  de  la  race  antique,  des  hommes  intègres,  coura- 
geux, pieux,  ayant  le  sentiment  de  la  justice  et  de  la  solidarité 
humaine.  Des  huguenots!  La  société  moderne  en  réclame! 
il  lui  en  faut.  S'il  y  en  avait  davantage  on  verrait  moins  d'in- 
justice, de  perfidie  et  de  fausseté. 

Que  de  travaux  remarquables,  touchant  les  Églises,  les 
institutions  et  les  hommes  de  la  Réforme  ont  été  publiés 
par  vous,  ou  sous  vos  auspices.  Et  ce  Bulletin,  et  la  création 
de  la  bibliothèque,  rue  des  Saints-Pères,  dépositaire  de  vos 
archives  et  de  vos  documents,  que  de  services  n'onl-ils  pas 
rendus  au  protestantisme  de  langue  française! 

C'est  vous,  Messieurs,  qui  avez  inspiré  les  Églises  wallonnes 
le  jour  où,  il  y  a  plus  de  vingt  ans,  elles  se  décidèrent  à 
instituer  la  commission,  que  j'ai  l'honneur  de  représenter 
parmi  vous.  Vous  avez  été  notre  modèle.  Nous  aussi  nous 
nous  occupons  du  Protestantisme  de  langue  française, 
étudié  dans  les  Pays-Bas,  où  il  a  jeté  de  si  profondes  racines, 
comme  le  prouve  l'existence  actuelle  des  Eglises  wallonnes. 
Nous  suivons  vos  travaux  avec  le  plus  vif  intérêt.  C'est  par  eux 
que  vous  avez  mérité  l'estime  du  monde  savant,  la  recon- 
naissance des  Églises  issues  de  la  Réforme,  des  Églises  wal- 
lonnes en  particulier,  des  descendants  des  huguenots 
répandus  dans  le  monde  entier. 

Votre  œuvre  est  à  la  fois  un  monument  élevé  par  la  piété 
filiale  à  la  mémoire  de  vos  ancêtres,  martyrs  et  persécutés  pour 
la  foi  religieuse,  et  une  œuvre  d'histoire.  Tel  est  aussi  le  but 
poursuivi  par  la  commission  pour  l'Histoire  des  Églises 
wallonnes.  Pourtant  il  convient  de  signaler  une  différence. 
L'objet  de  notre  activité  est  l'histoire  de  deux  refuges,  du 
refuge  wallon  et  du  refuge  français,  tandis  que  l'histoire 
du  protestantisme  français  dans  son  intégrité  est  le  but  de 
vos  recherches.  Au  début  nos  Églises  étaient  purement 
wallonnes,  car  elles  dataient  du  refuge  wallon,  de  la  fin  du 
XVI'  siècle.  i\lais  survint  la  grande  tribulation.  la  grande  ini- 
quité du  xvn''  siècle;  alors  ces  Eglises  wallonnes  devinrent 
de  fait  des  Eglises  françaises.  Le  flot  immense  de  confes- 
seurs, avec  363  pasteurs  français,  que  la  Révocation  versa 
sur  le  territoire    des   Provinces-Unies,  ces    exilés  portant 


DE    l'histoire   du   PROTESTANTISME   FRANÇAIS  365 

chacun  sa  livrée  des  flétrissures  du  Seigneur  Jésus-Christ, 
n'emportant  que  leur  âme  et  leur  Bible  pour  butin,  ces  tisons 
échappés  du  feu.  qui  chassés,  traqués,  maltraités,  vécu- 
rent parmi  nous,  c'est  leur  vie  et  leurs  travaux  que  nous 
étudions,  en  même  temps  que  ce  qui  concerne  le  refuge 
wallon.  Oui!  du  Bosc,  Jean  Claude,  Jurieu,  Bayle,  Basnage, 
Martin;  les  martyrs  Claude  Brousson,  Pierre  de  Salve,  Daniel 
Mathurin  foulèrent  le  sol  hospitalier  des  Provinces-Unies, 
qui  abrita  leur  vie,  et  où  ils  moururent  en  paix.  Dans  leur 
nouvelle  pairie  ce  qui  troubla  leur  repos  et  qui  déchira 
leurs  cœurs,  ce  fut  le  cri  de  désespoir  de  leurs  frères  restés 
dans  la  persécution.  Seigneur l  Seigneur  aide-nous,  car  nous 
périssons.  Et  de  la  terre  d'exil,  soit  par  leurs  écrits,  soit  par 
leurs  démarches,  ils  firent  tous  leurs  efforts  pour  soutenir  le 
courage  de  leurs  frères  dans  la  détresse. 

C'est  là,  Messieurs;,  le  lien  qui  unit  l'Eglise  réformée  de 
France  et  les  h^glises  wallonnes  des  Pays-Bas,  le  refuge  du 
XVII'  siècle.  C'est  aussi  celui  qui  nous  unit.  J'ai  l'inébranlable 
conviction  que  jamais  il  ne  se  relâchera;  car  son  fondement 
commun  c'est  l'élude  du  Protestantisme  français  dont  les 
sources  ne  sauraient  tarir. 

Continuons  notre  œuvre;  travaillons  pour  faire  briller 
devant  les  peuples  le  Protestantisme  français,  le  sublime 
martyr  des  siècles  passés,  la  sauvegarde  à  jamais  du  plus 
grand  trésor  de  l'humanité  :  la  liberté  de  conscience  ^ 


Le   Musée  de  Calvin  à  Genève. 
AI.  le  professeur  E.  Strœhlin. 

Messieurs, 

Permettez-moi  de  vous  transmettre  brièvement  les  sincères 
et  cordiales  félicilations  du  Musée  de  Calvin,  une  société  jeune 

1.  En  terminant,  M.  Brondiieest  olTrc  à  la  Société,  au  nom  de  la  Com- 
mission pour  l'Histoire  des  Eglises  wallonnes,  le  premier  exemplaire  im- 
primé de  V Histoire  et  Influence  des  Églises  wallonnes  dans  les  Pay^s-Bas, 
par  M.  Poujol,  ancien  pasteur  de  ces  Églises  et  maintenant  pasteur  à 
Mazamet. 


366  JUBILE    CINQUANTENAIRE    DE   LA    SOCIETE 

et  modeste,  mais  vaillante,  qui  réunit  des  livres  et  des  gra- 
vures concernant  le  XVI''  siècle,  donne  une  conférence  his- 
torique le  jour  anniversaire  de  la  Réformalion,  organise  des 
séances  populaires  dans  les  campagnes  protestantes  et  tra- 
vaille, dans  la  mesure  de  ses  forces,  à  entretenir  et  à  vivifier 
chez  les  Genevois  d'aujourd'hui  le  souvenir  d'un  glorieux 
passé.  Le  patronage  de  Calvin  lui  a  porté  bonheur,  car  l'auteur 
de  V InstiÛition  Chértienne,  en  dépit  des  apparences  con- 
traires, n'est  pas  seulement  respecté  mais  aimé  par  ses  fils 
spirituels.  M.  Weiss  qui  a  tenu  cette  société  naissante  sur  les 
fonts  baptismaux,  lui  a  donné  d'excellents  conseils  qu'elle  a 
misa  profit.  Il  l'a  fait  de  si  bonne  grâce  que  nous  n'hésitons 
pas  à  recourir  à  lui  pour  toute  recherche  historique  impor- 
tante et,  loin  de  maudire  l'indiscrétion  des  questionneurs,  il 
leur  répond  avec  une  promptitude  égale  à  sa  haute  compé- 
tence. —  Monsieur  le  président,  vous  connaissez  les  senti- 
ments de  respectueuse  gratitude  que  je  vous  ai  voués  de- 
puis de  longues  années.  Lorsque  je  vins  me  fixer  à  Paris 
vous  me  dites  avec  une  exquise  bienveillance  que  le  fauteuil 
d'Henri  Bordier  m'attendait  et,  malgré  mon  départ,  vous 
n'avez  jamais  voulu  accepter  ma  démission.  Les  heures  que 
j'ai  passées  rue  des  Saints-Pères  comptent  parmi  les  meil- 
leures et  les  plus  agréables.  Veuillez  donc  me  garder  une  pe- 
tite place  dans  votre  Comité  et  me  regarder  comme  un  col- 
lègue éloigné  mais  fidèle. 


Société  d'Histoire  Vaudoise. 
M.  le  pasteur  G.  Appia. 

Monsieur  le  Président,  Mesdames  et  Messieurs, 

La  modeste  Société,  dont  j'ai  l'honneur  de  vous  apporter 
aujourd'hui  les  vœux  et  les  félicitations,  doit  sa  fondation  à 
un  des  rares  savants,  que  les  vallées  vaudoises  ont  vu  surgir 
dans  leur  sein,  avant  l'Emancipation  de  1848.  Le  Docteur 
Edouard  Rostan,  connu  dans  le  monde  des  botanistes,  par 
ses  études  sur  la  flore  des  Alpes  Cottiennes,  était  un  méde- 


DE   l'histoire    du   PROTESTANTISME    FRANrAlS  367 

cin  de  villoge,  qui  soignait  tour  à  tour  et  avec  une  égale  loien- 
veillance,  ses  malades  et  ses  fleurs,  et  qui,  arpentant  les 
rocailleuses  montagnes  de  Prali,  en  1881,  conçut  la  pensée, 
de  fonder,  avec  quelques  amis,  une  Société  d'histoire  vau- 
doise,  à  l'imitation  de  la  vôtre.  Il  en  esquissa  le  programme 
et  après  l'avoir  présidée  d'abord,  il  désira  avoir  pour  succes- 
seur M.  le  professeur  Barthélémy  Tron,  puis  aujourd'hui  le 
D^  Vinaj. 

Je  ne  m'étendrai  pas  sur  ses  travaux  persévérants,  que  vous 
connaissez;  et  je  me  permettrai  d'adresser,  en  premier  lieu, 
des  vœux  affectueux  et  reconnaissants  à  votre  cher  Prési- 
dent, que  j'ai  eu  le  privilège  de  connaître  avant  aucun  autre 
membre  de  cette  docte  assemblée,  et  de  connaître  par  sa 
contribution  en  faveur  du  culte  de  Naples,  où  il  faisait  un 
séjour  de  quelque  durée.  Il  m'interdirait  d'en  dire  da- 
vantage. 

Quant  aux  Vaudois  eux-mêmes,  dont  notre  Bulletin  étudie 
avec  soin  l'histoire,  leur  origine  même  nous  fait  sentir 
Tétroitesse  des  liens,  qui  les  unissent  aux  protestants  de  tous 
les  pays,  mais  tout  particulièrement  à  ceux  de  France. 

Je  pourrais,  avec  notre  savant  historien,  M.  Comba,  vous 
amener  à  Lyon,  où  le  riche  marchand  Pierre  Valdo,  leur 
donna,  vers  1170,  leur  nom,  et  leur  fournit  la  première  traduc- 
tion française  du  Nouveau  Testament,  dans  un  format  por- 
tatif, dont  la  poésie  de  M.  de  Félice  a  popularisé  le  souvenir. 
Je  pourrais  vous  montrer  le  «  Mur  vaudois  »  de  la  vallée  de 
la  Durance  et  les  «  Églises  vaudoises  »  des  Hautes-Alpes,  et 
la  traduction  française  de  la  Bible,  imprimée  parles  soins  des 
\'audois  en  1533. 

Mais,  pour  ne  consulter  que  mes  archives  de  famille,  je 
pourrais  vous  parler  de  Simon  Appia,  cité  à  comparaître,  en 
1557,  devant  le  tribunal  français  de  Turin,  qui  était,  à  cette 
époque,  une  ville  dépendante  de  Henri  IL  et  où  le  pasteur 
de  la  paroisse  de  Simon  Appia,  Giaffredo  Varaglia,  subit  le 
martyre,  le  29  mars  1558,  après  avoir  reçu  l'admirable 
lettre  de  Calvin,  que  Crespin  nous  a  conservée,  et  dans 
laquelle  le  réformateur  français  écrivait  à  son  ancien  élève  : 
«  Jésus-Christ  requiert  d'un  chacun  qu'il  rende  témoignage 


368  JUBILÉ    CINQUANTENAIRE   DE    LA   SOCIÉTÉ 

«  de  son  évangile.  Qu'il  vous  souvienne  donc,  que  le  même 
«  qui  a  bien  daigné  vous  faire  Thonneur  d'annoncer  publi- 
ée quement  sa  doctrine,  vous  a  produit  pour  son  témoin,  afin 
«  que,  s'il  est  besoin,  vous  signiez  de  votre  propre  sang,  ce 
«  qu'auparavant  vous  avez  enseigné  de  bouche.  Cependant 
«  ne  douiez  pas  qu'il  ne  soit  fidèle  gardien  et  protecteur  de 
«  votre  vie.  D'autant  qu'il  a  promis  que  la  mort  des  Saints 
«  lui  est  précieuse.  Je  me  persuade  que  vous  vous  appuyez 
«  et  reposez  en  la  protection  et  sauvegarde  de  celui,  auquel 
«  quand  nous  mourons,  nous  sommes  en  mourant  trop  plus 
«  heureux,  que  ne  le  sont  les  hommes  terrestres  et  profanes 
«  en  vivant.  » 

Je  retrouve  le  nom  de  nos  ancêtres,  en  particulier  celui  de 
Jacques  Appia,  capitaine,  qui  succomba  en  1587,  à  l'attaque 
du  fort  d'Exille,  à  l'époque  des  guerres  du  Dauphiné,  où 
Vaudois  et  Français  défendaient  en  commun  les  droits  de  la 
conscience  et  de  la  même  foi. 

Barthélémy  Appia,  collaborateur  de  l'historien  Gilles,  et 
qui  arriva  à  Genève  deux  ans  après  la  mort  de  Théodore  de 
Bèze,  est  également  pasteur  dans  le  Dauphiné,  avant  d'être 
pasteur  d'Angrogne  et  de  Saint-Jean;  il  assiste  au  synode  de 
Mentoulle,  où  les  pasteurs  firent  de  graves  reproches  au 
connétable  de  Lesdiguières,  au  moment  où  celui-ci  allait 
abandonner  la  Réforme  et  méritait  d'être  repris  pour  des 
désordres  de  mœurs,  incompatibles  avec  la  foi  protestante. 

Que  dire  des  souffrances  communes  des  Français  et  des 
V^audois  après  la  Révocation,  alors  que  le  conducteur  des 
Vaudois,  le  français  Thurel,  mourut  roué  sur  la  place  publique 
de  Grenoble?  C'est  à  cette  époque  aussi,  en  1686,  que  Daniel 
Appia,  notre  ancêtre,  mourut  dans  la  prison  de  Pignerol, 
laissant  sa  veuve,  Constance  Vertu,  conduire  en  exil  ses  deux 
fils  Paul  et  Cyprien,  qui  furent  consacrés  pasteurs  par 
l'évêque  de  Londres. 

En  évoquant  ces  souffrances,  de  1685  à  1690,  il  est  impos- 
sible à  un  Vaudois  d'origine,  de  ne  pas  exprimer  une  fois  de 
plus  la  dette  de  reconnaissance  qu'ont  alors,  et  pour  tous  les 
temps,  contractée  les  Vaudois  envers  Genève,  à  qui  Calvin, 
si  je  ne  me  trompe,  donna  la  belle  devise  de  nAgitatis  portus)), 


DE    l'histoire   du    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  3G0 

envers  la  Hollande,  le  Wiirlemburg,  l'Angleterre  et  tant 
d'autres  bienfaiteurs. 

Ces  souvenirs  communs,  dont  la  spécialité  fait  en  partie  le 
prix,  nous  rapprochent  les  uns  des  autres  et  nous  font  sentir, 
et  l'unité  de  nos  principes,  appuyés  sur  la  Bible,  et  la  com- 
munauté de  nos  intérêts. 

C'est  à  la  source  des  délivrances  de  l'Éternel  et  des  souve- 
nirs de  la  fidélité  de  nos  devanciers,  que  votre  Société  nous 
a  aidé  à  puiser,  tout  ensemble  des  leçons  et  des  encoura- 
gements, pour  les  combats  moins  douloureux  et  moins  san- 
glants, mais  non  moins  sérieux  des  temps  présents. 

Le  Dieu  de  nos  pères  est  encore  le  nôtre,  sa  «  fidélité  est 
grande  »,  comme  le  rappelait  Claude,  au  moment  de  quitter 
son  Église,  contraint  par  le  grand  roi.  Aujourd'hui,  par  la 
liberté,  par  la  légitime  influence,  par  la  force  d'expansion 
qu'il  nous  accorde,  Il  nous  montre  qu'il  est  encore,  pour  les 
enfants,  le  même  qu'il  a  été  pour  les  pères,  mais  qu'il  nous 
appelle  aussi  à  une  égale  fidélité. 

C'est  cette  assurance  qu'exprimait,  après  les  massacres  de 
1655,  un  poète  dont  le  nom  nous  est  resté  inconnu,  mais  dont 
M.William  Meille  a  trouvé  la  poésie,  en  deux  exemplaires  à  la 
bibliothèque  deTurin.  Nous  terminons,  en  en  citantune  partie. 

Seigneur,  tu  nous  as  tous  frapez 
Dans  ces  vallées  de  misères, 
Où  femmes  et  maris,  pères,  fils,  sœurs  et  frères. 
Au  mesme  sac  envelopez, 
Sous  le  plus  grand  effort  de  toutes  les  colères, 
Pour  nous  apprendre  enfin  à  redouter  tes  coups, 
Sont  massacrez   pour  nous. 

Seigneur,  nous  confessons  devant  toy  tous  nos  crimes 

Et  le  doit  sur  ia  bouche,  interdis  et  confus, 

Nous  ne  contestons  plus. 

Mais  ce  n'est  point  pour  nos  péchez 

Que  tes  ennemis  nous  poursuivent; 

Les  vies  et  les  biens  dont  les  méchants  nous  privent. 

Les  yeux  qu'ils  nous  ont  arrachez 

Et  cent  nouveaux  tourmens  sont  maux  qui  nous  arrivent, 


370  JUBILÉ   CINQUANTENAIRE   DE   LA   SOCIETE 

Pource  que  nous  portons  en  ta  sainte  maison 
Ton  enseiflrne  et  ton  nom. 


Ouy,  tu  les  a  veus  de  tes  yeux, 
Tes  pauvres  Saints  sans  funérailles  : 
Tu  leur  as  veu,  Seigneur,  déchirer  les  entrailles, 
Et  d'un  massacre  furieux 
Tes  pauvres  innocens  écrasez  aux  murailles. 
Voir  et  perdre  le  jour  en  un  mesme  moment 
Sans  pleurer  seulement. 

Nous  tremblons  encore  en  dormant 
Dessus  nos  misérables  couches, 
Aux  objets  de  nos  morts,  et  des  tygres  farouches, 
Qui  nous  troublent  incessamment, 

N'ozans  fermer  les  yeux,  non  plus  qu'ouvrir  nos  bouches, 
Et  doutant  si  l'ennuy  nous  couche  en  notre  lict 
Ou  nous  ensevelit. 


Arreste,  arreste  ta  fureur, 

Tu  te  fais  à  toy-même  injure  ; 

C'est  plus  que  de  Joseph  la  sanglante  cassure; 

Icy  l'on  déchire  ton  cœur  : 

Ton  Fils  est  avec  nous  encore  à  la  torture  ; 

Montre,  montre  ton  bras,  si  jamais  il  parut, 

Pour  ton  propre  salut. 
Voy  ta  vigne,  et  prens  en  pitié; 
C'est  ta  Jérusalem  encore  : 
Mais  ta  Jérusalem  qui  te  sert  et  t'adore. 

Et  ne  t'a  point  crucifié  : 

Si  ce  feu  n'est  bien  tost  esteint 
On  le  verra  partout  s'épandre, 

Tes  temples,  tes  troupeaux,  seront  réduis  en  cendres. 
Tu  n'auras  plus  de  peuple  saint 
Ni  de  pseaumes  enfin  que  tu  daignes  entendre; 
Il  y  va  de  la  gloire,  haste-loy,  marche,  cours, 
Vien[s]  à  notre  secours. 


DE   l'histoire   du    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  371 

Ainsi  que  chevaux  echapez 
Nous  courions  au  travers  les  hayes, 
Ton  foêt  nous  a  remis  aux  routes  les  plus  vrayes, 
Et  ta  main  nous  a  ratrapez. 

C'estoit  pour  nous  guérir,  que  tu  nous  fis  des  playes. 
Et  ta  verge  a  frapé  le  rocher  de  nos  cœurs 
Pour  en  tirer  des  pleurs. 


Seigneur,  nous  avons  sous  ta  main 
Une  entière  et  ferme  asseurance, 
Ta  main  qui  fit  la  mer,  qui  la  meut  et  la  tance, 
Dont  les  vents  connaissent  le  frein, 
Le  sçaura  bien  donner  à  cette  violence. 
Tu  les  renverseras  et  leur  rompras  les  dents 
Quand  il  en  sera  temps. 


Nous  sentons  ta  protection 
Qui  nous  renforce  et  nous  rassemble, 
Ce  Lion  de  Juda  sous  qui  ton  peuple  tremble 
Se  change  en  l'aigneau  de  Sion. 
Déjà  dans  ta  maison  nous  chantons  tous  ensemble 
Et  nous  pleurons  les  maux  dont  tu  nous  a  touchez 
Bien  moins  que  nos  péchez. 


Ta  grâce  nous  comble  de  biens 
Dans  le  comble  de  nos  misères, 
Tu  nous  a  fait  du  pain  des  larmes  de  nos  frères. 


Non,  non,  sa  pitié  n'est  point  morte  : 

Il  marqua  de  son  sang  à  chacun  nostre  porte  (Exode  XII). 
Pour  nous  garantir  du  trépas, 


Seigneur  nous  regardons  en  haut 

Malgré  le  joug  de  nos  misères 

En  remettant  toujours  et  nous  et  nos  affaires 

Au  Juge  qui  viendra  bien  tost. 


372   .  JUBILÉ    CINQUAN-TEXAIRE   DE   LA    SOCIETE 

Mais  vous,  ses  bien  heureus  enfans, 
Nos  bons  et  charitables  frères, 
Partagez  cette  joye  ainsi  que  nos  misères, 
Nous  allons  estre  triomphans. 
Voicy  la  porte  ouverte  à  tous  ces  grans  mystères, 
Beny  soit  FEternel;  qu'il  soit  béni  sur  vous  ; 
Bénissez-le  sur  nous. 

Venez  chanter  en  sa  maison 
Tous  les  réchappez  de  son  ire. 
Venez  y  contempler  sa  gloire  et  son  empire, 
Et  de  celte  valée  où  sa  main  nous  abat, 
Celle  de  Josaphal. 

Eternel  pren  nous  à  mercy  : 
Eternel  venge  ta  querelle  : 
Eternel  oy  gémir  ta  pauvre  tourterelle 
Veille  la  protéger  ici, 

Et  tous  ceux,  Eternel,  qui  soupirent  pour  elle. 
Nostre  paix  en  ton  Fils  est  tout  ce  qu'il  nous  faut, 
Exauce,  et  vien  bientost. 

Le  président  se  rend  l'interprète  de  la  reconnaissance  de  la 
Société  d'Histoire  et  de  sa  propre  gratitude  pour  les  témoignages 
de  sympathie  qui  leur  sont  apportés  de  tant  de  côtés  divers.  Remer- 
ciant successivement  chacun  des  orateurs,  et  avec  eux  les  corps 
dont  ils  sont  les  délégués,  M.  de  Schickler  rappelle  l'initiative  prise 
pour  la  fondation  de  la  Société  huguenote  de  Londres  par  M.  A.  Gi- 
raud-Browning,  après  qu'il  eut  assisté  avec  deux  de  ses  futurs  col- 
lègues à  notre  assemblée  générale  de  Nîmes;  —  rend  hommage  à 
Genève,  la  grande  cité  du  Refuge  dans  le  passé,  et  où  les  étudiants 
français  sont  encore  à  l'heure  présente  accueillis  avec  une  si  affec- 
tueuse sollicitude;  —  dit  le  souvenir  ému  que  nos  coreligionnaires 
conserveront  toujours  à  la  Hollande  qui  fut  si  largement  fraternelle 
pour  les  proscrits,  et  les  services  que  rend  à  leurs  descendants  et 
aux  historiens  d'aujourd'hui  la  collection  de  fiches  des  Archives 
wallonnes  à  laquelle  s'attachent  les  noms  regrettés  des  Enschédé, 
des  du  Rieu,  des  Dozy; —  salue  nos  trois  Facultés  de  théologie  qui 
ont  bien  voulu  s'associer  à  notre  Jubilé;  —  et  constate  enfin  que 
M.  le  pasteur  Appia  nous  a  donné  une  vraie  page  d'histoire.  En 
l'écoutant  on  sentait  qu'il  eût  été,  lui  aussi,  de  ces  vaillants,  de  ces 
héroïques  d'autrefois  ! 


DE    l'histoire    du    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  373 

En  quillanl  la  rue  Danton,  nous  nous  donnons  rendez-vous  pour 
un  petit  pèlerinage  historique,  rue  Valette,  ancienne  rue  des  Sepl- 
Voies,  au  n°  19  où  se  trouvent  deux  caves  superposées,  Tune  à 
voûtes  ogivales,  la  seconde  formée  par  deux  voûtes  en  berceau,  et 
où  se  tinrent,  au  xvi*'  siècle,  des  assemblées  protestantes  clandes- 
tines, ainsi  que  cela  a  élé  révélé  et  démontré  grâce  à  un  document 
contemporain,  dans  \e  Bulletin  de  \8dd {p.  157)*.  La  maison  contiguë  à 
celle  qui  repose  sur  ces  caves  historiques  et  dont  cette  dernière  faisait 
peut-être  jadis  partie,  était  l'ancien  Collège  Forlet  dans  la  cour 
duquel  on  voit  encore  un  escalier  du  xv"  siècle  qu'on  appelle  main- 
tenant «  la  tour  de  Calvin  ».  Ce  collège  est,  en  effet,  celui  qu'habita 
Calvin  lorsqu'en  1533,  à  vingt-quatre  ans,  il  composa  pour  son  ami, 
fils  du  médecin  du  roi,  Guillaume  Cop,  alors  recteur  de  l'Université,  le 
fameux  discours  qui  fut  lu  à  la  séance  de  rentrée  du  1"  novembre. 
Ce  discours,  dont  la  minute  originale  a  été  conservée,  se  terminait 
par  une  apologie  indirecte  des  hérétiques  d'alors  appelés  Luthériens 
et  provoqua  un  tel  scandale  que  Cop  et  Calvin,  menacés  d'une  visite 
domiciliaire  et  sans  doute  d'un  procès  pour  hérésie,  s'enfuirent 
précipitamment.  On  raconte  que  le  premier  emporta  avec  lui  le 
sceau  de  l'Université  et  que  le  second  se  laissa  glisser  de  nuit  le  long 
des  murs  du  collège.  —  Ces  deux  maisons  s'élèvent  presque  au 
sommet  de  la  montagne  Sainte-Geneviève.  Le  cimetière  de  cette 
abbaye  touchait  au  collège  Fortet.  On  en  voit  encore  un  petit  reste 
qui  le  sépare  de  la  place  du  Panthéon,  où  se  construisait  alors  la 
charmante  église  Saint-Étienne  du  Mont.  Il  n'y  a  pas,  dans  Paris, 
d'autres  vestiges  auxquels  se  rattachent  des  souvenirs  protestants 
aussi  anciens  que  ceux  de  cette  montagne  célèbre  où  brilla  long- 
temps la  première  Université  du  monde,  où  la  Réforme,  à  ses 
débuts,  recruta  ses  premiers  adhérents  et  provoqua  une  opposition 
si  intransigeante  qu'on  lui  doit  la  condamnation  officielle  de  Luther 
et  les  premiers  supplices  de  Luthériens.  —  En  les  quittant,  nous 
nous  rendons  à  la  Bibliothèque  de  la  Société  où  est  installée  notre 

IV.  —  Exposition  rétrospective. 

54,  )-ue  des  Saints-Pères,  ouverte  du  22  mai  au  \  juin  1902. 

Ce  sont  MM.  Armand  Lods  et  Théophile  Dufour  qui  ont  eu  les 
premiers  l'idée  de  cette  exposition  à  laquelle  la  salle  de  lecture  de 

1.   Un  Iroisième  souterrain  se  trouve  au-dessous  de   ces   deux   caves. 


374  JUBILE    CINQUANTENAIRE    DE   LA    SOCIETE 

la  Bibliothèque  se  prélail  d'ailleurs  admirablement.  Il  ne  pouvait 
être  question,  cela  va  sans  dire,  de  l'organiser  avec  les  seules  res- 
sources de  la  Bibliothèque  elle-même.  Le  secrétaire  se  mit  donc 
aussitôt  en  relation  avec  les  collectionneurs  et  même  les  dépôts  pu- 
blics possédant  des  objets  intéressants  au  point  de  vue  de  notre 
histoire.  Il  est  heureux  de  constater  qu'il  rencontra  partout  un  ac- 
cueil aimable  ou  tout  au  moins  courtois.  Les  refus,  —  il  faut  tou- 
jours s'attendre  à  en  recevoir,  —  ont  été  extrêmement  rares,  deux 
ou  trois  au  plus  et  un  ou  deux  collectionneurs  ont  oublié  de 
répondre  aux  lettres  qui  leur  avaient  été  adressées. 

En  outre,  la  plupart  des  objets  promis  sont  arrivés  à  temps,  sans 
accroc,  de  sorte  qu'au  moment  de  notre  assemblée  générale  et  sur- 
tout au  retour  du  pèlerinage  à  la  rue  Valette,  la  collection  était  au 
complet.  11  faut  dire  aussi  quelle  a  été  nécessairement  restreinte  et 
que  certaines  parties,  par  exemple  celles  des  gravures,  des  livres 
et  des  autographes  auraient  pu  être  considérablement  développées 
si  l'on  avait  eu  plus  de  place  et  de  temps.  Elle  ne  s'en  composait 
pas  moins  de  plus  700  numéros  isolés. 

Ceux  qui  ont  pris  part  à  un  travail  de  ce  genre  savent  qu'il  est 
plutôt  malaisé  à  organiser  —  et  pardonneront  les  imperfections 
qu'ils  y  auront  relevées.  —  MM.  Th.  Dufour,  A.  Lods,  F.  Puauxetle 
baron  F.  de  Schickler  ont  heureusement  collaboré  avec  le  secrétaire, 
et  notre  président  surtout  a  constamment  payé  de  sa  personne 
lorsque,  pour  les  visiteurs,  il  a  fallu  ajouter  quelques  explications 
plus  détaillées  aux  étiquettes  sommaires  destinées  à  les  renseigner. 

Ouverte  le  22  mai,  et  chaque  jour  de  1  à  6  heures,  cette  exposition 
devait,  dans  le  principe  se  fermer  le  30,  mais  ce  dernier  délai  a  été 
successivement  prorogé  jusqu'au  4  juin,  de  sorte  qu'elle  est  restée 
ouverte  exactement  quatorze  jours.  On  avait  distribué  des  cartes  d'en- 
trée un  peu  partout  dans  notre  monde  protestant  parisien  et  elles  ont 
été  presque  toutes  utilisées,  puisqu'on  a  constaté  au  moins  1,82.5  en- 
trées régulières.  On  nous  a  demandé  pourquoi  nous  n'avions  pas 
fait  un  peu  plus  de  publicité.  On  oublie  que  le  public  parisien  est 
chaque  jour  sollicité  dans  cent  directions  différentes.  Pour  qu'il  sût 
que  cette  exposition  existait  et  quelle  pourrait  l'intéresser,  il  aurait 
fallu  organiser  un  service  de  presse  et  la  laisser  ouverte  au  moins 
pendant  un  mois.  Or,  bien  que  nous  eussions  offert  aux  exposants 
toutes  les  garanties  désirables  —  deux  agents  étaient  en  permanence 

mais  l'entrée  en  est  murée.  Ces  souterrains  communiquaient  avec  l'autre 
côté  de  la  rue,  ce  qui,  en  cas  de  suprise,  permettait  de  quitter  les  lieux 
sans  passer  par  la  maison. 


à 


DE    l'histoire   du    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  375 

dans  nos  salles  et  les  objets  précieux  étalent  renfermés,  pendant  la 
nuit,  dans  celle  des  coffres-forts  —  plusieurs  n'avaient  pas  voulu 
nous  accorder  leur  concours  au-delà  de  la  fin  du  mois. 

On  trouvera  ci-après  les  noms  de  tous  ceux  qui  ont  bien  voulu 
nous  aider  à  réaliser  cet  essai.  Nous  nous  sommes  efforcés  de 
remercier  chacun  d'eux  en  particulier,  mais  nous  tenons  à  le  faire 
encore  ici  publiquement  et  d'une  manière  plus  durable.  Nous  pou- 
vons ajouter  qu'aucun  des  objets  exposés  n'a  été  égaré,  qu'aucun 
n'a  pris  une  fausse  direction,  ni  subi  aucune  avarie,  ce  dont  celui 
qui  signe  ces  lignes  est,  —  à  cause  de  sa  responsabilité  —  particu- 
lièrement reconnaissant. 

Les  catalogues  d'expositions  se  composent  généralement  de  la 
reproduction  des  étiquettes  qui  accompagnent  les  objets  exposés. 
Un  catalogue  de  ce  genre  paraîtrait  sans  doute  bien  sec  à  nos  lec- 
teurs et  ne  suffirait  guère  qu'aux  initiés,  c'est-à-dire  au  plus  petit 
nombre  d'entre  eux.  Nous  avons  donc  cherché  à  rédiger,  pour  ceux 
surtout  qui  n'ont  pu  voir  par  eux-mêmes  ce  qui  avait  été  rassemblé, 
une  sorte  de  catalogue  descriptif,  accompagné  de  reproductions 
photographiques. 

Une  vue  générale  de  la  salle  de  lecture  leur  donnera  une  idée  de 
l'ensemble,  puis  ils  verront  défiler  successivement  les  six  panneaux 
remplaçant  provisoirement  les  six  baies  garnies  de  livres  et  sur 
lesquels  on  s'était  efforcé  de  classer  tableaux,  gravures,  pla- 
cards, etc.,  etc.,  dans  un  certain  ordre  sinon  logique  et  rigoureux, 
du  moins  approximatif. 

Ils  trouveront  ci-après,  à  peu  près  comme  l'ont  entendue,  les  visi- 
teurs accompagnés,  la  description  de  chaque  panneau,  puis  celle 
des  quatorze  vitrines  dont  douze  recouvraient  la  table  de  travail  et 
deux  autres  renfermaient  des  émaux  et  des  dentelles.  Nous  avons 
essayé  de  faire  reproduire,  pour  illustrer  cette  description,  l'aspect 
de  quelques-uns  des  objets  les  plus  intéressants. 

Pour  ce  catalogue  ainsi  compris,  M.  Th.  Dufour  a  bien  voulu 
écrire  la  bibliographie  des  quatre  vitrines  de  livres  qu'il  avait  arran- 
gées et  qui  ont  beaucoup  intéressé,  entre  autres  MM.  Léopold  De- 
lisle  et  E.  Picot,  bibliographes  émérites  s'il  en  fut.  M.  F.  de  Schi- 
ckler  a  rédigé  une  analyse  des  autographes  qu'il  avait  lui-même 
classés  et  M.  Armand  Lods  une  description  de  la  vitrine  consacrée 
à  Calas  ainsi  que  des  portraits  des  Rabaut  et  des  médailles  de  la 
Salnt-Barthélemy  et  de  la  Révocation. 


JUBILÉ    CINQUANTENAIRE    DE    LA    SOCIÉTÉ  377 


La  salle  de  lecture. 

Si  Ton  jette  un  coup  d'œil  sur  la  gravure  représentant 
l'ensemble  de  la  salle  de  lecture,  on  y  distinguera,  au-dessous 
des  balustrades  cjui  marquent  les  deux  étages,  les  deux 
bandes  sur  lescjuelles  ont  été  inscrits,  en  vue  de  l'exposition, 
les  principaux  noms  huguenots.  Malheureusement  un  seul 
de  ces  noms  est  vraiment  lisible  sur  celte  reproduction  très 
réduite.  Mais  c'est  un  nom  de  tout  premier  ordre,  celui  de 
Marguerite  d'Angouléme,  l'intelligente  et  pieuse  sœur  de 
François  1^',  suivi  immédiatement  des  noms  qu'on  distingue  à 
peine, de  G.Farelet  Louis  de  Berquinqu'elleconnaissait  bien. 
Non  seulement,  en  effet,  le  nom  de  la  «  Marguerite  des  Mar- 
guerites ))  est  inséparable  de  l'histoire  des  débuts  de  la 
Réforme  en  France,  mais  on  peut  aujourd'hui  affirmer  cjue 
sans  son  active  et  persévérante  intervention,  l'enfant  qu'elle 
contribua  à  faire  naître,  aurait  alors  été  étouffé  dans  son 
berceau. 

Au-dessus  de  la  porte  d'entrée,  sous  les  noms  —  très 
indistincts  —  de  Sébastien  Castellion,  le  martyr  de  la  tolérance, 
et  de  Jean  Crespin,  l'historien  des  martyrs,  se  voient  trois 
taches  blanches.  Elles  représentent  les  moulages  en  plâtre, 
d'une  inscription  gravée  au  milieu  du  xvi^  sièle  —  apparem- 
ment par  un  huguenot  —  sur  un  linteau  de  fenêtre  au  Clou- 
Bouchet,  de  Niort  (maison  Frappier),  moulages  que  notre 
collaborateur  .M.  H.  Gelin  a  bien  voulu  faire  exécuter  pour 
nous.  Sur  celui  de  gauche,  près  de  la  porte  par  laquelle  on 
pénètre  généralement  dans  la  Bibliothèque,  se  lit,  dans  un 
cartouche  ce    verset  bien    connu    :    entrez    par    la    porte 

ESTROICTE  CAR    LA  LARGE  MENNE  A  PERDITION",    S.    MATH.   7.    CH. 

Sur  celui  de  gauche,  cet  autre  :  diev  mavldit  la  maison  dv 

MESCHANT.    ET  BENIT  CELLE  DV  IVSTE .    PRO.  3.    CH.   Au  deSSOUS,   la 

date  de  1564.  Un  dessin  reproduisant  ces  cartouches  cjui 
sont  bien  dans  le  style  du  xvi'^  siècle,  se  trouve  dans  le  Bul- 
letin de  1894,  p.  103. 

LI.  —  27 


JUBILÉ    CINQUANTENAIRE    DE    LA    SOCIÉTÉ  379 


Réformateurs  et  Pasteurs. 

Après  avoir  pénétré  dans  la  salle  de  lecture  et  donné  un 
coup  d'œil  à  l'aspect  général,  nous  commençons  notre  revue 
par  le  premier  panneau  à  droite  près  de  la  porte  d"entrée,  où 
ont  été  groupés  des  portraits  de  réformateurs,  de  pasteurs  et 
autres  personnages  de  marque  ainsi  que  quelques  documents 
contemporains. 

Les  précurseurs  de  la  Réforme  sont  représentés  par  un 
petit  panneau  de  bois  sur  lequel  un  artiste  anglais  inconnu, 
mais  certainement  peu  exercé,  a  essayé  de  représenter,  sur 
un  fond  vert  Joan  Wiclef  Doctor  oxon.  —  Le  portrait  n'est 
pas  beau,  mais  ancien  et  curieux.  On  a  vu  plus  haut  une 
reproduction  de  la  belle  médaille  commémorative  du  sup- 
plice de  Jean  Huss  laquelle  se  trouvait  dans  la  vitrine  numis- 
matique ainsi  qu'une  autre  représentant  Jérôme  Savonarole. 
—  Immédiatement  après  Wiclef  qu'on  ne  voit  pas  sur 
la  gravure  que  le  lecteur  a  sous  les  yeux,  on  avait  placé 
plusieurs  portraits  de  Luther.  Les  deux  plus  beaux,  peut- 
être  les  meilleurs  portraits  contemporains  du  réformateur, 
sont  d'abord  une  eau-forte  de  152o  devenue  rare,  qu'on 
attribue  généralement  à  Lucas  Cranach,  mais  qui  est  signée 
D.  H.;  elle  a  été  reproduite  dans  le  Bulletin  de  1892,  p.  75. 
La  légende  allemande  qu'on  lit  au  dessous,  Des  lutters 
gestalt  mag  luol  verderbenn.  Sein  ceistlich  genuet  *  nnrt  njnner 
sterben,  peut  se  traduire  ainsi  :  La  figure  de  Luther  peut 
bien  périr,  son  âme  spirituelle  ne  périra  jamais.  Cette  gra- 
vure a  été  donnée  à  la  Bibliothèque  par  M.  de  Beurnonville. 
A  côté  d'elle  M.  Frank  Puaux  nous  avait  permis  de  placer 
une  épreuve  ancienne  de  la  gravure  d'Aldegraeve  représen- 
tant Luther  tel  qu'il  était  dix-sept  ans  plus  tard,  en  1540.  En 
Tête  le  verset  du  Psaume  LV,  23:  iacta.cvram.tvam.ix.domi- 
NVM.ET.iPSE.TE.ENVTRiET,((  Remets  ton  sort  à  l'Éternel,  cl  il  te 
soutiendra  ».  Au  dessous,  cette  légende  :  asservit. christvm. 

M.  Sic  pour  geistlich  gcmïitli.. 


380  JLBILÉ    élNQUAiNTENAlRE    DE    LA    SOCIÉTÉ 

DIVIXA.  VOCE.LVTHERVS.CVLTIBVS.OPPRESSAM.RESTITVITQUE.FIDEM. 
ILLIUS.ABSENTIS.VVLTV  .  H/EC  .  DEPINGIT  .  IMAGO  .  PRESENTE  .  MELIVS. 

CERNERE.NEMO.POTEST  :  «  D'uDG  voix  clivinc  Lulher  défendit  Ic 
Christ,  et  rétablit  la  foi  opprimée  par  les  rites;  celte  image 
représente  son  visage  quand  il  est  absent,  personne  ne  peut 
en  voir  un  meilleur  quand  il  est  présent».  Au-dessous  de  ces 
deux  beaux  portraits  on  avait  placé  deux  petites  peintures 
ressemblant  à  des  lithographies  et  représentant  Luther  et 
Melanchton.    Ces  peintures    sur  carton  étaient  sans  doute 


rabri(juées  dans  des  atcHers  qui  anciennement  rempla(2aient 
ceux  de  nos  photographes  et  vendus  comme  on  vend  aujour- 
d'hui CCS  dernières.  C'est  pour  cela  qu'on  en  trouve  encore 
assez  fréquemment.  Il  nous  faut  enfin  mentionner  ici  un  por- 
trait de  Lulher  qui  n'avait  pu  trouver  place  sur  ce  panneau, 
mais  avait  été  mis  en  face  au  milieu  de  la  table  de  travail. 
C'est  un  masque  en  plâtre  reproduisant  celui  qui  a  été 
pris  sur  la  face  de  Luther  après  sa  mort.  Ce  masque 
appartient  à  l'Église  de  la  confession  d'Augsbourg  à  Paris. 
11  est  extièniement  saisissant  ainsi  qu'on  peut  s'en  rendre 
compte  par  cette  photogravure,  et  rappelle,  mais  en  mieux, 
une  peinture  faite  au  même  moment  et  qui  est  conservée  au 


DE    l'histoire    du    PROTESTANTISME    FRA^c;AIS  381 

musée  de  Munich',  mais  qui  exagère  plutôt  l'impression  de 
force  et  de  joie  que  vous  laisse  le  masque.  Cette  impression 
vient  tout  récemment  d'être  confirmée  par  un  récit  inédit  de 
la  mort  de  Luther  découvert  dans  les  noies  journalières  d'un 
des  membres  du  colloque  de  Ratisbonne  IS'jG).  Ce  récit  qui 
parait  être  tout  simplement  la  copie  dune  lettre  de  Jonas, 
l'un  des  témoins  de  la  mort  de  Lulher,  s'accorde  en  lous 
points  avec  la  relation  officielle  qu'on  possédait.  Cependant 
on  y  trouve  une  parole  de  Luther  qui  aurait  été  celle-ci  : 
«  Je  m'en  vais  dans  la  paix  et  dans  la  joie  !  '  » 

Les  efforts  les  plus  persévérants  ont  été  tentés  pour  faire 
figurer  à  côté  de  Lulher  quelques-uns  des  portraits  les  moins 
connus  de  Calvin.  La  seule  peinture  ancienne,  peut-être 
contemporaine  du  réformateur  français  qui  avait  été  jusqu'ici 
signalée  en  l'rance,  se  trouvait  dans  ces  dernières  années  au 
château  d'Azay-le-Rideau.  Notre  collaborateur  et  membre 
honoraire,  M.  A.  Dupin  de  Saint-André,  pasteur  à  Tours,  avait 
obtenu  la  permission  d'en  prendre  une  photographie  dont  une 
reproduction  parut  dans  le  Journal  de  l'Eglise  réformée  de 
Tours  de  juillet  1896.  A  notre  requête  il  voulut  bien  faire  une 
démarche  en  vue  d'obtenir,  ne  serait-ce  que  pour  quelques 
jours,  communication  de  l'original.  Cette  démarche  n'eut 
malheureusement  aucun  résultat.  Mais  nous  pouvons  au 
moins  donner  ici  le  cliché  fait  sur  la  photographie  de  M.  Dupin. 

On  se  rappelle  aussi  qu'à  la  célèbre  vente  Spilzcr  figurait 
un  émail  de  1535  signé  L.  L.  c'est-à-dire  Léonard  Limousin  et 
qui  reproduisait  les  traits  de  Calvin  l'année  même  où  il  avait 
été,  à  la  suite  de  l'affaire  des  Placards  (1534).  ajourné  à  com- 
paraître devant  le  parlement  de  Paris  avec  cinquante  autres 
suspects  parmi  lesquels  Mathurin  CorJier,  Clément  Marot, 
Pierre  Caroli,  etc.  {France  prot.  2'  éd.  V.  879).  Une  enquête 
assez  délicate  nous  apprit  que  cet  émail  serait  sans  doute 
aujourd'hui  au  Louvre  si,  au  moment  de  la  vente  Spitzer,  un 
journaliste  peu  scrupuleux  ne  s'était  livré  à  toutes  sortes 
d'insinuations  au  sujet  de  l'emploi  du  crédit  ouvert  en  faveur 


1.  El  donl  M.  LaboacliLM-e  nous  a  l:\iss2  une  copie  à  l'aquarelle. 

2.  Note  du  journal  Le  TcnijigJtage,  du  9  août    1902. 


382  JUBILÉ    CINQUANTENAIRE    DE    LA    SOCIÉTÉ 

des  musées  français.  On  renonça,  au  dernier  moment,  à 
Tacheler  cl  il  parlil  ainsi  pour  l'Angleterre.  Nouvelle  enquête 
pour  arriver  jusqu'au  propriétaire  actuel.  On  le  découvrit, 
mais  il  déclina  la  requête  faite  en  notre  faveur.  Nous  espé- 


rons pourtant  pouvoir  un  jour  donner  à  nos  lecteurs  une 
reproduction  de  cet  émail  moins  imparfaite  que  celle  qui 
parut  dans  le  Bulletin  de  1894,  p.  544  et  que  M.  le  professeur 
E.  Doumcrgue  n  depuis  lors  placée  en  tête  de  sa  monumen- 
tale biographie  du  réformateur. 

Enfin  nous  savions  qu'il  existait  à  Francfort-sur-le-l\Iein  et 


DE    l'histoire    du    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  383 

n  Ilanau  deux  portraits  de  Calvin  presque  identiques  et  dont 
l'un  est  sûrement  la  copie  de  l'autre.  Le  Bulletin  de  1898  a 
essayé  (p.  47)  de  donner  une  idée  de  la  toile  de  Ilanau  et 
nous  espérions  fermement  que  nous  pourrions  montrer  à  nos 
visiteurs  celle  de  Francfort.  On  a  eu  peur,  après  avoir  favora- 
blement accueilli  notre  requête,  de  laisser  voyager  le  portrait, 
et  il  a  fallu  y  renoncer.  Tout  ceci  est  ici  raconté  pour  qu'on 
ne  nous  reproche  pas,  après  coup,  la  place  réduite  occupée 
dans  notre  exposition  par  celui  que  la  petite  encyclopédie  de 
Larive  et  Fleury  caractérise  ainsi  :  «  De  son  vrai  nom  Jean 
«  Cauvin,  l'un  des  fondateurs  du  Protestantisme,  dictateur  de 
«  Genève!  » 

Nous  n"avons  donc  exposé  que  deux  portraits  anciens  de 
Calvin,  celui  de  Genève  étant  trop  connu  pour  qu'il  y  eût 
intérêt  à  montrer  la  copie  qu'en  possède  la  Bibliothèque. 
Le  plus  grand  des  deux  est  une  copie  à  la  mine  de  plomb 
exécutée  il  y  a  quelques  années  par  un  artiste  bâlois,  d'une 
peinture  du  xvi'  siècle  qui  se  trouvait  alors  au  presbytère  de 
Lausen  près  de  Bàle  et  qui  est  aujourd'hui  à  Bàle  même.  Les 
propriétaires  n'ayant  jamais  permis  que  cet  original  fût  pho- 
tographié, il  n'existe  de  cette  copie  que  deux  exemplaires, 
celui  que  possède  le  soussigné  et  dont  on  a  sous  les  yeux 
une  reproduction,  et  un  autre  resté  également  à  Bâle.  Le 
portrait  qui  semble  bien  fait  d'après  nature  et  porte  dans 
l'angle  supérieur  de  gauche  cette  inscription,  ioh.  calvinus 
ss.  TH.  DOCTOR  cst,  après  l'émail  de  Limosin,  une  des 
rares  effigies  qui  représente  Calvin  de  face.  Au-dessous 
de  ce  cadre  nous  avons  pu,  grâce  à  M.  le  professeur 
Doumergue,  de  Monlauban,  en  placer  un  autre  plus  petit. 
C'est  un  profil  peint  au  xvi"  siècle  sur  un  morceau  de  bois  de 
cèdre  arrondi  comme  un  médaillon.  L'artiste  qui  a  exécuté 
ce  profil  n'était  pas  très  habile,  mais  on  voit  pourtant  qu'il 
avait  été  impressionné  par  le  front  et  par  les  yeux  de  son 
modèle,  ces  yeux  clairs  qui  nous  frappent  aussi  dans  le  por- 
trait de  Bàle.  Ce  médaillon  avait  été  donné  jadis  à  M.  le 
pasteur  Frank  Coulin  qui  l'a  offert  à  ^L  Doumergue. 

Des  deux  côtés  de  ce  médaillon  on  a  placé  deux  portraits 
du  xvii'  siècle;  celui  de  droite  est  une  peinture  médiocre 


384  JLBILÉ    CINOUANTEXAIRE    DE    LA    SOCIETE 

représenlanl  Calvin  debout  dans  son  cabinet  de  travail.  Elle 
appartenait  à  M.  le  professeur  E.  Reuss  et  a  clé  donnée  par 


son  fils  à  notre  Bibliothèque.  Celui  de  gauche,  exécuté  à  la 
plume  et  daté  de  169S  offre  ceci  de  particulier  que  les  plis  du 
vêtement  sont  composés  de  passages  bibliques  écrits  assez 


Dt:  l'histoire  du  protestantisme  français  383 

finement  pour  qu'on  les  prenne  pour  des  lignes.  Il  appartient 
à  M.  Th.  Dufour.  Parmi  les  caricalures  de  Calvin  on  n'en  a 
exhibé  qu'une  seule,  le  moulage  en  plâtre  d'une  grossière 
sculpture  sur  bois,  dessous  de  siège  d'une  stalle  de  Saint- 
Sernin  à  Toulouse  représentant  trois  bourgeois,  dont  un  à 
genoux,  occupés  à  écouler  un  porc  assis  dans  une  chaire  sur 
laquelle  on  peut  encore  lire  Calvin  le  Porc.  M.  E.  de  Carlai- 
Ihac  a  bien  voulu  offrir  ce  moulage  à  la  Bibliolhèque. 

A  gauche  de  Calvin  on  aperçoit,  peu  disUnclement  à  cause 
de  la  couleur  sombre  de  l'original,  le  beau  portrait  de  Clé- 
ment Marot  que  M.  F.  de  Schickler  a  donné  à  la  Bibliothèque 
il  y  a  quelques  années.  Ce  portrait  exécuté  sans  doute  en 
Italie,  peut-être  à  Ferrare,  dans  la  manière  du  célèbre 
peintre  Morone,  a  été  identifié  par  M.  Bouchot,  directeur  du 
cabinet  des  Estampes  à  la  Bibliothèque  Nationale.  Nous 
aurions  bien  aimé  placer  sous  ce  portrait  un  exemplaire  de 
rédition  princeps  du  célèbre  Psautier  qui  détermina  la  fuite 
de  Clément  Marot  hors  de  France  où  il  était  rentré  auparavant 
grâce  à  une  abjuration,  mais  nous  n'avons  pu  en  trouver  ailleurs 
qu'à  la  Bibliothèque  Nationale.  Nous  l'avons  donc  remplacé 
par  un  document  du  xvi*^  siècle,  d'un  intérêt  exceptionnel, 
que  M.  Th.  Dufour  a  bien  voulu  nous  prêter.  C'est  la  lettre 
écrite  dans  le  cachot  de  rofficialilé  de  Paris,  le  2  octobre 
1560,  par  un  de  ces  colporteurs  qui  risquaient  leur  vie  en 
vendant  clandestinement  des  évangiles,  psautiers  et  des 
traités  de  propagande,  voire  même  parfois  de  gros  in-folios 
comme  l'Institulion.  Celui-ci  s'appelait  Jehan  Morigan,  était 
natif  de  Saumur,  et  servait  de  commis  à  Jean  Beaumaistre, 
natif  de  Meaux,  qui  faisait  ostensiblement  le  commerce  de 
mercerie.  Le  commanditaire  de  ces  colporteurs  qui  rendirent 
à  la  Réforme  d'inappréciables  services,  n'était  autre  que 
l'ami  et  le  compatriote  de  Calvin,  Laurent  de  Normandie,  ori- 
ginaire, comme  lui,  de  Noyon.  Voici  le  texte  de  la  lettre  de 
Morigan  : 

A  nions,  mons.  de  Normandie  soit  donnée  la  présente  à  Genève. 
Jésus  Crisl  crusifié  pour  noz  péchez  et  resussité  pour  notre  justi- 
fication vous  soict  pour  salut. 


386  JUBILÉ    CINQUANTENAIRE   DE    LA    SOCIÉTÉ 

Monsieur,  Irez  humblement  à  voslre  bonne  grâce  me  recom- 
mande. Ung  peu  devant  que  feusse  pris,  vous  avoys  rescript,  en- 
semble le  sire  Jehan  Beau  Maistre  mon  conpaignon.  Toutesfoys  je 
ne  scays  si  avez  receu  les  lettres  part  lesquelles  vous  mandions 
quelque  marchandise,  désirant  faire  quelque  voyage  pour  puis  après 
vous  porter  argent  (ce  que  heussions  faicl)  n'eust  esté  mes  liens. 
Toutesfoys  si  ce  bon  Dieu  me  lire  d'entre  les  mains  de  ses  [ces] 
cruelz  lirans,  j'espère  bien  tost  (Dieu  aydant)  vous  en  porter;  et 
croys  que  sienpendent  ma  détention  des  prisons  mon  conpaignon 
fait  son  devoir;  par  quoy  il  vous  plaira  nous  tenir  pour  excusé  et 
l'ung  et  l'autre,  car  depuis  cinq  ou  six  moys  le  temps  a  esté  bien 
rude  pour  nous.  Et  mesme  on  ne  pouvoit  porter  ny  faire  mener 
balle  aucune  sans  eslre  visitée,  part  quoy  il  se  falloit  nécessaire- 
ment tenir  en  ungne  ville. 

Or,  part  la  grâce  de  Dieu,  je  feuz  pris  prisonnier  le  xvu*  juing 
saisy  de  2  Institutions  latine  foUio  Cal.  et  d'une  Harmonie  foll.  et 
fuz  mené  au  Temple,  prison  subalterne;  auquel  lieu  ne  fuz  poinct 
deulx  heures  sans  estre  interrogué  de  ma  foy.  De  laquelle  (part  la 
grâce  de  Dieu)  j'en  feis  confession,  selon  que  ce  bon  Dieu  m'en 
avoit  dispersé.  De  la  vous  rescrire  tout  au  long  je  n'ay  pas  l'opor- 
tunité  pour  ce  que  je  double  d'heure  en  heure  qu'on  ne  viegne  à  la 
prison  où  je  suis,  ma  y  s  je  vous  en  toucheray  seullement  du  principal 
poinct,assavoirdu  sacrement  de  leur  hostel  (aynsy  qu'ilz  appellent). 
Je  leur  demanday  si  tenoys  leur  messe  pour  sacrifice;  ilz  me 
dirent  qu'ouy.  Puis,  je  leur  demanday  si  il  estoit  parfait  ou  impar- 
fait :  ilz  me  dirent  qu'il  estoit  parfaite  Puis,  je  leur  dis  qu'il  ne  fail- 
loit  doncques  plus  dire  de  messe  et  que  à  une  chose  parfaicte  il  n'y 
fault  plus  retourner  et  qui  plus  est  Sainct  Paul,  Roumains  12,  nous 
montre  que  nous  pouvons  sacrifier  nos  corps,  etc.,  et  aux  Hebreulx, 
10,  nous  montre  que  tous  sacrifices  sont  abolis  et  qu'il  ne  reste  plus 
de  sacrifice  pour  le  péché,  Sainct  Mathieu  9,  Osée  6  :  «  Je  vueil 
miséricorde  et  non  pas  sacrifice,  etc.  »,  mays  le  vray  sacrifice, 
comme  dict  le  psalmiste,  pseaulme  51,  c'est  ung  coeur  dolent,  une 
âme,  etc.,  et  que  Jésus  Crist  ne  vouloit  estre  servy  de  main 
d'homme  ny  ne  voulloit  habiter  en  temple  fait  de  mains  d'homme, 
comme  nous  Icsmoigne  Sainct  Paul,  actes  17. 

Voilà  ce  que  je  leur  ay  respondu  sur  le  Sacrement  de  leur  belle 
messe,  mays  quand  aulx  aultrcs  sacremens  que  Jhesus  Crist  a  ins- 
tituez, assavoir  le  babtesmc  et  la  saincle  cène,  je  y  croys  bien; 
mays  au  sacrement  de  leur  messe  (qu'ilz  appellent)  je  n'y  croys 
rien,  voyant  que  toutes  choses  inventées  du  serveau  de  l'homme  et 


DE    l'histoire    du    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  387 

toute  sciense  ou  prudence  humaine  en  cas  de  saincteté  estoit  ini- 
mitié contre  Dieu.  Mays  au  sacrement  de  la  saincle  cène,  selon 
l'institution  de  Jhesus  Crist,  comme  nous  tesmoigne  les  4  evangelistès 
et  aussi  semblablement  Sainct  Paul,  I  Corinth  1 1 ,  je  y  adjoustoys  foy. 

Puis  il  me  vouloint  faire  dire  ceulx  que  je  congnoissoys  à  Paris; 
mays  ce  bon  Dieu  m'avoit  si  bien  fortefié,  ce  que  lousjours  de  plus 
en  plus  me  fortefie  part  son  sainct  esprit,  dont  je  luy  en  rens  grâces, 
qu'ilz  me  heussent  baillé  (et  me  bailleront)  plustost  la  géhenne  or- 
dinaire et  extraordinaire  que  de  leur  en  nommer  ung,  car  mieulx 
me  vault  patir  seul  que  d'aultres  avecqucs  moy. 

Quand  aulx  aultres  articles,  je  seroys  trop  long  à  les  vous  reciter, 
part  quoy  je  vous  pry  ne  m'oublier  en  vos  oraisons  et  me  recom- 
mander aulx  prières  de  Tesglise,  car  je  en  ay  bien  besoing  ;  et  priez 
Dieu  qu'il  luy  plaise  me  donner  force  et  constance  de  persévérer  ce 
que  j'ay  commencé,  ce  qui  sera  (aynsy  que  je  croy),  car  c'est  ung 
ouvrier  qui  ne  laisse  poinct  son  oeuvre  inparfaicte,  et  croy  qu'il 
parfera  ce  qu'il  a  en  moy  commencé. 

11  vous  plaira  dire  à  maistre  Anthoine  Bachelier  que  face  mes 
recommandations  au  sire  Richard  Mendin  et  à  tous  mes  amis  de 
part  de  là.  Or,  je  pry  le  grand  Dieu  vivant,  lequel  nourrist  et  vivifie 
toute  créature,  vous  mainctenir,  préserver  et  garder  en  bonne  sancté. 

De  l'officialité  de  Paris,  ce  2^  octobre  1560,  part  vostre  humble 
et  obéissant  Jehan  Morigan. 

Monsieur,  je  vous  heusse  plus  tost  rescript,  n'eust  esté  que  j'ay 
touiours  esté  aulx  crottons*  obscurs,  noirs  et  ténébreulx  jusques 
à  présent  combien  que  je  soys  en  une  ba.sse  fosse  fort  humide  et 
fort  froide,  mays  (grâces  à  Dieu)  j'ay  belle  clarté  et  aussi  qu'il  ne 
m'estoit  permis  tenir  ancre  ny  pappier  au  Chastellef,  mays  ycy  les 
serviteurs  m'en  baillent  volumtiers;  dont  je  rens  grâces  à  Dieu,  car 
j'auray  moyen  rescripre  à  mes  amis  jusques  à  ce  qu'il  plaise  à  ce 
bon  Dieu  m'appeller  à  la  mort  ou  à  la  vie;  toulesfoys  sa  volumté 
soit  faicte.  Amen. 

On  voit  par  les  détails  si  curieux  de  celte  lettre,  qui 
passa  de  l'hoirie  de  Laurent  de  Normandie  dans  celle  de 
M.  H.-L.  Bordier  {France  prot.,  2*  éd.,  II,  81)  avec  quelle 
ardeur  et  quelles  connaissances  scripluraires  ces  colpor- 
teurs combattaient  les  dogmes  catholiques  et  aussi  avec 
que!  esprit  de  sacrifice  et  quel  viril   courage  ils  exerçaient 

1.  SoLilerrains.  Nous  avons  suppléé  tes  accents  et  la  ponctuation. 


388  JUBILÉ    CI-NQUANTENAIRE    DE    LA    SOCIÉTÉ 

leur  dangereux  métier.  Celui-ci  se  félicite  d'être  sorli  des 
souterrains  obscurs  du  Ghatelet  et  de  se  trouver  au  For 
l'Evêque  dans  une  «  basse  fosse  fort  humide  et  fort  froide  », 
mais  claire.  Il  se  garde  bien,  dût-on  le  lorturer,  de  nommer 
aucun  des  huguenots  qu'il  connaît  à  Paris  et  allend  paisible- 
ment que  Dieu  V  «  appelle  à  la  mort  ou  à  la  vie  ». 

.Après  le  portrait  de  Clément  Marot,  il  fallait  placer  celui 
de  Théodore  de  Bèze  qui  acheva  la  traduction  en  vers  du 
Psautier  que  Clément  Ma  rot  dut  laisser  incomplète.  M  me  Alfred 
André  nous  avait  prêté  le  beau  portrait  du  réformateur  à 
78  ans,  que  son  mari  avait  acheté  il  y  a  quelques  années,  et 
dont  le  Bulletin  de  1899  a  donné  une  reproduction  (p.  61). 
Sous  ce  portrait  nous  avions  placé,  à  droite,  le  billet  de  faire- 
part,  en  latin,  du  décès  de  Théodore  de  Bèze,  qui  fut  affiché 
à  la  porte  de  TAcadémie  de  Genève  pour  en  inviter  tous  les 
membres  aux  obsèques  fixées  au  14  octobre  1605,  lendemain 
de  la  mort  (cf.  Bull.,  1887,  p.  80-81),  puis,  à  gauche  et  au- 
dessous,  les  portraits  de  deux  amis  du  successeur  de  Calvin. 
Le  premier  est  une  copie  très  remarquable  due  à  Mme  Juil- 
leral-Chasseur  d'une  peinture  de  Renée  de  Ferrare  par 
Clouet,  copie  dont  l'original  appartient  à  une  galerie  parti- 
culière. Ce  petit  panneau  avait  été  donné  à  M.  Jules  Bonnet 
qui  y  tenait  beaucoup  et  qui  l'a  légué  à  notre  Société.  A  côté 
de  celte  protectrice,  à  Monlargis,  de  tous  ceux  qu'on  persé- 
cutait aux  alentours  pour  la  religion,  se  voyaient  deux  effi- 
gies, l'une  gravée,  l'autre  à  la  plimie,  de  Louis  de  Bourbon, 
prince  de  Condé,  dont  Th.  de  Bèze  fut  le  secrétaire  et  le 
conseillera  Orléans,  pendant  la  première  guerre  de  religion. 
Ces  portraits  de  Condé,  acquis  par  M.  F.  de  Schickler  pour  la 
Bibliothèque,  sont  postérieurs  à  cette  guerre,  puisqu'ils  sont 
datés  de  1568.  Celui  à  la  plume  a  été  dessiné  par  un  nommé 
Mathias  Zindt,  sans  doute  un  Suisse  ou  un  Allemand  qui  se 
trouvait  alors  dans  l'armée  huguenote  et  dont  l'œuvre,  naïve 
et  soigneuse,  a  été  passablement  modifiée  par  le  graveur  qui 
paraît  avoir  eu  plus  de  talent  que  le  dessinateur. 

Nous  passons  maintenant  au  coin  des  pasteurs.  Au  centre 
se  détachait  un  beau  portrait  qui  appartient  au  conseil  pres- 
bytéral   de    la  paroisse  de    Penlemont  et  qui,  d'après  une 


DE    l'histoire    du    PROTICSTANTISME    TRANÇAIS  389 

inscription  du  donaleur,  l'amiral  \'er-Huell,  doit  représenter 
Jean  Claude,  le  célèbre  pasteur  de  l'Église  de  Paris  à  l'époque 
de  la  Révocation.  Il  est  difficile,  toutefois,  de  ne  pas  remar- 
quer de  grandes  différences  entre  ce  portrait  et  celui  placé 
au-dessous,  gravé  par  van  Somcr,  d'après  une  peinture  de 
J.  Lorent,  et  qui  se  vendait  du  vivant  de  Claude  à  Paris 
che^  L.  Lucas,  libraire  au  Palais,  à  la  Bible  d'or  (cf.  Bull., 
1891,  519).  Autour  de  cette  gravure  avaient  pris  place  tout 
naturellement  les  diverses  estampes  montrant  le  temple  de 
Charenton  avant  et  pendant  sa  destruction  (cf.  Bull.  V.  174, 
177,  178).  Des  deux  côtés  de  la  toile,  on  n'avait  pu  mettre, 
vu  l'exiguïté  de  l'espace,  que  quatre  autres  portraits  gravés 
et  appartenant,  comme  le  précédent,  à  la  Bibliothèque;  au 
bas,  ceux  vraiment  admirables  de  vérité,  de  JeanDaillé,  Tun 
des  collègues  de  Claude  et  de  Moïse  Amyraut,  le  célèbre  pro- 
fesseur de  l'Académie  de  Saumur,  ce  dernier  gravé  par 
P.  Lombart,  d'après  une  peinture  de  Ph,  de  Champaigne 
qui  doit  être,  si  on  en  juge  par  cette  gravure,  une  des  plus 
belles  toiles  de  ce  maître.  Au-dessus  d'Amyraut,  on  voyait  un 
portrait  également  superbe  du  célèbre  prédicateur  Alexandre 
Morus,  gravure  de  P.  \'andrebanc  d'après  Gribelin,  orné  de 
cette  légende  d'une  modestie  contestable  : 

Effigies,  vultiim,  mentem^  scripta  ejiis  adumbrant 
Umbras  vcl  satis  est  tanti  Jiabuisse  viri. 

ce  qu'on  pourrait  traduire  ainsi  :  «  Ce  portrait  et  ses  écrits 
ne  donnent  qu'une  idée  affaiblie  de  son  visage  et  de  son 
esprit,  mais  c'est  déjà  quelque  chose  d'avoir  une  image  d'un 
aussi  grand  homme  ».  En  face  de  lui  se  détachaient,  sur  une 
draperie,  le  visage  sérieux,  aux  yeux  pénétrants,  et  la  table 
de  travail  d'un  de  ses  contemporains,  fondateur  de  l'Aca- 
démie française  «  Valentin  Conrart,  Conseiller  et  Secrétaire 
du  P»oy,  Maison  et  Couronne  de  France  et  de  ses  finances, 
Secrétaire  de  l'Académie  françoise  »  aussi  apprécié  pour  sa 
valeur  que  pour  sa  probité,  son  obligeance  et  sa  modestie 
—  gravure  de  L.  Cossin  d'après  G.  Lfe  Feure. 

Il  restait  une  toute  petite  place  dans  le  coin  de  gauche  de 
ce  panneau.  On  y  mil  une  petite  toile  ancienne  représentant 


390  JUBILÉ    CIMJL'ANTENAIRE    DE    LA    SOCIÉTÉ 

les  traits  du  célèbre  David  Ancillon,  le  doyen  des  pasleurs 
de  Metz  avant  la  Révocation.  L'inscription  laline  est  carac- 
téristique. Je  crois  qu'on  peut  l'interpréter  ainsi  :  «  Le  corps, 
les  yeux,  le  visage  nous  trompent  souvent.  Or,  ici,  tu  ne  vois 
pas  une  belle  figure;  bien  plus,  le  reste  est  1res  inférieur  (?) 
à  la  valeur  d'Ancillon.  L'âme  dont  était  doué  ce  savant  et 
pieux  pasteur  ne  nous  apparaît  pas  suffisamment  dans  ce 
portrait  *  ». 

Le  second  panneau  était  presque  exclusivement  consacré 
à  Coligny,  à  sa  famille,  à  ses  alliances  ainsi  qu'aux  événe- 
ments tragiques  qui  l'ont  immortalisé. 

Coligny  et  son  temps. 

Au  centre  de  ce  panneau  nous  avions  naturellement  placé 
un  des  cadeaux  de  M.  F.  de  Schickler  à  la  Bibliothèque,  la 
belle  peinture  de  l'amiral,  en  grande  tenue,  débarrassée  pour 
la  circonstance  de  la  couche  de  poussière  incrustée  qui  lui 
donnait  un  ton  gris  et  en  voilait  les  couleurs  très  fraîches  et 
délicates.  Ainsi  remis  en  état,  ce  portrait,  d'après  nature, 
paraissait  vraiment  digne  de  l'école  de  Clouet,  si  ce  n'est  de 
Clouet  lui-même;  le  visage  vermeil,  simple  et  bon,  aux  pau- 
pières légèrement  rougies,  y  a  des  lignes  beaucoup  moins 
accentuées  que  dans  le  dessin  de  Bocourt  que  le  Bulletin  a 
reproduit  en  1896,  p.  445.  —  Les  deux  grands  cadres  de  chaque 
côté  de  cette  peinture  nous  montraient,  celui  de  droite,  une 
gravure  de  l'amiral  exécutée  en  1573  à  Nuremberg  par  un 
artiste  zurichois  {Fecit  Norimbergœ  Jost  Kinman  Tigurimis), 
qui  a  représenté  au-dessous  de  la  figure  entourée  d'attributs 
l'assassinat  de  Coligny  et  les  scènes  de  carnage  dont  il  donna 
le  signal;  —  à  gauche,  l'admirable  portrait  de  Louise  de  Coli- 
gny, en  costume  de  veuve,  dessiné  et  gravé  pour  son  fils 
Henri,  en  1627,  par  Guillaume  Jacques  Delphius  (Dauphin  ?), 
d'après  une  peinture  exécutée  d'après  nature  par  Michel  Jean 

1.  Trons,  oculli,  vuUus  ..fallunt  pcrsœpe  :  sed  hic  non  ora  décora  vides 
cœtera  crede  degent  (?)  immo  Ancillonii,  :^elo,  docloque  plaque  prcedita 
mens  nobis  haud  satis  inde  patent.  Ce  portrait  a  été  donné  à  la  Biblio- 
ttièque  par  l'Église  réformée  de  Metz. 


392  JLBILÉ    CINQUANTENAIRE    DE    LA    SOCIÉTÉ 

Miereveld.  Sur  le  cadre  ovale  qui  entoure  celle  gravure  de 
toute  beauté,  se  lit  la  prière  de  la  veuve,  dont  les  deux  maris 
avaient  élé  successivement  assassinés  presque  dans  ses  bras, 
Veniat  regmun  tinan,  «  Ton  règne  vienne  ». 

Entre  ces  trois  grands  cadres,  on  avait  placé,  en  haut  à 
droite,  une  aquarelle  de  Mlle  Marie  Leclaire  représentant  la 
grosse  tour  du  château  de  Coligny  à  Ghâlillon-sur-Loing  qui 
renferme  aujourd'hui  ce  qui  reste  de  l'amiral  —  don  de  M.  F. 
Buisson;  et  du  côté  opposé  un  cadre  que  nous  apporta  le 
pasteur  G.  Appia.  Grâce  à  l'agilité  de  son  crayon,  il  avait  pu, 
un  jour,  .faire  rapidemeni,  dans  le  vestibule  de  la  chapelle 
Sixline  et  de  la  chapelle  Pauline  au  Vatican,  quelques 
esquisses  furtives  d'après  les  fameux  tableaux  attribués  à 
Vasari  dont  il  n'est  pas  possible  d'avoir  de  reproduction.  Ces 
esquisses  représentent  Coligny  blessé  par  Maurevel,  le  corps 
de  Coligny  jeté  en  bas  de  la  fenêtre  de  son  logis  et  les  com- 
plices —  ou  les  principaux  acteurs?  —  de  ce  drame.  Sous 
l'aquarelle  se  voyait  un  crayon  du  xvi^  siècle,  don  de  M.  A. 
de  Schickler,  représentant  Odet  de  Coligny,  cardinal  de  Châ- 
tillon  et  une  lettre  de  lui  au  cardinal  d'imola  (11  février  1553 
a.  s.)  avec  signature  autographe;  sous  les  esquisses,  une 
bonne  copie  d'un  crayon  du  xvi^  siècle  représentant  d'Ande- 
lot,  colonel  de  l'armée  française,  prêtée  par  M.  Bouchot,  et 
celte  belle  lettre  entièrement  autographe  adressée  par  l'ami- 
ral, d'Orléans,  21  juillet  1562,  à  «  Monsieur  le  eomte  Ringrave. 
chevalier  de  l'ordre  du  roi». 

«  Monsieur  le  Comte, 

«  J'ay  esté  l)ien  aise  de  trouver  ceste  bonne  commodité  de  vous 
povoir  escripre  pour  vous  mander  de  mes  nouvelles,  et  en  premier 
lieu  je  vous  dire  que  je  vouldrois  qu'il  m'eust  cousté  quelque  chose 
de  bon,  et  avoir  peu  p[arler]  deux  heures  à  vous,  et  n'eusl  esté  la 
difficulté  de  chemain  j'eusse  envoyé  quelcun  de  mes  gens  devers 
vous  en  qui  je  me  fusse  fié;  mais  ceste  crainte,  et  d'autre  part  qu'il 
n'eust  esté  sceu  et  que  cela  vous  eust  porté  dommage,  je  ne  l'ay  pas 
voulu  faire. 

«  Or  mainctenant  il  faull  que  je  vous  die  que  beaucoup  de  gens,  et 
moy  aveques  eulx  trouvent  bien  fort  eslrange  que  vous  ayés  voulu 
accepter  la  charge  que  vous  avez  et  pource  que  familièrement  vous 


DE    l'histoire    du    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  393 

me  congnoissés,  il  fault  que  privémanl  je  parle  à  vous.  [On]  taxe 
ceulx  de  ceste  compagnie  d'estre  séditieux  et  rebelles  et  sans  reli- 
gion. Vous  me  congnoissés  bien  tant  que  s'il  y  avoit  rien  de  cela 
qui  menast  cesle  compagnie,  que  je  n'y  demourrois  pas  une  heure. 
Je  vous  prie  donques,  monsieur  le  conte,  s'il  y  en  a  qui  se  bandent 
contre  dieu  et  qui  luy  veillent  faire  la  guerre,  que  vous  ne  soyés 
point  de  ceulx-là,  et  vous  souvenir  de  la  cène  que  vous  avez  faicte 
chez  le  conte  Palatin. 

«  Quant  à  moy,  aftin  que  l'on  ne  pense  point  qu'il  y  ait  de  mon 
particulier,  je  proteste  devant  dieu  et  ses  anges  que  quant  l'évan- 
gile pourra  eslre  presché  publiquemant  en  ce  royaulme,  et  que  l'on 
ne  recherchera  point  les  personnes  pour  les  conciences,  que  lors  je 
suys  très  contant  de  m'^psenter  de  ce  royaulme  jusques  à  ce  que  le 
roy  sera  majeur,  suivant  ce  que  j'en  ay  desja  dict  à  la  royne  ;  mais 
ce  pendant  d'estre  comandé  de  ceulx  qui  forcent  le  roy,  la  royne, 
et  leurs  édicts,  et  qui  sont  cause  de  toutes  les  persécutions  et  trou- 
bles qui  sont  en  ce  royaulme,  si  je  ne  m'y  opposois  de  toute  ma 
puissance,  j'en  penserois  estre  responsable  et  devant  dieu  et  devant 
les  homes  et  ne  scay  commant  ung  serviteur  de  dieu  et  du  roy  peult 
dissimuler  maintenant. 

«  le  vous  en  escriprois  davantage,  mais  vousestes  d'asses  bon  juge- 
mant  pour  congnoistre  tout  ce  qui  en  est.  Si  les  homes  ce  veulent 
bander  contre  dieu,  il  est  asses  fort  pour  leur  résister,  et  remettant 
le  reste  sur  ce  porteur,  je  me  recommande  bien  affeclionnemant  à 
votre  bonne  grâce  et  priray  dieu,  Monsieur  le  conte,  vous  mettre  au 
cueur  ce  qui  est  pour  sa  gloire  et  honneur. 

«  D'Orléans  ce  xxi"  de  juillet  1562'.  » 


h^?^rp^\^yi^  ^^  ^^   /?'^^ 


a  Pf^c:-7rr'^77ri<^  -^ryy^/  ■ 


1.  La  ponctuation  a  été  ajoutée.  Celte  belle  lettre  est  ici  publiée  pour  la 
première  fois  en  entier.  Le  Bulletin  de  1802,  [).  392,  en  avait  cité  quelques 
phrases. 

LL  —  28 


394  JUBILÉ    CfNOlANTENAIRE    DE    LA    SOCIÉTÉ 

Peu  de  documents  donnent  une  idée  aussijusle  cl  complète 
des  sentiments  de  haute  piété,  de  désintéressement,  de  res- 
ponsabilité, de  conscience  enfin  qui  animaient  Coligny  au 
début  des  guerres  de  religion. 

Entre  ces  deux  lettres  des  deux  frères  on  avait  pu  placer 
grâce  au  président,  une  rare  gravure  sur  bois  du  xvr  siècle 
intitulée  Dominus  Telignius,  belle  effigie,  de  l'honnête  et 
doux  gentilhomme  auquel  Coligny  avait  donné  sa  fille  Louise 
et  qui  fut  assassiné  dans  la  même  nuit  que  son  beau-père*. 

Il  nous  reste  à  décrire  les  deux  extrémités  de  ce  panneau. 
A  droile  et  à  côlc  de  Louise  de  Coligny,  une  peinture  sur 
bois  (de  36  sur  40  cenlimèlres)  —  encore  entourée  de  son  pre- 
mier cadre  sculpté,  —  de  son  second  mari,  Guillaume  d'Orange 
dit  le  Taciturne.  Il  suffit  de  comparer  ce  beau  portrait  qui 
a  pparlient  au  soussigné,  expression  vivante  de  cette  devise  de 
la  maison  d'Orange  :  «  Nous  maintiendrons»,  à  celui  que  ren- 
ferme le  musée  de  La  Haye,  pour  s'assurer  qu'il  est,  avec 
de  légères  différences,  une  réplique  de  ce  dernier,  apparem- 
ment exécutée  par  le  même  artiste,  sans  doute  Miereveld-. 
A  l'autre  extrémité,  adroite,  deux  gravures  rappellent  la  Saint- 
Barthélemy.  Celle  du  haut  prêtée  par  M.  C.  Pascal  a  été  exé- 
cutée en  France  au  xvni^  siècle.  Celle  du  bas  est  une  très 
curieuse  et  très  rare  eslampe  sur  bois  faite  en  Allemagne  au 
moment  même  où  des  fugitifs  qui  avaient  échappé  au  mas- 
sacre en  répandirent  les  premières  nouvelles.  \'oici  le  titre 
de  ce  grand  placard  colorié  qui  fut  sans  doute  vendu  dans 
les  rues  comme  ceux,  qui  encore  de  nos  jours  racontent  au 
peuple  les  événements  tragiques,  et  qui  appartient  à  la  Bi- 
bliothèque. Nous  traduisons  librement  : 

Effroj^able  et  pitoj-able  description  des  noces  lamentables 
conclues  entre  le  roi  de  Navarre  et  la  princesse,  sœur  du  roi 
de  France  à  Paris,  au  mois  d^août  de  r  année  i')']''2.  à  l'occasion 
desquelles  V amiral  et  beaucoup  de  grands  seigneurs,  princes  et 
personnes  de  la  noblesse,  même  plusieurs  milliers  de  chrétiens 

1.  Ce  i)ortrail  tloit  avoir  été  i^Tavé  à  Genève.  L'encadrcmenl  ressemble 
à  celui  des  Icônes  de  Th.  de  Bèze. 

2.  Le   Bulletin  en  a  donné  une  reproduelion  en  lÛOO,  jj.  71. 


DE    l'histoire    DL    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  395 

innocents,  hommes,  femmes  et  enfants  de  la  religion  évangé- 
liqiie  ont  été  assassinés  d'une  manière  inoiiie  dont  le  monde 

DOMINVS     TELIGNIVS, 


n'avait  pas   encore  été  témoin,  comme   on   peut   s'en   rendre 
compte  par  la  gravure  ci-dessous  et  par  lé  texte  qui  l'accom- 


396  JLBILÉ    CLNQUANTENAIRE    DE    LA    SOCIÉTÉ 

pagne.  Proposé  à  tous  nos  honorables  seigneurs  et  princes  al- 
lemands que  Dieu  protège  ainsi  que  chaque  chrétien  pieux, 
comme  un  exemple  pour  que  personne  ne  se  fie  légèrement 
à  V ennemi  qui  se  serait  réconcilié  avec  lui.  Le  tout,  pour  r hon- 
neur de  la  vérité,  nouvellement  imprimé  et  décrit  par  des  per- 
sonnes honnêtes  et  considérables  qui  ont  été  témoins  de  cette 
boucherie  et  de  ce  carnage. 

Voici  comment  y  est  raconté  le  meurtre  de  l'amiral  : 

«  Monsieur  de  Guise  et  quelques  Suisses  se  transportèrent  au 
logis  de  l'amiral  et  en  heurtèrent  l'huis  violemment.  L'amiral  s'étant 
lui-même  rendu  à  la  fenêtre  pourvoir,  dit  :  «  Mon  Dieu,  que  sera- 
ce?  »  Puis  il  se  recoucha,  fit  sa  prière  et  se  remit  entre  les  mains 
de  Dieu.  Alors  les  Suisses  résolurent  d'enfoncer  la  porte,  ce  qu'ils 
firent  et  assommèrent  tous  ceux  qu'ils  trouvèrent.  Pénétrant  jus- 
qu'à la  chambre  de  l'amiral  ils  rencontrèrent  devant  celle-ci  son 
valet  de  chambre  gascon  qui  les  supplia  de  ne  pas  faire  de  mal  à 
son  maître.  Ils  lui  fracassèrent  la  tête  d'un  coup  d'arquebuse.  Puis 
ils  entrèrent  dans  la  chambre  et  trouvèrent  ledit  amiral  dans  son 
lit,  le  visage  tourné  du  côté  de  la  muraille.  L'un  d'eux  s'approcha 
et  dit  :  «  Monsieur  l'amiral  vous  dormez  trop  fort  »,  puis  lui  donna 
un  grand  coup  d'épée  à  travers  le  corps  après  quoi  les  autres  meur- 
triers forcèrent  les  portes  et  pillèrent  tout  ce  f|u"ils  purent.  Mon- 
sieur de  Guise  attendait  en  bas,  dans  la  cour  avec  impatience,  et 
cria  à  plusieurs  reprises  que  dès  que  l'amiral  serait  mort  ils  de- 
vaient le  jeter  par  la  fenêtre.  Ils  le  traînèrent  donc  hors  du  lit  jus- 
qu'à la  fenêtre  et  voulurent  le  précipiter  dehors,  mais  il  était  en- 
core assez  fort  pour  sarquebouler  du  pied  contre  le  mur  de  sorte 
qu'ils  ne  parvinrent  pas  à  l'enlever,  jusqu'à  ce  qu'un  Suisse  félon 
eut  frappé  le  pied  de  sa  hallebarde  de  porte  que  l'amiral  tomba 
sur  le  plancher.  Ils  essayèrent  une  seconde  fois  de  le  jeter  par  la 
fenêtre,  mais  il  étendit  ses  deux  bras  à  l'intérieur  en  travers  de 
celle-ci  et  leur  dit  ces  dernières  paroles  :  «  Mes  enfants,  ayez  donc 
pitié  de  ma  vieillesse  !  »,  mais  ils  le  soulevèrent  par  les  pieds  et  le 
précipitèrent  la  tête  la  première  de  sorte  qu'elle  s'écrasa  sur  le  sol. 
Puis  il  fut  traîné  à  la  rivière;  sorti  de  là  on  lui  coupa  la  tête  et  on 
le  traîna  par  les  pieds  jusqu'au  gibet  de  Montfaucon  »... 

Cette  curieuse  relation  estime  le  nombre  des  victimes  d'Or- 
léans à  plus  de  900  et  de  celles  de  Paris  à  environ  8000. 


398  JUBILÉ    CINQUANTENAIRE    DE    LA    SOCIÉTÉ 


Seizième  et  dix-septième  siècles. 

Sur  ce  panneau,  le  troisième  et  dernier  du  côté  droit  quand 
on  entre  dans  la  salle  de  lecture  on  avait  groupé,  en 
suivani  à  peu  près  Tordre  chronologique,  divers  portraits  de 
huguenots  célèbres  du  xvi^'et  xvii*  siècle.  En  voici  la  descrip- 
tion en  suivant  l'ordre  de  la  photogravure  ci-jointe. 

On  y  distingue  d'abord  deux  tètes  de  femme.  Ce  sont  celles 
de  deux  réfugiées  à  Strasbourg,  la  ville  toujours  hospitalière 
pendant  tout  le  xvi'  siècle.  L'une  d'elles  y  avait  fait  faire  son 
portrait  en  1554,  c'est-à-dire  pendant  la  persécution  de  Ma- 
rie la  sanglante.  Elle  s'appelait  Margarita  a  Bolejm  minor, 
Marguerite  de  Boleyn  la  cadette  ou  la  jeune,  et  était  proba- 
blement de  la  famille  d'une  des  femmes  de  Henri  VIII.  Au- 
dessous  d'elle  nous  avions  placé  le  portrait  d'une  française 
ou  flamande  dont  ce  cliché  donnera  une  idée.  Elle  s'appelait 
Katherine  du  Russeau  et  c'est  sous  le  règne  de  Henri  II,  en 
15.50,  qu'elle  fit  faire  son  portrait  à  22  ans,  par  un  peintre 
qu'on  dirait  de  l'école  de  Glouet,  et  pour  l'offrir  à  un 
M.  Schenckbecher,  sans  doule  le  bourgeois  de  Strasbourg 
chez  qui  elle  recevait  l'hospitalilé.  Ces  deux  peintures  ap- 
partiennent aujourd'hui  au  chapitre  de  Saint-Thomas-de- 
Strasbourg  qui  a  hérité  entre  autres,  si  je  ne  fais  pas  erreur, 
d'un  M.  Schenckbecher. 

Ce  qu'on  voit  ensuite,  ce  sont  trois  portraits  de  Jeanne 
d'Albret.  Le  principal  est  une  fort  jolie  peinture  appartenant 
à  Mme  Cottier  de  Montbrison  qui  nous  révèle  une  Jeanne 
d'Albret  jeune  que  nous  ne  connaissions  pas.  Nous  avons  placé 
au-dessous  un  exemplaire  ancien,  don  de  M.  de  Montbrison, 
de  la  gravure  de  Wierix  d'après  Marc  Duval,  que  le  Bulletin 
a  reproduite  en  1891,  p.  263,  et  qui  montre  la  reine  de  Navarre, 
mère  du  futur  roi  de  France  ;  —  puis  une  photographie  d'un 
charmant  tableau  où  l'on  voit  en  pied  et  revêtue  d'un  costume 
d'une  élégante  simplicité,  «  Jehanne  de  Foix  et  de  Béarn  »*, 
jeune  femme  qui  rappelle  les  traits  de  Marguerite  sa  mère.  La 
photographie  de  ce    porirait   de  la  maison  de   Gramont   à 


DE  l'histoiri:  du  protestantisme  français  339 

Bidache  a  été  donnée  l'écemmenl  à  la  Bibliothèque  i)ar  ic 
regretté  Ch.  FrossarJ. 

A  côté  de  Jeanne  d'Albret,  on  avait  placé  deux  de  ses  co: - 


temporains,  d'abor.l  deux  effigies  également  remarquables  du 
célèbre  chirurgien  Ambroise  Paré  :  le  premier  un  pastel  ancien, 
recouvert  de  verre,  le  montrant  à  l'âge  de  59  ans;  ce  portrait 
jusqu'ici  inconnu,  appartient  à  M.  Leloup,  de  Bar-le-Duc  qui 


2X* 


400  JUBILÉ    CINQUANTENAIRE    DE    LA    SOCIÉTÉ 

nous  Tavail  fort  obligeamment  prêlé  grâce  à  notre  collabora- 
teur M.  H.  Dannrculher.  Au-dessous,  un  exemplaire,  don  de 
M.  de  Montbrison,  de  la  très  belle  gravure  du  huguenot 
Élienne  Delaulne*  montrant,  à  72  ans  (1582),  la  figure  austère 
et  néanmoins  pleine  de  bonté  du  chirurgien  qui  ne  craignit 
pas,  huit  ans  plus  tard,  pendant  la  Ligue,  d'adjurer  publique- 
ment l'archevêque  de  Lyon  de  travailler  à  la  paix"-:  «  Monsei- 
«  gneur,  ce  pauvre  peuple  ici,  que  vous  voyez  autour  de  vous, 
«  meurt  de  mâle  rage  de  faim,  et  vous  demande  miséricorde. 
«  Pour  Dieu,  Monsieur,  faites-la-lui,  si  vous  voulez  que  Dieu 
«  vous  la  face  ;  et  songez  un  peu  à  la  dignité  en  laquelle  Dieu 
«  vous  a  constitué;  et  que  les  cris  de  ces  pauvres  gens,  qui 
«  montent  jusqu'au  ciel,  sont  autant  d'adjournemens  que  Dieu 
«  vous  envoie  pour  penser  au  deu  de  votre  charge  de  laquelle 
«  vous  lui  estes  responsable....^  »   - 

Agrippa  d'Aubigné  avait  près  de  quarante  ans  quand 
Ambroise  Paré  mourut  (20  décembre  1590)  et  toute  la  pre- 
mière partie  de  sa  vie  se  passa  au  milieu  des  guerres  civiles 
dont  il  conta  plus  lard,  dans  son  Histoire  universelle,  tant 
d'épisodes  curieux.  Il  n'existe  de  lui  que  deux  portraits,  l'un 
exécuté  huit  ans  avant  sa  mort,  en  1622,  par  Barthélémy  Sar- 
bruck,  est  à  Bâle,  l'autre,  peut-être  du  même  artiste,  à  la 
Bibliothèque  de  Genève.  M.  Henri  Monod,  directeur  de  l'As- 
sistance publique  avait  donné  à  la  Sociélé,  une  fort  belle  pho- 
Ihographie  du  premier,  où  d'Aubigné,  en  costume  de  céré- 
monie nous  apparaît  encore  plein  de  verdeur  et  de  malice  à 
72  ans.  M.  Th.  Dufour  avait  exposé  une  aquarelle  exécutée 
par  J.  Hébert,  d'après  la  peinture  de  Genève. 

1.  Les  deux  iniliales  S.  F.  se  dislinyuent  au-dessous  du  cailouclie  de 
gauche  où  on  lit  anno  ^etatis  72.  1582. 

2.  D'après  i'Esloile,  Mémoires,  Journaux,  éd.  des  Bibliophiles,  V,  66. 

3.  Nous  espérions  pouvoir  donner  le  portrait  de  M.  Leloup,  mais  la 
photographie  en  était  trop  imparfaite.  Nous  le  remplaçons  donc  à  regret 
par  la  signature  de  Paré. 


DE  l'histoire  du  protestantisme  français  ^«01 

Avec  Agrippa  d'Aubignénoiis  pénétrons  dans  le  xvii'^  siècle. 
C'est  pendant  la  première  moitié  de  ce  siècle  que  s'écoule  la 
vie  publique  du  pasteur  et  professeur  Antoine  Garrissoles  dont 
le  portrait,  obligeamment  prêté  par  M.  Courtois  de  Maleville 
(cf.  Bull,  1902,  p.  23),  représentait  dans  notre  exposition 
l'ancienne  Académie  de  Montauban,  en  séparant  le  portrait  de 
d'Aubigné  de  celui  de  son  contemporain  Philippe  de  Mornay, 
seigneur  du  Plessis-Marly.  Celui-ci  était  représenté  par  deux 
effigies,  d'abord  comme  jeune  homme,  au-dessous  de  Garris- 
soles, dans  un  remarquable  crayon  du  temps  donné  à  la  Biblio- 
thèque en  1869  par  M.  de  Triqueti,  puis  à  Tâge  de  64  ans  (1613) 
dans  la  belle  peinlu'-e  attribuée  à  Van  Dyck,  que  le  musée  de 
Nantes  avait  bien  voulu,  à  la  requête  de  M.  H.  Durand-Gasse- 
lin,  nous  confier,  et  dont  le  Bulletin  avait  donné  une  bonne 
reproduction  en  tête  du  fascicule  consacré  aux  fêtes  du  Tri- 
centenaire de  rÉdit  de  Nantes  (1898).  Quand  on  parle  de 
Duplessis-Mornay,  on  ne  peut  s'empêcher  de  penser  à 
Henri  IV  qu'il  servit  avec  tant  de  fidélité,  et  qui  trahit  avec 
tant  de  désinvolture  son  serviteur  à  la  fameuse  conférencede 
Fontainebleau  (1600)  où  Mornay  fut  calomnieusement  accusé, 
par  du  Perron,  d'avoir  défendu  ses  idées  sur  fEucharistie  au 
moyen  de  citations  fausses.  La  Bibliothèque  nous  fournit,  pour 
Henri  IV,  trois  gravures  caractéristiques,  celle  de  H.  Goitzius 
qui  est  certainement  le  meilleur  portrait  de  ce  roi,  don  de 
M.  W.  Martin,  et  au  bas  duquel  se  lit  ce  quatrain  de  cour- 
tisan, 

Ce  grand  Roy  que  lu  voys  est  remply  de  la  grâce 
De  Mars  et  de  Pallas  !  De  ces  nobles  ayeux, 
Il  suit  de  pas  à  pas  les  sentiers  vertueux, 
Qui  va  dedans  le  ciel  lui  promettant  une  place. 

Des  deux  côtés  de  celte  gravure  on  en  avait  placé  une  ita- 
lienne, de  1597,  fort  remarquable,  montrant  Henri  IV  couronné 
et  tenant  le  sceptre,  — et  une  allemande  de  1595,  non  moins 
curieuse  où  on  le  voit  coiffé  dufameux  chapeau  béarnais.  Enfin 
un  exemplaire  en  fonte  du  fameux  masque  pris  sur  la  figure 
extraordinairement  conservée  du  roi,  lors  de  la  violation  des 
sépultures  de  Saint-Denis  sous  la  Révolution,  permettait  de 


JUBILÉ    CINQUANTENAIRE    DE    LA    SOCIÉTÉ  403 

vérifier  rexactitude  de  ces  diverses  effigies,  et  une  lettre 
entièrement  autographe  adressée  à  Th.  de  Bèze  et  apparte- 
nant à  M.  Th.  Dufour,  montrait  qu'il  savait  aussi  bien  manier 
la  plume  que  l'épée. 

Les  derniers  portraits  de  ce  panneau  étaient,  à  côté  de 
ceux  de  Henri  IV,  celui  de  Turquet  de  Mayerne  un  de  ses 
médecins,  aquarelle  de  J.  Hébert  d'après  une  peinture  de 
Rubens  à  la  Bibliothèque  de  Genève,  prêtée  par  M.  Th. 
Dufour,  et  au  dessus  celui  de  Denis  Papin  peint  à  Marbourg 
en  1689  alors  que  ce  professeur  de  mathémaliques,  âgé  de 
42  ans,  venait  d'écrire  son  livre  célèbre  sur  le  moyen  d'uti- 
liser la  vapeur,  «  a  netp  Digester  or  Engine  for  softning 
bones  »,  etc.  L'université  de  Marbourg  avait  bien  voulu  à  notre 
requête  nous  envoyer  cette  peinture  qui  semble,  par  la  tris- 
tesse du  regard,  laisser  deviner  les  souffrances  de  l'inventeur 
exilé  pour  sa  foi.  Deux  gravures  représentant  le  maréchal  de 
Gassion  et  Abraham  Duquesne,  et  une  photographie  de 
l'unique  portait  connu  d'Élie  Benoit,  l'historien  de  l'édit  de 
Nantes,  cette  dernière  prêtée  par  M.  C.  Pascal,  complétaient 
le  xvii^  siècle. 

La  Révocation. 

Le  côté  gauche  de  la  salle  de  lecture  était  consacré  à  la 
Révocation,  au  Désert  et  à  l'époque  de  la  réorganisation  des 
cultes,  car  on  avait  décidé  de  laisser  de  côté  l'époque  con- 
temporaine. Il  va  sans  dire  que,  comme  pour  les  siècles  ou 
événements  antérieurs  il  a  fallu  se  borner  à  quelques  échan- 
tillons seulement  de  ce  qu'on  aurait  pu  montrer.  C'est  près 
de  la  porte  d'entrée,  en  face  de  celui  par  lequel  a  commencé 
celte  description,  que  se  trouvait  le  i)anneau  faisant  logique- 
ment suite  à  celui  dont  nous  venons  de  parler  et  où  figuraient 
déjà  deux  des  plus  illustres  victimes  du  forfait  perpétré  par 
Louis  XIV  grâce  à  ceux  qui  avaient  déformé  et  qui  domi- 
naient sa  conscience. 

C'est  par  suite  d'un  oubli  que  le  premier  document  qui 
aurait  dû  frapper  les  regards  sur  ce  panneau,  avait  été  placé 


404  JUBILÉ    Cir,OUANTF,NAIRE    DE    LA    SOCIÉTÉ 

ailleurs.  Je  veux  parler  de  la  gravure  inventée  par  Conte, 
dessinée  par  Boulogne  junior,  exécutée  par  \'ermeulen  et 
qui  représente   une  statue  de  Louis  XIV  plein  d'arrogance 


irrité  et  écrasant  du  pied  droit  la  lêle  de  l'hérésie  et  du  pied 
gauche  le  livre  où  elle  puisait  sa  force.  Sur  le  piédestal  se  lit 
cette  légende  :   Ludovici    magni  de  h.eresi   triumphantis   sta- 

TUAM      HANC     EX     MARMORE     IN     .^DIBUS     SUIS     POSUIT     AD     TUTELAM 


DE    l'histoire    du    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  405 

DOMUS     ET    FELICITATEM    DEVOTUS     MaIESTATI     EIUS     CaR.     DU     BoiS 

GuÉRiN  MDc.LXXxv  «  GhaHes  du  Bois  Guérin,  entièrement 
dévoué  à  Sa  iMajesté,  a  élevé  chez  lui  comme  une  sauve- 
garde et  un  gage  de  prospérité  pour  sa  maison  cette  slatue 
en  marbre  de  Louis-le-Grand  triomphant  de  l'Hérésie  ».  On 
voit  par  cette  reproduction  deslinée  à  combler  une  lacune 
involontaire,  que  celte  gravure,  conservée  à  la  Bibliothèque, 
résume  admirablement  l'idée  qu'on  se  faisait  de  la  Révoca- 
tion dans  les  sphères  officielles. 

Ghacun  sait  ou  devrait  savoir  comment  ce  prétendu 
triomphe  apparut  à  ceux  qui  en  furent  les  victimes.  A  celte 
époque  une  victoire  militaire  était  considérée  comme  le  plus 
haut  fait  dont  l'humanité  fût  capable.  Voilà  pourquoi  le  règne 
de  Louis  XIV  fut  un  règne  de  guerres  presque  continuelles 
et  pourquoi  ce  roi  n'eut  qu'une  idée,  écraser  ceux  qu'on  lui 
représentait  comme  des  ennemis.  Voilà  pourquoi  aussi  les 
protestants  éprouvèrent  tous  les  cruels  traitements  qu'on 
faisait  subir  aux  peuples  vaincus,  et  pourquoi  personne,  en 
dehors  d'eux,  même  pas  Mme  de  Sévigné  généralement 
si  délicate,  même  pas  le  doux  Fénelon,  ne  les  trouvaient 
extraordinaires.  —  En  Hollande  où  tant  de  huguenots  se 
réfugièrent  et  où  parurent  les  premières  feuilles  volantes 
racontant  les  souffrances  qu'ils  eurent  à  subir,  d'habiles  gra- 
veurs, peut-être  Jan  Luiken  qui  illustra  plus  tard  l'édition 
hollandaise  de  VHistoire  de  redit  de  Nantes  d'Elie  Benoist, 
représentèrent  dès  1686  les  diverses  scènes  de  désolation 
qu'ils  entendaient  alors  journellement  raconter  par  ceux  qui 
venaient  de  la  grande  tribulation.  De  ces  divers  dessins  on 
forma  un  grand  placard,  quelque  chose  comme  le  pendant 
de  celui  qui  parut  en  Allemagne  après  la  Saint-Barlhélemy, 
mais  plus  grand  (68  centim.  sur  55  tandis  que  celui  décrit 
plus  haut  en  mesure  58  sur  36).  Au  centre  une  assez  grande 
gravure  représentant  l'accueil  plein  de  bonté  et  de  généro- 
sité fait  aux  réfugiés  à  l'étranger.  Douze  autres  gravures  plus 
petites  entourant  celle-ci  montraient  les  tortures  qu'on  faisait 
subir  aux  protestants  restés  en  France  qui  n'avaient  pas 
voulu  se  soumettre.  Au  bas,  une  légende  imprimée  sur 
quatre  colonnes  dont  deux  en  hollandais  et  deux  en  français 


40G  JUBILÉ    CINODANTENAIRE    DE    LA    SOCIÉTÉ 

expliquait  chacun  de  ces  (reize  dessins  désignés  par  les 
treize  premières  lettres  de  l'alphabet.  Ce  texte,  composé 
d'après  les  récits  de  témoins  oculaires,  a  donc  la  valeur  d'un 
document  contemporain  de  la  Révocation.  Ne  l'ayant  jamais 
vu  imprimé  nulle  part,  nous  en  reproduisons  ici,  à  ce  titre,  la 
version  française  : 


Miroir  des  Tourmens  exercés  contre  ceux  de  la  Religion  Réformée 

en  France. 

A.  Le  Roy  de  France  envoyé  de  tous  côtés  des  Messagers  et 
Postillons,  pour  porter  ses  ordres  dans  les  Provinces;  on  fit  des 
affiches  par  tout  par  l'ordre  du  Roy,  par  lesquelles  les  Églises 
furent  fermées;  les  Édits  à  leur  avantage  furent  rapellés,  et  tout  ce 
cjui  pouvoit  servir  à  leur  seureté  ou  commodité  entièrement  aboli; 
l'on  voit  le  Louvre  rempli  de  toutes  sortes  de  Pères  et  de  Frères; 
l'on  y  voit  fourmiller  les  Jésuites  comme  les  boulefeux  à  l'oreille 
des  grands,  pendant  que  l'Église  Réformée  pleure  les  désastres 
qu'elle  appréhende;  Ton  y  voit  exposés  leurs  chefs  considérables 
aux  railleries  sanglantes  de  la  populace.  Sitôt  que  les  ordres  du 
Roy  furent  donnés,  voilà  les  Intendans  dans  les  Provinces. 

B.  On  voit  sceller  les  serrures  des  Temples  avec  le  seau  Royal, 
y  joignant  une  peine  capitale  pour  quiconque  enlreprendroil  d'y 
faire  ou  entendre  la  prêche.  Les  remonstrances  de  leurs  libertés 
furent  inutiles,  et  leur  plaintes  hors  de  saison.  On  fil  la  mine 
comme  si  l'on  vouloit  examiner  les  octroys  de  leurs  Temples,  pen- 
dant qu'on  fit  entrer  force  Dragons  par  tout,  afin  de  les  mieux  sur- 
prendre; l'on  avoit  beau  d'employer  l'intercession  des  Grands,  la 
Court  n'avoit  point  d'oreilles  pour  ces  pauvres  opprimés  :  bien  au 
contraire  l'on  fit  abattre  toutes  les  Églises,  sans  aucune  considéra- 
lion  ni  réserve. 

G.  On  ne  peut  pas  expliquer  combien  de  blasphemies  et  vilainies 
accompagnèrenl  la  démolition  de  tous  ces  Temples.  Les  Ecclé- 
siastiques y  firent  des  brutalités  les  plus  extravagantes  de  la  der- 
nière canaille.  C'étoit  alors  qu'on  voyoil  les  pères  quiter  leurs 
familles,  comme  les  enfans  leurs  pères  et  mères,  et  chacun  cher- 
cher ailleurs  un  azyle  pour  le  repos  de  leur  conscience.  Il  étoit 
pourtant  impossible,  que  tant  de  mille  âmes  fussent  sans  le  soula- 
gement de  la  parole  de  Dieu. 


DE    L"lIISTOmE    DU    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  407 

D.  On  s'assemble  donc,  pour  entendre  la  prêche,  dans  les  lieux 
écartés,  dans  les  déserts,  sur  les  ruines  des  Temples,  pour  y  gagner 
la  couronne  du  martyre;  car  les  Dragons  animés  par  les  Jésuites, 
se  fondirent  sur  les  auditeurs  comme  des  Diables  déchaînés,  tuants 
et  meurtrisants  les  Ministres,  les  Diacres,  les  Femmes  et  Enfans, 
sans  ometire  aucune  tirannie.  Ils  pendirent  les  Anciens,  pillèrent 
des  bourgs  et  bourgades,  mirent  le  feu  dans  les  maisons  des  Prê- 
cheurs, et  des  autres  serviteurs  de  Dieu.  Le  carnage  étant  com- 
mencé, l'on  ordonna  aux  Ministres  de  se  retirer  promptement  de 
toute  la  jurisdiction  du  Roy,  l'Ennemy  de  la  vérité  appréhendoit 
trop  ces  témoingnages  glorieuses  de  ces  combattants  pour  la  pureté 
de  la  parole  divine. 

E.  Quand  on  vit  pourtant,  que  la  constance  de  la  Religion  ne 
s'ébranloit  pas,  ils  contraignirent  la  plupart  à  quiler  leurs  terres  et 
maisons,  pour  chercher  les  places  de  la  consolation  spirituelle; 
mais  les  pauvres  malheureux,  découverts  par  les  sentinelles  et  bri- 
gands, furent  attrapés  par  tout,  chargés  des  chaînes  de  fer,  au  cou, 
aux  bras,  et  aux  jambes,  deux  à  deux,  étants  traînés  comme  des 
forçats  à  la  galère,  par  les  Intendants  et  Jésuites  en  carosse,  pour- 
suivis d'une  impétuosité  barbare  des  Dragons,  qui  non  contents  de 
leurs  maux  les  redoublèrent,  jettans  aux  chiens  et  aux  corbeaux  les 
corps  morts  de  leurs  compagnons,  qui  succomboyent  aux  fatigues 
et  aux  coups.  La  rage  n'étoit  pas  moins  grande  chez  les  pauvres 
Faisans. 

F.  On  y  logeoit  jusqu'à  80  Dragons  chez  un  seul  homme,  pour  y 
vivre  à  leur  discrétion,  qui  après  avoir  saccagé  tout  ce  qu'ils  trou- 
voyent,  lièrent  des  vieillards  tout  nuds  devant  le  feu,  ou  après  les 
avoir  remplis  d'urine,  ils  sautèrent  sur  leurs  corps,  pour  en  faire 
sauter  ce  qu'ils  les  avoient  forcé  de  prendre.  Des  autres  furent  liés 
par  des  semaines  entières  sans  aucun  repos,  les  faisant  mourir  par 
soif  ou  par  faim.  Pour  les  faire  désespérer  davantage,  on  laissa  les 
enfans  les  plus  petits  mourir  par  mille  incommodités,  afin  que  leurs 
pleurs  et  misères  ébranleroient  la  fermeté  de  ces  Élus  de  Dieu,  qui 
emportèrent  le  diadème  de  la  constance.  On  les  lioit  à  des  piliers, 
où  étants  attachés,  ils  firent  des  thuilles  chaudes,  lesquels  furent 
appliqués  touts  ardents  à  leurs  têtes,  réitérants  tant  de  fois  cette 
invention  diabolique  jusqu'à  consumer  entièrement  l'humidité  du 
cerveau,  et  des  yeux  :  et  voyants  que  la  grâce  Divine  les  soustenoit 
dans  toutes  ces  calamités,  leur  rage  monta  jusqu'à  pendre  les 
Martyrs  dans  la  cheminée  y  faisants  un  feu  des  Bibles  et  des  Tes- 


408  JUBILÉ  cinOlantenaire  de  la  société 

tamenls.  Par  tant  de  cruautés  on  a  veu  désoler  des  provinces  en- 
tières, dont  les  habitants  se  sauvèrent,  afin  d'échapper  les  tyran- 
nies incroyables  à  la  postérité. 

G.  L'Enfer  ouvre  ses  thresors  des  plus  abominables  cruautés,  les 
gémissements  et  les  douleurs  sont  encore  punis.  Les  misérables  qui 
se  vindrent  jetter  aux  genoux,  pour  embrasser  la  pitié  des  Officiers 
ou  des  Intendants,  eurent  le  nom  des  révoltés;  on  leur  coupa  les 
nez  et  les  oreilles;  on  les  déchira  par  tout  le  corps;  et  ainsi  mal- 
traités on  les  jetta  en  mer  avec  de  grosses  pierres,  pour  les  noyer, 
ou  bien  la  dernière  malice  exerçoit  son  addresse,  à  les  tirer  à 
coup  de  fusil,  comme  des  canards,  pendant  qu'on  pendit  leurs 
Femmes. 

H.  Les  Soldats  se  souilloient  de  toute  sorte  de  débauches,  en 
forçant  les  jeunes  filles,  et  en  faisant  souffrir  leurs  ordures  aux 
femmes  mariées;  il  y  en  eut  qui  servirent  des  brigades  entières, 
pour  leurs  désirs  brutaux  :  Des  femmes  grosses  furent  traînées  à 
leurs  Églises  toute  nues  par  les  canaux  des  rues,  et  leur  petits 
enfants  tués  avec  les  mères  sur  le  vestibule  de  leurs  Temples, 
pour  estre  comme  le  sacrifice  détestable  à  leur  idolâtrie.  Un  mi- 
nistre fut  mené  agonisant  pour  prendre  l'Hostie,  à  l'Église,  mais 
persistant,  il  fut  fustigé  à  mort. 

L  Un  capitaine  des  Dragon  fit  enfermer  dans  les  fers  et  relier 
avec  des  chaînes  pesantes  cinq  martyrs,  et  puis  après  fit  mettre  un 
tas  de  picques  reliées  ensemble,  pour  en  faire  un  siège  triumphal, 
pour  luy  et  son  Père  Jésuite,  et  ainsi  se  fit  mettre  entre  deux  femmes, 
que  l'on  accusoit  d'avoir  mesdit  des  ordres  du  P\oy,  et  calumnié 
contre  les  Pères  Jésuites,  dont  l'une,  après  avoir  souffert  les  insultes 
abominables  des  25.  soldats,  fut  déshabillée,  et  estant  toute  niie, 
tirée  par  des  cordages  d'enhaut,  et  d'en  bas;  le  corps  ainsi  arresté 
comme  dans  la  torture,  fui  relié  estroitement  avec  des  bandons  de 
gros  linge,  tousjours  mouillés  par  la  colle  ou  ferlât  du  vin,  lesquels 
estant  séchés  au  corps  à  force  d'un  grand  feu  autour,  bien  entretenu 
par  les  saincis  Pères,  furent  tirés  à  toute  force,  de  la  sorte  que  la 
peau  et  la  chair  estant  déchirés  ensemble,  firent  écouler  si  abon- 
damment son  sang,  qu'elle  expiroit  entre  les  mains  de  ces  boureaux. 
L'autre  fut  attachée  aux  pieds,  enfoncée  dans  un  puits,  et  entourée 
d'un  grand  feu,  on  la  haussoit  et  baissoit,  tandis  qu'elle  mouroit, 
étouffée  du  sang  et  de  la  fumée. 

K.  Des  autres  furent  fouettées  à  mort,  les  autres  pendues  aux 


DE    l'histoire    du    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  '509 

pieds,  avec  leurs  enfants,  ou  sous  les  bras,  attachées  aux  arbres,  ou 
exposées  toutes  nues,  pour  les  lâches  plaisirs  des  jeux  luxurieux  de 
ces  Papes  de  Belial.  Voicy  une  en  chemise  consumée  à  petit  feu; 
Voilà  une  autre  attachée  à  un  pilier,  à  qui  l'on  arrache  les  mam- 
melles  par  des  tenailles,  pendant  que  son  père  de  85  ans  fut  trainé 
par  des  chevaux,  et  exposé  aux  corbeaux  sur  les  voiries.  Les  déca- 
pités et  pendus  sont  innombrables. 

L.  Le  saccagement  et  la  tuerie  contraignit,  quiconque  pouvoil,  de 
s'enfuir  déguisés  de  toute  sorte  :  Ton  a  veu  des  Dames  mesme  en 
habit  et  comme  des  cavaliers  combattants  l'espée  à  la  main  les  sol- 
dats du  Roy,  qui  leur  disputoient  le  passage. 

Le  droict  des  Gens  et  de  la  Nature  fut  violé  dans  la  personne  d'un 
Consul  des  Estats,  qui  a  esté  insulté  par  80  Dragons,  et  30  Papes 
{sic,  pour  papistes),  qui  le  forcèrent  d'allumer  100.  chandelles,  pour 
la  gloire  du  Pape  : 

M.  Là  dessus  l'on  saccagea  et  ravagea  tous  ses  meubles  les  plus 
précieux;  les  chevaux  furent  logés  dans  les  salles  les  plus  magni- 
fiques, sur  les  lits  les  plus  propres;  le  consul  mesme  fut  lié  au 
pilier  de  son  lit  de  camp,  on  luy  arracha  les  poils  de  sa  barbe  et  de 
ses  jambes  avec  des  tenailles  cependant  que  Ton  forçoit  le  beau 
sexe.  Ces  persécuteurs  barbares  ont  bien  violé  les  terroirs  voisins, 
elles  juridictions  de  leurs  alliés,  mesme  ils  sont  venu  fondre  sur 
la  Principauté  souveraine  d'Orange,  y  faisants  pis  encore  que 
dans  les  obéissances  du  Roy,  parce  qu'ils  entendent  à  grand 
regret,  que  Monseigneur  le  Prince  d'Orange  reçoit  à  bras  ou- 
verts les  Officiers  réfugiés,  comme  son  incomparable  Princesse  les 
Ministres. 

N.  Les  Estats  Confédérés  se  font  une  gloire,  de  bien  traiter  les 
réfugiés,  leur  faisants  des  Collectes  considérables,  des  Privilèges, 
et  de  nouveaux  Temples  dans  leurs  villes,  et  leur  donnants  foute 
sorte  de  commoditez,  l'Allemagne  leur  tend  ses  bras,  le  Brandenbourg 
se  met  comme  le  Bouclier  des  autres  affiigés,  l'Angleterre  trouve 
de  plus  en  plus  de  milliers  de  ces  serviteurs  du  Sainct  Evangile, 
pour  lesquels,  malgré  les  vains  efforts  de  leurs  adversaires, 
le  ciel  reste  ouvert,  et  la  Terre  ny  la  mer  assés  jalousement 
fermées. 

Nous  devrions  signaler  ici  aussi  les  médailles  qui  furent 
frappées  tant  en  France  qu'à  l'étranger  à  l'occasion   de  la 

LI.  —  29 


410  JUBILÉ    CINQUANTENAIRE    DE    LA    SOCIÉTÉ 

Révocation,  mais  il  en  sera  quesUon  plus  loin.  Nous  passons 
donc  directement  à  la  période  que  nous  appelons 

Le  Désert. 

On  peut  dire,  en  effet,  que  cette  période  commence  avec  la 
Révocation  elle-même.  D'une  manière  générale,  malgré  les 
édits  royaux,  malgré  les  peines  terribles  dont  ils  menaçaient 
les  délinquants,  le  culte  public  réformé  violemment  interdit 
en  1685  ne  cessa  jamais  complètement.  Il  continua  à  être 
célébré  en  secret  un  peu  partout,  même  dans  les  villes  où  la 
surveillance  était  relativement  facile.  Seulement  il  ne  s'exerça 
ni  régulièrement,  ni  dans  tous  les  lieux  où  il  existait  avant 
1685.  II  y  eut  des  régions  entières  où  il  fut  suspendu  pendant 
de  longues  années  ou  n'eut  lieu  que  d'une  manière  intermit- 
tente, de  loin  en  loin. 

On  sait  aujourd'hui  que  l'honneur  principal  d'avoir  f/iit  com- 
prendre aux  protestants  restés  en  France  que  s'ils  renonçaient 
à  leurs  assemblées  ils  ne  tarderaient  pas  à  disparaître,  revient 
à  deux  hommes,  Vivens  et  Claude  Brousson.  Bien  que  l'influence 
de  Vivens  ait  été  considérable  dans  le  Midi,  elle  ne  saurait 
être  comparée  à  celle  que  Claude  Brousson  exerça  pendant 
une  quinzaine  d'années  dans  toute  la  France  et  même  en 
Europe.  Dans  la  lutte  inégale,  vraiment  grandiose  qui  à  partir 
de  1685  et  déjà  à  partir  de  1683  s'engagea  entre  le  gouverne- 
ment de  Louis  XIV  d'une  part,  et  les  protestants  de  l'autre, 
c'est  incontestablement  cet  ancien  avocat  nîmois  qui  joua  le 
rôle  décisif.  Sa  foi  indomptable,  sa  persévérance,  son  héroïsme 
son  désintéressementet  sa  charité  finirent  par  rallier,  rassem- 
bler en  France  les  tisons  échappés  à  la  terrible  persécution  qui 
étaientdispersés,  isolés  et  presque  éteints.  Lorsque  grâce  à  son 
activité  incessante,  à  ses  prédications,  aux  feuilles  volantes 
qu'il  envoyait  partout,  de  nombreux  foyers  de  vie  religieuse 
eurent  été  allumés,  des  collaborateurs  de  plus  en  plus  nom- 
breux et  zélés  eurent  été  suscités  au  point  qu'on  le  traquait 
comme  une  bêle  féroce,  il  se  rendait  à  l'étranger,  en  Suisse, 
en  Allemagne,  en  Hollande,  y  préparait  des  lieux  de  retraite 


DE    l'histoire    du    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  411 

pour  les  proscrits,  et  contribuait  à  organiser  la  coalition  des 
puissances  protestantes  qui  finit  par  abaisser  l'orgueil  du 
grand  roi  et  de  ses  conseillers. 

Le  seul  portrait  aulhentique  de  Brousson  qu'on  connaisse 
est  celui  que  M.  le  marquis  d'Arbaud-Jouques  donna  en  1858 
à  la  ville  de  Nîmes.  C'est  une  fort  belle  toile  peinte  en  pleine 
lumière,  en  Hollande,  par  Peter  van  Bronkhorst,  alors  que 
Brousson  était  âgé  de  46  ans.  Nous  remercions  vivement  la 
ville  de  Nîmes  d'avoir  consenti  à  nous  envoyer  ce  beau  por- 
trait dont  on  n'avait  jamais  vu  à  Paris  que  des  reproductions 
{cLBull.  VII,  3  et  XXXIV, 423).  Nous  y  avons  joint  deux  docu- 
ments. Le  premier  est  cette  lettre  entièrement  autographe 
datée  du  Désert  le  12  de  mars  1693,  c'est-à-dire  de  l'année 
même  où  Brousson  se  rendit  en  Hollande,  à  un  des  ministres 
de  Louis  XIV,  empruntée  ainsi  que  celle  de  Coligny  citée 
plus  haut,  à  la  collection  d'autographes  de  M.  F.  deSchickler  : 

Monseigneur, 

Je  suis  encore  contraint  de  prendre  la  liberté  de  vous  adresser 
une  très  humble  P»equête,  avec  la  quatrième  section  de  mon  Traité 
sur  la  version  du  Nouveau  Testament  faite  par  l'ordre  du  Clergé  de 
France.  Je  vous  supplie  très  humblement,  monseigneur,  de  vouloir 
les  présenter  au  Roi,  et  d'être  persuadé  que  je  serai  toujours,  avec 
un  profond  respect, 

Monseigneur, 

De  votre  Excellence, 

eue  '^qfki^tsL  VX.  9e  fu^yy  ^^-Vi/eo^^ 

<^^^  C:(^<!uG'c  jtrDuf/ôi^  SZfxr,hM^9> 

Le  deuxième  est  cette  affiche  de  l'intendant  du  Languedoc 
qui  donne  le  signalement  de  Brousson  et  de  ses  collabora- 
teurs et  met  leur  tête  à  prix  '  : 

1.  Quelques  lignes  de  ce  placard  donné  à  la  BiblioUièciue  par  M.  Viel, 
pasteur  à  Toulouse,  ont  paru  dans  le  Bulletin  XL,  <j'70-671. 


412  .IL'BILÉ    CINQUANTENAIRE    DE    LA    SOCIÉTÉ 

Nicolas  de  Lamoignon  chevalier,  Comte  de  Laiinay-Courson, 
Seigneur  de  Bris,  Vaiigrigneiise,  Chevagne,  Lamothe-Chan- 
denier,  Beiixe  et  autres  Lieux,  Conseiller  d' Estât.  Intendant 
en  la  province  de  Languedoc. 

Nous  déclarons  que  nous  donnerons  à  ceux  qui  prendront  le 
nommé  Brousson  mort  ou  vif,  la  somme  de  cinq  mille  livres. 
Comme  aussi  que  nous  donnerons  la  somme  de  trois  cent  livres  à 
ceux  qui  prendront  morts  ou  vifs  les  nommez  Henric  Valet  de 
Brousson,  la  Jeunesse,  Laporte,  Lapierre,  Labric,  Roman,  la  Rou- 
viere,  Gavanon  dit  Laverunc,  Colognac  dit  Dauphiné,  les  trois 
Plans  frères,  la  Victoire  et  Villeméjane  dit  Campan,  tous  meur- 
triers, assassins  et  perturbateurs  du  repos  public;  et  que  nous  ferons 
payer  lesdils  cinq  mille  livres  pour  ledit  Brousson,  et  trois  cent 
livres  pour  chacun  desd.  Henric,  la  Jeunesse,  Laporte  et  autres  sus 
nommez  avec  la  même  ponctualité  que  nous  avons  fait  payer  cinq 
mille  livres  pour  le  nommé  Vivens. 

Portraits  de  Brousson  et  autres  sus  nomme:^. 

Brousson  est  de  taille  moyenne  et  assés  menue,  âgé  de  quarante 
à  quarante  deux  ans,  le  nez  grand,  le  visage  basané,  les  cheveux 
noirs,  les  mains  assés  belles. 

Henric  Valet  de  Brousson  natif  de  Saumane  âgé  de  25  à  26  ans, 
d'assés  grande  taille  et  assés  plein,  les  cheveux  roux  frisez  et  longs, 
le  visage  plein,  picoté  de  vérole,  fort  taché  de  rousseur,  le  nez 
grand,  les  yeux  petits,  la  barbe  rousse  et  assés  épaisse,  vestu  de 
gris  de  fer,  les  dents  blanches. 

David  Gasan  dit  la  Jeunesse  âgé  de  23  ans  ou  environ,  de  petite 
taille,  assés  gros,  les  cheveux  noirs  un  peu  crêpez,  le  visage  court 
et  rond;  les  yeux  noirs  et  enfoncez,  le  nez  un  peu  plat,  la  bouche 
assés  petite,  le  bas  du  visage  assés  bien  fait. 

Laporte  d'assés  bonne  taille,  les  cheveux  châtains  bruns  et  frisez, 
âgé  de  24  ans,  le  visage  assés  plein,  les  yeux  un  peu  enfoncés,  le 
nez  de  moyenne  grandeur,  les  dents  gâtées,  vestu  de  gris  brun. 

Lapierre  est  de  petite  taille  et  menue,  le  visage  rond  et  pasle,  le 
nez  long,  les  cheveux  noirs  bouclez  et  longs.  Il  est  cordonnier,  ce 
qui  paroist  à  ses  mains,  âgé  de  35  ans  ou  environ. 

Labric  assés  grand,  point  gros,  âgé  de  20  ans  ou  environ,  les 


DE    l'histoire    du    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  413 

cheveux  châtains  clairs,  le  nez  grand,  la  bouche  petite,  les  yeux 
gris,  le  visage  un  peu  long,  habillé  d'un  drap  gris  de  fer,  la  veste 
de  même,  de  petits  boutons  d'argent. 

Roman  est  petit,  âgé  de  2i  ans,  les  cheveux  châtains  bruns,  le 
visage  rond  et  brun,  les  yeux  gris,  le  nez  médiocre,  la  bouche 
grande. 

La  Rouvière,  natif  de  Guienne,  de  25à26ans,  assés  grand,  de  taille 
menue,  les  cheveux  noirs,  fort  longs  et  point  frisez,  le  col  fort  long 
et  le  visage  assés  maigre,  la  barbe  fort  épaisse  et  fort  noire,  du 
rouge  aux  joiies,  une  dertre  au  menton  du  costé  gauche,  les  dents 
blanches,  le  nez  aquilin  et  mince. 

Gavanon  dit  la  Verune,  âgé  de  23  ans,  de  moyenne  taille,  pas  gros, 
les  cheveux  noirs  assés  plats,  le  visage  maigre  et  long,  le  nez  de 
moienne  grosseur,  peu  de  barbe,  le  teint  un  peu  pasle,  l'habit 
d'étofe  msslée  de  brun. 

(-olognac  dit  Dauphiné,  du  lieu  du  Gros,  âgé  de  22  ou  23  ans,  de 
petite  taille,  les  cheveux  noirs  un  peu  crêpez,  le  visage  long,  maigre, 
les  yeux  noirs  et  enfoncez,  le  nez  médiocre,  la  bouche  grande. 

David  Plan,  de  taille  moyenne,  pas  gros,  de  30  ans,  les  cheveux 
noirs,  plats  et  longs,  le  visage  long  et  brun,  marqué  de  vérole,  les 
dents  gâtées,  le  nez  assés  grand,  la  bouche  fort  grande,  il  porte 
quelque  fois  une  manière  de  sotane,  les  yeux  noirs. 

Paul  Plan,  de  taille  moyenne,  point  gros,  de  23  ans,  les  cheveux 
noirs,  plats  et  longs,  le  visage  long,  brun  et  marqué  de  vérole,  les 
yeux  noirs,  le  nez  assés  grand,  la  bouche  grande,  les  dents  moins 
gâtées  que  son  aisné. 

Pierre  Plan,  d'assés  grande  taille  et  menue,  les  cheveux  châtain 
brun,  plats  et  longs,  le  visage  long,  les  yeux  gris,  point  marqué  de 
vérole,  âgé  de  20  ans,  la  bouche  assés  grande. 

La  Mctoire,  de  Saint  Félix  de  Palières,  d'assés  grande  taille,  pas 
fort  gros,  les  cheveux  noirs  et  longs  point  frisez,  le  visage  assés 
plein,  peu  de  barbe,  âgé  de  21  ans,  vestu  de  gris  peu  brun. 

Villemejanne  dit  Gampan,  assés  grand  et  fort  épais,  les  cheveux 
noirs  un  peu  frisez,  la  barbe  noire  et  fort  épaisse,  le  visage  assés 
plein,  le  nez  médiocre,  mais  un  peu  serré,  vestu  de  gris  de  plomb. 

Souvent  ils  prennent  des  Peruqiies,  sous  lesquelles  ils  cachent  leurs 
cheveux. 

Après  celui  de  Claude  Brousson  on  aurait  dû  pouvoir 
montrer  le  portrait  d'Antoine  Court  qui  eut  le  mérite,  après 
le  mort  de  Louis  XIV,  de  reconstituer,  d'organiser  l'Église 


414  JUBILÉ    CINQUANTENAIRE    DE    LA    SOCIÉTÉ 

du  Désert  et  de  rétablir  le  fonctionnement  régulier  des 
synodes  et  de  la  discipline,  en  même  temps  que  de  pourvoir 
au  recrutement  des  pasteurs  par  l'installation  à  Lausanne 
d'un  séminaire  qui  préparait  les  «  candidals  au  martyre  ». 
Malheureusement  on  n'a  jamais  pu  trouver  de  portrait  d'An- 
toine Court.  On  sait  seulement  qu'il  ressemblait  à  Saurin. 

Mais  nous  avons  été  beaucoup  plus  favorisés  pour  Paul 
Rabaut  et  ses  trois  fils.  La  plus  grande  partie  du  panneau 
réservé  à  la  Révocation  et  au  Désert  leur  avait  été  con- 
sacrée Ici  nous  laissons  un  instant  la  plume  à  notre  collègue 
A,  Lods  : 

La  Société  de  l'Histoire  du  Protestantisme  avait  tenu  à 
rendre  ainsi  un  éclatant  hommage  au  dévouement  de  ces 
défenseurs  ardents  et  convaincus  de  la  cause  de  la  liberté  de 
conscience. 

Voici  un  portrait  à  l'huile  de  Paul  Rabaut;  cette  loile,  qui 
appartient  à  M.  Ph.  de  Cabrol,  a  été  reproduite  dans  le  Bul- 
letin, d'après  une  ancienne  gravure  (tome  XLIV,  1895,  p.  127). 

Dans  un  premier  portrait,  également  prêté  par  M.  de  Ga- 
brol,  Rabaut  de  Saint-Étienne  est  représenté  de  trois  quarts, 
accoudé  à  une  table  sur  laquelle  plusieurs  volumes  sont 
rangés.  Cette  peinture  rappelle  bien  la  gravure  d'Etienne 
Beisson^  exécutée  d'après  le  portrait  du  peintre  du  roi, 
Joseph  Boze-  et  publiée  dans  le  Bulletin  en  1887,  p.  547, 
d'après  une  très  belle  épreuve  avant  la  lettre  que  M.  N.  Weiss 
a  donnée  à  la  Bibliothèque. 

Avant  la  fermeture  de  l'exposition,  j'ai  eu  la  bonne  fortune, 
sur  les  indications  de  M.  Th.  Dufour,  d'acquérir  la  peinture 
originale  de  Boze  (médaillon  de  0,58  hauteur  sur  0,50  largeur). 

Un  second  portrait  par  Louis  David,  faisant  partie  de  la 

1.  Élienne  Beisson  (1760-1820)  a  gravé  les  portraits  suivants  de  Boze  : 
Camille  Dcmoulins,  Mirabeau,  Marat,  Louis  XVIII;  d'autres  portraits  de 
Boze  ont  eu  pour  graveurs  :  Bovinet,  Miger,  Henriquez,  Cathelin  et 
Monin. 

2.  Boze  (1746-1826).  Outre  les  portraits  rites  dans  la  note  précédente,  on 
a  de  lui  ceux  de  Louis  .\V"I,  Marie-Antoinette,  comtesse  de  Provence, 
marquis  de  Castries,  Vaucanson, Target,  Robespierre,  LouisXVIll,  Guadet, 
Napoléon,  maréchal  Berthier  et  le  dessin  de  l'Assemblée  du  Désert  gravé 
par  Henriquez  (Voir  Bulletin,  XVI,  1867,  p.  552). 


DE    l'histoire    du    PROTESTANTISiME    FRANÇAIS  415 

galerie  de  M*  Cheramy  représente  Rabaut  de  Saint-Étienne 
de  profil;  celte  esquisse  a  été  reproduite  en  héliogravure 
dans  le  Bulletin  (tome  XLIIl,  1894,  p.  92). 

Au-dessous  de  ces  peintures  étaient  groupées  les  trois 
caricatures  publiées  contre  Rabaut  par  ceux  qui  ne  lui  par- 
donnaient pas  d'avoir  fait  inscrire  dans  la  Déclaration  des 
Droits  de  l'homme  le  principe  de  la  liberté  de  conscience. 


\  oici  les  Coups  de  Rabot  (gravure  au  lavis,  imprimée  en 
bistre,  in-4°  en  largeur).  Dans  celte  composition,  le  député  du 
Gard,  moitié  homme,  moilié  serpent,  vêtu  de  sa  robe  pasto- 
rale, rabote  la  Constitution.  Sur  l'épaisseur  de  la  planche  de 
l'établi  sont  inscrites  cinq  lettres  P  rappelant  les  inscrip- 
tions mises  par  les  huguenots  du  Midi  sur  les  portes  de 
leurs  maisons  et  signifiant iPazn're  Peuple  Protestant,  Prends 
Patience. 

Dans  la  Religion  vendue  (gravure  au  lavis,  in-4'^'),  Rabaut 
arrache   un   encensoir  de   la  main  d'une  femme   couverte 


416  JUBILÉ    CINQUANTENAIRE    DE    LA    SOCIÉTÉ 

de  longs  voiles  blancs  et  personnifiant  la  religion  catholique; 
il  est  prêt  à  lui  plonger  un  poignard  dans  le  sein  tandis  que 
Talleyrand  la  saisit  par  le  bras  pour  la  livrer  contre  bonnes 
espèces  à  Camus,  l'ancien  agent  du  clergé. 

Enfin  dans  les  Braves  brigands  d'Avignon  (gravure  au  lavis, 
in-4°),  Rabaut,  Bouche  et  Camus  engagent  Jourdan-Coupe- 
Tète  à  massacrer  les  catholiques  et  les  déienseurs  du 
Pape^ 

Ces  trois  compositions  ont  été  reproduites  dans  L'histoire 
des  caricatures  de  la  Révolte  des  Français,  par  Boyer-Brun  de 
Nîmes  (Paris,  Imprimerie  du  Journal  du  Peuple.  1792,  2  vol. 
in-8")",  où  elles  ont  élé  accompagnées  de  longues  réflexions 
dans  lesquelles  l'auleur  se  déclare  l'adversaire  acharné  de 
i^abaut  et  accuse  les  protestants  d'avoir  poussé  le  peuple  à 
la  révolte  et  de  s'être  «  servis  des  jurisconsultes,  des  écono- 
mistes el  des  /rancs-maçons  comme  d'autant  de  leviers  par 
le  secours  descjuels  ils  sont  parvenus  à  ébranler  la  monar- 
chie ». 

Rabaut-Pomier  n'est  représenté  que  par  une  lithographie 
de  Langlumé,  d'après  un  dessin  de  Lorin.  Ce  portrait  a  paru 
dans  le  Bulletin  (tome  XLII,  1893,  p.  177). 

Quant  à  Rabaut-Dupui  dont  l'intervention  fui  si  efficace  et 
si  avantageuse  pour  les  Églises  Protestantes  lors  de  la  pré- 
paration des  articles  organiques  de  l'an  X,  nous  le  voyons  en 
costume  de  membre  du  Conseil  des  Anciens.  Celle  gravure 
a  été  tirée  sur  une  ancienne  planche  en  cuivre  qui  appartient 
à  M.  Lombard-Dumas,  de  Sommières  (Gard).  11  existe  égale- 
ment une  miniature  de  Rabaut-Dupui  conservée  dans  la 
maison  des  orphelines  du  Gard  à  Nimes. 

Ajoutons  encore  que  sous  le  portrait  de  Paul  Rabaut  on 
avait  placé  une  longue  lettre  de  lui  à  Moultou,  appartenant 
à  M.  F.  de  Schickler  et  qui  a  élé  reproduite  par  AI.  Dardier 


1.  Ces  trois  caricatures  font  partie  de  la  collection  Armand  Lods.  Con- 
sultez sur  les  portraits  de  Rabaut,  Bulletin  (tome  XLIII,  tStVi,  p.  92). 

2.  Cet  ouvrage  est  fort  rare,  il  se  compose  de  deux  volumes  in-8,  |j 
premier  de  410  pages  avec  taille  et  avis  au  relieur  contient  un  frontispice 
et  25  planches,  le  deuxième  volume  inachevé  a  190  pages  avec  un  frontis- 
pice et  H  planches  (Bibl.  nat.,  La'*-— 29). 


DE    l'histoire    du    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  417 

dans  ses  Lettres  de  Paul  Rabaiit  à  Divers,  li,  70.  Nous  en 
donnons  ici  la  signature  ainsi  que  celle  de  Rabaul  de  Sainl- 
ÉLienne  que  veut  bien  nous  prêter  M.  A.  Lods. 


// 


Afin  de  donner  une  idée,  très  modérée  d'ailleurs  et  au  tond 
insuffisante,  des  persécutions  de  toute  nature  qui  s'abattirent 
sur  les  prolestants  restés  en  France  pendant  le  siècle  qui  va 
de  1685  à  1789  ou  plus  exactement  1787,  et  qu'ils  ont  com- 
paré au  séjour  des  Israélites  dans  le  Désert  après  la  sortie 
d'Egypte,  on  avait  placé  sous  ces  divers  portraits  quelques 
pièces  imprimées.  D'abord  ces  trois  échantillons  des  amendes 
par  lesquelles  on  ruina  et  dépouilla  les  «  Nouveaux  Conver- 
tis »,  tous  les  trois  relatifs  à  ceux  de  Montauban. 

Je  soussigné  Commis  au  Recouvrement  des  Imposilions  faites 
par  ordre  du  Roy  sur  les  Nouveaux  Convertis  de  la  Ville  et  Juris- 
diction  de  Montauban  la  présente  année  mil  six  cent  quatre-vingt 
douze,  pour  la  subsistance  des  quatre  mille  Hommes  de  seconde 
milice,  de  la  généralilc  dudit  Montauban,  I^veconnois  avoir  receu 
de  Antoine  Issanchon  Peyreblanc,  fils  de  Pierre,  la  somme  de 
douze  livres  à  laquelle  il  a  été  taxé  suivant  la  répartition  faite  par 
Monseigneur  d'Herbigny,  Intendant,  le  vingt  troisième  May  der- 
nier. Fait  à  Montauban  ce  22"  jour  de  Novembre  mil  six  cent 
quatre-vingt  douze. 

GUIBERT. 


Art.  485. 

Taxe  71' 5*.  A  Montauban  le  !.">  Novembre  17 Î7. 

Monsieur^ 
J'ai  reçu  des  ordres  si  pressans  de  continuer  et  finir  le  recouvre- 
ment des  Amendes  prononcées  contre  les  Nouveaux  Convertis,  qu'il 


418  JUBILÉ    CINQUANTENAIRE   DE    LA    SOCIÉTÉ 

ne  m'est  pas  permis  de  suspendre  davantage  contre  les  redevables  les 
poursuites  et  les  diligences  que  je  n'avois  pas  suivies  avec  la  célérité 
qui  m'avoit  d'abord  été  prescrite,  dans  Vintention  où  j'étois  de  vous 
épargner  des  frais,  et  de  vous  procurer  d'ailleurs  la  facilité  d'ac- 
quitter votre  article.  Comme  je  ne  puis,  sous  aucun  prétexte,  vous 
accorder  d'autre  délai,  je  vous  prie  de  vouloir  bien,  à  la  réception  du 
présent  avis,  payer  le  montant  de  votre  taxe,  et  éviter  par  là  la 
peine  extrême  que  j'aurois  de  vous  en  faire^  et  de  vous  voir  exposé  à 
des  frais,  ainsi  que  je  vous  l'ai  déjà  marqué  sur  ma  précédente  du 
ibjuin  dernier. 

J'ai  l'honneur  d'être  parfaitement, 

Monsieur, 

Votre  très  humble  et  très 

Au  dos  :  A  Monsieur  obéissant  serviteur, 

Monsieur  l^aye  Lagravere  Château. 

Nég\  près  la  place. 


ARRONDISSEMENT 

DE  Amendes  des  Nouveaux  Convertis  pro- 

MONTAUBAN.  noncécs  par  les  Jugements  de  Monsei- 

gneur  l'Intendant  des  3  mars  ITfô  et 
17  Décembre  1746,  en  exécution  de  l'or- 
donnance du  Roi  du  16  Février  1745. 

Rolle  du  26  Mai  1747.  Art.  485. 

J'ai  reçu  de  M.  Izaye  Lagravere,  négociant,  la  somme  de  soixante 

onze  livres  cinq  sols  du  montant  de  l'article  ci-dessus.  A  Monlauban, 

le  2  décembre  1747. 

Château. 

Puis,  un  placard  ou  affiche,  don  de  M.  H.  Morin-Pons,  re- 
latif aux  confiscations  des  biens  des  religionnaires  fugitifs  et 
qui  étaient  mis  en  régie  au  profit  du  Domaine  lorsqu'ils 
n'avaient  pas  été  donnés  à  des  parents  catholiques  ou  à  des 
couvents  ou  hôpitaux.  Le  document  qui  suit  fournit  la  liste, 
en  1743,  des  protestants  de  Grest  et  de  Die  qui  s'étaient  exilés 
en  laissant  des  biens  immobiliers^. 

1.  C'était,  peul-ctre,  le  n  oins  grand  nombre.  Au  moment  de  la  Révo- 
cation, beaucoup  avaient  réussi  à  aliéner  leurs  biens. 


DE    l'histoire    du    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  419 


BIENS  DES  RELIGIONNAIRES  FUGITIFS 

De  par  le  Roy, 

On  fait  scavoir  à  tous  ceux  qu'il  apartiendra  que  Lundy  23  dé- 
cembre 1743,  à  neuf  heures  du  matin,  en  vertu  de  l'arrêt  du  Con- 
seil d'État  du  15  novembre  1742,  il  sera  procédé  par  adjudication 
en  la  manière  accoutumée,  pardevant  Monsieur  Sibeud  Subdélégué 
de  M.  l'Intendant  au  département  de  Crêt  et  Die,  en  présence  du 
Fermier  général  de  la  Régie  desdits  biens,  ou  de  son  Préposé,  sur 
une  simple  affiche  et  publication,  au  plus  offrant  et  dernier  enché- 
risseur, pour  huit  années  consécutives,  des  biens  cy-après; 

Scavoir, 

Ceux  de  Jean  Vieux,  fugitif,  dont  jouit  Jean-Pierre  Charles,  con- 
sistant en  fond  de  terre,  situés  au  Plan  de  Bays. 

Ceux  de  Pierre  Charlet,  dont  jouit  Etienne  Charlet,  consistant 
en  terre  et  vignes,  situés  à  Espenel. 

Ceux  d'Etienne  Laurier,  dont  jouit  Pierre  Laurier,  consistant  en 
maison,  pré,  terre  et  vigne,  situés  à  Vercherey. 

Ceux  de  Lombard,  dont  jouit  Simond  Lombard,  consistant  en 
une  maison  et  fonds  de  terre,  situés  à  Pontaix. 

Ceux  de  Jacques  Giroud,  dont  jouit  Mathieu  Giroud,  consistant 
en  fonds  de  terre,  situés  audit  Pontaix. 

Ceux  de  Suzanne  (^arlho,  dont  jouit  Pierre  AUard,  consistant  en 
biens  fonds,  situés  à  la  Vachère. 

Ceux  de  Catherine  Arnoult  et  Catherine  Bouvat,  dont  jouit 
Pierre  Vincent,  consistant  en  une  maison,  pré,  terre  et  vigne, 
situés  à  Sainte  Croix. 

(^eux  de  Daniel  et  Louis  Herboux,  dont  jouit  le  sieur  Mazard, 
héritier  de  Daniel  Bouvat,  consistant  en  batimens,  pré,  terre  et 
vigne,  situés  à  Quint  ou  Saint  Jullien. 

Ceux  de  David  Bertaud,  dont  jouit  Antoine  Vallon,  consistant 
en  fonds  de  terre,  situés  à  Crét. 

Ceux  de  François  Beranger,  dont  jouit  Pierre  Arthaud,  consis- 
tant à  la  moitié  d'une  maison  et  fonds  de  terre,  situés  à  Beaufort. 

Ceux  de  Jean  Grisail  et  sa  femme,  dont  jouit  la  veuve  Droyast, 
consistant  en  maison  et  terre,  situés  à  Die. 

Ceux  de  Jean  Morin,  dont  jouit  Jean  Joubert,  consistant  en  une 
maison  et  fonds  de  terre,  situés  audit  lieu  de  Die. 


420  JUBILÉ    CIINQUANTENAIRE    DE    LA    SOCIÉTÉ 

Ceux  de  Pierre  Chabert,  dont  jouit  Calherine  Cliabert,  consis- 
tant en  biens  fonds,  situés  à  Août. 

Ceux  d'Anne  Brachel,  dont  jouit  Antoine  Sauvant,  consistant  en 
une  maison  et  fonds  de  terre,  situés  à  Pau  net. 

Ceux  de  Suzanne  Penil  et  Marie  Liotard,  dont  jouit  Daniel  Lio- 
tard,  consistant  en  maison  et  terre,  situés  audit  lieu. 

Ceux  de  Charles  Guérin,  dont  jouit  Jean  Guérin,  consistant  en 
une  maison  et  fonds  de  terre,  situés  audit  lieu. 

Ceux  de  Pierre  Marcelle,  dont  jouit  Malthieux  Roux,  consistant 
en  biens  fonds,  situés  à  Aurel. 

Ceux  de  Calherine  Joubert,  dont  jouit  Barthélémy  Joubert,  con- 
sistant en  une  maison  et  fonds  de  terre,  situés  à  Saint  Fvomans. 

Ceux  de  Pierre  Arnaud,  dont  jouit  Daniel  Martin,  consistant  en 
une  maison  et  fonds  de  terre,  situés  audit  lieu  de  Saint   Romans. 

Ceux  de  Daniel  de  Lavgue,  dont  jouit  Antoine  de  Laygue,  con- 
sistant en  maison  et  fonds,  situés  audit  lieu  de  Saint  Romans. 

Ceux  de  Noél  et  André  Chenebier,  dont  jouit  Jean  Chenebier, 
consistant  en  biens  fonds,  situés  à  Chamalot. 

Ceux  de  Magdelaine  Aguiton,  dont  jouit  César  Boumaval,  con- 
sistant en  biens  fonds,  situés  audit  lieu  de  Chamalot. 

Ceux  de  Louis  Faure,  dont  jouit  Pierre  Mouquant,  consistant  en 
fonds  de  terre,  situés  audit  lieu  de  Chamalot. 

Ceux  de  Jeanne  l'^aure,  dont  jouit  Antoine  Mounier,  consistant  en 
une  maison,  pré,  terre  et  vigne,  situés  audit  lieu  de  Chamalot. 

Ceux  de  Jacques  Jullien,  dont  jouit  Anthoine  Jullien,  consistant 
en  une  maison  et  fonds  de  terre,  situés  à  Chalillon. 

Ceux  de  Pierre  Bonet,  dont  jouit  Jean  Louis  Gontard,  consistant 
en  une  maison,  prés,  terre  et  vignes  situés  audit  lieu  de  Cha- 
lillon. 

Ceux  de  Pierre  Martin,  dont  jouit  Barthélémy  Vignon,  consistant 
en  maison,  pré,  terre  et  vignes,  situés  à  Marignac. 

Ceux  de  Beatrix  Girard,  dont  jouit  Claude  de  Ville,  consistant  en 
maison  et  fonds  déterre,  situés  audit  lieu  de  Marignac. 

Ceux  de  David  Bournat,  dont  jouit  Louis  Garand,  consistant  en 
fonds  de  terre,  situés  audit  lieu  de  Marignac. 

Ceux  de  Claude  Garcin  et  sa  femme,  dont  jouit  Charles  Faure, 
consistant  en  fonds  de  terre,  situés  à  Montmaurl. 

Ceux  d'Anne  Izaard,  dont  jouit  Jean  Galand,  consistant  en  terre 
et  en  pré,  situés  à  Menglon. 

Ceux  de  Jean  Martin,  dont  jouit  Pierre  Martin,  consistant  en 
biens  fonds,  situés  audit  Menglon. 


DE    l'hISTOIHE    du    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  421 

Ceux  d'Elienne  Rambaud,  dont  jouit  Jean  Rambaud,  consistant 
en  une  maison  et  fonds  de  terre  situés  audit  lieu  de  Menglon. 

Ceux  de  David   Roux,   dont  jouit  Antoine  Odon,  consistant  en 
une  maison,  terre  et  pré,  situés  à  Valdrome. 

Ceux  d'Abraham  Eximet,  dont  jouit  Jean  Livache,  consistant  en 
une  maison,  situés  audit  lieu  de  Valdrome. 

Ceux  de  Pierre  Raymond,  dont  jouit  Louis  Roux,  consistant  en 
biens  fonds,  situés  audit  lieu  de  Valdrome. 

Ceux  de  Jean  Lombard  et  Suzanne  Biais,  dont  jouit  Jean  Lagier, 
consistant  en  pré  et  terre,  situés  à  Fourcinet. 

Ceux  de  Charles  Goy  et  Suzanne  Saules,  dont  jouit  Louis  Goy, 
consistant  en  bâtimens,  pré,  terre  et  vignes,  situés  à  Bourdeaux. 

Ceux  d'Anne  Forier  et  Daniel  Arthaud,  dont  jouit  Claude  Res- 
son,  consistant  en  biens  fonds,  situés  à  la  Motte-Chalançon. 

Ceux  d'Antoine  Arnaud,  dont  jouit  Pierre  Arnaud,  consistant  en 
une  maison  et  fonds  de  terre,  situés  à  Poyol. 

Ceux  de  Suzanne  Givaudan,  dont  jouit  César  Bernard,  consistant 
en  un  domaine,  situé  à  Baurière. 

Toutes  personnes  seront  reçues  en  donnant  bonne  et  suffisante 
caution. 

Ceux  qui  jouissent  des  biens  apartenants  à  la  Régie,  soit  par 
bail  à  rente,  à  terme  limité  et  autres  redevables  en  intérêts  ou 
autrement,  sont  avertis  de  venir  payer  à  Crêt,  le  23  décembre  1743. 
entre  les  mains  du  Préposé  à  la  Régie  les  sommes  par  eux  dues, 
et  d'aporter  leurs  Baux,  si  non  ils  y  seront  contraints  comme  pour 
les  propres  deniers  et  affaires  de  Sa  Majesté. 

Enfin,  voici  le  texte  d'un  arrêt  du  parlement  de  Grenoble 
qui  démontre  que  quatre  ans  après  le  supplice,  à  Toulouse 
de  Calas,  du  pasteur  Rochelle  et  des  trois  frères  de  Grenier, 
on  continuait  encore  à  condamner  à  mort  ceux  qui  prêchaient 
au  Désert,  aux  galères  ceux  qui  les  assistaient,  et  à  des 
amendes  et  peines  diverses  ceux  qui  avaient  été  mariés  par 
un  «  prédicant  »,  mariage  qu'on  déclarait  «  nul  et  les  enfants 
qui  en  pourraient  naître  illégitimes  ».  C'est  donc  bien  certai- 
nement la  Révolution  seule  qui  a  empêché  le  clergé  catho- 
lique et  les  gouvernements  qu'il  dirigeait  de  faire  exécuter 
des  lois  aussi  barbares  contre  ceux  qui  ne  voulaient  pas 
reconnaître  son  autorité  souveraine.  Cet  arrêt  destiné  à  être 
affiché,  a  été  donné  à  la  Bibliothèque  par  M.  H.  Morin-Pons. 


422  JUBILÉ  cinOuantenaire  de  la  société 


ARREST 

DE  LA  COUR  DE  PARLEMENT, 
AIDES  ET   FINANCES  DE    DaUPUINÉ, 

Du  trente-un  Mai  mil  sept  cent  soixante-six. 

Qui  condamne  les  nommés  Desnoyers  et  Colombe,  Pi'e'dicants,  contu- 
max  à  être  pendus ,  et.le  nomme'  Girard  Lecteur,  aussi  contumax, 
aux  Galères;  plusieurs  autres  particuliers  y  dénommés,  à  des  pei- 
nes afflictives,  tous  convaincus  de  contravention  aux  Edits  et  Dé- 
clarations du  Roi,  concernant  la  Religion  prétendue  Réformée,  etc. 

Extrait  des  registres  du  Parlement. 

Entre  le  Procureur  général  du  Roi,  demandeur  en  cas  de  con- 
travention aux  Édits  et  Déclarations  du  Roi,  concernant  la  Religion 
prétendue  Réformée,  et  en  exécution  de  l'Arrêt  de  la  Cour  du  dix 
sept  juillet  mil  sept  cent  soixante-quatre  d'une  part;  les  nommés 
Desnoyers,  Colombe,  Prédicants;  François  Girard,  Lecteur;  Jean- 
Antoine  Délègue,  contumax;  Pierre  Berton,  détenu  dans  les  Pri- 
sons de  la  Conciergerie  du  Palais;  Louis  Joubert,  Consul  de  Sl-Ro- 
mans;  Antoine  Borel  père,  du  lieu  de  la  Valdaix  ;  Paul  Borel  tils, 
Louis  Liotard,  et  Jeanne-Marie  Lamotte,  accusés,  d'autre. 

La  Cour,  dit  la  contumace  contre  lesdits  Desnoyers,  Colombe, 
Prédicants;  Délègue  et  Girard,  être  bien  et  duement  instruite;  et 
pour  les  causés  résultantes  des  procédures,  a  condamné  lesdits 
Desnoyers  et  Colombe  à  être  livrés  entre  les  mains  de  l'Exécuteur 
de  la  Haute-Justice,  pour,  la  hart  au  col,  être  conduits  à  la  Place 
du  Breuil  de  cette  ville,  et  à  une  potence  qui  sera  à  cet  effet  dres- 
sée, y  être  pendus  et  étranglés  jusqu'à  ce  que  mort  naturelle  s'en- 
suive; et  attendu  la  contumace  desdits  Desnoyers  et  Colombe,  leur 
effigie  sera  mise  sur  un  tableau  qui  sera  attaché  à  ladite  potence 
et  a  condamné  lesdits  Desnoyers  et  Colombe  à  dix  livres  d'amende 
envers  le  Roi,  chacun  le  concernant,  et  aux  dépens  et  frais  de  Jus- 
tice. 

Et,  en  ce  qui  concerne  ledit  Girard,  Lecteur,  l'a  condamné  à  ser- 
vir le  Roi  en  qualité  de  Forçat  sur  ses  Galères  pendant  l'espace  de 
trois  années,  étant  préalablement  flétri  sur  l'épaule  droite,  d'un  fer 
ardent  portant  l'empreinte  des  trois  lettres  G.  A.  L.,  lui  fait  inhibi- 


DE    l'histoire    du    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  423 

lion  et  défenses  de  rompre  son  ban,  sous  plus  grande  peine;  et 
attendu  la  contumace  dudit  Girard,  ordonne  que  le  présent  Arrêt 
sera  transcrit  sur  un  tableau  qui  sera  attaché  au  pilier  dejustice;et 
a  condamné  ledit  Girard  à  l'amende  de  dix  livres  envers  le  Roi,  et 
aux  dépens  et  frais  de  Justice  le  concernant. 

Et  en  ce  qui  concerne  Jean-Antoine  Délègue,  a  déclaré  le  mariage 
dudit  Délègue  nul,  et  les  enfans  qui  en  pourroient  naître  illégi- 
times; lui  fait  inhibition  et  défense  de  cohabiter  avec  sa  prétendue 
femme;  et  l'a  condamné  à  six  livres  d'aumône  envers  les  Prison- 
niers de  la  Conciergerie  du  Palais,  et  aux  dépens  et  frais  de  Justice 
le  concernant. 

El  en  ce  qui  concerne  ladite  Jeanne-Marie  Lamolle,  l'a  condam- 
née à  six  livres  d'auniône  envers  lesdils  Prisonniers,  et  aux  dépens 
et  frais  de  Justice  le  concernant.  Et  en  ce  qui' concerne  ledit  Jou- 
bert,  Consul,  et  Jean-Louis  Liotard,  les  a  condamnés,  ledit  Joubert 
à  dix  livres  d'aumône,  et  ledit  Liotard  à  six  livres  envers  lesdits 
Prisonniers,  et  aux  dépens  et  frais  de  Justice,  chacun  les  concer- 
nant. Et  en  ce  qui  concerne  lesdits  Borel  père  et  fils,  les  a  mis  hors 
de  Cour  et  de  procès,  ledit  Borel  père  sans  dépens,  et  a  condamné 
ledit  Borel  fils  aux  dépens  et  frais  de  Justice  le  concernant.  Et  en  ce 
qui  concerne  ledit  Berton,  détenu,  l'a  condamné  à  dix  livres  d'au- 
mône envers  lesdits  Prisonniers,  et  aux  dépens  et  frais  de  Justice  le 
concernant;  enjoint  au  Geôlier  desdites  Prisons,  de  lui  en  ouvrir  les 
portes  à  l'exhibition  du  présent  arrêt. 

Ordonne  au  surplus  que  le  présent  Arrêt  sera  imprimé,  publié  et 
affiché  partout  où  besoin  sera. 

Fait  en  Parlement  le  trente-un  Mai  mil  sept  cent  soixante  six. 

Signé,  BoissET. 


Le  culte  du  Désert  et  la  Loi  de  Germinal  an  X. 

Tout  ce  qui  était  relatif,  dans  les  souvenirs  qu'on  avait  pu 
rassembler,  au  culte  du  Désert,  avait  été  groupé  dans  la  baie, 
restée  ouverte  au  milieu  de  ce  côté  de  la  Bibliothèque.  — 
On  y  voit,  sur  la  photogravure  ci-jointe,  la  chaire  du  Désert, 
qui  appartenait  à  la  paroisse  poitevine  de  Bougon  d'où  notre 
collaborateur  M.  Th.  Maillard  pasteur  à  Pamproux  nous  la  fit 
parvenir  et  dont  le  conseil  presbytéral  vient  d'en  assurer  la  pro- 


JUBILE    CINQUANTENAIRE    DE    LA    SOCIETE  425 

priété  à  notre  Société.  Cette  chaire,  démontable,  se  compose 
de  sept  morceaux  principaux,  qui  étaient  transportés  isolément 
par  les  anciens  sur  le  lieu  destiné  à  la  réunion  et  y  étaient 
assemblés  et  fixés  au  moyen  d'écrous  en  1er. 

A  gauche  de  cette  chaire  se  voit  Témouvante  petite  table 
de  communion,  également  pliante  et  démontable,  qui  fut  faite 
par  un  membre  de  l'Église  de  iNiorl  nommé  Monciaud  et  sur 
laquelle  se  lit,  au  milieu  d'une  guirlande  de  cœurs  gravés, 
cette  touchante  inscription  :  «  Souverain  monarque  du  ciel  et 
de  la  terre,  jette  un  regard  de  miséricorde  sur  ceux  qui  s'ap- 
procheront de  cette  table.  »  Elle  a  été  dessinée  et  décrite  pour 
le  Bulletin  de  1896,  p.  54,  par  M.  Maillard,  et,  bien  que  très 
vermoulue,  nous  a  été  obligeamment  apportée  par  M.  Pan- 
din  de  Lussaudière,  élève  de  l'école  des  Chartes.  Au-dessus 
de  la  table  on  distingue  une  sorte  de  dentelle.  C'est  une 
nappe  de  communion  dont  se  servit,  dans  le  Dauphiné,  le  pas- 
teur du  Désert Lo«w  Ranc  qui  fut  prisa  Livron,  pendu  à  Die 
par  ordre  du  Parlement  le  2  mars  1745,  à  l'âge  de  26  ans,  et 
dont  la  tête  fut  ensuite  exposée  à  Livron,  elle  cadavre  traîné 
par  les  rues  de  Die.  —  Cette  nappe,  ainsi  qu'un  gobelet  en 
verre,  ayant  servi  au  martyr,  comme  la  nappe,  et  dont  il 
sera  question  plus  loin,  appartiennent  aujourd'hui  à  .Madame 
Gillouin,  veuve  de  l'ancien  pasteur  d'Aouste,  qui  a  bien  voulu 
nous  les  envoyer,  à  la  requête  de  M.  le  pasteur  T.  Fallot. 
Sur  cette  table  on  avait  placé  un  service  de  communion  en 
étain,  également  employé  au  Désert  et  dont  les  coupes,  se  dé- 
vissant en  deux  parties,  pouvaient  facilement  se  dissimuler. 
Ce  service  appartient  à  M.  Maillard,  ainsi  que  les  sellettes  ou 
petits  sièges  pliants  ou  démontables  qu'on  voit  au  pied  de  la 
chaire;  ces  sièges  portatifs  furent,  si  je  ne  me  trompe,  spé- 
cialement inventés  pour  le  culte  du  Désert  et  l'usage  s'en  est 
si  bien  perpétué  qu'il  y  a  encore,  dans  le  Poitou,  des  annexes 
où  chacun  apporte  son  siège  quand  il  se  rend  au  temple. 

Sur  la  chaire  se  voient  un  mantelet  en  soie  noire  légère,  un 
rabat  noir  à  liséré  blanc  et  une  toque  noire,  surmontée  d'une 
houppe,  que  le  pasteur  revêtait  avant  de  monter  en  chaire. 
La  toque  était  transportée  dans  une  boite  en  fer  blanc  qu'on 
aperçoit  aussi  au  bas  de  la  chaire. 

LI.  —  30 


426  JUBILÉ    CINQUANTENAIRE    DE    LA    SOCIÉTÉ 

Sur  les  tablelles  du  fond  on  avait  accroché  les  deux  seules 
gravures  contemporaines  qui  nous  aient  conservé  le  souve- 
nir visible  de  ces  cultes  dont  nos  pères  durent  se  contenter 
pendant  près  d'un  siècle.  Celle  de  gauche,  devenue  rare, 
nous  montre  l'assemblée,  les  femmes  à  droite,  les  hommes 
à  gauche  (du  spectateur),  agenouillée,  comme  elle  le  faisait 
toujours,  pour  la  prière.  Elle  est  signée  J.-J.  Storni  invenit^ 
L.  Bellotti  sculpsit  1775,  et  porte  cette  inscription  : 

Assemblée  dans  le  désert. 

Bienheureux  sont  ceux  qui  écoutent  la  Parole  de  Dieu  et  qui 
la  pratiquent.  J.-C.  en  S.  Luc,  chap.  XI,  verset  28. 

Celle  de  droite  est  la  gravure  bien  connue  qui  représente 
le  culte  du  Désert  dans  les  carrières  de  Lèques  près  de 
Nîmes,  et  dont  on  trouve  des  exemplaires  dans  beaucoup  de 
familles  protestantes  du  Midi.  L'exemplaire  de  la  Biblio- 
thèque est  avant  toute  lettre.  On  y  a  tracé,  à  l'eau-forle,  dans 
l'angle  inférieur  de  droite,  ces  mots  :  Les  Protestants  au  Dé- 
sert, Nîmes.  Le  journal  \e  Lien  avait  publié  en  1861,  p.  91 
(1"  juin),  au  sujet  de  ce  tableau,  dont  l'original  existe  peut- 
être  encore  ainsi  que  celui  de  la  gravure  précédente,  cette 
note,  sans  doute  de  M.  A.  Coquerel  fils  : 

Le  8  octobre  178'i,  Joseph  Boze,  peintre  de  portraits  à  Paris,  et 
qui,  plus  tard,  sous  le  ministère  de  M.  de  Brienne,  fut  nommé 
peintre  breveté  de  la  guerre,  passa  un  acte  sous  seing  privé  avec 
Benoît-I^ouis  Henriquez,  graveur  de  l'Académie  royale.  Ce  dernier 
s'engageait  à  graver,  dans  le  terme  d'un  an,  et  moyennant  3000  livres, 
le  tableau  de  M.  Bo^ie  qui  est  un  paysage  et  une  assemblée  protes- 
tante. 

Sous  l'Empire,  Rabaul-Pomier,  pasteur  à  Paris,  reçut  la  lettre 
suivante  de  ce  même  Joseph  Boze  : 

«  M.  Boze  a  l'honneur  de  présenter  son  hommage  à  M.  Rabeau 
Pomier.  Il  se  fait  un  vrai  plaisir  de  lui  envoyer  la  convention  qui 
fut  faite  sur  la  planche  représentant  l'assemblée  des  protestants  de 
Nismes,  gravée  par  Henriquez,  d'après  le  tableau  original,  peint 
sur  les  lieux  d'après  nature,  par  M.  Boze,  à  une  époque  où  le  pré- 


DE    L  HISTOIRE    DU    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  427 

jugé,  prévalant  sur  la  saine  raison,  fit  craindre  à  l'artiste  de  signer 
au  bas  de  l'estampe. 

«  Il  présente  son  respect,  etc. 

«  Ce  mardy  16  may 

«  Au  musée  des  artistes,  à  la  Sorbonne*.  » 

Sur  les  deux  côtés  de  la  baie  on  avait  suspendu  deux  por- 
traits, celui  de  Paul  Rabaut,  que  possède  la  Bibliothèque  grâce 
madame  Vve  Passa,  jusqu'ici  le  meilleur  portrait  connu  de 
l'apôtre  du  Désert,  et  en  face  de  lui  une  peinture  qui  doit 
représenter  Henri  Arnaud,  le  célèbre  pasteur  dauphinois, 
devenu  à  la  fois  pasteur  et  chef  militaire  des  Vaudois  qu'en 
1689  il  ramena  de  Suisse  dans  leurs  vallées  du  Piémont,  à 
travers  les  Alpes  et  malgré  leurs  ennemis,  haut  fait  presque 
unique  dans  Thistoire. 

Le  grand  tableau  dont  on  distingue  vaguement  le  sujet,  sur 
un  chevalet  à  droite  de  la  chaire,  nous  avait  été  fort  obli- 
geamment prêté  par  la  Bibliothèque  de  Genève.  II  a  été 
reproduit  dans  \e  Bulletin  de  1890,  p.  242-243,  et  nous  montre, 
à  côté  des  reliques  du  Désert,  la  seule  vue  actuellement  con- 
nue de  l'intérieur  d'un  temple  huguenot  au  xvi*' siècle.  C'était, 
comme  l'indique  l'inscription,  le  Temple  de  Lyon  nommé 
Paradis,  c'est-à-dire  une  ancienne  «  eslablerye  »  de  ce  nom, 
qu'on  avait  aménagée  pour  le  culte  protestant  en  la  «  rue  des 
Estableries  ou  des  Chapelliers  »,  aujourd'hui  des  Quatre 
Chapeaux  {Bull.,  1890,  286). 

Un  exemplaire,  imprimé  sur  une  feuille-placard,  de  la  Loi  de 
germinal  an  X,  sans  doute  pour  être  affiché  dans  les  temples, 
était  aussi  suspendu  au-dessous  delà  première  gravure  repré- 
sentant une  assemblée  au  Désert.  Il  nous  servira  de  transi- 
tion pour  passer  au  dernier  panneau,  où  ne  se  voyaient  guère 
qu'une  demi-douzaine  de  portraits  (deux  au  moins  n'ont  pu 
prendre  place  sur  la  gravure).  On  aperçoit  d'abord  l'énorme 
toile,  habituellement  suspendue  dans  la  sacristie  du  temple  de 

1.  Ce  l)illet  ne  porte  pas  de  millésime.  Il  est  entre  nos  mains,  ainsi  que 
la  convention  originale  signée  Boze  et  Ilenriquez,  dont  nous  avons  donné 
un  résumé. 


JUBILÉ    CINQUANTENAIRE    DE    LA    SOCIÉTÉ  i2*) 

rOratoire,  qui  représente  Paul  Henri  Marron,  ancien  chapelain 
de  l'ambassade  de  Hollande,  organisateur  de  l'Église  de 
Paris  pendant  la  Révolution,  et  premier  pasteur,  jusqu'en 
1832,  de  cette  Église  unie  à  l'Élal  par  la  susdite  loi  (cf.  Bul- 
letin de  1889,  p.  359).  A  côté  de  lui  le  consistoire  de  l'Église 
luthérienne  Ste-Aurélie,  de  Strasbourg,  nous  avait  permis  de 
placer  le  charmant  portrait  de  Charles  Christian  Gambs,  cha- 
pelain de  l'ambassade  deSuède,  qui  rendit  aux  protestants  de 
l'Église  de  la  Confession  d'Augsbourg  à  Paris,  le  même  ser- 
vice que  Marron  à  ceux  de  l'Église  réformée  {Bull,  de  1898, 
p.  555). 

On  admirait  ensuite  l'admirable  peinture  exécutée  en  1837 
par  Paul  Delaroche,  pour  M.  François  Guizot,  et  tout  le  monde 
savait  gré  à  madame  Guillaume  Guizot  d'avoir  consenti  à 
nous  la  prêter.  Le  dernier  personnage  qu'on  aperçoit  à  droite 
est  le  seul  appartenant  réellement  au  wx""  siècle  (François 
Guizot  était  né  le  4  août  1787),  qui  ait  figuré  dans  notre  expo- 
sition. Mais  chacun  comprendra  que  nous  ayons  fait  une 
exception  pour  le  colonel  Denfert-Rochereau,  le  seul  officier 
français  et  protestant  qui  ait  réussi  en  1870  à  conserver  à  la 
France  un  morceau  des  provinces  annexées.  Le  crayon  qui 
le  représente  appartient  à  M.  Surleau-Goguel. 

Il  reste  encore  à  mentionner,  sous  le  portrait  de  Gambs, 
un  petit  pastel,  Pierre  Mordant,  pasteur  de  l'Église  de  Rouen 
jusqu'en  1813.  On  l'avait  placé  là  parce  que  Mordant  fut,  en 
France,  le  dernier  pasteur  décrété  de  prise  de  corps  (1789) 
pour  avoir  béni  publiquement  un  mariage  mixte.  Son  procès 
fut  donc  le  dernier  procès  pour  cause  de  religion  au 
xviu®  siècle.  —  Un  Rouennais,  notre  ami  M.  R.  Garreta,  nous 
avait  apporté  un  charmant  portrait  au  crayon,  qui  fut  aussi 
placé  sur  ce  panneau,  mais  qu'on  ne  voit  pas  ici.  C'était 
celui  de  Marie-Anne  Massé,  dessiné  le  29  décembre  1764  par 
son  grand-oncle  Jean-Baptiste  Massé,  peintre  du  roi  en  minia- 
ture, conseiller  en  son  Académie  royale  de  peinture  et  de 
sculpture,  garde  des  plans  et  lableaux  de  S.  M.,  alors  âgé 
de  78  ans,  lequel  décéda,  le  26  septembre  1767  «  dans  les 
sentiments  de  la  R.  P.  R.  »  et  fut  inhumé  nuitamment,  sans 
bruit,  scandale  ni  appareil  dans  le  chantier  d'Appoigni,  au 


430  JUBILÉ    CIISQUANTENAIRE    DE    LA    SOCIÉTÉ 

Port  au  Plâtre.  Au-dessus  de  ce  dessin,  grâce  à  M.  Gaidan, 
on  a  pu  placer  une  bonne  esquisse  à  Thuile  de  Jean-Henri 
Merle  d'Aubigné  (1794-1872),  qui  contribua,  plus  que  personne 
au  siècle  dernier,  à  populariser  l'histoire  de  la  Réforme,  sur- 
tout dans  les  pays  de  langue  anglaise. 

Ce  qu'on  aperçoit  sous  le  portrait  du  colonel  Denfert  est 
un  Almanach-placard  de  l'année  1623  au  haut  duquel  on  a 
gravé  le  portrait  de  Louis  XIII  et  de  sa  femme,  à  che\al  entre 
trois  fleurs  de  lys,  renfermant  les  profils  des  «  villes  d'os- 
tages  et  places  de  seureté  retirées  par  force  ou  autrement 
sur  ceux  de  la  R.  P.  R.  par  le  roi  Louis  le  luste  ez  années 
1620,  21  et  22  ».  A  côté,  un  petit  tableau  imprimé,  à  compar- 
timents coloriés,  représentant  les  différents  étals  des  âmes 
après  la  mort,  et  composé  par  le  pasteur  Oberlin  pour  ses 
intimes.  Il  avait  donné  cet  exemplaire,  que  nous  prêta  M.  le 
pasteur  Dietz,  de  Rothau,  à  sa  servante  Louise  Scheppler. 
Les  médailles  qu'on  voit  plus  loin  sont  des  reproductions  de 
celles  de  la  Saint-Barthélémy  et  de  la  Révocation  et  avaient 
été  exposées  par  M.  A.  Giraud-Browning,  président  de  la 
Huguenot  Society  de   Londres.  Puis  un  parchemin  donnait 
une  idée  de  ce  qu'étaient  les  diplômes  de  nos  anciennes 
Académies;  celui-ci  avait  été  délivré  par  celle  de  Sedan  à 
Joseph  Pithou,  le  9  des  calendes  d'Avril  1659,  et  est  signé  De 
Morenvi!lé,consiliarius  regîus  et  moderator ;  Beaulieule Blanc, 
pastor  et  Theologiœ  professor;  Chadirac,  consiliarius  7'egius 
et  moderatoi-:  J.  Le  Vasseur,  pastor  et  Theologiœ  professor 
et  moderator  consiliarius  et pi'O  tempore  rector  :  D.  D'^O^anne, 
urbis  proprœtor:   Gommeret.    in  supremo  Sedanensi  Senatu 
consiliarius  regius  et  universitatis  moderator:  O.  Le  Blanc  i?) 
regiiis  procurator :    et    D.    Leloux   (?)   universitatis    Sedan. 
720'"'"s  et  secretarius. 

Une  gravure,  placée  de  l'autre  côté  du  portrait  du  pasteur 
Mordant,  sera  décrite  tout  à  l'heure.  Mais  il  convient  de 
mentionner  ici,  comme  se  rattachant  directement  aux  objets 
déjà  décritSjd'abord  quatre  boulets  de  l'artillerie  de  LouisXIII, 
trouvés  dans  les  murs  du  Mas  d'Azil,  cette  petite  ville  du 
pays  de  Foix.  assiégée  le  25  septembre  1625  par  le  maréchal 
deThémines,  défendue  par  un  millier  de  huguenots  qui  résis- 


DE    l'histoire    du  PROTESTANTISME    FRANÇAIS  431 

lèrent  victorieusement  à  trente-sept  jours  de  siège  et  à  trois 
assauts.  —  Puis  il  faut  regretter  de  n'avoir  pas  suspendu,  au- 
dessous  d'une  des  gravures  représentant  le  prêche  au  Désert, 
une  vue  de  la  célèbre  Tour  de  Constance,  où  furent  enfermées, 
quelquefois  pour  plus  de  trente  ans.  des  femmes  surprises 
dans  ces  assemblées.  Cette  vue  avait  été  peinte  jadis  par  le 
regretté  Charles  Frossard,  qui  l'avait  donnée  récemment  à 
la  Société  après  la  mort  de  sa  fille. 

Nous  passons  maintenant  à  la  description  des  quatorze 
vitrines  et  objets  disséminés.  Les  quatre  premières  de  ces 
vitrines  étaient  consacrées,  comme  de  juste,  aux 

Livres  et  Reliures. 

Dans  les  trois  premières  vitrines,  à  gauche  en  entrant,  on 
avait  placé,  en  premier  lieu,  les  plus  anciennes  éditions  du 
Nouveau  Testament  et  de  la  Bible  en  langue  vulgaire,  impri- 
mées en  vue  de  la  propagande  protestante,  puis  les  traités, 
généralement  très  rares  et  encore  moins  connus  qui.  sous 
une  forme  plus  accessible  et  plus  maniable,  répandaient 
parmi  le  peuple  la  substance  de  renseignement  évangélique, 
ou  lui  exposaient  la  différence  entre  cet  enseignement  et 
celui  de  l'Église  catholique.  Une  quatrième  vitrine  était  con- 
sacrée aux  reliures  curieuses  ou  de  prix,  recouvrant  des 
livres  protestants,  ou  intéressants  au  point  de  vue  protestant. 
Notre  collègue,  M.  Th.  Dufour,  directeur  honoraire  de  la 
Bibliothèque  de  Genève,  a  bien  voulu  arranger  ces  quatre 
vitrines  et  en  dresser  le  catalogue  qui  suil  ',  auquel  nous 
avons  ajouté  çà  et  là  quelques  remarques,  destinées  à  ceux 
qui  ne  sont  pas  bibliographes. 

1.  Alîi'évialions  : 

M"^  A.  A.  =  M"==  Alfred  André; 

E.  S.  =  M.  Ernest  Slrœlilln; 

F.  de  S.  =  M.  Fernand  de  Schickler; 
Th.  D.  =  M.  Théophile  Dulbur: 

N.  W.  =  M.  N.  Wciss; 

G.  =  Bibliolhèque  A.  Gaiffe  ; 

L.  =  Bibliothèque  II.  Luttei  oth  : 
H.  B.  =  Bibliothèque  M.  Bordier. 


432  JUBILÉ    CINOtlANTENAIRE    DE    LA    SOCIÉTÉ 

1.  _  Evangelium  Jesu  Chrisli,  secundum  Mallhreum,  secundum 
Marcum,  secundum  Lucam,  secundum  Joannem.  Ad  velerum  simul 
et  emendalorum  codicum  fidem.  Parisiis,  apud  Simonem  Colinceuin, 
1523.  —  Acla  apostolorum.  Ad  velerum  simul  et  emendalorum 
codicum  fidem.  Parisiis,  apiid  Simonem  Colinœiim,  1523.  —  En 
I  vol.  in-16.  —  N.  W. 

Voy.  Renouard,  Bibliographie  des  éditions  de  S.  de  Câlines,  1893, 
p.  42. 

C'est  de  ce  Nouveau  Testament  que  Robert  Estienne  parle 
ainsi  dans  ses  Censures  des  Théologiens  de  Paris,  1552  (réim- 
pression Fick,  p.  5)  : 

«  ...Je  me  tay  de  ce  qu'ils  avoyenl  jà  tenté  Tan  M.D.XXll,  quand 
le  Nouveau  Testament  fut  imprimé  en  petite  forme  par  mon  beau 
père  Simon  de  Colines,  qui  le  rendit  bien  net  et  correct,  et  en  belle 
lettre  :  (c'esloit  alors  une  chose  bien  nouvelle,  veu  la  malignité  de 
ce  temps  là,  que  de  trouver  des  livres  de  la  saincte  escriplure  cor- 
rects), et  d'autant  que  j'avoye  la  charge  de  l'imprimerie,  quelles  tra- 
gédies esmeurent-ils  contre  moy?  Ils  crioyent  dès  lors  qu'il  me  fal- 
loit  envoyer  au  feu,  pour  ce  que  j'imprimoye  des  livres  si  corrom- 
pus :  car  ils  appeloyent  corruption,  tout  ce  qui  estoit  purifié  de 
ceste  bourbe  commune,  à  laquelle  ils  estoyent  accoustumez.  Et  lors 
je  rendi  tel  compte  de  mon  faicl  comme  il  appartenoit.  Or  combien 
qu'en  leurs  leçons  ils  reprinssent  magistralement  et  aigrement  le 
jeune  homme  duquel  telle  correction  estoit  procédée,  toutesfois 
eslans  eulx  mesmes  bons  tcsmoings  de  leur  propre  ignorance,  ne 
l'osèrent  jamais  assaillir  ouvertement,  encores  qu'il  fust  moins  sça- 
vant  et  craintif  :  mais  avoyent  plus  de  paour  de  luy,  qu'ils  ne  luy 
en  eussent  sceu  faire,  parce  que  Dieu  les  avoit  effrayez.  » 

On  peut  supposer,  vu  les  relations  de  Lefèvre  d'Etaples 
avec  Simon  de  Colines,  chez  lequel  il  publia,  la  même  année, 
la  première  édition  de  sa  traduction  du  Nouveau  Testament, 
qu'il  se  servit  de  ce  texte  corrigé  par  Robert  Estienne. 

2.  —  Le  Nouveau  Testament  (Version  de  Lefèvre  d'Etaples).  2'^  vo- 
lume, contenant  les  Epîlres,  les  Actes  et  l'Apocalypse.  Paris,  Simon 
de  Colines,  octobre  et  novembre  1523,  3  parties  en  1  vol.  in-8, 
goth.  —  Bibl.  Mazarine. 

Voy.  Renouard,  p.  52. 


DE    l'histoire    du    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  'iS'J 

3.  —  Le  Nouveau  Testament  (Version  de  Lefèvre  d'Etaples).  Paris, 
[Antoine  Couteau,  pou?-]  Simon  de  Colines,  1524, 2  part,  en  I  vol.  in-8, 
golh.,  mar.  br.  {Thibaron-Joly).  —  E.  S.  (ex"  G.) 

Voy.  RenouarcI,  p.  68. 

4.  —  Le  Nouveau  Testament  (Version  de  Lefèvre  d'Etaples).  Paris, 
Simon  de  Colines,  avril  1524  et  janvier  1524  [1525  n.  st.],  2  part, 
en  I  vol.  in-8,  golh.  —  Bibl.  du  prot.  fr.,  n»  11437.  Rés. 

Voy.  Renouard,  p.  65,  66. 

5.  —  Le  Nouveau  Testament  (Version  de  Lefèvre  d'Etaples).  Pa- 
ris, Simon  Dubois,  octobre  1525,  3  part,  en  1  vol.  in-8,  goth. 

A  la  suite  sont  reliés  trois  opuscules  d'Erasme  trad.  en  français, 
probablement  par  Louis  de  Berquin,  savoir  : 

6.  Déclamation  des  louenges  de  mariage,  par  Erasme  de  Roter- 
dam,  docteur  en  théologie,  reduict  de  latin  en  françois.  5.  /.  ;;.  d. 
\Paris,S.  Dubois,  \ers  1525],  in-8,  golh. 

7.  Brefve  admonition  de  la  manière  de  prier,  selon  la  doctrine  de 
Jesuchrist.  Avec  une  brefve  explanation  du  Pater  noster.  Extraict 
des  paraphrases  de  Erasme  sur  saincl  Matthieu  et  sur  sainct  Luc. 
S.  l.  n.  d.  [Paris,  S.  Dubois,  vers  1525],  in-8,  goth. 

8.  Le  symbole  des  apostres  (qu'on  dict  vulgairement  le  Credo) 
contenant  les  articles  de  la  foy,  par  manière  de  dialogue,  par  de- 
mande et  par  response.  La  pluspart  extraict  dung  Iraicté  de  Erasme 
de  Rolerdam  intitulé  Devises  familières.  S.  /.  n.  d.  [Paris,  S.  Dubois, 
vers  1525],  in-8,  goth.  —  Bibl.  de  Genève. 

Les  numéros  2  à  5  sont  les  seules  éditions,  actuellement 
connues,  du  Nouveau  Testament  en  français,  imprimées  à 
Paris  avant  la  seconde  moitié  du  xvi^  siècle.  Tout  au  plus 
peut-on  y  joindre  un  N.  T.  imprimé  par  Simon  Dubois,  en 
novembre  1529,  probablement  à  Alençon  et  dont  la  Société 
Biblique  de  Paris  possède  le  seul  exemplaire  complet  actuel- 
lement connu,  décrit  par  feu  M.  O.  Douen  dans  le  Bulletin  de 
1896,  p.  200  à  212.  Aussi  n'a-l-on  découvert  jusqu'ici  que  très 
peu  d'exemplaires,  presque  tous  incomplets,  de  ces  quatre 
ou  cinq  éditions.  —  C'est  à  Bâle,  Anvers,  Lyon,  Neuchàlcl, 
Genève,  etc.,  que  parurent,  après  1525,  les  rares  éditions 
antérieures  au   milieu  du  xvi'=  siècle,  qu'on  a  retrouvées  et 


434  JUBILÉ    CINQUANTENAIRE    DE    LA    SOCIÉTÉ 

dont  plusieurs,  et  non  des   moindres,  sont  énumérées   ci- 
après.  —  Cf.  Bull.,  1S94,  p.  252,  et  1896,  p.  162. 

9.  —  Le  Nouveau  Testament  (Version  de  Lefèvre  d'Elaples). 
Bâle,  1525,  4  part,  en  1  vol.  in-8,  goth.,  mar.  n.  (Lortic).  —  Soc. 
bibl.  {e\".  L.,  don  F.  de  S.) 

10.  —  Le  Nouveau  Testament  (\^ersion  de  Lefèvre  d'Etaples).  An- 
vers,  Guillaume  Vorsterman,  janvier  1529,  in-8,  golh.,  mar.  n.  (En- 
gel).  —  Soc.  bibl.  (don  F.  de  S.) 

11.  —  Le  Nouveau  Testament  (V^ersion  de  Lefèvre  d'Etaples).  S.  /. 
n.  d.,  2  part,  en  1  vol.  in-8  allongé,  goth.,  mar.  br.  —  Soc.  bibl. 
(ex"  L.,  don  F.  de  S.) 

12.  —  Le  Nouveau  Testament  (Version  de  Lefèvre  d'Etaples). 
S.  L  ».  d.  (avec  la  marque  de  Claude  Nourry,  imprimeur  à  Lyon), 
2  part,  en  1  vol.  in-16,  golh.  —  Soc.  bibl.  (don  F.  de  S.) 

13.  —  Le  Nouveau  Testament  (Version  de  Lefèvre  d'Etaples). 
Turin^  pour  Françoys  Cavillon,  dsmourant  à  Nice,  s.  <i.,  4  part, 
en  1  vol.  in-16,  goth.  —  Soc.  bibl.  (don  F.  de  S.) 

Voy.  Bull.,  1896,  p.  160  et  s. 

14.  —  Le  psaultier  de  David,  (précédé  d'une  Epistre  comment  on 
doibt  prier  Dieu).  Paris,  Simon  de  Colines,  février  1523  [1524,  n.  st.], 
in-8,  golh.  —  M"'  A.  A. 

Version  de  Lefèvre  d'Etaples.  Voy.  Renouard,  p.  53. 

15.  —  Même  ouvrage.  Paris,  Simon  de  Colines,  février  1525  [1526, 
n.  st.],  in-8,  goth.  —  Bibl.  du  prot.  fr.,  n-^  13294.  Rés. 

Voy.  Renouard,  p.  74,  75. 

16.  —  Le  Livre  des  Psalmes.  S.  l.  n.  d.,  pet.  in-8,  goth.  —  E.  S. 
[ex''.  G.) 

Vers  1532,  impression  de  Simon  Dubois,  voy.  Bull..  1893,  p.  98. 

17.  —  Le  livre  des  pseaulmes  de  David,  traduictes  selon  la  pure 
vérité  hébraïque  ...Anvers,  Antoine  des  Gois,  1541,  in-16,  goth.,  mar. 
br.  (Claessens).  —  F.  de  S. 

18.  —  [Lefèvre  d'Etaples.]  Epistres  et  Evangiles  pour  les  cinquante- 
et  deux  sepmaines  de  lan...  S.  L  n.  d.  (impression  de  Simon  Dubois), 
pet.  in-8,  goth.,  mar.  v.  (Duru).  —  E.  S.  {e\'\  G.) 

La  Bibl.  du  prot.  fr.  possède  un  ex"  de  la  même  édition,  qui  lui 
a  été  donné  par  ^I.  F.  de  Schickler  et  qui  porte  le  n°  8717.  Rés. 


DE    l'hISTOIRF    du    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  435 

19,  _  [Lefèvre  d'Etaples.]  Epistres  et  évangiles  des  cinquante  et 
deux  dinienches  de  l'an,  avecques  briefves  et  très  utiles  expositions 
d'ycelles,  nécessaires  et  consolables  pour  tous  fideleschrestiens.  Nou- 
vellement reveues  et  augmentées  par  gens  doctes  en  la  saincte 
escripture.  S.  /.  n.  d.,  in-16,  golh.  —  N.  W. 

Le  psautier  est,  en  dehors  du  Nouveau  Testament,  la  seule 
partie  de  la  Bible  qui  ait  été  traduite  et  publiée  à  Paris,  au 
début  de  la  Réforme.  On  ne  connaît  guère,  pour  la  première 
moitié  du  xvi°  siècle,  que  les  trois  éditions  citées  sous  les 
Tf^  14,  15  et  16,  et  la  traduction  rimée  des  Trente  Pseaulmes, 
que  Clément  Marot  fit  paraître  en  1541  (Voy.  Bull.,  1894, 
268)  et  qui  l'obligea  à  quitter  la  France.  On  trouve  cette 
dernière  à  la  Bibliothèque  Nationale,  le  n"  14  aussi  à  Sainte- 
Geneviève,  le  n"  15  à  l'Arsenal  et  le  n»  16  à  la  Mazarine.  — 
Les  n"'  18  et  19,  vulgairement  appelés  les  o'2 Dimanches,  sont 
les  péricopes  du  Nouveau  Testament  que  Lefèvre  d'Etaples 
et  ses  collaborateurs  de  Meaux  expliquèrent  au  peuple  en  de 
courtes  homélies,  imprimées  à  la  suite  de  chaque  péricope 
(Cf.  Bull.,  1894,  p.  321).  On  en  connaît  encore  deux  éditions, 
outre  celles  qui  figurèrent  dans  notre  exposition  (Voy.  Bull.. 
1889,  p.  102). 

20.  —  La  Bible,  (Irad.  en  français  par  Pierre  Robert  Olivetan). 
Neuchâtel.  Pierre  de  Wingle,  1535,  in-fol.,  golh.,  mar.  n.  — 
M-  A.  A. 

Voy.  Th.  Dufour,  Notice  sur  les  livres  imprimés  à  Genève  et  à 
Neuchâtel,  1878,  p.  129-131. 

21.  —  Le  Nouveau  Testament.  S.  l.  [Genève,  Jean  Gérard],  1536, 
pet.  in-8,  mar.  br.  {Thibaron-Joly).  —  Soc.  bibl.  (ex^'^  de  la  vente 
J.  Adert,don  F.  de  S.) 

Version  d'Olivetan,  première  revision.  Voy.  Dufour,  p.  140-142. 

22.  —  Le  Nouveau  Testament.  S.  /.  [Genève,  Jean  Michel],  1538, 
pet.  in-8,  mar.  b\anc{Gruel.)  —  Th.  D.  (ex"  H.  B.) 

Seconde  revision  de  la  version  d'Olivetan.  Voy.  Dufour,  p.  149-152. 

23.  _  Le  Nouveau  Testament.  S.  l.  [Genève,  J.  Gérard],  1539,  pet. 
in-8. —Th.  D.  (e\"  L.) 

Version  d'Olivetan,  revisée.  Voy.  Dufour,  p.  167-169. 


436  JUBILÉ    CINQUANTrNAIRE    DE    LA    SOCIÉTÉ 

24.  —  Le  Nouveau  Testament.  5.  /.,  153<J,  in-8.  —  Bibl.  Sainle-Ge- 
neviève. 

Version  d'Olivelan,  revisée.  Voy.  Dufour,  p.  169-171. 

25.  —  Le  Nouveau  Testament.  S.  I.  [Genève,  Jean  Michel],  1544, 
pet.  in-8,  golh.  —  Th.  D. 

Version  d'Olivelan,  revisée.  Voy.  Dufour,  p.  91-93. 

26.  —  La  Biljle,  nouvellement  translatée  par  Sébastian  Chateillon. 
Baie,  pour  Jean  Hervage,  1555,  2  pari,  en  1  vol.  in-fol.  —  Soc.  bibl. 
(ex"  L.,  don  F.  de  S.) 

27.  —  Lefèvre  d'Elaples.  Commentarii  iniliatorii  in  quatuor  evan- 
gelia.  Meldis,  impensis  Simonis  Colinœi,  juin  1522,  in-fol.  —  Bibl. 
du  prol.  fr.  (don  de  M°"  la  baronne  de  Neuflize.) 

Voy.  Renouard,  p.  30-32. 

28.  —  Le  baslon  pour  chasser  les  loups.  S.  /.  n.  d.  [Genève,  vers 
1522],  in-4,golh.,  mar.  bl.  doublé  de  mar.  r.  {Chambolle-Duru.)  — 
F.  de  S.  (ex"'  de  Fernand  Colomb,  vente  Pichon.) 

Opuscule  en  vers,  de  4  feuillets,  dirigé  contre  les  ventes  d'indul- 
gences. 

29.  —  La  balade  des  Leutheriens,  avec  la  chanson.  S.  l.n.  d.,  pet. 
in-8,  goth.,  mar.  r.  doublé  de  mar.  bl.  {Chambolle-Duru).  —  F.  de 
S.  (ex'"  de  Fernand  Colomb,  vente  Pichon.) 

Opuscule  catholique  en  vers,  4  feuillets. 

Les  11°^  30  à  36  qui  suivent,  auxquels  il  faut  ajouter  les 
n"*  6  à  8  précédemment  cités,  plus  les  Quatre  instructions 
fidèles  pour  les  simples  et  les  rudes,  dont  un  exemplaire  se 
Irouvail  aussi  dans  la  bibliolhèque  de  M.  Gaiffe,  aujourd'hui 
chez  M.  E.  Slrœhlin,  et  Les  sept  pseaulmes  du  royal  prophète 
David  exposés,  puis  naguère  divulgués...  récemment  entrés  à 
la  Bibliolhèque  Nationale,  sont  tous  sortis  des  presses  de 
Simon  Dubois  entre  les  années  1525  cl  1530.  Ce  sont  actuel- 
lement les  seuls  traités  de  propagande  prolestante  connus 
pour  cette  époque.  On  a  vu  plus  haut  que  les  n"'  6,  7  et  8  ont 
été  traduits  librement  d'Erasme,  sans  doute  par  Louis  de 
Berquin.  Les  n"'  31  et  36  ont  été  traduits  de  Luther,  peut-être 
par  le  même  Louis  de  Berquin.  Les  Quatre  instructions  sont 
en  partie  une  traduction  du  petit  Catéchisme  de  Luiher  {Bull., 


DE   l'histoire    du    PROTESTAMISME    FRANÇAIS  437 

1888,  p.  432),  et  Les  sept  pseaulmes  résument  probablement 
les  explications  faites  par  Pierre  Garoli  au  collège  de  Cam- 
brai en  152'i  {Bull.,  1894,  p.  252). 

30.  —  Brief  recueil  de  la  substance  et  principal  fondement  de  la 
doctrine  évangélique.  Lisez  Chrestiens,  et  vous  y  trouverez  conso- 
lation. S.  /.,  pet.  in-8,  golh.  (caract.  de  Simon  Dubois).  —  F.  de  S. 
(ex"  de  la  vente  Th.  Powell.) 

La  préface  est  datée  de  septembre  1525.  (Voy.  Bull.,  18%,  p.  165.) 

31.  —  Consolation  chrestienne  contre  les  afflictions  de  ce  monde 
et  scrupules  de  conscience.  S.  l.  n.  d. 

32.  —  Almanach  spirituel  et  perpétuel  nécessaire  à  tout  homme 
sensuel  et  temporel.  S.  /.  n.  d.  —  Les  n»'  31  et  32  sont  réunis  en 
1  vol.  pet.  in-8.  (Caract.  goth.  de  Simon  Dubois).  —  Bibl.  du  prol. 
fr.,  11°  13452.  Rés. 

Le  premier  ouvrage  est  la  traduction  d'un  écrit  de  Luther.  Voy. 
Bull.,  18S7,  p.  665-669. 

.33.  —  Le  traicté  du  souverain  bien,  par  lequel  le  vray  chrestien 
pourra  apprendre  (à  l'ayde  des  sainctes  Escriptures)  à  contemner  la 
mort,  mesmes  icelle  désirer  pour  avoir  claire  vision  de  Dieu  par 
nostre  seigneur  Jesuchrist.  S.  /.  n.  d.  (caract.  de  Simon  Dubois), 
pet.  in-8,  goth.,  v.  f.  (Petit.)  Avec  une  dédicace  à  la  duchesse 
d'Alençon  et  de  Berry.  —  Mme  A.  A.  (ex"  L.) 

34.  —  Le  combat  chrestien.  S.  L  n.  d.  (caract.  de  Simon  Dubois), 
pet.  in-8,  goth.,  v.  f.  (Petit.)  —  Mme  A.  A.  (ex"  L.) 

35.  —  Brève  instruction  pour  soy  confesser  en  vérité.  S'.  /.  «.  d. 
(caract.  de  Simon  Dubois),  pet.  in-8,  goth.,  v.  f.  (Petit).  —  .M'"^  A.  A. 

36.  —  Le  livre  de  vraye  et  parfaicte  oraison.  Pai-is,  Simon  Dubois, 
pour  Chrestien  Wecliel,  avril  1529,  pet.  in-8,  goth.  —  E.  S.  (ex'^  G.) 

Voy.  Bull.,  1888,  p.  155-163. 

37.  —  Même  ouvrage.  Anvers,  Martin  Lempereur,  juillet  1534, 
pet.  in-8,  mar.  bl.  (Cape.)  —  N.  W. 

Cette  deuxième  édition  du  Livre  de  vraye  et  parfaite  orai- 
son renferme,  outre  la  série  d'opuscules  de  Luther  que  con- 
tiennent l'édition  de  1529  et  d'autres,  postérieures  à  1534, 
d'abord  un  Catéchisme,  sous  le  litre  de  Information  faicte 


438  JUBILÉ  cin'quanïenaire  de  la  société 

par  interrogatov'es  et  responses,  pour  plainement  estre  etisei- 
gné  de  la  loy^  de  la  foy  et  d''oraison,  —  puis  une  Lilurgie  du 
Baptême,  traduction  française  de  la  première  modification, 
introduite  à  Strasbourg  en  1524,  dans  le  sens  protestant,  de 
la  Lilurgie  catholique,  sous  ce  titre  :  Ordre  par  laquelle 
r  église  universelle  procède  au  sacrement  de  baptesme,  affin  que 
chascun  croie  iceluy  estre  souffisant  et  notî  le  debuoir  réitérer. 

38.  —  Brève  instruction  faicte  par  manière  de  lettre  missive  pour 
se  confesser  en  vérité.  S.  l.  [Genève,  Jean  Gérard],  1539,  pet.  in-8, 
mar.  r-  {Traut^^-Bau^onnet.)  —  E.  S.  (ex".  G.) 

Voy.  Dufour,  p.  165.  —  Réimpression  non  intégrale  du  n"  35. 

39.  —  Exhortation  au  peuple.  Achevez  de  lire,  et  puis  jugés.  S. 
/.  n.  d.,  in-8,  golh.,  mar.  br.  [Traut^-Bair^onnet.)  —  E.  S.  (ex".  G.) 

40.  —  Sermon  de  la  manière  de  prier  Dieu  et  comment  on  doibt 
faire  processions  et  rogations.  Achevez  de  lire,  et  puis  jugés.  S.l.n.d., 
in-8,  golh.,  mar.  r.  {Traut^-Bau'^onnet.)  —  E.  S.  (ex".  G.) 

41.  —  Oraisons  des  sainclz  pères,  patriarches,  prophètes,  juges, 
roys,  des  hommes  et  femmes  illustres,  et  aussi  des  apostres,  tant 
de  l'ancien  que  du  nouveau  Testament.  S.  /.,  19  août  1530,  in-12 
allongé,  goth.,  mar.  br.  {Cape.)  —  E.  S.  (ex'".  G.) 

Traduction  du  latin  d'O.  Brunfels,  voy.  Bull.,  1889,  p.  101. 

42.  —  Les  prières  et  oraisons  de  la  Bible,  faicles  par  les  sainctz 
pères,  et  par  les  hommes  et  femmes  illustres  tant  de  l'ancien  que  du 
nouveau  Testament.  Lyon,  Etienne  Dolet,  1542,  in-16,  mar.  br. 
{Chambolle-Duru.)  —  E.  S.  (ex'«.  G.) 

Christie,  Etienne  Dolet,  n°  51,  ne  cite  que  cel  exemplaire  et  ne  l'a 
pas  vu. 

43.  —  Bergerie.  Du  bon  pasteur  et  du  mauvais,  prins  et  extraicl 
du  dixiesme  chapitre  de  sainct  Jehan.  [Par  Clément  Marot.]  S.  l.  n.d., 
in-16,   fig.  sur  bois,  mar.  bl.  (Cii^in.)  —  E.  S.  (ex".  G.) 

44.  —  La  fontaine  de  vie.  Anvers,  Christophe  Plantin,  1564,  in-16, 
mar.  br.  doublé  de  mar.  br.  (Thibaron-Joly.)  —  E.  S.  (ex'^  G.) 

La  première  édition  de  ce  livre  doit  daler  de  1533  environ.  —  Cf. 
Bull.,  1889,  p.  101. 

45.  —  Procession  générale  faicte  à  Paris,  le  Roy  estant  en  per- 
sonne, le  xxij  jour  de  Janvier  mille  cinq  centz  trente  et  cinq.  S.  l.  ».  d., 


DE    l'histoire    du    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  439 

in-8,  golh.,  mar.  r.  doublé  de  mar.  r.  {Chambolle-Duru.)  —  F.  de  S. 
(ex"  de  Fernand  Colomb,  vente  Pichon.) 

Celte  procession,  un  des  résultats  de  l'affaire  des  placards, 
est  aussi  l'indice  d'un  changement  dans  la  littérature  proles- 
tante de  celle  époque.  Jusque  vers  1533  les  traités  de  propa- 
gande qu'on  connaît  sont  surtout  édifiants  et  aussi  peu  agres- 
sifs que  possible.  Vers  1533  on  voit  apparaître  les  premiers 
traités  de  polémique  agressive  et  satirique  dont  le  principal 
fut  le  violent  placard  d'Antoine  Marcourl  contre  la  messe, 
lequel  détermina  la  terrible  réaction  et  les  supplices  de  1534- 
1535.  Le  texte  de  a  pamphlet  nous  a  été  conservé  par  Cres- 
pin,  mais  on  n'a  pas  encore  retrouvé  d'exemplaire  de  l'ori- 
ginal. —  Enfin  rien  de  ce  qui  contribuera  à  propager  le 
Protestantisme  sous  cette  forme  populaire  ne  pourra  plus 
s'imprimer  en  France  avant  bien  des  années*.  C'est  pourquoi 
presque  tout  ce  qui  est  cité,  ci-après,  a  été  imprimé  en  Suisse. 

46.  —  La  Vérité  cachée,  devant  cent  ans  faicte  et  composée  à  six 
personnages,  nouvellement  corrigée  et  augmentée.  5.  /.  n.  d.  —  Mo- 
ralité de  la  maladie  de  Chreslienté,  à  xiij  personnages,  [par  Mathieu 
Malingre].  1533.  —  Le  livre  des  marchans,  fort  utile  à  toutes  gens 
pour  congnoistre  de  quelles  marchandises  on  se  doit  garder  d'estre 
trompé,  [par  Antoine  Marcourl;  2"  édil.],  30  décembre  1534.  —  La 
confession  et  raison  de  la  foy  de  maistre  Noël  Beda,  docteur  en 
théologie  et  sindique  de  la  sacrée  université  à  Paris,  [par  Antoine 
Marcourl],  1.533.  —  Déclaration  de  la  messe,  le  fruict  d'icelle,  la  cause 
et  le  moyen  pourquoy  et  comment  on  la  doibt  maintenir,  [par  Antoine 
Marcourl].  —  Ensemble  cinq  opuscules  imprimés  à  Neuchàtel  par 
Pierre  de  Wingle,  en  1533  ou  1534,  en  1  vol.  pet.  in-8,  golh.  —  Bibl. 
du  prot.  fr.,  n°  1000.  Rés. 

Voy.  Dufour,  p.  54,  113-115,  110-111,  12.5-127,  118-120,  116-118. 

47.  —  La  confession  et  raison  de  la  foy  de  maistre  Noël  Beda, 
docteur  en  théologie  et  sindique  de  la  sacrée  université  à  Paris,  [par 
Antoine  Marcourl].  5.  /.  n.  d.  [Neuchdtel,  P.  de  Wingle,  1533  ou 
1534],  pet.  in-8,  goth.  —  Th.  D. 

Édition  différente  de  celle  qui  est  indiquée  au  n'  précédent. 

I.  Antoine  Aiigereau  et  Etienne  Dolet  lurent  brûlés  i)our  avoir  bravé 
cette  interdiction. 


440  JUBILÉ    CINQIIANTENAIRE    DE    LA    SOCIÉTÉ 

48.  —  Les  grans  pardons  et  indulgences,  le  très  grand  Jubilé  de 
plainiere  remission  de  peine  et  de  coulpe,  à  tous  les  confraires  de 
la  très  sacrée  confrairie  du  sainct  esperit...  Gand,  Pieter  van  Win- 
ghue  [Neuchâtel,  Pierre  de  Wingle,  1533  ou  153^],  pet.  in-8,  goth., 
mar.  r.  {Trjiit:;-Bau:;onnet}.  —  E.  S.  (ex"  G.) 

Voy.  Dufour,  p.  115,  116. 

4.9.  —  Petit  traicte  très  utile  et  salutaire  de  la  saincte  eucharistie 
de  noslre  seigneur  Jesuchrist.  [Par  Antoine  Marcourt.]  5.  /.  [Neu- 
châtel, Pierre  de  Wingle],  16  nov.  1534,  pet,  in-8,  goth.,  mar.  bl. 
doublé  de  mar.  r.  {Traut^-Bau^fonnet.)  —  E.  S.  (e\'«  G.) 

Voy.  Dufour,  p.  122-124. 

50.  —  Même  ouvrage.  S.  l.  [Genève,  Jean  Michel],  26  juillet  1542, 
pet,  in-8,  goth.,  mar.  br.  {Traiit^-Bau:;onnet.)  —  E.  S.  (ex'*  G.) 

Réimpression  de  rédition  de  1534. 

51.  —  Summaire  et  briefve  déclaration  daucuns  lieux  fort  néces- 
saires à  ung  chascun  chrestien  pour  mettre  sa  confiance  en  Dieu  et 
ayder  son  prochain.  [Par  Guillaume  Farel.]  S.  l.  [Neuchâtel,  Pierre 
de  Wingle],  23  décembre  I53'i,  pet.  in-8,  goth.  —  E.  S.  (ex'^  G.) 

Voy,  Dufour,  p.  12'i,  125. 

52.  —  Les  faictz  de  Jésus  Christ  et  du  Pape,  par  lesquelz  chascun 
pourra  facilement  congnoistre  la  grande  différence  de  entre  eulx  ; 
nouvellement  reveuz,  corrigez  et  augmentez.  Imprimé  à  Romme,  par 
Clément  de  Medicis,  au  chasteau  sainct  Ange  [Neuchâtel,  vers  1534, 
ou  Genève,  vers  1540],  in-fol.,  goth.,  fig.  sur  bois.  mar.  n.  {Hardy- 
Mesnil.)  —  Cf.  n«  81.  —  M"'^  A.  A. 

53.  —  Confession  de  la  foy,  laquelle  tous  bourgeois  et  habitans 
de  Genève  et  subjectz  du  pays  doyvent  jurer  de  garder  et  tenir... 
S.  /.  n.  d.  [Genève,  Wigand  Kœln,  1537],  pet.  in-8,  goth.  —  E.  S. 
(ex"  H.  B.) 

Voy.  Dufour,  p.  7  et  suiv. 

54.  —  L'ordre  et  manière  qu'on  tient  en  administrant  les  sainctz 
sacremens,  assavoir  le  Baptesme  et  la  Cène  de  nostre  Seigneur. 
Item,  en  la  célébration  du  mariage,  et  en  la  Visitation  des  malades. 
Avec  la  forme  qu'on  observe  es  prédications...  S.  /.  [Genève],  Jean 
Michel,  1538,  pet.  in-8,  goth.,  mar.  {Trautr^-Bau^onnet).  —  E.  S. 
(ex"  G.) 

Voy.  Dufour,  p.  153,  154. 

55.  —  D'unff  seul  médiateur  et  advocat  entre  Dieu  elles  hommes, 


DE    l'histoire    du   PROTESTANTISME    FRANÇAIS  441 

noslre  Seigneur  Jésus  Christ.  Genève^  Jean  Gérard^  1538,  pet.  in-8, 
mar.  r.  {Trautr^-Bau^onnet.)  —  E.  S,  (ex"  G.) 
Voy.  Dufour,  p.  154,  155. 

56.  —  Sermon  notable  pour  le  jour  de  la  Dédicace.  [Par  Clément 
Marot.]  S.  l.  [Genève^  Jean  Michel],  1539,  pet.  in-8,  golh,,  mar,  bl. 
(Traut^-Bau^onnet).  —  E.  S.  (ex'=  G.) 

Voy.  Dufour,  p.  162,  163. 

57.  —  Exposition  de  l'histoire  des  dix  Lépreux,  prinse  du  dixsep- 
liesme  de  Sainct  Luc.  Ou  est  amplement  traicté  de  la  confession 
auriculaire,  et  comme  on  peut  user  d'allégories  en  la  saincte  Escrip- 
lure.  Translatée  de  latin  en  françois.  S.  l.  [Genève,  Jean  Gérard], 
1539,  pet.  in-8,  mar.  r.  {Trautj-Baii:;onnet).  —  E.  S.  (ex"=  G.) 

Voy.  Dufour,  p.  163,  164. 

58.  —  Brève  exposition  faicte  par  manière  d'exhortation  et  d'orai- 
son prinse  sur  le  Pater  noster,  et  aultres  parollesde  nostre  Seigneur 
Jésus  Christ...  S.  l.  [Genève,  Jean  Gérard],  1539,  pet.  in-8,  mar.  r. 
(Traut^^'Baic^onnet).  —  E.  S.  (ex'«  G.) 

Voy.  Dufour,  p.  164,  165. 

59.  —  L'union  de  plusieurs  passaiges  de  l'escripture  saincte,  par 
Herman  Bodium.  S.  /.  [Genève,  Jean  Michel],  1539,  pet.  in-8,  golh. 
—  Th.  D.  (ex'"  H.  B.) 

Voy.  Dufour,  p.  159-161. 

60.  —  Exposition  sur  les  deux  Epistres  de  Sainct  Pierre  et  sur 
celle  de  Sainct  Jude,  en  laquelle  tout  ce  qui  touche  la  doctrine  chres- 
tienne  est  parfaictement  compris...  Traduict  de  latin  en  françoys. 
S.  /.  [Genève,  Jean  Michel],  1540,  in-8,  mar.  bl.  (Bedford).  —  E.  S. 
(ex-  G.) 

Voy.  Dufour,  p.  180,  181. 

61.  —  Psalmes  de  David,  translatez  de  plusieurs  autheurs  et  prin- 
cipallement  de  Cle.  Marot.  Veu,  recongneu  et  corrigé  par  les  théo- 
logiens, nommeement  par  nostre  M.  F.  Pierre  Alexandre,  conciona- 
teur  ordinaire  de  la  royne  de  Hongrie.  Anvers,  Ant.  des  Gois,  15'il, 
pet.  in-8.  —  F.  de  S.  (ex'°  L.) 

Voy.  O.  Douen,  Clément  Marot,  I,  p.  315  et  suiv. 

62.  —  Déclaration  de  la  reigle  et  estât  des  Cordeiiers,  composée 
par  ungjadizde  leur  ordre,  et  maintenant  de  Jésus  Christ,  en  laquelle 
il  rend  raison  de  son  yssue  d'avec  eulx.  Nouvellement  par  luy  reveue. .. 

LI.  —  31 


442  JUBILÉ    CINQUANTENAIRE    DE    LA    SOCIETE 

S.  l.  [Genève,  Jecin  Michel],  août    1542,  pet.  in-8,  goth.,   mar.  br. 
(Traiit^^-Bauyonnet).  —  E.  S.  {e\"  G.) 

Deuxième  édition  de  l'ouvrage  de  Jean  Menard,  cordelier  de 
Tours.  Voy.  Dufour,  p.  177. 

63.  —  Exhortalioii  à  la  lecture  des  sainctes  lettres...  Lyon,  Etienne 
Dolet,  1542,  in-8.  —  F.  de  S. 

Christie,  n"  49,  mentionne  celte  édition,  mais  ne  l'a  pas  vue. 

64.  —  Même  ouvrage.  Lyon,  Baltha^ard  Arnoullet,  1554,  in-16, 
mar.  br.  {Thibaron).  —  E.  S.  (ex'*'  G.) 

65.  —  La  doctrine  nouvelle  et  ancienne.  Nouvellement  reveue  et 
augmentée.  S.  l.  [Genève,  Jean  Michel],  154'i,  pet.  in-8,  goth.  — 
Th.  D. 

66.  —  [Calvinus,  J.]  Pro  G.  Farello  et  collegis  ejus,  adversus 
Pétri  Caroli  theologastri  calumnias,  defensio  Nicolai  Gallasii.  S.  l. 
[Genève,  Jean  Gérard],  1555,  in-8.  —  E.  S.  (ex"  L.  et  G.) 

67.  —  Du  vray  usage  de  la  croix  de  Jésus  Christ,  et  de  l'abus  et 
de  ridolatrie  commise  autour  d'icelle...  par  Guillaume  Farel.  S.  l. 
[Genève],  Jean  Rivery,  1560.  —  Du  vray  usage  de  la  salutation  faite 
par  l'ange  à  la  vierge  Marie,  et  de  la  source  des  chapelets,  et  de  la 
manière  de  prier  par  comte,  et  de  l'abus  qui  y  est,  et  du  vray  moyen 
par  lequel  la  vierge  Marie  peut  estre  honorée  ou  deshonorée,  par 
Pierre  Viret.  Genève,  Jaques  Bourgeois,  1561.  —  Admonition  et 
consolation  aux  fidèles  qui  délibèrent  de  sortir  d'entre  les  Papistes, 
pour  éviter  idolâtrie...  par  Pierre  Viret.  S.  l.  [Genève,  Jean  Gérard], 
1547.  —  Catéchisme,  c'est-à-dire  familière  instruction  chreslienne 
des  enfans,  selon  la  forme  qu'on  tient  en  l'Eglise  de  Neufchastel, 
composé  et  reveu  par  Christophle  Fabri,  de  Vienne  en  Dauphiné, 
ministre  du  sainct  Evangile  audict  Neufchastel.  Genève,  Jean  Crespin, 
1554.  —  En  1  vol.  pet.  in-8.  —  F.  de  S.  (ex^^  H.  B.) 

68.  —  Briefve  et  claire  confession  de  la  foy  chrestienne,  contenant 
cent  articles,  selon  Tordre  du  Symbole  des  apostres,  faicte  et  déclai- 
ree  l'an  1549,  par  Jehan  Garnier.  S.  l.  [Bâle,  J.  Estauge,  1549],  pet. 
in-8,  mar.  r.  {^L^sson-Debonnelle).  —  E.  S.  (ex'^  G.) 

69.  —  Même  ouvrage.  5.  /.  [Genève,  Jean  Gérard],  1552,  pet.  in-8. 
—  F.  de  S.  (ex"  L.) 

70.  —  Le  Glaive  de  la  paroUc  véritable,  tiré  contre  le  Bouclier 
de  défense,  duquel  un  cordelier  libertin  s'est  voulu    servir    pour 


DE    l'histoire    du    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  443 

approuver  ses  fausses  et  damnables  opinions.  Par  Guillaume  Farel. 
Genève,  Jean  Girard,  1550,  in-8.  —  E.  S.  (ex"  G.) 

71.  —  Besze  (de;,  Théodore.  Abraham  sacrilianl,  tragédie  fran- 
çoise.  5.  /.  {Genève,  Conrad  Badins],  1550,  in-8,  mar.  violet  {Thou- 
venin.)  —  Th.  D.  (ex'^  L.) 

Première  édition. 

72.  —  Chrestienne  instruction  touchant  la  pompe  et  excez  des 
hommes  débordez  et  femmes  dissolues  en  la  curiosité  de  leurs 
parures  et  attifemens  d'habits  qu'ils  portent,  contrevenans  à  la 
doctrine  de  Dieu,  et  à  toute  modestie  chrestienne...  Plus  l'abus 
invétéré  et  diabolique  invention  des  dances.  S.  /.,  1551,  in-16, 
mar.  bl.  —  F.  de  S.  (ex"  H.  B.) 

73. —  Le  propos  du  vray  chrestien  régénéré  par  la  Parolle  et  par 
l'Esprit  de  Dieu,  par  François  Guilletat.  Genève,  Philibert  Hamelin, 
1552.  —  Discours  chrestien  sur  les  conspirations  dressées  contre 
l'Eglise  de  Christ,  fait  en  forme  d'oraison,  par  François  Guilletat. 
Genève,  Philibert  Hamelin,  1552.  En  1  vol.  pet.  in-8,  mar.  r.  (anc. 
rel.)  —  E.  S.  (ex--^  G.) 

74.  _  De  la  saincte  Cène  de  nostre  Seigneur  Jésus  et  de  son 
testament  confirmé  par  sa  mort  et  passion...  Par  Guillaume  Farel. 
S.  /.  [Genève],  Jean  Crespin,  1553,  pet.  in-8,  mar.  br.  [Traut^-Bau- 
i^onnet.)  —  E.  S.  (ex"  G.) 

75.  _  [Crespin,  Jean.]  Le  livre  des  martyrs,  qui  est  un  recueil  de 
plusieurs  martyrs  qui  ont  enduré  la  mort  pour  le  nom  de  nostre 
seigneur  Jésus  Christ,  depuis  Jean  Hus  jusques  à  ceste  année 
présente  M.  D.  LIIII.  S.  l.  [Genève],  Jean  Crespin,  août  1554, 
in-8.  —  Bibl.  du  prot.  fr.,  n"  6G31  bis.  Rés. 

Premier  tirage  de  la  première  édition. 

76.  _  [Crespin,  Jean.]  Piccueil  de  plusieurs  personnes  qui  ont 
constamment  enduré  la  mort  pour  le  nom  du  Seigneur,  depuis 
Jean^^'icle^f  jusques  au  temps  présent,  S.  /.  [Genève],  J.  Crespin, 
1556,  3  part,  en  2  vol.  in-16.  —  Th.  D. 

77.  —  Liturgia  sacra,  seu  ritus  ministerii  in  ecclesia  peregrino- 
rum.  Francofordiae  ad  Moenum.  Addita  est  summa  doctrinae,  seu 
fîdei  professio  ejusdem  Ecclesia?.  Editio  secunda.  Francofordiae, 
1555,  pet.  in-8,  mar.  r.  (Bedford).  —  F.  de  S. 

78.  —  Recueil  de  plusieurs  chansons  spirituelles,   tant  vieilles 


444  JUBILE    CINQUANTENAIRE    DE    LA    SOCIETE 

que  nouvelles,  avec  le  chant  sur  chascune...  S.  l.  {Genève^^,  1555, 
2  part,  en  1  vol.  in-16,  mar.  n.  doublé  de  mar.  n.  {Thibaron.)  — 
F.  de  S.  (ex''  H.  B.) 

79.  —  Les  vertus  de  la  femme  fidèle  et  bonne  mesnagère,  comme 
il  est  contenu  aux  Proverbes  de  Salomon,  chap.  XXXI,  (trad.  en 
vers  français  par  Th.  de  Bèze).  Lausanne,  Jean  Rivery,  155G,  pla- 
card in-4.  -  Th.  D.  (ex-^^  H.  B.) 

80.  —  Passevent  parisien  respondant  à  Pasquin  Pvomain  de  la 
vie  de  ceux  qui  se  disent  vivre  selon  la  reformation  de  l'Evangile, 
et  sont  allez  demeurer  au  pays  du  duc  de  Savoye,  et  maintenant 
soubz  les  princes  de  Berne  et  seigneurs  de  Genève;  fait  en  forme 
de  dialogue  par  Antoine  Cathalan.  Lj-on,  155G,  in-16,  mar.  br. 
(Cape).  —  M"-  A.  A. 

81.  _  Antithesis  de  prœclaris  Christi  et  indignis  Papaefacinoribus. 
S.   L  [Genève],  Zacharie  Durant,  1558,  in-8,  Og.  sur   bois,  mar.  n. 

—  Cf.  n°  52.  —  M"'e  A.  A. 

82.  —  Instruction  chrestienne  pour  la  jeunesse  de  France,  en 
forme  d'alphabet  propre  pour  apprendre  les  enfans  tant  à  lire, 
escripre  et  lier  ses  lettres  que  congnoistre  Dieu  et  le  prier.  Lyon, 
Robert  Granjon,  1562,  in-8,  caract.  de  civilité,  mar.  br.  (Duru).  — 
E.  S.  (ex-  G.) 

83.  —  Reigle  de  vivre  d'ung  chascun  chrestien,  selon  la  pure 
doctrine  de  Dieu  etnostre  sauveur  Jésus  Christ.  Avec  enseignemens, 
prières  et  oraisons,  extraictes  des  sainctes  escriptures.  Lyon, 
Robert  Granjon,  1562.  —  Forme  et  manière  de  vivre  des  chrestiens 
en  tous  estats,  selon  la  pure  ordonnance  de  Dieu.  Lyon,  Robert 
Granjon,  1562.  —  En  1  vol.  in-8,  caract.  de  civilité,  mar.  r.  (Duru). 

—  E.  S.  (ex"  G.) 

84.  —  Epistre  d'une  damoiselle  françoise  à  une  sienne  amie, 
dame  estrangère,  sur  la  mort  d'excellente  et  vertueuse  dame  Leonor 
de  Roye,  princesse  de  Condé,  contenant  le  testament  d'icelle, 
ensemble  le  tombeau  de  ladicte  dame.  S.  /.,  1564,  in-8,  mar.  v. 
{Chanibolle-Duru).  —  F.  de  S. 

85. —Les cent  cinquante  Pseaumes  de  David,  nouvellement  mis 
en  musique  à  quatre  parties  par  C.  Goudimel.  —  Ténor,  -t-  Paris, 
Adrian  le  Roy  et  Robert  Ballard,  1564,  pet.  in-4  obi.  —  E.  S. 
(ex'»  G.) 


DR    l'histoire    du    PROTESTANTISiME    FRANÇAIS  445 

86.  —  Arresl  de  la  court  de  Parlement  contre  Gaspart  de  Gol- 
ligny,  qui  fut  admirai  de  France,  mis  en  huict  langues,  à  sçavoir 
françois,  latin,  italien,  espagnol,  alleniant,  flament,  anglois  et 
escoçois.  Paris,  Jean  Dallier,  1569,  in-8,  mar.  r.  {anc.  rel.).  — 
F.  de  S.  (ex"  H.  B.) 

87.  —  Chansons  nouvelles  [au  nombre  de  quatre]  contre  les 
huguenotz.  5.  /.  n.  d.  [vers  1573],  placard  in-fol.,  2  ff.,  mar.  bl. 
[Chambolle-Duru).  —  F.  de  S.  (ex"'  de  la  vente  J.  Pichon.) 

88.  —  Mellange  d'Orlande  de  Lassus,  contenant  plusieurs  chan- 
sons à  quatre  parties,  desquelles  la  lettre  profane  a  esté  changée 
en  spirituelle.  La  Rochelle,  P.  Haultin,  1575,  pet.  in-4,  obi.  (Précédé 
d'une  dédicace  de  Jean  Pasquier  à  Catherine  de  Partenay,  dame 
de  Rohan,  datée  de  La  Rochelle,  20  octobre  1575.  J.  Pasquier  est 
l'auteur  du  nouveau  texte,  «  spirituel  »,  de  ces  chansons.)  —  Bibl. 
du  prot.  fr.  (don  F.  de  S.) 

89.  —  Dodecacorde,  contenant  douze  pseaumes  de  David,  mis 
en  musique  selon  les  douze  modes,  à  2,  3,  4,  5,  6  et  7  voix,  par 
Claud.  Le  Jeune.  —  Sixiesme  [partie,  soit  second-dessus].  La 
Rochelle,  Hierosme  Haultin,  1598,  in-4  obi.,  mar.  r.  {Hans  Asper). 
—  E.  S.  (ex"  G.) 

90.  —  Les  cent  cinquante  Pseaumes  de  David,  mis  en  musique  à 
quatre  parties  par  Claud.  Le  Jeune,  Paris,  Veuve  R.  Ballard  et 
Pierre  Ballard,  1601,  in-8  obi.,  mar.  n.  {Petit  et  Thioullier.)  — 
F.  de  S.  (ex"  H.  B.) 

91.  _  Chansons  spirituelles  à  l'honneur  et  louange  de  Dieu,  et  à 
l'édification  du  prochain.  Adjousté  à  la  fin  dix  cantiques  spiri- 
tuels... La  Rochelle,  Fr.  du  Pré,  1606,  2  part,  en  1  vol.  in-r2, 
mar.  n.  {Thibaron.)  —  F.  de  S.  (ex^^  H.  B.) 

92.  —  Adagiorum  opus  D.  Erasmi  Roterodami,  per  eundem 
recognitum  et  locupletatum.  Basileœ,  apud  Joannem  Frobenium, 
1526,  in-fol.—  Bibl.  du  prot.  fr.,  n°  248.  Rés.  (don  F.  de  S). 

Exemplaire  de  Jean  de  Lasco,  avec  sa  signature  sur  le  titre,  ses 
initiales  et  ses  armes  sur  les  plats,  etc.  Jean  de  Lasco  avait  acheté 
la  bibliothèque  d'Erasme. 

93.  —  Supplex  exhortatio  ad  invictissimum  Cœsarem  Carolum 
quintum  et  illustriss.  principes, aliosque  ordines,  Spirœ  nunc  imperii 
conventum   agenles,  ut   restituendse   Ecclesise  curam   serio  velint 


446  JUBILÉ    CtAQUAINTENAIRE    DE    LA    SOCIÉTÉ 

suscipere,   per  D.  Joan.  Calvinum.  S.  I.   [Genève,  Jean  Gérard], 
1543,  in-4.  —  Bibl.  du  prot.  fr.,  n»  1 1709.  Rés.  (don  F.  de  S.) 

Au  bas  du  litre,  cet  envoi  autographe  de  l'auteur  :  Ornatiss.  viro, 
D.  Heinricho  Bullingero,  amico  integerrimo,  mittit  Calvinus. 

94.  —  Novi  Testamenti  aedilio  postrema  per  D.  Erasmum  Rote- 
rodamum.  Tigiiri,  per  Andream  et  Jacobum  Gessnerum  fratres, 
1554,  in-16.  —  Bibl.  du  protesl.  fr..  n»  5749.  Rés.  (don  F.  de  S.) 

Exemplaire  ayant  appartenu  à  Ph.  Melanchlhon,  qui  a  écrit  une 
prière  au  verso  du  premier  plat;  donné  par  lui  à  Hubert  Languet. 
(Voy.  Bill!.,  1897,  p.  ll'i.) 

95.  —  Institution  de  la  religion  chrestienne,  mise  en  quatre  livres 
et  distinguée  par  chapitres  en  ordre  et  méthode  bien  propre,  par 
Jean  Calvin.  Genève,  Jaques  Bourgeois,  1562,  in-4.  —  M.  Jean 
Schluml)erger. 

Cet  exemplaire  a  appartenu  à  Sully,  qui  Fa  couvert  de  notes  mar- 
ginales. 

96.  —  Trostsprùche  fur  die  zerschlagenen,  kleinmûtigen,  be- 
trûbten  Gewissen.von  CasparUuber'mus.  Leipzig,  Jacobus  Bern>aldt, 
1563.  —  Wieman  sich  chrisUich  zu  dem  Slerben  bereyten  sol,  von 
Johann  Brentius.  Franck/iirt  an  der  Oder,  1562.  En  1  vol.  pet.  in-8. 
—  Th.  D.  (ex^^  H.  B.) 

Sur  le  f.  de  garde,  celte  note  du  xvp  s.  :  «  Ce  livre  cy  fui  prins  au 
pillage  du  bagage  des  reistres  huguenotz,  le  jour  de  la  bataille  où 
il  pleut  à  Dieu  donner  une  belle  et  grande  victoire  au  Roy,  près 
Montcontour,  le  iii*  octobre  1569.  » 

Les  volumes  qui  suivent  garnissaient  la  vitrine  réservée 
aux  reliures.  Gomme  nous  l'avons  dit,  on  n'y  a  exposé  que 
des  volumes  protestants  ou  intéressant  le  protestantisme. 

97.  —  Reliure  du  xvi«  s.,  à  compartiments,  au  chiffre  du  roi 
Henri  II  et  de  Diane  de  Poiliers.  (La  Bible  en  françoys...  Lj'on, 
G.  Roville  et  Th.  Payen,  1548,  in-fol.)  —  Bibl.  Sainte-Geneviève. 

Voy.  ^^  .-J.  van  Eys,  Bibliographie  des  Bibles  en  langue  française 
des  X  V'  et  X  VI"  siècles,  n»  58. 

98.  —  Reliure  du  xvi^  s.,  à  compartiments.  (La  Sainte  Bible.  Lyon, 
Jean  de  Tournes,  1557,  in-fol.)  —  Bibl.  Sainte-Geneviève  ^ 

Voy.  W.-J.  van  Eys,  n"  87. 

I.  \o\.  ces  deux  Noliimos  sur  la  oravure  ci-conlre. 


■A\8  .lUHiLÉ  cinOuantknaihe  de  la  société 

99.  _  Reliure  du  xvi«  s.,  au  chiffre  d'Antoinette  de  Bourbon, 
femme  de  Claude  de  Lorraine,  duc  de  Guise,  tante  de  Henri  IV. 
(Psaumes  de  David,  mis  en  vers  par  Marot  et  Th.  de  Bèze,  suivis 
de  La  forme  des  prières  ecclésiastiques,  ln-4,  incomplet.)  —  M.  Paul 
de  Félice. 

100.  —  Reliure  du  xvi'=  s.,  en  veau  doré.  (Commentaires  de  Jean 
Calvin  sur  la  Concordance  ou  Harmonie,  composée  des  trois 
évangélistes,  assavoir  sainct  Matthieu,  sainct  Marc  et  sainct  Luc  ; 
item  sur  l'Evangile  sainct  Jean  et  sur  les  Actes  des  apostres.  Genève, 
Michel  Blanchier,  1563,  in-fol.)  —  M""=  A.  A. 

iOl.  —  Reliure  du  xvr  s.,  en  veau  doré,  avec  le  nom  de  «  Pierre 
Sionnet.  »  (Le  nouveau  Testament.  [Genève],  Fr.  Estienne,  1568.  — 
Les  Pseaumes  de  David,  mis  en  rime  françoise  par  Clément  Marot 
et  Th.  de  Bèze.  [Genève],  Fr.  Estienne,  1568.)  Deux  tomes  reliés 
tête-bêche  en  1  vol.  in-16.  —  Th.  D.  (ex^^  H.  B.) 

102.  —  Reliure  du  xvi«  s.,  aux  armes  de  J.-A.  deThou,  les  plats  et 
le  dos  entièrement  recouverts  de  rinceaux  dorés.  (Vingt-cinq 
planches  du  recueil  de  Tortorel  et  Perrissin.  5.  /.  ».  d.  [Genève, 
Jean  de  Laon,  1570],  in-fol.)  —  M»"  A.  A. 

103.  —  Reliure  en  mar.  olive,  datée  de  1580,  avec  les  initiales  F.  S. 
et  la  devise  spirans  bonam  avram  spero,  placées  dans  des  médaillons  ; 
dos  et  plats  ornés  de  feuillages  et  rinceaux  dorés,  (Th.  Beza,  Psal- 
morum  Davidis  et  aliorum  prophetarum  libri  quinque,  latina  para- 
phrasi  illustrati.  Genevœ,  1579,  in-8).  —  Th.  D.  (ex"  H.  B.) 

104.  —  Reliure  du  xvi'  s.,  en  mar.  r.,  avec  un  semis  de  fleurs  de 
lys,  recouvrant  une  Bible  dont  le  titre  a  été  arraché  et  un  Psautier 
avec  la  Forme  des  prières  ecclésiastiques.  {Genève,  Jérémie  des 
Planches,  1587,  in-8).  Sur  le  premier  feuillet  de  garde  on  lit  :  Pour 
Dam^^^  Siisanne  de  Loberan,  via  fille,  1661.  Maurice  de  Lobéran  de 
Montigny,  et  à  l'intérieur  du  plat  sur  lequel  ce  feuillet  de  garde 
avait  été  collé  :  Ex  libris  Mauricii  Loberanensis  Dni  Ablonii, 
Montis  Montignii...  et  Pastoris  Ecclesice  Dei  reformatœ  qiiœ  est 
Avernia,  1620,  et  au  dessous  :  Geste  bible  est  du  Roy  Henry  le  Grand. 
—  Bibl.  du  prot.  fr.  idon  de  M.  R.  Garreta).Voy.5M//.,  1901, p. 319-320. 

105.  —  Reliure  du  xvi«  s.,  en  mar.  r.,  aux  armes  de  Méry  de  Vie, 
seigneur  d'Ermenonville  ;  le  dos  couvert  de  feuillages  et  rinceaux 
dorés.  (Harangues  militaires  et  concions  de  princes,  capitaines, 
ambassadeurs  et  autres,  manians   tant  la  guerre  que  les  affaires 


DE    l'histoire    du    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  449 

d'Eslat,  recueillies  et  trad.  par  Pyranius  de  Candolle  et    Fr,  de 
Beiieforest.   S.   l.  [Geiiève\,  pour  les  héritiers  d'Eustache  Vignofi, 
1595,  2  vol.  in-8.j  —  Th.  D.  (ex-    II.  B.) 
Signature  de  Bellesdens  sur  le  titre. 

106.  —  Reliure  du  xvi^  s.,  aux  armes  de  J.-A.  de  Thou  et  de  Gas- 
parde  de  La  Chastre,  sa  seconde  femme.  (Ad  Rol^erti  Beilarmini 


Disputationes  Iheologicas  de  rébus  in  religione  controversis  Lam- 
berti  Danœi  Responsio.  Genevae,  apiid  Joannem  Le  Preux,  1596, 
in-8.)  —  M.  Paul  de  Félice  (ex''  H.  B.) 

107.  —  Reliure  du  xvi^  s.,  en  veau  doré.  (Psaumes  et  autres 
pièces,  en  vers  français,  ou  en  latin,  avec  la  musique  (P''  et  2"  ténor), 
manuscrit  du  xvi-  s.,  in-4,  obi.,  117  ff.  écrits.) —  E.  S.  (ex"  G.)* 


1.  Nous  avons  Tait  reproduire  fi-dessus  le  chiffre  imprimé  sur  le  i)iat 
de  celle  reliure,  pour  le  cas  où  quelqu'un  parviendrait  à  le  déterminer. 


'lôO  JUBILÉ    CINQUANTENAIRE    DE    LA    SOCIÉTÉ 

108.  —  Reliure  du  xvii'  s.,  en  mar.  r.,  aux  armes  de  Duplessis 
Mornay  {Philippes  de  Mornay,  arte  et  marte)  et  de  Charlotte 
Arbaleste,  sa  femme  {L'esprit  et  la  force  vient  de  Dieu),  recouvrant 
la  Bible  de  famille  de  Mornay  (La  Rochelle,  par  les  héritiers  de 
Hierosme  Haultin,  1606,  in-fol.),  suivie  du  Psautier  et  de  la 
Forme  des  prières  ecclésiastiques.  En  tête  du  volume  deux  feuillets 
de  parchemin,  dont  le  contenu  a  été  publié  dans  le  Bull.,  I, 
p.  202  et  s.  —  Bibl.  du  prol.  fr.  (don  de  M.  Ch.  Read.) 

109.  —  Reliure  du  xvii^  s.,  au  chiffre  de  Louis  XIV,  les  plats  et  le 
dos  recouverts  d'un  semis  de  fleurs  de  lys.  (Recueil  des  édicts  de 
pacification,  ordonnances,  déclarations,  etc.,  faites  par  les  roys  de 
France  en  faveur  de  ceux  de  la  Religion  prétendue  réformée,  depuis 
l'an  1.561  jusques  à  l'an  1652.  Genève,  1658,  in-8.)  —  M.  E.  Chatonèy. 

MO.  —  Reliure  en  argent  repoussé,  du  xviii*  s.,  représentant,  sur 
un  des  plats,  la  Crucifixion  et,  sur  l'autre,  la  Résurrection  de 
J.-C.  (Neues  Gesang-Buch,  alte  und  neue  geislliche  und  liebliche 
Lieder  in  sich  haltend.  Strassburg,  Johannes  Beck,  1739. —  Christ- 
liches  Gebet-Bûchlein.  Strassburg,  Johannes  Beck,  1739.  En  1  vol. 
in-12.)  —  M.  Ch.  de  Billy. 


Artistes  et  Objets  d'art. 

Une  exposition  huguenote  rétrospective  devait  nécessaire- 
ment démontrer,  par  des  faits  visibles  et  palpables,  s'il  est 
vrai  que  TArt  et  la  Réforme  sont  incompatibles  comme  on  se 
plait  à  l'affirmer.  Or  la  plupart  des  œuvres  d'une  certaine 
valeur,  c'est-à-dire  précieuses  et  recherchées,  sont  aujour- 
d'hui dans  des  musées,  ou  dans  des  collections  privées,  qui 
s'ouvrent  difficilement  aux  solliciteurs.  Nous  ne  pouvions 
espérer  et  n'avons  même  pas  songé  à  mettre  à  contribution 
les  musées,  et  les  collectionneurs  documentés  au  point  de 
vue  huguenot  étant  très  rares,  nous  nous  demandions  s'il 
nous  serait  permis  de  rien  montrer  qui  valût  la  peine  d'être 
vu.  Nos  craintes  étaient  heureusement  exagérées.  Grâce  à 
la  bonne  volonlé  des  uns  et  des  autres,  —  et  ici  n'oublions 
pas  de  mentionner  les  bons  avis  de  MM.  A.  et  E.  Molinier, — 


DE    l'histoire    DC    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  4"1 

notre  petite  exposition  artisticiue  a  été  vraiment  intéressante 
et  l'on  a  pu  y  voir  ce  qui  ne  se  trouve  que  dans  bien  peu  de 
musées.  Pour  plusieurs  artistes  huguenots  nous  avons  pu,  en 
effet,  montrer  des  pièces  de  tout  premier  ordre  et  bien  qu'il 
y  eût  nécessairement  des  lacunes  dans  notre  série  —  le  nom- 
bre des  artistes  protestants  étant  en  réalité  très  considérable 
—  les  cinq  vitrines  consacrées  à  l'art,  sans  compter  les 
médailles  et  quelques  objets  disséminés,  valaient  la  peine 
d'être  vues  et  ont  d'ailleurs  été  très  appréciées.  Voici  une 
petite  photogravure  qui  donnera  une  idée  des  trois  pre- 
mières de  ces  vitrines. 


Dans  celle  qui  faisait  suite  aux  reliures  nous  avons  pu, 
grâce  à  MM.  de  Bethmann  et  Chaloney  et  à  Mme  la  vice- 
amirale  Prouhet,  exposer  quelques  œuvres  et  souvenirs 
artistiques  fort  rares.  En  premier  lieu,  le  principal  ouvrage 
d'un  des  plus  célèbres  architectes  de  la  Renaissance,  Jacques 
Androuet  du  Cerceau,  un  des  familiers,  eiitre  autres,  de 
Pvenée  de  l-'errare  dans  le  livre  de  dépenses  de  laquelle  il 
figure  souvent.  Nous  avons  demandé  à  M.  H.  Masson,  biblio- 
thécaire de  M.  le  baron  de  Bethmann  de  bien  vouloir  décrire 
pour  nos  lecteurs  cet  ouvrage,  ainsi  que  ceux  qui  suivent 
d'Etienne  Delaulne,  le  célèbre  graveur  du  xvi'  siècle   dont 


452  JUBILÉ    CINQUANTENAIRE    DE    LA    SOCIÉTÉ 

nous  avons  déjà  cité  le  beau  porlrail  d'Ambroise  Paré  et 
dont  les  dessins  se  vendent  aujourd'hui  au  poids  de  Tor,  puis 
un  recueil  de  dessins  originaux  de  Salomon  de  Brosse,  Tarchi- 
tecte  du  xvii"  siècle  auquel  on  doit  le  palais  du  Luxembourg, 
et  de  Charles  du  Ry;  —  enfin  une  véritable  relique  encore 
inédite,  illustrée  par  Petitol  et  calligraphiée  par  Jarry. 

Le  premier  \et  le  second]  volume  des  plus  excellents  Basti- 
ments  de  France.  Auquel  sont  désigne'^  les  plans  de  quinze 
Bastiments,  et  leur  contenu  :  Ensemble  les  élévations  et  singula- 
rite\  d'un  chacun.  Par  Jacques  Androuet.  du  Cerceau,  archi- 
tecte. A  Paris,  Pour  ledit  Jacques  Androuet^  du  Cerceau. 
MDLXXVI-MDLXXIX  (1576-1579).  Deux  tomes  en  un  vol. 
in-fol.,  vélin  (Rel.  anc). 

C'est  l'édition  originale  du  principal  ouvrage  de  cet  archi- 
tecte. 

Entrepris  sur  Tordre  du  roi  Henri  II  et  exécutés  avec  l'ap- 
probation et  les  encouragements  de  la  reine  Catherine  de 
Médicis,  ces  deux  volumes,  aussi  précieux  pour  l'art  archi- 
tectural que  pour  l'archéologie  monumentale,  renferment, 
accompagnés  d'un  texte  explicatif,  un  ensemble  de  cent  vingt 
planches  gravées  sur  cuivre  par  Ducerceau  lui-même,  et 
donnant  la  représentation  fidèle  et  détaillée  des  trente  plus 
belles  résidences  royales  ou  princières  du  xvi°  siècle,  dont  la 
plupart  ont  été  détruites  ou  plus  ou  moins  modifiées  depuis 
cette  époque. 

I.  — Le  Louvre,  conslruil  par  Pierre  Lescot,  Neuf  planches: 
Plan,  façades  extérieures  et  intérieures,  ordre  des  trois 
étages,  salle  des  cariatides. 

II.  —  Vincennes  (Château  de),  commencé  par  Charles, 
comte  de  \alois,  terminé  par  Charles  V.  Deux  planches: 
Plan  et  vue  cavalière. 

III.  —  Chambord  (Château  de),  construit  sous  le  règne  de 
François  I"  par  les  architectes  Pierre  Nepveu  dit  Trinqueau 
et  Jacques  Coqueau.  Trois  planches  :  Plan,  façades  extérieure 
et  intérieure. 


DE    l'histoire    du    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  453 

IV.  —  Boulogne  dit  Madrid.  Chàleau  bâti  à  l'extrémité 
septentrionale  du  bois  de  Boulogne  près  Paris;  commencé 
en  1528,  il  fut  démoli  dans  les  premières  années  de  la  Res- 
tauration. Neuf  planches  :  Plan,  façades,  intérieurs,  che- 
minées monumentales,  caissons. 

V.  —  Creil  (Château  de).  Edifié  par  Charles  V  dans  une 
des  îles  de  l'Oise,  ses  vestiges  se  voient  encore  actuellement. 
Une  planche  :  Plan  et  élévation. 

VI.  —  Coiicy  (Château  de),  en  Picardie.  Construit  par 
Enguerrand  de  Coucy,  ses  ruines  grandioses  subsistent  tou- 
jours. Quatre  planches  :  Plans,  élévations,  cheminées,  table 
des  lions,  tympan  de  la  porte  de  la  grosse  tour. 

Ml.  —  Folembray  (Château  de),  dit  Le  Pavillon.  Cet 
édifice  qui  n'existe  plus,  avait  été  bâti  près  de  Chauny  en 
Picardie,  par  Philibert  de  l'Orme,  l'un  des  plus  fameux 
architectes  du  xvi^  siècle.  Deux  planches  :  Plan  et  vue  cava- 
lière. 

\Ul.  Montargis  (Chàleau  de),  en  Gâtinais.  Construit  sous 
Charles  V  et  détruit  en  1809.  il  avait  été  donné  en  1560,  à 
Renée  de  France,  duchesse  de  Ferrare,  qui  en  fit  sa  rési- 
dence ordinaire.  Quatre  planches  :  Plan,  vue  cavalière, 
grande  salle,  pourtour  du  château  et  «  Galeries  en  char- 
pentes »  du  jardin. 

IX.  —  Saint-Germain-en-Laye  (Château  de).  Ce  palais  fut 
édifié  par  François  F'  sur  les  vestiges  d'un  château  plus 
ancien.  Quatre  planches  :  Plans,  façades  intérieures  et  exté- 
rieures. 

X.  —  La  Muette.  Petit  château  élevé  par  François  I"  dans 
la  partie  de  la  forêt  de  Saint-Germain  avoisinant  Maison- 
sur-Seine;  ruiné  il  fut  réédifié  par  Louis  X\"  et  achevé  par 
Louis  X\\.  Deux  planches  :  Plan  et  façades. 

XI.  —  Vallery  (Château  de),  entre  Sens  et  Fontainebleau. 
Restauré  et  modifié  au  xvi^  siècle  par  le  maréchal  de  Saint- 
André.  Cinq  planches  :  Plan,  façades  extérieure  et  inté- 
rieure, jardins,  vue  cavalière. 


/^54  JUBILÉ    CINQUANTENAIRE    DE    LA    SOCIÉTÉ 

XII.  —  Verneuil-sur-Oise  (Château  de).  Jacques  Androuet 
du  Cerceau  le  construisit  pour  le  duc  de  Nemours.  Il  n'en 
reste  rien.  Dix  planches  :  Plans,  vue  d'ensemble,  élévations, 
laçades,  galerie. 

XIII.  —  Ancy-le-Franc  (Château  d'),  en  Bourgogne,  élevé 
sur  les  dessins  de  Primalice.  Trois  planches  :  Plans,  façade, 
élévation,  vue  cavalière. 

XIV.  —  Gaillon  (Château  de),  en  Normandie.  Bâti  sur  les 
plans  de  l'architecte  Guillaume  Senault  pour  le  cardinal 
Georges  d'Amboise.  Sept  planches  :  Plans,  vue  cavalière,  vue 
de  l'ermitage,  façade  de  la  maison  blanche,  vue  du  jardin, 
fontaine. 

XV.  —  iVf<îîme (Château  de),  près  d'Ancy-le-Franc  en  Bour- 
gogne. Le  duc  d'Uzès  le  fit  édifier.  Deux  planches:  Plan  et 
élévation. 

XVI.  —  Blois  (Château  de).  Cinq  planches  :  Plans,  vue 
cavalière,  façade  du  côté  du  jardin,  façade  dans  la  cour. 

XVII.  —  Amboise  (Château  d').  Trois  planches  :  Plan,  vue 
cavalière  du  côté  de  la  forêt,  vue  cavalière  du  côté  de  la 
Loire. 

XVIII.  —  Fontainebleau  (Château  de),  construit  sous 
François  I''  par  le  Rosso,  le  Primatice,  Serlio  et  Philibert 
de  rOrme.  Sept  planches  :  Plans,  vue  cavalière,  vue  générale 
avec  l'ensemble  des  jardins,  façade  sur  la  cour  du  Cheval- 
Blanc,  façades  sur  la  cour  de  la  fontaine. 

XIX.  —  Villers-Cotterets  (Château  de),  reconstruit  sous 
François  1"  et  Henri  II  par  les  frères  Jacques  et  Gilles  Le 
Breton.  Trois  planches  :  Plans,  vue  cavalière. 

XX.  —  C/mr/evrt/ (Château de),  près  de  Noyon-sur-Andelle 
en  Normandie.  Sa  construction,  entreprise  sur  l'ordre  de 
Charles  IX,  est  attribuée  à  Jacques  Androuet  du  Cerceau. 
Cinq  planches  :  Plan,  façade  intérieure,  façade  extérieure. 
(Le  dessin  de  ces  planches  est  dû  à  Baptiste  Androuet  du 
Cerceau,  fils  de  Jacques). 


DE    l'histoire    du    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  455 

XXI.  —  T^z/Z/ét/^.*)  (Chàleau  des).  Commencé  par  Philibert 
de  rOrme  pour  la  reine-mère  Catherine  de  .Médicis,  ce  palais 
a  été  incendié  en  1871  et  ses  ruines  remplacées  par  un 
jardin.  Trois  planches  :  Plans,  façades.  —  Les  plans  donnent 
Fensemble  du  monument  tel  qu'il  devait  être  construit  d'après 
la  conception  primitive. 

XXII.  — Saint-Maur-les-Fossés  (Châleau  de),  près  Paris. 
Il  avait  été  édifié  par  Philibert  de  l'Orme  pour  le  cardinal  Jean 
Du  Bellay  et  a  été  détruit  à  la  fin  du  xviu''  siècle.  Trois 
planches  :  Plan,  façade  sur  le  jardin,  façade  sur  la  cour. 

XXIII.  —  Chenonceaii  (Château  de),  en  Touraine.  Com- 
mencé en  1515  par  Thomas  Bohier,  receveur  général  des 
finances  de  Normandie,  il  fut  terminé  par  Diane  de  Poitiers 
et  la  reine  Catherine.  Trois  planches  :  Plans,  élévations. 

XXIV.  —  Chantilly  (CAvÀienn  de).  Anne  de  Montmorency  le 
fit  élever  par  Jean  Bullant;  la  Révolution  le  mit  en  vente  et 
son  acquéreur  le  démolit.  Le  duc  d'Aumale  l'a  fait  réédifier 
de  nos  jours  par  l'architecte  Daumet.  Sept  planches  :  Plans, 
élévation,  entrée,  façades  extérieure  et  intérieure,  façades 
sur  la  cour  d'honneur,  façades  sur  la  première  cour. 

XXV.  —  Anel  (Château  d').  A  été  construit  pour  Diane  de 
Poitiers,  par  Philibert  de  l'Orme  et  Jean  Goujon.  Détruit 
presque  totalement  en  1792,  le  propriétaire  de  ces  ruines 
(M.  Moreau)  l'a  fait  restaurer  en  partie  il  y  a  quelque  trente 
ans.  Sept  planches  :  Plan,  vue  cavalière,  entrées,  fontaine 
de  Diane,  chapelle  intérieure  et  chapelle  extérieure. 

XXVI.  —  Ecoiien  {C\\(xieSi\x  d').  A  été  édifié  sur  les  plans 
de  Jean  Bullant,  architecte  du  connétable  Anne  de  Montmo- 
rency. Cinq  planches  :  Plan,  vue  cavalière,  façades  exté- 
rieures et  intérieures. 

XX\TI.  —  Dampierre  (Château  de),  près  de  Chevreuse. 
Bâti  pour  le  cardinal  de  Lorraine  au  xvi°  siècle  il  a  été 
presque  entièrement  reconstruit  par  Mansart  au  siècle  sui- 
vant. Quatre  planches  :  Plan,  élévation,  vue  d'ensemble  et 
pavillon  des  étuves. 


456  JUBILÉ    CI.N'QUANTENAlnE    DE    LA    SOCIÉTÉ 

XXVIII.  —  Challuau  (Chàleau  de),  en  GaLinais.  Dcuk 
planches  :  Plans  et  façades. 

XXIX.  —  Beauregard  {Ch-èi[esi\x  de),  près  de  Blois.  Cons- 
Iruil  à  l'origine  pour  M.  du  Thiers,  secrélaire  d'Etat  du  roi 
Henri  II,  il  a  été  réédifié  dans  presque  toutes  ses  parties  au 
xvii^  siècle.  Trois  planches  :  Plan  et  vues  cavalières. 

XXX.  —  Biiry  (Château  de),  près  de  Blois.  Robertel, 
ministre  des  finances  de  François  !"■  le  fit  bâtir;  délaissé  au 
siècle  suivant  par  ses  propriétaires,  il  n'est  plus  actuellement 
qu'un  monceau  de  ruines.  Trois  planches  :  Plan,  vues 
d'ensemble  et  galerie. 

Le  lieu  et  la  date  de  naissance  de  Jacques  Androuet  du 
Cerceau'  ne  sont  pas  connus  avec  certitude.  Les  travaux 
biographiques  les  plus  récents  estiment  qu'il  naquit  à  Paris 
vers  1510  ou  1512.  La  même  obscurité  règne  sur  le  temps  et 
le  lieu  de  son  décès.  Persécuté  pour  sa  foi  religieuse,  il  dut 
chercher  un  refuge  à  l'étranger,  aussi  les  uns  le  font-ils 
mourir  en  Italie,  d'autres  à  Genève  ou  bien  encore  à  Annecy 
chez  le  duc  de  Savoie.  Ce  qui  est  certain,  c'est  que  l'on 
constate  sa  disparition  après  1585,  époque  où  il  aurait  eu 
environ  de  soixante-treize  à  soixante-quinze  ans,  aussi 
l'opinion  la  plus  généralement  admise  est-elle  cju'il  mourut 
vers  ce  temps. 

Recueil  d'Estampes  dessinées  et  gravées  au  xvi''  siècle  par 
Etienne  Delaulne.  Paris  et  Strasbourg,  1560-1580,  ln-4,  demi- 
rel.  dos  et  coins  de  mar.  rouge. 

Ce  précieu^  volume  renferme  deux  cent  soixante  mor- 
ceaux de  gravure  dus  au  burin  délicat  de  ce  maître  célèbre 
parmi  lesquels  nous  citerons  plus  particulièrement  :  La 
Genèse,  36  pièces;  —  Sujets  tirés  de  l'Ancien  Testament, 
12  pièces  portant  la  date  1561  ;  —  Sujets  variés  de  l'Ecriture 
sainte  et  de  la  Mythologie,  6  pièces;  —  La  Vie  de  V enfant 

1.  Ce  surnom  de  Du  Cerceau  provenait,  d'après  La  Croix  du  Maine, 
d'une  enseigne  placée  sur  la  maison  des  Androuet. 


DE    l'histoire    du    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  457 

prodigue;  —  Divinités  payennes  datées  de  1578,  20  sujets  ;  — 
les  Sciences,  1569  ;  —  les  Quatre  Monarchies  ;  —  les  cinq  Sens  ; 

—  les  Mois  ;  —  le  soleil,  la  liine,  les  planètes  ;  —  les  quatre 
parties  du  monde  ;  —  une  série  de  figures  allégoriques  :  la 
Divinité,  la  Justice,  la  Tempérance,  V Amitié,  la  Libéralité,  la 
Science,  la  Munificence  et  la  Magnanimité  ;  —  une  suite 
d'emblèmes  moraux;  La  Paix,  la  Famine,  la  Guerre,  ï Abon- 
dance; —  Onze  pièces  relatives  aux  travaux  d'Hercule,  à 
Andromède,  à  Diane,  à  Narcisse;  etc.  etc.  —  Le  recueil  se 
termine  par  une  série  de  frises  représentant  des  combats  et 
des  triomphes  composés  d'après  des  reliefs  antiques.  Toutes 
les  épreuves  sont  en  tirage  original  et  sont  accompagnées, 
au  point  de  vue  comparatif,  d'un  autre  tirage  ancien,  mais 
fait  postérieurement  au  premier. 

Recueil  d'Ornements  à  Pusagedes  Joailliers  et  des  Orfèvres, 
dessinés  et  gravés  par  Etienne  Delaulne.  Strasbourg,  1573- 
1580,  In-4,  demi-rel.  dos  et  coins  de  mar.  rouge. 

La  collection  de  petites  estampes  renfermée  dans  ce  second 
volume  complète  les  séries  du  recueil  précédent.  Les  figures, 
au  nombre  d'environ  cent  vingt,  ont  été  conçues  plus  parti- 
culièrement pour  les  maîtres  orfèvres  et  joailliers;  elles  sont 
du  goût  le  plus  pur  et  d'une  exécution  artistique  des  plus 
parfaites.  —  L  Les  Sciences  :  la  Dialectique,  la  Physique,  la 
Jurisprudence,  l'Astronomie,  la  Théologie  et  la  Rhétorique, 
suite  de  six  pièces  sur  fond  blanc.  —  II.  Les  Sciences  et  les 
Arts  :  la  Géométrie,  l'Arithmétique,  l'Astrologie,  l'Architec- 
ture, la  Musique  et  la  Perspective,  six  pièces  sur  fond  noir. 

—  III.  Dieux  et  Déesses  :  Apollon,  Minerve,  \"énus,  Diane, 
Mars  et  Jupiter,  six  pièces  sur  fond  noir.  —  IV.  Dieux  et 
Déesses,  autre  suite  de  six  pièces  datées  de  1573.  —  V.  Orne- 
ments composés  de  grotesques,  de  rinceaux  et  de  person- 
nages divers  gravés  sur  des  fonds  noirs  ;  six  séries  datées  de 
1573  et  de  1579.  —  (Tirage  original  avec  états  ultérieurs  com- 
paratifs.) 

Toutes  les  suites  composant  ce  recueil  ont  été  exécutées 
et  imprimées  à  Strasbourg  dans  la  belle  période  du  (aient  de 

LI.  —  32 


458  JUBILÉ  cinqL'antenaike  de  la  société 

Fauteur;  c'est-à-dire  dans  les  années  comprises  entre  1573 
et  1580,  ainsi  que  nous  l'indiquent  les  mentions  gravées  pour 
cinq  d'entre  elles.  Ces  mentions,  ou  plus  exactement  ces 
achevé  de  graver  nous  sont  précieuses  en  ce  que  la  plupart 
nous  font  connaître  qu'en  l'année  1573  Etienne  Delaulne 
avait  quitté  la  France  à  la  suite  de  la  Saint-Barlhélemy  et 
s'était  fixé  définitivement  à  Strasbourg  ;  et  que  deux  d'entre 
elles  nous  confirment  la  date  de  1519  comme  l'époque  de  sa 
naissance  :  «  Stephanus  de  Laiine  inventor  excidebat  (sic) 
a'no  1573  œtatis  suœ  54  in  Argent ina  ».  «  Johani  filio  inven. 
Stephanus  pater  œtatis  GOfœliciter  sculpsit  1579  ». 

Dessins  originaux  de  Salomon  de  Brosse,  architecte  fran- 
çais. Pet.  in-folio,  vélin. 

Ce  recueil  de  dessins  à  la  plume,  exécutés  dans  les  pre- 
mières années  du  xvii''  siècle,  a  déjà  été  signalé  dans  la 
France  protestante^  par  M.  Charles  Read  à  qui  l'architecte 
H.  Labrouste  l'avait  alors  communiqué. 

Composé  de  quarante-neuf  feuillets^,  couverts  au  recto  et 
au  verso  de  nombreux  croquis  d'ornement,  d'études  d'archi- 
tecture, ou  de  représentations  d'édifices  construits  par  l'au- 
teur ou,  antérieurement  à  lui,  par  d'autres  architectes,  il 
nous  laisse  pénétrer  en  quelque  sorte  dans  la  vie  toute 
intime  et  laborieuse  de  l'artiste  en  nous  montrant  l'ébauche 
de  l'inspiration  première  s'agrandissant  et  se  modifiant  suc- 
cessivement pour  arriver  à  la  perfection  définitive  du  projet 
rêvé.  Ici  c'est  un  modèle  non  terminé  de  la  célèbre  porte 
monumentale  de  Vhôtel  de  Soissons  que  nous  retrouvons  com- 
plet sur  un  autre  feuillet,  mais  établi  d'une  autre  manière"; 
là  c'est  le  croquis  léger  d'un  lion  devant  couronner  un  pavil- 
lon d'entrée;  ailleurs  le  modèle  primitif  des  lucarnes  du  châ- 
teau de  Coulommiers;  des,  guirlandes  de  fleurs  et  de  fruits, 
des  enfants,  des  cariatides,  des  mascarons,  des  coquilles, 
des  écussons,    et   quantité   d'autres  ornements  architecto- 

1.  DcLixième  édilion,  tome  III,  p.  2()9. 

2.  Au  fronton  se  voient  les  armes  accolées  de  Charles  de  Bourbon, 
comte  de  Soissons,  et  de  sa  femme  Anne  de  Montafié. 


DE    l"h1STOIRE    du    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  459 

niques.  Les  projets  de  portes  sont  nombreux,  nous  en  comp- 
tons vingt-six,  tous  différents  les  uns  des  autres.  Puis  vien- 
nent onze  cheminées  monumentales,  un  escalier  de  terrasse 
avec  termes  et  balustrade,  une  façade  de  grand  palais  avec 
statues,  la  façade  de  Tune  des  ailes  du  Château  de  Verneuil 
construit  par  Du  Cerceau,  une  partie  de  la  façade  du  châ- 
teau de  Coulommiers  en  Brie,  une  porte  de  la  ville  de  Paris, 
les  quatre  faces  d'un  pavillon  d'entrée  de  châleau  placé  à 
l'extrémité  d'une  terrasse,  une  entrée  d'ordre  toscan  rappe- 
lant la  porte  principale  de  Coulommiers,  un  très  beau  et  très 
élégant  pavillon  central  de  château  couvert  en  dôme,  une 
esquisse  de  façade  de  palais,  des  projets  de  tombeaux,  une 
fontaine,  des  tracés  de  gnomons,  etc.  etc. 

La  modeste  reliure  de  cet  album  a,  elle  aussi,  son  côté 
curieux.  L'ne  première  mention,  inscrite  sur  la  partie  exté- 
rieure du  premier  plat,  nous  fixe  immédiatement  sur  l'auteur 
des  dessins,  qui  du  reste  ont  été  rigoureusement  identifiés 
par  comparaison  :  «  Je  suis  à  de  Brosse  mil  six  cent  sept  », 
avec  cette  surcharge  «  Je  suis  à  Du  Ry  »;  et  au  dessous  «  Le 
«  présent  livre  appartient  à  Charles  Du  Ry  architecte  des  bas- 
«  timents  du  Roy,  travaillant  pour  Madame  la  Duchesse  de 
«  Longueville  à  son  chasteau  de  Coulommiers  en  Brie  en 
«  l'année  ([ue  ledit  chasteau  a  esté  commencé  l'an  1613  ». 
Sur  la  doublure  intérieure  en  papier  du  même  plat,  trois 
autres  indications  manuscrites  rappelant  que  «  Ce  présent 
«livre  appartient  à  Charles  Du  Ry  demeurante  Verneuil-sur- 
Oise  »  puis  «  demeurant  à  Coulommiers  en  Brie  ».  On  sait, 
et  la  mention  rapportée  ci-dessus  nous  en  donnerait  le  sou- 
venir, que  le  château  de  Coulommiers'  fut  consiruit  par 
Charles  Du  Ry  pour  Catherine  de  Gonzague,  duchesse  de 
Longueville,  sur  les  plans  et  dessins  de  Salomon  de  Brosse. 
Ceci  explique  suffisamment  le  changement  de  possesseur. 
Du  Ry,  élève  de  De  Brosse,  habitait  Verneuil-sur-Oise,  lieu 
natal  et  domicile  de  son  maître  et,  celui-ci  voulant  laisser  un 
souvenir  utile  à  son  disciple  qui  va  être  chargé  de  la  partie 
matérielle  de   l'édification    de   Coulommiers^.  lui   offre    son 

1.  Il  n'existe  plus  ayant  été  détruit  de  1736  à  1738. 


460  JUBILÉ    CLNQllANTENAIRE    DE    LA    SOCIÉTÉ 

recueil  de  dessins  personnels;  il  pourra  s'en  inspirer.  Mais 
l'album  n'est  pas  enlièremenl  rempli:  il  reste  quelques  pages 
blanches,  aussi  n'hésitons-nous  pas  à  attribuer  à  Charles 
Du  Ry  la  majeure  partie  des  dessins  au  lavis,  les  statues  et 
autres  qui  terminent  le  volume. 

Les  Dernières  Paroles  de  Monsieur  d'Hervart,  Conseiller 
d'État,  par  M.  Claude,  ministre  de  l'Eglise  réformée  de  Cha- 
renton.  1677.  Manuscrit  in-16  de  44  feuillets,  calligraphié  sur 
vélin  par  Nicolas  Jarry,  orné  d'un  portait  peint  en  miniature 
par  Petitot,  et  relié  en  chagr.  noir  avec  fermoirs  en  or. 

Barthélémy  Hervart,  né  à  Augsbourg  en  1606,  après  avoir 
été  banquier  à  Lyon,  fut  choisi  par  Mazarin  à  l'époque  des 
troubles  de  la  Fronde  (janvier  1650)  pour  remplir  l'emploi, 
laissé  vacant  par  le  décès  de  Charron,  de  l'un  des  huit  inten- 
dants des  finances  du  royaume.  Les  services  qu'il  rendit 
alors,  et  qu'il  ne  cessa  de  rendre  depuis  à  la  cause  royale,  le 
firent  nommer  sept  ans  plus  tard  à  la  haute  charge  de  Con- 
trôleur général  et  de  Conseiller  d'État.  Il  n'avait  conservé  que 
cette  dernière  qualité  lorsqu'il  mourut  à  Paris*,  le  22  octobre 
1676,  âgé  d'un  peu  plus  de  70  ans. 

Ce  fut  vers  la  fin  du  mois  d'août  1676  que  les  premiers  sym- 
ptômes de  la  maladie  qui  devait  emporter  le  financier  se 
déclarèrent.  Le  mal  s'aggrava;  Monginot,  son  médecin,  ne 
put  que  prévoir  une  issue  fatale.  Le  1 1  octobre,  le  célèbre 
M.  Claude,  ministre  de  l'Église  de  Charenton,  vint  voir  le 
patient  et  ne  cessa,  tous  les  jours  qui  suivirent,  de  passer 
plusieurs  heures  auprès  de  lui,  l'exhortant  à  la  résignation  et 
à  supporter  ses  souffrances  en  chrétien  1  Hervart  reçut  tous 
ces  encouragements  avec  beaucoup  de  fermeté,  réconfortant 
lui-même  sa  femme,  sa  fille  la  marquise  de  Gouvernet,  son 
fils  puiné  et  ses  serviteurs  éplorés.  A  ses  amis  et  aux  autres 
pasteurs  qui  le  visitèrent,  entre  autres  à  MM.  Daillé,  Allix, 
Fetizon,  Mesnard,  Hotman,  de  Bie,  il  tint  les  discours  les 
plus    édifiants,   rappelant  que    l'homme  ne   devrait  jamais 

1.  Et  non  pas  à  Tours  comme  le  disent  à  tort  la  plupart  des  biographes. 


DE    l'histoire    du    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  461 

attendre  les  derniers  jours  de  sa  vie  pour  s'amender.  U  fit 
aussi  appeler  un  autre  de  ses  fils  qui  avait  abandonné  la  re- 
ligion réformée  et  qu'il  ne  voyait  plus  pour  ce  motif;  il  lui 
reprocha  en  termes  austères  son  apostasie,  et  l'engagea  for- 
tement à  revenir  à  la  religion  de  ses  parents.  Quelques  jours 
après,  dans  la  matinée  du  22  octobre,  entre  sept  et  huit  heures, 
Barthélémy  Hervart  s'éteignait  doucement  dans  les  bras  de 
ses  enfants. 

Cette  relation,  dont  nous  venons  de  résumer  succinctement 
le  contenu,  a  été  certainement,  quoiqu'elle  ne  soit  pas  signée» 
rédigée  par  Claude.  On  y  rapporte  en  effet,  non  seulement 
toutes  les  paroles  remarquables  du  mourant,  mais  encore  le 
texte  même  des  exhortations  et  des  consolations  que  le  mi- 
nistre ne  cessa  de  lui  prodiguer  jusqu'en  ses  derniers  in- 
stants. L'auteur  seul  de  celles-ci  pouvait  avoir  cette  précision 
du  souvenir. 

Pour  Pelitot  nous  avons  été  exceptionnellement  privi- 
légiés. —  Grâce  à  l'amabilité  du  baron  Eugène  Roger  et  de 
M.  Ernest  Strœhlin,  gendre  de  H.-L.  Bordier,  descendant  de 
l'ami  et  collaborateur  de  Petitot,  nous  avons  pu  exposer, 
dans  une  vitrine  isolée,  placée  devant  le  bureau  du  biblio- 
thécaire, plus  de  vingt  portails  de  ces  deux  célèbres  peintres 
en  émail.  La  fiche  placée  en  tète  de  cette  vitrine  portait, 
en  effet,  deux  noms,  ceux  de  Jacques  Bordier  (1616-1684)  et 
de  Jean  Petitot  (1607-1691).  Ce  dernier  ainsi  qu'on  le  verra 
plus  loin,  parle  de  son  collaborateur,  comme  d'une  «  per- 
«  sonne  liée  avec  lui  d'amitié  et  d'association  dès  environ 
«  un  demy  siècle,  sans  avoir  aucune  mésintelligence,  ni 
«  division  entre  nous».  Or,  ces  deux  artistes  n'ont  jamais 
signé  leurs  œuvres  qui  se  distinguent  seulement  de  toutes 
les  œuvres  similaires,  par  la  finesse  des  traits,  la  légèreté 
des  cheveux,  l'éclat  incomparable  et  pourtant  sobre  et 
harmonieux  des  couleurs,  et  surtout  par  l'extraordinaire 
science  de  la  perspective  grâce  à  laquelle  ces  portraits,  si 
réduits  que  quelques-uns  ne  peuvent  être  bien  vus  qu'à  la 
loupe,  ont  tout  le  relief  et  parfois  la  grandeur  d'un  vrai 
tableau. 


462  JUBILÉ    CINQUANTENAIRE   DE    LA    SOCIÉTÉ 

Voici  la  liste  des  émaux  exposés  par  le  baron  Eugène 
Roger  :  1"  marquis  de  Barbézieux:  —  2"  Marie-Louise  d'Or- 
léans: —  3"  et  4"  Louis  XIV,  deux  portraits  dont  un  repré- 
sentant le  roi  jeune  et  l'autre  plus  câgé;  —  5°  la  comtesse  de 
Soutiiampton:  —  6°  Madame  de  Maintenon;  —  T  Un  portrait 
présumé  de  Massillon:  —  8"  Un  autre  qui  pourrait  repré- 
senter La  Bruyère:  —  ^"  Richelieu;  —  10'  la  duchesse  de  Pem- 
broke;  —  11"  Louise-Marie  de  Gon^ague:  —  \T  Madame  de 
Combalet;  —  13"  une  inconnue:  —  14"  Monsieur  frère  du  roi; 
—  15°  Madame  de  Montespan  ;  —  16°  Jacques  II,  d'Angleterre 
ce  dernier  monté  sur  une  clef  de  montre,  les  autres  sur  des 
boîtes  en  or  ou  en  écaille. 


M,  E.  Slrœhlin  avait  exposé  d'abord  le  portrait  de  Petitot 
peint  par  son  fils,  signé  au  dos  P.  F.,  monté  sur  une  taba- 
tière en  or  ciselé,  portrait  dont  nous  donnons  ici  une  repro- 
duction, puis  celui  d'un  seigneur  inconnu,  enfin  ceux  de 
Louis  XIV,  Anne  d'Autriche,  la  comtesse  de  Grignan  et  Made- 
moiselle de  La  Vallière  d'un  côté  en  habit  de  cour,  de  l'autre 
en  Madeleine. 

En  outre,  M.  Strœhlin  avait  exposé  trois  autres  émaux 
également  intéressants:  de  Chastillon,un  magistrat  inconnu; 

—  de  Pierre  Huaud  l'aîné,  une  dame  inconnue,  Genève,  1688. 

—  Enfin  un  rare  portrait,  sans  doute  peint  en  Allemagne, 
très  frappant,  de  la  célèbre  princesse  palatine,  mère  du 
Régent. 


DE    l'histoire    Dl'    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  ^lG3 

Mais,  revenons  à  Petitot  et  à  la  vitrine  décrite  au  com- 
mencement de  celte  section.  Il  y  a  plus  de  quarante  ans, 
en  1860,  le  Bulletin  avait  analysé  (p.  305  à  312  et  419  à  432)  et 
en  partie  reproduit  un  manuscrit  du  peintre  qui  se  trouvait 


alors  cà  Brest,  intitulé  :  Prières  et  Méditations  chrestiennes 
pour  la  famille.  En  temps  de  santé  de  malladie  et  de  mort. 
Nous  avons  retrouvé  cette  relique  à  Bordeaux  chez  madame 
la  vice-amirale  Prouhet  qui  a  fort  gracieusement  consenti  à 
l'exposer.  Ce  livre  de  prières  a  servi  pendant  des  générations 


464  JLBILÉ    CINQUANTENAIRE    DE    LA    SOCIÉTÉ 

aux  descendants  du  célèbre  artiste.  Il  y  a  même  telle  page  où 
par  suite  de  changement  politique  une  variante  relative  à  ce 
changement  avait  élé  épinglée  sur  le  passage  correspondant 
du  texte  original,  pour  être  lue  à  la  place  de  ce  dernier.  Aussi 
le  manuscrit  est-il  1res  usé  et  taché,  notamment,  en  tète,  le 
portrait  de  Pelitot  lui-même,  devenu  presque  méconnaissable, 
mais  où  toutefois  l'on  retrouve  les  mêmes  traits  fixés  sur 
rémail  par  son  fils.  Nous  renvoyons  pour  son  contenu  au  Bul- 
letin, t.  IX,  et  avons  fait  reproduire  pour  nos  lecteurs  outre 
le  titre  peint  et  calligraphié  par  Pelitot,  le  portrait  qu'il 
avait  fait  de  sa  femme  et  la  pnge  qui  se  termine  par  sa 
signature. 

A  côté  de  ce  manuscrit  M.  Chatoney  a  bien  voulu  en  placer 
un  autre  provenant  du  même  artiste,  relié  comme  le  précé- 
dent en  velours  grenat  (seulement  in-A"  tandis  que  l'autre 
est  in-8")  et  témoignant  comme  le  premier  de  sa  piété  peu 
commune.  Voici  le  litre  de  ce  manuscrit  provenant  de  la 
bibliothèque  du  baron  Pichon  qui  l'avait  acheté  au  libraire 
Symes  : 

Prières,  méditations  et  actions  de  grâce,  tant  sur  les  pros- 
périte\.  que  sur  les  adversité^  que  Dieu  m'a  envoyées  dans  le 
cours  de  yna  vie,  dont  je  fais  part  à  ma  famille.  Petitot,  1682. 

Nous  avons  extrait  de  ces  prières  tout  ce  qui  a  un  carac- 
tère autobiographique,  car  Petitot  énumère  en  s'adressant  à 
Dieu  les  diverses  bénédictions  et  délivrances  dont  il  a  été 
l'objet  : 

...«  Tu  m'as  esté  favorable  dès  le  ventre  de  ma  mère,  et  m'as 
dès  mon  enfance  illuminé  de  la  sainte  connoissance  par  réducation 
et  les  bonnes  inslruclions  et  bons  exemples  d'un  bon  père,  qu'il  l'a 
plu  par  la  singulière  grâce  tirer,  en  sa  jeunesse,  des  ténèbres  à  la 
divine  et  merveilleuse  lumière,  lui  inspirant  pour  celle  fin  de  cher- 
cher une  relraille  où  fut  prêché  la  pureté  de  l'Evangile  en  toute  son 
étendue  comme  elle  est  à  Genève  où  Dieu  a  posé  le  flambeau  de  sa 
Parolle,  pour  la  relraille  et  la  consolation  de  plusieurs  des  siens  : 
C'est  ce  qui  a  fait  toute  sa  joye,  et  s'y  estant  marié  a  fait  aussi  tout 
mon  bonheur,  ayant  pris  naissance  en  son  Eglise  et  m'ayant  mis  au 


DE    l'histoire    du    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  4G5 

chemin  de  salut  et  de  vie,  dont  je  lui  en  dois  faire  tous  les  jours 
une  constante  et  perpétuelle  reconnoissance. 

«  Destitué  de  moyens,  tu  asô  Dieu  pourvue  ma  condition,  et  à  mon 
avancement  en  mon  art,  lu  m'as  donné  de  Findustrie  au  dessus  de 
plusieurs  de  mes  semblables,  et  m'as  approché  des  Roys  et  des 


I  âi!<  ne  Jrn  /y^p,,if  mt'-ihe/xi,  ^roatr'X  /Àrinm^. 


grands,  par  le  moyen  de  mon  travail,  j'en  ay  servy  trois,  et  l'un 
d'eux,  Charles  I'^'  Roy  de  la  grande  Bretagne  m'a  quelques  années 
honoré  et  graliffié  d'une  pension;  duquel  les  horribles  divisions  et 
guerres  sanglantes  de  son  Royaume  mirent  cruellement  fin  à  sa  vie, 
et  par  conséquent  à  toutes  les  espérances  mondaines  c|ue  j'avois 
fondées  sur  la  bienveillance  de  ce  Prince. 


466  JUBILÉ    C1.\'QLANTENAIRE    DE    LA    SOCIÉTÉ 

«  Mais  la  sage  providence  qui  conduit  toutes  choses  m'a  appelé 
ailleurs  et  m'a  ramené  icy  au  train  de  mon  travail  ordinaire,  où  j'ay 
reçu  une  infinité  de  grâces  d'en  haut,  dont  je  te  remercie  ô  Dieu 
mon  Père.  Tu  m'as  accordé  la  demande  du  sage,  ne  m'ayant  donné 
ny  pauvreté  ny  richesse.  Tu  m'as,  avec  la  femme,  et  le  nombre 
d'enfans  qu'il  ta  plu  me  donner  en  ta  bénédiction,  fait  avec  paix 
heureusement  passer  mes  jours  jusques  icy.  Tu  les  as  tous  faits  et 
rendus  exempts  des  infirmitez  du  corps  et  de  l'esprit,  à  quoi  la  na- 
ture humaine  est  sujette.  Tu  as  prolongé  mes  jours  en  leur  faveur, 
et  de  plus,  comme  une  chose  non  attendue  en  mon  aage,  tu  m'as 
extraordinairement  favorisé,  en  me  continuant  encore  les  moyens 
d'exercer  mon  art  avec  quelque  facilité  en  la  compagnie  de  la  per- 
sonne liée  avec  moy  d'amitié  et  d'association  dès  environ  un  demy 
siècle  sans  avoir  aucune  mésintelligence,  ni  division  entre  nous. 

«  Enfin,  toute  ma  vie  n'a  esté  qu'une  suitte  de  bénédictions  reçeues 
de  mon  Dieu  :  Ce  n'est  pas  que  j'aye  esté  exempt  de  quelques  afflic- 
tions en  mon  propre  corps  et  en  ma  famille,  mais  je  tiens  que  ses 
châtimens  sont  du  nombre  de  ses  bénédictions,  et  même  des  prin- 
cipales et  des  plus  nécessaires  pour  le  salut  :  j'en  diray  icy  quelques- 
uns  des  plus  remarquables  pour  faire  voir  la  bonté,  la  protection  et 
les  grâces  de  Dieu  envers  moy. 

«  J'ay,  en  ma  jeunesse  esté  tiré  des  eaux  du  milieu  de  la  rivière 
de  seyne  et  au  milieu  de  la  nuit,  où  je  me  suis  vu  sans  aucune  res- 
source d'espérance,  par  conséquent  fort  disposé  à  y  perdre  la  vie. 
J'ay  esté  sur  la  mer  en  attendant  le  moment  d'y  faire  noffrage  et 
d'y  périr.  J'ay  esté  plus  de  deux  années  consécutives  dans  les  in- 
quiettudes  et  craintes  perpétuelles  de  tomber  dans  une  dernière 
ruine  avec  toute  ma  famille  sur  une  affaire  dont  l'issue  a  esté  heu- 
reuse. J'ay  esté  en  un  mesme  instant  jette  deux  fois  par  terre,  par 
un  tourbillon  extraordinairement  tempétueux,  une  infinité  de  tuilles 
tombées  sur  moy  et  à  mes  environs  qui  me  mirent  hors  du  pouvoir 
de  me  rellever,  et  hors  d'espoir  d'échaper  d'entre  les  bras  de  la 
mort  où  je  me  voyais;  couvert  de  sang  je  fus  ramené.  J'ay  esté 
guéry  de  deux  playes  à  la  tête  visiblement  mortelles  causée  par  une 
chute  de  carosse  en  l'aage  de  soixante  dix  ans.  Et  j'ay  esté  affligé 
en  ma  famille  d'un  mal  sans  aucun  remède  humain  par  un  mariage, 
j'avoue  trop  precipitement  fait. 

«  C'est  là  à  peu  près  le  petit  détail  des  prospéritez  et  des  adver- 
sitez  qui  m'ont  esté  envoyées  de  la  main  d'en  haut,  et  une  confes- 
sion et  reconnoissance  sincère  des  bienfaits  reçus  de  mon  Dieu 
pour  lui  en  donner  gloire  et  pour  mieux  adorer  sa  divine  providence 


DE    l'histoire    du    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  467 

envers  moy  qui  ne  dois  jamais  oublier  aucun  de  ses  bienfaits,  mais 
qui  dois  dire  avec  le  Pseaume  48" •    . 

«  Je  n'ay  pas  esté  soigneux  de  visiter  l'affligé,  ni  esté  prompt  à 
secourir  l'indigent,  mes  aumônes  ont  esté  chiches,  et  mes  compas- 
sions dures  et  j'ay  souvent  fuy  les  objets  tristes  de  peur  de  m'attris- 
ter,  lors  même  que  j'aurois  pu  y  apporter  quelqu'alègemenl  et  con- 
solation. Je  n'amèneray  pas  icy  la  dureté  du  tems,  quelque  affliction 
domestique,  la  multitude  de  mes  enfans,  la  prévoyance  des  maux 
à  venir  qui  sont  choses  qui  retraignent  ordinairement  la  charité,  et 
divertissent  les  aumônes,  je  n'allégueray  pas  non  plus  l'assiduité 
qui  est  requise  en  mon  travail  ordinaire  qui  ne  m'a  permis  de  m'en 
bien  acquitter  et  ma  fait  obmettre  plusieurs  choses  nécessaires! 
Plutost  je  te  donnerai  gloire,  ô  mon  Dieu,  en  m'humiliant  et  con- 
fessant franchement  que  ces  deffauts  provenoient  de  crainte  d'avoir 
faute  ettl'une  défiance  ingrate  à  ta  bonté,  vu  que  tu  m'as  fait  sen- 
tir en  ce  pais  tant  d'effets  de  ton  soin  paternel,  que  je  devois  con- 
server une  assurance  pour  l'avenir,  car  chez  moi  l'huile  de  la  (iolle 
ni  la  farine  du  coffin  n'ont  point  failly,  ainsy  je  devois  travailler 
mieux  que  je  n'ay  fait  après  le  pain  qui  est  permanent  en  vie  éter- 
nelle  

«  Ta  main  m'a  abbatu  par  une  chutte,  alant  en  ta  maison  pour  par- 
ticiper au  St-Sacrement  de  ton  corps  et  de  ton  sang  avec  une  partie 
de  ma  famille,  à  laquelle  tu  fis  cette  grâce  en  me  châtiant  par  la 
privation  d'un  bien  si  grand,  et  par  deux  blessures  à  la  teste,  qui 
me  firent  ressentir  quelques  mois  d'assez  vives  douleurs  avant  que 
d'estre  parvenu  à  la  parfaite  guérison  que  ta  bonté  m'a  accordée 
pour  le  bien  de  ma  famille 

«  Tu  m'as  fait  sentir  la  puissance,  me  donnant  la  force  et  la  faci- 
lité de  supporter  l'espace  d'environ  dix-huit  mois  des  indispositions 
qui  m'ont  affligé,  obligé  finalement  de  quitter  ma  famille,  mon  tra- 
vail et  mes  affaires,  pour  chercher  en  divers  endroits  de  la  campagne 
chez  mes  amis  le  moyen  de  me  procurer  la  santé  et  me  remettre 
comme  avant,  qui  est  ce  que  Dieu  m'a  accordé 

«  ...Cela  même  que  je  subsiste  encore  après  diverses  épreuves  et 
en  un  aage  si  avancé,  comme  est  celui  que  j'ay  de  soixante  (juinze  ans 
passé  avec  un  tempérament  assez  foible,  n'est-ce  pas  un  effet  de  ta 
puissance  et  de  ta  bonté?...  Je  ne  me  réveille  jamais  de  mon  dormir 
que  je  ne  sols  ébay  de  me  voir  encore  au  monde...  Les  prières 
ardantes  que  je  lui  adresse  à  présent,  ne  regardent  ni  le  monde,  ni 
sa  vanité,  mais  bien  sa  gloire  et  le  salut  de  ma  famille  affligée  en 


468  JUBILÉ    CirvQUANTENAIRE    DE    LA   SOCIÉTÉ 

l'un  des  miens,  pour  n'avoir  pas,  sur  un  mariage,  assez  consulté 
l'Évangile  qui  nous  envoyé  à  la  prudence  du  serpent...  Etant  rassasié 


1 


eMe. 


' r^^c-^  lif^i'f  ^emi.>'r  en  ce  />}i'n}c'Jn  m i né^1'»l('  P^'^ 

■.g   '     '  '  ,  ^-N    'h 

"A ir.ifu)  Câtet!  fiûn.-  /.'//7/7 , 


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c^Cf'f^c- ^irnanr'  àcL^'df  y''-'  7n..'j'n//r7^fh!!J  nos  ûe/t 

'    •        ? 
i-ni(zc.  -t.  ri  nfûnjrinf  (^-/cn^!7J_  .'?  /.'7 rc  l  Ottn  i/nil  }/a/tJ 

-,  r  p  -t        X        ,.      '-    Y'     c:^   . 

can/i*!.t.  Jr  .  r,  ..,-■/  V  ./,///  l'.'my  ndr  t  ffc  /.u-n-'c/on  C/^Jïtf'^ 


/ 


o'i^t'^cy 


■'.!ii.'  'C  /.'.    /ta/ic-r  /  ^■y-f'''>t~--^ 


de  jours,  et  touchant  bientôt  soix"^  seize  ans,  je  désire  d'estre  dis- 
sous pour  estre  avec  Christ 

«  ...Que  faisons  nous  icy  bas  sinon...  voir  avec  sensible  déplaisir 
des  sujets  qui  nous  remplissent  d'afflictions,  ton  Église  foulée  aux 
pieds  de  les  ennemis,  tes  temples  et  tes  autels  démolis,  et  rasés,  tes 


DE    l'histoire    du    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  469 

troupeaux  et  pasteurs  épars  et  dissipés,  ton  St  nom  blasphémé,  ta 
vérité  opprimée  par  le  mensonge  et  exposée  en  opprobe.  Enfin, 
Seigneur  Dieu  grand  et  terrible,  nos  péchez  ont  attiré  ces  maux...  » 


Plus  loin,  Une  préparation  à  la  Communion  où  il  reparle  «de 
la  chute  mortelle  qui  m'arriva  il  y  a  deux  années  allant  à 
resglise  pour  partiel pper  à  la  communion...  comme  nous 
espérons  faire  demain  »  (il  faut  lire  dix  au  lieu  de  deux),  il 
ajoute...  «  il  y  a  longtemps  que  je  ressens  incessamment  des 
incommodités  et  petiltes  traverses  en  la  santé  de  mon  corps 
qui  à  présent  estant  entré  dans  la  quatrevingtiesme  année, 
semble  ne  devroit  [devoir]  estre  plus  cappable  d'exercer  le 
travail  qu'il  plaist  à  Dieu  me  donner  encore  les  moyens  de 
faire  pour  le  bien  de  ma  famille...  » 

A  la  fin  de  ces  si  touchantes  effusions  Paul  Pelitot,  fils  de 
Jean  a  raconté  ainsi  la  fin  de  la  vie  de  son  père  auquel  sa 
femme  survécut.  Ce  récit  est  suivi  d'une  longue  épitaphe 
latine  et  d'un  sonnet  français  assez  médiocre. 

Puisque  nostre  père  a  mis  dans  se  commensement  de  livres  une 
partie  de  ce  qui  luy  est  arrivé  pendens  sa  vie,  il  est  juste  que  nous  y 
ajoutions  ses  derniers  momens,  lesquelles  non  pas  esté  moins  pieux 
et  sains  que  pendans  sa  vie,  puisqu'il  n'a  james  eue  autre  chose  dans 
la  pensée  jusque  au  dernié  momens  de  sa  vie  que  de  donné  gloire 
à  Dieu  et  d'embrasser  son  sauveur  auquel  il  dit  pour  dernier  parolle 
«  vien  Sgr  Jésus,  vien;  vois  seigneur  Jésus  vien  bien  tôt  »;  après 
quoy  se  bon  sauveur  ressu  son  Esprit  lequel  il  rendy  après  quelque 
heures  d'agonnie,  qui  fut  lejeudy  troissième  avrille  1691  à  sept  heure 
du  soir;  et  a  esté  mis  le  samedy  scinquème  ditot  à  neuf  heures  du 
matin  dans  la  tombe  de  Mad^de  Blaunay  dans  l'Église  de  saint  Martin 
à  Vevay. 

Il  avait  quatre  vingt  et  quatre  ans  quent  il  est  mort  et  travalllet  le 
niardy  de  la  semaine  dans  laquel  il  est  desedé  le  jeudy,  au  portray 
de  nostre  mère,  qui  est  se  qu'il  a  toujours  demendé  à  Dieu  que  de 
pouvoir  travaillé  jusque  à  son  dernié  jour  ce  qui  luy  a  esté  acordé 
puis  qu'il  n'a  esté  qu'un  jour  malade.  » 

Entre  la  vitrine  qui  renfermait  ce  manuscrit  et  celle  où 
étaient  exposés  les  émaux  de  Petilot,  se  trouvait,  comme  on 


470  JUBILÉ    CINQUANTENAIRE    DE    LA    SOCIÉTÉ 

Ta  VU  plus  haut,  celle  consacrée  à  Palissy.  Nous  avons  eu  la 
bonne  fortune  de  pouvoir  y  placer  trois  des  plus  grands  bas- 
sins ovales  de  l'inventeur  des  rustiques  figulines  :  En  tout  pre- 
mier lieu,  une  variante  du  bassin  à  reptiles  qui  est  reproduit 
sous  le  n°2  dans  Monographie  de  r œuvre  de  Bernard  Palissy 
par  MM.  Carie  Delange  et  C.  Borneman,  avec  texte  par 
M.  Sauzay  et  M.  Henri  Delange,  Paris,  1862,  in-folio.  —  Ces 
bassins  servaient  dans  les  repas  du  xvi^  siècle  pour  se  laver 
les  mains;  Teau  qui  les  remplissait  y  faisait  valoir  les  reflets 
de  rémail  et  donnait  Tapparence  de  la  vie  aux  reptiles  et  aux 


poissons  qui  y  figuraient  moulés  sur  nature,  revêtus  de  leurs 
couleurs  vraies  et  entourés  des  plantes  communes  dans  les  ma- 
rais de  la  Saintonge.  Nous  avons  cité  en  premier  lieu  ce  bassin 
appartenant  aujourd'hui  à  la  baronne  Gustave  d'Adeswârd 
parce  qu'il  est  incontestablement  de  la  première  manière  de 
Palissy. 

A  sa  droite  se  trouvait  un  plat  plus  petit  du  même  genre, 
reptile  sur  fond  è/ez^,  appartenant  au  baron  Gustave  de  Roths- 
child ainsi  que  le  plat  à  gauche  du  premier  et  sur  lequel  était 
représenté  le  sacrifice  d'Isaac.  Le  grand  bassin  dans  l'angle 
supérieur  de  droite,  h  bords  évidés  pour  y  mettre  les  épices, 
est  le  n"  50  de  la  susdite  Monographie,  autrefois  à  M.  le  comte 


'"^Êii)^ 


472  JUBILÉ    CIXQUANTENAIRE    DE    LA    SOCIÉTÉ 

Dejean  et  aujourd'hui  à  M.  Georges  Berger,  député.  Il  repré- 
sente la  Fécondité.  Le  grand  bassin  à  gauche  était  le  n.  655 
du  catalogue  Spitzer,  représentant  le  baptême  du  Christ  en- 
touré d'une  bordure  à  coquillages  et  plantes  diverses,  et  ap- 
partient au  baron  et  à  la  baronne  Coche  de  la  Ferté.  Enfin, 
dans  le  haut  de  la  vitrine  il  y  avait  deux  assiettes  à  fruits  ou 
à  dessert.  Celle  de  gauche,  assez  profonde,  composée  d'or- 
nements ajourés  a  été  donnée  à  la  Bibliothèque  par  son  pré- 
sident. L'autre  est  une  variante,  mais  avec  des  couleurs  en- 
tièrement différentes,  du  plat  à  Mascarons  du  Louvre  (n.  32 
de  la  Monographie).  Il  provient  de  la  collection  Pouyer-Quer- 
tier  et  appartient  au  soussigné. 

Avant  de  passer  de  l'autre  côté  de  la  table  pour  examiner 
la  vitrine  qui  fait  face  à  celle  de  Palissy,  les  visiteurs  étaient 
invités  à  s'arrêter  devant  le  bureau  devant  lequel  se  trouvaient 
les  Bordier  et  Petitot,  et  sur  lequel  on  avait  mis  en  évidence 
deux  autres  œuvres  d'art  d'inégale  valeur  :  à  droite,  un  bas 
relief  en  marbre  de  40  centimètres  de  long  sur  36  de  hau- 
teur dont  voici  la  reproduction.  Nous  n'hésitons  pas  à  attri- 
buer cet  admirable  morceau  de  sculpture  à  Jean-Goujon, 
non  seulement  à  cause  du  sujet,  Diane  et  Actéon  —  on  sait 
que  Jean  Goujon  travaillait  pour  Diane  de  Poitiers,  —  mais 
surtout  à  cause  de  la  facture  particulièrement  achevée  de 
cette  œuvre.  Par  l'élégance  suprême  des  lignes,  le  fini  de 
l'exécution,  l'harmonie  de  l'ensemble  et  la  perfection  des  dé- 
tails, ce  petit  chef-d'œuvre  rappelle  les  parties  du  célèbre 
tombeau  des  ducs  de  Brézé  de  la  cathédrale  de  Rouen  qui 
sont  incontestablement  de  Jean  Goujon.  Il  en  existe  deux 
répliques, l'une  au  musée  deCluny  et  l'autre  au  château  d'Anet, 
mais  d'une  exécution  incontestablement  inférieure.  C'est 
M.  Paul  Garnier  qui  avait  bien  voulu  nous  prêter  ce  spécimen 
de  la  sculpture  de  la  Renaissance  digne  d'être  placé  à  côté 
de  la  tête  du  Christ  expirant,  de  Ligier  Richier,  fragment 
précieux  d'un  crucifiement  de  la  chapelle  des  princes  à  Saint- 
Maxe  de  Bar-le-Duc.  Ce  fragment  recueilli  à  l'époque  de  la 
Révolution  lorsque  cette  chapelle  fut  saccagée,  a  été  récem- 
ment acquis  pour  la  Société  par  son  président  et  avait  été 
placé  au  milieu  de  la  table  de  travail  (Voy.  Bull.  1895,  p.  510). 


DE  l'histoire  du  proteptantisme  français  473 

L'autre  objet  placé  sur  le  bureau,  à  gauche  du  bas-relief, 
était  un  ancien  miroir  avec  cadre  de  Boulle,  en  c  uivrc  ciselé 
et  incrusté,  à  rapprocher  d'une  horloge  également  de  Boulle 
qui  se  trouve  dans  la  salle  du  Conseil  de  la  Société.  On  sait 
que  celte  famille  d'ébénisles  célèbres,  oi'iginaire  du  canton 
de  Neuchàtel,  resta  prolestante  jusque  vers  l'époque  de  la 
liévocalion. 


Tout  près,  à  gauche,  au-dessous  du  portrait  de  Guizot  se 
trouvait  encore  une  viti'ine  isolée  qu'on  voit  fort  bien  sur  la 
photogravure  du  dernier  des  six  panneaux.  Elle  renfermait 
une  reproduction  en  galvanoplastie,  prêtée  par  le  musée  de 
Monlbéliard,  du  célèbre  bassin  et  de  l'aiguière  de  François 
Briot,  qui  sont  au  Louvre  et  à  Cluny.  On  sait  que  cet  artiste  de 
premier  ordre,  originaire  de  Damblainen  Bassigny,  se  réfugia 
à  Montbéliard  pour  cause  de  religion  et  y  exécuta  dans  le 
plus  pur  style  de  la  Renaissance,  des  œuvres  d'art  exlrême- 

LI.  —  33 


47^  JUBILÉ    CINQUANTENAIRE    DE    LA    SOCIÉTÉ 

ment  rares  et  recherchées*.  Sur  la  panse  de  l'aiguière  exposée 
on  voyait  en  relief  les  figures  de  la  Foi,  de  V Espérance,  et  de 
la  Charité;  au  centre  du  bassin  sous  lequel  l'artiste  a  mis  son 
portrait  avec  cette  légende,  Sculpebat  Franciscus  Briot,  celle 
de  la  Temperantia  et  autour  de  celle-ci  formant  le  fond,  dans 
des  cartouches  ovales  séparés  par  des  cariatides  ailées, les  qua- 
tre éléments,  Terra,  Aqua,  Aer,  Ignis.  Sur  le  bord,  aussi  dans 
des  cartouches  ovales  séparés  les  uns  des  autres  par  des 
mascarons  et  des  oiseaux  entourés  comme  d'ailleurs  toutes 
les  figures,  d'arabesques,  à  la  suite  de  Minerva,  les  sept  dis- 
ciplines, Grammatica, Dialectica,  Rhetorica,  Miisica,  Arithme- 
tica,  Geometria,  Astrologia.  Ce  François  Briot  était  proche 
parent  de  Nicolas  Briot  inventeur  du  balancier  monétaire  et 
de  Didier  Briot,  maître  de  la  monnaie  à  Sedan.  A  la  même 
famille,  sans  doute,  appartenait  Isaac  Briot  dont  une  gravure 
représentant  le  buste  de  Louis  XIII  au  milieu  d'un  motif  d'ar- 
chitecture et  signé  I.  Briotyec/M618,  se  trouvait  à  gauche  au- 
dessous  du  portrait  de  Gambs  et  nous  avait  aussi  été  prêtée 
par  le  musée  de  Montbéliard^. 

Le  reste  de  la  vitrine  renfermant  le  bassin  et  l'aiguière 
était  rempli  par  des  dentelles,  cinq  échantillons  divers  de 
vieux  points  d'Alençon.  C'est,  en  effet,  une  huguenote, 
Marthe  Barbot,  veuve  de  Michel  Mercier  sieur  de  la  Perrière, 
chirurgien  à  Alençon,  qui  créa  vers  1650  ce  qu'on  appelait 
alors  le  vélin  ou  point  d'Alençon,  c'est-à-dire  une  imitation  du 
célèbre  point  de  Venise.  Les  apprenties  qu'elle  forma  devin- 
rent les  premières  ouvrières  des  manufactures  de  point  de 
France  que  Colbert  établit  ensuite  à  Alençon  où  l'on  ne  fai- 
sait jusque-là  que  du  point  de  coupé.  Cette  industrie  d'art 
destinée  à  faire  concurrence  à  celle  dont  Venise  avait  en 
quelque  sorte  le  monopole,  fut  presque  exclusivement  entre 
les  mains  des  protestants.  La  Révocation  la  tua  comme 
beaucoup  d'autres.  Voici,  en  effet,  ce  qu'on  lit  dans  un  rap- 
port de  l'intendant,  M.  de  Pommereu,  en   1698  :   «  En  1686 

1.  \'oy.  A.  Tucley,  Le  graveur  Lorrain  François  Briot,  1887. 

2.  Cette  gravure  ne  figure  pas  dans  la  liste  de  celles  que  donne  la 
France  protestante,  111,  158,  dont  l'article  consacré  à  Frant;ois  devra  être 
complété  et  rectifié  par  la  brochure  de  M.  Tuctey. 


DE    l'histoire    du    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  475 

«  près  de  4000  réformés  travaillaient  aux  dentelles  d'Alen- 
«  çon  ;  tous  s'enfuirent  et  passèrent  en  Hollande  et  en  An- 
«  gleterre  avec  leurs  effets  qui  consistaient  uniquement  en 
argent  et  marchandises  qu'ils  ont  vendues  »  (cité  par  le 
Magasin  pittot'esque  49'  année,  p.  295).  Il  n'y  a  plus  aujour- 
d'hui qu'une  seule  maison  qui  exploite  cette  industrie  à 
Alençon.  Les  échantillons  de  point  de  France  ancien  sont 
fort  peu  communs.  Mme  Woernitz  (5  rue  Castiglione)  a  bien 
voulu  nous  prêter  ceux  que  nous  avions  exposés*. 

Puisque  nous  venons  de  citer  une  gravure  d'Isaac  Briot, 
mentionnons  ici  aussi  une  petite  peinture  de  Sébastien  Bour- 
don, appartenant  a  M.  F.  de  Schickler,  qui  se  trouvait  à  côté 
de  l'autobiographie  de  Pelitot  —  et,  un  peu  plus  loin  que  le 
dessin  de  J.  B.  Massé,  quatre  gravures  d'Abraham  Bosse, 
don  de  M.  F.  de  Schickler.  Les  deux  premières  représen- 
taient le  départ  et  le  retour  de  VEnfant  prodigue  accom- 
pagnées de  quatrains  dans  le  goût  du  temps,  comme  celui-ci  : 

O  qu'on  souffre  ici  bas  de  pénibles  travaux  ! 
Espineux  rejetions  de  l'humaine  faiblesse; 
Que  noire  espoir  est  vain  et  que  l'homme  a  de  maux, 
Quand  il  suit  les  humeurs  de  sa  folle  jeunesse!... 

On  saitque  cet  artiste  dont  les  œuvres  sont  encore  recher- 
chées à  cause  des  renseignements  qu'elles  fournissent  sur 
les  mœurs  et  le  costume  du  temps  de  Louis  XIll,  s'inspirait 
volontiers  de  l'Evangile,  et  fut,  en  France,  un  des  créateurs  de 
la  peinture  de  genre.  Les  deux  autres  estampes  ont  comme 
sous-titre,  la  Bénédiction  de  la  Table  et  Visiter  les  Malades. 
Dans  chacune  d'elles  on  voit  le  Décalogue  affiché  en  bonne 
place  sur  le  mur  de  la  chambre. 

Nous  voici  arrivés  à  la  vitrine  en  face  des  Palissy.  On  y 
avait  mis  d'abord  six  plaques  en  émail  de  Léonard,  Limousin. 
Quatre  d'entre  elles,  d'une  grandeur  ou  d'un  éclat  inusités 
nous  avaient  été  obligeamment  prêtées  par  le  baron  et   la 

1.  Voy.  Mme  G.  Despierres,  Histoire  du  Point  d' Alençon,  oùV  on  ne  voit  que 
dans  la  Table,  à  propos  de  la  date  du  décès  de  Marthe  Barbot  (12  jan- 
vier 1677),  qu'elle  était  prolestante. 


476  JUBILÉ    CINQUANTENAIRE    DE    LA    SOCIÉTÉ 

baronne  Coche  de  la  Ferlé,  savoir  le  portrait  de  François  I" 
(n»  483  du  cat.  Spilzer),  le  Christ  et  la  Vierge  (Ibid.  n°  475), 
le  baiser  de  Judas  {Ibid.  n"  476),  et  V Ascension  du  Christ  [Ibid. 
n"  432).  M.  Paul  Garnier  avait  bien  voulu  nous  laisser  empor- 
ter de  chez  lui  une  plaque  ronde  (215  mm.  de  diamètre)  en 
grisaille,  re[)résenlant  Hercule  tirant  sur  le  centaure  Nessus 
qui  enlève  Déjanire,  et  signée  L.  L.  Enfin  M.  Chabrières  nous 
avait  apporté  un  ancien  cadre  en  bois  doré  entourant  huit 
plaques  d'émail  gris  illustrant  VOraison  dominicale.  On  sait 
que  François  I"  donna  à  Léonard  Limousin  la  direction  de  la 
manufacture  d'émaux  fondée  par  lui  à  Limoges  et  le  litre  de 
peintre  émailleur  du  roi.  On  savait  aussi  que  d'après  une 
tradition  ancienne  cet  artiste  qui  vivait  encore  dans  la  seconde 
moitié  du  xvi^  siècle  était  prolestant,  mais  jusqu'ici  rien  n'était 
venu  corroborer  celte  tradition.  Or  elle  est  incontestablement 
précisée  par  le  fait  que  plusieurs  émaux  de  Limoges  sont  des 
portraits  de  Réformateurs*,  par  le  caraclère  nettement  évan- 
gélique  de  la  plupart  des  sujets  empruntés  à  l'Histoire  sainte, 
et  surtout  par  cette  série  illustrant  l'oraison  dominicale.  Il 
suffit  en  effet  d'attirer  l'attention  sur  ce  prédicateur  de  la 
Parole  servant  d'illustration  à  la  requête  du  pain  quotidien, 
ou  sur  le  (Ihrist  recommandant  à  deux  prisonniers  —  pourquoi 
pas  des  prisonniers  pour  la  Parole? —  le  pardon  des  offenses, 
pour  se  sentir  transporté  dans  un  milieu  essentiellement 
huguenot.  Bien  que  ce  tableau  destiné  évidemment  à  être  un 
ornement  domestique  soit  presque  unique,  il  en  a  pourtant 
paru  à  la  vente  Stein  un  autre,  constituant  une  variante  du 
premier,  mais  sans  doute  due  au  même  artiste  et  prouvant  que 
diverses  œuvres  de  ce  genre  sortaient  des  ateliers  de 
Limoges-. 

A  gauche  des  émaux  nous  avons  pu  mettre,  grâce  à  M.  Paul 
Garnier  et  à  M.  Th.  Dufour,  une  série  de  montres  du  xvi''  et 
du  xvn*  siècle.  L'une  des  premières  était  un  mouvement  signé 
Cusin,  de  Nevers.  On  sait  qu'un  horloger  prolestant  de   ce 

1.  \"oy.  entre  autres,  Bull.  1893,  544  et  1894,  444. 

2.  Grâce  à  l'obligeance  de  M.  Duseigneur,  j'ai  sous  les  yeux  une  photo- 
graphie de  cet  émail.  Les  sujets  sont  identiques  à  ceux  du  tableau  de 
M.  Chabrières  qu'on  verra  plus  loin,  mais  autrement  traités. 


DE  l'histoire  du  protestantisme  français  477 

nom  doit  avoir  inlroduit  cet  art  à  Genève.  Les  boîtiers  de 
plusieurs  autres  avaient  été  gravés  par  Etienne  Delaulne  et 
par  Th.  de  Bry  ainsi  qu'il  était  facile  de  le  voir  par  les  gra- 
vures signées  de  ces  artistes  et  placées  à  côté  des  montres. 
Enfin  il  y  en  avait  une  à  l'intérieur  de  laquelle  se  voyait  le 
tournesol  entouré  de  la  devise  de  Marguerite  d'Angoulôme 
NON  iNFERioRASEQcoR,  plus  dcux  OCentrclacés  de  chaque  côté 
de  la  lige  du  tournesol  et  au-dessus  deux  fermesses  {Bull. 
1902,  p.  36.  —  Serait-ce  une  montre  donnée  par  Margue- 
rite à  son  premier  mari,  Charles,  duc  d'Alençon?);  —  et  une 
autre  en  forme  de  fleur  de  lys  dont  le  mouvement  était  signé 
/.  Dracque  à  Anerac,  et  qui  avait  peut-être  appartenu  à 
quelque  reine  de  Navarre.  —  Dix  autres  montres  appartenant 
aussi  à  M.  P.  Garnier  étaient  recouvertes  de  peintures  en 
émail,  généralement  des  sujets  mythologiques,  exécutées 
par  les  frères  //z^^w/f  réfugiés  à  Berlin  et  par  leur  père.  Il  y 
avait  aussi  une  montre  à  boîtier  ciselé  en  or  de  diverses 
couleurs  signée  Be?-thoud.  —  M.  Th.  Dufoury  avait  joint  1°  une 
montre  de  forme  sphérique,  le  cadran  et  le  mouvement 
disposés  entre  deux  grenats  taillés  en  coquille,  à  monture 
décorée  de  petits  émaux  cloisonnés,  signée  AbrahamCailliatte 
(Genève  1642-1710);  2°  quatre  autres  montres  du  xvni'^  siècle, 
dont  deux  en  or  ciselé  de  plusieurs  couleurs,  signées  Bordier 
à  Genève,  et  deux  signées  Gibolet,  puis  Roman,  Melly  e\.  Roux 
à  Constance. 

Nous  passons  maintenant  la  plume  à  M.  F.  de  Schickler  : 


Autographes. 

Deux  vitrines  avaient  été  réservées  aux  autographes  :  il 
eût  fallu  trois  ou  quatre  fois  autant  d'espace  pour  donner 
une  idée  quelque  peu  exacte  de  ce  qu'en  possède  déjà  la 
Bibliothèque.  On  a  dû  se  contenter  de  montrer  des  docu- 
ments historiques  de  première  importance,  et  quelques  lettres 
ou  signatures  de  protestants  célèbres,  en  plus  de  celles 
exposées  sous  les  portraits  de  Coligny,  Odet  de  Ghatillon, 
Henri  IV,  Brousson,  Paul  Rabaut,  Mme  Calas  et  Sirven. 


478  JUBILÉ    CINQUANTENAIRE    DE    LA   SOCIÉTÉ 

La  pièce  la  plus  ancienne  était  une  des  trois  lettres,  en 
français,  de  Farel  au  chevalier  Nicolas  d'Esch,  retrouvées 
à  Nancy  et  publiée  en  1876  dans  le  Bulletin  par  M.  Hermin- 
jard  qui  insistait  sur  la  vive  lumière  dont  elles  éclairent  une 
période  peu  connue  du  développement  du  Réformateur.  La 
datant  de  Strasbourg,  31  juillet  1525,  Farel  y  sollicite  des 
détails  sur  la  mort  de 

«  ...deux  vrays  martyrs  de  Jésus,  Jehan  Chastellain  et  le  curé  de 
S'  Hippolyte  (Wolfgang  Schuch),  despuys  qu'on  les  print  jusques 
au  dernier  soupir,  en  déclarant  purement  et  simplement  comment  . 
on  a  procédé  contre  eux.  Ce  sont  choses  que  ne  doivent  estre 
cachées,  afin  qu'on  cognoisse  le  droict  et  le  tort,  tant  d'ung  costé 
que  de  l'autre,  sans  favoriser  à  personne;  ce  que  demandent  ceux 
qui  aiment  la  vérité...  » 

Mennent  ensuite  :  novembre  1540,  lettre  de  Mélanchton 
envoyant  à  un  ami  cinq  lignes  autographes  de  Lz^f/zer,  encore 
collées  en  haut  de  la  page  {Bull.  XLVI,  117)  et  un  manuscrit 
autographe  de  Luther,  dont  voici  le  début. 

I  <^  7 

» 

C'est  une  réponse  à  une  question  qu'on  lui  avait  adressée 
à  propos  de  la  peste  qui  sévit  à  Breslau  en  1525  :  Si  Von  doit 
fuir  devant  la  mort?^. 

1557.  Lettre  de  Renée  de  France  à  son  mari  le  duc  de  Fer- 

i.  Ce  manuscrit  avait  été  donné  à  Talleyrand  et  par  celui-ci  à  la 
duchesse  de  Gouriande  qui  le  donna  en  1817  à  lÉglise  luthérienne  de 
Paris.  Il  vient  d'être  publié  dans  le  tome  XXIIl  de  la  nouvelle  édition  des 
œuvres  de  Luther. 


DE    l'histoire    du    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  479 

rare.  —  1562,  30  janvier,  signature  autographe  de  Calvin  au 
bas  d'une  réponse  à  l'Église  de  Blois  demandant  un  pasteur. 


1562,  19  mars,  Orléans.  Louis  de  Bourbon  au  roi  Antoine  de 
Navarre.  Au  moment  où  ce  dernier  écoule  déjà  les  promesses 
des  Guise,  Condé  au  contraire  lui  dénonce  les  récents 

«  meurtres  et  carnages  que  l'on  commet  en  plusieurs  endroits  de 
ce  Royaume  sur  une  infinité  de  pauvre  peuple  désirant  vivre  selon 
la  pureté  de  l'Évangile,  au  mépris  et  conlemnement  des  ordres  du 
Roy,  et  les  remèdes  tant  froids  et  peu  convenables  y  être  appli- 
qués. Je  n'ai  peu  pour  mon  devoir  moins  faire  que  d'en  avertir  la 
Royne  et  vous,  affin  d'y  pourvoir  et  avecques  cela  vous  dire  que  si 
telles  indignités  sont  plus  guères  longuement  tollérées  et  souf- 
fertes, la  patience  dont  jusques  ici  il  à  été  si  doulcement  usée,  se 
convertira  en  si  grand  rage  et  fureur,  et  de  cette  fureur  s'en  ensui- 
vra telle  désolation  qu'il  sera  par  après  possible  trop  tard,  ou 
pour  le  moins  fort  malaisé  à  y  donner  ordre;  car  voyant  l'extrémité 
à  laquelle  tous  ces  patients  sont  réduits  c'est  les  faire  proposer 
des  desseins  tendant  à  une  revenche,  si  qu'il  est  à  craindre  que 
désespoir  en  cet  endroict  surmonte  la  raison  et  pour  ce  que  par  la 
lettre  que  j'en  escriptz  à  Sa  Majesté,  et  le  discours  de  la  piteuse 
tragédie  de  Sens,  nous  serviront  d'une  suffisante  instruction,  je 
ne  m'estendray  plus  avant  en  ce  propos...  » 

On  le  sent  l'ère  des  guerres  civiles  va  commencer.  —  La 
seconde  se  termine  par  le  traité  de  Lonjumeau  et  l'Édit  de 
Paris,  23  mars  1568,  dont  l'acte  original,  signé  de  Charles  IX, 
muni  du  sceau  et  de  l'enregistrement  par  le  Parlement  de 
Paris,  27  mars,  figurait  à  l'Exposition. 


482  JUBILÉ   CINQtjANTENAlRE    DE    LA    SOCIÉTÉ 

Cette  paix  dura  peu  :  huit  mois  plus  tard  la  guerre  civile 
reprenait  jusqu'à  Tédit  d'août  1570,  édit  favorable  aux  pro- 
testants, mais  auquel  plusieurs  d'entre  eux,  et  non  des  moins 
considérables,  hésitaient  à  se  fier,  ce  dont  témoigne  un  de 
nos  documents,  les 

Responses  et  articles  baille^  par  MM,  les  princes  de  Navarre  et 
de  Condé  à  M.  le  Maréchal  de  Cossé  après  que  M.  le  Maréchal  eut 
fait  entendre  à  la  Reine  de  Navarre,  Messieurs  les  'Princes  et  autres 
Seigneurs  qui  sont  près  d'eux  la  bonne  volonté  du  Roy  sur  l'entière 
et  étroite  observation  de  son  Edit.  La  Rochelle,  l^""  janvier  1571, 
5  pp.  in-fol.  signées,  Henry  (de  Navarre)  et  Henry  de  Bourbon. 

La  Saint-Barthélémy  ne  justifie  que  trop  ces  défiances. 
Quatre  mois  après  le  massacre,  Charles  IX  engageait  les  Pro- 
testants à  réintégrer  leurs  foyers,  par  des  Lettres  Patentes 
de  déc.  1573.  L'exemplaire  exposé  est  celui  envoyé  à  la  pro- 
vince du  Berry;  il  porte  sur  sa  grande  feuille  de  parchemin 
la  signature  du  roi.  (Cf.  Bull,  1890,  415.) 

Presque  au  même  moment,  novembre  1572,  La  Noue  écri- 
vait de  La  Rochelle  à  M.  de  Gadagne  la  lettre  aut.  signée 
reproduite  dans  le  Bulletin  (XLIV,  477),  dans  laquelle  il  rend 
compte  des  hésitations  des  habitants  à  entrer  en  pourpalers 
en  vue  d'un  accord,  «  ayant  entendu  l'accident  de  Sancerre 
qui  a  failli  être  reprise  pendant  qu'on  traitait  ». 

Au  règne  de  Henri  III  se  rapportait  une  copie,  munie  des 
signatures  du  roi  et  de  Brulart,  de  VEdit  de  Poitiers,  31  août 
1577;  à  celui  de  Henri  IV,  les  Actes  originaux  des  Assem- 
blées politiques  de  Saumur  1595,  Loudun  1596  et  Chàtelle- 
rault  1597;  on  y  peut  retrouver  toute  la  genèse  de  l'édit  de 
Nantes  et  il  serait  superflu  d'en  faire  ressortir  l'exception- 
nelle valeur.  Signalons,  entre  autres,  le  Règlement  des  Eglises 
Réformées  de  France,  reveu  et  arresté  eitV Assemblée  générale 
tenue  à  Chatellerault  pour  faciliter  rexécution  de  VEdit  et 
autres  choses  qui  nous  seront  accordées  en  conséquence  d'icetuy 
par  S.  M.,  en  39  articles  avec  les  signatures  des  17  dépu- 
tés des  provinces,  dont  La  Noue  et  Duplessis  Mornay  (Cf. 
Bull.,  1898,  311). 


DE    l'histoire    du    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  483 

De  ce  dernier  la  Bibliothèque  possède  un  dossier  de  plus 
de  mille  pièces;  il  en  a  été  extrait  une  lettre  aut.  signée 
adressée  à  sa  femme,  du  22  févr.  1595,  à  laquelle  faisait  pen- 
dant une  de  Charlotte  Arbaleste  du  2G  nov.  IGOl.  Il  faudrait 
pouvoir  citer  en  entier  les  deux  de  Catherine  de  Bourbon,  la 
sœur  de  Henri  IV.  Dans  la  première,  Pau,  2  i  janvier  1590, 
lettre  dictée  et  signée,  elle  intercède  en  faveur  de  deux 
jeunes  écoliers  poursuivis  par  la  Cour  du  Parlement  de  Bor- 
deaux pour  quelques  paroles 

«  qu'on  prétend  par  eulx  avoir  esté  advancées  sur  le  sujet  de  la 
religion  :  le  jugement  ne  peut  estre  que  dangereux  en  ce  temps, 
d'aullant  que  s'il  est  doux,  les  esprits  plus  mutins  du  peuple  ne 
seront  davantage  contens,  et  s'il  est  au  contraire  suivi  de  quelque 
sévérité  il  attire  avec  soy  de  grans  mescontentemens  et  remet,  assez 
mal  à  propos,  les  questions  plus  fâcheuses  de  ce  temps,  jusqu'à 
donner  coup  aux  choses  qu'il  faut  espargner  ou  desguiser,  en  atten- 
dant le  commun  consentement  qui  pourra  estre  entre  ceuls  auxquels 
la  décision  de  nos  misères  sera  commise  ». 

La  seconde,  enlièrement  autographe  (avec  cachets  et  cires), 
est  adressée  au  maréchal  de  Bouillon: 

«  Sy,  non  seullement  mon  bien  mais  ma  vie  même  pouvait  servir 
à  l'avancement  de  la  gloire  de  Dieu,  je  les  emploierois  avec  beau- 
coup de  contentement...  Au  reste  l'on  m'a  dit  que  l'on  fait  courir  le 
bruict  en  Guyenne  que  j'ay  esté  à  la  messe;  ça  donc  esté  de  celle 
de  MM.  de  Montigny  et  de  la  Faye.  Obligez-moi  de  répondre  pour 
moi  que  je  suis  résolue  de  vivre  et  mourir  en  la  religion  que  seule 
je  crois  et  reconnois  pour  bonne  et' que  les  tourmans  ny  les  gran- 
deurs ne  pourront  jamais  avec  l'ayde  de  Dieu,  esbranler  ma  foy. 
Voylà  la  plus  ferme  résolution  que  j'aye...  » 

Au  xvi^siècle  appartiennent  encoreunedenos  quatrelettres 
de  Théodore  de  Bèze,  celle  du  3  janvier  1588  aux  pasteurs  de 
Berne  sur  les  troubles  de  Strasbourg,  2  pages  lat.  in-fol.  aut. 
signées  avec  cachet  (les  autres  sont  des  i9  nov.  1573, 
26  juin.  1583,  28  mai  1599). 

Le  dix-septième  figure  d'abord  par  une  pièce  théologique, 


48»  JUBILÉ    CINQUANTENAIRE    DE    LA    SOCIÉTÉ 

V Accord  fait  entre  MM.  Dumoulins  et  Tilénus,  15  ocl.  1614, 
écrit  de  la  main  d'André  Rivet  et  signé  de  lui,  des  deux  con- 
troversistes,  de  Ph.  de  Mornay,  de  Jan  Fleury,  chargés  par 
le  Synode  National  de  Tonneins  «  de  composer  le  différent 
sur  la  doctrine  des  effets  de  l'Union  hypostatique  des  deux 
natures  en  Christ  ». 

Delà  même  époque,  une  letlre  autographe  signée  de  Casau- 
bon  à  de  Thou.  Londres,  23  sept.  4611.  «  Ego  miserrimam 
vivo  vilam,  sine  libiis,  sine  sludiis  et  fere  Regem  sequens^»; 
une  aut.  sig.  de  Lesdiguiéres  à  la  Force,  6  sept.  1611  ;  une  de 
Catherine  de  Parthenay  à  Du  Plessis,  lui  donnant  des  nou- 
velles et  sollicitant  l'envoi  de  devises  «  pour  les  carrés 
c|u'elle  brode  pour  Fentouragc  d'un  lit  »  ;  et,  de  nos  six  lettres 
de  Henri  de  Rohan,  celle  au  duc  de  la  Force  datée  de  Sl-Jean, 
3  janvier  1617,  1  page  in-fol.  aut.  sig.,  au  sujet  des  «  Princes 
mécontents  qui  se  sont  trompés  si  souvent  les  uns  les  autres 
qu'il  ne  croit  plus  qu'ils  puissent  se  fier  les  uns  des  (aux) 
autres  »,  et  de  M.  de  Lesdiguiéres  qui  est  un  «  brave 
bonhomme  ».  Il  termine  par  ces  mots  : 

«  Pour  moy,  je  suis  résolu  comme  Bartole  de  demeurer  allaché 
au  service  du  P»oy  et  rien  ne  peut  me  destacher  que  la  persécution 
contre  ceux  de  la  Religion.  Car  en  ce  cas  il  faut  tout  quitter  pour 
la  gloire  de  Dieu;  voilà  ce  que  je  scay...  ». 

C'est  le  moment  où,  fidèle  à  sa  parole,  il  restait  complète- 
ment étranger  aux  mouvements  des  princes  et  empêchait  les 
Protestants  du  Limousin  de  se  joindre  à  eux.  A  côté  du  grand 
capitaine  rappelons  le  grand  marin  huguenot. Des  deux  lettres 
de  Duquesne  la  plus  intéressante  était  prêtée  par  la  munici- 
palité de  Dieppe.  Se  justifiant  de  divers  reproches  et  cri- 
tiques, il  écrivait  à  Colbert  le  12  novembre  1669  ces  lignes 
(jui  montrent  que  déjà  quinze  ans  avant  la  Révocation  on 
avait  commencé  à  le  desservir  en  haut  lieu  : 

...Ainsi,  Monseigneur,  je  croy  que  cesle  mescliante  opinion  que 

1.  «  Je  vis  la  vie  la  plus  misérable,  sans  livres,  sans  éludes,  suivant 
d'ordinaire  le  roi.  » 


DE    l'histoire    du    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  485 

VOUS  avez  eue  de  moy  vous  a  esté  portée  loul  de  nouveau  par 
quelque  mauvais  offices  que  m'ont  rendus  des  gens  à  qui  le  peu  de 
lumière  que  j'ay  de  la  marine  et  l'intégrité  de  ma  conduite  font 
continuellement  ombrage...  Le  Roy  est  mal  satisfait  de  moy,  dont 
je  seray  le  reste  de  ma  vie  inconsolable  sy  vous  n'avez  la  bonté 
d'examiner  et  goutter  mes  justes  raisons,  puisque  sans  cela,  oustré 
de  doulleur  que  je  suis,  je  ne  pouray  que  me  persuader  que  vous 
désirez  à  l'avenir  vous  desfere  de  moy  quy  ne  pouray  pas  sur- 
monter le  desplaisir  que  j'en  ressentiray  *  »... 

La  Bibliothèque  jDossède  plusieurs  recueils  manuscrits 
des  Actes  des  Synodes  Nationaux  :  celui  placé  dans  la  se- 
conde vitrine,  un  petit  in-4°,  est  tout  entier  de  la  main  de 
Pierre  Ferry,  le  frère  du  célèbre  ministre  de  Aletz.  Citons, 
parmi  les  lettres  de  pasteurs  de  cette  époque,  une  de  Daillé 
à  Rivet,  Paris,  6  juillet  1634,  exprimant  ses  craintes  pour  la 
santé  de  Saumaise;  une  de  Claude,  Paris,  17  mai  1678,  alors 
que  la  persécution  s'accentue,  recommandant  à  Tronchin,  de 
Genève,  «  deux  hommes  avec  leurs  femmes,  de  Rochefort, 
qui  sont  obligez  de  se  retirer  hors  du  royaume,  pour  pouvoir 
faire  la  libre  profession  de  nostre  religion  »,  et  une  de  Jurieu 
à  Guillaume  III,  18  août  1696,  6  pages  petit  in-4'',  sollicitant 
l'intervention  des  puissances  prolestantes  pour  plaider  dans 
les  négociations  de  paix  qui  se  préparent,  la  cause  de  leurs 
coreligionnaires  de  France. 

«  J'importune  A'ostre  Maiesté,  vaincu  par  les  prières  instantes  et 
redoublées  d'un  grand  nombre  de  personnes,  comme  sont  tous  les 
Pasteurs  Réfugiez  en  corps  qui  sont  dans  \'ostre  Royaume  d'An- 
gleterre et  ceux  de  Suisse  et  d'Allemagne.  Tous  ces  honnestes  gens, 
scachant  que  V.  ^L  a  la  bonté  de  m"escouter,  m'ont  escrit,  et 
souhaittent  que  j'aille  porter  à  vos  pieds  leurs  larmes  et  très  hum- 
bles prières  dans  la  circonstance  présente.  Ils  voyent  que  les  af- 


1.  Nous  devons  la  copie  de  cette  lettre  que  .M.  Coche,  maire  de  Dieppe 
a  bien  voulu  nous  apporter  en  personne,  à  M.  Milet,  bibliothécaire  de  la 
ville  de  Dieppe  que  nous  remercions  de  son  obligeance.  Le  reste  de  la 
lettre  se  trouve  dans  Jal,  Abraham  Duquesne,  \,  566,  à  qui  .AL  Laverdet 
avait  communiqué  cette  lettre  avant  quelle  lut  vendue.  Un  fac-similé  de  ia 
signature  de  Duquesne  se  trouve  dans  le  Bulletin  1894,  306. 


486  JUBILÉ    CINQUANTENAIRE    DE    LA   SOCIÉTÉ 

f  aires  tendent  à  une  paix  générale  et  on  s'efforce  de  leur  persuader 
que  dans  celte  paix  du  monde  ils  ne  trouveront  pas  la  paix  de  celte 
Église  persécutée  dont  ils  sont  les  débris.  Sire,  vous  aurez  la  bonté 
de  pardonner  à  tant  de  misérables  qui  languissent  loin  de  leurs 
autels  et  de  leurs  maisons,  et  surtout  de  tant  d  âmes  captives  en 
France  sous  le  joug  de  la  superstition  et  de  la  persécution.  Je  ne 
réponds  à  tout  ce  qu'on  m'escril  et  à  tout  ce  qu'on  me  demande  là- 
dessus  qu'en  termes  généraux.  » 

De  Bayle,  deux  lettres,  la  jîremière  écrite  à  son  père,  le 
7  avril  1665,  se  plaignant,  comme  étudiant  à  l'Académie  de 
Puylaurens,  d'être  sans  argent  (il  n'a  plus  de  chandelle,  son 
habit  se  déchire)  :  «  les  fidèles  de  Privas  ont  été  cruelle- 
ment persécutés  de  nouveau  »;  l'autre,  après  la  Révoca- 
tion, épître  toute  littéraire  adressée  de  Rotterdam  à  l'abbé 
Nicalse. 

L'Église  sous  la  Croix  est  représentée  tout  d'abord  par  le 
trésor  le  plus  précieux  sans  doute  de  la  Bibliothèque,  le 
fragment  d'Écrou  des  Chiourmes  de  Marseille,  1702-1703,  re- 
trouvé en  1846  à  Toulon  par  l'amiral  Baudin  et  où  sont  ins- 
crits, confondus  avec  les  plus  vils  criminels,  vingt-deux  in- 
fortunés, dont  quelques-uns,  âgés  de  18,  de  16,  de  15  ans, 
condamnés  aux  galères  à  vie,  uniquement  pour  avoir  assisté 
à  des  cultes  au  Désert  {Bull.,  I,  p.  52  à  58). 

Auprès  de  ce  registre,  témoignage  irrécusable  de  l'impi- 
toyable fanatisme  des  persécuteurs,  de  Théroïsme  des  con- 
fesseurs de  l'Évangile,  se  placent  :  le  Recueil  origmal  des 
Actes  des  Synodes  tenus  au  Désert  du  Haut-Languedoc  :  à 
l'une  de  ses  pages  jaunies  il  porte,  au  milieu  des  signatures 
pastorales,  celle  du  dernier  martyr,  Louis  Rochette,  apposée 
quelques  mois  seulement  avant  son  supplice;  puis  une  Litur- 
gie à  Vu:[age  d'un  pasteur  exersant  le  ministère  évangélique  en 
France  sous  la  Croix  des  afflictions;  composée  par  M.  Paul 
Marazal  et  pour  luy-mesme,  au  Dézert  en  1761  (don  de  M.  Teis- 
sier  d'Aulas),  petit  volume  dont  la  reliure  de  basane  porte 
les  traces  des  épreuves  qu'il  a  traversées;  —  un  des  Carnets 
de  poche  sur  lesquels  Paul  Rabaut  consignait  les  faits  relatifs 
à  la  religion  auxquels  il  prenait  part  ou  qui  se  passaient  dans 


DE    l'histoire    du    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  'i87 

le  Languedoc  de  1750  à  1756 ^  Enfin  un  recueil  des  lettres 
écrites  et  datées  de  la  Tour  de  Constance  par  Marie  Durand 
et  l'autobiographie  de  Jean  Fabre,  Thonnète  Criminel. 


Ce^TA  ft€-^i^^  /7^Y 


Nous  nous  arrêtons  au  seuil  du  xix^  siècle  avec  un  petit 
billet  d'Oberlin,  remerciant  le  citoyen  François  Reber,  de 
Sainte-Marie-aux-Mines,  d'une  «  serre  de  Homar,  que  vous 
avez  vuidée  sur  le  vaisseau  devant  Christiansand  en  Nor- 
vège »,  8  juillet  1802,  billet  prêté  par  M.  le  pasteur  Goguel 
d'Épinal,  et  le  curieux  document  cité  par  M.  Weiss  dans  sa 
conférence  sur  le  Centenaire  de  la  loi  de  Germinal  :  c'est  la 
lettre,  Paris,  9  floréal  an  XI,  du  «  Conseiller  d'État  chargé 
de  toutes  les  affaires  concernant  les  cultes  »,  Portalis,  au 
Premier  Consul  Bonaparte,  mettant  sous  ses  yeux  et  «  sou- 
mettant à  sa  profonde  sagesse  l'apperçu  général  de  ce  que 
pourra  coûter  la  dépense  du  culte  protestant,  330,000  francs 
pour  220  ministres  ». 

Ce  sont  les  temps  nouveaux  qui  s'annoncent. 

Le  Comité  a  regretté  de  ne  pouvoir  détacher  de  ses  re- 
cueils reliés,  surtout  des  deux  volumes  in-folio  de  la  collec- 
tion Labouchère,  plusieurs  autographes  de  choix  qui  eussent 

1.  Voy.  Bulletin,  XXVII,  113,  leur  transcription  par  M.  William  Martin, 
aux  soins  éclairés  et  dévoués  duquel  la  BiblioLhéciue  doit  la  classilication 
méthodique  et  l'analyse  de  l'admirable  collection  des  papiers  Rabaut, 
léguée  par  M.  Ath.  Coquerel  fils. 


488  JUBILÉ    CINQUANTENAIRE    DE    LA    SOCIÉTÉ 

singulièrement  complété  cette  exposition  rétrospective.  Ainsi 
une  épître  de  Zwingli  à  Vadian,  13  octobre  1530,  une  de 
Luther,  20  septembre  1535,  de  Farel  à  Hugon,  deux  de  Cal- 
vin, 13  juin  1542  et  14  mai  1545,  deux  de  Mélanchton,  12  juil- 
let 1546,  12  février  1552,  des  signatures  de  Viret  et  de  ses 
collègues  de  Lyon,  de  Ramus,  d'Ambroise  Paré  (Voy.  plus 
haut),  une  missive  de  Coligny  à  Jeanne  d'Albret  et  deux 
d'elle  à  Charles  IX,d'aulres  lettres  encore  de  Jeanne  cf  Albret, 
la  Noue,  Claude  de  la  Trémoïlle,  Caumont  La  Force,  le  duc  de 
Bouillon,  Louise  de  Coligny,  Turenne;  des  correspondances 
reçues  par  le  pasleur  Ferry  de  Metz,  et  celles  des  pasteurs 
du  Désert,  sources  de  premier  ordre  pour  Thisloire  de  la 
restauralion  et  de  la  réorganisation  des  Églises  Réformées 
de  France.  F.  de  Schickler. 

A  cette  série  d'autographes,  il  faut  en  ajouter  trois  autres 
qui  avaient  déjà  été  rendus  à  leurs  propriétaires  lorsque 
ce  travail  a  été  rédigé  :  1°  une  pièce  de  vers  latins,  adressée 
à  l'Empereur  et  à  la  diète  de  Ratisbonne,  entièrement 
de  la  main  de  Henri  Estienne,  et  prêtée  par  M.  Charles 
Schmidt,  petit-fils  de  l'historien;  —  2"  un  billet  de  Rolland 
dit  Laporte,  le  célèbre  chef  camisard,  lequel  avait  été 
publié  dans  le  Bulletin  (1900,  p.  36),  et  nous  avait  été  envoyé 
par  M.  A.  de  Cazenove;  —  3°  Cette  lettre  originale  de 
St  Florentin  à  M.  de  Bernage,  qui  montre  que  la  |jersistance 
du  culte  du  Désert  avait  fini  par  lasser  même  le  gouverne- 
ment. Elle  appartient  à  M.  Vielles  de  Montauban. 

Versailles,  le  16  avril  17^3. 

«  11  suffit,  Monsieur,  dans  les  circonstances  présentes,  qu'il  ne 
paroisse  parmi  les  nouveaux  convertis  aucune  semence  de  rébellion 
pour  qu'on  doive  prendre  le  parti  de  fermer  les  yeux  sur  les  licences 
qu'ils  peuvent  prendre  par  raport  à  l'exercice  de  leur  Religion,  ou 
pour  ne  travailler  à  les  réprimer  que  par  des  voyes  indirectes;  il 
y  aaparence  que  les  nouveaux  convertis  feront  des  réflexions  lors- 
qu'ils verront  la  déclaration  du  9  avril  1736  exécutée  exactement  et 
l'illégitimité  légale  de  leurs  enfans  consignée,  pour  ainsi  dire,  dans 
les  dépôts  publics;  c'est  pourquoi  j'écris  à  M.  le  Procureur  général 


DE    l/lIISTOIRI':    DU    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  489 

du  Parlement  de  Toulouze  de  donner  des  ordres  précis  pour  l'exé- 
cution de  celte  déclaration. 
Je  suis  toujours   parfaitement,  Monsieur,  votre  très  humble  et 

très  obéissant  serviteur, 

S'  Florentin  *.  » 

Si  Tespace  ne  nous  avait  été  mesuré,  nous  aurions  pu 
exposer  aussi  un  certain  nombre  de  ces  recueils  d'auto- 
graphes que  les  étudiants  d'autrefois  appelaient  Album  ami- 
corum.  Une  exception  a  été  faite  pour  deux  d'entre  eux  :  1"  le 
magnifique  Album  de  Jean  Durant  (1583-1592)  décrit  dans  le 
Bulletin  de  18B3,  p.  226  et  343  et  qui  appartient  aujour- 
d'hui à  M.  E.  Strœhlin;  —  et  2",  celui  de  Jérémie  Comte, 1600, 
qui  appartient  à  la  Bibliothèque  et  est  curieux  à  cause  de  sa 
forme  en  losange  allongée.  Il  porte  sur  un  des  plats  cette 
devise  plutôt  funèbre  :  Ultima  linea  rerum  mors,  «  la  mort  est 
la  ligne  ultime  des  choses  ». 

Il  reste  à  décrire  Irois  vitrines.  Celle  qui  faisait  suite  aux 
autographes  et  à  la  tête  du  Christ  de  Ligier  Richier,  était 
remplie  de 

Souvenirs  et  Curiosités. 

D'abord  une  série  de  coupes  et  d'objets  ayant  servi  au 
culte  public  ou  à  des  martyrs.  En  premier  lieu,  la  coupe  en 
argent  où  se  désaltéra,  avant  de  mourir,  Etienne  Mangin,  le 
propriétaire  de  la  maison  du  Grand  marché  à  Meaux  où  s'or- 
ganisa rÉglise  secrète  dont  la  découverte  provoqua  le 
célèbre  autodafé  de  1546.  Nous  remercions  le  descendant 
actuel  du  martyr  de  nous  Tavoir  prêtée  pour  la  seconde  fois 
(cf.  Bull.,  1897,  645).  —  A  côté  d'elle,  une  coupe  en  cristal  el 
argent  qui  a  appartenu  à  Calvin,  est  mentionnée  dans  son 
testament  et  appartient  aujourd'hui  à  Mlle  A.  Sarasin,  de 
Genève.  Une  coupe  à  pied  en  vermeil  offerte  à  Antoine  Gar- 


1.  En  marge  :  M.  Guillaiimau. 

«  Joindre  au  dossier  et   m'en   remettre  une  copie  avec  celle  des  deux 
lettres  que  j'ay  écrites,  el  du  mémoire  que  j'ay  tait  pour  M.  de  la  Deveze.  » 

LI.  — 3/i 


490  JUBILÉ    CINQUA^TE^A1RE    DE    LA    SOCIETE 

rissoles,  professeur  à  Montauban,  par  quatre  cantons  suisses 


pour  le  remercier  de  leur  avoir  dédié  un  de  ses  livres,  avait 
été  prêtée  par  M.  Courtois  de  Maleville. 


DE    l'hISTOIHE    du    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  491 

Une  aiguière  en  élain  avail  servi  pour  la  communion,  en 
1657.  dans  Tb^glise  du  fief  de  Nogentel  en  Brie.  Puis  on  voyait 
ce  petit  gobelet  en  verre  orné  de  fleurs  peintes  dont  se 
servait  le  jeune  Ranc  et  où  on  lit,  en  blanc,  ces  deux  mois 
touchants  J'aime  Dieu,  et  la  date  de  1738  (Mme  Gillouin, 
Aouste).  —  Enfin  une  coupe  et  un  plat  de  communion  en 
argent  massif  provenaient  de  l'Église  française  du  Refuge 
de  Hoxton,  en  Angleterre,  et  avaient  été  prêtés  par  Thôpital 
de  la  Providence,  à  Londres. 

A  ces  divers  témoins  se  rattachaient  un  de  ces  psautiers 
minuscules  imprimas  par  le  célèbre  Jean  Jannon  de  Sedan 
(1635)  et  qu'on  pouvait  au  besoin  dissimuler  dans  un  gant 
(P.  de  Félice);  — le  seul  exemplaire  connu  du  sceau  du  Désert 
en  Vivarais,  Sous  la  croix  le  triomphe,  imprimé  en  cire 
noire  sur  un  certificat  de  présence  de  Corteiz  et  Bétrine  aw 
synode  national,  clandestin, de  1730  (5?^/..  1,391), -  —  une  simple 
montre  en  argent  signée  Jacob  Février  à  Genève,  et  ayant 
appartenu  à  Paul  de  Fiales,  galérien  pour  la  foi,  1756,  don 
de  I\I.  Lombard;  —  enfin  un  petit  livret  sur  parchemin  ren- 
fermant un  règlement  et  des  prières  à  l'usage  des  diacres 
dans  une  Église  (non  spécifiée)  du  Refuge,  en  Angleterre. 

Dans  le  coin  de  droite  de  cette  vitrine  M.  R.  Garreta  qui 
avait  apporté  lui  même  le  coffret  en  bois  sculpté  dit  «  de 
Bagard  de  Nancy  »,  aux  armes  de  Henri  Jacques  de  Cau- 
mont  duc  de  la  Force  et  de  Anne-Marie  Beuzelin  de  Bos- 
melet^  sur  lequel  ont  été  photographiés  la  coupe  de  Calvin 
et  le  gobelet  de  Ranc,  —  avait  exposé  une  petite  série  de 
curiosités  huguenotes  :  une  tabatière  ronde  en  laque  cendre 
bleue  ornée  d'une  gouache  fixée,  représentant,  d'après 
Etienne  Jeaurat,  lap/ace  Maubert  où  furent  brûlés  tant  de 
huguenots;  —  un  drageoir  en  ivoire  aux  armes  des  Berin- 
ghen;  —  un  drageoir  en  écaille  garni  d'argent  aux  armes  de 
Claude  Groulart  né  à  Dieppe  1551,  mort,  en  1607,  premier 
président  au  parlement  de  Rouen;  —  une  boîte  ronde  en 
ivoire,  ornée  d'une  gouache  fixée  exécutée  par  François 
André  Vincent  (Paris,   1746-1816),  fils  d'un  miniaturiste  de 

1.  Mariés  le  l.s  Juin  16'J8. 


492  JLBILÉ    CINQUANTIîNAIRi:    DE    LA    SOCIÉTÉ 

Genève,  dalée  du  30  prairial  an  VIIT;  —  enfin,  dans  un  loul 
petit  médaillon  encadre,  une  gouache  représentant  la  mort  du 
chevalier,  proleslant,  <if'^5.sai' (Closlercamp,  15  oct.  1760) — , 
d'après  une  gravure  de  1777. 

A  gauche  on  avait  placé  quelques  bijoux.  D'après  une  tra- 
dition qu'aucun  document  pi'écis  n'est  encore  venu  confirmer 
ni  infirmer,  mais  qu'on  retrouve  dans  le  Midi,  en  Poitou,  et 
en  Normandie,  c'est-à-dire  dans  les  régions  de  la  France  oii 
il  y  avait  autrefois  beaucoup  de  protestants,  ceux-ci  ou  plu- 
tôt les  proteslantes  auraient  adopté  comme  bijou,  non  la 
croix  portée  par  les  catholiques,  mais  une  colombe  appelée 
«  St-Esprit  ».  Dans  les  Cévennes  celte  colombe  est  souvent 
attachée  à  une  croix  rappelant  en  petit  celle  de  la  légion 
d'honneur  ei  ressemblant  si  bien  à  la  croix  de  l'ordre  du  St- 
Espritcréé  par  Henri  111  (1575),  que  M.  le  pasteur  Ch.  Bost  de 
Lassalle,  qui  a  étudié  la  question,  croit  que  les  protestants 
ont  simplement  imité  ou  adopté  celte  croix.  Quoi  qu'il  en  soit, 
la  croix  susdite  accompagnée  de  la  colombe  souvent  rem- 
placée ou  terminée  par  une  petite  boule  en  or  en  forme  de 
cœur  ou  de  poire  appelée  '(  larme  »  n'était  en  usage  que  dans 
les  Cévennes.  Dans  le  Poitou  et  surtout  en  Normandie  on 
ne  trouve  que  le  Sf-Esprit  suspendu  à  un  nœud  ou  à  un 
simple  anneau  en  métal.  —  Nous  avions  pu  grouper  à  peu 
près  toutes  les  variétés  de  ce  bijou  :  La  croix  en  or  avec 
St-Esprit,  larme,  et  ornements  en  émail  la  plus  complète 
avait  été  exposée  par  M.  A.  de  Cazenove  ;  —  d'autres  par 
Mmes  II.  de  Pourtalès  et  F.  de  Schickler;  —  un  St-Esprit 
isolé  en  or  et  ciselé,  par  Mme  Ch.  Bost;  —  un  autre,  aussi  en 
or,  tout  mignon,  tenant  un  cœur  et  au  bout  d'une  double  tige 
ajourée  et  surmontée  d  une  sorte  de  broche  minuscule  éga- 
lement ajourée,  avait  été  donnée  à  la  Bibliothèque  par  une 
fille  de  Fabre  d'Olivet;  —  un  St-Esprit  découpé  dans  une 
plaque  d'or  gravée  représentait  le  Poitou  d'où  il  nous  avait 
été  envoyé  par  M.  le  pasteur  Th.  Maillard;  —  Mlle  Suzanne 
Pieyre  avait  exposé  une  croix  en  or  avec  «  larme  »  et  un 
St-Esprit  en  argent  picqueté  de  strass  qui  se  rapprochait 
beaucoup  du  bijou  normand.  Celui-ci  était  représenté  par 
un  très  bel  échantillon,  or  et  strass,  appartenant  à  M.  Car- 


DE    l'histoire    du    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  -^93 

rela;  —  par  un  collier  de  plusieurs  Saint-Esprit  en  or  et 
émail,  appartenant  à  Mme  F.  Borel;  —  et  par  un  autre 
St-Esprit,  argent  et  strass,  appartenant  à  Mme  N.  Weiss. 

Une  poupée  costumée  en  bourette  de  soie  et  en  laine 
représentait  les  Cévenoles  d'autrefois.  On  avait  placé  dans 
la  vitrine  aux  dentelUes,  une  calèche  ou  thérèse,  coiffe  noire 
à  dentelles,  qu'au  début  du  siècle  dernier  les  Cévenoles  por- 
taient au  temple  et  dont  elles  rabattaient  la  dentelle  sur  leur 
visage  quand  elles  allaient  communier.  Ces  deux  objets  nous 
avaient  aussi  été  envoyés  par  M.  Ch.  Bost. 

Enfin  il  y  avait,  dans  la  vitrine  des  souvenirs,  quelques 
portraits  et  caricatures.  Un  Calvin  en  relief —  probablement 
du  xvii-  siècle,  exposé  par  M.  A.  de  Schickler;  —  un  autre, 
sur  une  assiette  moderne  (M.  E.  Puaux);  —  une  miniature 
représentant  Sully  et  une  autre  Fabre  cTOlivet  par  Augustin 
1799,  appartenant  à  la  Bibliothèque;  —  un  crayon  d'une 
réfugiée,  Mme  de  Pourtales-de-Liiie,  de  Neufchàtel(M.  R.  de 
Cazenove). 

Les  caricatures  étaient  représentées  par  deux  petites pemfw- 
res  sur  verre  de  l'époque  de  la  Révocation  dont  la  reproduc- 
tion ci-contre  expliquera  le  sujet  (M.  et  Mme  Louis  Monnier), 
et  par  quatre  sculptures  en  ivoire,  don  de  M.  F.  de  Schickler. 
Ces  ivoires  exécutés  en  relief  avec  beaucoup  de  finesse, 
sans  doute  par  quelque  huguenot  de  Dieppe  où  les  souf- 
frances de  la  Révocation  furent  particulièrement  terribles, 
ne  sont  autres  que  les  originaux  de  quatre  des  figures  d'ins- 
tigateurs ou  exécuteurs  de  ce  forfait  caricaturées  dans  les 
Héros  de  la  Ligue  ou  la  procession  monacale  conduitte  par 
Louis  XIV pour  la  conversion  des  protestans  de  son  roj'aume, 
à  Paris  chez  Père  Péters  à  l'Enseigne  de  Louis-le-Grand 
MDCLXXXXI,  pet.  in-4''  de  24  planches  en  taille  douce 
accompagnées  de  c[uatrains  gravés,  plus  le  titre.  Ces  quatre 
ivoires  fixés  sur  de  petits  panneaux  de  bois  recouvert  de 
velours  noir,  représentent  V archevêque  de  Paris,  Louvois, 
Marillac,  et  le  commissaire  La  Marre.  Après  avoir  été  im- 
primées en  taille  douce,  ces  caricatures  furent  reproduites 
sur  des  assiettes  dont  deux  spécimens  se  trouvaient  dans  la 
même  vitrine,   savoir  Vévêque  de  Meaux,   assiette  creuse, 


JUBILÉ    CINQUANTENAIRE    DE    LA    SOCIÉTÉ  495 

don  de  Mme  \'ve  Goffart,  et  Marillac  intendant  du  Poitou, 
assiette  de  Nevers,  1706,  apjDartenant  au  soussigné. 

La  vitrine  faisant  suite  à  celle-ci  était  consacrée  à  la 

Numismatique  et  aux  Médailles. 

On  y  avait  rassemblé,  d'abord  de  véritables  portraits 
gravés,  en  bronze,  argent  ou  même  en  or,  de  précurseurs 
de  la  Réforme,  de  Réformateurs  ou  de  protestants  célè- 
bres; —  en  second  lieu  les  principales  médailles  frappées 
en  France  et  à  l'étranger,  pour  glorifier  —  d'une  part,  non  le 
Protestantisme,  mais  ce  qui  fut  perpétré  pour  le  ruiner  et 
l'écraser,  —  d'autre  part,  sur  la  terre  d'exil,  les  souffrances 
de  ceux  de  ses  adhérents  qui  avaient  réussi  à  s'y  réfugier.  — 
Un  troisième  groupe  était  formé  par  les  œuvres  d'art  et  de 
vérité  de  quelques-uns  des  principaux  médailleurs  huguenots; 
—  un  quatrième,  par  une  des  plus  complètes  collections  de 
méreaux  ou  jetons  de  communion  protestants.  Enfin  il  y  avait 
encore  quelques  médailles  commémoratives  et  contempo- 
raines. Nous  nedécrironsci-aprèsquelesmédaillesanciennes. 

I.  —  Réformateurs  et  Protestants  célèbres. 

On  a  vu  plus  haut  la  médaille  de  Jean  Huss.  Celle  de  Savo- 
narole,  bronze  en  haut  relief  (6  cm.),  porte  à  l'obvers  la  lé- 
gende :  HIERON'YMVS    SAV%    FER.    VIR.    DOCTISS.   ET    PROPHETA   SAN- 

TisMvs.  Revers  :  Une  main  sortant  de  la  nue  menace  d'une 
épée  le  profil  de  la  ville  de  Florence;  légende  :  gladivs  domini 
SVP.  TERAM  ciTO  ET  vELOCiTER  (dou  de  iM.  P. -A.  Labouchèrc). 

Luther  était  représenté,  en  moine,  par  un 
jeton  en  plomb  (4  cm.)  dont  voici  une  re- 
production très  réduite.  Légende  :  doctor. 

MARTINVS   LVTHERVS.    ECCLES.    WITEN.    (doU    La- 

bouchère);  —  par  une  plaquette  découpée 

on  argent  sur  une  plaque  de  cuivre  (5  cm.), 

légende  :  doctor  martinvs  lvtervs.  .etat.  03,  au  verso,  ces 

mots  gravés  :  Gottes  Wort  Lutheri  lehr  vergehet   nûn   iind 


',96  JURILÉ    Cl.NQLANTENAIRE    DE    LA    SOCIÉTÉ 

nimermehr;  —et  par  une  autre  plaquette  en  bronze;  appar- 
tenant à  M.  Chabrières  et  dont  voici  une  reproduction  éga- 
lement réduite  : 

Calvin  n'était  représenté  que  par  une  médaille  et  une  pla- 
quette   anciennes.    Cette  der- 
"é.'^-^    .  nière,  en  bronze,  à  M.  F.  Puaux. 

de  11  cm.  de  diamètre,  porte 
comme  légende  autour  du  pro- 
fil classique   tourné   à  gauche, 

lOHAXNES  CALVINVS  NATVS  NOVIO- 
DVNI  1509.  MORTVVS  GENEV^E.  1564. 

Elle  est  signée  de  cinq  lettres 
dont  l'initiale  du  prénom  est 
seule  lisible  j.  eaci  (?).  —  La  mé- 
daille, en  argent,  datée  de  1641 
est  à  M.  le  protesseur  A.  Lods.  Autour  du  profil  tourné  à 
droite  on  lit  :  ioannes  calvinvs  picard,  noviodvn.  eccles.  genev. 
PASTOR.  Au  verso  :  post  funera  élevât  doctrina  et  virtvs 
homines  autour  d'un  génie  ailé,  une  trompette  à  la  bouche, 
tenant  de  sa  droite  un  livre  ouvert  (doctrina),  le  pied  gauche 
sur  un  socle  où  se  lit  le  mot  virtvs. 

Melanchton,  médaille  en  plomb  de  1552  (45  mm.)  ;  autour 
du  profil  tourné  à  gauche  philippi  melanthoni  effigies.  Au  verso 
cette  inscription  :  svbditvs  esto  deo  et  ora  evm.  Ps.  xxxvi. 

Hedion,  l'un  des  réformateurs  de  Strasbourg,  médaille  en 
plomb  (45  mm.).  Autour  du  profil  tourné  à  gauche,  caspar 

HEDIO   DOCTOR...  EVANGELII...  .ETATIS  SV.«  XLVIII.  Au  VCrSO  On  HC 

distingue  bien  que  la  date  de  xli,  il  faut  lire  sans  doute  1542, 
Hedion  étant  né  en  1494  (don  Labouchère). 

Théodore  de  Bèze,  un  jeton  ovale  en  bronze  (45/35  mm.), 
autour  de  la  tète  tournée  de  3  '4  à  gauche  et  recouverte  d'un 
grand  chapeau  theodorvs.  beza.  82;  et  une  plaquette  aussi 
en  bronze  (5  cm.),  autour  du  buste  tourné  de  3/4  à  gauche  et 
la  tète  couverte  d'un  bonnet,  theodore  de  beze  (don  Labou- 
chère). 

Une  médaille  à  double  face  de  65  mm.  de  diamètre,  en 
bronze,  appartenant  à  M.  A.  Hubert,  nous  montrait  le  jeune 
profil,    tourné   à   droite,   de   marguerite,  fille,  de.  Charles. 


DE    l"hISTOIRE    du    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  497 

COMTE.  DANGOLES.ME  ct  au  vcrso  cckii  de  sa  mère  loyse.  dv- 
r.HESSE.  DE  VALOIS.  COMTESSE,  dangolesme.  —  L'iic  plaquctte, 
en  bronze  et  appliqué  sur  une  plaque  de  cuivre,  de  55  mm. 
découpait  le  fin  profil  de  la  fille  de  Marguerite,  Jeanne 
d'Albret,  tourné  n  droite  et  en  costume  du  xvi°  siècle  (don 
Labouchère).  —  Enfin  M.  Ghabrières  nous  avait  permis  de 
mettre  au-dessous  une  curieuse  médaille,  sans  doute  alle- 
mande, du  Béarnais  (henricns  iiiid.  g.  rex  franciscorom  (sic). 
Il  y  avait  aussi  une  fort  jolie  médaille  en  argent  représen- 
tant un  pasteur  mort  à  Francfort  en  1588  à  52  ans,  mais  dont 
on  ne  dit  pas  le  nom  (don  Labouchère),  et  une  médaille  en 
plomb  représentant  Pierre  Jurieu  (1687)  prêtée  par  M.  César 
Pascal. 


11.  — ■  Médailles  glorifiant  la  ruine  du  protestantisme 
et  ses  victimes. 

Ici  nous  passons  la  plume  à  M.  Armand  Lods  : 

La   iSaint-Barthélemy^. 

La  série  complète  des  médailles  frappées  en  mémoire  de 
la  Saint-Barthélémy  se  trouvait  à  l'exposition. 

On  sait  que  pour  bien  montrer  que  cet  horrible  massacre 
avait  été  accompli  avec  le  secours  de  Dieu,  le  pape  Gré- 
goire XIII  commanda  une  médaille  ayant  comme  face  son 
portrait  avec  la  légende  :  Gregorius  XIII  Pont.  Max.  An  I, 
présentant  au  revers  un  ange  exterminateur,  tenant  une 
croix  et  armé  d'un  glaive  avec  lequel  il  transperce  les  Hugue- 
nots dont  les  cadavres  jonchent  le  sol  :  Ugonottorum  strages, 
1572.  Cette  médaille  a  été  reproduite  dès  1689  dans  l'ouvrage 
de  Bononni,  Numismata  Pontificum,  t.  I,  p.  336. 

A  Paris  trois  médailles  furent  frappées  à  la  Monnaie  en 
l'honneur  de  Charles  IX,  exterminateur  des  huguenots. 


1.  Sur  les  médailles  de  la  Sainl-Barthélemy,  consultez  Bulletin,  I  (1852\ 
p.  240  et  374;  —  III  (1854),  p.  137;  -  IV  (1855),  p.  147;  —  XXXIII  (1884), 
p.  285. 


498  JUBILÉ   CINQUANTENAIRE   DE    LA   SOCIÉTÉ 

a)  La  première,  dite  médaille  populaire  a  pour  lace  le  roi 
Charles  IX  assis  sur  son  Irône,  tenant  son  sceptre  d'une 
main,  son  épée  de  l'autre  el  foulant  à  ses  pieds  les  cadavres 
des  hérétiques.  La  légende  Virtus  in  rebelles  entoure  ce 
sujet. 

Au  revers  de  celte  médaille  les  armoiries  de  France  sont 
placées  entre  deux  couronnes  triomphales  surmontées  de 
couronnes  d'olivier  symbole  de  la  paix  obtenue  par  le  mas- 
sacre des  huguenots  avec  cette  légende  :  Pietas  excitavit 
JUSTiTiAM  24  AuGUSTi  1572.  {La  piété  du  roi  envers  Dieu  a  mis 
en  mouvement  le  glaive  de  la  justice.) 

b)  La  deuxième  médaille  présente  en  face  le  portrait  de 
Charles  IX  (buste,  profil  à  droite)  avec  la  légende  :  Carolus  IX 
D.  G.  Francorum  rex.  invic. 

Elle  a  pour  revers  la  face  de  la  médaille  {a)  décrite  ci- 
dessus. 

c)  La  troisième  médaille  dite  médaille  à  Vantique  a  pour 
face  le  portrait  de  Charles  IX  (profil  à  gauche)  avec  l'ins- 
cription Carolus  d.  g.   Francor.  Rex. 

Au  revers,  Hercule,  couvert  d'une  peau  de  lion,  tenant 
d'une  m.ain  une  massue  et  de  l'autre  un  flambeau  ardent, 
attaque  l'hydre  à  quatre  têtes.  Au  second  plan  se  détache 
une  petite  ville  avec  deux  clochers  surmontés  de  croix  et 
une  tour  crénelée.  Comme  légende  :  Ne  ferrum  temnat, 
siMUL  ignibus  obsto,  1572.  {De  peur  qu'elle  ne  méprise  le  fer., 
je  l'attaque  en  même  temps  avec  le  feu.) 

Un  conseiller  du  roi,  Nicolas  Favyer  a  décrit  ces  médailles 
dans  une  plaquette  qui  était  exposée  à  côté  des  médailles  et 
qui  a  pour  titre  :  «  Figure  \\  et  \\  exposition  des  \\  pourtraict^ 
et  dictons  \\  contenus  es  médailles  de  la  conspi  \\  ration  des 
rebelles  en  France,  \\  opprimée  et  extraincte  par  le  Roy  très 
chrétien,  \\  Charles  IX, le2k  ||  ;o2^rci?MoM5?,  1572  par  Nie.  Favyer, 
conseiller  dudit  sieur  et  général  de  ses  monnoyes. 

A  Paris  par  Jean  Dallier,  libraire,  demeurant  sur  le  pont 
Saint-Michel,  à  l'enseigne  de  la  Rose-Blanche,  1572. 

Avec  privilège,  in- 12,  de  12  pages. 

Dans  cette  brochure  l'auteur  félicite  le  roi  d'avoir  en 
vingt-quatre  heures  anéanti    les   Huguenots  «  ce  qui  n'avait 


DE    l'histoire    du    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  499 

esté  possible  aux  forces  humaines  en  dix  ans  et  mesme  par 
quatre  batailles  rangées  »  *. 

Des  jetons  furent  en  outre  distribués  par  la  Ville  de  Paris, 
M.  H.  Sauvai  dans  ses  Recherches  sur  les  antiquités  de  Paris, 
t.  III,  p.  639,  publie  l'extrait  d'un  ancien  compte  qui  alloue  à 
Aubin  Olivier  une  somme  de  80  livres  pour  avoir  fait  les 
matrices  des  médailles  en  mémoire  du  jour  de  la  Saint-Bar- 
thélémy qui  ont  élé  «  distribuées  aux  prévols  des  marchands, 
échevins,  procureurs,  receveurs  et  greffiers  de  cette  ville  en 
la  mémoire  accoutumée  en  tel  cas  »  -. 


La  Révocation'^. 

Les  principales  médailles  frappées  à  Paris  pour  célébrer 
la  révocation  de  Tédil  de  Nantes  étaient  artistiquement  ex- 
posées dans  plusieurs  cadres  prêtés  par  M.  A.  Giraiid- 
Browning,  président  de  la  Huguenot  Society  de  Londres. 

\'iennent  en  premier  lieu  quatre  médailles  en  argent  de 
grand  module  (72  et  69  millim.), 

a)  H.4ÎRESIS  EXTiNCTA.  Dcvant  la  façade  d'un  monument  sur- 
monté d'un  dôme,  la  Religion  soulève  de  la  main  droite  une 
petite  croix,  lient  de  la  gauche  un  livre  ouvert  et  foule  aux 
pieds  un  hérétique  étendu  la  face  contre  terre. 

b)  Ob  vicies  centexa,  Mill.  Calviman.  ad  Eccles.  revocata 


i.  Celte  plaquette  appartient  à  la  Société  de  l'Histoire  du  Protestan- 
tisme, B.  P.  3048. 

La  Bibliothèque  Nationale  au  département  des  Manuscrits  possède  une 
série  de  documents  relatifs  aux  jetons  d'argent  frappés  aux  dépens  de 
la  Ville  de  Paris  en  mémoire  de  la  Saint-Barthélémy,  collection  Dela- 
marre,  t.  II,  14^  liasse  du  premier  carton. 

2.  A  côté  des  médailles  on  avait  placé  deuv  plaquettes  rarissimes  de 
la  Bibliothèque,  le  Programme  de  la  procession  solennelle  faite  à  Rome 
à  la  nouvelle  du  massacre,  et  le  l'ormuiaire  d'abjuration  dressé  pour  les 
protestants  qui  n'avaient  pas  été  massacrés  (Voy.  Bull.,  1890,411,  le  fac- 
similé  du  titre  de  ÏOrdine  et  1891,  419,  celui  du  titre  de  la  Forme  d'ab- 
juration. 

3.  Sur  ces  médailles,  consultez  :  Bulletin,  Mil  (1859),  p.  109;  —  XII 
(1863),  p.  114;  —  XXXIV  (1885],  p.  382  et  516;  —  XXXV  (1886),  p.  185;  — 
XXXVI  (1887).  p.  211  ;  et  l'étude  de  M.  César  Pascal  parue  dans  VÉglise 
Libre  n"'  des  1,  8,  22  janvier  et  1"  février  1886. 


500  JUBILÉ    CINQUANTENAIRE    DE    LA    SOCIETE 

(Pour  avoi?'  réuni  à  VEglise  deux  millions  de  calvinistes).  La 
Religion  catholique  couronne  Louis  XIV  qui  s'appuie  sur  un 
gouvernail  placé  sur  Thérésie  expirante  à  ses  pieds. 

c)  .Edes  sacr.e  CGC  FuNDAMENTis  ERECT.-E  (trois  ccnls  égliscs 
catholiques  construites).  La  religion  assise  sur  un  bloc  de 
pierre  tient  une  croix  de  la  main  droile  et  de  la  gauche  un 
fil  à  plomb.  Derrière  elle  se  profile  un  échafaudage. 

d)  .Edes  sacr.e...  Même  sujet  que  le  précédent  avec  des 
différences  dans  le  délai!  du  portique. 

Dans  les  autres  cadres  se  trouvaient  des  médailles  en  ar- 
gent petit  module  (44  et  40  millim.). 

a)  II.ERESis  EXTiNCTA.  Réductiou  de  la  médaille  grand  mo- 
dule. 

b)  ExTiNCTA  H^.RESis.  Sur  uuc  place  formée  par  un  temple 
grec  et  une  maison  dans  le  fond,  la  Religion  foule  aux  pieds 
un  hérétique  étendu  le  visage  contre  terre  à  côté  de  la  Bible. 

c)  -Edes  sacre.  Réduction  du  grand  module. 

d)  Religio  VixTRix.  La  religion  catholique  victorieuse  dresse 
une  croix  sur  les  ruines  d'un  temple  démoli. 

e)  Ob  vigies  cent...  Réduction  du  grand  module  (/'). 

f)  Templis  calvinianorum  eversis  {Les  temples  des  Calvi- 
nistes détruits).  La  religion  debout  au  milieu  des  ruines  d'un 
temple  s'appuie  de  la  main  droite  sur  une  croix  plantée  dans 
un  bloc  de  pierre  et  tient  de  la  gauche  une  table  de  la  loi. 

Toutes  ces  médailles  ont  comme  face  des  profils  divers  de 
Louis  XIV  ^  Armand  Lods. 

En  Uollande. 

Tandis  qu'en  France  et  à  Rome  on  se  réjouissait  de  la 
Révocation,  en  Angleterre,  en  Allemagne,  en  Suisse,  en 
Hollande,  un  long  cri  d'indignation  retentit  et  d'énergiques 
mesures  furent  prises  en  faveur  des  persécutés.  On  a  vu 
plus  haut,  par  la  reproduction  de  la  légende  accompagnant 
les  gravures  publiées  et  répandues  en   Hollande,   ce  qui   se 

\.  La  plupart  de  ces  médailles  ont  été  reproduites  dans  Touvrage  de 
Claude  François  Menestrier  de  la  Compagnie  de  Jésus,  Histoire  du  roy 
Louis  le  Grand  par  les  médailles. 


DE    L  HISTOIRE    DU    PROTESTA.NTISME    FRANÇAIS  501 

raconlait  des  horreurs  perpétrées  en  France.  Lors  même  que 
ces  récils  seraient  exagérés,  ils  traduisent  exaclemenl  l'im- 
pression ressentie.  Nous  avons  cilé  aussi  des  caricatures  des 
principaux  persécuteurs  rpii  lurent  alors  faites  et  repro- 
duites. En  Hollande  on  frappa,  en  outre,  C[uek|aes  médailles 
d'un  symbolisme  expressif  et  d'une  exécution  vraiment  ad- 
mirable. Peut-être  furent-elles,  non  seulement  inspirées, 
mais  dessinées  et  sculptées  par  des  réfugiés.  Voici  la  des- 
cription des  quatre  qui  avaient  été  exposées: 

1"  Une  femme  auréolée,  couverte  de  vêtements  de  deuil, 
foulant  aux  pieds  un  serpent  et  une  tiare,  et  tenant  de  chaque 
main  étendue  une  corne  d'abondance  d'où  s'échappent  des 
pièces  d'argent  destinées  aux  Vaudois  que  représente  à 
gauche  un  malheureux  éploré  portant  un  poignard  au  cœur, 
et  aux  Français  représentés  à  droite  par  un  suppliant,  les 
mains  jointes  et  pliant  sous  le  joug  —  symbolise  la  Hollande 
secourable.  Légende  :  sabavdis,  gallis,  fuatribus  fidei  (aux 
Vaudois  et  aux  Français,  frères  dans  la  foi).  —  Au  revers  le 
Protestantisme  est  représenté  par  une  femme,  attachée  à 
une  potence  et  agenouillée  sur  un  bûcher  qui  commence  cà 
flamber.  Un  jésuite  lui  présente  un  crucifix,  un  dragon  la 
frappe  de  l'épée.  Au  second  plan  sur  un  promontoire,  un 
temple  incendié,  sur  la  mer  une  galère  où  rament  des  for- 
çats pour  la  foi.  Cette  légende  s'échappe  du  ciel  :  dominus 
LiBERABiT  [Le  Seigneiw  la  délivrera).  Diamètre,  52  milli- 
mètres. 

2"  Un  évêque  symbolisant  l'Eglise  romaine,  chevauchant 
comme  Balaam,  sur  un  âne,  pour  aller  maudire  le  peuple  de 
Dieu,  frappe  sa  monture  qui  se  cabre  devant  un  ange  prêt  à 
tirer  l'épée.  Légende  :  quid  me  verberas  ?  {Pourquoi  me/rappes- 
tu?)  Au  revers  une  toile  d'araignée  avec  l'insecte  au  centre, 
à  travers  laquelle  on  aperçoit  une  église  catholique,  symbo- 
lise les  pièges  tendus  aux  protestants.  Légende  :  non  aquilis 
LEVE  TEXiT  opus  (Ce  uest  pas  pour  des  aigles  qu'elle  a  tendu 
cette  légère  toile).  Diamètre,  48  millimètres. 

3"  Une  variante  de  cette  médaille,  légèrement  plus  forte, 
avec  le  même  revers,  nous  montre,  sur  l'obvers,  le  diable 
déguisé  en  prêtre  qui  chemine,  à  cheval  sur  un  âne  couvert 


502  JUBILÉ    CINQUANTENAIRE    DE    LA    SOCIÉTÉ 

de  figures  grimaçantes  et  sur  la  selle  duquel  se  lisent  ces 
lettres  imp.  eccl.  {l'empire  de  V Église).  Au-dessous  la  légende, 
SIC  iTUR  AD  ASTRA  {c'est  uinsi  qu'on  va  au  ciel)^,  et  de  la  bouche 
de  la  monture  sortent  ces  mots  :  ita  domine,  quicquid  doges 
{Ainsi,  Seigneur,  cest  là  tout  ce  que  tu  enseignes  ?),  renvoyant 
âJér.  5:30,31. 

4°  Au-dessus  tl'un  monstre  à  plusieurs  têtes  de  serpents  et 
de  bêtes  féroces  qui  dévorent  un  homme,  une  femme  et  un 
enfant  morts,  le  pape,  coiffé  de  sa  tiare,  les  deux  clefs  dans 
sa  droite  et  brandissant  la  foudre  de  sa  gauche,  flanqué  à 
droite  d'un  moine  tenante  la  main  un  papier  sur  lequel  on 
lit  CONCILIA,  DECRETA,  ct  à  gauchc  d'un  dragon  tenant  une 
épée  et  une  paire  d'éperons.  Légende  :  supra  deum  post  per- 
NiciEM  (Au-dessus  de  Dieu  après  la  ruine].  Au  verso,  auprès 
des  ruines  d'un  temple,  un  cadavre,  un  bout  de  chaîne  au 
poignet,  et  que  dévorent  un  chien  et  un  corbeau.  Un  dragon 
vu  de  dos,  dont  le  cheval  traîne  le  cadavre  d'une  femme, 
sans  doute  morte  sans  sacrements  et  pour  cela  condamnée 
à  la  claie,  pousse  devant  lui  des  prisonniers  enchaînés.  Au 
second  plan  une  potence  avec  un  prédicant  pendu,  et,  au 
bord  delà  mer  où  les  prisonniers  vont  ramer  comme  forçats, 
une  procession  du  Saint-Sacrement.  Légende  :  ex  martyriis 
PALM/E  {Les  palmes  naissent  des  martyres).  Diamètre,  58  mil- 
limètres. 

Les  exemplaires,  en  argent,  de  ces  quatre  superbes  mé- 
dailles ont  été  donnés  à  la  Société  par  feu  M.  A.-J.  Ens- 
chédé,  de  Haarlem. 


m.  —  Médailleurs  huguenots. 


Il  y  en  eut  beaucoup  el  non  des  moindres,  ainsi  qu'on  le 
verra  quand  paraîtra  l'ouvrage  actuellement  sous  presse,  dans 
la  collection  des  Documents  inédits,  de  M.  Mazerolle,  archi- 
viste de  la  Monnaie.  Nous  avons  pu  exposer  des  œuvres  ori- 
ginales de  quatre  de  ces  graveurs  de  médailles,  tous  les 
quatre  du  xvii*  siècle.  Les  plus  nombreuses  étaient  de  Guil- 
laume et  Abraham  Dupré,  ces  sculpteurs  du  temps  de  Henri  IV 


DE    l'histoire    du    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  503 

et  de  Louis  XIII  qui  ne  sont  pas  encore  appréciés  comme  ils 
devraient  l'èlre,  mais  que  les  connaisseurs  rangent  parmi  les 
artistes  de  premier  ordre.  —  M.  P.  Barre,  ancien  graveur  à  la 
Monnaie,  avait  bien  voulu  autoriser  son  gendre,  M.  Maze-- 
rolle,  à  ouvrir  pour  nous  ses  belles  vitrines.  Nous  leur  avons 
emprunté  neuf  pièces  dont  voici  une  description  sommaire  : 
1"  Un  grand  médaillon  représentant  Henri  IV  et  Marie  de 


Médicis,  dont  nous  donnons  la  reproduction.  Légende  : 
Henric.  iiii  R.  CHRIS.  MARIA  AVGVSTA,  signé  G.  Dupré,  1605. 

2"  Une  plaquetle  représentant  Christine  de  Lorraine,  par  le 
même  (1612-13).  Légende  :  christiana  princ.  loth.  mag.  dvx 
HETRVR.  Non  signé. 

30  _  Cosme  II  de  Médicis,  par  le  même  (1612-13  .  Légende  : 

COSMVS  II    MAGN.    DVX  ETRVRI/E    IIII.   G.   Dupré. 

4"  _  Marc-Antoine   Memmo.    Légende   :   marcvs    antonivs 

MEMO    DVX    VENETIARVM.   G.    Dupré,    1612. 


504  JUBILÉ    CINOUAKTENAIRE    DE    LA    SOCIÉTÉ 

5"  —  François  de  Médicis.  Légende  :  d.  princeps  franciscvs 
MEDiCES.  G.  Dupré,  1613. 

go  —  Marie  de  Médicis  seule.  Légende  :  maria  avgvstagalli^ 

ET  NAVARR.'E  REGINA.  G.  DupPé,  1624. 

7°  Une  médaille  représentant  Jacques  Boiceau.  sieur  de  la 
Barraiiderie,  dont  nous  donnons  une  reproduction.  Légende: 

lACQVES.    BOICEAV.     S".    DE.    LA    BARRAVDERIE.     Ab.      Dupré,     1624. 

Au  verso,  dans  le  fond,  une  vue  de  La  Rochelle.  Au  premier 
plan,  entre  des  touffes  de  mûriers,  des  vers  à  soie,  en  haut 
des' insectes  ailés.  Légende  :  natvs.  hvmi.  post.  opvs.  astra. 
PETO.  {Né  sur  la  terre^  je  gagne  le  ciel  après  avoir  accompli 
mon  œuvre).  Ce  Jacques  Boiceau  était  un  coreligionnaire  des 
Dupré,  originaire  de  La  Rochelle.  C'est  lui  qui  est  Fauteur  de 
louvrage  suivant,  extrêmement  rare  et  recherché  où  se 
trouvent  les  plans  des  parterres  à  la  française,  du  Luxem- 
bourg, des  Tuileries,  du  Louvre,  de  Versailles,  de  Saint-Ger- 
main-en-Laye,  etc.,  intitulé  :  «  Traité  de  Jardinage  selon  les 
raisons  de  la  Nature  et  de  TArt.  Divisé  en  trois  livres.  Ensemble 
diversdessins  de  Parterres,  Pelouzes,  Bosquetz,  etaultres  or- 
nementz  servans  à  l'embelissement  des  Jardins.  Par  Jacques 
Boyceau,  Escuyer,  sieur  de  la  Barauderie,  Gentilhomme  ordi- 
naire de  la  Chambre  du  Roi  et  Intendan  t  de  ses  Jardins.  ^  Parw, 
che\  Michel  van  Lochom,  1638,  in-fol.  »  avec  portrait  de  l'au- 
teur par  Huret,  d'après  A.  de  Uris,  et  62  planches  sur  cuivre'. 

1.  Cet  ouvrage  dont  le  titre  complet  m'a  été  obligeamment  communiqué 
par  M.  H.  Masson  a  été  publié  après  la  moil  de  l'auteur  et  celle  de  son 
neveu  Jacques  dé  Menours,  par  la  veuve  de  ce  dernier.  11  n'y  est  pas 
question  de  sériciculture  dont,  d'après  la  médaille  d'Ab.  Dupré,  Boiceau 
paraît  s'être  particulièrement  occupé.  Mais  on  s'est  servi  des  dessins  de 
cet  «  Intendant  des  jardins  du  roi  »,  non  seulement  pour  tracer  des  allées 
attribuées  faussement  à  Le  Nôtre,  mais  pour  des  modèles  de  broderies  en 
■.fuillochis  et  de  dentelles.  Ce  huguenot  de  marque  manquant  à  la  France 
Protestante,  ya'i  prié  M.  H.  Patry  de  faire  quelques  recherches  à  La  Ro- 
chelle. Il  y  a  trouvé,  dans  les  notes  de  Jourdan  (msc  350),  trois  Jacques 
Boiceau,  le  premier,  fils  de  Michel,  baptisé  le  15  septembre  1575,  un  autre 
devenu  protestant  le  7  mars  1.'379,  enfin  Jacques  Boiceau,  sieur  de  la  Bé- 
rodière,  parrain  en  1588.  D'après  M.  G.  Musset,  cette  terre  de  la  Béro- 
dière  (ou  Baraudière,  ou  de  la  Barrauderie?)  était  située  tout  près  du  fau- 
bourg S'  Éloi  de  La  Rochelle  (Cf.  L.  Dussieiix,  Le  château  de  Versailles, 
1,  22,  •l'è-.  —  V Intermédiaire  des  chercheurs,  \X\\ ,  517,  607;  et  le  Magasin 
pittoresque,  1870,  176). 


Ll    —  35 


506  JUBILÉ    CINQUANTENAIRE    DK    LA    SOCIÉTÉ 

8"  Un  double  médaillon  par  Abraham  et  Guillaume  Dupré 
représentant  Victor-Amédée,  duc  de  Savoie  et  Christine  de 
France.  Obvers,  Légende  :  victor  amedevs  dvx  sab,  princ. 
PED.  REx  ciPR.  signé  Ab.  Dupré   f.  1637.    Revers,  Légende  : 

CHRISTIA.    A    FRANCIA    DVGISSA    SAB.    REG.    CYPRI,    signé    G.     Dupré 

f.  1636. 

9"  Une  médaille  représentant  Richelieu  et  Louis  XIII. 
Obvers  :  armandvs  ioan.  gardinalis  dvx  de  richeliev,  signé 
A.  Dupré,  1641.  Revers  :  lvdovigvs  xni  d.  g.  frang.  et  navarr^ 
REX.  signé  A.  Dupré. 

10"  A  celte  série,  M.  Alfred  Hubert  nous  avait  permis 
d'ajouter  une  petite  médaille  représentant  à  l'obvers,  Anne 
d"" Autriche  et  Louis  XIV  enfant.  Légende  :  lvdovigvs  xiv.  r. 
CHRisTi,  ANNA  AVSTRiAGA  AVGVST.  Ab.  Dupré,  1643.  Revcrs,  Le 
char  de  Taurore  traîné  par  quatre  chevaux  sur  des  nuages. 
Légende  :  H/KG  solem  pr/EVIa  dvgit. 

M.  P.  Garnier  nous  avait  prêté  deux  autres  médailles  et 
une  plaquette  : 

11°  Henri  IV  et  Marie  de  Médicis.  Légende  :  henr.  un  r. 
GHRiSTi  maria  avgvsta.  G.  Dupré  f.  Au  revers,  un  aigle  tenant 
une  couronne  au-dessus  d'un  enfant  coiffé  d'un  casque  et 
posant  le  pied  sur  un  dauphin,  au-dessus  duquel  Henri  IV  et 
Minerve  se  donnent  la  main.  Légende  :  pro  pago  imperi,  1603. 

12"  Christine  de  France.  Légende  :  christia.  a  frangia 
dvcissa  sab.  reg.  cy.  Au  verso,  sur  une  banderolle  entourant 
une  sorte  de  sceptre,  plvs  de  fermeté  qve  deglat. 

13"  Pierre  Séguier  :  petrvs  segvier  eqves  francle  nomo- 
phylax. 

Enfin  la  Ribliothèque  avait  reçu,  de  Mme  Charles  Read, 
trois  autres  Dupré. 

14"  Une  fort  belle  plaquette  ovale  représentant  Henri  IV 
de  face,  en  habit  de  cour,  avec  le  collier  de  l'ordre  du  Saint- 
Esprit,  pièce  non  signée  ni  datée,  mais  sûrement  de  G.  Du- 
pré. Nous  en  donnons  une  reproduction  très  réduite. 

15"  U-ne  médaille  représentant  Marie  de  Médicis.  Légende  : 

MARIA  AVG.    GALLI/E  ET  NAVARR-E  REGINA.   G.  Dupré,   1615.  VcrSOJ 

un  navire  dirigé   par  une  femme,  légende  :  servaxdo   dea 

FAGTA  DEOS. 


DE    l'histoire    DL    PMOTESTANTISME    KRANÇAIS  507 

16"  Une  double  médaille  représentant  Anne  d'Autriche  et 
Louis  XIII.  Légende  :  anna  avgvs.  galll43  et  navarr/k  regina. 
G.  Dupré,  f.  1620.  Verso  :  lvdovic.  XIIl  d.  g.   krancor.  et 

NAVARR.i:  REX. 


Toutes  ces  médailles  sont  en  bronze,  les  n"'  12  et  \(S  en 
bronze  doré. 

Après  les  Dupré  et  à  côté  d'eux  il  faut  citer  un  autre  hu- 
guenol,  qui  malheureusement  ne  resta  pas  fidèle  à  sa  foi, 
Jean  Warin,  sans  doute  originaire  de  Sedan  où  sa  famille 
s'était  fixée  en  quittant  les  Pays-Bas.  Nous  n'avons  pu 
exposer  de  ce  grand  artiste  qu'une  seule  pièce,  mais  fort 


V      f 


belle,  un  exemplaire  en  argent  doré,  don  de  Mme  Ch.  Read, 
de  son  Richelieu.  Légende  :  armandvs  ioannes  cardinalis  de 
RicHELiEV.  Au  verso,  un  char  de  triomphe  conduit  par  une 
Renommée  ailée  qui  sonne  de  la  trompette,  sur  lequel  une 


508  .IL'BH.É    C.INyUANTKNAlRE    DK    LA    SOCIÉTÉ 

femme  assise,  tenant  une  épée  et  une  palme,  est  couronnée 
par  un  ange.  Légende  :  tandem  victa  seqvor,  signé  i.  warin, 
1630.  Ci-joint  une  réduction  de  cette  belle  médaille. 

M.  le  pasteur  H.  Dannreuther  nous  permit  de  joindre  à  ces 
échantillons  si  intéressants  d'un  art  huguenot  peu  connu  du 
grand  public,  quatre  belles  reproductions  en  bronze,  de  mé- 
daillons de  Jean  Richier  qui  était,  au  xvn°  siècle,  de  la  même 
famille  lorraine  que  le  célèbre  Ligier  Richier  (Cf.  BiilL,  1895, 
560).  Ces  médaillons,  d'une  rusticité  et  d'un  relief  saisissants, 
représentent  des  parents  de  l'artiste  :  1"  Gérard  Richier,  de 
Saint-Mihiel,  fils  de  Ligier  Richier,  œtat.  66  en  1600,  exécuté 
en  1617.  —  2°  Marguerite  Groslot,  femme  du  précédent, 
œtat.  72  en  1614,  exécuté  en  1617.  —  3»  Claude  de  la  Cloche, 
de  Saint-Mihiel,  beau-père  de  Jean  Richier,  œtat.  64,  exécuté 
en  1616.  —  ^^  Barbe  Hayotte,  femme  du  précédent,  à  59  ans, 
aussi  exécuté  en  1616.  Les  originaux  de  ces  quatre  pièces 
appartenant  à  i\l.  Dannreuther  sont  à  Berlin. 


IV.  • —  M  ère  aux. 

M.  Th.  Maillard,  pasteur  à  Pamproux,  nous  avait  envoyé 
tout  son  médailler  divisé  en  quatorze  planches  dont  une  ren- 
fermait 6  médailles  satyriques;  —  trois  autres,  18  réforma- 
teurs et  pasteurs  par  /.  Dassier;  —  une,  10  protestants  cé- 
lèbres, aussi  par  J.  Dassier;  —enfin  dix  planches  consacrées 
aux  méreaux.  Nous  n'avons  pu  exposer  que  ces  dernières 
que  nous  avons  placées  tout  autour  de  la  vitrine  consacrée  à 
la  numismatique.  Ces  dix  planches  ne  renfermaient  pas 
moins  de  cent  vingt-cinq  méreaux;  nous  n'en  donnerons 
pas  rénumération  qui  serait  fastidieuse.  Bornons-nous  à 
dire  qu'il  y  en  avait  44  du  Poitou,  14  d'autres  provinces, 
42  d'Ecosse,  9  d'Irlande,  12  du  Canada  et  4  de  Hollande, 
d'Allemagne  et  de  Suisse.  Nous  avons  pu  en  ajouter  quelques 
autres  du  Danemark  et  des  États-Unis  ^ 


1.  Sur  les  méreaux,  \'()y.  entre  autres,  dans  le   Bulletin  ûv   \mS  et  de 
1894,  les  articles  de  MM.  Deiorme  et  Gelin. 


DE  l'histoire  du  photestantisme  khançais  509 

Une  dernière  vitrine  avait  élé  consacrée  aux  protestants 
qui,  sous  le  règne  de  Louis  XV,  furent 

Les  dernières  victimes  de  l'Intolérance. 

Ici  nous  laissons  la  parole  à  M.  Armand  Lods  qui  avait 
arrangé  celle  vitrine  avec  M.  F.  Puaux. 

A.  —  Le  galérien  Jean  Fabre. 

Le  souvenir  des  souffrances  du  galérien  Jean  Fabre  est 
rappelé  par  la  pièce  de  Fenouillot  de  Falbaire  : 

LHONNKTE  CRIMINEL 

Drame  en  cinq  actes  et  en  vers. 

Amsterdam-Paris,  Merlin,  1767,  in-8,  109  pages. 

x\vec  cinq  gravures  de  Gravelot.  (Collection  F.  Puaux.) 

On  connaît  le  trait  héroïque  de  ce  fils  qui  se  dévoua  pour 
sauver  son  père.  Le  1*'' janvier  1756  le  culte  protestant  était 
célébré  aux  environs  de  Nîmes  dans  les  carrières  de  Lecque. 
L'assemblée  fut  surprise  par  les  soldats  du  roi;  Jean  Fabre, 
âgé  de  28  ans,  prit  la  fuite  tandis  que  son  père  était  arrêté. 
Héros  de  la  piété  filiale,  ce  jeune  homme  obtint  du  sergent 
qui  commandait  la  troupe  de  se  substituer  à  son  père. 
Condamné  aux  galères,  il  fut  mis  en  liberté  par  le  duc  de 
Choiseul  le  21  mai  1762  et  réhabilité  en  1768. 

Ce  noble  trait  inspira  le  drame  de  Fenouillot  de  Falbaire. 
L'Honnête  criminel  parut  en  1767  et  fut  représenté  sur  le 
théâtre  de  M'""  la  duchesse  de  Viileroy.  Ce  n'est  qu'après  la 
Révolution  qu'on  put  le  donner  en  public  à  Paris  nu  théâtre 
de  la  Nation  le  4  janvier  1790,  puis  au  théâtre  de  la  Répu- 
blique le  30  mai  1793. 

L'auteur  raconte  qu'en  1766  sa  pièce  avait  été  refusée  par 
la  Comédie-P'rançaise  et  interdite  ensuite  par  les  ministres'. 
Quand  elle  fut  représentée  vingt-quatre  ans  plus   tard,  le 

I.   LeUre  de  Kenouillot  de  l"all);iiro  insorro  dans  le  Mo)<.itcit)\  'i  mars  1790. 


\ 


510  JUBILÉ    CINQUANTENAIRE    DE    LA   SOCIÉTÉ 

directeur  du  théâtre  de  la  Nation,  craignant  des  protestations 
malveillantes  de  la  part  des  partisans  de  l'ancien  régime,  fit 
distribuer  dans  la  salle  un  avis  par  lequel  il  réclamait  la 
protection  du  public  K  Les  manifestations  qu'il  redoutait  ne  se 
produisirent  pas,  le  nom  de  l'auteur  fut  au  contraire  applaudi. 
Il  est  juste  de  ranger  Fenouillot  de  Falbaire  parmi  les  phi- 
lanthropes qui  prirent  en  main  la  cause  de  la  tolérance  dans 
un  temps  où  il  était  dangereux  de  défendre  les  protestants. 
A  côté  de  la  première  édition  de  cette  pièce  se  trouvait  le 
portrait  de  l'auteur  : 

CHARLES-GEORGES  FENOUILLOT  DE  FALBAIRE  DE  QUINGEY 

A'e  à  Salins,  nommé  par  le  roi,  en  1782,  inspecteur  général  des 
salines  de  Franche-Comté  et  des  Trois-Évêchés.  {Gravure  de 
Cochin,  gravée  par  Saint- Aubin.)  (Collection  F.  Puaux.) 

B.  —  Affaire  Calas. 

L'histoire  du  supplice  et  de  la  réhabilitation  des  Calas  était 
évoquée  par  les  principaux  mémoires  de  l'avocat  Sudre, 
d'Élie  de  Beaumont,  de  Voltaire,  par  les  pièces  de  théâtre 
de  Lemierre  d'Argy,  de  Laya  et  de  Marie-Joseph  Chénier, 
par  une  série  très  curieuse  de  gravures  que  nous  décrivons, 
et  enfin  par  des  autographes  précieux  faisant  partie  des 
papiers  Coquerel  et  de  la  collection  Labouchère. 

1°  Autographes. 

Voici  tout  d'abord  une  leltre  de  \'ollaire  écrite  le  18  jan- 
vier 1763  à  M"^  Calas  près  de  deux  années  avant  l'arrêt  du 
9  mars  1765  déchargeant  la  mémoire  de  Calas  de  l'accusa- 
tion de  parricide^ . 

4.  Voir  compte  rendu  du  Moniteur,  6  janvier  1790. 

2.  Malgré  les  termes  de  cet  arrêt,  Boyer-l^run,  qui  était,  à  Nîmes,  au 
moment  de  la  Révolution,  un  des  chefs  du  parti  ultra-catholique,  osait 
contester  l'innocence  de  Calas.  Voici  ce  qu'il  écrivait  le  15  décembre  1790 
à  Bergasse,  membre  de  l'Assemblée  nationale  :  «  Les  déclamations  de 
Voltaire  et    les    basses    flagorneries   qu'il   a    publiées   à  ce   sujet,  n'ont 


1 


DE    L  HISTOIRE   DU    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  511 

Je  VOUS  réponds  sur  du  papier  orné  de  fleurs,  parce  que  je 
crois  que  le  temps  des  épines  est  passé  et  qu'on  rendra  justice  à 
votre  respectable  mère  et  à  vous. 

Je  vous  félicite  d'être  auprès  d'elle,  je  me  flatte  que  votre  pré- 
sence a  touché  tous  les  juges  et  qu'on  repoussera  l'abomination 
de  Toulouse. 

Je  vois  avec  un  extrême  plaisir  que  le  public  s'intéresse  à  vous 
aussi  vivement  que  moi. 

Je  fais  mes  plus  sincères  compliments  à  M""  votre  mère  et  suis 
avec  beaucoup  de  zèle,  mademoiselle,  votre  très  humble  et  très 
obéissant  serviteur*. 


Les  prévisions  de  Voltaire  étaient  bien  justifiées  :  un 
arrêt  du  grand  conseil  du  Roi  du  7  mars  1763  enjoignit  au 
parlement  de  Toulouse  de  lui  adresser  tous  les  actes  de  la 
procédure.  A  la  nouvelle  de  ce  premier  succès,  Madame 
Galas  écrivit  à  Voltaire  : 

Paris,  ce  9  mars  1763. 
Monsieur  -, 

Vous  aurez  appris  par  la  lettre  de  M.  Dumas  à  Madame  Debrus 
l'événement  de  mon  affaire  au  Conseil;  non,  Monsieur,  je  ne  trouve 
point  d'expressions  assez  vives  pour  vous  témoigner  ma  sensibilité 
à  tout  ce  que  je  vous  dois  et  que  je  vous  devrai  encore,  puisque 
votre  cœur  généreux  et  bienfaisant  ne  se  lasse  point  de  chercher 
de  nouveaux  motifs  à  ma  juste  reconnaissance;  je  ne  dois  point 
vous  taire  que  vous  avez  porté  le  calme  à  mes  tribulations  et  que 

jamais  pu  altérer  la  vérité  des  faits.  Si  Calas  périt  sur  l'échafaud,  c'kst 
QUK  CvLAS  LK  MKRiTAiT.  I-^ii  vaiii  a-t-on  voulu  préconiser  sa  prétendue 
innocence;  les  soins  infinis  qu'on  a  pris  pour  le  faire,  et  l'argent  que  le 
parti  répandit  à  ce  dessein,  ainsi  qu'il  le  pratique  dans  toutes  les  occa- 
sions éclatantes,  n'ont  servi  qu'à  prouver  coml^ien  peu  celle  innocence 
était  fondée  »  (Lettre  adressée  à  M.  Bergasse,  avocat,  député  à  l'Assem- 
blée nationale,  in-8,  s.  I.  n.  d.,  22  pages).  Cette  pièce  n'est  pas  signalée 
jiar  Coquerel  ;  dans  le  chapitre  consacré  à  lopinion  en  France  au  sujet 
des  Calas,  il  ne  parle  pas  de  l'intervention  de  l^oyer-Hrun. 

1.  Collection  Coquerel. 

2.  Collection  d'autographes  du  hnron  F.  de  SchicKler. 


512  JUBILÉ    Cl.NQlANTENAIHE    DE    LA    SOCIÉTÉ 

je  sens  comme  je  le  dois  les  effets  de  voire  générosité  et  de  votre 
protection.  C'est  vous,  Monsieur,  qui  avez  animé  les  juges  à  s'ins- 
truire de  noire  innocence,  et  les  ministres  à  se  mettre  du  nombre. 
Nous  ne  pouvons,  ma  famille  et  moi,  en  reconnaissance  de  tant 
de  bienfaits,  que  prier  sans  cesse  le  Père  de  miséricorde  de  vous 
combler  de  ses  grâces  les  plus  précieuses,  de  vous  conserver  dans 
notre  cœur  la  reconnaissance  la  plus  vive  et  d'être  jusqu'au  der- 
nier soupir  avec  autant  de  vénération  que  de  respect,  Monsieur, 

'^'^Tfe^?^  /un II  SA  e/ 
T/Zû  d'é-ei^uifiyyvciMÙZT' 

Mes  filles  prennent  la  liberté  de  vous  assurer  de  leurs  profonds 
respects. 

Plus  tard,  après  le  triomphe  complet,  lorsque  Madame 
Calas  arrive  à  Paris,  elle  lui  exprime  de  nouveau  sa  recon- 
naissance dans  une  lettre  du  27  décembre  1770  : 


Paris,  ce  27  décembre  1770. 
Monsieur*, 

Si  je  ne  me  fusse  pas  trouvée  incommodée  dès  le  lendemain  de 
mon  arrivée  à  Paris,  mon  premier  soin  aurait  certainement  été  de 
vous  remercier  de  l'accueil  ([ue  vous  avez  daigné  me  faire  à  Ferney. 
Je  m'acquitte  aujourd'hui  de  ce  devoir  et  quoique  ce  soit  bien  tard, 
mon  cœur  n'en  est  pas,  je  vous  assure,  moins  pénétré  de  recon- 
naissance pour  les  bontés  infinies  que  vous  m'avez  témoignées! 

Je  vous  prie,  monsieur,  d'agréer  mes  vœux  pour  la  conservation 
de  vos  jours  et  de  votre  santé.  Personne  ne  peut  en  faire  de  plus 
sincères  ni  de  plus  étendus,  ils  sont  proportionnels  aux  obligations 
que  je  vous  ai;  ceux  de  ma  famille  sont  les  mêmes,  elle  me  charge 
de  vous  en  assurer  et  de  leur  plus  profond  respect.  Oserai-je,  mon- 
sieur, vous  prier  de  faire  agréer  nos  obéissances  à  M""  Denis; 
nous  faisons  les  vœux  les  plus  sincères  pour  sa  conservation. 

J'ai  l'honneur  d'être,  avec  un  profond  respect,  monsieur,  votre 

très  humble  et  très  obéissante  servante. 

Veuve  (^ALAS. 

1.  CollecLion  Lal)Ouchére. 


DE    l'histoire    du    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  513 

A  cette  lettre  se  trouve  joint  le  mot  suivant  de  Lavaysse  r 

Trouvez  bon,  monsieur,  que  je  me  joigne  à  notre  respectable 
veuve  pour  vous  assurer  de  mon  respect  et  des  vœux  que  je  fais 
pour  votre  santé,  pour  la  conservation  de  vos  jours  et  la  satisfac- 
tion de  vos  désirs.  M"""  Calas,  toute  sa  famille  et  moi  n'avons  jamais 
qu'un  cœur  et  qu'une  voix  pour  sentir  vos  bienfaits  et  les  célébrer. 

Vous  aurez  appris  depuis  peu  la  cruelle  disgrâce  de  M.  le  duc  de 
Choiseul.  Nous  en  sommes  aussi  pénétrés  que  vous.  La  consterna- 
tion paraît  générale. 

Agréez  encore,  monsieur,  de  nouvelles  assurances  des  sentiments 
d'estime,  d'admiration  et  de  respect  avec  lesquels  j'ai  l'honneur 
d'être,  monsieur,  votre  très  humble  et  très  obéissant  serviteur. 

Lavaysse. 

A  côté  des  autographes  voici  la  nomenclature  des  mé- 
moires, des  gravures  et  des  pièces  de  théâtre  exposés  : 

2°  Mémoires^. 

Mémoire  pour  le  sieur  Jean  Calas,  négociant  en  cette  ville:  dame 
Anne-Rose  Cabibel,  son  épouse,  et  le  sieur  Jean-Pierre  Calas,  un 
de  leurs  enfants. 

Toulouse,  chez   J.    Rayet.    Signé   :   M'   Sudre,   avocat.    In-R, 
lOi  pages.  (Collection  Armand  Lods.) 

Mémoire  pour  dame  Anne-Rose  Cabibel,  veuve  du  sieur  Jean  Calas, 
marchand  à  Toulouse;  Louis  et  Louis-Donat  Calas,  leurs  fils,  et 
Anrie-Rose  et  Anne  Calas,  leurs  filles,  demandeurs  en  cassation 
dhin  arrêt  du  Parlement  de  Toulouse  du  9  mars  17G2. 

Imprimerie  de  I^e  Breton,   17G2.  Signé  :  M'=  Mariette,  avocat. 
13G  pages  in-8.  (Collection  Armand  f^ods.) 

Pièces  originales  concernant  la  mort  des  sieurs  Calas  et  le  jugement 
rendu  à  Toulouse. 

(S.  1.  n.  d.).  22  pages  in-8. 

■1.  Sur  la  bibliographie  des  mémoires  relalils  à  cette  alTaire,  consultez 
Attiaiiase  Coqiierel  fils.  Jean  Calas  et  sa  famille,  paires  'tK',  ci  suivanles. 


51^1  JUBILÉ   CINQUANTENAIRE   DE    LA   SOCIÉTÉ 

3°  Théâtre^. 

GALAS  OU  LE  FANATISME 
Drame  en  quatre  actes,   en  prose,  représenté   pour  la  première 
l'ois  à  Paris,  sur  le  théâtre  du  Palais-Royal,  le  17  décembre  1790, 
par  Lemierre  d'Argy.  Avignon,  Garrigan,  1791.  In-8,  48  pages. 
(Collection  Armand  Lods.) 

JEAN  CALAS 
Tragédie  en  cinq  actes  et  en  vers,  représentée  pour  la  première 
fois  à  Paris,  sur  le  théâtre  de  la  Nation,  par  MM.  les  comédiens 
français,  le  18  décembre  1790.  Précédée  d'une  préface  historique 
sur  Jean  Calas,  et  suivie  d'un  nouveau  V*  acte,  par  J.-L.  Lava. 
Paris,  Maradan  et  Perlet,  1791.  In-8,  100  pages,  (Collection  Ar- 
mand Lods.) 

JEAN  CALAS 

Tragédie  en  cinq  actes,  par  Marie-Joseph  Chénier,  député  à  la 
Convention  nationale,  représentée  pour  la  première  fois  à  Paris, 
sur  le  théâtre  de  la  Piépublique,  le  6  juillet  1791.  Paris,  Moutard, 
1793.  In-8,  91  pages.  (Collection  Armand  Lods.) 

4"  Gravures^. 

LA  MALHEUREUSE  FAMILLE  CALAS 

La  mère,  les  deux  filles^  avec  Jeanne  Viguière,  leur  bonne  servante, 
le  fils  et  son  ami^  le  jeune  Lavaysse. 

L.  C.  De  Carmontelle  delineavit,  1765.  Delafosse  sculpsit. 

Avec  cette  épigraphe  : 

«  Qualibus  in  tenebris  vilœ  quantisque  periclis 

Degitur  hoc  aevi  quodcumque  est.  » 

Lucrelius. 
Avec  privilège  du  roi. 

In-folio,  en  largeur-'. 

\.  Consultez  la  bibliographie  des  pièces  de  llicàtre  sui-  les  Calas.  Co- 
querel,  W.,  p.  •'jOS. 

2.  Voy.  Coquerel,  Id.,  p.  50'i. 

3,  Le  même  siijel,  réduction  des  figures,  gravé  par  Fritzsch,   !76r),  au- 


DE    l'histoire    du    PROTESTANTISME    FRANÇAIS  515 

LES    ADIEUX    DE    CALAS     \    SA    FAMILLE 

Dan.  Chodowiecki  fecit  1767, 

Avec  ces  vers  sur  la  marge  du  bas  : 

Infortuné  Calas!  Famille  désolée  ! 

Qui  ne  compatirait  à  vos  vives  douleurs? 

L'Univers  voit  en  vous  l'innocence  immolée; 

Mais  s'il  ne  peut,  hélas  !  que  vous  donner  des  pleurs, 

La  vérité  n'est  pas  dans  tous  les  temps  voilée, 

Chez  la  posl-érité  vous  aurez  des  vengeurs. 

Grand  in-folio  en  largeur  *. 

LES  ADIEUX  DE  GALAS 
Par  Chodowiecki.  Joh.  H.  Lips  sculp.  1778.  In--!  en    longueur-. 

JEAN  CALAS 

Marchand  roué  iïïocement  a  Toulouse,  1762,  le  9  mars^. 

Avec  cette  épigraphe  : 

«  Integer  vilse  scelerisque  purus  ». 

Gravure  à  la  manière  noire  de  A.  Schmid.  In-folio  en  longueur. 
(Collection  Armand  Lods.) 


dessous  des  vers  hollandais  par  W.  Ockers.  In-folio  en  longueur.  (Col- 
lection F.  Puaux.)  Le  30  mars  1766,  Mme  Calas  envoyait  à  La  Beaumelle 
la  gravure  de  Carmontelle  avec  ce  mot  :  «  Je  souhaite  que  cette  estampe 
vous  fasse  plaisir.  Vous  y  trouverez  une  parfaite  ressemblance  avec  le 
cher  beau-frère  (Gaubert  Lavaysse).  Nous  le  sommes  aussi,  mais  non  pas 
dans  la  même  perfection...  »  Consultez  :  La  Beaumelle  et  Saint-Cyr,  par 
Achille  Taphanel,  page  339. 

1.  Le  même  sujet,  réduction  des  ligures,  gravé  par  Frilzsch,  176'.t,  au- 
dessous  des  vers  hollandais  signés  :  «  Ingenuis  musis  amicus  ».  In-folio 
en  longueur.  (Collection  Armand  Lods.) 

2.  Le  groupe  du  père  et  de  la  jeune  fille,  en  buste,  est  la  reproduction 
partielle  de  la  gravure  de  Chodowiecki.  (Collection  F.  Puaux.) 

3.  Co(|uerel  n'a  pas  connu  cette  estampe. 


516  JUBILÉ    CINQUANTENAIRK    DE    LA    SOCIÉTÉ 

CALAS  IM  GEFANGNIS* 
Gravure  à  la  manière  noire.  In-i  en  longueur*. 

LES    EFFETS    DE   LA  SENSIBILITÉ   SUR   LES   QUATRE 
DIFFÉRENS   TEMPÉRAMENS 

D.  ChodoNviecki  ciel. 
Avec  la  légende  : 

Non  omnes  pariter  tanla  infortunia  terrent. 

In- 18  en  largeur  •''. 

LE  DÉJEUNÉ  DE  FERNEY 

Dessiné  d'après  nature  à  Ferney,  le  -'i  juillet  ITT.ô,  par  De  Non, 
gravé  par  Née  et  Masquelier,  même  année.  Se  vend  à  Paris  chez 
les  auteurs,  rue  des  Francs-Bourgeois,  près  l'Arquebusier,  porte 
Saint-Michel. 

Médaillon  ovale,  petit  in-4  en  largeur  \ 

Gravure  sur  cuivre  ornant  la  Lettre  de  Jean  Calas  à  sa  femme  et  à 
ses  enfants,  par  Blin  de  Sain-More. 

Ch.  Eisen  inv.  —  E.  de  Ghendt,  sculpt.  In-8  en  hauteur^. 

1.  Coquerel  ne  décrit  pas  celte  estampe. 

2.  Calas  dans  sa  prison  est  entouré  de  sa  femme  et  de  sa  lille,  son  fils 
lui  baise  les  mains,  tandis  que  le  geôlier  lui  attache  une  chaîne  au  pied. 
(Collection  Armand  Lods.) 

3.  Quatre  personnages  examinent  le  tableau  «  Les  Adieux  de  Calas  à 
sa  famille  »  placé  sur  un  chevalet.  (Collection  F.  Puaux.) 

Môme  gravure  reproduite  par  Akrel  avec  cette  légende  :  OliUa  Kannslor 
hos  4  olika  Nalioner. 

4.  Voltaire  est  à  demi  couché  sur  son  lit,  il  est  entouré  de  M.  de  La- 
borde,  fermier  général,  assis  dans  un  fauteuil,  du  Père  Adam,  de  AI'"  De- 
nis et  d'une  jeune  servante.  Sur  les  rideaux,  au  fond  du  lit,  est  accrochée 
la  gravure  de  Carmontelle  «  La  Malheureuse  famille  Calas  ».  (Collection 
F.  Puaux.) 

5.  Calas,  sa  femme  et  le  jeune  Lavaysse  découvrent  le  corps  de  Marc- 
Antoine.  (Collection  Armand  Lods.) 


DE  l'histoire  du  protiîstantisme  français  517 

LE  TRIOMPHE  DE  VOLTAIRE 
Invenlé  et  gravé  par  A.  Duplessis.  In-folio  en  largeur'. 

Quatre  scènes  d'après  le  mélodrame  de  M.  \  iclor  Ducange. 

1°  Les  adieux  d'Antoine  Calas  à  sa  famille. 

1"  La  famille  Calas  veillant  auprès  du  corps  de  leur  fils. 

3»  Calas  avant  d'aller  à  Véchafaud  bénit  ses  enfants. 

i"  Edouard  reproche  au  Capitoul  et  aux  juges  la  mort  de  Calas  ^. 

Dessinées   et  gravées  par  Canu.  In-4  en  largeur.  (Collection 
F.  Puaux.) 

Il  faut  joindre  à  ces  divers  documents  un  exemplaire  ori- 
ginal du  Jugemetit  soiivej'aitT  qui  décharge  les  Calas  de  l'accu- 
sation contre  eux  portée.  Ce  grand  placard  qui  appartient  à 
la  Société  (S3cm./55)  était  suspendu  dans  la  salle  du  Con- 
seil. (Paris,  Imprimerie  Royale,  1765.) 

C.  —  Affaire  Sirven^. 

Le  pasteur  Rochette  avait  été  exécuté  à  Toulouse  le  11)  fé- 
vrier 1762;  Calas  avait  été  condamné  par  le  parlement  de 
cette  ville  le  9  mars  1762;  au  mois  de  janvier  de  la  même 
année,  Pierre-Paul  Sirven,  du  village  de  Saint-Alby,  était 
accusé  d'avoir  tué  sa  fille  pour  l'empêcher  de  se  faire  catho- 
liciue.  Afin  d'éviter  le  sort  du  malheureux  Calas  il  s'enfuit  en 
Suisse  avec  sa  famille.  Le  tribunal  de  iMazamet,  par  juge- 
ment du  29  mars  1764,  condamna  Sirven  à  la  peine  capitale, 
prononçant  le  bannissement  contre  sa  femme  et  ses  deux 
filles.  Voltaire  ayant  obtenu  le  25  novembre  4771  du  parle- 
ment de  Toulouse  la  réhabilitation  des  Sirven,  tint  à  annon- 

1.  M'"=  Calas,  ses  filles,  son  fils,  Lavaysse,  Viguière,  les  Sirven  sont  au 
nomlM-e  des  accusés  défendus  par  Voltaire.  (Collection  Armand  Lods.) 

•2.  Coquerel  cite  ces  gravures  d'après  un  catalogue,  mais  il  ne  les  décrit 
pas.  Le  drame  de  Ducange  fui  représente  pour  la  première  fois  à  Paris 
sur  le  théâtre  de  l'Ambigu  comi(|ue  le  28  novembre  1819  et  repris  à  la 
Gaité  en  18'» i. 

3.  Sur  l'affaire  Sirven,  consultez  :  Camille  Rabaud,  Sirven,  étude  histo- 
rique sur  l'avènement  de  la  tolérance.  Paris.   isOI.  in-ls. 


518  JUBILÉ    CINQUANTENAIRE    DE    LA    SOCIÉTÉ 

cer  lui-même  à  M'"^  Calas  ce  nouveau  succès.  Il  lui  écrivait 
le  13  janvier  1772  :  «  Les  Sirven  errent  depuis  dix  années; 
c'est,  ainsi  que  le  vôtre,  un  exemple  mémorable  de  l'injuslice 
atroce  des  hommes  »,  et  il  exprimait  ce  vœu  qui  fut  exaucé  : 
«  Je  souhaite  qu'on  dise  après  un  siècle  entier  :  voilà  une 
famille  respectable  qui  a  subsisté  pour  être  la  condamnation 
d'un  parlement  qui  n'est  plus*  ». 

A  côté  de  ces  lettres  de  Voltaire  se  trouvaient  les  mémoires 
suivants  : 

Mémoire  à  consulter  et  consultation  pour  Pierre-Paul  Sirven,  com- 
missaire à  terrier  dans  le  diocèse  de  Castres,  présentement  à 
Genève,  accusé  d'avoir  fait  mourir  sa  seconde  fille  pour  Vempêcher 
de  se  faire  catholique;  et  pour  ses  deux  filles. 

Délibéré  à  Paris,  le  1"  décembre  1766.  Signé  :  Élie  de  Beau- 
mont.  Paris,  Cellot,  1767.  In-4,  78  pages  et  4  pages  contenant  les 
certificats.  (Collection  Armand  Lods.) 

Mémoire  pour  le  sieur  Pierre-Paul  Sirven,  feudisie,  habitant  de 
Castres,  appellant  contre  les  consuls  et  communauté  de  Ma:^amet, 
seigneurs-justiciers  de  Ma^amet,  Hautpoul  et  Hautpoulois,  pre- 
nant le  fait  et  cause  de  leur  procureur  jurisdictionel,  intimés. 

1771.  In-8,  219  pages.  (Collection  Armand  Lods.) 

Ces  diverses  pièces,  ces  nombreux  documents  graphiques 
complètent  l'ouvrage  de  Coquerel  fils  sur  les  Calas  et  l'étude 
de  Camille  Rabaud  sur  les  Sirven  et  permettent  de  combler 
les  lacunes  de  la  bibliographie  pourtant  si  consciencieuse 
donnée  par  ces  deux  savants  historiens. 

Armand  Lods. 


I 


Salle  du  Conseil. 

En  sortant  de  la  salle  de  lecture  du  côté  opposé  à  l'entrée, 
on  pénètre  dans  une  salle  isolée  du  reste  du  bâtiment  depuis 

1.  Collection  Coquerel.  Volume  -47. 


DE    l'histoire    du    PROTESTANTISME    1  RAXÇAIS  519 

le  rez-de-chaussée  jusqu'au  toit  par  des  murs  en  pierre,  des 
portes  et  des  seuils  en  fer.  Cette  salle,  garnie  de  coffre-forts 
Fichet  est  celle  où  se  conservent  les  manuscrits  (au  dessus  a 
été  placée  la  réserve  des  livres).  Quand  on  l'a  traversée  on 
trouve,  à  droite  le  cabinet  du  bibliothécaire,  à  gauche  la  salle 
du  Conseil.  On  avait  rassemblé  dans  cette  dernière  ce  qui 
n'avait  pu  trouver  de  place  ailleurs.  Sur  le  mur  de  droite  les 
portraits  des  fondateurs  de  la  Société  et  de  la  France  protes- 
tante :  Une  petite  photographie  en  émail,  représentant  Eu- 
gène Haag  dont  le  bureau  est  conservé  au  premier  étage  ;  — 
une  assez  grande  peinture  par  Mlle  B.  Delorme,  représen- 
tant M.  Charles  Read  dans  les  dernières  années  de  sa  vie;  ce 
portrait  du  fondateur  de  la  Société  est  au  musée  Carnava- 
let.—  Henri  Léonard  Bordier,  le  continuateur  de  la  France 
protestante  des,  frères,  Haag,  pastel  de  Piquet  appartenant  à  sa 
fille,  Mme  de  Magnin.  — Un  médaillon  en  bronze,  par  Crauk, 
l'auteur  de  la  statue  de  Coligny,  de  xM.  Jules  Bonnet,  le  pre- 
mier secrétaire  de  la  Société;  —  enfin  une  grande  peinture, 
par  Scheffer,  d'^.  Coquerel  fils  qui  créa  en  quelque  sorte  la 
section  des  manuscrits  delà  Bibliothèque,  en  lui  donnant  les 
papiers  Rabaut. 

Plus  loin  se  voyait  une  très  grande  estampe  coloriée  de  la 
fin  du  xvi^  siècle  représentant  le  contraste  entre  «  la  religion 
papistique  et  la  religion  chrétienne  ».  — M.  Read  en  a  donné 
une  description  dans  le  Bulletin  de  1888,  444-448.  Enfin,  des 
deux  côtés  de  la  cheminée  Louis  Xl\'  devant  laquelle  se 
trouve  la  taqne  en  fonte  aux  armes  de  Jean  de  Luxembourg 
{Bull.  1894,  511)  et  sur  laquelle  on  a  placé  une  tète  du  Christ 
couronné  d'épines,  en  marbre,  par  M.  de  Triqueti,  on  avait 
suspendu  deux  énormes  placards.  D'un  côté,  le  jugement  de 
réhabilitation  de  Calas  cité  ci-dessus;  de  l'autre,  un  État  gé- 
néral des  arrondissements  de  la  province  de  Languedoc  conte- 
nant toutes  les  communautés  dans  lesquelles  il  y  a  des  Nou- 
veaux-Convertis. Cet  état  avait  été  dressé  en  exécution  d'une 
ordonnance  royale  du  \)  novembre  1728  portant  que  chaque 
communauté  serait  responsable  des  assemblées  qui  se  tien- 
draient sur  son  territoire,  c'est-à-dire  que  ses  habitants  nou- 
veaux-convertis ou  protestants  seraient  contraints  solidaire- 


520  JUBILÉ    CINQUANTENAIRE    DE    LA    SOCIÉTÉ 

ment,  au  besoin  par  des  garnisons,  à  payer  les  amendes 
énormes  auxquelles,  en  cas  de  contravention,  ils  étaient 
condamnés. 

En  tête  de  la  table  autour  de  laquelle  se  réunit  le  Comité 
se  trouvait  une  reproduction  exacte  d\\  fauteuil  en  bois  dont 
se  servait  Calvin  quand  il  prêchait  et  qui  se  trouve  dans  la 
chaire  de  Saint-Pierre  à  Genève.  Enfin  sur  la  table  même  on 
avait  placé  des  pièces  d'argenterie  frappées  en  1685  et  en 
1885  en  commémoration  de  la  première  date  (Hôpital  de  la 
Providence  et  président  de  la  Société  huguenote  de 
Londres),  et  étalé  une  série  d'échantillons  variés  de  soieries 
de  couleur  fabriquées  par  les  réfugiés  huguenots  dans  le 
quartier  de  Spitalfields  à  Londres,  que  M.  Ch.  Norris  de  la 
même  Société  avait  bien  voulu  nous  envoyer. 


Nous  n'aurions  pu  illustrer  aussi  copieusement  les  pages  qui  pré- 
cèdent si  nous  n'avions  eu  le  concours  bénévole  de  M.  le  pasteur 
E.  Maury  et  de  M.  André  Dudan,  fils  du  surveillant  de  notre  Biblio- 
thèque lequel  a  droit  aussi  à  une  mention.  Presque  tous  nos  clichés 
ayant  été  exécutés  d'après  leurs  photographies,  nos  lecteurs  les 
remercieront  certainement  avec  nous  de  cet  utile  complément  de 
notre  texte. 

Nous  voici  au  bout  de  notre  ti\che.  Aucun  de  ceux  qui  auront  eu 
la  patience  de  lire  jusqu'ici  ce  long  compte  rendu  *,  n'en  tournera  le 
dernier  feuillet  avec  autant  de  satisfaction  que  celui  qui  a  dû  le 
reconstituer  après  les  fêles,  et  n'a  pu  en  tracer  les  dernières  lignes, 
hélas  !  que  le  27  août  1902,  trois  cent  trente  ans  et  trois  jours  après 

la  Saint-Barlhélemy. 

N.  Weiss. 

I.  On  nous  demande  si  souvent  des  sujets  pour  conférences  accompa- 
i^nées  de  projections  qu'au  lieu  de  nous  borner  à  une  simple  nomencla- 
ture, nous  avons  pensé  faire  œuvre  utile,  aussi  à  ce  point  de  vue,  en 
entrant  dans  (luelcjues  détails. 


Le  Gérant  :  Fischbacher. 


6055.  —  L.-lmprimeries  réunies,  B,  rue  Sainl-Benoit,  7.  —  Motteroz,  directeur. 


SOCIÉTÉ   DE   L'HISTOIRE 

DU 


PROTESTANTISME    FRANÇAIS 


Études  historiques 


L'ARRIVÉE    DE    CALVIN    A    GENEVE 

ET    LA  DISPUTE  DE   LAUSANNE  * 
(1536) 

I 

Un  jour  du  mois  de  juillet  1536,  Calvin  arriva  à  Genève. 
Voici  son  propre  récit  :  «  Pour  ce  que,  pour  aller  à  Stras- 
bourg, où  je  vouloye  lors  me  retirer,  le  plus  droit  chemin 
estoit  fermé  par  les  guerres,  j'avoye  délibéré  de  passer  par 
yci  légèrement,  sans  arrester  plus  d'une  nuit  en  ville...  Un 
personnage  %  lequel  maintenant  s'est  vilenement  révolté  et 
retourné  vers  les  papistes,  me  descouvrit  et  feit  cognoistre 
aux  autres.  Sur  cela  Farel  (comme  il  brusloit  d'un  merveil- 
leux zèle  d'avancer  l'Évangile)  feit  incontinent  tous  ses  efforts 
pour  me  retenir  ^.  » 

Ici  en  effet  se  place  la  scène  si  souvent  racontée  *.  Farel 
est  accouru  le  soir,  à  l'auberge  où  est  descendu  Calvin.  Il  lui 
expose  la  situation  de  l'Église  et  le  prie  de  rester  pour  l'ai- 

1.  M.  le  professeur  E.  Doiiiiiergue  a  bien  voulu  arranger  pour  le  Bul- 
letin, ce  récit  emprunté  en  partie  au  second  volume  de  son  Jean  Calvin 
qui  sortira  de  presse  vers  la  fin  de  l'année.  Nous  remercions  M.  G.  Bridel 
de  nous  avoir  prêté  trois  des  quatre  clichés  qui  illustrent  cette  étude. 

2.  11  s'agit  de  Louis  du  Tillet. 

3.  Opéra,  XXXI,  p.  26.  Commentaires  sur  les  Psaumes.  Préface. 

4.  On  peut  supposer  que  Viret  assista  à  l'entrevue.  Du  moins,  Bèze 
{Vie  de  Calvin,  3'édit.  Opéra  XXI,  p.  125)  dit  que  Calvin  fit  visite  à  Farel 
et  à  Viret. 

19()2.  —  N"  10,  Octobre.  LL  —  36 


522  ÉTUDES    HISTORIQUES 

der.  Calvin,  troublé  par  cet  appel  inaltendu,  objecte  ses 
plans,  ses  désirs,  ses  goûts.  Plus  Farel  le  presse,  plus  il  est 
effrayé  par  cette  perspective,  qui  s'ouvre  subitement  devant 
lui.  Alors  Farel,  frémissant  d'une  sainte  colère  {spiritu  quo- 
dam  heroïco  afflatiis),  se  lève  :  «  Et  moi,  crie-t-il  de  sa  voix 
tonnante,  au  nom  du  Dieu  tout-puissant,  je  te  le  déclare;  tu 
prétextes  tes  études;  situ  refuses  de  t'adonner  ici  avec  nous 


NON  PLimiMA.PAUCA  SU)  APTX. 


t  ors  TTUunîcrn :  dod:riitx.  ^iirta,  Laborù       Curparc  ùi  cxuijratiajpiyp.  LahL . 


à  cette  œuvre  du  Seigneur,  Dieu  te  maudira,  car  tu  te  cher- 
ches toi-même  bien  plutôt  que  le  Christs  » 

Calvin  est  vaincu  :  «  Lequel  mot  m'espovanta  et  esbranla 
tellement,  que  je  me  désistay  du  voyage  que  j'avoye  entre- 
prins...  non  pas  tant  par  conseil  et  exhortation,  que  par  une 
adjuration  espovantable,  comme  si  Dieu  eust  d'en  haut 
estendu  sa  main  sur  moy  pour  m'arrester*.  » 

Longtemps  après,  au  moment  même  où  Calvin  venait  de 


1.  Opéra,  XXI,  p.  125. 

2.  Opéra,  XXXI,  p.  26. 


ÉTUDES    HISTORIQUES  523 

mourir,  Farel  décrivait  encore  celle  luUe  tragique  à  l'un  de 
ses  correspondants  :  «  Combien  qu'il  priât  aucune  fois,  au 
nom  de  Dieu,  d'avoir  pitié  de  luy  et  le  laisser  servir  autre- 
ment à  Dieu...  néanlmoins  voiant  que  ce  que  je  demandois 
estoit  selon  Dieu,  en  se  faisant  violence,  il  a  plus  fait  et  plus 
promptement  que  personne  aie  fait,  surpassant  non  point  les 
autres  seulement,  mais  soy-mesmes  *.  » 

Si  jamais  vocation  a  paru  marquée  du  sceau  providentiel, 
c'est  bien  celle-là.  Signalons  en  effet  un  détail.  Gomment  les 
deux  acteurs  de  celte  scène  mémorable  se  sont-ils  rencon- 
trés ?  Malgré  eux. 

Calvin  avait  été  forcé  de  passer  par  Genève  pour  aller  de 
Paris  à  Strasbourg-.  El  il  ne  comptait  pas  s'arrêter. — Quant 
à  Farel,  au  moment  où  Calvin  se  rendait  malgré  lui  à  Genève, 
il  en  partait.  Le  8  juin,  il  était  à  un  synode  d'Yverdon,  et  il 
n'était  pas  de  retour  le  10  juillet.  A  cette  date,  le  Conseil  de 
Genève  lui  écrit  pour  le  prier  de  revenir,  lui  parlant  des  «  pas- 
sans  »  français,  italiens  et  autres,  qui  nécessitent  sa  pré- 
sence. Il  le  supplie  de  se  hâter,  «  aullrement  plusloust  lairrés 
désolation  et  désordre  que  confort.  Nous  vous  prions  encore 
une  bonne  foy,  pour  l'honneur  de  Dieu,  que  ne  failles  de 
venir  ^  ».  Que  Farel  eût  lardé  trois  ou  quatre  jours  de  plus, 
et  Calvin  était  déjà  reparti.  Mais  la  Providence  calcule  juste, 
et  bien  que  celui-ci  ne  le  veuille  pas,  et  bien  que  celui-là  n'y 
pense  pas,  ils  se  rencontreront  l'un  l'autre,  au  moment  voulu. 
El  Farel  aura  raison,  beaucoup  plus  tard  (6  juin  1564), 
d'écrire  :  «  Le  Seigneur  soit  béni  et  loué  que,  de  sa  grâce,  là 
où  je  n'y  avoie  jamais  pensé,  me  l'a  fait  rencontrer  et,  contre 
ce  qu'il  avoit  délibéré,  l'a  fait  arrester  à  Genève  \  » 


1.  Farel  à  Libertet,  6  juin  1ô6'i.  Opéra,  XX.  p.  313. 

2.  «  Divinitus  eo  perductus,  »  dit  Bèze.  Vie  de  Calvin,  3«  édit.,  Opéra, 
XXI,  p.  125 

3.  Ilerminjard,  \Y,  p.  73.  «  Les  magistrats  genevois  ne  se  doutaient 
guère  de  l'importance  du  service  qu'ils  allaient  rendre  à  toutes  les  Églises 
rétormées  en  pressant  si  vivement  le  retour  de  Farel  à  Genève.  »  Ibid., 
n.  4. 

î.  Opéra,  XX.  p.  313. 


524  ETUDES    HISTORIQUES 


11 


Calvin  obtint  cependant  de  Farel  la  permission  d'aller  à 
Bâle  régler  ses  affaires  et  conduire  un  parent,  Artesius*.  Sur 
sa  route,  il  rencontre  de  nomjjreuses  Églises  qui  le  forcent  à 
s'arrêter  quelques  jours  :  sans  doute  Lausanne,  Yverdon, 
Neuchàtel,  la  Neuveville,  fondées  déjà  depuis  quelques 
années ^  Puis  à  son  retour,  un  violent  catarrhe  le  saisit,  qui 
se  porte,  dit-il,  sur  la  gencive  supérieure,  le  tourmente  pen- 
dant neuf  jours,  et  ne  cède  qu'à  deux  saignées,  beaucoup  de 
cataplasmes  et  une  foule  de  calmants  ^  —  Voilà  l'apparilion 
de  la  maladie  qui  va  s'attacher  à  un  corps  déjà  surmené  et 
fera  de  la  vie  de  Calvin  un  prodige. 

En  attendant,  il  commence  (fin  août  au  plus  tôt)  ses  fonc- 
tions de  professeur  et  songe  à  la  traduction  française  de  son 
Institution*.  Il  se  nomme;  «  professeur  des  saintes  lettres 
dans  rÉglise  de  Genève  ^  »  Et  on  lui  écrit  :  «  Lecteur  en  la 

1.  Calvin  parlera  à  Louis  du  Tillet,  dans  sa  lettre  du  31  janvier  1338, 
d'un  Lois  d'Artois.  Il  est  probable  que  c'est  le  même  personnage.  Iler- 
minjard,  IV,  p.  87  et  n.  4;  p.  358  et  n.  16. 

2.  Herminjard,  IV,  p.  87  et  n.  5. 

3.  Calvin  à  Daniel.  Lettre  écrite  de  Lausanne,  13  octobre  1536.  Hermin- 
jard, IV,  p.  86-91. 

4.  Comme  la  Psychopannychia  n'était  pas  encore  publiée,  ces  paroles 
he  peuvent,  d'après  M.  Herminjard,  l'aire  allusion  qu'à  r/»5^îfj<?îOH.  «  Cette 
occasion  [de  la  i'oire]  perdue,  bien  que  j'eusse  assez  de  temps  pour  écrire, 
et  que  toute  voie  ne  lut  pas  fermée  à  nos  lettres,  comme  nous  pensions  à 
chaque  instant  {singulis  momentis)  à  l'édition  française  de  notre  i)elil  livre 
{libelli)  et  que  l'espoir  commençait  à  être  presque  certain,  je  préférais  que 
cette  lettre  fût  enrichie  de  cette  addition  plutôt  que  vide  ».  On  ne  peut 
s'empêcher  de  se  demander,  dans  le  cas  où  vraiment  il  s'agirait  de  l'/n- 
stitution,  si  la  traduction  était  commencée  (ce  qui  ne  semble  pas  indiqué), 
et,  si  elle  n'était  pas  commencée,  comment  Calvin  pouvait  rédiger  toute 
cette  traduction  en  si  peu  de  temps.  Peut-être  veut-il  seulement  dire  qu'il 
aurait  aimé  annoncer  dans  sa  lettre  que  la  publication  de  cette  traduc- 
tion était  ctiose  décidée  entre  lui  et  un  imprimeur  ou  éditeur.  En  tout  cas, 
son  projet  fut  abandonné  à  cause  de  la  Dispute  de  Lausanne  (antequam 
vero  deliberatio  illa  conciderat,  disputalionum  Lausannensium  dies  Jam 
impendebat).  11  l'aurait  repris  seulement  cinq  ans  plus  tard,  en  traduisant 
(1541)  son  édition  latine  de  1539.  Herminjard,  IV,  p.  87,  88,  n.  8,  9. 

5.  «  J.  Calvini,  sacrarum  literarum  in  ecclesia  Genevensi  professons, 
Epislolœ  dua^.  »  12  janvier  1537. 


ÉTUDES    HISTORIQUES  523 

sainte  écriture  à  Genève.  »  Il  expliquait,  dans  le  tem|)le  de 
Saint-Pierre  (ce  fut  son  premier  auditoire),  l'après-midi,  les 
êpUres  de  saint  Paul,  «  avec  grande  louange  et  utilité  *  ». 

Le  mardi  5  septembre-,  Farel  annonça  ce  fait  au  Conseil  : 
«  Maître  Guillaume  Farel  expose  quelle  est  la  nécessité  de 
la  lecture  commencée  par  ce  Français  {ille  Gallus)  à  Saint- 


y/Kj  -A  »4  id     ,i  ».~>-4-v   f^'-^i^{f-%A/t)     \<f  7  h 


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/r^'^'^J    'l^^'leJ^      /Wv^^wt/  *y.y^C^    /'V^^^    P^"^ 

Pierre.  C'est  pourquoi  il  supplie  qu'on  s'occupe  de  le  retenir 
et  de  le  nourrir  (alimentando).  »  —  Le  Conseil  répond  : 
«  qu'on  s'occupe  {advideatur)  de  le  soutenir  {substiiiendo)  »  ^ 
mais  ne  paraît  pas  autrement  ému  de  l'arrivée  de  ce  Fran- 
çais, dont  il  ne  consigne  pas  même  le  nom  sur  ses  registres. 

1.  Oporin  à  Calvin,  2r)  mars  ir,37.  Opéra,  \''  p.yl.  Herminjard,  \\\  p.  208. 

2.  Martis  qiiinto  septembris,  el  non  le    i,  comme  dit   lÀoget,  Histoire  du 
peuple  de  Genève,  I,  p.  10. 

3.  Registres  du  Conseil,  :{()  (et  non 29,  comme  disent  les  Annales,  Opéra, 
XXI,  p.  20'i),  f.  r.l. 


526  ÉTUDES    HISTORIQUES 

Iste  Galliis,  et  c'est  tout:  On  avisa  en  effet  lentement,  car 
environ  cinq  mois  après,  le  13  février  1537,  les  procès-ver- 
baux du  Conseil  nous  disent  :  «  Icy  est  parlé  de  Calvinus 
qu'il  n'a  encore  guère  receu,  et  est  arresté  que  Ton  luy  dé- 
livre ung  six  escus  soleil  ^  » 

Telle  fut  l'installation  de  Calvin  à  Genève,  merveilleuse  de 
la  part  de  Dieu,  presque  inaperçue  de  la  part  des  hommes. 
Mais  les  circonstances  allaient  se  charger  de  la  révéler  à 
Genève  et  à  la  Suisse  romande. 

En  effet,  pour  régler  la  question  de  la  Réformalion  dans  le 
canton  de  Vaud,  Berne  avait  résolu  de  recourir  au  moyen 
qui  lui  avait  si  bien  réussi  à  elle-même,  et  qui,  à  Genève, 
n'avait  pas  moins  bien  réussi  à  Farel  :  instituer  à  Lausanne 
une  grande  dispute  publique.  Calvin  y  accompagna  Farel.  Ils 
allaient  y  rencontrer  Vire  t. 

Comment  Viret  lui-même  était-il  venu  à  Lausanne? 


III 

Entre  Lausanne  et  Neuchâtel,  sur  le  flanc  d'une  des  pentes 
basses  du  Jura,  s'élève  la  ville,  petite  et  célèbre,  d'Orbe, 
alternativement  gouvernée,  au  début  du  xvi°  siècle,  par  Berne 
et  par  Fribourg  :  cinq  ans  d'administration  bernoise  et  protes- 
tante, puis  cinq  ans  d'administration  fribourgeoise  et  catho- 
lique. Jusqu'en  1531  il  n'y  eut  pas  de  difficultés.  Mais  cette 
année-là  un  frère  mineur  de  Saint-François,  Michel  Juliani, 
se  mit  à  prêcher  le  carême.  Le  25  mars,  il  prit  pour  sujet  le 
mariage,  et,  parlant  de  moines  et  nonnes  qui  renoncent  à  leurs 
vœux  pour  se  marier,  il  s'écria  :  «  Pensez-vous  qu'en  iceux 
«  soit  accomply  et  fait  mariage  légitime?  Ha  nenny,  mais  ils 
«  sont  paillards,  paillardes^  infâmes  et  deshonnesles  apos- 
«  tais,  abominables  devant  Dieu  et  devant  les  hommes.  » 

Or,  dans  l'auditoire  se  trouvait  un  bourgeois  d'Orbe,  Chris- 
lophle  Hollard,  dont  le  frère,  Jean,  avait  été  chanoine  et 
s'était  marié.  Chrislophle  se  lève  et  crie  par  deux  fois  que  le 
prédicateur  «  en  avoil  menty  ».  Tumulte  épouvantable  :  ((  Sur 

1.  Registres  du  Conseil,  vol.  30,  f.  173,  Annales,  p.  208. 


i 


ÉTUDES    HISTORIQUES  527 

ce,  les  femmes,  toutes  d'un  vouloir  el  courage,  allèrent  où 
estoit  ledit  Christophle,  le  prindrenl  par  la  barbe,  la  luy  arra- 
chant et  luy  donnant  des  coups  tant  et  plus;  elles  dommagè- 
rent  par  le  visage,  tant  d'ongles  que  autrement,  en  sorte  que 
finalement,  si  on  les  eust  laissé  faire,  il  ne  fust  jamais  sorti 
hors  de  la  ditte  Église,  qui  eust  esté  grand  prouOt  pour  le 
bien  des  bons  catholiques  »,  dit  le  bon  chroniqueur  et  grand 
banneret  d'Orbe,  Pierrefleur.  Mais  le  châtelain  s'interposa, 
enleva  Christophle  à  ses  furies,  et  le  mit  «  au  fond  de  fosse 
en  prison  ». 

C'était  une  excellente  occasion  pour  Berne  d'intervenir. 
Son  bailli  accourt  d'Échallens  et  tire  Hollard  de  prison.  Et 
quelques  jours  après,  les  ambassadeurs  de  Berne  et  de  Fri- 
bourg  amènent  avec  eux...  Farel.  Celui-ci  monte  en  chaire. 
Mais  la  population  est  catholique.  c<  Tous  et  un  chascun 
crioyent  et  siffloyent  pour  le  destorber  avec  toute  exclama- 
tion, l'appelant  chien,  mastin,  hérétique,  diable  et  autres 
injures,  en  sorte  que  l'on  n'eut  pas  ouy  Dieu  tonner.  » 

Le  bailli  prend  Farel  sous  sa  protection  et  Temmène. 
iMais  le  lendemain  matin,  à  six  heures,  notre  Réformateur  fait 
une  nouvelle  tentative.  Même  insuccès,  et,  l'après-midi,  les 
femmes  le  prennent  par  la  robe,  le  font  «  chanceler  à  terre 
et  le  voulurent  outrager  et  frapper  ».  Encore  une  fois  le  bailli 
le  sauva. 

Berne  était  bien  servie  par  les  circonstances.  Elle  intente 
un  procès  au  frère  Juliani.  Celui-ci  est  absous,  mais  il  se  hâte 
de  quitter  la  ville.  Alors  Berne  envoie  un  mandement  ordon- 
nant de  laisser  parler  son  prédicant  Farel.  Le  samedi  après 
Pâques,  dans  la  nuit,  à  1  heure  du  matin,  Farel  s'introduit  dans 
l'Église.  Là  il  attend  que  l'office  soit  célébré,  achevé,  et  il 
monte  en  chaire.  Alors  la  scène  change.  Personne  ne  vio- 
lente le  prédicant  bernois,  tout  le  monde  s'en  va.  Il  ne  reste 
que  trois  auditeurs!  Berne  intervient  de  nouveau  et  déclare 
qu'on  doit  écouter  le  sermon.  Pendant  toute  la  semaine, 
Farel  prêche  donc,  deux  fois  par  jour,  et  chaque  fois 
deux  heures.  Malgré  Berne  et  ses  mandements,  les  bourgeois 
d'Orbe  en  ont  bientôt  assez,  et  dès  le  troisième  jour  il  ne 
restait  qu'une  dizaine  d'auditeurs  fidèles. 


528  ÉTUDES    HISTORIQUES 

Parmi  ceux-ci  se  trouvait  Pierre  Viret. 
Pierre  Viret,  né  à  Orbe,  en  1511,  dans  une  maison  située  en 
face  de  l'hôtel  actuel  des  Deux  Poissons,  autrefois  un  couvent, 
était  fils  d'un  «  couslurier  et  retondeur  de  drap  ».  Il  avait 
été  d'abord  instruit  parle  maître  d'école  Marc  Romain,  lequel, 
dit  Viret  lui-même,  a  eu  le  bruit  d'avoir  été  le  premier  qui 
nous  a  fait  luthériens  ».  Ensuite  Viret  passa  trois  ans  à  Paris, 
étudia  à  ce  collège  de  Monlaigu.  d'où  Calvin  venait  à  peine 
de  sortir,  et  c'est  à  Paris  que  sa  conversion  s'achève.  Il  fut 
«  noté  tenir  de  la  religion  luthérienne  ».  En  conséquence  il  se 
sauva,  retourna  à  Orbe,  et  habita  chez  son  père. 

A  ce  moment,  avril  1531,  Farelle  rencontra,  et  en  usa  avec 
lui,  comme  il  en  avait  usé  avec  Calvin.  Farel,  avec  son  sens 
prophétique,  devinait  dans  ce  jeune  homme  timide  un  admi- 
rable instrument  de  Dieu  et  lui  déclara  qu'il  devait  être  pas- 
teur. Viret,  «  craintif  et  modeste  »  hésitait,  refusait.  Farel 
passa  aux  «  grandes  oblestations  et  adjurations  ».  Viret  céda, 
et  le  6  mai  1531,  ayant  juste  20  ans,  il  prêcha  son  premier 
sermon.  «  C'était  un  jeune  homme  maigre,  assez  délicat, 
brun,  avec  de  beaux  yeux  noirs.  L'ensemble  des  traits,  mal- 
gré une  singulière  disproportion  dans  la  longueur  du  nez,  n'a 
rien  du  heurté  qui  donne  un  aspect  si  extraordinaire  à 
Mélanchlhon  et  à  Farel;  l'expression  est  vive,  pénétrante, 
toute  la  figure  bien  arrêtée,  mince,  fine,  allongée  en  pointe, 
mais  dans  un  caractère  insinuant  »  (Juste  Olivier). 

Humble  :  il  parle  lui-même  de  sa  petitesse,  de  son  igno- 
rance, de  «  la  faute  de  prudence  et  de  jugement  qui  est  en 
lui».  — Pacifique  :  «  De  mon  naturel,  dit-il,  j'ai  toujours  aimé  la 
paix  ».  —  Doux  :  A  \  alence,  il  sauva  la  vie  au  jésuite  Auger, 
que  le  baron  des  Adrets  allait  faire  pendre  :  «  Ne  vous  ven- 
gez pas,  mes  bien  aimés,  s'écria  Viret,  et,  embrassant  le 
condamné  :  A  Dieu  seul  appartient  la  justice.  Bénissons  ceux 
qui  nous  persécutent  »...  Viret  allait  être  le  Réformateur  vau- 
dois,  à  côté  des  deux  Réformateurs  français,  Farel  et  Calvin. 
Dans  ses  Disputations  chrestiennes  de  1544,  qu'il  composa 
«  pour  le  pauvre  peuple  »,  il  se  laisse  aller  «  à  enfanfiller  avec 
les  enfants,  à  user  de  rusticité  avec  les  rustiques  ».  Son  fran- 
çais, du  reste  remarquable,  a. la  saveur  du  terroir  qui  s'étend 


I 


ÉTUDES    HISTORIQUES  529 

au  pied  du  Jura.  «  J'ai  voulu,  dit-il,  écrire  un  langage  avec 
lequel  j'ai  le  plus  de  convenance  et  de  familiarité,  selon  ma 
naissance  et  nativité.  Je  ne  parle  pas  le  langage  attique,  ni 


fort  orné  et  rhétorique,  mais  m'advient  souvent  que  je  re- 
tombe en  mon  patois  ».  M.  Philippe  Godet,  le  juge  si  auto- 
risé en  ces  matières,  a  dit  :<(  Viret  est  notre  premier  écrivain 
franchement  du  cru,  notre  premier  écrivain  national  «. 


530  ÉTUDES    HISTORIQUES 

Il  est  à  l'œuvre,  à  l'œuvre  évangélique.  Ses  parents  se  con- 
vertissent, et,  à  Pâques  1532,  il  distribue  la  cène  à  77  fidèles. 
—  L'année  suivante  nous  le  trouvons  pasteur  à  Neuchâtel, 
et  un  soir,  comme  il  se  rend  à  Payerne  pour  y  prêcher,  il 
tombe  dans  un  guet-à-pens;  un  prêtre  le  frappe  par  derrière 
d'un  coup  d'épèe. 

C'est  alors  qu'il  fait  différents  séjours  à  Genève,  1532,  1534, 
1535;  après  avoir  échappé  à  l'épée  des  prêtres,  il  faillit  suc- 
comber à  leur  poison;  sa  santé  en  resta  définitivement  ébranlée. 

De  Genève  ou  de  Neuchâtel,  en  1535,  il  se  rendit  à  Bâle  où, 
sans  doute,  il  vit  Calvin  pour  la  première  fois  :  celui-ci  était 
occupé  à  son  Institution  chrétienne. 

Enfin,  en  1536,  allant  de  nouveau  de  Neuchâtel  à  Genève, 
il  rencontra  l'armée  bernoise  qui  assiégeait  Yverdon.  Sur  un 
appel  des  arquebusiers  lausannois,  il  attendit  à  Orbe  qu' Yver- 
don fût  prise,  et  il  se  rendit  à  Lausanne  avant  le  milieu  de  mars. 

Dès  le  6  avril  le  conseil  lui  assigne  l'église  de  la  Madeleine 
ou  des  Dominicains. 

Viret  lui-même  nous  décrit  ses  débuts  en  ces  termes  : 
«  J'étais  seul...  la  ville  n'était  pas  encore  soumise  aux  Ber- 
nois »,  mais  ce  doux  était  un  croyant,  et  son  programme  est 
identique  à  celui  de  l'ardent  Farel.  C'est  ce  qu'il  explique  en 
demandant  une  dispute  avec  le  Jacobin  qui  parlait  «  au  grand 
temple  ».  Il  dit  :  «  Je  presche  l'évangile  de  Jesu  Christ,  et  suis 
prest  de  rendre  raison  de  ma  doctrine  et  de  ma  foy  à  toute 
heure  qu'on  m'en  demandera.  El  s'il  y  a  prebstre,  moyne  ou 
aullre.  quelqu'il  soit,  qui  me  saiche  monstrer  que  j'aye  ensei- 
gné chose  contraire  à  la  ParoUe  de  Dieu,  je  ne  demande  pas 
que  vous  me  chassiez  comme  une  pesle  de  vostre  ville,  mais 
que  vous  me  faciez  une  si  griefve  punition,  quejamais  homme 
ne  se  mesle  de  prescher,  qui  ne  soit  bien  asseuré  de  sa  doc- 
trine ».  Quant  au  Jacobin,  s'il  est  confondu,  \'iret  veut  «  que 
miséricorde  luy  soit  faicte,  car  je  ne  demande  sinon  que  le  povre 
peuple  ne  demeure  point  en  ces  erreurs  ».  Et  en  octobre  eut 
lieu  la  grande  Dispute. 

Le  «  tréj)ied  »,  comme  on  le  disait  au  xvi'  siècle,  était  consti- 
tué :  Farel,  Calvin,  Viret,  et  l'honneur  en  revenait  à  Farel. 


ÉTUDES   HISTORIQUES  "^31 

Non  seulement  Tancien  disciple  de  Le  Fèvre  d'Elaples  avait 
été  rhéroïque missionnaire  delà  Suisse  romande,  non  seule- 
ment il  avait  vraiment  installé  la  Réforme  à  Genève,  mais  il 
avait  gagné  —  et  de  haute  lutte  —  à  son  œuvre  Calvin  et  Viret. 

Il  ne  fallait  pas  moins  que  ce  «  trépied  »  pour  supporter 
Tœuvre  de  la  Réforme  calviniste. 

C'était  fait.  Et  ces  trois  amis,  sous  la  conduite  de  leur  aîné, 
allaient  soutenir,  pour  la  première  fois  ensemble,  le  choc  de 
leurs  adversaires.  En  vérité,  que  pouvaient  de  pauvres  moi- 
nes et  de  pauvres  prêtres  contre  ces  trois  chrétiens,  héros  de 
la  pensée  et  de  la  foi,  P'arel,  Calvin  et  Viret? 

IV 

Ouverte  le  dimanche  1"  octobre,  par  une  prédication  de 
Farel,  la  dispute  fut  close  le  dimanche  8  octobre,  par  une 
autre  prédication  de  Farel.  C'est  lui  qui,  avec  Viret,  joua  le 
rôle  principal.  Il  avait  rédigé  les  dix  thèses^  La  première, 
sur  la  justification  par  la  foi  (soutenue  surtout  par  Farel),  et 
la  troisième,  contre  la  «  présence  corporelle  »  (soutenue  sur- 
tout par  Viret),  firent  l'objet  des  débats  les  plus  impor- 
tants ^ 

Le  lundi,  dès  sept  heures  du  malin,  la  foule  remplissait 
Fimmense  cathédrale.  Au  centre  de  l'église  était  la  place 
réservée  pour  les  débats,  avec,  tout  autour,  des  sièges  pour 
les  tenants  de  la  discussion,  pour  les  quatre  notaires  ou  se- 
crétaires, les  deux  présidents  et  les  cinq  commissaires  de 
Berne.  Ceux-ci  étaient  reconnaissables  à  leur  costume,  les 
pourpoints  et  les  chausses  noirs,  aux  découpures  rouges,  et 
un  panache  flottant  sur  leurs  chapeaux  à  larges  bords  ^ 

1.  «  Les  conclusions  qui  doibvent  estre  disputées  à  Lausanne,  nouvelle 
province  de  Berne,  le  premier  jour  d'oclobre  1536.  »  Opéra,  IX,  p.  701-702. 

2.  Voir  Charles  Subilia,  La  dispute  de  Lausanne,  p.  66. 

3.  Le  Chroniqueur,  p.  315.  —  «  Les  actes  de  cette  Dispute  recueillis  par 
quatre  notaires  assermentés...  furent  compilés  en  un  gros  volume  qui  fut 
douze  ans  entre  les  mains  de  P.  Viret,  jusqu'à  ce  que  l'an  1548,  Leurs 
Excellences  de  Berne,  voulant  en  avoir  un  exemplaire  pour  leur  biblio- 
thèque publique,  en  firent  tirer  une  copie  et  la  firent  collalionner  exacte- 
ment avec  l'original...    C'est  cette  dernière  copie   (jui  subsiste    aujour- 


532  ÉTUDES   HISTORIQUES 

L'allitude  des  catholiques  ressembla  beaucoup  à  celle 
qu'ils  avaient  eue  à  Genève  en  pareille  circonstance.  L'évê- 
que  n'avait  pas  cru  de  son  devoir  de  rentrer  dans  sa  ville. 
L'empereur  Charles-Quint,  averti  sans  doute  par  l'évêque, 
écrivit  le  5  juillet  1536  au  Conseil  de  Lausanne  :  «  Annulez 
immédiatement  tout  {illico  antiuletîs,  aboleatis)^...  »  Des 
337  prêtres  invités,  174  seulement  vinrent,  et,  de  ces  174, 
quatre  seulement  défendirent  leur  foi.  Parmi  les  représen- 
tants des  dix  maisons  religieuses,  un  seul  prit  la  parole  et 
de  tous  les  chanoines,  pas  un  ;  ou  du  moins  le  seul  chanoine 
qui  parla  lut  une  protestatien  du  Chapitre  pour  déclarer 
qu'il  s'abstenait. 

On  voit  la  différence  entre  les  protestants  et  les  catholi- 
ques. Et  Farel  la  souligna,  quand  il  s'écria  :  «  Parler  hardi- 
ment vous  est  loisible;  on  ne  dispute  point  icy  par  fagot,  par 
feu  ne  espée,  par  prison  et  tourmens  ;  les  bourreaux  ne  sont 
icy  pour  docteurs  et  raisons  péremptoires,  mais  la  vérité  de 
TEscripture...  La  vérité  est  assez  forte  contre  mensonge;  si 
vous  l'avez,  proposez-la".  »  Où  donc,  en  France,  en  Italie, 
en  Espagne,  le  clergé  catholique,  ayant  la  majorité,  a-t-il  ja- 
mais tenu  un  pareil  langage? 

Le  jeudi  5  octobre,  Calvin  n'avait  encore  rien  dit,  et  il 
avait  délibéré  de  s'abstenir  jusqu'à  la  fin,  «  voyant  que  sa 
parolle  n'estoit  pas  fort  requise  en  si  suffisantes  responses 
que  donnent  ses  frères  Farel  et  Viret^  ».  On  discutait  sur  la 
présence  réelle.  Et  un  catholique  avait  lu  un  long  travail, 
soigneusement  préparé,  dans  lequel  il  reprochait  aux  minis- 
tres de  mépriser  les  anciens  et  saints  docteurs.  Alors  Calvin 
se  lève,  avec  sa  terrible  ironie  et  sa  science  étonnante.  Il 
affirme  que  souvent  les  catholiques  «  ne  les  ont  pas  en  si 
grand   honneur   que  nous,  et   ne  daigneroient   emploier  le 

d'hui.  »  (Ruchal,  I\',  p.  363.)  Le  volume  porte  deux  inscriptions,  l'une  en 
français,  l'autre  en  latin.  La  première  dit  :  «  Les  disputations  générales 
tenues  à  Lausanne  au  moys  d'octol^re  l'an  mil  cinq  cens  trente-six,  ordon- 
nées par  les  princes  clirestiens  messieurs  de  Berne,  en  plaine  liberté  et 
saufconduict  à  tous  allans  et  venans.  »  Opéra,  IX,  Proleg.,  p.  i.ni. 

1.  Herminjard,  1\",  p.  09;  C.  Subilia,  p.  9ô. 

2.  C.  Subilia,  p.  113. 

3.  Opéra,  IX,  p.  877. 


ÉTUDES    HISTORIQUES  533 

temps,  à  lire  leurs  escriplz,  que  nous  y  employons  volunliers. 
Comme  se  pourroil  prouver,  non  pas  à  vous,  mais  à  ung  qui 
y  seroil  un  peu  plus  exercité.  »  El  immédiatement  il  se  met  à 
citer  et  expliquer  les  opinions  de  Tertullien,  une  homélie 
attribuée  à  Chrysoslome,  «  la  XI'  homélie  environ  le 
millieu  »,  un  passage  de  saint  Augustin,  «  en  Tèpître  XXIII*, 
bien  près  de  la  fin...  »,  un  autre  «  au  livre  contre  Adimantus 
manichéen,  environ  le  milieu...,  »  un  autre  «  sus  le  pseaulme 


98...  »,  un  autre  «  au  commencement  de  quelque  homélie  sur 
Tévangile  s.  Jehan,  environ  le  [la?]  8'  ou  9^,  je  n'en  ay pas  la 
mémoire  certaine...  »,  un  autre  «  au  livre  de  fide  ad  Petrum 
Diaconum  (combien  qu'on  doubte  si  c'est  de  luy  ou  de  quel- 
que autre  ancien)...  Finablement  en  Tépistre  ad  Dardanion, 
laquelle  est  assez  ample  et  longue...  »  —  Tout  cela  de  mé- 
moire! Calvin  conclut  ces  citations  :  «  Tout  le  monde  peult 
facilement  appercepvoir  de  quelle  témérité  vous  nous  repro- 
chez que  les  docteurs  anciens  nous  sont  contraires.  Certes 


534  ÉTUDES   HISTORIQUES 

si  VOUS  en  eussiez  veu  quelques  feuillelz,  vous  ne  eussiez 
esté  si  hardy  à  faire  ung  tel  jugement  que  vous  avez  faict, 
n'en  ayant  veu  mesmes  les  couvertures,  comme  assez  le 
monstrcnt  les  tesmoignages  précédens.  »  Puis  échangeant  la 
massue  de  son  érudition  pour  l'épée  de  sa  dialeclique,  il 
embarrasse  ses  adversaires  dans  leur  propre  exégèse,  les 
laissant  eux-mêmes  considérer  en  quelle  «  absurdité  »  ils 
tombent,  et  il  achève  :  «  C'est  une  communication  spirituelle 
par  laquelle,  en  vertu  et  en  efficace,  il  nous  faict  parlicipans 
de  tout  ce  que  pouvons  recepvoir  de  grâce  en  son  corps  et 
son  sang...  le  tout  spirituellement,  c'est-à-dire  par  le  lien  de 
son  Esprit*.  » 

Tout  le  monde  est  surpris,  stupéfait.  Il  y  avait  de  quoi. 
C'est  une  révélation.  «  En  cet  endroit  sont  demeurés  tant 
les  Mimard  que  les  Blancherose  sans  réplique.  » 

Alors  se  passa  une  scène  qui  porta  l'émotion  générale  à 
son  comble.  «  Un  cordelier,  Jean  Tandi,  qui  avait  écouté  les 
disputes  dès  le  commencement,  voyant  la  bouche  fermée 
aux  opposans,  et  comme  ravi  en  lui-même,  se  leva  et  dé- 
clara, devant  toute  l'assemblée,  qu'il  se  sentait  éclairé  et 
convaincu  de  la  vérité  de  la  doctrine  qu'on  venait  d'ensei- 
gner [d'Japrès  l'Évangile...  Il  demanda  pardon  à  Dieu...  Il 
demanda  aussi  pardon  au  peuple...  Il  déclara  qu'il  allait 
renoncer  à  la  règle,  à  l'habit  et  à  l'ordre  de  cordelier,  pour 

1.  Opéra,  IX,  p.  877-884.  Les  connaissances  patristiques  de  Calvin 
étaient  célèbres,  même  parmi  les  plus  savants  Réformateurs,  comme  Mè- 
lanchlhon.  Calvin  s'était  mis  à  étudier  les  Pères  de  bonne  heure.  On  a 
encore  de  lui  une  préface  latine  qu'il  comptait  mettre  à  une  traduction 
française  des  Homélies  de  Chrysostome.  Il  ne  réalisa  pas  son  projet, 
conçu  peut-être  avant  sa  sortie  de  F'rance.  (Opéra,  IX,  Prolég.,  p.  lxv  et 
p.  831-838).  Les  éditeurs  des  Opéra  ne  savent  à  quelle  date  exacte  placer 
cette  préface.  «  Soit,  disent-ils,  avant  Cju'il  ait  quitté  la  France,  soit  avant 
qu'il  ait  applitiué  .son  esprit  à  l'explication  du  Nouveau  Testament,  par 
ses  Commentaires.  »  (Opéra,  Ibid).  M.  A.  Lang  croit  la  Préface  écrite  en 
1537  ou  1538.  Die  aeltesten  tJieologischen  Arbeiten  Calvins,  dans  les  Neiie 
Jahrbûcher  fur  deutsche  Théologie,  II,  1893,  p.  297-300.  —  Dans  cette 
préface,  Calvin  prouve  sa  familiarité  avecOrigène,  Athanase,  Basile,  Gré- 
goire, TertuUien,  Cyprien,  Hilaire,  Jérôme,  Ambroise,  Augustin.  En  quel- 
ques mots  précis,  il  caractérise  la  manière  de  chacun  de  ces  auteurs. 
Chrysostome  est  pour  lui  le  plus  «  populaire  »  de  tous.  Opéra,  I.X,  p.  831- 
833. 


ÉTUDES    HISTORIQUES  535 

vivre  en  chrétien*.  »  Et  sans  doute,  comme  plusieurs  de  ses 
pareils,  il  se  hâta  de  joindre  l'acte  à  la  parole. 

Farel  traduisit  immédiatement  les  sentiments  de  la  majo- 
rité de  l'assemblée  en  s'écriant  :  «  O  que  Dieu  est  grand,  bon 
et  sagel...  Il  a  eu  pitié  de  la  pauvre  brebis  qui  était  errante 
par  les  déserts,  et  l'a  amenée  à  la  sainte  bergerie-.  »  El  l'as- 
semblée se  retira  toute  troublée  par  ce  spectacle  pathétique. 

Outre  cette  conversion''  il  y  avait  eu  les  aveux  de  Blanche- 
rose,  les  deux  Auguslins,  Gérard  Pariât  et  Claude  démen- 
tis. Puis  les  prêtres  les  plus  consciencieux  embrassèrent  la 
Réforme^  Mimard,  Drogy,  qui  s'écria  :  «  Je  sais  que  je  serai 
excommunié,  et  cependant  je  viens  de  trouver  la  vérité.  » 
Dans  les  trois  mois  qui  suivirent,  plus  de  quatre-vingts  reli- 
gieux, plus  de  cent  vingt  curés  et  vicaires  passèrent  au  pro- 
testantisme. 

Les  conséquences  ecclésiastiques  de  cette  bataille  théolo- 
gique furent  rapidement  tirées. 

Dès  le  lendemain,  le  Conseil  même  de  Lausanne  décida 
que  la  maison  de  prostitution  serait  détruite  à  jamais,  et  que 
les  prostituées  seraient  chassées  de  Lausanne  avec  toutes 
les  femmes  de  mauvaise  vie.  Voilà  comment  se  trahissait 
l'influence  des  ministres.  —  Le  19  octobre  1536,  Berne  or- 
donna «  de  soy  incontinent  dépourler  de  toutes  cérémonies, 
sacrifices,  offices,  institutions  et  traditions  papistiques,  et 
de  toutellement  cesser  d'ycelles,  en  tant  qu'ils  désireront 
d'éviter   notre   maie  grâce  et  griefve  punition;  aussy  vous 


\.  Ruchat,  IV,  p.  288. 

2.  Le  Chroniqueur,  p.  330.  Nous  n'avons  pas  ici  à  discuter  le  récit  de 
certains  liistoriens  peu  impartiaux  (comme  Verdeii,  Histoire  du  canton  de 
Vaud.  I,  p.  365,  et  Charles  \'uillermet,  Notes  historiques  sur  Lausanne, 
I8'J6,  p.  38-îO).  Il  faudrait  une  étude  particulière  :  elle  a  été  faite  par 
M.  Ch.  Subilia. 

3.  Le  7  octobre,  Calvin  prit  de  nouveau  la  parole  pour  une  courte 
observation  historique,  relative  à  Hildebrand,  «  premier  déterminateur  de 
ceste  prodigieuse  transsubstantiation.  »  On  l'avait  invoqué.  Immédiate- 
ment, Calvin  cite  «  Beno,  cardinal,  en  ung  traicté  inséré  aux  commen- 
taires du  concile  de  Basle,  faict  par  Plus  II.  »  Et  il  conclut  sa  courte 
riposte  :  «  Allez  maintenant  et  dictes  que  le  pain  est  vostre  Dieu,  à  Tadveu 
de  celuy  qui  Ta  bruslé  pour  accomplir  ses  conjurations  magiques.  »  Opéra, 
IX,  p.  88i,  886.. 


536  ÉTUDES     HISTORIQLES 

expressément  recommandant  sans  dilalion  abatre  toutes 
images  et  idoles,  aussy  les  autels  estans  dans  lesdites 
églises  et  monastères;  toutesfois  cella  par  bon  ordre  et  sans 
tumulte*  ».  (Il  ne  faudrait  pas  trop  se  fiera  cette  dernière 
recommandation.)  —  Enfin  VOrdonnance  de  Réfonnation,  du 
24  décembre  1536,  vint  clore  Tancienne  période  et  ouvrir  la 
période  nouvelle  de  l'histoire  du  Pays  de  Vaud. 

V 

En  se  précipitant  ainsi,  les  événements  allaient  tout  natu- 
rellement faire  de  Calvin  le  chef  autorisé  et  respecté.  De 
Lausanne  même,  indiquant  le  résultat  de  la  Dispute,  il  écri- 
vit à  son  ami  Daniel  :  «  Déjà  dans  beaucoup  de  localités  on 
a  commencé  à  renverser  les  idoles  et  les  autels,  et  j'espère 
que  bientôt  ce  qui  reste  sera  aboli.  »  Mais  il  a  soin  d'a- 
jouter :  «  Le  Seigneur  fasse  que  Tidolàtrie  soit  ruinée  dans 
tous  les  cœurs.  » 

Quant  à  lui,  il  est  déjà  engagé  dans  de  nouvelles  discus- 
sions. Il  doit  partir  pour  Berne,  le  lendemain,  et  peut-être 
sera-t-il  obligé  de  pousser  jusqu'à  Bâle',  ce  qu'il  redoute,  à 
cause  de  sa  santé  délabrée  (fracta  valetudine)  et  de  la  mau- 
vaise saison.  En  attendant,  il  blâme  énergiquement  ces 
«  ventres  paresseux  »,  ces  hommes  qui  «  babillent  douce- 
ment à  l'ombre  »,  au  lieu  de  venir  aider  les  travailleurs.  Les 
pasteurs  manquent.  Quanta  ministrorum  penuriat  Que  ceux 
qui  ont  un  peu  de  cœur  (cordatioi-es)  accourent^. 

A  Berne,  Calvin  assiste,  du  16  au  18  octobre,  au  Synode  *, 

1.  Le  Chroniqueur,  p.  340,  3il.  La  lettre  était  adressée  au\  baillis,  châte- 
lains, lieutenants  et  autres  officiers.  Le  même  jour,  19  octobre,  Berne 
envoyait  à  chacun  des  ministres  nouvellement  désignés  par  une  assem- 
blée réunie  à  Lausanne,  à  l'issue  de  la  Dispute,  sa  lettre  de  nomination. 
Le  ton  en  est  curieux  :  «  Sur  ce  ordonné  que  tu,  incontinant  avoir  receuz 
Geste,  toy  transpourte  ver[s]  nostre  Baillif...  »  Pour  desservir  plus  de  cent 
paroisses  dans  les  «  pays  conquestés  »,  on  n'avait  trouvé  cju'une  quin- 
zaine de  pasteurs.  Herminjard,  IV,  p.  91,  p.  90,  n.  24. 

2.  M.  Herminjard  pense  qu'il  renonça  à  ce  voyage  et  se  contenta 
d'écrire,  IV,  p.  90,  n.  23.  \  oir  Ibid.,  IV,  p.  95,  la  lettre  n"  577. 

3.  13  octobre,  Ibid.,  IV,  p.  89-91. 

4.  Ibid.,  IV,  p.  90,  n.  22. 


I 


ÉTUDES    HISTORIQUES  537 

OÙ  sont  représentées  deux  cent  quatre-vingt-seize  paroisses, 
et  qui  délibère  sur  la  formule  de  concorde  de  Wittemberg. 
Bucer  et  Capiton  la  recommandaient  chaleureusement  aux 
Suisses.  Mais  le  Synode  la  trouvait  ambiguë.  Cependant  un 
des  docteurs  présents  fit  observer  que  la  Suisse  ne  devait  pas 
se  séparer  des  autres  Eglises  :  «  Si  cela  arrive,  dit-il,  c'en  est 
fait  de  la  religion  ^  »  Est-il  téméraire  de  penser  que  ce  docteur, 
c'était  Calvin,  se  montrant  dès  le  premier  jour  ce  qu'il  restera 
jusqu'à  la  fin  de  sa  vie.  le  grand  conciliateur  des  protestants? 
Ce  qui  semble  confirmer  celte  supposition,  ce  sont  les 
deux  lettres  parties  de  Strasbourg,  le  1<='  décembre  1536,  et 
signées  des  deux  hommes  qui  s'occupaient  tant  à  ce  moment 
de  cette  conciliation-.  Capiton  écrit  à  Calvin  qu'ils  sont 
presque  complètement  d'accord;  il  désirerait  qu'il  pût  venir 
passer  deux  jours.  «  Au  nom  de  Christ,  je  t'en  prie,  si  d'une 
façon  quelconque  tu  le  peux,  viens  nous  voir  avant  de  rien 
publier;  je  le  sais,  tous  tes  écrits  seront  plus  îorls  {robiis- 
tiora)  et  plus  puissants  {comnmnitiora),  quand  tu  nous  auras 
entendus  ^.  »  Bucer,  qui  n'a  pas  eu  occasion  de  voir  encore 
Calvin,  est  moins  familier;  il  est  presque  respectueux.  Il  dé- 
sire avoir  une  entrevue  pour  s'entendre  sur  ioni  {tecum per 
omnia  convenire),  et  il  viendra  volontiers  où  Calvin  voudra. 
Qu'il  choisisse  Bâie,  Berne  ou  même  Genève.  «  Nous  traite- 
rons religieusement  ces  sujets  qui  sont  certains  pour  toi, 
mais  qui,  à  cause  de  notre  lenteur,  ont  besoin  de  quelques 
explications.  »  Et  saluant  avec  admiration  les  débuts  de  cette 
activité,  Bucer  ajoute  :  «  Nous  croyons  reconnaître  que  le 
Seigneur  a  décidé  de  laisser  ses  Églises  se  servir  de  toi  avec 
le  plus  grand  profil  (usum  iiberrimum)  et  de  les  faire  très  lar- 
gement {latissimé)  profiter  de  ton  ministère...  Ne  méprise 
pas  mes  prières,  homme  très  savant  et  très  sainl^.  » 

E.    DOUMERGUE. 

1.  Lettre  du  20  octol^re,  de  Megandei-  aux  pasteurs  zurictiois,  Opéra, 
Xb,   p.  65. 

2.  Capiton  et  Bucer  avaient  assisté  le  24  septembre,  à  Bâte,  à  une  pre- 
mière réunion  qui  s'occupa  de  celte  conciliation.  Une  autre,  à  laquelle  ils 
assistaienlaussi,eutlieuà  Bàle  le  12  novembre.  Herminjard,  IV,  p.  1 16,  n.  2. 

3.  Herminjard,  IV,  p.   116. 
i.  Ibid.,  IV,  p.  Ils,  119. 

LI.  —  37 


Documents 


sous   LA   LIGUE,   AUX  ENVIRONS   DE  PARIS 
ABJURATION  FORCÉE  DE  PIERRE  DE  LYON 

ÉCUVER,    SEIGNEUR    DE    HrEUIL,    UlT    La    I'oNTAINE    d'AuI.NAY 

(1586-1587) 

Pour  comprendre  les  textes  qui  suivent  il  faut  se  rappeler 
que,  sous  la  pression  de  la  Sainte  Ligue,  le  roi  de  France 
Henri  111  publia,  le 8  juillet  1585,  un  édit  appelé  édit  de  Ne- 
mours, qui  ordonnait  aux  huguenots  d'abjurer  et  accordait  à 
ceux  qui  ne  voulaient  pas  renoncera  leur  foi,  six  mois  pour 
mettre  ordre  à  leurs  affaires  et  sortir  du  royaume.  Trois  mois 
plus  tard,  le  6  ou  7  octobre  1585,  sous  prétexte  de  prétendus 
armements  et  complots  organisés  par  les  huguenots,  grâce  à 
ce  délai  de  six  mois,  celui-ci  fut  réduit  à  quinze  jours.  C'est 
en  conséquence  de  ces  deux  édils  successifs  que  beaucoup 
de  protestants  qui  ne  voulaient  ou  ne  pouvaient  pas  s'expa- 
trier, prirent  le  parti  de  se  convertir  au  calholicisme  en 
attendant  des  temps  plus  favorables  pour  revenir  à  la  religion 
qu'ils  n'abandonnaient  que  pour  éviter  la  ruine  et  l'exil. 

Pierre  de  Lyon  s'était  conformé  aux  stipulations  de  l'édit  de 
Nemours  et  avait  été  faire  sa  soumission  à  l'évêché  de  Paris. 
Néanmoins,  peut-être  parce  qu'il  n'avait  pas  fait  notifier  offi- 
ciellement cet  acte,  à  la  requête  du  procureur  du  roi,  les 
commissaires  établis  par  Sa  Majesté  «  à  la  Chambre  du  Trésor» 
et  chargés  de  mettre  sous  séquestre  les  biens  des  protes- 
tants restés  dans  le  royaume  sans  avoir  abjuré,  firent  saisir 
son  fief  de  Breuil^  Pierre  de  Lyon  présenta  une  requête  au 
roi  et  à  ces  agents  du  fisc  si  pressés  de  garnir  les  coffres 
royaux  avec  les  biens  des  hérétiques  et,  grâce  à  un  certificat 
de  l'évèque  de  Paris,  il  obtint  un  ordre  de  mainlevée  du 
7  janvier  1586. 

Malgré  ces  témoignages  irrécusables  de  catholicité  offi- 
cielle, dix-huit  mois  plus  tard,  le  7  juillet  1587,  le  fisc  remit 

1.  Breuil,  commune  de  Bazainville,  canton  de  Iloudan,  Seine-el-Oise. 


DOCUMENTS  539 

la  main  sur  les  terres  qui  lui  avaient  une  première  fois  échappé. 
Peut-être  quek|u'un  qui  les  enviait  avait-il  répandu  le  bruit 
que  P.  de  Lyon  était  aussi  hérétique  qu'avant  son  abjuration. 
Quoi  qu'il  en  soit,  le  malheureux  dut  prouver  par  un  certificat 
en  bonne  forme,  du  curé  et  des  marguillers  de  sa  paroisse 
de  Bazainville,  qu'il  y  avait  fait  ses  Pâques  en  1587.  Un  cer- 
tificat de  son  capitaine  prouvait,  en  outre,  qu'il  faisait  tou- 
jours partie  de  sa  compagnie  c'est-à-dire  de  celle  de  Claude 
de  Harville,  seigneur  de  Palaiseau*,  ce  qui  sans  doute  n'au- 
rait guère  été  possible  s'il  n'avait  pas  régulièrement  fréquenté 
la  messe.  Ces  deux  pièces  jointes  à  une  nouvelle  requête 
du  plaignant  et  à  l'oidre  de  mainlevée  du  7  janvier  1586 
forment  le  dossier  qu'on  trouvera  ci-après.  Elles  furent  mon- 
trées au  procureur  du  roi  le  12  août  1587.  En  conséquence,  le 
lendemain  13  août,  celui-ci  donna  l'ordre  de  mainlevée  définitif. 
Le  fisc  abandonna-t-il  cette  fois  sa  proie?  Nous  ne  le  savons 
pas  et  rien  n'est  moins  certain,  car  on  sait  qu'à  cette  époque 
tous  les  prétextes  étaient  bons  pour  dépouiller  les  huguenots  '. 

N.  W. 

A  monsieur  le  lieutenant  civil  de  la  Prévoté  et  viconté  de  Paris, 

Supplie  humblement  Pierre  Dulyon  escuyer  seigneur  du  fief  du 
Breuil,  dicl  la  Fontaine  d'Aulnay,  homme  d'armes  du  roy  soubz  la 
charge  du  s'  de  Palaizeau,  comme  il  eust  présenté  requeste  au  Roy 
et  à  Messieurs  de  son  Conseil,  commissaires  eslablis  par  sa  Majesté 
en  la  Chambre  du  Trésor,  pour  l'exécution  de  son  édil  de  réunion 
de  ses  subjects  en  l'Église  catholique,  affin  de  avoir  mainlevée  de 
certaines  saisies  faictes  sur  ses  biens  à  la  requeste  de  Monsieur  le 
procureur  du  Roy,  comme  s'il  estoit  de  l'oppinion  nouvelle,  et  non 

1.  Arrondissement  de  Versailles. 

2.  Ce  dossier  se  trouve  aux  Archives  nationales,  Y.  3,s7U  au  milieu 
d'autres  requêtes  parmi  lesquelles  j'en  ai  remarqué  une,  du  21  nov.  1587, 
de  «  François  Hotman  s'  de  Morlefontaine,  conseiller  du  roi  et  trésorier 
ordinaire  des  guerres,  bourgeois  de  Paris,  a'  du  fief  de  t'ontenay  assiz 
au  village  de  Vemare  en  la  prévosté  de  Paris,  soubz  la  prévosté  de  Gonesse  ». 
—  Une  requête  analogue  à  celle  de  Pierre  de  Lyon  fut  présentée  le 
6  juillet  1586,  par  Anne  de  Pierrevive,  chevalier,  sieur  de  Lei^ignv  qui  de- 
meurait à  Paris  rue  Chappon  et  était  muni  d'une  attestation  du  curé  de 
Saint-Nicolas-des-Gliamps,  qu'il  avait  fait  ses  l^àciues  après  s'être  confessé. 


540  DOCUMENTS 

satisfaict  et  obéi  audict  édict  de  réunion  —  de  laquelle  requeste  il 
auroit  remonslré  à  sa  Majesté  que  suivant  son  dict  édict  il  auroit 
faict  profession  de  foy  par  devant  monsieur  l'evesque  de  Paris  et 
ses  vicaires  généraulx,  abjuré  toute  hérésie,  et  promis  persévérer  à 
la  dicte  religion  catholique,  apostolique  et  romaine  —  au  moyen  de 
quoy  il  auroit  obtenu  de  vous,  dès  le  VII'  jour  de  janvier  1586  [ladite 
mainlevée]  —  et  que  depuis  il  auroit  toujours  persévéré  à  vivre  ca- 
tholiquement,  faict  ses  Pasques,  hanté  et  fréquenté  l'Église. 

Néantmoings  il  auroit  derechef  esté  saisi  pour  quinze  jours  ou 
troys  sepmaines  ença,  et  pour  les  raisons  susdictes,  supplié  sa  Ma- 
jesté et  messieurs  les  commissaires  susdictz  luy  faire  mainlevée, 
lesquelz  susdictz  commissaires  auroient  dès  le  VI»  jour  de  ce  pré- 
sent moys  donné  avis  à  Sa  Majesté  de  renvoier  ladicle  requeste  par 
devant  vous  pour,  au  cas  que  le  suppliant  fist  apparoir  qu'il  a  faict 
ses  Pasques  depuis  ladicle  abjuracion  et  qu'il  ait  persévéré  en 
la  religion  catholicque,  luy  faire  mainlevée  conformément  à  ses 
ediclz. 

Ce  considéré  et  que  par  les  pièces  cy  attachées  il  vous  apperra 
de  la  mainlevée  que  vous  luy  aves  faicte  dès  le  VII^  jour  de  janvier 
mil  cinq  cens  quatre  vingt  six,  après  avoir  veu  son  abjuration  et  pro- 
fession de  foy  et  Tacte  du  serment  qu'il  a  faict  de  continuer  en  la 
relligion  catholicque,  attaché  à  la  dicte  sentance,  et  que  le  suppliant 
a  depuys  faict  ses  Pasques,  mesmes  au  jour  et  feste  de  Pasques 
dernier  passé,  par  l'attestation  du  curé  et  marguillers  de  sa  paroisse, 
du  IIll*  jour  de  juillet  ;  et  qu'il  faict  service  à  .Sa  Majesté  en  une 
place  d'homme  d'armes  en  la  compagnie  de  Monsieur  de  Palaizeau, 
par  le  certiffical  dudicl  seigneur  de  Palaizeau  du  XXIX*  jour  de 
juilliet  dernier  passé;  et  de  l'arresl  de  mesdictz  seigneurs  les  com- 
missaires, du  VII'  jour  de  ces  moys;  —  toutes  lesquelles  pièces 
sont  cy  attachées  — 

II  vous  plaise  luy  faire  mainlevée  de  la  dicte  saisie,  à   ce  qu'il 

puisse  faire  service  à  Sa  Majesté,  et  marcher  avecques  sa  compaignie 

qui  est  preste  à  partir  pour  aller  à  la  guerre.  — 

Et  vous  ferez  bien. 

De  Lyon. 

Soit  monstre  au  procureur  du  Roy. 
Faict  ce  XI*  jour  d'aoust  1587. 
(Signature  illisible,  du  lieutenant  de  la  Prévôté  et  vicomte  de  Paris.) 

Veu  le  cerfficat  du  curé  de  l'église  paroissialle  de  sainct  Jacques 
et  sainct  Philippes  au  village  de  Bazinviller,  avec  le  certifficat  de  mes- 


DOCUMENTS  541 

sire  Claude  de  Herville,  seigneur  de  Palaizeau  consent  mainlevée 
eslrefaict  ainsi  qu'il  est  requis.  Faict  le  XII"  aoust  15S7. 

DE  VlLLEMONTEL. 

Veu  le  consentement  du  procureur  du    Roy,  mainlevée  au   sup- 
pliant. Faict  le  XIII  aoust  1587. 
(Signature  illisible  du  lieutenant  de  la  Prévôté.) 

PIÈCES  ANNEXES 

A.  —  Certificat  du  curé  constatant  Vabjuration  de  Pierre  du  Lyon, 

Moy  soubzsigné,  Messire  Michel  Brancherie,  presbtre,  curé  de 
la  paroisse  et  église  de  Monsieur  Sainct  Jacques  et  Sainct  Phil- 
lippes  de  Bazinvillier,  diocèse  de  Paris,  certiffie  que  Pierre  Du 
Lyon,  seigneur  du  fief  du  Breuil  dict  La  Fontaine  d'Aulnay,  y  de- 
meurant et  estant  de  ma  dicte  paroisse,  est  bon  catholicque  et  sa 
dicte  femme  dernièremant,  à  Pasques  mil  cinq  cens  quatrevingtz  et 
sept,  ont  faict  leur  plain  debvoir  de  se  présenter  à  la  table  de  nostre 
sauveur  et  rédempteur  Jesuscrist  et  icellui  reçeu  avec  toute  révé- 
rance  et  dévotion,  comme  je  certiffie;  et  du  depuys  ont  assisté  au 
divin  service  les  dimanches  et  festes  comme  vrays  calholicques  et 
suivant  l'edict  et  vouloir  du  Roy,  prolestant  par  devant  moy  soubz- 
signé, comme  dict  est,  à  l'observance  des  sainctz  sacremens  insti- 
tués et  ordonnés  à  tous  vrais  calholicques  et  enfens  de  Dieu  et  sui- 
vant ladicte  ordonnance. 

En  tesmoing  de  quoy  j'ay  signé  ladicte  présente  devant  ledict 
seigneur  du  Lyon,  l'an  mil  cinq  cens  quatrevingtz  sept,  le  qua- 
trlesme  jour  de  ce  présent  mois  de  juillet  audict  an. 

M.  Brancherie. 

Nous  soubzsignés  Barthelemi  Baudrie  et  Daniel  Boivin,  mar- 
guilliers  au  régime  et  gouvernement  de  ladicte  église  de  Bazinvil- 
lier et  revenu  d'icelle,  certiffions  le  contenu  cy-dessus  escript  et  le 
tout  estre  vray,  tesmoing  nos  sains  cy  mis  le  jour  et  an  que  dessus. 

B.  Baudrie.       D.   Boivin. 

B.  —  Certificat  du  capitaine  de  la  compagnie  oii  Pierre  du  Lyon 
servait  comme  homme  d'armes. 

Nous,  Claude  de  Harvillc,  chevallier,  seigneur  de  Palleiseau,  La 
Celle,   Fresnay,  et   baron   de    Nainville,    capitaine    de   cinquante 


542  DOCUMENTS 

hommes  d'armes  des  ordonnances  du  Roy,  certifions  à  tous  qu'il 
aparliendra,  que  Pierre  Du  Lyon,  escuyer,  sieur  du  fief  de  Breuil 
dict  La  Fontaine  d'Aulnay,  est  homme  d'armes  de  nostre  com- 
paignie. 

En  tesmoing  de  ce,  avons  sine  ces  présentes  et  faict  sceller  du 
sel  de  nos  armes  le  XXLX'  jour  de  juillet  1587. 

Claude  de  Harville. 


C.  —  Ordre  de  mainlevée.  Pièce  en  parchemin  dont  un  côté 
est  déchiré. 

A  tous  ceux  qui  ces  présentes  lettres  verront,  Anlhoine  Duprat  et 
Du  *  ,  seigneur  de  Nanthoillet,  Precy,  P»ozay  et  de  For- 

meryes,  Paroz,  Dethier,  Thoucy  et  de  Majesté,  son  cham- 

bellan ordinaire  et  garde  de  la  prévosté  de  Paris,  salut. 

Sçavoir  faisons  la  requeste  à  nous  faicte  et  baillée  par  escript 
par  Pierre  de  Lyon,  escuyer,  sieur  de  Breul  dict  la  Fontaine,  nar- 
ratifve  que,  suivant  Tedict  et  volunté  du  Roy,  led.  suppliant  avoyt 
faict  [profession]  de  mourir  à  la  saincte  vraye  foy  catholicque,  apos- 
tolicque  et  romaine  selon  les  commen[dements]  de  saincte  Eglise, 
comme  de  ce  en  appert  par  attestation  et  par  le  procès-verbal  qui 
nous  a  esté  envoyé  par  le  prévost  de  Montlhéry;  loutesfois  sondict 
fief  de  Breul  et  autres  [terres]  avoyent  esté  saisiz,  à  la  requeste  du 
procureur  du  roy,  à  son  grand  préjudice. 

Pour  considération  du  contenu  de  lad.  requeste,  veu  l'acte  de 
profession  de  foy  faicte  par  ledict  de  Lyon  par  devant  monseigneur 
Tevesque  de  Paris  ou  l'un  de  ses  vicaires  généraulx,  ensemble  [la 
requeste?]  signée  dudict  suppliant,  contenant  les  submissions  or- 
données par  l'edict  du  roy. 

Oy  sur  ce  [le  procureur]  du  roy  ou  Chastellet  de  Paris,  auquel 
le  tout  a  esté  monstre  et  communicqué. 

Avons  [ordonné?]  faict  et  faisons  mainlevée  de  sesd.  biens  et 
heritaiges  cy-dessus  déclarez,  et  [commandons?]  lesd.  commis- 
saires y  establys  à  luy  rendre  et  à  payer  le  reliquat,  et  en  ce  fai- 
sant seront  deschargez  et  les  deschargeons  de  lad.  commission. 

En  tesmoing  de  ce  nous  [ordonnons]  mectre  à  ces  présentes  le 
scel  de  la  prévosté  de  Paris. 

Ce  fut  faict  par  noble  [homme],  maistre  Anlhoine  Séguier,  con- 

1.  Les  lacunes  correspondent  à  la  place  où  le  parchemin  est  déchiré, 

2.  De  ce  qu'ils  avaient  touché. 


DOCUMENTS  543 

seiller  du  Roy  nostre  sire,  lieutenant  civil  de  ladicle  prevoslé  le 

[jourd'huy]  septiesme  Jour  de  janvier  mil  cinq  cens  quatrevingt  et 

six*. 

Mainlevée  Coll.  De  Lyon. 

Beaudesson.      J.  Drouart. 


POURQUOI  ET  COHHIVIENT  ON  SE  SOUMETTAIT  A  MONTAUBAN 

En  1685 

Voici  un  des  documents  les  plus  poignants  qu'il  m'ait  été 
donné  de  lire  depuis  plus  de  vingt  ans  que  j'éludie  les  témoi- 
gnages de  notre  passé*.  Il  semble,  tant  ceux  de  ces  témoi- 
gnages qui  se  rapportent  à  la  Révocation  sont  nombreux, 
que  tout  ait  été  dit  sur  cette  calamité.  Et  pourtant.... 

Qu'on  lise  ce  testament  moral  qu'un  des  hommes  les  plus 
considérables  de  Montauban  à  celle  époque  a  cru  devoir 
laisser  à  la  postérité  au  moment  de  donner  une  signature  qui 
lui  apparaissait  clairement  comme  une  trahison.  Qu'on  pèse 
les  raisons  qu'il  énumère,  toutes  plus  douloureuses  les  unes 
que  les  autres.  Qu'on  essaie  de  bien  comprendre  les  der- 
nières :  L'épouvante  de  ce  malheureux  à  l'idée  qu'on  allait 
lui  enlever  à  jamais  ses  enfants  pour  leur  apprendre  à  le 
maudire;  —  la  pensée  qu'en  cédant  à  la  violence  il  permet- 
trait à  son  cher  père  de  mourir  en  paix  sans  être  «  inquiété 
pour  la  conscience  »;  —  l'espérance  qu'un  jour  on  parvien- 
drait à  fléchir  le  cœur  de  Louis  XIV  mieux  informé  de  la 
justice  des  plaintes  des  P.  R.  —  comme  si  ce  roi  n'était  pas 
au  courant  des  moindres  détails  et  incapable  d'un  mouve- 
ment de  pitié!  —  Oui,  qu'on  réfléchisse  à  tout  cela,  qu'on 
remarque  que  dans  cetle  palpitante  déclaration  il  n'y  a  même 
pas  un  cri  d  indignation  contre  les  misérables  fanatiques  qui 
avaient  longuement,  froidement  imaginé,  préparé  celte  série 
de  tortures  raffinées  et  progressives  —  et  involontairement 

i.  Nous  remercions  M.  II.  Palry  qui  a  bien  voulu  copier  pour  nous 
une  partie  de  ce  dossier. 

2.  II  m'a  été  obligeamment  communiqué  par  M.  le  pasteur  Vielles,  direc- 
teur du  séminaire  i)rolestanl  de  Monlaul)an. 


544  DOCUMENTS 

on  se  rappellera  les  célèbres  paroles  :  «  Que  celui  qui  est 
sans  péché  lui  jelle  la  première  pierre  ».  —  Et,  «  malheur  à 
celui  par  qui  le  scandale  arrive  I  » 

N.  W. 

Dieu  ayant  permis  en  sa  juste  colère,  pour  nous  punir  des  péchés 
que  nous  avons  commis  contre  Sa  Majesté  souveraine,  que  cette 
ville  de  Montauban  ait  esté  remplie  dans  le  20«  du  mois  passé  de 
gens  de  guerre,  tant  Infanterie  que  Cavalerie,  qui  ruinent  et  désolent 
les  maisons  et  personnes  des  habitans  faisans  proffession  de  la  Re- 
ligion, que  les  Edicls  appellent  prétendue  refformée,  tandis  qu'ils 
y  persévèrent;  Je  me  suis  trouvé  chargé  en  mon  par"  depuis  le  23» 
dud.  mois  du  logem'  de  M.   le  Marquis  de  Grillon,   Brigadier  et 
Inspecteur  général  de  Cavalerie,  Commendant  à  présent  en  ce  pays 
les  armes  de  Sa  Majesté,  Auq'  j'ay  eu  à  payer  cinq'»  escus  de  cinq 
en  cinq  jours  par  advance,  outre  le  logement  que  je  luy  fournis  et  à 
son  train,  composé  à  présent  à  la  vérité  de  cinq  hommes  seulem'  et 
de  deux  chevaux,    mais  que  je  nourris  entièrem'.  Pressé  par  ce 
logem',  qui  est  fort;  Intimidé  par  les  menaces  d'une  foule  extraor- 
dinaire à  l'arrivée  de  tout  le  reste  du  train  dud  seig'  de  Grillon,  et  de 
plusieurs  autres  logements  ruineux;  Essayé  cependant  par  deux 
logem''  qui  avoyent  coup  sur  coup  esté  tirés  sur  moy,  une  fois  de 
neuf  Cavaliers,  et  vue  autre  de  huit  fantassins,  pour  me  faire  mieux 
sentir  les  menaces  qui  me  sont  faites;  Craignant  d'estre  ruiné  sans 
ressource  avant  que  ni  moy  ni  les  autres  personnes,  qui  proffessent 
la  mesme  Religion  en  cette  ville,  ou  dans  le  reste  de  la  Guyenne, 
que  je  vois  estre  dans  le  mesme  accablem',  puissions  recevoir  du 
soulagem'  de  la  Justice  de  noslre  Roy,  qui  ne  souffrira  sans  doute 
pas  selon  son  équité  et  sa  magnanimité  une  violation  si  formelle  de 
ses  Edicts  et  de  ceux  de  ses  prédécesseurs,  lors  que  nous  serons 
asses  heureux  pour  luy  faire  entendre  nos  justes  plaintes,  que  la 
malice  de  nos  Ennemis  empesche  de  parvenir  jusques  à  luy;  Crai- 
gnant de  plus  tout  ce  que  peut  faire  craindre  la  fureur  du  soldat, 
qui  dans  la  chaleur  du  pillage,  qu'il  a  commencé  dans  quelques 
maisons  que  les  maistres  ont  esté  contraints  d'abandonner,  crie 
desja  hautem',  à  l'huguenot,  à  la  potence;  Et,  plus  que  tout  cela, 
épouvanté  par  les  refflexions  de  mes  amis  qui  me  disent  que  ma  per- 
sévérance m'attirera,  après  tous  les  autres  maux,  celuy  d'estre  privé 
de  l'éducation  de  mes  enfans,  sous  prétexte  qu'on  fera  dire  à  des 
gens  aposlés  qu'ils  auront  des  sentiments  différens  des  miens,  ou 
mesme  sans  prétexte  dans  cette  grande  calamité  du  temps,  c'est-à- 


DOCUMENTS  5'l5 

dire,  que  je  perdray  ainsi  mes  chers  enfans  et  selon  Dieu  et  selon 
le  monde,  abandonnés  jeunes,  comme  sont  ([uelques  uns  d'enlr'eux 
à  leur  propre  conduite,  ou  commis  à  des  estrangers  qui  ne  se  met- 
tront pas  en  peine  de  les  eslever  dans  les  principes  de  l'honneur  et 
de  la  vertu,  et  dans  les  conn'='"'  convenables  à  leur  estât  et  à  leur 
sexe,  et  qui  tout  au  plus  n'en  prendront  de  soin  que  pour  leur  ins- 
pirer de  l'aversion  pour  la  Religion  dans  laqu"°  ils  sont  nés;  Solli- 
cité enfin  et  attiré  par  les  offres  qu'on  me  fait  de  laisser  mon  très 
cher  Père  achever  le  reste  de  ses  jours  en  repos  sans  l'inquiéter 
pour  la  conscience; 

—  Moy  Pierre  Garrisson  docteur  et  ad',  habitant  dud.  Mont''", 
âgé  de  46  ans,  succombe  sous  le  poids  de  tant  de  maux,  et  de 
tant  de  craintes.  Et  après  avoir  versé  un  torrent  de  larmes  je  vay 
avec  une  douleur  inconcevable  passer  une  déclaration  que  j'aban- 
donne la  Religion  dans  laq""  Dieu  m'a  fait  naistre,  où  j'ay  esté 
eslevé,  que  j'ay  proffessée  avec  un  grand  repos  de  conscience,  et 
dans  laq"f  j'espérois  de  vivre  et  de  mourir  sous  la  foy  des  Edicts  de 
nos  Roix  et  la  protection  de  nostre  grand  Monarque,  qui  a  si  sou- 
vent expliqué  sa  volonté  sur  leur  observation.  Je  prie  Dieu  qu'il  me 
pardonne  une  si  grande  faute  par  sa  miséricorde  infinie  pour  l'amour 
de  son  fils  nostre  Seigneur  Jésus  Christ,  et  proleste  avec  sincérité 
de  cœur,  que  si  ce  souverain  Créateur  du  Ciel  et  de  la  Terre,  qui 
tient  les  cœurs  des  Roix  en  sa  main,  et  les  ployé  comme  bon  luy 
semble,  estant  appaisé  envers  nous  pauvres  pêcheurs,  fléchit  le 
cœur  de  nostre  Monarque  à  escouler  nos  justes  plaintes,  et  à  nous 
restablir  ou  maintenir  dans  la  possession  de  ses  Edicts  nonobstant 
les  prétendus  actes  de  Déclaration  que  la  force  et  la  violence  extor- 
quent de  nous,  je  feray  tout  aussi  tost  avec  l'ayde  de  Dieu  proffession 
de  lad.  Religion;  et  feray  réparation  du  scandale  que  mon  infirmité 
pourra  avoir  causé  aux  Esglises  qui  la  proffessent,  selon  que  la  dis- 
cipline desd.  Esglises  le  requerra. 

Et  i^arce  que  je  pourrois  eslre  prévenu  par  la  mort  avant  de  voir 
cet  heureux  temps,  je  fay  le  présent  escrit  pour  eslre  un  tesmoignage 
de  la  connoiss"^  que  j'ay  de  la  faute  que  je  vay  faire,  et  de  ma  forte 
passion  de  me  voir  en  liberté  de  me  réunir  aux  Esglises,  dont  la 
violence  me  sépare. 

Fait  aud.  Montauban  le  six*  septembre  m  vi""  quatre  vingts  cinq. 
En  foy  de  quoy  me  suis  signé 

Garuisson. 


546  DOCUMENTS 

FUGITIFS  DU  PÉRIGORD  ARRÊTÉS  EN  BELGIQUE  EN  1701 

Les  années  1700  et  1701  furent  marquées,  dans  certaines 
régions  du  royaume,  par  une  recrudescence  de  l'émigration. 
Ce  fut  le  cas,  notamment,  pour  la  partie  de  la  Guyenne  com- 
prise entre  Bergerac  et  Sainle-Foy,  où  les  persécutions  du 
duc  de  la  Force*  déterminèrent  de  nombreux  huguenots  à 
prendre  la  fuite.  C'est  de  cette  époque  que  date  la  tentative 
d'évasion  de  Jean  Marteilhe,  dont  les  Mémoires  sont  bien 
connus. 

Il  ne  fallait  guère  songer  à  s'évader  par  mer.  La  route  qui 
paraissait  la  moins  périlleuse  était  celle  de  Paris  et  des 
Pays-Bas.  Des  guides  venaient  de  Hollande  chercher  les 
fugitifs  jusque  sur  les  bords  de  la  Dordogne^.  Jusqu'à  Paris 
les  risques  étaient  minimes,  et  les  vraies  difficultés  ne  com- 
mençaient qu'au  delà.  L'essentiel  était  d'atteindre  Mons  par 
Valenciennes,  ou  Gharleroi  par  Mézières,  Charleville  et  la 
forêt  des  Ardennes,  Mais,  même  une  fois  la  frontière  franchie, 
on  n'était  pas  toujours  en  sûreté.  Cela  dépendait  des  circon- 
stances et  des  moments. 

Au  commencement  de  170!,  une  troupe  d'émigrants  partit 
des  environs  de  Sainte-Foy;  elle  fut  rejointe  en  route  par 
quelques  protestants  de  Châlellerault.  Composée  en  tout  de 
cinq  hommes,  Jean  Faure  (chez  les  parents  duquel  le  duc  de 
la  Force  avait  logé  24  soldats  à  discrétion)  Jacques  et 
Nicolas  Maulmond,  Samuel  Coste  et  Pierre  Rey,  et  de  cinq 
femmes  déguisées  en  hommes,  Marguerite  Jouhaneau,  Eli- 
sabeth Lavet,  Marie  Goulard,  Elisabeth  Bellot  ou  Bélier  et 
Elisabeth  Labernède  ou  La  Burnetle,  elle  fut  arrêtée  à 
Lorinnes  (?)-les-Dinant,  près  de  Namur,  c'est-à-dire  hors  des 
terres  de  France  et  en  Pays-Bas  espagnols,  au  moment  où 
tout  danger  semblait  avoir  disparu  pour  les  fugitifs,  qui 
furent  transférés  dans  les  prisons  de  Namur. 

La  supplique  suivante  fut  adressée  au  Conseil  provincial  de 

\.  Cf.  Bullet.  prot.  VII,  p.  138  ss,  290  ss;  L,  p.  78  ss. 
2.  Cf.  Ibid.  L,  p.  89  et  Mémoires  (de  Marteilhe),  p.  36. 


à 


DOCUMENTS  547 

Naniur  par  ces  inforlunés,  dont  l'arreslalion  consliluail  une 
souveraine  injustice  de  la  part  des  autorités  espagnoles,  géné- 
ralement moins  zélées  pour  le  service  du  roi  de  France*. 

Remontrent  très  humblement  Jacques  et  Nicolas  Maulmont, 
Jean  Faure,  Samuel  Cost  (e),  Pierre  Raye,  Marguerite  Joanaù,  Isa- 
beau  Laver,  Marie  Goulart,  Isabeau  Bélier  et  Isabeau  la  Burnette, 
qu'estants  arrivé  du  Périgord,  province  de  France,  en  cette  province 
de  Namur,  dans  la  croyance  d'y  trouver  pleine  sùrelé  tant  pour  le 
passage  de  leurs  personnes  que  effets,  ainsy  qu'il  s'est  toujours  cyd' 
pratiqué,  il  se  trouve  qu'estants  arrivez  au  village  de  Lovrinne  leiz 

1.  Celte  pièce  et  celles  qui  raccompagnent  proviennent  des  Archives 
d'Etat  de  Belgique  (carton  S'i  —  Conseil  d'Etat)  et  ont  été  obligeamment 
communiquées  à  M.  N.  W  eiss  par  M.  E.  Belleroche,  de  Bi'u\elles.  —  Les 
deux  lettres  ci-après  (Ibid.)  montrent  que  les  autorités  espagnoles  fermaient 
ordinairement  les  yeux  sur  le  passage  des  fugitifs  de  France,  du  moins 
dans  les  premières  années  qui  suivirent  la  révocation  de  l'édit  de  Nantes: 

Monseigneur,  je  suis  obligé  de  donner  part  à  V"  Ex'^"  que  deux  bour- 
geois et  l'artificial  de  celte  ville  ont  voulu  faire  accord  avec  un  françois, 
pour  mener  à  mon  insceu,  et  sans  m'avoir  donné  cognoissance,  quelque 
françois  religionnaires  d'auprès  de  Graveline  en  Angleterre,  aiant  voulu  à 
cest  effect  débaucher  quekjue  poissonnier  de  ce  port  pour  les  trans- 
porter avec  leurs  meul)les,  et  come  cest  affaire  auroit  peu  causer 
quelque  trouble  au  préjudice  du  roy  ou  représailles,  iay  Ireuvé  à  propos, 
après  avoir  pris  l'advis  des  Mess"  du  Magistrat  de  celte  ville,  de  les  faire 
mettre  en  prison... 

Nieuport  ce  V"''  avril  16^6.  L.  Vanderpret. 

Monseigneur,  Vre  Ex"  ayant  esté  servie  de  nous  faire  remettre  la 
lettre  par  laquelle  le  colonel  Van  der  Prêt  luy  al  escrit,  le  4"°°  de  ce  mois, 
que  deux  bourgeois  et  l'artificial  de  la  ville  de  Nieuporl  ayans  voulu  faire 
accord  avecq  un  françois  pour  mener  en  Angleterre  (à  l'insceu  dud'  co- 
lonel et  sans  luy  en  avoir  donné  connoissance)  quelques  françois  religio- 
naires  d'auprès  de  Gravelinghe,  ils  auroient  voulu  dél)aucher  à  cet  effecl 
quekiue  poissonier  du  port  de  ladite  ville,  et  comme  celle  affaire  auroit 
peu  causer  quelque  trouble  ou  représailles  au  préjudice  du  roy,  ledit  co- 
lonel auroit  trouvé  à  propos,  après  avoir  pris  l'advis  de  ceux  du  Magis- 
trat, de  les  faire  mettre  en  prison...  Sur  quoy  ayans  délibéré,  il  nous 
semble  qu'il  n'y  a  point  de  sujet  pour  empescher  la  sortie  des  religio- 
naires  de  France,  et  qu'ainsy  V  Ex"  pourroit  estre  servie  de  respondre 
audit  colonel  qu'il  ail  à  lasctier  incessamment  lesdits  prisonniers  et  les 
faire  sortir  sans  passer  outre  aux  dites  informations  ny  donner  à  con- 
noistre  qu'il  agit  par  ordre  de  V'  Ex". 

Ainsy  advisc  au  Conseil  d'F^stat  du  Roy  tenu  à  Bruxelles  le  8' d'avril  1686. 

B.  Galvard. 

Présens  le  baron  dOudenhove,  chef  président,  archevesque  de  Malines, 
conseiller  (>hristyn  et  conseiller  de  (.loxic. 


548  DOCUMENTS 

Dînant,  le  may'  d'yllecq  les  auroil  fait  saisir  et  les  fait  conduire  en  celte 
ville  coë  des  criminels,  où  ils  sont  pnlemt  constituez  es  conciergeries 
de  cette  ville,  et  coë  ils  ignorent  de  qui  proviennent  les  ordres  qui 
les  ont  ainsy  fait  reserrer,  ils  vous  supplient,  Messeig",  de  vouloir 
prendre  cognoissance  de  leurs  faits  et  personnes,  affin  qu'il  en  soit  coê 
il  appartiendra,  et  nommément  que  les  suretez  et  franchise  nesoyent 
viollées  en  leur  éguard,  et  que  mesme  s'ils  ont  délinquez  en  quelq 
chose  (ce  qu'ils  ne  croyent)  attendu  que  le  passage  sur  les  terres  de 
Sad'"  M"  catholique  n'a  jamais  esté  interdit,  ils  entendent  se  soub- 
mettre  à  la  cognoissance  des  officiers  de  Sad^''  M''  privativement  à 
tous  autres  pour  avoir  justice,  sans  qu'on  puisse  les  faire  enlever  de  ce 
pays  selon  qu'on  les  menace,  et  ferez  j  uslice.  [Manquent  les  signatures] . 

Cette  requêle  fut  transmise  par  le  Conseil  provincial  de 
Namur  au  Conseil  d'État  de  Bruxelles. 

Messeigneurs, 
Ayant  fait  communiquer  le  jourdhier  le  contenu  de  sa  Req"^  cy 
jointe  par  le  Procureur  gnal  de  ce  conseil  à  Monsieur  le  comte  de 
Bruay,  gouverneur  de  cette  province,  nous  avons  esté  informés  que 
Jacques  et  Nicolas  Maulmond  et  consors  nous  ayant  présenté  lad" 
req"  estoient  des  religionaires  du  royaume  de  France,  duquel  depuis 
peu  ils  s'estoient  sauvez  et  retirés,  pour  éviter  les  recherches  et 
poursuites  que  l'on  fait  à  l'endroit  des  personnes  de  leur  religion, 
et  qu'estant  parvenus  à  Lorinnes,  village  de  ce  pays  el  comté,  le 
mayeur  du  lieu  les  avoit  fait  saisir,  sous  prétexte  qu'ils  estoient 
déserteurs,  et  les  fait  conduire  en  cette  ville  chez  ledit  gouverneur, 
lequel,  à  l'instance  et  réquisition  du  lieuten'  gnal  Ximenes  les  avoit 
fait  constituer  prisonniers  es  conchiergeries  de  cette  ville,  de  quoy 
néantmoins  il  avoit  donné  part  à  la  Cour  [de  France],  pour  sçavoir 
si,  à  raison  de  la  franchise  et  seureté  qu'il  y  a  dans  le  pays  de  Sa 
M'*  pour  les  éslrangers,il  neconvenoit  pas  les  élargir  et  leur  donner 
la  liberté  de  se  retirer  où  ils  trouveront  à  propos.  En  effet,  il  nous 
semble,  Messeig",  que  c'est  enfraindre  et  violer  le  droit  d'asile  que 
il  y  a  dans  un  pays  d'une  souveraineté  à  l'autre,  que  d'avoir  con- 
stitué les  supplians  prisonniers,  les  vouloir  retenir  et  laisser  à  la 
disposition  des  officiers  de  France,  qui  ne  manqueront  pas  de  les 
renvoyer  au  district  de  leur  royaume  pour  les  faire  punir  de  leur 
démérite,  mais  comme  c'est  une  affaire  d'Estat,  nous  avons  cru 
dans  \sl  présente  conjoncture  du  temps  ne  pouvoir  rien  décerner  sur 
les  fins  de  ladite  reqi*,  ains  de  la  renvoyer  à  vos  Seigneuries,  affin 


DOCUMENTS  549 

d'y  prendre  tel  égard  et  résolution  qu'elles  trouveront  au  cas  appar- 
tenir, ce  qu'attendant  nous  sommes  en  1res  profond  respect 
Messeigneurs, 
De  vos  Seigneuries  très  humbles  et  très  obéissants  serviteurs 
Les  Président  et  gens  du  Conseil  provincial  du  Roy  à  Namur 

G. -A.  Lamblet. 
Namur,  le  13  avril  1701. 

La  «  présente  conjoncture  »,  c'était  la  couronne  d'Espagne 
passée,  depuis  quelques  mois,  sur  la  tète  d'un  petit-fils  de 
Louis  XIV.  La  réponse,  qui  ne  se  fil  pas  attendre,  était  facile 
à  prévoir  : 

Au  Conseil  provincial  de  Namur. 
Le  Roy, 
Chers  et  féaux,  ayant  veu  ce  que  vous  nous  avez  advisé  par  vos 
lettres  du  13  de  ce  mois,  au  sujet  du  contenu  de  la  req'*  de  Jacques 
et  Nicolas  Maulmond  et  consors  que  vous  auriez  fait  communiquer 
au  comte  de  Bruay  par   le  procureur   gïîal  de  votre  conseil  de 
Namur,  nous  vous  dirons  que  vous  tâchiez  d'apprendre  la  réponse 
que  le  lieutenant  gïïal  Ximenes  recevra  de  la  Cour  de  France  sur 
la  représentation  que  le  mayeur  du  village  de  Lorinnes  luy  a  faite 
sur  ce  particulier,  et  l'ayant  appris,  vous  nous  en  donnerez  part  ou  à 
ceux  de  îTre  Conseil  d'Estat... 
Brux",  le  22  d'avril  1701. 

Nous  ne  connaissons  pas  la  lettre  de  la  Gourde  France; 
mais  ce  qu'elle  fut,  la  suite  de  l'affaire  l'indique  suffisamment. 
Les  prisonniers  de  Namur,  livrés  au  prévôt  de  Maubeuge', 
furent  condamnés  à  des  peines  diverses  le  3  août  1701,  juge- 
ment confirmé  par  le  Parlement  de  Tournai  le  9  du  même 
mois^  : 

Veu  par  la  cour  le  procez  criminel  extz'aordinairement  fait  et 
instruit  par  le  prévost  royal  de  Maubeuge  à  la  requesle  du  procu- 
reur du  roy  dud.  lieu  demandeur  et  accusateur  contre  Jacques  et 

1.  Cr.  E.  Lacheret,  Notice  sur  l'Eglise  protestante  de  Maubeuge,  Valen- 
ciennes  1874,  p.  5, 

2.  Arch.  du  parlement  de  Tournai  (Greffe  de  la  Cour  d'appel  de  Douai). 
Nous  sommes  redevable  de  cette  pièce  à  M.  le  pasteur  Beuzart,  de  Douai, 
qui  a  bien  voulu  la  transcrire  pour  nous. 


550  DOCUMENTS 

Nicolas  Maulmond,  Jean  Faure,  Samuel  Coste,  Pierre  Rey,  Mar- 
guerite Jouhaneau,  Elisabeth  Lavet,  Marie  Goullard,  Elizabeth 
Belloc  et  Elizabeth  Labernède,  de  la  religion  prétendue  réformée, 
accusez,  prisonniers  es  prisons  de  la  conciergerie  du  palais,  appel- 
ions de  la  sentence  contre  eux  donnée  par  ledit  prevost  de  Mau- 
beuge  le  3  aoust  de  la  présente  année,  par  laquelle  lesdils  accusez 
auroient  été  déclarez  deuement  atteints  et  convaincus  d'estre  sortis 
du  royaume  sans  la  permission  de  Sa  Majesté,  pour  réparation  de 
quoi  lesdits  Jacques  et  Nicolas  Maulmond,  Jean  Faure,  Samuel 
Coste  et  Pierre  Rey,  condamnez  au  service  de  forçats  dans  les 
galères  du  roy  à  perpétuité,  et  lesd.  Marguerite  Jouhaneau,  Eliza- 
beth Lavet,  Marie  Goullard,  Elizabeth  Belloc  et  Elizabeth  Laber- 
nède à  estre  recluses  dans  tel  lieu  qu'il  plaîroit  à  Sa  Majesté  de 
nommer,  ne  se  trouvant  dans  la  juridiction  de  Maubeuge  aucun  cou- 
vent fermé  ny  autre  lieu  propre  à  cet  effet,  leurs  biens  acquis  et 
confisqués  au  roy... 

Ouy  le  rapport  de  messire  Maximilien  Hattu  du  Vehu,  conseiller, 
et  tout  considéré,  la  Cour,  faisant  droit  par  son  jugement  et  arrest, 
a  mis  et  met  l'appellation  au  néant,  ordonne  que  la  sentence  dont 
est  appel  sortira  effet,  en  conséquence  que  les  dites  Marguerite 
Jouhaneau,  Elizabeth  Lavet,  Marie  Goullard,  Elizabeth  Belloc  et 
Elizabeth  Labernède  seront  mises  dans  un  cloistre  ou  autre  lieu 
pieux  qui  sera  désigné  par  le  juge  royal  plus  prochain  de  leur  rési- 
dence pour  y  estre  rasées  et  recluses  et  y  vivre  le  reste  de  leurs 
jours,  conformément  aux  ordonnances  et,  pour  faire  mettre  le  pré- 
sent arrest  à  exécution,  a  renvoyé  et  renvoyé  lesdits  accusés  par 
devant  ledit  juge  de  Maubeuge. 

Fait  à  Tournay  en  parlement,  le  9  aoust  1701. 

Bruneau.  Hattu  du  Vehu. 

A  partir  de  ce  moment  nous  perdons  la  trace  des  condam- 
nés. Les  hommes  n'allèrent  pas  aux  galères,  où  Ton  ne  ren- 
contre aucune  mention  de  leur  passage.  Il  est  permis  d'en 
conclure  que  les  femmes  ne  furent  pas  davantage  enfermées 
au  couvent.  Les  uns  et  les  autres  durent  sortir  des  prisons  de 
Maubeuge  ou  de  Tournai  par  la  porte  basse  de  l'abjuration, 
et  rentrer  dans  leurs  foyers,  doublement,  victimes  de  la 
«  piété  »  de  Louis  XIV  et  de  la  Succession  d'Espagne.  En 
furent-ils  meilleurs  catholiques?  C'est  une  autre  affaire... 

P.  Fonbrune-Berbinau. 


I 


DOCUMENTS  551 

A  QUEL  PRIX  ON  POUVAIT  RESTER  A  SAINTE-FOY 
Entre  1700  et  1703. 

Avec  les  tout-puissants  frères  Geiitillot,  Fun  notaire,  l'autre 
drapier*,  tous  deux  très  gros  propriétaires,  et  le  dernier 
aussi  riche  en  enfants  qu'ils  Tétaient  en  biens,  la  nombreuse 
famille  des  Duvergier-  était,  il  y  a  quelque  deux  siècles, 
Tune  des  plus  importantes  deSainte-Foy-la-Grande.  C'étaient 
d'excellents  huguenots,  dont  les  papiers  poudreux,  amonce- 
lés dans  un  vieux  coffre  du  château  de  Goulard,  alors  leur 
propriété,  dénotent  un  souci  égal  des  intérêts  de  l'âme  et  de 
ceux  de  ce  bas  monde.  11  n'est  pas  rare  de  trouver  des  for- 
mules pieuses  dans  leurs  lettres  d'affaires,  où  l'on  ne  sent 
nullement,  d'ailleurs,  l'arrière-goût  doucereux  de  l'hypocri- 
sie. Ils  tenaient  à  bien  marier  leurs  enfants,  et  un  prétendant 
évincé  se  plaignait  amèrement,  vers  1750,  de  ne  pas  avoir 
été  agréé,  en  dépit  du  certificat  que  lui  avaient  remis  les  «  En- 
tiens  »  de  l'Eglise. 

Dans  ces  conditions,  on  comprend  sans  peine  que  si  la 
haute  situation  de  la  famille  devait,  en  quelque  mesure, 
atténuer  la  persécution,  cette  quiétude  n'était  que  fort  rela- 
tive, et  qu'ici  comme  partout,  la  révocation  de  l'édit  de  Nantes 
déchira  les  cœurs  et  les  consciences. 

Voici,  pour  preuve,  la  copie  d'une  assignation,  sur  papier 
timbré  de  10  deniers^  marqué  à  la  Généralité  de  Bordeaux  : 

L'année  mil  sept  cens  le  vingt  quatre  jour  du  mois  de  Janvier  En 
vertu  de  l'ordonnance  de  monseigneur  l'intendant,  du  dixiesme  no- 
vembre dernier  Estant  au  bas  de  la  req"e  à  luy  présentée  par  le 
sieur  Arnaud  y  dénommé  pour  leqi  domicilie  et  elleu  en  son  Bu- 
reau ruhe  du  loupt  à  bord>'  parroisse  S'-Proye;  Je  Jacques  Faure 

1.  Celui-ci  mourut  en  1680.  En  août  1688,  sa  veuve  acliète  pour  elle  et 
sa  fille  «  unze  aunes  d'clamine  de  claire  tintade  ». 

2.  11  y  a  eu,  vers  1700,  alliance  entre  les  deux  familles.  D'ailleurs,  dès 
le  commencement  du  xvii"  siècle,  il  y  avait  des  relations  entre  elles,  toutes 
deux  étant  dynasties  de  notaires,  et  leurs  propriétés  se  touchant.  Les 
Duvergier,  de  leur  cote,  étaient  cousins  des  Reclus,  famille  de  magistrats, 
qui  possédait,  aux  environs  de  Sainte-Foy,  (juelques  arpents  de   vignes. 


552  DOCUMENTS 

serg'  royal  ymatricullé  au  Sénéchal  de  llbourne  Rézidant  dans  la 
ville  de  Ste  foy  En  agenoix  soubz  signé  me  suis  transporté  dans  la 
Maizon  Et  domicilie  de  Marie  Vidal  dame  veuve  de  M'  Jean  Duver- 
o-er'  notaire  royal  habitant  de  la  présente  ville,  à  laquelle  j'ay 
donné  assignation  à  comparoir  dans  trois  jours  après  La  date  du 
présent  exploit  pardevant  mons""  borros  avocat  en  La  Cour  Juge 
royal  de  lad^  ville  subdélégué  de  mond.  seigneur  l'intendant  en  la 
jurisdilion  {sic)  dud.  S'e  Foy,  aufin  de  randre  compte  des  fruis  et 
revenus  des  biens  De  la  nommée  Marie  Duverger  sa  fille  sortie  ors 
du  Royaume  sans  permission,  lesquelz  fruis  ont  Esté  saizis  au  pré- 
judice de  lad.  Marie  Duverger  En  vertu  de  lord^e  De  mond.  sei- 
gneur L'intandant  par  Exploit  de  lad.  saizie  Du  vingtroiziesme  may 
dernier  signé  fabry  serg'  Royal  El  En  conséquence  à  luy  duhe  des 
sommes  Delad.  demoizelle  duverger  En  quelque  sorte  Et  manière 
que  ce  soit  conformémant  à  lad.  ordonnance  de  mond.  Seigneur 
l'intandant.  Et  En  outre  répondre  Et  procéder  sur  le  contenu  d'icelle 
ainsy  que  De  raison  ;  Et  En  cas  de  Contestation  Elle  sera  condannée 
audespans.  Et  luy  ay  en  partant  que  de  bezoingt  lessé  coppie  du 
présent  Exploit,  parlant  à  sa  servante,  led.  jour  vingt  quatre  janvier 

mil  sept  cens  par  moy. 

(signé)  Faure,  serg*  royal. 

Ainsi,  une  fille  de  Marie  Vidal,  veuve  du  notaire  Jean 
Duvergier,  était  fugitive;  et,  de  plus,  l'un  des  fils  était 
interné  à  Agen,  chez  un  sieur  Bedot,  évidemment  chargé 
de  l'élever  dans  les  bons  principes,  loin  des  détestables 
exemples  que  ne  pouvait  manquer  de  lui  donner  la  famille 
«  mal  convertie  ».  Voici  un  billet,  qui  nous  révèle  cette 
situation,  et  qui  nous  apprend  par  la  même  occasion  que, 
trois  ans  après  l'exploit  dus''  Faure,  le  fisc  n'avait  nullement 
abandonné  ses  prétentions  sur  les  biens  de  Mlle  Duvergier. 

A  Sie  Foy  le  20  setambre  1703. 
Monsieur  mon  cher  frère, 
Monsieur,  ma  mère  vous  demande  un  serlificat  de  fet  que  vous 

I.  Vers  16G0.  il  y  avait  un  Duvergier  «  procureur  en  l'ordinaire  »  à  S"  Foy. 
A  la  même  époque,  mention  de  Joseph  Duvergier,  notaire  royal,  dans  des 
mémoires  de  fournisseurs,  etc.  Ainsi,  en  1670,  il  avait  acheté  3  aunes  1/3 
de  drap  gris  à  6  livres  l'aune,  24  deniers  de  soie  grise,  1/2  once  de  fil  gris, 
2  aunes  de  ganse,  1  aune  5/6  de  cadis-ratine,  plus  un  sou  de  fil,  et  s'en 
était  fait  confectionner  un  élégant  complet. 


DOCLxMENTS  553 

faite  bien  vostre  devoir  *  et  elle  a  écrit  à  monsieur  Bedot  pour  le 
prier  de  vous  servir  an  tout  se  qu'il  pourat  et  le  faire  egallisser  de 
monsieur  d'Agen  ^  à  cause  que  l'etlal  et  de  conséquance  pour  les 
partissants  et  monsieur  l'intandant,  et  qu'ont  nous  demande  le  bien 
de  notre  seur.  Si  vous  le  pouvet  otenir  vous  l'anportere  parce  que 
ma  mère  travalle  pour  vous  faire  venir  se  vacance. 
Je  suit 

Monsieur  mon  cher  frère 

Vostre  très  umble  et  obéissant  frère. 

V.    DuVERGlER. 

Ma  mère  vous  anvoit  par  le  pressant  porteur  deux  eccux. 

Donc  cette  mère,  poursuivie  à  cause  de  la  fuite  de  sa  fille 
Marie,  en  était  réduite,  dans  le  secret  espoir  de  faire  revenir 
chez  elle  ce  fils,  à  lui  recommander  par  Fintermédiaire  de  son 
frère,  de  «  bien  faire  son  devoir  »  de  catholique.  Faut-il 
s'étonner  que,  dans  un  pays  habitué  pendant  des  siècles  à 
ces  procédés  d'éducation  et  à  leurs  conséquences,  le  mot  de 
dévot  ou  simplement  de  religieux,  soit  devenu  synonyme 
d'hypocrite? 

Henrv  Lehr. 


PARIS    EN    1773 

d'après  une  descendante  de  huguenots  réfugiés  à  Cassel. 

L'année  passée,  à  pareille  époque,  j'ai  pu  faire  paraître, 
grâce  à  un  témoin  oculaire  admirablement  informé,  la  des- 
cription la  plus  complète  et  la  plus  exacte  que  nous  possé- 
dions jusqu'ici  du  culte  du  Désert  tel  qu'il  se  célébrait  aux 
environs  de  Nîmes  en  1773.  Aujourd'hui,  j'espère  qu'on  lira 
avec  le  même  intérêt  le  récit  des  impressions  éprouvées  par 
une  réfugiée  qui  visitait  Paris  pour  la  première  fois  en  cette 
même  année  1773.  Arrivée  le  jeudi  29  juillet,  après  un  long 
voyage  en  carrosse,  elle  n'oublia  pas  dès  le  premier  diman- 
che, de  se  rendre  au  prêche  de  l'ambassade  des  Pays-Bas 

1.  De  catholique. 

2.  Légaliser  par  i'évéque  d'Agen. 

LI.  —  as 


554  DOCUMENTS 

que  fréquentaient  tous  les  protestants  réformés.  Les  lignes 
qu'elle  lui  consacre  dans  deux  lettres  sont  pleines  de  détails 
curieux  comme  tous  ceux  d'ailleurs,  qu'elle  nous  donne  sur 
la  capitale. 

Cette  réfugiée  était  la  sœur  du  célèbre  architecte  Simon- 
Louis  Du  Ry,  fils  de  Charles,  dont  il  a  déjà  été  question  dans 
ce  Bulletin  en  1896,  p.  523,  et  cette  année  même,  p.  459.  Déjà 
en  1748,  alors  qu'elle  était  encore  jeune  fille,  elle  parait  avoir 
été  le  secrétaire  de  sa  famille  installée  à  Cassel,  puisque 
c'est  surtout  à  elle  que  son  frère  Simon-Louis  rendait  compte 
du  séjour  qu'il  faisait  à  Paris  pour  étudier  l'architecture. 
En  1773,  elle  était  mariée  à  un  descendant  de  réfugiés  nommé 
«  Le  Clerc  cydevanl  ingénieur  au  service  de  S.  A.  S.  le  land- 
grave de  Hesse  ».  Elle  vint  en  France  avec  son  mari,  sans 
doute  pour  affaires  et  y  séjourna  pendant  trois  ans,  à  Paris, 
à  Monlauban  et  à  Mauvezin.  Intelligente,  vive,  pleine  de  bon 
sens,  très  observatrice  et  écrivant  le  français  mieux  que 
beaucoup  de  Françaises  qui  n'avaient  jamais  quitté  leur  pa- 
trie, elle  notait  avec  soin  tout  ce  qui  la  frappait.  Aussi  ses 
lettres  que  j'ai  pu  lire  pendant  ces  vacances,  sont-elles  pleines 
d'aperçus  curieux  et  piquants  sur  les  mœurs  et  la  civilisation 
de  nos  compatriotes  à  cette  époque.  M.  le  D''  et  Sénateur 
O.  Gerland,  de  Hildesheim,  possède  aujourd'hui  ces  lettres, 
ainsi  que  celles  de  Simon-Louis  Du  Ry  et  de  Charles  du  Ry. 
Il  attira  l'attention  sur  celles  de  Jeannette-Philippine  Le  Clerc 
dans  un  journal  allemand  où  il  en  publia  des  extraits  traduits 
en  allemand  (Hessenland,  3,  17  novembre,  3,  21  décembre 
1894  et  4  janvier  1895),  et  a  bien  voulu  me  confier  les  originaux 
tout  récemment.  Je  suis  heureux  de  pouvoir  le  remercier 
publiquement  de  son  obligeance. 

N.  W. 

Paris,  le  9  août  1773. 
Mon  cher  Frère, 

Enfin  j'ai  fait  mon  entrée  publique  clans  Paris!  ce  fut  le  29  du 
mois  dernier  que  je  parus  pour  la  première  fois  sur  les  boulevars, 
dont  c'étoit  le  beau  jour,  c'esl-à-dire  un  jeudi  vers  les  4  heures  après 
midi.  Il  avoit  falu  pour  paroilre  décernent,  faire  aranger  sa  robe 


DOCUMENTS  555 

sur  un  panier,  avoir  une  calèche  faite  comme  un  Fferde  Kopf  '  que 
l'on  porte  pendue  au  bras  quand  on  est  coiffée,  un  colet  monté, 
monte  au  ciel  ou  parlement,  car  c'est  la  même  chose,  un  mantelet 
rond,  bonet  et  tout  cela  n'avoit  pu  être  arangé  plutôt,  quoique  par 
un  bonheur  tout  particulier  pour  une  femme,  je  sois  logée  chez  une 
lailleuse  et  aye  la  marchande  de  mode  et  la  coëffeuse  dans  la  maison. 
Je  promenai  donc  mon  individu  au  travers  d'une  foule  de  beau 
monde  très  paré,  dont  les  uns  étoient  à  pié,  les  autres  en  voitures, 
la  plus  part  des  Dames  étoient  assises  sur  des  chaises,  occupées  à 
faires  des  filets,  d'autres  tricotaient,  ourloient,  feslonnoint;  il  y  en 
avoient  peu  qui  ne  travaillassent.  Le  Samedi,  je  fus  aux  Tluiillcries, 
où  les  Dames  assises  sur  des  chaises  travailloient  aux  mêmes 
ouvrages.  Le  Dimanche  II  d'Août,  nous  fûmes  à  l'hôtel  d'Hollande; 
en  montant  dans  le  fiacre,  M"  Leclerc  lui  dit  de  nous  conduire  à 
rhôlel  d'Hollande.  Pour  aller  à  la  prêche?  demanda  le  fiacre.  Est-ce 
qu'on  y  fait  la  prêche  demandai-je  à  mon  tour?  Oui,  madame,  dit  le 
fiacre;  marche  toujours,  et  nous  y  voilà  après  une  bonne  demie 
heure  de  chemin.  Nous  trouvâmes  à  nous  placer  dans  une  des  trois 
chambres  qu'occupoient  les  auditeurs.  Un  gros  lecteur  et  chantre, 
ressemblant  fort  au  feu  S'  Pultey,  lisoit  d'un  ton  nazillard  lorsque 
nous  entrâmes,  sa  voix  qu'il  tachoit  de  varier,  étoit  cependant  d'une 
monotonie  insoutenable;  Je  fus  plus  contente  de  son  chant.  On  chante 
très-bien  à  l'hôtel  d'Hollande,  et  avec  un  zèle  qui  malheureusement 
est  ignoré  chez  nous;  presque  tout  le  monde  sait  les  psaumes  par 
cœur  et  ne  se  sert  point  de  livre,  il  n'y  a  point  d'orgues.  Le  Minisire 
parut  sur  les  11  heures.  C'êtoit  une  figure  singulière,  une  phisio- 
nomie  à  la  Fegaud  ^,  un  habillement  pareil,  mais  point  de  calote.  11 
prit  son  texte  dans  l'Apocalipse.  «  Je  suis  l'Alpha  et  l'Oméga  »,  et 
ce  qui  suit,  son  sermon  tout  mélaphisique,  fut  certainement  de 
l'Hébreu  pour  les  trois  quarts  et  demi  de  ses  auditeurs,  mais  ses 
prières  pleines  d'onction  dédomagèrent  de  la  sécheresse  de  son 
sermon.  Je  fus  extrêmement  surprise  de  voir  des  Dames  avec  du 
rouge  au  sermon  !  Passe  aux  promenades,  mais  au  sermon  !  O  tems  ! 
O  mœurs  ! 

Au  sortir  du  sermon  nous  fumes  promener  au  Palais-Pioyal,  C'êtoit 
l'heure  du  beau  monde.  De  retour  chez  nous,  nous  dinames,  puis 
nous  voilà  aux  Thuilleries;  il  n'est  pas  nécessaire  de  te  dire  qu'il  y 
avoit  beaucoup  de  monde,  mais  une  chose  que  je  ne  puis  passer 
sous  silence,  c'est  l'étonnement  où  je  suis  de  voir  toutes  les  femmes 

i.  C'est-à-dire  une  coilTui-e  faite  comme  une  tète  de  cheval. 
2.  Nom  d'un  pas-leur  de  Casse!  qui  élail  très  maiifre. 


556  DOCUMENTS 

faire  les  jeunes,  des  femmes  de  plus  de  60  ans  ou  qui  le  paroissenl, 
mettent  du  rouge  et  portent  du  rose,  ce  n'est  qu'à  la  décrépitude  la 
plus  complette  qu'elles  se  mettent  en  femmes  d'âge.  Nous  somes 
sortis  deux  matinée  de  suittes  pour  voir  les  rues  de  Paris  tous  les 
deux  en  poliçons,  c'est-à-dire  M"^  Leclerc  en  habit  vert  sans  épée,  et 
moi  en  déshabillé  blanc,  calèche  en  tête  canne  en  main,  toutes  les 
dames  portent  des  cannes  le  matin,  et  beaucoup  l'après  diné  à  la 
promenade,  et  mantelet  sur  le  dos.  J'ai  vu  le  jardin  de  l'arcenal,  la 
place  des  victoires,  la  place  royalle,  la  place  vendome  ou  la  place 
de  Louis  le  grand,  celle  de  Louis  quinze,  sans  oublier  la  statue  du 
bon  Roi  Henri  quatre  sur  le  pontneuf,  je  n'ai  pas  manqué  d'aller 
dans  la  rue  neuve  St-Eustache,  et  peu  s'en  est  falu  que  je  n'aye  re- 
connu la  maison  de  nos  ancêtres.  J'ai  considéré  avec  attention  le 
Portail  St  Gervais,  malgré  le  peu  d'espace  qu'il  y  a  au  devant,  j'ai 
vu  avec  un  plaisir  de  connaisseur  ce  monument  du  sçavoir  de  notre 
parent*.  Enfin  Vendredi  au  matin  j'ai  vu  la  place  aux  veaux.  Imagine 
toi  3  ou  4000  veaux  liez  par  les  4  pieds  et  couchez  sur  de  la  paille, 
gros  sans  exagérer  comme  les  ânes  de  mon  pais,  sous  des  abris  de 
toiles,  qui  attendent  patiemment  que  les  bouchers  viennent  les  ache- 
ter. Je  n'ai  jamais  vu  de  si  beau  veau  ni  si  bon,  que  celui  de  Paris, 
le  mouton  le  plus  gras  de  chez  nous  ne  l'est  pas  encore  autant.  J'ai 
été  à  la  Grève  et  j'ai  vu  la  maison  du  Papa  de  Ma  Palseur,  je  ne  sai 
dans  quelle  chambre  étoit  la  porte  vitrée  avec  un  rideau  de  taffetas 
jonquille,  mais  je  crois  qu'il  ne  retirèrent  pas  beaucoup  de  leur  fe- 
nêtre le  jour  de  l'exécution  du  comte  de  Horne,  car  il  n'y  en  a  que 
trois  ou  4  au  plus. 

Je  crois  qu'en  sortant  comme  nous  faisons  avant  7  heures  du  matin 
pour  éviter  la  chaleur  et  les  embarras,  je  parviendrai  à  vo.ir  Paris, 
car  tu  sais  que  2  lieues  de  chemin  ne  me  font  pas  peur.  Il  faut  te 
dire  tout  aussi,  je  suis  rajeunie  de  moitié  depuis  que  je  suis  dans  un 
pais  où  les  femmes  ne  sont  point  vielles,  la  vérité  est  que  nous  avons 
l'un  et  l'autre  repris  l'embonpoint  et  la  couleur  que  le  chagrin  et  la 
fatigue  nous  avoient  fait  perdre  à  Cassel,  cela  est  fort  heureux  pour 
moi,  en  ce  que  cela  m'exempte  de  mètre  du  rouge  artificiel  et  que 
cela  me  rajeunit  au  moins  de  20  ans.  Le  groupe  pour  M"'  le  Marquis 
de  Vérac  est  parti  hier  pour  Cassel.  M'  Leclerc  fut  la  semaine  passée 
à  Sève '-',  je  ne  l'y  accompagnai  pas,  parce  qu'il  y  alloit  par  eau,  je 
verrai  la  manufacture  lorsque  j'irai  à  versaille,  ce  qui  se  fera  lorsque 

1.  Le  portail  de  Saint-Gervais  est  de  Salomon  de  Brosse,  cf.  plus  haut, 
p.  '15VI,  pour  la  parenté  des  de  Brosse  et  du  By. 

2.  Sèvres. 


DOCUMENTS  557 

la  Cour  y  sera  revenue.  M'  Le  Clerc  a  été  voir  M'  Yvel  qui  l'a  par- 
faitement bien  reçu,  tache  de  voir  le  groupe  du  Pigmalion  avant  qu'il 
quite  la  maison  de  M'  le  Marquis,  il  en  vaut  bien  la  peine.  Voici  les 
vers  écrits  sur  le  piédestal  : 

Si  Pigmalion  la  forma 
Si  le  Ciel  anima  son  être 
L'amour  fit  plus,  il  l'enflama. 
Sans  lui  que  serviroit  de  naître? 

Tu  diras  à  Mr  Bassri  que  j'ai  vu  M'  son  Frère  et  M'^  sa  Mère,  qui 
sont  venus  chez  nous  l'un  et  l'autre;  ce  que  nous  leur  avons  dit  et 
qu'ils  nous  ont  répondu  me  persuade  qu'il  aimeront  bientôt  autant 
Mad.  Bassri  de  Cassel  que  si  elle  étoit  de  leur  choix,  ils  s'infor- 
mèrent beaucoup  des  enfants,  M'^  Bassri  me  dit  que  s'il  n'avoit 
dépendu  que  d'elle  il  y  avoit  longtemps  qu'elle  auroit  donné  son 
consentement,  et  qu'elle  contoit  bien  que  son  mari  ne  le  refuseroit 
plus  à  présent.  Nous  avons  été  voir  Mad.  Joigni  le  jour  de  mon 
Entrée  publique,  c'est-à-dire  la  première  fois  que  je  suis  sortie,  elle 
nous  fit  mille  politesses,  nous  primes  du  thé  chez  elle,  elle  a  très 
bonne  façon  et  paroit  avoir  eu  de  l'éducation.  M'  Joigni  sœur  de 
M'  Joigny  nous  étoit  venue  voir  chez  nous  dès  le  lendemain  que 
M'  Leclerc  avoit  été  chez  elle,  elle  ne  pouvoit  pas  lasser  de  s'informer 
de  son  neveu.  Cette  demoiselle  croyoit  Cassel  un  pais  perdu,  mais 
je  l'ai  un  peu  rassurée.  Toutes  vos  commissions  ont  été  faite  avec 
la  dernière  exactitude,  nous  n'avons  plus  qu'à  nous  donner  du  bon 
temps,  mais  il  me  tarde  furieusement  de  recevoir  de  vos  nouvelles, 
ne  manque  pas  de  m'écrire  tout  de  suite  et  surtout  n'oublie  rien. 

J'ai  pour  vis  à  vis  le  couvent  des  Carmes  Billeltes,  ces  messieurs 
ont  de  très-jolies  chambres  à  plancher  ou  plutôt  careau  frotté,  des 
tapisseries,  rideau,  balcons  aux  fenêtres,  il  y  en  a  un  qui  peint  :  je 
lui  ai  vu  peindre  un  dessus  de  cheminée,  un  qui  est  musicien  et 
qui  joue  tous  les  soirs  de  la  flûte;  si  tu  crois  que  ce  sont  des  airs 
sacrés  tu  [te]  trompe,  des  airs  d'opérettes  les  plus  nouveaux,  un  frère 
apothicaire  que  j'ai  batisé  frère  propret  car  je  lui  vois  balayer  et 
cirer  sa  chambre  tous  les  jours,  enfin  un  autre  que  je  nome  frère 
Schwein  qui  est  très-habille  menuisier  à  ce  qu'on  dit,  mais  le  plus 
malpropre  sagouin  qu'on  puisse  voir,  et  qui  plus  est  ivrogne. 

A  propos  de  Schwein,  je  ne  croyois  pas  être  de  leur  espèce,  mais 
je  m'apperçois  que  j'engraisse  dans  la  malpropreté.  Quelle  horreur 
que  les  fenêtres  à  Paris!  Non,  depuis  le  déluge  universel  elles  ne 
furent  point  lavées  1  mal  faites  avec  cela,  des  croisillons  de  2  pouces 


558  DOCUMKNTS 

de  large,  le  mastic  appliqué  malproprement,  enfin  c'est  une  pitié  de 
voir  des  belles  maisons,  des  hôtels  superbes  avec  des  fenêtres  mas- 
sacrées et  malpropres,  vive  Cassel  pour  les  belles  fenêtres. 

Les  rues  d'ici  sont  infecte,  les  ruisseaux  coulent  au  milieu,  tous 
les  égouts  s'y  rendent  il  faut  enjamber  à  tout  moment  comme  au 
vieux  Cassel  par  dessus  les  vinckels,  s'il  ne  faisoit  pas  sec  je  ne 
pourois  me  promener.  Je  ne  trouve  plus  extraordinaire  que  les 
grands  Seigneurs  se  logent  au  fond  des  cours.  Les  escaliers,  du 
moins  ceux  des  maisons  que  j'ai  vue,  sont  de  carreau  enchâssé  dans 
du  bois  et  d'une  malpropreté  qui  fait  soulever  le  cœur,  on  les  balaye 
tous  les  samedis,  point  de  sable;  il  n'est  question  ici  que  de  ce  qui 
paroit,  glace  à  cadre  doré  sur  les  cheminées,  tableau  au  dessus, 
glace  dans  le  trumeau,  carreau  frotté  toutes  les  semaines,  mais  les 
punaises  vous  mangent. 

Nous  sommes  logés  un  peu  moins  malproprement  que  bien 
d'autres,  parce  que  j'y  mets  la  main  et  que  je  fais  balayer  tous  les 
jours  la  fille  qui  nous  sert;  notre  chambre,  qui  est  fort  gaye,  est 
au-dessus  de  l'infection,  étant  de  niveau  avec  les  cheminées  ou  peu 
s'en  faut,  l'escalier  qui  est  à  rampe  de  fer  est  clair  et  fort  doux,  mais 
ce  n'est  pas  celui  de  Cassel,  il  y  tourneroit  3  fois. 

Toutes  les  cuisinières  portent  des  bonets  de  blonde  et  sont  pou- 
drées tous  les  jours,  les  femmes  d'ouvriers  comme  tailleurs,  cor- 
donniers, ne  sortent  point  sans  la  montre  d'or,  le  mantelet,  les 
blondes,  les  rubans,  les  robes  de  soye  garnies  et  falbalassées,  on 
porte  beaucoup  de  pantoufles  pour  mieux  faire  voir  les  bas  de 
soye.  Les  dames  n'ont  de  plus  qu'elles  que  l'air  moins  commun,  et 
moins  de  volubilité  dans  leur  langage.  Les  femmes  sont  laides,  et 
mal  faites  pour  la  plupart,  de  grosses  ragottes  ou  des  perches  sans 
grâce  qui  s'imaginent  qu'avec  du  rouge  et  de  la  poudre  rousse,  des 
frisures  bizares,  et  des  coëffures  plus  bizares  encore,  elles  sont  des 
venus.  Chez  nous  une  rousse  fait  ce  qu'elle  peut  pour  déguiser  la 
malheureuse  couleur  de  ses  cheveux,  icy  les  brunes  veulent  être 
rousse  et  employent  l'art  pour  cela.  On  voit  prodigieusement  de 
femes  et  de  jeunes  filles  contrefaites,  je  ne  sais  d'où  cela  vient.  Hier 
nous  fumes  au  Luxembourg  où  je  puis  dire  avec  vérité  n'avoir  pas 
vu  une  figure  de  femme  passable  quoiqu'il  y  eut  bien  8  à  1,000  per- 
sonnes dont  la  moitié  étoient  femelles,  ce  qu'elles  ont  c'est  qu'elles 
posent  très-bien  les  pieds  et  qu'elles  les  ont  assez  mignons. 

Les  hommes  sont  beaucoup  mieux,  bien  faits  pour  la  pluspart  et 
de  phisionomies  agréables.  C'est  le  contraire  de  Strasbourg  où  les 
femes  sont  jolies  et  les  hommes  ressemblent  à  des  têtes  à  perruques. 


DOCUMENTS  559 

Nous  ne  fûmes  point  hier  à  la  prêche,  parce  que  M'  le  Clerc  alla 
chez  Mad.  la  Marquise  de  Verac,  qui  était  venue  à  Paris  pour 
deux  jours  et  qui  en  repartoit  ce  matin  pour  Compienne,  elle  avoit 
donné  son  heure  pour  midi,  ayant  apris  par  M""  Fournier  qu'il  y  avoit 
quelqu'un  de  Cassel,  elle  témoigna  avoir  grand  envie  de  le  voir,  tu 
n'auras  pas  de  peine  à  croire  qu'il  fut  bien  reçu,  il  lui  pouvoit  don- 
ner des  nouvelles  de  M'  le  Marquis. 

Les  filets  sont  encore  plus  à  la  mode  icy  qu'à  Cassel,  tout  le 
monde  en  porte  et  tout  le  monde  en  fait;  à  Saint-Nicolas  nous  vimes 
trois  petits  garçons  dont  l'aîné  n'avoit  pas  12  ans  qui  étoient  assis 
autour  d'une  table  à  faire  des  filets,  dans  le  reste  de  la  route  nous 
vîmes  plusieurs  soldats  qui  en  faisoient,  cependant  ils  sont  fort  chers 
à  ce  qu'on  m'a  dit,  on  les  fait  presque  tous  en  soye.  Tout  le  monde 
est  icy  poli  et  honète  mais  avec  toute  la  politesse  du  monde  on  est 
écorché.  Md.  la  Mrq.  de  Vérac  dit  hier  à  Mr.  le  Clerc  qu'il  partoit 
incessament  un  Conseiller  de  Légation  d'icy  pour  la  Cour  de  Cassel, 
c'est  un  chevallier  dont  je  ne  sais  pas  le  nom  parce  que  Mr  le  Clerc 
l'a  oublié.  J'aurois  encore  bien  des  choses  à  te  dire,  mais  le  papier 
me  manque, ce  sera  pour  une  autrefois,  répons  moi  prontement  sur 
tout  ce  que  tu  sais  et  crois  moi  coiTîe  toujours    ton   affectionnée 

sœur*. 

J.  P.  Leclerc  née  Du  Ry. 

P.-S. —  Nos  comp.  à  toute  la  famille,  aux  voisins,  aux  amis  et  con- 
naissances. 

Notre  adresse  est  chez  M'  la  Veuve  Bosquet  rue  des  Billetles 
près  Ste  Croix  de  la  Bretonerie  à  côté  du  Commissaire  à  Paris. 


Paris  ce  22  Septembre  1773. 
Mon  cher  Frère, 

J'ai  vu  la  famille  Calas  à  l'hôtel  d'Molande,  une  Dame  auprès  de 
laquelle  j'étois  assise  me  la  montra.  J'avois  déjà  remarqué  deux  de 

1.  En  marge  :  «  Aux  promenades  publiques  on  est  assis  sur  des  chaises, 
on  {)aye2  sous  par  personne,  ce  qui  fait  environ  10  heller,  mais  on  peut  y 
rester  toute  la  journée  si  l'on  veut.  Les  hommes  se  promènent  sans  épée, 
en  bonet  de  voyage,  couteau  de  chasse,  enfin  en  polifjons  s'ils  veulent, 
surtout  le  matin,  les  femmes  de  même  sont  fort  négligées  aux  prome- 
nades du  matin,  nous  fûmes  vendredi  déjeunoi-  au  Palais  f^oyal  où  j'en 
vis  en  bonet  de  nuit  faisant  des  filets;  personne  ne  ril,  tout  le  monde  fait, 
comme  il  veut,  il  n'y  a  point  de  gène.  » 


560  DOCUMENTS 

ces  Dames  pour  lesquelles  on  marquoit  beaucoup  d'égard?,  et  qui 
avoient  toujours  leur  place  au  pied  de  la  chaire.  C'étoit  la  Mère 
veuve  du  S'  Galas,  grosse  femme  de  bonne  mine,  fort  blanche,  de 
l'âge  de  60  ans  ou  environ  en  robe  noire,  ruban  noir  une  canne  à 
sa  main,  l'autre,  sa  fille  aînée  petite,  menue,  à  yeux  noirs,  fort 
blanche  mais  quelque  chose  d'un  peu  mélancolique  dans  la  phisio- 
nomie,  du  reste  mise  avec  toute  l'élégance  possible,  au  rouge  près. 
La  Dame  ma  voisine  m'aprit  que  l'autre  fille  étoit  mariée  à  M''  Du 
Voisin  qui  étoit  le  ministre  qui  prêchoit  ce  jour  là,  le  même  que  je 
l'ai  dit  ressembler  à  feu  M""  Fégaud,  à  l'exeption  de  la  Calote  et  de 
la  grandeur,  car  il  est  petit. 

Ce  M""  Du  Voisin  est  fort  courru  et  on  étoufe  à  force  de  monde 
les  jours  qu'il  prêche,  il  est  vrai  que  ses  discours  sont  fort  travaillés, 
qu'il  fait  choix  de  bons  termes,  qu'il  a  beaucoup  de  feu  et  paroit 
être  persuadé  que  ses  auditeurs  ne  sont  pas  des  cruches,  mais  mal- 
gré tout  cela,  il  a  une  espèce  de  monotonie  à  laquelle  on  s'accou- 
tume, mais  qui  est  très  désagréable  la  première  fois  qu'on  l'entend. 
M'^  du  Voisin  est  placée  dans  le  parquet  avec  l'ambassadeur  comme 
femme  de  ministre.  Je  l'ai  vue  à  la  promenade  avec  son  mari,  elle 
est  plus  grande  et  plus  jeune  que  sa  sœur,  d'une  figure  asses 
agréable  et  mise  comme  elle,  c'est-à-dire  très-bien. 

L'autre  Ministre  nommé  M'  de  la  Brouë  est  un  gros  homme  de  la 
figure  d'un  supperintendant  ou  du  moins  tels  qu'ils  devroient  l'avoir. 
Ses  discours  ne  sont  pas  de  la  force  de  ceux  de  son  collègue, 
mais  du  moins  ne  manque-t-il  pas  d'égart  pour  ses  auditeurs,  et  s'il 
ne  fait  pas  aussi  bien,  c'est  qu'il  ne  le  peut  pas,  il  a  un  petit  accent 
tirant  sur  celui  de  la  Garrone. 

Une  chose  qui  ma  paru  singulliere,  c'est  la  recommandation  aux 
prières  publiques  et  particulières,  pour  le  jugement  d'un  procès,  qui 
devoit  à  la  vérité  décider  du  sort  d'une  famille,  et  les  actions  de 
grâces  renduJ's  le  dimanche  suivant  au  sujet  du  gain  de  ce  même 
procès,  les  parties  intéressées  présentes.  On  rend  des  actions  de 
grâces  lorsqu'une  femme  relève  de  couche*  et  qu'elle  vient  pour  la 
première  fois  à  l'église,  au  reste  le  service  se  fait  comme  chez  nous, 
mais  il  y  a  plus  de  zèle  et  d'attention... 

i.  Coutume  encore  usitée  en  Alsace  et  dans  l'Eglise  anglicane. 


Mélanges 


PROTESTANTS     DE     MONNEAUX-ESSOMES 

HÉFUGIÉS    AU    SUD    DE    l'aFHIQUE    APRES    LA    REVOCATION  ' 

Dès  1676,  on  trouve  sur  les  registres  de  l'h^glise  de  Nogen- 
tel,  qui  était  alors  le  centre  du  culte  réformé  pour  Château- 
Thierry,  Vaux  et  Monneaux,  le  baptême  d'un  fils  d'Isaac 
Taillefert,  chapelier  à  Château-Thierry,  puis  celui  de  deux 
filles  en  1678  et  1679  et  d'un  autre  fils  en  1680.  La  mère  est 
Suzanne  Briet.  Le  registre  arrêté  à  cette  date  ne  nous  apprend 
pas  si  ce  ménage  a  eu  d'autres  enfants  après  ces  quatre  là. 
Nous  le  saurons  tout  à  l'heure  par  une  pièce  dont  l'origine 
est  bien  différente. 

Mais  auparavant,  voyons  comment  cet  Isaac  Taillefert  et 
sa  femme  Suzanne  Briet  se  rattachent  à  Monneaux.  Nous 
l'apprenons  par  un  acte  d'échange.  Il  s'agit  d'une  pièce  de 
vigne  et  d'une  pièce  de  marais  qu'échangent  Isaac  Taille- 
fert, chapelier  à  Château-Thierry  et  Etienne  Briet  de  Mon- 
neaux; l'une  de  ces  pièces  sise  à  Vaux  est  mentionnée 
comme  provenant  de  l'apport  personnel  de  Suzanne  Briet, 
femme  d'Isaac  Taillefert.  L'acte  est  du  12  janvier  1671  : 

<r  Ce  jourd'hui,  douzième  jour  de  janvier  mil  six  cent  soixante  et 
onze,  nous,  Etienne  Briet,  marchand  tonnelier  demeurant  à  Mon- 
neaux, paroisse  d'Essomes,  et  Isaac  Taillefert,  marchand  chapelier 
demeurant  à  Château-Thierry,  avons  fait  et  fons  entre  nous  les 
échanges  et  permutations  qui  s'ensuivent  :  c'est  à  savoir  que  moi 
Estienne  Briet,  ai  baillé  et  baille  au  dit  Isaac  Taillefert  une  pièce  de 
vigne  contenant  quatre  perches  au  lieu  dit  la  rue  haute,  tenant  d'un 
côté  à  Jean  Liévain  le  jeune,  d'autre  côté  à  Pierre  Pasques,  d'un 
bout  à  Isaac  Huet,  de  l'autre  bout  à  la  rue,  provenant  des  acquêts 

1.  M.  G.  Bonet-Maury  nous  a  remis,  il  y  a  déjà  quelque  temps,  cet  extrait 
d'une  conférence  faite,  en  janvier  dernier,  à  Monneaux  (Aisne),  par  M.  lîou- 
vart,  ancien  professeur  de  l'Liniversité,  d'après  les  pièces  d'archives  de 
M.  Delaurencerie.  Il  complète  les  noies  que  le  Bulletin  a  déjà  publiées  à 
propos  des  huguenots  du  TransvaaI.  Nous  y  avons  intercalé  quelques 
extraits  des  fiches  recueillies  à  la  Bibliothètiue  wallonne  de  Leide,  (|iie 
M.   Hœlc  a  bien   voulu   nous  comniuni(nier   à  notre  requête  (Réd.). 


562  MÉLANGES 

du  dit  Eslienne  Briet,  pour  en  jouir  par  Isaac  Taillefert,  ses  hoirs 
ou  ayant  cause  maintenant  et  à  toujours;  et  en  contr'échange,  moi 
Isaac  Taillefert,  ai  baillé  et  baille  au  dit  Estienne  Briet,  six  perches 
de  marest  à  Vaux,  tenant  de  deux  costés  au  dit  Estienne  Briet,  à 
cause  d'un  échange  fait  avec  François  Bienvenu  et  Rachel  Briel, 
d'un  bout  aux  vignes,  d'autre  bout  à  Monsieur  Petit,  provenant  des 
propres  de  Suzanne  Briet  ma  femme  qui  a  consenti  le  présent 
échange,  pour  en  jouir  par  le  dit  Estienne  Briet,  ses  hoirs  ou  ayant 
cause,  dès  maintenant  et  à  toujours,  sans  que  nous  soyons  obligés 
de  fournir  mesurage  les  uns  aux  autres,  sinon  de  se  fournir  des 
papiers  et  lots  de  partage,  si  besoin  est.  Témoins  sous  seing 
privés,  ces  jours  et  ans. 

Estienne   Briet        Taillefert.  » 

C'était  alors  pour  cette  famille,  comme  pour  tous  les  pro- 
testants de  France,  la  période  heureuse  et  tranquille.  Sur- 
vient en  1685,  la  révocation  de  l'édit  de  Nantes  et  la  cruelle 
persécution  dirigée  contre  les  protestants.  Comme  ils  ne 
peuvent  plus  se  réunir  pour  leur  culte,  comme  ils  sont  con- 
traints par  la  force  d'abjurer  leur  religion  et  qu'ils  se  voient 
menacés  dans  leurs  biens  et  dans  leur  existence,  les  plus  en 
vue  s'expatrient;  Isaac  Taillefert  est  du  nombre. 

Après  avoir,  comme  la  plupart  de  ses  coreligionnaires, 
fait  semblant  de  renoncer  à  sa  foi,  il  ne  put  continuer  à  vivre 
dans  cet  état  contraire  à  sa  conscience  et  il  réussit  à  gagner  la 
Hollande.  Il  parait  s'y  être  rendu  d'abord  seul,  et  y  avoir  été 
rejoint  un  peu  plus  tard  par  sa  femme.  On  trouve,  en  effet, 
sur  les  registres  de  l'Église  wallonne  de  Middelbourg,  le  H  jan- 
vier 1687,  Isaac  Taillefer  reçu  membre  «  par  réparation  pu- 
blique;, de  ses  erreurs  d'avoir  embrassé  la  religion  catholi- 
que ».  Sa  naturalisation  suivit  de  près  cet  acte  de  repentance 
publique,  le  17  janvier,  également  à  Middelbourg.  Suzanne 
Briet  ne  fut  reçue  dans  cette  Église,  aussi  «  par  réparation 
publique  »,  que  le  16  septembre  de  la  même  année  1687. 
Elle  avait  fait  le  pénible  et  dangereux  voyage  de  Monneaux 
à  Middelbourg  avec  son  enfant  de  quelques  mois  seulement, 
puisqu'on  trouve,  sur  les  mêmes  registres,  à  la  date  du  19oc- 
tobre  1687,  le  baptême  de  Suzanne  Taillefer,  fille  d'Isaac  et 
de  Suzanne  Briet, 


MÉLANGES  563 

Cette  enfant  n'avait  guère  qu'un  an  lorsqu'elle  fut  embar- 
quée avec  ses  parents  et  cinq  autres  frères  ou  sœurs,  le 
29  janvier  1688,  sur  le  bateau  Osterlande,  à  destination  du 
cap  de  Bonne  Espérance.  La  famille  se  composait  en  effet, 
alors  d'  «  Isaac  Taillefer,  de  Thierry,  vigneron,  de  sa  femme 
Suzanne  Briet,  et  de  leurs  enfants,  Elisabeth  âgée  de  14  ans, 
Jean  12  ans,  Isaac  7  ans,  Pierre  5  ans,  Marie  2  ans  1/2  et 
Suzanne  1  an  ». 

Remarquons  que  les  deux  fils  Jean  et  Isaac,  de  12  et  de 
7  ans,  sont  ceux  que  nous  avons  vu  baptiser  à  Nogentel, 
12  ans  et  7  ans  avant  la  rédaction  de  la  liste  des  passagers 
de  VOsterlande,  doni  l'original  est  resté  en  Hollande.  Elle  a 
été  publiée  comme  les  autres  listes  analogues,  dans  la  colo- 
nie du  Cap.  M.  Elisée  Briet  en  a  eu  communication  au  mo- 
ment où  il  terminait  son  ouvrage*. 

Il  nous  reste  à  voir  ce  qu'est  devenue  cette  famille  Taille- 
fert,  une  fois  débarquée  en  Afrique;  et  à  cet  égard  les  docu- 
ments ne  nous  feront  pas  défaut,  grâce  aux  recherches  faites 
là-bas  par  les  descendants  actuellement  vivants  d'Isaac  Tail- 
lefert. 

Il  se  fixa  tout  d'abord  non  loin  de  la  ville  du  Cap,  dans  un 
district  où  prédominait  l'élément  français.  Cette  région  s'ap- 
pelle encore  aujourd'hui  French  hoek,  le  coin  français.  Il  est 
probable  qu'Isaac  Taillefert  dut  se  construire  sa  première 
habitation;  il  la  nomma  du  moins  et  il  pensait  à  nos  pays 
quand  il  lui  donna  ce  nom  de  «  La  Brie  »  qu'elle  a  porté 
longtemps.  Nous  trouvons  quelques  détails  sur  son  installa- 
tion dans  le  récit  de  voyage  d'un  français  qui,  après  beau- 
coup d'aventures,  passa  au  Cap  en  1693.  Ce  récit  figure  en 
partie  dans  un  livre  publié  en  1887  au  Cap  sous  le  titre  de 
«  Promenades  à  travers  les  archives   de  la  Colonie   (Ram- 

\.  Le  Protestantisme  dans  la  Basse-Champagne.  Celte  liste  envoyée  à 
M.  Briet,  diffère  légèrement  de  celle  que  nous  a  communiciuée  M.  Hoek. 
Elle  fait  suivre  le  nom  d'Isaac  Taillefert  de  ces  mots  :  «  de  Château- 
Thierry  en  Brie,  vigneron  et  chapelier  »,  celui  de  sa  femme,  de  ceux- 
ci,  «  de  Château-Thierry  »,  et  transpose  les  deux  derniers  noms  des 
enfants,  en  mettant  «  Suzanne  2  ans  1/2  et  Maria,  un  an  ».  Or  l'acte  de  bap- 
tême cité  ci-dessus  semble  prouver  que  Suzanne  fut  la  dernière  de  ces 
six  enfants. 


564  MÉLANGES 

bles  etc..  Hendryck  Carrel  van  Leibbrandt).  Ce  livre  est 
écrit  en  anglais,  nous  n'aurons  donc  la  citation  que  fort  défi- 
gurée sans  doute  par  une  double  traduction  :  «  Un  de  ces 
«  émigrés,  nommé  Taillefer,  est  un  homme  très  honnête  et 
«  très  industrieux,  il  applique  à  toutes  sortes  de  sujets  la 
«  curiosité  de  son  esprit.  Il  possède  un  jardin  dont  on  peut 
«  dire  qu'il  est  vraiment  beau.  Rien  n'y  manque,  tout  y  est 
«  bien  ordonné,  et  comme  on  peut  le  souhaiter.  Il  a  aussi 
«  une  cour  intérieure  avec  cage  et  volailles  et  de  plus  une 
«  abondance  de  bœufs,  de  moutons  et  de  chevaux  qui  grâce 
«  à  la  douceur  du  climat,  trouvent  à  paître  d'un  bout  à  l'autre 
«  de  l'année,  sans  qu'on  ait  à  faire  provision  de  fourrage,  ce 
«  qui  est  une  grande  commodité.  Chez  ce  respectable  colon, 
«  le  visiteur  reçoit  un  excellent  accueil  et  une  large  hospi- 
«  talité.  Son  vin  est  le  meilleur  qu'on  puisse  avoir  là-bas,  il 
«  ressemble  autant  qu'il  est  possible  à  notre  petit  cham- 
<(  pagne... 

«  En  résumé,  il  est  certain  que  le  Cap  est  un  asile  agréable 
«  pour  les  malheureux  protestants  français.  Ils  yjouissent  en 
«  paix  de  leurs  biens,  et  vivent  en  très  bons  termes  avec  les 
«  hollandais,  qui,  comme  on  sait,  sont  par  nature  hospitaliers 
«  et  bienveillants.  » 

La  relation  de  Léguât  —  c'est  le  nom  du  voyageur  français 
—  nous  ferait  croire  qu'Isaac  Taillefert  était  dès  lors  arrivé  à 
une  grande  aisance,  et  menait  une  existence  aussi  large  que 
l'hospitalité  qu'il  exerçait.  Mais  il  est  permis  de  se  défier,  non 
de  la  sincérité  de  Léguât,  mais  de  la  justesse  de  son  jugement  : 
il  faut  considérer  qu'en  arrivant  au  Gap,  Léguât  venait  de 
passer  par  trois  années  d'épreuves  très  dures.  Deux  années 
durant,  il  était  resté  à  l'île  Rodrigues  avec  six  ou  sept 
compagnons.  Débarqués  là  en  vue  d'une  colonisation  pos- 
sible, ils  y  furent  oubliés,  je  pense,  et  ne  s'en  échappèrent 
qu'au  prix  de  grands  dangers,  où  l'un  d'eux  périt.  Sur  un 
bateau  qu'ils  avaient  construit  eux-mêmes,  ils  gagnèrent 
notre  île  de  la  Réunion,  qu'on  appelait  alors  l'île  Mascareigne, 
et  y  furent  assez  longtemps  retenus  par  l'administration  hol- 
landaise ;  ils  y  perdirent  leurs  biens,  qui  étaient  des  outils  et 
des  objets  de  trafic.  C'est  à  la  suite  de  tous  ces  revers  qu'au 


MÉLANGES  565 

cours  de  son  voyage  de  rapatriement  Léguât  séjourna  au  Cap, 
et  visita  le  «  coin  Français  ».  Il  est  naturel,  qu'après  tant  de 
misères  subies,  tout  lui  ait  paru  enviable  chez  Isaac  Taillcfcrt  ; 
et  ce  n'est  pas  Léguât  qui  peut  nous  renseigner  sur  la  situa- 
tion exacte  de  ce  dernier.  Nous  la  connaissons  mieux  par  deux 
documents.  Dans  l'un  on  voit  qu'il  a  eu  sa  part  du  secours 
en  argent  distribué  par  les  soins  du  gouvernement  hollandais 
aux  réfugiés  huguenots.  Certains  d'entre  eux  purent  le  refuser. 
Isaac  Taillefert  n'est  pas  de  ce  nombre.  D'autre  part,  l'inven- 
taire signé  de  sa  veuve,  montre  qu'au  moment  de  son  décès 
en  1699,  il  possédait  en  tout  vingt  têtes  de  bétail,  petit  et 
gros,  et  un  pelii  cheval,  et  que  de  plus  il  était  débiteur 
de  la  Compagnie  des  Indes.  Au  lieu  du  colon  opulent  que 
représente  Léguât,  nous  voyons  apparaître l'hommelaborieux, 
actif  et  ingénieux,  comme  il  le  dit,  mais  aux  prises,  ce  qu'il 
n'a  pas  vu,  avec  les  difficultés  de  la  vie.  C'est  par  toutes  ses 
qualités  d'origine  qu'il  est  arrivé  à  dominer  la  mauvaise  for- 
lune  et  à  fonder  là-bas  un  foyer  semblable  à  celui  qu'il  avait 
dû  laisser  ici.  Et  il  a  continué  au  loin,  les  donnant  à  son  tour, 
les  exemples  qu'il  avait  reçus  à  Monneaux  où  ils  se  perpétuent 
encore.  En  sorte  que  ce  n'est  pas  seulement  une  parenté  de 
sang  qui  rattache  les  protestants  de  Monneaux  à  ses  descen- 
dants, mais  une  parenté  de  traditions  communes  qui  se 
résument  aisément  :  travail,  honnêteté,  bienveillance  mu- 
tuelle. 

D'autresdocumentsauthentiques  nous  apprennentcomment 
s'est  multipliée  la  descendance  de  Taillefert.  Lors  de  son 
décès,  il  avait  perdu  deux  de  ses  enfants  :  son  second  fils  et 
sa  dernière  fille  ;  sa  fille  aînée  était  mariée  déjà;  cela  nous  le 
savons  par  l'inventaire  fait  à  son  décès,  et  par  le  registre  des 
baptêmes  de  l'Eglise  réformée  de  Drakenslein.  La  copie  de 
ce  registre  a  été  envoyée  à  Monneaux;  rien  n'est  plus  intéres- 
sant à  étudier;  on  voit,  dans  ce  «  Coin  français  )),des  émigrés 
portant  les  noms  qu'on  a  lus  dans  les  récits  de  combats  des 
Transvaliens  contre  les  Anglais  :  les  Marais,  les  Du  Toit,  les 
Malan,  les  de  Villiers,  les  Rétif,  les  Cronier;  on  trouve  aussi 
quelques  noms  hollandais  :  celui  de  Botlia,  par  exemple. 

Une  nomenclature  a  été  envoyée  du  Cap,  où  l'on  trouve  par 


566  MÉLANGES  fl 

ordre  alphabétique  les  renseignements  recueillis  sur  la  filia-  ■ 

tion  des  familles  d'origine  française  qui  sont  mêlées  aux  Hollan- 
dais dans  la  colonie  du  Gap.  De  plus,  certaines  familles  qui 
sont  entrées  en  relation  avec  M.  Elisée  Briet  ont  entre  leurs 
mains  les  pièces  qui  établissent  leur  parenté  avec  Isaac  Tail- 
fert.  —  Je  ne  puis  ici  que  résumer  les  données  absolument 
concordantes  de  ces  sources  si  diverses. 

Suzanne,  la  seconde  fille  d'Isaac  Taillefert,  s'est  mariée  trois 
fois  avec  un  Naudé,  un  Crognet  et  un  Gardé.  De  son  second 
mari  Pierre  Crognet  descendent  les  Gronje  actuels  :  La  diffé- 
rence d'orthographe  s'explique  sans  difficulté  :  la  langue  hol- 
landaise était  imposée  au  Cap;  et  pour  conserver  aux  noms 
français  leur  prononciation,  il  fallait  bien,  en  hollandais,  les 
écrire  avec  d'autres  combinaisons  de  lettres.  C'est  ainsi  que 
l'inventaire  dont  nous  avons  déjà  parlé  porte  le  nom  de  Su- 
zanne Briet  écrit  Brije.  De  son  troisième  mari,  nommé  Gardé, 
Suzanne  Taillefert  eut  deux  enfants,  un  fils  et  une  fille.  Cette 
dernière  née  en  1703  se  maria  en  1725  avec  JosuéJoubert,  fils  du 
réfugié  Pierre  Joubert.  La  nomenclature  que  nous  possédons 
indique  parmi  les  descendants  nombreux  de  Pierre  Joubert, 
le  général  si  connu  de  ce  nom.  Mais  Pierre  Joubert  avait  deux 
fils  et  nous  ne  savons  pas  si  le  général  descend  de  Josué  Jou- 
bert ou  de  son  frère.  Il  était  en  tous  cas  apparenté  aux  des- 
cendants d'Isaac  Taillefert. 

Quant  à  Elisabeth  Taillefert,  l'aînée  de  la  famille,  elle  s'est 
mariée  à  l'un  des  deux  frères  de  Villiers,  qui  venus  ensemble 
au  Cap,  sont  les  fondateurs  d'une  famille  très  nombreuse  et 
très  honorée.  La  descendance  de  Pierre  de  Villiers  et  d'Eli- 
sabeth Taillefert  comprend  en  particulier  Christophe  de  Vil- 
liers décédé  il  y  a  quelques  années.  C'est  lui  qui  a  fourni  à 
M.  Briet  la  plus  grande  partie  des  documents  dont  j'ai  fait 
usage. 

Un  autre  des  descendants  dTsaac  Taillefert  est  ce  jeune 
Transvalien  qui  est  venu  à  Monneaux,  vers  1893,  faire  con- 
naissance avec  des  parents.  Il  descend,  lui,  de  Suzanne  Tail- 
lefert et  de  son  premier  mari  Naudé.  Les  trois  frères  Celliers, 
son  père  et  ses  deux  oncles,  font  remonter  par  des  pièces 
authentiques,  leur  famille  jusqu'à   Suzanne  Taillefert,    avec 


i 


CHRONIQUE    LITTÉRAIKE  567 

cette  particularité  que  toutes  les  alliances  intermédiaires  se 
sont  faites  entre  gens  d'origine  française. 

Le  nom  de  Taillefert  d'ailleurs  s'est  éteint  au  Gap,  ses  filles 
seules  ayant  laissé  une  postérité  qui  dure  encore. 

Naturellement,  toute  cette  descendance  d'Isaac  Taillefert 
n'est  pas  restée  dans  les  environs  de  la  ville  du  Gap,  et,  quand, 
fuyant  le  joug  des  Anglais,  les  Boers  allèrent  avec  leurs  longs 
convois,  chercher  dans  les  régions  plus  chaudes  du  Nord,  une 
terre  encore  dédaignée  des  Anglais,  où  leur  indépendance 
serait  assurée,  du  moins  pour  un  temps,  les  descendants  des 
Huguenots  français  s'étaient  confondus  avec  leurs  voisins 
d'origine  hollandaise,  et  c'est  ainsi  que,  dans  chacune  des 
luttes  que  les  Boers  ont  eu  à  soutenir  contre  les  Anglais,  on 
retrouve  des  chefs  originaires  du  «  Goin  Français  »,  dont  on 
peut  dire  qu'ils  sont  ou  descendants  ou  alliés  aux  descendants 
d'Isaac  Taillefert  et  de  Suzanne  Briet  de  Monneaux. 

G.    BOUVART. 


CHRONIQ,UE  LITTERAIRE 


La  Saint-Barthélémy  en  Provence. 
Le  comte  de  Sommerive  et  le  comte  de  Garces. 

A  propos  d'une  affaire  retentissante  qui  eut  naguère  son  dénoue- 
ment devant  le  conseil  de  guerre  de  Nantes,  on  a  beaucoup  parlé 
ces  derniers  temps  des  coups  de  tête  militaires  d'autrefois.  Certaines 
gens  dormaient  dans  l'oubli,  qu'on  est  allé  imprudemment  troubler 
dans  leur  repos.  C'est  le  cas,  notamment,  pour  Jean  de  Pontevès, 
comte  de  Garces,  lieutenant  du  roi  en  Provence  au  moment  de  la 
Saint-Barthélémy. 

D'après  un  de  ses  descendants,  M.  le  comte  Jean  de  Sabran-Pon- 
tevès,  il  aurait,  au  risque  d'y  perdre  la  tète  en  même  temps  que  son 
épée,  refusé  d'exécuter  les  ordres  de  Charles  IX  tendant  au  mas- 
sacre des  huguenots.  C'est  donc  à  son  héroïsme  que  la  Provence 
aurait  dû  de  n'avoir  pas  éprouvé  le  contre-coup  sanglant  du  forfait 
qui  restera  Téternelle  flétrissure  des  Valois'. 

1.  Voir  Le  Temps  du  2'»  août  1902. 


56y  CHRONIQUE    LITTÉRAIRE 

Avant  d'aller  plus  loin,  il  nous  semble  qu'un  fait  suffit  à  nous 
mettre  en  garde  contre  l'authenticité  de  ce  «  beau  geste  »  :  c'est 
l'avancement  que  reçut  le  comte  de  Garces  peu  de  temps  après  ce 
soi-disant  refus.  Après  la  mort  d'Honorat  de  Savoie,  comte  de  Som- 
merive,  gouverneur  de  la  province,  survenue  au  mois  d'octobre  1572, 
le  comte  de  Garces  fut,  en  effet,  chargé  de  l'intérim  du  gouverne- 
ment jusqu'à  l'arrivée  du  maréchal  Gaspard  de  Saulx-Tavannes, 
lequel  mourut  avant  d'avoir  pris  possession  de  son  poste  et  fut  rem- 
placé par  le  maréchal  de  Retz.  Un  peu  plus  tard,  il  fut  nommé 
grand  sénéchal  de  Provence.  Ge  n'est  pas  ainsi  que  les  rois  en 
général,  et  Gharles  IX  en  particulier,  récompensaient  ceux  qui  s'in- 
surgeaient contre  la  volonté  royale.  Cette  contradiction  est  déjà  le 
signe  qu'il  y  a  de  la  légende  à  l'horizon. 

Une  chose  est  certaine,  c'est  qu'il  n'y  a  pas  eu  de  massacre  en 
Provence  à  l'époque  de  la  Saint-Barthélémy.  Étudions  maintenant 
les  documents,  pour  voir  comment  les  choses  se  sont  passées  dans 
la  réalité. 

La  plupart  des  historiens,  Jean  de  Serres*,  La  Popelinière',  Agr. 
d'Aubigné^,  Davila^  attribuent  au  comte  de  Sommerive  lui-même 
le  noble  refus  de  faire  mettre  à  mort  les  huguenots.  Mais  les  deux 
auteurs  les  plus  explicites  sont  Simon  Goulart"  et  Brantôme. 

Voici  ce  que  raconte  le  premier  :  «  Incontinent  cjue  les  massacres 
«  furent  commencés,  un  gentilhomme  d'Arles,  nommé  La  Mole^, 
«  domestique  du  duc  d'Alençon,  fut  envoyé  vers  le  comte  de  Tende 
«  [Sommerive]  avec  lettres  du  conseil  secret,  pour  faire  massacrer 
«  en  Provence  tous  ceux  de  la  Religion.  Le  comte,  ayant  reçu  ces 
«  lettres,  dit  librement  à  La  Mole  qu'il  n'estimoit  point  que  tels  com- 
«  mandemens  vinssent  du  mouvement  du  7-oy,  et  qu'aucuns  de  son  con- 
((  seil  usurpojyent  Vauthorité  royale  pour  satisfaire  à  leurs  passions, 
«  dont  il  ne  vouloit  plus  certain  témoignage  que  les  lettres  que  le  roy 
«  luy  avoit  envoyées  quelques  jours  auparavant,  par  lesquelles  il 
«  chargeoit  ceux  de  Guise  de  ce  massacre  de  Paris.  Quil  aimoit 
«  mieux  obéyr  à  ces  premières  lettres,  comtjie  mieux  séantes  à  la 

1.  Recueil  des  choses  mémorables...,  1595,  f°  204. 

2.  Histoire  de  France,  II,  f*  70 1». 

3.  Histoire  universelle,  1626,  col.  558. 

4.  Histoire  des  guerres  civiles  de  France,  trad.  .1.  Baudoin,  Pari.s,  1647, 
p.  330. 

5.  Ou  du  moins  l'auteur  des  Mémoires  de  l'Estat  de  France  sous 
Charles  IX,  Middelbourg,  1578  (I,  f  406). 

6.  Joseph  de  Boniface,  fils  de  Jacques  de  B.  et  de  Marguerite  de 
Pontevès, 


CHRONIQUE    LITTÉRAIRE  569 

«  majesté  royale,  et  que  ce  mandement  dernier  estoit  si  barbare  et 
«  cruel  que  quand  le  roy  mesme  en  personne  luy  commanderoit  de 
«  le  mettre  à  exécution,  il  ne  le  feroil  pas.  Cette  magnanime  res- 
«  ponse  servit  à  ceux  de  la  Religion  en  ce  gouvernement-là,  car  il 
«  n'y  eut  point  de  massacres.  » 

Brantôme  n'est  pas  moins  formel.  «  Si  faut-il  louer  extrêmement 
«  ce  seigneur  [Sommerive],  dit-il,  qu'encore  qu'il  fût  esté  grand 
«  persécuteur  des  huguenotz,  si  est-ce  qu'après  le  massacre  de  la 
«  Saint-Barthélémy  et  qu'il  luy  fut  mandé  comme  aux  autres  de 
«  mener  les  mains  basses  envers  les  huguenotz,  et  en  faire  de 
«  mesmes  en  son  gouvernement  comme  à  Paris,  il  n'en  voulut 
«  jamais  rien  faire,  disant  que  l'acte  en  seroit  trop  vilain,  et  que  le 
«  roy  l'avoit  peu  |pu]  bien  faire  et  s'en  laver  quand  il  luy  plairoit, 
«  estant  roy,  mais  pour  luy  à  jamais  il  en  sentiroit  son  âme  chargée 
«  et  son  honneur  souillé  :  dont  le  roy  luy  en  voulut  grand  mal  et 
«  en  fut  très  mal  contenta  » 

On  sait  que  Sommerive  mourut  peu  après,  non  sans  soupçon  de 
poison.  On  ne  manqua  pas  d'établir  un  rapport  étroit  entre  cette 
fin  soudaine  du  gouverneur  de  Provence  et  son  refus  d'obéir  aux 
ordres  de  Charles  IX.  Brantôme,  comme  Simon  Goulart,  La  Pope- 
linière  et  Davila,  laisse  entendre  que  cette  insinuation  n'était  pas 
sans  fondement.  Mais  cela  nous  entraînerait  trop  loin. 

En  regard  de  ces  témoignages  des  historiens  contemporains,  voici 
maintenant  la  lettre*  sur  laquelle  se  fonde  M.  de  Sabran-Pontevès, 
pour  revendiquer,  en  faveur  de  son  aïeul,  l'acte  de  magnanimité 
attribué  jusqu'ici  au  comte  de  Sommerive.  Nous  ne  chicanerons 
pas  sur  le  style  un  peu  trop...  moderne,  à  notre  gré,  car  les  objec- 
tions que  cette  lettre  soulève  sont  beaucoup  plus  graves  qu'une 
simple  question  de  forme.  Nous  devons  faire  remarquer  cependant 
que  M.  de  Sabran-Pontevès  se  borne  à  reproduire  ce  document, 
sans  l'accompagner  d'aucun  renseignement  sur  son  origine  et  son 
état  de  conservation.  Or,  il  suffit  de  lire  cette  lettre  pour  se  rendre 
compte  que  l'on  est  en  présence  d'une  copie,  et  non  d'un  docu- 
ment original;  mais  cette  copie,  mise  au  point,  d'où  vient-elle? 
Nous  ne  tarderons  pas  à  le  savoir.  Nous  citons  à  notre  tour. 

«  J'ai  toujours  servi  le  roi  en  soldat,  je  serais  fâché  de  faire,  en 
«  celte  occasion,  l'office  de  bourreau. 

«  Ce  n'est  point  le  roi  qui  a  donné  cet  ordre.  J'en  ai  reçu  de  con- 
«  traires  il  n'y  a  pas  longtemps.  Il  vient  sans  doute  des  ennemis  de 

1.  Œuvres  complètes,  édit.  Ludovic  Lalanne.  111,  p.  381. 

2.  Voir  Le  Temps  du  1"  scptettibre  1902. 

Ll.  —  39 


570  CHRONIQUE    LITTÉRAIRE 

«  l'Etat  qui,  sous  le  voile'de  Vautorité  royale^  veulent  satisfaire  leurs 
«  passions. 

«  Je  m'en  tiens  donc  aux  premières  instructions  que  f  ai  reçues, 
parce  qu'elles  sont  plus  conformes  à  la  jusUce  et  à  la  clémence.  » 

Que  Ton  veuille  bien  relire  avec  soin  les  passages  de  cette  lettre 
que  nous  avons  soulignés,  et  se  reporter  ensuite  au  récit  de  Simon 
Goulart.  Il  apparaîtra,  clair  comme  le  jour,  que  ce  que  nous  avons 
ici,  c'est  la  réponse...  du  comte  de  Sommerive,  et  non  point  celle 
du  comte  de  Garces.  Il  saute  aux  yeux,  d'ailleurs,  que  les  ordres 
royaux  ne  pouvaient  avoir  été  adressés  directement  au  lieutenant 
du  roi  en  Provence,  le  gouverneur  Sommerive  étant  encore  à  son 
poste.  M.  de  Sabran-Pontevès  dit  qu'au  moment  de  la  Saint-Bar- 
thélémy le  comte  de  Garces  était  «  grand  sénéchal  de  Provence, 
amiral  des  galères  du  roi  et  aux  mers  du  Levant,  généralissime  des 
armées  catholiques  en  Provence,  etc.,  etc.  ».  G'est  là  précisément 
que  gît  la  confusion.  Après  la  mort  de  Sommerive,  le  comte  de 
Garces  devint,  comme  nous  l'avons  dit  plus  haut,  gouverneur  par 
intérim,  et,  quelque  temps  après,  grand  sénéchal*;  mais  au  moment 
de  la  Saint-Barthélémy,  il  était  encore  le  premier,  si  l'on  veut,  mais 
le  premier  des  subordonnés  —  mettons  :  des  auxiliaires  —  du  gou- 
verneur, et  ce  n'est  pas  à  lui  que  fut  envoyé  Tordre  de  Charles  IX 
de  mettre  à  mort  les  huguenots.  Il  est  facile  de  l'établir. 

Il  existe,  en  effet,  une  pièce  qui  fait  la  lumière  à  peu  près  com- 
plète sur  les  événements  qui  nous  occupent.  G'est  un  Mémoire  du 
sieur  de  Vauclause,  qui  provient  des  archives  de  M.  de  Peiresc, 
conseiller  au  Parlement  de  Provence,  et  qui,  après  avoir  été  publié 
pour  la  première  fois  par  J.  Le  Laboureur^,  est  maintenant  à  la 
Bibliothèque  nationale.  Gaspard  de  Villeneuve,  s'  de  Vauclause  et 
de  Bargemont,  fut  mêlé  de  près  aux  négociations  qui  aboutirent  au 
retrait  des  ordres  royaux  relatifs  au  massacre  des  protestants  de 
Provence.  G'est  donc  un  témoin  oculaire,  et  voici  ce  qu'il  rapporte  : 

c(  Advenant  le  jour  de  la  Saint-Barthélémy,  le  sieur  de  la  Molle, 
«  se  trouvant  à  Paris,  le  feu  roy  Gharles  l'envoya  en  Provance  vers 
«  monsieur  le  comte  de  Tande  [Sommerive]  ^  avecq  une  lettre  que 

i.  Gasp.  de  Saulx-Tavannes  l'ut  nommé  en  octobre  1572  gouverneur  de 
Provence  et  amiral  du  Levant.  (P.  Anselme,  Hist.  chronologique  de  France, 
VII,  p.  239.) 

2.  Bibliolh.  nat.,  nouv.  acquisitions,  msc.  1086,  f"  104.  —  Cf.  J.  Le 
Laboureur,  Additions  aux  Mémoires  de  Castelnau,  \\,  p.  15;  Bullet.  prot. 
XLIII,  p.  441  et  suiv. 

3.  Les  premières  noiivelles  de  la  Sainl-Barthélemy  arrivèrent  à  Lyon 
le  27  août  au  matin  {Bullet.  prot.  XVIII,  p.  305).  En  conséquence,  il  est 


CHRONIQUE   LITTÉRAIRE  571 

«  lui  escrivoit  Sa  Majesté,  de  créance,  laquelle  estoit  de  faire  tuer 
«  tous  les  huguenotz;  mais  au  bout  de  la  lettre  le  roy  escrivoit 
«  audict  sieur  comte  par  une  apostille,  luy  commandant  de  ne  croire 
«  ny  faire  pas  ce  que  ledict  la  Molle  luy  diroit.  Cella  mit  bien  en 
«  peyne  ledict  sieur  comte  pour  estre  l'apostille  contrère  à  la 
«  créance,  qui  fut  cause  que,  pour  estre  esclaircy  bien  au  vray  de 
«  l'intantion  de  Sa  Majesté,  il  envoya  à  la  cour  le  sieur  Gauterv, 
«  son  secrétaire,  lequel  à  son  retour,  rapporta  audict  sieur  comte  la 
«  vollonté  du  roy  qu'estoit  de  faire  la  tuerie  de  quelques  huguenotz 
«  incontinant  qu'il  seroit  arrivé.  » 

Dans  ce  récit,  l'altitude  de  Sommerive  est  moins  chevaleresque 
que  dans  ceux  de  Brantôme  et  de  S.  Goulart.  Toutefois  un  premier 
résultat  est  acquis  :  en  gagnant  du  temps,  le  gouverneur  de  Pro- 
vence a  obtenu  que  le  massacre  qui,  d'après  les  instructions  primi- 
tives de  la  lettre  royale,  devait  être  général,  fût  réduit  à  la  mise  à 
mort  de  quelques  protestants.  L'  «  apostille  »,  qui  réduisait  à  néant 
le  contenu  de  la  lettre,  rendait  il  est  vrai, complètement  inutile—  et 
singulièrement  dangereux  pour  les  huguenots,  vu  la  versatilité  du  roi 
—  l'envoi  d'un  émissaire  à  Charles  IX.  11  est  probable  que  Sommerive 
craignit  pour  lui-même  l'effet  d'un  de  ces  retours  subits  de  la  féro- 
cité du  jeune  roi.  En  tout  cas,  ce  début  Au  Mémoire  du  sieur  de  Vau- 
clause  semble  bien  indiquer  que  si  le  comte  de  Sommerive  ne  pro- 
céda pas  au  massacre  dans  l'étendue  de  son  gouvernement,  la 
crainte  de  se  souiller  d'un  crime  n'y  eut  qu'une  faible  part.  Mais  en 
réalité,  toujours  à  cause  de  l'apostille,  les  nouveaux  ordres  sont  une 
aggravation  des  premiers.  Continuons. 

«  Voulant  ledict  comte  mettre  la  volonté  de  Sa  Majesté  en  exé- 
«  cution,  il  s'en  alla  à  Celon  [Salon],  là  où  (il)  pria  le  sieur  comte 
«  de  Carces  s'en  aler  à  Aix,  luy  assurant  que  le  lendemain  il  luy 
«  envoyeroit  les  commissions  pour  envoyer  par  tout  le  pays  pour 
«  exécuter  l'intention  de  Sa  Majesté. 

«  Mais  le  lendemain  ledict  sieur  comte  de  Carces  reçut  d'autres 
((  nouvelles,  car  le  capitaine  Beauchans  le  vint  advertir  de  la  mort 

probal)!e  que  le  courrier  parvenu  à  Avignon  le  28  (L.  de  Pérussis,  Hist. 
des  guerres  du  comté  Vénaissin...  p.  138,  dans  Pièces  fugitives  d'Aubaïs,  1) 
et  à  Montpellier  le  30  [Hist.  de  la  guerre  civile  en  Languedoc,  p.  23  et  ^H. 
Ibid.  II)  n'était  pas  encore  porteur  des  ordres  de  massacre,  et  que  l'envoi 
de  la  Molle  en  Provence  dut  avoir  lieu  quelques  jours  plus  tard.  —  Deux 
autres  courriers  passèrent  à  Lyon  le  31  {Bullet.  prot.  XVlil,  p.  309).  — 
Celui  qui  était  à  Avignon  le  28  avait  averti  de  Cordes  en  Dauphinc,  et, 
aussitôt  après  son  passage  dans  la  cité  des  papes,  Xoguier  fut  dépéché  à 
•Sommerive. 


572  CHRONIQUE    LITTERAIRE 

«  dudict  sieur  comle  de  Tende,  et,  deux  heures  après,  Gautery,  son 
«  secrétaire,  arriva  vers  ledict  sieur  comte  de  Garces,  avec  lesdictes 
«  commissions  qu'il  ne  voulut  mettre  en  exécution,  attendu  qu'il 
a  n'avoit  heu  aulcung  commandement  de  Sa  Majesté,  quy  (ce  qui) 
«  l'occasionna  d'envoyer  par  devers  icelle  ledict  sieur  de  la  Molle 
«  pour  recepvoir  son  intention  ». 

Pas  d'ordres!  Voilà  donc  à  quoi  se  réduisit  le  refus  du  comte  de 
Garces  de  mettre  la  main  à  l'épée.  Gautery  n'avait  rapporté  de  la 
cour  qu'une  réponse  verbale.  Les  commissions  signées  par  Somme- 
rive  étaient  désormais  sans  autorité  suffisante  —  du  moins  pour  un 
homme  qui  hésitait  à  s'engager  à  fond  —  par  suite  de  la  mort  de  celui 
qui  les  avait  délivrées.  Viennent  de  nouveaux  ordres,  et  le  comte 
de  Garces  marchera  —  mais  nous  devons  lui  rendre  celle  justice 
qu'il  fit  tout  pour  empêcher  ces  ordres  de  venir. 

Vingt  jours  s'étant  écoulés  sans  que  La  Molle  fût  de  retour,  le 
comle  de  Garces,  sans  nouvelles,  dépêcha  en  cour  un  nouveau 
messager.  Gelui-ci,  le  sieur  de  Vauclause,  arriva  à  la  cour  le  jour 
même  où  La  Molle  reparlait  pour  la  Provence  «  avec  la  volonté  du 
roy  qui  esloit  tousjours  de  faire  mourir  les  huguenots  ».  La  Molle, 
se  basant  sur  les  ordres  formels  dont  il  était  porteur,  essaya  de  dis- 
suader Vauclause  d'aller  jusqu'à  Gharles  IX.  Vauclause,  qui  avait 
pour  mission  —  le  fait  ne  nous  parait  pas  douteux  —  d'obtenir  des 
ordres  moins  rigoureux,  refusa  «  de  s'en  retourner  sans  parler  à 
personne  ».  Le  jour  même,  il  fil  connaître  au  roi  l'objet  de  son 
voyage;  ce  dernier  s'en  référa  aux  instructions  définitives  dont  il 
avait  chargé  La  Molle,  mais  Vauclause,  grâce  à  l'intervention 
d'Hubert  de  la  Garde,  s' de  Vins,  dont  la  mère  était  sœur  du  comte 
de  Garces,  finit  par  obtenir  l'annulation  des  ordres  qui  prescrivaient 
le  massacre  des  huguenots.  11  fit  «  sy  grande  dilligence  »  qu'il  rat- 
trapa La  Molle  en  Provence,  et,  ayant  communiqué  au  comte  de 
G.arces  la  réponse  du  roi,  le  gouverneur  intérimaire  «  congédia  tous 
ceulx  qu'il  avoil  envoyé  quérir  en  attendant  la  vollonté  de  Sa  Ma- 
jesté ».  Ainsi  finit  l'affaire. 

Il  nous  semble  bien  que  le  Mémoire  de  Vauclause,  dont  tous  les 
détails  n'ont  certainement  pas  la  même  valeur  et  qui  reste  obscur 
sur  quelques  points,  donne,  en  bloc  tout  au  moins,  une  physionomie 
exacte  des  choses.  11  y  a  loin,  on  le  voit,  de  la  tactique  prudente, 
souterraine,  de  Jean  de  Pontevès,  comle  de  (farces,  au  «  très  noble 
geste  »  dont  on  revendique  l'honneur  pour  lui  après  trois  siècles 
écoulés.  Soyons-lui  reconnaissants  de  n'avoir  pas  trempé  les  mains 
—  au  moment  de  la  Saint-Barthélémy,  s'entend  —  dans  le  sang  des 


CHRONIQUE    LITTERAIRE  573 

huguenots,  mais  qu'on  n'en  fasse  pas  un  héros,  car  il  fui  tout  autre 
chose  !  Son  prestige  reçoit  quelque  atteinte  de  l'étude  des  docu- 
ments, mais  la  vérité  historique  y  gagne  de  dissiper  une  légende. 
Par  le  temps  qui  court,  ce  n'est  pas  un  gain  négligeable. 

Et  puisque  M.  le  comte  Jean  de  Sabran-Pontevès  a  mis  en  cause 
l'Amiral  à  propos  de  son  aïeul,  en  affirmant  que  ce  grand  huguenot 
était  «  de  connivence  avec  l'étranger  et,  comme  tel,  méritait  un  su- 
prême châtiment  »  —  on  n'est  pas  plus  giiisard!  —  nous  décla- 
rons préférer  à  l'attitude  douteuse  du  comte  de  Garces  le  «  noble 
geste  »,  bien  historique  celui-là,  de  Gaspard  de  Goligny  remettant 
à  François  II,  en  pleine  assemblée  de  Fontainebleau,  au  péril  de  sa 
vie  et  non  point  par-dessous  main,  la  requête  des  huguenots  persé- 
cutés... 

P.    FOiNBRUNE-BeRBINAU. 

Imprimeurs  protestants.  —  Dans  la  Revue  d'Ardenne  et  d'Argonne 
(1902,  p.  98  à  122  et  136  à  149),  M.  J.-B.  Brincourt  publie  deux  ar- 
ticles qui  seront  suivis  d'un  ou  plusieurs  autres,  sur  Jean  Jannon^  ses 
Jils,  leurs  œuvres.  Né  sans  doute  à  Paris,  en  1580,  Jean  Jannon  fit  son 
apprentissage  chez  Robert  III  Estienne  et  débuta  dans  la  typographie 
par  une  édition  de  Martial  (1607).  Ayant  eu  l'imprudence  d'imprimer, 
en  1609,  un  livre  de  l'apostat  Pelletier  contre  «  les  erreurs  et  fausses 
opinions  des  calvinistes  »  il  encourut  le  blâme  du  consistoire  de  Paris 
qui  lui  interdit  l'usage  de  la  Gène  et  lui  fit  défense  de  vendre  ses 
livres  à  Gharenlon  comme  il  avait  accoutumé.  Gette  .sévérité  fut  sans 
doute  une  des  causes  qui  le  déterminèrent  à  .se  rendre  à  Sedan,  où 
Henry  de  la  Tour  cherchait  un  bon  imprimeur  pour  remplacer 
Jacob  Salesse  récemment  décédé.  Il  s'y  fixa  définitivement,  et  fut 
soutenu  par  les  subsides  du  prince  et  nommé  «  imprimeur  de  son 
Excellence  et  de  l'Académie  Sedanoise,  »  aux  gages  de  200  livres 
tournois  par  an.  Il  exerça  son  art  pendant  plus  de  quarante  ans,  et 
produisit  un  nombre  considérable  d'impressions  dont  M.  Brincourt 
donne  l'énumératiou  la  plus  complète  qui  ait  encore  été  faite.  Ges 
impressions  sont  justement  célèbres  par  la  beauté  des  types  et  ie 
caractère  sobrement  artistique  de  l'exécution.  Nous  espérons  que 
M.  Brincourt  voudra  bien  faire  tirer  à  part  ses  articles,  qui  indépen- 
damment de  leur  valeur  bibliographique  et  des  détails  inédits 
recueillis  sur  le  typogra|)he  sedanais,  auront  le  plus  grand  intérêt 
au  point  de  vue  de  l'histoire  littéraire  et  de  la  biographie  des  écri- 
vains protestants  du  xvii"  siècle.  H-  D- 


574  NÉCROLOGIE 


NECROLOGIE 


M.  Henri  Tollin. 

La  Société  huguenote  d'Allemagne  a  perdu  le  limai  son  président 
et  fondateur,  le  licencié  en  théologie  Henri  Tollin.  Descendant 
d'une  famille  champenoise  émigréeà  la  Révocation,  il  dirigeait  de- 
puis 1876  la  paroisse  dite  réformée  française  de  Magdebourg,  après 
avoir  été  successivement  maître  auxiliaire  au  Gymnase  français  de 
Berlin  de  1859  à  1862  et  pendant  treize  ans  pasteur  de  l'Église  ré- 
formée française  de  Francfort-sur-l'Oder.  Ce  deuil  en  est  un  aussi 
pour  notre  Comité  qui,  sachant  de  longue  date  sa  sympathie  pour 
notre  œuvre,  appréciant  ses  travaux  et  reconnaissant  de  sa  collabo- 
ration au  Bulletin,  l'avait  inscrit  en  1892  au  nombre  de  ses  pre- 
miers membres  honoraires. 

Les  biographes  de  M.  Tollin  insisteront  avec  raison  sur  un  côté 
de  son  existence  si  remplie  que  nous  ne  pouvons  ici  qu'indiquer, 
le  rôle  militant  qu'il  a  joué  dans  l'Église,  non  sans  difficultés  par- 
fois, comme  représentant  fidèle  et  convaincu  du  vieil  esprit  réformé, 
maintenant  en  regard  des  luthériens  et  de  la  nouvelle  constitution 
évangélique  allemande,  les  principes  de  la  confession  de  foi  et  de 
la  discipline  huguenote,  les  traditions  des  anciennes  communautés 
du  Refuge  dont  il  cherchait,  malgré  leur  disparition  progressive,  à 
renouer  les  liens  et  à  revivifier  les  souvenirs.  * 

Dans  le  champ  de  l'histoire  son  labeur  a  été  considérable  et  de 
double  nature.  Pour  beaucoup  ^L  Tollin  est  avant  tout,  et  il  restera, 
le  biographe,  l'apologiste  de  Servet.  II  ne  se  lassait  pas  de  revenir 
à  ce  sujet  de  prédilection,  non  comme  partisan  des  doctrines 
mêmes  du  «  grand  Espagnol  »,  mais  dans  un  sentiment  d'admira- 
tion pour  sa  découverte  de  la  circulation  du  sang,  de  respect  pour 
son  caractère,  et  de  ce  qu'il  appelle  «  la  tolérance  biblique  et  l'hu- 
manité chrétienne  ». 

On  retrouvera  dans  \e Bulletin  (XXVIII, 322),  le  relevé  par  M.  Tollin 
lui-même  de  toutes  ses  études  sur  Servet,  ouvrages  de  longue  ha- 
leine et  articles  de  revues.  Nous  ne  citerons  que  les  trois  princi- 
paux :  La  découverte  par  Michel  Servet  de  la  circulation  du  sang-, 
dans  le  Recueil  de  traités  physiologiques  de  Preyer,  qui  valut  à  l'au- 
teur le  doctorat  honoraire  de  médecine  de  la  Faculté  de  Berne; 
la  Caractéristique  de  Michel  Servet^  traduit  en  anglais,  hongrois. 


NÉCKOLOGIE  575 

français,  italien,  danois,  et  VExposé  du  Système  dogmatique  (\e  Scr- 
vet  (840  p.  in.-8"). 

Il  a  mis  le  même  soin  et  la  même  persévérance  à  s'occuper  de 
l'histoire  des  Églises  du  Refuge  en  Allemagne.  Dès  1862  il  consa- 
crait à  la  première  de  celles  qu'il  a  desservies,  Francforl-sur-l'Oder, 
une  monographie  fort  complète  (voir  l'analyse  B«//.  XIX,  130,170), 
publiait  en  1876  des  notices  sur  les  colonies  françaises  d'Oranien- 
bourg,  de  Kœpenick  et  de  Brandebourg  (voir  Bull.  XXVIII,  38)  et 
surtout  élevait  à  celle  de  Magdebourg,  à  l'occasion  de  son  Jubilé 
bi-séculaire  un  monument  d'une  surprenante  ampleur  :  les  trois 
volumes,  le  dernier  en  trois  parties,  forment  un  ensemble  de 
3821  pages  in-8. 

C'est  en  1890  qu'il  conçut  la  pensée  de  fonder  une  Société  hugue- 
note d'Allemagne,  «  pour  développer  l'histoire  huguenote,  cultiver 
l'esprit  des  réfugiés  et  resserrer  le  lien  qui  unit  entre  eux  tous  les  ré- 
formés». Constituée  dans  l'Assemblée  générale  de  Friedrichsdorfle 
29  septembre,  la  nouvelle  association  a  tenu  au-delà  de  ce  qu'on 
était  en  droit  d'en  attendre,  et  il  n'est  que  juste  d'en  attribuer  en 
grande  partie  l'honneur  à  son  président  (voir  Bull.  XLIII,  670). 

M.  Tollin  est  l'auteur  de  plusieurs  des  excellentes  monographies 
publiées  dans  les  Geschichtsblâtter  des  Deutsches  Huguenotten  Ve- 
reins  el  c'est  encore  à  lui  que  la  Deutsche  Encyclopédie  a  demandé 
sa  récente  biographie  de  Calvin.  Rappelons  enfin  qu'il  a  donné  à 
noire  Bulletinune  élude  approfondie  SUT  Cassiodore  de  Retna{XXVU- 
XXXIII)  et  des  articles  sur  la  fondation  de  l'Église  réformée  de 
Celle  (XLII),  le  Refuge  huguenot  en  Russie  (XLIV)  et  Marie  De- 
lolme  et  la  Cour  de  Danemark  au  XIX=  siècle  (XLVII).  Il  y  a 
deux  ans  nous  analysions  une  de  ses  dernières  productions,  sur 
l'élymologie  du  mot  huguenot,  et  bien  que  nous  hésitions  à  en 
adopter  les  conclusions,  nous  y  trouvions  un  témoignage  de  plus  de 
son  infatigable  activité  d'esprit  et  de  son  constant  intérêt  pour  notre 
histoire. 

F.   DE  SCHICKLER. 

M.  le  pasteur  Charles  Frossard. 

En  célébrant  le  Jubilé  cinquantenaire  de  la  Société,  au  nombre 
des  rares  amis  de  la  toute  première  heure  que  nous  nous  félicitions 
de  posséder  encore,  nous  saluions  M.  le  pasteur  Charles  Frossard, 
de  loin  seulement,  il  est  vrai,  car  sa  santé  de  plus  en  plus  éprouvée 
l'avait  retenu  forcément  à  Bagnères-de-Bigorre.  Le  7  août,  Dieu 
nous  le  reprenait  dans  la  75*  année  de  son  âge. 


576  NÉCROLOGIE. 

M.  Ch.  Frossard  est  devenu  membre  du  Comité  en  1869,  mais 
dès  la  seconde  livraison  du  Bulletin,  il  s'est  associé  de  cœur  à  une 
œuvre  dont  il  avait,  avec  son  vénéré  père,  accueilli  «  avec  joie  »  la 
fondation.  D'année  en  année,  on  y  relève  les  traces  de  son  activité, 
à  la  fois  érudite  et  huguenote,  depuis  ses  multiples  emprunts  aux 
Papiers  Court  de  Gébelin  découverts  par  son  aïeul,  le  doyen 
B.-S.  Frossard  (Voy.  Bull.,  I,  134),  sa  Notice  sur  La  Réforme  dans 
le  Cambrésis  {Bull.,  III),  la  Chronique  de  P Église  Réformée  de  Lille 
{Bull.,  V,  publiée  ensuite  séparément),  jusqu'aux  biographies  de 
Jean  de  Gassion,  maréchal  de  France  {Bull.,  XLIW)  et  de  son  frère, 
Jacques  de  Gassion-Bergère,  et,  sous  le  titre  de  La  Réforme  en 
Béarn,  la  reproduction  avec  traduction  annotée  de  nouveaux 
documents,  1560-1572,  provenant  du  château  de  Salies  {Bull., 
XLIV-XLV). 

Cet  attachement  pour  la  Société  de  l'Histoire  du  Protestantisme 
français  ne  s'est  jamais  démenti.  Nos  lecteurs  en  retrouveront  avec 
émotion  un  témoignage  suprême  dans  la  lettre  qu'il  nous  écrivait  le 
21  juin,  une  des  dernières  que  sa  main  ait  pu  tracer.  Malgré  son 
caractère  intime  et  personnel,  nous  n'hésitons  pas  à  la  reproduire 
ici  :  mieux  que  ne  saurait  le  faire  toute  l'expression  de  nos  regrets, 
elle  redit  ce  que  nous  avons  perdu  dans  le  collègue  qui  nous  a 
devancés. 

Mon  cher  Président  et  très  honoré  frère  en  Jésus-Christ, 

Incapable  de  tenter  aucun  voyage,  j'ai  laissé  Madame  Frossard 
aller  à  Paris  sans  moi  celte  année.  C'est  fini  d'agir,  je  contemple 
le  monde  invisible,  je  m'assure  en  mon  Sauveur  tout-puissant  et 
tout-bon  et  je  prie.  L'écho  du  succès  de  votre  exposition  est  venu 
jusqu^à  moi.  Une  seule  critique  :  elle  a  été  trop  courte.  Nos  dames 
souhaitaient  y  retourner  et  y  mener  du  monde.  On  ne  sait  pas  assez 
que  la  bibliothèque  est  une  exposition  permanente  et  touchante  des 
œuvres  de  nos  pères.  J'ai  regretté  de  n'y  avoir  pas  pu  aller  et  j'aurais 
contribué  modestement  à  l'enrichir.  Vous  ne  perdrez  rien  pour 
attendre.  L'œuvre  est  grande  et  belle  et  bénie  d'en  haut. 

Je  ne  vous  oublie  pas  dans  mes  prières. 

A  Dieu. 

Ch.  Frossard,  p"". 

F.   DE   S. 


Le  Gérant  :  Fischbacher. 


OUI.  —  L.-lniprimeries  lëunies,  B,  rue  Sainl-Benolt.  7.  —  Motteroz,  directeur. 


SOCIETE   DE   L'HISTOIRE 

DU 


PROTESTANTISME    FRANÇAIS 


Études  historiques 


COLIGNY    ET    LA   PAPAUTÉ    EN    4556-1557 

D'après  des  lettres  inédites  des  Châtillon  conservées 
à  la  bibliothèque  Barberini  de  Rome^. 

Le  5  février  1556,  à  Vaucelles,  une  trêve  était  signée  qui 
suspendait  les  hostilités  entre  la  France  et  l'Espagne.  C'était 
un  grand  succès  diplomatique  pour  le  parti  de  la  paix  dirigé 
à  la  Cour  par  le  connétable  Anne  de  Montmorency  :  au  sys- 
tème du  statu  qiio  ante  bellum,  nos  plénipotentiaires,  Gas- 
pard de  Coligny  et  Sébastien  de  l'Aubespine,  avaient  réussi 
à  faire  substituer  le  système  de  Viiti  possidetis.  Nous  gar- 
dions toutes  nos  conquêtes  :  les  trois  évêchés,  Metz,  Toul 
et  Verdun,  les  places  conquises  par  le  connétable  dans  le 
Luxembourg  et  dans  les  Flandres,  et  en  Italie  celles  où  Bris- 
sac  avait  mis  garnison^. 

Rien  ne  paraît  s'opposer  alors  à  ce  que  cette  trêve  se 
change  bientôt  en  une  paix  définitive.  Et  cependant  quelques 
mois  plus  tard  tout  est  renversé  :  Carlo  Carafa,  le  propre 
neveu  du  pape  Paul  IV,  a  débarqué  en  France.  Ce  condottiere 
devenu  cardinal  rêve  de  se  tailler  une  principauté  dans 
les  domaines  italiens  de  l'Espagne  à  la  faveur  de  la  rivalité 

\.  Je  remercie  mon  ami  J.  Calmette,  membre  de  l'Ecole  française  de 
Rome,  qui,  sur  ma  demande,  a  bien  voulu  copier  ces  documents  à  la 
bibliothèque  Barberini,  où  ils  sont  conservés  sous  la  cote  :  vol.  XLIII,  163 
{Lettere  originali  a  Paolo  IV  ed  ai  Caraffa  in  lingua  francese). 

2.  Décrue,  Anne  de  Montmorency,  connétable  de  France^  sous  les  règnes 
de  Henri  II,  François  II  et  Charles  IX,  1889,  in-8". 

1902.  —  N"  11,  Novembre.  LI.  —  4o 


578  ÉTUDES    HISTORIQUES 

franco-espagnole;  il  a  compris  que  c'en  est  fait  de  ses  pro- 
jets ambitieux  si  les  deux  pays  se  rapprochent.  Il  vient  donc 
pour  parler,  dil-il,  de  la  convocation  d'un  concile  général  et 
pour  hâler  les  négociations  de  la  paix  entre  le  Roi  Très-Chré- 
tien et  Sa  Majesté  Catholique,  mais  ce  quMl  apporte  en  réa- 
lité, c'est  la  guerre  *. 

A  la  Cour  tout  le  monde  s'est  laissé  prendre  à  sa  comédie 
diplomatique  :  déjà  Guise  est  gagné,  allécl^é  par  le  mirage 
de  la  couronne  napolitaine;  Henri  II,  qui  se  soucie  peu  des 
intérêts  de  l'État,  n'a  d'autre  préoccupation  que  de  main- 
tenir la  tranquillité  à  sa  cour  par  une  politique  de  bascule  : 
Montmorency  a  voulu  la  paix  :  il  l'a  eue  à  Vaucelles;  Guise 
à  son  tour  veut  la  guerre  :  il  l'aura,  et  contre  ces  mêmes  Es- 
pagnols avec  qui  on  vient  de  traiter  il  y  a  quelques  mois  à 
peine. 

Bientôt  Montmorency  lui-même  est  gagné.  Tout  d'abord 
il  essaie  de  s'opposer  à  une  reprise  des  hostilités,  et  il  va  ré- 
pétant «  haut  et  clair  »,  qu'en  Italie  «  nous  irons  à  cheval 
pour  nous  en  revenir  à  pied.  Mais  on  se  moque  de  sa  phi- 
losophie »  -,  et,  d'autre  part,  Carafa  sait  habilement  exploi- 
ter ses  mécontentements  vis-à-vis  des  lenteurs  de  la  diplo- 
matie espagnole.  Soucieux  aussi  de  conserver  la  faveur 
royale,  le  connétable  ne  tient  pas  à  s'acharner  dans  une  op- 
position intempestive  à  la  politique  à  la  mode.  Autour  de  lui 
l'enthousiasme  qui  entraîne  les  esprits  à  la  guerre  est  général. 
Montmorency  n'a  qu'à  s'incliner. 

Dès  le  début  du  mois  de  juillet,  des  ordres  sont  expédiés 
aux  capitaines  des  compagnies  en  garnison  à  Marseille  ou 
en  Italie  pour  qu'ils  aient  à  gagner  Rome  à  la  têle  de  leurs 
troupes;  un  peu  plus  tard  le  connétable  assemble  des  offi- 
ciers de  fortune  qui  vont  partir  pour  l'Italie;  enfin,  le  31  juil- 
let, le  Conseil  du  roi  admet  pour  la  première  fois  officiel- 
lement la  possibilité  d'une  reprise  des  hostilités  contre 
l'Espagne  et  quand  Carlo  Carafa  repart,  le  connétable  le 
charge  de  lettres  pour  le  pape,  remplies  de  formules  de  dé- 


1.  G.  Duruy,  Le  cardinal  Carlo  Carafa,  1882,  in-S". 

2.  Pasquier,  Œuvres,  t.  II,  p.  74. 


ÉTUDES    HISTORIQUES  579 

vouement  à  l'adresse  du  Saint-Siège  :  «  pour  mon  regard, 
très  sainct  père,  vous  me  ferez,  s'il  vous  plaisi,  ceste  grûce 
de  croire  que  j'estimeray  tousjours  à  grand  heur,  quand  les 
occasions  se  présenteront,  que  j'auroy  moyen  de  faire  aucun 
service  qui  vous  puisse  estre  agréable'  ». 

Bientôt  même,  abandonnant  les  intérêts  véritables  de 
l'État  pour  les  siens  propres,  Montmorency  en  arrive  à  dé- 
sirer cette  alliance  avec  la  papauté  qu'il  n'a  fait  jusque-là 
que  subir. 

Grand  courtisan  bien  plus  encore  que  grand  ministre, 
Anne  de  Montmorency  en  effet  cherchait  plus  dans  le  gou- 
vernement les  moyens  de  développer  sa  propre  fortune  que 
celle  de  l'Etat;  ce  soldat  parvenu,  qui  avait  accumulé  entre 
ses  mains  les  plus  hautes  charges  du  royaume,  rêvait 
maintenant  de  faire  de  sa  famille  une  sorte  de  tribu  puis- 
sante, dont  il  serait  le  patriarche  et  dont  l'influence  dans 
l'Etat  serait  capable  de  contrebalancer  victorieusement  l'in- 
fluence de  la  puissante  maison  de  Lorraine.  Déjà  il  a  poussé 
aux  plus  hautes  fonctions  ses  fds  et  ses  neveux  :  maintenant 
il  veut  rapprocher  sa  famille  de  la  maison  royale  et,  d'accord 
avec  Henri  II,  il  s'est  arrangé  pour  que  son  fils  aîné  épouse 
une  fille  de  France,  Madame  la  bâtarde". 

Mais  il  a  compté  sans  son  fils  qui  déjà  a  échangé  de  solen- 
nelles promesses  de  mariage  avec  une  jeune  fille  qu'il  aime, 
Jeanne  de  Halluin,  demoiselle  de  Piennes.  Il  faut  à  tout 
prix  faire  rompre  ce  mariage;  après  avoir  essuyé  les  vio- 
lentes colères  de  son'  père,  le  plus  grand  «  rabroueur  »  du 
xvi^  siècle,  au  dire  de  Brantôme,  François  se  soumet  et  part 
pour  Rome,  afin  d'obtenir  du  pape  l'annulation  de  ses  pro- 
messes de  mariage  avec  la  demoiselle  de  Piennes. 

Pour  que  Paul  IV  seconde  ses  projets,  Anne  de  Montmo- 
rency est  donc  amené  à  se  rapprocher  du  Saint-Siège  plus 
étroitement  qu'il  ne  l'a  faitjusqu'à  présent  et  à  seconder  plus 
activement  les  projets  de  Garafa  en  Italie. 

Quelle  fut  dans  cette  crise  diplomatique,  si  préjudiciable 

d.  B.  N.,  fr.  3146,  f"  21,  cité  par  Fr.  Décrue,  op.  cit.,  p.  191. 
2.  Diane    de    France,   fille    nalurelle  de   Henri    et    d'une    Piémonlaise, 
Philippa  Luc. 


580  ÉTUDES    HISTORIQUES 

aux  intérêts  et  à  l'honneur  même  de  la  France,  l'attitude  de 
Gaspard  de  Coligny  qui  avait  été  le  plus  actif  négociateur  de 
la  trêve  de  Vaucelles  et  le  principal  agent  de  la  paix? 

Les  documents  que  nous  avons  entre  les  mains  nous  per- 
mettent d'affirmer  que  son  attitude  fut  semblable  à  celle 
d'Anne  de  Montmorency  mais  que,  si  son  évolution  fut  iden- 
tique à  celle  de  son  oncle,  les  motifs  mêmes  de  cette  évolu- 
tion sont  tout  à  fait  différents. 

Et  tout  d'abord  il  n'est  pas  douteux  que  Coligny  n'ait  res- 
senti et  même  marqué  à  la  Cour  quelque  dépit  lorsqu'il  a  vu 
abandonner  si  légèrement  la  politique  de  paix  dont  il  s'était 
constitué  le  champion  :  son  biographe,  François  Hotman, 
nous  l'affirme  :  «  par  ce  conseil  de  ceux  de  Guise  la  trêve 
qui  peu  de  mois  auparavant  avait  été  jurée,  fut  violée  au 
grand  déshonneur  de  la  nation  française  et  regret  de  l'Admi- 
rai à  cause  d'une  telle  perfidie,  dont  il  ne  se  pouvoit  lasser 
de  dire  que  ces  événemens  estoient  tousjours  funestes  et 
Dieu  vengeur  indubitable  et  en  tous  siècles  des  parjure- 
mens*  ». 

Ce  témoignage  nous  paraît  confirmé  par  un  document  con- 
temporain :  le  26  août  1556,  à  la  suite  de  la  décision  royale 
qui  le  privait  de  son  gouvernement  de  l'Ile-de-France  donné 
au  fils  de  Montmorency,  Gaspard  de  Coligny  adressait  à  son 
oncle  une  longue  lettre,  écrite  moins  d'ailleurs  pour  protester 
contre  la  décision  royale  que  pour  s'y  soumettre.  A  la  bien 
scruter,  cette  lettre  contient  aussi  des  allusions  à  une  attitude 
d'opposition  qu'aurait  prise  Coligny,  vraisemblablement  après 
l'abandon  des  négociations  avec  l'Espagne,  et  à  un  refroidis- 
sement qui  s'en  serait  suivi  dans  ses  relations  avec  Henri  II". 

A  la  cour,  lors  de  son  dernier  voyage,  Coligny  n'a  eu  du 

i.  F.  Hotman,  Mémoires  de  Messire  Gaspar  de  Colligny,  seigneur  de 
Châtillon,  admirai  de  France,  Irad.  fr.,  1575,  pp.  13  et  14. 

2.  Éd.  par  Delaborde,  Coligny-,  t.  I",  pp.  225  et  ss.  A  propos  de  celte 
lettre  et  des  motifs  qui  l'ont  inspirée,  on  voit  que  nous  adoptons  une 
opinion  intermédiaire  entre  celles  du  vicomte  Delaborde  et  de  M.  Francis 
Décrue.  11  n'est  pas  douteux,  comme  le  pense  celui-ci,  qu'elle  ait  été  écrite 
avant  tout  au  sujet  de  la  décision  royale  du  17  août  1556,  qui  privait  Coli- 
gny de  son  gouvernement  de  l'Ile-de-France.  Mais  il  est  bien  certain 
aussi  qu'il  y  est  fait  des  allusions  à  ce  refroidissement  des  relations  entre 


ÉTUDES    HISTORIQUES  581 

roi  «  ny  gratieuse  parolle  ny  autre  démonstralion  pour  la- 
quelle, dil-11,  ny  moy,  ny  les  aultres  hommes  puissions  juger 
que  le  roy  aie  contentement  de  moy  ».  Malgré  tout,  «  estimant 
trop  plus  sa  bonne  grâce  et  avoir  bon  visage  de  luy  que  les 
biens  de  ce  monde  »,  sachant  «  bien  aussy  que  ce  n'est  pas 
raison  qu'après  avoir  tenté  tous  les  moiens  honestes  et  rai- 
sonnables que  l'on  importune  les  maistres  quy  veulent  estre 
servis  à  leurs  oppinions  et  non  point,  ajoute-t-il,  à  la  nostre  », 
il  se  «  despouillera  »  de  son  opinion  personnelle. 

Ainsi,  comme  son  oncle,  Gaspard  de  Coligny  se  soumet  : 
il  acceptera  la  nouvelle  orientation  de  la  politique  du  gouver- 
nement, et  revenu  dans  son  commandement  de  Picardie,  il 
s'appliquera  avec  zèle  à  mettre  en  état  de  défense  les  places 
de  la  frontière  du  nord,  puisque  maintenant  il  faut  craindre 
une  reprise  des  hostilités  avec  l'Espagne  :  mais,  s'il  se  soumet, 
ce  n'est  pas,  comme  Montmorency,  par  intérêt,  c'est  parce 
qu'il  considère  que  le  premier  devoir  d'un  bon  citoyen  est 
d'obéir  à  la  volonté  royale  :  «  ...  Je  me  résouldré,  déclare- 
t-il  dans  sa  lettre,  de  servir  le  roy  ainssy  et  au  lieu  qui  luy 
plaist  où  j'emploiré  toutes  mes  forces  pour  le  bien  servir  tant 
du  corps  que  des  biens,  pour  le  moins  sera-ce  de  tout  mon 
pouvoir  et  fidellement,  estimant  à  grand  heur  et  honneur 
qu'il  aye  eu  pour  agréable  sy  peu  de  service  que  je  luy  ay 
faict  jusques  icy  ». 

Anne  de  Montmorency  n'avait  dans  le  cœur  que  la  gloire 
de  sa  famille;  Coligny  n'a  dans  le  sien  «  que  la  gloire  de 
l'État  ». 

Retiré  en  sa  maison  de  Châtillon  où  il  demeure  «  troys 

l'amiral  et  Henri  1 1 ,  déterminé  par  l'attitude  de  Coligny  vis-à-vis  de  l'alliance 
pontificale  dont  nous  parlons  plus  haut. 

Nous  ne  saurions  non  plus  admettre  Thypothcse  du  vicomte  Delaborde 
(op.  cit.,  pp.  221  et  222)  qui,  se  basant  sur  le  seul  texte  d'Hotman,  imagine 
toute  une  scène  qui  se  serait  déroulée  en  Conseil  du  Roi  :  là  Coligny  pre- 
nant la  parole  se  serait  vigoureusement  opposé  à  toute  reprise  des  hosti- 
lités et  aurait  tenu  tète  à  la  faction  des  Guises.  Ni  le  texte  d'Hotman  ni 
les  allusions  contenues  dans  la  lettre  du  26  août  ne  sauraient  nous  per- 
mettre d'aller  aussi  loin.  Et,  d'autre  part,  nous  ne  pensons  pas  qu'encore 
à  cette  époque,  Coligny  eût  une  position  assez  prépondérante  à  la  Cour 
pour  s'opposer  ainsi  aux  Guises  eux-mêmes.  —  Cf.  aussi  Erich  Marcks, 
Gaspard  von  Coligny,  1892,  pp.  84  et  ss. 


582  ÉTUDES    HISTORIQUES 

moys,  sans  en  bouger*  »,  l'amiral  est  encore  considéré 
comme  le  représentant  naturel  du  parti  de  la  paix;  et  c'est  à 
lui  qu'on  songe  quand,  à  la  fin  du  mois  de  septembre,  on 
parle  d'une  reprise  des  négociations  avec  l'Espagne^. 

Pourtant,  quelques  mois  après,  comme  son  oncle,  il  va 
être  amené  par  diverses  pressions  de  son  entourage  et  par 
l'attitude  pleine  d'habileté  du  séduisant  cardinal  Carafa  à 
témoigner  officiellement  de  son  attachement  à  la  politique 
pontificale  et  de  son  dévouement  aux  intérêts  du  Saint-Siège. 
Une  lettre  du  18  novembre  1556,  adressée  à  Carafa  et  con- 
servée avec  d'autres  lettres  des  Chàtillon  à  la  Bibliothèque 
Barberini  de  Rome,  contient  en  effet  une  protestation  très  nette 
de  fidélité  politique  à  l'égard  du  Saint-Siège  :  «  de  ma  part, 
écrit-il,  le  prendray  tousjours  à  grand  honneur  et  faveur  de  faire 
chose  qui  y  serve  et  soit  agréable  à  Sa  Saincteté  et  profitable 
à  son  Siège  et  dignité,  comme  je  seray  aussy  ayse  de  servir 
et  faire  le  semblable  pour  vous  et  ce  qui  vous  touchera^  ». 
On  peut  essayer  de  dégager  quelques-unes  des  causes  qui 
ont  amené  Coligny  à  ce  dernier  terme  de  son  évolution  vis- 
à-vis  de  l'alliance  pontificale. 

C'est  tout  d'abord  l'influence  de  son  frère,  Odet,  cardinal 
de  Chàtillon  :  très  ambitieux  et  moins  scrupuleux  que  Gas- 
pard, celui-ci  qui,  s'il  n'écoutait  que  ses  goûts  d'artiste  et  de 
lettré,  irait  volontiers  sans  doute  du  côté  des  idées  nou- 
velles*, reste  encore  tout  à  fait  acquis  par  intérêt  à  la  cause 
de  l'église  romaine  :  il  vient  de  publier  dans  son  diocèse  de 
Beauvais  des  Constitutions  synodales  où  il  recommande  aux 
curés  et  autres  agents  ecclésiastiques  de  prendre  bien  garde 
que  le  «  poison  de  l'hérésie  »  ne  s'infiltre  parmi  les  fidèles^. 


1.  Lettre  de  l'ambassadeur  Simon  Renard  à  Philippe  II,  6  sept.  1556. 
Papiers  d'État  du  card.  Granvelle,  t.  IV^  p.  686. 

2.  S.  Renard  à  Philippe  II,  27  sept.  1Ô56.  Ibid.,  p.  720. 

3.  Lettre  III. 

4.  Dès  1551  un  Anglais  le  soupçonne  d'être  déjà  acquis  au  protestan- 
tisme ;  «  Cardinal  Chastillion,  as  I  hear,  is  a  great  aider  of  Lutherians  ». 
Tytler,  Engîand  iinder  Edward  VI  and  Mary,  I,  420,  cit.  par  Erich 
Marcks,  op.  cit.,  p.  90,  n.  2. 

5.  «  Summa  cura  invigilent  decani  et  curati  ne  virus  hœreseos  in  eorum 
gregem  serpat  »  (Constitutions  synodales  de  i554,  cit.  dans  la  France 
prot.,  2"  éd.,  t.  IV,  c.  153). 


ÉTUDES    HISTORIQUES  583 

Un  an  plus  tard,  avec  les  cardinaux  de  Bourbon  et  de  Guise, 
il  va  ôtre  mis  à  la  tête  de  l'inquisition  catholique  qui  sera- 
organisée  en  France  ^ 

A  la  cour,  le  cardinal  de  Châtillon  s'emploie  activement  en 
faveur  de  la  politique  pontificale  :  c'est  lui  qui  dans  sa  corres- 
pondance renseigne  Carafa  sur  les  dispositions  de  ses  frères 
et  de  Montmorency  vis-à-vis  du  Saint-Siège^  Il  est  tout-à- 
fait  légitime  de  supposer  que,  dans  une  mesure  que  nous  ne 
pouvons  malheureusement  pas  apprécier,  son  action  a  dû 
s'exercer  sur  son  frère. 

D'autre  part,  le  cardinal  Carafa,  de  retour  en  Italie,  ne 
néglige  rien  qui  puisse  lui  concilier  l'appui  de  l'Amiral.  Fran- 
çois de  Coligny,  sieur  d'Andelot,  sorti  de  sa  prison  de  Milan 
et  rentré  en  France  au  début  de  juillet,  a  encore  des  difficul- 
tés avec  les  Espagnols  au  sujet  de  sa  rançon.  Très  habile- 
ment, Carafa  prend  en  main  la  cause  d'Andelot  et  avec  la  plus 
grande  activité  s'occupe  d'aplanir  toutes  les  difficultés  :  il 
envoie  au  camp  de  l'ennemi  et  fait  si  bien  que,  grâce  à  lui, 
cette  question  ne  tarde  pas  à  être  réglée. 

Enfin,  par  une  dernière  habileté,  il  n'hésite  pas  à  s'adresser 
à  Coligny  lui-même,  et  au  mois  d'octobre  il  lui  écrit  pour  le 
sonder  sur  ses  intentions  :  à  ses  protestations  de  dévoue- 
ment, à  ses  démonstrations  de  «  bonne  volonté  et  amytié  », 
surtout  après  son  attitude  dans  l'affaire  de  la  rançon  de  son 
frère,  que  peut  alors  Coligny  sinon  répondre  qu'il  n'est  point 
l'adversaire  irréductible  de  la  politique  d'union  avec  le  Saint- 
Siège,  et  qu'en  bon  serviteur  de  l'Étal,  il  emploiera  désormais 
toute  son  activité  et  tout  son  zèle  au  triomphe  de  cette  poli- 
tique qui  est  maintenant  celle  de  son  gouvernement? 

Ce  serait  en  tout  cas  une  grave  erreur  de  voir  dans  la 
lettre  de  Coligny  au  cardinal  autre  chose  qu'une  démonstra- 
tion de  pure  politique,  et  de  vouloir  en  tirer  une  preuve  que 

1.  France  protestante,  ibid.,  c.  loi. 

2.  Lettre  II  :  «  Quant  à  ce  que  vous  me  ramenlevez  par  vostre  dite 
lettre,  je  vous  prie,  Monsieur,  croire  que  je  sçauray  estre  aggréable  à  Sa 
S'^  et  à  V"'  S'°  R"'^  et  n'obmestray  rien  pour  son  service  et  contentement 
tant  envers  le  Roy  que  à  l'enclroict  de  Monsieur  le  Conneslaljle,  lequel  je 
vous  asseure  ne  se  monstre  moins  dévot  et  aflectionné  à  S.  S'°  que  sçau- 
roit  estre  l'un  de  nous.  » 


584  ÉTUDES   HISTORIQUES 

l'amiral  à  cette  époque  restait  encore  loul-à-fait  dévoué  à  la 
religion  catholique. 

La  plupart  des  historiens  ne  font  dater  en  effet  que  de 
l'année  1558  la  conversion  de  Coligny  au  protestantisme*; 
nous  pensons  au  contraire  avec  son  récent  biographe, 
M.  Erich  Marcks,  que  bien  avant  cette  date,  travaillé  de  diffé- 
rents côtés  et  pour  diverses  causes  qu'on  n'a  pas  pu  déter- 
miner très  exactement,  il  était  déjà  secrètement  acquis  à  la 
religion  nouvelle^.  Et  c'est  dans  une  des  lettres  qu'il  adressa 
à  Garafa  lui-même  et  que  nous  publions  ci-après  que  nous 
pensons  en  trouver  une  preuve^. 

Répondant  à  Garafa  qui  vient  de  lui  envoyer  encore  une 
fois  les  protestations  les  plus  vibrantes  d'amitié,  Goligny, 
puisque  le  cardinal  se  met  si  chaudement  à  sa  disposition, 
lui  demande  de  s'employer  auprès  du  pape  pour  obtenir  de 
celui-ci  la  permission  qu'un  religieux  jacobin  de  son  entou- 
rage, Pierre  Marcatel,  puisse  changer  son  vêtement  de  moine 
«  qui  n'est  guères  convenable  parmy  gens  de  guerre  »,  en 
celui  de  prêtre  séculier. 

1.  Delaborde,  op  cit.,  pp.  315,  316. 

2.  Marcks  {Coligny,  op.  cit.,  pp.  88  et  ss.)  s'efforce  de  serrer  la  question 
de  la  date  de  la  conversion  de  plus  près  qu'on  ne  l'avait  fait  jusqu'alors; 
par  une  critique  ingénieuse  des  textes  il  en  arrive  à  placer  l'adhésion  de 
Coligny  à  la  Réforme  (d'ailleurs  d'une  façon  très  approximative  et  sans 
vouloir  en  cette  question  si  délicate  se  prononcer  d'une  manière  absolue) 
dans  les  derniers  mois  de  1556.  Il  remarque  en  effet,  d'une  part,  qu'avant 
cette  date  les  documents  s'accordent  pour  nous  le  représenter  comme 
accomplissant  tous  les  actes  d'un  bon  catholique  :  au  mois  de  mars  1556 
encore,  il  va  entendre  à  Bruxelles  la  messe  aux  côtés  de  Philippe  II,  et, 
à  la  même  date,  paraît  éprouver  quelques  scrupules  à  manger  chair  en 
carême,  bien  qu'ayant,  pour  cause  de  maladie,  obtenu  une  dispense  du 
pape. 

En  juillet  1556,  Andelot,  converti  au  protestantisme  pendant  sa  longue 
captivité  de  Milan,  rejoint  son  frère  l'Amiral.  Celui-ci,  à  moitié  disgracié, 
s'éloigne  de  la  Cour  pour  se  retirer  dans  sa  retraite  de  Chàtillon.  11  y 
reçoit  une  ambassade  de  protestants  genevois  qui  vont  partir  pour  évan- 
géliser  et  coloniser  le  Brésil  et  entre  en  rapports  avec  Genève. 

Dès  lors  les  documents  nous  le  désignent  comme  devant  appartenir  à 
la  religion  réformée  :  c'est  une  lettre  de  Th.  de  Bèze  d'avril  1557  qui 
nous  dit  qu'il  est  acquis  à  la  cause  huguenote;  ce  sont  aussi  les  expres- 
sions mêmes  de  deux  lettres  de  Coligny  envoyées  à  la  même  date  à  sa 
tante  de  la  Hochepot  dont  le  style  paraît  bien  être  d'un  disciple  de  Calvin. 

3.  Lettre  V. 


DOCUMENTS  585 

Or  nous  trouvons  plus  tard,  parmi  les  protestants  réfugiés 
à  Lausanne  un  Pierre  Mercalel  désigné  comme  «  ministre 
de  la  parole  de  Dieu*  ».  Faut-il  identifier  ce  Pierre  Mercatel 
avec  le  Pierre  Marcalel  de  la  lettre  de  Goligny  ?  Nous  n'hési- 
tons pas  à  le  faire;  et  nous  pensons  que  ce  a  religieulx  de 
l'ordre  des  jacobins,...  homme  de  bonnes  lettres,  nourry  de- 
puis longtemps  »  par  l'amiral  à  ses  côtés  et  bientôt  pasteur, 
était  en  réalité  dès  1557,  sous  sa  robe  de  moine,  comme  le 
chapelain  de  Goligny  et  qu'il  a  dû  exercer  sur  le  développe- 
ment religieux  du  futur  champion  des  libertés  protestantes, 
une  action  dont  nous  n'avons  malheureusement  pas  actuel- 
lement les  moyens  d'apprécier  toute  la  portée-. 

H.  Patry. 


Documents 


I.  —  15.56,  28  septembre.  Paris.  —  Le  cardinal  de  Chdtillon 
au  cardinal  Carlo  Carafa. 

Monsieur,  j'ay  receu  la  lettre  qu'il  vous  a  pieu  m'escrire  du  XIIP 
de  ce  mois  et  me  déplaist  bien  grandement  de  ce  que  vous  avez 

1.  Liste  de  protestants  réfugiés  à  Lausanne  en  date  du  26  juillet  1569. 
—  Cf.  Bull.,  XXI,  p.  29.  —  Sans  doute  il  faut  identifier  ce  Mercatel  cité 
dans  la  liste  de  4569,  avec  le  ministre  d'Anserville  et  de  Montataire  qui 
avait  épousé  Guillemette  d'Aurigny  et  était  mort  dès  [^12  (Autobiogra- 
phie de  Pierre  Du  Moulin,  éd.  Bull.,  VII,  p.  173). 

2.  Il  n'est  pas  douteux  non  plus  qu'il  faille  identifier  notre  Pierre 
Marcatel  avec  un  religieux  qui  «  aux  guerres  de  Picardie...  preschoit  la 
vérité  soubs  son  habit  »,  et  dont  les  prédications  convertirent  en  parti- 
culier Jean  de  Pas-Feuquières,  premier  mari  de  Charlotte  Arbaleste, 
depuis  femme  de  Duplessis-Mornay.  Le  jeune  Feuquières,  comme  on 
l'appelait  alors,  servait  à  cette  époque  avec  le  grade  de  maréchal  de 
camp  sous  les  ordres  de  Coligny  {France protestante,  {"éd.,  t.  VIII,  p.  150). 

Mme  Duplessis-Mornay,  qui  nous  rapporte  ce  fait  dans  ses  mémoires 
(Mémoires  de  Madame  Duplessis-Mornay,  éd.  par  Mme  de  Witt.  —  Soc. 
de  l'Hist.  de  France,  2  vol.  in-8°,  1868,  t.  I,  p.  51),  fait  de  ce  moine  un 
cordelier,  tandis  que  la  lettre  de  Coligny  le  désigne  comme  étant  un 
augustin.  Mais,  étant  donné  la  distance  des  événements  à  laquelle  écri- 
vait Mme  de  Mornay  (elle  signe  la  préface  de  ses  mémoires  en  1595),  il  est 
légitime  de  penser  qu'elle  a  pu  faire  une  erreur  sur  l'ordre  auquel  appar- 
tenait notre  prédicant. 


586  DOCUMENTS 

trouvé  les  affaires  de  par-delà  en  si  fâcheux  terme*.  Toutesfoys 
j'espère,  au  plaisir  de  Dieu,  avec  le  bon  ordre  que  vous  y  sçavez 
bien  donner  de  voslre  part  et  celuy  que  le  roy  y  mettra  de  la  sienne 
pour  satisfaire  à  Sa  Saincteté,  que  bien  tost  les  choses  seront  réduites 
en  meilleur  estât. 

Au  demourant,  Monsieur,  je  ne  veulx  faillir  de  vous  remercier 
humblement  de  la  bonne  souvenance  qu'il  vous  a  pieu  avoir  de 
l'affaire  que  je  vous  avoie  recommandé,  concernant  la  ranson  de 
M""  d'Andelot,  mon  frère;  et  puisqu'ainsy  est  que,  à  l'occasion  de 
l'ouverture  de  la  guerre,  vous  n'avez  la  commodité  d'en  traicter  de 
bouche  avec  le  s''  Luys  de  La  Marc,  je  vous  prie,  Monsieur,  de  vou- 
loir entendre  de  Monsieur  de  Lansac,  ung  moyen  que  je  luy  mande 
par  lequel,  il  me  semble,  vous  pourrez  communiquer  de  cesle  affaire 
avec  le  s'  de  La  Marc,  et  si  le  trouvez  bon,  faire  tant  pour  nous,  que 
de  le  mettre  en  avant. 

Sur  ce,  me  recommendant  bien  humblement  à  vostre  bonne 
grâce,  je  prieray  le  Créateur  qu'il  vous  doint,  Monsieur,  très  bonne 
et  longue  vye. 

De  Paris,  ce  XXVIIP  de  septembre  1556. 

Vostre  humble  serviteur, 

Le    GARD.    DE    ChASTILLON. 

[Au  dos  :]  Monsieur  R"'  Monsieur  le  cardinal  Carafe. 

IL  —  1556,  15  novembre,  Saint- Germain-en-Laye.  —  Le  cardinal 
de  Châtillon  an  cardinal  Carafa. 

Monsieur,  j'ay  receu  puis  trois  jours  la  lettre  que  vous  m'avez 
escripte  du  XXVI*  du  passé,  faisan  mention  d'une  précédente  du 
XXI IP,  laquelle  toutesfois  je  n'ay  encores  receue;  et  ne  veulx  faillir 
à  vous  remercier  bien  humblement  de  la  bonne  souvenance  qu'il 
vous  a  pieu  avoir  de  l'affaire  que  je  vous  avoys  recommandé  de 
M"^  d'Andelot,  mon  frère,  et  du  soing  que  vous  avez  pris  d'envoyer 
au  camp  de  l'ennemy  vers  le  s'  de  La  Marc  pour  la  composition  de 
sa  taille,  ainsy  que  me  l'a  mandé  M'  de  Lansac,  dont  j'attends  la 
response  à  grant  dévotion,  vous  asseurant,  Monsieur,  que  je  me 
répute  grandement  tenu  à  vous  du  bon  office  qu'il  vous  plaist  en 


i.  Quand  Carafa  arriva  à  Rome,  déjà  le  duc  d'Albe  s'était  emparé  des 
places  des  États  de  Colonna  :  Anagni  était  tombé  entre  ses  mains  le 
16  septemlM-e  :  on  pouvait  craindre  qu'il  menaçât  Rome  d'un  moment  à 
l'autre.  (Cf.  Duruy,  Le  cardinal  Carafa.) 


DOCUMENTS  587 

cela  faire  pour  l'amour  de  moy  et  des  myens,  et  ne  veulx  faillir  de 
m'en  ressentir  là  où  j'auray  le  moyen  de  le  recongnoistre. 

Quant  à  ce  que  vous  me  ramentevez  par  vostre  dite  lettre,  je  vous 
prie,  Monsieur,  croire  que  je  sçauray  estre  aggréable  à  S.  S'*  et  à 
yre  gie  j^me  q^  n'obmestray  rien  pour  son  service  et  contentement, 
tant  envers  le  roy  que  à  l'endroit  de  M'  le  Connestable,  lequel  je 
vous  asseure,  ne  se  monstre  moins  dévot  et  affectionné  à  tout  ce 
qui  touche  à  S.  S'*  que  sçauroit  estre  l'un  de  nous. 

Sur  ce,  je  prieray  le  Créateur,  me  recommandant  bien  humble- 
ment à  vostre  bonne  grâce,  vous  doint,  Monsieur,  très  bonne  et 
longue  vye. 

De  Saint-Germain-en-Laye,  ce  XV=  novembre  1556. 

Vostre  humble  ser/iteur. 

Le  GARD.    DK    ChASTILLON. 

[Au  dos  :]  Monsieur  R™%  Monsieur  le  cardinal  Carafe. 

III.  —  1556,  18  novembre,  Paris.  —  CoUgny  à  Carafa. 

Monsieur,  j'ay  naguères  receu  la  lettre  que  vous  m'avez  scrite  le 
XXVI«  du  mois  passé  qui  fut  après  l'arrivée  du  sieur  de  Sainct- 
Ferme  à  vous,  par  lequel  vous  eustes  certain  advis  de  la  délibéra- 
tion du  roy  sur  le  secours  qu'il  veult  et  entend  prester  à  l'église 
selon  sa  bonté  et  clémence  accoustumée,  dont  chacun  ne  peult 
qu'il  ne  se  resjouisse  grandement  et  de  ma  part  le  prendray  tous- 
jours  à  grand  honneur  et  faveur  de  faire  chose  qui  y  serve  et  soit 
agréable  à  S.  S'%  et  profitable  à  son  siège  et  dignité,  comme  je  seray 
aussy  ayse  de  servir  et  faire  le  semblable  pour  vous  et  ce  qui  vous 
touchera. 

Jà  vous  manderois  des  nouvelles  de  deçà,  mais  il  m'est  advis  que 
ce  ne  seroit  que  redite  :  les  principalles  viennent  de  vostre  costé;  le 
reste,  Monsieur,  vous  le  sçavez  par  les  dépesches  qui  vous  sont  en- 
volées de  jour  à  autre,  tellement  qu'il  n'y  a  plus  que  les  miennes  qui 
ont  esté  depuis  ung  moys  assez  fâcheuses,  aiant  quasi  tousjours  gardé 
la  chambre.  Maintenant  je  me  porte  aussy  bien  que  le  feis  jamais. 

Je  ne  veulx  pas  faire  fin  sans  vous  remercier  bien  fort  de  ce  qu'il 
vous  a  pieu  faire  pour  la  ranson  de  M'  d'Andelot,  mon  frère,  devers 
Loys  de  La  Marc,  à  l'endroit  duquel  Monsieur  de  Lanssac  m'a 
mandé  que  vous  faictes  si  bon  office  que  j'attends  bien  tost  en  avoir 
quelque  responce,  vous  priant.  Monsieur,  avoir  ce  faict  pour  recom- 
mandé d'autant  que  vous  sçavez  qu'il  nous  touche. 

Et  en  cest  endroit,  aprèz  m'estre  humblement  recommandé   à 


588  DOCUMENTS 

vostre  bonne  grâce,  je  supplieray  le  Créateur  vous  donner,  Mon- 
sieur, en  santé,  très  bonne  et  longue  vie. 

Escript  de  Paris,  le  XVIIP  jour  de  novembre  1556. 

Vostre  humble  serviteur  et  amy,  Chastillon. 

[Au  dos  :]  Monsieur,  Monsieur  le  cardinal  Caraffe,  à  Rome. 

IV.  —  1557,  27  avril.  Paris.  —  D'Andelot  au  cardinal  Carafa. 

Monsieur,  sachant  de  quelle  affection  il  vous  a  pieu  vous  employer 
en  ce  qui  s'est  présenté  en  vostre  endroit  déppendant  de  ma  liberté 
mesmement  pour  le  regard  de  dom  Loys  de  La  Marc,  je  ne  vueil 
faillir  de  bien  humblement  vous  mercyer  de  tant  de  peine  que  en 
avez  prise,  vous  suppliant  d'adviser  où  pour  récompense  j'auray 
moyen  de  vous  faire  service,  estant  asseuré  que  où  il  vous  plaira 
me  commander  vous  me  trouverez  toujours  prest  à  venir  obéyr  et 
de  bien  bon  cueur,  ne  voullant  cependant  oublier  à  vous  dire.  Mon- 
sieur, comme  à  la  fin  tous  les  différendz  entre  M'  le  cardinal  de 
Trente,  le  s""  comte  de  Sainct-Séverin  et  moy,  ont  esté  vuydéz 
et  accordez  par  le  roy  d'Espagne,  de  l'ordonnance  duquel  en  a 
esté  dressé  ung  contract  qui  depuys  a  esté  ratiffié  par  nous  tous, 
et  affin  que  ledit  de  La  Marc  soit  adverty  du  contenu  en  icelluy, 
j'en  envoyé  présentement  un  double  à  M'  de  Selve,  le  priant  de 
luy  faire  entendre;  la  substance  d'icelluy  est  que  je  doibz  mettre 
es  mains  dud.  sieur  de  Saint-Séverin  quatorze  mil  escuz  tant  pour 
satisfaction  de  ma  ranson  que  se  rembourser  de  VT  V*  11,  payez 
par  ses  pleiges  de  Ferrare,  à  quoy  j'ay  satisfaict  pour  le  moings 
ledit  s'  cardinal  de  Trente  pour  moy,  de  façon  que  aujourd'huy  je 
me  puys  dire  quicte  de  ma  taille  sans  qu'il  m'en  puisse  plus  estre 
riens  demandé  de  quelque  endroict  que  ce  soit. 

Monsieur,  je  me  recommande  très  humblement  à  vostre  bonne 
grâce  et  prye  Dieu  vous  donner  en  très  bonne  santé  et  longue  vie. 

De  Paris,  ce  XXVII»  jour  d'avril  1557. 

Vostre  bien  obéissant  serviteur,  Andelot. 

[Au  dos  :]  Monsieur,  Monsieur  le  cardinal  Caraffe. 

V.  —  1557,  17  juillet.  —  Coligny  à  Carafa. 

Monsieur,  j'ay  receu  une  lettre  qu'il  vous  a  pieu  m'escripre  derni, 
rement  par  M.  le  Mareschal  Scrosse*  qui  arriva  à  la  cour  cinq  ou 

\.  Strozzi. 


DOCUMENTS  589 

six  jours  après  que  j'en  estois  party,  retournant  d'un  petit  voiaige 
que  je  y  venois  de  faire,  et  ay  esté  fort  marry  de  ne  le  y  avoir  veu 
pour  entendre  plus  particulièrement  de  voz  nouvelles  et  aussi  que 
je  vous  ay  peu  faire  response  par  luy,  n'aiant  esté  adverty  de  son 
partement.  Combien  que  je  ne  vous  eusse  rien  script  que  ce  que  je 
pourray  faire  à  ceste  heure,  et  croy  que  vous  m'excuserez  bien  se  je 
n'en  vous  mande  beaucoup  de  nouvelles,  car  vous  sçavez  que  je  ne 
suis  pas  souvent  à  la  court,  et  d'autre  part  qu'il  ne  s'est  encores  faict 
icy  grande  chose  pour  en  pouvoir  scripre  dont  il  me  déplaist,  et  que 
je  n'en  ay  plus  de  moyen,  ne  voullant  faillir  cependant  à  vous  remer- 
cier bien  humblement  de  la  bonne  volonté  et  amytié  que  vous  me 
démonstrés,  dont  je  me  tiens  si  asseuré  qu'il  ne  sera  jamais  que  ne 
me  trouverez  prest  à  vous  faire  tout  le  service  à  moy  possible. 

Et  pour  ce,  Monsieur,  qu'il  vous  plaist  me  faire  ceste  offre  de  vous 
emploier  pour  moy  en  choses  qui  s'offriront  là  où  vous  avez  bon 
pouvoir,  je  sais  présente  maintenant  une  où  vous  avez  bon  moien, 
'pour  laquelle  je  vous  prierais  voluntiers  :  c'est  d'un  religieulx  de 
l'ordre  des  Jacobins  que  j'ay  nourry  jusques  icy  depuis  long  temps, 
homme  de  bonnes  lettres,  et  que  je  désirerois  pour  ceste  cause  bien 
voluntiers  tenir  ordinairement  auprès  de  moy  si  ce  n'estoit  son 
habit  qui  n'est  guères  convenable  parmy  gens  de  guerre  comme  vous 
sçavez.  Je  vous  supplie,  Monsieur,  de  vouloir,  pour  l'amour  de  moy, 
faire  requeste  à  Sa  Saincteté  qu'elle  luy  veuille  donner  permission  de 
changer  ledit  habit  et  qu'il  luy  plaise  si  accommoder  en  ma  faveur. 
Et  si  elle  en  est  contante  en  faire  donner  ladite  permission  né- 
cessaire audit  religieulx  qui  se  nomme  Piere  Marcatel,  à  ceulx  qui 
en  feront  de  par  moy  la  solicitation  par  delà,  tant  envers  vous  que 
aultre  et  en  qui  elle  deppendra,  et  vous  me  ferez  ung  fort  grant 
plaisir. 

Sur  quoy  me  recommande  bien  humblement  à  vostre  dite  bonne 
grâce;  je  supplieray  le  Créateur  vous  donner,  Monsieur,  en  santé, 
très  bonne  et  longue  vye.  D'Abbeville,  le  XVII"  jour  de  juillet 
1557. 

[Autogr  :]  M"",  ce  que  je  désirerois  pour  ledit  religieulx  c'est  qu'il 
peust  changer  son  habit  et  se  vestir  en  prestre  séculier,  dont  je  vous 
supply  encores  une  fois.  Vostre  humble  serviteur  et  amy. 

Chastillo.n. 

[Au  dos  :J  Monsieur,  Monsieur  le  Cardinal  Caraffc. 


590  DOCUMENTS 

DIDIER  ROUSSEAU  ET   SA  FEMME 

«  Le  registre  du  Conseil  de  Genève,  au  moment  (1555)  où 
Didier  Rousseau  fut  admis  à  la  bourgeoisie,  et  quelques  actes 
notariés  de  dates  voisines,  le  désignent  comme  libraire. 

«  Cette  profession  ne  fut  pas  longtemps  la  sienne,  et  bien- 
tôt, laissant  le  commerce  des  livres,  continuant  celui  du  vin, 
il  y  joignit  le  métier  d'aubergiste.  » 

Voilà  ce  que  je  disais  dans  le  Bulletin  (année  1893,  page  284). 
J'ai  vu  depuis  que  notre  Didier,  vingt  ans  après  1555,  achetait 
encore  des  livres  pour  les  revendre.  Mais  on  le  surveillait  de 
près,  on  n'admettait  pas  qu'il  fît  des  affaires  trop  avantageuses 
aux  dépens  déjeunes  étudiants  :  c'est  ce  qui  ressort  des  do- 
cuments qui  suivent.  Le  premier  est  bien  mal  rédigé  : 

Registre  du  Consistoire,  jeudi  6  décembre  1576. 

Didier  Rousseau,  chargé  d'havoir  acheptépour  huict  florins  d'ung 
escolier  plusieurs  livres,  comme  ung  Calepin,  épistres  de  Cicéron, 
et  plusieurs  aultres.qui  vallent  beaucoupt  plus  :  a  respondu  qu'il 
l'achepta,  et  ce  fut  d'ung  AUemant;  confesse  aussi  qu'il  yavoytdeux 
ou  Iroys  chemises  ;  et  dict  qu'il  a  tout  vendu,  excepté  le  Calepin, 
lequel  pourl'havoir  vendu,  s'est  offert  d'en  faire  venir  ung  de  Lyon. 

Appelé  Abraham  Lefer,  estant  appelé  pour  enhavoir  faictaultant, 
a  confessé  que  se  tenant  chez  M.  Sarrazin,  a  confessé  en  havoir 
aussi  vendu  au  dit  Rousseau,  luy  disant  qu'il  estoyt  de  delà  Stras- 
bourg, où  il  s'en  voulloyt  aller  :  en  quoy  il  afailly,  car  il  est  de  deçà 
Strasbourg,  comme  il  confesse;  c'est  le  mesme  que  dessus. 

Advis,  d'aullant  qu'il  a  achepté  ces  livres  de  la  valleur  de  20  ff. 
pour  8  ff.,  et  3  chemises  pour  18  solz,  de  le  renvoyer  à  Messieurs, 
qui  sont  priez  d'y  pourveoir,  puisqu'il  ne  l'a  reprins  ni  rédargué, 
mais  luy  a  baillé  asenliment  pour  son  profit,  ayant  achepté  à  vil  prix. 

Après,  il  a  confessé  luy  avoir  faict  payement  en  un  escu,  le  reste 
en  monoye.  A  esté  rapporté  qu'il  est  fort  légier,  estant  encor  es 
mains  de  M.  Pinault. 

Registre  du  Conseil,  lundi  10  décembre  1576. 

Didier  Rousseau,  renvoie  du  Consistoire  pour  avoir  acheté  du 
fîlz  de  Mons*  Lefert  un  Cicéron,  ung  Calepin,  et  aultres  livres,  avec 


DOCUMENTS'  591 

trois  chemises  appartenant  tant  à  luyqu'àung  Alleman,encor  qu'elles 
valussent  beaucoup  davantage. 

A  esté  arresté  que  bonnes  remontrances  luy  en  soient  faicles 
pour  ce  coup. 

Dans  le  même  article  (page  292)  je  disais  qu'à  partir  de  1590, 
nous  perdions  la  trace  de  Mie  Miège,  qui  était  à  ce  moment 
veuve  de  trois  maris,  le  premier  desc[uels  avait  été  Didier 
Rousseau.  —  Aujourd'hui,  nous  sommes  en  mesure  de  la 
suivre  jusqu'à  sa  mort. 

Le  3  février  1594,  elle  épousa  son  cjuatrième  mari,  Claude 
Jovenon,  maître  tanneur,  veuf  lui-même,  et  qui  comme  elle 
avait  de  son  premier  mariage  un  fils  du  nom  de  Jean.  Claude 
Jovenon  était  fils  de  feu  Charles  Jovenon,  d'Anisy  (Aisne)  et 
fut  reçu  bourgeois  de  Genève  le  9  juillet  1605. 

Les  fiançailles  de  Mie  Miège  avec  Claude  Jovenon,  et  l'en- 
trée de  son  fils  Jean  Rousseau  en  apprentissage  chez  ce 
maître  tanneur,  doivent  avoir  eu  lieu  à  peu  près  en  même 
temps  ;  et  l'un  de  ces  deux  événements  de  famille  a  été  sans 
doute  la  cause  ou  l'occasion  de  l'autre  :  c'est  une  conjecture 
vraisemblable;  mais  nous  ne  pouvons  pas  la  préciser  davan- 
tage, et  dire  :  C'est  en  cherchant  un  patron  pour  son  fils,  que 
Mie  Miège  a  trouvé  un  époux; —  ou  bien,  inversement:  C'est 
le  nouveau  mari  de  Mie  Miège  qui  a  fait  entrer  dans  son  ate- 
lier le  fils  de  son  épouse. 

Jean  Rousseau  se  maria  le  28  juin  1601  avec  une  jeune 
veuve,  Elisabeth  Bluel;  mais  ses  comptes  de  tutelle  ne  furent 
réglés  que  longtemps  plus  tard,  et  après  la  mort  de  Claude 
Jovenon,  par  un  acte  du  21  juillet  1615  (Etienne  I"  De  Mon- 
thoux,  notaire,  XXIX,  395)  que  je  vais  analyser. 

Quittance  mutuelle. 

Jean  Rousseau,  fils  de  feu  Didier,  maître  tanneur,  citoyen  de 
Genève,  héritier  du  dit  Didier  son  père,  a  reçu  de  Jean  Jovenon,  fils 
de  feu  Claude,  aussi  maître  tanneur,  bourgeois  de  Genève,  héritier 
du  dit  Claude  son  père  :  bon,  entier  et  légitime  compte,  paiement  et 
satisfaction,  avec  prestation  de  reliquat,  de  tout  le  régime,  gouver- 
nement et  administration,  que  son  dit  feu  père  a  eu  des  biens  d'icelui 
Jean  Rousseau,  conjointement  avec  Mie  Miège,  veuve  de  Claude 


592  DOCUMENTS 

Jovenon,  mère  de  Jean  Rousseau;  et  ce,  de  tout  le  temps  passé 
jusques  à  l'heure  présente  :  à  forme  des  comptes  sur  ce  rendus  par 
devant  Spectable  Etienne  Girard  et  Pierre  Thiballi,  arbitres  du  dit 
Rousseau;  Noble  Paul  Cambiago  et  Égrège  Joseph  Blonde!,  arbitres 
du  dit  Jovenon...,  ensuite  du  compromis  pris  entre  elles  {les  parties) 
et  les  dits  arbitres,  en  date  du  19  juillet  1614. 

Et  réciproquement,  Jean  Jovenon  confesse  avoir  reçu  de  Jean 
Rousseau  plein  paiement  de  toutes  peines  et  vacations,  mises  et 
livrées,  que  feu  Claude  Jovenon  son  père  pourrait  avoir  faites 
comme  cotuteur  d'icelui  Jovenon  (lapsus  calami  du  notaire;  lisez  : 
d'icelui  Rousseau). 

Le  tout  néammoins  sans  préjudice  de  ce  qui  pourrait  être  dû  au 
dit  Jovenon  par  la  dite  Mie  Miège  :  qu'il  pourra  répéter*  contre  elle 
en  temps  et  lieu,  comme  il  verra  à  faire  par  raison. 

L'acte  est  signé  par  Jean  Rousseau;  Jean  Jovenon,  qui  ne 
savait  pas  écrire,  a  dû  se  contenter  d'y  apposer  sa  marque. 

L'apaisement  du  litige  n'avait  pas  été  facile,  puisqu'il  avait 
fallu  y  faire  intervenir  quatre  hommes  de  loi  :  deux  avocats, 
Cambiago  et  Girard;  un  notaire,  Blondel;  et  un  simple  prati- 
cien, Thiballi.  Toujours  est-il  qu'ils  surent  faire  droit;  il  faut 
admettre  que  l'équité  dicta  leur  sentence  arbitrale,  puisqu'elle 
ne  laissa  point  d'aigreur  entre  les  parties.  Nous  retrouvons 
en  effet,  vingt  ans  après,  Jean  Jovenon  et  Jean  Rousseau 
amicalement  unis,  comme  au  temps  de  leurs  jeunes  années, 
alors  qu'ils  étaient  camarades  d'atelier.  Le  2  décembre  1636, 
atteint  d'une  maladie  mortelle  qui  l'emporta  cinq  jours  après, 
Jean  Jovenon  fait  son  testament  :  il  y  choisit  pour  tuteur  de 
quelques-uns  de  ses  enfants  «  honorable  Jean  Rousseau,  son 
compère  et  bon  ami,  lequel  il  supplie  humblement  vouloir 
accepter  la  dite  charge  ». 

Il  ne  nous  reste  plus  qu'à  reproduire  et  commenter  un 
article  du  registre  des  morts  :  26 décembre  1629,  [Mie]  Miège, 
vefve  de  Claude  Jovenon,  taneur,  hab.,  aagée  de  88  ans, 
morte  d'infirmité  de  vieillesse,  à  9  heures  du  soir;  leur 
demeure  en  la  rue  droite  qui  va  au  temple  de  St.  Gervaix. 

Claude  Jovenon,  nous  Pavons  dit,  avait  été  reçu  bour- 
geois :  c'est  à  tort  que  le  registre  le  qualifie  habitant.  —  Le 

1.  C'est-à-dire  réclamer. 


DOCUMENTS  593 

registre  donne  88  ans  à  Mie  Miège  :  ce  qui  placerait  sa  nais- 
sance en  1541.  Nous  n'avons  aucune  donnée  qui  nous  per- 
mette de  vérifier  cela;  mais  nous  savons  que  le  registre  des 
morts  mérite  peu  de  confiance  quant  à  Tàge  des  personnes 
décédées  (cp.  Galiffe,  Notices  généalogiques  sur  les  familles 
genevoises,  VII,  G.)  en  sorte  que  ce  que  je  disais  de  Mie  Miège 
à  cet  égard  {Bulletin,  année  1893,  page  292)  me  paraît  tou- 
jours vraisemblable.  Quand  un  de  ses  maris  venait  à  mourir, 
Mie  Miège  ne  restait  jamais  longtemps  libre;  je  ne  crois  pas 
qu'elle  ait  dû  atteindre  jusqu'à  28  ans  pour  ses  premières 
noces;  je  crois  que  sa  naissance  a  été  plus  voisine  de  1550 
que  de  1540. 

Eugène  Ritter. 

UN    COMPTE    D'APOTHICAIRE   DU    TEMPS    DE  MOLIÈRE 

AUX    DÉPENS    DE 

M,  A.  DE  PHELIPOT,  pasteur  a  Sainte-Foy-la-Grande 

Si  les  archives  du  château  de  Goulard  (près  Sainte-Foy) 
renferment,  à  côté  de  beaucoup  de  papiers  d'affaires,  quel- 
ques documents  intimes  qui  révèlent  le  côté  poignant  de  la 
vie  de  nos  pères,  on  y  trouve  aussi  des  mémoires  plus 
récréatifs.  Nous  dédions  à  notre  savant  collègue,  M.  Paul  de 
Félice  le  compte  ci-après,  qui,  bien  qu'ayant  subi  les  injures 
du  temps,  n'a  cependant  rien  perdu  de  sa  saveur. 

Partie  pour  Monsieur  de  Phelipot,  ministre  du  5'  Évangile 
faict  par  Brun,  m"  app"  de  5'^  Foj^. 

Monsieur  de  Phelipot  doibt  pour  luy  du  23«  Juin  1661  i.t.  s. 
suivant  lord'"  de  Mons""  Danglade*  5  onc.  miel  Rosal  pour 

dissoudre  deux  clistères  détersif 1  OO 

Plus  3  onc.  succre  Rosat 0  15 

Plus  un  Julep  somnifère  et  rafrechissant 1   10 

A  reporter 3  05 

i.  Ce  praticien  était  à  son  aise.  Il  avait  aux  Bournets  (paroisse  de 
Pineuiih)  une  terre  et  un  moulin  pour  lesquels  il  payait  24  1.  t.  17  sous 
6  deniers  de  taille, 

LI.  —  41 


594  DOCUMENTS 

l.t.    s. 

Report 3  05 

Plus  une  phiolle  syrop  de  limons  pesant  5  onc.  le  tout 

apporté  a  Brayac  * 1  10 

Du  20  d'aoust  un  clislère  composé  avec  calholicon  fin, 

miel  Rosat  et  aut.  apporté  à  Brayac 1  10 

Du  21  une  saignée  faicte  aud'  lieu  à  luy  maime 1  00 

Du  22...  un  clislère  donné  en  ville  composé  avec  catho- 

licon  fin,  miel  Rosal  et  aut 1  00 

Dud'joursuivaniradvisdeM''Dangladeunesaignéeaubras.  0  10 

Plus  une  phiolle  syrop  de  limons  contenant  5  onc 110 

Du  25  dud'  mois  un  clislère  réitéré  comme  dessus 1  00 

Du  26  suivant  lord-^"  de  M'  Danglade  une  méd°°  composée 

avec  senne  casse  thamarins  syrop  de  chicorée  composé  et  aut.  2  10 

Plus  suivant  lamesme  ord°°  une  bouteille  d'un  pot  foman- 
tation  composée  avec  herbes  emolientes  et  poudres  des  trois 

santeurs  (?)  et  aut.  pour  luy  fomanter  les  hypocondres. ...  2  00 

Plus  une  seignée  au  pied 0  16 

Du  29  son  clislère  composé  de  mesme  que  dessus 1  00 

Du  30*  dud'  une  bouteille  fomantation  réitérée 2  00 

Dud*  Jour  un  clislère  réitéré 1  00 

Plus  une  phiolle huilledelys  etcamomillecontenantSonc.  1  05 

Du  2  octobre  un  clislère  composé  avec  calholicon  fin  et  aut.  1  00 

Plus  laplication  de  4  sansues  au  dos 1  10 

Du  3"  suivant  l'advis  de  M""  Danglade  une  plysane  Royalle 
pour  prandre  pendant  deux  matins  composée  avec  senne 

casse  thamarins  crème  de  tartre  syrop  magistral  et  aut.. . .  2  10 
Du  4  dud'  une  phiolle  syrop  violai  pesant  5  onc.  pour 

uzer  avec  la  plysane 2  00 

Du  6»  dud'  6  paquelz  crème  de  tartre  pour  uzer  avec  ses 

bouillons  Rafrechissants 1  00 

Du  12  dud'  un  clislère  composé  comme  dessus 1  00 

Du  15  une  médecine  composée  avec  senne  syrop  magis- 
tral et  aut 2  10 

Du  16  douze  onc.  succre  Rosal  pour  uzer  avec  le  laict...  1  10 

Du  22'  suivant  lord"  son  clislère  réitéré 1  00 

Du  24  dud'  suivant  ladvis  de  M""  Faure^  et  Danglade  la 

continuation  de  ses  fomant.  Réitérées  comme  dessus 2  00 

A  reporter 37  16 

\.  Propriété  située  à  environ  3  kilomètres  à  l'est  de  Sainte-Foy. 
2.  Élie  Faure,  conseiller,  médecin  ordinaire  du  Roy. 


DOCUMENTS  595 

l.t.    s. 

Report 37  16 

Du  28*  dud'  2onc.  et  demie  syrop  magistral  pour  le  purger 

avec  le  bouillon 1  10 

Du  29  ses  fomanlations  composées  comme  dessus 2  00 

Du  dernier  dud'  mois  son  clistère  Réitéré 1  00 

Plus  une  once  six  drachmes  Eau  de  canelle 1  00 

Du  2°  9^''^  suivant  ladvis  de  messieurs  Faure  et  Danglade 

son  clistère  composé  avec  calholic.  fin  et  aut 1  00 

Plus  du  5  son  clistère  comme  dessus 1  00 

Du  6«  2  onc.  et  demie  syrop  magistral  pour  le  purger  avec 

ses  bouillons  Rafrechissantz 2  00 

Dud'  Jour  suivant  lord""  de  Messieurs  Faure  et  Danglade 

une  bouteille  d'un  pot  fomantation  Réitérée 2  00 

Du  Tsuivantlord'^'desdilz  médecins  deux  prinsesJuleps  pec- 

loralz  hépaticques  un  pour  prendre  le  soir  et  l'autre  le  matin.  3  00 

Dud'  Jour  un  clistère  composé  comme  dessus 1  00 

Plus  un  Uniment  pour  luy  oindre  lorifice   de  lestomach 

composé  avec  huille  de  muscade  et  de  mastich  le  tout  sui- 
vant lord"  de  Messieurs  Faure  et  Danglade 1  00 

Du  Sun  clistère  composé  comme  dessus 1  00 

Du  9  son  clistère  réitéré 1  00 

Du    12  une  médecine   composée  suivant  l'advis  desditz 

Messieurs  Faure  et  Danglade 2  10 

Du  14  un  clistère  composé  comme  dessus 1  00 

Plus  une  prinse  confection  alkemes  pour  uzer  avec  son 

bouillon 0  15 

Du  15  son  clistère  réitéré  et  composé  comme  dessus. ...  1  00 

Du  16  une  phiolle  syrop  de  capp"  contenant  5  onces. ...  1  10 

Plus  un  pot  fomantation  réitérée  comme  dessus. 2  00 

Du  18  suivant  lord'"  deux  prinses  Juleps  réitérées 4  00 

Du  19  2  onc.  syrop  magistral  pour  uzer  comme  dessus.  1  00 

Du  20  2  onc.  Eau  de  canelle 1  04 

Plus  deux  Ib  fomantation  Réitérées  comme  dessus 1  00 

Plus  un  Uniment  pour  luy  oindre  l'hypocondre  senestre 

composé  avec  huille  de  tamarris  et  huille  de  cappres 1  10 

Dud'  Jour  son  clistère  Réitéré  .    1  00 

Du  21  une  once  confection  alkemes  pour  luy  faire  uzer 

avec  ses  bouillons 3  00 

Dud'  Jour  son  clistère  Réitéré 1  00 

A  reporter- 78  15 


596  DOCUMENTS 

l.t.    s. 

Report 78  15 

Plus  une  phiolle  huille  de  camomille  pour  luy  oindre  les 

rains  conten*  4  onc 1  00 

Plus  un  Epilhème  solide  et  cordial  composé  suiv'  lord" 

desditz  médecins  avec  confection  dhyacinthe  thériaque  et 

alkemes  huille  de  muscade  et  de  mastich  et  aut 4  00 

Plus  selon  ladvis  desditz  médecins  un  Julep  réitéré 2  00 

Du  22  un  clistère  Réitéré  comme  dessus  avec  2  onc.  Eau 

benediclî  pour  dissoudre  dans  sondict  lavement 1  10 

Plus  un  Epithème  pesant  3  onc.  composé  avec  huille  de 

muscade  et  de  mastich  et  Eau  comme  dessus 1  10 

Du  23  une  once  confection  alkemes  pour  prandre  ordi- 

nairem»  pour  son  bouillon 3  00 

Plus  2  onc.  Eau  de  canelle 1    4 

Du  mesme  soir  un  aut.  clistère  fort  composé 1  00 

Plus  3  onc.  syrop  de  capp'*  donné  a  la  prinsesse* 0  15 

Plus  sur  le  soir  apporté  une  phiolle  syrop  de  cappre  pour 

prandre  la  nuict  selon  ladvis  de  mons'  Faure  pesant  4  onc.  1     4 
Du  24  suivant  ladvis  de    monsieur   Faure  son    clistère 

composé  avec  benedich  catholicon  fin  et  aut 2  10 

Plus  une  phiolle  syrop  de  capp"  pesant  4  onc 1  04 

Plus  son  Epithème  composé  comme  dessus  pesant  3  onc.  1  10 
grand  Emplastre  avec  oxicroceum  et  melilotto 

pour  luy  ouvrir  tout  le  ventre 1     0 

Du  5  donné  Marie  sa  servante  une  phiolle  syrop  de  capp" 

conten'  5  onc 1  10 

Du  26  son  clistère  comme  dessus  avec  Eau  ° 1  10 

Plus  demy  once  confection  alkemes  pour  uzer  avec  le 

bouillon 1  10 

Du  27  suivant  lord"  desditz  médecins  une  médecine  com- 
posée avec  senne  et  Rhubarbe  syrop  purgatif  et  aut 2    0 

Dud'  Jour  sa  phiolle  syrop  pesant  5  onc 1  10 

Du  28'  une  aut.  phiolle  syrop  Réitéré  donné  à  la  servante.  1  10 

Du  29  un  clistère  composé  avec  catholicon  fin  et  aut 1  00 

Du  30  une  [phiolle]  Julep  pectoral 1  10 

Plus  deux  onc.  huille  damande  douces  tiré  sans  feu 0  16 

Du  premier  X^'^^  1661  une  phiolle  syrop  violât  5  onc 2  00 


A  reporter 116  18 


1.  Sic. 

2.  Lacune  dans  le  texte. 


DOCUMENTS  597 

l.t.     S. 

Report 116  18 

Plus  deux  onc.  huille  damande  douces 0  10 

Du  2  son  clistère  Réitéré 1  00 

Du  3°  dud' mois  deux  onc.  Eau  de  canelle 1     4 

Du  4*  5  onc.  syrop  violai  Et  de  capp" 1  10 

Du  5  1  once  Eau  de  canelle 0  12 

Du  6*  dud'  4  onc.  syrop  de  capp""^ 1     4 

Du  7  une  once  Eau  de  canelle 0  12 

Plus  une  phiolle  syrop  de  capp"  Réitéré  conten'  4  onces.  1     4 

Vous  demande  des  conclusions  et  baille  devant  vous  monsieur 
Le  juge  Royal  de  S"  Foy  ou  M'  vostre  lieutenant  La  partie  de 
Apollos  Brun  M"  app"  deniand' contre  M'  Joseph  Duvergier  au  nom 
et  comme  curateur  pourveu  aux  dettes  raignantes  de  M'  Arnaud 
Phelipot  ministre;  dict  quil  qu'en ^  sa  quallitté  d'app".  Il  traitta 
Led'  M'*  J'  Phelipot  depuis  le  mois  de  juin  jusques  au  mois  de 
Xbre  (Je  l'année  mil  six  cent  soixante  un  auquel  II  fournit  les  drogues 
necess'"  en  sa  maladie  comme  vous  prie  de  la  juger  partie  a  cette 
cauze.  Il  conclud  à  ce  que  Duvergier  aud'  nom  soit  condemné  à  luy 
payer  la  somme  de  cent  vingt  deux  livres  quinze  sols^  en  outre  de 
celle  envers  lui  requise  en  deniers  au  dits  dezpens  a  quoy  conclud. 

(Signé)  Brun. 

De  la  conclusion  de  celte  pièce  et  des  mentions  portées  au 
dos  d'icelle,  il  appert  que  rinfortuné  Phelipot  ne  put  résister 
aux  soins  empressés  que  lui  prodiguèrent,  tant  Messieurs  Dan- 
glade  et  Faure,  docteurs  en  médecine,  que  maître  Appollos 
Brun,  apothicaire  à  Sainte-Foy. 

On  ne  saurait  en  être  surpris*.  Henry  Leur. 


1.  Le  total  n'est  pas  indiqué  ici.  On  le  trouvera  plus  loin. 

2.  Sic. 

3.  On  remarquera  que,  sauf  erreur,  le  total  est  de  123  livres. 

4.  Je  n'ai  pas  trouvé  sur  place  de  renseignements  sur  le  pasteur  Phe- 
lipot. Sa  famille  était  du  pays,  où  elle  occupait  une  situation  honorable. 
Un  Jacques  Phelipot  est  mentionné  dans  des  actes  notariés  de  1605  et  de 
1610,  où  il  est  parfois  accompagné  d'un  Jehan  de  Brayac.  Ce  dernier 
payait  14  sous  de  taille  à  Sainte-P'oy  en  1637,  alors  que  Phelipot  était  taxé 
à  7  livres;  la  même  année,  sur  le  rôle  de  la  paroisse  de  Riocaud,  figure 
Jehanne  Phellipot,  damoiselle,  qui  possède  aux  Grands  Sarrazins  un  l)icn 
pour  lequel  elle  paie  16  sous  1  denier,  tandis  qu'à  Saintc-Foy,  Margue- 
rite Phellipot,  damoiselle,  est  taxée  42  livres,  et  Jehan  Phellipot,  1  sol  seu- 


598 


DOCUMENTS 


UN    MINISTRE    DE   LA    GUERRE    ORTHODOXE 

(1687) 

Pierre  de  Condé,  sieur  de  Vandières^,  était  un  jeune  gen- 
tilhomme, appartenant  au  corps  des  Cadets  de  Longwy. 
Quelques  mois  après  la  Révocation  il  essaya,  comme  tant 
d'autres,  de  libérer  sa  conscience  en  sortant  du  royaume; 
mais,  comme  tant  d'autres  aussi,  il  fut  pris  en  chemin  et 
enfermé  dans  un  couvent  de  Laon  (décembre  1686)^.  Il  y  ab- 
jura, fut  renvoyé  dans  sa  garnison,  et  Seignelay  fut  chargé 
de  le  recommander,  par  l'entremise  de  Louvois,  à  l'autorité 
militaire.  On  savourera  cette  letlre,  qui  n'est  pas  unique  dans 
son  genre.  Quel  beau  temps  que  celui  où  un  colonel  recevait 
pour  mission  de  surveiller,  moins  la  régularité  de  ses  subor- 
donnés dans  le  service  que  leur  assistance  à  la  messe  !... 

«  Il  y  a  quelques  mois  qu'il  fut  arresté  dans  la  généralilé  de  Sois- 
sons  plusieurs  nouveaux  catholiques  qui  vouloient  sortir  du  royaume, 
entr'autres  le  s'  de  Vandières,  qui  est  un  jeune  gentilhomme  des 
Cadets  de  Longwy,  lequel,  ayant  esté  bien  instruit  à  Laon  et  parois- 
sanl  converty  sincèrement  (!)  le  roy  a  ordonné  qu'il  soit  mis  en 
liberté  pour  se  rendre  à  sa  garnison,  et  Sa  Majesté  m'a  commandé 
de  vous  en  donner  advis,  afin  que  vous  preniez  la  peine,  s.  v.  p. 
d'escrire  à  son  commandant  de  prendre  de  luy  un  soin  particulier 
et  d'observer  s"" il  fera  son  devoir  de  catholique^ .  » 

Quand  les    dragons  étaient  missionnaires,   les    chefs  de 

corps  pouvaient  bien  faire  l'office  de  bedeaux. 

P.  F.  B. 


lement,  le  tout  sans  parler  des  impositions  extraordinaires  de  l'année, 
qui  ont  été  beaucoup  plus  fortes.  Enfin,  en  1621,1625  et  1645,  des  procès  nous 
révèlent  l'existence  de  Marie  Phellipot,  damoiselle,  femme  de  maitre 
Jacques  Reclus,  procureur  du  Roy.  Ajoutons  que  très  souvent,  les  mémoires 
d'apothicaires  étaient  accompagnés  de  sommations  de  payer;  telle,  celle 
adressée  par  Jean  Barre  à  Jacques  Reclus,  le  18  novembre  1610,  celle 
d'Apollos  Brun  à  Marie  de  Jaimont,  damoiselle,  en  1653  (il  s'agit  d'une 
somme  de  13  1.  t.  17  s.  t.),  etc. 

1.  Haag.  VIII,  14  n.  —  Bordier  IV,  573. 

2.  Registres  du  Secrétariat  (Arch.  Nat.  O^  30.  p.  395). 

3.  Lettre  de  Seignelay  à  Louvois,  8  février  1687  (Ibid.  O*  31.  p.  34).  — 
Nous  devons  la  communication  de  cette  lettre  à  Tobligeance  de  ^L  le  pas- 
leur  Et.  Creissel. 


Mélanges 


COURT  DE   GÉBELIN  FRANC-MAÇON 

On  parle  beaucoup  de  nos  jours  de  la  franc-maçonnerie; 
ses  amis  se  réjouissent  de  l'œuvre  excellente  qu'elle  accom- 
plit; ses  adversaires  lui  reprochent  Tinfluence  néfaste  qu'elle 
exerce  sur  les  esprits.  Elle  a  été  d'une  grande  utilité  dans  le 
passé  quand  ce  ne  serait  que  parce  qu'elle  a  contribué  à  in- 
troduire dans  les  mœurs  l'idée  de  la  tolérance;  elle  est  en- 
core utile  à  la  société  dans  laquelle  elle  cherche  à  faire  péné- 
trer les  idées  de  justice,  de  liberté,  de  vérité. 

La  franc-maçonnerie,  qui  a  été  introduite  en  France  vers 
1725,  avait  été  fondée  auparavant  en  Angleterre.  Un  des  fon- 
dateurs s'appelait  Jean-Théophile  Désaguliers  et  était  fils 
d'un  pasteur  réfugié  dans  ce  pays. 

Des  hommes  éminents  s'y  sont  affiliés  de  tout  temps.  Il  est 
fort  probable  que  Rabaut  Saint-Étienne  a  fait  partie  de  la 
loge  les  Neuf-Sœurs,  qui  se  trouvait  à  Paris  et  qui  était  la 
plus  célèbre  de  toutes  celles  de  France.  C'est  ce  que  croit 
Louis  Amiable,  auteur  d'Une  loge  maçonnique  d'avant  1789,  à 
laquelle  nous  allons  emprunter  tous  les  détails  suivants. 

Court  de  Gébelin,  qui  restait  à  Paris  dans  la  rue  Poupée- 
Saint-André,  a  été  affilié  à  cette  loge  des  Neuf-Sœurs,  comme 
Voltaire,  Louis  XVI,  Franklin,  et  y  a  tenu  une  grande  place. 
En  s'affiliant  à  la  franc-maçonnerie  Court  avait  signé  une 
déclaration  qui  lui  demandait  d'observer  les  principes  de  la 
morale,  lui  recommandait  la  bienfaisance,  tout  en  le  laissant 
libre  au  sujet  de  ses  convictions  religieuses  et  philosophi- 
ques. Il  y  coudoyait  des  abbés  et  des  athées,  des  croyants  et 
des  sceptiques.  xNous  comprenons  maintenant  qu'il  ait  pu 
rester  à  Paris  en  ce  temps-là  sans  être  inquiété  malgré  son 
hérésie  :  c'est  qu'il  avait  de  puissants  amis  comme  savant  et 
comme  franc-maçon. 

Nous  ne  savons  pas  exactement  à  quelle  époque  il  est 
entré  dans  la  loge  des  Neuf-Sœurs;  mais  ce  fut  avant  le  mois 
de  mai  1778  où  il  lut  élu  secrétaire  de  cette  association.  Une 


600  MÉLANGES 

société  s'étant  constHuée,  le  17  novembre  1780,  sous  le  nom 
de  Société  Apollonienne,  dans  le  but  de  répandre  l'instruc- 
tion en  France,  Court  de  Gébelin  fut  choisi  comme  président. 
Parmi  les  membres  de  celte  assemblée  se  trouvaient  La 
Dixmerie,  Fontanes,  Legrand  de  Laleu.  Court  était  alors 
membre  de  la  Société  économique  de  Berne  et  des  acadé- 
mies de  La  Rochelle,  Dijon  et  Rouen.  La  publication  de  son 
ouvrage  sur  le  monde  primitif  lui  permit  de  devenir  censeur 
royal.  La  Dixmerie,  dans  un  mémoire,  le  met  au  quatrième 
rang  parmi  les  affdiés  des  Neuf-Sœurs,  après  Voltaire,  Fran- 
klin et  Lalande.  En  1780  l'Académie  française  lui  accorda  le 
prix  fondé  par  le  comte  de  Valbelle  et  décerné  pour  la  pre- 
mière fois. 

C'était  un  franc-maçon  très  zélé.  Avant  la  fondation  des 
Neuf-Sœurs  il  faisait  partie  de  la  loge  des  Amis  réunis.  Là 
«  il  avait  été  l'un  des  principaux  fondateurs  du  régime  ou 
rite  des  Philalèthes,  ou  chercheurs  de  la  vérité,  établi  au  sein 
de  cet  atelier,  régime  qui  eut  un  rôle  important  dans  la  franc- 
maçonnerie  de  l'époque  et  dont  l'influence  s'étendit  même 
en  dehors  du  territoire  français  ».  En  1777  il  fit,  en  sept 
leçons,  un  «  Cours  des  allégories  les  plus  vraisemblables  des 
grades  maçonniques  ».  Il  ouvrit  la  séance  inaugurale  de  la 
Société  Apollonienne  le  23  novembre  par  un  discours  «  sur  la 
nécessité  où  est  l'homme  de  vivre  en  société  ».  Cette  société 
académique  continua  à  se  réunir,  sous  la  présidence  de 
Court,  tous  les  jeudis  pendant  l'année  1781,  a  pour  lire  des 
pièces  de  vers  et  de  prose,  quelquefois  aussi  des  morceaux 
scientifiques  ».  Parfois  cette  réunion  se  terminait  par  un  con- 
cert. En  1782  elle  avait  changé  de  nom;  elle  s'appelait  Musée 
de  Paris  et  avait  des  réunions  le  premier  jeudi  de  chaque 
mois,  grâce  à  Court  et  à  Tabbé  Cordier  de  Saint-Firmin,  qui 
taisait  tous  ses  efforts  pour  recruter  de  nouveaux  membres 
et  des  spectateurs.  En  juillet  1783,  pendant  une  grave  mala- 
die, il  se  vit  enlever  la  présidence;  mais  il  parvint  à  faire 
renouveler  ses  pouvoirs  dans  une  autre  élection  et  fit  pro- 
noncer l'exclusion  de  celui  qui  s'était  fait  nommer  à  sa  place, 
un  nommé  Cailhava,  ainsi  que  ses  partisans,  au  nombre  de 
douze  environ.   Il  était  devenu   Pami  et  l'hôte   du   docteur 


MÉLANGES  601 

Mesmer,  auquel  il  devait  la  guérison  de  sa  maladie.  A  cette 
occasion  il  avait  publié  une  apologie  du  magnélisme  animal 
sous  forme  de  lettre  aux  souscripteurs  du  Monde  primitif . 

Court  mourut  le  10  mai  1784.  Sa  mémoire  fut  honorée  par 
de  nombreux  témoignages  de  regret  et  d'admiration.  Ques- 
nay  de  Saint-Germain,  conseiller  à  la  Cour  des  Aides,  pro- 
nonça au  Musée  de  Paris  un  discours  pour  faire  son  éloge. 
Rabaut  Sainl-Élicnne  adressa  à  la  même  assemblée  une 
lettre  dans  laquelle  il  parlait  de  la  vie  et  des  écrits  de  son 
coreligionnaire.  Son  ami,  le  comte  d'Albon,  qui  lui  avait 
donné  la  sépulture  dans  son  parc  de  Franconville,  publia 
Tannée  suivante  un  éloge  plus  développé  sur  ce  distingué 
littérateur.  En  1789  ses  amis  firent  paraître  un  ouvrage  de 
lui  :  Devoirs  du  prince  et  des  citoyens.  En  1820  un  poète 
franc-maçon.  Guerrier  de  Dumast,  rappela  ses  mérites  dans 
les  notes  de  son  poème,  La  Maçonnerie.  Enfin  Besuchet  en 
1829  «  lui  a  consacré  une  ample  notice,  tout  à  la  fois  émue  et 
admirative  ». 

Les  adversaires  de  Court,  dont  nous  avons  parlé  plus  haut, 
s'étaient  affiliés  à  une  autre  association.  Après  sa  mort  ils 
revinrent  au  Musée  de  Paris.  On  décida  de  fêter  leur  rentrée 
par  un  concert  donné  le  17  décembre  1785.  dans  lequel  on 
rendrait  hommage  aux  vertus  de  Court  de  Gébelin.  «  Le 
morceau  funèbre  fut  une  cantate  à  quatre  voix,  qui  se  ter- 
minait ainsi  : 

Sous  le  poids  du  chagrin,  le  malheureux  succombe  : 
Tu  n'es  plus,  cher  objet  d'amour  et  de  douleurs; 
Gébelin  !  Gébelin  !  la  pierre  d'une  tombe 
Renferme  ton  corps  et  nos  cœurs.  » 

Tels  sont  les  faits  peu  connus  de  la  vie  du  fils  d'Antoine 
Court,  qui  m'ont  paru  devoir  être  consignés  dans  le  Bulletin 
pour  servir  à  un  travail  plus  complet  sur  ce  célèbre  protes- 
tant, détails  pouvant  d'ailleurs  éclairer  certains  actes  ou 
paroles,  qui  sans  cela  risqueraient  de   ne   pas   être   bien 

compris. 

A.  Atger. 


602  SÉANCES    DU    COMITÉ 


SÉANCES    DU    COMITE 


13  77iai  1902. 

Assistent  à  la  séance,  sous  la  présidence  du  baron  F.  de  Schickler, 
MM.  G.  Bonet-Maury,  Th.  Dufour,  P.  de  Féiice,  A.  Lods,  F.  Puaux, 
A.  Réville,  R.  Reuss  et  N.  Weiss. 

Après  la  lecture  et  l'adoption  du  procès-verbal  de  la  dernière 
séance,  le  président  demande  au  Comité  d'indiquer  une  série  de 
noms  destinés  à  combler  les  vides  qui  se  sont  produits  dans  le 
nombre  de  nos  membres  actifs  et  honoraires.  L'accord  se  fait  sur 
les  noms  qui  suivent  :  Comité,  MM.  Théophile  Dufour,  Gabriel 
Monod  et  John  Viénot.  Membres  honoraires  :  MM.  E.  Comba,  en 
Italie;  E.  Strœhlin  et  D'  Egli,  en  Suisse;  H.  Guyot,  en  Hollande; 
et  en  France,  MM.  H.  Dannreuther,  A.  Dupin  de  Saint- André  et 
E.  Hugues.  —  Le  comité  approuve  ensuite  la  manière  dont  a  été 
fait  le  travail  d'inscription  des  noms  huguenots  à  la  Bibliothèque 
et  décide  de  compléter  la  plaque  où  sont  inscrits  ceux  des  dona- 
teurs. —  Puis  il  prend  connaissance  des  informations  que  lui  donne 
la  commission  chargée  de  l'organisation  de  l'exposition  rétrospec- 
tive. Cette  commission  a  naturellement  essuyé  quelques  refus,  mais 
rencontré  par  contre  beaucoup  de  bienveillance  chez  la  plupart 
des  collectionneurs  dont  le  concours  a  été  sollicité;  leurs  noms 
seront  inscrits  avec  reconnaissance  sur  nos  étiquettes  explicatives 
et  sur  le  catalogue  des  objets  exposés  qu'on  tâchera  de  conserver. 

Bibiiotitèque.  —  Elle  a  reçu  de  la  baronne  de  Neuflize  plusieurs 
volumes,  dont  Discours  de  la  prinse  de  l'isle  de  Rhé  par  le  seigneur 
du  Landreau,  Et  de  Vincroiable  et  subite  reprinse  par  le  secours 
envoie  de  la  Rochelle,  — imprimé  nouvellement,  1575;  —  Harangue 
superlative  de  maistre  Josse  de  la  Forge,  cordonnier  et  réformateur 
évangélique  aux  Ministres  de  France,  1622;  —  Cantique  de  victoire 
par  lequel  on  peut  remarquer  la  vengence,  que  Dieu  a  prise  dessus 
ceux  qui  vouloient  ruyner  son  Église  et  la  France,  k  Paris  pour  Ro- 
bert le  Magnier,  1569;—  Panégyrique  de  VHenolicon,  par  Honoré 
de  Laurens,  1588;  —  Les  justes  raisons  que  les  protestants  de  France 
ont  eues  de  se  réunir  à  l'Église  romaine,  sous  le  règne  de  Louis  le 
Grand.  Par  M.  Forestier,  cy  devant  ministre...  Paris,  1687. —  M.  de 
Schickler  remet  une  plaquette  de  Jacob  Cappel,  son  Catéchisme 
confirmatif  de   nostre  confession  de  foy  en   français  et  en   grec, 


SÉANCES    DU    COMITÉ  603 

Sedan,  Jannon,  1G2I.  —  M'"  Read  a  envoyé  Les  Émaux  de  Petitot 
du  musée  impérial  du  Louvre^  gravés  au  burin  par  L.  Ceroni  et 
publiés  avec  texte  explicatif,  et  notice  de  M.  Bordier,  par  Blaisot, 
en  3  vol.  in-4°,  1862. 

M  juin  1902. 

Assistent  à  la  séance,  sous  la  présidence  du  baron  F.  de  Schickler, 
MM.  G.  Bonet-Maury,  Th.  Dufour,  Paul  de  Félice,  Armand  Lods, 
William  Martin,  John  Viénot  et  N.  Weiss.  MM.  Gabriel  Monod  et 
R.  Reuss,  ce  dernier  victime  d'un  accident,  heureusement  peu 
grave,  se  font  excuser. 

Après  la  lecture  et  l'adoption  du  procès-verbal  de  la  dernière 
séance,  le  président  remarque  que  la  Société  commence  son  deuxième 
cinquantenaire  sous  d'heureux  auspices,  les  fêtes  et  l'exposition  par 
lesquels  elle  a  terminé  le  premier  cycle  ayant  parfaitement  réussi. 
L'exposition  a  eu  près  de  1,900  visiteurs  et  en  aurait  eu  bien  plus 
si  elle  était  restée  ouverte  plus  longtemps  et  si  nous  y  avions  convié, 
non  seulement  nos  coreligionnaires,  mais  aussi  le  grand  public.  Elle 
n'en  a  pas  moins  contribué  à  faire  connaître  notre  œuvre  et  à  lui 
assurer  de  nouvelles  sympathies.  Ainsi  le  conseil  presbytéral  de 
Bougon  (Deux-Sèvres)  vient  de  nous  annoncer  par  l'intermédiaire 
de  son  pasteur  M.  Eynard,  qu'il  nous  offre  la  chaire  du  Désert  qui 
a  été  tant  remarquée,  M.  Chatoney  nous  a  envoyé  un  lotde  gravures 
dont  un  dessin  de  Laffitte  sur  l'exode  des  victimes  de  la  Révocation  ; 
Mme  Laferme  nous  a  remis  un  dessin  de  David  d'Angers  pour  sa 
statue  de  Palissy,  Mme  Assegond,  une  lettre  de  Florian  à  Claris, 
M.  Dietz  V Alphabet,  peut-être  composé  par  Calvin,  et  dont  on  se 
servait  de  son  temps  au  Ban  de  la  Roche.  Enfin  le  président  lui- 
même,  a  donné  l'assiette  de  Palissy  qu'il  avait  exposée.  Le  secré- 
taire annonce  que  la  plupart  des  objets  prêtés  sont  actuellement 
entre  les  mains  de  leurs  propriétaires  et  que  jusqu'ici  l'exposition 
n'a  à  son  actif  ni  une  erreur  grave  ni  une  seule  détérioration.  —  Ce 
qui  sera  long  à  établir  ce  sera  le  Bulletin  destiné  à  conserver  le 
souvenir  de  ce  cinquantenaire.  Il  devra  être  largement  illustré  et 
renfermer  non  seulement  le  texte  des  conférences  et  allocutions  di- 
verses, mais  encore  un  catalogue  aussi  détaillé  cjue  possible;  une 
simple  énumération  des  objets  exposés  ne  donnerait,  en  effet,  qu'une 
idée  fort  insuffisante  de  l'intérêt  qu'ils  pouvaient  présenter. 

itihiiotiièqne.  —  M.  Bonet-Maury  présente  une  intéressante  bro- 
chure allemande  d'un  ancien  élève  de  la  Faculté  de  théologie  pro- 


601  SÉANCES   DU    COMITÉ 

testante  de  Paris,  M.  P.  Bruschweiler,  sur  VHistoire  de  VEglise 
réformée  de  Moscou,  de  1629  à  1901,  d'après  les  archives  de  cette 
Église  et  des  Églises  sœurs.  M.  Chaloney  nous  a  remis  aussi  un 
bel  exemplaire  du  Théâtre  de  la  cruauté  des  hérétiques,  de  1588. 

Avant  de  se  séparer,  le  Comité  apprend  de  la  bouche  de  son  pré- 
sident la  nouvelle  du  décès  de  M.  H.Tollin,  président  de  la  Société 
huguenote  d'Allemagne.  Ce  décès  survenu  avant  nos  solennités 
explique  que  cette  Société  n'ait  pu  répondre  à  notre  invitation. 
M.  ToUin  était  bien  connu  de  tous  ceux  qui  étudient  notre  histoire 
par  ses  ouvrages  de  premier  ordre  sur  Servet  et  sur  le  Refuge  en 
Allemagne  et  plus  particulièrement  à  Magdebourg. 


8  juillet  1902. 

Assistent  à  la  séance,  sous  la  présidence  du  baron  F.  de  Schickler, 
MM.  G.  Bonet-Maury,  A.  Lods,  W.  Martin,  G.  Monod  et  N.  Weiss. 
MM.  P.  de  Félice,  F.  Puaux  et  John  Viénot  se  font  excuser  et 
M.  J.  Gaufrés  écrit  qu'il  est  malheureusement  obligé  de  vivre  loin 
de  Paris. 

Après  la  lecture  et  l'adoption  du  procès-verbal  de  la  dernière 
séance,  le  président  lit  une  touchante  lettre  par  laquelle  M.  Ch. 
Frossard  exprime  ses  regrets  d'être  définitivement  retenu  loin  de 
Paris  par  une  maladie  qui  ne  lui  permet  plus  guère  que  de  se  pré- 
parer à  mourir.  Tous  les  membres  présents  se  joignent  aux  senti- 
ments de  douloureuse  sympathie  que  M.  de  Schickler  exprime  à 
cette  occasion  et  transmettra  à  notre  collègue.  —  Puis  il  lit  plu- 
sieurs réponses  de  nos  nouveaux  membres  honoraires  aux  lettres 
qui  leur  annonçaient  leur  nomination,  MM.  H.  Guyot,  E.  Hugues, 
A.  Dupin  de  Saint-André  et  D'  Egli.  M.  Gabriel  Monod  signale 
deux  volumes  qui  remettent  en  question  l'innocence  de  Calas  que 
le  parlement  de  Toulouse  n'aurait  certes  pas  proclamée  après  le 
célèbre  procès  en  revision  provoqué  par  Voltaire,  s'il  y  avait  eu  la 
moindre  preuve  de  la  culpabilité  de  celte  célèbre  victime.  Ce  sont 
ceux  de  Massemonteil,  La  justice  criminelle  dans  l'œuvre  de  Vol- 
taire, et  de  Faguet  sur  les  Idées  politiques  de  Montesquieu,  Rous- 
seau et  Voltaire. 

Bibiiotbèqae.  —  M.  le  pasteur  E.  Nyegaard  lui  a  envoyé  l'unique 
photographie  qu'il  possède  et  qui  peut-être  même  existe,  d'un  por- 
trait de  Jeanne  d'Albret  conservé  au  château  de  Cheverny;  — 
M.  Chatoney,  outre  ce  qui  a  été  cité  dans  le  procès-verbal  de  la  der- 


CHRONIQUE    LITTÉRAIRE  605 

nière  séance,  plusieurs  gravures  et  portraits;  —  M.  le  président, 
une  vue,  par  C.  Chastiilon,  du  Temple  neuf  des  Calvinistes  en  la 
ville  de  Met^;  —  Mme  Assegond,  une  curieuse  lettre  de  M.  de  Flo- 
rian  à  M.  Claris,  ministre  au  Désert,  8  janvier  1747,  qui  paraît  avoir 
appartenu  à  Rabaut  de  Saint-Étienne. 


CHRONIQUE  LITTERAIRE 


0"^  Ernest  Schaefer  :  Contribution  à  l'Histoire  du  Protestantisme 
et  de  l'Inquisition  espagnols  au  XVI^  siècle  *. 

Sous  ce  litre  trop  modeste,  l'auteur,  qui  est  privat-docent  à  l'Uni- 
versité de  Rostock,  vient  de  publier  un  ouvrage  capital  sur  l'his- 
toire de  la  Réformation  en  Espagne.  Je  dis  «  capital  »  parce  que 
c'est  le  premier  savant  étranger  à  la  Péninsule  qui  se  soit  donné  la 
peine  d'explorer  et  d'étudier,  avec  une  vraie  patience  de  bénédic- 
tin, les  documents  de  l'Inquisition  conservés  aux  Archives  de  Ma- 
drid, de  Simancas  et  dans  les  bibliothèques  Nationale,  particulière 
du  Roi  et  de  l'Académie  historique  de  Madrid.  Il  a  fait  mieux 
encore;  il  a  transcrit  avec  le  plus  grand  soin  les  pièces  d'archives, 
concernant  les  procès  des  protestants  ou  des  suspects  de  protes- 
tantisme à  Barcelone,  Tolède,  Seville,  Valladolid,  etc.,  et  les  a 
publiés  en  espagnol  dans  le  second  et  le  troisième  volume. 

Nous  ne  pouvons  songer  à  analyser  ces  derniers;  il  nous  suffira 
de  signaler  les  pièces  les  plus  intéressantes. 

On  trouvera  dans  le  troisième  volume  les  documents  concer- 
nant l'Église  de  Valladolid,  entr'autres  la  lettre  adressée  par 
Fernand  de  Valdès,  archevêque  de  Séville  et  Grand-Inquisi- 
teur, au  pape  Paul  IV  (Caraffa)  du  9  septembre  1558.  Le  pré- 
lat informe  «  avec  douleur  et  humiliation  »  le  souverain  pontife 
que  l'on  a  découvert  récemment  plusieurs  foyers  d'hérésie  dans 
le  royaume  très  catholique,  entr'autres  :  au  couvent  des  Hiéro- 
nymites  de  Saint-Isidore  à  Séville  et  dans  cette  ville  même, 
puis  à  Valladolid,  Salamanca,  Logrono,  Palencia,  Zamora.  Il  fait 
remonter  ce  mouvement  hérétique  jusqu'aux  Alumbrados,  ou  mys- 
tiques de  Guadalaxara,  et,  plus  papiste  que  le  pape,  reproche  au 

1.  Beitrdge  ^ur  Geschichte  des  spanischen  Protestantismus  und  der 
Inqnisition.  Gûtersloh.  1902.3  voLin-S^de  xvi-'i58-426  et  868  p.  in-8°,  index. 


606  CHRONIQUE    LITTÉRAIRE 

Sainl-Père  d'avoir  donné  à  certains  prélats  et  moines  la  permission 
de  lire  des  traités  luthériens.  Le  même  volume  renferme  les  dépo- 
sitions des  témoins  protestants  de  Vailadolid,  dans  le  procès  intenté 
contre  B.  Carranza,  l'un  des  successeurs  de  Valdès  à  l'archevêché 
de  Tolède.  Ce  dernier  n'échappa  que  par  des  déclarations  équi- 
voques aux  rigueurs  de  l'Inquisition.  Ces  témoignages  sont  du  plus 
haut  intérêt,  ainsi  que  le  résumé  du  procès  contre  Juan  Morales 
(1546-1549). 

On  trouve,  dans  le  deuxième  volume,  les  actes  des  tribunaux  de 
l'Inquisition  à  Barcelone,  Logrono,  Valence,  Saragosse,  Grenade, 
Tolède,  et  les  documents  relatifs  à  l'Église  protestante  de  Séville. 
Nous  y  avons  remarqué  la  rétractation  du  D'  Egidio  ou  J.  Gil,  le 
principal  promoteur  de  la  Réforme  à  Séville,  un  long  procès  in- 
tenté à  un  prêtre  de  Cagliari,  Sigismond  Arquer,  et  tout  particuliè- 
rement une  lettre  de  don  Francis  de  Alava  (1563  à  1571),  ambassa- 
deur de  Philippe  II  en  France,  adressée  au  roi  d'Espagne  et  lui 
signalant  «  Mme  de  Vendôme  et  le  docteur  Saporta,  grand  héré- 
tique de  Montpellier,  comme  introduisant  en  cathette  des  livres 
protestants  en  Catalogne^  par  la  voie  de  Perpignan  et  de  Barce- 
lone »  (19  déc.  1564). 

Après  avoir  rendu  compte  des  deux  derniers  volumes,  qui  ren- 
ferment les  sources  de  l'histoire  du  Protestantisme  espagnol, 
venons-en  au  premier.  C'est  là  que  l'auteur  a  consigné  les  résultats 
de  ses  investigations  et  ses  conclusions  sur  les  questions  que  sou- 
lève cette  histoire  même. 

La  première  partie  est  consacrée  à  l'élude  de  l'Inquisition  Espa- 
gnole nouvelle.  On  a,  en  effet,  trop  souvent  confondu  celle-ci  avec 
Vancienne  Inquisition,  instituée  contre  les  Albigeois  et  confiée  aux 
Dominicains.  La  nouvelle  fut  organisée  par  le  pape  Sixte  IV  (Bulle 
du  V'  nov.  1478),  à  la  requête  du  cardinal  Pedro  Gonzalès  de  Men- 
doza,  pour  combattre  les  nouveaux  convertis,  d'origine  juive  ou 
moresque,  qui,  n'ayant  pris  du  christianisme  que  le  masque,  conti- 
nuaient en  secret  les  pratiques  de  leur  culte  originel.  Tandis  que 
l'ancienne  Inquisition  avait  pour  chef  suprême  le  pape  et  pour 
agents  les  évêques  et  les  Dominicains,  la  nouvelle  avait  à  sa  tête  un 
Grand-Inquisiteur,  nommé  .à  vie  par  le  roi  d'Espagne,  confirmé 
par  le  pape,  et  qui  jouait  le  rôle  d'accusateur  public.  Il  était  assisté 
d'un  conseil  suprême  {Consejo  de  la  Santa  gênerai  Inquisicion)  sié- 
geant à  Madrid  et  composé  de  cinq  ou  six  membres  ecclésiastiques 
et  de  deux  consulteurs  ou  membres  laïques,  pris  dans  le  Conseil 
royal  de  Castille.  Le  Grand-Inquisiteur  avait  sous  ses  ordres  treize 


CHRONIQUE    LITTERAIRE  607 

tribunaux  de  province,  neuf  en  Castilie  et  quatre  en  Aragon,  qui 
agissaient  de  concert  avec  les  évêques  de  ces  treize  localités. 

Le  D'  Schâfer,  s'en  tenant  aux  procès-verbaux  des  Inquisiteurs  et 
écartant  les  plaintes  des  inculpés,  prétend  qu'il  faut  bien  en  ra- 
battre des  descriptions  des  prisons  et  des  tortures  faites  par  Monta- 
nus  et  par  Llorente  et  soutient  que  ces  prisons  étaient  de  vrais 
palais,  les  chambres  spacieuses  et  meublées,  les  prisonniers  bien 
nourris,  la  procédure  régulière.  D'ailleurs,  dit-il,  on  a  beaucoup 
exagéré  le  chiffre  des  victimes;  sur  2,100  inculpés  d'hérésie,  pen- 
dant un  demi-siècle,  il  n'y  en  aurait  eu  que  340  condamnés  à  mort  : 
220  exécutés  réellement  et  120  en  efllgie. 

«  La  torture  n'était  appliquée,  dit-il,  que  lorsque  les  déclarations 
de  l'inculpé  étaient  incertaines  ou  équivoques.  Les  peines  princi- 
pales étaient  au  nombre  de  trois  :  1"  la  relaxatio  ad  bracchiiim 
seculare,  c'est-à-dire  la  mort  par  le  feu;  2°  la  i-econciliatio  cum  Ec- 
clesia  :  auto-da-fé,  pénitence,  et  port  du  «  san  benito  »  ;  3°  Wib- 
juratio.  Elles  étaient  accompagnées  de  peines  accessoires,  telles 
que  flagellation,  dégradation,  amende  et  confiscation  des  biens  au 
profit  de  la  Couronne.  Le  Conseil  accordait  souvent,  au  bout  de 
quelques  années,  des  commutations  ou  réductions  de  peine.  L'au- 
teur conclut  que,  «  si  la  procédure  de  l'Inquisition  espagnole  offre, 
dans  quelques-unes  de  ses  parties,  des  moyens  arbitraires,  si  la 
torture  et  la  peine  du  feu  nous  paraissent  trop  rigoureuses,  elles 
répondaient  bien  à  l'esprit  brutal  du  xvi"  siècle.  En  somme,  les 
interrogatoires  témoignent  du  désir  sincère  des  Inquisiteurs  de 
savoir  la  vérité  et  de  procéder  justement  vis-à-vis  des  inculpés  ». 

Ce  plaidoyer  pour  la  réhabilitation  de  l'Inquisition  espagnole  ne 
nous  a  pas  convaincu;  car  il  n'en  reste  pas  moins  vrai  que  l'espion- 
nage et  la  délation,  imposés  comme  un  devoir  de  conscience  aux 
fidèles  sous  peine  d'excommunication,  l'usage  même  des  aveux  faits 
aux  confesseurs  pour  l'instruction  judiciaire  étaient  encouragés  par 
des  primes  de  foute  espèce  et  cela  seul  suffirait  à  flétrir  les  procé- 
dés de  ces  tribunaux  d'exception. 

L'auteur  ne  nous  paraît  pas  avoir  mieux  résolu  l'autre  question, 
proposée  dans  sa  deuxième  partie  :  «  Y  a-t-il  eu  des  Églises  protes- 
tantes en  Espagne?  Comment  la  Réforme  s'y  est-elle  propagée?  » 

Le  D'  Schâfer  refuse  le  nom  de  «  protestant  espagnol  »  :  1°  aux 
nombreux  étrangers,  ouvriers  ou  marins,  colporteurs  ou  mar- 
chands, qui  résidaient  en  Espagne  au  xvi*  siècle  et  professaient  les 
doctrines  évangcliques;  2°  aux  Espagnols  libres-penseurs,  qui  se 
bornaient  à  railler  le  clergé  et  les  rites  catholiques;  3°  aux  Espa- 


608  CHRONIQUE    LITTÉRAIRE 

gnols  humanistes,  tels  qu'Antonio  de  Lebrixa,  qui  furent  suspects 
d'hérésie  parce  qu'ils  étudiaient  la  Bible  dans  les  textes  originaux. 
Il  est  bien  évident  qu'après  celte  triple  élimination  des  gens  qui  ont 
eu  affaire  à  l'Inquisition,  il  ne  reste  qu'une  poignée  d'Espagnols 
«  pur  sang  »  à  qui  l'auteur  réserve  le  litre  de  protestants  et  il  con- 
clut en  ces  termes  :  «  Sauf  les  Églises  de  Valladolid  et  de  Séville  et 
quelques  individualités  isolées  telles  que  le  D'  Sancho  Ostaros  et 
don  Gaspar  de  Centillas,  le  protestantisme  n'a  eu  aucun  foyer  en 
Espagne  ». 

Il  n'y  aurait  eu,  de  1550  à  1600,  que  400  auto-de-fé,  sur  lesquels 
325  concernent  les  Espagnols.  Ajoutez-y  la  cinquantaine  de  mem- 
bres de  l'Église  de  Valladolid  et  les  126  de  l'Église  de  Séville,  cela 
ferait  environ  500  Protestants  en  tout.  Voilà,  dit-il,  qui  est  bien  loin 
de  justifier  les  assertions  des  historiens  protestants  Mac-Grie,  Pressel 
et  en  dernier  lieu  Th.  Fliedner.  Et  alors,  se  fondant  exclusivement 
sur  les  pièces  d'Archives  qu'il  a  trouvées  et  sur  les  dires  de  Me- 
nendez  Pelayo  et  autres  historiens  espagnols  catholiques,  le 
D'  Schâfer  s'approprie  cette  thèse  de  Maurenbrecher  :  «  Gette  poi- 
gnée de  Protestants,  qui  parurent  en  Espagne  dans  les  dernières 
années  du  règne  de  Charles-Quint  et  les  premières  de  Philippe  II, 
furent  bientôt  extirpés,  sans  laisser  de  traces,  par  la  rigueur  des 
rois  d'Espagne  et  des  autorités  ecclésiastiques.  Leur  apparition  est 
un  événement  tout  à  fait  isolé,  qui  n'a  aucun  rapport  avec  le  mou- 
vement intellectuel  de  l'Espagne,  n'a  eu  aucune  influence  sur  le  dé- 
veloppement de  la  nation  et  aucune  suite  durable*  «. 

Qu'aurait  dit  le  bon  M.  Rosseuw-Saint-Hilaire,  l'auteur  de  la  plus 
complète  Histoire  d'Espagne  que  nous  ayons  en  français?  Qu'au- 
rait dit  le  zélé  pasteur  Th.  Fliedner,  qui  avait  consacré  trente  ans 
de  sa  vie  à  évangéliser  l'Espagne,  en  lisant  ces  lignes?  Je  me  figure 
qu'ils  eussent  bondi  d'indignation  et  protesté.  Ce  n'est  pas  le  mo- 
ment de  réfuter  en  détail  une  thèse  aussi  radicale.  Je  présenterai 
seulement  les  premières  objections  qui  me  viennent  à  l'esprit. 

Si  le  mouvement  protestant  en  Espagne  avait  été  aussi  maigre  et 
aussi  superficiel  que  le  dit  M.  Schâfer,  d'où  vient  que  Sa  Majesté 
très-catholique,  assistée  du  pape,  ait  déployé  tant  de  forces  et  tendu 
tous  les  ressorts  de  cette  machine  effroyable  de  l'Inquisition  pour 
écraser  une  poignée  d'hommes?  Quelques  pouvoirs  de  plus  donnés 
aux  évêques  eussent  suffi.  Qu'on  lise   la  lettre  du  vieil  empereur 

1.  Studien  iind  Ski:^:{en  :{ur  Geschichte  der  Reformation.  Leipzig,  1874, 
page  3. 


CHRONIQUE    LITTÉRAIRE  009 

Charles-Quint,  retiré  à  San-Yuste,  à  la  régente  Jeanne  et  les  deux 
bulles  de  Paul  IV,  en  réponse  au  cri  d'alarme  poussé  par  le  Grand- 
Inquisiteur  F.  Vaklès,  et  l'on  verra  f|u'il  s'agissait  de  tout  autre 
chose  que  d'un  feu  de  paille. 

Le  mouvement  protestant,  comme  l'a  fort  bien  vu  l'archevêque  de 
Tolède,  remontait  aux  Alutnbrados  et  au  vieux  levain  albigeois  et 
vaudois,  qui  était  resté  en  Cerdagne  et  Catalogne.  De  plus,  nulle 
part  la  découverte  de  l'Amérique  et  l'invention  de  l'imprimerie 
n'avaient  produit  une  renaissance  littéraire  plus  sérieuse  qu'en 
Espagne.  Il  y  eut  dans  les  universités  de  Salamanque,  de  Séville, 
de  Valladolid,  d'Alcala,  de  Henares  un  véritable  réveil  des  études 
bibliques  et  orientales  :  l'influence  d'Erasme  y  fut  considérable  et  y 
suscita  de  nombreux  disciples  :  Antonio  de  Lebrixa,  L.  Vives, 
Pierre  Martyr  d'Anghiera,  etc.  Il  eût  été  étonnant,  étant  donné  le 
caractère  plus  réfléchi,  la  tournure  d'esprit  plus  mystique  et  cheva- 
leresque des  Espagnols  en  comparaison  des  Italiens,  que  ce  mou- 
vement fût  resté  à  mi-chemin  et  n'eût  pas  été  poussé  jusqu'à  la  révi- 
sion des  dogmes  catholiques. 

La  propagation  des  idées  de  Luther  fut  faite  d'abord  par  les  théo- 
logiens de  l'entourage  de  Charles-Quint,  voire  par  des  seigneurs 
de  sa  cour,  qui,  pendant  les  fréquents  séjours  de  l'Empereur  en 
Allemagne,  entrèrent  en  rapport  avec  les  docteurs  protestants; 
puis  l'importation  des  traités  d'Alphonse  Valdez,  de  Juan  Perez 
et  autres  Espagnols  réfugiés  sur  le  continent,  fit  le  reste.  Et  ce 
qu'il  y  a  de  remarquable,  c'est  que  ce  fut  surtout  dans  les  rangs 
du  haut  clergé  que  la  Réforme  recruta  ses  plus  nombreux  adhé- 
rents. De  là  les  doctrines  évangéliques  se  propagèrent  dans  les 
couvents  et  parmi  la  noblesse.  Deux  autres  causes  de  propagande, 
que  le  D''  Schâfer  n'a  pas  assez  mises  en  relief,  furent  la  contrebande 
de  Bibles,  importées  soit  par  Anvers,  soit  par  le  Béarn  et  la  Na- 
varre, soit  par  Marseille  et  Barcelone,  et  l'influence  des  nombreux 
Français  protestants,  établis  ou  voyageant  en  Espagne.  Nous  n'avons 
pas  relevé  moins  de  fnille  sei^e  noms  d'inculpés  Français,  traduits 
devant  les  treize  Inquisitions  de  province.  Ceux  de  Tolède  for- 
maient une  véritable  Église  réformée. 

D'ailleurs,  l'auteur  n'a  pas  assez  tenu  compte  des  documents 
autres  que  ceux  qu'on  retrouve  dans  les  Archives  de  l'Inquisition  : 
beaucoup  de  procès-verbaux  ont  disparu,  et,  d'ailleurs,  il  y  a  les 
témoignages  des  Espagnols  réfugiés  en  Suisse  ou  aux  Pays-Bas, 
qui  attestent  la  généralité  du  mouvement  réformateur  à  ses  débuts. 
Ce  rapide  aperçu   suffira  pour  justifier  l'assertion  d'Ilescas  et 

LI.  —  V2 


610  CHRONIQUE    LITTÉRAIRE 

de  Paranno,  deux  historiens  bons  catholiques,  que  j'incline  à 
admettre  :  «  Tous  les  prisonniers  de  l'Inquisition  à  Séville,  Tolède, 
Valladolid  étaient  des  personnes  de  qualité.  Leur  nombre  était 
si  grand  que,  si  l'on  eût  lardé  deux  ou  trois  mois  de  plus,  toute 
l'Espagne  eût  été  en  flammes. —  Si  l'Inquisition  n'avait  pas  arrêté 
leurs  prédications,  la  religion  protestante  eût  parcouru  l'Espagne 
comme  un  incendie,  car  les  gens  de  toute  condition  y  étaient 
merveilleusement  disposés.  » 

G.  Bonet-Maury. 


Correspondance  de  Catherine  de  Médicis,  t.  VIII. 

«  Le  volume  que  nous  annonçons  apporte  des  documents  nou- 
veaux, et  quelques-uns  fort  importants,  sur  trois  événements  du  règne 
de  Henri  III  :  l'expédition  de  Strozzi  aux  Açores  et  la  défaite  de  la 
flotte  française  par  les  Espagnols;  l'entreprise  du  duc  d'Anjou  aux 
Pays-Bas,  son  échec  à  Anvers,  son  retour  en  France  et  sa  mort;  les 
débuts  de  la  Ligue,  les  préparatifs  d'une  prise  d'armes  générale  des 
catholiques,  la  capitulation  de  la  royauté  par  ce  qu'on  a  appelé  le 
traité  de  Nemours,  et  le  retrait  de  toutes  les  libertés  accordées  par 
les  édits  aux  protestants.  » 

C'est  en  ces  termes  que  M.  Baguenault  de  Puchesse  présente  au 
public  le  tome  VIII  de  la  (  correspondance  de  Catherine  de  Médicis*. 
Ce  volume  comprend  les  lettres  des  années  1582  à  1585. 

Ceux  qui  s'intéressent  spécialement  à  l'histoire  du  protestantisme 
y  trouveront  de  nombreux  documents  sur  la  période  si  intéressante 
et  si  mouvementée  des  débuts  de  la  Ligue.  La  mort  du  duc  d'Anjou 
(10  juin  1584),  ouvrait  la  succession  au  trône,  le  roi,  en  dépit  de  ses 
nombreux  pèlerinages,  n'ayant  plus  de  chances  d'avoir  un  héritier. 
A  sa  mort,  la  couronne  de  France  allait  donc  revenir  à  Henri,  roi 
de  Navarre,  c'est-à-dire  à  un  protestant.  En  vain  Catherine  de  Mé- 
dicis essaya-t-elle  de  décider  Henri  à  l'abjuration.  Le  duc  d'Eper- 
non,  envoyé  en  mission  auprès  de  lui,  échoua  complètement. 

C'est  alors  que  les  catholiques  inquiets  songèrent,  sous  la  direc- 
tion des  Guises,  à  organiser  une  ligue  qui  s'opposerait  à  l'arrivée 
au  pouvoir  de  Henri  de  Navarre.  Au  mois  de  mars  1.585  a  lieu  la 
première  prise  d'armes;  le  .31  mars,  le  cardinal  de  Bourbon  en  son 
nom  et  en  celui  des  confédérés,  les  ducs  de  Guise  et  de  Mayenne, 
le  cardinal  de  Lorraine,  le  duc  d'Aumale,  le  mar(|uis  d'Elbeuf,  etc., 

1.  Paris,  Imprimeiie  nationale,  1901,  in-V. 


CHRONIQUE    LITTÉRAIRE  Gl  1 

lance  un  manifeste  où  il  reproche  vivement  à  Henri  III  de  laisser  le 
pouvoir  entre  les  mains  d'indignes  favoris.  Dès  qu'il  sent  son  pou- 
voir menacé,  Henri  charge  sa  mère  de  négocier.  Déjà  celle-ci,  sen- 
tant venir  le  danger,  n'avait  pas  attendu  pour  intervenir  et  avait 
écrit  à  Guise  et  à  Mayenne;  puis  elle-même,  accompagnée  d'un 
nombreux  cortège  de  négociateurs,  s'était  rendue  à  Epernay  pour 
s'aboucher  avec  les  principaux  ligueurs.  Ses  longues  correspon- 
dances, et  aussi  de  nombreuses  pièces  diplomatiques  (mémoires, 
articles  présentés  par  les  ligueurs,  réponses  de  lareine)que  M.  Ba- 
guenault  de  Puchesse  prend  soin  d'éditer  en  un  très  copieux  appen- 
dice (pp.  381  à  492),  nous  renseignent  sur  la  marche  des  négo- 
ciations. 

C'est  dans  cette  longue  suite  de  documents  qu'on  peut  voir  de 
près  l'avidité  de  tous  ces  princes  catholiques  qui,  mettant  en  avant 
les  intérêts  de  la  foi  romaine,  ne  veulent  rien  moins  que  créer  à  leur 
profit  et  aux  dépens  de  la  France  une  «  nouvelle  féodalité  ».  «  Pour 
conserver  l'unité  de  foi  et  en  même  temps  la  paix  du  royaume,  on 
réclame,  comme  l'ont  fait  tant  de  fois  les  Etats  généraux,  l'abolition 
de  tous  les  édits  favorables  aux  protestants,  l'obligation  imposée 
aux  réfractaires  soit  de  se  convertir,  soit  de  vendre  leurs  biens  et 
de  sortir  de  France,  l'interdiction  par  conséquent  de  tout  culte 
public  ou  privé  qui  ne  serait  pas  la  religion  d'Etat.  Mais,  à  côté  de 
cette  revendication  de  principe,  tous  les  petits  intérêts  personnels 
se  font  jour,  et  chacun  veut  arracher  à  son  profit,  un  lambeau  du 
pouvoir,  une  sécurité  ou  un  avantage.  C'est  un  égoïsme  très  mes- 
quin, souvent  à  peine  dissimulé  sous  l'apparence  de  préoccupations 
plus  hautes.  »  (Introd.,  p.  xxv.) 

Le  roi,  sans  argent,  sans  soldats,  est  obligé  de  céder  sur  tous  les 
points.  Catherine  laisse  Epernay  le  20  juin;  et  après  de  nouvelles 
conférences  à  Nemours  avec  le  cardinal  de  Bourbon  elle  met,  le 
7  juillet,  sa  signature  au  bas  du  traité  qui,  promulgué  le  18  juillet, 
consacre  la  ruine  de  toutes  les  libertés  accordées  par  les  édits  pré- 
cédents aux  réformés,  tandis  qu'il  donne  au  duc  de  Guise  les  pou- 
voirs militaires  les  plus  étendus  ;  désormais,  suivant  le  mot  de  l'Es- 
toile,  «  le  roi  est  à  pied  et  la  Ligue  à  cheval  ». 

Henri  de  Navarre  proteste  contre  le  traité  de  Nemours  par  le 
manifeste  du  2  août  1585.  Dès  lors  la  guerre  civile  ne  va  pas  tarder  à 
commencer;  c'est  en  vain  que  Catherine  s'épuisera  pendant  les  trois 
dernières  années  de  sa  vie  à  vouloir  réconcilier  les  partis. 

Comme  dans  les  volumes  précédents,  M.  Baguenaultde  Puchesse 
a  fait  suivre  ce  tome  VIII  de  la  correspondance  de  Catherine  de 


612  CHRONIQUE    LITTÉRAIRE. 

plusieurs  appendices,  en  particulier  d'un  itinéraire  de  Catherine  de 
Médicis  de  1582  à  1585. 

Des  tables  exactes  —  table  chronologique  des  lettres  de  Cathe- 
rine, —  table  des  personnes  à  qui  sont  adressées  les  lettres  de 
Catherine,  — ■  table  des  matières,  —  terminent  ce  volume  si  impor- 
tant pour  l'histoire  des  débuts  de  la  Ligue. 

H.  Patrv. 


à 


Chroniques  familiales  (Tournier  et  Jordan). 

Il  vient  de  paraître  deux  ouvrages  consacrés  à  deux  familles  hu- 
guenotes, qui  méritent  plus  qu'une  simple  mention.  —  Le  premier 
a  été  laborieusement  compilé  par  M.  Gaston  Tournier,  de  Mazamet. 
Il  est  intitulé  Souvenirs  de  famille,  notices  biographiques,  accompa- 
gnées de  généalogies,  1901,  et  se  compose  de  trois  volumes,  les  deux 
premiers  de  410  et  388  pages  in-12  et  le  troisième  de  25  planches 
généalogiques  grand  in-4°.  Ces  dernières  ont  été  imprimées  sur 
papier  de  Hollande  à  Mazamet;  les  deux  volumes,  également  sur 
papier  de  Hollande,  sortent  des  presses  genevoises  bien  connues 
de  J.-G.  Fick  auquel  ont  succédé  Maurice  Reymond  et  C. 

Déjà  cette  simple  nomenclature  bibliographique  donne  une  idée 
respectable  du  labeur,  de  la  patience,  de  l'esprit  de  recherche  de 
l'auteur,  qui  est  parvenu  à  retrouver  les  traces  de  tous  les  descen- 
dants de  Guillaume  Tournier,  marchand  au  Pont  de  l'Arn,  au 
xvi*  siècle.  Mais  il  faut  feuilleter  ces  volumes,  regarder  les  innom- 
brables planches  hors  texte  dont  ils  sont  ornés,  depuis  la  vue  de 
l'ancienne  maison  du  Pont  de  l'Arn,  berceau  de  la  famille,  jusqu'à 
celle  de  la  filature  du  gué  de  l'Arn,  qui  date  de  1898,  en  s'arrètant 
aux  jolis  portraits  représentant  tant  de  bourgeois  et  bourgeoises 
de  cette  famille  de  travailleurs,  pour  apprécier  à  sa  juste  valeur 
toute  la  somme  d'efforts' méticuleux  que  représente  un  pareil  ou- 
vrage. Non  seulement  tous  les  Tournier  de  cette  région  et  tous 
ceux  ([ui  leur  furent  apparentés  le  remercieront  de  les  avoir  fait 
revivre  dans  ces  souvenirs,  mais  tous  ceux  qu'intéresse  l'histoire 
encore  imparfaitement  connue  de  celte  classe  moyenne  qui  fut  la 
force  et  l'honneur  du  protestantisme  dans  notre  pays,  les  consulte- 
ront avec  plaisir  et  avec  fruit. 

On  peut  en  dire  autant  d'un  bel  in-quarto  de  162  pages,  plus  un 
tableau  généalogique,  également  illustré  de  24  planches  hors  texte. 
Il  a  été  consacré  par  un  descendant  de  réfugiés,  Gustav  von  Jordan, 
aujourd'hui  à  Strasbourg,  à  ses  ancêtres  originaires  de  la  vallée 


i 


CORRESPONDANCE  613 

dauphinoise  de  Pragela.  Parmi  eux  figure  une  suite  presque  inin- 
terrompue de  pasteurs  depuis  Guy  Jordan  qui  desservit  l'Église 
de  la  Molte-Chalançon  avant  la  Révocation  jusqu'à  Paul-Charles- 
Albert  Jordan  qui  mourut  en  1867  pasteur  de  Marienthal  en  Pomé- 
ranie.  11  y  a  là,  comme  bien  on  pense,  une  quantité  considérable  de 
renseignements  précis,  surtout  sur  les  familles  du  Refuge  alle- 
mand, rendus  accessibles  à  tous,  ainsi  que  ceux  de  la  famille  Tour- 
nier,  par  un  index  très  complet,  renvoyant  à  un  classement  extrê- 
mement précis  et  ingénieux  ^ 

Des  livres  comme  ceux-ci  prouvent  qu'il  y  a  encore  des  bénédic- 
tins parmi  nous  et  que  la  vénération  des  pères  n'est  pas  éteinte  dans 
le  cœur  de  tous  les  enfants.  Nous  ne  saurions  faire  mieux  que  de 
proposer  l'exemple  ae  MM.  G.  Tournier  et  G.  von  Jordan  à  tous 
ceux  qui  pourraient  s'en  inspirer.  11  est  temps  encore  de  recueillir 
les  traces  de  beaucoup  de  ceux  qui  luttèrent  avant  nous  pour  la  vie 
matérielle  et  morale.  Mais  les  plus  anciennes  de  ces  traces  dispa- 
raissent tous  les  jours  et  il  n"est  que  temps  de  les  sauver  de  l'oubli. 

N.  W. 


CORRESPONDANCE 


Parmi  les  Po«iitions  de  tbèses  sontennes  par  les  élèves  de  l'École 
des  Cbartes  pour  i»o9,  nous  remarquons  celles  de  M.  Augustin 
Cochin  sur  Le  Conseil  et  les  Reformés,  de  1652  à  1658. 

Inscription  bagaenoto.  lianteis.  —  M.  Paul  de  Berthou,  dans  un 
Compte  rendu  d'une  excursion  au  Château  de  Nantes  {Bull,  de  la  soc. 
archéol.  de  Nantes,  t.  42,  1001,  p.  7),  écrit  : 

«  ...Dans  l'épaisseur  d'une  fenêtre  de  la  grosse  tour  des  Jacobins, 
<(  des  prisonniers  huguenots  ont  gravé,  vers  la  fin  du  xvi^  siècle, 
«  toute  une  série  de  petits  temples  grecs,  assez  habilement  exécutés, 
K  tous  du  même  type,  avec  colonnes  et  fronton  triangulaire.  Sur 
«  l'un  d'eux  l'on  peut  lire  CALVINO.  La  salle  où  se  trouve  cette 
«  fenêtre  serf  de  cuisine  à  la  cantinière  de  la  garnison  du  château...  » 

1.  Chronik  der  Familie  Jordan  {Deutsche  Buch  itnd  Kunstdruckerei,  G. 
m.  b.  H.  Zossen,  Berlin]. 


614  CORRESPONDANCE 

Un  de  nos  lecteurs  de  Nantes  voudra  peut-être,  contrôler,  photo- 
graphier, ...et  au  besoin  rectifier  cette  petite  découverte. 

H.  D. 

Quelques  noms  de  pasteurs  du  XVIl"  siècle.  —  Nous  avons  déjà 
puisé  divers  renseignements  dans  les  archives  du  château  de  Gou- 
lard,  près  Sainte-Foy-la-Grande.  Si  l'on  s'y  trouve  constamment  en 
société  huguenote,  néanmoins,  il  est  rarement  question  de  pasteurs. 
Nous  avons  mentionné  d'autre  part  Arnaud  Phelipot.  Cf.  ci-dessus  un 
compte  d'apothicaire  du  temps  de  Molière.  Voici,  en  outre,  «  Fran- 
çoise Hespérien,  damoiselle,  vefve  de  feu  maistre  Jean  Constantin, 
ministre  de  la  ParoUe  de  Dieu  quand  vivoit  »  —  je  ne  sais  où  ni 
quand.  Elle  avait,  près  de  Saint-André  de  Cabeauze,  une  propriété, 
séparée  de  celle  de  Jean  Vidal,  bourgeois  et  marchand  à  Sainte- 
Foy*,  par  un  chemin  où  celui-ci  prétendait  avoir  le  droit  de  passer 
«  avecq  beouf  {sic)  et  charrette  à  pied  et  cheval  »,  ce  que  lui  con- 
testait l'honorable  veuve;  d'où,  procès  le  14  novembre  1643. 

Un  peu  plus  tard,  l'Église  des  Lèves  (aujourd'hui  des  Bouhets, 
hameau  de  cette  commune  où  se  trouve  le  temple)  était  desservie 
par  Etienne  Rigaud.  Le  rôle  des  tailles  pour  1667  nous  apprend 
qu'il  possédait  13  journaux  et  quart  de  terres  (un  peu  moins  de  six 
hectares),  pour  lesquelles  il  payait  11  livres  6  sols.  Elles  étaient 
plantées  de  vignes;  en  1675,  il  vendit  50  pièces  de  vin,  et  encaissa 
de  ce  chef  675  livres,  somme  assez  rondelette  pour  l'époque.  De 
nombreux  indices  tendraient  à  faire  supposer  qu'à  cette  époque, 
les  habitants  de  la  communauté  des  Lèves  étaient  en  très  grande 
majorité,  protestants.  Le  culte  réformé  se  célébrait,  dit-on,  dans 
l'église  catholique  ;  je  ne  sais  ce  qu'il  y  a  de  vrai  dans  cette  tradi- 
tion, ni  à  quelle  époque  elle  se  rapporte.  Il  est  certain,  dans  tous 
les  cas,  qu'il  y  avait  un  curé  aux  Lèves  à  partir  de  1672;  rien  ne  peut 
faire  supposer  que  les  registres  paroissiaux,  qui  datent  de  celte 
époque,  n'aient  pas  été  précédés  d'autres  registres,  aujourd'hui 
perdus.  Il  n'y  a  pas,  aux  archives  de  la  commune  des  Lèves-Thou- 
meyragues,  de  pièces  relatives  à  l'Église  protestante  du  lieu,  et  il  ne 

faut  pas  en  être  surpris. 

Henry  Lehr. 

tm  ancien  cimetière  protestant  à  St-André-et-Apelle.  —  Comme 

son  nom  l'indique,  la  commune  de  St-André-et-Apelle  (canton  de 
Ste-Foy-la-Grande)  a  été  constituée  par  la  réunion  de  deux  anciennes 

1.  Et  huguenot. 


CORRESPONDANCE  615 

paroisses.  La  mairie  est  à  St-André;  mais  il  y  a  deux  églises  et  deux 
cimetières.  Comme  celui  de  St-André  était  à  côté  de  l'église,  et 
englobé,  par  conséquent,  dans  les  habitations,  il  a  été  désaffecté, 
et  celui  qu'on  lui  a  substitué  n'est  autre  que  l'ancien  cimetière  pro- 
testant, ainsi  que  le  démontre  clairement  l'extrait  suivant  du  registre 
de  «  tennement  des  terres  »  *  : 

«  La  seconde  prise  du  tennement  du  Malle  consistant  en  maisons 
et  terre  labourable  dans  lequel  est  un  ancien  cimetière  servant  au- 
trefois pour  ceux  de  la  Religion  prétendue  réformée,  confronte  du 
levant  au  chemin  qui  va  de  Chatarnaud  à  la  Croix  Guignarde,  midy 
à  un  autre  chemin  qui  part  du  susd.  et  descend  au  Ralle  passant 
proche  les  maisons  du  Malle,  couchant  au  chemin  qui  part  du  susd. 
et  va  vers  Léglise  de  S'-André,  Nord  à  un  autre  chemin  qui  des- 
cend du  premier  chemin,  confronte  au  cimetière  qui  joint  lad. 
église,  contenant,  etc. 

Suivent  les  possesseurs,  etc. 

«  Le  cimetière  de  ceux  de  la  Religion  prétendue  Réformée  à  pré- 
sent de  cette  parroisse,  scitué  aud.  bourg,  présent  tennement  con- 
fronte du  Levant  au  s""  Ruffe,  midy  au  s'  Cartier,  couchant  à  Pierre 
Fourneau,  nord  à  un  chemin  moitié  compris,  contenant  45  escas.  » 

Quarante-cinq  escas  font  environ  27  ares.  Celte  dimension  suffi- 
rait à  démontrer  quelle  place  les  huguenots  occupaient  dans  le 
pays. 

Le  cimetière  a  conservé  son  ancienne  enceinte  et  son  ancienne 
porte.  Celle-ci  s'arrondissait  autrefois  en  cintre.  Mais  les  claveaux 
ne  tenaient  plus,  de  sorte  qu'on  les  a  enlevés,  sans  toutefois  faire 
disparaître  les  preuves  irrécusables  de  leur  existence. 

Il  ne  semble  pas  qu'il  ait  subsisté  des  traces  des  anciennes  sépul- 
tures huguenotes.  Tout  au  plus  pourrait-on  attribuer  au  xvii'' siècle 
une  dalle  funéraire  d'une  incontestable  antiquité,  dont  toute  inscrip- 
tion a  totalement  disparu;  mais  l'hypothèse  serait  assez  hasardée. 

Henry  Lehr. 

La  devise  :  Sola  fides  sufficit.  —  Cette  devise  a  été  employée  anté- 
rieurement à  la  Réforme.  La  vignette  ci-contre,  que  nous  emprun- 
tons à  un  catalogue  de  M.  F.  Baumgartner,  libraire  à  Genève  est 

1.  Ce  registre,  qui  n'est  pas  daté,  doit  être  vieux  de  deux  siècles  envi- 
ron, au  maximum. 


616  COHRESPONDANCE 

la  marque  du  libraire  Guy  Marchand  de  Paris.  Elle  figure  sur  une 
édition  latine  d'Isidore  de  Séville,  datée  de  1493.  C'est  une  sorte  de 
rébus  que  les  initiés  déchiffraient  assez  facilement  :  une  portée  de 
musique  en  clef  de /a  donne  les  notes  sol  la.  A  côté,  le  mot  Fides 
sur  Ficit.  Plus  bas,  pour  compléter  l'explication,  une  «  foy  »  c'est- 
à-dire  deux  mains  jointes.  Au  milieu  de  la  vignette  un  écu  représente 


une  Bible  ouverte  accompagnée  de  trois  étoiles,  et  dans  la  partie 
inférieure,  on  voit  un  atelier  de  cordonnerie. 

Le  même  emblème  figurait  sur  la  marque  de  Pierre  Jacobi  prêtre 
et  imprimeur  à  Saint-Nicolas-du-Port  en  Lorraine  (1503-1521)  dont 
l'atelier  disparut  à  la  suite  des  mesures  répressives  prises  par  le 
duc  Antoine  du  Lorraine  contre  l'hérésie  luthérienne  et  la  propaga- 
tion des  livres  imprimés.  H.  D. 


Le  Gérant  :  Fischbacher. 


6H7.  —  L.-Imprimeries  réunies,  B,  rue  Saint-Benoît>  7.  —  Motteroz,  directeur. 


SOCIÉTÉ    DE   L'HISTOIRE 


DU 


PROTESTANTISME    FRANÇAIS 


A  nos  lecteurs. 

Cette  livraison  est  la  dernière  du  cinquantième  volume  de  ce 
Bulletin.  Je  me  suis  efforcé  d'y  faire  entrer  tout  ce  qui  pouvait 
compléter  ou  corriger  le  contenu  des  livraisons  antérieures.  On  sait 
que  ce  volume,  qui  renferme  le  compte  rendu  du  Jubilé  de  notre 
Société,  sera  compris  dans  la  Table  générale  de  notre  publication. 
Le  travail  de  refonte  de  cette  Table,  entrepris  il  y  a  un  peu  plus 
d'un  an,  est  très  avancé.  Le  dépouillement  des  quarante  premiers 
volumes  est  actuellement  sur  fiches  et  il  reste  à  en  coordonner  les 
résultats  avec  ceux  des  tables  des  tomes  XLI  à  Ll,  pour  pouvoir 
commencer  l'impression.  Quand  elle  sera  terminée,  ces  tomes  I  à 
Ll  formeront  un  tout  bien  complet  et  facile  à  consulter. 

II  nous  a  semblé  que  nous  devions  inaugurer  le  deuxième  cin- 
quantenaire de  notre  Société  par  un  périodique  quelque  peu  renou- 
velé. Nous  conserverons  au  Bulletin  de  1903  le  titre  et  le  format 
dont  tout  le  monde  a  paru  désirer  le  maintien;  mais  il  inau- 
gurera une  série  nouvelle  qui  paraîtra  désormais,  comme  la 
plupart  des  revues  similaii'es,  tous  les  deux  mois  (20  janvier, 
20  mars,  etc.).  Cette  modification  nous  permettra  de  donner  des 
articles  moins  morcelés,  de  publier,  le  cas  échéant,  des  études 
d'une  certaine  étendue  et  probablement  d'ajouter  à  la  dernière 
livraison  la  table  de  l'année  courante.  Nous  nous  proposons  aussi  de 
développer  la  partie  bibliographique  en  renseignant  plus  complète- 
ment nos  lecteurs  sur  tout  ce  qui  paraît  et  touche  à  notre  sujet  et 
de  multiplier  les  documents  graphiques,  les  illustrations,  si  utiles 
en  matière  dhisloire. 

Nous  pouvons  annoncer,  dès  aujourd'hui,  une  série  d'études  ou 
1902.  —  N-  12,  Décembre.  Ll.  —  'i3 


61  s  A   NOS    LECTEURS 

de  documents  absolument  inédits  sur  Jean  du  Bellay,  les  protes- 
tants et  la  Sorbonne,  de  1530  à  1535  (V.-L.  Bourrilly  et  N.  Weiss); 

—  L'Église  romaine  et  les  enfants  illégitimes,  protestants  et  israélites, 
en  Alsace  au  XVIIP  siècle  (Rod.  Reuss);  —  La  réaction  catholique 
à  Orléans  après  la  première  guerre  de  religion  (P.  de  Félice);  — 
Cent  cadavres  de  huguenots  traînés  sur  la  claie,  1685-1725  (H.Gélin); 

—  Un  mariageur  à  Vépoquê  du  Désert  et  le  Prosélytisme  protestant 
au  XVIII'  siècle  (E.  Bonifas);  —  La  capture  d'Etienne  Dolet;  — 
Bernard  Palissy  pendant  la  Ligue;  —  L'Histoire  de  M.  G.  Chenu 
de  Chale^ac;  —  Montauban  en  1773  (N.  W.),  etc.,  etc. 

Enfin,  le  Comité  a  décidé  de  faire  de  nouveaux  sacrifices  pour 
rendre  ce  recueil  plus  accessible  à  certaines  bourses.  A  partir  de 
1903,  les  pasteurs  des  départements,  les  instituteurs,  évangélistes, 
missionnaires  et  étudiants  pourront  s'y  abonner  au  prix  réduit  de 
six  francs.  En  dehors  de  ces  catégories,  le  prix  de  l'abonnement  est 
fixé  à  10  francs  pour  la  France,  les  colonies,  l'Alsace,  la  Lorraine 
et  la  Suisse;  —  12  fr.  pour  l'étranger;  —  10  francs  pour  les  pas- 
leurs  de  Paris  et  pour  ceux  de  l'étranger. 

Que  nos  amis  fassent  un  effort  pour  que  notre  histoire  pénètre 
à  où  elle  est  encore  inconnue  ou  méconnue  et  contribuent  ainsi  à 
l'affranchissement  intellectuel  et  moral  de  leur  patrie  ! 

Pour  le  Comité, 

N.  Weiss,  secrétaire. 


Études  historiques 


L'ÉGLISE   RÉFORMÉE   DE  REVEL  AU  XVIP   SIÈCLE 


L'assassinat  d'Henry  III,  en  appelant  au  trône  le  roi  de 
Navarre,  suspendit  le  cours  de  la  guerre  civile  dans  la  plaine 
de  Revel,  toutes  les  villes  catholiques  des  environs  s'élant 
hâtées  de  faire  leur  soumission  au  duc  de  Montmorency.  Les 
protestants  profitèrent  de  ce  moment  de  repos  pour  con- 
struire un  temple  où  ils  pussent  célébrer  le  service  divin;  ils 
employèrent  à  cette  construction  une  partie  des  matériaux  de 
l'église  des  Dominicains  qu'ils  se  décidèrent  seulement  alors 
à  démolir,  comme  le  restant  du  couvent  l'avait  été  précédem- 
ment. Ce  temple  était  situé  dans  le  milieu  du  couvert  haut-, 
il  avait  à  peu  près  dix  cannes  et  demi  de  largeur,  s'étendant 
de  la  maison  des  MM.  Faure^  à  celle  de  M.  Gasc,  et  environ 
quinze  cannes  de  profondeur,  comprenant  une  grande  partie 
du  jardin  de  M.  Pelissier  et  le  corps  de  logis  du  milieu  de  la 


1.  F^evel  est  une  petite  ville  de  la  Ilaule-Garonne,  sur  les  ronfins  du 
Tarn  et  de  la  Montagne  Noire,  qui  a  joué  un  certain  rôle  dans  l'histoire 
religieuse  de  cette  partie  de  la  France  méridionale.  M.  Pierre-Antoine 
Barrau,  décédé  à  lîevel  le  2i  mai  1865,  a  laissé  un  im|)ortant  manuscrit 
concernant  l'histoire  de  cette  ville  ;  écrit  avec  soin  et  compétence  vers 
iiSûo,  ce  travail  n'a  jamais  été  imprimé;  M.  Barrau  avait  passé  de  longues 
années  à  l'écrire,  après  avoir  classé  et  mis  en  ordre  les  archives  munici- 
pales et  après  avoir  pris  connaissance  de  nombreux  documents  inédits 
disséminés  chez  les  anciennes  familles  protestantes  de  la  région. 

Nous  donnons  ici  les  extraits  de  ce  manuscrit  qui  concernent  tout  ce  (|ui 
touche  à  la  vie  intérieure  de  l'Eglise  de  Revel  et  à  sa  destruction  au 
moment  de  la  Révocation.  Nous  tenons  à  adresser  nos  lemerciements  au 
neveu  de  l'auteur,  M.  Louis  Barrau,  qui  a  bien  voulu  nous  autoriser  à 
copier  le  manuscrit  en  vue  de  l'impression.  G.  Touhnikr. 

2.  On  appelle  ainsi  les  façades  de  la  place  de  Revel,  entourée  de  lous 
côtés  de  galeries  ou  couverts.  (G.  T.) 

3.  Appartenant  aujourd'hui  à  .M.  Antoine  liodiiM';  on  distingue  encore 
parfaitement  une  des  murailles  latérales  de  l'ancien  temple,  percée  de  deux 
fenêtres  cintrées.  (G.  T.) 


*")20  ÉTUDES    HISTOHIQUES 

maison  jusqu'au  puits.  La  porfe  qui  y  conduisait  se  voit 
encore  à  la  boutique  de  M.  Pelissier;  on  y  lisait  encore  avant 
la  Révolution,  avec  le  chiffre  de  1590,  époque  de  la  construc- 
tion de  cet  édifice,  les  deux  vers  suivants  qui  en  marquaient 
la  destination  : 

Qui  veut  savoir  quelle  est  cette  maison? 
C'est  du  grand  Dieu  la  maison  d'oraison. 

Cette  inscription  avait  échappé  au  zèle  fanatique  des  auto- 
rités chargées  de  Texécution  de  l'édit  qui  révoqua  celui  de 
Nantes,  mais  le  vandalisme  révolutionnaire  de  1793  la  fit  dis- 
paraître. 

Les    Dominicains    rentrèrent    en    1602    à   Revel   d'où   ils 
avaient  été  chassés  en  1576.  Ces  religieux  ne  revinrent  qu'au 
nombre   de    cinq;    ils    trouvèrent    leur   couvent  démoli,   la 
plupart  de  leurs  fondations  abolies  et  leurs  biens  usurpés. 
Ils  se  logèrent  dans  quelques  petites  maisons  mal  bâties, 
situées   au  midi  de   leur   église  jusqu'au  coin    du    couvert 
bas,  maisons  qui,  quoique  faisant  partie  de  l'enclos  de  leur 
couvent,  n'avaient  pas  été  démolies  parce  qu'elles  avaient 
été   louées  à  certains  particuliers  des   mains   desquels   les 
religieux  les   retirèrent   alors.    Ils  y  vécurent  pauvrement, 
faisant    le   service   divin   dans    une  des   boutiques    de   ces 
maisons,  administrant  en  l'absence  du  curé  les  sacrements 
et  l'instruction  religieuse  au  peu   de  catholiques  que  ren- 
fermait alors   Revel.   Ils   firent    bâtir  une  petite  église  sur 
les  fondements  de  l'ancienne,  ainsi  qu'un  logement  sur  le 
couvert,  depuis  l'église  jusqu'à  la  maison  faisant  le  coin  au 
midi,  consistant  en  quatre  chambres  au  levant  sur  le  jardin 
et  quatre  autres  au  couchant  sur  la  place.  Le  soin  de  ces 
constructions  ne  les  absorba  pas  tellement  quMIs  ne  trou- 
vassent encore  le  temps  de  tracasser  les  habitants  qui  ne  fai- 
saient point  profession  de  catholicisme.  A  peine  rentrés,  ils 
avaient  fait  publier  un  monitoire,  aux  fins  de  recouvrer  l'ar- 
genterie de  leur  église  qui  leur  avait  été  enlevée  lors  des 
troubles  de  1.567,  c'est-à-dire  depuis  plus  de  trente-cinq  ans. 
IMus  tard,  ils  accablèrent  la  Chambre  de  l'Édit  de  plaintes  et 


ÉTUDES    HISTORIQUES  G21 

de  verbaux  pour  de  prétendues  injures  dont  ils  se  disaient  les 
victimes  de  la  part  des  prolestants. 

Les  protestants  de  Revel  obtempérèrent  à  toutes  les  réqui- 
sitions que  leur  fit  le  duc  de  Rohan  dans  l'intérêt  de  leur  parti. 
C'est  sur  ses  ordres  qu'ils  démolirent  l'église  paroissiale  c|ue 
les  catholiques  avaient  déjà  fait  rebâtir;  mais  une  opération 
pour  laquelle  ils  n'eurent  certes  pas  besoin  de  recevoir  des 
ordres,  fut  la  destruction  de  tout  ce  que  les  frères  prêcheurs 
avaient  relevé  de  leur  couvent,  se  vengeant  ainsi  des  que- 
relles que  ces  religieux  leur  avaient  suscitées  depuis  leur 
entrée  dans  notre  ville.  La  maison  faisant  le  coin  vis-à-vis  la 
rue  de  Notre-Dame,  qui  n'avait  pas  été  retirée  des  mains  de 
son  enga^iste,  subit  cependant  le  sort  de  ce  qui  avaii  été 
construit  de  neuf.  La  seule  partie  épargnée  fut  une  salle  pla- 
cée sur  le  couvert,  au  nord  de  la  porte  de  l'ancienne  église, 
qui  avait  été  bâtie  par  les  iMM.  Ghauvet,  et  qui,  attenant  à  la 
maison  d'habitation  possédée  aujourd'hui  par  M.  Bordes,  était 
censée  en  faire  partie. 

Pendant  les  troubles  religieux  cjui  agitèrent  le  premier 
quart  du  xxn"  siècle,  les  Dominicains  n'avaient  pas  eu  leur 
domicile  fixe  dans  Revel;  ils  y  faisaient  seulement,  aux 
diverses  époques  de  pacification,  quelques  apparitions  pour 
veiller  à  leurs  intérêts.  Ils  n'y  rentrèrent  définitivement 
qu'avec  les  commissaires  du  roi  préposés  à  la  démolition  des 
fortifications  de  la  ville;  à  ce  moment,  leur  communauté 
réduite  à  une  extrême  pauvreté,  ne  compta  plus  que  les 
prieurs  et  un  ou  deux  frères;  ils  se  logèrent  d'abord  dans  une 
maison  qu'ils  achetèrent  à  la  rue  de  Toulouse  ou  du  Four, 
dans  laquelle  s'établit  le  club  patriotique  en  1793;  ils  firent 
journellement  le  service  divin  dans  la  salle  basse  de  cette 
maison,  mais,  à  cause  de  l'exiguité  du  local,  les  offices  du 
dimanche  se  célébrèrent  sous  la  halle  qui  est  au  milieu  de  la 
ville.  Bientôt  ces  religieux  se  plaignirent  d'être  troublés  par 
les  protestants  dans  l'exercice  de  leurs  fonctions,  et  obtinrent 
de  I\L  de  I>ellejambe,  intendant  du  Languedoc,  l'ordonnance 
du  10  juin  1633  faisant  défense  aux  réformés  de  se  servir  de 
la  cloche  de  l'hôtel  de  ville  pour  annoncer  l'heure  de  leiu- 
prêche;  ceux-ci  ne  tinrent  nul  compte  de  ces  ordres,  de  là 


G22  ETUDES    HISTORIQUES 

nouvelle  plainte  des  moines  qui  accusèrent  en  outre  les  pro- 
testants d^avoir  dansé  sous  la  halle  au  moment  où  les  catho- 
liques y  entendaient  le  sermon;  une  seconde  ordonnance  fut 
rendue  à  ce  sujet  par  l'intendant  sous  la  date  du  14  juillet; 
elle  réitérait  aux  protestants  la  défense  de  se  servir  de  la 
cloche  de  l'hôtel  de  ville  pour  leur  usage  religieux,  et  portait 
en  outre  assignation  personnelle  contre  Jean  Barrau, 
deuxième  consul  protestant^  qui  avait  donné  Tordre  de  son- 
ner cette  cloche  malgré  la  première  ordonnance. 

Ces  tracasseries  ne  furent  pas  les  seules  que  les  protes- 
tants eurent  à  éprouver;  les  frères  prêcheurs  les  attaquèrent 
devant  les  tribunaux  pour  qu'ils  eussent  à  faire  réédifier  à 
leurs  dépens  toute  la  partie  de  leur  couvent  qui  avait  été  dé- 
molie en  1621  et,  provisoirement,  jusqu'à  ce  que  la  réparation 
en  eut  été  achevée,  à  leur  fournir  un  logement  convenable. 
Ces  religieux  triomphèrent  dans  leurs  attaques;  la  pecon- 
struction  de  leur  couvent  fut  ordonnée  aux  frais  de  la  ville 
qui  fut  en  outre  condamnée  à  pourvoir  en  attendant  à  leur 
logement;  on  loua  donc  pour  eux,  en  septembre  1633,  de 
M.  Gouttes,  la  maison  dite  de  la  tour  de  Landelle  pos- 
sédée aujourd'hui  par  M.  Pierre  Sarrat  à  la  rue  Saint-An- 
toine, et  où  existait  naguère  une  tour  assez  élevée.  Ils 
quittèrent  ce  logement  en  avril  1638  pour  aller  s'établir  dans 
la  maison  de  M.  Ghauvet,  attenante  à  leur  ancienne 
église;  dans  cet  intervalle,  les  consuls  protestants,  pour  se 
conformer  aux  arrêts  de  condamnation  obtenus  contre  eux 
firent  procéder  à  la  construction  du  couvent  :  on  établit  alors, 
pour  couvrir  une  partie  de  la  dépense  qu'elle  occasionna  un 
impôt  de  six  deniers  par  livre  carnassière  de  quarante-huit 
onces  sur  la  chair  fraîche  de  pourceau  vendue  à  la  place, 
droit  qui  s^est  maintenu  jusqu'à  la  Révolution.  Les  consuls 
purent  enfin  livrer  aux  dominicains  en  avril  1643  une  habita- 
tion commode  dans  leur  couvent,  consistant  en  une  église 
sur  l'emplacement  de  laquelle  MM.  Pons  et  Pinel  avaient 
il  y  a  peu  de  temps  le  manège  et  la  paquerie  de  leur  minote- 
rie, en  un  réfectoire,  deux  chambres  sur  le  jardin,  et  deux 
autres  sur  la  place,  celles-ci  soutenues  par  des  arceaux  en 
briques,  dont  une  partie  s'écroula  en  1806;  les  moines  se  hâ- 


ÉTUDES    HISTORIQUES  (j'2'i 

tèrenl  de  se  transporter  dans  le  nouveau  logement;  ils  inten- 
tèrent alors  à  M.  Chauvet  un  long  procès  pour  retirer 
de  ses  mains  la  salle  qui  avait  été  bâtie  sur  le  couvert  par 
ses  devanciers,  et  obtinrent  en  1649  gain  de  cause  à  la  charge 
de  rembourser  à  leur  partie  adverse  le  prix  de  cette  construc- 
tion; cette  chambre,  qui  touchait  la  maison  Bordes,  n'était 
encore  en  1821,  lors  de  sa  démolition,  supportée  que  par  des 
pieds-droits  en  chêne,  comme  Test  encore  celle-ci. 

Les  religieux  une  fois  installés  dans  leur  couvent  en  conti- 
nuèrent peu  à  peu  la  reconstruction;  en  1676  et  1677,  ils 
s'agrandirent  de  deux  chambres  de  plus  sur  le  jardin  ;  en 
1681  et  1682,  ils  achevèrent  de  construire  la  partie  placée  sur 
le  couvert  jusqu'au  coin  de  la  rue  Notre-Dame;  enfin  en  1702, 
ils  donnèrent  à  rente  aux  particuUers  qui  possédaient  les 
maisons  de  la  rue  de  Sorèze  à  partir  de  ce  qui  constitue  au- 
jourd'hui le  collège,  la  portion  de  leur  jardin  correspondant 
à  ces  maisons,  et  le  couvent  resta  dès  lors  tel  qu'il  était 
lorsque  la  révolution  éclata;  MM.  Bermond,  Assié  et 
Lacombe*  en  devinrent  alors  adjudicataires  et  en  jouirent 
pendant  une  trentaine  d'années. 

II 

En  1639,  les  consuls  de  Revcl  firent  boucher  quelques 
brèches  qui  existaient  au  mur  d'enceinte  de  la  ville,  pour 
n'en  permettre  l'entrée  que  par  les  portes,  afin  de  rendre 
plus  facile  l'action  de  la  police  contre  les  voleurs  et  gens  sans 
aveu.  Celte  sage  mesure  fut  représentée  par  l'esprit  de  parti 
comme  une  infraction  aux  derniers  édits  de  pacification  qui 
défendaient  de  réparer  les  fortifications  des  villes  protestantes, 
et  dénoncée  en  conséquence  au  Parlement  de  Toulouse. 
Cette  cour  délégua  deux  de  ses  conseillers  pour  venir  sur  les 
lieux  prendre  connaissance  de  ce  fait  dénaturé  parla  malveil- 
lance et  dont  ils  reconnurent  l'innocence. 

Nous  touchons  à  l'époque  de  la  Révocation  de  TÉdit  de 

1.  Apparlenant  tous  trois  à  de  vieilles  familles  bourgeoises  i)roleslantes 
de  lîevel,  éteintes  depuis  peu  (Cl.  T.). 


624  ÉTUUP.S    HISTORIQUES 

Nantes  et  nous  allons  mettre  sous  les  yeux  de  nos  lecteurs 
les  tracasseries  que  l'intolérance  religieuse  suscita  aux  réfor- 
més de  Revel.  Ainsi  nous  voyons  par  Tordonnance  de  col- 
location  de  M.  de  Basset  qu'il  avait  été  mis  à  la  charge 
des  habitants  non  catholiques  à  peu  près  le  quart  des  dettes 
de  la  communauté,  sans  les  exempter  de  payer  leur  quote- 
part  du  restant,  et  nous  sommes  persuadé  que  cette  divi- 
sion, qui  était  le  fait  de  l'administrateur  supérieur  de  la  pro- 
vince, fut  faite  avec  la  partialité  qui  signalait  tous  ses  actes 
lorsqu'il  s'agissait  des  réformés. 

C'est  ainsi  que  dès  l'année  1665  le  syndic  du  clergé  du  dio- 
cèse de  Lavaur  ayant  présenté  requête  aux  commissaires 
députés  pour  l'exécution  de  l'Édit  de  Nantes  contre  les  pro- 
testants de  Revel,  la  réponse  de  ces  commissaires  leur  fut 
aussi  peu  favorable  qu'on  pouvait  l'attendre  de  l'esprit  de 
persécution  qui  avait  présidé  à  cette  mesure.  Le  syndic  du 
clergé  demandait  que  la  porte  du  Temple  donnant  sous  le 
couvert  haut  fut  murée  et  l'inscription  qu'on  y  lisait  enlevée; 
les  inhumations  se  faisant  depuis  la  Réforme  dans  le  cimetière 
commun  qu'on  avait  à  cette  époque  divisé  en  deux  par  une 
haie,  le  syndic  en  réclamait  l'usage  exclusif  pour  les  catho- 
liques; il  demandait  la  restitution  de  la  cloche  de  l'hôtel  de 
ville  qui  était,  disait-il,  la  propriété  de  l'église  paroissiale; 
il  voulait  enlever  au  consistoire  les  dons  et  legs  qui  lui  étaient 
faits  et  les  transporter  à  l'hôpital,  le  consistoire  n'ayant  pas, 
d'après  lui,  qualité  pour  recevoir;  il  demandait  l'exclusion 
des  habitants  protestants  de  toute  participation  à  la  gestion 
des  revenus  des  pauvres,  et  enfin  qu'il  fut  fait  défense  aux 
bouchers  ou  hôtes  protestants  d'étaler  et  de  vendre  publi- 
quement de  la  viande  les  jours  auxquels  l'usage  en  est  inter- 
dit par  les  commandements  de  l'Eglise. 

D'après  la  décision  rendue  par  les  commissaires,  les  pro- 
testants durent  tenir  fermée  la  porte  du  temple  qui  donnait 
sous  le  couvert  haut  pendant  tout  le  temps  de  la  célébration 
du  service  divin  ;  ils  eurent  à  déguerpir  de  la  partie  du  cime- 
tière qu'ils  occupaient  depuis  la  Réforme  et  à  se  munir  à 
leurs  frais  d'un  terrain  pour  en  établir  un;  c'est  alors  qu'ils 
firent  l'achat  du  jardin  appartenant  naguère  à  la  famille  Bes- 


ÉTUDES     HISTORIOLES  625 

sières,  tout  près  de  la  porte  de  Castres,  où  ils  firent  leurs 
inhumations  jusqu'à  la  révocation  de  l'édit  de  Nantes.  Sur 
le  troisième  chef,  relatif  à  la  restitution  de  la  cloche,  il  fut 
ordonné  qu'elle  resterait  à  l'hôtel  de  ville  suivant  l'ordon- 
nance de  M.  de  Bellejambe  intendant  du  Languedoc,  et  la 
transaction  passée  à  ce  sujet;  sur  la  quatrième  demande 
concernant  les  dons  faits  au  consistoire^  les  commissaires  ne 
purent  s'accorder  et  rendirent  le  31  octobre  1665  leur  ordon- 
nance de  partage  :  Ils  établirent,  au  sujet  de  la  gestion  des 
revenus  des  pauvres,  que  les  bayles  et  auditeurs  des  comptes 
seraient  toujours  mi-partis,  mais  que  le  premier  serait  tou- 
jours catholique;  enfin  les  hôtes  et  bouchers  durent  se  con- 
former aux  prescriptions  de  Tarrêt  du  conseil  du  5  octobre 
1663  qui  interdisait  sous  peine  de  cent  livres  d'amende  l'éta- 
lage des  viandes  les  jours  où  l'usage  en  est  prohibé  par 
l'Église. 

Le  sort  du  calvinisme  était  cependant  décidé  dans  les 
conseils  de  Louis  XIV  :  retirer  l'une  après  l'autre  toutes  les 
concessions  portées  dans  l'éditde  Nantes,  frapper  les  Églises, 
interdire  les  ministres,  enlever  aux  réformés  la  participation 
aux  affaires  communales,  tels  étaient  les  précurseurs  de  la 
funeste  mesure  que  l'année  1685  vit  s'accomplir.  C'est  ainsi 
que  le  consulat  mi-parti  établi  à  Revel  depuis  1630  fut  aboli 
par  un  arrêt  du  Conseil  d'État  du  4  décembre  1679  d'après 
lequel  on  n'admit  dorénavant  dans  l'administration  de  la  ville 
que  des  catholiques  à  l'exclusion  des  protestants,  se  fondant 
sur  ce  que  ceux-ci,  ordinairement  plus  nombreux  aux  conseils 
de  ville,  y  faisaient  prendre  des  délibérations  contraires  au 
bien  de  l'État  et  de  la  religion  catholique. 

L'esprit  de  prosélytisme  qui  animait  alors  la  cour  avait 
gagné  la  province.  Alexandre  Devais,  riche  bourgeois  de 
Revel  qui  avait  été  dès  l'année  1666  premier  consul,  voulant 
contribuer  à  la  conversion  des  protestants,  y  fonda  en  1680 
une  mission  perpétuelle  qu'il  confia  aux  pères  de  la  doctrine 
chrétienne;  une  somme  de  vingt  mille  francs  payable  à  son 
décès,  mais  dont  il  consentit  à  servir  l'intérêt  jusqu'à  ce  jour, 
fut  par  lui  affectée  à  cet  usage,  de  même  que  celle  de  quinze 
cents  francs  qui  fut  payée  immédiatement  et  {|ui  était  destinée 


626  ÉTUDES    HISTORIQUES 

aux  premiers  frais  d'établissement  de  cette  mission.  Il  mit 
pour  condition  à  ces  dons  que  les  Doctrinaires  seraient  tenus 
de  faire  perpétuelle  résidence  à  Revel  pour  s'y  acquitter  du 
service  indiqué  dans  l'acte  de  fondation,  et  que  dans  le  cas 
où  ils  voudraient  quitter  la  ville,  cette  somme  de  vingt  et  un 
mille  cinq  cents  francs  ne  pourrait  être  transportée  à  nulle 
autre  maison  de  leur  ordre,  mais  serait  employée  en  œuvres 
pies  aux  choix  de  l'évêque  de  Lavaur. 

Depuis  les  guerres  de  religion  durant  lesquelles  on  avait 
démoli  la  maison  qui  servait  de  logement  au  recteur  et  aux 
autres  desservants  de  l'église  paroissiale  de  Revel,  ces  ecclé- 
siastiques étaient  logés  aux  frais  de  la  communauté  dans  des 
maisons  qu'elle  prenait  à  loyer;  mais  une  habitation  si  pré- 
caire convenait  peu  aux  recteurs  qui  s'étaient  succédés  dans 
la  direction  de  cette  Eglise  ;  depuis  1630,  ils  n'avaient  cessé 
de  réclamer  auprès  du  conseil  politique  l'achat  ou  la  cons- 
truction d'une  maison  presbytérale  ;  cette  demande,  sans  être 
formellement  rejetée,  n'avait  cependant  pas  encore  reçu  de 
solution  favorable  lors  de  la  chute  du  consulat  mi-parti  ; 
après  cette  mesure,  le  conseil,  exclusivement  composé  de 
catholiques,  satisfit  au  vœu  du  recteur  et,  par  acte  du 
29  octobre  1682,  acquit  de  M.  de  Saint-Etienne,  au  prix  de 
2,400  francs  le  presbytère  actuel  dont  la  destination  n'a  point 
changé  depuis  cette  époque. 

m 

L'heure  fatale  de  la  persécution  avait  sonné;  comme  on 
voulait  avoir  à  atteindre  par  la  révocation  de  l'éditde  Nantes 
le  moins  d'églises  possible,  on  avait,  sous  divers  prétextes, 
ordonné  la  démolition  des  temples  d'une  partie  du  royaume. 
Les  protestants  de  Revel  eurent  à  leur  tour  à  subir  cette  per- 
sécution ;  plusieurs  arrêts  du  conseil  avaient  défendu  aux  reli- 
gionnaires  qui  avaient  abjuré  l'hérésie  de  revenir  au  culte 
réformé,  sous  peine  des  galères  contre  eux,  de  démolition 
des  temples  où  ils  seraient  reçus  et  de  châtiments  contre  les 
ministres  officiants  ;  on  en  fit  l'application  contre  le  temple 
et  les  ministres  de  Revel;  nous  allons  transcrire  ici  mot  à 


ÉTUDES    HlSTOniQUES  027 

mot  quelques  notes  laissées  sur  ses  registres  par  M.  Rever- 
dy, notaire  et  premier  consul  prolestant  en  l'année  1G79,  lors 
de  la  suppression  du  consulat  mi-parti.  On  y  trouve  décrite 
la  procédure  qu'on  intenta  contre  T église  reformée  de  Revel 
et  la  manière  dont  l'édit  qui  révoquait  celui  de  Nantes 
fut  exécuté. 

«  La  Providence  divine  a  permis  qu'en  l'année  dernière  1684,  on 
a  démoli,  interdit  et  abattu  les  temples  des  villes  de  Castres,  Maza- 
met  et  Saint-Amans  et  à  cause  de  ce  les  fidèles  du  corps  de  ces 
Églises  sont  en  désolation. 

«  L'Église  de  Puylaurens  ayant  été  attaquée  en  la  personne  de  ses 
ministres  qui  sont  en  prévention  du  crime,  qu'on  les  accuse  d'avoir 
recule  nommé  Palmous  et  sa  femme  qui  sont  relaps  dans  le  temple; 
sur  le  décret  de  prise  de  corps  contre  eux  lancé  par  le  juge  dudit 
Puylaurens,  s'étant  remis  prisonniers  sur  la  fin  de  l'année  1684,  ils 
ont  été  détenus  jusqu'au  mois  de  mars  suivant,  et  par  sentence 
dudit  juge,  les  sieurs  Martel,  Pierre  Arbussy  etc.,  ministres,  ont 
été  condamnés  à  faire  amende  d'honneur  et  autres  peines,  et  l'exer- 
cice interdit  en  ladicte  Église,  et  le  temple  abattu.  De  cettb  sentence, 
il  y  a  eu  appel  au  Parlement,  et  à  cause  de  cette  affliction,  les 
fidèles  de  ladicte  Église  sont  dispersés  et  ont  fréquenté  nos  exercices 
et  autres  villes  voisines. 

«  Le  vendredy  16  mars  1685,  un  grand  nombre  de  fidèles  de  Puy- 
laurens sont  venus  en  cette  ville  pour  y  entendre  la  prédication  du 
matin  faite  par  M.  Lansguier,  ministre.  Sur  la  nouvelle  qu'on  avait 
d'intenter  procès  et  accusation  contre  notre  Église  pour  le  même 
fait  que  dessus,  le  juge  de  Puylaurens  en  ayant  informé,  il  y  a  eu 
ledit  jour  prière  à  deux  heures  faite  par  M.  Quinquiry,  ministre; 
notre  Église  se  voyant  dans  l'épreuve,  a  demandé  par  prière  et 
humiliation  à  Dieu  sa  grâce,  et  avec  beaucoup  de  fidèles  de  Puy- 
laurens a  continué  ses  prières  le  samedy  17  dudit  par  M.  Quinquiry 
à  deux  actions  soir  et  matin. 

«  Le  dimanche  18  dudit,  nous  avons  célébré  en  notre  Église  la 
Sainte-Cène  du  Seigneur,  pour  lui  demander  sa  miséricorde,  grâce 
et  consolation  dans  les  épreuves  que  nous  sommes.  Il  a  été  parti- 
cipé à  ce  saint  sacrement  par  une  grande  assemblée  do  fidèles 
extraordinairement  assemblés  :  il  a  paru  grand  zèle,  dévotion  et 
charité  à  tous  les  chrétiens  par  les  sanglots  et  les  larmes  qu'ils  ont 
rendus. 

«  Nos  prières  ont  continué  le  lundy  el  lomardy  que  nos  ministres 


628  ÉTUDES    HISTORIQUES 

ont  fait  deux  exercices  par  jour  avec  grand  nombre  d'âmes  fidèles 
jusqu'au  mercredy  21  dudil  mois  au  prêche  du  matin  par  M.  Lans- 
guier  qu'à  l'issue  on  a  signifié  un  décret  de  prise  de  corps  rendu 
contre  lui,  ledit  sieur  Quinquiry,  et  le  ministre  de  Sorèze,  et  autres 
lieux,  par  le  juge  de  Puylaurens  :  on  les  a  assignés  au  15  prochain. 

«  Le  même  jour  M.  le  juge  criminel  de  Castelnaudarry  est  venu 
en  ville  avec  M.  le  procureur  du  roi,  greffier  et  huissier,  et  pour  le 
même  fait  ont  informé  et  fait  ouïr  les  sieurs  Castain,  Mat-Verdure, 
Gâches,  Laneyrier  et  Orliac  tapissier.  Il  a  décrété  les  ministres  de 
prise  de  corps  qui  leur  a  été  signifiée  le  même  jour  au  soir,  et  assi- 
gnation au  15  prochain  :  après  quoi  lesdits  sieurs  sont  allés  coucher 
à  Sorèze  où  ils  ont  fait  autre  procédure  contre  les  ministres  et  autres 
dudil  lieu. 

«  Lesdits  sieurs  Lansguier  et  Quinquiry  ministres  se  sont  rendus 
prisonniers  à  la  conciergerie  des  Hauts-murats  à  Toulouse  le  mai 
1685.  Depuis  le  10  ou  12  dudit  mois  on  a  interdit  et  décrété  plusieurs 
ministres  de  la  montagne  :  au  colloque  d'Albigeois  ne  reste  plus  que 
Angles  et  quelques  autres  lieux  où  l'exercice  a  été  continué  jusqu'au 
mois  d'août  dudit  an  que  nôtre  persécution  a  commencé  à  Montau- 
ban  par  de  faux-frères  qui  ont  abjuré  notre  religion,  et  par  la  force 
et  le  logement  des  gens  de  guerre  ont  contraint  la  plupart  des  habi- 
tans  de  ladite  ville  d'en  faire  de  même,  et  ensuite  à  toutes  les  villes 
et  lieux  dudit  pays  par  les  violences  que  les  gens  de  guerre  ont  faites, 
et  les  menaces  des  magistrats,  prélats  et  prêtres. 

«  Le  dimanche  14  octobre  1685  a  été  faite  une  assemblée  dans  la 
maison  de  ville  de  Revel  en  présence  de  Monseigneur  l'évêque  de 
Lavaur  pour  obliger  les  habitants  de  la  religion  réformée  de  faire 
abjuration  d'icelle,  dans  laquelle  assemblée  MM.  de  Tanus,  de  Illes, 
de  Portes  et  leurs  fils  et  plusieurs  habitants  ont  fait  leur  abjuration, 
et  ceux  qui  ont  refusé  ont  été  menacés  du  logement  des  gens  de 
guerre  pour  les  y  contraindre. 

«  Le  lundi  15  dudit  mois  à  trois  heures  après-midique  les  susdites 
gens  de  guerre  en  quatre  compagnies  du  régiment  de  Konismark 
allemand  sont  arrivés  en  cette  ville,  j'ai  été  contraint  avec  plusieurs 
autres  habitants  par  la  crainte  des  menaces  qu'on  faisait  d'aller  faire 
abjuration  de  ma  R.  P.  R.  devant  M.  Fresquet  curé  de  cette  ville 
tant  pour  moi  que  pour  ma  femme  et  mes  filles*.  Dieu  veuille  avoir 

1.  L'original  des  actes  d'abjuration  reçus  alors  par  M.  le  curé  existe 
encore  aux  archives  de  la  mairie  sur  un  des  registres  de  l'étal  civil  de 
cette  époque  mais  on  n'a  pas  retrouvé  l'acte  passé  la  veille  à  l'hôtel  de  ville 
devant  l'évêque  de  Lavaur  (note  de  M.  Barrau). 


r- 


MAlSO>    DU    NOTAlKt;    1U:VI:1U.Y. 


630  ÉTUDES    HISTORIQUES 

agréable  mon  action  et  me  faire  la  grâce  et  aux  miens  de  persévérer 
dans  les  sentiments  que  j'ai  de  suivre  les  enseignements  et  préceptes 
des  saints  prophètes  et  apôtres  et  m'inspirer  les  sentiments  de  vérité, 
sainteté  et  dévotion  chrétienne  pour  sa  gloire  et  pour  mon  salut  et 
de  ma  famille  dans  la  religion  catholique  apostolique  [et  non]  *  ro- 
maine que  nous  avons  embrassée. 

«  Le  19  dudit  moi  plusieurs  autres  avons  reçu  l'absolution  dudit 
sieur  curé  dans  l'église  paroissiale  sans  consolation  D.  S.  LJ. 

«  Le  roi  ayant  par  un  édit  du  mois  d'octobre  1685  supprimé  et 
révoqué  l'éditde  Nantes,  et  autres  édits,  déclarations  et  arrêts  donnés 
en  faveur  de  ses  sujets  faisant  profession  de  la  R.  P.  R.,  ensemble 
la  démolition  de  tous  les  temples  de  son  royaume,  et  que  tous  les 
ministres  en  sortiraient  dans  quinze  jours,  et  autres  choses,  ledit 
édit  enregistré  au  Parlement  de  Toulouse  le  24  dudit  mois. 

«  M.  de  Lamoignon  intendant  de  la  présente  province  aurait  rendu 
ordonnance  en  exécution  dudit  édit  qui  ordonne  la  démolition  du 
temple  de  cette  ville  le  novembre  audit  an,  qui  a  été  mandé  à 
M.  Fresquet  curé  de  cette  ville,  lequel  en  conséquence,  sans  aucune 
signification,  ayant  fait  venir  une  compagnie  du  régiment  de  Colis- 
mar  (Konismarc)  a  commencé  à  faire  travailler,  et  emporter  les  bancs 
dudit  temple,  et  ensuite  à  la  démolition  d'icelui,  et  emporter  tous  les 
matériaux  ou  bancs  et  les  chaises  chez  lui  ou  dans  l'église,  a  remisé 
le  bois  et  les  tuiles  dans  quelque  grange  le  dudit  mois  et  a  continué 
jusqu'au  18  dudit  mois. 

«  M.  Lansguier  et  Quinquiry  ministres  en  cette  ville  ont  été  élargis 
par  arrêt  du  parlement  de  25  janvier  1686  ou  environ  des  prisons  des 
hauts-murats,  pour,  suivant  ledit  arrêt,  sortir  du  royaume  et  M.  Lans- 
guier est  parti  de  Revel  le  4  février  1686  pour  Montpellier  demander 
son  passeport  à  Monseigneur  l'intendant  et  pour  sa  famille,  ensemble 
M.  Quinquiry,  parti  de  Caraman  le  même  jour. 

«  Il  y  a  eu  en  ville  quatre  docteurs  de  Sorbonne  à  Paris  par  ordre 
du  roi  pour  faire  la  mission  et  instruction  des  nouveaux-convertis; 
arrivés  le    janvier  1686  qui  y  ont  resté  jusqu'au  3  mai  suivant.  Tous 

1.  Les  deux  mois  hors  lij^ne  sont  ainsi  dans  l'original,  ils  sont  bien  de 
la  même  main,  mais  la  plume  eL  l'encre  avec  lesquelles  ils  ont  été  tracés 
ne  sont  pas  les  mêmes  que  celles  ([ui  ont  servi  pour  le  corps  de  récriture; 
ils  ont  été  certainement  écrits  après  coup.  (Id.) 

2.  Les  mots  soulignés  ici  ne  le  sont  pas  dans  l'original,  mais  ils  parais- 
sent aussi  avoir  été  écrits  après  coup  :  ils  sont  ainsi  que  ceux  qui  ont 
fait  le  sujet  de  la  note  précédente,  une  protestation  tacite  de  la  part  de 
leur  auteur  contre  son  aijjuralion,  malgré  laquelle  il  ne  persiste  pas  moins 
ainsi  que  sa  famille  dans  le  culte  réformé.  {Note  de  M.  Barrau.) 


ÉTUDES   HISTORIQUES  <î31 

les  nouveaux-convertis  de  cette  ville  ont  été  oblit^és  à  faire  leurs 
pâques  en  16S6  après  que  la  fête  fut  passée'. 

«  Le  9  mars  1687  Monseigneur  Févêque  de  Lavaur  étant  venu  en 
cette  ville  aujourd'hui  a  voulu  que  les  nouveaux-convertis  aient  fait 
leurs  pàques,  j'ai  confessé  avec  toute  la  famille  de  M.  le  curé  et  le 
lundi  10  dudit  avons  communié  de  la  main  du  sieur  évèque  plus  de 
trois  cents  nouveaux-convertis,  hommes  ou  femmes  et  le  reste  com- 
munie demain  et  après-demain,  voulant  les  communier  tous  de  sa 
main*. 

IV 

Le  gouvernement,  qui  n'avait  point  recalé  devant  le  scan- 
dale de  ces  conversions  forcées,  ne  pouvait  ignorer  combien 

1.  Les  registres  des  délibérations  de  la  communauté  de  cette  année, 
nous  apprennent  qu'aux  moyens  de  persuasion  des  missionnaires  on  ajouta 
la  présence  d'un  détachement  du  régiment  de  Ivonismarc  qu'on  mit  en 
garnison  chez  les  nouveaux  convertis  pour  les  décider  à  s'acquitter  de 
leurs  devoirs  religieux.  (Id.) 

2.  Le  début  de  ce  passage  du  livre  de  raison  de  Reverdy  a  été  repro- 
duit par  M.  G.  Flabaud  dans  son  Histoire  du  Protestantisme  dans  l'Albi- 
geois et  le  Lauragais  (Tome  I,  pièces  justilicatives). 

Nous  trouvons  dans  le  même  registre  la  note  suivante  écrite  par  Reverdy 
lors  de  l'enlèvement  de  sa  fille  : 

«  Le  13  août  169'J,  il  me  fut  signifié  par  ordre  de  Monseigneur  l'Inten- 
dant du  Languedoc  par  Raflin,  huissier  de  Lavaur,  portant  que  ma  fille 
aînée  serait  remise  au  couvent  des  religieuses  de  Lavaur  pour  y  rester 
jusqu'à  nouvel  ordre;  ledit  ordre  est  daté  du  3  de  ce  mois  à  Carcassonne; 
il  fut  donné  en  blanc  et  a  été  remply  de  la  fille  aînée  de  M.  Durand,  de 
la  fille  aînée  de  M.  Dumas,  avocat,  de  la  lille  de  M.  Reberdy,  de  celle  de 
Mlle  de  Portes  et  de  M.  Blaquières,  de  Sorèze.  J'ai  mené  ma  fille  Marion 
audit  Lavaur  le  16  dudit,  qui  a  été  mise  audit  couvent.  Dieu  veuille  nous 
départir  ses  consolations  et  la  patience  pour  supporter  patiemment  la 
douleur  que  la  famille  soutire  de  ce  injuste  exil  et  qui  me  prive  du  secours 
de  ma  lille. 

«  Le  21  février  1700,  ma  fille  m'a  écrit  d'aller  à  Lavaur  pour  la  retirer 
du  couvent,  Mme  de  Mailly  le  luy  ayant  dit,  et  je  suis  jiarty  le  20  et 
revenu  avec  elle  le  27,  ayant  payé  pour  sa  pension  à  ladite  dame  77  1.  \\i  d. 
dont  elle  m'a  fait  quittance.  Dieu  soit  loué.  » 

Marie  Revei'dy,  rendue  à  la  liberté, épousa  Antoine  Maurel,  de  Revel,  et 
mourut  en  1725. 

Son  fils,  Jean-Jac(jues  Maurel,  apothicaire  fi  Revel,  épousa  le 
|y  décembre  1729  Marie  Larroque  de  Sorèze. 

Le  dernier  membre  de  la  famille  Reverdy  était  pharmacien  à  Hevel;  il 
était  catholi(|ue;  sa  lille  a  épousé  M.  Auriol,  notaire  à  lîcvel. 

lAincienne  maison  Iteverdy  existe  encore;  elle  est  située  à  l'angle  sud- 
ouest  de  la  place  principale  ;  voy.  p.  62'J.  (G.  T.) 


632  ÉTUDES   HISTORIQUES 

peu  elles  étaient  sincères;  il  affecta  cependant  de  les  prendre 
pour  telles  et  pendant  quelques  années  le  consulat  de  la  ville 
fut  indistinctement  occupé  par  d'anciens  catholiques  ou  des 
nouveaux  convertis,  non  que  l'on  donna  depuis  la  révoca- 
tion de  l'édit  de  Nantes  aux  protestants,  car  malgré  toutes 
les  rigueurs  qu'on  déploya  contre  eux  ils  revinrent  secrète- 
ment en  grande  partie  à  leurs  anciennes  croyances,  et  y  éle- 
vèrent leurs  enfants.  La  crainte  des  mauvais  traitements  en 
retint  cependant  une  partie,  le  prosélytisme  en  regagna 
quelques  autres  dans  le  siècle  suivant,  le  catholicisme  vit 
chaque  jour  le  nombre  de  ses  fidèles  s'accroitre  aux  dépens 
du  calvinisme,  de  manière  à  ce  que  celui-ci  ne  comptât  en 
1789,  cent  ans  après  la  révocation  de  l'édit  de  Nantes,  que  le 
neuvième  de  la  population  de  la  ville,  tandis  qu'à  la  susdite 
époque  il  en  comprenait  la  grande  majorité  des  habitants. 
Du  reste  les  conversions  seules  ne  contribuèrent  pas  à  dimi- 
nuer ce  nombre,  l'émigration  y  eut  aussi  part  :  plusieurs 
immeubles,  situés  dans  la  commune  de  Revel  ou  dans  celles 
environnantes,  abandonnés  par  des  religionnaires  expatriés 
et  donnés  par  le  roi  à  locaterie  perpétuelle,  attestent  que 
cette  émigration  atteignit  les  classes  aisées,  et  dès  lors  on 
peut  être  assuré  que  la  population  industrielle,  qui  avait 
moins  à  perdre,  ne  dut  pas  rester  étrangère  à  ce  mouvement, 
sûre  qu'elle  était  de  trouver  dans  les  pays  protestants  secours 
et  protection.  Peut-être  ce  fait  contribua-t-il  autant  que  la 
privation,  par  le  canal  du  midi,  de  l'eau  qui  traversait  notre 
ville,  à  la  chute  de  nombreux  ateliers  de  tannerie,  teinturerie 
et  d'ouvrages  en  laine  que  Revel  possédait  encore  dans  la 
première  moitié  du  xvu'  siècle. 

Les  doctrinaires,  qui  immédiatement  après  la  donation  à 
eux  faite  par  Alexandre  Devais  s'élaient  établis  à  Revel, 
virent  bientôt  après  augmenter  considérablement  leur  dota- 
tion par  la  mort  de  celui-ci  arrivée  en  1689.  Il  avait  institué 
pour  son  héritier  un  ecclésiastique  nommé  Danidan,  à  la 
réserve  de  quelques  legs;  soit  que  celte  institution  d'héritier 
ne  fut  qu'un  fidéicommis  en  faveur  des  doctrinaires,  ou  que 
réellement  il  ne  fut  guère  possible  de  réaliser  même  avec  une 
quantité  de  biens  considérable  la  somme  de  20,000  francs 


ÉTUDES   HISTORIQUES  ()33 

assurée  par  Devais  aux  doctrinaires,  Danidan  actionné  par 
eux  en  paiement  leur  abandonna  par  transaction  la  totalité 
de  la  succession,  se  réservant  seulement  la  moitié  des 
meubles,  effets  mobiliers  et  dettes,  laissant  aux  doctrinaires 
à  payer  à  la  veuve  de  leur  bienfaiteur,  sa  dot  et  le  legs  à  elle 
assigné  par  son  mari.  Ces  pères  devinrent  par  cet  acte  pro- 
priétaires des  métairies  d'en  Grouzet  et  des  Bourrilles  con- 
sulat de  Montgey,  de  la  métairie  de  Glouton  dans  le  consulat 
de  Revel,  paroisse  de  Vaure,  et  de  celle  del'Espérondansla 
paroisse  de  Vaudreuilhe.  Ils  vendirent  la  première  dont  une 
partie  du  prix  servit  à  satisfaire  la  veuve  de  Devais,  et  du  res- 
tant, et  de  ce  qu'ils  retirèrent  du  mobilier  partagé  avec  Dani- 
dan, ils  achetèrent  et  firent  construire  pour  l'accommoder  à 
sa  nouvelle  destination  la  maison  où  est  aujourd'hui  l'hôtel 
de  la  Lune  rue  Saint-Antoine,  et  dès  ce  moment  leur  ordre 
compta  dans  la  province  de  Toulouse  un  établissement  de 
plus. 

L'autorité  municipale  voulant  mettre  à  profit  la  présence 
des  pères  de  la  Doctrine  chrétienne  établis  à  Fîevel  par 
Alexandre  Devais,  traita  dès  la  fin  de  l'année  1715  avec  ces 
religieux  pour  qu'ils  chargeassent  deux  membres  de  leur 
congrégation  de  Pinslruction  de  la  jeunesse  de  la  ville  moyen- 
nant la  somme  de  100  écus  qui  devaient  être  payés  annuelle- 
ment à  leur  maison.  Il  est  à  présumer  par  l'exiguité  de  ces 
honoraires,  qu'une  délibération  de  l'année  suivante  éleva  à 
100  livres,  que  le  collège  qui  fut  alors  créé  ne  dut  jamais 
compter  plus  de  deux  professeurs  et  ne  put  par  conséquent 
être  dans  un  état  bien  florissant,  la  partie  de  la  population 
qui  n'avait  point  renoncé  au  calvinisme  se  refusant  d'ailleurs 
à  confier  l'éducation  de  ses  enfants  à  une  congrégation  reli- 
gieuse, quelle  que  fut  la  tolérance  qui  put  animer  ses 
membres. 

La  révocation  de  VEdW  de  Nantes  n'avait  j^as,  comme  on 
Pavait  espéré,  éteint  le  calvinisme  en  France;  en  vain  avait-on 
proclamé  l'exercice  d'une  seule  religion,  cette  fiction  s'était 
évanouie  devant  la  réalité.  Ainsi  que  nous  l'avons  déjà  dit, 
une  partie  des  protestants  était  revenue  à  la  foi  de  ses  pères 
et  avait  élevé  ses  enfants  dans  la  praticjue  du  culte  proscrit  ; 

LI.  —  '.'i 


634  DOCUMENTS 

le  gouvernement  avait  fait  semblant  de  ne  pas  s'en  aperce- 
voir, tout  en  n'admettant  aux  charges  consulaires  que  les 
vrais  calholiques;  les  nouveaux  convertis,  car  c'est  ainsi 
qu'on  désignait  les  protestants,  avaient  continué  à  siéger 
dans  les  conseils  municipaux.  Le  ministère  du  cardinal  Fleury 
apporta  un  changement  à  cet  état  de  choses;  ne  pouvant 
ramener  les  dissidents  à  l'unité  catholique,  il  voulut  leur 
interdire  l'exercice  de  toute  fonction  publique  :  par  une 
ordonnance  de  l'intendant  de  la  province  de  1731,  les  protes- 
tants de  Revel  furent  exclus  du  conseil  politique  comme  ils 

l'avaient  été  des  charges  de  consuls. 

P.  A.  Barrau*. 


Documents 


UNE  LETTRE  INÉDITE  DE  LOUIS  DE  BERQUIN 

(26  décembre  1526) 

Parmi  les  initiateurs  de  la  Réforme  française,  l'un  des  plus 
importants,  avec  Lefèvre  d'Étaples,  fut  Louis  de  Berquin". 
Tous  les  deux  furent  en  butte  à  la  haine  de  la  Sorbonne. 
Louis  de  Berquin  eut  à  trois  reprises  à  se  débattre  contre  les 
poursuites  de  la  Faculté  de  théologie  et  du  Parlement.  La 
première  fois,  en  1523,  Berquin  déféré  au  Parlement,  fut 
sauvé  par  l'intervention  directe  de  François  P""  :  on  ne  put 
brûler  que  ses  livres.  Durant  la  captivité  du  roi  en  Espagne, 
la  Faculté  crut  pouvoir  reprendre  avec  plus  de  succès  sa 
lutte  contre  Berquin,  qui  fut  de  nouveau  jeté  en  prison.  Le 
Parlement,  malgré  les  ordres  réitérés  de  la  régente,  du  roi 
lui-même  à  son  retour,  voulait  poursuivre  le  procès  du  réfor- 

i.  Il  n'existe,  croyons-nous,  sur  l'Église  de  Revel  qu'une  brochure  de 
42  pages  de  M.  le  pasteur  Vièles  :  Notice  historique  sur  l'Eglise  réfor- 
mée de  Revel.  —  Imprimerie  Lapeyre,  Revel,  1894.  (G.  T.) 

2.  Pour  la  biographie  de  Louis  de  Berquin,  voir  La  France  protestante, 
2»  éd.,  Il,  418-434,  et  Mél.  de  l'Éc.  franc,  de  Rome,  juillet  1892,  R.  Rol- 
land, le  dernier  procès  de  L.  de  Berquin  (1527-1529). 


DOCUMENTS  635 

mateur.  François  I*^""  irrité  s'en  prend  à  Béda  et  finalement 
fait  arracher  Berquin  de  la  Conciergerie  en  lui  assurant  pen- 
dant quelque  temps  un  refuge  au  Louvre.  La  troisième  affaire 
entamée  à  la  fin  de  1528,  se  termina,  comme  on  sait,  par  le 
supplice  de  Berquin  (17  avril  1529). 

C'est  au  second  procès  de  Berquin  que  se  rattache  la 
lettre  inédite  que  nous  publions  ci-dessous  et  qui  est  conser- 
vée au  Musée  Gondé  à  Chantilly,  dans  la  Correspondance 
adressée  à  Montmorency,  série  L,  volume  VIII,  f.  323.  Écrite 
du  château  du  Louvre^  elle  nous  montre  l'état  d'esprit  de  Ber- 
quin, désireux,  tout  de  suite  après  avoir  été  arraché  aux  griffes 
de  ses  ennemis,  de  prendre  sur  eux  sa  revanche  et  d'obtenir 
justice. 

Louis  de  Berquin  au  grand  maître,  Anne  de  Montmorency. 

Monseigneur,  cognoissanl  le  bon  vouloir  qu'avez  d'assister  à 
vérité,  combien  que  vous  me  ayez  desja  tant  obligiet  à  vous,  sy 
n'ay  je  crainct  de  me  rendre  encores  plus  obligiet,  vous  faisant 
requeste  qu'il  vous  plaise  eslre  moyen  que  je  puisse  obtenir  du  Roy 
relief  des  appellations  que  j'ay  faicl  à  luy  de  plusieurs  abbus  com- 
mis par  les  commissaires  du  Sainct-Père*  en  la  forme  et  procédure 
de  mon  procès,  affin,  monseigneur,  que  par  ce  moyen  ce  puisse 
adverer  la  meschanceté  de  ceulx  qui  veuUent  estre  réputés  sy  grans 
zélateurs  de  vérité  et  qui  sy  hardiment  jugent  de  la  foy  d'aulruy. 
J'espoire  qu'il  vous  a  pieu  voir  les  articles^  lesquelz  naguères  vous 
envoyay,  et  ne  se  trouvera  au  procez  une  lectre  davanlaige  qui  soit 

1.  Ces  «  juges  délégués  »  étaieat  André  \'erjus,  Jacques  de  la  Barde, 
conseillers  au  Parlement  et  Nicolas  Leclerc,  docteur  en  théologie  et  curé 
de  Saint-André-des-Arcs.  Voy.,  entre  autres,  le  préambule  de  la  sentence 
apostolique  qui  livra  Berquin  au  bras  séculier,  le  17  avril  1029,  Bull., 
1881,  p.  113  (et  non  le  6  comme  l'indique  par  erreur  l'intitulé  où  se  trouvent 
aussi  les  mots  impropres  d'arrêt  du  Parlement,  sans  compter  d'autres 
erreurs  de  lecture  dans  le  texte). 

2.  Ces  articles  sont  sans  doute  ceux  tirés  des  ouvrages  de  Berquin  qui 
avaient  été  censurés  par  la  Sorbonne.  Cf.  dans  la  France  protestante,  II, 
424-425,  quekjues-uns  de  ces  articles  relevés  par  la  Sorbonne.  —  D'autre 
part,  la  faculté  de  théologie  s'était  occupée,  vers  le  milieu  de  décembre, 
de  dresser  une  liste  de  propositions  erronées  trouvées  dans  les  livres  de 
Berquin,  d'Erasme,  de  Le  [-"evre  d'Etaples,  etc.,  qu'on  devait  soumettre  au 
roi,  à  la  reine-mére,  au  Conseil.  Cf.  L.  Delisle,  Xotice  sur  un  registre  des 

.  Procès-verbaux  de  la  Faculté  de  théologie  de  Paris  (1.jOô-1.'j33),  24-2-5,  72-74. 


G36  DOCUMENTS 

de  mon  faict  et  donl  je  soye  responsable,  et  ne  faictz  doubte  que 
ne  trouviez  bien  estrange  comment  telz  personnages  ayent  pour  non 
aullre  coulpe,  si  coulpe  se  doibt  nommer,  donné  tel  jugement,  mais 
ilz  sont  hommes. 

S'il  vous  plaict  veoir  quelques  attestations  que  ce  porteur  a  devers 
luy,  lesquelles,  monseigneur,  il  vous  plaira  tenir  secrètes,  affin 
qu'ilz  n'empeschent  la  manifestation  de  vérité,  vous  cognoistrez  de 
quel  zel  et  affection  ilz  ont  esté  esmeuz,  qui  n'est  encores  que  le 
commencement  de  leurs  peu  vertueulx  faictz;  car  en  ayant  ledict 
relief  contenant  commission  pour  informer  (lequel,  s'il  vous  plait, 
ce  porteur  vous  monstrera),  j'ay  bien  espérance  d'adverer  autres 
choses. 

Monseigneur,  ledict  relief  ne  préjudicie  en  riens  à  la  commission 
et  povoir  de  ceulx  qui  seront  déléguez  par  le  Sainct-Père,  car, 
comme  assés  entendes,  quand  le  Roy  aura  jugiet  la  forme,  et  que 
par  luy  il  sera  dit  qu'à  bonne  cause  j'auray  appelle  d'abbus,  sy  ne 
seray-je  point  pourtant  justiffié,  ny  declairé  innocent,  car  l'abbus 
jugiet,  duquel  le  Roy  seul  est  juge  ou  ses  commis,  il  me  fauldra 
encores  respondre  quant  à  la  matière  devant  lesd.  délégués  du 
Sainct-Père.  La  requeste  que  je  faictz  est  de  justice  et  pour  justice  : 
j'espoire  (pourveu,  monseigneur,  qu'il  vous  plaise  estre  interces- 
seur) qu'elle  ne  me  sera  refusée. 

Monseigneur,  je  prie  le  Créateur  vous  donner  sa  grâce  et  longue 
vie.  Au  chasteau  du  Louvre,  XXVI'  décembre. 

Vostre  très  humble  et  obéissant  serviteur  et  obligiet. 

Berquin. 

Nous  ne  savons  pas  au  juste  l'impression  que  fît  sur  le 
grand  maître  cette  lettre  fîère  et  digne.  Montmorency  fut 
aussi  sollicité  d'intervenir  par  Marguerite  d'Alençon,  qui,  au 
début  de  1527,  épousa  Henri  de  Navarre  et  fit  attacher  Ber- 
quin à  la  maison  de  son  second  mari.  Cependant  il  est  permis 
de  croire  que  sa  requête  fut  entendue.  C'est  du  moins  ce  que 
Ton  peut  conjecturer  d'une  lettre  de  Marguerite  à  Montmo- 
rency, dans  laquelle  elle  s'exprime  ainsi  :  «  Je  Pestime 
aultant  que  moy-mesmes  et  vous  pouves  dire  que  c'est  moi 
que  vous  avés  tirée  de  prison*  ».  Bien  plus,  Berquin  eut 
la  satisfaction  de  voir  dans  le  courant  de  1527,   son   plus 

1.  La  France  Protestante,  II,  419. 


DOCUMENTS  637 

farouche  ennemi,  Beda,  aux  prises  à  son  tour  avec  le  Parle- 
ment. Mais  ses  adversaires  ne  désarmèrent  pas  pour  cela  : 
au  contraire,  l'âpre  fierté  avec  laquelle  Berquin  poursuivait 
ses  contradicteurs,  la  certitude  qu'il  affichait  de  pouvoir  les 
abattre,  exaspérèrent  les  haines  contre  lui.  Les  attaques 
recommencèrent  à  la  fin  de  1528.  La  saisie  de  quelques-uns 
des  ouvrages  de  Berquin  sur  un  de  ses  domestiques  qui, 
—  fait  miraculeux!  —  s'évanouit  devant  une  statue  de  la 
Vierge,  fournit  l'occasion  d'arrêter  de  nouveau  Berquin.  La 
procédure  fut  menée  hâtivement.  Un  premier  arrêt  fut  rendu 
le  16  avril.  Berquin  ayant  interjeté  appel,  le  Parlement  revisa 
le  lendemain  la  procédure  et  condamna  Berquin  à  mort. 
Pour  empêcher  le  roi  d'intervenir  efficacement  en  faveur 
de  Berquin,  comme  il  l'avait  fait  les  deux  fois  précédentes, 
l'arrêt  fut  exécuté  sur  le  champ.  C'est  par  ce  coup  de  traî- 
trise juridique  que  la  Sorbonne  et  le  Parlement  se  débarras- 
sèrent de  celui  que  l'on  pourrait  appeler  l'un  des  Pères  de 
la  Réforme  française. 

V.-L.    BOURRILLY. 


BANQUIERS    HUGUENOTS    RÉFUGIÉS    EN    FRISE 
(1687) 

Charles  Weiss,  dans  son  Histoire  des  réfugiés  (II,  22), 
raconte  qu'un  certain  «  Le  Noir  de  Monfreton  et  quelques- 
uns  de  ses  compagnons  d'exil  offrirent,  en  1686,  aux  états  de 
la  Frise  un  capital  d'un  million,  pour  lequel  ils  ne  demandèrent 
que  l'intérêt  courant.  Il  cite  comme  source  une  dépêche  du 
comte  d'Avaux,  du  15  mars  1686.  A  la  diète  des  états  de  la 
Frise  de  février-mars  1686  fut,  en  effet,  présentée  une  re- 
quête de  réfugiés  offrant  aux  états  un  capital  d'un  million  de 
florins  à  raison  de  5  p.  100.  La  requête  était  accompagnée 
d'un  mémoire  pour  recommander  la  chose.  Le  20  février  1686 
les  états  résolurent  de  négocier  cet  emprunt  au  taux  le  plus 
avantageux,  c'est-à-dire  ne  dépassant  pas  4  1/2  p.  100.  Néan- 
moins l'affaire  n'eut  pas  de  suite  puisque  l'année  suivante 
cette  résolution  fut  révoquée. 


638  DOCUMENTS 

Ce  qui  est  curieux  ou  plutôt  significatif,  c'est  que  le  nom 
de  Le  Noir  de  Monfrelon  ne  se  trouve  nulle  part.  On  ne  trouve 
en  Hollande  que  Philippe  Le  Noir  de  Cj'évain,  ministre  de  la 
princesse  de  Rohan  à  Blain  en  Bretagne  et,  de  1685  à  1691  pas- 
teur à  Hoorn,  et  son  C\\s  Jacques  Le  Noir  de  Morlain,  pasteur  à 
Berg-op-Zoomde  1685  à  1724,  mort  en  1744.  De  plus,  la  requête 
et  le  mémoire  dont  je  viens  de  parler  ne  portent  aucun  nom, 
aucune  signature.  La  résolution  des  états,  de  même,  ne  fait 
mention  d'aucun  nom.  Il  est  inadmissible  que  ceux-ci  aient 
délibéré  et  pris  une  décision  sur  une  requête  de  personnes 
dont  ils  ne  connaissaient  pas  le  nom.  Ils  savaient  certaine- 
ment à  qui  ils  avaient  affaire,  mais  c'est  évidemment  à  des- 
sein et  d'un  commun  accord  qu'on  s'abstint  de  nommer  per- 
sonne. Pourquoi?  sans  doute  pour  que  les  espions  du  comte 
d'Avaux,  toujours  aux  aguets,  ne  pussent  savoir  quels  réfu- 
giés avaient  sauvé  une  partie  de  leur  fortune.  Quand  la  réso- 
lution des  états,  qui  ne  pouvait  rester  secrète,  s'ébruita,  on 
donna  peut-être  aux  espions  un  nom  supposé  ou  encore  celui 
d'une  personne  qui  ne  se  trouvait  pas  en  Hollande. 

Je  crois  cependant  pouvoir  fournir  les  principaux  signataires 
de  l'offre  attribuée  par  d'Avaux  à  Le  Noir  de  Monfreton. 

J'ai  en  effet,  retrouvé  aux  archives  de  Leeuwarde,  une 
requête  postérieure,  du  31  mars  1687,faisant  aux  mêmes  états 
une  nouvelle  proposition,  moins  importante  que  celle  qui 
avait  été  d'abord  acceptée  puis  rejetée.  Or  celte  seconde 
requête  est  signée  de  quatre  banquiers  parisiens,  P.  Formont 
de  Brevanne,  H.  Tersmitte,  Robelhon  et  J.  Formont  de  la 
Tour.  Je  n'hésite  pas  à  croire  que  ce  furent  eux,  et  non  l'in- 
connu Le  Noir  de  Monfreton  qui  avaient  aussi  fait  en  leur 
nom,  et  au  nom  de  plusieurs  autres  réfugiés,  la  proposition  de 
1686.  Voici  une  traduction  de  la  supplique  de  1687  à  laquelle 
nous  n'avons  pu  trouver  ce  que  les  états  de  Frise  répondi- 
rent : 

A  LL.  HH.  PP.  les  États  de  la  Frise  réunis  à  la  Diète. 

Les  soussignés,  français  réfugiés  représentent  à  vos  hautes  puis- 
sances qu'ils  ont  dû  abandonner  presque  tous  leurs  biens  et  que 
ce  qui  reste  n'est  pas  assez  considérable  pour  leur  permettre  de 


DOCUMENTS  039 

vivre  et  de  s'entretenir  s'ils  ne  trouvent  pas  à  le  placer  à  un  taux 
avantageux.  C'est  ce  qui  les  oblige  d'en  placer  une  partie  à  titre  de 
rente  viagère  et  le  reste  à  titre  d'intérêt.  Comme  vos  HH.  PP.  ont 
montré  leur  bienveillance  envers  ceux  qui  se  sont  retirés  dans 
cette  province,  les  suppliants  espèrent  que  ce  qu'ils  proposent  ne 
vous  déplaira  pas. 

En  premier  lieu  les  suppliants  sont  disposés  à  donner  à  titre  de 
rente  viagère  une  somme  de  soixante  mille  florins  à  raison  de 
10  p.  100  d'intérêt  qui  leur  serait  payé  par  semestre  dans  cette  pro- 
vince contre  leurs  quittances  ou  aux  porteurs  de  leurs  procura- 
tions, qu'ils  résident  soit  ici,  soit  ailleurs. 

(2)  Si  cette  proposition  est  acceptée,  les  suppliants  donneront,  en 
outre,  à  titre  d'intérêt,  une  somme  de  quatre-vingt-dix  mille  florins, 
dont  on  leur  payerait,  à  partir  de  la  date  des  obligations,  un  inté- 
rêt de  5  p.  100  s'ils  demeurent  dans  cette  province,  et  de  4  1/2  si 
leurs  affaires  ne  leur  permettaient  pas  d'y  rester. 

(3)  Chacun  qui  aura  donné  son  argent  à  titre  d'intérêt  pourra 
le  reprendre  quand  il  en  aura  besoin  sans  déduction  d'une  par- 
tie de  l'intérêt  lequel  lui  sera  payé  jusqu'au  jour  du  rembour- 
sement. 

(4)  Comme  beaucoup  de  réfugiés  français  qui  ont  sauvé  peu  de 
biens,  dont  ils  ne  pourront  subsister  s'ils  ne  trouvent  pas  l'occasion 
de  les  placer  à  titre  de  rente  viagère  et  d'en  tirer  un  intérêt  avan- 
tageux (qu'ils  dépenseront  sans  doute  dans  cette  province  en  s'y 
établissant),  que  vos  HH.  PP.  veuillent  bien  décréter  que  ces  per- 
sonnes seront  agréées  aux  mêmes  conditions  que  les  suppliants,  et 
tous  continueront  de  prier  Dieu  pour  le  bonheur  et  la  santé  de  vos 
HH.  PP. 

Fait  à  Leeuwaerden  le  31  mars  1687. 

P.  FORMONT    DE    BrEVANNÉ.    H.    TeRSMITTE. 
ROBETHON.    J.   FORMONT    DE   LA  ToUR. 

De  ces  quatre  noms  un  seul  se  retrouve  sur  les  registres 
des  Églises  wallonnes,  c'est  celui  de  Tersmitten.  En  1676, 
le  14  juillet  furent  mariés  à  Amsterdam,  dans  la  Nouvelle 
église  Casper  Tersmitten  et  Catrina  de  Neufville.  En  1681 
Casper  Tersmitten  est  ancien  à  Harlem.  On  ne  peut  toutefois 
affirmer  que  ces  mentions  s'appliquent  au  Tersmitten  qui 
signa  la  précédente  requête.  Quant  aux  trois  autres,  ils  n'ont 


(>40  DOCUMENTS 

point  laissé  de  traces  clans  les  registres  wallons,  d'où  Ton 
peut  conclure  qu'ils  ne  restèrent  pas  en  Hollande.  On  trou- 
vera quelques  renseignements  sur  Pierre  et  Jean  Formont 
dans  Douen,  la  Révocation  à  Paris,  III,  339.  H.  Tersmitte  y 
est  aussi  mentionné  I,  570  note,  ainsi  que  Robethon,  II,  116. 
Celui  de  la  requête  est  sans  doute  Jean  fils  de  Jacques,  doc- 
teur en  médecine  et  de  Marie  Hamilton.  On  trouve  aussi 
mariés  à  Sedan,  12  mai  1675,  Jean  Robethon  26  ans  1/2,  mar- 
chand, demeurant  à  Paris,  et  Susanne  Caussin,  18  ans,  et  le 
19  juin  1686,  Jean  Robethon,  marchand,  venant  de  Paris, 

citoven  d'Amsterdam. 

H.  GuYOT  etN.  W. 


LA  MISSION  DE  FÉNELON  ET  DE  L'ABBÉ  CORDEMOY 

EN   SAINTONGE 

D'après  un  témoin  oculaire  (1694) 

On  sait  qu'il  y  a  deux  Fénelon  :  celui  de  la  légende  et 
celui  de  l'histoire.  Le  premier,  celui  des  écrits  destinés  à  la 
postérité,  a  réussi,  à  force  de  génie,  à  prendre  rang  parmi 
les  apôtres  de  la  tolérance;  l'autre,  celui  de  la  correspon- 
dance au  jour  le  jour,  dominé  par  la  préoccupation  de  faire 
valoir  ses  services,  s'est  montré  ce  qu'il  était  en  réalité, 
c'est-à-dire  un  missionnaire  qui  ne  se  distingua  de  ses 
confrères  que  par  un  peu  plus  de  dissimulation. 

C'est  bien  à  lui  que  s'applique  le  portrait  du  missionnaire 
tracé  par  M.  Faguet  :  «  Un  prêtre  charmant,  un  orateur 
onctueux  précédé  et  suivi  des  dragons  »,  s'avançant  «  avec 
des  paroles  de  paix  et  un  appareil  de  guerre  '  ».  D'ailleurs, 
il  ne  pouvait  pas  en  être  autrement.  Si  Fénelon  n'avait  pas 
été  cela,  il  n'aurait  jamais  été  choisi  pour  la  mission  de 
Saintonge. 

Le  5  novembre  1685,  Seignelay  écrivait  à  l'abbé  de  Fénelon, 
que  des  relations  très  amicales  unissaient  aux  Colbert,  pour 

1.  Cf.  Bullet.  prot.,  XLIV  [1895],  p.  105. 


DOCUMENTS  641 

le  prier  de  choisir  «  quelques  bons  prédicateurs  »  en  vue 
d'une  «  mission  »  que  le  roi  voulait  envoyer  sur  les  côtes  de 
Saintonge  et  de  Poitou  ^  Le  but  était  d'  «  accoutumer  »  les 
nouveaux  convertis  de  ces  provinces  «  à  la  religion  qu'ils 
avaient  embrassée^  ».  C'est  seulement,  en  effet,  par  «  une 
longue  habitude  »  que  Ton  pouvait  «  changer  les  têtes  dures  » 
de  ce  pays-là'. 

Le  17  novembre,  Seignelay  invite  le  futur  archevêque  de 
Cambrai  à  faire  savoir  à  Tabbé  Fleury*  «  le  temps  et  le  lieu 
où  commencera  la  mission  »  dont  il  s'agita  Le  5  décembre, 
Fénelon  se  met  en  route,  le  15  il  est  à  Saintes  et,  à  la  fin  du 
mois,  il  arrive  à  Marennes.  De  là,  il  écrit  à  la  duchesse  de 
Beauvilliers  une  lettre  où  il  se  dépeint  tout  entier  :  «  En  bons 
<i  politiques,  nous  avons  pris  ce  dernier  parti  [de  commencer 
la  mission  par  Marennes  pour  plaire  à  l'intendant,  plutôt 
que  par  La  Tremblade,  comme  le  demandait  l'évêque  de 
Saintes]...  Les  peuples  commencent  ici  à  nous  aimer...  Ils 
«  sont  bonnes  gens^  disent-ils  en  parlant  de  nous. ..  Les 
«  applaudissements  qu'ils  nous  donnent  leur  sont  utiles  et 
«  ne  nous  font  point  mal  :  ils  servent  à  les  rendre  dociles...  » 
Suit  un  éloge  enthousiaste  de  l'intendant  (Arnoul,  ne  l'ou- 
blions pas)  «  honnête  et  aimable  homme...  si  digne  de  gou- 
verner que  je  voudrais  qu'il  fut  évêque''  ».  En  janvier  1686, 
les  missionnaires  sont  à  l'œuvre  à  Rochefort,  où  ils  trouvent 
«  dans  tous  les  esprits  un  attachement  incroyable  à  l'héré- 
sie^ »,  et  enfin,  le  6  février,  ils  attaquent  La  Tremblade  d'où 
ils  rayonnent  sur  Arvert  et  les  environs. 

A  La  Tremblade,  les  missionnaires  sont  «  logés  magni- 
fiquement »  chez  Neau,  et  c'est  dans  la  «  salle  »  de  ce  dernier 


1.  Seignelay  à  Fénelon,  5  novembre  IGS.").  —  Cf.  Âbbc-  Veiiaque,  Lettres 
inédites  de  Fénelon,  Paris,  1874,  p.  1. 

2.  Le  même  au  même,  'i  février  1686.  —  Ibid.,  p.  19. 

3.  Fénelon  à  Seignelay,  29  mars  1686.  —  Ibid.,  p.  27. 

4.  Claude  Fleury,  l'historien,  qui  fut  plus  tard  sous-précepteur  du  duc 
de  Bourgogne  et  conlesseur  de  Louis  XV. 

5.  Seignelay  à  Fénelon,  17  novembre  1685.  —  \'erlaque,  p.  2. 

6.  Fénelon  à  la  duchesse  de  Beauvilliers,  28  décembre  168r>.  —  Ibid., 
p.  5  et  suiv. 

7.  Le  même  à  la  môme,  16  janvier  1686.  —  Ibid.,  p.  8. 


6-42  DOCUMENTS 

qu'a  lieu  la  première  conférence*.  M.  Lételié  admet  —  avec 
raison,  selon  nous  —  que  ce  Neau  est  le  même  que  Samuel 
Neau,  riche  marchand  et  père  d'une  nombreuse  famille. 
Pour  établir  la  douceur  dont  usa  envers  les  errants  l'abbé 
de  Fénelon,  le  même  auteur  rapporte'  qu'il  «  respecta 
l'opinion  religieuse  »  de  ce  «  zélé  protestant,  qui  lui  accorda, 
«  en  retour,  d'instruire  dans  la  religion  catholique  ceux  de 
«  ses  douze  (?)  enfants  qui  voudraient  l'embrasser.  Ses  quatre 
«  filles  et  un  seul  de  ses  garçons  se  convertirent,  et  Fénelon 
«  facilita  le  mariage  d'une  de  ses  néophytes  avec  un  protes- 
«  tant  ».  Nous  verrons  tout  à  l'heure  ce  qu'il  faut  penser  de 
la  mansuétude  des  membres  du  clergé  que  Fénelon  avait 
choisis  de  sa  propre  main  pour  seconder  en  Saintonge,  et  à 
La  Tremblade  même,  les  desseins  du  roi  convertisseur. 

Malgré  le  «  charme  »  déployé  par  Fénelon,  au  dire  du 
subdélégué  Chastelars,  «  dans  la  salle  de  chés  Neau  »,  il  est 
■certain  qu'il  y  eut  des  mécomptes,  car,  après  un  mois  de 
travail  sans  relâche,  dans  lequel  il  avait  été  aidé  par  deux 
nouveaux  convertis  de  marque,  le  chef  d'escadre  Forant  et 
le  pasteur  Papin,  Fénelon  écrivait  à  Seignelay  le  8  mars 
1686  :  «  Le  naturel  dur  et  indocile  de  ces  peuples  demande 
«  une  autorité  vigoureuse  et  toujours  vigilante.  Il  ne  faut 
«  point  leur  faire  de  mal,  mais  ils  ont  besoin  de  sentir  une 
«main  toujours  levée  pour  leur  en  faire  s'ils  résistent  ^  »  Entre 
appeler  franchement  les  dragons  à  la  rescousse,  et  obtenir 
des  «  conversions  »  par  la  crainte  qu'ils  inspirent,  nous  ne 
voyons  pas  très  bien  où  gît  la  différence.  Une  réputation  de 
tolérance  acquise  à  si  bon  marché,  en  vérité,  c'est  donné 
pour  rien!... 

Le  24  mars  1686,  Fénelon  quitta  La  Tremblade  pour  La 
Rochelle.  Il  laissait  derrière  lui,  pour  continuer  son  œuvre 
que,  d'ailleurs,  il  ne  devait  pas  perdre  de  vue,  la  moitié  des 
missionnaires,  ayant  à  leur  tête  l'abbé  de  Cordemoy,  «  qui 
«  conduira  l'œuvre  fort  sagement  »  et  «  joint  à  une  connois- 

1.  Le  subdélégué  Chastelars  à  l'inlendant  Arnoul,  9  lévrier  1686.  — 
Cf.  A.  Lételié,  Fénelon  en  Saintonge,  Paris,  i885,  p.  64. 

2.  Ibid.,  p.   17. 

3.  Fénelon  à  Seignelay,  8  mars  1686.  —  Lételié,  p.  64  n. 


DOCUMENTS  643 

«  sance  parfaite  des  controverses  beaucoup  de  piété  et  de 
«  prudence*  ».  L'abbé  de  Cordemoy  et  son  frère  Fabbé  de 
Narcé,  étant  allés,  peu  de  temps  après,  en  mission  à  Royan, 
ne  rentrèrent  à  La  Tremblade  que  le  2  septembre  1687,  mais 
cette  fois  pour  y  rester  dix  ou  douze  ans,  logés  chez  les  demoi- 
selles Anne  et  Éléonore  Gombauld.  La  lettre  suivante,  écrite 
en  1694  par  un  religionnaire  de  La  Tremblade  —  Samuel 
Neau  dont  il  a  été  question  plus  haut  —  projette  une  lueur 
singulièrement  crue  sur  les  procédés évangéliques  des  deux 
apôtres,  que  le  voisinage  du  grand  nom  de  Fénelon  a  fait 
bénéficier,  en  quelque  mesure,  de  la  réputation  de  tolérance 
de  l'archevêque  de  Cambrai. 

«  Monseigneur,  je  pran  la  liberté  de  m'adresser  à  vostre  gran- 
deur dans  la  triste  affliction  qui  m'accable  de  me  voir  privé  depuis 
près  de  dix  mois  de  la  veuë  de  deux  de  mes  filles  qu'on  m'a  ostée 
pour  mettre  dans  des  couvents  à  Saintes,  pour  vous  supplier  très 
humblement  de  vouloir  m'accorder  votre  protection  et  leur  liberté. 
Leur  conduitte,  Monseigneur,  a  esté  toujours  régulière  et  conforme 
aux  intantions  de  Sa  Majesté  au  sujet  de  la  Religion  catholique, 
assistant  tous  les  jours  de  festes  et  dimanches  aux  exercices  spiri- 
tuels qui  se  faisoyent.  Et  je  suis  convaincu  qu'une  demeure  plus 
longue  dans  des  cloîtres  ne  peut  les  mieux  disposer  qu'elles 
estoient  lorsqu'elles  estoyent  avec  moy.  Cependant,  Monseigneur, 
c'est  le  prétexte  que  Monsieur  l'abbé  de  Cordemoy  a  exposé  pour 
obtenir  une  lettre  de  cachet,  afin  de  les  faire  reléguer  dans  les 
cloistres.  Si  j'osois,  Monseigneur,  vous  expliquer  tout  ce  qui  se 
passe  et  de  quelle  manière  Monsieur  l'abbé  de  Cordemoy  se  com- 
porte sous  prétexte  de  religion,  tant  à  mon  esgard  qu'au  sujet  de 
tous  les  habitans  de  ce  pays,  Vostre  Grandeur  n'approuveroit  pas 
assurément  son  procédé  et  le  trouveroit  trop  contraire  aux  inten- 
tions de  nostre  bon  roy,  puisque  le  commerce  dans  lequel  nous 
sommes  la  plus  part  n'est  pas  fait  ni  entrepris  comme  nous  pourrions 
le  faire,  dans  la  crainte  où  nous  sommes  de  nous  faire  une  affaire 
fascheuse  auprès  de  Monsieur  l'abbé  de  Cordemoy  qui  nous 
menace  tous  d'une  manière  forte  et  exéculle  contre  les  plus  pauvres 
les  menaces  qu'il  fait,  qui  s'en  trouvent  accablés  et  entièrement 
ruynés  par  les  exécutions  et  ventes  de  leurs  meubles,  cela  pour 

1.  I^e  même  au  même,  23  mars  !ti>s(j.  —  N'criaque,  p.  25. 


644  DOCUMENTS 

n'assister  pas  à  des  conférences  qu'il  fait  et  qui  jusques  à  présent 
ont  plus  esioigné  les  esprits  de  la  [Religion  catholique  qu'elles  n'ont 
servi  à  les  faire  professer.  Le  publicq,  Monseigneur,  et  moy  en 
mon  particulier  espérons  que  vous  nous  soulagerés  en  Testât  que 
nous  sommes,  et  que  je  ne  serai  pas  obligé  d'interrompre  mo  n 
commerce  et  ainsi  de  causer  une  diminution  de  près  de  vingt-cinq 
mille  escus  de  droits  pour  les  Bureaux  de  Sa  Majesté,  que  Vostre 
Grandeur  aura  la  bonté  de  m'accorder  la  liberté  de  mes  filles,  de  la 
conduitte  desquelles  on  sera  content  et  qui  assisteront  régulièremen  t 
aux  exercices.  J'attends,  Monseigneur,  ceste  grâce  de  Vostre  Gran- 
deur, et  je  suis  avec  le  plus  profond  et  le  plus  soumis  respect  que 
je  doibs,  de  Vostre  Grandeur,  Monseigneur,  Vostre  très  humble  et 

très  obéissant  serviteur. 

Samuel  Neau. 

A  La  Tremblade  le  29  janvier  1694  *.  » 

L'argument  commercial  était  le  seul  qui  eût  quelque 
chance  de  porter  en  haut  lieu.  Vingt-cinq  mille  écus  de  droits 
payés  au  Trésor,  qui  en  avait  besoin,  cela  valait  bien  la  mise 
en  liberté  —  très  relative,  du  reste  —  de  deux  pauvres  filles 
restées  probablement  protestantes  au  fond  du  cœur.  Samuel 
Neau  obtint-il  l'objet  de  sa  requête?  Nous  l'ignorons. 

Quoi  qu'il  en  soit,  celte  lettre  peut  se  passer  de  commen- 
taires. Elle  parle  assez  d'elle-même  pour  dissiper  les  der- 
nières légendes  relatives  à  la  bénignité  des  Missions  de 
Saintonge  —  surtout  quand  on  la  rapproche  d'autres  exploits 
du  même  abbé  de  Gordemoy  dont  le  Bulletin^  à  diverses 

reprises,  a  enregistré  le  souvenir*. 
'  P.  F.  B. 


1.  Archives  Nat.  Tt.  45'j,  xx.  —  Nous  devons  à  M.  N.  Weiss  la  commu- 
nlcalion  de  ce  document  de  haut  intérêt. 

2.  Cf.  l'histoire  de  Pierre  Ghaillé,  médecin  de  La  Tremblade,  Bitllet. 
prot.,  XLIV  [1S95]  p.  40  et  s.,  305  et  s.,  et  celle  de  la  veuve  Michel,  de 
Marennes,  Ibid.,  L  [1901],  p.  36.  —  Quant  à  la  mission  de  Fénelon  en 
Saintonge,  Cf.  O.  Douen,  L'intolérance  de  Fénelon,  passim. 


Mélanges 


UNE  ABJURATION  PUBLIQUE  A  VILLENEUVE-D'AGEN 
En  1559 

(Arrêt  du    Parlement  de   Guyenne  contre  le  régent  Philippe  de  Lévis.) 

Le  très  court  document  que  nous  publions  ci-après  est  du 
genre  de  ceux  que  nous  avons  déjà  à  plusieurs  reprises  donnés 
au  Bulletin:  c'est  un  arrêt  du  Parlement  de  Guyenne*  qui,  en 
appel,  ratifie  la  sentence  des  juges  présidiaux  d'Agen  contre 
un  certain  Philippe  de  Lévis,  régent  de  Villeneuve-,  accusé 
d'hérésie,  et  le  condamne  à  l'abjuration  publique  d'abord  en 
plein  parquet  du  présidial  d'Agen,  puis  devant  le  portail  de 
l'Église  Sainte-Catherine  de  N'illeneuve,  enfin  le  bannit  à 
perpétuité  du  ressort  de  la  Cour. 

Ce  qui  rend  cet  arrêt  particulièrement  intéressant  c'est 
qu'il  nous  fait  connaître  un  de  ces  régents  qui  alors  propa-. 
geaient  secrètement  la  Réforme  et  que,  par  une  heureuse 
exception  qui  ne  se  retrouve  guère  dans  les  minutes  d'arrêts 
du  Parlement  de  Guyenne,  il  est  suivi  de  la  liste  des  «  propo- 
sitions »  hérétiques,  déterminée  par  la  Cour  elle-même,  que 
Philippe  de  Lévis  devra  abjurer  publiquement. 

H.  Patry. 

Entre  le  procureur  général  du  Roy,  demandeur  en  crime  d'héré- 
sie, d'une  part; 

Et  Philippe  de  Lévis,  prisonnier  détenu  en  la  conciergerie  de  la 
court,  défendeur,  d'autre; 

Veu  le  procès-verbal  de  maistre  Jehan  d'Aspremont,  lieutenant 
particulier  en  la  séneschaucée  d'Agenois  du  dix-septièsme  jung  der- 
nier, autre  procès-verbal  contenant  les  interrogatoires  faictz  aud. 
détenu  par  les  présidiaulx  d'Agen  du  premier  juillet  aud.  an,  double 

1.  Arch.  dép.  de  la  Gironde.  B.  128  (Parlement;  Minutes  des  Arrêts), 
2  fols,  pap.,  à  la  date. 

2.  Il  s'agit  de  Villeneuve-sur-Lot,  dans  le  Lot-et-Garonne.  —  On  trouve 
à  Baignes-Sainte-Pxadegonde  (Charente,  arr.  Barbezieux,ch.  1,  de  canton) 
un  Lévis  pasteur  en  1576  (Crollel,  Histoire  des  Églises  réformées  de  Pons, 
Saujon  et  Mortagne,  p.  75). 


646  MÉLANGES 

de  lettre  missive  de  laquelle  fut  trouvé  saisi  led.  détenu,  commen- 
çant :  «  La  puissance  merveilleuse  et  horrible,  etc..  De  Nérac,  ce 
huicliesme  may  mil  cinq  cens  cinquante  neuf  »,  et  ouy  led.  détenu 
en  la  geheyne ; 

Il  sera  dit  que  la  court  condamne  led.  défendeur  pour  les  cas 
résultans  du  procès  à  faire  amende  honorable,  teste  nue  et  à  genoilz» 
au  parquet  et  auditoire  du  siège  présidial  d'Agen  et  illec  requérir 
pardon  à  Dieu,  au  roy  et  à  justice;  et  oultre,  ordonne  lad.  court  que 
led.  détenu  sera  mené  au  devant  le  portai  de  l'église  parrochialle 
de  Saincte-Catherine  de  Villeneufve  où  illec,  ung  jour  de  dimanche,. 
yssue  de  la  grand  messe,  abjurera  les  propositions  extraictes  du 
procès  par  devant  le  recteur  ou  vicaire  de  lad.  église,  et  néantmoins 
requerra  pardon  à  Dieu,  au  roy  et  à  justice  et  seront  en  sa  présence 
bruslez  le  calhéquisme  et  lad.  lettre  desquelz  auroit  esté  trouvé 
saisi,  et,  ce  faict,  le  bannist  à  perpétuité  du  ressort  de  lad.  court. 

[Signs.  autogrs  :]  De  Carle  :  h{abea)t  ung  escii 

A.  de  Gaultier. 

VU'  sept^''^  MV'LIX. 
[v"  :]     Messieurs  de  Carie; 

Faugerolles,  présidens, 

Alesme; 

Ciret ; 

Malvin  ; 

Vergoing; 

La  Ghassaignc 

Moneinh  ; 

Gasq; 

Gaultier,  relator. 

[r  2  :j  S'ensuyvent  les  propositions  que  M*  Philippes  de  Levys, 
régent  de  Villeneufve,  doyt  abjurer  pour  le  suspition  du 
crime  d'hérésie,  laquelle  résulte  par  les  responces  par  luy 
faictes  tant  par  le  lieutenant  particulier  d'Aspremont  que 
par  les  juges  présidiaulx  d'Agen. 

Premièrement  abjurera  la  proposition  héréticque  qu'il  ne  se  fault 
confesser  au  prebstre,  et  déclairera  que,  au  contraire,  il  est  com- 
mandé sur  peyne  de  dampnation  éternelle  de  soy  confesser  au 
prebstre. 

La  seconde  proposition  qu'il  abjurera,  c'est  qu'il  n'y  a  point  de 
purgatoire  et  déclairera  qu'il  croid  fermement  qu'il  y  a  lieu  certain 
et  déterminé  de  purgatoire  pour  purger  les  péchés  vénielz. 


MÉLANGES  647 

La  tierce,  qu'il  ne  fault  recepvoyr  son  créateur  à  Pasqucs  et  déclai- 
rera  qu'il  recognoyt  avoir  erré  de  ne  s'estre  confessé  et  de 
n'avoyr  reçeu  son  créateur  à  Pasques  dernier;  aussy  déclairera 
qu'il  croid  fermement  que,  soubz  peyne  de  péché  mortel,  il  se  fault 
confesser  et  recepvoyr  son  créateur  à  la  feste  de  Pasques  et  qu'il 
croid  que  après  la  prolation  des  parolles  sacramentales,  le  précieux 
corps  de  Nostre  Seigneur  est  réallement  et  de  faict  soubz  les 
espèces  de  la  saincte  hostye. 


UNE  LETTRE  INÉDITE  D'UN  FORÇAT  POUR  LA   FOI* 

Chacun  sait  que  le  soulèvement  des  Cévennes  eut  pour 
cause  racharnement  avec  lequel  le  clergé  catholique  harcelait 
les  nouveaux  convertis,  pour  les  obliger  d'aller  à  la  messe. 
L'année  1701  fut  marquée  par  de  nombreuses  surprises 
d'assemblées,  suivies  de  condamnations  aux  galères,  à  la 
potence  ou  à  la  roue,  qui  contribuèrent  puissamment  à  exas- 
pérer les  populations  cévenoles,  lassées  à  la  longue  de  subir 
une  persécution  sans  arrêt. 

Au  mois  de  juin,  le  prieur  de  Vallérargues,  près  d'Uzès, 
«  ayant  découvert  sur  ses  pas  un  jeune  berger  à  genoux,  fai- 
sant sa  prière,  le  traîna  par  les  cheveux  dans  sa  maison,  et, 
afin  que  Guiraud,  juge  de  Lussan,  en  pût  dresser  un  procès- 
verbal,  il  alla  lui-même  demander  du  papier  marqué  au  fils 
d'un  notaire,  nommé  Bouton  ».  Des  paroles  vives  furent 
échangées  entre  ce  dernier  et  le  prêtre  auquel  il  reprocha  sa 
cruauté  à  l'égard  du  jeune  berger,  et  dans  l'irritation  de  la 
dispute,  Bouton  «  courut  à  l'église  du  lieu,  renversa  le  taber- 
nacle et  jeta  tous  les  ornements  dans  un  puits^  ».  Tel  fut  le 

i.  Celte  lettre  a  été  découverte  par  M.  A.  Lafont,  pasteur  à  Lussan. 
J'ai  prié  M.  P.  Fonbmne  B.  de  la  présenter  à  nos  lecteurs. 

2.  A.  Court,  Hist.  des  troubles  des  Cévennes,  éd.  de  1760,  I,  p.  31.  —  Cf. 
Abbé  de  Louvreleuil,  Le  Fanatisme  renouvelé,  éd.  de  1868,  I,  p.  1.5;  —  Ch. 
J.  de  la  Baume,  Relation  hist.  de  la  révolte  des  fanatiques  ou  des  Cami- 
sards,  p.  35;  —  Fragment  de  la  guerre  des  Camisards,  pub.  par  Marius 
Talion,  p.  15  et  16:  —  Lettre  du  Comte  de  Broglie  au  ministre  de  la  guerre, 
d'Uzès  5  juin  1701  (dans  VHist.  du  Languedoc  de  Dom  Devic  et  Vaissetle, 
XIV,  col.  1537);  —  Lettre  du  11  décembre  1701  {Pap.  Court,  n»  11,  f°  'il3.) 


648  MÉLANGES 

«  sacrilège  »  de  Vallérargues,  qui  coûta  la  vie  à  Bouton  et  au 
nommé  Olimpe  ou  Olimpie,  lequel  n'était  pour  rien  dans  Taf- 
faire.  Ils  furent,  Tun  roué  et  l'autre  pendu,  à  Uzès  le  H  juin 
1702. 

D'après  le  Fragment  de  la  guei're  des  Camisards,  le  forçat 
Jérôme  Serre,  dont  on  lira  plus  loin  la  lettre,  fut  condamné 
par  le  même  jugement  et  pour  la  même  cause,  aux  galères 
perpétuelles.  La  liste  dressée  par  M.  H.  Bordier  (France 
prot.,  VI,  col.  341,  n°  2006)  porte  toutefois  qu'il  avait  été 
envoyé  à  la  rame  pour  six  ans,  pour  le  délit  d'assemblées 
illicites.  C'est  tout  ce  que  l'on  sait  sur  ce  galérien,  dont  le 
nom  ne  figure  sur  aucune  liste  de  confesseurs  des  galères. 

P.  F.  B. 

A  Marseille  ce  O""*  avril  1702. 
Monsieur, 

Je  n'aurais  pas  tant  tardé  à  vous  Ecrire  pour  vous  remercier  de 
tant  de  penne  que  vous  prenez  pour  moy,  Je  Laurais  fait  cepandant 
plutôt  sy  je  ne  me  fuse  flatté  que  le  fils  de  mètre  Roques  viendroit 
dans  put  (peu)  a  Marseille.  J'aurais  Eté  bien  aise  de  vous  Ecrire  par 
cette  voye  ou  par  quelque  autre  afin  de  vous  épargnier  le  port  de 
Lettre,  quant  il  me  randit  votre  Lettre  a  laquelle  je  repond,  il 
m'avait  promis  de  prandre  La  reponce  avant  partir,  ce  pandant  il 
ne  vin  point  ce  qui  fait  que  je  vous  écrit  aujourdhuit  par  La  poste 
pour  vous  prier  de  vouloir  me  continuer  vos  bons  offices,  en  prenent 
La  penne  de  Grire  (d'escrire)  encorre  à  ma  faveur  a  monsieur  pestel 
pour  tacher  de  me  faire  mètre  dans  La  manufature. 

Il  est  vray  que  je  n'étais  point  dans  ce  dessain  quant  Le  fils  de 
mètre  Griolet*  fut  icy  mais  du  depuis  J'ay  considéré  que  sy  Javois 
Le  bonheur  d'entrer  dans  La  taverne*  je  serais  mieux  de  beaucoup 

1.  Habitant  de  Valerargues,  diocèse  d'Uzès. 

2.  Le  désir  exprimé  par  Serre  d'entrer  dans  la  Manulacture  de  Mar- 
seille, ou  dans  la  taverne  où  il  «  serait  mieux  de  beaucoup  que  sur  la 
galère  »,  est  la  preuve  qu'il  avait  abjuré.  Voici,  en  elïet,  ce  que  Pontchar- 
tiain  écrivait  à  de  Montolieu  le  27  mai  1699  :  [Sa  Majesté]  «  veut  absolument 
qu'il  soit  defièndu  de  donner  aucun  employ  de  tavernier,  mousse  ou  i)ar- 
berot  aux  religionnaires  obstinez  et  qui  refusent  de  se  l'aire  instruire,  et 
qu'ïiu  contraire  ceux  qui  paroissent  dangereux  par  leurs  intrigues  soient 
retenus  en  brancade  »  (Ordres  et  dépêches  concernant  les  galères,  Arch. 
Nat.  B6  32,  1'°  272.)  (P.  F.  B.) 


MÉLANGES  649 

que  sur  la  galère.  J'ay  veu  m'  peslel  depuis  deux  ou  trois  Jours  et 
Luy  ay  parlé  de  cela,  il  m'a  fait  toutes  les  offres  qui  ce  peuvent 
faire  a  votre  considération,  il  m'a  dit  qu'il   ne  dépandroit  que  de 
moy  di  entrer  dès  que  L'on  aura  donné  Liberté  a  plusieur  qui  son 
La  dedans  et  qui  sont  nommé  pour  cela  et  qui  seront  délivrés  au 
premier  iour,  vous  aurez  dont  La  bonté  de  Luy  écrire  un  mot,  pour 
me  recommander  a  Luy  à  votre  faveur,  je  Luy  fit  vos  compliment 
comme  vous  m'aviez  chargé  de  faire,  je  Luy  ay  beaucoup  dobligat 
(ion)  de  toutes  les  bontez  qu'il  a  pour  moy,  tout  récemment  dun  éceu 
de  trois  Livres  dix  sous  qu'il  a  eut  La  bonté  de  me  prêter  pour  paier 
mon  deferage,  vous  aurez  La  bonté  d'obliger  mon  fils  a  me  Lanvoier 
Le  plutôt  qu'il  poura  pour  que  ie  Le  rande  a  ce  m'  Pestel,  au  surpl  us 
jesalue  toute  votre  honorable  famille  a  qui  ie  me  recommande  touiour 
à  Leur  bon  souvenir,  je  prie  m'  votre  père*  de  prandre  La  pêne  de 
parler  a  ma  faveur  a  monsieur  de  Cournillion^  pour  Lobliger  à  me 
randre  quelque  service,  je  ne  vous  marque  rien  de  parlicuUierde  cette 
ville  sinon  qu'il  a  party  ces  Jours  passés  six  galères  pour  La  cam- 
pagne. Le  bruit  cour  qu'il  vont  à  Naples  voila  tout  ce  que  je  vous 
puis  marquer  pour  le  pressent  vous  prient  de  me  croire  avec  tout 
le  respect  possible. 

Monsieur, 

Votre  très  humble  et  obéissant  serviteur» 

Serre. 

Salues  de  ma  part  monsieur  Labbé^,  s'il  vous  plait  que  ie  le  prie 
de  faire  quelque  chose  pour  moy  pour  tacher  a  me  tirer  de  cette 
misère  ou  pour  me  soulager  dans  icelle  par  le  moien  de  ces  (ses)  amis . 

La  présente  soit  Randue  à  mètre  Roque  Cabaretier  tenan  le  Logis 
du  Soleil  pour  faire  tenir  s'il  Luy  plait  a  monsieur  Grasset  fils  à 
Valerargue.  A.  Uzés. 

1.  Le  père  du  destinataire  delà  lettre  était  maître  Pierre  Grasset,  lieu- 
tenant déjuge  aux  ordinaires  de  Valerargues. 

2.  Messire'  Cliarles  de  Sibert,  seigneur  et  baron  de  Gornillion,  seigneur 
de  Valerargues,  Mintières  et  autres  places,  conseiller  du  Floy,  viguier  et 
maire  de  Bagnols-sur-Cèze  en  août  1694. 

3.  Il  s'appelait  l'abbé  André  Cousin,  pi-ieur  de  Valerargues.  —  Si  c'est 
bien  de  lui  qu'il  s'agit  ici,  ce  post-scriptum  de  Serre  nous  paraît  infirmer 
le  témoignage  du  Fragment,  qui  est  seul  à  parler  de  ce  galérien  à  propos 
de  l'affaire  de  Bouton  et  d'Olimpie.  (P.  F.  B.) 


LI.  —  45 


6"j0  séances  du  comité 


SÉANCES    DU    COMITE 


11   novembre  1902 

Assistent  à  la  séance,  sous  la  présidence  du  baron  F.  de  Schickler, 
MM.  Bonet-Maury,  F.  de  Félice,  F.  Kuhn,  Armand  Lods,  W.  Mar- 
tin, G.  Monod,  F.  Puaux,  R.  Reuss,  John  Vienot  et  N.  Weiss. 

Après  la  lecture  et  l'adoption  du  procès-verbal  de  la  dernière 
séance,  M.  le  président  exprime  les  regrets  du  Comité  au  sujet  du 
décès  de  M.  Charles  Frossard  que  sa  dernière  lettre  laissait  malheu- 
reusement trop  entrevoir.  La  participation  de  M.  Frossard  à  nos 
études  remontait  à  l'origine  même  de  notre  Société.  Il  s'était  inscrit 
sur  la  toute  première  liste  d'adhérents  et  porta  toujours  un  très  vit 
intérêt  à  nos  travaux.  Le  Bulletin  en  renferme  des  preuves  nom- 
breuses, et  quand  M.  Frossard  assistait  à  nos  séances,  il  avait  presque 
toujours  quelque  communication  intéressante  à  nous  faire.  Mme  Fros- 
sard a  envoyé  à  la  Bibliothèque  la  collection  de  méreaux  et  de  mé- 
dailles protestants  qu'il  avait  formée  et  désignée  comme  devant  nous 
être  remise  en  souvenir  de  lui.  Le  président  transmettra  à  Mme  Fros- 
sard, avec  les  regrets  du  Comité,  ses  remerciements  pour  ce  don. 

Bulletin.  —  Après  avoir  communiqué  le  sommaire  du  numéro  sous 
presse,  le  secrétaire  rappelle  que  la  livraison  de  Décembre  sera  la 
dernière  du  50'  volume  de  notre  recueil  et  de  toutes  celles  qui  devront 
figurer  dans  la  Table  générale.  Il  se  demande  s'il  n'y  aurait  pas  lieu 
de  faire  quelques  modifications  pour  la  série  nouvelle  qui  marquera 
en  1903  le  deuxième  cinquantenaire  de  notre  société.  La  plupart  des 
membres  présents  prennent  part  à  la  discussion  etdécident qu'il  y  aura 
une  nouvelle  séance  dans  la  quinzaine  pour  aboutir  aune  résolution 
définitive.  La  forme  actuelle  du  Bulletin  est  généralement  approu- 
vée, mais  on  pense  aussi  avec  M.  Puaux  qu'il  pourrait,  avec  avan- 
tage paraître  seulement  tous  les  deux  mois.  Le  secrétaire  commu- 
nique ensuite  la  liste  des  volumes  dont  la  table  sur  fiches  est  actuel- 
lement terminée  et  dit  que  celte  table  sera  certainement  achevée 
avant  la  fin  de  l'année  courante*. 

I.  Trois  procès-verbaux  antérieurs  à  ceux  des  13  mai,  17  juin  et  8  juillet 
publiés  dans  le  Bulletin  du  iô  novembre  dernier  (p.  602),  c'est-à-dire  ceux 
des  séances  des  18  février,  11  mars  et  8  avril  1902  n'ont  pu  être  insérés  à 
temps  à  cause  de  l'encombrement  résultant  du  compte  rendu  de  notre 
Cinquantenaire.  Ils  sont  consacrés  aux  préparatifs  de  cçs  fêtes. 


CHRONIQUE   LITTERAIRE  651 


CHRONIQ.UE  LITTERAIRE 


Histoire  de  la  Réforme  dans  le  pays  de  Montbéliard  *. 

Il  y  a  longtemps  que  je  me  propose  de  recommander  à  nos  lec- 
teurs les  deux  volumes  que  M.  John  Viénot,  alors  pasteur  à  Montbé- 
liard, aujourd'hui  professeur  à  la  Faculté  de  théologie  protestante 
de  Paris,  a  écrits  sur  l'Histoire  de  la  Réforme  dans  le  pays  de  Mont- 
béliard. J'aurais  dû  en  parler  avec  d'autant  plus  d'empressement 
qu'en  1896  (498-503),  en  rendant  compte  des  deux  thèses  de  licence 
de  noire  collègue,  et  en  montrant  à  quel  point  le  Protestantisme  dans 
le  pays  de  Montbéliard  de  l'abbé  Tournier  était  une  œuvre  de  parti, 
j'exprimais  l'espoir  que  M.  Viénot  répondrait  à  ce  pamphlet.  La 
réponse,  qui  constitue  la  thèse  de  doctorat  en  théologie  de  noire 
collègue,  est  complète  et  définitive.  Non  que  l'auteur  se  soit  beau- 
coup préoccupé  de  réfuter  l'abbé  Tournier.  Il  a  fait  plus  et  mieux  : 
En  exposant  purement  et  simplement,  à  l'aide  de  textes  authentiques 
et  contemporains,  la  naissance  et  l'organisation  de  la  Piéforme  dans 
cette  principauté  et  en  montrant  de  temps  en  temps  combien  ces 
faits  cadrent  peu  avec  la  manière  dont  les  présente  l'abbé  Tournier, 
il  a  évité  de  donner  à  son  livre  les  allures  d'un  plaidoyer.  Même 
ceux  qui  abondent  dans  le  sens  de  l'abbé  Tournier,  c'est-à-dire  qui 
ne  voient  dans  le  protestantisme  qu'une  œuvre  personnelle,  de  haine, 
de  destruction  et  de  passion,  ne  pourront  s'empêcher,  lorsqu'ils  auront 
ouvert  l'ouvrage  du  professeur,  de  constater  qu'il  est  bien  autrement 
documenté  et  digne  de  confiance  que  celui  de  son  contradicteur. 

Le  comté  —  ce  qu'on  appelle  aujourd'hui  le  pays  de  Montbéliard, 
occupe  dans  l'histoire  une  situation  ethnographique  et  politique  tout 
à  fait  particulière.  Enclavé  dans  une  sorte  d'angle  entre  la  France, 
la  Suisse  et  la  haute  Alsace,  ce  petit  coin  de  terre  était  nécessairement 
influencé  par  tout  ce  qui  se  passait  chez  ses  voisins.  Par  la  langue, 
il  se  rattachait  à  son  plus  grand  voisin,  la  France,  qui  devait  tôt  ou 
tard  l'absorber.  Mais  resté  en  dehors  du  puissant  mouvement  de 
centralisation  et  d'uniformité  morale  qui  a  dominé  toute  l'histoire  de 
France,  ses  sympathies  le  portaient  du  côté  de  la  Suisse  et  de 
l'Alsace,  c'est-à-dire  de  ce  que  nous  appelons  le  self  governinent  qui 

1.  Deux  volumes  de  xx-3G0  et  360  pages  in-B",  Montbéliard,  imprimerie 
-Montbéliardaise,  1900. 


652  CHRONIQUE    LITTERAIRE. 

était  pratiqué  dans  ces  deux  pays.  Or  les  souverains  du  comté  de 
Montbéliard  furent  allemands  et  peu  à  peu  entraînés,  à  cause  de  leur 
situation  de  princes  du  Wurtemberg,  à  donner  la  préférence  à  la 
Réforme  luthérienne.  De  là  une  sorte  d'antagonisme  entre  les  ten- 
dances des  sujets. et  celles  de  leurs  souverains.  Pourtant,  pendant 
la  plus  grande  partie  du  xvi'  siècle,  dans  tous  les  cas  jusqu'à  l'époque 
de  la  Saint-Barthélémy,  l'influence  réformée  mitigée  —  comme  elle 
l'était,  par  exemple,  en  Alsace  —  l'emporte  et  ce  furent  en  réalité  les 
protestants  français,  Guillaume  Farel,  et  Pierre  Toussain  qui  con- 
quirent cette  région  à  l'Évangile. 

M.  Viénot  nous  fait  assister  à  toutes  les  péripéties  de  la  longue 
lutte  que  se  livrèrent  ces  deux  tendances,  ainsi  qu'aux  manoeuvres 
de  l'archevêque  de  Besançon  pour  arracher  cette  partie  de  son  dio- 
cèse à  l'hérésie,  manœuvres  qui  devinrent  très  sérieuses  lors  de 
l'Intérim.  Mais  j'aurais  aimé  qu'avant  de  nous  décrire  cette  lutte  qui 
fait  l'intérêt  de  son  livre,  l'auteur  nous  donnât  une  idée  plus  nette 
des  divers  éléments  dont  se  composait  la  population  et  sur  lesquels 
s'appuyaient  ceux  qui,  à  tour  de  rôle,  s'efforçaient  de  la  gagner. 
Ainsi  je  me  suis  demandé  s'il  n'y  avait  pas  déjà  en  1524,  autour  du 
duc,  une  sorte  de  parti  allemand  composé  surtout  de  fonctionnaires 
et  si  Gaylingqui  fut  le  collègue  de  Farel  ne  prêcha  pas  en  allemand 
précisément  pour  eux.  Lorsqu'on  1543  le  représentant  du  luthéra- 
nisme et  l'adversaire  tenace  et  peu  scrupuleux  de  Toussain,  Erhard 
Schnepff  publie  en  latin  ses  ordonnances  ecclésiastiques  {Ecclesias- 
ticorum  rituum  et  cceremoniarum  ducatiis  Wittembergensis  Régula), 
il  le  fait  in  iisum  quoriimdam  parochoruni  germanice  ne  scientium, 
c'est-à-dire  à  l'usage  de  quelques  pasteurs  qui  ignorent  l'allemand. 
On  est,  dès  lors,  amené  à  se  demander  s'il  n'y  en  avait  pas  d'autres 
qui  savaient  l'allemand  et  peut-être  s'en  servaient  quelquefo  is.  Enfin, 
malgré  l'appui  officiel  dont  jouissait  le  luthéranisme  strict,  Tous- 
sain n'a-t-il  pas  réussi  à  maintenir  son  influence  et  celle  de  ses  col- 
lègues animés  de  son  esprit,  précisément  parce  que  la  très  grande 
majorité  des  pasteurs  et  des  paroissiens  ignoraient  la  langue  fami- 
lière à  Schnepff,  aux  souverains  et  à  leurs  créatures  ? 

Quoi  qu'il  en  soit,  ce  résultat  est  dû  avant  tout  à  l'esprit  paci- 
fique, conciliant  et  patient  de  Pierre  Toussain.  Non  seulement,  il 
sut  faire  des  concessions  à  ses  adversaires  théologiques,  mais  il  sut 
respecter  la  liberté  et  les  croyances  des  catholiques.  A  cet  égard, 
l'histoire  du  comté  de  Montbéliard,  à  l'instar  de  celles  de  la  Rochelle, 
du  Béarn  et  de  la  principauté  de  Sedan,  démontre  que  là  où  les 
protestants  étaient  en  majorité,  la  révolution  religieuse  a  pu  s'ac- 


CHRONIQUE   LITTÉRAIRE  653 

complir  sans  effusion  de  sang  et  sans  l'anéantissement  de  la  mino- 
rité. Pourquoi  ?  Parce  que,  malgré  l'intolérance  et  le  caractère 
absolu  des  convictions,  les  protestants  avaient  à  un  plus  haut  degré 
que  les  catholiques,  le  sentiment  de  la  liberté  et  des  droits  de  l'opi- 
nion adverse.  Jamais,  en  effet,  les  catholiques  ne  furent  expulsés 
du  pays  de  Montbéliard  et  je  n'y  ai  point  trouvé  de  procès  criminel 
pour  hérésie.  Or  il  est  incontestable  que  si  l'archevêque  de  Besançon 
y  avait  eu  les  coudées  franches,  les  mesures  de  violence  auraient 
aussitôt  été  employées  contre  les  hérétiques. 

Cette  histoire  touche  encore  par  un  autre  côté  à  l'histoire  géné- 
rale de  la  Réforme.  Guillaume  Farel  et  Pierre  Toussain  appar- 
tiennent à  la  toute  première  génération  de  réformateurs.  Cette 
génération  qui  fut  témoin  des  origines  mêmes  du  mouvement  était 
avant  tout  animée  du  désir  d'arracher  les  multitudes  aux  ténèbres 
de  la  superstition  et  d'une  ignorance  profonde.  C'étaient  des  évan- 
gélistes  beaucoup  plus  que  des  théologiens  et  bien  qu'ils  aient  été 
eux  aussi  entraînés  dans  la  polémique  anticatholique,  pourtant  les 
questions  purement  morales  et  religieuses  l'emportaient  chez  eux  sur 
les  questions  dogmatiques  pour  lesquelles  se  passionnèrent  surtout 
les  hommes  du  milieu  du  xvi*  siècle.  Or  ceux  qui  voudront  étudier 
le  protestantisme  primitif,  celui  qui  est  antérieur  aux  guerres  de 
religion,  trouveront,  surtout  dans  les  nombreux  documents  inédits 
que  M.  Viénot  a  publiés  dans  son  deuxième  volume,  une  ample  mois- 
son de  renseignements  de  première  main.  Il  faut  remercier  l'au- 
teur de  n'avoir  reculé  devant  aucune  peine  pour  colliger  à  Paris, 
Stuttgart,  Montbéliard,  Besançon,  Neuchatel  et  ailleurs,  les  160  et 
quelques  pièces  inédites  qui  composent  ce  deuxième  volume  et 
complètent  ceux  de  feu  A.-L.  Herminjard. 

J'ajouterai,  pour  me  conformer  à  l'usage,  quelques  remarques 
plus  critiques.  J  aurais  voulu  que  la  chronologie  des  événements, 
surtout  des  mouvements  de  Farel  dans  les  deux  premiers  chapitres, 
fût  serrée  d'un  peu  plus  près.  Ils  ne  laissent  pas  la  même  impres- 
sion de  clarté  que  ceux  qui  suivent.  Page  41,  la  dernière  note  devrait 
être  placée  à  la  page  suivante  et  remplacée  par  la  note  1  de  celle-ci. 
Page  42,  l'auteur  a  l'air  de  faire  de  Corneille  Agrippa  une  sorte  de 
réformateur  de  la  ville  de  Metz.  Je  suis  loin  de  méconnaître  l'impor- 
tance  du  rôle  joué  dans  les  débuts  de  la  Réforme  à  Metz  par 
C.  Agrippa,  mais  l'influence  décisive  a  été  incontestablement  exercée 
à  cette  époque  par  les  prédications  évangéliques  de  «  frère  Jehan 
Castellain  »  qui  semble  avoir  communiqué  quelque  chose  de  son 
esprit  de  douceur,  de  justice  et  de  fermeté  à  tous  ceux  qui  furent  alors 


654  CHRONIQUE    LITTÉRAIRE 

gagnés  à  TÉvangile  dans  ce  pays  (cf.  Bull.,  1886,  454,  et  1889,  98)». 
Je  ne  trouve  pas  non  plus  très  exacte  la  définition  donnée  p.  51 
de  l'opinion  de  Luther  sur  le  sacrement  de  la  Sainte  Cène.  M.  Vié- 
not  est  tombé  dans  la  confusion  produite  par  le  terme  de  présence 
réelle  improprement  appliqué  à  la  conception  catholique  opposée 
à  la  conception  protestante.  Ce  n'est  pas  la  réalité  de  la  présence 
du  Christ  dans  les  éléments  du  pain  et  du  vin  qui  était  discutée, 
mais  la  matérialité.  Les  catholiques  enseignaient,  en  effet,  la  trans- 
formation matérielle  des  éléments  de  la  Sainte  Cène  en  corps  et  en 
sang  de  Jésus-Christ.  Luther  ne  croyait  pas  à  cette  transsubstan- 
tiation, mais,  à  cause  de  son  exégèse  littéraliste  des  paroles  «  ceci 
est  mon  corps...  »,  à  la  consubstantiation,  c'est-à-dire  à  la  présence 
matérielle  du  corps  et  du  sang  de  Jésus-Christ  dans  {ann  et  stib) 
les  éléments  du  pain  et  du  vin.  Parmi  les  réformés,  Zwingli  ne 
voyait  dans  la  Sainte  Cène  qu'un  acte  commémoratif  et  symbo- 
lique, tandis  que  Calvin  enseignait  que  le  croyant  qui  y  participait 
y  trouvait  la  présence  —  réelle  aussi  —  mais  purement  spirituelle 
du  Christ. 

Enfin  puisque  M.  Viénot  a  eu  l'excellente  idée  de  joindre  à  son 
livre  quelques  illustrations,  il  aurait  peut-être  pu  nous  donner  de 
la  carte  du  comté  de  Montbéliard  une  reproduction  moins  réduite 
et  où  les  noms  seraient  plus  lisibles;  les  portraits  reproduits  sont 
généralement  contemporains,  sauf  ceux  de  Farel  et  de  Bullinger, 
qui  auraient  dû  être  pris  de  préférence  dans  les  Icônes  de  Th.  de  Bèze. 
Je  me  permettrai  de  signaler  aussi  à  notre  collègue  un  petit  vo- 
lume de  la  Bibliothèque  de  la  rue  des  Saints-Pères  qui  est  de 
nature  à  l'intéresser,  car  c'est  une  sorte  d'adaptation  allemande  du 
catéchisme  de  Pierre  Toussain,  peut-être  par  Mathias  Erbe  de 
Riquewir.  En  voici  le  titre  : 

Catechismus  un  undertveisung  christêlichs  glaubens^  in  der  Hoch 
gebornen  Herren,  Herrê  Georgen,  hochlôblicher  gedechtmis,  Graue 
j«  Wurtemberg;  unnd  pi  Milmpelgart,  etc.  Graffschafft  Harbiirg, 
unnd  Herrschafft  Rychenwyr,  der  lugend  ^u  dienst  iind  gutem 
beschriben.  Ce  catéchisme  fut  imprimé  à  Mulhouse  par  Hans  Schi- 
renhrand  et  Peter  Schmid  en  1559.  Mais  cette  impression  de  1559  est 
peut-être  une  nouvelle  édition,  puisque  la  préface,  signée  des  ser- 
viteurs de  l'Évangile  dans  le  comté  de  Harburg  et  la  seigneurie  de 
Rychenwyr,  est  accompagnée  d'une  lettre  du  comte  Georges  et 
datée  de  l'année  1543.  N.  W. 

1.  Où  il  faut  lire  p.  99,  1.  17,  Castella/n,  au  lieu  de  Castell/an. 


CHRONIQUE   LITTÉRAIRE  655 

Représentation  diplomatique  de  la  France  en  Suisse. 

M.  Edouard  Rott  a  publié  aux  frais  de  la  direclion  des  Archives 
fédérales  de  Suisse,  les  tomes  I  et  II  de  son  importante  Histoire  de 
la  Représentation  diplomatique  de  la  France  auprès  des  Cantons 
Suisses,  de  leurs  alliés  et  de  leurs  confédérés*. 

Dans  la  préface  du  tome  I,  l'auteur  définit  ainsi  l'économie  et  le  but 
de  sa  publication  :  celle-ci  ne  doit  pas  comprendre  moins  de 
neuf  volumes,  «  divisés  en  trois  séries.  La  première  série  qui  com- 
prendra les  volumes  I  à  Vi  contiendra  l'histoire  des  négociations  aux- 
quelles furent  mêlés  les  ambassadeurs  de  France  en  Suisse,  de  l'ori- 
gine des  relations  entre  les  deux  pays  jusqu'àla  période  actuelle.  La 
deuxième  série,  composée  de  deux  volumes,  donnera  les  biogra- 
phies de  tous  les  agents  du  Gouvernement  français  en  Suisse, 
ambassadeurs,  ministres,  chargés  d'affaires,  attachés...  Le  dernier 
volume,  enfin,  sera  consacré  aux  fastes  de  l'ambassade  de  France 
en  Suisse,  au  genre  de  vie  de  ses  titulaires  et  de  leur  personnel  au 
cours  des  siècles  et  dans  leurs  résidences  successives,  à  Soleure,  à 
Bade,  à  Bâle,  à  Lucerne,  puis  à  Berne ^  ». 

Ces  promesses  ont  été  largement  tenues  dans  ces  deux  premiers 
volumes. 

Étudiant  les  ambassades  par  règnes,  M.  Rott  commence,  au  début 
de  chacun,  par  une  énumération  des  agents,  ordinaires  et  extraor- 
dinaires, dépêchés  par  nos  rois  auprès  des  cantons,  dans  le  Valais, 
auprès  des  Ligues  Grises,  à  Genève.  Dans  ces  tableaux  il  indique 
très  succinctement  les  noms  des  ambassadeurs,  les  dates  de  leurs 
lettres  de  créance,  l'objet  de  leurs  missions,  le  résultat  auquel  chacun 
d'eux  est  arrivé  ;  enfin  il  énumère  les  sources  relatives  à  leurs  ambas- 
sades. Après  ce  tableau,  chacune  des  ambassades  est  étudiée  en  détail. 

Les  deux  premiers  volumes  sont  suivis  de  tables  alphabétiques, 
—  de  personnes,  —  de  lieux,  —  de  matières—,  toutes  fort  copieuses 
et  fort  exactes. 

La  documentation  est  d'une  extraordinaire  abondance  et  très  pré- 
cise :  il  n'est  pas  un  fait  avancé  qui  ne  soit  appuyé  d'une  note.  Les  docu- 
ments inédits  qu'a  connus  l'auteur  sont  nombreuxet  tirés  pour  la  plu- 
part des  Archives  de  Suisse  et  de  la  Bibliothèque  Nationale  de  Paris. 

Telle  est  l'économie  générale  de  l'œuvre  qui,  de  Tannée  1430,  s'étend 
aujourd'hui  à  l'année  1610  :  c'est,  on  le  voit,  un  ouvrage  d'érudition 

1.  2  vol.  in-/i»,  Berne,  Paris,  1900-1ÇX)2. 

2.  Préface,  pp.  iv  et  v. 


656  CHRONIQUE   LITTÉRAIRE 

plus  que  d'hisloire  proprement  dite,  bien  qu'au  début  de  chacun  des 
règnes,  l'auteur  s'efforce,  en  une  brève  introduction,  de  dégager  le 
caractère  de  l'œuvre  accomplie  par  nos  plénipotentiaires. 

La  politique  de  nos  rois  en  Suisse  s'est  proposée  deux  buts  prin- 
cipaux :  tout  d'abord  maintenir  ouvertes  à  nos  armées  les  routes  du 
Rhin  ou  du  Jura  vers  le  Pô,  dont  les  Cantons  détenaient  les  clefs,  et 
aussi  enrôler  parmi  les  Suisses  les  contingents  nécessaires  à  nos 
expéditions  militaires. 

Les  questions  confessionnelles  tiennent  naturellement  une  très 
grande  place  dans  l'histoire  de  ces  relations.  On  sait  que  les  can- 
tons ne  gardèrent  pas  l'unité  de  croyances  :  des  treize  cantons  qui 
formaient  la  Confédération  helvétique,  six  seulement,  —  ceux  de  la 
plaine  —  se  convertirent  aux  idées  nouvelles;  les  sept  autres  —  ceux 
de  la  montagne  —  restèrent  attachés  à  la  religion  catholique. 
A  partirdeHenri  II,  il  fallut  compter  avec  cette  différence  de  croyances 
et  nos  rois  ne  purent  trouver  désormais,  comme  ils  l'avaient  fait 
jusque-là,  le  même  concours  chez  les  cantons  protestants  que  chez 
les  cantons  catholiques. 

Dès  la  diète  de  Soleure  (9-15  mai  1549),  se  marqua  un  recul  très 
net  dans  les  négociations  du  «  renouvellement  »  des  traités.  Au  lieu 
des  neuf  cantons  qui  dans  la  «  journée  »  du  3  avril  avaient  offert  de 
sceller  le  traité,  il  ne  s'en  trouva  plus  que  cinq,  Lucerne,  Schwytz, 
Unterwalden,  Soleure  et  Fribourg,  pour  manifester  les  mêmes  inten- 
tions; Zurich  ainsi  qu'Lri  s'étaient  laissés  gagner  par  l'or  impérial; 
Berne  et  Claris  se  déclaraient  nettement  hostiles  à  tout  renouvel- 
lement d'alliance;  Zug,  Bâle,  Schaffhouse  et  Appenzel  élevaient 
enfin  au  dernier  moment  d'assez  sérieuses  difficultés  et  refusaient 
de  s'engager  à  défendre  «  les  duchés  français  »  de  Milan  et  de 
Savoie  (t.  I,  p.  466).  Toutefois,  pendant  les  jours  qui  suivirent,  l'ha- 
bileté de  nos  ambassadeurs  et  surtout  «  l'argent  du  roy  »  levèrent 
les  difficultés  :  «  le  traité  du  7  juin  1549,  malgré  la  défection  des 
Bernois,  consolida  tous  les  avantages  acquis  à  la  France  par  celui 
du  5  mai  1521  ». 

Henri  II  qui  n'avait  pas  ménagé  son  approbation  à  nos  ambassa- 
deurs se  montra  satisfait  à  la  nouvelle  de  la  conclusion  du  traité; 
il  continua  à  suivre  la  politique  traditionnelle  de  la  France  et  n'hé- 
sita pas  à  s'assurer  le  concours  des  cantons  protestants  comme 
celui  des  catholiques. 

Ses  fils  ne  surent  pas  maintenir  ces  traditions  :  les  Suisses  pré- 
férèrent alors  leurs  croyances  à  leurs  intérêts;  seuls  les  catho- 
liques apportèrent  désormais  à  la  royauté  leur  concours  militaire. 


CHRONIQUE   LITTÉRAIRE  657 

«  A  Dreux,  ils  forment  les  deux  cinquièmes  de  Tinfanterie  et  le 
tiers  de  l'armée  royale.  Lors  de  la  retraite  de  Meaux,  où  leurs  six 
mille  piques  tinrent  en  respect  la  cavalerie  huguenote,  ils  constituent 
l'unique  soutien  de  la  royauté  chancelante.  A  Saint-Denis,  à  Jarnac, 
à  Monconlour,  aux  sièges  de  Saint-Jean-d'Angély  etde  La  Rochelle, 
les  forces  dont  dispose  la  Couronne  sont  composées  pour  un  tiers 
au  moins  de  troupes  des  cantons.  » 

Les  Suisses  protestants  s'abstiennent  au  contraire  de  combattre 
alors  aux  côtés  de  leurs  compatriotes;  cependant  ils  refusent 
encore  à  leurs  coreligionnaires  français  le  concours  sur  lequel 
ceux-ci  croient  pouvoir  compter. —  La  nouvelle  de  la  Saint-Barthé- 
lémy «  éveille  certes  chez  eux  une  indicible  émotion  »,  mais  ne  les 
décide  pas  encore  à  servir  dans  les  armées  des  huguenots  français. 
«  Ce  n'est  que  quelques  années  plus  tard  que  les  sentiments  popu- 
laires finissent  par  l'emporter  sur  l'opinion  des  conseils  dirigeants  et 
que  l'on  voit  un  grand  nombre  de  Bernois,  de  Bâlois  et  de  Zuri- 
chois quitter  leur  pays  sans  y  être  autorisés,  pour  aller  se  joindre 
aux  armées  d'invasion  des  Jean  Casimir,  des  Dohna  et  des  Bouil- 
lon. »  (T.  II,  p.  IV.) 

La  Ligue  qui  modifie  la  situation  respective  des  partis  en  France 
modifie  aussi  l'attitude  des  cantons  à  l'égard  de  la  royauté;  à  la  fin 
du  règne  de  Henri  III,  se  dessine  une  évolution  qui  «  s'accentue  si 
bien  avec  le  temps  que,  à  Arques  et  à  Ivry,  la  moitié  des  contingents 
suisses  dont  disposait  le  roi  étaient  protestants».  Au  contraire,  à  la 
même  époque,  à  côté  des  bandes  espagnoles  de  très  importants  contin- 
gents de  Suisses  catholiques  combattaient  dans  l'armée  de  Mayenne. 

Après  la  paix  de  Vervins,  Henri  IV  s'efforça  de  réunir  en  Suisse 
protestants  et  catholiques;  mais  dès  1587,  l'Espagne  avait  conclu 
une  alliance  étroite  avec  six  des  cantons  catholiques  et  les  négocia- 
tions de  Henri  IV  échouèrent.  Durant  de  longues  années  encore  les 
éléments  conservateurs  et  catholiques  continueront  à  se  heurter  en 

Suisse  aux  éléments  libéraux  et  protestants. 

H.  Patry. 


Jacques  de  Savoie. 

M.  Max  Bruchet,  archiviste  de  la  Haute-Savoie,  a  édité  dans  la 
Revue  Savoisienne,  il  y  a  quelques  années  déjà  ',  V Instruction  accom- 

l.  Tirage  à  part  :  Etude  biographique  sur  Jacques  de  Savoie,  duc  de 
Genevois-Nemours,  suivie  de  sort  Instruction  et  discours  sur  le  faict  du  goU' 
vernement,  par  Max.  Bruchet,  Annecy,  1898.  1  plaq.,  in-S",  64  p. 


658  CHRONIQUE    LITTÉRAIRE 

pagnée  d'ung  discours  sur  lefaict  du  gouvernement  et  conduite  d'un  g 
grand  estât  et  d'une  grande  armée  pour  servir  tant  à  ung  grand  prince 
qu'à  ung  grand  cappitaine,  que  Jacques  de  Savoie,  duc  de  Genevois- 
Nemours  écrivit  pour  ses  deux  fils  Charles  et  Henri  de  Savoie,  trois 
ans  avant  sa  mort,  dans  sa  retraite  de  Montcalier,  près  de  Turin 
(1582).  M.  B.  a  fait  précéder  cette  publication,  intéressante  surtout 
au  point  de  vue  littéraire,  d'une  notice  biographique,  succincte  mais 
précise,  sur  ce  prince  qu'on  a  surnommé  le  «  Don  Juan  de  la  Cour 
des  Valois  »  et  dont  les  élégances  et  les  bonnes  fortunes  firent  grand 
bruit  au  xvr  siècle. 

Partisan  dévoué  des  Guises,  le  duc  de  Nemours  s'attira  la  haine 
des  protestants  à  la  suite  de  ses  aventures  avec  Françoise  de  Rohan 
qui  était  de  la  religion  réformée  :  on  sait  qu'il  séduisit  puis  aban- 
donna Françoise  de  Rohan  et  qu'un  procès  retentissant  s'ensuivit, 

qu'ont  étudié  MM.  de  Ruble  et  de  Laferrière. 

H.  Patry. 


L'humaniste  hétérodoxe  catalan  Pedro  Gales. 

L'intéressant  document  publié  par  M.  Besson  à  propos  de  l'ar- 
restation pour  crime  d'hérésie  de  l'érudit  espagnol  Pedro  Gales,  la 
substantielle  notice  de  M.  A.  Bernus  sur  le  même  personnage*,  ont 
suscité  trois  articles  remarquablement  précis  et  documentés  de 
MM.  Ed.  Bœhmer  et  A.  Morel-Fatio,  insérés  dans  le  Journal  des 
Savants  de  ju'ûlel,  août  et  septembre  1902.  Analysant  tout  d'abord 
d'une  façon  serrée  le  document  apporté  par  M.  Besson,  ils  dégagent 
quelques  faits  précis  sur  les  origines,  l'éducation,  la  carrière  scien- 
tifique de  Pedro  Gales  :  C'était  un  catalan  qui  naquit  vers  1537  à 
Ulldecona  en  Tarragone,  alla  étudier  aux  universités  de  France  et 
d'Italie,  devint  professeur  à  Genève  (1582-1586),  puis  enseigna  à 
Nîmes  quelques  mois  (1587-158S),  à  Orange  où  il  demeura  près  de 
trois  ans  (1588-1591),  enfin  à  Castres  (1.591-1593).  Alors  qu'il  quit- 
tait cette  dernière  ville  pour  se  rendre  à  Bordeaux  où  il  allait, 
accompagné  de  sa  femme  et  de  ses  deux  filles,  solliciter  un  poste 
de  professeur,  il  fut,  on  le  sait,  arrêté  sur  son  chemin,  à  Marmande, 
par  un  parti  de  ligueurs  et  emprisonné  comme  huguenot  (août  1593). 

Disgracié  de  la  nature,  —  il  était  borgne  — ,  malheureux  dans 
son  ménage*,  il  semble  qu'il  ait  voulu  chercher  des  consolations  du 

1.  Bull.  1900,  204-205  et  276-280. 

2.  11  avait  épousé  à  Genève  une  certaine  Lavinia,  originaire  de  Vicence. 


CHRONIQUE    LITTÉRAIRE  65^ 

côté  de  la  science.  Théologien,  juriste,  philologue,  numismate,  il 
avait  de  nombreuses  relations  dans  le  monde  de  l'érudition  de  la 
fin  du  seizième  siècle,  et  il  s'était  lié  particulièrement,  à  Genève,  avec 
Isaac  Casaubon  :  il  communiquait  à  celui-ci  des  textes,  lui  signalait 
des  manuscrits,  lui  proposait  des  corrections  pour  ses  ouvrages  en 
cours  de  publication.  Quelques  années  après  la  mort  de  son  mari, 
comme  la  veuve  de  Pedro  Gales  venait  visiter  Casaubon,  le  grand 
humaniste  n'hésitait  pas  à  se  déranger  de  ses  travaux  pour  causer 
longuement  avec  elle  et  l'encourager,  trouvant,  suivant  ses  propres 
expressions,  «  la  bienveillance  supérieure  à  l'étude  ». 

La  découverte  de  la  relation  du  procès  de  Gales  a  enfin  permis 
à  MM.  B.  et  M. -F.  d'élucider  définitivement  la  question  de  sa  mort. 
Alors  qu'après  son  arrestation,  on  le  transportait  en  Espagne  pour 
que  lesjuges  de  l'Inquisition  au  siège  de  Saragosse  pussent  lui  faire 
son  procès,  Gales  mourut  en  route.  Comme  il  était  mort  a  perti- 
nace  »,  n'ayant  cessé  jusqu'à  ses  derniers  moments  d'affirmer  ses 
convictions  protestantes  et  de  soutenir  ses  idées  nettement  héré- 
tiques —  la  sentence  définitive  fut  que,  «  relaxé  en  effigie,  son 
corps  et  ses  os  seraient  de  même  relaxés  »  au  bras  séculier. 

Modestement,  MM.  Bœhmer  et  Morel-Fatio  concluent  en  décla- 
rant qu'ils  n'ont  pas  pu  utiliser  toutes  les  sources  oîi  l'on  pourrait 
puiser  pour  éclaircir,  plus  complètement  qu'ils  n'ont  pu  le  faire,  les- 
détails  de  la  vie  et  de  l'activité  scientifique  de  Calés;  ils  pensent 
que  d'autres  lettres  que  celles  qu'ils  ont  connues  de  lui  existent  en 
Espagne, en  Italie,  en  France  même;  ils  signalent  aussi  les  papiers 
de  l'anticiuaire  espagnol,  Antonio  Agustin,  archevêque  de  Tarra- 
gone  qui  était  en  relations  avec  Calés  et  ceux  de  Casaubon  con- 
servés en  Angleterre,  comme  susceptibles  de  fournir  des  renseigne- 
ments nouveaux.  H.  Patry. 

A  cette  note  destinée  surtout  à  signaler  une  élude  qui  démontre 
d'une  manière  remarquable  tout  ce  qu'avec  de  la  patience,  de  la 
sagacité  et  beaucoup  de  travail,  on  peut  trouver  sur  un  nom 
presqu'oublié,  je  me  permets  d'ajouter  ces  quelques  lignes  qui 
corrigent  le  texte  de  M.  Besson  {Bull.  1900,  p.  205)  : 

«  Le  carton  où  se  trouvent  nos  pièces  porte  la  cote  K  1586  (et  non 
1536)  et  la  citation  Histoire  des  Heterodoxos  {sic)  n'a  rien  à  faire 
ici,  elle  ne  se  rapporte  à  aucune  classification  des  Archives  natio- 
nales. M.  Besson  a  eu  sans  doute  en  vue  l'ouvrage  de  D.  Marcelina 
Ménendez  y  Pelayo,  qui  d'ailleurs  ne  parle  pas  de  Calés,  et  ce  ren- 
voi a  été  introduit,  nous  ne  saurions  nous   expliquer  comment,. 


660  CHRONIQUE   LITTÉRAIRE 

dans  son  article.  La  traduction  abrégée  qu'il  donne  ensuite  s'ap- 
plique uniquement  au  n°  120,  comme  on  le  verra  en  lisant  cette 
pièce,  et  non  pas  aux  deux  n"  116  et  120*;  enfin  la  date  du  pas- 
sage de  Gales  à  Marmande  n'est  pas  le  3  août,  mais  le  8  :  «  a  los 
ocho  desle...  »  Ajoutons-y  en  dernier  lieu,  que  les  lettres  du  capi- 
taine Saravia  où  il  annonce  sa  capture  sont,  non  du  15  août,  mais 
du  19.  Et  maintenant  une  remarque  sur  le  nom  de  l'Espagnol  héré- 
tique. M.  Besson  a  lu  lates  dans  le  n'ilô,  la  seule  de  ces  deux 
pièces  où  l'Espagnol  soit  désigné  nominativement.  Ce  rapport  qui 
n'est  qu'un  déchiffrement,  porte,  en  effet,  dans  le  titre  lates  qui  a 
été  corrigé  en  Gates,  puis,  dans  les  premières  lignes  du  texte,  et 
celte  fois  clairement,  Gates.  11  est  évident  que  le  commis  de  la 
chancellerie  de  Philippe  11  s'est  trompé  en  déchiffrant,  et  ce  qui  le 
prouve,  c'est  qu'une  autre  pièce,  du  même  carton  (le  n»  123),  dont 
ne  parle  pas  M.  Besson  et  qui  émane  du  même  déchiffreur,  donne 
également  Gates.  Au  reste,  peu  importe  :  l'identification  de  l'Espa- 
gnol arrêté  avec  Pedro  Gales  est  tout  à  fait  certaine ^  ». 

N.  W. 


Histoire  du  Protestantisme  français  pendant  la  Révolution 
et  l'Empire  ^ 

Dans  l'Introduction  de  son  Histoire  du  Protestantisme  français 
pendant  la  Révolution,  M.  le  pasteur  Ch.  Durand  constate  avec 
raison  que  nous  savons  peu  de  choses  sur  les  destinées  du  protes- 
tantisme pendant  la  période  qui  s'ouvre  par  l'édit  de  Tolérance  et 
se  termine  au  lendemain  de  la  promulgation  des  articles  orga- 
niques de  l'an  X. 

Pour  écrire  celte  histoire  il  faudrait  consulter  les  registres  des 
consistoires,  réunir  la  correspondance  des  pasteurs,  compulser  les 
rapports  de  police  conservés  aux  Archives  Nationales  et  les  docu- 
ments administratifs  qui  se  trouvent  à  l'administration  des  cultes. 

1.  Dans  le  résumé  qui  précède  la  traduction  du  document,  M.  Besson 
a  toutefois  signalé  quelques  faits  de  la  vie  de  Gaies  qui  ne  se  lisent  que 
dans  le  n°  116. 

2.  J'ai  tenu  à  ajouter  ces  lignes  à  la  note  que  j'avais  prié  M.  H.  Patry 
de  rédiger  pour  moi,  afin  d'établir  une  fois  de  plus  que  toute  cor- 
rection de  fait  est  ici  la  bienvenue.  Je  désire  du  même  coup  prier  notre 
correspondant  occasionnel  M.  P.  Besson,  de  redoubler  d'attention  quand 
il  recueillira  quelque  texte  pour  le  Bulletin.  N.  W. 

3.  Par  Ch.  Durand.  Paris,  Fischbacher,  1902,  1  vol.  in-18. 


CHRONIQUE    LITTÉRAIRE  6(31 

En  attendant  que  ce  travail  s'accomplisse,  M.  le  pasteur  Durand 
a  très  heureusement  groupé  les  renseignements  épars  dans  les  mo- 
nographies consacrées  à  l'histoire  locale  de  diverses  Églises,  ainsi 
que  les  études  de  Camille  Rabaud  sur  Lasource  et  sur  Bonifas-La- 
roque,  de  MM.  Doumergue,  Maury,  Weiss  et  Félix  Kuhn. 

Il  est  regrettable  que  l'auteur  n'ait  point  utilisé  l'ouvrage  de 
M.  Lévy-Schneider  sur  Jeanbon  Saint-André,  les  études  sur  le 
club  de  Monlauban,  publiées  par  la  Revue  d'histoire  contemporaine, 
et  l'important  recueil  de  documents  du  comte  Boulay  de  la  Meurlhe 
sur  La  négociation  du  Concordat. 

En  réalité,  M.  Durand  ne  s'occupe  guère  que  des  Églises  réfor- 
mées, il  ne  dit  presque  rien  des  Églises  luthériennes  d'Alsace  et  du 
pays  de  Montbéliard.  Il  aurait  sur  ce  sujet  trouvé  de  précieuses 
indications  dans  les  travaux  de  MM.  les  pasteurs  Charles  Roy,  Au- 
guste Chenot  et  John  Viénot. 

Après  avoir  montré  dans  quel  état  d'anarchie  se  trouvait  le  pro- 
testantisme pendant  les  troubles  révolutionnaires»,  après  avoir 
constaté,  contrairement  à  l'affirmation  de  M.  de  Pressensé,  que  le 
culte  cessa  dans  la  France  presque  tout  entière  de  juin  1794  à  la 
loi  de  mars  1795,  \\.  Durand  étudie  les  travaux  préparatoires  de 
l'an  X. 

\.  Sur  le  nombre  des  pasteurs  qui  siégèrent  pendant  la  Révolution  aux 
assemblées  parlementaires,  M.  Durand  ne  donne  aucun  renseignement 
précis.  Il  confond  V Assemblée  constituante  et  la  Convention  quand  il 
écrit  :  «  Neuf  pasteurs  au  moins  siègent  à  l'Assemblée  constituante, 
peut-être  onze;  les  chiffres  varient  suivant  les  auteurs  »  (p.  77).  Un  pas- 
sage du  Recueil  de  discours  ou  fragmens  de  discours  relatifs  à  diverses 
circonstances  de  VÉtat,  prononcés  par  J.-.A  Blachon,  Nismes,  180i,  nous 
permet  de  rectifier  ces  erreurs  :  «  Il  n'y  avait  à  l'Assemblée  constituante 
qu'une  quinzaine  de  protestants,  parmi  lesquels  un  seul  de  leurs  ministres, 
Rabaut  Saint-Etienne,  connu  auparavant  par  ses  productions  littéraires 
et  depuis  par  ses  talents,  sa  sagesse  et  son  supplice... 

«  Il  faut  apprendre  à  ceux  qui  l'ignorent  que  l'Assemblée  législative  et 
la  Convention  n'ont  comi)té  qu'une  vingtaine  de  memjjres  protestants,  dont 
NEUF  MINISTRES  à  la  Convention.  Les  noms  de  ceux-ci  parleront  pour  eux, 
s'ils  l'ont  illustré.  Les  voici  avec  ceux  des  Églises  où  ils  ont  fonctionné  : 
Rabaut  Saint-Étienne,  de  .\imes;  Rabaut-Pomier,  son  frère,  de  Mont- 
pellier; Bernard,  de  Saint-Affrique  ;  Lasource,  de  Castres;  Julien,  de 
Toulouse;  Jeanbon  Saint-André,  de  Montauban  ;  Jay,  de  Sainte-Foy; 
Lombard- Lachau.x,  d'Orléans;  Dentzel,  de  Landau  »,  p.  94.  —  A  cette 
liste,  il  convient  d'ajouter  Grimmer,  de  Wissembourg,  député  suppléant 
du  Bas-Rhin,  qui  siégea  à  la  Convention  à  partir  du  10  ventôse  an  III. 
Comparez  :  Le  Rôle  religieux  des  pasteurs  dans  les  Assemblées  politiques 
de  la  Révolution,  par  Léon  Peyric.  (Thèse,   1902.) 


062  CHRONIQUE   LITTÉRAIRE 

Il  attribue  à  tort  à  Portails  (p.  112)  le  projet  qui  abrogeait  les 
actes  et  règlements  portant  atteinte  à  rindépendance  des  Églises 
protestantes,  mais  n'assurait  aux  pasteurs  aucun  traitement  sur  le 
budget  de  l'État.  Ce  document  a  été  rédigé  par  Blanc  d'Hauterive 
en  mars  1801.  Cette  erreur,  commise  déjà  par  Artaud  dans  VHis- 
toire  de  Pie  VII  (t.  I,  p.  265),  reproduite  par  de  Félice  (Histoire 
des  Protestants  de  France,  p.  572)  et  par  Puaux  {Histoire  de  la  Ré- 
Jormation  en  France,  t.  VII,  p.  346),  ne  saurait  être  trop  signalée, 
car  elle  est  de  nature  à  fausser  les  idées  sur  toute  histoire  impar- 
tiale des  origines  des  articles  organiques*. 

Afin  de  hâter  l'exécution  de  la  loi  de  l'an  X  et  d'obtenir  des  mo- 
difications à  certains  articles,  les  protestants  établirent  à  Paris  une 
agence  générale.  M.  Durand  se  demande  si  c'est  Rabaut  le  jeune 
ou  Rabaut-Pomier  qui  fut  chargé  de  s'occuper  des  intérêts  protes- 
tants et  il  estime  que  Rabaut  le  jeune,  conseiller  de  préfecture  à 
Nîmes  en  1804,  n'a  guère  pu  être  à  cette  époque  le  chargé  d'af- 
faires des  consistoires  à  Paris.  Il  est  facile,  en  consultant  les  docu- 
ments de  l'époque,  d'être  fixé  sur  ce  point.  Celte  mission  déli- 
cate de  défendre  les  droits  du  protestantisme  fut  parfaitement  con- 
fiée à  Rabaut  le  jeune,  qui  était  alors  député  au  Corps  législatif  et 
secrétaire  du  consistoire  de  Paris.  11  fut  nommé  conseiller  de  pré- 
fecture de  l'Hérault  à  la  fin  de  1807  et  non  en  1804. 

Dans  une  délibération  du  23  messidor  an  XI  (12  juillet  1803)  le 
consistoire  de  Montauban  adhère  aux  décisions  prises  par  les 
Églises  les  plus  influentes  qui  «  ont  déjà  prié  le  citoyen  Rabaut  le 
jeune,  issu  d'une  famille  qui  tout  entière  appartient  au  sacerdoce, 
de  veiller  à  leurs  intérêts  ».  Un  an  plus  tard,  le  17  messidor  an  XII 
(6  juillet  1804),  le  consistoire  de  Nantes  se  déclare  pénétré  de  re- 
connaissance pour  le  zèle  qui  a  animé  Rabaut  le  jeune  dans  l'éta- 
blissement d'un  bureau  de  correspondance;  il  vote  en  sa  faveur  une 
subvention  annuelle  de  200  francs.  Même  somme  avait  été  votée 
par  le  consistoire  de  Mazamet. 

Grâce  aux  démarches  de  Rabaut  le  jeune,  l'arrêté  du  15  germinal 
an  XII  détermina  le  taux  du  traitement  des  pasteurs  mis  à  la  charge 
de  l'État.  Celte  allocation  pécuniaire  a,  si  nous  en  croyons  M.Du- 
rand, conduit  les  protestants  «  à  l'assoupissement  »  le  plus  complet. 
Ils  ont  ainsi,  ajoute-l-il, acheté  bien  cher  la  protection  de  Napoléon. 

1.  Rectifier,  d'après  ces  indications,  mon  Élude  sur  V Eglise  Réformée 
de  Paris  pendant  la  Révolution.  Bulletin,  t.  XXXVIII  (1889),  p.  A67  et  413. 
■Comparer  Boulay  de  la  Meurlhe,  Documents  sur  la  négociation  du  Con- 
cordat, t.  III,  p.  191. 


CORRESPONDANCE  663 

Nous  ne  nous  montrerons  pas  aussi  sévère  pour  l'attitude  prise 
par  les  Églises  au  moment  du  Concordat.  Pour  juger  impartiale- 
ment l'état  d'esprit  des  protestants,  il  faut  se  souvenir  que  le  premier 
consul  accordait  aux  réformés  et  aux  luthériens  des  droits  éo-aux 
à  ceux  qu'il  conférait  aux  catholiques.  Il  ne  faut  pas  oublier  que  ce 
système  de  protection  bienveillante  succédait  aux  persécutions  les 
plus  cruelles  et  que  le  titre  de  religion  dominante  était  refusé  au 
catholicisme. 

Sous  ce  régime  aVégalité,  le  protestantisme  a  grandi,  s'est  fortifié 
et  a  préparé  le  triomphe  de  la  vraie  liberté.  Acquerrait-il  plus  de 
force  si  le  Parlement  prononçait  la  séparation  des  Églises  et  de 
l'État?  Il  est  permis  d'en  douter,  car  le  parti  politique  qui  réclame 
la  suppression  du  budget  des  cultes  cherche  à  diminuer  l'influence 
du  catholicisme  et  ne  pourrait  guère  accorder  à  la  minorité  pro- 
testante des  faveurs  qu'il  refuserait  certainement  à  la  religion  de  la 
majorité  des  Français. 

Armand  Lods. 


CORRESPONDANCE 


Protestants  de  Monneanx-Essomes  réfugiés  au  sud  de  l'Afrique 

après  la  Révocation  (V.  plus  haut,  p.  561).  —  Cet  article  inséré  dans 
le  Bulletin  du  15  octobre  dernier,  nous  a  valu  deux  lettres.  La  pre- 
mière, signée  Vve  J.  Widemann,  nous  vient  de  Rothau  et  rectifie 
l'assertion  de  la  page  565  que  le  nom  de  Botha  serait  hollandais.  On 
savait,  en  effet,  que  le  général  Louis  Botha  avait  déclaré  être  né  en 
Alsace.  Le  Journal  d'Alsace  a  récemment  publié  son  acte  de  naissance. 
Le  voici  : 

«  L'an  mil  huit  cent  cinquante  trois,  le  vingt  et  un  du  mois  de 
Mars,  à  deux  heures  après  midi,  Par-devant  nous,  Rist,  Ignace, 
Marie,  Officier  de  l'Etat-civil  de  la  Commune  de  St.  Louis,  Canton 
de  Huningue,  Département  du  Haut-Rhin,  est  comparu  le  Sieur 
Léon,  Auguste,  Botta,  âgé  de  trente  neuf  ans.  Directeur  des  messa- 
geries Générales,  natif  de  Landau  (Bavière  Rhénane)  domicilié  en 
cette  Commune,  le  quel  nous  a  déclaré,  que  hier,  vingt  du  courant, 
à  neuf  heures  et  demie  du  soir,  il  lui  est  né  à  St.  Louis,  en  sa  de- 
meure, un  enfant  de  cexe  masculin,  qu'il  nous  présente  et  auquel  il 
a  déclaré  vouloir  donner  les  prénoms  de  Léon,  Auguste,  Marie,  Louis, 


(36 'i  CORRESPONDANCE 

le  quel  enfant  il  a  eu  de  son  épouse  Léontine  Fritsch,  âgé  de  vingt 
quatre  ans,  sans  état  domicilié  en  ce  lieu;  les  dites  déclarations  et 
présentations  faites  en  présence  de  Sieurs  Charles  Scimer,  âgé  de 
31  ans,  Commissionnaire,  et  M.  Sutter,  âgé  de  38  ans,  facteur  aux 
messageries,  les  deux  domiciliés  en  cette  Commune;  et  ceux  les  dits 
père  et  témoins  signe  avec  nous  le  présent  acte  de  naissance  après 
qu'il  leur  en  a  été  donné  lecture.  » 

Le  Journal  ajoute  qu'après  la  mort  de  son  mari,  la  veuve  Botha 
se  retira  avec  ses  enfants  à  Markolsheim  ;  plus  tard,  elle  se  rendit  en 
Algérie.  Un  vieil  habitant  de  Saint-Louis,  qui  a  connu  le  père  du 
général,  montre  aujourd'hui  encore  la  maison  habitée  par  la  famille 
Botha. 

La  deuxième  lettre  vient  de  l'auteur  même  de  l'article.  La  voici  : 
Aulnois-Essômes  (Aisne),  22  novembre   1902. 
Monsieur  le  Secrétaire, 

Je  fais  appel  à  la  loyauté  de  la  Rédaction  du  Bulletin  pour  l'inser- 
tion intégrale  de  cette  courte  lettre. 

C'est  sans  mon  aveu  que  ma  note  sur  la  famille  Taillefert,  émi- 
grée  au  Cap  après  la  Révocation,  a  été  modifiée  par  additions  et 
suppressions.  J'aurais  préféré,  comme  j'ai  eu  l'honneur  de  vous 
l'écrire,  qu'elle  ne  fût  pas  publiée. 

Puisque  le  Bulletin  trouve  trop  longue  la  réfutation  que  je  lui 
soumettais,  des  corrections  subies  par  mon  texte,  je  tiens  à  dégager 
ma  responsabilité  sur  les  points  suivants  : 

La  phrase  «  après  avoir  fait  semblant  de  renoncer  à  sa  foi...  etc.  » 
appartient  à  la  Rédaction  :  elle  ne  reflète  pas  mon  sentiment;  et, 
de  plus,  les  actes  de  réparation  dont  on  y  parle,  sont  d'une  attribu- 
tion douteuse  :  je  ne  me  permettrais  pas,  par  exemple,  de  préciser 
quel  est  celui  des  Isaac  Taillefer  auquel  ils  se  rapportent. 

Je  n'accepte  pas  davantage  la  liste  des  passagers  de  VOosterland 
telle  qu'elle  est  introduite  dans  mon  texte,  ni  l'âge  qu'on  y  donne  à 
Suzanne  Taillefert  :  car  je  ne  veux  pas  contredire  à  plaisir  les  docu- 
ments détaillés,  qu'on  a  recueillis,  contrôlés  et  publiés  au  Cap. 

Veuillez  agréer,  Monsieur,  l'expression  de  mes  sentiments  distin- 
gués, 

G.    BOUVART, 

agrégé  de  l'Université. 

M.  Bouvart  que  je  n'ai  pas  l'honneur  de  connaître  autre- 
ment que  par  ses  lettres  n'avait  nul  besoin  d'invoquer  la  loyauté 


CORRESPONDANCE  (j65 

de  la  Rédaction  du  Bulletin.  Si  je  n'ai  pas  inséré  ses  précédentes 
missives,  c'est  qu'à  l'instar  de  celle-ci,  elles  remplaçaient  beaucoup 
plus  longuement,  les  preuves  à  opposer  à  mes  «  corrections  »,  par 
de  vagues  protestations. 

Quand  M.  Bonet-Maury  m'a  remis  l'extrait  de  la  conférence  de 
M.  Bouvart,  il  terminait  son  petit  mot  par  cette  ligne  :  «  ne  pour- 
rait-on pas  l'insérer  avec  quelques  retouches?  » 

Je  m'aperçus  aussitôt,  en  parcourant  l'article,  qu'il  ne  citait  aucun 
acte  tiré  des  registres  de  l'Église  wallonne  que  pourtant  la  famille 
Taillefert  avait  dû  fréquenter  puisqu'elle  ne  s'était  rendue  au  Cap 
qu'après  avoir  séjourné  en  Hollande.  Je  priai  donc  M.  Hoek,  commis 
de  la  Bibliothèque  wallonne  de  m'envoyer  les  extraits  des  fiches  de 
celte  Bibliothèque  concernant  les  Taillefert.  Je  reçus  aussitôt  les 
actes  que  j'ai  intercalés  dans  le  travail  de  M.  Bouvart*.  Ces  actes 
constatent,  comme  on  l'a  vu,  que  le  11  janvier  1687,  Isaac  Taillefert 
fut  reçu  membre  de  l'Église  wallonne  de  Middelbourg  «  par  répara- 
«  tion  publique  de  ses  erreurs  d'avoir  embrassé  la  religion  catho- 
«  lique  »:  qu'il  fut  naturalisé  le  17  janvier;  que  le  16  septembre  sui- 
vant sa  femme  Suzanne  Briet  fut  reçue  dans  la  même  Église,  aussi 
«  par  réparation  publique  »  et  que  le  17  octobre,  les  deux  parents  y 
firent  baptiser  leur  fille  Suzanne. 

Ces  actes,  M.  Bouvart  les  répudie  et  laisse  entendre  qu'ils  pour- 
raient se  rapporter  à  un  autre  Isaac  Taillefert,  simplement  parce 
qu'il  ne  veut  pas  admettre  qu'à  Middelbourg  les  fugitifs  de  Moyineaux 
se  repentirent  publiquement  d'avoir  abjuré  leur  religion  au  moment  de 
la  Révocation.  Or  c'est  un  fait  connu  qu'en  1685  les  protestants  français 
abjurèrent  en  masse,  uniquement  parce  qu'ils  y  étaient  forcés  et 
qu'ils  émigrèrent  dès  qu'ils  le  purent,  précisément  pour  ne  plus  être 
contraints  de  passer  pour  ce  qu'ils  n'étaient  pas.  Mais  supposons 
un  instant  qu'Isaac  Taillefert  ait  été  du  très  petit  nombre  de  ceux 
qui  réussirent  à  éviter  l'universelle  apostasie.  On  sait  que  dans  ce 
cas  il  aurait  été  emprisonné.  Supposons  encore  qu'il  ait  réussi  à 
échapper  à  la  fois  aux  convertisseurs  et  à  la  prison.  Comment  se 
fait-il  qu'on  le  retrouve  à  Middelbourg,  avec  la  mention  susdite? 

Ici  M.  Bouvart  laisse  entendre  que  cette  mention  concerne  un 
autre  Taillefert.  Je  sais  très  bien  qu'il  y  avait  alors,  dans  l'Église 
de  Nogenlel  plusieurs  Taillefert  (E.  Briet,  Le  Protestantisme  en 
Brie,  1885,  p.  116).  Mais  il  n'y  en  avait  qu'un  avec  le  prénom  d' Isaac 
qui  eût  épousé  Suzanne  Briet.  Comme  on  ne  trouve  en  Hollande 

1.  En  ayant  soin  d'en   prévenir  le  lecteur  par  ma  noie  de  la  page  561. 

LI.  —  46 


()GG  COHHESPONDANCE 

que  celui-là,  il  faut  y  mettre  plus  que  de  la  bonne  volonté  pour 
affirmer  qu'il  s'agit  d'un  autre. 

Outre  les  actes  que  je  viens  d'énumcrer,  M.  Hoek  m'avait  envoyé 
aussi  la  liste  des  membres  de  la  famille  Taillefert  embarqués  sur 
VOosterland  le  29  janvier  1688  à  destination  du  Cap.  Cette  liste  men- 
tionne six  enfants  dont  les  deux  derniers  :  Marie,  âgée  de  2  ans  1/2 
et  Suzanne  d'un  an,  alors  que  la  liste  de  M.  Bouvart  place  Suzanne 
avant  Marie.  Ici  encore  M.  Bouvart  n'accepte  pas  ma  rectification 
d'ailleurs  minime  —  et  c'est  pour  «  ne  pas  contredire  à  plaisir  les 
documents  détaillés  qu'on  a  recueillis,  contrôlés  et  publiés  au 
Cap  ».  —  Or  il  ne  s'agit  nullement  de  contredire  à  plaisir  des  docu- 
ments qui  n'ont  nullement  été  contrôlés,  mais,  puisqu'on  est  en 
présence  de  deux  listes  différentes,  de  donner  la  préférence  à  celle 
qui  concorde  avec  d'autres  actes  formels.  Les  époux  Taillefert 
n'ont  fait  baptiser  à  Middelbourg  qu'un  enfant,  Su^anne^  le  19  oc- 
tobre 1687.  Si  le  29  janvier  1688,  Marie  avait  eu  un  an,  elle  aurait 
sans  doute  aussi  été  baptisée  en  Hollande.  Puisque  nous  ne  trou- 
vons qu'un  baptême,  et  qu'il  concorde  avec  les  données  de  l'une  des 
deux  listes  qui  dit  que  le  29  janvier  1688  Marie  avait  2  ans  1/2  et 
Suzanne  seulement  un  an,  il  est  logique  de  donner  la  préférence  à 
cette  liste*. 

Je  regrette  d'ennuyer  le  lecteur  avec  des  démonstrations  aussi 
élémentaires,  et  de  lui  laisser  entendre  que,  malgré  ses  idées  très 
arrêtées,  M.  Bouvart  a  pu  se  tromper.  Je  suis  bien  obligé,  pour  le 
prouver  et  pour  établir  du  même  coup  ma  «  loyauté  »,  de  rappeler 
une  rectification  dont  M.  Bouvart  ne  parle  pas.  Primitivement,  son 
article  débutait  ainsi  : 

«  Dès  1678,  on  trouve  sur  les  registres  de  l'Église  de  Nogentel 
«  qui  était  alors  le  centre  du  culte  réformé  pour  Château-Thierry, 
«  Vaux  et  Monneaux,  le  baptême  d'un  fils  d'Isaac  Taillefert,  chape- 
«  lier  à  Château-Thierry,  puis  d'un  autre  fils  en  1680.  La  mère  est 
«  Suzanne  Briet.  Le  registre  arrêté  à  cette  date  ne  nous  apprend 
«  pas  si  ce  ménage  a  eu  d'autres  enfants  avant  ou  après  ces  deux- 
«  là  ». 

En  me  reportant  au  volume  déjà  cité  de  M.  Briet,  p.  228,  je 
m'aperçus  que  Jean,  fils  d'Isaac  Taillefert  avait  été  baptisé  le 
2  février  1676  et  non  1678,  et  qu'entre  lui  et  le  fils  baptisé  le  26  sep- 

1.  Nous  avons,  à  propos  des  ancêtres  du  général  Jouberl,  déjà  dû 
admettre  une  interversion  dans  Tordre  d'inscription  de  deux  passagers 
d'un  autre  naNire  allant  aussi  au  Cap  (Voy.  Bull.,  Is99,  072i. 


CORRESPONDANCE  667 

tenibre  1680,  les  extraits  des  registres  imprimés  par  M.  Briet  men- 
tionnaient deux  filles  des  mêmes  parents,  savoir  Suzanne  baptisée  le 
G  février  1678  (p.  232)  et  Marie  Madeleine,  baptisée  le  21  juin  1679 
(p.  235)*.  Il  y  avait  donc  dans  ces  premières  lignes  de  M.  Bouvart, 
une  inexactitude  et  deux  omissions  que  j'eus  heureusement  le  temps 
de  corriger  avant  le  bon  à  tirer. 

Je  m'attendais,  en  conséquence,  aux  remerciements  qu'on 
m'adresse  quelquefois  lorsque  je  corrige  de  ces  erreurs  que  com- 
mettent les  plus  attentifs  ou  bien  lorsque  je  me  permets  de  leur 
indiquer  des  faits  qui  ont  pu  leur  échapper. 

On  voit  que  je  m'étais  sérieusement  trompé. 

N.  W. 


Les  préliminaires  de  la  loi  de  terminal  an  X.  —  On  est  prié  de 
compléter  par  cette  note  ce  que  je  dis  au  commencement  du  der- 
nier paragraphe  de  la  page  303,  en  la  rattachant,  par  un  renvoi,  à 
la  date  de  1802  : 

Le  10  août  1 801 ,  Chaptal  avait  été  chargé  de  recueillir  et  d'exposer, 
dans  un  mémoire,  les  réponses  à  diverses  questions  concernant  les 
cultes  luthérien  et  calviniste.  A  cet  effet,  le  premier  consul  l'avait 
autorisé  à  faire  venir  des  départements  quelques  pasteurs  estimés 
et  modérés,  puis,  dans  un  P. -S.,  il  avait  ajouté  :  «  Si  vous  trouvez, 
«  à  Paris,  des  protestants  et  des  calvinistes  éclairés,  de  toutes  les 
«  parties  de  la  France,  qui  puissent  vous  donner  des  renseigne- 
«  ments  sur  ces  différentes  questions,  vous  pourrez  vous  dispenser 
«  d'en  appeler  des  départements  ».  —  Chaptal  se  borna  à  consulter 
des  notables  parisiens.  M.Met^^ger,  membre  du  Corps  législatif  devint 
l'intermédiaire  entre  le  gouvernement  et  les  luthériens.  —  Du  côté 
des  réformés,  Rabaut-Dupui,  membre  du  Corps  législatif,  Rabaut- 

\.  Isaac  Taillefert  et  Suzanne  Briel  eurent  donc  au  moins  huit  enfants  : 
Elisabeth  qui  avait  14  ans  en  lOiSS  et  serait  dès  lors  née  en  lt)74,  .lean 
qui  en  avait  12  et  était  de  1676.  Suzanne  de  1678,  Marie-Madeleine  de  1679, 
autre  Jean  (ou  Isaac?)  de  1680,  Pierre  de  1683,  Marie  de  1685,  et  Suzanne, 
de  1687.  De  ces  huit  enfants,  il  ne  restait  en  1688  que  les  deux  premiers 
et  les  quatre  derniers.  Les  deux  dernières  filles  s'appelant  Marie  et 
Suzanne  comme  celles  nées  en  t679  et  1678,  on  peut  admettre  que  celles-ci 
étaient  mortes  avant  1685.  Si  le  garçon  appelé  Isaac  en  16SS  et  âgé  alors 
de  7  ans  (ce  qui  le  ferait  naître  en  1681)  n'est  pas  le  même  que  celui  qui 
fut  baptisé  à  Nogentel  le  26  septembre  1680  et  qui  sur  la  liste  de  M.  Briet 
s'appelle  Jean  comme  l'aîné,  ce  qui  est  peut-être  une  mauvaise  lecture 
pour  Isaac,  il  faudrait  admettre  que  ce  second  Jean  était  mort  et  fut  suivi 
en  1681  d'un  l.saac  —  et  que,  par  conséquent,  il  y  eut,  non  pas  s,  mais 
9  enfants. 


668  CORRESPONDANCE 

Potnier,  sous-préfet  du  Vigan,  elFrossard,  remirent  divers  mémoires 
à  Portalis,  après  en  avoir  reçu  eux-mêmes.  Tout  cela  fui  discuté  à 
Paris,  chez  Marron  «  où  se  trouvaient  avec  moi,  dit  Rabaut-Dupui, 
MM.  Frossard,  Reybaz,  Marron,  Lachaux,  Sabonadière  et  Gha- 
baud  ».  —  Quand  on  était  tombé  d'accord,  on  allait  négocier  avec 
Portalis. 

L'aatobiographie  de  l*lerre  Damoulln  reproduite  dans  le  Bulletin, 

tome  VII,  170,  333  et  465,  est  un  document  très  important  pour 
l'histoire  de  la  Réforme  au  xvi^  siècle.  M.  H.  Patry  a  bien  voulu,  à 
notre  requête,  y  relever  les  fautes  de  lecture  des  noms  propres  qui 
suivent  et  que  nos  lecteurs  voudront  bien  corriger  sur  leur  exem- 
plaire :  P.  171,  lisez  Ghatonnay,  Mouy;  —  p.  172,  Lumigny;  — 
p.  173,  d'Aurigny,  Anserville,  Mercatel;  —  p.  174,  Wallincourt, 
Forsi,  Mouy;  —  p.  177,  Cussi-Remond;  —  p.  178,  Du  Bouilly;  — 
p.  179,  La  Paye;  —  p.  336,  Vandervec. 


Sermonci  prêcbés  au  Désert.  —  A  la  liste  de  ceux  qui  ont  été 
publiés  par  M.  P.  de  Félice  en  1885  et  complétés  ici  même  par 
MM.  E.  Arnaud  et  Ch.  Dardier  {Bull.,  XXXV  [1886]  516  et  575),  on 
peut  ajouter  celui-ci  qui  se  trouve  à  la  Bibliothèque  nationale 
(Lb39  6259)  : 

Vœux  patriotiques  ou  Discours  prononcé  à  l'occasion  de  la 
grossesse  de  la  Reine  et  des  autres  circonstances  où  se  trouve 
actuellement  le  royaume,  par  J.  P.  Bl...,  pasteur  au  Désert  de 
l'Agénois  et  Condomois.  S.  1.  MDCCLXXVIII,  in-8°,  46  pages. 

Les  initiales  J.  P.  Bl.  désignent  évidemment  Jean  Paul  Blachon, 
fils  ainsi  que  son  frère,  Silva,  de  Jean  Blachon,  dit  Châtaignier,  sur 
lequel  on  trouvera  des  renseignements  dans  les  Synodes  du  Désert 
de  notre  collègue  E.  Hugues.  Voy.  à  la  Table  du  tome  111,  p.  683. 


Errata.  —  Rectification  à  ceux  indiqués  après  la  table  des  ma- 
tières du  tome  XXX,  année  1881  du  Bulletin.  —  Page  61,  ligne  11, 
à  partir  du  haut,  lire  :  le  Parlement  pourrait-il  avoir  des  hérétiques 
comme  partis.  —  P.  65,  à  partir  du  bas,  ligne  4,  lire  :  contre  son 
gré.  —  P.  99,  ligne  4,  à  partir  du  bas,  lire  :  Barthélenusses.  —  P.  108, 
ligne  9,  à  partir  du  bas,  lire  :  le  5  juillet  1680,  au  lieu  du  8.  — 
P.  109,  ligne  4,  lire  :  contrevenir  au  lieu  d'in/ervenir.  —  P.  65  et 
112,  la  signature  des  articles  doit  être  Alfred  Cadier. 


CORRESPONDANCK.  B69 

Année  1895,  page  128,  mettre  27  au  lieu  de  17  septembre;  page  130, 
mettre  Ibid.,  II,  225-227). 

Année  1900,  p.  271,  2"  alinéa  1.  \a  Rebeyne;  —  p.  528,  1.  10,  lisez 
jusqu'à  il  y  a;  —  p.  531,  1.  31,  lisez  pour  indiquer  l'aspect... 

Année  1901,  p.  556,  ligne  31,  lisez  :  de  Jaucoiirt,  au  lieu  de  Jon- 
court.  N.  VV. 

Des  Gaiiars.  —  Le  tome  XXX  VI 1 1  (  1 889),  p.  1 5,  a  publié  un  intéressant 
fragment  d'une  lettre  de  Des  Gallarsh  Grindall,  évêque  de  Londres, 
sur  son  périlleux  exode  d'Orléans  en  septembre  1568.  Remarquons 
que  ce  fragment  est  lire  de  la  dédicace  de  l'édition  d'Irénéeque  des 
Gallars  publia  (à  Genève)  en  1570  in-fol.  M.  Rodocanachi  {Renée  de 
France,  p.  455),  faisant  allusion  à  cette  lettre,  a  crû  à  tort  que  c'était 
le  prélat  anglais  qui  avait  couru  les  dangers  relatés  dans  ce  passage, 
tandis  qu'ils  lui  sont  racontés  par  le  pasteur  français. 


De  Constant.  —Dans  le  tomeXLVII  (1898),  p.  324,  j'ai  mentionné, 
comme  ayant  siégé  temporairement  à  l'assemblée  de  Chàtelleraut 
1597-1598,  Augustin  de  Constant,  sieur  de  Resbecq;  j'avais  suivi  l'opi- 
nion courante,  partagée  par  la  plupart  des  historiens  modernes.  Depuis 
lors  j'ai  été  à  même  de  constater  que  le  Constans  en  question,  gentil- 
homme ordinaire  de  la  chambre  du  roi  et  gouverneur  des  isles  et 
chasteau  de  Marans,  qui  avait  été  longtemps  un  des  intimes  de 
Henri  IV,  alors  que  celui-ci  n'était  que  roi  de  Navarre,  avait  pour 
prénom  Jacques  (comp.  t.  XLVII;  p.  202,  et  Read,  Charnier,  p.  217) 
et  était  d'une  toute  autre  famille  que  celle  des  Constant  de  Rebecque. 
Je  me  réserve  de  montrer,  dans  un  article  développé,  les  carrières 
absolument  différentes  de  ces  deux  personnages,  appartenant  à  des 
familles  sans  aucun  rapport,  et  que  les  généalogistes  ont  confon- 
dues à  grand  tort.  L'article  sur  les  familles  Constant  dans  la  France 
protestante,  IV,  594  et  suiv.,  qui  a  suivi  cette  erreur  générale,  en 
serait  fortement  modifié. 

Gaultier.— TomeXLVIII (1899),  p.  \m,note6.Gaultier{aliasGau- 
thier  et  Gautier)  est  un  des  noms  de  famille  les  plus  répandusen  pays  de 
langue  française,  ce  qui  rend  les  confusions  faciles.  Je  m'accuse  d'en 
avoir  commise  une  dans  cette  note.  Le  «  surveillant  »  de  l'Eglise  de 
Paris  logé  en  la  rue  des  Porées,  chez  lequel  des  assemblées  de  culte 
eurent  lieu  postérieurement  à  la  Sainl-Barthélemy,  n'a  rien  de  com- 
mun  avec  maître  Jehan    Gaultier,  pédagogue  d'une  doctrine  su.s- 


670  COHRESPONDANCK 

pecte,  auc(uel  je  l'ai  assimilé  à  tort.  11  s'agit  en  réalité  du  poitevin 
Pierre  Gjulthier,  surnommé  Chabot  du  nom  de  sa  mère,  disciple  de 
Ramus,  pédagogue  et  humaniste  distingué,  qui  fut  pendant  douze 
ans,  de  1568  à  1580,  précepteur  des  petits-fils  du  chancelier  de 
L'Hospital;  il  est  connu  par  une  dissertation  sur  la  prononciation  de 
la  langue  grecque,  publiée  en  1580  sous  le  nom  d'un  de  ses  élèves, 
pour  lequel  il  l'avait  composée,  et  par  un  volumineux  commentaire 
sur  Horace,  publié  en  abrégé  à  Paris  en  1582  et  au  complet  en  1587 
à  Bâle,  où  il  était  réfugié.  Il  mourut  vers  1598  plus  qu'octogénaire 
(cf.  Haag,  V,  240).  

cnardesi.  — TomeXLVlII  (1899),  p.  166,  note7.J'ai  mentionné  un 
autre  précepteur  des  petits-fils  de  L'Hospital,  du  nom  de  Giiardesi. 
J'ai  tiré  celle  mention  d'une  lettre  publiée  par  M.  Taillandier  (A'^om- 
velles  recherches  sur  la  vie  et  les  ouvrages  du  chancelier  de  L'Hospi- 
tal, Paris  1861,  p.  254),  écrite  par  la  fille  (et  non  la  femme,  comme 
le  croyait  l'éditeur)  de  L'Hospital  à  ses  enfants.  Je  voudrais  être  sur 
que  le  nom  deGuardesi  ne  repose  pas  sur  une  fausse  lecture,  et  qu'il 
ne  s'agit  pas  du  même  Gaultier  dont  parle  ma  rectification  précédente. 


De  Serres  on  Cioniart.  —  Tome  L  (1900),  p.  344,  note  1.  Il  est  rap- 
pelé que  le  Recueil  des  choses  mémorables  etc.,  couramment  appelé 
Histoire  des  cinq  rois,  est  attribuée  à  Jean  de  Serres.  C'est  l'opinion 
qui  a  généralement  prévalu,  après  de  longues  hésitations  (entre 
Bèze,  Hotman,  Goularl  et  de  Serres),  grâce  à  l'autorité  du  père  Le 
Long.  Je  crois  avoir  des  arguments  péremploiresà  faire  valoir  en 
faveur  de  Simon  Goulart^  que  je  me  permettrai  de  développer  dans 

une  note  que  je  renvoyé  à  l'année  prochaine. 

A.  Bernus. 


Une  erreur  s'est  glissée  dans  la  liste  des  membres  du  Comité  qui 

a  été  insérée  dans  le  Bulletin  du  Cinquantenaire,  plus  haut,  p.  321, 
note.  Il  faudrait  placer  en  tête  du  nom  de  Cornélis  de  Witt,  la  date 
de  1857  qui  est  celle  de  son  élection  et  faire  suivre  son  nom  de  ceux 
de  Rodolphe  Cuvier,  mort  la  même  année,  et  du  fi°°  de  Triqueti,  1874, 
lequel  a  été  placé  par  erreur  à  la  suite  de  l'année  1868.  —  Autres 
erreurs, p.  430  :  Le  diplôme  de  Sedan  a  été  délivré  à  Joseph  Pithoys 
et  non  Pithou  ;  —  p.  519,  ligne  15,  lisez  Piguet. 


A  propos  des  bijoux  huguenots  qui  figurèrent  à  l'Exposition  du 
Cinquantenaire  (voy.  plus  haut,  p.  492),  M.  le  D'  Doumergue  nous 


OOKHESPONDANCi:  671 

écrit  de  Nîmes  que  les  croix  anciennes,  authenti([ucs,  portant  une 
colombe,  sont  regardées  comme  antérieures  à  1GS5.  Et  on  croit 
généralement  que  la  «  larme  »  aurait  remplacé  la  colombe,  emblème 
du  Saint-Esprit,  après  la  Révocation.  —  Quant  aux  peintnreN  Nnr 
verre  reproduites  page  ^94,  M.  H.  Dannreuther  pense  qu'elles  ont 
été  faites  aux  galères  par  des  forçais  pour  être  vendues  aux  visi- 
teurs. Il  croit  en  avoir  vues,  du  même  genre,  peut-être  au  Musée  de 
la  Marine,  au  Louvre. 

L'origine  du  mot  basnenot.  —  A  propos  de  l'article  de  M.  Gh. 
de  Grandmaison  (V^oy.  plus  haut,  p.  5  à  13),  M.  E.  Gaidan  a  résumé 
dans  la  Tribune  de  Genève  du  15  avril  1902  les  diverses  hypothèses 
proposées  pour  expliquer  cette  origine.  Il  a  cité,  entre  autres,  le 
document  de  Périgueux  où  ce  terme  paraît  pour  la  première  fois 
comme  terme  de  mépris  à  l'adresse  des  prolestants,  mais  une  faute 
d'impression  le  date  de  1522.  Ge  document  est  de  1552,  ancien 
style,  c'est-à-dire  de  1553.  Dans  la  Tribune  du  23  avril  un  corres- 
pondant neuchâtelois,  M.  F. -G.  Borel,  nous  apprend  que  le  mot 
Huguenot  ou  Huguenaud  se  trouve  aussi  comme  nom  de  famille 
dans  le  canton  de  Neuchâlel.  Ainsi,  en  1541,  le  maire  de  Neuchà- 
tel,  pour  le  comte,  s'appelait  Pétremand  Huguenaud  ;  en  1563  il  y 
avait  un  notaire  de  ce  nom;  en  1582,  un  Daniel  Huguenot,  membre 
du  Petit-Gonseil,  etc.  N.  W. 

L'indaeitrie  de  la  sole  à  Berlin.  —  Le  23  septembre  dernier  (19pi), 
le  journal  le  Matin  empruntait  au  Journal  ce  petit  entrefilet  sur  la 
prétendue  disparition  de  l'industrie  de  la  soie  introduite  à  Berlin 
par  des  réfugiés  huguenots  et  sur  laquelle  nous  aimerions  bien 
qu'un  de  nos  lecteurs  put  nous  renseigner  plus  complètement  : 

«  Une  des  plus  anciennes  corporations  de  Berlin  —  celle  des 
maîtres-tisseurs  de  soie  —  a  disparu  ces  jours  derniers. 

c(  L'industrie  de  la  soie  avait  été  importée  dans  l'électorat  de  Bran- 
debourg, vers  la  fin  du  xvn'  siècle,  par  des  réfugiés  français  que  le 
grand-électeur    avait  accueillis  avec  le  plus  grand  empressement. 

«  Malgré  l'appui  de  ce  prince,  elle  vécut  d'abord  très  péniblement 
et  ne  prit  un  véritable  essor  que  bien  plus  tard,  après  l'avènement 
de  Frédéric  le  Grand,  qui  mit  tout  en  œuvre  pour  la  faire  prospérer 
et,  notamment,  accorda,  par  son  édit  du  15  mars  1766,  un  grand 
nombre  de  franchises  à  la  corporation  des  maitres-tisseurs.  Gelle-ci 
comptait  à  l'époque  264  membres,  dont  un  (|uart  environ  était  d'ori- 
gine française  (Vite,  Barré,  Beaudouin,  etc.,  etc.). 


672  NÉCROLOGIE 

«  Au  commencement  du  xix"  siècle,  elle  comprenait  560  membres, 
dont  chacun  occupait  au  moins  quatre  métiers.  Presque  tous  leurs 
produits  s'en  allaient  à  Lyon,  d'où  ils  étaient  ensuite  réexpédiés  à 
Berlin  comme  marchandise  de  fabrication  française.  C'étaient  des 
étoffes  brochées,  des  brocarts,  des  damassés  et  des  velours  unis  ou 
façonnés, 

«  Depuis  la  création  des  grandes  manufactures  de  Crefeld,  l'indus- 
trie de  la  soie  a  perdu  chaque  année  à  Berlin,  si  bien  qu'aujourd'hui 
elle  n'existe  plus.  En  d'autres  termes,  à  l'heure  actuelle,  il  n'y  a  plus 
un  seul  métier  dans  cette  ville.  » 


NECROLOGIE 

(1901-1902) 

Nous  ne  voulons  pas  clore  le  premier  cinquantenaire  de  ce  Bul- 
letin sans  rappeler  au  moins  les  noms  de  quelques-uns  des  amis  de 
notre  Société  entrés  dans  leur  repos  au  cours  des  deux  dernières 
années  et  auxquels  nous  regrettons  de  ne  pouvoir  consacrer  que 
cette  mention. 

Le  24  février  1901,  nous  perdions  à  Nancy,  dans  sa  90*  année, 
Mme  Vve  Othon  Cuvier,  née  Fillion,  qui  nous  avait  donné  tous  les 
manuscrits  de  son  mari;  —  le  9  octobre  et  le  7  novembre  de  la 
même  année,  M>L  les  pasteurs  P.-D.  Charruaud  et  Lalot,  dont  le 
premier  collabora  à  notre  recueil  et  le  second  a  laissé  deux  bons 
livres  sur  la  Conférence  de  Fontainebleau  et  sur  Coligny;  —  le 
9  décembre,  Mme  Abric,  née  Encontre,  qui  avait  traduit  la  vie  des 
femmes  de  la  Réformation;  —  le  9  mars  1902,  à  71  ans,  un  colla- 
borateur et  fidèle  lecteur,  M.  Léon  Feer;  —  le  19  mars,  à  77  ans, 
Mme  Ch.  Read,  née  Cordier,  qui  fut  si  généreuse  pour  notre  biblio- 
thèque; —  le  14  avril  et  le  22  juin,  deux  de  nos  amis  alsaciens, 
MM.  les  pasteurs  P.-E.  Witz,  qui  atteignit,  à  Cosswiller,  l'âge  de 
près  de  90  ans,  et  G.  Matthis,  qu'une  infirmité  précoce  n'empêcha 
pas  d'écrire  jusqu'à  58  ans,  entre  autres,  l'intéressante  histoire  de 
la  Réforme  dans  le  comté  de  Saarwerden  ;  —  le  7  septembre,  à  la 
Rochelle, et  à  72  ans,  M.  P.-E.  Garnault,  dont  on  retrouvera  aussi  le 
nom  dans  ce  recueil. —  Le  7  octobre  dernier,  s'éteignait  à  Annonay, 
à  l'âge  de  73  ans,  la  veuve  de  notre  ancien  secrétaire,  Mme  Jules 
Bonnet,  née  Galliard,  qui  venait  de  publier,  avec  M.  E.  de  Budé, 
deux  volumes  de  lettres  de  son  mari;  —  enfin,  le  19  octobre,  à  Paris, 
et  à  l'âge  de  75  ans,  M.  le  pasteur  E.-H.  Vollet,  qui  a  écrit  une  thèse 
remarquable  sur  le  Concordat  de  François  I"  et  un  grand  nombre 
d'articles  de  la  Grande  Encyclopédie.  N.  W. 


Le  Gérant  :  Fischbacher. 


6132.  —  L.-Imprimeries  réunies,  B,  rue  Saint-Benott.  7.  —  Motteboz,  directeur. 


Société  de  l'Histoire  du   Protestantisme  français 


TABLES 


I.  TABLE   ALPHABÉTIQ_UE 

DES  NOMS  DE  PERSONNES, 
DE    LIEUX,   ET    DES    PRINCIPALES    MATIÈRES 

Que  renferme  le  tome  LI  (Anxée  1902) 

du  Bulletin  historique  et  littéraire  de  la  Société  de  l'Histoire 
du  Protestantistiie  français. 


Abelly,  prêtre,  170. 
bjurations,  31  ss.,  84  ss.,  100, 
-135,  186  ss.,  225  ss.,  235,  538  ss., 
573.  —  Revel,  625  ss.  —  Villeneuve 
d'Agen  (1559),  645  ss.  —  de  past.. 
225  ss.,  602,  642.  —  de  turcs  et  de 
juifs,  243  n. 

Ablancourt  iD').  —  \'oy.  Perrot.. 

Aijraham  (.Jean),  272. 

Abric-Encontre  (Mme),  67î 

Académies   prot.    —  Sedan   (Di- 
plôme), 430.  —  Elèves,  206  ss. 

Adam  (Le  P.),  516  n. 

Adesward  (B""=  G.  d'),  470. 

Adhémardc  Monteil  (abbé  F.  d'),  170. 

Adresse  des  non  cath.  de  Montau- 
ban,  1790,  151  ss. 

Adret  (D')  267. 

Agde,  205. 

Agen,  141  n.,  552,645  ss. 

A  gênais,  80  n. 

Agrippa  (C),  653. 

Aguesseau  (D'),  intend.,  2.37  ss. 

Aguiton  (Magdel.),  420. 

Agustin  (Ant.),  évêq.,  659. 

Aigues-Mortes,  20  n. 

Aiguilles,  loi  ss.  —   (D").   Voy.    de 
Gênas. 

Aiguisier,  miss.,  346. 

Aillé  (D'),  past.,  120.  —  Voy.  Daiilo. 

Aimargiies,  20  n. 

Aix  (B.-du-P,.),  104,  571. 

Akrcl.  516. 


Alain,  92. 

A  lais,  20.5. 

Aiava  (Don  Fr.  de),  ambass.,  606. 

Albe  (Duc  d'),  586. 

Albenas  (D')  106  ss.  —  Vov.  Poldo. 

A  Ibi,  205. 

Albon  (comte  d'),  601. 

Albret  (Jeanne  d'),  38,  398,  488,  497. 

604,  606. 
Album   amicorum,  489. 
Alcala,  609. 
Aldebert,   165. 
Aldeburger  (Marie),  274. 
Aldegrave,  379. 
Alègre  (P.),  past.,  21. 
Alençon,  48,  474.  — (Ch.  duc  d'), 477, 
Alenet  (Jean),  76  ss. 
Alesme,  cons.,  76  ss.,    143  ss..  646. 
A  let,  205. 

.\iexander  (J.),  267  ss. 
Allard  (Pierre),  419. 
AUégot  (Mlle),  314  n. 
A  llemagne,  485. 
Allichamps  (D'),  53. 
Allier  (L.),  108.  —  (R.),  169  ss.,  314. 
Allix  (Louis),  268. 
«  Almanach  spirituel...  »  437. — 

plaça l'd  de  1623,  430. 
«  Alumbrados  »  605,  609. 
Amboise,  (Gard.  G.  d'),  454. 
Amhouviiie  (J.  d'),  53. 
.\melin,  cons.,  145  ss. 
Amendes  {Montauban},  417. 
LI.  —  48 


TABLE   ALPHABÉTIQUE   DES   NOMS   DE   PERSONNES 


674 

Atncrique,  88. 

Amial)le  (L.),  599. 

Amyraul  (Moïse),  389. 

Anché  (D').  —  Voy.  du  Bellay. 

Ancilloa  (D.),  past.,  390. 

Ancy-le-Franc,  ''(54. 

Andraull  (J.),  '2'.6. 

André  (Mme  AUV.),  314,  388. 

Androuel  du  Cerceau  (J.),   '^51   ss., 

(B.),  454. 
Andry  (J.),  268. 
Andii^e,  316  n. 
Ayiet  [Chàl.  cV),  455. 
Angers,  316  n. 

Anghiera  (Pierre   Martyr   d'),  609. 
Angles,  628. 

Angleterre,  89,  485,  491. 
Anglivlel  de  la  Beaumelle,   515   n. 
Angoumois  (Le  Fr.   Philip,  d'),  170 
Anguenot  (Le  mol),  9,  100. 
Anisy,  591. 
Anjou  (Fr.  d'),  610. 
Anquetil,  100. 
Anserville,  585  n. 
«  Antithesis...    Christi...  et  Papœ  y> 

(1558),  444. 
Aoiiste,  316,420. 
Apothicaires    prot.,    190.   —    (Un 

compte  d'),  593  ss. 
Appell  (G.),  270. 

Appia   (H.),  prof.,   42,    47.    —(G.), 

past.,  314,366,  392.— (Jacq.),  cap., 

368.  —  (Barth.),  368.   —   (S.),  367. 

—  (Paul),  368.  — (D.),368.-(Cyp.), 

368. 

Arbaleste  (Charlotte).  —  Devise,450. 

Arbaud-Jouques  (D.),  411. 

Arhussy  (Jos.),  212  n.  —  (P.),  past., 

627. 
Arbuthnot  (Rob.),  272. 
Ardouin  (D'  L.),  85  ss. 
Argenson  (D.),  260  ss. 
Argy  (D').  —  Voy.  Lemierre. 
Arnaud,  420  ss.,  551.,—  (E.),  past., 

102,  167,  248.  —  (H.),  past.,  427. 
Arnim  (D.),  past.,  107. 
Arnoul,  intend.,  641. 
Arnoullet  (B.),  442. 
Arnoult  (Cath.),  419. 
Arcjuer  (Sig.),  prêtre,  606. 
Arrêts.   —  Casebonne  (Bordeaux 
1555),  244  ss.—  B.  Palissy  (1558), 
74  ss.   —   Clairac  (1554),    145   ss. 
—     Libourne    (1555)  ,    142   ss.  — 
Tournai  (1701),  549.  —  Desnoyers, 
etc.,  (1766),  422.  —    Ph.  de  Lévis 
(1559),  645  ss. 


Artesius,  52'î. 

Arthaud  (P.),  419.  —  (D.),  421. 
Articles  organiques,  300  ss. 
Artois  (Lois  d'),  524. 
Arvert,  316  ss. 
Ashburnham  (Msc),I5. 
Aspcr  (II.),  445. 

Aspremont  (J.  d'),  lient.,  645  ss. 
Assas  (Chev.  d'),  492. 
Assegond  (Mme),  603  ss. 
Asseline  (D.),  prôlrc,  252. 
Assemblées  clandestines. — La»- 
guedoc[\~rl'è),  519.  —  Gravures,  426. 
Assemblée   générale    de   la    So- 
ciété, 158. 
Assemblée  nationale,  151  ss. 
Assemb.  politiq.  —  Saumw\Lou- 
dun,  Cbatellerault  (1595-1597),  482. 
Assié,  623. 

Atger  (A.),  past.,  20,  599. 
Aubais,  316  n. 
Auber  (J.),  past.,  220. 
Aubigné  (Agr.  d'),  308,  400. 
Aubrac  (R.  d'),  143. 
Aubussargues,  316  n. 
Audry  (Rob.),  76  ss. 
Augccourt  (Cath.  d'),  224. 
Auger  (Le  P.),  528. 
Augereau  (Th.),  jurât.,  143. 
Augustin,  peintre,  493. 
Aulard,  prol'..  299  n. 
Aulas,  20  n. 

Aulnay  (D.).  —  Voy.   La  Fontaine. 

Aumessas,  50. 

Aunis  (Mlle  d'),86. 

Aurel,  420. 

Aurigny  (G.  d'),  585  n. 

Auriol,  not.,  631   n.  (Rose  d),  22 'i. 

Autheville  (D'),  107  ss. 

Aulier  de  Sisgau,  évèq.,  184. 

Autographes,  447  ss. 

Autriche  (Anne  d'),  462,  506  ss 

Avaux  (comte  d'),  637  ss. 

Avé^e,  316  n. 

Avignon,  214  n.,  416,  571 

Aymerici,  grand-vie,  144. 

Ayrelaville  (D').  —  Voy.  Fabry. 

A^ay-le-Rideau,  381. 

Bachelier  (Anl.),  387. 
acourl  (De).  —  Voy.   Fourier. 
«  Bagard   de    Nancy   »  (Coffret  dit 

de),  491. 
Bagnon  (De).  —Voy.  Reinaud. 
Baguenault  de  Puchesse,  610. 
Baignes-Ste-Radegonde,  645  n. 
Bains  (L.),  271. 


DE   LIEUX,   ET   DES   PRINCIPALES   MATIÈRES. 


675 


«  Balade  (La)  des  LeutJicriens  »..., 

436. 
Balboiitet,  185  ss. 
Balch  (Th.),  314  n. 
Bâle,  316,  422,  524,  530,  536  n. 
Balincoui'l  (De),  104. 
Ballard  (P.),  4'i5.  —  (R.),  444. 
Balme,  chan.,  174. 
Ban  de  la  Roche  (Le),  603. 
Bannage  (Madel.),  268. 
Ba)inegon  (Chat,  de),  344 
ft  Bannière  de  France  »  (Le  vaisseau 

La),  251  ss. 
Banquet   du    Cinquantenaire,  350. 
Banquiers  (Paris,  1725  ss.),  267  ss., 

(hug.  réfug.  en  Frise),  637  ss. 
Barbançon  (Marie  de),  344. 
Barbei-et  (P.  Ign.),  279. 
Barbezieux  (Maixj.  de),  462. 
Barbot  (Marthe),  474. 
Barbusse,  past.,  21. 
Barcelone,  606. 
Barckausen,  314  n. 
Barfeknecht  (Otto  C),  méd.,  271. 

Barford-Magna.  —   Voy.  Jemmalh. 

Bargemont.  —  Voy.  Villeneuve. 

Bargeton(Fr.),  112.  — (D.  et  B.),  112. 

Barisy  (Fr.  de),  223. 

Barrau  (L.),  619  n.  —  (P.  A.),  619. 
—  (J.),622. 

Barraull  (J.).  —  Voy.  Jaubert. 

Barre  (P.),  503.  —  (J.),  598  n. 

Barré,  671. 

Bar  roi  s,  54. 

Barthel  (G.),  268. 

Barthley  (IL),  268. 

Bar  tôle,  484. 

Bary  (J.-P.  de),  273. 

Basnage  (A.),  past.,  20. 

Basset  (H.),  345  n.  —  (De),  624. 

Bassewilz  (De),  ambass.,  278. 

Bassigny,  53. 

Basson,  209  ss. 

Bassri,  557. 

«  Bâton  {Le)  pour  chasser  les  loups  », 
436. 

Baudan  (Louise  de),  108. 

Bauditz  (Fr.  de),  268. 

Baudoin  (P.-M.),  163. 

Baudrie  (Barth.),  541. 

Baudry  (De),  Heut.  gén.,  260. 

Baulon,  cons.,  143  ss. 

Baurière,  421 . 

Bavière  (Maximil.  de),  161  n. 

Bayard  (Ilélie),  Itô.  —  (P.  de),  109. 

Bayeiix,  100. 

Bayle  (P.),  486. 


Ba:[ainville,  .539. 
Beauchans,  cap.,  571. 
Beauchène  (De),  présid.,  I7î  ss. 
Baudesson, 543. 
Eieaiidouin,  671. 
Beaufort,  419.  —(De),  60. 
Beaulieu  (De).  —  Voy.  de  Gênas. 
Beaumaistre  (J.),  3<s5  ss. 
Beaumont  (Elie  de),  510,  518.  —  des 

Adrets,  528. 
Beauquier  (Ch.),  dép.,  168. 
Be^î<rcg-^rrf(Chàt.de)[L.-et-Ch.],4.56. 
Beauregard,  279. 
Beausire  (Jean),  260  ss. 
Beauveau  (L.  de),  131. 
Beauveser.  —  Voy.  de  Rodulph. 
Beauvillicrs  (Duch'  de)  ,  641  ss. 
Beaiivoisin,  21,  107.  —  (De)  —  Voy. 

de  Villages,  de  Gênas. 
Bechold  (G.  Sam.),  268. 
Beck  (J.),  résid..    125  ss.   —   Cath.- 

Em.),  127.  —  (Joh.),  450. 
Béda  (N.),  18,  439. 
Bedl'ord,  443.  —  (Duch"  de),  270. 
Bedot,  552  ss. 
Begault  (P.),  76  ss. 
Begnicourt  (Vve),  91. 

Begon,  intend.,  84  ss. 

Béguin  (P.),  268. 

Beisson  (Et.).  414. 

Bélanger,  271. 
Bel  fort,  316  n. 

Bcilarmin  (R.),  449. 

Bellcroresl  (Fr.  de),  449. 

Bellejambe  (De),  intend.,  621  ss. 

Bélier  (Elisab.).  —  Voy.  Bellot. 

Belleroche  (E.j,  .547  n. 

Bellesdens,  449. 

Bellevillc  (De),  122. 

Beilier  (Alex.),  275. 

Bellot  (Elisab.),  546  ss. 

Belloli  (L.),  426. 

Belmont  (De),  cons.,  17'J  ss. 

Belot  (Ch.-E.),  273. 

Bènard,  289  rt. 

Bénart  (J.),   167. 

Benedy  (Liénard),  278. 

Benegon  (Ghàt.    de),    344.  —   \oy. 
Bannegon. 

Bcno  (Le  card.),  535  n. 

Benoist  (Elisab.),  92.  —  présid.,  149. 

Benoit  (D.),  past.,  102.  —  (E.),  past., 
403. 

Bérangcr,  préd.,  422.  —  (F.),  419. 

Berberat  (P.  Ign.),  263. 

Berg  (Van  den),  36  n. 

Bergasse,  dép.,  510  n. 


676 


TABLE  ALPHABETIQUE   DES   NOMS    DE  PERSONNES 


Berge  (G.-H.  ten),  31  ss. 

Berger  (G.),  dép.,  472.  —  (F.),  269. 

Bergerac,  l.jO,  316  n. 

Beringhen  (De),  214  n.,491. 

Berlin,  54,  113  ss.,  477,671. 

Bermond,  623. 

Bernage  (De),  intend.,  488. 

Bernard  (Sam.),  past.  191.  -  (C), 

421.  —de  St-AlTrique,  past.,  661  n. 
Berne,  483,  .521  ss.,  .536. 
Bernis,  20  ss. 
Bernus  (A),  prof.,  670. 
Bernys  (B.  de),  246. 
Berqum  (L.  de),  17,  436,  634  ss. 
Bersier  (Prix),  158,  323. 
Bcrtaud  (D.),  419. 
Berllielin  (Et.),  gouv.,  277. 
Berlhou  (Paul  de),  613. 
Berthoud,  477. 

Berticr,  agent  du  clergé,  226  ss. 
Berton  (P.),  422. 
Berwald  (J.),  446. 
Besse-en-Oysans,  166. 
Bessières,  625. 
Besson  (Paul),  275,  658. 
Besuchct,  601. 
Bethmann  (De),  451. 
Béthune  (Max.  de)  [Sully],  493. 
Beurnonville  (De),  379. 
Beuzart  (P.),  past.,  549  n. 
Beuzelin  de  Bosmelet  (A.-M.),  491. 
Bèze   (Th.  de),   216,    388,   443,    444, 

483,  496. 
Béliers,  205. 

Bianquis  (J.),  past,,  314  n. 
Bibliothèque  delà  Société,  100  ss., 

313  ss.,  602  ss, 
Bidache,  399. 
Bidermann,  304. 
Biens    des   religion"   {Saintonge), 

86.  ^-  Placard  de  confise,  419.  — 

des  Consist.,  236. 
Bienvenu  (Fr.),  562. 
Bijoux  prot.  —  492  ss.,  670. 
Bilbeau,  gai.,  87  ss. 
Billet  (Le  P.),  184. 
Billon  (A.),  268. 
Billy  (Ch.  de),  450. 
Bion  (J.).  au  m.,  346. 
Bizet  (Jaq.  de),  g'' vie,  77.  —  (Tris- 
tan de),  évèq.,  77. 
Blachon  (J.),   past.  668.  —  (J.-A.), 

past.,  661,  668.  —  (Silva),  668. 
Biais  (Suz.),  421. 
Blaisot,  603. 

Blanc  d'Hauterive,  300,  662. 
Blancherose,  534  ss. 


Blanchier  (M.),  448. 

Blaquières,  631  n. 

Blaunay  (De),  469. 

Blenac  (De),  89. 

Blessig,  past.,  70. 

Blin  de  Sain  More,  516. 

Blois,  345  n.,  454. 

Blondeau  de  St-Aumont  (L.-A.),  274. 

Blondel  (Jos.),  592. 

Bluel(Elisab.),  591. 

Bobusse,  96. 

Bodet  (A.),  77  ss. 

Bodium  (H.),  441. 

Bœhmer  (Ed.),  658. 

Boërs,  54,  505  ss. 

Bohier  (Th.),  455. 

Boiceau  (Jacques),  .504. 

Bois-le-Diic,  297. 

Boisrond  (De).—  Voy.  de  St-Ligier. 

Boisset,  423. 

Boissières,  21.  —  (De).  —  Voy.  de 

Calvière. 
Boisson  (Olympe),  108. 
Boivin  (D.),  541. 
Bolbec,  316  n. 
Boleyn  (Marg.  de),  398. 
«  Bon  pasteur  {Du)  et  du  mauvais  » 

[Cl.  Marot.],  438. 
Bonet  (P.),  420. 
Bonet-Maury  (G.),  prof.,  314,   356, 

605. 
Boniface  (Jaq.  de),  568  n.  —  (Jos. 

de),  568. 
Bonifas  (Ern.),  100,  314  n.  —  (Louis), 

dit  Laroque,  past.,  165 
Bonnaffé,  81. 
Bonnamy  (Dlie),  90. 
Bonne  de  Lesdiguières,  connèt.,  198, 

249,  368,  484.  —  (Mme),  249. 
Bonnet  (A.),  246.  —  (J.),  519,  672.  — 

(Mme  J.),  672. 
Bonnizeaux  (De),  122. 
Bononni,  497. 
Bootley  (Th. -S.),  269. 
Bordeaux,  â\,l'^  ss.,  91,  141  n.,  167, 

244  ss.,  483. 
Bordes,  621. 
Bordier  (J.),    peintre,    461,   477.  — 

(H.-L.),  461,  519. 
Borel,    422.    —     ambass.,    273.    — 

(F.  G.),  671.  —  (Mme  F.),  493. 
Borgeaud  (Ch.),  45. 
Borgoignon  (G.),  141  n. 
Borie,  78,  147  ss.  —  Voy.  La  Borie. 
Borros,  Juge,  552. 
Bosmelet  (De).  —  Voy.  Beuzelin. 
Bosquet  (Vve),  559.  —  (P.),  152  n. 


DE   LIEUX,    ET    DES    PRINCIPALES    MATIERES. 


G77 


Bosse  (Abrah.),  475. 

Bossio  (Jacq.),  269. 

Bossuel  (B.>,  évêq.,  170,  236,  493. 

Bosl  (Ami),  65.  —  (Ch.),  past.,   165, 

492.  —  (MlleCh.),  492. 
Boston,  88. 
Bolha,  565,  663. 
Boubert  (Suz.  de),  269. 
Bouche,  416. 
Bouchot,  385,  392. 
Boucoiran,  21. 
Boudet  (Marg.),  110. 
Bougon,  423. 
Bouhereau   (Elie),    206  ss.   —  fils, 

206  ss. 
Bouhets  (Les),  614. 
BoLiillaines  (De),  89. 
Bouillargues,  cap.,  lOS. 
Bouillon  (M*'  de),  308,  483. 
Bouiav  de  la  Meurthe.  299. 
BouUe.  473.  —  (Anne),  269. 
Boulogne,  404. 

Boulogne-s.-M.,  316  n.  —  (chàt.  de) 
dit  Madrid,  453. 

Boumaval  (G.),  420. 

Bouquedepois  (J.),  218. 

Bourbon  (Cath.  de),  37,  52,  483.  — 
(Ch.  de),  458  n.  —  (Antoinette 
de).  448. 

Bourchenin  (D.),  past.,  166. 
Bourdejux,^2l.  — (Ghr.  de),  255. 

Bourdet  (Barth.),  261. 

Bourdon  (Séb.),  475. 

Bourg  d'Oisans,  167. 

Bourgeois  (Jacq.),  442,  446.  —  (Em.), 
314  n. 

Bourgogne,  ill,163ss. 

Bournat  (D.),  420. 

Bournizeaux  (De).  —  Voy.  Fauquet. 

Bourrilly  (V.-L.),  314  n.,  634. 

Bouleroue,  past.,  173  n. 

Bouton,  647  ss. 

Bouvart  (G.),  prof.,  561  n.,  664. 

Bouvat  (Gath.),  419.  —  tD.),  419. 

Boyer  (P.),  224.   —  Brun,  416,  510. 

Boyrie.  —  Voy.  La  Borie. 

Boze  (.Jos.),  peintre,  414,  426. 

Brachet  (Anne),  420. 

Bradley  (Jacq.),  269. 

Brancherie  (M.),  prêtre,  541. 

Brandebourg,  il3  ss.  —  (Fréd.-G. 
de),  116.  —  (Louise-H.  de),  135  n. 

Brandis  (Jeanne  de),  104. 

Brassac  (J.  de),  ambass.,  169. 

Brayac,  594.  —  (J.  de),  597. 
Brèard  (G.),  269. 

Bréda  (Napoléon  I"  à),  296. 


Bremaud  (Sam.),  122. 
Brentius  (Joh.),  446. 

Bréon(Paul),  90. 
Breslau,  133. 
Brest,  316  n. 

Breuil  (S.-et-O.),  53S  n.  —  (De).  — 
Voy.  de  Lyon. 

Brevanne  (De).  —  Voy.  Formont. 

«  Brève  instruction  pour  soy  confes- 
ser...■ù  (1539),  437. 
Brie  (Le  Gap.), 563.  —  (De).  —Voy. 
Gussy. 

«  Brief  recueil  de  la  substance...  évan- 
géliq.  »  (1525),  437. 

Brienne,  53. 

Briet(Et.,  Rach.,  Suz.),  561  ss.,  665. 

Brije.  —  Voy.  Briel. 

BrincoufL  (J.-B.),  573. 

Brion  (De),  120. 

Briot,  473  ss. 

Briquemault  (D'""  de),  124.  —  (Ma- 
jor g"'),  119. 

Briquet  (Fr),  275. 

Brodon  (Sèr.),  261. 

Brondgeest  (D'  A.),  363. 

Bronkhorst  {P.  van),  peintre,  411. 

Brooke  (Philip.),  276. 

Brosse  (Sal.  de),  452  ss.,  556. 

Brouage,  88. 

Brousson  (Gl.),  290,  337,  347,  411  ss. 

Bruay  (De),  gouv.,  548  ss. 

Bruchet  (.\iax),  657. 

Brueys  (Ant.  de^,  106. 

Bruguié,  past.,  21. 

Brulart,  482. 

Brulat  (Paul),  347  n. 

Brun  (Ap.),  593.  —  Voy.  Boyer. 

Bruneau,  550. 

Brunel,  100,  314. 

Brunetière  (F.),  38  ss. 

Brunfels  (O.),  438. 

Bruschweiler  (P.),  604. 

Bruslon  (G.),  doyen,  22,  324. 

Brutails,  archiv.,  245. 

Bruxelles,  548  ss. 

Bry  (Th.  de),  477. 

Buccans  ou  Bucamps(G.  de),'past., 
20. 

Bucer,  537. 

Budé  (E.  de).  672. 

Bukier  (Th.),  277. 

Buisson,    269   ss.    —   (F.),    392.    — 
Voy.  Buysson. 

Bulla'nt  (J.),  455. 

BuUestraten  (Marie  Van),  35. 

Bulletin,  311,  352,  650. 
Bullinger  (IL),  446. 


GTS 


TABLE   ALPHABÉTIQUE   DES   NOMS   DE   PERSONNES 


Burlamachi,  past.,  191. 

Buron,  121. 

Burr  (Ghàt.  de),  ^.56. 

Bussy  (Gérard  de),  223. 

Bûteig(Jacq.),  273. 

Buysson  (G.),  14'i.  —  Voy.  Buisson. 

Byzance  (L.),  oratorien,  243  n. 

Cabanes  (Hugonne),  112. 
abibel  (A.  Rose),  510  ss. 
Gabrol  (Ph.  de),  414. 
Cadets,  598. 
Caen,  48,  316. 
Cagliari,  606. 
Cailhava,  600. 
Caillialte  (Abr.),  477. 
Caisse  (La)  du  clergé  et  les  prot. 

conv.,  225  ss. 
Galas  (Affaire  Jean),  510,  604  ss.— 

(\^ve  Jean),  560. 
Calèche,  493,  555. 
Galemard  (Le  P.),  185  ss. 
Galissane  (De).  —  Voy.  Odoie. 
Calmelte  (J.),  577  n. 
Gallhorp,  269. 
Galvière  (J.-Kr.  de),  108. 
Calvin  (J.),  48,  216,  442,  445,521  ss., 

603,  —  (et  F.  Brunetière),  38   ss. 

—  (Autogr.  de),  446,  479.  —  (Goupe 

de),   489.    —  (Médailles   de),   100, 

496.  —  (Portraits  de),  381,  493,  — 

(Garicatures  de),  385.  —  (Fauteuil 

de),  520. 
Calvisson,  316  n. 
Gamarignan  (Abbé  de),  347. 
Ganibacérès,  301  n. 
Gambiago,  592. 
Cambridge,  27. 
Camisards,  87,  647. 
Gampan.  —  \'oy.  Villemejanne. 
Gamps  (De),  évéq.,  241  n. 
Gamus,  agent  du  clergé,  416. 
Canada,  91. 

GandoUe  (Pyr.  de),  449. 
Cannes,  316  n. 
Gans  (A.),  225  ss. 
Cantate  en  l'honneur  de  Gourt  de 

Gébelin,  601. 
Ganlerel,  270. 
Cantique  d'Et.  Dolet,  343.  —  «  de 

victoire  »  (1569),  602. 
Ganu,  graveur,  517. 
Cap  {Lé)  de  B"''-Esp,,  54,561  ss.,663. 
Gapé,  444. 

Capitation  eccl.  (1695),  225  n. 
Capilon,  537. 
Cappel  (L.),  prof.,  207  ss.  —  (J.),  602. 


Cappus,  185. 

Garafa  (card.  Carlo),  577  ss,  585  ss. 

Cai-cassonne,  205,  631  n. 

Garces  (De).  —  Voy.  de  Pontevès. 

Caricatures,  385,  493. 

Garital  de  Gondorcet  (A.),  196. 

Carie  (De),  prèsid.,  646. 

Carmonlelle  (L.-G.  de),  514. 

Garoli  (P.),  437,  442. 

Carranza  (B.),  archevêq.,  606. 

Carlailhac  (E.  de),  385. 

Gartho  (Suz.),  419. 

Cartier,  615. 

Cartonne.  —  Voy.  de  Villeneuve. 

Gasabone  (Jacob  de),   247.  —  Voy. 

Casebonne. 
Gasaubon,  capit.  247.  —  (A.  de),  247. 

—  (Is.),  247,  484,  659. 
Casebone  (Jérôme),  244  ss. 
Casse,  253. 

Gassebohn  (J.-Fr.),  étud.,  268. 

Cassel,  554  ss. 

Caslain",  628. 

Gastellain  (Fr.  Jehan),  653. 

Gastellane  (De),  153  n. 

Caslellion  (Séb.),  436. 

Castelmoron  d'Albret, 25. 

Castrais,  165. 

Castres,  205,  223,  316,  627. 

Catéchismes. —  /Ih^-cts  (1534),  437. 

—  (Ch.  Fabri  1554).  442. 
Galhalan  (Ant.),  444. 

Caumont  (God.   de),  144.  —   (H.-J. 
de),  491. 

Gauve  (?),  past.,  21. 

Caussin  (Suz.),  640. 

Caiix  (Pays  de),  51. 

Gauzid,  past.,  21. 

Caveirac,  20  n. 

Cavillon  (Fr.),  434. 

Gazalet,  gai.,  346. 

Gazenove  (A.  de),  488.  —  (R.  de),  493. 

Géard  (Pierre),  82  n.  —  (Is.),  past., 
82  n.  —  (Jeanne),  81  ss. 

Gellérier,  past.,  67  n. 
_  Celliers,  566. 
'Cenlillas  (Gasp.   de),  608. 

Céramique,  470  ss,,  493. 

Geroni  (L.),  603. 

Chabanne  (Mlle  de),  107. 

Ghabaud,  668, 

Ghabert,  420. 

Chabot.  —  Voy.  Gaullhier. 

Chaljrières,  476,   496. 

Ghadeau  de  la  Clocheterie,  87. 

Chadirac,  430. 

Chaillé  (Pierre),  644  n. 


DE  LIEUX,    ET   DES   PRINCIPALES   MATIERES. 


679 


Chaire  du  Désert  (Bougon),  423, 
603. 

Ghalezac   (De),  122. 

Challette,  53. 

Challuau  (Chat,  de),  456. 

Ghalmot  (Mme),  346. 

Chamalot,  420. 

Chaml3olle-Dui-u,  436, 

Cbambord  (Chat,  de),  452. 

Charnier,  avocat,  199. 

Chamilly  (M"'  de),  91. 

Champagne  (La  Réforme  en),  53. 

Champaigne  (Ph.  de),  389. 

Champdieu  (De).  —  Voy.  Villars. 

Champfour  (Et.  de),  évêq.,  92. 

Champigny  (De),  197. 

Chanson  hug.,  349.  —  d'un  col- 
porteur martyr,  306.  —  cath.  du 
mass.  de  Vassy,  255.  —  «  Chan- 
sons nouvelles  »...  (1573),  445.  — 
«  spirituelles  )>  (1555),  443. 

Chanteau  (De),  37. 

Chantilly,  455. 

Chaponnière  (F.),  39. 

Chaptal,  667. 

Charenton,  22. 

Charles  (J.-P.),  419. 

Charles  IX,  482. 

Charles-Quint,  445,  532. 

Charlet  (Pierre),  419. 

Charléty  (S.),  332  n. 

Charleval,  454. 

Charpentier  (J.),  277. 

Charron  (A.),  51.  —  (De).  —  \oy. 
Rolland. 

Charruaud  (P.-D.),  past.,  672. 

Chartres  (Siège  de),  54. 

Charvyx,  187  ss. 

Chastel,  314  n. 

Chastelars,  subdèl.,  642  ss. 

Chastellain  (J.),  curé,  478. 

Chastillon,  462.  —  (C),  605. 

Châtaignier.  —  Voy.  Blachon. 

Château,  418. 

ChdteaU'Tliierry, ô6l  ss. 

Chàteauncul-le-Rouge  (De).  —  Voy. 
de  Rodulph. 

Châtellerault,  546  ss.  —  (.\ssemb. 
de),  482. 

Chàtelot,  168. 

Chdtillon-sur-Diois,  420.  —  s/Loing, 
392. 

Chàtillon  (G.  de  Goligny,  s'  de), 
amiral,  392  ss.,  445,  488.  —  (Por- 
traits de),  390.  —  (Conversion  de), 
584.  —  (Lettres  à  Carafa),  577  ss. 
—    (Assassinat    de),    390    ss.    — 


(Louise  de  Coligny),  390,  488..  — 
(Fr.  de  s'  d'Andelot),  392,  583  ss. 

—  (Odet,  card.   de),  392,  582  ss. 
Chatoney,    314,  450  ss.,  464,  603  ss. 
Ghauniet.  prêtre,  168. 
Chaumont-Ouitry  {A.  de),  223. 
Chaumont-en-Bassigny,  13. 
Chausey  (Iles),  8,  103. 
Chaussegros.   —  ^oy.   d'Estienne. 
Chauve!,  pris.,  111. 

Chauvet,  621  ss. 

Chavanet(A.),  143. 

«  Chefs  principaux  des  entrepr.  des 

relig.  »,  194  ss. 
CheneJMer,  420. 
Chénier  (M.  Jos.),  514. 
Chenonceaux,  455. 
Ghenot,  271. 
Gheramy,  415. 
Chérot(Le  P.  H.),  314  n. 
Ghévelle  (C),  217  ss. 
Cheverny  (Chat,  de),  604. 
Ghevrières  (De),  présid.,  174  ss. 
Ghodowiecki  (D.),  515. 
Choiseul  (De),  513. 
Choudens  (Fr.  de),  274. 
«  Chrestienne  instruction))...  (1551), 

443. 
Christine    de    France,    506.    —    de 

Suède,  22. 
Chronique    litt.,  38    ss.,   159  ss., 
Chry.styn,  cons.,  547  n. 

217  ss.,  567  ES.,  605  SS.,  651  ss. 
Cinquantenaire    de    la    Société, 

280,  307  ss. 
Ciret,  cons.,  646. 
Ciaessens,  434. 
Claiete,  344  n. 
Clairac,  141  ss. 
Glaparède  (Th.  et  R.),  163.  —  (Ci.), 

21. 
Claris,  past.,  603  ss. 
Claude  (Is.-Fr.),  273.  —  (Fr.)  270. 

—  (J.),  past.,  389,  460,  485. 
Glaudon  (J.),  54. 

Clavel,  166  ss,  224. 
Claverick  (Jacq.),  270. 
Clementis  (Cl.),  augustin,  535. 
Clergé  (La  caisse  du)  et  les  prot. 

conv.,  225  ss.   —  (Dons  gratuits 

du),  225  n.,  240. 
Glichtov  (H.),  17. 
Clou-Bouchet  (Le)  [Niort].  21  > . 
Coche,  485  n.  —  de  la  Ferté,  472. 
Cochin  (Aug.),  613. 
Coffrets,  491. 
Cognac,  316  n. 


680 


TABLE   ALPHABETIQUE   DES    NOMS   DE  PERSONNES 


Coin  français   (Le)   [French  hoek], 

563  ss. 
Coissin  (V.),  139. 
Colbert,  51,   238,  484.    —    (Claire), 

abbesse.  51. 
Cole  (D'),  29. 
Colines  (Sim.  de),  432. 
Collèges  prot.,   206   ss.   —  (Clai- 

rac),  144.  —  {Die),  209.  —  {Mon- 

taiiban),    101,   212  n.  —  (Orthè^), 

211.  —  {Saumiir},  208  ss.  —  (5e- 

dan),  211. 
Collet  (Ch.),  270. 
Collot  (Sim.),  223. 
Colognac  (Paul),  prédic,  413. 
Colomb  (F.).  436. 

Colombe,  préd.  —  Voy.  Béranger. 
Golporteiirs,  306,  385. 
Comba  (Em.),   prof.,  314,  323,   602. 
Combalel  (Mme  de),  462. 
«  Combat  (Le)  chrestien  »,  437. 
Combes,   past.,    21.    —    (De),    174, 

188  ss.,  200. 
Comité  (Liste   des   membres    du) 

[1852-1902],  320  ss. 
Comminge,  205. 
Communion.  —  (Table  de),  425.  — 

(Nappe  dej,  425.  —  (Services  de), 

425,  489,  491 . 
Gomp"  des  Indes  occid.,  251  n. 
(>omle  (Jérém.),  489. 
Concordat  (Le),  297  ss. 
Concorde  (Formule   de),  de  \Vit~ 

temberg,  537. 
Condé  (L.  de  Bourbon,  pr.  de),  47, 

388,  479.  —(H.  de),  482.  —(P.  de), 

598. 
Condé-en-Barrois,  54. 
Condomois,  80  n. 
Condorcet.  —  Voy.  Caritat. 
Condren  (Le  P.  de),  170. 
«  Confession  de  la  foy  ».  —  {Ge- 
nève,  1537),  440. 
Confiscations    {Jamet^),    222.    — 

(Placard  de),  419, 
Connau  (S.),  20. 
Conquérant  (De),  51. 
Conrart  (Val.),  389. 
Consistoires  (Biens  des),  236. 
Constance,  477. 
Constans  (Jacq.),  669. 
Constant    de   Resbecq    (Aug.    de), 

669. 
Constantin  (J.),  past.,  614. 
Constituante( Pasteurs  de  la),661n. 
Conte,  40 1. 
Conli  (Prince  de),  171,  184. 


«  Contrevérités    (Les)  du  P.  Mey- 

nier  »,   199  n. 
Contrières  (Joach.  de),  48  ss. 
Convention  (Pasteurs de  la),  661  n. 
Conversions  (Caisse  des),  225  ss. 

—  (Moyens  de)  [peinture],  493  ss.. 
671. 

Copenhague,  101,  158. 

Coqueau  (Jacq.),  452. 

Coquerel  (Ath.),  fils,  past.,  519. 

Corbin  (P.),  270. 

Cordeliers  «  Déclaration  de  la  rei- 

gle...  des»  [J.  Menard,  1542],  441. 
Cordemoy  (Abbé  de),  640  ss. 
Cordier  (Math.),  213.  —  de  S'-Fir- 

min  (al)bé),  600. 
Cormontagne  (Jos.),  269. 
Cornailie  (Ant.),  223. 
Cornier  (Chat,  du),  50. 
Cornillion  (De).  —  Voy.  Sibert. 
Cornuau,  135. 

Correspondance,  52,  223,  663. 
Corroy  (P  ),  262  ss. 
Corsaires  hollandais,  251  ss. 
Corteiz  (Pierre),  103. 
Cosgrave  (J.),  268. 
Cossé  (M"  de),  482. 
Cossin  (L.),  389, 

Coste  (Pierre)',  274.  —  (Sam.),  546  ss. 
Colteau  (J.  Rod.  A.),  271. 
Cottier  de  Montbrison  (Mme),  398. 
Cotton,  collégien,  215. 
Coucy  (Chat,  de),  453. 
Coudoulet  (De).  —  Voy.  de  Favier. 
Couet  du  V^ivier  (Mme),  208  n. 
Coulin  (Frank),  past.,  383, 
Coulommiers,  458. 
Coupes  de   communion,   425,  489, 

491.  —  d'Et.   Mangin,  489.  —de 

Calvin,  489.  —  dA.   Garrisolles, 

23,  489.  —  de  Ranc,  491. 
Courlande(Duch''  de),  4  78  n. 
Court,  20,  413  —  (Maison  d'A.),  100. 

—  de  Gebelin,  290,  599,  601. 
Cou  riens,  120. 

Courtois  de  Maleville,  22,  401. 
Cousin  (Cl.),   prédic,    17.   —  (A.), 

prêtre,  649. 
Couteau  (A.),  433. 
Couttant  (Jacq.),  89. 
Couve  (B.),  past.,  307. 
Couvents,  87  ss.,  598,  631. 
Covelle,  167. 
Coxie  (De),  cons.,  547  n. 
Coyecquc  ^E.),  167. 
Co^es,  316  n. 
Crafort  (James),  271. 


DE   LIEUX,   ET   DES   PRINCIPALES   MATIÈRES, 


681 


Crébessac  (J.-J.),  dit  Vernet,  past., 

165. 
Crefeld,  672. 
Creil  (Chat,  de),  453. 
Creissel  (Et.),  past.,  31  i  n,  598  n. 
Créqui  (M"'  de),  178. 
Crespin  (J.),  442  ss. 
Crest,  419  ss. 
Creysseilles,  316  n. 
Crognet  (P.),  566. 
Croissy  (De),  113  ss. 
Cromnï  (Dav.),  270. 
Cronier,  565. 
Cronjé,  566. 
Ciinège  (Dordogne),  25. 
Gusin,  476. 
Cussy  de  Brie,  127. 
Cuvler(Rod.),670.  — (MmeO.),316n, 

672. 
Cuvry  (J.  de),  223. 
Cuzin,  438. 
Cyret,  cons.,  145  ss. 

D aillé  (J.),  past.,  120.  389,  485.  — 
Voy.  d'Aillé. 

Dallier  (J.),  445,  498. 

Damblain-en-Bassigny,  473 . 

Dampierre  (Ghàt.  de),  455. 

Daneau  (Lambert),  449. 

Danger,  270. 

Danglrard,  289  n. 

Danglade,  593. 

Daniau,  92. 

Danidan,  632. 

Dannreuther  (H.),  past.,  36,  51, 
217,  314,  323,  508,  573,  602,  613, 
671. 

Danse,  443. 

Darnac  (Nie),  76  ss. 

Dassier  (J.),  508. 

Dauphiné.  —  Voy.  Colognac. 

Dauphiné,  195  ss.,  419  ss. 

Daval  (J.),  250. 

Davantage.  —  Voy.  Hutchinson. 

David  (L.),  peintre,  414.  —  d'An- 
gers, 603. 

Davillé  (L.),  51. 

Davison  (Rob.),  271.  —  (J.),  271. 

Debrec^en,  100. 

Debrus  (Mme),  511. 

Déclarationdu  is  juill.  1656, 193ss . 

Défenses  aux  cath.  de  se  l'aire 
hug.,  187. 

Dégremont  (L.),  past.,  314  n. 

De  Jean  (Comte),  472. 

DelabroLie,  past.,  560. 

Delacourt  (Pasqueltc),  142. 


Delacroix  de  Sève  (Math.),  279.   . 

Delalbsse,  graveur,  514. 

Delage  (F.),   142  n. 

Delan  (V.  B.),  277. 

Delarocho  (P.),  peintre,  429. 

Delarue,  278. 

Delaulne  (Et.),  400,  451,  456  ss.,  477. 

Delaurencerie,  561  n. 

Deichef,  223. 

Délègue  (J.-A.),  422. 

Delessert,  304. 

Deiille  (Arm.),  past.,  58  ss. 

Deiisle  (Léop.),  375. 

Delorme  (Mlle  B.),  519. 

Delom,  past.,  224. 

Delphius,  390. 

Delpon  (J.),  224. 

Démange  aux  Eaux  (De).  —  Vqy. 
de  Mont. 

Denfert-Rochereau,  col.,  429. 

Denis  (Mme),  512. 

Dentelles,  474,  493. 

Donlzel,  past.,  661  n. 

Derideau  (Marie),  88. 

Derlac,  268. 

Désaguliers  (J.-Th.),  599. 

Des  Barres  (Jean),  344. 

Descartes,  110. 

Des  Coudrais  (Mlle),  123. 

Désert(Lettre  d'un  past.  du)  [1724|. 
102.  —  (Chaire  du),  423,  603.  — 
(Sceau  du),  491. 

Des  Gallars,  069. 

Des  Glaireaux,  cap.,  117. 

Des  Gois  (A.),  434,  441. 

Desnoyers  [Rozan],  prédic,  422. 

Despierres  (Mme  G.),  49. 

Des  Salles  (Louise),  37.  —(Cl.),  223. 

«  Deux  associés  »  (Prêtres  des),  348. 

Devais  (Alex.),  consul,  625  ss. 

Devises,  450,  615. 

Deymier  (G.),  246. 

Diacres  (Picfuge  d'Angleterre),  491 . 

«  Diairi  »  (  Le),  1 68. 

Diane  de  France,  .579.  —  de  Poi- 
tiers, 446. 

Die,  191,  209,  419. 

Dieppe,  250  ss.,  493. 

Dieterlen  (P.),  past.,  31  i  n. 

Dietz,  past.,  430,  603. 

Di eusse.  Ml. 

Dilger  (Arn.),  271. 

Dimanche  (La),  182. 

Dinan,  92. 

Dinteville  (G.  de),  gouv.  53. 

Diplôme  (Sedan),  430. 

Discipline  eccl.,  573. 


682 


TABLE  ALPHABÉTIQUE  DES  NOMS  DE  PERSONNES 


«  Dissertation  sur  les  pensions...  » 

[Le  Métayer],  236. 
Dodun,  control.  gén.,  260  ss. 
Dolet  (Et.),  343,  138,  442. 
Dollfus  (Adr.),  314  n. 
Dompierrede  Chauffepié(De),314n. 
DoDS  gratuits  du  clergé,  225  n,  240. 
Dorveaux  (D'  P.),  314  n. 
Doucet,  2S9  n. 
Doucette  (Gath.),  76  ss. 
Doumergue  (D'),  670.  —  (E.),  prof., 

383,  521. 
Dousel  (Is.-H.),  271. 
Doyen,  not.,  96. 
Dracque  (J.),  477. 
Dragonnades,  407.  — (Montauban), 

544  ss.  — {Dieppe),  493.  —  (Revel), 

628.  —  (Peintures),  493  ss. 
Drakenstein,  565. 
Dreux  (Bat.  de),  657. 
Drogy,  prêtre,  535. 
Drommond  (J.),  271. 
Drouart  (J.),  543. 
Droyart,  419. 
Druet,  prof.,  208. 
Drummond  (J.),  276. 
Du  Bellay  (card.  J.),  455.  —  (Char- 
lotte), 122  n.  —  (Cl.),  121.  —  (Th.), 

121. 
Du  Biran,  121. 
Du  Bœuf,  méd.,  189. 
Du  Bois  (Simon),  433  ss.  —  Guérin 

(Ch.),  405. 
Du    Bordage.    —   Voy.    Montbour- 

cher. 
Du  Bosc,  past.,  165. 
Dubroca  (G.),  régent,  144  ss. 
Ducange  (Victor),  517. 
Du  Croisil,  abbé,  174,  186  ss. 
Dudan  (A.),  520. 
Duels  d'écoliers,  210. 
Dufau  (A.  de),  314  n. 
Du  Faure  (Mme),  182. 
Du  Fay,  pilote,  253. 
Du  Ferrier,  g^vic,  177  ss. 
Dufour  (Th.),  100,  323,  357,  373,  431, 

602. 
Du    Franquesnay.    —  Voy.    De   la 

Sarrar. 
Duhan  (Nie),  268. 
Du  Laurens  (G.),  cons.,  141  n. 
Dulleins  (De),  271. 
Dulyon.  —  Voy.  de  Lyon. 
Dumas,  289,511.  —  (Dlle),  631  n. 
Du  Mas  de  Montmartin,  121. 
Dumast  (De).  —  Voy.  Guerrier. 
Dumesnil  (L.-P.),  271. 


Du  Mirail  (V.-Ch.),  270.  —  de  Mon- 

not  (Et.),  270. 
Dumont,  36  n,  92. 
Du  Moulin  (P.),  past.,  48'i,  668. 
Du  Murât  (Fr.),  246. 
Dunière  (J.)dit  Lacombe,  past.,  165. 
Dupaquier  (J.-J.),  272. 
Dupin   de  St-André   (A.),  past.,  55. 

323,  381,  602. 
Duplessis  (A.),  graveur,  517. 
Du  Plcssis-Mornay,  401,  482  ss.  — 

(Devise),  4.50. 
Dupont  (Jacq.),  50. 
Du  Port,  cap.,  251  s  s. 
Du  Pradel.  —  Voy.  de  Serres. 
Duprat  (Ant.),  .542. 
Du  Pral,  88  n. 

Dupré(G.  et  A.),  mèdailleurs,  502  ss. 
Du  Pré  (Fr.),  445. 
Du  Quesne  (Abr.),403,  484.  —  (Mme), 

92. 
Durand  (Jean),  277.   —  (Ch.),  300, 

314  n,  660.  —  (Marie),  487.  —  Gas- 

scMn  (IL),  401.—  (Dlle)  de  Revel, 

631  n. 
Durant  (Jean),  489.  —  (Z.),  444. 
Durfort,   107.  —  (De).   —  Voy.    de 

Nogarède. 
Duru,  434,  444. 
Du  Russeau  (K.),  398. 
Du  Ry  (Jeannette-Philip.),   55'i  ss. 

—  (Ch.),  452,  459. 
Duseigneur,  476  n. 
Du  Thiers,  456. 
Du  Tilhia  (R.),  143. 
Du  Tillet  (Louis),  521  n. 
Du  Toit,  565. 
Duval  (Jacq.),  272.  —  (M.i,  398.  — 

Voy.  Sicard. 
Duverger,  552. 
Duvergier,  551,  597. 
Du  Vivier.  —  Voy.  Couet. 
Duvoisin,  past.,  560. 

Echallens,  527. 
coiien  (Chat,  d"),  455. 

Édit  de  Nantes,  482.  —  (Contraven- 
tions à  V)  [1656  ss.].  193  ss.  — 
(Questionnaire)  [1660],  194  ss.  — 
de  Nemours,  528  ss.  —  de  Paris 
(1568),  479.  — de  Potsdam,  123, 129. 

Egidio  (D')  [J.  Gil.],  606. 

Egissav  (D'),  121. 

Egli  (D'o,  323,  602. 

Eisen  (Ch.),  516. 

EUiott  (G.),  272. 

Emaux,  461  ss,  475  ss. 


DE   LIEUX,   ET   DES   PRINCIPALES   MATIERES. 


G83 


Emminck  (J.-G.),  278. 

Empeytaz,  65,  289  n. 

Enfants  prot.  (Enlèvem'=  d'),  214  n. 

Enfants  sans  souci,  141  ss. 

En  gel,   i34. 

Enlèvements  d'enfants  prot,,  214  n. 

Enschédc  ^A.-J.),  502. 

Enterrements  prot.,  190,252,  266. 

Epernay,  611. 

Epernon  (Duc  d'),  610. 

Erasme,  433,  445  ss. 

Erbe  (Math.),  654. 

Erlangen,  49. 

Ermenonville  (D"').  —  Voy.  de   Vie. 

Esch  (Nie.  d'),  478. 

Espagne  (Inquisition  d'),  111,  605^ 
659.  —  (Prot.  en),  605  ss. 

Espenel,  419. 

Espense  (D'),  124,  131  n.  —  Voy.  de 
Beauveau. 

Espilly  (Marc  d'),  273. 

Espinousse  (D').  —  \o\.  de  Ville- 
neuve. 

Esquille  (Jeanne  d'),  114. 

Estancellin,  254. 

Estauge  (J.),  442. 

Estienne  (Rob.),  573.  —  (H.),  488.  — 
(Fr.),  448. 

Estienne-Chaussegros   (J.   d'),  106. 

Estivaux  (L.  d'),  223. 

Estréelles-en-Boiilonnais,  217  ss. 

Estrées  (D'),  évêq.,  241. 

Etat  des  anc.  et  nouv.  cath.  en  Lan- 
guedoc (1698),  205. 

«  Europe  »  (Le  navire  L'),  253. 

«  Exhortation  au  peuple  »,  438, 

Exilles  (Fort  d'),  368. 

Exinict  (Abr.),  421. 

Expert  (IL),  308,  312,  314. 

Exposition  rétrospective,  166, 
373  ss. 

Eymier  (G.  d'),  246.  —  Voy.  Dey- 
mier. 

Eynard.  past.,  603. 

Eyquens  (D'),  cons.,  149. 

Fabre,  289  n.  —  (Jean),  gai.,  487, 
509  ss.  -  d'Olivet,  493.  —  (Mlle), 

492. 
Fabri  (Christ.),  442.  - 
Fabry  (P.),  278. 
Faguet  (E.),  604,  640. 
«  Faicts  (Les)  de  J.-C.  et  du  Pape  » 

(1534?),  440. 
Falaiscau,  127  n.  —  (Mme),  127. 
Falbaire  (De).   —  Voy.    Fenouillot. 
Fallot,  past.,  68.  —  (Th.),  past.,  425. 


Faneuil,  88,  92. 

Fangoux  (J.),  272. 

Farel  (G.),  223,  336,  440  ss.,  478,  521 
ss.,  652. 

Fauchar  (Jeanne),  81  ss. 

Faugerolles  (De),  143  ss.,  646. 

Fauquet  (Ch.),  122. 

Fauquier  (J.  M.),  cap.,  110. 

F'î.ure  (J.),  546  ss.  —  (P.),  143.  — 
(Jacq.),  551  ss.  —  (L.),  420.  —  (E.), 
méd.,  594.  —  de  Revel,  619. 

l'aveau.  —  Voy.  Foveau. 

Favier  (De),  106. 

Favyer  (Nie),  498, 

Fécamp,  226  n. 

Fcer  (Léon),  672. 

Fegaud,  past.,  555. 

Féiice  (P.  de),  past.,  206  ss,  314  n. 

Féline,  289  n. 

Fénelon.  archevèq.,  640  ss.  —  (Mar- 
quis de),  171. 

Féyiestr  elles,  185. 

Fenouillot  de  Falbaire,  509  ss. 

Fergusson  (J.),  272. 

Fermasse  (La),  36  ss. 

Ferret  (P.),  272. 

Ferrières  (De).  —  Voy.  Bayard. 

Ferron  (De),  cons.,  146  ss. 

Ferrv  (L.),  208.  —  (P.),  past.,  206, 
485  ss.  —  (liLs),  207. 

Feuquières  (De).  —  Voy.  de  Pas. 

Feutrié  (Dav.),  avoc,  22. 

Février  (Jacob),  491. 

Fiales  (Paul),  gai.,  491. 

Fillon  (Jeanne),  279. 

«  Fils  de  rilomme  »  (Le).  —  Voy. 
S.  Morin. 

Firnkranz  (J.  Sig.),  278. 

Fischbacher  (Mlle),  308. 

Fischner  (Chr.  Gabr.),  271. 

Flaming,  93. 

Flandre,  5i7  ss. 

Fléchier  (Jacq.  de),  111. 

Fleury,  53,  48'..  —  (Abbé  Cl.),  641. 

Fliedner  (H.),  314  n. 

Florac,  316  n. 

Florian(Dei,  603,  605. 

Foécy,  316  n. 

Folembray  (Châl.  de),  453. 

Folleville  (De),  91. 

Fonbrune-Berbinau  (P.),  past.,  102, 
546,  5(i7,  598,  640,  647. 

«  Fontaine  (La)  de  vie  »  (I56Î),  438. 

Fontainebleau,  454. 

Fonlanes,  600. 

Fontbcrnard  (De).  —Voy.  Guenon. 

Fontenay,  539  n. 


(Î84 


TABLE   ALPHABETIQUE   DES   NOMS   DE   PERSONNES 


ForanI,  chcl' d'escad.,  642. 

Forestier,  past.,  602. 

Forge  (De).  —  Voy.  Salbert. 

Forier  (Anne),  421 . 

Forment  de  la  TourJ(J.),  638  ss.  — 
de  Brevanne  (P.),  638  ss. 

Formtile  de  concorde  de  Wittem- 
berg,  537. 

Fort  (Jacq.),  89. 

Fort-de-France,  251  n. 

Fosse,  pûst.,  165.  —  (J.  J.),  dit  Ri- 
chard, past.,  165. 

Fouquel  (Fr.),  170. 

Foiircinet,  421. 

Fourier  de  Bacourt,  53. 

Fourneau  (P.),  615. 

Fournier,  559. 

Foveau  (Jacq.),f93. 

Franc-Maçonnerie  (La),  599  ss. 

France  prot.  (La),  312. 

Francforts  j -Oder, Wtk. —  sj-M.,  443. 

Francheville  (G.),  275. 

Franconville,  601. 

Franklin  (Benj.),  599. 

Frappier,  377. 

Fréjevilie  (Jos.  de),  méd.,  224. 

French  Hoek  [Coin  français],  563  ss. 

Fresquet,  curé,  628  ss. 

Fressac  (De).  —  Voy.  de  Gênas. 

Fretanod  (J.-B.),  280. 

Frise,  637  ss. 

Fritzsch,  graveur,  514  n.  —  (L.),  664. 

Frobenius  (Joannes),  445. 

Froment  (A.),  past.,  81. 

Frossard,  past.,  69,  668.  —  (Ch.), 
past.,  314,  399,  575,  650.  —  (Mme 
Ch.),  650. 

Fugitifs,  419  ss.,  546  ss. 

Fuveau  (De).  —  Voy.  de  la  Lande, 
de  Rodulph. 

Fuzier,  314  n. 

Gâches,  628. 
achon  (Paul),  past.,  21. 
Gadagne  (De),  482. 
Gaidan  (E.),  671. 
Gailhard  ou  Galiard  (Sara),  110. 
Gaillard,    89.    —    de    Longjumeau 

(Jeanne),  220  n. 
Gaillon  (Chat,  de),  454. 
Galabcrl  (Fr.),  151. 
Galand  (J.),  420. 
Galatin  (Ezéch.),  272. 
Galériens,  87,  422,  486,  549  ss.,  647, 

670. 
Gales  (De),  avoc.  gen.,  174,  181  ss. 

—  (Pedro),  658. 


Galiard.  —  Voy.  Gailhard. 

Galinié  (P.),  165. 

Gallargues,  21. 

Gallien  (M.  A.),  223. 

Gallol  (P.),  274. 

Galvard  (B.),  547  n, 

Gambs  (Ch.  Ghr.),  past.,  429. 

Garaguier,  past.,  107. 

Garand  (L.),  420. 

Garcin  (Cl.),  420. 

Gardé,  566. 

Gardes-Suisses,  266. 

Garnault  (P.  E.),  672. 

Garnier  (J.),  442.  —  (P.),  472,  477. 

—  (A.  E.),  314  n. 
Garreta  (R.),  250,  314  n. 
Garrissolles  (Ant.),  prof.,  22  ss.,  401. 

—  (Coupe  de),  23,  489.  —  (Devise), 
23. 

Garrisson  (P.),  avocat,  543  ss. 

Gasc,  619. 

Gascq  (De),  86,  646. 

Gassendi,  110. 

Gassion  (M="  de),  403. 

Gaubert-Lavaysse,  515  n. 

Gaufrés  (J.),  314  n. 

Gaulthier  (P.),  dit  Chabot,  670. 

Gaultier  (J.),  669.  —  (A.  de),  cons., 

145  ss.,  646. 
Gaulery,  571  ss. 
Gautier,  past.,  21.  —  (L.),  past.,  314 

n.  —  (De),  107. 
Gavanon   La   Vérune,  prédic,  413. 
Gayling,  652. 

Gazagne  (Salom.),  past.,  20. 
Gazan  (David),  prédic,,  412. 
Gazon,  commiss.,  127. 
Gelas  de  Léberon  (Ch.  J.  de),  évêq., 

249. 
Gélin  (H.),  314  n,  377. 
Gênas  (De),  104  ss. 
Généalogies. —  De  Gênas,  104  ss. 

—  Guiraud,   110  ss.  —  Reinaud, 

111  ss. 
Générac,  107. 

G<??!èj^e,64ss.,440,447,52lss.,590ss. 
Genevois-Nemours    (De).    —    Voy. 

Jacq.  de  Savoie. 
Genoux.  —  Voy.  Mallet. 
Gentillot,  24,  551. 
Genu  (De),  34. 
Gérard  (J.),  435. 
Gerland  (D'  O.),  554. 
Gérold  (Th.),  past.,  314  n. 
Gervaise,  chirurg.,  120. 
Gesaner  (A.  et  J.),  446. 
Gesvres  (Duc  de),  277. 


DE  LIEUX,   ET   DES    PRINCIPALES   MATIÈRES. 


685 


Ghendt  (E.  de),  grav.,  516. 

GiberL(E.),  past.,  21. 

Gibolet,  477. 

Gil  (J.),  606. 

Gilbert,  92. 

Gillouin  (Mme),  425,  491. 

Girard  (Et.),  592.  —  (F.),  422.  — 
(B.),  420. 

Giraud,  cons.,  174.—  Browning  (A.), 
361  ss.,  430,  499. 

Girault  (G.),  77  ss. 

Giroud,  419. 

Givaudan  (Suz.),  421. 

«  Glaive{Le)  de  la  parolle...  »  (1550), 
442. 

Gloucester,  29. 

Godeffroy,  87. 

Goebei  (D.  S.),  prof.,  50. 

Goffart  (Mme  Vve),  493. 

Goguel  (A.),  past.,  487. 

Gohécourt  (De).  —  Voy.  Des  Salles. 

Goldschmidt  (M.),  275. 

Golier  (Le  P.),  184. 

Goltzius  (H.),  401. 

Gombaud  (Anne  et  Eléon.),  643. 

Gommeret,  430. 

Gondreville-la-Franche,  51. 

Gonesse,  539  n. 

Gontard  (J.  L.),  420. 

Gonzague  (Louise  M.  de),  462.  — 
(Cath.  de),  459. 

GonzalèsdeMendoza(Card.P.),606. 

Gordes  (De),  571  n. 

Gordon  (G.),  272. 

Goret  (Rob.),  96. 

Gorin  (P.),  25. 

Gond  (Jacq.),  269. 

Goudimel  (Cl.),  444. 

Gouguyn  (Fr.),  76  ss. 

Goujon  (Jean),  4.55,  472. 

Goulard  (Chat,  de),  24,  551,  593,614. 

Goulard  (Marie),  546  ss. 

Goulart  (Sim.),  670. 

Goût  (A.),  past.,  281  ss. 

Gouttes,  622. 

Gouvernet  (De),  460. 

Goy  (Ch.  et  L.),  421. 

Grain  (Magdel.),  122. 

Grandmaison  (De),  7  ss.,  100,  124  n., 
671. 

Grandpré  (De),  méd.,  189. 

Granjon  (Rob.),  444. 

«  Grans  (Les)  pardons  et  indul- 
gences »  (1533  ou  3i),  440. 

Grasset  (Marie),  224.  —  (P.),  649. 

Grale  (Le  P.),  184. 

Gravelines,  547  n. 


Gravelot,  509. 

Gravures,  603. 

Grégoire  (ai>bé),  348. 

Grégoire  XIII,  pape,  497. 

Grelier  (P.),  92. 

Grenade,  606. 

Grenier  de  Latour  (F.  de),  204. 

Grenoble,  169  ss.,  223.  — Temple),  197 

ss.  —  (Affaire  de  l'Hôpital),  178  ss. 
Gribelin,  389. 
Grignan  (comtesse  de),  462.  —  Voy, 

d'Adhémar. 
Grillon  {De),  l)rigadier,  544. 
Grindall  (Edm.),  évêq.,  669. 
Griolet,  648. 
Grisait  (J.),  419. 
Grizot,  past.,  20. 
Grœnwegen  (J.),  272. 
Groningite,  31  n. 
Gros  (Ch.),  168. 
Groslot  (Marg.),  508. 
Grossoiivre,  344  n. 
Groulart  (Ci.),  pr.  présid.,  491. 
Gruel,  435. 

Guadalaxara  (Mystiques  de),  60.5. 
Guardesi,  670. 
Guenon  de  Fontbernard,  88. 
Guérin,  51,  186,  420.    —    cons.,  174. 

(J.),  libr.  272. 
Guerlach,  271. 

Guerres  de  relig.  (1.562),  392  ss. 
Guerrier  de  Dumast,  601. 
Guillaumau,  489  n. 
Guillaume  le  Taciturne,  336,  394. 
Guillaume  III  d'Anglet.,  485. 
Guillemières  (De),  cons.,  174  ss. 
Guillelat  (Fr.),  443. 
Guilloche  (De),  cons.,  146  ss. 
Guiraud,  1 10,  647. 
Guise  (Fr.  de),  578  ss.   —  (H.   de), 

610  ss. 
Guitton,  273,  275. 
Guizot  (Fr.),  429.  —  (Fr,-A.),  347. 
Gunsbach  (J.-J.),  273. 
Gustave-Adolphe,  22,  216. 
Guyaz  (J.),  267  n. 
Guyenne,  141  ss. 
Guyot  (H.-D.),  31  ss.,   314    n.,  323, 

602,  637. 
Guyton  (Noël),  libr.,  167. 

Haag  (Eug.),  519. 
abert  (J.),  comm.,  266. 
Hackney,2~. 
Haffncr,  past.,  70. 
Hainor  (Jos.),  278. 
Ilaldane,  65. 


686 


TABLE   ALPHABETIQUE   DES   NOMS   DE   PERSONNES 


Haie,  345  n. 

Halluin  (Jeanne  de),  579. 

Halphen  (Euo.),  314  n. 

Hamelm(Phillberl),443. 

Hamilton  (Marie),  640. 

Hamon  (A.),  314  n. 

Hanotaux  (G.),  159  ss. 

Harambure  (Augier  de),  246  ss. 

Ilarbonnières  (D').  —  Voy.  de  Pas. 

Harburg^  654. 

Hardy-Mesnil,  440. 

Haiiay  de  Champvallon,  archevôq., 

225  n.,  238  ss.,  493, 
Hartope  (J.),  273. 
Harville  (Cl.  de),  539  ss. 
Ilallu  de  Vehu,  550. 
Haullin  (P.),  445.    —  (H.),    445,   450. 
Haussonville  (AlTrican  d'),  222. 
Hautecour,  prof.,  207. 
Hauterive  (D').  —  Voy.  Blanc. 
Hay  (G.),  269. 
Hayotte  (Barbe),  508. 
Hébert  (J.),  400. 
Hebuchner  (Rob.),  270. 
Hedion,  496. 
:  Helmotz,  328  n. 
Henares,  609. 
«  Henolicon  »  {Panégyrique  de  V) 

[1.588],  602. 
Henri  II,  446. 
Henri  HI,  482. 
Henri  IV,  401,  482,  497,  503,  506  ss., 

610. 
Henriquez  (B.-L.),  426. 
Henry,  prédic,  412. 
Herbelet  (J.),  curé,  82  n. 
Herj>ig-ny  (D'),  intend.,  417. 
Herboux(D.  et  L.),  419. 
«  Héros  (Les)  delà  Ligue  »...  (1691), 

493. 
Hervage  (J.),  436. 
Hervart  (Barth.  d'),  cons.,  460. 
Hespérlen  (Franc.),  614. 
Heydegger  (Ph.-C.),  273. 
Heyer(H.),  past.),  314  n. 
Hihglogh  (De).  —  Voy.  Light. 
Hildesheim,  554. 
Ilodenpyl  (Gysberti),  299  n. 
Hœk,  561  n.,  665. 
Hoff  (G. -A.),  past.,  55. 
Hogger  (D.),  273. 

Hollande,  35,  54,  87,297  ss.  —  (Ban- 
quiers réfug.),  637  ss.  —  (Médailles 

de  la  Révoc""),  500  ss. 
Hollard  (Chr.),  526  ss.  —  (J.),  chan., 

526  ss. 
Homel  (Is.),  past.,  345. 


Hooper,  évêq.,  29. 

Hoorn  (Van),  289  n. 

Hop  (N'an),  ambass.,  270. 

Hope  (Th.),  271. 

Horn  (comte  de),  556. 

Hornet  (J.),  268,  278. 

Hornter  (J.),  275. 

Hortner  (H.),  273. 

Hotman  (Fr.),  539  n. 

Hoxton,  491. 

Huaud  (Pierre),  l'aîné,  462. 

Iluault,  horl.,  477. 

Huberinus  (C),  446. 

Hubert  (A.),  496.  —  Voy.  Hal)ert. 

Huet  (Isaac),  561. 

Hugon,  488. 

Huguenaud,671. 

Huguenauts  (Ecueil  des)  [Iles  Chau- 

sey],  8,  103. 
Huguenot  (Le  mot),  7  ss.,  103,  671. 

—  (Le  prénom),  10  ss. 
Huguenot,  671.   —  Ph.  et  J.),  13.  — 

—  (Pascal),  8. 

Hugues  (D'),  182.  —  (Edm.),  314  n., 

323,  602. 
Huisseau  (D'),  prof.,  208. 
Huss  (Jean),  334,  379. 
Hutchinson-Davantage,  271. 
Hyhoa  (Joannès),  273. 

Tberville  (D'),  91. 

llles  (De),  628. 

Illustrations.  —  Vue  de  rhôtel-dc- 
Viile  de  Paray-le-Monial,  16 1;  — 
de  la  maison  du  notaire  Reverdy, 
à  Revel^&l'è;  —  du  prétendu  temple 
d'Estréelles-en-Boulonnais,  219  ;  — 
de  la  salle  de  lecture,  376;  (Pan- 
neau renfermant  les  «  Réforma- 
teurs et  Pasteurs  »,  378  ;  panneau 
intitulé  «  Coligny  et  son  temps», 
391;  panneau  intitulé  «  xvi°  et 
xvu°  siècles  »,  397;  panneau  con- 
sacré à  la  «  Révocation  »,  402; 
panneau  consacré  au  «  Culte  du 
désert  »,  424;  Id.  à  la  «  fiéorga- 
nisation  des  cultes  »,  428;  Vi- 
trines d'objets  d'art,  451  ;  Livre 
de  prières  de  Jean  Petitot,  463, 
468).  —  de  Genève  au  xvi'  siècle, 
522.  —  Masque  de  Luther,  380.  — 
Médaille  commémorative  du  sup- 
plice de  Jean  Huss,  334.  —  .Mé- 
daillons de  Luther,  495  et  496; 
d'Henri  IV  et  Marie  de  Médicis, 
503,  507;  de  Jacques  Boiceau,  s'  de 
la  Barauderie,  505;  de   Richelieu, 


DÉ   LIEUX,   ET   DES   PRINCIPALES   MATIÈRES. 


687 


507.  —  Caricatures  de  Rabaul  de 
S'-Etienne,  AÏS;  —  de  l'époque  de 
la  Révocation,  494.  —  Plaquette 
offerte  au  président  de  la  Société, 
353.  —  Plats  de  Palissy  (la  «  Fé- 
condité »  el«  Reptiles  »),470,  471. 
Bas-relief  de  Jean  Goujon,  473. 
Huit  PLAQUES  d'émail  iUustranl 
l'oraison  dominicale, 480-481. — Cof- 
fret aux  armes  d'Henri-Jacques 
de  Caumont,  duc  de  la  Force, 
coupe  de  Calvin  et  Gobelet  de 
Ranc,  490. —  Reliures  à  compar- 
liments  (Bibles  de  1548  et  1559), 
447.  —  D'un  psautier  du  xvi*  siècle, 
449.  —Portraits.  —  De  A.  Garis- 
soles,  22.  —  De  Calvin  (peintures 
du  chat.  dW-fay-le-Rideau,  382; 
de  Baie,  384).  —  De  Téligny,  395. 

—  De  Kath.  de  Russeau,  399.  — 
De  Louis  XIV  triomphant  de  l'hé- 
résie, 404.  — De  Jean  Petitot,  462. 

—  de  Mme  Jean  Petitot,  465.  — 
De  P.  Mret,  529.  —  De  G.  Farel, 
.533.  —  Fac-similé  de  deux  textes 
du  xiV  siècle  renfermant  le  nom 
Huguenot,  H.  —  Des  signatures 
de  Coligny,  393.  —  De  Cl.  Brous- 
son,  411.  —  De  Paul  Rabaut,  417; 

—  de  Raijaut   de  S'-Etienne,  417; 

—  De  Jean  Petitot,  468.  —  De 
Calvin,  479.  —  De  Marie  Durand, 
/SI.  —  De  Voltaire,  511.  —  De 
la  veuve  Calas,  512.  —  D'un  ma- 
nuscrit de  Luther,  478.  — Du  pas- 
sage des  registres  du  Conseil 
mentionnant  l'arrivée  de  Calvin 
à  Genève,  525.  —  Plan  du  quar- 
tier de  l'Estrapade  en  1734,  98.  — 
du  cimetière  des  prot.  étrangers 
en  1726,  26i  et  265.  —  La  marqur 
du  libraire  Guy  Marchand,  de 
Paris,  616. 

Imbert,  213. 

Imprimeurs  (Marques  d'),   49,  616. 

Indes  Occid.  (Comp.  des),  251  n. 

Indulgences,  440. 

Inhumation  (  P  r  o  c  è  s  -  v  e  r  b  a  1  d') 

01737].  266. 
Inquisition   d'Espagne,    111,   605, 

65'.». 
Inscriptions    hug.,  377.  —  (Join- 

ville),  S2   n.  —    [Revel),   620.     — 

(Nantes),  6l3. 
«  Institution  chrétienne  »  de  Calvin, 

446,  524. 
«  Instruction  chrestienne  »  (1562),  444. 


Irlande,  90. 

Isle  de  Loire,  92. 

Issanchou-Peyreblanc  (A.),  417. 

Ivoires,  493. 

Izaard  (Anne),  420. 

jacobi  (P.),  616. 

J  acquemin  ((>h.),  112. 

Jacques  II  d'Angleterre,  462. 

Jadart  (II.),  51. 

Jaimont  (Marie  de),  598  n. 

Jallieit,  316  n. 

Jamaïque  (La),  89. 

Jamet^  (.Siège  de),  222. 

Jannon  (J.),  impr.,  491,  573. 

Jaquin,  186. 

Jaubert  de  Barrault  (J.),  évêq.,170. 

Jaucourt  de  Viilarnoul,  125,  282.  — 

(Mme),  124  ss. 
Jay,  past.,  661  n. 
Jayet,  164. 

Jeanbon  S'-André,  152  n.,165. 
Jeaucourt  (chevalier  de),  266. 
Jeaurat  (Et.),  491. 
Jemmath  (Sam.),  274. 
Jésuites,  174  ss. 
Jetons,  37. 
Jeunesse  («  Instruction  chrestienne 

pour  la  »)  de  France  »  (1562),  444. 
Jobard  (Gasp.),  273  ss. 
Joigny,  557. 
Joinville,  82  n. 
Jonas,  381. 
Jordan,  612  ss. 

Joubert,  274,  419  ss.,  566,  666  n. 
Jouhanneau  (Marg.),  546  ss. 
Jouques.  —  Voy.  d'Arbaud. 
Jourdan-Coupetéte,  416. 
Journal  de   M.  A.    Pictet,   304.  — 

—  (Projetdefondationd'un)  [1767], 

151  n. 
Joussaud,  289  n. 
Jousseaulme  (C),  76  ss. 
Joux,   past.,  60   ss.   —    (Beiij.  de), 

past.,  185  n. 
Jovcnon  (Cl.  Ch.  et  J.),  591. 
Joyeuse  (Card.  de),  227  ss. 
Juifs  convertis,  243  n. 
Juliani  (Fr.  Mich.),  526  ss. 
Jullicn  (J.  et  A.),  420. 
Jumii'ges  (abbaye  de), 226  n. 
Jurieu  (P.),  past.,  485,  497. 

Kiihler,  prol'.,  50. 
amcilsivy  (L.  Ch.  de),  274. 
Kan  (l)'J.-B.),  87. 
Ker  (John)  272. 


688 


TABLE  ALPHABETIQUE  DES  NOMS  DE  PERSONNES 


Kiler  (Balth.  de),  269. 
Kingston  (Duch"  de),  270. 
Kinman  (Josl),  390. 
Kœln  (W.),  VtO. 
Kœnigsberg,  117. 
Koning{De),  36  n. 
Kuhn  (F.),  past.,  57. 
Kulmerey  (Lord),  279. 
Kynaston,  269. 

La  Barde  (Jacq.  de)  cons.,  635  n. 
a  Barrauderie  (De).  —  Voy.  Boi- 
ceau. 

Labhard,  270  ss. 

Labernède  (Elisab.),  546  ss. 

La  Boétie,  cons,,  143  ss. 

La  Boissière  (Cl.),  past.,  77  n. 

Laborde  (De),  516  n. 

La  Borie  (P.),  proc,  147  ss. 

Labouchère  (P. -A.),  495. 

Labric,  prédic,  412. 

Labrouste  (H.),  458. 

Labrune  (Fr.),  past.,  20. 

La  Bruyère,  462. 

La  Burnette.  —  Voy.  Labernède. 

Lacalm  (Chat,  de),  165. 

La  Charce  (De).  —  Voy.  La  Tour. 

La  Chassagne  (De).  —  Voy.  Vil- 
lages. 

La  Chassaigne,  cons.,  145  ss.,  646. 

La  Chastre  (Gasparde  de),  449. 

Lachaux.  — Voy.  Lombard. 

La  Chièze,  141  n. 

La  Cloche  (Cl.  de),  past.,  82,  508. 

La  Clocheterie.   —  Voy.   Chadeau. 

Lacombe,  623.  —  Voy.  Dunière, 

La  Coste,  lieut.  87. 

La  Crouzette  (De).  —  Voy.  Bayard. 

La  Devèze  (De),  489  n. 

La  Dixnierie,  600. 

La  Faye  (De),  past.,  483. 

Laferme  (Mme),  603. 

La  Ferrière,  77. 

La  Fertè  (  De),  53. 

Laffilte,  603. 

Lafon,  141  n. 

Lafont  (A.),  past.,  647. 

La  Fontaine  d'Aulnay.  —  Voy.  P.  de 
Lyon. 

La  Forge  (Josse  de),  602. 

La  Frégonnière.  —  Voy.  Poictevyn. 

La  Galissonière  (Mme  de),  87. 

La  Garde  (Hub.  de),  572. 

Laget  (H.),  past.,  21. 

Lagier  (.L),  421. 

Lagravère  (Is.),  418. 

La  Gravière,  273. 


La  Jeunesse,  prédic. —  Voy.  D.  Ga- 

zan. 
Lalance,  maire,  168. 
Lalande  (Macé  de),  142. 
La  Lande,  600.  —  (N.  de),  106. 
Laleu  (De).  —  Voy.  Legrand. 
Lalot,  past.,  672. 
La  Marc  (Luys  de),  586  ss. 
La  Marre,  comm.,  493. 
La  Martilière  (De),  cons.,  176. 
Lamber  (P.),  25  ss. 
Lambert  (Abbé),  174  ss. 
Lamblet  (G.-A),  549. 
La  Meilleraye  (M"  de),  171. 
La   Melonnière.  —  Voy.    Monceau. 
Lamoignon  (De),  pr.  présid.,  172. 
La  Mole  (De).  —  Voy.  Boniiace. 
Lamotte  (Jeanne- .NL),  422. 
La  Motte-Chalançon,  421,  613, 
La  Muette  (Chat",  de),  453. 
La  Mure,  167. 
Landreau  (De),  602. 
Landreville,  82  n. 
Laneyrier,  628. 
Langlade,  21. 
Langlois,  275. 
Langlumé,  416. 
Languedoc   (Stalistiq.  prot.  et  cath. 

du)  [1698],   203.    —   (Prédic    du), 

412  ss.  —  (Assemb.),  519. 
Languet  (Hubert),  446. 
Lannoy  (Comte  de),  218. 
La  Noiie  (Fr.  de),  482. 
Lansac  (De),  586  ss. 
Lansart  (Suz.  de),  106. 
Lansguier,  past.,  627  ss. 
Lanssac  (Marie),  274. 
Laon,  448.  —  (J.  de),  598. 
La  Perrie  (Rose-Elisab.  de),  275. 
La  Perrière  (De).  —  Voy.  Mercier. 
La  Petitière  (De),  119. 
Lapierre,  prédic.  412. 
La  Place.  —  Voy.  La  Boissière. 
La  Planche,  53, 
Laporte,  prédic,  412. 
La  Rive  (A.  de),  275. 
«  Larme  »  (Bijoux  à  la),  492,  671. 
La  Roche  (Mme  de),  127.  —  Pozay 

(H.-L.  de),  170. 
La  Rochelle,  8'*  ss,,  234,  480,  642. 
La  Rochette  (De),  cons.,  178  ss, 
La  Rode  (De).  —  Voy.  Dupont, 
Laroque,  past,  —  Voy.  Bonifas, 
La  Rousselière  (Abbé  de),  174. 
La  Rouvière,  prédic,  413, 
Laroze  (G.),  275. 
Larroque  (Marie),  631  n. 


DE   LIEUX,    ET    DES   PRINCIPALES    MATIÈRES. 


689 


Lasalle,  346. 

La  San-ai-  (De),  268. 

Lasco  (J.  de),  445. 

Lasoiirce,  305. 

Lassus  (Orlande  de),  445. 

La  Sudrie  (H.),  145. 

Lalimer,  évêq.,  27. 

La  Tour  (P.  de),  196.  —  Montauban, 
248.  —  Voy.  Formont. 

La  Tremblade,  641  ss. 

La  Trémoille  (Claude  de),  488. 

Laubertière,  89. 

L'Aubespine  (Séb.  de),  577. 

Laud.  31. 

Lauréats  de  la  Société,  315  n. 

Laurens  (H.  de),  602.  —  (past.),  20. 

LaureiiL  (Nie),  275. 

Laurier,  419. 

Lausan>ie,^z>.  —  (Dispute  de)^  521  ss. 

Lausen,  383. 

La  Vaclière,  419. 

Laval  (M'^  de),  171. 

La  Valdaix,  422. 

La  Valette  (De),  345. 

La  Vallière  (Mlle  de),  462. 

La  Vauguyon  (De),  119. 

Lavaur,  205,  631  n. 

Lavaysse,  513.  —  Voy.  Gauberl. 

Laverdet,  485  n. 

Lavet  (Elisab.),  546  ss. 

La  Viale  (Gard),  50. 

La  Victoire,  prédic,  413. 

La  Ville  (J.),  consul,  -141  n. 

Lavinia,  ép.  Gales,  658  n. 

La  Voixbasse  (Mme  de),  89. 

La  Vye,  cons.,  145  ss. 

Lawton  (Mme  J.),  310  n. 

Laya  (J.-L.),  5i4. 

Lavgue,  420. 

Lazard  (B.),  96. 

Léberon  (De).  —  Voy.  de  Gelas. 

Leblanc,  36  n. 

Le  Blanc  (O.),  430.  —  de   Beaulieu, 

past.,  430. 
Le  Boullinger  (Sara),  279. 
Le  Breton,  454,  513. 
Lebrixa  (Ant.  de),  608. 
Le  Brodeur  (Nie),  77  ss. 
Lebrun, 301  n. 
Le  Cercler  (Judith),  214  n. 
Le  Chatellier,  82  n. 
Leclaire  (Marie),  392. 
Leclerc,    554   ss.    —    (J.),    343.   — 

(curé),  635  n. 
Le  Comte,  présid.,  145  ss. 
Lecomte,231.  —  (G.),275.  —  (J.-B.), 
272,  275. 


Leconseil,  77. 

Lecoz,  archevêq.,  60. 

Le  Crosnier  (R.),  48  ss. 

Lefelîvre  (A),  217  ss. 

Lefer  (Abr.),  590. 

La  Feure  (C),  389. 

Lefèvre  d'Etaples,  19,  336,  432  ss. 

Lefranc  ^A.),  14  ss. 

Legaré  (D.),  276. 

Legendre  (Jacq.),  49. 

Legrand  de  Laleu,  600. 

Léguât,  564  ss. 

Le  Havre,  51. 

Lehr   (II.),   past.,  24,  5'i,   i03,  31'!, 

551,  593,  614. 
Leibbrandt  (II.-C.  van),  56». 
Leipsig,  133. 
Le  Jeune  (Cl.),  445. 
Leloup,  399. 
Leloux  I?)  iD.),  430. 
Le  Magnier  (Rob.),  602. 
Lemaislre,  289  n. 
Le  Mas  d'A  :;il,  430. 
Le  Masson,  77  ss. 
Lembeley,  271. 
Lémery  (Nie),  niéd.,  120. 
Le  Métayer  (Abbé),  236. 
Lemierre  d'Argy,  514. 
Lempereur  (.\L),  437. 
Le  Noir,  289  n.  —  de  Crevain  (Ph.). 

past.,  638.  —  de  Monfreton,  637  ss. 

—  de  Morlain  (J.),  past.,  638. 
Le  Nôtre,  504  ss. 
Léonard  Limousin,  475. 
Lepage  (Cl.),  269. 
Le  Pelle,  252  ss. 
Le  Pelletier,  control.  gén.,  133. 
Le  Poupin,  316  n. 
Le  Preux  (J.),  449. 
«  Lépreux  »   (Exposition  de  l'Iiist. 

des)  [1539],  441. 
Le  Piiy,  205. 

Leroy,  36  n.  —  (Adr.),  444. 
Le  Roy  (Alex.),  277. 
L'Eschassier,  194. 
Lescot  (Pierre),  452. 
Lesdiguières.   —    \  oy.    Bonne,    de 

Créqui. 
Lesens  (E.),  51. 
Le  Sot  (Marie),  90. 
Lesueur,  91. 
Losur  (Ph.i,  112. 

«  Leuthcriens  («  La  Balade  des),  436. 
Le  \asseur  (J.),  430. 
Lèves  (Les),  614. 
Levesque  (Ern.i,  31»  n. 
Le  Vigan,  20  n.,  316  n. 

LI.  —  49 


690 


TABLE   ALPHABETIQUE   DES   NOMS   DE   PERSONNES 


Lévis,  past.,  ô-iS  n.  —  (Philijx  de), 

régent,  645  ss.  —    de  Ventadour 

(Duc  de),   169. 
Lévy-Schncider,  151. 
Lezigny.   —  \'oy.  de  Pierrevive. 
L'Hôpital  (Abbé  de),  174.  —  (L.  de), 

121.  —  (Mich.  de),  670. 
Liancourt  (Duc  de),  171. 
Libertet,  523  n. 
Libourne,  141  ss. 
Liddal,  269. 
Lied  (J.-M.),  275. 
Liévain  (J.),  561. 
Lightde  Ililiglogh  (R.),  275. 
Ligier-Richier,  52,  472. 
Ligny,  53. 
Ligoiirne,  92. 
Ligue  (La),  538  ss.,  610. 
Limoges,  173  n. 
Liotard,  420SS. 
Lioux   (De).    —    Voy.    d'Estienne- 

Chaussegros. 
Lips  (Joh.-H.),  515. 
Liste  de  pasteurs  (Bernis),  20  ss. 

—    des    inhum.    {Paris,    1725-37), 

267  ss. 
Liltlejohn  (Al.),  270. 
Liturgies,  438,  440,  443,  486. 
Livache  (J.),  421. 
«  Livre  (Le)  des  marchands  y>  (1534), 

439. —  «  de  vraye  ...oraison  )),437. 
Livres  prot.  en  Espagne,  606.  —  de 

raison,  106  ss. 
Livron,  58. 
Lobéran  de  Montigny  (M.  de),  past., 

448.  —  (Suz.  de),  448. 
Locher  (Marthe),  276. 
Lochom  (Mich.  van),  504. 
Lod'eve.  205. 
Lods  (Ad.),  prof.  496.  —  (Arm.),  314 

n.,  373,  414,  661, 
Logrian,  316  n. 
Logrons,  605  ss. 
Loi  du  18  germinal  an  X,  57  ss.,  281 

ss.,  427,  667  ss. 
Lombard,  419  ss. 
Lombard-Dumas,  416.  —  Lachaux, 

past.,  661  n. 
Lombart,  389. 
Londres,  368,  520. 
Longjumeau  (Traité  de),  479.  —  (De) 

Voy.  Gaillard. 
Longueville  (Duch°  de),  459. 
Lorent  (J.),  389. 
Lorin,  416. 

Lorinnes('?)-leS'Dinant,  546  ss, 
Lorme  (Philib.  de),  454  ss. 


Lorraine(Ch.  card.de), 455.  —(Chris- 
tine de),  503. 

Lortic,  434. 

Lortsch,  past.,  314  n. 

Loudiin  (Assemb.  de)  [1596],  482. 

Louis  XIII,  506. 

Louis  XIV,  404,  462,  506  ss. 

Louis  XVI,  155  ss.,  599. 

Louis,  roi  de  Hollande,  297. 

«  Loups  {Le  bâton  pour  chasser  les) 
[1522],  436. 

Louvain,  298. 

Louvigny  (De),  218  ss. 

Louvois,"  493,  .598. 

Luc  (Philippa),  579  n. 

Luiken  (Jan),  405. 

Lullin  (Marc),  275. 

Luns  (Philip,  de),  337. 

Lussan,  647. 

Luther,  330  ss.,  379,  380,  381,  436  ss., 
478,  495,  654, 

Luxembourg  (Jean  de),  53,  519.  — 
(A,  de),  53, 

Luy  (Jos.),  269. 

Luynes  (Connét.  de),  159  ss. 

Luze  (De).  —  \'oy.  Pourtalès. 

Lyon  (Pierre  de),  538  ss. 

Lyon,  316,  427,  438,  672. 

Madelaine  (V.),  51. 
agna.  —  Voy.  de  Barford. 
Magnier(Et.),  277. 
Magnin  (Mme  de),  519. 
Maillard  (Th.),  past.,  314  n. 
Mailly  (Mme  de),  631  n. 
Maintenon  (Mme  de),  462. 
Malan,  565. 
Malet,  215. 

Maleville  (P.  de),  avoc,  22. 
Mallet,  276,  304,  —  Genoux,  275. 
Maluquer  (De),  314  n, 
Malvyn  (De),  cons.,  145  ss.,  646. 
Mangin  (Coupe  d'Et.),  489. 
Mantelet  de  past.  du  Désert,  425. 
Marais,  565, 

Marazel  (Paul),  past.,  486. 
Marbourg,  403. 
Marcatel  (P.),  moine,  584  ss.  —  Voy. 

Mercalel. 
Marcelle  (P.),  420. 
Marchand,  past.,  21.  —  (G.),  libr., 

616. 
«  Marchans   {Le  livre    des)   [1534], 

439. 
Marchay  (Dan.),  92. 
Marchier,  174  ss. 
Marcourt  (Anl.),  439  ss. 


DE   LIEUX,    ET   DES   PRINCIPALES   MATIERES. 


691 


Marcoux  (Gèd.  de),  224. 

Marennes,  6 il  ss. 

Mariages  prot.,  91,  100. 

Marienthal,  613. 

Mariette,  avoc,  513. 

Marignac,  't'IO. 

Marillac,  intend.,  493. 

Marins  prot.  84  ss. 

Markes  (?),  27. 

Alarkolsheim^  664. 

Marlorat,  pasl.,  84. 

Marnais  (De),  cons.,  174  ss. 

Marot  (Cl.),  385,  435,  438. 

Marques  d'imprim.,  49,  616. 

Marron  (H.),  past.,  60,  286  ss.,  295, 

305,  429,  668. 
Marseille,  235  —  «  ...sans  miracles  » 

(H.  Rollin),  173. 
Marsillargues,  316  n. 
Marleillie  (.lean),  gai.,  546. 
Martel,  past.,  627. 
Martin  (Ami),  past.,  69,  295.  —  (J.  et 

P.),  420.  —  (H.),  314.  —  (W.),  401. 

-  (D.),  420. 
Martine  (Dan.),  276. 
Martinique  (La),  251  n. 
Marval  (Sam.),  273. 
Masquelier,  graveur,  516. 
Massé  (J.  B.),  429,  475.  —  (M.  A.), 

429. 
Massemonteil,  604. 
Massillon,  462. 
Massin  (Th.),  223. 
Masson  (H.),  451,  504  n.  —  Debon- 

nelle,  4  42. 
Massonneau  (Suz.),   122. 
Massy,  90. 
Mat -Verdure,  628. 
Mathieu,  méd.,  189. 
Mathis  (G.),  past.,  672. 
Maiibeuge,  549  ss. 
Mauclair,  83  n.  —  Voy.  Mocler. 
Mauclerc  (D.),  83  n. 
Maudot  (Colette),  76  ss. 
Maudry  (J.),  276. 
Mauger,  83  n. 
Maulmond,  546  ss. 
Maulvault,  past.,  314  n. 
Maune  (Chat  de),  454. 
Maure!,  631  n. 
Maurenbrecher,  608. 
Maurice,  273. 
Maurin  (G.),  past.,  21. 
Maury  (E.l,  past.,  520. 
Mau^lé,  91. 

Mayaud  (Fr.  de),  104. 
Maybrick  (.].),  269. 


Mayerne  (De).  —  Voy.  ïurciuel. 

Mazade,  59. 

Ma^amet,  627,  662. 

Mazard,  419. 

Mazerolle,  archiv.,  502. 

Meaux.  435  ss.,  489. 

Médaillt;S,  100,  334,  379  ss.,  43u,  495, 
650. 

Médailleurs  hug.  502  ss. 

Médecins  prot.,  189. 

Médicis  (Gosme  II  de),  503.  —  (Fr. 
de),  504.  —  (Cl.  de),  440.  —  (Ma- 
rie de),  503  ss.  —  (Cath.  de),  610. 

Meille  (W.),  369. 

Meillon  (F.),  past.,  314  n. 

Meinders,  1 18. 

Mélanchton  (Ph.),  17,  380,  446,  478, 
496. 

Melchionne,  105. 

Melle,  92. 

Meller  (P.),  51. 

Melly,  477. 

Menimo  (Marc  A.),  503. 

Mémoires  de  J.  Daval,  250  ss. 

Menard  (Jean),  cordelier,  442. 

Mende,  205. 

Mendia  (Rich.),  387. 

Ménestrier  (Le  P.  Gl.-Fr.),  jésuite, 
500  n. 

Menglon,  420. 

Meneurs  (Jacq.  de),  504  n. 

Mentoules,  186. 

Mercalel  (P.),  past.,  585  ss.  —  Voy. 
Marcatel. 

Mercier  (Luce),  76.  —  (Mich.),  474. 

Méreaux,  209,  508,  650. 

Merle  d'Aubigné  (J.-H.),  430. 

Merlin  (.Jacq.),  18. 

Meschinet  de   Richemond,  81,  314. 

Mesmer  (D'),  600. 

Mesnuré  (P.),  277. 

Messe  («  Les  5  ...blasphèmes  conte^ 
nus  dans  la  »)  [J.  Véron],  28. 

Messines,  past.,  314  n. 

Meslrezat,  pasl.,  69,  304  n. 

Met:{,  605,  653. 

Melzger,  dép.,  667. 

Meyer  (Le  P.),  185  n.  —  (G.),  pasl., 
308,  314  n. 

Mevnier  (Le  P.),  jésuite,  199. 

Mc'Ziriac  (De),  207. 

Michel  (J.),  435  ss.  —  (Vve),  644  n. 

Middelbourg,  562. 

Micge  (Mie),  591. 

Mierevcld,  peintre,  392  ss. 

Milet,  biblioth.,  485  n. 

Milhaud  (Gard.),  20  n.,  316  n. 


692 


TABLE  ALPHABETIQUE   DES   NOMS   DE   PERSONNES 


Milices  (Mont-de-Marsan),  25. 

Millau,  316  n. 

Milliet  (D.)    272. 

Milsonneau  (Is.),  274. 

Mimart,  prêtre,  534  ss. 

Mimet    (De).    —  Voy.    d'Eslienne- 

Chaussegros. 
Mirepoix,  205. 
Miribel  (De),  214  n. 
«  Miroir  des  tourments...  »,  406. 
Missions  (1685),  239  ss.,  640  ss. 
Mississipi,  91. 
JNIisson,  past.,  214  n. 
Mocher,  83  n. 

Mocler,  83.  —  \'oy.  Mauclair. 
Molin  (J.-B.),  279. 
Moiinier,  450. 
Mollet,  272. 
Mona  (H.),  279. 

Monceau  de  la  Melonnière  (De),  276. 
Monclaud,  425. 
Moncontour  (Bat.  de),  446. 
Moncrif  (J.  de),  262  ss. 
Mondeau  (J.),  90. 
Moneinh  (De),  cons.,  149,  6i6. 
MontVeton  (De).  —  Voy.  Le  Noir. 
Monginot,  médecin,  640. 
Monglat  (De),  121. 
Monneaux-Essomes,  561  ss.,  663. 
Monneron,  61. 

Monnier  (M.  et  Mme  L.),  493. 
Monnol  (De).  —  Voy.  du  Mirail. 
Monod  (Centenaire  d'Ad.),  101  ss.. 

158.  —  (IL),  400.  —  (G.),  323,  602. 
Monogrammes,  36  ss.,  477. 
Mons  (lienricus)  [H.  len  Berge],  33. 
Monsures  (Marie  de),  220  n. 
Mont  (J.  de),  223. 
Mont-de-Marsan,  25. 
Montafié  (Anne  de),  458  n. 
Montaré,  lient.,  344. 
.  Montargis,  453. 
Montataire,  385  n. 
Montauban,  205,  417,  543,628,  662.— 

(Collège  de),  101,212  n.— (Adresse 

des  non-cath.  de)  [1790],  151  ss. 
Montauban.  —  Voy.  La  Tour. 
Montbéliard,  73,  168,  473,  651  ss. 
Montbourcher  du  Bordage,  125. 
Montbras  (Chat,  de),  37. 
Monlbrelais  (De).  —  Voy.  du  Bellay. 
Montbrison  (De),  398,  400. 
Montcalm  (Marg.  de),  109. 
Monteil  (De).  —  Voy.  d'Adhémar. 
Montet  (E.),  doyen,  359  ss. 
Montespan  (Mme  de),  462. 
Monlferrier.  —  Voy.  d'Autheville. 


Montflanquin,  244  ss. 

Montfort,  247. 

Montgey,  633. 

Monthcux  (De),  past.,  191. 

Monthoux  (Lt.  de),  not.,  591. 

Montigny  (De).  —  Voy.  Lobéran. 

Montmartin  (De).  —  Voy.  Du  Mas. 

Montmaurt,  420. 

Montmorency  (A.  de),  connét.,  111, 

454,  577  ss.,  634  ss.   —    (H.   de), 

579. 
Montmort  (Habert  de),  38. 
Montmouton,  89. 
Montpellier,  205,  316  n.,  606. 
Montres,  476,  491. 
Montreuil-sur-Mer,  218. 
Montrolland,  89. 
Morales  (Juan),  606. 
Moralités  polémiques  (1.533),  439. 
Mordant  (P.),  past.,  429. 
Moreau  (Jacq.),  90. 
Morel-Fatio  (A.),  658. 
Morenvillé  (De),  430. 
Morigan  (J.),  385  ss. 
Morin  (L.),275.  —  (S.)  dit  le  Fils  de 

l'Homme,  172.  —  (.1.),  419.  —  Pons 

(H.),  418,421. 
Morlain  (de).  —  Voy.  Le  Noir. 
Morlant  (J.),  143. 
Morlot  (E.),  271. 
Morone,  385. 

Mortefontaine(De).  —Voy.  Hotman. 
Morus  (Alex.),  389. 
Morvilliers  (De),  gouv.,  218. 
Moscou,  604. 
Mosselz  (B.),  246. 
Moulinié,  past.,  67  n. 
Moulins,  316  n.,  344  n. 
Moullou,  416. 
Mounier  (Ant.),  420. 
Mouquant  (P.),  420. 
.\louquin,  289  n. 
Mourgues,  cap.,  107. 
Mûlier  (K.),  prof.,  49. 
Murât,  past.,  173  n. 
Murray  (Jacq.),  269. 
Mussard,  277. 
Musset  (G.),  84. 
Mussot  (Josué),  280. 

Nach  (Hug.1,  277. 
aef(F.),  163. 
Nainville  (De).  —  ^'oy.  de  Harvllle. 
Namur,  548  ss. 
Nancy,  316.  —  (Coffret  dit  Bagard 

de),  491. 
Nantes,  35,  60,  316  n.,  613,  662. 


DE    LIEUX,   ET    DES   PRINCIPALES    MATIÈRES. 


693 


ss.,  286  ss„  294  ss. 


Napoléon  1 

300  ss.  -  _  I 

Nappe  de  communiou,  42o.  1 

Narboiine,  205. 
Narcé  (Abbé  de),  643. 
Nardin,  pasl.,  73. 
iNaudé,  566. 
Navarre  (Marg.  de),  19,  477,  49b.  - 

(Anl.  de),  479. 
Neau  (Sam.),  643  ss. 
Nécrologie.  -    M-  Henri   Tolhn, 
574  —  iM.  le  past.  Ch.  Frossard, 
575.   -    Mme   Vve  Olh.    Cuvier, 
née    Fillion:    M.   le   pasl.   P.    D. 
Charruaud;   M.   le    past.    Lalol; 
Mme  \bric,  née  Encontre;  M. Léon 
Feer   •  Mme  Ch.  Read,  née  Cor- 
dier-.    M.  le   past.    P.    E.  Witz; 
M.  le  past.  G.  Matthis:  M.  P.  E. 
Garnaull;  Mme  Jules  Bonnet,  née 
Gaillard /m.  le  past.  E.   II.  Vol- 
let,  672. 
Née,  343  n.  —  (grav.),  516. 
Nègre,  50. 
Négrepelisse,  316  n. 
Nègres  fugitifs,  93. 
Neilson  (G.),  271. 
Nemours  (Duc  de),  171.  —  \oy.  J. 

de  Savoie. 
Nemours  (Edit.  de),  538  ss.,  611. 
Nepveu  (P.)  dit  Trinqueau,  4o2. 
Nérac,  'i77,  646. 
Netzband  (F.),  268. 
Neuchdtel,  67 1 . 
Neuflize  (Mme  de),  314,  602. 
Neufville  (Catrina  de),  639. 
Neuvy  (De).  —  Voy.  Des  Barres. 
Nicaise  (Abbé),  486. 
Nice,  434. 
Nicolas  (M.),  275. 
Nieuport,  547  n. 

Nîmes,  21,    108,     110   n.,    167,    20o, 
316  n. 
'      Noailles  (Ch.  de),  évèq.,  170. 
Nogarède  (De),  107. 
Nogentel,  491,  561  ss.,  665. 
Noguier,  571  n.—  (D.),  pasl.,  20.  — 

(J.-J.),  past.,  21. 
Nombre  des  prot.  en  1810,  297. 
Non  (De),  516. 
Noordingh,  92. 
Norcliffe  (Th.),  274. 
Normandie  (Laurent  de),  385  ss, 
Norris  (Ch.),  520. 
Notaires  prot.,  189. 
Nourry  (CI.),  impr.  434. 
Nouv.  cath.  (Maisons  de),  235  ss. 


Nouv.-Test.  d'Erasme,  446.  —  de 
Lefèvre  (l'Elai)les,  432  ss.  —  de 
S.  de  Colines  ^  1523),  432. 

Numismatique  prot.,  495. 

Nycet  (?)  (V.),  246. 

Nyegaard  (E.),  pasl.,  604. 


Oberlin,  68,  430,  487. 
chmchen  iJ.-N.),  271. 
Ockers  (W.),  514  n. 
Odole  (Anne),  105. 
Odon  (A.^,  421. 
Œven  (Ten),  past.,  296. 
Oger  (D'),  119. 
Olé-ron  (lie  d').  87,  89. 
Olimpe  ou  Olimpie,  648. 
Olivier  (J.B-.)  dit  Loire,  past,  16.5. 

—  (Aubin),  499. 
Olivétan  (P.-Rob.),  435. 
Ombreval  (D').  —  Voy.  Ravot. 
Omont  (H.),  314  n. 
«  Oraison  »  {Le  livre  de  vraye...), 

437. 
Orange,  234. 

Orange-Nassau  (IL  Cas.  d'),  33. 
Orbe,  526. 

Orelli  (C.  d'),  prof.,  50. 
Orléans,  47,  392,  396. 
Orléans  (Duch"  d'),   127,  462. 
Orliac,  628. 

Ornaison  (Barlh.  d'),  109. 
Ornes,  222. 
Orthè^,  211. 

Ostaros  (D'  Sancho),  608. 
«  Osterlande  »  (Le  vaisseau),  563, 

666. 
Oudenhove  (D'),  archevêq.,  o4/  n. 
Ouillon,  166. 
OuVes,  166,  223. 
Oulles,  167. 
Ourry,  289  n. 
Ouvrages   couronnés    par   la  bo- 

ciété,  315  n. 
Ozaneau,  cons.,  143  ss. 
Ozanne  (D.  d'),  430. 

f-va°'ès  (G.),  113. 

r  afaiseau  (De).  —  Voy.  de  HarviUe. 

Palencia,  605. 

Palissy  (B.),  603.  -  Arrêt  (15o8),  /■*. 

—  Faïences,  470  ss.,  603. 
Palmous,  627. 
Palseur,  55(). 

Pamiers,  241  n.  _ 

Pannier   (J.),    past.,    314     n. 

(Mme  Jacq.).  165,  314  n. 


69^ 


TABLE   ALPHABÉTIQUE   DES   NOMS   DE   PERSONNES 


Pape.  —  «  Antithesis...  Christi  et... 
Papœ»...  (1558),  444.  —  (Les  faicts 
de  J.-C.  et  du)  [vers  1534],  440. 

Papin  (D.),  403.  —  past.  apost.,  642. 

Papse(J.),  277. 

Paraviciny  (P.),  273. 

Paray-le-Monial,  164. 

Paré  (Ambr.),  399,  488. 

Parent  (CI.),  223. 

Parfondeval,  112. 

Pariât  (G.),  augustin,  535. 

Paris,  88,  92,  125,  167,  267  ss.,  288, 

304.  316,  385,  438,  553  ss.  -  (Culte 
de  l'ambass.  de  Hollande),  555  ss. 

—  (Bastille),  88,  128.  —  (Billettes), 
557.  —  (Cimetières),  94  ss.,  259  ss. 

—  (Coll.  de  Cambrai),  437.  — 
(Coll.  Fortet),  373.  —  (Coll.  Mon- 
taigu),528.  —  (Ecole  des  Chartes), 
613.  —  (Edit  de),  479.  —  (25»  an- 
née de  la  Fac.  de  théol.),  158.  — 
(La  Ligue),  538  ss.  —  (Nouv. 
cath.),  89, 96.  —(Loge  des  9  sœurs), 
599.  —  (Hôt.  de  So'issons),  458.  — 
(Tuileries),  455.  —  (Louvre),  452. 

—  (Sorbonne),  14  ss.  —  (Oratoire), 

305.  —  (La  Saint-Barth.),  396.  — 
(St-Louis  du  Louvre),  289.  —  (PI. 
Maubert),  491.  —  (Chat,  de  la 
Muette),  453. 

Parpailles  (De),  12. 

Parpaillots  (Le  mot),  12. 

Parsons,  268. 

Parthenay  (Cath.  de),  445,  484. 

Pas  (Isaacde),  ambass.,  114.  —  (Fr. 
de),  ambass.,  113  ss.  —  (J,  de), 
585  n. 

Pascal  (C),  past.,  394. 

Pasques  (P.),  561. 

Pasteurs,  422,  —  apost.  225  ss., 
602,  642.  —  Pensionnaires,  234.  — 
Faux  conv.,  231  ss.  —Lettre  d'un 
past.  du  désert  (1724),  102  ss.  — 
(Un  nis  de)  prodige  de  12  ans,  230 
n.  —  (Liste  de)  [Bemis],  20  ss.  — 
(Traitement  des)  [1802[,  300  ss.  — 
(Mantelet,  rabat  et  toque  de),  425. 

—  de  la  Constituante,  661  n.  —  de 
la  Convention,  661  n. 

Pasquier  (J.),  445. 

«  Passevent  parisien  »  (1556),  446. 

Paterson  (Bob.),  272. 

Patriotisme  prot..  250  ss. 

Patronne  (Guillemette),  76. 

Patry  (H.),  74,  141,  244,  314,  543  n., 

577,  610,  645,  655  ss. 
Pau,  316  n. 


Paul  IV,  pape,  577  ss.,  605. 

Paul  V,  pape,  227  ss. 

Paunet,  420. 

Pavée,  108. 

Payen  (Th.),  446. 

Peccais,  107. 

Peiremalet  (De).  —  Peyremale. 

Pciry  (G.),  269. 

Pelayo  (M.),  608. 

Pelissier,  619  ss. 

Pelletier,  573. 

Pellisson  (Caisse  de),  225  ss. 

Pelnitz  (Mme  de),  123. 

Pembroke  (Duch"  de),  462. 

Penil  (Suz.),  420. 

Pensions  des  nouv.  conv.,  225  ss. 
—  («  Dissertation  »  sur  les)    [Le 
Métayer,  1671],  236. 
Perdriau,  93. 

Pérégrin  de  la  Grange,  336. 
Perez  (Juan),  609. 
Péricard  (Fr.  de),  prêtre,  170. 

Perier  (P.),  142. 

Perigal,  250. 

Périgord,  546  ss. 

Périgueux,  244  ss. 

Périssin,  448. 

Perissol  (L.  de),  présid.,  196. 

Perreaux,  289  n. 

Perrochel  (Fr.  de),  prêtre,  170. 

Perronet  (Dav.),  277. 

Perrot,  197.  —  d'Ablancourt,  207. 

Pesche  (J.),  277. 

Pesieux  (De),  chan.,  174. 

Pessac,  25. 

Pestel,  649. 

Petit,  562.  —  cap.,  92.  —  (Math.-Fr.), 

274. 
Petitot  (Jean),  461, 603.— Autobiogr., 
464  ss.  —  «  Prières,  méditations  ». . . . 
464  ss.  —  Sa  mort,  469.  —  (Mme), 
465.  —  (Paul),  469. 
Peyreblanc.  —  Voy.  Issanchou. 
Peyremale,  111.  —  (De),  111.  —  (Ma- 

del.  de),  112. 
Pfister,  266,271. 
Phelipot   (A.  de),   past.,  .593  ss.  — 

(Marie),  598  n,  —  (J.),  597. 
Philippe  d'Orléans  [Monsieur],  462. 
Philippon  (J.),  143. 
Picard  (Mme),  99. 
Pichery  (H.  de),  169. 
Pichon  (B°"),  436,  464. 
Picot  (E.),  375. 

Pictet  (Amy),  266.  —  (M. -A.),  304. 
Piémont  (Vaudois  de),  367  ss.,  501. 
Piennes  (De).  —Voy.  Halluin. 


DE   LIEUX,    ET   DES    PRINCIPALES    MATIÈRES. 


695 


Pierre-Alexandre  (F.),  4  il. 

Pierrefleur,  banneret,  527. 

Pierrevive  (Anne  de),  539  n. 

Pieyre  (Suz.),  492. 

Pignaii,  316  n. 

Pignerol,  368. 

Piguet,  670. 

Pinault,  590. 

Pinel,  622. 

Piquet,  peintre,  519. 

Pilhou  (Jos.),  430,  670. 

Pilhoys  (Jos.),  670. 

Pivateau  (Séb.),  76  ss. 

Placards    (Affaire    des),     439.    — 

(Prédic.   du   Languedoc),   412.  — 

de  confiscations,  419. 
Plan  (Les  frères),  prédic,  413. 
Plan-de-Baix,  419. 
Planta  (De),  274. 
Plantin  (Ghr.),  438. 
Plaquette  offerte  au  présid.  de  la 

Soc,  352. 
Poésie  vaudoise  (165..),  369. 
Poictevyn,  90. 

P02ÏOM,"641. 

Poldo  d'Albenas  (V.),  108. 
«  Polybiblion  »  (Le),  168. 
Pomiers  (P.  de),  cons.,  76  ss. 
Ponat  (De),  cons.,  173  ss. 
Poncet,  commiss.,  238.  —  Delpech, 

dép.,  152. 
Pons,  622. 
Pons,  87,  316  n. 
Pont-de-VArn,  612. 
Pontac,  cons.,  145  ss. 
Pontaix,  419. 
Pontchartrain  (De),  85  ss. 
Pontevès  (J.   de),  567  ss.  —  (Marg. 

de),  568  n.  —  ^  oy.  Sabran. 
Porcelet  (Marg.  de),  106. 
Portails,  70  n.,  300  ss.,  487,  662. 
Portes  (De),  628,  631  n. 
Portraits,  379  ss.,  493. 
Pourtalès  (Mme  H.  de),  492.  —  de 

Luze  (Mme),  493. 
Poussin,  140. 
Pouyet-Quertier,  472. 
Powell  (Th.),  437. 
Poyols,  421, 

Pozay.  —  Voy.  La  Roche. 
Pradel     (Ch.),   223.    —   \^ezenobre, 

past.,  69. 
Pragela  (Aallèe  de),  184  ss.,  612. 
Prédicants.    —    Bergerac  (1561), 

150.  —    Saintonge   (1705),   89.    — 

[Languedoc),    412    ss.   —     [Dau- 

phiné),  422. 


Prêtres  prosélytes,  92,  3'i5.  —  dé- 
portés, 348. 

Prévost  (G.),  269. 

«  Prier  »  [Sermon  de  la  manière  de), 
438. 

«  Prison  (La)  de  Reformations  (Clai- 
rac,  1554),   145  ss. 

Prisonniers,  87,92,368,  385, 549  ss. 

Procès-verbald'inhum.  (1737),  266. 

Procession  générale  [Paris,  1535), 
439. 

Propagation  de  la  foi  (Soc.  de  la) 
[Grenoble],  im,  193,  201.  —  [Mar- 
seille], 235. 

Protestantisme  (Le)  sous  le  1"  Em- 
pire,  57  ss. 

Protestants  (Nombre  en  1810),  297. 

Prouhet  (V.  Am'=),  451,  463. 

Prouvenchères  (Cl.  de),  223. 

Provence,  567  ss. 

Prudhomme  (A.),  archiv.,  173  n., 
223.  —  (G.),  sculpt.,  355. 

Prutz,  113. 

Psautiers,  83,  434  ss.,  441  ss.,448. 
—  minuscules,  491. 

Puaux  (Fr.),  past.,  314,  379. 

Puechredon  (De).  —  Voy.  Puyredon. 

Puiguilhem,  25. 

Pussort,  238. 

Puylaurens,  627. 

Pulley.  555. 

Puyredon,  108.  —  (De).  —  Voy.  de 
Gênas. 

«  Pyrychiateron  ("?)...  adversus  Lu- 
teranos..  »  (1540),  168. 

Quatre    instructions    fidèles...    » 
(152..),  436. 
Ouesnay  de  St-Germain,  cons.,  601. 
Questionnaire  sur  les  contrav.  de 

l'Ld.  de  Nantes,  194  ss. 
Quiévreux  (P.),  past.,  103. 
Quinquiry,  past.,  627  ss. 
Quitry.  —  Voy.  de  Chaumont. 

Rabat  de  past.  du  Désert,  425. 
abaud  (G.),  past.,  314  n. 
Rabaut  (Paul),  past.,  20,  290,  414, 

416,  427,  486. 
Rabaut-Dupui,  303,  416,  662,  667. 
Rabaut-Pomier,  past.,  69,  303,  416. 

42G.  667. 
Rabaut  de  S'-Ét.,  past.,  153  n.,291, 

599.  —  (Caricatures),  414  ss. 
«  Rabot  [Les  coups  de  »),  415. 
Radiole  (De),  lieut.-gén.,  254. 
Rai'lin,  631  n. 


696 


TABLE  ALPHABÉTIQUE  DES  NOMS  DE  PERSONNES 


Raffoux  (Th.  de),  279. 

Raimbault,  281)  n. 

Rambaud  (J.  cL  Et.),  421. 

Ramsay  (A.),  2(>y. 

Ramus,  488. 

Ranc  (L.),  past.  (Gobelet  et  nappe 
de  comm.  de),  425,  491. 

Raoux  (Fr.),  past.,  21. 

Rasmus  (Anne),  277. 

Ratisbonne  (Diète  de),  488. 

Haveau(M.-A.),  276. 

Ravot  (N.-J-B.),  262. 

Rayet  (J.),  513. 

Raymond,  92,  421. 

Ré  (Ile  de),  107,  602. 

Read  (Ch.),  519.  -  (Mme  Ch.),  314, 
510,  672.—  (Mile),  603. 

Rcalmont,  316  n. 

Rebenac  (De).  —  Voy.   Fr.  de  Pas. 

Reber  (Fr.).  487. 

Rebreau  (A.),  122. 

Reclus,  551  n.,  598  n. 

Recordon,  archit.,  224. 

Refuge,  485.  —  Amérique,  88.  — 
Angleterre,  89,  491.  —  Berlin, 
113  ss.,  477,  671.  —  Le  Cap,  54, 
561  ss.,  663  ss.  —  Hollande,  35, 
54,  85,  637  ss.  —  Suisse,  477. 

Régents  prot.,  165. 

Registres  prot.  —  Bordeaux,  51. 
—  Drakenstein,  565.  —  French 
Hoek,  565.  —  Nagent el,  561  ss., 
Genève,  590  ss. 

«  Reigle  de  vivre...  »   (1562),   i44. 

Reims,  51,  316  n. 

Reinaud,  111  ss. 

Reîtres  (1569),  446. 

Relaps,  88,  187. 

<(  Religion  (La)  vendue  »,  415. 

Reliures,  431  ss. 

Remoulins,  348. 

Remy  (G.),  223. 

Renart  (Sim.),  ambas.,  582. 

Renée  de  France,  388,  451,  478. 

Rennes,  152  n. 

Renouleau  (Jacc].),  89. 

Requête  de  P.  de  Lyon  (1587), 
539. 

Resbecq  (De).  —  Voy.  Constant. 

Resson  (Cl.),  421. 

Rétif,  565. 

Retz  (M^'  de),  568. 

Reuchlin  (J.),  17. 

Reuss  (Ed.),  prol..  384.  —  (Rod.), 
prof.,  314. 

Revel,  619  ss. 

Reverdy,  627  ss. 


Réviile   (A.),   prof.,  31    ss.   —   (J.), 

prof.,  15H. 
Révocation  de  r Ed.  de  N.  — 169  ss., 

239  ss.  —  (à   Montauban),  543  ss. 

—  (Iconographie).  404,  603.  —  (Mé- 
dailles), 499  ss. 

Révolution  (Les  prot.  etia),  151  ss., 

660  ss. 
Rey  (P.),546  ss. 
Reybaz,  668. 
Reynaud  (Anne),  112.   —  (L.),  112. 

—  Voy.  Reinaud. 
Rhingrave  (Le)  [1562],  392  ss. 
Ribault,  87. 

lîibebon  (Gironde),  25. 

Ribot  (P.),  past.,  21. 

Richard,  past.  —  Voy.  J.-J.  Fosse. 

Richelieu  (Gard,  de),  234,  462,  506  ss. 

Richier,  223.  —  (G.),  508. —  (J.),  508. 

Ridiey,  27. 

Rieu  (Louis),  144  ss. 

Rieux,  205. 

Rigaud  (Et.),  past.,  614. 

Rigot  (J.-A.),  273. 

Riquewir,  654. 

Rist  (Jos.),  277.  —  (Ign.M.),  663. 

Ritter  (Eug.),  590  ss. 

Rivcry  (J.),  442  ss. 

Rivet  (A.),  past.,  484. 

Robertet,  456. 

Robethon,  638  ss. 

Roc  (Matlh.),  224. 

Roch,  chirurg.,  223. 

Rochefort,  92,  485,  641  ss. 

Rochefort  (J.-B.),270. 

Rochelle,  past.,  152  n.,  486. 

Rodicr  (Ant.),  619  n. 

Rodriguez  (M.),  past.,  104  ss. 

Rodulph  (De),  lO'i. 

Roger  (B"  Eug.),  461.  —  (Jacq.), 
past.,  103. 

Roguin  (Alb.  L.),  271. 

Rohan  (H.  de),  484.  —  (Franç;oise 
de),  658. 

Rolland,  camis.,  488.  — (Marthe), 89. 

Rollin  (Hug.),  past.,  173  n. 

Romain  (Marc),  528. 

Roman,  horlog.,  477.  —  prédic,  413. 

Romans,  190. 

Rome  (Fresques  de  la  chap.  Pau- 
line), 392.  —  (Biblioth.  Barberini), 
.577. 

Roques,  de  Revel,  648. 

Roquette,  évêq.,  170,  241. 

Roquier  (P.  de),  107. 

Rosseloty  (Jacq.),  past.,  165. 

Rossignol,  187. 


DE   LIEUX,    ET    DES   PRINCIPALES    MATIÈRES. 


697 


Roslan  (Anne  de),   106.  —  (D'  Ed.), 

367. 
Rothschild  (Gust.  de),  470. 
Rott  (Ed.),  314  n.,  655. 
Roubiac,  111. 
Roucaule  (J.),  314  n. 
Roucol  (Léonard),  277. 
Rouen,  316  n. 

Roumieu.  —  Voy.  S'-.\ubin. 
Rousseau  (Abbé),  304.  ~   (Didier), 

590  ss.  —  (J.).  591. 
Roussel  (Gérard),  144. 
Roussel  (P.),  76  ss. 
Roussière,  past.,  20. 
Rouviére  (Jaquette de),  110. —  (J.  de), 

colonel,  111. 
Roux,  174,  191,  420  ss.,  477. 
Roville  (G.),  446. 
Roye  (Éléonore  de),  165,  444. 
Rozan,  prédic,  422. 
Rudolf  (G.),  275,  279. 
RulTe,  615. 

Ruyter,  amiral,  251  n. 
Ryan  (G.),  prêtre,  92. 
Ryswick  (Traité  de),   185. 

S  barré  ou  fermé,  36  ss. 
abalier  (Aug.),  doyen,  102,  314. 

Sabonadière,  668. 

Sabran-Pon levés  (J.  de),  567. 

Sailliarl  (J.-O.),  268. 

Sain-More  (De).  —  Voy.  Blin. 

Saint-Amans,  627. 

Saint- André-de-Cabeaii^e,  614.  —  et 
Apelle,  61  ». 

Saint-André  (De),  présid.,  174.  — 
\'oy.  Jeanbon. 

Saint-Auban.  273. 

Saint-Aubin-Roumieu,  316  n. 

Saint-.\umont.  —  Voy.  Blondeau. 

Saint-Barthélémy  (La)  en  Pro- 
vence,, 567  ss.  —  à  Orléans,  396. 
—  à  Paris,  396.  —  (Médailles), 
497.  —  (Iconographie),  392  ss. 

Saint-Blancard.  —  Voy.  Gautier. 

Sainte-Gène.  —  (Dispute  de  Lau- 
sanne), 532  ss.  —  (et  Luther),  <)54. 

Saint-Clément  (De).  —  Voy.  d'Au- 
theville. 

Saint-Cloud,  316  n. 

Sainte-Croix,  419. 

Saint-Dié,  316  n. 

Saintes,  74  ss.,  6 il  ss. 

Saint-Esprit  (Bijoux  au),  492,  671. 

Saint-Étienne,  316  a.,  626  (De).  — 
^■oy.  de  Gênas. 

Saint-Ferjus  (De),  174  ss. 


Sainle-!'"erme  (De),  587. 
Saint-Firmin  (De).  — Voy.  Cordier. 
Saint-Florentin  (C>omle  de),  488.' 
Sainte-Foy-la-Grande,  551  ss.,  593. 
Saint-Fulgenl,  211. 
Saint-Germain-en-Laye,  453. 
Saint-Germain.  —  Voy.  Quesnay. 
Saint-Hippolyte,  316  n. 
Saint  -  Jean- d'Angély,    74    ss.    — 

d'Hérans,  166.  —  du  Gard,  21.  — 

de  Maruéjols,  316  n. 
Saint- J ulien-en-Quint,  419. 
Saint- Junien-en-Limousin,  8. 
Saint-Ligier  de   Boisrond  (De),  86. 
Saint-Maixent,  346. 
Saint-Marcel  (Hug.  de),  chan.,    10. 
Saint- Ma u r-les-Fossés ,  455 . 
Saint-Mihiel,  52. 
Saint-Nicolas-du-Port,  616. 
Saintonge,  74  ss.,  84  ss.,  640  ss. 
Saint-Papoul,  205. 
Saint-Pierre-d'Oléron,  93. 
Saint-Pons,  205. 
Saint-Romans,  420  ss. 
Saint-Sacrement  (La  Gomp"=  du), 

à  Grenoble,  169  ss. 
Saint-Séverin  (De),  588. 
Saint-Valéry,  251  ss. 
Saint-Vual  (De),  120. 
Saladin  (J.-L.),  272. 
Salamanque,  605. 
Salbert  de  Forge,  87. 
Saies  (Fr.  de;,  183. 
Salesse  (Jacob),  573. 
Salies,  316  n. 
Salm-Kirbourg  (De),  277. 
Salon,  571. 

Sanberg  (Christ),  277. 
Sancey  (De),  119. 
Sapôrla,  606. 
Saragosse,  606,  659. 
Sarasin,   590.   —  (A.),  274.  —  (Fr.), 

270,  278.  —  (Mlle  A.),  i89. 
Saravia,  cap.,  660. 
Sarbruck  (Barth.),  400. 
Sarral  (P.),  (i22. 
Sasset  (J.).  246. 
Saucourl  (Mme  de),  269. 
Saiijon,  316  n. 
Saules  (Suz.),  421. 
Saulx-Tavannes  (M"  G.  de),  568  ss. 
Saumaise,  485. 
Saumur,  35,   385.  —  (Assemb.   de), 

[1595],  482.  —  (Collège),  206  ss. 
Saussine  (P.  et  F.),  past.,  21. 
Sautereau  (De),  174  ss. 
Sautter  (Ed.),  pa.st.,  307. 


698 


TABLE  ALPHABETIQUE  DES  NOMS  DE  PERSONNES 


Sauvai  (H.),  499, 

Sauvant  (A.),  420. 

Sauve,  316  n, 

Sauvignargues  (De).  —  Voy.  Brueys. 

Savoie  (Hon.  de),  567  ss.  —  (Louise 

de),    497.    —    (Jacq.  de),   658.  — 

(Ch.   el   II.   de),    658.    —   (Marg. 

de),  53.  —  (Viclor-Am.  de),  506. 
Savois.  past.,  224. 
Savonarole,  379,  495. 
Scarron  (Pierre),  évcq.,  173  ss. 
Sceau  du  Déserl  (Viparais),  491. 
Scheffer  (A.),  519. 
Schelandre  (De),  222. 
Schenckbecher,  398. 
Scheppler  (Louise),  430. 
Schickler  (F.  de),  26,  100,  101,  157 

309,  314,  352,  492,  574,  575,  602.— 

—  (A.  de),  493. 
Schireiibrand  (H.),  654. 
Schlick,  past.,  288  n. 
Schiumberger  (J.),  446. 
Schmid   (A.),  grav.,   515.    —    (P.), 

654. 
Schmidt  (Ch.),  archiv.,  95,  488. 
Schnepff  (Erhard),  652. 
Schœler  (D'  Ern.)  605. 
Schœn  (Alb.),  278. 
Scholter  (J.),  278. 
Schomberg  (M="  de),  171. 
Schreiner  (O.),  333. 
Schteùssing  (G. -A.  de),  268. 
Schuch  (\\ .),  478. 
Schùlter  (Rod.),  278. 
Scimer  (Ch.),  664. 
Séances  du   Comité.  —  30  déc. 

1901,  100.  —  14  janv.  1902,  101.  — 

28  janv.    1902,    157.    —    13   mai, 

17  juin,  8  juillet  1902,  602,  603.  — 

11  nov.  1902,  650. 
Secrétan  (Et.),  past.,  224. 
Sedan,  316  n.,   573.  —  (Collège  de), 

211.  —  (Acad.  de),  430. 
Séguier    (A),    cons.,    542.    —  (P.), 

506. 
Séguin  (Malth),  past.,  20. 
Seignelay  (De),  238,  598,  640  ss. 
Sellettes  du  Désert,  425. 
Selve  (De),  588. 
Sénault  (G.),  454. 
Sens,  479. 

Serfass  (Ch.),  past.,  81,  112,  25.5. 
«  Sermon  de  la  manière  de  prier», 

438.  —   «    notable  »   [Cl.  Marot], 

441. 
Sermons  prêches  au   Désert,  668. 
Serre  (Jér.),  gai.  648  ss. 


Serres  (J.  de),  670.  —  Du  Pradel 
(De),  214  n. 

Servas,  108. 

Servas,  cap.  —  Voy.  Pavée  (Fr.). 

Services  de  communion  du  Dé- 
sert, 425,  491. 

Seurin  (Math.),  76  ss. 

Sève  (De).  —  \'oy.  Delacroi.v. 

Séville,  605. 

Sibert  (Ch.  de),  649. 

Sibeud,  subdél.,  419. 

Sicard  (P.),  dit  Duval,  past.,  165. 

Sigalon,  112. 

Siméon,  cons'  d'Etat,  282. 

Sionnet  (P.),  448. 

Sii'ven  (Affaire),  517. 

Sisgau  (De).  —  Voy.  Authier. 

Sisieron,  235. 

Sixte  I\',  pape,  606. 

Société  (Cinquantenaire  de  la), 
281  ss.  —  (Lauréats  de  la),  315  n. 
—  (Ouvrages  couronnés  par  la), 
315  n. 

Société  (La)  apolonnienne  (Paris, 
1780),  600. 

Soieries  (Refuge,  Londres),  520.  — 
(Berlin),  671, 

Sollicoflre  (J.-G.),  279. 

Solminihac  (A.  de),  évêq.,  170. 

Somer  (Van),  389. 

Somerset,  29. 

Sommerivc  (De).  —  Voy.  Hon.  de 
Savoie. 

Sorbière  (Sam.),  110. 

Sorè^e,  628. 

Sorin  (Fr.),  274. 

Souhaut  (Abbé),  52. 

Soulier  (E.),  past.,  55. 

Souriant  (J.),  cons.,  278. 

Souter  (Bén.),  278. 

SouLhampton  (Comtesse  de),  462. 

Soyans,  248. 

Spanheim,  113  ss. 

Speich  (E.),  278. 

Spire,  445. 

Spitzer  (Collection),  381,  472. 

Statistique  prot.  et  cath.  du  Lan- 
guedoc (1698),  203  ss. 

Stein  (  IL),  314  n.  —  (Collection),  476. 

Stirimi  (De),  251  n. 

Stocker  (John),  274. 

Storni  (J.-J.),  426. 

Stoutz  (J.),  278. 

Slrada,  nonce,  2i9. 

Strasbourg,  70,  398,  438,  478,  483, 
521. 

Stratford  (Th.),  268. 


DE   LIEUX,   ET   DES   PRINCIPALES   MATIÈRES. 


699 


Stricler,  (J.),  278. 

Stroehlin  (Ern.),  314,  323,  365,  461, 

602. 
Strozzi  (M"),  588. 
Stuart  (Jacq.),279. 
Stuiier  (Sig.),  279. 
Sudi'e,  avoc,  510  ss. 
Suffren  (Le  P.  de),  170. 
Suisse,  ô'i,  ill,  485.   —  (Diplomatie 

franc,  en),  655  ss. 
Suisses  (Troupes)  en  France,  266, 

657. 
Supplique  (Faure,  etc..  1701),  547. 
Surleau-Goguel,  429. 
Sutter,  664. 
Synies,  libr.,  464. 
Synodes   nal.    (Actes  de),  485.   — 

du  Désert,  486. 

Tabatières,  462,  491. 
able  de  comm.  du   Désert,  425. 
Table  gén.  du  Bulletin,  312,  650. 
Taillandier,  670. 
Taillelert,  56!  ss.,  664  ss. 
Talleyrand,  300,  416,478  n. 
Talma,  305. 

Tandi  (Jean),  cordelier,  534. 
Tanus  (De),  628. 
Tarbé  (P.),  255. 
Tarragone,  658. 
«  Tartuffe  »  (Le),  169  n. 
Tasché  (De),  120, 
Tassin,  289. 

Tavannes.  —  Voy.  de  Saulx. 
Teissier  (F.),   archiv.,   50,  314,  486. 

—  (Fr.),  viguier,  346. 
Téligny,  394. 

Temples.  —  («  De  la  démolition  de 
tous  les  »)   [Le  P.    Meynier],  199. 

—  [Aumessas),  50.  —  (Castres, 
Ma^amet,  Saint-Amans  Puylau- 
rens),  627.  —  [Revel),  619,  624  ss. 

Terrai  (E.),  267. 

Terrond,  past.,  107. 

Tersmilte  (H.),  638  ss. 

Testament  moral  de  P.  Garrisson 
(1685),  544  ss, 

Tetel,  régent,  214. 

Théâtre  (La  |  Réforme  et  le) 
[Guyenne],  141  ss.  —  «  de  la 
cruauté  »  (Le)  [1588],  604. 

Thélusson,  270  ss. 

Tlièmines  (M"  de),  430. 

Thény  (Cardin),  142. 

Tiiéobalde  (P.),  145  ss. 

«  Thérèse  »,  493. 

Thèses  (Ecole  des  Chartes),  613. 


Theyron  (N.),  past.,  21. 

Thiballi  (P.),  592. 

Thibaron,  445.  —  Joly,  433  ss. 

Thiouliier,  445. 

Thomas,  88.  —  (E.),  348. 

Thou  (J.-A.  de),  448,  484. 

Thurel,  368. 

Tilénus.  484. 

Tinnei)acq  (Reynier),  35. 

Tollin  (IL),  574. 

Tonnaud,  cons.,  192. 

Tonneins,  316  n. 

Toque  de  past.  du  Désert,  425. 

Torlorel,  448. 

Toulouse,  152,  168,  205,  316,  385,  488. 

«  Tourments  (Miroir  des  »),  406. 

Tournai,  90,  549  ss. 

Tournes  (Jean  de),  446. 

Tournier  (G.),  314  n.,612.  — (Guill.). 

612.  — (fam.),  612. —(Abbé),  651  ss. 
Tours,  9  ss. 
Toussain  (P.),  652. 
«  Traicté  (Le)  du  souverain  bien...  », 

437. 
Trapaud  ou  Trapeau,  142. 
Trautz-Bauzonnet,  438. 
Tremblay  (J.),  70  ss. 
Trente  (Gard,  de),  588. 
«     Trépied   »    (Le)    [Farel,    Calvin. 

Viret],  530. 
Trigant  (Onézime).  \'A  n. 
Trinqueau. —  Voy.  Nepveu. 
Triqueli  (De),  sculpt.,  519,  670. 
Tron  (Barth.),  367. 
Tronchin,485.  — (F.),279.  — (P.),276. 
«   Trostsprûclie  fur  dû  Â^erschlage- 

nen...  »  (1563),  446. 
Troupes  suisses  en  France ,266,6^7 . 
Turcs  convertis,  2'i3  n. 
Turenne  (\I>'  de),  488. 
Tiirettin,  276. 
Turin,  367,  434. 

Turquet  de  Mayerne,  méd.,  403. 
Tyrrel,  279. 

U  chaud,  20  n. 
lensis,  166,  223. 
Ulldecona,  658. 
«   Ung  (D')  seul  médiateur  »...  (1538), 

440. 
U:{ès,  205,  235,  236. 

Vadian,  488. 
albelie  (De),  600. 
Valdés  (Fr.  de),  archevêq.,  60-5,609. 
Valdez  (Alph.),  609. 
Valdrôme,  421. 


700 


TABLE  ALPHABETIQUE  DES  NOMS  DE  PERSONNES 


(Espagne),  606. 


Valence,  205,  528. 

N'alka  (Jacq.),  269. 

Valladolid,  605. 

Vallérargues,  647  ss. 

Vallery  (Ghât.  de),  453. 

Vallon  (A.),  419. 

Vallon,  102  ss. 

Vais,  102. 

N'anderpret  (L.),  col.,  547  n. 

Vandières  (De).  —  Voy.  Condé. 

Vandrebanc  (P.),  389." 

\'araglia  (Gialïredo),  past.,  367. 

Varnier  (El.),  82. 

Vasari  (Fresques  de),  392. 

Vassan,  53. 

Vassy,  81  ss.  —  (Chanson  cath.  du 

mass.  de),  255. 
Vaubecourt,  54. 
Vaubelin,  not.,  96. 
Vaucelles  (Trêve  de),  .577. 
Vauclause  (De).  —  Voy.  Villeneuve. 
Vaudois  de   Piémont,  367  ss.,  501. 

du  Pragela,  184  ss.,  613. 
Vaudreuilhe,  633. 
Vaugelas,  207. 
Vaul.\  (Jean  de),  76  ss, 
Vauqiielin,  273. 
Vaure,  633. 
Vauvert,  109.  —  (De).  —  Voy.  d'Au- 

theville. 
Vaux,  561  ss. 
Velaines.b^. 

Vélin  ou  point  û'Alençon,  474. 
Vemare,  539  n. 
Venise,  51. 

Ventadour  (De).  —  Voy.  Lévis. 
Venturin  (D.),  past.,  20. 
Vérac  (De),  556  ss. 
Vercheny,  419. 

Verdaveyne  (Jacq.  de),  méd.,  37. 
Verdier,  289  n. 

Vergoing-  (G.  de),  cons.,  141  ss.,  646. 
Ver-Muell  (amiral),  389. 
ft  Vérité  cachée  »  (La),  439. 
Verjus  (A.),  cons.,  635  n. 
Vermeulen,  404. 
Vernes  (Jacob),  past.,  65  ss. 
Vernet,  past.  —  Voy.  Grébessac. 
Verneuil-siir-Oise,  454,  459. 
Vernon  (R.),  263,  279. 
Vernoiix,  316  n. 
Véron  (Jean),  26  ss. 
Verrières  (Gl.  de),  37. 
Vertu  (Constance),  368. 
«  Vertus  (Les)  de  la  femme  fidèle...  » 

(1556),  444. 
Vesançay  (De),  cap.,  120. 


Vessaux  (P.),  168. 

Vesson  (Mme  Vve),  314  n. 

Vevey,  469. 

Veynes,  173  n. 

Vevrcl  (Nie),  76  ss.  —  (S.),  76  n. 

Vial  (H.),  259. 

Viala,  past.,  165. 

\ialtcl,  289  n. 

Vie  (Géd.  de),  169.  —  (Méry  de),448. 

Vidal  (Marie),  552.  —  (J.),  614. 

«   Vie  [La  fontaine  de  »)  [1564],  438. 

Viellart  (Nie),  impr.,  168. 

Vielles,  past.,  488,  543. 

Vienne  (Isère),  205. 

Viénot  (John),  prof.,  323,  602,  651. 

Vieux  (J.),  419. 

Vignon  (Marie),  249.  —  (Barth.),  420. 

(E,),  449. 
\  iguier  (Jeanne),  514. 
Villages  (De),  105  ss. 
Villanourl  (De).  —  \  oy.  Jaucourt. 
\illars  de  Champdieu"  (De),  266,279. 
Ville  (Le  P.),  180  ss.  —  (Cl.  de),  420. 
Mlledeau,  89. 

Villel'ranche  (De),  méd.,  1S9  ss. 
Villemejanne  dit  Gampan,  préd.,  413. 
Villemontel  (De),  541. 
Villeneuve- St -Georges,   316   n.    — 

cVAgen,  645  ss. 
Villeneuve    (Gasp.    de),  570    ss.   — 

(J.  de),  105.  —  (Marg.  de),  106. 
Mllepois,  past.,  299  n. 
Villeroy  (Duch«  de),  509. 
Villers-Cotterets,  454. 
Villers  (De),  68.  —  Voy.  d'Estivaux. 
Villetle  (G.),  223.  —   (J.),  314   n.  — 

(De),  91. 
Villiers  (De),  180  ss.,  268,  565  ss. 
\'illioen,  général  boèr,  36  n. 
Villon,  36  n.,  44  n. 
Vinaj  (D--),  367. 
Vincennes  (Chat,  de),  452. 
Vincent  (Fr.  A.),  491.  —  (S.),    past., 

57.  —  (P.),  419.  —  de  Paul,  172. 
\inhals  (De),  123. 
\ms  (De).  —  Voy.  La  Garde. 
Vire,  316  n. 
Viret  (P.),  442,  528  ss. 
Vissée  (Anne  de),  20. 
Vite,  671. 
Vivarais,  205.  —  (Sceau  du  Désert), 

491. 
Mvarès,  188. 
Vivenet  (Ch.),  261. 
Vivens  (Fr.),  prédic,  410. 
Vives  (L.),  609. 
Vollet  (E.-H.),  past.,  672. 


DE   LIEUX,    ET    DES    PRINCIPALES    MATIÈRES. 


701 


\dtaire  (et  la  fam.  Calas^,  510  ss., 

599. 
Vonc  (De).  —  Voy.  d'Estivaux. 
Vorsterman  (G.),  434. 
Voullaire,  280. 

Voyer  d'Argenson  (H.  de),  169  n. 
N'uiliier,  168. 

Waddington  (R.),  31. 
andreher,  823. 

Warin  (Jean),  médailleur,  507, 

«  Washington  »  (Prêtres  du)  '1795", 
348. 

Watteville  {'Sic.  de),  279. 

Wechel  (Chr.),  437. 

Weiss  (X.),  38,  94,102,  159,203,250, 
286,  314,  323,  327,  351,  538,  553,  637, 
644,  651,  660,  663,  671,  672.  — 
(Mme  X.),  493.  —   (Mlle   R.K  308. 

Werch  (De),  280. 

Wiclef  (John),  379. 

Widemann  (\  ve  J.),  663. 

Wierix,  398. 

Wierre,  220. 

Winghue  (P.  van)  P.  de  Wingle  , 
440. 


Wingle  (P.  de),  435  ss. 

Wise  (Aug.),  280. 

Wissement  (Ad.),  280. 

Wit  (De),  36  n. 

\Mtt  (Corné!,  de),  670. 

Wittemberg  (Formule  de  concorde 

de),  5.37. 
Witz  (P.-E.),  past.,  672. 
Woernitz  (Mme),  475. 
Worcester,  27. 

yVimenès,  lient,  gén.,  548  ss. 

York  (John),  27. 
vej,  557. 
Yverdon,  523. 
Yze  (Alex,  d'),  past.,  191  ss. 

Zamora,  605. 
éba  (Vincent),  275. 
Zindt  (Math.),  388. 
Zollikoffer  (J.-G.),  279. 
Zueber  (Dan.),  280. 
Zurich,  224,  446. 
Zwingli,  488. 


2.  TABLE  ALPHABÉTIQ.UE 


DES    COLLABORATEURS    AU    TOME    LI 


R,  Allier,  169. 

G.  Appia,  366. 

E.  Arnaud,  166,  248. 

E.  Alger,  20,  599. 

P,-A.  Barrau,  619. 

A.  Benius,  669. 

G.  Bonet-Maury,  605. 

D.  Bourchenin,  166. 
V.-L.  Bourrilly,  634. 
G.  Bouvart,  561,  663. 
A.  Brondgeest,  363. 
G.  Bruston,  22,  324. 
A.  Gans,  225. 

E.  Govecke,  167. 

H.  Dannreuther,  36,  51,  52,  168,217, 

573,  613,  615,  671. 
E.  Doumergue,  521. 
Th.  Dufour,  357,  431. 
P.  de  Félice,  206. 
P.  Fonbrune-Berbinau,  546,'_567, 598, 

640,  647. 
E.  Gaidan,  670. 
Fr.  Galabert,  151. 
R.  Garreta,  250. 
A.  Giraud-Browning,  361. 
A.  Goût,  281,  283. 
Glî.  de  Grandmalson,  7. 


F.  de  Grenier  de  Lalour,  203. 
H.-D.  Guyot,  31,  637. 

F.  Kuhn,  57. 
H.  Laune,  103. 
Abel  Lefranc,  14. 

H.  Lehr,  24,  54,  103,   551,   593,   614. 

A.  Lods,  495,  509,  660. 

E.  Montet,  359. 

M.  de  Richemond,  84. 

W.  el  S.  Monod,  101. 

G.  Pages,  113. 

H.  Patry,  74,  141,  244,  577,  585,  610, 

645,  655. 
Gh.  Pradel,  223. 
P.  Quiévreux,  103. 
A.  Réville,  31. 

E.  Ritter,  590. 

M.  Rodriguez,  104. 

F.  de  Schickler,26,  309,477,574,575. 
Ch.  Serfass,  81,  112,  255. 

E.  Strœhlin,  365. 

Henri  Vial,  259. 

N.  Weiss,  5,  38,  55,  94,  102,  159,166, 
203,  250,  281,  286,  327,  351,  431, 
477,  49.5,  538,  543,  553,  612,  617,637, 
640,  651,  663,  667,  672. 

J.  ^^'idemann,  663. 


3.  TABLE 

GÉNÉRALE    ET    CHRONOLOGIQUE 
1902 


N.  Weiss.  —  Préface  pour  l'année  1902 5 

—  A  nos  lecteurs 617 

—  Compte  rendu  du  Jubilé  cinquantenaire  de  la  Société  de  l'Histoire 

du  Protestantisme  français 281,     520 

I.  —  Séance  commémorative  de  la  Loi  du  18  Germinal  an  X.  (Ora- 
toire, 25  mai  1900) 281 

Lettre  circulaire  du  président  du  Consistoire  de  l'Eglise  réformée 

de   Paris,  20  mai  1902 281 

A.  GouT,  président  du  Consistoire.  —  Allocution  pour  ouvrir  la 

séance 283 

N.  Weiss.  —  L'origine  et  la  signification  de  la  loi  de  Germinal..  286 

II.  —  Séance  du  Cinquantknaire  de  la  Société  d'Histoire  (Ora- 
toire, 26  mai  1902) 307 

F.  de  Schickler.  —  Rapport  du  cinquantenaire 309 

—  Donateurs  de  la  Bibliothèque  (juin  1901-juin  1902) 313 

—  Églises  donatrices  (31  mai  1901-25  mai  1902) 316 

—  Liste  de  tous  les   membres  actifs,  honoraires  et  associés  du 
Comité  depuis  l'origine 320 

C.  Bruston,  délégué  de  la  Faculté  de  théologie  prolestante  de 

Montauban.  —  Allocution 324 

X.  Weiss.  —  A  quoi  sert  l'Histoire  du  Protestantisme? 327 

IIL  —  Le  Banquet  et  le  Pèlerinage  (Hôtel  des  Sociétés  savantes 

et  rue  Valette,  mardi  27  mai) 35o 

N.  Welss.  —  Allocution  du  secrétaire  de  la  Société 351 

Th.   DuFouR.   —  Allocution   au  nom  de  la  Société  d'Histoire  et 

d'A  rchéologie  de  Genève 357 

E.   Montet.  —  Allocution  au  nom  de  la  Faculté  de  théologie  de 

Genève • 359 

A.  Giraud-Browning.  —  .Mlocution  au  nom  de  la  Société  hugue- 
note de  Londres 361 

A.  Brondgeest.  —  Allocution  au  nom  de  la  Commission  pour  l'His- 
toire des  Eglises  Wallonnes 363 


704  TABLE  GÉNÉRALE  ET  CHRONOLOGIQUE. 

E.  Strœiilin.  —  AUoculion  au  nom  du  Musée  Calvin  à  Genève...  365 

G.  Appia.  —  Allocution  au  nom  de  la  Société  d'Hiatoire  vaiidoise.  366 

IV.  —  Exposition  hktrospective  (.54,  rue  des  Sainls-Pères,  22  mai- 

4  juin  1902) 373 

La  salle  de  lecture 377 

Réfoimateurs  et  pasteurs 379 

Coligny  et  son  temps 390 

Seizième  et  dix-septième  siècles 398 

La  Révocation 403 

Le  Désert 410 

Le  culte  du  Désert  et  la  loi*  de  Germinal  an  X 425 

Livres  et  reliures  (Th.  Dufour  et  N.  Weiss) 431 

Artistes  et  objets  d'art 450 

Autographes  (F.  de  Schickler  et  N.  Weiss) 477 

Souvenirs  et  curiosités 489 

Numismatique  et  Médailles  (A.  Lods  et  .\.  Weiss) 495 

Les  dernières  victimes  de  l'Intolérance  (A.  Lods) 509 

Salle  du  Conseil 518 


ÉTUDES  HISTORIQUES 

Ch.  de  Grandmaison.  —  Origine  et  étymologie  française  du  mot  Hu- 
guenot     7 

Abel  Lefranc.  —  Un  nouveau  registre  de  la  Faculté  de  théologie  de 
Paris  au  xvi'  siècle 1  i 

FÉLIX  KuHN.  —  La  vie  intérieure  du  protestantisme  sous  le  premier 
empire 57 

G.  Pages.  —  Les  réfugiés  à  Berlin  d'après  la  correspondance  du  comte 
de  Rébenac  {\68[-\(588) 113 

R.  Allier.  —  La  Compagnie  du  Saint-Sacrement  à  Grenoble  (16^^-1(366).     169 

A.  Gans.  —  La  caisse  du  Clergé  de  France  et  les  Protestants  conver- 
tis (1598-17901 225 

N.  Weiss.  —  L'origine  et  la  signification  de  la  Loi  de  Germinal  an  X.    286 

Le  même.  —  A  quoi  sert  l'Histoire  du  Protestantisme 327 

E.  DouMERGUE.  —  L'arrivée  de  Calvin  à  Genève  et  la  dispute  de  Lau- 
sanne (  1536) 521 

H.  Patrv  — Coligny  et  la  Papauté  en  7556-/557,  d'après  des  lettres 
inédites  des  Chàtillon  conservées  à  la  bibliothèque  Barberini  de  Rome.    577 

P.  A.  Barrau.  —  L'Eglise  réformée  de  Revel  au  xvii"  siècle 619 


DOCUMENTS   classés   par  ordre  chronologique. 
(Voir  aussi  la  Correspondance.) 

XVt'  SIÈCLE 

V.  L.  BouRRiLLY.  —  Une  lettre  inédite  de  Louis  de  Berquin  à  Anne  de 
Montmorency  (26  déc.  1526) : 634 

H.  Patry.  —  La  Réforme  et  le  théâtre  en  Guyenne  au  xvi'  siècle 
(2"  article).  Libourne  1555  [suite),  Clairac  1554 141 


TABLE  GÉNÉRALE  ET  CHRONOLOGIQUE.  705 

H.  Pathv.  —  Trois  pièces  justificatives  du  Martyrologe  de  Crespin. 
Le  su|)piice,  à  Bordeaux,  de  Jérôme  Casebonne  (li  mai  1555) 'Wi 

—  Lettres  du  cardinal  de  Ghàtillon,  de  Coligny  et  d'Andelotà  Carafa, 
1556-1557 '. 585 

—  Un  arrêt  du  parlement  de  Guyenne  contre  Bernard  Palissy  et  les 
l)remiers  (idèled  des  Eglises  de  Saintes  et  de  Saint-Jean  d'Angély 
(1558) , -\ 

N.  Weiss.  —  Lettre  du  colporteur  Jehan    Morigan   à   Laurent    de 

Normandie  (Paris,  2  octobre  1560) 386 

A.  Atger.  —  Listes  de  pasteurs.  Bernis  (Gard),  1561-1900 20 

N.  Weiss.  —  Gaspard  de  Coligny  au  comte  Ringrave  (Orléans, 
21  juillet  1562) 3y2 

—  Récit  du  meurtre  de  l'aminl,  2i  août  1572,  d'après  un  placard  con- 
temporain allemand 396 

N.  \\  Eiss.  —  Sous  la  Ligue,  aux  environs  de  Paris,  abjuration  forcée 
de  Pierre  de  Lyon,  écuyer,  seigneur  de  Breuii,  dit  La  F'onlainc 
d'Aulnay  (1586-1587) 538 

E.  RiTTER.  —  Didier  Rousseau  et  sa  femme 590 


XVI1«   SIECLE 

E.  Arnaud.  —  Lesdiguières  après  sa  conversion.   Lettre  de  Lebc- 

ron  III,  évêque  de  Valence,  16  nov.  1627 2''i8 

G.  Bruston.  —  Un  portrait  inédit  du  professeur  Antoine  Garissolles 

(1650)  et  tricentenaire  de  l'Académie  de  Monlauban 22 

H.  Leur.  —  Un  compte  d'apothicaire  du  temps  de  Molière,  aux  dépens 

de  M.  A.  de  Phelipol ,  pasteur  à  Sainte-Foy-la-Grande 593 

Gh.  Seri  ass.  —  Autobiographie  de  Jeanne  (>éard,  de  \'assy  (1666-1668].      81 
R.   Garrkta  et  X.  Weiss.  —  Le  patriotisme  huguenot  et  ses  calom- 
niateurs à  Die|)pc  en  1678.  (Extrait  inédit  de  la  2'  partie  des  Mé- 
moires de  Jean  Daval) 250 

N.  Weiss.  —  Autobiographie  de  Jean  Petitol  (1682) '164 

De  Richemo.nd.  —  La  liberté  de  conscience  dans  la  Marine  à  partir 

de  1685,  d'après  les  Archives  navales  de  Rocheforî 8i 

.N.  ^^  eiss.    -     >,!•■■  oii  des  toui  inenls  exerces  contre  ceux  de  la  Reli- 
gion réformée  en  France  (1685). i06 

—  Pourquoi  et  comment  on  se  soumettait  à  Montauban  en  1685 5'j3 

P.  P^onbrune-Berbinau.  —  Un  ministre  de  la  guerre  orthodoxe  (Pierre 

de  Gondé,  sieur  de  Vandières,  1687) 598 

H.  GuYOT  et  N.  Weiss.  —  Banquiers  huguenots  réfugiés  en  Frise  1 1687j.  637 

H.  Lehr.  —  Une  agression  singulière  (1688) l'i 

N.  Wkiss.  — Récit  de  la  mort  de  Jean  Petitot  par  son  fils  (1691).  ...  «69 

—  Billet  de  Glaude  Brousson,  au  Désert,  le  12  mars  1693 il  1 

—  Affiche  mettant  à  prix   la  tète  de  Brousson  et  de  quatorze  autres 
prédicants 'i  12 

P,  Fonrhune-Beriunau  et  N.  Weiss.  —  La  mission  de  Fénelon  et  de 
l'abbé  de  Gordemoy  en  Saintonge,  d'après  un  témoin  oculaire  (1694).     6-ÎO 

F.  UE  Grenier  de  Latour  et  N.  Weiss.  —  Statistique  protestante  et 
catholique  du  Languedoc  en  1698 203 

Ll.  —  .M» 


706 


TABLE  GENERALE  ET  CHRONOLOGIQUE. 


XVIII»  SIECLE 

H.  Leur.  —  A  quel  prix  on  pouvait  rester  à  Sainte-Foy  entre  1700  et 
1703 551 

E.  Belleroche  et  P.  Fonbrune-Bebbinau.  —  Fugitifs  du  Périgord 
arrêtés  en  Belgique  en  1701 546 

N.  Weiss.  —  Lettre  de  St  Florentin  à  M.  de  Bernage  (Versailles, 
16  avril  1743) 488 

—  Adjudication  des  biens,  mis  sous  séquestre,  des  religionnaires  fu- 
gitifs de  Crest  et  Die,  23  décemb.  1743 419 

—  Recouvrement  d'amendes  imposées  aux  N.  C.  (Montauban,  22  nov. 
16<J2,  15  nov.  et  2  déc.  1747) 417 

—  Lettre  de  Voltaire  à  Madame  Calas,  18  janvier  1763 510 

—  Lettres  de  madame  Calas  à  \  oltaire,  9  mars  1763,  27  déc. 
1770 511,    512 

—  Arrêt  du  parlement  du  Dauphiné  condamnant  à  mort,  aux  galères 

et  à  des  amendes  diverses,  le  31  mai  1766 422 

—  Lettre  de  Lavaysse  à  Voltaire,  27  déc.  1770 513 

—  Paris  en  1773,  d'après  une  descendante  de  huguenots  réfugiés  à 
Cassel 553 

François  Galabert.  —  Les  sentiments  des  protestants  au  début  de 
la  Révolution.  Adresse  des  non-catholiques  de  Montauban  à  l'As- 
semblée nationale,  janvier  1790. . , 151 

XlX^  SIÈCLE 

N.  Weiss.  —  Récit  de  l'entrevue  de  Napoléon  I"  à  Bréda,  6  mai 
1810 296 


MELANGES 


F.  BÉ  ScHicKLER.  —  Jean  Véion,  ic  ré*''>rmateur  anglo-français.  Er- 
rata et  addenda .-      96  • 

H.  Patry.  —  Une  abjuration  publique  à  VilIeneuve-d'Agen  en  1559. 
—  Arrêt  du  Parlement  de  Guyenne  contre  le  régent  Philippe  de 
Lévis 645 

Il.-D.  GuYOT  et  A.  RiiviLLE.  —  Un  économe  infidèle 31 

H.  Dannreuther.  —  Un  monogramme  symbolique  huguenot,  la  «  Fer- 
messe  » 36 

N.  Weiss.  —  Cimetières  protestants  parisiens.  —  I.  Le  cimetière 
Saint-Marcel  ou  des  Poules  (1685-1717) 94 

Henri  Vial.  —  Cimetières  protestants  parisiens.  —  II.  Le  cimetière 
des  protestants  étrangers,  à  la  porte  Saint-Martin,  suivi  de  la  Liste 
des  inhumations,  par  ordre  alphabétique,  de  1725  à  1737 259 

P.  uE  Félice.  —  L'instruction  et  l'éducation  chez  les  prolestants 
d'autrefois.  —  Les  élèves 206 

Ch.  Serfass.  —  La  chanson  catholique  du  massacre  de  Vassy 255 


TABLE  GÉNÉRALE  ET  CHRONOLOGK^UE.  707 

G.  BoLVART.  —  Prolestants  de  M onneaux-Essomes  réfugiés  au  Sud 

de  l'Afrique  après  la  Révocation 561 

A.  Atger.  —  Court  de  Géhelin  franc-maçon 599 

P.  Fonbrune-Berbinal  et  A.  Lafont.  —  Une  lettre  inédite  d'un  for- 
çat pour  la  foi 647 


CHRONIQUE  LITTÉRAIRE  ET  BIBLIOGRAPHIE 

N.  Weiss.  —  L'œuvre  de  Calvin,  d'après  M.  F.  Brunetière.  — Autres 
notes  bibliographiques  sur  Calvin.  —  Le  temple  d'Aumessas.  —  Le 
protestantisme  dans  le  pays  de  Caux  et  à  Bordeaux 38 

—  M,  G.  Hanotaux  et  le  protestantisme.  —  La  Réforme  en  Bour- 
gogne. —  Eléonore  de  Roye,  elc 159 

—  Chroniques  familiales  (Tournier  et  Jordan) 612 

—  J.  ViÉNOT,  Histoire  de  la  Réforme  dans  le  pays  de  Montbéliard...     651 
H.  Dannreuther.  —  Colbert  et  les  protestants.  —  Famille  de  Conqué- 
rant. —  Mariage  de  Catherine  de  Bourbon 51 

—  Le  temple  fortifié  d'Estréelles-en-Boulonnais.  —  Confiscations 
exercées  par  le  duc  de  Lorraine  sur  les  défenseurs  de  Jamet:^  (1589- 
1590).  —  Ecole  protestante  à  Grenoble  (1562-1564) 217 

—  Imprimeurs  protestants 573 

G.  Bonet-Maury.  —  D'  E.  Schœfer  :  Contribution  à  l'Histoire  du  Pro- 
testantisme et  de  l'Inquisition  espagnols  au  xvi'  siècle 605 

H.  Patry.  —  Baguenault  de  Puchesse  :  Correspondance  de  Catherine 
de  Médicis  (Tome  VIII).  —  E.  Rott,  Représentation  diplomatique 
de  la  France  en  Suisse.  —  M.  Bruchet,  Jacques  de  Savoie.  — 
E.  Bœhmer  et  A.  Morel-Fatio,  U Humaniste  liétérodoxe  Pedro  Gales.    655 

P.  Fonbrune-Berbinau.  —  La  Saint-Barthélémy  en  Provence.  Le 
comte  de  Sommerive  et  le  comte  de  Carces 567 

A.  LoDs.  —  Ch.  Durand,  Histoire  du  Protestantisme  français  pendant 
la  Révolution  et  l'Empire 660 


CORIŒSPONDANCE 

D.  Bourchenin,     e.     Arnaud,     Ch.    Pradel.   —    D'où  sont  les  Cla- 
vel? 166,     223 

E .  CoYECQUE.  —  Livres  disparus 167 

H.  Dannreutheb.  —  Un  monument  à  Ligier-Richier.  —  Marguerite 

de  Savoie  et  la  Réforme  dans  le  comté  de  Ligny.  —  Barrois  réfu- 
giés au  Cap  et  ailleurs 52 

—  Notes  montbéliardaises 168 

—  Positions  de  thèses  en  1902.  —  Inscriptions  huguenotes,  Nantes.  613 

—  La  devise  :  «  Sola  spes  sufficit  » 615 

H.  Leur.  —  Siège  de  Chartres  (l.")68) 54 

—  Huguenauts 103 

—  Quelques  noms  de  pasteurs  au  \vii'  siècle.  —   Un  ancien   cime- 
tière protestant  à  Saint-André  et  .\pelie 611 


708  ERRATA. 

\V.  et  s.  MoNOD.  —  Centenaire  d'Adolphe  Monod 101 

P.  QuuivREUx  et  H.  Laune.  —  Editions  de  la  traduction  de  la  Bible  de 

Lcfèvre  d'Etaples 103 

M.  RoDRiGUEz.  —  Les  de  Gênas  huguenots 104 

Ch.  Seri-ass.  —  Solidarité  huguenote.  Billet  de  sosciété,  Parfondeval 

(Aisne),  1781 112 

J.  WiDEMVNN,  G.  BouvART  et  N.  Weiss.  —  Protestants  de  Monneaux- 
Essômes  réfugiés  au  sud  de  l'Afrique  après  la  Révocation.  —  Bo- 

tha  et  Taillefert 663 

N.  Weiss,  —  Les  préliminaires  de  la  loi  de  germinal  an  X.  —  Auto- 
biographie de  Pierre  Dumoulin,  correction.  —  Sermon  prêché  au 
désert  par  J.-P.  Blachon.  —Errata 667 

—  Noces  d'argent  et  noces  d'or  à  Tours  et  à  Sainte-Marie-aux- 
xMines 55 

—  Toujours  l'église  des  Cévennes  après  la  Révocation 102 

—  Avis  concernant  l'Exposition  huguenote  projetée  pour  le  cinquan- 
tenaire de  la  Société 1 66 

A.  Bernus.  —  Des  Gallars.  —  Constant.  —  Gaultier.  —  Guardesi. 

—  De  Serres  ou  Goulart 669 

E.  Gaipan.  —  L'origine  du  mot  Huguenot 671 

Divers.  —  Supplément  au  Bulletin  du  Cinquantenaire.  —  L'industrie 

de  la  soie  à  Berlin 670 

—  L'Eglise  réformée  de  Zurich 224 

Nécrologie.  —  Illustrations.  Voy.  ces  mots  dans  la  première  Table. 

Table  alphabétique  des  noms  de  personnes,  de  lieux  et  des  princi- 
pales matières 673 

Table  alphabétique  des  collaborateurs 702 

Table  générale  et  chronologique 7o3 


ERRATA 


P.  HO,  I.  0,  lire  :  Davii,  —  P.  314,  note,  I.  13,  lire  :  le  P.  H.  Chérot.  —  P.  350, 
1.  17,  lire  :  M.  le  prof.  Johtj  Viénot.  —  P.  616,  1.  12,  lire  :  Antoine  de  Lorraine.  — 
P.  627,  628  et  630,  le  pasteur  qui  se  serait  appelé  Lansqnicr  est  haac  Lavergne.  — 
P.  650,  1.  3,  lire  :  P.  de  Félice.  —  P.  670,  1.  10,  lire  :  Tome  LI  (190i').  —  Cf.  aussi 
p.  668  et  suiv. 


1J1G3.  —  L.-Imprim.  réunies,  B,  rue  Sainl-Benoit,  7.—  MoTTtnoz,  direct. 


'.  MAR  2  9  1968 


Ba  Société  de   l'histoire  du 

9A50  protestantisiae  français, 

S64.^  Paris 

année  51  Bulletin 


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